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Full text of "La Grande encyclopédie : inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts"

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LA 


GRANDE  ENCYCLOPÉDIE 


IMPRIMERIE    DE    E.    ARRAULT    ET    C'^ 


LA 


GRANDE  ENCYCLOPÉDIE 

INVENTAIRE    RAISONNÉ 

DES    SCIENCES,    DES    LETTRES    ET    DES    ARTS 


PAR  UNE 


SOCIÉTÉ  DE  SAVANTS  ET  DE  GENS  DE  LETTRES 


SOUS   LA   DIRECTION   DE 


MM.  BERTHELOT,  sénateur,  membre  de  l'institut. 

Hartwig    DERENBOURG,  professeur   à   l'École   spéciale    des 

langues  orientales. 
F.-Camille  DREYFUS,  député  de  la  Seine. 
A.  GIRY,  professeur  à  l'École  des  chartes. 
GLASSON,  membre  de  l'Institut,  professeur  à  la  Faculté  de 

droit  de  Paris. 
D'  L.  HAHN,  bibliothécaire  en  chef  de  la  Faculté  de  médecine 

de  Paris. 


MM.  C.-A.  LAISANT,   député   de   la  Seine,   docteur  es  sciences 

mathématiques. 
H.  LAURENT,  docteur  es  sciences  mathématiques,  examinateur 

à  l'École  polytechnique. 
E.  LEVASSEUR,  membre  de  l'Institut,  professeur  au  Collège 

de  France. 
H.  MARION,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Paris. 
E.  MUNTZ,  conservateur  de  l'École  nationale  des  beaux-arts 
A.  VVALTZ,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Bordeaux. 


Secrétaire  général  :  F.-Camille   DREYFUS,  député  de  la  Seine. 


TOME    QUINZIEME 

ACCOMPAGNÉ  DE  DEUX  CARTES  EN  COULEURS,  HORS  TEXTE 

(ECOSSE,    EGYPTE) 


DUEL.  —  EŒTVŒS. 


PARIS 

n.  LAMIRAULT  et  C%  EDITEURS 

61,  RUE   DE    RENNES;    Gl 
Tous  droits  réservés. 


LISTE  DE  MM.  LES  COLLABORATEURS 


DE 


LA  GRANDE   ENCYCLOPEDIE 


N.  B.  —  Cette  liste  sera  reproduite  avec  les  modifications  nécessaires  en  tête  de  chaque  volume,  et  une  liste  générale 

sera  publiée  à  la  fin  de  Vouvrage. 


COMITÉ  DE  DIRECTION 


BERTHELOT,  sénateur,  membre  de  l'Institut. 

Hartwig  DERENBOURG,   professeur  à  l'École   spéciale 

des  langues  orientales  vivantes. 
F. -Camille  DREYFUS,  député  de  la  Seine. 
A.  GIRY,  professeur  à  l'École  des  chartes. 
GLASSON,  membre  de  l'Institut,  professeur  à  la  Faculté 

de  droit  de  Paris. 
D''  L.  HAHN,  bibliothécaire  en   chef  de  la  Faculté  de 

médecine  de  Paris. 


MM.  C.-Â.  LAISANT,  député  de  la  Seine,  docteur  cr^  sciences 

mathématiques. 
H.  LAURENT,  docteur  es  sciences  mathématiques,  exr  - 

minateur  à  l'Ecole  polytechnique. 
E.  LEVASSEUR,  membre   de    l'Institut,  professeur  au 

Collège  de  France. 
H.  MARION,  professeur  à  la  Sorbonne. 

E.  MUNTZ ,    conservateur    de  l'École    nationale     des 
beaux-arts. 

A.  WALTZjprofes'-à  la  Faculté  des  lettres  de  Bordeaux. 


Adam,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Dijon. 

Aguu.lon,  ingénieur  en  chef  des  mines,  professeur  à  l'Ecole 
nationale  supérieure  des  mines. 

Ajlderert  (Edouard),  publiciste. 

Allemagise  (H.  d'),  attaché  à  la  Bibliothèque  de  l'Arsenal. 

Alphandéry,  docteur  en  médecine. 

ambrésin  (Samuel),  docteur  en  médecine. 

Amfaud,  sous-chef  de  bureau  au  Ministère  de  la  justice. 

A?iDRÉ  (Louis),  procureur  de  la  République  à  Provins. 

Arnodin  (F.),  ingénieur  des  arts  et  manufactures. 

AssE  (E.),  de  la  Bibliothèque  de  l'Arsenal. 

AuLARD  (F. -A.),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Paris. 

Babelon  (E.),  conservateur  adjoint  du  département  des 
médailles  et  antiques  de  la  Bibliothèque  nationale. 

Ballé  (A.),  publiciste. 

Bapst  (Germain),  membre  de  la  Société  nationale  des  Anti- 
quaires de  France. 

Barré  (L.),  astronome  adjoint  à  l'Observatoire  de  Paris. 

Barrés  (Maurice),  député  de  Nancy. 

Barroux  (Marins) ,  archiviste  adjoint  aux  Archives  de  la 
Seine. 

Bazille,  docteur  en  droit,  avocat  au  Conseil  d'Etat. 

Baudrillart  (André),  ancien  membre  de  l'Ecole  française 
de  Rome,  agrégé  de  l'Université. 

Rayet,  recteur  de  l'Académie  de  Lille. 

Beaudouin  (Mondry),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de 
Toulouse. 

Beauregard,  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 

Beauvois  (E.). 

Bechmann  (G.),  ingénieur  en  chef,  professeur  à  l'Ecole  des 
ponts  et  chaussées,  directeur  des  travaux  de  salubrité 
de  la  ville  de  Paris. 

Belugou. 

Bémont  (Charles),  maître  de  conférences  à  l'Ecole  des  Hautes- 
Etudes, 

BÉNÉDITE  (G.),  attaché  au  musée  du  Louvre. 

BENET  (A.),  archiviste  du  département  du  Calvados. 

BÉRARD,  directeurdela  poudrerie  de  Saint-Médard-en-Jalles. 

BÈRE  (F.),  ingénieur  des  manufactures  de  l'Etat. 

Berlet  (A),  procureur  de  la  République  cà  Mauriac. 

Berger  (Philippe),  sous-bibliothécaire  de  l'Institut. 

Bernard  (A.),  professeur  au  lycée  de  Mont-de-Marsan. 

Bernard  (F.)  ,   professeur   d'économie  politique. 

Bernard  (Maurice),  avocat  à  la  Cour  d'appel  de  Paris. 

Berthelé  (Joseph),  archiviste  du  département  des  Deux- 
Sèvres. 


Berthelot  (André),  agrégé  d'histoire  et  de  géographie, 
maître  de  conférences  à  l'Ecole  des  Hautes-Etudes. 

Berthelot  (Daniel),  docteur  es  sciences,  assistant  au  Mu- 
séum d'Histoire  naturelle. 

Berthelot  (Philippe),  licencié  es  lettres  et  en  droit. 

Bertrand  (A.),  membre  de  l'Institut,  directeur  du  musée  de 
Saint- Germain. 

Bertrand  (Al.),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Lyon. 

Besson  (Emmanuel),  chef  à  la  direction  générale  de  l'Enre- 
gistrement. 

BÉTRiNE  (Alcide),  professeur  d'histoire  et  de  littérature,  rédac  • 
teur  au  journal  la  Géographie. 

BiNET  (E.),  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Nancy. 

Blanchard  (  Raphaël  ) ,  professeur  agrégé  à  la  Faculté  de 
médecine  de  Paris. 

Blanchet  (Adrien),  attaché  au  département  des  médailles 
et  antiques  de  la  Bibliothèque  nationale 

Bloch  (G.),  maître  de  conférences  à  l'Ecole  normale  supé- 
rieure. 

Blondel,  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Nancy. 

Blondel  (D^  R.),  docteur  es  sciences. 

Blum,  agrégé  de  philosophie. 

Boehler,  docteur  en  médecine. 

Boghaert-Vaché  (A.),  publiciste. 

Bonheur  (Rayniond),  compositeur  de  musique. 

BoNHouRE  (Adrien),  préfet  des  Pyrénées-Orientales. 

BoNNARDOT  (François),  inspecteur  des  Travaux  historiques 
de  la  ville  de  Paris. 

BoNET-MAURY  (Gastou),  protcsseuT  à  la  Faculté  de  Ihcologie 
protestante  de  Paris. 

Bordes  (Charles),  critique  musical. 

Bobnarel  (F.),  agrégé  de  l'Université. 

Bossert  (A.),  inspecteur  général  de  l'Instruction  publique. 

Bouché -Leclercq  (A.),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres 
de  Paris. 

Boucheron  (H.),  ingénieur,  professeur  à  l'École  centrale  des 
arts  et  manufactures, 

Bougenot  (S.),  archiviste-paléographe. 

Boulin  (Stéphane),  maître  de  conférences  à  la  Faculté  des 
lettres  de  Bordeaux. 

BouRGOiN  (Ed.),  membre  de  l'Académie  de  médecine,  pro- 
fesseur à  l'Ecole  supérieure  de  pharmacie, 

BouRNEviLLE,  médeciu  des  hôpitaux. 

BouRNON  (F.),  archiviste-paléographe. 

BouTROux  (Emile),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Paris. 


LISTE  DE  MM.  LES  COLLABORATEURS 


BoYER  (G.),  préparateur  de  botanique  et  de  sylviculture  à 

l'Ecole  d'agriculture  de  Montpellier. 
Brenet  (Michel). 
Brochard  (Victor),  chargé  de  cours  à  la  Faculté  des  lettres 

de  Paris. 
Brunet  (Victor). 
BnuNETiÈRE   (Ferdinand),  maître  de  conférences  à  l'École 

normale  supérieure. 
Brutails,  archiviste  du  département  de  la  Gironde. 
BûciiNFR,  professeur  de  littérature   étrangère  à  la  Faculté 

des  lettres  de  Caen. 
BuLOT  (Léon),  substitut  au  tribunal  de  la  Seine. 
Burdeau  (Auguste),  professeur  agrégé  de  philosophie,  député 

du  Rhône. 
Cadillac. 

Gagnât,  professeur  au  Collège  de  France. 
Caix  de  Saint-Aymour  (vicomte  Amédée  de),  publiciste. 
Camescasse  (J.),  docteur  en  médecine. 
C\RRÉ  de  Malberg,  docteur  en  droit. 
Castaigne  (E.-J.),  professeur  de  l'Université. 
Castan  (A.),  correspondant  de  l'Institut,  conservateur  delà 

Bibliothèque  de  la  ville  à  Besançon. 
Cat  (E.),  professeur  à  l'Ecole  des  lettres  d'Alger. 
Cauwès  (Paul),  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 
Chabry  (L.),  docteur  en  médecine  et  es  sciences. 
Challamel,    conservateur    honoraire    de    la    Bibliotliéque 

Sainte-Geneviève. 
Champeaux  (de),  bibliothécaire  de  l'Union  centrale  des  arts 

décoratifs. 
Ghampier  (Victor),  directeur  de  \^ Revue  des  arts  décoratifs. 
Ghancel  (Jules),  docteur  en  droit. 
Charavay  (Etienne),  archiviste-paléographe. 
Charlot  (Marcel),  sous-chef  de  bureau    au   Ministère    de 

l'instruction  publique. 
Charpentier  (Paul),  ingénieur  des  arts  et  manufactures. 
Ghavegrin,  agrégea  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 
Chervin  (D*"),  inembre  du  Conseil  supérieur  de  statistique, 

directeur  de  l'Institution  des  bègues  de  Paris. 
CiiEuvHEUx  (Casimir),  avocat  à  la  Cour  d'appel  de  Paris. 
Claparède  (A.  de),  docteur  en  droit,   ancien  secrétaire  du 

Département  politique  (affaires  étrangères)  de  la  Confé- 
dération suisse. 
Clermont,  docteur  en  médecine. 
Cleuziou  (Henri  du). 

Colin  (Maurice),  professeur  agrégé  des  Facultés  de  droit. 
CoLLiGNON  (M.),  chargé  de  cours  à  la  Faculté  des  lettres  de 

Paris. 
Gollineau,  docteur  en  médecine. 
Colmet  d'Aage  (Henri),  conseiller    maître   à   la  Cour   des 

comptes. 
CoMPAYRÉ,  recteur  de  l'Académie  de  Poitiers. 
CoRDiER  (H.),  professeur  à  l'Ecole  des  lancrues  orientales. 
CosNEAU  (E.),  professeur  au  lycée  Henri  IV. 
CouDERc  (Camille),  sous-bibliothécaire  au  département  des 

manuscrits  à  la  liibliothèque  nationale. 
GouRBoiN  (F.),  sous-bibliothécaire  au  Cabinet  des  estampes 

à  la  Bibliothèque  nationale. 
Courdaveaux  (V.),  prof,  à  la  Faculté  des  lettres  de  Lille. 
CousTAN  (D'"  A.),  médecin-major  de  1'°  classe. 
CoviLLE  (A. -H.',  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Lyon. 
Créhange,  professeur  à  l'Ecole  alsacienne. 
Crié  (A.),  publiciste. 

Crié  (Louis),  professeur  à  la  Faculté  des  sciences  de  Rennes. 
Crozals,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Grenoble. 
Cunisset-Carnot  (P.),  procureur  général  à  Dijon. 
Darmesteter  (James),  professeur  au  Collège  de  France. 
Dastre    (A.),   professeur    de  physiologie    à  la  Faculté   des 

sciences  de  Paris 
Dauriac   (Lionel),   professeur  à  la   Faculté  des  lettres  de 

Montpellier. 
Debidour  (A.),  inspecteur  général  de  l'Instruction  publique. 
Debierre  (D""  Ch.),  prof,  à  la  Faculté  de  médecine  de  Lille. 
Declâreuil  (J.),  docteur  en  droit,  chargé  de  cours  à  l'école 

de  droit  d'Alger. 
DÉGLiN  (H.),  docteur  en  droit,  avocat  à  la  cour  d'appel  de 

Nancy. 
Delabrousse,  ancien  commissaire  général  du  gouvernement 

auprès  des  Compagnies  de  chemins  de  fer. 
Delavaud    (Ch.),    inspecteur   du   service    de    santé   de   la 

marine,  en  retraite. 
Delavaud  (L.j,  secrétaire  de  l'ambassade  de  France  à  Berlin. 
Deniker,  docteur  es  sciences  naturelles,  bibliothécaire  du 

Muséum. 
Derenbourg  (Joseph),  membre  de  l'Institut. 
Desdouits,  ingénieur  en  chef  aux  chemins  de  fer  de  l'Etat. 
Després  (Armand),  chirurgien   de  l'hôpital   de  la   Charité, 

professeur  agrégé  de  la  Faculté  de  médecine. 
DiDiEiuEAN  (Lyonnel),  avocat. 
Diehl,  ancien   membre  de  l'Ecole  d'Athènes,  professeur  à 

la  Faculté  des  lettres  de  Nancy, 
Dolffus  (G.),  attaché  à  la  Carte  géologique  de  France. 
Dollfus  (Lucien). 
DossoN,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres   de  Clermont- 

Ferrand. 
Dramard,  conseiller  à  la  cour  de  Limoges. 
Drapeyron  (Ludovic),  docteur  es  lettres,  directeur   de  la 

Revue  de  Géographie. 


Droogmans  (H.),  ancien  chancelier  du  Consulat  général  belge 

aux  Etats-Unis, 
Drouin  (E.),  avocat,  membre  du  conseil  de  la  Soc.  asiatique. 
Dubarry,  docteur  en  médecine. 

DUBOURDIEU  (X.). 

DucRocQ.  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 

Dufourmantelle  (Maurice),  avocat  à  la  Cour  d'appel  de  Paris. 

Dufourmantelle  (Charles),  ancien  archiviste  de  la  Corse. 

Duhamel  (Louis;.  archiviste  du  département  de  Vaucluse. 

DuMuuLîN,  professeur  au  lycée  de  Roanne. 

Durand  (Maxime:,  consul  suppléant  de  France  à  New- York., 

Durand  (G.  ),  archiviste   du  département  de  la  Somme. 

Durand-Gréville,  publiciste. 

DuREAu(D^A.),  bibliothécaire  en  chef  de  l'Académie  de  méde- 
cine. 

Durier  (Ch.),  vice-président  du  Club  alpin  français,  chef  de 
division  au  Ministère  de  la  justice. 

Du  Seigneur  (Maurice),  critique  d'art., 

Dybowsri,  maître  de  conférences  à  l'École  nationale  d'agri- 
culture de  Grignon,  explorateur  de  l'Afrique  centrale. 

Ernst  (Alfred),  de  la  Bibliothèque  Sainte-Geneviève. 

EsBAECiiER  (Emile),  ancien  chef  de  bureau  au  Ministère  des 
postes  et  télégraphes. 

Faliès  (Gustave),  publiciste. 

Farges  (Louis),  sous-chef  du  bureau  historique  au  Ministère 
des  affaires  étrangères. 

Faucher  (L.),  ingénieur  en  chef  des  poudres  et  salpêtres  à 
Lille. 

Feer  (Léon),  bibliothécaire  au  département  des  manuscrits 
de  la  Bibliothèque  nationale. 

Ferra  (Joannès  ,  chancelier  de  résidence  en  Indo-Chine. 

Flamant  (A.),  ingénieur  en  chef  des  ponts  et  chaussées. 

Flourac,  archiviste  du  département  des  Basses-Pyrénées. 

FoNCiN  (Pierre),  inspecteur  général  de  l'Enseignement  secon- 
daire. 

Fonsegrive,  professeur  de  philosophie  au  lycée  Bufîon. 

Fonte  ^Raoul],  professeur  d'histoire  au  collège  de  Calais. 

FouuNiER  (Henri),  docteur  en  médecine. 

Fournier  (Marcel),  professeur  k  la  Faculté  de  droit  de  Caen . 

FOURNIER  DE  FLAIX,  publicistC. 

France  (H.),  professeur  à  l'Académie  royale  militaire  de 
Woohvich. 

François  (G.),  chef  comptable  de  banque. 

FREDiiRiCQ  (Paul),  professeur  à  l'Université  de  Gand. 

Funck-Brentano  (Frantz),  attaché  à  la  Biblioth.  de  l'Arsenal. 

Gaignière  (Henri),  substitut  du  procureur  de  la  République 
à  Meaux. 

Ganiayre  (Cécilio). 

Gardeil,  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Nancv. 

Garnier  (E.),  membre  du  Comité  des  Sociétés  des  Beaux-Arts. 

Garnier  (L.),  rédacteur  en  chef  de  la  Presse  vétérinaire. 

Gasté  (Armand),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Caen. 

Gausseron,  professeur  au  lycée  Janson-de-Saillv- 

Gauthiez  (Pierre),  agrégé  de  l'Université. 

Gautier  (.Jules),  professeur  au  Ivcée  Michelet. 

Gavet  (G.),  agrégé  à  la  Faculté  de  droit  de  Nancy. 

Gérard  (Aug.).  ministre  plénipotentiaire  au  Brésil. 

GiARD  (A.),  professeur  à  la  Faculté  des  sciences  de  Paris. 

GiDEL,  proviseur  du  lycée  Louis- le -Grand. 

Giqueaux  (P.),  professeur  au  lycée  de  Nice. 

Girard  (Charles),  chef  du  Laboratoire  municipal  de  Paris. 

Girard  (Paul),  maître  de  conférences  à  la  Faculté  des  lettres 
de  Paris. 

Girard  (P. -F.),  agrégé  à  la  Faculté  de  droit  de  Pans. 

GiRODON  (F.),  docteur  en  droit. 

Gley(E.),  prof,  agrégé  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris. 

GoB.4T(D"),  conseiller  d'Etat,  directeur  de  l'Education  du 
canton  de  Berne. 

Goguel  (P.),  professeur  de  filature  à  l'Institut  industriel  du 
Nord. 

Gonse.  membre  du  Conseil  supérieur  des  Beaux-Arts. 

Gorceix  (H.),  directeur  de  l'Ecole  des  mines  de  Ouro-Preto 
(Brésil). 

GouRDON  de  Genouillac,  du  comité  de  la  Société  des  gens 
de  lettres. 

GouRMONT  (Réuiv  de),  publiciste. 

Grand  (E.-D.\  archiviste  de  la  ville  de  Montpellier. 

Grandjean  (Charles),  secrétaire-rédacteur  au  Sénat. 

Gruyer  (Gustave;,  publiciste. 

Guigl'e  'Georges',  archiviste  du  département  du  Rhône. 

Guilaine  (Louis),  rédacteur  en  chef  de  la  Revue  Sud-Amé- 
ricaine. 

Guillaume,  membre  de  l'Institut,  professeur  au  Collège  de 
France,  directeur  de  l'Académie  de  Fj-nncc  à  Rome. 

GuiRAUD  (Paul),  chargé  de  cours  à  la  Faculté  des  lettres  de  Paris. 

Hahn  (J.),  médecin-major  de  l"""  classe. 

Heckel,  professeur  à  la  Faculté  des  sciences  de  Marseille. 

Henneguy  (Félix),  publiciste. 

Herrmann  (D'"),  professeurà  la  Faculté  de  médecine  de  Lille. 

Hesse  (Lucien). 

HiLD  (J.-A.),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Poitiers. 

Homolle,  membre  de  l'Institut,  directeur  de  l'Ecole  fran- 
çaise d'Athènes. 

Honoré  (Fernand),  ])ul)liciste. 

Houdas,  professeurà  l'Ecole  des  langues  orientales. 

HoussAYE  (Arsène),  homme  de  lettres. 

Hubert  (Eugène),  professeur  à  l'Université  de  Liège. 


LISTE  DE  MM.  LES  COLLABORATEURS 


HUMBERT  (G.),  ingénieur  des  ponts  et  chaussées  à  Blois. 

ISRAELSSOHN,  Orientaliste. 

Jacquemaiue  (Numa),  avocat  à  la  Cour  d'appel  de  Paris 

Jacquemart  (A.),  député  des  Ardennes. 

Jamais  (E.),  député  du  Gard. 

Jeanroy,  professeur  à  la  Faculté  des   lettres  de  Toulouse. 

JoANNis,  docteur  es  sciences,  professeur  de  chimie  indus- 
trielle à  la  Faculté  des  sciences  de  Bordeaux 

JoBBÉ-DuvAL  (E.),  agrégé  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 

JoRGA  (N.),  professeur  à  Bucarest. 

JouANNE  (G.),  ingénieur  des  arts  et  manufactures. 

JouBiN  (L.),  docteur  es  sciences,  maître  de  conférences  à  la 
Faculté  des  sciences  de  Rennes. 

JuLLiAN  (Camille),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de 
Bordeaux. 

JussERAND,  conseiller  de  l'ambassade  de  France  à  Londres. 

KÉRAVAL  (P.),  médecin  des  asiles  de  la  Seine. 

Kerlero  du  Crano.  officier  de  marine  en  ret^'aite. 

Knab(L.),  ingénieur  civil,  répétiteur  à  l'Ecole  centrale  des 
arts  et  manufactures. 

Kœchlin  (Camille). 

KOECIILIN  (R.). 

KoHLER  (Ch.),  bibliothécaire  à  la  bibliothèque  Sainte-Gene- 
viève. 
Kruger  (F.-H.),  professeur  k  l'Institut  des  missions  évangé- 

liques  de  Paris. 
KuHFF  (G.),  docteur  en  médecine. 
Kuî^CKEL  d'HERCULAis,  aide-naturaiistc  au  3Iuséum  d'histoire 

naturelle. 
KCHNE,  publiciste. 

KuNSTLER,  professeur  ix  la  Faculté  des  sciences  de  Bordeaux. 
Lacour  (P.),  attaché  à  la  direction  des  Beaux-Arts. 
Lacour-Gayet  (Georges),  docteur  es  lettres,  professeur  d'his- 
toire au  lycée  Saint-Louis. 
Lacroix,  docteur  es  sciences- 
Lagache  (Célestin),  ancien  directeur  des  travaux  stenogi'a- 

phiques  de  la  Chambre  des  députés. 
Lagrésille  (Georges),  avocat  à  la  Cour  d'appel  de  Paris. 
Lahillonne  (Jacques),  professeur  au  Ivcée  de  Grenoble. 
Laîné,  agrégé  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 
Lambert  (Mayer),  professeur  au  séminaire  Israélite  de  Paris. 
Lambling  (D'-),  professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  médecine 

de  Lille. 
Langlois  (D""  p.),  préparateur  au  laboratoire  de  phvsiologle 

de  la  Faculté  de  médecine  de  Paris. 
Langlois  (Ch.-Y.-M.),  chargé  de  cours  cà  la  Faculté  des  lettres 

de  Paris. 
Lanjalley. 

Lanson  (G.),  professeur  de  rhétorique  au  Ivcée  MIchelet. 
Larbalétrier   (A.),    professeur  à    l'Ecole  d'agriculture    du 

Pas-de-Calais. 
Larivière  (Ch.  de;,  receveur  particulier  à  Gien. 
Laur  (F.),  ingénieur  des  mines,  député  de  la  Seiue. 
Laurent  (E.),  bibliothécaire  du  Palais-Bourbon. 
Lavalley  (Gaston),  bibliothécaire  de  la  ville  de  Caen. 
Laveleye  (E.  de),  professeur  à  l'Université  de  Liège. 
Lavoix  (Henri),   conservateur  du  cabinet  des  médailles,  à 

la  Bibliothèque  nationale. 
Lavoix  (Henri)  fils,  administrateur  de  la  bibliothèque  Sainte- 
Geneviève. 
Leciialas  (M.-C),  inspecteur  général  des  ponts  et  chaussées. 
Leciialas  (G.),  ingénieur  en  chef  des  ponts  et  chaussées 
Leclerc  (Adhémar),  résident  à  Sanbaur  (Cambodge  i. 
Lecornu  (L.),  ingénieur  des  mines,  docteur  es  science^ 
Lecrivain  (Ch.),  chargé  de  cours  à  la  Faculté  des  letties  de 

Toulouse, 
Lederoer  (P. -h.),  docteur  es  sciences. 
Lefèvhe  (Charles],  prolesseur  à  la  Faculté  de  dro't  de  Pari^ 
Lefèvre  (Edouard),  ancien  président  de  la  Société  entorao- 

logique  de  France. 
Lefort  (Paul),  inspecteur  des  Beaux-Arts. 
Lefranc  (Abel).  archiviste  aux  Archives  nationales 
LEGER  (L.),  professeur  au  Collège  de  France. 
Legrand  (Emile),  professeur  à  l'Ecole  des  langues  orientales 
Le  Goffic  (Charles),  pi'ofesseur  au  lycée  du  fL'ivie. 
Leur  (E.),  professeur  iionoraire  de  droit  cà  Lausaitu--. 
Lehugeur  (Paul),  professeur  au  lycée  Charlemasne. 
Lemoine  (D'-  Georges),  professeur  à  la  Faculté 'de  m'MlpciaP 

de  Lille. 
Lemosof  (Paul;,  attaché  à  la  Société  de  idéographie. 
Leprieur  (Paul),  attaché  à  la   conservation   du    inu-éc   du 

Luxembourg. 
Lericiie,  attaclic  au  consulat  de  France  à  Beyrouth 
Leroux  (AIL),  archiviste  du  département  de  l.i  IfauioVienDo 
Levasseur.  juge  supijicuut  ;'i  J'j'oviris. 
Lî- veillé,  professeur  à  la  Faculté  de  dj-oit  d(;  l'aris 
LEvi(Sylvain),  maîtie  de  conférences  à  la  Faculté  des  lettre>^ 

de  Paris  et  à  l'Ecole  des  Hautes-Etudes . 
Lex  (L.),  archiviste  du  département  de  Saône-et-Loii'e 
Leymarie  (C.},  bibliothécaire  de  la  ville  de  Limoges. 
LiARD,  directeur  de  l'enseignement  supérieur  au  Ministère 

de  1  instruction  publique. 
Lietard,  docteur  en  médecine. 
Loeb  (Isidore),  président  du  comité  de  publication  delà 

Société  des  études  juives. 
Loret  (Victor),  maître  de  conférences  à  la  Faculté  des  lettres 
de  Lyon. 


Lucas  (Charles),  architecte. 

LuciPiA  (Louis),  membre  du  Conseil  municipal  de  Paris. 

Lyon  (Georges),  maître  de  conférences  à  l'Ecole   normale 

supérieure. 
Lyon-Caen  (Ch.),  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 
Mabille  (J.),  attaché  au  laboratoire  de  malacologie  du  Mu- 
séum d'histoire  naturelle,  secrétaire  de  la  Société  mala- 
cologique  de  France, 
Maindron,  critique  d'art. 
xMaire  (Albert),  bibliothécaire  de  l'Université. 
Manceron  (Félix),  conservateur  des  hypothèques. 
Manouvrier,  docteur  en  médecine. 

Mantz  (Paul),  directeur  général  honoraire  des  Beaux-Arts 
Marais  (Paul),  sous-bibliothécaire  à  la  bibliothèque  Mazarine 
Marcel,  bibliothécaire  de  la  section  de  géographie  à  la  Bi- 
bliothèque nationale. 
Marchand,  juge  suppléant  à  Meaux. 
Marchand  (Louis),  vice-recteur  à  Aiaccio. 
Marlet  (Léon),  attaché  à  la  bibliothèque  du  Sénat. 
Marmûnier,  docteur  en  droit. 
Marre  (Aristide),  chargé  de    cours  à  l'École   des  laneues 

orientales. 
Martel  (E.),  avocat. 
Martha   (Jules),  maître  de  conférences  à   l'École  normale 

supérieure. 
Martin  (A.-J.),  ancien  préparateur  au  laboratoire  de  phy- 
siologie de  la  Faculté  de  médecine  de  Paris. 
Martin  (Henry),  bibliothécaire  à  la  bibliothèque  de  l'Arsenal 
Martinière  (H. -P.  de  La). 
Martinet  (A.),  commissaire  du  gouvernement  prés  le  con^^eil 

de  préfecture  de  la  Seine 
Maspero,   membre    de   l'Institut,   professeur  au  Collège  de 

France. 
Massebieau  (A.),  professeur  d'histoire  au  lycée  de  Rennes 
Massigli  (Ch.),  agrégé  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 
Maury  (p.),  docteur  es  sciences. 
May  (G.),  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Nancy 
Mazerolle  (Fernand),  archiviste-paléographe, 
Mazon  (A.),  homme  de  lettres. 

Mélani  (Alfredo),  professeur  cà  l'Ecole  supérieure  d'art  appli- 
que à  l'industrie  de  Milan. 
Melin  (G.),  docteur  en  droit,  avocat  à  la  Cour  d'appel  de  Nancv. 
Mely  (F.  de),  correspondant  du  Comité  des  Sociétés   dès 

Beaux-Arts  des  départements. 
Menant  (J,),  membre  de  l'Institut. 
MÉNARD  (Louis),  docteur  en  médecine, 
Merson  (Olivier),  critique  d'art. 
Meynersd'Estrey  (comte),  docteur  en  médecine. 
MiciiAur  (C),  chimiste  de  la  station  agronomique  de  l'Yonne. 
Michel  (André),  professeur  a  l'Ecole  spéciale  d'architecture, 
membre  de  fa  commission  des  monuments  historiques 
Michel  (Emile;,  membre  de  l'Institut. 
Michel  (Léon),  agrégé  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 
xMoiREAU  (Aug.),  agrégé  des  lettres. 

Molinier  (A.),  conservateur  à  la  bibliothèque  Sainte-Gene- 
viève. 
MoLiNiER  (Ch.),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Tou- 
louse. 
Molinier    (E.).    professeur  à  l'Ecole  du  Louvre. 
MoNCELON,  ancien  délégué  de  la  Nouvelle-Calédonie  au  Con- 
seil supérieur  des  Colonies. 
MoNiEz  (DO,  professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de  Lille. 
MoNiN  (H.),  docteur  es  lettres,  professeur  au  collège  Rollin 
MoNNiER  (J.),  élève  diplôme  de  l'Ecole  des  langues  orientales. 
-MoRER.  medecin-major  de  f®  classe. 
MoRTET  (Ch.),  conservateur  adjoint  à  la  bibliothèque  Saiiite- 

Gcnevieve. 
MoRTET  (Victor),  bibliothécaire  à  la  Sorbonne. 
MoRTiLLET  (G.  de),  ancien  conservateur  adjoint  du  musée  de 

Saint-Germain. 
Moutard,  examinateur  à  l'École  polvtechnique. 
Muret,  professeur  à  l'Université  de  Genève. 
Nachbaur  (Paul),  avocat  à  la  cour  d'appel  de  Nancy. 
NÉNOT,  architecte  de  la  Sorbonne. 
NOLHAC   (Pierre  de),  maître  de    conférences  à    l'Ecole  des 

Hautes  Etudes,  attaché  aux  musées  nationaux. 
Ollivier  (M™«), correspondante  du  Journal  officiel  de  Saint- 
Pétersbourg. 
Oltramare,  astronome  à  l'Observatoire  de  Paris. 
Omont  (H.),  bibliothécaire  au  département  des  manuscrits 

de  la  Bibliothèque  nationale. 
Oppert  (Jules),  membre  de  l'Institut,  professeur  au  Collège 

de  France. 
Ottavi  (P.),  élève  drogman,  attaché  au  consulat  de  France 

a  Zanzibar. 
OuRKM  ;Alméida  Aréas  ,  vicomte   d')  ,  membre   de  l'Institut 
hist.  et  geogr.  du  Brésil,  ancien  ministre  plénipoten- 
tiaire du  Brésil  à  Londres, 
Oustalet  (E.),  aide-naturaliste  au  Muséum  d'histoirenaturelle. 
PALUSTRE  (Léon),  directeur  honoraire  de  la  Société  française 

d  archéologie. 
Paris,  maître   de   conférences  à  la  Faculté  des  lettres  de 

Bordeaux. 
PAS.SY  (Paul),  professeur  de  langues  vivantes,  président    de 

1  Association  phonétique  des  professeurs  d'anglais. 
Paturet,  substitut  du  i)rocureurdc  la  République,  à  Toulon. 
Paultan,  secrétaire  rédacteur  à  la  Chambre  des  députés. 


LISTE  DE  MM.  LES  COLLABORATEURS 


Paumes  (Benjamin),,  professeur  au  collège  de  Lectoure. 
Pawlowski  (Gustave),  bibliographe. 

^^ê:ZX^^^--  la  Faculté  des  lettres 

de  Montpellier.  ,    ^      ^       ^      ^    T>KAr.o 

PELLETAN  (Camille),  députe  des  Bouches-du-Rhône. 
PÉRA?É   ancien  membre  de  l'École  française  de  Rome, 
PÉREZ  (Bernard),  publiciste.  , 
Pftit  (E  ),  professeur  au  lycée  Janson-de-Sailiy. 
Petit  (P.),  membre  de  la  Société  botanique  de  France. 
PeÎÎt  (li'L.-H.),   bibliothécaire  à  la  Faculté  de  médecine 

PETi?-Du^TAiLLY  (Ch.) ,  agrégé  d'histoire,  archiviste-paléo- 
graphe. 

Pfender  (Charles). 

PiAGET  (A.),  docteur  es  lettres.  ,^„àn-p  Rnllin 

PicAVET  docteur  es  lettres,  professeur  au  collège  Rojlin, 
Stre  de  conférences  à  l'Ecole  des  Hautes-Etudes 

PICOT  (Emile),  professeur  à  l'Ecole  des  langues  orientales. 

pÎéchaud  (Adolphe),  docteur  en  médecme,  medecm  du 
Sénat,  inspecteur  des  écoles  de  Pans.  T^„vrP 

PiERRET  (Paul),  conservateur  du  musée  «SYPtien  du  Louvre. 

Pignot(A.),  ancien  interne  des  hôpitaux  de  Pans,  prépara- 
teur à  la  Faculté  de  médecme.  ,      ^      ^     ,^      .^  ^.  ^ 

PiLLET  (Jules),  professeur  à  l'Ecole  des  beaux-arts  et  a 
l'Ecole  des  ponts  et  chaussées.  . 

PINARD  (Ad.),  professeur  à  la  Faculté  de  médecme  de  Pans. 

PmEL-MAisoNNEUYE,  doctcur  en  médecine. 

PiRENNE  (Henri),  professeur  à  l'Université  de  Gand. 

Pr  ANioL  affrése  à  la  Faculté  de  droit  de  Pans. 

PlX  (G.1  bfbliothécaire  de  la  Facul^ 

PoiNCARÉ  (Raymond),  avocat  à  la  Cour  d'appel  de  Pans,  députe 
de  la  Meuse. 

PouGiN  (Arthur),  publiciste. 

PouzET  (Ph.),  agrégé  d'histoire. 

Prado  (Eduardo  da  Silva),  avocat  et  homme  de  lettres. 

Preux  (J.),  secrétaire  du  Comité  de  législation  étrangère. 

Prou  (M.),  bibliothécaire  au  Cabinet  des  médailles  a  la 
Bibliothèque  nationale. 

Prudhomme,  archiviste  du  département  de  liseré. 

PsicHARi  (Jean),  maître  de  conférences  a  1  Ecole  des  Hautes- 
Etudes. 

PuAUX  (Franck),  publiciste. 

gu^r^&e's^seur'f  l'Ecole  des  Hautes-Etudes  commer- 

riales 
QuESNERiE* (Gustave  de  La),  professeur  au  lycée  Saint-Louis. 
Rabier  (Elle),  directeur  de  l'enseignement  secondaire  au 

Ministère  de  l'instruction  publique. 
Radet,  maître  de  conférences  a  la  Faculté  des  lettres  de 

Ravaisse  (P.),  chargé  de  cours  à  l'Ecole  des  langues  orientales. 
RAVAissoN-MoLLiEN   (Charles),   conservateur   au   Musée    du 

Louvre 
RÉBOuis  (E.)*,  bibliothécaire  à  la  bibliothèque  de  l'Université. 
Regelsperger,  docteur  en  droit.        .  ,     ,  ,,        ,    ,,_„ 
Regnaud  (P.),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Lyon. 
Reinach  (J.  de),  membre  de  la  Société  d'économie  politique. 
Renard  (Georges),  professeur  à  la   Faculté  des   lettres  de 

Lausanne.  ,  ,     ,    .    ,    ^    • 

Renault,  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Pans. 
Renoult,  chef  du  Cabinet  du  président  de  la  Chambre  des 

députés. 
RÉTHORÉ  (J.-J.),  licenciées  lettres.  , 

Reure,  professeur  à  l'Ecole  des  Hautes-Etudes  a  Lyon. 
RÉ  VILLON  (Tony),  député  de  la  Seine. 
RÉviLLOUT  (E.),  conservateur  au  Musée  du  Louvre. 
RiBOT  (Th.),  professeur  au  Collège  de  France,  directeur  de 

là  Revue  philosophique.  .      ^    ^     „ 

Richet  (Charles),  professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de  Pans. 
Rio-BRANCO  (J.-M.  da  Silva-Paranhos,  baron  de),  membre  de 

l'Institut  historique  et  géographique  du  Brésil,  ancien 

RiTTi  (D'-  Ant.),  médecin  de  la  maison  nationale  de  Charenton. 
RocHORUNE'(D''de),  aide-naturaliste  au  Muséum  d'histoire 

ROSSIGNOL,  licencié  es  lettres,  professeur  à  l'Ecole  polytech- 
nique de  Zurich. 

Roussel  (Félix),  avocat  à  la  Cour  d'appel  de  Pans. 

RoussELET  (Albin).  ,         „  .   .    ^ 

Ruelle  (C.-E.),  conservateur  à  la  bibliothèque  Sainte-Gene- 
viève. 


RussEL  (W.),  docteur  es  sciences  naturelles. 
Sagnet  (Léon),  attaché  au  Ministère  des  travaux  publics. 
Sagnier  (Henry),  rédacteur  en  chef  du  Journal  de  l agri- 
culture. 
Saint  (L.) 

Saint-Marc,  professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  droit  de  Tou- 
louse. 
Saladin  (Henri),  architecte. 
Salone,  professeur  agrégé  d'histoire  et  de  géographie  au 

lycée  d'Orléans. 
Samuel  (René),  sous-bibliothécaire  du  Sénat. 
Sa>ti  (D-"  L.  de),  médecin-major  de  2®  classe. 
Sarrau,  membre  de  l'Institut,  ingénieur  en  chef  des  poudres 

et  salpêtres. 
Saury  (D').  médecin  de  l'asile  de  Suresnes. 
Sauvage  (D»-),  directeur  de  la  station  aquicoie  de  Roulogne-sur- 

Mer. 
Saverot  (Victor),  docteur  en  droit. 
Sayous,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Besançon, 

membre  correspondant  de  l'Académie  hongroise. 
Schefer  (G.),  bibliothécaire  à  la  bibliothèque  de  l'Arsenal. 
ScHMiT  (L.),  conducteur  des  ponts  et  chaussées. 
Sergent  (Ed.),  commandant  de  l'armée  teiritoriale. 
Simon  (Eugène),  ancien  président  des  Sociétés  entomologique 

et  zoologique  de  France. 
Souquet  (Paul),  professeur  de  philosophie  au  lycée  Janson- 

de-Saillv. 
SouviRON  (Alfred),  chef  de  division  à  la  préfecture  de  la  Seine . 
Stein  (H.),  archiviste  aux  Archives  nationales. 
Straus,  professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris. 
Stroehlin,  professeur  à  l'Université  de  Genève . 
Stryienski  (Casimir),  professeur  agrégé  au  lycée  Montaigne. 
Swarte  (Victor  de),  trésorier-payeur  général    de  Seine-et- 
Marne. 
Tannery  (P.),  ingénieur  des  manufactures  de  l'Etat. 
Tausserat  (Alexandre),   attaché   au  Ministère   des  affaires 

étrangères. 
Théry  (Edmond),  publiciste. 
Thiers  (Adolphe),  publiciste. 

Tholin  (G.),  archiviste  du  département  du  Lot-et-Garonne. 
Thomas  (Antoine),  chargé  de  cours  à  la  Faculté  des  lettres 

de  Paris. 
Thomas  (D'  L.),  bibliothécaire  à  la  Faculté  de  médecine  de 

Paris. 
TiERSOT  (Julien),  sous-bibliothécaire  au  Conservatoire   de 

musique. 
TouRNEUx  (Maurice),  publiciste. 

Trawinski,  sous-chef  de  bureau  à  la  direction  des  Beaux- 
Arts. 
Trescaze  (A.),  directeur  honoraire  des  douanes. 
Trouissart,  docteur  en  médecine. 
Vachon  (Marins),  secrétaire  de  l'Union  centrale   des  Arts 

décoratifs. 
Valabrègue  (Antony),  critique  d'art. 
Varigny  (C.  de) .  ,        . 

VARiGNY  (H. de),  docteur  en  médecine,  docteur  es  sciences 

naturelles.  .  .        ,     , 

Vast  (Henri),  professeur  d'histoire  et  de  géographie  au  lycée 
condorcet,   examinateur  d'admission  à  l'école  Saint- 
Cyr. 
Vayssiere  (A.),  archiviste  du  département  de  l'Allier. 
VÉLAiN  (Charles),  maître  de  conférences  à  la  Faculté  des 

sciences  de  Paris.  ^    ,  . 

Venukoff  (  Michel  ) ,  ancien  secrétaire  gênerai  de  la  Société 

de  géographie  de  Russie.  , 

Vergniol  (C),  professeur  agrégé    d'histoire  au    lycée  de 

Bourges.  ,         ,     . 

Verneau  (DO,  préparateur  de  la  chaire  d'anthropologie  au 

Muséum  d'histoire  naturelle. 
Vern»es  (Maurice),  directeur  adjoint  à  l'Ecole  des  Hautes- 
Etudes  (section  des  sciences  religieuses). 
ViALA  (Pierre),  professeur  de  viticulture  à  l'Institut  national 

agronomique  de  Paris. 
ViLLEDEuiL  (Ch.  de),  astronome. 

ViNSON  (Julien),  professeur  à  l'Ecole   des   langues   orien- 
tales. 
VoGEL,  publiciste. 
VOLLET  (E.-H.),  docteur  en  droit. 
WiLL  (Louis) . 
Wyrouboff  (G.). 

Yriarte  (Charles),  inspecteur  des  Beaux-Arts.  _ 

Zaborowski,    publiciste,  ancien  secrétaire  de    la  Société 
d'anthropologie  de  Paris. 


LA  GRANDE  ENCYCLOPÉDIE 


D 


DUEL.  I.  Grammaire.  —  On  appelle  duel  la  forme 
particulière  que  prennent  les  cas  des  mots  déclinables  ou 
les  personnes  du  verbe  pour  exprimer  qu'on  a  en  vue  deux 
objets  ou  une  action  faite  ou  subie  par  deux  sujets  à  la 
fois.  Le  duel  existe  dans  toutes  les  familles  de  langues, 
en  aryen,  en  sémitique,  en  touranien,  en  hottentot ,  en 
australien,  et  en  même  temps  dans  les  substantifs  et  dans 
les  verbes.  Mais  on  le  voit,  partout  où  se  développe  la 
culture  intellectuelle,  tomber  peu  à  peu  en  désuétude  et 
faire  place  au  pluriel.  Aussi  haut  que  nous  remontions 
dans  les  langues  aryennes,  le  duel,  déjà  réduit  à  trois 
formes  casuelles  en  sanscrit  et  à  deux  en  grec,  n'existe 
plus  en  latin;  il  est  inconnu  du  grec  éolien,  du  nouvel 
ionien,  conservé  seulement  dans  quelques  formules  en 
dorien;  et  en  ionien  attique  où  son  emploi  est  très  fré- 
quent dans  les  premiers  textes,  il  est  allé  diminuant  si  bien 
qu'il  disparait  au  ii^  siècle  des  inscriptions,  de  la  prose  de 
la  xocvrj,  et  n'existe  plus  du  tout  chez  les  Septante.  Il  est 
inadmissible  cependant  qu'il  ait  été  superflu  à  l'origine,  sans 
quoi  il  n'eût  pas  existé,  et  n'existerait  pas  encore  dans  les 
dialectes  sauvages.  Son  origine  doit  même  être  des  plus 
anciennes  et  remonter  à  une  période  où  la  numération 
n'allait  pas  au  delà  du  nombre  deux.  Certaines  langues  n'ont 
pas  encore  de  noms  de  nombre  supérieurs  à  deux  ;  d'autres 
n'ont  pas  de  pluriel.  Une  d'elles  exprime  le  nom  de  nombre 
trois  par  le  mot  prica,  beaucoup.  Peut-être  même  la  racine 
aryenne  du  nom  de  nombre  trois  (tpsî^,  très,  tria,  ttireé) 
est-elle  la  même  que  celle  des  adverbes  trans,  tarânii 
(sk.),  through,  au  delà.  En  tous  cas,  il  a  dû  en  être 
de^  premiers  hommes  comme  il  en  est  encore  aujourd'hui  de 
plusieurs  peuplades  sauvages  :  l'idée  de  pluralité  telle  que 
nous  la  concevons  n'existait  pas  chez  eux.  De  là  l'origine 
du  duel,  issu  peut-être  du  redoublement,  et  affecté  à  désigner 
les  objets  qui  se  trouvaient  deux  par  deux,  soit  par  l'effet 
du  hasard,  soit  naturellement,  comme  les  parties  du  corps. 
Puis,  quand  la  notion  de  pluralité  s'est  éveillée  chez  l'homme, 
il  a  attribué  aux  variantes  de  ces  formes  primitives  la  signi- 
fication du  pluriel.  De  là  l'antiquité  des  désinences  du  duel, 
l'impossibilité  de  les  expliquer  par  celles  du  pluriel ,  et  la 
disparition  graduelle  de  ce  nombre  quand,  après  la  créa- 
tion du  pluriel,  il  fut  devenu  inutile.         P.  Giqueaux. 

II.  Histoire.  —  Duel  judiciaire.  —  Le  duel  est,  chez 
les  peuples  qui  n'ont  pas  encore  une  notion  claire  de  l'équité, 
le  moyen  de  résoudre  les  différends.  Dans  un  état  de  civili- 
sation plus  avancé,  les  hommes  regardent  l'issue  du  combat 
singulier  comme  la  manifestation  de  la  volonté  du  ciel  qui 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —    XV. 


donne  la  victoire  à  celui  qui  a  raison  en  même  temps  qu'il 
confond  l'injustice;  le  duel  devient  un  jugement  de  Dieu. 
Plus  tard,  la  puissance  publique  s'empare  du  duel,  le  sou- 
met à  des  règles  déterminées,  le  fait  entrer  dans  la  procé- 
dure :  il  est  dès  lors  un  moyen  de  preuve  employé  devant 
les  tribunaux.  Ainsi  voyons-nous  que  les  Germains,  au 
dire  de  Velleius  Paterculus  (II,  418),  terminaient  leurs 
procès  par  un  combat  singulier.  Au  vii^  siècle,  Grégoire  de 
Tours  et  Frédégairc  qualifiaient  le  duel  un  jugement  de 
Dieu.  En  même  temps  il  est  inscrit  dans  les  lois  au  nombre 
des  preuves  ordonnées  par  les  juges.  Le  roi  Gondebaud 
l'introduisit  dans  la  Loi  des  Burgondes  (art.  XLV).Dans 
cette  loi,  la  preuve  incombe  à  l'accusé  qui  se  disculpe  par 
des  cojurateurs.  Le  demandeur  peut  refuser  le  serment, 
auquel  cas  le  duel  a  lieu  entre  le  demandeur  et  l'un  des 
cojurateurs  qui  ne  doit  pas  hésiter  à  combattre  ayant 
affirmé  qu'il  connaissait  la  vérité,  car  Dieu  lui  donnera  la 
victoire.  Gondebaud  pensait  par  là  éviter  les  parjures, 
puisque  dans  la  procédure  d'où  le  duel  était  banni  chaque 
parti  prenait  le  ciel  à  témoin  de  sa  bonne  foi  et  de  son 
bon  droit.  Comme  l'a  remarqué  M.  Paul  Viollet,  ce  moyen 
de  justifier  le  duel  perdit  bientôt  toute  sa  valeur,  car,  une 
fois  la  procédure  du  duel  établie,  le  combat  étant  précédé 
des  serments  de  l'une  et  l'autre  partie  ne  pouvait  avoir 
lieu  sans  parjure  préalable.  La  loi  salique  ne  connaît  pas 
le  duel,  mais  il  apparaît  dans  la  seconde  partie  de  la  Loi 
des  Ripuaires.  Il  est  usité  quand  quelqu'un  conteste  la 
légalité  d'une  émancipation  et  que  l'émancipé  ne  peut  en 
présenter  l'auteur  pour  le  défendre  ;  pour  s'opposer  à  la 
saisie,  quand  celui  qui  en  est  menacé  a  négligé  de  se  pré- 
senter au  tribunal  malgré  sept  citations  consécutives  ;  pour 
s'opposer  au  serment  d'un  chancelier  qui,  en  l'absence  des 
témoins  présents  à  la  rédaction  d'un  acte,  veut  en  démon- 
trer l'authenticité  par  son  serment  et  celui  de  cojurateurs; 
enfin,  dans  les  causes  relatives  à  la  propriété  ou  à  la  li- 
berté. Le  duel  judiciaire  est  mentionné  comme  moyen  de 
preuve  dans  la  Loi  des  Alamans,  dans  la  Loi  des  Bava- 
rois. On  le  trouve  dans  la  Lex  Tfiuringoriim  et  dans  les 
Lois  saxonnes.  Un  voyageur  arabe,  du  x^-  siècle,  Ibn 
Dost,  mentionne  l'usage  du  duel  chez  les  Slaves.  D'après 
lui,  tout  procès  était  décidé  par  le  prince,  mais  si  les  par- 
ties n'étaient  pas  satisfaites  du  jugement,  elles  recouraient 
au  duel  ;  le  vainqueur  imposait  au  vaincu  telle  condition 
qu'il  lui  plaisait.  Encore  en  1022  il  fut  convenu  entre 
deux  adversaires  que  le  vainqueur  aurait  les  meubles,  les 
terres,  la  femme  et  les  fils  du  vaincu.  En  Bohême,  au 

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DUEL 


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xiv^  siècle,  le  vainqueur  était  obligé  de  décapiter  lui-même 
le  vaincu.  Les  Anglo-Saxons,  qui  connaissaient  certaines 
ordalies,  comme  le  jugement  par  le  fer  chaud,  l'eau  bouil- 
lante ou  l'eau  froide,  n'avaient  jamais  recours  au  duel; 
du  moins  cette  preuve  n'est  pas  mentionnée  par  les  lois 
anglo-saxonnes.  Elle  n'apparaît  en  Angleterre  qu'avec  le 
droit  normand,  à  la  suite  de  la  conquête.  Les  lois  de  Guil- 
laume le  Conquérant  n'imposent  pas  le  duel  aux  Anglais  à 
qui  il  est  toujours  loisible  de  se  disculper  par  les  ordalies. 
Mais  l'Anglais  peut  défier  le  Normand  en  duel  pour  vol, 
homicide  et  autre  crime  quelconque;  mais,  s'il  ne  le  fait 
pas,  le  Normand  se  purge  de  l'accusation  par  cojiirateurs. 
Les  ecclésiastiques,  les  femmes,  les  jeunes  gens,  les  vieil- 
lards, les  malades  ne  peuvent  être  contraints  de  recourir 
au  duel,  mais  ils  peuvent,  s'il  leur  convient,  se  faire  rem- 
placer par  des  champions.  Chez  les  Lombards,  la  théorie 
de  la  preuve  conserve  dans  les  lois  de  Rotharis  et  de  Gri- 
moald  son  caractère  germanique.  Mais  déjà  Tédit,  de  Luit- 
prand  favorise  la  preuve  documentaire  et  testimoniale.  En 
ce  qui  touche  le  droit  nordique,  les  renseignements  les 
plus  anciens  ne  nous  sont  fournis  que  par  la  littérature, 
les  sagas.  Le  duel  était  très  usité.  Mais  il  était  convention- 
nel ;  il  n'était  pas  ordonné  par  un  juge  ;  il  apparaît  comme 
le  résultat  d'une  convention  entre  les  parties,  sans  inter- 
vention de  l'autorité  publique.  Il  en  était  de  même  dans 
l'ancien  droit  irlandais.  Dans  la  législation  des  Capitulaires, 
le  jugement  de  Dieu,  spécialement  le  duel,  est  considéré 
comme  un  moyen  de  preuve  auquel  on  n'a  recours  qu'en 
l'absence  de  tout  autre,  ou,  encore,  pour  contrôler  les 
autres  preuves,  quand  les  divers  témoignages  ne  s'accor- 
dent pas  entre  eux. 

C'est  surtout  dans  la  période  coutumière,  du  x^  au 
xii^  siècle,  que  le  duel  judiciaire  fut  en  vigueur.  Il  était 
déféré  par  les  juges  dans  toute  espèce  de  causes,  au  civil 
et  au  criminel.  Ce  qui  a  particulièrement  favorisé  le 
développement  de  ce  mode  de  preuves,  c'a  été  l'ignorance 
des  lois.  Ainsi,  un  des  auteurs  des  Miracles  de  saint 
Benoît  rapporte  un  fait  curieux  qui  se  passa  au  ix^  siècle, 
au  temps  de  l'abbé  Boson,  entre  833  et  840.  Un  procès 
s'étant  élevé  entre  l'avoué  de  Saint-Benoît  et  celui  de 
Saint-Denis  au  sujet  de  la  possession  d'immeubles,  les 
parties  s'en  remirent  à  la  décision  de  maîtres  es  lois  et  de 
missi  royaux.  Un  premier  plaid  n'eut  pas  de  résultat  :  de 
tous  les  personnages  présents  (Jonas,  évêque  d'Orléans, 
était  du  nombre)  pas  un  ne  connaissait  suffisamment  la  loi 
romaine  qui  régissait  les  biens  d'église.  On  se  transporta  à 
Orléans  dans  l'espérance  d'y  rencontrer  des  juges  plus 
instruits  ;  il  n'en  fut  rien.  Un  duel,  voilà  le  seul  moyen  que 
les  docteurs  de  l'Orléanais  et  du  Gâtinais  trouvèrent  pour 
mettre  fin  au  différend.  Et  cela,  dit  le  chroniqueur,  parut 
juste  à  tous.  Les  écus  et  les  bâtons  étaient  prêts  quand  un 
légiste  du  Gâtinais  proposa  de  partager  les  biens  en  litige 
entre  les  deux  avoués.  L'assemblée  se  rallia  à  cette  opi- 
nion. Si,  au  ix^  siècle,  on  avait  aussi  facilement  recours  au 
duel,  ce  fut  bien  autre  chose  au  xi^  siècle.  Les  églises  à 
cette  époque  n'hésitaient  plus  à  trancher  leurs  débats  par 
un  combat  singulier.  Citons  quelques  exemples  de  procès  à 
propos  de  biens  d'église,  terminés  par  le  duel  :  en  1064, 
une  contestation  entre  les  moines  de  Saint-Serge  et  ceux 
de  Saint-Aubin  d'Angers;  vers  4078,  entre  l'abbaye  de 
Saint-Père  de  Chartres  et  les  héritiers  d'un  certain  Robert; 
en  4098,  entre  Fabbaye  de  Marmoutiers  d'une  part,  et 
celles  de  Sainte -Croix  de  Talmont  et  de  Sainte -Marie 
d'Angles,  d'autre  part.  On  pourrait  aligner  les  exemples  à 
l'infini.  Les  seigneurs  ecclésiastiques  ne  durent  pas  seule- 
ment admettre  le  duel  pour  la  défense  de  leurs  droits  dans 
les  procès  débattus  en  cour  séculière,  mais  ils  furent  obli- 
gés de  recevoir  les  gages  de  bataille  dans  leurs  propres 
cours.  L'évèque  de  Paris  tenait  encore  réguhèrement  le 
duel  dans  sa  cour  temporelle  au  xiii^  siècle.  Dans  un  accord 
de  1222,  entre  l'évèque  de  Paris  et  le  roi,  pour  les  droits 
de  justice  dans  le  bourg  de  Saint-Germain  l'Auxerrois,  la 
connaissance  du  meurtre  ou  du  rapt  dans  la  terre  de 


l'évèque  est  attribué  au  roi,  mais  la  preuve  du  fait  devait 
se  faire  par  le  duel  devant  la  cour  de  l'évèque.  Bien 
entendu,  il  ne  s'agit  pas  ici  des  tribunaux  ecclésiastiques 
proprement  dits,  ni  des  procès  en  matière  ecclésiastique, 
mais  seulement  des  justices  sécuhères  des  églises.  Car  la 
procédure  canonique  n'admettait  pas  le  duel. 

Nous  parlerons  plus  loin  des  efforts  de  l'Eglise  et  de 
divers  souverains  pour  mettre  fin  à  un  usage  aussi  bar- 
bare. Auparavant,  il  convient  de  dire  quelques  mots  de  la 
procédure  du  duel  en  droit  coutumier.  Quand,  dans  un 
procès,  l'appelant  ou  celui  qui  accusait  avait  fait  sa  plainte 
et  avait  ofïert  le   duel,  si  l'appelé  ou  l'accusé  niait  le 
crime  et  acceptait  l'offre,  le  juge  ordonnait  le  duel  ;  cha- 
cun jetait  par  terre  un  gantelet  que  l'autre  relevait.  Dans 
l'action  de  meurtre,  le  demandeur,  d'après  V Abrégé  du  livre 
des  Assises  de  la  Cour  des  bourgeois,  devait  présenter 
le  cadavre  à  la  cour;   puis,  si  l'adversaire  niait  le  fait 
dont  il  était  accusé,  le  demandeur  offrait  le  combat  en  ces 
termes  :  «  Je  suis  prest  et  apareillié  de  mostrer  li  de  mon 
cors  contre  le  sien  et  de  rendre  le  mort  ou  récréant  en 
une  heure  dou  jour.  »  Venait  ensuite  la  remise  du  gage  : 
«  Yessi  mon  gage.  »  Si  le  demandeur  ne  faisait  pas   sa 
plainte  suivant  les  formules  voulues,  son  action  était  nulle 
et  il  payait  une  amende.  Citons  encore  la  formule  d'accu- 
sation des  Coutumes  de  Beauvaisis,  rapportée  par  Beau- 
manoir.  L'accusation  s'adressait  au  juge  :  «  Sire,  je  di  sur 
tel  (et  le  doit  nommer)  que  il  mauvesement  et  en  trahison 
a  murdri  tele  persone  (et  doit  nommer  le  mort)  qui  mes 
parens  étoit  ;  et  par  son  trait  et  son  fait  et  par  son  pour- 
chas,  se  il  le  reconnoit,  je  vous  requiers  que  vous  en 
faciez  comme  de  murdrier.  Se  il  le  nie  je  le  vueil  prouver 
de  mon  corps  contre  le  sien  ou  par  homme  qui  fere  le 
puist,  et  doie  pour  moi,  comme  chil  qui  ai  essoine,  lequel 
je  montreray  bien  en  temps  et  lieu.  —  Et  se  il  appelloit 
sans  retenir  avoué,  ilconvenroit  que  il  se  battist,  en  sa  per- 
sonne et  ne  pourroit  plus  avoir  avoué  ou  champion.  »  Le 
défendeur  ne  devait  pas  se  retirer  avant  d'avoir  répondu  à 
l'appel,  c.-à-d.  avant  d'avoir  nié  ou  avoué  le  crime,  ou 
avoir  proposé  les  raisons  pour  lesquelles  il  n'y  avait  lieu 
ni  à  l'appel  ni  au  gage  de  bataille.  L'appel  pouvait  encore 
être  dirigé  soit  contre  le  jugement,  soit  contre  le  serment 
de  la  partie  adverse  ou  de  ses  témoins.  Les  formalités  de 
l'appel  du  serment  de  bataille  devant  la  haute  cour  de  Jéru- 
salem ont  été  indiquées  par  Jean  d'Ibelin.  Le  demandeur 
agenouillé  sur  les  évangiles  certifie  l'exactitude  du  fait  qu'il 
invoque.  Après  qu'il  a]uré,  mais  avant  qu'il  se  relève,  le 
défendeur  doit  le  saisir  par  la  main  ou  par  le  bras  et  dire  : 
«  Ge  t'en  liève  comme  faus  et  parjur.  »  Si  le  défendeur 
laisse  à  son  adversaire  le  temps  de  se  relever,  il  est  déchu. 
La  Coustume  anchiene  des  wages  de  bataille  d'Amiens 
décrit  la  façon  dont  doit  se  faire  l'appel  du  serment  des 
témoins.  Aussitôt  que  le  témoin  agenouillé  s'apprête  à 
jurer  sur  les  saints,  le  défendeur  doit  le  saisir  par  la 
main,  le  lever  et  dire  qu'il  est  un  faux  témoin,  car  jamais 
et  nulle  part  on  n'a  vu  ni  ouï  qu'il  ait  fait  ce  que  ce 
témoin  déclare.  Là-dessus  il  remet  son  gage  de  bataille  entre 
les  mains  du  prévôt;  il  offre  de  prouver  son  dire  soit  par 
son  propre  corps,  soit  par  un  tiers.  D'après  les  anciennes 
Constitutions  du  Châtelet,  l'appelant  doit  saisir  le  témoin 
par  le  pan  de  son  vêtement  et  dire  :  «  Je  liève  cestui  corne  faus 
tesmoins  et  desloial  »  ;  ensuite  vient  l'offre  du  combat. 
Dans  certaines  coutumes,  les  parties,  en  outre  des  gages, 
établissaient  des   cautions.  Se  mettre  en   faux  gage, 
c'était  engager  le  duel  avant  que  les  serments  d'usage 
n'eussent  été  faits  devant  le  juge.  Une  fois  les  gages 
échangés  l'accord  ne  pouvait  plus  avoir  lieu  entre  les  par- 
ties qu'avec  le  consentement  du  seigneur,  et  dans  ce  cas 
une  amende  était  payée  au  seigneur  par  chacune  des  par- 
ties. L'art.  14  des  Coutumes  de  Lorris  (1155)  porte  : 
«  Si  les  hommes  de  Lorris  ont  donné  follement  des  gages 
de  duel  et  qu'avec  l'assentiment  du  prévôt  ils  se  soient 
accordés  avant  de  donner  des  cautions,  chaque    partie 
payera  deux  sous  et  six  deniers  ;  et  si  les  cautions  ont  été 


3  — 


DUEL 


constituées  chacun  payera  sept  sous  et  six  deniers.  »  L'im- 
position de  ces  amendes  n'était  pas  en  elle-même  de 
nature  à  diminuer  le  nombre  des  provocations;  les  parties 
hésitaient  moins  à  s'engager  dans  la  procédure  du  duel, 
du  moment  qu'elles  savaient  n'être  pas  forcées  de  la  suivre 
jusqu'au  bout,  jusqu'au  champ  clos.  D'autî^e  part,  comme 
à  deux  moments  de  la  procédure  on  pouvait  l'interrompre 
et  conclure  un  accord,  il  est  certain  que  les  duels  hvrés 
ont  dû  devenir  de  plus  en  plus  rares.  Au  xiii^  siècle,  le 
duel  pouvait  même  être  arrêté  après  les  premiers  coups 
échangés,  qu'on  appelait  les  coups  le  roi.  Enfin,  il  semble 
que,  d'après  certaines  coutumes,  un  accord  pouvait  être 
conclu  même  après  le  duel  terminé.  Ce  qui  ne  laisserait 
pas  que  d'être  fort  étonnant  si  l'on  ne  se  souvenait  qu'au 
moyen  âge  la  sentence  doit  être  consentie  et  approuvée  par 
le  condamné.  La  coutume  d'Anjou  mentionne  la  paix  de 
chose  jugée;  h  jugement  rendu  sert  de  base  à  la  transac- 
tion. Beaumanoir  prévoit  le  cas  où  la  paix  est  conclue 
après  la  défaite  de  l'une  des  parties.  En  Beauvaisis,  le 
consentement  du  seigneur  direct  ne  suffisait  plus,  dans  ce 
cas,  pour  la  conclusion  de  cet  accord;  celui  du  comte  de 
Clermont,  seigneur  haut  justicier,  devenait  nécessaire. 

Les  hommes  Hbres  et  les  nobles,  seuls,  étaient  admis  à 
se  justifier  d'une  accusation  par  le  duel  ou  à  provoquer 
leur  adversaire.  Le  roi  Louis  VI  en  4408  accorda  aux 
serfs  de  Notre-Dame  de  Paris  le  privilège  de  se  battre 
contre  des  hommes  libres  en  même  temps  que  le  droit  de 
témoigner  contre  eux  en  justice.   Les  serfs  de  Sainte- 
Geneviève,  en  4409,  de  Saint-Martin  des  Champs,  en  4444, 
de  Saint-Maur,  en  4418,  et  de  Notre-Dame  de  Chartres  en 
4428,  obtinrent  le    même  privilège.  Les  vieillards,  les 
malades,  les  femmes,  les  enfants,  les  clercs  et  tous  ceux 
qui  le  voulaient  ne  combattaient  pas  personnellement,  mais 
se  faisaient  remplacer  par  des  champions.  Les  armes  des 
roturiers  et  des  champions  étaient  l'écu  et  le  bâton.  Les 
chevaliers  se  présentaient  au  champ  clos,  à  cheval,  armés 
de  pied  en  cap.  Lorsqu'un  roturier  appelait  un  noble  en 
duel,  le  noble  combattait  à  cheval,  avec  son  épée  et  sa 
lance,  et  le  roturier  à  pied  et  avec  son  bâton.  Si  au  con- 
traire un  noble  appelait  un  roturier,  il  était  obligé  de 
combattre  à  pied  et  avec  la  même  arme  que  le  roturier.  Si 
un  noble  ayant  appelé  un  roturier  se  présentait  a  cheval, 
avec  ses  armes  de  gentilhomme,  et  le  roturier  venait  à 
pied,  le  gentilhomme  perdait  ses  armes  et  devait  dès  lors 
combattre  en  chemise,  sans  armure,  sans  écu,  sans  bâton. 
Le  vaincu,  dans  les  affaires  criminelles,  subissait  la 
peine  que  méritait  son  crime;  s'il  était  tué  dans  le  duel 
et  qu'il  eût  mérité  la  mort,  son  cadavre  était  pendu.  Au 
civil,  le  vaincu  perdait  son  procès  et  payait  une  amende  à 
la  justice.  Elle  était  de  soixante  livres  pour  les  nobles,  de 
soixante  sous  pour  les  roturiers.  Cependant  les  coutumes 
de  Beaumont-sur-Oise,  en  4222,  fixent  à  soixante-sept 
sous  et  demi  l'amende  à  payer  pour  le  vaincu  ;  la  charte 
de  commune  de  Dijon,  en  4483,  le  fixe  à  soixante-cinq 
sous.  Dans  certaines  coutumes,  par  exemple  à  Lorris,  les 
cautions  du  vaincu  étaient,  elles  aussi,  frappées    d'une 
amende.  Une  étroite  soliçlarité  unissait  les  pièges  à  celui 
pour  qui  ils  se  portaient  garants.  Dans  la   Chanson  de 
Roland,  les  otages  de  Pinabel,  vaincu  par  Thierry,  subis- 
sent la  même  peine  que  lui.  De  même,  dans  Huon   de 
Bordeaux,  l'abbé  de  Cluny  n'hésite  pas  à  se  porter  caution 
pour  Huon  bien  qu'il  sache  qu'il  doive  être  pendu  si  Huon 
est  vaincu. 

Voici  quelle  était  la  procédure  des  gages  et  les  cérémo- 
nies du  duel  judiciaire  entre  nobles  d'après  le  formulaire 
qui  accompagne  une  célèbre  ordonnance  rendue  par  Phi- 
lippe le  Bel  en  1306  et  dont  nous  indiquerons  plus  loin  la 
portée.  En  gage  de  bataille,  tout  homme  qui  se  prétendait 
innocent  devait  se  rendre  devant  la  justice  sans  ajournement  ; 
on  devait  lui  donner  toutefois  un  délai  suffisant  pour  qu'il 
pût  avoir  ses  amis.  L'appelant  ne  devait  pas  se  contenter, 
dans  son  accusation,  de  termes  généraux,  mais  «  luy  con- 
vient dire  le  lieu  où  le  maléfice  a  esté  fait,  le  temps  et  le 


jour  que  sera  mort  la  personne  ou  que  la  trahison  aura  esté 
faite  ;  toutes  voyes  en  telle  condition  pourroit  estre  l'in- 
formation du  maléfice,   qu'il  ne  seroit  jà  besoin  de  dire 
l'heure  ne  le  jour  qui  pourroit  estre  occult  de  sçavoir  ». 
Si  l'une  des  parties  se  retirait  de  la  cour  après  les  gages 
jetés  et  reçus,  sans  le  congé  du  juge,  elle  était  tenue'pour 
convaincue.  <<  Et  pource  que  il  est  de  coutume  que  l'appel- 
lant  et  le  deffendant  entrent  au  champ,  portans  avec  eux 
toutes  leurs  armes,  desquelles  ils  entendent  offendre  l'un 
l'autre,  et  eux  deffendre,  partans  de  leurs  hostels  à  che- 
val, eux  et  leurs  chevaux  houssez  et  teniclez,  avec  pare- 
mens  de  leurs  armes,  les  visières  baissées,  les  escus  au 
col,  les  glaives  au  poing,  les  épées  et  dagues  chaintes,  et 
en  tous  estats  et  manières  qu'ils  entendront  eux  combattre, 
soit  à  pied  ou  à  cheval  ;  car  se  ils  faisoient  porter  leurs 
dites  armes  par  aucuns  autres  et  portassent  leurs  visières 
levées,  sans  nostre  congié  ou  de  leur  juge,  ce  leur  porte- 
roit  telle  préjudice  qu'ils  seroient  contraints  de  combattre 
en  tel  estât  qu'ils  seroient  entrez  au  champ,  selon  la  cous- 
tume  de  présent  et  du  droit  d'armes.  »  Philippe  le  Bel 
apporta  un  tempérament  à  cette  coutume  et  permit  aux 
combattants  de  faire  porter  leurs  écus,  glaives  et  autres 
armures,  et  d'arriver  dans  le  champ  la  visière  levée.  Avant 
d'engager  le  combat  :  «  Premièrement,  le  roy  d'armes  ou 
hérault  doit  venir  à  cheval  à  la  porte  des  lices  et  là  doict 
une  fois-  crier  que  l'appellant  viegne  ;  secondement,  une 
autre  fois  crier  que  l'appelle  viegne,  quant  l'appellant  et 
l'appelle  ou  deffendant  seront  entrez  et  auront  fait  au  juge 
leurs  protestations  et  seront  descendus  en  leurs  pavillons. 
Et  tiercement,  quand  ils  seront  retournez  de  faire  leurs 
derniers  serements,  les  rois  et  hérauts  d'armes  parla  ma- 
nière qui  s'ensuit,  crieront  à  haute  voix  :  Or,  oez,  or  oez, 
seigneurs,  chevaliers,  escuyers  et  toutes  manières  de  gens 
que  nostre  souverain  seigneur,  par  la  grâce  de  Dieu  roy 
de  France,  vous  commande  et  defïend,  sur  peine  de  perdre 
corps  et  avoir,  que  nul  ne  soit  armé,  ne  porte  espées  ne 
autres  harnois  quelconques,  se  ce  ne  sont  les  gardes  du 
champ  et  ceux  qui  de  par  ledit  roy,  nostre  sire,  en  auront 
congié.  Ainçois  le  roy,  nostre  souverain  seigneur,  vous 
défend  et  comande  que  nul  de  quelconque  condition  qu'il 
soit,  durant  la  bataille,  ne  soit  à  cheval,  et  ce  aux  gentils- 
hommes, sur  peine  de  perdre  le  cheval  et  aux  serviteurs  et 
roturiers,  sur  peine  de  perdre  l'oreille.  Et  ceux  qui  con- 
voyeront  les  combatans,  eux  descendus  devant  la  porte  du 
camp,  seront  tenus  de  incontinent  renvoyer  leurs  chevaux 
sur  la  peine  qui  dit  est  ;  ainçois  le  roi,  nostre  sire,  vous 
commande  et  deffend  que  nulle  personne,  de  quelconque 
condition  qu'il  soit,  ne  entre  au  champ,  sinon  ceux  qui 
seront  députez,  ne  ne  soient  sur  les  lices,  sur  peine  de 
perdre  corps  et  biens  ;  ainçois  le  roy,  nostre  sire,  com- 
mande et  deffend  à  toutes  personnes,  de  quelques  condi- 
tions qu'ils  soient,  qu'ils  se  assient  sur  banc  ou  sur  terre, 
afin  que  chacun  puisse  voir  les  parties  combatre,  et  ce  sur 
peine  du  poing.  Ainçois,  le  roy,  nostre  sire,  vous  com- 
mande et  défend  que  nul  ne  parle,  ne  signe,  ne  tousse,  ne 
crache,  ne  crie,  ne  fasse  aucun  semblant  quel  qu'il  soit, 
sur  peine  de  perdre  corps  et  avoir.  »  Les  requêtes  et  pro- 
testations auxquelles  il  a  été  fait  plus  haut  allusion  con- 
sistaient dans  un   renouvellement   de  provocation    de   la 
part  de  l'appelant.  De  plus,  celui-ci  devait  protester  si 
son  ennemi  portait  des  armes  non  autorisées  par  la  cou- 
tume de  France  et  exiger  qu'elles  lui  fussent  ôtées  sans 
qu'il  pût  en  avoir  d'autres.  Il  devait,  en  outre,  demander 
de  porter  avec  lui  la  nourriture  qui  lui  était  nécessaire  et 
enfin  qu'on  lui  accordât  pour  combattre  l'espace  de  tout  un 
jour,  de  façon  que  s'il  n'avait  déconfit  son  adversaire  avant 
le  soleil  couché,  on  devait  lui  rendre  le  lendemain  le  temps 
passé  dans   les  diverses   cérémonies  préliminaires.   Ces 
diverses  requêtes  et  protestations  étaient  adressées  soit  au 
connétable  commis  par  le  roi  et  aux  maréchaux,  soit  au 
maréchal  du  champ  ;  elles  pouvaient  être  faites  non  par  le 
champion,  mais  par  son  avocat,  à  sa  place.  L'ordonnance 
décrit  la  façon  dont  doit  être  entouré  le  champ,  son  étendue, 


DUEL 


—  4 


la  place  de  l'échafaud  où  siégeait  le  juge.  Les  parties 
faisaient,  avant  de  combattre,  serment  sur  le  crucifix, 
Tune  qu'elle  avait  bon  droit,  l'autre  qu'elle  était  fausse- 
ment accusée.  Enfin,  tout  le  monde  faisant  silence,  le 
héraut  s'avançait  au  milieu  des  lices  et  criait  par  trois  fois  : 
«  Faites  vos  devoirs.  »  Les  pavillons  des  combattants  étaient 
jetés  par-dessus  la  lice.  «  Et  quand  tout  sera  en  point,  lors 
le  mareschal  partant,  en  criant  par  trois  fois  :  Laissez-les 
aller.  Et  ces  paroles  dites,  jette  le  gant  et  alors  qui  veut 
se  monte  prestement  à  cheval  et  qui  ne  veut  en  gaige  de 
querelle  soit  à  son  bon  plaisir.  Alors,  les  conseillers,  sans 
plus  attendre,  s'en  partent  et  laissent  là  à  chacun  sa  bou- 
teillette  pleine  de  vin  et  un  pain,  lié  en  une  touaillette,  et 
fasse  chacun  le  mieux  qu'il  pourra.  » 

Le  gage  de  bataille  était  dit  oultré  quand  l'une  des 
parties  confessait  sa  faute  ou  quand  l'un  des  combattants 
mettait  l'autre  hors  des  lices  vif  ou  mort  ;  le  corps  était 
livré  au  maréchal  pour  qu'il  en  fût  fait  justice  suivant  le 
bon  plaisir  du  roi.  Le  formulaire  que  nous  venons  d'ana- 
lyser se  termine  par  une  exhortation  du  roi  à  ses  sujets  de 
ne  pas  s'engager  à  la  légère  dans  la  procédure  du  gage  de 
bataille  :  «  Or,  faisons  à  Dieu  prière  qu'il  garde  le  droit 
à  qui  l'ha  et  que  chacun  bon  chrestien  se  garde  d'enchérir 
en  tel  péril,  car  entre  tous  les  périls  qui  sont,  c'est  celuy 
que  l'on  doit  plus  craindre  et  redouter,  dont  maint  noble 
s'en  est  trouvé  deceu,  ayant  bon  droit  ou  non,  par  trop  se 
confier  en  leurs  engins  et  en  leurs  forces,  ou  aveuglez  par 
ire  et  outrecuidance,  et  aucunes  fois  par  la  honte  du  monde, 
donnent  ou  refusent  paix  ou  convenables  parties,  dont 
maintefois  ont  depuis  porté  de  vieux  péchez,  nouvelles 
pénitences,  en  méprisant  et  nonchalant  le  jugement  de 
Dieu.  Mais  qui  se  plaint  et  justice  ne  trouve,  la  doit-il  de 
Dieu  requérir.  Que  si  pour  intérest  sans  orgueil  et  mal 
talent,  ains  seulement  pour  son  bon  droit,  il  requierre 
bataille,  jà  ne  doit  redouter  engin  ne  force,  car  Dieu  nostre 
seigneur  Jésus-Christ  le  vray  juge  sera  pour  lui.  » 

Jetons  maintenant  un  coup  d'œil  sur  les  attaques  dont 
le  duel  judiciaire  a  été  l'objet  au  moyen  âge.  Tout  d'abord, 
l'Eglise  ne  sembla  pas  le  désapprouver,  car  saint  Augustin, 
dans  une  lettre  à  Boniface,  exprime  l'opinion  que  la  guerre 
est  un  jugement  de  Dieu  :  «  Pendant  le  combat.  Dieu 
attend,  les  cieux  ouverts,  et  il  défend  la  partie  qu'il 
voit  avoir  raison.  »  Quant  aux  remontrances  que  saint 
Avit,  si  nous  en  croyons  Agobard,  fit  à  Gondebaud,  qui 
avait  introduit  l'usage  du  duel  judiciaire  dans  ses  Etats, 
c'est  là  sans  doute  une  légende.  Car,  comme  nous  voyons, 
pendant  la  période  barbare,  plusieurs  conciles  avoir  recours 
aux  ordalies,  l'on  ne  voit  pas  pourquoi  l'Eglise  aurait  dé- 
sapprouvé le  duel  qu'elle  considère  comme  un  jugement  de 
Dieu.  Au  ix*^  siècle,  tout  un  parti  se  forma  dans  l'Eglise 
contre  l'usage  des  ordalies  et  spécialement  du  duel.  L'un 
des  écrivains  qui  ont  combattu  ce  moyen  de  preuve  est  le 
célèbre  Agobard.  Le  concile  de  Valence,  en  8o5,  condamna 
le  duel  et  prescrivit  de  considérer  comme  un  suicidé  l'homme 
qui  avait  péri  dans  un  combat  singulier,  et  comme  un 
assassin  celui  qui  l'avait  tué.  Les  décisions  de  ce  concile 
ne  furent  pas  approuvées  par  l'empereur  et  restèrent  lettre 
morte.  Le  pape  Nicolas  V  se  prononça  contre  le  duel 
judiciaire,  mais  dans  un  cas  particulier.  Le  roi  Lothaire, 
qui  voulait  divorcer  avec  Theutberge  et  qui  avait  déjà  été 
condamné  à  garder  sa  femme,  prétendait  prouver  par  le 
duel,  au  moyen  de  champions,  que  Theutberge  n'était  pas 
sa  femme  légitime  et  qu'elle  était  coupable  d'adultère.  Le 
pape  ne  se  prononça  pas  nettement  ni  d'une  façon  générale 
contre  le  duel,  mais  il  répondit  d'abord  que  la  cause  était 
jugée,  puis  que,  s'il  était  vrai  que  le  duel  n'avait  été  défendu 
par  aucune  loi  ecclésiastique,  et  que  même  l'histoire  sacrée 
fournissait  un  exemple  de  combat  singulier,  d'autre  part 
aucune  loi  n'en  prescrivait  l'emploi  comme  moyen  de  preuve, 
qu'y  recourir  c'était  tenter  Dieu.  Mais  c'est  seulement  au 
xii^  siècle  que  les  papes  se  prononcèrent  avec  énergie  et  en 
toutes  occasions  contre  le  duel  judiciaire.  Ainsi,  en  4140, 
Innocent  II  désapprouve  ce  mode  de  preuve.  En  d456, 


Adrien   IV    écrit   à   Ardouin,    abbé  de   Saint -Germain 
d'Auxerre,  pour  lui  interdire  d'avoir  recours  au  duel  dans 
les  procès  relatifs  aux  biens  de  son  abbaye  et  déclare  nulles 
les  prétentions  de  ceux  qui  ne  pourraient  prouver  leur 
droit  contre  le  monastère  autrement  que  par  le  duel.  Ives 
de  Chartres  n'admettait  jamais  le  duel  dans  les  causes  ecclé- 
siastiques, et  dans  les  autres  procès  il  voulait  qu'on  n'y 
eût  recours  qu'en  l'absence  de  tout  autre  moyen  de  con- 
naître la  vérité.  Au  xin«  siècle,  un  synode  de  Paris  (4242 
ou  4243)  décida  que  les  duels  ne  devaient  avoir  lieu  ni 
dans  les  cimetières,  ni  en  présence  des  évèques,  prescrip- 
tion renouvelée  deux  ans  après  au  concile  de  Rouen.  Le 
quatrième  concile  de  Latran  rappela  toutes  les  prohibitions 
promulguées  antérieurement.  D'autres  conciles  des  xiv^  et 
xv^  siècles  se  prononcèrent  contre  le  duel  jusqu'à  ce  qu'enfin 
le  concile  de  Trente  le  condamnât  absolument.  Dès  le 
xi^  siècle,  les  habitants  de  certaines  villes  obtinrent  de 
leurs  seigneurs  le  droit  de  se  soustraire  à  toute  provoca- 
tion en  duel  devant  les   tribunaux  et  le  privilège  de  se 
purger  des  accusations  dont  ils  étaient  l'objet   par  leur 
propre  serment  et  celui  des  cojurateurs  ;  ainsi  la  commune 
de  Gênes  en  40S6,  celle  d'Ypres  en  4446,  celle  de  Saint- 
Omer  en  4427.  En  Angleterre,  l'institution  du  jury  et  la 
procédure  d'enquête  portèrent  atteinte,    dès   la   fin  du 
xii^  siècle,  à  la  procédure  des  gages  de  bataille  ;  elle  n'était 
plus  en  usage  au  xiii^  siècle  que  dans  les  actions  de  félonie 
et  de  meurtre.  Le  duel  resta  toutefois  inscrit  dans  les  lois 
anglaises  pour  les  actions  de  meurtre  jusqu'en  4820  ;  il  fut 
aboli  à  la  suite  d'un  procès  dans  lequel  le  frère  de  la  vic- 
time appela  en  duel  l'assassin  présumé  (nov.  4848).  En  Ita- 
lie, Frédéric  II  fimita  le  cas  oii  l'on  pourrait  avoir  recours  au 
duel .  Voici  comment  il  s'exprimait  à  ce  sujet  dans  les  Coîisti- 
tutions  de  Sicile  (l.  II,  tit.  XXXIII  ;  Huillard-Bréholles, 
Histor,  diplom.  Friderici  II,  t.  IV,  p.  405,  4'«  part.)  : 
«  Nous  ne  voulons  pas  que  le  duel  ait  lieu  entre  nos  sujets, 
sauf  en  quelques  cas  peu  nombreux  ;  ce  n'est  pas  tant  une 
preuve  en  effet  qu'une  divination  ;  le  duel  est  contre  nature, 
déroge  au  droit  commun,  est  en  désaccord  avec  la  raison 
et  l'équité.  A  peine  pourrait-on  trouver  deux  champions 
d'égale  force...  Nous  excluons  du  bénéfice  de  cette  consti- 
tution les  homicides  qui  ont  tué  à  l'aide  du  poison  ou  par 
quelque  autre  genre  de  mort  furtif  ;  toutefois,  ne  devra-t-on, 
même  dans  ce  cas,  avoir  recours  au  duel  qu'après  avoir 
épuisé  les  moyens  de  preuve  ordinaires...  Nous  exceptons 
aussi  le  crime  de  lèse-majesté  pour  lequel  nous  conservons 
l'usage  du  combat.  Il  n'est  pas  étonnant  que  nous  soumet- 
tions à  l'épreuve  du  combat  les  coupables  du  crime  de  lèse- 
majesté,  les  meurtriers  et  les  empoisonneurs,  car  nous 
voulons  les  eff'rayer  plutôt  que  les  juger  ;  ce  n'est  pas  que 
nous  estimions  juste  pour  eux  ce  que  nous  jugeons  injuste 
pour  les  autres,  mais  en  soumettant  les  homicides,  qui 
n'ont  pas  craint  de  dresser  des  embûches  contre  la  vie 
humaine,  à  un  moyen  de  preuve  terrible,  à  la  vue  de  tous, 
nous  pensons  les  châtier  en  même  temps  que  donner  un 
exemple  aux  autres.  Nous  les  mettons  en  dehors  des  limites 
de  la  modération,  ces  hommes  qui  ne  craignent  pas  de  com- 
ploter contre  notre   sécurité  qui  est  celle  de  tous  nos 
sujets.  » 

En  France,  saint  Louis  chercha  à  faire  prévaloir  dans 
les  querelles  de  meubles  et  d'héritages,  c.-à-d.  en  matière 
civile,  une  procédure  d'où  les  gages  de  bataille  étaient 
exclus  et  dont  la  base  était  l'enquête  du  droit  canonique. 
L'ordonnance  qui  consacrait  cette  réforme,  promulguée 
antérieurement  à  4258  et  probablement  en  4254,  ne  nous 
est  pas  parvenue  ;  elle  était  analogue  à  l'ordonnance  sur 
la  procédure  au  Châtelet.  Par  une  autre  ordonnance,  dont 
une  traduction  française  nous  a  été  conservée  dans  le 
registre  de  la  chambre  des  comptes,  appelé  Livre  de  Saint- 
Just,  saint  Louis  abolit  aussi  le  duel  dans  les  procès  cri- 
minels et  lui  substitua  la  preuve  par  témoins.  «  Au  point 
donc  la  bataille  souloit  venir,  cil  qui  preuvast  par  la  ba- 
taille, se  bataille  fut,  preuvera  par  tesmoins,  et  la  justice 
fera  venir  les  tesmoins  as  cousis  de  celuy  qui  les  requiert, 


se  ils  sont  dessous  son  pouvoir.  »  Les  tcmoins  produits 
par  une  partie  pouvaient  être  récusés  par  la  partie  adverse 
sans  que  celle-ci  eût  à  les  provoquer  en  duel.  Cette  ordon- 
nance, attribuée  généralement  à  l'année  d260,  a  été  rendue 
en  réalité  entre  le  4i  nov.  1257  et  le  13  oct.  4258.  Mais 
elle  fut  mal  observée,  même  dans  les  tribunaux  royaux,  et 
un  grand  nombre  de  seigneurs  n'en  tinrent  aucun  compte. 
Philippe  le  Bel  renouvela  à  deux  reprises  les  défenses  de 
son  aïeul;  mais  beaucoup  de  malfaiteurs,  qu'on  ne  pouvait 
convaincre  par  témoins,  demeurant  impunis,  il  ordonna  en 
1306  que  «  là  où  il  aperra  évidemment  homicide,  trahison 
ou  autres  griefs,  violences  ou  maléfices,  excepté  larrecin, 
par  quoy  peine  de  mort  s'en  deust  ensuivir  »,  si  l'accusé 
ne  pouvait  être  convaincu  par  témoins,  il  serait  provoqué 
en  duel.  Un  règlement,  dont  nous  avons  plus  haut  indiqué 
les  principales  dispositions,  fixa  les  cérémonies  et  forma- 
lités du  combat  à  outrance.  Non  seulement  le  duel  ne  trou- 
vait plus  place  que  dans  la  procédure  criminelle,  mais 
encore  les  juges  ordinaires  ne  pouvaient  le  déférer;  le  roi 
seul,  en  son  grand  conseil,  ou  le  Parlement  pouvaient 
l'ordonner.  Au  milieu  du  xvi®  siècle,   Etienne   Pasquier 
écrit  que  le  roi  seul  peut  décerner  les  combats  et  seulement 
entre  gentilshommes  «  lesquels  font  profession  expresse  de 
l'honneur.  Car  il  n'est  plus  question  de  crime,  ains  seule- 
ment de  se  garantir  d'un  desnientir  quand  il  est  baillé.  En 
quoy  les  affaires  se  sont  tournées  de  telle  façon  qu'au  lieu 
où  les  anciens  accusans  quelqu'un,  le  deff'endeur  estoit 
tenu  de  proposer  les  delfenses  par  un  desmentir,  ny  pour 
cela  il  ne  perdoit  pas  sa  qualité  de  deff'endeur.  Au  con- 
traire, si  j'impute  aujourd'huy  quelque  cas  à  un  homme  et 
qu'il  me  desmente,  je  demeure  deslors  l'off'ensé  et  faut  que 
pour  purger  ce  desmentir,  je  demande  le  combat.  Telle- 
ment que  mon  ennemy  n'est  plus  fondé  que  sur  la  deff'en- 
sive,  ayant  un  grand  avantage  sur  moy,  parce  que  pour 
jouer  le  personnage  de  deff'endeur,  il  a  le  choix  des  armes 
et  moy  seulement  du  champ  de  bataille  et  se  peut  aguerrir 
souz  main  à  telles  armes  qu'il  lui  plaist,  dont  il  me  salue 
à  l'impourveu  le  jour  du  combat,  qui  n'est  pas  un  petit 
avantage  pour  lui,  et  ainsi  le  veismes  nous  pratiquer  en 
l'an  4547  au  combat  de  Jarnac  et  la  Chastigneraye,  au  parc 
de  Saint-Germain-en-Laye,  devant  le  roy  Henry  deuxiesme. 
Cela  est  cause  que  combien  que  les  advocats  ne  soient  plus 
appeliez  en  telles  matières,  si  est-ce  que  tous  ces  messieurs 
qui  traittent  les  armes  apportent  une  infinité  de  sophisti- 
queries,  pour  faire  tomber  le  desmentir  sur  leur  ennemy, 
afin,  s'il  est  possible,  que  le  choix  des  armes  demeure  par 
devers  eux.  »  M.  Prou. 

III.  Temps  modernes.  —  Le  xvi«  siècle  marque  une 
étape  importante  dans  l'histoire  du   duel.  Aux  combats 
singuliers  du  moyen  âge,  où  les  adversaires  bardés  de  fer 
s'attaquent  plutôt  à  coups  de  massue  qu'à  l'arme  blanche, 
frappant  d'estoc  et  de  taille  et,  avant  d'atteindre  l'homme, 
ayant  à  transpercer  une  cuirasse,  va  succéder  le  duel  tel 
qu'il  se  pratique  encore  aujourd'hui,  celui  de  combattants 
qui  exposent  leur  poitrine  nue  ou  à  peu  près,  en  face  d'une 
épée  et  n'ont,  pour  défendre  leur  existence,  d'autre  res- 
source que  leur  habileté  à  tirer  et  à  parer.  Une  évolution 
non  moins  digne  de  remarque  est  celle  de  l'Eglise  qui  répudie 
désormais  la  pratique  du  duel,  la  flétrit  et,  après  avoir  admis 
qu'il  n'était  pas  de  meilleur  moyen  d'obtenir  le  jugement  de 
Dieu,  promet  les  peines  éternelles  à  ceux  qui  l'emploieront. 
La  déclaration  du  concile  de  Trente  (4545)  est  assez  expli- 
cite à  cet  é^ard  :   «  L'usage  détestable  des  duels,  qui  a 
esté  introduit  par  l'artifice  du  Démon  pour  perdre  les  âmes 
après  avoir  donné  cruellement  la  mort  au  corps,  doit  estre 
entièrement  aboli  parmi  les  Chrétiens...  Nous  excommu- 
nions dès  à  présent,  et  sans  autre  forme  de  procès,  tous 
empereurs,  tous  rois,  ducs,  princes,  marquis,  comtes  et 
autres  seigneurs  temporels,  à  quelque  titre  que  ce  soit,  qui 
auront  assigné  et  accordé  quelque  lieu  pour  le  duel  entre 
les  Chrétiens...  Pour  ceux  qui  se   seront  battus,  et  les 
autres,  vulgairement  nommez  leurs  parrains,  nous  voulons 
qu'ils  encourent  la  peine  de  l'excommunication  et  de  la 


—  DUEL 

proscription  de  tous  leurs  biens  et  passent  désormais  pour 
gens  infâmes  et  soient  traitez  avec  la  même  sévérité  que 
les  sacrez  Canons  traitent  les  homicides;  et  s'il  arrive 
qu'ils  soient  tuez  dans  le  combat,  ils  seront  pour  jamais 
privez  de  la  sépulture  en  terre  sainte.  Nous  ordonnons,  en 
outre,  que  non  seulement  ceux  qui  auront  approuvé  ou 
donné  conseil  de  se  battre  ou  qui  y  auront  induit  et  porté 
quelqu'un,  en  quelque  manière  que  ce  soit,  mais  encore  ceux 
qui  y  auront  assisté  en  qualité  de  spectateurs,  soient  ex- 
communiez, frappez  d'anathème  perpétuel,  sans  avoir  égard 
à  aucun  privilège  ou  mauvaise  coutume  introduite  quoique 
de  temps  immémorial.  »  On  sait,  d'ailleurs,  que  c'est  à 
cause  de  ces  prohibitions  que  les  décisions  du  concile  de 
Trente  n'eurent  pas,  en  France,  force  de  loi  :  la  menace 
d'excommunier  les  empereurs  et  rois  qui  consentiraient  à 
un  duel  parut  un  empiétement  trop  grand  du  pouvoir  spi- 
rituel sur  le  temporel. 

Moins  de  deux  ans  après,  au  reste,  avait  lieu  le  fameux 
duel   de   La   Châtaigneraye  et  de  Guy  Chabot,  sire  de 
Jarnac.  François  F'  n'avait  jamais  voulu  l'autoriser  :  à 
peine  fut-il  mort  que  les  deux  ennemis  demandèrent  à 
Henri  II  la  permission  de  vider  leur  différend  ;  non  seu- 
lement le  roi  la  leur  accorda,  mais  encore  il  voulut  assister 
avec  toute  sa  cour  au  combat  qui  eut  lieu  à  Saint-Germain 
avec  un  cérémonial  dont  on  ne  peut  se  faire  une  idée.  On 
sait  que  Jarnac  tua  son  adversaire  d'un  coup  habilement 
porté  au  jarret,  d'où  la  locution  restée  célèbre  de  «  coup 
de  Jarnac  »,  à  laquelle  on  attribue  souvent  le  sens  de  tra- 
hison ou  de  lâcheté,  qu'elle  ne  comporte  nullement.  H  est 
intéressant  de  savoir  dans  quelle  forme  se  faisaient  alors 
les  provocations,  appelées  appels  ou  cartels.  Nous  citerons 
celui-ci  qui  est  en  quelque  sorte  une  formule  :  «  Seigneur, 
toutes  et  quantes  fois  que  vous  avez  dict,  faict  dire,  escript 
ou  fait  escripre  allencontre  et  au  préjudice  de  mon  honneur, 
aultant  de  foys  avez  par  la  gueule  menty  et,  le  nyant,avez 
semblablement  menty.  Par  escript  je  ne  veux  user  d'inju- 
rieuses vilanies,  comme  chose  plus  convenable  à  vile  et 
envieuse  personne  que  à  chevalier,  me  réservant,  si  ce  n'est 
par  vostre  deff'ault,  parler  à  vous  les  armes  au  poing.  » 
A  la  même  époque,  l'usage  constant  dans  les  duels  fut' que 
chacun  des  combattants  se  fît  assister  de  deux  et  souvent 
trois  de  ses  amis,  qui  eux  aussi  croisaient  le  fer  entre  eux, 
tout  comme  s'ils  en  eussent  eu  de  véritables  raisons  d'hon- 
neur, ce  qui  fait  dire  au  bon  sens  de  Montaigne  :  «  C'est  une 
espèce  de  lascheté  qui  a  introduit  en  nos  combats  singuliers 
cet  usage  de  nous  accompagner  des  seconds  et  tiers  et  quarts. 
C'étoit  anciennement  des  duels;  ce  sont,  à  cette  heure,  ren- 
contres et  batailles.  Outre  l'injustice  d'une  telle  action  et 
vilenie  d'engager  à  la  protection  de  votre  honneur  aultre 
valeur  et  force  que  la  vostre,  je  trouve  du  désavantage  à 
mesler  sa  fortune  à  celle  d'un  second.  Chacun  court  assez 
de  hasard  pour  soy  sans  le  courir  encore  pour  un  aultre.  » 
Le  duel  des  mignons  de  Henri  HI  est,  avec  celui  de 
Jarnac,  le  plus  célèbre  de  tous  ceux  qui  se  produisirent 
durant  le  xvi«  siècle.  Il  eut  lieu  le  27  avr.  4578,  à  la 
suite  d'une  querelle  qui,  d'après  L'Estoile,  était  «  née  pour 
fort  légère  occasion  »,  entre  Caylus,  que  le  roi  aimait  sin- 
gulièrement, et  Antraguet,  favori  de  la  maison  de  Guise. 
Caylus  eut  pour  seconds  Maugiron  et  Livarot;  Antraguet 
amenac  Ribérac  et  Schomberg.  Au  premier  choc,  Maugiron 
et  Schomberg  tombèrent  morts;  Ribérac  succomba,  le  len- 
demain, aux  suites  de  ses  blessures;  Caylus,  qui  en  avait 
reçu  dix-neuf,  vécut  encore  trente-trois  jours  durant  les- 
quels le  roi  ne  laissa  pas  une  journée  passer  sans  aller  le 
voir  et  panser  de  ses  propres  mains  ;  Livarot  fut  malade 
pendant  six  semaines  et  guérit;  Antraguet  seul  quitta  le 
terrain  sain  et  sauf.  Il  faut  lire  dans  L'Estoile  les  pièces  de 
vers,  la  plupart  satiriques  et  malveillantes,  que  suggéra 
cette  meurtrière  rencontre  :  le  mémorialiste  en  enregistre 
froidement  les  résultats;  l'histoire  ne  saurait  s'attendrir 
plus  que  lui.  Parmi  les  dueUistes  et  ferrailleurs  les  plus  en 
vue  de  cette  époque,  nous  nommerons  encore  Bussy  d'Am- 
boise,  de  Mouy,  Châteauvillain,  Viteaux,  le  chevalier  de 


DUEL 


6  — 


Guise,  tous  vaillants  hommes,  mais  risquant  leur  vie  comme 
à  plaisir  pour  les  causes  les  plus  futiles. 

Cette  fureur  de  duels  se  calma  un  peu  au  siècle  suivant; 
elle  fut  d'ailleurs  singulièrement  refrénée  par  l'institution 
du  tribunal  des  maréchaux  de  France,  dit  tribunal  du  point 
d'honneur,  puis  par  les  pénalités  extrêmement  rigoureuses 
que  Richelieu  et  Louis  XIV  prescrivirent  successivement 
contre  les  duellistes  (V.  ci-dessous  §  Droit  criminel).  La 
peine  de  mort,  la  confiscation  des  biens,  la  déchéance,  le 
bannissement  étaient  la  sanction  de  ces  ordonnances,  sanc- 
tion qui  fut  plusieurs  fois  appliquée.  L'exemple  le  plus 
retentissant  en  fut  fait  sur  François  de  Montmorency, 
comte  de  Boutteville,  qui,  exilé  après  plusieurs  duels, 
s'était  vanté  de  se  battre  en  pleine  place  Royale,  et  qui 
accomplit  cette  bravade  le  12  mai   4627,  ayant  pour 
second  son  cousin  le  comte  des  Chapelles  et  pour  adver- 
saire M.  de  Beuvron,  assisté  de  Bussy.  Ce  dernier  seul 
trouva  la  mort  dans  la  rencontre  ;  arrêtés  peu  après  en 
Lorrahie,  Boutteville  et  des  Chapelles  furent  mis  à  la  Bas- 
tille le  31  mai,  et  condamnés,  après  un  jugement  sommaire, 
à  la  peine  de  mort.  L'arrêt  fut  exécuté  le  22  juin,  en  dépit 
des  requêtes  suppliantes  adressées  au  roi  et  surtout  au 
cardinal  par  la  famille  de  Montmorency.  Les  courtisans  en 
demeurèrent  consternés  et,  pendant  un  temps,  aucun  duel 
ne  se  produisit.  Après  la  mort  de  Richelieu  et  durant  la 
minorité  de  Louis  XIV  eurent  lieu  quelques  rencontres 
fameuses  et  notamment  celles  des  ducs  de  Beaufort  et  de 
Nemours  où, pour  la  première  fois,  croyons-nous,  fut  intro- 
duit l'usage  du  pistolet.  Lorsque  Louis  XIV  fut  devenu 
réellement  roi,  il  employa  tous  les  moyens  pour  proscrire 
le  duel  et,  de  fait,  nous  n'en  avons  désormais  aucun  à 
signaler  jusqu'à  sa  mort.  Il  n'en  est  pas  de  même  après 
1715,  et  l'on  peut  se  croire  revenu  à  plus  de  cent  ans  en 
arrière;  il  en  sera  ainsi  jusqu'à  la  Révolution,  et  les  mé- 
moires du  siècle  dernier  sont  remplis  du  récit  de  ces  ren- 
contres; on  alla  jusqu'à  se  battre  à  midi,  rue  de  Richelieu, 
sans  qu'aucune  peine  fût  infligée  aux  duellistes.  Nous  nous 
bornerons  à  rappeler,  pour  l'époque  de  la  Régence,  le  duel 
de  deux  femmes  toutes  deux  éprises  du  célèbre  duc  de 
Richelieu,  M^^^  de  Nesle  et  W^^  de  Pohgnac,  et  pour  le 
règne  de  Louis  XVI,  le  duel  entre  le  duc  de  Bourbon  et  le 
comte  d'Artois  (1778). 

Au  commencement  de  la  Révolution,  deux  duels  célèbres 
encore  :  ceux  de  Barnave  et  Cazalès,  de  Lameth  et  Cas- 
tries  qui  déterminent  de  violentes  et  presque  unanimes 
protestations,  à  l'Assemblée  comme  dans  le  public,  contre 
la  pratique  du  duel,  «  dernier  reste  d'un  passé  odieux  ». 
Anacharsis  Cloots  s'écrie,  dans  la  langue  emphatique  de 
l'époque  :  «  La  balle  qui  enfonce  le  crâne  à  Cazalès  retarde 
la  marche  de  l'opinion  publique,  et  des  milliers  de  victimes 
seront  étendues  dans  la  poussière  que  mordit  Cazalès.  » 
Les  guerres  du  premier  Empire  fournirent  trop  souvent 
d'autres  occasions  de  verser  le  sang  pour  que  les  duels 
aient  été  fréquents  alors;  la  Restauration  vint  ensuite,  qui 
prohiba  le  duel  au  nom  de  l'Eglise,  à  peu  près  aussi  rigou- 
reusement que  l'avait  fait  la  dévotion  de  Louis  XIV.  Plus 
près  de  nous,  il  faut  rappeler  le  dramatique  combat  au 
pistolet  entre  Carrel  et  Emile  de  Girardin,  où  les  deux  ad- 
versaires furent  blessés  simultanément,  le  premier  mortel- 
lement (1835),  et  des  rencontres  moins  sanglantes  heureu- 
sement où  Thiers,  Sainte-Beuve,  Edmond  Adam,  Clément 
Thomas,  Lediu-Rollin  étaient  des  antagonistes  de  marque. 
Pour  notre  époque,  nous  mentionnerons  comme  les 
plus  célèbres  les  duels  de  M.  de  Fourtou  et  Gambetta, 
de  MM.  Dichard  et  Massas,  où  ce  dernier  fut  frappé  d'un 
coup  d'épée  en  pleine  poitrine  (3  sept.  1882),  de  M.  Flo- 
quet  et  du  général  Boulanger  (13  juil.  1888)  qui  faillit 
être  fatal  au  général,  blessé  grièvement  à  la  gorge.  Les 
premiers  succès,  puis  la  désagrégation  du  parti  boulangiste 
donnèrent  lieu  à  un  grand  nombre  de  duels,  dont  MM.  Ro- 
chefort,  Déroulède,  Laguerre,  Castelin,  Mermeix  furent 
les  principaux  acteurs  ;  on  sait,  en  efîet,  que  les  membres 
de  ce  parti  se  battirent  entre  eux  plus  souvent  encore  que 


contre  leurs  adversaires  politiques.  Nous  ne  saurions  mieux 
faire,  au  reste,  que  renvoyer  le  lecteur,  pour  plus  de  dé- 
tails sur  le  duel  contemporain,  au  livre  très  complet  que 
M.  G.  Letainturier  vient  de  consacrer  au  Duel  à  travers 
les  âges  (V.  la  Bibliographie). 

Duel  a  l'étranger.  —  On  peut  affirmer  que  toutes  les 
nations  civilisées  connaissent  le  duel,  qu'il  a  lieu  pour  les 
mêmes  causes  et  que  sa  répression  est  poursuivie  à  peu 
près  de  la  même  façon  chez  elles  qu'en  France.  Parmi  les 
contrées  européennes,  la  Suisse,  toutefois,  se  distingue  à 
cet   égard   par    son   humeur    pacifique  ;    bien   que   ses 
vingt-quatre  cantons  aient  chacun  leur  juridiction  spéciale 
pour  la  sanction  du  duel,  ce  genre  de  délit  n'y  est  constaté 
que  fort  rarement  et  dans  les  seuls  cas  où  l'honneur  de  la 
femme  est  enjeu.  —  En  Allemagne,  les  duels  ordinaires  sont 
semblables  aux  nôtres,  mais  il  faut  dire  un  mot  des  duels 
si  connus  qui  ont  lieu  entre  étudiants,  et  qu'on  appelle  des 
Mensuren.  Une  tradition  fort  ancienne  des  universités 
allemandes  veut  que  les  étudiants,  pour  être  membres  titu- 
laires des  sociétés  dans  lesquelles  ils  ont  l'habitude  de  se 
grouper,  aient  fait  leurs  preuves  de  bravoure  en  se  battant 
au  moins  une  fois  en  duel  avec  un  de  leurs  camarades.  Ils 
sont  donc  forcés  de  provoquer  entre  eux  des  querelles  qui 
puissent  avoir  leur  solution  sur  le  terrain.  Ces  sortes  de 
duels  se  font  à  la  rapière,  et  les  combattants  doivent  ton-    ^ 
jours  frapper  au  visage,  mais  de  taille  seulement  et  non  de 
pointe  ;  au  reste,  les  yeux  sont  protégés  par  des  lunettes 
spéciales,  et  ces  rencontres,  plus  burlesques  que  sérieuses, 
ont  rarement  d'autre  issue  qu'une  balafre,  Abfuhr,  dont  la 
cicatrice,  il  est  vrai,  peut  marquer  pour  toujours  le  visage 
du  vaincu  (V.  Étudiant).  — En  Hongrie  et  dans  les  pays 
germaniques,  pour  les  duels  proprement  dits,  on  choisit 
fréquemment  le  pistolet;  les  conditions  de  la  rencontre  sont 
plus  rigoureuses  et  les  accidents  plus  fréquents  qu'en  France. 
—  Les  peuples  méridionaux,  Italiens,  Espagnols,  ont  souvent 
entre  eux  des  occasions  de  duels,  grâce  à  l'ardeur  habituelle 
de  leur  tempérament  ;  mais,  dans  bien  des  cas,  ils  les  ter- 
minent sur-le-champ  par  de  simples  rixes,  le  cérémonial  du 
duel  s'accommodant  mieux  avec  le  caractère  froid  des  gens  du 
Nord.  En  Italie,  l'arme  préférée  est  le  sabre.  —  En  Russie, 
les  duels  n'ont  guère  lieu  que  pour  venger  l'honneur  d'une 
femme;  aussi  sont-ils  moins  fréquents,  mais  plus  souvent 
mortels  que  partout  ailleurs.  Pour  les  punir,  le  code  russe 
n'a  pas  moins  de  vingt  articles,  et  lorsqu'il  y  a  eu  mort  ou 
blessures  graves  déterminant  une  infirmité,  la  peine  peut 
être  celle  de  la  déportation  en  Sibérie  ;  dans  les  autres  cas,  la 
sanction  est  la  détention  temporaire  dans  une  forteresse,  ou 
l'emprisonnement  pendant  quelques  mois.  —  L'Amérique  a 
la  réputation  de  connaître  des  duels  d'un  raffinement  féroce, 
ceux  par  exemple  où  l'un  des  deux  pistolets  est  seul  chargé, 
et  où  le  sort  décide  qui  des  combattants  s'en  servira  ;  ou 
bien  encore  les  duels  au  couteau  ou  au  fusil  ;  mais  ce  ne 
sont  là,  heureusement,  que  des  pratiques  tout  à  fait  excep- 
tionnelles, et  presque  toujours  les  rencontres  sont  réglées 
d'après  les  mêmes  conventions  que  partout  ailleurs. 

Duel  dans  l'armée.  —  Le  sentiment  de  l'honneur,  qui 
doit  être  une  des  qualités  maîtresses  de  l'armée,  exige  que, 
lorsque  deux  soldats  ont  eu  une  altercation  vive  et  que  des 
propos  outrageants  ou  des  voies  de  fait  ont  été  échangés, 
il  y  ait  réparation  par  les  armes.  L'affaire  ne  saurait  être 
réglée  autrement  ;  si  l'un  des  adversaires  voulait  s'y  déro- 
ber, il  serait  coupable  de  lâcheté  et  le  colonel  le  contrain- 
drait à  se  battre.  Les  duels  militaires  ont  lieu,  soit  au 
fleuret  démoucheté,  soit  au  sabre  ;  ils  sont  très  fréquents, 
mais  fort  rarement  suivis  d'une  issue  fatale.  Le  maître 
d'armes  du  régiment  y  assiste  toujours  et  a  mission  de 
détourner  les  coups  mortels  ;  on  pourrait  cependant  citer 
des  exemples  de  pareils  duels,  où  de  graves  blessures  en- 
traînant la  mort  se  sont  produites. 

Règles  du  duel.  —  Par  ce  que  l'on  a  lu  plus  haut, 
il  apparaît  clairement  que  l'usage  du  duel  s'est  main- 
tenu, en  dépit  des  prohibitions,  des  poursuites  ou  des 
entraves  de  toutes  sortes  que  l'Eglise  d'abord,   puis   le 


—  7 


DUEL 


législateur  se  sont  ingéniés  à  créer  pour  le  combattre.  Il 
est  également  remarquable  que,  parmi  le  bouleversement 
presque  complet  apporté  par  la  Révolution  dans  les  insti- 
tutions et  les  mœurs  du  passé,  le  duel  ait  survécu  comme 
une  tradition  indestructible  de  la  chevalerie  et  des  temps 
moins  éloignés  où  un  cérémonial,  réglé  par  une  rigoureuse 
étiquette,  fut  imaginé  pour  la  solution  des  affaires  d'hon- 
neur. Ce  cérémonial  subsiste,  en  effet,  à  peu  près  identique 
à  ce  qu'il  était  aux  siècles  passés,  et  nous  allons  mainte- 
nant l'exposer  en  quelques  mots. 

L'écrivain  qui  fait  autorité  en  la  matière.  Château villard, 
qualifie  en  ces  termes,  dans  son  Code  du  duel,  l'offense 
qui  peut  amener  une  rencontre  :  «  Toute  parole,  tout 
écrit,  dessin,  geste,  coup  blessant  l'amour-propre,  la  déli- 
catesse ou  l'honneur  d'un  tiers,  constitue  une  offense.  » 
Un  sentiment  spontané,  et  que  chacun  a  pu  ou  pourrait 
éprouver  à  l'occasion,  fait  que  tout  homme  de  cœur  ne  peut 
subir  l'affront  d'une  offense  de  ce  genre  sans  en  demander 
la  rétractation.  Les  circonstances  de  l'offense  sont  multiples  : 
le  code  de  l'honneur  n'admet  qu'une  solution  si  cette  ré- 
tractation est  refusée  :  la  réparation  par  les  ai'mes,  —  tel 
est  le  terme  consacré.  L'offense  est  le  plus  souvent  assez 
grave  pour  avoir  déterminé,  de  la  part  de  celui  qui  en  est 
l'objet,  la  riposte  immédiate  d'une  offense,  plus  vive  encore, 
ou  même  de  voies  de  fait.  Tous  ces  points  sont  très  impor- 
tants à  déterminer,  comme  on  va  le  voir,  car  ils  serviront, 
si  une  rencontre  est  rendue  inévitable,  à  attribuer  le  choix 
des  armes  à  l'un  plutôt  qu'à  l'autre.  Il  est  bien  entendu  que 
lorsque  ce  premier  acte,  à  savoir  l'insulte,  se  produit,  le 
devoir  des  personnes  présentes  est  d'en  conjurer  immédia- 
tement l'effet  autant  qu'il  est  en  leur  pouvoir,  c.-à-d.  en 
s'efforçant  de  séparer  les  adversaires,  de  les  calmer, 
d'amener  des  explications,  et  par  suite  une  réconcihation. 
Si  elles  n'y  réussissent  pas,  plusieurs  cas  peuvent  se  pré- 
senter :  ou  bien  le  premier  injurié  répond  par  une  autre 
injure,  —  parfois  même  par  des  voies  de  fait,  —  ou  bien, 
et  c'est  ce  qui  devrait  toujours  avoir  lieu,  il  se  borne  à 
dire  :  «  Monsieur,  vous  m'en  rendrez  raison  »,  à  échanger 
sa  carte  avec  celle  de  son  insulteur,  et  à  se  retirer  aussitôt. 
Lorsque  l'offense  s'est  produite  sans  que  les  deux  parties 
fussent  en  présence,  —  c'est  le  cas  très  fréquent  des  polé- 
miques de  presse,  —  celui  qui  se  juge  insulté  doit  d'abord 
réclamer  par  lettre  une  satisfaction  sous  forme  de  rétrac- 
tation ;  en  cas  de  refus,  il  adresse  à  l'insulteur  une  nou- 
velle lettre  impérative  qui,  cette  fois,  se  nomme  un  cartel. 
Il  a  toujours  été  de  règle  que  deux  adversaires  ne  doivent 
jamais  traiter  ensemble  la  solution  d'une  affaire  d'honneur; 
ce  rôle  appartient  à  des  tiers,  appelés  autrefois  seconds, 
et  aujourd'hui  témoins. 

L'homme  qui  vient  d'être  offensé  doit  aussitôt  s'adresser 
à  deux  de  ses  amis,  leur  exposer  dans  tous  leurs  détails  les 
causes  apparentes  et  réelles  de  l'offense  et  leur  donner 
mandat  d'en  réclamer  satisfaction  en  son  nom.  Les  deux 
témoins  se  rendent  sur-le-champ  au  domicile  de  l'agresseur, 
l'informent  de  leur  mission  et  le  prient  de  les  mettre  en 
rapport  avec  deux  de  ses  amis.  On  admet  généralement 
que  toutes  ces  négociations  doivent  s'accomplir  dans  le  délai 
de  vingt-quatre  heures,  mais  il  n'y  a  rien  d'absolument 
strict  à  cet  égard,  car  beaucoup  de  causes  peuvent  faire 
que  le  délai  soit  excédé,  sans  néanmoins  que  l'on  puisse  en 
prendre  texte  par  la  suite  à  refuser  le  combat.  Il  est 
d'usage,  avec  les  mêmes  restrictions,  que  la  solution  d'une 
affaire  d'honneur  doit  être  obtenue  dans  un  délai  total  de 
quarante-huit  heures.  Dès  que  les  quatre  témoins  ont  été 
constitués,  les  deux  adversaires  ne  pourront  plus,  sous 
aucun  prétexte,  être  mis  en  présence  l'un  de  l'autre  pour 
discuter  un  point  quelconque  de  l'affaire,  et  même  les 
témoins  de  l'un  d'eux  n'auront  plus  à  conférer  avec  l'adver- 
saire de  leur  client.  On  croit  communément  que  le  fait 
d'avoir  constitué  des  témoins  imphque  fatalement  la  néces- 
sité d'une  rencontre  :  il  n'en  est  rien,  et  fort  souvent,  au 
contraire,  l'entrevue  des  témoins  et  les  expHcations  qu'ils 
échangent,  ont  pour  résultat  la  déclaration  qu'  «  il  n'y  a 


pas  lieu  à  rencontre  ».  Il  est  donc  d'une  extrême  impor- 
tance que  les  témoins  soient  des  hommes  doués  d'un  esprit 
juste,  d'expérience  et  de  sang-froid  :  deux  existences  sont 
à  ce  prix.  Chàteauvillard  dit  encore  fort  justement  à  ce 
propos  :  «  La  moindre  imprévoyance,  la  moindre  faute 
d'un  témoin  peuvent  compromettre  l'une  et  l'autre.  Il  est 
le  soutien  et  le  juge  de  celui  qui  le  choisit;  il  doit  mettre 
son  honneur  dans  le  sien  propre,  et  toute  son  énergie  à  ne 
laisser  échapper  aucune  occasion  avantageuse  pour  celui 
dont  il  prend  la  charge.  »  Le  premier  devoir  des  témoins, 
après  s'être  minutieusement  enquis  des  détails  de  l'affaire 
qui  les  réunit,  est  de  tenter  une  conciliation  ;  ils  doivent, 
en  effet,  s'efforcer  avant  tout  d'éviter  le  duel  et  employer 
les  moyens  qui  y  sont  propres,  en  sauvegardant  l'honneur 
et  la  dignité  de  leurs  «  clients  ».  Si  l'entente  n'a  pu  se  faire, 
ils  ont  à  discuter  les  conditions  de  la  rencontre  et  recher- 
cher tout  d'abord  quel  est  l'offensé,  car  c'est  k  lui  qu'ap- 
partient le  choix  des  armes.  Cette  recherche  n'est  pas  tou- 
jours aisée  :  on  admet  généralement  que  l'offensé  est  le 
premier  injurié,  mais  que  si  à  une  simple  injure  il  a  été 
riposté  par  une  injure  plus  grave  et  surtout  par  une  voie 
de  fait  (il  suffit  même  d'un  gant  jeté  à  la  figure),  l'offensé 
devient  agresseur  et  perd  le  bénéfice  du  choix  des  armes. 
Sauf  de  très  rares  exceptions,  il  n'y  a  plus  chez  nous  que 
deux  sortes  de  duels  en  usage  :  à  l'épée  ou  au  fleuret,  et 
au  pistolet  de  combat.  Le  duel  à  l'épée  est  plus  habituelle- 
ment choisi  parce  que  les  blessures  qui  en  résultent  sont 
moins  graves,  ordinairement,  que  celles  qu'amène  la  péné- 
tration d'une  balle  dans  les  chairs.  Les  témoins  ont  mis- 
sion de  régler  tous  les  détails  du  combat,  et  là  encore  ils 
doivent  faire  preuve  de  beaucoup  de  tact  et  d'expérience. 
Dans  le  procès-verbal  de  rencontre  qu'ils  rédigent,  s'il 
s'agit  d'un  duel  à  l'épée,  ils  auront  à  spécifier  l'emploi  du 
gant  (gant  de  ville  ou  à  crispin),  la  durée  des  reprises, 
l'arrêt  du  combat  soit  «  au  premier  sang  »,  soit  lorsque 
l'un  des  deux  adversaires  a  été  mis  par  une  blessure  en 
état  d'infériorité,  à  autoriser  ou  à  prohiber  les  «  corps  à 
corps  »,  les  parades  avec  la  main  gauche,  etc.  Si  le  pistolet 
a  été  préféré,  il  faut,  de  même,  convenir  avec  soin  des  dis- 
tances qui  sépareront  les  combattants  ;  pour  le  duel  dit  «  au 
commandement  »,  on  les  fixe  à  vingt-cinq  ou  trente  pas; 
pour  le  duel  «  à  marcher  »,  on  admet  généralement  que  les 
adversaires,  placés  à  vingt  pas,  auront  la  faculté  de  s'avancer 
l'un  vers  l'autre  jusqu'à  une  distance  minima  de  quinze 
pas,  tout  en  ayant  le  droit  de  tirer  dès  que  le  signal  a  été 
donné.  Les  témoins  accompagnent  leurs  mandants  sur  le 
terrain;  l'un  d'eux,  choisi  et  accepté  par  tous,  prend  le 
titre  de  directeur  du  combat;  c'est  lui  qui  s'assurera  que 
les  armes  apportées  sont  identiques,  que  les  adversaires 
n'ont,  sous  leur  chemise,  aucune  cuirasse,  cotte  démailles, 
ceinture,  qui  puisse  les  protéger,  qui,  en  un  mot,  présidera 
à  l'exécution  de  toutes  les  conventions  et  donnera,  par  le 
mot  :  «  Allez  »,  le  signal  du  combat.  A  partir  de  ce  moment, 
les  témoins  doivent  apporter  toute  leur  attention  à  voir  si 
aucune  condition  n'est  violée,  et  à  arrêter  le  combat  dès 
qu'ils  s'aperçoivent  qu'une  blessure  vient  d'être  faite,  afin 
de  constater  si  elle  ne  met  pas  en  état  d'infériorité  celui 
qui  l'a  reçue.  Lorsque  le  duel  a  pris  fin,  aux  termes  des 
conventions  fixées,  les  quatre  témoins  se  concertent  pour 
la  rédaction  d'un  procès-verbal  qu'ils  signent  au  nom  de 
leurs  mandants,  et  qui,  presque  toujours,  est  publié  par  la 
voie  de  la  presse,  en  même  temps  que  le  procès-verbal  de 
rencontre  dont  il  a  été  parlé  plus  haut. 

Il  arrive  souvent  que  les  témoins  choisis  pour  le  règle- 
ment d'une  affaire  d'honneur  ne  peuvent  se  mettre  d'accord 
soit  sur  la  qualité  d'offensé,  soit  sur  la  nécessité  même 
d'une  réparation  par  les  armes,  soit  sur  des  conditions  de 
rencontre  exigées  par  l'un  des  deux  adversaires  :  leur  devoir 
est  alors  de  se  récuser  et  de  provoquer  la  constitution  d'un 
jury  d'honneur  dont  les  deux  parties  acceptent  par  avance 
l'arbitrage  et  la  décision.  Cette  institution  d'un  jury  d'hon- 
neur, rappelant  beaucoup  celle  du  tribunal  des  maréchaux, 
mériterait  d'être  généralisée  et  appliquée  sans  exception  à 


DUEL 


—  8  — 


tous  les  cas  de  duel  ;  elle  aurait,  à  n'en  pas  douter,  Tines- 
timable  avantage  de  diminuer  considérablement  la  fréquence 
d'une  pratique  qu'il  paraît  impossible  de  faire  entièrement 
disparaître  de  nos  mœurs.  Fernand  Bournon. 

IV.  Droit  criminel.  —  Qu'il  doive  son  origine  au 
combat  judiciaire,  qu'on  doive  y  voir  une  suite  des  guerres 
privées,  en  usage  à  l'époque  barbare,  ou  qu'il  soit  né  sim- 
plement, au  moyen  âge,  des  préjugés,  de  l'orgueil,  d'un 
faux  point  d'honneur,  toujours  est-il  que  le  duel  se  ren- 
contre, en  France,  dès  la  fin  du  xiv^  siècle  et  se  généralise 
au  XV®.  A  partir  de  Henri  II,  nous  voyons  se  succéder  les 
ordonnances  et  les  édits  royaux  destinés  à  le  réprimer. 
L'Eglise,  la  première,  sévit  contre  les  duellistes  :  le  concile 
de  Trente  prononce  l'excommunication,  non  seulement  contre 
les  duellistes,  mais  encore  contre  les  parrains  et  tous  les 
assistants  ;  la  sépulture  chrétienne  sera  refusée  aux  com- 
battants tués  en  duel.  Une  ordonnance,  rendue  à  Moulins, 
en  1566,  en  même  temps  qu'elle  prohibe  le  duel  entre  toutes 
personnes,  de  quelque  qualité  ou  condition  qu'elles  soient, 
sous  peine  de  la  vie,  constitue  comme  tribunaux  d'honneur 
les  connétables  et  maréchaux  de  France  et  les  gouverneurs 
des  provinces.  Malheureusement,  les  lois  ne  suffisent  point 
si  l'on  ne  tient  la  main  à  ce  qu'elles  soient  appliquées  avec 
fermeté  :  ce  qui  n'avait  point  Heu.  L'impunité  avait  pour 
effet  d'accroître  le  mal  et  les  duels  se  multipliaient,  déci- 
mant la  noblesse.  L'ordonnance  de  Blois  en  1579  renou- 
velle les  prohibitions  de  celle  de  Moulins,  mais  sans  plus 
de  succès.  Sous  Henri  IV,  le  Parlement  rend  le  26  juin  d  509 
un  arrêt  de  règlement,  qui  porte  contre  les  duellistes  les 
peines  les  plus' rigoureuses,  «  leur  enjoint  se  pourvoir  par- 
devant  les  juges  ordinaires,  sous  peine  du  crime  de  lèse- 
majesté,   confiscation  de  corps  et  biens,  tant  contre  les 
vivants  que  les  morts  :  ensemble  contre  tous  gentilshommes 
et  autres  qui  auront  appelé  et  favorisé  lesdits  combats, 
assisté  aux  assemblées  faites  à  l'occasion  desdites  que- 
relles,  comme  trangresseurs  des  commandements  de  Dieu, 
rebelles  au  Roy,  infracteurs  des  ordonnances,  violateurs  de 
la  justice,  perturbateurs  du  repos  et  de  la  tranquillité  pu- 
bHque  ».  En  1602,  nouvel  édit  sur  les  duels,  qui  n'est  que 
la  consécration  législative  de  l'arrêt  de  règlement  de  1599. 
Cet  édit  renouvelle  les  dispositions  de  l'ordonnance  de 
1566  relativement  au  tribunal  d'honneur.  La  rigueur  des 
peines  portées  contre  les  duellistes  allait  à  rencontre  du  but 
que  se  proposait  l'édit  :  le  roi  était  assiégé  de  demandes  de 
grâces;   de  1589  à  1608,  sept  mille  lettres  de  grâces 
furent  expédiées  et  scellées  en  matière  de  duel.  Comme  il 
arrive  toujours,  la  trop  grande  sévérité  de  la  loi  aboutissait 
à  l'impunité.  Henri  IV,  ne  pouvant  supprimer  le  mal  radi- 
calement, essaya,  dans  un  autre  édit  de  juin  1609,  de  faire 
des  concessions  aux  mœurs  de  l'époque  :  «  Nous  avons  jugé 
nécessaire  (art.  5),  pour  obvier  à  de  plus  grands  et  péril- 
leux accidents,  de  permettre  à  toute  personne  qui  s'estimera 
offensée  par  une  autre  en  son  honneur  et  réputation,  de 
s'en  plaindre  à  nous  et  à  nos  très  chers  et  aimés  cousins 
les  connétables  et  maréchaux  de  France,  nous  demander  ou 
à  eux  le  combat,  lequel  leur  sera  par  nous  accordé,  selon 
que  nous  jugerons  qu'il  sera  nécessaire  pour  leur  honneur.  » 
Pour  les  duels  non  autorisés,  l'édit  prononçait  des  peines, 
rigoureuses  encore,  mais  graduées  suivant  la  gravité  des 
suites  du  combat.  Le  roi  s'interdisait  d'accorder  aucunes 
lettres  de  grâces  en  matière  de  duel.  Les  résultats  de  cet 
édit  furent  favorables  ;  nombre  de  querelles  furent  arran- 
gées, soit  par  le  roi,  soit  par  ses  connétables  et  maréchaux. 
Mais,  dès  la  mort  de  Henri  IV,  le  mal  reprit  et  nous  voyons 
se  succéder  les  mesures  législatives  impuissantes  à  l'enrayer  : 
déclaration  du  l'^'*  juil.  1611,  arrêt  de  règlement  du  par- 
lement de  Paris,  du  27  janv.  1614,   lettres  patentes  du 
14  juil.  1617,  édit  de  Saint-Germain-en-Laye  d'août  1623  : 
cet  édit  supprimait  toutes  les  distinctions  établies  par  l'édit 
de  1609  :  tous  les  participants  au  duel  étaient  punis  de 
mort  et  des  peines  du  crime  de  lèse-majesté.  Mais  trois  ans 
plus  tard,  sous  l'influence  de  Richeheu,  un  nouvel  édit,  que 
le  Parlement  fut  contraint  d'enregistrer  par  des  lettres  de 


jussion,  le  24  mars  1626,  rétablit  les  distinctions  déjà 
faites,  suivant  la  gravité  des  cas,  par  l'édit  de  1609  :  la 
privation  des  charges  et  offices,  la  confiscation  de  la  moitié 
des  biens,  le  bannissement  pour  trois  ans  étaient  les  peines 
de  la  provocation  en  duel  ;  la  déchéance  de  noblesse,  l'in- 
famie ou  la  peine  capitale,  suivant  les  cas,  étaient  les  peines 
du  duel  non  suivi  de  mort.  Seul,  le  duel  suivi  de  mort 
emportait  les  peines  du  crime  de  lèse-majesté.  Mais  les 
grâces  particulières  se  multipliant  toujours,  les  amnisties 
générales  venant  s'y  joindre  de  temps  à  autre,  les  efforts 
de  Richelieu  restèrent  impuissants.  Après  l'édit  de  1643, 
dû  à  l'imtiative  de  Mazarin,  celui  de  sept.  1651,  il  faut 
signaler  l'ordonnance  de  1679,  connue  sous  le  nom^d'édit 
des  duels,  qui  établit  une  législation  définitive  :  il  etabUt, 
à  la  fois,  des  mesures  préventives,  comnie  l'interyention  du 
tribunal  des  maréchaux,  ou  des  gouverneurs  et  lieutenants 
généraux,  en  province,  chargé  de  juger  les  affaires  d'hon- 
neur, et  des  mesures  répressives  graduées  suivant  la  gra- 
vité du  crime  :  emprisonnement  de  deux  années,  privation 
des  charges  et  de  leurs  revenus  pendant  trois  ans,  amende, 
peine  de  mort  avec  confiscation  des  biens  ;  si  l'un  des  com- 
battants succombait,  le  procès  était  fait  à  sa  mémoire,  son 
corps  était  privé  de  la  sépulture,  ses  biens  confisqués.  Sous 
l'influence  de  cet  édit,  des  efforts  que  fit  personnellement 
Louis  XIV,  auprès  des  seigneurs  de  sa  cour,  du  progrès 
des  niQ'urs  et  de  la  raison,  les  duels  diminuèrent  considé- 
rablement, sans  cependant  disparaître  entièrement.  Mais 
dès  la  mort  du  roi,  il  y  eut  une  recrudescence,  qui  rendait 
nécessaire  une  déclaration  de  Louis  XV  (févr.  1723),  re- 
nouvelant les  édits  de  Louis  XIV.  Mais  les  prescriptions 
de  ces  édits  n'ayant  pas  été  appliquées  avec  vigueur,  le 
mal  sévit  pendant  tout  le  règne  de  Louis  XV,  et  nous  le 
retrouvons  sous  Louis  XVI,  faisant  chaque  année  de  nom- 
breuses victimes.  Les  cahiers  des  Etats  généraux,  parti- 
culièrement ceux  du  clergé  et  du  tiers  état,  renferment  des 
protestations  contre  le  duel  et  demandent  qu'il  soit  réprimé. 
Pendant  la  période  révolutionnaire,  cependant,  aucune  me- 
sure législative  ne  fut  prise  :  deux  projets  de  loi  sur  le 
duel  furent  présentés  et  rejetés.  Le  code  pénal  de  1791 
et  celui  du  3  brumaire  an  ÏV  ne  mentionnent  pas  spécia- 
lement le  dueL 

Le  code  pénal  de  1810  est  également  muet  en  ce  qui 
concerne  le  duel.  De  là  naquit  la  question  de  savoir  si  le 
duel  ne  constitue  pas  une  infraction  à  la  loi  pénale  française 
ou  s'il  doit  tomber  sous  le  coup  des  articles  punissant 
l'assassinat,  le  meurtre,  les  coups  et  blessures.  Suivant 
Monseignat,  rapporteur  du  projet  de  code  pénal,  livre  II, 
chap.  I,  les  dispositions  du  code  pénal  sont  applicables  aux 
duels.  Merlin,  qui  prit  une  part  considérable  à  la  rédaction 
du  code  pénal,  affirme  le  contraire.  La  jurisprudence  a 
varié  :  jusqu'en  1837,  elle  a  maintenu  que  les  art.  295  et 
304  du  code  pénal  ne  peuvent  être  appliqués  à  celui  qui, 
dans  les  chances  réciproques  d'un  duel,  a  donné  la  mort  à 
son  adversaire,  sans  déloyauté  ni  perfidie.  Des  projels  de 
loi  sur  le  duel  furent  présentés  aux  Chambres  en  1829  et 
1830,  sans  aboutir.  Puis  la  cour  de  cassation,  par  deux 
arrêts,  l'un  du  22  juin,  l'autre  rendu,  toutes  chambres 
réunies,  le  15  déc.  1837,  sur  les  conclusions  du  procureur 
général  Dupin,  déclara,  contrairement  à  sa  jurisprudence 
antérieure,  que  l'homicide  et  les  coups  et  blessures  reçus 
en  duel  rentraient  dans  les  dispositions  du  droit  commun. 
Cette  opinion  est  généralement  admise  depuis  lors  par  les 
tribunaux.  Elle  nous  paraît  inexacte  :  quelque  blâmable, 
au  point  de  vue  moral,  que  puisse  être  l'acte  du  duelliste, 
il  est  impossible  d'assimiler  légalement  un  combat  loyal  et 
régulier  à  l'acte  de  l'assassin  qui  attend  et  frappe  lâche- 
ment sa  victime.  La  jurisprudence  suivie  actuellement  abou- 
tirait du  reste  logiquement  à  des  conséquences  telles  qu'elles 
en  sont  la  condamnation  :  dans  un  duel  à  mort,  n'eût-il  pas 
même  abouti  à  une  blessure,  la  peine  à  appliquer  légalement, 
d'après  les  règles  de  la  tentative  et  de  la  complicité,  serait 
la  peine  de  mort  pour  les  deux  combattants  et  pour  les 
témoins.  En  fait,   on  ne  poursuit  que  très  rarement  :   si 


DUEL 


c'est  devant  la  cour  d'assises,  elle  acquitte  ;  si  c'est  devant 
le  tribunal  correctionnel,  il  condamne  ;  on  aboutit  à  cette 
anomalie  que  les  duels  les  plus  graves  sont  toujours  impu- 
nis, que  les  duels  moins  sérieux  peuvent  être  quelquefois 
punis.  A  plusieurs  reprises,  des  projets  de  loi  sur  le  duel 
ont  été  rédigés  :  ainsi  en  1832,  en  1845,  en  1850.  Le 
dernier  date  de  1877  ;  il  fut  repoussé  par  le  Sénat  le 
d'^'"  nov.  1883.  La  plupart  des  pays  étrangers  ont  des  dis- 
positions pénales  spéciales  sur  le  duel  :  C.  pénal  belge, 
art.  423  et  suiv.  ;  C.  pén.  allemand,  art.  201  et  suiv.  ; 
C.  pén.  luxembourgeois,  art.  423  et  suiv.  ;  C.  pén.  hongrois, 
art.  293  et  suiv.  ;  C.  pén.  des  Pays-Bas,  art.  452  et  suiv.  ; 
C.  pén.  italien,  art.  237  et  suiv.  E.  Gaiideil. 

V.  Morale.  —  Il  ne  peut  être  question  ici  que  du  duel 
sérieux,  où  ceux  qui  se  battent  cherchent  réellement  à  se 
donner  la  mort  l'un  à  l'autre,  tout  au  moins  à  se  faire  des 
blessures  graves  pour  laver  dans  le  sang,  comme  on  dit, 
une  mortelle  injure.  Car  il  n'y  a  pas  lieu  de  discuter  gra- 
vement le  duel  qui  n'est  qu'une  mode,  un  jeu,  une  sorte 
d'élégance  :  ce  jeu  imprudent  ne  relève  de  la  morale  que 
dans  la  mesure  où  il  comporte  des  risques  ;  et  si  les 
risques  étaient  nuls,  il  ne  resterait  qu'une  bravade  puérile 
bonne  seulement  à  en  imposer  aux  badauds.  Il  faut  aussi 
éliminer  le  cas,  d'ailleurs  rare,  du  duelliste  de  profession, 
du  matamore,  qui  pour  tout  et  pour  rien  fait  blanc  de  son 
épée,  sans  souci  d'avoir  pour  lui  la  justice  et  la  raison, 
du  moment  qu'il  a  la  force.  C'est  de  lui  que  Schopenhauer 
a  dit  :  «  On  se  fait  accorder  par  la  menace  les  témoignages 
extérieurs  de  l'estime,  que  l'on  croit  trop  difficile  ou  su- 
perflu d'acquérir  réellement  :  c'est  à  peu  près  comme  si 
quelqu'un  chauftait  avec  sa  main  la  boule  du  thermomètre 
pour  prouver  que  sa  chambre  est  bien  chauffée.  »  La 
question  n'est  vraiment  intéressante  qu'ainsi  posée  :  Que 
faut-il  penser  philosophiquement  de  cette  loi  de  la  morale 
mondaine,  de  cet  état  de  nos  mœurs,  qui  fait  que  le  plus 
honnête  homme,  le  plus  juste  et  même  le  plus  pacifique 
peut  se  croire  obligé  d'honneur  à  se  battre  en  duel  dans 
des  conditions  données  ?  Est-ce  un  pur  préjugé,  un  reste 
de  barbarie  ?  Ou  y  a-t-il  sous  ce  préjugé  un  sentiment  vrai 
de  la  dignité  humaine  ?  Le  duel  est-il  toujours  condamné,  ou 
peut-il  être  permis,  imposé  même  quelquefois  par  la  morale? 

On  peut  accorder,  semble-t-il,  que  le  duel  est  de^  deux 
manières  un  reste  de  barbarie  :  d'une  part,  c'est  évidem- 
ment un  legs  des  temps  où  l'individu,  mal  protégé  parles 
lois,  avait  à  se  faire  respecter  lui-même  ;  et,  par  suite,  il 
est  à  croire  qu'il  disparaîtrait  plus  vite  dans  une  société  où 
tous  les  droits,  même  les  plus  délicats,  des  personnes 
seraient  infailliblement  sauvegardés.  Comme  la  tendance 
à  se  faire  justice  à  soi-même  est  essentiellement  antijuri- 
dique et  destructive  de  l'état  social,  un  premier  point  à 
poser,  c'est  que  le  duel  est  une  faute  toutes  les  fois  que  le 
dommage  en  question  est  prévu  et  suffisamment  réprimé 
par  les  lois.  En  déférant  aux  tribunaux  un  insolent  agres- 
seur contre  lequel  on  est  sûr  d'avoir  gain  de  cause,  on  le 
punit  bien  mieux  qu'en  lui  faisant  l'honneur  de  s'aligner 
avec  lui,  pour  lui  faire  peut-être  une  piqûre,  mais  peut- 
être  aussi  pour  en  recevoir  de  lui.  Car  l'irrémédiable 
tort  du  duel  au  point  de  vue  du  bon  sens  comme  de 
l'équité,  c'est  que  l'issue  n'en  prouve  jamais  rien,  qu'on  y 
peut  triompher  ayant  tort  et  succomber  ayant  cent  fois 
raison  :  double  monstruosité  morale.  Et  comme  l'absurde 
ne  saurait  être  obligatoire,  on  n'aperçoit  vraiment  aucun 
cas  où  un  homme  qui  ne  s'est  donné  aucun  tort  puisse  être 
tenu  en  conscience  de  se  battre  en  duel.  Il  n'a,  en  effet, 
par  hypothèse,  aucune  réparation  à  accorder,  n'ayant  causé 
aucun  dommage  ;  et  quant  à  celles  qu'on  peut  lui  devoir, 
c'est  bien  le  moins,  si  la  loi  ne  les  lui  garantit,  qu'il  soit 
libre  de  les  dédaigner,  plutôt  que  de  les  demander  à  un 
combat  au  moins  douteux,  qui  peut  ou  manquer  ou  dé- 
passer le  but.  Car  vaincu,  il  sera  victime  une  fois,  de  plus; 
vainqueur,  sa  victoire  peut  aller  fort  au  delà  de  son  droit 
de  défense. 

Il  est  très  vrai  qu'il  ne  faut  pas  compter  sur  les  lois 


pour  nous  assurer  toujours  le  respect  d'autrui  dans  toute 
la  mesure  et  sous  toutes  les  formes  auxquelles  nous  avons 
le  droit  de  prétendre.  La  loi  protège  les  personnes  dans 
leurs  intérêts,  par  exemple,  mieux  que  dans  leur  répu- 
tation ;  et  il  est  certain  qu'elle  laisse  en  grande  partie  à 
chacun  de  nous  le  soin  de  faire  respecter  cette  chose  si  dé- 
licate et  d'un  si  grand  prix,  socialement  parlant,  qu'on 
appelle  l'honneur,  au  sens  mondain  de  ce  mot.  Mais  quand 
on  parle  morale,  on  en  appelle  de  l'opinion  ambiante  à  la 
raison  :  or,  quelque  prix  que  la  raison  nous  permette 
et  nous  commande  même  d'attacher  à  la  considération  de 
nos  semblables  (le  respect,  auquel  nous  devons  tenir,  en 
est  lui-même  une  manifestation),  il  est  impossible  au  mo- 
raUste  d'identifier  l'honneur  mondain,  c.-à-d.,  en  somme, 
la  réputation,  qui  si  souvent  ne  dépend  pas  de  nous,  avec 
l'honneur  vrai  qui  ne  peut  résider  que  dans  notre  carac- 
tère. Moralement,  il  n'y  a  de  déshonneur  qu'à  faire  volon- 
tairement le  contraire  de  ce  qu'on  doit.  Il  n'appartient  donc 
à  personne  de  me  déshonorer  ;  moi  seul  je  le  puis  si  je 
manque  sciemment  à  l'honneur  :  l'insulte  et  la  calomnie 
déshonorent  celui  qui  s'y  livre  et  non  celui  qui  les  subit. 
Dans  cet  ordre  d'idées,  les  justes  réparations  (savoir  la  ré- 
tractation et  les  excuses)  ne  sont  jamais  refusées  par  un 
galant  homme  qui  s'est  trompé  ou  emporté  trop  loin  :  il 
s'honore  en  reconnaissant  son  erreur  :  quant  aux  autres, 
c'est  duperie  [)ure  que  de  vouloir  exiger  d'eux  plus  que  la 
loi  écrite  ne  les  force  à  donner.  Et  le  cas  est  le  même, 
quoique  plus  douloureux  encore,  quand  il  s'agit  de  l'hon- 
neur de  nos  amis  et  de  nos  proches,  de  riionneur  des 
femmes  particulièrement.  La  loi,  certes,  parait  souvent 
alors  insuffisante  ;  et  la  publicité  de  l'action  judiciaire  est 
de  nature  à  augmenter  plutôt  le  dommage  dont  on  poursuit 
la  réparation  ;  mais  en  quoi  le  duel  est-il  plus  réparateur 
et  fait-il  moins  de  scandale  ?  Non,  la  seule  bonne  raison 
qu'un  homme  irréprochable  puisse  avoir  de  se  battre  en 
duel,  c'est  le  légitime  désir  de  montrer  qu'il  n'est  pas  un 
lâche  :  sentiment  respectable ,  mais  qui  peut  avoir  sa 
naïveté.  L'important,  moralement,  ce  n'est  pas  de  faire  dire 
qu'on  est  brave,  c'est  de  l'être,  et  de  réserver  son  courage 
pour  de  bonnes  occasions,  qui  ne  manquent  guère  ;  car 
c'est  une  vertu  dont  le  prix  moral  est  beaucoup  dans 
l'usage  qu'on  en  fait.  Admettons-le  aussi,  il  peut  y  avoir 
des  affronts  après  lesquels  un  honnête  homme  trouve  la 
vie  insupportable.  Une  telle  douleur  est  une  circonstance 
atténuante  pour  tout,  donc  pour  le  duel  aussi,  cela  va  de 
soi  ;  mais  elle  ne  fait  pas  qu'il  soit  logique,  ni  surtout 
obhgatoire  de  s'exposer  aux  coups  de  celui-là  même  qui  a 
déjà  tous  les  torts,  et  qui  ne  mérite  que  le  mépris. 

Quand  on  a  les  torts  soi-même,  le  cas  est  fort  différent. 
Comme  on  doit  toutes  les  réparations,  on  peut  être  tenu 
d'honneur,  après  avoir  offert  toutes  celles  qui  sont  possi- 
bles, à  ne  pas  refuser  même  «la  réparation  par  les  armes», si 
elle  est  jugée  seule  acceptable  par  la  personne  qu  on  a  offensée. 
Mais  le  duel  alors  a  des  obligations  particulières  :  la  loyale 
observation  des  règles  ordinaires  n'empêcherait  pas  de  pa- 
raître odieux  à  tous  et  d'une  insupportable  injustice, 
le  coup  dont  on  frapperait  (mortellement  surtout)  la  per- 
sonne qu'on  a  déjà  blessée  dans  ses  droits,  atteinte  dans 
son  honneur.  On  a  dit  du  duel  qu'il  est  une  tentative 
d'homicide  compliquée  d'un  suicide  éventuel  :  eh  bien,  il 
n'est  tolérable,  dans  l'éventualité  que  nous  envisageons, 
qu'à  condition  que  l'offenseur  en  fasse,  s'il  le  faut,  une 
sorte  de  suicide  plutôt  que  de  risquer  d'ajouter  l'homicide 
à  sa  faute.  —  On  le  voit,  le  seul  cas  où  ce  peut  être  un 
vrai  devoir  de  se  battre  en  duel,  c'est  en  expiation  d'une 
offense  irréparable  autrement,  et  c'est  à  une  condition 
qu'on  trouvera  sans  doute  rigoureuse .  Mais  on  n'a  qu'à 
ne  pas  se  mettre  dans  ce  cas  :  quand  le  vin  est  tiré  il  faut 
le  boire.  Si  l'obhgation  de  se  battre  quand  ils  s'injurient 
trop  gravement  est,  comme  on  le  dit  parfois,  le  seul  moyen 
d'éveiller  le  sens  de  l'honneur  chez  certains  soldats  et  de 
leur  apprendre  à  se  respecter  entre  égaux,  il  n'y  a  pas 
lieu  de  s'élever  si  haut  contre  le  duel  obligatoire  dans 


DUEL  —  DU  FAIL 


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l'armée  :  il  se  justifie  comme  les  autres  rigueurs  extrêmes  de 
la  discipline  militaire.  Mais,  en  thèse  générale,  on  peut  dire 
que  le  duel ,  quelquefois  excusable  en  considération  de  Tin- 
suffisance  des  lois  et  de  l'état  des  mœurs,  ne  saurait  jamais 
être  obligatoire  pour  qui  n'aurait  manqué  à  aucune  obliga- 
tion ;  et^on  ne  peut  que  le  condamner  en  principe,  comme 
n'offrant  aucune  garantie  de  justice  et  ne  pouvant  se  géné^ 
raliser  sans  danger  pour  l'ordre  social.        H.  Marion. 

VI.  Escrime.  —  Jeu  de  duel.—  Le  jeu  dit  de  duel  ou 
de  terrain  diffère  sensiblement  de  l'escrime  proprement  dite 
qu'on  enseigne  dans  les  salles.  Il  a  surtout  pour  but  d'éviter 
les  coups  pour  coups  si  fréquents  au  fleuret ,  même  entre 
tireurs  forts,  car  si,  dans  un  assaut  de  salle,  il  n'y  a  jamais 
qu'un  coup  qui  compte,  il  n'en  est  pas  de  même  sur  le  terrain . 
où  celui  qui  touche  n'importe  où  et  n'importe  comment  a 
toujours  raison.  La  création  de  ce  jeu  est  due  à  M.  Jules 
Jacob  qui  préside  en  ce  moment  (1892)  l'académie  d'armes. 
Les  principes  en  sont  clairement  établis  dans  les  leçons 
d'épée  de  ce  maître,  rédigées  par  M.  Emile  André,  directeur 
du  journal  r Escrime  française.  La  base  de  ce  jeu  consiste 
principalement  à  ne  faire  que  des  fausses  attaques  ou  des 
attaques  aux  parties  avancées  du  corps,  afin  de  pouvoir 
placer  utilement  une  riposte  ou  encore  mieux  une  contre- 
riposte  au  corps.  Il  ne  faut  attaquer  à  fond  au  corps  que  le 
moins  souvent  possible.  Dans  ce  cas,  on  doit  toujours  le  faire 
par  des  coups  simples  précédés  d'attaques  à  l'épée  :  batte- 
ment, froissement  ou  double  battement.  Les  croisés  sont 
également  d'un  emploi  très  utile.  Les  coups  portés  doivent 
toujours  être  lancés  et  non  allongés  comme  dans  l'escrime 
ordinaire.  En  outre,  après  toute  attaque  au  corps,  il  faut 
avoir  bien  soin  de  se  relever  vivement  en  faisant  un  bond 
en  arrière,  pour  éviter  le  coup  de  l'adversaire,  qui,  quoique 
touché,  pourrait  fort  bien  riposter.  En  somme,  le  tireur 
de  terrain  doit  toujours  avoir  présente  à  l'esprit  la  maxime  : 
«  Mieux  vaut  ne  pas  toucher  que  de  s'exposer  à  être 
touché.  »  A.  Balle. 

BiBL.  :  Grammaire.  —  A. -H.  Sayce,  Principes  de  Phi- 
lologie comparée,  trad.  Jovy  ;  Paris,  1884,  pp.  198  et  suiv.  — 
Keck,  Ueber  den  Dual  ;  W'urzbourg,  1882. 

Histoire.  —  Pasquier,  Des  Recherches  de  la  France^ 
1.  IV,  ch.  I.  —  Du  Gange,  Glossarium,  au  mot  Duellum. 

—  LoYSEL,  Institutes  coutimiières,  t.  II,  p.  177,  §§  808  à 
817,  ôd.Dupin.  — Savaron,  Traicté  contre  les  duels;  Paris, 
1610,  in-12.  —  Laurière,  Glossaire  du  droit  finançais,  au 
mot  Gage  de  bataille.  —  Brussel,  Usage  des  fiefs,  t.  II, 
p.  960.  —  Fr.  Majer,  Geschichte  der  Ordalien,  insbeson- 
dere  der  gerichtlichen  Zweikàmpfe  in  Deutschland  ;  léna, 
1795,  in-8.  —  Marchegay,  Duel  judiciaire  enlise  des  com- 
munautés religieuses.,  dans  Bibl.  de  VEcole  des  chartes, 
t.  I,  p.  552.  —  BrÛxNner,  la  Parole  et  la  Forme,  dans  Revue 
critique  de  législation,  1871-72.  —  Viollet,  les  Etablisse- 
ments de  saint  Louis,  t.  I,  pp.  183  et  265.  —  Brassart,  le 
Duel  judiciaire  du  comte  de  Fauquemberge  et  du  seigneur 
de  Sorel  (1372)  ;  Saint-Omer,  1884,  in-8.  —  Glasson,  His- 
toire du  droit  et  des  institutions  de  l'Angleterre,  t.  II, 
pp.  456  et  530.  —  Esmein,  Histoire  de  la  procédure  crimi- 
nelle en  France;  Paris,  1882,  in-8.  —  A.  Tardif,  la  Pro- 
cédure civile  et  criminelle  aux  xiii^  et  xivo  siècles  ;  Paris, 
1885,  in-8.  —  Tanon,  Histoire  des  justices  des  anciennes 
églises  et  communautés  monastiques  de  Paris;  Paris,  1883, 
p.  16.  —  J.  Gelli,  U  Duello  nella  storia  délia  giurispru- 
denza  e  nella  pratica  italiana;  Florence,  1886,  in-8.  — 
Guilhiermoz,  Saint  Louis.  Les  Gages  de  bataille  et  la 
procédure  civile,  dans  Bibl.  de  l'Ecole  des  chartes,  1887. 

—  J.  Tardif,  la  Date  et  le  caractère  de  Vordonnance  de 
saint  Louis  sur  le  duel  judiciaii'e,  dans  Nouvelle  Revue 
historique  du  droit,  1887,  p.  163.  —  D'Arbois  de  Jubain- 
ville,  le  Duel  conventionnel  en  droit  irlandais  et  chez  les 
Celtibériens,  dans  Nouvelle  Revue  historique  du  droit, 
1889,  p.  729.  —  F.  Patetta,  le  Ordalie  ;  Turin,  1890,  in-8. 

Temps  modernes.  —  Brantôme,  Discours  sm?^  les  duels, 
au  t.  VI  des  Œuvres  publiées  par  la  Société  de  ITIistoire 
de  France.  — B***,  Histoire  des  duels;  Amsterdam,  1720, 
in-12.  —  Comte  de  Ciiâteauvillard,  Essai  sur  les  duels, 

1836,  in-8.  —  Dupin,  Question  du  duel  devant  la  cour  de 
cassation;  réquisitoire  de  M.  Dupin,  procureur  général, 

1837,  in-8.—  Merignag,  Histoire  de  l'escrime;  Paris,  1883, 
in-8. —  ViGEANT,  Duels  de  maîtres  d'armes  ;  Paris,  1884, 
in-16.  —  Baron  de  Vaux,  les  Duels  célèbres  ;  Paris,  18H, 
in-8. —  Jules  Jacob,  le  Jeu  de  Vépée  ;  Paris,  1887,  in-8.  — 
A.  Tavernier,  l'Art  du  duel  ;  Paris,  1889,  in-8  et  in-12.  — 
G.  Letainturier-Fradin,  le  Duel  à.  travers  les  âges; 
Paris,  1892,  in-8. 

QUELLE  (Métrol.).  Poids  ancien,  valant  IOb'-SO. 


DUENASouDUENYAS  (Jehan  ou  Juan  de),  poète  espagnol 
du  XV®  siècle.  On  ne  sait  rien  de  sa  vie,  sinon  qu'il  fut 
prisonnier  à  Naples,  dans  la  tour  Saint-Vincent,  probable- 
ment après  la  défaite  navale  d'Alonso  V,  roi  d'Aragon,  à 
Ponza  (1435).  Ses  vers,  éparsen  différents  recueils,  n'ont 
jamais  été  réunis;  c'est  dans  les  rares  exemplaires  du 
Cancionero  gênerai  qu'il  faut  chercher  quelques  poésies 
de  lui  ou  à  la  Bibliothèque  particulière  de  Roi,  à  Madrid, 
qui  en  possède  onze  encore  inédites.  D.  Eugenio  de  Ochoa 
a  publié  pour  la  première  fois,  et  d'après  un  manuscrit  de 
la  Bibliothèque  nationale  (n°  7820,  Colecciôn  de  rimas 
antiguas  castellanas)^  une  œuvre  importante  de  Duenas, 
la  Nao  de  Amor^  allégorie  amoureuse  d'un  style  obscur 
et  dont  bien  des  passages  sont  à  peu  près  inintelligibles. 
Ce  poème,  composé  durant  la  captivité  de  Naples,  compte 
vingt-deux  strophes  de  neuf  vers  chacune,  plus  quatre 
vers  dans  lesquels  l'auteur  s'adresse  au  roi  en  terminant. 
Voici  le  titre  complet  :  la  Nao  de  Amor  que  fizo  Johan 
de  Duenas,  remetida  al  Rey  nuestro  Senor,  que  Bios 
haya.  Le  roi  dont  il  est  question  doit  être  D.  Juan  II  de 
Castille,  mort  en  1454.  Lucien  Dollfus. 

Bibl.  :  Consulter  sur  ce  poète  peu  connu,  D.  Eugenio 
de  Ochoa,  Catâlogo  razonado  de  los  manuscrites  espa- 
noles,  etc.;  Paris,  1844,  in-4.— Du  même.  Rimas  inéditas 
de  D.  Inigo  Lopez  de  Mendoza,  marqués  de  Santillana, 
Fernan  Perez  de  Guzmany  de  otros  poetas  delsiglo  XV  ; 
Paris,  1844,  in-8. —  11  existe  encore  deux  octaves  et  deux 
quatrains  de  arte  menor,  inédits,  à  la  Bibliothèque  natio- 
nale, ms.n»  7819. 

DUERNE.  Com.  du  dép.  du  Rhône,  arr.  de  Lyon,  cant. 
de  Saint-Symphorien-sur-Coise  ;  702  hab.  Un  des  villages 
les  plus  éleVés  du  dép.  du  Rhône,  à  l'embranchement  des 
routes  de  Clermont  et  de  Montbrison.  Duerne  est  une  an- 
cienne possession  de  l'abbaye  de  Savigny. 

DUERO.  Fleuve  d'Espagne  et  de  Portugal  (V.  Douro). 

DUERO  (Marquis  del)  (V.  Concha  [Don  Manuel]). 

DU  ES  M  E.  Com.  du  dép.  de  la  Côte-dJOr,  arr.  de  Châtillon- 
sur-Seine,  cant.  d'Aignay-le-Duc  ;  195  hab. 

DUEZ  (Ernest-Ange),  peintre  français  contemporain,  né 
à  Paris  en  1843.  Elève  de  Pils,  il  débuta  au  Salon  de  1868, 
mais  ce  fut  seulement  en  1873  que  son  tableau  Lune  de 
miel  fixa  l'attention  de  la  critique.  L'artiste  y  révélait  un 
talent  tout  parisien,  tout  moderne,  une  fine  élégance  dans 
le  dessin,  et  un  coloris  distingué,  d'une  harmonie  exquise 
dans  ses  tonalités  adoucies,  limité  à  cette  gamme  transpa- 
rente et  rompue  de  gris  argenté  qui  est  propre  à  notre 
région.  En  1874,  son  diptyque,  Splendeur  et  Misère,  sujet 
tout  parisien,  obtint  une  médaille  de 3®  classe.  Au  Salon  de 
1877  figura  le  Portrait  de  Madame  D...,  vêtue  de  rouge 
sur  un  divan  rouge,  dans  une  chambre  rouge,  d'un  aspect 
plus  étrange  qu'harmonieux.  L'œuvre  maîtresse  de  M.  Duez 
est  jusqu'à  présent  le  Saint  Cuthbert,  grand  triptyque 
(S.  1879;  au  musée  du  Luxembourg).  Les  qualités  de  l'ar- 
tiste s'y  retrouvent  entièrement  ;  mais  les  morceaux  d'un 
réalisme  si  moderne  dans  ses  détails  qui  y  figurent,  et  sur- 
tout le  fond  du  panneau  principal,  étude  prise  probable- 
ment près  des  villas  de  Sainte-Adresse  ou  de  Villerville, 
font  un  contraste  bizarre  avec  les  sujets  miraculeux  repré- 
sentés. Les  tableaux  les  plus  remarquables  de  l'artiste  ont 
été  ensuite  les  excellents  portraits  des  artistes  Ulysse  Butin 
(S.  1880)  et  A.  de  Neuville  (S.  1881)  ;  le  Miracle  des 
roses  de  saint  François  d'Assise  (S.  1884)  et  Virgile 
s'inspirant  dans  les  bois  (1889),  panneau  décoratif  pour 
la  Sorbonne.  Ad.  T. 

DU  FAIL  (Noël),  sieur  de  L\  Hérissaye,  écrivain  fran- 
çais, mort  vers  1585.  Juge  au  présidial  de  Rennes  vers 
1553,  il  entra  en  1571,  comme  conseiller,  au  parlement  de 
Bretagne.  C'est  à  peu  près  tout  ce  qu'on  sait  de  sa  vie. 
Conteur  agréable  et  satiriste  mordant,  il  ne  s'acquitta  pas 
moins  avec  infiniment  de  gravité  des  devoirs  de  sa  charge, 
jusqu'à  publier  des  Mémoires  recueillis  et  extraits  des 
plus  notables  et  solennels  arrêts  du  Parlement  de  Bre- 
tagne (Rennes,  1579,  in-fol.),  qui  détonent  un  peu  dans 
l'ensemble  de  son  œuvre.  Citons  de  Du  Fail  :  Propos  rus- 


—  il  - 


DU  FAIL  —  DUFAURE 


tiques  de  maître  Léon  Ladutfi  (Lyon,  i547,  in-8),  sorte 
d'églogue  en  prose  où  les  traits  satiriques  abondent,  qui  a 
été"  réimprimée  sous  des  titres  un  peu  différents  comme  : 
Discours  d'aucuns  propos  rustiques,  facétieux  et  de  sin- 
gulière récréation  (Paris,  4548,  in-16,  et  Lyon,  4549, 
in-46),  ou  les  Ruses  et  Finesses  de  Ragot  (Paris,  4573, 
in-46)  ;  Raliverneries  ou  contes  nouveaux  d'Eutrapel 
(Paris,  4548,  in-46;  Lyon,  4549,  in-46),  plus  connus 
encore  sous  le  titre  de  Contes  et  discours  d'Eutrapel 
(Rennes,  4585,  in-8).  Les  facéties  de  Du  Fait  ont  eu  une 
vogue  considérable  et  des  éditions  multiples.  Nous  ne  men- 
tionnerons que  les  recueils  :  Propos  rustiques,  baliver- 
neriesj  contes  et  discours  d'Eutrapel  avec  un  essai  sur 
la  vie  et  les  écrits  de  M.  Du  Fait  par  J, -Marie  Guichard 
(Paris,  4842,  in-42)  ;  Œuvres  facétieuses  (?dins,  4874, 
2  vol.  in-d6),  éd.  par  Assézat. 

DUFAU  (Fortuné),  peintre  français,  né  à  Saint-Domin- 
gue en  4770,  mort  à  Paris  en  4824.  Envoyé  fort  jeune  à 
Paris,  il  entra  dans  l'atelier  de  David  et  alla  ensuite  se 
perfectionner  en  Italie.  Rappelé  par  la  réquisition  militaire 
et  envoyé  en  Belgique  avec  son  régiment,  il  fut  fait  prison- 
nier par  les  Autrichiens  et  demeura  jusqu'à  la  paix  interné 
en  Hongrie.  De  retour  en  France,  il  exposa  divers  tableaux, 
dont  voici  les  principaux  :  Ugolin  et  ses  enfants  dans 
leur  prison  (S.  4800);  le  Général  Marescot,  entouré 
de  sa  famille  (S.  4806)  _;  Saint  Vmcent  de  Paul,  figure 
expressive  et  austère,  qui  produisit  une  profonde  sensation 
(S.  d808)  ;  Gustave  Wasa  haranguant  les  paysans  de 
la  Dalécarlie  (S.  4849;  musée  de  Marseille)  ;  Un  Vieillard 
en  méditation;  ce  dernier  tableau  passe  pour  son  chef- 
d'œuvre.  Excellent  dessinateur,  assez  bon  coloriste,  et 
surtout  habile  à  rendre  l'expression  dramatique  dans  les 
figures,  F.  Dufau  se  vit,  à  cause  de  son  républicanisme 
intransigeant,  laissé  de  côté  dans  les  commandes  officielles 
de  l'Empire  et  de  la  Restauration.  Ses  amis  eurent  grand- 
peine  à  lui  faire  obtenir  les  modestes  fonctions  de  profes- 
seur de  dessin  à  l'école  de  cavalerie  de  Saint-Germain,  puis 
à  l'école  militaire  de  Saint-Cyr  ;  il  dut  même  renoncer  à 
cette  dernière  place  peu  d'années  avant  sa  mort.      Ad.  T. 

DUFAU  (Pierre -Armand),  publiciste  français,  né  à 
Bordeaux  en  4795,  mort  à  Paris  le  25  août  4877.  Insti- 
tuteur (4845),  puis  directeur  (4840-4855)  des  Jeunes 
Aveugles,  outre  de  nombreux  articles  dans  la  presse  (il 
dirigea  le  Constitutionnel  en  4834),^  il  a  écrit  un  grand 
nombre  d'ouvrages  :  de  médiocres  livres  d'histoire,  des 
traités  d'économie  politique,  des  œuvres  littéraires.  Nous 
citerons  :  Collection  des  chartes,  lois  fondamentales  et 
actes  additionnels  des  peuples  de  V Europe  et  des  deux 
Amériques  (4821-26,  6  vol.);  Essai  sur  T état  physique, 
moral  et  intellectuel  des  aveugles-nés  (4836);  Traité 
de  statistique  ou  Théorie  des  lois  d'après  lesquelles  se 
développent  les  faits  sociaux  (4840)  ;  ISotice  historique, 
statistique  et  descriptive  sur  l'institution  des  Jeunes 
Aveugles  (4850,  in-8). 

DUFAURE  (Jules-Armand-Stanislas) ,  homme  d'Etat  fran- 
çais, né  à  Saujon  (Charente-Inférieure)  le  4  déc.  1798, 
mort  à  Rueil  le  27  juin  4884.  Il  fit  son  droit  à  Paris,  fut 
inscrit  en  4820  au  barreau  de  Bordeaux  oti  il  plaida  avec 
infiniment  de  talent  et  de  fougue  des  causes  politiques  qui 
le  mirent  en  lumière.  Il  s'occupa  bientôt  passionnément  de 
politique  active  et  en  4830  il  faisait  de  la  propagande 
libérale,  «  écrivant,  dit-il,  à  tous  les  électeurs,  les  relançant, 
mettant  leurs  pièces  en  règle,  rédigeant  leurs  mémoires  et, 
le  jour,  pressé  de  consultations,  partout,  dans  son  cabinet 
et  au  barreau,  dans  les  rues  et  sur  les  places  publiques  ». 
Devenu  très  populaire,  il  fut  élu  le  24  juin  4834  député 
de  Saintes,  qui  ne  cessa  de  le  réélire  jusqu'en  4848.  Mem- 
bre du  tiers  parti,  il  prit  peu  à  peu  une  influence  considé- 
rable sur  l'assemblée  par  ses  qualités  de  debater  et  par  la 
conscience  et  la  compétence  de  ses  rapports  soit  sur  les 
questions  d'affaires,  soit  sur  celles  de  droit  et  de  pratique 
parlementaires.  A  l'avènement  du  ministère  Thiers,  il  fut 
nommé  conseiller  d'Etat  (juin  4836)  et  démissionna  l'année 


suivante  avec  le  cabinet.  Il  fit  partie  de  la  coalition  contre 
le  ministère  Mole  et  après  la  victoire  de  cette  coalition  reçut 
le  portefeuille  des  travaux  publics  (42  mai  4839).  Il  fit 
preuve  d'une  activité  dévorante  :  fit  voter  l'amélioration  des 
grands  ports  de  commerce,  et,  grâce  à  son  intervention 
incessante  et  à  la  vigueur  de  ses  arguments  et  de  ses  con- 
victions, réussit  à  écarter  de  la  construction  des  chemins 
de  fer  les  obstacles  qui  l'avaient  jusqu'alors  entravée  et  qui 
semblaient  insurmontables.  Tombé  le  45  mars  4840  sur  la 
question  de  l'apanage  du  duc  de  Nemours ,  Dufaure  prit  à 
tâche  de  mener  à  bien  les  travaux  qu'il  avait  entrepris 
comme  ministre.  Il  se  fit  nommer  rapporteur  de  toutes  les 
lois  qu'il  avait  présentées  et  ne  prit  presque  aucune  part  aux 
débats  politiques.  Cependant,  en  4844,  il  attaqua  avec  une 
rare  énergie  la  fameuse  loi  sur  les  fortifications  de  Paris  qui 
avait  surexcité  tant  de  passions,  et  il  appuya  le  cabinet 
Thiers  auquel  l'opposition  voulait  refuser  des  subsides  pour 
le  développement  de  la  conquête  de  l'Algérie.  En  4842,  il 
fut  porté  comme  candidat  à  la  présidence  de  la  Chambre  par 
l'opposition  qui  réunit  sur  son  nom  484  voix  contre  227.  H 
dut  se  contenter  de  la  vice-présidence  qui  lui  fut  confiée  de 
nouveau  en  4845.  Survint  la  révolution  de  4848.  Elu  à  la 
Constituante  par  la  Charente-Inférieure,  Dufaure  fit  partie 
de  la  commission  de  constitution,  et  le  43  oct.  fut  nommé 
ministre  de  l'intérieur  par  Cavaignac.  Cette  nomination  ne 
laissa  pas  que  de  surprendre  le  pubHc.  Le  National  écrivait  : 
«  A  huit  mois  du  24  févr.,  il  est  naturel  qu'on  s'étonne  de 
voir  l'ancien  adversaire  des  banquets  réformistes  devenir  le 
chef  de  la  politique  intérieure  de  la  France  républicaine.  » 
Ces  attaques  se  reproduisant  même  au  sein  de  l'assemblée, 
Dufaure  y  répondit  en  ces  termes  :  «  De  quoi  se  plaint-on 
en  réalité  ?  Soyons  francs  !  on  se  plaint  de  ce  que  le  gou- 
vernement a  fait  un  pas  vers  des  hommes  qui  n'étaient  pas 
républicains  la  veille  du  24  févr.  —  cela  est  vrai,  et  je  suis 
forcé  d'en  convenir,  —  mais  qui  ont  accepté  la  République, 
qui  s'y  sont  attachés ,  qui  se  sont  voués  à  la  défendre  !  » 
Il  combattit  très  vivement  les  théories  des  socialistes,  défendit 
à  la  tribune,  sans  grand  bonheur,  l'expédition  de  Civita  Vec- 
chia,  et  appuya  de  toutes  ses  forces  la  candidature  de  Cavai- 
gnac à  la  présidence  de  la  République.  Lorsqu'elle  eut  échoué, 
il  se  retira  avec  le  ministère  (20  déc.  4848)  et  soutint  la 
proposition  de  dissolution  de  l'Assemblée.  Réélu  à  la  Légis- 
lative le  43  mai  4849,  il  rentra  au  ministère  de  l'intérieur 
grâce  à  l'insistance  d'Odilon  Barrot,  réprima  la  tentative  de 
Ledru-Rollin,  fit  mettre  en  état  de  siège  Paris  et  plusieurs 
départements,  interdit  les  clubs  pendant  un  an,  et  suspendit 
quelques  journaux.  Ces  mesures  de  rigueur  l'exposèrent  aux 
interpellations  incessantes  et  passionnées  de  la  gauche,  et 
cependant  Louis-Napoléon,  prétextant  que  le  cabinet  n'avait 
ni  force  ni  énergie ,  le  renvoyait  brusquement  le  34  oct. 
4849.  Dufaure  s'occupa  alors  presque  uniquement  de  la 
grande  enquête  sur  l'état  de  la  marine  française.  Après 
quelques  jours  de  détention,  au  moment  du  coup  d'Etat  du 
2  déc,  il  rentra  dans  la  vie  privée.  Inscrit  au  barreau  de 
Paris,  il  y  plaida  avec  éclat  des  procès  politiques  ,  fut  élu 
bâtonnier  de  l'ordre  à  la  fin  de  juil.  4862  et  entra  à  l'Aca- 
démie française  le  23  août  4863  en  remplacement  du  chan- 
celier Pasquier.  Ses  succès  oratoires  accrurent  encore  sa 
notoriété.  Les  libéraux  se  comptaient  sur  son  nom  aux 
élections  législatives  départementales  (Charente-Inférieure 
en  4857  et  4863,  Gironde  en  4863,  Var  en  4868).  Dès  la 
proclamation  de  la  République ,  il  fut  élu  à  l'Assemblée 
nationale  par  cinq  départements  :  Charente-Inférieure,  Gi- 
ronde, Hérault,  Seine-Inférieure,  Var  (8  févr.  4874).  Il 
opta  pour  la  Charente-Inférieure.  Le  46  févr.,  quatre  jours 
après  la  constitution  de  l'Assemblée,  il  proposait,  avec 
MM.  Grévy,  de  Malleville,  Vitet,  Barthélémy  Saint-Hilaire, 
de  choisir  M.  Thiers  comme  chef  du  pouvoir  exécutif  de  la 
République  française  et,  cette  proposition  acceptée  (17  févr.), 
prenait  le  portefeuille  de  la  justice.  Il  eut  à  réorganiser  la 
magistrature,  à  reconstituer  les  actes  de  l'état  civil,  à 
diriger  les  poursuites  contre  les  insurgés  de  la  Commune, 
à  préparer  un  projet  de  réorganisation  du  conseil  d'Etat.  Il 


DUFAIjRE  —  DUFAY 


—  42 


prépara,  soutint  et  fit  voter  en  4872  la  loi  sur  le  jury  ;  enfin 
il  fit  nommer  la  comnission  de  trente  membres  chargée  de 
régler  les  attributions  des  pouvoirs  publics  et  les  conditions 
de  la  responsabilité  ministérielle.  Tombé  avec  Thiers  le 
24  mai  1873  devant  la  coalition  des  droites,  Dufaure  siégea 
au  centre  gauche.  Il  combattit  le  cabinet  de  Broglie,  et 
réclama  à  plusieurs  reprises,  sans  succès,  la  mise  à  l'ordre 
du  jour  des  projets  de  lois  constitutionnelles.  Il  appuya 
également  M.   Wallon  et  sur  cette  question  capitale  de 
l'adoption  d'une  constitution  républicaine  devint  en  réalité 
le  chef  des  gauches.  Le  15  mars  1875,  les  sceaux  lui  étaient 
rendus  (cabinet  Buffet).  Il  prit  alors  une  part  importante  à 
l'organisation  du  Sénat  et  à  la  discussion  des  lois  électo- 
rales des  deux  Chambres,  tout  en  combattant  avec  vigueur 
le  parti  bonapartiste.  Il  échoua  aux  élections  sénatoriales 
dans  la  Charente-Inférieure,  mais  fut  élu  député  par  l'arr. 
de  Marennes  le  20  févr.  1876.  M.  Buffet,  battu  dans  quatre 
circonscriptions,  démissionna.  Aussitôt  Dufaure  fut  nommé 
président  du  conseil  (9  mars).  Après  avoir  repoussé  l'am- 
nistie pour  les  insurgés  de  la  Commune,  il  institua  la  com- 
mission des  grâces,  puis  il  créa  au  ministère  de  la  justice 
le  comité  de  législation  étrangère  auquel  il  confia  la  mission 
de  réunir  tous  les  textes  et  de  publier  les  traductions  de  codes 
étrangers,  il  reprit  l'élude  de  la  réforme  judiciaire,  se  pro- 
digua^dans  tous  les  débats  importants  et  porta  à  l'apogée  sa 
renommée  d'orateur  d'affaires,  âpre  et  tenace,  clair  et  con- 
vaincant. Il  tomba  le  12  déc.  1876  sur  la  question  de  la 
cessation  de  toutes  poursuites  nouvelles  à  l'occasion  de  la 
Commune*.  Il  avait  été  nommé  sénateur  inamovible  le  14  août 
1 876  en  remplacement  de  Casimir-Perier.  Il  voyagea  quelque 
peu  et  revint  à  Paris  pour  lutter  contre  le  gouvernement  du 
16  mai  qui  n'eut  pas  d'adversaire  plus  mordant.  Il  vota 
contre  la  dissolution  de  la  Chambre  et  après  la  victoire  des 
363  fut  chargé  (24  déc.  1877)  de  constituer  un  ministère 
dit  «  parlementaire  ».  Il  eut  à  réparer  les  injustices  com- 
mises par  le  cabinet  de  Broglie-Fourtou,  mit  sur  le  chantier 
la  revision  du  code  d'instruction  criminelle,  présenta  une 
loi  sur  l'extradition,  s'occupa  delà  colonisation  algérienne 
et  de  bien  d'autres  questions  avec  une  puissance  de  travail 
extraordinaire  et  troublé  sans  cesse  par  des  sollicitations 
qui  lui  arrachaient  des  boutades  comme  celle-ci  :  «  Je  ne 
sais  plus  auquel  entendre  et,  si  j'en  croyais  les  députés,  je 
laisserais  tout  cela  pour  m'occuper  de  leurs  juges  de  paix. 
Les  affaires  de  l'Etat,  la  conférence  de  Berlin,  qu'est-ce  que 
cela?  Les  affaires  de  mon  canton,  voilà  les  matières  sé- 
rieuses! »  Lorsque  le  maréchal  de  Mac-Mahon  eut  refusé 
d'adhérer  au  remplacement  des  commandants  de   corps 
d'armée  qui  avaient  dépassé  le  terme  de  trois  années  fixé 
par  la  loi,  Dufaure  ne  voulut  point  plier  à  son  désir  la  déci- 
sion du  conseil  des  ministres,  et  le  président  de  la  République 
fut  ainsi  amené  à  démissionner.  Mais  aussitôt  que  M.  Grévy 
eut  été  élevé  à  la  présidence,  Dufaure  remit  entre  ses  mains 
la  démission  du  cabinet  (3  févr.  1879)  et  ne  voulut  point 
entrer  dans  le  nouveau  ministère.  Depuis  lors,  il  siégea  au 
Sénat  presque  silencieux,  assombri  par  la  mort  de  sa  femme 
(]VP^®  Jaubert).  Il  combattit  pourtant  en  1880  le  fameux 
article  7  comme  contraire  à  la  liberté,  et  ce  fut  son  dernier 
discours. 

BiBL.  :  Georges  Picot,  M.  Dufaure^  sa  vie  et  ses  dis- 
cours; Paris,  1883,  in-12.  —  P.  Moulin,  M.  Dufaure  et  son 
fauteuil  académique  ;  Paris,  1879,  in-8. 

DUFAURE  (Amédée),  homme  politique  français,  né  à 
Paris  le  29  nov.  1851.  Fils  du  précédent,  il  fut  d'abord 
attaché  à  la  préfecture  de  la  Seine,  puis  devint,  en  1873, 
secrétaire  de  M.  Ferdinand  Duval,  alors  préfet.  Il  entra 
ensuite  dans  la  diplomatie,  fut  successivement  secrétaire 
d'ambassade  à  Rome  et  à  Madrid,  puis  revint  auprès  du 
duc  Decazes  et  du  marquis  de  Bonneville,  tous  deux  mi- 
nistres des  affaires  étrangères,  jusqu'au  jour  où,  après 
avoir  été  entre  temps  chef  du  cabinet  de  son  père,  il  donna 
sa  démission.  Quatre  ans  plus  tard  il  fut  élu,  dans  le 
VHP  arrondissement  (quartier  de  la  Madeleine),  conseiller 
municipal  de  Paris  et  conseiller  général  de  la  Seine.  Aux  I 


élections  du  22  sept.  1889,  M.  Amédée  Dufaure  s'est 
présenté  dans  l'arr.  d'Etampes  (Seine-et-Oise),  comme 
candidat  conservateur  libéral,  et  a  été  élu  contre  M.  de 
Jouvencel,  républicain  radical,  député  sortant.  A  l'ouverture 
de  la  session,  il  a  été  nommé  secrétaire  de  la  Chambre. 

DUFAURE  DU  Bessol  (Joseph-Arthur),  général  fran- 
çais, né  à  Beaulieu  (Corrèze)  le  25  févr.  4828.  Engagé 
volontaire  en  1847,  il  entra  à  Saint-Cyr,  en  sortit  en 
1851,  et  servit  en  Afrique  au  bureau  arabe  de  Sidi-bel- 
Abbès  (4  853-1854),  fit  la  campagne  de  Crimée  (1854- 
56),  la  campagne  d'Italie  (4859),  et,  promu  capitaine  aux 
grenadiers  de  la  garde  en  4859,  combattit  au  Mexique  de 
1862  à  1867.  Le  12  sept.  1870,  il  fut  nommé  colonel  du 
43®  de  marche,  avec  fonction  de  commandant  d'une  bri- 
gade de  l'armée  du  Nord,  et  promu  général  le  7  nov.  sui- 
vant, combattit  brillamment  à  Rezonville,  à  Amiens,  à 
Saint-Quentin  où  il  reçut  trois  blessures,  livra  les  com- 
bats de  Mézières  et  Villers-Bretonneux,  assista  à  ceux  de 
Pont-Noyelles  et  Bapaume.  Classé  le  16  sept.  1871  dans 
l'état-major  général,  il  fut  nommé  le  28  oct.  commandant 
de  la  Haute-Garonne.  Promu  général  de  division  le  14  nov. 
1880,  il  est  actuellement  (1892)  commandant  du  19®  corps 
d'armée  (Alger). 

DUFAY  ou  DU  FA  Y  (Guillaume)  célèbre  compositeur 
français,  né  probablement  à  Cambrai,  vers  1400,  mort 
à  Cambrai  le  27  nov.  1474.  C'est  un  de  ceux  qui,  avec 
Binchois  et  Dunstable  (V.  ces  noms)  firent  le  plus  pour 
le  développement  de  l'art  contrepointique.  Il  fit  son  édu- 
cation musicale  comme  enfant  de  chœur  à  la  cathédrale 
de  Cambrai.  Le  20  déc.  1428,  on  le  trouve  mentionné 
parmi  les  chanteurs  de  la  chapelle  pontificale,  où  il  resta 
jusqu'en  juin  4437.  On  suit  assez  vaguement  sa  trace  à  la 
cour  de  Bourgogne  et  à  Paris,  avant  de  le  retrouver  en 
1440,  puis  surtout  à  partir  de  1450,  fixé  à  Cambrai, 
comme  chanoine  de  la  cathédrale.  Ses  compositions,  long- 
temps oubliées,  ont  été  retrouvées  récemment  en  nombre 
considérable;  on  en  compte  soixante-deux  dans  le  ms. 
37  du  Liceo  musicale  de  Bologne  ;  vingt-cinq  dans  le 
ms.  2216  de  l'Université  de  la  même  ville  ;  d'autres , 
aux  archives  de  la  chapelle  pontificale  de  Saint-Pierre  de 
Rome,  de  la  cathédrale  de  Trente,  et  des  bibliothèques  de 
Modène,  Paris  (Bibliothèque  nationale,  ms.  fr.  15123), 
Bruxelles  et  Cambrai.  Ce  sont  pour  la  plupart  des  mor- 
ceaux religieux,  messes,  fragments  de  messes,  hymnes,  etc., 
à  deux ,  trois  ou  quatre  voix ,  plus  quelques  pièces  de 
circonstance,  telles  qu'une  hymne  pour  le  couronnement 
de  l'empereur  Sigismond  (1433),  et  quelques  chansons 
italiennes  et  françaises.  On  doit  attendre,  pour  bien  appré- 
cier l'étendue  des  progrès  accomplis  dans  l'art  par  Dufay, 
qu'un  nombre  suffisant  de  ses  œuvres  ait  été  publié.  Mais 
le  peu  qui  en  a  été  donné  jusqu'à  ce  jour  a  suffi  à  le  placer 
au  premier  rang  de  l'école  française,  dans  la  période  im- 
médiatement antérieure  à  Ockeghem.      Michel  Brenet. 

BiBL.  :  HouDOY,  Histoire  artistique  de  la  cathédrale  de 
Cambrai,  1880,  in-4.  —  Haberl,  Bausteine  fur  Musilige- 
sckichte^  t.  I,  W.  duFay^  1885^  in-8. — Brenet,  G.  Dufay^ 
dans  le  Ménestrel  des  15,  22,  29  août,  5,  12,  26  sept.  1886. 
DU  FAY  (Charles-François de  Cisternay)  (V.  Fay  [DuJ). 
DUFAY  (Louis-Pierre),  homme  politique  français,  né  à 
Paris  en  1753.  Député  de  Saint-Domingue  à  la  Convention, 
il  n'y  siégea  qu'à  partir  du  15  pluviôse  an  II.  Il  fit  partie 
du  conseil  des  Cinq-Cents.  On  ignore  la  date  de  sa  mort. 
D  U  FAY  (Jean-François-Charles),  homme  politique  fran- 
çais, né  à  Blois  (Loir-et-Cher)  le  24  juin  1815.  Docteur 
en  médecine,  il  exerça  à  Blois  de  1845  à  1874 ,  et  se  dis- 
tingua particulièrement  lors  du  choléra  de  1849,  ce  qui 
lui  valut  une  médaille  d'argent.  De  bonne  heure  il  avait 
fait  de  la  politique  libérale,  avait  dirigé  un  journal,  le  Ré- 
publicain de  Loir-et-Cher  (1848-4849),  et,  élu  conseiller 
municipal  de  Blois  en  1869,  avait  fait  partie  de  la  com- 
mission chargée  provisoirement  de  l'administration  de  la 
commune  pendant  la  guerre,  et  rempli  les  fonctions  de 
maire  durant  l'occupation  allemande,  situation  qui  fut  ré- 
gularisée en  mai  1871  par  décret  du  chef  du  pouvoir 


exécutif.  Après  avoir  échoué  aux  élections  du  8  févr.  1871 
pour  l'Assemblée  nationale,  il  fut  élu  représentant  de 
Loir-et-Cher  le  2  juil.  delà  même  année,  siégea  à  la  gauche 
républicaine  et  vota  les  mesures  les  plus  libérales.  Il  posa 
sans  succès  sa  candidature  aux  élections  sénatoriales  du 
30  janv.  1876,  mais  fut  élu  député  de  Blois  (1''^  circons- 
cription) le  20  févr.  suivant.  Il  combattit  le  gouvernement 
du  16  mai,  fut  réélu  le  14  oct.  1877  avec  les  363,  et  le 
5  janv.  1879  devint  sénateur  de  Loir-et-Cher.  Il  a  été 
réélu  au  renouvellement  triennal  du  5  janv.  1888.  Dans 
la  Chambre  haute,  il  a  soutenu  la  politique  républicaine  et 
combattu  le  boulangisme.  Membre  d'un  certain  nombre  de 
sociétés  savantes  ou  d'associations  utilitaires,  fondateur 
de  V Association  médicale  de  Loir-et-Cher  et  vice-pré- 
sident de  V Association  générale  de  prévoyance  et  de 
secours  mutuels  des  médecins  de  France^  le  D''  Dufay 
a  collaboré  activement  à  plusieurs  recueils  scientifiques, 
entre  autres  au  Bulletin  de  la  Société  de  psychologie 
'physiologique  (1888-1890)  et  à  la  Revue  scientifique 
(1876-1888).  Disciple  de  Claude  Bernard,  il  admet  la  théo- 
rie du  déterminisme  organique  et,  en  philosophie  naturelle, 
la  doctrine  de  l'évolution  et  du  transformisme.  Citons  en- 
core de  lui  une  importante  étude  biographique  et  bibliogra- 
phique: Un  Erudit  au  xix^  siècle,  Armand  Baschet 
et  son  œuvre  (Paris,  1887,  in-8). 

D  U  FEY  (Pierre- Joseph-Spiridion) ,  dit  Dufey  de  l'Yonne, 
pubhciste  français,  né  en  1770,  mort  aux  BatignoUes  en 
déc.  1854.  Avocat  à  Bordeaux,  il  y  plaida  jusqu'en  '1812 
et,  venu  à  Paris  à  peu  près  à  cette  époque,  se  lança  dans 
le  journalisme.  Rédacteur  au  Nain  jaune  (1815),  il  fonda 
ensuite  avec  Robert  Babeuf  et  G.-C.  Zenowitz  le  Nain 
tricolore,  qui  n'eut  qu'un  numéro,  supprimé  par  arrêt  de 
la  cour  d'assises  de  la  Seine  du  11  juin  1816  qui  con- 
damna Dufey  à  la  déportation.  En  1826,  il  créait  un  nouvel 
organe,  le  Mémorial  politique,  littéraire  et  industriel, 
qui  n'eut  pas  de  succès.  Outre  sa  collaboration  active  à  un 
grand  nombre  de  périodiques  et  de  recueils,  comme  des 
Biographies,  des  Dictionnaires,  entre  autres  le  Diction- 
naire de  la  conversation,  Dutey  a  produit  un  nombre 
considérable  d'ouvrages  dans  tous  les  genres  parmi  les- 
quels nous  citerons  :  Histoiî^e,  actes  et  remontrances 
des  parlements  de  France  et  autres  cours  souveraines 
depuis  1461  jusqu'à  leur  suppression  (Paris,  1826, 
2  vol.  in-8)  ;  t Europe  et  la  France  en  i792  et  i8I5 
(1815,  in-8)  ;  Confessions  de  Napoléon  (1816,  2  vol. 
in-12),  saisi  par  la  police  ;  Nouveau  Dictionnaire  histo- 
rique des  environs  de  Paris  (1825,  in-8);  Coligny 
(1824,  4voL  in-12);  Danois  {{^U,  4  voL  m-\'2){ Des 
Assemblées  aux  Champs  de  Mars  (1815,  in-8)  ;  Histoire 
des  communes  de  France  (1828,  in-8)  ;  la  Bastille 
(1834,  in-8),  etc. 

DU  FF  (Iles).  Petit  archipel  de  l'Océanie  dont  les  onze 
îles  dépendent  du  groupe  voisin  des  îles  Santa-Cruz  (Y.  ce 
nom).  Il  a  été  découvert  en  1797  par  le  capitaine  Wilson 
dont  le  navire  s'appelait  le  Duff. 

DU  FF,  comtes  de  Fife,  famille  anglaise.  William  Duff, 
membre  de  la  Chambre  des  communes  pour  le  Banffshire, 
de  1727  à  1734,  fut  créé  comte  de  Fife  dans  la  pairie  d'Ir- 
lande le  26  avr.  1759.  Il  mourut  en  1763.  —  Son  fils 
James,  grand  agronome,  augmenta  fort  la  valeur  des  pro- 
priétés patrimoniales  dans  le  nord  de  l'Ecosse;  en  -1790, 
il  fut  créé  baron  File  dans  la  pairie  d'Angleterre.  Il  mourut 
en  1809,  et  le  titre  s'éteignit  en  tant  que  titre  anglais.  En 
tant  que  titre  irlandais,  le  comté  de  Fife  passa  à  Alexander, 
frère  du  dernier  comte. 

DUFF  (Robert),  amiral  anglais,  mort  en  1787,  Com- 
mandant dès  1744,  il  prit  part  à  l'expédition  de  1758  contre 
la  Bretagne  armoricaine  et  servit  aux  Antilles  et  à  Gibraltar. 

DUFF  (William),  publiciste  anglais,  né  en  1732,  mort 
en  1815.  11  a  écrit  des  sermons  (étant  pasteur  de  l'Eglise 
d'Ecosse)  et  des  ouvrages  de  critique  morale  et  littéraire. 

DUFF  (James),  général  espagnol,  né  en  1776,  mort  en 
1857.  Entré  comme  volontaire  au  service  de  l'Espagne  en 


—  ^3  —  DUFAY  —  DUFFERIN 

1808,  étant  riche,  il  fut  nommé  tout  de  suite  major  géné- 
ral ;  il  se  distingua  à  la  bataille  de  Talavera,  et  à  la  défense 
de  Cadix.  En  1811,  il  succéda  à  son  père  comme  quatrième 
comte  de  Fife  dans  la  pairie  d'Irlande  ;  il  fut  créé  pair  du 
Royaume-Uni  en  1827.  Son  neveu  hérita  de  ses  titres  et 
de  ses  biens. 

DUFF  (James-Grant),  historien  anglais,  né  en  1789, 
mort  en  1858.  Il  fit  sa  carrière  dans  l'Inde  comme  soldat  et 
comme  diplomate.  Résidant  en  1818  dans  le  pays  des 
Mahrattes,  il  y  resta  cinq  années,  réunissant  les  matériaux 
d'une  grande  histoire  de  ce  peuple,  histoire  qu'il  publia, 
après  son  retour  en  Ecosse  en  1826,  sous  le  titre  de  His- 
tory  of  the  Mahr atlas.  —  L'un  de  ses  fils  a  été  i^ouverneur 
de  Madras  de  1881  à  1886. 

DUFF  (Alexander),  missionnaire  écossais,  né  en  1806, 
mort  en  1878.  Après  de  brillantes  études  à  Saint-André 
et  à  Edimbourg,  il  alla  en  Inde,  en  1829,  pour  y  propa- 
ger le  christianisme.  Au  lieu  de  prêcher  dans  l'une  ou 
Fautre  langue  indigène,  il  ouvrit  une  école  où  il  enseignait 
l'anglais  ;  cette  méthode  avait  pour  but  de  donner  à'  une 
élite  indigène  accès  aux  avantages  de  la  civilisation  chré- 
tienne, et  de  faire  pénétrer  ainsi  le  christianisme  par  cette 
élite  dans  la  masse  du  peuple.  Duff  débuta  avec  cinq  élèves  ; 
avant  la  fin  de  l'année  il  en  avait  trois  cents,  et  dut  en 
refuser  faute  de  place.  Une  dysenterie  l'obligea  à  revenir 
en  Europe  en  1834.  Il  séjourna  encore  en  Inde  de  1840  à 
1849  et  de  1856  à  1863.  Ses  écoles  se  multiplièrent; 
mais  le  résultat  le  plus  clair  fut  que  la  méthode  de  Duff 
s'imposa  au  gouvernement  colonial  ;  elle  devint  le  principe 
de  la  loi  qui  réorganisa  l'instruction  publique  en  1854. 
Outre  cela,  pendant  les  congés  que  Duff  passa  en  Ecosse  et 
de  1864  à  sa  mort,  il  a  su  créer  au  sein  de  l'Eglise  libre 
d'Ecosse,  séparée  de  l'Etat  depuis  1843  et  réduite  à  ses 
propres  ressources,  un  courant  d'intérêt  sans  pareil  pour 
les  missions  étrangères.  En  effet,  cette  Eglise  qui  compte 
environ  300,000  membres  communiants,  entretenait,  eu 
1890,  cinquante-un  missionnaires  en  Inde,  auK  Nouvelles- 
Hébrides,  en  Cafrerie,  au  lac  Nyassa,  en  Sprie  et  à  Aden, 
et  a  mis  durant  l'exercice  1889-1890,  à  la  disposition  de 
sa  commission  des  missions  étrangères,  la  somme  de  plus 
de  2,400,000  fr.  Enfin,  Duff  réussit  à  créer  à  Glasgow 
une  chaire  spéciale  d'histoire  des  missions  chrétiennes, 
dont  il  fut  naturellement  le  premier  titulaire.  F. -II.  K. 

BiBL.  :  G.  Smith,  The  Life  of  A.  Duff;  Londres,  1871), 
2  vol.  in-8. 

DUFFEL.  Com.  belge  de  la  prov.  d'Anvers,  arr.  de 
Malines,  sur  la  Nèthe,  affli.  du  Rupel  ;  5,800  hab.  Stat. 
du  chemin  de  fer  de  Bruxelles  à  Rotterdam,  à  19  kil. 
d'Anvers.  Blanchisseries  de  toiles,  fabriques  de  tissus, 
papeteries.  Duffel  est  le  lieu  de  naissance  du  fameux  phi- 
lologue Corneille  Yankiel,  dit  Kilianus. 

DUFFERIN  (Cœlina,  lady),  femme  poète  anglaise  (Y. 
Sheridan  [Lady  Helen]). 

DUFFERIN  (Frederick  -  Temple -llamilton  Blâckwood, 
comte),  diplomate  anglais  contemporain,  né  à  Florence 
en  juin  1826.  Il  succéda  au  titre  de  son  père,  le  troi- 
sième baron  Dufferin,  le  21  juil.  1841,  visita  l'Irlande  pen- 
dant la  lamine  de  1846-47,  l'Islande  en  yacht  en  1859, 
et  rapporta  de  ses  voyages  deux  livres  intéressants  :  Nar- 
rative of  a  journey  during  the  year  of  the  Irish  fa- 
mine (1847)  et  Letters  from  high  latitudes  (5®  édit., 
1867).  Sous-secrétaire  d'Etat  pour  l'Inde  de  1864  à  1866, 
puis  de  la  guerre,  il  fut  nommé  chancelier  du  duché  de 
Lancastre  en  1868  dans  le  ministère  Gladstone,  après  avoir 
publié  plusieurs  écrits  sur  la  question  irlandaise.  Gouver- 
neur général  du  Dominion  of  Canada  depuis  avr.  1872,  il 
visita,  accompagné  de  lady  Dufferin,  la  Colombie  anglaise 
pendant  l'été  de  1876,  et  resta  à  ce  poste  jusqu'en  oct. 
1878.  Ambassadeur  à  Saint-Pétersbourg  (févr.  1879),  puis 
à  Constantinople  (mai  1881),  il  eut  à  diriger  en  1882-83 
l'action  diplomatique  de  l'Angleterre  près  de  la  Porte, 
à  l'occasion  des  événements  d'Egypte.  En  nov.  1884,  lord 
Dufferin  (élevé  dès  1871  à  la  dignité  de  comte)  fut  investi 


DUFFERIN  —  DUFOUR 


-.  14  — 


de  la  Yice-royauté  des  Indes.  Il  est  rentré  ensuite  dans  la 
carrière  diplomatique  par  l'ambassade  de  Rome  (1889) 
d'où  il  a  été  transféré  (déc.  1894)  à  l'ambassade  de  Paris, 
vacante  par  la  mort  de  lordLytton.  En  4888,  la  faveur  de 
la  reine,  méritée  par  d'éminents  services,  l'a  élevé  au  mar- 
quisat (sous  le  titre  de  marquis  Dufferin  et  Ava)  ;  elle  lui 
a  conféré  en  4894,  après  la  mort  de  W.-H.  Smith,  la 
dignité  très  honorifique  et  très  lucrative  de  lord  gardien 
des  Cinque-Ports.  M.  Henry  Milton  a  publié,  en  4882, 
les  Speeches  and  adresses  de  lord  Dutferin.  Les  Letters 
from  high  latitudes  ont  été  traduites  deux  fois  en  fran- 
çais: Lettres  écrites  des  régions  polaires  (?diris,  4860, 
in-8,  et  4882,  in-8);  Un  Voyage  en  yacht.  Lettres  des 
hautes  latitudes  (Montréal,  4876,  in-8).  —  M.  Robert 
de  Gerisy  a  publié  une  traduction  d'un  livre  de  la  mar- 
quise Dufferin  et  Ava  sous  le  titre  :  Quatre  Ans  aux  Indes 
anglaises.  Noire  vice-royauté.  Fragm£nt  de  mon  jour- 
nal, 1884-1888  (Paris,  4890,  2  vol.  in-42). 

DUFFET  (V.  DouFFET  [Gérard]). 

DUFFLAS.  Tribu  de  l'Himalaya  (V.  Daflas). 

DUFFORT.  Com.  du  dép.  du  Gers,  arr.  de  Mirande, 
cant.  de  Miélan;  446  hab. 

DUFFY  (Sir  Charles-Gavan),  homme  poUtique  anglais, 
né  en  4846.  H  débuta  comme  journaliste  à  Dublin  et  à 
Belfast  dans  les  rangs  du  parti  delà  «  Jeune  Irlande  ».  Il 
fut  impliqué  en  4844  dans  le  procès  d'O'Gonnell ,  mais 
acquitté  en  appel.  Membre  du  Parlement  pour  New-Ross 
en  4852,  il  se  décida  en  4856  à  émigrer  pour  l'Australie, 
fatigué  des  scissions  continuelles  du  parti  irlandais  qui 
paralysaient  son  action.  A  Melbourne,  où  il  exerça  la  pro- 
fession d'avocat,  il  devint  premier  ministre  de  l'Etat  de 
Victoria  en  1 874  et  reçut  le  titre  de  baronnet  le  34  mai  4873. 
En  4877,  il  fut  élu  speaker  de  l'Assemblée  législative  de 
Victoria.  Il  a  publié  :  Young  Ireland,  a  fragment  of  Irish 
history,  1840-1850  (Londres,  4880),  et  Four  Years  of 
Irish  history,  1845-1849  (4883).  Ch.-V.  L. 

DUFIEF  (Nicolas  Gouïn-),  professeur  français,  né  à 
Nantes  vers  4776,  mort  à  Pentonville  le  42  avr.  4834.  Fils 
d'un  émigré  et  de  la  comtesse  Victoire- Aimée  Libault  Gouïn- 
Dufief,  connue  sous  le  surnom  de  VHéroïne  de  Vendée, 
il  servit  à  l'armée  des  princes  en  4792,  puisse  réfugia  en 
Angleterre  et  de  là  passa  aux  Indes  pour  s'établir  finale- 
ment à  Philadelphie  où  il  enseigna  le  français.  Il  revint  en 
Angleterre  vers  4848.  Très  lié  avec  Priestley  et  Thomas 
Jefferson,  il  a  écrit  un  Essai  sur  la  philosophie  du  lan- 
gage qui  ne  passa  pas  inaperçu.  Nous  citerons  encore  de  lui: 
Nature  displayed  in  her  mode  of  teaching  language 
to  Man  (Londres,  4848,  2  vol.  in-8,  qui  atteignit  jusqu'à 
douze  éditions  du  vivant  de  l'auteur)  ;  A  Universal  Pro- 
nouncing  and  critical  French-English  dictionary 
(Londres,  4833,  in-8);  The  French  self  interpréter  or 
Pronouncing  Grammar  (Exeter,  4820,  in-'J2). 

DUFLO S  "(Claude-Augustin),  graveur  au  burin,  né  le 
44  mai  4700,  mort  en  4784.  Il  était  élève  de  Claude 
Duflos,  son  père  (né  en  4665,  mort  en  4727),  et  compte 
parmi  les  meilleurs  graveurs  du  xviii^  siècle.  On  lui 
doit  les  planches  de  là  Galerie  du  Président  Lambert; 
la  Naissance  de  Vénus  et  la  Toilette  de  Vénus,  d'après 
Boucher;  le  Triomphe  de  Galathée,  d'après  Coypel;  de 
joUs  frontispices  et  ornements  ;  deux  pièces  humoristiques 
et  de  nombreux  portraits,  parmi  lesquels  ceux  du  Marquis 
d'Argenson,  de  Jérôme  Bignon,  du  Marquis  de  Boufilers 
et  de  P.  de  La  Brosse,  d'après  Rigaud. 

BiBL.  :  PoRTALis  et  Beraldi,  Graveurs  du  xviip  siècle, 
t.  II. 

DU  FOSSÉ  (Pierre-Thomas),  écrivain  janséniste  (V. 
Thomas  [Pierre],  seigneur  du  Fossé). 

DUFOUR  (Georges-Joseph),  général  français,  né  à  Saint- 
Seine  (Bourgogne)  en  4758,  mort  en  4820.  H  était  atta- 
ché à  l'administration  de  la  marine  à  Rochefort,  lorsqu'il 
tut  appelé  en  4794  au  commandement  d'un  bataillon  de 
volontaires.  Nommé  général  de  brigade  en  1793,  il  servit 
en  Vendée,  se  distingua  plus  tard  à  l'armée  de  Rhin-et- 


Moselle  et  prit  part,  comme  général  de  division,  à  la  dé- 
fense de  la  Hollande  en  4799.  Après  le  coup  d'Etat  du 
48  brumaire,  Dufour,  qui  était  connu  pour  son  républi- 
canisme, ne  fut  plus  employé  qu'à  l'intérieur  et  ne  tarda 
pas  à  être  mis  à  la  retraite.  Envoyé  par  le  dép.  de  la  Gi- 
ronde à  la  Chambre  des  députés  des  Cent- Jours,  il  fut 
arrêté  après  la  seconde  Restauration  et  resta  en  prison 
jusqu'en  sept.  4846.  Mis  en  Hberté,  il  retourna  à  Bor- 
deaux, où  il  ne  cessa  de  faire  de  l'opposition  aux  Bour- 
bons. E.  Feller. 

DUFOUR  (Alexandre),  architecte  français,  né  en  4764, 
mort  à  Versailles  le  4^^  févr.  4835.  De  4840  à  4831,  il 
fut  architecte  du  palais  de  Versailles  ;  on  lui  doit  le  pavillon 
qui  forme  le  front  de  l'aile  droite  de  ce  palais.  Dufour  fut 
membre  du  conseil  consultatif  des  bâtiments  de  la  cou- 
ronne, de  1833  à  1834. 

DUFOUR  (François-Bertrand,  baron),  général  français, 
né  à  Souillac  (Lot)  en  4765,  mort  en  1832.  Parti  en  4792 
avec  les  volontaires  du  Lot,  il  se  signala  aux  armées  du 
Rhin,  de  la  Moselle,  de  Sambre-et-Meuse,  prit  part  à  la 
campagne  du  Tirol  en  i  805  et  fut  nommé  général  de  bri- 
gade après  Austerlitz.  Il  contribua  à  la  prise  de  Danzig  et 
enleva  l'île  de  Rugen  (4807).  Fait  prisonnier  à  Baylen,  il 
ne  rentra  en  France  qu'après  la  chute  de  l'Empire.  Pendant 
les  Cent- Jours,  il  fit  partie  du  corps  de  Grouchy.  La  se- 
conde Restauration  le  mit  à  la  retraite.  Il  fut  envoyé  à  la 
Chambre  des  députés  en  4830.  E,  Feller. 

DUFOUR  (Jean-Marie-Léon),  médecin  et  naturaliste 
français,  né  à  Saint-Sever  (Landes)  le  44  avr.  4780, 
mort  à  Saint-Sever  le  48  avr.  4865.  De  4806  à  4844, 
il  servit  dans  l'armée,  puis  se  livra  à  des  travaux  d'ento- 
mologie et  de  botanique,  qu'il  n'interrompit  que  pour  prendre 
part,  en  4823,  à  la  campagne  d'Espagne.  De  4844  à  4864, 
il  ne  publia  pas  moins  de  deux  cent  trente-deux  mémoires 
d'entomologie,  dont  la  liste  est  insérée  dans  les  Annales 
de  la  Société  entomologique  de  France  (4865,  p.  246). 
Tous  ces  mémoires  sont  étincelants  de  verve ,  d'esprit , 
d'entrain  et  de  poésie.  Mais  là  où  Dufour  s'est  le  plus  dis- 
tingué, c'est  dans  l'étude  de  l'anatomie  et  de  la  physiologie 
des  Arthoropodes  (carabiques,  scorpion,  cigale,  diptères, 
hémiptères,  lépidoptères,  etc.,  etc.)  et  dans  la  recherche 
des  mœurs  et  des  métamorphoses  des  Insectes.  Citons 
encore  :  Cours  sur  les  propriétés  des  plantes,  etc. 
(Neucluitel,  4855,  in-42)  ;  Essai  sur  quelques  points  de 
Vétat  actuel  de  la  physique  et  de  la  chimie,  présenté  à 
l'Académie  de  Lausanne  (1855,  in-4);  Propriété  des 
végétaux  et  leurs  applications,  etc.  (Neuchâtel,  4861, 
in-12).  Dufour  eut  l'honneur  d'être  le  premier  Français 
couronné  du  prix  Cuvier.  D^  L.  Hn. 

DU  FOUR  (Guillaume-Henri),  général  suisse,  né  à  Cons- 
tance le  45  sept.  4787,  où  sa  famille  s'était  réfugiée  pour 
raisons  politiques,  mort  à  Genève  le  44  juil.  4875.  L'exil 
cessa  bientôt  et  Dufour  fut  élevé  à  Genève.  Sur  le  tard,  le 
jeune  homme  se  prit  de  passion  pour  les  mathématiques,  et 
en  4807,  sa  patrie  étant  devenue  française,  il  entrait  à  l'Ecole 
polytechnique  avec  le  numéro  440.  Au  bout  d'un  an  il  avait 
le  onzième  rang,  puis,  à  la  sortie,  le  numéro  5.  Il  entra  à 
l'école  de  Metz  (4809),  puis  fut  envoyé  à  Corfou  exécuter  des 
travaux  défensifs  contre  les  Anglais.  Il  y  resta  jusqu'en  4844 
et  y  devint  un  maître  dans  l'art  des  fortifications.  Après 
Waterloo,  le  capitaine  Dufour  se  retira  derrière  la  Loire 
pour  continuer  la  lutte.  Son  bonapartisme  le  fit  mettre  par 
les  Bourbons  en  disponibilité.  Il  retourna  alors  à  Genève 
devenu  suisse,  et  y  devint  coup  sur  coup  professeur  de 
mathématiques  à  l'Académie,  chef  du  génie  cantonal, 
ingénieur  civil  du  canton.  Les  autorités  fédérales  lui  don- 
nèrent mission  de  fonder  l'école  de  Thoune;  il  fut  nommé 
colonel  fédéral,  et  fut  enfin  chargé  de  dresser  la  carte  de 
Suisse.  Ce  travail  dura  trente-deux  ans  (4833-65)  :  la 
carte  Dufour  est  un  modèle  souvent  cité.  Le  point  culmi- 
nant delà  carrière  de  Dufour  est  sa  nomination  en  qualité 
de  général  chargé  décommander  les  troupes  fédérales  dans 
l'affaire  du  Sonderbund  (séparation  de  sept  cantons  catho- 


liques).  Le  4  nov.  1847,  la  dissolution  par  les  armes  fut 
votée;  le  14,  Fribourg  capitulait;  le  24,  Lucerne.  Grâce  à 
une  action  décisive,  à  un  plan  très  habilement  conçu,  il  n'y 
eut  que  quelques  centaines  de  morts  et  blessés.  La  recon- 
naissance envers  Dufour  fut  unanime,  même  chez  les  vaincus 
qui  avaient  admiré  son  humanité  :  on  vota  au  général  paci- 
ficateur une  récompense  nationale  de  60,000  fr.  A  trois 
reprises  encore,  en  1849, 1856  et  1859,  Dufour  fut  nommé 
général  en  chef,  mais  l'épée  ne  fut  pas  tirée.  Plusieurs  fois 
la  Suisse  eut  recours  à  ses  relations  personnelles  avec 
Napoléon  III,  qui  avait  été  sous  ses  ordres  à  Thoune,  pour 
régler  des  conflits  internationaux.  En  1864,  il  présida  le 
congrès  d'où  allait  sortir  la  Convention  de  Genève.  Sa  sta- 
tue équestre  érigée  par  souscription  nationale  et  due  au 
ciseau  du  sculpteur  Tôpffer  s'élève  sur  une  place  de  Genève. 
Ses  principaux  ouvrages  sont  :  un  Mémorial  pour  les  tra- 
vaux de  guerre  (1820);  un  Cours  de  tactique  (1840, 
1851);  De  la  Fortification  permanente  (1850,  1854)  ; 
la  Campagne  du  Sonderbmid  et  les  Evénements  de 
1856  (Paris,  1876),  précédée  d'une  notice  biographique. 
Dufour  est  une  des  gloires  les  plus  pures  de  l'histoire  suisse. 

DUFOUR  (Le  P.  J.),  jésuite  de  la  maison  de  Vaugirard, 
éditeur  du  Graduale  Romanum  du  P.  Lambillotte,  après 
la  mort  de  celui-ci,  et  du  livre  du  même  auteur  intitulé 
Esthétique,  théorie  et  pratique  du  chant  Grégorien. 
En  1857,  il  défendit  l'œuvre  du  P.  Lambillotte  contre  dom 
Anselme  Schubiger,  M.  Th.  Nisard  et  l'abbé  Cloet  dans  un 
ouvrage  intitulé  Mémoire  sur  les  chants  liturgiques 
restaurés  par  le  P.  Lambillotte,  de  la  compagnie  de 
Jésus,  et  publié  par  le  P.  /)...  delà  même  compagnie. 

DUFOUR  (Gabriel-Michel),  jurisconsulte  français,  né  à 
Moulins  le  2  mars  1811,  mort  à  Luxeuil  (Haute-Saône)  le 
30  mai  1868.  Avocat  au  conseil  d'Etat  et  à  la  cour  de  cas- 
sation en  1839,  il  représenta  le  dép.  de  l'Alherà  l'Assem- 
blée législative  en  1850  ;  il  y  professa  des  opinions  libé- 
rales et  modérées.  Ses  principaux  ouvrages  sont  :  Traité 
général  du  droit  administratif  appliqué  (Paris,  1843- 
44,  4  vol.  in-8  ;  2^  éd.,  1854-57,  6  voL)  ;  De  l'Expro- 
priation et  des  dommages  causés  à  la  propriété  (1858, 
m-8)  ;  De  la  Décentralisation  (1865,  in-8). 

DUFOUR  (Jean),  homme  politique  français,  né  à  Issou- 
dun  le  26  mars  1818,  mort  à  Richeton  (Indre)  le  30  sept. 
1883.  Notaire  à  Paris,  il  devint,  en  1865,  maire  du 
II®  arrondissement.  Le  8  févr.  1871,  il  fut  élu  représen- 
tant de  l'Indre  à  l'Assemblée  nationale.  Il  siégea  au  centre 
droit  et  appuya  le  cabinet  de  Broglie.  Pourtant  il  vota  la 
République.  Aux  élections  générales  de  1876,  il  posa  sans 
succès  sa  candidature  conservatrice  à  la  Chambre  des  dé- 
putés dans  l'arr.  d'Issoudun.  —  Son  fils  Paul-Guillaume, 
né  à  Paris  le  23  févr.  1846,  fut  chargé  sous  l'Empire  de 
diverses  missions  en  Amérique,  en  Chine  et  au  Japon. 
Pendant  la  guerre  de  1870,  il  commanda  une  compagnie 
des  mobiles  de  l'Indre.  Le  20  févr.  1876,  il  fut  élu  dé}>uté 
de  Châteauroux  (2«  circonscription)  avec  une  profession  de 
foi  bonapartiste.  H  appuya  le  gouvernement  du  16  mai, 
mais  ne  fut  pas  réélu  le  14  oct.  1877„  Le  4  oct.  1885,  il 
redevint  député  de  l'Indre,  siégea  parmi  les  impérialistes 
et,  avec  son  parti,  appuya  les  boulangistes.  Le  22  sept. 
1889,  il  n'obtint  dans  la  2^  circonscription  de  Châteauroux 
que  3,250  voix  contre  5,970  à  son  concurrent  répubhcain 
David. 

DUFOUR  (  François-Bertrand-Marie-Désiré-Auguste , 
baron),  homme  politique  français,  né  à  Lanzac  (Lot)  le 
3  avr.  1824.  Fils  du  général  baron  Dufour  (V.  ci-dessus), 
maire  de  Lanzac,  conseiller  général  du  Lot,  il  posa  sans 
succès  sa  candidature  aux  élections  pour  le  Corps  législatif 
du  24  mai  1869,  fut  élu  député  le  20  févr.  1876  par 
l'arr.  de  Gourdon,  réélu  le  14  oct.  1877,  le  20  avr.  1881 
et  le  4  oct.  1885.  Membre  du  parti  bonapartiste,  il  se 
signala  en  demandant  des  poursuites  contre  les  auteurs  de 
la  révolution  du  4  septembre,  appuya  le  gouvernement  du 
16  mai  et  combattit  tous  les  ministères  républicains  ;  en 
1886,  notamment,  il  interpella  le  ministre  de  l'intérieur 


—  ^S  —  DUFOUR 

sur  les  actes  de  pression  électorale  dont  le  gouvernement 
aurait  usé  dans  le  Lot,  et  en  1888  il  soutint  le  parti  bou- 
langiste.  Aux  élections  générales  de  1889,  il  échoua  dans 
l'arr .^  de  Gourdon  où  il  n'obtint  que  9,742  voix  contre 
11,035  à  son  concurrent  républicain  Lachièze. 

DUFOUR  (L'abbé  Vaientin),  bibliographe  et  archéo- 
logue français  contemporain,  né  à  Paris  eu  1826.  Sous- 
bibliothécaire  à  l'Hôtel  de  Ville  de  Paris  de  1866  à 
1870,  aumônier  d'un  des  bataillons  de  la  Seine  pendant  la 
guerre  de  1870-1871,  enfin  premier  aumônier  de  la  prison 
de  Mazas.  Ses  nombreux  travaux  se  rapportent  presque 
exclusivement  à  l'histoire  de  la  ville  de  Paris,  surtout  à 
l'histoire  monumentale.  On  lui  doit  :  les  Charniers  des 
églises  de  Paris  (Paris,  1866-1884,  3  vol.  in-8,  pL); 
Une  Question  historique  :  l'Hippophagie,  1120-1868 
(Paris,  1868,  in-8);  Recherches  sur  la  Dame  macabre 
peinte  en  1425  au  cimetière  des  Innocents  (1873, 
in-4,  avec  grav.);  la  Dance  macabre  des  SS.  Innocents 
de  Paris,  d'après  l'édition  de  1484,  précédée  d'une 
étude,  etc.  (1874,  in-8  ;  nouv.  édit.,  1875,  in-4);  Une 
Famille  de  peintres  parisiens  aux  xiv®  et  xv«  siècles; 
documents  et  pièces  originales  précédés  d'un  aperçu 
sur  Vhistoire  des  beaux-arts  en  France  avant  la  Re- 
naissance {\^11,  in-I2,  avec  grav.); /^  Vieux  Paris, 
ses  derniers  vestiges,  dessinés  d'après  nature  et  gravés 
à  l'eau-forteparJ.  Chauvetet  E.  Champollion  (1878, 
12  livr.  gr.  in-4)  ;  Collection  des  anciennes  descriptions 
de  Paris,  avec  introduction,  notes  et  commentaires 
(1878-1883,  10  vol.  in-8,  avec  cartes,  plans  et  illustr.); 
Bibliographie  artistique,  historique  et  littéraire  de 
Paris  avant  1789  (1882,  in-8,  avec  pL).  H  a  aussi  traduit 
en  français  un  fragment  d'un  poème  latin  d'E.  de  Knobels- 
dorf  :  Jeanne  d'Arc  ou  la  Vierge  de  Lorraine  (Orléans, 
1879,  in-8).  L'abbé  Dufour  a  collaboré  à  de  nombreuses 
revues  de  bibliographie  et  de  bibliophilie.  G.  P-i. 

DUFOUR  (Charles),  savant  suisse,  né  à  Veytaux  (cant. 
de  Vaud)  le  20  sept.  1827.  Professeur  de  mathématiques  à 
Orbe  et  à  Morges  (près  de  Lausanne),  il  a  fait  paraître 
depuis  1849  dans  le  Bulletin  de  la  Société  de  Lausanne, 
dans  les  Comptes  rendus  de  r Académie  des  sciences  de 
Paris  et  dans  les  Annalen  de  Poggendorif,  une  quaran- 
taine de  mémoires  et  notes  sur  la  météorologie,  l'astrono- 
mie et  la  physique  générale.  Il  a  en  outre  publié  à  part  : 
Recherches  sur  la  condensation  de  la  vapeur  aqueuse 
de  Vair  au  contact  de  la  glace  (Genève,  1871,  in-8); 
Notes  sur  le  problème  de  la  variation  du  climat  (Lau- 
sanne, 1873,  in-8);  Recherches  sur  la  réflexion  de  la 
chaleur  solaire  à  la  surface  du  It/ma/z  (Lausanne,  1873, 
in-8), etc.  j^^  g^ 

DUFOUR  (Jules),  dit  Duruof,  aéronaute  français,  né  à 
Paris  le  9  déc.  1841.  Fils  d'un  marchand  de  vin,  il  fit  son 
apprentissage  aéronautique  sur  le  fameux  Géaiit  de  Nadar 
(1865),  construisit  ensuite  lui-même  des  ballons  et  opéra 
un  nombre  considérable  d'ascensions  tant  en  France  qu'à 
l'étranger.  Quelques-unes  méritent  d'être  brièvement  rela- 
tées. Le  16  août  1868,  en  compagnie  de  Gaston  Tissan- 
dier,  qui  effectuait  son  premier  voyage  aérien,  il  fut  à  deux 
reprises  entraîné  au-dessus  du  détroit  du  Pas  de  Calais  et 
de  la  mer  du  Nord  et  ne  dut  le  salut  qu'à  son  sang-froid. 
Le  26  sept.  1869,  il  fut  encore  poussé  au  large  par  un 
vent  violent,  en  vue  de  Monaco  cette  fois  ;  il  parvint  à 
retarder  sa  marche  en  rasant  habilement  la  surface  des 
flots  avec  sa  nacelle  et  put  ainsi  attendre  un  changement 
de  vent,  qui  le  ramena  à  la  côte.  Pendant  le  siège  de  Paris, 
il  traversa  le  premier,  avec  son  Neptune  (1,200  m.  c), 
les  hgnes  prussiennes,  le  23  sept.  1870,  et  fut  ensuite 
chargé  par  le  gouvernement  de  Tours  d'organiser  la  com- 
pagnie d'aérostiers  militaires  de  l'armée  de  la  Loire.  Le 
30  août  1874,  il  s'éleva  de  Calais,  avec  sa  jeune  femme.  Il 
était  sept  heures  du  soir,  (^omme  en  1868,  son  aérostat  se 
dirigea  vers  le  centre  de  la  mer  du  Nord  ;  mais  aucun  cou- 
rant contraire  n'arrêta  sa  marche,  et  ce  fut  seulement  le 
lendemain  matin,  à  huit  heures,  qu'après  de  dramatiques 


DUFOUR  —  DUFRÉNOY 


—  16  — 


péripéties,  les  deux  voyageurs,  exténués,  furent  recueillis 
par  une  barque  de  pêcheurs,  à  40  lieues  à  peine  des  côtes 

de  Norvège.  .         ,  ,  ^^  ^'^ 

DU  FOU  R  (Théophile-André),  érudit  suisse,  ne  a  Genève 
le  4  oct.  1844.  Il  fit  à  Paris  ses  études  de  droit,  et  suivit 
en  même  temps  les  cours  de  l'Ecole  des  chartes  et  de 
l'Ecole  des  hautes  études.  Licencié  en  droit  en  1867,  ar- 
chiviste-paléographe le  27  janv.  1873  après  la  soutenance 
d'une  thèse  sur  la  Diplomatique  royale  de  Bourgogne- 
jurane,  il  retourna  à  Genève  et  fut  successivement  prési- 
dent de  la  cour  d'appel  et  de  la  cour  de  cassation,  député 
au  Grand  Conseil,  directeur  des  archives  de  l'Etat.  Il  est 
depuis  quelques  années  directeur  de  la  bibliothèque  de  la 
ville.  Parmi  ses  publications  nous  citerons  :  Notice  biblio- 
graphique sur  le  catéchisme  et  la  confession  de  foi  de 
Calvin  et  sur  les  livres  imprimés  à  Genève  et  à  Neuchâtel 
dans  les  premiers  temps  de  la  Réforme,  i533-i540 
(1878)  ;  Jean-Jacques  Rousseau  et  Madame  de  Warens, 
notes  sur  leur  séjour  à  Annecy,  d'après  des  pièces  iné- 
dites (1878);  Giordano  Bruno  à  Genève,  1519,  docu- 
ments inédits  (1884).  E.  K. 

DU  FOU  RN  EL  (François-Adolphe-Adeodat),  homme  po- 
litique français,  né  à  Gray  le  30  août  1808,  mort  à  Gray 
le  18  déc.  1882.  Maître  de  forges  à  Gray,  il  fut  élu  députe 
de  cette  ville  le  9  juil.  1842  et  siégea  à  gauche.  Réélu  le 
l*'^  août  1846,  il  combattit  le  cabinet  Guizot  et  prit  une 
part  active  à  la  campagne  réformiste.  Elu  par  le  dép.  de  la 
Haute-Saône  représentant  à  la  Constituante  (23  avr.  1848), 
il  se  prononça  contre  les  socialistes  et  vota  toutes  les  me- 
sures dirigées  contre  eux.  Réélu  à  la  Législative  le  13  mai 
1849,  il  s'associa  par  ses  votes  aux  monarchistes,  com- 
battit la  politique  de  l'Elysée,  prit  part  à  la  protestation 
de  la  mairie  du  X^  arrondissement  et  rentra  ensuite  dans 
la  vie  privée.  Le  24  mai  1869,  il  se  présenta  sans  succès 
aux  élections  législatives  dans  la  Haute-Saône,  mais  il  fut 
élu  député  de  ce  département  à  l'Assemblée  nationale  le 
8  févr.  1871.  Membre  du  centre  gauche,  il  fut  élu  le 

30  janv.  1876  sénateur  de  la  Haute-Saône  comme  répu- 
blicain. Mais  il  appuya  le  cabinet  de  Rroglie  et  le  gouver- 
nement du  16  mai  et  échoua  au  renouvellement  triennal 
du  8  janv.  1882.  .       ,    ,    ^    •    , 

DUFOURNY  (Léon),  architecte  français,  ne  a  Fans  le 
5  mars  1754,  mort  à  Paris  le  16  sept.  1818.  Il  fut  élève 
de  David  Leroy  et  de  Peyre  le  Jeune.  Il  resta  douze  années 
en  Italie,  de  1782  à  1794  ;  il  construisit  le  jardin  bota- 
nique de  Palerme  de  1789  à  1793.  11  fut  nommé  membre 
de  l'Institut  le  l^**  août  1796  et  professeur  d'architecture 
à  FEcole  des  beaux-arts,  en  1803.  Dufourny  a  laissé  de 
nombreux  dessins,  croquis  et  notes  de  voyage  ;  il  a  donne 
à  l'Ecole  des  beaux-arts  une  partie  des  marbres  antiques 
qu'il  avait  réunis.  Son  portrait  se  trouve  gravé  en  tète  du 
catalosçue  de  ses  collections.  M.  D.  S. 

DUFOURNY  DE  ViLLiERS  (Louis-Pierre),  homme  poli- 
tique français,  né  en  1739.  En  1789,  il  était  architecte  à 
Paris,  n  fut  un  des  membres  les  plus  actifs  du  club  des 
Jacobins  et  surtout  du  club  des  Cordeliers.  Electeur  de 
1792,  il  fit  partie,  après  le  10  août,  du  département  de 
Paris  qu'il  présida  en  1793,  et  contribua  à  la  journée  du 

31  mai  1793.  En  1794,  il  fut  un  des  agents  nationaux 
pour  les  poudres  et  salpêtres.  Il  se  prononça  fortement 
contre  les  hébertistes',  qui  l'avaient  chassé  du  club  des 
Cordeliers,  et  déposa  dans  leur  procès.  Lors  du  procès  de 
Danton,  il  eut  le  courage  de  dire  que  les  crimes  de  cet 
homme  politique  ne  lui  semblaient  pas  prouvés.  Robes- 
pierre le  fit,  pour  ce  fait,  exclure  du  club  des  Jacobins  le 
16  germinal  an  IL  II  fut  arrêté  et  mis  en  liberté  après  le 
9  thermidor.  Le  6  frimaire  an  Ilï,  Cambon  l'accusa  d'avoir 
pris  part  aux  massacres  de  septembre.  Arrêté  de  nouveau, 
il  dut  la  liberté  à  l'amnistie  du  4  brumaire  an  IV.  On  dit 
qu'il  mourut  peu  après.  F. -A.  A. 

DUFOURQUET  (Jenny)  (V.  Rastide  [M-^). 
DUFRAISSE  (Marc),  homme  politique  français,  ne  a 
Ribérac  le  10  mai  1811,  mort  à  Paris  le  22  janv.  1876. 


Avocat  à  Paris,  il  se  signala  sous  le  gouvernement  de  Juillet 
par  ses  opinions  répubhcaines,  fut  nomnié  commissaire  de 
la  République  par  le  gouvernement  provisoire  de  1848  et 
la  même  année  préfet  de  l'Indre.  Elu  représentant  de  la 
Dordogne  à  l'Assemblée  législative  en  1849,  il  prononça 
un  discours  à  sensation  lors  de  la  discussion  de  l'abroga- 
tion du  bannissement  de  la  famille  d'Orléans  à  laquelle  il 
s'opposait.  Adversaire  décidé  de  la  politique  de  l'Elysée,  il 
essaya  de  s'opposer  au  coup  d'Etat  du  2  décembre  et 
fut  aussitôt  proscrit.  D'abord  correcteur  d'imprimerie  à 
Rruxelles,  il  devint  professeur  de  législation  comparée  à 
l'Ecole  polytechnique  de  Zurich.  A  la  chute  de  l'Empire,  il 
rentra  en  France,  fut  nommé  commissaire  du  gouvernement 
de  la  Défense  nationale  dans  le  Midi,puis  préfet  des  Alpes- 
Maritimes  (1870).  Elu  représentant  de  ce  département  à 
l'Assemblée  nationale  le  8  févr.  1871  en  même  temps  que 
par  la  Seine,  il  siégea  à  gauche  et  combattit  en  toute  occa- 
sion la  majorité  monarchiste.  On  a  de  lui  :  Ce  que  coûte 
V Empire,  ses  finances,  ses  traitements  (RruxeUes,  1853, 
in-18);  le  Deux-Décembre  devant  le  code  pénal  (Madrid 
[Bruxelles],  1853,  in-18)  ;  Histoire  du.droit  de  guerre 
et  de  paix  de  ilS9  à  i8i5  (Paris,  1867,  in-8). 

DUFRANE  (Eva),  cantatrice  dramatique,  née  à  Mons 
vers  1858.  Elève  de  M.  Warnots  au  Conservatoire  de 
Rruxelles,  elle  y  obtint  un  premier  prix  de  chant,  puis 
vint  se  perfectionner  à  Paris  à  l'école  de  M.  Obin.  Engagée 
à  l'Opéra,  elle  y  débutait  le  16  août  1880  dans  Rachel  de 
la  Juive,  et  dans  l'espace  de  neuf  années  chanta  tous  les 
grands  rôles  du  répertoire  de  forte  chanteuse  :  les  Hugue- 
nots, le  Prophète,  Robert  le  Diable,  Aida,  le  Tribut  de 
Tamora,  Don  Juan,  l'Africaine,  Henri  VHI.  Elle  créa 
aussi  le  principal  rôle  d'un  petit  opéra  de  M.  Emile  Pessard, 
Tabarin.  En  1889,  M^^^  Dufrane  quittait  l'Opéra  pour 
aller  donner  des  représentations  à  Saint-Pétersbourg,  après 
quoi  elle  se  faisait  entendre  à  La  Haye,  à  Marseille,  à  Nice, 
à  Rouen,  puis  acceptait  un  engagement  pour  le  théâtre  de 
la  Monnaie  de  Bruxelles. 

DUFRÉNITE  (Miner.).  La  dufiénite  ou  bérauiine  est 
une  variété  de  fer  phosphaté,  de  coloration  vert  foncé  et 
cristallisée  en  prisme  rhomboïdal  droit.  Elle  contient  28,53 
pour  100  d'acide  phosphorique,  54,40  d'oxyde  de  fer, 
4,50  d'alumine  et  12,40  d'eau.  Elle  se  trouve  en  masses 
fibreuses,  globulaires  ou  botryoïdes,  à  Siegen  (Saxe).  C'est 
un  bon  minerai  de  fer,  aujourd'hui  que  l'on  recherche  le 
phosphore  dans  les  lits  de  fusion  des  fontes  destinées  à  la 
déphosphoration.  L.  K. 

DUFRÉNOY  (Adélaïde-Gillette  Billet,  dame),  femme 
de  lettres  française,  née  à  Paris  le  3  déc.  1765,  morte  à 
Paris  le  7  mars  1825.  Mariée  à  un  procureur  au  Chàtelet 
qui  perdit  sa  charge  et  sa  fortune  au  moment  de  la  Révo- 
lution, et  qui  fut  réduit  à  accepter  une  place  de  greffier 
en  Italie,  elle  le  seconda  dans  cette  besogne  fastidieuse 
jusqu'à  l'époque  de  sa  mort.  Rentrée  en  France,  elle  obtint, 
par  la  protection  de  Fontanes,  une  pension  du  gouverne- 
ment impérial  et  pubha  divers  recueils  de  poésies  ero- 
tiques ou  élégiaques  qui  obtinrent  près  des  contemporains, 
y  compris  Réranger,  un  succès  que  la  postérité  n'a  pas 
confirmé,  mais  que  l'Académie  reconnut  par  de  fréquentes 
distinctions.  Outre  deux  pièces  de  théâtre,  l'Amour  exilé 
des  deux  (1788)  et  Armand  ou  le  Bienfait  des  per- 
ruques (1799),  M^«  Dufrénoy  a  écrit  un  roman,  la 
Femme  auteur  (1812,  2  vol.  in-12),  un  recueil  de  nou- 
velles, les  Françaises  (1818,  2  vol.  in-d2)  et  un  certain 
nombre  de  livres  de  vulgarisation  historique  ou  de  morale 
destinés  aux  jeunes  personnes.  Ses  OEuvres  poétiques  ont 
été  réunies  en  1827  (2  vol.  in-8  et  in-12),  avec  une  no- 
tice de  Jay  dont  le  fils  avait  épousé  la  fille  de  M"^«  Du- 
frénov.  M.  Tx. 

DUFRÉNOY  (Ours-Pierre-Armand  Petit-),  ingénieur  et 
savant  français,  fils  de  la  précédente,  né  à  Sevran  (Seine- 
et-Oise)  le  5  sept.  1792,  mort  le  20  mars  1857  à  Pans. 
Sorti  de  l'Ecole  polytechnique  en  1813,  il  entra  à  l'Ecole 
des  mines  et  y  resta  comme  ingénieur,  puis  il  y  professa 


—  47  — 


DUFRÉNOY  —  DUFRESNY 


la  minéralogie  et  devint  directeur  en  1848  (il  était  inspec- 
teur titulaire  depuis  1836),  après  la  réorganisation  de 
l'Ecole  qui  fut  son  oeuvre.  Il  avait  été  élu  à  TAcadémie  des 
sciences  en  1840.  L'œuvre  principale  de  Dufrénoy  comme 
savant  est  l'exécution  de  la  carte  géologique  de  la  France 
en  collaboration  avec  Elie  de  Beaumont.  Lorsque  le  travail 
eut  été  enfin  décidé  en  1822,  les  deux  collaborateurs  com- 
mencèrent en  1823  par  un  voyage  de  préparation  en  Angle- 
terre ;  leurs  observations  furent  consignées  dans  divers 
mémoires  publiés  de  1824  à  1827  dans  les  Annales  des 
mines  et  réunis  en  1827  sous  le  titre  de  Voyage  métal- 
lurgique en  Angleterre.  La  carte  géologique  de  la  France 
au  500.000^  parut  en  1848,  et  sa  publication  fut  un  évé- 
nement dans  le  monde  savant.  Nul  pays  à  cette  date  ne 
pouvait  se  glorifier  d'une  œuvre  semblable.  Les  observa- 
tions relevées  dans  des  explorations  qui  s'étaient  pour- 
suivies pendant  plus  de  douze  ans  furent  réunies  en  trois 
volumes  :  Explication  de  la  carte  géologique  de  la 
France,  dont  le  premier  parut  en  1841,  le  second  en 
1848  et  le  troisième  en  4873.  Comme  minéralogiste,  on 
doit  à  Dufrénoy  la  découverte  de  plusieurs  espèces  nou- 
velles. Son  enseignement  se  trouve  résumé  dans  son  Traité 
de  minéralogie  dont  la  première  édition,  en  trois  volumes 
et  atlas,  parut  de  1841  à  1847.  On  doit  enfin  à  Dufrénoy, 
qui  a  parcouru  jusqu'au  plus  haut  sommet  tous  les  «rades 
du  corps  des  mines,  la  réorganisation  complète  de  1  Ecole 
des  mines  de  Paris,  installée  à  son  arrivée  d'une  façon 
précaire.  L.  Aguillon. 

DU  FRESNE  (V.  Du  Gange). 

DUFRESNE  (Bertrand),  homme  politique  français,  né 
à  Navarrenx  (Basses-Pyrénées)  en  1736,  mort  à  Paris  le 
22  févr.  1801.  Employé  de  commerce  à  Bcrdeaux,  il  entra 
dans  les  bureaux  de  la  Trésorerie  oti  il  fut  remarqué  par 
Necker  qui  le  poussa.  Nommé  intendant  général  de  la  ma- 
rine, il  devint  en  1788  directeur  du  Trésor  pubhc.  Comme 
un  grand  nombre  d'anciens  fonctionnaires,  il  fut  empri- 
sonné sous  la  Terreur  et  délivré  par  le  9  thermidor.  Le 
21  germinal  an  V,  il  fut  élu  dépeté  de  la  Seine  au  conseil 
des  Cinq-Cents  où  il  s'occupa  surtout  de  questions  finan- 
cières. Nommé  secrétaire  du  conseil,  il  en  fut  exclu  à  la 
suite  du  coup  d'Etat  de  fructidor.  Après  le  18  brumaire, 
il  entra  au  conseil  d'Etat  et  redevint  directeur  général  de 
la  Trésorerie  où  il  se  signala  en  centralisant  fortement  les 
écritures  et  en  relevant  le  crédit  public. 

DU  FRESNE  (Jean-Frédéric-Charles),  militaire  suisse, 
né  à  Vevey  en  1773,  mort  à  Vevey  en  1858.  Entré  jeune  au 
service  sarde,  il  passa,  en  1799,  comme  capitaine  à  la  pre- 
mière demi-brigade  helvétique  à  la  solde  de  la  France. 
Chef  de  bataillon  au  bout  de  quinze  jours,  il  fit  avec  les 
régiments  suisses  les  campagnes  du  Rhin  et  du  Danube, 
puis,  en  1805,  commanda  le  1^"^ régiment  d'infanterie  suisse. 
11  fit  avec  lui  la  campagne  de  Naples,  puis  l'expédition  de 
Calabre  (1807-9)  où  plusieurs  arrondissements  lui  vo- 
tèrent des  sabres  d'honneur  pour  services  rendus.  Après 
la  campagne  de  Russie,  il  sauva  Brème  du  pillage.  Il  se 
retira  du  service  en  1815  avec  le  rang  de  colonel  et  le 
grade  d'officier  de  la  Légion  d'honneur,  et  se  fixa  dans 
le  cant.  de  Vaud.  E.  K. 

DUFRESNE  (A bel- Jean-Henri),  littérateur  français,  né 
le  8  nov.  1788  à  Etampes,  mort  en  1862.  Avocat  à  Paris, 
juge  suppléant  au  tribunal  de  la  Seine  en  1845,  il  fut 
destitué  par  la  Restauration.  On  a  de  lui  :  le  Monde  et  la 
Retraite  (Paris,  1817,  2  vol.  in-12)  ;  Samuel  d'Har- 
court  ou  V Homme  de  lettres  (1820,  2  vol.  in-12)  ; 
Contes  à  Henriette  (1822,  in-18)  ;  ks  Petites  Félicités 
(1824,  in-12)  ;  Nouveaux  Contes  à  Henriette  (1824, 
in-18)  ;  Pensées,  maximes  et  caractères  (1826,  in-8)  ; 
Leçons  de  morale  pratique  à  l'usage  des  classes  indus- 
trielles (1826,  in-18)  ;  Agenda  moral  des  enfants  ou 
moyens  d'embellir  la  vie  (1829,  in-18);  VArt  de  fixer 
les  souvenirs  (1840,  in-18)  ;  le  Livre  du  pauvre  (1854, 
in-12),  etc.,  sans  compter  sa  collaboration  active  au  Mer- 
cure, à  la  Pandore  et  autres  recueils  littéraires.  —  On 

GRANDE    ENCYCLOPÉDIE.    —    XV. 


l'a  parfois  confondu  avec  son  frère  Jean-lSicolas,  né  à 
Paris  en  1747,  mort  à  Etampes  en  1812,  qui  prit  part  à 
l'expédition  de  La  Pérouse  et  laissa  un  journal  manuscrit 
relatant  les  principaux  faits  de  ce  voyage. 

DUFRESNE  (Jules-Auguste),  ingénieur  et  homme  poli- 
tique français,  né  à  Cherbourg  le  28  mars  1809,  mort  à 
Paris  le  l^^avr.  1885.11appartenait  au  corps  des  ponts  et 
chaussées  et  a  exercé  avec  distinction  les  fonctions  d'in- 
génieur en  chef  du  contrôle  de  l'exploitation  de  la  Compa- 
gnie d'Orléans,  avant  sa  nomination  au  grade  d'inspecteur 
général.  C'est  dans  ce  service  du  contrôle  qu'il  avait  été 
amené  à  réfléchir  sur  la  nécessité  de  proportionner  les  voies 
publiques  aux  services  que  le  pays  peut  en  attendre  ;  on 
cite  encore  %qs>  Observations  sur  les  chemins  de  fer  d'in- 
térêt local,  présentées  au  conseil  général  de  la  Manche, 
dont  il  était  membre  (V.  Annales  des  ponts  et  chaussées, 
1872).  Sénateur  du  dép.  de  la  Manche,  Dufresne  a  pris 
une  part  active  à  toutes  les  aff'aires  de  travaux  publics  sou- 
mises à  la  haute  assemblée.  —  On  a  de  lui,  dans  les 
Annales  des  ponts  et  chaussées  :  un  mémoire  sur  les 
Écluses  de  Cherbourg  (1842);  un  mémoire  sur  l'Usage 
des  rouleaux  compresseurs,  pour  la  construction  et  l'en- 
tretien des  chaussées  d'empierrement  (1844).      M.-C.  L. 

DU  FRESNE  (Gaston)  (V.  Beaucourt [Marquis  de]). 

DUFRESNE  de  Francheville  (Joseph),  publiciste  fran- 
çais, né  à  Doullens  le  18  sept.  1704,  mort  à  Berlin  le 
9  mai  1781.  Il  devint  membre  de  l'Académie  de  Berlin; 
on  lui  doit  entre  autres  ouvrages  une  Histoire  particulière 
et  générale  des  finances  en  3  vol.  in-4  (1738-1740). 

DUFRESNE  de  Saint-Léon  (Louis-César-Alexandre), 
financier  français,  né  à  Paris  le  15  avr.  1752,  mort  à 
Paris  le  11  janv.  1836.  Il  devint,  sous  Neck<ep,  premier 
commis  des  finances,  et  fut  nommé,  en  1777,  liquidateur 
du  Trésor  royal.  Il  fut  chargé  par  l'Assemblée  constituante, 
en  1790,  de  lui  présenter  un  rapport  sur  la  hquidation 
financière  de  l'ancien  régime.  Il  résulte  de  ce  rapport  que, 
fin  1790,  l'Etat  était  devenu  débiteur  de  1 ,103,673,604  fr.  : 
pour  la  liquidation  des  offices,  318  millions;  offices  mili- 
taires, 38  millions;  dettes  du  clergé,  132  millions  et 
autres  causes;  que  723  millions  avaient  été  liquidés  par 
décret  et  251  millions  étaient  à  liquider.  Dufresne  de 
Saint-Léon,  examinant  les  moyens  d'acquitter  ce  passif, 
établit  qu'il  y  sera  pourvu  sur  les  1,800  millions  d'assi- 
gnats votés  par  rassemblée,  garantis  sur  3  milliards  de 
biens  nationaux.  Poursuivi  comme  réactionnaire,  Dufresne 
de  Saint-Léon  dut  se  réfugier  en  Suisse;  il  rentra  au 
18  brumaire.  Louis  XVIII  l'appela  au  conseil  d'Etat.  Ce 
n'est  qu'en  1824  qu'il  publia  la  première  édition  de  son 
livre  Du  Crédit  public  et  des  dettes  publiques,  réédité 
en  1828.  Ce  livre,  très  important  pour  l'époque,  utile  à 
consulter  encore,  est  en  harmonie  avec  le  développement 
du  crédit  de  la  France. 

DU  FR  ESN  OY  (Charles-Alphonse),  peintre  et  littérateur, 
né  à  Paris  en  1611 ,  mort  à  Villiers-le-Bel  le  16  janv.  1668. 
Elève  de  Perrier  et  Vouet,  ses  principaux  tableaux  ont  été 
peints  pour  la  décoration  du  Raincy.  Le  Louvre  ne  pos- 
sède que  deux  de  ses  toiles  :  Sainte  Marguerite  et  les 
Naïades.  Il  a  écrit  unpoèmeiatin,  DeArte  graphica('\  668), 
traduit  en  français  avec  des  remarques  par  Roger  de  Piles  : 
l'Art  de  la  peinture  (Paris,  1673,  in-12;  souvent  réim- 
primé depuis). 

DUFRESNY  (Charles),  sieur  de  La  Rivière,  auteur  dra- 
matique français,  né  à  Paris  vers  1654,  mort  à  Paris  le 
6  oct.  1724.  Valet  de  chambre  de  Louis  XIV,  il  sut  plaire 
au  roi  par  son  enjouement  et  ses  heureuses  reparties, 
obtint  de  nombreux  privilèges,  comme  celui  de  la  manu- 
facture de  glaces,  des  pensions,  le  Mercure  galant,  mais, 
grand  dépensier,  il  les  aliéna  toutes.  Il  devint  contrôleur  des 
jardins  du  roi  et  dessina  un  plan  pour  le  parc  de  Versailles. 
Il  jouit  de  la  même  faveur  auprès  du  régent.  Dufresny 
est  l'auteur  de  quelques  comédies  agréables  et  bourrées 
d'esprit.  Nous  citerons  :  le  Double  Veuvage  (Paris,  1701, 
in-12);  l'Esprit  de  contradiction  (1700,  in-12);  le* 

2 


DUFRESNY  —  DUGALD  STEWART 


-  48 


Faux  honnête  Homme  (1703,  m-12)  ;  le  Faux  Ins- 
tinct (1107,  in-12)  ;  le  Jaloux  honteux  de  l'être  (1708, 
in-12);  le  Mariage  fait  et  rompu  (1721,  in-12);  le 
Faux  Sincère  (1731,  in-12);  la  Coquette  de  village 
(1715,  in-12);  le  Dédit  (1717,  in-12);  etc.,  enfin  le 
Chevalier  joueur  (1697),  comédie  en  cinq  actes  qui  fut 
cause  de  sa  brouille  avec  son  ami  Regnard  qu'il  accusa 
de  lui  avoir  pillé  son  sujet  {le  Joueur).  On  a  encore  de 
Dufresny  des  satires  sous  le  titre  :  Amusements  sérieux 
et  comiques  (1705,  in-12  ;  plus.  éd.).  Il  a  été  publié  plu- 
sieurs recueils  de  ses  Œuvres  (Paris,  1731,  6  vol.  in-l'i; 
Paris,  1747  et  1779,  4  vol.  in-12).  Dufresny  avait  pris 
la  rédaction  du  Mercure  galant  au  mois  de  juin  1710;  il 
la  continua  jusqu'à  la  fin  de  1713.  Les  volumes  qu'il  publia 
sont  considérés  comme  les  meilleurs  de  la  collection.  Il 
céda  son  privilège  à  Lefèvre  de  Fontenay,  moyennant  pen- 
sion, et  le  reprit  en  1721  avec  de  La  Roque  et  Fuselier. 
DU  FRICHE  (René),  baron  Desgenettes  (V.  ce  nom). 
DU  FRICHE- Valâzé  (Charles-Eléonor)  (V.  Valazé). 
DUGALD  STEWART,  philosophe  écossais,  né  à  Edim- 
bourg le  22  nov.  1753,  mort  à  Edimbourg  le  i  1  juin  1828. 
Fils  du  docteur  Matthew  Stewart,  d'abord  pasteur  à  Ro- 
seneath,  puis  successeur  de  Maclaurin  dans  la  chaire  de 
mathématiques   d'Edimbourg,  il  était  dans   son   enfance 
d'une  constitution  faible  et  délicate.  Entré  à  treize  ans  au 
collège  d'Edimbourg,  il  vint  en  1771  à  Glasgow  où  il  enten- 
dit Thomas  Reid.  Dans  l'automne  de  1772,  nous  le  trou- 
vons, âgé  de  dix-neuf  ans,  dans  la  chaire  de  mathémati- 
ques d'Edimbourg,  suppléant  son  père  dont  il  devient  le 
successeur  en  1778.  En  1785,  il  remplace  Ferguson  dans 
la  chaire  de  philosophie  morale  de  l'Université,  où  il  devait 
avoir  pour  élèves  lord  Brougham,  lordPalmerston,  Walter 
Scott,  Sydney  Smith,  Thomas  Brown  son  successeur  et 
James  Mill.  En  1809,  Dugald  Stewart  se  fait  suppléer  par 
Th.  Brown;  à  la  mort  de  ce  dernier,  en  1820,  il  propose 
sa  succession  à  sir  James  Mackintosh  ;  Mackintosh  ayant 
refusé,  il  fait  la  même  proposition  à  sir  William  Hamilton  ; 
mais  le  professeur  \yilson  est  élu,  très  propre  à  l'ensei- 
gnement des  belles-lettres,  peu  qualifié  pour  celui  de  la 
philosophie.  Dugald  Stewart  mourut  chez  un  ami  qu'il  visi- 
tait. Il  succomba  à  une  paralysie  dont  il  avait  subi  déjà 
deux  atteintes.  Dugald  Stewart  a  publié  :  en  1792,  le  pre- 
mier volume  des  Eléments  de  la  Philosophie  de  l'esprit 
humain  ;  en  1793,  les  Esquisses  de  philosophie  morale; 
en  1793,  1798  et  1802,  ses  études  biographiques  sur 
Adam  Smith,  Robertson  et  Reid  ;  en  1810,  un  volume  de 
Philosophical  Essays  ;  en  1814,  le  second  volume  des 
Eléments;  en  1815,  la  première  partie  d'une  Disserta- 
tion sur  les  progrès  de  la  Philosophie  métaphysique  et 
morale  ;  en  1821,  la  fin  de  cette  Dissertation  ;  en  1827, 
le  troisième  volume  des  Elémejits  ;  en  1828,  la  Philoso- 
phie des  facultés  actives.  Les  Lectures  sur  V Economie 
politique  ne  furent  publiées  qu'en  1856  d'après  des  notes 
manuscrites  de  l'auteur  ou  de  ses  élèves.  Hamilton  et  Veitch 
ont  publié,  en  dix  volumes,  une  édition  des  œuvres  com- 
plètes de  Dugald  Stewart.  Ont  été  traduits  en  français  :  les 
Eléments,  une  première  fois  par  Prévost  (Genève,  1808, 
2  vol.  in-8)  et  par  Farcy  (Paris,  1825,  in-8).  Cette  tra- 
duction a  été  revue,  continuée  et  complétée  par  M.  Louis 
Peisse  (Paris,  1843,  3  vol.  in-12).  En  1820,  M.  Buchon 
traduisit  en  trois  volumes  les  Considérations  générales 
sur  les  Progrès  de  la  Métaphysique.  En  1828,  Joufiroy 
fit  paraître  une  traduction  des  Esquisses  de  philosophie 
morale  avec  une  mémorable  préface.  En  1828,  parurent 
la  traduction  des  Essais  philosophiques  par  Ch.  Huret  ; 
la  Philosophie  des  facultés  actives  et  morales  (2  vol. 
in-8)  fut  traduite  en  1843  par  M.  L.   Simon.  En  tête  de 
sa  traduction  des  œuvres  de  Reid,  Joufiroy  a  traduit  la 
biographie  de  Reid  par  Dugald  Stewart. 

Le  renom  de  Dugald  Stewart  s'est  maintenu  longtemps 

en  France,  grâce  aux  enseignements  de  Victor  Cousin  et 

de  Jouffroy.  La  longue  étude  de  Victor  Cousin  (dans  les 

"^  Fragments  philosophiques  :  Philosophie  co7itempor  aine) 


sur  les  Esquisses  de  philosophie  morale  de  notre  philo- 
sophe, montre  l'accueil  fait  chez  nous  à  ce  livre,  dont  on 
peut  bien  dire  qu'à  l'heure  actuelle  l'intérêt  est  tout  his- 
torique. Certains  regretteront  cependant  de  ne  pas  le  voir 
plus  souvent  aux  mains  de  nos  élèves  de  l'enseignement 
secondaire,  en  raison  de  la  clarté  de  la  langue,  de  la  finesse 
(peut-être  trop  vantée)  des  analyses.  Si,  pour  illustrer  cer- 
tains passages  de  V Esquisse,  on  recourt  aux  ouvrages  plus 
développés,  on  sera  bien  près  de  penser,  croyons-nous, 
qu'en  D.  Stewart  les  qualités  et  les  défauts  de  l'esprit 
écossais  ont  été  portés  au  plus  haut  point.  Même  les  admi- 
rateurs du  «  génie  métaphysique  »  de  Thomas  Reid  —  et 
quand  Cousin  se  range  au  nombre  de  ces  admirateurs,  sa 
sincérité  ne  peut  être  suspectée  —  s'accordent  à  regretter 
que  Reid  ait  multiplié  les  principes  premiers  de  la  connais- 
sance et  qu'il  ait  doté  l'âme  humaine  d'un  nombre  exagéré 
de  facultés  :  c'est  qu'il  était  sans  doute  plus  frappé  des 
différences  spécifiques  que  des  rapports  génériques  et  que 
l'esprit  de  synthèse  —  dont  on  peut  dire  que  là  où  manque 
la  vigueur  de  pensée,  là  il  manque  —  faisait  défaut  au 
maître  de  Dugald  Stewart.  Cet  esprit  fait  aussi  défaut  au  dis- 
ciple, et  l'on  s'en  aperçoit  si  l'on  parcourt  les  trois  volumes 
des  Eléments  de  la  philosophie  de   l'esprit  humain. 
Comparé  aux  Essais  de  Reid,  cet  ouvrage  est  de  beaucoup 
inférieur  par  l'entente  générale  du  sujet  dont  l'auteur  ne 
sait  pas  embrasser  l'ensemble.  Peu  de  définitions  précises 
et  encore  moins  de  formules  saisissantes  ;  le  philosophe  est 
pressé  d'en  finir  avec  les  grands  problèmes.  Il  ne  lui  paraît 
pas  qu'en  ces  problèmes,  Reid  ait  laissé  à  ajouter  ni  à 
reprendre.  Dans  les  chapitres  consacrés  à  la  perception 
externe,  Dugald  Stewart  juge  la  réalité  du  monde  extérieur 
mise  hors  de  toute  contestation  par  la  ruine  de  la  théorie 
représentative  ;  et  comme  les  idées  représentatives  ont  été 
pour  toujours  mises  en  fuite  par  Reid,  l'idéalisme  est 
désormais  —  ainsi  Dugald  Stewart  en  juge-t-il  ■—  certain 
de  ne  pas  survivre  à  cette  déroute.  Par  instants,  D.  Ste- 
wart semble  pressentir  que,  dans  la  partie  affirmative  de 
sa  théorie,  Reid  a  laissé  subsister  quelques  équivoques, 
mais  ce  n'est  point  là  ce  qui  l'occupe.  D'autres  parties  de 
la  science  de  l'esprit  humain  l'attirent,  et,  pour  parler  la 
langue  courante,  il  est  plus  intéressé  par  les  opérations 
de  l'esprit  que  par  les  facultés  intellectuelles.  Nul  n'a 
plus  étudié  Vabstraction,  Vattention,  le  raisonnement, 
et  cependant  on  peut,  dans  un  cours,   aborder  l'un  ou 
l'autre  de  ces  problèmes,  sans  avoir  à  citer  notre  philo- 
sophe. C'est  qu'en  effet  on  se  tromperait  à  croire  qu'il 
ait  sur  chacune  de  ces  questions  des  vues  générales  per- 
sonnelles. Il  n'en  a  ni  ne  se  préoccupe  d'en  avoir  :  le  détail 
des  faits  seul  l'intéresse.  C'est  un  observateur  de  cas  par- 
ticuliers, né  psychologue,  exclusivement  psychologue,  et  à 
tel  point  que,  si  l'on  voulait  accentuer  les  contrastes  entre 
l'esprit  philosophique  proprement  dit  et  «  l'esprit  psycho- 
logique »,  Dugald  Stewart  serait  sans  contredit  l'un  des 
meilleurs  exemples  à  citer.  Et  peut-être  cet  exemple  ser- 
virait-il à  démontrer  que  l'esprit  de  psychologie  reste  à  peu 
près  stérile  lorsque  l'esprit  philosophique  ne  le  dirige  pas. 
Ce  goût  de  l'observation  des  détails,  par  intérêt  pour  les 
détails  eux-mêmes,  disposait  vraisemblablement  notre  phi- 
losophe à  la  «  psychologie  appliquée  »,  celle  qui  sert  de 
base  à  Fart  de  l'éducation.  En  effet,  Dugald  Stewart  traite 
avec  abondance  des  problèmes  de  méthodologie,  qui  sont, 
à  beaucoup   d'égards,  problèmes  de  pédagogie,  et,  dans 
le  troisième  volume  des  Eléments,  il  ébauche  une  psycho- 
logie du  métaphysicien  et  du  mathématicien.  Il  est 
regrettable   que  les  nécessités  de  l'enseignement  l'aient 
détourné  de  ses  aptitudes  et  l'aient  empêché  de  donner 
suite  à  cette  psychologie  des  types  intellectuels,  qui  exige 
pour  être  menée  à  bonne  fin  ce  goût  du  détail,  dominant 
chez  Stewart,  pas  au  point  cependant  de  se  confondre  avec 
le  goût  de  l'exceptionnel  ou  de  l'inédit.  —  Sur  Dugald  Ste- 
wart on  lira  avec  profit  l'étude  si  consciencieuse  et  si  fine- 
ment exacte  que  lui  consacre  M.  James  Mac  Cosh  dans  son 
beau    livre   The  Scottish  Philosophy  (Londres,  1875). 


—  19  ~ 


DUGALD  STEWART  -•  DUGAZON 


Aussi  bien,  comme  rien  dans  les  écrits  de  ce  philosophe  ne 
soulève  de  difficultés  d'interprétation,  il  n'y  a  pas,  pour  le 
mieux  comprendre,  de  commentaire  à  étudier  ou  à  tenter. 
Tout  ce  qu'il  a  publié  se  lit  couramment,  sans  qu'il  y  ait 
à  lire  entre  les  lignes.  En  France,  en  perdant  le  goût  des 
observations  superficielles,  on  s'est  désaccoutumé  de  la 
philosophie  écossaise  ;  et  si  l'on  ouvre  rarement  un  volume 
de  Thomas  Reid,  les  occasions  de  consulter  Dugald  Stewart 
sont  encore  beaucoup  moins  fréquentes.  L'influence  de  cet 
exact  et  fin  psychologue,  naguère  si  grande,  a  chez  nous 
tout  à  fait  cessé.  Lionel  Dauriac. 

DUGAS  DE  Beaulieu  (Jean-Louis)  (V.  Beaulieu). 

DUGAS-MoNTBEL  (Jean-Baptiste),  helléniste  français,  né 
à  Saint-Chamond  le  40  mai  1776,  mort  le  30  nov.  4834. 
Il  appartenait  à  une  famille  anoblie  sous  Louis  XVI  pour 
services  rendus  dans  le  commerce  des  rubans.  Après  des 
études  très  médiocres  à  Lyon  au  collège  des  Oratoriens,  il 
fit  à  contre-cœur  son  service  militaire  et  à  sa  sortie  de  l'ar- 
mée prit  la  profession  de  ses  parents.  Les  nécessités  de  son 
commerce  l'appelaient  souvent  à  Paris  où,  à  la  suite  d'un 
ardent  désir  d'apprendre,  il  suivit  des  cours  et  se  lia  avec 
des  hommes  de  lettres.  Il  essaya  du  théâtre  et  fit  jouer  à 
Paris,  en  1800,  une  comédie-vaudeville,  la  Femme  en 
parachute  ou  le  Soupçon.  De  retour  à  Saint-Chamond, 
d'où  il  correspondit  avec  Ampère  et  J.-B.  Dumas,  il  fut 
nommé  en  1803  à  l'Académie  de  Lyon  qui  venait  d'être 
réorganisée.  Devenu  chef  de  sa  maison  de  commerce,  il 
voyagea  en  Italie,  en  Allemagne,  en  Orient  ;  à  trente  ans, 
il  se  retira  et  se  fixa  à  Paris  en  1810  «  pour  tâcher,  comme 
il  le  dit  lui-même,  de  devenir  helléniste  ».  Il  apprend  le 
grec  sous  la  direction  de  Grégorios  Zalikoglou  ;  désormais, 
il  a  trouvé  sa  voie.  Il  traduisit  VIliade  en  1815,  VOdyssée^ 
la  Batrachomyomachie  et  les  Hymnes  homériques  en 
1818.  Ces  traductions  eurent  beaucoup  de  succès,  car 
Dugas-Montbel,  tout  en  «'attachant  à  rendre  exactement  le 
texte,  donnait  à  son  interprétation  une  allure  pittoresque 
et  colorée  qui  plut.  Il  fit  une  seconde  édition  de  ces  tra- 
ductions (1828-33),  en  9  vol.  in-8,  avec  un  commentaire 
et  une  préface  qui  sont  le  résumé  des  idées  de  Knight,  de 
Heyne  et  de  Wolf  ;  puis  une  Histoire  des  poésies  homé- 
riques où  il  adopte  les  théories  de  Vico  et  de  Wolf,  rem- 
plaçant l'individualité  d'Homère  «  par  un  Homère  multiple, 
et  collectif,  symbole  du  peuple  grec  racontant  lui-même, 
dans  ses  poésies  nationales,  ses  origines  et  sa  gloire  ».  Ce 
travail  le  fit  admettre,  le  29  nov.  1830,  à  ITnstitut  (Aca- 
démie des  inscriptions  et  belles-lettres).  Le  succès  de  ses 
travaux  sur  Homère  Tencouragea  à  en  tenter  de  semblables 
sur  les  tragiques  grecs,  mais,  en  1830,  il  entra  dans  la 
vie  politique.  Trois  fois  élu  député  par  les  Lyonnais  (1830- 
31-34),  il  ne  se  fit  remarquer  à  la  Chambre  que  dans  les 
commissions  où  il  soutint  les  intérêts  du  commerce  et  de 
l'industrie  ;  il  ne  parut  qu'une  seule  fois  à  la  tribune  pour 
demander  l'abohtion  de  la  peine  de  mort.     M.  Dumoulin. 

BiBL.  :  Dumas,  Eloge  historique  de  Dugas-Monlbel  ; 
Lyon,  1835,  in-8.  —  G.  Lefebvre,  la  Vie  et  lès  œuvres  de 
Dugas-Monlbel;  Saint-Chamond,  1889,  in-8.  —  Co^^DAMIN, 
Hist.  de  Saint-Chamond  ;  Saint-Chamond,  1890,  in-4. 

DU  GAST  (Marquis)  (V.  Avalos  [Alphonse  d']). 

DUGAST-Matifeux  (Charles),  publiciste  français,  né  à 
Montaigu  (Vendée)  en  1812.  Après  avoir  fait  son  droit, 
il  devint  secrétaire  de  Bûchez  (V.  ce  nom)  et  collabora 
avec  lui  à  ÏHistoire  parlementaire.  D'opinions  très  libé- 
rales, il  fut  inquiété  à  diverses  reprises  par  le  gouverne- 
ment et  incarcéré  notamment  en  1832  et  en  1853.  Nous 
citerons  de  lui  :  Etats  du  Poitou  sous  Louis XIV  (F ontensiy- 
le-Comte,  1865,  m-S);  Notice  sur  Bachelier,  président  du 
comité  révolutionnaire  de  Nantes  (Fontenay-Vendée, 
1849,  in-12);  Nicolas  Travers  (Nantes,  d857,  in-8);  le 
Château  d'Aux  en  i794  (1860,  in-8);  Nantes  ancien 
et  le  pays  nantais  (1879,  in-8);  Carrier  à  Nantes  (iS^^, 
in-12);  Essai  sur  la  vie  de  Grégoire  (Nantes,  1833); 
Notice  sur  Goupilleau  de  Fontenay  (1844);  Docu- 
ments relatifs  aux  Etats  généraux  de  il 89  en  Poitou 
(1850),  etc.    Il  a   de  plus  publié  en  collaboration  avec 


R.  Chevaye  la  Correspondance  littéraire m^àiiQ à^Lowi^ 
Racine. 

DU (3 AT  (Gustave),  orientaliste  français,  né  à  Orange 
(Yaucluse)  en  1824.  Elève  de  TEcole  des  langues  orien- 
tales de  Paris,  il  fit  partie  d'une  mission  en  Algérie  en 
1845.  Il  fut  chargé,  en  1872,- d'un  cours  d'histoire  et  de 
géographie  des  peuples  musulmans  à  l'Ecole  des  langues 
orienfeiles.  Son  titre  principal  est  sa  collaboration  à  l'édi- 
tion d'Al-Makkar,  Analectes  sur  l'histoire  et  la  litté- 
rature des  Arabes  d'Espagne [Ley de,  1855-186d).  Il  a 
publié  en  outre  :  Grammaire  arabe-française  (1853); 
Histoire  des  oiientalistes  de  l'Europe  (  1 868-70  , 
2  vol.)  ;  Histoire  des  philosophes  et  des  théologiens 
musulmans  (Paris,  1878),  et  plusieurs  traductions  d'ou- 
vrages arabes,  L.  H. 

DUGAZON  (Jean-Henry  Gourgaud,  dit),  comédien  fran- 
çais, né  à  Marseille  le  15  nov.  1746,  mort  à  Sandillon 
(Loiret)  le  11  oct.  1809.  Fils  du  directeur  des  hôpitaux 
militaires  de  Marseille,  il  prit  de  bonne  heure  le  parti  du 
théâtre,  comme  sa  sœur,  W^^  Vestris,  et  commença  sa 
carrière  en  province.  Il  débuta  à  vingt-quatre  ans  à  la 
Comédie-Française,  où  il  aspirait  à  tenir  l'emploi  de  «  grande 
casaque  »,  c.-à-d.  les  premiers  comiques.  Il  plut  dès 
l'abord  au  public,  et  en  1772  devint  sociétaire.  Lorsque  ap- 
procha la  Révolution,  Dugazon  en  embrassa  les  idées  avec 
transport,  et  il  fut  un  des  plus  ardents  à  provoquer  la 
scission  qui  se  déclara  entre  les  artistes.  En  1791 ,  il  émigra 
avec  Talma,  Grandmesnil,  sa  sœur  M"^®  Vestris,  M"«  Des- 
garcins  et  M^^^  Lange,  au  théâtre  des  Variétés  du  Palais- 
Royal,  qui  devint  grâce  à  eux  une  seconde  Comédie-Fran- 
çaise sous  le  titre  de  Théâtre-Français  de  la  rue  de 
Richelieu,  en  attendant  qu'il  prît  celui  de  théâtre  de  la 
République.  Après  la  fermeture  de  ce  théâtre  et  la  dispa- 
rition de  la  Comédie-Française,  il  se  réfugia  au  théâtre  Fey- 
deau,  rentra  à  la  Comédie  lors  de  sa  reconstitution  (1799) 
dans  la  salle  occupée  par  elle  actuellement.  En  1807, 
sa  santé  l'obligea  de  prendre  sa  retraite  au  village  de  San- 
dillon, où  il  fut  bientôt  frappé  de  folie  et  mourut.  Dugazon 
a  composé  trois  comédies  médiocres  de  caractère  poHtique, 
représentées  au  théâtre  de  la  République  :  l'Avènement 
de  Mustapha  au  trône  ou  le  Bonnet  de  vérité  (il 9^)  ; 
VEmigrante  ou  le  Père  jacobin  (1 792)  ;  /^  Modéré  (1 793) . 
Il  avait  épousé  en  1776  une  actrice  charmante  de  la  Co- 
médie-Italienne, W^^  Rosalie  Lefèvre,  qui  devint  célèbre 
sous  son  nom  de  M"^®  Dugazon  ;  cette  union  ne  fut  pas 
heureuse  et  les  deux  époux  se  séparèrent  bientôt,  pour 
divorcer  dès  que  la  loi  le  leur  permit,  en  1794.  Dugazon 
se  remaria  alors  avec  une  jeune  femme  qui  avait  vingt  ans 
de  moins  que  lui,  M^^^  Céfine-Geneviève  Aubert. 

DUGAZON  (Louise-Rose  Lefèvre,  épouse),  actrice  fran- 
çaise, née  à  Berlin  en  1755,  morte  à  Paris  le  22  sept. 
1821.  Fille  d'un  maître  de  danse,  elle  commença  par 
être  danseuse,  puis  devint  l'une  des  meilleures  actrices 
de  notre  ancienne  Comédie-Itafienne.  En  sept.  1767,  elle 
se  présenta  à  l'âge  de  douze  ans,  avec  une  de  ses  sœurs, 
au  public  de  la  Comédie-Italienne.  Ce  n'était  pas  sous  ce 
rapport  qu'elle  devait  acquérir  son  immense  renommée  ; 
mais,  après  quelques  essais  dans  le  genre  scénique  pro- 
prement dit,  elle  débuta  sérieusement  comme  actrice  chan* 
tante,  le  19  juin  1774,  dans  un  opéra  de  Grétry,  Sylvain., 
et  aussitôt  admise  comme  pensionnaire,  fut  reçue  sociétaire 
au  bout  de  deux  ans,  en  avr.  1776.  Elle  devint  bientôt  l'ac- 
trice la  plus  célèbre  de  la  Comédie-Italienne.  C'est  en  1776, 
l'année  de  sa  réception,  que  M^^^  Rose  Lefèvre  épousa  le 
comique  Dugazon,  déjà  fameux  à  la  Comédie-Française; 
mais  les  deux  époux,  bientôt  séparés,  divorcèrent  plus 
tard.  C'est  sous  ce  nom  de  W^^  Dugazon  que  pendant  près 
de  vingt  ans  la  grande  artiste  enchanta  tout  Paris  et  attira 
la  foule  à  la  Comédie-Italienne.  Sedaine  et  Grétry,  Marsol- 
lier  et  Dalayrac,  Monvel  et  Dézèdes  s'estimèrent  heureux 
de  l'avoir  pour  interprète  dans  leurs  créations  ;  Nina  ou  la 
Folle  par  amour  fut  un  de  ses  plus  grands  succès.  Elle 
ne  se  montrait  pas  moins  remarquable  dans  la  comédie 


DUGAZON  -  DUGOMMIER 


—  -20  - 


pure,  et  reprit  avec  succès  plusieurs  pièces  de  Marivaux, 
entre  autres  le  Jeu  de  l'amour  et  du  hasard.  En  1792, 
les  événements  politiques  vinrent  pour  quelque  temps 
éloigner  de  la  scène  M^^^^  Dugazon,  qui  avait  montre  pour 
la  reine  un  attachement  dangereux.  Lorsqu  elle  y  reparut 
après  une  absence  de  deux  ou  trois  ans,  elle  moditia  son 
emploi,  l'âge  et  l'embonpoint  l'obligeant  à  abandonner 
les  rôles  de  jeunes  amoureuses  qui  lui  avaient  valu  tant 
de  triomphes.  Son  succès  n'en  fut  pas  amoindri.  Apresune 
carrière  active  de  près  de  trente  années,  M'^^  Dugazon 
prit  sa  retraite  définitive,  en  ayant  la  gloire  de  laisser  son 
nom  aux  deux  emplois  qu'elle  avait  successivement  rem- 
plis Elle  avait  en  quelque  sorte  succédé  à  M'^^  Favart, 
comme  M^'  Saint-Aubin  lui  succéda  elle-même  dans  son 
premier  emploi.  Ces  trois  actrices  d'un  ordre  supérieur 
sont  la  gloire  de  la  Comédie-Italienne  dans  la  seconde 
moitié  du  xviii^  siècle.  A;,  ^:  . 

DUGAZON  S  (Les)  (Théâtre).  C'est  un  emploi  teminin 
du  senre  lyrique,  qui  a  conservé  jusqu'à  ce  jour  le  nom 
de  l'actrice  célèbre  par  lequel  on  l'a  caractérise.  Au  temps 
où  M^«  Dugazon  brillait  à  la  Comédie-Italienne  de  tout 
l'éclat  de  son  talent  enchanteur,  la  musique  n'avait  pas 
pris,  dans  l'opéra-comique,  l'importance  que  les  composi- 
teurs lui  ont  donnée  depuis  lors.  Cette  grande  artiste  eut 
l'honneur  de  voir  bientôt  son  nom  attache  a  1  emploi 
servant  à  quaUfier  les  rôles  créés  par  elle  et  qu'on  dési- 
gnait en  disant  les  «  dugazons  ».  Mais  plus  tard,  et  quand 
l'opéra-comique  eut  pris  tout  son  développement  musical, 
les  rôles  de  M^«  Dugazon  se  trouvèrent  n'être  places  qu  en 
seconde  liene  au  point  de  vue  spécial  du  chant,  les  rôles 
les  plus  importants  et  les  plus  ditïiciles  sous  ce  rapport 
formant  un  emploi  nouveau,  celui  des  premières  chanteuses 
ou  chanteuses  légères.  Il  en  résulte  qu'aujourd'hui  l  emploi 
des  dugazons,  qui  a  conservé  sa  dénomination,  ne  comprend 
plus  que  des  rôles  secondaires  en  ce  qui  touche  le  chant, 
rôles  qui,  d'ailleurs,  ont  autant  d'importance  au  point  de 
vue  scenique  que  ceux  de  chanteuses  légères.  Pour  les  ca- 
ractériser par  quelques  exemples,  nous  citerons,  pour  le 
répertoire  moderne,  ceux  de  Jenny  de  la  Dame  blanche, 
de  Betty  du  Chalet,  de  Berthe  de  Simiane  des  Mousque- 
taires de  la  reine,  de  Raffaela  dans  Haydée,  d'Oliyia 
dans  le  Songe  d'une  nuit  d'été,  etc.  Il  y  a  aussi  certains 
rôles  plus  etl'acés,  qu'on  désigne  sous  le  nom  de  secondes 
dusazons.  Enfin,  il  y  a  aussi  les  «  mères  dugazons  »,  nom 
sous  lequel  on  caractérise  un  genre  de  rôles  analogues  a 
ceux  qu'avait  adoptés  W^^  Dugazon  dans  la  seconde  partie 
de  sa  carrière,  alors  que  l'âge  et  l'embonpoint  l'avaient 
obliivée  à  modifier  son  emploi  ;  ce  sont  de  jeunes  mères, 
des  femmes  sur  le  retour,  mais  non  pas  encore  des  due- 
ones  comme  la  reine  de  la  Part  du  c/fa^/^  ou  Marguerite 
lix  Pré  aux  Clercs,  ^  A.  Pougin. 

-  DUGDALE  (Sir  William),  archéologue  anglais,  ne  le 
1")  sept.  1605,  mort  le  10  févr.  1686., Attaché  de  bonne 
heure  à  la  cour  des  Stuarts  enquahté  de  héraut  d'armes, 
il  passa  par  tous  les  grades,  depuis  celui  de  «  pour- 
suivant »  (1638),  jusqu'à  celui  de  Norroy ,  après  la 
Restauration  (1660),  pour  arriver  à  être  nomme,  en  167  /, 
roi  d'armes  de  la  Jarretière.  Il  consacra  sa  vie  à  des 
recherches  topographiques  et  généalogiques,  que  ses  fonc- 
tions officielles  lui  tacihtaient.  En  1655,  il  pubhait,  avec 
Roeer  Dodsworth,  le  premier  volume  du  Monasticon 
anglicanum,  sive  Pandectœ  Cœnobiorum  Benedicti- 
norum,  Cluniaciensium,  Cisterciensium,  Carthusiano- 
rum,  dont  le  second  parut  en  1661,  et  le  troisième  en 
1673.  Ce  dernier  ne  porte  que  le  nom  de  Dugdale.  Cette 
œuvre  monumentale,  et,  malgré  quelques  erreurs  de  détad, 
de  la  plus  haute  importance  pour  l'histoire,  a  été  plusieurs 
fois  réimprimée  :  la  meilleure  édition  est  celle  de  1817-30, 
en  6  vol.,  avec  les  246  planches  de  HoUar  regravèes.  Les 
autres  grands  travaux  de  Dugdale  sont  :  Antiquities  of 
Warwickshire  (1656),  son  chef-d'œuvre,  dont  Hollar  fit 
éi^alement  la  plupart  des  illustrations  ;  History  of  Saint 
Paul" s  Cathedral  in  London  (1668),  avec  des  planches 


en  majorité  dues  à  Finden  ;  History  of  Imbanking  and 
Drayning  of  divers  Foins  and  Marshes,  both  in  for- 
eign  parts  and  this  Kingdom  (i66'^),  curieuse  étude 
historique  sur  le  dessèchement  des  marais  ;  Origines  ju- 
diciales,  or  Historical  Memorials  of  the  English  Laïus, 
Courts  of  Justice,  etc.  (1666)  ;  The  Baronage  of  En- 
gland,  or  an  Historical  Account  of  the  Lives  and  most 
Mémorables  Actions  ofour  English  Nobility  (1675-76), 
en  3  vol.  in-fol.;  A  Short  View  of  the  late  Iroubles  of 
England  (1681  ),  pamphlet  anonyme  en  faveur  de  la  cause 
royale,  et  son  autobiographie  :  The  Life  of  sir  William 
Dugdale,  publiée  en  1713.  B.-H.  Gausseron. 

DUGDALE  (Stephen),  policier  anglais,  ne  vers  1640, 
mort  en  mars  1683.  Il  joua  un  rôle  considérable  dans  ce 
qu'on  appelle  le  complot  papiste  de  1678.  Ce  fut  lui  qui 
dénonça  ce  complot  et  fit  condamner  un  grand  nombre  de 
personnes.  Il  semble  avoir  été  un  faux  témoin  et  finit  par 
fatiguer  les  tribunaux  de  ses  prétendues  révélations.  Il 
mourut  dans  un  accès  de  delirium  tremens,  s'imagmant 
que  ses  victimes  le  poursuivaient. 

DUGÈS  (Antoine-Louis),  médecin  et  naturaliste  fran- 
çais, né  à  Mézières  (Ardennes)  le  19  déc.  1797,  mort  à 
Montpellier  le  1^^  mai  1838.  Il  étudia  à  Pans  et  y  fut 
reçu  prosecteur  en  1820  et  agrégé  en  1824,  puis  obtint 
la  chaire  d'accouchement  à  Montpellier  et  peu  après,  par 
permutation,  celle  de  pathologie  externe  et  de  médecine 
opératoire,  enfin  devient  doyen  de  la  Faculté  de  Montpellier 
en  1836.  En  même  temps  qu'accoucheur  et  chirurgien  dis- 
tingué, Dugès  fut  un  zoologiste  degrand  renom.  Principaux 
ouvrages  :  Recherches  sur  les  maladies  les  plus  impor- 
tantes des  7iouveau-7iés  {?'àris,  1821,  in-4)  ;  Essai  phy- 
siologico-pathologique  sur  la  nature  de  la  fièvre,  etc. 
(Paris,  1823,  2  vol.  in-8)  ;  Manuel  d'obstétrique  (Pans, 
1826,  in-12;  3^  édit.,  1840,  in-8)  ;  Recherches  sur 
Vostéologie  et  la  myologie  des  batraciens  (Pans,  1834, 
in-4,pL,  couronné  par  l'Institut);  Recherches  sur  V ordre 
des  acariens,  etc.  (Paris,  1834,  in-8);  Traité  de  phy- 
siologie comparée  de  l'homme  et  des  animaux  (Mont- 
pellier, 1838,  3  vol.  in-8);  Pratique  des  accouche- 
ments de  M^''  Lachapelle,  etc.  (Paris,  1825,  3  vol. 
in-8)  ;  avec  M^^^Boivin  :  Traité  pratique  des  maladies 
deVutérus  et  de  ses  annexes  (Paris,  1833,  2  vol.  in-8, 
avec  atlas  de  41  pi.)  P'  L.  Hn. 

DU  G  H  ET  (Gaspard),  dit  le  Guaspre  ou  le  Guaspre- 
Poussin,  peintre,  né  à  Rome  en  1613,  mort  à  Florence  en 
1675.  Elève  et  beau-frère  du  Poussin,  il  travailla  quelque 
temps  sous  la  direction  de  celui-ci  ;  mais  son  caractère 
emporté  ne  lui  permit  pas  d'accepter  longtemps  les  obser- 
vations de  son  beau-trère,  et  l'empêcha  également  de 
demeurer  près  du  duc  délia  Cornia  et  de  Francesco  Anti  qui 
l'avaient  attiré  près  d'eux  à  la  demande  de  Pierre  de  Cor- 
tone.  Il  a  exécuté  à  Florence  pour  les  loges  du  palais  Pitti, 
un  Paysage  peint  à  fresque  ;  Un  Ouragan;  le  Déluge,  etc. 
Le  Louvre  possède  six  de  ses  tableaux,  le  musée  de 
Madrid  sept  et  celui  de  Vienne  quatre.  L'exécution  excel- 
lente et  le  soin  extrême  apportés  à  ses  tableaux  n  em- 
pêchent point  que,  suivant  l'expression  de  Ch.  Blanc,  «  on 
sente  dans  ses  toiles  la  lumière,  mais  non  la  chaleur  du 
soleil  ».  ^'  CouRBOiN. 

BiBL.*:  Ch.  Blanc,  Histoire  des  peintres  de  toutes  les 

DUGNY  (Diujney,i'2ol).  Corn,  du  dép.  de  la  Meuse, 
cant.  et  arr .  de  Verdun,  sur  le  Lempire,  affl.  de  la  Meuse  ; 
775  hab.  Faisait  anciennement  partie  du  Barrois  mouvant. 
Patrie  du  baron  Louis-Victor  de  Benoist, 

DUGNY.  Com.  du  dép.  de  la  Seine,  arr.  et  cant.  de 
Saint-Denis;  643  hab. 

DUGOMMIER  (Jacques  Coquille-),  général  français,  ne 
dans  la  paroisse  de  Notre-Dame  du  Mont-Carmel,  à  la  Basse- 
Terre  (Guadeloupe),  le  1^^  août  1738,  tué  à  la  bataille  de  la 
Montagne-Noire  le  18  nov.  1794.  Entré  de  bonne  heure  au 
service,  il  partagea  les  idées  libérales  de  l'époque  et  ^^  partie 
de  rassemblée  générale  coloniale  réunie  le  1^'^déc.  1789  au 


^  21  — 


DUGOMMIER  —  DUGUAY 


Petit-Bourg.  Il  combattit  à  la  tête  des  patriotes  dans  les 
troubles  civils  de  la  Guadeloupe.  Rappelé  en  France  en 
4791,  il  fut  nommé  maréchal  de  camp  le  19  oct.  1792. 
Attaché  à  l'armée  des  Alpes  et  d'Italie,  il  fut  chargé  de 
commander  les  troupes  qui  opéraient  dans  le  Var  et  rem- 
plaça Cartaux  devant  Toulon  le  16nov.  1793,  avec  le  titre 
de  général  en  chef  de  l'armée  d'Italie  chargé  de  la  conduite 
du  siège  de  Toulon.  C'est  lui  qui  eut  l'honneur  de  re- 
prendre cette  place  (17-19  déc.  1793).  Il  contribua  à  la 
fortune  de  Bonaparte  en  le  mettant  à  même,  pendant  ce 
siège,  d'exécuter  ses  plans  hardis.  Nommé  général  en  chef 
de  l'armée  des  Pyrénées-Orientales  (16  janv.  1794),  il 
battit  les  Espagnols  au  Boulon  (1^^  mai),  reprit  Collioure 
(29  mai) ,  Bellegarde  (1 7  sept.).  Il  fut  tué  au  moment  où  il  es- 
sayait de  forcer  le  général  espagnol  La  Union  dans  ses  posi- 
tions entre  Saint-Llorens-de-la-Muga  et  la  mer.  F.-A.A. 
BiBL.  :  Vauchelet,  le  Général  Dugommier,  dans  la 
Revue  historique  de  mars-avr.  1886. 

DUGOMMIER  (Alphonse-Amaranthe  Denis  (V.  Denis 
[Alphonse]). 

DUGONG  (Zool.)  (V.  Lamantin  et  Siréniens). 

DU  GO  NI  es  (André),  écrivain  hongrois,  né  à  Szegedin 
en  1740,  mort  à  Szegedin  en  1818.  Entré  dans  l'ordre  des 
piaristes,  puis  dans  renseignement  en  diverses  villes,  il  ne 
cessa  de  rendre  des  services  éminentsà  lalangue  magyare  et 
à  la  littérature  populaire.  Pour  montrer  que  son  idiome  ma- 
ternel se  prêtait  à  la  culture  scientifique,  il  l'employa  dans 
la  rédaction  d'un  manuel  de  mathématiques  (1784),  aussi 
bien  que  dans  la  composition  de  deux  poèmes  classiques  sur 
Troie  etsurUlysse(1774-1780). Puis  il  publia  (1788)  sonro- 
man  d'Etelka,  récitdespremierstempsdel'histoirenationale, 
bientôt  suivi  d'autres  romans  et  de  plusieurs  drames  his- 
toriques, qui  contribuèrent  puissamment  à  développer  le 
sentiment  patriotique  hongrois.  E.  Sayous. 

BiBL.  :  ScHwicKER,  GescMchte  der  ungarischen  Litte- 


ratur. 


DUGUAY-Trouin  (René),  célèbre  corsaire  français  et 
lieutenant  général  des  armées  navales,  né  à  Saint-Malo  le 
10  juin  1673,  mort  à  Paris  le  27  sept.  1736.  Il  appar- 
tenait à  une  ancienne  famille  de  négociants.  Il  était  le  cin- 
quième des  sept  enfants  de  Luc  Trouin,  sieur  de  La  Barbi- 
nais,  qui  commandait  lui-même,  en  paix  ou  en  guerre,  les 
vaisseaux  qu'il  armait.  Le  nom  de  Duguay  provenait  d'une 
propriété  de  la  famille  dans  le  village  du  Gué,  où  René 
avait  été  élevé.  Il  fut  destiné  par  son  père  à  la  carrière 
ecclésiastique,  mais  ses  goûts  batailleurs  puis  sa  vocation 
maritime  décidèrent  sa  famille  à  lui  permettre  d'embarquer 
comme  volontaire.  On  était  en  1689,  en  guerre  avec  les 
deux  grandes  puissances  maritimes,  la  Hollande  et  l'An- 
gleterre. Cette  première  campagne  de  Duguay-Trouin  tut 
très  rude  et  il  prit  une  grande  part,  tout  jeune  qu'il  était, 
dans  l'enlèvement  à  l'abordage  d'un  corsaire  hollandais. 
L'année  suivante,  il  embarquait  sur  une  frégate  de  vingt- 
huit  canons.  Dans  l'attaque  d'une  flotte  de  quinze  vaisseaux 
anglais,  trois  de  ces  navires  furent  pris  à  l'abordage.  Sa 
famille  lui  ayant  donné  un  commandement,  durant  les 
années  1691  et  1692,  il  captura  deux  frégates  de  guerre 
anglaises  et  dix  navires  marchands.  En  1693,  des  vais- 
seaux du  roi  lui  furent  confiés  pour  la  course.  Ses  prises 
procurèrent  un  profit  considérable  à  l'Etat  et  à  ses  arma- 
teurs. En  1694,  étant  tombé  dans  une  escadre  de  six 
bâtiments  anglais,  il  soutint  un  combat  opiniâtre  et  inégal, 
dans  lequel  il  fut  obligé  de  se  rendre,  étant  blessé  griève- 
ment. Il  fut  conduit  à  Plymouth,  d'où  il  parvint  à  s'évader 
sur  une  chaloupe,  comme  avaient  fait  cinq  ans  auparavant 
Jean  Bart  et  Forbin,  et  put  aborder  sur  la  côte  de  Bretagne. 
Montant  un  vaisseau  de  quarante-huit  canons,  le  Fran- 
çais, il  s'empara,  entre  autres,  de  deux  navires  de  guerre 
qui  escortaient  une  flotte  marchande  de  soixante  voiles 
(4  janv.  1695).  L'un  de  ces  navires,  /^  Sam-Pareil 
était  commandé  par  le  capitaine  anglais  qui  avait  pris 
à  l'abordage  et  fait  prisonniers  Jean  Bart  et  Forbin, 
et  qui  conservait,  trophée  précieux,  leurs  brevets,  que 
Duguay-Trouin  se  fit  remettre.  Cette  action  valut  à  celui-ci, 


de  la  part  du  roi,  une  épée  d'honneur.  Duguay-Trouin  fit 
encore  de  nombreuses  prises  dans  les  années  suivantes. 
C'est  dans  le  cours  de  ces  campagnes  qu'il  eut  la  douleur 
de  perdre  son  frère  cadet,  tué  dans  une  escarmouche  à 
terre  sur  la  côte  d'Espagne  (1696).  Quelque  temps  après, 
à  la  tête  de  cinq  vaisseaux,  il  attaqua  trois  vaisseaux  de 
guerre  de  première  force,  que  commandait  le  contre-amiral 
hollandais  de  Wassenaer,  et  qui  escortaient  la  flotte  de 
Bilbao.  Le  combat  à  l'abordage  fut  très  meurtrier;  presque 
tous  les  officiers  des  deux  côtés  périrent,  et  le  commandant 
hollandais,  dangereusement  blessé,  fut  pris  les  armes  à  la 
main  (25  mars  1697).  Ce  succès  si  brillant  valut  à  Duguay- 
Trouin  de  passer  au  service  du  roi  avec  le  grade  de  capi- 
taine de  frégate.  Ayant  obtenu  le  commandement  de  deux 
nouveaux  vaisseaux,  Duguay-Trouin  s'apprêtait  à  une  croi- 
sière, quand  la  paix  de  Ryswick  (20  et  30  oct.)  fut  donnée 
à  l'Europe.  Il  n'avait  encore  que  vingt-quatre  ans.  Dans 
ces  guerres  de  la  Ligue  d'Augsbourg,  il  avait,  malgré  sa 
jeunesse,  égalé  ses  aînés  les  plus  illustres  et  contribué 
avec  eux  à  une  paix  honorable.  La  course  pratiquée  par  les 
Pointis,  les  Jean  Bart,  les  Du  Casse,  les  Forbin,  les  Cas- 
sard,  entre  tant  d'autres,  avait  secondé  admirablement 
les  grandes  actions  navales  des  flottes  commandées  par  les 
deux  d'Estrées,  Nesmond,  Château-Renault  et  Tourville. 

Lors  de  la  guerre  de  la  succession  d'Espagne,  Duguay- 
Trouin,  commandant  (1702)  trois  frégates,  alla  croiser 
d'abord  aux  Orcades.  Un  vaisseau  de  guerre  hollandais 
s'étant  présenté,  un  combat  terrible  à  l'abordage  s'engagea. 
Le  capitaine  hollandais  et  tous  ses  officiers  furent  tués,  le 
navire  fut  pris,  mais  la  tempête  le  fit  échouer  sur  les  côtes 
d'Ecosse.  En  i703,  Duguay-Trouin  fut  chargé  de  détruire 
la  pêche  des  Hollandais  sur  les  côtes  du  Spitzberg,  où  il 
prit  vingt  navires  baleiniers  et  en  détruisit  un  plus  grand 
nombre.'  Au  commencement  de  1704,  Duguay-Trouin  mon- 
tra les  qualités  de  l'ingénieur,  dans  la  construction  de 
deux  vaisseaux  de  cinquante-quatre  canons,  qu'il  nomma 
le  Jason  et  l'Auguste,  Il  monta  le  premier  et  alla  croiser 
aux  Sorlingues.  Après  plusieurs  rencontres  ennemies,  il 
ramena  au  port  un  vaisseau  de  guerre  de  cinquante-quatre 
canons,  le  Coventry,  pris  à  l'abordage,  et  douze  navires 
marchands.  L'année  suivante  (1705),  Duguay-Trouin  monta 
de  nouveau  le  Jason,  et  ayant  donné  à  son  jeune  frère  le 
commandement  d'une  frégate  de  vingt-six  canons,  la  Fa- 
leur,  il  alla  croiser,  avec  ses  trois  vaisseaux,  à  l'entrée 
de  la  Manche.  Il  s'empara  d'un  vaisseau  de  guerre  de 
soixante-douze  canons,  r Elisabeth,  et  d'un  corsaire  fles- 
singuois.  Dans  ce  temps,  son  frère,  après  s'être  emparé 
d'un  autre  corsaire,  puis  d'un  navire  anglais,  était  mortel- 
tellement  blessé  dans  un  abordage,  au  moment  de  vaincre. 
Quelques  jours  après,  Duguay-Trouin,  surmontant  sa 
douleur,  partit  de  Brest  avec  ses  trois  vaisseaux.  Il  tomba 
au  milieu  de  l'escadre  anglaise.  Entouré  par  quinze  de  ces 
forts  navires  ennemis,  il  s'apprêtait  à  vendre  chèrement 
sa  vie  sans  jamais  baisser  pavillon.  Mais,  grâce  à  son  coup 
d'œil,  il  sut  leur  échapper  à  la  faveur  d'un  vent  propice  et 
de  la  nuit.  Il  termina  par  de  nombreuses  prises  sa  glo- 
rieuse campagne.  L'année  suivante  (1706),  Duguay-Trouin, 
montant  encore  le  Jason,  reçut  ordre  d'aller,  avec  deux 
autres  bâtiments,  à  Cadix,  menacée,  disait-on,  d'un  siège, 
et  de  se  mettre  à  la  disposition  du  gouverneur,  le  marquis 
de  Valdecanas.  En  même  temps  il  était  promu  au  grade 
de  capitaine  de  vaisseau.  A  Cadix,  il  ne  trouva  que  de  la 
mauvaise  volonté  des  Espagnols  qu'il  venait  secourir. 
Ayant  quitté  cette  nation,  il  fit  bientôt  la  rencontre  de 
quinze  navires  anglais  et  s'en  empara  pour  la  plupart.  Ils 
étaient  escortés  par  une  frégate  de  trente-six  canons. 

La  campagne  de  1707  fut  mémorable.  Duguay-Trouin 
venait  d'être  nommé  chevalier  de  Saint-Louis  et  de  rece- 
voir l'accolade  du  roi  à  Versailles.  Il  obtint  six  vaisseaux  et 
montale  Lys,  de  soixante-quatorze  canons.  Forbin,  alors  chef 
d'escadre,  se  trouvait  en  rade  de  Brest  avec  six  vaisseaux. 
Tous  deux  reçurent  l'ordre  de  se  rendre  ensemble,  avec 
leurs  escadres  respectives,  aux  dunes  d'Angleterre,  afin  de 


DUGUAY  —  DUGUE 


—  n  - 


détruire  une  flotte  portant  des  secours  en  Portugal  et  en 
Catalogne.  On  la  rencontra  à  l'entrée  de  la  Manche.  Les 
transports  étaient  au  nombre  de  près  de  deux  cents  ;  il 
n'y  avait  pour  les  escorter  que  cinq  vaisseaux  de  ligne, 
mais  ils  étaient  de  première  force.  Le  vaisseau  comman- 
dant, le  Cumberland,  portait  quatre-vingt-deux  canons, 
le  Devonshire  en  avait  quatre-vingt  douze.  Ce  fut  l'escadre 
de  Duguay-Trouin  qui  eut  le  plus  de  part  à  la  bataille 
(21  oct.)."  Elle  fut  terrible;  les  abordages  furent  très 
meurtriers,  et  le  Devonshire  périt  dans  les  flammes  avec 
plus  de  mille  hommes.  Le  Cumberland  et  deux  des  autres 
vaisseaux  de  guerre  furent  pris,  ainsi  qu'un  très  grand 
nombre  de  transports.  Le  roi  ayant  offert  une  pension  de 
1,000  livres  à  Duguay-Trouin,  celui-ci  eut  la  générosité  de 
la  faire  reverser  sur  son  capitaine  en  second,  qui  avait  eu 
la  cuisse  emportée.  Les  campagnes  de  4708,  de  1709  et 
1710  ne  furent  pas  heureuses  pour  Duguay-Trouin,  ayant 
été  contrariées  parla  tempête,  et  les  riches  flottes  du  Brésil 
et  de  l'Inde  lui  échappèrent.  C'est  à  la  fin  de  1709  que 
des  lettres  de  noblesse  furent  octroyées  aux  deux  frères 
Trouin.  On  y  lit  que  lui  et  son  aîné,  sieur  de  La  Barbinais, 
chef  de  la  maison  Duguay,  avaient  pris  plus  de  trois  cents 
navires  marchands  et  deux  cents  vaisseaux  de  guerre  ou  cor- 
saires. Duguay-Trouin  formait  alors  le  plan  d'une  expédition 
qui  devait  donner  à  son  nom  le  plus  d'éclat.  Le  Portugal 
jouait  un  rôle  important  et  fort  dommageable  à  l'Espagne, 
en  donnant  accès  dans  ses  ports  aux  marines  ennemies. 
D'autre  part,  les  armements  étaient  aussi  des  sortes  d'en- 
treprises commerciales.  Deux  fois,  en  1706  et  en  1708, 
les  circonstances  avaient  été  défavorables  au  hardi  corsaire, 
qui  avait  laissé  échapper  les  flottes  du  Brésil.  Il  songea  à 
aller  chercher  ces  trésors  du  Portugal  à  leur  source  même. 
Avant  lui,  l'année  précédente,  un  autre  avait  eu  la  même 
idée,  mais  le  capitaine  de  vaisseau  Duclerc  avait  échoué, 
n'ayant  pas  de  forces  suffisantes.  Il  s'était  rendu,  avec  les 
sept  cents  hommes  environ  qui  lui  restaient.  Comme  on 
disait  qu'il  avait  été  assassiné  et  que  les  prisonniers  fran- 
çais subissaient  les  plus  durs  traitements,  leur  délivrance 
et  la  vengeance  à  tirer  des  oppresseurs  s'ajoutaient  aux 
autres  motifs  pour  entreprendre  l'expédition.  Duguay- 
Trouin  ayant  réussi  à  y  intéresser  de  riches  armateurs  et 
ayant  obtenu  l'autorisation  du  roi,  qui  lui  confia  ses  vais- 
seaux, s'empressa  d'armer,  le  plus  discrètement  possible, 
à  Brest  et  en  d'autres  ports  de  France.  Il  mit  à  la  voile  le 
3  juin  1711.  Il  montait  le  Lys;  le  nombre  total  de  ses  bâ- 
timents était  de  dix-sept,  portant  environ  six  mille  hommes. 
Il  arriva,  le  12  sept.,  devant  le  goulet  de  la  baie  de  Rio- 
de-Janeiro,  et  sans  perdre  un  instant  il  força  cette  entrée, 
au  milieu  des  feux  croisés  des  forts  et  des  vaisseaux.  Les 
fortifications  de  Rio-de-Janeiro  avaient  été  augmentées  ;  on  y 
était  préparé  à  la  résistance,  aussi  fallut-il  recourir  à  un 
siège  régulier.  Dès  le  21,  l'assaut  était  donné.  Le  23,  les 
forts  se  rendirent.  Dans  l'impossibilité  de  garder  sa  con- 
quête, Duguay-Trouin  accepta  la  rançon  qu'on  lui  en  oflrit 
de  610,000  cruzades.  Il  mit  à  la  voile  pour  la  France  le 
13  nov.  Dans  ce  voyage,  il  fut  assailli,  malheureusement, 
par  de  violentes  tempêtes,  qui  firent  périr  trois  de  ses  meil- 
leurs vaisseaux  ;  une  grande  partie  du  butin  fut  engloutie 
dans  les  flots.  Toutefois,  il  resta  encore  un  profit  considé- 
rable pour  les  armateurs,  mais  bien  inférieur  au  dommage 
causé  au  Portugal,  que  l'on  évalua  à  30  millions.  Louis  XIV 
récompensa  Duguay-Trouin  par  une  pension  de  2,000  livres 
et,  plus  tard  (1715),  par  le  grade  de  chef  d'escadre.  La 
paix  générale  d'Utrecht,  signée  le  11  avr.  1713,  lui  assura 
un  repos  qu'il  ne  recherchait  pas.  Son  expédition  glorieuse 
était  venue  à  la  fois  couronner  sa  carrière  et  clôturer  l'ère 
navale  du  grand  règne. 

Duguay-Trouin  s'était  retiré,  à  la  paix,  dans  une  petite 
maison  de  campagne  sur  les  bords  de  la  Rance,  à  la  Fleu- 
rie, près  de  Saint-Servan,  où  il  rédigea  ses  mémoii^es.  En 
1723,  il  fut  appelé  à  Paris  pour  faire  partie  du  conseil  des 
Indes.  Louis  XV  le  nomma,  en  1728,  successivement  com- 
mandeur de  l'ordre  de  Saint-Louis  et  lieutenant  général. 


Puis  un  an  après,  il  reçut  le  commandement  de  la  marine 
à  Brest  avec  la  surveillance  des  côtes  de  Bretagne.  En 
1731,  le  ministre  de  Maurepas  le  choisit  pour  commander 
une  escadre  destinée  à  relever  le  prestige  du  pavillon  fran- 
çais dans  la  Méditerranée  et  à  faire  rentrer  dans  le  devoir 
les  nations  barbaresques,  en  obtenant  d'elles  les  répara- 
tions pour  les  dommages  causés  au  commerce  français.  Sa 
mission,  cette  fois  toute  pacifique,  eut  les  résultats  que 
l'on  en  attendait.  Ce  fut  sa  dernière  campagne.  Il  était  âgé 
de  cinquante-huit  ans  et  souffrait  depuis  plusieurs  années  de 
précoces  infirmités  contractées  dans  sa  fatigante  profession. 
Cependant  il  oublia  ses  maux,  lorsque,  deux  ans  plus  tard, 
la  guerre  sembla  se  rallumer  et  qu'on  lui  confia  le  com- 
mandement d'une  escadre  à  Brest.  Mais  ce  ne  fut  qu'une 
alerte,  la  paix  se  rétablit.  Duguay-Trouin  languit  dans  ses 
souffrances  trois  ans  encore,  et  mourut  à  Paris,  où  il  était 
allé  chercher  les  secours  de  la  médecine.  Duguay-Trouin 
n'était  pas  marié. 

Ce  grand  homme  eut  le  vrai  génie  maritime  ;  intrépide 
comme  Jean  Bart,  et  capable,  si  l'occasion  s'était  présentée, 
de  conduire  de  grandes  flottes,  comme  Duquesne  et  Tour- 
ville  ;  corsaire,  il  tempéra  les  maux  inséparables  de  cette 
profession,  respectant  l'ennemi  vaincu,  mais  sachant  faire 
respecter  en  lui  la  dignité  nationale  ;  désintéressé,  il  ne 
profita  pas  des  immenses  richesses  qu'il  eut  entre  les  mains 
pour  sa  fortune  personnelle.  Duguay-Trouin  était  de  taille 
avantageuse  ;  il  s'était  rompu  aux  exercices  du  corps  ;  sa 
figure  était  régulière  et  agréable.  On  voit  son  portrait  en 
pied  à  l'hôtel  de  ville  de  Saint-Malo  ;  sa  statue  en  marbre 
orne  une  place  de  cette  ville,  depuis  1829.  Au  nombre 
des  douze  statues  en  marbre  de  Carrare  des  plus  illustres 
guerriers  de  France  qui  se  trouvaient  sur  le  pont  de  la 
Concorde  à  Paris  avant  d'être  transportées  dans  la  cour 
d'honneur  du  palais  de  Versailles,  on  remarque  celle  de 
Duguay-Trouin,  exécutée  en  1822  par  Du  Pasquier.  Les 
Mémoires  que  ce  héros  écrivit  dans  ses  loisirs  forcés  sont 
d'un  style  simple  et  sobre,  et  l'on  y  reconnaît  l'accent  de 
la  vérité;  les  seuls  authentiques  ne  datent,  pour  les  pre- 
mières éditions,  que  de  1740.  On  trouve  entre  autres,  dans 
celle  de  1741  (Amsterdam,  in-12),  son  portrait,  des  plan- 
ches montrant  la  disposition  des  combattants  et  notamment 
le  plan  de  Rio-de-Janeiro,  la  liste  des  officiers  et  équipages, 
plusieurs  documents,  mais  non  certains  détails  de  la  jeu- 
nesse de  l'auteur  que  le  cardinal  de  Fleury  lui  avait  con- 
seillé d'enlever.  Thomas  a  prononcé  un  éloge  académique 
de  Duguay-Trouin  (1761).  Plusieurs  historiens  ont  écrit  sa 
vie  et  raconté  ses  campagnes,  notamment  ses  compatriotes, 
l'abbé  Manet  et  M.  Ch.  Cunat.  C.  Delavaud. 

BiBL.  :  L'abbé  J.  Poulain,  Duguay-Trouin  et  Saint- 
Malo,  la  cité  corsaire;  Paris,  1882.  On  trouve  dans  cet  ou- 
vrage une  indication  bibliographique  sur  :  1°  les  archives 
de  Saint-Malo,  de  Saint-Servan,  de  la  marine  à  Paris  (il 
faut  y  ajouter  celles  de  Brest),  et  les  papiers  de  plusieurs 
familles  de  corsaires  des  deux  premières  villes;  2°  les 
principaux  auteurs  qui  ont  écrit  sur  Duguay-Trouin,  tels 
que  :  RicHER,  1784  ;  Badin,  dans  les  Marins  illustres  ; 
Paris,  1866  ;  de  La  Landelle. 

DU  GUÉ  (Ferdinand),  auteur  dramatique  français,  né 
à  Paris  en  1812.  Il  débuta  par  divers  recueils  de  vers  : 
Horizons  de  la  poésie  (1836,  in-8)  ;  le  Vol  des  heures 
(1839,  in-8)  ;  les  Gouttes  de  rosée,  sonnets  (1840,  in-8), 
écrivit  plusieurs  romans  :  la  Semaine  de  Pâques  (1835, 
in-8)  ;  G^o/fro?/Rwd^/ (1838,  2  vol.  in-8),  et  des  drames 
en  vers  :  Castille  et  Léon  (1838)  ;  Gaifer  (1839)  ;  Salva- 
torRosa  (Porte-Saint-Martin,  1851)  ;  Monsieur Pinchard^ 
drame  interdit  en  France  et  représenté  à  Bruxelles  (1855). 
M.  Dugué,  devenu  peu  après  le  collaborateur  d'Anicet- 
Bourgeois  et  de  M.  Dennery,  et  associé  ainsi  à  quelques-uns 
de  leurs  succès  les  plus  populaires,  a  donné  avec  le  pre- 
mier :  les  Fugitifs  (Ambigu,  1858)  ;  les  Pirates  de  la 
Savane  (Gaîté,  1858)  ;  la  Fille  du  chiffonnier  (1861) 
la  Bouquetière  des  innocents  (1862);  avec  le  second 
la  Prière  des  naufragés  (1847);  Cartouche  (1858) 
le  Marchand  de  coco  (1860);  les  Trente-deux  Duels  de 
Jean  Gigon  (1861)  ;  Marie  Mancini  (1864),  etc.  M.  Dugué 


—  23  — 


DUGUE  —  DU  GUESCLÏN 


a  publié  depuis  deux  volumes  de  poésies  politiques  :  les 
Eclats  d'obus  (4874,  in-48);  Satires  et  Poèmes  (iSl 6, 
in-8),  et  commencé  la  réunion  de  son  Théâtre  complet 
(4894,  t.J-III).  M.  Tx, 

D  U  G  U  É  d'Assé  (Jacques-Claude) ,  homme  politique  fran- 
çais, né  à  Tourouvre  (Orne)  le  47  mai  4749.  Avocat, 
membre  du  département,  juge,  il  fut  élu  par  l'Orne  député 
à  la  Convention.  Il  y  siégea  parmi  les  modérés,  et,  dans  le 
procès  de  Louis  XVI,  vota  pour  l'appel  au  peuple  et  pour 
le  bannissement.  Un  des  soixante-quatorze  signataires  de  la 
protestation  contre  le  2  juin,  il  fut  décrété  d'arrestation  et 
revint  à  la  Convention  le  18  frimaire  an  III.  Membre  du 
conseil  des  Anciens,  il  rentra  ensuite  dans  l'obscurité  et 
fut  sous-préfet  de  Mortagne  aux  Cent-Jours.  On  ignore 
la  date  de  sa  mort.  F.-A.  A. 

DUGUÉ  DE  La  Fauconnerie  (Henri-Joseph),  homme  po- 
litique français,  né  à  Paris  le  44  mai  4835,  neveu  de 
Ferdinand  Dugué  (V.  ci-dessus).  Après  avoir  fait  ses  études 
de  droit  à  Strasbourg,  il  entra  dans  l'administration  pré- 
fectorale et  devint  en  4  862  sous-préfet  de  Saint-Jean- 
d'Angely,  puis  sous-préfet  de  Marennes  en  4864.  Il  dé- 
missionna en  4866  et  fut  élu  député  de  Mortagne  au  Corps 
législatif  le  24  mai  4869.  Membre  de  l'extrême  droite,  il 
combattit  le  cabinet  libéral  d'Emile  Ollivier  et  vota  la 
guerre  avec  la  Prusse.  En  4874,  il  prit  la  direction  d'un 
organe  bonapartiste,  l'Ordre^  fut  élu  député  de  Mortagne 
le  20  févr.  4876,  appuya  le  gouvernement  du  46  mai  et 
fut  réélu  le  44  oct.  1877.  Il  tenta,  grâce  à  l'influence  de 
Gambetta,  de  rallier  à  la  République  le  parti  bonapartiste, 
mais  cette  tentative  fut  peu  heureuse  pour  lui,  car  ayant 
démissionné  pour  consulter  ses  électeurs  (févr.  4884), 
ceux-ci  ne  le  renommèrent  pas  (6  mars  4884),  préférant 
voter  pour  un  républicain.  M.  Dugué  de  La  FauconneHe  se 
présenta  alors  vainement  dans  son  département  aux  élec- 
tions sénatoriales  du  8  janv.  4882  et  ne  fut  réélu  député 
qu'en  oct.  4885,  après  qu'il  eut  déclaré  que  la  persécution 
religieuse  l'éloignait  de  la  République.  Il  siégea  à  droite  et 
adhéra  avec  enthousiasme  a  la  politique  du  boulangisme, 
prenant  assez  souvent  la  parole  à  la  Chambre  pour  dénoncer 
les  inconvénients  du  parlementarisme  et  attaquer  la  gestion 
financière  des  républicains.  Il  a  été  réélu  par  Mortagne  le 
22  sept.  4889  par  43,674  voix  contre  40,490  à  son  con- 
current républicain  Bansard  des  Bois.  Il  a  publié  :  le  Tri- 
bunal de  la  Rote  (Paris,  4859,  in-8);  la  Bretagne  et 
r Empire  (4864,  in-8);  Si  l'Empire  revenait  (4875, 
in-8);  Soyons  donc  logiques  (4878,  in-8). 

DU6UERNIER  (Louis),  dit  le  Vieux,  peintre,  minia- 
turiste et  portraitiste  du  xvi^  siècle  (V.  Guernier). 

DU  GUESCLÏN  (Bertrand),  connétable  de  France,  né 
vers  4320,  mort  le  43  juil.  4380.  Fils  de  Robert  DuGues- 
clin,  chevalier  breton,  il  naquit  à  La  Motte-Broons  (arr.  de 
Dinan).  Brutal  et  laid,  peu  aimé  de  ses  parents,  il  ne  dut 
guère  fréquenter  l'école  et  parut  toute  sa  vie  avoir  beau- 
coup de  peine  à  écrire  son  nom.  Un  brillant  tournoi,  e\ 
Rennes,  vers  4337,  commença  sa  réputation,  et  la  guerre 
de  succession  de  Bretagne  (4344)  lui  permit  de  l'accroitre. 
Partisan  de  Ch.  de  Blois,  son  rôle  resta  obscur  jusqu'en 
4354.  Il  fut  parmi  les  défenseurs  de  Rennes  contre  les 
Anglais  (déc.  4342  ou  janv.  4343)  et,  après  la  bataille 
de  La  Roche-Derrien,  qui  ruina  le  parti  de  Blois  (48  ou 
20  juin  1347),  il  fit  la  guerrede  partisan  avec  cinquante  ou 
soixante  hommes.  La  surprise  du  château  de  Fougeray 
(4350?)  attira  l'attention  sur  lui  et  il  est  probable  qu'il  passa 
au  service  de  Jean  II  dès  son  avènement  (22  août  4350). 
Opérant  entre  Dinan  et  Pontorson,  il  se  lia  bientôt  avec 
P.  de  Villiers,  capitaine  de  Pontorson,  et  le  sire  d'Audre- 
hem,  lieutenant  du  roi  dans  la  contrée.  Armé  chevalier  à 
Montmuran  (40  avr.  4354),  il  fit  partie  d'une  ambassade 
qui  alla  en  Angleterre  demander  la  mise  en  liberté  de 
Ch.  de  Blois  (fin  4354).  11  resta  aux  environs  de  Pontor- 
son pendant  l'invasion  anglaise  de  4355  et  la  campagne 
qui  se  termina  à  Poitiers  (49  sept.  4356).  Quand  le  duc 
de  Lancastre   vint  assiéger  Rennes  et  Dinan  (oct.  1356 


et  commencement  de  1357),  Bertrand  lui  fit  beaucoup 
de  mal.  Après  son  fameux  duel  avec  Th.  de  Canterbury, 
à  Dinan,  il  parvint  à  ravitailler  Rennes,  que  la  trêve  de 
Bordeaux  délivra  (23  mars  4357).  Nommé  capitaine 
de  Pontorson  (déc.  4357),  il  se  fit  un  renom  légendaire  de 
protecteur  du  peuple  en  combattant  les  brigands.  Il  se 
distingua  au  siège  de  Melun  (juin  4359),  mais,  au  retour, 
se  laissa  prendre  par  Robert  Knolles,  au  Pas  d'Evran  (fin 
4359)  et  paya  rançon.  Après  le  traité  de  Brétigny  (8  mai 
4360),  les  ducs  d'Orléans  et  d'Anjou  et  le  comte  d'Alençon 
lui  confièrent  k  garde  de  leurs  domaines,  et,  durant  les 
années  4360,  4364,  4362,  il  combattit  sans  relâche  les 
compagnies  dans  le  Maine,  le  Perche  et  la  Basse-Nor- 
mandie :  il  fut  même  pris  à  Juigné  (fin  4360).  Châtelain 
de  La  Roche-Tesson  et  conseiller  du  dauphin  (fin  4364), 
toujours  mêlé  aux  affaires  de  Bretagne,  il  épousa  Tiphaine 
Raguenel  (4364).  Chargé  de  saisir  les  biens  du  roi  de 
Navarre  (avr.  4364),  il  prit  Mantes  et  Meulan  (avril). 
Charles  V  le  fit  son  chambellan  (47  avr.),  et,  après  la  vic- 
toire de  Cocherel,  où  le  captai  de  Buch  fut  fait  prisonnier 
(4 6  mai),  il  lui  donna  le  comté  de  Longueville  (27  mai)  et  le 
nomma  son  lieutenant  en  Normandie  (été  de  4364).  Mais 
Charles  de  Blois  l'appelant  en  Bretagne,  il  abandonna  son 
poste,  mécontenta  ainsi  le  roi  et  alla  se  faire  prendre  à 
Auray  (29  sept.).  Après  le  traité  de  Guérande  (42  avr. 
4365),  Charles  V,  Urbain  V  et  Henri  de  Transtamare 
payèrent  sa  rançon.  Chargé  de  conduire  les  compagnies  en 
Espagne,  contre  Pedro  de  Castille,  il  partit  au  mois  de  sept. 
4365  et  ne  leva  pas  en  passant,  comme  on  l'a  répété,  un 
impôt  forcé  sur  les  domaines  du  pape.  A  son  approche, 
don  Pedro  s'enfuit  à  Bayonne,  où  il  s'allia  avec  le  prince 
de  Galles,  qui  passa  bientôt  en  Espagne  (févr.  4367).  La 
bataille  de  [Najera  (3  avr.)  rétablit  don  Pedro  et  coûta  la 
liberté  à  Bertrand.  Relâché  moyennant  400,000  doubles 
d'or,  que  paya  le  roi  (27  déc),  il  alla  guerroyer  en  Pro- 
vence pour  le  duc  d'Anjou  et  assiéger  Tarascon  (4  mars- 
22  mai  4368).  C'est  alors  qu'il  leva  5,000  florins  sur  le 
Comtat.  Don  Henri  étant  rentré  en  Espagne  (sept.  4367), 
il  y  retourna  et  la  bataille  de  Montiel  (44  mars  4369), 
suivie  de  la  mort  de  don  Pedro  (23  mars),  rendit  le  trône 
à  don  Henri.  Il  nomma  Bertrand  connétable  de  Castille, 
duc  de  Molina,  etc.,  et  lui  donna  divers  domaines.  Rappelé 
en  4370  par  Charles  V,  Du  Guesclin  rejoignit  le  duc 
d'Anjou  en  Languedoc  (mi-juillet)  et  commença  avec  lui 
une  campagne  que  la  chevauchée  de  Knolles  interrom- 
pit. Malgré  quelques  succès  en  Périgord  et  en  Limousin, 
il  ne  pût  empêcher  le  prince  Noir  de  reprendre  Limoges 
(49  sept.  4370)  ;  pourtant  Moreau  de  Fiennes  s'étant 
démis  de  l'oflîce  de  connétable,  Du  Guesclin  fut  désigné 
comme  le  plus  digne  de  lui  succéder  (2  oct.)  et  le  roi 
s'empressa  de  ratifier  le  choix  de  son  conseil.  Le  nou- 
veau connétable  écrasa  aussitôt  Knolles  à  Pontvallain 
(4  déc).  Il  joua  un  grand  rôle  dans  la  campagne  de  Poitou 
en  4372.  Ce  fut  lui  qui  occupa  Poitiers  (47  août),  puis  La 
Rochelle,  Saint-Jean-d'Angely,  Saintes  (sept.),  et  Melle 
(3  oct.),  etc.  L'expédition,  interrompue  par  une  chevauchée 
en  Bretagne,  se  termina  par  la  reddition  de  Thouars 
(4  déc),  et  Bertrand,  par  sa  victoire  de  Chizé  (fin  mars 
4373),  acheva  de  ruiner  l'influence  anglaise  dans  le  Poitou. 
Il  employa  l'été  à  conquérir  la  Bretagne  avec  le  duc  de 
Bourbon,  mais  l'invasion  du  duc  de  Lancastre  le  rappela  à 
Paris  (sept.),  avant  la  reddition  des  deux  dernières  places 
anglaises,  Derval  et  Brest.  Ayant  conseillé  de  ne  pas  livrer 
bataille,  il  suivit  l'ennemi  et  l'empêcha  de  s'étendre  sur 
le  pays  (nov.-déc).  Après  avoir  épousé  en  secondes 
noces  Jeanne  de  Laval,  dame  de  Tinteniac  (4374),  il 
fit  une  expédition  avec  le  duc  d'Anjou,  sur  les  confins  de 
l'Agenais  et  du  Bordelais  (avr.),  puis,  au  printemps  sui- 
vant, il  commença  la  conquête  de  la  Saintonge.  Froissart 
le  fait  assister  à  tort  au  siège  et  à  la  capitulation  de 
Saint-Sauveur-le-Vicomte  (24  mai  4375).  Après  l'expi- 
ration des  trêves  avec  l'Angleterre  (24  juin  4377) 
il  contribua  à  la  reddition  des  places  normandes  du  roi  de 


DU  GUESCLIN  —  DU  HALDE 


—  24  — 


Navarre  (printemps  de  lin 8),  ù  la  levée  du  siège  de 
Saint-Malo  et  alla  lui-même  assiéger  Cherbourg.  La  confis- 
cation de  la  Bretagne  (9  déc.  4378),  qu'il  n'approuvait 
point,  l'attrista.  11  ne  put  arrêter  les  progrès  du  duc  de 
Bretagne,  rentré  dans  ses  Etats  (3  août  1379).  Accusé 
de  mauvaise  volonté  par  le  conseil  royal,  il  parla  de  re- 
tourner en  Castille.  Charles  V  le  retint "^ et  il  commençait  à 
purger  la  France  centrale  de  ses  brigands,  quand  il  tomba 
malade  et  mourut  devant  Châteauneuf-de-Randon.  Il  fut 
enterré  à  Saint-Denis  avec  des  honneurs  royaux.  On  a  fait 
de  lui,  sous  Charles  VI,  le  type  du  parfait  chevalier.  Il 
fut,  au  contraire,  toute  sa  vie,  un  soldat  brutal  ;  mais, 
grâce  à^ies  qualités  naturelles,  développées  par  une  longue 
expérience,  il  devint  le  plus  habile  capitaine  de  son  temps. 

E.  COSNEAU. 

BiBL.  :  Les  chroniques  du  temps  et  surtout  :  Cuvelier, 
Chron.  de  B.  Du  Guesclin,  éd.  Charrière  (col.  des  Doc. 
inéd.).— Anciens  Mémoires  duxiv«s.  relat.  à  B.  Du  Guesclin 

(COll.MlCHAUDetPoUJOULAT,t.I.— FROISSART,éd.S.  LUCE, 

t.  V,  YI,  VII  et  VIII;  éd.  Kervyn  de  Lettenhove,  t.  V, 
VI,  VII,  VIII  et  IX.  —  Hay  du  Chastelet,  Hist.  de  B.  Du 
Guesclin;  Paris,  1666,  in-8.  —  Bibl.  nat.,  Pièces  originales, 
t.  MCCCCXXXIII.  —  S.  Luge,  Hist.  de  B.  Du  Guesclin  et 
de  son  époque;  Paris,  1876,  in-8,  et  un  article  dans  la  JRe- 
mte/iisf.,  t.  XVI,  91-92. 

DU  GUET  (Jacques- Joseph),  théologien  et  moraliste,  né 
à  Montbrison  le  9  déc.  d649,  mort  à  Paris  le  25  oct.1733. 
Il  était  entré  dans  la  congrégation  de  l'Oratoire  dès  1667  ; 
il  la  quitta  en  fëvr.  1685,  par  suite  de  la  réprobation  par 
cette  congrégation  du  cartésianisme  et  du  jansénisme,  et  il  se 
retira  auprès  d'Arnauld,  à  Bruxelles,  oii  il  resta  pendant  cinq 
ans.  Rentré  à  Paris  en  1690,  il  s'y  recueiUit  dans  une 
retraite  studieuse.  Il  avait  été  un  des  premiers  appelants 
contre  la  bulle  Unigenitus;  en  1721 ,  il  renouvela  son  appel. 
Mais  sa  fidélité  aux  doctrines  jansénistes  ne  l'empêchait  pas 
de  blâmer  les  écarts  du  parti  ;  il  sut  réprouver  les  excès  de 
polémique  du  journal  les  Nouvelles  ecclésiastiques^  et  pro- 
tester contre  les  extravagances  des  convulsionnaires.  Sainte- 
Beuve  le  compare  à  Fénelon.  Ses  nombreux  ouvrages  sont 
écrits  avec  une  élégance  et  une  onclion  rares  chez  les  jan- 
sénistes. Les  principaux  sont  :  TiYiité  sur  les  devoirs 
d'un  évêque  (Caen,  1710,  in-12);  Règles  pour  V intelli- 
gence des  Saintes  Ecritures  (Paris,  1716,  m-\^)  ;  Traité 
des  scrupules  (Paris,  1717,  in-12);  Lettres  sur  divers 
sujets  de  morale  et  de  piété  (Paris,  1718,  3  vol.  in-12) 
souvent  réimprimées  et  portées  jusqu'à  10  vol.  in-12; 
Pensées  d'un  magistrat  sur  la  déclaration  qui  doit 
être  portée  au  parlement  (in-4)  ;  Maximes  abrégées  sur 
les  décisions  de  V Eglise  et  préjugés  légitimes  contre  la 
Constitution;  Explication  du  mystère  de  la  Passion 
(Paris,  1728, 2  vol.  in-12)  ;  Piéflexions  sur  lemystèrede  la 
sépulture  ou  le  tombeau  de  Jésus-Christ  {BmxeWes,  1731 , 
2  vol.  in-12);  Traité  des  principes  de  la  foi  chrétienne 
(Paris,  1736,  3  vol.  in-12);  Institution  d'un  prince 
(Leyde,  1729,4  vol.  in-12;  Londres,  1739,  in-4), composée 
à  la  demande  de  Victor- Amédée,  roi  de  Sardaigne;  Confé- 
rences ecclésiastiques  (Paris,  1742, 2  vol.  in-4).  E.-H.  V. 
Bibl.  X  Goujet,  Eloge  historique  de  Du  Guet;  Paris, 
1740.  —  André,  Esprit  de  M.  Du  Guet;  Paris,  1764,  in-12. 
—  Sainte-Beuve,  Port-Royal  ;  Paris,  1867,  t.  VI. 

DU  GUET  (L'abbé),  maître  de  musique  à  l'église  Saint- 
Germain  l'Auxerrois  en  1767  et  à  Notre-Dame  en  1780. 
Il  a  composé  de  nombreuses  messes  et  des  motets,  dont 
les  manuscrits  sont  conservés  dans  la  bibhothèque  de 
Notre-Dame  de  Paris. 

D  U  G  U  ET  (  Nicolas-Jean-Baptiste  ) ,  médecin  français, 
né  à  Chamery  (Marne)  le  12  mai  1837.  Interne  des 
hôpitaux  (1862),  docteur  en  médecine  en  1866,  agrégé 
de  la  Faculté  de  Paris  (section  de  médecine)  en  1872,  mé- 
decin des  hôpitaux  en  1873.  Parmi  ses  nombreux  travaux, 
citons  :  sa  thèse  d'agrégation.  De  l'Apoplexie  pulmonaire 
(1872),  dans  laquelle  il  cherchait  à  établir  une  pathogénie 
nouvelle  de  cette  affection,  à  l'aide  des  embolies  pulmo- 
naires qui  ont  fait  depuis  l'objet  de  recherches  publiées 
par  lui  de  1876  à  1881  ;  De  l'Angine  ulcéreuse  et  du 
muguet  de  la  gorge  dans  la  fièvre  typhoïde  (1883)  ;  Sur 


les  Taches  bleues,  leur  production  artificielle  et  leur 
valeur  séméiologique  (1880);  Contribution  à  l'étude 
des  grossesses  extra-utérines  et  en  particulier  de  la 
grossesse  tubaire  (1874),  et  Goitres  et  médication 
'iodée  interstitielle  (1886).  P^  A.  Dureau. 

DU  GUILLET  (Pernette), femme  poète,  née  à  Lyon  vers 
1520,  morte  le  17  juil.1545.  Ses  poésies  sont  gracieuses, 
gaies  et  naïves,  et  lui  ont  valu  une  renommée  locale 
peut-être  un  peu  exagérée.  Les  Rymes  de  gentille  et  ver- 
tueuse dame  D,  Pernette  du  Guillet,  Lyonnoise  (Lyon, 
1545,  pet.  in-8;  Paris,  1546,  in-16;  Lyon,  1552,  pet. 
in-8;  ces  trois  éditions  sont  fort  rares)  ont  été  réim- 
primées à  Lyon  en  1830,  in-8;  en  1856,  pet.  in-8  et  en 
1864,  in-12.'' 

DU  HALDE  (Jean-Baptiste),  savant  français,  né  à  Paris 
le  1^^  févr.  1674,  mort  à  Paris  le  18  août  1743. 
Il  entra  le  8  sept.  1692  dans  la  Compagnie  de  Jésus.  Se- 
crétaire du  P.  Letellier,  confesseur  du  roi,  il  a  attaché  soh 
nom  d'une  manière  durable  à  la  Chine  par  les  Lettres  édi- 
fiantes et  sa  Description  de  la  Chine,  On  peut  consi- 
dérer comme  l'origine  des  Lettres  édifiantes  les  lettres 
annuelles  envoyées  du  Japon,  de  la  Chine,  de  Goa  et 
d'Ethiopie  en  Europe  depuis  le  xvi®  siècle  par  les  Pères  de 
la  Compagnie  de  Jésus,  ainsi  que  les  Relations  des  mis- 
sions et  les  Voyages  des  évêques  français  au  xvii®  siècle. 
Mais  la  collection  connue  sous  le  nom  de  Lettres  édi- 
fiantes et  curieuses  écrites  des  Missions  étrangères  par 
quelques  missionnaires  de  la  Compagnie  de  Jésus  a 
été  commencée  en  1702  par  le  P.  Charles  Le  Gobien  ;  les 
premiers  volumes  ont  eu  plusieurs  éditions  ;  la  série  com- 
plète se  compose  de  34  volumes  ou  recueils  in-12  (1703- 
1776).  Chaque  recueil  est  précédé  d'une  épitreaux  jésuites 
de  France.  Le  P.  Le  Gobien  étant  mort  le  5  mars  1708, 
après  la  publication  du  huitième  recueil,  il  fut  remplacé  par 
le  P.  Du  Halde,qui  continua  la  série  jusqu'au  vingt-sixième 
recueil  (i743).  Il  eut  lui-même  pour  successeurs  les 
PP.  Patouillet  et  Maréchal.  Cettecollection  importante  a  été 
réimprimée  de  1780  à  1783,  chez  Mérigot  le  jeune,  en 
26  vol.  in-12  par  Yves-Mathurin-Marie  de  Querbeuf,  et 
plusieurs  fois  depuis,  soit  en  partie,  soit  en  entier  ;  nous 
ne  signalerons  que  l'édition  de  L.  Aimé-Martin,  donnée  en 
4  voi.  gr.  in-8,  dans  la  collection  du  Panthéon  littéraire 
(1838-1843).  Le  P.  J.  Stock lein  a  traduit  en  allemand 
les  Lettres  édifiantes  avec  l'addition  de  bon  nombre  de 
pièces  de  1726  à  1758,  en  36  vol.  in-fol.,  publiées  à 
Augsbourg  et  à  Grâtz  sous  le  titre  de  Der  Neile  Welt- 
Bott  mit  aller  hand  Nachrichten  der  en  Missionarien 
Soc.  lesu.  Les  Nouvelles  Lettres  édifiantes  des  missions 
de  la  Chine  et  des  Indes  orientales,  publiées  chez  Adrien 
Le  Clere  de  1818  à  1823,  en  8  vol.  in-12,  et  les  Annales 
de  l'Association  de  la  propagation  de  la  foi,  commen- 
cées en  1826,  servent  de  suite  à  l'ancienne  collection  des 
Lettres  édifiantes.  Le  second  des  grands  ouvrages  du 
P.  Du  Halde  a  pour  titre  Description  géographique., 
historique,  chronologique,  politique  de  l'empire  de  la 
Chine  et  de  la  Tartarie  chinoise,  enrichie  des  cartes 
générales  et  particulières  de  ces  pays,  de  la  carte  générale 
et  des  cartes  particulières  du  Thibet  et  de  la  Corée,  et  ornée 
d'un  grand  nombre  de  figures  et  de  vignettes  gravées  en 
taille-douce,  par  le  P.  J.-B.  Du  Halde  de  la  Compagnie  de 
Jésus.  A  Paris,  chez  P.-G.  Lemercier,  imprimeur-libraire, 
rue  Saint-Jacques,  au  Livre  d'Or,  M.DCC.XXXV.  Avec 
approbation  et  privilège  du  Roy  (4  vol.  in-fol.) .  Quoique 
le  P.  Du  Halde  ne  soit  jamais  allé  en  Chine,  son  ouvrage 
est  encore  le  meilleur  qui  ait  été  écrit  en  français  sur  ce 
vaste  empire;  il  s'est  aidé  pour  la  rédaction  de  son  livre 
des  mémoires  des  vingt-sept  missionnaires  suivants  : 
Martin  Martini,  Ferdinand  Verbiest,  Philippe  Couplet, 
Gabriel  Magalhaens,  Jean  de  Fontaney,  Joachim  Bouvet, 
Jean-François  Gerbillon,  François  Noël,  Louis  Le  Comte, 
Claude  Visdelou,  Jean-Baptiste  Régis,  Joseph-Henry  de 
Prémare,  François-Xavier  Dentrecolles,  Julien-Placide  Her- 
vieu,  Cyr  Contancin,  Pierre  de  Go  ville,  Jean-Armand  Nyel, 


-  25  - 


DU  HALDË  —  DUHESME 


Dominique  Parrenin,  Pierre  Jartoux,  Vincent  de  Tartre, 
Joseph- Anne-Marie  de  Mailla,  Jean-Alexis  Gollet,  Claude 
Jacquemin,  Louis  Porquet,  Emeric  de  Chavagnac,  An- 
toine Gaubil  et  Jean-Baptiste  Jacques.  Cette  célèbre  des- 
cription fut  réimprimée  Tannée  suivante  à  La  Haye  chez 
Henri  Scheurleer  (4  vol.  in-4),  avec  les  cartes  de  d'An- 
ville,  qui  ont  été  également  réunies  en  un  vol.  in-fol.(1737). 
Le  livre  de  Du  Halde  a  été  traduit  en  anglais  parR.  Brookes 
(Londres,  1736,  4  vol.  in-8;  1738,  4vol.  in-fol.;  1741, 
4  vol.  in-8)  ;  en  allemand  (Rostock,  1747-1756,  4  vol. 
in-4)  ;  en  russe,  la  première  et  la  seconde  partie  (Saint- 
Pétersbourg,  1774-1777).  Parmi  les  autres  ouvrages  du 
P.  Du  Halde,  nous  trouvons  une  tragédie  en  musique,  Nar- 
cisse (Paris,  1707,  in-4),  un  intermède  pour  la  comédie  de 
Mu^a5  (Paris,  1704),  mais  la  liste  complète  ne  mérite  pas 
la  peine  d'être  donnée,  la  réputation  du  P.  Du  Halde  étant 
due  entièrement  à  la  publication  des  Lettres  édifiantes 
et  de  la  Description  de  la  Chine.         Henri  Cordier. 

BiBL.  :  A.  DE  Backer,  Bibliothèque  des  écrivains  de  la 
Compagnie  de  Jésus.  —H.  Cordier,  Bibliotheca  Sinica. 

DUHAMEL  (Jean-Baptiste),  astronome  et  physicien  fran- 
çais, né  à  Vire,  en  basse  Normandie,  le  11' juin  162^, 
mort  le  6  août  1706.  A  dix-huit  ans,  il  composa  un 
petit  traité  où  il  expliquait  très  simplement  les  trois  livres 
des  Sphériques  de  Théodose,  auxquels  il  ajouta  une  Tri- 
gonométrie. A  l'âge  de  dix-neuf  ans,  il  entra  chez  les 
Pères  de  l'Oratoire;  il  y  resta  dix  ans  et  en  sortit  pour 
occuper  la  cure  de  Neuilly-sur-Marne.  En  1660,  il  fit 
imprimer  ses  deux  traités  :  Astronomia  physica  et  De 
Meteoris  et  fossilibus.  En  1663,  il  quitta  sa  cure  et 
donna  son  livre  De  Consensu  veteriset  novœ  philosophiœ. 
En  1666,  Colbert  le  fit  entrer  à  l'Académie  des  sciences, 
dont  il  fut  le  premier  secrétaire.  Duhamel  publia  (1670) 
son  traité  De  Corporum  affectionibus.  En  167:2  et  en 
1673,  parurent  son  De  Mente  humana^  et  son  De  Cor- 
pore  animato.  Un  ordre  supérieur  l'engagea  à  composer 
un  cours  entier  de  philosophie,  selon  la  forme  usitée  dans 
les  collèges.  Cet  ouvrage  parut  en  1678  sous  le  titre  de 
Philosophia  vêtus  et  nova  ad  usum  scholce  accommo- 
data.  En  1691,  il  fit  imprimer  un  corps  de  théologie  en 
sept  tomes,  sous  le  titre  de  Iheologia  speculatrix  et 
practica  jiixta  S.  S.  Patrum  dogmata  pertractata^  et 
ad  usum  scholœ  accommodata.  En  1698,  il  publia,  en 
latin,  une  histoire  de  l'Académie  des  sciences,  depuis  son 
établissement  en  1666jusqu'en  1696  (Regiœ Scientiarum 
Academiœ  historia  ;  ¥■  édition  en  1701).  La  même  année 
(1698),  il  donna  un  très  savant  ouvrage  théologique 
intitulé  Institutiones  biblicœ,  seu  Scripturœ  Sacrœ 
prolegomena  una  cum  selectis  annotationibus  in  Pen- 
tateuchum.  En  1701,  il  publia  les  Psaumes;  en  1703, 
les  Livres  de  Salomon,  la  Sapience  et  VEcclésiaste. 
Enfin,  en  1705,  à  l'âge  de  quatre-vingt-un  ans,  il  donna 
une  Bible  annotée.  Il  laissa  la  réputation  d'un  homme  aussi 
vertueux  que  savant.  A.  Gasté. 

BiBL.  :  FoNTENELLE,  Hlstoive  du  renouvellement  de 
l'Académie  royale  des  sciences  en  MDCXCIX,  et  les 
Eloges  historiques  de  tous  les  Académiciens  morts  depuis 
ce  renouvellement  ;  Paris,  1708.  —  L'abbé  Augustin  Via- 
lard,  J.-D.  Duhamel.,  thèse  pour  le  doctorat  en  théologie; 
Paris,  1884.  —  Luguet,  Mémoire  sur  la  philosophie  de 
Leibniz  et  les  rapports  de  sa  doctrine  avec  celle  de  J.-B. 
Duhamel  {Bull.  acad.  de  Clermont,  mai  1880).—  V.  encore, 
sur  J.-B.  Duhamel  et  sur  ses  frères  Georges  et  Guillaume, 
la  Bibliographie  viroise  de  F. -M.  Morin-Lavallée  ;  Caen, 
1879,  et  le  manuscrit  du  Père  Martin,  Athenœ  Norman- 
norum.,  conservé  à  la  bibliothèque  de  Caen. 

DUHAMEL  (Jean-Marie-Constant),  mathématicien  fran- 
çais, né  à  Saint-Malo  le  o  févr.  1797,  mort  à  Paris  le 
29  avf.  1872.  Entré  à  l'Ecole  polytechnique  en  1816,  il 
se  consacra  à  l'enseignement,  devint  répétiteur,  puis,  en 
1834,  professeur  à  l'Ecole  polytechnique,  oîi  il  occupa  suc- 
cessivement les  chaires  d'analyse  et  de  mécanique.  Nommé 
directeur  des  études  en  1848,  il  reprit  en  1851  la  chaire 
d'analyse,  qu'il  occupa  également  à  la  Faculté  des 
sciences  de  Paris  depuis  la  même  époque.  Son  premier 
ouvrage,  Problèmes  et  développements  sur  diverses 


parties  des  mathématiques  (1823),  fut  composé  en  col- 
laboration avec  Reynaud.  A  partir  de  1832,  il  publia  dans 
le  Journal  de  l Ecole  polytechnique^  jusqu'en  1848,  de 
savants  mémoires  sur  la  physique  mathématique  qui  lui 
ouvrirent,  en  1840,  les  portes  de  l'Institut.  Le  Journal 
de  Liouville,  de  1839  à  1856,  contient  de  lui  d'autres 
articles  sur  les  mêmes  matières  et  des  travaux  relatifs  à  la 
théorie  des  séries.  Les  Mémoires  des  savajits  étr^angers, 
1834  et  1843,  et  les  comptes  rendus  de  l'Académie  des 
sciences  à  partir  de  1836,  renferment  également  d'assez 
nombreuses  communications  de  lui.  Il  a  publié,  d'autre 
part,  son  Cours  d'analyse  de  l'Ecole  polytechnique^ 
(1840-1841,  2  vol.),  ouvrage  complètement  refondu  dans 
ses  Eléments  de  calcul  infinitésimal  (1860),  puis  son 
Cours  de  mécanique  (1845  et  1846,  2  vol.).  Il  consacra 
enfin  la  fin  de  sa  vie  à  la  composition  d'un  ouvrage  consi- 
dérable. Des  Méthodes  dans  les  sciences  de  raisonne- 
ment (1866-1872,  5  vol.),  qui  n'a  pas  obtenu  tout  le 
succès  qu'il  pouvait  attendre.  —  Excellent  professeur, 
Duhamel  a  exercé  une  grande  influence  par  la  clarté  et  la 
précision  de  son  enseignement.  Esprit  plus  exact  que 
profond,  s'attachant  plutôt  à  perfectionner  les  méthodes 
qu'à  faire  progresser  la  science,  il  a  en  tout  cas  la  gloire 
d'avoir  le  premier  donné  une  démonstration  rigoureuse  des 
principes  fondamentaux  du  calcul  infinitésimal.  Les  élèves  de 
l'Ecole  polytechnique  ont,  de  son  temps,  donné  son  nom  au 
verre  d'eau  sucrée  qu'il  avait,  au  début  de  chaque  leçon, 
l'habitude  de  préparer  tout  en  résumant,  d'une  voix  d'abord 
à  peine  perceptible,  mais  qui  s'élevait  peu  à  peu,  les  théo- 
ries exposées  dans  la  précédente  leçon.        P.  Tannery. 

DUHAMEL-Dumonceau  (Henri-Louis),  physiologiste  et 
naturaliste  français,  né  à  Paris  en  1700,  mort  à  Paris  le 
23  août  1782.  Il  s'occupa  d'histoire  naturelle  par  goût,  et 
entra  en  1728  à  l'Académie  des  sciences;  il  remplit  en 
outre  pendant  de  longues  années  les  fonctions  d'inspecteur 
général  de  la  marine.  Duhamel-Dumonceau  a  publié  une 
foule  de  mémoires  sur  la  botanique,  l'agriculture,  la  phy- 
siologie animale  (structure  et  mode  d'accroissement  des  os, 
greffe  animale),  etc.  D''L.  Hn. 

DU  HEM  (Pierre-Joseph),  homme  politique  français,  né 
à  Lille  vers  1760,  mort  à  Mayence  le  25  mars  1807.  Il 
était  médecin  à  Lille  en  1789,  fut  élu  juge  de  paix  dans 
cette  ville  en  1790,  puis  député  du  Nord  à  la  Législative 
et  à  la  Convention,  où  il  siégea  parmi  les  montagnards  les 
plus  exaltés.  Dans  le  procès  de  Louis  XVI,  où  il  émit  les 
votes  les  plus  rigoureux,  il  voulut  empêcher  l'accusé  d'avoir 
un  conseil.  Il  fut  un  ennemi  acharné  des  Girondins.  La 
Convention  l'envoya  en  mission  à  l'armée  du  Nord,  par 
décrets  des  30  sept.  1792,  4, 12  et  30  avr.  1793.  Adver- 
saire de  Robespierre,  il  fut  dénoncé  par  lui  aux  Jacobins 
le  22  frimaire  an  II  et  exclu  de  cette  société  quatre  jours 
après.  Après  la  révolution  du  9  thermidor  qu'il  favorisa, 
il  essaya  de  combattre  les  progrès  de  la  réaction  et  fut 
assidu  à  la  tribune,  du  haut  de  laquelle  (22  fructidor  an  II) 
il  appela  les  députés  du  centre  crapauds  du  marais. 
Enveloppé  dans  la  proscription  du  12  germinal,  il  fut  incar- 
céré à  Ham,  puisa  Sedan.  L'amnistie  du  4  brumaire  an IV 
lui  rendit  la  liberté.  Il  alla  se  fixer  à  Mayence  où  il  devint 
médecin  en  chef  de  l'hôpital.  F. -A.  A. 

DUHESME  (Philippe-Guillaume,  comte),  général  fran- 
çais, né  au  Bourgneuf  (Saône-et-Loire)  le  7  juil.  1766, 
mort  à  Genappe  le  19  juin  1815.  Parti  avec  les  volon- 
taires de  Saône-et-Loire,  en  1791,  il  était  colonel  en  1792, 
général  de  brigade  en  1793,  divisionnaire  l'année  sui- 
vante sous  Maestricht.  Il  fit  toutes  les  campagnes  du  Rhin, 
puis  celle  d'Italie  avec  Championnet,  celle  de  Marengo  ; 
gouverneur  de  Lyon  et  chef  de  la  19^  division  militaire, 
(1802),  il  fut  employéà  l'armée  d'Italie  (1805),  puis  en  Es- 
pagne (1808).  Mais  là,  il  tomba  en  disgrâce  et  ne  reprit 
du  service  que  pour  la  campagne  de  France  (1814).  Nommé 
pair  de  France  aux  Cent-Jours,  il  assista  à  la  bataille  de 
Waterloo  où  il  fut  mortellement  blessé  à  la  tête  de  la 
jeune  garde  qu'il  commandait.  P.  C.-C. 


DUHM  —  DUIVELAND 


26 


DUHM  (Bernard),  théologien  allemand,  né  à  Bingum 
(Frise  orientale)  le  40  oct.  1847.  Il  devint  maître  de  con- 
férence, puis  professeur  de  théologie  à  Gôttingen,  en  4871. 
Il  a  publié:  Pauli  Apostoli  de  Judœorum  lege  jiidicia 
(4873);  Die  Théologie  der  Propheten  (4875).    G.  P. 

DUHORT-Bachen.  Corn,  du  dép.  des  Landes,  arr.  de 
Saint-Sever,  cant.  d'Aire,  sur  le  Lourden;  4,033  hab.  A 
Castera,  vestiges  d'un  camp  romain.  Ancienne  abbaye  de 
Saint-Jean-de-la-Castelle,  fondée  en  4473,  connue  aujour- 
d'hui sous  le  nom  de  Château-Saint-Jean. 

DU  H  RING  (Eugen-Karl),  philosophe  et  économiste  alle- 
mand, né  à  Berlin  le  i2  janv.  4833.  Privat-docent  à  l'Uni- 
versité de  Berlin  de  4864  à  4877,  il  dut  se  retirer  à  la  suite 
d'un  conflit  avec  la  faculté.  Il  a  écrit  un  très  grand  nombre 
d'ouvrages  qui  attestent  une  pensée  originale  et  vigoureuse. 
En  philosophie,  il  défend  le  matériaUsme,  mais  se  rattache 
par  bien  des  points  au  positivisme  des  disciples  d'A.  Comte. 
Parmi  ses  écrits  philosophiques,  nous  citerons  :  Natûrliche 
Dialektik  (Berlin,  4865)  ;  Der  Wert  des  Lebens  (Bres- 
lau,  4865;   3^  éd.,  4881);  Kritische  Geschichte  der 
Philosophie  (Berlin,  4869;  2«éd.,  Leipzig,  4879)  ;  Kri- 
tische   Geschichte  der  allgemeinen  Prinzipien  der 
Mechanik  (Berlin,  4873;  3^  éd.,  1878);  Kursus  der 
Philosophie  als    streng   wissenschaftlicher    Weltan- 
schauung  (Leipzig,  4 875)  ;  Der  Weg  zur  hœhern  Berufs- 
bildung  der  Frduen  (Leipzig,  4877)  ;  Logik  und  Wis- 
senschafstheorie  (Leipzig,  4878)  ;Roô.  Mayer  (Chemnitz, 
4880);  Die  Judenfrageals  Rassen,  Sitten  und  Kultur- 
frage  (2^  éd.,  Carlsruhe,  4884);  Die  Ueberschœtzung 
Lessings  und    dessen  Anwaltschaft  fur  die   Juden 
(Carlsruhe,  4884)  ;  Neue  Grundmittel  und  Erfindun- 
gen  in  Analysis,  Algebra,    etc.  (Leipzig,  4883).  Ses 
principaux  ouvrages  d'économie  politique  sont  :  Kapital 
und  Arbeit  (Berlin,  4865)  ;  Kritische  Grundlegung  der 
Volkwirtschaftslehre  (Berlin,  4866)  ;  Die  Verkleinerer 
Careys  (Breslau ,  4867)  ;  Kursus  der  National  und 
Sozialœkonomie  (Berlin,  4873  ;  2^  éd.,  Leipzig,  4876); 
Kritische  Geschichte  der  Nationalœkonomie  und  des 
Sozialismus  (Berlin,  4879,  3«  éd.).  lia  donné,  en  outre. 
Sache,  Leben  und  Feinde  (Carlsruhe,  4882). 
BiBL.  :  Vaihinger,  Hartman,  Duhring  und  Lange^  1876. 
DU  IDA.  Massif  montagneux  de  l'Amérique  du  Sud,  dans 
la  république  de  Venezuela,  territoire  des  Amazones.  Le 
mont  Duida  tombe  à  pic  du  côté  du  S.  et  du  côté  de  TE. 
Son  sommet  est  une  roche  nue,  mais  à  son  pied  se  dé- 
roulent d'immenses  forêts  vierges.  Ce  qui  rend  sa  situa- 
tion remarquable,  c'est  que  c'est  à  son  pied  que  commence 
la  bifurcation  de  l'Orénoque.  Sa  hauteur  est  de  2,475  m. 
DUIFFOPRUGGAR    (Gaspard   Tieffenbrucker,  connu 
sous  le  nom  de),  le  plus  ancien  faiseur  de  violons  connu, 
originaire   du  Tirol.   En  4540,  il  habitait  Bologne.  Il 
paraît  avoir  séjourné  plus  tard  chez  le  roi  de  France  et  le 
duc  de  Lorraine,  pour  lesquels  il  paraît  avoir  travaillé. 
Quelques  instruments  sortis  de  ses  mains,  violons  et  violes, 
existent  encore  et  sont  comptés  parmi  les  plus  rares  pièces 
de  lutherie  connues;  plusieurs  sont  datées  de  Lyon,  où 
l'artiste  semble  s'être  fixé.  On  connaît  de  lui  un  portrait 
daté  de  4562.  M.  Br. 

DUIGENAN  (Patrick),  homme  politique  irlandais,  né 
dans  le  comté  de  Leitrim  en  4735,  mort  à  Westminster  le 
44  avr.  4846.  Inscrit  au  barreau  de  Dublin  en  4767,  il 
commença  à  se  faire  remarquer  par  la  publication  de  nom- 
breux pamphlets  contre  l'élection  de  John  Hely  Hutchinson 
à  la  prévôté  du  Trinity  Collège.  Il  obtint  de  grands  succès 
d'avocat,  fut  nommé  conseiller  du  roi  en  4784  et  avocat 
général  à  la  haute  cour  d'amirauté  de  Dublin  en  4785. 
Protestant  fervent,  il  servit  avec  zèle  la  cause  du  gouverne- 
ment anglais,  et  se  déclara  passionnément  en  faveur  de 
l'Union.  Aussi  fut-il  récompensé  de  ses  services  par  la  nomi- 
nation de  professeur  de  droit  civil  au  Trinity  Collège  et 
entra-t-il  au  conseil  privé  d'Irlande.  Il  avait  été  élu  membre 
de  la  Chambre  des  communes  d'Irlande  en  4790  par  Old 
Leighlin.  Il  représenta  la  cité  d'Armagh  au  premier  parle- 


ment de  Grande-Bretagne  et  d'Irlande  et  conserva  son  siège 
jusqu'à  sa  mort.  Il  y  fit  une  opposition  violente  à  l'éman- 
cipation des  catholiques  irlandais.  R.  S. 

DUILHAC.  Com.  du  dép.  de  l'Aude,  arr.  de  Carcas- 
sonne,  cant.  de  Tuchan  ;  285  hab. 

D  U I LH  É  DE  SAiNT-ProjET  (Marc-Antoine-Marie-François), 
publiciste  français,  né  à  Toulouse  en  4822.  Ordonné  prêtre 
en  4846,  il  fut  professeur  de  rhétorique  et  de  philosophie 
au  séminaire  de  Toulouse  et  en  4859  nommé  chanoine  ho- 
noraire. Il  devint  par  la  suite  professeur  d'apologétique  et 
de  patrologie  à  l'institut  catholique  de  cette  ville.  Fondateur 
(4860)  de  la  Hevue  de  ran7iée  religieuse,  politique, 
philosophique  et  littéraire,  il  dirigea  ce  recueil  jusqu'en 
4864,  rédigea  ensuite  la  Gazette  du  Laîiguedoc  (4867), 
organe  clérical  et  royahste,  et  se  fit  beaucoup  connaître 
par  ses  conférences  et  ses  fondations.  Outre  sa  collabora- 
tion à  divers  journaux  ou  revues,  on  a  de  lui  :  Education 
théologique  de  Bossuet  (Paris,  4859,  in-8);  Des  Etudes 
religieuses  en  France  depuis  le  xvii®  siècle  jusqu'à  nos 
jours  (4864,  in-8);  Apologie  scientifique  de  la  foi 
'chrétienne  (4885,  in-42),  etc. 

DU I LIA  (è<??25).  Famille  plébéienne  de  l'ancienne  Rome, 
à  laquelle  appartient  C.  Duilius,  consul  en  494  (260  av. 
J.-C),  célèbre  pour  avoir  remporté,  pendant  son  consulat, 
à  Myles,  sur  la  côte  N.  de  la  Sicile,  la  première  victoire  navale 
que  les  Romains  aient  remportée  sur  les  Carthaginois.  La 
reconnaissance  des  Romains  lui  vota  des  honneurs  exception- 
nels :  le  soir,  quand  il  rentrait  chez  lui,  il  pouvait  se  faire 
précéder  d'une  torche  et  d'un  joueur  de  flûte.  De  plus,  on 
éleva  sur  le  forum,  en  souvenir  de  sa  victoire,  une  colonne 
rostrale,  c.-à-d.  ornée  d'éperons  de  navire.  L'inscription 
qu'on  lisait  sur  la  base  a  été  conservée,  sinon  dans  le  texte 
original  gravé  en  260,  au  moins  dans  la  rédaction  nou- 
velle qu'on  en  avait  refaite  sous  le  règne  de  Tibère;  elle 
est  aujourd'hui  au  musée  du  Capitule  (palais  des  Conser- 
vateurs). G*  L.-G. 

BiBL.  :  Sur  le  texte  de  la  colonne  rostrale  de  Duilius, 
V.  MoMMSEN,  Corpus  inscriptionum  latinarum,  I,  37. 

DUIM  (Métrol.).  Mesure  de  longueur,  employée  dans  les 
Pays-Bas;  vaut  0™04. 

DUINGT.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Savoie,  arr.  et 
cant.  (S.)  d'Annecy,  sur  un  promontoire  rocheux  du  lac 
d'Annecy;  343  hab.  Ruines  d'un  château  ancien  remplacé 
par  un  élégant  château  moderne.  Sur  un  îlot  nommé  le 
Roselet,  en  avant  du  château,  vestiges  de  pilotis  et  d'habi- 
tations lacustres. 

DUlSANS.Com.  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  et  cant. 
(N.)  d'Arras,  sur  le  Gy;  4,139  hab.  Fabr.  de  sucre.  Au 
hameau  du  Pont-du-Gy,  vestiges  d'un  camp  romain  sur  une 
éminence  dominant  la  rivière. 

DUISBURG.  Ville  d'Allemagne,  royaume  de  Prusse, 
district  de  Dusseldorf  (province  rhénane),  entre  le  Rhin  et 
la  Ruhr  ;  47,549  hab.  (en  4885).  La  ville  doit  sa  rapide 
prospérité  à  l'industrie.  Elle  n'avait  encore,  en  4846,  que 
4,500  hab.  Ses  principales  industries  sont  la  métallurgie 
du  fer  et  les  produits  chimiques  qui  ont  une  grande  impor- 
tance. C'est  une  vieille  ville ,  Castrum  Deutonis  ^  des 
Romains,  Dispargum  des  rois  francs.  Clovis  y  résida  ; 
Charlemagne  la  fortifia.  Au  xii®  siècle,  elle  devint  ville 
impériale,  entra  dans  la  ligue  rhénane  (4255),  dans  la 
Hanse  ;  mais,  en  4290,  Rodolphe  l^^  l'engagea  à  Thierry 
de  Clèves  et  elle  perdit  son  imm.édiateté.  Souvent  des  diètes 
impériales,  des  assemblées  ecclésiastiques  ou  laïques  s'y 
réunirent.  Elle  passa  au  Brandebourg,  dont  l'électeur  Fré- 
déric-Guillaume y  fonda  une  université  (4655)  abolie  en 
4802.  Elle  possède  encore  une  église  du  xv^  siècle. 

DU  ITAGE.  Terme  qui  désigne  la  manière  dont  les  duites 
se  succèdent  dans  un  tissu  ou  leur  degré  de  rapprochement. 
DUITE.  Nom  donné,  dans  l'industrie  du  tissage,  aux  pas- 
sades de  la  trame  à  travers  la  chaîne  d'un  tissu  (V.  Corde). 
"^DUIVELAND.  Ile  de  Hollande,  prov.  de  Zélande,  sé- 
parée de  Schouwen  (V.  ce  nom)  par  le  Dykwasser  et  le 
havre  de  Zeritzee. 


—  27  — 


DUJARDIN  —  DUKAS 


DUJARDIN  (Karel),  peintre  et  graveur,  né  à  Amsterdam 
en  i  635,  mort  à  Venise  le  20  nov.  1678.  Elève  de  Berghem, 
il  appartient  à  la  série  des  peintres  hollandais  qui  formaient 
à  Rome  au  xv!!*^  siècle  une  colonie  d'artistes  plus  séduits 
par  ritalie  elle-même  que  par  l'art  italien.  L'existence  de 
Karel  Dujardin  paraît  avoir  été  accidentée;  après  avoir 
mené  joyeuse  vie  à  Rome,  il  se  décida  à  revenir  à  xAmster- 
dam  et  épousa,  à  son  passage  à  Lyon,  une  veuve  laide  et 
vieille,  mais  riche,  dont  la  fortune  devait  le  mettre  à  même 
de  désintéresser  ses  créanciers.  Une  fois  de  retour  dans  sa 
patrie,  fatigué  bientôt  de  sa  femme  et  de  la  vie  d'intérieur, 
il  partit  un  beau  jour  pour  le  port  de  Texel,  sous  le  pré- 
texte d'accompagner  un  ami  qui  s'y  embarquait,  et  ne  s'ar- 
rêta qu'à  Livourne  d'où  il  passa  à  Rome  puis  à  Venise,  où 
il  mourut.  Le  tableau  le  plus  important  de  Karel  Dujardin 
se  trouve  à  Anvers;  il  représente  les  portraits  des  Cinq 
Régents  de  l'hospice  d'Anvers  (1665).  Le  musée  du  Louvre 
possède  de  lui  un  Calvaire  et  les  fameux  Charlatans 
achetés  18,000  livres  par  M.  d'Angiviller  en  1783.  Les 
eaux-fortes  du  peintre  sont  au  nombre  de  cinquante-deux, 
représentant  des  Animaux  et  des  Paysages  exécutés  avec 
beaucoup  de  franchise  et  une  très  grande  habileté  de  main  ; 
sa  première  Suite  d' animaux ^dsiiée  de  1652,  est  véritable- 
ment extraordinaire,  si  Ton  songe  surtout  qu'elle  est  l'œuvre 
d'un  jeune  homme  de  dix-sept  ans.  F.  Courboin. 

BiBL.  :  Bartsch,  le  Peintre-Graveur,  I,  p.  161.  —  Ch. 
Blanc,  Histoire  des  peintres. 

DUJARDIN  (Bénigne),  littérateur  français  du  xviii^ siè- 
cle, plus  connu  sous  son  pseudonyme  de  Boispréaux* 
Maître  des  requêtes  au  conseil  d'Etat  (1722-1738).  On 
peut  citer  de  lui  :  Anti- Feuilles  ou  Lettres  à  M^^  de  X... 
sur  quelques  jugements  portés  dayis  l'Année  littéraire 
de  Fréron,  en  collaboration  avec  Sellius  et  le  chevalier  de 
La  Morlière  (Paris,  1734,  m-i'i);  Histoire  de  Nicolas 
Rienzi  (1743,  in-12);  le  Mariage  de  la  Raison  avec 
r Esprit,  comédie  en  vers  libres  (1754,  in-8);  la  Double 
Beaiité, romdLïi  en  collaboration  avec  Sellius  (1754, in-12); 
la  Vie  de  P.  Arétin  (La  Haye,  1750,  pet.  in-12);  His- 
toire générale  des  Provinces-Vnies,  avec  Sellius  (Paris, 
1757-1770,  8  vol.  in-4);  des  traductions  des  Satires  de 
Pétrone  (1742),  de  celles  de  Rabener  (1754),  etc. 

DUJARDIN  (Charles- Antoine) ,  homme  politique  français , 
né  à  Chalon-sur-Saône  le  20  oct.  1761,  mort  à  Dijon  le 
25  déc.  1825.  Avocat  à  Chalon,  il  devint  en  1792  accusa- 
teur public  près  le  tribunal  criminel  de  Saône-et-Loire,  fut 
élu,  le  25  vendémiaire  an  IV,  député  de  ce  département  au 
conseil  des  Cinq-Cents,  où  il  traita  avec  beaucoup  de  com- 
pétence les  questions  de  droit  civil  et  de  jurisprudence,  et 
fut  nommé  le  10  prairial  an  VIII  premier  juge  au  tribunal 
criminel  de  Dijon.  Promu  procureur  général  en  1808  et 
substitut  au  parquet  de  Dijon  en  1811,  il  reçut  de  la  Res- 
tauration sa  promotion  de  conseiller   à  la  cour  royale 
(15  juil.  1818).  On  a  de  lui  :  Poésie  sacrée  pour  la  célé- 
bration de  l'office  divin  et  des  saints  mystères  (Dijon, 
1823,  in-12);  Poésie  sacrée  pour  la  célébration  des 
saints  mystères  et  des  fêtes  de  la  Vierge  (1824,  in-12). 
DUJARDIN  (Féhx),  naturaliste  français,  né  à  Tours  le 
5  avr.  1801,  mort  à  Rennes  le  8  avr.  1862.  De  1827  à 
1834,  il  fit  à  Tours  des  cours  publics  de  géométrie  et  de 
chimie  appliquée  aux  arts,  publia  dans  cet  intervalle  des 
travaux  sur  la  géologie  et  une  Flore   d' Indre-et-Loire 
(1833),  puis  vint  à  Paris  en  1834.  Il  fut  nommé  en  1839 
professeur  de  minéralogie  et  de  géologie  à  la  Faculté  des 
sciences  de  Toulouse,  et  lors  de  la  création  de  la  Faculté  de 
Rennes  y  accepta  la  chaire  de  zoologie.  Dans  de  fréquents 
voyages  sur  les  bords  de  la  mer,  Dujardin  étudia  particu- 
lièrement les  infusoires,  et  par  là  fut  amené  à  étudier  le 
tissu  primordial  des  animaux  qu'il  nomma  sarcode.  Citons 
de  lui  :  Histoire  naturelle  des  Infusoires  (Paris,  1841, 
in-8)  ;  Histoire  naturelle  des  Helminthes  (Paris,  1844, 
in-8)  ;  Manuel  de  l'observation  au  microscope  (Paris, 
1843,  in-8,  avec   atlas)  ;    Promenades  d'un  natura- 
liste (Paris,  1837,  in-8),  etc.  D^L.  Hn. 


DUJARDIN  (Louis),  graveur  sur  bois,  né  à  Rome  le 
23  janv.  1808,  mort  à  Paris  en  1859.  Elève  de  H.  Bré- 
vière.  Ses  principales  gravures  sont  :  la  Vierge  à  la  cerise^ 
d'après  Vander-Werff  ;  la  Nature,  d'après  Lawrence  ;  les 
Vendanges,  d'après  Prudhon  ;  le  Plaisir  des  Jardins, 
d'après  Mignard,  etc.  lia  collaboré  à  l'Histoire  des  pein- 
tres, de  Ch.  Blanc.  F.  Courboin. 

DUJARDIN-Beaumetz  (George-Saintfort),  médecin  fran- 
çais contemporain,  né  à  Barcelone  le  27  nov.  1833.  In- 
terne des  hôpitaux  de  Paris  en  1858,  docteur  en  médecine 
en  1862,  chef  de  clinique  de  la  Faculté  en  1865,  médecin 
des  hôpitaux  en  1870,  M.  Dujardin-Beaumetz  s'est  occupé 
surtout  de  thérapeutique  et  il  a  étudié  avec  beaucoup  de 
soin  l'action  des  nouveaux  médicaments  si  nombreux  depuis 
quelques  années.  Ses  conférences  dans  les  hôpitaux  ont  été 
réunies  sous  le  titre  suivant  :  Leçons  de  clinique  théra- 
peutique dont  la  sixième  édition  est  de  1891  (3  vol.)  ou- 
vrage traduit  en  plusieurs  langues  ;  Dictionnaire  de  thé- 
rapeutique, de  matière  médicale,  de  pharmacologie, 
de  toxicologie  et  des  eaux  minérales  (1883-88,  4  vol.)  ; 
l'Hygiène  alimentaire  (1889,  2^  éd.);  Formulaire 
pratique  de  thérapeutique  et  de  pharmacologie  (en  col- 
laboration avec  M.  Yvon,  ¥  édit.,  1891);  les  Nouvelles 
Médications  (1'^  série,  1891,  4®  éd.);  V Hygiène  thé- 
rapeutique :  gymnastique,  massage,  hydrothérapie,  clima- 
tothérapie  (1890,  2^  édit.);  les  Plantes  médicinales 
exotiques  et  indigènes  (en  collaboration  avec  M.  Egasse, 
1888);  l'Hygiène  prophylactique  (1889).  Nous  citerons 
encore  les  Recherches  expérimentales  sur  la  puissance 
toxique  des  alcools,  en  collaboration  avec  M.  Audigé 
(1879).  M.  Dujardin-Beaumetz  fait  partie  de  l'Académie 
de  médecine  depuis  1880.  Il  a  pris  la  direction  du  Bulletin 
général  de  thérapeutique  dès  1878.     D"^  A.  Dureau. 

DUJARDINIA  (ZooL).  Genre  d'Annélides  Chœtopodes 
Polychsetes,  créé  par  de  Quatrefages.  Ce  genre  doit  se 
confondre  avec  le  genre  Nerilla  0.  Schmidt  (V.  ce  mot). 

DU  JON  (François),  mieux  connu  sous  son  nom  lati- 
nisé Junius,  théologien  réformé,  né  à  Bourges  en  1545 , 
mort  à  Leyde  en  1602.  Après  avoir  exercé  des  fonctions 
pastorales  dans  diverses  villes  des  Pays-Bas  et  de  la  vallée 
allemande  du  Rhin,  de  même  que  dans  le  camp  du  prince 
d'Orange  durant  la  malheureuse  campagne  de  1568,  Du 
Jon  fut  chargé  de  collaborer  avec  Tremellius  (V.  ce  nom)  à 
la  traduction  latine  de  la  Bible  à  Heidelberg.  En  1592,  le 
duc  de  Bouillon  le  rappela  en  France,  où  Henri  II  lui  confia 
une  mission  diplomatique  en  Allemagne.  A  son  retour,  il 
accepta  une  chaire  de  théologie  à  Leyde  et  l'occupa  avec  éclat 
jusqu'à  sa  mort.  Ses  œuvres  forment  2  vol.  in-foho,  publiés 
à  Genève  en  1607  et  de  nouveau  en  1613.  Une  autobiogra- 
phie en  tête  du  premier  volume  est  intéressante  pour  l'étude 
des  mœurs  à  la  fin  du  xvi^  siècle.  F.-H.  K. 

BiBL.  :  Fr.-W.  Cuno,  Franc.  Junius...  sein  Leben  und 
Wirken,  seine  Schrift.  und  Briefe...',  Amsterdam,  1890, 
in-8. 

DU KA  (Théodore),  écrivain  hongrois  contemporain,  né 
à  Dukafalva  le  25  juin  1825.  Il  prit  part  à  la  révolution 
hongroise  de  1848  et  se  réfugia  en  Angleterre.  Il  devint 
médecin  militaire  et  fut  envoyé  aux  Indes.  Il  prit  sa  retraite 
en  1877.  Il  a  publié  en  1885  Li/*!?  andworks  of  Alexandre 
Csoma  de  Kœrœs  et  des  mémoires  dans  le  Journal  of 
the  Royal  Asiatic  Society. 

DUKASouDUCAS.  Grande  famille  byzantine  qui  a  fourni 
plusieurs  souverains  à  l'empire  d'Orient.  Les  panégyristes  des 
Dukas  rattachaient  cette  famille  aux  origines  mêmes  de  l'état 
byzantin  et  la  faisaient  descendre  d'un  duc  de  Constantinople, 
proche  parent  de  Constantin  le  Grand  ;  d'autres  historiens 
racontaient  qu'elle  devait  à  des  ducs  d'Orient  sa  naissance 
et  son  nom.  Quoi  qu'il  en  soit,  les  Dukas  apparaissent  dans 
l'histoire  vers  le  milieu  du  ix^  siècle  avec  Andronic  qui,  sous 
le  règne  de  Michel  III,  fut  chargé  de  convertir  les  Pauli- 
ciens  et  les  souleva  par  sa  dureté  ;  et  dès  le  x^  siècle  la 
renommée  de  la  famille  était  assez  grande  pour  que  l'épopée 
populaire  choisît  chez  elle  quelques-uns  de  ses  héros  fa- 


DURAS  —  DURES 


—  28 


voris  ;  le  paladin  Digénis  Akritas  n'est  autre  que  le  domes- 
tique des  scholes  Pantherios,  un  neveu  de  l'usurpateur 
Constantin  Dukas.  Aussi  bien  les  merveilleuses  aventures 
qu'avait  eues  sous  le  règne  de  Léon  VI  un  autre  Andronic 
Dukas,  réfugié  chez  les  Turcs  et  converti  à  l'islamisme,  la 
faveur  qu'avait  marquée  le  même  empereur  au  fils  d' An- 
dronic, Constantin,  justifiaient  assez  la  réputation  de  cette 
grande  famille:  et  Constantin  put  en  912  aspirer  à  l'em- 
pire (V.  Constantin   Ducas).  L'échec  de   sa  tentative 
amena  la  ruine  des  Dukas,  dont  plusieurs  furent  exécutés, 
d'autres  envoyés  en  exil;  et  ce  n'est  qu'à  la  fin  du  x^  siècle 
qu'une  branche  nouvelle,    descendant  peut-être  par  les 
femmes  seulement  de  l'antique  maison  des  Dukas,  réap- 
paraît dans  l'histoire.  Un  Andronic  Dukas  se  compromet 
dans  la  rébellion  de  Bardas  Scleros  (976)  ;  mais  ses  des- 
cendants sont  plus  heureux  que  lui  :  Constantin  XII  Dukas 
arrive  à  l'empire  (1059-1067)   (V.  Constantin  Xll).  Mi- 
chel YII  Parapinace,  son  fils,  règne  de  1071  à  1078,  et  le 
fils  de  Michel,  Constantin,  est  associé  à  Alexis  Comnène 
(V.  Constantin  Ducas).  Le  frèi^e  de  l'empereur  Constan- 
tin XIÏ,  le  césar  Jean  Dukas,  ne  joue  pas  un  moindre  rôle 
dans  la  seconde  moitié  du  xi«  siècle.  Implacable  adversaire 
de  Romain  Diogène,  puis  régent  pour  Michel  VII,  lui-même 
prétendant  malheureux  à  l'empire,  il  remplit  de  ses  intrigues 
la  cour  byzantine  :  et  s'il  échoue  dans  ses  tentatives  ambi- 
tieuses, du  moins  les  enfants  de  son  fils  Andronic  parvien- 
dront aux  plus  brillantes  destinées;  Anne  Dukas  épouse  un 
Paléologue,  et  Irène  Dukas,  par  son  mariage  avec  Alexis  P"^ 
Comnène,  confond  sur  le  trône  les  droits  impériaux  des 
deux  maisons.  Unie  à  ce  que  Byzance  comptait  de  plus 
illustre,  aux  Anges,  aux  Comnènes,  aux  Dalassènes,  aux 
Paléologues,  aux  Vatatzès,  la  famille  des  Dukas  occupa 
durant  tout  le  xii*'  siècle  une  place  considérable  dans  l'Etat; 
ses  membres,  que  des  mariages  fréquents  allient  à  la  maison 
impériale,  remplissent  les  plus  hautes  charges  ;  et  c'est  un 
Dukas,  Alexis  V  Murzuphle,  qui  soutient,  en  1204,  la  lutte 
suprême  contre  les  croisés  latins  (V.  Alexis  V).  Dans  la 
dissolution  de  l'empire  grec,  les  différents  princes  qui  se 
taillent  une  souveraineté  parmi  les  débris  des  provinces 
byzantines,  les  despotes  d'Epire,  les   empereurs  de  Nicée 
comme  Jean  Dukas  Vatatzès,  plus  tard  les  sébastocratores 
de  Mégalovlaquie  s'enorgueillissent  d'ajouter  à  leur  nom 
patronymique  celui  des  Dukas.  Au  xiv^  siècle  encore,  un 
Dukas  joue  un  grand  rôle  dans  les  luttes  entre  Jean  Can- 
tacuzène  et  Jean  V  Paléologue  ;  et  c'est  de  ce  personnage 
que  descend  l'historien  Dukas,  qui  a  raconté  les  événements 
de  l'histoire  byzantine  de  1389  à  1462  et  dont  le  récit  est 
si  précieux  pour  les  luttes  suprêmes  des  Grecs  contre  les 
Ottomans  (V.  ci-dessous).  Ch.  Diehl. 

BiBL.  :  Ducange,  Famiiise  byzantinœ,  p.  134  et  suiv. 
DUKAS  (Jean),  historien  grec  du  xv^  siècle.  Il  était  le 
petit-fils  de  Michel  Dukas,  qui  vivait  sous  l'empereur  de 
Constantinople,  Jean  P^  Paléologue,  et  descendait  de  la 
famille  impériale  des  Dukas.  Après  la  prise  de  Constan- 
tinople par  Mahomet  II,  en  1453,  il  se  réfugia  auprès  du 
seigneur  de  Lesbos,  Dorino  Gateluzzi,  qui  le  prit  à  son 
service  et  lui  confia  diverses  missions  diplomatiques.  Il 
resta  à  Lesbos  jusqu'en  1462,  époque  où  Mahomet  II 
s'empara  de  l'île,  qui  fut  dès  lors  rattachée  à  l'empire 
turc.  Le  reste  de  la  vie  de  Dukas  est  inconnu.  Il  semble 
toutefois  qu'il  se  soit  retiré  en  Italie  où  il  dut  écrire  son 
Histoire  byzantine.  Cette  histoire,  divisée  en  quarante- 
cinq  chapitres,  débute  par  une  chronique  universelle  très 
abrégée.  A  partir  du  règne  de  Jean  P*"  Paléologue,  elle 
devient  beaucoup  plus  détaillée,  et  ne  traite  plus  guère 
alors  que  de  l'empire  grec  et  des  îles  de  l'Archipel.  Le 
manuscrit  de  Paris,  qui  nous  l'a  conservée,  s'arrête  brus- 
quement en  1462,  au  milieu  d'une  phrase,  dans  le  récit 
de  la  prise  de  Lesbos  par  les  Turcs.  VHistoire  byzan- 
tine de  Dukas  est  très  incorrecte  au  point  de  vue  de  la 
forme,  mais  de  la  plus  haute  importance  pour  les  rensei- 
gnements qu'on  y  trouve  sur  les  quatre  derniers  empereurs 
grecs  et  sur  la  prise  de  Constantinople  par  Mahomet  IL 


C'est  l'oeuvre  d'un  écrivain  sagace,  judicieux  et  d'une  grande 
impartialité.  Elle  a  été  publiée  pour  la  première  fois  par 
Ismaël  Boulliaud  sous  le  titre  :  Historia  byzantina  a 
Johanne  Palœologo  I  ad  Mehemetumll.  Accessit  Chro- 
nicon  brève  (Paris,  1649,  in-foL),  avec  une  version  latine 
et  des  notes.  Le  Chronicon  brève  qui  l'accompagne  dans 
cette  édition  va  jusqu'en  1523.  Une  nouvelle  édition,  plus 
correcte  et  accompagnée  également  d'une  version  latine,  a 
été  donnée  par  Em.  Bekker  dans  la  Collection  byzantine 
de  Bonn  :  Bucœ,  Michaelis  Ducœ  nepotis,  historia  by- 
zantina... (Bonn,  1834,  in-8).  Bekker  a  fait  suivre  son 
édition  d'une  traduction  italienne  du  texte  grec,  trouvée  par 
Léop.  Banke  dans.un  manuscrit  de  Venise  du  xv«  siècle, 
plus  complet  que  le  manuscrit  grec.  Il  existe  une  traduction 
française  de  Dukas  dans  VHistoire  de  Constantinople, 
depuis  le  règne  de  l'ancien  Justin  jusqu'à  la  fin  de 
rempire  par  le  président  Cousin  (Paris,  1672,  8  vol. 
in-4  ;  Amsterdam,  1684,  8  et  10  vol.  in-8).  C.  Rohler. 
BiBL.  :  Fabricius,  Blbl.  grseca,  l'-- éd.,  t.  VI,  p.  543  ; 
2«  éd  t  VIII,  p.  33.  —  OuDiN,  De  Scriptoribus  Ecclesiœ 
antiquis;  LeipziL^  1722,  t.  III,  2604-6.  -  Struve,  Biblioth. 
histor  ,  t.  V,  I,  pp.  275-6.  —  Cave,  Scriptorum  ecclesiast. 
historia  litter.  ;  Oxford,  1743,  II,  ii,  p.  169. 

DUKE  (Richard),  poète  et  théologien  anglais,  né  vers 
1659,  mort  le  10  févr.  1711.  Duke  est  l'auteur  de  plu- 
sieurs pièces  de  circonstance  qui  ont  été  réunies  sous  ce 
titre  :  Poems  upon  several  occasions  (1717).  Outre  ces 
pièces,  on  lui  en  attribue  un  certain  nombre  d'autres, 
notamment  A  Panegyrick  upon  Dates  (1679)  et  Funeral 
Tears  upon  the  deathof  captain  miliam  Bedloe.  On 
lui  doit,  en  plus,  des  traductions  de  passages  d'Ovide, 
Horace,  Théocrite,  et  quelques  poèmes  latins  originaux.  Il 
fut  l'ami  et  parfois  le  collaborateur  de  Dryden.  Peu  de  temps 
avant  l'avènement  au  trône  de  Jacques  II,  il  entra  dans  la 
carrière  ecclésiastique.  Comme  théologien,  il  est  connu  par 
quelques  sermons  publiés  après  sa  mort  (1714).     G.  Q. 

BiBL.  :  Leslie  Stephen,  Diciionary  of  national  biogra- 
phy;  Londres,  1888. 

bUKE-OF-YORK  (Iles)  (V.  Duc-d'York). 
DUKER  (Charles-André),  jurisconsulte  et  érudit  alle- 
mand, né  à  Unna  (Westphalie)  en  1670,  mort  à  Meyderic, 
près  de  Duisbourg,  le  5  nov.  1752.  Après  avoir  suivi  à 
Franeker  les  leçons  du  savant  Perizonius  et  pris  le  grade 
de  docteur,  il  fut,  en  1700,  professeur  d'histoire  et  d'élo- 
quence au  gymnase  de  Herborn,  puis,  en  1704,  sous-rec- 
teur à  l'école  de  La  Haye.  Il  se  fit  connaître  par  une  lettre 
sur  le  fleuve  Oaxès  insérée  dans  deux  éditions  de  Vibius 
Sequester,  celle  d'Hesselius  (Botterdam,  1711,  pet.  in-8) 
et  celle  d'Oberlin  (Strasbourg,  1778,  in-8).  En  1711, 
Duker  publiait  un  recueil  d'opuscules  de  jurisconsultes  an- 
ciens avec  des  commentaires  et  des  notes,  sous  le  titre  de 
Opuscula  varia  de  latinitate  jurisconsultorum  vête- 
rum  (1711,  2®  éd.,  1761).  Son  maître,  Perizonius, 
l'avait  chargé  de  compléter  un  travail  qu'il  avait  commencé 
sur  Pomponius  Mêla  ;  diverses  circonstances  l'en  empê- 
chèrent et  il  fit  simplement  imprimer  le  manuscrit  dans  les 
Miscellaneœ  Observationes  criticœ  (Amsterdam,  1736, 
t.  VII,  et  1737,  t.  VIII).  En  1716,  Duker,  ainsi  que  Dra- 
kenborch,  succédaient  à  Burmann  dans  la  chaire  d'histoire 
et  d'éloquence  à  Utrecht  ;  Duker  y  resta  jusqu'en  1734, 
époque  à  laquelle  il  se  retira  de  l'enseignement.  Il  avait 
publié  aussi  une  édition  de  Florus  (Leyde,  1722  et  1744)  ; 
une  édition  de  Thucydide  (Amsterdam,  1731,in-fol.,  et 
1744);  des  remarques  sur  le  Tite-Live  de  Drakenborch 
(Leyde,  1738);  sur  le  Servius  de  Burmann;  sur  le  Vir- 
gile du  même  (Amsterdam,  1716)  ;  sur  le  Suétone  d'Ou- 
dendorp  (Leyde,  1751);  sur  l'^ni-^op/ian^deBurgmann- 
Bergler  (Leyde,  1760);  enfin,  sur  les  Leges  Atticœ  de 
Petit  (Leyde,  1742).  G.  B. 

DUKES  (Leopold),  écrivain  allemand,  né  à  Presbourg. 
Il  a  publié  un  grand  nombre  d'écrits  et  d'extraits  de  ma- 
nuscrits relatifs  à  la  littérature  juive,  notamment  :  Raschi 
zum  Pentateuque  (Prague,  1833-38,  5  vol.)  ;  ZurKennt- 
niss  der   neuhebraisch  religiœsen  Poésie  (Francfort, 


—  29  - 


DUKES  —  DU  LAURENS 


4842);  Rabbinische  Blwmenlese  (Leipzig,  1844);  Zur 
rabbinischen  Spruchkunde  (Vienne,  1858),  etc. 

DUKETOWN  (précédemment  New-Town).  Comptoir  an- 
glais de  la  Guinée,  au  N.  de  Testuaire  de  la  rivière  Cross  ou 
Oyono,  une  des  Oil-Rivers  ou  Rivières  d'huile  de  cette 
côte,  fait  partie  de  l'ensemble  des  bourgades  désignées 
sous  le  nom  de  Vieux-Calabar.  Commerce  très  actif  d'huiles 
et  d'amandes  de  palme  ;  région  très  malsaine  à  cause  des 
marais.  La  population  européenne  y  vit  à  bord  de  hidks 
ou  pontons,  groupés  en  ville  flottante.  Ces  hulks  servent 
d'entrepôt  et  de  résidence  habituelle  ;  c'est  un  des  traits 
originaux  de  cette  vie  de  commerçants  palustres . 

DUKINFIELD.  Ville  d'Angleterre,  comté  de  Chester,  en 
face  d'Ashton-on-the-Lyne  ;  16,943  hab.  Cotonnades, 
fonderies,  etc. 

DU  LAU  (Jean-Marie),  archevêque  d'Arles,  né  en  1738 
au  château  de  la  Cote,  près  de  Périgueux,  mort  le  2  sept. 
1792. 11  fut  archevêque  d'Arles  dès  1775.  Député  du  clergé 
à  l'Assemblée  constituante,  il  s'opposa  à  toutes  les  mesures 
qui  tendaient  à  réformer  l'ancien  régime;  non  seulement  il 
refusa  le  serment  requis  par  la  constitution  civile  du  clergé, 
mais  il  écrivit  et  fit  publier  une  Adresse  au  roi  au  sujet 
du  décret  du  W  mai  i792  prononçant  la  déportation 
contre  les  prêtres  non  assermentés  (Paris,  1792,  in-8). 
Arrêté  après  le  10  août,  il  fut  tué  dans  le  couvent  des 
Carmes.  OEavres  complètes  (Arles,  1817,  2  vol.  in-8). 
DU  LAU  RE  (Jacques-Antoine),  historien  et  homme  poli- 
tique français,  né  à  Clermont-Ferrand  le  3  déc.  1755,  mort 
à  Paris  le  19  août  1835.  Elève  feudiste,  il  prit  dans  les 
archives  seigneuriales  de  l'Auvergne  le  goût  de  l'érudition. 
Il  alla  se  fixer  à  Paris  en  1779,  étudia  dans  l'atelier  de 
l'architecte  Rondelet,  puis  devint  ingénieur  de  la  compagnie 
chargée  du  projet  de  canal  entre  Bayonne  et  Bordeaux.  Il 
inventa  le  pantographe  et  reçut  les  félicitations  de  l'Aca- 
démie des  sciences.  En  1 784,  il  publia  un  guide  du  voyageur 
à  Paris,  sous  le  titre  de  Nouvelle  Description  des  curio- 
sités de  Paris  (in-12)  ;  puis  Description  des  environs 
de  Paris  (1786,  in-12),  et  Description  des  principaux 
lieux  de  France  (1788-1790,  6  vol.  in-12).  Très  épris 
des  idées  nouvelles,  il  fit,  en  1788,  une  satire  de  l'ancien 
régime  intitulée  Singularités  historiques^  pour  laquelle 
il  fut  inquiété  et  dut  se  cacher.  Bientôt  il  imprime  pam- 
phlet sur  pamphlet,  notamment  Histoire  critique  de  la 
noblesse  (1790,  in-8)  et  Liste  des  noms  des  ci-devant 
nobles  (1791,  in-8).  Il  fut  aussi  un  des  journalistes  féconds 
de  la  Révolution.  Du  19avr.  au  20  juil.  1790,  il  rédigea 
les  Evangélistes  du  jour,  gazette  dirigée  contre  les  au- 
teurs des  Actes  des  Apôtres.  Il  collabora  au  Courrier 
français.  Il  fit  paraître,  du  11  août  1791  au  25  août 
1793,  le  Thermomètre  du  jour.  Il  fit  partie  du  club  des 
Cordeliers  au  début,  puis  des  Jacobins.  Député  du  Puy-de- 
Dôme  à  la  Convention,  il  y  siégea  avec  les  Girondins,  tout 
en  affectant  une  grande  indépendance.  Il  n'était  pas  orateur 
et  son  rôle  fut  insignifiant.  Il  vota  la  mort  de  Louis  XVI. 
Le  12  juin  1793,  il  publia  dans  son  journal  une  lettre 
justificative  de  M"^"^  Roland  et  osa  prendre  la  défense  de  la 
prisonnière  ainsi  que  des  proscrits  du  2  juin.  Décrété  d'ac- 
cusation avec  les  74,  il  passa  en  Suisse  où  il  mena  une 
vie  errante  et  misérable,  et  fut  rappelé  à  la  Convention  le 
1 8  frimaire  an  III.  Le  20  janv.  suivant,  il  eut  une  mission 
dans  la  Corrèze  et  la  Dordogne,  où  il  fut  un  des  agents  de 
la  politique  thermidorienne.  Député  au  conseil  des  Cinq- 
Cents,  il  resta  fidèle  à  la  République,  s'opposa  à  Bonaparte 
et,  dans  la  séance  du  18  hrumaire,  cria  :  A  bas  le  dicta- 
teur !  Hors  la  loi  !  Sous  l'Empire,  il  se  réfugia  dans  la 
vie  privée  et  n'accepta  que  sur  les  instances  de  ses  amis, 
vers  1806,  un  modeste  emploi  de  sous-chef  de  bureau  dans 
l'administration  de  François  de  Neufchàteau.  Ami  de 
Dupuis,  il  s'occupa  aussi  d'étudier,  mais  avec  d'autres 
idées,  l'origine  des  cultes  et  publia  sur  ce  sujet  :  Des 
Cultes  qui  ont  précédé  et  amené  l'idolâtrie  (1 805,  in-8)  ; 
Du  Culte  du  Phallus  et  des  divinités  génératrices 
(1805,  in-8)  ;  Histoire  abrégée  de  tous  les  cultes  (1825, 


in-8)  ;  il  y  exprimait  les  doctrines  déistes  de  son  maître 
J.-J.  Rousseau.  Pendant  les  Cent-Jours,  il  fit  paraître  un 
pamphlet  contre  les  Bourbons,  Causes  secrètes  des  excès 
de  la  Révolution  (1815,  in-8).  N'ayant  pas  accepté  de 
fonctions  pendant  les  Cent-Jours,  il  ne  fut  pas  compris  dans 
la  proscription  de  1816  contre  les  régicides.  Il  composa 
alors  son  livre  le  plus  populaire.  Histoire  physique,  civile 
et  morale  de  Paris  (1821-1822,  7  vol.  in-8).  Puis  il 
publia,  en  collaboration  avec  Auguis,  les  Esquisses  his- 
toriques des  principaux  événements  de  la  Révolution 
(1823-1825,  4  vol.  in-8),  dont  la  seconde  édition  (1825- 
1829,  6  vol.  in-8)  renferme  des  interpolations  contre 
lesquelles  il  protesta.  Il  jouit,  dans  ses  dernières  années, 
d'un  repos  bien  gagné  et  d'une  sorte  de  gloire.  Il  mourut 
en  philosophe.  On  a  encore  de  lui  :  Physionomie  de  la 
Convention  nationale  (1793,  in-8);  Supplément  aux 
crimes  des  anciens  comités  de  gouvernement  (an  III, 
in-8),  et  une  foule  d'opuscules.  F.-A.  A. 

BiBL.  :   Marcellin  Boudet,    les   Conventionnels    d'Au- 
vergne^ Dulaure;  Paris  et  Clermont-Ferrand,  1874,  in-8. 

DU  LAURENS  (André),  célèbre  médecin  et  anatomiste 
français,  né  àTarascon  le  9  déc.  1558,  mort  à  Paris  le 
16  août  1609.  Il  étudia  à  Avignon  et  à  Montpellier,  et  fut 
nommé  professeur  à  cette  dernière  université  en  1583.  La 
duchesse  d'Uzès  le  prit  pour  son  médecin  et  le  présenta  à 
Henri  IV  qui,  par  la  suite,  le  nomma  son  médecin  ordinaire 
(1594),  puis  son  premier  médecin  (1606).  André  du  Lau- 
rens  était  seigneur  de  Ferrièies.  Ses  ouvrages  écrits  avec 
une  grande  élévation  de  pensée  sont  :  Historia  afiatomica 
humani  corporis,  etc.,  qui  eut  un  grand  nombre  d'édi- 
tions et  a  été  traduit  en  français  (1639,  in-fol.)  ;  De 
Crisibus  (Francfort,  1596,  in-8,  etc.)  ;  De  Mirabili  stru- 
mas  sanandi  vi  regibus  Galliarum...  concessa  (Paris, 
1609,  in-8)  ;  Discours  de  la  conservation  et  de  l'excel- 
lence delà  vue  (Paris,  1597,  in-8), etc.       D»*  L.  Hn. 

DU  LAURENS  (Henri-Joseph  Laurens,  dit),  littérateur 
français,  né  à  Douai  le  27  mars  1719,  mort  près  de 
Mayence  en  1797.  Fils  d'un  chirurgien-major  au  régiment 
de  La  Roche-Guyon,  il  fit  ses  études  au  collège  d'Ànchin 
dirigé  par  les  jésuites,  entra  dès  l'âge  de  seize  ans  chez 
les  trinitaires,  et  fut  reçu  comme  chanoine  régulier  le 
12  nov.  1737.  Son  esprit  caustique  et  hargneux  lui  suscita 
diverses  querelles  avec  ses  anciens  maîtres  et  lui  valut  de 
fréquentes  pénitences  infligées  par  ses  supérieurs.  La  plus 
singulière  et  la  plus  longue  fut  une  détention  de  plusieurs 
mois  dans  une  sorte  de  cage  de  bois  suspendue  au-dessus 
du  sol  et  où,  malgré  la  privation  de  plumes  et  de  crayons. 
Du  Laurens  parvint  à  tracer  sur  les  ais  de  hois  avec  une 
pointe  de  fer  toutes  sortes  d'épigrammes  et  de  quolibets. 
Il  s'était  déjà  fait  connaître  de  ses  compatriotes  par  plu- 
sieurs opuscules  devenus  fort  rares,  tels  que  la  Vraie  Ori- 
gine du  géant  de  Douai  en  vers  français^  suivie  d'un 
discours  sur  la  beauté  où  Von  fait  mention  des  belles 
decette  ville  (s.l.  n.  d.,  in-8);  Eloge  historique  de  mes- 
sire  Jérôme  Pantiniano ,  grand  aumônier  et  membre 
honoraire  de  la  Fontange  (s.  1.  n.  d.,  in-12,  30  p.), 
satire  en  prose  et  en  vers  contre  une  de  ces  associations 
littéraires  comme  il  en  existait  beaucoup  ;  la  Thérésiade 
ou  le  Charivari  de  saint  Thomas,  poème  héroï-co- 
mique en  cinq  chants  (s.  1.  n.  d.,  in-8,  38  p.).  Ses  dé- 
marches pour  obtenir  sa  translation  dans  l'ordre  de  Cluny 
ayant  échoué,  il  vint  protester  à  Paris  contre  ce  qu'il  ap- 
pelait un  déni  de  justice,  ne  fut  pas  mieux  accueilli  et 
chercha  vainement  un  emploi  qui  le  tirât  de  la  misère.  Les 
Jésuitiques  (Rome  [Paris],  1761,  in-8),  satires  composées 
avec  Groubentall  de  Linières  contre  l'ordre  fameux  sup- 
primé par  arrêt  du  conseil,  furent  saisies  ;  Du  Laurens  put 
gagner  la  Hollande,  mais  son  collaborateur  subit  trois 
mois  de  détention  à  la  Bastille.  Tour  à  tour  réfugié  à 
Amsterdam,  à  Liège  et  à  Francfort  et  réduit  parfois  aux 
plus  dures  extrémités,  Du  Laurens  donna  carrière  à  sa 
verve  dans  le  Balai,  poème  héroï-comique  en  dix-huit 
chants  (1762,  in-8)  ;  l'Arétin  ou  la  Débauche  de  l'es- 


DU  LAURENS  —  DULCITE 


-  30  - 


prit  en  fait  de  bon  sens  (1763,  2  parties  m-12)  ;  la 
Chandelle  d'Arras,  poème  héroï-comique  en  dix-sept 
chants  (1765,  in-8)  ;  Imirce  ou  la  Fille  de  la  nature 
(1765,  in-12)  ;  le  Compère  Mathieu  ou  les  Bigarrures 
de  V esprit  humain  (1766,  3  vol.  in-8),  roman  impie  et 
licencieux,  très  souvent  réimprimé  au  siècle  dernier  et  de 
nos  jours  et  plusieurs  fois  condamné  par  les  tribunaux  ; 
les  Abus  dans  les  cérémonies  et  dans  les  mœurs  déve- 
loppés (1767,  in-12)  ;  Je  suis  pucelle,  histoire  véritable 
(1767,  in-12).  Par  sentence  du  30  août  1767  de  la 
chambre  ecclésiastique  de  Mayence,  Du  Laurens  fut  con- 
damné à  une  prison  perpétuelle  comme  auteur  d'ouvrages 
antireligieux  ;  ^enfermé  dans  une  maison  de  refuge  et  de 
correction  destinée  aux  prêtres  et  appelée  Marienbaum,  il 
y  passa  les  vingt  dernières  années  de  sa  vie.  Aux  œuvres 
citées  plus  haut,  les  anciens  bibliographes  ont  parfois 
ajouté  des  livres  qui  n'ont  jamais  appartenu  à  l'auteur,  tels, 
par  exemple,  que  la  Théologie  portative  de  d'Holbach, 
et  Voltaire,  à  qui  Ton  avait  attribué  sans  raison  le  Com- 
père Mathieu,  s'est  servi  du  nom  de  Du  Laurens  pour 
publier  sa  Relation  du  bannissement  des  jésuites  de 
la  Chine  (1768).  M.  Tx. 

BiBL.  :  Groubentall  de  Linières,  Notice  en  tête  cl  une 
réimpression  de  ^a  Chandelle  d'Arras^  1807,  in-12.  — 
J  Delort,  Histoire  de  la  détentiori  des  philosophes  et  des 
nens  de  lettres  à  la  Bastille  et  à  Vincemies,  1829,  3  vol. 
in-8  —  DuTHiLLŒUL,  Galerie  douaisienne  ;  Douai,  1844, 
in.8  —  E.  et  J.  DE  Goncourt,  Portraits  intimes  du 
xviii«  siècle.  —  F.  Drujon,  Catalogue  des  ouvrages  con- 
damnés, 1879,  in-8.  . 

DU  LAU  RI ER  (Jean-Paul-Louis-François-Edouard), orien- 
taliste français,  né  à  Toulouse  en  1807,  mort  à  Meudon 
en  1881.  Il  étudia  d'abord  le  copte  et  les  hiéroglyphes  et 
fut  chargé,  en  1838,  par  M.  de  Salvandy,  ministre  de 
l'instruction  publique,  d'aller  étudier  en  Angleterre  les 
textes  coptes  et  hiéroglyphiques.  Il  se  mit  ensuite  à  l'étude 
des  langues  océaniennes  et  fut  nommé,  en  1844,  profes- 
seur de  malais  et  de  javanais  à  l'Ecole  des  langues  orien- 
tales. Il  apprit  ensuite  l'arabe,  l'arménien,  le  slavon  et, 
en  1855,  il  fut  chargé  de  dresser  le  catalogue  des  manus- 
crits de  la  Bibliothèque  impériale  rédigés  en  ces  diverses 
langues.  En  1862,  il  fut  nommé  professeur  d'arménien  à 
l'Ecole  des  langues  orientales  et,  en  1864,  membre  de 
l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres.  Ses  prin- 
cipaux ouvrages  sont  :  Examen  d'un  passage  des 
Stromates  de  saint  Clément  d' Alexandrie,  relatif  aux 
écritures  égyptiennes  (Paris,  1833);  Fragment  des 
relations  apocryphes  de  saint  Barthélémy  traduit  sur 
les  textes  coptes  thébains  (1835)  ;  Mémoires,  lettres  et 
rapports  sur  les  cours  de  langue  malaise  et  javanaise 
(1843);  Institutions  maritimes  de  V archipel  d'Asie, 
texte  et  traduction  (1845)  ;  Examen  de  quelques  points 
des  doctrines  hiéroglyphiques  de  J.-F.  Champollion 
(1847);  Récit  de  la  première  croisade  extrait  de  la 
chronique  de  Mathieu  d'Edesse  et  traduit  de  l'armé- 
nien (1850);  Histoire,  dogmes,  traditions  et  liturgie 
de  l'Eglise  arménienne  orientale  (1859,  3«  éd.);  His- 
toriens arméniens  des  croisades  (Paris,  1869,  in-foL), 
seul  paru  ;  Recherches  sur  la  chronologie  arménienne. 

DU  LÇAT  (Antoine-Etienne-Sébastien  de),  diplomate  fran- 
çais, né  à  Perpignan  le  9  févr.  1823,  mort  à  Quito  le 
13  juin  1872.  Entré  aux  affaires  étrangères  comme  atta- 
ché au  cabinet  le  15  août  1849,  M.  de  Dulçat  avait  été 
détaché  à  la  commission  de  délimitation  des  Pyrénées  le 
19  déc.  1854  et  nommé  troisième  secrétaire  (30  août 
1856)  quand  il  fut  envoyé  comme  deuxième  secrétaire  à 
Paranâ  le  17  août  1857.  Il  était  à  Hanovre  en  1864  et  fut 
nommé,  le  23  mars  1868,  consul  général  et  chargé  d'af- 
faires à  Quito  où  il  mourut.  L.  F. 

DULCE  (Baie)  (V.  Costa-Rica). 

DULCE.  Lac  situé  à  l'E.  du  Guatemala,  divisé  en  deux 
parties  :  le  petit  golfe  et  la  lagune  d'Izabal  ;  il  communique 
avec  le  golie  de  Honduras  par  le  rio  Dulce  ou  Angostura. 

DU  LC H  EN  US  (V.  Dolichenius). 

DULCIANO  (Mus.)  (V.  Dolciane). 


DULCIBUS  (Giovannino  dei)  (V.  Dolce). 

DU  LCI  DIO,  prélat  espagnol  du  ix^  siècle.  Il  était  prêtre 
à  Tolède,  quand  il  fut  envoyé  par  Alphonse  III  en  883 
auprès  de  Aboii-Ali  qui  venait  de  faire  une  heureuse  razzia 
sur  les  terres  des  chrétiens.  A  Cordoue,  Dulcidio  obtint 
une  paix  honorable  et  même  on  lui  restitua  les  corps  des 
martyrs  cordouans,  Euloge  et  Leocritie,  dont  il  fit  trans- 
porter les  reliques  àOviedo.  Il  fut  appelé  plus  tard  àl'évêché 
de  Salamanque.  Pellicer  lui  attribue  une  chronique  latine 
anonyme,  dont  il  y  a  plusieurs  manuscrits  et  l'a  pubHée 
sous  le  titre  :  Chronica  de  Espana  de  Dulcidio,  presby- 
tero  de  Toledo,  obispo  de  Salamanca  y  embaxador  del 
serenisimo  rey  D.  Alfonso  et  magno,  tercero  deste 
nombre,  al  califo  de  Côrdova  el  ano  883,  con  las  ob- 
servaciones  deD.  JoséPellizer  de  Osau  y  de  To^r  (Bar- 
celone, 1663,  in-4).  Antonio,  dans  Hispania  vêtus  (t.  l, 
pp.  496  et  suiv.)  explique  longuement  que  cette  chronique, 
d'ailleurs  curieuse,  n'est  probablement  pas  l'œuvre  de  Dul- 
cidio lui-même,  mais  bien  d'un  de  ses  contemporains.  E.  Cat. 

DULCIFICATION  (Métall.).  Premier  affinage  qu'on  fait 
quelquefois  subir  au  plomb  avant  de  passer  au  pattinso- 
nage  (V.  Plomb). 

bULClGNO.  Localité  de  la  côte  d'Albanie,  à  30  kil.  de 
Scutari;  7,000  hab.  environ.  C'est  à  son  port  médiocre 
qu'aboutit  la  route  de  Scutari.  Elle  a  été  cédée  au  Monténégro 
en  échange  d'une  partie  des  territoires  que  lui  avait  attri- 
bués le  traité  de  Berlin,  et  a  été  occupée  par  les  Monténégrins 
à  la  suite  d'une  démonstration  navale  des  flottes  européennes 
(V.Albanie).  C'est  le  port  d'Antivari.  L.  Del. 

DULCIMER  (V.  Tympanon). 

DULCIN  ou  do  LCI  no  (V.  Apostoliques  [Frères]). 

DULCITE  (Chim.). 

^'™-   I  Atom CW^O^. 

Syn.  :  Mélampyrite.  Evonymite. 

La  dulcite  est  un  alcool  hexatomique,  isomérique  avec  la 
mannite,  l'isodulcite  et  la  perséite.  Elle  a  été  trouvée  par 
Laurent  dans  la  manne  de  Madagascar  ;  Berthelot  en  a  dé- 
terminé la  fonction  chimique  et  G.  Bouchardat  a  démontré 
que  son  histoire  chimique  est  calquée  sur  celle  de  la  man- 
nite. On  la  prépare  en  épuisant  par  l'eau  bouillante  la 
manne  de  Madagascar;  elle  cristallise  par  le  refroidissement. 
On  peut  aussi  traiter  par  l'amalgame  de  sodium  un  soluté 
de  galactose  ou  de  sucre  de  lait,  principe  qui  fixe  une  mo- 
lécule d'hydrogène  (B.). 

Ci2Hi20i^  +  H^r=C^W^0i^ 

La  dulcite  cristalHse  en  prismes  assez  volumineux,  durs, 
brillants,  appartenant  au  système  du  prisme  rhomboïdal 
oblique;  elle  est  incolore,  inodore,  à  saveur  faiblement 
sucrée,  dépourvue  du  pouvoir  rotatoire  ;  sa  densité  est  de 
1,66  à  15o.  L'eau  à  la  température  ordinaire  n'en  prend 
guère  que  3  ^jo,  mais  elle  est  beaucoup  plus  soluble  dans 
l'eau  bouillante,  tandis  que  l'alcool  pur  n'en  prend  presque 
pas.  Elle  fond  à  188°  et  se  sublime  lorsqu'on  la  chauffe 
avec  précaution,  à  la  manière  de  la  mannite.  Vers  250°, 
elle  perd  de  l'eau  et  se  transforme  en  dulcitane,  C^^H^^O*^, 
corps  isomère  avec  la  mannitane;  au-dessus  de  cette  tem- 
pérature, elle  s'altère  profondément  et  laisse  comme  résidu 
un  produit  charbonneux.  L'acide  nitrique  l'oxyde  avec  for- 
mation d'acide  mucique  et  production  d'une  petite  quantité 
d'acide  racémique.  Avec  le  permanganate  de  potassium  en 
solution  neutre,  elle  fournit  une  matière  sucrée,  inactive, 
qui  jouit  de  la  propriété  des  glucoses  (Fudakowski).  Chauffée 
avec  de  l'acide  nitrique,  elle  engendre  beaucoup  d'acide 
oxalique  (Lorin).  Sous  l'influence  des  Schizomycètes,  elle 
fermente,  donne  de  l'alcool,  de  l'acide  butyrique  et  un  acide 
non  volatil  (Fitz).  Ed.  Bourgoin. 

BiBL.  :  BÉCHAMP,  Comptes  rendus,  t.  LI,  255.—  Berthe- 
lot, Ann.  Ch.  et  Phys.,  t.  IV,  348  (3)  ;  t.  LIV,  78.  —  A.  Bou- 
chardat, Soc.  Ch.,  t.  XV,  21;  t.  XVI,  41;  t.  XVII,  184.  - 
Carlet,  Comptes  rendus,  t.  XLI,  137.  —  Fitz,  Fermenta- 
tions par  les  Schizomycètes  dans  Soc.  Ch..,  t.  XXIX,  472; 
t.  XXXIII,  188  ;  t.  XXX VIII,  584  ;  t.  XLIII,  393  ;  t.  XL,  308.  — 
FuDOKOwsKi,  Soc.c/i.,t.XXVI,  285,453.- Laurent,  Comptes 
rendus,t.  XXX,  41,339.  —  Lorin,  Soc.  ch.,  t.  XXVIL  548. 


—  3i  — 


DULE  —  DULLER 


DU  LE  (ïchtyol.).  Genre  de  Poissons  osseux  {Téléos- 
Uens),  de  l'ordre  des  Acanthoptérygiens  perd  for  mes 
et  de  la  famille  des  Percidce,  ayant  un  corps  oblong  com- 
primé, couvert  d'écaillés  indistinctement  cténoïdes  ;  des 
dents  en  velours,  un  préopercule  denticulé  et  six  rayons 
branchiostèges.  Ce  sont  des  Poissons  habitant  les  eaux 
douces  des  iles  de  la  région  indo-pacifique  et  de  l'Australie 
tropicale.  Quoique  de  petite  taille,  ils  sont  recherchés  pour 
la  nourriture.  Rochbr. 

BiBL.  :  GuiNTHER,  Sludij  of  Fishes. 

DULEAU  (Alphonse-Jean-Claude  Bourguignon,  dit), 
né  à  Paris  le  30  avr.  4789,  mort  du  choléra  à  Paris  le 
26  avr.  4832.  Ingénieur  des  ponts  et  chaussées,  il  coopéra 
aux  travaux  des  ponts  de  Bordeaux  et  d'Aiguillon,  puis 
servit  en  Alsace  et  revint  à  Paris  pour  les  travaux  du  canal 
de  rOurcq.  C'est  à  Bordeaux  que  Duleau  fit  ses  belles  expé- 
riences sur  la  résistance  du  ter,  dont  il  a  publié  plus  tard 
le  résumé  ;  ces  expériences  avaient  été  demandées  par 
Deschamps,  à  un  moment  oti  l'administration  voulait  établir 
des  travées  métaUiques  sur  les  piles  en  maçonnerie  du  pont 
de  Bordeaux.  Professeur  adjoint  à  Brisson,  à  l'école  des  ponts 
et  chaussées,  Duleau  succéda  au  grand  ingénieur  après  sa 
mort,  survenue  en  4828  ;  il  se  trouva  jusqu'en  1834  titu- 
laire des  cours  de  routes,  de  ponts,  de  navigation  intérieure 
et  de  travaux  maritimes.  Au  moment  où  la  mort  l'a  sur- 
pris, Duleau  venait  de  rédiger  le  rapport  sur  la  Théorie 
des  ondes  du  colonel  Emy,  qui  a  paru  en  4832  dans  les 
Annales  des  ponts  et  chaussées^  avec  une  note  très  inté- 
ressante sur  les  travaux  de  Saint-Jean-de-Luz  et  l'énergie 
des  vagues  dans  le  golfe  de  Gascogne.  Duleau  était  consi- 
déré comme  appelé  à  un  grand  avenir  scientifique,  au 
moment  où  sa  carrière  a  été  brusquement  arrêtée  par  la 
mort.  M.-C.  L. 

D  U  Ll  C H I A  (Zool.) .  Crustacés  de  l'ordre  des  Amphipodes, 
groupe  de  Crevettines,  qui  forment  à  eux  seuls  une  petite 
famille.  Ce  genre,  établi  par  Kroyer,  renferme  un  certain 
nombre  de  petites  espèces  au  corps  linéaire,  au  thorax 
très  long,  formé  de  sept  anneaux,  dont  l'abdomen  recourbé 
présente  cinq  anneaux  et  porte  autant  de  paires  de  pattes  ; 
la  paire  d'uropodes  postérieure  n'est  pas  développée  ;  les 
antennes  sont  très  longues,  subpédiformes.  D.  spiîiosis- 
sima  Island.  R.  Mz. 

DU  LIE  (Culte  de)  (V.  Adoration). 

DU  LIN  ou  D'ULIN  (Pierre) ,  peintre  français,  né  à  Paris 
en  4669,  mort  à  Paris  le  28  janv.  4748.  Elève  de  Bon 
Boulogne,  de  S.  Leclerc,  de  Lahyre  et  de  F.  de  Vauroze, 
cet  artiste  obtint  pendant  deux  années  de  suite,  en  4696  et 
4697,  le  grand  prix  de  peinture,  sur  des  sujets  empruntés 
à  l'histoire  biblique  de  Joseph.  Reçu  académicien  en  4707, 
il  donna  comme  morceau  de  réception  Laomédon  puni 
par  Neptune^  et  Apollon,  tableau  placé  aujourd'hui  au 
Louvre,  et  qui  n'offre  rien  d'intéressant,  ni  comme  dessin, 
ni  comme  coloris.  On  peut  citer,  parmi  les  autres  ouvrages 
de  cet  artiste,  qui  fut  peintre  ordinaire  du  roi  :  Jésus- 
Christ  guérissant  le  paralytique,  et  Jésus-Christ  guéris- 
sant la  belle-mère  de  saint  Pierre  (S.  4737  ;  ces  tableaux 
étaient  placés  autrefois  dans  l'égl.  de  la  Charité)  ;  Récep- 
tion de  V ambassadeur  de  la  Porte,  avec  son  fils  et  sa 
suite  d  l'Hôtel  royal  des  Invalides  (S.  4738).  Ver- 
sailles et  Trianon  possèdent  aussi  quelques-unes  de  ses 
œuvres.  Ad.  T. 

DULK  (Albert-Friedrich-Benno) ,  poète  et  philosophe 
allemand, né  à  Ksenigsberg  le  47  juin  4849,  mort  à  Stutt- 
gart le  30  oct.  4884.  Fils  d'un  pharmacien,  il  étudia 
d'abord  la  médecine  et  les  sciences  naturelles  à  l'Univer- 
sité de  Kônigsberg,  et  entra  ensuite  comme  aide  dans  une 
pharmacie  à  Breslau  ;  mais  son  humeur  inquiète  et  son 
caractère  indépendant  répugnaient  à  toute  fonction  régu- 
lière. En  4843,  il  se  retira  dans  une  petite  ville  de  la 
Prusse  orientale  pour  écrire  son  premier  drame,  Orla 
(Zurich  et  Winterthur,  4 844 ;  2«  édit.,  Mannheim,  d847). 
Il  se  remit  aux  études,  visita  les  Universités  de  Berlin,  de 
Leipzig,  de  Halle,  et  revint  à  Breslau.  Dans  l'intervalle, 


il  était  entré  en  relations  avec  le  parti  socialiste,  surtout 
avec  Robert  Blum.  Sa  participation  à  la  révolution  de 
4848  l'ayant  forcé  à  quitter  la  Prusse,  il  se  rendit  à 
Vienne,  gagna  l'Italie  à  pied  et  s'embarqua  à  Naples  pour 
Alexandrie.  Avant  de  partir,  il  avait  déclaré  publiquement 
qu'il  se  séparait  del'Eghse  protestante,  ainsi  que  de  toutes 
les  confessions  chrétiennes.  Arrivé  en  Egypte,  il  apprit  la 
langue  et  prit  U  costume  du  pays  ;  il  remonta  le  Nil  dans 
une  barque  jusqu'aux  premières  cataractes,  puis  redescen- 
dit jusqu'au  Caire;  enfin  il  demeura  seul  pendant  trois 
mois  dans  une  caverne,  au  pied  du  Sinaï.  La  crainte  de  la 
peste  lui  fit  reprendre,  en  48o0,  le  chemin  de  l'Europe  ; 
mais  il  traversa  encore  l'Asie  Mineure  et  se  rembarqua  à 
Smyrne.  Il  ne  fit  que  passer  en  Prusse  pour  se  marier,  et 
s'étabht  dans  un  chalet  au-dessus  du  lac  de  Genève,  aux 
environs  de  Clarens,  où  il  resta  huit  ans,  hvré  à  ses  tra- 
vaux poétiques  et  à  ses  recherches  philosophiques.  Depuis 
4858,  il  habita  Stuttgart,  qu'il  ne  quitta  plus  que  pour  de 
courts  voyages  en  Allemagne,  en  Suisse  ou  dans  les  con- 
trées du  Nord.  Dans  un  de  ces  voyages,  il  traversa  le  lac 
de  Constance  à  la  nage,  de  Romanshorn  à  Friedrichshaven, 
sur  une  largeur  de  40  kil.,  sans  vouloir  même  être  suivi 
par  un  bateau.  —  La  vie  d'Albert  Dulk  est  l'image  de  ses 
œuvres.  Son  caractère  distinctif  est  l'originalité,  la  singu- 
larité même  ;  s'il  avait  pu  y  joindre  seulement  un  peu  de 
mesure,  son  nom  aurait  marqué  dans  la  littérature  con- 
temporaine. Parmi  les  ouvrages  dramatiques  qui  suivirent 
Orla,  il  faut  citer  surtout  :  Jésus  der  Christ,  ein  Stilck 
filr  die  Volksbiihne  (Stuttgart,  4865),  et  un  drame  his- 
torique en  deux  parties,  de  trois  actes  chacune,  sur  l'em- 
pereur Conrad  II  (Leipzig,  4867).  Le  Jésus  avait  neuf 
actes  et  un  épilogue.  La  scène  populaire  à  laquelle  l'au- 
teur le  destinait  n'existant  pas,  il  en  fit  des  lectures  pu- 
bliques avant  de  le  faire  imprimer.  Ce  que  la  pièce  contient 
d'original,  c'est  le  caractère  de  Judas,  qui  dénonce  son 
maître  pour  le  forcer  à  se  révéler  dans  la  plénitude  de  sa 
puissance  et  à  se  déclarer  roi  ;  lorsqu'il  s'aperçoit  de  son 
erreur,  son  désespoir  se  peint  dans  une  scène  éloquente. 
La  philosophie  sociale  d'Albert  Dulk  s'exprime  surtout 
dans  son  grand  ouvrage,  Stimme  der  Menschheit  (Leipzig, 
4875-4880,  2  vol.).  En  4874,  dans  une  brochure  intitulée 
Patriotismus  und  Frômmigkeit,  il  se  prononça  contre 
la  continuation  de  la  guerre  et,  en  général,  contre  la  haine 
de  la  France.  A.  B. 

DU  LKEN.  Ville  d'Allemagne,  royaume  de  Prusse,  district 
de  Dusseldorf;  6,540  hab.  Filature,  tissage.  Elle  est  citée 
dès  4435. 

BiBL.  :  NoRRENBERG,  Clivonik  der  StadtDulken;  Vier- 
sen,  1874. 

DULLAERT  (Heyman),  peintre  hollandais,  né  à  Rotter- 
dam en  4636,  mort  le  6  mai  4684.  Doué  de  dispositions  très 
précoces  pour  la  peinture,  il  fut  placé  par  son  père,  riche 
marchand  de  tableaux,  sous  la  direction  de  Rembrandt. 
L'élève  s'assimila  si  bien  la  manière  de  son  maître,  que 
souvent  il  est  difficile  de  distinguer  ses  tableaux  de  ceux 
de  Rembrandt,  lorsqu'ils  ne  portent  pas  de  signature  ;  on 
cite  surtout,  dans  ce  genre,  un  Ermite  à  genoux  et  un 
Dieu  Mars,  Ses  toiles,  peu  nombreuses,  se  sont  toujours 
vendues  à  un  prix  élevé.  D'un  esprit  délicat  et  cultivé, 
Dullaert  parlait  plusieurs  langues,  connaissait  les  sciences, 
la  littérature  et  la  musique  ;  il  fut  aussi  l'auteur  de  diverses 
pièces  de  théâtre,  représentées  avec  succès,  et  d'une  traduction 
hoihndeiise  de  h  Gerusalemme  liberata  du  Tâsse.  Ad.  T. 
BiBL  :  Descamp?,  Za  Vie  des  peintres  flamands.  —  Hou- 
BRAKEN,  la  Vie  des  peintres  flamands. 

DULLER  (Eduard),  poète  et  historien  allemand,  né  à 
Vienne  le  8  nov.  4809,  mort  à  Wiesbaden  le  24  juil. 

4853.  A  dix-sept  ans,  il  fit  représenter  un  dranne,  Meister 
Pilgram;  inquiété  pour  ses  opinions  libérales,  il  se  rendit 
à  Munich  oti  il  publia  un  recueil  de  ballades  sur  les  Wit- 
telsbach  (4831),  à  Trêves,  Francfort-sur-le-Main  où  il 
fonda  le  Phœnix,  puis  à  Darmstadt  où  il  séjourna  de  4836 
à  4849,  se  mêlant  au  mouvement  vieux  catholique;  en 

4854,  il  était  prédicateur  de  la  secte  à  Mayence.  Parmi  ses 


DULLER  —  DU  MAINE 


—  32 


écrits  d'un  sentiment  très  humanitaire,  nous  citerons  :  des 
poésies,  Der  Fûrst  der  Liebe  (Liepzig,  i842j  2«  éd., 
1854);  Gesammelten  Gedichte  (Berlin,  484^;  2«  éd., 
Leipziff,  1877);  des  romans,  Kro7ien  und  Ketten  (Franc- 
fort, 1835,3  \ol.);  Loyola  (ibid.,  1836,  3  vol.);  Kaiser 
und  Papst  (Leipzig,  1838,  4  vol.)  ;  des  écrits  historiques, 
Vaterlœndischen  Gedichte  (Francfort,  1852-57,  5  vol.)  ; 
Geschichte  des  deutschen  Volks  (Leipzig,  1840;  3«  éd., 
1846;  rééd.  par  Pierson;  6^  éd.,  Berlin,  1877);  Dt^M^n- 
ner  des  Volks  (Francfort,  1847-1850,  8  vol.)^,  elc 

DULLIN.  Corn,  du  dép.  de  la  Savoie,  arr.  de  Chambery, 
cant.  de  Pont-de-Beauvoisin;  482  hab. 

DU  LON  (Friedrich  Ludwig),  flûtiste  allemand, né  à  Oria- 
nembour^,  en  Piusse,  le  14  août  1769,  mort  à  Wurz- 
bourgle'7  juil.  1826.  Il  devint  aveugle  à Fâge  de  huit  ans. 
Il  a  composé  de  nombreuses  pièces  pour  son  instrument. 
DU  LONG  (Pierre-Louis),  physicien  et  chimiste  français, 
né  à  Rouen  le  12  fév.  1785,  mort  à  Paris  le  19  juil.  1838. 
Il  perdit  ses  parents  de  très  bonne  heure.  Enfant,  il  était 
d'une  santé  délicate  ;  il  put  cependant  entrer  à  seize  ans  à 
l'Ecole  polytechnique,  mais  fut  obligé  de  la  quitter  à  cause 
de  sa  santé.  Il  se  fit  alors  recevoir  docteur  en  médecine 
et  exerça  dans  un  quartier  très  pauvre  où  sa  fortune, 
assez  considérable,  diminua  rapidement,  non  pas  faute  de 
clientèle,  mais,  au  contraire,  parce  qu'elle  était  trop  nom- 
breuse et  que  Dulong  ne  put  jamais  voir  un  malheureux 
sans  lui  payer  les  médicaments  nécessaires  et  sans  lui  don- 
ner en  outre  des  secours  en  argent  pour  améliorer  sa 
situation.  Mais,  pour  le  malheur  de  ses  malades,  Dulong 
cessa  d'exercer  la  médecine  pour  se  consacrer  à  la  bo- 
tanique.  Les  grandes   découvertes  de  chimie  qui   illus- 
trèrent les  savants  français  du  commencement  de  ce  siècle 
et  les  belles  expériences  de  Davy  l'attirèrent  vers  cette 
science  ;  il  y  débuta  comme  préparateur  de  BerthoUet. 
Après  quelques  expériences  intéressantes,  il  découvrit  le 
chlorure  d'azote,  corps  très  remarquable  par  ses  propriétés 
explosives.  Une  première  expérience,  suivie  d'une  explosion 
formidable  qui  brisa  presque  tous  les  instruments  du  labo- 
ratoire et  causa  à  Dulong  de  graves  contusions,  ne  l'empê- 
cha pas  de  faire  de  nouvelles  tentatives  pour  déterminer 
sa  composition;   une  nouvelle  explosion  lui  enleva  un  œil 
et  doux  doigts.  Dulong  continua,  malgré  cet  accident,  ses 
recherches  de  chimie  en  étudiant  les  composés  oxygénés 
de  l'azote  et  du  phosphore.  Comme  physicien,  Dulong  col- 
labora avec  Petit  et  eut  son  mémoire  sur  le  retroidisse- 
ment  couronné  par  l'Académie  des  sciences.  Ce  mémoire, 
très  important,  était  surtout  très  remarquable  pour  l'époque 
où  il  fut  publié.  Il  découvrit  aussi  avec  Petit  une  des  lois  les 
plus  intéressantes  qui  relient  les  propriétés  physiques  aux 
propriétés  chimiques  des  corps  :  si  l'on  rapporte  la  quan- 
tité de  chaleur  absorbée  par  les  corps  simples  pour  s'echaut- 
fer  de  0<*  à  l^non  pas  à  un  kilogr.  du  corps,  mais  au 
poids  atomique  de  ce  corps,  on  trouve  un  nombre  constant; 
ainsi  ce  que  l'on  peut  appeler  la  chaleur  spécifique   ato- 
mique est  constante.  Non  seulement  cette  loi  est,  au  point 
de  vue  philosophique,  de  la  plus  haute  importance,  mais 
elle  a  permis,  dans  des  cas  douteux,  de  fixer  la  valeur  de 
certains  poids  atomiques  ;  elle  a,  en  outre,  servi  de  guide 
à  d'autres  recherches  où  l'on  a  rapporté  diverses  grandeurs 
non  à  l'unité  de  poids,  mais  au  poids  atomique  (exemple  : 
loi  de  Raoult,  etc.).  Dulong  étudia  aussi  la  force  élastique 
des  vapeurs  et  la  loi  de  Mariotte  jusqu'à  vingt-sept  atmo- 
sphères. Il  signala  les  écarts  qu'il  avait  observés  entre 
cette  loi  et  les  expériences,  mais  n'osa  pas  affirmer  qu'ils 
n'étaient  pas  dus  à  des  erreurs  d'expériences.  Il  fut  suc- 
cessivement maître  de  conférences  à  l'Ecole  normale  supé- 
rieure, professeur  à  la  Faculté  des  sciences  et  à  l'Ecole 
polytechnique  dont  il  devint  directeur  des  études  en  1830. 
En  1823,  il  avait  été  nommé  membre  de  l'Académie  des 
sciences.  «  D'une  modestie  extrême  quand  il  parlait  de  ses 
travaux,  dit  E.  Arago,  il  se  montrait  d'une  grande  bien- 
veillance en  s'expriniant  sur  les  travaux  des  autres.  On 
peut  dire  que  jamais  un  mot  blessant  n'est  sorti  de  sa 


bouche,  jamais  un  sentiment  de  jalousie  n'effleura  cette 
belle  âme.  Les  sciences  étaient  pour  Dulong  une  passion, 
mais  une  passion  noble,  pure,  dégagée  de  toute  vue  inté- 
ressée ou  personnelle.  »  Voici  ses  principaux  mémoires  : 
Mémoire  sur  une  nouvelle  matière  détonante  (Mém. 
Soc.  d'Arcueil,  III)  ;  Recherches  sur  les  lois  de  la  dila- 
tation des  solides,  des  liquides  et  des  fluides  élastiques 
et  sur  la  mesure  exacte  des  températures  {Ann.  chim. 
phys.,  Il)  ;  Observations  sur  quelques  combinaisons 
de'  l'azote  et  de  Voxygène  (id.);  Mémoire  sur  les 
combinaisons  du  phosphore  avec  l'oxygène  {Mém, 
Soc.  d'Arcueil,  III);  Recherches  sur  la  mesure  des 
températures  et  sur  les  lois  de  la  communication  de 
la  chaleur  (A7în,  chim,  phys.,  VII);  Recherches  sur 
quelques  points  importants  de  la  théorie  de  la  chaleur 
(id.,  t.  X);  Nouvelle  Détermination  des  proportions 
de  Veau  et  de  la  densité  de  quelques  fluides  élastiques 
(id.,  t.  XV)  ;  Recherches  sur  les  pouvoirs  réfringents 
des  fluides  élastiques  (id,,  X);  Recherches  sur  la  force 
élastique  de  la  vapeur  d'eau  iid.,  X).      A.  Joannis. 

DULONG  (François-Charles),  homme  politique  français, 
né  à  Pacy-sur-Eure  le  14  juin  1792,  mort  à  Paris  le 
30  janv.  1834.  Avocat  distingué  du  barreau  de  Paris,  il 
entra  au  ministère  de  la  justice  en  1830  comme  directeur 
des  affaires  civiles.  Il  démissionna  en  même  temps  que  son 
protecteur  Dupont  de  l'Eure,  le  9  mars  1831.  Le  J^'  oct. 
de  cette  même  année,  il  fut  élu  député  de  Verneuil  contre 
Villemain.  Il  siégea  à  l'extrême  gauche.  Le  25  janv.  d  834, 
il  se  prit  en  pleine  (Chambre  de  querelle  avec  Bugeaud 
auquel  il  reprocha  le  rôle  de  geôlier  qu'il  avait  rempli  à 
Blaye  auprès  de  la  duchesse  de  Berry.  Un  duel  s'ensuivit 
dans  lequel  Dulong  fut  mortellement  blessé.  Cette  fin  tra- 
gique excita  dans  toute  la  France  une  émotion  considérable 
et  à  Paris  les  funérailles  de  Dulong  attirèrent  une  telle 
foule  que  le  gouvernement  redouta  un  moment  une 
insurrection. 

DU  LORENS  (Jacques),  poète  français,  né  à  Chàteau- 
neuf-en-Thimerais  (Eure-et-Loir)  vers  1583,  mort  vers 
1650.  Avocat  à  Paris,  puis  à  Chartres,  il  acheta  en  1613 
la  charge  de  baiUif-vicomte  de  Châteauneuf,  et  devint  plus 
tard  lieutenant  général  du  bailliage  de  Châteauneuf.  Il  a 
écrit  des  satires' mordantes  auxquelles  Boileau  n'a  pas  dé- 
daigné de  faire  plusieurs  emprunts  :  les  Satyres  du  sieur 
du  Lorens  (Paris,  1624,  pet.  in-8;  1625,  in-12;  1633 
et  1646,  in-4);  la  Calotte  (1619,  iii-8).  M.  G.  Villemin 
a  réimprimé  l'édition  de  1646  (Paris,  1869,  in-12), M.  Pr. 
Blanchemain  celle  de  1633  (Genève,  1868,  in-12)  et  une 
plus  complète  que  toutes  les  autres  (Paris,  1881,  in-i2). 
C'est  Du  Lorens  qui  serait  l'auteur  de  la  fameuse  épitaphe  : 
Ci-gist  ma  femme,  ah!  qu'elle  est  bien 
Pour  son  repos  et  pour  le  mien. 
DU  LOT,  poète  français  du  xvii®  siècle  auquel  Ménage 
attribue  l'invention  des  bouts-rimés  (V.  ce  mot). 

DU  LUTH.  Ville  des  Etats-Unis  de  l'Amérique  du  Nord, 
Etat  de  Minnesota,  comté  de  Saint-Louis,  à  l'extrémité  de 
l'enfoncement  S.-O.  du  lac  Supérieur,  appelé  «  Fond  du 
lac  »;  3,483  hab.  en  1880.  Terminus  à  l'E.  du  chem. 
de  fer  Northern  Pacific.  Entrepôt  de  céréales,  docks, 
scieries,  port  artificiel.  Exploitations  de  mines  de  cuivre 
aux  environs.  Aug.  M. 

DULWICH.  Faubourg  de  Londres,  comté  de  Surrey,  à 
7  kil.  au  S.  du  port  de  Londres,  célèbre  par  son  collège 
fondé  en  1613  par  l'acteur  E.  Alleyn  (V.  ce  nom),  qui 
renferme  la  remarquable  galerie  de  tableaux  de  sir  F.  Bour- 
geois, oti  l'on  remarque  des  œuvres  de  Jules  Romain,  Guido, 
Rubens,  Murilio,  Claude  Lorrain,  Hobbema,  Ruysdaèl, 
G.  Dow,  Rembrandt,  Poussin,  etc.;  4,000  hab. 

BiBL.  :  Harnett-Blanch,  Dulwich  Collège  and  Edward 
Aifeyn,  1877. 

DUMA.  Nom  d'une  tribu  arabe  issue  d'Ismaèl  {Genèse, 
XXV,  14).  Un  court  oracle  à'ïsaïe  vise  une  tribu  du  même 
nom,  qui  paraît  se  rattacher  à  l'Idumée  (xxi,  11-12). 
DU  MAINE,  comte  du  Bourg  (V.  ce  nom). 


—  33 


DUMAINE  -  DU  MARSAIS 


DU  MAI  NE  (Person,  dit),  acteur  français,  né  à  Lieusaint 
vers  d825.  Frère  d'une  comédienne  distinguée,  M^^®  Per- 
son, il  entra  fort  jeune,  et  grâce  à  sa  protection,  à  la  Co- 
médie-Française. Mais  la  situation  qui  lui  était  faite  à  ce 
théâtre  étant  trop  subalterne,  il  part  pour  la  province, 
puis  revient  après  quelque  temps  à  Paris,  fait  un  court 
séjour  à  la  Gaîté,  et  de  là  passe  à  l'Ambigu,  où  il  se  fait 
remarquer  en  créant  le  rôle  de  Georges  dans  la  Case  de 
l'oncle  Tom,  qui  met  en  relief  sa  belle  prestance,  sa 
voix  d'un  timbre  pénétrant  et  de  réelles  qualités  de  comé- 
dien dramatique  et  puissant.  Depuis  cette  époque,  M.  Du- 
maine,  qui  du  premier  coup  avait  conquis  l'oreille  du  pu- 
blic parisien,  a  appartenu  tout  à  tour  et  successivement  à 
tous  nos  théâtres  de  drame,  allant  de  l'un  à  l'autre  selon 
les  circonstances  et  les  besoins  du  moment.  Il  a  créé  à 
l'Ambigu  le  Château  des  Tilleuls,  le  Juif  de  Venise, 
le  Paradis  perdu,  César  Borgia,  la  Tour  de  Londres, 
la  Madone  des  Roses,  le  Pendu,  le  Dompteur;  à  l'ancien 
Cirque  olympique  Abd-el-Kader  ;  à  la  Gaîté  Cartouche, 
les  Pirates  de  la  Savane,  les  Trente-deux  Duels  de 
Jean  Gigon,  la  Maison  du  baigneur,  Jean- la-Poste-,  à 
la  Porte-Saint-Martin  les  Mères  repenties.  Patrie,  les 
Misérables,  le  Tour  du  monde,  les  Exilés;  kYOdéon  les 
Noces  d'Attila  ;  au  Châtelet  Michel  Strogoff,  etc.  Quant 
aux  ouvrages  dans  lesquels  il  a  repris  des  rôles  à  ces 
divers  théâtres,  il  serait  difficile  de  les  énumérer.  On  peut 
dire  de  M.  Dumaine  qu'il  est  l'un  des  derniers  et  des  plus 
distingués  interprètes  du  genre  du  drame,  au  service  duquel 
il  a  mis  un  talent  remarquable,  souvent  plein  de  grandeur 
et  de  passion.  A.  P. 

DUMAISNIEL  de  Belleval  (Charles-François)  (V.  Bel- 
leval)  . 

DU  MANIANT  (Antoine-Jean  Bourlin,   dit),   acteur  et 
auteur  dramatique  français,  né  à  Clermont-Ferrand  le  il 
avr.  1732,  mort  à  Paris  le  24  sept.  4828.  Issu  d'une  fa- 
mille de  robe,  il  fut  pris  de  la  passion  du  théâtre,  et  à 
vingt-cinq  ans  se  fit  comédien.  En  1785,  il  entra  au  théâtre 
des  Variétés  du  Palais-Royal.  Il  y  demeura  jusqu'en  1791, 
où  par  la  transformation  de  ce  théâtre  en  Théâtre-Français 
de  la  rue  Richelieu,  il  fut  obligé  d'aller  se  réfugier  au 
théâtre  delà  Cité,  qui  fit  son  ouverture  le  20  oct.  1792. 
Dumaniant  tenait  là  l'emploi  des  premiers  rôles  marqués  et 
des  pères  nobles,  mais  au  bout  d'une  année  il  cessa  de  pa- 
raître sur  la  scène,  pour  conserver  seulement  ses  fonctions 
de  régisseur  et  de  membre  du  conseil  d'administration.  Il 
faisait  en  même  temps  représenter  de  nombreuses  pièces, 
dont  quelques-unes  obtinrent  de  grands  succès  et  passèrent 
plus  tard  au  répertoire  de  la  Comédie-Française.  En  1798, 
Dumaniant  n'appartenait  plus  au  théâtre  de  la  Cité.   En 
1803,  il  preinait  la  direction  de  la  Porte-Saint-Martin,  qu'il 
conservait  jusqu'en  1805,   pour  rester  seulement  à  ce 
théâtre,  pendant  une  année  encore,  en  qualité  d'admi- 
nistrateur. En  1808,  on  le  retrouve  à  l'Odéon,  comme 
secrétaire  général  de  l'administration,   sous  la  direction 
d'Alexandre  Duval.  Il  quitte  ce  théâtre  en  1816,  lors  de 
l'arrivée  de  Picard  comme  directeur,  et  prend  le  parti  de  se 
faire  lui-même  directeur  en  province,  et  pendant  plusieurs 
années  exploite  ainsi  les  théâtres  de  Clermont,  Bourges, 
Nevers,   Moulins,  Poitiers,  Angoulême,   Limoges,  Co- 
gnac, etc.  C'est  au  cours  de  ces  pérégrinations  que  Duma- 
niant ^  fut  frappé   de  la  maladie  qui  devait   l'emporter. 
Parfait^  honnête  homme  et  de  mœurs  fort  honorables , 
Dumaniant  ne  doit  pas  à  son  talent  modeste  de  comédien 
la  renommée  légitime  qui  s'attacha  naguère  à  son  nom. 
C'est  comme  écrivain  dramatique  qu'il  mérite  d'être  re- 
marqué pour  sa  fécondité.  A.  P. 

DUMÀNIS.  Ancienne  ville  de  Géorgie,  au  confluent  du 
Maschavei  et  du  Chtzia  ;  évêché  du  v®  au  xviii^  siècle. 

DUMANOIR  ou  DU  MANOIR.  Nom  d'une  famille  de 
musiciens  français  qui  vivait  au  xvii®  siècle.  Le  plus  ancien 
Dumanoir  connu,  Mathieu,  était  maître  joueur  d'instru- 
ments en  1615  et  violon  ordinaire  de  la  chambre  du  roi 
en  1640.  --  Claude  Dumanoir,  neveu  ou  fils  de  Mathieu,  fut 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.  —  XV. 


premier  violon  du  cabinet  du  roi,  «  roi  des  violons  »  et 
maître  des  ménétriers  de  la  confrérie  de  Saint-Julien 
charge  grotesque  qui  datait  de  1331  et  avait  été  confirmée 
en  1406  par  une  ordonnance  de  Charles  VI.  —  Gm/tem^ 
Dumanoir,  fils  de  Mathieu,  succéda  à  Claude  en  1659 
comme  roi  des  violons.  Ces  rois  des  violons  prétendaient 
obliger  tous  les  musiciens,  y  compris  les  organistes,  à  se 
taire  recevoir  maîtres  de  danse;  cette  prétention  est  exposée 
dans  un  factum  grossier  de  Guillaume  Dumanoir,  intitulé 
le  Mariage  de  la  musique  avec  la  dance.  —  Guillaume^ 
Michel  Dumanoir,  qu'on  surnomma  Dumanoir  second  a 
ete  le  dernier  maître  des  ménétriers  ;  le  titre  fut  aboli  du 
^?nlS^  *^  y  renonça  par  un  acte  passé  devant  notaire  (1^^  ^^ç. 
^^^^)-  A.Ernst.    * 

DUMANOIR  (Philippe-François  Pinel,  dit),  auteur  dra- 
matique français,  né  à  la  Guadeloupe  le  31  juil.  1806,  mort 
à  Pau  le  16  nov.  1865.  Après  avoir  terminé  ses  études 
au  collège  Bourbon  à  Paris,  il  suivit  les  cours  de  l'Ecole 
de  droit,  mais  le  succès  obtenu  par  ses  deux  premières 
tentatives  dramatiques,  Vu  Jour  de  médecine  (1827)  et 
la  Semaine  des  amours,  le  déterminèrent  à  s'adonner 
exclusivement  au  théâtre.  De  1836  à  1839,  il  fut  direc- 
teur des  Variétés,  et  Déjazet  lui  dut  quelques-uns  de  ses 
meilleurs  rôles  travestis,  entre  autres,  ceux  des  Premières 
Armes  de  Richelieu  (1839),  de  Létorières  (1842),  de 
Gentil  Bernard  (iM6),  Parmi  les  autres  pièces  de  Duma- 
î\^ooVx"^"/  rappellerons  :  la  Marquise  de  Pretintaille 
(1835);  Indianaet  Charlemagne  (1840)  ;  la  Nuit  aux 
soufflets  (1842)  ;  Don  César  de  Bazan  (1844)  ;  Cla-- 
risse  Harlowe(\Ul)',  le  Camp  des  bourgeoises  (1855)  ; 
l'Ecole  des  agneaux  (1855),  comédie  à  laquelle  le  minis- 
tère d'Etat  décerna  une  médaille  d'or  ;  les  Fanfarons  du 
vice  (1856)  ;  les  Toilettes  tapageuses  (même  année)  • 
les  Femmes  terribles  (1858)  ;  C'est  Vamour,  l'amour 
ramour...  (1859)  ;  les  Trembleurs  (1861);  les  Inva- 
lides du  mariage  (1862)  ;    la  Maison  sans   enfants 
(1863)  ;  les  Drames  du  cabaret  (1864),  etc.      M.  Tx. 
DUMANOIR  LE  Pelley    (Pierre-Etienne-René-Mârie)i 
amiral  français,  né  à  Granville  (Manche)  le  2  août  1770 
mort  à  Paris  le  7  juil.  1829.  Entré  fort  jeune  dans  la  ma- 
rine, il  servit  à  Saint-Domingue,  devint  en  1793  lieute- 
nant de  vaisseau  attaché  à  l'élat-major  de  l'amiral  Martin, 
commandant  de  l'armée  navale  de  l'Océan,  et,  promu  capi-^ 
taine  de  vaisseau  en  1795,  lutta  brillamment  contre  les  An- 
glais, dans  la  Méditerranée,  à  Terre-Neuve  et  sur  les  côtes 
d'Irlande.  Il  fit  partie  de  l'expédition  d'Egypte  (1798)  et 
il  commanda  un  des  deux  navires  qui  ramenèrent  Bona- 
parte en  France.  Promu  contre-amiral  en  1799,  il  com- 
manda à  Brest,  à  Cadix,  à  Saint-Domingue,  combattit  à 
Trafalgar  où  il  opéra  une  retraite  séparée,  mais  fut  pris 
quelques  jours  plus  tard  par  les  Anglais  avec  quatre  vaisseaux 
(4  nov.  1805).  Sa  conduite  fut  soumise  à  un  conseil  d'en- 
quête qui  n'y  trouva  rien  de  répréhensible,  mais  sur  les 
réclamations  de  l'opinion  publique  il  fut  en  1808  traduit 
devant  un  conseil  de  guerre  qui  l'acquitta.  Dumanoir  fut 
ensuite  nommé  commandant  à  Dantzig(1811);  fait  prison- 
nier par  les  Russes  et  interné  à  Kiev,  il  ne  rentra  en 
France  que  sous  la  Restauration  qui  le  créa  comte  (2  déc. 
1814).  Il  fut  nommé  vice-amiral  en  1819.  Il  avait  été  élu 
député  de  la  Manche  le  22  août  1815,  et  réélu  en  1817 
et  1818. 

DUMARESQ  (V.  Armand-Dumaresq). 
DUMAREST  (Rambert),  graveur  en  médailles,  né  à 
Samt-Etienne  (Loire)  en  1760,  mort  à  Paris  le  5  avr. 
1806.  Il  a  laissé  les  médailles  du  Premier  des  Brutus,  de 
Poussin,  de  Voltaire,  de  /.-/.  Rousseau,  etc.  Ces  deux 
dernières  faisaient  partie  d'une  Collection  des  grands 
hommes  de  la  France  qu'il  n'eut  pas  le  temps  de  terminer. 
Il  avait  été  élu  membre  de  l'Institut  le  26  janv.  1800. 
pu  MARSAIS  (César  Chesneau,  sieur),  grammairien, 
philosophe,  pédagogue  et  l'un  des  principaux  encyclopé- 
distes, né  à  Marseille  le  17  juil.  1676,  mort  à  Paris  le 
11  juin  1756.  Il  fut  élevé  par  les  oratoriens,  entra  même 

3 


DU  MARSAIS  —  DUMAS 


-  34  — 


dans  cette  congrégation  et  ne  tarda  pas  à  quitter  l'Ora- 
toire de  Marseille  pour  s'établir  à  Paris  en  1701.  Il  fut 
reçu  avocat  en  1704.  Mais  il  se  dégoûta  vite  du  droit; 
d'autre  part,  rompant  avec  sa  femme,  il  lui  abandonna 
le  peu  de  bien  qu'il  avait  et  entra  comme  précepteur 
chez  le  président  de  Maisons.  Il  y  demeura  douze  ans 
pour  passer  ensuite  chez  le  fameux  Law,  et,  après  la  chute 
de  Law,  chez  le  marquis  de  Bauffremont.  C'est  de  cette 
époque  que  datent  ses  plus  importants  travaux,  ceux  qui 
ont  permis  à  d'Alembert  de  l'appeler  un  grammairien  pro- 
fond et  philosophe  :  notamment  son  Exposition  d'une 
méthode  raisonnée  pour  apprendre  la  langue  latine, 
publiée  en  1722  et  dédiée  par  Du  Marsais  à  MM.  de  Bauf- 
fremont, ses  élèves,  puis  son  Traité  des  Tropes  (1730) 
qui  est  devenu  classique.  Lorsque  l'éducation  de  MM.  de 
Bauffremont  fut  terminée.  Du  Marsais  ouvrit  une  pension 
au  faubourg  Saint-Victor  ;  mais  la  fortune  ne  lui  sourit 
point  dans  cette  entreprise,  et  il  dut  se  contenter,  pour 
avoir  de  quoi  vivre,  de  donner  quelques  leçons  en  ville. 
Dans  la  vie  précaire  et  presque  misérable  de  ses  vieux 
jours,  il  eut  du  moins  l'avantage  de  collaborer  à  VEncy- 
clopédie,  pour  la  partie  grammaticale  et  philosophique. 
«  Les  articles  qu'il  lui  a  fournis  et  qui  sont^  en  grand 
nombre  dans  les  six  premiers  volumes,  dit  d'Alembert, 
feront  à  jamais  un  des  principaux  ornements  de  cet  ou- 
vrage ;  on  a  regardé  avec  raison  cette  partie  de  V Encyclo- 
pédie comme  une  des  mieux  traitées.  »  Malgré  la  célébrité 
que  lui  valurent  ces  derniers  travaux,  Du  Marsais  implora 
vainement  de  la  cour  un  secours  qui  lui  assurât  le  néces- 
saire. Heureusement,  un  particulier  généreux,  le  comte  de 
Lauraguais,  touché  de  sa  situation,  répara  l'indifférence  du 
pouvoir  et  lui  servit,  jusqu'à  la  fin  de  sa  vie,  une  pension 
de  mille  livres. 

Sa  nouvelle  méthode  pour  apprendre  le  latm  fut  vivement 
contestée.  Du  Marsais  est  fort  maltraité  àmshs  Mémoires 
de  Trévoux  (mai  1725).  Par  contre,  ses  procédés  gram- 
maticaux trouvèrent  tout  de  suite  d'ardents  approbateurs, 
et,  plus  tard,  ce  fut  des  livres  de  Du  Marsais  que  Çondillac 
se' servit  dans  l'éducation  du  prince  de  Parme.  Disons  en 
peu  de  mots  en  quoi  consistait  cette  méthode  si  diversement 
appréciée.  Préoccupé  de  la  longueur  ordinaire  des  études 
latines.  Du  Marsais  proposait,  pour  y  remédier,  des  moyens 
expéditifs.  Il  remplaçait  la  langue  latine  réelle  avec  ses 
inversions,  ses  ellipses,  sa  construction  propre,  par  une 
langue  latine  de  convention,  arrangée  et  factice,  dont  les 
phrases,  disposées-  à  k  française,  se  prêtaient  à  un  mot  à 
mot  vigoureux.  L'élève  devait  être  occupé  pendant  un  temps 
plus  ou  moins  long  à  l'étude  des  textes  ainsi  transformés 
où  toutes  les  diflQcultés  particuUères  de  syntaxe  auront  dis- 
paru. C'est  la  première  partie  de  la  méthode  que  Du  Mar- 
sais appelle  la  routine  et  où  il  n'est  fait  appel  qu'à  la  mé- 
moire, à  cette  faculté  particuUèrement  développée  dans  le 
jeune  âge  et  que  d'Alembert  appelle  «  l'esprit  de  l'enfance  ». 
Dans  la  seconde  partie  de  sa  méthode.  Du  Marsais  abor- 
dait l'étude  de  la  grammaire  proprement  dite,   des  décli- 
naisons, des  conjugaisons  et  des  règles  de  la  syntaxe  :   à 
l'usage  ou  à  la  routine,  c.-à-d.  à  l'étude  des  mots,  succé- 
dait la  raison,  c.-à-d.   la  grammaire,  qui  n'est  qu'une 
sorte  de  logique.  En  d'autres  termes.  Du  Marsais  jetait 
tout  de  suite  le  commençant  dans  l'explication  des  textes, 
et,  pour  lui  rendre  ce  travail  possible,  il  désorganisait  les 
phrases  latines  et  les  refaisait  sur  le  patron  des  phrases 
françaises  ;  il  reculait  l'étude  de  la  grammaire  raisonnée 
jusqu'au  moment  où  l'élève  a  fait  une  assez  ample  provi- 
sion de  mots  de  la  langue  latine,  à  l'imitation  de  ce  qui  se 
passe  dans  l'acquisition  delà  langue  maternelle,  où  l'enfant 
apprend  d'abord  à  parler,  avant  d'étudier  les  règles  du 
langage.  Le  but  était,  tout  en  suivant  la  marche  de  la 
nature,  de  faire  apprendre  le  latin  par  l'usage,  le  plus  vite 
possible.  Mais  on  peut  se  demander  si  ces  procédés  d'abré- 
viation et  de  simplification  répondent  bien  au  vrai  carac- 
tère des  études  latines,  qui  sont  bien  plutôt  une  gymnastique 
de  l'esprit  qu'une  simple  acquisition  du  matériel  d'une  langue 


morte.  Comme  le  dit  quelque  part  M.  Bréal,  il  ne  s'agit  pas 
d'abréger  le  chemin  :  car  c'est  le  chemin  qui  est  en  quelque 
sorte  la  fin  qu'on  se  propose.  D'autre  part,  considérée  dans 
l'apphcation  qu'il  en  a  fait,  la  méthode  de  Du  Marsais 
présente  de  graves  inconvénients.  Pour  rendre  le  latin  clair 
et  intelligible  aux  débutants,  Du  Marsais  propose  d'y  intro- 
duire des  incorrections  départi  pris.  Au  lieu  de  imperante 
Augusto,  on  fera  lire  à  l'enfant  sub  imperante  Augusto; 
au  lieu  de  manet  Lutetiœ,  on  écrira  manet  in  urbe  Lute- 
tiœ.  L'élève  qui  se  sera  habitué  à  ces  solécismes  volon- 
taires n'aura-t-il  pas  beaucoup  de  peine  dans  la  suite  pour 
y  renoncer  ?  Le  résultat  le  plus  clair  du  système  proposé 
par  Du  Marsais  et  qu'il  avait  pris  la  peine  d'appliquer  en 
réduisant  à  la  construction  française  les  comédies  de 
Térence,  VArt  poétique  d'Horace  et  VEpitome  de  Jouvency 
ne  sera-t-il  pas  d'obliger  l'élève  à  apprendre  le  latin  deux 
fois,  une  fois  sous  une  forme  factice  et  de  fantaisie,  une 
autre  fois  dans  l'ordre  réel.  Ainsi,  la  méthode  de  Du 
Marsais,  quelque  ingénieuse  qu'elle  fût,  n'a  point  réussi 
et  ne  méritait  pas  de  réussir. 

Du  Marsais  n'a  pas  étudié  seulement  les  questions  de 
grammaire  et  de  méthode  d'enseignement.  Plusieurs  de  ses 
ouvrages  le  classent  parmi  les  philosophes  :  sa  Logique 
publiée  en  1769,  son  Exposition  de  la  doctrine  de 
l'Eglise  gallicane,  qui  ne  parut  aussi  qu'après  sa  mort, 
et  un  autre  livre,  que  le  crédit  tout-puissant  encore  de  la 
Société  de  Jésus  lui  fit  faire  interdiction  de  publier  :  une 
Réponse  à  la  Critique  de  l'Histoire  des  oracles  de  Fon-- 
tenelle,  réfutation  du  père  jésuite  Baltus,  dont  il  n'avait 
écrit  que  des  fragments.  Tous  ces  essais  témoignent  d'idées 
fort  libérales.  Du  Marsais  est  en  philosophie  un  précurseur 
de  la  libre  pensée  moderne.  Et  en  politique,  il  était  déjà 
républicain,  s'il  faut  en  croire  un  de  ses  apologistes  marseil- 
lais, qui  ajoute  :  «  Un  républicain  ne  pouvait  naître  qu'à 
Marseille.  »  Rien,  d'ailleurs,  d'indiscret  ni  de  violent  dans 
sa  manière  de  penser  et  d'écrire.  Comme  le  dit  très  exac- 
tement d'Alembert,  «  il  avait  l'esprit  plus  sage  gue  bril- 
lant, la  marche  plus  sûre  que  rapide.  La  nécessité  où  il 
s'était  trouvé  de  parler  presque  toute  sa  vie  à  des  enfants 
lui  avait  fait  conserver  dans  la  conversation  une  diffusion  qui 
passait  quelquefois  dans  ses  écrits.  »  Nulle  trace  de  décla- 
mation ni  de  recherche  de  langage.  Aussi  nous  paraît-il 
impossible  de  lui  attribuer,  comme  l'ont  fait  les  éditeurs 
enthousiastes  de  1797,  qui  l'appellent  tout  simplement 
«  grand  homme  »,  la  paternité  d'un  livre  passionné  et 
emphatique,  l'Essai jur  les  Préjugés,  qui  parut  pour  la 
première  fois  en  1750. 

Parmi  les  articles  que  Du  Marsais  donna  à  [Encyclo- 
pédie et  qui  constituent  le  meilleur,  la  partie  la  plus 
durable  de  son  œuvre,  nous  signalerons  celui  qui  est  inti- 
tulé Education,  et  où  il  se  montre  à  nous  comme  tout 
pénétré  déjà  des  idées  pédagogiques  aujourd'hui  en  vogue. 
Il  faut  passer,  dit-il,  par  les  idées  particulières,  avant  de 
nous  élever  aux  idées  générales.  «  Avant  que  de  parler  de 
dizaine,  sachez  si  votre  jeune  homme  à  l'idée  d'im;  avant 
que  de  lui  parler  A' armée,  montrez-lui  un  soldat,.,  hoi 
grand  point  de  la  didactique  ou  de  l'art  d'enseigner,  c'est 
de  savoir  quelles  connaissances  doivent  précéder,  quelles 
doivent  suivre.  »  En  conformité  à  ces  principes.  Du  Marsais 
avait  composé  un  petit  ouvrage,  malheureusement  perdu, 
où  il  s'efforçait  de  donner  aux  enfants  une  idée  de  la  nature, 
des  arts  et  des  sciences.  «  J'espère,  disait-il,  leur  rendre 
la  lecture  plus  utile  et  plus  amusante  par  le  secours  des 
figures.  »  C'était  revenir  à  jla  tradition  de  Coménius  et 
devancer  tous  les  écrivains  pédagogiques  qui  de  notre  temps 
présentent  aux  enfants  des  leçons  de  choses  et  des  images. 
Les  OEuvres  de  Du  Marsais  ont  été  publiées  en  sept 
volumes  (Paris,  1797). 

DUMAS  (Martial),  poète  séraphique,  plus  connu  sous 
son  nom  de  religion  qui  était  le  P.  Martial  de  Brive,  né 
dans  cette  petite  ville  du  Bas-Limousin  (aujourd'hui  dép. 
de  la  Corrèze)  tout  à  la  fin  du  xvi^  ou  au  commence- 
ment du  xvii^  siècle,  mort  en  1652  ou  en  1653  (non 


—  35  - 


en  1656).  Il  était  fils  d'un  lieutenant  général  au  présidial 
de  Brive,  mais  fit  ses  humanités  à  P'aris  et  son  droit  à 
Toulouse.  Entré  fort  jeune  dans  l'ordre  des  capucins  de 
Saint-François ,  il  se  consacra  à  la  prédication,  entreprit 
des  missions  dans  plusieurs  villes  du  Midi,  notamment 
à  Toulouse,  à  Limoges  (1647),  à  Agen,  et  polémisa 
même  contre  un  ministre  calviniste  deTurenne  vers  1648. 
Mais  c'est  uniquement  comme  auteur  de  cantiques  popu- 
laires et  de  paraphrases  des  psaumes  qu'il  est  connu  de 
la  postérité.  Les  avis  sont  partagés  sur  la  valeur  littéraire 
de  ces  cantiques.  Fort  goûtés  de  l'abbé  Goujet  et  de 
Ch.  Nodier,  ils  sont  tenus  pour  médiocres  par  M.  Weiss. 
M.  Clément-Simon  se  borne  à  dire  que  le  P.  Martial  «  est 
le  meilleur  des  poètes  capucins  ».  Ses  œuvres  ont  été  pu- 
bliées à  Lyon  par  Dupuys  chez  La  Bottière  en  1653  et  chez 
Fumeux  en  1655  sous  le  titre  à'OEuvres  poétiques  et 
sainctes  du  R.  P,  Martial  de  Brive,  capucin,  et  de  nou- 
veau, en  1660,  par  le  P.  Zacharie,  chez  Demasso,  sous  ce 
titre  :  le  Parnasse  séraphique  et  les  derniers  soupirs  de 
la  muse  du  R.  P.  Martial  de  Brive.  Le  P.  Martial  a 
publié  de  son  vivant,  outre  quelques-uns  des  cantiques 
réunis  en  volume  après  sa  mort,  le  Siècle  illuminé  ou 
Exercice  de  piété  (Bme,  1649,  aujourd'hui  introuvable), 
et  sous  le  pseudonyme  de  Sainte-Colombe  un  petit  dia- 
logue sacré  intitulé  Jugement  de  N.-S,-L-C,  en  faveur  de 
Marie-Magdeleine  (Paris,  1651).  A.  Leroux. 

BiBL.  :  Clément  Simon,  Martial  de  Brive,  dans  le  Bull- 
de  la  Soc.  historique  de  Brive,  1888,  X,  avec  portrait,  ex- 
traits, notice  bibliographique  et  notes  généalociques.  — 
Abbe  Arbellot,  Martial  de  Brive,  dans  le  Bull,  de  la 
Soc,  des  lettres  de  Tulle,  XI,  1889,  avec  extraits  et  notice 
bibliographique. 

DUMAS  (Louis),  écrivain  français, né  à  Nîmes  en  1676, 
mort  près  de  Paris  le  19  janv.  1744.  Fils  naturel  de  Jean- 
Louis  de  Montcalm,  sieur  de  Saint-Véran  et  de  Candiac, 
il  est  surtout  connu  par  l'invention  du  «  bureau  typogra- 
phique »,  sorte  de  machine  destinée  à  enseigner  aux  enfants 
la  lecture,  l'écriture  et  la  grammaire  tout  en  les  amusant. 
Dumas  a  écrit  :  Art  de  composer  toutes  sortes  de  mu- 
siques (1711,  in-4)  ;  la  Bibliothèque  des  enfants  ou  les 
premiers  éléments  des  lettres  (1733,  3  vol.  in-4);  l'Art 
de  la  musique  enseigné  et  pratiqué  par  la  méthode 
du  bureau  typographique  (1753,  in-4)  ;  VArt  de  la 
musique  enseigné  pour  transposition  (1758,  in-4),  etc. 

DUMAS  (Gabriel-Olivier  Benoît-),  receveur  général  des 
finances  de  la  généralité  d'Orléans,  mort  à  Paris  le  20  mai 
1777  ;  célèbre  pour  la  fortune  colossale  dont  il  avait  hérité 
de  son  frère  Benoît  Benoît-Dumas,  l'un  des  directeurs  de 
la  Compagnie  des  Indes,  et  plus  encore  pour  les  revendi- 
cations dont  cette  fortune  n'a  cessé  d'être  l'objet  jusqu'à 
nos  jours^  Un  arrêt  de  la  Chambre  du  domaine,  du 
27  mai  1777,  ayant  adjugé  au  roi  cette  succession  à  titre 
de  bâtardise  et  de  déshérence,  cette  décision  n'a  cessé 
depuis  lors  d'être  attaquée  devant  les  tribunaux  par  une 
foule  de  gens  qui,  le  plus  souvent  à  l'instigation  d'agents 
d  affaires,  prétendent  prouver  à  la  fois  la  légitimité  de  la 
naissance  de  Benoît-Dumas  et  la  filiation  qui  justifie  leurs 
prétentions. 

DUMAS  (Guillaume-Mathieu,  comte),  général  et  homme 
politique  français,  né  à  Montpellier  le  23  nov.  1753,  mort 
à  Pans  le  16  oct.  1837.  Fils  d'un  trésorier  des  finances 
a  Montpelher,  il  était  capitaine  de  chasseurs  en  1776.  En 
1780,  il  suivit  le  comte  de  Bochambeau,  comme  aide  de 
camp,  en  Amérique  où  il  participa  brillamment  à  la  guerre 
de  l'Indépendance.  Bevenu  en  France  avec  le  grade  de 
major,  il  fut  chargé  d'aller  faire,  dans  les  échelles  du 
Levant,  une  reconnaissance  des  principaux  points  mili- 
taires. En  mission  en  Allemagne  et  dans  les  Pays-Bas 
pour  observer  l'insurrection  hollandaise,  il  fut  ensuite 
promu  colonel  et  nommé  directeur  du  Dépôt  de  la  guerre, 
puis  aide  de  camp  du  maréchal  de  Broglie.  Il  prit  parti 
pour  la  Bévolution,  devint  aide  de  camp  de  La  Fayette, 
commissaire  pour  la  formation  du  dép.  de  Seine-et-Marne, 
puis  à  Montauban,  à  Nîmes  et  en  Alsace.  En  juin  1791, 


DUMAS 


il  fut  adjoint  aux  commissaires  de  la  Constituante  chargés 
de  ramener  le  roi,  et  nommé  ensuite  maréchal  de  camp. 
Député  de  Seine-et-Oise  à  l'Assemblée  législative,  il  fit 
partie  du  comité  militaire  et  se  signala  par' son  éloquence 
claire  et  instructive.  Le  20  avr.  1792,  il  fut  un  des  sept 
qui  votèrent  contre  la  déclaration  de  guerre.  Son  attitude 
«  feuillantine  »  le  rendit  impopulaire.  Ilcombattit  ardemment 
Brissot  et  les  Girondins.  Il  protesta  à  la  tribune  contre  les 
événements  du  20  juin  1792,  et,  le  3  juil.  suivant,  il  dé- 
fendit Louis  XVI  contre  Vergniaud.  Sa  compétence  mili- 
taire était  si  notoire  que,  jusqu'en  avr.  1793,  il  fut  em- 
ployé comme  directeur  du  dépôt  des  plans  de  campagne. 
Dénoncé  par  Albitte  {Mon,,  XVI,  83),  ilémigra  et  rentra 
après  le  9  thermidor.  Député  de  Seine-et-Oise  au  conseil  des 
Anciens,  il  y  favorisa  la  politique  des  «  Clichyens  »,  fut  pros- 
crit au  18  fructidor,  et  se  réfugia  à  Hambourg.  Après  le 
18  brumaire,  Bonaparte  le  chargea  d'organiser  l'armée  de 
réserve  de  Dijon  et  le  nomma  conseiller  d'Etat.  Général  de 
division  (l^^*  févr.  1805),  il  prit   part  à  la  campagne 
d'Austerlitz  où  il  se  signala.  Napoléon  le  donna  comme  mi- 
nistre de  la  guerre  au  roi  de  Naples,  Joseph,  qu'il  suivit 
ensuite  à  Madrid.  Rappelé  en  France,  il  prit  part  aux  ba- 
tailles d'Esshng  et  de  Wagram.  Directeur  général  de  la 
conscription  et  des  revues  (2  févr.  1810),  comte  de  l'Em- 
pire (14  févr.),  intendant  général  de  la  Grande-Armée,  il 
fut  fait  prisonnier  après  la  capitulation  de  Dresde.  Rallié 
aux  Bourbons  en  1814,  employé  par  Napoléon  pendant  les 
Cent-Jours,  disgracié  au  second  retour  de  Louis  XVIII, 
réintégré  au  conseil  d'Etat  en  1818,  exclu  de  nouveau  de 
ce  corps  en  1822,  il  fut  élu  député  par  le  premier  arron- 
dissement de  Paris  en  1828  et  favorisa  la  révolution  de 
Juillet,  au  lendemain  de  laquelle  La  Fayette  le  chargea, 
avec  le  titre  d'inspecteur  général,  de  réorganiser  les  gardes 
nationales.  Louis-Philippe  le  fit  rentrer  au  conseil  d'Etat 
et  le  nomma  pair  de  France.  Dans  les  dernières  années  de 
sa  vie,  il  rédigea  ses  mémoires  qui  ne  parurent  qu'après 
sa  mort,  sous  le  titre  Souvenirs  du  lieutenant  général 
comte  Mathieu  Dumas  de  i770  à  18S6,  publiés  par 
son  fils  (Paris,  1839,  2  vol.  in-8).  Napoléon  affectait, 
dans  ses  moments  d'impatience,  de  faire  peu  de  cas  des 
talents  militaires  de  Mathieu  Dumas  (V.  à  ce  sujet,  ses 
lettres  à  Joseph  en  1806,  au  tome  XIII  de  la  Correspon- 
dance), Mais  il  est  très  apprécié  comme  écrivain  mili- 
taire et  on  estime  son  Précis  des  événements  militaires 
ou  Essais  historiques  sur  les  campagnes  de  1199  à 
iSU  (Paris,  1816-1826,  19  vol.  in-8  et  8  atlas  in-foL). 
Cet  ouvrage  est  inachevé  :  il  s'arrête  à  la  paix  de  Tilsit 
en  1807.  F.-A.  A. 

DUMAS  (Alexandre  Davy  de  La  Pailleterie),  général 
français,  né  à  Jérémie  (Saint-Domingue)  le  25  mars  1762, 
mort  à  Villers-Cotterets  le  26  févr.  1806.  Fils  naturel 
du  marquis  de  La  Pailleterie,  il  entra  en  1786  dans  les 
dragons  de  la  Reine  et  se  signala  par  divers  exploits  qui, 
rehaussés  encore  par  sa  stature  gigantesque  et  sa  force 
herculéenne,  le  mirent  bientôt  en  lumière.  Général  de  bri- 
gade en  juil.  1793,  général  de  division  le  3  sept,  de  la 
même  année,  il  passa  successivement  au  commandement  de 
l'armée  des  Pyrénées  orientales  et  de  l'armée  des  Alpes. 
Il  se  distingua  particulièrement  par  l'assaut  du  mont 
Saint-Bernard  (24  avr.  1794)  et  la  prise  du  mont  Cenis  à 
la  baïonnette.  Général  en  chef  de  l'armée  de  l'Ouest  le 
21  juil.  1794,  il  commanda  en  1797  l'aile  droite  de  l'armée 
d'Italie,  dirigea  la  cavalerie  de  Joubert  dans  le  Tirol,  battit 
les  Autrichiens  au  pont  de  Neumarck  le  22  avr.  1797  et 
accomplit  de  tels  prodiges  de  bravoure  que  Bonaparte  le 
surnomma  l'Horatius  Codés  du  TiroL  II  prit  part  encore 
à  la  campagne  d'Egypte  (1798)  et  coopéra  à  la  prise 
d'Alexandrie.  Il  fut  fait  prisonnier  et  gardé  pendant  deux 
ans  par  le  gouvernement  des  Deux-Siciles  au  moment  où 
il  rentrait  en  France  pour  raisons  de  santé.  Depuis  il 
demeura  dans  la  vie  privée. 

DUMAS  (Charles-Louis),  médecin  français,  né  à  Lyon 
le  8  févr.  1765,  mort  à  Montpellier  le  28  mars  1813.  Reçu 


DUMAS 


—  36  — 


docteur  à  Montpellier  en  1783,  il  alla  concourir  à  Paris 
pour  plusieurs  chaires  vacantes  à  la  Faculté  de  médecine, 
mais  ne  réussit  pas  ;  on  lui  donna  la  place  de  médecin  à  la 
Charité.  En  4791,  il  passa  à  Montpellier  comme  vice-pro- 
fesseur, et  en  1792  à  Lyon,  comme  médecin  à  l'Hôlel- 
Dieu;  enfin,  en  1795,  il  fut  nommé  professeur  d'anatomie 
et  de  physiologie  à  l'Ecole  de  santé  de  Montpellier  ;  par  la 
suite  il  devint  doyen  de  la  Faculté  et  recteur  de  l'Acadé- 
mie, etc.  Des  nombreux  ouvrages  de  Dumas,  nommons 
seulement  :  Principes  de  la  physiologie,  etc.  (Paris,  1800, 
4  vol.  in-8  ;  Montpellier,  1806,  4  vol.  in-8)  ;  doctrine 
générale  des  maladies  chroniques,  etc.  (Montpellier, 
1824,  2  vol.  in-8).  Le  vitalisme  de  Dumas  était  beaucoup 
moins  abslraitque  celui  de  l'Ecole  de  Montpellier  ;  l'influence 
de  Paris  s'y  faisait  sentir.  D^  L.  Hn. 

DUMAS  1( Jean-Baptiste),  chimiste  et  homme  politique 
français,  né  à  Alais  le  44  juil.  1800,  mort  à  Cannes  le 
10  avr.  1884.  D'abord  élève  en  pharmacie  dans  sa  ville 
natale,  il  eut  la  bonne  fortune  d'aller  à  Genève  dans  la 
pharmacie  Le  Royer,  où  il  se  lia  avec  de  Candolle,  Th.  de 
Saussure,  Pictet,  J.  Prévost;  en  collaboration  avec  ce  der- 
nier, il  publia  sur  le  sang  des  recherches  qui  l'engagèrent 
à  venir  à  Paris  où  il  fut  nommé  répétiteur  du  cours  de 
chimie  de  Thénard  à  l'Ecole  polytechnique.  C'est  là  qu'il 
publia  ses  Remarques  sur  quelques  points  de  la  théorie 
atomique,  puis  ses  recherches  classiques  sur  les  densités 
de  vapeur  des  corps  simples,  sur  les  formules  de  l'alcool 
et  des  éthers,  sur  l'alcool  méthylique,  sur  l'oxamide,  etc., 
et  principalement  sur  la  théorie  des  substitutions  ;  celte 
dernière  a  pris  une  haute  importance  à  la  suite  des  nom- 
breux mémoires  de  Dumas  sur  les  types  chimiques.  Ses 
travaux  sur  la  composition  de  l'eau,  sur  celle  de  l'air,  en 
collaboration  de  Boussingault,  sur  l'acide  carbonique  avec 
Stas,  sur  le  dosage  de  l'azote,  la  découverte  d'une  nouvelle 
classe  de  corps,  les  amides,  etc.,  placent  Dumas  au  rang  des 
maîtres  les  plus  illustres  parmi  les  chimistes  du  xix^  siècle. 
En  1829,  il  fonda  l'Ecole  centrale  avec  Péclet,  Lavallié  et 
Olivier;  il  fit  à  la  Sorbonne  des  cours  brillants,  qui  eurent 
le  plus  grand  retentissement  ;  c'est  là,  notamment,  qu'il 
donna  sa  fameuse  classification   des  métalloïdes  et  qu'il 
jeta  les  bases  d'une  classification  rationnelle  des  métaux.  Il 
fut  successivement  professeur  à  l'Ecole  polytechnique  ou  il 
remplaça  Thénard  (il  le  suppléa  aussi  pendant  un  semestre 
au  Collège  de  France),  professeur  à  la  Sorbonne  et  doyen  de 
la  Faculté  des  sciences,  professeur  à  l'Ecole  de  médecine 
qu'il  abandonna  pour  laisser  la  place  à  Wurtz,  l'un  de  ses 
meilleurs  élèves,  professeur  à  l'Ecole  centrale.  Sa  parole 
facile  et  élégante  et  son  éloquence  parfois  un  peu  apprêtée 
lui  attiraient  un  grand  concours  d'auditeurs  ;  il  a  formé 
des  élèves  illustres,   tels  que  H.  Sainte-Claire  Deville, 
Wurtz,  Debray,  etc.  ;  il  fut  envoyé  parle  dép.  du  Nord  à 
l'Assemblée  législative  (1849)  et  fut  nommé  par  Louis-Na- 
poléon, ministre  de  l'agriculture  et  du  commerce  (1851), 
puis  sénateur  après  le  coup  d'Etat.  Ses  travaux  ont  été 
insérés  dans  les  Annales  de  physique  et  de  chimie  dont 
il  était  l'un  des  rédacteurs,  dans  les  Comptes  rendus  et 
Mémoires  de  V Académie  des  sciences.  Nommé  membre  de 
l'Institut  en  1832,  il  fut  élu  secrétaire  perpétuel  en  1868.  Il 
fut,  dix  ans  après,  membre  de  l'Académie  française.  Il  a  écrit 
un  Traité  de  chimie  appliquée  aux  arts  en  8  vol.;  le 
Cours  de  philosophie  chimique  (1837)  et  un  Essai  sur 
la  statique  des  êtres  organisés  (1841),  en  collaboration 
avec  Boussingault.  Ed.  Bourgoin. 

DUMAS  (Alexandre  Davy  de  La  Pâilleterie  Dumas,  dit 
Alexandre),  illustre  auteur  dramatique  et  romancier  fran- 
çais, fils  du  général  Alexandre  Dumas,  né  à  Villers-Cotterets 
(Aisne)  le  5  thermidor  an  X  (24  juil.  1802),  mort  à  Puys, 
près  de  Dieppe,  le  5  déc.  1870.  Les  divers  épisodes  de  la  vie 
de  Dumas  ont  été  tant  de  fois  contés  par  lui-même  ou  par 
d'autres  jusque  dans  leurs  moindres  détails  qu'il  suffirait 
de  résumer  brièvement  les  principales  circonstances  de  cette 
existence  si  prodigieusement  active,  ainsi  que  les  grandes 
œuvres  qui  en  marquent  les  étapes,  puis  de  grouper,  dans 


l'ordre  chronologique,  et  par  leur  nature  même,  les  autres 
écrits  de  Dumas,  dont  la  paternité  lui  a  été  contestée,  ou 
ceux-là  même  qu'on  pourrait,  de  son  propre  aveu,  retran- 
cher de  son  avoir.  La  bibliographie  placée  à  la  suite  de  cet 
article  permettra  d'ailleurs  à  ceux  qui  voudront  approfondir 
cette  double  étude  de  consulter  les  sources  auxquelles  il 
leur  faudra  puiser. 

Restée  veuve  en  1806  et  réduite  aux  modiques  ressources 
que  lui  concédait  le  titre  de  son  mari,  W^^  Dumas  ne  put 
faire  donner  au  fils  issu  de  cette  union  qu'une  éducation 
extrêmement  sommaire  et  incomplète.  L'enfant  tenait,  par 
contre,  de  son  père,  une  constitution  athlétique,  une  apti- 
tude naturelle  à  tous  les  exercices  du  corps  et  une  santé 
robuste.  Les  premiers  chapitres  de  ses  Mémoires  renfer- 
ment de  nombreuses  preuves  de  ce  triple  privilège,  dont 
Dumas  se  montre  presque  aussi  fier  que  de  ses  dons  intel- 
lectuels et  qui  favorisèrent  singulièrement  les  frasques  de  son 
adolescence,  longuement  contées  aux  mêmes  pages.  D'abord 
clerc  d'avoué  à  ' Villers-Cotterets,  puis  à  Crépy-sur-Oise,  il 
vint  en  1823  à  Paris  solliciter  l'appui  des  anciens  compa- 
gnons d'armes  de  son  père,  ralliés,  pour  la  plupart,  à  la 
Restauration.  Econduit  de  divers  côtés,  il  ne  fut  accueilli 
avec  bienveillance  que  par  un  membre  de  l'opposition,  le 
général  Foy  qui,  aussi  frappé  de  ses  talents  de  calhgraphe 
qu'aftligé  de  son  ienorance,  lui  procura  une  place  d'expé- 
ditionnaire dans  les  bureaux  de  la  chancellerie  du  duc 
d'Orléans.  Le  jeune  homme,  qui  se  proposait  bien  un  jour 
de  vivre  de  sa  plume,   se  trouva  néanmoins  fort  heureux 
de  devoir  à  son  écriture  un  traitement  de  1,200  fr.  qui  lui 
permettait  de  ne  plus  être  à  la  charge  de  sa  mère  et  lui 
laissait  assez  de  loisirs  pour  apprendre  tout  ce  qu'il  ne 
savait  pas  et  nommément  l'histoire  de  France.  Bientôt  il 
osa  faire  imprimer  ses  premiers  essais  :  une  Elégie  sur  la 
mort  du  général  Foy  (1825,  in-8)  ;  un  dithyrambe  en 
l'honneur  de  Cajiaris  (1826,  in-12)  et  un  petit  volume 
de   Nouvelles  contemporaines  (1826,  in-12).  En  même 
temps,  il  collaborait  à  deux  vaudevilles,    la  Chasse  et 
r Amour  (Ambigu-Comique,  22  sept.  1825)  et  la  Noce 
et  r  Enterrement  (Porte  Saint-Martin,  21  nov.  1826), 
tous  deux  signés  Davy  et  dont  il  partagea  les  minces  pro- 
fits avec  son  camarade  de  jeunesse,  Adolphe  de  Ribbmg  (de 
Leuven),  James  Rousseau,  Lassagne  et  Gustave  Vulpian. 
D'autres  tentatives  dramatiques  plus  sérieuses,  tirées  de  la 
conjuration  de  Presque  ou  de  l'épisode  des  Gracques,   de- 
meurèrent alors  inédites,  tandis  qu'un  passage  d'Anquetil 
lui  inspirait  le  drame  d'où  datent  ses  véritables  débuts  : 
Henri  III  et  sa  cour  (cinq  actes,  en  prose),  représenté 
sur  le  Théâtre-Français  le  11  févr.  1829,  et  demeuré 
depuis  au  répertoire,  lui  valut  de  véritables  ovations  ;   le 
duc  d'Orléans,  bien  que  fort  peu  sympathique  à  son  subor- 
donné, ne  dédaigna  pas  de  donner  lui-même  le  signal  des 
applaudissements  et  le  nomma  bibliothécaire  adjoint  aux 
appointements  annuels  de  1,500  fr.  Alexandre  Dumas  avait 
écrit  avant  Henri  HI  un  autre  drame  reçu  dès  le  30  avr. 
1828  par  le  comité  du  même  théâtre  et  dont  diverses  cir- 
constances avaient  fait  ajourner  la   représentation  :  ce 
drame,  c'était  Christine  ou  plutôt,  pour  lui  donner  le  titre 
sous  lequel  il  fut  définitivement  joué  à  l'Odéon  le  30  mars 
1830,  Stockholm,  Fontainebleau  et  Rome,  trilogie  en 
cinq  actes  et  en  vers,  avec  prologue  et  épilogue.  Son  succès 
ne  fut  pas  moins  vif  que  celui  de  Henri  ///,  et  Dumas  se  vit 
dès  lors  considéré  comme  l'émule  de  Victor  Hugo  ;  mais 
cette  rivalité  n'avait  pas  encore  altéré  leurs  bons  rapports 
personnels.  Convié  par  Hugo  à  une  lecture  de  Marion  De- 
lorme,  alors  arrêtée  par  la  censure,  il  avoua  hautement 
son  admiration  ;  de  son  côté,  dit-on,  Victor  Hugo  aurait, 
aidé  d'Alfred  de  Vignv,  retouché  une  centaine  de  vers  de 
Christine,  mal  accueillis  le  soir  de  la  première  représen- 
tation. 

Dumas  avait  depuis  quelques  mois  dit  pour  toujours 
adieu  à  la  vie  administrative  et  travaillait  à  plusieurs 
drames  lorsque  éclata  la  révolution  de  1830.  Il  fit  le  coup 
de  feu  parmi  les  insurgés  et,  sur  l'ordre  de  La  Fayette, 


—  37 


DUMAS 


se  rendit  en  hâte  à  Soissons  où,  avec  le  concours  de  quel- 
ques habitants,  il  protégea  une  importante  poudrière  et  en 
assura  la  possession  au  parti  vainqueur.  Puis  il  partit  pour 
la  Vendée  avec  mission  d'y  provoquer  la  formation  d'une 
garde  nationale  chargée  de  défendre  le  pays  contre  une 
nouvelle  chouannerie  que  tout  pouvait  faire  craindre.  Admis 
au  retour  à  faire  connaître  au  roi  lui-même  son  im- 
pression sur  l'état  des  esprits,  Dumas  ne  lui  dissimula  pas 
combien  le  remède  lui  semblait  dangereux  et  insista  sur  la 
nécessité  d'ouvrir  à  travers  le  Bocage  et  le  Marais  des  voies 
de  communicalion  qui  rendraient  plus  difficile  la  guerre 
civile  qu'on  redoutait.  Bien  que  le  second  de  ses  conseils 
ait  été  suivi  plus  tard,  le  résultat  de  rencjuête  ne  raffermit 
point  le  crédit  de  Dumas  auprès  de  Louis -Philippe  ;  son 
élection  de  capitaine  dans  l'artillerie  de  la  garde  nationale 
parisienne,  devenue  l'un  des  foyers  de  l'opposition  à  la 
monarchie  du  9  août,  une  visite  intempestive  aux  Tuileries 
avec  l'uniiorme  de  ce  corps  supprimé  par  décret  la  veille 
même,  le  refus  de  prestation  de  serment  exigé  pour  la 
remise  du  brevet  et  des  insignes  de  la  croix  de  Juillet,  la 
présence  de  Dumas  aux  obsèques  du  général  Lamarque, 
prélude  des  journées  des  5  et  6  juin  4832,  tels  sont  les 
principaux  épisodes  de  cette  période  de  politique  militante 
à  laquelle,  par  bonheur,  Dumas  ne  tarda  pas  à  renoncer, 
mais  qu'il  fallait  rappeler  sommairement  ici. 

Une  violente  passion  conçue  pour  M°^^  Mélanie  Waldor 
(fille  de  Yillenave),  et  à  laquelle  celle-ci,  mariée  à  un 
officier,  ne  pouvait  légalement  répondre,  inspira  à  Dumas 
ce  drame  où,  sous  le  nom  d'Antony,  il  s'est  peint  lui- 
même,  a-t~il  dit,  «  moins  l'assassinat  »  et  où  il  a  peint, 
sous  le  nom  d'Adèle  Hervey,  la  maîtresse  adorée,  «  moins 
la  fuite  »,  et  qui,  merveilleusement  interprété  par  Bocage 
et  M"^^  Dorval  (Porte-Saint-Martin,  3  mai  1834),  obtint 
alors  une  centaine  de  représentations.  En  4834,  il  fut 
question  de  le  transporter  à  la  Comédie-Française,  mais  un 
article  du  Constitutionnel  le  dénonça  comme  immoral  ; 
l'interdiction,  alors  prononcée  par  le  ministre  de  l'inté- 
rieur, fut  levée  seulement  à  la  fin  du  second  Empire,  et  de 
nos  jours  Antony  a  repris  sa  place  dans  la  série  des 
matinées  classiques  organisées  par  l'Odéon.  De  4834  à 
4843,  et  sans  préjudice  des  autres  œuvres  qui  seront 
rappelées  plus  loin,  Dumas  occupa  les  diverses  scènes  de 
Paris  avec  les  pièces  suivantes  :  Napoléon  Bonaparte  ou 
Trente  Ans  de  l'histoire  de  France,  drame  en  six  actes 
(Odéon,  40  janv.  4834),  écrit  en  huit  jours  chez  Harel  qui 
retenait  l'auteur  en  chartre  privée  ;  Charles  VU  chez  ses 
grands  vassaux,  tragédie  en  cinq  actes  (Odéon,  "20 
oct.  4834),  mal  accueillie  du  public,  malgré  des  beautés  de 
premier  ordre;  Richard  Darlington,  drame  en  trois  actes 
et  en  prose  avec  un  prologue  (Porte-Saint-Martin,  40  déc. 
4831  ),  dû  à  la  collaboration  de  Beudin  et  de  Goubaux  qui  en 
avaient  fourni  à  Dumas  l'idée  première,  empruntée  aux 
Chroniques  de  la  Canongate  de  Walter  Scott,  et  où 
Frederick  Lemaître  déploya  un  talent  prodigieux  ;  Ter é sa, 
drame  en  cinq  actes  (Opéra-Comique,  Théâtre- Ventadour, 
6  févr.  4832)  dont  le  scénario  primitit  était  d'Anicet-Bour- 
geois  ;  le  Mari  de  la  Veuve,  comédie  en  un  acte  et  en  prose 
(Théâtre-Français,  4  avr.  1832),  avec  la  collaboration 
d'Anicet-Bourgeois  et  de  Durrieu  qui  ne  furent  point  nommés 
sur  le  titre  de  la  brochure  ;  la  Tour  de  JSesle,  drame  en  cinq 
actes  et  neuf  tableaux  (29  mai  4832),  l'un  des  succès  les 
plus  retentissants  et  les  plus  prolongés  du  théâtre  contem- 
porain, mais  qui  souleva  entre  Frédéric  Gaillardet,  auteur 
du  texte  primitif,  Jules  Janin  qui  l'avait  retouché  et  Dumas 
qui  avait  presque  entièrement  récrit  la  pièce,  une  polémique 
terminée  par  un  duel  avec  le  premier  et  par  un  procès  ; 
Catherine  Howard,  drame  en  cinq  actes  (Porte-Saint- 
Martin,  2  avr.  4834),  tiré  par  Dumas  d'un  autre  drame 
resté  inédit  et  miiiulé  Edith  aux  longs  cheveux;  Ange  le, 
drame  en  cinq  actes  (Porte-Saint-Martin,  28  déc.  4833), 
avec  la  collaboration  d'Anicet-Bourgeois;  Don  Juan  de 
Marana  ou  la  Chute  d'un  ange,  mystère  en  cinq  actes, 
musique  de  Paccini  (Porte-Saint-Martin,  30  avr.  4836), 


imité  en  partie  des  Ames  du  Purgatoire  de  Prosper  Mé- 
rimée; ir<?an,  comédie  en  dnq  actes  et  en  prose  (Variétés, 
34  août  4836),  autre  grana  succès  de  Frederick  Lemaître 
qui  se  renouvela  plus  tard  à  l'Ambigu  et  à  la  Porte-Saint- 
xMartin  ;  Piquillo,  opéra-comique  en  trois  actes  avec  Gé- 
rard de  Nerval,  musique  de  Monpou  (Opéra-Comique,  34  oct. 
4837);  Caligula,  tragédie  en  cinq  actes  et  en  vers  avec 
prologue  (Théâtre-Français,  26  déc.  1837),  dont  la  chute 
rappela  celle  de  Charles  VU  et  n'est  pas  mieux  justifiée  ; 
PaulJones,àrsLme  en  cinq  actes  (Panthéon,  8  oct.  4838), 
représenté  contre  le  gré  de  l'auteur  qui  avait  laissé  le  ma- 
nuscrit à  l'agence  dramatique  Porcher  en  nantissement 
d'un  prêt;  Mademoiselle  de  Belle- Isle,  drame  en  cinq 
actes  et  en  prose  (Théâtre-Français,  2  avr.  4839),  resté 
au  répertoire;  l' Alchimiste,  drame  en  cinq  actes  en  vers 
(Renaissance,  40  avr.  4839),  auquel,  selon  Quérard,  Gérard 
de  Nerval  et  Cordellier-Delanoue  auraient  collaboré  ;  Ba- 
thilde,  drame  en  trois  actes  et  en  prose  (salle  Ventadour, 
44  janv.  4839),  avec  Auguste  Maquet  (seul  nommé  sur 
l'affiche  et  sur  la  brochure)  et  CordeHier-Delanoue  ;  Un 
Mariage  sous  Louis  XV,  comédie  en  cinq  actes,  avec 
Leuven  et  Brunswick  (Théâtre-Français,  4®"^  juin  4844), 
restée  aussi  au  répertoire;  Lorenzino, dvsime  en  cinq  actes 
et  en  prose,  avec  les  mêmes  collaborateurs  (Théâtre- 
Français,  24  févr.  4842);  Halifax,  comédie  en  trois  actes 
en  prose  avec  prologue  (Variétés,  2  déc.  4842);  les  De- 
moiselles de  Saint'Cyr,  comédie  en  cinq  actes  et  en  prose, 
avec  Leuven  et  Brunswick  (Théâtre -Français,  25  juil. 
4843),  qui  provoqua  entre  le  principal  auteur  et  Jules 
Janin  une  polémique  violente  et  qui,  mal  accueillie  le  soir 
de  la  première  représentation,  trouva  un  peu  plus  tard  et 
garda  le  succès  dont  elle  était  digne  ;  Louise  Bernard. 
drame  en  cinq  actes  et  en  prose,  avec  Leuven  et  Brunswick 
(Porte-Saint-Martin,  48  nov.  1843);  le  Laird  de  Dum- 
bicky,  comédie  en  cinq  actes  et  en  prose,  avec  les  mêmes 
(Odéon,  30  déc.  1843);  le  Garde  forestier,  comédie  en 
deux  actes  en  prose  avec  les  mêmes  (Variétés,  15  mars 
4845).  En  dépit  de  sa  longueur,  cette  liste  ne  renferme  que 
les  pièces  signées  par  Dumas,  avouées  par  lui  ou  réim- 
primées dans  les  deux  éditions  collectives  de  son  Théâtre 
(1834-1836,  6  vol.  in-8,  ou  1863-1874,  15  vol.  in-42), 
mais  non  celles  qu'il  tira  de  la  plupart  de  ses  romans. 

Il  nous  faut  maintenant  revenir  en  arrière  et  rappeler 
les  titres  des  principaux  récits  qui  ont  tour  à  tour  distrait, 
ému  ou  charmé  deux  ou  trois  générations  et  qui  se  sub- 
divisent en  impressions  de  voyages,  en  romans  et  en  chro- 
niques historiques. 

Dumas  a  lui-même  raconté  comment,  après  l'insurrection 
de  juin  4832  et  une  atteinte  de  choléra,  dont  il  se  ressentit 
d'ailleurs  une  partie  de  sa  vie,  les  médecins  et  ses  amis  lui 
conseillèrent  de  quitter  Paris  durant  quelques  mois.  De  cette 
première  excursion  à  travers  la  Bourgogne  et  la  Suisse  datent 
ces  fameuses  Impressions  de  voyage  qui  forment  l'une 
des  parties  les  plus  attrayantes  de  son  œuvre  et  qui  ont  si 
légitimement  contribué  à  sa  popularité.  Ce  sont,  dans  l'ordre 
chronologique  :  Impressions  de  voyage  [en  Suisse]  (1833, 

5  vol.  in-8)  ;  Excursions  sur  les  bords  du  Rhin  (1841, 
3  vol.  in-8);  Une  Année  à  Florence  (1840,  2  vol.  in-8); 
Nouvelles  Impressions  de  voyage  [Midi  de  la  France] 
(4844,  3  vol.  in-8)  ;  le  Speronare  (1842,  4  vol.  in-8), 
voyage  en  Sicile  avec  le  peintre  Jadin  et  son  bouledogue 
Mylord;  le  Corricolo  (1843,  4  vol.  in-8);  et  la  Villa 
Palmieri  (1843,  2  vol.  in-8),  relatifs  au  même  séjour 
dans  le  sud  de  l'Italie;  De  Paris  à  Cadix  (1848,  5  vol. 
in-8);  le  Véloce  ou  Tanger,  Alger' et  Tunis (iS^S,  4  vol. 
in-8)  qui  forme  la  suite  du  précédent;  'le  Caucase  {iS^9, 
in-4);  De  Paris  à  Astrakan  (1860,  3  vol.  in-42),  réimpr. 
sous  le  titre  collectif  de  :  En  R^sie.  A  cette  âérie  se  rat- 
tachent, sans  en  faire  cependant  partie  :  l'ouvrage  intitulé 
Quinze  Jours  au  Sinaï  (4^32+  2  vol.  in-8),  rédigé  sur 
les  notes  du  peintre  Dauzats,  ainsi  que  l'Arabie  heureuse, 
pèlerinage  d'Hadji-Abd-el-Hamid-Bey  [Du  Couret]  (4855, 

6  vol.  in-8,  ou  4860,  3  vol.  in-8)  {les  Baleinier  s,  journad 


DUMAS 


38  - 


d'un  voyage  aux  Antipodes  par  le  D^  Félix  Maynard  (1861 , 
2  vol.  in-12)  et  le  Journal  de  M""®  Giovanni  à  Taïti,  aux 
îles  Marquises  et  en  Californies(1855,  4  vol.  in-8),  pré- 
sentés comme  revus  et  mis  en  ordre  par  Alex.  Dumas, 
sans  que  sa  collaboration  soit  parfaitement  établie. 

C'est  par  de  courtes  nouvelles  que  débuta  le  romancier 
qui  devait  entreprendre  et  mener  à  leur  fin  les  plus  lon- 
gues et  les  plus  captivantes  inventions  de  la  littérature 
moderne.  Le  Cocher  de  cabriolet.  Blanche  de  Beaulieu 
(déjà  publiée  dans  les  Nouvefles  contemporaines),  Cheru- 
hino  et  Celestini,  Antonio,  Maria,  et  le  Bal  masqué, 
Jacques  1^^  et  Jacques  II  ont  été  réimprimés  sous  le  titre 
de  Souvenirs  d'Antony  (1835,  in-8);  Pauline  et  Pas- 
cal Bruno  ont  reçu  le  titre  collectif  de  la  Salle  d'armes 
(1838,  2  vol.  in-8).  Viennent  ensuite  des  œuvres  de  plus 
longue  haleine  :  le  Capitaine  Paul  (1838,  2  vol.  in-8), 
dont,  si  l'on  en  juge  par  un  ex-dono  de  Dumas,  l'idée  pre- 
mière appartiendrait  à  Dauzats  ;  Acte,  suivi  de  Monsei- 
gneur Gaston  de  Phebus  (1839,  2  vol.  in-8)  ;  Aventures 
de  John  Davy  (1840,  4  vol.  in-8)  ;  le  Capitaine  Pam- 
phile  (1840,  2  vol.  in-8)  ;  Maître  Adam  le  Calabrais 
(1840,  in-8)  ;  Othon  V Archer  (1840,  in-8)  ;  Aventures 
deLyderic  (1842,  in-8)  ;  Praxède,  suivi  de  Bon  Martin 
de  Freytas  et  de  Pierre  le  Cruel  (1841,  in-8)  ;  Georges 
(1843,  3  vol.  in-8),  dont,  selon  Mirecourt,  Félicien  Male- 
fille  aurait  pu  revendiquer  la  paternité;  Ascanio  (1843, 
5  vol.  in-8),  sur  lequel,  toujours  d'après  le  même  pam- 
phlétaire, M.  Paul  Meurice  aurait  pu  faire  valoir  les  mêmes 
droits;  le  Chevalier  d'Harmental  (1843,  4  vol,  in-8), 
d'où  date  Talliance  intime,  féconde  et  hautement  avouée 
par  le  premier,  de  Dumas  et  de  Maquet  à  laquelle  on  a  dû 
successivement  :  Sylvandire  (1844,  3  vol.  in-8)  ;  les 
Trois  Mousquetaires  (1844, 8  vol.  in-8),  le  plus  amusant 
et  le  plus  célèbre  des  romans  de  cape  et  d'épée  et  ses  deux 
suites  dignes  de  leur  aîné:  Vingt  Aîis  après  (1845, 
10  vol.  in-8)  et  Dix  Ans  plus  tard  ou  le  Vicomte  de  Bra- 
gelonne (1848-1850,  26  vol.  in-8);  le  Comte  de  Monte- 
Cristo  (1844-1845, 12  vol.  in-8),  dont  Fiorentino  réclamait 
une  part  formellement  niée  par  Dumas  et  restée  inconnue  à 
Maquet  ;  Une  Fille  du  Bégent  (1845,  4  vol.  in-8)  ;  la 
Reine  Margot  (1845,  6  vol.  in-8)  ;  la  Guerre  des  femmes 
(1845-1846,  8  vol.  in-8)  :  le  Chevalier  de  Maison-Bouge 
(1846,6  vol.  in-8)  ;  la  Dame  de  Monsoreau  (1846, 
8  vol.  in-8)  ;  le  Bâtard  de  Mauléon  (1846,  9  vol.  in-8)  ; 
Mémoire  d'un  médecin  (1846-1848,  19  vol.  in-8)  et  ses 
deux  suites  :  Ange  Pitou  (1853,  8  vol.  in-8)  et  la  Com- 
tesse de  Charny  (1853-1855, 19  vol.  in-8);  les  Quarante- 
Cinq,  suite  et  fin  de  la  Dame  de  Monsoreau  (1848, 
10  vol.  in-8).  Alex.  Dumas,  qui  se  flattait  «  d'avoir  des 
collaborateurs  comme  Napoléon  a  eu  des  généraux  »,  eut 
recours  encore  à  Hipp.  Auger  pour  Fernande  (1844, 

3  vol.  in-8),  à  M.  Paul  Meurice  pour  Amaury  (1844, 

4  vol.  in-8),  à  Paul  Lacroix  pour  les  Mille  et  un  Fan- 
tômes (1849,  2  vol.  in-8),  la  Femme  au  collier  de 
velours  (1851,  2  vol.  in-8),  et  pour  Olympe  de  Clèves 
(1852,  9  vol.  in-8),  etc.  Parfois  même  il  lui  est  arrivé 
de  mettre  ou  de  laisser  mettre  son  nom  sur  la  couver- 
ture de  livres  qu'il  n'avait  pas  même  lus,  ainsi  qu'il  l'a 
reconnu  plus  tard  pour  /^.s  Deux  Diane  de  M.  Paul 
Meurice  (1846-1847,  10  vol.  in-8),  ou  pour  le  Chas- 
seur de  Sauvagine  de  M.  G.  de  Cherville  (1859,  2  vol. 
in-8),  où  sa  part  effective  se  réduisit,  dit-il,  à  mettre 
un  point  sur  Vi  du  dernier  mot  du  titre.  En  revanche,  on 
ne  lui  a  jamais  disputé  plusieurs  autres  romans  moins  cé- 
lèbres, il  est  vrai,  que  ceux  dont  les  titres  sont  rappelés 
plus  haut  :  Gabriel  Lambert  (1844,  2  vol.  in-8)  ;  le 
Château  d'Eppstein  (1844,  3  vol.  in-8)  ;  Cécile  (1844, 
2  vol.  in-8);  les  Frères  Corses  (1845,  2  vol.  in-8), 
émouvant  récit,  dédié  à  Prosper  Mérimée. 

Malgré  cette  production  sans  exemple  et  qui  dépassait 
tout  ce  que  la  cervelle  et  même  la  main  humaine  avaient 
pu  jusqu'alors  concevoir  et  exécuter,  en  dépit  des  procès 
suscités,  et  le  plus  souvent  gagnés  par  les  directeurs  de 


journaux  dont  les  traités  restaient  en  souffrance,  Dumas 
trouvait  encore  le  temps  de  surveiller  la  construction  de  la 
villa  de  Monte-Cristo,  près  de  Saint-Germain ,  et  qui  en- 
gloutit une  partie  des  sommes  fabuleuses  que  lui  rapportait 
sa  plume,  de  parcourir  d'oct.  1846  à  janv.  1847  l'Espagne 
et  l'Algérie,  en  compagnie  de  son  fils,  de  Maquet,  de  Louis 
Boulanger,  de  Desbarolles  et  d'Eugène  Giraud,  de  prendre 
enfin  la  direction  du  Théâtre-Historique  dont  le  duc  de 
Montpensier  lui  avait  fait  obtenir  la  concession  et  où  il  se 
proposait  «  d'offrir  chaque  soir  au  peuple  une  page  de  notre 
histoire  ».  L'inauguration  en  eut  lieu  le  20  févr.  1847  avec 
la  Beine  Margot,  drame  en  cinq  actes  et  treize  tableaux, 
tiré  du  roman  portant  le  même  titre,  avec  le  concours 
d'Auguste  Maquet  qui,  outre  deux  adaptations  antérieures 
des  Mousquetaires  (Ambigu,  27  oct.  1845),  et  de  la 
Fille  du  Bégent  (Théâtre-Français,  14  avr.  1846),  pro- 
duisit dans  les  mêmes  conditions  :  le  Chevalier  de  Maison- 
Bouge  (Théâtre-Historique,  5  août  1847),  dont  le  souvenir 
s'est  perpétué  par  le  fameux  refrain  Mourir  pour  la 
patrie!  devenu  peu  après  le  chant  patriotique  de  1848  ; 
Monte-Cristo,  drame  en  quatorze  tableaux  divisés  en  deux 
«  soirées  »,  innovation  assez  malheureuse,  suivie  plus  tard 
de  deux  autres  «  soirées  »  :  le  Comte  de  Morcerf  et 
Ville  fort  (1851);  Catilina,  drame  en  cinq  actes  (Théâtre- 
Historique,  14  oct.  1848);  la  Jeunesse  des  Mousque- 
taires, drame  en  cinq  actes  et  quatorze  tableaux,  avec  pro- 
logue et  épilogue  (Théâtre-Historique,  10  févr.  1849),  l'un 
des  grands  succès  de  Mélingue  ;  la  Guerre  des  femmes, 
drame  en  cinq  actes  et  dix  tableaux  (avr.  1849)  ;  le  Che- 
valier d'Harmental,  drame  en  cinq  actes  et  dix  tableaux 
(Théâtre-Historique,  26  juil.  4849);  Urbain  Grandier, 
drame  en  cinq  actes,  avec  prologue  (Théâtre-Historique,  30 
mars  1850).  C'est  sur  la  même  scène  que  furent  encore 
représentés  le  Comte  Hermann,  drame  en  cinq  actes 
(22  nov.  1849),  interprété  par  Méhngue,  Laferrière  et 
Rouvière,  et  une  adaptation  à'Hamlet,  en  cinq  actes  et  en 
vers,  qu'il  a  signée  avec  M.  Paul  Meurice  et  qui  figure  au 
répertoire  actuel  de  la  Comédie-Française  (15  déc.  1847). 
La  révolution  de  févr.  1848  ne  fut  pour  Dumas  qu'une 
suite  de  déceptions  et  le  signal  du  déclin  de  son  extraor- 
dinaire fortune.  Collaborateur  d'une  feuille  quotidienne 
éphémère,   la  Liberté  (mars-juin  1 848) ,  et  fondateur 
d'une  revue  politique  intitulée  le  Mois  (15  avril),  qui 
n'eut  pas  une  destinée  beaucoup  plus  brillante,  candidat 
malheureux  dans  Seine-et-Oise  et  dans  l'Yonne,  bientôt 
menacé  dans  la  source  principale   de  ses  revenus   par 
l'amendement  Riancey  qui  assujettissait  à  un  droit  fiscal  le 
roman-feuilleton,  traqué  par  ses  créanciers  personnels  et 
par  ceux  du  Théâtre-Historique,  dont  la  crise  que  l'on 
traversait  avait  entraîné  la  fermeture,  il  quitta  Paris  vers 
la  fin  de  1851  et  vint  se  fixer  à  Bruxelles  où  il  demeura 
jusqu'en  1854.  C'est  là  qu'il  écrivit  :  Un  Gil  Blas  en 
Californie  (1852,  2  vol.  in-8)  ;  Mes  Mémoires  (1852- 
1854,  22  vol.  in-8)  ;  Isaac  Laquedem  (1852,  2  vol. 
in-8),  sorte  de  contre-partie  du  Juif-Errant  d'Eugène 
Sue,  annoncée  comme  devant  former  trente  volumes,  mais 
qui  fut  arrêtée  par  la  censure  impériale  ;  le  Pasteur 
d'Ashbourn  (1853,  8  vol.  in-8);  El  Saltéador  (1853, 
3  vol.  in-8);  Conscience V Innocent  (1853,  5vol.  in-8)  ; 
Catherine  Blum  (1854,  2  vol.  in-8);  Ingénue  (1854, 
7  vol.  in-8),  dont  la  publication  dans  le  Siècle  fut  interrom- 
pue sur  la  réclamation  d'un  descendant  de  Restif  de  la  Bre- 
tonne ;  les  Mohicans  de  Paris  (1854-1858, 19  vol.  in-8), 
dont  Paul  Bocage  fut  le  collaborateur,  ainsi  que  pour  Sal- 
vator  (1855-1859,  4  vol.  in-8),  qui  en  forme  la  suite. 
Grâce  au  dévouement  de  M.  Noël  Parfait,  ancien  repré- 
sentant du  peuple,  exilé  par  le  coup  d'Etat  et  qui  avait 
remis  quelque  ordre  dans  les  finances  de  Dumas,  celui-ci 
put,  à  son  retour  en  France,  retrouver  une  tranquillité 
relative.  De  1854  à  1860,  il  fonda  et  dirigea  le  Mousque- 
taire, devenu,  en  1857,  le  Monte-Cristo,  «  rédigé  par 
M.  Dumas  seul  »,  fit  représenter  Bomulus,  comédie  en  un 
acte  et  en  prose  (Théâtre-Français,  15  janv.  1854),  dont 


0.  Feuillet  et  Paul  Bocage  furent  les  collaborateurs;  la 
Jeunesse  de  Louis  X/F,  comédie  en  cinq  actes  et  en 
prose,  reçue  mais  non  jouée  au  Théâtre-Français,  repré- 
sentée au  Vaudeville  à  Bruxelles  le  20  janv.  1864  et 
reprise  en  1874  à  TOdéon;  la  Conscience^  drame  en  cinq 
actes  (Odéon,  7  nov.  1854)  ;  VOrestie,  tragédie  en  trois 
actes  et  en  vers  (Porte-Saint-Martin,  5  janv.  1856)  ;  le  Ver- 
rou de  la  reine ^  comédie  en  trois  actes  (Gymnase, 
5  déc.  1856),  intitulée  d'abord  la  Jeunesse  de  Louis  XV 
et  remaniée  après  son  interdiction  par  la  censure  ;  V Invi- 
tation à  la  valse ^  comédie  en  un  acte  (ibid.^  3  août  1857); 
V Honneur  est  satisfait^  comédie  en  un  acte  {ibid,^  19  juin 
1858)  ;  les  Gardes  forestiers^  drame  en  cinq  actes  (Grand- 
Théâtre  de  Marseille,  23  mars  1858),  tiré  de  Catherine 
Blum,  roman  cité  plus  haut  ;  la  Dame  de  Monsoreau, 
drame  en  cinq  actes  avec  prologue  (Ambigu,  10  nov. 
1860),  le  dernier  et  Pun  des  meilleurs  que  Maquet  ait 
signés  avec  lui  ;  enfin,  il  écrivit  deux  de  ses  meilleurs 
romans,  les  Compagnons  de  Jéhu  (1857,  7  vol.  in-8), 
et  les  Louves  de  Machecoul  (1859,  10  vol.  in-8). 

Le  voyage  de  Dumas  en  Italie  (1860),  la  part  plus  ou 
moins  effective  qu'il  prit  à  l'expédition  de  Garibaldi  en 
Sicile,  son  séjour  à  Naples  de  1860  à  1864  inaugurent  le 
début  de  la  dernière  période  de  sa  vie.  Les  œuvres  s'y 
succèdent  encore,  de  plus  en  plus  hâtives  et  improvisées"^, 
et  sans  qu'à  de  rares  exceptions  près,  on  y  sente  percer, 
comme  jadis,  l'ongle  du  lion.  Il  suffira  de  citer  :  Madame 
de  Chamblay  (1863,  2  vol.  in- 12),  dont  Pauteur  tira  un 
drame  en  1868  (Porte-Saint-Martin)  ;  les  Mohicans  de 
Paris,  drame  en  cinq  actes  (Gaîté,  20  août  1864),  in-- 
terdit  par  la  censure  et  autorisé  par  Napoléon  III  à  qui 
Dumas  avait  adressé  une  curieuse  supplique  ;  la  San 
Felice  (1864-1865,  9  vol.  in-18)  ;  les  Blancs  et  les  Bleus 
(1867-1868,  3  vol.  in-12),  épisode  des  guerres  de  Ven- 
dée, qui  fournit  aussi  le  sujet  d'un  drame  joué  sous  le 
même  titre  au  Châtelet  en  1869. 

Si  longue  que  soit  Pénumération  qui  précède,  elle  reste- 
rait notablement  incomplète  si  l'on  n'y  faisait  point  figu- 
rer trois  séries  d'écrits  où  Dumas,  tout  en  donnant  carrière 
à  son  imagination,  a  entendu  raconter  sa  propre  existence, 
celle  de  plusieurs  de  ses  contemporains  et  de  ses  amis, 
enfin  quelques-uns  des  principaux  épisodes  de  l'histoire  de 
France.  Outre  ses  Mémoires  déjà  cités,  on  trouvera  beaucoup 
de  particularités  curieuses,  mais  le  plus  souvent  sujettes 
à  contestations,  dans  un  fragment  placé  en  tête  de  la  pre- 
mière édition  de  son  Théâtre  :  Comment  je  devins  auteur 
dramatique,  dans  ses  Souvenirs  de  iSSO  à  i842  (1854, 
2  vol.  in-8)  ;  dans  ses  Causeries  (1860,  2  vol.  in-18); 
dans  Bric-à-Brac  (1861,  2  vol.  in-18),  enfin  dans  V His- 
toire de  mes  bétes  (1868,  in-18).  Le  second  groupe  est 
formé  par  Un  Alchimiste  au  xix®  siècle  (le  comte  de 
Ruolz),  premier  chapitre  de  la  Villa  Palmieri,  tiré  à  part; 
le  Maître  d'armes  (1844,  3  vol.  in-8),  mémoires  de 
Grisier  ;  Une  Vie  artiste  (1854,  2  vol.  in-8),  histoire  de 
la  jeunesse  et  des  débuts  de  Mélingue  ;  la  dernière  Année 
de  Marie  Dorval  (1854,  in-18),  touchant  appel  à  la  cha- 
rité publique  pour  parvenir  à  lui  ériger  un  tombeau;  les 
Mémoires  de  Garibaldi  (iS60),  soi-disant  traduits  sur  le 
manuscrit  original;  les  Morts  vont  vite  (1861,  2  vol. 
iYi-18),  intéressantes  réminiscences  sur  Béranger,  Musset, 
Achille  Devéria,  Eugène  Sue,  Chateaubriand,  le  duc  et  la 
duchesse  d'Orléans,  etc.  En  1833,  une  première  étude  his- 
torique :  Gaule  et  France,  était  présentée  comme  devant 
former  la  tête  d'une  série  de  Chroniques  qui  ne  fut  pas 
continuée  après  la  seconde  :  Isabelle  de  Bavière  (règne 
de  Charles  VI)  (1836,  2  vol.  in-8),  car  on  ne  peut  donner 
ce  nom  aux  compilations  que  Dumas  a  signées  depuis  et 
qu'il  suffît  de  rappeler  pour  mémoire  :  Louis  XIV  et  son 
siècle  (1845-1846);  Michel-Ange  et  Raphaël  (1846); 
Louis  XV  (1849)  ;  la  Régence  (1849)  ;  Louis  XVI  (1850); 
le  Drame  de  Quatre-vingt-treize  (1851)  ;  Histoire  de 
deux  siècles  (1852)  ;  Histoire  de  la  vie  politique  et 
privée  de  Louis-Philippe  (1852);  les  Grands  Hommes 


-  39  —  DUMAS 

en  robe  de  chambre  (César,  Richelieu)  (1857).  Mettons 
à  part  la  Route  de  Varennes  (1860,  in-18),  amusant 
récit  d'une  excursion  en  Champagne,  d'après  l'itinéraire 
même  de  la  famille  royale,  mais  où  une  inexactitude  lui 
valut  un  long  procès  définitivement  jugé  en  sa  faveur.  A 
ces  spéculations  de  librairie,  on  préférera  toujours  les  deux 
ou  trois  contes  écrits  pour  les  enfants  et  restés  des  modèles 
du  genre  :  Histoire  d'un  casse-noisette  (1845,  2  vol. 
in-12,  ill.  par  Bertall)  ;  la  Bouillie  de  la  comtesse  Berfhe 
(1845,  in-12,  ill.  par  le  même)  eile  Père  Gigogne  (1860, 
2  vol.  in-12). 

Les  toutes  dernières  et  si  tristes  années  de  la  vieillesse 
de  Dumas  furent  adoucies  par  le  dévouement  de  sa  fille, 
M"^«  Petel,  et  par  la  sollicitude  de  son  fils,  qui  finit  par 
pourvoir  à  tous  les  besoins  de  sa  vie  matérielle  ;  ce  fut 
dans  la  villa  de  Puys,  près  Dieppe,  qu'il  s'éteignit  le  5  déc. 
1870,  sans  avoir  conscience  des  désastres  infligés  à  la 
France,  et  sa  mort  passa  forcément  alors  inaperçue.  Au 
mois  d'avr.  1872,  sa  dépouille  fut  exhumée  de  la  tombe 
provisoire  où  elle  était  déposée  et  transportée,  selon  un 
vœu  souvent  exprimé  par  lui,  au  cimetière  de  Villers-Cot- 
terets,  en  présence  delà  plupart  de  ses  amis,  collaborateurs 
ou  interprètes  encore  survivants.  Le  4  nov.  1883,  fut 
inauguré  sur  la  place  Malesherbes,  à  Paris,  le  monument 
dû  à  Gustave  Doré,  qui  n'avait  pu  en  voir  l'achèvement  et 
où  il  avait  placé  au  pied  de  la  statue  assise  du  grand  ro- 
mancier le  personnage  le  plus  populaire  de  son  œuvre 
(d'Artagnan),  encadré  par  deux  groupes  symbolisant  les 
diverses  classes  de  lecteurs  que  charmeront  toujours  ses 
légendaires  exploits. 

Les  indications  bibliographiques  des  œuvres  citées  au 
cours  de  cet  article  se  réfèrent  toutes  à  leurs  éditions  ori- 
ginales, mais  les  divers  écrits  de  Dumas  (à  l'exception  de 
ses  poésies  qui  n'ont  jamais  été  réunies)  ont  été  l'objet  de 
deux  réimpressions  générales  en  quelque  sorte  perma- 
nentes, Pune  en  livraisons  in-4  illustrées,  l'autre  dans  le 
format  in-18  et  comprenant  beaucoup  de  romans  (authen- 
tiques ou  apocryphes)  parus  antérieurement  sous  d'autres 
titres  ;  cette  partie  de  la  bibhographie  de  Dumas  n'a  pas 
été  traitée  par  MM.  Parran  et  Glinel  dont  les  travaux 
(V.  ci-dessous)  n'en  sont  pas  moins  fort  intéressants  et 
fort  utiles. 

Les  portraits  originaux  de  Dumas  ne  sont  pas  aussi 
nombreux  que  pourrait  le  faire  supposer  sa  très  réelle  célé- 
brité. On  ne  peut  guère  citer,  parmi  les  documents  les 
plus  importants,  que  deux  lithographies  d'Achille  Devéria, 
l'une  en  pied  (sur  un  canapé),  l'autre  en  buste  et  toutes 
deux  fort  belles  ;  un  médaillon  en  bronze  de  David  d'An- 
gers; une  autre  lithographie  par  Lelièvre  (1833);  un 
pastel  par  Eugène  Giraud  (1845);  un  portrait  en  costume 
de  Circassien  par  Louis  Boulanger  (Salon  de  1859),  appar- 
tenant au  fils  du  modèle;  une  statue  par  Carrier-Belleuse, 
à  Villers-Cotterets  ;  de  très  nombreuses  caricatures  et  un 
certain  nombre  de  photographies  ;  Tune  d'elles,  représen- 
tant Dumas  en  manches  de  chemise  et  tenant  dans  ses 
bras  une  céièbre  écuyère  américaine,  miss  Adah  Menken, 
fut  retirée  du  commerce  sur  la  plainte  de  la  famille. 

Maurice  Tourneux. 

BiBL.  :  1°  A.  Dumas,  Mes  Mémoires,  Souvenirs  draniati- 
gues,  Causeries,  les  Morts  vont  vite,  Bric-à-Brac,  Histoire 
de  mes  bêtes  (V.  ci-dessus).  —  L.  de  Loménie,  Un  Homme 
de  rien  {Galerie  des  contemporains  illustres),  1842,  t.  Y, 
—  Ch.  Chincholle,  Alexandre  Dumas  aujourd'hui,  1869, 
gr.  in-8,  photographies  (trois  livraisons  seulement  ont 
paru).  —  A.  DE  Boissieu,  Lettres  d'un  passant.  Figures 
contemporaines,  1869,  in-18.  —  Jules  Janin,  Alexandre  Du- 
mas (mars  1871),  1871,  in-12,  portrait  à  l'eau-forte  par  Fla- 
meng.  —  A.  Dubarry,  Quatre  Célébrités,  1874,  in-18.  — 
Ch.  Hugo,  les  Hommes  de  Vexil,  1875,  in-18.  —  Th.  de 
Banville,  Mes  Souvenirs,  1882,  in-18.  —  Le  Monument 
d'Alexandre  Dumas,  discours  prononcés  à  cette  occasion, 
1884,  gr.  in-8,  pi.  —  B.  Pifteau,  Alexandre  Dumas  en 
manches  de  chemise,  1884,  in-18.  —  Ch.  GhmEL,  Alexandre 
Dumas  et  son  œuvre,  Notes  biographiques  et  bibliogra- 
phiques; Reims,  1884,  in-8.— H.  Blaze  de  Bury,  Alexandre 
Dumas,  sa  vie,  son  temjps,  son  œuvre,  1885,  in-18.  — 
Alex.  Michaux,  Souvenirs  personnels  sur  Alexandre 
Dumas,  1885,in-16  (anonyme).  —A.  Davroux,  Douze  Celé- 


DUMAS 


40  - 


brités  du  dr-partemeyii  de  V Aisne;  Saint-Quentin,  1885, 
in-12.  —  Eug.  CouRMEAux,  ancien  député  de  Reims, 
Alexandre  Dumas  ;  Chàlons,  1886,  45  p.  in-8.  —  Gabriel 
Ferry,  les  Dernières  Années  d'Alexandre  Dumas  (1864- 
1870),  1883,  in-12.  —  Ph.  Audebrand,  Alexandre  Dumas 
à  la  Maison  d'or  (Souvenir  de  la  rédaction  du  Mousque- 
taire), 1888,  in-12.  —  Notices  diverses,  par  H.  Romand 
(Reoue  des  Deux  Mondes^  15  janv.  1834).  —  Louis  Huart, 
Galerie  de  la  presse.  —  Lheritier  de  TAin,  Plutarque 
drolatique,  1843,  gr.  in-8.  —  2»  Granier  de  Cassagnac, 
Articles  dans  le  Journal  des  Débats,  1«''  et  6  )iov.  1833, 
30  juil.  1834.  (Sur  ces  articles  qui  brouillèrent  Dumas 
et  Victor  Hugo,  V.  Edm.  Biré,  Victor  Hugo  après  1830, 
t.  I.)—  Le  critique  JiUes  Janin  et  le  dramaturge  Alexandre 
Dumas  à  propos  des  «  Demoiselles  de  Saint-Cyr  »,  extraits 
du  Journal  des  Débats  et  de  la  Presse,  1843,  44  p.  in-12. 
—  Harel,  le  Succès,  comédie  en  deux  actes  et  en  prose 
(Odéon,  9  mars  1843),  1843,  in-8.  —  Ed.  Bergounioux, 
M  Buioz  et  M.  A.  Dumas.  Lettre  à  M.  Delaunay,  directeur 
dû  «  Journal  des  artistes,  »  s.  d.  (1844),  in-8.  —  Vérité  !  sur 
les  lettres  de  M.  A.  Dumas  concernant  M.  Buloz,  la  Comé- 
die-Française et  l'art  en  général,  1845,  in-8.  —  Eug.  de  Mi- 
nECOVRT,  Fabrique  de  romans,  Maison  Alex.  Dumas  et 
compagnie,  1845,  64  p.  in-8  (beaucoup  de  déclamations, 
d'injures  et  de  calomnies,  mais  très  peu  de  faits).  —  Pierre 
Ledru,  baron  de  Blaguenpuff,  Réponse  à  l'auteur  du 
pamphlet  intitulé  «  Maison  A.  Dumas  et  C'«  »,  1845,  in-8, 
16  p.  (autre  pamphlet,  plus  spirituel  que  le  précédent).  — 
Michel-Ange  Titmarch  (W.-M.  Tijackeray),  Lettre  à 
M.  Alex.  Dumas  {Revue  britannique,  janv.  1847).—  L.  Jous- 
serandot,  les  Collaborateurs,  comédie  en  un  acte  et  en 
vers  ^Vaudeville,  6  mars  1847).  —Alexandre  Dumas  dé- 
voilé par  le  marquis  de  La  Pailleterie,  1847,  36  p.  in-18.  — 
M""»  Clémence  Badère,  le  Soleil  Alexandre  Ditwas,  Ï855, 
84  p.  in-8.  (Plaintes  d'une  femme  de  lettres  dont  une  nou- 
velle avait  été  refusée  au  Mousquetaire.)  —  Alexandre 
Dumas,  roi  de  Naples,  1860,  32  p.  in-8.  —  3"  J.-M.  Quérard, 
les  Supercheries  littéraires  dévoilées,  etc.,  1816-1854,  5  vol. 
in-8  ;  2«  éd.  1869,  3  vol.  in-8.  (Article  en  grande  partie  em- 
prunté aux  pamphlets  énumérés  plus  haut,  mais  très 
pauvre  en  indications  bibliographiques  précises.)  —  Ad. 
CRÎiMiEUx,  Plaidoirie  pour  MM.  Michel  Lévy  frères,  1857, 
68  p.  in-4.  (Important  document  pour  la  genèse  des  œuvres 
de  Dumas.)  —  A.  Parran,  Romantiques,  Editions  origi- 
nales, etc.,  Pétrus  Borel,  A lexandre Dumas  ;  Alais,  1884,  in-8. 

DUMAS  (Adolphe),  littérateur  français,  né  à  Bompas 
(Vaucluse)  en  4803,  mort  le  45  août  1861.  Après  avoir 
chanlé  la  révolution  de  1830,  dans  un  dithyrambe  intitulé 
les  Parisiennes,  il  publia  un  poème  philosophique,  la  Cité 
des  hommes  (4835,  in-8)  et  fit  recevoir  par  le  comité  du 
Théâtre-Français  un  drame  en  vers,  la  Fin  de  la  comé- 
die ou  la  Mort  de  Faust  et  de  Don  Juan,  interdit  par  la 
censure  avant  la  représentation.  Deux  autres  drames,  le 
Camp  des  croisés  (Odéon,  3  févr.  4838)  et  Mademoi- 
selle delà  Vallière  (Porte  Saint-Martin,  45  mai  4842), 
n'eurent  aucun  succès.  Ad.  Dumas  a  encore  publié  :  Pro- 
vence (4840,  in-8),  recueil  de  poésies,  Deux  Hommes, 
comédie  en  cinq  actes  (4849),  quelques  cantates  et  quelques 
nouvelles  en  prose.  M.  Tx. 

DUMAS  (Michel),  peintre  français,  né  à  Lyon  le  4 8  juin 
484  2,  mort  à  Lyon  le  '24  juin  4885.  Après  avoir  fait  ses  pre- 
mières études  de  dessin  à  l'école  de  Lyon,  cet  artiste  partit 
pour  Paris,  en  même  temps  que  les  deux  frères  Flandrin, 
el  entra  dans  l'atelier  d'Ingres.  Il  s'y  forma  un  beaii  talent, 
d'un  style  noble  et  sévère,  plein  d'élévation  ;  mais  doué 
d'un  caractère  fier  et  indépendant,  malgré  sa  douceur  et  sa 
modestie,  il  ne  sut  pas  flatter  son  maître  et  s'assurer  son 
tout-puissant  patronage.  Il  le  quitta  donc  au  bout  de  quel- 
ques années  et  débuta  au  Salon  avec  quelques  toiles  qui  ne 
furent  aucunement  remarquées  :  Agar  renvoyée  par  Abra- 
liam(S.  4838)  ;  Souvenir  de  Rome  (S.  4843)  et  FraAn- 
gelico  deFiesole  (S.  4845  ;  musée  de  Langres).  Ces  œuvres 
valaient  pourtant  mieux  que  l'accueil  qui  leur  fut  fait.  En 
4853,  cependant,  la  Séparation  de  saint  Pierre  et  de 
saint  Paul  fut  acquise  par  l'Etat  et  placée  au  Luxembourg. 
Ce  fut  le  point  de  départ  de  la  réputation  que  méritait 
depuis  longtemps  déjà  Dumas  ;  il  exposa  en  4857  :  le 
Dévouement  de  l'abbé  Boulay  ;  les  Saintes  Femmes 
au  tombeau  et  Mater  dolorosa.  Le  Salvator  niundi 
qu'il  exposa  en  4863  (égl.  de  Saint-Cloud)  est  son  chef- 
d'œuvre  :  le  modelé  du  torse  de  ce  Christ  en  croix  est  réel- 
lement admirable  dans  son  affaissement.  Les  principales 
œuvres  qu'il  a  produites  ensuite  sont  :  Glorification  de 
saint  Denis   (S.  4866;  égl.    Notre-Dame  de  Chgnan- 


court),  Tentation  de  Jésus-Christ  (S.  1872);  Notre- 
Dame  des  Sept  Douleurs  (S.  4878).  On  doit  encore  à  cet 
artiste,  dont  le  talent,  dans  certains  de  ses  ouvrages,  peut 
hautement  se  comparer  à  celui  de  Flandrin  :  les  Disciples 
d'Emimius  (4859;  égl.  Saint-Louis  d'Antin),  tableau  dans 
lequel  l'artiste  a  fait  connaître  des  qualités  de  coloriste, 
puissant  et  transparent,  qui  ne  sont  pas  habituelles  dans 
sa  peinture  ;  la  chapelle  de  Notre-Dame  des  Sept  Douleurs, 
à  l'égl.  de  la  Trinité,  composée  de  deux  panneaux,  Conso- 
latrix  afflictorum  et  Mater  dolorosa  ;  ce  dernier  pré- 
sente un  groupe  admirable  de  style  et  d'expression  ;  et  enfin 
de  nombreux  portraits.  Enfin,  on  lui  doit  encore  la  copie 
(exécutée  en  collaboration  avec  M.  Balze  et  sous  la  direc- 
tion de  Ingres),  de  V Apothéose  d'Homère,  copie  placée  au 
plafond  de'  l'ancien  musée  Charles  X,  à  la  place  désignée 
d'abord  pour  l'original.  Lorsqu'il  mourut,  Dumas  était 
depuis  plusieurs  années  directeur-professeur  de  l'Ecole  des 
beaux-arts  de  Lyon,  dont  il  a  réorganisé  et  réformé  l'en- 
seignement de  la  manière  la  plus  avantageuse  pour  les 
études.  Ad.  Thiers. 

DUMAS  (Alexandre),  célèbre  auteur  dramatique  et 
romancier  français,,  fils  d'Alexandre  Dumas,  né  à  Paris 
le  27  juil.  4824.  Placé  de  très  bonne  heure  dans  l'ins- 
titution dirigée  par  Goubaux,  l'un  des  collaborateurs  de 
son  père,  '\\  suivit  les  cours  du  collège  Bourbon  (aujour- 
d'hui lycée  Condorcet)  et  y  remporta  quelques  succès.  Il 
avait  à  peine  dix-huit  ans  quand  la  Chronique,  reviie 
mensuelle  (4842),  inséra  ses  premiers  vers,  réimprimés 
depuis  dans  un  recueil  de  poésies,  intitulé  d'abord  Pré- 
face de  la  vie,  puis  Péchés  de  jeunesse  (4847,  in-8). 
Vers  la  même  époque,  il  écrivit  un  roman,  présenté  sous 
le  titre  de  Fabien  par  son  père  à  divers  journaux  qui 
le  refusèrent,  et  publié  sous  celui  à' Aventures  de  quatre 
femmes  et  d'un  perroquet  (4847,  6  vol.  in-8).  Il  fut 
bientôt  suivi  de:  Césarine  (1848,  in-8);  le  Docteur 
Servan  (4849,  2  vol.  in-8)  ;  Antonine  (4849,  2  vol. 
in-8)  ;  Trois  Hommes  forts  (4850,  4  vol.  in-8)  ;  le 
Régent  Mustel  (4852,  2  vol.  in-8),  sans  parler  d'un 
recueil  de  Contes  et  Nouvelles  (4853,  in-48),  à'Un  Cas 
de  rupture  (4854,  in-32),  et  d'une  série  de  romans  his- 
toriques publiés  en  feuilletons  dans  la  Gazette  de  France 
sous  ce  titre  collectif  :  les  Quatre  Restaurations,  et  com- 
prenant :  Tristan  le  Roux  (4849),  Henri  de  Navarre 
(4850),  les  Deux  Frondes  (4854);  Tristan  le  Roux  a 
seul  été  réimprimé  en  volume;  le  quatrième  épisode  n'a 
jamais  paru. 

Malgré  les  dons  heureux  que  trahissaient  ces  œuvres  de 
début,  la  véritable  personnalité  de  l'auteur  ne  se  fit  jour 
que  lorsqu'il  aborda  l'étude  de  la  société  moderne,  où  la 
mort  de  Balzac  lui  laissait  le  champ  libre.  La  Dame  aux 
camélias  (4848,  2  vol.  in-8)  est  restée  le  type  le  plus 
célèbre  de  cette  galerie,  où  vinrent  presque  aussitôt  prendre 
place  Diane  de  Lys  (4854,  3  vol.  in-8),  et  la  Dame  aux 
perles  (4854,  3  vol.  in-8),  qui  initiaient  le  public  aux 
mœurs  et  aux  mystères  de  ce  que  l'auteur  lui-même  avait 
appelé  le  demi-monde.  Après  de  longues  luttes  contre  la 
censure  et  contre  Léon  Faucher,  ministre  de  l'intérieur, 
M.  Dumas  fils  put  enfin,  grâce  à  la  protection  de  M.  de 
Morny,  faire  représenter  au  Vaudeville  la  Dame  aux  ca- 
mélias (2  févr.  4852),  où  l'amour,  l'agonie  et  la  mort  de 
Marie  Duplessis  obtinrent  un  succès  prolongé,  que  retrou- 
vèrent Diane  de  Lys  (Gymnase,  45  nov.  4853),  autre 
comédie  arrêtée  huit  mois  par  la  censure,  et  le  Demi- 
Monde  (Gymnase,  20  mars  4855).  La  Question  d'argent 
(Gymnase,  34  janv.  4857)  s'attaquait  à  une  des  plaies  du 
jour  avec  non  moins  de  vigueur  et  provoqua  même  les  ré- 
clamations du  fameux  Jules  Mirés  qui  crut  se  reconnaître 
dans  le  personnage  de  Jean  Giraud,  imputation  contre 
laquelle  M.  Dumas  a  toujours  protesté.  C'est  encore  sur 
la  scène  du  Gymnase  que  furent  représentées  les  comédies 
suivantes,  où  se  traitaient  coram  populo  les  problèmes  les 
plus  scabreux  de  la  recherche  de  la  paternité,  du  divorce, 
de  la  séduction,  du  concubinage,  du  proxénétisme  et  de 


~  44  — 


DUMAS 


l'adultère  :  le  Fils  naturel  (46  janv.  1 858)  ;  Em,  Père  pro- 
digue (30  nov.  4859)  ;  VAmi  des  femmes  (5  |iiars  4864)  ; 
les  Idées  de  M''^^  Aubray  (46  mars  4867)  :  Une  Visite 
de  noces  (46  oct.  4874)  ;  la  Princesse  Georges  ("2  cléc. 
4874)  ;  la  Femme  de  Claude  {\^']mv,  4873h;  Monsieur 
Alphonse{^Q  nov.  4873),  dont  les  principaux  rôles  eurent 
pour  créateurs  W^^^  Rose  Chéri,  Berton,  Ad.  Dupuis,  et, 
en  dernier  lieu,  Aimée  Desclee,  et  qui  toutes  suscitèrent 
d'ardentes  discussions  que  l'auteur  a  reprises  à  son  tour 
et  résumées  dans  les  préfaces  d  une  première  édition 
collective  de  son  Théâtre  (4868-4879,  6  vol.  in-48). 
M.  Dumas  fils  a  donné  depuis,  au  Théâtre-Français, 
r Etrangère,  comédie  en  quatre  actes  (44  févr.  4876), 
qui,  mal  accueillie  du  public  le  premier  soir,  en  dépit  d'une 
interprétation  hors  ligne,  s'est  longtemps  maintenue  sur 
l'affiche,  de  même  que  la  Princesse  de  Bagdad  (févr. 
4884),  pièce  en  trois  actes,  spécialement  écrite  pour 
M^^®  Croizette  ;  Denise,  pièce  en  quatre  actes  (49  janv. 
4885),  et  Francillon  (47  janv.  4887),  pièce  en  trois  actes, 
dont  le  talent  de  l'auteur  et  celui  des  artistes  appelés  à  le 
seconder  ont  fait  accepter,  non  parfois  sans  résistance,  les 
invraisemblances  et  les  audaces. 

Plus  heureux  que  son  père,  M.  Dumas  fils  n'a  jamais 
vu  mettre  en  doute  sa  puissante  originalité  et  nul  ne  s'est 
avisé  de  lui  prêter  des  collaborateurs  réels  ou  imaginaires. 
Par  contre,  il  lui  est  arrivé  plusieurs  fois  de  mettre  sa 
plume  au  service  d'autrui,  notamment  pour  le  Marquis 
de  Villemer  de  George  Sand  (Odéon,  févr.  4864),  le 
Supplice  d'une  femme  (Théâtre-Français,  29  avr.  4865), 
comédie  refaite  sur  un  scénario  d'Emile  de  Girardin,  et 
Hé  loïse  Par  auquel  (Gymnase,  20  janv.  4866),  entièrement 
difièrente  du  canevas  primitif  de  M.  Durantin.  Les  démêlés 
retentissants  qui  suivirent  ces  deux  dernières  transforma- 
tions avaient,  disait-on,  à  jamais  dégoûté  M.  Dumas  de  la 
collaboration  ;  néanmoins,  on  peut  encore  porter  à  son  avoir 
littéraire  le  Filleul  de  Pompignac,  comédie  en  quatre 
actes  (Gymnase,  4869)  que  M.  H.  Lefrançois  lui  avait  sou- 
mise et  qui  fut  signée  sur  l'affiche  Gustave  de  Jalin  ; 
les  Danichejf,  drame  en  cinq  actes  (Odéon,  févr.  4876), 
signé  Pierre  Newski,  et  dont  la  donnée  première  appar- 
tenait à  un  littérateur  russe,  M.  Pierre  Corvin,  ainsi  que 
la  Comtesse  Romani,  comédie  en  trois  acles  (Gymnase, 
nov.  4876),  signée  aussi  Gustave  de  Jalin,  pseudonyme 
collectif  de  M.  Dumas  et  de  M.  G.  Fould.  Il  a  enfin  rendu 
le  même  service  à  son  père  lors  de  la  reprise  à  l'Odéon  de 
la  Jeunesse  de  Louis  A7F(4874),  et  pour  Joseph  Balsa- 
mo, drame  inédit  en  cinq  actes,  remanié  sur  le  manuscrit 
original  (Odéon,  mars  4878).  Des  indiscrétions,  inévitables 
en  pareil  cas,„  ou  la  reconnaissance  même  de  ses  obligés 
permettent  d'assurer  qu'il  a  tout  au  moins  relu  un  certain 
nombre  d'autres  pièces,  telles  que  :  Comment  la  trouves- 
tu  ?  comédie-vaudeville  par  L.  Pages  et  H.  de  Chambrait 
(1857)  ;  Un  Mariage  dans  un  chapeau,  comédie  en  un 
acte  par  Vivier  (4859)  :  Comme  elles  sont  toutes,  comédie 
par  Ch.  Narrey  (4868);  Albertine  de  Merris,  comédie 
par  Amédée  Achard  (4868)  ;  Mademoiselle  Duparc,  comé- 
die par  M.  L.  Denayrouze  (1875),  etc. 

Ce  n'est  pas  seulement  sur  la  scène  que  M.  Dumas  a 
poursuivi  le  triomphe  des  thèses  sociales  qu'il  n'a  cessé 
de  soutenir  :  un  roman  présenté  sous  forme  de  factum 
judiciaire,  l'Affaire  Clemenceau,  Mémoire  de  l'accusé 
(4866,  in-8),  était  un  plaidoyer  en  faveur  du  châtiment  de 
l'adultère  par  la  main  même  de  l'époux  outragé.  En  4869, 
dans  une  brochure  destinée  à  faire  connaître  l'établissement 
des  Madeleines  repenties  situé  à  Clichy-la -Garenne,  il 
réclamait  la  réhabilitation  de  la  femme  déchue  par  l'expia- 
tion. Après  une  incursion  sur  le  terrain  politique  dans  sa 
fameuse  Lettre  sur  les  choses  du  jour  (1874,  in-48),  il 
reprit,  dans  une  brochure  à  titre  bizarre,  V Homme-Femme 
(4872,  in-48),  la  théorie  dont  la  Femme  de  Claude  fut 
la  démonstration  ;  il  a  de  plus  récemment  pris  une  part 
brillante  aux  discussions  soulevées  par  la  Question  du  di- 
vorce (4880,  in-8),  et  par  la  Recherche  de  la  pater- 


nité (4883,  in-48),  questions  qu'il  a  examinées  sous  toutes 
leurs  faces,  dans  un  certain  nombre  de  préfaces  ou  de 
lettres  plus  ou  moins  destinées  à  la  pubhcité. 

Candidat  au  fauteuil  laissé  vacant  par  Pierre  Lebrun, 
M.  Dumas  fut  élu  par  22  voix  contre  44  au  premier  tour 
de  scrutin  le  30  janv.  4874,  et  vint  prendre  séance  le 
41  févr.  4875.  Au  discours  où  il  évoquait  la  gloire  pater- 
nelle comme  son  meilleur  titre  à  la  bienveillance  de  l'Aca- 
démie, lui  rappelant  ainsi  l'une  de  ses  plus  criantes  injus- 
tices, M.  d'Haussonville  répondit  par  une  spirituelle  cri- 
tique du  monde  spécial  où  Fauteur  avait  le  plus  volontiers 
pris  ses  modèles  et  de  ses  théories  morales  et  religieuses. 
Depuis,  M.  Dumas  a  été  chargé  comme  directeur  en  1877 
du  rapport  sur  les  prix  de  vertu,  et  en  4887  de  la  réponse 
à  M.  Leconte  de  Liste,  successeur  de  Victor  Hugo. 

Ainsi  qu'il  a  été  dit  plus  haut,  les  diverses  pièces  de  M.  Du- 
mas, jusques  et  y  compris  l'Etrangère,  ont  été  réunies  sous 
le  titre  de  Théâtre  complet  avec  préfaces  inédites  (4868- 
4879,  6  vol.  in-48).  L'auteur  en  a  donné  une  nouvelle 
édition,  dite  des  Comédiens,  parce  qu'elle  était  exclusive- 
ment destinée  aux  premiers  interprètes  de  ses  œuvres, 
tirée  à  quatre-vingt-dix-neuf  exemplaires  et  augmentée  de 
notes  nouvelles  souvent  très  importantes  (4882-4886, 
6  vol.  gr.  in-8).  A  ces  deux  collections  manque  Atala, 
scène  lyrique,  musique  de  Varney,  représentée  sur  le 
Théâtre-Historique  en  4848,  mais  on  y  retrouve  une  autre 
bluette  en  un  acte  et  en  vers,  le  Verrou  de  la  reine, 
jouée  en  4845  sur  le  petit  théâtre  de  l'hôtel  Castellane,  et 
reprise  au  Gymnase  en  4873.  Une  Histoire  de  la  loterie 
du  lingot  d'or  (4854,  in-8),  que  les  entrepreneurs  de  cette 
spéculation  avaient  demandée  à  M.  Dumas,  et  d'autres  écrits 
de  jeunesse,  joints  à  des  pa»es  plus  récentes  et  plus  graves, 
ont  été  rassemblés  sous  le  titre  d'Entr'actes  (4878-4879, 
3  vol.  in-48);  un  recueil  de  nouvelles  de  la  même  période, 
Thérèse {'iSl^,  in-48),  a  été  dédié  par  l'auteur  à  M.  de 
Spoëlberch,  le  savant  bibliophile  qui  les  avait  exhumées. 
Le  roman  de  la  Dame  aux  camélias  a  été  l'objet,  entre 
autres  réimpressions  multiples,  de  trois  éditions  illustrées 
par  Gavarni  (4858,  in-8),  par  A.  de  Neuville  (4875,  in-8), 
et  par  M.  Albert  Lynch  (1886,  gr.  in-8). 

Possesseur  d'une  très  riche  collection  de  tableaux  et  d'ob- 
jets d'art  qu'il  a  plusieurs  fois  épurée  par  des  ventes  pu- 
bliques, M.  Dumas  a  été  personnellement  lié  avec  la  plupart 
des  grands  artistes  de  ce  temps.  Parmi  ses  nombreux  portraits, 
il  faut  citer  son  buste  par  Carpeaux  (placé  à  la  Comédie- 
Française),  un  petit  panneau  (en  pied)  de  Meissonier,  et 
un  buste  (grandeur  naturelle)  par  M.  Donnât,  remarquable- 
ment gravé  sur  bois  par  M.  Baude.       Maurice  Tourneux. 

BiBL.  :  Dumas  fils,  Préfaces  diverses  du  Théâtre  com- 
plet. —  Jules  Cla-Retie,  A.  Dumas  fils,  1883,  in-12.  — 
Paul  BouRGET,  Nouveaux  Essais  de  psychologie  contem- 
poraine, 1885,  in-18. 

DUiVIAS  (Ernest-Charles-Jean-Baptiste),  administrateur 
français,  né  à  Paris  le  27  févr.  4827,  mort  à  Paris  le 
27  févr.  1 890,  fils  du  chimiste  Dumas.  Sorti  de  l'Ecole 
des  mines,  il  fut  attaché  au  ministère  de  l'agriculture  et 
du  commerce  en  4850,  dirigea  la  publication  des  Annales 
agronomiques  et  publia  en  4854  un  recueil  fort  important 
de  documents  concernant  le  drainage  en  Angleterre. 
Directeur  de  la  Monnaie  de  Rouen  (1852-4857),  de  la 
Monnaie  de  Bordeaux  (4860-1868),  il  devint  ensuite 
essayeur  au  bureau  de  la  garantie  de  Paris  et  fit  partie  du 
jury  des  Expositions  universelles  de  Paris  (4855)  et  de 
Londres  (4862).  Elu  député  au  Corps  législatif  le  2  août 
4867  par  le  dép.  du  Gard,  il  siégea  dans  la  majorité  bona- 
partiste et,  réélu  le  24  mai  4869,  vota  la  guerre  avec  la 
Prusse.  Après  la  guerre,  il  reprit  ses  fonctions  d'essayeur 
à  la  Monnaie.  Il  a  publié  :  Essai  sur  la  fabrication  des 
monnaies  (Rouen,  4856,  in-8)  ;  Note  sur  l'émission 
en  France  des  monnaies  décimales  de  bronze  (Paris, 
4868,  in-4);  Histoire  générale  des  monnaies  de  cuivre 
et  de  bronze  en  France  (4873).  M.  Dumas  avait  épousé 
la  fille  de  A.  Milne  Edwards,  de  l'Institut. 

DUMAS  (Alexandre),  homme  politique  français,  né  à 


DUMAS  —  DUMENY 


—  42  — 


Treignat  (Allier)  le  7  août  4852.  Receveur  de  l'enregis- 
trement, puis  notaire  à  Montluçon,  maire  de  cette  ville, 
il  a  été  élu  député  de  la  deuxième  circonscription  de  Mont- 
luçon, au  deuxième  tour  de  scrutin,  le  6  oct.  1889,  par 
7,963  voix  contre  5,339  à  M.  Theurault,  bonapartiste,  et 
1,475  à  0.  Justice,  boulangiste.  Son  programme  le  classe 
parmi  les  radicaux. 

DUMAS  DE  Champvallier  (V.  Champ v allier). 

DUNIAST  (Auguste-Prosper-François  Guerrier  de), 
littérateur  français,  né  à  Nancy  le  26  févr.  1796,  mort  à 
Nancy  en  1883.  Avocat,  il  abandonna  le  droit  pour  l'ar- 
mée, devint  intendant  militaire  et  démissionna.  Membre 
d'un  grand  nombre  de  sociétés  savantes,  il  fut  élu,  en 
1863,  membre  correspondant  de  l'Académie  des  inscrip- 
tions et  belles-lettres.  11  fut  un  des  membres  fondateurs 
de  la  Société  asiatique  de  Paris.  En  1816,  il  avait  été  cou- 
ronné par  l'Académie  royale  de  Nancy  pour  un  Eloge  de 
Gilbert,  et  il  publia  :  la  Maço7inerie  (Paris,  1820,  in-8), 
poème  en  trois  chants  ;  Chios,  la  Grèce  et  l'Europe  (1822, 
gr.  in-8),  poème  lyrique  ;  la  Rime  (1819,  in-8)  ;  Rapport 
fait  à  la  loge  des  artistes  sur  rétablissement  de  manu- 
factures des  apprentis  pauvres  et  orphelins  (1821, 
in-8)  ;  le  Tombeau  des  deux  amants  de  Clermont 
(1836,  in-8)  ;  Notice  sur  Silvio  Pellico  (1838,  in-8)  ; 
Nancy,  histoire  et  tableau  (1837,  in-8)  ;  Paris  fortifié 
ou  l'Avenir  de  la  grande  ville  (1 841 ,  in-8)  ;  Ce  que 
la  France  avait  raison  de  vouloir  dans  la  question 
d'Orient  (1841,  in-8);  le  Duc  Antoine  et  les  Rustauds 
(1849,  in-8);  Philosophie  de  l'histoire  de  Lorrciine 
suivie  de  Cent  Années  de  l'Académie  de  Stanislas 
(Nancy,  1850,  in-8)  ;  Maximes  traduites  des  Courais 
de  Tirou-Vallouvar  ou  la  Morale  des  parias  (1854, 
in-8);  l'Orientalisme  rendu  classique  (1854,  in-8); 
Sur  r Enseignement  supérieur  tel  qu'il  est  organisé  en 
France  (1865,  in-8)  ;  Ce  que  fut  jadis  la  Lorraine  et 
ce  qu'elle  est  encore  (1866,  in-12)  ;  le  Redresseur 
(1866,  in-12);  Sur  les  Besoins  intellectuels  de  la  France 
d'à  présent  (1868,  in-8)  ;  la  France  et  Nancy  (1871, 
in-8);  Couronne  poétique  de  la  Lorraine  (1874,  gr. 
in-8)  ;  Jacques  Callot  (1875,  in-4),  etc.,  et  un  ouvrage 
paru  anonymement  :  Foi  et  lumières^  considérations  sur 
les  rapports  actuels  de  la  science  et  de  la  croyance 
(Nancy,  1845,  in-8,  2«  éd.). 

DU  M  A  Y  (Pierre),  littérateur  français,  né  à  Dijon  en 
1626,  mort  à  Dijon  le  26  janv.  1711.  Conseiller  au  par- 
lement de  Dijon.  On  peut  citer  de  lui  :  Euguinneidos  liber 
primus  (Dijon,  1643,  in-4);  Virgile  virai  en  Bourgui- 
gnon (Dijon,  1718,  in-12).  —  Son  i^ère,  Paul  Dumay,né 
à  Toulouse  en  1585,  mort  à  Dijon  le  29  déc.  1645,  con- 
seiller au  parlement  de  Dijon,  a  écrit  divers  ouvrages  : 
Epicedion  in  funus  Brularti  (Dijon,  1611,  in-8);  Dis- 
cours sur  le  trépas  de  Mgr  de  Termes  (1621,  in-8)  ;  les 
Lauriers  de  Louis  le  Juste  (Paris,  1624,  in-8)  ;  Inno- 
centa III  Epistolœ  (1625,  in-8);  De  Virgilii prosopeia 
(1634,  in-4),  etc. 

DU  MAY  (Victor),  avocat  et  jurisconsulte  français,  né  à 
Dijon  le  21  août  1798,  mort  à  Dijon  le  29  juil.  1849. 
Nommé  maire  de  Dijon  le  7  juin  1838,  il  transforma  la 
ville  par  l'installation  du  gaz,  des  fontaines  publiques, 
l'établissement  d'un  Muséum  d'histoire  naturelle  au  jardin 
de  l'Arquebuse,  l'agrandissement  de  l'Académie,  etc.,  etc. 
On  a  de  lui  :  Commentaire  de  la  loi  de  i836  sur  les 
chemins  vicinaux;  Annotations  sur  le  domaine  public, 
du  jurisconsulte  Proudhon  ;  Addition  à  la  description 
du  duché  de  Bourgogne,  de  Courtépée,  etc. 

DU  MAY  (Jean- Baptiste),  homme  politique  français,  né 
au  Creusot  le  10  sept.  1841.  Ouvrier  mécanicien  dans  les 
établissements  du  Creusot,  puis  en  diverses  villes  de 
France,  il  commença  à  se  faire  connaître  par  sa  partici- 
pation à  la  grève  de  1870  et  son  adhésion  à  l'Internatio- 
nale. Après  la  révolution  du  4  sept.,  il  fut  nommé  maire 
du  Creusot,  se  présenta  aux  élections  législatives  du  8  févr. 
1871  ;  mais,  ayant  adhéré  à  la  Commune  (26  mars),  il 


fut  poursuivi  et  condamné  par  la  cour  d'assises  aux  travaux 
forcés  à  perpétuité.  Il  avait  pu  passer  en  Suisse  où  il 
demeura  près  de  dix  ans  et  travailla  à  la  percée  du  Saint- 
Gothard.  Après  l'amnistie  de  1880,  il  s'établit  au  Creusot 
où  il  créa  la  Fédération  de  Saône-et-Loire  et  eut  de 
nouvelles  difficultés  avec  le  gouvernement  lors  de  la  grève 
de  Montceau-les-Mines.  En  1887,  il  fut  élu  conseiller 
municipal  de  Paris  comme  candidat  ouvrier,  fut  délégué  à 
l'Exposition  de  Boston  en  1883,  à  la  conférence  interna- 
tionale de  Paris  en  1888  et  à  divers  congrès  ouvriers.  Le 
6  oct.  1889,  il  fut  élu  député  du  XX«  arrondissement 
(1''^  circonscription)  de  Paris  par  5,584  voix  contre  3,500 
environ  à  Henri  Rochefort.  C'est  un  socialiste  possibiliste. 
Lors  de  la  discussion  de  la  demande  d'amnistie  de  P.  La- 
fargue  (déc.  1891),  il  a  rejeté  l'alliance  des  catholiques. 

DUMBARTON.  Ville.  —  Ville  d'Ecosse,  chef-lieu  du 
comté  de  ce  nom,  sur  la  Clyde,  au  confluent  du  Leven; 
14,172  hab.  On  y  peut  rattacher  les  localités  voisines  de 
Renton,  Bonhill  et  Alexandria  sur  le  Leven,  ce  qui  dou- 
blerait sa  population.  Le  port  est  médiocre,  et  Dumbarton, 
malgré  l'avantage  de  sa  situation  s'est  laissé  supplanter  par 
Glasgow.  La  ville  a  des  chantiers  de  constructions  navales, 
des  fonderies,  etc.  C'est  l'ancienne  capitale  du  royaume  de 
Strathclyde,  hBalclutha  d'Ossiân, Dun  Bretondes  vieux 
Ecossais.  Sur  le  rocher  qui  la  domine  est  un  château  célèbre 
dans  l'histoire  d'Ecosse,  où  résidèrent  Robert  Bruce,  Marie 
Stuart,  Charles  I®%  Cromwell. 

Comté.  —  Ancien  comté  de  Lennox.  Il  a  683  kil.  q.  et 
75,333  kab.  (en  1881  ).  Il  s'étend  au  N.  de  la  Clyde, 
comprenant  l'étroite  plaine  fluviale  et  la  région  des  High- 
lands  comprise  entre  le  lac  Lomond  et  la  mer  (loch  Long). 
Son  plus  haut  point  est  le  Ben  Vorlich  (942  m.).  Il  y  a 
environ  17  «/^  du  sol  labouré,  Il  %  en  pâturages,  5  «/o  en 
bois.  On  comptait,  en  1884,  14,000  bœufs  et  72,000  mou- 
tons. On  retire  du  sol  de  la  houille,  du  fer,  de  l'ardoise, 
des  pierres. 

DUMBARTON  (Lord  George  Douglas,  comte  de),  né  vers 
1636,  mort  à  Saint-Germain-en-Laye  le  20  mars  1692.  H 
prit  du  service  dans  l'armée  française,  devint  colonel  du 
régiment  écossais  à  la  mort  de  son  père  Archibald,  et, 
lorsque  ce  régiment  fut  rappelé  par  Charles  II  et  incorporé 
à  l'armée  anglaise,  fut  créé  comte  de  Dumbarton  (9  mars 
1675).  Il  fut  nommé  commandant  en  chef  de  l'armée  écos- 
saise à  l'avènement  de  Jacques  II,  réprima  la  rébellion  du 
comte  d'Argyll  (1685),  et,  lorsque  la  révolution  éclata, 
accompagna  le  roi  en  France  où  il  mourut.  —  Son  fils 
G^or^f^,  deuxième  comte  de  Dumbarton,  né  en  avr.  1687, 
ambassadeur  en  Russie  en  1716,  mourut  sans  postérité, 
et  le  titre  fut  éteint. 

DUMBÉA.  Village  de  la  Nouvelle-Calédonie,  à  18  kil. 
de  Nouméa  ;  200  hab.  Centre  important  de  colonisation. 
Gendarmerie.  Postes  et  télégraphe.  Affleurement  du  grand 
bassin  houiller  calédonien. 

DUMÉE  (Jeanne),  astronome  française,  née  à  Paris  au 
xvii^  siècle.  Elle  manifesta  de  bonne  heure  beaucoup  de 
goût  pour  les  sciences,  se  maria  à  un  officier,  qui  la  laissa 
veuve  à  dix-sept  ans,  et  se  consacra  dès  lors  entièrement 
à  l'étude  de  l'astronomie.  On  ne  connaît  d'elle  qu'un  ou- 
vrage, qui  ne  fut  jamais  imprimé  et  dont  la  Bibliothèque 
nationale  possède  un  manuscrit  in-4.  Entretien  sur  l'opi- 
nion de  Copernic  touchant  la  mobilité  de  la  terre.  Elle 
y  expose  les  doctrines  de  Copernic  et  de  Galilée,  mais, 
sans  en  nier  la  véracité,  déclare  leur  préférer  les  enseigne- 
ments de  Descartes.  L.  S. 

BiBL.  :  Journal  des  savants,  année  1680.  —  J.-F.  Mon- 
TUCLA,  Histoire  des  mathématiques,  an  VII,  t.  II,  m-4. 

DU  M  EN  Y,  chanteur  dramatique  français,  né  vers  1650, 
mort  en  1702.  Il  avait  été  d'abord  cuisinier  chez  M.  de 
Foucauld,  intendant  de  Montauban.  Lully  ayant  eu  l'occa- 
sion de  savoir  qu'il  possédait  une  superbe  voix  de  haute- 
contre,  le  prit  à  l'Opéra,  lui  fit  donner  des  leçons,  et  le  fit 
débuter  en  1677.  C'est  surtout  dans  le  rôle  d'Alphée  de 
Proserpine,  joué  par  lui  en  1680,  qu'il  donna  la  mesure 


de  sa  valeur.  Chanteur  médiocre  malgré  sa  très  belle  voix, 
il  était  doué  d'un  sentiment  dramatique  remarquable,  et  il 
devint  bientôt  l'idole  du  public  en  dépit  de  ses  écarts,  car 
il  était  à  la  fois  paresseux,  ivrogne  et  voleur,  et  il  lui 
arrivait  parfois  d'être  tellement  ivre  qu'il  pouvait  à  peine  se 
tenir  en  scène.  Les  succès  de  Dumény,  que  Lully  encou- 
rageait beaucoup,  furent  éclatants  dans  ses  créations  de 
Persée  (Persée),  Phaéton  (Phaéton),  Amadis  (Amadis), 
Armide  (Renaud),  Acis  et  Galathée  (Acis),  Achille  et 
Polyxène  (Achille) ,  Thétis  et  Pelée  (Pelée) ,  Médée  (  Jason) , 
îssé  (Apollon),  Enée  et  Lavinie,  Bidon ^  etc.  Dumény, 
dépourvu  d'instruction  première,  rustre  à  la  ville,  d'une 
prestance  superbe  au  théâtre,  semble  avoir  eu  tout  le  tem- 
pérament d'un  grand  artiste.  Ses  succès  d'ailleurs  ne  se 
bornèrent  pas  à  Paris  ;  chaque  année,  pendant  les  trois 
semaines  de  fermeture  de  Pâques,  il  se  rendait  à  Londres, 
d'où  il  rapportait  chaque  fois,  dit-on,  jusqu'à  mille  pistoles, 
somme  assurément  énorme  pour  le  temps.  A.  P. 

p  U  Wl  É  R I L  (André-Marie-Constant) ,  médecin  et  natu- 
raliste français,  né  à  Amiens  le  1^^  janv.  4774,  mort  à 
Paris  le  16  août  1860.  Successivement  prosecteur  et  chef 
des  travaux  anatomiques  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris, 
il  fut  nommé,  en  1801,  professeur  d'anatomie  et  de  phy- 
siologie ;  dix-huit  ans  après,  il  obtint  par  permutation  la 
chaire  de  pathologie  interne  qu'il  occupa  jusqu'à  sa  mort. 
En  outre,  il  remplaça  pendant  quatre  ans  Cuvier  comme  pro- 
fesseur d'histoire  naturelle  à  l'Ecole  centrale  du  Panthéon, 
et  fit  pendant  plus  de  vingt  ans,  et  comme  suppléant  de 
Lacépède,des  cours  très  suivis  d'erpétologie  et  d'ichtyolo- 
gie au  Jardin  des  Plantes.  Duméril  était,  de  plus,  médecin 
de  la  maison  royale  de  santé,  membre  de  l'institut  et  de 
l'Académie  de  médecine.  Parmi  ses  nombreux  ouvrages, 
mentionnons  :  Traité  élémentaire  d'histoire  naturelle 
(Paris,  1803,  in-8;  1807,  2  vol.  in-8)  ;  Zoologie  ana- 
lytique, etc.  (Paris,  1806,  in-8)  ;  avec  Bibron,  Erpéto- 
logie générale,  ou  Histoire  naturelle  complète  des 
reptiles  (Paris,  1 835-1854,  9  vol.  in-8),  etc.     D^  L.  Hn. 

DU  MÉRIL  (Edelestand  Pontas),  érudit  français,  né  à 
Valognes  en  1801,  mort  à  Passy  le  24  mai  1871.  Philo- 
logue distingué,  il  a  publié,  principalement  sur  l'histoire 
littéraire  du  moyen  âge,  des  travaux  appréciés.  Nous  cite- 
rons de  lui  :  Des  Biens  communaux  situés  dans  le  dép. 
de  la  Manche  (Paris,  1827,  in-8);  Des  Transactions 
offertes  aux  communes  du  dép.  de  la  Manche  (1827, 
in-8);  Philosophie  du  budget  (1835-1836,  2  vol.  in-8); 
Histoire  de  la  poésie  Scandinave  (1839,  in-8);  Essai 
philosophique  sur  le  principe  et  les  formes  de  la  versifi- 
cation (1841,  in-8);  Mémoire  sur  la  langue  des  gloses 
malbergiques  (1843,  in-8);  Essai  sur  l'origine  des 
runes  (1844,  in-8);  Dictionnaire  du  patois  normand 
(Caen,  1849,  in-8);  Essai  philosophique  sur  la  forma- 
tion de  la  langue  française  (Paris,  1852,  in-8);  De 
V  Usage  non  interrompu  jusqu'à  nos  jours  des  tablettes 
en  cire  (1861,  in-8);  Des  Formes  du  mariage  et  des 
usages  qui  s'y  rattachaient  surtout  en  France  pendant 
le  moyen  âge  (1861,  in-8);  Etudes  sur  quelques  points 
d'archéologie  et  d'histoire  littéraire  (1862,  in-8);  His- 
toire de  la  Comédie  (1864-1869,  2  vol.  in-8);  le  Monde 
est  un  théâtre,  comédie  en  cinq  actes  ;  Toutes  les  sœurs  de 
charité  ne  sont  pas  grises,  comédie  en  trois  actes  (Paris, 
1874,  in-12);  Origines  latines  du  théâtre  moderne 
(1849,  in-8),  sans  compter  la  publication  de  textes  du 
moyen  âge,  comme  des  poésies  populaires  latines,  les  poèmes 
de  Flore  et  Elance flor  (1856)  et  de  la  Mort  de  Garin 
le  Loherain  (1845). 

DUMÉRIL  (Auguste-Henri-André),  médecin  et  natura- 
liste français,  fils  de  André-Marie-Constant,  né  à  Paris  le 
30nov.  1812,  mort  à  Paris  le  12  nov.  1870.  En  1840,  il 
devint  aide-naturahste  au  Muséum,  fut  chargé  de  cours 
à  la  Sorbonne  de  1844  à  1846,  professeur  de  géologie 
au  collège  Chaptal  depuis  1847,  enfin,  en  1857,  rem- 
plaça son  père  au  Muséum  ;  il  fut  nommé  membre  libre  de 
l'Académie  des  sciences  en  1869.  Ouvrages  principaux:  Des 


—  DUMÉNY  —  DUMESNIL 

Odeurs,  etc.  (Paris,  1843,  in-8);  Z)^  la  Texture  intime  des 
glandes,  etc.  (Paris,  1845,  in-8;  thèse  de  doctorat  es 
sciences)  ;  Histoire  naturelle  des  poissons,  t.  I  (Paris, 
1865-70,  3  vol.  in-8,  pi.).  Il  collabora  en  outre  à  {'Er- 
pétologie générale  de  son  père.  D^  L.  Hn. 

DUMERSAN  (Théophile  Marion),  auteur  dramatique 
et  numismatiste  français,  né  au  château  de  Gastelnau,  près 
d'Issoudun,  en  1780,  mort  à  Paris  en  1849.  Il  était  à  peu 
près  sans  ressources  lorsque,  en  1795,  le  savant  Millin, 
conservateur  du  Cabinet  des  médailles,  l'appela  près  de 
lui  ;  en  1842,  il  devint  conservateur  adjoint  de  l'établis- 
sement scientifique  où  il  avait  déjà  rendu  de  réels  services 
en  collaboration  avec  Mionnet.  Mais  la  numismatique 
ne  fut  jamais  pour  Dumersan  que  sa  préoccupation  secon- 
daire; c'est  comme  vaudevilliste  qu'il  s'est  illustré  :  on 
peut  le  considérer  à  ce  point  de  vue  comme  le  digne  pré- 
curseur de  Labiche.  Dès  1798,  il  donnait,  à  un  théâtre  du 
boulevard.  Arlequin  perruquier  ou  les  Têtes  à  la  Titus, 
satire  des  modes  du  temps.  Dans  toute  sa  carrière  d'auteur 
dramatique,  Dumersan  a  produit  deux  cent  trente-huit 
pièces,  soit  seul,  soit  en  collaboration  avec  divers  auteurs. 
Toutes  ces  œuvres  théâtrales,  comédies,  opéras-comiques, 
vaudevilles,  bouffonneries,  farces,  sont  d'un  goût  châtié, 
où  la  morale  est  respectée.  La  plupart  sont  des  satires  des 
mœurs  contemporaines  et  pétillent  de  verve  et  d'esprit. 
Mais  comme  toutes  les  œuvres  du  même  genre,  si  elles 
ont  beaucoup  diverti  les  contemporains,  elles  ont  vieilli 
vite;  bien  des  traits  mordants  n'ont  plus  de  sel  pour 
nous,  et  tel  mot  nous  semble  fade  qui  a  eu  un  succès 
de  fou  rire.  La  seule,  peut-être,  des  pièces  de  Dumersan 
qu'on  joue  encore  aujourd'hui,  parce  qu'elle  est  un  véri- 
table chef-d'œuvre,  ce-  sont  les  Saltimbanques,  Parmi 
les  autres  œuvres  de  théâtre  de  cet  auteur  si  fécond, 
nous  citerons  les  suivantes  :  la  Fête  du  bourgeois  de 
Paris  (1816;  en  collaboration  avec  Merle);  Maître 
André  (1807;  en  collaboration  avec  Brazier,  ainsi  que 
les  cinq  suivantes);  Sage  et  Coquette  (1815);  l'Ecole 
du  village  (1818);  le  Vieux  Berger  (1819,);  les 
Bonnes  d'enfants  (1820);  les  Paysans  (1820);  les 
Deux  Philibert  (1816;  en  collaboration  avec  Merle  et 
Brazier);  Zoé  (1821  ;  avec  Aubertin);  la  Pension  bour- 
geoise (iS^^;  avec  Scribe  et  Dupin);  le  Chanteur  éternel 
(1805;  avec  Désaugiers);  Turlupin  (1808;  avec  Désau- 
giers),  etc.  Il  a  donné,  sans  collaborateur,  entre  autres  : 
l'Original  de  Pourceaugnac  (1816)  ;  l'Intrigue  sur  les 
toits  (1805);  Cadet  Roussel,  beau-père  (1810);  le  Petit 
Chaperon  rouge  (1811);  Gargantua  ou  Rabelais  en 
voyage  (1813)  ;  le  Tribunal  des  femmes  (1814)  ;  Mon- 
sieur Bon  Enfant  (1816);  le  Grelot  magique  (1817); 
le  Méchant  malgré  lui  (1824)  ;  Pauline  ou  Brusque  et 
bonne  (1826);  les  Brioches  à  la  mode;  M.  Cagnard; 
Voltaire  chez  les  capucins  ;  M"^^  Gibou  et  il/^*  Pochet , 
pièce  excellente,  dont  les  types  sont  devenus  légendaires. 
Il  faut  citer  quelques  romans  de  Dumersan  :  l'Homme  à 
deux  têtes  (1825,  4vol.  in-12.);  le  Soldat  laboureur, 
dont  tout  le  monde  connaît  les  couplets  patriotiques. 
Comme  conservateur  du  Cabinet  des  médailles,  Dumersan 
a  été  amené  à  s'occuper  d'archéologie,  et  il  a  pubhé  dans 
ce  domaine  quelques  travaux  qui  n'ont  plus  guère  aujour- 
d'hui d'intérêt  scientifique  :  Notice  des  monuments  ex- 
posés dans  le  Cabinet  des  médailles  et  antiques  de  la 
Bibliothèque  du  roi  (1819;  3^  éd.,  1840,  in-8); 
Numismatique  du  voyage  du  jeune  Anachar sis  (1818, 
2  vol.  in-8)  ;  Histoire  du  Cabinet  des  médailles  (Paris, 
1838,  in-8).  E.  Babelon. 

DUMES.  Com.  du  dép.  des  Landes,  arr.  et  cant.  de 
Saint-Sever;  202  hab. 

DUMESNIL  (Marie-Françoise  Marchand,  dite),  tragé- 
dienne française,  née  à  Paris  le  2  janv.  1713,  morte  à 
Boulogne-sur-Mer  le  20  févr.  1803.  Elle  fut  une  des  plus 
grandes  actrices,  et  peut-être  la  plus  grande  tragédienne 
qu'ait  connue  la  France.  Tous  les  contemporains  la  placent 
au-dessus  de  sa  rivale,  M"^  Clairon,  malgré  le  grand  talent 


DUMESNIL  —  DUMFRIES 


—  44  — 


de  celle-ci,  et  affirment  qu'elle  l'emportait  sur  elle  par 
l'accent  pathétique  et  la  profondeur  du  sentiment.  Elle 
avait  commencé  sa  carrière  en  province,  à  Strasbourg  et  à 
Compiègne,  et  avait  débuté  à  la  Comédie-Française  le 
6  août  4737,  par  le  rôle  de  Clytemnestre  àawsJphigénie. 
Son  physique  n'était  rien  moins  que  majestueux,  mais  la 
flamme  de  ses  yeux  et  la  grandeur  de  son  débit  la  trans- 
formaient en  scène,  et  son  talent  admirable  excitait  l'ad- 
miration du  public.  Ce  talent  était  surtout  de  nature  et  d'im- 
pression ;  elle  avait  «  des  entrailles  »,  comme  on  disait  alors, 
et  elle  savait  à  volonté  faire  frémir,  ou  trembler,  ou  pleurer, 
tandis  que  chez  M^^^  Clairon  on  sentait  parfois  un  peu  trop 
l'étude  et  le  travail.  M^^®  Dumesnil  était  incomparable  dans 
Cléopàtre  de  Bodogune,  dans  Hermione  à'Andromaque^ 
dans  Athalie,  dans  Phèdre,  dans  Britannicus,  et  sa  ten- 
dresse était  aussi  émouvante  que  ses  fureurs  étaient  terribles. 
Voltaire  lui  avait  voué  une  admiration  profonde,  et  elle  aida 
singulièrement  à  ses  triomphes  en  mainte  occasion,  notam- 
ment lorsqu'elle  créa  Mérope,  que  jamais  tragédienne  n'a 
jouée  comme  elle.  Dans  le  cours  d'une  carrière  qui  se  pro- 
longea pendant  près  de  quarante  années,  elle  fit  un  grand 
nombre  d'autres  créations.  Il  faut  citer  tout  particulière- 
ment Sémiramis^  Oreste,  Warwick^  Guillaume  Tell, 
Bajazet  P*",  les  Chérusques,  Olympie,  Cosroès,  Adèle 
de  Hongrie,  Zulime,  Edouard  lll,  l(^s  Troyennes,  les 
Héraclides,  etc.  Cette  tragédienne  si  pathétique  et  si 
émouvante  se  montrait  aussi  supérieure  lorsque  parfois  elle 
abordait  la  comédie,  et  elle  trouvait  des  accents  d'un 
naturel  et  d'un  comique  achevés.  M^^^  Dumcsnil  prît  sa 
retraite  à  la  fermeture  de  Pâques  de  4776,  après  trenle- 
neuf  ans  de  services,  et  mena  une  vie  complètement  mo- 
deste et  retirée  jusqu'à  sa  mort.  On  sait  que  M^^®  Clairon 
avait  publié  des  Mémoires  dans  lesquels  elle  maltraitait, 
avec  aussi  peu  de  goût  que  de  justice  et  de  retenue,  son 
ancienne  rivale.  W^^  Dumesnil  se  contenta  d'autoriser 
Coste  d'Arnobat  à  pubher  lui-même  sous  ce  titre  :  Mé- 
moire  de  Marie-Françoise  Dumesnil,  en  réponse  aux 
Mémoires  dllippolyte  Clairon,  un  livre  dans  lequel  il 
réfutait  les  assertions  hasardées  de  la  trop  irascible  tragé- 
dienne. Arthur  Pougin. 

DUMESNIL  (Pierre),  imprim.eur-libraire  et  poète  fran- 
çais, né  à  Rouen  en  4775,  mort  en  4834.11  est  l'auteur, 
entre  autres,  de  deux  poèmes  :  Oreste  (Paris,  4804  et 
4844)  et  Jea7ine  d'Arc  (4848).  G.  P-i. 

DUMESNIL  (Louis-Alexis  Lemaithe),  écrivain  français, 
né  à  Caen  le  40  sept.  4783,  mort  le  27  sept.  4858.  Agé  de 
de  seize  ans  à  peine,  il  combattit  dans  les  rangs  des  Ven- 
déens jusqu'à  la  pacification.  Il  s'engagea  alors  dans  Tar- 
mée  républicaine.  Bientôt  il  attira  l'attention  de  Bonaparte 
par  divers  actes  d'insubordination  et  par  ses  manifestations 
contre  son  gouvernement  tyrannique.  Signalé  par  la  police 
comme  un  homme  dangereux,  il  fut  emprisonné  au  Temple, 
puis  transféré  à  Nancy  et  mis  en  surveillance  à  Lunéville. 
Il  publia  alors  divers  ouvrages  :  Examen  politique, phi- 
losophique et  moral  (Paris,  4806,  in-42);  l'Esprit  des 
religions  (4840,  in-8);  l'Esprit  de  vérité  (4840,  in-8), 
et  le  Bègne  de  Louis  XI  et  de  Vinflue7ice  qu'il  a  eue 
jusque  sur  les  derniers  temps  de  la  troisième  dynas- 
tie (4844,  in-8),  qui  lui  attira  de  nouveaux  démêlés  avec 
la  police  impériale,  car  on  y  découvrit  toutes  sortes  d'allu- 
sions méchantes  à  Napoléon.  A  la  Restauration,  Dumesnil 
fut  nommé  commissaire  extraordinaire  en  Normandie, 
commanda  les  volontaires  royaux  de  ce  pays  au  moment 
du  retour  de  l'île  d'Elbe  et  fut  pour  ce  fait  arrêté  et  em- 
prisonné. Délivré  après  les  Cent-Jours,  il  rentra  dans  la  vie 
privée.  Il  collabora  au  Mercure,  à  V Album,  se  fit  con- 
damner en  4824  à  un  mois  de  prison  pour  des  articles 
publiés  dans  ce  recueil,  au  Livre  des  Cent  et  un,  etc. 
Nous  citerons  encore  de  lui  :  Eloge  de  Biaise  Pascal 
(Paris,  4843,  m-^);Epître  aux  Français  (48i9,  in-8); 
Histoire  de  Philippe  II  d'Espagne  (1822,  in-8);  Con- 
sidérations sur  les  causes  et  les  progrès  de  la  corrup- 
tion en  France  (1824,  in-8);  la  Nation  française  et 


S071  roi  appelés  à  juger  la  conspiration  permanente  et 
progressive  du  parti  jésuitique  (4825,  in-8);  Histoire 
de  Don  Juan  d'Autriche  (1826,  in-S);  Mœurs  politiques 
au  XIX®  siècle  (4830-4834,  3  vol.  in-8)  ;  Becettes  poli- 
tiques (4837,  in-8);  Histoire  de  l'esprit  public  en  France 
depuis  il 89  (1840,  in-8);  le  Siècle  maudit  (1843, 
in-8);  Epreuves  sociales  de  la  France  depuis  Louis  XIV 
jusqu'à  nos  jours  (4845,  in-8);  la  Manifestation  de 
l'esprit  de  vérité  (1 846,  in-l  6);  la  Délivrance  du  peuple 
(4848,  in-16),  etc.,  etc.  Il  a  encore  pubhé  les  Mémoires 
inédits  de  Sénart(4826,  in-8). 

DUMESNIL  (Antoine-Jules),  homme  politique  français, 
né  à  Puiseaux  (Loiret)  le  25  nov.  4805,  mort  à  Orléans 
le  24  août  4894.  Avocat  au  conseil  d'Etat  et  à  la  cour  de 
cassation,  il  entra  au  conseil  général  du  Loiret  en  4833, 
devint  vice-président  de  cette  assemblée  en  1874  et  fut  élu 
sénateur  du  Loiret  le  30  janv.  4876.  Membre  du  centre 
gauche,  il  combattit  le  gouvernement  du  46  mai. Réélu  le 
5  janv.  4879,  il  ne  posa  pas  sa  candidature  aux  élections 
du  5  janv.  4888.  Il  a  écrit  :  Lois  et  règlements  de  la 
caisse  des  dépôts  et  consignations  dans  ses  rapports 
avec  les  particuliers  (Paris,  1839,  in-8);  Manuel  des 
pensionnaires  de  l'Etat  (\%\\,  in-48);  De  l'Organisa- 
tion et  des  attributions  des  conseils  généraux  et  des 
conseils  d'arrondissement  (4837,  ¥  éd.,  1852,  2  vol. 
in-8);  Bésumédu  droit  français  (4846,  in-8);  Traité  de 
la  législation  spéciale  du  Trésor  public  en  matière 
contentieuse  (4846,  in-8;  nouv.  éd.,  4884,  in-8)  ;  Du 
Droit  des  évêques  sur  les  livres  d'église  (4847,  in-8); 
Histoire  des  plus  célèbres  amateurs  (4853-1860,  6  vol. 
in-8);  Voyageurs  français  en  Italie  depuis  le  xvi®  siècle 
jusqu'à  nos  jours  (4864,  in-42);  Histoire  de  Sixte- 
Quint  (4868,  in-8);  Histoire  de  Jules  7/(4873,  in-8). 

DUMESNIL  (Alexandre  Ernest-Armand),  administrateur 
français,  né  à  l'île  d'Oléron  le  19  sept.  4819.  Fonction- 
naire de  l'instruction  pubhque,  il  fut  nommé,  en  4870, 
directeur  de  l'enseignement  supérieur,  entra  au  conseil 
d'Etat  (service  extraordinaire)  en  4876  et  fut  nommé  con- 
seiller en  service  ordinaire  en  4879.  Il  a  pris  une  part 
active  à  la  réorganisation  de  l'enseignement  supérieur  et 
il  fait  partie  du  conseil  supérieur  de  l'instruction  publique 
comme  membre  nommé  par  le  président  de  la  République. 
Il  a  écrit  ;  Paris  et  les  Allemands,  journal  d'un  témoin, 
1810-1811  (Paris,  4872,  in-42);  Congrès  internatio- 
nal de  Bruxelles.  Lettre  à  M.  Jules  Ferry  (4880,  in-8). 

DUMESNIL-Marigny  (Jules),  économiste  français,  né 
à  Dijon  en  4840,  mort  à  Paris  en  4885.  Ingénieur  delà 
marine,  il  s'est  presque  uniquement  occupé  d'études  éco- 
nomiques et  sociales,  et  a  publié  notamment  ;  Aperçus 
nouveaux  en  faveur  du  libre-échange  (Paris,  4857, 
in-8);  les  Libre-Echangistes  et  les  Protectionnistes 
conciliés  (4860,  gr.  in-8;  ¥  éd.  sous  le  titre  l'Economie 
politique  devenue  science  exacte A^^'à,  in-8)  ;  Question 
du  libre-échange,  solution  {i^6i,  in-8);  De  la  Liberté 
des  ventes  aux  enchères  (4862,  in-42,  3®  éd.);  Caté- 
chisme de  l'économie  politique  (4863,  in-42  ;  4^  éd.  sous 
le  titre  le  Bien- Etre  pour  les  travailleurs,  4865, 
in-42);  les  Céréales  et  la  Douane (\S66,m-i'i);  leBôle 
de  l'industrie  française  (4868,  in-42)  ;  Histoire  de  l'éco- 
7îomie  politique  des  anciens  peuples  de  l'Inde,  de 
l'Egypte,  de  la  Judée  et  de  la  Grèce  (4872,  2  vol. 
in-8;  3«  éd.  augm.,  4877,  3  vol.  in-8),  et  plusieurs  bro- 
chures comme  Solution  de  la  question  des  salaires; 
Fin  des  grèves  (4865),  etc. 

DUMFRIES.  Ville.  —Ville  d'Ecosse,  ch.-l.  du  comté 
de  ce  nom  au  S.-O.  du  pays,  sur  le  Nith  ;  17,092  hab.  (en 
4884).  Située  à  10  kil.  de  la  mer,  elle  possède  un  petit 
port  accessible  aux  bateaux  de  450  tonnes.  La  flotte  locale 
comprend  trente-cinq  bâtiments  déplaçant  3,300  tonnes. 
Le  commerce  est  uniquement  de  cabotage.  Il  fut  plus  im- 
portant jadis,  surtout  à  cause  de  la  contrebande  très  active 
en  ces  parages  (V.  Bedgauntlet  de  Walter  Scott).  La  prin- 
cipale industrie  est  celle  des  lainages.  Située  à  la  frontière. 


—  45  - 


DUMFRIES  —  DUMOLARD 


Dumfries  eut  quelque  importance  dans  les  affaires  anglo- 
écossaises,  mais  aucun  fait  considérable  ne  s'y  est  accompli. 
Comté.  —  Comté  d'Ecosse  sur  le  golfe  de  Solway  ; 
2,774  kil.  q.et  76,140  hab.  Il  est  essentiellement  formé  des 
vallées  de  trois  petits  fleuves  tributaires  du  golfe,  le  Nith, 
l'Annan  et  l'Esk.  L'intérieur  est  très  accidenté  ;  les  col- 
lines couvertes  de  pâturages  et  de  landes  sont  dominées  par 
le  Hartfell  (804  m.)  ;  elles  abritent  la  côte  dont  le  climat 
est  assez  doux.  Le  sol  renferme  du  fer  et  du  plomb  argen- 
tifère, 21  %  sont  pris  pour  les  terres  labourées,  13  °/o  par 
les  prairies,  5  %  par  les  bois.  On  comptait  (en  1881) 
54,000  bœufs,  507,000  moutons  et  20,000  porcs. 

DUMICHEN  (Johannes),  égyptologue  allemand,  né  à 
Weissholz  (près  Gross-Glogau)  le  15  oct.  1833.  Elève  de 
Lepsius  et  Brugsch,  il  se  rendit  en  Egypte  en  oct.  1862 
et  pénétra  jusqu'au  Soudan  ;  revenu  en  oct.  1865,  il  re- 
partit pour  l'Egypte  en  1868  et  1869.  En  1872,  il  fut 
nommé  professeur  d'égyptologie  à  l'université  de  Stras- 
bourg. Parmi  ses  nombreuses  publications  de  textes  hiéro- 
glyphiques, nous  citerons  :  Bauurkunde  der  Tempels 
von  Dendera  {Leipzig,  1865)  ;  Geographischeinschriften 
altœgyptischer  Denkmœler  (Leipzig,  1865-68,  4  vol.)  ; 
AUœgyptiscke  Kalenderinschriften  (Leipzig,  1866)  ; 
Altœgyptische  Tempelinschriften  (Leipzig,  1867, 2  vol.)  ; 
Histohsche  Inschriften  altœgyptischer  Denkmœler 
(Leipzig,  1867-69, 2 vol.)  ;  Der  œgyptische  Felsentem- 
pelvon  Abu-Simbel  (Berlin,  1869);  Eine  altœgyptis- 
che  Getreiderechnung  (Leipzig,  1870);  Resultate  einer 
archœologischen  Expédition  (avec  Graser  et  R.  Hart- 
mann) ;  Photographische  Resultate  einer  archœolo- 
gischen Expédition  (Leipzig,  1871)  ;  Die  Kalendarischen 
Opferfestlisten  von  Medinet-Habu  (Leipzig,  1881).  En 
outre,  il  a  donné  deux  ouvrages  de  luxe  :  Die  Flotte  einer 
œgyptischen  Kœnigin  (Leipzig,  1 868)  et  Nilbilder{ûg[ives 
de  K.  Werner)  ;  de  nombreux  articles  dans  Zeitschrift 
fur  œgyptische  Sprache;  des  ouvrages  remarqués  :  Die 
erste  sic  hère  angabe  uber  die  Regierungzeit  eines  œgyp- 
tischen Kœnigs  (Leipzig,  1874);  Baugeschichte  und 
Beschriebung  des  Denderatempels  (Strasbourg,  1877, 
avec  59  pi.)  ;  Die  Oasen  der  Libyschen  Wilste  (Stras- 
bourg, 1878);  Des  Grabpalast  der  Patuamenap  in  der 
thebanischen  Nekropolis  (Leipzig,  1884-85)  ;  enfin  l'his- 
toire d'Egypte  insérée  dans  la  collection  Oncken. 

DUMILATRE  (Jean-Alplionse-Edme-Achille),  sculpteur 
français,  né  à  Bordeaux  (Gironde)  le  22  avr.  1844.  Elève 
de  Dumont  et  Cavelier,  il  exposa  au  Salon  de  1878  le 
modèle  du  monument  funéraire  des  aéronautes  Siuel  et 
Crocé-Spinelli,  les  victimes  de  la  catastrophe  du  Zénith  ; 
ce  monument  est  au  cimetière  du  Père-Lachaise.  On  doit 
à  cet  artiste  la  statue  de  Montesquieu  à  la  Faculté  de 
droit  de  Bordeaux  ;  la  Poésie  lyrique,  statue  pierre,  au 
théâtre  de  Bordeaux,  le  modèle  d'un  monument  élevé  à  La 
Fontaine,  en  collaboration  avec  l'architecte  Frantz-Jour- 
dain,  Jeune  Vendangeur,  statue  bronze.  Ces  deux  dernières 
œuvres  et  le  bronze  du  monument  des  aéronautes  ont  figuré 
à  l'Exposition  universelle  de  1889.  Le  monument  de  La 
Fontaine  a  été  érigé,  au  moisdejuil.  1891,  sur  les  pelouses 
du  Ranelagh,  à  Passy.  M.  D.  S. 

DU  MIRAL  (Claude -Antoine  Rudel),  homme  politique 
français,  né  à  Chauriat  (Puy-de-Dôme)  en  1719,  mort  au 
château  du  Mirai  le  18  juin  1807.  Avocat  au  parlement 
de  Paris,  il  se  fit  inscrire  ensuite  au  barreau  de  Thiers  et 
fut  élu  député  du  Puy-de-Dôme  à  la  Convention  le  7  sept. 
1792.  Il  vota  la  mort  du  roi,  et  travailla  activement  dans 
les  comités.  Là  se  borna  son  rôle  politique.  Il  fut  encore 
représentant  du  Puy-de-Dôme  au  conseil  des  Anciens 
(22  vendémiaire  an  IV).  —  Un  de  ses  descendants, 
Charles-Godefroy-Francisque  Rudel,  né  à  Clermont- 
Ferrjnd  le  11  avr.  1812,  mort  au  château  de  Villeneuve 
(Creuse)  le  14  janv.  1884,  avocat  général  à  Riom  en  1 846, 
se  présenta  sans  succès  aux  élections  de  1848  dans  le  dép. 
du  Puy-de-Dôme,  et,  ayant  donné  sa  démission  de  magis- 
trat, s'occupa  beaucoup  d'agriculture»,  et  fonda  une  ferme 


modèle  à  Villeneuve.  Conseiller  général  de  la  Creuse,  il 
fut  élu  député  de  ce  département  au  Corps  législatif  le 
29  févr.  1852.  Bonapartiste  ardent  et  partisan  enthou- 
siaste de  M.  Rouher,  il  fut  successivement  réélu  en  1857, 
1863  et  1869.  La  Chambre  le  nomma  vice-président,  et 
trois  années  de  suite  rapporteur  du  budget. 

DUIVIIVILER  (Enist-Ludwig),  historien  allemand,  né  à 
Berlin  le  2  janv.  1830.  Elève  de  Lœbell,  Ranke  et  V^at- 
tenbach,  il  séjourna  quelque  temps  à  Vienne,  devint  pro- 
fesseur à  l'université  de  Halle  (1855).  Il  dirige  la  section 
Antiquitates  de  la  publication  des  Monumenta  Germa- 
niœ  et  a  terminé  avecWattenbach  les  Monumenta  Alcui- 
niana  de  Jaffé  (Berlin,  1873).  Parmi  ses  écrits  nous 
citerons  :  De  Arnulfo  Francoriim  rege  (Berlin,  1852)  ; 
DeJ^ohemiœ  condicione  Carolis  imperantibus  (Halle, 
1855)  ;  Pilgrim  von  Passau  und  das  Erzbistum  Lorch 
(Leipzig,  1854)  ;  lleber  die  œltere  Geschichte  der  Sla- 
ven  in  Dalmatien  (Vienne,  1856)  ;  Das  Formelbuch 
des  Bischofs  Salomo  III  von  Konstanz  (Leipzig,  1857); 
son  grand  ouvrage  Geschichte  des  Ostfrœnkischen 
Mc/is  (Berlin,  1862-65,  2  vol.);  Auxilius  und  Vulga- 
rius  (Leipzig,  1866);  Gesta  Berengarii  imper atoris 
(Halle,  1871)  ;  Anselm,  der Peripatetiker  (Halle,  1872)  ; 
Otto  des  Grosse  (Leipzig,  1876)  en  collaboration  avec 
R.  Kœpke. 

DUMNACUS,  gaulois,  chef  des  Andes  ou  Andecaves. 
En  51  av.  J.-C,  après  la  chute  d'Alésia,  il  essaya  de  pro- 
longer la  résistance  et,  à  la  tète  de  plusieurs  milliers 
d'hommes,  il  assiégea  dans  Lemonum  (Poitiers)  Duratius, 
chef  gaulois  vendu  aux  Romains.  Fabius,  le  lieutenant  de 
César,  accourut,  le  força  à  lever  le  siège  et  mit  son  armée 
en  déroute  sur  les  bords  de  la  Loire.  Vaincu  et  abandonné 
de  tous,  Dumnacus  se  réfugia  à  l'extrémité  de  la  Gaule. 
BiBL.  :  César,  De  Bello  Galllco,  Vlll,  26,  27,  29  et  31. 
DUMNORIX,DUBNORIX,DUBNOREX,chefdesEduens, 
frère  de  Divitiacus.  En  58  av.  J.-C,  il  favorisa  le  projet 
d'émigration  de  son  beau-père  Orgetorix,  chef  des  Helvètes, 
et  fit  des  démarches  auprès  des  Séquanais  pour  lui  ouvrir 
un  passage  à  travers  leur  pays.  Dans  la  campagne  de  Cé- 
sar contre  les  Helvètes,  il  commanda  pour  le  compte  des 
Romains  la  cavalerie  auxiliaire  des  Eduens  ;  mais,  dans  des 
vues  ambitieuses,  il  trahissait  à  la  fois  les  Romains  et  ceux 
des  Eduens  qui  se  montraient  partisans  de  l'alliance  ro- 
maine. Ses  agissements  suspects  ayant  été  révélés  au  pro- 
consul par  le  vergobret  Liscus,  il  ne  dut  son  salut  qu'à 
l'intercession  de  son  frère  Divitiacus.  César  se  contenta 
de  le  soumettre  à  une  surveillance  sévère.  Plus  tard,  en  54, 
César,  pour  couper  court  aux  projets  ambitieux  de  Dum- 
norix,  résolut  de  l'emmener  dans  sa  seconde  expédition  en 
Angleterre.  Sur  son  refus  motivé  par  des  raisons  de  santé 
et  de  religion,  et  après  une  tentative  qu'il  fit  pour  s'é- 
chapper du  camp  romain,  il  fut  assassiné  par  les  cavaliers 
envoyés  à  sa  poursuite.  L.  W. 

BiBL.  :  Cksar,  De  Bello  Gallico,  I,  3,  9,  18-20;  V,  6,  7.— 
Plutarque,  Vie  de  César,  XVIII.  —  Dion  Cassius, 
XXXVIII,  31,  32.  —  Sur  les  médailles  éduennes  avec 
rinscription  DVBNOREX,  DVBNOREIX,  V.  la  col- 
lection Récamier,  à  Paris,  et  de  Saulcy,  les  Campagnes 
de  César  dans  les  Gaules  ;  Paris,  1862,  p.  258. 

DUMOLARD  (Joseph-Vincent),  homme  politique  fran- 
çais, né  à  La  Motte-Saint-Martin  (Isère)  le  25  nov.  1766, 
mort  à  sa  campagne  de  Villevallier,  près  de  Joigny,  le  3  août 
4819.  Avocat  à  Grenoble,  il  fut  nommé  députe  de  l'Isère 
à  l'Assemblée  législative,  où  il  siégea  parmi  les  modérés,  et 
fut,  pour  avoir  défendu  La  Fayette,  insulté  et  menacé  dans 
la  rue  le  8  août  1792.  Député  du  même  département  au 
conseil  des  Cinq-Cents,  il  y  soutint  la  politique  contre- 
révolutionnaire  des  Clichyens  et  fut  compris  dans  la  pros- 
cription du  18  fructidor.  On  l'exila  à  Oléron.  Après  le  18 
brumaire,  il  se  rallia  à  Bonaparte.  Député  au  Corps  légis- 
latif par  les  dép.  du  Nord  (1805)  et  de  l'Yonne  (1811), 
il  y  fit  partie  de  la  minorité  hbérale  et  adhéra  aux  Bour- 
bons. Député  de  l'Yonne  à  la  Chambre  des  Cent-Jours,  il  rentra 
dans  la  vie  privée  après  la  seconde  Restauration.  F. -A.  A. 


DUMOLARD  -  DUMONS 


BiBL.  :  A.  Rochas,  Biographie  du  Dauphinê;  Paris, 
1856,  2  vol.  in-8. 

DUMOLARD  (Henri-François-Etienne-Elisabeth  Orcel)  , 
auteur  dramatique  français,  né  à  Paris  le  2  oct.  4771, 
mort  à  Paris  le  24  déc.  484o.  Secrétaire  de  l'administra- 
tion générale  de  la  police  en  4789,  puis  vérificateur  au 
Trésor  public  et  avocat  à  la  cour  de  Paris,  il  s'était  fait 
connaître  par  quelques  pièces  qui  eurent  du  succès  dans  le 
temps.  Nous  citerons  :  le  Philinthe  de  Destouches  ou  la 
Suite  du  Glorieux,  comédie  en  cinq  actes,  représentée  en 
4802  au  théâtre  Molière;  le  Mari  instituteur  ou  les 
Nouveaux  Epoux,  comédie  en  un  acte  et  en  vers  (Porte- 
Saint-Martin,  4804)  ;  la  Mort  de  Jeanne  d'Arc,  tragédie 
en  trois  actes  en  vers  (Orléans,  4805);  Vincent  de  Paul, 
drame  en  trois  actes  en  vers  (Second  Théâtre-Français, 
4804);  Bon  Naturel  et  vanité,  comédie  {id»,  4808); 
La  Fontaine  chez  Fouquet,  comédie  (Théâtre-Français, 
4809);  Une  Heure  d'Alcibiade,  vaudeville  (théâtre  des 
Jeunes-Elèves,  4804);  le  Pied  d^iV^^  (Vaudeville,  4809); 
Marmontel  et  Thomas  {id.,  4843);  Madame  Favart, 
en  collaboration  avec  Moreau  {id.,  4806);  avec  le  même 
collaborateur  :  les  Avant-Postes  du  maréchal  de  Saxe 
(4808),  le  Secret  de  Madame  (4840),  VExil  de  Ro- 
chester  (4844);  avec  Favart  :  le  Rival  par  amitié  (4  809)  ; 
avec  d'autres  :  les  Expédients  (4844),  le  Roman  d'un 
;owr  (4842),  Calot  à  Nancy  (iS\3) ,  la  Vieillesse  de 
Fontenelle  (4844),  etc.  Il  a  encore  écrit  :  Fénelon  au 
tombeau  de  Rotrou  (1844,  in-8),  poème;  Plan  de  con- 
ciliation e7itre  Vintérêt  des  contribuables  et  les  ren- 
tiers de  l'Etat  (4836,  in-8);  Entretiens  de  Vautre 
monde  (4845,  in-8),  et  réuni  son  T/i^air^  (Paris,  4834, 
in-8).  En  outre,  il  a  publié  les  Mémoires  de  Favart 
(1808,  3  vol.  in-8). 

DU  NI  ON  (Pierre- Sylvain),  homme  d'Etat  français,  né  à 
Agen  en  4797,  mort  à  Paris  le  24  févr.  4870.  Avocat 
libéral  sous  la  Restauration,  il  obtint  de  grands  succès  au 
barreau  de  Paris.  Aussi  fut-il  appelé,  peu  après  les  journées 
de  Juillet  (4830)  au  poste  d'avocat  général  près  la  cour 
royale  d'Agen  ;  il  le  quitta  en  4834  pour  aller  représenter 
sa  ville  natale  à  la  Chambre  des  députés.  Nommé  conseiller 
d'Etat  en  4832,  vice-président  du  comité  de  législation  en 
4840  et  membre  de  la  commission  chargée  des  affaires 
d'Algérie  en  4842,  il  fut  peu  après  appelé  au  ministère  des 
travaux  publics  (4844),  où  il  eut  une  grande  part  à  l'or- 
ganisation des  chemins  de  fer  français.  Il  échangea  son 
portefeuille  contre  celui  des  finances  en  4847,  fut  rejeté 
dans  la  vie  privée  par  la  révolution  du  24  février  et  de- 
vint membre  de  l'Académie  des  sciences  morales  et  poli- 
tiques en  4859.  A.  Debidour. 

DU  M  ON  (Jean-Baptiste-Augustin),  homme  poHtique 
français,  né  à  Agen  le  20  sept.  4820.  Elève  de  l'Ecole 
polytechnique  et  sous-lieutenant  d'artillerie  en  4844,  il 
démissionna  presque  aussitôt  pour  se  consacrer  à  l'exploi- 
tation de  vastes  vignobles  dans  le  Gers.  Conseiller  général 
de  ce  département,  il  fut  élu  représentant  à  l'Assemblée 
nationale  le  8  févr.  4874,  siégea  à  l'extrême  droite  et  vota 
contre  les  lois  constitutionnelles.  Le  44  déc.  4875,  il  fut 
élu  sénateur  inamovible  par  l'Assemblée  nationale.  Il  siégea 
aussi  à  l'extrême  droite  du  Sénat,  appuya  la  politique  du 
46  mai  et  combattit  tous  les  ministères  républicains. 

DUMON-DuMORTiER  (Augustin-Aimable),  homme  po- 
litique belge,  né  à  Lille  en  4794,  mort  à  Tournai  en  4852. 
Il  fut  élu  membre  du  Sénat  en  4835  et  y  siégea  jusqu'à  sa 
mort.  Il  fut  appelé  cinq  années  de  suite  à  la  présidence  de 
la  haute  assemblée  et  exerça  une  grande  influence  sur  les 
délibérations.  Il  appartenait  au  centre  gauche.  Le  roi  Léo- 
pold  P^  avait  en  lui  une  profonde  confiance  et  voulut  à 
trois  reprises  le  charger  de  constituer  un  ministère,  mais 
Dumon  déclina  chaque  fois  cette  honorable  mission,  se 
bornant  à  aider  de  son  vote  et  de  ses  discours  les  ministres 
libéraux. 

DUMONCEAU  (Jean-Baptiste),  comte  de  Bergendael, 
maréchal  de  Hollande,  né  à  Bruxelles  le  7  nov.  4760,  mort 


le  29  déc.  4824.  H  exerça  d'abord  la  profession  d'architecte 
et  prit  part  à  l'insurrection  du  Brabant  contre  l'Autriche  en 
4788.  Il  était  devenu  colonel  d'un  corps  à  l'uniforme 
jaune  qu'on  appelait  les  (:a^a?"/5,  quand  la  défaite  de  son  parti 
l'obhgea  à  se  réfugier  en  France.  Après  avoir  combattu 
avec  nous  à  Jemmapes,  à  la  tête  d'un  bataillon  de  Belges 
qu'il  avait  formé,  il  fut  nommé  général  de  brigade  par  la 
Convention  en  4794  et  combattit  sous  Pichegru  dans  la 
fameuse  campagne  de  Hollande  qui  se  termina  par  la  con- 
quête de  ce  pays  et  la  fondation  de  la  République  batave. 
Nommé  lieutenant  général  par  cette  république,  il  battit 
les  Anglo-Russes  à  Bergen  en  4799,  et  devint  commandant 
en  chef  des  armées  de  son  pays  en  4805.  La  Hollande 
ayant  été  érigée  en  royaume  au  profit  de  Louis  Bonaparte, 
celui-ci  créa  Dumonceau  maréchal  en  4807,  le  nomma  con- 
seiller d'Etat  et  l'envoya  comme  ministre  plénipotentiaire  à 
Paris.  Rentré  en  Hollande,  il  repoussa,  deux  ans  après,  les 
Anglais  qui  étaient  descendus  dans  l'île  de  Walcheren. 
Pendant  la  campagne  de  Saxe,  en  4843,  il  fut  fait  prison- 
nier à  Dresde.  Rendu  à  la  hberté  en  4814,  il  commanda 
sous  la  première  Restauration  la  division  de  Mézières.  A  la 
seconde  Restauration,  il  se  retira  à  Bruxelles  où  il  mourut. 
Dumonceau  avait  été  fait  comte  de  l'Empire  par  Napoléon 
et  pourvu  d'une  riche  dotation.  C^était  un  général  intrépide 
et  habile  que  les  soldats  appelaient  communément  le  brave 
Dumonceau.  Sa  loyauté  égalait  son  courage  et  lui  avait 
valu  encore  le  surnom  de  général  sans  tache, 

DUMONCHAU  (Charles-François),  musicien  français, 
né  à  Strasbourg  le  44  avr.  4775,  mort  à  Lyon  le  24  déc. 
4820.  Il  étudia  surtout  le  piano,  sur  lequelil  acquit  une 
grande  habileté,  particulièrement  pour  l'exécution  des 
fugues.  Pendant  les  guerres  de  la  Révolution,  il  fut  em- 
ployé dans  l'administration  des  armées  ;  envoyé  à  Paris, 
il  s'y  ha  avec  Kreutzer  et  entra  au  Conservatoire.  Il  re- 
tourna ensuite  à  Strasbourg,  et  se  fixa  à  Lyon  en  4809.  On 
lui  doit  un  opéra-comique,  l'Officier  cosaque,  joué  à 
Paris  en  4805,  trente-trois  sonates  pour  piano,  vingt- 
quatre  sonates  pour  piano  avec  violon  ou  flûte,  deux  trios 
pour  piano,  violon  et  violoncelle,  deux  concertos  de  piano, 
des  airs  variés,  bagatelles,  etc.,  un  concerto  pour  cor,  une 
symphonie  concertante  pour  flûte,  hautbois  et  basson.  Ces 
deux  dernières  compositions  n'ont  pas  été  gravées.    A.  E. 

DU  MON  IN  (Jean-Edouard),  poète  de  l'école  de  Ronsard, 
né  à  Gy  (Haute-Saône)  en  4559,  mort  à  Paris  le  5  nov. 
4586.  Entré  comme  boursier  au  collège  de  Bourgogne, 
établissement  fondé  en  l'Université  de  Paris  pour  les  étu- 
diants pauvres  de  la  Franche-Comté,  il  débuta  comme 
httérateur,  à  l'âge  de  dix-neuf  ans ,  par  la  publication 
d'un  volume  de  mélanges  poétiques,  en  langue  latine,  qui 
le  fit  saluer  Phénix  par  tous  ceux  dont  la  Muse  en  fran- 
çais parlait  grec  et  latin  :  la  sienne  réussissait  à  amal- 
gamer toutes  les  langues,  ce  qui  put  sembler  alors  le  comble 
de  l'art.  Après  avoir  produit  cinq  autres  recueils  d'élucu- 
brations  amphigouriques,  son  impertinence  ne  connut  plus 
de  limites.  Un  propos  ordurier  en  langue  latine,  qu'il  afficha 
sur  la  porte  d'une  femme  galante,  le  fit  assassiner.  Sa  mort, 
à  l'âge  de  vingt-sept  ans,  fut  déplorée  par  des  élégies  et 
des  épitaphes  en  plusieurs  langues.  A.  Castan. 

BiBL.  :  F.  LÉLUT,  Lettre  à  mon  père  sur  Jean-Edouard 
du  Monin  ;  Paris  et  Gy,  1840,  in-8.  —  G.  Brunet,  art. 
Dumonin  de  Id^Biographie  générale. 

DUMONS  (Jean- Joseph),  peintre  français,  né  à  Tulle 
le  26  mars  4687,  mort  à  Paris  le  25  mars  4779.  La  pre- 
mière fois  que  le  rédacteur  du  catalogue  du  Salon  de  l'Aca- 
dcmie  royale  eut  à  s'occuper  de  Dumons,  il  corrigea  mal 
ses  épreuves  et  le  livret  de  4737  porte  en  effet  le  nom  de 
Dûment.  Cette  erreur,  renouvelée  par  d'autres,  a  fait  con- 
fondre le  peintre  de  Tulle  avec  son  contemporain  Dumont  le 
Romain,  et  elle  a  eu  pour  résultat  d'embrouiller  un  peu  leurs 
œuvres.  Des  recherches  attentives  permettent  aujourd'hui  de 
se  rendre  compte  de  la  part  de  gloire  qui  revient  à  chacun 
d'eux.  Celle  de  Jean-Joseph  Dumons  est  assez  mince.  Il  fut 
reçu  à  l'Académie  le  29  oct.  4735  et  donna  comme  morceau 


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DUMONS  -  DUMONT 


de  réception  un  tableau,  Adam  et  Eve,  que  le  musée  na- 
tional possédait  encore  il  y  a  trente  ans,  mais  qu'il  n'a 
jamais  cru  devoir  montrer  au  public,  le  trouvant  trop 
faible.  Dumons  profita  de  son  privilège  pour  exposer  aux 
Salons  du  Louvre.  Son  nom  figure  au  catalogue,  pour  lu 
première  fois  en  1737,  pour  la  dernière  en  1753.  Ses 
œuvres  ne  furent  pas  très  remarquées.  Ce  sont  des  tableaux 
d'église,  des  Vestales  entretenant  le  feu  sacré,  l'Amour 
piqué  par  une  abeille  et  quelques  autres  mythologies 
dans  le  goût  du  temps.  S'il  faut  en  croire  d'Argenville, 
Dumons  aurait  peint  pour  les  capucins  de  la  rue  Saint-Ho- 
noré  les  vingt-quatre  vieillards  prosternés  devant  le 
trône  de  l'Agneau.  Cette  peinture,  qui  a  disparu  avec  le 
couvent,  était  antérieure  à  4749,  puisqu'elle  est  men- 
tionnée dans  la  première  édition  du  Voyage  pittoresque 
de  Paris,  Les  occasions  d'exercer  sa  verve  ne  manquaient 
donc  pas  à  Dumons  ;  mais  il  restait  confondu  dans  la  foule 
des  maîtres  sans  gloire  auxquels  l'Académie  ne  conférait 
aucun  grade;  il  sentait  l'avenir  se  fermer  devant  lui; 
peut-être  avait-il  aussi  le  désir  de  revoir  sa  province  na- 
tale. Il  sollicita  et  il  obtint  une  fonction  qui  le  rapprochait 
de  Tulle.  Le  J^O  mars  1731,  un  brevet  signé  par  Louis  XV 
en  son  conseil  le  nomma  «  peintre  et  dessinateur  des  ma- 
nufactures de  tapisseries  établies  en  la  ville  et  faubourgs 
d'Aubusson  et  des  environs  ».  Aux  termes  de  cet  acte,  il 
devait,  moyennant  un  appointement  de  1,800  livres,  faire 
tous  les  deux  ans  un  séjour  de  trois  mois  à  Aubusson, 
fournir  aux  tapissiers  les  patrons  et  les  bordures  qui  leur 
étaient  nécessaires.  Ces  modèles  devaient  être  «  peints  et 
coloriés  à  l'huile  et  enrichis  d'arbres,  plantes,  fleurs, 
fabriques  et  animaux  ».  Ainsi  le  caractère  de  l'industrie 
locale  était  respecté;  ce  qu'on  demandait  à  Dumons, c'était 
des  verdures.  Il  recevait  en  outre  mission  d'exercer  une 
sorte  de  surveillance  sur  les  anciens  cartons  employés  dans 
les  manufactures  et  dont  la  pauvreté  avait  été  signalée  au 
roi  ;  il  devait  corriger  les  modèles  trop  défectueux  et  donner 
aux  manufacturiers,  aux  ouvriers,  aux  apprentis,  tous  les 
conseils  de  nature  à  améliorer  leur  goût  et  leur  travail. 
Louis  XV  avait  été  bien  inspiré  ce  jour-là,  car  les  tapis- 
siers d'Aubusson  se  laissaient  séduire  par  un  esprit  d'éco- 
nomie et  se  contentaient  d'une  fabrication  grossière. 
L'eftet  de  ces  dispositions  remontait  au  l^"^  janv.  1731. 
Elles  furent  renouvelées  et  précisées  par  M.  de  Machault 
le  22  juil.  17o0.  On  ne  sait  pas  dans  quelle  mesure 
Dumons  fut  utile  aux  industries  de  la  Marche  :  il  paraît 
avoir  réorganisé  une  école  de  dessin  et  formé  des  élèves; 
mais  il  ne  parvint  pas  à  rehausser  le  niveau  de  l'art  dans 
la  province,  il  eut  des  difficultés  avec  les  ouvriers  d'Au- 
busson qui  ne  consentirent  pas  à  reproduire  fidèlement  ses 
modèles  ;  il  se  fatigua  de  ces  luttes  et  fut  remplacé  en 
1751 .  Toutefois,  le  nom  de  Dumons  doit  rester  mêlé  à  l'his- 
toire de  la  tapisserie  française. 

Quant  à  ses  peintures,  elles  n'ont  jamais  eu  qu'un  succès 
douteux  et  on  les  chercherait  vainement  dans  les  musées. 
Nous  ne  pouvons  du  moins  en  signaler  aucune.  Mais  il  se 
trouve  que,  par  suite  de  circonstances  ignorées,  l'artiste 
avait  de  fréquentes  relations  avec  le  clergé  et  les  fabri- 
ciens  qui  prenaient  soin  de  l'église  de  Montreuil-sur-Mer. 
C'est  là  qu'il  envoyait  les  tableaux  dont  les  Parisiens 
n'avaient  pas  voulu.  Indépendamment  du  Saint  Louis 
tenant  la  couronne  d'épines,  exposé  au  Salon  de  1747, 
on  retrouve  dans  l'église  de  Montreuil  huit  grands  tableaux 
de  J.-J.  Dumons,  entre  autres  une  Annonciation,  signée 
et  datée  1762,  une  Assomption,  une  Fuite  en  Egypte. 
Ce  sont  des  œuvres  assez  faibles.  Paul  Mantz. 

BiBL.  :  Archives  de  l'art  français,  1857-1858,  t.  V.  —  A. 
OASTEL,  les  Tapisseries,  1876.  —  L.  Gravier,  les  Tapisse- 
ries a  Aubusson  {Réunion  des  Sociétés  des  beaux-arts  des 
départements,  1886). 

DU  MONSTIER  (V.  Dumoustiêr). 

DUMONT  (Henri),  compositeur  de  musique  religieuse, 
né  près  de  Liège  en  1610,  mort  à  Paris  le  8  mai  1684.  Il 
vint  de  bonne  heure  à  Paris,  y  acheva  ses  études  musicales 
et  y  devint  organiste  de  l'église  Saint-Paul,  puis   sous- 


maître  de  la  chapelle  du  roi  ;  il  figure  en  cette  qualité  sur 
les  états  depuis  1665  jusqu'à  1682.  Un  peu  avant  cette 
date,  Louis  XIV,  charmé  par  quelques  compositions  de 
Lully,  voulut  introduire  dans  sa  chapelle  un  nouveau  genre 
de  musique  religieuse,  avec  orchestre  ;  on  a  écrit  que  Dû- 
ment s'était  opposé  à  une  réforme  qu'il  considérait  comme 
contraire  aux  prescriptions  ecclésiastiques,  et  avait  quitté 
volontairement  la  chapelle  plutôt  que  de  céder  ;  mais  ses 
derniers  ouvrages  prouvent  au  contraire  sa  soumission  au 
goût  royal.  Dumont  était  chanoine  de  Saint-Servais  de 
Maestricht  et  abbé  commendataire  de  Notre-Dame  de  Silly. 
On  connaît  de  lui  deux  livres  de  Mélanges  à  2,  S,  4  et  5 
parties  avec  la  basse  continue,  etc.  (Paris,  1 649  et  1657)  ; 
Cantica  sacra  à  2,  3,  4  voc.  et  instrumentis  modu- 
lata  (1652)  ;  Motets  à  2  voix  avec  la  basse  continue, 
(1668);  Motets  à  2,  S  et  4  parties,  pour  voix  etinstmi- 
ments  (1681);  Motets  pour  la  chapelle  du  roy,  à 
16  parties,  publiés  après  sa  mort,  en  1686  «  par  exprès 
commandement  de  S.  M.  »  ;  Cinq  Messes  en  plain- 
cha7it,  appelées  Messes  royales,  imprimées  pour  la  pre- 
mière fois  en  1685,  souvent  reproduites  et  toujours 
chantées,  surtout  celle  du  premier  ton.  On  trouve  des 
motets  et  un  oratorio  de  Dumont  en  manuscrit  à  la 
Bibliothèque  nationale,  M.  Brenet. 

DUMONT  (Jean),  publiciste  et  historien  français,  né 
vers  le  milieu  du  xvii^  siècle,  mort  à  Vienne  (Autriche) 
en  1726.  Dumont  suivit  d'abord  la  carrière  militaire,  puis 
quitta  la  France  et  parcourut  l'Europe.  Il  attaqua  dans 
quelques  brochures  le  gouvernement  de  Louis  XIV.  Il  se 
fixa  alors  définitivement  à  l'étranger  et  devint  historio- 
graphe de  l'empereur  d'Allemagne  qui  lui  donna  le  titre  de 
baron  de  Carlscroon.  On  peut  citer  parmi  ses  nombreux 
ouvrages:  Nouveau  Voyage  au  Levant  (La Haye,  1694, 
in-12),  réimprimé  sous  le  titre  de  Voyages  en  France, 
en  Italie,  en  Allemagne,  à  Malte  et  en  Turquie  (La 
Haye,  1699,  4  vol.  in-12)  ;  Mémoires  politiques  pour 
servir  à  la  parfaite  intelligence  de  l'histoire  de  la 
paix  de  Ryswick  (La  Haye,  1699, 4  vol.  in-12)  ;  Recueils 
de  traités  d'alliance,  de  paix  et  de  commerce  entre 
les  rois,  princes  et  Etats  souverains  de  VEurope, 
depuis  la  paix  de  i)/w^5^<?r  (Amsterdam,  1710,  2  vol. 
in-12)  ;  Corps  universel  diplomatique  du  droit  des 
gens,  contenant  un  recueil  des  traités  de  paix,  d'aï- 
liance,  etc.,  faits  en  Europe,  depuis  Charlemagne 
jusqu'à  présent  (Amsterdam,  1726  et  an.  suiv.,  8  vol. 
in-fol.).  Ce  recueil  a  été  continué  après  la  mort  de  Dumont 
par  J.  Rousset. 

DUMONT  (François),  sculpteur  français,  né  à  Paris  en 
1688,  mort  à  Lille  (Nord)  le  14  déc.  1726.  H  était  fils  de 
Pierre  Dumont,  membre  de  l'Académie  de  Saint-Luc.  Il 
obtint  le  premier  prix  de  sculpture  en  1709,  sur  un  bas- 
relief  représentant  David  pardonnant  à  Abigaïl;  il  fut 
reçu  membre  de  l'Académie  royale  de  peinture  et  sculpture 
le  24  sept.  1712;  son  morceau  de  réception,  aujourd'hui 
au  Louvre,  représente  Titan  foudroyé,  statuette  marbre. 
Le  duc  Léopold  de  Lorraine  l'appela  à  Nancy  en  1721  ;  il  y 
fit  un  fronton  et  le  modèle  d'un  autel.  Nous  possédons  de 
cet  artiste  les  statues  de  Saint  Jean,  Saint  Paul,  Saint 
Pierre  et  Saint  Joseph  dans  l'église  Saint-Sulpice  à  Paris  ; 
des  sculptures  en  bas-relief  à  la  chapelle  du  château  de 
Versailles.  Il  fit  aussi  :  pour  Montpellier ,  le  monument 
de  la  Famille  Bonnier;  pour  Lille,  le  mausolée  du  Duc 
de  Melun,  qui  fut  placé  dans  l'église  des  Dominicains.  C'est 
en  faisant  poser  les  statues  de  ce  monument  que  François 
Dumont  se  tua  en  tombant  d'un  échafaudage.     M.  D.  S. 

DUMONT  (Jacques),  dit  le  Romain,  peintre  français, 
né  à  Paris  en  1 701 ,  mort  à  Paris  le  1 7  févr.  1 781 .  Le  peintre 
Dumont  était  le  frère  du  sculpteur  François  Dumont,  l'auteur 
des  grandes  figures  mouvementées  qui  décorent  les  portails 
latéraux  de  Saint-Sulpice.  Dans  sa  jeunesse,  Jacques  Du- 
mont visita  l'Italie  et  s'arrêta  quelque  temps  à  Rome. 
C'est  dans  ce  voyage  qu'il  a  formé  son  talent.  Mariette 
prétend  qu'il  fut  élève  de  Benedetto  Castiglione  :  la  chro- 


DUMONT 


—  48  — 


nologie  proteste  contre  cette  assertion,  puisque  Castiglione 
est  mort  avant  la  naissance  de  Dumont.  Mariette  a  voulu 
dire  que  l'artiste  parisien  a,  comme  Boucher,  étudié  les 
œuvres  du  peintre  génois,  et,  en  effet,  il  a  cherché,  sans 
les  renconti'er  toujours,  la  liberté  de  la  touche  et  l'esprit 
du  travail.  Dès  1726,  Dumont  était  de  retour  à  Paris,  car 
c'est  alors  qu'il  peignit  des  figures  dans  le  décor  que  Ser- 
vandoni  avait  improvisé  pour  l'opéra  de  Pyrame  et  Thisbé. 
Les  sujets  anecdotiques  l'intéressèrent  d'abord  et  il  fournit 
deux  dessins  pour  la  série  d'estampes  représentant  les 
principales  scènes  du  Roman  comique.  Le  25  sept.  1728, 
Jacques  Dumont  fut  reçu  à  l'Académie  royale  de  peinture  et 
donna  comme  morceau  de  réception  Her exile  et  Omphale, 
mythologie  assez  commune  qu'on  peut  voir  aujourd'hui  au 
musée  de  Tours.  Mais  les  motifs  qui  réclament  un  peu  de 
style  n'étaient  guère  dans  ses  aptitudes.  Dumont  se  hâta 
de  revenir  aux  sujets  modernes  et  il  peignit  en  1731  un 
vaste  tableau  qui  n'est  pas  sans  lui  faire  honneur  :  Ma- 
dame Mercier,  nourrice  de  Louis  AT,  entourée  de  sa 
famille.  Cette  composition,  où  se  groupent  neuf  figures,  est 
peut-être  le  chef-d'œuvre  de  Dumont,  qui  s'y  montre  bon 
peintre  de  costumes  et  virtuose  sûr  de  son  métier.  C'est 
peu  après  qu'il  prit  le  surnom  de  Romain  pour  n'être  pas 
confondu  avec  un  de  ses  collègues  de  l'Académie  qui  s'ap- 
pelait Jean-Joseph  Diimons  (V.  ci-dessus).  Jacques  Du- 
mont envoya  divers  tableaux  au  Salon  de  1737,  par- 
ticulièrement des  sujets  bibliques  où  se  révèle  un  certain 
dédain  pour  la  beauté  des  formes.  Volontiers  il  cherchait 
la  couleur,  mais  son  goût  reste  vulgaire.  On  le  vit  bien 
dans  un  Mucius  Scœvola,  peint  en  1747,  à  propos  d'un 
concours  organisé  entre  les  académiciens.  Cette  composi- 
tion, où  les  critiques  du  temps  ont  signalé  quelques  rac- 
courcis audacieux,  est  aujourd'hui  au  musée  de  Besançon. 
En  1749,  Dumont  fut  nommé  directeur  de  l'Ecole  des 
élèves  protégés  qui  venait  d'être  créée  ;  mais  il  ne  con- 
serva pas  ce  poste  :  c'est  à  la  suite  de  cette  magistrature 
d'un  instant  qu'une  pension  de  six  cents  livres  lui  fut 
accordée. 

Dumont  le  Romain  était  déjà  sexagénaire  lorsqu'il  obtint 
le  plus  grand  succès  de  sa  vie.  Les  échevins  de  Paris  lui 
avaient  commandé  pour  la  décoration  de  l'Hôtel  de  ville 
une  grande  composition  allégorique  destinée  à  glorifier  le 
souvenir  de  la  paix  de  1749.  Ce  vaste  tableau  ayant  été 
exposé  au  Salon  de  1761,  Diderot  formula  quelques  ob- 
servations de  détail,  mais  il  y  reconnut  «  l'œuvre  d'un 
maître  ».  Cette  peinture  où  le  symbolisme  s'étale  avec 
fracas  n'est  pas  perdue  :  elle  était  récemment  déposée  au 
pavillon  de  Flore.  Jacques  Dumont  a  fait  aussi  quelques 
tableaux  pour  les  églises  ou  les  couvents  de  Paris.  On  voyait 
de  lui  aux  Minimes  Saint  François  de  Paule  et  Louis  XI; 
aux  Chartreux,  la  Vocation  de  Simon  Pierre.  A  la  chambre 
des  comptes,  il  avait  peint  un  Crucifix.  Pour  le  château  de 
Choisy,  il  représenta,  dans  des  cadres  ovales,  un  Repos  de 
Diane  et  une  autre  mythologie.  Toutes  ces  œuvres,  de  style 
très  Louis  XV,  présentent  un  caractère  un  peu  vulgaire. 

Paul  Mantz. 

BiBL.  :  Jal,  Dictionmilre  de  biographie,  1872,  2«  édit. 
—  G.  Vattier,  Une  Famille  cVartistes  {les  Dumont),  1890. 

DUMONT  (Gabriel-Pierre-Martin),  architecte  et  archi- 
tectonographe  français,  né  à  Paris  vers  1715,  mort  après 
1790.  Dumont  remporta,  en  1737,  le  grand  prix  d'archi- 
tecture sur  un  projet  de  deux  escaliers  et  vestibule  d'un 
palais  ;  mais  il  ne  fut  nommé  élève  de  l'Ecole  de  Rome 
n'en  1742.  Cet  architecte  passe  pour  être  le  premier  qui 
t  connaître  en  France  les  ruines  de  Pœstum  dont  il  des- 
sina, avec  le  concours  de  J.-G.  Soufflot  (V.  ce  nom),  les 
trois  temples  en  7  pi.  in-fol.,  reproduits  par  Thomas 
Major  et  J.  de  Varennes  dans  leurs  ouvrages  sur  ces  mo- 
numents. Il  fut  nommé  membre  de  l'Académie  de  Saint-Luc, 
et  exposa  aux  Salons  de  1764,  1774,  1776  et  1782,  une 
partie  des  relevés  d'édifices  qu'il  avait  rapportés  d'Italie. 
On  doit  à  cet  architecte  fort  habile  dessinateur  les  ou- 
vrages suivants  :  Détails  des  plus  intéressaiites  parties 


l 


d'architecture  de  la  basilique  de  Saint-Pierre  à  Rome  ; 
Etudes  d'architecture  de  différents  maîtres  italiens; 
Parallèle  de  plans  des  plus  belles  salles  d'Italie  et  de 
France  (avec  des  détails  de  machines  théâtrales)  ;  3  par- 
ties réunies  en  1  vol.  (Paris,  1763-1766;  in-fol.,  77  pi.); 
Recueil  de  plusieurs  parties  de  V architecture  sacrée  et 
profane  (Paris,  1767,  2  vol.  in-fol.)  ;  Projet  d'une 
Salle  de  spectacle  pour  la  ville  de  Rrest,  auquel  on  a 
joint  plusieurs  autres  dessins  gravés  par  le  même  auteur 
(Paris,  1772,  in-fol.,  26  pi.)  ;  h  Parallèle  des  plans  des 
plus  belles  salles  de  spectacle  eut  une  nouvelle  édition 
en  1774  et  fut  augmenté  d'une  Suite  de  Projets  détaillés 
de  salles  de  spectacles  particulières,  avec  des  principes 
de  construction,  tant  pour  la  mécanique  des  théâtres  que 
pour  des  décorations  (Paris,  in-fol.).  Dumont  publia  aussi 
un  plan  général  avec  vue  perspective  de  l'intérieur  et  fa- 
çade d'entrée  de  la  Nouvelle  église  Sainte-Geneviève  de 
Paris  (le  Panthéon)  d'après  J.-G.  Soufflot,  et  un  grand 
Plan  du  Vatican  en  1115  avec  une  Vue  de  Saint-Pierre 
de  Rome.  Charles  Lucas. 

DUMONT  (Edme),  sculpteur  français,  né  à  Paris  en 
1720,  mort  à  Paris  le  10  nov.  1775.  Fils  du  sculpteur 
François  Dumont  et  élève  de  Bouchardon,  il  obtint  le  second 
prix  de  sculpture  en  1748,  fut  agréé  à  l'Académie  en  1748 
et  nommé  académicien  le  29  oct.  1752;  son  morceau  de 
réception  représentait  Milon  de  Crotone,  statue  en  marbre 
aujourd'hui  au  Louvre.  Ses  autres  œuvres  exposées  au  Salon 
sont  :  la  statue  du  Géant  Polyphème  (1753)  ;  la  statue 
de  Céphale  {{I'd^)',  le  groupe  de  Diane  et  Endymion 
(1771).  On  lui  doit  aussi  le  fronton  de  l'ancienne  manu- 
facture de  Sèvres  et  les  figures  de  l'Expérience  et  de  la 
Vigilance,  sur  la  façade  de  l'hôtel  des  Monnaies,  à  Paris. 

DUMONT  (Pierre-Etienne-Louis),  jurisconsulte  suisse, 
né  à  Genève  le  18  juil.  1759,  mort  à  Milan  le  29  sept. 
1829.  11  était  d'une  ancienne  famille  réfugiée  en  Suisse 
pour  cause  de  rehgion  ;  il  fut  d'abord  ministre  de  l'Eglise 
protestante  (1781)  et  ses  prédications  furent  remarquées. 
Il  habita  successivement  Saint-Pétersbourg,  Londres,  Paris 
où  il  assista  aux  premiers  événements  de  la  Révolution 
française,  puis  de  nouveau  Londres.  Il  se  lia  à  Paris  avec 
les  partisans  des  idées  démocratiques  et  surtout  avec  Mira- 
beau ;  à  Londres,  il  fit  la  connaissance  de  Sheridan,  de 
Fox  et  de  Bentham.  Il  partagea  les  idées  de  ce  grand  cri- 
minaliste  et  philosophe,  se  fit  son  collaborateur  et  chercha 
à  en  reproduire  et  à  en  populariser  les  théories  dans  ses 
ouvrages,  mais  ce  fut  dans  un  style  affaibli  et  sous  une 
forme'  moins  saisissante.  En  1809,  Dumont  fut  nommé 
membre  de  la  commission  chargée  par  l'empereur  Alexandre 
de  rédiger  le  code  de  l'empire  russe.  En  1814,  il  revint  à 
Genève,  renonça  aux  fonctions  ecclésiastiques  et  devint 
membre  du  conseil  représentatif.  On  lui  doit  la  rédaction 
d'un  règlement  pour  le  conseil  représentatif,  l'établissement 
de  la  prison  pénitentiaire  et  un  projet  de  code  pénal,  d'après 
les  principes  de  Bentham,  qui  n'aboutit  pas.  Les  ouvrages 
de  Bentham,  élaborés  par  Dumont,  sont:  Traité  de  légis- 
lation civile  et  pénale  (1802,  3  vol.  in-8)  ;  Théorie  des 
peines  et  des  récompenses  (1810,  2  vol.  in-8);  Tac- 
tique des  assemblées  législatives  (181 5,  2  vol.  in-8); 
Traité  des  preuves  judiciaires  (1823,  2  vol.  in-8)  ;  De 
l'Organisation  judiciaire  et  de  la  codification  (1828, 
in-8).  Dumont  a  fait  divers  travaux  entièrement  personnels, 
parmi  lesquels  il  faut  citer  :  Souvenirs  sur  Mirabeau  et 
sur  les  deux  premières  assemblées  législatives  (Paris, 
1832,  in-8),  publié  par  son  neveu  L.  Duval,  procureur 
général  de  la  république  de  Genève.  G.  Regelsperger. 
BiBL.  :  SisMONDi,  Notice  sur  Dumont  {Revue  encyclo- 
pédique, 1829,  t.  IV,  p.  258). 

DUMONT  (Jacques-Edme),  sculpteur  français,  né  à  Paris 
le  10  avr.  1761,  mort  à  Paris  le  21  févr.  1844.  Il  était 
fils  du  sculpteur  Edme  Dumont  et  élève  d'Augustin  Pajou. 
Il  obtint  le  second  grand  prix  en  1783,  pour  un  bas-relief 
représentant  Ihi  Mort  ressuscité  par  l'attouchement 
des  os  du  prophète  Elie,  et  le  premier  grand  prix,   en 


49  — 


DUMONT 


d  788,  pour  un  bas-relief  représentant  la  Mort  de  Tar- 
qiiin.  Trois  prix  lui  furent  aussi  décernés  aux  concours 
nationaux  de  1795.  Il  a  exposé  à  douze  Salons  successifs, 
de  1791  à  1824.  Ses  œuvres  principales  sont:  la  statue 
en  marbre  de  Colbert,  exécutée  pour  le  pont  de  la  Con- 
corde, placée  aujourd'hui  à  Versailles  ;  la  statue  en  marbre 
de  Malcshei'bes,  pour  le  monument  de  la  salle  des  Pas- 
Perdus,  au  Palais  de  justice  de  Paris  ;  la  statue  en  marbre 
de  Pichegru,  pour  la  ville  d'Arbois,  plusieurs  bas-reliefs 
de  la  colonne  Vendôme,  un  Sapeur  à  l'arc  de  triomphe  du 
Carrousel,  le  bas-reHef  de  la  Clémence  et  de  la  Valeur^ 
pour  le  même  monument  ;  la  Tragédie  et  la  Comédie, 
figures  bas-rehefs  pour  un  des  œils-de-bœuf  de  la  cour  du 
Louvre.  Au  musée  du  Louvre  se  trouve  un  buste  en  terre 
cuite  de  Marceau,  fait  par  Jacques-Edme  Dumont  en 
l'an  Vm.  M.  D.  S. 

DUWIONT  (André),  homme  politique  français,  né  à  Oise- 
mont  (Somme)  le  23  mai  1764,  mort  à  Abbeville  lel9oct. 
1836.  Avocat,  membre  du  dép.  de  la  Somme  en  1790, 
puis  du  district  d'xlmiens,  il  fut  élu  à  la  Convention 
par  la  Somme,  siégea  à  la  Montagne  et  émit,  dans  le 
procès  de  Louis  XVI,  les  votes  les  plus  rigoureux.  En 
mission  dans  la  Somme,  le  Pas-de-Calais  et  l'Oise  (sept. 
1793-févr.  1794),  il  s'y  montra  très  violent  contre  les 
prêtres  et,  en  ses  lettres  à  la  Convention,  exagéra  encore 
ses  rigueurs  dans  les  termes  les  plus  cyniques.  Il  paraît 
qu'en  cachette  il  sauvait  le  plus  de  victimes  qu'il  pouvait. 
«  Le  comité  de  Salut  public,  dit-il,  me  demandait  du 
sang  :  je  ne  lui  envoyais  que  de  l'encre.  »  En  tout  cas, 
André  Dumont  fut  un  des  promoteurs  les  plus  zélés  de  la 
tentative  de  déchristianisation  qui  marqua  la  fin  de  l'année 
1793  et  un  des  adeptes  du  culte  de  la  Raison.  Hostile  à 
Robespierre,  il  fit  partie  du  comité  de  Sûreté  générale  après 
le  9  thermidor.  Il  n'en  fut  pas  moins  dénoncé  comme  terro- 
riste en  l'an  in,mais  se  défendit  victorieusement.  Après  le 
12  germinal,  c'est  lui  qui  prit  l'initiative  des  mesures  de 
proscription  contre  les  républicains  avancés.  Membre  du 
conseil  des  Cinq-Cents  (1793-1797),  sous-préfet  d'Abbe- 
ville  sous  le  Consulat  et  l'Empire,  préfet  du  Pas-de-Calais 
pendant  les  Cent-Jours,  il  fut  proscrit  en  1816  comme  ré- 
gicide et  ne  rentra  en  France  qu'en  1830. —  Il  ne  faut  pas 
le  confondre  avec  l'obscur  conventionnel  Louis-Philippe 
Dumont  (du  Calvados),  né  en  1765,  mort  en  1833,  qui 
fit  partie  également  du  conseil  des  Cinq-Cents.      F. -A.  A. 

DUMONT  (Louis-Philippe),  homme  pohtique  français,  né 
h  Dernières  (Calvados)  le  17  nov.  1763,  mortàCarcel  (Cal- 
vados) le  \\  juin  1833.  Procureur  général  du  Calvados, 
membre  du  directoire  de  ce  département,  il  fut  élu  repré- 
sentant à  la  Convention  le  8  sept.  1792.  Il  vota  d'abord 
pour  la  mort  du  roi,  puis  pour  la  réclusion  et  l'exil.  On 
peut  aussi  citer  sa  motion  de  faire  distribuer  trois  mille 
exemplaires  de  ^Esquisse  dhiri  tableau  historique  des 
progrès  de  V esprit  humain,  de  Condorcet,  motion  qui  fut 
adoptée.  Il  représenta  sncore  le  Calvados  au  conseil  des 
Cinq-Cenis  (vendémaire  an  IV). 

DUMONT  (Augustin-Alexandre),  sculpteur  français,  né 
à  Paris  le  4  août  1801,  mort  à  Paris  le  28  janv.  1884. 
Elève  de  son  père  Jacques-Edme  Dumont  et  de  Cartellier, 
il  obtint  le  second  grand  prix,  en  1821,  sur  un  bas-relief 
représentant  Alexandre  le  Grand  dans  la  ville  des 
Oxy dragues,  et  le  premier  grand  prix,  en  1823,  sur  un 
bas-relief,  la  Doideur  d'Evandre.  Il  exposa  pour  la  pre- 
mière fois  en  1827  ;  son  envoi  était  une  statue  en  marbre 
représentant  V Amour  tourmentant  l'Ame  ;  au  Salon  de 
1831  parut  son  groupe  en  marbre  de  Leucothée  et 
Bacchus.  En  1836,  il  fut  nommé  membre  de  l'Institut. 
Les  œuvres  les  plus  célèbres  de  ce  sculpteur  sont  :  le 
Génie  de  la  Liberté,  statue  colossale  en  bronze  doré, 
placée  sur  la  colonne  de  Juillet,  inaugurée  le  28  juil.  1840  ; 
Philippe- Auguste,  statue  colossale  en  bronze,  placée  en 
1846  sur  une  des  colonnes  de  l'ancienne  barrière  du  Trône  ; 
Napoléon  P'"  en  césar  romain,  statue  colossale  en  bronze, 
placée  sur  la  colonne  Vendôme  le  4  nov.  1863  (V.  Colonne, 

GRANDE    ENCYCLOPÉDIE.    —    XV. 


t.  XI,  p.  1130).  Les  autres  œuvres  de  Dumontqui  se  trouvent 
à  Paris  et  que  nous  devons  citer,  sont  :  toute  la  sculpture 
du  pavillon  de  Lesdiguières  au  Louvre,  le  fronton  repré- 
sentant la  Gloire  et  rimmortalité,  la  statue  de  la  France 
et  les  Deux  Trophées  de  la  Guerre  et  de  la  Paix;  Saint 
Louis,  statue  marbre,  au  Sénat  ;  la  Justice,  statue  marbre, 
à  la  Chambre  des  députés  ;  la  Prudence  et  la  Vérité^ 
bas-relief  pierre,  au  palais  de  Justice  ;  Le  Poussin,  statue 
marbre,  à  l'Institut  ;  le  Commerce,  statue  pierre,  au  palais 
de  la  Dourse  ;  le  Prince  Eugène,  statue  bronze,  au  palais 
des  Invalides  ;  Blanche  de  Castille,  statue  marbre,  dans 
le  jardin  du  Luxembourg  ;  la  Vierge,  statue  marbre  à 
Notre-Dame  de  Lorette  ;  Sainte  Cécile,  statue  pierre,  à  la 
Madeleine  ;  la  Sagesse,  figure  marbre  au  tombeau  de  Car- 
telier,  au  Père-Lachaise  ;  r Harmonie  couronnant  le  buste 
de  Cherubini,  bas-relief  marbre,  au  même  cimetière. 
Dumont  a  sculpté,  pour  le  musée  de  Versailles,  les  statues 
en  marbre  de  François  P'\  Louis-Philippe,  Bugeaud, 
maréchal  de  France,  Humboldt,  la  statue  en  plâtre  de 
Louis  de  Bourbon  P'',  prince  de  Condé.  En  province;  on 
a  de  lui  :  la  statue  bronze  de  Buffbn,  à  Montbéliard  ;  la 
statue  bronze  du  Duc  Decazes,  à  Decazeville  ;  la  statue 
bronze  du  Maréchal  Suchet,  à  Lyon  ;  la  statue  bronze  du 
Maréchal  Davout,  à  Auxerre  ;  la  statue  bronze  du  Maré- 
chal Bugeaud,  à  Périgueux  (une  statue  semblable  orne 
une  place  d'Alger)  ;  lastatue  bronze  du  Général  de  Tarlas, 
à  Mézin  ;  la  statue  bronze  du  Pape  Urbain  V,  à  Mende. 
A  l'étranger,  citons  la  statue  bronze  de  Mahé  deLabour- 
donnais,  dans  l'ile  Maurice  ;  la  statue  bronze  du  Général 
Carrera,  à  Santiago  (Chili).  Il  nous  faut  encore  mentionner 
parmi  les  nombreux  bustes  que  Dumont  a  sculptés,  ceux 
de  ilP^^  Paul  Delaroche,  pour  son  tombeau  ;  de  Gerdy, 
à  l'Ecole  de  médecine;  de  Ducis,  à  l'Institut  ;  à' Alexandre 
Lenoir,  à  l'Ecole  des  beaux-arts  ;  de  Labrouste,  au  col- 
lège Sainte-Barbe.  Maurice  Du  Seigneur. 

DUMONT  (Hubert-André),  géologue  belge,  né  à  Liège  le 
13  févr.  1809,  mort  à  Liège  le  28  févr.  1837.  A  l'âge  de 
vingt  ans,  avant  d'avoir  commencé  ses  études  universitaires, 
il  remporta  la  médaille  d'or  de  l'Académie  de  Bruxelles  pour 
un  mémoire  sur  la  Description  géologique  de  la  province 
de  Liège.  La  plus  grande  partie  de  ce  mémoire  est  consacrée 
aux  terrains  primaires.  Dumont  les  divise  en  trois  :  le  terrain 
ardoisier, l'anthraxifère  elle  houiller.Mais,  grâce  à  l'emploi 
méthodique  de  la  stratigraphie,  il  dépasse  de  loin  tous  ses 
prédécesseurs  par  la  démonstration  rigoureuse,  d'abord  de 
l'ordre  de  succession  de  ces  trois  terrains,  puis  de  la  cons- 
titution et  de  l'allure  du  terrain  anthraxifère  dans  lequel 
il  reconnaît  quatre  systèmes  alternativement  quartzoschis- 
teux  et  calcaires,  disposés  en  selles  et  bassins  dont  les 
ondulations  expHqucnt  le  nombre  des  bandes  calcaires 
du  Condroz,  variable  suivant  les  localités.  Dewalque  (V. 
ce  nom)  considère  ce  résultat  comme  la  plus  grande  dé- 
couverte stratigraphique  du  siècle.  En  1833,  il  conquit  le 
grade  de  docteur  en  sciences  physiques  et  mathématiques, 
et  la  même  année  il  prit  possession  à  l'Université  de  Liège 
de  la  chaire  de  minéralogie  et  de  géologie  qu'il  devait 
illustrer  jusqu'à  sa  mort.  En  dehors  de  son  enseignement, 
il  consacra  une  partie  de  son  existence  à  la  confection  de 
la  Carte  géologique  de  la  Belgique  au  60,000''  qu'il 
soumit:  à  l'Académie  en  1849.  Bientôt  après  il  lui  présenta 
la  Carte  géologique  de  la  Belgique,  indiquant  les  ter- 
rains qui  se  trouvent  en  dessous  du  limon  hesbayen 
et  du  sable  campinien,  puis  la  Carte  géologique  de  la 
Belgique  et  des  contrées  voisines,  représentant  les 
terrains  qui  se  trouvent  en  dessous  du  limon  hes- 
bayen et  du  sable  campinien  au  800,000^.  Supérieures 
comme  précision  et  sûreté  à  tout  ce  qui  existait  antérieu- 
rement, ces  cartes  permettaient  d'apprécier  l'immense  pro- 
grès qu'avait  fait  la  géologie  de  la  Belgique,  et,  d'autre 
part,  elles  rendirent  de  grands  services  à  l'industrie 
charbonnière  en  indiquant  les  limites  exactes  des  bassins 
houillers.  La  dernière  surtout,  s'étendant  jusqu'à  Paris,  à 
Strasbourg  et  à  Mavence,  montre  les  relations  reconnues 

4 


DLMONT 


50  — 


pLir  Dumont  entre  les  formations  contemporaines  de  la  Bel- 
gique, de  la  France  et  des  provinces  rhénanes.  Ces  tra- 
vaux si  ardus  et  la  pratique  de  l'enseignement  ne  parve- 
naient pas  à  absorber  l'activité  dévorante  du  jeune 
professeur  ;  il  lit  à  l'Académie  de  Belgique  de  nombreuses 
communications  toutes  empreintes  d'une  remarquable  puis- 
sance d'observation  et  d'une  étonnante  perspicacité.  Nous 
citerons  spécialement  sa  Notice  sur  une  nouvelle  espèce 
de  phosphate  ferrique  [Bull.  deVAcad.,  V),  ses  Obser- 
vations sur  la  constitution  géologique  des  terrains 
tertiaires  de  F  Angleterre  comparés  à  ceux  de  la  Bel- 
gique (ibid.,  XIX),  son  Mémoire  sur  les  terrains  tria- 
siqiie  et  jurassique  de  la  province  de  Luxembourg 
{Mém.  de  l'Acad.,  XV)  et  enfin  son  Etude  sur  les  ter- 
rains ardennais  et  rhénan  de  VAr demie,  du  Rhin,  du 
Brabant  et  du  Condroz  (ibid.,  XX  et  XXII).  Malheu- 
reusement ce  travail  excessif  altéra  profondément  la  santé 
de  l'illustre  géologue  et  il  mourut  jeune  encore  laissant 
inachevées  de  vastes  entreprises  scientifiques.  Dumont 
était  recteur  de  l'Université  de  Liège,  membre  de  l'Institut 
de  France  et  de  l'Académie  royale  de  Belgique.  La  ville  de 
Liège  lui  a  érigé  une  statue  de  bronze.  E.  H. 

BiBL.  :  Dewalque,  Biographie  d'André  Dumont,  dans 
la  Biographie  nationale  belge.  —  D'Omalius  d'Halloy, 
Notice  sur  André  Du7nont;  Bruxelles,  1858.  —  Fayn, 
André  Dumont,  sa  vie  et  ses  travaux;  Liège,  1858,  in-8. — 
I.E  Roy,  Liber  Memorialis  de  l'Université  de  Liège;  Liège, 
1869,  in-8.  —  Mémoire  du  centenaire  de  l'Académie; 
Bruxelles,  1872,  2  vol.  in-8. 

DUMONT  (Joseph),  journaliste  allemand,  né  à  Cologne 
le  21  juil.  1811,  mort  le  3  mars  1861.  C'est  lui  qui  donna 
son  importance  à  la  Gazette  de  Cologne,  acquise  par  son 
père  Marcus  (mort  en  1831)  et  grâce  aux  conseils  de  sa 
mère  née  Schauberg  (morte  en  1845). 
BiiîL.  :  Geschichte  der  Kœlnischen Zeitung;  Cologne,  1880. 

DUMONT  (Auguste),  publiciste  français,  né  à  Paris  le 
22  mai  1816,  mort  à  Paris  le  2  mai  1885.  Après  avoir 
fait  ses  études  de  droit,  il  se  consacra  entièrement  au  jour- 
nalisme et  collabora  à  un  grand  nombre  de  journaux  :  le 
Propagateur,  VEcho  du  commerce  (iMH),  etc.;  coo- 
péra à  la  fondation  de  la  République  (1848),  de  V Opi- 
nion nationale  (1859),  du  Messager  de  Paris  (1858)  ; 
administra  la  Lanterne  (1868),  VEvénement  (1872),  le 
Télégraphe  (1877),  etfinalement  créa  hGil  Blas  (1880), 
qui  obtint  beaucoup  de  succès,  mais  qui  attira  à  Dumont 
des  poursuites  et  des  condamnations  pour  outrage  à  la  morale. 

DUMONT  (François-Marcelin- Aristide),  ingénieur  fran- 
çais, né  à  Crest  (Drôme)  le  2  juin  1819.  Très  connu  pour 
la  hardiesse  de  ses  conceptions,  et  notamment  par  son  pro- 
jet de  canal  maritime  entre  Dieppe  et  Paris  et  par  ses  projets 
concernant  les  dérivations  du  Rhône  pour  noyer  les  vignes 
phylloxérées,  etc.,  Dumont  a  conçu  et  exécuté  tout  un  en- 
semble d'ouvrages  pour  la  distribution  d'eau  de  Lyon.  L'eau 
est  puisée  près  du  Rhône  dans  les  graviers  de  Saint-Clair, 
oii  elle  s'accumule  dans  de  grands  bassins  et  une  longue 
galerie.  «  Lue  grande  usine  élévatoire,  dit  M.  Bechmann 
dans  son  ouvrage  sur  les  Distributions  d'eau,  dont  les 
machines  sont  du  type  de  Cornouailles,  est  chargée  de 
monter  cette  eau  dans  les  réservoirs,  de  10,000  et  de 
4,000  m.  c.  de  capacité,  situés  respectivement  à  50'^90  et 
lOO'^OO  au-dessus  de  l'étiage  du  Rhône,  et  commandant 
l'un  le  bas  service,  l'autre  le  moyen  service.  »  Une  usine 
de  relai  refoule  les  eaux  dans  un  réservoir  de  \  ,000  m.  c. 
établi  sur  les  hauteurs  de  Fourvières.  Tout  cela  est  très 
remarquablement  installé;  malheureusement  la  filtration 
naturelle  à  travers  les  graviers  du  Rhône  ne  fournit  pas 
assez  (et  elle  fournit  de  moins  en  moins),  en  sorte  qu'on 
prend  une  partie  des  eaux  nécessaires  directement  dans  le 
tleuve.  Aujourd'hui  en  retraite  (1892),  Dumont  était  ingé- 
nieur en  chef  des  ponts  et  chaussées.  M.-C.  L."^ 

DU  M  ONT  (Joseph-Eugène),  général  français,  né  à  Saint- 
Jean-de-Laporte  (Savoie)  le  l^''  avr.  1823.  Elève  de  Saint- 
Cyr,  il  servit  en  Afrique  jusqu'en  1845,  fit  la  campagne 
de  Crimée,  prit  part  à  l'expédition  de  Kabyhe  (1857),  à  la 
campagne  d'Italie  (1859),  se  distingua  brillamment  à  Ma- 


genta et  à  Solférino,  et,  promu  colonel  en  1862,  fut  de  nou- 
veau envoyé  en  Afrique.  Lors  de  la  guerre  franco-allemande, 
il  combattit  avec  acharnement  à  Rezonville  et  Amanvillers, 
fut  promu  général  de  brigade  le  26  oct.  1870,  fut  pris  à 
Metz  et  interné  en  Allemagne.  A  la  paix,  il  commanda  à 
Versailles,  fut  nommé  divisionnaire  le  15  mars  1877,  et 
commanda  à  Bordeaux  le  18'^  corps,  à  Rouen  le  3''  corps. 
Il  fut  mis  à  la  retraite  le  29  mars  1888. 

DUMONT  (Jules),  acteur  français  (V.  Brasseur). 
DUMONT  (Félix),  professeur  de  piano,  fils  deM'^«  Mé- 
lanie  Dumont,  auteur  dramatique,  né  à  Paris  le  14  août 
1832.  Il  fit  ses  études  au  Conservatoire  et  publia  une  Ecole 
du  piano,  ouvrage  considérable  qui  eut  plusieurs  éditions. 
Sous  le  titre  de  Panorama  élémentaire  du  piano  à  quatre 
mains,  il  publia  une  anthologie  de  morceaux  populaires. 

DUMONT  (Léon),  né  à  Valenciennes  en  1837,  mort 
à  Saint-Sauve,  près  de  Valenciennes,  le  7  janv.  1876. 
Essayiste  et  philosophe  indépendant,  il  était  le  fils  unique 
d'une  famille  opulente.  Après  avoir  fait  ses  études  classiques 
au  collège  de  sa  ville  natale  et  son  droit  à  Paris,  il  se  livra 
entièrement  à  la  philosophie.  Il  étudia  la  sensibilité  et 
publia,  comme  premier  fruit  de  ses  travaux,  deux  mono- 
graphies :  Des  Causes  du  rire  (Paris,  1862),  elle  Senti- 
ment  du  gracieux  (Paris,  1863).  En  même  temps,  il 
traduisait  et  commentait  un  ouvrage  allemand  qui  forme 
encore  aujourd'hui  la  pierre  angulaire  des  théories  roman- 
tiques chez  nos  voisins,  la  Vorschule  der  /Esthelik  de 
Jean-Paul  Richter.  Cette  traduction  parut  à  Paris  (1862) 
sous  le  titre  Poétique  ou  hitroduction  a  rEsthéiique  , 
et  obtint  un  grand  succès  d'estime.  Cependant  Dumont 
avait  perfectionné  son  goût  en  fréquentant  les  musées 
et  les  théâtres  de  Paris';  il  fit  aussi,  dans  le  même  but, 
de  nombreux  voyages  dans  les  pays  voisins.  En  1865,  il 
donna  à  la  Picvue  des  Deux  Mondes  un  article  sur  la 
Peinture  contemporaine  en  Allemagne.  Lorsque,  vers 
1866,  l'Empire  montra  quelques  velléités  de  hbéralisme,  il 
participa  aussitôt  au  mouvement  intellectuel  qui  se  produisit 
et  fit  dans  plusieurs  villes  du  Nord  une  série  de  confé- 
rences accueillies  avec  beaucoup  d'intérêt  et  publiées  ensuite, 
sur  M^^'^  de  Staël,  sur  le  peintre  Watteau,  sur  Montaigne, 
sur  l'éducation  des  femmes  et  sur  les  Origines  de  la 
poésie  grecque,  Dumont  fut  en  1876  un  des  premiers  colla- 
borateurs de  la  Revue  philosophique  de  M.  Th.  Ribot;  il 
était  depuis  longtemps  de  la  Revue  des  Cours  littéraires 
{Revue  bleue)  et  de  la  Pieuue  des  Cours  scientifiques,  et 
avait  donné,  surtout  à  cette  dernière,  un  grand  nombre 
d'articles  fort  appréciés,  entre  1866  et  1876.  Les  dernières 
publications  de  Dumont  furent  :  îkeckel  et  la  Théorie  de 
révolution  en  Allenmgne  (Paris,  1873),  et  la  Théorie 
scientifique  de  la  sensibilité  (Paris,  1876,  Bibliothèque 
de  Philosophie  contemporaine).  Il  avait  composé  en  outre 
un  ouvrage  considérable  dans  lequel  il  coordonnait  l'ensemble 
de  ses  théories  en  un  système  philosophique  complet.  Cet 
ouvrage  a  disparu.  Mort  prématurément  de  la  fièvre 
typhoïde,  L.  Dumont  n'a  laissé  qu'une  œuvre  inachevée  ; 
mais  ce  fut  un  penseur  hardi  et  parfois  profond,  un  essayiste 
original,  un  critique  compétent  et  consciencieux,  en  même 
temps  qu'un  parfait  honnête  homme. 

DUMONT  (Albert),  archéologue  et  administrateur  fran- 
çais, né  à  Scey-sur-Saône  (Haute-Saône)  le  21  janv.  1842, 
mort  à  Paris  le  12  août  1884.  Après  avoir  terminé  ses 
études  au  lycée  de  Strasbourg,  il  entra  à  l'Ecole  normale 
en  1861.  Agrégé  d'histoire  en  1864  et  nommé  membre  de 
l'Ecole  française  d'Athènes,  il  passa  d'abord  en  Grèce  et  en 
Orient  quatre  années  consacrées  à  des  voyages  et  à  des  tra- 
vaux d'érudition.  Dès  l'année  1868,  l'Académie  des  inscrip- 
tions et  belles-lettres  couronnait  son  mémoire  sur  les  stèles 
représentant  le  Repas  funèbre,  et  le  jeune  savant  était  chargé 
d'une  mission  archéologique  en  Thrace.  Il  venait  de  soutenir 
ses  thèses  pour  le  doctorat,  lorsque  éclata  la  guerre  de  1870, 
Il  fit  son  devoir  comme  soldat  ;  un  livre  sur  V Adminis- 
tration et  la  propagande  prussienîie  en  Alsace,  publié 
en  1871,  montre  assez  de  quel  côté  étaient  tournées  ses 


—  51  — 


DUMONT 


préoccupations.  En  1872,  chargé  d'une  nouvelle  mission  en 
Orient,  il  retourne  en  Grèce,  accompagné  de  M.  Chaplain, 
ancien  pensionnaire  de  l'Académie  de  France  à  Rome,  et  y 
recueille  des  matériaux  pour  un  vaste  travail  sur  la  céra- 
mique grecque.  C'était  le  moment  où  les  pouvoirs  publics, 
en  France,  venaient  de  décider  la  fondation  à  Rome  d'une 
Ecole  française  d'archéologie.  Désigné  pour  les  fondions 
de  directeur  de  la  jeune  école,  Albert  Dumont  accepta  la 
tâche  périlleuse  de  l'organiser,  de  l'installer,  de  lui  faire 
prendre  en  Italie  son  rang  scientifique.  Il  y  réussit  à  tel 
point  qu'après  deux  ans,  un  décret  consacrait  définitive- 
ment l'existence  de  l'Ecole  française  de  Rome  (20  nov.  1875). 
La  même  année,  il  était  appelé  à  la  direction  de  l'Ecole 
française  d'Athènes,  vers  laquelle  le  ramenaient  ses  prédi- 
lections particulières  et  ses  études.  De  retour  en  France, 
en  1878,  il  est  nommé  successivement  recteur  à  Grenoble, 
puis  à  Montpellier,  pour  occuper  enfin,  en  1879,  les  fonc- 
tions de  directeur  de  l'enseignement  supérieur.  Il  succomba 
prématurément  à  l'âge  de  quarante-deux  ans,  payant  de  sa 
vie  un  dévouement  infatigable  aux  intérêts  de  la  science  et 
des  hautes  études  en  France.  En  1882,  il  avait  été  élu 
membre  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres. 

Les  [travaux  d'Albert  Dumont  sont  très  nombreux  et 
très  variés.  Une  longue  série  de  mémoires,  insérés  dans 
les  principaux  recueils  scientifiques,  atteste  l'activité  tou- 
jours en  éveil  d'un  esprit  auquel  rien  de  ce  qui  touchait  à 
la  Grèce  n'était  étranger.  Archéologie  préhistorique,  chré- 
tienne ou  byzantine,  histoire  de  l'art,  histoire  des  institu- 
tions, il  a  abordé  tour  à  tour  toutes  ces  questions  avec  la 
même  méthode  critique  et  rigoureuse.  Un  recueil  de  Mé- 
langes, préparé  par  les  soins  de  M.  Homolle,  doit  réunir 
prochainement  les  articles  épars  dans  les  revues  érudites 
dont  Albert  Dumont  était  le  collaborateur  assidu.  Parmi  les 
ouvrages  pubhés  de  son  vivant,  les  premiers  ont  trait  à 
l'histoire  des  institutions  athéniennes.  Un  Essai  sur  la 
chronologie  des  archontes  athéniens  (1870),  les  Fastes 
éponymiques  d'Athènes  (1873)  sont  des  travaux  prépa- 
ratoires à  l'ouvrage  d'ensemble  intitulé  £55ai  sur  Véphébie 
attique  (1875-1877)  oti  l'auteur  retrace  l'histoire  d'une 
institution  propre  à  Athènes,  de  ce  noviciat  qui  formait 
tous  les  jeunes  Athéniens  à  la  vie  pubKque,  à  l'exercice  de 
leurs  devoirs  de  citoyens  et  de  soldats.  Le  recueil  des  Ins- 
criptions céramiques  de  la  Grèce  (1870)  comprend  une 
nombreuse  série  de  marques  d'amphores,  véritables  estam- 
pilles officielles  qui  assuraient  la  régularité  des  transactions 
commerciales  ;  c'est  une  contribution  précieuse  à  l'histoire 
du  commerce  hellénique.  L'œuvre  capitale  d'Albert  Du- 
mont, celle  où  l'on  voit  le  mieux  comment  le  sentiment 
déhcat  des  choses  de  l'art  s'alliait  chez  lui  à  la  sévérité  de 
la  méthode,  c'est  le  bel  ouvrage  entrepris  avec  la  collabora- 
tion de  M.  Chaplain,  les  Céramiques  de  la  Grèce  propre 
(1881-1890).  En  étudiant  dans  les  collections  publiques 
et  privées  d'Athènes  les  peintures  des  vases  grecs,  où  se 
reflète  si  fidèlement,  pour  chaque  époque,  l'état  général 
de  l'art,  il  avait  conçu  le  plan  d'un  livre  qui  devait  mon- 
trer le  développement  historique  de  l'art  céramique  chez 
les  Grecs  :  question  délicate,  complexe,  qui  touche  à  la 
fois  à  l'histoire,  à  l'art,  à  la  religion,  aux  croyances  de  la 
Grèce.  Interrompue  par  la  mort  de  Fauteur,  la  publication 
de  cet  ouvrage  a  été  continuée  et  achevée  par  les  soins 
pieux  de  M.  E.  Pottier.  Il  faut  encore  citer,  parmi  les 
nombreux  écrits  d'Albert  Dumont,  les  Inscriptions  et 
monuments  figurés  de  la  Thrace  (1877),  où  sont  enre- 
gistrés les  résuhats  de  ses  voyages  de  recherche  dans  une 
région  peu  explorée  jusqu'alors.  Ajoutons  qu'il  ne  se  bor- 
nait pas  à  parcourir  la  Grèce  en  érudit  ;  aucun  esprit  n'a 
été  plus  ouvert  aux  choses  du  présent.  Son  livre  le 
Balkan  et  V Adriatique  (1873)  témoigne  assez  de  ses 
qualités  d'observateur  et  de  la  sagacité  avec  laquelle  il  a 
étudié  les  rivahtés  de  races,  les  conflits  d'intérêts  dont  la 
péninsule  des  Balkans  a  toujours  été  le  théâtre. 

L'œuvre  scientifique  d'Albert  Dumont  ne  se  hmite  pas  à 
ses  écrits.  Elle  est  encore  dans  la  vive  et  durable  impul- 


sion qu'il  a  su  donner  aux  études  érudites,  comme  directeur 
de  nos  deux  grandes  écoles  à  l'étranger.  L'Ecole  de  Rome 
lui  doit  d'avoir  traversé  avec  honneur  et  succès  la  phase 
périlleuse  des  débuts.  A  l'Ecole  d'Athènes,  sa  direction  a 
laissé  des  souvenirs  ineffaçables.  Par  les  travaux  qu'il  a 
provoqués  et  encouragés,  par  la  fondation  du  Bulletin  de 
correspondance  hellénique^  il  a  donné  une  vie  nouvelle 
à  l'institution  qui  représente  dignement,  dans  l'Orient  grec, 
l'activité  scientifique  de  la  France.  A  la  direction  de  l'en- 
seignement supérieur,  son  action  n'a  pas  été  moins  féconde. 
Il  a  pris  une  part  décisive  aux  réformes  qui  ont  renouvelé 
et  fortifié  l'enseignement  dans  les  facultés  :  création  des 
maîtres  de  conférences,  multiplication  des  chaires,  institu- 
tion des  bourses  d'étudiants,  dotation  des  bibliothèques  et 
des  laboratoires,  amélioration  des  méthodes.  Un  livre  publié 
après  sa  mort,  Notes  et  Discours  (1885),  montre  bien  que 
le  développement  des  hautes  études  en  France  a  été  sa 
constante  préoccupation.  Albert  Dumont  n'a  donc  pas  seu- 
lement laissé  de  remarquables  travaux  d'érudition;  il  a 
contribué,  pour  une  très  large  part,  au  relèvement  de  notre 
enseignement  national.  Max.  Collignon. 

BiBL.  :  Notices  sur  Albert  Dumont,  par  E.  Lavisse, 
dans  Revue  internationale  de  renseignement  supérieur, 
15  févr.  1885.  — Th.  Homolle,  Bulletin  de  correspondance 
hellénique,  1884.  —  O.  Riemann,  Revue  de  philologie, 
janvier  1885.  —  P.  Girard,  Revue  de  l'enseignement  se- 
condaire, 15  sept.  1884.  —  Liard,  Discours  prononcé  à 
l'inauguration  du  buste  d'A.  Dumont  à  la  Sorbonne, 
nov.  1891. 

DUMONT  d'Urville  (Jules-Sébastien-César),  navigateur 
français  et  naturaliste,  né  à  Condé-sur-Noireau  (Calvados) 
le  23  mai  1790,  mort  à  Rellevue  le  8  mai  1842.  A  l'âge 
de  sept  ans,  il  perdit  son  père  et  fut  élevé  par  sa  mère  et 
son  oncle,  l'abbé  de  Croizilles,  qui  lui  enseigna  les  premiers 
éléments  ;  il  fit  ses  études  au  collège  de  Bayeux  et  les 
acheva  au  lycée  de  Caen.  Le  jeune  d'Urville  se  présenta  en 
1807  à  l'examen  d'admission  pour  l'Ecole  polytechnique, 
mais  il  échoua  et  s'embarqua  peu  après,  en  qualité  de 
novice,  à  bord  àeV Aquilon,  commandé  par  le  commandant 
Maingon .  Ayant  reconnu  dans  son  jeune  novice  un  goût 
très  développé  pour  l'étude  et  beaucoup  de  curiosité,  le  com- 
mandant de  V Aquilon  l'initia  au  maniement  des  instru- 
ments nautiques,  et  lui  donna  une  éducation  de  marin  qui 
lui  permit  de  se  présenter  au  concours  d'aspirant,  dont  il 
sortit  le  premier  sur  soixante-douze  candidats,  et  deux  ans 
après  il  était  de  première  classe  de  son  titre.  Pendant  son 
séjour  à  Toulon  où  il  était  de  service,  Dumont  d'Urville 
employa  tous  ses  loisirs  à  développer  son  instruction  ;  il 
perfectionna  l'étude  des  langues  vivantes  qu'il  avait  com- 
mencées, et  apprit  l'hébreu  et  le  grec.  Il  s'appliqua  aussi 
beaucoup  à  l'étude  de  la  botanique  et  de  l'entomologie. 

Entre  1812  et  1846,  il  navigua  tour  à  tour  sur  les 
vaisseaux  suivants  :  le  Suffrcji,  le  Borée,  le  Donaiverl, 
le  Bmjal-Loiiis,  la  Ville-de-Marseille  à  bord  de  laquelle 
se  trouvait  la  famille  d'Orléans,  venant  de  Sicile,  après  un 
long  exil,  qui  rentrait  en  France  en  1814,  et  enfin  sur  la 
gabarre  V Alouette,  En  qualité  d'enseigne,  il  accomplit, 
sous  la  direction  du  capitaine  Gauthier-Duparc,  comman- 
dant la  Chevrette,  une  campagne  d'exploration  et  d'hydro- 
graphie dans  la  Méditerranée  et  la  mer  Noire.  Toujours 
emporté  par  son  zèle  pour  les  sciences  naturelles,  Dumont 
d'Urville  profitait  de  toutes  les  stations  pour  descendre  à 
terre  et  se  livrer  à  son  penchant  pour  la  botanique  et  aussi 
un  peu  pour  l'archéologie .  A  la  suite  d'une  de  ses  excur- 
sions, il  signala  à  l'ambassadeur  de  France  à  Constanti- 
nople,  M.  le  marquis  Séré  de  Rivières,  l'existence  d'une 
statue  en  marbre  blanc,  mutilée,  à  laquelle  il  donnait  le  nom 
de  Vénus  Victrix  et  qu'un  paysan  grec  avait  trouvée  dans 
son  champ.  Cette  statue,  qui  n'était  autre  que  la  Vénus  de 
Milo,  fut  achetée  pour  le  compte  du  gouvernement  français, 
grâce  à  l'habileté  et  à  l'énergie  de  M.  de  Marcellus  qui 
l'apporta  lui-même  en  France.  A  sa  rentrée  en  France,  il 
s'occupa  à  coordonner  les  nombreux  matériaux  et  à  classer 
les  notes  qu'il  avait  recueillies  dans  ce  voyage,  et  les  publia. 

De  1822  à   1825,  Dumont  d'Urville  fit  à  bord  de  la 


DUMONT  -  DUMONTIA 

Coquille,  commandée  par  son  ami  Duperrey,  un  voyage 
d'exploration  autour  du  monde.   S'attachant  particulière- 
ment à  ses  sciences  de  prédilection,   Dumont  d'Urville  se 
fit  le  collaborateur  volontaire   des  deux  naturalistes  de 
l'expédition  :  Lesson  et  Garnot,  et  s'occupa  tout  spéciale- 
ment de  l'entomologie  et  de  la  botanique.  Les  résultats 
de  ce  voyage  furent  très  appréciés  et  signalèrent  Dumont 
d'Urville  à  l'attention   du  monde  savant.  A  son  retour, 
il  mit  en  ordre  toutes  les  collections  et  prépara  la  publi- 
cation de  ce  voyage.  Nommé  capitaine  de  frégate  le  3  nov. 
48^25,  d'Urville  présenta  au  ministre  de  la  marine   le 
plan  d'une  nouvelle  exploration  plus  étendue  et  plus  com- 
plète. Il  espérait  pouvoir  préciser  exactement  le  lieu  de 
naufrage    de  La  Pérouse    et   peut-être  même   rapatrier 
quelques-uns  de  ses  compagnons.  Sans  entrer  dans  tous 
les  détails  de  ce  voyage  resté  célèbre,  disons  que,  parti  de 
Toulon  le  25  avr.  1826  sur  V Astrolabe,  il  explora  la 
Nouvelle-Zélande  et  la  Nouvelle-Guinée.  Arrivé  à  Hobart 
Town,  il  apprit  par  le  capitaine  Peter  Dilloo  qu'il  existait 
des  traces  visibles  du  naufrage  d'un  vaisseau  à  l'île  de 
Vanikoro.  Muni  de  ces  renseignements,  il  appareilla  aus- 
sitôt vers  ces  régions  qu'il  n'atteignit  pas  sans  danger.  Le 
second  de  V Astrolabe,  Jacquinot,  fut  envoyé  à  la  décou- 
verte et  rapporta  bientôt  des  renseignements  précis  sur  le 
lieu  du  naufrage  ainsi  que  des  débris  :  ancre,  canons,  pier- 
riers,  etc.,  péchés  dans  la  mer  ou  recueillis  entre  les  mains 
des  indigènes.  On  peut  voir  les  reliques  de  ce  naufrage  au 
musée  de  la  marine  au  Louvre.  Afin  de  perpétuer  la  mé- 
moire de  notre  compatriote,  Dumont  d'Urville  fit  élever  un 
monument  commémoratif  rappelant  le  naufrage  de  La  Pé- 
rouse et  de  ses  compagnons.  —  La  majeure  partie  de  son 
équipage  étant  tombée  malade,  Dumont  d'Urville  dut  songer 
au  retour,  non  sans  continuer  à  explorer  sur  son  passage 
les  côtes  inconnues  ou  mal  définies.  En  1829,  V Astrolabe 
atteignit  le  port  de  Marseille  et  son  commandant  rapporta 
de  ce  second  voyage  une  ample  moisson  de  documents  : 
cartes  hydrographiques,   données  ethniques  d'une  grande 
importance  ainsi  que  des  collections  de  plantes  et  d'insectes 
dont  beaucoup  étaient  absolument  inédits.  La  publication 
de  ce  voyage  se  fit  aux  frais  de  l'Etat  sur  l'ordre  du  mi- 
nistre de  la  marine,  Hyde  de  Neuville.  Dumont  d'Urville 
fut  chargé  de  reconduire  la  famille  de  Charles  X  en  Angle- 
terre, tâche  difficile  et  délicate  dont  il  s'acquitta  avec  une 
attention  et  des  prévenances  qui  lui  valurent  les  remercie- 
ments de  l'ancien  roi.  Le  projet  d'exploration  au  pôle  Sud 
dont  Dumont  d'Urville  avait  présenté  le  rapport  au  roi 
Louis-Philippe,  fut  vivement  combattu  à  la  Chambre  par 
Araf^o  qui  ne  reconnaissait  pas  qu'une  expédition  de  ce 
genre  fût  profitable  à  la  science;   ses  conclusions  furent 
adoptées  par  l'Académie  des  sciences  qui  modifia  complè- 
tement le  projet  primitif.  Malgré  cette  désapprobation,  le 
commandant  d'Urville,  fort  des  encouragements  de  Hum- 
boldt  et  de  Krusenstern,  accepta  les  instructions  du  gou- 
vernement et  quitta  le  port  de  Toulon  en  1837  avec  VAs- 
trolabe  et  la  Zélée.  Avec  d'aussi  faibles  moyens,  il  ne  put 
exécuter   le  programme  qu'il  s'était  tracé;  au  delà  du 
détroit  de  Magellan,  par  64«  de  lat.  S.  il  fut  arrêté  parles 
glaces,  sans  pouvoir  franchir  cette  banquise.  Son  équipage 
étant  décimé  par  le  scorbut,  il  dut  revenir  dans  un  port 
de  relâche  pour  le  laisser  reposer.   Dumont  d'Urville  re- 
monta au  N.,  atteignit  le  port  de  Talcahuano,  au  Chili, 
non  sans  avoir  découvert  de  nouvelles  terres  qu'il  appela 
Louis-Philippe  et    Joinville;   en   revenant,  il  rectifia 
encore  l'hydrographie  des  îles  Orknoy  et  New-Shetland. 
Après  avoir  accordé  un  repos  à  son  équipage,  le  comman- 
dant de  l'expédition  reprit  la  mer  et  exécuta  les  instruc- 
tions qui  lui  avaient  été  données  ;  c'est  ainsi  qu'il  visita 
une  grande  partie  des  îles  de  l'Océanie  dont  il  définit  exac- 
tement les  contours.  De  Hobart  Town  il  essaya,  une  fois 
encore,  de  s'élancer  dans  les  régions  du  Sud  en  profitant 
d'un  espace  libre.  Cependant  il  ne  parvint  pas  à  dépasser 
BG""  30'  après  avoir  découvert  deux  autres  terres  qu'il 
nomma   Adélie,   du  nom  de  sa  femme,  et  Clarie,   du 


—  o2  — 


nom  de  celle  du  commandant  Jacquinot.  Dumont  d'Urville 
revint  en  Erance  le  6  nov.  1840,  après  une  absence  de 
trente-huit  mois.  Comme  dans  ses  précédents  voyages,  il 
enrichit  encorela  science  par  les  collections  de  toutes  sortes 
qu'il  avait  recueillies,  tant  en  géographie  et  ethnographie 
qu'en  sciences  naturelles.  Nommé  contre-amiral  en  1840 
en  récompense  de  ses  brillants  services  dans  la  marine,  la 
Société  de  géographie  lui  décerna,  un  peu  moins  d'un  an 
après,  la  grande  médaille  d'or  pour  ses  nombreuses  dé- 
couvertes géographiques.  Après  avoir  bravé  tant  de  dan- 
gers, après  avoir  accompli  plusieurs  fois  le  tour  du  monde, 
cet  illustre  marin  périt  misérablement  avec  sa  femme  et 
son  fils  dans  la  catastrophe  du  chemin  de  fer  de  Yersadles 
le  8  mai  1842. 

Voici  une  hste  des  principaux  ouvrages  qu'il  a  laissés  : 
Mémoire  géologique  sur  r île  de  Santorin;  Enumeratio 
plantarum  quas  in  insulis  Archipelagi,  aut  littoribus 
Ponti-Euxini,  annis  iSI9  et  Î820  collegit  atque 
detexit  J.  D.  d'U.  (Paris,  1822,  in-8):  Notice  sur  les 
galeries  souterraines  de  nie  de  Mélos  (extrait  des  Nou- 
velles  Archives  des  voyages;  Paris,  1 82o,  in-8)  ;  Rapport 
sur  le  voyage  de  «  l'Astrolabe  »  lu  à  i: Académie  des 
sciences  dans  sa  séance  du  lî  mai  i820  (Paris,  1829, 
64  pp.  in-8)  ;  Mémoire  sur  les  îles  Loyalty.  Partie  hy- 
drographique du  voyage  de  «  r  Astrolabe»  (Paris,  1829, 
20  pp.  in-8)  ;  Voyage  de  la  corvette  «  r  Astrolabe  », 
exécuté  par  ordre  du  roi  pendant  les  années  iS26  à 
i829  (Paris,  1830  et  suiv.,  12  vol.  gr.  in-8  et  7  vol. 
de  pi.);  Voyage  au  pôle  Sud  et  dans  COcéanie  sur  les 
corvettes  «  l'Astrolabe  »  et  «  la  Zélée  »  pendant 
les  années  i837  à  i840  (Paris,  1841-1854,  23  vol. 
in-8,  6  atlas  in-fol.  ;  Y.  pour  les  détails  :  Lorenz)  ;  Flore 
des  Malouines  (en  latin)  ;  Relâche  de  «  l'Astrolabe  » 
aux  lies  Arioco,  dans  Annuaire  des  voyages  (1844)  ; 
Voijage  autour  du  monde,  résumé  général  des  voyages 
de  découvertes  de  Magellan,  etc.  (Paris,  1834-1835  et 
1844,  2  vol.  gr.  in-8;  nouv.  édit.,  mise  au  niveau  des 
découvertes  les  plus  récentes,  1853,  2  vol.  gr.  in-8,  grav. 
et  cartes,  rééditée  en  1859).  Alb.  M. 

BiBL  •  Lepsov,  Notice  historique  sur  Vamiral  Dumont 
dVruiile;  RocheCort,  1816,  in-8.  -  Vingendon-Dumoulin, 
Notice  biographique  sur  Dumont  d'Urville,  dans  Voyage 
au  pôle  Sud,  t.  X.  -Du  même,  Quelques  Observalions  sur 
les  voiianes  du  capitaine  Dumont  dUrville  et  de  James 
Ross  au  pôle  Sud,  dans  Annuaire  des  voyages,  1844.-- 
Matterer,  Notice  nécrologique  et  historique  sur  M.  le 
contre-amiral  Dumont  d'Urville;  Paris,  1842,  in-b.  —  Isi- 
dore Lebrun,  Biographie  de  Dumont  d  Urville,  dans  Ari-- 
nales  maritimes,  t.  LXXVIII.  -  Berthelot,  L loge  du 
contre-amiral  Dumont  d'Urville,  dans  Bulletin  de  la  So- 
ciété de  géographie,  2°  série,  t.  XIX.  -  De  Barins  (pseu- 
donyme de  L.-l'.  Raban),  Vie,  voyage  et  aventures  de 
l'amiral  Dumont  d'Urville;  Paris,  1857  in-S.  -- Joubert 
Dumont  d'Urville;  Tours,  1877,  in-8.-  Lettres  de  Dumont 
dVrville  adressées  à  M.  Prost,  directeur  de  la  poste  à 
Mende  {1810-1825)  pul)liées  par  A.  Maire,  dans  Revue 
rétrospective,  t.  X,  pp.  74  et  suiv. 

DUIYIONTEIL  (Fulbert),  publiciste  français,  né  à  Vergt 
(Dordogne)  en  1831.  Il  a  donné  des  chroniques  scienti- 
fiques et  pittoresques  à  divers  journaux  et  notamment  à 
la  Fra7ice.  Nous  citerons  de  lui  :  les  Députés  de  la  Seine, 
portraits  intimes  (Paris,  1869,  in-18);  Jardin  d'accli- 
matation, portraits  zoologiques  (1874,  gr.  m-^);  Por- 
traits politiques,  les  Septembrisés  (lb/2,  m-li); 
Voyage  au  Pays  du  bien  (1878,  in-12)  ;  les  Carillons  de 
yoël  (1880,  in-12)  ;  Lecture  expressive.  Histoire  natu- 
relle en  action  (1882,  in-12);  les  Sept  Femmes  du 
colonel  d'Arlot  (1884,  in-12);  Contes  jeunes  (1886, 
in-12),  etc. 

DUMONTIA  (ZooL).  Ce  genre  aétédédié  parKunstler  au 
regretté  Albert  Dumont,  directeur  de  l'enseignement  supé- 
rieur; il  est  basé  sur  une  espèce  de  Protozoaire^  rhizopode 
qui  habite  la  cavité  viscérale  des  Ophélies,  que  l'on  trouve 
sur  la  plage  d'Arcachon.  Il  se  distingue  facilement  des 
autres  corpuscules  qui  flottent  dans  le  liquide  plasmatique, 
par  la  présence  d'un  axe  vivement  coloré  en  brun  fonce  : 
sur  les  côtés  de   cet  axe  s'étend  le  corps,  divisé  en  deux 


-  53  - 


DUMONTJA  -  DUMOULIN 


lobes  qui  portent  à  la  périphérie,  dans  la  région  médiane, 
des  pseudopodes  rayonnants.  Les  caractères  de  divers 
ordres  que  présente^  cet  animal,  le  rapprochent  à  la  fois 
des  Radiolaires  et  des  Rhizopodes  (V.  Kunstler,  Bulletin 
Soc.  zooL  de  France,  1883);  MM.  Kunstler  et  de  Lus- 
trac  ont  récemment  fait  connaître  (1889)  un  Rhizopode 
qui  habite  les  eaux  du  bassin  d'Arcachon  et  qu'ils  consi- 
dèrent comme  une  forme  libre  de  ce  genre.  R.  Mz. 

DUMONTPALLIER  (Amédée),  médecin  français  con- 
temporain, né  à  Ronfleur  le  8  mars  1826.  H  a  fait 
toutes  ses  études  médicales  à  Paris  et  a  été  interne  des 
hôpitaux  en  1853,  docteur  en  médecine  en  1857,  chef  de 
clinique  de  la  Faculté  en  1861,  médecin  des  hôpitaux  en 
1866.  R  a  publié  un  travail  original  sur  le  Rétrécissement 
congénital  aortique  au  niveau  de  l'abouchement  du 
canal  artériel  (1 866) ,  une  note  sur  un  Cas  d'oblitération  de 
la  veine  cave  inférieure  (en  collaboration  avec  M.  Sappey, 
1861)  ;  Contribution  à  l'étude  des  anomalies  de^  Vénrp- 
tion  vaccinale  (mémoire  couronné  par  l'Académie  de 
médecine,  1877).  M.  Dumontpallier  s'est  beaucoup  occupé 
de  gynécologie,  et  l'anneau  pessaire  qu'il  a  inventé  a  été 
généralement  adopté.  Plusieurs  de  ses  travaux  ont  pour 
sujet  f Infection  'purulente  et  Vinfection  putride  a  la 
suite  de  V accouchement  (1857-1865)  et  il  a  fait  con- 
naître récemment,  à  l'Académie  de  médecine,  sa  méthode 
du  traitement  de  l'endométrite  chronique  à  l'aide  des 
crayons  de  zinc  (1889-1890).  R  a  pris  une  part  active  à  la 
rédaction  de  la  Clinique  de  V Hôtel-Dieu  de  Trousseau  et 
il  est  l'auteur  des  rapports  présentés  à  la  Société  de  biolo- 
gie sur  la  métalloscopie  et  la  métallothérapie  (1877-1878), 
rapports  qui  résument  les  expériences  auxquelles  la  com- 
mission de  la  Société  de  biologie  a  dû  se  livrer  et  dans 
lesquels  on  trouve  signalée  la  découverte  du  «  transfert  », 
découverte  que  Ton  ^  considère  comme  appartenant  à 
MM.  Dumontpallier  et  Gellé.  Il  est  encore  l'auteur  de  plu- 
sieurs mémoires  sur  V Etude  expérimentale  de  l'action  de 
divers  agents  physiques  sur  l'hystérie  (en  collaboration 
avec  M.  Magnin,  1882-85)  et  sur  l'Hypnotisme  et  la  sug- 
gestion. M.  Dumontpallier  est  secrétaire  général  de  la 
Société  de  biologie  depuis  1868.  D^  A.  Dureau. 

DU  MORTIER  (Rarthélemy-Charles,  comte),  homme  poli- 
tique belge,  né  à  Tournai  le  3  avr.  1 797,  mort  à  Tournai  le 
9  juil.  1878.  R  prit  une  part  active  à  la  révolution  de  1830, 
fut  élu  membre  de  la  Chambre  des  représentants  dès  1831 , 
et  conserva  son  mandat  jusqu'à  sa  mort,  sauf  une  courte 
interruption  en  1847.  Il  joua  un  rôle  important  dans  les 
délibérations,  notamment  dans  la  discussion  du  traité  dit 
des  XXIV  articles  ;  il  démontra  l'exagération  des  préten- 
tions hollandaises  et  obtint  une  diminution  considérable  de 
la  dette  que  les  puissances  voulaient  imposera  laRelgiquc. 
R  fut  en  1836  le  rapporteur  de  la  loi  communale,  com- 
battit énergiquement  le  traité  de  séparation  de  1839,  et, 
en  toutes  circonstances,  défendit  avec  beaucoup  d'éloquence 
les  doctrines  du  catholicisme  libéral.  Son  originalité  faisait 
parfois  sourire,  mais  sa  rude  franchise,  son  caractère 
intègre,  son  patriotisme  désintéressé  imposaient  le  respect 
même  à  ses  plus  ardents  adversaires.  Dumortier  ne  se 
laissa  pas  absorber  tout  entier  par  la  politique  ;  botaniste 
distingué  et  membre  de  l'Académie,  il  fit  paraître  un  grand 
nombre  de  travaux  qui  reçurent  un  accueil  très  favorable 
dans  le  monde  savant  et  fit  plusieurs  découvertes  impor- 
tantes. R  écrivit  aussi  des  études  historiques  et  politiques 
dont  les  conclusions  ont  été  fort  contestées.  La  liste  com- 
plète de  ses  ouvrages  se  trouve  dans  De  Koninck  {Biblio- 
graphie nationale,  1,623-626).  En  voici  les  principaux: 
i^'  histoire  et  politique  :  les  Manifestes  du  roi  Guillaume 
et  les  griefs  de  la  nation  (Tournai,  1830,  in-8)  ;  la 
Belgique  et  les  XXIV  articles  (Rruxelles,  1838,  in-8)  ; 
Observations  sur  le  partage  des  dettes  des  Pays-Bas 
(Rruxelles,  1838,  in-8);  Becherches  sur  le  lieudenais- 
sance  de  P. -P.  Bubens  (Rruxelles,  1861,  in-8);  Nou- 
velles Becherches  sur  le  même  sujet  (Rruxelles,  1862, 
in-8)  ;  2^  botanique  :  Commentationes  botanicœ  (Tour- 


nai, 1822,  in-8)  ;  les  Graminées  de  la  flore  de  Belgique 
(Tournai,  1823,  in-8)  ;  Florula  belgica  (Tournai,  î  827, 
in-8)  ;  Etude  sur  les  orchidées  {Mém.  de  l'Acad.  de 
Belgique,  IX)  ;  Essai  carpographique  présentant  une 
nouvelle  classification  des  fruits  (Tournai).  Le  roi  des 
Relges  avait  conféré  à  Dumortier  les  titres  de  comte  et  de 
ministre  d'Etat.  E.  H. 

BiBL.  :  L.  Uyma^?^,  Histoire  parlementaii^e  de  la  Bel- 
gique; Bruxelles,  1878-1888,  5  vol.  in-8.  —  Crépin,  Bio- 
graphie  de  B.  Dumortier  ;  Bruxelles,  1879.  —  L.  Hvmans, 
la  Belgique  conternporaine ;  Bruxelles,  1884,  in-8. 

DUMOULIN  (Charles),  célèbre  jurisconsulte  français, 
né  à  Paris  en  1500,  mort  à  Paris  le  27  déc.  1566. 
Après  avoir  étudié  le  droit  à  Orléans  et  à  Poitiers,  il  dé- 
buta au  barreau  en  qualité  d'avocat  au  parlement  de  Paris. 
Malgré  sa  science  incomparable,  il  n'eut  aucun  succès  ;  son 
échec  tint  à  ce  que  sa  parole  n'était  ni  facile  ni  élégante. 
R  était  si  peu  agréable  à  écouter  qu'un  jour  le  premier 
président  de  Thou,  impatienté  par  cette  parole  difficile, 
lui  dit  en  pleine  audience  :  «  Taisez-vous,  maître  Dumou- 
lin, vous  êtes  un  ignorant.  »  L'injure  fut  ressentie  par 
le  barreau  tout  entier.  Les  anciens  se  rendirent  auprès 
du  premier  président,  et  le  bâtonnier  lui  dit  en  propres 
termes  au  nom  de  ses  confrères  :  Lœsisti  hominem  doc- 
tiorem  quam  unquam  eris.  De  Thou  reconnut  ses  torts. 
La  foi  religieuse  de  Dumoulin  n'avait  pas  la  solidité  de  sa 
science;  il  quitta  la  religion  catholique  pour  embrasser  le 
calvinisme.  Obligé  par  les  guerres  civiles  à  quitter  Paris, 
il  alla  enseigner  le  droit  en  Allemagne,  notamment  à  Stras- 
bourg. On  l'appela  aussi  à  Dole  et  à  Resançon  où  il  donna 
quelques  leçons  en  présence  de  plusieurs  milliers  de  per- 
sonnes. Ces  leçons  sont  parvenues  jusqu'à  nous,  et  on 
s'étonne  en  les  Hsant  qu'elles  aient  pu  intéresser  la  foule, 
car  elles  portent  sur  des  questions  de  droit  très  compli- 
quées. Dumoulin  rentra  en  France  en  1557  et  se  fixa  de 
nouveau  à  Paris  ;  il  publia  des  traités  violents  contre  l'au- 
torité du  pape  et  qui  obtinrent  un  succès  considérable, 
notamment  son  Conseil  sur  le  fait  du  concile  de  Trente 
et  son  Commentaire  sur  Védit  du  roi  Henri  II  sur  les 
petites  dates.  Mais  les  œuvres  de  Dumouhn,  qui  ont  fait 
sa  réputation  de  jurisconsulte  et  qui  l'ont  placé  à  la  tête 
de  nos  légistes  coutumiers,  sont  ses  commentaires  sur 
un  grand  nombre  de  coutumes,  notamment  celui  qu'il  a 
consacré  à  la  coutume  de  Paris,  son  traité  Z)^  Feudis  et 
enfin  sa  dissertation  sur  les  obligations  indivisibles  intitulée 
Extricatio  labyrinthi  dividui  et  individui.  Il  faut  aussi 
citer  son  Tractatus  de  eo  quod  interest.  Les  œuvres 
de  Dumoulin  sont  surtout  remarquables  par  la  richesse  de 
l'érudition,  par  la  profondeur  des  vues  et  par  l'habileté  de 
la  dialectique  ;  mais  elles  sont  écrites  dans  un  style  opaque 
et  raboteux  qui  en  rend  la  lecture  difficile  et  pénible.  Mal- 
gré tout,  ses  contemporains  l'appelaient  déjà  le  prince  des 
jurisconsultes,  et  il  était  le  premier  à  n'en  pas  douter. 
Son  orgueil  est  resté  aussi  célèbre  que  sa  science  ;  il  pre- 
nait volontiers  le  titre  de  premier  jurisconsulte  de  France 
et  d'Allemagne,  et  il  lui  arriva  de  dire  de  lui-même  :  Ego 
qui  nemini  cedo  nec  a  nemine  doceri  possum.  Son 
influence  a  été  considérable  sur  la  coutume  de  Paris  et  on 
peut  même  dire,  d'une  manière  générale,  sur  les  destinées 
du  droit  français.  Ennemi  acharné  de  la  féodalité,  il  a  sin- 
gulièrement contribué  à  la  préparation  de  l'unité  de  notre 
droit  civil;  il  a  amèrement  critiqué  le  système  qui  avait  été 
employé  pour  la  rédaction  des  coutumes  ;  il  prétend  qu'on 
a  trop  vite  voté  et  trop  peu  réformé  ;  il  reproche  à  la  no- 
blesse d'avoir  abusé  de  sa  puissance  et  d'avoir  empêché  les 
réformes.  En  particulier,  le  commentaire  de  Dumoulin  sur 
la  coutume  de  Paris  est  resté  fort  précieux,  d'abord  pjirce 
qu'il  est  le  seul  qui  ait  porté  sur  la  coutume  de  1510, 
ensuite  parce  que  ses  solutions  ou  critiques  ont  été  sou- 
vent acceptées  à  l'époque  de  la  réformation  de  cette  coutume 
en  1580.  Le  Commentaire  de  Dumoulin  sur^la.  coutume 
de  Paris  a  été  plusieurs  fois  édité  (Paris,  1539,  1554; 
Francfort,  1575;  Lausanne,  1576)  et  Godefroy  l'a  adapté 
à  la  nouvelle  coutume  (Paris,  1596  ;  Rerne,   1603).  Le 


DUMOULIN  —  DUMOURIEZ 


~  U  — 


traité  des  fiefs  a  été  réédité  par  Henrion  de  Pansey  à  Paris 
en  1793  ;  l'ensemble  des  œuvres  de  Dumoulin  a  été  publié 
à  Paris  en  1681  (5  vol.  in-foL). 

BiBL.  :  Brodeau,  Vie  de  Dumoulin,  en  tête  des  œuvres 
de  Dumoulin.  —  Viollet,  Histoire  du  droit  français^ 
p.  173.  —  AuBÉpiN,  De  l'Influence  de  DumoiUin  sur  la  légis- 
lation française  (extrait  de  iâ  Revue  critique  de  législation 
et  de  jurisprudence,  t.  IV,  p.  2()1). 

DUMOULIN  (Pierre),  prédicateur  et  controversiste  pro- 
testant français,  né  le  16  oct.  1568  au  château  de  Buhy- 
pn_Vexin,  mort  à  Sedan  le  10  mars  1658.  Sa  destinée 
se  ressentit  des  temps  troublés  dans  lesquels  il  vécut. 
Il  n'échappa  aux  massacres  de  la  Saint-Barthélémy  (1572) 
que  par  l'adresse  d'une  brave  femme  catholique,  qui  le 
cacha  sous  un  lit  de  couvertures.  L'année  suivante,  Du- 
mouUn  rejoignait  sa  famille  à  Sedan,  alors  principauté 
indépendante',  où  il  poursuivit  ses  études  classiques 
jusqu'à  l'âge  de  vingt  ans.  Mais  alors  son  père,  à  bout 
de  ressources,  fut  forcé  de  le  conduire  à  Paris  afin  «  d'y 
chercher  condition  pour  gagner  sa  vie  »  (1588).  La  ca- 
pitale était  alors  en  proie  aux  fureurs  de  la  «  Sainte 
Ligue  ».  Dumoulin  n'y  resta  pas  longtemps  et,  après  avoir 
erré  quelques  semaines  à  Rouen  et  à  Dieppe,  il  se  rendit 
en  Angleterre  où,  tout  en  exerçant  les  fonctions  de  pré- 
cepteur, il  suivit  les  cours  des  savants  Whitacker  et  Rey- 
nold  (1589-1592).  Cependant,  attiré  par  la  réputation  de 
François  Du  Jon,  professeur  à  Leyde,  son  compatriote,  il  se 
rendit  dans  cette  ville  oti  il  séjourna  sept  années.  Il  y  en- 
seigna successivement  le  grec  et  la  poésie  latine  au  collège 
et  la  philosophie  d'Aristote  à  l'université. 

C'est  à  Leyde  que  vint  le  trouver  l'appel  du  consistoire  de 
l'Eglise  réformée  de  Paris,  qui  le  nommait  pasteur  de  cette 
Eglise.  Il  accepta  cette  fois  et  pendant  vingt  ans  il  prêcha 
au  temple  de  Charenton  avec  éloquence  et  sortit  victorieux 
de  plusieurs  controverses,  entre  autres  avec  Palma-Cayet,  le 
père  Coton,  etc.  Sa  réputation  d'orateur  et  de  contro- 
versiste  le  désigna  au  choix  de  Catherine  de  Bourbon, 
duchesse  de  Bar,  sœur  de  Henri  IV,  qui  était  restée  fort 
attachée  au  protestantisme  et  l'emmena  comme  aumônier  en 
Lorraine.  Après  l'assassinat  de  Henri  IV,  sa  propre  vie  étant 
en  péril,  il  se  réfugia  à  Sedan  (1621),  où  il  fut  nommé 
pasteur  de  l'Eglise  réformée  et  professeur  à  l'université. 
C'est  dans  cette  ville  que,  sauf  des  séjours  de  courte  durée 
à  Londres,  Paris  et  La  Haye,  il  passa  les  trente-sept  der- 
nières années  de  sa  vie,  partageant  son  temps  entre  la  pré- 
dication, ses  leçons  de  philosophie  et  la  pubKcation  de  ses 
ouvrages.  Dumoulin  était  la  terreur  des  jésuites  qui  avaient 
fait  sur  son  nom  latinisé  cet  anagramme  :  Erit  mundo 
lupus.  DumouHn  a  laissé  autant  d'ouvrages  qu'il  a  vécu 
d'années  (quatre-vingt-dix);  on  en  trouvera  la  liste  complète 
dans  la  France  protestante  (2^ éd.).  Voici  les  principaux: 
Apologie  de  la  Cène  du  Seigneur,  contre  la  présence 
charnelle  (La  Rochelle,  1607,  in-8)  ;  le  Bouclier  de  la 
foi  (Charenton,  1618,  in-8);  Bu  Combat  chrétien  ou 
des  afflictions  (Sedan,  1622);  Nouveauté  du  Papisme 
(Sedan,  1627,  in-fol.)  ;  Anatomie  de  la  Messe  (dédié  à 
la  duchesse  de  Bouillon;  Genève,  1636);  Dix  Décades 
de  sermons  (Sedan,  1637-1647).     G.  Bonet-Maury . 

BiBL.  :  ViedeM. P. Dumoulin,écritepar  lui-même, &Q.u^ 
le  Bulletin  du  protestantisme  français,  1858.  —  N.  Reco- 
lin, art.  Dumoulin,  dans  V Encyclopédie  des  sciences  reli- 
gieuses. —  H.  BoRDiER,  dans  là  France  protestante,  t.  V. 
DUMOULIN  (Gabriel),  curé  de  Menneval,  né  à  Bernay 
vers  1575,  mort  en  1660.  Il  nous  reste  de  lui  :  His- 
toire générale  de  Normandie.,,  depuis  les  premières 

courses  des  Normands jusqu'à  la  réunio7i  de  la 

Normandie  a  la  couronne  de  France  (Rouen,  1631 ,  in- 
fol .) ,  les  Conquêtes  et  les  Trophées  des  Norman- 
François  aux  royaumes  de  Naples  et  de  Sicile,  aux 
duchés  de  Calabre,  d'Antioche,  de  Galilée,  et  autres 
principautés  d'Italie  et  d'Orient  (Rouen,  1658,  in-fol.). 

BiBL.  :  Ed.  Frère,  Manuel  du  bibliograplie  normand. 
DUMOULIN  (Evariste),  publiciste  français,  né  dans  la 
Guyenne  en  1776,  mort  à  Paris  le  4  sept.  1833.  H  com- 
mença à  se  faire  connaître  en  publiant  dans  un  journal  de 


la  Gironde  des  poésies  et  des  articles  divers,  vint  à  Paris, 
où  il  fonda  en  1815,  avec  Maiseau  de  Bellemare,  le  Messa- 
ger des  Chambres,  prit  part  à  la  fondation  du  Constitu- 
tionnel (1815-1817),  où  il  collabora  activement  dans  l'in- 
térêt du  parti  libéral.  Mis  en  lumière  par  plusieurs  procès 
de  presse,  Dumoulin  mit  le  comble  à  sa  réputation  en  fon- 
dant la  Minerve  française  (1818-1820)  avec  Benjamin 
Constant,  Etienne,  Jay,  Jouy,  Lacretelle,  Tissot,  etc.  Ce 
journal  demi-périodique,  destiné  à  remplacer  le  Mercure, 
fit  une  satire  continuelle  de  la  Restauration,  jouit  d'une 
prospérité  incroyable  et  devint  une  véritable  puissance. 
Fort  populaire,  Dumoulin  joua  un  rôle  actif  lors  de  la  révo- 
lution de  juil.  1830,  et  dirigea  notamment  le  peuple  sur 
l'Hôtel  de  ville.  On  a  de  lui  :  Histoire  complète  du  pro- 
cès du  maréchal  Ney  (Paris,  1815,  2  vol.  in-8)  ;  Pro- 
cès du  général  comte  Drouot  (1816,  in-8);  Procès  du 
général  Cambronne  (1816,  in-8)  ;  Lettre  sur  la  cen- 
sure des  journaux  et  sur  les  censeurs  (1820,  in-8); 
Examen  du  projet  de  loi  sur  la  presse  (1827,  in-8). 

DUMOURIEZ  (Charles-François),  né  à  Cambrai  le 
25  janv.  1739,  mort  à  Turville  Park  (Angleterre)  le 
14  mars  1823.  Fils  d'Anne-François  Dumouriez,  commis- 
saire des  guerres,  il  descendait  d'une  famille  parlementaire 
de  Provence,  connue  sous  le  nom  de  Dupérier.  Une  demoi- 
selle Anne  de  Mouriez,  ayant  épousé  le  bisaïeul  du  général, 
la  plupart  des  membres  de  la  famille  adoptèrent  le  nom  de 
Mouriez,  qui  par  la  suite  se  transforma  en  Dumouriez. 
Charles-François  Dumouriez  était  le  cadet  de  deux  sœurs  : 
l'une  qui  devint  abbesse  de  Fervacques  à  Saint-(iuentin, 
l'autre  qui  épousa  le  baron  de  Schomberg,  gentilhomme 
saxon,  mort  lieutenant  général  au  service  de  France.  Son 
enfance  fut  pénible.  Sans  les  soins  de  l'abbé  Fontaine,  il 
n'eût  pu  vivre  au  delà  de  cinq  ou  six  ans.  Il  fit  d'excel- 
lentes études  au  lycée  Louis-le-Grand,  eut  un  moment  l'idée 
de  se  faire  rehgieux,  puis  se  décfda  pour  le  métier  des 
armes.  Il  suivit  l'armée  de  Soubise,  se  distingua  au  siège 
de  Brème  et  entra  dans  le  régiment  de  cavalerie  d'Escars. 
Il  fit  preuve  de  bravoure  à  Rosbach,  Munster,  Emsdetten, 
Albachten,  Clostercamp.  A  cette  dernière  affaire,  il  faillit 
perdre  la  vie.  En  1761,  il  rejoint  son  régiment  et  prend 
part  aux  batailles  de  Villinghausen ,  d'Arensberg  et  de 
Worendorf.  En  1763,  il  est  réformé  avec  trois  cents  capi- 
taines et  quitte  provisoirement  le  service,  après  avoir 
obtenu  la  croix  de  Saint-Louis. 

En  1762,  il  s'était  épris  de  M^^^de  Broissy,  sa  cousine, 
fille  de  feu  François-Etienne  de  Fontenay  et  de  Marie-Anne 
Dumouriez  du  Périer,  veuve  en  secondes  noces  de  Léonard 
Legris  de  La  Potterie,  plus  connue  sous  le  nom  de  mar- 
quise de  Belloy.  Dumouriez  épousa  sa  cousine  le  13  sept. 
1774.  L'histoire  de  cette  passion,  les  événements  qui  l'ont 
précédée  et  suivie  forment  un  véritable  roman  raconté, 
d'après  les  documents  inédits  des  Archives  nationales, 
dans  un  volume  particulier  dont  on  trouvera  le  titre  dans 
la  bibliograpiiie  qui  suit  cet  article.  Je  ne  puis  que  dire 
un  mot  très  bref  de  cette  passion  et  de  ces  incidents.  Pendant 
les  douze  années  qui  séparèrent  la  demande  en  mariage  du 
mariage  lui-même,  Dumouriez  se  consola  facilement  des 
rebuffades  de  M™^  de  Belloy  et  des  refus  obstinés  de  son 
propre  père.  Il  courut  l'Italie,  la  Corse,  l'Espagne,  mettant 
son  épée  au  service  de  Choiseul  et  recherchant  les  aven- 
tures de  guerre  comme  les  aventures  d'amour.  Il  revint  à 
Paris,  fréquenta  Favier,  Collé,  Guibert,  Crébillon  fils,  et  la 
courtisane  Legrand.  Il  se  lia  avec  le  comte  de  Broglie  et 
entra  dans  le  Secret  du  roi.  Il  reçut  une  mission  confi- 
dentielle pour  la  Pologne  en  1770,  mais,  occupé  à  l'accom- 
plir, il  fut  tout  à  coup  désavoué  et  remplacé  par  le  baron 
de  Viomesnil.  Il  allait  entreprendre  un  voyage  secret  en 
Allemagne,  quand  la  police  ministérielle,  lassée  de  ses 
frasques,  l'enferma  à  la  Bastille.  Il  y  demeura  six  mois, 
puis  fut  envoyé  au  château  de  Caen  où  il  mena  joyeuse  vie. 
A  l'avènement  de  Louis  XVI,  il  fit  faire  de  nombreuses 
démarches  pour  obtenir  sa  mise  en  liberté.  Le  2  août  1774, 
il  était  délivré,  et  un  mois  et  demi  après  il  épousait  sa 


—  r^^  — 


DUMOURIEZ 


cousine  de  Broissy.  Cettie  union  ne  tint  pas  ce  qu'elle  pa- 
raissait promettre  tout  d'abord.  Les  deux  époux  ne  tar- 
dèrent pas  à  reconnaître  l'incompatibilité  de  leur  caractère. 
Ce  furent  des  nuages,  puis  des  tempêtes.  Dumouriez  avait 
été  chargé,  en  sa  qualité  de  colonel,  de  faire  des  études  stra- 
tégiques. A  la  fm  del'année  4777,  son  Précis  de  la  défense 
de  la  Normandie  et  de  ses  ports  lui  valut  le  commandement 
de  Cherbourg.  Il  en  prit  possession  en  4778  et  s'acquitta 
avec  un  zèle  et  une  intelligence  remarquables  de  ces  fonc- 
tions nouvelles.  Aide-maréchal-brigadier  en  4779,  briga- 
dier en  1784,  aide-maréchal  de  camp  en  4788,  il  arrivait 
à  la  veille  de  la  Révolution,  mécontent  d'un  avancement 
qui,  suivant  lui,  n'avait  pas  répondu  assez  rapidement  à  ses 
mérites.  Une  intrigante,  la  baronne  de  Barruel-Beauvert, 
dite  la  baronne  d'Angel,  sœur  de  Rivarol,  le  détourna  bientôt 
de  ses  devoirs  domestiques,  si  bien  que,  le  34  juil.  4789, 
Dumouriez  amenait  sa  femme  à  se  séparer  de  lui.  Il  la 
força,  par  ses  traitements  indignes,  à  entrer  dans  un 
couvent.  L'infortunée  mourut  en  4807,  abandonnée  presque 
sans  ressources,  tandis  que  son  mari  fréquentait  la  ba- 
ronne d'Angel,  et  se  vantait  «  d'avoir  vécu  des  bienfaits» 
de  cette  femme  pendant  les  deux  premières  années  de  la 
Révolution. 

Le  grade  de  maréchal  de  camp  ne  suffisait  point  à  l'am- 
bition de  Dumouriez.  Dès  les  premiers  événements  de  4789, 
il  se  lança  dans  la  politique  et  essaya  vainement  d'obtenir 
un  mandat  des  électeurs  de  la  Normandie.  La  Révolution 
lui  paraissait  personnellement  une  carrière.  Mais  il  n'en 
aimait  point  les  désordres,  car  il  réprima  avec  vigueur  deux 
émeutes  à  Carentan  et  à  Cherbourg.  Lorsqu'on  supprima 
les  divisions,  il   se  rendit  à  Paris    et  parvint  à  se  lier 
avec  Lafayette  et  Mirabeau.  Il  se  fit  affilier  à  la  Société  des 
Amis  de  la  Constitution.  En  proie  à  toutes  les  agitations, 
il  ne  cessa  de  composer  des  plans,  des  projets,  des  propo- 
sitions de  toute  espèce  sur  mille  sujets,  espérant  devenir, 
comme  il  l'écrivait  originalement,  «  le  maître  du  bal  ». 
Mais  déjà  ce  maître  est  né.  Il  a  vingt  ans.  Lui,  Dumouriez, 
a  le  tort  d'en  avoir  cinquante.  Il  se  fait  envoyer  en  mission 
en  Belgique  et  en  revient  avec  une  étude  morale  et  poli- 
tique, oti  se  montrent  la  souplesse  et  la  vivacité  de  son 
esprit.  Il  accentue  sa  liaison  avec  Mirabeau  et  cherche  à  unir 
sa  fortune  à  la  sienne,  se  modelant  ainsi  sur  Talleyrand. 
La  mort  du  tribun  lui  porte  un  coup  funeste  et  semble  le 
rejeter  dans  l'ombre.  Enfin  il  obtient  le  commandement  de 
Nantes  et  s'y  fait  de  la  popularité.  Lors  de  la  fuite  de  Va- 
rennes,  il  offre  ses  troupes  à  l'Assemblée,  ce  qui  attire  l'at- 
tention sur  lui.  Il  fait  la  connaissance  de  Gensonné  qui  le 
prône  en  tous  lieux  ;  il  retrouve  un  ami  dans  le  ministre 
Delessart,  puis  grâce  à  l'intendant  de  la  liste  civile  Laporte, 
auquel  il  persuade  qu'il  est  prêta  sauver  la  monarchie,  il  re- 
vient à  Paris.  Il  était  alors  lieutenant  général.  On  a  pré- 
tendu que  Dumouriez,  pour  entrer  aux  affaires,  avait  abusé 
des  confidences  intimes  de  son  ami  Delessart.  On  ne  peut 
l'affirmer  absolument,   mais   il  faut  remarquer  qji'il  le 
remplaça  au  ministère  des  affaires  étrangères,  le  45  mars 
4792,  cinq  jours  après  sa  disgrâce.  Il  pénétra  au  pouvoir 
avec  Roland,  Servan  et  Clavières.  Il  apporta  aux  affaires 
sa  vivacité,  son  étourderie,  sa  présomption  ordinaires  et, 
ennemi  né  de  l'Autriche,  poussa  Louis  XVI  à  la  guerre. 
Qu'importaient  à  Dumouriez  les  périls  de  cette  guerre, 
pourvu  que  son  ambition  eût  carrière  libre  ?  Son  esprit 
de  domination  se  manifesta  de  telle  façon  qu'il  se  mit 
également  à  dos  les  feuillants,  les  girondins  et  les  jaco- 
bins. Du  ministère  de  la  guerre,  où  il  ne  resta  que  peu 
de  jours,  il  passa  à  l'armée  du  Nord  sous  les  ordres  de 
Luckner  et  de  Dillon.  Après  le  40  août,  s'étant  intime- 
ment lié  avec  Danton,  il  remplaça  Lafayette  qui  s'était 
enfui,  et  prit  le  commandement  de  l'armée  du  Centre.  Cette 
armée  était  dénuée  de  tout.  Dumouriez  y  remet  la  disci- 
pline, renforce  l'artillerie  et  les  munitions,  adopte  les  meil- 
leures dispositions   stratégiques.  On  apprend  la  prise  de 
Longwy,  puis  la  marche  des  Prussiens  sur  Verdun,  puis 
la  prise  de  cette  ville.  Danton  et  Lebrun  entrent  en  négo- 


ciations diplomatiques  avec  les  Prussiens.  Dumouriez,  qui 
en  fut  informé,  envoya  un  mémoire  au  roi  de  Prusse  pour 
l'éclairer  sur  les  dangers  de  son  alliance  avec  l'Autriche. 
M.  Albert  Sorel,  qui  a  parfaitement  élucidé  ces  curieuses 
négociations,  nous  informe  que  Dumouriez  comptait  sincè- 
rement sur  l'alliance  prochaine  des  Prussiens,  lesquels,  à  son 
avis,  devaient  fatalement  se  brouiller  avec  l'Autriche.  Le 
général  fondait  ses  espérances  sur  le  parti  des  philosophes 
prussiens  que  leurs  goûts  personnels  portaient  plutôt  vers 
la  France. 

Pendant  ces  négociations  auxquelles  se  prêtait  volon- 
tiers le  duc  de  Brunswick,  les  troupes  de  Dumouriez  par- 
taient de  Sedan  le  l^"^sept.,  allaient  s'établir  à  Grandpré 
le  4  et  le  5,  occupaient,  sans  être  le  moins  du  monde 
inquiétées,  les  défilés  de  l'Argonne.  Quinze  jours  après,  à 
Valmy,  elles  firent  reculer  les  Prussiens.  Ce  fut  plus  une 
canonnade  qu'une  bataille.  Mais   cette  canonnade  devait 
s'entendre  dans  toute  l'Europe.  A  partir  de  ce  moment  les 
armées  de  la  Révolution  ont  foi  en  elles  et,  de  la  défen- 
sive, vont  bientôt  passer  à  l'offensive.  Un  armistice  a  lieu. 
De  nouvelles  négociations  se  greffent  sur  les  premières. 
La  démoralisation  se  met  parmi  l'ennemi.  Il  consent  à  se 
retirer,  et  il  emploie  trois  semaines  à  battre  en  retraite. 
Il  sauve  son  artillerie,  ses  drapeaux,  ses  impedimenta, 
Dumouriez  aurait  pu  l'écraser.  Il  le  laissa  partir  tran- 
quillement, comptant  en  lui  un  futur  allié.  Ainsi  finit  la 
campagne  de  l'Argonne  qui  sauvait  la  France  nouvelle. 
Dumouriez  vient  à  Paris  faire  parade  de  son  triomphe  et 
se  faire  donner  des  instructions  précises  pour  exécuter  son 
projet  favori  :  la  conquête  delà  Belgique.  Le  6nov.  4792, 
il  enlève  la  position  difficile  de  Jemmapes  et  se  distingue 
là  par  un  exploit  qui  a  le  plus  grand  retentissement  en 
France  et  en  Europe.  On  peut  dire  que  cette  victoire  ouvre 
définitivement  la  Belgique  à  nos  troupes.  Dumouriez  aurait 
pu,  ici  encore,  anéantir  l'ennemi.  Il  se  contente  d'aller  hiver- 
ner sur  la  Meuse.  La  façon  modérée  dont  il  traite  les  habi- 
tants des  pays  conquis  lui  attire  Tanimosité  des  jacobms. 
Il  revient  à  Paris  où  il  ne  trouve  que  peu  de  partisans, 
augmente  contre  lui  la  haine  des  révolutionnaires  et  s'en  re- 
tourne à  son  quartier  général,  fort  inquiet,  le24janv.4793. 
Il  voit  ses  troupes  hvrées  à  l'indiscipline.  Il  remet  un  peu 
d'ordre  parmi  elles  et  songe  à  assiéger  Maestricht.  Il  veut 
conquérir  la  Hollande.  Il  emportetrois  places  presque  sans 
coup  férir  et  se  croit  déjà  maître  d'Amsterdam,  quand  il 
apprend  que  les  Autrichiens  ont  écrasé  ses  principales  forces 
sur  la  Meuse  et  la  Roër.  Le  conseil  exécutif  le  rappelle  en 
toute  hâte.  La  défaite  de  Neerwinde  achève  de  ruiner  son 
crédit.  Il  comprend  alors  qu'il  est  perdu.  Il  a  le  malheur 
de  négocier  secrètement  avec  le  prince  de  Cobourg.  Il  lui 
promet  d'évacuer  la  Belgique  et  de  lui  céder  la  place  de 
Condé.  Le  prince,  de  son  côté,  s'engage  à  ne  faire  aucune 
conquête  en  France  et  à  l'aider  à  rétablir  l'ordre.  Sur  ces 
entrefaites,  des  commissaires  de  la  Convention  viennent 
lui  demander  connaissance  de  ses  plans.  Il  leur  répond  avec 
arrogance  qu'il  se  moque  des  décrets  de  la  Convention  et  que, 
si  on  l'y  oblige,  il  traitera  Paris  comme  une  ville  rebelle. 
Les  commissaires  vont  porter  cette  réponse  à  Lebrun  qui  en 
informe  la  Convention.  Celle-ci  mande  le  général  à  sa  barre. 
Au  quartier  de  Saint-Amand,  quatre  commissaires  de  la 
Convention,    Camus,    Quinette,    Lamarque    et   Bancal, 
viennent  lui  signifier  le  décret  de  la  Convention.  Le  mi- 
nistre delà  guerre  Beurnonville  les  a  suivis.  On  sait  ce  qui 
arriva  :  l'arrestation  des  commissaires  et  du  ministre  et 
leur  abandon  aux  Autrichiens.   Dumouriez  avait  compté 
sans  ses  troupes.  Illes  croyait  dévouées  à  sa  personne.  Elles 
étaient  surtout  dévouées  à  la  France.  Deux  jours  après,  il 
veut  les  entraîner  à  l'ennemi.  Elles  le  menacent  de  mort  et 
il  n'a  que  le  temps  de  passer  la  frontière.  Il  avait  cru  que 
les  Autrichiens,  en  l'aidant  à  rétablir  la  monarchie,  s'abs- 
tiendraient de  toute  conquête.  Le  congrès  d'Anvers  en  décida 
autrement.  Dumouriez  se  voit  joué  et  mystifié.  L'ennemi 
déclare  s'inquiéter  fort  peu  de  savoir  qui  gouvernera  en 
France,  pourvu  qu'il  se  rende  maître  des  forteresses  et  d'une 


DUMOURÏEZ  -  DUMOUSTIER 


56  - 


aussi  grande  quantité  de  pays  qu'il  se  pourra.  Dumouriez 
veut  protester.  On  sourit  de  ses  protestations.  Les  Autri- 
chiens et  les  émigrés  le  raillent  ou  l'insultent.  Le  malheu- 
reux se  retire  à  Bruxelles.  Il  n'y  peut  rester  et  se  rend  en 
Allemagne.  Là  tout  asile  lui  est  refusé.  Il  est  contrai  ut 
de  se  réfugier  en  Suisse  sous  un  faux  nom.  Il  est  bientôt 
reconnu  et  s'enfuit  en  Angleterre.  On  l'en  expulse.  Il  \a 
dans  le  Holstein  et  y  séjourne  avec  la  protection  du  prince 
de  Hesse.  Il  s'occupe  à  rédiger  ses  mémoires  et  force  bro- 
chures. En  1800,  il  va  en  Russie  offrir  son  épée  à  PaulP^ 
qui,  après  l'avoir  accueilli  favorablement,  le  congédie  avec 
une  indemnité.  Dumouriez  s'adresse  de  nouveau  à  l'Angle- 
terre, qui  lui  accorde  une  solde  et  l'hospitalité,  à  la  condition 
qu'il  mettra  sa  science  militaire  à  son  service  contre  Napoléon. 
Il  accepte.  Il  va  même  jusqu'à  offrir  ses  services  à  l'Espagne 
et  au  Portugal  contre  l'Empereur  et  contre  la  France. 

Il  ne  put  obtenir  de  Louis  XVIII,  revenu  en  France,  le 
titre  de  maréchal  qu'il  osait  solliciter,  ni  l'autorisation  de 
rentrer,  quoiqu'il  eût  fait  valoir  comme  services  principaux 
la  création  du  port  de  Cherbourg,  l'expulsion  des  étran- 
gers de  la  Champagne,  la  victoire  de  Jemmapes  et  la  déli- 
vrance de  la  dauphine,  échangée  contre  les  quatre  com- 
missaires qu'il  avait  donnés  fort  à  propos  pour  otages  aux 
Autrichiens.  Pour  se  venger  de  sa  déconvenue,  il  prétendait 
que  les  émigrés  ne  pouvaient  lui  pardonner  la  victoire  de 
Valmy.  Il  avait  à  Londres,  pour  amis  intimes,  Canning 
et  le  duc  de  Kent.  Il  fut  enterré  dans  l'église  anglicane 
de  Henley,  laissant  un  nom  déshonoré,  car  c'était  le 
déshonneur  que  d'avoir  pactisé  avec  l'ennemi  et  d'être  mort 
sans  patrie  à  l'étranger  et  à  sa  solde.  M.  Thiers  dit  pour 
l'excuser  :  «  S'il  nous  abandonna,  il  nous  avait  sauvés.  » 
Le  caractère  de  Dumouriez  répond  aux  événements  qui. 
l'ont  mis  lui-même  en  lumière  :  c'est  un  mélange  étonnant 
d'audace  et  de  rouerie,  de  décision  et  d'irrégularité,  de 
longue  et  d'étourderie,  d'orgueil  et  de  suffisance.  Il  manqua 
souvent  de  fierté,  de  constance  et  de  pondération.  La  figure 
de  Dumouriez  répondait  à  son  caractère  :  les  yeux  vifs, 
inquiets  et  chercheurs,  le  teint  sombre,  la  bouche  fine  et 
dédaigneuse,  le  masque,  mobile  comme  celui  d'un  acteur,  la 
démarche  brusque,  la  voix  hautaine.  En  résumé,  il  était 
plus  diplomate  que  général,  plus  aventurier  que  diplomate, 
plus  condottiere  que  général.  Henri  Welschinger. 

BiBL.  :  Correspondance  de  Dumouriez  avec  Pache^ 
ll^d,  in-S.  —  Mémoires  de  Dumouriez  ;  \19h  2  vol.  in-8 
(reproduits  dans  la  collection  Baudouin,  1823).  —  Viette, 
Dumouriez  unmashed  ;  Londres,  1793,  in-8.  —Courtes 
Réflexions  sur  les  Mémoires  de  Dumouriez,  1794,  in-8.  — 
DiGOiNE  DU  Palais?,  Réfutation  des  Mémoires  de  Dumou- 
riez^ 1791,  in-8.  —  J.  Servan,  Notes  sur  les  Mémoires  de 
Dumouriez^  1795,  in-8.  —  Girtanner,  Lettre  au  général 
Dumouriez^  1795,  in-8.  —  Réponse  de  Dumouriez  à  Gir- 
tanner^  1795,  in-8.  —  Dumouriez,  De  la  République  ou 
Coup  à' œil  politique  sur  l'avenir  de  la  France,  1796,  in-8. 

—  RociiLiTZ,  Coriolan  imd  Dumouriez;  Leipzig,  1796,  in-8. 

—  Dumouriez,  Tableau  spéculatif  de  l'Europe,  1798,  in-8.  — 
Lettre  de  Dumouriez  au  «  Spectateur  du  Nord  »  (n"  d'oct. 
1799).  — iVorweau  Tableau  spéculatif  de  TEttî^ope,  1799,  in-8. 

—  Sybfa.,  Histoire  de  l'Europe  pendant  la  Révolution  fran- 
çaise; Paris,  1886, 6  vol.  in-8.  —  BoGUSLAwsKi,  DasLeben des 
Gênerais  Dumouriez  ;  Berlin,  1878-79,  2  vol.  —  Vivenot, 
Souvenirs  de  V  histoire  de  lapolitique  autrichienne;  Vienne. 

—  NiSARD,  Considérations  sur  la  Révolution  française; 
Paris,  1887,  in-12.  —  Duc  de  Broglie,  le  Secret  du  roi  ;  Paris, 
1888,  in-8.  — Albert  Sorel,  Un  Général  diplomate  au  temps 
de  la  Révolution,  dâas  la  Revue  des  Deux  Mondes,  15  juil., 
1°''  et  15  août  1884.  — Du  même,  l'Europe  et  la  Révolution; 
Paris,  3  vol. in-8.  —  Arthur  CuuQUETja  Première  Invasion 
prussienne  ;  Paris,  1886,  in-12;  —  Valmy,  Paris,  1887,  in-13", 

—  la  Retraite  de  Brimswick  ;  Paris,  1887,  in-12;  —  Jem- 
Vfiapes  ;  Paris,  1890,  in-12;  —  la  Trahison  de  Dumouriez  ; 
Paris,  1891,  in-12.  —  Pallain,  la  Mission  de  Talleyrand  à 
Londres  en  1192;  Paris,  1888,  in-8.  —  Miranda  et  ïa  Révo- 
lution ;  Caracas,  1889,  in-12.  —  Henri  Welschiisger,  le 
Roman  de  Dumouriez,  1890,  in-12.  —  Archives  nationales, 
Archives  de  la  guerre  et  des  affaires  étrangères.  —  V.  aussi 
Mémoires  de  Lafayette,  l'Annuaire  nécrologique  de  1823, 
et  Revue  rétrospective  du  13  oct.  1836. 

DUMOUSTIER  ou  DUMONSTIER.  Plusieurs  peintres  et 
crayonneurs  du  xvi^  et  du  xvii^  siècle  ont  porté  ce  nom. 
Leur  généalogie  est  assez  embrouillée.  Il  semble  cependant 
que  le  chef  de  cette  famille  est  un  certain  Etienne,  peintre 


miniaturiste,  qui  travaillait  à  Rouen,  en  1501,  à  illustrer 
les  manuscrits  du  cardinal  d'Amboise.  Il  mourut  en  1530. 
—  Son  fils  ou  son  frère,  Geoffroy,  également  peintre  minia- 
turiste, naquit  à  Paris  au  commencement  du  xvi*^  siècle.  Il 
devint  l'élève  du  peintre  Florentin  Rosso  de  Rossi,  lorsque 
celui-ci  vint,  vers  1530,  en  France.  Ils  décorèrent  ensemble 
le  château  de  Fontainebleau.  Geotïroy  fit  quelques  peintures 
dans  la  galerie.  On  lui  attribue  quelques  gravures  ainsi  que 
le  dessin  d'une  verrière  conservé  au  musée  du  Louvre.  Il 
mourut  après  1547.11  eut  trois  fils  :  Etienne,  second  du  nom, 
Pierre  et  Cosme.  —  Etienne  II,  né  en  1520,  fut  peintre 
et  valet  de  chambre  des  rois  de  France,  de  Henri  II  à 
Henri  IV,  ainsi  que  de  la  reine  Catherine  de  Médicis.  Il 
figure,  avec  son  frère  Pierre,  dans  un  croquis  bistré, 
rehaussé  de  blanc,  qui  est  conservé  au  Cabinet  des  estampes. 
Ce  dessin  représente  la  signature  par  Catherine  de  Médicis 
du  contrat  de  mariage  de  son  nain  et  de  sa  naine.  Il 
mourut  en  1603  et  fut  enterré  dans  le  cimetière  de  l'église 
Saint-Jean-en-Grève.  Ses  armes  étaient  cVazur  à  f  église  ou 
moutier  cVargent.  —  Pierre,  second  fils  de  Geoffroy,  fut, 
comme  son  frère  aîné,  peintre  et  valet  de  chambre  de  la  reine 
Catherine  de  Médicis  dès  1585.  Il  mourut  en  1604,  à  l'âge 
de  quatre-vingts  ans.  —  Le  dernier  des  fils  de  Geoffroy, 
Cosme,  est  cité  dès  1581  comme  peintre  et  valet  de  chambre 
de  Catherine  de  Médicis.  A  cette  date,  la  reine  Marguerite 
de  Navarre  l'avait  fait  venir  auprès  d'elle  à  Nérac.  Il  vivait 
encore  en  1602,  époque  où  il  habitait  Rouen.  Cosme  eut 
deux  fils,  Pierre  et  Daniel.  —  Pi^?T(?,  second  du  nom,  né  à 
Paris  en  1565,  mourut  dans  Oiette  ville  en   4656.  Il  avait 
visité  la  Flandre  où,  dit-on,  il   vendit  à  l'archiduchesse 
Isabelle  les  dessins  de  son  oncle  Etienne  IL  II  avait  voyagé 
en  Itahe.  C'est  à  Rome,  enl633, qu'il  fit  plusieurs  dessins 
assez  médiocres,  conservés  au  Cabinet  des  estampes.  Parmi 
les  autres  œuvres  de  cet  artiste  qui  ont  été  réunies  dans  le 
même  dépôt,  il  faut  citer  un  joli  portrait  au  crayon  repré- 
sentant M.  de  Nègrepe lisse,  daté  de  1618.  Thomas  de  Leu 
grava,  d'après  un  de  ses  dessins,  le  portrait  du  calligraphe 
Guillaume  Le  Gangneur,  Pierre  II  fut  peintre  et  valet 
de  chambre  du  roi.  —  Daniel  est  le  crayonneur  le  plus 
connu  de  toute  la  famille.  Il  fut  surnommé  Dumonstier- 
Crayon.  Né  le  14  mai  1574,  peintre  et  valet  de  chambre 
du  roi,  il  dut  à  la  générosité  de  Louis  XIII  la  terre  du 
Plessis-Bertrand.  Il  fut  également  peintre  de  la  reine  Marie 
de  Médicis  et  de  (laston  d'Orléans.  Ses  œuvres,  d'une  colo- 
ration assez  médiocre,  ne  manquent  cependant  pas  d'une 
certaine  habileté  dans  la  recherche  de  la  ressemblance.  Le 
Cabinet  des  estampes  possède  de  nombreux  crayons  de 
Daniel.   Un  des  plus  intéressants  est  le   portrait  de  sa 
seconde  femme,  Françoise  Résèque,  qui  porte  l'indication 
manuscrite  suivante  :  «  faicte  ce  8  de  may  1629,  commencée 
par  mon  fils  aine  (Etienne)  corrigée  et  finie  par  moy  D.  Du- 
monstier,  etc.  ».  Parmi  les  dessins  du  musée  du  Louvre  se 
trouve  le  portrait  du  chancelier  Nicolas  Brulart  de  SU- 
lery  et  au  musée  de  Douai  celui  de  Jacques  de  Harlay, 
favori  de  Henri  IH,  tous  deux  dus  au  même  artiste.  Daniel 
paraît  avoir  fait  pour  lui-même  un  certain  nombre  de  dessins 
qui  portent  l'annotation  manuscrite  «  pour  et  par  Daniel 
Dumonstier  »  et  souvent  des  mentions  irrévérencieuses.  Il 
ne  parait  pas  avoir  joui  d'une  excellente  réputation  auprès 
de  ses  contemporains  ;  Tallemant  des  Réaux,  entre  autres, 
est  l'écho  de  cette  mauvaise  renommée.  Daniel  mourut 
âgé  de  soixante-douze  ans  et  fut  enterré,  le  22  juin  1646, 
à  l'église  Saint-Germain-l'Auxerrois.  —  De  ses  ,six  fils,  un 
seul,  Nicolas,  paraît  avoir  suivi  la  carrière  de  son  père.  Il 
fut  reçu  à  l'Académie  de  peinture  le  4janv.  1665.  Il  était 
peintre  et  valet  de  chambre  du  roi.  Il  mourut  le  16  sept. 
1667.   Sa  veuve,  Marie   Gaspar  ,   reçut    la    somme  de 
1,500  livres  pour  les  services  qu'avait  rendus  son  mari  en 
aidant  à  sauver,  lors  de  l'incendie  du  Louvre,  quelques 
peintures  de  la  galerie.  F.  Mâzerolle. 

BiBL.  :  Mariette,  Abecedario,  t.  II.  —  Tallemant  des 
KyiAux,  Historiettes,  édit.  Monmerqué,  t.  V,  pp.55etsuiv. 
—  Laborde,  la  Renaissance  des  arts  à  la  cour  de  France; 
études  sur  le  xvp  siècle;  Paris,  1850-1855.  —  Reiset,  No- 


—  57  — 


DlIMOUSTIER  —  DUN 


tice  sur  les  dessins  du  Louvre;  Paris,  1866-69,  t.  II,  pp.  2o 
et  298  et  suiv.  —  H.  Bouchot,  les  Portraits  aux  crayons 
des  xvi*»  et  xvp  siècles  conservés  à  la  Bibliothèque  natio- 
nale (i525-:/646); Paris,  1884,  pp.  76  et  suiv. 

DUMOUTIER  (Emile-Gustave),  sinologue,  annamitisant 
et  administrateur  français,  né  à  Courpalay  (Seine-et-Marne) 
le  3  juin  4850.  Attaché  en  févr.  1886' à  la  mission  Paul 
Bert  au  Tonkin  en  qualité  d'interprète,  il  s'y  fit  bien  vite 
une  situation  exceptionnelle,  fut  chargé  de  l'organisation 
de  l'enseignement  franco-annamite  et  nommé  inspecteur 
de  l'instruction  publique  du  protectorat.   L'organisation 
de  l'enseignement  au  Tonkin  reste  jusqu'ici  l'œuvre  ca- 
pitale de  M.  Dumontier.  Il  a  fondé  des  écoles  françaises 
dans  toutes  les  capitales  de  provinces  et  préconisé,  dans 
les  écoles  indigènes,  l'emploi  du  quôc'ngu   (transcrip- 
tion des  hiéroglyphes  en  caractères  latins),  pour  y  trans- 
former progressivement  les  ouvrages  de  l'enseignement 
confucianist'e  et  amener  sans  secousse,  par  une  modifi- 
cation lente  et  continue  de  l'individu,  la  nation  annamite 
à  se  soustraire  à  la  direction  morale  de  la  Chine.  On  lui 
doit  de  nombreux  ouvrages  composés  spécialement  pour  ses 
écoles  :  Alphabet  et  exercices  de  lecture  a  l'usage  des 
écoles  franco-annamites;  exercices  pratiques  de  langue 
annamite;  Manuel  militaire  franco-to7ikinois,  etc.  Il 
a  publié  en  outre  de  curieuses  études  d'histoire,  d'archéo- 
logie et  d'épigraphie  annamites,  notamment  :  les  Légendes 
historiques  de  VAnnam  et  du  Tonkin;  les  Pagodes  de 
Hanoï;  l'Enfer  des  bouddhistes  tonkinois  ;  une  traduc- 
tion des  Chants  populaires  des  Annamites.  Abel  Bertier. 
DUiVIREICHER  (Armand  von),  homme  d'Etat  autrichien, 
né  à  Vienne  le  42  juin  4845.  Il  fit  ses  études  à  Vienne  et 
à  Gœttingue  et  entra  au  ministère  de  l'instruction  publique. 
Il  contribua  puissamment  à  organiser  les  écoles  industrielles 
iians  le  sens  allemand  ;  mais  l'opposition  qu'il  rencontra 
chez  les  nationalités  slaves  l'obligea  à  se  retirer  en  4886. 
Il  devint  alors  député  et  se  fit  remarquer  par  son  opposition 
à  la  politique  conciliatrice  du  comte  Taaife.  Il  a  publié  entre 
autres  :  Die  Verwaltung  der  ôsterreichischen  Universi- 
tdten  (Vienne,  4873);  Der  franzdsische  NationalivoUil- 
sta7id.,.  (ib.,  4879);  Die  Aufgaben  der  Unterrichtspo- 
litik  im  Industriestaat  [ib.,  4882).  Quelques-uns  de  ses 
discours  ont  été  publiés  par  Prœk  dans  l'ouvrage  intitulé 
Zur  Lage  des  Deutschtums  in  OEsterreich  (Berlin,  4  882) . 
DUIVIREICHER  von  (^sterreicher  (Johann-Friedrich 
von),  médecin  autrichien,  né  à  Trieste  le  43  janv.  4845, 
mort  à  Janusschowitz  (Croatie)  le  49  nov.  4880.  Il  fut 
professeur  de  chirurgie  à  l'Université  de  Vienne,  directeur 
de  l'Institut  de  médecine  opératoire  et   de  la  clinique  chi- 
rurgicale, etc.  Il  prit  part  à  la  campagne  de  4866   et  eut 
à  la  suite  une  importante  polémique  avec  les  médecins  mi- 
litaires prussiens.  C'est  Dumreicher  qui,   en  4869,  réor- 
ganisa le  service  de  santé  militaire  en  Autriche.  Il  intro- 
duisit également  d'importantes  réformes  dans  l'enseignement 
de  la  médecine.  D'' L.  Hn. 

DUN.  Montagne  d'Allemagne,  près  d'Erfurt,  547  m.  de 
haut,  bornée  auN.  par  la  vallée  delaWipper  ;  prolongée  à  TE. 
par  hUainleite,  elle  se  rattache  aux  hauteurs  de  la Thuringe. 
DUN.  Com.  du  dép.  de  l'Ariège,  arr.  de  Pamiers,  cant. 
de  Mirepoix,  sur  la  Douctouyre,  affluent  de  l'IIers  ;  872  hab. 
Le  nom  seul  indique  une  origine  celtique  ;  ce  lieu  n'est  pas 
mentionné  avant  l'an  4034;  le  château  de  Dunum  était 
alors  chef-lieu  d'un  petit  pays  appelé  Dunense,  Dunes. 
DUN  (Castrum  Duni,  4065).  Ch.-l.  de  cant.  du  dép. 
de  la  Meuse,  arr.  de  Montmédy,  sur  la  Meuse,  à  49  kil. 
au  S.  de  Montmédy;  884  hab.  Fabrique  mécanique  de 
parquets.  —  Dun  était  dans  les  temps  antiques  un  oppi- 
dum que  Godefroy  IV,  comte  de  Verdun,  convertit  en 
château  fort  vers  fan  4053  ;  il  devint  chef-lieu  de  baron- 
nie,  puis  de  comté  et  plus  tard  de  prévôté,  etfit  successive- 
ment partie  de  l'Astenois,  du  Dormois,  du  Verdunois,  du 
Barrois,  puis  du  Clermontois.  Il  y  avait  ta  Dun  un  prieuré 
à\i  àe  Saint-Gilles,  fondé  en  4094,  et  une  maladrerie 
connue  sous  le  nom  de  Warinvaux.  Les  sires  de  Dun 
portaient  de  gueules  à  la  croix  d'argent. 


BiBL,  .  Félix  LiKNARD,   DicHonnairo   topographique  du 
dép.  de  la  Meuse;  Paris,  1872,  pp.  74-75. 

DU  N-le-Palleteàu.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  la  Creuse, 
arr.  de  Guéret  ;  4,786  hab.  Le  nom  même  de  Dun,  qui 
n'est  autre  que  le  celtique  dunum,  élévation,  montre  que 
cette  locahté  existait  à  l'époque  gauloise.  A  l'époque  méro- 
vingienne, la  vie  de  saint  Eptadius  parle  du  siège  d'une 
localité  appelée  Idunum,  au  diocèse  de  Limoges,  par  les 
Wisigoths.  Joullietton,  dans  son  Histoire  de  la  Marche, 
identifie  Dun-le-Palleteau   avec  cet   Idîinum,  mais  sans 
grande  vraisemblance  ;  il  s'agit  très  probablement  à'Ahun. 
Ce  n'est  qu'au  moyen  âge  que  Dun-le-Palleteau  prit  de 
l'importance,  une  puissante  famille  féodale  y  ayant  fait 
construire  un  château  au  x^  ou  xi^  siècle  et  ayant  pris  le 
nom  de  Dun.  La  fille  de  Gérald  de  Dun  épousa  Roger 
Palastel  à  la  fin  du  xii^  siècle,  et  c'est  le  nom  de  la  famille 
Palastel  ou  Palleteau  qui  figure  aujourd'hui  dans  l'appel- 
lation officielle  de  Dun-le-Palleteau.  La  seigneurie  de  Dun 
ou  de  Dunois  s'étendait  sur  plusieurs  paroisses  voisines 
(notamment  Saint-Sulpice-le-Dunois,  La  Celle-Dunoise,  Bus- 
sière-Dunoise)  et  relevait  directement  du  comté  de  laMarche; 
on  a  eu  tort  de  voir  dans  le  Dunois  une  ancienne  vicaria 
mérovingienne;  le  texte  sur  lequel  on  s'appuie  s'applique  à 
Dun  en  Berry.  Dun  fut  jusqu'en  4744  dans  la  dépendance 
de  la  paroisse  rurale  de  Sagnat  ;  à  cette  époque  seulement, 
il  fut  érigé  en  cure  et  une  des  chapelles  du  château  reçut 
le  titre  d'église  paroissiale  ;  ce  fait  montre  bien  l'origine 
purement  féodale  de  Dun-le-Palleteau.  En  4590,  Guéret 
avant  pris  parti  pour  la  Ligue,  des  lettres  patentes  de 
Henri  IV  transportèrent  à  Dun-le-Palleteau  la  capitale  du 
comté  de  la  Marche,  mais  cette  mesure  n'eut  probablement 
pas  de  suite.  Aux  xvii^  et  xviii®  siècles,  Dun-le-Palleteau 
avait  un  important  grenier  à  sel,  dont  dépendaient  dix-sept 
paroisses  voisines,  et  une  juridiction  des  gabelles  ;  les  procès 
et  exécutions  pour  faux  saunage  y  étaient  fréquents.  Ant.  T. 
D UN-LE -Boi  (V.  Dun-sur-Auron). 
DUN-les-Plâces.  Gom.  du  dép.  de  la  Nièvre,  arr.  de 
Clamecy,  cant.  de  Lormes,  sur  une  hauteur  dominant  la 
Cure;  1,755  hab.  Ruines  de  l'ancienne  église  paroissiale 
de  Saint-Martin,  du  xii«  siècle,  restaurée  en  4682.  Eglise 
paroissiale  de  Sainte-Amélie,  construite  de  4843  à  4850,  en 
granit,  style  roman.  Chapelle  de  Saint-Roch,  but  de  pèleri- 
nage, reconstruite  en  1854,  sur  la  montagne  de  Saint-Marc. 
DUN-sur-Auron  ou  DUN-le-Roi.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép. 
du  Cher,  arr.  de  Saint-Amand-Mont-Rond,  sur  l'Auron  et  le 
canal  du  Berry;  4,274  hab.  Mines  de  fer;  carrières.  Fila- 
ture. Fabriques  de  tissus  et  de  billards.  Corroirie.  Im- 
portant marché  aux  laines  et  aux  peaux  le  premier  samedi 
de  juillet.  Cette  localité  fort  ancienne  existait  avant  l'arrivé 
des  Romains.  Elle  faisait  partie 
du  domaine  de  la  couronne  dès 
le  xi^  siècle  et  devint  le  chef- 
lieu   d'une   châtellenie   royale 
qui    reçut   de   Louis   VII,  en 
1475,  des  franchises,  confir- 
mées par  Philippe-Auguste  en 
1484.  Pierre  de  Giac,   favori 
de  Charles   VII,  fut  précipité 
dans  l'Auron  du  haut  des  tours 
de  Dun-sur-Auron  par  La  Tré- 
moille  et  le  connétable  de  Riche- 
mont,  Pendant  les  guerres  de  ^^^^^sde  Dtm-sur-Auron. 
religion,  les  protestants  s  em- 
parèrent  de  la  place  et  s'y  main- 
tinrent quelque  temps.  Des  anciennes  fortifications  de  Dun 
il  ne  subsiste  qu'une  porte  flanquée  de  deux  tourelles. 
L'église  (mon.  hist.)  est  un   édifice  du  xui^  siècle,  avec 
des  reprises  du  xiv^  et  du  xv^  Elle  a  conservé  d'anciens 
vitraux  et  un  saint-sépulcre  fort  ancien,  mais  qui  a  subi 
beaucoup   de   restaurations.   Les  armoiries  de  Dun  sont 
d'azur  au  mouton  passant  d'argent,  au  chef  de  France 
et  a  la  fasce  de  gueules, 

DUN-sur-Grandry.  Com.  du  dép.  de  la  Nièvre,  arr.  de 


DUN  —  DUNBAR 


—  ,^8 


Château-Chinon,  cant.  de  Châlillon-en-Bazois,  sur  un  pla- 
teau dominant  le  Veynon;  849  hab.  Eglise  de  Saint-Jean- 
Baptiste,  du  xii^  siècle,  sur  plan  rectangulaire,  avec  abside 
voûtée  en  cul-de-four.  M.  P. 

DUN  (Lord  Jobn  de)  (V.  Erskine  [John]). 
DUN.  Nom  d'une  famille  de  chanteurs,  qui,  au  xvii^  et 
au  xvni®  siècle,  tinrent  honorablement  leur  place  à  l'Opéra 
et  sur  les  théâtres  de  la  cour.  Les  deux  chefs  de  cette 
dynastie,  Dun  «  l'aîné  »  et  Dun  «  le  cadet  »,  étaient  deux 
frères  qui  firent  partie  de  lamusique  particulière  de  Louis  XIV 
et  qui  concoururent  à  l'exécution  des  Plaisirs  troublés^ 
mascarade  jouée  devant  la  cour,  au  Louvre,  en  d6oT.  L'un 
des  deux  parut  encore  en  1663,  à  Yincennes,  dans  le  Ballet 
royal  des  Aris,  et  se  montra  aussi  sur  le  théâtre  de  Molière, 
dans  la  Pastorale  comique,  où  il  personnifiait  l'un  des  ma- 
giciens chantants,  et  dans  la  Princesse  crElide,  C'est  le  fils 
d'un  de  ces  deux  artistes  qui  fut  engagé  à  l'Opéra  de  LuUy, 
où  il  parut  pour  la  première  fois  en  1684,  dans  le  rôle  de 
Florestan  à'Amadis  de  Gaule.  Doué  d'une  très  belle  voix 
de  basse-taille,  il  n'était  point  sans  talent,  car  c'est  à  lui 
que  Lully  confia  le  rôle  fort  important  d'Hidraot  dans 
Armide,  et  celui  de  Polyphème  dans  Acis  et  Galathée, 
Malheureusement  pour  lui,  la  venue  de  Thévenard,  artiste 
d'une  valeur  exceptionnelle,  vint  le  reléguer  au  second  plan, 
et  l'obliger  à  se  contenter  de  l'emploi  des  grands  confidents 
ou  troisièmes  rôles.  Il  n'en  fournit  pas  moins  une  carrière 
honorable  et  active,  mais  surtout  très  prolongée,  car  il 
paraît  avoir  pris  sa  rertaite  seulement  en  1736,  et  être  mort 
en  1745.  Il  avait  créé  à  l'Opéra  un  grand  nombre  de  rôles, 
entre  autres  dans  Enée  et  Lavinie,  Bidon,  les  Saisons, 
Ariane  et  BacchuSylssé,  Marthésie,  Canente,  Tancrède, 
les  Muses,  le  Carnaval  et  la  Folie,  Iphigénie  en  Tau- 
ride,  Télémaque,  la  Vénitienne,  Cassandre,  Brada- 
mante,  Manto  la  fée,  les  Ages,  les  Fêtes  de  Thalie.  — 
Le  fils  de  celui-ci,  Jean  Dun,  débuta  lui-même  à  l'Opéra, 
comme  chanteur,  entre  1715  et  1720,  obtint  à  ce  titre  sa 
pension  en  1741,  et  passa  alors  dans  l'orchestre,  en  qua- 
lité de  violoncelle,  pour  se  retirer  définitivement  en  1752. 
Il  eut  une  fille,  qui  fit  aussi  partie  du  personnel  chantant 
de  l'Opéra,  où  elle  n'occupa  jamais  qu'une  situation  secon- 
daire, bien  qu'elle  ait  créé  un  certain  nombre  de  rôles,  et 
un  fils  qui  appartint  à  l'orchestre  de  ce  théâtre,  comme 
violoniste,  de  1748  à  1762.  Arthur  Pougin. 

DUN  A.  Fleuve  de  Russie  (V.  Dvina). 
DUN  A.  Nom  magyar  du  Danube  qui  forme  le  nom  de 
plusieurs  petites  localités  de  Hongrie  :  Duna-Fœldvâr,  Duna- 
Pentele,  etc. 

DUNA-Patoj.  Bourg  de  Hongrie,  comitat  de  Pest; 
6,000  hab. 

DUNAB0UR6.  Ville  de  la  Russie  d'Europe,  chef-lieu 
de  district  du  gouvernement  de  Witebsk,  située  sur  le 
lac  Tchoun  et  la  rive  droite  de  la  Duna  au  point  de  ren- 
contre des  chemins  de  ferWilna-Pétersbourg  etRiga-Smo- 
lensk;  69,033  hab.  C'est  une  des  places  de  guerre  les 
plus  importantes  de  la  Russie  occidentale.  Elle  possède 
de  nombreuses  fabriques  et  fait  un  grand  commerce  de 
lin,  chanvre  et  bois  de  construction.  Elle  remonte  au 
xiii^  siècle;  pendant  la  domination  polonaise,  elle  était  le 
ch.-l.  de  la  Livonie.  Disputée  à  diverses  reprises  par  les 
Polonais  et  les  Russes,  elle  a  été  définitivement  annexée 
à  la  Russie  en  1772. 

DUNAJEC.  Rivière  de  l'empire  d'Autriche.  Elle  prend 
sa  source  dans  les  Karpates,  sépare  pendant  quelque  temps 
la  Galicie  de  la  Hongrie,  et  se  jette  dans  la  Vistule  auprès 
d'Opatowice.  Elle  est  formée  de  la  réunion  du  Dunajec  blanc 
et  du  Dunajec  noir.  Sa  longueur  est  d'environ  200  kil. 

DUNAJÉWSKI  (Julien)',  économiste  et  homme  d'Etat 
polonais  contemporain,  né  à  Noroy-Sandecz  (Galicie)  en 
1822.  En  1850,  il  prit  à  Cracovie  le  titre  de  docteur 
en  droit  et  devint  suppléant  de  la  chaire  des  sciences  poli- 
tiques à  l'Université  de  cette  ville.  Après  avoir  enseigné  à 
Presbourg  et  à  Lwow,  il  revint  en  1861  à  Cracovie  comme 
professeur  d'économie  politique.  Il  fut  à  diverses  reprises 


doyen  et  recteur.  En  1870,  il  fut  nommé  député  à  la  diète 
de  Galicie,  en  1873  au  Reichsrath  de  Vienne  où  il  se  fit 
remarquer  par  sa  compétence  spéciale  en  matière  écono- 
mique. En  1880,  il  devint  ministre  des  finances  dans  le 
cabinet  cisleithan  présidé  par  le  comte  Taaffe.  Il  a  quitté  ce 
poste  en  1891.  Il  a  publié  en  polonais  quelques  ouvrages 
d'économie   politique. 

DUNAMUNDE.  Ville  de  la  Russie  d'Europe,  située  en 
Livonie,  à  l'embouchure  de  la  Duna,  dans  le  golfe  de  Riga  ; 
d,500  hab.  Elle  possède  une  forteresse  importante  et  un 
port  où  peuvent  mouiller  jusqu'à  trois  cents  navires.  Elle 
remonte  au  xiii^  siècle,  et  fut  enlevée  aux  Suédois  par  les 
Russes  en  1310. 

DUNAN-MoussEux  (Guadon  dit),  publiciste  français, 
mort  à  Paris  le  4  août  1868.  Grand  faiseur  de  réclames  et 
de  boniments  échevelés,  il  collabora  à  la  Chandelle  démo- 
cratique et  sociale  (1849),  journal  mensuel  politique,  cri- 
tique et  charivarique  ;  fonda  le  Pierrot  (1851),  le  Porte- 
voix  (1856),  le  Pèi^e  sans  gêne  (1860-62)  et  autres  minus- 
cules feuilles  fugitives.  Il  a  de  plus  collaboré  avec  Mareuge 
et  Voisin  au  Théâtre  contemporain  illustré,  et  écrit 
quelques  pièces  :  V Orgueil,  drame  en  cinq  actes  en  collabo- 
ration avecLlaunet  (Paris,  1859,  in-4)  :  le  Pays  latin,  drame 
en  cinq  actes  tiré  du  roman  de  H.  Murger  (Paris,  1864, 
in-8)  ;  les  Cinq  Francs  d'un  bourgeois  de  Paris,  comédie- 
vaudeville  en  cinq  actes,  en  collaboration  avec  Jules  Pehssié 
(Paris,  1866,  in-12)  ;  et  autres  pièces  en  collaboration 
avec  Montagne,  Lefebvre,  Potier  (V.  ces  noms). 

DU  NANT  (Jean-François),  peintre  français  du  xix®  siècle, 
né  à  Lyon.  Elève  de  Regnault,  cet  artiste  ne  sut  pas  pré- 
server ses  œuvres  du  faux  goût,  de  la  froide  prétention  qui 
se  retrouvent  trop  souvent  chez  les  élèves  de  son  maître. 
Il  cultiva  l'histoire,  le  genre  et  le  paysage,  et  l'on  peut 
citer  comme  les  plus  intéressants  de  ses  tableaux  : 
Bienfaisance  de  Napoléon  (S.  1808);  Un  Jeune  Cheva- 
lier partant  pour  une  expédition,  reçoit  un  gage 
d'amour  de  la  dame  de  ses  pensées  (S.  1812)  ;  Gil  Blas 
congédié  par  r archevêque  de  Grenade  (S.  1817)  ;  Don 
Quichotte  (S.  1827).  Le  musée  de  Douai  possède  de  lui 
un  tableau,  la  Laitière.  Ad.  T. 

DU  NANT  (Jean-Henry),  philanthrope  et  homme  de 
lettres  suisse,  né  à  Genève  le  8  mai  d828.  C'est  à  un  petit 
livre  qu'il  publia  en  novembre  1862,  Souvenir  de  Solfé- 
rino  et  à  la  discussion  que  ses  conclusions  occasionnèrent 
à  la  Société  genevoise  d'utilité  publique  (févr.  1863)  qu'on 
doit  le  mouvement  humanitaire  d'où  sortit  le  22  août  1864 
la  Con^^ntion  de  Genève. 

DUNBAR.  Ville  maritime  d'Ecosse,  comté  de  Hadding- 
ton,  sur  une  colline  qui  domine  l'entrée  de  l'estuaire  du 
Forth  ;  3,661  hab.  C'est  un  vieux  port  dont  l'importance  a 
décru,  car  les  rochers  qui  en  obstruent  l'entrée  ne  le 
laissent  accessible  que  pour  les  navires  de  300  tonneaux. 
Un  nouveau  bassin  a  été  creusé  en  1840  (Victoria  Har- 
bour).  Dunbar  est  un  des  centres  de  la  pêche  dans  ces  pa- 
rages, surtout  de  la  pêche  du  hareng  dont  il  exporte  4  à 
5,000  tonnes  par  an.  La  ville  a  conservé  son  aspect  ancien 
et  les  ruines  de  son  vieux  château.  Elle  est  située  dans 
des  parages  très  pittoresques,  au  miheu  de  rochers  basal- 
tiques. -—  A  partir  du  xi®  siècle,  le  château  de  Dunbar 
fut  la  résidence  principale  des  puissants  comtes  de  March 
(V.  ce  nom).  C'était  un  des  boulevards  de  l'Ecosse  contre 
les  Anglais.  Edouard  P^,  après  avoir  vaincu  sous  ses  murs 
John  BaHol  (avr.  1296),  s'en  empara  ;  Edouard  II  s'y  ré- 
fugia après  la  défaite  de  Bannockburn.  Démoli  en  1333, 
reconstruit  trois  ans  après,  il  fut  assiégé  par  le  comte  de 
Salisbury  et  défendu  par  la  comtesse  de  March  qui  fit  lever 
le  siège  (1338).  En  1567,  le  régent  Murray  le  fit  raser. 
Le  3  sept.  1650,  Cromwell  défit  à  Dunbar  les  presbytériens 
écossais  (V.  Cromwell). 

DUNBAR  (Comtes et  vicomtes)  (V.  Home). 
DUNBAR   (William),   poète  écossais,  né  à  Salton  en 
1460,  mort  à  la  bataille  de  Floden  en  1513.  Il  fut  dans 
sa  jeunesse  prêcheur  franciscain,  allant  de-ci  de-là,  jusqu'en 


-  o9 

Picardie,  menant  vie  joyeuse  et  comme  il  le  dit  lui-même 
vivant  de  pieuses  fraudes.  De  retour  en  Ecosse,  il  entra  au 
service  de  Jacques  IV  qu'il  amusait  par  ses  aventures  de 
voyage,  ses  poésies  et  son  esprit.  Il  fut  môme  chargé 
d'importantes  missions  en  France,  en  Irlande,  en  Allemagne, 
en  Espagne,  en  Italie.  Il  écrivit  environ  cent  poèmes  parmi 
lesquels  U  faut  citer  :  The  Thrissil  and  the  Rose  (1503),  à 
l'occasion  du  mariage  de  Jacques  IV avec  Marguerite,  sœur  de 
Henri  VIII  ;  The  Golden  Targe  (1 508),  où  il  montre  la  supé- 
riorité de  l'amour  sur  la  raison  ;  The  Two  Marijit  Women 
and  the  Wedo,  amusante  conversation  de  trois  femmes 
racontant  leurs  expériences  de  la  vie  conjugale  ;  The  Frei- 
ns of  Berwik,  etc.  Sept  de  ces  poèmes  imprimés  par  Chep- 
man,  en  1508,  sentie  plus  ancien  spécimen  de  typographie 
anglaise.  Mais  où  il  est  surtout  remarquable,  c'est  dans  The 
Daunce  of  the  seven  deadly  Sins,  où  il  fait  défiler  les  sept 
péchés  capitaux  devant  le  diable,  fantastique  et  terrible 
personnification  qui  atteint  l'intense  réalité  du  Dante  et  la 
pittoresque  fantaisie  de  Callot.  Le  talent  mâle  et  original 
de  Dunbar,  bien  qu'il  se  soit  inspiré  parfois  de  Chaucer, 
l'a  placé  au  premier  rang  des  poètes  écossais.  Il  est,  suivant 
Walter  Scott,  sans  égal  dans  sa  patrie.  Une  édition  com- 
plète de  ses  œuvres  a  été  publiée  par  Laing  en  1834,  par 
Petersonenl860,  et  une  nouvelle  en  1884.  Hector  France. 
BiBL.  :   Kaufmann,   Traité  de  la  langue  du  poète  écos- 
sais W.  D.,  précédé  d'une  esquisse  de  sa  vie  ;  Bonn,  1873. 
DUNBAR  (James),  écrivain  anglais,  mort  à  Aberdeen 
le  28  mai  1798.  Régent  du  collège  royal  d' Aberdeen,  il  y 
enseigna  la  morale  pendant  une  trentaine  d'années.  Il  a 
écrit  :  De  Primordiis  Civitatum  oratio  in  qua  agitiir  de 
bello  civili intei' Magnam Britanniamet Colonias nunc 
flagrante  (Londres,  1779);  Essays  on  the  History  of 
Mankind  in  rude  and  uncultivatedages  (Londres,  1780). 
DUNBAR  (Robert  Nugent),  poète  anglais,  mort  à  Paris 
en  1866.  Il  habita  longtemps  les  Antilles,  dont  les  mœurs 
et  les  paysages  lui  inspirèrent  de  jolies  poésies.  Nous  cite- 
rons: The  Cruise  (Londres,  1835,  in-8);  TheCaraguin 
(1837,  in-8)  ;  Indian  Hours  (1839,  in-8);  TheNuptials 
of  Barcelona  (1851,  in-8);  Beauties  of  Tropical  Sec- 
nery  (186*2,  in-8,  plusieurs  édit.). 

DUNBLANE.  Ville  d'Ecosse,  comté  de  Perth,  sur  la 
rive  gauche  de  l'Allan,  à  8  kil.  N.  de  Stirling;  2,186  hab. 
Elle  doit  son  nom  à  saint  Blanc,  évêque  du  vm®  siècle. 
Elle  possède  les  ruines  d'une  belle  cathédrale,  fondée  en 
1142,  reconstruite  vers  1240  en  style  ogival  ;  la  tour,  haute 
de  40  m. ,  est  en  partie  romane  ;  le  chœur,  qui  a  été  conservé, 
est  ogival;  les  stalles  ont  de  belles  boiseries.  Le  dernier 
évêque  de  Dublane  fut  Rob  Leighton.  —  Dans  le  voisinage 
sont  une  source  minérale  assez  fréquentée  et  la  localité 
de  Sheriffmuir  où  en  1715  le  duc  d'Argyll  combattit  les 
jacobites  du  comte  de  Mar. 

DUNCAN  l^"",  roi  d'Ecosse,  mort  en  1040.  Il  succéda  en 
1034  sur  le  trône  d'Ecosse  à  son  grand-père  Malcolm 
Mackenneth.  La  seconde  partie  de  son  règne  fut  troublée 
par  les  incursions  du  comte  Eadulf  (1038)  et  par  ses  dé- 
mêlés avec  son  cousin  Thorfinn,  qui  le  battit  complètement 
et  qui  partagea  une  partie  de  ses  possessions  avec  Macbeth, 
roi  de  Moray.  Shakespeare  a  écrit  son  King  Duncan  sur 
des  données  absolument  mythiques.  —  Duncan  II,  roi 
d'Ecosse,  mort  en  1094,  fils  de  Malcolm  liï,  monta  sur  le 
trône  en  1093  ;  il  eut  de  grandes  difiîcultés  à  faire  recon- 
naître ses  droits,  et  il  dut  expulser  Donald  Bane,  son 
oncle,  qui  s'était  fait  élire  en  son  absence  et  qui,  ayant  de 
nouveau  réuni  des  partisans,  le  fit  assassiner. 

BiBL.  :  HoRMAYR,  Avchiv,  1815,  Die  schottischen  Kô~ 
nige  Duncan  I  und  Macbeth. 

DUNCAN  (William),  érudit  anglais,  né  à  Aberdeen  en 
1717,  mort  le  1^^  mai  1760.  Il  fut  professeur  de  philoso- 
phie naturelle  et  expérimentale  au  Marischal  Collège  d'Aber- 
deen  (1752-1760).  On  a  de  lui  une  édition  très  classique 
de  Discours  choisis  de  Cicéron  avec  traduction  anglaise 
(Londres  ;  nombr.  éd.)  ;  une  traduction  des  Commentaires 
de  César  avec  une  Dissertation  sur  l'art  de  la  guérite 
chez  les  Romains  (Londres,  1753,  in-fol.  ;  plus,  éd.); 


DUNBAR  —  DUNCAN 

The  Eléments  of  Logick  (1748,  in-8  ;souv.  réimprimé). Il 
collaboraà  l'édition  d'Horace  de  Watson  (1741,2  vol. in-8). 

DUNCAN  (John),  écrivain  anglais,  né  le  3  nov.  1721, 
mort  à  Bath  le  28  déc.  1808.11  prit  les  ordres  en  1746 
et  servit  comme  aumônier  dans  le  régiment  du  roi  qu'il 
suivit  pendant  la  guerre  d'Ecosse  et  à  Minorque.  En  1757, 
il  devint  curé  de  South  Warnborough  dans  le  Hampshire. 
Il  a  publié  :  An  Address  to  the  rational  aduocates  for 
the  Church  of  England  (1759),  sous  le  pseudonyme  de 
Phileleutherus  Tyro  ;  The  Evidence  ofReason  inproofof 
the  immortality  of  the  Soûl  (1779),  d'après  les  manus- 
crits de  Baxter;  Essay  on  Happiness  (1772),  envers,  etc. 

DUNCAN  (Adam),  amiral  anglais  (V.  Camperdowin). 

DUNCAN  (Jonathan)',  administrateur  anglais,  né  en 
1756,  mort  en  1811.  H  entra  au  service  de  la  Compagnie 
des  Indes  en  1772.  Résident  à  Benarès  en  1788,  il  se  fit 
remarquer  par  sa  sévère  honnêteté  et  fut  promu,  grâce  à 
l'influence  de  lord  Cornwallis,  gouverneur  de  Bombay,  dès 
1795.  Il  occupa  ce  poste  pendant  seize  années,  décisives 
dans  l'histoire  de  l'Inde  anglaise.  H  organisa  les  expéditions 
contre  Tippoo  et  les  Mahrattes  et  fournit  des  troupes  à  sir 
David  Baird  en  1801  pour  aller  en  Egypte.  Il  est  enterré 
dans  l'église  Saint-Thomas  de  Bombay. 

DUNCAN  (Henry),  théologien  anglais,  né  à  Lochrutton 
en  1774,  mort  à  Ruthwell  le  19  févr.  1846.  Après  avoir 
terminé  ses  études  à  l'Université  de  Saint- Andrews,  il 
débuta  dans  le  commerce  à  Liverpool.  Mais  ses  goûts  le 
portèrent  vers  la  carrière  évangélique.  Ministre  à  Ruth- 
well en  1798,  il  s'y  distingua  par  une  active  charité  qui  le 
rendit  populaire  et  plus  encore  par  la  création  àessavings 
banks  pour  laquelle  il  fit  une  propagande  infatigable. 
Parmi  ses  œuvres  qui  sont  assez  nombreuses,  nous  cite- 
rons :  Pamphlet  on  socinian  controversy  (Liverpool, 
1791);  Essay  on  nature  and  advantages  of  Parish 
banks  (1815)  ;  William  Douglas  or  the  Scottish  Exiles 
(1826,3  vol.);  Presbyter's  Letters  on  the  West  India 
question  (1830);  Sacred  Philosophy  of  the  Seasons 
(1835-1836,  4  vol.)  qui  obtint  plusieurs  éditions,  etc.  Il 
collabora  à  rE(^wh(r,^/i  Encyclopœdia,  aux  Transactions 
de  la  Société  royale  d'Edimbourg  et  à  d'autres  recueils. 

BiBL.  :  G.-J.-C.  Duncan,  Life  of  Henrg  Duncan.  —  John 
Maitland,  Notice  of  Dr  Duncan,  d<ms  Savings  Banks  Ma- 
gazine. —  Pratt,  History  of  Savings  Banks. 

DUNCAN  (Jonathan),  économiste  anglais,  né  à  Bombay 
en  1799,  mort  à  Londres  le  20  oct.  1865.  Fils  du  gou- 
verneur de  la  présidence  de  Bombay,  il  fit  de  fortes  études 
à  l'Université  de  Cambridge,  puis  consacra  sa  vie  à  des 
travaux  de  littérature  et  d'économie  politique.  Il  est  sur- 
tout connu  pour  l'opposition  très  vive  qu'il  fit  à  la  politique 
économique  de  Robert  Peel  et  au  système  monétaire  de 
Samuel  Jones  Loyd.  Parmi  ses  nombreux  ouvrages,  nous 
citerons  :  Remarks  on  the  Legality  and  expediency  of 
prosecutions  for  religions  opinions  (Londres,  1825, 
in-8)  ;  The  Religions  of  profane  antiquity  (1830,  in-8)  ; 
Tfie  Dukes  of  Normandy  (1839,  in-12);  The  Religions 
Wars  of  France  from  the  accession  of  Henry  the  second 
to  the  peace  of  Ver  vins  (1840,  in-8);  The  History 
of  Guernsey  (1841,  in-8);  How  to  reconcile  the  rights 
ofproperty,  capital  and  labour  (1846,  in-8)  ;  The  Na- 
tional anti-gold  law  League  (1847,  in-8)  ;  The  Prin- 
ciples  of  Money  demonstrated  and  BuUionist  fallacies 
refuted  (1849,  in-16);  The  Bank^  charter  act  (1857, 
in-8).  Il  a  encore  édité  deux  périodiques  éphémères  : 
Guernsey  and  Jersey  Magazine  (1836  et  1837)  et  The 
Journal  of  Industry  {iS^O),  K.  S. 

DUNCAN  (John),  voyageur  anglais,  né  en  1805,  mort 
dans  le  golfe  de  Bénin  le  3  nov.  1849.  Il  s'engagea  très 
jeune  dans  l'armée,  quitta  le  service  en  1839,  et  en  1842 
prit  part  à  l'exploration  du  Niger.  Des  trois  cents  membres 
de  l'expédition,  cinq  seulement  survécurent  parmi  lesquels 
Duncan  qui  revint  en  Angleterre  très  affaibli  par  les  fièvres. 
A  peine  rétabli,  il  proposa  à  la  Société  de  géographie  de 
reconnaître  le  pays  compris  entre  la  côte  et  les  monts  de 


DUNCAN  —  DUNCKER 


m  — 


Koung.  Son  projet  fut  approuvé  ;  il  se  mit  en  route  le 
17  juin  1844,  parcourut  le  Dahomey  où  le  roi  l'accueillit 
favorablement  et,  revenu  au  Cap  en  1845,  il  projeta  un 
voyage  à  Tombouctou,  mais  l'état  de  sa  santé  le  contraignit 
de  nouveau  à  regagner  l'Angleterre  (févr.  1846).  En  1849, 
le  gouvernement  le  nomma  vice-consul  à  Wyddah;  il 
gagnait  ce  poste,  avec  l'idée  de  continuer  ses  explorations, 
lorsqu'il  mourut  pendant  la  traversée.  Il  a  publié  :  Tra- 
vels  in  Western  Africa  in  i845  and  i846  comprising  a 
joiirney  from  Whydah  trongh  the  Kingdomof  Dahomey 
1o  Adofidiah  in  the  Interior  (Londres,  1847,  2  vol. 
in-12);  Some  Account  of  the  late  Expédition  to  the 
Niger,  dans  Bentley's  Miscellany  de  1847.        R.  S. 

DUNCAN  (Thomas),  peintre  anglais,  né  à  Kinclaven 
(Perthshire)  le  24  mai  1807,  mort  à  Edimbourg  le  25  mai 
1845.  Il  s'est  fait  connaître  par  un  certain  nombre  de 
tableaux  dont  les  sujets  sont  empruntés  à  l'histoire  nationale, 
ainsi  que  par  des  portraits. 

DUNCAN  (William-Augustine) ,  publiciste  anglais,  né 
dans  le  comté  d'Aberdeen  en  1811,  mort  en  1885.  D'abord 
destiné  à  l'Eglise,  il  se  jeta  dans  le  journalisme  et  com- 
mença à  se  faire  connaître  en  soutenant  très  chaudement 
le  bill  de  réforme  de  1832.  Il  passa  en  Australie  en  1838 
et  devint  rédacteur  en  chef  de  V Australasian  Chronicle 
de  Sydney.  En  1843,  il  commença  la  publication  de  Dun- 
can's  weekly  register  of  politics,  facts  and  gênerai 
literature.  Doué  de  grandes  qualités  administratives,  il 
fut  nommé,  en  1846,  receveur  des  douanes  à  Moreton 
Bay,  remplit  plusieurs  emplois  à  Brisbane  et  devint  en 
1859  receveur  général  des  douanes  pour  la  Nouvelle-Galles 
du  Sud,  fonctions  qu'il  exerça  jusqu'en  1881.  Il  fut  ensuite 
un  des  membres  les  plus  influents  du  National  Board  of 
Education  de  Sydney.  Il  a  écrit  de  nombreuses  brochures 
principalement  sur  des  questions  d'enseignement,  publié 
A  Plea  for  the  New  South  Wales  constitution  (Sydney, 
1856,  in-8)  et  traduit  de  l'espagnol  l'ouvrage  de  Pedro 
Fernandes  de  Queiros  sur  l'Australie  (Sydney,  1874, in-8). 

DUNCAN  DE  Cerisântes  (Marc),  diplomate  français,  né 
à  Saumur  vers  1600,  mort  à  Naples  en  févr.  1648. 
Fils  d'un  certain  Mark  Duncan,  nommé  par  Diiples- 
sis-Mornay  professeur  de  philosophie  à  l'Université  de 
Saumur,  il  fut  employé,  dès  1641,  par  Richelieu  dans  cer- 
taines négociations  avec  Constantinople  ;  mais,  s'étant  pris 
de  querelle  avec  M.  de  Caudale,  il  quitta  le  service  de  la 
France  pour  celui  de  la  Suède.  En  1645,  il  fut  nommé 
ambassadeur  de  Suède  en  France;  mais  c'était  un  aventu- 
rier :  deux  ans  après  il  était  brouillé  avec  la  Suède,  avait 
abjuré  le  protestantisme  et  accompagnait  le  duc  de  Guise 
dans  son  expédition  pour  enlever  le  royaume  de  Sicile  aux 
Espagnols.  Il  fut  tué  dans  une  escarmouche.  Il  passait  pour 
l'un  des  meilleurs  latinistes  de  son  temps. 

DUNCANSBY  (Cap).  Promontoire  situé  au  N.-E.  de 
l'Ecosse,  par  58^^  39'  lat.  N.,  sur  le  détroit  de  Pentland,  à 
l'extrémité  du  Caithness.  Les  terrains  dévoniens  entaillés 
par  la  mer  offrent  des  aspects  pittoresques  ;  des  crevasses 
s'enfoncent  à  300  m.  dans  les  terres,  larges  de  3  à  15m., 
profondes  de  30  ;  les  flots  y  ont  découpé  des  arches,  des 
colonnades,  etc. 

DUNCH  (Edmond),  homme  politique  anglais,  né  en  1657, 
mort  en  1719,  d'une  ancienne  famille  du  Berkshire.  Par- 
tisan actif  de  la  révolution  de  1688,  whig  décidé,  allié  par 
sa  femme  aux  Churchill,  il  fut  master  ojftlie  household 
sous  la  reine  Anne  et  George  I".  Sa  gourmandise  était 
célèbre,  et  au  Kit  Cat  Club,  dont  il  était  membre,  le  jeu 
écorna  sa  fortune. 

DUNCKEL  ( Maria-Dorothea  Altén,  mariée  en  1821 
avec  le  pasteur),  poétesse  et  dramaturge  suédoise,  née  le 
13  mars  1799,  morte  le  30  nov.  1879.  Elle  publia  :  Jean 
Huss,  poème  en  trois  chants  (1822);  Essais  dramatiques 
et  lyriques  (1828,  1832)  ;  cinq  romans  et  des  traductions 
de  l'allemand.  B-s. 

DUNCKER.  Famille  de  libraires  allemands,  fondée  par 
Karl  Duncker  (né  à  Berlin  le  25  mars  1781,  mort  à  Berlin 


le  15  juil.  1869),  qui  acheta  la  librairie  Frolich,  à  Berlin 
(1^^  janv.  1809),  en  association  avec  Peter  Humbolt,  après 
la  mort  duquel  (1828)  cette  double  raison  sociale  n'en  sub- 
sista pas  moins.  Duncker  édita  un  nombre  considérable 
d'ouvrages  importants  en  tout  genre,  notamment  ceux  du 
philosophe  Hegel  et  de  l'historien  L.  Ranke.  Il  céda  sa 
maison  à  Karl  Geibel  (l'^'^janv.  1866),  qui  en  continua  les 
affaires  dans  l'esprit  du  fondateur  et  sous  le  couvert  de  son 
nom.  —  Son  fils  aîné,  Maximitian  Duncker,  est  le  célèbre 
historien  (V.  ci-dessous).  —  Atexander  Duncker,  frère  du 
précédent,  né  à  Berlin  le  18  févr.  1813,  fonda,  en  -1837, 
une  librairie  indépendante  de  celle  de  son  père ,  et  il  édita 
de  grandes  publications  d'art.  —  Franz-Gustav  Duncker, 
frère  des  précédents,  né  à  BerUn  le  4  juin  1822,  acquit 
en  1850  la  librairie  W.  Besser,  vendit  son  fonds  en  1876- 
77,  et  le  fit  racheter  en  1882  par  son  fils  Karl,  qui  rentra 
en  même  temps  en  possession  de  celui  de  son  grand-père. 
Mais  Franz  Duncker  joua  surtout  un  rôle  comme  homme 
politique.  Directeur  de  la  Volkszeitung,  l'un  des  fonda- 
teurs du  parti  progressiste ,  député  au  Parlement  prussien 
et  au  Reichstag,  ilïut,  dès  1865,  à  la  tête  de  l'Association 
ouvrière  de  Berlin,  et,  de  concert  avec  Schulze-Delilzsch 
et  Max  Hirsch,  il  fonda,  en  1869,  des  sociétés  de  métiers 
rayonnant  dans  toute  l'Allemagne,  dans  le  but  de  résoudre 
pratiquement  les  aspirations  socialistes.  G.  P-i. 

DUNCKER  (Joachim-Zachris),  officier  suédo-finlandais, 
né  en  Savolaks  le  12  nov.  1774,  mort  de  ses  blessures  à 
Hœrnefors  le  5  juil.  1809.  Il  se  distingua  par  sa  bravoure 
comme  enseigne  dans  la  guerre  de  1790,  et  comme  capi- 
taine dans  celle  de  1808,  oîi  il  devint  lieutenant-colonel 
(1809).  Sa  mémoire  a  été  immortalisée  dans  les  Chants 
de  l'enseigne  Stâl  par  Runeberg,  et  sa  vie  écrite  par 
Fr.  Cygn«us  (t.  I  de  Bilder  ur  fœrgângna  tiders  lif.  ; 
Ilelsingfors,  1858,  in-8).  B-s. 

DUNCKER  (Ludwig-Friedrich-Wilhelm) ,  jurisconsulte 
allemand,  né  à  Rinteln  le  6  janv.  1804,  mort  à  Gœttingue 
le  2  août  1847.  11  fut  syndic  de  l'université  de  Marbourg  en 
1833  et  professeur  titulaire  à  celle  de  Gœttingue  en  1843. 
Ses  principaux  ouvrages  sont  :  Die  Lehre  von  den  Real- 
lasten  (Marbourg,  1837);  Lehre  von  Gesammteigentlium 
(Marbourg,  1843)  et  diverses  monographies  dans  des  revues. 

DUNCKER  (Maximilian-Wolfgang),  historien  allemand, 
né  à  Berlin  en  1811.  Fils  du  libraire' /(a ?^/  Duncker  (V.  plus 
haut),  il  fit  ses  études  à  Bonn  et  à  Berlin,  oii  il  eut  pour 
maîtres  Lœbell,  Ranke,  Bœckh,  etc.;  il  fut  condamné  à 
six  ans  de  prison  pour  la  grande  affaire  des  associations 
d'étudiants  (V.  Université),  relaxé  au  bout  de  six  mois, 
devint  privat-docent  (1839),  puis  professeur  extraordi- 
naire (1842)  à  l'université  de  Halle.  Il  siégea  à  l'Assemblée 
nationale  de  1848  au  centre  droit,  s'occupa  activement  de 
l'affaire  des  duchés  en  1850,  passa  comme  professeur  à 
Tubingue  en  1857,  revint  dès  1859  à  Berlin  où  il  fut 
accrédité  comme  conseiller  auprès  du  prince  royal  (1861), 
dirigea  les  archives  prussiennes  de  1867  à  1874.  Il  a 
réalisé  dans  leur  organisation  de  grands  progrès,  formant 
les  dépôts  de  Slesvig,  Posen,  Aurich,  Marbourg,  etc. 
Son  principal  ouvrage  est  Geschichte  des  Aller  tums 
(Berlin,  1852-57,  4  vol.;  5«  éd.,  1878-1883,  7  vol.), 
remarquable  histoire  de  l'antiquité  orientale  et  hellénique. 
Citons  encore:  Origines  Germaniœ (BevVm,  1840)  ;  Die 
Krisis  der  Déformation  (Leipzig,  1 845)  ;  Zur  Geschichte 
der  deutsclien  Reichsversammlung  (Berlin,  1849)  ; 
Heinrich  von  Gagern  (Leipzig,  1 850)  ;  Vier  Monate  aus- 
wœrtiger  Politili  (Berlin,  1851),  dirigé  contre  la  poli- 
tique du  ministère  Manteuffel;  Feudalitdt  und  Aris- 
tokratie  (Berlin,  1858);  Ans  der  Zeit  FriedricJis  des 
Grossen  und  Friedrich-Wilhelms  III  (Berlin,  1876), 
tiré  des  archives  prussiennes;  enfin,  en  collaboration  avec 
Droysen,  Preussische  Staats  schriften  ans  der  Ré- 
gler ilngszeit  Kœnigs  Friedrich  II  (1877). 

D'UNCKER  (Carl-Henning-Lûtzow),  peintre  suédois,  né 
à  Stockholm  le  3  févr.  1828,  mort  à  Dusseldorf  le  23  mars 
1866.   Fils  d'un  capitaine  norvégien,  il  fut  destiné  à  la 


61 


DUNCKER  —  DUNDAS 


carrière  militaire,  fit  la  guerre  comme  volontaire  dans 
l'armée  danoise  en  1849-1850,  puis  entra  comme  officier 
dans  la  garde  suédoise  ;  mais  bientôt  il  prit  sa  retraite  pour 
retourner  à  ses  travaux  artistiques.  Il  avait  déjà  publié  un 
Recueil  de  caricatures  (1847)  ;  avec  une  subvention  du 
roi  Oscar  il  alla  étudier  à  l'Académie  de  Dusseldorf  (1830- 
1834),  s'y  établit  et  y  fit  un  riche  mariage.  Après  avoir 
perdu  l'usage  du  bras  droit  en  1861,  il  continua  de  peindre 
avec  la  main  gauche.  Si  l'Allemagne  gagna  en  lui  un  ar- 
tiste distingué,  il  fut  perdu  pour  la  Suède,  où  il  ne  remit 
guère  les  pieds  et  où  il  ne  choisit  pas  les  sujets  de  ses  ta- 
bleaux de  genre.  Il  saisit  bien  les  traits  caractéristiques  et 
rend  le  comique  avec  beaucoup  de  verve  ;  grande  est  sa 
puissance  de  combinaison,  mais  le  dessin  manque  de  fer- 
meté et  de  largeur,  et  la  couleur  de  relief.  On  cite  parmi 
ses  meilleurs  tableaux  qui  sont  pour  la  plupart  en  Hol- 
lande, en  Allemagne  et  en  Russie  :  les  Vagabonds  devant 
le  juge  (1837)  ;  Uiie  Troupe  de  cirque;  Un  Mont-de- 
piété  (1838);  Salle  d'attente  de  2^^  classe;  de  ^® 
classe {iSGo) ;  Visite  à  la  douane;  Un  Toast;  Salle  de 
jeu  à  Wiesbaden.  R-s. 

DUNCKLEY  (Henry),  publiciste  anglais,  né  à  Warwick 
le  24  déc.  1823.  Ministre  de  l'Eglise  baptiste,  il  se  chargea 
en  1833  de  la  direction  de  VExamiîier  and  Times  de 
Manchester,  dont  il  devint  propriétaire  un  peu  plus  tard. 
En  1877,  il  publia  dans  le  Manchester  iveeckly  Times, 
une  série  de  lettres  sur  les  événements  du  jour  qui  furent 
très  remarquées.  Sans  compter  sa  collaboration  active  à  plu- 
sieurs journaux  importants,  Dunckley  a  écrit  :  The  Glory 
and  the  Shame  of  Britain  (1830)  ;  The  Charter  of  the 
nations  (1833)  ;  The  Crown  and  the  Cabinet  (1877)  ; 
Letters{:{m^),  etc.  R.  S._ 

DUNCOMBE  (Sir  Charles),  homme  politique  anglais, 
mort  en  1711.  Ranquier  et  joaillier  à  Londres  dès  1672, 
il  fit  une  grosse  fortune  et  acheta  en  1693  le  domaine  de 
Hclmsley  (Yorkshire)  pour  la  somme  alors  inouïe  de  90,000 
livres  sterling.  Retiré  des  affaires  en  1693,  il  prit  une  part 
active  à  la  politique,  dans  les  rangs  du  parti  tory,  et  s'op- 
posa autant  qu'il  put  à  la  fondation  de  la  Ranque  d'Angle- 
terre, proposée  par  des  financiers  whigs.  Il  ne  fut  lord- 
maire  de  Londres  qu'en  1708.  En  1698,  la  Chambre  des 
communes  l'avait  expulsé  de  son  sein  pour  avoir,  comme 
receveur  de  l'excise,  falsifié  certains  documents.  A  sa  mort, 
il  était  le  plus  riche  commoner  du  royaume.  Sa  nièce 
épousa  le  duc  d'Argyll.  Le  présent  comte  de  Radnor  des- 
cend d'un  frère  deDuncombe. 

DUNCOMBE  (William),  écrivain  anglais,  né  à  Londres 
le  9  janv.  1690,  mort  à  Londres  le  26  févr.  1769.  Em- 
ployé dans  l'administration  de  la  marine  de  1706  à  1723, 
il  débuta  dans  la  littérature  par  des  traductions  d'Horace 
et  de  Racine  et  par  de  nombreuses  pièces  fugitives  en 
prose  et  en  vers  insérées  pour  la  plupart  dans  le  White- 
hall  Evening  Post,  En  1734,  il  donna  à  Drury  Lane 
une  tragédie,  Lucius  Junius  Brutus,  imitée  de  Voltaire, 
qui  obtint  un  succès  d'estime.  Il  collabora  encore  au  Lon- 
don  Journal  et  à  d'autres  feuilles,  et  édita  les  poèmes  de 
Needler,  ceux  de  John  Hughes,  les  œuvres  de  Samuel  Say, 
les  sermons  de  l'archevêque  Herring,  etc.  R.  S. 

DUNCOMBE  (John),  écrivain  anglais,  né  à  Londres  le 
29  sept.  1729,  mort  à  Canterbury  le  19  janv.  1786,  fils 
du  précédent.  Après  avoir  terminé  ses  études  à  Cambridge, 
il  entra  dans  les  ordres,  devint  curé  de  Saint-André  de 
Canterbury  en  1737,  et  fut  pourvu  de  nombreux  bénéfices. 
Il  s'était  fait  une  grande  réputation  de  prédicateur.  Il  a 
écrit  :  Historical  Description  of  Canterburij  calhedral 
(1772);  History  of  the  antiquities  of  Reculver  anl 
Herne(ilSO)  ;  de  nombreuses  poésies  fugitives  qui  ne  man- 
quent point  d'agrément,  et  édité  les  lettres  de  John  Boyle 
(1773),  de  l'archevêque  Herring  (1777),  une  traduction 
des  œuvres  de  Julien  l'Apostat  (1784),  etc.  R.  S. 

DUNCOMBE  (Thomas-Shngsby),  homme  politique  an- 
glais, né  en  1796,  mort  à  Brighton  le  13  nov.  1861.  Whig, 
puis  radical,  député  de  Einsbury  depuis  1834  jusqu'à  sa 


mort,  il  passa  sa  vie  à  plaider  la  cause  des  conspirateurs 
étrangers  et  des  chartistes  anglais.  C'est  lui  qui  présenta  à  la 
Chambre  des  communes,  en  1 842,  une  pétition  signée  par  plus 
de  trois  millions  de  chartistes.  Il  prit  le  parti  de  Mazzini,  du 
prince  Louis-Napoléon,  de  Kossuth,  de  Charles,  duc  de  Bruns- 
wick. Celui-ci  et  Napoléon  IH  lui  en  témoignèrent  plus 
tard  de  la  reconnaissance.  Duncombe  passait  pour  l'homme 
le  mieux  habillé  du  Parlement  et  pour  un  orateur  excen- 
trique, d'une  irrésistible  force  comique.  «Il  avait  l'art,  a  dit 
quelqu'un,  de  dire  ce  que  tout  le  monde  pensait  tout  bas, 
aurait  voulu  dire  et  n'osait  pas  dire.  »  Il  avait  commencé 
un  ouvrage  sur  les  Juifs  en  Angleterre,  à  tendances  anti- 
sémites. —  Son  fils  fut  son  biographe  :  The  Life  and 
correspojidence  of  Th.-S.  Duncombe  (Londres,  1868, 
2  vol.  in-8). 

DU  NCON  (Samuel),  parlementaire  anglais  du  xvii^  siècle. 
Citoyen  d'Ipswich,  il  eut  en  1640  de  nombreux  démêlés 
avec  le  gouvernement  pour  avoir  refusé  de  payer  les  impôts. 
Aussi  dès  le  début  de  la  guerre  civile  se  rangea-t-il  du  côté 
du  Parlement  ;  il  se  fit  remarquer  par  son  zèle  à  recueiUir 
de  l'argent  et  à  lever  des  troupes  pour  son  service  et  entra 
en  relations  directes  et  suivies  avec  Cromwell.  Il  a  écrit  : 
Several  Propositions  ofpublick  concernmentpresented 
to  liis  Excellency  the  lord  gêner  ail  Cromwell  (Londves, 
1631),  et  Several  Proposais  offered  by  a  friendofPeacc 
and  Truth  to  the  serions  considération  of  the  Keepers 
of  the  liber ties  ofthe  People  of  England  (1639). 

DUNCZEWSKI  (Stanislaw),  publiciste  polonais,  né  en 
1701,  mort  en  1766.  Il  a  publié  entre  autres  ouvrages  un 
Armoriai  (1737),  un  traité  des  Starosties  et  des  calen- 
driers qui  furent  au  xviii®  siècle  très  populaires  en  Pologne. 

DUNDALK.  Ville  maritime  d'Irlande,  ch.-l.  du  comté 
de  Louth  (Leinster),  sur  la  baie  de  Dundalk,  à  l'embou- 
chure de  la  rivière  de  Castleton,  au  pied  des  collines  de 
Carlingford;  11,913  hab.  grâce  au  port,  où  peuvent  en- 
trer les  navires  calant  seize  pieds  ;  c'est  le  principal  mar- 
ché des  comtés  de  Louth,  Monaghan  et  Cavan.  Dundalk  a 
des  manufactures  de  tabac,  de  savon  ;  des  filatures,  bras- 
series, distilleries;  il  exporte  en  outre  du  lin,  du  chanvre, 
des  denrées  agricoles  et  les  produits  de  la  pèche.  L'impor- 
tation comprend  des  épiceries,  de  la  houille,  du  fer,  etc. 
Le  commerce  se  fait  surtout  avec  Liverpool.  Le  port  possé- 
dait, en  1884,  quatre-vingt-quatorze  bateaux  jaugeant 
4,200  tonnes;  le  mouvement  avait  été  de  huit  cent  soixante- 
dix  navires  et  de  137,000  tonnes.  On  y  remarque  les  débris 
d'un  cercle  druidique  et  d'un  monastère  franciscain.  —  A 
Dundalk  fut  couronné  le  dernier  roi  d'Irla)ide.  En  1313, 
Edouard  Rruce  y  débarqua,  il  y  tint  sa  cour  et  périt  en 
1318  dans  les  environs  à  Faughart.  Dundalk  fut  pris  par 
les  Irlandais  en  1641,  par  Cromwell  en  1649,  par  Schom- 
berg  en  1689.  —  La  baie  de  Dundalk,  large  de  \  3  kil.,  pro- 
fonde de  4  à  6  brasses,  reçoit  le  Fane,  le  Dee,  le  Castleton. 

DUNDAS  (Sir  David),  général  anglais,  né  à  Edimbourg 
en  1733,  mort  à  Londres  le  18  fevr.  1820.  Ayant  plu 
au  colonel  Elliot  (plus  tard  lord  Heathfield),  il  fut  attaché 
à  sa  personne  pendant  les  campagnes  d'Allemagne  de 
1760  et  de  1761,  et,  en  1762,  pendant  l'expédition  de 
Cuba.  A  la  fin  de  la  guerre  de  Sept  ans,  Dundas  com- 
mença les  études  qui  devaient  faire  de  lui  le  plus  réputé 
tacticien  des  armées  anglaises.  Il  étudia  en  France,  en 
Autriche,  et  surtout  en  Prusse  les  divers  systèmes  d'or- 
ganisation militaire.  Il  publia  ,  en  1788  ,  ses  fameux 
Principles  of  military  movements,  chiefly  applicable 
to  infantry,  et  fut  chargé  de  rédiger  ^  les  règlements 
par  lesquels  ont  été  régies  les  armées  qui  devaient  com- 
battre sous  Abercromby,  Moore  et  Wellington.  Il  soutinf 
un  siège  à  Toulon  en  1793,  et  de  1794  à  1796  se  battit 
en  Flandre.  En  1803,  il  se  retira  du  service  actif  comme 
gouverneur  du  Chelsea  Hospital.  Du  18  mars  1809  au 
26  mai  181 1 ,  il  fut  appelé,  pendant  la  retraite  momentanée 
du  duc  d'York,  au  commandement  général  des  forces  an- 
glaises. L'œuvre  de  Dundas,  officier  exact,  a  été  d'inculquer 
aux  troupes  anglaises  la  discipline  prussienne;   c'est  la 


DUNDAS  —  DUNDEE 


62  - 


faveur  personnelle  du  duc  d'York  qui  lui  permit  d'appli- 
quer en  Angleterre  ce  qu'il  avait  appris  à  l'école  de  Fré- 
déric le  Grand. 

DUNDAS  (Henry),  premier  vicomte  Melville,  né  à 
Edimbourg  en  4741,  mort  à  Edimbourg  le  27  mai  4814, 
quatrième  fils  de  Robert  Dundas  d'Arniston,  lord  pré- 
sident de  la  Court  of  session.  Il  fut  nommé  à  vingt- 
quatre  ans  solicitor  gênerai  pour  l'Ecosse  et  prononça, 
le  20  févr.  4775,  son  premier  discours  à  la  Chambre  des 
communes,  où  il  joua  un  rôle  considérable.  Plusieurs 
fois  trésorier  de  la  marine  dans  les  ministères  de  Pitt, 
secrétaire  d'Etat  de  l'intérieur,  puis  de  la  guerre,  il 
réussit,  aux  élections  générales  de  4802,  à  faire  élire  qua- 
rante-trois députés  torys  en  Ecosse  contre  deux  wighs  seu- 
lement. 11  accepta  alors  du  ministère  Addington  le  titre  de 
vicomte  Melville  (24  déc.  4802).  Mais,  précisément  à  cette 
époque,  une  commission  parlementaire  découvrit  de  graves 
irrégularités  dans  la  gestion  qu'il  avait  eue  des  deniers 
de  la  marine,  comme  trésorier  dans  les  ministères  Pitt.  Il 
fut  mis  en  accusation  par  la  Chambre  des  communes  ;  le 
procès  commença  à  Westminster  Hall,  devant  les  lords, 
le  29  avr.  4806.  H  fut  acquitté,  mais  sur  les  points  essen- 
tiels, à  une  majorité  de  27  voix  seulement  ;  et  il  ne  put 
pas  se  justifier,  sinon  de  fraudes  directes,  au  moins  de  né- 
gligences coupables.  Pendant  trente  ans,  Dundas  fut  le 
maître  de  l'Ecosse  et  le  lieutenant  de  Pitt  ;  il  dirigea  pen- 
dant seize  ans  les  affaires  de  l'Inde.  C'est  dire  son  impor- 
tance exceptionnelle  dans  l'histoire  parlementaire  du  règne 
de  George  III.— Le  second  vicomte  ilMm//^  (4774-4854), 
entra  des  4807  dans  le  ministère  du  duc  de  Porlland 
comme  président  du  Board  of  Control,  en  considération 
des  services  éminents  rendus  par  son  père  au  parti  tory. 
Pendant  quinze  ans,  il  fut  premier  lord  de  l'amirauté  ;  l'in- 
térêt qu'il  prit  en  cette  qualité  aux  expéditions  arctiques  est 
attesté  par  le  nom  de  détroit  de  Melville  qui  se  lit  sur  les 
cartes  polaires.  Il  se  retira  de  la  vie  politique  en  4830.  — 
Le  troisième  vicomte  Melville  (4804-4876), général,  servit 
au  Canada  et  dans  l'Inde.  \\  est  mort  sans  postérité. 

DUNDAS  (Charles,  baron  d'AMESBURv),  homme  politique 
anglais,  né  en  4754,  mort  le  7  juil.  4832.  H  siégea  à  la 
Chambre  des  communes  sans  interruption  de  1774  à  1832, 
dans  le  parti  libéral.  11  fut  élevé  à  la  pairie  le  11  mai  1832. 

DUNDAS  (Sir  James  Whitley  Deans),  amiral  anglais, 
né  le  4  déc.  1785,  mort  à  Weymouth  le  3  déc.  1862,  fils  du 
docteur  J.  Deans  de  Calcutta.  H  prit  le  nom  de  Dundas  après 
son  mariage  avec  la  fille  de  Charles  Dundas,  lord  Amesbury 
(1808).  En  janv.  1852,  il  fut  nommé  commandant  des  forces 
anglaises  dans  la  Méditerranée.  A  ce  titre,  il  dirigea  jes 
opérations  navales  pendant  la  guerre  de  Crimée  en  1854. 
Sa  conduite  fut  sévèrement  critiquée  par  ses  officiers  et  par 
le  correspondant  du  Times.  Sa  santé  ébranlée  ne  lui  permit 
pas  de  se  montrer  à  la  hauteur  des  circonstances. 

DUNDAS  (Sir  Richard  Saunders),  amiral  anglais,  né  le 
11  avr.  1802,  mort  le  3  juin  1861,  fils  d'Henry  Dundas 
(V.  ci-dessus).  Entré  au  collège  naval  en  1815,  il  embar- 
qua en  1817  sur  le  Ganymède  et  eut  un  avancement  extrê- 
mement rapide,  à  cause  de  la  haute  situation  de  son  père. 
Après  avoir  servi  dans  la  Méditerranée,  en  Amérique,  aux 
Indes,  en  Australie,  il  prit  part  à  la  campagne  de  Chine 
où  il  se  distingua.  Promu  contre-amiral  en  1853,  il  com- 
manda dans  la  Baltique,  bombarda  Sveaborg  (1855)  et 
bloqua  le  golfe  de  Finlande.  Le  24  févr.  1858,  il  fut  nommé 
vice-amiral.  H  avait  rempli  de  1828  à  1830  les  fonctions 
de  secrétaire  particulier  de  son  père,  alors  premier  lord 
de  l'amirauté,  et  occupa  en  1845  ce  même  poste  de  con- 
fiance auprès  du  comte  d'Haddington.  Il  entra  au  conseil 
d'amirauté  en  1853.  R.  S. 

DUNDAS  d'Arniston,  famille  écossaise.  Le  premier  lord 
d'Arniston ,  James ,  était  fils  de  sir  James  Dundas  d'Arniston, 
gouverneur  de  Berwick  sous  Jacques  P^.  Il  fut  nommé  lord 
of  session,  sous  le  titre  de  lord  Arniston  le  1 6  mai  1662  ; 
c'était  un  covenanter  décidé.  Il  mourut  en  1 679. —  Son  fils 
Robert,  mort  en  4726,  partisan  du  prince  d'Orange,  sié- 


gea trente  ans  à  Edimbourg  comme  lord  of  session,  —  Le 
fils  aîné  de  ce  Robert,  Robert  Dunà^^  d'Arniston  (4743- 
4787),  suivit  la  tradition  de  sa  famille  :  solicitor  gênerai 
en  4742,  lord  advocate  en  4  754,  lord  président  de  la  Court 
of  session  en  4760,  il  exerça  cette  dernière  charge  d'une 
manière  tout  à  fait  brillante.—  Son  fils  aîné,  Robert  Dundas 
d'Arniston  (il^S-\M9),ïui2imsi  soliciior  gênerai  pour 
l'Ecosse  en  4  784,  lord  advocate  en  4789,  chief  baron 
de  l'Echiquier  d'Ecosse  en  4804.  Il  eut  trois  fils.  L'aîné 
est  mort  en  4838  ;  le  second,  Henry,  vice-amiral,  est 
mort  en  4863. 

DUNDEE.  Géographie.  —  Ville  d'Ecosse,  dans  le  comté 
de  Dundee,  à  24  kil.  S.-S.-O.  de  Forfar.  Sa  distance  d'Edim- 
bourg est  de  70  kil.  N.-N.-E.  Elle  est  bâtie  sur  la  rive 
gauche  de  l'estuaire  de  la  Tay,  et,  par  sa  position,  a  acquis 
un  extrême  développement  dans  un  temps  relativement 
court.  C'est  aujourd'hui  la  troisième  ville  d'Ecosse  sous  le 
rapport  de  la  population;  celle-ci,  de  440,000  hab.  en 
4890  était  à  peine  de  25,000  hab.  au  début  du  siècle 
(4804).  La  prospérité  de  la  ville  est  surtout  due  à  la  com- 
modité de  son  port  et  à  ses  vastes  docks  ;  le  premier  a  une 
étendue  de  2  milles  le  long  de  la  rive  de  la  Tay  ;  les  docks 
ont  5  milles  et  couvrent  une  superficie  de  35  acres  ;  leur 
construction,  commencée  en  4845  et  terminée  seulement  en 
4877,  a  coûté  20,000,000  de  fr.  Un  pont  tubulaire cons- 
truit en  4873,  à  6  kil.  au-dessus  de  Dundee,  à  Broughty 
Ferry,  résidence  d'été  des  commerçants,  relie  les  deux 
rives  du  golfe  de  la  Tay  ;  sa  longueur  est  de  3,474  m.; 
il  est  tout  en  fer  et  comprend  quatre-vingt-cinq  travées 
dont  celle  du  milieu  a  26  m.  au-dessus  de  l'étiage,  afin  de 
livrer  passage  aux  navires.  A  22  kil.  en  mer  à  l'E.,  se 
voit  le  beau  phare  de  Bell  Rock.  Le  mouvement  du  port 
de  Dundee  a  été  en  4877  de  mille  six  cents  navires  jau- 
geant 436,940  tonnes  et  neuf  cent  trente-quatre  navires 
d'un  tonnage  total  de  272,480  tonnes.  La  flotte  commer- 
ciale de  Dundee  comprend  à  elle  seule  deux  cents  bateaux 
jaugeant  94,120  tonnes.  Elle  a  un  service  régulier  de 
bateaux  à  vapeur  avec  Londres,  Hull,Nev\^castle,  Liverpool, 
Leith,  Rotterdam.  Cette  ville  a  le  monopole  de  l'armement 
des  bateaux  à  vapeur  pour  la  pêche  des  phoques  à  l'île  de 
Jean-Mayen,  pour  celle  de  la  baleine  dans  le  détroit  de 
Davis  et  la  baie  de  Baffin.  En  4877,  cet  armement  com- 
prenait quatorze  navires  qui  avaient  capturé  quatre-vingt- 
une  baleines  et  quatre-vingt  mille  cent  trente  phoques,  le 
tout  d'un  rapport  de  3,641,750  fr.  Une  voie  ferrée  relie 
Dundee  à  Edimbourg  et  Aberdeen.  Outre  son  commerce 
qui  est  très  actif,  Dundee  a  une  industrie  des  plus  variées 
et  des  plus  florissantes.  Le  tissage  des  laines  se  fait  sur  une 
grande  échelle  ;  plus  de  cinquante  mille  personnes  sont 
occupées  par  soixante-dix  métiers  à  vapeur.  Les  trois 
maisons  de  Baxter,  Cox  et  Gilery  occupent  à  elles  seules 
douze  mille  personnes.  Les  autres  industries  sont  :  la 
construction  des  navires  et  des  machines,  la  préparation 
des  cuirs,  la  cordonnerie  mécanique,  des  fonderies ,  des 
brasseries  et  la  confiserie  qui  a  acquis  une  certaine  célébrité 
avec  la  marmelade  d'oranges  amères.  Les  monuments  de  la 
ville  sont  nombreux  et  quelques-uns  des  plus  remarquables 
au  point  de  vue  archéologique.  Citons,  parmi  les  anciens, 
une  tour  construite  au  xiv^  siècle,  la  Old  Steeple.  Elle 
s'élève  à  456  pieds  et  fut  restaurée  par  sir  G.-G.  Scott. 
Le  vieux  château  de  Dunhop,  agrandi  par  Jacques  II, 
vicomte  de  Dundee,  sert  de  caserne  aujourd'hui;  la  Vieille 
Douane,  située  au  Green  Market,  date  du  xvi®  siècle,  la 
construction  en  est  bizarre  et  originale.  Un  reste  d'ancien 
mur,  le  East  Port,  a  été  conservé  en  souvenir  de  G.  Wishart 
le  martyr  qui,  selon  la  tradition,  a  prêché  sur  ce  mur 
avant  le  fléau  de  4544.  Plusieurs  constructions  telles  que 
le  couvent  des  religieuses  de  Sainte-Claire  ont  disparu. 
Depuis  4874,  la  ville  a  été  bien  transformée.  Des  rues  et 
des  avenues  spacieuses  ont  été  percées,  des  places  ont  été 
ménagées,  de  belles  promenades  ont  été  faites.  Au  point 
de  vue  de  l'hygiène.  Dundee  ne  laisse  rien  à  désirer,  une 
eau  abondante  et  saine  est  largement  distribuée  à  tous  ses 


-  63  - 


DUNDEE  —  DUNES 


habitants.  L'hôtel  de  ville,  désigné  sous  le  nom  de  Elder 
Adam,  a  été  construit  en  1734.  La  flèche  de  l'église  Saint- 
Paul  s'élève  à  467  pieds;  réghse  épiscopale,  appelée  aussi 
Saint-Paul,  faite  d'après  les  plans  de  sir  George-Gilbert 
Scott,  porte  la  flèche  de  son  clocher  à  211  pieds  de  haut. 
Parmi  les  autres  édifices  modernes ,  nommons  l'hôpital 
Morgan  entretenant  et  élevant  cent  enfants,  conformément 
au  vœu  de  son  donateur,  l'hôpital  appelé  Royal  Mrmary, 
Fasile  des  fous,  l'orphelinat,  les  écoles  industrielles,  etc. 

Les  écoles  sont  nombreuses  à  Dundee  et  les  aménage- 
ments nouveaux  construits  par  le  comité  local,  permettent 
de  recevoir  vingt  mihe  six  cents  élèves.  La  bibliothèque  et 
le  musée  sont  situés  au  square  Albert  et  sont  entièrement 
gratuits.  La  bibliothèque,  divisée  en  deux  parties,  comprend 
d'une  part  vingt-cinq  mille  volumes  et  de  l'autre  cinq 
mille  cinq  cents.  Le  musée  renferme  un  certain  nombre  de 
tableaux  et  de  statues.  L'Union  des  beaux-arts  de  Dundee 
organise  quelquefois  au  musée  des  expositions  artistiques. 
En  dehors  de  cette  Union  des  arts,  il  existe  dans  la  ville 
deux  autres  sociétés  scientifiques  :  la  Dundee  naUiralists 
Society,  fondée  en  1872;  qWq  pubhe  annuellement  ses 
travaux.  L'autre  est  la  East  of  Scotland  union  ofnatu- 
ralist  Sodeties,  date  de  1884  et  publie  des  Transactions, 
et  le  Scottish  Naturalist.  Les  archives  sont  conservées 
à  l'hôtel  de  ville  et  renferment  des  documents  d'une  cer- 
taine importance  historique.  On  y  remarque  les  lettres 
d'Edouard  P^  et  d'Edouard  II,  l'original  de  la  charte  du 
roi  Robert  Bruce  (1327),  les  lettres  du  pape  Léon  X  à  la 
reine  Marie,  etc.  —  Les  armes  du  Dundee  sont  :  d'azur 
(i  un  vase  d'argent  chargé  de  fleurs  au  naturel; 
comme  supports  :  deux  dragons  soutenant  Vécu,  la 
queue  entrelacée  au-dessous  de  sa  pointe,  avec  la 
devise  :  DEÏ  DONVIVI.  Ces  armes  se  trouvent  gravées  sur 
un  sceau  de  Dundee  qui  porte  comme  exergue  :  SIGILLVM. 
SECRETVM.  OPPIDI.  DE.  DVNDIE.  — Parmi  les  célébrités 
nées  à  Dundee,  nous  nommerons  Hector  Boece  (Bœtius), 
né  en  1465;  John  et  Robert  Wedderburn,  auteurs  du  livre 
Gude  and  Godlie  Ballatis,  publié  en  1578;  S.-G.  Mac- 
kensie,  célèbre  jurisconsulte  ;  James  Ivory,  mathématicien, 
né  en  1765;  D^  Dick,  auteur  de  The  Christian  Philo- 
sopher; le  père  de  Thomas  iïood;  Robert  Nicoll,  surnommé 
le  second  Burns  de  l'Ecosse,  et  William  Thom,  poète,  dont 
le  tombeau  a  été  élevé  par  souscription  publique  dans  le 
cimetière  de  l'Ouest. 

HisTomE.  —  L'origine  du  nom  de  Dundee  n'est  nulle- 
ment établie  ;  les  uns  la  cherchent  dans  Dun  Dhia  (colline 
de  Dieu),  d'autres  dans  Du7i  Taw  (colline  ou  fort  sur  la 
Tay).  Elle  aurait  aussi  été  appelée  Alectum,  ce  qui  n'est 
pas  prouvé.  Le  premier  document  daté  est  une  charte  de 
donation  faite  en  1200  par  le  comte  de  Huntington,  dans 
laquelle  il  désigne  déjà  cette  cité  sous  le  nom  de  Dunde. 
Cette  cité  a  été  érigée  en  bourg  royal  par  Guillaume  le  Lion, 
et,  par  sa  position  et  son  action,  a  toujours  joué  un  rôle 
important  dans  l'histoire  de  l'Ecosse.  Wallace  y  fut  élevé 
et  c'est  de  là  qu'il  porta  les  premiers  coups  à  FAngleterre. 
Les  Anglais  s'en  emparèrent  deux  fois  sous  Edouard  P^ 
puis  encore  sous  Richard  II  et  Edouard  VI.  En  1645,  le 
marquis  de  Montrose  la  prit  d'assaut  et  la  brûla;  Monk 
massacra  une  partie  de  ses  habitants  en  1651,  après  une 
vive  résistance.  Dundee  fut  la  première  ville  de  l'Ecosse 
qui  adopta  la  Réforme.  A.  Maire. 

DUNDEE  (Vicomte  John)  (V.  Graham  [John]). 

DUN  DONALD  (V.  Cochrane  [Thomas]). 

DUNDREMAN  (Lord  Thomas)  (V.  Maitland  [Thomas]). 

DUNDRUM  (Baie  de).  Baie  des  côtes  orientales  d'Ir- 
lande, comté  de  Dovvn,  au  S.  de  Downpatrick. 

DUN  EAU.  Corn,  du  dép.  de  la  Sarthe,  arr.  de  Mamers, 
cant.  de  Tuffé  ;  628  hab.  Monuments  mégalithiques.  On 
remarque  dans  l'église  la  curieuse  pierre  tombale  de  Ca- 
therine d'Ilhers  (1416). 

DUN  EDI  N.  Ville  de  la  Nouvelle-Zélande,  ch.-l.  de  la 
prov.  d'Otai;o,  au  S.-E.  de  l'ile  méridionale;  50,000  hab. 
avec  son  port  [Port  Chalmers  à  15  kil.).  Fondée  par  la 


New  Zeeland  Company  en  1848,  elle  s'est  rapidement 
développée.  En  1861,  on  découvrit  dans  le  voisinage  des 
placer  s  aurifères.  Le  progrès  a  continué  depuis  lors  et 
Dunedin  est  devenu  le  plus  grand  centre  commercial  de  la 
Nouvelle-Zélande.  Le  mouvement  des  échanges  dépassait 
110  miUions  en  1883  ;  la  flotte  du  port  était  de  108  navires 
(1^9,600  tonneaux)  ;  le  mouvement  de  819  navires  et 
250,000  tonneaux.  Des  communications  régulières  ont  lieu 
avec  Melbourne  et  avec  les  autres  ports  néo-zélandais. 
Cette  ville  neuve  a  plus  de  douze  églises,  six  ou  sept 
banques,  deux  théâtres,  une  université,  un  beau  jardin 
botanique  ;  un  évêque  anglican  et  un  évêque  catholique. 

DUNES.  Les  dunes  les  plus  connues  sont  celles  que  lé 
vent  amoncelle  le  long  des  rivages  maritimes  ;  toutefois,  les 
plus  considérables  paraissent  être  celles  qui  sont  formées 
dans  les  déserts  où  les  agents  atmosphériques  désagrègent  le 
sol  et  fournissent  au  vent  des  masses  de  sables  et  de  débris 
encore  plus  considérables.  Telles  sont  les  grandes  dunes  ou 
Erg  du  Sahara  (V.  Afrique,  Désert,  Sahara),  celles  du 
sud  de  l'Algérie  ou  du  désert  de  Libye  ;  on  en  retrouve  dans 
les  autres  déserts,  en  particulier  dans  celui  de  Gobi,  et, 
sur  une  moindre  échelle,  en  Europe,  dans  le  Banat  et  dans 
la  plaine  de  l'Allemagne  du  Nord.  Les  dunes  maritimes  se 
trouvent  le  long  de  la  mer  Baltique,  sur  les  rivages  méri- 
dionaux russe  et  prussien,  dans  la  presqu'île  danoise,  dans 
les  îles  de  Sylt,  Fœhr,  Helgoland,  Nordernay,  Borkum,  sur 
la  côte  occidentale  de  France  ;  hors  d'Europe,  sur  les  côtes 
d'Egypte,  sur  les  côtes  occidentales  d'Afrique,  sur  les  côtes 
méridionales  d'Austrahe,  en  Floride,  etc. 

Les  dunes  se  forment  près  de  la  mer  par  l'action  du 
vent  sur  les  sables  du  rivage;  quand  ce  sable  est  sec  et 
fin,  le  vent  violent  venant  du  large,  un  nuage  de  sable 
est  poussé  vers  l'intérieur  des  terres.  Ce  sable  forme  des 
monticules,  qui  alors  constituent  jusqu'à  un  certain  point 
une  défense  contre  l'entraînement  des  matières  de  la  plage  ; 
mais  le  sable  qui  les  forme  est  pourtant  emporté  par  le 
vent,  et  le  rideau  de  dunes  qui  s'est  formé  le  long  de  la 
mer  s'avance  dans  les  terres.  Suivant  l'état  du  sable,  ce 
phénomène  est  plus  ou  moins  rapide,  ou  même  ne  tarde 
pas  à  s'arrêter, 

La  hauteur  des  dunes  est  couramment  de  10  à  15  m., 
souvent  de  30  à  40  ;  on  en  cite  de  plus  de  100,  de  180  m. 
Leur  structure  générale  est  sensiblement  la  même  ;  ce  sont 


plus  vers  la  lerre.  Les  grams 
de  sable  abandonnés  par  le  reflux  sont  entraînés  parle  vent 
qui  les  amoncelle  jusqu'à  ce  qu'ils  redescendent  abandonnés 
à  leur  propre  poids.  Une  des  formations  typiques  comporte 
trois  rangées  parallèles  et  successives  de  dunes  :  la  ligne 
maritime  ;  la  ligne  médiane  plus  haute  que  la  précédente  de 
qui  elle  reçoit  ses  matériaux  ;  la  ligne  intérieure  plus  basse. 
Tant  que  le  sable  de  la  dune  n'est  pas  fixé  par  la  végé- 
tation, il  est  essentiellement  mobile  et  la  dune  se  déplace 
ou  se  modifie  incessamment.  Elle  progresse  vers  l'intérieur 
des  terres  ou  bien,  dans  les  parages  où  la  mer  recule,  il  se 
forme  sans  cesse  de  nouvelles  dunes  du  côté  maritime.  La 
marche  des  dunes  varie  selon  les  lieux.  Dans  l'île  de  Sylt, 
elles  s'avancent  de  4  à  5  m.  par  an;  de  4  à  7  m.  à  la 
Frische  Nehrung,  en  Prusse  ;  de  plus  de  7  m.  (depuis 
1666)  en  Bretagne,  aux  alentours  de  Saint-Pol-de-Léon, 
elles  ont  dévoré  déjà  plusieurs  villages  dont  seuls  les  clo- 
chers émergent  encore.  Les  grandes  dunes  d'Allemagne 
sont  celles  delà  Kurische Nehrung,  hautes  de  37  à  63  m. 
qui  s'avancent  de  la  mer  vers  la  lagune  avec  une  vitesse 
moyenne  de  5"^50  par  an  et  ont  déjà  enseveli  six  villages, 
et  d'ici  deux  à  cinq  siècles  auront  comblé  la  lagune.  Les 
dunes  du  Sahara,  du  désert  de  Gobi,  celle  des  côtes  orien- 
tales de  la  mer  Caspienne  ont  submergé  de  vastes  surfaces 
cultivées  autrefois.  —  Les  dunes  arrêtant  l'écoulement  des 
eaux  intérieures,  on  trouve  également  à  leur  pied  une  zone 
de  marécages,  d'étangs,  de  tourbières.  La  flore  propre  des  "^ 
dunes  est  très  pauvre  (Aruhdo  arenaria,  Arundo  bal- 


DLNES  —  DUNFERMLINE 


—  64  — 


tica,  Elymus  arenarius,  Triticiim  pinceum,  Carex 
arenaria,  etc.).  Depuis  un  siècle  on  a  entrepris  des  travaux 
méthodiques  pour  la  consolidation  et  la  fixation  des  dunes 
au  moyen  de  plantations.  A  ce  point  de  vue  comme  aux 
autres,  les  dunes  classiques  sont  celles  du  golfe  de  Gascogne 
(V.  Landes  [Dép.]. 

Il  existe  des  dunes,  en  France,  près  de  Boulogne,  dans 
les  dép.  de  la  Manche,  du  Finistère,  de  la  Loire-Infé- 
rieure,  de  la  Yendée,  de  la   Charente-Inférieure,   de  la 
Gironde,  des  Landes  et  de  THérault;  elles  occupent  en- 
viron 110, 000  hect.  Les   dunes  sont  formées  de  sable 
calcaire  en  Normandie,  d\in  mélange  de  calcaire  et  de 
silice  en  Bretagne  (surtout  siliceux),  de  69  ''^'o  de  silice, 
1  12  de  calcaire  et  29  4  2  de  matières  organiques  et 
diverses  en  Saintonge.  Dans  les  Landes,  on  ne  trouve  que 
du  quartz,  du  mica,  un  peu  de  fer,  des  traces  de  coquilles. 
Les  diôérences  de  composition  sont  indiquées  par  A.  Durand- 
Claye,  dans  son  Cours  d'hydraulique  agricole,  comme 
la  cause  des  variations  dans  les  essences  choisies  pour  la 
fixation  des  dunes.  Dans  les  Landes,  il  faut  des  espèces 
silicicoles    (pin  maritime);   en  Normandie,  des  espèces 
calcaires    (peuplier  blanc,  céréales,  légumes).   «  Le  pin 
maritime  trouve  dans  la  quantité  inappréciable  de  chaux 
que  contiennent  les  sables,  la  quantité  qui  lui  est  néces- 
saire. Dans  la  tige,  la  chaux  forme  pourtant  20  à  40  ^/o 
de  cendres;  le  même  fait  se  produit  pour  Facide  phospho- 
rique,  qui  forme  de  5  à   16  %  de  cendres.  »   Dans  les 
terrains  trop  calcaires,  le  pin  maritime  pousse  mal.  Dans 
les  Landes  les  dunes  qui  n'ont  été  que  récemment  entravées 
dans  leur  marche  par  des  travaux  appropriés,  forment,  en 
épaisseur  perpendiculaire  à  la  côte,  des  séries  de  collines 
occupant  plusieurs  kilomètres,  et  s'élevant  parfois  à  80, 
90  m.  au-dessus  du  niveau  de  la  mer.  Comme  on  l'a  remar- 
qué les   coUines  les  plus  hautes  sont  au  centre,   et  en 
plan  elles  sont  disposées  en  quinconce.  L'écoulement  des 
eaux  douces  se  trouve  arrêté,  et  il  se  forme  des  étangs 
à  la  limite  des   dunes,  côté  de  terre.  Brémontier,  à  la 
fin  du  xvni^  siècle,  ayant  remarqué  que  les  dunes  fixes 
étaient  couvertes  de   végétation,  essaya  sur  les  autres 
des  semis  protégés.  Les  hgnes  de  protection  consistaient 
d'abord  en  piquets  clayonnés,  puis  en   palissades,    en 
madriers  ou  planches.  On  établit  aussi  des  cordons  de 
défense  formés  de  deux  lignes  de  branches  fichées  dans  le 
sol,  inclinées  à  45°  de  FO.  vers  FE.  sur  deux  rangs  à 
0"*25  Fun  de  l'autre,  avec  des  branches  garnissant  l'inter- 
valle. On  sème  sur  les  dunes  des  graines  de  pin,  de  genêt 
ou  d'ajonc  et  l'on  recouvre  le  semis  de  fagots.  On  plante 
des  gourbets  dans  la  partie  la  plus  voisine  de  la  mer.  Des 
résultats  favorables  et  économiques  ont  été   obtenus  en 
plantant  des  touffes  de  genêt,  de  bruyères  ou  de  branches 
de  pin  sur  des  Hgnes  régulières,  distantes  de  0,50,  entre 
lesquelles  le  semis  prospère.  L'hectare  protégé  coûte  de 
dOO  à  450  fr.  dans  les  dunes  de  Gascogne  (V.  Landes).  A 
la  Société  d'acclimatation,  en  4882,  M.  Adam  a  donné  des 
renseignements  complets  sur  ses  travaux  dans  les  dunes  des 
environs  de  Boulogne  ;  c'est  le  document  le  plus  instructif 
qui  existe  sur  la  matière. 

BiBL.  :  Outre  le  mémoire  de  M.  Adam  qui  vient  d'être 
cité,  V.  Lefort,  Fi.Ta/fo/'idc8di(nes,  dans  les  Annales  des 
ponts  et  chaussées  de  1831.  —  Brémontier,  Dîmes  entre 
Bayonne  et  la  j^ointe  de  Grave  (même  recueil),  1833.  — 
Laval,  Fixation  des  dunes  (fd.),  1847.  —  Clavenad,  les 
Dunes  du  Sahara  (id.),  1881.  —  Le  mémoire  cité  de  Brémon- 
tier est  la  seconde  édition  d'une  brochure  parue  en  Tan  V; 
Paris,  imprimerie  de  la  République.—  Hartig,  Ueber  Bil- 
dung  und  Befestigung  der  Dunen;  Berlin,  1830.  —  Bai - 
DissiN,  Bericht  iïber  die  Dunen  der  Insel  Sylt  ;  Flensburg, 
;ISG5.  —  Keller,  Gestaltung  der  Sand\^usten,  dans  Zeit- 
sdirift  fur  Bauvvescn,  1881.' 

DUNES.  Com.  du  dép.  du  Tarn-et-Garonne,  arr.  de 
Moissac,  cant.  d'Auvillar  ;  4,443  hab.  Ruines  d'un  châ- 
teau de  templiers  ;  on  y  voit  une  tour  carrée  munie  de 
meurtrières  et  de  mâchicoulis. 
DUNES  (Angleterre)  (V.  Downs). 
DUNES  (Bataille  des).  4«  Victoire  remportée  par 
Turenne,  le  44  juin   4658,  sur  les  troupes  espagnoles 


parmi  lesquelles  servait  alors  le  prince  de  Gondé.  Le  combat 
eut  lieu  près  des  dunes  de  Flandre,  entre  Nieuport  et 
Dunkerque.  —  2^  Victoire  navale  remportée  par  Tromp 
en  4639  sur  les  Espagnols  en  vue  de  Dunkerque.  — 
3«  Combat  livré  par  Jean  Bart  en  4696  au  convoi  anglo- 
hollandais  qui  escortait  une  flotte  de  commerce  en  vue 
des  dunes  de  l^landre. 

DUNET.  Com.  du  dép.  de  l'Indre,  arr.  du  Blanc,  cant. 
de  Soint-Benoît-du-Sault;  442  hab. 

D  U  N  ETTE  (Mar.).  Pont  léger  construit  à  l'arrière  desbàti- 
m.ents,  destiné  à  servir  de  logement  à  l'amiral  ou  au  com- 
mandant du  navire  selon  le  cas.  Autrefois,  on  en  donnait 
la  définition  suivante  :  «  C'est  le  plus  haut  de  la  poupe  du 
navire;  là  est  la  chambre  du  maître  pilote  qui  découvre  de 
loing  les  dunes,  d'où  luy  vient  ce  nom.  »  M.  Jal  croit  poiir- 
tant'que  la  dunette  tire  son  nom  de  ce  qu'elle  est  une  élé- 
vation au-dessus  du  pont,  une  petite  dune  (anglo-saxon 
dun).  Sur  les  bâtiments  en  bois,  on  établissait  la  dunette 
sur  le  prolongement  des  allonges  des  couples  de  Tarrière. 
Le  tout,  n'ayant  aucun  effort  à  supporter,  est  d'une  cons- 
truction beaucoup  plus  légère  que  les  autres  parties 
du  bâtiment.  Par  suite,  les  baux,  barrotins  et  traver- 
sins ont  des  dimensions  beaucoup  plus  faibles  que  ceux  des 
ponts. 

DUNEWALD  (Johann-Heinrich,  comte  de),  général  au- 
trichien, né  à  Dunewald  (comté  de  Berg)  en  4620,  mort 
à  Essek  le  31  août  4694.  Entré  au  service  del'empereur, 
il  se  distingua  à  la  bataille  de  Raab  (4664),  reçut  le  com- 
mandement d'un  régiment  de  cuirassiers,  combattit  sous 
Montecuculli  contre  les  Français,  reçut  le  titre  de  comte 
(4675)  et  fut  promu  feld-maréchal.  On  le  trouve  en  4683 
devant  Vienne;  en  4684,  il  bat  les  Turcs  à  Backan,  figure 
à  la  bataille  de  Gran  en  4685,  détruit  le  44  août  1686 
l'armée  turque  qui  venait  débloquer  Ofen.  Après  la  victoire 
de  Mohacs,  il  conquit  la  Slavonie.  En  4688,  il  couvrit  le 
siège  de  Belgrade.  En  4689,  il  débloqua  Heidelberg.  En 
4694,  il  contribua  à  la  victoire  de  Salankemen,  malgré 
son  antipathie  pour  le  margrave  Louis  de  Bade. 

DUNFERMLINE.  Ville  d'Ecosse,  comté  de  Info; 
47,058  hab.  Située  sur  une  colline  de  400  m,  de  haut,  eMe 
a  assez  grand  air.  Elle  produit  beaucoup  de  toile  de  lin  et 
de  damassés  renommés  depuis  un  siècle.  C'est  un  marché 
agricole  ;  des  mines  de  houille  et  des  établissements  métal- 
lurgiques se  trouvent  dans  le  voisinage.  Dunfermline  est 
une  des  villes  historiques  d'Ecosse.  Vers  4070,  le  roi  Mal- 
colm  Canmore  et  sa  femme  sainte  Marguerite  y  fondèrent 
une  abbaye  de  bénédictins  appelés  de  Canterbury.  Cette 
abbave  acquit  une  grande  prospérité.  En  4303-4304, 
Edouard  P^^  y  hiverna.  Là  furent  enterrés  les  rois  Malcolm 
Canmore  et  sa  femme,  Edgar,  Alexandre  I^^  David  P^ 
Malcolm  the  Maiden,  Alexandre  III,  Robert  Bruce  et  sa 
femme  Elisabeth,  son  neveu  Randolph,  la  reine  Annabella, 
le  duc  d'Albanv,  régent  d'Ecosse.  On  a  retrouvé  en  4824 
la  tombe  de  Robert  Bruce.  Les  ruines  de  l'abbaye  sont 
considérables  ;  le  réfectoire  subsiste,  ainsi  qu'une  tour  et 
que  l'église  bâtie  en  4450  en  style  roman;  le  chœur  go- 
thique (4250)  a  été  démoli  en  ce  siècle  (4848-4824).  Si- 
gnalons aussi  les  ruines  du  palais  des  Stuarts  dont  la 
muraille  méridionale  domine  la  gorge  de  Pittencrieff  ;  dans 
ce  palais  naquirent  les  rois  David  II,  Jacques  L^  (d'Ecosse), 
Charles  P^'  ;  c'est  là  que  Charles  II  souscrivit  le  Covenant 
en  1650.  Dans  les  temps  modernes,  c'est  à  Dunfermline 
que  Ralph  Erskine  et  Thomas  Gillespie  fondèrent  les  sectes 
des  Seceders  et  Relief  bodies,  aujourd'hui  réunies  (Pres- 
bytériens unis). 

DUNFERMLINE  (James  Abercromby,  baron),  né  le 
7  nov.  4776,  mort  le  47  avr.  4858,  fils  de  sir  Ralph 
Abercromby  (V.  ce  nom). Député  au  Parlement  (4807),  il 
se  rattacha  aux  vvhigs,  fit  partie  du  cabinet  Melbourne 
(4834)  et  nommé  speaker  de  la  Chambre  des  communes 
(4835-4839),  puis  baron  de  Dunfermline,  ce  qui  le  fit  en- 
trer à  la  Chambre  des  lords. 

DUNFERMLINE  (Ralph  Abhrcromby,  baron  de),  né  le 


65 


DUNFERMLINE  —  DUNIN 


6  avr.  1803,  mort  le  12  juil.  1868,  fils  du  précédent,  fut 
ministre  d'Angleterre  à  Turin  de  1836  à  1851. 

DUNG  (MétroL).  Poids  de  0^^815,  usité  en  Perse. 

DUNG.  Com.  du  dép.  du  Doubs,  arr.  et  cant.  de 
Montbéliard;  397  hab. 

DU NGAL,  écrivain  ecclésiastique  du  ix®  siècle,  auteur 
d'un  écrit  polémique,  Responsa co7itr a  per versas  Claudii 
sententias  (édité  parPap.  Masson  à  Paris,  1608,  in-8,  et 
dans  la  Maxima  Biblioth.  Patrum,t.  XIV),  adressé  vers 
828  à  Louis  le  Débonnaire  et  à  son  fils  Lothaire,  contre 
Claude  de  Turin  (V.  ce  nom).  Dungal  se  fait  l'avocat  du 
culte  des  saints  et  des  reliques,  mais  avec  certaines  réserves 
importantes  et  intéressantes  parce  qu'elles  représentent 
l'opinion  moyenne  de  l'Eglise  franque.  Un  décret  de  Lo- 
thaire de  823  nomme  un  certain  Dungal,  maître  de  l'école 
de  Pavie,  qui  pourrait  bien  être  Fauteur  des  Responsa. 
V Histoire  littéraire  de  la  France  (t.  IV,  pp.  493  et 
suiv.)  les  attribue  avec  moins  de  raison  à  un  moine  des 
environs  de  l'abbaye  de  Saint-Denis,  qui  paraît  plutôt 
avoir  écrit  une  Epître  à  Charlemagne  (d'Achery,  Spici- 
legium,  t.  III,  pp.  324  et  suiv.)  et  quelques  vers  latins 
(dans  Martène  et  Durand,  Amplissima  Coll.,  t.  VI, 
pp.  811  et  suiv.).  F.-H.  K. 

DUNGANNON.  Ville  d'Irlande,  comté  de  Tyrone  (Uls- 
ter),  à  6  kil.  du  Lough  Neagh,  près  d'un  affluent  du  Black- 
water  ;  4,084  hab.  (1881)  ;  toiles  de  lin,  poteries  d'argile. 
Ce  fut  la  résidence  des  O'Neill,  rois  de  l'Ulster  (jusqu'en 
1607).  Le  château  fut  rasé  par  les  parlementaires  en  1641. 

DUNGANNON  (Vicomte)  (V.  Trevor  [Arthur  Hill)]. 

DUNGARVAN.  Ville  maritime  d'Irlande,  comté  de  Wa- 
terford  ;  7,377  hab.  La  pêche  et  le  cabotage  sont  la  grande 
occupation  des  habitants;  le  port  reçoit"  les  navires  de 
250  tonnes.  La  ville  s'est  formée  autour  d'une  abbaye 
d'augustiniens  fondée  au  vu®  siècle  par  saint  Garvan.  Du 
château  et  des  remparts  bâtis  par  le  roi  Jean,  il  subsiste 
des  restes. 

DUNGENESS.  Cap  d'Angleterre,  sur  le  Pas  de  Calais, 
en  face  de  Boulogne,  par  50»  55'  lat.  N.  Phare. 

DUNGIYAH  (Mar.).  Petit  bateau  arabe  utilisé  au  cabo- 
tage, dans  les  parages  du  golfe  Persique.  Il  est  très  large 
avec  les  extrémités  fines  et  pointues.  Les  plus  grands  ont 
deux  mâts,  le  plus  petit  placé  sur  l'avant;  ils  portent  des 
voiles  trapézoïdales,  qui  s'enverguent  sur  des  antennes  fort 
lourdes,  analogues  à  celles  des  tartanes  méditerranéennes. 
Le  dungiyah  est  pourvu  d'avirons  grossièrement  travaillés 
dont  on  se  sert  en  temps  calme.  Si  Ton  en  croit  la  lé- 
gende, ce  genre  de  bateau  remonte  au  temps  d'Alexandre 
le  Grand. 

DUNGLISON  (Robley),  médecin  anglais,  né  à  Keswick 
(Cumberland)  le  4  janv.  1798,  mort  à  New-York  le 
1^^  avr.  1869.  Il  était  professeur  à  l'Université  de  Virginie, 
de  Maryland,  puis  au  Jefferson  Collège  de  New-ïork  qu'il 
contribua  à  développer.  Il  se  retira  en  d868  avec  le  titre 
de  professeur  émérite  d'institutions  médicales  et  de  méde- 
cine légale.  Entre  autres  ouvrages,  il  a  publié  :  A  New 
Dictionary  of  médical  science,  etc.  (Boston,  1833,  2  vol. 
in-8  ;  1874,  in-8)  ;  Human  Physiology  (Philadelphie, 
1832,  2  vol.  in-8;  8«  édit.,  1856)  ;  The  Practice  of  me- 
dicine  (Philadelphie,  1842,  2  vol.  in-8)  ;  History  ofme- 
dicine,  etc.  (Philadelphie,  d  872,  in-8).  D^'  L.  Hn. 

DUNHAM  (Samuel-Astley) ,  historien  anglais,  mort  en 
1858.  Il  a  publié  un  grand  nombre  d'ouvrages  de  seconde 
main  et  de  second  ordre  dans  la  Cabinet  cyclopedia  de 
Lardner.  Il  était  lié  avec  Southey,  qui  trouvait  «  merveil- 
leuse »  sa  connaissance  du  moyen  âge,  et  avecLingard.  Son 
meilleur  livre  est  A  History  of  Spain  and  Portuaal 
(1832-33),  5  vol.  in-8. 

DU  NI  (Egido-Romoaldo),  compositeur  d'opéras,  né  à 
Matera  (Deux-Siciles)  le  9  févr.  1709,  mort  à  Paris  le 
11  juin  1775.  Il  travailla  avec  Durante.  Ses  études  accom- 
plies, il  se  rendit  à  Rome  et  y  fit  représenter  un  Nerone, 
écrit  en  concurrence  avec  Pergolèse,  qui  remporta  un  moins 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —  XV. 


grand  succès  que  lui,  malgré  la  supériorité  incontestée  de 
son  œuvre.  Chargé  par  la  papauté  d'une  mission  à  Vienne, 
il  profita  de  l'occasion  qui  lui  était  offerte  et  fit  représenter 
de  ses  ouvrages  dans  cette  ville.  Revenu  en  Italie,  il  donna 
à  Naples  un  Artaxercès,  qui  eut  du  succès.  Il  se  rendit 
ensuite  à  Venise,  à  Paris,  à  Londres  et  en  Hollande.  Nom- 
mé professeur  de  musique  à  la  cour  de  Parme,  il  revint 
en  Italie  et  s'essaya  dans  la  composition  d'opéras  français, 
où  il  excella  depuis.  Ses  débuts  furent  heureux  et  les  com- 
mandes lui  arrivèrent.  En  1757,  il  revint  à  Paris,  s'y 
fixa  et  y  fit  représenter  dix-huit  ouvrages,  qui  tous  eurent 
du  succès.  La  musique  de  Duni  est  facile,  essentiellement 
mélodique,  dans  le  genre  de  celle  de  Pergolèse,  mais  bien 
inférieure  à  cette  dernière.  Fétis  donne  la  liste  complète  de 
tous  ses  ouvrages. 

DU  NI  ÈRES.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Loire,  arr. 
d'Yssingeaux,  cant.  de  Montfaucon,  sur  la  Dunières; 
2,973  hab.  Moulinage  de  soies.  Fabrique  de  rubans  et  de 
velours.  Vestiges  d'une  voie  antique  au  lieu  dit  le  Pont- 
Romain,  sur  la  Dunières.  Eglise  romane  du  xv«  siècle 
conservant  de  curieux  chapiteaux.  Le  village  est  dominé  par 
les  ruines  de  deux  anciens  châteaux,  Dunières-la-Roue, 
aménagé  pour  l'habitation  de  religieuses,  et,  sur  un  rocher, 
Dunières-Joyeuse,  avec  une  tour  très  élevée. 

DUNIN.  Grande  famille  polonaise,  déjà  citée  au  xii^ siècle. 
Ses  membres  les  plus  remarquables  ont  été  :  Pierre  Dunin, 
mort  vers  1480,  burgrave  du  château  de  Cracovie  et  maré- 
chal, qui  remporta  diverses  victoires  contre  l'ordre  des 
chevahers  teutoniques,  et  l'archevêque  Dunin  (V.  ci-des- 
sous). 

DUNIN  (Martin  de),  archevêque  de  Gnésen-Posen,  né 
à  Wal,  près  de  Kava  (Pologne),  le  11  nov.  1774,  mort  à 
Posen  le  26  déc.  1842.  Il  fit  ses  études  au  Collège  ger- 
manique à  Rome  et  fut  prêtre  en  Pologne.  L'archevêque 
Wolicki  le  prit  pour  coadjuteur;  en  1829,  il  fut  nommé 
administrateur  du  diocèse  de  Gnésen-Posen  ;  enfin  il  fut 
intronisé  archevêque  en  1831.  H  appartient  à  l'histoire 
par  le  rôle  qu'il  a  joué  comme  champion  de  l'ultramonta- 
nisme  dans  les  controverses  prussiennes  au  sujet  des  ma- 
riages mixtes.  Un  traité  conclu  à  Varsovie  le  13/24  févr. 
d  768  entre  la  Pologne,  la  Russie,  la  Prusse,  le  Danemark, 
l'Angleterre  et  la  Suède  avait  décidé  que  les  mariages 
mixtes  seraient  autorisés,  que  les  fils  suivraient  la  religion 
du  père,  les  filles  celle  de  la  mère,  et  que  le  ministre  de 
la  religion  de  la  fiancée  bénirait  le  mariage.  Lors  du  dé- 
membrement de  la  Pologne,  ces  clauses  furent  confirmées 
expressément  par  une  loi  prussienne  et  le  clergé  s'y  con- 
forma sans  protestation,  malgré  leur  contradiction  formelle 
avec  les  principes  du  droit  canonique.  Le  25  mars  1830, 
Pie  VHI  pubha  son  fameux  bref  sur  les  mariages  mixtes, 
qui  souleva  l'affaire  de  Mgr  Droste  de  Vischering.  Encou- 
ragé par  la  résistance  de  l'archevêque  de  Cologne,  Mgr 
Dunin,  n'obtenant  aucune  modification  de  la  loi  de  la  part 
du  gouvernement  ni  aucune  dispense  de  Rome,  adressa 
deux  circulaires  à  son  clergé,  sous  les  dates  du  30  janv.  et 
du  27  févr.  d838;  dans  ces  lettres,  il  menace  de  sus- 
pendre tout  prêtre  qui  bénirait  un  mariage  mixte  sans 
avoir  reçu  la  promesse  que  tous  les  enfants  seraient  élevés 
dans  la  religion  catholique.  Après  des  négociations  infruc- 
tueuses entamées  par  le  roi  avec  l'archevêque,  la  cour 
d'appel  de  Posen  condamna  Mgr  Dunin  à  six  mois  de  for- 
teresse et  à  la  destitution  (avr.  1 839) .  Frédéric-Guillaume  III 
supprima  la  forteresse ,  mais  interna  le  prélat  à  Berlin  ; 
quand,  le  3  oct.  1839,  l'archevêque  destitué  quitta  la 
capitale  sans  autorisation  pour  reprendre  ses  fonctions,  il 
fut  emprisonné  à  Colberg.  L'avènement  de  Frédéric- 
Guillaume  IV  (7  juin  1840)  marqua  le  triomphe  du  parti 
ultramontain.  Mgr  Dunin  fut  réintégré  dans  sa  charge,  sous 
certaines  promesses  dont  le  résultat" a  été  la  victoire  décisive 
de  la  cour  de  Rome  sur  l'Etat  prussien.     F.-H.  Kruger. 

BiBL.  :  RiNTEL,  Vertlieidigung  des  Erzbischofs  von 
Gnesen  und  Posen;  Wurzbourg,  1839,  in-8.  —  Pohl 
Martin  von  Dunin;  Marienbourg,  1843,  in-8.  ' 


DUNITE  -  DUNKERQUE 


--  m  - 


DUNITE  (Miner.).  M.  de  Hochstetter,  dans  sa  relation 
du  Yoyage  de  la  Novara,  a  décrit  sous  ce  nom  une  péri- 
dolite,  exclusivement  formée  de  péridot  et  de  fer  chromé, 
encaissée  en  Nouvelle-Zélande,  dans  une  immense  veme 
de  serpentine.  Depuis,  l'abbé  Renard  (A7in.  Soc.  belge 
de  microscopie,  1882)  a  signalé  qu'une  pareille  roche, 
cette  fois  isolée,  formait  dans  son  entier  le  recif  de 
Saint-Paul  (Atlantique  équatorial).  Le  fait  le  plus  inté- 
ressant, c'est  que  la  météorite  tombée  à  Chassigny  (Haute- 
Marne)  le  3  oct.  1845ofîre  avec  une  composition  identique 
tous  les  caractères  de  la  dunite  de  la  Nouvelle-Zélande.  En 
désignant  sous  le  nom  de  chassignite  cette  météorite 
essentiellement  formée  d'un  silicate  franchement  magné- 
sien, M.  Daubrée  (Géologie  expérimentale,  pp.  500  et 
suiv.)  n'a  pas  marqué  qu'elle  fournissait  un  nouvel  et  très 
remarquable  exemple  de  la  grande  analogie  qui  s'introduit 
entre  la  composition  des  pierres  tombées  du  ciel  et  celle 
des  roches  basiques  terrestres.  Ch.  Vélain. 

DUNK  (George  Montague),  deuxième  comte  d'HALiFAx, 
né  en  1716,  mort  en  1771.  Il  prit  le  nom  de  Dunk  en 
épousant  la  très  riche  héritière  d'une  grande  famille  de 
drapiers  du  Kent,  les  Dunk  (1741).  Il  occupa  de  très  hautes 
situations  :  7naster  ofthe  buckhounds  sous  le  ministère 
Pelham  (1744),  lieutenant  général  (1759),  sans  avoir 
jamais  vu  l'ennemi,  chief  justice  ineyre  des  forêts  et  des 
parcs  au  S.  du  Trent,  chef  du  Board  of  trade,  etc.  En 
qualité  de  chef  du  Board  of  trade,  il  fit  tous  ses  eflorts 
pour  s'attribuer  le  gouvernement  des  choses  de  l'Inde, 
c.-à-d.,  suivant  l'expression  de  Walpole,  «  le  secrétariat 
d'Etat  du  quart  du  monde  habité  ».  Lord  lieutenant  d'Ir- 
lande en  1761,  premier  lord  de  l'amirauté  en  1762,  très 
populaire  dans  la  classe  marchande,  il  fut  secrétaire  d'Etat 
dans  les  ministères  de  lord  Bute  et  de  George  Grenville.  Il 
occupa  de  nouveau  cette  position,  quoique  à  peu  près  ruiné 
et  malgré  le  scandale  du  procès  Wilkes  (V.  ce  nom),  dans 
le  ministère  de  lord  North  (1770).  Vers  la  fin  de  sa  vie,  il 
commit  nombre  d'extravagances.  Sa  liaison  avec  une  actrice 
de  Drury  Lane,  Mary-Anne  Faulkner,  fut  scandaleuse.  Il 
dépensa,  dit-on,  150,000  1.  st.  pour  la  lutte  électorale 
de  1768  dans  le  seul  bourg  de  Northampton.  Il  est  vrai 
que  deux  autres  pairs,  ses  concurrents,  Northampton  et 
Spencer,  dépensèrent  chacun  autant.  Ch.-V.  L. 

DUNKARTON  (Robert),  peintre  et  graveur  anglais,  ne 
à  Londres  en  1744,  mort  vers  la  fin  du  xviu^  siècle.  Il  a 
laissé  quelques  bons  portraits  gravés  en  manière  noire. 

DUNKELBERG   (Wilhelm-Friedrich) ,   agronome  alle- 
mand, né  à  Schaumbourg  le  4  mai  1819.  Elève  de  Frese- 
nius,  professeur  à  Poppelsdorf  et  à  Ilof  Geissberg,  il  a  di- 
rigé l'agronomie  de  la  province  de  Nassau,  en  particulier 
l'amélioration  du  Westerwald,  étudié  celle  des  Petites  Car- 
pates,  etc.  Parmi  ses  ouvrages,  nous  citerons  :  Die  Land- 
wirtschaft  und  das  Kapital  (AViesbaden,  1860);  Kul- 
tiirtechnische  Skizzen  ilber  meine  Bereisung  Tirols 
(Innsbruck,  1871),  complété  l'année  suivante  ;  Der  Wie- 
senbau  in  seinen  landwirstschaftlichen  und  technis- 
chen  Grundzilgen  (Brunswick,  1865;  2«éd.,  1877)  ;Die 
Technik  der  Beriesehmg  mit  stadtischem  Kanalwasser 
(Bonn,  1876)  ;  Die  Schiffartskanœle  in  ihrer  Bedeu- 
tung  filr  die  Landesmelioration  (Bonn,  1877)  ;  Die 
Kulturtechnik  in  ihrer  systematischen  Anwendung 
aujf  Vorarlberg  vnd  die  Melioration  seiner  Bheinebene 
(Bonn,  1878)  ;  Encyklopddie  und  Méthodologie  der  Kul- 
turtechnik (Brunswick,  1883,  2  vol.).  De  1868  à  1870, 
il  a  publié  à  Brunswick  une  revue,  Der  Kultur ingénieur. 
DUNKELD.  Bourg  d'Ecosse,  comté  de  Perth,  sur  la  rive 
gauche  du  Tay;  768  hab.  Il  est  situé  au  débouché  du 
défilé  de  Birnam,  qui  donne  accès  aux  Highburds,  près 
de  l'ancienne  forêt  (à  5  kil.  au  S.)  célébrée  par  Shakespeare 
(dans  Macbeth),  dans  une  région  accidentée  et  pittoresque 
où  le  duc  d'Athol  a  un  beau  parc.  Dunkeld  fut,  dit-on,  une 
capitale  des  rois  pietés;  de  1127  à  1688,  ce  fut  un  évéché. 
On  y  remarque  les  ruines  d'une  belle  cathédrale,  bâtie  en 
style  ogival;  le  chœur  date  de  1318  à  1337  ;  la  nef  fut 


construite  entre  1406  et  1464;  la  tour  après  1470.  On  y 
remarque  le  tombeau  d'Alexandre  Stuart  comte  de  Buchan, 
mort  en  1384. 

DUNKER  (Balthasar-Anton),  peintre  et  graveur,  né  à 
Saalbourg  (Poméranie  suédoise)  en  1746,  mort  à  Berne  en 
1807.  Elève  de  Hackert,  Yien  et  Noël  Halle,  il  est  plus  connu 
comme  graveur  que  comme  peintre;  ses  œuvres  principales 
sont  :  une  quarantaine  de  planches  gravées  pour  la  Galerie 
du  duc  de  Choiseul,  quelques-unes  des  planches  de  la 
Galerie  de  Dusseldorf  (Y arûsie  ne  put  s'entendre  avec  M.  de 
Michel  qui  dirigeait  à  Bâle  les  travaux  de  cette  collection), 
VHeptaméron  des  contes  de  la  reine  de  Navarre,  pour 
lequel  il  fit  à  Berne  avec  son  ami  Freudeberg  (1780-1781) 
une  suite  de  144  vignettes,  etc.  F.  Courboin. 

BiBL.:PoRTALisetBERALDi,ies  Graveurs  du xviii°siécie. 

DUNKER  (Wilhelm),  géologue  allemand,  néàEschwege 
(Hesse  électorale)  le  21  févr.  1809,  mort  à  Marbourg  le 
13  mars  1885.  Professeur  de  minéralogie  à  Cassel,  puis 
(1854)  à  l'Université  de  Marbourg,  il  a  écrit  :  Monogra- 
phie der  norddeutschen  Wealdenbildung  (Brunswick, 
1846)  ;  Index  molluscorum  guineensium  (Cassel,  1853); 
Index  molluscorum  maris  japonici  (Cassel,  1882),  etc. 
DUNKER  (Carl-Christian-Henrik-Bernhard),  juriste  et 
pubhciste  norvégien,  né  à  Slesvig  le  22  mai  1809,  mort  à 
Christiania  le  28  juil.  1870.  Par  sa  mère  Conrad ine-Bri- 
gitte  Hansteen  (1780-1866)  qui  était  sœur  du  célèbre  sa- 
vant et  qui  laissa  d'intéressants  Mémoires  sur  le  vieux 
temps  (1871,  in-8),  il  se  rattachait  à  la  Norvège  où  il  fut 
emmené  dès  sa  tendre  enfance.  Procureur  à  la  cour  d'appel 
de  Christiania  (1837),  avocat  à  la  haute  cour  (1841)  et  du 
gouvernement  (1859),  il  fut  chargé  de  la  plupart  des  causes 
célèbres.  Aussi  habile  en  procédure  qu'orateur  élégant, 
spirituel,  mordant,  et  écrivain  distingué,  il  a  exercé  par  sa 
parole  et  ses  articles  de  revues  et  de  journaux  ou  ses  pu- 
blications à  part,  une  grande  influence,  aussi  bien  sur  la 
poUtique,  la  littérature  et  le  théâtre  que  sur  la  législation 
et  la  jurisprudence.  Comme  membre  des  commissions  du 
jury  (1854-1859),  il  se  pronon(:a  contre  cette  institution. 
Il  fut  également  chargé  de  rédiger  les  projets  de  loi  sur 
l'hypothèque  et  l'enregistrement  (adopté  en  1857)  et  sur  la 
faillite  (1859).  Il  traita  avec  talent  de  la  constitution  nor- 
végienne (1845),  de  la  question  du  vice-roi  (Flyveblade; 
Christiania,  1859-1860,  2^  édit.,  1868)  et  De  la  Bevision 
de  l'acte  d'union  entre  la  Suède  et  la  Norvège  (Copen- 
hague, 1866-1868,  2  vol.  in-8).  Il  était  partisan  de  l'u- 
nion ;  mais  comme  il  voulait  laisser  au  Danemark  la  faculté 
d'y  accéder,  il  contribua  à  faire  rejeter  le  projet  du  gou- 
vernement (1871).  Beauvois. 

DUNKERQUE  (Curiosité).  On  donnait  ce  nom,  au 
xviii^  siècle,  à  une  foule  de  bibelots,  de  boîtes,  de  bon- 
bonnières, d'objets  d'ameublement,  qui  se  vendaient  dans 
la  boutique  d'un  marchand  bijoutier,  ayant  pour  enseigne  : 
Au  Petit  Dunkerque,  et  situé  à  la  descente  du  Pont-Neuf. 
La  vogue  de  ces  colifichets  devint  si  grande  que  l'on  appe- 
lait «'Petit  Dunkerque  »  non  seulement  tout  ce  qui  sortait 
de  ce  magasin,  mais  encore  les  bijoux  délicats,  les  meubles 
précieux  et  les  objets  d'étagère  que  la  société  élégante 
recherchait.  On  a  conservé  plusieurs  annonces-réclames, 
qui  énumèrent  les  articles  nouveaux  qui  se  trouvent  dans 
le  magasin  du  Petit  Dunkerque  en  1775-76.  Ce  sont  des 
pièces  d'orfèvrerie,  des  tabatières  d'or  enrichies  de  minia- 
tures et  d'émaux,  des  montres,  des  almanachs  et  des  ther- 
momètres montés  en  bronze  doré,  des  écritoires,  des  lustres, 
des  bras  de  lumière,  des  pendules,  des  vases  de  marbre, 
des  jouets,  des  boucles,  des  pommes  de  canne,  des  chaînes 
de  montre,  des  navettes,  des  éventails,  qui  paraissent  avoir 
été  choisis  avec  beaucoup  de  goût  chez  les  meilleurs  bijou- 
tiers et  tabletiers  du  temps,  et  qui  expliquent  le  succès  de 
cette  maison 

DUNKERQUE.  Ch.-l.  d'arr.  du  dép.  du  Nord,  place 
forte  et  port  de  commerce  sur  la  mer  du  Nord  ;  38,025  hab. 
(1886).  Lignes  de  chemins  de  fer  de  Dunkerque  à  Lille,  à 
Furnes  et  à  Calais. 


—  67  - 


DUNKERQUE 


Port.  —  Le  port  de  Dunkerque,  qui  vient  au  quatrième 
rang  parmi  les  ports  de  la  France,  s'ouvre  sur  une  bonne 
rade  foraine  où  les  plus  grands  bâtiments  trouvent  de  la 
profondeur,  une  bonne  tenue  et  un  calme  relatif.  La  pre- 
mière partie  du  port, se  compose  du  chenal,  de  l'avant-port 
et  du  port  d'échouage.  La  deuxième  partie  se  compose  de 
quatre  bassins  à  flot,  le  bassin  du  Commerce,  le  bassin  de 
la  Marine,  le  bassin  de  l'Arrière-Port  et  enfin  le  bassin 
Freycinet  qui  sera  composé  lui-même  de  quatre  darses  dont 
une  seulement  est  actuellement  ouverte  à  la  navigation. 
Dans  son  ensemble,  le  port  de  Dunkerque  offre  pour  le  sta- 
tionnement des  navires  une  superficie  de  26  hect.,  dont  7  à 
l'échouage  et  19  à  flot;  il  présente  une  longueur  totale 
de  quais  de  5,600  m.  offrant  au  mouvement  des  mar- 
chandises une  superficie  de  135,000  m.  q.  dont  104,000 
pour  les  quais  à  flot.  Enfin  le  port  de  Dunkerque  est  relié 
au  réseau  des  canaux  du  nord  de  la  France  et  de  la 
Belgique  par  trois  grandes  voies  navigables,  le  canal  de 
Bergues  (haute  Colme  et  basse  Colme),  le  canal  de  Bour- 
bourg  et  le  canal  de  Furnes.  Deux  autres  canaux  non 
navigables,  le  canal  de  Mardyck  à  FO.  et  le  canal  des 
Moëres,  emportent  les  eaux  de  dessèchement  des  Moëres  et 
des  Watringues. 

Commerce  et  industrie.  —  Grâce  aux  grands  travaux 
exécutés  à  Dunkerque  et  malgré  le  voisinage  d'Anvers,  le 
commerce  maritime  s'est  considérablement  développé.  Le 
mouvement  du  port  a  été  en  1889  de  5,664  navires  jau- 
geant 2,712,839  tonnes  sans  comprendre  les  bateaux  de 
la  pêche  côtière.  Le  nombre  des  voiliers  n'a  été  que  de 
2,182  contre  3,482  vapeurs.  Le  port  de  Dunkerque  est  un 
de  ceux  où  s'accuse  le  plus  fortement  la  prééminence  de 
la  marine  anglaise.  Ainsi,  sur  1 ,400  navires  à  vapeur  entrant 
dans  le  port  en  1889,  243  seulement  naviguaient  sous 
pavillon  français,  tandis  que  921  portaient  le  pavillon  de 
l'Angleterre.  La  flotte  attachée  au  port  compte  48  vapeurs 
jaugeant  11,117  tonnes  et  168  voiliers,  jaugeant  20,221 
tonnes,  dont  87  sont  armés  pour  la  pêche  d'Islande.  Le 
total  des  marchandises  entrées  par  mer  a  été  en  1889  de 
1,556,998  tonnes  et,  àla  sortie,  de  491,814  tonnes.  Enfin 
sur  les  canaux  communiquant  avec  le  port  de  Dunkerque, 
le  mouvement  de  la  navi^i^ation  a  atteint  cette  même  année, 
à  la  remonte  et  à  la  descente,  le  chiffre  de  1,458,715 
tonnes.  —  La  valeur  des  importations  est  bien  supérieure 
à  celle  des  exportations.  Les  principaux  articles  importés 
sont  les  laines  de  la  Plata  et  de  l'Uruguay,  les  fers  de 
Bilbao,  le  zinc  des  Asturies,  les  lins  de  la  Russie,  les 
céréales,  surtout  le  maïs,  les  bois,  les  graines  oléagineuses, 
les  pyrites,  le  nitrate  de  soude.  Les  matières  exportées 
sont  les  suifs,  les  sucres,  les  huiles,  le  foin  et  la  paille,  des 
produits  chimiques  et  des  métaux.  La  vie  de  Dunkerque 
n'est  d'ailleurs  pas  tout  entière  du  côté  de  son  port,  et 
l'industrie  y  occupe  un  quartier  nouveau,  la  ville  basse  et 
les  faubourgs  ;  les  principaux  établissements  sont  des 
fabriques  de  toiles  à  voile  et  de  filets  de  pêche,  des  raffi- 
neries de  pétrole,  des  fabriques  d'huile  et  des  scieries. 

Histoire.  —  C'est  au  vu®  siècle  que  saint  Eloi,  évêque 
de  Noyon,  aurait  bâti,  en  l'honneur  de  saint  Pierre,  une  cha- 
pelle située  au  milieu  des  dunes  et  qui  aurait  donné  à  la 
bourgade  de  pêcheurs  qui  existait  alors  le  nom  que  porte 
la  ville  d'aujourd'hui  (Dime-Kerke,  église  des  dunes). 
Mais  ce  n'est  qu'au  milieu  du  x®  siècle  que  nous  trouvons 
trace  historique  de  l'existence  de  Dunkerque.  En  effet,  en 
958,  le  comte  de  Flandre,  Baudouin  III  dit  le  Jeune,  en- 
toura de  murs,  pour  la  préserver  contre  les  attaques  des 
Northmans,  la  bourgade,  devenue  sans  doute  déjà  impor- 
tante. Dunkerque  resta  sous  la  domination  des  comtes  de 
Flandre  jusqu'à  la  fin  du  xiv«  siècle.  Son  histoire,  pen- 
dant cette  période,  est  assez  obscure  et  offre  beaucoup  de 
lacunes.  Vers  1218,  Dunkerque  obtint  de  nombreux  privi- 
lèges et  une  sorte  d'organisation  communale.  Elle  s'agrandit 
beaucoup  sous  la  domination  de  Godefroy  de  Condé,  évêque 
de  Cambrai.  Prise  en  1300  par  Philippe  le  Bel,  elle  resta 
pendant  cinq  ans  au  pouvoir  du  roi  de  France.  Enfin,  au 


milieu  du  xiv®  siècle,  Dunkerque,  érigée  en  seigneurie, 
passa  dans  la  maison  de  Bar  qui  donna  à  la  ville  les  ar-^ 
moiries  qu'elle  conserve  depuis  lors.  De  1384  à  1477 
Dunkerque  fit  partie  des  immenses  domaines  des  ducs  de 
Bourgogne.  Nous  voyons  en  efî'et,  en  1395,  Yolande,  com- 
tesse de  Bar,  faire  un  solennel  hommage  de  sa  seigneurie 
de  Dunkerque  à  Phihppe  le  Hardi.  De  1477  à  1513,  Dun- 
kerque reste  sous  la  domination  de  la  maison  d'Autriche. 
De  1513  à  1658,  pendant  un  siècle  et  demi,  Dunkerque 
fut  une  possession  de  la  maison  d'Espagne.  Cette  époque 
de  son  histoire  est  la  plus  troublée.  Charles-Quint  et  ses 
successeurs  attachaient  à  la  possession  de  Dunkerque  une 
grande  importance.  Mais,  sous  le  règne  de  Philippe  II, 
Dunkerque  participa  à  tous  les  événements  provoqués 
d'abord  par  la  guerre  contre  Henri  II  et  ensuite  par  la  ré- 
volte des  Pays-Bas.  Prise  et  pillée  en  1558  par  les  soldats 
du  maréchal  de  Thermes,  elle  fut  reprise  par  le  comte 
d'Egmont  après  la  bataille  de  Gravelines.  Plus  tard  se 
produisent  les  premiers  troubles  des  Pays-Bas.  Les  Dun- 
kerquois  ne  voulant  accepter  ni  l'Inquisition  ni  les  garni- 
sons espagnoles,  adhérèrent  au  parti  qui  mettait  le  prince 
d'Orange  à  la  tête  de  la  coalition,  et  Dunkerque  fut  livrée 
à  celui-ci  comme  gage  du  traité  d'union  fait  entre  les  pro- 
vinces révoltées.  Dunkerque  fut  quelque  temps  la  résidence 
du  duc  d'Alençon,  lorsque  celui-ci  tenta  la  conquête  des 
Flandres.  Enfin  elle  fut  reprise  en  1583  par  Alexandre 
Farnèse.  A  partir  de  ce  moment,  elle  développa  son  com- 
merce et  résista  énergiquement  aux  tentatives  réitérées  des 
Hollandais.  De  1599  à  1633,  pendant  le  gouvernement  de 
l'infante  Isabelle  dans  les  Pays-Bas,  Dunkerque  resta 
presque  entièrement  étrangère  aux  mouvements  violents 
qui  agitaient  les  provinces  flamandes.  Enfin,  de  1633  à 
1658,  Dunkerque  est  comme  l'enjeu  de  la  partie  que 
jouaient  entre  elles  les  puissances  voisines,  France,  An- 
gleterre et  Espagne.  Prise  par  le  prince  de  Condé  en  1646, 
elle  fut  reprise  par  le  marquis  de  Leyde  en  1652.  Enfin 
en  1658,  après  la  bataille  des  Dunes, 'Dunkerque  fut  prise 
par  la  France  et  remise  immédiatement  à  l'Angleterre  en 
vertu  du  traité  d'alliance  conclu  entre  Cromwell  et  Ma- 
zarin.  Elle  ne  resta  que  quatre  ans  sous  la  domination 
anglaise.  En  1 662,  Charles II  vendit  Dunkerque  à  Louis  XIV 
pour  cinq  millions. 

Pour  tirer  de  cette  importante  acquisition  tout  le  bénéfice 
qu'il  pouvait  en  attendre,  Louis  XIV  mit  tout  en  œuvre. 
Les  travaux  furent  conduits  par  Vauban  avec  une  rapidité 
inouïe,  et  on  lit  dans  la  Relation  de  la  cour  de  France 
de  Spanheim  (1690)  :  «  De  tous  les  ports  de  France, 
Dunkerque  est  peut-être  le  plus  remarquable  par  les  pro- 
digieux ouvrages  qu'on  y  a  faits,  par  les  esplanades  des 
montagnes  et  des  dunes,  par  les  écluses,  par  la  ville  et  la 
citadelle  revêtues  de  briques  jusqu'au  haut  du  parapet, 
par  des  tours  sur  un  banc  de  sable  pour  la  défense  de  la 
rade,  enfin  tant  par  les  fortifications  de  la  place  que  pour 
le  havre,  et  dont  on  a  fait  monter  la  dépense  qu'on  y  a 
faite  jusqu'à  douze  millions  de  livres.  »  De  ce  port  sortirent 
bientôt  des  escadres  et  des  bateaux  armés  en  course.  Dun- 
kerque et  ses  corsaires,  surtout  l'intrépide  Jean  Bart,  de- 
vinrent la  terreur  des  flottes  et  du  commerce  de  l'Angleterre 
et  des  Provinces-Unies.  Aussi  l'Angleterre  imposa-t-elle  à 
Louis  XIV,  en  1712,  l'obligation  de  démolir  les  fortifica- 
tions de  Dunkerque  et  de  combler  son  port.  Tout  le 
xviii®  siècle  se  passa  en  tentatives  faites  par  les  Dunker- 
quois  pour  relever  les  ouvrages  démolis,  tentatives  aussitôt 
réprimées  par  l'Angleterre  (traités  de  1717,  de  1730,  de 
1748  et  de  1763).  Enfin,  le  traité  de  Paris  de  1783 
affranchit  Dunkerque  de  cette  sujétion.  Des  travaux  furent 
commencés  sous  le  ministère  de  Calonne  pour  rendre  à 
Dunkerque  son  ancienne  importance.  Ils  furent  interrompus 
pendant  les  guerres  de  la  Révolution.  Dunkerque,  alors 
convoitée  par  l'Angleterre,  fut  assiégée  parle  duc  d'York 
et  sauvée  par  la  victoire  du  général  Houchard  à  Honds- 
choote.  Dunkerque  fut  un  peu  négligée  par  Napoléon  P^ 
qui  lui  préférait  Anvers.  C'est  sous  le  second  Empire  et  sur- 


-  68 


Armes  de  Dunkerque. 


DUNKERQUE  -  DUNN 

tout  sous  la  troisième  République  que  Dunkerque  a  vu  s'exé- 
cuter les  grands  travaux  qui  en  font  aujourd'hui  la  qua- 
trième cité  maritime  de  France  et  lui  assurent  peut-être  un 
avenir  plus  brillant  encore. 

Monuments.  —  Ville  souvent  éprouvée  par  la  guerre, 
Dankerque  possède  peu  de  monu- 
ments remarquables.  L'église 
Saint-Eloi,  où  se  trouve  le  tom- 
beau de  Jean  Bart  et  de  sa  femme, 
date  du  xvi«  siècle  avec  une  curieuse 
façade  de  style  grec.  L'ancien  clo- 
cher de  Saint-Eloi  est  devenu  la 
tour  du  Beffroi,  carrée,  haute  de 
62  m.  Parmi  les  monuments  mo- 
dernes, il  faut  citer  le  Musée,  le 
Théâtre,  et  surtout  la  statue  de 
Jean  Bart,  par  David  d'Angers, 
sur  la  Grande-Place.  Dunkerque 
possède  une  bibliothèque  bien  installée  contenant  quinze 
mille  volumes  et  un  collège  communal,  de  jolies  pro- 
menades publiques  comme  le  jardin  de  la  Marine  et  le  square 
Jacobsen. 

Armoiries.  —  Coupé,  en  chef,  cVor  au  lion  passant 
de  sable,  armé  et  lampassé  de  gueules  —  qui  est  de 
Flandre  —  et,  en  pointe,  d'argent  au  bar  pâme  d  azur, 
crête  et  oreille  de  gueules  —  qui  est  de  Bar,  L'écu  pose 
sur  un  homme  marin  armé  de  toutes  pièces  et  tenant  de  sa 
dextre  un  sabre  d'argent  à  la  garde  d'or. 

Canal  de  Dunkerque  à  Fumes.  —  Ce  canal  relie  le 
port  de  Dunkerque  au  canal  belge  de  Furnes  à  Nieuport. 
Sa  longueur  est  de  21  kil.  dont  13  en  France.  Il  n  est 
accessible  qu'aux  bateaux  dont  le  chargement  ne  dépasse 
pas  150  tonnes.  Le  mouvement  de  la  navigation  sur  la 
partie  française  de  ce  canal  a  été  en  1889  de  55,789  tonnes. 

Raoul  Fonte. 
BiBL  •  Faulconnier,  Description  historique  de  Dun- 
heraue,  1730,  2  vol.  in-fol.  -  Victor  Derode,  Histoire  de 
Dunkerque;  Lille,  1852.  -  Recueils  des  proces-verbaux 
des  séances  de  la  Chambre  de  commerce  de  Dunkerque. 
—  H  CoNS,  le  Nord  pittoresque  de  la  France;  Fans, 
1888  —  On  trouve  une  bibliographie  assez  complète  dans 
la  Notice  sur  le  port  et  la  rade  de  Dunkerque,  dans  Ports 
maritimes  de  la  France  ;  Paris,  1874,  t.  I. 

DUNKIN  (Alfred-John),  riche  libraire  et  éditeur  anglais 
né  en  1812,  mort  en  1879,  qui  se  mêlait  d'archéologie. 
Ses  ouvrages  sont  absolument  sans  valeur.  Le  principal  est 
intitulé  History  of  the  County  of  Kent  (Londres,  18d6- 
77,  3  vol.  in-8). 

DUNKIRK.  Ville  des  Etats-Unis  de  l'Amérique  du  Nord, 
Etat  de  iNew-York,  sur  le  lac  Erié;  7,248  hab.  en  1880. 
Ateliers  de  chemins  de  fer;  commerce  actit  de  ble,  farine, 
viandes  salées,  laines,  bétail,  houille.  Station  importante 
des  chemins  de  fer  reliant  New- York  à  Chicago  et  les  bas- 
sins miniers  de  la  Pennsylvanie  aux  Lacs.         Aug.  M. 

DUNKLER  (Emile),  violoncelliste  distingué  et  virtuose 
sur  le  saxophone,  né  à  La  Haye  en  1841,  mort  à  La  Haye 
le  6  févr.  1871.  Il  a  passé  une  grande  partie  de  sa  vie  a 
Paris,  où  il  était,  sous  l'Empire,  violoncelliste  de  la  chapelle 
des  Tuileries. 

DUNLOP  (John),  chansonnier  anglais,  né  en  nov.  17i)o, 
mort  à  Port  Glasgow  le  4  sept.  1820.  Il  débuta  dans  le 
commerce,  devint  lord-prévôt  de  Glasgow  en  1796,  puis 
exerça  les  fonctions  de  receveur  des  douanes  à  Ror- 
rowstounness  et  à  Port  Glasgow.  Il  est  l'auteur  de  chan- 
sons très  gracieuses,  devenues  populaires  et  qui  se  chan- 
tent encore  en  Ecosse.  On  a  de  lui  :  Poems  on  several 
occasions  (Greenock,  1817-1819,  2  vol.  in-8);  Poems 
on  several  occasions  from  ilOS  to  iSi6  (Edimbourg, 
1836,  in-8),  et  il  a  publié  :  Original  Letters  from  Lady 
Mary  W.  Montagu  to  sir  James  and  Lady  Frances 
Steuart  and  memoirs  and  anecdotes  of  those  distin- 
guished  persons  (Greenock,  1818,  in-12). 

DUNLOP  (James),  général  anglais,  d'origine  écossaise, 
mort  en  1832.  Enseigne  dès  1778,  il  servit  en  Amérique, 


dans  l'Inde  (blessé  au  siège  de  Seringapatam  en  1799),  à 
Guernesey  en  1803,  dans  l'état-major  de  Wellington  pen- 
dant les  campagnes  d'Espagne  et  de  Portugal,  et  fut 
membre  de  la  Chambre  des  communes  de  1813  à  1826. 

DUNLOP  (John-Cohn),  écrivain  anglais,  mort  à  Edim- 
bourg en  févr.  1842,  fils  de  John.  Inscrit  au  barreau 
en  1807,  il  n'exerça  pas  et  se  consacra  presque  unique- 
ment à  d'importants  travaux  littéraires.  Il  fut  nommé 
en  1816  vice-sherifif  du  comté  de  Renfrew.  Son  ouvrage 
le  plus  considérable  est  Tlie  History  of  fiction  (Edimbourg, 
1814,  3  vol.  in-8),  histoire  du  roman  depuis  l'époque 
grecque  jusqu'au  xix«  siècle,  qui  a  eu  plusieurs  éditions^  et 
a  élé  traduite  en  allemand  par  F.  Liebrecht  (Berlin,  1851, 
in-8).  Nous  citerons  encore:  History  of  roman  litera- 
ture  from  its  earliest  period  to  the  Augustan  âge 
(Londres,  1823-1828,  3  vol.  in-8);  Memoirs  of  Spatn 
during  the  reigns  of  Philip  IV  and  Charles  H  (Edim- 
bourg, 1834,  2  vol.  in-8),  et  des  traductions  en  vers 
anglais  de  l'anthologie  latine.  R.  S. 

DUNLOP  (James),  astronome  anglais,  né  dans  le  comté 
d'Ayr  (Ecosse)  en  179o,  mort  à  Bora-Bora  (Australie)  le 
22  sept.  1848.  Astronome  adjoint  de  l'observatoire  fonde 
en  1821  àParamatta  (Nouvelle-Galles  du  Sud)  par  sir  Bris- 
bane,  il  en  eut  la  direction  après  le  départ  de  Riimker, 
en  1829,  et  l'abandonna  lui-même  en  1842.  Entre  temps, 
il  était  revenu  en  Europe  et  avait  dirigé  de  1827  à  1829 
l'observatoire  de  Makerstoun  (Roxburgshire).  Il  eut  la  plus 
grande  part  dans  la  confection  du  Catalogue  of  7385 
stars  (V.  Brisbane),  se  livra  à  d'intéressantes  recherches 
sur  les  nébuleuses  et  les  étoiles  doubles,  signala  en  1822  le 
retour  de  la  comète  d'Encke  et  en  découvrit  lui-même  deux 
petites,  en  1833  et  en  1834.  Il  fut  élu  membre  de  la 
Royal  astronomical  Society  en  1828  et  correspondant  de 
l'Académie  des  sciences  de  Paris  en  1837.  Ses  écrits  se 
composent  d  une  dizaine  de  mémoires  parus  dans  les 
Monthly  Notices  et  les  Memoirs  de  la  Royal  astronomical 
Society,  dans  les  Philosophical  Transactions  et  dans 
divers  recueils  scientifiques  d'Edimbourg.  L.  S. 

DUNLOP  (Alexander-Colquhoun-Stirling-Murray) , 
homme  politique  anglais,  né  à  Greenock  le  27  déc.  1798, 
mort  le  i^'  sept.  1870.  Inscrit  au  barreau  en  1820,  il 
commença  en  1822  la  publication  des  Shaw  andDunlop's 
Reports,  écrivit  des  traités  sur  la  loi  des  pauvres  en 
Ecosse  (1825),  sur  la  loi  de  patronage  (1833),  sur  la 
Parochial  Laiv,  etc.  Il  s'occupa  beaucoup  des  questions 
relatives  à  la  réforme  ecclésiastique  et  fut  un  des  avocats 
les  plus  consultés  et  les  plus  employés  par  l'Eglise.  En 
1845  et  1847,  il  se  présenta  sans  succès  aux  élections 
pour  la  Chambre  des  communes  à  Greenock  qui  le  nomma 
en  1852,  et  qu'il  représenta  sans  interruption  pendant 
vingt-cinq  ans.  (Juoique  Ubéral,  il  ne  s'affilia  à  aucun  parti. 
n  se  consacra  surtout  aux  questions  sociales,  obtint  plu- 
sieurs réformes  en  faveur  des  classes  laborieuses,  et  con- 
tribua plus  que  personne  à  la  suppression  des  scandaleux 
mariages  de  Gretna  Green.  En  1861,  il  faillit,  à  propos 
de  la  guerre  contre  les  Afghans,  renverser  le  cabinet  Pal- 
merston  qui  ne  fut  sauvé  que  par  l'intervention  de  Disraeli. 
BiBL.  :  David  Maclagan,  Notice  of  thelateMr  Dunlop. 
—  Leslie  Stepiien,  National  Biography,  t.  XVI. 

DUNMAIL-Raise.  Défilé  des  monts  Cumbriens,  entre  le 
Scafell  et  le  Helvellyn;  220  m.  d'alt.  En  945,  le  roi  saxon 
Edmond  vainquit  le  roi  de  Cumberland  à  Dunmail. 

DUNN  (Samuel),  mathématicien  et  astronome  anglais, 
né  à  Grediton  (Devonshire),  mort  à  Londres  en  janv.  1794. 
Il  fut  professeur  de  mathématiques  et  d'astronomie  à  Cre- 
diton,  à  Chelsea,  à  Londres,  et  devint,  vers  1775,  exami- 
nateur de  mathématiques  des  candidats  aux  emplois  de  la 
Compagnie  des  Indes  orientales.  On  lui  doit  divers  mémoires 
parus  dans  les  Philosophical  Transactions  et  une  qua- 
rantaine d'ouvrages  publiés  à  part;  il  convient  de  citer 
parmi  ces  derniers  :  Improvements  in  the  doctrines  of 
sphère,  astronomy,  geography,  navigation,  etc.  (Lon- 
dres, 1765,  in-4);  A  New  Epitome  ofpractical  naviga- 


-  69  - 


DUNN  —  DUNOIS 


tion  (Londres,  4777,  in-8;  2«  éd.,  4786,  in-4);  A  New 
and  easy  Méthode  offinding  the  latitude  on  sea  or  land 
(Londres,  4778,  in-8);  Nautical  Propositions  (Londres, 
4784,  in-8);  Tables  of  logarithms  (Londres,  4784, 
in-8)  ;  Nautical  Tables  (Londres,  4785,  in-8)  ;  The  Asiro- 
nomy  of  fixed  stars  (Londres,  4792,  in-4)  ;  The  Longi- 
tude Logarithms  (Londres,  4793,  in-8),  etc.      L.  S. 

DUNN  ET  Head.  Cap  le  plus  septentrional  de  la  Grande- 
Bretagne,  comté  de  Caithness  (Ecosse),  par  58°  W  lat.  N. 
C'est  un  promontoire  de  grès  rouge  dont  le  point  culminant 
est  à  près  de  200  m.  d'alt. 

DUNNING  (John),  premier  baron  Ashburton,  juriscon- 
sulte anglais,  né  à  Ashburton  en  4731,  mort  le  48  août 
4782.  Admis  au  barreau  de  Londres  en  \  736,  après  quatre 
ans  d'études,  il  ne  commença  à  devenir  un  avocat  d'affaires 
occupé  qu'en  4762;  mais  il  gagnait  déjà  2,000  livres 
sterling  par  an  en  4764.  En  4768,  il  devint  solicitor  gê- 
nerai dans  l'administration  du  duc  de  Grafton,  et  il  fut 
élu  membre  du  Parlement  dans  l'un  des  bourgs  pourris  de 
lord  Shelburne.  A  la  Chambre  des  communes,  il  ne  tarda 
pas  à  se  démettre  de  sa  qualité  de  solicitor  pour  attaquer 
avec  plus  de  liberté  la  politique  du  gouvernement  dans  les 
affaires  d'Amérique.  Le  parti  whig  trouva  en  lui  l'un  de 
ses  plus  éloquents  orateurs.  En  avr.  4782,  il  fut  créé 
baron  Ashburton  et  chancelier  du  duché  de  Lancastre. 
George  111  lui  accorda  une  pension  de  4,000  livres  sterling. 
Mais  ces  dignités  et  ces  sinécures,  il  n'aurait  pas  dû  les 
accepter  après  les  déclarations  qu'il  avait  faites  dans  l'op- 
position. C'était  le  meilleur  avocat  de  son  temps,  et  un 
debater  redoutable.  Tout  le  monde  tenait  son  talent,  sinon 
son  caractère,  en  très  haute  estime.  —  La  baronnie 
d'Ashburton  s'est  éteinte  en  4823.  On  l'a  fait  revivre  en 
4833  au  profit  d'Alexander  Baring,  deuxième  fils  d'un 
frère  aîné  de  la  veuve  de  John  Dunning  (V.  Ashburton). 

DUNNOTTAR  Castle.  Château  d'Ecosse,  comté  de 
Kincardine,  sur  la  côte  au  S.  de  Stonehaven;  ancienne 
résidence  des  comtes  de  Keith,  maréchaux  d'Ecosse.  Bâti 
au  sommet  d'un  rocher  de  30  m.  de  haut,  séparé  de  la 
terre  ferme  par  une  profonde  crevasse,  il  est  presque 
inaccessible.  En  4296,  Wallace  s'en  empara.  Le  château 
fut  construit  en  4394  par  W.  Keith;  pendant  la  guerre 
civile  on  y  abrita  les  insignes  royaux  d'Ecosse.  Il  fut  pris 
en  4634  par  les  troupes  de  Cromwell.  Ce  fut  sous  Charles  II 
et  Jacques  II  une  prison  d'Etat  où  l'on  enferma  les  cove- 
nantaires.  Après  la  révolte  de  4743,  il  fut  démantelé. 

DUNOD  (Pierre-Joseph),  jésuite,  apôtre  de  la  charité 
et  archéologue  français,  né  à  Moirans  (Jura)  en  4637,  mort  à 
Besançon  en  4723.  Agé  de  vingt-six  ans,  en  4683,  il 
accompagna  en  Normandie  le  P.  Chaurand,  pour  la  créa- 
tion dans  cette  province  d'hôpitaux  destinés  à  éteindre  la 
mendicité  :  des  résultats  nombreux  récompensèrent  leurs 
efforts.  Ce  fut  près  de  Valogne  que  le  P.  Dunod  fit,  en 
4693,  son  premier  roman  d'archéologue  :  il  baptisa  du 
nom  d'Alaimales,  vestiges  retrouvés  par  ses  soins  d'une 
bourgade  gallo-romaine,  et  déclara  que  cette  ville  oubliée 
avait  été  une  capitale  égalant  Rouen  comme  étendue. 
Deux  ans  plus  tard,  en  allant  de  Lyon  à  Besançon  pour  y 
prêcher,  le  P.  Dunod  découvrit,  entre  Moirans  et  Saint- 
Claude,  les  restes  d'un  établissement  gallo-romain  dont 
son  imagination  fit  immédiatement  une  ville  qui  aurait  eu 
la  grandeur  de  Lyon  et  se  serait  appelée  Aventicum. 
Transportant  ainsi  en  Franche-Comté  la  ville  antique  dont  les 
ruines  sont  évidentes  à  Avenches,  en  Suisse,  le  P.  Dunod  fut 
conduit  à  remanier  la  carte  géographique  de  la  Séquanie  ro- 
maine :  toutes  ses  solutions  fantaisistes  lui  sont  restées  pour 
compte.  Les  préoccupations  de  cette  nature  n'empêchèrent 
pas  le  P.  Dunod  de  continuer  son  bienfaisant  apostolat  : 
en  4687,  il  avait  provoqué  la  création  à  Marseille  d'un 
hôpital  des  mendiants;  en  4698,  il  obtenait  le  même  résul- 
tat à  Dole;  en  d708,  il  créait  à  Besançon  l'Aumône  géné- 
rale pour  «  soulager  les  pauvres  dans  leurs  maisons  et 
faire  cesser  la  mendicité  et  la  fainéantise  ».  Les  publica- 
tions du  P.  Dunod  sont  les  suivantes  :  Découverte  de  la 


ville  d'Antre  (4697  et  4709)  ;  Lettres  sur  les  découvertes 
faites  sur  le  Rhiri  (4746)  ;  Tabula  geographica  provin- 
ciœ  Sequanorum  (1  feuille,  4743  et  4746);  Projet  de 
charité  de  la  ville  de  Dole  (4698).     Auguste  Castan. 

BiBL.  :  Journal  des  sçavans^  21  nov.  1695.  —  Correspon- 
dance des  contrôleurs  généraux  avec  les  intendants^  pu- 
blié par  DE  BoisLisLE,  t.  I.  —  P. -P.  de  Backer,  Biblio- 
thèque des  écrivains  de  la  Compagnie  de  Jésus,  série  I. 
—  Ch.  JoRET,  le  P.  Guevarreet  les  bureaux  de  charité^  1889. 

DUNOD  DE  Charnage  (François-Ignace),  jurisconsulte  et 
historien  français,  neveu  du  précédent,  né  à  Saint-Claude 
du  Jura  le  30oct.  4678,  mort  à  Besançon  le  24  juin  1732. 
Il  fit  ses  études  en  droit  à  l'université  de  Besançon  ;  puis 
en  4720,  il  y  obtint  au  concours  une  chaire  de  droit  cano- 
nique et  civil.  Dès  lors,  il  partagea  sa  laborieuse  existence 
entre  les  travaux  du  jurisconsulte  et  les  recherches  de 
l'érudit.  Ses  ouvrages  historiques  sont  mal  composés  et 
lourdement  écrits  :  on  a  pu  reprocher  à  leur  auteur  de 
s'être  approprié  trop  aisément  ce  qu'il  trouvait  à  sa  conve- 
nance dans  le  bagage  inédit  de  ses  devanciers;  mais  on 
doit  reconnaître  que  ses  informations  sont  généralement 
consciencieuses,  ses  doctrines  solides  et  ses  jugements  réflé- 
chis. Deux  de  ses  pubhcations  juridiques,  le  Timté  des 
prescriptions  (4730)  et  le  Traité  de  la  main-morte 
(4733)  ont  fait  longtemps  autorité  et  sont  encore  cités 
avec  estime  :  le  premier  de  ces  traités  a  même  été  réim- 
primé avec  commentaires,  en  4840,  sous  le  titre  de  Nou- 
veau Dunod.  Ses  autres  ouvrages  sont  les  suivants  : 
Commentaire  sur  le  titre  des  successions  et  sur  les 
institutions  contractuelles  du  comté  de  Bourgogne 
(Besançon,  4723),  in-8;  Observations  sur  la  coutume 
du  comté  de  Bourgogne  [publication  posthume]  (Besan- 
çon, 4736,  in-4);  Histoire  des  Séquanois  et  du  comté 
de  Bourgogne  (Dijon  et  Besançon,  4735-4740,  3  vol. 
in-4)  ;  Histoire  de  l'église^  ville  et  diocèse  de  Besançon 
(4730,  2  vol.  in-4).  Auguste  Castan. 

BiBL.  \  Baron  de  Courbouzon,  Eloge  de  Dunod.,  dans 
les  Travaux  manuscrits  de  TAcadéinie  de  Besançon,  1759. 

DUNOIS  (Dunensis  pagus).  Ancien  pays  de  la  France, 
compris  autrefois  dans  le  diocèse  de  Chartres  ;  il  était 
borné  au  N.  par  le  Perche  et  le  pays  Chartrain,  au  S.  par 
le  Vendômois  et  le  Blésois,  à  l'E.  par  l'Orléanais  et  à  l'O. 
par  le  Maine  et  le  Perche.  Il  avait  pour  ch.-l.  (^hâteaudun. 
Devenu  comté  au  x«  siècle,  il  fut  plusieurs  fois  réuni  au 
Perche,  vendu  ensuite  par  Pierre  de  Craon,  en  4382,  à 
Jean  II,  comte  de  Blois,  acquis  enfin  en  4394  par  Louis 
d'Orléans,  dont  le  fils  l'échangea  contre  le  comté  de 
Chartres  avec  son  frère  naturel,  Jean,  bâtard  d'Orléans, 
qui  a  conservé  dans  l'histoire  le  nom  de  Dunois. 

BiBL.  :  Poulain  de  Bossay,  Topographie  archéolo- 
gique du  pays  Dunois.,  dans  les  Mém.  de  la  Soc.  dunoise., 
1876,  in-8. 

DUNOIS  (Jean,  bâtard  d'ORLÉANS,  comte  de),  né  vers 
4403,  mort  au  château  de  l'Hay  le  24  nov.  4468.  Fils 
de  Louis  d'Orléans  et  de  Mariette  d'Enghien,  femme  d'Au- 
bert  Flamenc,  sire  de  Canny,  il  fut  élevé  avec  les  enfants 
légitimes  de  son  père,  auprès  de  Valentine  Visconti,  et  eut 
pour  précepteur  le  célèbre  médecin  astrologue,  Florent  de 
Villers.  Après  le  meurtre  de  son  père  (4407),  il  accompagna 
Valentine  à  Paris,  pour  demander  justice  et,  elle  morte  (4  déc. 
4408),  demeura  avec  ses  frères.  Il  assista  à  leurs  côtés  à  la 
réconciliation  de  Chartres  (9  mars  4409)  et  suivit  leur  for- 
tune dans  la  querelle  des  Armagnacs  et  des  Bourguignons. 
Quand  Charles  d'Orléans,  pris  à  la  bataille  d'Azincourt 
(23  oct.  4443),  alla  rejoindre  en  Angleterre  son  frère,  le 
comte  d'Angoulême,le  bâtard  resta  seul  avec  son  troisième 
frère,  le  comte  de  Vertus.  Les  Bourguignons  ayant  surpris 
Paris  (nuit  du  28  au  29  mai  4448),  il  tomba*^  entre  leurs 
mains.  Quand  ils  le  relâchèrent  (43  août  1420),  son  frère,  le 
comte  de  Vertus,  venait  de  mourir  (août)  et  le  traité  de 
Troyes  était  signé  (24  mai).  Le  bâtard  étant  sans  fortune, 
on  lui  conseilla,  dit-on,  d'entrer  dans  l'Eglise  :  ses  goûts  et  la 
nécessité  de  veiller  sur  les  biens  de  ses  frères  l'en  éloi- 
gnèrent. Il  s'attacha  au  parti  du  dauphin  et  fit  sans  doute 
ses  premières  armes  à  la  bataille  de  Baugé  (22  mars  4424). 


DUNOIS  —  DU  NOYER 


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Il  reçut  alors  la  seigneurie  de  Vaubonnais  en  Dauphiné 
(4  nov.) .  En  avr.  4422,  il  épousa  Marie  Louvet,  fille  de  Jean 
Louvet,  favori  du  dauphin,  qui  devint  bientôt  roi  (22  oct.). 
Nommé  conseiller  et  grand  chambellan,  il  prit  part  à  la 
bataille  de  Verneuil  (17  août  4424),   mais  la  disgrâce  de 
Louvet  (juin  4425),  provoquée  par  le  connétable  de  Riche- 
mont,  entraîna  la  sienne  ;  il  se  retira  en  Dauphiné  avec  son 
beau-père.  11  ne  tarda  pas  à  en  revenir  (fin  4425  ou  com- 
mencement de  4426).  La  brillante  délivrance  de  Montargis 
(5  sept.  4427)  commença  sa  réputation  militaire.  Pendant 
la  disgrâce  du  connétable,  il  prit  la  plus  grande  part  à  la 
défense   d'Orléans  (42  oct.  4427-8  mai  4428).  Griève- 
ment blessé  à  Rouvray  (42  févr.),  il  conseilla  au  roi  d'ac- 
cepter le  secours  de  Jeanne  d'Arc,  dont  il  se  défia  pourtant  au 
début.  Après  la  levée  du  siège,  il  la  suivit  devant  Jargeau 
et  Beaugency  (juin)  et  au  voyage  de  Reims.  Elle  gagna  sa 
confiance  en  disant  qu'elle  voulait  délivrer  le  duc  d'Orléans. 
Il  l'accompagna  dans  sa  tentative  contre  Paris  (26  août) 
mais  il  ne   put  l'empêcher    d'être    prise   devant    Com- 
piègne,  ni  la  sauver  du  bûcher  (30  mai  4434),  par  une 
diversion  qu'il  tenta  en  Normandie.  Un  hardi  coup  de  main 
lui  donna  Chartres  (42  avr.  4432),  d'où  il  menaça  Paris 
et  força  Bedford  à  lever  le  siège  de  Lagny  (août).  Il  fit, 
avec  Richemont,  une  campagne  dans  le  Nord  et  opéra  sans 
lui  en  basse  Normand^e  et  aux  environs  de  Paris  pour 
hâter  la  conclusion  du  traité  d'Arras  (20  sept.   4435)  ; 
mais  il  refusa  de  jurer  ce  traité,  parce  qu'il  ne  rendait  pas 
la  liberté   à  son  frère.  Ayant,  par  la  prise  de  Meulan 
(24  sept.),  facilité  l'approche  de  Paris,  il  vint  occuper  la 
c>apitale  avec  le  connétable  (43  avr.  4436),  chassa,  de 
concert  avec  lui,  les  Anglais  des  environs,  prit  part  au 
siège  deMontereau  (fin  août,  40  oct.  4437)  et  tint  une 
place  d'honneur  lors  de  l'entrée  du  roi  à  Paris  (42  nov.). 
Durant  les  deux  années  suivantes,  il  se  donna  tout  entier 
à  la  délivrance  de  ses  frères,  et  le  duc  Charles  lui  fit  don 
du  comté  de  Dunois  et  de  la  vicomte  de  Châteaudun,  en 
échange  du  comté  de  Vertus  (24  jiiil.  4439).  Au  mois 
d'octobre  il  épousa  en  secondes  noces  Marie  d'Harcourt,  fille 
de  Jacques  d'Harcourt.  Elle  lui  apportait  des  droits  sur  la 
seigneurie  de  Parthenay,  que  Jean  II  Larchevêque,  avait 
été  contraint  délaisser  au  connétable.  Aux  Etats  d'Orléans 
(oct.  4439),  Dunois  conseilla  de  continuer  la  guerre,  mais 
son  affection  pour  son  frère  Charles,  affilié  aux  mécontents, 
Pentralna  dans  la  Praguerie.  11  tenta  même  d'arrêter  le 
connétable  à  Blois  ;  il  est  vrai  qu'il  fit  le  premier  sa  sou- 
mission. Après  la  libération  de  Charles  d'Orléans  (44  nov. 
4440),  il  prit  part  à  ses  intrigues  :  le  duc  l'employa  à  pré- 
parer une  seconde  Praguerie,  à  négocier  avec  le  duc  de 
Milan,  puis  à  ménager  sa  soumission  au  roi  (mai  4442). 
Dunois  fut  aussitôt  nommé  lieutenant  général  dans  le  Nord. 
Il  mena  le  dauphin  délivrer  Dieppe  (44  août  4443)  et,  au 
retour,  reçut  le  comté  de  Longueville.  Il  fut  un  des  négo- 
ciateurs de  la  trêve  de  Tours  (20  mai  4444)  et  en  fut 
conservateur  général.  Il  s'occupa  de  la  réforme  de  l'armée 
et  reçut  une  compagnie  de  cent  lances,  avec  le  commande- 
ment général  des  arrière-bans.  Son  refus  de  prendre  part 
à  de  nouvelles  intrigues  lui  attira  la  rancune  du  dauphin, 
qui  confisqua  sa  terre  de  Vaubonnais.  Il  employa  les  années 
4446,  4447  et  4448  à  négocier  pour  Charles  VII  avec  le 
roi  d'Angleterre,  le  duc  de  Bourgogne,  le  duc  de  Savoie, 
l'antipape  Félix  V.  Il  était  encore  à  Lausanne  quand  les 
hostilités  avec  les  Anglais  recommencèrent  (mars  d449). 
Nommé  lieutenant  général  en  Normandie  (4  7  juil.),  il  prit 
Pont-de-l' Arche,  Verneuil,  Pont-Audemer,  Lisieux,  Mantes, 
Vernon,  Gisors.  et  força  Talbot  à  s'enfermer  dans  Rouen, 
qu'il  assiégea.  Un  soulèvement  des  habitants  lui  Hvra  la 
ville  (48  oct.).  La  prise  de  Harfleur  (44  déc),  celle  de 
Ronfleur  (48  févr.  4450)  et  deBayeux  (46  mai)  qui  com- 
pléta la  victoire  du  connétable  à  Formigny  (45  avr.),  puis 
la  capitulation  de  Caen  (1  juil.),  celle  de  Falaise  (25  juil.), 
et  de   Domfront  (2  août)  achevèrent  une  conquête  que 
Charles  VII  qualifia  de  miraculeuse.  En  4454,  Dunois 
reprit  de  même  toute  la  Guyenne.  La  reddition  de  Bordeaux 


(42  juin)  et  celle  de  Bayonne  (48  août)  furent  les  deux 
grands  épisodes  de  la  campagne.  Suivant  quelques  histo- 
riens, Dunois  aurait  été  alors  légitimé,  mais  le  fait  n'est 
point  prouvé.  Il  ne  prit  part  ni  à  la  campagne  du  roi 
contre  le  dauphin  et  Louis  P^  de  Savoie  (oct.  "4452)  ni  à 
la  bataille  de  Castillon  (17  juil.  4453)  ;  il  mettait  alors 
la  Normandie  en  état  de  défense.  Les  Anglais  ex- 
pulsés, il  fut  mêlé  à  toutes  les  grandes  affaires  :  négocia- 
tions avec  la  Savoie,  procès  du  duc  d'Alençon,  revision  du 
procès  de  Jeanne  d'Arc,  etc.  Quand  Richemont  fut  devenu 
duc  de  Bretagne  (22  sept.  4457),  il  obtint  de  lui  l'expec- 
tative des  biens  de  J.  Larchevêque  (22  oct.  4458).  La 
mort  d'Arthur  III  (26  déc.)  lui  valut  donc  Parthenay  et 
ses  dépendances.  Il  resta  toujours  fidèle  à  Charles  VII  et 
l'assista  jusqu'à  ses  derniers  moments  (22  juil.  4464). 
Louis  XI  ne  le  disgracia  pas  :  il  l'envoya  négocier  avec  le 
duc  de  Bretagne,  puis  le  chargea  de  délivrer  Savone.  Cette 
expédition,  négligée  par  le  roi,  ne  fut  pas  heureuse  (4462- 
4463).  Après  la  mort  de  Charles  d'Orléans  (4  janv.  4465), 
Dunois  se  laissa  entraîner  dans  la  Hgue  du  Bien  public, 
dont  il  fut  le  diplomate  attitré  ;  ce  fut  lui  qui  négocia  le 
traité  de  Saint-Maur  (20  oct.  4465).  Il  y  gagna,  pour  sa' 
part,  6,000  Hvres  de  pension.  Son  fils  épousa  même  la 
belle-sœur  du  roi,  Agnès  de  Savoie  (juil.  4466).  Dunois 
passa  ses  dernières  années  en  pleine  faveur  et  s'occupa 
jusqu'à  la  fin  des  affaires  du  royaume.  Il  fut  enterré  dans 
l'église  de  N.-D.  de  Cléry  et  Louis  XI  assista  aux  funé- 
railles. Il  laissait,  de  Marie  d'Harcourt,  deux  filles  et  un  fils, 
François,  qui  hérita  de  ses  titres  et  de  ses  grands  do- 
maines. E.  COSNEAU. 

BiBL.  :  Les  chroniques  du  temps,  surtout  Monstrelet, 
Basin,  Berry,  etc.  —  Vallet  de  Viriville,  Histoire  de 
Charles  VII.  —  G.  du  Fresne  de  Beaugourt,  Histoire 
de  Charles  VIL  —  Legrand,  Histoire  manuscrite  de 
Louis  XI  (à  la  Bibl.  nation.  ;  fr.  6960).  —  Legeay,  Hist. 
de  Louis  XL  —  Les  Histoires  de  D.  Plancher,  D.  Vais- 
sete,  d.  Lobineau,  d.  Morice,  etc.  —  H.  Wallon, 
Jeanne  d'Arc.  —  L'abbé  Bordas,  Hist.  sommaire  du  Du- 
nois; Châteaudun,  1884,  2  voL  in-8.  —  Cosneau,  le  Conné- 
table de  Richemont,  etc.  —  Mém.  de  l'Acad.  des  inscr . 
etbelles-lettresAlSQ,  t.  XLIII,  p.  578.— Pièces  originales, 
1037,    2157  et  2158  —  Ms.  fr.  20077,  20379  (BibL  nat.). 

DUNOON.  Ville  maritime  d'Ecosse,  arr.  S.-E.  du  comté 
d'Argyll,  à  l'O.  de  l'estuaire  de  la  Clyde  ;  4,69^2  hab.  (en 
1881).  C'est  une  des  stations  balnéaires  les  plus  fréquen- 
tées de  l'Ecosse.  On  y  remarque  les  ruines  d'un  château 
fort,  ancien  palais  royal,  qu'occupa  plus  tard  la  famille 
d'Argyll,  mais  qui  fut  délaissé  après  1700. 

DUNOUY  (Alexandre-Hyacinthe),  peintre,  paysagiste  et 
graveur,  né  à  Paris  en  1757,  mort  en  1843.  Elève  de 
Briand,  il  a  laissé  de  nombreuses  Vues  d'Italie,  et  on  cite 
parmi  ses  tableaux  les  plus  importants  un  Orage  (ancien- 
nement au  musée  du  Luxembourg). 

DU  NOYER  (Marguerite  Petit,  dame),  femme  de 
lettres  française,  née  à  Nîmes,  de  parents  protestants,  le 
12  juin  1663,  morte  à  Woorburg  (Hollande)  le  22  mai 
1719.  Après  avoir  voyagé  avec  sa  famille  en  Suisse  et  en 
Angleterre,  elle  abjura  et  fut  mariée,  en  1688,  à  Gérard 
Du  Noyer,  capitaine  au  régiment  de  Toulouse.  La  discorde 
finit  par  éclater  dans  cette  union,  et  M^^  Du  Noyer  se  ré- 
fugia en  Hollande  avec  ses  deux  filles.  Elle  y  revint  à  sa 
foi  primitive,  maria  l'aînée  de  ses  filles  à  un  coreligionnaire, 
nommé  Constantin,  rédigea  pendant  plusieurs  années  une 
gazette ,  la  Quintessence ,  et  y  écrivit  des  Lettres  his- 
toriques et  galantes  (Cologne,  1704,  7  vol.  in-12),  plu- 
sieurs fois  réimprimées  sous  divers  titres.  On  y  trouve,  con- 
tées dans  une  langue  prolixe  et  diffuse,  l'histoire  de 
l'évasion  de  l'abbé  de  Bucguoy  (V.  ce  nom)  et  celle  des 
mésaventures  conjugales  de  l'auteur  ;  dans  une  de  ces  édi- 
tions donnéesparun  anonyme  (Londres,  1757,  9  vol.in-12), 
les  mémoires  de  M"^^  Du  Noyer  et  ceux  de  son  mari 
contre  elle  sont  suivis  d'une  comédie  satirique,  intitulée  le 
Mariage  précipité,  dirigée  contre  elle,  sa  fille  aînée 
Olympe  et  le  fameux  Jean  Cavalier  qui  avait  failli  devenir 
son  gendre.  Voltaire,  exilé  par  son  père  à  La  Haye,  pour 
ses  premières  escapades,  s'éprit  aussi  d'Olympe  Du  Noyer 


-  71  ^ 


DU  NOYER  —  DUNS  SCOT 


qui  le  paya  de  retour,  mais  leurs  intrigues  furent  déjouées 
à  temps,  et  le  mariage  projeté  par  les  deux  amoureux  n'eut 
pas  lieu.  Plus  tard,  Olympe,  ou,  comme  Voltaire  l'appelait 
familièrement,  Pimpette^  devint  la  comtesse  de  Winter- 
feld,  hérita  d'un  oncle  qui  lui  laissa,  outre  sa  fortune,  un 
joli  hôtel  dans  le  faubourg  Saint-Antoine,  et  resta  veuve 
en  1757.  Voltaire  la  revit  durant  ses  séjours  à  Paris  et 
lui  rendit  même  service  dans  un  moment  de  gêne,  mais 
leurs  anciennes  relations  ne  se  renouèrent  pas.  M.  Tx, 
BiBL.  :  Haag,  France  protestante  (v  Petit).  —  G.  Des- 
NOiRESTERRES,  laJeunesse  de  Voltaire.  —  Voltaire,  Cor- 
respondance générale.  —  Eug.  Hatin,  les  Gazettes  de  Hol- 
lande, 1865,  in-8. 

D  U  N  0 Y  E  R  (Barthélemy-Charles-Pierre-Joseph) ,  éco- 
nomiste français  né  à  Carennac(Lot)  le  20  mai  1786,  mort 
en  1862.  Il  fonda  en  1814,  avec  Dubois,  la  revue  intitu- 
lée le  Censeur,  qui  prit  plus  tard  le  nom  de  Censeur  eu- 
ropéen. Cette  feuille  courageuse  lutta  énergiquement 
contre  le  gouvernement  de  la  Restauration  et  succomba 
sous  les  procès.  Ses  fondateurs,  sous  l'influence  de  J.-B. 
Say,  se  livraient  à  l'étude  de  l'économie  politique  quand 
la  révolution  de  1830  fit  triompher  les  idées  du  Censeur. 
Dunoyer  entra  dans  l'administration  et  fut  successivement 
préfet  de  l'Alher,  puis  de  la  Somme,  conseiller  d'Etat, 
membre  de  l'Institut  (Académie  des  sciences  morales  et 
politiques).  Après  le  coup  d'Etat  de  1851 ,  il  rentra  dans  la 
vie  privée  et  continua  les  travaux  d'économie  politique  qu'il 
n'avait  jamais  cessés  pendant  les  loisirs  de  sa  carrière  ad- 
ministrative. Son  livre  principal  a  pour  titre  :  De  la  Liberté 
du  travail  ou  Simple  Exposé  des  conditions  dans  les- 
quelles les  forces  humaines  s'exercent  avec  le  plus  de 
puissance  (Paris,  1845).  On  lui  doit  encore  une  Etude 
comparée  de  l'Angleterre  et  de  la  France;  un  opuscule 
sur  la  révolution  du  24  févr.  et  de  nombreux  articles  pu- 
bliés dans  le  Journal  des  Economistes, 
DUNRAVEN  (Comtes  de)  (V.  Qum). 
DiJNS.  Ville  d'Ecosse,  comté  de  Berwick,  sur  le  Whit- 
adder,  au  pied  du  Duns  Law  (200  m.);  2,437  hab.Eaux 
ferrugineuses. 

DUNSINNANE.  Colline  d'Ecosse  (dans  les  Sidlaw  Hills) 
à  l'E.  du  comté  de  Perth,  en  face  de  la  colline  de  Birnam. 
Restes  d'une  fortification  que  le  peuple  appelle  Château  de 
Macbeth. 

DUNS  SCOT  (Jean),  célèbre  théologien  et  philosophe 
anglais  que  ses  contemporains  ont  appelé  le  Docteur 
Subtil,  naquit,  d'après  les  uns,  au  village  de  Duns,  en 
Ecosse;  d'après  les  autres,  dans  le  comté  de  Northum- 
berland  ;  enfin,  Wading,  son  biographe,  lui  assigne  l'Ir- 
lande pour  patrie.  Il  y  a  une  égale  incertitude  sur  la  date 
de  sa  naissance,  que  l'on  place  tantôt  en  1274,  tantôt 
en  1273,  tantôt  même  en  1247.  Quoi  qu'il  en  soit,  il 
est  certain  que  Scot  entra  chez  les  franciscains,  qu'il 
enseigna  avec  grand  succès  dans  l'université  d'Oxford. 
Sa  renommée  et  ses  succès  le  suivirent  dans  l'université 
de  Paris  où  il  enseigna  en  1306-1307;  de  là,  par 
l'ordre  de  ses  supérieurs,  il  passa  à  Cologne  où  il  finit 
ses  jours  en  1308.  —  La  philosophie  de  Duns  Scot  est 
contenue  principalement  dans  ses  commentaires  sur  les 
livres  De  Anima  et  sur  la  Métaphysique  d'Aristote, 
dans  ses  Quodlibet  et  dans  ses  commentaires  sur  les 
Sentences  de  Pierre  Lombard.  «  Sous  la  plume  du  doc- 
teur Subtil,  dit  très  bien  le  cardinal  Gonzalez  {Histoire 
de  la  philosophie,  trad.  fr.,  Paris,  1890-1891,  t.  II, 
p.  322,  4  vol.  in-8),  les  questions  se  subtiHsent  en 
quelque  sorte,  et  à  force  de  divisions ,  de  subdivisions  et 
de  distinctions  de  tout  genre,  elles  sont  réduites  à  une 
espèce  de  poussière  impalpable.  Dans  la  quasi-impossibilité 
où  elle  est  de  suivre  l'auteur  par  des  chemins  aussi  diffi- 
ciles et  aussi  compliqués,  l'intelligence  court  risque  de 
perdre  de  vue  le  fond  du  problème  et  sa  solution,  obs- 
curcie par  la  multiplicité  des  divisions  et  des  distinctions, 
à  quoi  il  faut  ajouter  l'emploi  de  formules  nouvelles  peu 
usitées  chez  les  écrivains  précédents.  »  Duns  Scot  étant 
catholique  et  religieux,  les  principales  solutions  de  sa  phi- 


losophie sont  par  là  même  connues.  Ce  qui  caractérise  son 
originalité  comme  penseur,  c'est  la  critique  rigoureuse  à 
laquelle  il  a  soumis  les  arguments  et  les  théories  de  ses 
devanciers,  c'est  aussi  un  certain  nombre  de  théories  qui 
lui  sont  propres,  en  particulier  sa  théorie  du  principe 
d'individuation  et  sa  théorie  de  la  volonté  ;  ce  sont  enfin 
les  difficultés  qu'il  trouve  à  regarder  comme  démontrées 
par  la  raison  un  certain  nombre  de  propositions  métaphy- 
siques dont  ses  devanciers  pensaient  bien  avoir  fourni  une 
rigoureuse  démonstration.  Celui  de  ces  devanciers  qu'il  at- 
taque le  plus  ordinairement  et  dont  il  prend,  pour  ainsi  dire, 
constamment  la  contre-partie  est  saint  Thomas  d'Aquin. 

D'après  les  scolastiques,  comme  d'après  Aristote,  tous 
les  êtres  de  la  nature  sont  composés  de  matière  et  de 
forme.  Mais  quand  on  a  ramené  pour  l'expliquer  un  être 
individuel,  cet  homme  ou  ce  chien,  à  une  matière  et  aune 
forme,  il  reste  encore  quelque  chose  à  expliquer,  c'est  à 
savoir  comment  et  pourquoi  la  matière  qui,'de  sa  nature, 
est  indéterminée  et  la  forme  qui,  de  sa  nature,  est  univer- 
selle, se  sont  unies  de  façon  à  constituer  cet  être,  cet 
homme  ou  ce  chien.  D'où  vient  l'individuation  de  l'être, 
quel  est  le  principe  de  cette  individuation  ?  Il  est  difficile 
que  ce  soit  la  matière,  puisqu'elle  est  indéterminée,  cons- 
tituée par  une  simple  puissance,  qu'elle  peut  être  indiffé- 
remment telle  ou  telle  chose  ;  il  est  aussi  difficile  que  ce 
soit  la  forme,  puisque  les  formes  sont  les  lois  constitutives 
des  choses  et  par  conséquent  sont  générales.  La  forme  de 
l'homme  est  dans  tous  les  hommes  et  la  forme  du  chien 
dans  tous  les  chiens.  Cependant  saint  Thomas  avait  admis 
que  le  principe  d'individuation  se  trouvait  dans  la  matière, 
non  dans  la  matière  absolument  indéterminée,  mais  dans 
la  matière  signala  quantitate.  Ainsi  si  Socrate  est  So- 
crate,  cela  vient  de  ce  que  la  matière  de  son  corps  a  été 
déterminée,  quant  à  sa  quantité,  dans  le  sein  de  sa  mère 
par  la  constitution  particulière  de  sa  mère  et  par  les  in- 
fluences d'hérédité  qui  lui  viennent  de  son  père.  Cette 
matière  ainsi  déterminée  exige,  pour  être  informée,  une 
certaine  détermination  de  la  forme  qui  constituera  sa 
forme  individuelle  ou  son  âme.  Duns  Scot  n'admet  pas 
cette  théorie.  Pour  expliquer  l'individuation,  il  fait  appel  à 
une  entité  qu'il  appelle  l'hœccéité  (hœcceitas).  Cette  entité 
n'est  ni  matière,  ni  forme,  mais  elle  détermine  la  matière 
et  la  forme  de  façon  à  produire  l'individu.  Ainsi  si  Socrate 
est  ce  Socrate,  c'est  qu'il  a  l'hœccéité  de  Socrate,  ce^  qui 
revient  à  peu  près  à  dire  que  si  Socrate  est  cet  individu, 
c'est  parce  qu'il  a  une  individualité.  —  C'est  d'ailleurs  la 
tendance  générale  de  Scot  d'expliquer  toutes  choses  par 
des  qualités  occultes  et  de  multiplier  les  entités.  C'est  lui 
qui  est  en  grande  partie  la  cause  de  l'invention  de  ces 
vertus,  de  ces  facultés  qui  contenteront  à  si  peu  de  frais 
les  scolastiques  de  la  décadence  (xiv«,  xv^  et  xvi^  siècles). 

Saint  Thomas,  tout  en  maintenant  avec  un  soin  que 
n'ont  pas  eu  tous  ses  prétendus  disciples  l'intelligence  et 
la  volonté  sur  le  même  plan,  a  cependant,  comme  il  est 
facile  de  le  comprendre,  recours  le  plus  possible  à  l'intel- 
ligence pour  expliquer  les  choses.  Ainsi  jamais  il  ne  sé- 
pare en  Dieu  ni  en  l'homme  rintelfigence  de  la  volonté,  il 
ne  donne  nulle  part,  quoi  qu'on  en  ait  dit,  une  réelle 
prééminence  à  l'intelligence  sur  la  volonté,  il  maintient 
partout  leur  union,  leur  harmonie,  parfaite  en  Dieu,  im- 
parfaite en  l'homme,  et  leur  irréductibilité.  Cependant, 
comme  la  volonté  pure  représente  la  part  d'inintelligible 
qui  se  mêle  aux  choses,  saint  Thomas  fait  appel  le  plus 
possible  à  l'intelligence  pour  rendre  les  choses  intelligibles, 
pour  réduire,  autant  qu'il  se  peut,  le  mystère  qu'elles  en- 
ferment, et  c'est  pour  cela  qu'on  l'a  parfois  regardé  comme 
un  purintellectualiste.— Duns  Scot  a  la  tendance  contraire. 
Il  ne  soumet  pas,  ainsi  que  l'ont  ditSecrétan  (Philosophie 
de  la  liberté,  1. 1)  et  Weber  (Histoire  de  la  philosophie 
européenne),  l'intelligence  aux  caprices  de  la  volonté, 
mais  il  tend  à  réduire  le  rôle  de  l'intelligence  au  profit  de 
celui  de  la  volonté.  Ainsi  il  est  faux  de  dire  que  Duns  Scot 
a  soutenu  que  Dieu  aurait  pu  faire  un  cercle  carré  ou 


DUNS  SCOT  —  DUNSTER 


—  72  — 


rendre  les  contradictoires  identiques  ;  il  dit  au  contraire 
tout  l'opposé  [Sentent,,  lib.  I,  dist.  43,  q.  1)  ;  mais 
Duns  Scot  croit  que  Dieu  aurait  pu  donner  aux  êtres  réels 
des  essences  dilférentes  et  par  suite  changer  avec  les  lois 
de  l'univers  les  lois  mômes  de  la  morale  et,  par  consé- 
quent, certains  des  commandements  de  ^\q\x  [Sentent.^ 
lib.  III,  dist.  37,  q.  l).  Cela  se  comprend  :  si  les  lois  de 
la  nature  sont  contingentes,  Dieu  peut  évidemment  les 
changer,  et  si  la  morale  consiste  pour  l'homme  à  observer 
sa  loi,  il  est  clair  que  sa  loi  venant  à  changer,  la  morale 
changerait.  Ainsi  pour  un  homme  auquel  la  propriété 
n'eût  pas  été  nécessaire,  Dieu  aurait  pu  ne  pas  interdire 
le  vol  qui,  à  vrai  dire,  alors  n'eût  pas  été  un  vol,  mais 
Dieu  ne  pouvait  pas  modifier  le  premier  commandement, 
car  il  est  dans  la  nature  des  choses  que  Dieu  doit  être 
adoré  par  l'intelligence  dès  que  cette  intelligence  existe. 
Duns  Scot  accorde  donc  beaucoup  à  la  volonté,  mais  il  lui 
impose  aussi  des  limites  et  c'est  l'inteUigence  qui  les  fixe. 

Voici  maintenant  les  points  sur  lesquels  Dans  Scot  ne 
pensait  pas  qu'on  pût  arriver  par  la  raison  à  de  véritables 
démonstrations.  C'est  d'abord  la  toute-puissance  de  Dieu  : 
Omnipotentia  videtur  esse  crédita  de  primo  efficiente, 
et  non  demonstrata.  —  C'est  ensuite  l'incorruptibihté 
et  l'immortaUté  de  l'âme  :  Licet  ad  illam  probandam 
sint  rationes  probabiles,  non  tamen  demonstrativœ. 
Non  habebant  (philosophi)  nisi  quasdam  probabiles 
persuasiones [Sentent.,  lib.IV,dist.  43,  q.  2).  C'est  enfin 
la  connaissance  de  Dieu,  non  en  tant  qu'existant  ou  infini, 
mais  en  tant  qu'il  constitue  la  fin  naturelle  de  l'homme  : 
Soli  rationi  naturati  insistendo,  vel  errabit  circa  fînem 
ultimum  in  particulari,  vel  dubius  remanebit.  Ne- 
cessario  est  sibi  de  hoc  tradi  aliqua  cognitio  superna- 
turalis.  —  Ainsi  Duns  Scot  a  accordé  beaucoup  moins  à 
la  raison  que  ne  l'a  fait  son  rival  dominicain  ;  il  tend  à 
subordonner  l'ordre  spéculatif  à  l'ordre  pratique.  Cette 
dernière  tendance  et  le  caractère  critique  de  sa  philosophie 
a  suggéré  des  rapprochements  entre  Kant  et  Duns  Scot. 
Mais^si  Duns  Scot  est  un  Kant,  il  ne  faut  pas  oublier  que 
ses  critiques  ne  portent  jamais  que  sur  certains  usages  de 
la  raison  théorique  et  non  sur  la  valeur  de  l'usage  même  de 
cette  raison.  C'est  un  Kant  dogmatiste.     G.  Fonsegrive. 

BiBL  :  Wading,  Vita  Johan.  Duns  Scoti,  placée  en 
tête  de  son  édition  des  œuvres  de  Scot,  Opéra  oynnm; 
Ivon  1639,12  vol.  in-foL,  et  publiée  à  part;  Mons,  1644, 
inig  —  Pluanski,  Thèse  sur  Duns  Scot;  Pans,  1887,  in-8. 
—  Renan,  Duns  Scot,  dans  i'Hist.  Litt.  de  la  France  (avec 
la  collaboration  anonyme  de  M.  Jules  Soury). 

DU N STABLE.  Ville  d'Angleterre,  comté  de  Bedford, 
à  l'E.  des  collines  de  Chiltern  ou  Dunstable  Doivns; 
4,6i,7  hab.  Beaucoup  de  vieilles  maisons;  abbaye  fondée 
par  Henri  P^*  [Black  Canons).  C'est  à  Dunstable  que  fut 
représenté  en  1110  un  mystère  (miracle  de  sainte  Cathe- 
rine) qui  est  une  des  premières  manifestations  du  théâtre 
anglais. 

DUNSTABLE  ou  DUNSTAPLE  (John)  compositeur  an- 
glais, originaire  de  Dunstable  (Bedford),  mort  en  1458. 
Prédécesseur  ou  contemporain  de  Binckois  et  de  Dufay 
(V.  ces  noms),  il  joua  un  rôle  actif  dans  le  développement 
de  l'art  contrepointique,  rôle  affirmé  par  un  passage  de 
Tinctoris,  mais  dont  on  demeura  longtemps  sans  posséder  de 
preuves  directes.  Depuis  une  trentaine  d'années  on  a  découvert 
successivement  de  Dunstable  une  chanson  à  trois  voix  dans 
un  manuscrit  de  la  bibliothèque  de  Dijon  ;  deux  morceaux 
dans  les  mss.  10336  et  31922  du  British  Muséum  ;  quatre 
dans  le  ms.  37  du  Liceo  musicale  de  Bologne  ;  trois  dans 
le  ms.  2216  de  l'Université  de  Bologne;  quinze  dans  quatre 
.  manuscrits  de  la  cathédrale  de  Trente  ;  plusieurs  encore 
'  dans  des  manuscrits  de  la  bibliothèque  de  Modène.  La 
chanson  0  Rosa  bella  du  manuscrit  de  Dijon  a  été  publiée 
en  partition  par  M.  Morelot.  M.  Brenet. 

DUNSTAN  (Saint),  prélat  et  homme  d'Etat  anglo- 
saxon,  né  à  Glastonbury  en  925,  mort  à  Canterbury  le 
19  mai  988.  De  noble  Jignée,  Dunstan  fut  élevé  et  ins- 
truit par  les  moines  irlandais  du  couvent  de  Glastonbury 


et  passa  ensuite  à  la  cour  royale.  Là,  ses  connaissances 
et  son  habileté  le  firent  accuser  de  sorcellerie.  Il  se  réfugia 
chez  son  oncle  Elfheah,  évêque  de  Winchester;  celui-ci 
finit  par  lui  persuader,  non  sans  diflîculté,  de  se  faire 
moine.  Quelques  années  plus  tard,  le  roi  Edmond  (940- 
946)  entendit  parler  de  la  science  et  de  la  piété  de 
Dunstan;  il  l'appela  auprès  de  lui;  mais  le  caractère 
altier  et  dominateur  du  moine  lui  créa  de  nouveau  des 
ennemis  qui  l'obligèrent  à  fuir.  Peu  après,  il  obtint  pour- 
tant du  roi  l'abbaye  de  Glastonbury.  Depuis  lors,  Pin- 
fluence  et  l'autorité  de  Dunstan  grandirent  sans  cesse 
malgré  l'opposition  de  ses  adversaires.  Pendant  plus  de 
trente  ans,  l'histoire  du  royaume  anglo-saxon  coïncide  à 
peu  près  avec  celle  de  Dunstan.  Il  dirigea  entièrement  les 
affaires  sous  trois  règnes.  La  plupart  des  actes  publics  les 
plus  importants  de  cette  époque  portent  la  signature  de  ce 
moine.  Sous  Edred  (916-955),  Dunstan  obtint  l'ajimims- 
tration  du  trésor  royal.  L'avènement  d'Edvvy  (955-959) 
fut  marqué  par  une  scène  caractéristique  pour  la  hardiesse 
et  le  courage  de  Dunstan.  Il  arracha  le  roi  aux  bras  de  son 
épouse,  illégitime  suivant  les  canons  ecclésiastiques, 
mais  nullement  suivant  les  coutumes  nationales.  L'irri- 
tation fut  telle  que  Dunstan  dut  quitter  le  pays  et  se  réfu- 
gier à  Gand.  Presque  aussitôt  l'anarchie  éclata  dans  le 
royaume.  La  Northumbrie  et  la  Mercie  se  détachèrent 
d'Edwy  et  se  donnèrent  pour  roi  Edgar,  le  frère  d'Edwy 
(957).  Dunstan,  rappelé,  exerça  le  pouvoir  au  nom  de  ce 
roi,  âgé  seulement  de  quatorze  ans.  Quand  Edwy  mourut, 
en  959,  Edgar  devint  seul  roi  ;  Dunstan,  déjà  évèque  de 
Worcester  et  de  Londres  (958),  fut  promu  à  l'archevêché 
de  Canterbury  (959),  qu'il  occupa  pendant  trente  ans. 
Durant  tout  le  règne  d'Edgar  (959-975),  l'influence  de 
Dunstan  fut  incontestée.  Son  action  fut  double.  Elle  s'exerça 
d'abord  sur  PEglise;  il  la  réforma  en  régularisant  le  clergé 
et  en  s'efiforçant  de  soumettre  les  moines  à  la  règle  de 
Saint-Benoît.  On  lui  a  reproché  d'avoir  romanisé  l'Eglise 
et  de  n'avoir  pas  reculé  devant  la  violence  pour  atteindre 
ses  fins  ;  mais  il  est  évident  qu'il  ne  pouvait  même  pas 
penser  à  remonter  la  pente  où  s'était  engagé  le  synode  de 
Strenaeshalch,  en  664  (V.  Culdéens),  et  qu'au  x^  siècle 
il  était  difficile  de  rien  réformer  sans  violence.  Par  le 
clergé  régénéré,  Dunstan  propagea  la  civilisation  dans  le 
pays  et  provoqua,  après  Alfred  le  Grand,  comme  une  se- 
conde renaissance,  trop  éphémère  malheureusement  à  cause 
des  invasions  danoises  qui  survinrent.  Ainsi  l'action  de 
Dunstan  s'étendit  aux  aff'aires  politiques  du  royaume  ; 
grâce  à  lui,  un  peu  de  justice  et  d'ordre  pénétra  dans  la 
société  barbare  de  ses  contemporains.  L'avènement 
d'Edouard  (975-978)  faillit  être  le  signal  de  nouveaux  trou- 
bles. Dunstan  convoqua  une  assemblée  des  grands  [witan) 
à  Calne  (Wiltshire),  en  977  :  pendant  une  allocution  de 
Dunstan,  la  partie  du  plancher  qui  portait  les  adversaires 
de  l'archevêque  s'efi'ondra  et  la  plupart  d'entre  eux  péri- 
rent; on  y  vit  alors  un  jugement  de  Dieu;  aujourd'hui,  on 
pense  que  la  main  de  Dunstan,  experte  dans  les  arts  mé- 
caniques, n'a  pas  été  étrangère  à  Paccident.  D'ailleurs, 
Edouard  fut  assassiné  en  978;  son  frère,  Ethelred,  sur- 
nommé plus  tard  Vlrrésolu,  lui  succéda.  Dunstan  garda  en 
main  pendant  dix  ans  encore  les  rênes  du  gouvernement. 
Après  sa  mort,  quand  les  Danois  s'avancèrent  jusqu'à 
Malden,  on  constata  bientôt  que  l'intelligence  claire,  la 
ferme  volonté,  l'action  rapide  de  Dunstan  faisaient  défaut. 
Outre  les  chartes  et  les  diplômes  déjà  mentionnés,  il  existe 
au  Musée  britannique  [Bibl.  reg.,  10.,  A,  XIII)  une  Ex- 
positio  regulœ  Benedicti  de  Dunstan.    F. -H.  Kruger. 

Bibl.:  Acta  Sanct.,  19  mai.  —  Wharton,  Anglia 
Sacra,  II,  pp.  88  et  211.  —  J.  Lingard,  History...  of  the 
Anglosaxon  Church;  Londres,  1809,  t.  II,  pp.  266  et  suiv.— 
Stubbs,  Memorlals  of  saint  Dunstan  ;  Londres,  1874. 

DUNSTER  (Charles),  écrivain  anglais,  né  en  1750, 
mort  à  Petworth  en  avr.  1816.  Après  avoir  fait  ses  études 
à  l'Université  d'Oxford,  il  fut  nommé  recteur  dans  le  comté 
de  Worcester  en  1776,  et  devint  recteur  de  Petworth  en 
1789.  Il  a  beaucoup  écrit.  Nous  citerons  parmi  ses  ouvrages  : 


-  73 


The  Frogs  of  Aristopha7ies  (1785);  Paradise  regained 
with  notes  of  varions  authors  (1795)  ;  Considération 
on  Milton's  early  reading  and  the  prima  stamina  of 
his  Paradise  Lost  (1800)  ;  plusieurs  traités  religieux. 

DUNTHORNE  (Richard),  astronome  anglais,  né  à  Rani- 
sey  (Huntingsdonshire)  en  1711,  mort  à  Cambridge  le 
10  mars  1775.  Outre  d'intéressantes  communications  faites 
à  la  Société  royale  de  Londres  et  insérées  dans  les  Philo- 
sophical  Transactions  (t.  XLIV,  XLVI,  XLVIt  et  LU), 
on  lui  doit  :  Ike  Practical  Astronomy  ofthernooniO^^m- 
bridge,  1739).  L-  S. 

DUNTON  (John),  hbraire  anglais,  né  le  4  mai  lbt>9, 
mort  en  1733.  A  quatorze  ans,  il  entra  en  apprentissage 
chez  Thomas  Parkhurst,  libraire  de  Londres,  s'établit  vers 
1677  et  commença  à  remporter  de  grands  succès  en  impri- 
mant les  œuvres  de  Doolittle,  de  Jay,  de  Shower.  En  1685, 
il  fit  un  voyage  en  Amérique,  et  à  son  retour  fut  impliqué 
dans  un  procès  pour  dettes  qui  lui  causa  maint  ennui.  De 
1689  à  1696,  il  édita  VAthenian  Gazette,  se  lança  dans 
la  politique  et  finit  misérablement.  Il  a  écrit  un  grand 
nombre  d'ouvrages  dont  on  trouvera  la  hste  complète  dans 
la  Biographie^de  Leslie  Stephen  (t.  XVI).  Nous  citerons 
seulement  :  The  Dublin  souffle  (iQ99)  ;  The  Case  of  John 
Dunton  (1700);  Ihe  Life  and  errors  of  John  Dunton 
(1705,  nouv.  éd.,  1818),  qui  contient  de  très  curieux 
détails  sur  les  mœurs  littéraires  de  l'époque;  The  Danger 
ofliving  in  a  known  Sin  (1708)  ;  Athenianism  (1710)  ; 
A  Cat  may  look  at  a  queen  (s.  d.);  Neck  or  JSothing 
(1716).  R-  S. 

D U  NTZE  (Johannes-Bartholomaiis),  paysagiste  allemand, 
né  à  Rablinghausen,  près  de  Brème,  le  6  mai  1823.  Cet 
artiste  commença  ses  études  à  l'Académie  de  Munich, 
les  continua  à  Berlin  et  à  Genève  dans  l'atelier  que 
Diday  et  Calame  venaient  d'y  fonder.  Il  se  fixa  en  1856  à 
Dusseldorf.  Ses  tableaux  les  plus  connus  sont  :  Un 
Paysage  norvégien  en  été,  Un  Paysage  iiéerlandais 
près  de  Clèves,  Une  Partie  du  Grisou,  Une  Vue  sur  le 
T  heuer  see 

DÛNTZER  (Johann-Heinrich- Joseph),  philologue  alle- 
mand, né  à  Cologne  le  12  juin  1813.  Il  fit  ses  études  à 
Bonn  et  à  Berlin,  et  fut  nommé,  en  1846,  bibliothécaire 
du  gymnase  catholique  de  sa  ville  natale.  Diintzer  a  fait 
des 'travaux  estimés  sur  les  langues  et  les  littératures 
anciennes;  mais  il  doit  surtout  sa  réputation  à  ses 
nombreuses  publications  sur  la  période  classique  de  la 
littérature  allemande.  Il  est  peu  d'ouvrages  importants  de 
Gœtheou  de  Schiller  qu'il  n'ait  commentés  ;  il  a  publié  une 
Vie  de  Gœthe  (Leipzig,  1880)  et  une  Vie  de  Schiller 
(ib.,  1881).  Il  a  pris  une  part  considérable  à  la  Deutsche 
Nationalbibliothek  de  Hempel,  et  il  est  l'un  des  collabo- 
rateurs de  la  Deutsche  Nationallitteratur  de  Kiirschner. 
Diintzer  a  essayé  d'être  poète  à  ses  heures,  comme  le 
prouve  le  volume  anonyme  :  Adeline,  Liebeslieder  vom 
Rheine  (Cologne,  1860).  A.  B. 

DUO.  I.  Musique.—  Morceau  de  musique  vocale  dans 
lequel  deux  voix  s'unissent  et  se  répondent  pendant  un  temps 
relativement  considérable.  Un  duo  de  faible  étendue  et  de 
demi-caractère  reçoit  le  nom  de  duetto.  Dans  le  grand 
nombre  des  cas,  un  duo  est  établi  sur  un  motif  posé  par 
l'une  des  voix,  repris  par  l'autre  et  développé  ou  varié 
jusqu'à  un  ensemble  final  de  ces  deux  voix.  Comme 
exemple  très  clair  et  très  pur  de  cette  forme,  nous  cite- 
rons le  duetto  célèbre,  en  mi  bémol,  de  la  Flûte  en- 
chantée. Il  arrive  quelquefois  qu'un  deuxième  et  même  un 
troisième  motifs  se  présentent  dans  le  duo,  oti  s'interca- 
lent alors,  pour  ainsi  dire,  des  épisodes  mélodiques  dis- 
tincts ;  c'est  le  cas  du  charmant  duo  du  Freischûtz  entre 
Agathe  et  Annette.  Enfin,  surtout  dans  la  musique  con- 
temporaine, le  duo  se  transforme  en  une  longue  scène  à 
deux,  graduée  sur  deux,  trois,  quatre,  cinq,  six  motifs  ou 
davantage,  et  les  voix  ne  s'unissent  que  rarement  ou 
point.  Tels  sont  les  grandes  scènes  à  deux  de  Lohengrin 
(2^  et  3^  actes),  de'  Tristan  et   Iseult(^^  acte),  de  la 


DUNSTER  ~  DUPAIN 

Walkyrie  (1®^  acte),  du  Crépuscule  des  Dieux  (l^^acte), 
de  Parsifal  (2®  acte).  Faire  la  nomenclature  des  duos 
fameux  nous  entraînerait  trop  loin  ;  qu'il  nous  sufiise 
de  citer  les  duos  classiques  de  Gluck  [Alceste,  Iphi- 
génie,  Armide),  ceux  de  Méhul  (Joseph,  Euphrosine 
et  Conradin),  celui  de  Richard  Cœur  de  Lion  de 
Grétry;  Beethoven  a  le  sombre  duo  de  Léonore  et  du 
geôlier  dans  Fidelio  ;  Weber,  ceux  à'Euryanthe  et  du 
Freischiltz  ;  Berlioz,  le  poétique  duo  des  Troyens  et  celui 
de  la  Damnation  de  Faust  ;  entre  tous  les  duos  de 
Meyerbeer,  celui  de  Raoul  et  de  Valentine,  au  4«  acte  des 
Huguenots,  occupe  la  place  d'honneur.  Nous  en  avons 
indiqué  précédemment  plusieurs  dans  l'œuvre  de  Richard 
Wagner,  et  il  n'en  manque  pas  dans  le  répertoire  de  Ros- 
sini,  de  Bellini,  de  Verdi,  non  plus  qu'aux  œuvres  de  com- 
positeurs comme  Hérold,  Bizet,  MM.  Lalo,  Massenet  et 
Saint-Saëns.  La  majeure  partie  des  duos  sont  écrits  pour 
voix  d'homme  et  de  femme,  tels  le  duo  de  la  Flûte  (so- 
prano et  basse),  celui  des  Huguenots  (soprano  et  ténor), 
le  dialogue  de  Frédéric  et  Ortrude  (baryton  et  mezzo- 
soprano),  etc.  Mais  il  est  aussi  des  duos  pour  deux  voix 
d'homme,  comme  ceux  de  Richard  (ténor  et  baryton),  et 
d'Israël  en  Egypte  (baryton  et  basse),  ou  pour  deux  voix 
de  femme,  ceux  d'Euryanthe  (2«  acte),  du  Freischiltz, 
de  Sigurd  (entre  Hilda  et  Brunehilde),  ou  celui  du  2«  acte 
de  Lohengrin  entre  Ortrude  et  Eisa.  —  Par  extension, 
on  considère  des  duos  écrits  pour  des  instruments,  par 
exemple  pour  deux  flûtes,  deux  violons,  violon  et  violon- 
celle, etc.,  qui  peuvent  être  exécutés  avec  ou  sans  accom- 
pagnement, suivant  le  cas.  Quelquefois  même,  dans  la  mu- 
sique de  symphonie  ou  de  drame,  il  s'établit  momentané- 
ment un  court  duo  entre  deux  instruments  de  Torchestre 
ou  entre  deux  groupes  d'instruments.      Alfred  Ernst. 

IL  Métallurgie.  —  On  appelle  duo  un  ensemble  de  deux 
cylindres  à  axes  parallèles  concourant  à  un  même  laminage. 
On  emploie  surtout  cette  expression  par  opposition  à  trio, 
qui  désigne  l'ensemble  de  trois  cylindres  à  axes  parallèles , 
concourant  dans  un  même  axe  à  des  laminages  successifs 
d'une  même  barre.  L'inconvénient  des  duos  c'est  de  de- 
mander, quand  ils  ont  fait  subir  un  laminage  à  une  barre, 
au  travers  d'une  cannelure,  que  cette  barre  repasse  par- 
dessus les  cylindres  pour  revenir  se  présenter  à  la  canne- 
lure suivante.  C'est  une  augmentation  de  travail  et  une 
perte  de  chaleur.  Avec  les  trios,  au  contraire,  la  barre 
passe  et  repasse  dans  la  série  des  cannelures  sans  fausses 
manœuvres,  à  condition  de  l'engager  alternativement  entre 
le  cylindre  du  milieu  et  le  cyhndre  inférieur.  Les  duos, 
plus  exacts  comme  montage  que  les  trios,  servent  surtout 
aux  finissages.  L.  K. 

DUODÉCIMAL  (Système).  Système  de  numération  dont 
la  base  est  douze.  —  Ce  système  n'a  jamais  été  employé; 
cependant  on  en  retrouve  les  traces  dans  la  division  de 
l'année  en  douze  mois,  du  cercle  en  360*  (30  X  12)  ; 
dans  l'habitude  qu'ont  les  marchands  de  vendre  à  la  douzaine 
et  à  la  grosse  ou  douze  douzaines.  Le  système  duodécimal 
a  cet  avantage  d'avoir  une  base  divisible  par  2,  3,  6. 

DUODÉNUM  (V.  Intestin). 

DUPAIN  (Edmond-Louis),  peintre  français  contem- 
porain, né  à  Bordeaux  lel3  janv.  1847.  Il  fit  ses  premières 
études  à  l'école  de  dessin  de  sa  ville  natale,  sous  la  direction 
de  Gué,  et  vint  ensuite  à  Paris,  comme  pensionnaire  de  son 
département.  Il  entra  à  l'atelier  de  Cabanel  et  devint  un 
des  bons  élèves  de  ce  maître  ;  ses  tableaux  sont  bien  com- 
posés, d'un  dessin  correct  et  d'un  coloris  agréable.  Les 
principaux  sont  :  la  Jeunesse  et  la  Mort  (S.  1875)  ;  por- 
trait de  Delaunay  de  la  Comédie -Française  (S.  1876)  ; 
le  Bon  Samaritain  (S.  1877  ;  pour  l'église  de  Longwy, 
Meurthe-et-Moselle)  ;  Saint  Gervais  et  saint ^  Protais 
marchant  au  supplice  (id,,  pour  l'église  de  Pierrefitte, 
Seine);  le  Droit  de  sortie  d  Bordeaux,  xvi^  siècle(^.  1880  ; 
pour  le  tribunal  de  commerce  de  cette  ville)  ;  Mort  de 
Petion  et  de  Buzot  {^.  l^'è^',  acquis  pour  le  musée 
du  Luxembourg)  ;  portrait  du  contre -amiral  Mouchez, 


DUPAÏN  —  DU  PARC 


—  74  — 


direct,  de  l'Observatoire  (S.  1887)  ;  Musique  de  rue^ 
Biskra  (S.  4889).  M.  Dupain  est  aussi  l'auteur  d'un 
plafond  exécuté  pour  l'Observatoire  de  Paris  en  1884,  et 
représentant  le  Passage  de  Vénus  devant  le  soleil;  la 
composition  en  est  ingénieuse  et  le  coloris  bien  décoratif. 

DUPAIN  DE  MoNTESsoN,  géouiètre  français,  né  vers  1 720, 
mort  vers  1790.  Officier  d'infanterie,  il  devint  ingénieur- 
géographe  des  camps  et  armées  et  fut  l'un  des  précepteurs 
de  Louis  XVI.  Il  a  publié  sur  l'architecture  et  l'art  militaires 
et  sur  la  planimétrie  de  nombreux  ouvrages,  parmi  lesquels 
nous  citerons  :  les  Amusements  militaires  (Paris,  1758, 
in-8)  ;  U Art  de  lever  les  plans  (Paris,  1763,  in-8  ;  3^  éd., 
1804i;  la  Science  de  Varpenteur  (Paris,  1766,  in-8; 
4^  éd.,  1812);  Nouveau  Traité  de  trigonométrie  rec- 
tiligne  (Paris,  1773,  in-8);  Vocabulaire  de  guerre 
(Paris,  1783,  2  vol.  in-8)  ;  Abrégé  du  toisé  des  ouvrages 
rustiques  (Paris,  1787,  in-8),  etc.  L.  S. 

DU  PAN  LOUP  (Félix-Antoine-Philibert),  prélat  fran- 
çais, né  à  Saint-Félix  (Savoie)  le  3  janv.  1802,  mort  au 
château  de  la  Combe  le  11  oct.  1878.  Par  son  acti- 
vité et  son  incontestable  talent,  par  l'ardeur  fougueuse 
de  son  tempérament,  il  a  joué  un  assez  grand  rôle  dans 
les  controverses  et  dans  les  affaires  publiques  de  son 
temps.  Il  fut  de  bonne  heure  distingué  pour  ses  rares 
qualités  d'esprit  et,  avant  1830,  il  devint  tour  à  tour 
confesseur  du  duc  de  Bordeaux,  catéchiste  des  jeunes 
princes  d'Orléans,  aumônier  de  W^^  la  Dauphine.  Sous  la 
monarchie  de  Juillet,  nous  le  voyons  tour  à  tour  conféren- 
cier à  Notre-Dame,  supérieur  du  petit  séminaire  de  Paris, 
vicaire  général,  enfin,  en  1 841 ,  professeur  d'éloquence  sacrée 
à  laSorbonne.  Mais  la  vivacité  de  ses  attaques  contre  Voltaire 
provoqua  dans  son  nombreux  auditoire  des  protestations  tapa- 
geuses et  le  cours  fut  suspendu  après  un  petit  nombre  de 
leçons.  En  1845,  il  cessa  aussi  d'être  supérieur  du  petit  sémi- 
naire et  vicaire  général  ;  il  resta  simple  chanoine  de  Notre- 
Dame.  G 'est  en  1849  que  la  fortune  lui  sourit  de  nouveau. 
Il  devint  évêque  d'Orléans  et  c'est  dans  ce  siège  épiscopal 
qu'il  déploya  toute  l'ardeur  de  son  caractère.  Ne  se  laissant 
pas  absorber  par  les  soins  de  la  prédication  ou  de  l'admi- 
nistration de  son  diocèse,  il  fut  toujours  au  premier  rang 
parmi  les  polémistes  cathohques.  En  1850,  il  collabora  à 
la  loi  du  15  mars,  où  l'Université  était  manifestement  sacri- 
fiée aux  établissements  religieux.  Devenu  en  1854  membre 
de  l'Académie  française,  il  se  signala  par  son  intolérance, 
et  sa  brochure  de  1863,  Avertissement  aux  pères  de 
famille,  dirigée  contre  les  doctrines  de  MM.  Littré,  Maury, 
Taine  et  Renan,  fit  échouer  avec  éclat  la  candidature  de 
M.  Littré.  Précédemment,  en  1859,  il  avait  dénoncé  en 
chaire  «  les  calomnies  vomies  par  la  plume  de  M.  Edmond 
About  ».  Lorsque  M.  Duruy  entreprit  d'organiser,  par  des 
cours  ouverts  dans  les  facultés,  l'enseignement  secondaire 
des  jeunes  filles,  l'évêque  d'Orléans  protesta  avec  violence 
contre  cette  prétendue  usurpation  de  l'Etat,  s'indignant 
avec  emphase  de  voir  les  jeunes  filles  «  passer  du  giron  de 
l'Eglise  dans  les  bras  de  l'Université  ».  Lorsque  le  dogme  de 
l'infaillibilité  papale  fut  proposé  en  1869  au  concile  du 
Vatican,  Dupanloup,  d'abord  opposé,  s'empressa  de  se  sou- 
mettre. Enfin,  en  1871,  élu  membre  de  l'Assemblée  natio- 
nale par  le  dép.  du  Loiret,  il  se  signala  par  son  opposition 
véhémente  contre  toutes  les  mesures  libérales  proposées 
pour  la  réforme  de  l'enseignement  et  notamment  contre  les 
projets  relatifs  à  l'établissement  de  l'instruction  obligatoire, 
gratuite  et  laïque.  Toujours  prompt  à  l'attaque,  ne  se 
contentant  pas  de  défendre  les  droits  de  l'Eglise,  prenant 
l'offensive  contre  les  représentants  de  l'esprit  de  tolérance  et 
de  liberté,  Dupanloup  n'a  été,  comme  on  l'a  dit,  qu'  «  un 
journaliste  égaré  dans  l'épiscopat  ».  De  toutes  les  polé- 
miques qu'il  a  soutenues,  deux  seulement  méritent  notre 
approbation  complète  :  celle  qu'il  engagea  avec  l'abbé 
Gaume  pour  défendre  les  auteurs  profanes  et  les  études  lit- 
téraires, et  celle  aussi  qui  fit  de  lui  un  adversaire  déclaré 
du  système  de  la  bifurcation  et  qui  l'amena  à  se  retirer  du 
conseil  supérieur  de  l'instruction  publique  en  1852.  Il  y 


rentra  en  1873,  après  le  24  mai,  et  y  fut  le  principal 
promoteur  de  la  réforme  qui  dédoubla  les  épreuves  du  bac- 
calauréat es  lettres.  Dupanloup  a  publié  un  grand  nombre 
d'écrits  dont  quelques-uns  ont  eu  un  succès  retentissant, 
au  moins  par  le  bruit  qu'ils  ont  provoqué  :  brochures  poli- 
tiques, discours  de  toute  espèce,  œuvres  mihtantes  en  gé- 
néral. Peu  d'écrivains  de  notre  temps  ont  été  aussi  féconds. 
Mais  la  plupart  de  ces  travaux,  qui  ne  sont  que  des  pu- 
blications de  circonstance,  paraissent  déjà  condamnés  à 
l'oubli  et  c'est  seulement  par  ses  livres  pédagogiques  que 
Dupanloup  aura  laissé  une  œuvre  durable. 

Dupanloup  est,  de  tous  les  ecclésiastiques  de  ce  siècle, 
celui  qui  a  le  plus  passionnément  étudié  les  questions  d'édu- 
cation. Il  rêvait,  à  n'en  pas  douter,  d'être  au  xix^  siècle 
le  continuateur  de  Fénelon,  son  auteur  favori.  Divers  ou- 
vrages :  la  Femme  studieuse  (1863)  ;  la  Femme  chré- 
tienne et  française,  et  surtout  son  œuvre  de  prédilection, 
les  Lettres  sur  l'éducation  des  filles  (1879),  témoignent 
de  cette  prétention.  Et  quelques  lacunes  que  présente  l'idéal 
qu'il  trace  de  T éducation  féminine,  il  faut  bien  reconnaître 
que  Dupanloup  a  fait  preuve,  sur  ce  point,  d'un  certain 
hbéralisme,  qui  lui  a  valu  du  reste  les  injures  de  la  presse 
ultramontaine.  Grâce  aux  révélations  du  confessionnal  et  à 
la  direction  spirituelle  d'un  grand  nombre  de  femmes,  il 
savait  à  merveille  quel  vide  une  éducation  incomplète  de 
l'esprit  et  du  cœur  laisse  dans  l'âme.  Aussi  appelle-t-il  les 
femmes  à  une  véritable  culture  intellectuelle.  Il  ne  veut 
pas  que  leurs  facultés  restent  «  étouffées  et  inutiles  ».  Il 
n'admet  pas  que  la  piété  leur  suffise  et  il  les  convie  à  des 
études  sérieuses.  Ses  conseils  d'ailleurs  ne  s'adressent 
qu'aux  femmes  des  classes  moyennes,  à  celles,  dit-il, 
qui  à  Paris  habitent  le  troisième  étage.  Les  œuvres  péda- 
gogiques de  Dupanloup,  en  ce  qui  concerne  les  jeunes 
hommes,  ne  sont  pas  moins  considérables.  Nous  cite- 
rons :  le  traité  de  VEducation  (1851,  3  vol.);  la 
Haute  Education  intellectuelle  (1853,  3  vol.)  ;  les  Con- 
seils aux  jeunes  gens  sur  r étude  de  l'histoii^e  (1872). 
Malgré  leur  longueur  et  leurs  vastes  proportions,  ces 
livres  ne  sont  au  fond  que  des  pamphlets,  des  œ.uvres  de 
combat  contre  l'esprit  moderne  et  les  tendances  démocra- 
tiques de  notre  temps.  Ils  trahissent,  par  la  violence  du 
langage  et  les  exagérations  de  la  pensée,  le  zèle  fanatique 
d'un  apologiste  catholique,  plutôt  qu'ils  ne  procèdent  d'un 
amour  impartial  de  la  vérité.  Sans  doute,  la  compétence 
n'y  manque  pas  :  on  y  reconnaît  l'ancien  directeur  du  petit 
séminaire  de  Paris,  le  protecteur  et  le  conseiller  du  sémi- 
naire d'Orléans.  Mais  précisément  le  défaut  capital  de  ces 
œuvres,  toutes  pénétrées  d'esprit  clérical,  c'est  que  l'auteur 
n'y  franchit  pas  les  limites  étroites  d'une  éducation  de 
petits  séminaires.  Il  n'écrit  que  pour  les  classes  moyennes; 
il  n'a  point  souci  de  l'éducation  populaire.  Il  attaque  avec 
emportement  tous  les  éducateurs  qui  ont  voulu  prendre 
la  nature  pour  guide  dans  leurs  essais  théoriques  ou  leurs 
entreprises  pratiques.  Il  déteste  l'Université.  11  couvre  de 
ses  anathAmes  l'instituteur  laïque.  Il  reste  enfin  dans  ses 
écrits  pédaiiogiques  l'homme  qui  a  inspiré  la  loi  de  réaction 
du  15  mars  1850.  Gabriel  Compayré. 

DU  PARC  (René  Berthelot,  sieur),  acteur  français, 
mort  vers  1670.  Il  faisait  partie  de  la  troupe  que  Molière 
avait  installée  en  1645  au  faubourg  Saint-Germain,  sous 
le  nom  de  V Illustre-Théâtre,  et  qui  réussit  peu,  et  il 
suivit  le  grand  homme  lorsque  celui-ci  alla  recommencer 
ses  pérégrinations  en  province.  Il  revint  avec  lui  lorsque, 
de  retour  à  Paris,  il  s'y  établit  solidement  avec  l'agrément 
de  Louis  XIV.  Du  Parc  jouait  les  comiques,  et  l'on  peut 
avoir  une  preuve  du  talent  qu'il  y  déployait  par  ce  fait  que 
c'est  à  lui  que  Molière  confia  le  rôle  si  important  et  si  joli 
de  Gros-René  dans  le  Dépit  amoureux.  On  croit  cependant 
qu'à  la  mort  de  Jodclet  il  quitta  son  vieil  ami  pour  aller 
remplacer  cet  acteur  célèbre  à  l'Hôtel  de  Bourgogne. 

DU  PARC  (Marguerite),  femme  du  comédien  de  ce  nom, 
actrice  française,  née  vraisemblablement  vers  1635,  morte 
à  Paris  le  13  déc.  1668.  Elle  faisait,  ainsi  que  son  mari, 


—  75  — 


DU  PARC  —  ÛUPATY 


partie  de  la  troupe  de  Molière  en  province  et  s'y  maintint 
lorsque  le  grand  homme  revint  s'établir  définitivement  à 
Paris.  On  sait  que  Molière  en  fut  amoureux,  et  Racine 
aussi,  qui  la  lui  enleva;  d'aucuns  prétendent  même  que 
Corneille ,  quoique  vieux  à  cette  époque,  fut  au  nombre 
de  ses  adorateurs.  W^^  Du  Parc  était  d'ailleurs  d'une 
beauté  noble  et  imposante,  et  à  cette  beauté  elle  joignait 
un  talent  rare,  soit  dans  la  comédie,  soit  dans  la  tragédie; 
elle  dansait  même,  dit-on,  d'une  façon  remarquable.  Elle 
créa,  sur  le  théâtre  de  Molière,  entre  autres  rôles,  ceux 
de  Dorimène  dans  le  Mariage  forcé,  d'Aglante  dans  la 
Princesse  d'Elide,  de  Cathos  dans  les  Précieuses  ridi- 
cules, de  CéHe  dans  le  Cocu  imaginaire,  d'Elvire  dans 
Don  Garde  de  Navarre,  d'Orante  dans  les  Fâcheux,  de 
Climène  dans  la  Critique  de  l'Ecole  des  Femmes,  de 
]\liie  D^  Parc  dans  P Impromptu  de  Versailles,  d'Arsinoé 
dans  le  Misanthrope,  d'Elvire  dans  le  Festin  de  Pierre, 
de  Mélicerte  dans  Mélicerte,  d'Héro  dans  Héro  et  Léandre, 
de  Gilbert,  d'Axiane  dans  Alexandre,  de  Racine,  etc.  C'est 
même  à  la  suite  du  succès  qu'elle  avait  obtenu  dans  ce 
dernier  ouvrage  que  Racine,  ingrat,  comme  on  le  sait, 
envers  Molière,  jugea  à  propos  de  lui  enlever  M^^®  Du  Parc 
et  de  la  faire  engager  au  théâtre  de  l'Hôtel  de  Bourgogne, 
où  il  allait  lui  confier  le  rôle  à'Andromaque.  Mais  ni 
elle  ni  Racine  ne  jouirent  longtemps  du  très  grand  succès 
qu'elle  obtint  dans  ce  rôle,  puisqu'elle  mourut  à  la  fin  de 
l'année  suivante.  A.  P. 

DU  PARC  (Jean-Louis-Léon-René),  marin  français,  né 
à  Leyde  le  28  mars  1798,  mort  à  Paris  en  1855.  Entré 
dans  la  marine  en  1812,  il  était  capitaine  de  corvette  en 
1836  lorsqu'il  fut  mis  en  jugement  à  la  suite  de  la  perte 
du  navire  qu'il  commandait.  Acquitté,  il  devint  en  1840 
capitaine  de  frégate.  Il  est  surtout  connu  par  les  nombreux 
progrès  qu'il  fit  réaliser  à  la  navigation  à  vapeur.  Notam- 
ment, il  perfectionna  le  système  des  navires  à  aubes,  le 
clinomètre  marin  de  Conninck  et  fit  établir  à  la  mer  une 
école  de  chauffage  sur  les  bâtiments  à  vapeur.  Outre  des 
mémoires  insérés  dans  les  Annales  maritimes,  on  a  de 
lui  :  Clinomètre  marin  (Paris,  1840,  in-8);  De  la  Vis 
et  autres  propulseurs  pour  les  bâtiments  à  vapeur 
(1842,  in-8)  ;  Essai  de  tactique  navale  pour  les  bâti- 
ments à  vapeur  (1846,  in-8),  etc. 

D  U  P  AR  G  (Florence) ,  actrice  et  chanteuse  de  café-concert, 
née  à  Paris  vers  1855.  D'abord  ouvrière  en  fleurs,  puis  en 
bijoux,  elle  abandonna  son  état  pour  se  livrer  à  son  goût 
pour  le  théâtre.  Engagée  au  théâtre  Cluny,  elle  part  en 
1873  pour  Le  Caire,  où  elle  faisait  partie  de  la  troupe 
française  du  khédive.  De  retour  en  France,  elle  entre  au 
Palais-Royal,  puis,  de  1875  à  1878,  va  faire  une  grande 
tournée  en  Amérique.  C'est  en  1878  que,  revenue  à  Paris, 
elle  commence  à  obtenir  d'énormes  succès  comme  chanteuse 
de  café-concert,  d'abord  à  l'Alcazar,  puis  à  l'Eden-Concert, 
au  Concert-Parisien  et  à  la  Scala,  où  elle  est  considérée 
comme  une  étoile  et  payée  en  conséquence.  On  assure  que 
M^^®  Duparc  a  gagné  dans  ces  divers  établissements  jusqu'à 
4,500  fr.  par  mois. 

DUPASQUIER  (Charles),  homme  politique  français,  né 
à  Chambéry  le  14  août  1804,  mort  le  16  avr.  1880. 
Magistrat  en  Savoie  avant  la  réunion  à  la  France,  gouver- 
neur de  cette  province  en  1860,  il  fut  nommé  président 
de  chambre  à  la  cour  d'appel  de  Chambéry  et  promu  en 
1866  premier  président.  Le  30  janv.  1876,  il  fut  élu  sénateur 
de  la  Savoie,  siégea  à  droite,  appuya  le  gouvernement  du 
16  mai  et  vota  ensuite  contre  les  ministères  républicains. 

DUPATY  (Charles-Marguerite-Jean-Baptiste  Mercier-), 
littérateur  et  magistrat  français,  né  à  La  Rochelle  le  9  mai 
1746,  mort  à  Paris  le  17  sept.  1788.  Elève  du  collège  de 
Beauvais  à  Paris,  où  il  eut  Thomas  pour  professeur  de  troi- 
sième, il  fut  élu  membre  de  l'Académie  de  La  Rochelle  dès 
l'âge  de  dix-neuf  ans.  Nommé  avocat  général  au  parle- 
ment de  Bordeaux  le  10  févr.  1768,  Il  fut,  lors  de  la 
lutte  de  la  magistrature  contre  les  réformes  de  Maupeou, 
conduit  à  Pierre-Encise,  tenu  au  secret,  puis  exilé  à  Roanne 


(sept.  1770),  et  ne  reprit  son  siège  qu'en  1775,  en  pro- 
nonçant un  discours  de  rentrée  qui  fit  sensation.  Son  élé- 
vation au  titre  de  président  à  mortier  (1778)  souleva  de 
longues  diflicultés  parce  qu'il  n'était  point  noble,  et  le  roi, 
pour  contraindre  les  résistances,  dut  envoyer  des  lettres  de 
jussion.  En  1785,  Dupaty  résigna  sa  charge  et  fit  un 
voyage  en  Italie  où  il  ne  retrouva  pas  sa  santé  ruinée  par 
le  travail  et  les  veilles.  Avant  de  s'éteindre,  il  eut  du 
moins  la  joie  de  voir  casser  le  jugement  inique  qui  condam- 
nait à  la  roue  trois  paysans  des  environs  de  Chaumont, 
Bradier,  Simarre  et  Lardoise,  accusés  d'assassinat  et  défi- 
nitivement hbérés  le  18  déc.  1787,  après  des  années  de 
luttes  et  d'eff'orts,  et  malgré  un  arrêt  du  parlement  de  Pa- 
ris, ordonnant  la  destruction  par  le  bourreau  du  Mémoire 
justificatif  de  Dupaty.  Un  Discours  dans  la  cause  d'une 
veuve  accusée  d'avoir  forfait  avaîit  Van  de  deuil  (1769, 
in-8) ,  des  Lettres  sur  la  procédure  criminelle  en 
France  (1788,  in-8)  et  des  Réflexions  historiques  sur  les 
lois  criminelles  (1788,  in-8)  se  rattachent  également  à 
sa  carrière  judiciaire;  toutefois,  pour  ses  contemporains,  il 
fut  surtout  l'auteur  des  Lettres  sur  l'Italie  (1788,  2  vol. 
in-8),  dont  le  succès,  attesté  par  de  nombreuses  éditions, 
nous  semble  aussi  peu  justifié  que  celui  des  Lettres  sur  la 
mythologie  de  Demoustiers  ;  mais  les  défauts  qui  nous  cho- 
quent dans  ces  amplifications  sentimentales  sont  précisé- 
ment ce  qui  en  fit  la  vogue.  M.  Tx. 

BiBL.  :  Robespierre,  Eloge  de  Dupaty,  1789,  in-8.  — 
L.  Délayant,  Notice,  extraite  des  Mémoires  de  l'Acadé- 
mie de  La,  Rochelle,  1857,  in-8. 

DUPATY  (Louis-Marie-Charles-Henri  Mercier-),  sculp- 
teur français,  né  à  Bordeaux  le  29  sept.  177d,  mort  à 
Paris  le  12  nov.  1825.  Fils  du  précédent,  il  fut  d'abord 
destiné  par  son  père  à  la  magistrature,  mais  il  renonça 
bientôt  à  cette  carrière  pour  étudier  la  peinture  avec  Valen- 
ciennes  et  Vincent  ;  au  Salon  de  1793,  il  exposa  même 
trois  dessins  de  paysages.  Cependant  il  abandonna  les 
pinceaux  pour  l'ébauchoir  et  étudia  la  sculpture  dans  l'ate- 
lier du  baron  Lemot  ;  en  1799,  il  remportait  le  grand  prix 
de  Rome,  sur  un  bas-relief  représentant  Périclès  visi- 
tant Anaxagoras.  l\  ne  partit  qu'en  1803  pour  l'Italie 
où  il  resta  pendant  huit  ans.  La  première  œuvre  de  sculp- 
ture qu'il  exposa  fut  la  statue  en  marbre  de  Philoctète 
blessé  qui  parut  au  Salon  de  1810  ;  il  exposa  ensuite  aux 
Salons  de  1812,  1814,  1817,  1819  et  1822.  Ses  œuvres 
principales  sont  :  Ajax,  statue  marbre  ;  Venus  genitrix, 
statue  marbre  ;  Madame  mère  de  Napoléon  P"^,  statue 
marbre  ;  un  groupe  de  trois  figures  représentant  Oreste 
tourmenté  par  une  Euménide,  au  moment  où  il  vient 
de  frapper  Clytemnestre  ;  Crt(imzis,  statue  marbre  ;  Vénus 
devant  Paris,  statue  marbre  ;  Biblis,  statue  marbre.  lia 
fait,  pour  l'église  Saint-Germain  des  Prés  à  Paris,  le  groupe 
en  marbre  de  la  Vierge  et  V Enfant  Jésus.  Le  musée  de 
Versailles  possède  de  cet  artiste  la  statue  en  marbre  du 
Général  Leclerc,  statue  entièrement  nue,  placée  d'abord 
dans  l'escaUer  du  Louvre.  Charles  Dupaty  fut  élu,  le 
21  mars  1816,  membre  de  l'Institut  ;  la  même  année,  on 
lui  commanda  la  statue  équestre  de  Louis  XIII  ;  il  en  ter- 
mina le  modèle  en  plâtre,  mais  le  marbre  qui  figure  au 
milieu  de  la  place  des  Vosges  à  Paris  a  été  exécuté  par 
le  sculpteur  Cortot.  Le  groupe  de  la  France  et  la  Ville  de 
Paris  pleurant  sur  l'urne  du  duc  de  Berry,  destiné  au 
monument  projeté  pour  la  place  Louvois,  fut  laissé  ina- 
chevé par  Dupaty  et  terminé  aussi  par  Cortot  ;  il  a  été 
placé  dans  la  crypte  de  l'église  abbatiale  de  Saint-Denis. 
Le  buste  de  Dupaty  a  été  sculpté  par  son  élève  Louis-Victor 
Bougron  ;  une  médaille  le  représentant  a  été  gravée  par 
Gatteaux.  Maurice  Du  Seigneur. 

BiBL.  :  QuATREMÈRE  DE  QuiNCY,  Noticc  biographique; 
Paris,  1834.  —  Coupin,  Notice  biographique  (avec  portr. 
grav.)  ;  Paris,  1825,  in-8. 

DUPATY  (Louis-Emmanuel  Mercier-),  littérateur  fran- 
çais, né  à  Bianquefort  le  30  juil.  1775,  mort  en  1851, 
frère  du  précédent.  Entré  dans  la  marine,  il  passa  ensuite 
dans  le  génie  militaire  qu'il  abandonna  pour  la  littérature. 


DUPATY  —  DUPERRÉ 


—  Te- 


ll vint  à  Paris,  et  s'était  déjà  fait  remarquer  par  diverses 
pièces  et  surtout  par  un  opéra-comique,  les  Valets  dans 
r antichambre  (joué  au  théâtre  Feydeau  en  4802),  lorsque 
le  gouvernement,  qu'il  y  avait  criblé  d'allusions  malignes,  le 
fit  transportera  Brest  sous  prétexte  qu'il  n'avait  pas  achevé 
son  congé.  Grâce  à  l'intervention  de  Joséphine,  il  put  éviter 
d'être  embarqué  pour  Saint-Domingue  où  il  devait  rejoindre 
l'armée  de  Leclerc.  Il  travailla  alors  constamment  pour  le 
théâtre,  et  la  plupart  de  ses  pièces  obtinrent  de  fort  grands 
succès  au  Vaudeville  et  à  l 'Opéra-Comique.  En  1835,  Dupaty 
fut  élu  membre  de  l'Académie  française.  Il  avait  été  nommé, 
par  la  Restauration,  conservateur  de  la  bibliothèque  du  roi. 
Nous  citerons  de  lui  :  le  Chapitre  second  (1799,  in-8); 
D'Auberge  en  auberge  (1802,  in-8);  la  Jeune  Prude 
(1804,  in-8)  ;  le  Jaloux  malade  (1805,  in-8)  ;  Ninon 
chez  M'^^  de  Séuigné  (1808,  in-8);  Mademoiselle  de 
Guise  (1808,  in-8j;  le  Camp  de  Sobieski  (1813,  in-8)  ; 
Félicie  ou  la  Jeune  Fille  romanesque  (1815,  in-8);  la 
Fête  de  Meudon  (1810,  in-8);  la  Jeune  Mère  (1806, 
in-8);  les  Deux  Pères  (1804,  in-8)  ;  le  Poète  et  le  Musi- 
cien (1811,  in-8)  ;  le  Portrait  de  Juliette  (iS0^,m-i6); 
Sophie  ou  le  Malade  gui  se  porte  bien  (1802,  in-8); 
les  Vélocifères  (1804,  in-8),  sans  compter  beaucoup 
d'autres  pièces  en  collaboration  avec  Pavie,  Bouilly,  Chazet, 
Dieulafoy,  Léger,  Ségur,  Scribe  et  autres,  des  Chansons 
qu'il  fournit  au  Caveau  et  aux  Dîners  du  Vaudeville,  et 
sa  collaboration  à  la  Minerve^  à  Y  Abeille^  à  V  Opinion,  etc. 

DU  PAYS  (Joseph-Augustin),  publiciste  français,  né  à 
Paris  le  14  janv.  1804,  mort  à  Fontainebleau  le  2  août 
1879.  Collaborateur  ôeV Illustration  depuis  1845,  il  donna 
dans  ce  journal  des  critiques  artistiques  et  des  Salons  qui 
furent  remarqués.  On  peut  citer  de  lui  :  Itinéraire  des- 
criptif, historique,  artistique  et  industriel  de  la  Bel- 
gique (Paris,  1860,  in-12);  Itinéraire  de  la  Hollande 
(1861,  in-12);  Itinéraire  de  V Italie  et  de  la  Sicile 
(1865,  2  vol.  in-12);  Rome  et  ses  environs  (1870, 
in-32),  qui  font  partie  de  la  collection  des  guides  Joanne 
et  ont  eu  plusieurs  réimpressions  ;  une  traduction  du  iio- 
land  furieux  de  l'Arioste,  etc. 

DUPÉRAC  (Etienne),  architecte,  peintre  et  graveur 
français,  né  à  Paris  vers  1535,  mort  en  1604.  Il  passa 
une  partie  de  sa  vie  en  Italie  où  il  fit  de  nombreuses  gra- 
vures, toutes  datées  de  1565  à  1578.  En  1572,  il  devint 
architecte  du  conclave.  Etienne  Dupérac  a  surtout  reproduit 
des  monuments  anciens  de  Rome  et  des  environs.  C'est  la 
partie  la  plus  intéressante  de  son  œuvre.  Ces  estampes  sont 
réunies  dans  un  livre  intitulé  /  Vestigi  délia  Antichità  de 
Roma  (1575).  Lorsqu'il  revint  en  France,  il  dédia  à  lareine 
Marie  de  Médicis  les  Vues  perspectives  des  jardins  de 
Tivoli  (1582).  A  son  retour  d'Italie,  il  devint,en  1582,  archi- 
tecte de  Charles  de  Lorraine,  duc  d'Aumale,  pour  lequel  il 
traça,  d'après  Mariette,  les  jardins  du  château  d'Anet,  ceux 
du  Château-Neuf  et  de  Saint-Germain-en-Laye.  Comme  peintre 
et  architecte  du  roi,  il  peignit  dans  la  salle  de  bains  du  château 
de  Fontainebleau,  cinq  tableaux,  détruits  en  1697,  représen- 
tant les  Dieux  des  eaux  et  hs  Amours  de  Jupiter  et  de  Cal- 
listo,  et  travailla  en  1 597  aux  châteaux  des  Tuileries,  de  Saint- 
Germain-en-Laye  et  au  palais  du  Louvre.  Ses  gravures 
sont  dans  legoûtde  celles  de  l'école  de  Fontainebleau. 

BiBL.  :  FÉLiBiEN,  Entretiens  sur  les  vies  et  les  ouvrages 
des  plus  excellents  peintres  anciens  et  modernes^  avec  la 
vie  des  architectes;  Trévoux,  1725,  t.  III,  pp.  126-127. — 
Mariette,  Abecedario,  t.  II.  —  Passavant,  le  Peintre- 
graveur,  t.  I,  p.  258.  —  RoBERT-DuMESNiL,  Ic  Peintrc- 
graveur  français,  t.  VIII,pp.|89et  suiv. — Duplessis,  His- 
toire de  la  gravure  en  France. 

DUPÉrIeRou  DUPERRIER  (Charles),  poète  français, 
né  à  Aix,  mort  à  Paris  le  28  mars  1692.  Il  est  l'auteur  de 
poésies  couronnées  par  l'Académie,  et  d'une  infinité  de  petites 
pièces  qu'il  avait  le  mauvais  goût  de  réciter  à  tout  venant, 
si  bien  que  Roileau  lui  donna  place  dans  son  Art  poétique  : 

Gardez-vous  d'imiter  ce  rimeur  furieux 

Qui,  de  ses  vains  écrits  lecteur  harmonieux, 

Aborde  en  récitant  quiconque  le  salue 

Et  poursuit  de  ses  vers  les  passants  dans  la  rue. 


Son  cousin,  Scipion  Dupérier,  né  à  Aix  en  1588,  mort 
en  1667,  auteur  de  Questions  notables  et  autres  traités 
juridiques  réunis  sous  le  titre  d'6Ez^i;ré's  (Toulouse,  1760, 

3  vol.  in-4)  est  le  fils  de  François  Dupérier  si  connu  par 
l'ode  que  Malherbe  écrivit  sur  la  mort  de  sa  fille  : 

Ta  douleur,  Dupérier,  sera  donc  éternelle... 

DUPERRAY  (Michel),  jurisconsulte  français,  né  au  Mans 
vers  1647,  mort  à  Paris  le  25  avr.  1730.  Avocat  au  par- 
lement de  Paris,  il  s'est  beaucoup  occupé  du  droit  canon  et 
avait  acquis  en  cette  spéciahté  une  certaine  autorité.  Parmi 
ses  ouvrages  nous  citerons  :  Traité  de  l'état  et  de  la 
capacité  des  ecclésiastiques  pour  les  ordres  et  les  béné- 
fices (Paris,  1703,  in-4)  ;  Traité  des  droits  honorifiques 
et  utiles  des  patrons  (1710,  in-12);  Observations  sur 
redit  de  la  juridiction  ecclésiastique  (1718,  in-12); 
Traité  des  dispenses  de  mariage  (1719,  in-12);  Traité 
historique  et  chronologique  des  dîmes  (1719,  in-12); 
Traité  sur  le  partage  de  fruits  des  bénéfices  entre  les 
bénéficiers  et  leurs  prédécesseurs  ou  leurs  héritiers 
(1722,  in-12);  Questions  et  Observations  sur  le  con- 
cordat (1722,  3  vol.  in-12);  Traité  des  moyens  cano- 
niques pour  acquérir  et  conserver  des  bénéfices  (1726, 

4  vol.  in-12)  ;  Traité  des  portions  congrues  de  curés  et 
vicaires  perpétuels  (1688,  in-12),  etc. 

DUPERRÉ.  Village  d'Algérie,  dép.  d'Alger,  arr.  de 
Mihana,  ch.-l.  d'une  com.  de  plein  exercice;  2,839  hab., 
dont  545  Français  et  63  Européens.  Stat.  du  chem. 
de  fer  d'Alger  à  Oran,  sur  le  Chéliff.  Duperré  a  été  créé 
par  décret  du  7  oct.  1859  et  a  été  ainsi  appelé  du  nom 
de  l'amiral  qui  conduisit  à  Alger  l'expédition  de  1830. 
Le  village  est  situé  au  pied  du  djebel  Doui,  en  un  endroit 
appelé  par  les  indigènes  Aïn-Defla,  au  milieu  de  terres 
très  propres  à  la  culture  des  céréales  et  du  tabac.  Près  de 
la,  sur  la  colline  d'El-Khadra,  sont  les  ruines  de  la  ville 
romaine  d'Oppidum  novum.  E.  Cat. 

DUPERRÉ  (Guy- Victor,  baron),  amiral  français,  né  à  La 
Rochelle  le  20  févr.  1775,  mort  à  Paris  le  2  nov.  1846. 
Parti  comme  novice  en  1791,  il  fut  nommé  aspirant  en 
1795,  lieutenant  de  vaisseau  en  1802,  capitaine  de  vais- 
seau en  1808,  contre-amiral  en  1811,  amiral  et  pair  de 
France  en  1830.  L'amiral  Duperré  resta  en  Angleterre 
comme  prisonnier  de  guerre  pendant  dix-huit  mois  :  il 
s'illustra  par  de  nombreux  faits  d'armes  dans  les  diverses 
campagnes  qu'il  entreprit  aux  Antilles ,  dans  le  golfe 
du  Bengale,  à  Madagascar  et  en  Algérie.  Il  fut  un  des 
vainqueurs  du  combat  du  Grand-Port ,  et  le  héros  de 
l'engagement  de  la  Sirène.  C'était  en  1808;  la  Sirène, 
retour  des  Antilles,  fut  attaquée  par  un  vaisseau  et  une  fré- 
gate portant  le  pavillon  anglais.  Duperré  soutint  pendant 
plus  d'une  heure  le  feu  de  l'ennemi;  il  se  jeta  à  la  côte 
afin  de  ne  pas  laisser  son  bâtiment  aux  mains  de  l'en- 
nemi. Puis,  au  lieu  d'écouter  son  pilote  qui  le  pressait  vive- 
ment d'abandonner  le  navire,  il  fit  des  prodiges  pendant 
trois  jours  et  trois  nuits,  et  rentra  à  Lorient  malgré  l'es- 
cadre ennemie  qui  croisait  dans  les  environs  de  Groix.  Il 
apparut  en  vue  de  Port-Louis  alors  que  tout  le  monde  le 
croyait  perdu.  Appelé  en  1834  au  ministère  de  la  marine 
pour  succéder  à  M.  de  Rigny,  il  prit  une  série  de  mesures 
dont  le  besoin  s'imposait  :  il  organisa  le  service  de  santé, 
le  corps  du  commissariat,  la  gendarmerie  coloniale,  et  réor- 
ganisa l'administration  centrale  et  l'artillerie  de  la  marine. 
Au  bout  d'environ  deux  ans,  il  quitta  le  ministère  et  le 
reprit  en  1839  pour  le  garder  encore  une  année. 

BiBL.  :  F.  Chassériau,  Vie  de  l'amiral  Duperré;  Paris, 
1848,  in-8. 

DUPERRÉ  (Victor- Auguste,  baron),  amiral  français,  né 
à  Paris  le  4  août  1825.  Fils  du  précédent,  il  entra  dans  la 
marine  en  1840,  et  fut  successivement  aspirant  en  1842, 
enseigne  en  1846,  heutenant  de  vaisseau  en  1851,  capi- 
taine de  frégate  en  1859,  capitaine  de  vaisseau  en  1861, 
contre-amiral  en  1873,  vice-amiral  en  1879.  Il  exerçait  les 
fonctions  de  vice-président  du  conseil  d'amirauté,  quand  la 


—  77 

limite  d'âge  est  venu  l'atteindre,  le  4  août  1890.  Il  a  été 
gouverneur  de  la  Cochinchine. 

DUPER  RÉ  (Charles-Marie),  vice-amiral  français,  né  à 
Baguer-Morvan  (Ule-el-Vilaine)  le  14  sept.  1832,  neveu  de 
l'amiral  Guy-Victor  Duperré.  Entré  à  l'Ecole  navale  dès 
l'âge  de  quinze  ans,  il  fut  nommé  enseigne  de  vaisseau  le 
8  mars  1854.  Il  prit  part  aux  expéditions  de  la  Baltique 
et  à  la  guerre  d'Italie,  et  fut  aide  de  camp  du  prince  impé- 
rial (1867).  Promu  contre-amiral  le  8  oct.  1878,  il  fut 
placé  à  la  tête  de  la  division  navale  des  mers  de  Chine  et 
du  Japon.  Vice-amiral  depuis  le  4nov.  1884,  il  est  entré 
au  conseil  des  travaux  de  la  marine  et  a  été  ensuite  préfet 
maritime  à  Lorient  (1885),  à  Cherbourg  (1887),  à  Toulon 
(1888);  au  1^"^  juin  1890,  il  a  été  nommé  commandant 
en  chef  de  l'escadre  de  la  Méditerranée.  Il  fut  remplacé  le 
5  octobre  1891,  par  le  contre-amiral  Rieunier. 
BiBL.  :  Etienne  Tréfeu,  Nos  MaiHns;  Paris,  1888,  in-8. 
DUPERREUX(Alexandre-Louis-Robert-Millin),  peintre, 
né  à  Paris  en  1764,  mort  à  Paris  en  avril  1843.  Elève  de 
Huet  et  Valenciennes,  il  a  laissé  quelques  paysages  animés 
de  figures,  et  des  vues. 

DUPERREY  (Louis-Isidore),  marin  français,  né  en  1786, 
mort  en  1865.  Il  entra  en  1802  dans  la  marine  militaire  et 
fit  deux  longs  voyages  autour  du  monde,  le  premier  sur 
VUranie,  l'autre  sur  la  Coquille,  Il  s'occcupa  beaucoup 
d'hydrographie  et  d'histoire  naturelle.  En  1842,  il  fut  élu 
membre  de  l'Académie  des  sciences. 

DUPERRON  (Jacques  Davy,  cardinal),  homme  d'Etat 
français,  né  près  de  Berne  le  25  nov.  1556,  mort  à  Paris 
le  5  sept.  1618.  Appartenant  à  une  ancienne  famille  nor- 
mande qui  s'était  convertie  au  protestantisme  et,  pour  éviter 
des  persécutions,  s'était  établie  en  Suisse,  il  fut  instruit  par 
son  père,  médecin  et  ministre  protestant  fort  lettré.  De 
retour  en  France  vers  1562,  il  se  trouvait  à  Rouen  au  mo- 
ment où  la  ville  fut  assiégée  et  prise  par  Charles  IX  ;  son 
père  fut  emprisonné,  et  il  réussit  à  s'échapper  avec  sa  mère 
et  à  se  réfugier  à  Jersey.  Il  s'étabHt  par  la  suite  en  Nor- 
mandie et  fut  mis  en  relations  avec  le  maréchal  de  Matignon 
qui  le  présenta  à  Henri  III  à  l'occasion  des  Etats  de  Blois 
(1576).  Duperron,  très  fin  et  très  souple,  réussit  merveil- 
leusement à  la  cour,  se  lia  d'amitié  avec  Philippe  Desportes 
et  Touchard  et  fut  fort  protégé  par  le  duc  de  Joyeuse.  Il 
vint  bientôt  à  Paris  où  il  donna  des  conférences  (on  les 
appelait  alors  des  disputes)  très  suivies  sur  des  questions 
de  philosophie  et  de  mathématiques.  Il  abjura  le  protes- 
tantisme, fut  aussitôt  nommé  lecteur  du  roi,  prêcha  devant 
Henri  III  à  Vincennes,  fit  l'éloge  de  Ronsard  en  la  chapelle 
du  collège  de  Boncour  (1586),  prononça  en  1587  l'oraison 
funèbre  de  Marie  Stuart,  et  ayant,  la  même  année,  perdu  à 
la  bataille  de  Coutras  son  protecteur  Joyeuse,  écrivit  sur 
l'ordre  du  roi  une  sorte  d'élégie,  V Ombre  de  M,  Vamiral 
de  Joyeuse.  Duperron  commençait  à  se  rendre  indispensable 
au  roi  qui  l'emmena  aux  Etats  de  Blois  de  1588  et  lui  fit 
composer  sa  harangue.  A  la  mort  de  Henri  III,  il  passa  dans 
la  maison  du  cardinal  de  Bourbon,  connu  pour  protéger  les 
gens  de  lettres,  intrigua  quelque  peu  contre  Henri  IV,  puis, 
recommandé  par  Gabrielle  d'Estrées,  réussit  à  faire  oublier 
sa  conduite  et  fut  nommé  évêque  d'Evreux  (1591).  Il  tra- 
vailla alors  activement  à  la  conversion  de  Henri  IV.  Après 
l'abjuration,  il  joua  un  rôle  prépondérant  à  la  conférence  de 
Mantes  avec  les  protestants,  et  négocia  à  Rome  l'absolution 
du  roi  (1594-95).  Il  avait  à  cette  occasion  reçu  les  titres 
de  premier  aumônier  et  de  conseiller  d'Etat.  En  1596,  il 
assistait  à  l'assemblée  des  notables  à  Rouen,  prenait  posses- 
sion effective  de  son  évêché  et  se  mettait  à  prêcher  passion- 
nément sur  la  controverse.  Il  se  trouva  de  cette  manière 
entraîné  à  des  polémiques  extrêmement  vives  avec  les  pro- 
testants, exaspérés  surtout  des  conversions  éclatantes  qu'il 
faisait  (celles  entre  autres  de  Palma-Cayet  et  de  Sancy,  le 
général  des  Suisses).  Enhardi  par  ces  succès  et  la  faveur 
que  ne  cessait  de  lui  témoigner  la  cour  de  Rome,  Duperron 
s'attaqua  à  Duplessis-Mornay  :  leur  querelle  s'envenima 
tellement  et  prit  de  telles  proportions  en  un  temps  où  les 


DUPERRÉ  —  DUPES 

atfaires  de  religion  primaient  tout,  que  le  roi  fit  réunir  la 
célèbre  conférence  de  Fontainebleau  (4  mai  1600).  Duperron 
y  remporta  un  véritable  triomphe  qui  humilia  fort  le  parti 
de  la  Réforme.  Aussi  en  fut-il  récompensé  par  le  chapeau  de 
cardinal  (1604).  Henri  IV  avait  eu  à  plusieurs  reprises 
l'occasion  d'utiliser  les  qualités  diplomatiques  de  l'évêque 
d'Evreux;  à  la  fin  de  1604,  il  l'envoya  à  Rome  comme 
chargé  d'affaires.  Duperron  prit  une  part  active  à  l'élection 
des  papes  Alexandre  de  Médicis  (Léon  XI)  et  Camille  Bor- 
ghèse  (Paul  V),  à  l'affaire  de  la  grâce  pendante  entre  les 
dominicains  et  les  jésuites,  négocia  avec  le  cardinal  de 
Joyeuse  la  réconciliation  du  pape  avec  le  gouvernement  de 
Venise  mis  en  interdit.  En  1606,  il  fut  nommé  archevêque 
de  Sens,  grand  aumônier  et  commandeur  de  l'ordre  du 
Saint-Esprit.  Revenu  en  France  en  1607,  il  s'occupa  de  la 
création  du  Collège  royal  de  France  (1609),  et  on  allait 
commencer  les  constructions  lorsque  Henri  IV  fut  assassiné. 
Membre  du  conseil  de  régence,  Duperron  obtint  qu'on  reprît 
le  projet  du  roi  concernant  le  Collège  royal  dont  Louis  XIII 
posa  la  première  pierre  le  28  aotlt  1610.  Puis  il  fut  absorbé 
par  une  série  d'affaires  purement  théologiques  où  il  main- 
tint avec  une  énergie  excessive  les  doctrines  ultramontaines , 
doctrines  qu'il  soutint  encore  aux  Etats  généraux  du  27  oct. 
1614  en  attaquant  vivement  un  article  du  tiers  état  sur  la 
sûreté  des  rois.  Il  assista  le  duc  d'Anjou  à  l'assemblée 
des  notables  de  Rouen  en  1617,  puis  passa  la  dernière 
année  de  sa  vie  dans  une  retraite  presque  absolue,  unique- 
ment occupé  de  la  publication  de  ses  ouvrages.  Nous 
citerons  de  lui  :  les  Diverses  OEuvres  de  l'illustrissime 
cardinal  Duperron  (Paris,  1622,  in-fol.);  Réplique  à  la 
réponse  du  roy  de  la  Grande-Bretagne  (iQ'^O,  in-iol.)  ; 
Traité  du  Saint- Sacre  ment  (iQi'i,  in-fol.);  Réfutation 
des  objections  tirées  des  passages  de  saint  Augustin 
contre  r Eucharistie  (1624,  in-fol.)  ;  Oraison  funèbre 
sur  la  mort  de  M.  de  Ronsard  (1586,  pet.  in-8)  ; 
diverses  poésies  de  lui,  qui  ne  manquent  pas  d'agrément,  se 
trouvent  dans  le  Cabinet  des  Muses  (1619)  et  les  Délices 
de  poésie  françoise (i6W  et  1627).  C.  Dupuyadonné  un 
recueil  de  bons  mots  et  de  remarques  critiques  de  Duperron 
ou  à  lui  attribués,  P^rroma/za  (La  Haye,  1666;  Cologne, 
1669,  in-12).  —  Jean  Davy-Duperron,  mort  à  Montau- 
ban  le  24  oct.  1621,  frère  du  précédent  et  son  coadjuteur, 
lui  succéda  dans  l'archevêché  de  Sens.  —  Jacques  Davy- 
Duperron,  neveu  des  précédents,  mort  le  14  févr.  1649, 
fut  nommé  en  1636  évêque  d'Angoulême  et  en  1646  évêque 
d'Evreux.  Il  eut  le  titre  de  grand  aumônier  de  la  reine 
Henriette-Marie  d'Angleterre.  R.  S. 

BiBL.  :  Ces.  DE  LiGNY,  Ambassades  et  négociations  du 
cardinal  Duperron  ;  Paris,  1618,  in-foi.  —  A.  Duval,  Spe- 
lunca  Mercuriiseupanegyriciis  J.  Davy  Duperron;  Paris ^ 
1611,  in-8.  —  J.  CoNDENTiAL,  Larmes  de  la  France  sur  le 
tri'pas  du  Cardinal  Duperron  ;  Paris,  1618,  in-8.  —  N.  de 
Neuville,  Oraison  funèbre  de  J.  Davy^  cardinal  Duper- 
ron ;  Paris,  1618,  in-8.  —  B.  de  Provenchères,  Oraison 
funèbre  de  J.  Davy,  cardinal  Duperron  ;  Sens,  1618,  in-8. 
—  J.  Levesque  de  Burigny,  Vie  du  cardinal  Duperron  ; 
Paris,  1768,  in-12.  —  Feret,  le  Cardinal  Duperron  ;  Paris, 
1877,  in-8.  —  Haag,  la  France  protestante^  t.  IV.  — 
Lichtenberger,  Encyclopédie  des  sciences  religieuses^ 
t.  IV. 

DUPERTUIS  (Abram),  mécanicien  suisse,  né  aux 
Ormonts(Vaud)  en  1736,  mortenl798.  Son  talent  naturel 
pour  les  arts  mécaniques  le  conduisit  à  fabriquer  non 
seulement  des  outils  de  tourneur,  d'armurier,  de  coutelier, 
mais  des  violons,  des  horloges  et  des  pendules  d'un  mé- 
canisme très  ingénieux.  Il  mourut  en  défendant  sa  vallée 
contre  l'invasion  française  :  son  fusil  éclata  dans  ses  mains 
jf  lui  fit  des  blessures  mortelles.  E.  K. 

DUPES  (Journée  des).  On  donna  ce  nom  au  11  nov. 
1630,  jour  dans  lequel  les  ennemis  du  cardinal  de  Riche- 
lieu crurent  avoir  déterminé  le  roi  à  le  disgracier  et  qui  se 
termina,  au  contraire,  par  le  triomphe  de  ce  ministre.  Le 
10  nov.,  Louis  XIII,  qui  logeait  rue  de  Tournon,  à  l'hôtel 
des  ambassadeurs  extraordinaires  (aujourd'hui  caserne  de 
la  garde  républicaine),  alla  voir  sa  mère  au  Luxembourg, 
et  lui  parla  de  la  nécessité  d'une  réconciliation  entre  elle 


DUPES  —  DUPETIT 


-  78  — 


et  le  cardinal  ;  la  nièce  de  Richelieu,  M"^^  de  Combalet, 
survenant  sur  ces  entreprises,  fut  accueillie  par  la  reine 
avec  froideur  d'abord.  «  A  la  froideur,  l'aigreur  succéda, 
puis  incontinent  la  colère,  l'emportement,  les  plus  amers 
reproches,  enfin  un  torrent  d'injures,  et  peu  à  peu  de  ces 
injures  qui  ne  sont  connues  qu'aux  halles.»  (Saint-Simon.) 
Le  roi  s'efforça  en  vain  de  calmer  sa  mère  ;  Richelieu  arri- 
vant fut,  après  avoir  été  tout  d'abord  un  peu  mieux  reçu, 
l'objet  des  mêmes  injures  ;  traité  de  fourbe,  de  perfide,  il 
essuya  sans  mot  dire,  paraît-il,  «  une  si  étrange  tempête  ». 
Le  roi  sortit  outré  de  dépit  et  de  colère  et  retourna  à  pied 
chez  lui.  Là,  il  se  jeta  sur  un  lit  de  repos  et  ne  garda  avec 
lui  que  son  écuyer,  Claude  de  Saint-Simon.  Après  plus  de 
deux  heures  de' réflexions,  entrecoupées  par  les  réponses, 
embarrassées  sans  doute,  de  Saint-Simon  à  qui  il  deman- 
dait conseil,  le  parti  de  Louis  XIII  était  pris  ;  sa  mère 
l'avait  mis  dans  l'alternative  de  choisir  entre  Richelieu  et 
elle  ;  il  choisissait  son  ministre  dans  l'intérêt  supérieur 
du  royaume.  Saint-Simon  fit  immédiatement  prévenir  le 
cardinal,  par  M.  de  Tourville,  d'aller  le  soir  même  trouver 
le  roi  à  Versailles.  Chacun  avait  cru  le  cardinal  perdu  ;  il 
revint  plus  puissant  que  jamais  au  moment  où  ses  ennemis 
croyaient  n'avoir  plus  qu'à  se  partager  ses  dépouilles.^  Le 
roi  fit  redemander  de  suite  les  sceaux  à  Michel  de  Marillac 
qui  fut  exilé  à  Châteaudun  ;  en  même  temps,  il  envoya 
l'ordre  d'arrêter  à  l'armée  d'Italie  le  maréchal  Louis  de 
Marillac.  D'autre  part,  ceux  qui  étaient  restés  fidèles  à 
Richelieu,  Châteauneuf,  Le  Jai,  Montmorency,  en  furent 
hautement  récompensés.  L.  Delavaud. 

BiBL.  :  Le  récit  qui  paraît  le  plus  exact  a  été  écrit  par 
le  duc  de  Saint-Simon  d'après  les  souvenirs  de  son  père  ; 
imprimé  par  M.  André  Cochut  en  1834  [Revue  des  Deux 
Mondes,  15  nov.  1834);  c'est  un  fragment  du  Parallèle  des 
trois  rois  Bourbons,  publié  par  M.  Faugère  {Ecrits  iné- 
dits de  Saint-Simon,  1. 1,  p.  167).—  On  peut  comparer,  outre 
les  mémoires  de  Bassompierre,  de  Fontenay-Mareuil  et  de 
Brienne,  VHistoire  du  roi  Louis  XIII  par  Bernard,  1(34(3, 
les  Memorie  recondite  de  Vittorio  Siri,  VHistoire  de 
Louis  XIII  du  P.  Griilet  et  celle  de  Le  Vassor,  1700. 

DU  PETIT-Méré  (Frédéric),  auteur  dramatique  français, 
né  à  Paris  en  4785,  mort  à  Paris  le  4  juil.  1827.  Il  a  été 
directeur  de  FOdéon.  On  a  de  cet  auteur  extrêmement  fé- 
cond une  foule  de  pièces  (vaudevilles  et  mélodrames), 
écrites  en  collaboration  avec  Pelletier,  Roset,  Roirie,  Ribié, 
Rrazier,  Rernos,  Charrin,  Duperche,  Taylor,  V.  Ducange, 
Simonnin,  Merle,  Rougemont,  Crosnier  et  autres,  et  pu- 
bliées généralement  sous  son  prénom  de  Frédéric.  Nous 
citerons  :  le  Vieux  Poète  (4804,  in-8);  la  Famille  véni- 
tienne (1806,  in-8)  ;  les  Petits  Troubadours  (4807,  in-8)  ; 
la  Chaumière  du  mont  Jura  (4809,  in-8)  ;  le  Lion  de 
Florence  (4840,  in-8);  le  Maréchal  de  Luxembourg 
(4842,  in-8)  ;  le  Bombardement  d'Alger  (4815,  in-8)  ; 
le  Fils  banni  (4845,  in-8)  ;  la  Famille  Sirven  (4820, 
in-8);  Fanfan  la  Tulipe  (4824,  in-8)  ;  le  Mulâtre  et 
V Africaine  (4824,  in-8)  ;  V Etrangère  (4825,  in~8)  ; 
Louis  (4827,  in-8). 

DUPETIT-Thouars  (Louis-Marie-Aubert  Aubert),  bota- 
niste et  voyageur  français,  né  au  château  de  Ronmois,  près 
de  Saumur,  le  5  nov.  4758,  mort  à  Paris  le  42  mai  4834. 
Il  voyagea  à  File  de  France  et  à  la  Réunion  et  en  rapporta 
une  collection  de  plantes  ;  en  4807,  il  fut  nommé  direc- 
teur de  la  pépinière  du  Roule  ;  en  4820,  membre  de  Flns- 
titut.  Tous  les  botanistes  connaissent  la  théorie  de  Dupetit- 
Thouars  relativement  à  la  formation  des  couches  annuelles 
du  bois.  Citons  de  lui  :  Cours  de  botanique,  etc.  (Paris, 
4845,  in-8,  pi.)  ;  Cours  de  phijtologie,  etc.  (Paris, 
4849-20,  2  vol.  in-8)  ;  Flore  des  îles  australes  de 
l'Afrique,  etc.  (Paris,  4822,  in-8,  pL),  etc.     D^  L.  Hn. 

DUPETIT-Thouars  (Aristide  Aubert), marin  français, 
né  au  château  de  Roumois,  près  de  Saumur,  le  34  août  4760, 
tué  àla  bataille  d'Aboukir  le  4^^  août  4798.  Frère  du  pré- 
cédent, il  entra  dans  la  marine  en  4778 ,  fut  nommé  en- 
seigne de  vaisseau  en  4784,  lieutenant  de  vaisseau  en 
4792,  et  capitaine  de  vaisseau  peu  de  temps  avant  l'expé- 
dition d'Egypte.  Il  assista  au  combat  d'Ouessant,  à  la  prise 


de  Saint-Louis  (Sénégal),  à  la  lutte  de  M.  de  Guichen  et  de 
Rodney  (4780),  puis  au  combat  de  la  Dominique;  il  essaya 
d'aller  à  la  recherche  de  La  Pérouse  ;  mais  les  Portugais  le 
surprirent  à  l'île  Fernando  de  Norouha  et  l'emmenèrent 
comme  prisonnier  à  Lisbonne.  Plus  tard,  il  rentra  en  France 
et  fut  réintégré  dans  la  marine  avec  le  grade  de  capitaine 
de  vaisseau.  Il  s'immortalisa  à  la  bataille  d'Aboukir,  où  il 
commandait  le  Tonnant.  Pendant  de  longues  heures, 
Dupetit-Thouars  lutta  contre  deux  vaisseaux  anglais.  Il 
avait  perdu  tous  les  mâts  de  son  bâtiment  et  avait  lui-même 
une  jambe  fracassée.  Pourtant,  il  fit  clouer  le  pavillon  tri- 
colore au  tronçon  qui  représentait  le  grand  mât.  Puis  il 
expira  peu  après.  Il  a  laissé  un  précis  sur  la  guerre  sou- 
tenue contre  l'Angleterre  de  4778  à  4783,  inséré  dans 
l'ouvrage  intitulé  le  Capitaine  du  Petit-Thouars  peint 
par  lui-même, 

DUPETIT-Thouars  (Abel  Aubert),  amiral  et  homme 
politique  français,  né  au  château  de  la  Fessardière,  arr.  de 
Saumur,  le  45  août  4793,  mort  à  Paris  le  46  mars  4864. 
Entré  dans  la  marine  en  4805,  il  fit  d'importants  travaux 
hydrographiques  sur  les  côtes  de  Terre-Neuve  et  sur  celles 
d'Algérie.  Il  dressa  un  plan  d'attaque  d'Alger,  coopéra  à 
l'expédition  qu'il  avait  contribué  à  faire  décider.  Nommé 
au  commandement  du  brick  le  Griffon  en  station  dans 
l'océan  Pacifique,  il  se  fit  remarquer  au  Callao  en  obligeant 
les  Péruviens,  de  force  supérieure,  à  restituer  le  navire  de 
commerce  la  Petite-Louise  illégalement  saisi  ;  les  Rorde- 
lais  lui  offrirent  une  épée  d'honneur  et  il  fut  promu  capi- 
taine de  vaisseau  (4834).  On  lui  confia  la  Créole  (4834)  ; 
puis  la  Vénus,  frégate  avec  laquelle  il  entreprit  un  voyage 
autour  du  monde  (4837-39);  le  rapport  adressé  à  l'Aca- 
démie des  sciences  fut  publié  (Paris,  4844-49,  44  vol.  gr. 
in-8  et  4  atlas).  Il  fut  promu  contre-amiral.  Il  conseilla 
l'occupation  des  îles  de  la  Société  et  des  Marquises.  Le  mi- 
nistère Guizot  entra  dans  ces  vues.  Le  protectorat  de  Taïti 
contrecarré  par  le  missionnaire  anglais  Pritchard  (V.  Taïti) 
donna  lieu  à  un  différend  mémorable.  L'amiral  Dupetit- 
Thouars,  chargé  de  demander  une  réparation  à  la  reine  Po- 
maré,  lui  fit  accepter  le  protectorat.  Pritchard  fit  arracher 
le  drapeau  tricolore  par  les  indigènes;  Dupetit-Thouars 
débarqua,  s'empara  de  l'île  et  expulsa  Pritchard.  Le  cabi- 
net Guizot,  effrayé  par  les  protestations  de  l'Angleterre, 
désavoua  l'amiral  qui  fut  rappelé,  indenmisa  Pritchard  et 
se  borna  au  protectorat  des  îles  de  la  Société.  L'opinion 
publique,  froissée  de  cette  pusillanimité,  soutint  Dupetit- 
Thouars.  Le  National  ouvrit  une  souscription  et  recueillit 
30,000  fr.  pour  lui  offrir  une  épée  d'honneur.  Kla  refusa 
et  présenta  aux  Chambres  une  note  (4843)  et  un  rapport 
(4844)  sur  l'occupation  de  Taïti.  Le  4  sept.  4846,  il  fut 
promu  vice-amiral.  Il  fut  élu  à  l'Assemblée  législative  le 
8  juil.  4849  par  le  dép.  de  Maine-et-Loire.  K  fit  adopjer 
les  îles  Marquises  comme  lieu  de  déportation.  En  sept.  4855, 
il  fut  élu  membre  Hbre  de  l'Académie  des  sciences. 

DUPETIT-Thouars  (A bel-Nicolas-Georges-Henri  Rer- 
gasse),  vice-amiral  français,  né  à  Rordeaux-les-Rouches 
(Loiret)  le  22  mars  4832,  neveu  de  l'amiral.  Sorti  de 
l'Ecole  navale  en  4849  avec  le  grade  d'aspirant,  nommé, 
en  4854,  enseigne  de  vaisseau,  il  fit  la  campagne  de  Cri- 
mée où  il  fut  blessé  assez  grièvement  à  deux  reprises  dif- 
férentes. En  4856,  il  devint  lieutenant  de  vaisseau,  puis 
officier  d'ordonnance  de  l'amiral  Hamelin,  ministre  de  la 
marine  ;  en  4858,  il  passa  sur  le  Sufjren,  vaisseau-école 
decanonnage,  et,  l'année  suivante,  il  prit  le  commandement 
de  VEclair,  canonnière  sur  laquelle  il  fit  la  campagne  de 
l'Adriatique  (4859).  Après  la  paix  de  Villafranca,  il  fut 
envoyé  en  mission  hydrographique  pendant  deux  ans  sur 
les  côtes  d'Algérie.  A  son  retour,  il  devint  aide  de  camp  de 
l'amiral  Rigault  de  Genouilly  (4862)  et  capitaine  de  fré- 
gate le  43  août  4864;  peu  après,  il  prit  le  commandement 
de  la  corvette  Dupleix  qui  se  rendait  en  extrême  Orient. 
Promu  capitaine  de  vaisseau  le  I^^  juin  4870  en  récom- 
pense de  cette  campagne,  il  revint  en  France  et  fut  envoyé 
en  Alsace  pour  commander  les  batteries  flottantes  qui 


devaient  opérer  sur  le  Rhin.  Bientôt  il  dut  s'enfermer  dans 
Strasbourg  assiégé  et  fut  blessé  par  un  éclat  d'obus  dans 
une  sortie  (le  2  sept.).  Après  la  guerre,  on  le  nomma 
membre  du  conseil  d'amirauté  et  du  conseil  des  travaux. 
En  1877,  son  oncle,  l'amiral  Fourichon,  ministre  de  la 
marine,  le  prit  pour  chef  de  cabinet  et  le  nomma  con- 
tre-amiral ;  Dupetit-Thouars  garda  ses  fonctions  sous  les 
deux  ministères  suivants  et  fut,  lorsqu'il  quitta  le  cabinet, 
nommé  major  général  à  Brest.  En  4878,  il  prit  le  com- 
mandement en  chef  de  la  station  navale  de  l'océan  Paci- 
fique, et  fit,  en  cette  qualité,  une  campagne  de  trois  ans  ; 
nommé,  à  son  retour,  major  de  la  flotte  à  Toulon,  puis 
vice-amiral  le  34  déc.  1883,  préfet  maritime  à  Cherbourg 
de  1885  à  janv.  1887  ;  en  1887,  préfet  maritime  à  Tou- 
lon. Le  vice-amiral  Dupetit-Thouars  a  été  enfin,  en  1888, 
appelé  au  commandement  de  l'escadre  d'évolution.  Ses 
rapports  ont,  à  plusieurs  reprises,  été  d'une  grande  utilité 
à  la  marine  :  il  s'est,  en  particulier,  beaucoup  occupé  de 
la  question  des  torpilles,  et  ses  conseils  ont  été  pour 
quelque  chose  dans  l'organisation  réguhère  du  service  des 
torpilleurs.  Ph.  B. 

DUPEUTY  (Désiré-Charles),  auteur  dramatique  français, 
né  à  Paris  le  6  févr.  1798,  mort  à  Paris  le  20  oct.  1865. 
Engagé  volontaire  durant  les  Cent-Jours  et  licencié  peu 
après,  il  débuta  en  1821  par  un  vaudeville  bien  accueilli, 
la  Fête  au  village,  et  ne  cessa  dès  lors  de  produire  tout 
en  rédigeant  la  Nouveauté,  journal  du  commerce,  de 
rindustrie,  du  théâtre  et  des  arts  (1825-1827,  in-4), 
que  ses  tendances  Hbérales  rendirent  suspect  au  ministère 
Corbière.  Ch.  Dupeuty  a  écrit  soit  seul,  soit  en  collabora- 
tion, une  centaine  de  pièces  dont  le*s  titres  ne  sauraient 
trouver  place  ici,  et  parmi  lesquelles  il  suffira  de  citer 
diverses  parodies  de  Victor  Hugo  :  iV,  /,  Ni,  ou  le  Dan- 
ger des  Castilles  (1830),  avec  Carmouche  et  de  Courcy  ; 
Marionnette  (1831);  Cornaro,  tyran  pas  doux  (1835), 
avec  Duvert,  les  Buses  graves  (1843),  avec  F.  Langlé  ; 
puis  de  nombreux  drames,  mélodrames,  vaudevilles,  à-pro- 
pos, etc.:  le  Hussard  de  Felsheim  (1827)  ;  la  Femme, 
le  Mari  et  l'Amant  (1829);  Napoléon,  ou  Schœnbrunn 
et  Sainte-Hélène  (1830),  avec  Regnier-Destourbet  ;  la 
Camargo  (1833)  ;  Pauvre  Idiot  (1838)  ;  Ravel  en 
voyage  (1844)  ;  le  Lait  d'ânesse  (1846)  ;  Paris  la  nuit 
(1842),  avec  F.  Cormon;  la  Vie  de  ca/e  (1850)  ;  la 
Poissarde  ou  les  Halles  en  i804  (ISd^)  ; . Pilbox  et 
Friquet,  ou  Zouave  et  Highlander  (1855)  ;  les  Gueux 
de  Béranger  (1856),  avec  M.  Jules  Moineaux,  etc. 
Ch.  Dupeuty  avait  été  l'un  des  fondateurs  et  l'un  des 
membres  les  plus  actifs  de  la  Société  des  auteurs  drama- 
tiques. M.  Tx. 

DUPEUTY  (Adolphe),  fils  du  précédent,  né  à  Paris  en 
1828,  mort  à  l'Hay,  près  de  Paris,  en  1884.  Secrétaire 
de  l'Opéra  de  1850  à  1852,  il  fit  représenter  quelques 
pièces,  entre  autres  les  Canotiers  de  la  Seine  (1858), 
avec  M.  Thiéry,  et  collabora  au  Charivari,^  puis  au  Figaro 
bi-hebdomadaire  et  ensuite  quotidien,  où  il  fut  chargé  du 
bulletin  des  nouvelles  théâtrales.    '  M.  Tx. 

DUPHOT  (Léonard),  général  français,  né  à  Lyon  vers 
1770,  mort  à  Rome  le  27  déc.  1797.  Il  entra  de  bonne 
heure  au  service  et  eut  un  avancement  rapide.  En  1794, 
il  assista,  avec  le  grade  d'adjudant  général ,  à  la  prise  du 
fort  de  Figuières.  En  1796,  Bonaparte  le  chargea  d'or- 
ganiser les  nouvelles  troupes  de  la  République  cisalpine.  A 
la  tête  de  l'avant-garde  d'Augereau ,  il  tint  en  échec ,  le 
7  janv.  1797,  à  Bevilacqua,  le  comte  de  Hohenzollern,  qui 
avait  des  troupes  beaucoup  plus  fortes  que  les  siennes.  Il 
fut  blessé  le  6  mars  suivant,  à  Lavadina,  près  de  Mantoue. 
Le  30  mars,  il  fut  nommé  général  de  brigade,  après  avoir 
opéré  une  brillante  reconnaissance.  A  la  fin  de  4797,  il  se 
rendit  à  Rome  avec  Joseph  Bonaparte,  ambassadeur  au- 
près du  souverain  pontife.  Il  devait  épouser  la  belle-sœur 
de  l'ambassadeur.  Désirée  Clary  (depuis  femme  de  Ber- 
nadotte).  Des  attroupements  populaires  se  formaient  devant 
les  fenêtres  de  l'ambassadeur  et  réclamaient  l'interven- 


—  79  —  DUPETIT  —  DU  PIN 

tion  des  Français  pour  renverser  le  gouvernement  papal 
et  établir  la  répubHque  ;  des  troupes  furent  envoyées 
pour  les  disperser.  Joseph  Bonaparte  sortit,  suivi  de 
Duphot,  pour  se  jeter  entre  les  troupes  et  le  peuple,  mais 
une  balle  frappa  le  général  Duphot  qui  fut  achevé  à  coups 
de  baïonnette  par  les  soldats  du  pape.  Le  général  Berthier 
vengea  cet  assassinat  en  renversant  le  gouvernement  papal 
en  1798.  Les  cendres  de  Duphot  avaient  été  placées  dans 
une  urne,  au  sommet  d'une  colonne  antique,  sur  la  place 
du  Capitole;  mais,  lorsque  les  Français  eurent  évacué  la 
ville,  la  populace  détruisit  le  monument.  Duphot  avait 
composé  une  ode,  Aux  Mânes  des  héros  morts  pour  la 
liberté,  mise  en  musique  par  Laïs.    G,  Regelsperger. 

BiBL.  :  Arnault,  Jay,  Jouy  et  Norvixxs,  Biographie 
nouvelle  des  contemporains^  1823-1(S25,  t.  VI,  p.  193.  —  De 
CouRCELLES,  Dictionnaire  historique  et  biographique  des 
généraux  français,  t.  V  (1822),  p.  346. 

DU  PIN  (Jean),  poète  français,  né  dans  le  Bourbon- 
nais en  1302,  mort  près  de  Liège  en  1372,  cistercien  de 
l'abbaye  de  Vaucelles.  On  lui  doit  :  le  Livre  de  bonne  vie 
(Chambéry,  1485,  in-fol.  ;  réimp.  à  Paris  vers  1520  sous 
le  titre  de  le  Champ  vertueux  de  bonne  vie,  in-4)  oti 
l'on  trouve  des  satires  fort  mordantes  contre  les  papes,  les 
cardinaux  et  les  évêques,  et  surtout  contre  les  moines  ; 
r Evangile  des  femmes  (ms.  Bibl.  nat.). 

DU  PIN  (Louis-Elhes),  docteur  en  Sorbonne,  professeur 
au  Collège  de  France,  né  à  Paris  le  17  juin  1657,  mort  à 
Paris  le  6  juin  1719.  Dès  1686,  deux  ans  après  avoir 
été  reçu  docteur  en  Sorbonne,  il  publia  le  premier  vo- 
lume d'une  Bibliothèque  universelle  de  tous  les  auteurs 
ecclésiastiques,  contenant  V histoire  de  leur  vie;  le 
catalogue,  la  critique  et  la  chronologie  de  leurs 
ouvrages  ;  un  sommaire  de  ce  qu'ils  contiennent  ;  un 
jugement  sur  leur  style  et  leur  doctrine;  le  dénom- 
brement des  diverses  éditions  de  leurs  livres  (Paris, 
in-4).  Ce  volume  contenait  les  écrivains  des  trois  pre- 
miers siècles  et  une  Dissertation  préliminaire  sur  les 
auteurs  des  Kvres  de  la  Bible.  Les  autres  suivirent  rapi- 
dement, tous  approuvés  en  termes  élogieux  par  les  docteurs 
de  la  Faculté  de  théologie.  Le  douzième,  affecté  aux  ouvrages 
du  xi^  siècle,  parut  en  1696.  Mais,  déjà  en  1691 ,  D.  Ma- 
thieu Petit-Didier,  bénédictin  de  la  congrégation  de  Saint- 
Vannes,  avait  publié  un  volume  de  Remarques  relevant  les 
erreurs  des  trois  premiers  volumes  ;  Du  Pin  répondit  dans 
son  cinquième  volume.  En  1692  et  4  696,  Petit-Didier,  avec 
l'aide  de  plusieurs  bénédictins  qu'il  avait  associés  à  son 
entreprise  d'examen  et  de  critique,  fit  paraître  deux  autres 
volumes  de  Remarques.  Du  Pin  répliqua,  et  non  sans 
amertume  {Juste  défense  du  sieur  Du  Pin;  Cologne,  4693, 
in-4 2).  Alors  Bossuet,  se  joignant  aux  adversaires,  incri- 
mina l'exposition  de  la  doctrine  du  péché  originel  produite 
dans  la  Bibliothèque  universelle.  Au  lieu  de  se  soumettre, 
Du  Pin  se  défendit.  Bossuet  adressa  à  l'archevêque  de  Paris, 
de  Harlay,  et  au  chancelier  Boucherat  un  mémoire  dénon- 
çant certaines  erreurs  professées  ou  favorisées  dans  la  Bi- 
bliothèque universelle,  et  concluant  à  une  rétractation  ou  à 
une  censure  sévère.  Du  Pin  se  rétracta,  d'après  le  conseil 
de  Racine,  dit-on  ;  mais  il  n'échappa  point  à  la  censure  : 
elle  lui  fut  infligée  par  un  décret  de  l'archevêque  de  Paris, 
et  son  ouvrage  fut  supprimé  par  arrêt  du  Parlement  (44  avr. 
4696).  On  lui  reprochait  d'affaiblir  la  piété  des  fidèles,  en 
diminuant  la  vénération  due  à  la  sainte  Vierge  ;  de  favo- 
riser le  nestorianisme  ;  d'ôter.aux  preuves  de  la  primauté 
du  siège  de  Rome  une  partie  de  leur  force  ;  d'attribuer  aux 
pères  de  l'Eglise  des  erreurs  sur  l'immortalité  de  l'âme  et 
sur  l'éternité  des  peines  de  l'enfer,  et  de  parler  d'eux  avec 
trop  peu  de  respect.  Néanmoins,  Du  Pin  put  continuer  son 
œuvre,  en  changeant  le  titre  ;  il  l'appela  Histoire  de  V Eglise 
et  des  auteurs  ecclésiastiques.  Elle  était  achevée  en  4704 
et  formait  58  vol.  in-8,  y  compris  4  vol.  des  Auteurs 
séparés  de  l'Eglise  romaine,  5  de  Tables,  3  des  Remar- 
ques de  D.  Petit-Didier,  4  des  Critiques  de  Richard 
Simon.  Goujet  y  ajouta  3  vol.  pour  l'histoire  du  xyiii"^ 
siècle  (1736,  in-8). 


DU  PIN  ~  DUPIN 


-  80  - 


Lorsque  fut  publiée  la  bulle  Unigenitiis,  Du  Pm  fut  un 
des  principaux  instigateurs  des  protestations  de  la  Sorbonne 
et  un  des  signataires  du  cas  de  conscience.  On  Texila  à 
Châtellerault  et  on  lui  enleva  sa  chaire  au  Collège  de 
France  ;  ce  qui  valut  au  roi  les  félicitations  de  Clément  XI, 
pour  avoir  châtié  cet  homme  de  très  méchante  doctrine 
et  coupable  de  plusieurs  excès  envers  le  saint-siège. 
Du  Pin,  à  qui  les  rétractations  semblent  avoir  coûté  peu,  se 
rétracta  et  obtint  de  revenir  à  Paris  ;  mais  sa  chaire  ne  lui 
fut  point  rendue.  Vers  4748 ,  il  entama,  par  Fintermédiaire 
du  chapelain  dé  l'ambassade  anglaise,  une  correspondance 
avec  Guillaume  AYace,  archevêque  de  Canterbury,  sur  un 
projet  de  réunion  de  l'Eglise  anglicane  avec  l'Eglise  romaine. 
Cette  négociation  était  connue  de  l'archevêque  de  Pans,  de 
Noailles,  et  du  procureur  général,  Joly  de  Fleury  ;  mais 
comme  elle  se  poursuivait  à  l'insu  de  la  cour  de  Rome, 
Dubois,  qui  briguait  le  chapeau  de  cardinal,  fit  saisir  les 
papiers  de  Du  Pin.  Lafitau,  évêque  de  Sisteron,  qui  pré- 
tend en  avoir  eu  communication,  rapporte  que  Du  Pin  y 
disait  que  les  principes  de  la  foi  catholique  peuvent  s'ac- 
corder avec  la  religion  anglicane  ;  que,  sans  altérer  les 
dogmes,  on  peut  abolir  la  confession  auriculaire,  ne  plus 
parler  de  la  transsubstantiation,  anéantir  les  vœux  de  reli- 
gion, retrancher  le  jeûne  et  les  abstinences  de  carême,  se 
passer  du  pape  et  permettre  le  mariage  des  prêtres.  En 
1717,  lors  du  séjour  que  fit  en  France  le  tsar  Pierre  le 
Grand,  Du  Pin  lui  avait  adressé  des  mémoires  pour  la  réu- 
nion de  l'Eglise  russe  à  l'Eglise  romaine.  11  est  vraisem- 
blable qu'en  énonçant  les  concessions  et  accommodements 
nécessaires  au  succès  de  pareilles  transactions,  il  cherchait 
le  moven  d'indiquer  et  de  faire  prévaloir  ses  propres  vues 
sur  la  réformalion  de  la  doctrine,  de  la  discipline  et  de  la 
hiérarchie  pour  l'Eglise  catholique  romaine.  Il  semble  aussi 
que  ces  vues  n'étaient  point  réprouvées  par  ses  amis.  Quoi 
qu'il  en  soit,  le  pieux  RoUin  fit  inscrire  sur  le  tombeau  de 
Du  Pin,  en  la  crypte  de  Saint-Séverin,  une  épitaphe  où  il 
rend  hommage  aii  culte  de  son  ami  pour  la  vérité,  à  ses 
travaux  pour  mettre  en  lumière  les  vieux  monuments  de 
l'Eglise,  à  ses  combats  pour  défendre  les  droits  du  royaume 
et  les  libertés  de  l'Eglise  de  France,  à  sa  douceur  et  à  sa 
modestie.  —  (Euvres  principales  :  Bibliothèque  univer- 
selle et  défense  déjà  mentionnées  ;  Bibliothèque  univer- 
selle des  historiens,  sous  le  pseudonyme  de  Clairval  (Paris, 
4707,  2  vol.  in-42)  ;  Traité  de  la  puissance  ecclésias- 
tique et  temporelle  (Paris,  4707,  in-8)  ;  Histoire  abrégée 
de  l'Eglise,  par  demandes  et  par  réponses  (Pans,  4712, 
4  vol.  in-42)  ;  Commentaire  de  la  Déclaration  du  clergé 
de  France;  Traité  historique  des  excommunications 
(Paris,  4745-4749, 2  vol.  in-42)  ;  Défense  de  la  Monarchie 
de  Sicile  contre  les  entreprises  de  la  cour  de  Rome 
(Amsterdam,  4746,  in-12);  Lettre  sur  Vancienne  dis- 
cipline de  VEglise  touchant  la  célébration  de  la  messe 
(Paris,  4708,  in-42)  ;  Défense  de  la  censure  de  la  Faculté 
de  théologie  de  Paris  contre  les  Mémoires  de  la  Chine 
(Paris,  4708, in-42)  ;  Sancti  Optati  Afri  Milevitam  epis- 
copi,  de  Schismate  Donatistarum  libri  septem  (Pans, 
4700,  in-fol.)  ;  Joannis  Gersonii  doctoris  et  cancellarii 
parisiensis  opéra  (Amsterdam,  4703,  5  vol.  in-fol.).  En 
outre,  collaboration  au  Journal  des  savants  et  aux  der- 
nières éditions  du  Dictionnaire  de  Moreri.    E.-H.  \ollet. 
DUPIN    (André-Simion-Olivier),  à\t  Dupin  le  Jeune, 
homme  politique  français,  né  à  Paris  le  7  mars  1 744,  mort 
à  Marcinelle,  près  deFleurus  (Belgique),  le  48  avr.  4833. 
Ex-employé  dans  les  Fermes,  il  fut  élu  par  l'Aisne  député 
à  la  Convention.  Dans  le  procès  de  Louis  XVI,  il  ne  vota 
pas  pour  la  mort,  mais  vota  contre  le  sursis.  Ami  des  Gi- 
rondins, il  ne  partagea  pas  leur  sort.  C'est  à  la  suite  de 
son  rapport  que  les  fermiers  généraux  furent  traduits  au 
tribunal  révolutionnaire.  On  perd  ensuite  ses  traces. 

DUPIN  (Charles-André),  homme  politique  français,  né 
à  ClamecY  le  20  juin  4758,  mort  à  Clamecy  le  24  nov. 
4843.  Avocat,  procureur -syndic  du  district  de  Clamecy 
en  4790,  député  de  la  Nièvre  à  la  Législative,  incarcéré 


en  4793  pour  modérantisme,  il  fut  député  de  la  Nièvre 
au  conseil  des  Anciens,  puis  membre  du  Corps  légis- 
latif (1800-1804),  puis  inspecteur  de  la  gendarmerie. 
Louis  XVIII  le  nomma  procureur  du  roi  à  Clamecy  en 
4815  et  sous-préfet  de  cet  arrondissement.       F. -A.  A. 

BiBL.  :  Robert  et  Cougny,  Dictionnaire  des  parlemen- 
taires. 

DUPIN  (Claude-François-Etienne,  baron),  administra- 
teur français,  né  à  Metz  le  30  nov.  1767,  mort  à  Paris  le 
44  nov.  4828.  Administrateur  du  dép.  de  la  Seine,  préfet 
des  Deux-Sèvres,  il  entra  en  4843  à  la  cour  des  comptes 
comme  conseiller  maître.  Il  a  laissé  un  certain  nombre 
d'ouvrages,  relatifs  surtout  à  la  statistique,  et  parmi  les- 
quels nous  citerons  :  Almanach  du  Républicain  pour 
nos  (Paris,  1793,  in-42);  Statistique  du  dép.  des 
Deux-Sèvres  (Paris,  4804,  in-8);  Dictionnaire  géogra- 
phique, agronomique  et  industriel  du  dép.  des  Deux- 
Sèvres  (Niort,  4803,  in-8);  Précis  historique  de  l'admi- 
nistration et  de  la  comptabilité  des  revenus  communaux 
(Paris,  4820,  in-8);  Histoire  de  l'administration  des 
secours  publics  (4821,  in-8);  Histoire  de  Vadministra- 
tion  locale  (1829,  in-8);  la  Prusse  galante  ou  Voyage 
d'un  jeune  homme  à  Berlin  (Paris,  4800,  in-8),  etc., 
sans  compter  des  mémoires  et  notices  insérés  dans  le  re- 
cueil delà  Société  des  Antiquaires,  dont  il  fit  partie  dès 
sa  fondation. 

DUPIN  (Ândré-Marie-Jean-Jacques),  dit  Dupin  aîné, 
pour  le  distinguer  de  ses  deux  frères  Charles  et  Philippe, 
né  à  Varzy  (Nièvre)  le  4^^  févr.  4783,  mort  à  Paris  le 
40  nov.  4865.  En  4810,  il  échoua  dans  un  concours  pour 
une  place  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris,  et  se  consacra 
dès  lors  tout  entier  au  barreau.  Il  s'y  fit  vite  remarquer. 
Son  Mémoire  pour  la  libre  défense  des  accusés  (oct. 
1815),  à  un  moment  où  la  réaction  triomphante  faisait 
publier  dans  ses  journaux  que  les  avocats  ne  pourraient 
défendre  les  accusés  de  crimes  d'Etat  sans  se  rendre  leurs 
complices,  et  son  plaidoyer  pour  le  maréchal  Ney,  qu'il 
défendit  à  côté  des  deux  Berryer,  le  rendirent  populaire. 
Devenu  l'avocat  attitré  du  parti  libéral,  il  plaida  pendant 
la  Restauration  de  nombreux  procès  politiques,  entre 
autres  pour  Déranger  (1821)  et  pour  le  Journal  des 
Débats,  poursuivi  en  1829  à  raison  du  célèbre  article  qui 
se  terminait  par  ces  mots  prophétiques  :  «  Malheureuse 
France  !  malheureux  roi  !  »  Dans  tous  ces  plaidoyers, 
Dupin  apportait  une  parole  vive,  un  esprit  frondeur.  Il 
avait  l'instinct  bourgeois,  épris  des  principes  de  1789  et 
du  gaUicanisme,  et  plein  d'antipathie  pour  les  jésuites.  En 
4829,  il  fut  élu  bâtonnier.  Il  était  député  de  Cosne  depuis 
1826.  Il  fut  l'un  des  promoteurs  de  l'adresse  des  224  et 
joua  un  rôle  personnel  dans  les  événements  de  4830,  soit 
dans  les  coulisses  poHtiques  (il  était  devenu  depuis  4817 
l'un  des  conseils  judiciaires  du  duc  d'Orléans),  soit  même 
dans  la  rue,  car  on  le  vit  sur  les  boulevards  exhortant  les 
citoyens  à  la  résistance.  Ce  fut  lui  qui  décida  ce  prince  à 
prendre  le  nom  de  Louis-Philippe  P^  au  lieu  de  Phihppe  VII 
qu'on  proposait  «  pour  renouer  la  chaîne  des  temps  ». 
«  Le  duc  d'Orléans,  disait-il,  n'est  pas  appelé  au  trône 
parce  qu'il  est  Bourbon,  mais  quoique  Bourbon.  »  Le  roi 
le  nomma  procureur  général  à  la  cour  de  cassation  en 
août  4830.  Il  y  remporta  souvent  de  brillants  succès,  no- 
tamment lors  du  célèbre  arrêt  du  22  juin  4839  sur  les 
duels.  Cependant  ce  n'est  pas  comme  magistrat  qu'il  acquit 
la  plus  grande  part  de  sa  réputation  ;  ce  fut  comme  homme 
poHtique.  Pendant  les  troubles  des  premières  années  du 
règne  de  Louis-Philippe,  il  montra  à  la  Chambre  une 
grande  fermeté,  un  esprit  autoritaire.  Son  ardeur  libérale 
d'autrefois  avait  disparu  sans  retour.  En  févr.  4834,  les 
émeutiers  vinrent  l'assiéger  dans  sa  maison.  Elu  président 
de  la  Chambre  en  4832,  il  garda  la  présidence  pendant 
huit  années  et  prit  sur  ses  collègues  un  réel  ascendant. 
Il  dirigeait  les  discussions  avec  autorité,  faisant  respecter 
même  par  les  ministres  les  prérogatives  de  la  Chambre  et 
l'indépendance  de  la  tribune,  mais  criblant  amis  et  adver- 


—  81  — 


saires  de  bons  mots  et  de  reparties  souvent  peu  courtoises 
qui  blessèrent  plus  d'un  amour-propre.  Adversaire  acharné 
de  M.  Thiers,  il  passe  pour  avoir  provoqué  sa  chute  du 
ministère.  —  Cormenin  le  dépeint  comme  un  orateur  véhé- 
ment, concis,  d'une  éclatante  lucidité,  ayant  beaucoup  de  bon 
sens,  mais  tombant  souvent  dans  le  trivial.  Le  visage  était 
couturé,  haché,  plissé,  mais  ne  manquant  pas  de  noblesse 
quand  la  passion  l'animait  ;  la  voix  était  pleine,  sonore,  par- 
fois entraînante;  ses  yeux,  caves  et  petits,  brillaient  au 
fond  de  leur  orbite.  On  a  beaucoup  reproché  à  Dupin  sa  ver- 
satilité politique.  Après  avoir  servi  la  monarchie  de  Juillet, 
il  accepta  très  tranquillement  la  République.  Il  fit  proclamer, 
dès  le  24  févr. ,  que  la  justice  serait  désormais  rendue  au  nom 
du  peuple  français,  et  vota  la  constitution  républicaine. 
Quand  le  vent  tourna  de  nouveau,  il  fut  un  des  premiers 
à  soutenir  le  prince-président,  et  dès  d851  il  se  prononça 
ouvertement  pour  la  prolongation  de  ses  pouvoirs  et  la 
revision  de  la  Constitution.  Il  avait  été  élu  président  de 
l'Assemblée  législative  à  une  forte  majorité  contre  Ledru- 
Rollin  et  Lamoricière.  Après  le  coup  d'Etat  du  2  décembre, 
il  conserva  son  siège  de  procureur  général.  Cependant, 
lorsque  les  biens  de  la  fainille  d'Orléans  furent  confisqués, 
il  donna  sa  démission,  mais  en  1857  il  accepta  de  nouveau 
les  mêmes  fonctions.  Il  fit  partie  de  l'Académie  des  sciences 
morales  et  politiques  et  de  l'Académie  française  qui  l'élut 
en  1831.  On  s'est  beaucoup  moqué  de  son  goût  pour  la 
vie  rustique.  Les  caricatures  du   Charivari  ont  rendu 
légendaires  les  gros  souliers  ferrés  qu'il  portait  à  la  cam- 
pagne; mais  ses  manières  et  ses  propos  plaisaient  aux 
cultivateurs.  Il  s'est  beaucoup   occupé  d'agriculture,   et 
prononça  dans  de  nombreux  comices  agricoles  de«  allocu- 
tions fort  réussies.  M.  Dupin  a  beaucoup  écrit.  La  liste  de 
ses  ouvrages  est  trop  longue   pour  être  donnée  ici.  On 
la  trouvera   dans  sa   Coutume  de  Nivernais  et  dans 
son  édition  des  Lettres  de  Camus  sur  la   Profession 
d'avocat  (t.  II).  Ses  sujets  favoris  furent  les  libertés  de 
l'Eglise  gallicane  et  la  question  du  duel.  Une  statue  de 
bronze,  par  Boisseau  (Salon  de  1869),  lui  a  été  élevée  à 
Varzy.  Marcel  Planiol. 

BiBL.  :  Mémoires  de  M.  Dupin^  1855-1863,  4  vol.  in-8.  — 
Cormenin,  Livre  des  orateurs.  —  J.-E.-L.  Ortolan, 
Notice  biographique  de  M.  DMpi?2,1810,in-8.—  Cuvillikr- 
Fleury,  Discours  de  réception  à  C Académie^  1866. 

DUPIN  (Pierre-Charles-François),  connu  sous  le  nom  de 
baron  Charles  Dupin,  mathématicien  et  économiste  fran- 
çais, frère  du  précédent,  né  à  Varzy  (Nièvre)  le  6  oct. 
1784,  mort  à  Paris  le  18  janv.  1873.  Entré  à  l'Ecole  po- 
lytechnique en  1801,  il  en  sortit  dans  le  génie  maritime, 
dont  il  devint  plus  tard  inspecteur  général,  quoiqu'il  n'ait 
guère  rempli  les  fonctions  d'ingénieur  que  jusqu'en  1816. 
Son  volume,  Développement  de  géométrie  pour  faire 
suite  à  la  géométrie  pratique  de  Monge  (Paris,  1813), 
qui  contient  notamment  la  brillante  théorie  de  l'indicatrice 
de  courbure  des  surfaces,  lui  valut  d'être  admis  dès  1818 
à  l'Académie  des  sciences  et  semblait  promettre  d'autres 
travaux  importants  du  même  ordre,  lorsque  Charles  Dupin 
s'engagea  dans  une  tout  autre  voie.  Les  Voyages  en 
Grande-Bretagne  de  i8i6  à  ^^/^^  (1820-18^24,  6  vol.) 
donnèrent  les  résultats  d'une  vaste  enquête  personnelle 
qu'il  entreprit  sur  le  commerce  et  l'industrie  de  l'Angle- 
terre et  le  placèrent  au  premier  rang  des  statisticiens.  Si, 
d'autre  part,  nommé  en  1819  professeur  au  Conservatoire 
des  arts  et  métiers,  il  consacra  une  importante  partie  de 
son  temps  à  l'enseignement  industriel  (Applications  de 
géométrie  et  de  mécanique  à  la  marine  (1822);  Di- 
verses Leçons  sur  l'industrie,  le  commerce,  la  marine 
(1825)  ;  Géométrie  et  mécanique  des  arts  et  inétierset 
des  beaux-arts  (1825-1827,  3  vol.),  son  activité  se 
porta  de  plus  en  plus  sur  l'étude  et  la  publication  des  do- 
cuments intéressant  l'homme  politique  :  Trois  Forces  pro- 
ductives et  commerciales  de  la  France  (1825);  De  la 
Grande-Bretagne  (1 826)  ;  le  Petit  Producteur  français 
(1827-1828,  5  vol.),  etc.  Sa  Carte  de  la  France 
éclairée  et  de  la  France  obscure,  dans  laquelle  il  eut  le 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —   XV. 


DUPIN 


premier  l'idée  de  figurer  par  des  teintes  la  proportion  des 
illettrés  de  chaque  département,  lui  acquit  dès  lors  une 
célébrité  légitime.  Charles  X  le  fit  baron  en  1824.  Dès 
1815,  il  avait  pris  une  attitude  poHtique  libérale.  Envoyé 
à  la^  Chambre  des  députés  par  les  électeurs  du  Tarn  en 
1828,  il  appartint  dès  lors  aux  assemblées  délibérantes, 
oii  il  ne  joua  d'ailleurs  jamais  qu'un  rôle  secondaire. 
Fidèle  à  la  gauche  sous  la  Restauration,  il  se  trouva  au 
centre  sous  le  gouvernement  de  Juillet.  Ministre  de  la  ma- 
rine pendant  quelques  jours  en  1834,  il  passa  à  la  Chambre 
des  pairs  en  1837,  figura  à  la  droite  dans  les  assemblées 
de  la  République  de  1848,  et,  en  1853,  fut  d'emblée  nommé 
sénateur.  Il  était  membre  de  l'Académie  des  sciences  mo- 
rales et  politiques  depuis  1832.  En  dehors  des  ouvrages 
énumérés  plus  haut,  il  a  laissé  de  nombreux  écrits  de  cir- 
constance. Sa  fécondité  même  lui  a  nui;  le  dernier  des 
trois  Dupin,  comme  on  l'appelait,  quoiqu'il  fût  en  réahté 
le  second  des  trois  frères,  donna  l'exemple  d'un  homme 
qui,  avec  une  facilité  de  travail  surprenante  et  d'incontes- 
tables_  traits  de  génie,  eut  dû  atteindre  la  gloire,  mais  n'a 
conquis  qu'une  célébrité  passagère,  parce  qu'il  a  éparpillé 
ses  forces  et  s'est  inutilement  usé  dans  la  politique,  pour 
laquelle  il  n'était  pas  fait.  Son  adhésion  au  second  Empire 
a  finalement  compromis  un  caractère  qui  s'était  généreuse- 
ment montré,  à  l'âge  de  la  jeunesse,  alors  que  sous  la 
Restauration  il  défendait  chaudement  Carnot  et  Mon^e 
quand  il  était  périlleux  de  le  faire.  Paul  Tannery.    ' 

DUPIN  (Jean-Henri,  baron),  auteur  dramatique  français 
ne  à  Pans  le  l^^sept.  1787,  mort  à  Paris  le  5  avr.  1887.' 
Parent  des  «  trois  Dupin  »  et  issu  comme  eux  d'une  famille 
de  robe,  il  était  employé  dans  une  maison  de  banque  lors- 
qu'il fit  représenter  son  premier  vaudeville,  le  Voyage  à 
Ckambord  {[SOS).Vuu  des  plus  anciens  collaborateurs 
de  Scribe,  il  eut  sa  part  dans  le  succès  de  Michel  et 
Christine  (1826),  de  la  Mansarde  des  artistes  (1828) 
et  d'une  cmquantaine  d'autres  pièces  dont  il  fournit  oii 
développa  le  sujet,  sans  préjudice  de  celles  que  Dartois 
Sauvage,  d'Epagny,  Dumanoir,  Delacour,  etc.,  signèrent 
avec  lui  pendant  près  de  quarante  ans  et  dont  l'énuméra- 
tion  nous  entraînerait  trop  loin.  On  cite  en  outre  de 
Henri  Dupin  un  petit  volume  de  nouvelles,  Cinq  Coum 
de  sonnette  (1860,  in-12).  M.  f^ 

DUPIN  (Simon-PhiHppe),  avocat  français,  frère  de  Dupin 
aîné  et  du  baron  Charles  Dupin  (V.  ci-dessus),  ne  à 
Varzy  (Nièvre)  le  7  oct.  1795,  mort  à  Pise  le  14  févr. 
1846.  H  aborda  le  barreau  dès  l'âge  de  vingt  et  un 
ans.  Mais  il  avait,  malgré  sa  jeunesse,  une  profonde  con- 
naissance des  affaires,  qu'il  devait  aux  leçons  de  son 
frère  aîné.  Sa  dialectique  piquante  non  moins  que  serrée 
et  sa  verve  sans  égale  lui  valurent  de  bonne  heure 
une  immense  clientèle.  On  cite  parmi  les  procès  les  plus 
retentissants  auxquels  il  fut  mêlé  ceux  du  faux  comte  de 
Spmte-Hélène  (1818),  du  Constitutionnel  (1820),  du  ca- 
pitaine Dequevauvilliers  compromis  dans  la  conspiration 
du  19  août  (1821),  l'affaire  Desgraviers  et,  plus  tard 
1  instance  de  la  famille  de  Rohan  contre  le  duc  d'Aumale' 
au  sujet  de  la  succession  de  Condé.  Sous  Louis-Philippe' 
il  fut  avocat  de  la  liste  civile,  président  du  comité  consul- 
tatif de  la  ville  de  Pans,  avocat  du  ministère  de  l'instruc- 
tion publique.  Le  conseil  de  l'ordre  des  avocats  de  Paris 
élut  comme  bâtonnier  en  1834.  La  politique  mihtante  ne 
le  tentait  guère.  Député  de  la  Nièvre  en  1830,  il  donna 
bientôt  sa  démission.  Plus  tard,  envoyé  à  la  Chambre  par 
les  électeurs  d'Avallon  (1842),  il  y  resta,  mais  ne  prit  part 
qu  aux  discussions  d'aff*aires.  Usé  de  bonne  heure  par  le 
travail,  il  mourut  au  cours  d'un  voyage  en  Italie  que  les 
médecins  lui  avaient  conseillé  pour  sa  santé.  Sans  parler 
d'un  grand  nombre  de  ses  plaidoyers  qui  avaient  été  im- 
primés, il  laissait  d'importantes  études  qu'on  peut  lire  dans 
divers  recueils  de  jurisprudence.  A.  Debidour 

DUPIN  DE  Chenonceaux  (Claude),  financier  et  écrivain 
français,  né  à  Chûteauroux  en  1684,  mort  à  Paris  le 
25  févr.  1769,   dans  son  hôtel  de  la  rue  Plâtrière.   Son 

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DUPIN  —  DU  PLAN 


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père  était  receveur  des  tailles  à  Châteauroux,  et  il  ne  lui 
succéda  dans  son  office  qu'après  avoir  suivi  d'abord  la 
carrière  des  armes  et  être  parvenu  au  grade  de  capitaine 
au  régiment  de  Noailles,  dont  il  aurait  été  «  cassé  pour 
avoir  fait  tapage  ».  Ce  goût  n'avait  pas  nui  à  son  instruc- 
tion, et  il  s'était  même  fait  recevoir  avocat  au  Parlement. 
Il  exerçait  les  fonctions  paternelles  et  était  veuf  de  Marie- 
Jeanne  Bouilhat  de  Laleuf,  qu'il  avait  épousée  en  1714, 
lorsque,  à  la  fin  de  1722,  il  se  lia  avec  M^«  de  Fontame, 
fille  de  Dancourt,  de  passage  à  Châteauroux  avec  une  de 
ses  filles  qui  y  était  tombée  malade  et  à  qui  il  avait  rendu 
de  bons  offices.  Ce  fut  l'origine  de  sa  fortune  financière. 
En  1724,  il  épousa  la  seconde  fille  de  M"^*^  de  Fontaine, 
Marie-Louise-Madeleine-Guillaume  de  Fontaine,  âgée  alors 
de  dix-sept  ans  seulement,  et  acquit  ainsi  la  protection  de 
Samuel  Bernard,  qui  passait  pour  être  grand  ami  du 
père  de  la  fiancée.  Promu  cette  année  même  à  la  charge 
de  receveur  général  des  finances  des  Trois-Evêchés  et  de 
l'Alsace,  deux  ans  après,  le  1^^  oct.1726,  Samuel  Bernard 
obtint  pour  lui,  du  contrôleur  général  Le  Pelletier  des 
Forts,  une  des  dix  places  de  fermiers  généraux  et  lui  avança 
une  somme  de  500,000  livres.  Soit  à  Paris,  à  l'hôtel 
Lambert,  où  il  s'établit,  soit  au  château  de  Chenonceaux, 
qu'il  avait  acquis  dès  1733  du  duc  de  Bourbon,  et  dont  il 
prit  le  nom,  soit  au  Blanc,  dont  le  marquisat  lui  fut 
vendu  en  1738  par  la  marquise  de  Parabère,  il  recevait  la 
meilleure  compagnie  du  temps,  attirée  et  retenue  par  sa 
bonne  grâce  et  par  le  charme  et  l'esprit  de  M^«  Dupin. 
Le  duc  d'Orléans,  fils  du  régent,  qui  avait  beaucoup  d'ami- 
tié pour  M''^'^  Dupin,  et  le  duc  de  Penthièvre,  quand  il 
allait  à  son  château  d'Amboise,  visitèrent  souvent  les 
Dupin  à  Chenonceaux,  où  l'on  avait  bâti,  dans  une  aile,  un 
théâtre  pour  lequel  on  faisait  venir  le  corps  de  ballet  de 
l'Opéra.  Les  deux  époux  se  piquaient  de  littérature.  En 
1748,  quand  parut  VEsprit  des  lois,  Dupin,  quoique 
ami  de  l'auteur,  en  réfuta  la  partie  financière  du  ch.  viii 
dans  un  essai  intitulé  :  Réflexion  sur  quelques  parties 
dhm  livre  intitulé  De  l'Esprit  des  lois  (Paris,  1749, 

2  vol.  in-18).Tiréà  huit  exemplaires  seulement,  ce  livre 
fut  traqué  par  la  censure;  Dupin  en  détruisit  lui-même 
presque  toute  l'édition.  Il  reprit  ce  sujet  dans  un  second 
ouvrage  :  Observations  sur  un  livre  intitulé  De  l'Esprit 
des  lois,  divisées  en  trois  parties  {Vms,  il^l-il^S, 

3  yol.  in-8).  Mais  cette  fois  ce  fut  surtout  Montesquieu 
qui  s'alarma.  Le  livre  sur  sa  demande  fut  supprimé.  Il 
paraît  qu'il  eut  le  père  Berthier  pour  collaborateur  dans 
cet  ouvrage.  En  1742,  J.-J.  Rousseau,  recommandé  par 
le  P.  Castel,  était  devenu  le  commensal  de  la  maison,  et 
en  1744,  après  son  retour  de  Venise,  une  sorte  de  secré- 
taire de  M^^^  Dupin.  Elle  lui  confia  les  papiers  de  l'abbé 
de  Saint-Pierre,  qui  avait  été  son  grand  ami,  pour  en  être 
l'éditeur.  Mais  il  n'alla  pas  plus  loin  qu'un  extrait  du  Pro- 
jet  de  paix  perpétuelle.  C'est  pour  le  neveu  de  M^^^°  Dupin, 
'rabl)é  d'Arty,  qu'il  composa  aussi  son  Oraison  funèbre 
du  duc  d'Orléans.  Le  Devin  du  village  et  VEngagement 
téméraire  furent  représentés  en  1747  à  Chenonceaux. 
Les  désordres  et  les  mauvaises  spéculations  de  son  second 
fils,  Jacques-Armand  Dupin  de  Chenonceaux,    portèrent 
atteinte  à  la  fortune  de  M.  Dupin,  qui  fut  obligé  d'enga- 
ger l'hôtel  Lambert.  Il  était  cependant  encore  fort  riche 
lorsqu'il  mourut  à  l'âge  de  quatre-vingt-trois  ans.  Il  pos- 
sédait encore  l'hôtel  Lambert,  Chenonceaux,  la  terre  du 
Blanc,  comprenant,  outre  le  château  de  ce  nom,  ceux  de 
Rochefort  et  de  Roches,  etc.  —  Sa  veuve  lui  survécut  trente 
ans;    elle    n'émigra  pas    et   mourut  à  Chenonceaux  le 
20  nov.  1799.  Elle  était  née  le  27  oct.  1706  et  avait 
deux  sœurs,  M'^^  Yallet  de  Villeneuve  et  M™^  d'Arty, 
l'amie  du  prince  de  Conti.  M.  de  Villeneuve,  son  neveu, 
hérita  alors  de  Chenonceaux,  qui  resta  dans  sa  famille  jus- 
qu'en 1 864.  M.  Dupin  a  encore  publié  :  les  OEcononiiques 
(Carlsruhe,   1745,  3  vol.  in-4),  où  il  traite  dim  plan 
général  des  réformes  financières  et  commerciales  ;  Méni.  sur 
les  bleds  (Paris,  1748,  in-4),  tous  les  deux  anonymes  et  tirés 


à  très  petit  nombre.  On  lui  attribue  encore  une  brochure, 
Mayiière  de  perfectionner  les  voitures  (Paris,  1753). 

De  son  premier  mariage,  il  avait  eu  un  fils,  Dupin  de 
Francueil,né  le  6  nov.  1715,  mort  vers  1780,  connu  par 
sa  Uaison  avec  M"^^^  d'Epinay,  Il  avait  épousé,  en  1737, 
Suzanne  BoUioud  de  Saint-Julien,  morte  le  1®^^  sept.  1754, 
dont  il  eut  une  fille,  Suzanne-Madeleine,  mariée,  le  9  févr. 
1768,  à  son  cousin  Pierre-Armand  Vallet  de  Villeneuve. 
Remarié  en  1777  à  Aurore  de  Saxe,  fille  du  maréchal  et  de 
l\\\ii  Verrières,  et  veuve  du  comte  de  Horn,  il  laissa  de 
ce  mariage  un  fils,  Maurice  Dupin,  père  de  George  Sand. 
De  son  second  mariage  avec  M^^^  de  Fontaine,  Claude 
Dupin  eut  un  fils,  Jacques- Armand,  né  le  3  mars  1727, 
mort  le  3  mai  1767  à  l'ile  de  France,  marié  en  1751  à 
Marie-Alexandrine-Sophie  de  Rochechouart-Pontville,  dont 
il  laissa  un  fils,  Claude-Sophie,  ^\t  Dupin  de  Rochefort,  né 
en  1752,  mort  le  18  sept.  1788,  et  dont  la  veuve,  N.  de 
Saint-Romain,  se  remaria  au  futur  duc  Pasquier.  Aujourd'hui 
la  descendance  seule  de  Dupin  de  Francueil  subsiste  par  les 
femmes  dans  les  familles  des  comtes  de  Villeneuve  et  des  ba- 
rons du  Devant.  Un  fils  naturel  que  V'rancueil  avait  eu  de 
M'"^^'  d'Epinay,  et  appelé  Le  Blanc  de  Boaulieu,  fut  évêque 
de  Soissons,  puis  archevêque  élu  d'Arles.  Eugène  Asse. 
BiBL,  :  J.-J.  Roussi:au,  Confessions,  II,  pp.  5,  7.  —  Ches- 
TERFiKLD,  Lettevs,  25  oct.  1751.  —  M™»  du  Deffand,  Cor- 
resp.  compL,  I,  449.  —  Vie  privée  de  Louis  XV;  Londres, 
1781,  I,  206.  —  Bachauî^iont,  Mémoires.  —  G.  Sand, 
Hist.  de  ma  vie,  I,  70.  —  H.  Bonhomme,  Grandes  Dames 
et  pécheresses;  Paris,  1883,  in-16.  —  Comte  Gaston  de 
Villeneuve-Guibert,  le  Portefeuille  de  M'»^  Dupin;  Paris, 
1884,  in-8.  —  Vicomtesse  de  Janzé,  les  Financiers  d'au- 
trefois ;  Paris,  1886,  in-8.  —  L.  Perey  et  G.  Maugras,  la 
Jeunesse  de  M™«  d'Epinay  ;  Paris,  1882,  in-8.  —  Cheva- 
lier, le  Château  de  Chenonceaux  ;  Tours,  1869,  m-8. 

DU  PI  NET  (Antoine),  traducteur  français  et  controver- 
siste  protestant,  né  à  Baume-les-Dames  vers  1510,  mort 
à  Paris  entre  1563  et  1366.  Appartenant  à  une  famille 
qui  jouissait  d'une  certaine  aisance,  puisqu'il  s'intitulait 
«  seigneur  de  Noroy  »,  il  embrassa  de  bonne  heure  la 
réforme  de  Calvin  et  dut  en  conséquence  abandonner  la 
catholique  Franche-Comté  pour  s'étabhr  à  Lyon  où  s'écoula 
une  bonne  partie  de  son  existence.  Sa  traduction  de  l'His- 
toire naturelle  de  Phne,  publiée  en  1362  et  nombre  de 
fois  réimprimée,  demeura  longtemps  la  seule  complète  qu'il 
y  eût  en  langue  française  de  ce  grand  ouvrage.  Son  recueil 
de  Plants,  pour  traits  et  descriptions  de  plusieurs  villes 
et  forteresses,  édité  à  Lyon  en  1364,  montre  que  l'auteur 
avait  beaucoup  voyagé  et  pris  une  part  active  à  la  propa- 
gande protestante.  Deux  opuscules  de  controverse,  publiés 
par  Dupinet,  sont  demeurés  célèbres  dans  la  littérature 
protestante  :  la  Taxe  de  lapénitencerie  et  chancellerie 
romaine  (Lyon,  1364);  la  Conformité  des  Eglises  ré- 
formées de  France  et  de  l'Eglise  primitive  (Lyon, 
1363).  Auguste  Castân. 

BiBL.  :  Haag,  Finance  prolestante. 
DUPINEY  DE  VoREPiERRE(Jean-François-MarieBERTET), 
publiciste  français,  né  à  Vienne  (Isère)  le  17  août  1811, 
mort  à  Paris  en  1879.  Docteur  en  médecine,  il  entra  en 
1840  dans  la  rédaction  du  Crédit  où  il  donna  des  articles 
de  finances  et  d'économie  politique,  et  dans  celle  de  la 
Politique  nouvelle.  Il  est  connu  par  son  Dictionnaire 
français  illustré  et  Encyclopédie  nouvelle  (Pd^ris,  1836- 
1864,  2  vol.  gr.  in-4)  qui  a  joui  longtemps  d'une  cer- 
taine renommée  et  qui  a  encore  des  lecteurs,  et  par  le  Dic- 
tionnaire des  noms  propres  ou  Encyclopédie  illustrée 
de  biographie,  de  géograpliie,  d'histoire  et  de  mytho- 
logie, que  la  mort  ne  lui  permit  pas  d'achever.  Citons 
encore  de  lui  :  Sur  les  symptômes  du  choléra  morbus 
sporadique  (Paris,  1841,  in-4)_,  thèse,  et  les  traductions 
des  Lettres  sur  la  chimie  de  Liebig  (1845)  et  du  Traité 
de  physiologie  de  Mùller  (1846). 

DU  PLAN  (Benjamin),  député  général  des  synodes  des 
Eglises  réformées  de  France,  né  près  d'Alais  le  13  mars 
1688,  mort  à  Londres  en  1763.  Il  appartenait  à  une 
ancienne  famille  noble  d'Alais,  mais  abandonna  la  carrière 
militaire  en  1710,  pour  se  vouer  aux  intérêts  de  ses  core- 


ligioîinaires  protestants  persécutés  en  France.  Il  fut  ainsi, 
à  partir  de  4715,  l'auxiliaire  dM.  Court  (V.  ce  nom).  En 
4724,  quand  sa  tète  eut  été  mise  à  prix,  il  se  retira  à 
Genève  et  plaida  la  cause  des  huguenots,  visitant  successi- 
vement les  principales  cours  protestantes  d'Europe  (4731- 
4744)  en  qualité  de  délégué  spécial  des  synodes  réformes 
de  France.  Dès  4725,  il  avait  contribué  à  fonder  le  sémi- 
naire de  Lausanne,  pour  lequel  il  recueillit  des  dotations 
et  des  dons,  au  cours  de  ses  voyages.  Accusé  de  mal  em- 
ployer les  fonds  qu'il  collectait,  il  fut  destitué,  se  brouilla 
avec  A.  Court,  mais  fut  réintégré  partiellement  dans  ses 
fonctions  en  1749  et  vécut  désormais  à  Londres.  Sa  cor- 
respondance, conservée  à  la  bibliothèque  de  Genève,  est 
importante  pour  l'intelligence  de  l'histoire  des  réformés  de 
France  au  xvin®  siècle.  F. -H.  K. 

BiDL.:  D.  BoNNEFON,  Benjamin  Du  Plan;  Toulouse, 
1876,  in-8. 

DU  PLAN  (Joseph),  homme  politique  français,  né  à  Pa- 
ris le  6  mars  1791,  mort  à  Toulouse  le  12  févr.  1873. 
Elève  de  Polytechnique,  il  servit  dans  le  génie  maritime, 
devint  aide  de  camp  de  Roguet  et,  tenu  en  suspicion  par 
la  Restauration,  demeura  dans  la  vie  privée  jusqu'en  1852. 
Il  fut  alors  (29  févr.)  nommé  député  de  la  Haute-Garonne 
au  Corps  législatif,  soutint  la  politique  de  l'Elysée  et  fut 
successivement  réélu  en  1857  et  1863.  Il  a  écrit  un  Ma- 
nuel d'agriculture  à  l'usage  des  écoles  primautés  et  un 
Essai  de  météorologie  appliquée  à  r agriculture. 

DU  PLAN  (Pierre-Paul),  publiciste  et  homme  poHtique 
français,  né  à  Bourges  le  7  oct.  1806,  mort  à  Paris  le 
21  juin  1878.  Avocat  à  Bourges,  il  collabora  à  la  Revue 
du  C/i(?r  (1831-1844),  plaida  des  procès  politiques  qui  le 
mirent  en  lumière,  et  fut  élu  le  23  avr.  1848  représen- 
tant du  Cher  à  la  Constituante.  Il  ne  se  représenta  pas  à 
la  Législative  et  devint  inspecteur  particulier  de  l'exploita- 
tion des  chemins  de  fer.  Outre  sa  collaboration  à  VEclai- 
reur  de  l'Indre,  au  Journal  du  Loiret,  au  Pays,  au 
Constitutionnel,  au  Paris  pittoresque,  il  a  donné  beau- 
coup d'articles  au  Répertoire  de  droit  et  de  législation 
de  Ledru-RoUin  et  au  Répertoire  de  Dalloz.  On  peut 
citer  de  lui  :  Défense  généi^ale  de  la  France.  Etablisse- 
ments militaires  à  Bourges  (Bourges,  1862,  in-8);  De 
la  Réorganisation  du  Crédit  foncier  de  France  (Paris, 
1877,  in-8). 

pu  PLANT  (Rosalie),  cantatrice  française,  une  des  bonnes 
artistes  de  l'Opéra  au  xvni^  siècle.  Elle  avait  commencé  par 
être  simple  choriste  à  ce  théâtre.  Elle  ne  débuta  sérieusement 
qu'au  mois  de  mars  1763,  mais  elle  s'y  fit  aussitôt  remar- 
quer. Elle  brillait  particulièrement  dans  le  genre  tragique  ; 
elle  se  retira  vers  1783,  après  avoir  tenu  une  grande  place 
dans  le  répertoire  et  avoir  créé  un  certain  nonibre  de  rôles 
importants,  entre  autres  dans  Ernelinde,  Thésée  (Médée), 
l'Union  de  V amour  et  des  arts,  Iphigénie  en  Aulide 
(Clytemnestre),  Atys,  Céphale  et  Procris,  etc. 

DUPLANTIER  (Jacques -Paul -Fronton),  homme  poli- 
tique français,  né  à  Cailleau  (Gironde)  enjanv.  1764,  mort 
à  Agen  en  1814,  Avocat  et  armateur  à  Bordeaux,  membre 
du  département,  député  de  la  Gironde  à  la  Législative  et  à 
la  Convention,  il  vota,  dans  le  procès  de  Louis  XVI,  pour 
la  mort  et  contre  le  sursis.  Le  7  juin  1793,  il  donna  sa 
démission  de  député  pour  ne  pas  paraître  approuver  les 
menées  fédéralistes  de  ses  électeurs.  Après  le  9  thermidor, 
il  devint  président  du  directoire  de  son  département.  Député 
de  la  Gironde  aux  Cinq-Cents,  il  se  retira  de  la  politique  après 
le  18  brumaire,  se  fit  inscrire  au  barreau  d'Agen,  et  remplit 
jusqu'à  sa  mort  les  fonctions  de  bâtonnier.       F. -A,  A. 

DU  PLAY  (Simon-Emmanuel),  chirurgien  français  con- 
temporain, né  à  Paris  le  10  sept.  1836.  Il  est  le  fils  de 
Mathieu-Simon-Justin-Maurice  Duplay,  ancien  chef  de 
clinique  de  la  Faculté,  médecin  des  hôpitaux,  mort  en  1872. 
Interne  des  hôpitaux  (1859), docteur  en  médecine  (1865), 
agrégée  en  chirurgie  (1866)  et  chirurgien  des  hôpitaux 
(1867),  professeur  de  pathologie  externe  de  la  Faculté 
de  Paris  (1884),  il  est  depuis  1889  professeur  de  clinique 


—  83  ~  DU  PLAN  -  DUPLEIX 

chirurgicale.  Parmi  les  nombreux  travaux  qu'il  a  publiés, 
il  y  a  lieu  de  citer  :  ceux  sur  le  Diagnostic  et  le  traite- 
ment des  affections  des  fosses  nasales  (1866  à  1872),  et 
il  a  inventé  un  spéculum  nasi  qui,  adopté  partout,  a 
transformé  la  séméiologie  et  la  thérapeutique  chirurgicale 
des  affections  des  fosses  nasales  ;  De  rtlypospadias  périnéo- 
scrotal  et  de  son  traitement  chirurgical  (1875),  travail 
continué  en  1880  par  l'application  de  procédés  nouveaux 
applicables  aussi  avec  succès  au  traitement  chirurgical  de 
l'hypospadias  ;  Quelques  Faits  de  péritonite  simulant 
l'étranglement  interne  (1876);  Leçons  de  clinique 
chirurgicale  professées  à  l'hôpital  Saint-Louis  pendant 
l'année  1876  ;  un  Traité  élémentaire  de  pathologie 
externe  en  7  vol.  (Paris,  1861-1888),  dont  les  deux  pre- 
miers volumes  seulement  sont  de  Follin  ;  Traité  de  chi- 
rurgie (iS90  et  suiv.)  avec  P.  Reclus.     D^  A.  Dureau. 

DUPLEIX  (Scipion),  historien  français,  né  àCondom  en 
1569,  mort  à  Condom  en  1661.  Protégé  par  Henri  IV  et 
Marguerite  de  Valois,  il  vint  à  Paris  en  1605  et  devint 
maître  des  requêtes  de  l'hôtel  de  la  reine.  Nommé  histo- 
riographe de  France,  il  tira  peu  d'avantages  et  de  satisfac- 
tion de  cette  fonction  et  se  retira  dans  sa  ville  natale  avec 
le  titre  de  conseiller  d'Etat.  Le  nombre  de  ses  ouvrages 
est  assez  considérable.  Il  publia  notamment  Mémoires 
des  Gaules  depuis  le  Déluge  jusqu'à  rétablissement  de 
la  monarchie  française  avec  Vétat  de  l'Eglise  et  de 
r  Empire  depuis  la  naissance  de  J.-C.  Mais  le  travail 
de  beaucoup  le  plus  important  qu'il  écrivit  fut  V Histoire 
générale  de  France  (1621-1643,  5  vol.  in-foL).  L'ap- 
parition de  cet  ouvrage  provoqua  de  nombreuses  et  violentes 
polémiques.  Le  style  y  laisse  à  désirer,  mais  les  divisions, 
quoique  trop  nombreuses,  en  sont  nettes  et  méthodiques, 
pupleix  n'a  pas  fait  preuve  d'une  critique  fort  éclairée  ;  il 
ignore  les  sources  les  plus  accessibles  et  n'a  même  pas  su 
profiter  des  leçons  de  Fauchet.  Les  derniers  volumes,  qui 
sont  relatifs  au  règne  de  Louis  XIII,  ont  plus  de  valeur 
historique.  On  a  prétendu,  non  sans  apparence  de  raison, 
que  Richelieu  en  fut  l'inspirateur  et  qu'il  en  surveilla 
l'impression. 

DUPLEIX  (César),  sieur  de  I'Ormoy,  écrivain  français^ 
né  à  Orléans,  mort  en  1645,  avocat.  Il  est  l'auteur  de 
VAnti-Cotton  ou  Réfutation  de  la  Lettre  déclaratoirô 
du  P.  Cotton,  où  il  est  prouvé  que  les  Jésuites  sont 
coupables  et  auteurs  du  parricide  exécrable  commis 
en  la  personne  du  roi  très  chrétien  Henri  IV  d'heu- 
reuse mémoire  (Paris,  1610,  in-8),  pamphlet  virulent 
qui  fit  beaucoup  de  bruit  en  son  temps,  et  qui  fut  aussi 
attribué  à  J.  du  Bois,  à  P.  du  Moulin  et  à  P.  du  Coignet. 

DUPLEIX  (Joseph -François),  gouverneur  des  Indes 
françaises,  né  à  Landrecies  le  l^"^  janv.  1697,  mort  à  Paris 
le  10  nov.  1763,  Il  était  fils  de  François  Dupleix,  fermier 
général,  et  de  Anne-Louise  de  Massac.  François  Dupleix 
voulait  faire  de  son  fils  un  commerçant  et,  pour  essayer 
de  le  détourner  de  son  goût  pour  les  arts  et  les  sciences 
exactes,  il  le  fit  embarquer,  en  1715,  sur  un  navire  de  la 
Compagnie  des  Indes  orientales.  En  1720,  le  jeune  Dupleix 
fut  nommé  membre  du  conseil  supérieur  de  cette  Compagnie 
et  commissaire  des  guerres.  En  1730,  il  était  gouverneur 
de  Chandernagor  où  il  ramena  la  prospérité.  En  même 
temps,  sa  fortune  personnelle  s'accrut  énormément  et  il  fut 
en  plusieurs  occasions  le  banquier  de  la  Compagnie  des  Indes. 
En  1741,  Dupleix  épousa  Jeanne  Albert,  veuve  de  l'un  des 
conseillers  de  la  compagnie,  du  nom  de  Vincent,  française 
de  naissance  et  descendant  de  la  famille  portugaise  de  Cas- 
tro. C'était  une  femme  de  courage  et  d'esprit  qui  le  servit 
dans  ses  relations  diplomatiques  avec  les  princes  indigènes; 
elle  fut  connue  dans  l'Inde  sous  le  nom  de  Joanna-Begum 
(la  princesse  Jeanne).  Les  succès  de  Dupleix  à  Chandernagor 
lui  valurent  d'être  appelé,  la  même  année,  au  gouverne- 
ment de  Pondichéry.  Dans  cette  situation,  qui  faisait  de 
lui  presque  un  vice-roi,  Dupleix  rêva  d'asseoir  la  domination 
française  aux  Indes  sur  de  vastes  possessions.  Il  voulait 
que  la  presqu'île  entière  fût  administrée  par  la  France,  à 


DUPLEIX  -  DUPLESSIS 


84  — 


Taide  de  souverains  indigènes,  ses  tributaires  et  se^  pro- 
tégés et  il  espérait  faire  accepter  la  suzeraineté  de  la  trance 
par  le  Grand-Mogol  lui-même.  Mais  il  fallait  compter  avec 
la  rivalité  de  l'Angleterre  qui  avait  fondé,  elle  aussi,  une 
compagnie  destinée  à  assurer  le  trafic  avec  l'Inde.  Dupleix, 
prévoyant  qu'une  guerre  était  inévitable  et  que  la  supré- 
matie dans  l'Inde  serait  assurée  au  vainqueur,  se  prépara 
activement  à  cette  lutte,  s'attachant  surtout  à  créer  dans 
la  colonie  une  force  militaire  et  à  s'assurer  des  appuis 
parmi  les  Hindous.  ,     ..       .   r,    .  , 

La  guerre  éclata  en  1745  entre  la  Grande-Bretagne  et 
la  France.  Pour  soutenir  les  établissements  de  l'Inde,  le 
souvernement  avait  donné  l'ordre  au  gouverneur  des  î  es 
de  France,  La  Bourdonnais,  de  se  porter  avec  son  escadre 
dans  les  eaux  de  Pondichéry;  après  des  contretemps,  il 
arriva  le  6  juil.  4746.  Dupleix  le  reçut  comme  un  sauveur 
et  lui  donna  l'ordre  d'attaquer  Madras  dont  la  possession 
devait  consolider  l'influence  française.  Madras  capitula  le 
21  sept.  Ce  fait  d'armes  fit  éclater  entre  La  Bourdonnais 
et  Dupleix  un  désaccord  fatal;  déjà  leurs  caractères  oppo- 
sés, leur  autorité  respective  mal  définie,  avaient  mis  des 
nuages  entre  eux.  Il  faut  rappeler  que  le  nabab  du  Car- 
natic,  Anaverdikan,   avait  sauvé  Pondichéry,   alors  mal 
défendue,  en  empêchant  la  guerre  entre  Européens  sur  le 
territoire  indien.   Il  protesta  contre  la  prise  de  Madras, 
mais  Dupleix,  espérant  conserver  la  ville  sous  l'influence 
française,  lui  fit  répondre  qu'il  l'avait  fait  attaquer  pour  la 
lui  livrer.  La  Bourdonnais  fut  informé  de  cette  résolution; 
néanmoins,  malgré  l'ordre  formel  de  Dupleix,  il  accorda 
aux  Anglais  le  rachat  de  la  ville.  Dupleix  refusa  de  ratifier 
le   traité   conclu  le  26  sept.   La  Bourdonnais  ne  voulait 
pas  céder.  Cependant,  après  un  ouragan  qui  avait  fait  subir 
à  sa  flotte  de  graves  avaries,  La  Bourdonnais  se  résigna  à 
quitter  l'Inde  le  23  oct.  Les  historiens  s'accordent  aujour- 
d'hui à  réhabiliter  Dupleix  trop  longtemps  représenté  comme 
ayant  été  pour  La  Bourdonnais  un  rival  égoïste  et  jaloux  ; 
ils  mettent  en  opposition  avec  les  calculs  ambitieux  et  inté- 
ressés de  ce  dernier  la  grandeur  de  vues  de  Dupleix,  son 
génie  colonisateur  et  son  dévouement  aux  intérêts  français. 
Après  le  départ  de  La  Bourdonnais,  le  nabab  du  Carnatic 
somma  Dupleix  de  lui  remettre  Madras.  Celui-ci  dut  faire 
face  aux  Indiens  avec  de  faibles  ressources.   L'armée  du 
nabab  fut  défaite  à  Saint-Thomé  et  Madras  déclarée  pos- 
session française.  Dupleix  allait  prendre  le  dernier  refuge 
des  Anglais,  Saint-David,  quand  l'amiral  anglais  Boscawen 
parut  avec  une  flotte  en  vue  de  Pondichéry.  Dupleix  fut 
blessé  en  dirigeant  la  défense;  secondé  par  la  mauvaise 
saison,  il  put  contraindre  les  Anglais  à  lever  le  siège;  il 
se  disposait  à  poursuivre  les  débris  de  la  flotte  réfugiés  au 
fort  Saint-David  au  moment  où  fut  signé  le  traité  d'Aix- 
la-Chapelle.  Dupleix  s'attacha  alors  à  assurer  l'influence 
française  dans  l'Inde  en  dominant  les  princes  indigènes. 
Après  la   bataille  d'Ambour,  Dupleix  réussit  à  placer  sur 
le  trône  d'Arcate  un  de  nos  auxiUaires,  et  le  nabab  du  Dek- 
kan,  qui  vint  rendre  hommage  à  Dupleix,  le  nomma  nabab 
de  l'Inde,  du  cap  Comorin  au  fleuve  Krichna.  Le  renom  de 
Dupleix  était  devenu  considérable  en  Asie.  Restait  un  point 
important  à  conquérir,  Trichinopoli,  où  s'était  réfugié  un 
fils  d' Anaverdikan,  soutenu  par  les  Anglais.   Malgré  le 
secours  de  la  cavalerie  du  nabab  Chanda  Saïb,  Law  n'avait 
pas  su  exécuter  les  ordres  de  Dupleix  et,  s'étant  laissé  en- 
fermer dans  une  boucle  du  fleuve  Cauveri,  il  dut  capituler 
(1752).  Dupleix  réclama  des  secours.  Mais  le  gouverne- 
ment, indifférent  à  sa  gloire  et  ne  comprenant  pas  ses 
plans,  n'avait  qu'un  désir,  faire  la  paix  avec  l'Angleterre. 
Aussi  envoya-t-il  dans  l'Inde  non  point  des  renforts,  mais 
un  commissaire  extraordinaire,  Godeheu,  qui  devait  dé- 
truire l'œuvre  de  Dupleix.  Le  gouverneur  avait  pourtant 
commencé  à  réparer  les  désastres  de  Trichinopoli  qu'il 
faillit  reprendre;  ses  efforts  furent  perdus.  Godeheu  avait 
ordre  de  destituer  Dupleix  et  de  l'arrêter  au  besoin  ;  il 
remplit  sa  mission  avec  une  rare  hypocrisie.  Il  refusa  de 
régulariser  les  comptes  de  Dupleix  et  séquestra  les  revenus 


destinés  à  rembourser  ses  avances.  Godeheu  fit  reconnaître 
son  titre  de  gouverneur  et  Dupleix  fut  embarqué  presque 
de  force  pour  la  France  le  12  oct.  1754.  Sa  chute  eut  des 
conséquences  néfastes  pour  l'influence  française  (V.  Inde). 
Dupleix  fut  grand  administrateur,  profond  diplomate,  colo- 
nisateur de  premier  ordre,  mais  il  eut  le  malheur  de  n'être 
pas  compris  par  ceux  qui  gouvernaient  la  France;  on  voyait 
en  lui  un  aventurier  et  un  tyran  ambitieux  et  avide.  Il  fut 
abreuvé  d'injustices  et,  n'ayant  pu  se  faire  rendre  les 
avances  considérables  qu'il  avait  faites  à  la  Compagnie,  il 
termina  ses  jours  dans  une  profonde  misère.  Sa  femme 
était  morte  en  1756  et  il  avait  épousé,  en  1758,  M^^^  de 
Chastenav-Lantv.  Gustave  Regelsperger. 

BiBL.  TTibullë  Hamont,  Dupleix,  d'après  sa  correspon- 
dance inédile  ;  Paris,  1881,  in-8.- Henry  Bionne,  Dupleix; 
Paris  1881  2  vol.  in-8.  —  Cartwright,  Dupleix  et  t  Inde 
française,  dans  Revue  britannique,  1882.  —  H.  Castonnet 
DES  Fosses, Dupleix,  ses  expéditions  et  ses  projets;  Pa.ns, 
Igt.^.  -  Du  même,  la  Chute  de  Dupleix;  Angers,  1888.  — 
M<^r  Dehaisne,  Dupleix,  notes  biographiques  et  histo- 
riques;  Lille,  1888.  —  Colonel  G.-B.  Malleson,  Dupleix, 
1891,  in-12.  .  ... 

DUPLESSIS  (Claude),  jurisconsulte  français,  originaire 
du  Perche,  mort  en  1685.  Il  fut  le  conseil  de  plusieurs 
grandes  maisons  et  fut  souvent  consulté  par  Colbert  qui  le 
prit  comme  avocat  des  finances.  On  a  de  Duplessis  un 
traité  sur  la  Coutume  de  Paris,  publié  avec  des  notes  de 
Berroyer  et  de  Laurière (Paris,  1699,1702, 1709,  in-fol.  ; 
^1726,  1754,  2  vol.  in-fol).  Dans  ses  OEuvres  complètes, 
publiées  en  1754,  on  trouve  des  fragments  d'un  Commen- 
taire sur  la  Coutume  du  Maine  et  des  Consultations. 
DUPLESSIS  (Dom  Michel-Toussaint-Chretien),  béné- 
dictin de  la  congrégation  de  Saint-Maur,  né  à  Paris  en  1689, 
mort  à  Paris  en  1767.  Il  est  l'auteur  des  ouvrages  sui- 
vants :  Histoire  de  Couci{il1^,  in-4)  ;  Histoire  de  l'église 
de  Meaux  (1731,  2  vol.  in-4);  Description  d'Orléans 
(1736, in-8);  Nouvelles  Annales  de  Paris  (1753,  in-4). 
DUPLESSIS  (Joseph-Sifrède),  peintre  français,  né  à 
Carpentras  (Vaucluse)  le  22  sept.  1725,  mort  à  Versailles 
le  1^^  avr.  1802.  Il  était  fils  du  peintre  Joseph-Guillaume 
Duplessis,  dit  le  Vieux,  et  reçut  les  leçons  de  son  père,  du 
chartreux  J.-J.  Imbert  et  de  Subleyras.  Ses  œuvres  pnn- 
cipales  sont  les  peintures  de  l'église  Saint-Siffrein  à  Carpen- 
tras et  toute  une  série  d'excellents  portraits  parmi  lesquels 
ceux  à'Allegrain  (morceau  de  réception  du  peintre  à  l'Aca- 
démie le  6  août  1774),  de  VAbbé  Arnauld,  de  Gluck,  de 
Franklin,  de  la  Princesse  de  Lamballe,  de  Monsieur, 
frère  du  roi,  du  Comte  d'Ormesson,  etc.  Duplessis,  qui 
devint  à  la  fin  de  sa  vie  directeur  des  galeries  de  Versadles, 
a  fondé  à  Carpentras  un  musée  d'objets  d'art  dont  il  a  dressé 
le  catalogue  raisonné.  F.  Courboin. 

DUPLESSIS  (Pierre),  littérateur  français,  né  à  Saint- 
Pierre  (Martinique)  vers  1750,  mort  vers  1800.  On  a  de 
lui  une  tragédie  Ivrique  en  cinq  actes,  Pizarre  ou  la 
Conquête  du  Pérou  (Paris,  1785,  in-4),  jouée  sans 
succès  à  l'Opéra,  et  des  romans  parmi  lesquels  nous  cite- 
rons :  Mémoires  de  sir  Georges  Wolap  (1788,  6  vol. 
in-12);  Honorine  Delville  (1789,  2  vol.  in-12)  ;  His- 
toire du  marquis  de  Seligny  et  de  M"^«  de  Luzal 
(1790,  3  vol.  in-12). 

DUPLESSIS  (Pierre-Alexandre  Gratet-), bibliographe, 
littérateur  et  professeur  français,  né  à  Janville  (Eure-et- 
Loir)  le  16  déc.  1792,  mort  à  Paris  le  21  mai  18d3.  Il 
entra  dans  l'Université  en  1811  et  devint  successivement 
inspecteur  de  l'académie  de  Caen,  recteur  de  celle  de  Douai, 
puis  de  celle  de  Lyon.  Il  laissa  des  témoignages  de  sa  vaste 
érudition  dans  de" nombreux  travaux,  dont  les  principaux 
sont  :  Bibliographie  par émio logique  (1847),  étude  sur 
les  ouvrages  dans  toutes  les  langues  consacrés  aux  pro- 
verbes; Essai  historique  sur  les  établissements  litté- 
raires de  la  ville  de  Douai  (1842).  On  doit  encore^à  ses 
soins  l'édition  ou  la  réimpression  d'un  bon  nombre  d'opus- 
cules du  xv^  siècle  et  une  édition  annotée  des  Maximes 
de  La  Rochefoucauld  (1853),  G.  P-i. 

BiRi..  :  Sainte-Beuve,  Notice  sur  Gratet-Duplessis  ,en 


—  85  - 


DUPLESSIS  -  DUPONCHEL 


tête  de  l'éd.  de  La  Rochefoucauld  ci-dessus.  —  Le  présid. 
Preux,  Notice  en  tête  dn  Catalogue  de  la  bibl.  du  défunt, 
1856. 

DUPLESSIS  (Paul),  littérateur  français,  né  à  Rennes 
vers  1813,  mort  à  Paris  en  d865.  Il  a  publié  un  grand 
nombre  de  romans  d'aventures  dont  plusieurs  ont  pour 
théâtre  le  Mexique  où  il  avait  séjourné.  Nous  citerons  : 
les  Boucaniers  (Paris,  1833-4854, 16  vol.  in-8)  ;  Etapes 
d'un  volontaire  a  SM,  16  vol.  in-8)  ;  les  Grands  Jours 
d' Auvergne (iS60, 4  vol.  in-12)  ;  Aventures  mexicaines 
(1860,  in-12);  le  Chevalier  de  Dieu  (1838,  3  vol. 
in-8);  Maureuert  V aventurier  (1862,  in-4)  ;  Un  Monde 
inconnu  (1835,  2  vol.  in-8);  les  Mormons  (1859, 
8  vol.  in-8)  ;  les  Peaux-Rouges  (1864,  in-12)  ;  la  Sonora 
(1854,  4  vol.  in-8)  ;  le  Tigre  de  Tanger  (1867,  9  vol. 
in-8);  le  Roi  de  la  Sierra  (1864,  in-'i6). 

DUPLESSIS  (Marie)  ou  plutôt  PLESSIS  (Alplionsine), 
née  à  Nouant  (Orne)  le  13  janv.  18'i4,  morte  à  Paris  en 
1846.  Cette  demi-mondaine  que  le   roman  d'Alexandre 
Dumas  fils,  la  Dame  aux  Camélias,  a  rendue  célèbre, 
était  la  fille  de  Marin  Plessis,  marchand  colporteur  à  No- 
nant,  et  de  Marie  Deshayes.  On  trouvera  tous  les  rensei- 
gnements nécessaires  sur  la  vie  réelle  de  Marie  Duplessis 
dans  la  préface  d'A.  Dumas,  en  tète  de  l'édition  de  la 
Dame  aux  Camélias  de  Paris,  1886,  in-4;  et  dans 
les  articles  du  comte  de  Contades  :   les  Quartiers  de  la 
dame  aux  Camélias  (Livre,  1883,  B.  R.,  t.  YIII)  et  les 
Portraits  de  la  dame  aux  Camélias  (ib.,  1887,  t.  IX). 
DUPLESSIS  (Georges-Victor-Antoine  Gratet-),  fils  de 
Pierre-Alexandre,   iconographe  et  historien  d'art,   né  à 
Chartreslel9  mars  1 834,  actuellement  (1892)  conservateur 
du  département  des  estampes  à  la  Bibliothèque  nationale. 
Entré  à  la  Bibliothèque  en  1 833 ,  il  a  succédé  en  1 883  à  M .  le 
comte  Henri  Delaborde,  comme  conservateur  du  département 
des  estampes,  et  à  Alexandre  Lenoir  en  1891  comme  membre 
libre  de  l'Académie  des  beaux-arts.  En  dehors  de  sa  colla- 
boration aux  principales  revues  d'art  françaises,  depuis 
1835,  M.  Duplessis  a  publié  de  nombreux  ouvrages  dont 
voici  les  principaux  :  le  Livre  des  peintres  de  Michel  de 
Marolles  (1855)  ;  la  Gravure  au  Salon  de  1855  ;  Notice 
sur  Michel  Lasne  (Caen,  1856);  les  Graveurs  sur  bois 
contemporains  (1857)  ;  le  JoimialdeJ.-G.  Wille  (1857); 
Notice  sur  Gérard  Audran  (Lyon,  1858);  Catalogue  de 
l'œuvre  d'Abraham  Bosse  (Paris,  1859)  ;  le  Département 
des  estampes  (1860)  ;  Histoire  de  la  gravure  en  France 
(1861);  le  Peintre-Graveur  français  (suite  à  Robert 
Dumesnil)  (t.  IX,  X,  XI,  1865-1871)  ;  Bibliographie  bio- 
graphique (Paris,  1866)  ;  les  Costumes  des^  xvi^,  xyii®  et 
xviii®  siècles,  avec  des  dessins  de  Lechevallier-Chevignard 
(1867-1873,  2  vol.  in-fol.);  Catalogue  de  l'œuvre  de 
Claude  Gellée,  en  collaboration  avec  E.  Meaume  (1875)  ; 
la  Gravure  du  portrait  en  France  (1875)  ;  Catalogue  de 
la  collection  Hennin  (1875-1884,  5  vol.)  ;  Histoire  de 
la  gravure  en  Italie,  en  France,  en  Allemagne,  etc. 
(1880)  ;  Notice  sur  J.  Jacquemart  (1880)  ;  Notice  sur 
G.-A.  Huot  (1883)  ;  la  Gravure  a  l'Exposition  des  arts 
décoratifs  (iSS^)  ;  Icônes  veteiis  testamenti  de  H.  Hol- 
bein  (1884)  ;  Estampes  de  V école  de  Martin  Schongauer 
(1885)  ;  Etude  sur  les  Emblèmes  d'Alciat  ;  Etude  sur 
les  éditions  illustrées  d'Ovide  aux  xv^  et  wi" siècles,  etc. 
M.  Duplessis  a  édité  avec  l'héliograveur  Amand-Durand  les 
œuvres  des  principaux  maîtres  de  la  gravure  :  Van  Dyck, 
Ruysdael,  Martin  Schongauer,  Andréa  Mantegna,  etc. 

F.    COURBOIN. 

DUPLESSIS-Berxaud  (Marie-Rosalie)  (V.  Bertaud). 

DUPLESSIS-Bertaux  (Jean)  (V.  Bertaux). 

DU  PLESSIS  d'Argentré  (Charles)  (V.  Argentré). 

DU  PLESSIS-Gouret  (V.  Plessis). 

DU  PLESSIS-MoRNAY  (V.  Plessis). 

DUPLEX  (Système)  (V.  Télégraphe). 

DUPLICATION  DU  cube.  Le  problème  de  la  duplication 
du  cube  ou  problème  déliaque  a  pour  but  de  chercher  le 
côté  d'un  cube  de  volume  double  d'un  cube  dont  le  côté  est  I 


donné.  Le  nom  du  problème  déliaque  qui  lui  a  été  donné 
vient  de  ce  que  pendant  qu'une  peste  sévissait  surPAttique, 
l'oracle  de  Délos,  consulté  sur  les  moyens  d'écarter  le  fléau, 
aurait  répondu  Doublez  V  autel.  L'autel  en  question  était 
celui  d'Apollon,  et  il  était  de  forme  cubique.  La  légende 
rapporte  qu'on  doubla  d'abord  les  dimensions  linéaires  de 
l'autel  et  que  la  peste  continua  à  sévir.  L'oracle  consulté 
de  nouveau  répondit  qu'on  avait  mal  interprété  sa  réponse, 
et  qu'il  fallait  doubler  le  volume  de  l'autel.  On  possédait 
une  solution  de  cette  question  ;  elle  avait  été  donnée  par 
Hippocrate  de  Chio;  d'autres  géomètres,  Platon,  Archytas, 
Eudoxe,  Ménechme,  Aristée,  Dinostrate,  trouvèrent  égale- 
ment des  solutions,  mais  aucune  de  ces  solutions  ne  repo- 
sait sur  l'emploi  exclusif  de  la  règle  et  du  compas.  Il  est 
d'ailleurs  démontré  aujourd'hui  qu'il  n'est  pas  possible  de 
résoudre  ainsi  le  problème  déliaque. 

DUPLICIDENTÉS  (Zool.)  (V.  Lièvre  et  Rongeurs). 

DUPLOYÉ  (L'abbé  Emile),  professeur  de  sténographie, 
né  à  Nofre-Dame-de-Liesse  (Aisne)  en  1833.  Il  a  renoncé 
d'assez  bonne  heure  aux  fonctions  ecclésiastiques  pour  se 
consacrer  exclusivement  à  la  sténographie.  En  collaboration 
avec  son  frère  Gustave,  il  a  inventé  une  nouvelle  méthode 
(V.  Sténographie)  qui  ne  diffère  guère  de  celles  employées 
jusqu'alors  que  par  la  simplification  de  quelques  signes, 
mais  qu'une  réclame  un  peu  tapageuse  a  rapidement  pro- 
pagée. Il  a  du  reste  exagéré  l'importance  de  son  système  et 
de  la  sténographie  en  général  (qu'il  croit  appelée  à  révo- 
lutionner les  méthodes  pédagogiques)  en  fondant  à  Paris 
un  Institut  sténographique  des  deux  mondes,  avec  sa 
revue  hebdomadaire,  le  Sténographe,  et  de  nombreux 
organes  tant  en  province  qu'en  étranger,  et  en  créant  une 
Bibliothèque  sténographique,  composée  de  plusieurs  cen- 
taines d'ouvrages  imprimés  avec  les  signes  de  r«  alphabet 
Du  ployé  ».  Il  a  publié  :  Notre-Dame-de-Liesse  (Laon, 
1862-63,  2  vol.  in-8);  Sténographie  Duployé  (Paris, 
1864,  in-8,  nombr.édit.).  L.  S. 

DU  PLU  M  (V.  Déchant). 

DUPONCHEL  (Edmond),  artiste  et  administrateur  fran- 
çais, né  à  Paris  vers  1795,  mort  à  Paris  le  10  avr.  1868. 
Après  avoir  étudié  d'abord  l'architecture,  il  se  tourna 
vers  l'orfèvrerie  et  la  bijouterie  artistique,  fit  un  voyage 
en  Angleterre  pour  augmenter  ses  connaissances  en  ce 
genre,  et  se  fit  connaître  comme  artiste  délicat  et  dis- 
tingué. Aimant  l'art  sous  toutes  ses  formes  et  aidé  par 
de  puissantes  relations,  il  obtint,  en  1833  le  privilège  de 
l'Opéra,  oti  il  succéda  comme  directeur  à  Louis  Véron. 
Il  conserva  cette  situation  jusqu'en  1840,  époque  où  il 
fut  remplacé  par  Léon  Pillet.  Lorsqu'il  eut  quitté  l'Opéra, 
Duponchel  recommença  à  s'occuper  d'industrie  d'art,  et  prit 
une  part  d'association  dans  la  maison  Morel.  Il  reparut 
d'ailleurs  à  l'Opéra  en  1847,  succédant  à  son  successeur, 
mais  cette  fois  avec  Nestor  Roqueplan  comme  associé.  Cette 
seconde  direction  ne  dura  pour  lui  que  deux  ans,  et  en 
1849  il  se  sépara  de  Roqueplan,  qui  resta  seul  à  la  tête 
de  l'Opéra.  De  nouveau,  Duponchel  reprit  alors  ses  tra- 
vaux artistiques,  et  il  obtint  une  médaille  d'honneur  à 
l'Exposition  universelle  de  1835.  Enfin,  en  1860,  Du- 
ponchel devint  l'associé  de  Dormeuil  dans  la  direction  du 
Vaudeville,  mais  cette  combinaison  dura  peu. 

DUPONCHEL  (Adolphe),  né  le  18  mai  1821  à  Florac 
(Lozère).  Ingénieur  en  chef  des  ponts  et  chaussées  actuel- 
lement en  retraite  (1891).  L'un  des  hommes  les  mieux 
doués  de  sa  génération,  Duponchel  a  marqué  par  des  idées 
originales,  ingénieuses,  trop  nombreuses  peut-être  pour 
qu'il  eût  toujours  le  temps  d'en  pousser  l'étude  à  fond.  Il 
a  proposé,  notamment,  de  démolir  une  masse  argilo-cal- 
caire  des  Pyrénées  au  moyens  de  jets  d'eau  comprimée, 
pour  la  faire  couler  à  l'état  de  limon  dans  des  canaux  qui 
l'auraient  portée  sur  les  Landes.  Une  couche  mince  d'argile 
et  de  calcaire,  mêlée  au  sol  naturel,  aurait  transformé  le 
pays,  qu'on  sait  déjà  assainir.  La  compression  de  l'eau  eût 
été  obtenue  au  moyen  des  chutes  de  torrents  voisins  du 
chantier.  Il  a  proposé  un  procédé  analogue  au  précédent 


DUPONCHEL  —  DUPONT 


-  86  - 


pour  rachèvement  du  canal  de  Panama.  On  n'a  pas  oublié 
la  proposition  de  chemin  de  fer  transsaharien  due  également 
à  Duponchel  et  dont  les  expéditions  Flatters  et  autres  ont 
été  la  conséquence.  Outre  ses  nombreuses  brochures,  ses 
articles  dans  la  Revue  des  Deux  Mondes  et  dans  les  Annales 
des  ponts  et  chaussées,  on  a  de  Duponchel  un  ouvrage  de 
grande  importance,  Timté  d'hydraulique  et  de  géologie 
agricoles  (Paris,  1868,  in-8),  rempU  de  vues  neuves, 
souvent  pratiques.  M. -G.  L. 

DUPONT  (Gratian),  sieur  de  Drusac,  poète  français 
du  XVI®  siècle.  Lieutenant  général  de  la  sénéchaussée  de 
Toulouse,  on  a  de  lui  un  ouvrage  curieux,  devenu  fort 
rare,  et  qui  suscita,  à  son  apparition,  une  polémique  des 
plus  vives.  Controverse  des  sexes  masculin  et  féminin 
avec  la  requête  du  sexe  masculin  contre  le  féminin 
(Toulouse,  1534,  in-fol.;  Paris,  1540  et  1541,  in-8). 
Citons  encore  Art  et  Science  de  rhétorique  métrifiée 
(Toulouse,  1539,  in-4). 

DUPONT  (Pierre),  tapissier  français,  né  à  Paris  avant 
1577,  mort  vers  1650.  Il  fut  l'inventeur  ou  plutôt  le  res- 
taurateur de  la  fabrication  des  tapis  dits  de  Turquie.  En 
1605,  il  exécuta  au  Louvre,  sur  les  ordres  du  roi,  des 
échantillons  d'ouvrages  d'or  et  de  soie.  Un  brevet  du 
4janv.  1608  lui  accorda  un  logement  et  un  atelier  au 
Louvre  pour  y  fabriquer  des  tapis.  En  -1626,  il  s'associa, 
pour  monter  une  manufacture,  avec  Simon  Lourdet.  Ce 
dernier  s'établit  à  la  Savonnerie,  tandis  que  Dupont 
restait  au  Louvre.  La  concorde  fut  loin  de  régner  entre 
eux,  Lourdet  cherchant  à  évincer  son  associé.  Après  une 
longue  suite  de  procès,  Dupont  fut  maintenu  au  Louvre 
avec  une  pension  pour  vingt  ans  et  Lourdet  à  la  Savon- 
nerie, par  lettres  patentes  du  30  sept.  1637.  On  conserve 
au  musée  des  Gobelins  un  tissu  velouté  représentant 
Louis  XIIU  Anne  d'Autriche  et  ses  enfants,  qui  fut 
fabriqué  en  1643  par  Dupont  d'après  une  composition 
de  Simon  Vouet.  Dupont  fit  imprimer  en  1632  un  ou- 
vrage intitulé  la  Stromatourgie  ou  de  l'Excellence  de  la 
manufacture  des  tapis  dits  de  Turquie,  nouvellement 
establie  en  France  sous  la  conduite  de  noble  homme 
Pierre  Dupont.  —  Le  fils  de  Dupont,  Louis,  fut  confirmé 
dans  les  privilèges  de  son  père  et  continua  au  Louvre  la  fabri- 
cation des  tapis  de  Turquie.  Il  aborda  aussi  la  figure,  ainsi  que 
l'attestent  quelques  pièces  qui  portent  sa  signature.  Après 
la  mort  de  Philippe  Lourdet,  fils  de  Simon  Lourdet,  Louis 
Dupont  s'installa  à  la  Savonnerie  dès  1672,  où  il  travailla 
aux  tapis  de  la  grande  galerie  du  Louvre  avec  la  veuve 
Lourdet.  A  partir  de  1686,  le  travail  diminua  à  la  Savon- 
nerie et  cessa  en  1689.  F.  Mazerolle. 

BiBL.  :  A.  Darcel  et  J.  Guiffrey,  Iel  Stromatourgie  de 
Pierre  Dupont  {Publication  de  [la.  Société  de  l'histoire  de 
l'art  français). 

DUPONT,  acteur  français.  Il  débuta  avec  un  succès 
éclatant,  le  17  mars  1791,  à  la  Comédie-Française,  dans 
le  rôle  d'Egisthe  de  Mérope,  et  se  fit  remarquer,  pendant 
plusieurs  années,  dans  l'emploi  des  amoureux  de  la  comédie 
et  la  tragédie,  par  une  sensibihté  rare,  un  jeu  plein  de  feu 
et  une  diction  fort  distinguée.  Une  maladie  cruelle,  qui  lui 
enleva  une  partie  de  ses  moyens,  vint  briser  sa  carrière  et 
l'obliger  à  prendre  prématurément  sa  retraite  en  1802. 

DUPONT  (Jacob-Louis),  homme  politique  français,  né  à 
Loches  (Indre-et-Loire)  le  9  déc.  1755,  mort  sous  la  Res- 
tauration. Il  était  prêtre  en  1789  et  abbé  de  Jumeaux.  Il 
sortit  des  ordres,  devint  maire  de  Perrusson  (Indre- 
et-Loire)  en  1790,  et  député  d'Indre-et-Loire  à  la  Légis- 
•  lative  et  à  la  Convention.  Le  12  déc.  1792,  dans  le  débat 
sur  les  écoles  primaires,  il  prononça  un  discours  où,  au 
miheu  des  rumeurs  de  ses  collègues,  il  se  déclara  athée  et 
proposa  de  renverser  le  christianisme  et  d'y  substituer  le 
culte  de  la  science.  Ce  discours  fit  scandale  et  Pitt  le  cita 
au  Parlement  comme  un  exemple  de  l'impiété  française. 
Dans  le  procès  de  Louis  XVI,  il  émit  les  votes  les  plus 
rigoureux.  Sylvain  Maréchal  dit  que,  plus  tard  (sans  doute 
au  moment  du  culte  de  la  Raison),  il  donna  sur  les  places 


publiques  des  leçons  «  de  morale  et  d'athéisme  ».  Il  démis- 
sionna pour  raison  de  santé  le  30  floréal  an  IL  Le  9  avr. 
1798,  il  annonça  qu'il  allait  faire  à  Notre-Dame  un  cours 
public  et  gratuit  sur  l'agriculture,  les  arts,  la  logique,  la 
morale,  les  mathématiques  :  il  avait  déjà  essayé  de  le  faire 
en  plein  vent,  sur  la  place  de  la  Révolution,  le  23  sept. 
1797.  Sans  doute  que  l'accès  de  Notre-Dame  lui  fut  interdit  ; 
car,  le  2  févr.  1798,  il  demanda  aux  Cinq-Cents  d'ouvrir 
son  cours  dans  la  salle  du  Manège  :  sa  demande  fut  re- 
poussée avec  dérision.  Il  retomba  ensuite  dans  l'obscurité, 
fut  frappé  d'aliénation  mentale  et  interné  à  Charenton. 
On  ignore  la  date  exacte  de  sa  mort.  F.-A.  A. 

BiBL.  :  La  Révolution  française,  revue  historique,  t.  VIII, 
pp.  580  et  701. 

DUPONT  (Hippolyte-Auguste),  chef  d'institution  un 
moment  célèbre  à  Paris,  né  de  pauvres  paysans  de  l'Hé- 
rault en  1767,  mort  à  Versailles  en  1855.  Il  ne  savait 
rien  à  douze  ans,  et  apprit  à  lire  et  à  écrire  presque  tout 
seul,  étant  marchand  ambulant.  Les  habitants  d'un  hameau 
du  Gard,  qui  l'avaient  soigné  par  charité  dans  une  mala- 
die, le  gardèrent  comme  instituteur  en  lui  assurant  sa  nour- 
riture à  5  fr.  par  mois.  Sa  belle  écriture  l'ayant  fait  appe- 
ler au  collège  de  Clermont-l'Hérault,  il  prit  son  brevet 
d'instituteur,  puis  devint  maître  d'école  à  Agde.  Le  désir 
d'essayer  plus  librement  une  méthode  de  son  invention  pour 
l'enseignement  rapide  de  la  lecture,  le  décida  bientôt  à  fon- 
der une  école  à  lui  à  Marseillan.  Cette  méthode  ingénieuse, 
en  grande  partie  passée  depuis  dans  la  pratique,  consis- 
tait essentiellement  à  faire  connaître  d'abord  les  voyelles, 
puis  les  consonnes  les  plus  usuelles,  en  apprenant  à  l'en- 
fant à  en  composer  aussitôt  les  articulations  les  plus  simples, 
de  façon  à  pouvoir  lire,  presque  dès  les  premières  leçons, 
des  mots  ayant  pour  lui  un  sens,  et  bientôt  de  petites 
phrases  complètes.  Les  résultats  étant  bons,  des  personnes 
qui  les  avaient  remarqués  attirèrent  Dupont  à  Montpellier, 
puis  à  Nancy,  d'où  Burnouf  le  fit  venir  à  Paris  en  1835, 
Là,  au  lieu  d'un  simple  pensionnat  primaire,  il  fonda  rue 
Saint-Lazare  une  grande  institution,  bientôt  si  florissante, 
qu'il  aurait,  dit-on,  le  premier,  créé  l'usage  des  omnibus 
scolaires  allant  chercher  les  enfants  sur  tous  les  points  de 
la  ville.  Le  roi  voulut  voir  l'instituteur  à  la  mode,  le  décora 
en  1844,  et  décida  que  sa  «  citolégie  »  serait  employée 
pour  apprendre  à  lire  à  ses  petits-enfants.  Peu  après, 
Dupont  se  retira  à  Versailles  où  il  mourut.  Outre  la  Cito- 
légie qui  eut  un  grand  nombre  d'éditions  diverses,  dont 
une  dédiée  au  comte  de  Paris,  on  a  de  lui  :  une  Méthode 
pour  mettre  la  grammaire  à  la  portée  de  l'enfance 
(2  vol.  in-12)  et  des  Questions  d'arithmétique  prépara- 
toire ou  de  calcul  mental  (2  vol.  in-18).  H.  M. 

BiBL.  :  Buisson,  Dict.  de  Pédagogie. 
DUPONT  (M^^®),  actrice  française,  née  à  Valenciennes 
en  1794.  Belle-fille  d'un  comédien  de  province  nommé 
Dupont,  elle  lui  dut  les  premières  connaissances  de  son  art, 
et  le  15  mai  1810  elle  débutait  à  la  Comédie-Française, 
dans  Finette  du  Dissipateur  et  Lisette  des  Folies  amou- 
reuses. Douée  d'une  joHe  figure  et  d'une  physionomie 
piquante,  elle  montrait  déjà  la  gaieté,  la  franchise  et  le 
mordant  qui  devaient  en  faire  bientôt  l'une  des  premières 
soubrettes  de  son  temps.  L'année  suivante,  M^'.*^  Dupont 
voulut  s'essayer  dans  la  tragédie  et  joua  le  rôle  de  Didon. 
Mais  ce  n'était  point  là  son  fait,  et  elle  se  reprit  rapidement 
à  son  véritable  emploi,  se  montrant  tour  à  tour  dans  Jar- 
tufe,  l'Epreuve  nouvelle,  l'Ecole  des  bourgeois,  le 
Philosophe  marié,  la  Métromanie,  les  Deux  Pages,  le 
Cercle,  le  Joueur,  les  Femmes  savantes,  lesMénechmes, 
la  Femme  juge  et  partie,  etc.,  et  dans  chaque  rôle  obte- 
nant les  succès  les  plus  flatteurs.  Ces  succès  étaient  tels 
que  dès  1815,  à  peine  âgée  de  vingt  et  un  ans,  M^^®  Du- 
pont était  reçue  sociétaire,  en  partage  d'emploi  avec  ces 
deux  grandes  artistes  qui  s'appelaient  M^^®  Devienne  et 
M^^'-  Demerson.  Pendant  sa  longue  carrière  à  la  Comédie- 
Française,  M^^*^  Dupont  fit  un  grand  nombre  de  créations, 
dont  quelques-unes  fort  heureuses.  Elle  prit  sa  retraite 


—  87  — 


DUPONT 


vers  1840,  après  avoir  accompli  environ  trente  années  de 
service. 

DUPONT  (Pierre-Auguste,  dit  iteis),  chanteur  scé- 
nique  français,  né  en  4796,  mort  en  juin  1874.  Elève  du 
Conservatoire,  il  entra  à  l'Opéra  vers  1818,  comme  ténor 
en  double,  puis  quitta  ce  théâtre  pour  débuter  à  l'Opéra- 
Comique,  le  4  janv.  1821,  dans  Zémive  et  Azor,  Deux 
ans  après,  il  partait  pour  l'Italie  afin  de  s'y  perfectionner, 
et  le  24  mai  1826*  il  reparaissait  à  l'Opéra  dans  le  rôle  de 
Pylade  d'Iphigénie  en  Tauride,  pour  y  rester  jusque  vers 
1840,  époque  à  laquelle  il  renonçait  aux  succès  du  théâtre 
pour  ceux  du  concert,  de  l'église  et  du  salon.  La  voix 
d'Alexis  Dupont,  d'une  suavité  exquise  et  d'un  charme 
pénétrant,  conduite  par  lui  avec  un  goût  rare  et  un  style 
remarquable,  manquait  de  volume  et  d'étendue  pour  une 
scène  aussi  vaste  que  celle  de  l'Opéra;  c'est  pourquoi, 
malgré  un  talent  incontestable  et  plein  d'élégance,  il  ne 
put  jamais  se  faire  à  ce  théâtre  la  situation  brillante  qu'il 
était  en  droit  d'ambitionner.  Au  contraire,  au  concert,  et 
surtout  à  la  maîtrise  de  l'église  Saint-Roch,  où  il  fut 
attaché  par  la  suite,  il  savait  charmer  jusqu'aux  auditeurs 
les  plus  délicats  et  les  plus  difficiles.  Il  fit  pourtant  à 
l'Opéra  quelques  créations  intéressantes,  dans  la  Muette 
dePortici  (Alphonse),  la  Tentation  (Asmodée),  le  Lac 
des  fées,  le  dieu  et  la  Bayadère,  etc.  Il  avait  épousé  l'une 
des  plus  charmantes  danseuses  de  ce  théâtre,  M^^^  Lise 
Noblet,  qui  mourut  en  1877.  A.  P. 

DUPONT  (Paul-François), imprimeur-libraire  et  homme 
politique  français,  né  à  Périgueux  le  24  mai  1796,  mort 
à  Paris  le  11  déc.  1879.  Issu  d'une  ancienne  famille 
d'imprimeurs  de  sa  ville  natale,  il  étudia  l'art  typogra- 
phique à  Paris  chez  Firmin-Didot  et,  dès  1815,  il  créa  un 
établissement  consacré  plus  spécialement  aux  impressions 
administratives,  qui  prit  une  grande  extension.  Plus  tard, 
il  se  fit  éditeur  de  livres  d'enseignement.  Elu,  comme  can- 
didat officiel,  député  de  la  1'^  circonscription  de  la  Dor- 
dogne  au  Corps  législatif  (29  févr.  1852),  il  adhéra  au 
rétablissement  de  l'Empire.  11  fut  réélu  en  1857,  en  1863 
et  en  1869  et  resta  toujours  dans  les  rangs  de  la  majorité 
dynastique.  Elu  le  30  janv.  1876  sénateur  de  la  Dordogne, 
il  fit  partie  de  la  droite  bonapartiste.  On  lui  doit  :  Essais 
d'imprimerie  (1849,  in-fol.)  et  une  Histoire  de  Vimpri- 
merie  (1854,  2  vol.  in-8),  intéressante  surtout  pour  la 
partie  moderne.  ^.  P-i- 

DUPONT  (Jean-Baptiste-Auguste),  imprimeur,  publi- 
ciste  et  homme  politique,  frère  du  précédent,  né  à  Péri- 
gueux  le  5  oct.  1798,  mort  à  Chamier  (Dordogne)  le 
20  août  1850.  Négociant  en  pierres  lithographiques,  il  se 
signala  par  plusieurs  découvertes  utiles.  Comme  publiciste, 
il  dirigea  VEcho  de  Vesone,  Elu  représentant  de  la  Dor- 
dogne à  l'Assemblée  constituante  (23  avr.  1848),  il  sou- 
tint une  politique  réactionnaire.  Il  perdit  la  vie  dans  un 
duel  avec  M.  Chavoix,  son  ancien  collègue  politique,  et  sa 
mort  aida  puissamment  à  l'élection  de  son  frère.     G.  P-i. 

DUPONT  (Jean-Victor) ,  miniaturiste  suisse  du  xix®  siècle, 
né  à  Genève.  Elève  de  Regnault,  cet  artiste  fut  surtout 
remarquable  dans  ses  copies  des  maîtres  italiens  et  espa- 
gnols ;  ses  miniatures  et  ses  peintures  sur  émail  sont  d'une 
habileté  consommée, mais  le  caractère  intime  de  ses  œuvres 
minuscules  et  leur  absence  des  collections  pubhques  ont 
empêché  leur  auteur  de  parvenir  à  cette  notoriété  que  donnent 
les  notices  de  catalogues  et  les  articles  de  revues.     Ad.  T. 

DUPONT-Henriquel  (V.  Henriquel-Dupont). 

DUPONT  (Pierre),  poète  et  chansonnier  français,  né 
à  Lyon  le  23  avr.  4821,  mort  à  Lyon  le  24  juil.  1870. 
Tour  à  tour  élève  du  séminaire  de  L'Argentière  (Ardèche), 
apprenti  canut,  clerc  de  notaire,  employé  dans  une  maison 
de  banque,  il  vint  à  Paris  en  1839  et  fit  insérer  quelques 
vers  légitimistes  dans  la  Gazette  de  Fraîice  et  la  Quoti- 
dienne. Une  souscription  patronnée  par  Pierre  Lebrun  et 
ouverte  à  Provins,  dont  la  famille  de  Dupont  était  origi- 
naire, couvrit  les  frais  de  son  exonération  du  service  mili- 
taire et  lui  permit  de  faire  imprimer  les  Deux  Anges, 


poème  couronné  par  l'Académie  française  (1842).  Il  fut  à 
cette  époque  et  jusqu'en  1847  attaché  aux  travaux  de  la 
rédaction  du  Dictionnaire.  En  1846,  sa  chanson  des  Bœufs, 
et  bientôt  après  celles  du  Braco7inier,  des  Louis  d'or,  du 
Ctiien  du  berger,  du  Chant  du  vote,  du  Chant  des  nations 
dont  il  avait  composé  les  airs  en  même  temps  que  les  paroles, 
lui  valurent  une  rapide  et  considérable  popularité.  D'autres 
chansons,  plus  spécialement  politiques,  écrites  après  la  Ré- 
volution de  février  et  chantées  par  l'auteur  dans  les  clubs, 
le  firent  inquiéter  lors  du  coup  d'Etat  de  1851  et  condamner 
à  sept  ans  de  déportation,  mais  sa  grâce  fut  sollicitée  et 
obtenue.  Il  vécut  dès  lors  à  l'écart  et  ne  sortit  de  la  retraite 
où  il  s'était  confiné  que  pour  publier  la  Légende  du  Juif- 
Enfant,  poème  illustré  par  Gustave  Doré  (1862,  in-fol.); 
Dix  Eglogues  (Lyon,  1864,  in-8)  et  enfin  une  brochure 
politique  où  il  se  ralliait  manifestement  à  l'Empire  :  Sur 
certains  bruits  de  coalition  (1860,  in-8).  Les  Chants  et 
Chansons  de  Pierre  Dupont  ont  été  l'objet  d'une  édition  de 
luxe,  ornée  de  dessins  par  T.  Johannot,  Cèlestin  Nan- 
teuil,  etc.  (1852-1854,  3  vol.  in-8)  et  de  réimpressions 
diverses.  Sous  le  titre  de  Muse  juvénile  (1859,in-12),  il 
avait  réuni  d'autres  études  en  vers  et  en  prose.  La  célébrité 
de  Pierre  Dupont  n'a  pas  survécu  aux  circonstances  qui 
l'avaient  fait  naître,  et  ses  refrains,  comme  ceux  de  Déran- 
ger, ne  sont  plus  connus  que  des  lettrés.         M.  Tx. 

BiBL.  :  Ch.  Baudelaire,  Etude,  réimpr.  dans  VArt  ro- 
mantique (t.  III  des  Œuvres  ^  complètes).  —  Sainte- 
Beuve,  Causeries  du  lundi,  t.  IV. 

DUPONT  (Auguste), compositeur  de  musique  et  pianiste 
belge,  né  à  Ensival  (prov.  de  Liège)  le  9  févr.  1827, 
mort  à  Bruxelles  le  17  déc.  1890.  Pendant  de  nom- 
breuses années,  il  occupa  la  place  de  professeur  de  piano 
au  Conservatoire  de  Bruxelles  où  son  enseignement  devint 
célèbre.  Ses  œuvres  pour  le  piano  sont  nombreuses.  Les 
plus  importantes  sont  le  Concert-stûck  (op.  42)  et  un 
concerto  en  fa  mineur.  Il  a  composé  aussi  Poème  d'a- 
mour, recueil  de  mélodies  dans  la  forme  des  poèmes  de 
Schumann.  Toutes  ses  compositions  révèlent  l'influence  de 
l'école  allemande  moderne. 

DUPONT  (François-de-Sales-Léonce),  publiciste  fran- 
çais, né  à  Layrac  (Lot-et-Garonne)  le  5  janv.  1828,  mort 
à  Paris  le  23  avr.  1884.  Entré  dans  le  journalisme  en 
1853  comme  rédacteur  au  Moniteur  du  Loiret,  il  colla- 
bora ensuite  au  Précurseur  d'Anvers,  remplit  en  Italie 
les  fonctions  de  correspondant  du  Pays  (1859),  publia  en 
1862,  avec  Hippolyte  Castille,  V Esprit  public,  prit  à  la 
fin  de  la  même  année  la  rédaction  en  chef  de  la  Nation, 
collabora  ensuite  à  la  Revue  contemporaine,  au  Gaulois, 
au  Journal  de  Paris,  au  Constitutionnel,  etc.,  etc.,  et 
fonda  la  Ficvue  de  France.  On  a  de  lui  *.  la  Commune 
et  ses  auxiliaires  devant  /a^wsh'c^  (Paris,  1871,  in-12); 
la  Comédie  républicaine  (1872,  in-12);  le  Quatrième 
Napoléon  (1874,  in-18);  la  Majorité  du  quatrième 
Napoléon  (1874,  in-12);  Madame  des  Grieux  (1875, 
in-12);  Tours  et  Bordeaux,  souvenirs  de  la  république 
à  outrance  (1877,  in-12);  la  Soumission,  réponse  à 
mes  contradicteurs  (1878,  in-8);  les  Deux  Démocraties 
(1878,  in-8);  De  Paris  aux  montagnes  (1879,  in-12); 
Souvenirs  de  Versailles  pendant  la  Commune  (1881, 
in-12);  le  Pri^ice  Victor-Napoléon  (1883,  in-16). 

DUPONT  (Joseph),  musicien  belge,  violoniste  et  com- 
positeur, né  à  Ensival  (prov.  de  Liège)  le  3  janv.  1838. 
Elève  du  Conservatoire  de  Bruxelles,  il  y  remporta  le 
premier  prix  de  violon  et  celui  de  composition,  dit  prix 
de  Rome.  Il  voyagea  pendant  quatre  ans  en  France,  en 
Italie  et  en  Allemagne.  De  retour  à  Bruxelles,  il  fut  nommé 
professeur  d'harmonie  au  Conservatoire  et  chef  d'orchestre 
du  théâtre  de  la  Monnaie.  A  la  retraite  de  Vieuxtemps, 
il  se  chargea  de  la  direction  des  concerts  populaires  et  y 
rendit  de  signalés  services,  tant  à  l'école  classique  qu'aux 
musiciens  modernes.  Chef  d'orchestre  remarquable,  jouis- 
sant d'une  réputation  méritée  dans  sa  patrie,  M.  Dupont 
a  écrit  un  nombre  considérable  de  compositions.      Ch.  B. 


DUPOiNÏ 


~  88  - 


DUPONT  (Edouard), naturaliste  belge,  né  à  Dinant  en 
1841.  Il  est  directeur  du  Musée  royal  d'histoire  naturelle 
de  Bruxelles  et  membre  de  l'Académie  royale  de  Belgique. 
Il  s'est  voué  surtout  à  l'étude  de  la  géologie  et  de  la  pa- 
léontologie animale.  Ses  principaux  ouvrages  sont  :  Etude 
sur  r  ethnographie  de  F  homme  de  l'âge  du  renne  dans 
les  cavernes  de  la  vallée  de  la  Lesse  (Bruxelles,  1867, 
in-8)  ;  l'Homme  pendaîit  les  âges  de  la  pierre  dans 
les  environs  de  Dinant  (Bruxelles,  1871,  in-8  ;  rééd.  en 
1872);  les  Populations  préhistoriques  de  la  Belgique 
(Bruxelles,  1873,  in-8);  Carte  géologique  de  la  Belgique 
(dix  feuilles  ont  paru  de  1882  à  J890)  ;  Lettres  sur  le 
Congo,  Récit  d'un  voyage  scientifique  entre  l'embou- 
chure du  fleuve  et  le  confluent  du  Cossaï  (Paris, 
1889,  in-8). 

DUPONT  (Louis-Eugène-Henri)  (1846-1877),  marquis 
de  Compiègne  (V.  ce  nom). 

DUPONT  DE  BosREDON  (Alexandre)  (V.  Bosredon). 

DUPONT  DE  BussAc  (Jacques-François), homme  politique 
français,  né  à  Paris  le  7  févr.  1803,  mort  à  Paris  le 
21  août  4873.  Avocat  à  Paris,  il  se  lança  dans  le  journa- 
lisme où  il  ne  tarda  pas  à  se  faire  une  certaine  réputation. 
D'abord  collaborateur  au  Courrier  français ,  puis  fon- 
dateur de  la  Revue  républicaine  et  de  la  Revue  du  Pro- 
grès, il  plaida  aussi  d'importantes  causes  politiques  qui  le 
mirent  en  lumière  :  celles,  entre  autres,  de  Fieschi,  de 
Barbes,  de  Blanqui.  Nommé  en  1848  sous-commissaire  de 
la  République  dans  l'arr.  de  Jonzac,  il  fut  élu  représentant 
de  la  Charente-Inférieure  à  la  Constituante  le  23  avr.  et 
prit  place  sur  la  Montagne.  Non  réélu  à  la  Législative, 
d'abord  aux  élections  générales  (13  mai  1849),  puis  à  une 
élection  partielle  dans  son.  département,  il  y  fut  envoyé 
par  l'Isère  le  10  mars  1850.  Membre  de  l'extrême  gauche, 
il  combattit  \ivement  la  politique  de  l'Elysée  ;  aussi  fut-il 
proscrit  au  coup  d'Etat  du  Deux-Décembre.  Il  s'établit 
d'abord  en  Angleterre,  puis  en  Belgique  et  rentra  en  France 
à  l'amnistie  de  1859.  On  a  de  lui  :  Fastes  de  la  Révolu- 
tion française,  en  collab.  avec  Marrast  (Paris,  1834,  in-8); 
Réponse  complète  à  ceux  qui  accusent  le  gouvernement 
républicain  de  vouloir  l'anarchie  et  le  bouleversement 
de  la  propriété  (Clermont-Ferrand,  1834,  in-12);  Procès 
de  la  Glaneuse  (Paris,  1834,  2  vol.  in-8);  Des  Finances 
et  de  V avenir  révolutionnaire  de  l  Espagne  (1834, 
in-8);  Manuel  des  sociétés  coopératives  anonymes  à 
capital  et  personnel  variables  (1872,  in-16);  Histoire 
populaire  des  sociétés  coopératives  (1873,in-i8). 

DUPONT  DE  l'Etang  (Pierre-Antoine,  comte),  général 
et  homme  politique  français,  né  à  Chabanais  (Charente)  le 
4  juil.  1 765,  mort  à  Paris  le  7  mars  \  840.  Il  servit  d'abord 
en  Hollande  dans  la  légion  de  Maillebois,  fut  en  1791 
aide  de  camp  de  Théobald  Dillon  à  l'armée  du  Nord  et, 
blessé  à  la  retraite  de  Tournai  (1792),  combattit  brillam- 
ment à  Valmy.  Promu  général  de  brigade  après  la  bataille 
de  Menin  (1793)  où  il  avait  contraint  un  régiment  de 
grenadiers  autrichiens  à  se  rendre,  il  fut  nommé  par  Carnot 
directeur  du  dépôt  de  la  guerre  et  promu  général  de  divi- 
sion le  18  fructidor.  Partisan  décidé  du  coup  d'Etat  du 
18  brumaire,  il  fut  nommé  chef  d'état-major  de  l'arniée 
de  réserve  des  Alpes,  se  distingua  à  Marengo  et  devint 
gouverneur  du  Piémont.  Il  se  couvrit  de  gloire  en  culbu- 
tant les  iVutrichiens  au  passage  du  Mincio.  En  1805,  il 
battait  Mêlas  à  Ulm  et  coopérait  activement  à  la  victoire 
de  Friedland  (1807).  Créé  comte  de  l'Empire  (4  juil.  1808), 
il  fut  envoyé  en  Espagne  où  il  ternit  d'un  coup  son  brillant 
passé  en  signant  la  désastreuse  capitulation  de  Baylen 
(23  juil.  1808).  Traduit  devant  une  commission  militaire 
(1812),  il  fut  destitué  de  tous  ses  grades,  privé  de  ses 
décorations,  de  son  titre  de  comte,  etc.,  et  condamné  à  la 
prison  d'Etat.  Délivré  par  la  chute  de  Napoléon,  il  fut 
nommé  commissaire  au  département  de  la  guerre  par  le 
gouvernement  provisoire.  Le  3  avr.  1814,  Louis  XVIIÎ 
confirmait  cette  nomination.  Le  général  Dupont  se  montra 
si  malhabile  que  son  portefeuille  lui  fut  enlevé  le  3  déc.  de 


la  même  année.  Il  fut  alors  nommé  gouverneur  de  la 
22^  division  militaire.  Destitué  au  retour  de  Napoléon,  il 
reprit  son  poste  après  Waterloo  et  entra  au  conseil  privé. 
Le  22  août  1815,  il  fut  élu  député  de  la  Charente  qui  le 
réélut  jusqu'en  1830,  date  à  laquelle  il  échoua.  Peu  après 
(1832),  il  prit  sa  retraite  et  rentra  dans  la  vie  privée.  Il  a 
laissé  quelques  écrits  :  la  Liberté,  poème  (Paris,  1799, 
in-8);  Opinion  sur  le  nouveau  mode  de  recrutement 
(1818,  in-8)  ;  Lettre  sur  l'Espagne  en  1808  (1823, 
in-8);  Lettre  sur  la  campagne  d  Autriche  (1826, in-8); 
Observations  sur  l'Histoire  de  France  de  Montgaillard 
(1827, in-8);  Odes  d'Horace  traduites  en  vers  français 
(1836,  in-8);  l'Art  de  la  guerre,  poème  en  dix  chants 
(1838,  in-8);  enfin  des  Mémoires  qu'il  se  disposait  à  pu- 
blier au  moment  de  sa  mort. 

DUPONT  DE  l'Eure  (Jacques-Charles),  homme  poli- 
tique français,  né  au  Neubourg  (Eure)  le  27  févr.  1767, 
mort  à  Rouge-Perriers  (Eure)  le  2  mars  1855.  Avocat  au 
parlement  de  Normandie  en  1789,  il  remplit  diverses  fonc- 
tions municipales  et  judiciaires  soit  au  Neubourg,  soit  à 
Louviers,  et  en  l'an  VI  il  était  accusateur  public  près  le 
tribunal  criminel  de  l'Eure.  La  même  année,  ce  départe- 
ment l'envoyait  au  conseil  des  Cinq-Cents,  où  il  appuya  le 
coup  d'Etat  du  18  brumaire.  Nommé  en  l'an  VIII  conseil- 
ler au  tribunal  d'appel  de  Rouen  et  promu  presque  aussitôt 
après  président  du  tribunal  criminel  d'Evreux,  il  témoigna 
dans  l'administration  de  la  justice  d'une  impartiaUté  et 
d'une  indépendance  qui  lui  valurent  l'admiration  et  le  res- 
pect de  ses  compatriotes.  Conseiller  à  la  cour  impériale  de 
Rouen  (1811),  président  de  chambre  au  même  siège  (1812), 
député  de  l'Eure  au  Corps  législatif  (1813),  membre  et 
vice-président  de  la  Chambre  de  1814,  réélule  9  mai  1815, 
il  fit  adopter  le  4  juil.  la  fameuse  déclaration  «  que  la 
France  ne  reconnaîtrait  d'autre  gouvernement  que  celui 
qui  lui  garantirait,  par  des  institutions  librement  consen- 
ties, l'égalité  devant  la  loi,  la  liberté  individuelle,  la  hberté 
de  la  presse  et  des  cultes,  le  jury,  l'abolition  de  toute  no- 
blesse héréditaire,  l'inviolabilité  des  domaines  nationaux  et 
tous  les  grands  résultats  de  la  Révolution  »,  et  le  8  juil. 
il  attendit  sur  son  siège  la  dissolution  de  l'Assemblée.  Non 
réélu  à  la  Chambre  introuvable,  il  fut  nommé  le  20  sept. 
1817  député  de  l'Eure  qu'il  représenta  constamment  jus- 
qu'en 1848.  Il  siégea  dans  l'opposition  et  fit  une  guerre 
souvent  heureuse  à  la  Restauration,  qui  l'en  punit  en  lui 
retirant  brutalement  ses  fonctions  de  président  à  la  cour 
de  Rouen  sans  l'admettre  à  la  pension.  Mais  ses  électeurs 
le  vengèrent  en  lui  offrant  par  souscription  nationale  le 
domaine  du  Hom  (près  de  Beaumont-le-Roger).  Il  joua  un 
rôle  considérable  dans  les  événements  de  juil.  1830,  et 
reçut  le  portefeuille  de  la  justice  dans  le  premier  cabinet 
de  Louis-Philippe.  Il  ne  demeura  pas  longtemps  au  pou- 
voir où  le  gouvernement  le  voyait  avec  méfiance.  Ses  ten- 
dances étaient  trop  libérales  pour  se  plier  au  système 
d'une  monarchie  même  constitutionnelle.  Aussi  lorsqu'il  vit 
qu'on  éUminait  Lafayette,  il  démissionna  comme  lui  (17 
oct.  1830).  Il  reprit  sa  place  dans  les  rangs  de  l'opposition 
et  fut  un  des  plus  actifs  meneurs  de  la  campagne  des  ban- 
quets de  1847.  C'était  la  personnalité  républicaine  la  plus 
en  vue  et  la  plus  respectée.  Aussi,  dès  la  proclamation  de 
la  République,  fut-il  nommé  membre  du  gouvernement 
provisoire  et  président  provisoire  du  conseil  des  ministres. 
Le  23  avr.  1848,  il  était  élu  représentant  à  la  Consti- 
tuante à  la  fois  par  la  Seine  et  par  l'Eure  pour  laquelle  il 
opta.  Mais  son  âge  avancé  ne  lui  permit  pas  de  siéger  sou- 
vent. Il  combattit  pourtant  assez  vivement  la  politique  de 
Louis-Napoléon.  Non  réélu  à  la  Législative  aux  élections 
générales  du  13  mai  1849,  il  éprouva  une  série  d'échecs 
le  8  juil.  :  à  la  fois  dans  les  Bouches-du-Rhône,  dans  le 
Calvados  et  dans  la  Charente-Inférieure.  Il  se  tint  alors 
dans  la  vie  privée.  On  a  de  Dupont  de  l'Eure  quelques  dis- 
cours imprimés  séparément;  il  a  collaboré  avec  Etienne, 
Manuel  et  autres,  aux  Fastes  de  la  France.  Sa  statue  a 
été  inaugurée  en  1881  au  Neubourg  par  Gambetta. 


-  89 


DUPONT  DE  Nemours  (Pierre-Samuel),  économiste  et 
homme  politique  français,  né  à  Paris  le  14  sept.  1739, 
mort  à  Eleutherian  Mills  (Etats-Unis)  le  6  août  1817.  Il 
étudia  d'abord  la  médecine,  puis  se  tourna  avec  passion 
vers  l'économie  politique  et  fut  introduit  par  Sénac  de  Meil- 
han  dans  la  société  de  Malesherbes,  de  Turgot  et  de  Con- 
dorcet.  Il  publia  et  analysa  avec  un  commentaire  les  œuvres 
de  son  maître  Quesnay  sous  le  titre  de  Physiocratie  (Paris, 
1768,  2  vol.  in-8)  et  vulgarisa  les  idées  des  physiocrates, 
dans  le  Journal  de  l'agriculture  et  dans  les  Éphémé- 
rides  du  citoyen.  Le  roi  de  Pologne,  Stanislas,  lui  offrit 
et  il  accepta  les  fonctions  de  secrétaire  du  conseil  d'ins- 
truction publique  dans  ses  Etats.  Il  revint  en  France  quand 
Turgot  fut  ministre  et,  après  la  chute  de  Turgot,  se  retira 
près  de  Nemours.  M.  de  Vergennes  l'employa  pour  préparer 
les  bases  de  la  reconnaissance  des  Etats-Unis  et  le  traité 
de  commerce  avec  l'Angleterre.  Galonné  le  nomma  conseiller 
d'Etat  et  commissaire  général  du  commerce.  Il  fut  membre 
et  secrétaire  de  l'assemblée  des  notables.  Député  aux  Etats 
généraux  par  le  tiers  état  du  bailliage  de  Nemours,  il  fut 
un  des  commissaires  nommés  pour  préparer  la  conciliation 
entre  les  trois  ordres,  et,  à  la  Constituante,  fit  partie  du 
comité  des  subsistances,  puis  du  comité  d'aliénation.  Il  par- 
ticipa, dans  le  sens  de  ses  principes,  à  tous  les  débats  finan- 
ciers de  l'Assemblée  et,  en  particulier,  combattit  l'émission 
des  assignats  (15  avr.  1790).  Le  16  oct.  suivant,  il  fut 
élu  président  de  l'Assemblée.  Son  opinion  en  faveur  des 
deux  Chambres  et  son  accord  avec  les  feuillants  l'avaient 
rendu  impopulaire  et,  dès  1791,  les  jacobins  le  traitaient 
ouvertement  de  contre-révolutionnaire.  Le  l^^juil.  1792, 
il  fut  un  des  pétitionnaires  qui  se  présentèrent  à  la  barre 
de  la  Législative  pour  demander  des  poursuites  contre  les 
auteurs  du  mouvement  du  20  juin.  Dans  la  journée  du 
10  août,  il  fut  un  des  défenseurs  des  Tuileries.  Il  se  cacha 
ensuite,  sans  cesser  d'écrire,  puisqu'il  rédigea  avec  Suard, 
Lacretelle  et  Morellet,  le  journal  les  Nouvelles  politiques, 
nationales  et  étrangères,  qui  commença  à  paraître  le 
d5  nov.  1792.  Il  fut  arrêté  en  1794,  à  une  date  que  nous 
n'avons  pu  retrouver,  et  rendu  à  la  liberté  après  le  9  ther- 
midor. Député  du  Loiret  au  conseil  des  Anciens,  il  y  siégea 
parmi  les  plus  modérés  et  combattit  la  politique  du  Direc- 
toire dans  son  journal  V Historien,  qui  parut  de  frimaire 
an  IV  à  fructidor  an  V.  Après  le  18  fructidor,  il  donna  sa 
démission  et  passa  aux  Etats-Unis.  Rentré  en  France  en 
1802,  il  resta  dans  la  vie  privée.  A  la  création  de  l'Institut, 
il  avait  été  nommé  membre  de  ce  corps,  pour  la  classe  des 
sciences  morales  et  politiques,  section  d'économie  politique. 
En  1814,  il  fut  secrétaire  du  gouvernement  provisoire. 
Louis  XVIII  le  nomma  conseiller  d'Etat.  Aux  Cent-Jours, 
il  quitta  de  nouveau  la  France  et  alla  finir  sa  vie  aux 
Etats-Unis.  Les  publications  de  Dupont  de  Nemours  sont 
fort  nombreuses.  Voici  les  principales  :  De  l'Exportation 
et  de  V importation  des  grains  (Soissons,  1764,  in-8)  ; 
De  V Origine  et  des  progrès  d'une  science  nouvelle 
(Londres  et  Paris,  1768,  in-8);  Observations  sur  les 
effets  de  la  liberté  du  commerce  des  grains  (s.  1.,  1770, 
in-8)  ;  Mémoires  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  Turgot 
(Philadelphie,  1782,  in-8)  ;  Philosophie  de  l'univers  (Pa- 
ris, 1796,  in-8)  ;  Sur  la  Banque  de  France  (Paris,  1806, 
in-8)  ;  Sur  l'Education  nationale  dans  les  Etats-Unis 
d'Amérique  (Paris,  1812,  2«  éd.,  in-8),  etc.,  etc.  Ses 
OEuvres  forment  le  tome  II  de  la  Collection  des  écono- 
mistes, publiée  en  1846.  F.-A.  A. 

DU  PONT-Vernon  (Henri),  acteur  français,  né  à  Puiseaux 
(Loire)  le  8  avr.  1844.  Après  avoir  fait  quelques  études 
de  droit,  il  abandonna  le  barreau  pour  le  théâtre,  passa 
par  le  Conservatoire,  et  joua  au  théâtre  des  Nations  et 
au  Théâtre-Italien.  Ses  succès  dans  le  répertoire  clas- 
sique le  firent  entrer  à  la  Comédie-Française  en  1873. 
Très  habile  professeur  de  déclamation,  il  a  obtenu  en  1888 
une  chaire  de  déclamation  au  Conservatoire.  Il  a  écrit 
quelques  ouvrages  spéciaux  :  Quelques  Réflexions  sur 
Vart  de  bien  dire  (Paris,  1879,  in-8);  Principes  de 


DUPONT  —  DU  PORT 

diction  (1882,  in-18);  VArt  de  bien  dire,  principes  et 
applications  (1888,  in-12). 

DUPONT-White  (Charles  Brook),  économiste  français, 
né  à  Rouen  le  17  déc.  1807,  mort  à  Paris  le  10  déc.  1878. 
Il  fut  avocat  aux  conseils  du  roi  et  à  la  cour  de  cassation 
de  1836  à  d843;  puis,  en  1848,  secrétaire  général  au 
ministère  de  la  justice;  enfin,  il  fut  membre,  en  1870,  de 
la  commission  de  décentralisation,  instituée  sous  la  prési- 
dence d'Odilon  Barrot.  C'était  un  esprit  original  et  très 
indépendant.  Libéral,  il  n'en  affirmait  pas  moins  les  avan- 
tages de  l'intervention  de  l'Etat,  dans  beaucoup  de  cas  oti 
les  doctrinaires  l'écartent.  Nous  citerons  parmi  ses  nom- 
breux écrits  :  Relations  du  travail  avec  le  capital  (1846, 
in-8)  ;  Suppression  de  l'impôt  du  sel  et  de  l'octroi 
(1847,  in-8)  ;  l'Individu  et  l'Etat  (1858-65,  in-8  et 
in-12)  ;  la  Centralisation  (1860-61,  in-8  et  in-12);  la 
Liberté  politique  (1864,  in-8)  ;  le  Rôle  et  la  liberté  de 
la  Presse  (1866,  in-8)  ;  De  l'Equilibre  en  Europe  (1867, 
in-8)  ;  le  Progrès  politique  en  France  (1868,  in-8)  ;  la 
République  conservatrice  et  le  suffrage  universel  (1872, 
in-8)  ;  Réflexions  d'un  optimiste  (1873,  in-8)  ;  Politique 
actuelle  (iSl^,  in-12);  plusieurs  traductions  d'ouvrages 
anglais,  notamment  le  Gouvernement  représentatif  et  la 
Liberté  de  Stuart  Mill  ;  de  nombreux  articles  de  revues,  etc. 
Sa  fille  a  épousé  M.  Carnot,  président  de  la  République 
française.  C.  St-A. 

DU  PORT  (Jean-Pierre),  violoncelliste  français,  né  à 
Paris  le  27  nov.  1741,  mort  à  Berlin  le  31  déc.  1818.  Il 
travailla  avec  Berthault  et  remporta  jeune  (1761)  de  grands 
succès  à  Paris.  Il  parcourut  l'Angleterre,  l'Espagne  et  la 
Prusse,  où  il  se  fixa.  Il  fut  surintendant  des  concerts  de 
la  cour  de  Berlin  de  1787  à  1806.  Il  écrivit  quelques  com- 
positions pour  son  instrument.  Frère  du  célèbre  violoncel- 
liste Jean-Louis  Duport,  il  ne  peut  lui  être  comparé  comme 
virtuose. 

DUPORT  (Jean-Louis),  célèbre  violoncelliste  français, 
né  à  Paris  le  4  oct.  1749,  mort  à  Paris  le  7  sept.  1819.  En 
1789,  Duport  émigra,  se  rendit  en  Prusse  et  fut  placé  dans 
la  musique  de  la  cour.  Après  de  grands  succès  à  Berlin,  il 
revint  en  France  en  1806.  En  1813,  il  entra  à  la  chapelle 
de  l'empereur,  puis  au  Conservatoire  comme  professeur.  Il 
a  composé  de  nombreuses  œuvres  pour  violoncelle. 

DU  PORT  (Adrien-Jean-François),  homme  politique 
français,  né  à  Paris  le  5  févr.  1759,  mort  à  Appenzell 
(Suisse)  le  15  août  1798.  Conseiller  au  Parlement  en  la 
chambre  des  requêtes,  il  fut  un  des  magistrats  les  plus 
ardents  à  lutter  contre  le  «  despotisme  ministériel  ».  Il  re- 
cevait chez  lui  plusieurs  des  futurs  révolutionnaires,  pré- 
voyant et  appelant  la  Révolution.  Député  de  la  noblesse  de 
Paris  aux  Etats  généraux,  il  fut  un  des  quarante-six 
nobles  qui  se  réunirent  au  tiers  état,  et,  à  la  Constituante, 
siégea  sur  les  bancs  extrêmes  de  la  gauche,  à  côté  de  Bar- 
nave  et  d'Alexandre  de  Lameth,  avec  lesquels  on  l'accusait 
de  former  un  triumvirat.  Son  nom  est  mêlé  à  presque 
toutes  les  créations  de  l'Assemblée  constituante,  et  il  fut  le 
plus  grand  peut-être  des  juristes  qui  préparèrent  l'orga- 
nisation de  la  France  nouvelle.  Parmi  tant  de  rapports  et 
de  discours  d'Adrien  du  Port  (dont  on  trouvera  l'énumé- 
ration  dans  la  Table  générale  qui  forme  le  tome  XXXIII 
des  Archives  parlementaires),  signalons  surtout  son  rap- 
port du  29  mars  1790  sur  l'organisation  de  la  magistrature 
et  ses  diverses  opinions  sur  l'etabHssement  du  jury,  si  re- 
marquables par  la  profondeur  et  la  justesse  des  idées.  Il  fut 
un  des  trois  commissaires  chargés  de  recueillir  les^  décla- 
rations du  roi  à  son  retour  de  Varennes.  Il  s'acquitta  de 
sa  mission  avec  une  indulgence  qui  était  l'indice  d'un  chan- 
gement d'attitude.  En  effet,  à  partir  de  ce  moment,  il  devint 
un  des  conseillers  intimes  de  Louis  XVI.  Parmi  les  discours 
qu'il  prononça  sur  d'autres  questions  que  les  matières  con- 
stitutionnelles, il  faut  citer  celui  du  17  mai  1791,  où  il 
combattit  Robespierre  et  la  motion  relative  à  la  non-rééligi- 
bilité des  constituants.  Il  y  annonça  en  prophète  les  luttes 
futures,  la  Terreur,  et,  après  la  guerre  civile,  l'avènement 


DU  PORT  —  DUPOTET 


-  90  — 


du  despotisme  :  «  Partout,  dit-il,  on  se  battrait  (si  la  po-  i 
li tique  extrême  prévalait)  pour  un  homme  ou  pour  un  autre, 
et  tel  qui  se  dévoue  aujourd'hui  au  noble  métier  de  payer 
des  libelles  et  de  réduire  en  système  la  calomnie,  serait 
tout  à  coup  l'effroi  et  le  tyran  de  ses  concitoyens.  Enfin, 
après  de  longs  et  inutiles  essais,  le  despotisme  viendrait  se 
présenter,  comme  un  asile  favorable,  à  toutes  les  âmes 
épuisées  et  fatiguées,  et  ne  voyant  plus  de  bonheur  que  dans 
le  repos.  »  On  admira  aussi  son  discours  du  31  mai  1794 
contre  la  peine  de  mort  :  «  Une  société  qui  se  fait  léga- 
lement meurtrière,  n'enseigne-t-elle  pas  le  meurtre  ?  »  Et, 
prévoyant  l'échafaud  poUtique  :  «  Depuis  qu'un  changement 
continu  dans  les  hommes  a  rendu  presque  nécessaire  un 
changement  dans  les  choses,  faisons  au  moins  que  les 
scènes  révolutionnaires  soient  les  moins  tragiques...  Ren- 
dons l'homme  respectable  à  l'homme.  »  Du  Port  avait  pré- 
sidé la  Constituante  du  15  au  27  févr.  1791,  Après  la 
session,  il  fut  élu  président  du  tribunal  criminel  de  Paris. 
Au  lendemain  du  10  août,  il  s'enfuit,  fut  arrêté  près  de 
Nemours  et,  sur  l'humaine  et  habile  intervention  de  Danton 
et  en  dépit  des  attaques  de  Marat,  mis  en  liberté  par  juge- 
ment du  tribunal  du  district  de  Melun  du  17  sept.  1792 
(V.  Mortimer-Ternaux,  Histoire  de  la  Terreur,  III,  347 
à  359,  et  557  à  559).  Du  Port  passa  en  Angleterre,  rentra 
en  France  après  le  9  thermidor,  émigra  de  nouveau  après 
le  18  fructidor  an  V,  se  fixa  en  Suisse,  à  Appenzell,  où  il 
passa  la  fin  de  sa  vie  dans  la  gène  et  l'obscurité.  —  Ses 
contemporains  imprimèrent  presque  toujours  son  nom  en 
un  seul  mot  :  Duport,  mais  il  signait  en  deux  mots  et  était 
noble.  F. -A.  A. 

DU  PORT  (Louis),  danseur  français,  né  vers  1775.  Il 
appartint  d'abord  à  l'Ambigu,  puis  à  la  Gaîté,  théâtres  où 
la  danse  était  très  cultivée  et  fort  en  honneur  à  cette 
époque.  De  la  Gaîté,  où  il  était  premier  danseur,  Duport 
fut  appelé  à  l'Opéra,  où  il  débuta  en  1800.  Bien  que  son 
physique  ne  fût  pas  fort  agréable,  c'était  un  danseur  éton- 
nant par  sa  légèreté,  par  la  vigueur  et  la  hardiesse  de  son 
exécution,  et  il  se  fit  rapidement  une  telle  réputation  à 
l'Opéra  qu'on  osa  l'opposer  à  Vestris,  qui  était  déjà  vieux, 
et  qu'il  en  résulta,  entre  les  amateurs,  une  sorte  de  grande 
querelle  qu'on  appela  la  guerre  des  nourissons  de  Ter- 
psichore.  Le  poète  Berchoux  n'hésita  pas  à  prendre  parti 
dans  ce  débat  important,  et  il  sacrifia  résolument  Yestris 
à  Duport  dans  son  poème  héroï-comique  intitulé  la  Danse 
ou  les  Dieux  de  V Opéra.  C'était  injuste,  chacun  des  deux 
rivaux  ayant  ses  grandes  et  propres  qualités.  Les  succès 
de  Duport  furent  très  grands,  non  seulement  dans  divers 
opéras,  mais  aussi  dans  divers  ballets  où  il  joignit  le  talent 
du  mime  à  celui  du  danseur  :  les  Noces  de  Gamache, 
Achille  à  Scyros^  Acis  et  Galathée^  et  surtout  Figaro, 
qui  fut  son  triomphe,  et  rHymen  de  Zéphyre,  où  sa 
sœur,  danseuse  aussi  fort  distinguée,  partagea  avec  lui  les 
faveurs  du  public.  Duport,  qui  n'avait  pu  obtenir  l'emploi 
de  maitre  de  ballet,  qu'il  ambitionnait  malgré  sa  jeunesse, 
profita  d'offres  très  brillantes  qui  lui  étaient  faites  en 
Russie,  et,  abandonnant  l'Opéra,  quitta  furtivement  Paris 
en  1808,  au  mépris  de  ses  engagements,  pour  se  rendre 
à  Saint-Pétersbourg.  Il  obtint  'en  cette  ville  d'énormes 
succès  et  y  gagna  beaucoup  d'argent.  Il  ne  revint  à  Paris 
qu'en  1816.  Duport  est  l'auteur  des  scénarios  de  trois  des 
ballets  signalés  plus  haut  :  Figaro,  Acis  et  Galathée,  et 
l'Hymen  de  Zéphire  ou  le  Volage  fixé.  On  croit  qu'il  en 
a  fait  représenter  quelques  autres  en  Russie.        A.  P. 

D U  PO  RT-DuTERTRE  (François- Joachim) ,  littérateur  fran- 
çais, né  à  Saint-Malo  en  1715,  mort  le  17  avr.  1759. 
Entré  dans  la  Compagnie  de  Jésus,  il  y  enseigna  les  huma- 
nités, puis,  ne  se  sentant  pas  une  vocation  bien  décidée, 
abandonna  l'ordre  pour  s'occuper  de  httérature.  Il  fut  un 
des  fidèles  collaborateurs  de  Fréron  et  de  l'abbé  de  Laporte. 
Citons  de  lui  :  Abrégé  de  r histoire  d'Angleterre  (1751, 
3  vol.  in-12)  ;  Almanach  des  beaux-arts  (il^^,  in-12)  ; 
Bibliothèque  amusante  et  instructive  (Paris,  1755-75, 
5  vol.  in-12)  ;  Projet  utile  pour  le  progrès  de  la  litté- 


rature (1756,  in-12)  ;  avec  Ripault-Désormeaux  :  His- 
toire des  conjurations,  conspirations  et  révolutions 
célèbres  (Paris,  1754-60, 10  vol.  in-12). 

D  U  PO  RT-DuTERTRE  (Marguerite-Louis-François),  homme 
politique  français,  né  à  Pans  le  6  mai  1754,  mort  à  Paris 
le  28  nov.  1793,  fils  du  précédent.  Il  coopéra  à  la  prise 
de  la  Bastille  (1789),  fut  nommé  membre  de  la  munici- 
palité parisienne,  puis  substitut  du  procureur-syndic  de  la 
Commune.  Le  21  nov.  1790,  il  fut,  grâce  à  La  Fayette, 
nommé  ministre  de  la  justice  en  remplacement  de  Champion 
de  Cicé,  et  conserva  ce  portefeuille  dans  le  ministère  dit 
coîistitutionnel  du  l^^oct.  1791.  Mais  son  administration 
souleva  de  telles  récriminations  qu'il  dut  se  retirer  le 
22  mars  1792.  Décrété  d'accusation  le  14  août,  interné  à 
Orléans,  puis  à  Versailles,  il  fut  traduit  devant  le  tribunal 
révolutionnaire,  condamné  à  mort  et  exécuté  avec  Barnave. 
Collaborateur  m  Journal  des  Deux  Ponts,  Duport-Dutertre 
a  laissé  quelques  écrits  :  Moyens  d' exécution  pour  les  jurés 
au  criminel  et  au  civil  (1790,  in-8)  ;  Principes  et^  plan 
sur  Rétablissement  de  Tordre  judiciaire  (1790,  in-8), 
et  donné  avec  Kerveseau  :  Histoire  de  la  Révolution  fran- 
çaise par  deux  amis  delà  Liberté  (Paris,  1790  et  suiv., 
20  vol.  in-8). 

DU  PORTAI  (Pierre-Jean-Louis-Armand),  homme  poli- 
tique français,  né  à  Toulouse  le  17  févr.  1814,  mort  à 
Toulouse  le  l'''^  févr.  1887.  Il  se  lança  fort  jeune  dans  le 
journahsme,  collabora  au  Patriote  de  Juillet,  au  Gascon, 
au  Mécène,  à  la  Revanche  du  Midi,  devint  en  1848  ré- 
dacteur de  V Emancipation  où  il  pubha  des  articles  à  sen- 
sation contrôle  gouvernement  du  prince  Louis-Napoléon,  ce 
qui  lui  valut  plusieurs  condamnations  et  l'envoi  en  Afrique 
après  le  coup  d'Etat  du  2  déc.  1851.  Autorisé  à  revenir  en 
France  en  1852,  il  fut  de  nouveau  emprisonné  lors  de  l'at- 
tentat d'Orsini,  puis  il  dirigea  à  l'étranger  diverses  affaires 
industrielles.  En  1868,  il  reprit  à  Toulouse  la  publication 
de  VEmancipation  et  sa  campagne  contre  l'Empire.  De 
nouveau  emprisonné,  il  était  encore  à  Sainte-Pélagie  lorsque 
la  révolution  du  4  sept.  1870  le  délivra.  Il  fut  nommé  préfet 
de  la  Haute-Garonne,  mais  son  administration  fantaisiste  et 
ultra-radicale  ne  tarda  pas  à  indisposer  le  gouvernement. 
Gambetta  voulut  le  destituer,  mais  les  Toulousains  tinrent 
à  conserver  leur  préfet  qui,  bon  gré  mal  gré,  demeura  à  son 
poste  jusqu'au  25  mars  1871,  date  à  laquelle  il  fut  rem- 
placé par  M.  de  Kératry  qui  ne  prit  pas  sans  peine  posses- 
sion de  sa  préfecture.  Duportal  se  remit  à  la  tête  de 
VEmancipation  qui  en  1872  devint  VEmancipateur  et 
continua  à  s'attirer  des  procès  et  des  condamnations  par  la 
violence  de  sa  polémique.  Il  fut  élu  député  de  Toulouse  le 
5  mars  1 876,  siégea  à  l'extrême  gauche  et,  membre  des  363, 
fut  réélu  avec  eux  le  14  oct.  1877  et  de  nouveau  en  1881 
et  en  1885.  Il  soutint  ardemment  la  politique  radicale,  fut 
un  des  adversaires  les  plus  acharnés  du  gouvernement  du 
16  mai  et  un  des  ennemis  les  plus  décidés  du  parti  oppor- 
tuniste contre  lequel  il  soutint  à  la  fois  des  polémiques  de 
presse  et  des  combats  de  tribune.  Il  était  devenu  en  1877 
rédacteur  en  chef  du  Mot  d'Ordre,  puis  du  Républicain 
et,  en  1877,  directeur  de  la  Marseillaise. 

DUPOTET  (Jean-Henri- Joseph),  amiral  français,  né  à 
Changey  (Côte-d'Or)  le  17  sept.  1777,  mort  à  Paris  le 
19  janv.  1852.  Elève  de  l'Ecole  militaire,  il  s'embarqua 
sur  la  Junon  comme  novice,  avança  assez  rapidement 
grâce  à  son  courage,  fit  campagne  dans  la  Méditerranée, 
puis  à  Saint-Domingue.  Lieutenant  de  vaisseau  (1803),  il 
se  distingua  à  Tralalgar  à  bord  du  Redoutable  et  tenta 
d'enlever  à  Tabordage  le  Victory.  Il  fut  alors  nommé  aide 
de  camp  du  duc  Decrès,  ministre  de  la  marine,  puis  capi- 
taine de  vaisseau  et  préposé  au  port  de  Flessingue.En  1 809, 
il  partit  de  Bordeaux  avec  le  Niémen  et  força  une  frégate 
anglaise,  rAmethyst,  à  amener  pavillon  ;  l'arrivée  de  VAi^e- 
thiisa,  seconde  frégate  anglaise,  Fobhgeaà  se  rendre  à  son 
tour  après  la  plus  vaillante  résistance.  Il  resta  cinq  ans  prison- 
nier. Promu  caphaine  de  vaisseau  pendant  sa  captivité  (1811), 
il  fut  ensuite  attaché  à  l'amiral  Duperré  auquel  il  succéda 


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DUPOTET  —  DUPRAT 


à  la  tête  cle  la  station  des  Antilles  (1828).  Il  fut  alors 
nommé  contre-amiral.  En  1830,  il  était  préfet  maritime 
de  Brest  et  préparait  l'expédition  d'Alger.  Gouverneur  de 
la  Martinique  où  il  réprima  une  insurrection,  Dupotet  com- 
manda ensuite  la  station  du  Brésil  et  de  la  mer  du  Sud 
(1835),  bloqua  les  côtes  argentines  (1838)  et  devint  vice- 
amiral  (1 841  )  ;  en  1 845,  il  fut  admis  dans  le  cadre  de  réserve. 
DUPOTET  DE  Sennevoy  (le  baron  J.),  publiciste  fran- 
çais, né  à  La  Chapelle  (Yonne)  le  12  avr.  1796,  mort  à 
Paris  le  l'^''  juil.  \  881 .  Disciple  de  Mesmer,  il  s'est  presque 
uniquement  occupé  de  l'étude  du  magnétisme  sur  lequel  il 
a  écrit  de  nombreux  traités.  Il  a  fondé  en  1827  une  revue 
spéciale,  le  Propagateur  du  magnétisme  animal,  à 
laquelle  a  fait  suite  en  1845  le  Journal  du  magnétisme 
qui  paraît  encore  aujourd'hui.  Nous  citerons  du  baron 
Dupotet  :  Exposé  des  expériences  sur  le  magnétisme 
animal  (Paris,  1821,  in-8)  ;  Expériences  publiques 
sur  le  magnétisme  faites  à  VHôtel-dieu  de  Paris 
(1826,  in-8)  ;  Cours  de  magnétisme  (1834,  in-8)  ;  le 
Magnétisme  opposé  à  la  médecine  (1840,  in-8); 
Essai  sur  renseignement  philosophique  du  magné- 
tisme (1845,  in-8)  ;  Manuel  de  r étudiant  magnétiseur 
(1846,  in-18)  ;  la  Magie  dévoilée  (4852,  in-4)  ;  Ihé- 
rapeutique  magnétique  (1863,  in-8). 

DUPOTY  (Michel-Auguste),  publiciste  français,  né  à 
Versailles  en  1797,  mort  à  Paris  le  28  juil.  1864.  Fils 
d'un  menuisier,  il  fonda  en  1830  à  Versailles  un  organe 
socialiste,  le  Vigilant  de  Seine-et-Oise,  puis  il  entra  dans 
la  rédaction  du  Réformateur  de  Raspail,  concourut  à  la 
fondation  du  Journal  du  Peuple  dont  il  fut  rédacteur  en 
chef.  En  cette  qualité  il  fut  en  1841,  après  l'attentat  com- 
mis par  Quenisset  sur  le  duc  d'Aumale,  traduit  devant  la 
cour  des  pairs  comme  complice  moral  de  l'accusé  et  con- 
damné à  cinq  ans  de  détention.  Ce  procès  de  tendances  et 
la  peine  excessive  qui  en  résulta  excita  dans  toute  la 
France  une  grande  indignation.  Dupoty  fut  amnistié  en 
1844.  Sorti  de  prison  fort  malade,  il  refusa  en  1848  les 
fonctions  de  commissaire  du  gouvernement.  On  a  de  lui  : 
Trente-sept  Jours  (Versailles,  1834,  in-8)  ;  Discours 
prononcé  sur  la  tombe  de  Garnier  Pages  (1841,  in-8); 
Allocution  devant  la  cour  des  pairs  (1842,  in-8)  ; 
Promenades  au  Muséum  d'histoire  naturelle  (1851, 
in-8)  ;  De  la  Réorganisation  du  Muséum  (1858,  in-8). 
DU  POU  Y  (Adolphe- Augustin),    amiral  français,   né  à 
Lectoure  en  1808,  mort  à  Brest  en  1868.  Il  sortit  de  l'Ecole 
de  marine  d'Angoulême  en  1826,  fut  nommé  enseigne  en 
1831,  lieutenant  de  vaisseau  en  1837,  capitame  de  fré- 
gate en  1846,  capitaine  de  vaisseau  en  1852,  contre-amiral 
en  1859  et  vice-amiral  en  1864.  Il  étudia  de  très  près 
les  machines  à  vapeur  dès  qu'on  les  introduisit  dans  la 
marine  et  commanda  le  premier  vaisseau  à  hélice,  le  Napo- 
léon, pendant  la  guerre  de  Crimée.  Il  remplit  les  fonc- 
tions de  préfet  maritime  à  Cherbourg  et  à  Brest. 

DUPOUY  (Bernard-Eugène-Alexandre),  homme  politique 
français,  né  à  Bordeauxle  1^^  juil.  1825.  Avocat  à  Bordeaux, 
il  se  présenta  sans  succès  aux  élections  législatives  du  8  févr. 
1871  dans  la  Gironde,  fut  élu  par  ce  dép.  à  l'Assemblée 
nationale  le  27  avr.  1873  en  remplacement  de  M.  Journu, 
démissionnaire,  et  siégea  dans  les  rangs  de  l'Union  répu- 
blicaine. Vice-président  du  conseil  général  de  la  Gironde, 
il  eut  en  1875  des  démêlés  retentissants  avec  le  préfet  réac- 
tionnaire Pascal.  Après  avoir  posé  sans  succès  sa  candida- 
ture au  Sénat,  il  fut  élu  député  de  Bordeaux  le  20  févr. 
1876,  fit  partie  des  363  et  fut  réélu  avec  eux  le  14  oct.  1877. 
Enfin  il  fut  nommé  sénateur  delà  Gironde  le  5  janv.  1879 
et  réélu  le  5  janv.  1888.  Il  s'est  prononcé  contre  le  bou- 
langisme. 

DUPPA  (Brian),  évèquede  Winchester,  né  à  Lewisham 
(Kent)  en  1588,  mort  à  Richmond  en  1662.  Après  avoir 
fait  de  brillantes  études,  qui  lui  valurent  de  grands  honneurs 
académiques,  il  entra  dans  la  carrière  ecclésiastique.  Leduc 
de  Buckingham  et  l'archevêque  Laud,  tout-puissants  sous 
Charles  P^  lui  accordèrent  leur  faveur.  En  1634,  il  fut 


nommé,  grâce  à  eux,  précepteur  du  prince  de  Galles  et  du 
duc  de  Gloucester,  son  frère.  Quelques  années  après,  il 
fut  promu  au  siège  épiscopal  de  Chichester  (1638)  et,  en 
moins  de  trois  ans,  à  celui  de  Salisbury.  Pendant  la  guerre 
civile,  Duppa  suivit  le  roi  à  Oxford  et  vécut  dans  son  inti- 
mité jusqu'à  son  exécution.  Pendant  que  les  républicains 
étaient  au  pouvoir,  Duppa  vécut  dans  la  retraite,  dans  le 
comté  de  Surrey.  De  là,  il  entretenait  une  correspondance 
active  avec  quelques  membres  du  clergé  dépossédé,  discu- 
tant les  droits  et  les  intérêts  de  l'épiscopat,  A  la  restau- 
ration, il  fut  nommé  évêque  de  Winchester  et  conserva  une 
grande  influence  sur  Charles  II,  son  royal  élève.  Duppa  est 
l'auteur  de  sermons  et  d'ouvrages  de  piété,  notamment 
Holy  Rules  and  helps  to  dévotion,  traité  posthume,  qui 
parut  en  1674.  G.  Q. 

BiBL.  :  Leslie  Stephkn,  Diction,  of  national  biography. 
DÙPPEL  (Slesvig)  (V.  Dybbqel). 
DUPRAT  (Antoine),  chancelier  de  France  et  cardinal, 
seigneur  de  Nantouillet,  né  à  Issoire  le  17  janv.  1463, 
mort  à  Nantouillet  le  9  juil.  1535.  Attaché  dans  sa  jeu- 
nesse à  une  abbaye  de  bénédictins,  il  termina  son  instruc- 
tion sous  la  direction  de  son  cousin  Antoine  Bohier,  plus 
tard  archevêque  de  Bourges  et  cardinal.  Grâce  à  sa  pro- 
tection, Duprat,  qui  avait  suivi  avec  succès  le  barreau  au 
parlement  de  Paris,   fut  nommé  lieutenant  général   au 
baiUiage  de  Montferrand  en  1490  ;  il  fut  ensuite  successi- 
vement avocat  au  parlement  de  Toulouse  en  1495,  maître 
des  requêtes  de  l'hôtel  de  Louis  XII  en  1503,  quatrième 
président  au  parlement  de  Paris  en  1506,  et  enfin  premier 
président  en  1507.  Duprat  fut  l'un  des  jurisconsultes 
commis  par  Louis  XII  pour  rédiger  la  coutume  d'Auvergne. 
Ce  fut  lui  qui  représenta  au  cardinal  d'Amboise  le  danger 
d'unir  M""®  Claude  à  Charles  d'Autriche.  Il  s'était  montré 
très  dévoué  à  Louise  de  Savoie  et  à  son  fils  le  comte  d'An- 
goulême; celui-ci,  devenu  le  roi  François  P'',  le  créa  chan- 
ceUer  de  France,  à  la  place  d'Etienne  Poncher,  et  principal 
ministre  (1515).  .Duprat  accompagna  le  roi  en  Italie.  Il 
fut  chargé  de  traiter  avec  le  pape  Léon  X,  dans  une  con- 
férence tenue  à  Bologne,  de  l'abrogation  de  la  pragmatique 
sanction.  Les  articles  accordés  dans  cette  conférence  servi- 
rent de  base  au  concordat;  Duprat  rencontra  beaucoup 
d'opposition  pour  le  faire  accepter  par  le  Parlement,  et  il 
s'aliéna  le  clergé  et  l'université.  En  1517,  après  la  mort 
de  sa  femme,  Françoise  Veini  d'Arbouze,  Duprat  était  entré 
dans  les  ordres.  Lors  de  l'entrevue  du  camp  du  Drap  d'or, 
en  1520,  il  fut  employé  à  des  négociations  avec  le  cardinal 
Wolsey.  Pendant  l'absence  du  roi  qui  tenait  de  nouveau 
campagne  en  Italie,  Duprat  ne  cessa  d'être  le  conseil  de  la 
régente  Louise  de  Savoie.  Ce  fut  lui  qui  la  dirigea  notam- 
ment dans  le  procès  qu'elle  intenta  au  connétable  pour  la 
succession  de  Suzanne  de  Bourbon.  La  régente  lui  avait 
conféré  l'abbaye  de  Saint-Benoît-sur-Loire;  ce  fut  l'ori- 
gine d'un  conflit  avec  les  moines  de  Saint-Benoît  qui  en 
appelèrent  au  Parlement.  Le  Parlement,  qui  avait  déjà  fait 
une  guerre  très  vive  à  Duprat,  voulut  informer  contre  lui, 
mais  François  l^^  vint  tenir  un  lit  de  justice  au  Parlement 
le  25  juil.   1527  et  déclara  que  tout  ce  qui  avait  été 
attenté  contre  son  chancelier  pendant  son  absence  était 
nul.   Duprat  fut  pourvu  successivement  de  cinq  évêchés, 
puis  fut  créé  archevêque  de  Sens  en  1525,  cardinal  en 
1527  et  légat  a  latere  en  1530.  Le  cardinal-ministre 
obtint  du  roi  un  édit  rigoureux  contre  les  luthériens.  Quel- 
ques historiens  ont  raconté  qu'à  la  mort  du  pape  Clément  VII, 
il  eut  la  pensée  de  lui  succéder,  mais  que  François  l^^  n'ap- 
prouva pas  ce  projet;  le  roi  aurait  fait  saisir  les  biens  de 
Duprat,  après  cette  parole  du  chancelier  qu'il  avait  de  quoi 
pourvoir  aux  frais  de  l'élection.   Le  marquis  Du  Prat  a 
contesté  ce  récit.  Ce  qui  est  certain  c'est  que  Duprat  laissa 
en  mourant  une  grosse  fortune  que  le  roi  fit  saisir  en 
partie.  Son  cœur  fut  déposé  dans  la  cathédrale  de  Meaux, 
et  son  corps  dans  celle  de  Sens.  Duprat  s'était  montré 
grand  homme  d'Etat  et  habile  diplomate.  Ayant  toujours 
fait  preuve  d'autorité,  il  eut  beaucoup  d'ennemis;  ses 


DUPRAT  —  DUPRÉ 


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contemporains  Font  représenté  comme  dépravé  et  cupide. 
En  matière  de  finances,  il  a  fondé  la  dette  publique,  mais 
il  dut  recourir  à  certains  procédés,  comme  la  vénalité  des 
charges,  qui  lui  ont  valu  la  réprobation  de  la  magistrature. 
Gustave  Regelsperger. 
BiBL.  :  François  Duchesne,  Histoire  des  chanceliers  et 
gardes  des  sceaux  de  France;  Paris,  1680,  in-foL,  p.  562. 
—  Le  P.  Akselme,  Histoire  généalogique  et  chronologique 
de  la  maison  royale  de  France^  1730,  t.  VI,  p.  452.  — 
Edouard  Faye  de  Brys,  Trois  Magistrats  français  au 
xyi"  siècle;  Paris,  1(S44,  in-8.  —  Le  marquis  Du  Prat,  Vie 
d'Antoine  Du  Prat;  Paris,  1857,  in-8. 

DUPRAT  (Pardoux)  {Pardulphus  Prateins),  juriscon- 
sulte, né  à  Aubusson  (Creuse)  vers  4520,  mort  vers  4570. 
Il  fit  ses  études  de  droit  â  l'université  de  Toulouse,  où  il 
entendit  entre  autres  professeurs  le  célèbre  Coras,  et  obtint 
le  grade  de  docteur  en  droit.  Revenu  dans  sa  ville  natale, 
il  y  exerça  la  profession  d'avocat,  tout  en  donnant  des 
répétitions  particulières  de  droit;  il  fut  aussi  juge  d'une 
seigneurie  des  environs,  Redouillat.  Plus  tard,  il  se  retira 
à  Lyon,  et  c'est  là  probablement  qu'il  mourut.  Parmi  ses 
nombreuses  publications,  nous  citerons  :  la  première  édi- 
tion des  OEuvres  d'Alciat  (Lyon,  4560,  4  vol.  in-fol.); 
un  Commentaire  sur  Uordonnance  de  Moulins  (Lyon, 
4572);  la  Théorique  et  la  pratique  de  l'art  des  no- 
taires^ recueil  qui  a  eu  plusieurs  éditions;  le  Train  et 
total  règlement  de  practique  civile  et  criminelle  (Pa- 
ris, 4577),  etc.  Ant.  T. 

DUPRAT  (Jean),  homme  politique  français,  né  à  Avignon 
le  22  déc.  4760,  mort  à  Paris  le  34  oct.  1793.  Marchand 
de  soieries  à  Avignon,  maire  de  cette  ville,  député  des 
Bouches-du-Rhône  à  la  Convention,  il  opina,  dans  le  procès 
de  Louis  XVI,  pour  l'appel  au  peuple,  pour  la  mort,  contre 
le  sursis.  Ami  de  Barbaroux,  il  suivit  la  fortune  politique 
des  girondins  et  fut  décrété  d'accusation  et  guillotiné  avec 
eux.  F. -A.  A. 

DUPRAT  (Pierre-Louis),  homme  politique  français,  né  à 
Tartas  (Landes)  le  30  déc.  4  760,  mort  à  Bordeaux  le  34  août 
4840.  Avocat  à  Tartas,  il  fut  élu  par  le  département  des 
Landes  député  aux  Cinq-Cents  et  y  parla  souvent  sur  des 
questions  juridiques.  Considéré  comme  ennemi  de  la  Révo- 
lution, il  fut  enveloppé  dans  les  proscriptions  du  48  fruc- 
tidor et  rentra  ensuite  dans  la  vie  privée.         F. -A.  A. 

DUPRAT  (Pascal),  publiciste  et  homme  politique  fran- 
çais, né  à  Hagetmau  (Landes)  le  24  mars  4845,  mort  le 
17  août  4885.  Professeur  d'histoire  à  Alger,  il  abandonna 
l'enseignement  pour  le  journalisme,  collabora  à  la  Réforme^ 
à  la  Revue  indépendante^  au  Droite  fonda  avec  Lamennais 
le  Peuple  constituant^  et  bientôt  connu  fut  élu  le  23  avr. 
4848,  représentant  des  Landes  à  la  Constituante  où  il 
combattit  avec  quelque  vivacité  le  socialisme  et  la  Mon- 
tagne. C'est  lui  qui  fit  voler,  le  23  juin,  la  mise  en  état 
de  siège  de  Paris.  R(^élu  à  la  Législative,  il  fut  un  des 
opposants  les  plus  actifs  à  la  politique  de  l'Elysée  et  pro- 
testa violemment  contre  le  coup  d'Etat  du  2  décembre. 
Exilé  en  Belgique,  il  y  créa  la  revue  la  Libre  Recherche, 
puis  il  s'établit  en  Suisse,  où  il  professa  à  l'académie  de 
Lausanne,  et  enfin  en  Itahe.  Nommé,  au  4  sept.  4870, 
ministre  plénipotentiaire  à  Athènes,  il  préféra  se  faire  élire 
député  par  les  Landes.  Après  avoir  échoué  le  8févr.  4874, 
il  fut  nommé  représentant  à  l'Assemblée  nationale  le  2  juil. 
Il  appuya  la  poh tique  de  M.  Thiers  et  fit  voter  le  fameux 
amendement  qui  accordait  au  Sénat  le  même  mode  de 
nomination  que  la  Chambre  au  suffrage  universel  (44févr. 
4875).  Cet  amendement  fut  rapporté  le  42  févr.  Après 
avoir  échoué  aux  élections  législatives  du  20  févr.  4876, 
dans  l'arr.  de  Saint-Sever,  Pascal  Duprat  fut  élu  par  le 
XVIP  arrondissement  de  Paris  le  30  avr.,  fit  partie  des 
363  et  fut  réélu  avec  eux  le  44  oct.  4877.  En  août  4884, 
il  échoua  et  fut  nommé  ministre  plénipotentiaire  au  Chili. 
C'est  en  retournant  prendre  possession  de  ce  poste,  en 
4885,  qu'il  mourut  en  mer.  On  a  de  lui  :  Essai  Histo- 
rique sur  les  races  anciennes  et  modernes,  de  V Afrique 
septentrionale  (Paris,  4845,  in-8);  Timon  et  sa  logique 


(4845,  in-32)  ;  les  Encyclopédistes^  leurs  travaux,  leurs 
doctrines  et  leur  influence  (4865,  in-42);  les  Tables 
de  proscription  de  Louis  Bonaparte  et  ses  complices 
(Liège,  4852,  3  vol.  in-8);  De  l'Etat,  sa  place  et  son 
rôle  dans  la  vie  des  sociétés  (Bruxelles,  4852,  in-42); 
la  Conjuration  des  petits  Etats  en  Europe  (4867  , 
in-8);  les  Révolutions  (4869,  in-42);  Frédéric Bastiat 
(Paris,  4878,  in-42);  V Esprit  des  révolutions  (4879, 
2  vol.  in-12).  11  a  encore  fondé  la  Revue  philosophique 
et  littéraire  (4856),  ï Economiste  (4856),  dirigé  le 
Peuple  souverain  (4870),  le  Nouveau  Journal,  etc. 

DUPRAT  (Hippolyte),  compositeur  français,  né  à  Tou- 
lon le  34  oct.  4824.  M.  Duprat  est  Fauteur  d'un  opéra, 
Pétrarque,  joué  pour  la  première  fois  au  grand-théâtre  de 
Marseille  le  49  avr.  4873.  Cette  œuvre  a  eu  un  certain 
succès  sur  les  scènes  du  Midi,  Toulouse,  Avignon,  Lyon  et 
Toulon. 

DUPRATO  (Jules- Laurent -Anacharsis),  compositeur 
français,  né  à  Nîmes  le  20  août  4827.  Il  vint  à  Paris, 
entra  au  Conservatoire  et  y  remporta  le  prix  de  Rome 
(4848)  par  la  cantate  Damoclès.W  séjourna  à  Rome,  puis 
en  Allemagne.  De  retour  en  France,  il  se  consacra  au 
théâtre  et  y  fit  représenter  un  grand  nombre  de  petits 
ouvrages  qui  eurent  parfois  quelque  succès.  La  partition 
du  Sacripant  fut  couronnée  en  4867,  au  concours  des 
Fantaisies-Parisiennes.  M.  Pougin  {Bibl.  Fétis,  supplément) 
donne  la  liste  complète  des  ouvrages  dramatiques  de 
M.  Duprato.  Nommé  professeur  agrégé  d'harmonie  au 
Conservatoire  en  4866,  il  devint  titulaire  d'une  classe 
d'harmonie  et  accompagnement  pratique  en  4874.  M.  Du- 
prato a  publié  une  partie  de  ses  œuvres.  Il  a  composé  un 
grand  nombre  de  romances,  qui  eurent  du  succès  à  leur 
heure.  M.  Duprato  semble  s'être  voué  complètement  au 
professorat. 

DUPRAY  (Henri-Louis),  peintre  français  contemporain, 
né  à  Sedan  (Ardennes)  le  3  nov.  4844.  Elève  de  L.Cogniet 
et  de  Pils,  cet  artiste  commença  par  suivre  la  carrière  mili- 
taire, et  ce  fut  à  la  suite  d'une  chute  de  cheval  qu'il  dut  y 
renoncer  définitivement.  Il  peint  exclusivement  des  scènes 
miUtaires,  et  y  apporte  des  qualités  d'observation  humoris- 
tique et  de  finesse  de  touche  qui  lui  donnent  une  place  hono- 
rable parmi  les  peintres  de  sa  spécialité.  On  peut  citer  comme 
ses  meilleurs  ouvrages,  après  ses  débuts  au  Salon  de  4863  : 
la  Revue  des  trois  souverains  dans  la  plaine  de  Long- 
champ,  le  6  juin  1861  (S.  4868)  ;  la  Bataille  de 
Waterloo  (S.  4870);  Grand' Garde  aux  environs  de 
Paris,  pendant  le  siège  (S.  4872);  Visite  de  V amiral 
La  Roncier e  Le  Noury  et  du  général  Ducroi  aux 
avant-postes,  pendant  le  siège  :  les  deux  tableaux  pré- 
cédents sont  de  véritables  documents  sur  le  siège  de  Paris, 
et  reproduisent  avec  la  plus  grande  vérité  la  physionomie 
des  environs  de  Paris  en  déc.  4874  ;  F  Arrivée  à  l'étape 
(S.  4878);  Un  Capitaliste  (S.  4879),  petite  scène  dro- 
latique rendue  très  populaire  par  la  gravure.  Depuis  4880, 
les  tableaux  de  cet  artiste  sont  plus  rares  aux  Salons 
annuels  ;  le  principal  de  ceux  qui  y  ont  figuré  depuis  cette 
époque  a  excité  une  grande  curiosité  par  son  sujet  même  ; 
il  représente  V Impératrice  Eugénie  quittant  Paris  in- 
cognito, après  la  proclamation  de  la  République. 
Sept.  1870  (S.  [SS4^).  Ad.  T. 

DUPRÉ  (Jean),  poète  français,  mort  dans  la  première 
moitié  du  xvi®  siècle.  Il  servit  dans  la  compagnie  du  grand 
écuyer  de  France  et  fut  blessé  à  la  bataille  de  Pavie.  On 
lui  doit  le  Palais  des  nobles  dames  (s.  l.  n.  d.  [4534?], 
in-8),  poème  assez  curieux  en  ce  qu'il  constitue  une  sorte 
degaleiiedes  femmes  célèbres  anciennes  et  modernes. 

DUPRÉ  (Guillaume),  sculpteur  et  célèbre  médailleur 
français,  né  à  Sissonne,  près  de  Laon,  d'une  famille  pro- 
testante, vers  4  574,  mort  le  8  juin  4647.  On  peut  croire 
qu'il  eut  pour  maître  son  coreligionnaire,  le  sculpteur 
Barthélémy  Prieur,  dont  il  épousa  la  fille,  Madeleine,  vers 
4600  ou  4601.  Il  acquit  dans  la  sculpture  une  réputation 
qui  nous  est  attestée  par  le  témoignage  de  l'abbé  de  Ma- 


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DUPRÉ 


rolles  :  «  Dupré  le  bon  sculpteur  »,  et  surtout  par  les  charges 
de  sculpteur  ordinaire  du  roi  et  de  commissaire  général 
des  fontes  de  l'artillerie  dont  il  fut  successivement  pourvu. 
Il  ne  nous  reste  d'ailleurs  qu'un  monument  authentique  de 
son  talent  de  sculpteur,  un  très  beau  buste  en  marbre  de 
Dominique  de  Vic^  vicomte  d'Ermenonville,  qui  porte  sa 
signature  et  la  date  1610  (musée  du  Louvre).  Son  œuvre  de 
médailleur  est  bien  autrement  considérable  ;  il  nous  a  laissé 
près  de  soixante  médailles  pour  la  plupart  signées.  Elles  ont 
été  toutes  fabriquées  à  l'aide  du  procédé  de  la  fonte.  La 
première  en  date  est  de  1597.  Elle  représente,  au  droit, 
Henri  IV  en  Hercule,  et,  au  revers,  Gabrielle  d'Estrées. 
Pour  les  années  1600  et  1601,  on  peut  citer  plusieurs 
médailles  à  l'effigie  royale,  les  médailles  de  François  de 
Bonne  de  Lesdiguières,  de  Balthazar  de  Villars,  de  Claude 
Expilly,  d'Antoine  Guiot,  seigneur  de  Chauveau,  et  de 
Hiéron  de  Villars,  archevêque  de  Vienne.  Les  médailles  de 
l'union  de  Mars  et  de  Pallas,  fondues  lors  de  la  naissance 
du  dauphin,  marquent  l'apogée  du  maître.  Elles  obtinrent 
un  succès  mérité  qui  valut  à  leur  auteur  les  lettres  patentes 
du  28  juil.  1603  qui  permettaient  à  Guillaume  Dupré  de 
tenir  publiquement  des  forges  et  des  fourneaux,  dans  les 
galeries  du  Louvre,  pour  fondre  les  exemplaires  d'or  et 
d'argent,  d'en  faire  seul  pendant  dix  ans,  ainsi  que  d'autres 
pièces  analogues,  et  de  les  vendre  partout  où  bon  lui  sem- 
blerait ;  défense  était  faite  aux  orfèvres,  mouleurs  de  sable 
ou  autres  de  les  reproduire  afin  d'en  faire  leur  profit.  Les 
gardes  de  l'orfèvrerie  s'opposèrent  à  l'enregistrement  de 
ces  lettres,  mais  un  arrêt  de  la  cour  des  Monnaies  du 
1^^  oct.  les  débouta  en  donnant  raison  à  Guillaume  Dupré. 
Fort  de  ce  privilège,  le  médailleur  royal  dut  multiplier  les 
exemplaires  de  sa  médaille  de  Mars  et  de  Pallas  ;  le  plus 
remarquable  par  la  grandeur  du  module  (18o  millim.)  et 
la  beauté  de  l'exécution  est  sans  contredit  celui  de  1605 
(cab.  des  médailles).  Cette  même  date  de  1605  se  retrouve 
sur  une  médaille  à  l'effigie  de  Philippe  de  Nassau. 

La  charge  de  contrôleur  général  des  effigies  des  monnaies 
étant  devenue  vacante  par  la  mort  de  Philippe  II  Danfrie, 
Henri  IV  la  donna  d'abord  à  Jean  Pilon,  petit-fils  de  Ger- 
main Pilon,  puis  revenant  sur  cette  décision,  il  nomma  à 
cet  office  Guillaume  Dupré,  le  7  oct.  1604.  Mais  Jean  Pilon 
protesta  énergiquement  contre  sa  dépossession  ;  il  réussit 
à  obtenir  d'exercer  l'office  de  son  aïeul  conjointement 
avec  Guillaume  Dupré  (1606).  Dans  l'exercice  de  leur 
charge  commune,  Jean  Pilon  et  Guillaume  Dupré  paraissent 
avoir  déployé  peu  d'activité.  En  effet,  le  28  août  1607, 
la  cour  des  Monnaies  dut  leur  enjoindre  de  fournir  chacun 
au  graveur  général,  sous  peine  de  privation  de  leurs 
gages,  une  cire  pour  fabriquer  les  poinçons  des  monnaies. 
A  partir  de  cette  époque  Guillaume  Dupré  multiplia  ses 
productions.  Parmi  les  nombreuses  médailles  qui  nous  sont 
parvenues,  il  faut  mentionner  la  médaille  de  J.-L.-iV.  de 
La  Valette,  duc  d'Epernon  (1607);  celles  aux  bustes 
accolés  du  jeune  roi  Louis  XIII  et  de  la  régente,  Marie 
deMédicis  (1611);  du  doge  de  Venise,  Antonio  Memmo, 
du  cardinal  Maffeo  Barberini,  plus  tard  Urbain  VIII 
(1612),  de  Christine  de  Lorraine,  duchesse  de  Toscane 
(1613),  de  Pierre  Jeannin  de  Castille  (1618),  de  Louis  XIH 
(1623),  de  Marie  de  Médicis  (1624).  Le  23  mai  1639, 
Guillaume  Dupré  résigna  à  son  fils  Abraham  la  charge 
de  contrôleur  général  des  effigies,  ce  qui  fut  consacré  par 
la  cour  des  Monnaies  le  28  févr.  1641. 

Par  l'importance  de  son  œuvre,  parla  variété  de  sa  fac- 
ture, par  la  valeur  artistique  de  la  plupart  de  ses  médailles, 
Guillaume  Dupré  mérite  la  première  place  parmi  les  médail- 
leurs  français.  Il  ne  le  céderait  qu'à  Germain  Pilon  si  toutes 
les  médailles  assignées  à  celui-ci  étaient  d'une  attribution 
indiscutable.  Il  est  sans  hésitation  possible  très  au-dessus  des 
autres  médailleurs  français  et,  quoique  inférieur  aux  maîtres 
italiens  du  xv^  siècle,  égal  ou  supérieur  à  ceux  du  xvi^. 
—  Des  trois  fils  que  Guillaume  Dupré  avait  eus  de  Madeleine 
Prieur,  Abraham,  né  en  1604,  mort  le  8  juin  1647,  fut 
le  seul  qui  suivit  la  carrière  paternelle.  Ses  premiers  tra- 


vaux datent  de  1624.  Tout  jeune  encore,  il  fond  la  mé- 
daille de  J.  Boiceau  de  La  Barrauderie ,  intendant  des 
bâtiments,  œuvre  d'une  facture  si  habile  pour  un  débutant 
qu'on  peut  soupçonner  que  Guillaume  Dupré  en  surveilla 
ou  même  en  aida  l'exécution.  L'œuvre  certaine  d'Abraham 
Dupré  est  fort  restreinte.  On  peut  à  peine  citer  une  dizaine 
de  médailles  fondues  bien  inférieures  à  celles  de  son  père, 
parmi  lesquelles  se  trouvent  celles  de  Charles  Delorme 
(1626),  de  Victor-Amédée,  duc  de  Savoie,  et  de  sa  femme 
Christine  de  France  (1636),  de  Louis  XHI  et  de  Riche- 
lieu (1641).  Abraham  avait  épousé  Denise  Truffault,  dont 
il  avait  eu  un  fils,  Charles,  sur  lequel  on  n'a  aucun  ren- 
seignement biographique.  Jean  Varin  succéda  à  Abraham 
Dupré  dans  le  contrôle  des  effigies.         F.  Mazerolle. 

BiBL.  :  Jal,  Dictionnaire  critique  debiographie  et  d'his- 
toire; Paris,  2«  édit.,  1872.  —  J.  Guiffrey,  Guillaume 
Dupré,  sculpteur  et  médailliste,  dans  Nouv.  Arch.  de  Vart 
français,  1872,  pp.  178-179  ;  Guillaume  Dupré,  sculpteur  et 
graveur  en  médailles,  et  Jean  Pilon  {ih.,  1876,  t.  IV,  pp.  172 
et  suiv.).  —  Ed.  Fi.eury,  Guillaume  Dupré  de  Sissonne, 
statuaire  et  graveur  en  médailles;  Laon,  1883. 

DUPRÉ  (Augustin),  graveur  en  monnaies  et  médailleur 
français,  né  à  Saint-Etienne  le  6  oct.  1748,  mort  à  Ar- 
mentières,  près  de  Meaux,  le  30  janv.  1833.  Il  fut  nommé 
graveur  général  des  Monnaies  le  II  juil.  1791,  par  décret 
de  l'Assemblée  nationale.  Il  succédait  à  Benjamin  Duvivier. 
C'est  lui  qui  créa  le  type  du  génie  pour  les  espèces  d'or  et 
d'argent,  type  repris  pour  For  depuis  1870.  Augustin 
Dupré  grava  quelques  médailles  et  quelques  jetons  d'un 
très  joli  style.  Il  fut  révoqué  de  sa  charge  par  décret  du 
premier  consul  le  12  mars  1803.  F.  M. 

BiBL.  :  A.  Barre,  Graveurs  généraux  et  particuliers 
des  Monnaies  de  France,  dans  Annuaire  de  la  Société  fran- 
çaise de  numismatique  et  d'archéologie,  1867,  t.  II,  pp.  154. 
—  SuDRE,  Concours  ouvert  en  1191  pour  le  type  des  mon- 
naies françaises  et  la  place  de  graveur  général  des  mon- 
naies; môme  recueil,  1885,  t.  IX,  pp.  218  et  suiv. 

DUPRE  (Louis),  peintre  français,  né  à  Versailles  le 
9  janv.  1789,  mort  à  Paris  le  12  6ct.  1837.  H  fut  élève 
de  L.  David  et  il  est  surtout  connu  par  ses  portraits  et  par 
des  tableaux  de  genre  et  des  paysages  dont  les  motifs  ont 
été  empruntés  à  Fhistoire  ou  à  la  nature  de  la  Grèce. 

DUPRÉ  (x\thanase),  mathématicien  et  physicien  fran- 
çais, né  en  1808,  mort  le  10  août  1869.  Il  fut  reçu  à 
l'Ecole  normale  supérieure  à  l'âge  de  dix-huit  ans,  puis 
trois  ans  après  remporta  le  premier  rang  au  concours  de 
l'agrégation  des  sciences.  Il  fut  ensuite  successivement 
professeur  de  mathématiques  et  de  physique  au  collège 
royal  de  Bennes.  Il  appartint  ensuite  ^à  la  Faculté  des 
sciences  de  Bennes,  dont  il  fut  doyen  en  1853,  comme 
professeur  de  mathématiques  pures  et  appliquées.  Comme 
mathématicien,  il  a  laissé  quelques  mémoires  assez  esti- 
més; comme  physicien,  ses  travaux  sont  presque  tous 
relatifs  à  des  sujets  de  physique  mathématique  ;  la  théorie 
mécanique  de  la  chaleur  a  surtout  fait  l'objet  de  ses 
recherches  théoriques  et  de  ses  expériences.  Voici  le  titre 
de  ses  principaux  mémoires  :  Sur  la  Déviation  au  sud 
des  corps  qui^  tombent  {Comptes  rendus  de  VAcad.  des 
sciences,  L,  588)  ;  Sur  la  Mesure  des  densités  des  va- 
peurs saturées  (id.,  LIV,  972);  Sur  la  Loi  des  ten- 
sions des  vapeurs  (id.,  LVIII,  806)  ;  Sur  la  Condensation 
des  vapeurs  pendant  la  détente  ou  la  compression 
(id.,Lyi,  960)  ;  Expériences  sur  les  variations  de  tem- 
pératures produites  dans  une  masse  d'air  par  un  chan- 
gement de  volume  (Annales  de  chimie  et  de  physique 
(3),  LXVII,  359)  ;  Sur  les  Lois  de  compressihilité  et  de 
dilatation  de  gaz  (Comptes  rendus,  LIX,  490)  ;  Sur  la 
Vitesse  d'écoulement  des  gaz  (id.,  LVII,  p.  1004); 
Théorie  des  gaz  {id.,  V\,  p.  905);  Sur  r Attraction 
au  contact  (id.,  LVIII,  163,  LXIV,  741),  et  de  nombreux 
mémoires  Sur  la  Théorie  mécanique  de  la  chaleur,  pu- 
bliés dans  les  Annales  de  chimie  et  de  physique  (¥  série, 
t.  II  à  VII,  IX,  XI,  XIV).  Il  a  résumé  ses  études  sur  ce 
sujet  dans  un  Traité  de  la  théorie  mécanique  de  la  cha- 
leur où  l'attraction  au  contact  est  très  développée  et  fait 
l'objet  d'un  grand  nombre  d'expériences.      A.  Joaninis. 


DUPRE 


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DU  PRÉ  (Germain),  homme  politique  français,  né  à  Ar- 
gelès-de-Bigorre  (Hautes-Pyrénées)  le  40  janv.  4811.  Doc- 
teur en  médecine,  professeur  de  clinique  à  la  Faculté  de 
Montpellier,  il  se  présenta  sans  succès  aux  élections  séna- 
toriales du  30  janv.  d  876  dans  les  Hautes-Pyrénées,  avec 
un  programme  républicain,  et  fut  élu  le  8  janv.  1882.  H 
siégea  parmi  les  modérés  et  ne  se  prononça  pas  dans  la 
question  du  boulangisme.  H  n'a  pas  été  réélu  aux  élections 
du  4  janv.  1891.  Membre  correspondant  de  l'Académie  de 
médecine,  il  a  écrit  :  Considérations  cliniques  sur  les 
fluxions  de  poitrine  de  nature  catarrhale  (Montpellier, 
1860,  in-8)  ;  De  la  Liberté  de  renseignement  médical 
(Paris,  1865,  in-8). 

DU  PRÉ  (Jules),  paysagiste  de  l'école  française  contem- 
poraine, né  à  Nantes  le  5  avr.  1811,  mort  à  L'Isle-Adam 
le  6  oct.  1889.  Son  père,  originaire  de  L'Isle-Adam,  s'était 
d'abord  livré  à  la  pemture  avant  d'exploiter  une  fabrique 
de  porcelaine  installée  à  Parmain  et  que,  dans  sa  pensée, 
son  fils  devait  reprendre  après  lui.  Celui-ci,  après  un  court 
apprentissage,  était  déjà  employé  à  décorer  des  assiettes, 
quand   son  père  fut  appelé  à  diriger  une  autre  fabrique 
dans  le  Limousin  où  il  le  suivit.  Plusieurs  de  ses  études 
faites  d'après  nature  dans  les  environs  attirèrent  l'attention 
de  quelques  personnes  qui  les  acquirent  pour  un  prix  très 
modique.  Ce  fut  là  pour  le  jeune  homme  un  encourage- 
ment à  se  livrer  à  la  peinture.  Ce  qu'il  put  voir  des  pre- 
miers essais  de  Cabat,  de  Paul  Huet,  de  Fiers  et  de  Rous- 
seau, associés  de  plus  près  que  lui  aux  débuts  de  notre 
école  paysagiste,  l'enhardit  dans  la  voie  où  il  s'était  engagé, 
et,  comme  ces  artistes  dont  il  devenait  bientôt  l'émule,  il 
demanda  résolument  à  la  nature  ses  enseignements.  Dès 
1831,  il  exposait  avec  un  Intérieur  de  forêt  dans  la 
Haute-Vienne,  une  Vue  de  VIsle-Adam  eim Intérieur 
de  cour  qui  attirèrent   sur   lui   l'attention.  En  1833, 
l'Heure  de  la  soupe,  les  Environs  de  Paris  et  la  Vallée 
de  Montmorency  confirmèrent  ce  premier  succès.  Sociable, 
affectueux,  Dupré  recherchait  la  compagnie  de  ses  con- 
frères et,  à  la  suite  du  Salon  de  1833,  il  était  allé  s'instal- 
ler dans  le  Berry  pour  y  faire  quelques  études  avec  son 
frère,  avec  Jules  André  et  Troyon  qui  avait  commencé 
comme  lui  par  peindre  sur  porcelaine.  Il  rapporta  de  cette 
campagne  les  éléments  des  tableaux  qu'il  envoya  au  Salon 
de  1834.  Il  avait  également  trouvé  dans  Cabat  un  compa- 
gnon de  travail,  et  tous  deux  installés  dans  un  coin  pitto- 
resque de  l'Indre,  à  Tendu,  s'étaient  casés  chez  un  auber- 
giste qui,  pour  la  somme  aujourd'hui  invraisemblable  de 
4  fr.  50  par  jour,  leur  fournissait  une  chambre  propre^  et 
une  nourriture  frugale,  mais  suffisamment  abondante.  C'est 
là  que  Jules  Dupré  fit  les  études  pour  cet  Intérieur  de 
ferme  qui,  vendu  d'abord  260  fr.,  atteignit  le  prix  de 
20,000  fr.  à  la  vente  Faure.  Entre  temps,  il  avait  aussi 
parcouru  l'Angleterre  où  un  amateur  anglais,  lord  Graves, 
qui  avait  acheté  un  de  ses  premiers  tableaux,  l'avait  engagé 
à  le  visiter.  La  nature  de  ce  pays  l'avait  vivement  frappé, 
et  les  paysagistes  anglais,  Constable  notamment,  dont  il 
avait  pu  voir  des  œuvres  dans  les  musées,  devaient  exercer 
sur  le  développement  de  son  talent  une  influence  considé- 
rable. Par  la  variété  et  l'éclat  des  ouvrages  qu'il  y  avait 
envoyés,  le  Salon  de  1835  mit  le  comble  à  sa  réputation. 
Outre  un  Bois  daris  la  Creuse,  on  y  remarquait,  en  effet, 
les  Environs  de  Southampton  et  le  Pacage  limousin 
qu'on  a  pu  revoir  récemment  à  TExposition  universelle  de 
1889.  Dans  ces  deux  tableaux,  on  pouvait  admirer  une 
impression  rendue  saisissante  par  la  puissance  du  coloris 
et  la  force  des  contrastes.  Le  premier  surtout,  popularisé 
par  la  lithographie  et  la  gravure,  est  devenu  justement 
célèbre.  Avec  son  cours  d'eau  coulant  à  pleins  bords  au 
milieu  de  prairies  d'une  verdure  opulente  et  ces  chevaux 
tout  frémissants  sous  les  approches  de  l'orage,  cette  toile 
est  comme  animée  d'un  souffle  lyrique.  Dans  le  Pacage  du 
Limousin,  peut-être  supérieur  encore,  Dupré  avait  rendu 
ave^.  une  singuUère  poésie  la  richesse  d'aspect  et  la  sève 
débordante  d'une  chaude  journée  d'été  et,  malgré  l'extrême 


hardiesse  de  la  donnée,  il  avait  su  tirer  un  parti  magni- 
fique de  l'opposition  que  lui  offraient  les  ombrages  épais 
d'arbres  immenses  avec  un  ciel  d'un  bleu  violent  dans 
lequel  roulent  de  gros  nuages  blanchâtres. 

Les  expositions  suivantes  ne  firent  que  consacrer  la 
renommée   du  peintre.    Très  modeste  lui-même,  il  était 
plein  d'admiration   pour  le  talent   de  ses  confrères,  et 
il  ne  cessait  pas  de  les  prôner  autour  de  lui.  Lié  alors 
avec  Rousseau  dont  les  œuvres  lui  avaient  causé  un  véri- 
table enthousiasme,  il  cherchait  à  procurer  des  acheteurs 
à  son  ami,  bien  que  sa  propre  situation  ne  fût  pas  alors  très 
brillante.  Plus  tard,  il  devait  s'employer  avec  une  généro- 
sité pareille  à  vanter  les  mérites  de  Millet  dont  il  appréciait 
la  peinture  d'un  mot  piquant  et  juste  en  disant  que  «c'était 
la  tragédie  du  travail  ».   La   conduite   de  Dupré  était 
d'autant  plus   méritoire   que   lui-même  resta  longtemps 
dans  une  position  assez  difficile.  Etranger  [à  toute  coterie, 
il  laissait,    comme  il  disait,  «  ses  tableaux  faire  leur 
chemin  tout  seuls,  chose  difficile  à  une  époque  où  tout 
s'obtient  par  les  relations  ».  Il  avait  été  décoré  en  1849  ; 
mais,  à  partir  de  l'année  1852  où  il  avait  envoyé  au  Salon 
un  Coucher  de  soleil,  un  Pacage,  et  une  Entrée  de 
hameau  dans  les  Landes,  tableau  éclatant  de  lumière,  il 
se  retira  des  expositions  annuelles.  Au  lieu  de  chercher, 
comme  tant  d'autres  de  ses  confrères,  à  occuper  le  public 
de  sa  personne,  il  se  sentait  un  goût  toujours  plus  marqué 
pour  la  retraite  et  il  alla  s'installer  à  L'Isle-Adam.  Ce  n'était 
pas  le  moven  d'avancer  ses  aff'aires;  mais,  au  prix  d'une 
vie  plus  difficile  encore,  il  avait  besoin  du  calme  de  la  cam- 
pagne. «  J'aurai  peut-être  un  morceau  de  pain  quand  je 
n'aurai  plus  de  dents  »,  disait-il  en  souriant.  Il  goûtait 
pleinement  du  moins  le  charme  de  cette  retraite  qui  lui  per- 
mettait d'étudier  de  plus  près  la  nature  et  en  toute  saison. 
«  La  campagne  devient  charmante,  écrivait-il  quelques 
années  après,  au  printemps  de  1857  ;  les  feuilles  poussent, 
les  oiseaux  chantent  et  se  disent  même  beaucoup  de  choses. 
On  voit  bien  que  ces  heureux  enfants  de  la  feuillée  ne  crai- 
gnent pas  les  échéances.  »  Loin  des  importuns,  il  pouvait 
désormais  se  hvrer  tout  entier  à  son  art  et  renouveler 
incessamment  ses  impressions.  Doué  d'une  sensibiUté  très 
vive,  il  exprimait  avec  chaleur  ses  admirations  pour  un 
beau  ciel,  pour  un  de  ces  eff'ets  saisissants  dont  il  guettait 
l'apparition  et  dont  la  vue  le  remplissait  d'enthousiasme. 
La  lumière  était  sa  principale  préoccupation  ;  aussi  Claude 
Lorrain  était-il  son  peintre  préféré  et  il  ne  pouvait  soufi^rir 
que  devant  lui    on  hasardât  quelques  critiques  sur  son 
œuvre.  Dans  une  courte  notice  sur  Dupré,  qui  était  son 
cousin,  M.  Jules  Claretie  parlant  de  l'importance  qu'il  atta- 
chait surtout  à  la  lumière,  cite  de  lui  le  propos  suivant  : 
«  Le  ciel  est  devant  un  arbre,  dans  un  arbre,  derrière  un 
arbre,  il  est  partout.  Le  ciel,  c'est  l'air  dans  un  paysage.  » 
Malheureusement,  pour  arriver  à  rendre  ces  effets  lumi- 
neux, l'artiste  avait  eu  de  bonne  heure  recours  à  des  em- 
pâtements parfois  excessifs.  Avec  le  temps,  il  en  vint  à 
accumuler  sur  ses  toiles  ces  épaisseurs  de  matière  qui 
donnent  à  un  certain  nombre  de  ses  tableaux  une  rudesse 
d'aspect  et  une  monotonie  regrettable  d'exécution.  A  l'Ex- 
position universelle  de  1867,  Dupré  reparut  avec  une  Forêt 
de  Compiègne,  la  Gorge  des  Eaux-Chaudes,  un  Pacage 
du  Berry  et  deux  autres  des  Landes  et  de  la  Sologne. 
Cette  apparence  un  peu  lourde  de  sa  facture  et  peut-être 
plus  encore  l'isolement  où  le  peintre  avait  vécu  nuisirent  à 
son  succès  et,  lors  de  la  distribution  des  récompenses,  son 
nom  n'arriva  qu'à  un  rang  assez  reculé.  Bien  que  froissé 
par  un  classement  que  ses  confrères  du  jury  auraient  pu 
sans  doute  lui  éviter  en  prenant  un  peu  plus  chaleureuse- 
ment en  main  la  cause  de  l'absent,  il  n'en  témoigna  aucune 
aigreur  et  continua  avec  la  même  vaillance  et  la  même 
dignité  sa  vie  de  travail.  De  temps  à  autre,  d'ailleurs,  la 
presse  et  ses  amis  lui  apportaient  l'écho  des  succès  qu'il 
obtenait  dans  des  expositions  particulières,  notamment  dans 
celle  de  la  collection  Marmontel  (mai  1868)  qui  comptait 
quelques-uns  de  ses  meilleurs  tableaux  et  entre  autres  une 


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DUPRE 


clairière  avec  des  vaches  et  des  troncs  d'arbres  abattus  au 
premier  plan,  peinture  très  puissante  et  comme  pénétrée 
du  soleil. 

Enfermé  à  Cayeux-sur-Mer  pendant  toute  la  durée  delà 
guerre  de  1870,  Dupré  trouvait  au  milieu  de  cette  contrée 
déserte  et  misérable  une  nature  qui  répondait  aux  tristesses 
dont  son  âme  était  remplie.  Il  s'attachait  surtout  à  en 
reproduire  les  aspects  les  plus  désolés.  Les  marines  qu'il 
peignit  pendant  ce  lugubre  hiver  sont  saisissantes  et  jamais 
il  n'avait  traduit  avec  cette  éloquence  les  impressions  qui 
s'agitaient  en  lui.  Parfois  encore,  dans  ses  Clairs  de  lune, 
un  pâle  rayon  perçant  les  nuages  assombris  vient  se  jouer 
et  se  perdre  parmi  les  flots,  mais  le  plus  souvent  dans  ces 
ciels  mornes,  dans  ces  menaces  de  la  mer  et  de  la  tempête 
conjurées  contre  les  humbles  cabanes  des  pêcheurs,  on  sent 
comme  une  image  fidèle  de  son  désespoir  et  de  son  acca- 
blement. Après  la  guerre,  Dupré  avait  retrouvé  avec  bon- 
heur son  cher  village  et  repris  courageusement  ses  pinceaux. 
Peu  à  peu  les  rangs  s'éclaircissaient  autour  de  lui  :  Paul 
Huet,  Rousseau,  Corot,  avaient  successivement  disparu  et 
il  était  maintenant  un  des  rares  survivants  de  ces  vaillants 
ouvriers  de  la  première  heure.  Son  talent,  la  dignité  de 
son  caractère  étaient  de  plus  en  plus  appréciés  à  leur 
valeur,  et  les  amateurs  recherchaient  ses  œuvres.  A  la 
vente  Wilson,  les  Environs  de  Soidhampton  qui  lui 
avaient  été  autrefois  achetés  500  fr.  par  le  sculpteur  Fra- 
tin,  atteignaient  le  prix  de  48,000  fr.  aux  enchères  pu- 
bliques. Les  marchands  avaient  appris  le  chemin  de  son 
atelier  et  l'aisance  était  entrée  peu  à  peu  dans  son  intérieur. 
En  4872,  il  avait  pu  acheter  à  L'Isle-Adam  une  maison  assez 
spacieuse  qu'il  avait  fait  approprier.  Aimant  la  nature,  pas- 
sionné pour  son  art,  il  se  plaisait  à  s'entretenir  avec  ses 
amis,  à  leur  communiquer  les  idées  qu'il  s'était  faites  sur 
les  sujets  qui  lui  tenaient  le  plus  au  cœur,  et  dans  la  viva- 
cité de  ces  entretiens  familiers  il  donnait  à  ses  pensées  une 
expression  à  la  fois  chaleureuse  et  originale.  C'était  sa  con- 
viction que  «  toute  œuvre  d'art  doit  partir  des  sens  pour 
arriver  à  la  pensée,  comme  un  arbre  qui  a  sa  cime  en  plein 
ciel  et  ses  racines  en  pleine  terre  ».  Il  avait  pris  part  à 
l'Exposition  universelle  de  1889  et  ses  admirateurs  avaient 
pu  y  voir,  à  côté  de  quelques-uns  de  ses  ouvrages  les  plus 
renommés,  d'autres  tableaux  ignorés  jusque-là^  empruntés 
à  des  collections  privées  :  Une  Allée  dans  le  parc  de 
Stors  ;  l'Orage  en  mer,  les  Barques  échouées  au  clair 
de  lune  ;  le  Marais,  Un  Ravin.  La  mort  devait  le  sur- 
prendre en  plein  succès,  avant  la  fin  de  cette  Exposition  ; 
le  6  oct.  1889  il  était  emporté  par  une  congestion  pulmo- 
naire, après  avoir  subi  au  mois  d'avril  de  cette  année  l'opé- 
ration de  la  pierre  dont,  avec  sa  vigoureuse  constitution, 
il  semblait  s'être  complètement  remis.  Un  de  ses  derniers 
tableaux,  terminé  à  la  veille  même  de  sa  mort,  fut  acheté 
20,000  fr.  par  le  duc  d'Aumale,  à  la  vente  de  son  atelier 
qui  eut  lieu  le  30  janv.  1890  et  qui,  avec  les  œuvres  d'art 
qui  formaient  sa  collection  particulière,  atteignit  le  chiffre 
total  de  208,760  fr.  Dans  les  dessins  de  Jules  Dupré  qui 
figurèrent  en  assez  grand  nombre  à  cette  vente,  l'effet  est 
très  largement  indiqué.  Ils  sont  d'habitude  exécutés  sur 
papier  teinté  aux  crayons  noir  et  blanc;  en  quelques  traits, 
l'artiste  y  indique  avec  autant  de  sûreté  que  de  justesse  les 
formes  principales  et  les  relations  des  valeurs  entre  elles. 
Dupré  a  aussi  collaboré  avec  Eugène  Lami  au  tableau  de 
la  Bataille  d'Hondschoote,  aujourd'hui  au  musée  de  Lille. 

Emile  Michel. 

BiBL.  :  Bellier  de  La  Ciiavignerie,  Dictionnaire  des 
artistes  de  VEcole  française.  —  J.  Claretie,  VArt  et  les 
Artistes  français  contemporains,  in-12.  —  A.  Hustin, 
Jules  Dupré,  dans  le  journal  VArt,  n»»  du  15  oct.  1889  et  du 
15  juin  18U0. 

DUPRÉ  (Marie-Jules),  amiral  français,  né  à  Strasbourg 
le  13  nov.  1813,  mort  àParis  le  8  fév.  1881 .  Il  était  aspirant 
de  marine  en  1831,  capitaine  de  frégate  en  1854,  capitaine 
de  vaisseau  en  1858,  contre-amiral  en  1867,  et  vice-amiral 
en  1875.11  commandaitla  batterie  flottante  la  Tonnante, 
au  bombardement  de  Kinburn,  conclut  un  traité  de  com- 


merce avec  Radama,  roi  de  Madagascar,  et  exerça  succes- 
sivement les  fonctions  de  gouverneur  de  la  Réunion  et  de 
la  Cochinchine.  Il  occupait  ce  dernier  poste  au  moment 
de  la  première  expédition  du  Tonkin,  oti  Francis  Garnier 
perdit  la  vie. 

DUPRÉ  (Giovanni),  sculpteur  italien,  né  à  Sienne  le 
1^^^  mars  1817,  mort  à  Florence  le  10  janv.  1882.  Fils 
d'un  sculpteur  sur  bois,  il  travailla  d'abord  avec  son 
père,  puis  vint  à  Florence  où  il  suivit  les  leçons  et  subit 
l'influence  de  Bartolini.  Son  début  (une  figure  terre), 
Abel  mort,  fut  d'abord  refusé  à  l'exposition  publique 
de  l'Académie  ;  le  jury  des  professeurs  l'accusait  d'être 
un  moulage  sur  nature.  Rartolini  intervint  dans  la  dis- 
cussion, fit  venir  le  modèle,  constata  que  ses  mesures 
ne  correspondaient  pas  exactement  à  celle  de  la  statue,  et 
l'admission  fut  votée  (palais  Pitti,  bronze).  Le  Caïn  qui 
suivit  (1845),  acheté  par  l'archiduchesse,  obtint  moins  de 
succès.  Vinrent  ensuite  Giotto  et  Saint  Antoine  (\]ffm), 
et  Pie  H  pour  l'église  San  Domenico  de  Sienne.  Un  voyage 
à  Rome  oti  il  s'éprit  de  Canova  (monument  de  Pie  VI) 
modifia  sa  manière.  Il  s'adonna  à  l'allégorie.  De  cette 
période  datent  Sapfio  mourante,  le  monument  de  la  com- 
tesse Ferrari  Corbelli  à  San  Lorenzo  (1 859),  h  Bacchante 
lassée,  Bacchus  enfant,  etc.  Peu  après  il  exécutait  pour  la 
lunette  du  portail  de  l'église  Santa  Croce  de  Florence  un 
grand  reUef  allégorique  symbolisant  le  Triomphe  de  la 
Croix.  En  1865,  Dupré  achevait  pour  le  cimetière  de  la 
Misericordia  de  Sienne  une  Pieta  qui  est  peut-être  son 
œuvre  la  plus  parfaite.  A  l'Exposition  universelle  de  Paris, 
en  1867,  Jean  Dupré  obtint  un  grand  succès.  On  lui  décerna 
une  des  médailles  d'honneur  de  la  sculpture.  Il  exposait  la 
Base  de  la  coupe  égyptienne,  rapportée  d'Egypte  par  les 
Romains,  conservée  à  Rome,  donnée  par  Clément  VU  aux 
Médicis  et  envoyée  à  Florence.  Dupré  tut  chargé  d'orner  de 
bas-reliefs  le  socle  qui  supporte  cette  coupe  colossale  ;  il  y 
symboHsa  en  quatre  groupes,  composés  chacun  d'une  femme 
et  d'un  génie  :  Piome  païenne,  Piome  chrétienne,  VEtrurie 
et  Alexandrie.  A  la  même  Exposition  figuraient  la  Dépo- 
sition de  croix  et  le  Triomphe  de  la  croix.  On  y  admi- 
rait surtout  une  extrême  habileté  à  travailler  le  marbre. 
Mais  on  n'y  relevait  pas  encore  les  défauts  oti  l'école  ita- 
lienne est  tombée  de  plus  en  plus  pour  en  arriver  enfin 
jusqu'à  la  puérilité  dans  la  dextérité  et  les  tours  de  force 
de  l'outil.  En  1878,  il  exposait  deux  bustes  pleins  de  vie 
et  même  un  peu  grimaçants,  mais  qui,  au  milieu  du  débor- 
dement de  la  jeune  école  ultramontaine,  passaient  pour  «  les 
derniers  représentants  de  l'art  sévère  ».  Son  œuvre  la  plus 
célèbre  est  le  Monument  de  Cavour,  à  Turin,  achevé 
en  1872.  Le  ministre  relevant  l'Italie  est  entouré  de  dix 
grandes  figures  allégoriques  dont  plusieurs  sont  d'un  réa- 
lisme puissant.  On  a  vivement  reproché  à  ce  sculpteur 
l'abus  de  l'allégorie  et  la  tendance  à  sacrifier  la  vérité 
naturelle  et  la  beauté  sculpturale  à  l'expression  et  aux 
idées  abstraites.  Il  a  écrit  Pensieri  suWarte  e  ricordi 
autobiografici.  A.  Michel. 

DUPRE  (Julien),  peintre  d'animaux  et  de  scènes  cham- 
pêtres de  l'école  française  contemporaine,  né  à  Paris  le 
18  mars  1851.  Elève  de  Pils,  de  Langée  et  de  Henri  Leh- 
mann,  il  a  envoyé  depuis  1876  aux  diverses  expositions  des 
tableaux  inspirés  par  les  travaux  de  la  campagne  et  qui 
ont  été  remarqués  pour  l'éclat  de  leur  couleur,  générale- 
ment brillante  et  gaie,  tels  que  :  les  Faucheurs  de  seigle 
en  Picardie  (1877);  les  Lieurs  de  gerbes  (1878)  ;/<^ 
Regain  et  les  Glaneuses  (iS19)  et  une  Fenaison  (1881). 
Depuis  cette  époque,  il  s'est  plus  particulièrement  consacré 
à  la  peinture  d'animaux,  des  vaches  surtout  qu'il  peint 
avec  beaucoup  de  vérité.  Le  musée  du  Luxembourg  possède 
deux  de  ses  tableaux:  les  Faucheurs  de  luzerne  (1880) 
et  la  Vache  enragée. 

DUPRÉ  DE  Saint -Maur  (Nicolas  -  François) ,  écono- 
miste français,  né  à  Paris  vers  1695,  mort  le  1^^  déc. 
1774.  Maître  des  comptes,  il  entra  en  1733  à  l'Académie 
française  comme  auteur  d'une  traduction   du  Paradis 


DUPRÉ  —  DUPUIS  —  ^6 

perdu  de  Milton  qui  n'était  peut-être  pas  de  lui.  Il  est 
plus  connu  par  ses  ouvrages  économiques  :  Essai  sur  les 
monnaies  ou  Réflexions^sur  le  rapport  entre  Vargent  et 
les  denrées  (Paris,  4746,  in4),  et  Recherches  sur  la 
valeur  des  monnaies  et  sur  le  prix  des  grains  avant 
et  après  le  concile  de  Francfort  (1762,  in-42).  Il  est 
aussi  Fauteur  des  Tables  de  mortalité  insérées  dans 
l'Histoire  naturelle  de  l'homme  de  Buifon. 

DUPRÉ  DE  Saint-Maur  (Jean -Pierre-Emile),  littéra- 
teur et  homme  politique  fiançais,  petit-fils  du  précédent, 
né  à  CarcassonneleiO  juin  d772,mortàPerreux  (\onnc) 
le  22  juil.  4854.  Conseiller  au  parlement  de  Pans  en 
4789,  il  entra  ensuite  dans  l'aimée,  et  devint  aide  de  camp 
du  général  d'Hargenvilliers  à  l'armée  des  Pyrénées  orien- 
tales. En  4805,  il  fut  nommé  secrétaire  des  commande- 
ments de  la  princesse  Borghèse,  fut  désigné  le  47  févr. 
4807  comme  député  de  l'Aude  au  Corps  législatif  par  le 
Sénat  conservateur  et  siégea  jusqu'en  4844.  En  4843,  il 
devint  sous-préfet  de  Beaune.  11  disparut  de  la  scène  poli- 
tique après  les  Cent-Jours  et  voyagea  en  Russie.  On  a  de 
lui  :  Essais  sur  les  relations  commerciales  du  dépar- 
tement deV  Aude  avec  les  échelles  du  Levant,  V  Espagne 
et  le  Portugal  (4808,  in-8)  ;  la  Jeunesse  de  Prévilleou 
les  Comédiens  de  campagne  (Paris,  4809,  in-8),  comé- 
die en  un  acte  jouée  sur  le  théâtre  de  la  rue  de  Chartres 
en  4805  ;  Anthologie  russe  (4823)  ;  VBermiteen  Russie 
(Paris,  4829,  3  vol.  in-42);  Hier  et  aujourd'hui,  sa- 
tires (4848,  in-8).—  Son  père,  intendant  de  Guyenne  de 
4776  à  4785,  directeur  de  l'Académie  de  Bordeaux,  a  écrit  : 
Essai  sur  les  avantages  du  rétablissement  de  la  cul- 
ture du  tabac  dans  la  Guyenne  (Bordeaux,  4784,  in-4); 
Lettre  relativement  aux  corvées  (4784,  in-4)  ;  Mé- 
moire sur  l'administration  des  corvées  en  Guyenne 
(4784,  in-4)  ;  Mémoire  relatif  à  quelques  projets  inté- 
ressants pour  la  ville  de  Bordeaux  (4782,  in-4)  ;  Mé- 
moire sur  la  décadence  du  commerce  de  Rayonne  et 
de  Saint-Jean-de-Luz  (4782,  in-4). 

DU  PRÉAU  (Gabriel),  Prateolus,  docteur  en  théologie, 
professeur  au  collège  de  Navarre,  né  en  4544  à  Marcoussis, 
mort  à  Péronne  le  49  avr.  4  588.  Ses  œuvres  comprennent  des 
traductions,  des  travaux  sur  la  grammaire  et  la  philologie, 
sur  la  théologie  et  sur  l'histoire.  Les  dernières,  contempo- 
raines des  guerres  de  religion,  reflètent  les  passions  de  l'é- 
poque oii  l'auteur  vécut.  Les  principales  sont  :  Commentarii 
ex  prœstantissimis  grammaticis  desumpti,  majorique 
ex  parie  in  gallicum  sermonem  conversi  (Paris,  in-8)  ; 
Flores  et  Sententiœ  scribendique  formulœ  ex  Ciceronis 
epistolis  familiaribus  desumptœ  (Paris,  in-4 6)  ;  Haran- 
gue sur  les  causes  de  la  guerre  entreprise  contre  les 
rebelles  et  séditieux  qui,  en  forme  d'hostilité,  ont  pris 
les  armes  contre  le  roy  et  son  royaume  (Paris,  4562, 
in-8)  ;  Autorité  du  concile,  avec  les  signes  pour  sa- 
voir discerner  l'Eglise  de  Jésus-Christ  d'avec  la  syna- 
gogue de  l'Antéchrist  (Paris,  4564)  ;  Déclaration  des 
abus  et  subtilités  des  faux  prophètes  (Pans,  4564, 
4578,  in-8);  Arrêt  au  profit  des  catholiques  par  les 
propres  témoignages  de  vingt-quatre  ministres  (Paris, 
4567);  De  ViÛis,  sectis  et  dogmatibus  omnium  hœre- 
ticorum  qui  ab  orbe  condito  ad  nostra  usque  tempora 
proditi  sunt  Elenchus  (Cologne,  4569,  in-foL);  Histoire 
de  l'état  et  succès  de  l'Eglise,  en  forme  de  chronologie 
générale  et  universelle  (Paris,  4585,  2  vol.  in-fol.)  ; 
traductions  de  la  Guerre  sainte  de  Guillaume  de  Tyr  (Pans, 
4573,  in-fol.),  et  du  Mercure  Trismégiste.     E.-H.  V. 

BiBL.  iPossEYiN,  Apparatus  sacer  ;  Cologne,  1607,  2  vol. 
in-fol. -De  Launoy,  Regii  Navarrœ  gymnash  pansiensis 
historia;  Paris,  lb77,  in-4. 

DUPREZ  (Edouard),  auteur  dramatique  français,  né  à 
Paris  en  4  804,  mort  à  Paris  le  34  oct.  4879,  frère  deGilbert- 
Louis  (V.  ci-après).  Il  iut  acteur  comique  au  théâtre  de  Mont- 
martre et  joua  sur  les  scènes  de  Bruxelles.  On  lui  doit  les 
livrets  suivants  :  le  Pirate  (Paris,  4835,  in-8),  drame 
lyrique  en  trois  actes,  musique  de  BelHni  ;  Joanita  (4852, 


in-8),  opéra  en  trois  actes,  musique  de  son  frère  ;  le  Bal 
masqué  (4863,  in-42),  opéra  en  cinq  actes,  musique  de 
Verdi  ;  Riqoletto  (4 864, in-4 2), trad.  de  l'opéra  de  Verdi; 
Violetta  (1 865,  in-4 2),  trad.de /a  Tra^fa^a,  du  même. 

DUPREZ  (Gilbert-Louis),  chanteur  dramatique  français, 
né  à  Paris  le  6  déc.  4806.  Il  était  le  douzième  fils  d'un 
père  qui  eut  dix-huit  enfants,  et  le  goût  très  vif  qu'il 
montra  de  bonne  heure  le  fit  placer  tout  jeune  à  l'école  de 
musique  religieuse,  dirigée  par  Choron.  Le  4^^^  déc.  4825, 
il  débuta  à  fOdéon,  alors  théâtre  semi-lyrique,  dans  le 
rôle  d'Almaviva  du  Barbier  de  Séville.  Sa  voix  était 
encore  à  peine  formée,  et,  bien  qu'il  fît  preuve  de  réelles 
qualités,  nul  ne  pouvait  prévoir  la  célébrité  qu'il  acquerrait 
un  jour.  L'Odéon  ayant  renoncé  en  4828  au  genre  lyrique, 
Duprez  fit  une  apparition  de  quelques  semaines  à  peine 
à  rOpéra-Comique,  oii,  entre  autres  rôles,  il  joua  Georges 
Brovvn  de  la  Dame  blanche,  puis  il  partit  pour  l'Italie 
en  compagnie  de  sa  femme,  Alexandrine  Duperron,  qui 
allait  pendant  huit  ans  partager  ses  succès  hors  de  France. 
Tous  deux  arrivèrent  à  Milan  en  4829,  et  c'est  au  théâtre 
Careano,  de  cette  ville,  que  Duprez  allait  commencer 
cette  carrière  italienne  qui  devint  pour  lui  si  brillante  et 
pendant  laquelle  il  devait  acquérir  l'admirable  talent  qui 
en  fit  le  premier  chanteur  dramatique  que  la  France  eût 
jamais  produit.  De  Milan  il  alla  à  Varèse,  à  Novare,  à 
Venise,  à  Gênes,  à  Bergame,  à  Turin,  à  Lucques  et  à 
Florence.  C'est  surtout  au  théâtre  de  la  Pergola,  de  cette 
dernière  ville,  que  ses  succès  devinrent  retentissants.  Il 
abandonna  alors  l'emploi  de  ténor  de  mezzo  carattere 
pour  celui  de  grand  ténor  dramatique.  Après  Florence, 
Duprez  se  fit  entendre  dans  différentes  villes,  et  enfin 
au  théâtre  San  Carlo  de  Naples,  où  son  succès  prit^des 
proportions  triomphales.  Il  revint  alors  à  Paris  (4836), 
précédé  d'une  immense  renommée,  et  le  47  avr.  4837  il 
débuta  à  l'Opéra,  daus  Guillaume  Tell  :  il  excita  un  véri- 
table enthousiasme.  Nourrit,  jaloux  de  son  succès,  quitta 
alors  l'Opéra  et  laissa  le  champ  libre  au  nouveau  venu, 
qui  pendant  dix  ans  allait  fournir  à  l'Opéra  une  carrière 
étonnamment  brillante. 

Il  reprit  quelques-uns  des  grands  rôles  du  répertoire, 
dans  les  Huguenots,  la  Muette,  Robert  le  Diable,  etc., 
puis  se  vit  chargé  d'un  grand  nombre  de  créations,  dans 
Guido  et  Ginevra,  Benvenuto  Cellini,  la  Favorite, 
Charles  VI,  Othello,  Lucie  de  Lammermoor  qu'il  avait 
créés  en  Itahe,  etc.  L'affaiblissement  de  sa  voix  et  de  sa 
santé  lui  fit,  en  4848,  abandonner  la  scène  pour  se  con- 
sacrer au  professorat  :  il  était,  depuis  4  842,  professeur  au 
Conservatoire;  en  4850,  il  fonda  lui-même  une  école  de 
chant,  sous  le  nom  d'école  Duprez,  où  il  forma  de  bril- 
lants élèves  et  dont  il  céda  la  direction  à  son  fils,  M.  Léon 
Duprez,  chanteur  fort  distingué,  mais  à  qui  la  faiblesse  de 
sa  voix  n'a  pas  permis  de  se  maintenir  à  la  scène  après 
l'essai  qu'il  fit  naguère  au  Théâtre-Lyrique.  Duprez  a  voulu 
se  produire  aussi  comme  compositeur,  mais  il  ne  fut  pas 
très  heureux  sous  ce  rapport.  Citons  quelques-uns  de  ses 
ouvrages  dramatiques  :  VAbime  de  la  Maladetta  (4854), 
Joanita  ou  la  Fille  des  boucaniers  (4852),  Jeanne  d'Arc 
(4865),  etc.  Duprez  a  composé  aussi  une  grand'messe  de 
la  Pentecôte,  une  messe  de  Requiem,  et  il  a  publié,  outre 
un  certain  nombre  de  romances,  une  méthode  intitulée 
l'Art  du  chant,  et  un  second  ouvrage  didactique,  la  Mé- 
lodie, études  complémentaires  vocales  et  dramatiques  de 
l'Art  du  chant.  Il  a  aussi  mis  au  jour  ses  mémoires, 
Souvenirs  d'un  chanteur  (Paris,  4880).   Arthur  Pougin. 

DUPUIS  ou  DUPUY  (Pierre),  peintre  français,  né  à 
Montfort-l'Amaury  le  3  mars  4640,  mort  à  Paris  le  4 8  févr. 
4682.  Peintre  de  fleurs  et  de  fruits,  cet  artiste  fut  reçu  à 
l'Académie  en  4663.  Il  exposa  ensuite,  en  4673,  un  grand 
tableau  représentant  Un  Tapis  et  un  Singe.  Son  portrait, 
par  Mignard  d'Avignon,  a  été  gravé  par  A.  Masson,  l'an- 
née même  de  sa  réception  à  l'Académie  ;  le  dessin  original, 
sur  parchemin,  fait  partie  des  collections  du  Louvre.  Ad.  T. 

DUPUIS  (Charles),  graveur,  né  à  Paris  en  4685,  mort  à 


—  97  — 


DUPUIS 


Paris  le  3  mars  1742.  Elève  de  Gaspard  Duchange,  il  fut  reçu 
académicien  le  3  mars  1742  sur  les  portraits  gravés  de 
Coustou  et  de  Largillière,  d'après  Legros  et  Geuslain  (à  la 
Chalcographie  du  Louvre).  Il  a  fait  plusieurs  voyages  en 
Angleterre  pour  y  graver  des  tableaux  de  maîtres  italiens 
et  il  a  travaillé  pour  le  Recueil  de  la  galerie  de  Ver- 
sailles, sur  les  dessins  de  Massé,  d'après  Le  Brun. 

DUPUIS  (Nicolas-Gabriel) ,  frère  du  précédent,  né  à  Paris 
en  1698,  mort  à  Paris  le  26  mars  1771.  Reçu  académicien 
le  28  juin  17,^4,  sur  le  portrait  gravé  de  M.  Lenormand  de 
Tournehem,  d'après  Tocqué  (à  la  Chalcographie  du  Louvre), 
il  fut  un  des  artistes  chargés  de  graver  la  Galerie  de  Dresde, 
et,  comme  son  frère,  travailla  en  Angleterre  d'après  les 
maîtres  italiens.  Comme  son  frère  aussi,  il  a  gravé  plusieurs 
pièces  pour  le  Recueil  de  la  galerie  de  Versailles  et  a 
laissé,  en  outre,  des  portraits  parmi  lesquels  on  cite  ceux  de 
Gérard  Audran,  Gaspard  Duchange,  Louis  XV  k  cheval, 
Nicolas  Poussin,  etc.  Nicolas  Dupuis  a  aussi  gravé  le 
Monument  élevé  à  Rennes  par  les  Etats  de  Bretagne, 
au  sujet  de  la  convalescence  du  roi,  exécuté  en  bronze 
par  J.-B.  Lemoine.  F.  Courboin. 

BiDL.  :  Bellier  de  La  Chavignerie  et  Auvray,  Dic- 
tionnaire des  artistes  de  VEcole  française. 

DUPUIS  (Charles-François) ,  érudit,  philosophe  et  homme 
politique  français,  né  à  Trye-Château  (Oise)  le  26  oct. 
1742,  mort  à  Is-sur-Tille  (Côte-d'Or)  le  29  sept.  1809. 
Fils  d'un  instituteur,  élevé  au  collège  d'Harcourt  grâce  à 
la  protection  du  duc  de  La  Rochefoucauld,  il  se  fit  recevoir 
licencié  en  théologie  et  professa  la  rhétorique  au  collège  de 
Lisieux.  En  1770,  il  quitta  la  soutane,  se  fit  recevoir  avocat 
et  se  maria  en  1775.  Fixé  à  Paris,  il  suivit  le  cours  d'as- 
tronomie de  Lalande  et  conçut  l'idée  de  son  système  de 
philosophie  de  l'histoire,  dans  lequel  il  essaye  de  rattacher 
toutes  les  religions  à  une  source  commune  et  trouve  l'ex- 
plication de  toutes  les  croyances  humaines  dans  l'astronomie. 
Il  est  impossible,  dans  la  limite  de  cette  notice,  de  donner 
une  idée  complète  de  ce  système,  en  partie  chimérique  et 
aussi  compliqué  que  hardi  ;  il  faut  renvoyer  le  lecteur  aux 
mémoires  que  Dupuis  publia  dans  h  Journal  des  savants 
de  1779  et  de  1780,  et  surtout  à  son  grand  et  célèbre 
ouvrage,  V Origine  de  tous  les  cultes  ou  la  Religioii  uni- 
verselle (Paris,  an  111,  4  vol.  in--4,  y  compris  un  atlas, 
ou  10  vol.  in-8  et  atlas  in-4  ;  nouv.  éd.,  avec  une  notice 
par  Auguis,  Paris,  1822,  7  vol.  in-8  et  atlas).  La  Con- 
vention en  accepta  l'hommage  le  21  fructidor  an  III. 
Le  grand  Frédéric  avait  ofiért  à  Dupuis  une  chaire  de 
littérature  à  Berlin  ;  il  entra  à  l'Académie  des  inscriptions 
et  belles -lettres  en  1788  et  fut  professeur  d'éloquence 
latine  au  Collège  de  France  (il  n'y  figura  en  titre  qu'à 
partir  de  1791  sur  les  Almanachs  royaux).  En  1790, 
le  directoire  du  département  de  Paris  le  nomma  commis- 
saire de  l'instruction  publique.  Député  de  Paris  à  la  Con- 
vention, il  ne  joua  qu'un  rôle  effacé.  Le  21  germinal 
an  III,  il  fut  un  des  cinq  commissaires  envoyés  par  la 
Convention  dans  les  départements  pour  assurer  l'exécution 
des  lois  relatives  à  l'instruction  publique.  Membre  du  conseil 
des  Cinq-Cents,  il  fit  partie  de  l'Institut  (classe  de  Httérature 
et  beaux-arts,  section  d'antiquités  et  monuments)  dès  la 
création  de  ce  corps.  Favorable  à  Bonaparte,  il  entra  au  corps 
législatif  sous  le  Consulat.  Outre  son  Origine  de  tous  les 
cultes,  dont  il  publia  un  Abrégé  (Paris,  an  VI,  in-8), 
on  a  de  lui  :  Laudatio  funebris  Mariœ  Theresiœ  Aus- 
triacœ  (s.  1.,  1781,  in-4)  ;  Mémoire  sur  l'origine  des 
constellations  et  sur  l'explication  de  la  Fable  par  le 
moyen  de  l'astronomie  (Paris,  1781,  in-4)  ;  Mémoire 
explicatif  du  zodiaque  chronologique  et  mythologique 
(Paris,  1806,  in-4),  et  un  grand  nombre  de  mémoires 
dans-  divers  recueils  savants.  F. -A.  A. 

BiBL.  :  Notice  historique  sur  la  vie  littéraire  et  poli- 
tique de  Dupuis,  par  sa  veuve;  Paris,  1813,  in-8. 

DUPUIS  (Antoinette-Nicole,  dite  Adèle),  actrice  fran- 
çaise, née  à  Paris  le  6  déc.  1780 ,  morte  à  Paris  le 
1 6  mai  1847.  Elle  commença  sa  carrière  au  théâtre  Mareux, 
situé  rue  Saint-Antoine,    l'une  des  nombreuses  petites 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —   XV. 


scènes  qui,  nées  de  l'époque  révolutionnaire,  disparurent 
aux  premières  années  de  l'Empire.  Lorsque  ce  théâtre  fut 
fermé,  elle  fut  engagée  à  l'Ambigu  pour  y  jouer  les  jeunes 
premières  de  mélodrame,  héroïnes  infortunées  et  persé- 
cutées pendant  quatre  actes,  qui  tout  à  coup  trouvaie  nt 
au  dénouement  le  bonheur  et  la  tranquillité.  Jolie,  décente, 
distinguée,  douée  d'une  physionomie  expressive  et  d'un 
organe  plein  de  sensibilité,  W^  Adèle  Dupuis  donnait  les 
preuves  d'un  talent  très  sérieux  qui  l'avait  fait  surnom- 
mer «  la  Mars  des  boulevards  »,  et  qui  était  certaine- 
men  supérieur  au  genre  qu'elle  était  chargée  d'interpréter. 
Ses  succès  furent  grands  à  l'Ambigu,  notamment  dans  ces 
vieux  drames,  l'Enfant  de  l'amour,  Elvérine  de  Wer- 
theim,  Amélabis,  la  Mendiante,  Pharamond,  Irza, 
les  Amis  du  Mogol,  etc.  De  l'Ambigu,  elle  passa  en 
1817  à  la  Gaîté,  où  le  succès  la  suivit,  et  oîi  beaucoup  de 
mauvaises  pièces  durent  à  son  talent  et  à  ses  rares  qualités 
une  vogue  que  sans  elle  elles  n'auraient  pas  obtenue. 
C'est  là  qu'elle  joua  Bouton  de  rose,  la  Fille  de  l'exilé, 
Pascal  Paoli,  le  Château  de  Lochleven,  Polder  ou  le 
Bourreau  d'Amsterdam,  l'Aigle  des  Pyrénées,  la  Tête 
de  mort,  etc.  M^^^  Adèle  Dupuis  fut  en  réalité  une  actrice 
fort  distinguée,  qui  pendant  plus  de  vingt  ans  fut,  on  peut 
le  dire,  l'idole  du  public  parisien.  Elle  prit  sa  retraite 
au  commencement  de  1830,  dans  toute  la  force  de  l'âge 
et  du  talent.  A.  P. 

DUPUIS  (Rose-Gabrielle-Désirée),  actrice  française, née 
à  Poissy  le  7  mars  1791.  Dès  1805,  cette  artiste  fine  et 
charmante  se  faisait  remarquer  au  gentil  théâtre  des 
Jeunes-Elèves  de  la  rue  de  Thion ville  (Dauphine),  et,  deux 
ans  après,  ce  théâtre  ayant  été  supprimé  avec  bien  d'autre-, 
elle  était  appelée,  à  la  suite  d'une  courte  apparition  à  la 
Porte-Saint-Martin,  à  débuter  à  la  Comédie-Française. 
C'est  Dazincourt,  dont  elle  avait  pris  des  leçons,  qui  lui  en 
avait  ouvert  le  chemin.  Sa  beauté,  sa  grâce,  son  élégance, 
une  diction  pure  et  nette,  un  organe  séduisant,  un  jeu 
simple  et  naturel  lui  valurent  un  vif  succès  lorsqu'elle  fit 
son  premier  début,  le  16  févr.  1808,  dans  Andromaque 
et  VEcole  des  Maris.  Reçue  aussitôt  pensionnaire  pour 
l'emploi  des  jeunes  premières  de  comédie  et  des  grandes 
confidentes  de  tragédie,  elle  devint  sociétaire  en  1812, 
fournit  une  carrière  brillante  et  fit  les  délices  d'un  public 
alors  plus  difficile  qu'aujourd'hui.  Pendant  cette  longue 
carrière,  M^^®  Rose  Dupuis,  tout  en  se  montrant  incessam- 
ment dans  le  grand  répertoire  tragique  et  comique,  fit  plus 
de  cinquante  créations  dans  des  ouvrages  nouveaux,  qui 
pour  la  plupart  lui  furent  extrêmement  favorables.  M^^<^  Rose 
Dupuis  prit  sa  retraite  en  1833,  et  se  retira  k  Nemours, 
la  grande  colonie  des  comédiens.  A.  P. 

DUPUIS  (Adolphe),  acteur  français,  né  en  1824,  mor 
en  nov.  1891.  Fils  de  l'excellente  comédienne  Rose  Dupuis, 
il  eut  de  bonne  heure  le  goût  du  théâtre,  et  abandonna  l'étude 
de  l'architecture  pour  entrer  au  Conservatoire,  dans  la  classe 
de  Samson.  Il  en  sortit  pour  entrer  à  la  Comédie-Française, 
oti  il  débuta  en  1 845  dans  les  Femmes  savantes,  le  Jeune 
Mari,  le  Menteur  et  le  Barbier  de  Séville.  Peu  encouragé 
de  ce  côté,  il  accepta  en  1847  un  engagement  pour  le 
théâtre  français  qui  existait  alors  à  Berlin,  d'où  il  fut 
chassé  par  la  révolution  du  18  mars  1848.  Il  entra  l'année 
suivante  au  Gymnase,  où  il  commença  sa  réputation  à  côté 
de  ces  excellents  artistes  qui  s'appelaient  Dressant,  Numa, 
Geoff*roy,  Lafontaine,  Lesueur,  M"^^  Rose  Chéri,  etc.  Dans 
l'espace  de  dix  années,  il  fit  à  ce  théâtre  un  grand  nombre 
de  créations  qui  révélèrent  chez  lui  un  talent  plein  de 
grâce,  de  naturel  et  de  variété  ;  il  faut  surtout  citer  :  la 
Dot  de  Marie,  Manon  Lescaut,  Mercadet,  le  Démon  du 
foyer,  le  Mariage  de  Victorine,  le  Pressoir,  Phili- 
berte,  le  Gendre  de  M.  Poirier,  Diane  de  Lys,  le  Demi- 
Monde,  Françoise,  la  Question  d'argent,  la  Crise,  le 
Fils  naturel,  le  Père  prodigue,  l'Invitation  à  la  valse, 
le  Pour  et  le  Contre,  Un  Beau  Mariage,  Rosalinde, 
le  Cheveu  blanc,  etc.  Malgré  ses  succès  à  Paris,  Dupuis 
accepta  en  1860,  un  engagement  pour  le  théâtre  français 

7 


DUPUÎS  —  DUPUIT 


—  98 


de  Saint-Pétersbourg,  d'où  il  ne  revint  qu'au  bout  de  dix- 
sept  ans.  Il  entra  alors  au  Vaudeville  et  fournit,  dans 
l'emploi  des  pères  nobles  et  des  premiers  rôles  marqués, 
une  nouvelle  carrière,  aussi  brillante  que  l'avait  été  celle 
de  sa  jeunesse.  Après  avoir  repris  dans  Montjoye  le  rôle 
créé  par  Lafont,  il  fit  toute  une  série  d'excellentes  créa- 
tions dans  le  Nabab,  le  i5^  Hussards,  le  Voyage  (T agré- 
ment, Georgette,  puis  reprit  le  Père  prodigue,  les 
Lionnes  pauvres  et  quelques  autres  ouvrages.     A.  P. 

DUPUIS  (Jean),  explorateur  français,  né  à  Saint-Just- 
la-Pendue  (Loire)  en  1829.  Négociant  de  profession,  il  se 
rendit  en  Chine  dès  1860  et  s'établit  à  Han-kéou  où  il 
séjourna  une  dizaine  d'années.  Il  voulut  ouvrir  l'accès  aux 
provinces  de  la  Chine  méridionale  par  le  fleuve  Rouge  qui 
arrose  le  Tonkin  et  le  Yunnan  ;  d'accord  avec  le  maréchal 
chinois  Ma,  il  explora  cette  route.  Il  vint  alors  en  France 
demander  l'appui  du  gouvernement.  Ses  querelles  avec  les 
autorités  annamites  provoquèrent  le  coup  de  main  de  Fran- 
cis Garnier  et  furent  la  cause  initiale  de  la  conquête  du 
Tonkin  par  la  France.  J.  Dupuis  a  écrit  VOuverture  du 
fleuve  Rouge  au  commerce  et  les  événements  du  Tonkin 
(1872-1873)  et  ua  Journal  de  voyage  (1879,  in-4).  ^ 

DUPUIS  (José),  acteur  français,  né  à  Liège  vers  1830. 
Il  commença  par  être  musicien  d'orchestre,  puis  se  fit 
comédien.  Venu  à  Paris,  il  parut  d'abord  sur  le  petit 
théâtre  du  Luxembourg,  aujourd'hui  détruit,  et  de  là  fut 
engagé  aux  Folies-Nouvelles,  où  l'on  jouait  exclusivement 
l'opérette  et  la  pantomime  avant  que  ce  théâtre  prît  le 
nom  de  Déjazet.  C'est  là  que  M.  Dupuis  commença  sa  répu- 
tation, en  jouant  avec  originalité  et  en  chantant  avec  goût 
un  grand  nombre  d'opérettes  :  Toinette  et  son  carabinier, 
Trois  Dragons,  le  Loup-Garou,  Vile  de  Calypso,  Achille 
à  Scyros,  etc.  Il  se  fit  tout  à  fait  remarquer,  ensuite,  dans 
une  des  premières  pièces  de  M.  SdiYàou,  Monsieiir  Garât, 
ce  qui  amena  son  engagement  au  théâtre  des  Variétés,  dont 
il  est  devenu  l'un  des  artistes  les  plus  renommés  et  qu'il 
n'a  pas  quitté  depuis  plus  de  vingt-cinq  ans.  Dans  l'emploi 
des  amoureux  comiques,  puis  des  comiques  proprement  dits, 
M.  Dupuis  s'est  montré  certainement  l'un  des  comédiens 
les  plus  fins  et  les  plus  originaux  de  Paris.  Doué  dans  sa 
jeunesse  d'une  voix  un  peu  mince,  mais  fort  agréable,  avec 
cela  excellent  musicien,  il  a  été  pendant  vingt  ans  le  ténor 
à  la  mode  dans  le  genre  de  l'opérette,  ce  qui  ne  l'empêchait 
pas  d'obtenir  dans  le  vaudeville  des  succès  aussi  francs  et 
aussi  brillants.  Il  a  fait  aux  Variétés  un  nombre  incalculable 
de  créations,  parmi  lesquelles  il  faut  surtout  citer  :  Un  Mari 
dans  du  coton,  Deux  Chiens  de  faïence,  l'Infortunée 
Caroline,  la  Belle  Hélène,  la  Grande  -  Duchesse  de 
Gérolstein,  le  Trône  d'Ecosse,  Madame  Barbe-Bleue,  les 
Brigands,  la  Veuve  du  Malabar,  les  Braconniers,  les 
Sonnettes,  les  Merveilleuses,  etc.,  etc.  M.  Dupuis  n'a 
pas  cessé,  jusqu'à  ce  jour,  d'être  un  des  acteurs  favoris 
du  public  parisien.  ^\^\, 

DUPUIS  (Daniel-Jean-Baptiste),  graveur  en  médailles 
et  sculpteur  français,  né  à  Blois  (Loir-et-Cher)  le  15  févr. 
1849.  Elève  de  Farochon  et  Cavelier,  il  remporta  le  grand 
prix  de  Rome  pour  la  gravure  en  médailles,  en  1872.  Cet 
artiste  expose  au  Salon  depuis  1869.  Au  nombre  de  ses 
œuvres  les  plus  importantes,  il  faut  citer  :  la  médaille  du 
Génie  des  arts  couronnant  la  France  ;  la  médaille  de  la 
France  faisant  appel  à  toutes  les  nations  pour  VEx- 
position  de  iSlS  ;  la  médaille  type  de  la  Ville  de  Paris  ; 
la  médaille  du  Concours  des  chevaux  de  trait  ;  la  médaille 
commémorative  de  VExposition  universelle  de  i889  ; 
les  médaillons  du  P.  Lacordaire,  de  Floquet,  de  Durier, 
du  D'^  Laboulbène,  etc.  M.  D.  S. 

DU  PU  IS-DELcouRT,publiciste  français,  né  à  Berru,  près 
de  Reims,  en  1802,  mort  en  1864.  Il  s'occupa  d'aérostation 
et  fit  adopter  l'hydrogène  pour  les  ballons.  Il  a  écrit  :  Bal- 
lons dans  les  fêtes  publiques  (1836);  De  l'Art  aérosta- 
tique appliqué  aux  transports  (i^^l)  et,  sous  le  pseu- 
donyme d'Octo,  Odette  ou  la  Petite  Reine  et  un  mélodrame, 
Han  d'Islande  (en  collaboration  avec  Ratier  et  Saint-Yves). 


DUPUIS  DE  ToRCY  (Pierre-Louis),  né  en  1770,  mort 
à  Cayenne  en  1803.  Elève  de  l'Ecole  des  ponts  et  chaussées 
de  1786  à  1790,  il  entra  à  l'Ecole  polytechnique  à  la 
création  et  y  devint  immédiatement  l'un  des  vingt-cinq 
chefs  de  brigades,  choisis  pour  commencer  l'instruction  de 
la  première  promotion.  Collaborateur  de  Brisson  (V.  ce  nom, 
t.  Vlll,  p.  64),  il  rédigea  avec  lui  le  célèbre  mémoire  sur 
le  tracé  des  canaux  présenté  à  l'Institut  en  1801 .  Malgré  ses 
succès  scientifiques,  Dupuis  de  Torcy  fut  réduit  à  accepter 
en  1802  une  place  d'ingénieur  à  Cayenne,  où  des  travaux 
de  dessèchement  étaient  projetés  par  le  ministère  de  la  ma- 
rine. A  peine  arrivé,  il  fut  victime  du  climat.  M.-C.  L. 
DUPUIT  ( Arsène- Jules-Emile-Juvénal),  né  à  Fossano 
(Piémont)  le  18  mai  1804,  mort  à  Paris  le  5  sept.  1866. 
Ingénieur  français,  il  appartenait  au  corps  des  ponts  et 
chaussées,  dont  il  a  peut-être  été,  dans  ce  siècle,  la  per- 
sonnalité la  plus  éminente  après  Vicat.  Pour  la  facilité  des 
recherches,  nous  diviserons  cette  notice  en  deux  parties  : 
Dupuit  ingénieur  et  Dupuit  économiste. 

I.  Au  sortir  de  l'Ecole  des  ponts  et  chaussées,  en  1828, 
Dupuit  fut  attaché  au  service  du  dép.  de  la  Sarthe  ;  il  n'avait 
guère  à  s'y  occuper  que  d'entretien  de  routes,  mais  il  montra 
bien  qu'il  n'y  a  pas  de  petites  occupations  pour  un  grand 
esprit.  En  1837, il  publia  son  premier  ouvrage,  fruitd'études 
provoquées  par  ses  occupations  oflicielles,  Essai  sur  le 
tirage  des  voitures  et  le  frottement  de  roulement.  Cet 
ouvrage,  ainsi  que  le  succès  des  méthodes  d'entretien 
appliquées  dans  la  Sarthe  par  l'ingénieur  en  chef  et  ses  colla- 
borateurs, déterminèrent  l'administration  à  appeler  Dupuit 
à  Paris,  en  1839,  pour  l'associer  aux  travaux  de  la  com- 
mission chargée  de  préparer  un  projet  de  loi  sur  le  roulage 
et  diriger  en  même  temps  la  réfection  de  la  chaussée  d'em- 
pierrement des  Champs-Elysées,  dont  le  mauvais  état  sem- 
blait irrémédiable.  C'est  alorsque  Dupuit  rédigea  l'instruction 
du  26  avr.  1839,  point  de  départ  d'immenses  progrès  dans 
l'entretien  des  routes.  Appelé,  en  1840,  à  remplir  les 
fonctions  d'ingénieur  en  chef  dans  le  dép.  de  la  Marne,  il 
y  a  rendu  des  services  éminents.  Il  reconnut  que  la  per- 
fection de  la  main-d'œuvre  ne  constituait  qu'un  des  élé- 
ments de  l'entretien  des  routes  et  qu'elle  ne  dispensait  pas 
de  rendre  annuellement  aux  chaussées  une  quantité  de 
matériaux  proportionnelle  à  la  fréquentation.  Ces  consi- 
dérations ont  été  habilement  développées  par  M.  Dupuit 
dans  son  beau  mémoire  sur  les  frais  d'entretien  des  routes 
[Annales,  1842),  où  se  trouvaient  posés  pour  la  première 
fois  des  principes  exacts  sur  cette  question  alors  si  contro- 
versée. L'administration   reconnut  qu'il  était  impossible 
de  rétablir  les  chaussées  avec  les  anciens  crédits,  qui  furent 
immédiatement  doublés  ;  Dupuit  put  alors  opérer  une  trans- 
formation complète,  facilitée  par  un  meilleur  choix  des 
matériaux  d'entretien.  —  Outre  les  ouvrages  déjà  cités,  nous 
devons  mentionner  :  Mémoire  sur  le  tirage  des  voitures 
et  le  frottement  de  roulement,  complément  de  VEssai 
de  1837  ;  De  la  Nature  de  l'utilité  des  travaux  publics, 
et  plus  tard,  lorsque  Dupuit  était  devenu  ingénieur  en  chef 
de  Maine-et-Loire  :  Etudes  théoriques  et  pratiques  sur 
le  mouvement  des  eaux  courantes  ;  Des  Inondations  et 
des   moyens  proposés  pour  en  prévenir  le  retour. 
Comme  travaux  d'art,  on  doit  à  Dupuit,  pendant  la  période 
de  1844  à  1850,  la  restauration  complète  et  l'élargisse- 
ment du  pont  du  Centre,  sur  la  Maine,  à  Angers,  et  la 
reconstruction  des  Ponts-de-Cé,  sur  la  Loire.  Appelé  à 
Paris  comme  secrétaire  de  la  nouvelle  commission  de  rou- 
lage, Dupuit  écrivit  un  rapport  concluant  à  la  liberté  ;  les 
idées  de  la  commission  étaient  opposées  aux  siennes,  mais 
ce  sont  celles-ci  qui  l'ont  emporté  (décret  de  1851).  On 
lui  doit  donc  la  déroute  définitive  des  idées  anciennes,  qui 
avaient  donné  lieu  à  des  mesures  restrictives  très  exagé- 
rées, souvent  modifiées,  et  particuUèrement  à  l'installation 
de  ces  ponts  à  bascule  dont  la  disparition  a  été  une  véri- 
table délivrance  pour  le  roulage.  Après  quarante-cinq  ans 
de  ce  vieux  système,  il  nous  a  été  donné  de  voir  que  la 
quasi-liberté  actuelle  est  dépourvue  de  tout  inconvénient 


notable  pour  les  chaussées  de  nos  routes.  En  1850,  Dupuit 
devint  ingénieur  en  chef  directeur  du  service  municipal  de 
Paris  ;  il  étudia  à  fond  la  distribution  des  eaux  et  la  cons- 
truction des  égouts,  et  la  littérature  des  sciences  appliquées 
ne  tarda  pas  à  s'enrichir  de  son  beau  Jraité  de  la  dis- 
tribution des  eaux,  qui,  avec  le  livre  de  Darcy  sur  les 
Eaux  de  Dijon,  a  servi  de  guide  à  tous  les  ingénieurs 
jusqu'à  la  publication  de  la  Distribution  des  eaux  de 
Bechmann  (1889).  Le  Traité  de  Dupuit,  paru  en  1854,  a 
eu  une  seconde  édition  en  1865.  Dans  les  dernières  années 
de  sa  vie,  de  1855  à  1866,  Dupuit  a  exercé  les  fonctions 
.  d'inspecteur  général  des  ponts  et  chaussées.  Outre  les  ou- 
vrages déjà  cités,  on  lui  doit  :  Du  Mouvement  des  wagons 
dans  les  courbes  (Annales  des  ponts  et  chaussées, 
1838)  ;  De  l'Influence  des  péages  sur  l'utilité  des  voies 
de  communication  (ibid,,  1849)  ;  Rapport  sur  la  chute 
du  pont  suspendu  de  la  Basse-Chaîne  d'' Angers  [ibid., 
1 850)  ;  Réponse  à  Vicat  au  sujet  de  r oxydation  des 
fers  dans  les  constructions  (ibid.,  1854);  Examen 
critique  du  système  des  rechargements  périodiques 
(ibid.,  1855)  ;  Réponse  à  Beaudemoulin  au  sujet  du 
décintrement  des  ponts  {ibid,,  1858).  Dupuit  terminait 
au  moment  de  sa  mort  son  Traité  de  r  équilibre  des  voûtes 
et  de  la  construction  des  ponts  en  maçonnerie,  Tarbé 
résume  ainsi  la  biographie  de  Dupuit  qu'il  a  donnée  dans 
ses  Notices  {Encyclopédie  des  travaux  publics)  :  «  Polé- 
miste ardent  et  toujours  plein  de  ressources,  souvent  fron- 
deur vis-à-vis  de  ses  égaux,  mais  toujours  affable  et  indul- 
gent pour  ses  subordonnés,  Dupuit  a  laissé  des  souvenirs 
ineffaçables  chez  ceux  qui  ont  eu  le  bonheur  de  l'approcher, 
et  son  nom  doit  être  inscrit,  au  premier  rang,  parmi  ceux 
des  ingénieurs  qui  ont  jeté  le  plus  d'éclat  sur  le  corps  des 
ponts  et  chaussées  vers  le  milieu  de  ce  siècle,  » 

II.  Dupuit  a  donné  des  articles  nombreux  au  Diction- 
naire de  l'économie  politique,  notamment  :  Eau,  péages, 
routes  et  chemins,  voies  de  communication.  Sur  la 
question  de  propriété,  Dupuit  soutenait  que  le  mode  d'ap- 
propriation de  la  propriété  ne  dépend  que  du  seul  légis- 
lateur, lequel  doit  avoir  pour  objectif  d'assurer  au  pubHc 
la  plus  grande  somme  de  produits  possible  ;  ce  point  de 
vue  est  très  original,  bien  qu'il  paraisse  avoir  été  admis 
par  MM.  Courcelle-Seneuil  et  Cherbuliez,  car  dans  l'opinion 
courante  le  droit  de  propriété  dérive  de  l'idée  de  justice, 
qui  concorde,  il  est  vrai,  avec  celle  de  l'utilité,  si  l'ap- 
propriation individuelle  est  le  mode  assurant  le  mieux  la 
production.  L'idée  de  Dupuit  ne  fut  pas  acceptée  par  le 
Journal  des  économistes,  qui  n'inséra  son  article  sur 
le  Prhicipe  de  la  propriété  qu'en  l'accompagnant  de 
réserves.  La  liberté  du  commerce,  laissez  faire,  laissez 
passer,  avait  toutes  les  sympathies  de  Dupuit.  Il  paraît 
que  son  petit  volume,  la  Liberté  commerciale,  son 
principe  et  ses  conséquences,  fut  publié  à  l'instigation 
de  M.  Rouher.  «  Ses  vues,  qu'il  exposait  le  plus  souvent 
dans  le  Journal  des  économistes  ou  au  cours  des  séances 
de  la  Société  d'économie  politique,  soulevaient  parfois  des 
protestations  et  des  controverses;  notamment  ses  idées  sur 
la  propriété  et  la  violente  antipathie  qu'il  manifestait  pour 
la  création  des  sociétés  industrielles  et  l'exploitation  des 
chemins  de  fer  par  les  grandes  compagnies,  ont  suscité  de 
véritables  polémiques.  Ne  pourrait -on  s'étonner  encore 
aujourd'hui  de  son  scepticisme  à  l'égard  du  droit  de  coali- 
tion et  des  tentatives  de  coopération,  ainsi  que  de  son 
aversion  pour  la  liberté  de  tester?...  Dupuit  était  autre 
chose  de  plus  qu'un  excellent  fonctionnaire.  Outre  qu'il 
laisse  un  nom  dans  l'histoire  des  travaux  publics,  il  n'a 
manqué  à  ce  défricheur  d'idées,  ainsi  que  l'appelle  si 
heureusement  M.  Lamé-Fleury,  que  le  loisir  de  coordonner 
son  œuvre  et  d'en  revoir  toutes  les  parties  pour  figurer  au 
nombre  des  maîtres  de  l'économie  poHtique.  »  {Dict, 
d'écon.  polit.)  Outre  les  ouvrages  que  nous  avons  cités, 
on  doit  indiquer  encore  :  De  la  Législation  actuelle  des 
voies  de  transport;  Nécessité  d'une  réforme  basée  sur 
des  principes  rationnels;  De  r  Utilité  et  de  sa  mesure; 


99  —  DUPUIT  —  DUPUY 

De  l'Utilité  publique  ;  les  Principes  de  la  propriété 
et  de  la  population  ;  Des  Crises  alimentaires  et  des 
moyens  employés  pour  y  remédier;  Effets  de  la  liberté 
du  commerce,  M.-C.  Lechalas. 

BiBL.  :  Tarbé  de  Saint-Hardouin,  Notices  bioara- 
phiques  ;  Paris,  1884,  gr.  in-8. 

DUPUY  (Bernard),  poète  français,  né  en  Béarn  vers 
1520,  mort  vers  1580.  Il  est  l'auteur  des  Louanges  de 
Antoine  et  Hefiri  de  Navarre  et  de  Jeanne  d'Albret  (Tou- 
louse, 1554,  in-8);  de  VOde  du  Gave  (1551,  in-8);  De 
Collegio  Auxitano  Carmen  (1552,  in-8)  et  des  traduc- 
tions de  VAnteros  de  Fulgose,  du  dialogue  de  Platina 
Contre  les  folles  amours,  de  la  Médecine  des  chevaux  de 
Végèce,  etc. 

DUPUY  (Claude),  jurisconsulte  français,  né  à  Paris  en 
1545,  mort  à  Paris  le  l^'*  déc.  1594.  Il  étudia  les  lettres 
avec  Turnèbe,  Lambin  et  Dorât,  et  le  droit  avec  Cujas.  Il 
voyagea  ensuite  en  Italie  où  il  se  ha  avec  Fulvio  Orsini, 
Paul  Manuce,  Sigonius  et  PinelH.  Nommé  conseiller  au 
parlement  de  Paris,  le  7  févr.  1576,  il  fit  preuve  dans 
l'exercice  de  ses  fonctions  d'un  jugement  sûr  et  d'une  pro- 
fonde connaissance  du  droit.  Il  était  l'ami  des  meilleurs 
érudits  de  son  temps.  Les  éloges  dont  il  fut  l'objet,  après  sa 
mort,  de  la  part  de  Joseph  Scahger,  Etienne  Pasquier, 
Casaubon,  Savaron,  Passerat,  etc.,  etc.,  ont  été  réunis,  par 
Paul  de  Reneaulme,  dans  un  volume  intitulé  Amplissimi 
viri  Claudii  Puteani  tumulus  (Paris,  1607,  in-4),  et 
publiés  ensuite  dans  la  Vie  de  Pierre  Dupuy,  son  fils. 

DUPUY  (Christophe),  chartreux,  fils  aîné  du  précédent, 
né  à  Paris  en  1579,  mort  à  Rome  le  28  juin  1654.  Il 
suivit  à  Rome  le  cardinal  de  Joyeuse,  en  qualité  de  proto- 
notaire. Il  y  était  encore,  lorsque  la  congrégation  de  l'Index 
s'occupa  de  la  première  partie  de  VHistoire  de  son  ami  le 
président  de  Thou,  et  il  obtint  qu'elle  ne  fùtpas  condamnée. 
Rentré  en  France,  il  se  fit  chartreux  à  Bourg-Fontaine,  Il 
dut  à  l'estime  que  le  cardinal  Barberini  avait  pour  lui 
d'être  nommé  procureur  général  de  l'ordre  et  appelé  à  Rome. 
Il  est  l'auteur  d'un  recueil  intitulé  Perroniana  qu'il  avait 
composé  pendant  qu'il  était  aumônier  du  roi,  mais  qui  ne 
fut  imprimé  qu*après  sa  mort  (Paris,  1669,  in-12)  par  les 
soins  de  Daillé  fils.  C.  C. 

DUPUY  (Pierre),  historien  français,  garde  de  la  Biblio- 
thèque du  roi,  né  à  Agen  le  27  nov.  1582,  mort  à  Paris  le 
14  déc.  1651 .  Frère  du  précédent,  il  montra  de  bonne  heure 
un  goût  très  vif  pour  les  lettres  et  s'occupa  particuUèrement 
de  droit  et  d'histoire.  Il  accompagna  en  Hollande  l'ambassa- 
deur de  France,  Thumeri  de  Boissise,  et  continua,  avec  les 
savants  de  ce  pays,  les  relations  de  son  père.  En  1615,  le 
procureur  général  au  parlement,  Mathieu  Mole,  qui  avait  le 
Trésor  des  chartes  dans  ses  attributions,  par  suite  de  la  réu- 
nion à  sa  charge,  en  1582,  de  celle  de  trésorier-garde  des 
chartes  du  roi,  le  choisit  avec  Théodore  Godefroy  pour 
rédiger  un  inventaire  de  «  tous  les  tiltres  et  Chartres  »  qui 
s'y  trouvaient  conservés.  Son  choix  fut  ratifié  par  arrêt  du 
conseil  du  21  mai.  Ils  se  mirent  tous  les  deux  à  l'œuvre, 
mais  c'est  à  Pierre  Dupuy  qu'est  due  la  partie  la  plus 
importante  du  travail,  ifne  lui  fallut  pas  moins  de 
onze  ans  pour  la  mènera  bonne  fin.  Le  classement  qu'il 
établit  dans  les  layettes  du  Trésor  des  chartes  n'a  pas  été 
modifié  ;  aussi  peut-on  toujours  se  servir  de  son  Inventaire, 
La  minute  et  l'original  de  cet  Inventaire  sont  aujourd'hui 
à  la  Bibliothèque  nationale  (collection  Dupuy,  vol.  162-169, 
et  fonds  français  21096-21103).  Il  en  a  été  fait  de  nom- 
breuses copies.  Pierre  Dupuy  fut  employé  avec  Le  Bret  et 
de  Lorme  à  la  recherche  des  titres  qui  pouvaient  servir  à 
justifier  les  droits  du  roi  sur  les  trois  évêchés  de  Metz, 
Toul  et  Verdun,  et  à  combattre  les  usurpations  des  ducs  de 
Lorraine.  Il  s'occupa  avec  son  frère  Jacques  et  son  ami 
Nicolas  Rigault  des  éditions  de  VHistoire  àç^  de  Thou  qui 
furent  publiées  en  1620  et  1626.  li  est  en  outre  Fauteur 
des  Mémoires  et  instructions  pour  servir  à  justifier 
l'innocence  de  messire  François  ^Auguste  de  Thou. 
En  1645,  Pierre  Dupuy  et  son  frère  Jacques  acquirent  de 


DUPUY 


-  100  — 


Nicolas  Rigault  la  charge  de  garde  de  la  Bibliothèque  du 
roi.  Ils  s'occupèrent  d'abord  des  manuscrits  et  en  redi- 
sèrent  le  catalogue,  l'année  même  de  leur  entrée  en  fonc- 
tions. Deux  exemplaires  de  ce  catalogue  sont  aujourd  hui 
conservés  dans  le  fonds  latin,  sous  les  numéros  9352-93d4 
et  10366-10367.  Voici  quels  sont  ses  principaux  ou- 
vrages :  Traité  des  droits  et  des  libertés  de  l  Eglise 
qaÛicane  avec  les  preuves  (Paris,  1639,3  vol.  in-fol.); 
Histoire  de  l'ordre  militaire  des  Templiers  depuis  son 
établissement  jusqu'à  sa  suppression,  impnmée,  en 
1654  par  Jacques  Dupuy,  dans  le  recueil  intitule  Traite 
contenant  l'histoire  de  France  (in-4),  et  rééditée  plu- 
sieurs fois  à  part  ;  Histoire  générale  du  schisme  qui  a 
été  dans  l'Eglise  depuis  1378  jusqu'en  im,  imprimée 
dans  le  recueil  précédent  et  à  part;  Histoire  du  différend 
entre  le  pape  Boni  face  VIU  et  le  roi  Philippe  le  Bel 
(Paris,  1655,  in-fol.)  ;  Traité  des  régences  et  des  majo- 
rités des  rois  de  France  (Paris,  1655,  in-4);  Instruc- 
tions et  missives  des  rois  de  France  et  de  leurs  ambas- 
sadeurs au  concile  de  Trente  (Paris,  1608,  in-8)  ;  Recueil 
des  droits  du  roi  (Paris,  1655,  in-foL);  Histoire  des  phis 
illustres  favoris  anciens  et  modernes  (Leyde,  IboJ, 
in-4).  La  vie  de  Pierre  Dupuy  a  été  écrite  par  Nicolas 
Rieault,  dans  ses  Vitœ  selectœ  aliquot  virorum  (Londres, 
1681,  in-4).  C.  Couderc. 

DUPUY  (Jacques),  érudit  français,  garde  de  la  Bibho- 
thèque  du  roi,  frère  du  précédent,  né  en  1586,  mort  a 
Paris  le  17  nov.  1656.  Il  prit,  comme  on  a  pu  le  voir  dans 
la  notice  qui  précède,  une  large  part  aux  travaux  de  son 
frère.  Il  publia  ou  réédita  plusieurs  de  ses  ouvrages.  Les 
quelques  manuscrits  que  leur  père  leur  avait  laissés  servi- 
rent de  noyau  à  la  collection  de  deux  cent  soixante  manus- 
crits anciens  qu'ils  réussirent  à  former.  Jacques  Dupuy  qui 
en  fut,  comme  dernier  survivant,  le  dernier  possesseur,  les 
lé^^ua  au  roi  avec  toute  sa  bibliothèque,  par  son  testament 
en  date  du  25  mai  1652.  Il  ne  comprit  pas  dans  cette 
donation  une  énorme  quantité  de  pièces  juridiques,  litté- 
raires et  historiques  que  son  frère  et  lui  avaient  recueillies. 
Il  légua  cette  collection  à  de  Thou  qui  la  vendit,  en 
1680,  au  président  Charron  de  Ménars.  Elle  passa  ensuite 
au  procureur  général  Joly  de  Fleury  qui  la  céda  à  la 
Bibliothèque  du  roi,  le  10  juil.  1754.  Elle  comprend  neuf 
cent  quarante  et  un  volumes.  M.  L.  Delisle  en  a  P"blie  un 
Inventaire  sommaire  dans  le  Cabinet  historique  (1882, 
t.  XXVIII,  pp.  527-555).  On  a  de  Jacques  Dupuy  un 
Index  de  tous  les  noms  latinisés  contenus  dans  VHis- 
toiredede  T/iow  (Genève,  1614,  in-4),  qui  a  été  réimprime 
sous  le  titre  de  Resolutio  omnium  difficultatum  (Ratis- 
bonne,  1696,  in-4).  Il  a  en  outre  rédigé  avec  son  frère  le 
catalogue  de  la  bibliothèque  de  de  Thou,  Catalogus  biblio- 
thecœ  Thuanœ  (Paris,  1679,  in-8).     ^  C.  C. 

DUPUY,  écrivain  français  du  xviii®  siècle,  secrétaire  au 
congrès  de  Ryswick.  On  peut  citer  de  lui  :  Caractères, 
sentiments  et  entretiens  de  deux  personnes  dont  l'une 
parle  mal  et  écrit  bien  et  Vautre  parle  bien  et  écrit 
mal  (1693,  in-12):  Dialogue  sur  les  plaisirs,  sur  les 
passions  et  sur  le  mérite  des  femmes  (1717,  in-12)  ; 
Essai  hebdomadaire  sur  plusieurs  sujets  intéressants 
(Paris,  1730,  in-12);  Instructions  d'un  père  à  son  fils 
sur  la  manière  de  se  conduire  dans  le  monde  (1731, 
in-12);  Réflexioîis  sur  l'amitié  (1728,  in-12);  Mytho- 
logie (1731,  2  vol.  in-12);  Instructions  d'un  père  à  sa 
fille  (MU,  in-il),  .       ,  ., 

DUPUY  (Louis),  érudit  français,  ne  Chazey-sur-Am  le 
23  nov.  1709,  mort  le  10  avr.  1795.  Professeur  de  phi- 
losophie dans  les  collèges  des  jésuites  à  Paris  et  philologue 
distingué,  il  entra  à  l'Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres  en  1756  et  en  devint  secrétaire  perpétuel  en  1773. 
Il  dirigea  pendant  trente  ans  la  publication  du  Journal  des 
Savants,  pubUa  les  tomes  XXXVI  à  XL  du  Recueil  de 
l'Académie  des  inscriptions  auquel  il  donna  une  foule  de 
mémoires  intéressants.  On  lui  doit  aussi  un  certainnombre 
d'éloges  d'académiciens,  entre  autres  ceux  de  Fontenelle, 


de  Chesterfield,  de  Turgot.  On  peut  encore  citer  de  lui  des 
Réflexions  critiques  sur  la  méthode  de  l'abbé  de  Ville- 
froy  pour  Vexplication  de  VEcriture  sainte  (Paris, 
1755,  in-4  2)  et  une  traduction  du  Théâtre  de  Sophocle 
('^^62). 

DUPUY  (André-Julien,  comte),  homme  politique  fran- 
çais, né  à  Brioude  le  13  juin  1753,  mort  à  Paris  le  6  janv. 
1832.  Conseiller  au  Châtelet  à  Paris,  il  fut  nommé  en  1790 
intendant  général  de  l'Inde  française,  fut  employé  en  1802 
aux  négociations  de  la  paix  d'Amiens  et  le  9  vendémiaire 
an  XII  entra  au  conseil  d'Etat.  Le  28  mars  1806,  il  était 
nommé  sénateur  et  créé  comte  de  l'Empire  le  26  avr.  1808. 
La  Restauration,  à  laquelle  il  se  rallia,  lui  donna  la  pairie 
(4  juin  1814).  Il  occupa  encore  les  fonctions  de  gouverneur 
général  des  Indes  de  1816  à  1826  et  siégea  à  la  Chambre 
des  pairs  jusqu'à  sa  mort. 

DU  PUY  (Alexis-Casimir),  vétérinaire  français,  ne  à 
Breteuil  (Picardie)  le  27  sept.  1774,  mort  à  Paris  le 
24  sept.  1849.11  fut  nommé  professeur  de  botanique  et  de 
matière  médicale  à  l'école  d'Alfort  en  1798  et  élu  membre 
de  l'Académie  de  médecine  en  '1821.11a  écrit  sur  la  morve 
(1817,  1827),  sur  tarage  (1830-34),  et  sur  diverses  épi- 
zooties.  ^^  L.  Hn. 

DUPUY  (Jean-Baptiste-Edouard-Louis-Camille),  musi- 
cien et  compositeur,  né  à  Corselles,  près  de  Neuchâtel 
(Suisse),  en  1775,  mort  à  Stockholm  le  3  avr.  1822. 
A  seize  ans,  il  était  déjà  maître  de  concerts  du  prince 
Henri  de  Prusse  à  Rheinberg.  En  1793,  après  avoir 
parcouru  l'Allemagne,  il  fut  engagé  comme  chanteur  à 
l'opéra  de  Stockholm.  En  1799,  il  gagna  Copenhague, 
où  il  se  distingua  non  seulement  comme  musicien,  mais 
comme  mihtaire;  engagé  volontaire  dans  le  corps  de  dé- 
fense de  la  place,  alors  assiégée  et  bombardée  par  les 
Anglais  (1801),  il  fut  nommé  lieutenant  et  déploya  un 
grand  courage.  En  1810,  il  retourna  à  Stockholm,  après 
avoir  visité  Paris  ;  en  1812,  il  y  fut  nommé  maître  de  cha- 
pelle de  la  cour.  Il  composa" trois  opéras  :  Une  Folie  ; 
Félicie  et  Bjorn  Jarnsida,  opéra  suédois  qui  eut  du 
succès,  et  de  nombreuses  pièces  diverses. 

DUPUY  (Charles-Hyacinthe),  homme  politique  français, 
né  à  Carpentras  le  11  sept.  1801,  mort  le  l«'févr.l876. 
Chef  d'institution,  il  se  lança  dans  le  journalisme,  collabora 
au  Progrès  du  Midi,  au  Censeur  de  Lyon,  fonda  VAmi 
des  instituteurs  et  des  élèves,  le  Semeur  républicain, 
le  Suffrage  universel,  la  Feuille  de  Jean-Pierre  André, 
qui  obtint  un  vif  succès  dans  la  Vaucluse  et  les  départe- 
ments environnants.  H  fut  élu  le  2  juil.  1871  représentant 
de  Vaucluse  à  l'Assemblée  nationale  où  il  fit  partie  de 
l'union  répubhcaine  et  combattit  le  ministère  de  Broglie. 
On  a  de  lui  :  Grammaire  latine  élémentaire  comparée 
avec  la  grammaire  française  (Paris,  1841,  in-12); 
Grammaire  latine  raisonnée  (Lyon,  1841,  in-8). 

DUPUY  (Jean-Charles-Pierre),  ingénieur  français,  ne  a 
Saumur  le  4  juin  1826. 11  appartient  au  corps  des  ponts  et 
chaussées  avec  le  grade  d'inspecteur  général.  Il  a  construit 
un  grand  nombre  de  chemins  de  fer  dans  l'ouest  de  la 
France,  et  est  l'inventeur  d'un  instrument  destiné  à  mesurer 
le  travail  du  fer  dans  les  ponts  métalliques  (Annales  des 
ponts  et  chaussées  de  1877).  On  cite  son  viaduc  de 
l'Erdre,  magnifique  ouvrage  sur  lequel  il  a  donné  un  mé- 
moire aux  Annales  de  1879.  V.  aussi  dans  le  même 
recueil,  année  1880,  sa  note  Sur  le  Raccordement  des 
courbes  avec  les  alignements  droits  dans  le  tracé  des 
chemins  de  fer  ;  c'est  un  travail  du  plus  haut  intérêt 
pratique.  ,    M;"^-  ^\ 

DUPUY  (Paul),  médecin  philosophe,  ne  à  Lamonzie- 
Saint-Martin  (Dordogne)  en  1827,  d'une  vieille  famdle 
protestante.  Fils,  petit-fils  et  arrière-petit-fils  de  médecins, 
il  fut  reçu  interne  des  hôpitaux  de  Pans  en  1853,  obtint 
la  médaille  d'or  (1856),  et  se  fixa  à  Bordeaux  en  1859  pour 
Y  exercer  la  médecine.  Mais  il  préféra  bientôt  l'enseigne- 
ment, et  professa  dès  1864  la  pathologie  mterne  comme 
suppléant  dans  la  même  chaire  dont  il  est  resté  titulaire 


-  401  — 


DUPUY 


lors  de  la  transformation  de  l'école  de  médecine  de  Bor- 
deaux en  faculté  (1878).  De  1874  à  1888,  il  a  été  conseil- 
ler municipal  de  Bordeaux,  particulièrement  occupé  des 
questions  d'hygiène,  de  police  sanitaire,  d'assistance  pu- 
blique, auxquelles  il  a  consacré  d'importantes  études.  Les 
autres  travaux  de  M.  P.  Dupuy,  très  nombreux,  se  rap- 
portent les  uns  à  la  philosophie  scientifique,  les  autres  à 
la  philosophie  pure  et  à  la  sociologie.  Il  débuta  en  1862 
par  un  Essai  de  philosophie  médicale  et  un  examen 
critique  de  la  Métaphysique  et  la  science  de  Vacherot, 
.  dans  la  Revue  théologique  de  Strasbourg.  De  1862  à 
1870,  il  donna  dans  la  Gazette  médicale  de  Paris  une 
série  d'études  sur  le  mouvement  musculaire  et  la  question 
de  la  thermo-dynamique  animale  :  contre  la  théorie  alors 
en  faveur,  bien  qu'aujourd'hui  un  peu  abandonnée,  il  sou- 
tenait que  la  loi  de  l'équivalence  des  forces,  de  la  transfor- 
mation de  la  chaleur  en  mouvement  et  vice  versa,  ne  rend 
pas  compte  des  rapports  de  la  contraction  musculaire 
avec  la  chaleur  animale.  Dans  le  Journal  de  médecine  de 
Bordeaux,  il  a  écrit  notamment  sur  la  Méthode  expéri- 
mentale d'après  Cl.  Bernard  et  sur  le  Sommeil^  étude 
psycho-physiologique  dans  laquelle  l'automatisme  mental 
est  mis  en  relief,  mais  «  la  loi  d'invariable  séquence  »  est 
combattue  comme  trop  absolue,  des  idées  apparaissant 
parfois  subitement  dans  la  conscience  sans  aucun  Hen  avec 
celles  qui  les  précèdent.  Les  écrits  purement  philosophiques 
et  sociaux  de  M.  Dupuy  sont:  De  la  Nécessité  des  études 
métaphysiques  ;  Du  Rôle  de  la  méthode  métaphysique 
dans  les  connaissances  humaines;  Essai  sur  les  caté- 
gories; Cause,  force  et  loi:  le  tout  dans  les  Actes  de 
VAcadémiede  Bordeaux;  Du  Libre  Arbitre  (Paris,  1870, 
in-8),  où  il  soutient  que  l'impression  est  la  condition,  mais 
non  la  cause  du  phénomène  moteur,  même  du  pur  réflexe, 
que  l'idée  à  plus  forte  raison  soUicite  une  activité  qu'elle 
ne  produit  point  et  qu'il  n'y  a  par  conséquent  ni  détermi- 
nisme rigoureux  dans  les  vivants,  ni  déterminations  morales 
exactement  nécessaires.  L'intérêt  de  ces  études  est  dans 
l'appui  apporté  par  un  médecin  aussi  savant  qu'indépen- 
dant à  une  philosophie  peu  en  crédit  en  général  parmi  les 
savants  et  les  médecins.  Mentionnons  encore  :  De  V Ensei- 
gnement supérieur  en  France;  Des  Universités  régio- 
nales; Etudes  politiques  (Paris,  1874,  in-8);  le  Vrai 
Péril  social  {ibid.,  1878)  ;  De  la  Question  sociale  en 
France  (Bordeaux);  De  la  Démocratie  en  France  (Paris, 
1882, in-8).  H.  M. 

DUPUY  (Charles-Ernest),  universitaire  et  écrivain  con- 
temporain, né  à  Lectoure  (Gers)  le  20févr.  1849.  Il  fit  ses 
études  au  lycée  Saint-Louis  et  entra  à  l'Ecole  normale  en 
1869,  Agrégé  en  1873,  il  enseigna  la  rhétorique  dans 
divers  lycées  de  province  et  en  dernier  lieu  à  Bordeaux, 
d'où  il  fut  appelé  à  Paris.  Il  était  professeur  au  lycée 
Henri  IV  quand  il  fut  choisi  comme  candidat  au  conseil 
supérieur  de  l'instruction  publique  par  les  agrégés  des 
lettres  animés  de  l'esprit  de  réformes;  mais  la  tendance 
inverse  l'emportait  alors  et  il  échoua.  M.  Lockroy,  ministre 
de  l'instruction  publique,  le  prit  peu  après  pour  son  chef 
de  cabinet  (juin  1888).  Il  ne  reçut  pas  en  cette  qualité  la 
croix  de  chevalier  de  la  Légion  d'honneur,  préférant  faire 
attribuer  à  un  professeur  celle  qu'on  lui  offrait  ;  il  ne  fut 
décoré  qu'après  avoir  repris  sa  chaire  à  Henri  IV.  M.  Du- 
puy est  inspecteur  de  l'académie  de  Paris  depuis  1889. 
Il  a  pubhé  :  les  Parques,  poème  (Paris,  1884,  in-I2); 
les  Grands  Maîtres  de  la  littérature  russe  (iùid.,  1885, 
in-12)  ;  Victor  Hugo,  l'homme  et  le  poète  [ibid.,  1887, 
in-12;  2«  éd.  augmentée,  1890).  H.  M. 

DUPUY  (Charles- Alexandre),  universitaire  et  homme 
politique,  né  au  Puy  le  5  nov.  1851.  Il  achevait  au  lycée 
Charlemagne  ses  études  commencées  au  Puy,  quand  éclata 
la  guerre  de  1870,  qu'il  fit  comme  engagé  volontaire  au 
7®  d'artillerie.  Il  fut  maître  répétiteur  au  lycée  du  Puy, 
d'avr.  1871  à  nov.  1872,  bien  qu'il  eût  pris  sa  licence 
es  lettres  à  Lyon  dès  nov.  1871.  Nommé  successivement 
professeur  aux  collèges  de  Nantua  et  d'Aurillac,  puis  chargé 


de  cours  de  philosophie  au  lycée  d'Auch,  il  revint  en  cette 
qualité  au  lycée  du  Puy  (avr.  1875),  qu'il  quitta  pour  celui 
de  Saint-Etienne  en  1879,  après  son  succès  à  l'agrégation 
de  philosophie.  Passant  ensuite  dans  l'administration,  il  fut 
inspecteur  d'académie  à  Mende  (sept.  1880  à  avr.  1881), 
puis  à  Caen  (avr.  1881  à  nov.  1883),  et  enfin  vice-recteur 
à  Ajaccio,  jusqu'aux  élections  d'oct.  1885.  Elu  député  de 
la  Haute-Loire  le  premier  de  la  liste,  au  deuxième  tour  de 
scrutin,  il  fut,  à  la  Chambre,  membre  de  la  commission 
permanente  de  l'enseignement,  et  prit  une  part  active  à  la 
préparation  et  à  la  discussion  de  la  loi  organique  de  l'en- 
seignement primaire  et  de  la  loi  sur  le  traitement  des  ins- 
tituteurs. Il  parla  aussi  dans  la  discussion  de  la  loi  mili- 
taire, dans  celle  des  budgets  de  l'instruction  publique,  de 
la  marine  et  des  colonies.  Le  22  sept.  1889,  il  fut  réélu 
député  par  la  première  circonscription  du  Puy,  avec  2,753 
voix  de  majorité  sur  son  concurrent  clérical,  M.  de  La  Bâtie. 
Membre  de  la  commission  de  l'armée  et  de  celle  du  budget, 
celle-ci  le  nomma  rapporteur  du  budget  de  l'instruction 
publique  pour  1891  et  de  nouveau  pour  1892.       H.  M. 

DUPUY  DE  LôME  (Stanislas  -  Charles  -  Henri  -  Laurent), 
ingénieur  de  la  marine  française,  né  dans  la  propriété  de 
Soye,  près  de  Plœmeur  (Morbihan),  le  15  oct.  1816,  mort  à 
Paris  le  2  févr.  1885.  Il  fit  faire  des  pas  de  géant  à  l'archi- 
tecture navale,  et  l'on  peut  dire  que  trois  faits  mémorables 
dominent  sa  carrière  si  bien  remplie  :  1^  la  construction  du 
Napoléon;  2'*  la  construction  de  la  Gloire;  3<*  la  direction 
des  aérostats.  Entré  à  l'Ecole  polytechnique  en  1835,  il  en 
sortit  dans  le  génie  maritime  et  parcourut  rapidement  les 
divers  degrés  de  la  hiérarchie.  En  1842,  il  reçoit  la  mission 
d'aller  étudier  en  Angleterre  les  procédés  en  usage  pour  la 
construction  des  bâtiments  en  fer.  M.  Lavid,  de  Liverpool, 
premier  constructeur  de  cette  époque,  essaya  vainement 
de  se  l'attacher  en  lui  faisant  des  propositions  brillantes. 
A  sa  rentrée  en  France,  il  exposa  (1845),  dans  un  mémoire 
resté  célèbre,  les  procédés  anglais,  passant  en  revue  les 
avantages  et  les  inconvénients  des  constructions  navales 
en  fer,  la  sécurité  que  donnait  l'emploi  de  ce  métal, 
l'hygiène  à  adopter  à  bord  de  cette  classe  de  bâtiments  et 
l'influence  de  ces  masses  de  fer  sur  les  compas.  Puis 
il  mit  sur  les  chantiers  le  Caton  et  VAriel,  premiers 
bâtiments  en  fer  de  la  flotte.  Ce  dernier,  lancé  en  1849, 
filait  11  nœuds  1/2.  C'était  le  plus  rapide  des  navires  de 
cette  taille.  On  peut  donc  dire  que  Dupuy  de  Lôme  eut  une 
très  grande  part  à  l'exécution  en  France  des  premiers 
bâtiments  en  fer. 

Lors{]ue  la  vapeur  eut  acquis  droit  de  cité,  les  Anglais 
entreprirent  la  transformation  de  leurs  vaisseaux  à  voiles 
en  vaisseaux  à  vapeur  à  petite  vitesse.  Dupuy  de  Lôme 
résolut  de  faire  mieux  et  de  construire  des  bâtiments  assez 
rapides  pour  atteindre  les  paquebots  ;  en  d'autres  termes  il 
se  proposa  d'allier  à  une  grande  vitesse  à  la  vapeur,  toute 
la  puissance  (en  ce  qui  concerne  le  combat)  que  possédaient 
les  anciens  vaisseaux.  A  trente  ans,  en  avr.  1847,  il  pré- 
senta les  plans  d'un  bâtiment  conçu  dans  cet  ordre  d'idées, 
le  Napoléon,  vaisseau  à  hélice,  rapide,  armé  de  quatre- 
vingt-dix  canons.  Dans  ce  type,  resté  l'un  des  spécimens 
les  plus  parfaits  de  l'art  naval,  le  jeune  ingénieur  réduisait 
la  voile  au  rôle  de  simple  auxiliaire  de  la  vapeur.  Le  Napo- 
léon marquait  donc  une  transformation  complète,  aussi 
bien  du  matériel  que  des  conditions  de  la  guerre  navale  : 
une  escadre  composée  de  vaisseaux  de  l'espèce,  vraiment 
maîtresse  de  la  mer,  pourrait  bloquer  effectivement  une 
côte  et  faire  réussir  des  opérations  que  l'on  n'eût  pas  même 
osé  tenter  au  temps  de  la  marine  à  voiles.  «  Je  suis  con- 
vaincu, disait  M.  Dupuy  de  Lôme  dans  son  rapport,  que, 
en  adoptant  de  plus  grandes  longueurs  que  celles  de  nos  vais- 
seaux à  voiles,  en  affinant  les  lignes  de  l'avant,  en  appropriant 
les  formes  de  l'arrière  à  l'emploi  des  hélices,  on  peut  cons- 
truire des  vaisseaux  éprouvant  moins  de  résistance  à  la 
marche,  avec  beaucoup  plus  de  déplacement  que  les  anciens. 
Je  crois  que  ces  bâtiments,  portant  le  même  équipage  et  la 
même  artillerie,  fileront  au  moins  11  nœuds  et  porteront 


DUPUY 


402  — 


sept  jours  de  combustibles  à  toute  vitesse,  et  vingt-huit 
ou  trente  jours  à  vitesse  réduite.  » 

Malgré  l'opposition  des  conseils,  le  Napoléon  M  mis  en 
chantier  à  Toulon  en  1848  et  lancé  le  16  mai  1850.  Ses 
essais  justifièrent  pleinement  les  prévisions  de  l'ingénieur  : 
on  obtint  la  vitesse  de  13  nœuds  86,  sur  le  parcours  de 
Marseille  à  Toulon.  Le  vice-amiral  de  La  Susse,  comman- 
dant en  chef  de  l'escadre,  disait  de  ce  nouveau  navire  : 
«  Le  Napoléon  est  aujourd'hui  le  premier  vaisseau  à 
vapeur  de  l'Europe.  »  L'Académie  des  sciences  décerna,  en 
févr.  1854,  à  M.  Dupuy  de  Lôme,  le  prix  fondé  pour  le 
«  travail  ou  mémoire  qui  ferait  faire  le  plus  grand  progrès 
à  l'application  de  la  vapeur  à  la  navigation  et  à  la  force 
navale  ».  Le  Napoléon  ne  tarda  pas  à  faire  ses  preuves  en 
remorquant  la  Ville-de-Paris  dans  les  Dardanelles,  malgré  le 
vent,  la  mer,  le  courant,  tandis  que  la  flotte  anglaise  atten- 
dait dans  la  baie  de  Bésika  le  retour  du  beau  temps  pour 
remonter  à  son  tour.  Plus  tard,  on  vit  encore  le  Napoléon 
remonter  les  Dardanelles  en  remorquant  quatorze  grands 
navires  chargés  de  troupes  et  de  munitions.  Le  nom  de 
Dupuy  de  Lôme  devint  célèbre.  Tous  les  ports  mirent  des 
Napoléons  sur  les  chantiers,  et  l'auteur  proposa  de  trans- 
former en  bâtiments  à  vapeur  les  vaisseaux  à  voiles  en 
chantier.  Son  procédé  était  des  plus  simples  :  après  avoir 
coupé  le  navire  en  deux,  il  faisait  glisser  l'arrière  sur  la 
cale  de  la  quantité  nécessaire  pour  loger  la  machine  et  les 
chaudières  ;  puis  il  reliait  ensemble  les  deux  fractions.  Le 
résultat  fut  excellent.  Les  premières  batteries  flottantes 
firent  leur  apparition  pendant  la  guerre  de  Crimée.  Dans 
la  journée  du  18  oct.  1835,  la  Lave,  la  Tonnante  et  la 
Dévastation  démantelèrent  en  quelques  heures  le  fort  de 
Kinburn,  sans  avoir  souffert  elles-mêmes  aucun  dommage. 
Mais  ces  batteries,  entièrement  dépourvues  de  qualités  nau- 
tiques, n'avaient  qu'une  vitesse  très  médiocre.  M.  Dupuy 
de  Lôme  songea  à  construire  de  véritables  bâtiments  de 
mer  protégés  par  une  armure  qui  les  mettrait  à  l'abri  des 
obus,  et  il  dressa  des  plans  dans  ce  sens.  Sur  ces  entre- 
faites, l'empereur,  accompagné  du  ministre  de  la  marine, 
vint  visiter  Toulon,  où  M.  Dupuy  de  Lôme  exerçait  les 
fonctions  d'ingénieur  de  1^^  classe.  Le  ministre  présenta  à 
Napoléon  ïll  les  autorités  du  port  et,  quand  vint  le  tour 
de  l'ingénieur  éminent  qui  fait  l'objet  de  cet  article,  il  le 
qualifia  comme  il  &uit  :  «  Directeur  des  constructions  na- 
vales, directeur  du  matériel  au  ministère  de  la  marine.  » 
M.  Dupuy  de  Lôme  apprit  ainsi,  de  la  façon  la  plus  inat- 
tendue, sa  double  nomination.  Il  entra  en  fonctions  à  Paris, 
le  l^''  janv.  1857  :  il  avait  quarante  ans.  On  entreprit  sans 
tarder  des  expériences  en  vue  de  déterminer  l'épaisseur 
des  plaques  métalliques  à  adopter,  leur  mode  de  tenue  sur 
le  matelas  de  bois  et  leur  système  de  fabrication.  Enfin,  en 
1858,  on  mit  en  chantier  la  Gloire,  V Invincible  et  la 
Normandie.  En  demandant  les  crédits  nécessaires  à  ces 
constructions,  Dupuy  de  Lôme  avait  dit  :  «  Un  seul  bâti- 
ment de  cette  espèce,  lancé  au  milieu  d'une  flotte  entière 
d'anciens  vaisseaux,  y  serait  comme  un  lion  au  miHeu  d'un 
troupeau  de  moutons.  »  L'avenir  confirma  pleinement  cette 
audacieuse  prophétie,  et  l'apparition  de  ce  premier  type  de 
fréo^ate  cuirassée  provoqua  une  révolution  universelle.  La 
Gloire,  mise  à  l'eau  le  24  nov.  1859,  avait  6  m.  de  plus 
q\ie\Q Napoléon;  son  tonnage  était  augmenté  de  500  tonnes, 
et,  si  la  force  de  la  machine  restait  la  même,  la  surface 
de  voilure   diminuait  de  1,400  m.  q.   et  l'équipage  de 
275  hommes  ;  enfin,  le  poids  de  la  cuirasse  atteignait  820 
tonnes;   elle    filait  13  nœuds  1/2.  Voici  l'avis  ae  l'a- 
miral Bouët-Willaumez  sur  les  essais  de  cette  première 
frégate  cuirassée  :  «  Elle  a  parcouru  pendant  ses   essais 
1,100  lieues  marines.  Ce  qui  ressort  évidemment  de  ces 
expériences  à  la  mer,  c'est  que  d'abord  la  Gloire  est  un 
bâtiment  de  mer  comme  un  autre,  supérieur  même  à  bien 
d'autres  sous  plus  d'un  rapport,  ce  qui  fait  tomber  l'écha- 
faudage de  suppositions  timorées  qui  s'était  élevé  contre  ce 
nouveau  spécimen  aussi  hardi  que  pratique  de  notre  future 
flotte  de  combat.  » 


Notre  seconde  frégate  cuirassée,  la  Normandie,  iden- 
tique à  la  Gloire,  est  allée  au  Mexique  en  1862  :  c'est  la 
première  frégate  cuirassée  qui  ait  traversé  l'Océan.  On 
remarquera  que  tous  ces  cuirassés  étaient  en  bois,  parce 
que  les  carènes  de  fer  se  salissent  rapidement  et  que  nous 
n'avions  pas  à  cette  époque  des  bassins  de  radoub  dissé- 
minés dans  toutes  les  mers  du  globe.  D'autres  frégates  du 
même  type  suivirent  et  l'on  constitua  ainsi  une  flotte  supé- 
rieure à  toutes  les  autres,  par  l'homogénéité,  la  vitesse  et 
la  faculté  d'évolution.  Grâce  à  Dupuy  de  Lôme,  qui  s'est 
avancé  dans  des  voies  non  frayées,  la  marine  cuirassée  a 
conquis  sa  place  dans  le  monde.  La  France,  la  première, 
a  réuni  en  1863  une  escadre  cuirassée  qui  a  navigué 
dans  l'Océan,  cherchant,  pour  faire  des  essais  sérieux, 
les  plus  mauvais  temps  d'octobre  et  de  novembre.  La 
fièvre  de  la  construction  s'empara  de  toute  l'Europe.  Chaque 
puissance  s'eff'orça  de  regagner  l'avance  que  notre  ingé- 
nieur venait  de  conquérir  à  notre  matériel  naval.  Sur  tous 
les  chantiers,  on  construisit  des  cuirassés  sur  les  données 
de  la  Gloire. 

En  1870,  comme  membre  du  comité  de  la  défense  de 
Paris,  il  rendit  des  services  fort  importants  et,  de  concert 
avec  M.  l'ingénieur  Zédé  ,  il  fit  faire,  en  1872,  le  premier 
pas  à  la  direction  des  aérostats.  Pendant  le  siège,  il  sortit  de 
Paris  soixante-six  ballons  portant  à  nos  départements  quatre- 
vingt-onze  passagers  et  9,000  kilogr.  de  dépêches.  Cinquante 
d'entre  eux  seulement  réussirent  à  prendre  terre  dans  les 
départements  français  dégagés  de  l'ennemi.  C'est  là  un 
résultat  considérable  ;  mais,  quels  eussent  été  les  ser- 
vices rendus  par  les  ballons  s'ils  avaient  été  dirigeables  ! 
M.  Dupuy  de  Lôme  porta  donc  ses  investigations  dans 
cette  voie.  11  savait  que  Joseph  Montgolfier  avait  cherché 
les  moyens  de  donner  aux  aérostats  une  vitesse  horizontale 
qui  leur  fût  propre,  par  rapport  à  l'air  qui  les  porte.  Mais, 
jusqu'à  lui,  on  se  laissait  aller  à  la  merci  des  vents,  et  l'on 
se  disait  comme  cet  aéronaute  qui  avait  pris  des  passeports 
pour  tous  les  pays  du  monde  :  «Je  ne  sais  où  j'irai  prendre 
terre.  »  En  vue  de  maintenir  la  direction  de  l'aérostat  sen- 
siblement en  ligne  droite,  M.  Dupuy  de  Lôme-  adopta  une 
forme  oblongue  et,  pour  que  le  ballon  restât  gonflé  malgré 
les  déperditions  de  gaz  accidentelles  ou  voulues,  il  imagina 
d'introduire  de  l'air  atmosphérique  dans  un  petit  ballon 
logé  à  l'intérieur  du  grand.  La  première  ascension  à  laquelle 
assistait  M.  Dupuy  de  Lôme  eut  lieu  le  2  févr.  1872. 
L'aérostat  s'éleva  à  1,020  m.;  l'héUce,  mue  à  bras  par 
huit  hommes,  imprimait  à  l'ensemble  de  l'appareil  la  vitesse 
de  10  kil.  1/4,  par  rapport  à  l'air  ambiant,  et,  quand  l'hé- 
lice fonctionnait,  on  maintenait  le  cap  dans  une  direction 
déterminée.  En  1877,  on  reprit  ses  expériences.  On  de- 
manda la  force  motrice  à  l'électricité  ;  on  s'eff'orça  de  rendre 
la  machine  légère.  Mais  il  est  impossible  de  ne  pas  recon- 
naître que  M."  Dupuy  de  Lôme  fit  faire  le  premier  pas  à  la 
direction  des  ballons. 

En  1869,  Dupuy  de  Lôme  avait  été  nommé  député  du 
Morbihan  par  20,617  voix  sur  24,079  votants,  et,  le 
10  mars  1877,  il  remplaça  comme  sénateur  inamovible 
le  général  Changarnier.  En  cette  qualité,  il  défendit  devant 
la  Chambre  haute  la  situation  de  la  marine  marchande  et 
contribua  au  vote  des  primes  en  faveur  de  nos  marins.  Il  fit 
faire  également  les  plus  grands  progrès  à  la  construction 
des  paquebots.  En  ce  qui  concerne  la  flotte  de  guerre, 
Dupuy  de  Lôme  s'est  montré  un  novateur  hardi  et  plein 
de  clairvoyance.  En  créant  la  marine  de  l'avenir,  en 
obligeant  toutes  les  puissances  à  prendre  comme  modèles 
les  types  qu'il  créait  de  toutes  pièces,  il  a  contribué  à 
grandir  la  patrie.  Dupuy  de  Lôme  restera  une  des  gloires 
de  la  France. 

DUPUY-Demportes  (Jean-Baptiste),  littérateur  français, 
mort  à  Paris  en  1770.  On  peut  citer  de  cet  écrivain  très 
fécond  et  qui  a  abordé  un  peu  trop  de  genres  pour  se  dis- 
tinguer en  aucun  :  Parallèle  de  la  Sémiramis  de  Vol- 
taire avec  celle  de  Crébillon  (Amsterdam,  1748,  in-8)  ; 
le  Souper  poétique  (1748,  in-8);  Histoire  générale  du 


-  103 


DUPUY  —  DUQUE 


Pont-Neuf  (Londres^  1750,  iiî-8);  Histoire  du  minis- 
tère de  Robert  W alpole  (Amsterddm,  1764,  3  vol.  in-12); 
Iraité  historique  et  moral  du  blason  (1754,  2  vol. 
iii-12);  le  Printemps  (1747,  in-12),  comédie;  Paral- 
lèle de  Catilina  et  de  Rome  sauvée  (1752,  m-12);  des 
traductions  du  Gentilhomme  cultivateur  de  Haies  (1761, 
8  vol.  in-4),  du  Gentilhomme  maréchal  de  Barthelet 
(1756,  2  vol.  in-12),  etc. 

DUPUY  DES  IsLETS  (Le  chevalier),  poète  français,  né  à 
Saint-Domingue  vers  1770,  mort  en  1831.  Chevau-Iéger 
'  dans  la  garde  royale,  il  émigra  en  1791  et  servit  dans 
l'armée  des  princes,  puis  il  s'établit  en  Angleterre.  De 
rétour  en  France  sous  le  Directoire,  il  fut  nommé  en 
1814  major  de  cavalerie.  Il  était  parent  de  l'impéra- 
trice Joséphine.  Sans  convictions  politiques,  il  chanta  tour 
à  tour  Napoléon  et  les  Bourbons.  On  peut  citer  de  lui  : 
Examen  critique  du  poème  de  la  Pitié  de  J.  Delille 
(Paris ,  an  XI ,  in-8) ,  de  nombreuses  poésies  éparpil- 
lées dans  VAlmanach  des  Muses  et  autres  recueils  ana- 
logues, un  dithyrambe  sur  la  naissance  du  roi  de  Rome, 
des  stances  sur  la  naissance  du  duc  de  Bordeaux,  etc. 
Il  collabora  à  V Observateur  et  rédigea  dans  la  Gazette 
de  France  un  feuilleton  dramatique.  Il  donna  aussi  les  édi- 
tions des  Œuvres  poétiques  de  Boileau,  des  Œuvres  de 
J.-J.  Rousseau. 

DUPUY-DuTEMPS  (Ludovic),  homme  politique  français, 
né  aux  Cabannes  (Tarn)  le  5  janv.  1847.  Avocat  à  Gail- 
lac,  maire  de  cette  ville  depuis  1 881 ,  conseiller  général 
du  Tarn  depuis  1883,  il  a  été  élu  député  de  Gaillac  au 
deuxième  tour  de  scrutin,  le  6  oct.  1889,  par  9,968  voix 
contre  6,836  à  M.  de  Montebello,  boulangiste.  Son  pro- 
gramme le  classe  parmi  les  radicaux. 

DUPUYTREM  (Raymond),  homme  politique  français,  né 
le  9  sept.  1863.  Grand  propriétaire  dans  la  Vienne,  il  a 
été  élu  député  de  Poitiers,  le  22  sept.  1889,  avec  un  pro- 
gramme monarchiste  et  révisionniste.  Son  élection  fut 
invalidée  par  la  Chambre  le  30  nov.  1889,  mais  il  fut 
réélu,  le  12  janv.  1890,  par  8,367  voix  contre  8,008  à 
son  concurrent  républicain  Bazille. 

DUPUYTREN  (Guillaume),  célèbre  chirurgien  français, 
né  à  Pierre-Buffière  (Haute-Vienne)  le  6  oct.  1777,  mort 
à  Paris  le  8  févr.  1835.  Il  étudia  à  Paris,  fut  prosecteur  à 
dix-huit  ans  et  chef  des  travaux  anatomiques  à  vingt- 
quatre  ans  (1801)  ;  en  1802,  il  fut  nommé  chirurgien  se- 
conda l'Hôtel-Dieu,  en  1808  chirurgien  en  chef  adjoint, 
et  en  1815  chirurgien  en  chef  ;  en  1812,  il  enleva  au 
concours  la  chaire  de  médecine  opératoire.  Après  l'assas- 
sinat du  duc  de  Berry,  Louis  XVIII  le  choisit  pour  son 
premier  chirurgien.  A  trente  ans,  Dupuytren  était  déjà  cé- 
lèbre, mais  il  n'était  pas  encore  populaire  ;  doué  d'une 
volonté  implacable,  d'un  désir  impétueux  d'arriver  au  pre- 
mier rang,  il  brisa  sur  son  passage  tous  ceux  qui  lui  faisaient 
obstacle  et  se  fit  un  grand  nombre  d'ennemis  ;  mais  sa 
supériorité  était  telle,  il  porta  si  haut  la  chirurgie  française 
que  la  popularité  lui  vint  par  surcroît,  et  qu'aujourd'hui 
on  a  oublié  ses  erreurs  et  ses  injustices  ;  quoique  honni  et 
criblé  d'épi  grammes  par  ses  victimes  et  ses  ennemis,  il 
monta  toujours  davantage.  C'est  que  Dupuytren  fut  un  opé- 
rateur hors  de  pair,  qui  ne  laissa  jamais  voir  la  moindre 
indécision,  en  même  temps  qu'il  fut  un  professeur  de  cli- 
nique incomparable.  Sans  laisser  de  grandes  découvertes, 
il  a  perfectionné  toutes  les  parties  de  la  chirurgie  ;  parlant 
bien,  écrivant  mal,  il  a  pendant  trente  ans  tenu  le  sceptre 
de  l'enseignement  chirurgical  en  France,  mais  n'a  presque 
pas  laissé  d'écrits  ;  en  revanche,  il  a  peuplé  son  pays  de 
praticiens  habiles,  instruits  et  prudents.  Dupuytren  fut  le 
plus  grand  chirurgien  des  temps  modernes  ;  quant  à  ses 
vices  de  caractère  et  à  ses  fautes,  il  les  a  expiés  par  une 
vie  de  malheur  ;  nous  n'insisterons  pas.  Ses  élèves  ont 
publié  ses  Leçons  orales  de  clinique  chirurgicale  (Vâris^ 
1832,  6  vol.  in-8)  ;  Traité  théorique  et  pratique  des 
blessures  par  armes  de  guerre  (Paris,  1834,  2  vol. 
in-8),  etc.  D^  L.  Un. 


Pilules  de  Dupuytren.  —  Préparation  qui  a  pour  base 
le  sublimé  corrosif.  Voici  sa  composition  : 

Sublimé  pulvérisé 0,20 

Extrait  d'opium 0,40 

Extrait  de  gaïac 0,80 

On  fait  un  mélange  homogène  qu'on  divise  en  vingt  pilules; 
chacune  d'elles  renferme  un  centigr.  de  sublimé  et  deux 
centigr.  d'extrait  d'opium.  Ces  pilules  sont  une  imitation 
des  pilules  majeures  d'Hofmann^  qui  contiennent  du 
sublimé  et  de  la  mie  de  pain.  Par  suite  de  la  réduction 
lente  du  chlorure  mercurique  au  contact  des  matières  orga- 
niques, on  ne  doit  faire  ces  préparations  qu'au  moment  du 
besoin.  Ed.  Bourgoin. 

DUQUE  CoRNEjo  (Pedro),  sculpteur  espagnol,  né  à  Séville 
en  1677,  mort  à  Cordoue  en  1757.  Elève  du  sculpteur  Pedro 
Roldan,  il  délaissa  de  bonne  heure  le  style  simple  et  sobre 
de  son  maître  pour  adopter  la  manière  tourmentée  et  le 
goût  des  ornements  baroques,  propagés  en  Andalousie  par 
divers  architectes.  Quand,  en  1706,  Geronimo  Barbas 
(V.  ce  nom)  construisit  l'immense  retable  du  Sagrario, 
dans  la  cathédrale  de  Séville,  et  quand  Luis  de  Vilches 
refit  les  grandes  orgues  qui  sont  au-dessus  du  chœur,  en 
1724,  c'est  à  Duque  Cornejo  que  fut  spécialement  confiée 
l'exécution  de  leur  décoration  sculpturale.  L'artiste  traita 
avec  soin  certaines  parties  de  ces  reliefs  :  ses  carnations 
ont  de  la  morbidesse  et  ses  draperies  de  l'élégance  ;  mais 
toutes  ses  figures  aftectent  des  attitudes  contournées,  presque 
violentes,  qui  s'accordent,  du  reste,  avec  l'extrême  et  bi- 
zarre abondance  de  l'ornementation.  Tout  ce  que  le  mau- 
vais goût,  abandonné  à  lui-même,  peut  inventer  de  plus 
étrange,  Duque  Cornejo  s'en  fit,  à  partir  de  sa  collabora- 
tion avec  Barbas  et  Vilches,  le  propagateur  en  sculpture 
décorative.  Dans  les  travaux  qu'il  exécuta,  en  1725,  à  la 
chartreuse  du  Paular,  il  donna  libre  carrière  à  son  imagi- 
nation exubérante  et  dévoyée  ;  mais  ces  excès  faisaient 
alors  fureur  dans  toutes  les  branches  de  l'art,  et  Duque 
Cornejo,  en  les  mettant  en  pratique,  s'acquit  une  véritable 
célébrité.  Aussi,  quand  Philippe  V  visita  Séville,  la  reine, 
enthousiasmée  des  ouvrages  de  l'artiste,  le  nomma  son  pre- 
mier sculpteur.  Il  vint  alors  à  Madrid  avec  la  cour,  y  fit 
quelques  ouvrages,  puis,  n'ayant  pas  obtenu  le  titre  de 
sculpteur  de  camara  qu'il  sollicitait,  il  revint  à  Séville  oti 
l'appelaient  de  nombreux  travaux,  des  constructions  et  des 
décorations  de  retables  pour  diverses  églises  et  communautés 
religieuses,  et,  encore,  commandes  de  groupes  et  de  statues 
de  saints,  en  toutes  matières,  tantôt  peintes  au  naturel, 
tantôt  destinées  à  être  revêtues  de  costumes,  lors  des  pro- 
cessions. Appelé  à  Grenade,  il  y  exécuta,  pour  la  chapelle  de 
Notre-Dame  des  Angustias,  les  statues  qui  la  décorent. 
Peu  après,  il  passa  à  Cordoue,  où  le  chapitre  de  la  cathé- 
drale lui  confia  la  décoration  sculpturale  des  stalles  du 
chœur  et  des  pupitres,  tout  en  bois  d'acajou.  Après 
avoir  terminé  ces  ouvrages,  ornés,  ou  plutôt  surchargés 
de  médaillons  et  de  motifs  d'une  trop  grande  richesse, 
Duque  Cornejo  s'éteignit  à  Cordoue;  le  chapitre,  recon- 
naissant envers  son  sculpteur,  lui  fit  de  somptueuses  funé- 
railles et  lui  accorda  d'être  enterré,  entre  le  chœur  et  la 
chapelle  principale,  dans  la  cathédrale  même  ;  une  plaque 
de  marbre,  relatant  les  mérites  de  l'artiste,  marque  l'en- 
droit de  sa  sépulture.  Dessinateur  habile,  fécond  en  inven- 
tions décoratives,  Duque  Cornejo  fit,  pour  les  orfèvres,  les 
brodeurs,  etc.,  une  foule  de  modèles  qu'il  traçait  à  la  plume 
sur  papier  blanc,  les  rehaussant  d'encre  de  Chine  avec  une 
grande  légèreté.  Il  est  aussi  l'auteur  d'une  eau-forte,  re- 
présentant saint  Dominique  de  Silos,  accompagné  de  divers 
autres  saints.  P.  Lefort. 

DUQUE  DE  EsTRADA  (Dicgo),  écrivain  et  homme  poli- 
tique espagnol,  né  à  Tolède  en  1589,  mort  après  1647, 
probablement  en  Sardaigne.  Orphelin  dès  l'enfance,  il  reçut, 
par  les  soins  d'un  tuteur,  une  brillante  éducation  et  eut 
une  vie  agitée,  dont  il  nous  a  raconté  lui-même  les  aven- 
tures dans  un  très  curieux  Hvre  demeuré  longtemps  iné- 
dit ;  il  est  intitulé  Comentarios  del  desenganado  de  si 


DUQUE  ~  DUQUESNE 


—  104  — 


mismo,  pmeba  de  todos  estados,  y  elecciôn  del  mejor 
de  ellos  et  a  été  publié  avec  des  notes  de  Gayangos  dans 
le  Mémorial  historico  de  la  Academia  de  la  historia 
(Madrid,  1860,  in-8).  Nous  savons  par  le  témoignage  de 
Duque  lui-même  qu'il  avait  composé  de  nombreuses  pièces 
de  vers  et  dix-sept  comédies  dont  il  donne  les  titres  ;  plu- 
sieurs étaient  la  mise  à  la  scène  des  aventures  qu'il  avait 
eues.  Il  reste  de  lui,  comme  œuvres  poétiques,  un  petit 
recueil,  Octavas  rimas  d  la  insigne  Victoria  que  la 
serenissima  Altexa  del  principe  Filiberto  ha  tenido, 
conseguida  por  al  excelentissimo  senor  marqués  de 
Santa  Cm.t-...  (Messine,  1624,  in-4). 

DUQUE  Y  Duque  (Eugenio),  sculpteur  espagnol  contem- 
porain, né  à  Almonacid,  province  de  Tolède.  Elève  de 
Piquer  et  des  cours  de  l'Académie  de  San  Fernando,  pen- 
sionné par  le  conseil  de  sa  province  natale,  il  a  commencé 
d'exposer  à  Madrid  en  1860.  Ses  principaux  ouvrages 
sont  :  la  Mort  de  Caton  ;  les  statues  du  Cardinal  Cis- 
neros  et  à' Alphonse  le  5a^^;  les  bustes  à'AdelinaPatti, 
de  Calderon  de  la  Baica,  de  la  Marquise  de  la  Vega  de 
Armiio,  du  Roi  Amédée  et  un  projet  de  monument  à 
F.  Luis  de  Léon. 

DUQUESNE  (Fort).  Enceinte  fortifiée  où  les  Français 
tinrent  garnison  en  17o3,  au  début  de  la  guerre  entre  le 
Canada  et  les  colonies  anglaises,  au  point  où  les  rivières 
Alleghany  et  Monongahela  se  réunissent  pour  former 
rOhio  (Etats-Unis).  Les  Anglais  s'emparèrent  de  ce  fort 
en  1760  et  lui  donnèrent  le  nom  de  Pitt.  Sur  l'emplace- 
ment du  fort  Duquesne  s'éleva  dès  1790  la  ville  de 
Pittsburg  (V.  ce  mot).  Aug.  M. 

DUQUESNE.  Village  d'Algérie,  dép.  de  Constantine, 
arr.  de  Bougie,  à  9  kil.  au  S.  de  Djidjeli,  créé  sur  des 
terres  séquestrées  des  tribus  révoltées  en  1871  ;  2,527  hab. 
dont  262  Français.  Situé  dans  une  région  riche  en  oliviers 
et  chênes  lièges,  où  le  sol  est  fertile,  il  a  prospéré  rapi- 
dement et  est  le  ch.-lieu  d'une  commune  de  plein  exer- 
cice qui  comprend  les  annexes  de  Chadia  et  M'radet 
Moussa.  E.  Cat. 

DUQUESNE  (Abraham),  amiral  français,  né  à  Dieppe 
en  1610,  mort  à  Paris  le  2  févr.  1688.  Il  était  fils  d'Abra- 
ham Duquesne,  marin  et  marchand,  et  de  Marthe  de  Caux  ; 
les  Duquesne  étaient  protestants  et  Marthe  de  Caux  avait 
adopté  la  religion  de  son  mari.  Dès  1617,  le  jeune  Abraham 
fut  lieutenant  de  son  père  sur  le  Petit  Saint-André  qui 
servait  d'éclaireur  à  la  flotte  française  ;  son  i)ère,  étant 
tombé  malade,  il  en  prit  le  commandement,  et  enleva  d'as- 
saut un  navire  hollandais,  le  Berger,  qu'il  ramena  à 
Dieppe  et  qui  lui  fut  adjugé  par  le  Parlement.  En  1635,  il 
commanda  le  Neptune  dans  la  Méditerranée  et  fit  partie 
de  l'armée  navale  qui,  en  1636,  opéra  le  recouvrement  des 
îles  de  Lérins  sur  les  Espagnols.  On  retrouve  Duquesne 
devant  Fontarabie  en  1638,  sur  \e  Saint- Jean,  puis  en 
1639  à  la  prise  de  Laredo,  en  Biscaye.  Il  y  commanda  le 
Maquedo,  bâtiment  espagnol  pris  à  l'ennemi,  sur  lequel  il 
fut  blessé.  En  1641,  avec  un  petit  flibot,  il  dégagea  une 
barque  française  capturée  par  quatre  galères  espagnoles  ; 
la  même  année,  sur  les  côtes  de  Catalogne,  il  fit  subir  de 
rudes  échecs  aux  bâtiments  espagnols.  Il  se  distingua  le 
9  août  1643  devant  Barcelone,  puis  le  3  sept.,  sous  le  cap 
de  Gâta,  où  il  fut  blessé.  En  1644,  Abraham  Duquesne  ne 
se  trouvant  pas  employé  par  son  pays,  sollicita  du  cardi- 
nal Mazarin  la  permission  d'aller  servir  la  Suède  qui  en- 
trait en  guerre  avec  le  Danemark.  Il  fut  admis  dans  la 
marine  suédoise  en  qualité  de  capitaine  de  vaisseau  ;  son 
plus  jeune  frère,  qui  l'accompagnait,  reçut  aussi  un  grade. 
A  la  suite  des  combats  auxquels  il  prit  part,  Abraham 
Duquesne  obtint  le  14  sept,  suivant  le  brevet  d'amiral- 
major.  Il  se  trouvait  comme  commandant  du  liegina  à  la 
bataille  navale  de  Femeren  (13  oct.  1644),  qui  fut  une 
défaite  pour  la  flotte  danoise.  Son  frère  Jacob,  qui  s'y  était 
distingué  aussi,  fut  nommé  capitaine  de  vaisseau.  La  paix 
ayant  été  signée  en  1645,  Duquesne  rentra  en  France.  Il 
fut  nommé  chef  d'escadre  et,  en  1647,  retourna  en  Suède 


d'où  il  ramena  des  vaisseaux  cédés  par  ce  pays  à  la  France. 
Pendant  la  Fronde,  il  commanda  quelques  vaisseaux  du 
roi  envoyés  contre  Bordeaux  révolté.  Vers  1650,  Duquesne 
épousa  Gabrielle  de  Dernières. 

Duquesne  était  depuis  1667  lieutenant  général  des  ar- 
mées de  mer,  lorsque,  en  1672,  la  guerre  fut  déclarée  à  la 
Hollande.  Après  une  courte  disgrâce,  due  à  des  difficultés 
qu'il  eut  avec  le  comte  d'Estrées,  disgrâce  qui  l'empêcha 
de  servir  sous  cet  amiral  dans  la  Manche,  il  fut  envoyé  en 
janv.  1675  dans  les  mers  de  Sicile  sous  les  ordres  du  duc 
de  Vivonne.  Il  devait  rencontrer  là  comme  adversaire  le 
célèbre  amiral  hollandais  Ruyter.  Le  11  janv.,  un  enga- 
gement eut  lieu  près  de  Stromboli,  et  la  flotte  hollandaise 
fut  défaite.  Le  17  août  suivant,  Duquesne  montra  égale- 
ment une  vigueur  remarquable  à  la  prise  d'Agosta.  Au 
commencement  de  l'année  suivante,  les  deux  adversaires 
se  retrouvèrent  en  présence.  La  rencontre  eut  lieu  le 
8  janv.  1676  vers  l'île  de  Salina,  au  N.  de  Lipari,  non 
loin  des  îles  Alicudi  et  FiHcudi.  La  flotte  hollandaise 
fut  mise  en  déroute  après  une  résistance  opiniâtre.  Du- 
quesne fut  blessé  à  la  jambe  par  un  édlat  de  bois  ;  grâce  à 
cette  victoire,  il  put  opérer  sa  jonction  avec  l'escadre  du 
lieutenant  général  d'Alméras.  Un  peu  plus  tard,  le  duc  de 
Vivonne,  bloqué  devant  Messine,  céda  le  commandement  de 
l'armée  navale  à  Duquesne.  Celui-ci  se  retrouva  le  22  avr. 
en  face  des  flottes  espagnole  et  néerlandaise  réunies  devant 
Syracuse,  entre  Catane^  et  Agosta.  Ce  fut  un  combat  furieux 
d'où  la  flotte  française  sortit  victorieuse.  L'amiral  Ruyter 
y  fut  atteint  par  un  boulet  et  mourut  peu  après.  Duquesne 
se  porta  ensuite  vers  la  baie  de  Messine  où  un  engagement 
eut  lieu  le  2  juin.  Après  ces  opérations,  il  fut  envoyé  à 
Toulon  par  le  duc  de  Vivonne  pour  chercher  des  troupes 
de  renfort.  En  1681,  Duquesne,  ayant  acheté  de  la  mar- 
quise de  Clérembault  la  baronnie  du  Bouchet,  près 
d'Etampes,  reçut,  à  cette  occasion,  une  gratification  du  roi, 
et  la  terre  du  Bouchet  fut  érigée  en  marquisat,  mais  à  la 
condition  que  ni  Duquesne  ni  ses  descendants  n'y  exerçassent 
le  culte  calviniste.  Sa  qualité  de  protestant  l'empêcha  de 
recevoir  du  roi  tous  les  honneurs  dont  il  était  digne.  En 
1680  et  1681,  Duquesne  avait  été  envoyé  dans  la  Médi- 
terranée contre  les  corsaires  de  Tripoli  ;  en  1682,  il  bom- 
barda Alger.  En  1683,  il  commanda  une  nouvelle  expédi- 
tion contre  Alger,  et,  en  1684,  il  bombarda  Gênes  qui  dut 
subir  des  conditions  humiliantes.  Ce  fut  cette  année  que 
finit  la  carrière  active  de  Duquesne  :  il  mourut  en  1688 
d'une  attaque  d'apoplexie.  Gustave  Regelsperger. 

BiBL.  :  Jal,  Abraham  Duquesne  et   la   marine  de  son 
temps  ;  Paris,  1873,  2  vol.  in-8. 

DU  QU  ESN  E  (Henri,  marquis),  baron  d'AuBONNE,  mili- 
taire et  homme  politique  genevois,  né  en  1652,  mort  à 
Genève  le  14  nov.  1722.  Fils  aîné  du  précédent,  il  entrait 
à  quatorze  ans  comme  enseigne  dans  la  marine  française. 
A  vingt-trois  ans,  il  était  déjà  capitaine  de  vaisseau  et  en 
cette  qualité  il  se  distingua  contre  les  flottes  espagnoles  et 
hollandaises.  Au  combat  de  Catane,  il  prit  un  vaisseau  à 
l'ennemi  et  fut  grièvement  blessé.  En  1683  il  se  distingua 
au  bombardement  d'Alger.  Les  persécutions  contre  ses 
coreligionnaires,  les  réformés,  le  décidèrent  à  quitter  le 
royaume  avec  l'autorisation  de  Louis  XIV.  Il  vint  habiter 
le  pays  de  Vaud  et  acheta,  en  1685,  la  baronnie  d'Aubonne. 
Après  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes  il  voulut  fonder 
dans  l'île  Bourbon  une  république  de  réfugiés  sous  la 
suzeraineté  hollandaise.  Dix  vaisseaux  furent  équipés  dans 
ce  but.  Tout  était  prêt  lorsqu'il  apprit  que  les  vaisseaux 
français  s'opposeraient  au  débarquement.  Il  renonça  alors 
à  son  projet  pour  ne  pas  porter  les  armes  contre  sa  patrie. 
Revenu  à  Aubonne,  il  offrit  plus  tard  ses  services  aux 
Bernois  contre  le  duc  de  Savoie  et  commanda  même  une 
flottille  de  guerre  sur  le  lac  Léman  :  c'est  lui  qui  fit 
creuser  le  port  de  Morges.  Ayant  vendu  Aubonne,  il  se 
retira  à  Genève  dont  il  devint  bourgeois  le  6  mai  1704. 
Il  s'y  occupa  d'écrits  dogmatiques  et  du  soulagement  de 
ses  coreligionnaires  chassés  de  France.  E.  K. 


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DUQUESNE  —  DUQUESNOY 


D  U QU  ES N  E  (Arnaud  -Bernard  d'Icârd)  ,  docteur  en 
Sorbonne,  vicaire  général  de  Soissons,  aumônier  de  la 
Bastille,  né  à  Paris  en  1732,  mort  à  Paris  le  20  mars  1791. 
Il  est  l'auteur  de  plusieurs  livres  de  dévotion  qui  ont  été 
souvent  réimprimés  et  qui  sont  encore  lus  aujourd'hui  : 
Retraite  spirituelle  ou  ejitretiens  familiers,  selon  V es- 
prit de  saint  François  de  Sales  et  de  sainte  Chantai 
(Paris,  1772,  in-12)  ;  Evangile  médité  et  distribué  pour 
tous  les  jours  de  l'année  (Paris,  1773,  12  vol.  in-12); 
le  plan  et  la  matière  de  ce  livre  appartiennent  au  P.  Girau- 
deau,  jésuite;  Année  apostolique  ou  Méditations  pour 
tous  les  jours  de  r année  tirées  des  actes  des  Apôtres,  des 
Epîtres  et  de  l'Apocalypse  (Paris,  1791, 12  vol.  in-12)  ; 
les  Grandeurs  de  Marie  (Paris,  1791,  2  vol.  in-12). 

DUQUESNEL  (Amédée),  littérateur  français,  né  à  Lo- 
rient  en  1802.  Bibliothécaire  de  Saint-Malo.  Outre  des 
poèmes  :  Chants  français  (1823),  Napoléon  au  mont 
Thabor  (1825),  il  a  pubhé  :  Histoire  des  lettres  (Paris, 
1836-1844,  7  vol.  in-8),  cours  de  littérature  qui  comprend 
depuis  Moïse  jusqu'à  la  naissance  de  Jésus-Christ,  les  cinq 
premiers  siècles  du  christianisme,  le  moyen  âge  et  les  xv^, 
xvi^,  xvii^  et  XVIII®  siècles  ;  Du  Travail  intellectuel  en 
France  depuis  181 5  jusqu'à  1837  (Paris,  1839,  2  vol. 
in-8);  Eliza  de  Rhodes  (^841,  2  vol.  in-8). 

DUQUESNEL,  administrateur  français  et  directeur  de 
théâtre,  né  vers  1835.  Possesseur  d'une  fortune^  consi- 
dérable et  ayant  le  goût  des  choses  du  théâtre,  il  s'associa 
avec  de  Chilly,  vers  1865,  lorsque  celui-ci,  après  avoir 
quitté  la  direction  de  l' Ambigu-Comique,  prit  celle  de 
rOdéon.  M.  Duquesnel  avait  alors  pour  spécialité  de 
s'occuper  des  questions  administratives  proprement  dites  ; 
mais  c'est  pendant  ce  temps  qu'il  fit  son  apprentissage, 
surtout  de  metteur  en  scène,  grâce  aux  exemples  que 
lui  donnait  de  Chilly,  particulièrement  expert  en  cette 
matière.  A  la  mort  de  ce  dernier,  M.  Duquesnel  de- 
meura seul  directeur  de  l'Odéon,  et  on  lui  reprocha  pré- 
cisément de  sacrifier  un  peu  la  littérature  au  prestige  de  la 
décoration  et  de  la  mise  en  scène.  Parmi  les  pièces  qu'il 
produisit  au  cours  de  sa  direction,  il  faut  citer  :  les  Da- 
nicheff,  de  M.  Pierre  Cor  vin;  la  Jeunesse  de  Louis  XIV 
et  Joseph  Balsamo,  d'Alexandre  Dumas  ;  le  Trésor,  de 
M,  François  Coppée  ;  Déidamia,  de  Théodore  de  Banville  ; 
les  Noces  d'Attila,  de  M.  Henri  de  Bornier  ;  le  Grand 
Frère,  de  M.  Pierre  Elzéar  ;  la  Maîtresse  légitime,  de 
Louis  Davyl  ;  Un  Drame  sous  Philippe  II,  de  M.  de 
Porto-Riche  ;  VHetman,  de  M.  Paul  Déroulède,  etc.  En 
juin  1880,  M.  Duquesnel  quitta  l'Odéon  et  prit  une  part 
dans  la  direction  du  Châtelet,  dont  le  titulaire  était 
M.  Emile  Rochard.  Mais  cette  association  fut  de  courte  durée 
et,  après  un  certain  temps  d'inaction,  M.  Duquesnel  devint, 
en  1884,  directeur  de  la  Porte-Saint-Martin,  où  il  appela 
à  lui  M^«  Sarah  Bernhardt,  qui  venait  de  quitter  bruyam- 
ment la  Comédie-Française.  C'est  avec  l'aide  du  talent 
de  cette  artiste  qu'il  monta  deux  grandes  pièces  de 
M.  Victorien  Sardou  :  Théodora  et  la  losca,  et  qu'il  fit 
une  reprise  brillante  de  la  Dame  aux  camélias;  il 
monta  aussi  le  Crocodile,  de  M.  Sardou,  et  la  Grande 
Marnière,  puis  reprit  tour  à  tour  Marion  Delorme,  les 
Beaux  Messieurs  de  Bois-Doré,  le  Chevalier  de  Mai- 
son-Rouge, la  Closerie  des  genêts,  Robert  Macaire,  etc. 
En  1891,  M.  Duquesnel  a  quitté  la  Porte-Saint-Martin, 
dont  le  bail  a  été  acquis  par  M.  Emile  Rochard. 

DUQUESNOIS  (Julien),  grammairien  français,  né  à 
Rennes  en  1797,mort  en  1865.  Compositeur  d'imprimerie, 
il  s'adonna  à  l'enseignement,  dirigea  la  salle  Molière  et 
devint  professeur  d'éloquence  à  Saint-Louis,  puis  à  Louis- 
le-Grand.  On  a  de  lui  :  Manuel  de  F  orateur  et  du  lec- 
teur (Paris,  1841,  in-8),  qui  a  eu  de  nombreuses  éditions 
et  porte,  à  partir  de  la  treizième,  le  titre  de  Méthode  de 
prononciation  et  de  lecture;  Fables  choisies  de  La 
Fontaine  notées  et  ornées  de  400  gravures  pour  la 
récitation  (1845,  in-l8);  Nouvelle  Prosodie  française 
(1849,  in-12). 


DUQUESNOY  (François),  sculpteur  flamand,  plus  connu 
en  France  sous  le  nom  de  François  Flamand,  et  en  Italie 
sous  celui  de  Francesco  Flamingo,  né  à  Bruxelles  en  1594, 
mort  à  Livourne  le  12  juil.  1642.  Son  père,  Henri  Duques- 
noy  ou  Quesnoy,  lui  enseigna  les  premières  notions  de  son 
art.  Rubens,  avec  lequel  iffut  lié  intimement,  comme  l'at- 
teste leur  correspondance,  le  recommanda  à  l'archiduc  Albert. 
Celui-ci,  après  avoir  vu  un  Saint  Sébastien  en  ivoire  du 
jeune  sculpteur,  lui  fit,  en  1619,  une  pension  pour  lui 
permettre  d'aller  étudier  en  Italie,  et  cet  artiste  partit 
aussitôt  pour  Rome.  L'archiduc  étant  mort  en  1621,  la 
pension  lui  fut  supprimée  ;  il  fut  alors  employé  par  un  nommé 
Claude  Lorenese.  Un  marchand  flamand  du  nom  de  Pescator 
lui  commanda  un  groupe  en  marbre  de  Vénus  et  l'Amour, 
qui  commença  sa  réputation.  Il  logeait  avec  son  ami  Nie. 
Poussin,  et  les  deux  artistes  profitèrent  de  ces  relations. 
Le  marquis  Vincenzo  Giustiniani  prit  François  Duquesnoy 
sous  sa  protection  ;  il  lui  commanda  pour  sa  célèbre  galerie 
une  statue  de  la  Vierge,  en  marbre,  plus  grande  que 
nature,  et  deux  statues  en  bronze,  Apollon  et  Mercure, 
Peu  après,  Duquesnoy  eut  à  faire  le  buste  du  cardinal 
Maurice  de  Savoie.  Il  exécuta  pour  le  cardinal  François 
Barberino,  un  bas-relief  représentant  des  Enfants  jouant 
avec  une  chèvre,  et  pour  le  célèbre  amateur  d'Amsterdam, 
Van  Ulfen,  un  Amour  adolescent  en  marbre,  s'efforçant 
à  tendre  un  arc;  en  1637,  cette  statue  fut  offerte  à  la 
princesse  d'Orange.  «  Bientôt  après,  a  écrit  Ph.  Baert, 
Duquesnoy  fit  la  statue  de  Sainte  Suzanne,  placée  actuel- 
lement dans  l'église  Notre-Dame  de  Lorette,  près  de  la  co- 
lonne Trajane.  Ce  morceau  étonna  les  plus  habiles  sculpteurs 
et  suscita  l'envie.  Sandrart  et  Bellori  rapportent  les  intrigues 
et  les  tracasseries  qu'on  excita  contre  lui,  pendant  son  sé- 
jour à  Rome  ;  elles  fatiguèrent  tellement  cet  artiste  que  sa 
santé  en  souffrit.  »  Le  pape  Urbain  VHI,  ayant  formé  en 
1630  le  projet  d'orner  avec  des  statues  colossales  en 
marbre  les  quatre  énormes  pieds-droits  qui  soutiennent  la 
coupole  de  Saint-Pierre,  François  Duquesnoy  fut  chargé  de 
celle  de  Saint  André,  statue  haute  de  quinze  pieds  ;  elle 
lui  coûta  sept  années  du  travail  le  plus  assidu.  Cet  artiste 
est  surtout  célèbre  par  la  perfection  avec  laquelle  il  repré- 
sentait les  petits  enfants.  Bellori  le  regardait  comme  le  plus 
parfait  de  tous  les  sculpteurs,  pour  rendre,  avec  toutes  les 
grâces  possibles,  la  déhcatesse  des  formes  et  contours  des 
bambini.  —  On  cite  encore  parmi  ses  œuvres  les  plus 
importantes  la  décoration  du  baldaquin  de  Saint-Pierre 
de  Rome  ;  l'épitaphe  en  marbre  de  N.  Van  Ulfen,  composée 
d'un  voile  funèbre  soutenu  par  deux  génies,  dans  l'église  de 
Sainte-Marie,  dite  V Anima;  l'épitaphe  d'Adrien  Vryburg, 
composée  dans  un  goût  analogue  et  placée  dans  la  même 
église;  le  monument  de  Jacques  de  Hase,  peintre  d'Anvers, 
dans  l'église  Sainte-Marie  du  Campo  Santo  ;  celui  de 
Bernard  Gabrieh,  dans  l'église  Saint-Laurent-hors-les-Murs. 
A  Naples,  Duquesnoy  orna  d'un  buste  et  de  deux  génies  la 
sépulture  de  Gaspard  de  Vischer,  dans  l'église  de  VA7îima 
et  fit  pour  la  famille  desFilomarini,  dans  l'église  des  Saints- 
Apôtres,  un  grand  bas-relief  en  marbre,  représentant  un 
Concert  de  chérubins.  Au  palais  royal  de  Madrid  on  voyait, 
de  cet  artiste,  deux  bas-reliefs  en  marbre  :  Jeu  d'enfants 
et  Hercule  au  berceau;  au  palais  électoral  deMannheim, 
un  Christ  à  la  colonne  et  un  Saiîit  Sébastien  en  ivoire  : 
à  Vienne,  chez  le  prince  de  Lichtenstein,  un  grand  crucifix 
en  ivoire.  Il  faut  ajouter  à  cette  liste  des  œuvres  de  François 
Duquesnoy  les  bustes  en  marbre  de  Sophocle  et  de  Xéno- 
phon ,  et  les  fameux  bas-reliefs  de  Silène  endormi  et  de 
l'A  mour  divin,  vainqueur  de  l'Amour  profane.  Le  célèbre 
amateur  Crozat  duChâtel  possédait  dans  soncabinet,en  1750, 
une  statue  en  marbre  de  Bacchus  par  François  Duquesnoy. 
Cet  habile  artiste  ne  fut  jamais  heureux  ;  il  mourut  au  mo- 
ment où  le  cardinal  de  Richelieu,  conseillé  par  le  Poussin, 
l'appelait  à  Paris  pour  fonder  une  école  de  sculpture. 
S'étant  mis  en  route  pour  la  France,  la  maladie  de  langueur 
qui  le  minait  l'obligea  de  s'arrêter  à  Livourne,  où  il  expira  ; 
son  corps  fut  inhumé  dans  l'église  des  Cordeliers  de  cette 


DUQUESNOY  -  DURAN  —  106  — 

ville.  Quelques  historiens  ont  accusé  son  frère,  Jérôme,  de 
l'avoir  empoisonné  ;  d'autres  historiens  l'ont  confondu  avec 
ce  même  Jérôme,  qui  termina  sa  vie  d'une  façon  encore  plus 
tragique.  Le  portrait  de  François  Duquesnoy  a  été  gravé  par 
P.  Van  Bleech  en  1751.  Maurice  Du  Seigneur. 

BiBL.  :  Mariette,  Abecedario^  t.  II,  pp.  131  et  suiv- 
—  Félibien,  Entretiens  sur  les  vies  et  les  ouvrages  des 
peintres;  Trévoux,  1725,  in-12,  t.  IV,  p.  12.  —  Abbé  de 
FoisTENAi,  Dictionnaire  des  artistes^  1776,  in-8.  —  Ph.  Baert, 
Mémoires  sur  les  sculpteurs  et  architectes  des  Pays-Bas, 
dans  Bulletin  de  la  commission  royale  d'histoire^  in-8, 
t.  XIV.  —  B'ÉTis,  Notice  sur  Duquesnoy  ;  Bruxelles,  1856. 

DUQUESNOY  (Jérôme),  sculpteur  flamand,  né  en  1612, 
exécuté  à  Gand  en  1654.  Il  était  frère  de  François  Du- 
quesnoy, qu'il  accompagna  en  Italie.  En  1645,  Philippe  IV, 
roi  d'Espagne,  le  manda  à  Madrid  et  le  nomma  son  sculpteur 
et  son  architecte.  De  retour  dans  son  pays,  il  sculpta  pour 
l'église  Saint-Bavon  de  Gand  les  figures  du  beau  mausolée 
de  l'évêque  Triest.  Ses  autres  œuvres  sont  :  à  Anvers,  les 
statues  en  albâtre  des  Saints  Mathias,  Thadée  et  Simon, 
placées  dans  la  grande  nef  de  l'église  de  l'abbaye  Saint- 
Michel;  à  Bruxelles,  les  quatre  statues  en  pierre  des 
Saints  Paul,  Thomas,  Barthélémy  et  Mathias,  dans  la 
grande  nef  de  Sainte-Gudule  ;  une  statue  de  Saint  Mathieu 
à  Notre-Dame  de  La  Chapelle;  une  Sainte  Ursule  en 
marbre  à  Notre-Dame  du  Sablon  ;  un  groupe  en  marbre  de 
la  Vierge  et  sainte  Anne,  dans  l'église  des  Jésuites.  Il  y 
avait  encore  de  cet  artiste  un  tombeau  orné  d'un  buste  et  de 
deux  génies,  dans  l'éghse  des  Bécollets,  et  une  statue  en 
marbre  de  Bellone,  dans  l'hôtel  du  prince  de  La  Tour. 
Jérôme  Duquesnoy  est  l'auteur  de  la  médaille  de  l'archiduc 
Léopold  d'Autriche;  il  aurait  aussi  sculpté,  vers  1648,  la 
fameuse  petite  statue  du  Manneken-pis,  dont  le  bronze 
orne  la  fontaine  de  la  rue  de  l'Etuve  à  Bruxelles.  Il  fut 
condamné,  le  28  sept.  1654,  à  mort  pour  le  crime  de 
sodomie  commis  avec  un  enfant  de  chœur,  dans  l'église  de 
Saint-Bavon. 

BiBL.  :  Mariette,  Abecedario,  t.  II,  pp.  131  et  suiv.  — 
Ph.  Baert,  Mémoires  sur  les  sculpteurs  et  architectes  des 
Pays-Bas^  dans  Bulletin  de  la  Commission  royale  d'his- 
toire, in-S.t.  XIV,  p.  IQ. 

DUQUESNOY  (Ernest- Dominique -François -Joseph), 
homme  politique  français,  né  à  Bouvigny-Boyeffles  (Pas- 
de-Calais)  en  1748,  mort  à  Paris  le  16  juin  1795.  Ex- 
moine, cultivateur  à  Boyeffles,  il  fut  député  du  Pas-de- 
Calais  à  la  Législative,  puis  à  la  Convention,  où  il  siégea 
parmi  les.  plus  exaltés  montagnards,  et  émit,  dans  le  procès 
de  Louis  XVI,  les  votes  les  plus  rigoureux.  Envoyé  en 
mission  à  l'armée  du  Nord  par  décrets  des  30  sept.  1792, 
4, 12  et  30  avr.  1793,  il  s'y  fit  remarquer  par  son  énergie 
et,  à  Wattignies,  marcha  avec  Carnot  en  tête  des  troupes 
répubhcaines.  Compromis  dans  les  événements  de  prairial 
an  III,  il  fut  condamné  à  mort  par  la  commission  miUtaire 
avec  les  derniers  montagnards  et  se  tua  d'un  coup  de 
couteau.  F.-A.  A. 

DUQUESNOY  (Adrien-Cyprien) ,  homme  politique  fran- 
çais, né  à  Briey  (Meurthe-et-Moselle)  le  26  sept.  1759, 
mort  à  Bouen  le  3  mars  1808.  Avocat  et  publiciste,  syndic 
provincial  de  Lorraine  et  Barrois,  il  fut  député  aux  Etats 
généraux  par  le  tiers  état  du  bailliage  de  Bar-le-Duc.  Il 
siégea  et  opina  avec  les  constitutionnels.  Mais,  au  commen- 
cement de  1791,  il  essaya  d'enrayer  la  Bévolution,  se  rap- 
procha de  la  cour  et  fut  en  butte  aux  attaques  des  jacobins, 
à  cause  de  son  journal  ultra-modéré,  l'Ami  des  patriotes, 
qui  passait  pour  payé  par  la  liste  civile.  A  la  fin  de  1791,  il 
fut  nommé  directeur  des  postes  à  Nancy  et  se  fit  élire  maire 
de  cette  ville  le  17  févr.  1792.  Compromis  dans  les  papiers 
de  l'armoire  de  fer,  il  fut  arrêté,  traduit  devant  le  tribunal 
révolutionnaire  et  acquitté  le  18  vendémiaire  an  III.  Après 
le  18  brumaire,  il  devint  chef  de  bureau  au  ministère  de 
l'intérieur,  puis  maire  du  X^  arrondissement.  C'est  en  cette 
qualité  qu'il  inscrivit  sur  ses  registres  le  mariage  de  Lucien 
Napoléon  avec  M^^  Jouberthon.  Disgracié  par  Napoléon  et 
ayant  perdu  sa  fortune  par  la  ruine  d'une  grande  filature 
qu'il  avait  fondée  près  de  Bouen,  il  se  donna  la  mort  en 


se  jetant  dans  la  Seine.  On  a  de  lui  divers  mémoires  sur  des 
questions  d'agriculture  et  d'économie  politique  (V.  la  France 
littéraire  de  Quèrâvà) .  F.-A.  A. 

DURyEUS  (V.  DuRY  [Jean]). 

DU  RAM  EAU  (Louis-Jacques),  peintre  français,  né  à 
Paris  en  1733,  mort  à  Versailles  le  4  sept.  1796.  Cet  artiste 
obtint  le  grand  prix  deBome  en  1757.  Les  principales  œuvres 
qu'il  exécuta  furent  :  le  Triomphe  de  la  Justice  (S. 
1767;  Palais  du  parlement  de  Bouen);  le  Martyre  de 
saint  Cyr  et  de  sainte  Juliette;  la  Mort  de  saint  Fran- 
çois de  Sales  (même  Salon  ;  église  de  Saint-Cyr)  ;  por- 
trait du  sculpteur  Bridan;  l'Eté,  plafond  pour  la  galerie 
d'Apollon  au  Louvre,  et  qui  fut  le  morceau  de  réception 
de  l'auteur  à  l'Académie  (1774).  Cet  artiste  fut  peintre  de 
la  chambre  du  roi  et  garde  de  ses  tableaux  à  Versailles. 
Plusieurs  de  ses  œuvres  sont  aux  musées  d'Alençon  et  de 
Besançon  ;  d'autres  ont  été  gravées  par  Levasseur.  On  y 
remarque  un  talent  facile  et  aimable,  d'un  caractère  déco- 
ratif très  prononcé,  mais  sans  fermeté  de  dessin.     Ad.  T. 

DU  RAM  EN  (V.  Bois  [Botanique]). 

DURAN.  Cora.  du  dép.  du  Gers,  arr.  et  cant.  (N.)  d'Auch  ; 
192  hab. 

DU RAN  (Diego) ,  historien  hispano-mexicain,  n-é  à  Mexico 
vers  1538,  mort  en  1588.  Fils  d'un  Espagnol  et  d'une 
indigène,  il  entra  dans  l'ordre  de  Saint-Dominique  en  1556 
et  fut  desservant  dansl'Anahuac.  Il  écrivit  d'après  les  pein- 
tures et  les  traditions  mexicaines  et  les  récits  des  premiers 
conquistadores  :  Antiguallas  (mythologie,  rituel  et  calen- 
drier) et  Historia  de  los  Mexicanos,  achevées  celles-là 
en  1579,  celle-ci  en  1581,  et  publiées  ensemble  d'après 
l'unique  manuscrit  (conservé  à  Madrid  et  où  l'ordre  des 
matières  est  interverti)  sous  le  titre  délusoire  de  Historia 
de  las  Indias  de  Nueva  Espana  y  islas  de  Tierra-Firme 
(Mexico,  1867,  in-4,  t.  I,  par  les  soins  de  J.-F.  Bamirez; 
ibid.,  1880,  t.  II,  par  Gumesindo  Mendoza,  avec  50  pi., 
reproduisant  d'anciennes  peintures  et  un  Appendice  d'A. 
Chavero).  Ces  deux  ouvrages,  fondés  sur  une  intime  con- 
naissance du  sujet,  sont  aussi  précieux  que  ceux  de  Saha- 
gun  et  de  Torquemada.  Dâvila  Padilla  en  fit  un  élégant  ré- 
sumé et  le  P.  J.  Tobar  s'en  servit  pour  composer  un 
abrégé  que  J.  d'Acosta  utilisa  dans  son  Histoire  naturelle 
et  morale  des  Indes.  Bamirez,  détenteur  du  manuscrit  de 
Tobar,  s'était  imaginé  que  cet  abrégé,  peu  estimé  de  Tor- 
quemada, était  l'original  des  deux  volumes  du  P.  Duran, 
opinion  partagée  par  les  savants  du  Mexique,  à  l'exception 
de  J.-G.  Icazbalceta,  mais  dont  la  fausseté  a  été  démontrée 
par  E.  Beauvois  dans  les  Antiquités  mexicaines  du 
P.  D.  Duran  comparées  aux  abrégés  des  PP.  J.  Tobar 
et  J.  d'Acosta  [Revue  des  questions  historiques,  juil. 
1885).  —  Beristain  suppose  qu'il  était  fils  de  Juanote 
Duran  dont  la  Geografia  de  la  Nueva  Espana,  composée 
avant  1554  et  accompagnée  de  dix-huit  cartes,  est  la  plus 
ancienne  qui  traite  amplement  du  Mexique. 

DURAN  (Augustin),  poète  et  critique  espagnol,  né  à 
Madrid  le  14  oct.  1789,  mort  à  Madrid  le  l^""  déc.  1862. 
Il  fut  directeur  de  la  bibliothèque  royale  et  membre  de 
l'Académie  espagnole.  Son  Discurso  sobre  el  influjo  que 
ha  tenido  la  critica  moderna  en  la  decadéncia  del 
teatro  antiguo  espanol  (Madrid,  1828,  in-8)  contribua  à 
l'émancipation  du  théâtre  national.  Son  œuvre  la  plus  mé- 
ritoire est  la  publication  du  Romancero  complet  (1828- 
1832,  5  vol.  pet.  in-8;  éd.  refondue,  1849-1851,  2  vol. 
gr.  in-8)  avec  des  notes  savantes.  Il  eut  aussi  part  à  la 
Colecciôn  gênerai  de  comedias  escogidas  del  teatro  an- 
tiguo espanol,  donna  une  édition  de  Saynètes  de  Bamôn 
de  la  Cruz  (1843),  etc.  Parmi  ses  poésies,  on  remarque  un 
poème  chevaleresque  sur  don  Florès  de  Trébizonde,  dans 
le  langage  du  xv*^  siècle  :  Leyenda  de  las  très  toronjas 
del  ver  gel  de  amor  (1856).  G.  P-i. 

DURAN  (Charles-Auguste-Emile,  dit  Carolus),  peintre 
français,  né  à  Lille  le  4  juil.  1837.  Elève  de  Souchon,  il 
fut  d'abord  pensionnaire  de  la  ville  de  Lille  à  Paris,  puis 
de  la  Société  des  sciences  et  arts  à  Bome.  Il  s'hnposa. 


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DURAN  —  DURANCY 


dès  le  début,  à  Tattention  du  public,  avec  un  tableau  dra- 
matique et  saisissant,  V Assassiné,  scène  de  la  campagne 
romaine.  Cette  composition,  peinte  à  Rome  en  1865,  appar- 
tient aujourd'hui  au  musée  de  Lille  ;  elle  fut  exposée  en 
1866.  M.  Carolus  Duran,  peu  de  temps  après  ce  succès, 
partit  pour  l'Espagne  où  il  étudia  avec  amour  Velasquez.  Le 
portrait  de  M.  Edouard  jR.,  et  celui  de  la  Dame  au 
gant  (M"»®  Carolus  Duran)  contribuèrent  à  le  faire  placer 
parmi  nos  plus  brillants  portraitistes.  La  Dame  au  gant 
(musée  du  Luxembourg)  est  une  œuvre  élégante,  souple  et 
moelleuse;  le  modèle,  tout  en  noir,  se  détache  avec  vigueur 
sur  un  fond  blanc.  Le  portrait  de  M^«  Feydeau  est  aussi 
une  peinture  de  premier  ordre  ;  l'artiste  a  représenté  une 
femme,  grande  et  belle,  en  robe  violette  ornée  de  dentelles, 
s'enlevant  sur  un  fond  vert  sombre.  Des  portraits  d'enfants, 
des  portraits  de  dames  du  monde  se  succédèrent  à  nos 
Salons  et  à  nos  expositions  des  Cercles,  témoignant  des 
tentatives  les  plus  diverses,  des  recherches  les  plus  curieuses 
sur  des  variations  de  tons  et  de  couleurs  ;  au  Salon  de 
1870,  il  envoya  la  Dame  au  chien  (musée  de  Lille)  ;  à 
celui  de  1872,  il  exposa  deux  excellents  portraits,  remplis 
de  vie  et  d'une  expression  supérieure.  En  1873,  il  peignit 
sous  ce  titre.  Au  bord  de  la  mer,  M^^^  Croizette  —  sa 
belle-sœur  —  montée  sur  un  cheval  bai,  en  costume  d'ama- 
zone. On  se  souvient  aussi  des  portraits  de  ses  enfants, 
Marie-Anne  et  Sabine.  Au  Salon  de  1879,  il  obtenait  la 
médaille  d'honneur,  classé  hors  ligne ,  grâce  au  portrait 
magistral  de  M°*«  la  Comtesse  de  VandaL  Ce  portrait  est 
peint  avec  une  remarquable  richesse  de  coloris.  Grande, 
blonde,  puissante,  la  figure  est  en  pleine  lumière,  sur  un 
fond  neutre  et  pourtant  assez  fortement  coloré.  Le  costume 
est  d'un  grand  luxe  :  le  satin  blanc  y  déploie  de  charmants 
effets  sur  une  jupe  de  damas  d'une  blancheur  moins  légère 
et  un  peu  plus  sèche.  Sur  ce  costume,  qui  a  son  harmonie 
élégante,  est  posé  un  épais  manteau  de  fourrure  ;  la  main 
gauche  du  personnage  l'écarté,  tandis  que  la  main  droite 
effeuille  une  fleur.  On  peut  citer  parmi  les  personnes  repré- 
sentées tour  à  tour  par  le  pinceau  de  M.  Carolus  Duran, 
M^«  Cahen  d'Anvers,  M«^^  de  Pourtalès,  W^  Lloyd  de 
la  Comédie-Française,  M^^  Maurice  Richard,  M°^«  Gold- 
schmidt;  M.  Emile  de  Girardin,  le  maître  d'armes 
Vigeant,  M.  Dauphin,  sénateur,  M.  Philippe  Burty,  etc. 
Au  nombre  des  œuvres  difîérentes  où  s'est  manifesté  le 
talent  de  l'artiste,  il  nous  appartient  de  mentionner  encore 
Dans  la  rosée.  Fin  d'été,  une  peinture  religieuse,  la  Mise 
au  tombeau,  etc.  On  sent  chez  M.  Carolus  Duran  une  ad- 
mirable abondance,  une  virtuosité  heureuse,  un  sentiment 
profond  de  la  vie  moderne.  Il  se  complaît  à  tremper  son 
pinceau  dans  une  couleur  large,  onctueuse,  matérielle. 
C'est  une  nature  ardente,  attirée  par  la  richesse  des  étoffes 
et  la  somptuosité  du  décor  ;  il  aime  tout  ce  qui  chante  et 
tout  ce  qui  vibre.  On  peut  relever  dans  son  œuvre  de 
peintre  une  infinité  de  beaux  morceaux,  exécutés  avec  un 
brio  vraiment  surprenant.  Il  faut  remarquer  toutefois  qu'il 
a  été  souvent  inégal,  à  travers  les  hardiesses  et  les  caprices 
par  lesquels  il  s'est  laissé  séduire.  On  lui  a  aussi  reproché 
d'être  commun  dans  le  rendu  de  certaines  physionomies  : 
c'est  un  défaut  qui,  au  reste,  semble  s'être  atténué  avec  le 
temps  et  qui  se  montre  moins  dans  ses  derniers  tableaux. 
Une  de  ses  compositions  les  plus  importantes  est  le  plafond, 
placé  au  musée  du  Louvre,  Gloria  Mariœ  Medici.  C'est  une 
sorte  de  triomphe,  d'apothéose  éclatante  de  la  reine  de 
France,  qui  fut  immortalisée  par  les  allégories  de  Rubens. 
Cette  œuvre  a  été  vivement  discutée  ;  on  en  a  blâmé  l'ordon- 
nance. On  y  sent,  en  effet,  des  défauts  d'harmonie  qu'on  ne 
signale  pas  dans  des  tableaux  moins  ambitieux  où  l'artiste 
est  demeuré  plus  personnel.  Ant.  Valâbrègue. 

DU  RANGE.  Rivière  de  France  dont  le  cours  est  sou- 
mis au  régime  des  torrents,  mais  l'étendue  de  son  bassin  la 
classe  parmi  les  grandes  rivières.  Elle  a  sa  source  dans  le 
dép.  des  Hautes- Alpes,  au  mont  Genèvre,  à  quelques  kilo- 
mètres à  peine  de  la  frontière  italienne.  Elle  reçoit  tout 
aussitôt,  à  8  kil.,  un  torrent  considérable,  la  Clairée,  des- 


cendant de  la  belle  vallée  de  laNévache;passeàRriançon, 
à  une  ait.  de  1,250  m.;  grossie  de  la  Guisane,  de  la  Cer- 
veyrette  et  de  la  Gyronde,  elle  se  dirige  vers  le  S.,  arro- 
sant L'Argentière,  se  heurtant  au  mont  Dauphin  ;  elle 
oblique  légèrement  à  l'O.,  arrose  Embrun,  Savines,  le 
Sauze,  en  aval  duquel  elle  reçoit  l'Ubaye  ;  passe  ensuite  à 
Rochebrune,  la  Saulce,  Le  Poët;  sortant  du  dép.  des 
Hautes-Alpes  par  700  m.  d'alt.,  elle  rencontre,  dans  le 
dép.  des  Rasses-Alpes,  la  Sasse,  puis  le  Ruech,  baigne  Sis- 
teron,  Volonne,  Peyruis ,  Les  Mées  ;  reçoit  l'Asse,  puis  le 
Verdon  au  point  extrême  des  Rasses-Alpes.  La  Durance  sert 
ensuite  de  limite  entre  les  dép.  de  Vaucluse  et  des  Rouches- 
du-Rhône.  Son  cours  se  relève  vers  le  N.-O.,  arrose 
Mirabeau,  PeyroUes,  Pertuis,  Lauris,  Orgon,  Cheval-Rlanc, 
Cavaillon,  reçoit  le  Calavon,  passe  en  dernier  lieu  à  Caumont 
et  va  se  jeter  dans  le  Rhône  à  environ  5  kil.  au  S.  d'Avi- 
gnon, par  13  m.  d'alt.  La  Durance  est  flottable  sur  la 
plus  grande  partie  de  son  cours,  malgré  l'énorme  volume 
d'eau  que  lui  enlèvent  de  nombreux  canaux,  notamment 
ceux  de  Marseille,  de  Craponne  et  de  Carpentras.  Le  cours 
de  la  Durance  est  de  380  kil.;  son  bassin  embrasse 
1,340,000  hect.;  son  débit  minimum  ne  va  guère  au  delà 
de  40  m.  c.  par  seconde  ;  à  l'étiage  ordinaire,  il  est  de  90 
à  100;  de  3  à  400  à  l'étiage  moyen  et  atteint  souvent 
4,000  m.  c.  par  seconde  dans  les  fortes  crues.  La  rivière 
sort  alors  de  son  lit,  ravageant  les  terres  sur  une  étendue 
de  plusieurs  kilomètres.  Si  la  Durance  peut  être  considérée 
comme  le  plus  important  et  le  plus  terrible  torrent  de 
France,  elle  est  aussi  un  de  ceux  qui  offrent  le  plus  de 
pittoresque.  Dans  les  Hautes-Alpes,  elle  roule  au  fond  de 
gorges  profondes,  traverse  de  magnifiques  vallées  dans  les 
Rasses-Alpes  et  s'épanouit  sur  de  vastes  grèves.  Dans  le 
Vaucluse,  elle  coule,  non  moins  fougueuse  que  dans  les 
plus  hautes  altitudes  dans  un  ht  souvent  profond  et  dont 
la  largeur  dépasse  çà  et  là  un  millier  de  mètres.  Au  sujet 
de  cette  rivière  et  de  son  bassin.  V.  les  art.  consacrés 
aux  dép.  des  Alpes  (Basses-)  et  Alpes  (Hautes-),  Rouches- 
du-Rhône,  Drôme  et  Vaucluse.  G.  Faliès. 

DURANCE.  Com.  du  dép.  de  Lot-et-Garonne,  cant.  de 
Houeillès,  arr.  deNérac  ;  623  hab.  —  La  ville  de  Durance, 
située  dans  la  rase  lande,  fut,  au  moyen  âge,  un  chef-lieu 
de  bailliage  de  la  sénéchaussée  d'Agenais.  On  a  conservé 
quelques  documents  sur  son  occupation  par  les  Anglais,  au 
XIV®  et  au  XV®  siècle.  Réunie  à  la  couronne  de  France,  elle 
fut  cédée  par  Charles  VI  à  Amanieu  d'Albret,  dont  les 
descendants  possédèrent  cette  seigneurie  jusqu'en  1651, 
année  où  elle  fut  donnée  en  échange  au  duc  de  Rouillon. 
Henri  de  Navarre,  qui  devait  être  Henri  IV,  a  séjourné 
souvent  à  Durance,  où  il  se  livrait  au  plaisir  de  la  chasse. 
Il  existe  encore  quelques  restes  de  son  château  et  aussi 
deux  tours  carrées  et  quelques  portions  des  courtines  de  la 
ville,  du  XIV®  siècle.  Près  du  village  se  trouve  uii  ancien 
prieuré  de  préoiontrés,  dit  la  Grange.  Cette  construction, 
du  XIII®  siècle,  est  bien  conservée  :  on  admire  surtout  la 
chapelle  décorée  de  peintures  du  moyen  âge  et  recouverte 
de  voûtes  d'une  rare  élégance.  G.  Tholin. 

BiBL.:  J.-Fr.  Samazeuilh,  Diction,  de  l'arr.  de  Nérac; 
Nérac,  1881,  in-8.  —  Abbé  Léopold  Dardy,  le  Prieuré  de 
la  Grange  de  Durance  ;  Bordeaux,  1860,  in-8,  de  99  pp. 

DURANCY  (Céleste),  cantatrice  dramatique  française, 
née  en  1746,  morte  à  Paris  le  28  déc.  1780.  Fille  de 
comédiens  de  province  extrêmement  distingués,  elle  avait  à 
peine  six  ou  sept  ans,  lorsqu'à  Rruxelles,  où  son  père  était 
directeur  de  théâtre,  elle  montrait  déjà  elle-même  les  plus 
rares  dispositions  et  se  faisait  applaudir  du  public.  Elle 
n'avait  pas  encore  treize  ans  lorsqu'elle  vint  débuter  à  la 
Comédie-Française,  le  19  juil.  1759,  dans  le  rôle  si  im- 
portant de  Dorine  de  Tartufe.  Comme  alors  sa  voix  se 
développait  et  qu'elle  devenait  fort  belle,  elle  quitta  la 
Comédie  pour  aller,  le  19  juin  1762.,  débutera  l'Opéra,  où 
elle  restait  quatre  années;  elle  retournait  ensuite  à  la 
Comédie-Française,  le  13  oct.  1766,  et  enfin,  le  23  oct. 
1767,  revenait  à  l'Opéra,  où  elle  demeura  jusqu'à  ses 


DURANCY  —  DURAND 


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derniers  jours.  Elle  obtint  surtout  d'éclatants  succès  à  ce 
théâtre  dans  Hippoly  te  et  Aride,  dans  la  Haine  d'Orp/ié^'^, 
dans  Méduse  de  Persée^  et  surtout  dans  VErnelinde  de 
Philidor,  où  elle  était  admirable.  Elle  était  laide,  et  sa 
voix,  quoique  belle,  était  simplement  suffisante  ;  mais  son 
âme  ardente,  la  passion  brûlante  qui  l'animait,  un  senti- 
ment pathétique  qui  allait  jusqu'au  sublime,  en  firent  une 
des  cantatrices  dramatiques  les  plus  puissamment  émou- 
vantes qu'on  eût  jamais  entendues  sur  notre  grande  scène 
lyrique. 

DURAND  (Guillaume),  évêque  de  Mende,  célèbre  sur- 
tout par  ses  écrits  sur  le  droit  canonique  et  la  liturgie, 
né  à  Puimisson,  près  de  Béziers,  en  4237,  d'une  famille 
noble  du  Languedoc,  mort  à  Rome  le  4^^*  nov.  4296. 
Quelques-uns  de  ses  biographes  l'ont  appelé  à  tort  Durant! 
ou  Durantis  :  lui-même  se  nomme,  dans  ses  ouvrages, 
Guillelmus  Durandus  ou  Guillelmus  Durandi  (filius), 
et  Duranli  n'est  que  la  forme  italianisée  de  son  nom.  Il 
alla  étudier  le  droit  civil  et  le  droit  ecclésiastique  à  l'uni- 
versité de  Bologne,  oti  il  eut  pour  principal  maître  Bernard 
de  Parme,  et  oti  il  s'exerçait  encore  à  la  pratique  judiciaire 
en  4264  ;  il  professa  quelque  temps  le  droit  canonique  à 
Modène  vers  4264,  et  servit  d'assesseur  à  Henri  de  Suze, 
cardinal  d'Ostie,  légat  du  pape  en  Lombardie.  Il  était  déjà 
estimé  pour  son  mérite  et  ses  travaux  juridiques,  lorsque, 
en  4265,  son  compatriote.  Gui  Foucauld,  archevêque  de 
Narbonne  et  cardinal-évêque  de  Sabine,  étant  devenu 
pape  sous  le  nom  de  Clément  IV,  l'appela  à  la  cour  ponti- 
ficale en  la  double  qualité  de  chapelain  et  d'auditeur  géné- 
ral des  causes  du  palais,  puis  lui  conféra  à  titre  de  béné- 
fices deux  canonicats,  l'un  à  Beauvais,  l'autre  à  Narbonne. 
Ces  fonctions  et  ces  dignités  lui  furent  confirmées  par 
Grégoire  X,  qui  Temmena  au  concile  de  Lyon  (4274)  et  le 
chargea,  avec  quelques  autres  prélats,  de  rédiger  les  con- 
stitutions promulguées  dans  cette  assemblée.  Peu  après, 
G.  Durand,  qui  jusque-là  s'était  occupé  surtout  de  travaux 
sur  le  droit  canonique  et  de  pratique  judiciaire,  fut  investi 
par  la  confiance  des  papes  de  hautes  fonctions  politiques. 
Choisi,  en  4278,  par  Nicolas  III,  comme  administrateur 
temporel  et  spirituel  du  domaine  de  Saint -Pierre,  il  fut 
chargé,  en  cette  qualité,  de  recevoir  l'hommage  de  la  ville 
de  Bologne  et  des  autres  cités  de  la  Romagne  à  la  suzerai- 
neté desquelles  avait  renoncé  l'empereur  Rodolphe,  et  reçut 
à  titre  de  récompense  le  doyenné  de  l'église  de  Chartres, 
indépendamment  de  ses  autres  bénéfices.  Nommé  par  Mar- 
tin IV  vicaire  spirituel  (4281-4282),  puis  comte  et  gou- 
verneur de  la  Romagne  et  de  la  Marche  d'Ancône  (4283), 
il  sut,  au  milieu  de  la  lutte  des  Guelfes  et  des  Gibelins, 
déployer  autant  d'énergie  que  d'habileté  pour  défendre  par  la 
diplomatie,  quelquefois  même  par  les  armes,  l'intégrité  des 
domaines  pontificaux.En  4  286 ,  il  fut  élu  évêque  parle  chapitre 
de  Mende;  mais  ses  occupations  le  retinrent  en  ItaUe  jusque 
vers  4294,  époque  où  il  prit  eff'ectivement  possession  de 
son  siège  épiscopal.  Il  refusa,  en  4295,  l'archevêché  de 
Ravenne  que  lui  off'rait  Boniface  VIII  ;  mais,  sur  les  ins- 
tances de  ce  pape,  consentit  à  retourner  en  Italie  comme 
gouverneur  de  la  Romagne,  pour  pacifier  cette  province  que 
le  parti  gibelin  cherchait  à  enlever  au  saint-siège  ;  cette 
mission  remplie,  il  se  rendit /à  Rome  (juin  4296)  et  mou- 
rut dans  cette  ville  quelques  mois  après.  Un  tombeau  mo- 
numental lui  fut  érigé  dans  l'éghse  des  Dominicains,  Santa 
Maria  sopra  Minerva  :  toutefois,  ni  cette  circonstance,  ni 
les  autres  raisons  alléguées  par  le  P.  Echard  (dans  sa 
bibliographie  des  Frères  prêcheurs)  ne  suffisent  pour  éta- 
bhr  que  l'évêque  de  Mende  appartenait  à  cet  ordre. 

Dans  le  cours  d'une  vie  si  remplie  et  si  souvent  mêlée 
aux  affaires  publiques,  G.  Durand  trouva  le  temps  de  com- 
poser des  ouvrages  considérables,  dont  les  plus  célèbres 
sont  le  Spéculum  judiciale  et  le  Rationale  divinorum 
offîciorum.  Le  Spéculum,  rédigé  une  première  fois  vers 
4274,  puis  refait  de  4286  à  4294,  est  un  traité  où  il 
a  exposé,  suivant  la  méthode  des  glossateurs  (V.  ce  mot), 
l'ensemble  des  règles  de  la  procédure  civile  et  criminelle, 


de  la  procédure  canonique  et  accessoirement  des  contrats. 
Dans  cette  vaste  synthèse  des  lois  romaines  et  des  lois  ec- 
clésiastiques, qu'aucun  juriste  n'avait  encore  tentée  avant 
lui,  il  ne  s'est  pas  borné  à  assembler  tous  les  éléments  que 
les  textes  législatifs,  la  jurisprudence  et  les  commentaires 
de  ses  devanciers  pouvaient  lui  fournir  :  sa  personnalité  y 
est  marquée  par  l'ordre,  la  mesure,  la  clarté,  le  sens  pra- 
tique qui  régnent  dans  l'œuvre  entière  et  révèlent  non  seu- 
lement le  docte  théoricien,  mais  aussi  le  magistrat  expéri- 
menté, l'administrateur  rompu  à  la  pratique  des  affaires. 
Sous  ce  rapport,  on  a  pu  comparer  à  juste  titre  le  traité 
de  G.  Durand  avec  celui  que  composa  vers  la  même  époque 
Ph.  de  Beaumanoir  (V.  ce  nom)  sous  le  nom  de  Cou- 
tumes de  Beauvoisis  :  ce  sont  certainement  les  deux 
œuvres  juridiques  les  plus  remarquables  qu'ait  laissées  le 
moyen  âge.  Le  Spéculum  jouit,  dès  son  apparition,  d'une 
grande  et  durable  renommée  :  dans  les  écoles  comme  devant 
les  tribunaux,  G.  Durand  ne  fut  longtemps  cité  que  sous  le 
nom  d'  «  auteur  du  Spéculum  »  [Speculator)  ;  son  texte 
fut  enrichi  de  commentaires  et  de  notices  historiques  par 
Jean  André,  Balde,  Alexandre  de  Nevo,  et  complété  par  un 
répertoire  alphabétique  (inventarium)  que  rédigea,  en 
4306,  le  cardinal  Bérenger,  ancien  évêque  de  Béziers.  Le 
Spéculum  nous  est  parvenu  par  un  grand  nombre  de  ma- 
nuscrits et  surtout  d'éditions  imprimées,  dont  quatorze 
datent  du  xv^  siècle  (Strasbourg,  4473  ;  Rome,  4474...); 
on  en  trouvera  l'énumération  dans  les  ouvrages  cités 
ci-dessous  de  Savigny,  V.  Leclerc  et  Schulte.  Les  éditions 
les  plus  fréquemment  employées  sont  celle  de  Paris  (4522- 
23),  et  celle  de  Turin  (4578,  2  vol.  in-fol.)  qui  contient 
toutes  les  additions  et  les  tables. 

Le  Rationale  divinorum  offîciorum  est  une  somme 
liturgique  que  G.  Durand  composa  pendant  son  séjour  en 
Italie,  avant  son  épiscopat,  pour  expliquer  aux  clercs  l'ori- 
gine et  le  sens  symbolique  des  rites  chrétiens.  A  l'aide  des 
auteurs  qui  l'ont  précédé  et  dont  il  résume  les  doctrines 
en  les  complétant  par  ses  propres  observations,  il  expose 
magistralement  l'ensemble  de  la  hturgie  observée  au 
XIII®  siècle  dans  l'Eglise  d'Occident  ;  il  l'étudié  non  seule- 
ment dans  ses  formes,  mais  dans  ses  sources  traditionnelles 
et  dans  ses  rapports  avec  les  édifices  et  les  objets  mobi- 
liers qui  servent  au  culte.  Cette  œuvre,  bien  supérieure 
par  l'exactitude,  la  méthode  et  les  proportions  générales 
aux  compilations  analogues  léguées  par  le  moyen  âge,  eut 
peut-être  encore  plus  de  vogue  que  le  Spéculum  judi- 
ciale :  ce  fut  l'un  des  premiers  livres  imprimés  (Mayence, 
4459),  et,  après  les  Livres  saints,  il  n'y  en  a  pas  qui  aient 
eu  plus  d'éditions  au  xv*^  et  au  xvi®  siècle  (V.  la  liste  dans 
la  notice  de  V.  Leclerc)  ;  les  plus  usitées  sont  celles  de 
Lyon  (4605  et  4672),  d'Anvers  (4644).  Une  trad.  fran- 
çaise en  a  été  publiée  au  xvi®  siècle  par  J.  Goulain(4503) 
et  de  nos  jours  par  Ch.  Barthélémy  (4854,  5  vol.  in-8). 
Le  Rationale,  que  l'on  peut  considérer  comme  «  le  der- 
nier mot  du  moyen  âge  sur  la  mystique  du  culte  divin  », 
est  resté,  avec  le  grand  ouvrage  de  Martène  {de  Antiquis 
Ecclesice  ritibus,  4700),  le  principal  livre  à  consulter 
pour  l'histoire  de  la  liturgie  occidentale.  Quelques-unes  de 
ses  parties,  notamment  le  premier  livre  où  sont  exposées 
les  idées  symboliques  du  xiii*^  siècle  sur  la  construction  des 
églises,  sur  la  destination  de  leurs  différentes  parties,  sur 
leur  décoration  par  la  peinture  et  l'imagerie,  contiennent 
de  précieux  détails  pour  l'histoire  de  l'art  chrétien  :  toute- 
fois, il  faut  remarquer  que  l'évêque  de  Mende,  qui  avait 
passé  presque  toute  sa  vie  en  Italie  et  dans  les  provinces 
méridionales  de  la  France,  ne  connaissait  guère  que  l'art 
italien  et  l'art  roman  du  Midi  ;  il  semble  ignorer  les  grandes 
écoles  d'architecture  et  de  sculpture  qui  florissaient  de  son 
temps  dans  l'Ile-de-France,  la  Picardie,  la  Champagne  et 
la  Bourgogne,  et  partage,  au  point  de  vue  des  représenta- 
tions iconographiques,  les  idées  étroites  que  l'influence 
byzantine  inspirait  alors  aux  évêques  italiens. 
"  Outre  ces  deux  grands  ouvrages,  G.  Durand  a  laissé  :  un 
Repertorium  juris  canonici,  encore  appelé  Breviarium 


—  109  — 


DURAND 


aureiim,  qui  est  un  recueil  de  citations  des  canonistes  sur 
des  questions  controversées,  rangées  dans  l'ordre  des  Dé- 
crétales  de  Grégoire  IX  (Rome,  1474  ;  Venise,  1496  ; 
Paris,  1513,  1519,  et  à  la  suite  de  plusieurs  éd.  du  Spé- 
culum) ;  —  un  Commentarius  in  sacros.  Lugdun.  conci- 
lium  (Fano,  1569)  :  cette  interprétation  des  constitutions 
qui  furent  promulguées  au  concile  de  Lyon  par  Grégoire  X 
(1274)  et  insérées  par  Boniface  VIII  dans  le  Sexle, 
est  d'autant  plus  précieuse  que  l'auteur  lui-même  avait 
pris  part  à  leur  rédaction.  Il  avait  aussi  composé  un  Pon- 
tificale, des  gloses  sur  les  Décrétales  de  Grégoire  IX  et 
sur  le  Décret  de  Gratien,  un  commentaire  de  la  constitu- 
tion Cupientes  de  Nicolas III  (c.  16,  De  Elect,,  in  VI,  I,  6)  ; 
mais  ces  ouvrages  ne  sont  point  parvenus  jusqu'à  nous. 

On  ne  doit  pas  confondre  G.  Durand  avec  son  neveu, 
Guillaume  Durand  le  Jeune  qui  fut  son  successeur  sur  le 
siège  épiscopal  de  Mende,  de  1296  à  1328.  Ce  dernier 
avait  été  d'abord  archidiacre  dans  le  même  diocèse,  et  pro- 
bablement recteur  de  l'université  de  Toulouse  ;  car  c'est  à 
lui  plutôt  qu'à  son  oncle  qu'on  peut  rapporter  la  mention 
des  statuts  de  1324  qui  citent  un  GuiUelmus  Durandi 
comme  ayant  été  précédemment  revêtu  de  cette  dignité.  Il 
écrivit  aussi  sur  le  droit  canonique,  et  publia  en  131 1,  à 
l'occasion  du  concile  de  Vienne,  un  traité  De  Modo  celé- 
brandi  concilii  et  corruptelis  in  Ecclesia  reformandis 
(Lyon,  1531;  Paris,  1545  et  1571),  qui  jouit,  au  moyen 
âge,  d'une  assez  grande  autorité  pour  avoir  été  pendant 
longtemps  attribué  au  célèbre  auteur  du  Spéculum, 

Il  faut  également  distinguer  G.  Durand  du  dominicain 
Guillaume  Durand  de  Saint -Pourçain  (V.  ci -dessous)  et 
d'un  autre  dominicain,  Durand  d'Aurillac,  mort  vers  1380, 
qui  défendit  saint  Thomas  contre  les  attaques  de  Durand 
de  Saint-Pourçain  (Quétif  et  Echard,  I,  587-88  ;  II,  819- 
820).  Ch.  MoRTET. 

BiBL.  :  V.Leclerc,  Notice  sur  Guillaume  Duranti,  dans 
Hist.  Uttér.  de  la  France,  1842,  t.  XX,  pp.  411  à  497.  —  Von 
Savigny,  Geschichte  des  rômischen  Rechts  im  Mittelal- 
fer,1850,  2°  Ausg.,  t.  V,  pp.  571-602.— Von  Bethmann-Holl- 
WEG,  Der  Civilprozess  des  gemeinen  Rechls^  1874,  t.  VI, 
pp.  203-225.  —  Von  Schulte,  Gesch.  der  Quellen  des  cano- 
nischen  Rechts,  1877, t.  II,  pp.  144-156, 195-196.  —  Ul.  Cheva- 
lier, Répertoire  des  sources  historiques  du  moyen  âge, 
1883  ;  av.  supplément,  1888,  v°  G.  Durand.  —  Ad.  Tardif, 
Histoire  des  soU7'ces  du  droit  canonique,  1887,  p.  315;  Hist. 
des  sources  du  droit  français,  origines  romaines,  1890, 
p.  405.  —  ViOLLET-LE-Duc,  Dictiounaire  d'architecture, 
1854,  t.  VIII,  v  Symbole.  —  Dom  Guéranger,  Institutions 
liturgiques,  1878,  t.  I,  p.  341. 

DURAND  (Guillaume),  évêque  de  Meaux,  docteur  sco- 
lastique  samommé  Doctor  resolutissimus  et  canoniste,  né 
à  Saint-Pourçain,  mort  vers  1333.  Il  était  entré  dans 
l'ordre  des  dominicains,  dès  sa  première  jeunesse,  à  Cler- 
mont  en  Auvergne  ;  en  1313,  il  fut  reçu  docteur  à  Paris, 
où  il  enseigna  pendant  quelque  temps;  de  là,  il  se  rendit 
à  Avignon  et  y  continua  son  enseignement  près  de  la  cour 
du  pape.  En  1318,  Jean  XXII  le  nomma  évêque  d'Annecy  ;  en 
1326,  évêque  de  Meaux,  oii  il  mourut.  (Euvres  principales  : 
un  commentaire  sur  P.  Lombard,  In  Senteyitiastheologicas 
Pétri Lombardi commentariorum  librilV  (Paris,  1508 
et  1515;  Venise,  1571,  in-fol.).  D'après  Oudin,  Durand 
aurait  composé  deux  commentaires  sur  P.  Lombard,  le  pre- 
mier alors  qu'il  n'était  encore  que  dominicain,  le  second 
quand  il  était  évêque.  Ce  serait  le  dernier  qui  a  été  imprimé. 
De  Origine  jurisdictionum  quibus  populus  regitur, 
sive  de  juridictione  ecclesiasticœ  et  de  legibus  (Paris, 
1506,  in-fol.)  ;  De  Statu  animarum  post  separatio- 
nem  a  corpore.  Ce  traité  (libellus  episcopi  Meldensis), 
dirigé  contre  une  opinion  émise  par  Jean  XXJI  sur  la  béa- 
titude des  âmes  saintes  avant  le  jugement  dernier,  attira 
à  Durand  des  poursuites,  dont  les  conséquences  furent  dé- 
tournées par  la  protection  du  roi  de  France  ou,  suivant 
certains  témoignages,  par  une  rétractation  adressée  au  pape 
(Raynaldi,  Annales  ecclesiastici.anno  1333).  —  Durand 
a  fortement  contribué  à  accélérer  la  décadence  de  la  sco- 
lastigue.  Abandonnant  le  réalisme,  qui  fournissait  de  si 
précieuses  ressources  pour  la  démonstration  des  dogmes. 


il  suscita  le  réveil  du  nominalisme,  dont  il  devint  l'un 
des  docteurs  les  plus  résolus  au  xiv«  siècle.  La  scolastique 
du  xiii«  siècle,  sauf  de  rares  exceptions,  promettait  de  ré- 
pondre aux  besoins  des  penseurs  qui  voulaient  s'assimiler 
par  la  raison  les  données  de  la  tradition  dogmatique  ;  elle 
prétendait  mettre  le  dogme  à  la  portée  de  la  raison,  en 
prouver  la  rationalité,  la  nécessité  rationnelle,  et  établir 
amsi  l'accord  entre  la  foi  et  l'intelligence.  Quoique  domi- 
nicain, Durand  finit  par  repousser  la  maxime  de  Thomas 
d'Aquin,  que  les  dogmes  ne  peuvent  rien  contenir  de  con- 
traire à  la  raison,  et  par  conséquent  qu'il  est  possible  de 
les  démontrer  indubitablement  ;  il  contesta  même  à  la 
théologie  le  titre  de  science,  et  demanda  la  certitude,  non 
plus  à  la  conviction,  mais  à  l'obéissance,  à  la  soumission 
à  l'autorité  de  l'Eglise  représentée  par  le  siège  apostolique, 
seul  juge  infaillible  et  régulateur  de  la  foi.  Dans  le  détail 
de  sa  doctrine,  on  a  relevé  plusieurs  points  qui  s'éloignent 
de  l'orthodoxie  ;  il  semble  pencher  vers  l'adoptianisme,  il 
n'admet  la  transsubstantiation  qu'avec  de  fortes  réserves, 
et  il  n'attribue  au  mariage  le  caractère  de  sacrement,  que 
d'une  manière  très  relative.  E.-H.  Vollet. 

T.  ^.^^^-LÏ'^F^Ff.^'  ^f^stoire  de  la  philosophie  scolastique: 
Pans,  1872,  2»  edit.,  3  vol.  in-8.  -  V^erner,  Die  nachscoti- 
tische  Scholaslik  ;  Vienne,  1883,  in-8.  —  Ch.  Sghmidt  His- 
toire  de  VEglise  d'Occident  au  moyen  âge;  Paris,  1885,  in-8. 
DURAND  (Nicolas),  sieur  de  Villegagnon  ou  Villegai- 
gnon,  vice-amiral  français,  né  à  Provins  vers  1510,  mort 
le  9  janv.  1571 .  Neveu  de  l'illustre  Villiers  de  L'Isle-Adam, 
Durand  devint  chevaher  de  Malte  dès  1531.  Il  prit  part  en 
cette  qualité  à  l'expédition  de  Charles-Quint  contre  Alger 
en  1541.  En  1548,  il  enleva  par  un  hardi  coup  de  main 
Marie  Stuart  à  Dunbarton  (Ecosse)  et  la  débarqua  à  Brest. 
Peu  après,  des  affaires  de  son  ordre  le  conduisirent  à  Tri- 
poli. Henri  II  le  nomma  vers  cette  époque  vice-amiral  de 
Bretagne.  Comme  tel,  Durand  eut  quelques  différends  avec 
le  gouverneur  de  Brest  ;  irrité  de  ne  pas  obtenir  gain  de 
cause,  il  conçut  le  projet  de  fonder  une  colonie  française 
dans  l'Amérique  du  Sud.  Il  gagna  l'appui  de  Coligny  en 
insinuant  que  cette  colonie  pourrait  servir  de  refuge '^  aux 
protestants  persécutés.  De  cette  façon,  il  obtint  deux  navires 
et  arriva,  en  1555,  à  l'embouchure  de  la  rivière  Ganabara, 
appelée  rio  de  Janeiro  par  les  Portugais.  A  peine  arrivé, 
Durand,  qui  parlait  déjà  d'une  «  France  antarctique  », 
demanda  des  renforts  à  Cohgny;  il  s'adressa  en  même 
temps  à  Calvin,  le  priant  de  lui  envoyer  des  ministres  «  pour 
le  mieux  réformer,  lui  et  ses  gens,  et  même  pour  attirer 
les  sauvages  à  la  connaissance  de  leur  salut  ».  Dès  avant 
1540,  Durand  avait  subi  l'influence  des  idées  nouvelles  du 
xvi^^  siècle  dans  l'entourage  de  Guillaume  du  Bellay.  Un 
neveu  de  Durand,  Bois-le-Comte,  commanda  la  nouvelle 
expédition  qui  fut  envoyée  en  Amérique  ;  elle  était  compo- 
sée de  trois  navires  munis  d'artillerie  et  de  munitions.  Ils 
arrivèrent,  en  mars  1557,  au  fort  Coligny  que  l'on  avait 
construit  sur  une  île  de  la  baie  de  Janeiro.  Bientôt  des 
disputes  théologiques,  où  Durand  montra  une  indigne  du- 
plicité, mirent  la  discorde  entre  les  colons  ;  plusieurs 
huguenots  quittèrent,  dès  1558,  le  pays  avec  les  deux 
pasteurs  venus  de  Genève;  peu  après,  quatre  colons  réfor- 
més furent  condamnés  à  mort  par  Durand  et  jetés  à  la  mer 
pour  crime  d'hérésie.  La  même  année  le  fort  Coligny 
tomba  aux  mains  des  Portugais,  et  Durand  «  fol  et  per- 
clus du  cerveau  »,  dit  un  témoin  oculaire,  revint  en 
France.  Il  continua  de  se  mêler  de  controverses  théologiques. 
En  1567,  il  était  gouverneur  de  Sens.  Il  mourut  dans  sa 
commanderie  de  Beauvais.  —  Le  plus  intéressant  de  ses 
écrits  est  son  récit  intitulé  Caroli  V  imper atoris  expedi- 
tio  in  Africam  ad  Arginam  (Paris,  1542),  réimprimé 
et  annoté  par  H.-D.  de  Grammont  (Paris,  1874,  grand  in-8). 
Parmi  ses  traités  de  controverse,  assez  nombreux  mais  de 
peu  d'importance,  on  peut  citer  comme  caractéristique  :  Ad 
Articulos  Caluinia?iœ  de  sacramento  eucharistiœ  tra- 
ditionisresponsiones  (Paris,  1560,  in-4).  F.-IL  Kruger. 
BiBL.:  Histoire  des  choses  mémorables  advenues  en  la 
terre  de  Brésil,  etc.,  1576,  s.  i.  —  Jean  de  Léry,  Histoire 


DURAND 


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d'un  voyage  faict  en  la  terre  de  Brdsii,  etc.,  1578  s.  1.; 
>  M.,  Paris,  1611;  réédité  par  P.  Gatîarel  Paris  1880  - 
Jean  Crespin,  Histoire  des  martyrs,  t.  III,  pp.  448-465  et 
pp.  506-619  (éd.  de  D.  Benoît  et  M.  Lelièvre)  ;  Toulouse, 
1885-1889,  in-4. 

DURAND  (Jacques-Honoré),  mathématicien  belge,  ne  à 
Bruxelles  vers  4598,  mort  à  Gratz  (Styrie)  le  28  août 
1644.  Il  entra  à  dix-huit  ans  dans  la  Compagnie  de  Jésus 
et,  après  d'excellentes  étudesà  Louvain,  fut  envoyé  en  1627 
à  Gratz,  où  il  enseigna  les  mathématiques  et  la  philoso- 
phie. Outre  une  édition  latine,  avec  notes  et  commentaires, 
des  six  premiers  livres  de  la  Géométrie  d'Euclide  (Gratz, 
1636,  in-12),  on  lui  doit  :  Problema  matliemaiicum 
(Gratz,  4636,  in-4)  ;  Machina  mathematice  et  physice 
demonstrata,  ouvrage  resté  inachevé.  L.  S. 

DURAND  (Joseph),  jurisconsulte  français,  né  à  Chalon- 
sur-Saône  en  1643,  mort  à  Dijon  en  1710.  Avocat  général 
et  conseiller  au  parlement  de  Bourgogne,  il  a  publié  divers 
mémoires  et  plaidoyers,  des  conclusions,  les  Instituts  du 
droit  coutumier  du  duché  de  Bourgogne  (Dijon,  1697, 
1705  et  n35,  in-12)  et  laissé  en  msimsmt  m  Recueil 
d'arrêts  du  parlement  de  Dijon  de  1681  à  1710.  L-x. 

DURAND  (David),  ministre  protestant,  né  à  Saint- 
Pargoire  (Hérault)  vers  1680,  mort  à  Londres  le  16  janv. 
1763.  Reçu  ministre  à  Bàle,  où  il  avait  fait  ses  études 
théologiques,  il  fut  chapelain  dans  un  régiment  de  réfugiés 
au  service  de  la  Hollande  et  fait  prisonnier  en  Espagne. 
Remis  en  Hberté,  il  s'établit  à  Genève,  puis  à  Rotterdam 
et  enfin  à  Londres,  où  il  fut  nommé  ministre  de  l'église 
de  Martin's  Lane.  Il  a  laissé  les  ouvrages  suivants  :  Ser- 
mons choisis  (Rotterdam,  4711,  in-8);  la  Religion  des 
Mahométans  (La  Haye,  1724,  in-42);  Histoire  de  la 
peinture  ancienne  extraite  de  VHistoire  naturelle  de 
Pline  (Londres,  4725,  in-foL);  Histoire  du  xvi«  siècle 
(Londres,  4725-1729,  6  vol.  in-8),  augmentée  en  1732 
d'un  septième  volume  qui  contient  la  biographie  de  Thou; 
Sermons  choisis  de  divers  auteurs  (1726,  in-8)  ;  His- 
toire naturelle  de  Vor  et  de  V argent  extraite  de  Pline 
(1729,  in-fol.);  Vie  de  J. -F.  05^^rM;a/d  (Londres,  1778, 
in-8),  sans  compter  des  éditions  dePHne,  des  Académiques 
de  Cicéron,  des  Aventures  de  Télémaque,  une  continua- 
tion de  Rapin  de  Thoyras,  etc.  R.  S. 

DURAND  (Jacques),  peintre  français,  né  à  Nancy  en 
1699,  mort  à  Nancy  en  1767.  Elève  de  Claude  Charles  et 
deNattier,  il  se  rendit  en  Italie  vers  1749,  pensionné  par 
le  duc  Léopold  de  Lorraine.  Revenu  en  1721 ,  il  conquit  une 
excellente  réputation  à  Nancy  et  fut  chargé  en  1743  de 
décorer  la  coupole  de  la  chapelle  funéraire  des  ducs,  et,  en 
1747,  il  décora  aussi  l'église  des  Jésuites  à  Pont-à  Mousson. 
Au  témoignage  de  ses  contemporains,  son  dessin  était  ferme 
jusqu'à  l'âpreté,  et  sa  couleur  puissante.  Ad.  T. 

DURAND  (François-Jacob),  théologien  suisse,  né  à 
Semalé,  près  d'Alençon,  en  1727,  mort  à  Lausanne  le 
17  avr.  1846.  Elevé  catholique  et  destiné  à  la  prêtrise,  il 
fit  de  bonnes  études  dans  les  séminaires  de  Rouen  et  de 
Paris.  De  bonne  heure  entraîné  du  côté  de  la  Réforme,  il 
l'embrassa  publiquement  en  1754  peu  après  son  arrivée  à 
Lausanne.  Il  fit  des  études  théologiques  à  l'Académie  de 
cette  ville,  fut  nommé  ministre  en  1760  et  s'acquit  vite 
du  renom  comme  prédicateur.  H  passa  les  années  1768  à 
1776  à  Berne  comme  pasteur  français  et  directeur  du  sémi- 
naire de  la  jeune  noblesse,  puis  revint  à  Lausanne  où  il 
acquit  la  bourgeoisie  et  devint,  à  l'Académie,  professeur  de 
morale  chrétienne  et  de  statistique.  Outre  quatorze  volumes 
de  Sermons  dont  la  plupart  ont  eu  plusieurs  éditions, 
Durand  a  laissé  un.  Abrégé  des  sciences  et  des  arts 
(Lausanne,  1762),  VEsprit  de  Saurin  (1767,  2  vol.  in-12), 
un  ouvrage  sur  la  Statistique  de  la  Suisse  (1795,  4  vol. 
in-12)  et  une  Histoire  de  ce  pays  restée  inédite.      E.  K. 

DURAND  (Nicolas),  architecte  français,  né  à  Chàlons- 
sur-Marne  en  1739,  mort  à  Châlons  le  23  févr.  1830. 
D'abord  architecte  de  la  ville  de  Châlons,  puis  de  la  pro- 
vince de  Champagne,  Nicolas  Durand  fit  construire  à 
Châlons,  de  1759  à  1765,  l'hôtel  de  l'Intendance,  com- 


mencé sur  les  plans  de  Legendre,  ingénieur  des  ponts  et 
chaussées  de  la  généralité  de  Reims,  et  depuis  agrandi  en 
1846  ;  le  pont  de  Vaux  (1767),  la  porte  Sainte-Croix 
(4770),  arc  de  triomphe  resté  inachevé;  la  salle  de  spec- 
tacle (1771),  l'hôtel  de  ville  (1772),  et  une  caserne  d'in- 
fanterie près  de  la  porte  Saint-Jacques  (1 784) .  On  doit  encore 
à  cet  architecte  le  portail  de  l'église  de  Juvigny  (1777), 
l'ancien  théâtre  de  Reims  (aujourd'hui  démoli),  des  plans 
pour  la  reconstruction  du  vieux  palais  de  Vitry-le-François 
abattu  en  1783,  ainsi  que  pour  la  reconstruction  de  l'hôtel 
de  ville  de  Langres,  dont  les  travaux  furent  conduits  par 
Huet;  enfin  les  casernes  de  Chaumont-cn-Bassigny  (1786) 
et  l'église  de  Verzenay  (1786  à  1789).       Charles  Lucas. 

DURAND  (Jean-Baptiste-Léonard),  voyageur  français, 
né  à  Uzerche  (Limousin)  en  déc.  1742,  mort  en  Espagne 
en  nov.  1812.  Successivement  avocat  au  parlement  de  Bor- 
deaux, consul  de  France  à  Cagliari,  employé  au  ministère 
de  la  marine,  il  fut  envoyé  au  Sénégal  par  une  compagnie 
commerciale  en  1785.  H  se  rendit  de  Saint-Louis  àPodor, 
traita  a\ec  les  chefs  du  pays,  fit  étudier  par  son  agent 
Rubault  la  route  de  terre  pour  éviter  les  détours  du  fleuve 
inférieur.  Ses  pactes  avec  les  Maures  assurèrent  aux  Fran- 
çais le  commerce  de  la  gomme  qui  fut  enlevé  au  comptoir 
anglais  de  Portendick  (1788).  Il  a  pubhé  Voyage  au 
Sénégal  (Paris,  1802,  2  vol.  avec  atlas  in-4). 

DURAND  (Jean-Nicolas-Louis),  architecte  et  professeur 
d'architecture  français,  né  à  Paris  le  18  sept.  1760,  mort 
à  Thiais  (Seine)  le  30  déc.  1834.  Elève  de  BouUée  et  de 
l'Académie,  Durand  obtint  deux  fois  le  second  grand  prix 
d'architecture,  en  1779,  sur  un  Muséum  des  arts,  et,  en 
1780,  sur  un  collège  dans  un  terrain  triangulaire.  H  rem- 
porta de  plus,  en  collaboration  avec  Thibault,  le  premier 
prix  dans  quatre  des  concours  d'architecture  ouverts  par  la 
Convention  nationale.  Durand  qui,  dès  1776,  avait  ouvert 
un  cours  de  dessin  architectural,  fut  appelé  en  1795,  lors 
de  la  création  de  l'Ecole  polytechnique,  à  préparer  les  don- 
nées du  cours  d'architecture  de  cette  école  et  professa  ce 
cours  pendant  trente-neuf  ans.  Il  a  laissé  les  ouvrages  sui- 
vants :  Recueil  et  parallèle  des  édifices  de  tous  geiires, 
anciens  et  modernes,  etc.  (Paris,  1800,  in-fol.,  92  pi.); 
Précis  des  leçons  d'architecture  données  àVEcolepoly- 
technique  (diyec  une  partie  graphique)  (Paris,  1802, 4805, 
4821,  4825,  3  vol.  in-4,  98  pi.).  Charles  Lucas. 

BiBL.  :  A.  Rondelet.  Notice  hist.  sur  J.-N.-L.  Durand  ; 
Paris,  1835,  in-8. 

DU  RAN  D  (Charles-Etienne),  architecte  et  ingénieur  fran- 
çais, né  à  Montpellier  le  29  nov.  1762,  mort  à  Nîmes  le 
26  août  1840.  Il  fut  professeur  d'architecture  pour  les 
Etats  du  Languedoc  et  inspecteur  des  travaux  de  la  pro- 
vince en  1788.  Il  fut  nommé  ingénieur  de  l""^  classe  en 
1805.  Ses  principaux  travaux  sont  :  le  pont  de  Ners,  sur 
le  Gardon  ;  la  chaussée  du  miheu  du  Rhône,  entre  Beaucaire 
et  Tarascon;  plusieurs  églises  et  temples,  ceux  de  Vauvert 
et  de  Calvisson,  entre  autres.  Il  a  fait  quelques  restau- 
rations aux  Arènes  de  Nîmes  et  à  la  Maison  carrée.  H  a 
publié  un  grand  in-folio,  Description  des  monuments 
antiques  du  midi  de  la  France,  orné  de  43  pi.  grav., 
(Paris,  1849)  ;  les  ingénieurs  Grangent  et  Simon  Durant  ont 
été  ses  collaborateurs  pour  cet  ouvrage.  M.  D.  S. 

DURAND  ou  DURANOWSKI  (Auguste-Frédéric),  vir- 
tuose sur  le  violon,  né  à  Varsovie  en  1770.  Il  a  acquis 
une  grande  réputation  dans  ses  voyages  en  Russie,  en  Alle- 
magne, en  France,  en  ItaHe.  Il  exerça  une  grande  influence 
sur  Paganini. 

DURAND  (Asher-Brown),  graveur  et  peintre  américain, 
né  le  21  août  1796.  On  cite  de  lui  une  excellente  gra- 
vure pour  le  frontispice  de  V Atlantic  Souvenir  (1828), 
une  autre  d'après  Leslie  sur  un  sujet  tiré  de  Shakespeare, 
une  Ariane,  d'après  Vanderlyn,  etc. 

DURAND  (Hippolyte  Baudel-),  homme  politique  français, 
né  à  Versailles  le  31  oct.  1805,  mort  à  Nevers  le  18  juil. 
4864.  Un  des  fondateurs  du  Vigilant  de  Seine-et-Oise, 
il  s'établit  comme  avoué  à  Nevers  et  y  collabora  au  jour- 


-  141  - 


DURAND 


nal  r Association  de  la  Nièvre,  Venu  ensuite  à  Paris,  il 
collabora  au  Répertoire  de  jurisprudence  de  Dalloz  et 
devint  professeur  de  législation  comparée  à  V Athénée.  Com- 
missaire de  la  République  en  Seine-et-Oise  (1848),  il  fut 
élu  le  23  avr.  représentant  de  ce  département  à  la  Cons- 
tituante. Il  siégea  à  la  gauche  modérée.  Il  a  écrit  :  le 
Général  Hocke^  souvenirs  et  correspondances  (Paris, 
1832,  in-8)  ;  De  la  Nécessité  de  reviser  la  loi  sur  les 
ventes  judiciaires  des  bieîis  immeubles  (Ne vers,  184o, 
in-8)  ;  '  Commentaire  de  la  loi  de  i848  sur  la  con- 
trainte par  corps  (Paris,  1850,  in-8)  ;  Mémoire  sur  r  or- 
ganisation du  Crédit  foncier  en  France  {l>ley ers,  1856, 
in-8). 

DU  RAN  D  (Paul),  archéologue  français,  né  en  1 806,  mort 
à  Paris  le  27  déc.  1882.  Il  eut  l'occasion,  dans  plusieurs 
voyages  en  Orient,  d'amasser  de  nombreux  documents  sur 
l'histoire  de  l'art  byzantin  ;  il  accompagna  en  particulier 
Didron  en  1839  dans  ce  voyage  en  Grèce  et  à  l'Athos  oti  fut 
découvert  le  précieux  manuscrit  du  Guide  de  la  Peinture 
byzantin;  Paul  Durand  se  chargea  de  le  traduire,  et  l'ou- 
vrage parut  en  1845  sous  le  titre  de  Manuel  d'icono- 
graphie chrétienne.  Parmi  les  nombreux  dessins  faits 
par  Paul  Durand  et  reproduisant  des  peintures  byzantines, 
plusieurs  ont  servi  d'illustrations  aux  Annales  air héo lo- 
giques ;hea.\icoup  d'autres  demeurent  inédits  :  Paul  Durand, 
trop  exigeant  pour  lui-même,  n'a  pas  publié  la  plupart  des 
travaux  qu'il  avait  préparés  ;  mais  ses  papiers  demeurent 
une  mine  de  matériaux  fort  précieuse.  C'est  à  lui  qu'appar- 
tient aussi  l'honneur  d'avoir  restauré  la  crypte  de  la  cathé- 
drale de  Chartres.  Parmi  ses  travaux  on  peut  citer  une 
étude  sur  la  Chapelle  de  la  sainte  Vierge  en  l'église  de 
Saint-Père  à  Chartres ,  son  Etude  sur  l'Etimacia 
(Paris,  1868),  et  la  Monographie  de  Notre-Dame  de 
Chartres,  publiée  dans  la  collection  des  documents  inédits 
sur  l'histoire  de  France  (1881).  Ch.  Diehl. 

DURAND  (Juhen),  archéologue  français,  né  en  1812, 
mort  à  Mortagne  (Orne)  le  21  oct.  1890.  Il  a  publié  dans 
diverses  revues  savantes,  dans  les  Annales  archéologiques, 
dans  le  Bulletin  monumental,  plusieurs  travaux  d'éru- 
dition, relatifs  pour  la  plupart  à  l'histoire  de  l'art  byzantin. 
On  peut  citer  parmi  les  principaux  :  les  études  sur  l'Art 
byzantin  a  Saint-Marc  de  Venise,  sur  V Iconographie 
de  Saint-Marc,  surtout  sur  le  Trésor  de  Saint-Marc 
(1862);  des  recherches  sur  la  Dalmatique  impériale,  sur 
la  Légende  d'Alexandre  le  Grand,  sur  plusieurs  tableaux 
byzantins  (1879)  ;  des  articles  sur  Vlcoiiographie  de  la 
cathédrale  de  Parme,  sur  l'Icoîiographie  du  dôme  de 
Sienne,  etc.  Ch.  Diehl. 

DURAND  (SirHenry-Marion),  général  anglais  du  génie, 
né  en  1812,  mort  en  1 871 .  Il  se  distingua  dans  l'Inde  et  dans 
la  campagne  d'Afghanistan  de  1838.  Secrétaire  de  lord 
Ellenborough,  gouverneur  général  de  l'Inde  en  1841,  com- 
missaire dans  le  Tenasserim  en  1844,  sa  fortune  s'an- 
nonçait comme  prompte  et  brillante  ;  mais  son  honnêteté  et 
sa  raideur  lui  firent  des  ennemis,  sans  compter  qu'il  par- 
tagea l'impopularité  de  lord  Ellenborough.  Résident  à  Gwa- 
lior,  puis  à  Bhopal,  il  se  fatigua  de  ses  fonctions  médiocres 
et  retourna  en  Angleterre  (1854).  Là,  il  retrouva  un  pro- 
tecteur en  la  personne  de  lord  Canning,  nouveau  gouver- 
neur général,  qui  lui  confia  en  1857  l'un  des  principaux 
postes  de  la  hiérarchie  civile  de  l'Inde.  Pendant  la  grande 
rébellion,  il  contribua  grandement  à  sauver  l'influence 
anglaise  dans  l'Inde  centrale.  Il  parcourut  ensuite  tous  les 
degrés  de  ladite  hiérarchie  jusqu'au  poste  de  lieutenant 
gouverneur  du  Pendjab,  où  il  mourut  accidentellement. 
C'était  un  homme  fort  reUgieux,  courtois,  mais  suscep- 
tible et  amer.  Ch.-V.  L. 

DURAND  (Louis),  pasteur  suisse,  né  à  Veveyen  1817, 
mort  à  Lausanne  en  1890.  Il  fit  ses  études  à  Lausanne 
avec  Vinet  et  en  Allemagne  avec  Neander.  Consacré 
en  1840,  il  resta  pasteur  à  Béguins  jusqu'en  1845  où  ayant 
refusé  de  lire  une  proclamation  du  gouvernement  provisoire, 
il  fut  suspendu.  Pasteur  en  France  jusqu'en  1859,  il  fut 


alors  nommé  à  Vevey.  En  1869,  il  fut  choisi  à  Lausanne 
comme  professeur  de  théologie  systématique  :  ses  cours 
étaient  remarquables  par  la  beauté  de  la  forme  et  le  sé- 
rieux du  fond.  Durand,  qui  se  rattachait  à  la  fraction 
évangélique  indépendante,  a  laissé  un  manuel  d'Histoire 
biblique  adopté  par  l'Eglise  vaudoise,  des  travaux  relatifs 
au  chant  patriotique  et  religieux  (Chants  du  soldat)  et 
de  nombreux  articles  de  polémique  relatifs  à  la  liberté  des 
cultes.  E.  K. 

DU  RAN  D  (Henri),  poète  suisse,  frère  du  précédent,  né  à 
Vevey  le  27  août  1818,  mort  le  13  févr.  1842.  Il  fit  ses 
études  de  théologie  à  Lausanne,  puis  à  Erlangen  ;  de  retour 
à  Lausanne,  il  se  préparait  pour  la  licence  et  pour  des 
concours  académiques  lorsqu'il  succomba  aux  suites  d'une 
fièvre  nerveuse.  Les  Poésies  qu'il  a  laissées  et  qui  ont  été 
publiées  par  ses  camarades  ont  eu  cinq  éditions  :  elles  sont 
précédées  d'une  notice  de  Vinet.  D'une  inspiration  limpide 
et  fraîche,  d'une  grâce  mélancolique,  elles  constituaient  un 
début  plein  de  promesses.  E.  K. 

DURAND  (Marie-Auguste),  compositeur  et  éditeur  de 
musique,  né  à  Paris  le  18  juil.  1830.  Il  travailla  au  Con- 
servatoire avec  Bazin  et  Savard  et  fut  l'élève  de  Benoist 
pour  l'orgue.  Il  fut  successivement  organiste  des  églises  : 
Saint- Ambroise  (1849)  ;  Sainte-Geneviève  (1853)  ;  Saint- 
Roch  (1857)  et  Saint-Vincent-de-Paul  (1862-d874).  Il 
s'éprit  du  nouvel  instrument  dit  orgue-harmonium  et  le 
vulgarisa  tant  par  ses  propres  compositions  que  par  des 
exécutions  en  France  et  à  l'étranger.  En  1870,  s'étant  as- 
socié à  M.  Schœnewerk  pour  acquérir  la  maison  de 
M.  Flaxland,  il  se  livra  dès  lors  à  l'édition  musicale  et 
fit  prendre  à  cette  branche  de  notre  commerce  national  un 
grand  essor.  M.  Durand  a  publié  environ  quatre-vingts 
compositions,  musique  religieuse  et  musique  de  genre. 
Plusieurs  de  ces  dernières  eurent  une  grande  vogue, "^telles 
que  chacone,  gavottes,  etc. 

DURAND  (Charles  Amând-),  héliograveur  et  éditeur 
français  contemporain,  né  à  Cheny  (Yonne)  le  3  août  1831. 
Inventeur  d'un  procédé  perfectionné  d'héliogravure,  il  a 
rendu  d'inappréciables  services  à  l'iconographie,  par  ses 
excellentes  reproductions  des  chefs-d'œuvre  du  burin  et 
de  la  pointe  des  maîtres  d'autrefois.  Il  a  débuté  par  une 
grande  publication  périodique.  Eaux-fortes  et  gravures 
des  maîtres  anciens  (1869  et  suiv. ,  400  pi.  formant 
10  vol.  gr.  in-fol.).  Puis  il  édita  successivement  des 
Œuvres  complètes  ou  partielles  de  Van  Dyck  (1875),  d'Al- 
bert Durer  (1876),  de  Paul  Potter  (1877),  de  Claude  Lor- 
rain (1878),  de  Mantegna  (1879),  deRuysdael  (1880),  de 
Martin  Schongauer  (1881),  de  Lucas  de  Leyde  (1882),  de 
Rembrandt  (1883).  Tous  ces  recueils  sont  accompagnés  d'un 
texte  par  M.  Georges  Duplessis.  On  lui  doit  encore  les  repro- 
ductions des  Etudes  et  Croquis  de  Th.  Rousseau  (1878), 
des  Notes  et  Croquis  de  Raffet  (1879),  et  de  plusieurs 
Livres  à  dentelles  et  dessins  d'ornements,  des  xvi®  et 
xvu^  siècles,  intéressants  par  leurs  quahtés  d'art  et  n'exis- 
tant parfois  qu'à  l'état  d'exemplaires  uniques  (5  vol.  in-8). 
Cette  dernière  publication  a  été  faite  sous  la  direction  de 
M.  Emm.  Bocher.  G.  Pawlowski. 

DURAND  (Ludovic-Eugène),  sculpteur  français,  né  à 
Saint-Brieuc  (Côtes-du-Nord)  le  11  févr.  1832.  Elève  de 
A.  Toussaint,  il  expose  au  Salon  depuis  1855.  Ses  œuvres 
principales  sont  :  la  Malaria,  groupe  marbre;  le  fronton 
du  théâtre  de  Bade  ;  Aréthuse,  statue  marbre  ;  Mercure, 
statue  marbre  ;  Libre,  statue  marbre  ;  la  Caresse,  groupe 
marbre  ;  les  bustes  de  Méry,  Adelina  Patti,  D''  Legrand 
du  Saulle,  Daubigny.  Son  œuvre  la  plus  importante  est  le 
groupe  en  bronze  de  Philippe  Pinel,  enlevant  les  fers 
aux  aliénés,  exposé  en  1881  et  placé  ensuite  devant  l'hos- 
pice de  la  Salpêtrière  à  Paris. 

DURAND  (Eugène-François-Joseph),  jurisconsulte  et 
homme  politique  français,  né  à  Tinténiac  (lUe-et-Vilaine) 
le  13  avr.  1838.  Avocat  à  Rennes  (1859),  il  fut  chargé 
du  cours  de  droit  romain  à  la  faculté  de  cette  ville  en  1864 
et  devint  titulaire  de  la  chaire  de  code  civil  le  13  avr. 


DURAND 


—  142 


1868.  Conseiller  général  d'Ille-et-Vilaine  depuis  1870,  il 
fut  élu  député  de  Saint-Malo  le  6  mai  1877,  avec  un  pro- 
gramme républicain.  Membre  des  363  il  fut  réélu  avec  eux 
le  28  oct.  1877,  et  de  nouveau  en  1881  et  en  1885.  Il  ap- 
puya la  politique  des  cabinets  Dufaure  et  J.  Ferry  et  de- 
vint sous-secrétaire  d'Etat  au  ministère  de  l'instruction 
publique  le  28  févr.  1883.  Il  occupa  ces  fonctions  jusqu'au 
30  mars  1885.  Il  ne  se  représenta  pas  aux  élections  légis- 
latives de  1889,  et  fut  nommé  le  28  nov.  consedler  à  la 
cour  de  cassation.  Outre  ses  thèses  de  doctorat  :  Des 
Sociétés  vectigalium  et  des  Sociétés  en  commandite 
par  action  (1863,  in- 8),  il  a  publié  :  Des  Offices  con- 
sidérés au  point  de  vue  des  transactions  privées  et 
des  intérêts  de  VEtat  (Paris,  1863,  in-8)  ;  Du  Service 
personnel  dans  V armée  et  des  devoirs  de  VEtat  envers 
les  blessés  (1882,  in-8)  ;  Des  Donations  déguisées 
(1874,  in-8),  etc.  .       , 

DURAND  (Jean-Baptiste),  homme  politique  français,  ne 
à  Moirax  (Lot-et-Garonne)  le  22  déc.  1843.  Maire d'Agen, 
conseiller  général  du  Lot-et-Garonne,  il  fut  élu  sénateur 
de  ce  dép.  le  5  janv.  1888.  Il  siégea  à  gauche  et  se  pro- 
nonça contre  le  boulangisme. 

DURAND  (Simon),  peintre  suisse  contemporain,  ne 
à  Genève.  Elève  de  Barthélémy  Menn,  cet  artiste  cultive 
la  peinture  de  genre;  les  sujets  qu'il  traite  sont  pleins 
d'originalité  et  d'humour,  et  rendus  avec  une  finesse  d'ob- 
servation remarquable.  Les  principaux  sont:  Après  V exer- 
cice, sujet  militaire  (1872);  Une  Noce  à  la  mairie  (1875); 
Une  Société  fermée,  types  de  propriétaires  villageois 
(1876).  .      Ad.  T. 

D U  RAN  D-Brâger  (Jean-Baptiste-Henri),  peintre  français, 
né  à  Dol  (Ille-et-Yilaine)  le  21  mai  1814,  mort  à  Paris  le 
25  avr.  1879.  Engagé  d'abord  dans  la  marine,  il  fit  en 
même  temps  ses  premières  études  artistiques  avec  Gudin  ; 
après  plusieurs  voyages,  il  se  mit  sous  la  direction  d'Eu- 
gène Isabey.  Mais  l'atelier  ne  pouvait  le  retenir  longtemps, 
et  l'on  peut  dire  que  ce  fut  pendant  ses  campagnes  de 
marin  aux  quatre  coins  du  monde,  que  Durand-Brager 
étudia  et  pratiqua  la  peinture.  Noter  par  le  menu  ses  diffé- 
rents voyages  et  leurs  incidents  serait  impossible.  En  1840, 
il  assista  à  l'exhumation  des  restes  de  Napoléon  P^  à 
Sainte-Hélène,  et  il  publia  en  1844,  sur  cette  cérémonie, 
un  grand  ouvrage  in-foL,  texte  et  planches.  En  1840 
également,  il  avait  débuté  au  Salon  avec  un  Bombardement 
d'Alger  par  Duqiiesne  ;  en  1844,  il  exposa  le  Combat 
de  la  frégate  française  Niémen  contre  les  frégates 
anglaises  Amethyst  et  Arethusa  (musée  de  Bordeaux). 
Différents  tableaux,  qui  lui  furent  commandés  ensuite,  ont 
péri  dans  les  incendies  du  Palais-Royal,  des  Tuileries  et 
du  château  de  Neuilly  en  1848  :  le  Bombardement  et  la 
prise  de  Mogador  (1845);  six  tableaux  panoramiques  de 
la  Rade  de  Rio  de  Janeiro  ;  plusieurs  Vues  du  Brésil  et 
les  Combats  de  Tanger  et  de  Saint- Jean  d'Ulloa,  Pen- 
dant la  guerre  d'Orient  (1855,  il  envoya  aux  journaux  la 
Patrie,  le  Monde  illustré  et  V Illustration,  d'intéres- 
santes correspondances  et  de  très  nombreux  dessins.  Le 
musée  de  Versailles  contient  vingt  et  un  tableaux  pano- 
ramiques, où  il  a  représenté  la  ville  et  les  environs  de 
Sébastopol,  ainsi  que  les  opérations  d'attaque  de  cette 
place.  Il  accompagna,  quelques  années  après,  l'empereur 
Napoléon  liï  dans  son  voyage  en  Bretagne  et  en  Normandie, 
et  peignit  une  suite  de  vingt  petits  tableaux  représentant 
les  épisodes  officiels  de  ce  petit  voyage.  H  peignit  aussi 
une  suite  semblable  pendant  le  voyage  d'Algérie,  dont  il 
fit  encore  partie;  ces  dernières  toiles  sont  actuellement  à 
l'Elysée.  En  1857,  il  avait  peint  pour  l'empereur  de  Russie 
une  grande  toile  panoramique,  le  Combat  de  Sinope.  En 
1867,  il  exécuta,  pour  l'empereur  d'Autriche,  deux  pano- 
ramas de  la  Bataille  de  Lissa.  En  1869,  il  fit  pour  Ver- 
sailles le  Combat  naval  de  Simonosaki,  4  sept,  1864. 
Outre  les  œuvres  précédemment  citées,  on  connaît  encore 
de  lui  :  Grand  Navire  échoué  à  marée  basse  (musée  de 
Laval),  et  une  Vue  d'Eupatoria  (musée  de  Nantes).  La 


grande  quantité  de  vastes  compositions  qui  ont  été  peintes  par 
Durand-Brager,  le  caractère  officiel  des  commandes  qui  lui 
étaient  faites,  n'étaient  guère  favorables  au  développement  de 
réelles  qualités  artistiques  ;  aussi,  tout  en  rendant  justice  au 
dessin  savant,  ferme,  bien  en  perspective,  au  coloris  juste 
et  lumineux  de  ses  grandes  scènes  maritimes,  il  faut  recon- 
naître que  leur  ensemble  présente  toute  la  sécheresse  et  la 
froideur  d'un  compte  rendu,  plutôt  fait  pour  des  archives 
ministérielles  que  pour  un  musée.  Plusieurs  relations  de 
ses  voyages,  des  anecdotes  recueiUies  pendant  les  cam- 
pagnes auxquelles  il  a  assisté,  ont  été  publiées  par  lui- 
même  ;  il  faut  y  ajouter  de  nombreux  ouvrages  illustrés  , 
entre  autres  :  la  Marine  française  (in-fol.  ,  36  pi.); 
la  Marine  du  Commerce  (in-fol.,  36  pK);  Physiologie 
des  armées  européennes,  et  surtout  un  Voyage  autour 
du  monde.  Ad.  Thiers. 

DURAND-Clâye  (Charles-Léon),  ingénieur  français,  né 
à  Paris  le  7  mai  1830.  Inspecteur  général  des  ponts  et  chaus- 
sées (1891).  Après  quelques  années  passées  dans  des  ser- 
vices départementaux  et  en  Espagne  dans  une  compagnie 
de  chemins  de  fer,  Léon  Durand-Claye  a  été  attaché  à 
l'Ecole  des  ponts  et  chaussées,  où  il  professe  actuellement 
(1892)  la  chimie  appliquée  à  l'art  de  l'ingénieur,  la  cons- 
truction et  l'entretien  des  routes,  en  même  temps  qu'il 
dirige  le  laboratoire  d'essais,  auquel  tant  d'ingénieurs  et 
d'industriels  ont  recours  pour  l'analyse  des  pierres  à  chaux, 
des  ciments,  etc.  Léon  Durand-Claye  est  l'un  des  princi- 
paux collaborateurs  de  V Encyclopédie  des  travaux  pu- 
blics; il  a  donné  à  cette  grande  collection  spéciale  :  Chi- 
mie appliquée  (1885)  ;  Routes  (dans  Routes  et  chemins 
vicinaux,  1885),  par  L.  Marx  et  L.  Durand-Claye  ;  L^f^T 
des  plans  et  nivellement,  en  collaboration  avec  les  ingé- 
nieurs des  mines  Pelletanet  Lallemand  (i887).  Dans  tous 
ses  ouvrages,  Durand-Claye  fait  preuve  de  beaucoup  de 
talent  et  d'un  soin  minutieux  pour  être  complet  dans  tous 
les  sujets  qu'il  aborde.  On  cite  particulièrement  son  cha- 
pitre sur  les  mortiers  d  la  mer,  dans  le  premier  des 
ouvrages  que  nous  venons  de  citer  ;  on  évitera  tout  mé- 
compte dans  les  travaux  de  ports  en  se  pénétrant  des  prin- 
cipes et  des  faits  dont  on  trouve  l'exposé  dans  l'œuvre  de 
Durand-Claye.  M.-C.  L. 

DURAND-Clâye  (Alfred-Augustin),  ingénieur  français, 
frère  du  précédent,  né  à  Paris  le  10  juil.  1841,  mort  à 
Paris  le  27  avr.  1888.  H  appartenait  au  corps  des  ponts 
et  chaussées  et  occupait  en  dernier  lieu  les  fonctions  d'in- 
génieur en  chef  de  l'assainissement  de  Paris.  Il  était  aussi 
professeur  d'hydraulique  agricole  à  l'Ecole  nationale  des 
ponts  et  chaussées  et  professeur  à  l'Ecole  des  beaux-arts. 
Durand-Claye  est  surtout  connu  du  grand  public  par  son 
remarquable  talent  de  parole  mis  au  service,  avec  une 
ardeur  infatigable,  de  la  thèse  qu'il  a  soutenue  pendant 
tant  d'années  pour  l'extension  de  l'emploi  des  eaux 
d'égout,  thèse  qui  a  définitivement  triomphé  après  sa  mort, 
n  était  le  successeur  de  M.  Mille,  inspecteur  général  des 
ponts  et  chaussées,  savant  modeste,  qui  s'était  effacé  de- 
vant son  jeune  émule,  après  avoir  été  le  premier  cham- 
pion de  la  cause  qu'ils  ont  servie  en  commun.  On  a  de 
Durand-Claye,  outre  de  nombreuses  brochures  sur  la  salu- 
brité de  Paris  :  Stabilité  des  voûtes  en  maçonnerie  {An- 
nales des  ponts  et  chaussées,  1867),  travail  important  qui 
est  resté  et  qui  n'a  pas  tardé  à  entrer  dans  l'enseignement 
des  écoles  d'ingénieurs,  en  France  et  à  l'étranger  ;  Stabi- 
lité des  arcs  métalliques  {Annales,  1868)  ;  Assainisse- 
ment de  Bruxelles  {ibid.,iS10)  ;  Voûtes  biaises  {ibid., 
1872)  ;  Hydraulique,  Affouillements  {ibid.,  1873); 
Pompes  centrifuges  {ibid.,  1873);  Lac  Fucino  {ibid., 
1878),  supplément  à  son  mémoire  sur  la  Stabilité  des 
voûtes  (1880).  Le  cours  d'Hydraulique  agricole,  auto- 
graphié  à  l'Ecole  des  ponts  et  chaussées  du  vivant  de 
l'auteur,  a  été  imprimé  en  1890,  après  revision  discrète 
par  M.  Launay,  ingénieur  des  ponts  et  chaussées;  c'est  un 
ouvrage  (Paris,  2  vol.  in-8)  qu'on  consultera  encore  long- 
temps avec  fruit.  On  doit  aussi  à  Durand-Claye,  en  colla- 


413  - 


DURAND 


boration  avec  son  frère  Léon,  un  mémoire  sur  les  Gise- 
ments actuels  de  guano  au  Pérou,  paru  en  4876  dans 
les  Annales  des  ponts  et  chaussées.  Son  œuvre  maîtresse 
est  l'irrigation  par  les  eaux  d'égout  dans  la  presqu'île  de 
Gennevilliers,  premier  essai  du  système  qui  sera  déve- 
loppé à  Tart.  Egout). 

DURAND  DE  Champagne  [Campanus),  franciscain,  con- 
fesseur de  Jeanne  de  Navarre,  femme  de  Philippe  le  Bel. 
Il  écrivit  une  Somme  des  confesseurs,  très  étendue,  et  un 
Miroir  des  dames  {Spéculum  Dominarum).  C'est  à  tort, 
comme  l'a  prouvé  M.  Delisle,  qu'on  lui  a  attribué  un  Di- 
rectorium  con f essor um. 

BiBL.  :  DupiN,  Nouv.  Bibl.  des  auteurs  ecclésiastiques, 
1701,  XIV,  255.  —  Fabricius,  Bibliotheca  lat.  med.  et  inf. 
tBb/is,1734, 11,203.— OuDiN,  Commentarius  de  scriptoribus 
eccl.  antiquis^  1722,  III,  956  ;  Supplementum  de  script, 
eccl.  a  Bellarmino  omissis,  1728,  487.  —  Sbaraglia,  Sup- 
plementum ad  scriptores  trium,  ordinum,  S.  Francisci  a 
Waddinqo  aliisve  descriptos,  1806,  225.  —  L.  Delisle, 
dans  Hist.  lilt.  de  la  France,  XXX,  302-333. 

DURAND  deDistroff  (François-Marie),  diplomate  fran- 
çais, né  à  Thionville  le  49  mai  4744,  mort  au  Ban-Saint- 
Martin,  près  de  Metz,  le  5  août  4778.  D'une  famille  de 
conseillers  au  parlement  de  Metz,  Durand  de  Distroff, 
après  avoir  étudié  à  l'université  de  Pont-à-Mousson,  suc- 
céda à  son  père  dans  sa  charge  en  4740.  Il  débuta  dans 
la  diplomatie  aux  conférences  d'Aix-la-Chapelle  en  4748. 
Il  fut  ensuite  chargé  d'affaires  à  Londres  (4749),  puis  en 
Hollande  (4754).  En  4754,  il  fut  envoyé  en  Pologne  pen- 
dant l'absence  du  comte  de  Broglie  et  il  revint  dans  ce 
pays  après  le  départ  définitif  de  ce  dernier  en  4758.  Il  y 
resta  jusqu'en  4760,  fut  nommé  garde  du  dépôt  des  ar- 
chives en  4762  et  partit  presque  aussitôt  pour  Londres 
avec  le  duc  de  Nivernais.  Il  resta  dans  cette  ville  jusqu'en 
avril  4763  et  revint  à  cette  date  diriger  les  archives  des 
affaires  étrangères  jusqu'au  8  juin  4  766.  Il  remplit  même  une 
nouvelle  mission  à  Londres  jusqu'en  novembre  de  la  même 
année  et  fit  encore  l'intérim  entre  l'ambassade  de  Grouchv 
et  celle  de  Du  Châtelet  dans  cette  ville,  en  4767-68.  Il  fut 
envoyé  ensuite  à  Vienne  comme  ministre  plénipotentiaire 
de  4770  à  '177^2,  et  en  juillet  de  la  même  année  alla  rem- 
plir les  mêmes  fonctions  à  Pétersbourg  jusqu'en  4775.  Ce 
fut  sa  dernière  mission  diplomatique.  Diplomate  très  avisé, 
d'une  science  et  d'une  expérience  consommées,  Durand  de 
Distrofi  est  le  modèle  de  ces  diplomates  de  l'ancien  régime 
qui,  sans  remplir  jamais  des  missions  d'éclat,  surent  ga- 
rantir une  partie  au  moins  du  patrimoine  national  des 
fautes  et  des  défaillances  de  l'ancien  régime.     L.  Farges. 

Bibl.  :  L.  de  Lamas,  Eloge  de  Durand  de  Distroff; 
Metz,  1869,  in-8.  —  A.  Baschet,  Hist.  du  dépôt  des 
affaires  étrangères;  Paris,  1875,  in-8.  —  Boutaric, Co7'r. 
secrète  de  Louis  XV  ;  Paris,  in-8.  —  Duc  de  Broglie, 
le  Secret  du  roi;  Paris,  in-8.  —  A.  Sorel,  Instructions 
aux  ambassadeurs  de  France  en  Autriche  ;  Paris,  1883, 
in-8.  —  L.  P'arges,  Instructions  aux  ambassadeurs  de 
France  en  Pologne;  Paris,  1888,  in-8.  —  A.  Rambaud, 
Instructions  aux  ambassadeurs  de  France  en  Russie; 
Paris,  1890,  in-8. 

DURAND  de  Maillane  (Pierre-Toussaint),  jurisconsulte 
et  homme  politique  français,  né  à  Saint-Remi  (Provence) 
le  4«^nov.  47*^9,  mort  à  Aix  le  45  août  4844.  Il  était 
avocat  au  parlement  d'Aix,  lorsque  le  tiers  état  de  la  séné- 
chaussée d'Arles  l'envoya  siéger  aux  Etats  généraux  de 
4789.  Il  fut  l'un  des  premiers  à  demander  que  le  mariage 
devienne  un  contrat  civil,  ce  qui  lui  valut  les  attaques  des 
ecclésiastiques  qui  siégeaient  à  droite  de  l'assemblée.  Il  prit 
une  part  active  aux  travaux  et  aux  discussions  d'où  sortit 
la  constitution  civile  du  clergé,  système  qu'il  défendit  dans 
son  Histoire  apologétique  du  comité  ecclésiastique  de 
l'Assemblée  nationale  (4791,  in-8).  Il  fut  envoyé  à  la 
Convention  par  les  électeurs  des  Bouches-du-Rhône  et  s'y 
montra  toujours  modéré.  Il  fut  ensuite  membre  du  conseil 
des  Anciens  jusqu'en  4797.  Après  le  48  fructidor  an  V,  il 
fut  accusé  d'avoir  favorisé  la  rentrée  des  émigrés  et  empri- 
sonné au  Temple  ;  il  fut  mis  en  liberté  en  4798.  Après  le 
48  brumaire,  il  fut  président  du  tribunal  civil  de  Tarascon, 
puis  juge  au  tribunal  d'appel  d'Aix  et  fut  mis  à  la  retraite 
grande  encyclopédte.  —  XV, 


en  1809.  Ses  principaux  ouvrages  sont:  Dictionnaire  de 
droit  canonique  (Avignon,  4764, 2  vol.  in-4  ;  Lyon,  4770, 
4  vol.  in-4  ;  ibid.,  4776,  5  vol.  in-4  ;  ibid.,^  4787,  6  vol. 
in-8)  ;  Histoire  du  droit  canonique  (4769,  in-4 2);  Insti- 
tutes  du  droit  canonique  (Lyon,  4770,  3  vol.  in-4 2)  ;  les 
Libertés  de  V  Eglise  gallicane  (Lyon,  1774, 5  vol.  in-4)  ; 
le  Parfait  Notaire  apostolique  par  L.-J.  Brunet,  nouv. 
édit.  augmentée  (Lyon,  4775,  2  vol.)  ;  Plan  de  code 
civil  et  uniforme  pour  toute  la  République  française, 
imprimé  par  ordre  du  comité  de  législation  (Paris,  Impr. 
nat.,  4793,  in-8)  ;  Histoire  de  la  Convention  (4825, 
in-8).  G.  Regelsperger. 

Bibl.  :  Notice  biographique  en  tête  de  YHistoire  de  la 
Convention. 

DURAND-Desormeaux  (Fernand),  écrivain  fran(:ais,  né 
à  Saint-Jullien  (Yonne)  en  1840,  mort  à  Brienon  (Yonne) 
le  30  juil.  4884.  Substitut  à  Bar-sur-Seine  en  4867,  juge 
au  tribunal  de  Rambouillet  en  4872,  il  démissionna  en 
4876.  Devenu  chef  de  cabinet  de  M.  Méline  au  sous-secré- 
tariat de  la  justice,  il  fut  nommé  le  7  févr.  4879  directeur 
du  personnel  au  même  ministère,  démissionna  en  4880  et 
fut  nommé  conseiller  d'Etat.  Il  a  laissé  deux  ouvrages  re- 
marquables :  Etudes  philosophiques  (Paris,  4884,  2  vol. 
in-8);  Réflexions  et  Pensées  (4884,  in-8). 

DURAND-Gréville  (Emile-Alix),  littérateur  et  érudit 
français,  né  à  Montpellier  le  43  avril  4838.  Il  habita 
longtemps  la  Russie  et  il  professa  la  langue  française  à 
l'Ecole  de  droit  de  Saint-Pétersbourg,  et  la  littérature 
française  au  Cours  pédagogique  (école  normale  supé- 
rieure des  filles).  Il  rentra  à  Paris  en  4872.  Depuis 
plus  de  vingt  ans,  M.  Durand-Gréville  a  publié  dans  le 
Journal  de  Saint-Pétersbourg  de  nombreux  articles  d'art, 
de  littérature  et  de  science.  Il  a  donné  au  journal  français 
le  Temps  la  traduction  des  principales  œuvres  d'Yvan 
Tourguénef,  entre  autres  Terres  vierges,  roman  qui 
fut  de  nouveau  publié  en  4884,  sans  le  nom  du  tra- 
ducteur. Il  a  fourni  aussi  au  même  journal,  en  4886, 
une  longue  étude  sur  la  Correspondance  de  Tourgué- 
nef; plus  tard,  en  4889,  nous  trouvons  sous  sa  signa- 
ture, dans  la  Bibliothèque  universelle,  une  remarquable 
analyse  de  l'œuvre  du  célèbre  romancier  russe,  et  un  vo- 
lume,  les  Chefs-d'œuvre  dramatiques  d' Ostrowsky , 
traduits  du  russe  et  précédés  d'une  étude  sur  l'auteur 
(Paris,  4889).  Versé  dans  la  connaissance  du  petit-rus- 
sien,  il  donna  en  4876,  à  la  Revue  des  Deux  Mondes, 
sous  la  signature  Emile  Durand,  une  étude  sur  Chevtchenko, 
le  poète  national  de  la  Petite  Russie.  M.  Durand-Gréville 
est,  par  les  travaux  que  nous  venons  d'énumérer,  l'un  des 
hommes  qui  ont  le  plus  contribué  à  faire  connaître  et  ap- 
précier en  France  la  littérature  russe  contemporaine.  — 
Comme  critique  d'art,  il  a  fourni  de  nombreux  articles  à 
la  Gazette  des  beaux-arts,  à  VArt,  à  V Artiste,  au  Bul- 
letin des  musées,  kh  Nouvelle  Revue,  à  la  Revue  bleue, 
et  il  fut  chargé  en  4885-86,  par  le  gouvernement  fran- 
çais, d'une  mission  d'art  en  Amérique.  Signalons  encore 
une'mtéressante  brochure,  la  Galerie  française  de  V Aca- 
démie des  beaux-arts  de  Saint-Pétersbourg  (Saint- 
Pétersbourg,  4874).  Les  recherches  sur  les  procédés 
techniques  des  peintres  de  l'école  hollandaise,  et  en  parti- 
culier de  Rembrandt,  l'amenèrent  à  étudier  les  couleurs, 
leur  application  et  leurs  altérations  à  travers  les  âges.  De 
là  sont  nées  d'importantes  publications  sur  la  couleur  du 
décor  des  vases  grecs,  insérées  dans  la  Revue  archéolo- 
gique (4891)  et  qui  ont  provoqué  l'attention  des  chimistes 
aussi  bien  que  des  archéologues.  On  doit  encore  à  M.  Du- 
rand-Gréville des  Recherches  étymologicfues  (Saint- 
Pétersbourg,  4866)  et  des  études  de  mathématiques,  de 
physique  et  de  météorologie  publiées  dans  la  Nouvelle 
Revue  (astronomie  physique),  dans  la  Bibliothèque  uni- 
verselle (météorologie),  dans  la  Nature  et  dans  la  Revue 
scientifique.  Collaborateur  de  la  Grande  Encyclopédie, 
M.  Durand-Gréville  y  est  chargé  particulièrement  de  la 
météorologie.  ^'  t)- 

8 


DURAND  —  DURANDO 


-  lU  - 


DURAND-Gréville  (Alice  Fleury,  femme),  épouse  du 
précédent,  connue  sous  le  pseudonyme  d'Henry  Gréville, 
romancière  française,  née  à  Paris  le  12  oct.  184^2.  Fille  du 
professeur  Jean  Fleury  (V.  ce  nom),  elle  le  suivit  à  Saint- 
Pétersbourg  (18o7)  où  elle  se  maria.  Elle  revint  à  Pans  en 
1872.  Depuis  1876,  elle  a  fait  paraître  un  grand  nombre 
de  romans  ;  ils  ont  obtenu  un  vif  succès  ;  la  description 
des  mœurs  de  la  société  russe,  l'élégante  simplicité  du 
style,  les  qualités  d'observation  de  l'auteur,  l'élévation  de 
son  idéal  moral,  l'intérêt  de  ses  récits  y  ont  également 
contribué.  Voici  la  liste  de  ces  nouvelles  et  romans  qui 
ont  eu  généralement  plusieurs  éditions  :  A  travers  champs 
(1872);  Dosia  (1876,  in-18);  l'Expiation  de  Savéli 
(1876,  in-8)  ;  la  Koumiassine  (1877,  2  vol.  in-18)  ; 
la  Princesse  0^/ié?'ro/*(1877,in-18)  ;  Sonia(iSll,iïi-\S)  ; 
Stéphane  Makarief  (1877,  in-18)  ;  Autour  d'un  phare 
(1877,  in-18)  ;  Suzanne  Normis  (1877,  in-18);  Nou- 
velles russes,  les  Epreuves  de  Raïssa  (1877,  in-18); 
■  la  Maison  de  Maurèze  (1877,  in-12)  ;  rAmie  (1878, 
in-12)  ;  Marier  sa  fille  (1878,  in-12)  ;  Ariadne  (1878, 
in-12);  la  Niama  (1878,  in-12);  Bonne  Marie  (1878, 
in-12)  ;  Lucie  Rodey  (1879,  in-12)  ;  les  Mariages  de 
Philomène  (1879,  in-12);  Un  Violon  russe  (1879, 
in-12^;  Croquis  (1880,  in-12);  Cité  Ménard  (ISSO, 
in-12)  ;  l'Héritage  de  Xénie  (1880,  in-12)  ;  le  Moulin 
Frappier  (1880,  in-12)  ;  les  Degrés  de  l'échelle  (1881, 
in-12);  Madame  de  Dreux  (1881,  in-12);  Perdue 
(1881,  in-12);  le  Fiancé  de  Sylvie  (1882,  in-12)  ; 
Rose  Rozier  (1882,  2  vol.  in-12);  le  Vœu  de  Nadia 
(1882,  in-12);  Une  Trahison  (1882,  in-12);  Louis 
Br^m/ (1883,  in-12);  l'Ingénue  (1883,  in-12);  An- 
gèle  (1883,  in-12);  Un  Crime  (1884,  in-12)  ;  Folle 
Avoine  (1884,  in-12)  ;  le  Mors  aux  dents  (1885,  m-12)  ; 
les  Ormes  (1885,  in-12)  ;  Claire  fontaine  (1885,  in-12)  ; 
Idylles  (1885,  in-12);  Cléopâtre  (1886,  in-12);  le 
Comte  Xavier  (1887,  in-12)  ;  la  Fille  de  Dosia  (1887, 
in-12);  Frankley  (1887,  in-12)  ;  Mkanor  (1887,  in-12)  ; 
Comédies  de  paravent  (1888,  in-12)  ;  la  Seconde  Mère 
(1888,  in-12)  ;  Chant  de  Noces  (1889,  in-18),  etc. 
Un  drame  en  cinq  actes,  l'Expiation  de  Savéli,  a  été 
joué  à  Lille  (1888).  Henry  Gréville  a  publié  en  1882  un 
Manuel  d'instruction  civique  et  morale  des  ieunes 
filles, 

DURAND-MoLARD  (Martin),  publiciste  français,  né  à 
Chàtillon-les-Dombes  en  1771,  mort  à  Nantes  en  1831.  Il 
se  lança  au  moment  de  la  Révolution  dans  la  presse  roya- 
liste, collabora  aux  Nouvelles  politiques,  au  Courrier 
républicain,  au  Courrier  français,  sut  échapper  aux 
poursuites  dirigées  contre  lui  et,  condamné  à  mort  par 
contumace  par  un  conseil  militaire  en  1795,  put  rentrer 
en  France  en  1797  sans  être  inquiété.  Il  dirigea  alors 
l'Europe  politique  et  littéraire,  mais  il  fut  inscrit  sur 
les  listes  de  proscription  du  18  fructidor  et  dut  quitter 
Paris.  Il  y  revint  après  le  18  brumaire,  fut  nommé  en 
1802  secrétaire  général  de  la  Martinique  où  il  demeura 
jusqu'en  1807.  Il  occupa  de  nouveau  ce  poste  sous  la  Res- 
tauration (1814-1827).  On  a  de  lui  quelques  opuscules  : 
Antidote  à  la  proclamation  du  Directoire  (Lyon,  1799)  ; 
Essai  sur  l'administration  intérieure  des  colonies 
(Paris,  1814).  Il  a  aussi  publié  le  Code  de  la  Martinique 
(1807). 

DU  RAN  D-Savovat  (Napoléon),  homme  politique  français, 
né  à  Izeaux  (Isère)  le  24  oct.  1800,  mort  à  Cornillon-en- 
Trièves  (Isère)  le  25  avr.  1859.  Elève  de  la  fameuse  école 
d'agriculture  de  Roville,  il  cultiva  en  grand  ses  propriétés 
de  l'Isère.  RépubUcain  convaincu,  il  dirigea  en  1830  le 
Dauphinois  et  fut  élu  en  1 848  représentant  de  l'Isère  à 
la  Constituante  où  il  combattit  vivement  la  politique  de 
Louis-Napoléon.  Réélu  à  la  Législative,  il  fit  partie  du 
comité  de  résistance  au  coup  d'Etat  du  2  déc.  et  demeura 
ensuite  dans  la  vie  privée.  —  Son  neveu,  Léonce^Emile 
Durand-Savoyat,  né  à  Monestier-de-Clermont  (Isère)  le 
14  févr.  1847,  avocat  à  Grenoble,  fut  élu  conseiller  gé- 


néral de  l'Isère,  puis  député  de  ce  département  en  1885. 
A  la  Chambre,  il  appuya  la  politique  opportuniste  et  com- 
battit le  boulangisme.il  ne  se  représenta  pas  aux  élections 
générales  de  1889  et  fut  nommé  sénateur  de  l'Isère  le 
15  févr.  1891.—  James  Durand-Savoyat,fils  de  Napoléon, 
né  à  Mens  en  1849,  commerçant  et  agriculteur,  a  été  élu 
député  de  Grenoble  aux  élections  du  22  sept.  1889  par 
5,111  voix  contre  4,548  à  M.  Louis  Guillot,  député  sor- 
tant. Son  programme  le  classe  parmi  les  opportunistes. 

DURANDO  (Giovanni),  général  piémontais,  né  à  Mon- 
dovi  le  23  juin  1804,  mort  à  Florence  le  27  mai  1869. 
Lieutenant  au  régiment  de  Cuneo,  il  fut  impliqué  avec  son 
frère  dans  une  conspiration  libérale,  en  1831,  destitué  et 
obligé  de  s'exiler.  Il  se  rendit  d'abord  en  Belgique,  puis 
en  Portugal  (1832),  où  il  servit  dans  l'armée  constitution- 
nelle, et  enfin  en  Espagne  (1835),  où  il  combattit  aussi 
pour  la  liberté  et  parvint  au  grade  de  général.  Rentré  en 
Piémont,  il  fut  appelé  à  Rome  en  1848  et  reçut  le  com- 
mandement des  troupes  qui  devaient  coopérer  à  la  guerre 
de  l'indépendance  nationale.  Il  les  conduisit  en  Vénétie  et 
dirigea  l'admirable  défense  de  Vicence  (21  mai-11  juin). 
Réintégré  dans  l'armée  sarde,  il  commanda  une  division 
dans  la  campagne  de  Novare,  où  il  éprouva  un  grave  échec 
à  Mortara  (1849),  dans  l'expédition  de  Crimée  (1855),  et 
à  Solferino,  où  il  soutint  efficacement  le  maréchal  Bara- 
guey-d'Hilliers  (1859).  Nommé  général  d'armée  en  1860, 
il  exerça  de  grands  commandements  en  Toscane,  sur  la 
rive  droite  du  P6,  à  Naples  (1861),  en  Lombardie,  où 
il  se  trouvait  lors  de  l'affaire  de  Sarnico  (1862).  Dans  la 
campagne  de  1866,  il  eut  sous  ses  ordres  le  premier 
corps  et  fut  grièvement  blessé  à  Custoza.  Député  en  1848 
et  1849,  ilsiégea  à  droite.  Il  était  sénateur  depuis  le 
29  févr.  1860. 

DURANDO  (Giacomo),  frère  du  précédent,  général  et 
homme  politique  piémontais,  né  à  Mondovi  en  1807.  Fils 
d'un  procureur,  il  fit  son  droit  à  Turin.  Compromis  avec 
Brofferio  dans  une  conspiration  (1831),  il  passa  en  Bel- 
gique, s'engagea  dans  la  légion  étrangère,  et,  après  la 
dissolution  de  celle-ci,  alla  avec  son  frère  combattre  en 
Portugal  pour  la  cause  constitutionnelle  (1832),  puis  en 
Espagne  avec  la  légion  italienne  des  chasseurs  d'Oporto,  et 
devint  colonel  en  1838.  Après  la  capitulation  deSaragosse, 
il  se  retira  à  Marseille  (1844),  où  il  publia  en  français  un 
opuscule  intitulé  :  De  la  Réunion  de  la  Péninsule  ibé^ 
rique  par  une  alliance  entre  les  dynasties  d'Espagne 
et  de  Portugal.  Rentré  en  Piémont  (1845),  il  écrivit  son 
livre  de  La  Nazionalità  italiana,  qu'il  vint  faire  imprimer 
à  Paris  (juil.  1846).  Il  y  soutenait  une  seule  monarchie 
nationale,  une  constitution,  et  l'aboHtion  du  pouvoir  tem- 
porel de  la  papauté.  Cette  publication,  qui  produisit  une 
impression  très  vive,  l'obligea  à  rester  en  exil  jusqu'en 
1847.  Revenu  dans  sa  patrie  au  moment  des  réformes,  il 
fonda  à  Turin  l'Opinione,  et  fut,  avec  Cavour,  Pietro  di 
Santarosa  et  Brofferio,  des  premiers  à  réclamer  une  cons- 
titution. En  1848,  le  gouvernement  provisoire  de  Lom- 
bardie lui  donna,  avec  le  grade  de  général,  le  commande- 
ment des  volontaires  lombards,  qui  défendirent  la  frontière 
du  Tirol  (V.  Caffaro).  Après  l'armistice  de  Salasco,  il 
ramena,  par  une  marche  hardie,  toute  sa  troupe  sur  le 
territoire  piémontais.  On  l'envoya  comme  commissaire  royal 
à  Gênes  pour  y  calmer  l'agitation.  Député  de  Mondovi,  il 
fut  vice-président  de  la  Chambre.  Aide  de  camp  du  roi 
Charles-Albert,  il  l'accompagna  à  Novare  et  assista  à  son 
abdication  (23  mars  1 8  49) .  Dévoué  à  la  politique  de  Cavour, 
le  général  Giacomo  Durando  contribua  beaucoup  à  faire 
voter  le  traité  d'alliance  avec  les  puissances  occidentales. 
Il  remplaça  La  Marmora  comme  ministre  de  la  guerre  pen- 
dant l'expédition  de  Crimée  (1855).  Il  entra  alors  au 
Sénat.  Il  fut  ensuite  ambassadeur  à  Constantinople  (1856- 
1861).  En  juil.  1861,  il  conclut  un  traité  avantageux  avec 
la  Porte,  qui  reconnut  le  royaume  d'Italie.  Rattazzi  lui 
confia  le  ministère  des  affaires  étrangères  (31  mars  1862). 
Au  lendemain  d'Aspromonte,  il  adressa  aux   puissances 


—  118  — 


DURANDO  —  DURANTI 


une  note  qui  démontrait  la  nécessité  d'une  solution  des 
questions  de  Rome  et  de  Venise  (40  sept.).  Il  tomba  du 
pouvoir  avec  Rattazzi  (8  déc.).  Tous  les  partis,  depuis 
lors,  se  sont  plu  à  entourer  le  général  Giacomo  Durando 
de  leur  vénération.  F.  H. 

DURANGO.  Ville  d'Espagne,  ch.-l.  de  district  de  la 
prov.  de  Biscaye,  sur  la  rivière  du  même  nom,  située  dans 
une  plaine  couronnée  de  hautes  montagnes  ;  4,276  hab.  Le 
pays  produit  surtout  des  fruits  ;  le  commerce  est  assez 
actif  ;  il  y  a  plusieurs  moulins,  des  usines  métallurgiques 
et  quelques  manufactures  de  tissus.  E.  Cat. 

DURANGO.  Etat  du  Mexique,  borné  à  l'O.  par  la 
Sinaloa,  à  FE.  par  la  Coahuila  et  le  Zacatecas,  au  S.  par 
le  Jalisco,  au  N.  par  le  Chihuahua,  110,170  kil.  q.; 
200,000  hab.  environ.  Il  est  entièrement  formé  par  la 
sierra  Madré  et  touche  au  N.  au  Bolson  de  Mapimi,  auquel 
il  envoie  le  rio  Nazas.  C'est  donc  une  région  élevée, 
froide  en  hiver,  sans  chaleurs  excessives  en  été  et  peu 
humide.  On  y  cultive  par  suite  le  coton,  le  blé,  le  maïs. 
L'Etat  renferme  de  nombreuses  mines,  notamment  d'or, 
d'argent  et  de  cuivre;  mais  les  moyens  de  transport,  la 
sécurité  et  les  bras  manquent  pour  les  exploiter.  C'est  le 
moins  peuplé  des  Etats  du  centre.  —  La  capitale  est 
Durango^  fondée  au  xvi®  siècle,  mais  embellie  à  la  fin  du 
xviii®  siècle  par  le  mineur  Zambrano;  c'est  aujourd'hui 
une  des  plus  belles  villes  du  Mexique;  12,500  hab. 

DURÂNIS  (Dourânis).  Dynastie  afghane  qui  a  régné 
dans  le  Khorassan,  à  Péchâver  et  dans  le  Pendjab  de 
1747  à  1842.  Elle  se  compose  de  dix  princes  dont  le  pre- 
mier est  Ahmed-châh  et  le  dernier  iVltâf-Djang.  Ils  tiraient 
leur  nom  du  pays  de  Durân  au  S.-O.  de  Kandahar,  dont 
cette  famille  était  originaire.  Il  existe  de  très  belles  mon- 
naies d'or  des  Durânis,  frappées  à  l'imitation  de  celles  des 
grands  mogols  de  l'Inde.  E.  Dr. 

BiBL.  :    LoNGwoRTH,    Coiiis    of  the   Durânis^  clans   le 
Numism,  chronicle^  1888. 

DURANT,  DURANTI  OU  DURANTIS  (Guillaume),  évêque 
de  Mende  (V.  Durand  [Guillaume]). 

DURANT  (Gilles), sieur  de  La  Bergerie,  poète  français, 
né  à  Clermont  (Auvergne)  vers  1550,  mort  en  1615. 
Avocat  au  parlement  de  Paris.  On  peut  citer  de  lui  :  A 
Mademoiselle  ma  commère  sur  le  trépas  de  son  âne, 
curieux  pamphlet  contre  la  Ligue  qui  se  trouve  d'ordinaire 
annexé  à  h  Satyre  Ménippée ;  Imitations  tirées  du  latin 
de  J.  Bonne fons  avec  autres  gaietés  amoureuses  de 
Vinvention  de  Vauteur  (Paris,^  1587,  in-12;  plusieurs 
éditions);  les  Œuvres  poétiques  (Paris,  1594,  in-12). 

DURANT  (Miss  Susan),  sculpteur,  née  dans  le  Devon- 
shire  en  1830,  morte  à  Paris  le  1^"^  janv.  1873.  Elève  de 
Triqueti,  elle  a  commencé  à  exposer  en  1847.  Ses  prin- 
cipaux envois  sont  :  Une  Jeune  Fz7/^  (statue  ;  S.  1850); 
Hobin  Hood  (S.  1856)  ;  la  Bergère  fidèle  (statue 
1866),  etc.  Miss  Durant  a  fait  de  nombreux  portraits, 
bustes  ou  médaillons,  celui  de  la  princesse  Louise^  son 
élève,  de  M^^  Beecher-Stowe,  le  monument  funèbre  du 
Roi  Léopold,  dans  la  chapelle  Saint-George  à  Windsor, 
une  série  de  bas-reliefs  sur  le  mythe  d'Achille  et  de  Thétis 
chez  sir  Goldsmid.  F.  Courboin. 

DURANT  DE  Breval  (John)  (V.  Breval). 

DURANTE,  poète  italien  du  commencement  du  xiv^  siè- 
cle. Tout  ce  qu'on  sait  de  lui,  c'est  qu'il  était  Toscan,  qu'il 
exerçait  la  profession  de  notaire  et  qu'il  composa  une  série 
de  deux  cent  trente-deux  sonnets  dont  l'ensemble  forme 
un  poème  qui  peut  être  cojnsidéré  comme  une  imitation  très 
libre  du  célèbre  poème  français  du  Roman  de  la  Rose.  Le 
poème  italien,  auquel  le  premier  éditeur  a  donné  le  nom  de 
Il  Fiore,  parce  que  le  mot  rose  y  est  remplacé  par  le  terme 
plus  vague  de  fleur ^  ne  nous  est  parvenu  que  dans  un  seul 
manuscrit  conservé  dans  la  bibliothèque  de  la  Faculté  de 
médecine  de  Montpellier.  M.  Castets  l'a  publié  pour  la  pre- 
mière fois  en  1881  ;  une  édition  meilleure  a  été  donnée 
tout  récemment  par  M.  Mazzatinti  ;  elle  se  trouve,  précédée 
d'une  longue  introduction  de  M.  Gorra,  dans  le  recueil 


intitulé  Inventario  dei  manoscritti  italiani  délie  bibl. 
di  Francia  (Rome,  1888,  t.  III,  pp.  419-730).  Ant.  T. 
DURANTE  (Francesco),  célèbre  compositeur  napolitain, 
chef  d'une  école  renommée,  né  à  Frattamaggiore  (royaume 
de  Naples)  le  15  mars  1684,  mort  le  13  "août  1755.  Il 
fit  ses  études  au  conservatoire  de  Naples  dit  Dei  poveri 
di  Giesii  Christo  et  travailla  avec  Greco  et  Scarlatti. 
Homme  bourru,  timide  de  caractère,  froid  par  tempérament, 
mais  très  religieux.  Sans  avoir  la  richesse  harmonique  de 
l'école  romaine,  son  œuvre  religieuse,  déjà  plus  mélodique, 
a  des  qualités  de  premier  ordre,  tant  par  l'abondance  des 
développements  que  par  la  sûreté  des  tonalités.  Son  har- 
monie est  savante,  souvent  déUcate,  et  l'écriture  des  parties, 
toujours  chantantes  et  faciles,  a  une  souplesse,  un  peu 
mièvre  peut-être,  que  l'on  ne  rencontre  pas  dans  la  rude 
et  puissante  école  romaine.  Durante  n'a  rien  écrit  pour  le 
théâtre,  quoiqu'il  ait  formé  nombre  d'élèves  qui  ont  excellé 
dans  cet  art  et  oublié,  pour  les  succès  faciles  de  l'opéra, 
la  composition  religieuse  qui  restera  toujours  le  plus  beau 
fleuron  de  la  vieille  école  italienne.  En  l'année  1742,  Du- 
rante fut  nommé  maître  du  conservatoire  de  Loreto  et  c'est 
là  qu'il  forma  nombre  de  ses  célèbres  élèves.  Il  laissa  un 
œuvre  considérable  composé  de  soixante-deux  numéros.  La 
collection  complète  en  a  été  apportée  en  France  et  est 
devenue  la  propriété  de  la  bibliothèque  du  Conservatoire. 
Elle  se  compose  de  treize  messes  ou  fragments  de  messe  ; 
quinze  psaumes  ;  six  antiennes  ;  trois  hymnes  ;  dix-neuf 
motets  ;  des  cantates  et  sonates.  Ch,  Bordes. 

Bibl.  :  Fétis,  Biog7'aphie  des  musiciens.  —  Marquis  dd 
ViLLADORA,  Mémoires  sur  les  musiciens  napolitains. 

DURANTHON  (Antoine),  homme  politique  français,  né 
à  Mussidan  (Dordogne)  en  1736,  mort  à  Bordeaux  le  20  déc* 
1793.  Avocat  à  Bordeaux,  procureur-général-syndic  du 
dép.  de  la  Gironde,  il  fut  nommé  ministre  de  la  justice  à 
la  place  de  Duport-Dutertre  (13  avr.-3  juil.  1792).  Il  fut 
en  butte  aux  suspicions  du  côté  gauche  de  la  Législative  à 
cause  de  sa  mollesse  et  de  son  impéritie  à  l'occasion  des 
troubles  religieux.  Le  compte  qu'il  rendit  à  ce  sujet  le 
24  juin  1792  fut  déclaré  insuffisant,  et  il  démissionna  le 
3  juil.  suivant.  Retiré  dans  sa  famille  à  Bordeaux,  il  fut 
arrêté  à  la  fin  de  1793  et  condamné  à  mort  par  la  com- 
mission militaire  établie  dans  cette  ville  pour  juger  leâ 
fédérahstes.  F.-A.  A. 

^  DURANTI  (Jean-Etienne),  de  son  vrai  nom  Durant,  ma* 
gistrat  français,  né  à  Toulouse  en  1534,  mort  assassiné 
à  Toulouse  le  11  févr.  1589.  Duranti  était  fils  d'un  con- 
seiller au  parlement  de  Toulouse,  et  débuta  avec  succès 
au  barreau  de  cette  ville.  Il  fut  élu  capitoul  en  1563 
et,  en  cette  qualité,  harangua  Charles  IX,  lorsque  ce  roi 
vint  à  Toulouse.  Il  fut  nommé  ensuite  avocat  général^ 
puis,  en  1581,  premier  président,  toujours  au  même  parle- 
ment. Ce  dernier  poste  fut  fatal  pour  lui.  Toulouse  prit 
parti  pour  la  Ligue.  Dans  une  assemblée  des  capitouls,  la 
question  de  la  déchéance  du  roi  Henri  III  avait  été  posée, 
après  les  paroles  véhémentes  d'un  avocat  toulousain, 
Tournier  ;  Duranti,  fidèle  au  pouvoir  royal,  prononça  la 
dissolution  de  l'assemblée.  Le  24  janv.  1589,  il  convoqua 
le  parlement  devant  lequel  les  attaques  contre  le  roi  se 
renouvelèrent.  Des  bandes  armées  envahirent  la  salle  ;  le 
président  Duranti  ne  put  regagner  de  suite  sa  demeure  et 
se  réfugia  chez  les  capitouls.  Rentré  plus  tard  chez  lui,  il 
s'y  tint  plusieurs  jours  enfermé;  mais  l'émeute  progressait^ 
et  les  Dix-huit,  qui  étaient  les  chefs  du  mouvement, 
firent  arrêter  Duranti.  Il  fut  conduit  à  l'hôtel  de  ville,  puis 
au  couvent  des  Jacobins  que  la  foule  envahit,  accusant 
Duranti  de  conspirer  du  fond  de  sa  prison.  Le  premier 
président  essaya  de  haranguer  ses  persécuteurs,  mais  il 
tomba  bientôt  frappé  d'un  coup  d'arquebuse.  Le  peuple  se 
jeta  sur  lui,  le  perça  de  coups  et  traîna  son  cadavre  dans 
les  rues  ;  on  l'attacha  au  pilori,  avec  le  portrait  de  Henri  III 
placardé  au  dos.  Il  fut  enterré  secrètement  le  lendemain 
dans  l'église  des  Cordeliers.  Son  beau-frère,  Jacques  Daffis, 
avocat  général,  subit  le  même  sort  que  lui.  Henri  IV,  par 


DURANTI  —  DURAS 


146  — 


redit  de  Folembray,  dul^^  janv.  1596,  donna  à  la  ville  de 
Toulouse  des  lettres  d'abolition  des  meurtres  de  Duranti  et 
de  Daflis.  Duranti  a  écrit  De  Ritibus  Ecclesiœ  catholicce 
libri  m  (Rome,  1581,  in-fol.  et  in-8  ;  Lyon,  1594  ;  Paris, 
1624).  G.  Regelsperger. 

BiBL.  :  Narratio  fidelis  de  morte  D.  D.  Joa.  Stepk.  Du- 
ranti; Paris,  1600.  —  Garren,  Eloge  de  Jean-Etienne 
Duranti;  Toulouse,  1771.  —  Cour  royale  de  Toulouse; 
audience  solennelle  de  rentrée  du  6  nov.  1844.  Discours  de 
M.  l'avocat  général  Lafiteau,  Duranti  ;  Toulouse,  1844.— 
De  Thou,  Histoire.  —  Histoire  générale  du  Languedoc, 
par  un  religieux  bénédictin  de  la  Congrégation  de  Saint- 
Maur  (Dom  Vaisséte);  Paris,  1730-1745,  t.  V. 

DURANTI  (Durante,  comte),  poète  et  orateur  italien, 
né  à  Brescia  en  1718,  mort  à  Palazzolo  le  24  nov.  1780. 
Appartenant  à  un  siècle  rigoureusement  dénué  de  toute 
originalité  poétique,  il  se  borna,  comme  ses  contemporains, 
à  imiter  Pétrarque,  Bembo,  l'Arioste,  les  tragiques  fran- 
çais, ce  qui  lui  attira  l'estime  générale  et  même  de  l'ad- 
miration. Il  passait  également  pour  un  orateur  très  distin- 
gué :  il  composa  du  moins  quelques  discours  qui  ont  été 
imprimés  :  Orazione  in  morte  del  savio  ed  onorato 
cavalière  il  signor  Paolo  Uggieri,  Bresciano  (Brescia, 
1757)  ;  Orazione  in  morte  del  cardinale  Angelo-Maria 
Quirini,  vescovo  di  Brescia  (Brescia,  1757)  ;  Orazione 
delta  nel  pieno  gênerai  Consiglio  délia  città  di  Brescia 
a  favore  délia  supplica  de'  miserabili  abitanti  di  Bra- 
golino  (Brescia,  1780).  Ses  poésies  se  composent  d'un 
recueil  d'épîtres,  odes,  canzones,  etc.,  intitulé  Rime  (Bres- 
cia, 1755),  d'un  petit  poème,  ÏUso,  dans  le  genre  du 
Mattino  de  Parini,  et  de  deux  tragédies  :  Virginia  (Bres- 
cia, 1764);  Attilius  Regulus  (Turin,  1771).      R.  G. 

DURANTI  DE  BoNREGUEiL  (Joseph),  théologien  français, 
né  à  Aixle  8  juil.  1662,  mort  à  Paris  le  10  mai  1756. 
Prêtre  de  l'Oratoire.  On  peut  citer  de  lui  :  V Esprit  de 
V Eglise  dans  la  récitation  des  compiles  (Paris,  1734, 
in-12),  la  traduction  des  Panégyriques  des  martyrs  et 
des  Lettres  de  saint  Jean  Chrysostome,  celle  des  Lettres 
de  saint  Ambroise  et  de  ses  OEuvres  sur  la  Virginité 
avec  une  Dissertation  sur  les  vierges  (Paris,  1729),  la 
traduction  des  P5awm^5  de  David,  etc. 

DURANTIN  (Aimé-Adrien- Armand),  auteur  dramatique, 
né  à  Sentis  le  4  avr.  1818,  mort  en  janv.  1892.  Il  débuta 
à  l'Odéon  en  1843  par  un  acte  écrit  en  collaboration  avec 
M.  de  Rieux,  Un  Tour  de  roulette.  Il  donna  ensuite  un 
certain  nombre  de  pièces  Inédiocres  parmi  lesquelles  : 
l'Oncle  à  succession  (Gymnase)  ;  la  Mort  de  Strafford 
(cinq  actes  en  vers,  Odéon,  1849)  ;  les  Comédies  de  salon, 
avec  Anicet-Bourgeois  ;  la  Femme  d'un  grand  homme. 
Il  avait  fourni  à  M.  Alexandre  Dumas  fils  le  canevas 
(entièrement  retouché)  d'Héloïse  Paranquet,  comédie 
représentée  sans  nom  d'auteur  (Gymnase,  20  janv.  1866). 
Une  autre  pièce  en  trois  actes,  Thérèse  Humbert,  échoua 
au  Gymnase  en  1868.  Le  silence  s'est  alors  fait  autour  de 
cet  auteur  qui  a  donné  quelques  romans  et  a  collaboré  à 
diverses  publications  littéraires  en  tête  desquelles  il  con- 
vient de  citer  les  Français  peints  par  eux-mêmes. 

DURANTON  (Alexandre),  jurisconsulte,  né  à  Cusset 
(Allier)  le  25  janv.  1782,  mort  en  1866.  Inscrit  au  barreau 
de  Paris  en  1810,  il  publia  en  1 819  un  Traité  des  Contrats 
et  des  obligations  en  général  (4  vol.  in-8),  très  estimé. 
Professeur  de  procédure  civile  à  la  Faculté  de  droit  de 
Paris  après  la  mort  de  Pigeau  (1820),  il  permuta  en  1822 
avec  un  de  ses  collègues  pour  prendre  une  chaire  de  code 
civil.  Ce  fut  alors  qu'il  écrivit  son  grand  ouvrage,  Cours 
de  droit  civil  français  suivant  le  Code  civil  (Paris, 
1825-1837,  21  vol.  in-8;  4«  édit.,  Paris,  1844,  22  vol. 
in-8).  Il  prit  sa  retraite  en  1856.  Quoiqu'il  ne  plaidât  pas, 
il  n'avait  jamais  voulu  quitter  le  barreau  ;  il  assistait  aux 
réunions  d'avocats  et  aimait  à  y  suivre  et  à  encourager  les 
débuts  de  ses  anciens  élèves.  —  Son  fils,  Antoine-Jean- 
Baptiste-Frédéric  Duranton,  né  à  Paris  en  1818,  lui 
succéda  dans  sa  chaire,  après  lui  avoir  servi  de  suppléant 
depuis  1840. 

DU RANTY  (Louis-Emile-Edmond),  littérateur  français, 


né  à  Paris  le  5  juin  1833,  mort  à  Paris  le  10  avr.  1880. 
Fils  naturel,  dit-on,  de  Prosper  Mérimée,  il  débuta  en 
1856  dans  les  lettres  en  créant,  avec  J.  Assézat  et  M.  le 
D^  Thulié,  un  journal  intitulé /i^a//sm^,  destiné  à  défendre 
les  théories  de  Champfleury  et  qui  n'eut  que  six  numéros. 
Son  premierroman,  le  Malheur  d'Henriette  Géra7'd(iS6\ , 
in-18,  eaux-fortes  d'Alph.  Legros),  fut  suivi  de  la  Cause 
du  beau  Guillaume  (1862,  in-18)  ;  des  Combats  de 
Françoise  Duquesnoy  (1878,  in-18)  et  de  trois  recueils 
de  nouvelles  :  les  Séductions  du  chevalier  Navoni(iSl 6, 
m-'\S);lesSix  Baronsde  Sept-Fontaines  (1878, in-18)  ; 
le  Pays  des  ar^5(1881,  in-18).  En  1862,  il  réunit  sous 
le  titre  de  Théâtre  des  marionnettes  du  jardin  des  Tui- 
leries (1862,  gr.  in-8)  les  saynètes  dont  il  avait  égale- 
ment composé  les  illustrations.  Défenseur  convaincu  d'ar- 
tistes dont  il  n'a  pu  voir  le  triomphe,  Duranty  a  écrit  en 
leur  faveur  de  très  nombreux  articles  qui  n'ont  point  été 
recueillis,  à  l'exception  de  la  Nouvelle  Peinture  (1876, 
in-8).  Un  travail  important  sur  la  Caricature  étrangère 
pendant  la  guerre  de  iSlO-li,  inséré  dans  la  Gazette 
des  beaux-arts,  n'a  pas  été  réimprimé,  non  plus  que 
d'autres  études  fournies  au  même  recueil.  M.  Tx. 

DURANUS.  Com.  du  dép.  des  Alpes-Maritimes,  arr.  de 
Nice,  cant.  de  Levens;  182  hab. 

DURANVILLE.  Com.  du  dép.  de  l'Eure,  arr.  de  Bernay, 
cant.  de  Thiberville  ;  285  hab.  Fabrique  de  rubans.  Eglise 
avec  un  curieux  portail  roman  du  xi<^  siècle. 

DURÀO  (Antonio  Figueira),  poète  latin  portugais,  né 
à  Lisbonne  vers  1617,  mort  en  1642.  Elève  de  l'Université 
de  Coïmbre,  il  devint  de  bonne  heure  un  latiniste  brillant,  et 
vers  l'âge  de  dix-huit  ans  il  acquit  presque  une  célébrité  par 
son  poème  sur  saint  Ignace  de  Loyola  :  Ignatiados,  qui  ne 
fut  cependant  imprimé  que  plus  d'un  siècle  plus  tard  (Cor- 
pus illustrium  Poetaru m  Lusitanorum  ;  Lisbonne,  1 747, 
7  vol.  in-4,  t.  V).  A  l'occasion  de  son  doctorat  en  droit, 
il  improvisa  devant  ses  juges  un  poème:  Templum  œterni- 
tatis.  Envoyé  à  San  Luizde  Maranham,  au  Brésil,  en  qua- 
lité à'ouvidor,  poste  de  haute  magistrature,  il  y  mourut  au 
bout  de  peu  de  temps.  On  lui  doit  encore  des  églogues 
et  des  élégies  qui  sont  supérieures  à  ses  compositions 
épiques.  G.  P-i. 

DURAO  (José  de  Santa  Rita),  poète  épique  brésilien, 
né  à  Cata  Prêta,  près  de  Marianna,  en  1737,  mort  à 
Lisbonne  le  24  janv.  1784.  Elève  du  collège  des  jésuites 
à  Rio  de  Janeiro,  il  se  fit  recevoir  docteur  en  théologie  à 
l'Université  de  Coïmbre  le  24  déc.  1756  et  entra  dans 
l'ordre  des  Ermites  de  Saint-Augustin  à  Leiria.  S'étant 
trouvé  en  conflit  avec  ses  supérieurs,  il  quitta  le  Portugal, 
fut  longtemps  retenu  prisonnier  en  Espagne  et  passa  douze 
ans  à  Rome.  Vers  1778,  il  emporta  au  concours  une 
chaire  de  théologie  à  Coïmbre,  puis  il  devint  prieur  de  son 
ordre.  N'oubliant  point  son  origine  brésilienne,  il  voulut 
honorer  sa  patrie  par  un  poème,  et  il  prit  pour  sujet  l'his- 
toire fabuleuse  de  la  découverte  et  de  la  colonisation  de 
Bahia  par  Diogo  Alvares  Corrêa,  dit  Caramurû  (V.  ce 
nom).  S'il  ne  brille  pas  par  la  composition,  ce  poème  est 
original  dans  les  détails  et  captivant  par  la  beauté  de  la 
langue  et  l'harmonie  de  la  versification.  Durâo  est  l'un  des 
précurseurs  immédiats  des  véritables  épiques  brésiliens.  Le 
Caramurû,  publié  à  Lisbonne  en  1781,  a  été  réédité  bien 
des  fois  et  fut  traduit  en  français  par  Eug.  Garay  de  Mon- 
glave  (Paris,  1829,  3  vol.  in-12).  G.  Pawlowski. 

BiBL.  ;  A.  DE  Varnhagen,  Epicos  brazileiros,  1845.  — 
Du  môme,  Florilegio  da  Poesia  brazileira,  1850,  t.  I.  — 
J.  Fr.  DA  SiLVA,  Diccion.  bibliogr.  portug.,  t.  V.  — 
F.  WoLFF,  le  By^ésil  littéraire,  1863. 

DURAS.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  Lot-et-Garonne, 
arr.  de  Marmande  ;  1,612  hab.  —  La  juridiction  seigneu- 
riale de  Duras,  qui  devait  être  érigée  en  duché  (1689)  par 
Louis  XIV,  et  en  duché-pairie,  en  1755,  appartenait,  durant 
lexiii^  siècle,  à  la  puissante  famille  de  Goth.  Marquésiede 
Goth,  nièce  du  pape  Clément  V,  l'apporta  en  dot  à  Arnaud 
de  Durfort,  dont  les  descendants  l'ont  possédée  jusqu'à  la 
Révolution.  L'histoire  de  ces  grands  seigneurs,  très  mêlés  à 


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DURAS  —  DUHBEC 


tous  les  événements,  est  plus  connue  que  celle  de  la  ville 
dont  ils  ont  porté  le  nom.  Rappelons  seulement  que  Duras 
fut  pris  par  les  Anglais  en  1345  et  1424  et  assiégé,  en 
1377,  par  le  duc  d'Anjou  et  Duguesclin.  Pendant  les  guerres 
de  religion  du  xvi^  siècle,  Montluc  et  Burie  s'en  emparèrent 
en  1562.  —  La  ville  de  Duras,  dans  une  position  forte,  est 
construite  sur  un  plan  assez  régulier.  Une  porte,  défendue 
par  une  tour  carrée,  subsiste  encore  à  l'E.  ;  à  l'O.,  sur 
un  promontoire  escarpé,  s'élève  le  château,  sorte  de  bas- 
tille, au  plan  rectangulaire,  flanquée  de  six  tours  rondes. 
Ce  château,  du  commencement  du  xv^  siècle,  en  a  remplacé 
un  autre,  rasé  en  1389.  Il  a  été  remanié  au  xvi®  et  au 
xviii^  siècle.  A  cette  dernière  époque,  il  se  rattachait  à  un 
parc  superbe,  qui  s'étendait  jusqu'au  Drot.  On  cite  :  trois 
tumulus  dans  les  environs  de  Duras,  à  Baleyssagues,  La- 
mothe,  Cocussote  ;  un  cimetière  antique,  à  Peyrecave  ;  un 
cimetière  carolingien,  autour  des  substructions  de  la  vieille 
église  de  Saint-Ayrard.  G.  Tholin. 

BiBL.  :  J.  Favre,  Précis  historique  sur  la  famille  de 
Durfort-Duras  ;  Marmande,  1858,  in-8. 
DURAS  (Famille  de)  (V.  Durfort). 
DURAVEL.  Com.  diidép.  du  Lot,  arr.  de  Cahors,  cant. 
de  Puy-l'Evêque  ;  1,532  hab.  Hauts  fourneaux  et  fonde- 
ries. —  Ancien  camp  romain.  Eglise  romane  avec  crypte. 
Duravel  est  l'ancien  Diolindum^  sur  la  voie  romaine  de 
Cahors  à  Bordeaux.  Place  très  forte  au  moyen  âge  ;  la  gar- 
nison de  Cahors  désespérant  de  pouvoir  défendre  contre  les 
Anglais  la  vaste  enceinte  de  cette  place,  sous  le  règne  de 
Charles  V,  se  retira  à  Duravel  et  y  brava  avec  succès 
tous  les  efforts  de  Robert  Knowles,  capitaine  anglais. 

DURAZ NO.  Ville  de  l'Uruguay,  ch.-l.  du  département 
ou  même  nom,  sur  leYi,  traversé  par  un  pont  de  625  m.  Elle 
a  2,000  hab.  —  Le  département,  compris  entre  le  Rio  Negro 
etl'Yi,  a  lB,252  kil.  q.  et  20,645  hab.  (en  1884).  L'éle- 
vage du  bétail  est  la  principale  ressource  (V.  Uruguay). 

'DURAZZO.  Ville  d'Albanie,  à  80  kil.  de  Janina.  C'était 
autrefois  la  ville  grecque  à'Epidamne,  colonie  des  Cor- 
cyréens,  dont  les  Romains  changèrent  le  nom  (de  mauvais 
augure  pour  eux)  en  celui  de  Dyrrachium.  Cette  ville 
était  le  point  de  débarquement  des  armées  romaines  : 
la  via  Ëgnatia^  traversant  toute  la  péninsule,  conduisait 
de  Dyrrachium  à  Thessalonique.  Séparée  du  continent 
par  de  vastes  lagunes,  elle  n'était  abordable  que  par  deux 
étroits  défilés  ;  Pompée  en  fit  sa  place  d'armes  ;  César 
vint  l'y  investir  dans  son  camp;  mais,  après  des  tra- 
vaux immenses,  il  renonça  à  bloquer  l'armée  pompéienne 
qui  avait  l'avantage  d'être  maîtresse  de  la  mer.  Sous  la 
domination  romaine,  Dyrrachium  avait  le  titre  de  cité 
libre.  —  Robert  Guiscard,  en  1081,  battit  Alexis  Comnène 
devant  Durazzo  et  s'empara  delà  ville  après  quelques  jours 
de  siège.  Lors  de  la  conquête  de  Constantinople  par  les 
Latins,  elle  échut  aux  Vénitiens.  Le  despote  d'Epire,  Théo- 
dore-Ange Comnène,  s'empara  de  la  ville  qui  fut  vaine- 
ment assiégée  par  l'empereur  Pierre  de  Courtenay  (1220). 
Durazzo  fut  apportée  en  dot  par  Hélène,  fille  du  despote 
d'Epire,  à  Manfred,  roi  de  Naples  ;  Charles  d'Anjou  s'en 
empara  (1268).  Durazzo  fut  érigé  en  duché  en  faveur  de 
son  petit-fils  Jean  (1294),  dont  la  postérité  conserva  cette 
ville  jusqu'en  1373  ;  le  duc  Charles  la  vendit  alors  aux 
Balsa  qui  possédaient  la  plus  grande  partie  de  l'Epire.  Ba- 
jazet  II  en  fit  la  conquête.  Le  port  de  Durazzo  est  médiocre  ; 
mais  la  situation  de  cette  ville  lui  donne  et  lui  donnera 
surtout  quelque  importance  au  point  de  vue  des  commu- 
nications ;  c'est  le  point  d'atterrissement  du  câble  de  Brin- 
disi.  Le  commerce  est  peu  considérable  (V.  Albanie).  C'est 
le  siège  d'un  archevêque  grec  et  d'un  évêque  catholique- 
latin.  L.  Del. 

BiBL.  :  L.  Heuzey,  les  Opérations  mililaires  de  Jules 
César  étudiées  sur  le  terrain  par  la  Mission  archéologique 
de  Macédoine  (plan  de  la  bataille  de  Dyrrachium)  ;  Paris, 
1886.  —  A.nne  Comnène,  VAlexiade. 

DURAZZO.  Noble  famille  génoise,  alliée  aux  Grimaldi, 
qui  fournit  à  la  république  plusieurs  doges  :  Giacomo 
(1573-75),  Pietro  (1619-1621),  Cesare  (1665-67),  Pie- 


tro  (1685-87),  Vincente  (1709-1711),  Marcelhno  (1767- 
69).  C'est  ce  dernier  qui  signa  le  traité  abandonnant  la 
Corse  au  gouvernement  français. 

DURAZZO  (le  comte  Jacopo),  ambassadeur  de  l'empe- 
reur d'Autriche  près  la  république  de  Venise,  né  à  Gênes 
en  1718,  mort  en  1795.  Amateur  éclairé  et  passionné  des 
beaux-arts,  il  fut  chargé  en  1774  par  le  prince  Albert  de 
Saxe-Teschen,  gouverneur  des  Pays-Bas,  de  compléter  sa 
collection  d'estampes  anciennes,  et  ce  fut  lui  qui  forma  le 
noyau  de  la  fameuse  collection  Albertine  de  Vienne.  Cette 
tâche  achevée  en  deux  ans,  le  comte  Durazzo  entreprit  de 
former  pour  lui-même  un^  collection  d'estampes  et  y  con- 
sacra sa  vie  entière.  La  collection  Durazzo,  mise  en  vente 
à  Stuttgart  en  1872  et  1873,  se  composait  d'environ  sept 
mille  pièces,  presque  toutes  de  premier  choix,  entre  autres 
d'une  série  de  nielles  de  toute  beauté.  Une  grande  partie 
des  bonnes  pièces  de  cette  collection  est  passée  dans  celle 
du  baron  Edm.  de  Rothschild. 

DURBAN.  Com.  du  dép.  de  l'Ariège,  arr.  de  Foix,  cant. 
de  La  Bastide-de-Sérou  ;  1,019  hab. 

DURBAN.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  l'Aude,  arr.  de 
Narbonne;  929  hab.  Mine  de  houille  peu  importante.  Cette 
localité,  située  dans  les  montagnes  qui  séparent  le  bassin  de 
l'Aude  de  celui  de  l'Agly,  est  assez  ancienne.  La  famille 
seigneuriale  de  Durban,  vassale  des  vicomtes  de  Narbonne, 
est  citée  dès  l'an  1023.  Au  xviii®  siècle,  la  baronnie  de 
Durban  et  Gléon  était  une  des  principales  du  diocèse  de 
Narbonne.  Parmi  les  possessions  de  lafamille  au  xiv^  siècle, 
il  faut  compter  Leucate,  que  PhiHppe  le  Bel  acquit  de 
Raimond  et  de  Gaubert  de  Durban  (1309),  en  leur  don- 
nant en  échange  les  Heux  d'Olonzac  et  de  Villegly. 

DURBAN.  Com.  du  dép.  du  Gers,  arr.  et  cant.  (S.) 
d'Auch  ;  355  hab. 

DURBAN.  Ville  d'Afrique,  colonie  du  Natal,  ch.-l.  du 
comté  de  Durban,  à  80  kil.  E.-S.-E.  de  Pieter-Maritzburg, 
sur  la  rive  N.  du  bassin  de  Port-Natal.  La  ville  de  Dur- 
ban a  été  fondée  en  1846  et  occupe  l'emplacement  d'un 
fourré  que  parcouraient  les  éléphants.  Son  nom  lui  a  été 
donné  en  l'honneur  du  gouverneur  du  Cap,  d'Urban  (1834). 
Elle  se  compose,  en  réalité,  de  deux  villes  distinctes,  reliées 
par  un  chemin  de  fer  :  le  quartier  marin,  Port-Natal,  à 
l'entrée  de  la  baie,  avec  ses  appontements,  ses  magasins, 
ses  entrepôts,  ses  brise-lames;  le  quartier  bourgeois  ou 
Durban  proprement  dit,  sur  la  colline,  avec  ses  rues  larges 
et  régulières,  plantées  d'arbres,  et  ses  jardins  à  végétation 
tropicale,  son  jardin  botanique,  entre  autres.  A  l'O.  de  la 
ville  est  la  colline  boisée  de  Berea,  parsemée  de  villas  où 
résident  les  riches  marchands.  Par  sa  population,  Durban 
est  la  première  ville  de  la  Natalie  et  l'emporte  sur  la  ca- 
pitale; au  31  juil.  1887,  on  comptait  16,943  hab.  ;  en 
1885, 17,127  hab.,  se  décomposant  en  8,895  Européens, 
4,521  indigènes,  3,711  Hindous,  Arabes  et  Chinois.  L'île 
de  Salisbury,  dans  la  rade,  renferme  plus  de  2,000  Hin- 
dous adonnés  à  la  pêche,  dont  ils  fournissent  le  marché 
de  Durban;  un  aqueduc  apporte  de  13  kil.  plus  de 
1,100,000  lit.  d'eau  potable  par  jour.  Par  ses  chemins  de 
fer  et  par  son  port,  Durban  est  le  centre  du  commerce  de 
toute  la  NataHe  et  reçoit,  en  outre,  une  grande  part  du 
trafic  des  républiques  hollandaises  (V.  Natal).  Le  mouve- 
ment de  la  navigation  dans  Port-Natal  a  été,  en  1885  : 
624  navires,  jaugeant  444,850  tonneaux,  dont  308  ba- 
teaux à  vapeur,  jaugeant  329,400  tonneaux.  C.  Del. 
BiBL.  :  The  Statesman's  year-book  for  ihe  year  1890. 
DURBAN  S.  Com.  du  dép.  du  Lot,  arr.  de  Figeac,  cant. 
de  Livernon  ;  507  hab. 

DURBEC  (Ornith.).  Le  genre  Durbec  (CorythusCimer, 
Règne  anim.,  1817,  p.  397, 1  "^  édit.,  ou  Pmz^o/a Vieillot, 
Oiseaux  de  l'Amérique  septentrionale,  1807,  p.  iv)  ne 
renferme  qu'une  seule  espèce  de  Fringillidés  (V.  ce  mot) 
qui  habite  les  régions  septentrionales  de  l'ancien  et  du 
nouveau  monde  et  qui,  comme  son  nom  même  l'indique,  a 
le  bec  très  robuste.  Dans  cette  espèce  qui  porte  le  nom 
de  Corythus  enucleator  L.,  la  mandibule  supérieure  est 


DURBFX  —  BUREAU 


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un  peu  arquée,  avec  l'arête  arrondie,  et  dépasse  un  peu  à  la 
pointe  la  mandibule  inférieure  ;  les  narines  sont  cachées 
sous  les  plumes  du  front  ;  les  ailes  sont  bien  développées 
et  pointues  ;  la  queue,  longue  et  souple,  est  un  peu  échancrée 
en  arrière  ;  les  pattes  sont  fortes,  les  doigts  allongés  et 
munis  d'ongles  recourbés  et  le  plumage,  d'un  brun  grisâtre, 
est  fortement  nuancé  de  rouge  carmin  chez  le  mâle,  de  jaune 


Durbec  vulgaire. 

Isabelle  chez  la  femelle.  —  Les  Durbecs  ne  se  montrent 
qu'accidentellement  en  France,  mais  sont  communs  en  Scan- 
dinavie, dans  le  nord  de  la  Russie  et  au  Canada.  Ils  se 
tiennent  dans  les  forêts  de  pins  et  de  sapins  et  dévorent  les 
graines  de  ces  arbres  résineux.  Leurs  nids,  placés  sur  des 
buissons  ou  sur  des  arbres  de  moyenne  grandeur,  sont 
construits,  comme  ceux  des  Bouvreuils,  avec  des  brindilles 
et  des  racines  entrelacées  et  renferment,  au  mois  de  juin,  trois 
ou  quatre  œufs  verdâtres,  tachés  de  brun.        E.  Oust. 

BiBL.  :  Brisson,  Ovnith.,  1760,  t.  III,  p.  250,  et  pi.  412, 
fig.  1.  —  BuFFON,  îlist.  nat.  des  Oiseaux^  1775,  t.  III,  p.  57. 
—  Vieillot,  Ois.  Amer,  sept.,  1807,  t.  I,  p.  IV,  pi.  1,  fig. 
13.  —  J.  GouLD,  Birds  of  Europa,  1837,  t.  III,  pi.  201.  — 
R.-B.  Sharpe,  Cat.  B.  Brit.  Mus.,  1888,  t.  XII,  p.  459. 

DURBUY.  Ville  de  Belgique,  province  du  Luxembourg, 
arr.  de  Marche,  sur  l'Ourthe,  à  l'entrée  des  plaines  stériles 
del'Ardenne;  400  hab.  Centre  d'un  commerce  agricole  im- 
portant. Les  fortifications  de  Durbuy  furent  détruites  par 
les  Français  en  1683.  Les  armoiries  de  la  ville  sont  : 
d'argent,  à  cinq  triangles  d'azur^  au  lion  de  gueules 
brochant  sur  le  tout,  reçu  timbré  d'une  couronne  d'or, 

DURCET.  Com.  du  dép.  de  l'Orne,  arr.  de  Domfront, 
cant.  d'Athis;  515  hab. 

DURCISSEMENT.  L  Métallurgie  (V.  Dureté). 

IL  Chimie  industrielle.  —  durcissement  des  pierres 
(V.  Pierre). 

DU  RCK  (Friedrich),  peintre  de  genre  et  portraitiste  alle- 
mand, né  à  Leipzig  en  1809,  mort  à  Munich  le  25  oct. 
1884.  Elève  du  portraitiste  Stieler  et  de  l'Académie  de 
Munich.  En  1849,  il  fut  invité  par  le  roi  Oscar  à  faire 
les  portraits  de  la  famille  royale  de  Suède.  En  1853, 
il  peignit  le  portrait  de  la  princesse  Elisabeth  de  Bavière, 
fiancée  à  l'empereur  d'Autriche.  La  «  Galerie  des  Beautés  » 
de  Munich  et  la  galerie  du  roi  de  Wurtemberg  possèdent 
d'autres  de  ses  portraits.  Les  tableaux  de  genre  de  Dûrck 
sont  peu  nombreux  ;  on  en  voit  au  Kensington  Palace  à 
Londres. 

DURDAT-Larequille.  Com.  du  dép.  de  l'Allier,  arr.  de 
Montluçon,  cant.  de  Marcillat;  2,195  hab. 

DUR  DENT.  Fleuve  côtier  de  France  (V.Seine-Infé- 
rieure [Dép.  de  la]). 

DURDENT  (René-Jean),  littérateur  français,  né  à  Rouen 
en  1776,  mort  à  Paris  le  30  juin  1819.  Elève  de  David,  il 
fit  un  voyage  à  Rome  pour  achever  ses  études  de  peinture, 
mais  il  abandonna  la  carrière  pour  laquelle  il  s'était  cru 
une  vocation  et  consacra  sa  plume  aux  sujets  les  plus  va- 
riés. On  a  de  lui  des  poèmes  et  des  dithyrambes  en  l'hon- 
neur de  Napoléon  (Austerlitz,  1806,  in-8,  et  Sésostris 
époux  et  père,  1811,  in-4)  ;  des  descriptions  se  ratta- 
chant à  l'histoire  de  Paris  et  méritant  ainsi  d'être  parfois 
consultées,  telles  que  :  Promenades  de  Paris  ou  Collec- 
tion de  vues  pittoresques  et  de  jardins  publics  (1812, 
in-4^,  1^^  (et  unique)  livraison);  Vues  et  descriptions  du 


jardin  du  Palais-Royal  (1813,  in-4  oblong)  ;  des  comptes 
rendus  de  Salons  :  Galerie  des  peintres  français  ou 
Salon  de  1Bi^(\Wl,  in-8)  ;  V  Ecole  française  en  i8i4 
(1814,  in-8)  ;  des  compilations  ou  abrégés  historiques  et 
des  pamphlets  de  circonstance;  une  Histoire  de  Louis  XVI 
(1816,  in-8);  une  Histoire  de  la  Convention  nationale 
de  France  (1817,  2  vol.  in-12)  ;  une  Histoire  litté- 
raire et  philosophique  de  Voltaire  (iS\ S,  in-i^);  des 
romans  oubliés,  des  traductions  de  l'anglais  ou  de  l'alle- 
mand, etc.  Durdent  fut  aussi  l'un  des  collaborateurs  de  la 
Biographie  universelle.  M.  Tx. 

DURDIK  (Joseph),  écrivain  tchèque  contemporain,  né  à 
Horice  en  1837.  Il  est  devenu  professeur  de  philosophie  à 
l'Université  de  Prague  en  1854,  et  député  à  la  diète  de 
Bohême.  Il  a  publié  en  tchèque  un  grand  nombre  d'ouvrages 
d'esthétique  et  de  philosophie  :  Psychologie  classique 
(3^  éd.)  ;  Esthétique  (1875);  Dissertations  philoso- 
phiques (1876);  Poétique  (1881);  la  Monadologie  de 
Leibniz  (1884);  Histoire  de  la  philosophie  moderne 
(1887),  etc.  Les  Tchèques  le  considèrent  comme  le  premier 
écrivain  philosophique.  —  Son  frère,  le  docteur  Aloïs 
Durdik,  a  été  médecin  en  Russie  et  aux  Indes  néerlan- 
daises, et  a  publié  en  tchèque  d'intéressantes  études  sur 
la  littérature  et  la  société  russe  et  sur  les  indigènes  des 
colonies  hollandaises.  —  Un  autre  frère,  Pierre  Durdik,  a 
écrit  plusieurs  ouvrages  de  pédagogie.  L.  L. 

DUREAU  DE  La  Malle  (Jean-Baptiste-Joseph-René), 
né  à  Saint-Domingue  le  21  nov.  1742,  mort  à  Langis 
(Orne)  le  19  sept.  1807,  petit-fils  d'un  gouverneur  de 
Saint-Domingue.  Membre  de  l'Académie  française,  il  fut  lié 
avec  la  plupart  des  littérateurs  du  siècle  dernier  :  Laharpe, 
Delisle,  d'Alembert,  Marmontel,  Champfort,  Suard.  On 
doitàDureau  de  La  Malle  une  traduction  de  Tacite  (1790), 
une  autre  de  Salluste  et  une  de  Tite-Live,  publiée  après 
sa  mort.  Dureau  de  La  Malle  faillit  périr  le  13  ven- 
démiaire. Il  fut  proscrit  et  dut  se  cacher.  Il  devint  en  1802 
membre  du  Corps  législatif. 

DUREAU  DE  La  Malle  (Adolphe-Jules-César-Auguste) , 
fils  du  précédent,  né  à  Paris  le  2  mars  1777,  mort  en  1857. 
En  rapport  avec  Delisle,  grâce  à  son  père,  il  débuta  par  la 
poésie,  d'abord  quelques  essais,  puis  une  traduction  de  l'épi- 
sode de  Françoise  de  Rimini  du  Dante  (1811),  et  enfin 
un  véritable  poème  de  dix  mille  vers,  Bayard  ou  la  Con- 
quête du  Milanais  (1823).  En  1811,  il  publia,  en  2  vol. 
in-8,  avec  notes,  la  traduction  de  VArgonautique  de  Va- 
lerius  Flaccus,qui  eut  un  grand  succès  et  qui  lui  prépara 
un  siège  à  l'Académie  des  inscriptions  où  il  entra  en  1818. 
Depuis,  il  fit  paraître  :  Introduction  du  chameau  en 
Afrique  {\S^2'^)  ;  Recherches  sur  la  patrie  et  V origine 
des  animaux  domestiques  et  des  plantes  usuelles  (1825); 
Patrie  du  chat  (1825)  ;  dans  les  sphères  de  l'histoire  et 
de  la  géographie  :  Géographie  physique  de  la  mer  Noire, 
de  la  Méditerranée  et  de  l'intérieur  de  l'Afrique  (1807)  ; 
Poliorcétique  des  anciens  (1818)  ;  Du  Luxe  chez  les 
Romains  (1825)  ;  Etendue  et  population  de  Rome 
(1825);  r Agriculture  romaine  depuis  Caton  jusqu'à 
Columelle(iS^l)  ;  Poids  et  mesures  des  Romains {iSkl); 
les  Lois  agraires  (1828)  ;  l'Administration  romaine 
pendant  les  premiers  siècles  de  V Empire  (1828)  ;  In- 
térêt de  V argent  chez  les  Romains  (1828);  Finances 
de  la  République  et  de  l'Empire  (1835).  Il  fut,  à  ce 
titre,  appelé  à  publier  :  Recherches  sur  l'histoire  de 
l'Afrique  septentrionale  (1837);  Histoire  de  Carthage 
jusqu'à  la  seconde  guerre  punique  (1847).  —  Les 
meilleurs  travaux  de  Dureau  de  La  Malle,  insérés  dans  le 
Recueil  de  l'Académie  des  inscriptions,  ont  été  par  lui 
réunis  et  publiés  sous  le  titre  de  Economie  politique 
des  Romains  (1840,  2  vol.).  L'ouvrage  comprend  quatre 
livres  :  Système  métrique,  métaux  précieux,  cens  et 
cadastre;  Population;  Agriculture  ;  Administration, 
finance  et  impôts,  E.  Fournier  de  Flaix. 

DUREAU  de  Vaulcomte  (Guillaume -Albert -Charles), 
homme  politique  français,  né  à  Saint-Denis  (Réunion)  le 


o  avr.  1836.  Elu  député  de  la  Réunion  le  2o  sept,  1881, 
il  soutint  à  la  Chambre  la  politique  opportuniste  et,  réélu 
le  11  oct.  1885,  combattit  le  traité  signé  avec  la  reine  de 
Madagascar.  Il  ne  se  représenta  pas  aux  élections  générales 
de  1889. 

D  U  R  EG E  (Heinrich) ,  mathématicien  allemand,  né  à  Dan- 
zig  le  13  juil.  1821.  Successivement  professeur  de  mathé- 
matiques à  Zurich  et  à  l'Université  de  Prague,  il  a  publié, 
outre  de  nombreux  mémoires  d'analyse  et  de  géométrie 
parus  dans  les  Archiv  de  Grunert,  dans  le  Journal  de 
Crelle,  dans  la  Schlômilch'sZeitschrift  fur  Mathematik, 
dans  les  recueils  de  l'Académie  des  sciences  de  Vienne,  etc.  : 
Théorie  der  elliptischen  Funktionen  (Leipzig,  1861, 
in-8;  4«  éd.,  1887);  Elemente  der  Théorie  der  Func- 
tionen  einer  complexen  verânder lichen  Grosse  (Leipzig, 
1864,  in-8;  3^ éd.,  1882);  Die  ebenen  Curven  dritter 
Ordnung  (Leipzig,  1871,  in-8).  Il  a  aussi  écrit  une  notice 
biographique  sur  Bessel,  BessePs  Leben  und  Werken 
(Zurich,  1861).  L.  S. 

DU  REI L.  Com.  du  dép.  de  la  Sarthe,  arr.  de  La  Flèche, 
cant.  de  Malicorne;  169  hab. 

DU  BEL  (John),  théologien  anglican,  né  à  Jersey  en 
1623,  mort  en  1683.  La  guerre  civile  ayant  interrompu 
les  études  qu'il  faisait  à  Oxford,  il  se  rendit  à  Caen  en 
1644  et  y  soutint  ses  thèses  sur  des  questions  de  morale 
et  de  philosophie,  Theoremata  philosophiœ.  Il  passa 
ensuite  quelque  temps  à  l'Université  protestante  de  Saumur 
et  s'initia  à  la  théologie  des  Eghses  réformées  de  France. 
Pendant  toute  la  durée  de  la  lutte  entre  le  Parlement  et 
le  roi,  il  vécut  en  exil.  A  la  restauration  des  Stuarts,  il 
revint  dans  son  pays.  Nommé  chapelain  de  Charles  II,  il 
commença  la  série  des  ouvrages  qui  l'ont  illustré,  par 
la  publication  d'un  traité  où  il  s'efforça  de  démontrer  la 
conformité  des  dogmes  de  l'Eglise  anglicane  avec  ceux  des 
réformés  du  continent  :  A  View  of  the  government  and 
publick  worship  of  God  in  the  reformed  chiirches 
(Londres,  1662).  Les  non-conformistes  attaquèrent  ses 
conclusions  avec  beaucoup  d'aigreur  et  commencèrent 
contre  lui  une  polémique  très  vive .  Afin  d'étendre  l'influence 
de  l'Eglise  anglicane,  Durel  fonda  à  Londres  la  Savoy 
chapel,  oii  le  culte  se  célèbre  en  langue  française  d'après 
le  Prayer  Book  dont  il  fit  lui-même  la  traduction  :  la 
Liturgie,  c.-à-d.  le  formulaire  des  prières  publiques,  etc. 
(Londres,  1 667).  L'usage  en  fut,  en  même  temps,  prescrit  aux 
fidèles  des  îles  de  la  Manche.  La  défense  de  l'Eglise  anglicane 
inspira  à  Durel  son  principal  ouvrage  :  Sanctœ  Ecclesiœ 
anglicanœ.,,  vindiciœ  (Londres,  1669).  C'est  une  jus- 
tification des  principes  et  du  rôle  de  l'anglicanisme,  établie 
sur  les  témoignages  à  la  fois  théologiques  et  historiques 
ordinaires.  L'activité  de  Durel  fut  consacrée.  Tannée  sui- 
vante, à  mettre  la  dernière  main  à  la  traduction  latine  du 
Prayer  Book  «îommencée  par  Earle  et  Dolben  :  Litiirgia 
seu  liber precum  communium  et  administrationis  sa- 
cramentorum,  Durel  obtint  de  grands  honneurs  ecclésias- 
tiques. Il  fut  nommé  doyen  de  Windsor  en  1677.  G.  Q, 
BiBL.  :  Leslie  Stephen,  A  Diction,  of  nat.  biography. 

DURELL  ou  DuRÉEL  (Magnus),  diplomate  suédois,  né  à 
Norrkœping  en  1617,  mort  le  26  sept.  1677.  Après  avoir 
étudié  et  beaucoup  voyagé  à  l'étranger,  notamment  avec  le 
fils  du  grand  chancelier  Oxenstierna  (1644-1645),  il  Jut 
agent  (1646)  puis  résident  en  Danemark  jusqu'en  1637. 
Son  rapport  sur  la  situation  de  ce  pays  en  1652  (extrait 
dans  Samlinger  de  Suhm,  t.  II)  est  regardé  comme  un 
chef-d'œuvre  de  profondeur  et  de  perspicacité  politique.  Un 
recueil  de  Lettres  adressées  par  lui  à  Charles  X  Gustave 
et  à  P.  Brahe  a  paru  dans  Samlinger  til  Danmarks 
Historié  under  K.  Frederik  III  éditées  par  P.  W.  Becker 
(Copenhague,  1847-57),  et  sa  Correspondance  avec 
Gust.  Horn  (1656-37)  a  été  publiée  dans  Nya  svenska 
bibliotheket  de  Gjœrvell  (Stockholm,  1762,  fasc.  1-3). 
Après  l'annexion  des  provinces  skaniennes,  il  fut  l'un  des 
commissaires  chargés  de  la  liquidation,  de  l'organisation 
et  de  la  déhmitation.  Etant  juge  en  Halland  depuis  1654, 


—  119  —  DURE  AU  —  DCRER 

il  devint  vice-président  de  la  cour  de  Gœta  (1666),  curateur 
de  la  nouvelle  Université  de  Lund  et  gouverneur  du  Bleking 
(1669).  B-s. 

DURE-MÈRE  (V.  Méninges). 

DUREN.  Ville  d'Allemagne,  roy.  de  Prusse,  district 
d'Aix-la-Chapelle  (province  Rhénane)  ;  17,368  hab.  Fila- 
tures et  tissages  de  lin  et  de  laine,  fonderies,  fabriques  de 
machines,  d'aiguilles,  etc.  ;  commerce  de  céréales.  Belle 
église  gothique  (Sainte-Anne).—  Duren  remonte  à  l'époque 
romaine;  connue  sous  le  nom  de  Marcodurum,  elle  fut 
bâtie  par  M.  Vipsanius  Agrippa.  En  69  ap.  J.-C,  Civihs 
y  massacra  plusieurs  cohortes  des  Ubiens.  A  l'époque  caro- 
lingienne, Dura  ou  Duria  fut  une  des  principales  villas 
royales  ;  l'assemblée  générale  du  peuple  franc  y  fut  réunie 
en  765,  775  et  779.  En  881,  les  Normands  la  dévas- 
tèrent. Dès  l'an  1000,  Otton  III  reconnaît  Duren  ville 
impériale;  en  1125,  elle  se  fortifie;  en  1241,  elle  est  en- 
gagée au  comte  de  Juliers  par  Frédéric  II  et  perd  l'immé- 
diateté.  En  1543,  elle  s'insurgea  contre  Charles-Quint  et 
fut  prise  d'assaut.  Elle  fut  encore  prise  en  1614  par  les 
Espagnols  (Spinola),  en  1642  par  les  Hessois,  en  1794 
par  les  Français  (Marceau).  Elle  fit  partie  du  dép.  de  la 
Roer  et  fut  rétrocédée  en  1814  à  la  Prusse.  L'essor  de  l'in- 
dustrie de  Duren  est  l'œuvre  de  la  famille  Schœller. 

BiBL.  :  LiNDE  et  A.  de  Bruyn,  Reschreibung  \und  Ge- 
schichte  der  Stadt  Duren  ;  Aix-la-Chapelle,  1823. 

DU RENQU  E.  Com.  du  dép.  de  FAveyron,  arr.  de  Rodez, 
cant.  de  Requista  ;  1,000  hab. 

DURER  (Albert),  peintre -graveur  allemand,  né  à 
Nuremberg  le  21  mai  1471,  mort  le  6  avr.  1528.  Sa 
famille  était  originaire  d'Eytas  en  Hongrie  où  ses .  ancêtres 
avaient  vécu  en  paysans  éleveurs  ou  pasteurs  de  bœufs  et 
de  chevaux.  Son  grand-père  Antoine  était  allé  s'établir  à 
Gyula,  ville  voisine,  et  s'était  mis  en  apprentissage  chez  un 
orfèvre;  son  père,  Albert  Diirer  le  Vieux,  avait  suivi  la 
même  vocation  et,  après  avoir  travaillé  de  son  état  chez 
plusieurs  maîtres  des  Pays-Bas,  il  était  venu,  en  1455, 
s'établir  à  Nuremberg,  l'un  des  foyers  les  plus  intenses 
de  l'art  allemand  à  cette  époque,  et  l'orfèvre  Jérôme  Holper, 
personnage  important  dans  sa  corporation,  n'avait  pas  tardé 
à  l'employer.  En  1467,  Albert  avait  épousé,  à  l'âge  de  qua- 
rante ans,  Barbara,  la  fille  de  son  patron,  qui  n'en  avait 
que  quinze;  c'est  de  ce  mariage  que  naquit  celui  qui 
devait  être  le  plus  grand  et  le  plus  profond  artiste  de 
l'Allemagne.  Il  était  le  troisième  enfant  du  ménage  (qui 
en  eut  dix-huit)  et  fut  élevé,  comme  il  le  rapporte  dans 
la  chronique  de  famille  qu'il  nous  a  laissée,  dans  les  prin- 
cipes de  la  plus  austère  piété.  «  Sa  recommandation  quo- 
tidienne, écrit-il  de  son  père,  était  pour  nous  exhorter  à 
aimer  Dieu  et  à  nous  conduire  loyalement  envers  notre 
prochain.  »  Le  petit  Albert  suivit  les  cours  de  l'école,  puis 
il  entra  dans  l'atelier  paternel  pour  y  apprendre  le  métier 
d'orfèvre  ;  mais  une  incHnation  précoce  et  irrésistible  le 
poussait  vers  la  peinture.  Nous  avons  des  témoignages 
singulièrement  éloquents  de  cette  vocation.  €'est  d'abord 
son  propre  portrait  dessiné  par  lui-même  à  la  pointe  d'ar- 
gent, conservé  à  l'Albertine  de  Vienne  et  qui  porte  cette 
inscription  de  sa  main  :  «  J'ai  fait  ce  portrait  d'après  moi- 
même,  en  me  regardant  dans  un  miroir,  l'année  1484, 
quand  j'étais  encore  un  enfant.  »  C'est  une  œuvre  extra- 
ordinaire et  l'on  peut  dire  miraculeuse,  si  l'on  pense  à  l'âge 
de  l'auteur.  C'est  ensuite  un  dessin  à  la  plume  de  1485 
appartenant  aujourd'hui  au  Cabinet  des  estampes  et  dessins 
du  musée  de  Berlin  et  qui  représente  la  Vierge  assise  sur 
un  trône,  tenant  l'enfant  nu  contre  sa  poitrine  et  entourée 
de  deux  anges  musiciens.  Le  dessin  de  quelques  parties 
trahit  encore  une  inexpérience  juvénile  ;  les  influences  des 
écoles  rhénanes  et  des  Pays-Bays  y  sont  très  sensibles, 
mais  les  anges  sont  délicieux  et  tout  est  pénétr-é  de  ferveur 
et  de  grâce. 

Son  père  avait  d'abord  résisté  au  désir  du  jeune  artiste  ; 
il  lui  accorda  enfin  l'autorisation  souhaitée  et,  le  30  nov. 
1486,  Albert  Diirer  entrait  en  apprentissage  chez  Michel 


DURER 


120  — 


Wolgemuth,  qui  habitait  une  maison  toute  voisine  du  n"  493 
de  la  rue  Unter  der  Verten  où  logeait  la  famille  Durer, 
et  qui  travaillait  comme  graveur  pour  le  célèbre  impri- 
meur Antoine  Koburger,  parrain  du  petit  Albert.  L'élève 
ne  demandait  qu'à  profiter  des  leçons  de  son  mallre,  et  il 
apprit  de  lui  tout  ce  que  le  brave  artiste  pouvait  lui  trans- 
mettre de  son  métier  de  peintre  et  de  graveur.  Un  dessin 
à  la  plume  de  1489  représentant  un  cortège  de  cavaliers 
dans  un  grand  paysage  (musée  de  Brème)  et  un  autre 
dessin  du  cabinet  de  Berlin  (trois  lansquenets  appuyés  sur 
leurs  lances  et  parlant  avec  animation)  montrent  l'influence 
exercée  par  Wolgemuth  pendant  ces  années  d'apprentissage. 
Mais,  à  cette  date,  l'apprentissage  allait  prendre  fin;  Diirer 
était  sur  le  point  d'entreprendre  de  lointains  voyages  ;  il 
conserva  du  moins  de  fidèles  relations  avec  son  vieux  maître, 
et  deux  portraits  qu'il  fit  de  lui,  l'un  à  la  pierre  noire 
d'une  vivacité  saisissante  d'expression  (1516),  à  la  collec- 
tion Albertine,  l'autre  peint  (Pinacothèque  de  Munich) 
avec  une  inscription  disant  que  Michel  Wolgemuth  mourut 
le  30  nov.  1519  avant  le  coucher  du  soleil,  témoignent  de 
sa  reconnaissance  et  de  sa  vénération.  —  «  Quand  j'eus 
fini  mon  apprentissage,  mon  père  me  fit  voyager;  mon 
absence  dura  quatre  ans,  jusqu'à  ce  que  mon  père  me 
rappelât.  Je  partis  après  Pâques  en  1490  ;  je  revins  après 
laPentecôte  en  1494  »,  a  écrit  Durer  dans  son  journal.  Avant 
son  départ,  il  avait  peint  le  portrait  de  son  père  (galerie 
des  Offices  à  Florence),  de  forme  encore  anguleuse  et  dans 
la  manière  de  Wolgemuth,  mais  très  vivant  d'expression.  Il 
paraît  certain  que  le  but  de  son  voyage  avait  été  Colmar  où 
pouvait  l'attirer  la  grande  renommée  de  Martin  Schongauer  ; 
mais  il  ne  devait  phis  l'y  trouver  vivant.  Il  voyageait,  s'ar- 
rètant  de  ville  en  ville,  travaillant  dans  les  ateliers  des 
maîtres;  il  passa  vraisemblablement  par  Augsbourg,  célèbre 
par  ses  ateliers  de  peinture,  la  magnificence  de  ses  bour- 
geois et  ses  relations  avec  Venise.  La  pensée  lui  vint-elle 
de  pousser  jusqu'à  Venise  même  par  Innsbruck  et  Trente  ? 
On  est  fondé  à  le  penser  d'après  certains  indices  et  allusions 
de  Durer  lui-même  à  ce  premier  voyage,  et  aussi  d'après 
deux  dessins  à  la  plume  de  l'Albertine  où  l'influence  de 
Mantegna  et  de  Bellini  est  évidente.  Il  ne  fit  en  tout  cas 
qu'y  toucher,  et  reprit  sa  route  vers  l'Allemagne  et  Colmar. 
Il  travailla  vraisemblablement  à  Colmar,  à  Bâie  et  à  Stras- 
bourg, chez  les  frères  de  Martin  Schongauer;  en  1494, 
quelque  temps  avant  son  retour  à  Nuremberg,  on  constate 
sa  présence  à  Strasbourg  ;  dans  la  seconde  quinzaine  de 
mai  1494,  il  était  rentré  au  logis  paternel. 

Deux  mois  après  il  se  mariait.  «  Et  quand  je  fus  de 
retour,  écrit-il,  Hans  Frey  entra  en  pourparlers  avec  mon 
père  et  me  donna  sa  fille  nommée  Agnès  qui  reçut  une  dot 
de  200  florins  ;  le  mariage  eut  lieu  le  1 4  juil.  de  l'an  1 494.  » 
C'est  probablement  pendant  les  pourparlers  qui  précédèrent 
le  mariage  que  Diirer  peignit,  pour  être  envoyé  à  sa  fiancée, 
le  portrait  où  il  s'est  représenté  en  costume  élégant,  tenant 
à  la  main  un  érynge  à  fleurs  bleues  (appelé  en  allemand 
Mannstreue  «  fidélité  du  mari  »)  avec  cette  inscription  : 
Minn  Sach  die  gat  als  esohenschtat  (mes  affaires  suivent 
le  cours  qui  leur  est  assigné  là-haut).  Ce  portrait,  dont 
Goethe  a  décrit  avec  admiration  une  copie  aujourd'hui  au 
musée  de  Leipzig,  se  trouve  dans  une  collection  particu- 
lière également  à  Leipzig,  malheureusement  très  restauré. 
Un  passage  souvent  cité  d'une  lettre  de  Pirkheimer  a 
donné  naissance  à  une  légende,  abondamment  exploitée, 
en  vertu  de  laquelle  la  femme  de  Durer  aurait  été  une 
sorte  de  Xantippe  et,  par  son  avarice  et  son  caractère 
acariâtre,  aurait  fail;  le  malheur  du  grand  artiste.  M.  Thau- 
sing  a  voulu  réhabiliter  sa  mémoire,  et  sans  pouvoir  le 
suivre  ici  dans  son  enquête,  il  faut  au  moins  en  enregistrer 
les  très  plausibles  conclusions  ;  Agnès  Frey  (Frau  Dûrerin) 
paraît  donc  avoir  été  une  fidèle  compagne  :  et  le  réquisi- 
toire posthume  que  Pirkheimer  a  lancé  contre  elle  doit  être 
considéré  comme  un  monument  de  partialité  et  de  rancune 
que  tous  les  actes  connus  de  sa  biographie  s'accordent  à 
démentir.  Mais  comme  le  thème  prête  beaucoup  à  la  litté- 


rature, il  est  probable  que  l'histoire  n'aura  pas  de  sitôt 
raison  de  la  légende.  —  Durer  a  laissé  plusieurs  portraits 
de  sa  femme  :  nous  citerons  un  dessin  sommaire  à  la  plume 
(à  l'Albertine)  avec  cette  mention  :  Mei7i  Agnes  ;  un  mire 
à  la  pointe  d'argent  d'une  admirable  simplicité  (musée  de 
Brème);  une  aq'uarelle  de  1500  (à  l'Ambrosienne)  où  elle 
est  représentée  en  riche  bourgeoise  de  qualité  ;  enfin  un 
dessin  à  la  pointe  d'argent,  d'exécution  très  précieuse, 
avec  cette  inscription  :  Albrech  Durerin  (1504)  (collec- 
tion du  D'^  Blasius  à  Brunswick).  Il  faut  convenir  que 
l'expression  dominante  de  ce  dernier  portrait  n'est  pas 
précisément  une  inaltérable  douceur. 

Parmi  les  œuvres  de  jeunesse  de  Durer,  il  faut  encore 
citer  un  Christ  enfant  kh  détrempe  sur  parchemin  (1493); 
des  copies  des  gravures  de  Msintegm  [Combats  de  Tritons 
et  Bacchanale)  (à  l'Albertine),  et  une  Mort  d'Orphée 
(musée  de  Hambourg),  dessinée  sans  doute  d'après  quelque 
maître  italien  (1494),  mais  marquée  au  coin  de  sa  forte 
originalité;  enfin  un  Enfant  Jésus  couché  (d'après  un 
autre  maître  italien,  peut-être  Lorenzo  di  Credi;  collection 
du  baron  Schickler).  —  Deux  maîtres  surtout  excitaient 
alors  son  attention,  son  étude,  son  admiration  :  Mantegna 
et  Schongauer  dont  il  rassembla  et  garda  pieusement  les 
dessins.  Il  n'avait  pu  rencontrer  l'un  m  l'autre  à  son  premier 
voyage,  Schongauer  étant  mort  et  Mantegna  fixé  à  Mantoue, 
et  quand,  en  1506,  Durer  projetait  d'aller  le  voir,  la  mort 
subite  du  vieux  peintre  mit  à  néant  cette  espérance.  Il 
avait  en  eff'et  au  plus  haut  degré  le  respect  des  maîtres  ;  il 
professait  que  «  pour  devenir  un  grand  peintre,  un  éminent 
artiste,  il  faut  copier  assidûment  les  œuvres  des  bons 
maîtres  jusqu'à  ce  que  l'on  ait  acquis  une  complète  liberté 
de  main  ».  Mais,  par-dessus  tout,  il  avaitle  respect  et  l'amour 
de  la  nature.  A  plusieurs  reprises,  il  recommande  de  repro- 
duire «  soigneusement  les  caractères  que  le  Créateur  a  don- 
nés à  la  nature»,  de  «  ne  rien  retrancher  dans  les  données 
fournies  par  elle  et  de  ne  rien  y  ajouter  qui  soit  incompa- 
tible avec  ses  enseignements  ».  Il  a  accumulé  les  études 
de  nu  (Bain  de  femmes,  1496;  musée  de  Brème,  dessin 
à  la  plume)  ;  études  à  la  plume  du  British  Muséum  sur  les 
proportions  du  corps  humain  (1500)  ;  études  d'animaux, 
chevaux,  chiens,  cerfs,  etc.,  aux  Uffizi,àrAmbroisienne,  à 
Bàle,à  Londres,  à  l'Albertine,  à  Paris;  paysages,  croquis  de 
voyage,  vues  de  villes, demoulins, d'arbres,  de  plantes,  etc., 
à  Londres,  collection  Malcolm  et  British  Muséum,  à  Brème, 
à  l'Albertine,  au  Cabinet  des  estampes  de  Berlin,  au 
Louvre,  à  la  Bibliothèque  nationale,  etc.  «Regarde,  atten- 
tivement la  nature,  écrit-il  encore,  dirige-toi  d'après  elle 
et  ne  t'en  écarte  pas,  t'imaginant  que  tu  trouveras  mieux 
par  toi-même.  Ce  serait  une  illusion  ;  l'art  est  vraiment 
caché  dans  la  nature  ;  celui  qui  peut  l'en  tirer  le  possédera. 
Plus  la  forme  de  ton  œuvre  est  semblable  à  la  forme 
vivante,  plus  ton  œuvre  paraît  bonne.  Cela  est  certain. 
N'aie  donc  jamais  la  pensée  de  faire  quelque  chose  de 
meilleur  que  ce  que  Dieu  a  fait,  car  ta  puissance  est  un 
pur  néant  en  face  de  l'activité  créatrice  de  Dieu...  Aucun 
homme  ne  peut  exécuter  une  belle  figure  en  ne  consultant 
que  son  imagination,  à  moins  qu'il  n'ait  peuplé  sa  mémoire 
d'une  multitude  de  souvenirs.  L'art  cesse  d'être  unique- 
ment le  produit  du  sentiment  individuel  ;  transmis  et  appris, 
il  se  féconde  lui-même.  Le  mystérieux  trésor  amassé  au 
fond  du  cœur  se  répand  alors*  au  moyen  des  œuvres ,  au 
moyen  de  la  nouvelle  créature  que  l'on  tire  de  son  sein  en 
lui  donnant  une  forme  sensible...  »  Toute  son  esthétique  est 
enfermée  dans  ces  lignes.  Il  a  voulu  à  certaines  heures 
agrandir  et  élargir  le  domaine  de  l'art  allemand  en  lui 
annexant  la  beauté  que  les  maîtres  italiens  avaient  remise 
en  honneur  ;  mais  il  était  trop  de  son  pays  et  de  sa  race 
pour  que  son  intransigeant  naturalisme  et  sa  rude  sincérité 
pussent  s'assouplir  aux  belles  manières  ultramontaines. 
C'est  quand  il  a  regardé  directement  de  son  œil  profond  et 
clair  la  nature  vivante,  que,  fort  de  sa  science  laborieuse- 
ment et  consciencieusement  acquise,  maître  de  tous  ses 
moyens,  il  a  donné  la  mesure  de  son  génie  et  répandu 


—  121  — 


DURER 


dans  ses  œuvres,  avec  le  sentiment  intense  de  la  vie,  tout 
le  «  trésor  mystérieux  »  de  son  imagination  puissante  et 
féconde,  de  sa  pensée  noblement  inquiète,  de  son  cœur 
sincère  et  loyal. 

Il  est  impossible  d'énumérer  ici  et  encore  moins  d'étudier 
cette  œuvre  immense  :  peintures ,  gravures  sur  bois , 
estampes  au  burin  et  à  l'eau-forte,  dessins.  Nous  mention- 
nerons les  plus  importantes  et,  autant  que  possible,  dans 
l'ordre  chronologique.  —  Un  de  ses  premiers  grands 
,  tableaux  (sur  toile  à  la  détrempe)  est  le  triptyque  du  musée 
de  Dresde  (n*^  1869),  la  Vierge  avec  Venfant,  Saint 
Sébastien  et  Saint  Antoine,  exécuté  sous  l'influence  de 
Mantegna.  C'est  aussi  sous  cette  influence  qu'il  peignait, 
en  loOO,  Hercule  tuant  les  oiseaux  du  lac  Stymphale 
du  Musée  germanique  de  Nuremberg  (n°  184),  dont  le 
musée  de  Darmstadt  possède  une  esquisse  ;  ce  sont  des 
œuvres  fortes  et  curieuses,  mais  plus  étranges  que  belles, 
où  son  originalité  ne  s'est  pas  encore  complètement  dégagée. 
On  en  trouve,  à  cette  date,  la  manifestation  beaucoup  plus 
significative  dans  la  suite  de  gravures  sur  bois  V Apocalypse, 
composée  de  quinze  pièces  (Bartsch,  60-75),  publiées  pour 
la  première  fois  en  1498,  mais  auxquelles  il  travaillait 
dès  1495.  Il  en  publia  en  même  temps  une  édition  alle- 
mande (Die  heimliche  Offenbarung  Johannis)  et  une 
latine  (Apocalipsis  cum  flguris).  Le  texte  de  l'édition 
allemande  était  emprunté  à  la  bible  de  Koburger  et  se  ter- 
mine ainsi  :  Fin  du  livre  contenant  les  mystérieuses 
révélations  de  saint  Jean,  apôtre  et  évangéliste, 
imprimé  à  Nuremberg  par  Albert  Durer,  peintre,  Van 
MCCCCXCVIII  après  la  naissance  du  Christ,  Dans 
les  Quatre  Cavaliers  de  l'Apocalypse  par  exemple,  qui 
sont  la  quatrième  estampe  de  la  série,  on  trouve  déjà  toute 
la  profondeur  d'invention,  toute  l'énergie  d'expression  des 
plus  belles  œuvres  du  maitre.  —  Comme  peintre,  son  origi- 
nalité se  manifesta  dès  1500  dans  V Ensevelissement  du 
Christ  (n^  238  de  la  Pinacothèque  de  Munich),  dont  il  fit 
deux  ans  plus  tard  une  variante,  connue  sous  le  nom  de 
tableau  d'iui^/  des  Holzschuer  (n<>  18  du  Musée  germanique 
de  Nuremberg)  ;  dans  le  triptyque  (n^^  240-242  de  la 
Pinacothèque  de  Munich)  représentant  la  Nativité  avec, 
sur  les  volets,  les  portraits  des  donateurs,  Etienne  et  Lucas 
Baumgartner,  en  cavaliers  revêtus  de  l'armure,  admirables 
portraits  (célèbre  sous  le  nom  de  V Autel  des  Baum- 
gartner), provenant  de  l'église  Sainte  Catherine  de  Nurem- 
berg et  qui  date  de  1503.  -—  Pour  la  force  dramatique  de 
la  composition,  la  Mise  au  tombeau  de  Munich  est  surtout 
caractéristique  et  tout  à  fait  dans  les  traditions  pathé- 
tiques du  vieil  art  allemand.  Dans  V Autel  Baumgartner 
pour  lequel  il  fit  un  grand  nombre  d'études  et  d'esquisses, 
il  exprima  pour  la  première  fois  avec  un  charme  pénétrant 
le  type  de  la  Vierge,  douce  fille  allemande,  auquel  il  devait 
si  souvent  revenir  et  dont  la  beauté,  tout  intérieure  et 
morale,  se  trahit  plus  par  le  reflet  d'une  âme  pure  et 
tendre  que  par  la  régularité  ou  l'élégance  des  traits.  C'est 
de  cette  époque  que  datent  également  quelques  portraits 
de  grand  prix  :  celui  à'Oswalt  Krell,  1499  {n^  236  de  la 
Pinacothèque  de  Munich);  son  propre  portrait  de  1498 
au  musée  de  Madrid  et  celui  de  1500  (n°  239  de  la 
Pinacothèque  de  Munich)  avec  cette  inscription  :  Albertus 
Durerus  Noricus  ipsum  me  propriis  sic  ejfingebam 
coloribus  œtatis  anno  xxvni,  signé  du  monogramme  qu'il 
avait  adopté  depuis  1497,  et  oti  il  s'est  représenté  de  face, 
des  longs  cheveux  retombant  eu  boucles  soyeuses  sur  ses 
épaules,  la  main  droite  (cette  main  dont  Camerarius  écri- 
vait qu'on  ne  pouvait  rien  voir  de  plus  beau  !)  posée  sur  la 
poitrine,  les  doigts  longs  et  nerveux  jouant  dans  la  fourrure 
de  son  manteau  ;  le  portrait  d'un  inconnu  (n°  237  de 
Munich),  celui  d'une  femme  (Augsbourg)  ;  le  second  por- 
trait de  son  père  (collection  du  duc  de  Northumberland, 
copies  à  Munich  et  à  Francfort)  ;  celui  d'un  homme  de 
qualité,  où  l'on  a  proposé  de  reconnaître  le  grand-électeur 
Frédéric  de  Saxe  (n^  557  C  du  musée  de  Berlin)  et  les 
portraits  au  crayon  des  cabinets  de  Berlin,  des  collections 


Dumesnil,  Mitchel,  Haussmann,  à  Paris,  Londres  et  Bruns- 
wick.— La  Vierge  allaitant  son  enfant  (1503),  n<*  1525 
de  la  galerie  du  Belvédère  à  Vienne,  trahit  une  nouvelle 
influence,  celle  du  graveur  Jacopo  de  Barbari  que  Durer 
avait  sans  doute  connu  lors  de  son  premier  passage  à  Venise 
et  qui  venait  de  s'établir  à  Nuremberg  ;  on  en  trouverait 
encore  les  traces  dans  r Adoration  des  mages  (1504)  du 
musée  des  Offices,  comme  dans  la  série  des  douze  dessins 
de  l'Albertine,  appelée  la  Passion  verte  (1504)  (à  cause 
de  la  couleur  du  papier),  dans  le  Salvator  mundi  de  la  col- 
lection Eugène  Félix  de  Leipzig,  et  dans  les  figures  des  volets 
de  Saint  Onuphre  et  Saint  Jean-Baptiste  de  la  galerie 
de  Brème.  Il  travaillait  dès  lors  aux  planches  de  la  Grande 
Passion  qui  ne  devait  paraître  qu'en  1511,  et  il  exécutait 
en  1504-1505  la  suite  célèbre  de  gravures  sur  bois, 
connue  sous  le  nom  de  la  Vie  de  la  Vierge  (Bartsch,  67- 
95),  dont  plusieurs  dessins  préparatoires  remontent  à  une 
époque  antérieure.  —  Sur  les  vingt  bois  de  la  Vie  de  la 
Vierge,  il  y  en  avait  seize  d'imprimés  et  d'achevés,  quand 
Durer,  dans  la  seconde  moitié  de  l'année  1505,  se  mit 
pour  la  seconde  fois  en  route  pour  Venise.  C'est  de  là  qu'il 
écrivait  le  6  janv.  1506  à  son  ami  Pirkheimer  qu'il  avait 
entrepris  de  peindre  pour  l'autel  de  la  petite  église  Saint- 
Barthélémy,  construite  près  du  nouveau  comptoir  des 
Allemands  (Fondaco  dei  Tedeschi),  un  tableau  qui ^  était 
achevé  le  23  sept,  de  la  même  année.  Il  représentait  V Ado- 
ration de  Marie  pour  la  fête  du  Rosaire  ;  on  y  voyait  la 
Vierge  entourée  de  saints  au  milieu  d'un  paysage,  tenant 
l'enfant  sur  ses  genoux  ;  elle  couronne  de  roses  Pempereur 
Maximilien,  tandis  que  le  petit  Jésus  pose  une  couronne 
pareille  sur  la  tête  du  pape  Jules  II.  Parmi  les  assistants, 
Dominique  Grimani  (couronné  par  saint  Dominique), 
Antonio  Surani,  l'architecte  du  Fondaco,  enfin  Durer  lui- 
même  portant  un  cartouche  où  est  écrit  l'inscription  sui- 
vante :  Exegit  quinquemestris  spatio  Albertus  Durer 

Germanus.  MDVI,  et  le  monogramme^A  .  Ce  précieux 

tableau,  porté  à  Prague  par  l'empereur  Rodolphe  II,  a  subi 
de  cruelles  restaurations  et  n'est  plus  guère  aujourd'hui 
qu'une  ruine  vénérable.  Durer  y  avait  mis  toute  son  appli- 
cation et  tout  sou  génie;  il  semble  qu'il  eût  voulu,  en  pré- 
sence des  artistes  italiens,  montrer  ce  dont  était  capable 
un  artiste  allemand,  et  le  mot  de  Germanus  qu'il  ajouta 
fièrement  à  sa  signature,  souligne  et  confirme  cette  inten- 
tion. Les  Italiens,  et  le  vieux  (jiovanni  Bellini  à  leur  tête, 
ne  furent  pas  du  reste  avares  de  leur  admiration  pour  ce 
chef-d'œuvre  qui  resta  toujours  celui  de  tous  ses  ouvrages 
pour  lequel  Durer  témoigna  la  plus  grande  prédilection. 
Du  même  séjour  et  de  la  même  année,  datent  le  Christ 
parmi  les  docteurs  de  la  galerie  Barberini,  et  l'émouvant 
et  exquis  chef-d'œuvre  (n°"l870  delà  galerie  de  Dresde), 
le  Christ  en  croix,  avec  cette  inscription  :  Pater,  I. 
manus.  tuas.  Comendo  Spiritù.  Meû,  le  monogramme 
et  la  date  1506.  —  Le  tableau  ne  mesure  que  20  centim. 
sur  16  ;  il  n'en  est  pas  moins  au  nombre  des  plus  grandes 
œuvres  de  maître.  La  Bibliothèque  nationale  en  possède  des 
dessins  et  des  études  préparatoires.  —  C'est  également  à 
Venise  qu'il  peignit  plusieurs  portraits, parmi  lesquels  le  buste 
de  jeune  homme  de  la  galerie  Brignole-Sale  à  Gênes,  et 
celui  d'un  homme  (n°  1531  du  Belvédère  de  Vienne). 

Durer  veillait  avec  une  activité  jalouse  sur  ses  droits  de 
propriété.  C'était  surtout  ses  bois,  plus  faciles  à  imiter  que 
tout  le  reste,  qu'il  avait  sans  cesse  à  défendre  contre  les 
copistes  et  les  contrefacteurs  ;  le  conseil  de  Nuremberg  le 
protégea  par  plusieurs  arrêts.  Les  artistes  italiens  ne 
s'étaient  pas  fait  faute  non  plus  de  le  copier,  et  c'est  à  eux 
que  s'adressait  Durer  quand  il  écrivait  en  1506  :  «  Beau- 
coup me  sont  hostiles  et  cherchent  à  copier  mes  œuvres 
dans  les  églises  et  partout  où  ils  peuvent  les  rencontrer,  » 
et  il  ajoutait  :  «  Après  cela,  ils  les  dénigrent  et  disent 
qu'elles  ne  valent  rien  parce  qu'elles  ne  sont  pas  conformes 
au  style  antique.  »  On  sait  que  parmi  les  copistes,  avec 
lesquels  il  eut  de  vifs  démêlés,  il  faut  ranger  Marc-Antoine 


DORER 


—  122  — 


lui-même,  qui  avait  reproduit  sur  cuivre  la  Vie  de  la 
Vierge  et  contre  lequel  il  porta  plainte  devant  la  seigneu- 
rie. Elle  décida  que  Marc-Antoine  pouvait  librement 
copier  les  estampes  de  Diirer  à  condition  de  ne  pas  mettre 
sur  les  copies  le  monogramme  de  celui-ci  ;  et  en  effet  les 
planches  dans  lesquelles  Marc-Antoine  reproduisit  plus  tard 
la  Petite  Passion,  grayée  sur  bois,  ne  portent  pas,  comme 
les  copies  de  la  Vie  de  la  Vierge,  le  monogramme  de  Diirer, 
mais  seulement  la  petite  tablette  vide  dont  Marc-Antoine  se 
servit  souvent  dès  lors  pour  remplacer  son  propre  mono- 
gramme. 

En  1507,  avant  le  mois  de  juin,  Diirer  était  de  retour  à 
Nuremberg  et  il  y  achevait  son  Adam  et  Eve,  dont  il  avait 
commencé  les  études  (le  British  Muséum  en  possède  trois) 
à  Venise,  où  il  disposait  de  plus  beaux  modèles  et  de 
facilités  exceptionnelles  pour  ses  études  de  nu.  Déjà  en  1504 
il  avait  fait  sur  le  même  sujet  une  estampe  qui  au  point  de 
vue  technique  est  un  chef-d'œuvre  ;  les  musées  de  Mayence, 
Florence  (palais  Pitti)  et  Madrid  conservent  également  un 
Adam  et  Eve  et  chacun  prétend  posséder  l'original,  qui 
à  peu  près  sûrement  se  trouve  à  Madrid.  —  Les  années 
suivantes  virent  se  produire  plusieurs  tableaux  importants  : 
c'est  en  1508,  pour  le  grand-électeur  Frédéric  le  Sage,  le 
Martyre  des  dix  mille  vierges  de  la  galerie  impériale 
de  Vienne;  en  1509,  V Assomption  de  la  Vierge,  trip- 
tyque, communément  appelé  l'iii^^/  deHeller,  malheureu- 
sement détruit  dans  un  incendie,  que  lui  avait  commandé  le 
riche  marchand  drapier  Jacob  Heller  de  Francfort,  et 
dont  le  musée  de  Francfort  possède  une  copie  excellente; 
en  1509  également,  il  achève  la  délicieuse  Madone  avec 
Venfant  sur  les  genoux,  entourée  d'anges  musiciens  et 
de  saint  Joseph  modestement  relégué  à  l'écart  (aquarelle) 
au  musée  de  Bâle;  en  1511,  le  célèbre  tableau  de  la  Trinité 
avec  tous  les  saints  (dont  le  musée  du  duc  d'Aumale  à 
Chantilly  possède  une  esquisse)  qui  se  trouve  au  Belvédère 
de  Vienne  ;  c'est  le  mieux  conservé  peut-être  de  tous  les 
tableaux  d'Albert  Diirer.  On  y  lit  cette  inscription  sur  un 
cartouche  que  le  peintre  lui-même  tient,  dans  un  coin  du 
tableau,  à  droite,  derrière  l'assemblée  des  papes,  des  em- 
pereurs et  des  personnages  qui  contemplent  la  trinité  res- 
plendissant au  haut  du  ciel  au  milieu  des  saints ,  des 
patriarches  et  des  élus  :  Albertiis  Durer  Noricus  facie- 
bat  anno  a  Virginis  partu  i5ii  ;  en  1512,  il  peignait 
la  charmante  petite  Vierge  au  lis  de  la  galerie  et  celle  non 
moins  charmante  du  Belvédère  (n°  1526),  connue  sous 
le  nom  de  la  Vierge  à  la  poire  (la  peinture  en  est  extra- 
ordinairement  limpide,  douce  et  harmonieuse)  ;  en  1510,  il 
avait  peint  en  grisaille,  avec  une  admirable  finesse  et  une 
rare  vigueur,  un  diptyque  dont  un  volet,  Samson  terrassant 
les  Philistins,  est  aujourd'hui  au  musée  de  Berlin,  et  de 
1510  à  151 2  les  deux  portraits  colossaux  de  Charlemagne 
et  de  Sigismond  (pour  le  château  de  Nuremberg)  que  l'on 
peut  voir  aujourd'hui  au  Musée  germanique.  C'est  pour  ces 
deux  tableaux  qu'il  entreprit  une  série  d'études  détaillées 
(dessins  à  la  plume,  à  l'encre  bleue  et  lavis  de  différentes 
couleurs)  d'après  les  joyaux  de  l'Empire. 

Depuis  1512,  Diirer,  qui  n'avait  pas  trouvé  dans  la  pein- 
ture les  profits  ni  la  renommée  qu'il  croyait  avoir  mérités, 
ralentit  sensiblement  cette  active  production;  les  rares 
tableaux  qu'il  exécuta  jusqu'en  1520  ne  sont  compa- 
rables pour  la  dimension  ni  la  valeur  à  ceux  que  nous 
venons  d'énumérer.  «  A'  une  gamme  de  couleurs  claires 
et  brillantes,  dit  Thausing,  succède  un  coloris  sec  et  terne. 
L'emploi  large  et  sommaire  des  couleurs  à  l'huile  ne  permet 
plus  guère  au  peintre  d'obtenir  les  tons  fondus  des  an- 
ciennes couleurs  a  tempera.  »  C'est  seulement  après 
1520,  quand  il  a  vu,  dans  le  voyage  qu'il  fit  avec  sa 
femme,  de  juil.  1520  à  1521  dans  les  Pays-Bas,  les  chefs- 
d'œuvre  des  maîtres  flamands,  qu'il  se  reprendra  à  peindre  ; 
mais,  pendant  ces  années  intermédiaires,  il  laissa  inachevés 
plusieurs  projets  de  grands  tableaux  dont  ses  dessins  ont 
conservé  la  première  pensée  (comme  la  Chute  des  anges 
du  British  Muséum)  ;  il  termina  en  1518  la  Lucrèce  (n*^244 


de  la  Pinacothèque  de  Munich)  pour  laquelle  il  avait,  dès 
1508,  déjà  fait  plusieurs  études  et  dessins.  (Albertine); 
en  151 6,  il  avait  peint  le  portrait  de  Michel  Wolgemuth 
{n^  243  de  la  Pinacothèque)  dont  les  esquisses  sont  éga- 
lement antérieures. 

C'est  en  1512  qu'il  commença  à  travailler  pour  l'empe- 
reur Maximilien  dont  il  fut  l'artiste  de  prédilection,  qui  le 
combla  d'égards,  prit  plaisir  à  venir  le  voir  travailler, 
et  alla  jusqu'à  demander  pour  son  peintre  au  conseil 
de  Nuremberg  une  exemption  d'impôts  de  cent  florins.  C'est 
pour  l'empereur  poète  et  artiste,  si  naïvement  sensible  au 
plaisir  d'assister  à  sa  propre  glorification,  que  Diirer  entre- 
prit les  importants  travaux  du  Triomphe.  On  le  divisa  en 
deux  parties  :  VArc  triomphal  (Ehrenpforte)  dont  le  dessin 
fut  confié  à  Diirer  en  1512  et  dont  Johannes  Stabius  rédigea 
les  inscriptions,  et  le  Cortège  triomphal.  VArc  triom- 
phal, terminé  en  1515  (Bartsch,  138),  se  compose  de 
quatre-vingt-douze  planches  qui,  jointes  ensemble,  ont  3^409 
de  haut,  sur  2^^922  de  large.  Il  est  disposé,  comme  dit 
l'inscription,  «  à  la  façon  des  arcs  de  triomphe  érigés  en 
l'honneur  des  empereurs  de  l'ancienne  Rome  ».  Jamais  on 
n'avait  conçu  ni  exécuté  de  gravure  sur  bois  de  cette  dimen- 
sion. Diirer  traça  à  la  plume  et  au  pinceau  les  dessins  sur 
les  planches  ;  Hieronymus  Andrese  exécuta  les  tailles  avec 
une  surprenante  précision.  La  seconde  partie,  comprenant 
le  Cortège  triomphal  (improprement  appelé  le  Char  triom- 
phal), fut  confiée  à  plusieurs  mains.  Hans  Burgkmair  en 
eut  la  plus  grande  partie.  Le  Cortège  ne  fut  d'ailleurs  jamais 
terminé,  Maximihen  étant  mort  trop  tôt.  —  Mais  cette  œuvre 
gigantesque  ne  saurait  être  comparée  aux  dessins  à  la  plume 
que  Diirer  composa  pour  le  Livre  de  prières  de  Maximi- 
lien (bibliothèque  royale  de  Munich).  La  fantaisie  la  plus 
libre  et  souvent  la  plus  profonde,  les  ornements  inattendus 
et  les  plus  gracieux  dans  leur  bizarrerie,  le  sentiment  le  plus 
intense  de  la  nature,  les  intuitions  les  plus  saisissantes  de 
l'imagination  la  plus  germanique  y  sont  prodigués  à  chaque 
page  ;  on  y  voit  revivre  quelque  chose  du  mystère  de  l'an 
cienne  ornementation  des  peuples  septentrionaux,  telle  qu'on 
la  trouve  d'une  part  dans  les  bijoux  Scandinaves,  et  de  l'autre 
dans  les  entrelacs  des  manuscrits  irlandais.  —  Mais  c'est 
peut-être  le  burin  à  la  main  que  Diirer  fut  le  plus  vraiment 
lui-même,  et  manifesta,  avec  la  plus  farouche  énergie,  la 
liberté  la  plus  grande  et  la  subtilité  la  plus  profonde,  sa  pensée 
et  son  génie.  Au  point  de  vue  technique,  pour  la  souplesse 
du  modelé,  la  finesse  et  la  vigueur  des  contours,  la  douceur 
harmonieuse  des  planches  creusées  d'un  nombre  infini  de 
tailles  et  jamais  fatiguées,  il  est  un  buriniste  incomparable; 
il  faut  ajouter  que,  sous  ce  rapport,  il  dut  beaucoup  à  son 
maître  Wolgemuth  et  s'inspira  longtemps  de  ses  travaux. 
Nous  avons  cité  déjà  Adam  et  Eve  de  1504  ;  il  faut,  sans 
vouloir  tout  mentionner,  y  ajouter  le  Grand  Cheval  (1505); 
la  Vierge  et  l'enfant  Jésus  de  1507  ;  V  Enfant  prodigue  ; 
la  Petite  Fortune  et  la  Grande  Fortune  ou  Némésis, 
Saint  Eustache,  les  suites  de  la  Passion  (Bartsch,  3-18)  ; 
le  Chevalier,  la  Mort  et  le  diable.  Saint  George,  la 
Nativité,  Jésus  sur  la  croix,  plusieurs  Vierges  (vierges 
aux  cheveux  longs,  aux  cheveux  courts,  à  la  couronne 
d'étoile,  couronnée  par  deux  anges,  etc.)  ;  le  Cheval  de  la 
mort,  Saint  Jérôme,  la  Mélancolie  (1514);  les  Deux 
Amants  en  promenade,  le  Paysan  au  marché,  etc.  ; 
parmi  les  gravures  à  l'eau- forte  et  à  la  pointe  sèche,  Jésus 
au  jardin  des  Oliviers,  Sainte  Famille  à  la  muraille, 
rtlomme  de  douleurs  (assis  et  aux  mains  liées),  la  Face 
de  Jésus  tenue  par  un  ange,  le  Ravissement  d'une 
femme,  etc.,  et  plusieurs  portraits. 

Le  voyage  dans  les  Pays-Bas  qu'il  fit  en  1520  fut  pour 
Diirer  l'occasion  d'un  long  triomphe.  Le  récit  détaillé  nous 
en  a  été  conservé  dans  le  journal  du  maître,  document  à 
tous  les  points  de  vue  infiniment  précieux.  Il  fut  reçu  avec 
de  grands  honneurs  et  il  a  noté,  avec  une  joie  naïve,  tous 
les  témoignages  de  déférence  et  d'admiration  qu'il  recueillit 
à  Anvers  et  ailleurs.  C'est  pendant  ce  voyage  qu'il  fit  la 
connaissance  d'Erasme,  dont  il  dessina  plus  d'une  fois  le 


—  123  — 


DURER  -  DURET 


portrait;  de  Nicolas  Kretzer  à  qui  il  donna  ses  Imagines 
Cœli,  du  peintre  paysagiste  Joachim  Patinier  dont  il  fit  le 
portrait,  etc.  C'est  aussi  pendant  ce  voyage  qu'il  assista  à 
l'entrée  solennelle  de  Charles-Quint  à  Anvers  ;  il  la  décri- 
vait à  Melanchthon  en  avouant  que,  comme  peintre,  il  ne 
s'était  pas  fait  faute  de  regarder  aliquamtulum  invere- 
cundius  les  jeunes  filles  presque  nues  qui  figuraient  dans 
le  cortège.  Enfin,  c'est  également  pendant  ce  voyage  que, 
sur  un  bruit  qui  s'était  répandu  que  Luther  avait  été  em- 
prisonné, il  écrivit  une  véritable  profession  de  foi  où  il 
'  témoignait  de  sa  haute  admiration  pour  le  réformateur  et 
s'écriait  :  «  0  Seigneur,  si  Luther  est  mort,  qui  nous  expli- 
quera désormais  le  saint  évangile  avec  la  même  netteté  !  » 
Au  retour  de  ce  voyage  et  établi  de  nouveau  à  Nurem- 
berg, il  fut  bientôt  atteint  de  la  maladie  chronique  qui 
devait  l'emporter  et  dont  il  avait  pris  le  germe  dans  son 
voyage  des  Pays-Bas.  Peu  de  temps  après  son  retour,  il  avait 
fait  un  dessin  à  la  plume  où  il  s'était  représenté  nu  jusqu'à 
la  ceinture  et  montrant  sur  son  flanc  gauche  une  petite 
tache  jaune  avec  cette  inscription  :  «  Là  où  est  la  tache 
jaune,  à  l'endroit  désigné  par  le  doigt,  c'est  là  que  je  souffre  » 
(musée  de  Brème).  C'est  dans  ces  dernières  années  que  se 
placent  le  Portrait  de  vieillard  du  Louvre,  le  Portrait 
de  Kleberger  (Vienne),  le  célèbre  et  admirable  portrait  du 
vieux  Holzschuher  (Berhn)  et  enfin,  les  Quatre  Apôtres 
ou  les  Quatre  Tempéraments  qu'il  offrit  le  6  oct.  1526  au 
conseil  de  Nuremberg  (n°^  247-248  de  la  Pinacothèque 
de  Munich).  Depuis  plusieurs  années,  il  s'occupait  de  ces 
études  d'apôtres  ;  l'Albertine,  le  Louvre,  le  British  Muséum 
possèdent  des  études  de  draperie,  de  mains,  de  têtes;  ces 
panneaux  finirent  par  absorber  toute  son  attention  et  ses 
longues  méditations.  Le  choix  des  quatre  personnages,  la  pré- 
férence donnée  à  saint  Paul  sur  saint  Pierre,  le  premier  rang 
donné  à  saint  Jean  l'Evangéliste  cher  au  cœur  de  Luther,  le 
sentiment  dans  lequel  les  figures  sont  traitées  indiquent  clai- 
rement le  point  de  vue  protestant  auquel  Durer  se  plaça.  Il 
en  fit  précéder  le  don  d'une  sorte  d'exhortation  aux  auto- 
rités publiques.  On  peut  dire  que  ce  fut  là  son  testament 
comme  homme,  comme  patriote,  comme  artiste  et  comme 
penseur.  Il  mourut  subitement,  durant  la  semaine  sainte, 
quarante-quatre  jours  avant  d'avoir  atteint  sa  cinquante- 
septième  année.  Il  fut  enterré  dans  le  tombeau  de  la  famille 
Frey,  au  cimetière  Saint-Jean,  et  on  lit  encore  sur  la  pierre 
tumulaire,  gravée  sur  une  plaque  de  bronze,  celte  inscrip- 
tion composée  par  Pirkheimer  :  Me.  al.  dv,  Quiqcquid  Al- 

BERTI  DURERI  MORTALE  FUIT,  SUE  HOC  CONDITUR  TUMULO.  EmI- 

GRAviT  VIII  idus  Aprilis  MDxxviii.  Apprenant  cette  mort, 
qui  excita  une  universelle  émotion,  Melanchthon  écrivait  : 
Doleo  tali  et  viro  et  arteftce  Germaniam  orbatam  esse. 
Pendant  les  dernières  années  de  sa  vie.  Durer  s'était  consacré 
à  la  recherche  des  «  principes  de  l'art  »  qui  l'avaient  tou- 
jours préoccupé.  «  Un  homme  ignorant  ressemble  à  un 
miroir  non  poli  »,  disait-il,  à  Melanchthon.  Il  publia  VArt 
de  mesurer  ;  instruction  sur  la  manière  de  mesurer  a 
Vaide  du  compas  et  de  réquerre  les  lignes,  les  plans  et 
les  solides,  composé  par  Albert  Durer ,  destiné  à  tous  les 
amateurs  de  l'art  et  imprimé  en  1525.  En  1527,  il  publia 
un  Traité  de  la  fortification  des  villes,  des  châteaux  et 
des  bourgs;  enfin  le  Traité  des  proportions  [ici  se 
trouvent  réunis  quatre  livres  sur  les  proportions  hu- 
maines ;  ils  ont  été  composés  par  Albert  Durer  de 
Nuremberg,  et  imprimés  à  V usage  de  ceux  qui  aiment 
cet  art,  MDXXVIII).  Le  premier  des  quatre  livres  était  seul 
imprimé,  quand  il  mourut.  André  Michel. 

BiBL.:  Thausing,  Durer,  Geschichte  seines  Lebens  und 
seiner  Kunst;  Leipzig,  1884,  2«  édit.  (une  traduction  fran- 
çaise de  la  première  édition,  par  M.  G.  Gruyer,  a  paru 
en  1878,  grand  in-8).  —  Ch.  Ephrussi,  les  Dessins  d'Al- 
bert Durer;  Paris,  1828,  in-8.— H.  Janitscheck,  Die  Malerei, 
dans  la  Geschichte  der  deutschen  Kunst,  pp.  319-370.  — 
Œuvre  d'Albert  Durer,  reproduit  et  publié  par  Armand 
Durand,  texte  par  George  Duplessis;  Paris,  1877,  in-fol.— 
Bartsch,  le  Peintre-graveur,  t.  VU,  pp.  1-197.— Schmidt, 
Biographie,  dans  leà  Kunst  und  Kûnstler  de  Dohme.  — 
WoERMANN,  Geschichte  der  Malerei;  Leipzig,  1884,  t.  Il, 
pp.  370-418,  in-4. 


DURET  (Louis),  médecin  français,  né  à  Bâgé-la-Ville 
(Ain)  en  1527,  mort  à  Paris  le  22  juin  1586.  Connais- 
sant à  fond  le  grec  et  l'arabe,  il  fut  chargé  de  l'éduca- 
tion d'Achille  de  Harlay  ;  reçu  docteur  en  médecine  en 
1552,  il  commença  immédiatement  des  leçons  de  médecine, 
puis,  en  1568,  fut  nommé  professeur  au  Collège  royal.  En 
même  temps  il  fut  attaché  au  service  de  santé  de  Charles  IX 
et  de  Henri  III.  Ennemi  de  la  polypharmacie,  il  fut  le  pre- 
mier médecin  de  son  temps  à  abandonner  les  Arabes  et  à 
reprendre  la  tradition  hippocratique.  On  a  de  lui  :  Hippo- 
cratis  Magni  Coacœ  prœnotiones  (Paris,  1588,  1621, 
in-fol.,  et  autres  éditions)  ;  In  magni  Hippocratis  libri  de 
humoribus  purgantibus  (Paris,  1631,  in-8),  etc. 

DURET  (Jean),  jurisconsulte  français,  né  à  Moulins 
vers  1540,  mort  au  commencement  du  xvii®  siècle.  Il  fut 
avocat  du  roi  au  présidial.  On  a  de  lui  :  Paraphrase  sur 
le  style  de  la  sénéchaussée  du  pays  du  Bourbonnais 
(Lyon,  1571,  in-8)  ;  Traité  despeiiies  et  amendes  (Lyon, 
1572,  1573,  1583,  1588,  1606,  1610,  in-8);  Harmo- 
nie et  conférences  des  magistrats  romains  avec  les 
officiers  français,  tant  laiz  qu'ecclésiastiques  (Lyon, 
1574,  in-8)  ;  Commentaires  aux  coutumes  du  duché 
de  Bourbonnais  (Lyon,  1584,  in-fol.). 

DURET  (Noèl),  astronome  français, né  à  Montbrison  en 
1590,  mort  en  1650.  Professeur  de  mathématiques  à 
Paris,  il  obtint  une  pension  de  Richelieu  et  le  titre  de  cos- 
mographe du  roi.  On  a  de  lui  :  Nouvelle  Théorie  des 
planètes  (Paris,  1635)  ;  Primi  Mobilis  doctrina  (i6^S)  ; 
Tables  Richeliennes  (1639),  avec  un  supplémeîit  {Lon- 
dres, 1647);  Ephémérides  Richeliennes  (1641);  Traité 
de  la  géométrie  et  des  fortifications  (1643). 

DURET  (Cécile  d'HERBEz,  dite  Saint-Aubin,  épouse), 
cantatrice  scénique  française,  née  à  Lyon  au  mois  d'oct. 
1785,  morte  à  Paris  le  29  nov.  1862.  Fille  des  deux  excel- 
lents artistes  qui  avaient  nom  M.  et  M^^  Saint-Aubin  et 
qui  firent  les  beaux  jours  del'Opéra-Comique,  elle  dut  à  sa 
mère  son  excellente  éducation  scénique,  et,  comme  chan- 
teuse, fut  élève  d'abord  du  compositeur  Tarchi,  puis,  au 
Conservatoire,  de  l'admirable  chanteur  Garât.  Elle  débuta 
à  rOpéra-Comique,  le  24  mai  1804,  dans  le  Concert  inter- 
rompu de  Berton,  et,  malgré  son  très  grand  succès,  elle 
quittait  brusquement  ce  théâtre  au  bout  de  quatre  ou  cinq 
mois,  pour  n'y  reparaître  que  le  2  avr.  1808,  après  avoir 
épousé  le  violoniste  Marcel  Duret,  artiste  fort  distingué. 
Elle  était  alors  une  cantatrice  véritablement  consommée  et 
beaucoup  plus  remarquable  sous  ce  rapport  qu'en  ce  qui 
concerne  les  quahtés  scéniques.  Mais  sa  jolie  voix  et  l'ha- 
bileté avec  laquelle  elle  savait  la  gouverner  enchantaient 
littéralement  le  public.  Le  récent  souvenir  de  sa  mère  ne 
laissait  pas  d'ailleurs  que  de  lui  être  profitable,  ainsi  qu'à 
sa  sœur,  W^  Alexandrine  Saint-Aubin,  qui  était  venue  la 
rejoindre  sur  la  scène  de  l'Opéra -Comique.  Bientôt, 
jyjrae  D^YQi  devint  l'interprète  favorite  du  compositeur 
Nicolo  Isouard,  qui  écrivit  expressément  pour  elle  quelques- 
uns  des  rôles  de  ses  meilleurs  ouvrages.  M"^^  Duret  avait 
été  reçue  sociétaire  en  1811.  Un  ébranlement  survenu  dans 
sa  santé  et  le  chagrin  causé  par  la  perte  d'un  fils  unique 
l'obligèrent  à  une  retraite  prématurée.  Elle  fit  ses  adieux 
au  public  vers  la  fin  de  1820. 

DURET  (Francisque-Joseph),  sculpteur  français,  né  à 
Paris  le  19  oct.  1804,  mort  à  Paris  le  26  mai  1865.  Le 
prénom  de  Francisque  fut  adopté  par  lui  au  lieu  de  celui 
de  François,  inscrit  sur  les  registres  de  l'état  civil,  afin  de 
se  distinguer  de  son  père,  François-Joseph  Duret,  sculpteur 
et  ornemaniste,  né  à  Valenciennes  en  1732,  mort  à  Paris 
le  7  août  1816.  Elève  d'Antoine  Gillis,  membre  de  l'Aca- 
démie de  Saint-Luc,  sculpteur  du  comte  de  Provence,  le 
père  de  Francisque  Duret  exposa  aux  Salons  de  1791 ,  1793, 
1800,  1806,  1812  ;  on  lui  doit,  à  Paris,  le  fronton  de 
l'église  Saint-Philippe  du  Roule,  représentant  la  Religion 
entourée  de  ses  attributs;  la  statue  d'Epaminondas,  au 
palais  du  Luxembourg;  les  sculptures  en  bois  de  l'orgue, 
à  l'église  Saint-Sulpice.  Le  musée  de  Valenciennes  possède 


DURET  —  DUREY 


—  iU 


de  cet  artiste  une  statue  de  Diogène^  exposée  en  1791  ;  ce 
fut  sous  sa  direction  et  celle  du  baron  Bosio  que  se  fit 
l'éducation  artistique  de  son  fils.  Le  premier  grand  prix  de 
sculpture  fut  remporté  en  1823,  par  Francisque  Duret,  sur 
un  bas-relief  représentant  la  Douleur  d'Evandre,  Il  exposa 
pour  la  première  fois  en  1 831 ,  avec  la  statue  en  marbre  de  Mer- 
cure inventant  la  lyre,  placée  au  Palais-Royal  et  détruite 
lors  du  pillage  de  ce  palais  en  1848.  L'œuvre  qui  caractérise 
le  mieux  le  talent  de  Duret  et  lui  assura  sa  réputation, 
c'est  le  Jeune  Pêcheur  napolitain  dansant  la  tarentelle, 
statue  en  bronze  fondue  d'un  seul  jet,  exposée  au  Salon  de 
1833.  Duret  créa  un  pendant  à  cette  statue  en  1838;  le 
bronze  n'en  fut  exécuté  qu'en  1854.  Le  Chactas  en  médi- 
tation, statue  bronze  (1836);  le  Vendangeur  improvi- 
sant, statue  bronze  (1839),  doivent  être  classées  parmi  ses 
statues  les  plus  remarquables.  Paris  possède  de  nombreuses 
œuvres  de  Duret  ;  nous  citerons,  dans  les  églises  :  Saint 
Jean  VEvangéliste  à  Notre-Dame  de  Bonne-Nouvelle  ;  les 
fonts  baptismaux  à  Notre-Dame  de  Lorette;  sept  stations 
du  Chemin  de  croix ^  bas-reliefs  marbre,  à  Sainte-Clotilde  ; 
le  Christ,  statue  marbre,  à  Saint- Vincent  de  Paul  ;  le 
Christ  se  révélant  au  monde,  statue  marbre,  et  Saint 
Gabriel,  statue  pierre,  à  l'église  de  la  Madeleine  ;  les  caria- 
tides en  bronze  de  l'entrée  du  tombeau  de  l'empereur,  aux 
Invalides.  Au  nouveau  Louvre,  il  fit  le  fronton  du  pavillon 
Richelieu,  représentant  la  France  protégeant  ses  enfants 
et  les  quatre  groupes  de  cariatides  qui  soutiennent  ce  fron- 
ton. Citons  encore  :  la  Victoire  d'Italie,  statue  marbre,  au 
Sénat  ;  Casimir  Perier,  statue  marbre,  à  la  Chambre  des 
députés  ;  la  Loi,  statue  pierre,  au  Palais  de  justice  ;  la  Jus- 
tice, statue  pierre,  au  palais  de  la  Bourse;  Molière,  statue 
marbre,  à  l'Institut  ;  le  groupe  en  bronze  de  Saint  Michel 
vainqueur  de  Satan,  à  la  fontaine  Saint-Michel  ;  Vénus 
au  hain,  statue  bronze,  à  l'une  des  tontaines  des  Champs- 
Elysées  ;  les  bas-reliefs  du  cirque  des  Champs-Elysées  ;  les 
statues  en  marbre  de  la  Tragédie  et  de  la  Comédie,  au 
Théâtre-Français.  Le  musée  de  Versailles  possède  de  Duret  : 
Philippe  de  France,  statue  marbre  ;  Dunois,  statue  plâtre  ; 
Chateaubriand^  statue  marbre  ;  Richelieu,  statue  marbre. 
On  doit  encore  à  cet  artiste  les  statues  en  bronze  de  l'avocat 
Paillet,  à  Soissons,  et  du  vice-amiral  Comte  de  Brueys, 
à  Uzès.  Francisque  Duret  fut  nommé  membre  de  l'Institut 
le  30  sept.  1843,  en  remplacement  du  sculpteur  Cortot. 

Maurice  Du  Seigneur. 

DURET  (Théodore),  publiciste  français,  né  à  Saintes  le 
19  janv.  1838.  Il  se  présenta  sans  succès  aux  élections 
législatives  à  Saintes  en  1863,  fonda  en  1868  le  journal 
républicain  la  Tribune,  fut  maire  du  IX®  arrondissement 
de  Paris  pendant  le  siège,  et  fit  en  1871-1872,  avec  Cer- 
nuschi,  un  grand  voyage  en  Orient  dont  il  a  écrit  la  rela- 
tion. Nous  citerons  de  lui  :  Lettres  sur  les  élections 
(Paris,  1863,  in-8)  ;  les  Peintres  français  en  iS61 
(1867,  in-12);  Voyage  en  Asie,  Le  Japon.  La  Chine. 
La  Mongolie .  Java.  Ceylan.  VInde  (1874,  in-12);  His- 
toire de  quatre  ans.  iSlO-iSlS  (1876-1881,  3  vol. 
in-12);  les  Peintres  impressionnistes  (1878,  in-12); 
Critique  d' avant-garde  (1885,  in-12). 

DURETÉ  (Métail.).  La  dureté  des  métaux  correspond  à 
leur  degré  de  résistance  lorsqu'on  les  soumet  à  des  effets 
déterminés,  choc,  compression,  etc.,  mais  cette  locution 
s'applique  plus  particulièrement  lorsqu'on  compare  la  ré- 
sistance de  fils  métalliques  de  même  diamètre  pour  le  pas- 
sage à  travers  un  même  trou  de  filière.  Le  terme  de  compa- 
raison choisi  est  l'acier.  On  a  établi  les  données  suivantes  ; 
la  dureté  de  l'acier  déjà  étiré  étant  100,  la  dureté  des 
autres  métaux  sont  :  acier  recuit,  65  ;  fer  déjà  étiré,  88  ;  fer 
recuit,  42  ;  laiton  déjà  étiré,  77  ;  laiton  recuit,  46  ;  or  recuit 
(à  0,875),  73;  or  recuit  fin,  37;  cuivre  déjà  étiré,  58;  cuivre 
recuit,  38;  argent  recuit  (à  0,750),  58;  argent  recuit  (à 
0,875), 54  ;  argent  recuit  fin, 37  ;  platine  recuit, 38  ;  zinc, 
34  ;  étain,  11  ;  plomb,  4.  La  dureté  est  la  propriété  caractéris- 
tique de  l'acier  tel  qu'on  l'obtenait  par  les  anciens  procé- 
dés. Elle  est  due  à  l'action  du  carbone  et  se  traduit  par  une 


diflQculté  de  déformation  sous  l'effort,  sans  retour  rapide  à 
la  forme  primitive,  par  le  jeu  de  l'élasticité.  Quand  le 
métal  ne  renferme  pas  d'autre  matière  que  le  fer  et  le 
carbone,  la  dureté  est  proportionnelle  à  la  proportion  de 
carbone.  Lorsque  cette  proportion  dépasse  1  °/o,  elle  est 
accompagnée  d'une  certaine  fragilité  ;  au-dessous  de  cette 
proportion,  sa  dureté  n'exclut  pas  la  résistance.  Depuis  que 
de  nouveaux  procédés  se  sont  introduits  pour  l'affmage  de 
la  fonte  et  sa  transformation  en  acier,  on  produit  des  aciers 
chargés  de  matières  étrangères,  et  la  dureté  tend  à  se  con- 
fondre avec  l'aigreur.  L'aigreur  est  une  dureté  qui  est 
accompagnée  de  fragilité.  Les  études  de  l'influence  du  phos- 
phore, du  silicium'  et  du  manganèse  sur  la  qualité  des 
aciers  ont  permis  de  formuler  les  lois  que  nous  allons 
résumer  ici  :  Les  éléments  étrangers  tels  que  le  phosphore 
et  le  silicium  n'influent  sur  la  dureté  de  l'acier  qu'autant 
que  celui-ci  renferme  une  proportion  notable  de  carbone  ; 
lorsque  le  carbone  est  à  une  dose  supérieure  à  quelques 
millièmes,  le  phosphore  et  le  silicium  sont  un  élément 
d'aigreur,  c.-à-d.  que  la  dureté  est  accompagnée  de  fragi- 
lité, sans  que  l'acier  soit  plus  apte  à  la  trempe  pour  cela.  Il 
n'en  est  pas  de  môme  du  manganèse  qui  facilite  la  trempe 
et  ne  communique  de  la  fragilité  que  lorsque  la  propor- 
tion est  élevée.  En  résumé,  la  dureté  de  l'acier  doit  être 
obtenue  par  le  carbone  seul  ou  accompagné  d'un  peu  de 
manganèse.  L.  Knab. 

DU RETTE.  Com.  du dép.  du  Rhône, arr.  de  Villefranche, 
cant.  de  Beaujeu-sur-l'Ardière  ;  218  hab.  Petit  village 
qui  relevait  avant  la  Révolution  du  château  de  la  Pierre, 
anciennement  Tour-Bourdon ,  qui  résista  ,  dit-on,  victo- 
rieusement au  baron  des  Adrets.  G.  G. 

DUREY  DE  Meinières  (Jeau-Baptiste-François) ,  ma- 
gistrat et  publiciste  français,  neveu  de  Durey  d'Har- 
noncourt,  né  à  Paris  le  21  avr.  1705,  mort  à  Paris  le 
27  sept.  1785.  Président  de  la  seconde  chambre  des  re- 
quêtes jusqu'en  1758  et  beau-frère  de  René  Hérault,  lieu- 
tenant de  police,  il  épousa  en  1764  W^  Belot  (V.  ce 
nom),  traductrice  de  Hume.  Durey  de  Meinières  a  pris 
une  part  active  aux  luttes  provoquées  par  les  réformes  de 
Maupeou  ;  il  avait  rassemblé  une  immense  collection  de  do- 
cuments juridiques,  historiques  et  littéraires  qui,  mise 
une  première  fois  en  vente  en  1792,  ne  fut  définitive- 
ment morcelée  qu'en  1806.  Une  très  faible  partie  de  ces 
documents  fut  acquise  par  la  Bibliothèque  impériale; 
d'autres  entrèrent  dans  celle  du  Sénat;  mais  la  trace  du 
plus  grand  nombre  de  ces  recueils  est  aujourd'hui  perdue. 
Outre  une  collaboration  sinon  prouvée,  du  moins  très 
vraisemblable,  aux  nouvelles  rédigées  dans  le  salon  de 
W^^  Doublet,  sa  tante,  et  publiées  sous  le  titre  de  Mé- 
moires secrets,  Durey  de  Meinières  a  fait  imprimer  une 
Indication  sommaire  des  principes  et  des  faits  qui 
prouvent  la  compétence  de  la  puissance  séculière  pour 
punir  les  évoques  coupables  de  crimes  publics  (en 
France,  1655  \sic:  1755]  in-12)  et,  avec  Le  Paige,  une 
Histoire  de  la  détention  du  cardinal  de  Pistz  (1755, 
in-12).  On  a  aussi  de  lui  deux  Conversations  avec 
M'''^^  de  Pompadour  (1757),  intercalées  d'abord  par  Sou- 
lavie  dans  ses  Mémoires  de  Richelieu  et  réimprimées  sur 
un  meilleur  texte  par  M.  J.  Pichon  dans  les  Mélanges  de 
la  Société  des  bibliophiles  français,  pour  1856,  puis 
par  Poulet-Malassis,  dans  la  Correspondance  de  ili*^**  de 
Pompadour  (1878,  in-8).  Diderot,  qui  tenait  le  prési- 
dent pour  l'homme  de  France  «  le  plus  doux  et  le  plus 
honnête  »,  conte,  dans  une  lettre  à  W^^  Volland  (21  juil. 
1765),  une  anecdote  montrant  qu'à  cette  douceur  il  savait 
unir  la  fermeté.  M.  Tx.  ^ 

DUREY  deMorsan  (Joseph-Marie),  littérateur  français, 
fils  de  Durey  d'Harnoncourt,  né  en  1717,  mort  à  Genève 
en  1795.  Après  avoir  dépensé  une  fortune  considérable  en 
prodigalités  de  toutes  sortes  et  avancé  pour  l'expédition  du 
prince  Charles-Edouard  en  Ecosse  (1745)  une  somme  de 
300,000  livres  qui  ne  lui  fut  jamais  remboursée,  il  vint 
échouer  à  Ferney  où  Voltaire  le  recueillit,  lui  prodigua 


-  125  — 


DUREY  —  DURFORT 


les  marques  d'intérêt  et  obtint,  non  sans  peine,  de  sa 
famille  qu'elle  lui  \înt  en  aide.  Des  divers  écrits  attribués 
ou  appartenant  à  Durey  de  Morsan,  le  plus  important  est 
le  Testament  politique  du  cardinal  A Iberoni  (Lmsdinne^ 
1753,  in-12),  revu  et  publié  par  Maubert  de  Gouvest.  Le 
voyageur  suédois  Bjœrnstahl,  qui  visita  la  Suisse  en  1777, 
le  dit  auteur,  sous  le  titre  d'Anecdotes  pour  servir  à 
rhistoire  de  V Europe  (1757,  in-8),  d'une  relation  de 
l'expédition  d'Ecosse  qui,  selon  Barbier,  serait  intitulée  His- 
toire duprétendant  et  daléede  1756  (in-12,  96  p.)-  M-  Tx. 
BiBL.  :  Voltaire,  Correspondance  générale.  —  G.Des- 
NoiRESTERREs,  Voltaire  et  Genève. 

DUREY  DE  NoiNviLLE  (Jacques-Bernard),  magistrat  et 
érudit  français,  né  à  Dijon  le  3  déc.  1683,  mort  à  Paris  le 
20juil.  1768.  Conseiller  au  parlement  de  Metz  (1726), 
il  fut  nommé  président  du  grand  conseil  en  1731  (charge 
supprimée  en  1738)  et  en  1733  associé  libre  de  l'Académie 
des  inscriptions  à  laquelle  il  constitua  une  rente  de  400 
livres  destinée  à  rémunérer,  sous  la  forme  d'une  médaille 
d'or,  les  meilleurs  mémoires  sur  l'état  des  sciences,  des  arts 
et  des  lettres,  aux  différentes  époques  de  la  monarchie.  On 
cite  parmi  les  lauréats  les  abbés  Lebeuf,  Goujet,  Fenel, 
Guasco,  Carlier  et  Venuti.  Durey  de  Noinville  a  laissé  un 
certain  nombre  de  travaux  que  leur  sujet,  plus  encore  que 
leur  valeur  intrinsèque,  recommande  aux  érudits  :  Histoire 
du  théâtre  de  F  Académie  royale  de  musique  en  France 
depuis  son  établissement  jusqu'à  présent  (1753,  in-8; 
nouv.  éd.  augm.,1757,  2  part,  in-8),  avec  Louis  Travenol  ; 
Recherches  sur  les  fleurs  de  lis  et  sur  les  villes^  mai- 
sons et  familles  qui  portent  des  fleurs  de  lis  dans  leurs 
armes  (1755,  in-12);  Dissertation  sur  les  bibliothèques 
et  Table  alphabétique  des  dictionnaires  en  toutes  sortes 
de  langues  (1758,  2  part,  in-12)  publiées  séparément, 
mais  qu'on  trouve  toujours  réunies  ;  Almanach  nouveau 
pour  fan  i762  (1762,  in-16),  avec  une  dissertation  sur 
l'origine  des  calendriers  et  une  table  alphabétique  des 
calendriers.  Durey  de  Noinville  a  fourni  aux  Mémoires  de 
l'Académie  des  inscriptions  une  Histoire  du  conseil  et 
des  maîtres  des  requêtes  de  l'hôtel  du  Roi  (1753)  et 
rédigé  un  travail  sur  les  traités  et  ambassades  près  de  la 
Porte  ottomane  conservé  aux  archives  des  affaires  étran- 
gères. M.  Tx. 

DUREY  DE  Sauroy  du  Terrail  (Joseph),  littérateur 
français,  neveu  de  Durey  de  Noinville,  né  en  1712,  mort 
le  12  juin  1770.  Il  entra  de  bonne  heure  dans  la  carrière 
des  armes  et  obtint  le  grade  de  maréchal  de  camp;  il  fut 
en  cette  qualité  lieutenant  général  du  Verdunois.  On  cite 
de  lui  une  tragédie  non  représentée,  Lagus^  roi  d'Egypte 
(1754,  in-12),  et  deux  romans  anonymes  :  le  Masque  ou 
Anecdotes  particulières  du  chevalier  de^^'^  (Amsterdam, 
1751,  in-12);  la  Princesse  de  Gonxague  (1756,  in-12), 
à  la  suite  de  laquelle  on  trouve  le  Déguisement  de  l'Amour, 
comédie  en  un  acte  et  en  vers.  M.  Tx. 

DUREY  d'Harnoncourt  (Pierre),  frère  de  Durey  de 
Noinville,  mort  le  27  juin  1765.  Receveur  général  des 
finances,  il  publia  sous  les  initiales  D.  D.  des  Mélanges  de 
maximes,  de  réflexions  et  de  caractères,  avec  une  tra- 
duction des  Conclusione  d'Amore  de  Scipion  Maff'ei 
(1755,  in-12)  et  une  Dissertation  sur  l'usage  de  boire 
à  la  glace  (1763,  in-12),  qu'il  préconisait,  dit-on,  par 
l'exemple  et  en  toute  saison.  M.  Tx. 

DURFEE  (William-Franklin),  ingénieur  américain,  né  à 
New-Bedford  (Massachusets)  le  15  nov.  1833.  Il  fit  de 
bonnes  études  scientifiques,  occupa  pendant  cinq  années  un 
emploi  administratif  dans  sa  ville  natale  et  fut  élu  député 
en  1861.  Nommé  secrétaire  de  la  commission  de  l'armée, 
il  se  signala  dans  ces  fonctions  par  une  intelligente  activité. 
Il  inventa  même  un  nouveau  canon  pour  la  marine.  Depuis 
un  certain  nombre  d'années,  il  s'est  consacré  plus  particu- 
lièrement à  la  recherche  des  meilleurs  moyens  de  produc- 
tion du  fer  et  de  l'acier  et  a  fait  réaliser  d'importants  pro- 
grès à  cette  branche  de  la  métallurgie.  On  lui  doit  divers 
articles  intéressants  publiés  dans  des  revues  américaines. 


D'URFEY  ou  DURFEY  (Thomas),  poète  et  auteur  drama- 
tique anglais,  né  à  Exeter,  probablement  en  1653,  mort  à 
Londres  le  26  févr.  1723.  Son  grand-père,  huguenot  de  La 
Rochelle,  vint  en  Angleterre  en  1628.  Il  avait  pour  oncle 
Honoré  d'Urfé,  Tauteur  ôeVAstrée.  11  abandonna  très  jeune 
l'étude  du  droit  pour  la  poésie  et  donna,  à  partir  de  1676, 
un  très  grand  nombre  de  pièces  de  théâtre.  En  même  temps 
il  écrivait,  pour  ses  amis  ou  ses  protecteurs  à  la  cour, 
quantité  de  poésies  légères,  odes,  élégies,  épithalames,  pro- 
logues, épilogues,  qui  attestent  la  facilité  merveilleuse  de  ce 
brillant  esprit.  Protestant  zélé,  il  n'avait  rien  du  puritain, 
et  ses  pièces  se  ressentent  de  la  liberté  de  langage  et  de  la 
licence  de  mœurs  mises  à  la  mode  par  la  Restauration.  La 
plupart  de  ses  chansons  et  poésies  légères  se  trouvent  dans 
l'édition  de  1719-20,  en  6  vol.,  intitulée  An  Antidote 
against  Melancholy,  made  up  in  Pills;  à  quoi  il  faut 
ajouter  Taies,  Tragical  and  Comical  (1704),  Taies,  Mo- 
ral and  Comical  (1706)  et  New  Opéras  and  Comical 
Stories  andPoems  (1721).  La  seule  de  ses  comédies  qui 
ait  été  quelquefois  reprise  avec  succès  depuis  sa  mort  a 
pour  titre  The  Plotting  Sisters.  Ses  chansons  ont  eu  une 
fortune  meilleure,  et  beaucoup  sont  passées,  en  Ecosse  sur- 
tout, à  l'état  de  chansons  populaires,  qu'on  se  transmet  de 
génération  en  génération,  sans  en  connaître  l'auteur.  D'Ur- 
fey,  presque  oubhé  de  son  vivant,  mourut,  semble-t-il, 
dans  un  état  voisin  de  la  misère.  Le  comte  de  Dorset  fit  les 
frais  de  ses  funérailles.  Il  repose  dans  l'église  de  Saint- 
James  (Piccadilly).  B.-H.  G. 

DURFORT.  Com.  du  dép.  du  Tarn,  arr.  de  Castres, 
cant.  de  Dourgne  ;  414  hab.  Filatures  de  laine  et  usine 
métallurgique  importante  dans  la  pittoresque  vallée  du 
Sor,  affluent  de  l'Agoùt,  dont  les  eaux  détournées  par 
Riquet  servent  aujourd'hui  en  partie  à  alimenter  le  bas- 
sin de  Saint-Ferréol.  On  a  peu  de  renseignements  sur 
l'histoire  ancienne  de  cette  localité.  La  seigneurie  paraît 
avoir  appartenu  autrefois  aux  seigneurs  de  Dourgne,  vas- 
saux des  vicomtes  d'Albi.  Auprès  du  village,  restes  du 
château  de  Roquefort,  mentionné  assez  fréquemment  au 
moyen  âge  et  démantelé,  dit-on,  sous  Charles  VII.  On  a 
placé  aussi  près  de  Durfort  le  heu  de  Puivert,  occupé  en 
1210  par  Simon  de  Montfort  ;  mais  c'est  une  erreur  :  il 
s'agit  ici  du  lieu  de  Puivert  dans  l'Aude. 

DURFORT.  Com.  du  dép.  de  Tarn-et-Garonne,  arr.  de 
Moissac,  cant.  de  Lauzerte  ;  1,194  hab. 

D  U  R  FO  RT-et-Saint-Martin-de-Saussenac.  Com .  du 
dép.  du  Gard,  arr.  du  Vigan,  cant.  de  Sauve  ;  757  hab. 
Composé  de  deux  communes  réunies  par  décret  en  1862. 
—  Le  nom  de  Durfort  n'apparaît  qu'au  xiii*'  siècle  ;  cette 
localité,  peu  importante  durant  tout  le  moyen  âge,  faisait 
partie  de  la  vi^uerie  de  Sommières  ;  plus  tard,  elle  fut  rat- 
tachée au  bailliage  de  Sauve.  Le  château  a  été  détruit  pen- 
dant la  Révolution.  —  Saint-Martin-de-Saussenac  paraît 
plus  ancien  ;  les  textes  le  nomment  dès  le  xi*^  siècle  ;  au 
xvii^,  ce  lieu  dépendait  de  la  baronnie  de  Vibrac.  L'église 
fut  brûlée  par  les  Camisards.  —  Sur  le  territoire  de  la 
commune,  ruines  romaines  et  grottes  curieuses. 

DURFORT  (Famille  de).  Famille  de  Guyenne,  originaire 
de  l'Agénois,  connue  dès  1063.  Elle  prétend  descendre  des 
comtes  de  Foix.  La  filiation  suivie  remonte  à  Arnaud  de 
Durfort,  chevalier  en  1305,  qui  acquit  la  terre  de  Duras 
par  son  mariage  avec  une  nièce  de  Clément  V.  Gaillard 
de  Durfort  s'étant  déclaré  pour  le  roi  d'Angleterre,  se  retira 
à  Londres  en  1453  ;  il  fut  gouverneur  de  Calais  et  cheva- 
lier delà  Jarretière.  L'un  de  ses  fils,  Georges,  fut  gouver- 
neur d'Henri  d'Albret,  plus  tard  roi  de  Navarre.  Sympho- 
rien,  mort  en  1563,  embrassa  la  religion  protestante. 
Jacques  (1547-1626)  fut  fait  marquis  de  Duras  en  1609, 
comte  de  Rozan  en  1625.  Son  fils,  Guy-Aldonce  (1605- 
1665),  maréchal  de  camp,  épousa  Elisabeth  de  La  Tour 
d'Auvergne,  sœur  du  maréchal  de  Turenne  et  du  duc  de 
Bouillon,  protestants  fervents,  qui  refusa  obstinément  d'ab- 
jurer, malgré  l'exemple  que  lui  donnèrent  ses  deux  fils 
aînés.  De  ce  mariage  naquirent  les  maréchaux  de  Duras  et 


DURFORT  -  426  - 

de  Lorge,  le  comte  deFeversham,  la  marquise  de  Boiirbon- 
Malauze  et  la  comtesse  de  La  Rochefoucauld-Roye  (le 
mari  de  celle-ci  émigra  en  Danemark,  puis  en  Angleterre; 
tous  deux  restèrent  protestants).  Jacques- Henri,  comte  de 
Duras,  né  le  9  oct.  1625,  mort  le  42  oct.  4704,  Jut 
capitaine  d'une  compagnie  des  gardes  du  corps  en  4671, 
gouverneur  de  la  Franche-Comté  en  1674,  après  avœr 
ffris  une  grande  part  à  la  conquête  de  cette  province,  ma- 
réchal de  France  le  30  juil.  4673,  chevalier  des  ordres  du 
roi  en  4688;  «  il  était  sur  le  pied  d'une  considération  et 
d'une  liberté  de  dire  au  roi  tout  ce  qu'il  lui  plaisait  ». 
(Saint-Simon.)  Comme  chef  d'armée,  on  lui  reprochait  trop 
de  prudence.  Il  devint  le  doyen  des  maréchaux  de  France 
le  5  déc.  4694.  De  son  mariage  avec  M^^^  de  Levis-Ven- 
tadour,  le  maréchal  de  Duras  eut  :  4^  Jacques-Henri, 
comte  de  Duras,  duc  en  4689  par  cession  de  son  père, 
mort  en  4697  à  vingt-sept  ans,  étant  brigadier  ;  marié  en 
1689  à  la  fille  du  comte  Eschallard  de  LaMarck,  fort  riche, 
mais  ayant  neuf  ans  de  plus  que  lui,  qui  lui  donna  deux 
mes;'lUean'Baptiste,  comte,  puis  duc  (4 697)  de  Duras, 
né  le  28  janv.  4684,  mort  le  8  juil.  4770,  lieutenant 
général  en  4720,  maréchal  de  France  en  4744,  chevalier 
des  ordres  en  4754  ;  il  avait  pris  de  sa  propre  main  un 
drapeau  à  Nimègue  ;  il  fit  construire  en  4748  l'hôtel  qui  a 
donné  son  nom  à  une  rue  du  Faubourg-Saint-Honoré.  En 
4724,  sa  femme  et  lui  conduisirent  à  Bayonne  la  fille  du 
régent  qu'ils  remirent  aux  envoyés  d'Espagne  et  qui  épousa 
don  Louis.  En  4733,  il  céda  son  duché  à  son  fils  et  obtint 
le  titre,  par  brevet,  de  duc  de  Durfort.  —  Son  fils,  Emma- 
nuel-Félicité^duG  de  Duras,  né  le  49  déc.  4745,  mort  le 
6  sept.  4789,  premier  gentilhomme  de  la  chambre,  chevalier 
des  ordres  du  roi  et  de  la  Toison  d'or,  reçut  de  sa  mère  je 
titre  de  prince  de  Bournonville;  il  fut  fait  pair  en  1757, 
prit  part  à  toutes  les  guerres  du  règne  de  Louis  XV  et 
devint  maréchal  le  24  mars  4775  ;  il  fut  ambassadeur  en 
Espagne  en  4752  et  commandant  en  Bretagne  après  l'affaire 
de  La  Chalotais.  Son  fils,  Emmanuel-Céleste- Augustin, 
duc  de  Durfort  (par  brevet)  en  4759,  duc  de  Duras  en  4789, 
né  le  28  août  4741,  mort  le  20  mars  1800,  maréchal  de 
camp,  premier  gentilhomme  de  la  chambre,  fut  élu  en  4790 
commandant  en  chef  des  gardes  nationales  de  Guyenne  ;  il 
émigra  en  4790.  Son  fils,  Amédée-Bretagne-Malo,  mur- 
quis,  puis  duc  de  Duras,  né  le  5  avr.  4774,  mort  le 
l^f  août  1838,  fut  envoyé  par  le  comte  de  Provence  à 
Léopold  II,  en  1791  ;  il  fut  nommé  premier  gentilhomme 
de  la  chambre  par  Louis  XVIII  pendant  Fémigralion,  en 
prit  les  fonctions  en  1844,  et  fut  nommé  pair  de  France 
(4844),  maréchal  de  camp  et  chevalier  du  Saint-Esprit;  il 
est  surtout  connu  comme  mari  de  Claire-Louise-Rose- 
Bonne  de  Coëtnempren  de  Kersaint,  née  à  Brest  le  22  févr. 
4778,  morte  à  Nice  le  46  janv.  4828,  dont  le  salon  litté- 
raire tint  une  si  grande  place  dans  la  société  de  la  Res- 
tauration et  qui  a  publié  deux  romans  célèbres,  Ourika  et 
Edouard; ils  n'ont  plus  de  lecteurs  aujourd'hui,  mais  ils 
ont  eu,  le  premier  surtout,  une  grande  réputation  en  rai- 
son de  la  délicatesse  des  sentiments  qui  y  sont  exprimés 
et  malgré  la  bizarrerie  de  la  fable  ;  elle  avait  passé  sa 
jeunesse  à  la  Martinique  après  la  mort  tragique  de  son 
père  le  conventionnel,  guillotiné  en  4793  ;  elle  rentra  en 
France  en  4800.  Le  duc  et  la  duchesse  de  Duras  ont 
laissé  deux  filles,  mariées,  l'une  au  prince  de  Talmont 
puis  au  comte  de  La  Rochejacquelein  ;  la  seconde,  au  comte 
Henri-Louis  de  Chastellux  (1785-1863),  titré  par  ordon- 
nance royale  du  1^^  sept.  1819  marquis  de  Duras-Chas- 
tellux  et  duc  de  Rauzan,  substitué  par  ordonnance  du 
21  déc.  1822  à  la  pairie  de  son  beau-père  ;  de  ce  mariage 
un  fils,  marquis  de  Duras-Chastellux  et  duc  de  Rauzan. 

Louis,  marquis  de  Blanquefort,  devenu  en  1676  comte  de 
Feversham  par  son  mariage  avec  l'héritière  de  ce  titre, 
mort  le  19  avr.  1709,  frère  du  premier  maréchal  de  Duras, 
passa  en  Angleterre  en  1663  et  fut  fait  lord  Duras,  puis 
baron  de  Holdenby  (1673).  En  1672,  il  commanda  les 
troupes  anglaises  mises  au  service  de  Louis  XIV  ;  il  fut 


chargé  de  missions  diplomatiques  à  Bruxelles  (1678),  à  Pa- 
ris (1682)  ;  en  1685,  il  défit  le  duc  de  Monmouth  révolté 
contre  Jacques  II  et  fut  fait  chevalier  de  la  Jarretière  et  capi- 
taine des  gardes  ;  on  croit  que,  devenu  veuf,  il  épousa  la  veuve 
du  roi  Charles  II,  Catherine  de  Bragance.  Guy- A  Idonce,  frère 
du  maréchal  de  Duras  et  du  comte  de  Feversham,  comte  de 
Lorge,  duc  de  Quintin  en  1691,  né  le  22  août  1630, 
mort  le  22  oct.  1702;  il  dirigea  avec  habileté  la  retraite  de 
l'armée  après  la  mort  de  Turenne,  son  oncle,  et  fut  nommé 
le  21  févr.  1676  maréchal  de  France  et  le  12  juin  suivant 
capitaine  d'une  des  compagnies  des  gardes  du  corps  ;  en 
1688  il  fut  fait  chevalier  des  ordres.  Il  eut  le  commande- 
ment de  l'armée  d'Allemagne  de  1690  à  1695;  il  prit  Hei- 
dell)erg  (1693);  on  l'accusa  d'avoir  perdu  plusieurs  occa- 
sions de  succès  par  son  irrésolution,  résultat  peut-être  de 
sa  mauvaise  santé.  Son  caractère  était  très  estimé;  il  vivait 
dans  une  union  intime  avec  son  frère;  n'ayant  aucun  bien, 
il  épousa  Geneviève  de  Frémont,  fille  d'un  très  riche  finan- 
cier, «  élevée  comme  devant  être  un  jour  une  grande  dame  » 
(M^^^  de  Sévigné)  ;  il  en  eut  les  duchesses  de  Saint-Simon 
et  de  Lauzun  et  Guy-Nicolas  (1683-1758),  duc  de  Quin- 
tin, qui  échangea  ce  titre  par  des  lettres  patentes  du  7  déc. 
1706  contre  celui  de  duc  de  Lorges  sous  lequel  son  père  et 
lui  avaient  été  connus  ;  de  Geneviève  Chamillart,  fille  du 
célèbre  ministre,  avec  laquelle  il  avait  vécu  dans  une 
étroite  union,  il  eut  :  Guy-Michel,  duc  de  Durfort,  puis 
duc  de  Randon  en  1733,  né  le  26  août  1706,  mort  le 
6  juin  1773  ;  il  céda  le  titre  de  Lorges  à  son  frère  cadet, 
mais  en  gardant  le  bénéfice  de  l'érection  de  1691  ;  il  fut 
chevalier  des  ordres  du  roi  (2  févr.  1745)  ;  en  1768,  il  fut 
fait  maréchal  de  France;  il  ne  laissa  pas  d'enfants.  Il  s'était 
distingué  pendant  les  campagnes  d'Allemagne  (1742-48  et 
1757-59).—  Son  frère  Louù,  duc  de  Lorges  (1714-1770), 
lieutenant  général  en  1748,  fit  la  campagne  d'Italie  (4733), 
ne  laissa  que  des  filles,  dont  l'une  épousa  son  cousin  de  Dur- 
fort-Civrac. 

La  branche  de  Durfort-Civrac,  séparée  de  la  tige  prin- 
cipale depuis  le  xvi«  siècle,  avait  produit  Jacques,  fait 
marquis  de  Civrac  en  4647;  son  arrière-petit-fils,  Aimeric- 
Joseph  (né  le  49  mars  4746,  mort  le  8  avr.  1787),  colonel 
du  régiment  Royal-vaisseaux,  ambassadeur  à  Parme,  à 
Naples,  puis  à  Vienne  (sept.  4766,  mai  4770),  marquis  de 
Durfort-Civrac,  duc  par  brevet  du  24  nov.  4774  et  fait 
chevalier  des  ordres  en  4776  ;  son  fils  Jean-Laurent, 
marquis  de  Civrac,  né  le  7  juin  4746,  mort  le  4  oct.  4826, 
reçut  le  titre  de  comte  de  Lorges  lors  de  son  mariage  avec 
la  fille  du  duc,  son  cousin  ;  fut  fait  duc  de  Lorges  le 
25  mars  4773,  maréchal  de  camp  en  4787  ;  il  émigra 
en  4791  et  fit  les  campagnes  de  l'armée  de  Condé;  en 
1795,  il  accompagna  le  comte  d'Artois  à  l'Ile-Dieu  ;  en 
1814,  il  fut  fait  pair  et  lieutenant  général,  puis  chevalier 
du  Saint-Esprit.  Son  fils,  Guy-Emeric-Anne ,  duc  de 
Civrac  en  1815,  puis  duc  de  Lorges,  né  le  25  juin  1767, 
mort  le  6  oct.  1837,  maréchal  de  camp  en  1814,  pair 
en  1826,  refusa  de  prêter  serment  en  1830;  c'est  la  tige 
de  la  branche  ducale  actuellement  existante.  Le  marquis 
Henri  de  Durfort-Civrac,  né  en  1812,  mort  en  1884 
(V.  ci-dessous)  était  petit-fils  de  Jean-Laurent. 

Les  branches  deDurfort-Boissières  et  de  Deyme  (éteintes), 
séparées  des  Duras  dès  le  xv®  siècle,  ont  produit  le  comte 
Louis  de  Deyme,  maréchal  de  camp  en  1762  et  grand'croix 
de  Saint -Louis,  et  le  comte  Alphoîise  de  Boissières 
(1753-1822)  (V.  ci-dessous).  L.  Delavaud. 

BiBL.  :  Le  P.  Anselme,  Histoire  des  grands  officiers  de 
la  couronne,  t.  V  et  t.  IX,  2«  part,  (suite  par  P.  de 
Courcy),  1881.  —  Pinard,  Chronologie  militaire.  —  Bo- 
REL  d'Hauterive,  Annuairc  de  la  noblesse.,  1846.  —  Le 
P.  Griffet,  Recueil  de  lettres  pour  servir  à  l'histoire  7ni- 
litaire  de  Louis  XIV.  —  Saint-Simon,  Mé^noires  (appen- 
dice III  du  t.  II,  éd.  de  M.  de  Boislile,  t.  II,  p.  262;  et  ap- 
pendice XXII  du  t.  III).— Marquis  de  SAiNT-HiLAiRE,Mé- 
moires  (ces  trois  derniers  ouvrages  se  rapportent  aux 
maréchaux  Duras  et  de  Lorges).  —  A.  Sorel,  Recueil  des 
instructions  aux  ambassadeurs  de  France  en  Autriche.— 
C.  NisARD,  Un  Valet  mi7iistre  et  secrétaire  d'Etat,  Guil- 
laume de  Tillot  {ces  deux  ouvrages  contiennent  des  pièces 


—  127  — 


DURFORT  -  DURICH 


relatives  aux  missions  du  duc  de  Durfort-Civrac  à  Parme 
et  à  Vienne). 

D  U  R  FO  RT-BoissiÈRES  (Sarrain-Alphonse-Marc-Armand- 
Emmanuel-Louis,  comte  de),  général  français,  né  le 
19  janv.  1753,  mort  près  de  Nogent-le-Rotrou  le  28  août 
182"i.  Officier  au  régiment  de  Chartres-cavalerie,  colonel 
de  chasseurs  à  cheval,  il  était  maréchal  de  camp  lorsqu'il 
fut  chargé  en  1791  par  le  roi  d'une  mission  auprès  de 
l'empereur  d'Autriche.  Il  devait,  par  l'intermédiaire  du 
comte  d'Artois  qu'il  rencontra  à  Mantoue,  lui  faire  connaître 
la  situation  dans  laquelle  se  trouvait  la  royauté  en  France  et 
'  obtenir  des  secours  contre  la  Révolution.  Favori  de  Marie- 
Antoinette,  il  fut  encore  chargé  par  elle  d'aviser  la  gou- 
vernante des  Pays-Bas  de  la  fuite  de  Varennes.  Il  émigra, 
servit  dans  l'armée  des  Princes  et  fut  promu  lieutenant 
général  le  22  juin  1814.  Il  suivit  Louis  XVIII  à  Gand  et 
fut  mis  à  la  retraite  en  1815. 

DURFORT  DE  CrvRAC  (Marie-Henri-Louis,  comte), 
homme  politique  français,  né  à  Beaupréau  (Maine-et-Loire) 
le  26  juil.  1812,  mort  à  Paris  le  21  févr.  1884.  Elu 
député  de  Maine-et-Loire  au  Corps  législatif  en  1852  comme 
candidat  légitimiste,  il  éprouva  ensuite  deux  échecs  en 
1857  et  1863  et  ne  rentra  dans  l'Assemblée  qu'en  1869. 
Il  appartint  au  tiers-parti  et  vota  contre  la  guerre  franco- 
allemande.  Elu  représentant  de  Maine-et-Loire  à  l'Assemblée 
nationale  le  8  févr.  1871,  il  siégea  à  droite,  mais  fit  acte 
d'indépendance  en  combattant  le  ministère  Broglie  sur  la 
loi  des  maires.  Député  de  Cholet  le  20  févr.  1876,  il  fut, 
grâce  à  l'appui  des  gauches,  élu  vice-président  de  la 
Chambre.  Réélu  en  1877  et  en  1881,  il  continua  à  être 
choisi  pour  vice-président . 

DURGEON.  Riv.  de  France  (V.  Saône  [Haute-]). 

DURHAM  (Zootechn.)  (V.  Races  bovines). 

DURHAM.  I.  Ville.  —  Géographie.  Ville  d'Angleterre, 
ch.-l.  du  comté  de  ce  nom,  dans  une  boucle  de  la  Wear; 
14,932  hab.  La  situation  de  la  ville  est  très  pittoresque; 
elle  est  dominée  par  deux  collines  boisées  dont  l'une  porte 
la  cathédrale  et  le  château  et  l'autre  l'observatoire.  La 
cathédrale  (Saint-Cuthbert)  est  un  des  édifices  les  plus 
remarquables  de  l'Angleterre  ;  commencée  en  style  roman 
en  1093,  elle  fut  achevée  en  1320  en  style  normand. 
Jusque  vers  1500,  on  continua  d'y  faire  des  additions  et 
elle  a  été  complètement  restaurée  au  xviii®  siècle.  Elle  a 
la  forme  d'une  croix  latine,  un  clocher  de  70  m.,  deux 
tours  de  plus  de  40  m.  Elle  renferme  les  reliques  de  saint 
Cuthbert,  la  tombe  de  Bede,  etc.  Le  dortoir  du  monastère 
contigu  à  la  cathédrale  (aujourd'hui  bibliothèque)  est  très 
beau.  Le  château,  où  résidaient  les  anciens  évêques,  a  été 
construit  par  Guillaume  le  Conquérant  (1072);  il  est  affecté 
à  l'université.  L'hôtel  de  ville  a  été  bâti  en  1555.  Une 
partie  des  anciens  remparts  subsistent.  Deux  des  ponts  de 
la  Wear  remontent  au  xiii^  siècle.  Ils  conduisent  au  faubourg 
à'Eluet  où  se  trouve  une  vaste  prison.  Les  principales 
industries  de  Durham  sont  la  fabrication  de  tapis,  de  papier, 
d'objets  en  fer. 

Histoire.  La  prospérité  de  Durham  remonte  à  l'évêque 
Aldune  qui  y  apporta  les  reliques  de  saint  Cuthbert  en  995 
et  bâtit  une  église  pour  les  abriter.  Guillaume  le  Conqué- 
rant fit  du  château  de  Durham  un  centre  de  résistance 
contre  les  Ecossais.  Ceux-ci  l'attaquèrent  souvent  et  c'est 
aux  environs  que  le  roi  David  Bruce  fut  vaincu  et  pris  (à 
Nevilles  Cross)  le  20  oct.  1346.  Le  cardinal  Wolsey  fut 
évêque  de  Durham. 

Université.  En  1290,  le  prieur  du  couvent  de  Durham 
fonda  un  collège;  aboli  au  moment  de  la  Réforme  de  Henri  VIII, 
ses  biens  furent  affectés  au  doyen  et  au  chapitre.  Cromwell 
rétablit  (1657)  un  collège  auquel  il  attribua  les  revenus 
du  doyen  et  du  chapitre.  Il  fut  supprimé  à  la  Restauration. 
En  1833,  une  université  fut  créée.  Elle  comprend  deux 
collèges  (University  Collège  et  Bishop  Hatfields  Hall)  ;  on  y 
rattache  les  collèges  de  médecine  et  des  sciences  physiques 
de  Newcastle.  Elle  n'a  que  peu  d'élèves  (moins  de  cent), 
malgré  ses  belles  collections  et  sa  riche  bibliothèque. 


II.  Comté  palatin.  —  Comté  maritime  de  l'Angle- 
terre. De  forme  triangulaire,  il  s'étend  sur  la  côte  de  la 
mer  du  Nord  depuis  la  Tyne,  qui  le  sépare  du  Northum- 
berland,  jusqu'à  la  Tees,  qui  le  sépare  du  comté  d'York.  A 
l'intérieur,  il  confine  au  N.  au  Northumberland,  à  l'O.  au 
Cumberland  et  au  Westmoreland,  au  S.  au  comté  d'York. 
Sa  superficie  est  de  2,620  kil.  q.  La  région  occidentale  du 
comté  est  occupée  par  des  contreforts  de  la  chaîne  Pennine, 
par  conséquent  désolée,  aride,  sillonnée  de  torrents  ;  ce 
sont  les  Moorlands,  dont  le  point  culminant  s'élève  à  669  m. 
La  région  de  l'Est  est  formée  de  terrasses  ondulées  et  de 
vallées  fertiles.  La  seule  rivière  considérable  est  la  Wear, 
qui  traverse  le  district  houiller.  La  Tyne  limite  le  comté 
au  N.,  la  Tees  au  S.  Le  comté  de  Durham  est  principale- 
ment un  pays  de  mines,  surtout  de  houille  (35,000,000  de 
tonnes  anglaises  par  an)  ;  il  y  a  aussi  des  mines  de  fer, 
de  plomb  argentifère  et  de  belles  carrières.  En  1881,  les 
mines  et  carrières  occupaient  72,000  ouvriers,  la  prépara- 
tion du  fer  17,500,  la  construction  des  machines  11,200, 
les  constructions  navales  10,000.  Mais  l'agriculture  n'est 
pas  négligée,  bien  qu'elle  n'occupe  que  16,200  personnes; 
28  %  de  la  superficie  totale  sont  occupés  par  les  terres 
labourées,  37  %  par  les  prairies,  3  ^jo  par  les  bois.  On 
comptait,  en  1884,  environ  17,000 chevaux,  64,000 bœufs, 
186,000  moutons,  13,000  porcs.  Les  moutons  à  longue 
laine  de  l'O.  sont  appréciés;  la  race  des  bestiaux  du 
Durham  compte  parmi  les  plus  renommées  (V.  Races 
bovines).  La  population  s'élevait  au  recensement  de  1881  à 
867,586  hab.  Elle  s'accroît  rapidement,  car  en  1801  elle 
n'était  que  de  149,384  hab.  et  en  1861  de  508,666.  Les 
villes  principales  sont  Durham,  Hartlepool,  Barnard  Castle, 
Bishop  Auckland,  Darlington,  Sunderland,  Stockton,  Ga- 
teshead, South  Shields. — Après  la  conquête  normande,  le  pays 
de  Durham  fut  constitué  en  comté  palatin,  formant  marche 
contre  les  Ecossais,  au  profit  de  l'évêque  de  Durham,  qui  a 
gardé  des  privilèges  temporels  exorbitants  jusqu'en  1836. 
Son  revenu  actuel  est  de  8,000  livres  sterling.  Ch.-V.  L. 
BiBL.  :  SuRTEES,  Histovy  and  anliquities  ofthe  County 
of  Durham,  4  vol.  in-fol.  —  W.  Fordyce,  Histovy  and 
antiquities  of  the  County  of  Durham,  1857,  2  vol.  in-fol.  — 
Il  existe  une  Surtees  Society,  très  active,  qui  se  consacre 
à  la  publication  de  documents  relatifs  à  Thistoire  locale 
du  comté  de  Durham. 

DURHAM  (Comtes  de)  (V.  Lambton). 

DURHAM  (Sir Philipp-Charles  Henderson  Calderwood). 
amiral  anglais,  né  en  1763,  mort  en  1845.  H  prit  part, 
entre  autres  faits  de  guerre,  à  l'expédition  de  la  baie  de  Qui- 
beron  (juil.  1795)  et  à  la  bataille  de  Trafalgar.  En  1811, 
il  commanda  l'escadre  de  la  mer  du  Nord;  en  juin  et  août 
1815,  il  reçut  la  soumission  de  la  Guadeloupe  et  de  la 
Martinique.  De  1836  à  1839,  il  commanda  en  chef  le  port 
de  Portsmouth. 

DURHAM  (Joseph),  sculpteur  anglais,  né  à  Londres  en 
1821,  mort  à  Londres  le  27  oct.  1877.  Elève  de  Tornema- 
niste  John  Francis,  puis  de  l'académicien  E.-H.  Bailey,  il 
attira  l'attention  sur  lui  par  le  beau  buste  de  Je7iny  Lind 
exposé  en  1848  à  l'Académie  royale,  buste  dont  il  fit  des 
centaines  de  répliques.  Plus  de  valeur  encore  a  celui  de 
la  Reine  Victoria  (1856),  conservé  au  Mansion  House,  où 
se  trouve  également  l'une  de  ses  meilleures  œuvres  clas- 
siques, Eermione  et  Alastor.  On  lui  doit  aussi  la  statue 
de  Palmerston  au  Guildhall,  celles  de  Milton,  de  Ben- 
tham,  de  Newton  et  de  Harvey  qui  ornent  le  portique 
de  l'Université  et  celle  à.\iPrince  Albert  au  Jardin  botanique. 
Durham,  qui  était  associé  de  l'Académie  depuis  1867,  est 
devenu  populaire  par  ses  charmants  groupes  di' Enfants 
louants.  G.  P-i. 

DURHAMS.  Village  des  Etats-Unis,  Caroline  du  Nord, 
à  33  kil.  N.-O.  de  Raleigh;  le  général  confédéré  J.  John- 
son y  mit  bas  les  armes  le  25  avr.  1865.  La  population 
est  d'environ  2,040  hab. 

DURICH  (Vacslav- Michel),  philologue  tchèque,  né  à 
Turnov  en  1732,  mort  à  Turnov  en  1802.  Il  appar- 
tenait à  l'ordre  des  pauliciens.  En  1778,  Tarchevêque  de 


DURICH  -  DiJRINGSFELD 


128  '-^ 


Prague  lui  confia  le  soin  de  reviser  le  texte  tchèque  de  la 
Bible.  Son  principal  ouvrage,  malheureusement  inachevé, 
est  intitulé  Bibltotheca  Slavica  antiquissimœ  dialecti 
commu^riis  et  ecclesiasticœ  universœ  Slavorum  gentis 
(Vienne,  1795).  Dans  la  pensée  de  l'auteur,  ce  devait  être 
une  véritable  encyclopédie  d'archéologie  slave.  Durich  a 
écrit  en  outre  quelques  dissertations  sur  des  points  de  phi- 
lologie hébraïque. 

DU  RIE  (Lord  Alexander)  (V.  Gibson). 

DURIER  (Louis-Emile),  avocat  français,  né  à  Pans  le 
49  déc.  1828,  mort  le  24  déc.  1890.  Après  de  brillantes 
études  au  collège  Bourbon,  il  suivit  les  cours  de  l'Ecole  de 
droit  de  Paris,'dont  il  fut  un  des  lauréats  au  concours  de 
1850.  Inscrit  la  même  année  au  barreau  de  la  capitale,  il 
ne  tarda  pas  à  se  faire  remarquer  dans  plusieurs  affaires 
poUtiques,  où  il  eut  l'occasion  d'affirmer  ses  convictions 
libérales  et  républicaines.  Il  plaida  notamment  quelques 
procès  de  sociétés  secrètes  et  un  grand  nombre  de  procès 
de  presse,  pour  le  National,  pour  le  Nain  Jaune  et  sur- 
tout pour  le  Siècle,  auquel  il  collabora  un  certain  temps. 
Il  plaida  également  pour  plusieurs  écrivains,  notamment 
pour  M.  Ranc,  pour  M.  Castagnary,  pour  M.  Bazire.  Après 
avoir  ainsi  défendu  les  victimes  de  l'arbitraire  gouverne- 
mental, il  fut  lui-même  impliqué,  en  1864,  à  côté  de 
MM.  Garnier-Pagès,  Carnot  père,  Dréo,  Clamageran,  Flo- 
quet,  Jules  Ferry,  Jozon,  Corbon,  Melsheim  et  Bory,  dans 
le  fameux  procès  connu  sous  le  nom  de  procès  des  Treize. 
Condamné  comme  ses  coaccusés,  M^Durier  en  vit  accroître 
sa  réputation,  et,  lors  des  élections  législatives  de  1869, 
il  posa  sa  candidature  à  Paris  contre  M.  Emile  Olhvier  ; 
mais  il  se  désista  en  faveur  de  M.  Bancel.  Pendant  les 
premières  années  de  la  troisième  République,  M.  Durier 
occupa  différentes  fonctions  publiques.  Il  fut  successive- 
ment adjoint  au  maire  de  Paris  en  1870  ;  secrétaire  adjoint 
du  gouvernement  de  la  Défense  nationale  pendant  le  siège 
de  Paris  ;  secrétaire  général  du  ministère  de  la  justice,  en 
1871,  avec  M.  Dufaure,  qui  l'avait  défendu  dans  le  procès 
des  Treize,  et  enfin  conseiller  d'Etat  en  service  extraordi- 
naire en  1872.  Après  le  24  mai  1873,  M''  Durier  reprit 
sa  place  au  barreau.  En  1876,  il  fut  élu  membre  du  con- 
seil de  l'ordre.  En  1887,  il  fut  élevé  au  bâtonnat;  c'était 
le  premier  bâtonnier  républicain  depuis  Jules  Favre.  On  ne 
peut  pas  dire  pourtant  que  M«  Durier  dut  sa  nomination 
aux  sympathies  politiques  de  ses  confrères  :  il  fut,  au  con- 
traire, élu  par  une  majorité  composée  en  grande  partie 
d'adversaires  politiques,  qui  voulurent  honorer  en  lui, 
outre  le  talent,  la  fidélité  aux  convictions  personnelles  et 
la  tolérance  pour  celles  des  autres.  Les  principales  affaires 
plaidées  par  M«  Durier,  en  dehors  des  procès  poli- 
tiques par  lesquels  il  inaugura  sa  carrière,  sont  :  l'affaire 
du  Catalogue  officiel  de  l'Exposition  universelle  de  1867  ; 
l'affaire  de  la  duchesse  de  Chaulnes  ;  l'affaire  de  l'incendie 
de  l'Opéra-Comique  ;  l'affaire  Chambige  ;  l'affaire  Erckmann- 
Chatrian  et  l'affaire  des  nihilistes  russes.  Le  talent  de 
M^  Durier  était  celui  d'un  dialecticien  consommé,  sachant 
cacher  l'habileté  de  son  argumentation  sous  une  parole 
pleine  de  bonhomie,  toujours  spirituelle,  souvent  ironique, 
jamais  malveillante  ;  car  son  talent  n'avait  d'égal  que  sa 
modestie  et  son  extrême  affabilité,  et  Féminent  avocat  ne 
comptait  que  des  admirateurs  et  des  amis,  non  seulement 
dans  ce  grand  barreau  parisien  dont  il  était  une  des  illus- 
trations, mais  encore  dans  le  monde  des  lettres  et  des  arts, 
oii  il  était  très  répandu  et  très  apprécié  pour  la  sûreté  de 
son  goût  et  la  distinction  de  son  esprit.  Georges  Lagrésille. 
DURIER  (Charles-Henri),  publiciste  français,  né  à  Paris 
le  15  déc.  1830,  frère  du  précédent,  chef  de  division  au 
ministère  de  la  justice.  Collaborateur  au  Siècle  où  il  a  donné 
des  études  littéraires  et  des  nouvelles,  il  est  connu  surtout 
par  la  part  qu'il  a  prise  à  la  formation  du  Club  alpin  de 
Paris  (pour  lequel  il  fait  des  conféiences  pleines  d'esprit 
et  de  charme)  dont  il  est  vice-président,  et  par  son  ouvrage, 
le  Mont  Blanc  (Paris,  1877,  gr.  in-8),  devenu  classique 
dans  le  monde  spécial  des  alpinistes. 


DU  Ri  EU  (Jean -Louis -Marie -Eu gène),  administrateur 
français,  né  à  Nîmes  en  1800,  mort  en  1874.  Avocat  à 
Paris,  il  y  fonda  en  1824  un  recueil  spécial  qui  obtint  un 
certain  succès  et  paraît  encore  aujourd'hui,  le  Mémorial 
des  percepteurs.  Chef  de  la  section  administrative  des 
communes  au  ministère  de  l'intérieur,  il  devint  en  1847 
inspecteur  général  des  hospices  et  en  1848  directeur  gé- 
néral des  cultes.  Il  rentra  dans  la  vie  privée  en  1849.  On 
a  de  lui  :  Code  de  V administration  et  de  la  comptabi- 
lité des  revenus  des  établissements  publics  (Paris, 
1823,  in-12);  Législation  des  conseils  municipaux 
(1826,  in-8);  Poursuites  en  matière  de  contributions 
directes  (Paris,  1838-1839,  2  vol.  in-8);  Formulaire 
de  la  comptabilité  des  percepteurs  et  des  receveurs  des 
communes,  des  hospices  et  des  bureaux  de  bienfaisance 
(1842,  in-8);  Répertoire  de  r administration  et  de  la 
comptabilité  des  établissements  de  bienfaisance  (1841- 
1843,  2  vol.  in-8),  en  collaboration  avec  Germain  Roche; 
Code  des  perceptions  municipales  de  la  ville  de  Paris 
(1844,  in-8).—  Son  fils,  A.-Muriel  Durieu,  rédacteur  en 
chef  du  Journal  des  percepteurs,  a  écrit  :  Traité  sous 
forme  de  règ  lement  des  poursuites  en  matière  d'amendes 
et  condamnations  pécuniaires  (Paris,  1876,  in-8). 

DURILLON  (Méd.).  Par  son  mode  de  formation,  le  du- 
rillon se  rapproche  du  cor,  mais  est  généralement  moins 
nettement  délimité  que  lui  et  siège  moins  fréquemment  près 
des  articulations.  Quant  au  traitement,  il  est  le  même,  et 
l'on  peut  dire  qu'aucun  durillon  ne  résiste  à  l'application 
circonspecte  des  caustiques  (bichromate  de  potasse,  acide 
acétique,  caustique  de  Vienne,  etc.)  (V.  Cor).    D"^  L.  Hn. 

DÛRINGSFELD  (Ida  von),  ou  Ida,  baronne  de  Reins- 
BERG-DùRiNGSFELD,  écrivain  allemand,  née  à  Militsch,  en 
Silésie,  le  12  nov.  1815,  morte  à  Stuttgart  le  25  oct. 
1876.  Son  père  étant  officier,  elle  changea  souvent  de  ré- 
sidence, et  sa  première  éducation  en  souffrit.  Mais  elle  cor- 
rigea plus  tard  ce  défaut  et  profita  de  toutes  les  occasions 
pour  étendre  ses  connaissances  ;  elle  apprit  le  français  et 
l'italien,  et  étudia  même  les  dialectes  germaniques  et 
slaves.  Ayant  épousé,  en  1845,  le  baron  Otto  de  Reins- 
berg,  elle  voyagea  avec  lui  en  Autriche,  en  Italie,  en  Bel- 
gique, en  France,  et  ils  demeurèrent  successivement  à 
Prague,  à  Leipzig  et  à  Stuttgart.  Le  talent  poétique  d'Ida 
de  Duringsfeld  se  déclara  de  bonne  heure.  Elle-même  nous 
apprend  qu'elle  fit  des  vers  avant  de  savoir  écrire.  A  qua- 
torze ans,  elle  envoya  à  V Abendzeitung  de  Dresde  quel- 
ques poésies  qui  furent  favorablement  accueillies.  Elle 
publia  son  premier  recueil  sous  le  pseudonyme  de  Thekla 
{Gedichte  von  Thekla;  Dresde,  1835).  Un  second  volume 
parut  en  1850,  intitulé  Pour  loi  (Fur  Dich,  Leipzig, 
1865,  2«  édit.).  Dans  l'intervalle,  elle  avait  fait  paraître 
plusieurs  romans  anonymes  :  Schloss  Gocxin  (Breslau, 
1841)  ;  Magdalena  (Breslau,  1844)  ;  Graf  Chala  (Bres- 
lau, 1845).  Après  son  mariage,  elle  signa  ses  ouvrages  de 
son  nom  de  Reinsberg-Diiringsfeld.  Elle  aborda,  en  1847, 
le  roman  historique  avec  Margaretha  von  Valois,  qui  fut 
snWi  ô.' Aîitonio  Foscarini  (Stuttgart,  1850).  Dans  Fine 
Pension  am  Genfersee  (Breslau,  1851,  2  vol.),  elle 
essaya  de  peindre  la  vie  pohtique  et  sociale  de  la  Suisse 
romande.  Puis,  revenant  à  son  premier  genre,  c.-à-d.  au 
roman  de  mœurs  et  au  roman  passionné,  elle  donna  encore  : 
Klotilde  (Breslau,  1855),  Die  Literaten  (Vienne,  1863, 
3  vol.),  Niko  Veliki  (Leipzig,  1864).  Tous  ces  romans, 
et  nous  ne  citons  que  les  principaux,  sont  des  compositions 
hâtives  et  irrégulières,  qui  ressemblent  plutôt  à  des  con- 
versations de  salon  qu'à  des  œuvres  d'art.  La  baronne  de 
Reinsberg-Duringsfeld  n'a  plus  jamais  retrouvé  la  grâce 
simple  et  naturelle  qui  caractérise  ses  premiers  essais 
poétiques  ;  c'est  par  ceux-ci  qu'elle  vivra  dans  la  littéra- 
ture. Ses  relations  de  voyage  [Reiseskizzen,  Leipzig,  1851- 
1868,  7  vol.;  Von  der  Schelde  bis  zur  Maas,  Leipzig, 
1861,  3  vol.)  contiennent  des  pages  intéressantes.  On 
peut  encore  considérer  comme  un  résultat  de  ces  voyages 
les  traductions  parfois  heureuses  qu'elle  donna  des  chan- 


—  d29 


DURÏNGSFELD  -  DUROC 


sons  populaires  des  pays  étrangers  (Bôhmische  Bosen, 
Breslau,  1851;  Lieder  aus  Toskana,  Dresde,  d855; 
2«  édit.,  Prague,  1859),  et  les  deux  ouvrages  qu'elle  écri- 
vit en  commun  avec  son  mari  :  Hochzeitsbuch  (Leipzig, 
1871),  une  comparaison  des  cérémonies  du  mariage  dans 
les  différents  pays,  et  Sprichivôrter  der  germanischen 
und  romanischen  Sprachen{Leïp7Âg,  1872-1875, 2  vol.). 
—  Le  baron  de  Reinsberg  se  tua  le  lendemain  de  la  mort 
d'Ida  de  Diiringsfeld.  A.  B. 

DU  RIO  (Durio  L.)  (Bot.).  Genre  de  Malvacées,  du 
groupe  des  Bombacées.  L'unique  espèce,  D.  Zibethimis  L., 
est  un  grand  arbre  à  feuilles  simples,  épaisses,  couvertes 
de  poils  écailleux.  Ses  fleurs,  entourées  à  la  base  d'un 
inwlucre  gamophylle,  ont  un  périanthe  double,  pentamère 
et  un  nombre  indéfini  d'étamines  monadelphes  à  la  base  et 
partagées  plus  haut  en  cinq  faisceaux.  Son  fruit,  appelé 
vulgairement  Durion,  Durian,  Hérisson  d'arbre,  ne  se 
développe  que  sur  le  tronc  ou  les  grosses  branches.  C'est 
une  baie  volumineuse  qui  renferme,  sous  un  péricarpe 
ligneux,  une  pulpe  blanche,  charnue,  dans  laquelle  sont 
plongées  les  graines.  —  Le  D.  7Âbethinus  est  répandu 
dans  la  Malaisie  et  les  îles  de  l'Archipel  indien.  La  pulpe 
de  son  fruit  a  une  saveur  alliacée  désagréable  qui  la  fait 
paraître  d'abord  fétide  et  repoussante;  mais  il  paraît  qu'on 
s'y  habitue  graduellement  et  qu'on  finit  par  la  trouver 
exquise.  Cette  pulpe  est  réputée  aphrodisiaque.  Les  graines, 
de  la  grosseur  d'une  fève,  se  mangent  grillées;  elles  ont, 
paraît-il,  le  goût  des  châtaignes.  Ed.  Lef. 

DU  RIS  DE  Samos,  historien  grec,  et,  suivant  Athénée, 
tyran  de  cette  ville.  Il  descendait  d'Alcibiade  (Plut.,  Alcib,, 
32)  et  vivait  du  temps  de  Ptolémée  Philadelphe.  Il  com- 
posa divers  ouvrages,  dont  le  principal  était  une  histoire 
grecque  qtii  commençait  à  la  mort  de  Jason  et  d'Amyntas 
de  Macédoine  (Diod.,  XV,  60).  Il  en  reste  des  fragments 
réunis  en  grande  partie  par  Droysen  dans  son  histoire  des 
successeurs  d'Alexandre.  Duris  ne  jouit  pas  d'une  très 
grande  estime  auprès  des  anciens,  bien  que  Cicéron  le  nomme 
homo  in  historia  diligens  {Ad  AU.,  VI,  i).  Il  inspire 
une  médiocre  confiance  à  Plutarque  {Démost.,  19  ;  Alcib., 
32),  et  Denys  d'HaUcarnasse  fait  peu  de  cas  de  sa  valeur 
littéraire  (De  Comp.  verb.,  4). 

DU  RIVAL  (Nicolas),  historien  lorrain,  né  à  Commercy 
en  1723,  mort  à  iïeillecourt  en  1795.  Il  remplit  à  Nancy 
difiérentes  fonctions  administratives  et  écrivit  plusieurs 
ouvrages  sur  l'histoire,  l'administration  intérieure  et  la  sta- 
tistique de  la  Lorraine.  Les  principaux  sont  :  Table  alpha- 
bétique des  villes,  bourgs,  villages  et  hameaux  de  la 
Lorraine  et  du  Barrois  (Nancy,  1748)  ;  Mémoire  sur  la 
Lorraine  et  le  Barrois  (Nancy,  1753)  ;  Mémoire  sur  la 
clôture  des  héritages,  le  vain  pâturage  et  le  parcours 
en  Lorraine  (Nancy,  1763)  ;  Description  de  la  Lorraine 
et  du  Barrois  (Nancy,  1778-1783,  4  vol.). 

DURKHEIWI,  philosophe  français,  né  dans  les  Vosges  le 
15  avr.  1858.  Sorti  de  l'Ecole  normale  supérieure,  il  fut 
chargé  d'une  mission  en  Allemagne,  d'où  il  rapporta  des 
études  remarquées  sur  l'état  de  la  morale  et  de  la  sociologie 
en  ce  pays.  Chargé  en  1887,  à  la  Faculté  des  lettres  de 
Bordeaux,  du  premier  cours  de  sociologie  institué  dans 
l'enseignement  supérieur  en  France,  il  a  pleinement  justifié 
cette  fondation  par  ses  efforts  très  personnels  pour  séparer 
la  sociologie  positive  de  la  psychologie,  étudiant  les  faits 
sociaux  en  eux-mêmes  et  n'en  cherchant  l'explication  que 
dans  d'autres  faits  sociaux.  On  a  surtout  remarqué  ses 
cours  sur  le  suicide  (encore  inédits).  M.  Durkheim  a  été 
membre  du  jury  de  l'agrégation  de  philosophie  en  1891. 
Il  a  publié  :  les  Etudes  récentes  de  science  sociale 
{Bévue  philosophique,  t.  XXII,  p.  61)  et  la  Science 
positive  de  la  morale  en  Allemagne  :  les  Economistes, 
les  Socioloqîstes,  les  Juristes,  les  Moralistes  {Bev.phil., 
1887,  t.  XXIV,  pp.  33-58,  113-142,  275-284).   H.  M. 

D  U  R  KH  El  M-an-der-Hâardt.  Ville  d'Allemagne,  royaume 
de  Bavière,  Palatinat  rhénan,  sur  l'Isenach,  au  pied  du 
Haardt;  6,089  hab.  Papeterie,  fabrication  de  couleurs, 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —   XV. 


salines  (Philipshalle),  marché  agricole  pour  les  céréales  et 
le  vin  abondant  dans  la  région  ;  sa  foire  {Michaelis  ou 
Wurstmarkt)  existe  depuis  le  xv«  siècle.  —  Aux  environs 
sont  les  ruines  des  châteaux  de  5c/i/oss(?cA;  et  Hartenburg,  de 
l'abbaye  de  Limburg  (fondée  en  1030).  —  Durkheim  est 
l'ancienne  Turincheim  possédée  par  les  ducs  saUens  de  Fran- 
conie,  puis  par  les  abbés  de  Limburg,  les  comtes  de  Leiningen 
qui  la  fortifièrent  au  xiv®  siècle.  ^EUe  fut  dévastée  par  les 
Français  en  1689  ;  le  château,  résidence  jusqu'à  la  Révolu- 
tion les  comtes  de  Leiningen-Hartenburg,  fut  démoHenl794, 

Eaux  minérales.  —  Les  eaux  chlorurées  sodiques  fortes 
(5  à  13  °/oo  selon  lès  sources),  bromo-iodurées,  sont  comme 
celles  de  Kreutznach  et  de  Nauheim  (V.  ces  mots)  fort 
utiles  dans  toutes  les  manifestations  du  lymphatisme  et  de 
la  scrofule. 

BiBL.  :  Mehlis,  Durkheimund  Umgebung  ;  Durkeim,  1884. 

DURLACH.  Ville  d'Allemagne,  grand-duché  de  Bade, 
cercle  de  Carlsruhe,  sur  la  Pfinz  ;  7,474  hab.  Etablisse- 
ments métallurgiques  ;  fabriques  de  machines,  d'aiguilles  à 
coudre,  de  chicorée;  horticulture.  Château  bâti  en  1565, 
transformé  en  caserne,  vieil  hôtel  de  ville.  —  C'était  le  chef- 
lieu  du  margraviat  de  Baden-Durlach  (1515-1771)  (V.  Bade, 
t.  IV,  p.  1128)  ;  c'est  en  1220  que  l'empereur  Frédéric  II  la 
céda  au  margrave  de  Bade,  en  1576  que  le  margrave 
Charles  II  y  transféra  sa  résidence  (de  Pforzheim).  Elle 
fut  détruite  par  les  Français  en  1689  et  ne  se  releva  pas, 
la  résidence  ayant  été  transférée  à  Karlsruhe  (V.  ce  mot). 

DURME  (La).  Rivière  de  Belgique,  qui  prend  sa  source 
à  Wynckel-Saint-Eloi,  dans  la  Flandre,  forme  la  conti- 
nuation du  canal  de  Moervoart,  passe  à  Lokeren  et  se  jette 
dans  l'Escaut  à  Thielrode,  après  un  parcours  de  48  kil. 

DURMIGNAT.  Com.  du  dép.  du  Puy-de-Dôme, arr.  de 
Riom,  cant.  de  Montaigut,  sur  la  Bouble  ;  657  hab. 

DURMITOR  (V.  Dormitor). 

DURNANT.  Gorges  de  Suisse,  situées  au  S.  de  Martigny 
(Valais),  sur  la  rive  gauche  de  la  Drave,  au  N.-O.  du  mont 
Catogne  (2,579  m.)  ;  elles  ressemblent  à  celles  de  la  Diosaz 
(V.  ce  mot);  quatorze  cascades  et  800  m.  de  longueur, 
avec  passerelle  d'accès.  Le  volume  d'eau  y  est  considérable. 

DURNES.  Com.  du  dép.  du  Doubs,  arr.  de  Besançon, 
cant.  d'Ornans  ;  245  hab. 

DURNFORD  (Anthony-WiUiam),  officier  anglais,  né  dans 
le  comté  de  Leitrim  (Irlande)  le  24  mai  1830,  mort  dans 
le  Zoulouland  le  22  janv.  1879.  Elève  de  Woolwich,  il 
entra  en  1848  dans  le  corps  du  génie,  servit  à  Ceylan 
(1851-1855),  à  Malte  (1856-58),  et  revint  en  Angleterre 
en  1858  avec  le  grade  de  capitaine.  Envoyé  au  Cap  en 
1871,  il  fut  chargé  d'assister  au  couronnement  de  Cetti- 
wayo,  et,  en  1873,  dut  remplir  la  difficile  mission  d'assu- 
rer avec  des  troupes  peu  aguerries  les  passes  du  Draken- 
berg.  En  1877,  il  fut  nommé  membre  de  la  commission 
d'enquête  qui  devait  examiner  les  plaintes  des  Zoulous  contre 
le  gouvernement  colonial  et  arranger  pacifiquement  ces  dif- 
férends. Mais,  en  1878,  on  se  décida  à  déclarer  la  guerre  à 
Cettiwayo.  Durnford,  qui  avait  été  promu  colonel  le  11  déc. 
de  cette  année,  reçut  le  commandement  d'une  colonne  diri- 
gée contre  les  Zoulous.  Il  se  trouva  le  22  janv.  1879  au 
camp  d'Isandhlwana  en  présence  de  forces  de  beaucoup 
supérieures  à  celles  dont  il  disposait,  et  il  y  périt  en  assu- 
rant avec  une  poignée  d'hommes  la  retraite  de  ses  troupes. 

D  U  R  N  ST  E I N  (anciennement  Tyrnstein) .  Village  de  l'Au- 
triche, dans  le  cercle  de  Krems  (Basse-Autriche).  Il  possède 
les  ruines  du  château  où  Richard  Cœur  de  Lion  fut  enfermé 
par  Hadmar  II  de  Kuenring  durant  trois  mois  (1192-93), 
et  qui  fut  détruit  par  les  Suédois  en  1645.  Le  11  nov. 
1805,  un  combat  y  fut  livré  entre  les  Français  (Mortier) 
et  les  Russes  et  les  Autrichiens  (Koutousov  et  Schmidt) 
réunis. 

DUROC  (Giraud- Christophe -Michel),  duc  de  Frioul, 
général  français,  né  à  Pont-à-Mousson  (Meurthe-et-Moselle) 
îe  25  oct.  1772,  mort  à  Mackersdorf  (Saxe)  le  23  mai 
'1813.  Elève  lieutenant  d'artillerie  en  1792,  il  fit  les  pre- 
mières campagnes  de  la  Révolution  à  l'armée  d'Italie  où, 

9 


DUROC  —  DtJRR 


-  430  - 


parvenu  au  gracie  de  capitaine  et  devenu  aide  de  camp  du 
général  Lespinasse,  il  attira,  par  sa  bravoure  et  ses  qualités 
d'esprit,  l'attention  de  Bonaparte,  qui  se  l'attacha  lui-même 
comme  aide  de  camp  et  que,  dès  lors,  il  ne  quitta  plus. 
Duroc  se  distingua  encore  par  son  intrépidité  en  Egypte 
(1798-1799),  d'où  il  revint  pour  prendre  une  part  active 
au  coup  d'Etat  du  18  brumaire.  Nommé  général  de  brigade 
et  gouverneur  des  Tuileries,  il  remplit  une  mission  de 
contiance  à  la  cour  de  Berlin,  où  il  fut  bien  accueilli,  revint 
trouver  le  premier  consul  qu'il  assista  à  Marengo,  fut  en- 
core envoyé,  après  la  paix  d'Amiens,  comme  agent  diplo- 
matique à  Saint-Pétersbourg,  à  Stockholm,  à  Copenhague, 
devint  général  de  division  (1803),  grand  officier  de  la  Lé- 
gion d'honneur  et  grand  maréchal  du  palais  peu  après  la 
création  de  l'Empire.  Vivant  dans  l'intimité  de  Napoléon 
qui  lui  témoignait  une  grande  confiance,  il  veillait  avec  la 
sollicitude  la  plus  attentive  à  la  sûreté  de  son  souverain  et 
dirigeait  mystérieusement  une  des  trois  ou  quatre  pohces 
dont  l'empereur  avait  tenu  à  s'entourer.  Il  n'avait  point 
pour  cela  renoncé  au  métier  des  armes.  C'est  ainsi  qu'on 
le  vit  pendant  la  campagne  de  1805  commander  une  des 
divisions  de  la  garde.  Mais  c'était  surtout  comme  négocia- 
teur que  Napoléon  aimait  à  l'employer  et  qu'il  le  servit, 
notamment  en  Allemagne  en  1806,  à  Fontainebleau  en 
1807,  à  Bayonne  en  1808.  Il  suivit  en  Espagne  l'empe- 
reur, qui  venait  de  le  faire  duc  de  Frioul  (1808)  et  raccom- 
pagna aussi  en  Autriche,  où  il  prit  une  part  honorable  à  la 
bataille  d'EssHng  (22  mai  1809).  On  le  retrouve  près  de 
Napoléon  du  commencement  à  la  fin  de  la  campagne  de  1812, 
après  laquelle  il  fut  nommé  sénateur  et  chargé  de  la  réor- 
ganisation de  la  garde  impériale,  et  pendant  les  premières 
semaines  de  la  campagne  de  1813,  dont  il  ne  vit  pas  la  fin. 
A  la  suite  de  la  bataille  de  Wurtzen,  Napoléon  reconnaissait 
les  positions  de  l'ennemi,  lorsque  Duroc,  qu'il  venait  de 
quitter  depuis  quelques  minutes  à  peine,  fut  frappé  mor- 
tellement, près  du  village  de  Mackersdorf,  d'un  boulet 
dans  le  bas-ventre.  Il  témoigna  une  vive  douleur  de 
la  perte  de  ce  serviteur  fidèle,  dont  le  dévouement  ne  s'était 
jamais  démenti,  et  voulut  que  sa  fille  unique  (morte  depuis 
en  1829,  sans  mariage)  eût  en  héritage  la  dotation  et  le 
titre  de  duchesse  de  Frioul.  A.  Debidour. 

DUROCASSES.  Peuple  gaulois  de  la  Celtique,  dont  le 
nom  ne  figure  que  sur  la  Table  de  Peutinger  et  Vltiné- 
raire  d'Antonin;  il  y  désigne  une  station  des  Aulerci 
Eburovices  sur  la  voie  de  Rouen  au  Mans  par  Evreux, 
qu'on  a  identifiée  avec  la  ville  de  Dreux  (Eure-et-Loir) 
(V.  Dreux). 

DUROCHER  (Joseph-Marie-Elisabeth) ,  géologue  et  ingé- 
nieur français,  né  à  Rennes  le  31  mai  1817,  mort  à  Rennes 
en  1858.  Sorti  de  l'Ecole  polytechnique,  il  entra  à  l'Ecole 
des  mines  de  Paris  en  1837.  En  1839,  il  fut  adjoint  à 
la  commission  scientifique  d'exploration  des  mers  du  Nord 
et  prit  part  à  la  campagne  de  1835-1840.  En  1845,  il  fit 
personnellement  et  isolément  un  nouveau  voyage  dans  les 
parties  méridionale  et  centrale  de  la  Suède  et  de  la  Nor- 
vège. Les  observations  qu'il  recueillit  sur  la  géologie,  la 
minéralogie  et  les  industries  minières  et  minéralogiques  de 
ces  régions  devaient  servir  d'éléments  principaux  aux  pu- 
blications ultérieures  de  Durocher.  En  1 841 ,  il  fut  chargé 
du  service  des  mines  dans  le  dép.  de  TAriège  ;  il  en  profita 
pour  étudier  le  terrain  de  transition  dans  toute  l'étendue 
de  la  chaîne  des  Pyrénées,  et  recueillit  ainsi  les  éléments 
de  ses  principaux  mémoires  publiés  en  1844  sur  la  con- 
stitution géologique  de  cette  région.  A  la  fin  de  cette  même 
année  1844,  il  fut  chargé  du  service  des  mines  à  la  rési- 
dence de  Rennes  et  de  la  chaire  de  géologie  et  de  minéra- 
logie de  cette  ville.  Durocher  a  publié,  à  partir  de  1841, 
de  nombreux  mémoires  dans  les  Annales  des  mines ^  le 
Bulletin  de  la  Société  géologique,  les  Comptes  rendus 
de  l'Académie  des  sciences.  Il  a  abordé  un  des  premiers 
l'étude  de  la  composition  et  de  la  genèse  des  roches  ignées. 
La  controverse  qu'il  soutint  en  1847  avec  Scheern,  de 
Puiberg,  sur  l'origine  du  granité,  et  qui  se  retrouve  dans  la 


Publication  de  la  Société  géologique,  fit  beaucoup  de 
bruit. 

DUROL  (Chim.)  (V.  Méthylbenzine)  . 

pUROSNEL  (Antoine-Jean- Auguste),  général  et  homme 
politique  français,  né  à  Paris  le  9  nov.  1771,  mort  à 
Paris  le  5  févr.  1849.  Entré  jeune  dans  l'armée,  aide  de 
camp  du  général  d'Arville,  il  fit  la  campagne  d'Allemagne 
(1800)  et  gagna  sur  le  champ  de  bataille  d'Austerlitz  son 
grade  de  général  de  brigade.  11  prit  part  encore  à  la  bataille 
d'iéna  (1807),  à  la  campagne  de  Pologne  et  combattit 
vaillamment  à  Glottau.  Créé  comte  en  1808,  il  fut  aide 
de  camp  de  Napoléon,  fit  la  campagne  d'Espagne,  puis  celle 
d'Autriche  en  1809.  Il  fut  blessé  et  fait  prisonnier  à  Ess- 
ling.  Remis  en  liberté,  il  fit  la  campagne  de  Russie  et,  en 
1813,  devint  gouverneur  de  Dresde.  Il  avait  été  promu 
général  de  division  le  16  avr.  1809.  Pendant  les  Cent- 
Jours,  il  fut  nommé  commandant  de  la  garde  nationale  de 
Paris  et  entra  à  la  Chambre  des  pairs  le  2  juin  1815.  Mis 
en  non-activité  par  la  Restauration,  il  fut  élu  député  de 
Seine-et-Marne  le  27  nov.  1830  et,  réélu  en  1831  et  1834, 
siégea  au  centre  et  appuya  le  gouvernement.  Il  devint  aide 
de  camp  de  Louis-Phihppe  et  pair  de  France  le  3  oct.  1837. 

DUROSOY  (Barnabe  Farmiande  Rosoy,  dit)  (V.  Rosoy). 

DU  ROURE  (V.  RouRE). 

DU  ROY  (Jean-Michel),  homme  politique  français,  né  à 
Bernay  (Eure)  le  22  déc.  1753,  mort  à  Paris  le  16  juin 
1795.  Avocat,  juge  au  tribunal  du  district  de  Bernay,  sup- 
pléant à  la  Législative,  député  de  l'Eure  à  la  Convention, 
il  y  siégea  à  la  Montagne  et,  dans  le  procès  de  Louis  XVI, 
émit  les  votes  les  plus  rigoureux.  Le  9  mars  1793,  il  fut 
envoyé  en  mission  avec  Bonnet  dans  l'Eure  et  le  Calvados 
pour  la  levée  des  300,000  hommes,  puisa  l'armée  du  Rhin 
(30  avr .-13  juin  1793).  Il  parla  souvent  contre  les  giron- 
dins. Compromis  dans  les  événements  de  prairial  an  III,  il 
fut  condamné  à  mort  avec  les  derniers  montagnards  et 
essaya  vainement  de  se  tuer.  On  le  mena  sanglant  à  la 
guillotine.  F. -A.  A. 

DUROZOIR  (Charles),  publiciste  français,  né  à  Paris 
le  15  déc.  1790,  mort  à  Paris  le  11  sept.  1844.  Secré- 
taire de  Lacretelle ,  il  collabora  sous  ses  auspices  à  la 
Gazette  de  France  et,  royaliste  ardent,  provoqua  le  mou- 
vement insurrectionnel  du  31  mars  1814.  Rédacteur  au 
Journal  général  de  France,  il  y  donna  des  comptes 
rendus  parlementaires  qui  lui  attirèrent  de  violentes  ini- 
mitiés même  chez  les  membres  de  son  parti  qui  ne  parlaient 
de  rien  moins  que  de  le  faire  exiler.  A  partir  de  1817,  il 
écrivit  encore  dans  le  Messager  des  Chambres^  dans  les 
Annales  politiques,  dans  le  Journal  des  maires,  dans 
le  Bon  Finançais,  dans  V Etoile,  de  nouveau  dans  la  Ga- 
zette de  France  à  partir  de  1823  et  enfin  dans  le 
Moniteur  à  partir  de  1825.  De  1817  à  1819,  il  avait 
rempU  les  fonctions  d'examinateur  des  livres  à  la  direction 
de  la  librairie.  Il  fut  nommé  professeur  d'histoire  à  Louis- 
le-Grand  (1819)  et  suppléa  Lacretelle  dans  sa  chaire  de  la 
FacuUé  des  lettres.  On  a  de  lui  :  Tableau  chronologique 
et  historique  des  rois  de  France  (Paris,  1820,  in-fol.)  ; 
le  Dauphin,  fils  de  Louis  XV  (1815,in-12)  ;  Description 
géographique,  historique  et  routière  de  l'Espagne 
(1823,  in-8)  ;  Eloge  historique  et  religieux  de  Pie  VI 
(1825,  in-8)  ;  Histoire  ancienne  (1 826,  in-8)  ;  Louis  XVIII 
à  ses  derniers  moments  (1824,  in-12)  ;  Notice  sur  les 
historiens  de  Flandre  (1828,  in-8)  ;  Précis  de  l'his- 
toire romaine  (1828,  in-8)  ;  Belation  historique  du 
voyage  de  Charles  X  dans  le  Nord  (1828,  in-fol.)  ; 
l'Abbé  de  La  Salle  (1842,  in-18);  Abrégé  de  Vhistoire 
de  Carthage  (1843,  in-12),  sans  compter  sa  collaboration 
active  à  la  Biographie  Michaud,  au  Dictionnaire  de  la 
conversation,  à  la  Bibliothèque  latine  deVânckoucke,  etc. 

DÛRR  (Wilhelm),  peintre  d'histoire,  né  à  Villingen 
(grand-duché  de  Bade)  le  9  mai  1815.  Après  avoir  fait  de 
sérieuses  études  à  l'Académie  de  Vienne  et  dans  l'atelier  de 
Kuppelwieser,  il  séjourna  quelque  temps  à  Munich,  à  Ve- 
nise, à  Bologne,  et  vint  se  fixer  à  Rome  où  il  fit  partie  du 


—  431  - 


DORR  -  DURTAL 


cercle  d'artistes  allemands  qui  comptait  parmi  ses  membres  : 
Overbeck,  Thorwaldsen,  Wagner,  Reinhard,  Riedel,  Deger, 
Millier,  Ittenbach.  Forcé  de  revenir  en  1843  dans  son 
pays  natal,  pour  échapper  aux  fièvres  paludéennes,  il  y 
peignit  une  quantité  de  tableaux  religieux  :  le  Sermon  sur 
la^montagne,  le  Christ  bénissant  les  enfants,  dans 
régiise  d'Alt-Breisach;  V Ascension  et  les  Quatre  Euan- 
gélistes,  dans  l'église  de  Fribourg  en  Bnsgau  ;  Saint 
Laurent,  à  Kensingen  ;  le  Christ  bénissant  les  enfants, 
à  Yillingen  ;  la  Prédication  de  saint  Gall,  au  musée  de 
Cologne,  etc.  Le  Cabinet  des  estampes  du  grand-duc  à 
Karlsruhe  possède  une  collection  des  compositions  humo- 
ristiques de  W.  Diirr.  F.  Courboin. 

DURRANDE  (Antoine,  dit  Henri),  mathématicien  fran- 
çais, né  à  Marmande  (Lot-et-Garonne)  le  17  nov.  1831. 
Elève  de  l'enseignement  primaire  supérieur,  il  ne  commença 
ses  études  classiques  qu'en  1847,  fut  admis  à  l'Ecole  nor- 
male en  1851  et  fit,  de  1854  à  1869,  des  suppléances  et 
des  cours  dans  plusieurs  lycées  de  province.  Reçu  doc- 
teur en  1864  avec  deux  thèses  sur  les  Propriétés  des 
surfaces  analogues  à  la  surface  des  ondes  et  sur  le  Dé- 
veloppeme7it  de  la  fonction  perturbatrice,  il  obtint,  en 
1871,  la  chaire  de  mathématiques  appliquées  de  la  Faculté 
des'sciences  de  Rennes  et,  en  1877,  celle  de  mécanique  de 
la  Faculté  des  sciences  de  Poitiers.  Il  est  doyen  de  cette 
dernière  depuis  1886.  Géomètre  distingué,!.  Henri  Dur- 
rande  a  publié  depuis  1861  une  dizaine  de  très  intéres- 
sants mémoires  dans  les  Nouvelles  Annales  de  mathé- 
matiques, les  Annales  scientifiques  de  V Ecole  normale 
et  les  Comptes  rendus  de  V  Académie  des  sciences  de 
Paris,  n  a  en  outre  fait  paraître  à  part  :  Cinématique 
(Paris,  1874,  in-4,  autogr.)  ;  Leçons  de  mécanique  expé- 
rimentale (Paris,  1875,  in-4,  autogr.).  On  lui  doit  enfin 
des  notices  biographiques  sur  Deparcieux,  A.  Lallemand  et 
F.  Isambert.  —  Un  de  ses  parents,  Jean-Baptiste  Durrande, 
géomètre  précoce,  mort  en  1825  à  vingt-sept  ans,  fut 
l'élève  et  le  collaborateur  de  Gergonne  et  publia,  dans  les 
Annales  de  ce  dernier,  huit  mémoires  remarquables  de 
géométrie  :  le  premier  est  de  1816.  L.  S. 

BiBL.  -.  V.  la  liste  des  mémoires  précités  dans  le  Cata- 
logue o[  scientific  papers  of  ihe  Roy  sel  Society  ;  Londres, 
1868,  t.  11,  in-4. 

DURRENBERG.  Village  d'Allemagne,  roy.  de  ^Prusse, 
district  de  Mersebourg,  sur  la  Saale;  saline  d'où  l'on 
extrait  250,000  quintaux  par  an. 

DURRHEIM.  Village  d'Allemagne,  grand -duché  de 
Rade,  cercle  de  ViUingen;  salines  importantes  (140,000 
quintaux  par  an). 

DURRIEU  (Antoine-Simon,  baron),  général  français, 
né  à  Grenade  (Landes)  le  20  juil.  1775,  mort  à  Saint- 
Sever  le  7  avr.  1862.  Enrôlé  dans  le  6°  bataillon  de  volon- 
taires des  Landes,  il  fut  élu  capitaine  le  8  janv.  1794,  fit 
avec  ce  grade  toutes  les  campagnes  de  la  République  et 
s'embarqua  pour  l'Egypte  le  17  floréal  an  VL  II  était  à  bord 
de  varient  qui  sauta,  comme  on  le  sait,  à  la  bataille 
d'Aboukir,  et  Durrieu  sauva  sa  vie  par  miracle.  Mais  il  ne 
tarda  pas  à  être  atteint  d'une  ophtalmie  qui  le  rendit  presque 
aveugle  et  le  força  à  donner  sa  démission  (mars  1799)  et 
à  rentrer  en  France.  Quelques  mois  après,  il  put  reprendre 
du  service  avec  son  grade,  fut  aide  de  camp  du  général 
Digonet  aux  armées  d'ItaUe  et  de  Naples,  jusqu'en  1807, 
où  il  obtint  enfin  le  grade  de  chef  de  bataillon,  et  fut  placé 
à  l'état-major  de  l'armée  de  Naples.  En  1809,  le  général 
Lamarque  le  prit  pour  aide  de  camp  et  le  fit  nommer  la  même 
année  adjudant-commandant.  Passé  à  l'état-major  du  4^  corps 
de  la  grande  armée,  en  avr.  1812,  il  fit  la  campagne  de  Russie 
comme  chef  d'état-major  du  général  Desselles.  Le  12  févr. 
1813,  il  fut  appelé  au  commandement  de  la  garnison  de 
Glogau,  et  c'est  pour  sa  brillante  conduite  dans  cette  place 
queVempereur  le  nomma  général  de  brigade  le  3  juin  de  la 
même  année.  Le  10  janv.  1814,  il  fut  fait  prisonnier  dans 
Torgau  par  les  Prussiens  et  ne  rentra  de  captivité  que  le 
l^^^uin.  Louis  XVIII  le  créa  baron  le  17  janv.  1815,  et 


bientôt  après  il  fut  mis  à  la  tête  du  personnel  au  ministère 
de  la  guerre.  Napoléon  le  nomma  à  son  tour  chef  d'état- 
major  du  6®  corps  (Lobau)  et  c'est  en  cette  qualité  que 
Durrieu  assista  à  la  bataille  de  Waterloo.  Chef  d'état-major 
du  marquis  de  Maison  dans  la  campagne  de  Morée,  il  fut 
nommé  général  de  division  le  22  févr.  1829.  Louis-Philippe 
lui  conféra  la  dignité  de  grand  officier  de  la  Légion  d'honneur 
en  1834  et  la  pairie  en  1845.  Durrieu  avait  été  élu  député 
de  Saint-Sever  en  1834  et  admis  dans  le  cadre  de  réserve 
le  9  août  1840. 

DURRIEU  (Jean-Jacques-Pauhn  Offroy),  homme  poli- 
tique français,  né  à  Mauriac  le  19  févr.  1812,  mort  à 
Paris  le  15  juin  1885.  Avocat  à  Mauriac,  il  fut  nommé  en 
1848  sous-commissaire  de  la  République  au  même  siège, 
et  fut  élu  le  23  avr.  représentant  du  Cantal  à  la  Consti- 
tuante. Républicain  décidé,  il  fut  réélu  à  la  Législative  le 
13  mai  1849  et  reprit  ses  occupations  d'avocat  après  le 
coup  d'Etat  du  2  décembre.  Le  8  févr.  1871,  il  fut  élu 
député  du  Cantal  à  l'Assemblée  nationale  où  il  siégea  à 
Textrême  gauche.  H  échoua  aux  élections  législatives  du 
30  janv.  1876,  mais  fut  élu  député  de  Mauriac  le  5  mars 
de  la  même  année,  fit  partie  des  363  et  fut  réélu  avec  eux 
le  14  oct.  1877  et  de  nouveau  le  21  août  1881.  Il  rap- 
porta en  1877  la  proposition  de  loi  Parent,  relative  aux 
officiers  ministériels,  et  présida  en  1881  la  commission  qui 
proposa  l'adoption  des  crédits  de  début  pour  l'expédition 
du  Tonkin. 

DURRIEU  (Xavier),  publiciste  et  homme  politique  fran- 
çais, né  à  Castillon  (Ariège)  le  22  déc.  1814,  mort  à  Rar- 
celone  le  6  févr.  1868.  Collaborateur  du  Siècle  en  1839, 
rédacteur  en  chef  du  Jemps  en  1841,  il  donna  encore  des 
articles  à  la  Revue  de  Paris  et  à  la  Revue  des  Deux 
Mondes.  En  1 848,  il  fondait  avec  Auguste  Blanqui  la  Société 
centrale  républicaine  et  le  23  avr.  il  était  élu  représentant 
de  l'Ariège  à  la  Constituante  où  il  siégea  sur  la  Mon- 
tagne. On  a  de  lui  le  Coup  d'Etat  de  Louis  Bonaparte 
(Londres,  1852,  in-8). 

DURSY  (Emil),  anatomiste  allemand,  né  à  Grunstadt 
(Palatinat)  le  5  avr.  1828,  mort  à  Tubingue  le  16  mars 
1878.  Il  était  professeur  extraordinaire  à  Tubingue.  H  a 
laissé  des  ouvrages  remarquables  sur  Fanatomie  et  l'em- 
bryologie ;  citons  seulement  :  Die  Muskellehre,  etc.  (Tu- 
bingue, 1860,  in-4,  60  pi.)  ;  Anat.  Atlas,  1  Abth. 
(Lahr,  1861,  gr.  in-4,  16  pi.);  Der  Primitifstreif  des 
Hiihnchens  (Lahr,  1867,  3  pi.)  ;  Zur  Entwickelung  des 
Kopjfes,  etc.  (Tubingue,  1869,  in-4,  9  pL),  etc.  D^  L.  Hn. 
dUHTk\l(Du7istalliîim).  Vieux  manoir  ruiné  près 
de  Saint-Rom ain-de-Lerp  (Ardèche),  siège  d'une  ba- 
ronnie  qui  comprenait  les  communes  modernes  de  Saint- 
Romain-de-Lerp  ( Saint-Rom ain-de-F Air  des  listes  offi- 
cielles) et  de  Cornas,  et  partie  de  celles  de  Glun,  de  Châ- 
teaubourg  et  de  Saint-Péray.  L'amiral  de  Coligny  logea 
à  Durtail  quand  il  traversa  le  Vivarais  en  1570.  Le 
château  fut  détruit  dans  les  années  qui  suivirent,  où  les 
guerres  religieuses  firent  tant  de  ruines  dans  cette  pro- 
vince. La  seigneurie  de  Durtail  appartenait,  au  xiv«  siècle, 
à  Arnaud  de  Cristo.  Plus  tard,  elle  passa  aux  barons  de 
Tournon  et  enfin  à  la  famille  de  Coston,  représentée  au- 
jourd'hui par  le  baron  de  Coston,  de  Montélimar,  l'auteur 
de  nombreuses  publications  historiques  sur  le  Dauphiné. 
BiDL.  :  Garnodier,  Recherches  archéologiques  sur 
Saint-Romain-de-Lerp  et  ses  environs  ;  Valence,  1860.  — 
D^  Francus,  Voyage  autour  de  Crussol;  Privas,  1888.^ 

DURTAL.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  Maine-et-Loire, 
arr.  de  Baugé,  sur  le  Loir  ;  3,220  hab.  Stat.  du  chemin  de 
fer  d'Orléans,  ligne  d'Angers  à  La  Flèche.  Fabrique  de  po- 
teries et  de  tuyaux  de  drainage.  Papeterie  au  hameau  de 
Qouy.  —  Cette  localité  doit  son  origine  à  un  château  élevé  au 
xi^  siècle  par  le  comte  d'Anjou,  Geoffroy  Martel.  Ce  châ- 
teau, qui  se  dresse  sur  de  hauts  soubassements  et  domine 
la  ville  et  la  vallée,  est,  dans  son  état  actuel,  une  construc- 
tion des  XV®  et  xvi®  siècles,  aménagée  postérieurement  et 
remaniée  pour  l'installation  d'un  hospice  et  du  pTesbytère. 


DURTAL  —  DURUY 


—  132  — 


11  subsiste  toutefois  deux  superbes  tours  crénelées.  Quelques 
restes  des  anciennes  fortifications  qui  entouraient  la  ville, 
notamment  la  porte  Véron  se  sont  conservés.  L'église 
Notre-Dame  a  été  reconstruite  en  style  gothique  du  xiii®  siècle, 
mais  on  a  conservé  l'ancien  clocher  roman. 

DURTOL.  Corn,  du  dép.  du  Puy-de-Dôme,  arr.  et  cant. 
(N.)  de  Clermont  ;  405  hab.  Roche  branlante  du  Rei 
de  la  Pi/a.  Eglise  gothique  (parties  du  xiv®  siècle).  Château 
de  la  fin  du  xvii^^  siècle.  —  Les  Escot  furent  seigneurs  de 
Durtol  aux  xiii*^  et  xiv®  siècles.  L.  F. 

DU  RU  (Henri-Alfred),  auteur  dramatique  français,  né 
à  Paris  en  1829,  mort  en  1889.  Ami  de  pension  de  Henri 
Chivot  (V.  ce  nom),  il  a  donné  avec  lui  une  foule  de  vau- 
devilles dont  on  trouvera  l'énumération  dans  notre  biogra- 
phie de  Chivot.  Il  a  écrit  en  collaboration  avec  Labiche 
plusieurs  comédies,  entre  autres  :  Doit-on  le  dire? 
Madame  est  trop  belle ^  les  Samedis  de  Madame^  la  Clé; 
avec  Clair  ville,  l'opérette  les  Cent  Ff(?r</^s;  avec  Bu  snach, 
le  Bas  de  Laine;  avec  Cholet,  la  Boîte  à  Bibi;  avec  Ray- 
mond, la  Fille  du  clown;  avec  Chabrillat,/é'5  Mirlitons ^ç^Xc. 
Seul,  il  a  publié  deux  pièces  :  les  Deux  Noces  de  Bois- 
joli  (1872,  in-d2),  vaudeville  en  trois  actes,  et  r Homme 
du  Lapin  Blanc  (1875,  in-12,  comédie-vaudeville  en  trois 
actes. 

DURUFLÉ  (Louis-Robert-Parfait),  poète  français,  né  à 
Elbeuf  le  28  avr.  1742,  mort  près  de  Rouen  en  1793. 
Avocat,  il  devint  historiographe  de  Monsieur,  et  posa  sans 
succès  sa  candidature  à  l'Académie  française  en  1773. 
Outre  sa  collaboration  au  Journal  encyclopédique^  il  a 
donné  :  Servilie  à  Brutus  après  la  mort  de  César,  hé- 
roïde  (Paris,  1767,  in-8)  ;  le  Triomphe  de  VEglise  sur 
l'hérésie^  ode  (1770,  in-8)  ;  le  Siège  de  Marseille  (1774, 
in-8)  ;  Epître  à  un  ami  malheureux  (1773,  in-8)  ;  le 
Messie,  ode  (1776,  in-8)  ;  Sentiments  dun  cœur  péni- 
tent, stances  (1776,  in-8). 

DU  RU 0 F  (Jules),  aéronaute  français  (V.  Dufour). 

DU  RUTTE  (Jean-François,  comte),  général  français,  né  à 
Douai  le  14  juil.  i  767,  mort  à  Ypres  le  1 8  août  1827.  Enrôlé 
volontaire  en  1792,  il  fit  avec  la  plus  grande  distinction 
les  campagnes  de  la  Révolution,  d'abord  à  l'armée  du  Nord, 
puis  à  l'armée  du  Rhin,  devint  général  de  brigade  en  1799, 
général  de  division  en  1803,  et  eût  pu  espérer  une  plus 
haute  fortune  si  son  amitié  pour  Moreau  ne  lui  eût  valu, 
comme  à  beaucoup  d'autres,  la  défaveur  de  Napoléon.  Em- 
ployé obscurément  à  l'intérieur,  Durutte  ne  reparut  devant 
l'ennemi  qu'en  1809,  époque  où,  à  la  tête  d'une  division  de 
l'armée  d'Italie,  il  concourut  puissamment  aux  victoires  de 
Raab  et  de  Wagram.  Ces  brillants  services  ne  lui  valurent 
que  le  titre  de  baron.  Chargé  ensuite  du  gouvernement 
d'Amsterdam,  puis  du  commandement  de  la  32^  division 
militaire,  il  servit  avec  éclat  en  Russie  (1812),  sous  Victor, 
puis  sous  Augereau,  et  en  Allemagne  (1813),  sous  le 
prince  Eugène,  conquit  sur  les  champs  de  bataille  de  Lutzen 
et  de  Bautzen  le  titre  de  comte,  sauva  l'armée  par  sa  fer- 
meté à  Dennevitz  (6  sept.)  et,  après  Leipzig,  alla  défendre 
Metz  qui,  grâce  à  lui,  résista  jusqu'à  la  fin  de  la  guerre 
et  n'ouvrit  pas  ses  portes  à  l'ennemi  (1814).  Assez  bien 
traité  par  Louis  XVIII,  il  ne  crut  pas  devoir  pendant  les 
Cent-Jours  refuser  son  concours  à  Napoléon  contre  l'étran- 
ger, et  il  combattit  vaillamment  à  Waterloo,  oti  il  reçut 
deux  blessures.  Aussi  fut-il  mis  d'office  à  la  retraite  après 
la  seconde  Restauration,  et  le  gouvernement  royal  lui  tint 
rigueur  jusqu'à  sa  mort.  A.  Debidour. 

DURUTTE  ( François-Camille- Antoine ,  comte),  fils  du 
précédent,  compositeur  de  musique  et  théoricien  français, 
né  à  Ypres  (Flandre)  le  15  oct.  1803.  Ancien  élève  de 
l'Ecole  polytechnique,  officier  d'artillerie,  il  donna  sa  dé- 
mission pour  se  consacrer  entièrement  à  la  musique.  Ses 
théories  l'ont  fait  connaître  plus  que  ses  compositions. 
Partant  du  système  de  Barbereau,  son  maître,  sur  la  série 
des  quintes /a,  ut,  sol,  ré,  la,  mi,  si,  genèse  de  la  gamme 
diatonique,  et  de  l'échelle  chromatique  de  Wrouski,  M.  Du- 
rutte s'est  proposé  d'arriver  à  la  loi  génératrice  de  tous 


les  accords,  consonants,  dissonants  et  altérés,  ainsi  qu'à 
la  loi  de  leur  enchaînement,  et  par  suite  à  la  loi  tonale.  II 
prétend  que  tous  les  éléments  diatoniques,  chromatiques, 
enharmoniques,  sont  contenus  dans  sa  progression  des 
quintes  poussée  jusqu'au  trente  et  unième  terme.  L'exposé 
de  cette  doctrine,  pleine  de  vues  hardies,  se  trouve  dans 
un  grand  ouvrage  :  Esthétique  musicale.  Technie  ou 
Lois  générales  du  système  harmonique  (Paris,  1855). 
Ce  traité  a  été  plus  tard  résumé  et  complété  par  l'auteur  : 
Résumé  élémentaii^e  de  la  Technie  harmonique  et  com- 
plément de  cette  Technie,  suivi  de  l'Exposé  de  la  loi 
de  l'Enchaînement  dans  la  mélodie,  dans  l'harmonie 
et  dans  leur  concours  (Paris,  1876).  On  trouvera  dans 
la  Biographie  des  Musiciens,  de  Fétis,  une  longue  réfu- 
tation de  ce  système.  M.  Durutte  a  composé  une  sympho- 
nie, deux  messes,  des  œuvres  de  musique  de  chambre, 
enfin  plusieurs  ouvrages  dramatiques  dont  un  seul,  le  Vio- 
lon de  Crémone  y  a  été  représenté  à  Metz,  le  10  mars  1865. 

DURUY  (Victor),  historien  et  homme  d'Etat  français,  né 
à  Paris  le  11  sept.  1811.  Il  était  d'une  famille  pauvre  et 
obscure  (son  père  était  ouvrier  à  la  manufacture  des  Gobe- 
lins)  qui  le  destina  d'abord  à  une  profession  manuelle.  H 
ne  commença  qu'assez  tard  ses  études  classiques  et  n'en 
fut  pas  moins  admis  dès  l'âge  de  dix-neuf  ans  (1830)  à 
l'Ecole  normale  supérieure.  11  en  sortit  en  1833,  fut  en- 
voyé comme  professeur  d'histoire  au  collège  de  Reims  et 
rappelé  fort  peu  après  à  Paris  où,  durant  plus  d'un  quart 
de  siècle,  il  occupa  avec  distinction  une  chaire  au  collège 
(depuis  lycée)  Henri  IV.  S'inspirant  surtout  de  Michelet,  il 
se  fit  de  bonne  heure  remarquer  par  un  enseignement 
imagé,  vivant  et,  grâce  aux  nombreux  ouvrages  qui  vulga- 
risèrent sa  méthode,  ne  tarda  pas  à  devenir  populaire.  Après 
avoir  collaboré,  comme  anonyme,  à  divers  ouvrages  élé- 
mentaires, il  publia  sous  son  nom,  en  •1838,  sa  Géogra- 
phie politique  de  la  république  et  de  l'empire  romain  ; 
en  4839,  sa  Géographie  historique  du  moyen  âge;  en 
-1841,  son  Atlas  de  la  géographie  universelle  ;  en  1844, 
son  Histoire  des  liomains  et  des  peuples  soumis  à  leur 
domi7iation  (2  vol.  in-8)  ;  en  1845,  ^on  Histoire  sainte 
d'après  la  Bible  _(in-8).  Dès  lors  il  ne  cessa  d'écrire  et,  se 
consacrant  principalement  à  l'éducation  historique  de  la 
jeunesse,  produisit  coup  sur  coup  de  nombreux  ouvrages 
classiques  dont  le  succès  n'est  pas  encore  épuisé  de  nos  jours. 

M.  Duruy,  docteur  es  lettres  depuis  1853,  n'avait  pas 
pour  cela  renoncé  à  l'enseignement  secondaire.  Il  ne  sortit 
du  lycée  Henri  IV  qu'en  1861 ,  pour  exercer  les  fonctions 
d'inspecteur  de  l'académie  de  Paris.  Nommé  un  peu  plus 
tard  maître  de  conférences  à  l'Ecole  normale  supérieure, 
puis  inspecteur  général  de  l'instruction  publique  et  pro- 
fesseur à  l'Ecole  polytechnique  (1862),  il  fut  tout  à  coup, 
le  23  juin  1863,  appelé  au  poste  de  ministre  de  l'instruc- 
tion pubhque  par  Napoléon  III,  qu'il  avait  aidé  personnel- 
lement dans  ses  recherches  sur  la  Vie  de  César  et  dont  il 
avait  rapidement  gagné  la  confiance  et  l'amitié.  Dans  les 
conseils  de  l'Empire,  où  il  demeura  six  années,  M.  Duruy 
représenta  constamment  l'élément  Kbéral,  démocratique  et 
anticlérical,  et  eut  à  lutter  sans  relâche  contre  l'esprit  au- 
toritaire des  hommes  de  1852,  et  surtout  contre  l'exclusi- 
visme jaloux  du  clergé  cathohque.  L'empereur  eut  souvent 
fort  à  faire  pour  le  défendre  contre  son  entourage.  Il  n'y 
a  peut-être  pas  eu  de  ministre  de  l'instruction  publique  plus 
laborieux,  plus  hardi,  moins  effrayé  que  lui  par  les  inno- 
vations. Si  son  œuvre  est  restée  incomplète,  si  son  admi- 
nistration n'a  pas  porté  de  meilleurs  fruits,  ce  n'est  assu- 
rément pas  sa  faute.  Dès  son  entrée  au  gouvernement,  il 
voulut  donner  une  garantie  au  corps  enseignant  des  lycées, 
en  instituant  une  commission  chargée  de  statuer  sur  la  ré- 
vocation des  professeurs.  Dans  le  même  temps,  il  rétablis- 
sait l'agrégation  et  la  classe  de  philosophie,  reculait  d'une 
année  la  bifurcation  scolaire  établie  par  son  prédécesseur 
Fortoul  et  n'hésitait  pas,  malgré  bien  des  clameurs,  à  in- 
troduire dans  les  lycées  et  dans  les  collèges  l'enseignement 
de  l'histoire  contemporaine. 


133 


DURUY  -  DURY 


Peu  après,  on  le  voit  donner  ses  soins  à  la  réorganisa- 
tion de  l'enseignement  professionnel,  mettre  en  vigueur  la 
loi  qui  crée  etrègulaivisQV eîiseignement spécial,  mstiiuer^ 
pour  lui  fournir  des  maîtres,  l'Ecole  normale  de  Cluny, 
réformer  profondément  les  programmes  du  baccalauréat  es 
lettres  et  du  baccalauréat  es  sciences,  diriger  à  l'occasion 
de  l'Exposition  universelle  de  grandes  enquêtes  sur  l'état 
de  l'instruction  publique  en  France  et  à  l'étranger,  encou- 
rager dans  les  principales  villes  de  France  les  cours  libres 
et  les  conférences  publiques,  créeret  soutenir  (4867-1868), 
malgré  les  menaces,  les  injures  et  les  anathèmes  de  l'Eglise, 
un  enseignement  secondaire  laïque,  donné  aux  jeunes  filles 
par  les  professeurs  les  plus  distingués  de  l'Université.  Son 
activité  s'applique  aussi  à  l'enseignement  supérieur  :  il 
réorganise  par  exemple  le  Muséum  d'histoire  naturelle  et 
il  crée  de  toutes  pièces  l'Ecole  des  hautes  études.  Mais  sa 
sollicitude  s'attache  principalement  à  l'instruction  primaire. 
Il  la  voudrait  gratuite  et  obligatoire  ;  il  propose  résolument 
cette  innovation  dans  un  rapport  célèbre  qui  paraît  au  Mo- 
niteur, mais  que  l'empereur,  violenté  par  son  entourage, 
a  bientôt  la  faiblesse  de  désavouer.  Il  obtient  du  moins  le 
vote  de  Futile  loi  du  40  avril  4867  sur  les  écoles  de  ha- 
meau'sur  les  écoles  de  tilles  et  sur  la  gratuité,  C'était  un 
premier  pas  dans  la  voie  oîi  il  voulait  entraîner  son  gou- 
vernement, et  il  espérait  bien  obtenir  plus  tard  pleinement 
gain  de  cause. 

Mais  l'Empire,  vicié  dans  son  principe,  était  atteint  déjà 
d'un  mal  incurable.  Les  élections  de  4869  déterminèrent 
Napoléon  III  à  renouveler  complètement  son  ministère. 
M.  Duruy  dut  résigner  son  portefeuille  (47  juil.  4869) 
et  fut  nommé  sénateur.  La  révolution  du  4  sept.  4870  le 
fit  rentrer  dans  la  vie  privée.  Il  eut  quelques  velléités  d'en 
sortir  et,  resté  fidèle  à  la  cause  de  l'Empire,  se  présenta 
sans  succès,  du  reste,  le  30  janv.  4876,  comme  candidat 
de  l'appel  au  peuple  aux  électeurs  sénatoriaux  du  dép.  de 
Seine-et-Oise.  Ce  fut  sa  dernière  incursion  dans  la  poli- 
tique. Depuis  quinze  ans,  il  ne  paraît  plus  avoir  eu  d'autre 
préoccupation  que  ses  études  historiques,  qu'il  a  reprises 
avec  une  énergie  et  une  ardeur  toutes  juvéniles.  Après 
s'être  fait  connaître  dans  sa  jeunesse  comme  vulgarisateur, 
il  a  voulu,  au  déclin  de  sa  vie,  se  faire  une  place  dans  le 
monde  de  la  science  pure  et  de  l'érudition.  Il  y  a  réussi 
grâce  à  son  Histoire  des  Romains  qui,  entièrement  refon- 
due, est  devenue,  par  suite  des  plus  patientes  recherches,  un 
ouvrage  magistral  et  de  premier  ordre  (Paris,  4879-4885, 
7  vol.  gr.  in-8)  ;  il  en  est  de  même  pour  son  Histoire  des 
Grecs  (4886-1894,  3  vol.  gr.  in-8).  Aussi  ses  travaux 
lui  ont-ils  ouvert,  à  plusieurs  reprises,  les  portes  de  l'Ins- 
titut. Elu  membre  libre  de  l'Académie  des  inscriptions  et 
belles-lettres,  le  14  nov.  4873,  il  est  entré  à  l'ilcadémie 
des  sciences  morales  et  politiques  le  4^^'  févr.  4879.  Enfin, 
le  4  déc.  4884,  l'Académie  française  l'a  admis  dans  ses 
rangs  en  remplacement  de  Mignet. 

Outre  les  travaux  indiqués  au  cours  de  cet  article,  il  faut 
citer  parmi  les  ouvrages  de  M.  Duruy:  Etat  du  monde  ro- 
main vers  la  fondation  de  V Empire  (4853,  in-8)  ;  His- 
toire romaine  (1848,  in-42)  ;  Histoire  grecque  (4854, 
in-42)  ;  Histoire  de  France  (4852,  2  vol.  in-42)  ;  His- 
toire delà  Grèce  ancienne  (4862,  2  vol.  in-8)  ;  Histoire 
moderne  (4863,  in-48)  ;  Histoire  populaire  de  la  France 
(4863,  in-4,  illustrée)  ;  Histoire  populaire  contempo- 
raine (4864,  in-4,  illustrée);  Introduction  générale  à 
rhistoire  de  France  (4865,  in-8).  Il  faut  signaler  aussi 
certains  des  rapports  et  circulaires  publiés  par  M.  Duruy 
pendant  son  ministère.  Rappelons  enfin  que  cet  historien 
dirige  depuis  plus  de  quarante  ans  la  publication,  entre- 
prise par  la  maison  Hachette,  d'une  Histoire  imiver selle 
par  une  société  de  professeurs  et  de  savants.     A.  D. 

DURUY  (Albert),  pubhciste  français,  fils  du  précédent, 
né  à  Paris  le  3  janv.  4  844,  mort  à  Villeneuve-Saint- 
Georges  le  42  août  4887.  Elève  de  l'Ecole  normale  dès 
l'âge  de  dix-neuf  ans,  il  fut  attaché  presque  aussitôt  au 
cabinet  de  son  père.  Collaborateur  du  Peuple  français 


(4869),  sous  le  pseudonyme  ^'Albert  Villeneuve,  et  delà 
Liberté,  sous  son  véritable  nom,  il  s'engagea,  lors  de  la 
guerre  de  4870,  dans  le  3°  régiment  de  tirailleurs  algé- 
riens, reçut  la  médaille  militaire  pour  sa  brillante  conduite 
à  Reischoffen  et  à  Gravelotte  et  partagea  la  captivité  de 
ses  compagnons  d'armes  à  Bonn,  puis  à  Mayence  et  à 
Ehrenbreitstein.  Rendu  à  la  vie  civile  par  la  paix  de  Franc- 
fort, il  collabora  aux  journaux  bonapartistes,  publia  une 
brochure  qui  fit  quelque  bruit  :  Comment  les  Empires 
reviennent  (4875,  in-8),  et  fonda  la  Nation  (4876)  qui 
ne  tarda  pas  à  fusionner  avec  V Ordre.  A  la  mort  du  prince 
impérial,  il  renonça  aux  luttes  politiques  et  se  consacra 
aux  études  historiques.  V Instruction  publique  et  la  Re» 
volution  (4882,  in-8)  est,  en  dépit  des  protestations  d'in- 
partialité  de  l'auteur,  un  réquisitoire  contre  les  institutions 
mêmes  décrétées  par  la  Constituante  et  la  Convention. 
Albert  Duruy  avait  entrepris  sur  l'histoire  militaire  de  la 
même  époque  un  grand  ouvrage  dont  quelques  fragments 
ont  paru  dans  la  Revue  des  Deux  Mondes,  et  auquel  il 
avait  préludé  par  une  biographie  populaire  de  Hoche  et 
Marceau  (4885,  in-42),  mais  la  mort  ne  lui  permit  d'a- 
chever que  la  première  partie  de  cet  ensemble,  l'Armée 
royale  en  1189  (4888,  in-42),  livre  posthume,  précédé 
d'une  touchante  notice  de  M.  Georges  Duruy  (V.  ci-après) 
qui  a  été  tirée  à  part.  D'autres  épisodes  ont  paru  sous  le  titre 
d'Etudes  d'histoire  militaire  sur  la  Révolution  et 
l'Empire  (4888,  in-42).  M.  Tx. 

DURUY  (Georges),  frère  du  précédent,  né  à  Paris  en 
4853.  Elève  de  l'Ecole  normale  et  membre  de  l'Ecole 
française  de  Rome,  il  fut  d'abord  professeur  d'histoire  au 
lycée  d'Alger,  puis  au  lycée  Henri  IV  à  Paris.  Outre  un 
certain  nombre  de  livres  élémentaires  :  Histoire  som- 
maire de  la  France  (4880-4884,  2  vol.  in-42)  ;  Histoire 
de  Turenne  (4880,  in-42).  Pour  la  France,  Patrio- 
tisme, Esprit  militaire  (4884,  in-I2),  il  a  publié  une 
thèse  de  doctorat  couronnée  par  l'Académie  française:  le 
Cardinal  Carlo  Car  a  fa,  étude  sur  le  pontificat  de 
Paul  IV  (4883,  in-8),  et  plusieurs  romans  très  remarqués: 
Andrée  (4884,  in-42);  le  Garde  du  corps  (1885, in-42); 
rUnisson  (1887,  in-42);  Victoire  d'âme  (4888,  in-12), 
recueil  de  nouvelles;  Fin  de  rêve  (4889,  in-42),  roman 
politique  qui  a  fait  du  bruit  ;  enfin  une  pièce  non  représentée  : 
Ni  Dieu  ni  Maître  (4890,  in-48),  et  une  notice  sur  son 
frère  Albert  (V.  ci-dessus).  Allié  par  son  mariage  aux 
familles  Jubinal  et  de  Saint-Albin ,  M.  Georges  Duruy  se 
propose,  dit-on,  de  publier  les  Mémoires  inédits  de  Barras 
dont  il  a  en  main  les  manuscrits  originaux.        M.  Tx. 

DURVILLEA  (Bot.).  Algues  de  l'ordre  des  Phéophycées, 
famille  des  Fucacées  et  tribu  des  Myriodesmées,  dioïques, 
conceptacles  répartis  uniformément  sur  toute  la  surface  du 
thalle  qui  est  homogène,  comprimé,  plan  ;  à  spores  en- 
tourées d'une  couche  mucilagineuse  souvent  abondante  et 
naissante  d'un  périspore  hyalin,  pariétal,  de  forme  ovoïde. 
Deux  espèces  :  D.  utilis  et  D.  Harveyi.  Habitat  :  mers 
australes  de  préférence.  H.  F. 

DURY. Com.  du  dép.  de  FAisne,  arr.  de  Saint-Quentin, 
cant.  de  Saint-Simon;  374  hab. 

DURY.  Com.  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  d'Arras, 
cant.  de  Vitry  ;  504  hab. 

DURY  {Duriacum),  Com.  du  dép.  de  la  Somme,  arr. 
d'Amiens,  cant.  de  Boves,  dans  une  plaine  ;  669  hab. 
Hospice  départemental  d'aliénés.  Un  combat  v  eut  lieu  le 
27  nov.  4870. 

DURY  ou  DU  RIE  (John),  Durœus,  théologien,  né  à 
Edimbourg  en  4595  ou  4596,  mort  à  Cassel  en  4680.  Son 
père,  pasteur  presbytérien,  banni  avec  d'autres  pasteurs 
pour  résistance  à  la  politique  ecclésiastique  du  roi  Jacques, 
avait  du  se  retirer  à  Leyde.  Après  avoir  achevé  ses  études 
à  Oxford,  Dury  commença  à  l'étranger  l'exercice  de  son 
ministère.  En  4625,  il  était  pasteur  des  réfugiés  anglais  à 
Elbing,  alors  sous  la  domination  des  Suédois.  C'est  là  vrai- 
semblablement qu'il  conçut  le  projet  de  réunir  en  un  seul 
corps  les  diverses  fractions  de  l'Eglise  protestante.  Rentre 


DURY  -  DUSAULX 


134  — 


en  Angleterre,  il  se  rallia  à  l'Eglise  épiscopale  et  lut  en- 
couragé à  poursuivre  la  réalisation  de  son  projet  par  Abbot, 
archevêque  de  Canterbury  (V.  Abbot),  Bidell,  évêque  de 
Kilmore,  et  Hall,  évêque  d'Exeter.  Dès  1634,  il  se  mit  a 
l'œuvre,  et  après  avoir  assisté  à  l'assemblée  de  Francfort, 
il  entra  en  négociations  avec  les  théologiens  de  Hollande, 
de  Suisse,  de  France,  de  Suède  et  de  Danemark,  les  univer- 
sités d'Allemagne  et  les  églises  de  Transylvanie.  Pendant  la 
révolution  d'Angleterre,  il  retournaà  l'Eglise  presbytérienne, 
et  il  entreprit,  sous  le  patronage  de  Cromwell,  un  nouveau 
voyage  sur  le  continent  (1654-1657).  Après  la  mort  du 
Protecteur,  il  quitta  définitivement  l'Angleterre  et  se  hxa 
à  Cassel,  oîi  il  trouva  une  généreuse  assistance.  En  Ibbi, 
il  alla  à  Metz  conférer  avec  le  pasteur  Ferry,  qui  parta- 
geait ses  vues.  L'insuccès  de  ses  longs  efforts  auprès  des 
protestants  ne  paraît  point  l'avoir  découragé.  Vers  la  hn 
de  sa  vie,  il  crut  avoir  trouvé  dans  l'Apocalypse  le  moyen, 
non  seulement  de  les  rassembler  tous  dans  une  même  Eglise, 
mais  de  leur  adjoindre  les  catholiques.  En  conséquence,  il 
publia  en  français  et  dédia  à  la  princesse  Sophie,  régente 
de  l'électorat  de  Hesse,  une  Manière  cV expliquer  l  Apo- 
calypse, par  lui-même,  comme  il  convient  d'expliquer 
toute  l'Ecriture,  pour  en  avoir  Vintelligence  (Franc- 
fort, 1674).  —  Toutes  les  œuvres  de  Dury  se  rapportent 
à  l'espérance  qui  illumina  toute  sa  vie  :  Aliquot  theolo- 
gorum  Galliœ  et  trium  Ecclesice  Anglicanœ  episcopo- 
rum  Sententiœ  de  pacis  rationibus  inter  Evangelicos 
usurpandis  (Oxford,  1634);  Hypomnemata  de  studio 
pacis  ecclesiasticœ    (Amsterdam,   1636);   Consultatio 
theologica  super  negotia  pacis  ecclesiasticœ  (Londres, 
1641,  in-4);  A  Summary  Discorse  concerning  the 
tvorck  ofpeace  ecclesiastical  (Cambridge,  1641,  in-4); 
Pétition  to  the  House  of  Gommons  for  the  préservation 
of  the  true  religion  (Londres,  164"^)  ;  Irenicorum  Trac- 
tatuum  prodromus  (Amsterdam,  1660).     E.-H.  Yollet. 
BiBL.:  Bayle,  Dictionnaire  historique,  art.  Dureus.  — 
Chalmers,   General   biographical  Dictionary;  Londres, 
1812-1817,  32  vol.  in-8.  -  Henke,  art.  Duraus,  dans  la  Real 
Encyclopadie  de  Herzog;  Stuttgart  et  Hambourg,  1854- 
1868,  22  vol.  in-8.  ^.  ,,-,..         /c    * 

DU  RYER  (André),  orientaliste,  ne  a  Marcigny  (Saone- 
et-Loire)  vers  1580,  mort  vers  1660.  Il  fut  consul  géné- 
ral de  France  en  Egvpte.  Il  a  laissé,  en  latm,  des  Rudi- 
menta  grammaticis  linguœ  turcicœ  (Pans,  1630, 
1633,  in-4),  et  des  traductions  françaises  du  Gulistan  de 
Saadi  (Paris,  1634,  in-8)  et  du  Coran  (Paris,  1647,  in-4). 
On  a  encore  de  lui  un  Dictionnaire  turc-latin,  manuscrit 
à  la  Bibliothèque  nationale  de  Paris. 

DU  RYER  (Isaac),  poète  français,  né  dans  la  deuxième 
partie  du  xvi^  siècle,  mort  vers  1631 .  Il  pubha  des  pastorales 
et  autres  pièces  dans  le  goût  du  temps. 

DU  RYER  (Pierre),  poète  français,  fils  du  précédent,  ne 
à  Paris  en  1606,  mort  à  Paris  le  6  nov.  1658.  Il  a  laissé  de 
nombreuses  pièces  de  vers  qu'il  composait  pour  les  hbraires 
dans  un  but  purement  mercantile  et  qui  n'ont  aucune  valeur. 
Par  contre,  il  écrivit  dix-sept  tragédies  dont  plusieurs,  et 
surtout  Alcyonée  (1639)  et  Scevola  (1647),  eurent  beau- 
coup de  succès,  ainsi  que  la  comédie  les  Vendanges ^  de 
Suresnes  (1636);  nous  croyons  inutile  de  donner  ici  le 
titre  de  ses  autres  pièces.  Pierre  Du  Ryer  a  donné,  en  outre, 
un  grand  nombre  de  traductions  qui,  faites  pour  la  plupart 
sans  soin  et  pour  gagner  le  pain  quotidien,  n'ont  aucun 
mérite.  La  moins  mauvaise  est  celle  de  Cicéron  (1652, 
10  vol.  in-4  2);  quant  à  celles  qu'il  laissa  de  Sénèque 
(1667),  d'Hérodote  (1645),  de  Tite-Live  (1659),  d'Ovide 
(1660),  etc.,  il  vaut  mieux  n'en  pas  parler.      C.  St-A. 

BiBL.  :  Frères  Parfaigt,  Histoire  du  Théâtre  français, 
t.  IV,  VI,  VII.  —  Baillet,  Jugement  des  savants,  I .  — 
NiCERON,  Mémoires,  XXII. 

DUSART  (Corneille),  peintre  et  graveur  à  1  eau-torte, 
au  burin  et  à  la  manière  noire,  né  à  Haarlem  le  24  avr. 
1665,  mon  le  1^^  oct.  1704.  Il  était  élève  d'Adrien 
Van  Ostade  et  a  gravé,  en  alourdissant  un  peu  la  manière 
de  son  maître,  toute  une  série  de  sujets  de  mœurs  ;  parmi 
les  pièces  les  plus  importantes  de  son  œuvre,  entièrement 


décrit  par  Bartsch,  on  peut  citer  :  la  Fête  de  village,  les 
Chanteurs,  le  Chirurgien,  la  Ventouse,  le  Cordonnier 
renommé,  les  Douze  Mois  et  une  suite  intitulée  la  Joie 
publique  à  l'occasion  de  la  prise  deNamur.  Ses  tableaux 
sont  rares  et  recherchés.  On  en  trouve  aux  musées  d'Ams- 
terdam, de  Dresde,  de  Vienne,  etc.  J.  Gole  a  gravé,  à  la 
manière  noire,  d'après  Corneille  Dusart,  les  sujets  de  genre 
aussi  bien  exécutes  que  les  pièces  originales  de  l'artiste. 
BiBL.  :  Bartsch,  le  Peintre-Graveur,  t.  V,  p.  486. 
DUSAULCHOY  de  Bergemont  (Joseph-François-Nicolas), 
littérateur  français,  né  à  Tout  le  21  févr.  1761,  mort  le 
25  juil.  1835.  Après  avoir  rédigé  en  Hollande  la  Gazette 
d'Amsterdam,  il  revint  à  Paris  où  il  trouva  une  place 
dans  les  bureaux  de  la  guerre.    Mais  journahste  dans 
l'âme,  il  collabora  au  Courrier  national,  fonda  le  Répu- 
blicain, fournit  des  articles  aux  Révolutions  de  France 
et  de  Brabant  qu'il  continua  sous  le  titre  de  la  Semaine 
politique  et  littéraire.  Poursuivi  à  diverses  reprises  pour 
faits  de  presse,  il  fut  emprisonné  sous  la  Terreur.  Déhvre 
au  9  thermidor,  il  fonda  en  1795  le  Batave,  eut  de  nou- 
veaux démêlés  avec  le  gouvernement  à  propos  d'un  pam- 
phlet assez  vif  :  Donnez-nous  nos  myriagrammes  et 
foutez  le  camp  (Paris,  1796,  in-8),  et  finalement  entra 
dans  les  bureaux  de  la  pohce  (surveillance  des  journaux). 
Destitué  en  1802  pour  s'être  montré  trop  tolérant  envers 
la  presse, il  participa  à  la  fondation  dn  Journal  des  Arts, 
des  Sciences  et  de  la  Littérature,  collabora  au  Courrier 
de  l'Europe  et  au  Journal  de  Paris  et  rentra  tout  à  fait 
dans  la  vie  privée  en  1815.  On  a  de  cet  auteur  fécond  : 
Etrennes  aux  uns  et  aux  autres  (Paris,  1789,  in-8); 
Almanach  dupeuple  (1792,in-18);  Mon  Agonie  à  Saint- 
Lazare  sous  la  tyrannie  de  Robespierre  (il9^,'m-^); 
le  Triomphe  des  armées  françaises  (1801,  in-8);_ifis- 
toire  du  couronnement  de  Napoléon  P^  (1805,  iQ-8); 
le  Rappel  des  Dieux  (1811,  in-8);  le  Censeur  (1817, 
2  vol.  in-12);  les  Soirées  de  famille  (1817,  3  vol.  in-12), 
en  collaboration  avec  Charrin;  la  Romance  et  le  Portrait 
ou  la  Fausse  Soubrette,  comédie  (Paris,  1817,  in-8); 
Mosaïque  historique,  politique  et  littéraire  (1818,2  vol. 
in-'12);  Mahomet  II  ou  les  Captifs  vénitiens  (1820, 
in-18),  mélodrame  joué  à  la  Porte-Saint-Martin;  le  Pro- 
tégé de  tout  le  monde  (1822,  in-8),  comédie;  les  Nuits 
poétiques  (1825,  in-18),  etc.,  etc. 

DUSAULX  (Jean- Joseph),  littérateur  ethomme  pohtique 
français,  né  à  Chartres  le  28  déc.  1728,  moit  à  Paris  le 
31  mars  1799.  Avocat,  puis  commissaire  de  la  gendar- 
merie à  Nancy,  il  fut  protégé  par  le  roi  Stanislas  qui  le  fit 
admettre  dans  son  Académie  et  présida  lui-même  la  séance 
de  réception.  Dusaulx  suivit  son  corps  en  Allemagne,  à 
Cassel,  puis  vendit  sa  charge,  revint  à  Paris  et  se  consacra 
aux  lettres.  Il  était  joueur,  réussit  à  se  corriger  de  sa  pas- 
sion et  publia  en  1775  des  Lettres  et  réflexions  sur  la 
fureur  du  jeu  qui  amenèrent  la  fermeture  des  maisons  de 
jeu  de  Paris  et  lui  valurent  la  place  de  secrétaire  du  duc 
d'Orléans.  Il  fut  nommé,  en  1776,  à  l'Académie  des  inscrip- 
tions et  belles-lettres.  Il  connut  Piron,  Voltaire  et  Jean- 
Jacques  Rousseau  (V.  son  ouvrage,  De  mes  Rapports  avec 
J.-J.  Rousseau  et  de  notre  correspondance  active  ;  Paris, 
1798,  in-8).  Il  fit  quelques  voyages  et  pubha  en  1796  le 
récit  de  ses  excursions  dans  les  Pyrénées.  Un  des  électeurs 
de  Paris  en  1789  (il  fit  aussi  partie  des  assemblées  élec- 
torales de  1790,  de  1791  et  de  1792),  Dusaulx  participa 
aux  événements  du  14  juil.,  qu'il  raconta  dans  un  ouvrage 
célèbre  et  souvent  réimprimé  :  De  llnsurrection  pari- 
sienne et  de  la  prise  de  la  Bastille,  discours  historique 
prononcé  par  extrait  dans  l'Assemblée   nationale   (Paris, 
1790,  in-8).  C'est  dans  la  séance  du  10  tévr.  1790  qu'il 
avait  prononcé  ce  discours  historique,  au  nom  de  la  Com- 
mune de  Paris  et  du  comité  de  la  Bastille.  En  l'imprimant, 
il  plaça  en  tète  une  introduction  ou  récit  préalable  intitulé 
rOEuvre  des  sept  jours.  Député  suppléant  de  Paris  à  la 
Législative,  il  y  siégea  à  partir  du  6  juin  1792  et  fut  un 
des   commissaires  envoyés  par  l'Assemblée  pour  tâcher 


435  - 


DCfSAULX  —  DU  SEIGNEUR 


d'arrêter  les  massacres  de  septembre.  Elu  par  Paris  à  la 
Convention,  il  y  siégea  parmi  les  modérés,  et,  dans  le  pro- 
cès de  Louis  XVI,  vota  pour  la  détention.  Ami  des  giron- 
dins, il  fut  inscrit  sur  la  liste  de  proscription  du  2  juin  ; 
mais  Marat  Ten  fit  rayer  comme  radoteur  et  inoff(3nsif. 
Toutefois,  ayant  protesté,  il  fut  décrété  d'arrestation  et  ne 
rentra  à  la  Convention  que  le  18  frimaire  an  III.  Membre 
du  conseil  des  Anciens,  dont  il  devint  président,  il  fut  au 
nombre  des  proscrits  de  fructidor,  mais  on  ne  le  déporta 
pas  et  il  devint  bibliothécaire  à  l'Arsenal.  Il  était  membre 
de  l'Institut  depuis  la  création,  pour  la  classe  de  littérature 
et  beaux-arts,  section  des  langues  anciennes.  —  Sa  veuve 
imprima  d'insignifiants  Mémoires  sur  la  vie  de  J.  Dusaulx 
(Paris,  an  IX,  in-8  de  447  p.).  F.-A.  A. 

DUSAUSOIR  (Jean-François),  poète  français,  né  à  Paris  le 
30  janv.  4737,  mort  à  Paris  le  4«^  janv.  4823.  Membre  de 
V Athénée  des  Arts,  collaborateur  zélé  de  VAlmanach  des 
Muses  et  ûa  Nouvel  A  Imanach  des  Muses,  il  a  donné  un  cer- 
tain nombre  de  poésies  légères  et  de  pièces  de  circonstance 
sans  grande  saveur  et  sans  importance.  Nous  citerons  :  le 
Bois  de  Boulogne  (Paris,  an  VIII,  in-8);  Epître  aux  dé- 
tracteurs des  femmes  (4799,  in-42)  ;  Lettres  amoureuses 
d'Emilie  et  de  Sainval  (4802,  in-42);  Olympie  à  Byrène 
(4844,  in-8);  Parallèle  de  Sylla  et  de  Bonaparte  (s.  d., 
in-8);  Poème  sur  le  luxe  (4848,  in-8);  le  Sérail  de 
7Mdir  (4844,  in-8);  le  Sultan  indécis  (4794,  in-8), etc. 
DU  se  H  (Johann-Jakob),  écrivain  allemand,  né  à  Celle 
le  42  févr.  4725,  mort  à  Altona  le  48  déc.  4787.  Ses 
poésies  didactiques  sont  médiocres,  médiocres  aussi  ses 
poèmes  héroï-comiques  imités  de  Pope  qu'il  a  traduit 
(Altona,  4758-4763,  5  vol.);  on  apprécie  plus  ses  Mora- 
iischen  Briefe  (Leipzig,  1759,  2  vol.)  et  ses  Briefe  zur 
Bildimg  der  Geschmacks  (Leipzig,  4764-4773).  Citons 
aussi  ses  romans  :  Gesch,  Karls  Ferdiners  (Breslau, 
4776-4780,  3  vol.);  Die  Pupille  (Altona,  4798).  • 

DU  se  H  (Alexander  von),  homme  d'Etat  allemand,  né  à 
Neustadt-an-der-Haardt  le  27  janv.  4789,  mort  à  Heidel- 
berg  le  27  oct.  4876.  Il  entra  dans  l'administration  ba- 
doise,  représenta  le  grand-duché  à  Berne  et  Munich  (4834), 
à  la  diète  de  Francfort  (4838),  en  Belgique  (4840),  devint 
ministre  des  affaires  étrangères  en  4843  ;  il  se  retira  en 
4849.  Ses  opinions  étaient  libérales.  Il  a  écrit  :  Zur  P an- 
thologie der  Bevolutionen  (4852);  Bas  Beich  Gottes 
und  Staat  und  Kirche  (4854). 

DUSCHEK  (François),  homme  d'Etat  hongrois,  né  à 
Radowesnic,  près  de  Bilin  (Bohême),  le  28  août  4797,  mort 
à  Csornkovvecz  le  47  oct.  4873.  Il  était  vice-président  de 
la  chambre  des  finances  au  moment  de  la  révolution  de 
4849;  Kossuth  le  décida  à  prendre  le  sous-secrétariat  des 
finances  du  gouvernement  révolutionnaire.  Il  se  retira  avec 
lui  à  Debreczin,  devint  ministre  des  finances  dans  le  ca- 
binet Szemere,  se  retira  à  Szeged  en  juil.  4849  et,  après  la 
capitulation  de  Vilagos,  remit  sa  caisse  au  commandant 
autrichien. 

DUSE-Checchi  (Eleonora),  actrice  italienne,  née  à  Vige- 
vano  le  3  oct.  4859.  Elle  aborda  dès  l'enfance  la  carrière 
du  théâtre,  mais  ce  n'est  qu'à  l'âge  de  vingt-deux  ans  en- 
viron qu'elle  commença  à  s'y  faire  remarquer,  dans  l'em- 
ploi des  jeunes  premières,  puis  dans  celui  des  premiers 
rôles.  Sa  réputation  grandit  alors  rapidement,  et,  depuis, 
elle  est  devenue  l'actrice  la  plus  renommée  de  son  pays, 
où  on  l'appelle  volontiers  la  Sarah  Bernhardt  italienne, 
bien  qu'il  y  ait  peu  d'analogie  entre  le  talent  des  deux  ar- 
tistes. M'^^  Duse  est  une  comédienne  de  sentiment,  d'im- 
pression, plus  que  d'étude  et  de  profondeur  ;  mais  c'est 
une  comédienne  très  émouvante,  parce  qu'elle  est  très 
émue,  et  qui,  en  dépit  de  sa  petite  taille  et  de  son  physique 
un  peu  grêle,  rend  avec  une  rare  puissance  les  élans  de  la 
passion  la  plus  intense.  A  part  une  ou  deux  comédies  de 
Goldoni,  telles  que  Pamela  et  La  Locadiera ,  une  comé- 
die de  M.  Praga,  La  Moglie  idéale,  à  part  un  drame  du 
grand  écrivain  espagnol  Echegaray,  //  Gran  Galeotto^  le 
répertoire  de  M^^  Duse  se  compose  presque  uniquement  de 


pièces  françaises  modernes,  et  principalement  de  celles  de 
MM.  Alexandre  Dumas  fils  et  Sardou.  C'est  ainsi  qu'elle 
a  remporté  ses  plus  grands  succès  dans  la  Dame  aux 
camélias,  Denise,  Francillon,  Odette,  la  Femme  de 
Claude,  la  Priîicesse  de  Bagdad,  Fernande,  Fédora, 
Cléopâtre,  Divorçons,  etc.  Ses  triomphes  éclatants 
ne  se  sont  pas  bornés  à  son  seul  pays,  elle  ne  s'est  pas 
fait  applaudir  seulement  à  Rome,  à  Turin,  à  Milan,  à 
Naples  et  dans  toute  l'Italie  ;  elle  a  fait  aussi  de  brillants  et 
fructueux  voyages  à  l'étranger  et  s'est  fait  acclamer  tour  à 
tour  en  Espagne,  en  Egypte,  en  Russie,  aux  Etats-Unis  et 
dans  l'Amérique  du  Sud,  exerçant  partout  une  sorte  de  fas- 
cination, grâce  à  un  jeu  tout  ensemble  plein  de  charme, 
de  passion  et  parfois  de  grandeur.  M^^®  Duse  a  épousé  un 
comédien  nommé  Tebaldo  Checchi,  son  compatriote,  qui 
est  devenu,  il  y  a  quelques  années,  l'un  des  fonctionnaires 
supérieurs  du  ministère  des  affaires  étrangères  à  Buenos 
Aires,  d'où  il  a  envoyé  à  divers  journaux  italiens  des  cor- 
respondances intéressantes.  Arthur  Pougin. 

DU  SEIGNEUR  (Jean-Bernard) ,  sculpteur  français,  né  à 
Paris  le  23  juin  4808,  mort  à  Paris  le  6  mars  4866.  Cet  ar- 
tiste, qui  figura  au  premier  rang  dans  la  pléiade  romantique 
de  4830,  eut  pour  professeurs "Bosio,  Dupaty  et  Cortot.  Il 
ne  tarda  pas  à  secouer  la  tradition  académique,  et  le  Boland 
furieux  qu'il  exposa  au  Salon  de  4834  produisit  une  im- 
pression comparable  à  celle  de  la  préface  de  Cromwell  en 
littérature.  Cette  œuvre  puissante,  aussi  hardie  dans  sa 
conception  que  savante  d'exécution,  fut  coulée  en  bronze, 
bien  des  années  après,  et  figura  ainsi  au  Salon  de  4867; 
elle  orne  aujourd'hui  le  jardin  du  Luxembourg.  A  la  même 
époque,  il  modela  les  médaillons  ou  les  bustes  des  princi- 
paux littérateurs  de  la  nouvelle  génération  :    Victor  Hugo 
(S.  4833);  Pétrus  Borel,  Gérard  de  Nerval,  Théophile 
Gautier,  le  Bibliophile  Jacob,  etc.  Au  Salon  de  4833, 
il  envoya  aussi  un  groupe  inspiré  par  Notre-Dame  de 
Paris  de  V.  Hugo,  Une  Larme  pour  une  goutte  d'eau; 
et  à  celui  de  4834,  un  groupe  colossal,    l'Archange 
saint  Michel  vainqueur  de  Satan.  Les  trois  groupes  que 
nous  venons  de  citer,  pleins  de  jeunesse,  d'enthousiasme 
et  de  talent,  bien  dignes  de  cette  renaissance  moderne 
dont  le  mouvement  romantique  est  le  point  initial,  fon- 
dèrent la  réputation  de  Jean  Du  Seigneur  et  lui  assurent 
toujours,  malgré  les  changements  d'orientation  esthétique 
fréquents  de  notre  époque,  une  place  distinguée  dans  l'his- 
toire de  la  sculpture  française.  Ces  succès   valurent  à 
l'artiste  de  nombreux  travaux  ;   voici  les  principaux  qu'il 
exposa  :  Saint  Augustin,  statue  (S.  4835);  DagobertL^^ 
statue  (S.  4836;  à  Versailles);  divers  bustes  de  person- 
nages historiques  et  deux  bas-reliefs  :  la  Mort  de  Desaix 
Qi  le  Passage  du  mont  Saint-Bernard  (S.  4839;  égale- 
ment pour  Versailles)  ;  Sainte  Agnès,  statue  (à  l'église  de 
la  Madeleine);  un  buste  de  Louis-Philippe  (S.  4840)  ; 
Saint  Pierre,  statue  (S.  I84I;  éghse  N.-D.  des  Victoires). 
A  partir  de  4842,  l'art  religieux  absorba  presque  exclusive- 
ment Jean  Du  Seigneur;  pendant  six  années  il  travailla  aux 
bas-reliefs  de  la  chapelle  N.-D.  de  Bon-Secours,  près  de 
Rouen,   et  exécuta  entre  temps  une  quantité  d'ouvrages 
pour  différentes  églises  dans  ce  genre  mystique  dont  Over- 
beck  venait  de  se  faire  le  rénovateur  en  peinture,  et  qui 
tenait  encore  au  romantisme  par  le  retour  des  formules 
artistiques  du  moyen  âge.  En  4856,  il  commença  pour 
l'église  de  Saint-Roch,  à  Paris,  le  grand  Crucifiement  qui 
restera  une  de  ses  œuvres  les  plus  importantes  dans  la 
statuaire  religieuse;  terminée  en  4862,  cette  composition 
présente  huit  figures  plus  grandes  que  nature,  en  ronde 
bosse,  groupées  d'une  manière  dramatique  et  expressive, 
dans  le  genre  de  celles  qui  illustrent  certains  grands  Cal- 
vaires bretons,  ou  l'abbaye  de  Solesmes  en  Touraine.  Cet 
artiste  infatigable  qui  mourut,  on  peut  le  dire,  le  ciseau  à  la 
main,  est  aussi  Fauteur  de  nombreux  écrits  spéciaux,  parmi 
lesquels  on  peut  citer  :  V Histoire  de  la  sculpture  depuis  le 
iv^  siècle,  publiée  dans  le  Moyen  âge  et  la  Benaissance, 
du  bibliophile  Jacob  ;  les  Observations  pour  servir  de  cam* 


DU  SEIGNEUR  -  DUSSAULT 


—  186 


plément  a  V Histoire  de  la  sculpture  française  d'Emeric 
David;  une  Notice  sur  Coysevox,  et  de  très  nombreux 
matériaux  recueillis  pour  une  Histoire  des  sculpteurs, 
destinée  à  faire  suite  à  ['Histoire  des  peintres  de  Ch.  Blanc, 
ouvrage  que  la  mort  l'empêcha  d'écrire.  Ad.  T. 

BiBL.  :  Le  Bibliophile  Jacob  et  Marsusi  de  Aguirre, 
Jean  Du  Seigneur,  statuaire,  notice  extraite  de  la  Remie 
universelle  des  arts;  Paris,  1866,  in-8. 

DU  SEIGNEUR  (Maurice),  littérateur  et  architecte  con- 
temporain, fils  du  précédent,  né  à  Paris  le  29  juil.  1845. 
Après  avoir  débuté  par  l'étude  et  la  pratique  de  l'architec- 
ture (il  a  élevé  entre  autres  le  monument  de  la  Comtesse 
Dash  au  cimetière  Montmartre) ,  M,  Du  Seigneur  se  consacra 
bientôt  plus  spécialement  à  la  littérature  et  principalement 
à  l'histoire  de  l'art,  à  la  critique  d'art  et  à  l'histoire  du 
vieux  Paris.  Ses  principales  publications  sont  Marcelle, 
poème  parisien  (Paris,  1877);  F  Art  et  les  Artistes  au 
Salon  de  1880,  avec  une  introduction  sur  les  Salons  depuis 
leur  origine  (Paris,  1880  ;  publications  analogues  pour  les 
Salons  de  1881  et  de  1882)  ;  le  Salon  de  Paris  illustré  de 
i885  (Paris,  1885)  ;  Liste  des  principaux  Monuments 
de  Paris,  avec  l'historique  de  leur  construction,  les  noms 
de  leurs  architectes  et  les  dates  auxquelles  ils  ont  été  cons- 
truits (1888),  rédigée  pour  le  Comité  municipal  des  ins- 
criptions parisiennes;  Paris,  voici  Paris!  (Paris,  1889). 
M.  Du  Seigneur  a  collaboré  à  un  grand  nombre  de  jour- 
naux et  revues,  entre  autres  à  la  Vie  littéraire,  au  Livre, 
à  V Artiste,  à  l'Indépendance  belge  (où  il  a  publié  les 
Salons  de  1883  et  1884),  au  Journal  des  Arts,  à  la 
Construction  moderne,  à  l'Encyclopédie  de  l'Arctii- 
tecture  et  de  la  Construction  et  à  la  Grande  Encyclo- 
pédie. Il  s'est  consacré  très  activement  aux  travaux  de 
découverte  et  de  conservation  des  Arènes  de  Lutèce. 

D  U  S  E  V  E  L  (  François  -  Hyacinthe  -  Guy  ) ,  archéologue 
français,  né  à  Doullens  le  12  sept.  1796,  mort  à  Senar- 
pont  le  5  avr.  1881.  Avoué  à  la  cour  d'appel  d'Amiens, 
un  des  fondateurs  de  la  Société  des  antiquaires  de  Picar- 
die, inspecteur  des  monuments  historiques  du  dép.  de  la 
Somme,  membre  du  Comité  des  travaux  historiques,  érudit 
et  historien  picard,  il  a  laissé  de  nombreux  ouvrages  sur 
l'histoire  de  la  Picardie,  dont  nous  ne  pouvons  énumérer 
ici  que  les  plus  importants  :  Lettres  sur  le  département 
de  la  6'om77i^ (Amiens,  1827,  in-12;  2®  édit.,  Amiens,  1840, 
in-8)  ;  Monuments  anciens  et  modernes  de  la  ville 
d'Amiens  (kmiens,  1827-1843,  in-^);  Notice  historique 
et  descriptive  de  l'église  cathédrale  d'Amiens  (Amiens, 
1830,  in-8;  2«édit.,  Amiens,  1839,  in-8)  ;  Histoire  de  la 
ville  d'Amiens,  depuis  les  Gaulois  jusqu'en  i830 
(Amiens,  1832,  in-8  ;  2*^  édit.,  Amiens,  1848,  in-8)  ;  Des- 
cription historique  et  pittoresque  du  département  de  la 
Somme  (Amiens,  1834-1836,  2  vol.  in-8)  ;  Biographie 
des  hommes  célèbres,  des  savants,  des  artistes  et  des 
littérateurs  du  département  de  la  Somme  (Amiens, 
1835-1837,  2  vol.  in-8)  ;  Archives  de  Picardie  (Amiens, 
1841-1842,  2  vol.  in-8);  plusieurs  notices  dans  les  £^/z5^5, 
châteaux,  beffrois  et  hôtels  de  ville  de  la  Picardie  et 
de  l'Artois  (Amiens,  1846-1849,  2  vol.  in-8)  ;  le  Dépar- 
tement de  la  Somme,  ses  monuments  anciens  et  mo- 
dernes, ses  grands  hommes  et  ses  souvenirs  historiques 
(Amiens,  1849-1858,  in-8). 

BiBL.  :  F.  PouY,  Notice  sur  H.  Dusevel  ;  Amiens,  1881, 
in-8.  —  F.  PouY,  Etude  sur  les  œuvres  inédites  et  la  cor- 
respondance de  H.  Dusevel;  Amiens,  1882,  in-8. 

DUS!  (Cosroe),  peintre  italien  du  xix^  s.,  né  à  Venise. 
Membre  de  l'Académie  des  beaux-arts  de  Venise,  il  a  peint 
des  scènes  de  l'histoire  religieuse  et  profane.  La  Prise  de 
voile  de  sainte  Gertrude  (1836)  obtint  un  grand  succès, 
grâce  à  la  simplicité  de  l'exécution  et  à  l'harmonie  du  coloris. 

DUSOLIER  (Thomas),  homme  politique  français,  né  à 
Nontron  le  15  mars  1799,  mort  à  Nontronle  19  sept.  1877. 
Avocat  à  Nontron,  il  fut  élu  député  de  la  Dordogne  le 
2  mars  1839,  et  siégea  dans  les  rangs  de  la  gauche  consti- 
tutionnelle. Après  un  échec  en  1842,  il  fut  réélu  le  l^*"  août 
1846.  Il  fut  un  des  partisans  les  plus  convaincus  de  la 


réforme  électorale  pour  laquelle  il  fit  une  propagande  ac- 
tive et  signa  la  proposition  de  mise  en  accusation  du  cabi- 
net Guizot.  En  1848,  il  fut  nommé  commissaire  général 
dans  la  Dordogne  et  bientôt  destitué  à  la  suite  de  dissi- 
dences avec  Ledru-Rollin.  Elu  membre  de  la  Constituante 
le  23  avr.  1848,  il  continua  à  représenter  la  Dordogne  au 
Corps  législatif  de  1852  à  1863. 

DUSOLIER  (Alcide),  homme  politique  français,  né  à 
Nontron  le  21  sept.  1836,  fils  du  précédent.  Après  avoir 
achevé  à  Paris  ses  études  de  droit,  il  donna  aux  journaux 
littéraires  et  artistiques,  le  Figaro,  la  Vie  Parisienne, 
l'Artiste,  le  Nain  Jaune,  le  Courrier  français,  etc.,  des 
articles  qui  attirèrent  l'attention  de  l'élite  des  lettrés. 
M.  Dusolier,  nommé  sous-préfet  de  Nontron  le  4  sept.  1870, 
devint  quelques  jours  après  (17  sept.)  secrétaire  de  Gam- 
betta,  ministre  de  la  guerre.  Après  deux  échecs  dans  la 
Dordogne,  aux  élections  législatives  de  1871  et  de  1877, 
il  fut  élu  député  de  Nontron  le  21  août  1881,  s'occupa 
activement  à  la  Chambre  des  questions  scolaires  et  reli- 
gieuses, de  la  politique  coloniale  dont  il  était  partisan  et 
rapporta  notamment  le  projet  de  loi  concernant  les  mani- 
festations séditieuses  sur  la  voie  publique  (1884).  Il  fut 
élu  sénateur  de  la  Dordogne  le  25  janv.  1885,  fut  un  des 
fondateurs  de  l'association  de  propagande  républicaine  et 
combattit  le  boulangisme.  M.  Dusolier,  collaborateur  actif 
de  la  République  française,  a  publié  un  certain  nombre 
d'ouvrages,  parmi  lesquels  nous  citerons  :  Ceci  n'est  pas 
un  livre  (Paris,  1860,  in-18);  Barbey  d'Aurevilly 
(1862,  in-18);  Nos  Gens  de  lettres,  leur  caractère  et 
leurs  œuvres  (1864,  in-18);  Propos  littéraires  et  pit- 
toresques de  Jean  de  La  Martrille  (1867,  in-18);  Ce 
que  j'ai  vu  du  8  août  i870  au  i'^^  févr.  1811  :  l'Ago- 
nie de  l'Empire,  le  A  Septembre,  le  Dictateur  Gam- 
betta  (1874,  in-18);  les  Spéculateurs  et  la  mutila- 
tion du  Luxembourg  (1866,  in-8)  ;  Politique  pour  tous 
(1869,  in-18);  et  sous  le  pseudonyme  de  Etienne  Maurice  : 
Décentralisation  et  Décentralisateurs  (1859,  in-8); 
Mémoires  et  révélations  d'un  valet  de  chambre  aux 
cheveux  roux  (1864,  in-32). 

DU  SOMMERARD  (V.  Sommerard). 

DUSSAC.  Com.  du  dép.  de  la  Dordogne,  arr.  de  Non- 
tron, cant.  de  Lanouaille;  1,043  hab. 

DUSSARD  (Hippolyte),  économiste  français,  né  à  Mo- 
rez  (Jura)  le  4  sept.  1798,  mort  à  Nyer  (Pyrénées-Orien- 
tales) le  22  sept.  1876.  Très  hbéral,  il  signa  en  1830  la 
fameuse  protestation  contre  les  ordonnances,  fut  rédacteur 
en  chef  du  Journal  des  économistes  de  1843  à  1846, 
devint  directeur  de  l'exploitation  du  chemin  de  fer  de 
Paris  à  Rouen  et  fut  nommé,  en  1848,  préfet  de  la  Seine- 
Inférieure.  Il  supprima,  en  cette  qualité,  les  ateliers  na- 
tionaux dans  son  département  et  organisa,  au  moment  des 
journées  de  Juin,  l'intervention  de  la  province  dans  les 
événements  de  Paris.  Il  fut  élu  en  1849  conseiller  d'Etat 
et,  en  1851,  fut  chargé  d'une  mission  en  Angleterre  où 
il  étudia  l'organisation  de  l'assistance  et  le  fonctionnement 
des  établissements  charitables.  Collaborateur  à  la  Revue 
encyclopédique,  au  Bulletin  de  Férussac,  au  Temps,  au 
Journal  des  Economistes,  il  a  donné  :  Répertoire  de  l'in- 
dustrie étrangère  (Paris,  1839,  in-8),  en  collaboration 
avec  Perpigna  et  autres  ;  De  l'Etat  financier  de  l'Angle- 
terre et  des  mesures  proposées  par  les  ivhigs  et  les  tories 
(1842,  in-8).  Il  a  publié  avec  Eug.  Daire  les  Œuvres  de 
Turgot  dans  la  Collection  des  principaux  économistes, 
et  trad.  de  l'anglais,  avecCourcelle-Seneuil,  les  Principes 
d'économie  politique  de  Stuart  Mill. 

DUSSAULT  (Jean-Joseph),  publiciste  français,  né  à 
Paris  le  l®'^  juil.  1769,  mort  à  Paris  le  14  juil.  1824. 
Professeur  au  collège  Sainte-Barbe,  puis  au  collège  Du 
Plessis,  il  collabora  à  l'Orateur  du  Peuple,  d^Véridique, 
et  fut  condamné  à  la  déportation  pour  opposition  au  gou- 
vernement directorial.  Il  échappa  à  la  peine  et,  en  1800, 
entra  dans  la  rédaction  du  Journal  des  Débats.  Il  y  écri- 
vit des  articles  relatifs  aux  séances  de  l'Athénée,  puis  des 


-  187  - 


DUSSAULT  —  DUSSIEUX 


articles  de  critique  qui  ont  été  réunis  sous  le  titre  d'An- 
nales littéraires  (Paris,  4818-1824,  5  vol.  in-8).  En 
1S20,  il  devint  conservateur  de  la  bibliothèque  Sainte- 
(Geneviève.  Nous  citerons  encore  de  lui  :  Fragments  pour 
servir  à  Hiistoire  de  la  Convention  nationale  (s.  1. 
n.  d.)  ;  Lettre  au  citoyen  Louvet  (1793)  ;  Lettre  au 
citoyen  Rœderer  sur  la  Religion  (1793,  in-8).  Il  a 
publié  en  outre  les  Oraisons  funèbres  de  Bossiiet,  de 
Fléchier,  Mascaron,  etc.  (1820-1826,  4  vol.  in-8)  ;  une 
édition  de  Quintilien  (Bibl,  classique  Lemaire) ,  les 
Mémoires  de  M^^^  Dumesnil,  etc. 

DUSSAULX  (Jean-Joseph)  (V.  Dusaulx). 

DUSSAUSSOY  (Paul- Antoine-François),  homme  poli- 
tique français,  né  à  Toulouse  le  6  sept.  1820,  mort  le 
12  oct.  1887.  Industriel  dans  le  Nord,  il  fut  élu  représen- 
tant du  Pas-de-Calais  à  l'Assemblée  nationale  le  8  févr. 
4871.  Il  fit  partie  du  groupe  bonapartiste  et  combattit  la 
politique  de  M.  Thiers.  Elu  député  de  Boulogne-sur-Mer 
le  3  mars  1876,  il  appuya  le  gouvernement  du  16  mai 
et  fut  réélu  le  14  oct.  1877.  Mais  son  élection  fut  inva- 
lidée par  la  Chambre  le  10  févr.  1878  et  il  fut  battu  le 
7  avr.  suivant  par  M.  Ribot.  Le  4  oct.  1883,  il  rentra  à 
la  Chambre  comme  député  conservateur  du  Pas-de-Calais. 

DUSSEK  (Famille  des).  Jean-Joseph,  organiste  et  com- 
positeur de  musique  religieuse,  né  à  Wlazowicz  (Bohême) 
en  1739,  mort  àCzaslau  en  181  i .  Il  se  distingua  de  bonne 
heure.  Il  fut  instituteur  primaire  agrégé  à  l'âge  de  seize 
ans  et  ne  cessa  jamais  ses  fonctions  de  maître  d'école  tout  en 
s'adonnant  avec  passion  à  la  musique.  En  1739,  il  fut  nommé 
professeur  de  musique  et  organiste  de  collégiale  de  Czaslau 
et  premier  instituteur  de  la  ville.  Il  épousa  en  1760  Vé- 
ronique Stebeta  et  eut  d'elle  trois  enfants  qui  devinrent 
des  artistes  célèbres.  Epris  des  œuvres  des  grands  musi- 
ciens allemands,  il  fut  un  maître  excellent  pour  ses  enfants 
et  devint  lui-même  un  organiste  de  premier  ordre.  Il  laissa 
quelques  compositions  inédites.  —J(?an-Lom5,  fils  du  pré- 
cédent, célèbre  pianiste-compositeur,  né  à  Czaslau  (Bohême) 
le  9  févr.  1761,  mort  à  Paris  le  20  mars  1812.  Il  fit  des 
études  scientifiques  et  philosophiques  brillantes  tout  en  se 
consacrant  à  la  musique.  Le  comte  de  Mœner,  protecteur  de 
Dussek,  l'emmena  avec  lui  en  Belgique  et  le  fit  nommer  or- 
ganiste de  l'église  Saint-Rom  haut  à  Matines.  Il  alla  ensuite  en 
Hollande,  à  Berg-op-Zoom,  à  Amsterdam  et  enfin  à  La 
Haye  où  le  prince  stathouder  le  fit  professeur  de  ses 
enfants.  Sa  réputation  comme  pianiste  était  déjà  célèbre. 
A  vingt-deux  ans  (1783),  il  gagna  l'Allemagne,  Hambourg, 
Berlin,  où  il  remporta  d'éclatants  succès  ;  puis  la  Russie. 
Il  séjourna  quelque  temps  en  Lithuanie,  à  la  solde  du 
prince  de  Radzivill.  Vers  la  fin  de  1786,  il  vint  à  Paris, 
où  la  reine  Marie-Antoinette  ne  put  le  retenir,  malgré 
d'avantageuses  offres.  H  visita  l'Italie,  revint  en  France, 
où  la  Révolution  le  força  à  gagner  Londres  où  il  se  maria 
et  s'établit  en  1792.  Il  fonda  un  commerce  de  musique 
qui  ne  prospéra  point.  Poursuivi  par  ses  créanciers,  il 
s'enfuit  à  Hambourg  en  1800,  où  une  princesse  du  Nord, 
éprise  de  lui,  l'enleva  et  vécut  cachée  avec  lui  sur  les 
frontières  du  Danemark  pendant  près  de  deux  ans. 
Attaché  quelque  temps  à  la  personne  du  prince  Louis- 
Ferdinand  de  Prusse  et  à  celle  du  prince  d'Ysenbourg,  il 
vint  se  fixer  définitivement  à  Paris  en  1808  et  devint 
maître  des  concerts  du  prince  de  Talleyrand.  Gomme  pia- 
niste, il  était  hors  de  pair  et  sa  réputation  fut  immense. 
C'est  lui  qui  le  premier  fit  admettre  le  piano  comme  instru- 
ment de  concert,  et  ses  triomphes  furent  nombreux.  Il  com- 
posa plus  de  soixante-seize  œuvres  dont  quelques-unes 
sont  restées  classiques.  La  maison  Breitkopf  et  Hœrtel  de 
Leipzig  a  publié  une  édition  complète  de  Dussek.  Il  est 
l'auteur  d'une  célèbre  méthode  de  piano  écrite  en  anglais 
et  traduite  en  allemand  et  en  français.  Il  composa  égale- 
ment deux  opéras  anglais  qui  n'eurent  pas  de  succès  et  de 
la  musique  religieuse.  —  François-Benoît,  second  fils  de 
Jean- Joseph,  né  à  Czaslau  le  13  mars  1766.  Compositeur 
et  virtuose,  il  fut  en  premier  lieu  élève  de  son  père,  et 


étudia  ensuite  à  Prague  où  il  fut  organiste.  La  comtesse 
de  Lùtzow  se  l'attacha  et  l'emmena  en  Italie,  à  Venise  et 
à  Milan,  où  il  séjourna  et  fit  représenter  avec  succès  huit 
opéras.  Vers  1790,  il  s'établit  à  Laybach  et  y  vécut  quel- 
ques années.  En  1808,  il  fut  nommé  maître  de  chapelle  en 
Autriche  et  retourna  à  Venise  où  il  fit  représenter  ses  trois 
derniers  opéras.  On  ne  sait  ce  qu'il  devint  à  partir  de  1816. 
n  composa  en  outre  un  oratorio,  Gerusaleme  distrutta, 
un  trio,  une  sonate,  des  duos  et  canzoni,  etc.  —  Véro- 
nique, née  à  Czaslau  en  1779,  travailla  le  piano  avec  son 
père  et  fit  de  rapides  progrès.  Appelée  à  Londres  par  son 
frère,  elle  s'y  créa  une  grande  situation  comme  pianiste- 
professeur  et  composa  même  quelques  pièces.  Elle  épousa 
M.  Cianchettini  et  eut  un  fils,  célèbre  pianiste  prodige, 
Pio  Cianchettini  (V.  ce  mot).  —  Miss  Corri,  femme  de 
Louis  Dussek,  née  à  Edimbourg  en  1773,  fut  une  chan- 
teuse et  pianiste  anglaise  célèbre.  En  1792,  elle  épousa 
Dussek.  Veuve  en  1812,  elle  se  remaria  avec  M.  Moralt; 
elle  se  fixa  à  Paddington,  où  elle  fonda  une  académie  de 
musique.  —  Olivia,  fille  de  la  précédente  et  de  Louis 
Dussek,  acquit  une  réputation  comme  pianiste  en  Angle- 
Xqyyq,  Ch.  Bordes. 

DUSSELDORF.  Ville  d'Allemagne,  royaume  de  Prusse, 
ch.-l.  du  district  du  même  nom  (prov.  Rhénane),  sur  la 
rive  droite  du  Rhin,  au  confluent  de  la  Dussel  ;  110,000  hab. 
(en  1884).  Au  centre,  en  face  du  pont  sur  le  Rhin,  est  la 
vieille  ville  (Altstadt)  avec  ses  ruelles  étroites  et  obscures 
et  sa  place  du  Vieux-Marché;  au  S.-E.  de  ce  quartier, 
entre  le  champ  d'exercices  et  les  pièces  d'eau  qui  occupent 
les  anciens  fossés,  est  la  Karlstadt  ;  à  l'E.  de  la  vieille 
ville  et  au  delà  des  fossés,  la  Kœnigstadt,  vaste  quartier 
dont  les  rues  rayonnent  autour  de  la  place  Royale  et  de  la 
rue  de  l'Est  (Oststrasse)  ;  au  N.  de  celle-ci  et  après  le 
Dussel  et  ses  jardins,  s'étend  le  quartier  de  Pempelfort 
où  résident  les  artistes;  au  S.,  la  Friedrichstadt  et  la 
Neustadt,  celle-ci  riveraine  du  fleuve.  Plus  loin  sont  les 
faubourgs  de  Hingern  et  Ober  Brek.  —  Dusseldorf  est 
une  grande  cité  industrielle  dont  la  population  a  passe  de 
8,000  hab.  en  1780  à  110,000  en  4884.  Au  premier  rang 
est  l'industrie  du  fer;  les  laminages,  fonderies,  aciéries,  cons- 
tructions de  machines,  locomotives,  aiguilles,  occupent  près 
de  6,000  ouvriers,  3,000  chevaux-vapeur  ;  viennent  ensuite 
les  filatures  et  tissages  de  coton,  imprimeries  de  foulards, 
teintureries  en  bleu,  rouge,  etc.,  les  papeteries,  savonne- 
ries, huileries,  brasseries,  chocolateries,  fabriques  de  pro- 
duits chimiques,  de  liqueurs,  de  couleurs,  de  meubles,  etc. 
Dusseldorf  doit  sa  fortune  à  sa  situation  sur  le  Rhm,  dans 
un  district  où  se  sont  développées  en  ce  siècle  tant  d'autres 
grandes  villes  industrielles  :  Elberfeld,  Barmen,  Dort- 
mund,  Essen,  Solingen,  Crefeld.  Son  port  sur  le  Rhm  et 
ses  chemins  de  fer  ont  un  mouvement  considérable.  —  La 
ville  doit  surtout  sa  réputation  à  son  Académie  de  dessin, 
peinture  et  sculpture,  fondée  par  l'électeur  palatin  Charles- 
Théodore.  C'est  là  que  Cornélius,  Schadow  et  Bendemann 
fondèrent  une  école  qui  fut  longtemps  la  première  d'Alle- 
magne. La  galerie  de  tableaux  a  été  presque  entièrement 
transférée  à  Munich  en  1803,  la  ville  indemnisée  en  4871 
aux  dépens  de  l'indemnité  de  guerre  payée  par  la  France. 

Histoire.  —  Dusseldorf  fut  élevée  à  la  quahté  de  ville 
en  1288,  devint  en  1383  la  résidence  des  ducs  de  Berg, 
passa  aux  comtes  palatins  de  Neubourg  qui  rhabitèrent, 
puis  aux  électeurs  palatins.  Elle  dut  à  ceux-ci  (Jean-Guil- 
laume et  Charles-Théodore)  sa  prospérité  ;  fortifiée  en  1732, 
prise  par  les  Français  en  1737  et  1793,  rendue  à  la  Ba- 
vière et  démantelée  en  1801,  capitale  du  grand-duché  de 
Berg  en  1806,  elle  fut  cédée  en  1813  à  la  Prusse. 

Bibl.  :  Thomas.  Fûhrer  durch  Dusseldorf  ;  Dusseldorf, 
1885. 

DUSSIEUX  (Louis -Etienne),  géographe  et  historien 
français,  né  à  Lyon  le  3  avr.  1813.  Répétiteur  d'histoire 
et  de  géographie  militaires  à  Saint-Cyr  (1842),  professeur 
d'histoire  à  la  même  école  (1830),  il  a  pris  sa  retraite  avec 
le  titre  de  professeur  honoraire.  Collaborateur  de  VEncy- 


DUSSIEUX  -  DUTENS  -  138  - 

clopédie  nouvelle,  du  Magasin  pittoresque^  des  Annales 
archéologiques,  des  Mémoires  de  F  ancienne  Académie 
de  peinture,  de  la  Revue  indépendante,  etc.,  éditeur  des 
Mémoires  du  marquis  de  Dangeau,  des  Mémoires  du 
duc  de  Luynes,  des  Lettres  intimes  de  Heiiri  IV,  il  a 
écrit  :  l'Art  considéré  comme  le  symbole  de  l'état  so- 
cial (Paris,  1888,  in-8);  Essai  historique  sur  les  inva- 
sions des  Hongrois  en  Europe  (1839,  in-8);  Essai  sur 
l'histoire  de  la  peinture  sur  émail  (1839,  iii-8);  Essai 
sur  l'histoire  de  l'érudition  orientale  (1842,  in-12); 
Géographie  historique  de  la  France  (1844,  in-8)  ;  Cours 
de  géographie  physique  et  politique  (1846,  in-8);  Atlas 
général  de  géographie  physique  et  politique  (1846, 
in-fol.):  Force  et  faiblesse  de  la  Russie  au  point  de 
vue  militaire  (1854,  in~8)  ;  les  Artistes  français  à 
l'étranger  (1856,  gr.  in-8);  le  Canada  sous  la  domi- 
nation française  (1855,  in-8);  Cours  classique  de  géo- 
graphie (1859-1865, 6  vol.  in-12)  ;  Nouvelles  Recherches 
sur  la  vie  et  les  ouvrages  d'Eustache  Lesueur  (1852, 
in-8)  ;  l'Histoire  de  France  racontée  par  les  contem- 
porai7îs  (iS60-6^,  4  vol.  in-8);  Géographie  générale 
(1866,  in-8);  Généalogie  de  la  maison  de  Bourbon 
(1869,  in-8)  ;  Histoire  générale  de  la  guerre  de  1810- 
i87i  (1872,  in-12);  les  Volontaires  de  i 792  et  le  Ser- 
vice  militaire  obligatoire  (1872,  in-12);  le  Château 
de  Versailles  (1881,  2  vol.  in-8);  les  Grands  Faits  de 
l'histoire  de  France  racontés  par  les  contemporains 
(1878-1880,  8  vol.  in-12);  les  Grands  Faits  de  l'his- 
toire de  la  géographie  (1882-1884,  5  vol.  in-12); 
Histoire  ancienne  (1877,  3  vol.  in-12);  le  Siège  de 
Belfort  (1882,  m-i6);  le  Cardinal  de  Richelieu  (1885, 
in-8);  l'Armée  en  France  (1884,  3  vol.  in-12),  etc.  La 
plupart  de  ces  ouvrages  ont  eu  plusieurs  éditions. 

DUSSON  (Les)  (V.  Bonnac  [Marquis  de]). 

DUSSON  (François)  (V.  Bonrepaus). 

DUSSUMIERIA  (Ichtyol.) .  Petit  groupe  de  Poissons  osseux 
(Téléostéens),  de  l'ordre  des  Physostomes  et  de  la  famille 
des  Clapeidœ,  voisins  des  Megalops,  des  Chanos,  etc. 
dont  ils  se  distinguent  par  la  bouche  dirigée  en  avant  et 
un  abdomen  arrondi.  Rochbr. 

BiBL.  :  GuNTHER,  Sludy  of  Fishes. 

DUTAILLY  (Didier-Edme-Rodolphe-Gustave),  homme 
politique  français,  né  à  Meuvry  (Haule-Marne)  le  2  août 
1846.  Docteur  es  sciences,  il  fut  nommé  en  1879  chargé 
de  cours  de  botanique  à  la  Faculté  des  sciences  de  Lyon 
et  devint  professeur  titulaire  en  1880.  Elu  député  de 
Chaumont  le  4  sept.  1881,  avec  un  p-rogramme  radical,  il 
combattit  la  politique  opportuniste  et  s'éleva  notamment 
contre  Texpédition  du  Tonkin.  Réélu  député  de  la  Haute- 
Marne  le  4  oct.  1885,  il  combattit  le  boulangisme  et  fut 
battu  à  Chaumont  aux  élections  de  1889  par  M.  Bourlon 
de  Rouvre,  royaliste  qui  obtint  10,107  voix  contre  8,295. 
On  a  de  lui  divers  mémoires  scientifiques,  entre  autres  : 
Sur  quelques  Phénomènes  déterminés  par  l'apparition 
d'éléments  nouveaux  dans  les  tiges  et  les  racines  des 
dicotylédones  (Paris,  1880,  in-8). 

D  UTE  (Métrol.) .  Petite  monnaie  hollandaise  de  0  fr.  01 25. 

DUTEI L  (Jean-Philippe,  baron),  général  français,  né  dans 
le  Dauphiné  en  1 722,  mort  à  Lyon  le  22  févr.  1794.  Après 
des  services  distingués  dans  la  guerre  de  la  succession 
d'Autriche  et  dans  la  guerre  de  Sept  ans,  il  était  devenu 
colonel  d'infanterie  (17^7 6),  puis  maréchal  de  camp  (1784), 
et  avait  commandé  l'école  d'artillerie  d'Auxonne  (où  il  pro- 
tégea Bonaparte,  qui  s'en  souvint  plus  tard  en  rédigeant 
son  testament),  lorsque  éclata  la  Révolution. Très  dévoué  au 
parti  de  la  cour,  il  fut  nommé  heutenant  général  en  1791, 
envoya  ses  quatre  fils  à  l'armée  de  Condé  et  ne  tarda  pas 
à  se  retirer  du  service.  Ses  agissements  contre-révolution- 
naireslui  valurent,  après  la  révolte  de  Lyon,  d'être  arrêté 
dans  cette  ville  et  condamné  à  la  peine^  capitale  par  une 
commission  miHtaire.  A.  Debidour. 

DUTEI  L  (Jean),  général  français,  frère  du  précédent, 
né  dans  le  Dauphiné  en  1738,  mort  à  Ancy-sur-Moselle  le 


25avr.  1820.  Après  avoir  longtemps  servi  dans  l'artil- 
lerie et  avoir  publié  sur  les  perfectionnements  de  cette 
arme,  ainsi  que  sur  les  manœuvres  d'infanterie,  des  ou- 
vrages dignes  d'estime,  il  parvint  au  grade  de  maréchal  de 
camp  en  1790  et  à  celui  de  général  de  division  en  1793. 
Il  commanda  quelque  temps  l'artillerie  au  siège  de  Toulon 
et  fut  ensuite  envoyé  sur  les  Alpes,  puis  en  Vendée.  Ecarté 
de  l'armée  comme^ noble  pendant  la  Terreur,  il  y  rentra 
sous  le  Consulat,  commanda  la  place  de  Lille,  puis  celle 
de  Metz,  et  prit  sa  retraite  en  1813,         A.  Debidour. 

DUTEMS  (Jean-François  Hugues,  connu  sous  le  nom 
de)  (V.  Hugues). 

DUTENS  (Louis),  littérateur  français,  né  à  Tours  le 
45  janv.  1730,  mort  à  Londres  le  23  mai  1812.  Appar- 
tenant à  une  famille  protestante,  il  pensa  que  ses  opinions 
religieuses  lui  interdiraient  de  faire  une  carrière  brillante 
en  France,  et  il  résolut  de  s'établir  en  Angleterre.  Il  vint 
donc  à  Londres  où  l'un  de  ses  oncles  était  orfèvre.  Il  fut 
d'abord  précepteur  de  quelques  jeunes  gens  de  grande 
famille  qu'il  accompagna,  comme  d'usage,  sur  le  continent. 
En  1758,  ayant  pris  les  ordres,  il  fut  nommé  chapelain 
de  l'ambassade  d'Angleterre  à  Turin,  puis  il  occupa  dans 
la  même  ville  le  poste  de  chargé  d'affaires.  En  1762,  il 
revint  à  Londres,  fut  de  nouveau  envoyé  à  Turin  l'année 
suivante,  et  en  1764  fut  pourvu  de  la  cure  d'Elsdon.  Le 
duc  de  Northumberland  le  prit  en  amitié  et  lui  confia  son 
second  fils,  lord  Algernon  Percy,  avec  lequel  il  parcourut  la 
Suisse,  l'Itahe,  l'Autrithe  et  l'Allemagne,  visitant  Voltaire 
à  Genève,  Frédéric  II  àPotsdam,  Gustave  III  à  Brunswick 
et  d'autres  célébrités  européennes.  Ce  voyage  achevé,  il 
retourna  en  Angleterre,  puis,  après  de  nouvelles  courses  en 
France  et  en  Allemagne,  accompagna  Stuart  Mackenzie, 
envoyé  extraordinaire  à  Turin.  Il  passa  ensuite  à  Bologne, 
à  Florence  et  à  Rome,  séjourna  à  Paris  en  1783,  à  Londres 
en  1784,  où  il  vécut  tantôt  avec  le  duc  de  Northumberland, 
tantôt  avec  lord  Bute,  à  Spa  en  1789,  où  il  se  lia  avec 
beaucoup  d'émigrés  français,  et  se  fixa  enfin  en  1791  à 
Londres,  où  il  passa  le  reste  de  sa  vie,  très  répandu  dans 
le  monde  httéraire.  Dutens,  qui  avait  été  nommé  historio- 
graphe du  roi  et  élu  membre  associé  de  l'Académie  des 
inscriptions,  a  écrit  :  Caprices  poétiques  (s.  L,  1750, 
in-16);  Recherches  sur  l'origine  des  découvertes  attri-' 
buées  aux  modernes  (s.  L,  1766, in-8),  où  il  entreprit  de 
prouver  que  les  progrès  des  modernes  en  fait  de  sciences 
n'étaient  qu'une  illusion  et  que  les  anciens  connaissaient 
la  plupart  des  prétendues  découvertes  modernes  ;  cette  thèse 
souleva  une  polémique  extrêmement  vive  oùCondorcet  se  dis- 
tingua particuhèrement  en  maltraitant  Dutens  ;  Institutions 
leibnitziennes  ou  Précis  de  la  monadologie,  attribué 
aussi  à  l'abbé  Sigorgne  (Lyon,  1767);  Poésies  diverses 
(s.  L,  1767,  in-i2)  ;  le  Tocsin  (Paris,  1769,  in-8  ;  réé- 
dité sous  le  titre  à' Appel  au  bon  sens,  1717,  in-12), 
pamphlet  contre  les  pbilosophes  dans  lequel  Voltaire  et 
Rousseau  sont  assez  maltraités  ;  la  Logique  ou  l'Art  de 
raisonner  (Paris,  1773,  in-12);  Explication  de  quelques 
médailles  de  peuples,  de  rois  et  de  villes  grecques  et 
phéniciennes  (Londres,  1773,  in-4)  ;  Du  Miroir  ardent 
d'Archimède  (s.  L,  1775,  in-8);  Itinéraire  des  routes 
les  plus  fréquentées  ou  Journal  d'un  voyage  aux  prin- 
cipales villes  de  l'Europe  en  1168-1111  (Paris,  1775, 
in-8)  ;  Des  Pierres  précieuses  et  des  pierres  fines  (Paris, 
1776,  in-8);  Lettres  de  M.  Debure  sur  la  réfutation 
du  livre  de  l'Esprit  par  J.-J,  Rousseau  (Paris,  1779, 
in-12);  De  l'Eglise,  du  Pape,  de  quelques  points  de 
controverse  et  des  moyens  de  réunion  entre  toutes  les 
Eglises  chrétiennes  (Genève,  1781,  in-8);  Œuvres  mê- 
lées (Genève,  1784,   in-8)  ; /'imi  des  étrangers  qui 
voyagent  en  Angleterre  (Londres;  1787,  in-12)  ;  His- 
toire de  ce  qui  s'est  passé  pour  rétablissement  d'une 
régence  en  Angleterre  (Londres  et  Paris,  1789,  in-8); 
Table  généalogique  des  héros  des  romans  (Londres, 
1796,  2®  éd.,  in-4);  Recherches  sur  le  temps  le  plus 
reculé  de  l'usage  des  voûtes  chez  les  anciens  (Londres, 


—  189  — 


DUTENS  —  DUTILLEUL 


-1795,  in-4);  Mémoires  d'un  voyageur  qui  se  repose 
(Paris,  1803,  3  vol.  in-8),  autobiographie  moins  intéres- 
sante qu'on  le  pourrait  supposer,  suivie  d'un  recueil  d'anec- 
dotes intitulé  Dutensiana.  La  plupart  de  ces  ouvrages  ont 
été  traduits  en  anglais.  On  doit  encore  à  Dutens  une  édi- 
tion des  OEuures^àe  Leibniz  (Genève,  1768,  6  vol.  m-4) 
qui  est  peut-être  son  principal  titre  à  la  postérité;  une 
édition  de  la  traduction  d'Epiclète  de  Dacier(Paris,  1775), 
une  édition  de  Longus  (Pans,  1776).  R.  S. 

DUTENS  (Joseph-Michel),  ingénieur  français,  né  à 
Tours  le  15  oct.  1765,  mort  le  6  août  1848.  Elève  de 
l'ancienne  école  des  ponts  et  chaussées  (1783),  ingénieur 
en  Lorraine  jusqu'en  1793,  puis  dans  l'Eure  pendant  près 
de  dix  ans,  appelé  au  canal  de  l'Ourcq  sous  les  ordres  de 
Girard  en  1802.  Ingénieur  en  chef  du  dép.  du  Léman  en 
1805,  il  prit  part  aux  travaux  de  la  route  du  Simplon. 
Passé  ensuite  au  service  des  canaux  dans  le  centre  de  la 
France,  il  rédigea  les  projets  du  canal  du  Berry.  Mais  c'est 
surtout  à  ses  pubhcations  que  Dutens  doit  la  grande  noto- 
riété attachée  à  son  nom.  On  lui  doit  :  Analijse  raisonnée 
des  progrès  de  l'économie  politique  (iSO^^-,  2«  édit.  en 
1835);  Eloge  de  Montaigne  (1811;  mention  honorable 
de  l'Académie  française)  ;  Mémoires  sur  les  travaux 
publics  de  V Angleterre  (1819;  ouvrage  important)  ;  His- 
toire de  la  navigation  intérieure  de  la  France  {{m'a  ; 
ouvrage  qu'on  cite  encore  aujourd'hui)  ;  Philosophie  de 
V économie  politique  (1835)  ;  Formation  et  distribu- 
tion du  revenu  de  la  France  (18421,  dans  le  Journal 
des  Economistes)  ;  Défense  de  la  doctrine  des  anciens 
économistes  (dernier  ouvrage  de  Dutens  ;  il  y  soutient 
que  l'agriculture  est  la  seule  source  des  richesses  et  que 
l'industrie  ne  donne  pas  de  produit  réel) .  En  1841,  Dutens 
avait  été  élu  membre  libre  de  l'Académie  des  sciences 

morales  et  politiques.  ^^  ,.^^*"^-.^* 

BiBL.  :  Tarbé  de  Saint-Hardouin,  Notices  biogra- 
phiques ;  Paris,  1884,  gr.  in-8. 

DUTERT  (Charles-Louis-Ferdinand),  architecte  français, 
né  à  Douai  (Nord)  le  21  oct.  1845.  Il  fut  élève  des  archi- 
tectes Lebas  et  Ginain,  et  remporta  le  premier  grand  prix 
en  1869.  Dutert  a  été  nommé  successivement  inspecteur 
des  travaux  de  reconstruction  de  l'Hôtel  de  ville  de  Paris, 
directeur  de  l'enseignement  au  ministère  des  beaux-arts. 
Ce  fut  sur  ses  dessins  que  les  ingénieurs  Contamin  (V.  ce 
nom),  Pierron  et  Charton  élevèrent  le  Palais  des  machmes 
de  l'Exposition  universelle  de  1889.  Dutert  a  publie  la 
restauration  du  Forum  romain,  exécutée  par  lui  pendant 
son  séjour  à  l'Académie  de  France  à  Rome.  —  Son  frère, 
Arthur-  Victor-Fleur  y  (1839-1868),  prix  de  Rome,  mourut 
à  la  Villa  Médicis,  laissant  inachevée  une  Restauration  du 
palais  des  Césars.  M.  D.  S. 

DUTERTRE  (Jean-Baptiste),  dominicainet  missionnaire, 
né  à  Calais  en  1610,  mort  en  1687.  A  la  suite  d'un  long 
séjour  aux  Antilles,  il  a  publié  une  Histoire  des  Antilles 
habitéespar  les  Français  (1667-1671,  4  vol.  in-4). 

DUTERTRE  (Le  Père),  de  la  Compagnie  de  Jésus,  phi- 
losophe et  théologien  français,  mort  à  Paris  en  1762.  Il 
enseigna  d'abord' au  collège  de  La  Flèche  les  doctrines  de 
Malebranche,  si  contraires  à  l'esprit  et  aux  traditions 
de  son  ordre.  Cela  lui  valut  la  censure  et  le  retrait  de  sa 
chaire.  Sous  le  coup  de  cette  disgrâce  et  «  en  vertu  de  la 
sainte  obédience  »,  comme  dit  malicieusement  le  P.  André, 
il  découvrit  bien  vite  que  les  causes  occasionnelles  sont 
une  hypothèse  chimérique,  la  vision  en  Dieu  une  théorie 
«  absurde  et  impie  »,  et  que  toutes  nos  idées  ont  leur 
origine  dans  la  sensation  et  la  réflexion.  Pour  mieux 
marquer  sa  soumission  et  achever  de  rentrer  en  grâce 
auprès  de  ses  supérieurs,  il  composa  précipitamment  une 
Réfutation  d'un  nouveau  système  de  métaphysique 
proposé  par  le  P.  Malebranche,  auteur  de  la  Recherche 
de  la  vérité  (Paris,  1715,  3  vol.  in-12),  dans  laquelle  il 
critiquait  et  ridiculisait  ses  convictions  premières.  L'année 
suivante  il  fit  paraître  à  Bruxelles  un  ouvrage  dirigé  contre 
Boursier,  et  intitulé  le  Philosophe  extravagant  dans  le 


Traité  de  V action  de  Dieu  sur  les  créatures.  Outre  ces 
écrits  de  pure  polémique,  le  P.  Dutertre  a  publié  en  3  yoL 
in-12  des  Entretiens  sur  la  Religion.  Sa  conversion, 
aussi  fervente  que  peu  spontanée,  dénote  un  caractère 
faible  ;  on  s'accorda,  même  parmi  ses  confrères,  à  recon- 
naître qu'il  avait  un  peu  manqué  de  dignité  en  cette  occa- 
sion. Toutefois  c'était  un  esprit  ingénieux  ;  ses  critiques 
sont  souvent  justes  et  presque  toujours  exprimées  avec 
agrément.  L.  Bélugou. 

BiBL.  :  Cousin,  Infrod.  aux  Œuvres  phil.  du  P.  André, 
1813  —  Damiron,  Comptes  rendus  de  l  Acadénnie  des 
sciekces  morales  et  poi^iques,  t  IV  pp.  291  et  suiy.  -- 
BouiLLiER,  Hisi.  de  la  Phil.  caW.,18b8,  t-11,  pp.  392  et  suiv. 

DUTGEN  (MétroL).  Monnaie  danoise  valant  20  cent.; 
n'a  plus  cours. 

DUTHÉ  (Rosalie),  célèbre  courtisane  française,  née  à 
Paris  en  1752,  morte  en  1820.  Elle  entra  au  corps  de 
ballet  de  l'Opéra,  fut  distinguée  par  le  duc  de  Durfort  qui 
la  mit  à  la  mode;  elle  passa  ensuite  au  marquis  de  Genlis, 
fut  choisie  pour  déniaiser  le  duc  de  Chartres  ;  aimée  du 
duc  d'Artois  (plus  tard  Charles  X),  elle  devint  la  courtisane 
des  princes  du  sang,  éblouit  Paris  de  son  luxe,  fit  en  An- 
gleterre une  lucrative  excursion  de  1777  à  1782,  s  y 
retira  au  moment  de  la  Révolution  et  rentra  à  Pans  en 
1816.  Elle  était  vêtue  exclusivement  de  rose,  linge,  robes 
et  coiffures.  Il  existe  d'elle  un  beau  portrait  par  Vanloo. 

DUTHILLŒUL  (Hippolyte-Romain-Joseph),  bibliographe 
et  littérateur  français,  né  à  Douai  le  8  nov.  1788,  mort 
en  mars  1862.  Commissaire  des  guerres  du  roi  Joseph 
en  Espagne,  officier  supérieur  d'administration  en  1814, 
juge  de  paix  à  Douai  en  1830,  bibliothécaire  municipal 
depuis  1834.  Auteur  de  quelques  travaux  de  bibliogra- 
phie et  d'histoire  sur  sa  ville  natale  :  Bibliographie  douai- 
sienne  (Douai,  1835;  nouv.  éd.,  1842);  Catalogue  des 
manuscrits  de  la  bibliothèque  de  Douai  (1846);  Galerie 
dmaisienne  (1845-1864,  2  vol.  avec  portr.);  Douai  et 
Lille  au  xiii«  siècle  (1850);  Douai  ancien  et  moderne 
(1860);  Histoire  ecclésiastique  de  Douai  (1862);  Bio- 
graphie des  maires  de  Douai,  mO-i86I  (1862).  On 
lui  doit  encore  des  études  sur  plusieurs  artistes  locaux, 
une  édition  des  Œuvres  de  Buôbn,  etc.  G.  P-i. 

DUTHOIT  (Edmond-Clément-Marie),  architecte  et  archéo- 
logue français,  né  à  Amiens  en  1837,  mort  à  Amiens 
en  1889.  Elève  de  Viollet-le-Duc,  attaché  longtemps  à 
la  commission  des  monuments  historiques  et  chargé  de  mis- 
sions successives  en  Asie  Mineure  et  en  Afrique,  M.  Duthoit 
collabora  au  remarquable  ouvrage  du  marquis  de  Vogue  sur 
l'Architecture  civile  et  religieuse  du  \^'  au  vii*^  siècle 
en  Syrie  et  étudia  les  fouilles  faites  vers  186o  a  Assos 
(Mysie),  ainsi  que  celles  qui  se  poursuivent  depuis  1854 
à  Lambèse  et  à  Timgad  (Algérie)  ;  il  exposa  aussi,  de  18bd 
à  1879,  à  de  nombreux  Salons  annuels  des  dessins  des 
édifices  suivants  :  l'église  et  le  couvent  de  Samt-Simeon  le 
Stylite  à  Kala'at-Semân  (Svrie),  le  château  de  Roquetail- 
lades  (xiv«  siècle),  le  Mihrab  de  la  grande  mosquée  de 
Tlemcen,  des  fragments  d'architecture  musulmane,  etc.  On 
doit  à  M.  Duthoit  d'importants  travaux  de  restauration 
d'églises  et  de  châteaux  du  moyen  âge  et  delà  Renaissance, 
la  construction  des  églises  de  Beyrouth  (Syrie)  et  de  ^otre- 
Dame  de  Brébières  (Somme),  et  la  partie  archi tectonique 
des  tombeaux  de  M^^  Affreingue,  à  Boulogne-sur-Mer,  et 
de  Daniel  Stern  (M^^  d'Agoult),  au  cimetière  du  Sud,  a 
p^pig^  Charles  Lucas. 

BiBL.  :  Remie  générale  de  V architecture;  Paris,  in-4,  pi. 

DU  TILLET(V.  Tillet). 

DUTILLEUL  (François-Ernest),  homme  politique  fran- 
çais, né  à  Paris  le  7  mars  1825.  Inspecteur  des  finances, 
directeur  général  des  fonds  au  ministère  des  finances,  il  se 
distingua  lors  des  formidables  opérations  nécessitées  par 
les  emprunts  pour  la  libération  du  territoire  et  fut  élu 
député  de  Compiègne  en  1876.  Il  siégea  au  centre  et  s'oc- 
cupa surtout  de  questions  financières.  Après  un^échec  aux 
élections  du  14  oct.  1877,  il  fut  nommé le^23  nov.  mmistre 


DUTILLEUL  ^  DUTRUY 


—  140  — 


des  finances  dans  l'éphémère  cabinet  Rochebouët.  Il  rentra 
ensuite  dans  la  vie  privée. 

DUTILLEUL  (Jules-Florentin),  homme  politique  fran- 
çais, né  à  Lille  le  45  mars  1837,  mort  à  Lille  le  17  août 
1883.  Brasseur  à  Lille,  conseiller  général  du"  Nord,  con- 
seiller municipal  et  maire  de  Lille,  il  fut  élu  le  5  janv. 
1879  sénateur  du  Nord.  Il  siégea  au  centre  gauche  et 
soutint  la  politique  opportuniste.  On  a  de  lui  quelques 
brochures  économiques  et  des  poésies. 

DUTILLEUX  (Adolphe),  publiciste  français,  né  à  Meaux 
en  1829.  Chef  de  division  à  la  préfecture  de  Seine-et-Oise, 
correspondant  du  ministère  de  l'instruction  publique,  il  a 
écrit  un  certain  nombre  d'ouvrages  parmi  lesquels  nous 
citerons  :  Cathédrale  d'Amiens  (Amiens,  1853,  in-8); 
Topographie  ecclésiastique  du  dép.  de  Seine-et-Oise 
(Versailles,  1875,  in-8);  F  Abbaye  de  Maubuisson  (Pon- 
toise,  1883,  in-4)  ;  le  Dép,  de  Seine-et-Oise  à  l'Exposi- 
tion de  1S18  (Versailles,  1879,  in-8);  Notes  et  recher- 
ches pour  servir  à  V  histoire  de  la  Picardie  {kmiens, 
1871,  m-8);  Recherches  sur  les  races  anciennes  dans 
le  dép,  de  Seine-et-Oise  (Versailles,  1881,  in-8);  Opus- 
cules en  prose  et  en  vers  (Amiens,  1855,  in-12);  les 
Sociétés  de  secours  mutuels  (Paris,  1880,  in-4);  Re- 
cherches sur  les  routes  anciennes  dans  le  dép.  de 
Seine-et-Oise  (1881,  in-8);  l'Asile  départemental  de 
l  enfance  et  l'abbaye  de  N.-D,  des  Anges  à  Saint-Cvr 
(Versailles,  1884,  in-4).  ^ 

pUTOT,  économiste  français  du  xviii«  siècle.  Il  a  été, 
à  l  époque  de  Law,  l'un  des  caissiers  de  la  Compagnie  des 
Indes.  Voltaire,  s'occupant  du  livre  de  Melon,  ancien  secré- 
taire de  Régent  et  de  Law,  Essai  politique  sur  le  com- 
merce (1731),  cite  Dutot  avec  faveur.  La  lecture  du  livre 
de  Melon  inspira  à  Dutot  l'idée  de  lui  répondre.  Melon  a 
vu  de  plus  près  que  Dutot,  sinon  les  faits,  du  moins  les 
hommes  du  système.  Il  ne  leur  semble  pas  favorable.  Melon 
continue  la  tradition  économique  de  Vauban  et  de  Bois- 
guillebert.  Au  contraire,  Dutot  a  principalement  en  vue  la 
défense  des  idées  de  Law  et  de  leur  application  (Réflexions 
politiques  sur  les  finances  et  le  commerce  (La  Haye 
[Paris],  1738,  2  vol.  in-12;  réimpr.  avec  une  notice  sur 
l  auteur  dans  les  Economistes  financiers  du  x\m^ siècle; 
Pans,  1843,  gr.  in-8).  Toutefois,  à  propos  de  celte  défense' 
il  est  amené  à  traiter  diverses  questions  d'économie  poli- 
tique, surtout  le  caractère  des  monnaies  et  le  change.  Tout 
le  chapitre  second  y  est  consacré.  On  trouve  dans  ce  chapitre 
de  précieux  détails  sur  les  revenus  de  l'Etat,  depuis  Louis  XII 
jusqu'à  Louis  XV,  ainsi  que  sur  la  valeur  comparée  et  les 
altérations  des  monnaies. 

DUTOUQU  ET  (Louis),  architecte  français,  né  à  Hasnon 
(Nord)  le  6  sept.  1821.  Elève  des  Ecoles  académiques 
de  Valenciennes,  M.  Dutouquet  vint  à  Paris  vers  1841, 
étudia  l'architecture  dans  l'atelier  Lebas,  entra  à  l'Ecole 
des  beaux-arts  en  1842  et  fut'reçu  en  loges  en  1846.  Fixé 
à  Valenciennes  depuis  1848,  M.  Dutouquet  a  fait  ériger 
de  nombreux  édifices  publics  et  privés,  civils  ou  religieux, 
à  Valenciennes,  à  Lille  et  dans  tout  le  nord  de  la  France, 
édifices  parmi  lesquels  il  faut  citer  plusieurs  mairies,  plus 
de  quarante  écoles  maternelles  ou  primaires,  communales 
ou  libres  ;  l'abattoir  de  Denain,  l'hospice  avec  chambres 
particulières  de  Condé,  et  la  maison  des  petites  sœurs  des 
pauvres  de  Valenciennes  ;   vingt  églises ,  dont  celle  de 
Saint- Waast  du  Sacré-Cœur,  à  Armentières,  et  trois  pres- 
bytères ;  le  monastère  des  Carmélites  à  Lille  ;  le  collège 
communal  de  Condé,  et  cinq  collèges  diocésains  d'ensei- 
gnement secondaire,  dont  celui  de  Valenciennes  ;  plusieurs 
établissements  agricoles,  dont  une  ferme  modèle,  des  dis- 
tilleries,  brasseries,    potasseries,  filatures  et  mouhns  à 
farine  ;  enfin  des  châteaux,  hôtels,  maisons  particulières 
et  plusieurs  tombeaux  de  famille.  Mais  l'œuvre  capitale  de 
M.  Dutouquet  est  l'Université  catholique  de  Lille,  le  plus 
complet   et  le   plus  important  des  établissements  de  ce 
genre  élevés  en  France  et  comprenant  :  1»  facultés  des 
lettres,  de  droit  et  de  théologie  avec  bibliothèque  et  ser- 


vices d'administration  ;  2°  faculté  des  sciences  ;  3°  école 
de  médecine,  dispensaire,  maternité  et  jardin  botanique, 
groupe  d'édifices  d'une  grande  simplicité  de  construction 
mais  d'un  remarquable  agencement  général.  M.  Dutouquet 
appartient  depuis  1868,  comme  membre  fondateur,  à  la 
Société  régionale  des  architectes  du  nord  de  la  France. 
OUTRE! L  (Jules-Bernard)  (V.  Bernard-Dutreil).* 
DUTRIEUX   (Pierre),  médecin  et  voyageur  beke,  né  à 
Tournai  le  i  9  juil.  1848.  Il  fut  appelé  au  Caire  en  1874  par 
le  khédive  Ismaïl  qui  venait  d'instituer  une  école  de  méde- 
cine.  Dutrieux  y  professa  l'ophtalmologie.  En  1877,  il 
accompagna  les  officiers  belges  chargés  par  le  roi  Léopold 
d'explorer  les  bords  du  Tanganyka.  Il  revint  ensuite  au 
Caire.  Il  a  publié  plusieurs  ouvrages  de  mérite,  dont  voici 
les  principaux  :   r Ophtalmologie  égyptienne  (Le  Caire, 
1877,  in-8)  ;  la  Question  africaine  au  point  de  vue 
commercial  (Bruxelles,  1880,  in-8);  le  Choléra  dans  la 
basse  Egypte  en  188S  (Le  Caire,  1884);   Souvenirs 
d'une  exploration  médicale  dans  V Afrique  intertro- 
picale (Le  Caire,  1885,  in-8)  ;  Aperçu  de  la  pathologie 
des  Européens  dans  l'Afrique  inter tropicale  (Le  Caire, 
1885,  in-8). 

DUTROCHET  (  René  -  Joachim  -  Henri  )  ,  physiolooiste 
français,  né  au  château  de  Néon  (Indre)  le  14  nov.  1776, 
mort  à  Paris  le  4  févr.  1847.  Il  partit  en  1808  à  l'armée 
d'Espagne  et  fut  nommé  par  le  roi  Joseph  médecin  en 
chef  de  l'hôpital  militaire  de  Burgos  ;  atteint  du  typhus,  il 
rentra  en  France  l'année  suivante  et  se  retira  à  Château- 
Renault.  Là  il  se  livra  exclusivement  à  l'étude  de  la  nature, 
à  ses  intéressantes  expériences  de  physiologie  animale  et 
végétale,  à  ses  travaux  sur  l'endosmose,  sur  la  physique 
en  général,  etc.  ;  il  écrivit  une  foule  de  mémoires  dont  il 
adressait  bon  nombre  à  l'Institut  ;  en  1831,  il  vint  se  fixer 
à  Paris  et  devint  membre  résident  de  l'Institut.  Ouvrages 
principaux  :  Recherches  sur  l'accroissement  et  la  repro- 
duction des  végétaux  {Mém.  Mus.  d'hist.  nat.,  1821  ; 
cour,  par  ITnstitut)  ;  Nouvelles  Recherches  sur  l'endos- 
mose et  Vexosmose,  etc.  (Paris  et  Londres,  1828,  in-8, 
2  pi.)  ;  Mémoire  pour  servira  l'histoire  anatomique  et 
physiologique  des  végétaux  et  des  animaux   (Paris, 
1837,  2  vol.  in-18,  avec  atl.  de  30  pi.),  etc.     D'^L.  Hn. 
DUTRONCHET  (Etienne),   écrivain  français,  né  vers 
1510,  mort  à  Rome  vers  1585.  Il  fut  successivement  se- 
crétaire du  gouverneur  de  Lyon,  trésorier  du  domaine  et 
des  forêts,  secrétaire  de  la  reine  mère  et  enfin  secrétaire 
du  baron  de  Ferais,  ambassadeur  de  France  à  Rome.  On 
peut  citer  de  lui  :  Lettres  missives  et  familières  (Paris, 
1569,  in-4);  Finances  et  trésor  de  la  plume  française 
(1570,  in-8);  Lettres  amoureuses  avec  soixante-dix 
sonnets  traduits  de  Pétrarque  (1575,  in-16);  Discours 
académiques  florentins  appropriés  à  la  langue  fran- 
çaise (1576,  in-8),  etc.  On  trouve  encore  un   certain 
nombre  de  poésies  de  lui  dans  le  Parnasse  français  et  on 
lui  attribue  le  Formulaire  de  Bredin  le  Cocu  (Lvon, 
1594,  in-16).  ^  ^    ' 

DUTROULEAU  (Auguste-Frédéric),  médecin  français, 
né  à  Brest  en  1807,  mort  à  Dieppe  le  28  janv.  1872.  Il 
résida  comme  médecin  aux  Antilles,  mais  revint  en  France 
en  1862  avec  une  constitution  délabrée  et  fut  nommé  mé- 
decin-inspecteur des  bains  de  mer  de  Dieppe.  Son  chef- 
d'œuvre  est  le  Traité  des  maladies  des  Européens  dans 
les  pays  chauds  (Paris,  1865,  1868,  in-8),  traité  qui  a 
fait  autorité  dans  la  science  jusqu'à  ce  jour.  D^  L.  Un. 
DUTRUY  (Le baron  Jacques),  général'suisse,  né  àGenève 
en  \  762,  mort  vers  1832.  Issu  d'une  famille  vaudoise,  il  fit 
dans  sa  jeunesse  un  apprentissage  d'émailleur ,  puis  à  vingt  ans 
entra  comme  grenadier  au  régiment  de  Bourgogne.  Il  gagna 
promptement  ses  épaulettes  et  le  13  juin  1793  il  devint 
général  de  brigade.  Sa  conduite  en  Vendée  et  en  Italie  lui 
valut  en  1804  la  croix  de  commandeur  de  la  Légion  d'hon- 
neur et  bientôt  le  titre  de  baron.  En  1806,  il  cessa  le  ser- 
vice actif  pour,  en  1815,  reprendre  le  commandement  d'une 
brigade  de  gardes  nationales  mobilisées  avec  le  grade  de 


—  141  — 


maréchal  de  camp.  A  la  seconde  Restauration,  il  quitta  défi- 
nitivement le  service  et  vint  finir  ses  jours  à  Genève.  Il  a 
laissé,  entre  autres  écrits  :  Du  Crédit  et  de  la  force  en 
France,  selon  la  monarchie  et  la  charte  (d847)  ;  Quel- 
ques Réflexions  sur  la  pehie  de  m^r^(1826).  E.  K. 
DUTTENHOFER  (Christian-Friedrich) ,  graveur  allemand, 
né  dans  le  Wurtemherg  en  1 780,  mort  à  Heilbronn  en  1846. 
D'abord  élève  de  Kleingel  à  Dresde,  il  étudia  ensuite  à  l'Aca- 
démie de  Vienne.  En  1803,  Wille  lui  procura  du  travail  dans 
le  Musée  Napoléon.  Duttenhofer  est  surtout  connu  pour  ses 
gravures  de  paysages,  parmi  lesquelles  on  cite  une  planche 
importante,  d'après  le  tableau  de  Claude  Lorrain,  connu 
sous  le  nom  de  Bain  de  Diane,  des  Vues  d'Innsbruck,  du 
Tirol,  etc.  Il  a  laissé  aussi  d'excellentes  planches  d'archi- 
tecture. F.  COURBOTN. 

DUTUIT  (Eugène),  collectionneur  et  iconographe 
français,  né  à  Marseille  le  7  avr.  1807,  mort  à  Rouen 
le  25  juin  1886.  Il  forma,  avec  le  concours  de  son  frère, 
un  véritable  musée  oti  toutes  les  branches  des  beaux-arts 
et  des  arts  décoratifs  sont  représentées  de  la  manière  la 
plus  brillante.  Il  en  a  libéralement  fait  profiter  le  public 
aux  différentes  expositions  rétrospectives  de  Paris,  et  il  a 
publié  un  catalogue  illustré  de  ce  qu'il  a  prêté  pour  celle 
de  1868  (Souvenir  de  l'exp,  de  i 868 ;  Vâris,  \869, 
in-4).  Plus  particulièrement  iconophile,  il  fit  paraître 
'OEuvre  complet  de  Rembrandt  (Paris,  1883-1885, 
3  vol.  gr.  in-4,  avec  héliogr.)  et  il  avait  entrepris  en 
même  temps  un  nouveau  Manuel  de  Vamaieur  d'es- 
tampes dont  il  publia  une  partie  (1881-1884,  4  vol. 
in-8).  Ce  grand  ouvrage  est  continué  par  son  collabora- 
teur, le  signataire  du  présent  article,  qui  a  mis  au  jour 
un  nouveau  volume  (Nielles,  1888),  précédé  d'une  notice 
sur  l'éminent  collectionneur.  G.  Pawlowski. 

DUUMYIR  (Ant.rom.).  On  désignait  sous  ce  nom  les  ma- 
gistrats qui  setrouvaientàla  têtedes  municipes  (V.  ce  mot). 
Ils  étaient,  comme  l'indique  leur  nom,  au  nombre  de  deux, 
élus  pour  un  an  et  rééligibles  après  un  intervalle  qui,  dans 
certaines  villes,  allait  jusqu'à  cinq  ans.  Leurs  attributions 
étaient  assez  nombreuses.  C'était  à  eux  qu'il  appartenait  de 
convoquer  l'assemblée  du  peuple  et  le  sénat  et  de  présider  à 
leurs  délibérations.  L'administration  de  la  cité  et  de  son 
territoire  leur  appartenait,  et  c'est  en  cette  qualité  d'admi- 
nistrateurs qu'ils  pouvaient  contracter  au  nom  de  la  ville, 
affermer  par  adjudication  ou  à  forfait  les  travaux  publics, 
et,  le  cas  échéant,  ester  pour  elle  en  justice  par  l'in- 
termédiaire d'un  5?/7i(izcw5  nommé  par  le  sénat.  Les  éman- 
cipations, les  adoptions  et  les  affranchissements  s'accom- 
plissaient devant  eux  ;  la  délatation  de  la  tutelle,  lorsqu'elle 
devait  émaner  du  magistrat,  était  également  de  leur  res- 
sort. Ils  avaient  enfin  entre  les  mains  l'administration 
de  la  justice,  et  c'est  pour  cela  qu'on  les  appelait  duum- 
viri  jure  dicundo.  Il  leur  était  défendu  de  s'absenter, 
ne  fut-ce  qu'un  jour,  sans  se  donner  un  suppléant  prœ- 
feclus.  p.  N. 

BiBL.  :  Lex  Rubria  de  Gallia  Cisalpina,  Lex  de  Sal- 
pensa,  Lex  Julia  Municipales^  dans  Girard,  Textes  de 
droit  romain,  pp.  63,  70  et  97,  —  Maynz,  Cours  de  droit 
romain,  I,  p.  204,4»  édit.—  Duruy,  Histoire  des  Romains, 
t.  V,  pp.  373  et  suiv.,  édition  illustrée. 
DU  VAIR  (Guillaume)  (V.  Vair). 
DU  VAL  (Etienne),  sieur  de  Mondrain  ville,  célèbre  négo- 
ciant à  Caen,  né  vers  1507,  mort  le  19  janv.  1578.  Il 
trafiqua  en  Europe,  en  Barbarie  et  dans  presque  toutes  les 
contrées  du  nouveau  monde,  et  acquit  des  richesses  consi- 
dérables. Use  chargea  d'approvisionner  la  ville  de  Metz  de 
vivres  de  toute  sorte,  très  peu  de  temps  avant  que  Charles- 
Quint  ne  l'assiégeât.  Henri  II  le  récompensa  de  ses  services 
en  lui  conférant,  au  mois  de  mars  1548,  des  lettres  de 
noblesse.  En  1572,  il  fut  nommé  par  le  roi  receveur  géné- 
ral des  Etats  de  Normandie. 

BiBL.  :  J.  DE  Cahaignes,  Eloges  des  citoyens  de  la  ville 
de  Caen,  n°  31.  —  Boisard,  les  Hommes  du  Calvados.  — 
VAUQUELiN  DE  La  Fresnaye,  Epltaphcs,  p.  875.  —  Con- 
sulter surtout  le  manuscrit  113  de  la  bibliothèque  de  Caen 
et  1  Etude  manuscrite  de  M.  G.  Dupont. 


DUTRUY  -  DUVAL 


D UVAL.  Famille  genevoise  originaire  de  Rouen.  Elle 
remonte  a  Etienne  Duval  qui  émigra  à  Genève  pour  cause 
de  religion  et  y  fut  reçu  bourgeois  le  17  mai  1555  pour 
<<  vingt  ecus,  unseillot  et  un  mousquet  ».  Une  branche  de  la 
tamille  passa  de  Genève  en  Angleterre  au  siècle  dernier  • 
elle  y  donna  des  officiers  de  marine  qui  se  sont  distingués 
dans  les  guerres  du  premier  Empire.  -  Une  autre  se  fixa  en 
Russie  en  la  personne  de  Louis-David  Duval  qui  devint 
joaillier  de  la  couronne  sous  Catherine  11.^  Son  ms,Jacob' 
David,  joaillier  de  Paul  P^  rentra  à  Genève  en  1803.  —  Le 
hls  de  ce  dernier,  Jacob-Louis,  y  de\mt  procureur  sénéral 
et  professeur  de  droit  à  l'Académie.  Petit-neveu  du  publi- 
ciste  Etienne  Dumont,  ce  fut  lui  qui  puWia  en  1832  les  6'ow- 
l'^mn-  sur  Mirabeau  :  il  les  accompai^na  d'une  notice  et  de 
pièces  justificatives.—  Un  autre  fils  de  Louis-David,  Jean- 
françois-André(ill6-iSU),resl3ikmersbourgiusqu'en 
181/,  et  reumt  à  Genève  une  importante  collection  de 
tableaux  vendue  en  1845  au  comte  de  Morny.  —  Son 
fils,  Louis-Etienne,  né  en  1824,  est  un  peintre  de  talent 
qui  a  fait  sa  spécialité  des  paysages  des  bords  du  Nil.  — 
André-Jacob  (fils  de  Jacob-Louis),  né  en  1828,  mort  le 
b  nov.  1887.  Il  fit  ses  études  à  Paris  et  y  fut  reçu  docteur 
en  médecine.  Dès  1853,  il  fit  partie  de  la  Société  médicale 
de  Genève  :  il  en  devint  bibliothécaire  et  dressa  le  catalogue. 
Ses  recherches  dans  cette  bibliothèque  pendant  vinot-cinq 
ans  ont  donné  lieu  à  une  histoire  complète  des  médewns  et 
de  la  médecine  à  Genève  qui  sera  achevée  par  le  D^  L.  Gau- 
tier. Hygiéniste  et  philanthrope  distingué,  ardent  apôtre  de 
la  tempérance,  Duval  a  fondé  en  1 872  la  maison  des  Enfants 
malades  qui  rend  de  grands  services.  —  David-Jacob  Duval- 
Plantamour,  né  en  1814,  mort  en  1890,  a  fait  don  en  1885 
a  la  ville  de  Genève  d'une  remarquable  collection  de  mon- 
naies russes  rassemblée  pendant  le  long  séjour  fait  en  Russie 
par  sa  famille.  Cette  collection,  faite  sous  la  direction  de 
numismates  russes,  compte  trois  mille  quatre  cents  pièces 
en  or,  platme,  argent,  cuivre  et  cuir  :  elle  passe  pour  la 
plus  importante  qu'il  y  ait  sur  la  Russie  en  dehors  de  ce 
pays.  Une  médaille  d'or  commémorative  de  ce  don  a  été 
frappée  et  off'erte  à  la  famille.  E.  K. 

..PP^n""  (P^^^^?)'  ®^'^q"<^  de  Sées,  mort  à  Vincennes  en 
lob4.  On  a  de  lui  :  le  PsaUne  de  la  puissance,  sapience 
et  bonté  de  Dieu  (Paris,  1559),  et  la  Grandeur  de  Dieu  et 
de  la  cogîioissance  qu  'on  peut  avoir  de  lui  par  ses  œuvres 
(Pans,  1568).  Viollet-le-Duc,  dans  sa  Bibliothèque  poé- 
tique, lui  attribue  encore  un  recueil  très  curieux  :  le  Puu 
du  souverain  amour,  tenu  par  la  déesse  Dallas,  avec 
l  ordre  du  nuptial  banquet  faict  à  l'honneur  d'un  des 
siens  enfans,  mis  en  ordre  par  celui  qui  porte  en  son 
nom  tourné  le  Vrai  Perdu,  ou  Vrai  Prélude  (Rouen, 
1543).  Mais  il  n'y  a  dans  ce  recueil  qu'un  seul  dizain  qui 
soit  signé  Pierre  Duval. 

BiBL.:  Ed.  Frère,  Manuel  du  bibliographe  normand. 
-  ViOLLET-LE-Duc,  Bibliothèque  poétique 

DUVAL  (Guillaume),  érudit français,  né  à  Pontoise  vers 
1d/2,  mort  à  Paris  le  22  sept.  1646.  Professeur  de  phi- 
losophie au  collège  de  Calvi  en  1594,  il  occupa  la  même 
chaire  au  Collège  royal  en  1606,  se  fit  recevoir  docteur  en 
médecine  en  1612  et  devint  médecin  ordinaire  du  roi.  On 
peut  citer  de  lui  :  Historia  monogramma  (Paris,  1643, 
in-4);  le  Collège  royal  de  France  (1644,  in-4)  et  une 
édition  des  Œuvres  d'Aristote  (1619,  4  vol.  in-4). 

Aaîa"^^^'  (^®^"^'  P°^^^  français,  mort  à  Paris  le  12  déc. 
1680,  moine  et  prédicateur.  On  a  de  lui  :  les  Triolets  du 
temps  (Pans,  1649,  in-4);  le  Parlement  burlesque  de 
Pmtoise  (1652,  in-4)  ;  le  Calvaire  profané  ou  le  Mont 
Valénen  usurpé  par  les  Jacobins  réformés  de  la 
rue  Saint-Honoré  (1664,  in-4);  la  Sorbonne  au  Roi 
sur  de  nouvelles  thèses  contraires  à  la  vérité  (s.  d., 
in-4). 

DUVAL  (Valentin  Jameray),  numismatiste  et  érudit  fran- 
çais, né  à  Arthonnay  (Champagne)  le  i  2  janv.  1695,  mort  à 
Vienne  (Autriche)  le  3  nov.  1775.  Fils  d'un  pauvre  laboureur, 
Duval  fut  dès  sa  plus  tendre  enfance  gardeur  de  dindons. 


DUVAL 


—  142  — 


Son  premier  maître  fut  un  ermite  Les  princes  de  Lorraine 
qui  le  trouvèrent  dans  la  forêt  de  Samte-Anne  étudiant 
une  carte  de  géographie,  le  firent  entrer  au  collège  des 
^suitTs  de  Po'ntXMousson  Le  duc  Uopo  d  de  Lor^^^^^^^ 
emmena  Duval  à  Paris  avec  lui  en  i  K 8.  A  la  tin  de  1719, 
il  le  nomma  son  bibliothécaiie,  et  fonda  pour  lui  une 
chaire  d'histoire  et  d'antiquités  à  FAcademie  de  Luneville. 
Duval  suivit  à  Florence,  avec  le  titre  de  bibliothécaire  le 
fils  de  son  protecteur  Léopold,  François  de  Lorraine,  de- 
;  nu  Vandlduc  de  Toscane.  Le  grand-duc,  e  ant  monte 
sur  le  trône  d'Autriche  en  174d,  chargea  Duval,  en  1748 
de  la  bibliothèque  et  du  cabinet  d'antiquités  et  de  médailles 
qu'il  créait  à  Yknne.  On  a  de  Duval  des  ouvrages  de  numis- 
matique et  OEuvres  de  Duval,  précédées  des  Mémoires  sur 
7a2,  par  le  chevalier  Koch  (Strasbourg,  l'84^2^vol. 

'""bL.  :  Albrecht-Christoph  Kayser    Leben  des  herm 

Annuaire  statistique  du  dep.  de  l  Yonne,  18 lU,  p.  fOL 

DUVAL  (M^i^),  chanteuse  irançaise  et  compositeur  du 
xvm^  siècle,  morte  en  1769.  Elle  est  l'auteur  d'un  opéra 
en  quatre  actes  et  un  prologue,  intitulé  les  Génies,  ([ui 
ut  r  présenté  à  l'Opéra  le  18  oct.  1736  et  dont  les  deux 
rôles  principaux  étaient  tenus  par  deux  artistes  célèbre  , 
Chasse  et  Mii«  Fel.  M^^^  Duval  était  professeur  de  chant, 
et  peut-être  elle  se  produisait  dans  les  concerts  puis- 
qu'elle pubha,  en  1741,  une  «  méthode  agréable  et  utde 
pour  apprendre  facilement  à  chanter  juste  et  avec  goût  ». 
DUVAL  (Charles-François-Marie),  homme  politique  fran- 
çais, né  à  Rennes  le  2  févr.  1750,  mort  à  Huy  (Belgique) 
le  25  août  18i9.  Conseiller  du  roi,  assesseur  de  la  mare- 
chaussée  à  Rennes,  il  fut  élu  en  1791  juge  au  tribunal  du 
district  de  La  Guerche.  Député  d'IUe-et-Vilame  a  la  Législa- 
tive et  à  la  Convention,  il  émit,  dans  le  procès  de  Louis  \Vl, 
les  votes  les  plus  rigoureux.  Il  rédigea  le  Journal  des 
hommes  libres.  Membre  du  conseï  des  Cinq-Cents,  il  en 
sortit  en  1797.  De  1804  à  1814,  il  fut  chef  de  bureau  de 
l'administration  des  contributions  indirectes.  Proscrit  en 
1816  comme  régicide,  il  se  retira  en  Belgique,  a  Huy,  et 
se  fit  inscrire  au  barreau  de  Liège.  i^'-A-  A- 

BiBL      Charles   Vatel,  Charlotte  de^  Corday  et  les  Gi- 
rondins ;  Paris,  1864-1872,  in-4,  pp.  53o  a  549.  ^         ^  ^ 
DUVAL  (Jean-Pierre),  homme  politique  français,  ne  a 
Rouen  le  20  févr.  1754,  mort  à  Paris  le  15  août  1817. 
Greffier  du  bureau  central  des  juges  de  paix  a  Rouen,  il 
fut  élu  à  la  Convention  par  la  Seme-Inferieure.  Dans  le 
procès  de  Louis  XVI,  il  vota  pour  la  réclusion.  Ami  des 
girondins,  il  fut  déclaré  démissionnaire  le  15  juil.   179o 
et  rentra  en  l'an  HL  R  fut  ministre  de  la  pohce  générale 
du  8  brumaire  au  5  messidor  an  YH  Membre  du  Corps 
législatif  (1800-1803),  commissaire  de  police  a  Mutes 
(lf04     préfet  des  Basses-Alpes  (1805-1815),  préfet  de 
la  Charente  puis  de  l'Eure  pendant  lesCent-Jours,  il  rentra 
dans  la  vie  privée  lors  de  la  seconde  Restauration.  1^  .-A .  A. 
DUVAL   (Charles  -  Alexandre -Amaury   Pineux-),    dit 
Amaury  Duval.  érudit  et  littérateur  français  ne  à  Rennes 
le  28  ianv.  1760,  mort  à  Pans  le  12  nov.  1838.  D  abord 
avocat  au  parlement  de  Bretagne  où  il  plaida  avec  succès 
des  causes  importantes,  puis  secrétaire  d  ambassade  a  Naples 
et  à  Rome,  il  faillit  périr  en  1792,  lors  de  l'émeute  ou  fut 
massacré  Huson  de  Bassville.  Nommé  secrétaire  délégation 
^  Malte   il  ne  put  prendre  possession  de  son  poste,  parce 
que  le  srand  maître  de  l'ordre  refusait  de  reconnaître  un 
agent  de  la  République  française.  Revenu  à  Pans,  Amaury 
Duval  fonda  en  floréal  an  II,  avec  Chamfort,  Gmguene, 
J  -B  Say  etc.,  la  Décade  philosophique,  importante  revue 
à'iaquelle  il  fournit  de  nombreux  articles  sous  son  nom  et 
sous  le  pseudonyme  àePolyscope,  et  remplit  pendant  plu- 
sieurs années  lès  fonctions  de  chef  de  bureau  des  sciences 
et  des  beaux-arts  au   ministère  de  l'\f  ^neur.  Nomnie 
membre  de  la  3^  classe  de  l'Institut  le  13  dec.  1811,  il  fît 
partie,  lors  de  la  réorganisation  de  181 6,  de  1  Académie  des 
inscriptions.  Outre  des  poésies  fugitives  insérées  dans  1  Al- 
manach  des  Muses  et  diverses  plaidoiries,  on  connaît 


d' Amaury  Duval  les  ouvrages  suivants  :  Relation  de  Vin- 
surrection  de  Rome  et  de  la  mort  de  Bassville  (^ai^\es, 
1793,  in-4);  Observations  sur  les  théâtres  (1196,  m-S); 
Des  Sépultures  (1801,  in-8);  Paris  et  ses  monuments, 
gravés  par  Baltard,  avec  leur  histoire  et  leur  exphcation 
(1803,  t.  I  et  unique,  96  pi.);  les  Fontaines  de  Pans 
anciennes  et  nouvelles  (1813,  in-foL,  60  pi.);  le  Nouvel 
Elysée  ou  Projet  d'un  monument  à  la  mémoire  de 
Louis  XVI  (1844,  in-8);  Notice  sur  la  comtesse  Orlofj 
(18^^4  in-8);  de  nombreux  articles  i\d.w^  V Athenœum 
1806);  le  Mercure  (1807-1816),  \q  Mercure  étranger 
1813-1816)  dont  il  fut  le  fondateur,  la  Revue  encyclo- 
pédique, etc.;  une  traduction  du  Voyage  dans  les  Deux- 
Siciles  de  Spallanzani  (1800);  des  notices  dans  r//2S^ozr^ 
littéraire  de  France  commencée  par  les  benedictms,  etc. 

M.  Tx. 
DUVAL  (Alexandre-Vincent   Pineux,  dit  Alexandre), 
auteur  dramatique  français,  né  à  Rennes  le  6  avr.  1767, 
mort  à  Montmartre  (Seine)  le  1^"^  sept.  1842.  Tour  a  tour 
marin,  architecte,  dessinateur,  volontaire  en  1792,  acteur, 
directeur  de  théâtre,  il  aborda  les  genres  dramatiques  les 
plus  divers.  En  1812,  il  fut  élu  membre  de  l'Académie 
française,  en  remplacement  de  Legouvé,  et  maintenu  lors  de 
la  réorganisation  de  1816.  Parmi  ses  pièces  dontle  nombre 
dépasse  soixante  et  dont  aucune  d'ailleurs  ne  s  est  main- 
tenue jusqu'à  nos  jours  au  répertoire,  on  peut  citer  :  le 
Défenseur  officieux  (1795);  la  Manie  d'être  .quelque 
chose  ou  le  Voyage  à  Paris  (1795);  le  Souper  imprévu 
ou  le  Chanoine  de  Milan  (1796);  les  Héritiers  ou  le 
Naufrage  (1796);  laJeunesse  de  Richelieu  ou  le  Love" 
lace  français  (1796);  le  Prisonnier  ou  la  Ressemblance, 
opéra-comique  en  un  acte  ;  Maison  à  vendre,  opéra-comique, 
musique  de  Dalayrac  (1800);  Edouard  en  Ecosse  ou  la 
Nuit  d'un  proscrit,  ôrsime  en  trois  actes  (1802),  interdit 
après  la  seconde  représentation  et  qui  valut  à  l'auteur  une 
persécution  à  laquelle  il  n'échappa  que  par  un  exil  de  plus 
d'une  année;  Guillaume  le  Conquérant,  drame  en  cinq 
actes  avec  prologue  (1803),  composé  au  moment  du  projet 
de  descente  en  Angleterre  et  qui  ne  fut  joué  aussi  qu  une 
seule  fois  ;  le  Tyran  domestique  ou  l'Intérieur  d  une 
famille,  comédie  en  cinq  actes  et  en  vers;  le  Menuisier 
de  Livonie  ou  les  Illustres  Voyageurs,  comédie  en  trois 
actes  et  en  prose  (1 805)  ;  la  Jeunesse  de  Henri  V,  comédie 
en  trois  actes  et  en  prose  (1806);  Joseph,  drame  en  trois 
actes,  musique  de  Méhul  (1807);  le  Retour  d'un  croise 
ou  le  Portrait  mystérieux,  grand  mélodrame  en  un  petit 
acte,  parodie  d'un  genre  alors  fort  en  vogue  (1810);  la 
Manie  des  grandeurs,  comédie  en  cmq  actes  et  en  vers 
(1817);  /a  Fi//^d'/ionnmr,  comédie  en  cmq  actes  (1818); 
le  Faux  Bonhomme,  comédie  en  cinq  actes  (1821);  le 
Jeune  Homme  en  loterie,  comédie  en  un  acte  et  en  prose 
(1821);  la  Princesse  des  Ursins  ou  les  Courtisans, 
comédie  en  trois  actes  et  en  prose  (1826).  Dans  l'édition 
des  OEuvres  complètes  de  l'auteur  donnée  par  lui-même 
(1822-1829,  9  vol.  in-8)  figurent  en  outre  un  certain 
nombre  de  pièces  non  représentées,  et  toutes  sont  accompa- 
gnées de  notices  intéressantes  pour  l'histoire  littéraire  de 
la  première  partie  du  siècle.  Alexandre  Duval  a  encore 
écrit  un  roman,  le  Misanthrope  du  Marais  ou  la  Jeune 
Bretonne  (1832,  in-8),  des  plaidoyers  en  verset  en  prose, 
l'un  entre  autres  contre  Picard,  alors  directeur  de  l'Odéon, 
et  deux  pamphlets  contre  les  nouvelles  tendances  de  l'art  : 
De  la  Littérature  dramatique  (1833,  in-8),  lettre  à 
Victor  Hugo  et  le  Théâtre-Français  depuis  cinquante 
ans  (1H38,  in-8),  lettre  à  M.  de  Montalivet.       M.  Tx. 

DUVAL  (Henri-Charles  Pineux,  dit  Henri),  frère  des 
précédents,  né  à  Rennes  en  juil.  1770,  mort  à  Pans  en 
1847.  Secrétaire  de  Ginguené  lors  de  son  ambassade  a 
Tunis,  puis  sous-chef  du  bureau  des  sciences  et  des  beaux- 
arts  au  ministère  de  l'intérieur,  il  y  fut  spécialement 
chargé  des  théâtres,  passa  en  1812  au  bureau  des  hos- 
pices et  établissements  de  bienfaisance  et  fut  réforme  en 
1816.  Gendre  du  célèbre  statuaire  Houdon,  il  devint  ainsi 


—  143  — 


DUVAL 


le  beau-frère  de  Raoul  Rochette.  Collaborateur  d'Amaury 
Duval  à  la  Décade  et  à  VAthenœum^  ainsi  que  pour 
ses  publications  sur  les  monuments  de  Paris,  il  a  écrit  quel- 
ques romans  :  Melval  et  Adèle  (1819,  3  vol.  in-i2);  Mes 
Contes  et  ceux  de  ma  gouvernante  (1820,  3  vol.  in-12)  ; 
Monsieur  Grassinet  ou  Qu'est-il  donc  (1823,  4  vol. 
in-12)  ;  Gamhadoro  ou  le  Jeime  Aventurier  (isk^,  Ayol. 
in-12)  ;  un  Essai  sur  la  critique  (1807,  in-8)  ;  un  Eloge 
de  Duplessis-Mornay  (1809,  in-8)  ;  des  mémoires  couron- 
nés par  diverses  sociétés  littéraires,  etc.  Henri  Duval  a  laissé 
un  Dictionîiaire  des  ouvrages  dramatiques  depuis  Jo- 
délie  jusqu'à  nos  jours,  dont  le  manuscrit  est  conservé  à 
la  Bibliothèque  nationale  (Fr.  15048-13064).      M.  Tx. 

DUVAL  (Georges-Louis-Jacques),  auteur  dramatique 
français,  né  à  Valognes  le  26  oct.  1772,  mort  à  Paris 
le  11  mai  1853.  D'abord  clerc  de  notaire,  puis  rédacteur 
et  sous-chef  au  ministère  de  l'intérieur,  il  a  donné,  avec 
Goutfé,  Rochefort,  Dumersan,  Vieillard,  Barrière  et  autres, 
une  infinité  de  pièces  de  théâtre,  dont  la  seule  énumération 
nous  entraînerait  trop  loin.  On  la  trouvera  d'ailleurs  dans 
Ouérard  {France  littéraire,  t.  Il,  p.  746).  Nous  citerons 
seulement  en  dehors  de  sa  manière  habituelle  :  Souvenirs 
de  la  Terreur  (Paris,  1841-42,  4  vol.  in-8);  Souvenirs 
thermidoriens  (1843,  2  vol.  in-8)  ;  Dictionîiaire  abrégé 
de  toutes  les  mythologies  (Paris,  s.  d.,  in-8).  Georges 
Duval  s'appelait  en  réalité  George  Labiche. 

DUVAL  (Henri-Louis-Nicolas),  littérateur  français,  né  à 
Paris  le  1^^  nov.  f783,  mort  en  1854.  H  servit  tour  à  tour 
dans  la  marine  et  dans  la  garde  impériale,  et  quitta  l'armée  en 
1814.  On  a  de  lui  :  Pensées  et  Maximes  de  Fénelon  (1821 , 
2  vol.  in-18)  ;  Manuel  de  la  jeune  femme  (1825,  in-18)  ; 
Manuel  de  l'enfance  (-:829,  in-18);  les  Anglais  aux 
Baiignolles  (1831 ,  in-18)  ;  Abrégé  de  grammaire  simple 
et  facile  sur  un  nouveau  plan  \iS'd'^,  in-18);  Histoire 
de  France  à  Vusage  de  la  jeunesse  (1832,  in-18); 
Mélancolies  poétiques  et  religieuses  (1833,  in-18); 
Muséum  pittoresque  (1835,  in-4)  ;  Atlas  universel  des 
sciences  (1837,  in-fol.).  On  l'a  parfois  confondu  avec 
Henri-Charles  Pineux  Duval  (V.  ci-dessus). 

DUVAL  (Charles),  architecte  français,  né  à  Beauvais 
(Oise)  en  1800,  mort  à  Paris  en  1876.  Il  fut  chargé  en 
1831  par  le  financier  Jacques  Laffittedes  constructions  du 
parc  de  Maisons  ;  il  construisit  ensuite  le  château  de  la 
Jonchère  près  de  Brie-Comte-Robert.  Il  a  bâti  à  Paris  de 
nombreuses  maisons,  manèges,  cafés  et  cafés-concerts  ;  nous 
citerons  l'hôtel  Van  Eeckout,  l'hôtel  Meuron,  aux  Champs- 
Elysées,  l'hôtel  de  la  tragédienne  Rachel,  rue  Trudon,  le 
manège  de  la  Chaussée  d'Antin,  le  Grand  Café  parisien,  le 
café  du  Delta,  l'Alcazar,  le  Casino,  l'Eldorado  et  Bataclan. 
Il  fit  aussi  l'Alcazar  du  Havre,  l'Alcazar  de  Bruxelles  et 
divers  projets  pour  l'Opéra,  les  Halles  centrales,  une  Bourse 
du  travail,  une  caserne  camp-abrité,  etc.  En  1852,  il  avait 
exécuté  pour  le  vice-roi  d'Egypte  un  kiosque  destiné  à  être 
placé  à  Alexandrie.  "  M.  D.  S. 

DUVAL  (Charles-Edmond-Raoul),  magistrat  et  homme 
politique  français,  né  à  Amiens  le  6  mars  1807.  Substitut 
du  procureur  du  roi  à  Laon  en  1830,  il  devint  procureur 
général  à  Nantes  en  1846.  Révoqué  en  1848,  il  fut  nommé, 
le  6  janv.  1849,  procureur  général  à  Dijon.  Membre  de 
la  commission  mixte  de  la  Côte-d'Or  après  le  coup  d'Etat 
du  2  déc,  il  devenait  premier  président  à  la  cour  de  Bor- 
deaux en  1861.  Révoqué  par  Crémieux  (20  janv.  1871), 
il  fut  réintégré  à  son  poste  par  l'Assemblée  nationale.  Le 
30  janv.  1876,  il  fut  élu  sénateur  de  la  Gironde,  siégea 
dans  le  groupe  bonapartiste  et  appuya  la  politique  du  gou- 
vernement du  iQ  mai.  H  ne  se  présenta  pas  aux  élec- 
tions du  5  janv.  1879  et  demeura  depuis  lors  dans  la  vie 
privée. 

DUVAL  (Eugène-Emanuel-Amaury),  peintre  français 
(V.  Amaury-Duval). 

DUVAL  (Edmond),  musicien  belge,  né  à  Enghien  (Hai- 
naut)  le  22  août  1809.  Célèbre  surtout  par  la  part  active 


qu'il  prit  à  la  composition  des  Livres  liturgiques  gra- 
duels et  antiphonaires^d'âpvès  le  système  de  l'abbé  Jans- 
sen,  qui  soulevèrent  tant  de  polémiques  quand  ils  furent 
publiés  à  l'usage  du  diocèse  de  Mahnes,  en  1848.  Fétis 
consacre  un  long  article  à  ce  sujet  dans  la  Biographie  des 
musiciens, 

DUVAL  (AHne),  actrice  française,  née  à  Paris  en  1823. 
Fille  d'un  ouvrier  plombier,  elle  entra,  en  1834,  au  petit 
théâtre  Comte,  y  resta  quelques  années,  puis  fit  une  appa- 
rition au  Panthéon,  d'où  elle  fut  engagée  au  Palais-Royal, 
où  elle  se  fit  une  réputation  de  gaieté  et  de  bonne  huineur 
dans  l'emploi  des  soubrettes  délurées.  Elle  débuta  à  ce 
théâtre  en  1842,  dans  Francine  la  gantière,  et  dans 
l'espace  de  dix-huit  ans  y  créa  un  assez  grand  nombre  de 
rôles,  dans  Tambour  battant,  le  Voyage  sentimental, 
les  Folies  dramatiques,  la  Femme  aux  œufs  d'or,  les 
Dragons  de  la  reine,  Edgard  et  sa  bonne,  la  Perle  de 
la  Cannebière,  Si  jaînais  j'te  pince,  la  Veuve  aux 
camélias,  etc.  Du  Palais-Royal,  M^^«  Aline  Duval  passa 
aux  Variétés,  où  elle  demeura  une  quinzaine  d'années,  se 
faisant  remarquer  dans  les  Domestiques,  Barbe-Bleue, 
Niniche,  les  Chambres  de  bonnes.  Elle  aiia  ensuite  créer 
le  Petit  Ludovic  au  théâtre  des  Menus-Plaisirs,  Pot^ 
Bouille  à  l'Ambigu,  puis  se  retira  définitivement  et  fit  ses 
adieux  au  public. 

DUVAL  (Ferdinand),  administrateur  français,  né  à  Paris 
en  nov.  1827.  Avocat  au  barreau  de  Paris,  secrétaire  de 
Dufaure,  il  collabora  en  même  temps  au  Courrier  du 
Dimanche.  Capitaine  d'état-major  de  la  garde  nationale 
en  1870,  il  fut  nommé  en  1871  préfet  de  la  Gironde  et  le 
24  mai  1873  préfet  de  la  Seine.  H  occupa  ces  fonctions 
importantes  jusqu'en  1879  et  fit  preuve  de  beaucoup  d'ha- 
bileté, au  milieu  d'incessants  démêlés  avec  le  conseil  muni- 
cipal qui  lui  reprochait  surtout  ses  anciennes  opinions 
orléanistes.  Il  fut  remplacé  par  M.  Herold.  Actuellement 
(1892),  il  représente  au  conseil  municipal  de  Paris  le 
quartier  Saint-Thomas-d'Aquin  (VIP  arrond.). 

DUVAL  (Edgard-Raoul),  homme  politique  français,  né 
à  Laon  le  9  avr.  1832,  mort  à  Monte-Carlo  le  10  févr. 
1887,  fils  de  Ch.-E.-Raoul  Duval  (V.  ci-dessus).  Substitut 
à  Nantes  en  1853,  il  était  avocatgénéral  à  Rouen  en  1870 
lorsqu'il  démissionna  et  se  fit  inscrire  au  barreau  de  cette 
ville.  Après  un  échec  aux  élections  du  8  févr.  1871,  il  fut 
élu  représentant  de  Seine-Inférieure  à  l'Assemblée  nationale 
le2juil.  suivant  et  siégea  dans  le  groupe  bonapartiste.  H  ne 
tarda  pas  à  prendre  une  grande  influence  sur  la  droite  de 
l'assemblée,  se  fit  remarquer  parmi  les  interpellaleurs  les 
plus  redoutés  du  pouvoir  et  poursuivit  particulièrement  de 
sa  haine  tous  les  membres  du  gouvernement  de  la  Défense 
nationale.  H  contribua  à  la  chute  de  M.  Thiers.  Les  orléa- 
nistes prétendirent  s'attacher  un  leader  aussi  redoutable, 
mais  Raoul  Duval  rompit  publiquement  avec  eux  et  les 
combattit  avec  assez  de  vivacité.  En  1876,  il  fut  élu  député 
de  Louviers,  après  avoir  échoué  dans  le  VHP  arrondisse- 
ment de  Paris.  Rapporteur  du  budget  de  la  marine  en  1876, 
il  ne  soutint  pas  le  gouvernement  du  16  mai  et  aux  élec- 
tions de  1877  échoua  à  Louviers.  Après  un  nouvel  échec 
en  1881,  il  rentra  à  la  Chambre  le  25  mai  1884  comme 
député  de  Bernay,  fut  réélu  député  de  l'Eure  en  1885  et 
il  préparait  avec  ardeur  l'organisation  d'une  droite  répu- 
blicaine, —  projet  qui  eut  beaucoup  de  retentissement,  — 
lorsqu'il  mourut,  enlevé  en  très  peu  de  jours  par  un  refroi- 
dissement. On  peut  citer  certains  de  ses  discours  de 
rentrée  fort  intéressants  et  originaux  :  Etude  historique 
des  lois  sur  les  céréales.  Monsieur  de  Martignac,  De 
Vlnftuence  de  Voltaire  sur  nos  mœurs  judiciaires.  Il 
avait  fondé  en  1876  la  Nation  avec  Albert  Duruy  pour 
rédacteur  en  chef. 

DUVAL  (Rubens),  orientahste  français,  né  à  Paris  en 
1839.  Après  avoir  étudié  les  langues  sémitiques  sous 
Ewald,  à  l'Université  de  Gœttingue,  en  1867  et  1868,  il 
s'est  livré  plus  particulièrement  à  l'étude  des  langues  ara- 
méennes.  Il  a  publié,  en  1881,  un  Traité  de  grammaire 


DUVAL 


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syriaque  (Paris,  in-8);  en  4883,  ks  Dialectes  néo-ara- 
méens  de  Salamas  (Paris,  iii-8 ,  autogr.),  le  Lexicon 
Syriacum  d'Hassan  Bar  Bahloul,  in4,  dont  deux  fasci- 
cules ont  paru,  et  différents  articles  de  bibliographie  et 
d'épigraphie  dans  le  Journal  asiatique  et  dans  la  Revue 
critique.  M.  Duval  est  un  des  collaborateurs,  pour  la  partie 
aratnéenne,  du  Corpus  inscript.  semitic,  que  publie  en 
ce  moment  (1892)  l'Académie  des  inscriptions.  E.  Drouin. 

DUVAL  (Emile- Victor,  dit  le  général),  un  des  chefs  mi- 
litaires de  la  Commune,  né  à  Paris  en  1844,  fusillé  au 
Petit-Bicêtre  le  4  avr.  4874.  Ouvrier  fondeur  à  Pans,  il 
acquit  une  certaine  instruction  et  s'associa  de  bonne  heure 
aux  revendications  du  parti  socialiste.  Il  fut,  vers  la  fin  de 
l'Empire,  un  des  agents  les  plus  actifs  de  l'Internationale 
et  fut  condamné  comme  tel  à  deux  mois  de  prison  (9  juil. 
4870).  Après  le  4  sept.,  il  devint  colonel  de  la  43^  légion 
de  la  garde  nationale  de  Paris,  et  prit  une  part  importante 
aux  mouvements  insurrectionnels  du  34  oct.  4870  et  du 
48  mars 4874.  Elu,  à  la  suite  de  ce  dernier,  membre  delà 
Commune  (26  mars),  il  fut,  à  titre  de  général  de  la  garde 
nationale,  chargé  le  3  avr.  de  marcher  contre  Versadles. 
C'est  en  exécutant  cet  ordre,  le  4  avr.,  qu'il  fut  cerné  et 
pris  par  les  troupes  du  général  Vinoy,  qui  le  fit  aussitôt 
passer  par  les  armes.  A.  Debidour. 

DUVAL  (César),  homme  politique  français,  né  à  Saint- 
Julien  (Haute-Savoie)  le  20  janv.  4844.  Pharmacien,  maire 
de  Saint-Julien,  il  fut  élu  député  de  la  Haute-Savoie  le 
6  mai  4883,  siégea  d'abord  à  la  gauche  radicale,  pjiis  fit 
partie  du  groupe  opportuniste.  Réélu  le  4  oct.  488o  et  le 
22  sept.  4889,  il  a  rapporté  en  4884 la  proposition  Bastid, 
relative  à  la  réforme  des  bureaux  de  préfecture,  a  pris 
part  aux  discussions  sur  le  budget  et  sur  la  loi  militaire 
et  combattu  le  boulangisme.  On  a  de  lui  :  Tcrnier  et 
Saint-Julien,  Essai  historique  sur  les  anciens  hail- 
liaqes  de  Ternier-le-Gaillard  et  le  district  révolution- 
naire de  Carouge  (Paris,  4879,  in-8)  ;  les  Terres  de 
Saint-Victor  et  chapitre  dans  l'ancien  bailliage  de 
Ternier  (Genève,  4880,  in-8);  V Administration  mu- 
nicipale de  la  commune  et  du  canton  de  Viry,  de 
Van  I  à  l'an  VII  de  la  République  française  (Saint- 
Julien,  4883,  in-8)  ;  Procès  de  sorciers  à  Viry  de  i534 
à  1548  (Genève,  4884,  in-8)  ;  Un  Curé  de  Collonge- 
sous-Salève  il  y  a  cent  ans  (4874,  in-8)  ;  la  Famille 
Paget  (4884),  etc.  .     .  ,    .       . 

DUVAL  (Mathias),  médecin  et  physiologiste  irançais, 
fils  de  Joseph  Duval-Jouve,  né  à  Grasse  (Alpes-Mari- 
times) le  40  févr.  4844.  Il  a  fait  ses  études  médicales 
à  Strasbourg.  Reçu  docteur  en  médecine  en  4869,  il 
dirigea  les  ambulances  de  cette  ville  pendant  le  siège  de 
4870  et  après  la  capitulation  suivit  comme  médecin-ma- 
jor l'armée  de  Bourbaki.  Agrégé  d'anatomie  et  de  phy- 
siologie à  la  Faculté  de  Paris  (4873),  professeur  d'anatomie 
à  l'Ecole  des  beaux-arts,  directeur  du  laboratoire  d'anthro- 
poloi^ie  de  l'Ecole  des  hautes  études  (4880),  membre  de 
l'Académie  de  médecine  (4884),  professeur  d'histologie 
(4887).  Les  travaux  de  M.  Duval  sont  considérables  et 
la  plupart  sont  classiques;  ainsi  son  Cours  de  physio- 
logie, d'après  renseignement  de  Kuss,  a  eu  cinq  éditions; 
uii  Précis  de  technique  microscopique  ou  histologique 
(4878);  un  Manuel  du  microscope  en  collaboration  avec 
M.  Lereboullet  (4873);  un  Manuel  de  Vanatomiste,  en 
collaboration  avec  M.  Morel;  un  Précis  d'anatomie  à 
V usage  des  artistes  (4884);  un  Atlas  d'embryologie 
(4889,  in-fol.  avec  pi.).  M.  Duval  est  devenu,  après 
la  mort  de  Gavarret,  le  directeur  de  l'Ecole  d'anthropo- 
Xq^q,  D^  a.  Dureau. 

DUVAL  (Georges),  publiciste  français,  né  à  Paris  le 
2  févr.  4847.  De  bonne  heure,  il  se  lança  dans  le  journa- 
lisme et  collabora,  avec  talent,  à  un  grand  nombre  de  jour- 
naux, entre  autres  :  le  Gaulois,  le  Figaro,^  rEvénement. 
Auteur  dramatique  et  romancier  fécond,  il  a  fait  repré- 
senter à  l'Odéon,  Voltaire  chez  Iloudon  (23  févr.  4880)  ; 
à  la  Renaissance,  les  Voltigeurs  de  la  32'  (7  janv.  4880)  ; 


à  Cluny,  Faublas  (2o  oct.  4884).  Parmi  ses  ouvrages, 
nous  citerons  :  V Année  théâtrale  (4875  etsuiv.,  in-42); 
Terpsichore,  petit  guide  à  l'usage  des  amateurs  de  bal- 
lets (4875,  in-32)  ;  le  Carnaval  parisien  (4885,  in-42)  ; 
Chasteté  (4877,  in-42);  Virginie Déjazet  (4876,  in-12); 
Un  Amour  sous  la  Révolution  (4884,  in-42);  Artistes 
et  Cabotins  (4878,  in-42)  ;  Frederick  Lemaître  et  son 
temps  (1876,  in-l2)  ;  Histoire  de  la  littérature  révo- 
lutionnaire (4879,  in-42);  le  Miracle  de  l'abbé  Dulac 
(4882,  in-12);  Laurette  (1885,  in-8);  les  Orphelins 
d'Amsterdam  (4884,  in-4)  ;  les  Petites  Abraham 
(4880,  in-42)  ;  le  Premier  Amant  (4883,  in-42);  l'au- 
luisantet  Bouleau  (4884,  in-42);  Vieille  Histoire 
(1884,  in-42),  etc.,  etc. 

DUVAL  DE  Leyrit  (V.  Leyrit). 
DUVAL  d'Epréménil  (V.  Epréménil). 
DUVAL -Jouve  (Joseph),  naturahste  et  philosophe 
français,  né  à  Boissy-Lamberville  (Eure)  le  7  août  4840, 
mort  à  Montpellier  le  25  août  4883.  Après  avoir  remph 
les  fonctions  de  professeur  aux  collèges  de  Castellane  et  de 
Grasse,  il  passa  en  4852  à  Alger  comme  inspecteur  d'aca- 
démie et  peu  après  à  Strasbourg  avec  le  même  titre  ;  il  fut 
nommé  à  Montpellier  en  4868  et  prit  sa  retraite  en  4877. 
L'année  suivante,  il  devint  membre  correspondant  de  l'Aca- 
démie des  sciences.  Duval-Jouve  a  publié  en  4844  un  tra- 
vail sur  les  Bélemnites,  en  1864  sur  le  genre  Equisetum; 
c'est  lui  qui  a  découvert  le  mode  de  germination  des  Equi-- 
sétacées  ;  enfin,  en  4870,  sur  les  espèces  végétales.  On  lui 
doit  en  outre  un  Traité  de  logique  (Pans,  4843,  48dd, 
in-8),  très  remarquable,  et  des  travaux  histonques  sur 
Montpellier  (4876,  4884).  D'-L.Hn. 

DUVAL  Le  Camus  (Pierre),  peintre  français,  néàLisieux 
(Calvados)  le  44  févr.  4790,  mort  à  Saint-Cloud  le  29  juil. 
4854.  Elève  de  David,  cet  artiste  peignit  de  nombreux  por- 
traits, la  plupart  de  personnages  connus,  et  des  tableaux  dans 
le  genre  sentimental  ;  le  dessin  en  est  correct,  mais  la  cou- 
leur sèche,  froide,  la  touche  dépourvue  de  verve,  avec 
lesquelles  ils  sont  exécutés,  leur  enlèvent  tout  intérêt.  Les 
principales  de  ses  œuvres  sont  ;  Un  Baptême;  la  Partie 
de  piquet  de  deux  invalides  (S.  4849);  Départ  pour  la 
chasse  au  traqué;  le  Dimanche  matin  ou  la  distri- 
bution du  pain  bénii  (S.  4827);  le  Retour  des  champs 
(S.  4834  ;  musée  d'Orléans);  Portrait  de  Dupin  aîné, 
dans  son  cabinet,  a  la  Chambre  des  députés  (S.  4833). 
On  peut  encore  citer  de  lui,  au  musée  de  Cherbourg  :  Une 
Dame  assise  au  milieu  d'un  salon,  occupée  à  répondre 
à  la  lettre  que  vient  d'apporter  un  petit  valet  ;  ^^u 
musée  de  Lisieux  :  Portrait  de  M.  Leroy-Baulieu ,  ancien 
maire;  Pêcheurs  de  la  plage  de  Trouville;  au  musée  de 
Bordeaux  :  Vue  d'intérieur.  Ad.  T._ 

DUVAL  Le  Camus  (Jules- Alexandre),  peintre  français, 
né  à  Paris  le  5  août  4844,  mort  à  Paris  en  4877.  Fils  du 
précédent,  il  reçut  de  lui  les  premières  notions  artistiques 
et  fut  placé  ensuite  sous  la  direction  de  P.  Delaroche  et  de 
Drolling.  Ses  premières  œuvres  froidement  académiques 
accusent  encore  l'influence  paternelle,  par  ex.  :  Tobie  et 
l'Ange;  J.-J.  Rousseau  composant  la  Nouvelle  Héloïse 
(1845).  Il  se  dégagea  de  cette  influence  et  acquit  une  note 
plus  personnelle  dans  Macbeth  et  les  sorcières  (S.  4855). 
Mais,  gêné  peut-être  par  ses  études  premières,  il^  ne  put 
jamais  arriver  à  peindre  des  scènes  réellement  vivantes; 
le  poncif  académique  pesa  sur  lui  pendant  toute  sa 
carrière.  On  peut  s'en  convaincre  en  voyant  son  Poste 
avancé  de  routiers  (S.  4859),  qui  passe  pour  un  de  ses 
meilleurs  tableaux.  Citons  encore  de  lui  Sainte  Elisabeth 
de  Hongrie  distribuant  ses  aumônes  (S.  4863)  et  la 
décoration  de  l'église  de  Saint-Cloud,  composée  de  sept  pan- 
neaux dont  cinq  sont  consacrés  aux  principaux  épisodes  de 
la  vie  du  saint  fils  de  Clodomir.  ,  Ad.  T. 

DUVAL  Le  RoY  (Nicolas-Claude),  mathématicien  fran- 
çais, né  vers  4739  à  Sainte-Honorine-des-Pertes  (Calvados), 
mort  le  6  déc.  4840  à  Brest.  Professeur  de  mathématiques 
à  l'Ecole  de  Brest  en  4764,  il  fut,  à  partir  de  4769,  se- 


145 


DUVAL  —  DUVERDIER 


crétaire  de  l'Académie  royale  de  la  marine,  dont  le  tome 
unique  des  Mémoires  (Brest,  1773)  renferme  de  lui  plu- 
sieurs travaux  intéressant  l'analyse  et  l'astronomie.  Il  a 
donné  en  outre  une  traduction  "^de  V Optique  de  Smith 
(Brest,  1767)  avec  supplément  (1783),  une  Instruction 
sur  les  baromètres  marins  (n84),  des  Eléments  de 
navigation  (1802)  et  écrit  tous  les  articles  mathématiques 
concernant  la  marine  àscnsV  Encyclopédie  méthodique.  En 
1789  et  1790,  il  publia  quelques  écrits  de  circonstance. 

DUVAUCEL  (Charles),  astronome  français,  né  à  Paris 
le  o  avr.  1734,  mort  à  Evreux  en  1820.  Élève  de  La- 
lande,  il  donna  en  1768  (Mém.  savants  étrangers,  V)  le 
calcul  de  toutes  les  éclipses  visibles  à  Paris  de  1767  à 
1900,  calcul  qu'il  prolongea  jusqu'à  l'an  2000  pour  l'édi- 
tion de  1783  à^VArt  de  vérifier  les  dates.  Correspondant 
de  l'Académie  des  sciences  (24  mars  1776),  il  collabora 
pendant  longtemps  à  la  Connaissance  des  temps. 

DUVAUCEL  (Alfred),  naturaliste  et  voyageur  français, 
né  vers  1793,  mort  à  Madras  à  la  fin  d'août  1824.  Il  dé- 
barqua en  1818  à  Calcutta  où  il  trouva  le  naturaliste  Diard. 
Ils  s'installèrent  ensemble  à  Chandernagor  où  ils  réunirent 
d'importantes  collections  et  d'où  ils  firent  de  riches  envois 
au  Muséum  de  Paris.  A  la  fin  de  déc.  1818,  ils  partirent 
pour  les  îles  de  la  Sonde.  Duvaucel  revint  à  Chandernagor 
en  1820.  Il  s'embarqua  le  22  juil.  1821  pour  aller  ex- 
plorer le  Sylhet.  Il  visita  ce  pays,  ainsi  que  les  montagnes 
de  Cossya  et  de  Gentya,  mais  il  arriva  à  Calcutta  malade  de 
la  fièvre  et  il  alla  mourir  bientôt  à  Madras.  G.  R. 

BiBL.  :  Revue  encyclopédique,  1821,  t.  X,  p.  473;  1824, 
t.  XXI,  p.  257;  1825,  t.  XXVI,  p.  274. 

DUVAUCHEL  (Léon),  poète  français,  né  à  Paris  en 
1850.  Collaborateur  de  plusieurs  journaux  et  revues  litté- 
raires, entre  autres  V Artiste.,  la  Revue  générale^  le 
Paris  illustré^  la  Vie  littéraire.,  il  s'est  fait  connaître  par 
des  poésies  aimables  et  finement  ciselées.  Nous  citerons  : 
la  Clef  des  champs  (Paris,  1881,  in-12);  le  Médaillon 
(1875,  in-12)  ;  le  Petit  Soldat,  poème,  suivi  de  Jo- 
seph Bara,  son  histoire  et  sa  légende  (1881,  in-12)  ; 
Rouget  de  Liste  à  Choisy-le-Roi  (1882,  in-12),  etc. 
On  peut  aussi  mentionner  un  roman  qui  obtint  un  cer- 
tain succès,  la  Moussière  (1886,  in-12)  et  une  comédie 
en  un  acte,  en  vers,  le  Chapeau  bleu,  jouée  à  Cluny  le 
11  janv.  1880. 

DU  VAUX  (Jules-Antoine),  peintre  et  graveur  français, 
né  à  Bordeaux  (Gironde)  en  1818,  mort  à  Paris  en  juil. 

1884.  Il  obtint  son  premier  succès  au  Salon  de  1848, 
avec  un  épisode  de  la  bataille  de  Waterloo,  le  Combat 
de  la  Haie-Sainte.  Il  a  peint  un  grand  nombre  de 
tableaux  militaires  et  a  fourni  aux  divers  journaux  et 
recueils  illustrés,  quantité  de  dessins,  eaux-fortes  et  litho- 
graphies. 

D UVAUX  (Jules-Yves-Antoine),  homme  politique  fran- 
çais, né  à  Nancy  le  21  mai  1827.  Elève  de  l'Ecole  nor- 
male (promotion  de  1849),  il  fut  successivement  professeur 
au  collège  de  Saintes,  aux  lycées  de  Montpellier  et  de 
Nancy.  Membre  du  conseil  municipal  de  Nancy,  puis  du 
conseil  général  de  Meurthe-et-Moselle,  il  fut  révoqué  par 
M.  de  Fourtou  à  cause  de  ses  opinions  républicaines.  Il 
fut  élu  le  20  févr.  1876  député  de  Nancy,  siégea  à  gauche 
de  la  Chambre,  fit  partie  des  363  et,  réélu  avec  eux  le 
14  oct.  1877,  le  fut  encore  le  21  août  1881  et  le  4  oct. 

1885.  Il  s'occupa  beaucoup  des  questions  d'enseignement 
et  devint  le  2  févr.  1882  sous-secrétaire  d'Etat  à  l'ins- 
truction publique.  Il  succéda  à  ce  ministère  à  M.  Jules 
Ferry,  le  7  août  1882  (cabinet  Duclerc)  et  conserva  son 
portefeuille  dans  le  cabinet  Fallières  jusqu'au  21  févr.  1883. 
Il  continua  à  soutenir  les  ministères  opportunistes,  combattit 
le  boulangisme  et  ne  se  représenta  pas  aux  élections  géné- 
rales de  1889.  Il  a  donné  quelques  éditions  classiques  : 
ddkvow^De  Senectute,  De  Signis,  De  Suppliciis ;Y\Yg\\e^ 
OEuvres  complètes. 

DU  VEAU  (Louis-Jean-Noël),  peintre  français,  né  à 
Saint-Malo  le  26  mai  1818,  mort  à  Paris  le  25  déc.  1867. 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.   —    XV. 


Elève  de  L.  Cogniet,  cet  artiste  s'est  attaché  surtout  à  repro- 
duire les  sites  et  les  types  de  sa  Bretagne  natale,  et  il  y  a 
trouvé  ses  meilleurs  sujets  d'inspiration.  Sacouleur  est  sobre 
et  vigoureuse,  son  dessin  puissant.  On  peut  citer  comme  ses 
principales  œuvres  :  Saint  Malo  préchant  au  peuple 
d'Aleth  (S.  1845;  cathédrale  de  Saint-Malo);  le  Lende- 
main d'une  tempête  dans  la  baied'Audierne  (S.  1846)  ; 
Emigrants  arrêtés  en  Bretagne  par  des  républi- 
cains (S.  1848)  ;  la  Peste  d'Elliant  (S.  1849  ;  musée  de 
Blois);  Ene  Messe  en  mer  (S.  1864;  musée  de  Rennes); 
Persée  délivrant  Andromède  (S.  1865;  musée  de  Lille). 
On  lui  doit  encore  :  la  décoration  de  l'église  de  Saint-Servan 
(Ille-et-Vilaine)  ;  celle  de  la  chapelle  des  fonts  baptismaux, 
à  l'église  Saint-Roch  de  Paris,  et  le  rideau  d'entr'acte  du 
théâtre  de  la  Gaîté,  représentant  les  personnages  célèbres 
de  l'ancien  répertoire.  Ad.  T. 

DUVERDIER  (Antoine),  poète  et  bibliographe  français, 
né  à  Montbrison  le  11  mars  1544,  mort  à  Duerne,  près  de 
Lyon,  le  25  sept.  1600.  Maître  d'une  grande  fortune,  il 
occupa  d'abord  à  la  cour  les  fonctions  de  conseiller  du  roi 
et  la  charge  de  gentilhomme  ordinaire  de  la  chambre.  Il 
possédait  une  belle  bibliothèque  riche  en  manuscrits  pré- 
cieux d'ouvrages  grecs  et  latins  qu'il  ouvrait  libéralement 
à  tous  les  savants  de  son  temps.  Il  parvint  à  exercer  ainsi 
une  influence  littéraire  assez  active,  s'adonnant  lui-même 
à  la  poésie,  mais  sans  succès.  Il  publia  successivement  la 
tragédie  de  Philoxène  (Lyon,  1567,  in-8)  ;  Mysopolème 
(1568,  in-4);  une  satire,  les  Omonymes  (Lyon,  1572, 
in-4).  Il  donna  en  1573  un  premier  recueil  de  biographies, 
la  Prosopographie,  description  de  personnes  insignes 
(Lyon,  in-4);  en  1577,  les  Diverses  Leçons  d'Ant.  du 
Verdier...  extraites  des  auteurs  grecs  et  latins  (Lyon, 
in-8).  Il  publia  ensuite  plusieurs  traductions,  un  Recueil 
de  traits  facétieux  (Lyon,  1584,  in-16)  ;  une  Nouvelle 
Prososographie  ou  biographie  des  rois  de  France  jusqu'il 
Henri  ÏIU  et  enfin  son  grand  ouvrage,  celui  qui  a  préservé 
son  nom  de  l'oubli  :  la  Bibliographie  d'Ant.  du  Verdier 
contenant  le  catalogue  de  tous  ceux  qui  ont  écrit  ou 
traduit  en  français  avec  un  discours  sur  les  bonnes 
lettres,  servant  de  préface  et  à  la  fin  un  supplément 
de  Vépitome  de  Gesner  (Lyon,  1585,  in-fol.).  Ce  livre 
souvent  cité,  même  de  nos  jours,  parut  presque  en  même 
temps  que  le  recueil  analogue  de  La  Croix  du  Maine.  Les 
deux  ouvrages  se  corrigeaient  et  se  complétaient  sur  un 
certain  nombre  de  points.  Rigolet  de  Juvigny  les  a  réunis 
dans  l'édition  de  1772  (6  vol.  in-4).  A.  Lefranc. 

BiBL.  :  NicÉRON,  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  des 
hommes  illustres,  t.  XXIV. 

DUVERDIER  (Claude),  littérateur  français,  né  à  Lyon 
vers  1566,  mort  en  i649,  fils  du  précédent.  On  peut  citer 
de  lui  :  Perij^etasis  epigrammatum  viarorum,  etc. 
(Paris,  1581,  in-8);  Discours  contre  ceux  qui  par  les 
grandes  conjonctions  des  planètes  qui  se  doivent  faire 
ont  voulu  prédire  la  fin  du  monde  devoir  lors  ad- 
venir (Lyon,  1583,  in-8);  Claudii  Verdii  in  autores 
censiones  et  correctiones  (Lyon,  1586). 

DUVERDIER  (Gilbert  Saulnier),  écrivain  français,  né 
vers  le  commencement  du  xvii®  siècle,  mort  en  1686. 
Historiographe  de  France.  Il  a  donné  :  le  Temple  des 
sacrifices  (1620,  in-8);  la  Bergère  amoureuse  (162^1, 
in-8);  l'Amour  aventureux  (1623,  in-8);  la  ISymphe 
solitaire  (1624,  in-8)  ;  la  Diane  française  (1624,  in-8)  ; 
la  Parthénice  de  la  Cour  (1624,  in-8)  ;  la  Floride 
(1625,  in-8);  le  Roman  des  romans  où  on  verra  la 
suite  et  la  conclusion  de  D.  Belianis  de  Grèce  du  che- 
valier du  Soleil  et  d'Amadis  (Paris,  1626-1629, 
7  vol.  in-8);  les  Amours  et  les  armes  des  princes  de 
Grèce  (1628,  in-8);  les  Esclaves  ou  V histoire  de  Perse 
(1628,  in-8);  les  Amants  jaloux  (1631,  in-8);  le  Che- 
valier hypocondriaque  (1632,  in-8);  la  Sibylle  de  Perse 
(1632,  in-8);  Suite  de  Rosalinde  (1648,  in-8);  Abrégé 
de  rhis'oire  de  Finance  (1651,  2  vol.  in-8);  Lettres 
choisies  (1655,  2  vol.  in-12);  le  Vrai  Etat  de  France 

10 


DUVERDIER  -  DU  VERGIER  -   146  - 

(4656  in-42);  Abrégé  de  Thistoire  des  Ottomans  (iQ^, 
in-12);  Abrégé  de  l'histoire  d'Espagne  (4663,  2  vol. 
in-42);  Abrégé  de  l'histoire  sainte  (4664,  in-42); 
Abréqé  de  Vhistoire  d'Angleterre,  d'Ecosse  et  d'Irlande 
(4667,  3  Yol.  in-42);  Abrégé  chronologique  de  l'his- 
toire romaine  (4670,  8  vol.  in-42);  V Histoire  entière 
d'Alexandre  le  Grand  (4674,  in-42),  etc. 

DUVER6ER  (Louis-Théodore Véron-),  ingénieur  fran- 
çais, néà  Dunkerque  le  4^^  mai  4844.  Il  appartient  au  corps 
des  ponts  et  chaussées,  dans  lequel  il  a  joué  un  grand  rôle,  et 
est  aujourd'hui  (4892)  en  retraite.  Après  une  vie  d'ingénieur 
très  active,  Duverger  est  devenu  directeur  des  chemins  de 
fer,  position  qu'il  a  occupée  avec  honneur  pendant  plusieurs 
années,  lors  de  la  mise  en  œuvre  du  programme  Freycmet. 
Duverger  a  contribué  pour  une  bonne  part  à  diminuer  les 
exagérations  de  classement,  exagérations  qu'une  tendance 
naturelle  des  membres  du  Parlement  risquait  de  faire  dé- 
passer toutes  bornes. 

DUVERGER  (Alexandre-Jacques  Véron-),  né  à  Paris  le 
48  avr.  4848.  Suppléant  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris  le 
24  juil.  4847.  Par  arrêté  ministériel  du  30  oct.  4854, 
M.  Duverger  fut  chargé  du  cours  de  droit  constitutionnel 
français  et  il  devait  ouvrir  son  enseignement  le  jour  même 
du  coup  d'Etat  du  2  déc.  Le  cours  n'eut  pas  lieu  et  ne 
fut  jamais  fait.  On  lui  confia  ensuite  le  cours  d'introduc- 
tion générale  à  l'étude  du  droit  (4855),  puis  la  chaire  de 
code  civil  (4857)  qu'il  a  occupée  jusqu'au  26  juil.  4888. 
Pendant  cette  longue  carrière,  M.  Duverger  a  toujours 
attiré  un  très  nombreux  auditoire  autour  de  sa  chaire  par 
la  clarté  et  la  méthode  de  son  enseignement  et  aussi  par 
la  richesse  et  l'érudition  de  sa  science.  On  doit  aussi  à 
M.  Duverger  plusieurs  ouvrages  ou  mémoires  importants  : 
Be  l'Effet  de  la  transcription  relativement  au  droit 
du  vendeur  (Paris,  4865,  broch.  in-8);  Etude  de  juris- 
'prudence  et  de  législation,  observations  sur  le  mémoire 
de  M.  Batbie  intitulé  Revision  du  code  Napoléon  (Paris, 
4867,  in-8)  ;  De  la  Condition  politique  et  civile  des 
femmes  (Paris,  1872,  broch.  in-8);  le  Code  civil  et  la 
Paix  sociale  (Paris,  4880,  broch.  in-8)  ;  l'Athéisme  et 
le  Code  civil  (Paris,  4888,  in-42). 

DUVERGER  (Théophile-Emmanuel),  peintre  français 
contemporain,  né  à  Bordeaux  le  7  sept.  4824.  Cet  artiste 
commença  par  cultiver  la  peinture  décorative  ;  ses  facultés 
de  fine  observation  le  portèrent  ensuite  à  s'essayer  dans  de 
petites  toiles  de  genre,  et  il  trouva  bientôt  le  succès.  Ses 
compositions  humoristiques,  bien  disposées,  peintes  avec 
une  touche  fine  et  grasse  en  même  temps,  d'une  gracieuse 
harmonie,  n'ont  pas  cessé  depuis  ses  débuts  dans  ce  genre, 
au  Salon  de  4853,  défigurer  chaque  année  au  palais  de 
l'Industrie;  le  goût  en  paraît  cependant  parfois  un  peu 
vieillot.  Les  meilleurs  de  ses  tableaux  sont  :  la  Visite  de 
la  nourrice  (S.  4859)  ;  la  Gamelle  du  grand-papa  ;  les 
Dames  de  charité  [^.  4864);  les  Derniers  Sacrements; 
les  Bohémiens;  la  Recette  de  l'aveugle  (S.  4863); 
Cache-cache  (S.  1864);  le  Laboureur  et  ses  Enfants 
(S.  4865;  au  musée  du  Luxembourg);  la  Fille  repen- 
tante; Bourg  de  Batz  (S.  4866)  ;  la  Fête  de  la  grand'- 
înaman  (S.  4879)  ;  la  Veille  du  marché  (S,  4884);  Lunch 
àEcouen(S.  4889).  Ad.  T. 

DU  VERGER  DE  Chabannes  (Marquis)  (V.  Cha bannes). 

DU  VERGER  de  Hauranne  (V.  Du  Vergier  de  Hau- 
ranne)  . 

DUVERGIER  (Jean-Baptiste),  jurisconsulte,  né  à  Bor- 
deaux le  25  août  4792,  mort  à  Bordeaux  le  2  nov. 
4877.  Inscrit  au  barreau  de  Paris  en  4824,  bâtonnier  en 
4844  et  4845,  il  a  été  pendant  quelque  temps  directeur 
des  afiaires  civiles  au  ministère  de  la  justice  et  est  entré 
au  conseil  d'Etat  le  7  mars  4855,  où  il  devint  président 
de  section  en  4866.  Il  fut  garde  des  sceaux  du  47  juil. 
4869  au  2  janv.  1870,  et  entra  ensuite  au  Sénat.  Dès  son 
arrivée  à  Paris,  il  avait  entrepris  la  Collection  des  cons- 
titutions, chartes  et  lois  fondamentales  des  peuples  de 


l'Europe  et  des  deux  Amériques  (4824-4823,  6  vol. 
in-8).  En  4824,  il  commença  sa  Collection  des  lois,  dé- 
crets, ordonnances,  règlements  et  avis  du  conseil 
d'Etat  depuis  il8S  jusqu'à  i824,  classés  par  ordre 
chronologique  (4824-1828,  24  vol.  in-8);  2<^  édition  con- 
tinuée jusqu'en  4830  (4834-4838,  30  vol.  in-8).  Depuis 
4830  la  collection  s'augmente  d'un  volume  par  année.  Ce 
recueil  est  un  des  plus  complets  qui  existent.  Deux  vo- 
lumes de  tables  ont  paru  en  4834-4838,  et  quatre  autres 
en  4890.  M.  Du  vergier  a  en  outre  publié  divers  travaux 
de  droit,  dont  le  principal  est  la  continuation  de  l'ouvrage 
de  Touiller  sur  le  code  civil;  cette  continuation  est  elle- 
même  restée  inachevée;  elle  va  de  l'art.  4582  à  l'art.  4963 
(6  vol.). 

DU  VERGIER  ou  DU  VERGER  DE  Hauranne  (Jean),  abbé 
de  Saint-Cyran  ou  Saint-Siran  (Sigirannus),  né  àBayonne 
en  4584,  de  famille  noble,  mort  le  44  oct.  4643.  Après 
avoir  fait  en  France  ses  humanités  et  sa  philosophie,  il  alla 
étudier  la  théologie  à  Louvain,  où  la  doctrine  de  Baius 
(V.  ce  nom),  momentanément  comprimée,  avait  repris 
vigueur  à  l'occasion  des  controverses  provoquées  par  le 
molinisme  (V.  ce  mot).  Il  y  forma  un  commerce  fort  in- 
time d'amitié  et  d'étude  pieuse  avec  un  étudiant  un  peu  plus 
jeune  que  lui,  mais  qui  se  distinguait  déjà  par  de  brillants 
succès  scolaires,  Cornélius  Jansénius  (V.  ce  nom).  Ses 
cours  terminés,  il  revint  à  Paris  et  parvint  à  y  amener  son 
ami,  à  qui  il  procura  un  emploi  de  précepteur  dans  la  fa- 
mille d'un  conseiller.  En  4609,  il  publia  un  écrit  intitulé 
Question  roïale  oit  il  est  monstre  en  quelle  extrémité, 
principalement  en  temps  de  paix,  le  sujet  pourrait 
estre  obligé  de  conserver  la  vie  du  prince  aux  dépens 
de  la  sienne  (Paris,  in-8).  Dans  ce  livre,  qui  avait  pour 
objet  de  résoudre  un  cas  de  conscience  posé  par  le  roi 
Henri  IV,  Du  Vergier  indique  plusieurs  occasions  où  un 
homme  peut  se  donner  la  mort  sans  être  homicide  de  soi- 
même,  et  il  en  conclut  qu'à  plus  forte  raison  le  sujet  doit 
conserver  la  vie  du  prince  aux  dépens  de  la  sienne.  Dans 
les  premières  Réponses  aux  lettres  provinciales,  Pascal 
fut  formellement  sommé  de  se  prononcer  sur  cette  doctrine  ; 
il  s'abstint  prudemment  de  répondre.  Vers  4644,  Du  Ver- 
gier et  Jansénius  allèrent  à  Bayonne  ;  ils  y  étudièrent  en- 
semble les  Pères  et  particulièrement  saint  Augustin,  avec 
une  appUcation  qui  mit  en  péril  la  santé  de  Jansénius, 
obligé  de  se  partager  entre  cette  étude  et  la  direction  d'un 
collège  nouvellement  fondé,  dont  l'évèque  de  Bayonne, 
Bertrand  d'Eschaux,  l'avait  établi  principal.  Cet  évêque 
avait  aussi  nommé  Du  Vergier  chanoine  de  sa  cathédrale. 
Ayant  été  promu  à  l'archevêché  de  Tours,  devenu  vacant 
par  la  démission  de  Sébastien  Galigaï,  parent  du  maréchal 
d'Ancre,  il  fit  en  sorte  que  Du  Vergier  allât  à  Paris.  Jan- 
sénius n'étant  point  assuré  de  la  faveur  du  nouvel  évêque 
de  Bayonne,  s'en  retourna  à  Louvain  (4647)  où  on  le  fit 
principal  du  collège  de  Sainte-Pulchérie.  Mais  il  résigna 
cet  emploi,  qui  l'empêchait  de  se  livrer  à  ses  études  préfé- 
rées, et,  stimulé  par  les  lettres  de  son  ami,  il  poursuivit 
les  longs  travaux  qui  aboutirent  à  la  composition  de  son 
Augiistinus. 

Après  un  séjour  assez  court  à  Paris,  Du  Vergier  se  ren- 
dit auprès  de  M.  de  La  Rocheposay,  évêque  de  Poitiers, 
qui  avait  pris  les  armes  pour  expulser  les  protestants.  Il 
avait  écrit,  afin  d'innocenter  ce  procédé,  une  xipologie 
pour  maître  H.-L,  Chasteignier  de  La  Rocheposay, 
évêque  de  Poitiers,  contre  ceux  qui  disent  qu'il  n'est 
pas  permis  aux  ecclésiastiques  d'avoir  recours  aux 
armes  en  cas  de  nécessité  (4645,  in-8).  Il  reçut  de  cet 
évêque  un  canonicat,  dont  il  se  démit  pour  le  prieuré  de 
Bonneville.  En  4620,  il  résigna  ce  prieuré  en  faveur  d'un  de 
ses  neveux,  Martin  de  Barcos  (V.  ce  nom).  La  même  année, 
l'évèque  de  Poitiers  le  pourvut  de  l'abbaye  de  Saint-Cyran 
en  Touraine,  qui  lui  appartenait.  Dès  lors.  Du  Vergier  ne 
fut  plus  guère  désigné  que  sous  le  nom  de  Saint-Cyran. 
Il  réduisit  son  abbaye  à  la  stricte  observance  de  la  règle 
et  revint  à  Paris.  C  est  vers  cette  époque  qu'il  entra  en 


—  147  — 


DU  VERGIEH 


relations  avec  Arnauld  d'Andilly.  —  C'est  en  ce  temps-là 
aussi  que  les  adversaires  du  jansénisme  placent  ce  qu'ils 
appellent  le  Projet  de  Bourg -Fontaine.  Dans  le  chap.  ii 
d'un  livre  publié  par  ordre  de  la  reine  (Réfutation  juri- 
dique de  ce  qui  s'est  passé  à  Poitiers  touchant  la  nou- 
velle doctrine  des  jansénistes  ;  Poitiers,  1654,  in-8), 
Filleau  dit  qu'un  ecclésiastique  de  mérite,  passant  par  Poi- 
tiers, s'adressa  à  lui,  en  sa  qualité  d'avocat  du  roi,  et  lui 
déclara  qu'en  1621  il  avait  assisté,  à  Bourg-Fontaine, 
chartreuse  près  de  Villers-Cotterets,  à  une  assemblée  com- 
posée de  six  personnes  attachées  à  la  nouvelle  doctrine.  Il 
s'y  était  agi  de  remplacer  la  religion  chrétienne  par  le 
déisme;  mais  à  cause  des  dangers  d'une  pareille  entreprise, 
directement  poursuivie,  il  avait  été  convenu  que  l'on  com- 
mencerait par  discréditer  les  sacrements  de  la  Pénitence  et 
de  l'Eucharistie.  Filleau  ne  donnait  que  les  initiales  des 
noms  des  assistants,  mais  on  nomma  Saint-Cyran  ;  Jansé- 
nius;  Cospéan,  évêque  de  Langres,  puis  de  Lisieux  ;  Camus, 
évêque  de  Belley  ;  Arnauld  d'Andilly;  S.  Viguier,  conseil- 
ler au  Parlement.  Dans  sa  XVI^  lettre  à  un  provincial, 
Pascal  a  cru  devoir  réfuter  cette  déposition,  qu'une  mani- 
feste invraisemblance  suffisait  amplement  à  démentir.  Il  fal- 
lait plus  que  l'aveuglement  produit  par  la  passion  religieuse 
pour  attribuer  un  complot  en  faveur  du  déisme  à  des 
évèques  vivant  largement  de  l'autel  et  aux  jansénistes  de 
la  première  génération,  tant  épris  de  saint  Augustin  et  tant 
crédules  aux  miracles.  Néanmoins,  l'accusation  fut  reprise 
plus  tard  par  le  P.  Sauvage,  jésuite  lorrain  {Réalité  du 
projet  de  Bourg -Fontaine  démontrée  par  r  exécution  ;^ 
Paris,  1755,  2  vol.  in-12).  D.  Clémencet,  bénédictin,  lui 
répondit  (la  Vérité  et  Vinnocence  victorieuse  de  la  ca- 
lomnie ou  huit  lettres  sur  le  projet  de  Bourg-Fon- 
taine; Paris,  1758,  2  vol.  in-8). 

En  1622,  Saint-Cyran  se  fixa  définitivement  à  Paris  ;  en 
1623,  il  fit  un  voyage  à  Péronne,  pour  y  rencontrer  Jan- 
sénius  et  conférer  avec  lui  sur  l'ouvrage  que  celui-ci  médi- 
tait. Lui-même  continuait  à  compulser  les  conciles  et  les 
Pères.  Il  saisit  l'occasion  de  faire  valoir  son  érudition  sur 
ces  matières,  en  attaquant  un  livre  du  P.  Garasse  (5omm<? 
théologique  des  Vérités  capitales  de  la  Religion  Chrcs- 
tienne;  Paris,  1625,  in-fol.).  Cette  critique,  publiée  sous 
le  nom  d'Alexandre  de  l'Exclusc,  a  pour  titre  :  Somme 
des  Fautes  et  Faussetés  contenues  en  la  Somme  Théo- 
logique du  P.  Garasse  (Paris,  1626,  in-4).  Elle  est  dé- 
diée au  cardinal  de  RicheHeu  ;  dans  l'épitre  dédicatoire, 
l'auteur  déclare  qu'il  honore  la  Société  des  jésuites  «  comme 
une  des  plus  fortes  compagnies  de  l'armée  du  Fils  de  Dieu 
et  qui  surpasse  en  courage  aux  occasions,  et  l'escadron 
invincible  de  la  Macédoine,  et  la  bande  inséparable  des 
amoureux  qui  mouraient  ensemble  pour  le  bien  public  en 
Lacédémone  ».  La  même  année,  Saint-Cyran  publia  deux 
autres  livres  sur  le  même  sujet  :  Avis  de  tous  les  savants 
et  amateurs  de  la  vérité  touchant  la  réfutation  de  la 
Somme  du  P.  Gaross^  (Paris,  1626,  in-4);  Réfutation 
de  l'abus  prétendu  et  découvert  de  la  véritable  igno- 
rance du  P.  Garasse  (Paris,  1626,  in-4).  Malgré  tous 
les  efforts  des  jésuites,  la  Somme  du  P.  Garasse  fut  cen- 
surée par  la  Sorbonne.  Les  jansénistes  prétendent  que  cette 
condamnation  fut  la  cause  de  la  haine  que  les  jésuites 
vouèrent  à  Saint-Cyran.  —  Il  est  vrai  que  Saint-Cyran  ne 
négligeait  aucune  occasion  de  prendre  parti  contre  les 
jésuites.  Des  conflits  de  juridiction  survenus  entre  eux  et 
l'évêque  de  Chalcédoine,  vicaire  apostolique  en  Angleterre, 
avaient  vivement  ému  tous  ceux  qui  s'intéressaient  au  res- 
pect de  l'autorité  épiscopale  ;  et  des  écrits,  publiés  parles 
jésuites  pour  justifier  leurs  prétentions,  avaient  été  con- 
damnés par  plusieurs  évêques  et  parla  Sorbonne.  En  1631, 
parut  un  gros  livre,  intitulé  Pétri  Aurelii  theologi  opéra 
(Paris,  in-fol. ),  exposant  la  hiérarchie  ecclésiastique  et 
défendant  les  évêques  contre  les  usurpations  des  ordres 
religieux.  Petrus  Aurelius  étant  complètement  inconnu, 
on  attribua  le  livre  à  Saint-Cyran,  qui  n'en  avait  guère 
été  que  l'inspirateur,  la  plus  grande  partie,  sinon  la  tota- 


lité de  l'ouvrage,  ayant  été  composée  par  M.  de  Barcos, 
son  neveu.  L'assemblée  du  clergé  en  approuva  la  doctrine 
et  le  fit  réimprimer  plusieurs  fois  à  ses  frais  (1636, 1641, 
1646).  La  troisième  de  ces  éditions  contenait  un  bel  éloge 
de  l'auteur  par  Godeau,  évêque  de  Grasse  et  de  Vence. 
Plus  tard,  le  même  clergé  décréta  la  défense  de  faire  l'éloge 
de  Saint-Cyran. 

Les  premiers  rapports  entre  Saint-Cyran  et  la  M.  Angé- 
hque  Arnauld  et  la  maison  du  Port-Royal  eurent  heu  vers 
1623.  Ayant  appris  que  la  M.  Angélique  avait  amené  à 
Port-Royal  trente  filles  pauvres  de  l'abbaye  deMaubuisson, 
Saint-Cyran  lui  écrivit  pour  la  féliciter  de  la  grâce  qui  lui 
avait  fait  pratiquer  d'une  manière  parfaite  le  désintéresse- 
ment prescrit  aux  maisons  religieuses.  Il  s'établit  entre 
eux  un  commerce  de  lettres  ;  mais  il  n'y  eut  alors  aucun 
rapport  pour  la  direction  de  conscience.  Dès  1626,  la  Mère 
s'était  soumise  à  la  direction  de  Zamet,  évêque  de  Langres  ; 
les  pères  de  l'Oratoire  furent  introduits  à  Port-Royal  et 
devinrent  les  directeurs  des  religieuses.  Saint-Cyran  ne 
venait  guère  que  pour  quelques  conférences  ou  lorsqu'il 
était  appelé  par  la  Mère,  dans  les  occasions  où  elle  se 
trouvait  sans  ressources  pour  le  temporel  et  où  elle  avait 
besoin  soit  de  consolations,  soit  de  secours  en  argent,  qu'il 
lui  faisait  trouver.  Il  y  alla  aussi  pour  constater  un  des 
miracles  qui  furent  si  nombreux  dans  ce  milieu.  Ce  fut 
seulement  en  1633  que  Saint-Cyran  commença  à  supplanter 
Zamet.  On  venait  d'installer  rue  Coquillière  VInstitut  du 
Saint-Sacrement  dont  la  fondation  avait  été  conçue  par 
Zamet  et  par  la  duchesse  de  Longueville,  mais  dont  les  pre- 
mières religieuses  avaient  été  tirées  de  la  maison  de  Port- 
Royal  et  dont  la  direction  avait  été  confiée  à  la  M.  Angéhque. 
L'archevêque  de  Sens,  qui  n'aimait  pas  l'évêque  de  Langres, 
voulant  discréditer  l'esprit  de  la  dévotion  pratiquée  dans  le 
nouvel  institut,  suscita  une  affaire  qui  tient  une  large  place 
dans  l'histoire  des  querelles  religieuses  de  ce  temps-là, 
l'affaire  du  Chapelet  secret  du  Saint- Sacrement.  Ce 
qu'on  appelait  ainsi  était  un  petit  écrit  composé  par  la 
M.  Agnès,  sœur  de  la  M.  Angélique.  Il  avait  pour  objet  de 
célébrer  avec  amour  les  attributs  de  Jésus-Christ  dans  l'Eu- 
charistie. L'auteur  en  comptait  seize  :  sainteté,  vérité, 
liberté,  existence,  suffisance,  satiété,  plénitude,  émi- 
nence,  possession,  règne,^  inaccessibilité,  incompréhen- 
sibilité,  indépendance,  incommunicabilité,  illumina- 
tion, inapplication,  et  elle  produisait  pour  chacun  d'eux 
ses  sentiments  d'amour  et  d'admiration  dans  un  style  où 
la  pensée  et  l'expression  devançaient  la  Httérature  de 
W^^  de  Scudéri.  L'archevêque  de  Sens  prétendit  que  ce 
Chapelet  était  plein  d'illusions  et  il  le  mit  entre  les  mains 
du  docteur  Duval,  supérieur  des  Carmélites,  qui  en  fit  une 
censure  signée  de  sept  autres  docteurs  avec  lui.  La  M.An- 
gélique l'envoya  à  Saint-Cyran  qui  déclara  qu'il  ne  conte- 
nait rien  de  contraire  à  la  foi  catholique.  L'évêque  de  Lan- 
gres s'estima  engagé  d'honneur  à  soutenir  le  Chapelet;  à 
la  décision  des  huit  docteurs  de  Paris,  il  opposa  celle  de  deux 
docteurs  de  Louvain,  Jansénius  et  Fromondus.  Ils  opinaient 
«  que  le  Chapelet  était  à  l'abri  de  tout  reproche  et  qu'il 
ne  présentait  que  les  innocents  transports  d'une  âme  eni- 
vrée de  Dieu  et  heureusement  transformée  en  Jésus-Christ, 
comme  en  jugeraient  tous  ceux  qui  s'entendaient  en  lan- 
gage d'amour  divin  ».  Plusieurs  docteurs  de  Sorbonne  se 
joignirent  à  cette  approbation.  Saint-Cyran  écrivit  une 
Réponse  aux  remarques  contre  le  Chapelet  secret  du 
Saint- Sacrement  (Paris,  1634)  et  une  Réfutation  de 
V examen  de  la  doctrine  du  Chapelet  secret  du  Saint- 
Sacrement  (Paris,  1634).  Naturellement,  les  jésuites 
prirent  parti  pour  la  censure  et,  afin  de  donner  plus  de 
force  à  l'accusation, ils  publièrent  que  le  Chapelet  reflétait 
les  doctrines  de  Genève.  La  vérité  est  qu'il  ne  se  rapproche 
nullement  du  calvinisme,  mais  beaucoup  du  quiétisme.  La 
cause  fut  portée  à  Rome  où  le  Saint-Père  jugea,  avec  dex- 
térité, que  le  Chapelet  ne  devait  être  ni  censuré  ni  mis  à 
V index,  mais  supprimé,  de  peur  que  les  personnes  simples 
n'en  abusassent.  En  partant  pour  son  diocèse,  Zamet  en- 


DU  VERGIER  -  ^^^  — 

eaf^ea  Saint-Cyran  à  rendre  service  à  ses  filles  pendant  son 
ablence,  à  leur  faire  des  conférences,  à  les  conduire  par 
ses  conseils  et  même  à  les  confesser.  Lorsqu'il  revint  à 
Paris,  il  put  constater  que  Saint-Cyran  était  en  possession 
de  la  suprême  autorité  sur  la  conscience  de  la  M.  Angélique 
et  de  la  plupart  des  religieuses.  Le  16  févr.  1636,  la 
M.  An^^élique,  avec  l'autorisation  de  l'archevêque  de  Paris, 
quitta  ^l'institut,  s'y  fit  remplacer  par  l'abbesse  de  Port- 
Royal,  qui  lui  était  entièrement  soumise,  et  se  retira  elle- 
même  à  Port-Royal.  Peu  de  temps  après,  Saint-Cyran  céda 
ses  fonctions  de  confesseur  du  Saint-Sacrement  à  l'abbé 
Singlin,  son  disciple,  qui  depuis  quelque  temps  déjà  con- 
fessait à  Port-Royal.  Le  19  mai  1638,  l'établissement  de 
la  rue  Coquillière  fut  complètement  abandonné  et  les  reli- 
gieuses revinrent  à  Port-Royal.  Bien  avant  leur  retour,  on 
avait  évincé  péremptoirement  l'évêque  de  Langres  de  cette 
maison. 

Depuis  longtemps  déjà,  Saint-Cyran  jouissait  d'un  grand 
crédit  parmi  tous  les  adversaires,  toujours  si  nombeux,  des 
jésuites.  Son  incontestable  austérité,  sa  longue  étude  de 
saint  Augustin,  son  opiniâtre  rigidité  avaient  aussi  dû  lui 
attirer  la  confiance  de  beaucoup  de  consciences  en  quête  de 
discipline  sévère.  La  conquête  de  la  M.  Angélique  et  de 
Port-Royal  décupla  ses  moyens  d'action  ;  non  seulement 
elle  lui  assurait  le  champ  le  mieux  préparé  pour  recevoir 
la  doctrine  qu'il  méditait  depuis  tant  d'années  avec  Jansé- 
nius  sur  la  grâce,  la  pénitence  et  la  parfaite  contrition  ; 
mais,  au  dehors,  elle  lui  assurait  la  nombreuse  clientèle  pos- 
sédée par  la  famille  Arnauld  et  par  la  maison  du  Port-Royal; 
surtout,  elle  le  faisait  participer  à  l'autorité  et  au  prestige 
exercés  par  la  M.  Angélique.  On  dit  et  il  est  vraisemblable 
que  des  évèques,  des  ministres  d'Etat,  des  magistrats,  des 
monastères  de  religieuses,  des  personnages  du  plus  haut 
rana  et  de  la  plus  éminente  piété  demandaient  ses  directions 
avec  respect  et  les  suivaient  avec  docilité.  —  En  1637, les 
effets  de  cette  puissance  apparurent  de  la  manière  la  plus 
manifeste  et,  à  plusieurs  points  de  vue,  de  la  manière  la 
plus  inquiétante,  dans  la  résolution  prise  par  Antoine  Le 
Maistre,  avocat  au  parlement  de  Paris,  petit-fils  d'Antoine 
Arnauld  par  sa  mère.  Quoiqu'il  ne  fût  âgé  que  de  vingt- 
neuf  ans,  il  était  déjà  célèbre  par  ses  plaidoiries  ;  le  chan- 
celier Séguier  lui  offrit  l'office  d'avocat  général  au  parlement 
de  Metz  et  le  brevet  de  conseiller.  Touché  par  un  discours 
de  Saint-Cyran,  il  quitta  tout  ce  qu'il  avait  déjà  acquis  et  il 
renonça  à  tout  ce  qu'il  pouvait  espérer  dans  le  monde  pour 
se  vouer  à  la  retraite  et  à  la  pénitence,  et  il  prit  Saint- 
Cyran  pour  directeur  de  sa  conscience.  Sa  mère,  qui  demeu- 
rait à  Port-Royal  de  Paris,  avec  sa  vieille  mère  et  treize 
sœurs  ou  nièces  religieuses,  lui  fit  bâtir  une  petite  maison 
près  du  couvent.  Un  de  ses  frères  se  joignit  à  lui.  Ils  vi- 
vaient en  solitaires,  logeant  et  mangeant  dans  des  chambres 
séparées,  n'ayant  d'entretien  qu'avec  Dieu  et  avec  Saint- 
Cyran,  qui  les  visitait  tous  les  jours.  D'autres  solitaires 
étaient  déjà  venus  près  d'eux,  lorsque  Saint-Cyran  fut 
arrêté,  par  ordre  de  Richelieu,  et  conduit  au  donjon  de 
Yincennes  (14  mai  1638). 

On  a  attribué  cette  arrestation  à  plusieurs  motifs  :  les 
rancunes  personnelles  de  Richelieu,  les  instances  desjésuites, 
les  dénonciations  de  Zamet,  évêque  de  Langres,  et  du  cé- 
lèbre capucin,  le  P.  Joseph,  fondateur  des  Filles  du  Cal- 
vaire. Tous  deux  avaient  connu  intimement  Saint-Cyran  et 
lui  avaient  confié  leurs  religieuses;  mais,  après  expérience 
de  sa  direction  et  de  sa  doctrine,  ils  étaient  devenus  ses 
ennemis  et  ses  accusateurs.  Tous  ces  motifs  peuvent  avoir 
concouru  à  la  décision  de  Richelieu,  mais  il  nous  semble 
qu'il  convient  d'y  ajouter,  comme  causes  prochaines  et 
déterminantes,  la  mort  récente  de  Jansénius,  le  désir  soit 
d'empêcher  la  publication  de  VAiigiistinus  annoncé  et 
prôné  depuis  si  longtemps,  soit  de  découvrir  dans  les 
papiers  de  Saint-Cyran  quelque  chose  qui  pût  en  compro- 
mettre l'effet;  enfin,  et  suivant  nous,  l'inquiétude  pro- 
duite par  la  retraite  d'Ant.  Le  Maistre  et  la  première 
institution  des  Solitaires.  Ces  derniers  faits  n'alarmaient 


pas  seulement  les  familles,  fort  nombreuses  alors,  qui 
désiraient  assurer  à  leurs  enfants  les  biens  de  la  terre  avec 
ceux  du  ciel;  ils  indiquaient,  à  côté  des  ordres  religieux, 
la  formation  d'un  cénobitisme  laïque,  recrutant  une  élite 
d'hommes  cultivés,  ardents,  austères,  par  conséquent  indé- 
pendants, annonçant  le  dessein  d'entreprendre  l'éducation 
des  enfants  des  hautes  familles  :  en  un  mot  :  une  nouveauté 
dans  l'Eglise  et  peut-être  un  péril  pour  l'Etat.  Peu  de  temps 
après  la  détention  de  Saint-Cyran,  l'archevêque  de  Paris 
signifia  aux  solitaires,  de  la  part  de  la  cour,  l'ordre  de 
déloger  du  voisinage  du  Port-Royal  de  Paris.  Ils  étaient 
déjà  une  douzaine,  parmi  lesquels  les  trois  frères  de  Le 
Maistre  et  Lancelot.  Ils  avaient  avec  eux  quelques  enfants 
qu'ils  élevaient.  Ils  allèrent  à  Port-Royal-des-Champs, 
abandonné  par  les  religieuses  depuis  1626.  Deux  mois 
après,  le  lieutenant  civil,  Laubardemont,  les  en  fit  sor- 
tir. Le  Maistre,  ses  frères  et  Lancelot  se  retirèrent  à  La 
Ferté-Milon,  chez  un  ami,  où  ils  vécurent  pendant  quinze 
mois  dans  une  entière  solitude  ;  puis  ils  revinrent  à  Port- 
Royal-des-Cliamps;  en  1643,  ils  y  ouvrirent  leurs  écoles 
pour  les  petits  messieurs,  Richelieu  était  mort  et  Saint- 
Cyran,  mis  en  liberté,  put  saluer  et  bénir  les  débuts  d'une 
entreprise  qu'il  avait  instamment  recommandée  à  ses  dis- 
ciples. 

Les  papiers  de  Saint-Cyran  furent  saisis  après  son  ar- 
restation. Une  partie,  peut-être  la  plus  compromettante, 
avait  été  enlevée  par  M.  de  Barcos.  Il  en  restait  de  quoi 
former  trente-deux  gros  volumes  in-folio  ;  ils  contenaient 
des  projets  de  livres,' des  notes,  des  extraits  des  Pères,  etc. 
L'information  fut  d'abord  confiée  à  Laubardemont,  à  qui 
Saint-Cyran  refusa  de  répondre  parce  qu'il  n'était  pas 
théologien  ;  ensuite  à  Lescot,  docteur  en  Sorbonne,  depuis 
évêque  de  Chartres.  Elle  n'aboutit  pas  à  une  poursuite  for- 
melle, soit  qu'elle  n'eût  point  fourni  les  preuves  nécessaires 
à  une  condamnation,  soit  que  Richelieu  eût  reculé  devant 
une  mesure  extrême,   estimant  qu'il  suffisait  de  retenir 
Saint-Cyran  à  Yincennes  pour  le  rendre  inoffensif.  Il  ou- 
bliait que  la  persécution  exalte  ceux  qu'elle  n'écrase  point. 
Saint-Cyran  y  gagna  l'auréole  du  martyre,  aux  yeux  de 
ses  partisans,  et,  dans  le  monde,  les  sympathies  de  tous 
les  ennemis  du  ministre  redouté  et  abhorré.  Sa  captivité, 
d'abord  fort  rigoureuse,  se  relâcha  peu  à  peu,  au  point 
qu'il  put  recevoir  les  communications  de  ses  amis  et  leur 
faire  parvenir  de  nombreuses  lettres.  Ce  fut  alors  que  An- 
toine Arnauld,  celui  que  ses  contemporains  appelèrent  le 
Grand  Arnauld,  se  mit  sous  sa  direction  et  écrivit  sous  son 
inspiration  le  livre  De  la  Fréquente  Communion  (im- 
primé à  Paris  en  août  1643,  muni  de  l'approbation  de 
vingt-quatre  docteurs  en  Sorbonne  et  de  seize  prélats).  — 
Après  la  mort  de  Jansénius  (1638),  ses  disciples  avaient 
fait  commencer  à  Louvain  l'impression  de  son  Augustinus. 
Les  jésuites  s'efforcèrent  de  le  faire  supprimer  avant  son 
apparition  ;  ils  corrompirent  un  des  ouvriers  de  l'impri- 
meur Zeghers  et  se  procurèrent  les  feuilles  à  mesure 
qu'elles  étaient  composées;  ils  les  envoyèrent  à  Rome  pour 
obtenir  la  condamnation  de  l'ouvrage.  Mais  ce  vol  n'eut 
pas  d'autre  résultat  que  de  rendre  manifestes  leurs  prin-- 
cipes  et  leurs  procédés  en  matière  de  probité.  L'université 
de  Louvain  soutint  les  partisans  de  Jansénius  et  l'ouvrage 
parut  à  Louvain,  en  1640  ;  à  Paris,  en  1641.  Le  nouveau- 
né,  si  longtemps  attendu  et  si  péniblement  mis  au  monde, 
trouvait  en  France,  à  Port-Royal  et  à  l'entour,   préparés 
par  Saint-Cyran,  un  berceau  soUde,  des  marraines  ardentes, 
des  parrains  opiniâtres  et  des  protecteurs   dévoués.    Le 
6  mars  i6i'2,  Urbain  Vlll  édicta  une  bulle  ordonnant  la 
suppression  du  livre  comme  contenant  des  erreurs  déjà 
condamnées  ;  mais  cette  bulle  ne  fut  publiée  que  le  11  déc. 
1643,  deux  mois  après  la  mort  de  Saint-Cyran. 

Saint-Cyran  avait  été  mis  en  liberté  le  6  févr.  1643, 
deux  mois  après  la  mort  de  Richelieu,  sur  l'ordre  de  Cha- 
vigny,  ministre  d'Etat,  à  la  demande  de  Mole,  premier  pré- 
sident, et  de  Bignon,  avocat  général.  La  M.  Angélique 
s'empressa  d'annoncer  cette  délivrance  aux  religieuses  de 


—  149  - 


DUVERGIER 


Port-Royal  ;  elles  étaient  alors  au  réfectoire  ;  afin  de  ne 
point  rompre  le  silence  réglementaire,  la  mère  dénoua  sa 
ceinture.  Toutes  comprirent  que  les  liens  du  martyr  avaient 
été  brisés,  et  la  joie  se  répandit  sur  tous  les  visages.  Ra- 
mené de  Vincennes  par  d'Andilly,  il  leur  rendit  visite  le 
même  jour,  avant  de  se  rendre  en  sa  propre  maison.  Il 
mourut  huit  mois  après,  frappé  d'apoplexie  (M  oct.  1643). 
Ses  disciples  lui  attribuèrent  des  miracles  ;  ses  adversaires 
l'accusèrent  d'avoir  refusé  les  sacrements  de  l'Eglise.  De 
Caumartin,  évêque  d'Amiens,  officia  à  ses  funérailles, 
assisté  de  six  évêques.  A  l'instigation  de  la  M.  Angélique, 
son  corps  fut  dépecé  en  reliques.  Le  cœur,  donné  d'abord  à 
Arnauld  d'Andilly,  fut  ensuite  conservé  à  Port-Royal-des- 
Champs  ;  les  entrailles,  portées  à  Port-Royal  de  Paris  ;  les 
mains,  coupées,  remises  à  la  M.  Angélique.  Son  épitaphe, 
placée  près  du  maître-autel  en  l'église  Saint-Jacques- 
du-Haut-Pas,  commence  par  ces  deux  devises  significa- 
tives :  Vous  n'aurez  point  de  livre  nouveau  |  Vous 
n'aurez  point  de  vérité  nouvelle.  Après  avoir  constaté 
la  haute  science  et  la  profonde  humilité  de  Saint-Cyran  ; 
son  zèle  ardent  pour  l'unité  de  l'Eglise,  pour  la  tradition 
des  Pères  et  la  doctrine  de  l'antiquité  ;  ses  combats  contre 
les  hérétiques  contemporains,  pour  la  défense  de  l'EgHse 
catholique,  à  laquelle  il  était  uniquement  attaché,  cette  épi- 
taphe constate  que  Saint-Cyran  est  mort  regretté  de  tout  le 
clergé  de  France  et  de  tous  les  gens  de  bien. 

Plus  encore  que  celle  de  plusieurs  autres,  fort  vantés 
dans  le  cénacle  de  Port-Royal,  la  lecture  des  livres  de 
Saint-Cyran  produit  une  singulière  impression  d'étonne- 
ment  et  de  déception.  Il  semble  que  l'admiration  qu'ils  ont 
excitée  ne  peut  être  attribuée  qu'à  un  miracle  de  la  grâce 
irrésistible.  Dans  tous  les  cas,  il  faut  chercher  à  l'incon- 
testable succès  qui  fit  de  Saint-Cyran  l'instituteur  du  jan- 
sénisme en  France,  d'autres  causes  que  sa  valeur  comme 
penseur  et  comme  écrivain.  Il  est  lourd  et  long,  bizarre  et 
même  baroque,  diffus  et  confus,  obscur  à  ce  point  que 
parfois  on  se  demande  s'il  se  comprenait  lui-même.  —  Prin- 
cipaux ouvrages,  outre  ceux  qui  ont  été  précédemment 
mentionnés  :  ^Théologie  familière  ou  hriève  explication 
des  principaux  mystères  de  la  foi  (Paris,  164^2)  ; 
Lettres  chrétiennes  et  spirituelles  (Paris,  1645,  2  vol. 
in-4;  Lyon,  1647,  2  vol.  in-8;  1648,  2  vol.  in-12)  ; 
Lettres  spirituelles  et  chrétiennes  qui  n'ont  point  été 
publiées  jusqu'à  ce  jour  (Paris,  1744,  in-12).  D'autres 
lettres,  saisies  après  l'arrestation  de  Saint-Cyran,  ont  été 
publiées  par  les  jésuites  ;  mais  les  jansénistes  prétendent 
qu'elles  ont  été  tronquées  et  falsifiées.  Vie  de  la  Sainte 
Vierge  ou  Considérations  sur  ses  fêtes  et  autres  mys- 
tères, sous  le  pseudonyme  de  Granval  (Paris,  1664,  in-12)  ; 
Considérations  chrétiennes  sur  les  dimanches  et  fêtes 
de  la  Vierge  et  des  Saints  (Paris,  1670,  1671,  1688, 
2  vol.  in-8).  E.-H.  Vollet. 

BiBL.  :  Lancelot,  Mémoires  touchant  l'abbé  de  Saint- 
Cyran;  Cologne  (Utrecht),  1738,  2  vol.  in-12.  —  Du  Fossé, 
Mémoires  pour  servir  à  V histoire  de  Port-Royal;  Utrecht, 
1739,  in-12.  —  Besoignk,  Histoire  de  Vabhaye  royale  de 
Port-Royal  ;  Cologne,  1752,  6  vol.  in-12.— D.  Clemencet, 
Histoire  générale  de  Port-Royal  ;  Paris,  1755,  1756,  10  vol. 
in-12.  —  Arnauld  d'Andilly,  Mémoires  au  sujet  de  Mes- 
sire  Jean  Du  Verger  de  Hauranne  dans  les  Vies  intéres- 
santes et  édifiantes  des  religieuses  de  Port-Royal;  1751.— 
Sainte-Beuve,  Port-Royal;  Paris,  1860,  8  vol.  in-18. 

DUVERGIER  de  Hauranne  (Jean-Marie),  homme  poli- 
tique et  publiciste  français,  né  à  Rouen  le  21  mars  1771, 
mort  à  Paris  le  23  août  1831.  Il  était  depuis  longtemps 
négociant  dans  sa  ville  natale,  quand  les  électeurs  de  la 
Seine-Inférieure  l'envoyèrent  à  la  Chambre  des  députés 
(1 81 5) ,  où  il  fit  preuve  d'un  entier  dévouement  à  la  royauté, 
mais  lutta  énergiquement  contre  la  politique  haineuse  et 
réactionnaire  du  parti  ultrâ-royaliste.  Réélu  après  l'ordon- 
nance du  5  sept.  1816,  il  soutint  de  toutes  ses  forces  les 
ministères  Richelieu  et  Desselle  et  prit  fréquemment  la  pa- 
role dans  les  discussions  relatives  au  droit  constitutionnel, 
aux  finances  et  aux  douanes.  Ecarté  du  Parlement  en  1819, 
il  y  rentra  à  la  fin  de  1820  comme   député  ministériel. 


mais  se  rapprocha  sensiblement  de  l'opposition  libérale 
après  l'avènement  du  cabinet  Villèle  (déc.  1821)  qui,  pour 
le  punir  de  ses  discours  en  faveur  de  la  liberté  de  la  presse 
(1822)  et  contre  l'expédition  d'Espagne  (1823),  empêcha 
sa  réélection  après  la  dissolution  de  1824.  Dès  lors  Du- 
vergier  de  Hauranne  dut  se  contenter  d'écrire.  Sans 
parler  de  ses  discours,  on  a  de  lui  plusieurs  ouvrages  im- 
portants, parmi  lesquels  nous  citerons  :  Coup  d'œil  sur 
l'Espagne  (1824,  in-8);  De  T Egalité  et  du  droit  d'aînesse 
(1826,  iii-8)  ;  De  l'Ordre  légal  en  France  (1825-1828, 
2  vol.  in-8)  ;  Du  Jury  anglais  et  du  jury  français 
(1827,  in-8)  ;  Lettres  sur  les  élections  anglaises  et  sur 
la  situation  de  l'Irlande  (1828,  in-8).       A.  Debibour. 

DUVERGIER  DE  Hauranne  (Prosper),  homme  politique 
et  écrivain  français,  fils  du  précédent,  né  à  Rouen  le  3  août 
1798,  mort  au  château  d'Herry,  près  de  Sancergues  (Cher), 
le  19  mai  1881.  Après  de  sérieuses  études  poHtiques, 
il  collabora  non  sans  éclat,  avec  Guizot  et  Rossi,  au  Globe 
(1824),  puis  à  la  Revue  française,  et  devint,  jeune  encore, 
un  des  chefs  les  plus  influents  du  parti  doctrinaire.  En- 
voyé à  la  Chambre  des  députés  en  1831  par  les  électeurs 
de  Sancerre,  il  soutint  d'abord  résolument  la  politique  mi- 
nistérielle de  conservation  et  de  répression  qui  prédomina 
sous  les  cabinets  du  13  mars  1831  et  du  11  oct.  1832. 
Ses  idées,  on  ne  sait  trop  pour  quelle  cause  (peut-être  par 
suite  de  quelques  déceptions  personnelles),  subirent  une 
évolution  sensible  après  l'avènement  du  ministère  du  1  o  avr. 
1837.  Duvergier  de  Hauranne  se  jeta  dans  l'opposition  de 
gauche,  publia  sur  les  Principes  du  gouvernement  re- 
présentatif et  leur  application  (1838,  in-8)  un  livre 
qui  n'était  que  le  développement  de  la  fameuse  maxime  : 
Le  roi  règne  et  ne  gouverne  f)as,  et  fut  un  des  promo- 
teurs et  des  meneurs  de  la  coalition  parlementaire  qui  ren- 
versa Mole  en  1839.  Ami  et  partisan  de  Thiers,  dont  il 
devint  dès  lors  le  principal  lieutenant,  il  fut,  après  la  chute 
de  ce  ministre  (29  oct.  1840),  un  des  plus  redoutables 
adversaires  de  la  politique  de  résistance  dont  Guizot  était 
la  plus  puissante  personnification. 

Son  infatigable  activité,  son  talent  d'écrivain,  son  apti- 
tude parfaite  aux  combinaisons  et  aux  intrigues  parlemen- 
taires, lui  permirent  déjouer  un  rôle  considérable  dans  les 
dernières  années  du  règne  de  Louis-Philippe.  Après  avoir 
faitabohr  le  scrutin  secret  (1845),  illança,  en  1846,  un 
écrit  retentissant  sur  la  Fié  forme  parlementaire  et  la 
réforme  électorale,  et  organisa  cette  campagne  des  ban- 
quets dont  le  résultat  devait  être  le  renversement  d'un 
régime  dont  il  ne  souhaitait  que  l'amélioration.  Reconnais- 
sant trop  tard  son  imprudence,  il  se  rallia,  dans  l'Assem- 
blée constituante  de  1848,  où  il  fut  envoyé  parledép.  du 
Cher,  à  la  politique  antirépubhcaine  de  la  droite.  Aussi 
ne  fut--il  pas  réélu  en  1849  à  l'Assemblée  législative,  où  il 
ne  parvint  à  entrer  qu'en  déc.  1850,  par  suite  d'une  élec- 
tion partielle.  Il  y  combattit,  avec  les  orléanistes  ses  amis, 
la  politique  de  l'Elysée,  fut  arrêté  le  2  déc.  1851,  avec  un 
grand  nombre  de  ses  collègues,  à  la  mairie  du  X^  arron- 
dissement et,  après  cinq  semaines  de  détention,  exilé  de 
France,  où  il  ne  put  rentrer  que  le  7  août  1852.  Con- 
damné pour  longtemps  à  la  vie  privée,  il  consacra  ses 
loisirs  à  un  important  ouvrage  intitulé  Histoire  du  gou- 
vernement parlementaire  en  France  de  i8I4à  1848^ 
qui  a  paru  en  10  vol.  in-8,  de  1857  à  1873.  Elu  membre 
de  l'Académie  française  le  19  mai  1870,  il  affirma  avec 
éclat  ses  vieilles  convictions  libérales  dans  son  discours  de 
réception  (29  févr.  1872).  Il  alla  plus  loin  et  se  rallia  hau- 
tement à  la  République  conservatrice  inaugurée  par  son  ami 
Thiers.  Il  échoua  pourtant  aux  élections  sénatoriales  du 
Cher  (30  janv.  1876).  Ayant  perdu  son  fils  l'année  sui- 
vante, il  renonça  pour  toujours  à  jouer  un  rôle  pohtique. — 
On  a  de  lui,  outre  les  ouvrages  cités  plus  haut,  et  quelques 
vaudevilles,  œuvres  de  sa  jeunesse,  beaucoup  de  discours 
et  de  rapports,  publiés  en  brochures,  et  de  remarquables 
articles  écrits  à  diverses  époques  dans  la  Revue  des  Deux 
Mondes.  A.  Debidour. 


DUVERGIER  -  DUVERNOY 


150 


DUVERGIER  de  Hauranne  (Louis -Prosper- Ernest), 
homme  politique  et  publiciste  français,  fils  du  précédent,  né 
à  Paris  le  7  mars  1843,  mort  à  Trouville  le  12  août  1877. 
Après  de  brillantes  études  et  un  voyage  aux  Etats-Unis 
qu'il  raconta  sous  le  titre  de  Huit  Mois  en  Amérique 
(1866,  2  vol.  in-18),  il  prit  part  aux  luttes  de  l'opposi- 
tion libérale  contre  l'Empire  et  se  signala  par  deux  écrits 
remarqués:  1^  le  Gouvernement  personnel  {Ï'^Q^ ^ 
in-32)  ;  2<^  la  Coalition  libérale  (1869,  in-8).  Capitaine 
de  mobiles  pendant  la  guerre  de  1870,  blessé  à  Beaune- 
la-Rolande,  il  fut,  le  8  févr.  1871,  envoyé  comme  député 
parle  dép.  du  Cher  à  l'Assemblée  nationale,  où  il  prononça 
d'importants  discours  et  se  déclara  sans  réserve  en  faveur 
de  la  République.  Après  avoir  soutenu  jusqu'au  bout  le 
gouvernement  de  Thiers,  il  combattit  l'Ordre  moral  (1873- 
1874)  et  contribua  au  vote  des  nouvelles  lois  constitution- 
nelles en  1875.  Envoyé  à  la  Chambre  par  les  électeurs  de 
Sancerre  le  20  févr.  1876,  il  fut,  après  le  16  mai  1877, 
au  nombre  des  363  députés  républicains  qui  se  prononcèrent 
contre  le  ministère  de  BrogUe.  Il  eût  été  sans  doute  réélu 
sans  peine,  si  la  maladie  qui  le  minait  depuis  longtemps  ne 
l'eût  prématurément  emporté  quelques  semaines  avant  les 
élections  du  14  oct.  A.  DEBmouR. 

DUVERGIER  de  La  Rochejaquelein  (V.  La  Rogheja- 
ÛUELEiN  [Duvergier  de]). 

DUVERNAY  (Marie-Louise),  danseuse  française,  née 
vers  1810,  débuta  vers  1830  à  l'Opéra.  Elève  de  Coulon, 
artiste  de  ce  théâtre,  elle  était  extrêmement  jolie,  et  sa 
grâce  charmante,  jointe  à  un  véritable  talent  d'exécution, 
la  faisait  surtout  remarquer  dans  la  pantomime,  qu'elle 
jouait  avec  ha])ileté.  Elle  fit  sensation  dans  le  rôle  de 
Miranda,  qu'elle  créa  dans  un  opéra-ballet  d'Halévy, 
la  Tentation,  Elle  quitta  l'Opéra  vers  1840,  pour  aller 
se  fixer  à  Londres,  où  elle  avait  obtenu  de  très  grands 
succès.  Elle  épousa  en  Angleterre  M.  Lyne  Stephens,  qui, 
en  mourant,  lui  laissa  toute  sa  fortune.  Cette  fortune 
devait  être  colossale  si  l'on  en  juge  par  ce  fait  que 
M"^®  Duvernay-Stephens  contribua  pour  100,000  liv.  st., 
soit  deux  millions  et  demi,  à  l'érection  de  l'église  catho- 
lique de  Cambridge,  consacrée,  en  1890,  par  l'évêque  de 
Northampton. 

DU  VER  NET  (L'abbé  Théophile  Lmarigeon),  littérateur 
français,  né  à  Ambert  en  1734,  mort  à  Paris  en  1796. 
Très  lié  avec  les  encyclopédistes,  il  devint  principal  du 
collège  de  Vienne,  puis  du  collège  de  Clermont  et  entra 
en  relations  avec  Voltaire  qui  lui  témoigna  beaucoup 
d'amitié  et  ne  craignit  pas  de  lui  attribuer  deux  ou  trois  ou- 
vrages dont  il  ne  se  souciait  pas  qu'on  le  soupçonnât  l'au- 
teur. Très  caustique,  l'abbé  Duvernet  s'attira  lanimosité 
d'Amelot,  d'Espréménil,  de  Linguet,  de  Sabatier,  qui  le 
firent  enfermer  à  la  Bastille,  à  plusieurs  reprises,  et  fina- 
lement exiler  en  Auvergne  pour  des  pamphlets  comme 
M.  Guillaume  ou  le  Disputeur  (Amsterdam,  1781, 
in-8)  ;  les  Dîners  de  M,  Guillaume  avec  l'histoire  de 
son  enterrement  (1788,  in-12).  On  a  de  lui  :  la  Vie  de 
M.  de  Voltaire  (Genève,  1786,  in-8)  ;  cette  biographie, 
composée  à  la  Bastille,  fit  beaucoup  de  bruit  ;  Réflexions 
critiques  et  politiques  sur  la  tragédie  (Paris,  1773, 
in-8)  ;  V Intolérance  religieuse  (1782,  in-8)  ;  Histoire 
de  la  Sorbonne  (1790,  2  vol.  in-8)  ;  les  Dévotions  de 
W^^  de  Bethzamoot  et  les  Pieuses  Facéties  de  M.  de 
Saint-Ognon  (Paris,  1789,  in-8)  ;  la  Retraite,  les 
Tentations  et  les  Confessions  de  M^^  la  marquise  de 
Montcornillon  (1790,  in-8).  Il  a  encore  édité  les  Lettres 
de  Voltaire  à  l'abbé  Moussinot  (1781,  in-8)  avec  de 
scandaleuses  interpolations  que  M.  Comtat  a  signalées  en 
éditant  les  véritables  lettres,  d'après  les  originaux  con- 
servés à  la  BibUothèque  nationale  (Paris,  1875,  in-8). 

DU  VERNEY  (Guichard-Joseph) ,  anatomiste  français, 
né  à  Feurs  (Loire)  le  7  août  1648,  mort  à  Paris  le  18  sept. 
1730.  Il  inaugura  à  Paris  des  leçons  d'anatomie  qui  eurent 
un  tel  succès  que  l'enceinte  de  Saint-Côme  devint  trop 
étroite  pour  son  nombreux  auditoire;  en  1674,  il  fut  élu 


membre  de  l'Académie  royale  des  sciences,  puis  en  1679 
obtint  la  chaire  d'anatomie  au  Jardin  du  roi  ;  il  releva  la 
science  anatomique  du  discrédit  oîi  elle  était  tombée  depuis 
Riolan.  Ouvrages  principaux  :  Traité  de  l'organe  de  Vouïe 
(Paris,  1683,'in-8  ;  1718,  in-12,  et  autres  édit.)  ;  on  y 
trouve  la  première  description  exacte  des  relations  de  l'o- 
reille moyenne  avec  l'oreille  interne  et  en  physiologie  des 
aperçus  qui  permettent  de  désigner  Du  Verney  comme 
le  précurseur  de  Helmholtz  ;  Traité  des  maladies  des  os 
(Paris,  1751,  2  vol.  in-8)  ;  OEuvres  anatomiques  (Paris, 
1761,  2  vol.  in-8),  et  de  nombreux  articles  dans  les  Mé- 
moires de  r Académie  des  sciences.  D^L.  Hn. 

DUVERNOIS  (Clément),  homme  politique  français,  né  à 
Paris  le  6  avr.  1836,  mort  à  Paris  le  8  juil.  1879.  Il 
débuta  fort  jeune  dans  le  journalisme,  collabora  à  la  Colo- 
nisation d'Alger,  à  h  Presse  de  Girardin,  fonda  Pi /^é/m 
nouvelle,  donna  des  articles  au  Temps,  au  Courrier  du 
Dimanche,  à  la  Liberté  dont  il  fut  un  moment  rédacteur 
en  chef,  au  Courrier  de  Paris  et  à  V Epoque  qu'il  dirigea. 
Il  se  fit  remarquer  par  la  verve  et  l'âpreté  de  sa  polémique 
qui  lui  attira  mainte  condamnation  et  un  duel  retentissant 
avec  Francisque  Sarcey  (1866).  En  1869,  il  fondait,  avec 
les  subsides  du  cabinet  de  l'empereur,  le  Peuple  auquel 
Napoléon  III  collabora,  fut  bientôt  nommé  député  au  Corps 
législatif  par  les  Hautes-Alpes  (24  mai  1869)  avec  l'appui 
du  gouvernement,  et  joua  un  rôle  prépondérant  dans  la 
formation  de  l'Empire  libéral  en  obtenant  l'adhésion  d'Emile 
OUivier  à  la  politique  nouvelle.  Il  essaya  vainement  d'en- 
trer dans  le  cabinet  Ollivier  dont  il  causa  la  chute  le  9  août 
1870  en  présentant  le  fameux  ordre  du  jour  :  «  La  Chambre, 
décidée  à  soutenir  un  cabinet  capable  de  pourvoir  à  la 
défense  du  pays,  passe  à  l'ordre  du  jour  »  qui  fut  adopté 
par  le  Corps  législatif,  malgré  les  ministres.  Clément 
Duvernois  eut  alors  le  portefeuille  de  l'agriculture  et  du 
commerce  dans  le  cabinet  Palikao  (9  août  1870).  Il  témoigna 
de  grands  talents  d'administrateur  et  fit  ce  qu'il  put  pour 
approvisionner  Paris.  Après  le  4  sept.,  il  s'établit  en 
Angleterre.  De  retour  en  France  en  sept.  1871,11  fonda 
VOrdre,  puis  devint  directeur  de  la  Banque  territoriale 
d'Espagne  dont  la  déconfiture  lui  causa  une  condamnation 
à  deux  ans  de  prison.  Clément  Duvernois  collabora  depuis 
au  Figaro,  mais  d'une  manière  fort  intermittente,  et  on 
n'entendit  plus  guère  parler  de  lui.  Il  a  écrit  :  la  Réorga- 
nisation de  l'Algérie  (Paris,  1858,  in-18);  Pourquoi  des 
douanes  en  Algérie  (1858,  in-8);  les  Chemins  de  fer 
algériens  (1858,  in-8);  l'Akbar  et  les  novateurs  témé- 
raires (1858,  in-18);  l'Algérie,  ce  qu'elle  est,  ce  qu'elle 
doit  être  (1858,  in-12);  la  Lieutenance  de  l'Empire 
(1859,  in-18);  la  Réaction  (1859,  in-18);  Progrès  ou 
Réaction  (1860,  in-18);  la  Liberté  de  discussion  (iS60, 
in-18);  l'Esprit  et  la  lettre  (1860,  in-18);  le  Couron- 
nement de  l'édifice  (1860,  in-8);  En  Suicide  politique 
(1861,  in-8);  l'Orléanisme  et  la  Révolutio7i  (1861, 
in-8);  l'Algérie  pittoresque  (1863,  in-12);  la  Vérité  en 
matière  d'assurances  sur  la  vie  (1871,  in-18);  l'Union 
conservatrice  (1872,  in-8);  la  Légalité  rouge  (1873, 
in-8);  le  Gâchis  rose  (1873,  in-16). 

DUVERNOY  (Jean-Georges) ,  anatomiste  et  botaniste 
allemand,  né  à  Montbéliard  en  1691 ,  mort  à  Amstadt 
(Wurttemberg)  en  1759.  D'abord  professeur  d'anatomie  à 
Tubingue,  il  se  rendit  en  1725  à  Pétersbourg  comme 
membre  de  l'Académie  des  sciences  ;  là  il  disséqua  des  ani- 
maux et  des  cadavres  humains  et  reconnut  que  les  os  trouvés 
en  Sibérie  et  décrits  jusqu'alors  comme  provenant  d'élé- 
phants avaient  appartenu  à  des  mammouths.  Il  revint  en 
Allemagne  en  1 741 .  La  plupart  de  ses  travaux  sont  insérés 
dans  les  Actes  de  l'Académie  de  Saint-Pétersbourg  {i.  II 
à  XIV).  D^L.  Hn. 

DUVERNOY  ou  plutôt  DUVERNOIS.  Cette  famille  de 
musiciens  ou  virtuoses  célèbres  comprend  : 

1°  Frédéric,  né  à  Montbéliard  le  16  oct.  1765  d'après 
les  registres  de  l'Opéra  (car  certains  le  font  naître  le 
15  oct.   1771),  mort  à  Paris  le  9  juil.  1838.  Corniste 


—  loi  — 


DUVERNOY  —  DUVERT 


célèbre,  il  exécuta  un  solo  de  cor  au  concert  spirituel 
le  6  août  1788.  La  même  année,  il  entra  à  l'orchestre  de 
la  Comédie-Italienne.  En  1797,  il  entrait  à  l'Opéra;  en 
1801,  il  y  tenait  l'emploi  de  soliste;  en  1816,  ilobtmt  sa 
retraite.  11  fit  partie  de  la  musique  particulière  de  l'empe- 
reur, fut  professeur  au  Conservatoire  depuis  sa  fondation 
jusqu'en  1815.  Duvernoy  avait  une  qualité  de  son  très 
remarquable;  mais  les  notes  dont  il  faisait  usage  et  qui 
participaient  du  premier  et  du  second  cor,  appelés  par 
Dauprat  cor  alto  et  cor  basse,  étaient  d'un  nombre  res- 
treint et  présentaient  à  l'audition  une  monotonie  réelle  qui 
nuisit  au  réel  talent  de  l'artiste.  Il  écrivit  une  Méthode 
pour  l'étude  particulière  de  son  instrument  qu'il  nommait 
cor  mixte.  Il  composa  aussi  des  morceaux  pour  cor, 
fantaisies  et  concertos  qui  n'ont  aucune  valeur  et  sont 
oubliés  de  nos  jours. 

2o  Charles,  frère  du  précédent,  né  à  Montbéliard  en 
1766.  Clarinettiste  d'un  certain  talent,  professeur  au 
Conservatoire  depuis  sa  fondation  jusqu'en  1802,  il  fut 
attaché  au  théâtre  Feydeau  pendant  vingt-cinq  ans  et 
s'est  retiré  en  1824  avec  la  pension  de  vétérance.  Son 
jeu  était  brillant,  d'une  belle  qualité  de  son,  mais  il 
manquait  d'élégance.  Charles  Duvernoy  mourut  à  Pans  le 
28  févr.  1845,  laissant  plusieurs  compositions  pour  son 

instrument.  ,  -  .  i^    • 

30  Henri'Loiiis-Charles,  fils  du  précèdent,  ne  a  Pans 
le  16  nov.  1820,  fut  un  professeur  renommé.  Après 
avoir  fait  les  plus  brillantes  études  au  Conservatoire 
où  il  remporta  tous  les  prix,  jusqu'à  celui  de  f  prix  de 
Rome  (1848),  il  y  entra  comme  professeur  adjoint  de  sol- 
fège. Il  fut  nommé  professeur  titulaire  en  1848.  Il  composa 
pour  ses  élèves  divers  solfèges  excellents.  Son  Solfège  à 
changements  de  clefs  (1857)  fut  admis  dans  les  écoles  de 
l'Etat.  Il  composa  aussi  un  Solfège  artistique  (Pans, 
1860)  et  un-  Solfège  des  chanteurs  (Paris,  1855)  en  col- 
laboration avec  Georges  Kuhn,  son  oncle.  Organiste  de 
plusieurs  temples  protestants  de  la  capitale,  il  fut  chargé 
par  le  consistoire  de  iMontbéliard  de  la  réforme  du  chant 
des  psaumes  et  cantiques  à  l'usage  du  culte  réformé. 
Il  publia  deux  recueils  de  chants  liturgiques,  le  premier  en 
collaboration  avec  Kuhn  et  le  second  avec  Duprato.  Il  com- 
posa aussi  un  grand  nombre  de  pièces  légères  publiées  à 
Paris  et  des  ouvrages  théoriques  estimés  (V.  le  complément 
de  la  Biographie  Fétis) .  C.  Bordes. 

DUVERNOY  (Charles-Léopold-Eberard),  érudit  français, 
né  à  Montbéliard  le  l^'"  nov.  1774,  mort  à  Besançon  le 
d9  nov.  1850.  Tout  en  occupant  la  fonction  déjuge  de  paix 
du  cant.  d'Audincourt,  il  eut  mission  de  classer  les  immenses 
archives  de  l'ancienne  principauté  de  Montbéliard,  et  de  les 
répartir  entre  l'Etat  et  les  dép.  du  Doubs,  de  la  Haute- 
Saône  et  du  Haut-Rhin.  Il  en  tira  les  éléments  de  notices 
sur  la  plupart  des  localités  du  pays  de  Montbéliard,  qu'il 
publia  dans  V  Annuaire  du  Doubs,  à  partir  de  1834.  Nombre 
de  pièces,  faisant  plus  ou  moins  double  emploi,  lui  servirent 
à  composer  une  soixantaine  de  porteleuilles  qui,  achetés 
après  sa  mort  par  la  Bibliothèque  de  la  ville  de  Besançon, 
forment  dans  cet  établissement  la  Collection  Duvernoy. 
Là  se  trouve  un  exemplaire  remanié  des  Ephémérides  du 
comté  de  Montbéliard,  ouvrage  publié  par  lui  en  1832. 
C'est  l'époque  oti  il  fut  appelé  à  Besançon  pour  diriger  la 
transcription  des  Papiers  d'Etat  du  cardinal  de  Gran- 
velle,  dont  neuf  volumes,  préparés  par  ses  soins,  ont 
paru,  avec  une  Introduction  de  Ch.  Weiss,  dans  la  col- 
lection des  Documents  inédits  sur  l'histoire  de  France 
(1841-1852).  Duvernoy  a  pris  également  une  grande  part 
à  la  confection  des  trois  premiers  volumes  de  la  collection 
des  Documents  inédits  publies  par  l'Académie  de  Besan- 
çon (1835-1844)  ;  il  a  enfin  doté  d'annotations  savantes 
la  réimpression,  faite  en  1846,  des  Mémoires  de  Louis 
Gollut,  le  premier  en  date  des  historiens  de  la  Franche- 
Comté.  Auguste  Castan. 

BiBL.  :  G.  GoGUEL,  Hommes  connus^  m'S  ou  élevés  à 
Montbéliard^  1864,  sixième  étude. 


DUVERNOY  (Georges-Louis),  anatomiste  et  zoologiste 
français,  parent  de^G.  Cuvier,  né  à  Montbéliard  le 
6  août  1777,  mort  à  Paris  le  1«^  mars  1855.  Reçu 
docteur  en  médecine  à  Paris  en  1801,  il  collabora  aux 
travaux  d'anatomie  comparée  de  Cuvier  et  publia  plu- 
sieurs mémoires  d'anatomie  et  de  physiologie.  Il  fit  ensuite 
un  long  séjour  à  Montbéhard  et  y  exerça  la  médecine; 
en  1827,  il  accepta  une  chaire  d'histoire  naturelle  à 
Strasbourg  et  y  devint  doyen  de  la  Faculté  des  sciences 
en  1832.  Il  fut  en  1837  appelé  à  la  chaire  d'histoire  natu- 
relle du  Collège  de  France  et  il  continua  son  enseignement 
jusqu'en  1850,  où  il  passa  à  la  chaire  d'anatomie  comparée 
laissée  vacante  par  la  mort  de  de  Blainville.  Les  travaux 
publiés  par  Duvernoy  sont  très  nombreux  ;  nous  ne  citerons 
que  :  Leçons  sur  l'histoire  naturelle  des  corps  orga- 
nisés (Paris,  1839,  1842,  in-8)  ;  Notice  historique  sur 
la  vie  et  sur  les  ouvrages  de  Cuvier  (Strasbourg  et 
Paris,  1833,  in-8),  etc.  D^.  Hn. 

DUVERNOY  (Charles-François),  chanteur  et  professeur 
français,  né  à  Paris  le  16  oct.  1796,  mort  à  Paris  au 
mois  de  nov.  1872.  D'abord  attaché,  comme  instrumen- 
tiste, à  l'orchestre  de  divers  théâtres,  il  débuta  comme 
chanteur  à  l'Opéra-Comiçiue  en  1830,  n'y  resta  que  peu  de 
temps,  alla  tenir  l'emploi  des  premiers  ténors  à  Toulouse, 
au  Havre,  à  La  Haye,  et  fut  directeur  des  théâtres  de  ces 
deux  dernières  villes.  Il  rentra  à  l'Opéra-Comiqueen  1843, 
et  durant  environ  vingt  années  y  remplit  avec  distinction 
un  emploi  assez  mal  défini,  mais  fort  utile,  en  même  temps 
qu'il  occupait  les  fonctions  de  directeur  de  la  scène.  En 
d851,  il  était  nommé  professeur  d'une  des  classes  d'opéra- 
comique  au  Conservatoire,  et,  en  1856,  chef  du  pensionnat, 
aujourd'hui  supprimé,  des  élèves  chanteurs  de  cet^étabHs- 
sement.  Duvernoy  quitta  l'Opéra-Comique  vers  1865.  —Le 
second  fils  de  cet  artiste,  M.  Edmond  Duvernoy,  pianiste 
fort  distingué  et  l'un  des  plus  brillants  élèves  du  Conser- 
vatoire, s'est  ensuite  adonné  au  chant,  et  pendant  plu- 
sieurs années  a  tenu  l'emploi  de  baryton  à  l'Opéra-Co- 
mique, où  il  a  fait,  entre  autres,  une  création  intéressante 
dans  Piccolino  de  M.  Ernest  Guiraud,  en  1876.  H  est 
aujourd'hui  professeur  d'une  classe  de  chant  au  Conser- 
vatoire. 

DUVERNOY  (Victor- Alphonse),  pianiste  et  compositeur, 
né  à  Paris  le  20  août  1842.  Elève  de  M.  Marmontel,  il 
remporta  au  Conservatoire  de  Paris  le  premier  prix  de 
piano  en  1855.  En  1869,  il  fonda  une  société  de  musique 
de  chambre  avec  MM.  Léonard,  Stichle,  Trombetta  et  Jac- 
quard. En  1881,  il  obtint  le  prix  de  la  Ville  de  Paris  avec 
la  Tempête,  symphonie  dramatique  pour  soli,  chœurs  et 
orchestre,  exécutée  aux  concerts  du  Châtelet.  En  1884,  il 
donnait  aux  concerts  du  Château-d'Eau,  dirigés  par  M.  La- 
moureux,  un  Sardanapale  qui  eut  un  succès  honorable. 
Depuis,  il  a  été  nommé  professeur  de  piano  au  Conserva- 
toire. Il  a  composé  pour  le  piano  de  nombreuses  pièces, 
un  concert-stuck  et  plusieurs  œuvres  de  musique  de 
chambre. 

DUVERT  (Féhx-Auguste),  vaudevilliste  français,  né  à 
Paris  le  13  janv.  1795,  mort  à  Paris  le  29  oct.  1876. 
Engagé  volontaire  en  181d,  il  fut  licencié  en  1816  comme 
maréchal  des  logis  chef  de  dragons.  Sa  première  pièce,  reçue 
sur  la  recommandation  de  Viennet,  le  Frère  de  lait 
(Gymnase,  8  févr.  1823),  fut  suivie  de  près  de  cent  cin- 
quante autres,  écrites  à  peu  près  exclusivement  avec  la 
collaboration  de  Saintine  (Xavier),  Dumersan,  Luneu, 
Varin,  Varner  et  surtout  de  Lauzanne  dont  le  nom  est 
devenu  inséparable  du  sien  et  qui,  d'ailleurs,  épousa  sa 
fille.  Parmi  ses  pièces,  au  succès  desquelles  l'interprétation 
d'Arnal  contribua  pour  une  large  part,  on  peut  surtout 
rappeler  les  suivantes  :  Heur  et  Malheur  (1831);  les 
Cabinets  particuliers  (1832)  ;  Prosper  et  Vincent 
(1833);  Un  Scandale  (\^U)',  Renaudin  deCaen  (1836); 
la  Laitière  et  les  Deux  Chasseurs  (1837);  le  Mari  de  la 
dame  de  chœurs  (\S3iy,  le  Plastron  (iS^);  la  Famille 
du  fumiste  (1840);  l'Omelette    fantastique  (1842); 


DUVERT  —  DUVET 


-  152 


r Homme  blasé  (1843);  Riche  cV amour  (1845);  Ce  que 
femme  veut  (1847);  la  Clef  clans  le  dos  (1848);  le 
Supplice  de  Tantale  (\S^0);  Une  Queue  rouge  (1852); 
le  Puits  mitoyen  (1852);  Riche  de  cœur  (1856);  En 
Revenant  de  Pondichéry  (]S^^);  Ketty  ou  le  Retour 
en  Suisse  (1860),  etc.  Une  édition  du  Théâtre  choisi  de 
Ouvert  a  été  publiée  avec  une  notice  par  M.  Francisque 
Sarcey  (1876-1878,  6  vol.  in-18).  M.  Tx. 

DUVET.  On  donne  le  nom  de  duvet  à  trois  produits  qui 
ont  entre  eux  une  grande  ressemblance,  mais  proviennent 
de  trois  origines  différentes  ;  Tun  est  recueilli  sur  cer- 
tains oiseaux,  l'autre  sur  certains  animaux,  le  troisième 
enfin  est  fourni  par  la  bourre  de  plantes  ou  graines  spé- 
ciales. 

Le  duvet  des  oiseaux  ne  doit  pas  être  confondu  avec 
les  plumes  avec  lesquelles  il  offre  cependant  certains  points 
de  comparaison.  Tandis  que  dans  la  plume  des  oiseaux  on 
trouve  toujours  une  partie  rigide,  une  tige  flexible,  mais 
douée  cependant  d'une  certaine  force  même  dans  les  plumes 
les  plus  fines  et  les  plus  ténues,  tige  à  laquelle  sont  fixées 
des  barbes,  le  duvet  n'a  aucune  partie  résistante  :  le  duvet 
est  en  quelque  sorte  un  diminutif  de  la  plume.  C'est  le 
nom  donné  auxpremièresplumesdes  oiseaux,  qui  recouvrent 
leur  corps  à  la  sortie  de  l'œuf  et  qui  chez  certains  oiseaux, 
les  oiseaux  aquatiques  surtout,  ne  disparaît  jamais  com- 
plètement. 11  couvre  généralement,  chez  ces  oiseaux,  la 
tête,  le  cou,  la  gorge  et  la  poitrine;  il  forme  une 
masse  cotonneuse  entre  les  mille  interstices  de  laquelle 
s'emmagasine  l'air.  On  sait  que  ce  gaz,  quand  il  n'est  pas 
en  mouvement,  est  très  mauvais  conducteur  delà  chaleur.  ^ 
De  là  vient  sa  propriété  d'accumuler  la  chaleur  sur  les  corps  ' 
qu'il  revêt,  ce  qui  en  fait  le  meilleur  préservatif  contrôle 
froid.  Aussi  emploie-t-on  le  duvet  dans  l'industrie  pour  en 
faire  des  couvre-pieds,  manchons,  pelisses,  et  même,  parfois, 
pour  en  garnir  les  vêtements.  Le  duvet  des  oiseaux  est  gé- 
néralement récolté  sur  l'animal  vivant  :  il  est  alors  de 
qualité  supérieure  et  plus  vigoureux  que  le  duvet  prove- 
nant d'animaux  tués  à  la  chasse  ou  morts  de  leur  mort 
naturelle.  Aussi  dans  certains  pays  pratique-t-on  l'élevage 
de  certains  oiseaux  produisant  le  duvet  dont  on  fait  une 
récolte  annuelle.  Cette  sorte  de  déplumage  de  l'animal 
vivant,  loin  de  nuire  à  la  santé  de  l'oiseau,  le  rend  au  con- 
traire plus  robuste,  et  activant  les  fonctions  de  la  peau  pro- 
cure à  l'éleveur  un  rendement  plus  considérable  de  sa 
marchandise.  On  ne  dédaigne  pas  non  plus  le  duvet  des 
animaux  morts,  ni  le  duvet  dont  certains  oiseaux  tapissent 
leur  nid  ;  mais  sa  qualité  est  alors  inférieure.  Chez  les 
animaux  morts,  il  faut  avoir  soin  de  recueillir  le  duvet 
immédiatement  après  la  mort,  sans  quoi  le  sang  de  l'ani- 
mal s'infiltre  dans  la  tige  et  le  corrompt  rapidement.  Le 
duvet  est  toujours  vendu  au  poids  et  à  un  prix  qui  semble 
assez  élevé,  mais  qu'expliquent  et  justifient  cependant  les 
difficultés  de  la  récolte,  de  l'emmagasinage,  de  la  prépara- 
tion et  du  transport.  D'ailleurs,  les  prix  et  qualités  va- 
rient selon  les  animaux  qui  le  fournissent.  Ce  sonjt,  avons- 
nous  dit,  en  général,  des  oiseaux  aquatiques  :  l'eider,  le 
canard  sauvage,  le  canard  ordinaire,  l'oie,  le  cygne.  On  en 
récolte  aussi  sur  Tautruche. 

Duvet  de  l'eider.  Le  duvet  d'oiseau  le  plus  recherché 
et  par  conséquent  le  plus  cher  est  le  duvet  de  l'eider,  qui 
porte  le  nom  d'édredon.  11  est  de  beaucoup  le  plus  fin  et 
le  plus  moelleux.  En  Norvège  et  en  Islande,  les  habitants  des 
bords  de  la  mer  cherchent  à  attirer  ces  oiseaux  dans  d'im- 
menses basses-cours  où  on  les  apprivoise  pour  les  dépouiller 
une  fois  par  an  de  leur  précieuse  fourrure.  Certains  éleveurs 
arrivent  à  récolter  ainsi  environ  50  kilogr.  de  duvet  par 
an.  Dans  ces  contrées,  l'eider  jouit  d'une  grande  sécurité  : 
on  se  garde  de  le  tuer,  et  des  lois  spéciales  édictent  même 
des  peines  contre  ceux  qui  les  détruisent.  Dans  l'Amérique 
du  Nord,  au  contraire,  on  les  chasse,  et  leurs  peaux  sont 
envoyées  en  Chine  pour  y  être  préparées.  On  a  tenté  d'ac- 
climater l'eider  dans  l'Europe  centrale,  mais  ces  essais 
sont  restés  sans  résultat. 


Duvet  du  canard  tadorne.  Le  duvet  du  canard  tadorne 
est  très  doux,  presque  aussi  recherché  que  celui  de  l'eider  ; 
mais  il  est  plus  gras,  ce  qui  rend  sa  préparation  plus 
difficile. 

Duvet  du  canard  commun.  Le  duvet  du  canard 
commun  est  de  beaucoup  inférieur  à  celui  de  l'eider  et  du 
canard  tadorne,  et  même  à  celui  du  cygne  et  de  l'oie. 
Néanmoins,  on  le  recueille  avec  soin  en  France  sur  tous 
ces  animaux  destinés  à  la  consommation.  Le  duvet  des 
autres  espèces  de  canards,  telles  que  sarcelles,  macreuses, 
gairots,  etc.,  est  encore  inférieur.  Certains  commerçants 
peu  consciencieux  le  mélangent  frauduleusement  aux  autres 
duvets. 

Duvet  de  Voie.  Le  duvet  de  l'oie  que  l'on  recueille 
toujours  après  avoir  tué  l'animal  pour  la  consommation, 
est  employé  à  toutes  les  destinations  dont  le  duvet  d'oiseau 
est  susceptible.  Certaines  villes,  Strasbourg,  Toulouse, 
Vienne,  en  font  un  grand  commerce. 

Duvet  du  cygne.  Le  duvet  du  cygne  est  très  cher; 
l'élévation  de  son  prix  provient  autant  de  sa  rareté 
que  de  sa  blancheur  incomparable.  Il  est  employé  exclusi- 
vement comme  fourrure  et  sert  à  garnir  les  vêtements  de 
luxe  ou  de  santé.  On  en  fait  des  pèlerines,  des  manchons, 
des  boas.  Pour  recueillir  le  duvet  du  cygne,  au  lieu  de 
plumer  l'animal,  on  l'écorche,  de  façon  que  le  duvet  reste 
adhérent  à  la  peau. 

Duvet  de  l'autruche.  C'est  le  duvet  le  moins  précieux 
et  le  moins  cher.  Il  est  plus  long,  plus  gros  et  plus  diffi- 
cile à  dégraisser  que  les  précédents.  Il  est  gris  ou  blanc  ; 
on  s'en  sert  pour  fabriquer  des  chapeaux,  tels  que  tricornes 
et  bicornes  ;  il  est  encore  employé  dans  l'industrie  de  la  fila- 
ture pour  servir  de  lisière  aux  draps  fins.  —  Le  duvet  des 
oiseaux,  avant  d'être  employé  dans  le  commerce,  subit  une 
préparation  généralement  assez  simple.  Le  duvet  est  d'abord 
soumis  à  la  chaleur  de  Tétuve  qui  le  sèche  et  le  débarrasse 
de  la  vermine  qui  s'y  trouve  toujours.  Puis,  si  besoin  est, 
il  est  dégraissé  à  l'aide  de  procédés  chimiques  et  ensuite 
empaqueté  en  balles  enveloppées  de  grosses  toiles,  par 
masses  de  25  et  quelquefois  50  kilogr. 

Duvet  des  quadrupèdes.  Le  seul  dont  nous  ayons  à 
parler  ici  est  le  duvet  de  Cachemire  provenant  des  chèvres 
du  Tibet,  de  Lhassa  et  des  chèvres  kirghiz.  Le  duvet  des 
premières  est  beaucoup  plus  estimé.  C'est  une  bourre 
longue  et  douce  qui  sert  à  la  fabrication  du  tissu  appelé 
cachemire  (V.  ce  mot). 

Duvet  végétal.  Le  seul  duvet  végétal  qui  soit  d'un 
usage  constant  est  le  coton  (V.  ce  mot). 

La  moyenne  des  importations  est  :  duvet  d'eider  dans 
ces  dix  dernières  années  :  3,140  kilogr.  dont  la  plus 
grande  quantité  provient  de  l'Allemagne  ;  duvet  de  cygne 
où  canard  :  15,360  kilogr.  qui  se  décomposent  comme 
suit  :  Allemagne.  6,500,  Russie,  5,324;  Suisse,  2,125. 
Divers  :  1,411.  Autres  duvets  :  76,462,  provenant  pour 
la  plus  grande  partie  d'Allemagne.  D'autre  part,  il  a  été 
exporté  ':  6,827  kilogr.  de  duvet  d'oie,  cygne,  canard, 
Kvrés  à  l'Allemagne,  Suisse,  Italie;  300  kilogr.  hvrés  à 
la  Suisse,  Espagne  et  Portugal.  Lucien  Saint. 

DUVET  (Jean  Drouot,  dit),  orfèvre  et  graveur  français, 
né  à  Langres  en  1485,  vivait  encore  en  1562.  Il  est  sur- 
tout connu  comme  graveur.  On  lui  donne  le  surnom  de 
Maître  à  la  licorne,  à  cause  de  la  présence  de  cet  animal 
dans  certaines  de  ses  compositions.  Cet  artiste  a  interprété, 
souvent  d'une  façon  très  remarquable,  des  modèles  italiens. 
Il  semble  s'être,  de  préférence,  inspiré  de  Mantegna,  dont 
il  reproduisit  plusieurs  sujets.  Dans  ses  paysages,  on  peut 
voir  quelques  parties  traitées  à  la  manière  de  Léonard  de 
Vinci.  Dans  le  Mariage  d'Adam  et  d'Eve,  Jean  Duvet  a 
mis  la  figure  d'Adam  "du  Péché  originel,  d'Albert  Durer. 
La  Lucrèce  de  Raphaël,  gravée  par  Marc-Antoine,  a  été 
transformée  en  vierge.  La  gravure  le  Poison  et  le  Contre- 
Poison  est  presque  la  contre-partie  d'un  dessin  de  Léonard 
de  Vinci  dont  l'original  est  conservé  au  Brilish  Muséum. 
L'allégorie  la  Majesté  royale  et  le  portrait  en  pied  de 


—  d53  - 


DUVET  —  DUVIQUET 


Henri  II  au  milieu  d'un  entourage  peuvent  être  consi- 
dérés comme  des  compositions  de  réelle  valeur.  La  prin- 
cipale œuvre  de  Jean  Duvet  est  la  Suite  de  l'Apocalypse 
(1546-1555)  pour  la  publication  de  laquelle  il  obtint  en 
1556  un  privilège  royal.  Cet  habile  graveur,  à  côté  de 
grandes  qualités  de  dessin,  pèche  souvent  par  la  maigreur 
excessive  de  ses  sujets  et  par  l'exécution  trop  minutieuse 
des  détails.  Ses  compositions  ont  parfois  un  caractère  confus 
et  tourmenté.  Il  n'a  été  conservé  aucune  des  pièces  d'or- 
fèvrerie que  Jean  Duvet  fut  chargé  d'exécuter.  Nous  savons 
qu'il  fit,  en  1524,  un  reliquaire  pour  la  cathédrale  de 
Langres.  Il  travailla  aux  présents  d'orfèvrerie  que  la 
ville  offrit  au  roi  François  P^  lorsqu'il  vint  à  Langres  en 
1521  et  1534.  Il  dirigea  aussi  l'organisation  des  fêtes  qui 
furent  données  au  souverain.  De  1534  à  1544,  il  semble 
avoir  séjourné  en  Italie.  Jean  Duvet  fut  peut-être  le  maître 
du  graveur  langrois  Jacques  Prévôt.        F.  Mazerolle. 

BiBL.  :  E.  JuLLiEN  DU  BouLLAY,  Etude  sur  la  vie  e^ 
V œuvre  de  Jean  Duvet^  dit  le  Maître  à  la  licoime;  Paris 

1876. 

DUVEYRIER  (Honoré-Marie-Nicolas,  baron),  homme 
politique  et  magistrat  français,  né  à  Pignans  (Var)  le  6  déc. 
1753,  mort  à  Mafïïiers  (Seine-et-Oise)  le  25  mai  1839. 
Avocat,  député  suppléant  de  Paris  aux  États  généraux,  élec- 
teur de  Paris  en  1789  et  en  1790,  commissaire  du  roi  à 
Nancy  avec  Cahier  de  Gerville  en  1790,  membre  du  club  des 
Jacobins,  il  occupa  les  fonctions  de  secrétaire  général  du 
ministère  de  la  justice  sous  Duport-Dutertre.  Un  instant 
incarcéré  sur  la  dénonciation  de  Robespierre,  en  août  1792, 
il  fut  un  des  commissaires  envoyés  par  le  conseil  exécutif 
en  1793  dans  les  villes  hanséatiques,  le  Danemark  et  la 
Suède,  pour  des  achats  de  grains.  Après  le  18  brumaire,  il 
entra  au  Tribunal.  Sous  l'Empire,  il  fut  premier  président 
de  la  cour  de  Montpellier  et  créé  baron  de  l'Empire  le  6  oct. 
1810.  Destitué  sous  la  Restauration,  il  rentra  dans  la  vie 
privée.  Il  rédigea  avec  Bailly  le  Procès-verbal  de  l'as- 
semblée générale  des  électeurs  de  Paris  en  il 89  (Paris, 
1790,  3  vol.  in-8).  F.-A.  A. 

DUVEYRIER  (Anne-Honoré- Joseph),  auteur  dramatique 
français,  né  à  Paris  le  13  nov.  1787,  mort  à  Paris  en  nov. 
1865.  Fils  du  précédent,  il  fut  reçu  avocat  en  1809  près  la 
cour  de  Montpellier  et  remplit  ensuite  les  fonctions  de  substi- 
tut et  de  procureur  général,  mais  il  donna  sa  démission  en 
1 814  pour  se  consacrer  exclusivement  au  théâtre.  Le  nombre 
total  des  pièces  qu'il  a  fait  représenter,  sous  le  pseudonyme 
de  Mélesville,  soit  seul,  soit  en  collaboration  avec  Scribe, 
Càrmouche,  Bayard,  Merle,  etc.,  dépasse  trois  cents  et  l'on 
ne  peut  ici  que  rappeler  les  titres  de  quelques-unes  d'entre 
elles:  V Oncle  rival  (1811)  ;  Mémoires  d'un  colonel  de 
hussards  (1822)  ;  la  Chatte  métamorphosée  en  femme 
(1827);  Zampa  (1831);  le  Chalet  (1834);  Michel 
Perrin  (1834)  ;  la  Fille  de  Figaro  (1843)  ;  le  Fruit 
défendu  (1848)  ;  les  Rêves  de  Matheus  (1852)  ;  Mon- 
sieur Beauminet  (1854)  ;  les  Dames  capitaines 
(1857),  etc.  M.  Tx. 

DUVEYRIER  (Charles),  auteur  dramatique  français,  né 
à  Paris  le  12  avr.  1803,  mort  en  nov.  1866,  frère  du  pré- 
cédent. Il  aida  son  père  dans  la  rédaction  de  son  Histoire 
des  électeurs  de  Paris,  s'afTdia  au  saint-simonisme  et 
devint  un  des  plus  zélés  propagateurs  de  la  nouvelle  doc- 
trine. C'est  ainsi  qu'il  parcourut  la  Belgique  où  il  fonda 
V Organisateur  belge,  et  l'Angleterre  pour  y  faire  de  la 
propagande,  et  qu'il  collabora  activement  à  V Organisateur 
et  au  Globe.  Un  article  sur  la  Femme,  qu'il  y  inséra  en 
1832,  le  fit  condamner  à  un  an  de  prison.  Il  acquit  une 
certaine  notoriété  comme  auteur  dramatique.  Citons  de  lui  : 
le  Monomane  (Paris,  1835,  in-8),  drame  en  cinq  actes  ; 
r Ingénieur  ou  la  Mine  de  charbon  (1836,  in-8),  mélo- 
drame en  trois  actes  ;  Faute  de  s'entendre  (1838,  in-8), 
comédie  en  un  acte;  le  Comité  de  bienfaisance  (1839,  in-8), 
comédie  en  collaboration  avec  Jules  de  Wailly  ;  Lady  Sey- 
mour  (1845,  in-8),  drame  en  cinq  actes,  etc.  Il  a  aussi 
collaboré  à  plusieurs  des  pièces  de  son  frère  et  donné  avec 


Scribe  les  livrets  de  Polichinelle  (1839),  des  Vêpres 
siciliennes  (1855)  et  la  comédie  Oscar  ou  le  Mari  qui 
trompe  sa  femme  (1842).  Après  la  dispersion  des  saint- 
sinioniens,  Duveyrier  devint  directeur  de  la  Société  géné- 
rale d'annonces  et  il  fonda,  en  1848,  uu  journal  finan- 
cier, le  Crédit.  Il  avait  encore  collaboré  à  V Artiste,  au 
livre  des  Cent  et  un,  au  Monde  et  écrit  quelques  ouvrages 
politiques  :  V  Autriche  dans  les  principautés  danu- 
biennes (Paris,  1858,  in-8)  ;  l'Avenir  et  les  Bonaparte 
(1864,  in-8)  ;  la  Civilisation,  les  conditions  de  son 
eMfantement  et  de  ses  progrès  (1865,  in-8)  ;  la  Civili- 
sation et  la  démocratie  française  (1865,  in-8);  l'Fm- 
pereur  François-Joseph  P'^  et  l'Europe  (1860,  in-8)^; 
Nécessité  d'un  congrès  pour  pacifier  l'Europe  (1855, 
in-8)  ;  la  Pairie  dans  ses  rapports  avec  la  situation 
politique  (iS^!^,  in-8),  etc. 

DUVEYRIER  (Henri),  orientaliste,  voyageur  et  géo- 
graphe français,  né  à  Paris  le  28  févr.  1840.  Il  reçut  sa 
première  éducation  dans  des  institutions  particulières  à 
Vaugirard  et  à  Auteuil  et  partit  ensuite  à  Leipzig,  où  il 
étudia  l'arabe  chez  Fleischer.  Il  avait  déjà  la  résolution  bien 
arrêtée  d'entreprendre  des  voyages  scientifiques  en  Afrique, 
Il  revint  à  Paris  où  il  continua  l'étude  de  l'arabe.  Il  fit  un 
premier  voyage  à  Laghouat  en  1857,  et,  le  8  mai  1859 
il  partit  pour  son  grand  voyage  d'exploration  dans  le 
Sahara,  qui  se  prolongea  jusqu'en  oct.  1861.  A  son  retour 
à  Alger,  il  tomba  gravement  malade,  ce  qui  retarda  la 
publication  de  ses  récits  de  voyage.  On  édita  cependant 
de  bonne  heure  ses  remarquables  cartes  du  Sahara.  Les 
travaux  de  Duveyrier  sont  contenus  en  majeure  partie  dans 
des  revues  spéciales  :  le  Bulletin  de  la  Société  de  géogra- 
phie, les  Annales  des  voyages,  la  Revue  algérienne  et 
coloniale.  Son  principal  ouvrage  est  intitulé  l'Exploration 
du  Sahara  (1®''  vol.  :  les  Touaregs  du  Nord;  Paris, 
1864),  avec  carte.  Outre  ses  ouvrages  et  ses  nombreux 
articles,  il  publie  le  Bulletin  amiuet  de  la  Société  de 
géographie,  et  a  rédigé  quelque  temps  l'Armée  géogra- 
phique, en  collaboration  avec  M.  Maunoir.  Il  collabore  au 
Dictionnaire  de  géographie  universelle  de  Vivien  de 
Saint-Martin. 

DU VI EU 6 ET,  poète  français  du  xvii^  siècle.  On  cite  de 
lui:  Diversités  poétiques  (Paris,  1632,  in-8). 

DUVILLARD  DE  Durand  (Emmanuel-Etienne),  statisti- 
cien et  économiste  français,  né  à  Genève  le  2  avr.  1755, 
mort  à  Paris  le  11  avr.  1832.  D'une  famille  de  protestants 
français  réfugiés  en  Suisse  lors  de  la  révocation  de  l'édit 
de  Nantes,  il  vint  à  Paris  en  1773  et  fut  attaché  à  la 
trésorerie  générale  sous  le  ministère  Turgot.  Ses  travaux 
et  ses  publications  économiques  lui  valurent  en  1796  le 
titre  de  membre  associé  de  l'Académie  des  sciences  morales 
et  politiques;  après  la  réorganisation  de  l'Institut,  il  fut 
correspondant  de  la  classe  d'histoire  et  littérature,  puis  de 
l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres.  Membre  du 
Corps  législatif  de  1799  à  1802,  il  eut,  à  partir  de  1805  et 
jusqu'en  1815,  la  direction  de  la  statistique  de  la  popula- 
tion au  ministère  de  l'intérieur.  Il  vécut  ensuite  dans  la 
retraite  à  Montmorency.  Outre  de  nombreux  ouvrages  de- 
meurés manuscrits  sur  la  statistique,  l'astronomie,  les 
finances,  etc.,  il  a  écrit  :  Recherches  sur  les  rentes^  les 
emprunts  et  les  remboursements  (Paris,  1787,  in-4)  ; 
Plan  d'une  association  de  prévoyance  (Paris,  1790, 
in-4);  Formule  nouvelle  pour  trouver  la  hauteur  des 
lieux  par  celles  du  baromètre  et  du  thermomètre  (Paris, 
1825,  in-8);  Analyse  ou  Tableau  de  l'influence  de  la 
petite  vérole  sur  la  mortalité  à  chaque  âge,  etc.  (Paris, 
1806,  in-4).  C'est  dans  ce  dernier  Hvre  que  se  trouve  la 
table  connue  sous  le  nom  de  Table  de  mortalité  de  Duvil- 
lard  (V.  Mortalité).  Elle  a  été  longtemps  employée  en 
France,  concurremment  avec  celle  de  Deparcieux,  par  les 
compagnies  d'assurances  sur  la  vie  ;  mais  elle  accuse  une 
mortalité  trop  rapide  dans  la  jeunesse  et  trop  lente  dans  la 
vieillesse.  L.  S. 

DUVIQUET  (Pierre),  homme  politique  et  littérateur 


DUVIQUET  -  DUVY 


—  454 


français,  né  à  Clamecy  (Nièvre)  le  30  oct.  4765,  mort  à 
Paris  le  30  août  4835.  Avocat  en  4790  et  membre  du 
directoire  du  dép.  de  la  Nièvre,  il  fut  arrêté  comme  suspect, 
relaxé  par  la  protection  de  Fouché,  puis  nommé  secrétaire 
de  la  commission  de  surveillance  de  Lyon  et  accusateur 
public  à  Grenoble,  député  au  conseil  des  Cinq-Cents  par 
le  dép.  de  la  Nièvre  (4798),  il  devint,  après  le  48  bru- 
maire, commissaire  du  gouvernement  près  le  tribunal  de 
Clamecy  et  avocat  au  tribunal  de  cassation.  Démissionnaire 
pour  des  raisons  d'ordre  privé,  il  était  professeur  au  lycée 
Napoléon  lorsqu'il  succéda,  en  4814,  à  Geoffroy  comme 
critique  dramatique  du  Journal  des  Débats.  Partisan  de 
la  littérature  classique,  il  apporta  dans  ses  jugements  plus 
de  modération  et  d'équité  que  son  prédécesseur  et  vécut 
assez  pour  se  voir  supplanter  par  Jules  Janin.  Les  articles 
de  Duviquet  n'ont  pas  été  réimprimés  ;  il  n'a  publié,  en 
dehors  de  sa  collaboration  aux  Débats,  que  deux  pièces  de 
vers  sur  V Education  publique  et  sur  la  Paix  (4784), 
une  édition  latine  à'Horace  (4825,  4  vol.  in-42),  une 
édition  des  OEuvres  de  Marivaux  (4827-4830,  40  vol. 
in-8),  une  traduction  du  Coup  d'œil  sur  les  causes  et  les 
conséquences  de  la  guerre  avec  la  France  d'Erskine 
(4797)  et  une  notice  biographique  sur  Boulard  (V.  ce 
nom)  en  tête  du  catalogue  de  cet  amateur.  M.  Tx. 

DU  VIVIER.  Village  d'Algérie,  dép.  de  Constantine, 
arr.  de  Bône;  778  hab.  dont  209  Français  et  83  Euro- 
péens, ch.-lieu  d'une  commune  de  plein  exercice  qui  com- 
prend Medjez-Sfa  et  Aïn-Tahamimine  et  compte  en  tout 
4,439  hab.  Stat.  du  ch.  de  fer  de  Bône  à  Constantine.  Ce 
village  porte  le  nom  d'un  général  qui  commanda  longtemps 
la  division  de  Bône.  Il  a  été  créé  en  4857  au  lieu  dit  Bou- 
Chagouf,  au  milieu  d'une  région  riche  en  oliviers,  et  a  rapi- 
dement prospéré  ;  commerce  de  grains ,  de  bestiaux  et  de 
laine.  E.  Cat. 

DU  VIVIER  (Les),  graveurs-médailleurs  français.  Jean, 
né  à  Liège  le  7  févr.  4687,  naturalisé  Français,  devint 
membre  de  l'Académie  de  peinture  et  de  sculpture  en  4748, 
et  mourut  le  30  avr.  4764.  —  Son  fils,  Pierre-Simon- 
Benjamin,  né  à  Paris  le  5  nov.  4730,  fut  de  4774  à  4794 
graveur  général  des  monnaies,  membre  de  l'Académie  de 
peinture  et  de  sculpture  en  4776,  membre  de  l'Institut  en 
4806.  Il  mourut  le  44  juil.  4849. 

BiBL.  :  Bellier  de  La  Chavignerie  et  Auvray,  Dict. 
des  artistes  de  Vécote  jrançaise. 

DU  VIVIER  (Jean-Bernard),  peintre-graveur  français 
d'origine  flamande,  né  à  Bruges  en  4762,  mort  à  Paris  le 
24  nov.  4837.  Elève  de  l'Académie  de  Bruges  et  de  son 
directeur  P.  de  Cockq,  il  vint  ensuite  à  Paris,  et  entra 
dans  l'atelier  de  Suvée  en  4783.  Il  se  consacra  à  la  pein- 
ture d'histoire  et  au  portrait.  En  4790,  il  partit  pour  l'Italie 
et  y  séjourna  six  années;  il  se  fixa  ensuite  à  Paris.  La 
plupart  des  tableaux  qu'il  a  peints  sont  restés  en  France  ; 
on  y  remarque  une  bonne  composition,  un  dessin  large  et 
ferme,  un  coloris  brillant.  Les  principaux  sont  :  les  Funé- 
railles d'Hector,  la  Charité,  le  Vœu  de  sainte  Clotilde, 
Saint  Jean-Baptiste  enfant.  Plusieurs  de  ses  compositions 
ont  été  gravées  par  lui-même.  Ad.  T. 

DUVIVIER,  médecin,  né  à  Beauvais  en  4773.  Chirur- 
gien militaire,  il  fut  chargé  d'importantes  missions  pendant 
les  guerres  du  premier  Empire,  entre  autres  de  l'installa- 
tion d'une  école  spéciale  de  santé,  créée  en  4843.  Il  fut 
jusqu'en  4830  chirurgien  en  chef  et  professeur  au  Val-de- 
Grâce.  Il  a  publié  :  Dissertation  sur  la  fièvre  miliaire 
(4842,  in-8)  ;  De  la  Médecine,  considérée  comme  science 
et  comme  art  (4828,  in-8)  ;  Traité  des  maladies  épi- 
démiques  causées  par  les  aliments  sophistiqués;  Elé- 
ments de  médecine  pratique  (4842,  in-8),  etc. 

DUVIVIER  (Franciade-Fleurus),  général  français,  né  à 
Rouen  le  47  avr.  4794,  mort  à  Paris  le  8  juil.  4848. 
Elève  de  Polytechnique,  lieutenant  d'artillerie  en  4844, 
capitaine  du  génie  en  4847,  il  devint,  en  4825,  instruc- 
teur militaire  du  bey  de  Tunis,  prit  part  à  l'expédition 
d'Algérie  de  4828  et  se  signala  à  Médéa  et  à  Boufarik. 


Nommé  commandant  supérieur  de  Bougie  en  4833,  il  dé- 
missionna à  la  suite  d'un  conflit  violent  avec  l'autorité 
civile  (4835).  Il  participa  à  l'expédition  de  Constantine 
(4836),  fut  nommé  commandant  supérieur  du  camp  de 
Guelma  et  promu  maréchal  de  camp  en  4839.  Général  de 
division  en  4848,  il  fut  élu  le  23  avril  représentant  de  la 
Seine  à  la  Constituante,  fut  chargé  de  l'organisation  des 
gardes  mobiles  et  fut  blessé  mortellement  en  réprimant 
l'insurrection  de  juin.  On  a  de  lui  :  Essai  sur  la  défense 
des  Etats  par  les  fortifications  (Paris,  4826,  in-8)  ; 
Observations  sur  la  guerre  de  la  succession  d'Espagne 
(4830,  2  vol.  in-8)  ;  Recherches  et  note  sur  la  portion 
de  l'Algérie  au  sud  de  Guelma  (4844,  in-4)  ;  Solution 
de  la  question  de  l'Algérie  (48 H,  in-8)  ;  Algérie  ou 
Observations  sur  le  dernier  mémoire  du  général  Bur- 
geaud  (4842,  in-8)  ;  Abolition  de  l'esclavage,  civilisa- 
tion du  centre  de  l'Afrique,  projet  pour  y  parvenir 
(484^,  in-8);  les  Inscriptions  phéniciennes,  puniques,, 
nnmidiques  expliquées  par  une  méthode  incontestable 
(4846,  in-8)  ;  Lettre  sur  l'application  de  l'armée  aux 
travaux  publics  (4845,  in-8),  etc. 

DUVIVIER  (Marthe-Louise-Ernestine),  cantatrice  dra- 
matique française,  née  à  Paris  le  27  avril  4850.  Premier 
prix  de  chant  au  Conservatoire  (4874),  elle  commença  en 
province  sa  carrière  théâtrale,  puis  fut  engagée  au  théâtre 
de  la  Monnaie,  de  Bruxelles,  où  elle  obtint  de  brillants 
succès.  C'est  là  qu'elle  créa,  de  la  façon  la  plus  heureuse, 
le  rôle  principal  à'Hérodiade  de  M.  Massenet.  Appelée 
à  l'Opéra  de  Paris  (juin  4884),  elle  joua  le  rôle  de  Valen- 
tine  des  Huguenots  et  Sélika  de  l'Africaine.  Cepen- 
dant elle  ne  resta  pas  plus  d'une  année  à  ce  théâtre,  et 
depuis  lors  elle  a  continué  sa  carrière  sur  les  grandes 
scènes  de  la  province  et  de  l'étranger. 

DU  VOISIN  (Jean-Baptiste),  évêque  de  Nantes,  con- 
seiller d'Etat  et  baron  sous  l'Empire,  né  à  Langres  le 
46  oct.  4744,  mort  à  Nantes  le  9  juil.  4843.  Il  fut  suc- 
cessivement professeur  à  la  Sorbonne,  promoteur  à  l'offi- 
cialité  de  Paris,  censeur  royal,  chanoine  d'Auxerre.  Il  était 
grand  vicaire  du  diocèse  de  Laon  lorsqu'il  fut  déporté  comme 
réfractaire  à  la  constitution  civile  du  clergé  (sept.  4792).  Il 
se  réfugia  d'abord  en  Angleterre,  puis  en  Belgique,  enfin  à 
Brunswick,  où  il  trouva  la  protection  du  duc  Guillaume.  Il  y 
professa  les  sciences  et  les  belles-lettres  jusqu'en  4804. 
Peu  de  temps  après  le  rétablissement  des  cultes,  il  fut 
nommé  évêque  de  Nantes.  Il  fut  un  des  quatre  évêques  com- 
mis par  Napoléon  pour  résider  auprès  de  Pie  VU  pendant 
sa  captivité  à  Savone  et  à  Fontainebleau.  S'il  faut  en  croire 
une  déclaration  testamentaire  faite  par  lui,  dans  les  der- 
niers instants  de  sa  vie,  il  aurait  plusieurs  fois  représenté 
à  l'empereur  les  inconvénients  de  la  captivité  prolongée  du 
pape.  Dans  le  Mémorial  de  Sainte-Hélène,  Napoléon  dit 
de  lui  :  «  C'était  mon  oracle,  mon  flambeau  ;  il  avait  ma 
confiance  aveugle  sur  les  matières  refigieuses.  »  —  OEuvres 
principales  :  Dissertation  critique  sur  la  vision  de  Con- 
stantin (Paris,  4774,  in-42)  ;  Essai  sur  la  religion  na- 
turelle (Paris,  4780,  in-42)  ;  De  Vera  Religione  ad 
usum  theologiœ  candidatorum  (Paris,  4785,  2  vol. 
in-42);  Défense  de  l'ordre  social  contre  les  principes 
de  la  Révolution  française  (Londres,  4798  ;  Paris,  4829, 
in-8)  ;  Démonstration  évangélique  (Brunswick,  4800  ; 
Paris,  4802,  4805,  4824,  4826,  in-8).  A  la  quatrième 
édition  est  ajouté  un  Essai  sur  la  tolérance,  dans  lequel 
Du  Voisin  blâme  théoriquement  l'emploi  de  la  contrainte 
en  matière  de  religion,  mais  professe  qu'une  tolérance  uni- 
verselle et  illimitée  mènerait  à  l'extinction  de  toute  religion. 
Traduction  des  Voyages  de  Mongo  Park  (Hambourg  et 
Brunswick,  4799,  2  vol.  in-8).  E.-H.  V. 

DUVY.  Corn,  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de  Senlis,  cant. 
de  Crépy-en-Valois  ;  447  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  du 
Nord.  Eglise  des  xii^  et  xni®  siècles.  Bestes  d'un  hôtel 
seigneurial  du  xv^  siècle.  Hameaux  :  Bazoches,  siège 
d'une  importante  seigneurie,  et  Bou ville  qui  posséda  une 
maison  royale  jusqu'au  xii^  siècle. 


155  — 


DUX  —  DWERNICKI 


DUX.  Ville  de  T Autriche-Hongrie,  située  en  Bohême  dans 
le  cercle  de  Teplitz;  7,400  hab.  Elle  possède  une  école, 
des  mines,  de  nombreuses  fabriques  et  un  château  appar- 
tenant à  la  famille  Waldstein,  qui  renferme  une  belle  biblio- 
thèque et  d'intéressantes  collections.  Casanova  y  passa  les 
dernières  années  de  sa  vie.  On  exploite  aux  environs  d'im- 
portantes mines  de  charbon.  Les  chemins  de  fer  mettent 
Dux  en  communication  avec  Teplitz,  Bodenbach,  Pilsen  et 
Prague. 

DUX  (Adolphe),  littérateur  hongrois,  né  à  Presbourg  le 
25  oct.  4822,  mort  à  Budapest  le  20  nov.  4881.  Il  a  tra- 
duit en  allemand  les  œuvres  de  Petœfi,  Katona,  Eœtvoes,  etc. 
Il  a  aussi  pubUé  des  œuvres  originales  sur  la  Hongrie  : 
Deutsch-Ungarisches  (Vienne,  4871),  recueil  de  nouvelles, 
et  Aus  [/n^am(Leipzig,4884),  études  littéraires  et  histo- 
riques. On  lui  doit  aussi  de  nombreux  travaux  en  hongrois. 

D  U  XB  U  R Y.  Village  des  Etats-Unis,  Etat  de  Massachusetts, 
comté  de  Plymouth  ;  point  d'attache  du  câble  transatlan- 
tique posé  en  4869  entre  Brest  et  l'Amérique. 

DUYCKINCK  (Everte-Augustus),  homme  de  lettres 
américain,  né  à  New- York  en  4846,  mort  à  New-York 
le  43  août  4878.  Associé  de  son  frère  George-Long 
Duyckinck  dans  la  pubhcation  (en  4855) delà  Cyclopœ- 
dia  of  American  Literahire, 

DUYSE  (Prudent  Van),  poète  flamand,  né  à  Termonde 
le  47  sept.  4804,  mort  à  Gand  le  43  nov.  4859.  H 
aborda  successivement  les  genres  lyrique,  épique  et  dra- 
matique, consacra  tous  ses  soins  à  la  réhabilitation  de  la 
littérature  nationale  et  fut  un  des  créateurs  de  l'institu- 
tion périodique  des  congrès  flamands.  Il  y  déploya  une 
activité  remarquable  servie  par  une  vaste  mémoire  et  une 
rare  facilité  d'élocution.  Devenu  archiviste  de  la  ville  de 
Gand,  il  se  tourna  vers  les  études  historiques,  commença 
Vlnventaire  analytique  du  dépôt  dont  il  avait  la  direc- 
tion, et  fit  paraître  dans  le  Messager  des  sciences  histo- 
riques plusieurs  dissertations  intéressantes  sur  la  Pacifi- 
cation de  Gand,  La  liste  complète  des  œuvres  de  Van 
Duyse  a  été  publiée  à  Gand  par  F.  de  Potter  en  4864  ; 
elle  ne  comprend  pas  moins  de  68  p.  in-8.  Les  plus  remar- 
quables sont  :  Poésies  nationales  (Gand,  4840,  3  vol. 
in-8)  ;  Poèmes  enfantins  (ibid.,  4849);  Jacques  Van 
Artevelde,  poème  épique  en  huit  chants  {ibid.,  4859, 
in-8)  ;  Charles-Quint  ou  le  Revers  de  la  médaille  (ibid., 
4845)  ;  De  Vhifluence  de  Cats  sur  la  littérature  fla- 
mande (Bruxelles,  4859,  in-8)  ;  les  Chambres  de  rhé- 
torique et  leur  influence  sur  le  mouvement  littéraire 
(ibid.,  4859,  in-8).  Tous  ces  ouvrages  sont  écrits  en 
flamand. 

DUZERVILLE.  Village  d'Algérie,  dép.  de  Constantine, 
arr.  de  Bône;  ch.-heu  d'une  commune  de  plein  exercice, 
qui  comprend  l'annexe  d'El-Hadjar;  3,074  hab.  dont  457 
Français  et  Ai'^  Européens  étrangers.  Il  a  été  ainsi  appelé 
en  souvenir  d'un  général  qui  commanda  longtemps  à  Bône, 
Monk  d'Uzer.  Il  est  au  milieu  d'une  région  riche  en  vignes, 
céréales,  tabac,  et  sur  la  voie  ferrée  de  Bône  à  Constantine. 

DUZEY.  Com.  du  dép.  de  la  Meuse,  arr.  deMontmédy, 
cant.  de  Spincourt;  78  hab. 

DVARKA.  Ville  de  l'Inde  occidentale,  à  l'extrémité  de 
la  presqu'île  de  Kattiavar  (Goudjerat).  C'est  un  lieu  de 
pèlerinage  très  fréquenté  des  brahmanes  qui  prétendent 
que  le  dieu  Krichna  est  mort  en  cet  endroit.  Le  temple 
principal  dédié  à  ce  dieu  est  surmonté  d'une  flèche  de 
50  m.  de  haut.  La  ville  est  habitée  exclusivement  par  des 
prêtres  desservant  les  nombreux  temples  ou  vivant  dans 
les  couvents.  Plusieurs  milliers  de  pèlerins  s'y  succèdent 
dans  le  cours  de  l'année.  M.  d'E. 

DVIGOUBSKY  (Ivan-Alexievitch),  savant  russe,  né  en 
4774,  mort  en  4839.  En  4802,  il  prit  le  titre  de  docteur 
en  médecine  à  Moscou  ;  après  avoir  visité  une  partie  de 
l'Europe  et  de  la  Russie,  il  revint  à  Moscou  et  fut  profes- 
seur de  sciences  naturelles  à  l'Université.  Outre  un  certain 
nombre  de  traductions  ou  de  compilations,  il  a  publié 
quelques  ouvrages  originaux  :  Primitiœ  florœ  mosquen- 


sis  (Moscou,  1802),  des  traités  de  botanique,  de  physique 
qui  ont  été  longtemps  classiques,  une  description  des 
quadrupèdes  de  l'empire  de  Russie  (Moscou,  4846); 
des  Eléments  d'histoire  naturelle  (Moscou,  4823);  une 
Flore  moscovite  (Moscou,  4828),  m  Dictionnaire  d'éco- 
nomie domestique  et  rurale  (Moscou,  4836-39),  etc. 

DVINA  ou  DUNA  septentrionale.  Fleuve  de  la  Russie 
d'Europe,  formé  de  la  réunion  de  la  Soukhona  et  du 
loug  (dans  le  gouvernement  de  Vologda).  Il  coule  d'abord 
vers  le  N.-E.  Après  avoir  reçu  la  Vytchegda,  il  se  dirige 
vers  le  N.-E.  et  va  se  jeter  dans  la  mer  Blanche.  La  lon- 
gueur de  la  Dvina  proprement  dite  est  d'environ  700  kil. 
Avec  la  Soukhona,  elle  est  de  4,200  kil.  Sa  largeur  dépasse 
parfois  5  kil.  ;  sa  profondeur  varie  de  6  à  45  m.  Elle  arrose 
les  gouvernements  de  Vologda  et  d'Arkhangelsk.  Elle  est 
navigable  sur  tout  son  parcours  ;  elle  est  libre  de  glaces 
pendant  cent  quatre-vingt-neuf  jours.  Elle  forme,  à  40  kil. 
de  son  embouchure,  un  delta  qui  se  divise  en  un  grand 
nombre  d'îles.  Pendant  l'été,  la  navigation  est  souvent 
gênée  par  des  bancs  de  sable.  Elle  est  très  poissonneuse. 
On  y  remarque  une  espèce  particulière,  le  Gaduscolliœria. 
Ses  principaux  affluents  sont  :  sur  la  rive  droite,  la  Vy- 
chegda  et  la  Pinega  (tous  également  navigables);  à  gauche, 
la  Vaga.  Le  canal  du  Duc-Alexandre  met  la  Dvma  en  com- 
munication avec  la  Volga. 

DVONA  (V.  Dhouna). 

DVORSKY  (François),  écrivain  tchèque  contemporam, 
né  en  4839.  Il  est  attaché  aux  archives  du  royaume  de 
Bohême. Il  a  publié  (en tchèque)  '.Documents  historiques 
sur  Waldstein  (Prague,  4867);  Documents  relatifs  aux 
femmes  en  Rohême  (4872);  Diètes  de  Bohême  depuis 
i526  (4877  et  suiv.),  des  nouvelles  historiques,  etc. 

DVORZAK  (Antonin),  compositeur  tchèque  contempo- 
rain, né  prèsdeKralup  le  8  sept.  1844.  H  fit  ses  études  mu- 
sicales à  Prague  où  il  devint  organiste.  H  fit  jouer  en  4874 
son  premier  opéra,  le  Roi  et  le  charbonnier;  il  a  donné 
depuis  au  théâtre  :  Wanda(i^lQ);  le  Paysan  malin 
(4877);  Dmitri  (4880),  etc.,  et  publié  en  outre  un  grand 
nombre  de  morceaux  pour  orchestre,  de  musique  religieuse, 
de  symphonies,  tantôt  originales,  tantôt  sur  des  thèmes 
slaves  ou  tchèques.  Son  œuvre  total  comprend  une  cen- 
taine de  numéros;  ses  Danses  slaves  et  ses  Rhapsodies 
slaves  sont  particulièrement  populaires.  Il  a  été  appelé  à 
diverses  reprises  à  donner  des  concerts  à  Londres  et  a  été 
nommé  docteur  en  musique  de  l'Université  de  Cambridge. 

DWARRIS  (Sir  Fortunatus-William-Lilley) ,  juriscon- 
sulte anglais,  né  à  la  Jamaïque  le  23  oct.  4786,  mort  à 
Londres  le  20  mai  4860.  Il  fit  ses  études  à  Oxford,  fut 
inscrit  au  barreau  de  Londres  en  4844,  fut  nommé  en 
4822  membre  de  la  commission  d'enquête  sur  la  légis- 
lation des  colonies  des  Indes  orientales,  devint  maître  du 
banc  de  la  reine,  et  exerça  beaucoup  d'autres  fonctions 
officielles.  Il  a  publié:  Substance  of  three  reports  of 
the  commissioner  of  inquiry  into  the  administration 
of  civil  and  criminal  justice  in  the  Westindies  (Londres, 
4827)  ;  The  West  India question plainlystated(iS^S)] 
A  General  Treatise  of  statutes  (4830-4834,  2  vol.),  plu- 
sieurs fois  réédité  en  Angleterre  et  en  Amérique  ;  Alberic 
consul ofRoma{;i^?>^),  drame  historique  en  cinq  actes; 
Railivay  results  or  the  Gange  deliverance  (4845)  ; 
Some  New  Facts  and  a  suggested  new  theory  as  to  the 
authorship  ofjunius  (4850),  dans  lequel  il  soutient  que 
les  fameuses  Lettres  deJunius  ont  été  écrites  par  diff*érents 
auteurs,  dont  le  principal  serait  sir  Philip  Francis,  etc.  U 
a  de  plus  collaboré  à  plusieurs  revues  de  jurisprudence  et 
d'archéologie.  ï^*  S. 

DWERNICKI  (Joseph),  général  polonais,  né  àVarsoviele 
44  mars  4779,  mort  à  Lopatyn  (Galicie)  en  déc.  4857.  H 
servit  d'abord  dans  la  légion  polonaise  organisée  au  ser- 
vice de  la  France,  puis  en  4809  sous  les  ordres  de  Poma- 
towski  et  prit  part  à  la  campagne  de  Russie.  Lors  du  siège 
de  Paris  (4844),  il  était  colonel.  H  rentra  en  4845  en 
Pologne  et  devint  général  de  brigade.  Lors  de  la  révolution 


DWERNICKI  —  DYBVAD 


—  156  - 


polonaise  de  4830,  il  se  signala  particulièrement  au  com- 
bat de  Stoczek  (14  févr.  1831)  et  fut  nommé  général  de 
division  ;  en  mai  1831 ,  il  dut  se  replier  en  Galicie.  Interné 
en  Autriche,  il  vint  demeurer  à  Paris  et  à  Londres.  En 
1848,  il  se  retira  définitivement  en  Galicie;  les  insurgés 
lombards  lui  offrirent  le  commandement  de  leurs  troupes, 
mais  il  le  refusa.  Il  a  publié  de  son  vivant  quelques  écrits 
militaires.  Ses  Mémoires  ont  été  édités  en  1870  à  Lwow, 
par  les  soins  de  M.  Plagowski. 

BiBL.  :  Notice  biographique  sur  la  vie  et  les  travaux  mili- 
taires de  M.  le  général  Dwernicki;  Paris,  1844. 

DWIGHT  (Teniothy),  théologien  et  savant  américain,  né 
à  Northampton  (Massachusetts)  en  1752,  mort  en  1817. 
Dwight,  qui  remplit,  à  différentes  époques  de  sa  vie,  les 
fonctions  de  répétiteur  (tiitor)  à  Yale  Collège  (1771-1777), 
d'aumônier  militaire  à  West-Point  et  de  représentant  de  la 
ville  de  Northampton  à  la  législature  de  Massachusetts 
(1781-1786),  se  signala  partout  par  son  souci  des  inté- 
rêts spirituels  de  ses  semblables.  A  l'armée  notamment,  il 
s'efforça  de  propager  les  idées  de  dévouement  et  de  sacrifice 
par  des  exhortations  patriotiques  et  la  composition  de 
chants  guerriers  rempHs  d'enthousiasme.  Rentré  dans  la 
vie  civile,  il  fut  pasteur  congrégationaliste  à  Greenfield 
Hill.  Au  milieu  des  soins  de  sa  charge  et  des  soucis  de  ses 
fonctions  législatives,  il  trouva  le  temps  de  cultiver  les 
lettres  et  publia,  en  1785,  un  poème  religieux,  The  Con- 
quest  of  Canaan.  Dix  ans  plus  tard,  ses  succès  oratoires 
et  sa  réputation  de  théologien  et  de  littérateur  lui  valurent 
l'honneur  d'être  nommé  président  de  Yale  Collège.  Il 
y  enseigna  la  théologie  et  les  belles-lettres.  Doué  d'un 
remarquable  talent  de  prédicateur,  il  exposait  en  outre  le 
résultat  de  ses  méditations  religieuses  dans  des  sermons 
aux  étudiants.  Ces  discours  furent  remaniés  plus  tard  et 
formèrent  le  noyau  de  son  principal  ouvrage  qui  ne  parut 
qu'après  sa  mort  :  Theology  explained  and  defended 
(1818,  5  vol.).  On  doit,  en  outre,  à  Dwight,  des  récits  de 
voyage,  Travelsin  New  England  and  Neiv-York  (1822, 
4  vol.)  et  un  sermonnaire.  Sermons  on  miscellaneous  sub- 
jects  (1828,  2  vol.).  Ces  ouvrages  sont  posthumes.  G.  Q. 
DYAERE  (Jehan),  peintre  ornemaniste  français  du  xv® 
au  xvi^  siècle.  Cet  artiste  a  travaillé  à  Rouen  et  au  château 
de  Gaillon. 

DYBBŒL  (en allemand  Dûppel).  Paroisse  du  Slesvig  qui 
confine  à  l'O.  l'entrée  méridionale  du  détroit  d'Als.  Ses 
hauteurs  (72  m.)  dominent  les  pontons  de  Sœnderborg  qui 
est  située  de  l'autre  côté  du  détroit.  Pendant  les  deux 
dernières  guerres  avec  l'Allemagne,  les  Danois,  qui  avaient 
la  supériorité  sur  mer,  avaient  fait  de  l'ile  d'Als  une 
de  leurs  bases  d'opération  ;  de  là  la  nécessité  de  pos- 
séder la  tête  de  pont  appuyée  sur  la  péninsule  deSundeved 
dans  la  partie  continentale  du  Slesvig  ;  pour  communiquer 
avec  celle-ci  il  était  nécessaire  d'avoir  un  passage  hbre  à 
travers  le  détroit  d'Als  et  de  le  protéger  au  moyen  d'ou- 
vrages élevés  sur  les  hauteurs  de  Dybbœl.  Le  28  mai  1848, 
faisant  un  retour  offensif  dans  le  Sundeved,  ils  délogèrent 
de  Dybbœl  les  Hanovriens  et  les  Hessois  et  repoussèrent 
ensuite  deux  fois  les  attaques  des  Allemands  (5  juin  1848, 
9,000  Danois  contre  17,000  assaillants,  et  13  avr.  1849). 
En  1861,  on  fortifia  la  position  et,  malgré  le  peu  d'impor- 
tance des  travaux,  l'armée  danoise  qui  s'y  était  retranchée 
après  l'évacuation  du  Danevirke  (5-6  févr.  1864)  put  y 
soutenir  un  siège  en  règle,  du  22  févr.  au  18  avr.,  et  elle 
ne  se  replia  sur  l'ile  d'Als,  au  bout  de  cinquante-six  jours 
d'investiture  et  de  vingt-deux  jours  de  tranchée  ouverte, 
qu'après  que  son  artillerie  eut  été  réduite  au  silence  et 
les  parapets  rasés  ;  encore  conserva-t-elle  la  tête  des  pon- 
tons qu'elle  détruisit  peu  après.  Les  fortifications  élevées 
par  les  Prussiens,  après  la  conquête,  autour  de  Dybbœl  et 
de  Sœnderborg,  sont  maintenant  abandonnées.  Beau  vois. 
DYBECK  (Richard),  archéologue  et  démomathe  suédois, 
né  à  Odensvi  (Vestmanland)  le  1^^  sept.  1811,  mort  à 
Sœdertelje  le  28  juil.  1877.  Il  quitta  la  carrière  judiciaire 
pour  se  livrer  à  ses  études  de  prédilection  et  passa  une 


cinquantaine  d'années  à  faire  des  voyages  et  des  recherches 
archéologiques,  dessinant  les  monuments  et  les  antiquités, 
observant  les  mœurs,  recueillant  les  contes,  les  traditions, 
les  proverbes,  annotant  les  chants  et  les  airs  populaires, 
qu'il  jouait  ensuite  avec  succès  dans  la  capitale.  Il  a  publié: 
Jiima  (1842-1850  et  1865-1876);  Ranz  suédois  et  airs 
de  trompes  pastorales  (1846)  ;  Chansons  suédoises 
(1847-1848)  ;  Monuments  suédois  (1851)  ;  Antiquités 
suédoises  (1853-1855)  ;  Mélodies  populaires  suédoises 
(1853-1856)  ;  Monuments  runiques  suédois  (1855- 
1859  et  1860-1876)  ;  les  Iles  du  Malar  (1861).      B-s. 

DYBOWSKI  (Benedikt),  naturaliste  polonais  contempo- 
rain, né  dans  le  gouvernement  de  Minsk  en  1834.  Il  fit 
ses  éludes  à  Dorpat,  à  Breslau  et  à  Berlin  où  il  prit  le  titre 
de  docteur.  Après  avoir  professé  quelque  temps  à  Varsovie, 
il  partit  pour  la  Sibérie  et  étudia  particulièrement  la  faune 
des  monts  lablonovoï  et  du  lac  Baïkal.  Il  découvrit  de  nom- 
breuses espèces  et  réussit  notamment  à  se  procurer  un 
exemplaire  vivant  du  Camephorus  Baïkalensis.  Il  résida 
en  Sibérie  jusqu'en  1884,  époque  oti  il  devint  professeur 
à  l'université  polonaise  de  Lwow  (Lemberg).  Il  a  publié  de 
nombreux  travaux  en  russe,  en  allemand  et  en  polonais. 

DYBOWSKI  (Jean),  agronome  et  explorateur  français, 
issu  d'une  ancienne  famille  polonaise  réfugiée  en  France, 
né  vers  1855.  Ancien  élève  de  l'Ecole  nationale  d'agricul- 
ture de  Grignon,  il  y  fut  nommé  répétiteur  du  cours  de 
botanique,  et  il  y  devint  plus  tard  maître  de  conférences 
d'horticulture.  Il  a  été  pendant  plusieurs  années  secrétaire 
de  la  Société  nationale  d'horticulture.  Il  s'est  adonné  sur- 
tout à  l'étude  de  la  production  des  légumes,  et  on  lui  doit, 
outre  de  nombreuses  études  dans  les  pubhcations  pério- 
diques, un  excellent  Iraité  de  culture  potagère  (1886). 
Il  a  été  l'un  des  collaborateurs  du  Dictionnaire  d'agri- 
culture. Il  fut  chargé,  à  la  fin  de  1889,  par  les  ministres 
de  l'agriculture  et  de  l'instruction  publique,  d'une  explo- 
ration scientifique  dans  le  Sahara  du  Sud  algérien,  au  delà 
d'El-Goléah,  et  a  rapporté  de  cette  mission  de  nombreux 
documents  sur  la  botanique  et  la  zoologie  de  cette  région 
dont  l'histoire  naturelle  était  encore  ignorée.  En  1891,  il 
a  été  chargé,  par  le  Comité  de  l'Afrique  française,  d'une 
mission  d'exploration  pour  rejoindre  Crampel  dans  les 
régions  qui  séparent  le  Congo  français  du  lac  Tchad  ;  son 
expédition  remplace  actuellement  (1892)  celle  du  premier 
explorateur  dont  la  mort  paraît  certaine.  La  Grande 
Encyclopédie com^ieM.  Dybowskiau  nombre  de  ses  colla- 
borateurs. 

DYBVAD  (Jœrgen-Christoffersen) ,  théologien^  danois, 
mort  le  30  oct.  1612.  Après  avoir  étudié  à  Wittenberg 
(1568)  et  à  Leipzig  (1575)  d'où  il  retourna  en  Danemark 
avec  une  recommandation  de  l'électeur  de  Saxe,  il  fut 
nommé  professeur  en  mathématiques  à  l'Université  de  Co- 
penhague (1578),  puis  en  théologie  (1590).  Frondeur 
inconsidéré,  il  ne  se  borna  pas  à  critiquer  ses  élèves  et  ses 
collègues,  il  osa  aussi  censurer  dans  ses  thèses  plusieurs 
mesures  du  gouvernement,  comme  l'unification  des  mesures 
de  capacité  (1605)  ;  aussi  fut-il  traduit  devant  le  consis- 
toire de  l'Université  et  destitué  (1607).  Il  avait  publié  dix 
savantes  thèses  de  mathématiques  et  d'histoire  naturelle, 
et  vingt-quatre  de  théologie  et  de  morale.  —  Son  fils,  Chris- 
toffer.nè  à  Copenhague  en  1577  ou  1578,  mort  en  1622, 
avait  hérité  de  son  intempérance  de  langage  aussi  bien  que 
de  ses  goûts  studieux  ;  aussi  malgré  la  réputation  de  savant 
qu'il  rapporta  de  son  séjour  aux  universités  étrangères, 
notamment  à  Caen  où  il  ifut  reçu  docteur  (1601),  à  Leyde 
où  il  publia  Decarithmia  (1602)  ou  système  décimal  avec 
terminologie  danoise,  ne  put-il  obtenir  de  fonctions  dans 
sa  patrie  qu'en  1618  où  il  fut  nommé  mathématicien 
(c.-à-d.  astrologue)  royal  avec  canonicatà  Lund.  Dès  1615 
il  avait  adressé  au  roi  des  observations  politiques  en  faveur 
de  l'absolutisme  et  de  l'hérédité  du  trône.  Il  continua  de 
déclamer  contre  l'aristocratie,  prétendant  qu'il  fallait  la 
saigner  pour  rendre  au  monarque  les  sept  prérogatives 
royales.  Etant  ainsi  en  avance  d'un  demi-siècle  sur  la 


157  — 


DYBVAD  —   DYCK 


majorité  de  ses  compatriotes,  il  fut  arrêté,  déféré  à  une 
commission  de  professeurs  et  condamné,  pour  impiété, 
crime  de  lèse-majesté  et  de  lèse-constitution,  à  la  perte  de 
ses  titres  et  à  la  détention  perpétuelle  (1620).  On  ne  sait  si 
c'est  par  imprudence  ou  à  dessein  qu  il  s'asphyxia  dans  sa 
prison  avec  du  charbon  de  terre.  H.  F.  Rœrdam  a  donné 
dans  Danske  Magazin  (4^  sér.,  t.  II  et  V)  une  notice  sur 
ces  deux  infortunés  censeurs.  Beauvois. 

DYCE  (Alexander),  érudit  anglais,  né  à  Edimbourg  le 
30  juin  1798,  mort  à  Londres  le  15  mai  1869.  Il  fit  de  fortes 
études  à  Edimbourg  et  à  Oxford,  entra  dans  les  ordres,  et, 
après  avoir  desservi  deux  cures  (1822-1827),  se  consacra 
uniquement  à  des  travaux  littéraires.  Il  a  conquis  une  très 
solide  réputation  en  publiant  d'excellentes  éditions  cri- 
tiques des  principaux  écrivains  anglais  :  CoUins,  Pope, 
Bentley,  Middleton,  Beaumont  et  Fletcher,  Marlowe,  etc. 
Son  chef-d'œuvre  en  ce  genre  est  l'édition  qu'il  a  donnée 
des  œuvres  de  Shakespeare  (Londres,  1853-58,  9  vol.  in-8) 
avec  un  savant  glossaire  :  elle  est  considérée  en  Angleterre 
comme  la  meilleure  de  toutes  (3^  édit.,  1875-76).      R.  S. 

DYCE  (William),  peintre  d'histoire  anglais,  né  à  Aber- 
deen  (Ecosse)  le  19  sept.  1806,  mortà  Streatham  le  15  févr. 
1864.  Petit-fils  par  sa  mère  de  James  Chalmers,  il  fit  ses 
premières  études  au  Mareschal  Collège  d'Aberdeen  et  fut 
poussé  d'abord  par  son  père  vers  la  théologie  et  les  sciences 
mathématiques.  Le  président  de  la  Royal  Academy  d'Edim- 
bourg, ayant  vu  les  esquisses  de  W.  Dyce,  parvint  à  vaincre 
les  résistances  de  son  père,  et  le  jeune  homme  put  partir  à 
Rome  en  1825  en  compagnie  d'Alex.  Day.  Il  y  étudia  par- 
ticulièrement les  tableaux  de  Titien  et  du  Poussin  et  c'est 
sous  leur  impression  que,  de  retour  à  Aberdeen,  il  peignit 
en  1827  Bacchus  nourri  par  les  nymphes^  tableau 
exposé  à  la  Royal  Academy.  (Quelque  temps  après,  il  revint 
à  Rome,  y  fréquenta  la  colonie  des  artistes  allemands, 
s'éprit  des  peintres  du  xiv®  siècle  et  devint  l'un  des  précur- 
seurs du  mouvement  préraphaélite  en  Angleterre.  Revenu 
à  Edimbourg,  il  fut  nommé,  en  1832,  membre  de  la  Royal 
Society  of  Edimbourg;  en  1835,  membre  de  la  Royal 
Scottish  Academy;  en  1845,  professeur  au  King's  Collège 
à  Londres,  associé  et,  en  1848,  membre  de  la  Royal  Aca- 
demy, Il  a  peint  :  lAge  d'or  ;  Hercule  enfant  ;  la  Mort 
du  Christ  ;  la  Vierge  et  V Enfant  (1846)  ;  Jessica  (1843)  ; 
Entrevue  de  Jacob  et  de  Rachel  (1850)  ;  le  Roi  Lear 
(1851)  ;  Christabel  (1855)  ;  George-Herbert  à  Berner- 
ton  (1861)  ;  Eleazar  (1863).  Il  a  exécuté  aussi  des 
fresques  :  entre  autres  (après  un  concours  au  Westminster 
Hall  en  1843),  la  Consécration  de  V archevêque  Parker 
au  Lambeth  Palace  ;  le  Baptême  d'Ethelbert,  à  la  Cham- 
bre des  lords  ;  Neptune  donnant  Vempire  de  la  mer  à 
Britannia,  pour  l'appartement  de  la  reine  à  la  chambre 
des  lords,  etc.  Dyce  était  excellent  musicien  et  a  fondé 
et  dirigé  une  réunion  d'artistes  exécutant  spécialement  la 
musique  classique.  F.  Courboin. 

DYCK  (Floris),  peintre  hollandais,  né  en  1577  (?),  mort 
vers  1652,  nommé  en  1610  membre  de  la  confrérie  des 
peintres  de  Harlem,  qu'il  présida  en  1637.  Il  a  peint  des 
tableaux  de  fleurs,  de  fruits  et  d'animaux  et,  paraît-il,  quel- 
ques tableaux  d'histoire. 

DYCK  (Antoine  Van),  un  des  grands  maîtres  de  l'art,  le 
plus  illustre  peintre  de  l'école  flamande  après  Rubens, 
né  à  Anvers  le  22  mars  1599,  mort  à  Londres  le  9  déc. 
1641.  Son  père  était  un  négociant  très  aisé,  qui  n'eut 
pas  moins  de  douze  enfants;  Antoine  fut  le  septième. 
Après  avoir  passé  quelque  temps  chez  Van  Balen,  où  il 
entra  comme  apprenti  à  l'âge  de  dix  ans.  Van  Dyck  fut 
reçu  par  Rubens  en  qualité  d'élève  et  prit  part  aux  nom- 
breux travaux  que  le  maître  faisait  exécuter  dans  son 
atelier.  A  l'âge  de  dix-neuf  ans,  le  jeune  artiste  de- 
manda son  admission  dans  la  gilde  de  Saint -Luc.  Il 
débuta  publiquement  et  sous  son  nom,  par  un  Portement 
de  Croix,  pour  l'église  des  Dominicains  d'Anvers,  œuvre 
médiocre,  dont  les  contemporains  n'ont  point  parlé.  Cette 
peinture,  qui  témoignait  d'une  certaine  pratique  de  métier, 


exécutée,  Rubens  associa  Van  Dyck  à  la  décoration  colos- 
sale de  l'église  des  Jésuites.  Le  traité,  passé  le  29  mars 
1620,  entre  le  maître  et  le  supérieur  de  la  maison  professe 
de  la  Société  de  Jésus,  fait  mention  de  la  collaboration  de 
l'élève,  dans  deux  articles  où  il  est  dit  qu'il  devra  prendre 
la  plus  large  part  à  l'exécution  des  peintures,  sous  la 
direction  et  d'après  les  esquisses  de  Rubens.  Dès  cette 
époque,  intervient  dans  la  vie  de  Van  Dyck  un  iUustre 
amateur  anglais,  le  comte  d'Arundel,  qui  aura  sur  le 
développement  de  sa  carrière  une  influence  considérable. 
Devinant  le  premier  le  génie  du  peintre,  il  le  pressa 
instamment  de  se  rendre  à  la  cour  de  Charles  P^.  Il  y 
réussit  et  Van  Dyck,  à  la  fin  de  l'année  1620,  partit  pour 
Londres,  avec  une  pension  de  cent  livres  par  an.  On 
croit  qu'à  ce  premier  voyage  il  fit  le  portrait  du  roi,  qui  se 
trouve  dans  la  grande  galerie  du  château  de  Windsor.  Au 
mois  de  mars  1621 ,  Van  Dyck  était  de  retour  à  Anvers.  Pen- 
dant cette  période,  il  exécuta  pour  Ferdinand  de  Bouschot, 
nommé  récemment  baron  de  Saventheim,  un  Saint  Martin, 
inspiré  d'une  œuvre  de  Rubens,  et  il  noua  dans  ce  village 
ce  gracieux  roman  de  la  vingtième  année,  qui  a  donné  Heu, 
chez  quelques-uns  de  ses  biographes,  à  des  récits  d'une  si 
étrange  fantaisie.  Il  devint  amoureux  d'une  jeune  fille  de 
bonne  maison,  Isabelle  Van  Ophem  ;  mais  le  père  refusa  de 
la  lui  donner  en  mariage.  Econduit,  le  jeune  homme  cher- 
cha dans  les  voyages  un  dérivatif  à  sa  douleur.  La  passion 
qu'il  avait  pour  Isabelle  était  partagée  par  la  jeune  fille. 
Elle  ne  se  maria  point,  et,  toute  sa  vie,  garda  à  son  fiancé 
un  souvenir  de  tendresse  et  d'admiration. 

Au  mois  d'octobre.  Van  Dyck  partit  pour  l'Italie,  en 
compagnie  du  chevaher  Vanni,  que  Rubens  lui  avait 
donné  pour  mentor.  Avant  de  quitter  son  maître.  Van  Dyck 
lui  fit  gracieusement  hommage  du  portrait  à'Isabelle 
Brandt  et  reçut  en  échange  un  cheval  blanc  pour  faire 
le  voyage.  Il  s'arrêta  à  Gènes,  y  noua  avec  les  frères  de 
Wael,  artistes  flamands,  une  amitié  qui  dura  longtemps  et 
qu'il  témoigna  par  plusieurs  portraits  très  origmaux  de 
ses  compatriotes.  Il  exécuta  dans  cette  ville  quelques  ta- 
bleaux et  portraits  de  personnages  appartenant  aux  grandes 
familles  de  la  ville.  De  là,  il  gagna  Rome  par  Civittà  Vec- 
chia.  Van  Dyck  s'y  lia  avec  le  sculpteur  flamand  François 
Duquesnoy,  dont  il  a  fait  un  très  beau  portrait,  et  avec 
Paul  Bril,  qui  initiait  l'école  romaine  à  l'art  du  paysage 
interprété  comme  genre  spécial,  et  commençait  cette  géné- 
ration de  grands  paysagistes,  Claude  Lorrain,  Poussin, 
qui  ont  immortahsé  l'art  du  xvii^  siècle  et  produit  tant 
de  chefs-d'œuvre.  Après  avoir  étudié  dans  la  ville  éternelle 
les  œuvres  des  grands  maîtres,  le  peintre  partit  pour  Flo- 
rence, où  il  passa  plusieurs  semaines,  occupées  par  la 
visite  des  précieuses  galeries  d'art.  Il  y  peignit  Laurent 
de  Médicis,  régent  et  tuteur  du  souverain,  le  prince  Fer- 
dinand II,  âgé  de  douze  ans.  L'école  vénitienne,  dont  il 
avait  admiré,  chez  Rubens  et  à  Gênes,  des  œuvres  superbes 
de  coloris,  l'attirait  vivement.  Passant  par  Bologne, 
dont  l'école  emphatique  lui  plut  médiocrement,  il  se  rendit 
à  Venise  et  y  employa  un  assez  long  temps  à  étudier 
les  magistrales  compositions  du  Titien,  de  Véronèse,  de 
Palma,  de  Giorgione,  etc.  Les  historiens  du  maître  qui 
ont  analysé  son  œuvre,  M.  Guiff'rey  entre  autres,  déclarent 
que  ce  séjour  à  Venise  apporta  dans  sa  manière  une  modi- 
fication complète.  «  Là,  il  apprit  l'art  d'élever  une  phy- 
sionomie individuelle  à  la  hauteur  d'un  type,  en  accusant 
ses  caractères  dominants,  ses  traits  distinctifs.  »  Titien  lui 
révéla  le  secret  des  puissantes  colorations,  des  contrastes 
énergiques,  des  draperies  luxueuses  et  des  chairs  éclatantes. 

Rubens,  reconnaissant  de  la  protection  des  Gonzague,  avait 
conseillé  à  son  cher  élève  de  s'arrêter  à  Mantoue.  Vincent 
était  mort  en  16 1 2,  mais  son  second  fils,  Fernand,  continuait 
brillamment  les  traditions  de  mécénisme  de  la  famille.  Il 
fit  à  Van  Dyck  un  excellent  accueil  et  lui  commanda  son 
portrait.  Au  commencement  de  1620,  Van  Dyck  était  de 
retour  à  Rome  ;  il  y  resta  huit  mois,  fort  recherché  des 
grands  amateurs,  des  personnages  de  la  cour  pontificale  et 


DYGK 


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des  nobles  étrangers.  Sa  distinction,  son  élégance  et  sa 
courtoisie  lui  valurent,  dès  le  premier  jour,  le  surnom 
gracieux  et  flatteur  d7/  pittore  cavaheresco.  Sa  pro- 
duction, pendant  cette  période,  fut  considérable.  Deux  de 
ses  plus  belles  œuvres,  le  portrait  du  Cardinal  Bar- 
berini  et  celui  du  Cardinal  Guido  Bentivoglio,  du 
palais  Pitti,  en  sont  datées.  Au  mois  d'octobre,  Van  Dyck 
quitta  Rome  pour  se  rendre  à  Gênes,  où  l'appelaient  les 
nombreux  amis  qu'il  s'v  était  faits.  En  route,  il  rencontra 
la  femme  de  son  premier  protecteur,  lady  Arundel,  qui 
l'emmena  à  Milan  et  à  Turin.  Dans  cette  dernière  vil  e, 
il  peint  le  duc  de  Savoie,  Charles-Emmanuel,  ses  tils, 
Victor-Amédée  et  Thomas  de  Carignan,  plusieurs  petits 
princes  et  princesses.  Le  deuxième  séjour  de  Van  Dyck 
à  Gênes  fut  de  six  mois,  plus  fécond  encore  que  le 
premier.  Une  invitation  du  roi  de  Sicde,  Emmanuel  Phi- 
libert de  Savoie,  grand  prieur  de  Gastille,  1  appela  à 
Palerme  ;  il  y  resta  peu,  chassé  par  une  épidémie  de  peste, 
dont  une  des  jpremières  victimes  fut  le  vice-roi,  et  d  regagna 
en  toute  hâte  Gênes,  qu'on  peut  considérer  comme  son 
port  d'attache  pendant  celte  campagne  de  quatre  années 
de  vovaee  en  Italie.  Les  trois  séjours  de  Van  Dyck  à  Gènes 
ont  fait  des  ealeries  de  cette  ville  les  plus  riches  en 
œuvres  du  maître.  A  ces  années  4622,  4624  et  162o, 
appartiennent  en  effet  les  beaux  portraits  d  Antome-Jules 
deBrignole  et  de  sa  femme  Pauline  Adorno,  àe  h  mar- 
quise Jeronima  de  Brignole,  du  T^emire  Jean  Van  de  Wael 
et  de  sa  femme,  des  deux  de  Wael  réunis,  de  la  Famille 
Lomellini,  d'Antonio  de  Zuniga,  du  Marquis  Agostmo 
Spinola,  de  la  Marquise  avec  sa  petite  fille,  de  Don 
Livio  Odescalchi,  la  Vierge  à  la  Grenade,  Octavieaux 
pieds  de  Coriolan,  le  hune  Tobie,  le  Christ  en  Croix 
du  Palazzo  Reale,  la  Mère  entre  ses  deux  fils  du  palais 
Durazzo,  la  Vierge  de  la  Confrérie  du  Rosaire  de  Pa- 
lerme, l'Education  de  Bacchus,  etc. 

Au  mois  de  janv.  1626,  Van  Dyck  était  de  retour  a  An- 
vers, après  s'être  arrêté  quelques  semaines  à  Aix  en  Pro- 
vence où  il  fit  pour  son  maître  le  portrait  de  Peiresc,  et  à 
Paris'  où  il  visita  la  galerie  du  palais  du  Luxembourg. 
Ce  long  voyage,  l'étude  sévère  des  grands  maîtres,  le 
succès  avaient  fortifié  le  tempérament  génial  du  jeune 
maître  et  lui  avaient  donné  confiance  en  lui-même.  Il  avait 
l'ambition  justifiée  de  faire  consacrer  son  talent  par  ses 
compatriotes  et  d'entrer  en  concurrence  avec  Rubens  par 
des  travaux  importants.  A  peine  arrivé,  û  entreprend  pour 
les  Dominicaines  d'Anvers  le  Christ  en  croix  entre  sainte 
Catherine  et  saint  Dominique,  en  témoignage  de  reconnais- 
sance filiale  pour  les  bons  soins  donnés  à  son  père  par  les 
relimeuses,  pendant  sa  dernière  maladie.  En  162o,  ÎNicolas 
Rockox,  premier  bourgmestre  d'Anvers,  lui  commande 
son  portrait.  On  attribue  à  cette  période  la  Vierge  et 
VEnfant  Jésus  avec  la  Madeleine,  le  Roi  David  et  saint 
Baptiste,  du  Louvre,  le  Martyre  de  saint  Sébastien  de 
la  Pinacothèque  de  Munich,  la  Crucifixion  de  1  eghse  de 
Termonde.  En  1626,  l'archiduchesse  Isabelle,  gouver- 
nante des  Pays-Ras,  veuve  de  l'archiduc  Albert,  lui  fait 
faire  son  portrait,  qui  rend  l'artiste  populaire  a  la 
cour,  et  la  ville  de  Rruxelles  lui  commande  un  grand 
tableau  représentant  le  Conseil  échevinal  et  ne  comptant 
pas  moins  de  vingt  figures,  pour  faire  pendant,  dans 
l'hôtel  de  ville,  au  Jugement  de  Cambyse  de  Rubens.  Ces 
tableaux  ont  été  détruits  dans  l'incendie  de  1695. 

Vers  la  fin  de  1627,  Van  Dyck,  n'obtenant  pas  dans  son 
pavs  toutes  les  commandes  qu'il  désire  et  ne  s'étant  pas 
fait  la  situation  à  laquelle  il  aspirait,  se  décide  à  répondre 
aux  nouvelles  instances  du  comte  d' Arundel  et  se  rend  en 
Andeterre.  Il  peint  les  portraits  de  son  protecteur  et  ob- 
tient des  commandes  de  divers  amateurs.  Il  veut  être  pré- 
senté au  roi,  mais  les  approches  de  la  cour  sont  gardées 
avec  soin  par  les  deux  peintres  en  titre  de  Charles  P^ 
Après  quelques  mois  de  démarches  inutiles,  en  dépit  des 
efforts  de  ses  amis,  le  jeune  maître  n'a  pu  arriver  à  ses 
fins  •  il  se  décourage  et  retourne  à  Anvers.  On  croit  qu  a  ce 


moment,  avant  de  regagner  sa  ville  natale,  il  fit  le  voyage 
de  Paris,  pour  tâcher  d'obtenir  la  commande  de  la  déco- 
ration de  la  grande  galerie  de  Louvre  et  qu'il  échoua  devant 
la  résistance"  opposée  par  les  peintres  français,  qui^  s 'étaient 
coalisés  pour  ne  pas  laisser  renouveler  au  profit  d'un  autre 
artiste  étranger  l'incident  de  la  galerie  du  palais  du  Luxem- 
bourg. De  1628  à  1632,  Van  Dyck  exécuta  d'importantes 
œuvres  :  le  Saint  Augustin  en  extase  de  l'église  de  ce 
nom,  à  Anvers  ;  le  Crucifiement  de  Saint-Michel  de  Gand 
et  celui  de  la  cathédrale  de  Malines;  le  Mariage  mystique 
de  sainte  Rosalie  avec  la  Vierge,  du  musée  du  Relvé- 
dère,  la  Suzanne  et  le  Christ  mort  de  la  Pinacothèque 
de  Munich  ;  la  célèbre  Erection  de  croix  de  la  cathédrale 
de  Courtrai.  La  plupart  des  Saintes  Familles,  des  Christ  en 
croix,  àesPietà  appartiennent  à  cette  époque  très  féconde. 
Les  grands  portraits  sont  également  très  nombreux  :  ceux 
de  Charles  Scribanius  (Relvédère),  duCom^^  Palatin  du 
Rhin  et  de  Neuburg,  du  Duc  de  Croy  et  de  sa  femme 
Geneviève  d'Urfé;  le  célèbre  portrait  d'Homme  inconnu, 
de  la  Pinacothèque  de  Munich  ;  les  deux  merveilleux  por- 
traits en  pied  de  Philippe  Le  Roy,  seigneur  de  Ravels,  et 
de  sa  femme  ;  le  portrait  équestre  de  François  de  Mon- 
cade,  marquis  d'Aytona.  La  réputation  de  Van  Dyck 
comme  portraitiste  franchit  les  frontières  de  Flandre.  Le 
stathouder  Frédéric-Henri  de  Nassau,  prince  d'Orange, 
l'appela  à  La  Haye  en  1630,  pour  le  peindre,  lui  et  sa 
femme  ;  le  prince  lui  commanda  en  même  temps  un  tajjleau, 
le  Jardin  d'amour,  tiré  du  Pastor  Fido  de  Guarini. 

Au  commencement  de  1632,  Van  Dyck  est  à  Londres, 
attaché  à  la  maison  royale.  Il  a  réalisé  son  rêve  d'ambition. 
Ses  amis  dévoués  ont  ardemment  plaidé  pour  lui  auprès  de 
Charles  Ps  doué  d'un  goût  très  vif  pour  les  arts.  Le  tableau 
les  Amours  de  Renaud  et  d'Armide  que  le  roi  avait 
commandé  au  peintre  flamand  en  1629,  par  l'intermédiaire 
de  sir  Endymion  Porter,  lui  avait  beaucoup  plu,  et  le  por- 
trait de  mcolas  Lanière,  peintre  et  musicien  de  la  cour, 
exécuté  à  la  fin  de  l'année  1631,  n'avait  point  modifie  cette 
excellente  impression.  Van  Dyck  est  nommé  principal  peintre 
de  Leurs  Majestés,  avec  une  pension  de  200  livres  ;  \\ 
est  logé  pendant  l'hiver  à  Rlackfriars,  dans  une  maison 
princière,  où  il  reçoit  dans  son  atelier  et  à  sa  table  toute 
la  cour  et  toute  la  ville.  Le  roi  l'y  visite  souvent,  prenant 
un  vif  plaisir  à  le  voir  travailler  et  à  causer  avec  lui.  L'été, 
il  habite  une  dépendance  du  château  royal  d'Elthom,  dans 
le  comté  de  Kew.  Il  est  nommé  chevalier  le  5  juil.  1632 
et  reçoit  une  chaîne  d'or. 

La  famille  royale  ne  cessa  d'employer  le  jeune  maître. 
D'après  le  catalogue  de  l'œuvre  de  Van  Dyck,  dressé  par 
M.  Guiffrey,  il  li'a  pas  été  peint  moins  de  vingt-trois  por- 
traits authentiques  de  Charles  P^  à  cheval,  à  pied,  à  mi- 
corps,  seul  ou  avec  sa  femme  et  ses  enfants  ;  vingt  portraits 
de  la  reine,  de  toutes  formes;  huit  ou  dix  de  leurs  enfants, 
réunis  au  fur  et  à  mesure  de  leur  naissance.  Les  grandes 
familles  se  le  disputent  :  on  connaît  dix  portraits  de  Straf- 
ford,  sept  du  comte  d'Arundel,  quatre  du  duc  et  de  la 
duchesse  de  Richmond,  sept  du  comte  et  de  la  comtesse  de 
Pembroke.  D'après  Waagen  {Treasures  of  art  in  Great 
Britain),  les  châteaux  et  les  collections  de  l'Angleterre 
contiennent  trois  cent  cinquante  toiles  attribuées  à  Van 
Dyck.  Dans  ce  nombre,  il  y  a  évidemment  beaucoup  de 
portraits  exécutés  en  répétition,  ou  d'après  des  esquisses, 
par  ses  nombreux  élèves,  à  l'imitation  de  l'atelier  de  Ru- 
bens; mais  le  nombre  des  œuvres  d'une  authenticité  incon- 
testable est  assez  considérable  pour  que  Van  Dyck  soit 
tenu,  sans  réserve,  pour  un  des  génies  artistiques  les  plus 
féconds.  ,    , 

Au  cours  de  l'année  1634,  Van  Dyck  fit  dans  son  pays 
natal  un  voyage  qui  fut  un  vrai  triomphe.  Le  18  oct.,  la 
corporation^anversoise  de  Saint-Luc  le  nomme,  par  accla- 
mation, son  doyen.  La  reine  mère,  Marie  de  Médicis,  le 
visite  dans  son  atelier.  Les  commandes  princières  l'as- 
saillent :  il  fait  les  portraits  de  Gaston  d'Orléans,  de  sa 
femme,  de  la  sœur  de  celle-ci,  Henriette  de  Lorraine^ 


veuve  du  prince  de  Phalsbourg  et  Lixen,  de  Thomas  de 
Carignan,  frère  du  duc  de  Savoie,  gouverneur  intérimaire 
des  Pays-Bas,  du  Cardinal  infant  don  Fernande  frère 
cadet  de  Philippe  IV,  de  César-Alexandre  Scaglia^  etc. 
Il  peint,  entre  temps,  pour  les  Récollets  d'Anvers,  le 
Christ  pleuré  par  les  anges. 

Van  Dyck  est  de  retour  en  Angleterre  au  commence- 
ment de  l'année  1633  et  reprend  avec  plus  d'acharne- 
ment encore  sa  vie  de  travail  et  de  plaisir.  Vers  1639,  il 
épouse  Marie  Ruthven,  qui  descendait  des  Stuarts  par  son 
aïeule,  Dorothée  Methven,  petite-fille  de  Jean  Stuart,  comte 
d'Athol.  La  jeune  fille  est  sans  fortune,  mais  elle  lui  ap- 
porte une  superbe  beauté  et  une  alliance  avec  l'aristocratie 
du  royaume.  L'insuccès  d'un  projet  de  décoration  pour 
W^hitehall,  les  événements  politiques  qui  menacent  la 
royauté,  son  mauvais  état  de  santé,  décident  Van  Dyck  à 
entreprendre  un  voyage  sur  le  continent;  d'ailleurs  il  veut 
montrer  à  sa  jeune  femme  les  Flandres  et  la  Hollande. 
Espérait-il  en  outre  trouver  des  travaux  à  la  cour  de 
Louis  XIIÏ  ?  Ce  nouveau  voyage  dura  près  d'un  an.  Quand 
le  maître  revint  à  Londres,  il  était  fort  malade  de  la  poi- 
trine. Le  roi  promit  300  livres  sterling  à  qui  prolongerait 
la  vie  de  son  peintre  favori.  Le  4  du  même  mois.  Van 
Dyck  faisait  son  testament  et,  le  9,  il  mourait,  âgé  seule- 
ment de  quarante-deux  ans,  dans  sa  maison  de  Blackfriars. 
Le  roi  ordonna  qu'il  lui  fût  fait  des  funérailles  solen- 
nelles ;  on  l'inhuma  dans  le  chœur  de  la  cathédrale,  près 
du  tombeau  de  Jean  de  Gand.  Le  monument  qu'on  lui 
éleva  a  été  détruit  dans  le  grand  incendie  de  Londres. 
La  descendance  de  Van  Dyck  se  bornait  à  une  fille,  née 
huit  jours  avant  sa  mort  et  dont  la  descendance  s'est 
éteinte  en  1825,  et  à  une  autre,  nommée  Marie-Thérèse, 
dont  la  mère  est  restée  inconnue  et  qui  était  en  âge  de  se 
marier  en  1631. 

Van  Dyck  est  un  des  plus  grands  portraitistes  qui  aient 
existé  et  peut  prendre  place  à  côté  de  Raphaël,  de  Titien, 
d'Holbein,  de  Rembrandt,  de  Franz  Hais  et  de  Velasquez. 
L'école  anglaise  moderne  procède  entièrement  de  lui.  Il  eut 
pour  élèves  anglais  Guillaume  Dobson,  qui  mourut  à  trente- 
six  ans ,  très  célèbre  dans  son  pays  ;  George  Jameson , 
dit  le  Van  Dyck  écossais  ;  Edward  Pierce  et  Henry  Stone. 
George  Kneller,  le  peintre  de  Guillaume  III  et  de  la  reine 
Anne,  et  Pierre  Lely,  l'ont  imité  et  copié  ;  Josuah  Reynolds 
et  Gainsborough  l'ont  reconnu  publiquement  pour  maître  ; 
Lawrence  s'en  est  inspiré  constamment. 

L'œuvre  peint  de  Van  Dyck  comprend,  d'après  le  cata- 
logue de  Smith,  huit  cent  quarante-quatre  tableaux  ; 
d'après  celui  qu'a  dressé  tout  récemment  M.  Guiffrey, 
quinze  cents.  Le  musée  du  Louvre  possède  de  Van  Dyck, 
comme  tableaux  :  la  Vierge  et  V Enfant  Jésus,  la  Vierge 
aux  donateurs,  le  Christ  pleuré  par  la  Vierge  et  les 
anges.  Saint  Sébastien  secouru  par  les  anges,  Vénus 
demandant  à  Vulcain  des  armes  pour  Enée,  Renaud 
et  Armide,  le  portrait  de  Charles  P^,  roi  d'Angleterre, 
les  portraits  des  Enfants  de  Charles  7^^,  les  portraits  de 
Charles-Louis,  duc  de  Bavière,  et  de  Robert,  duc  de 
Cumberland,  le  portrait  dî' Isabelle-Claire-Eugénie  d'Au- 
triche, souveraine  des  Pays-Bas,  le  portrait  de  François 
de  Moncade,  marquis  d'Aytona,  le  portrait  en  buste 
du  même  personnage,  les  portraits  de  Jean  Grusset  Ri- 
chardot  et  de  son  fils,  le  portrait  du  Duc  de  Richmond, 
le  portrait  du  peintre,  les  portraits  d'un  homme  et  d'un 
enfant,  d'une  dame  et  sa  fille,  et  trois  portraits  d'homme. 
Comme  Rembrandt,  Van  Dyck  est  un  des  maîtres  de  la 
gravure.  Son  Iconographie,  dont  la  première  édition  fut 
publiée,  sans  titre  et  sans  date,  à  Anvers,  de  1632  à  1641, 
en  trois  séries,  et  la  seconde,  en  1645,  avec  le  titre  Icônes 
principum,  constitue  un  des  monuments  les  plus  précieux 
de  cet  art.  Marius  Vachon. 

BiBL.  :  Carpenter,  Memoîr  of  sir  A.  v.  D.,  with  a  des- 
criptive catalogue  of  his  etchings;  Londres,  1844.  — Alfred 
MicHiELS,  Van  Dyck  et  ses  élèves  ;  Paris,  1881,  —  Guif- 
fREY,  Van  Dyck;  Paris,  1885. 

DYCK  (Daniel  Van  den),  peintre  et  graveur,  hollandais 


159  —  DYCK  —  DYER 

suivant  les  uns,  français  suivant  les  autres,  qui  travaillait 
à  Venise  et  à  Mantoue  en  1658.  H  a  gravé  :  Suzanne  au 
bain;  Diane  et  Endymion  ;  Une  Bacchante;  la  Déifi- 
cation d'Enêe,  etc. 

DYCK  (Philippe  Van) ,  peintre,  né  à  Amsterdam  en 
1679,  mort  en  1752.  Ses  contemporains  l'avaient  sur- 
nommé le  petit  Van  Dyck;  il  a  peint  dans  la  manière  de 
Boonen,  son  maître,  de  petits  tableaux  d'histoire,  des 
scènes  d'intérieur  et  quelques  portraits.  Sa  peinture, 
travaillée  et  maniérée,  est  poussée  au  noir.  Massard  a 
gravé  d'après  lui  Sara  présentant  Agar  à  Abraham  et 
le  Renvoi  d'Agar. 

DYCK  (Hermann),  peintre  allemand,  né  à  Wurtzbourg 
en  1812,  mort  à  Munich  le  25  mars  1874.  Peintre  d'ar- 
chitecture et  de  genre,  il  a  été  très  goûté  pour  le  soin  et 
l'élégance  de  son  exécution.  Parmi  ses  tableaux  nous  cite- 
rons :  die  Befestigung  von  Kehlheim,  an  der  Stadt- 
mauer  zu  Erding  (1857);  ein  Kassenvorzimmer 
(iS^S)  ;  die  Schreîbstube  (1860),  auf  dem  Speicher, 
im  Atelier  (iSQi),  Innereseiner  Klosterkirche  (1863), 
die  Deputation  (1864),  Heimkehr  des  Burgermeisters 
(1868).  Il  a  été  le  dessinateur  le  plus  spirituel  des  Flie- 
gende  Blœtter  (V.  Caricature);  il  publia  Deutsche 
Sprichîvœrter  und  Reime  in  Bildern  (Dusseldorf, 
1839-40,  2  hvr.);  il  rendit  de  grands  services  à  l'art 
industriel  comme  directeur  de  l'école  spéciale  de  Munich. 

DYCKMANS  (Joseph-Laurent),  peintre  belge,  né  à  Lier 
le  9  août  1811.  Elève  de  Thielmans  et  de  Wappers.  On 
l'a  surnommé  le  Gérard  Dou  de  la  Belgique  à  cause  de 
l'analogie  que  ses  sujets  et  sa  technique  oftrent  avec  ceux 
de  ce  célèbre  artiste. 

DYÉ  {Diacum).  Com.  du  dép.  de  l'Yonne,  arr.  de  Ton- 
nerre, cant.  de  Flogny,  sur  une  colline  dominant  un 
affluent  de  l'Armançon  ;  403  hab.  Traces  d  une  voie  ro- 
maine. Eglise,  autrefois  prieuré  de  bénédictins,  sous  le 
vocable  de  Saint-Pierre,  à  une  nef,  des  xii^  et  xvi®  siècles  ; 
autel  du  xvii®  siècle  ;  bénitier  de  cuivre  du  xvi®  siècle  ; 
retable  en  bois  Renaissance.  M.  P. 

DYER  (Sir  Edward),  poète  anglais,  mort  en  1607. 
Après  avoir  fait  ses  études  à  l'université  d'Oxford,  il  voyagea 
sur  le  continent  et  débuta  en  1566  à  la  cour  d'Elizabeth, 
où  il  ne  tarda  pas  à  briller  au  premier  rang.  Il  s'y  maintint 
longtemps  en  faveur,  fut  chargé  de  missions  diplomatiques 
aux  Pays-Bas  (1584),  en  Danemark  (1589),  fut  comblé  de 
biens  et  nommé  en  1596  chanceHer  de  l'ordre  de  la  Jarre- 
tière. Dyer  a  joui  comme  poète  d'une  renommée  considé- 
rable à  la  fin  du  xvi«  siècle  ;  malheureusement  une  bonne 
partie  de  ses  poésies  a  été  perdue.  Le  D^  Grosart  (Writ- 
ings  of  sir  Edward  Dyer,  1872)  a  réussi  à  réunir  un 
certain  nombre  de  pièces  disséminées  de  côté  et  d'autre. 

DYER  (John),  poète  anglais,  né  à  Llandilo,  comté  de 
Carmarthen  (Galles),  en  1700,  mort  à  Kirkby-on-Bane  le 
24  juil.  1758.  Fils  d'un  avoué,  destiné  au  barreau,  il  aban- 
donna l'étude  des  lois  à  la  mort  de  son  père  pour  se  livrer  à 
un  goût  inné  pour  le  dessin,  parcourut  le  sud  de  Galles, 
reproduisant  ses  merveilleux  paysages  sur  son  album  et  dans 
ses  vers.  Le  résultat  de  ce  voyage,  Grongar  Hill,  fit  sa  répu- 
tation comme  poète  (1727).  Pour  se  perfectionner  dans 
son  art  de  prédilection,  il  parcourut  l'Italie,  et  revint  avec 
de  nombreux  dessins  et  un  poème  descriptif,  The  Ruins  of 
Rome  (1740),  qui  seul  eut  du  succès.  H  se  fit  pasteur, 
épousa  une  petite  nièce  de  Shakespeare,  et  se  livra  paisible- 
ment à  ses  goûts  artistiques  et  littéraires.  Son  dernier 
ouvrage,  The  Fleece,  publié  en  1757,  est  un  poème  didac- 
tique, imitation  des  Géorgiques  de  Virgile,  long,  froid  et 
ennuyeux.  Néanmoins,  Dyer  occupe  une  place  honorable 
parmi  les  poètes  de  son  temps.  Il  a  le  sentiment  de  la  vraie 
poésie,  et  ses  descriptions  sont  vives  et  bien  ordonnées.  Il 
est  un  des  précurseurs  de  l'école  dite  des  lakists.  Ses  poèmes 
ont  été  réunis  ea  un  volume  (1770)  et  ses  poésies  légères 
font  partie  de  la  collection  Johnson.  Willmot  les  a  réédités 
en  1853,  et  Gilfillan  en  1858.  Hector  France. 

DYER  (Gilbert),  écrivain  et  libraire  anglais,  né  à  Dun- 


DYER  —  DYMOND 


—  160  — 


stone  (Devonshire)  en  4743,  mort  à  Exeter  le  19  oct.  1820. 
Fils  d'un  chef  d'institution,  il  dirigea  lui-même  une  école 
à  Exeter.  En  1788,  il  s'établit  libraire  et  ne  tarda  pas  à 
gagner  une  réputation  considérable  par  la  science  de  ses 
catalogues  et  l'importance  de  la  bibliothèque  qu'il  réunit. 
Il  écjivit  divers  ouvrages  parmi  lesquels  nous  citerons  :  The 
Principles  ofAtheism  proved  to  be  conformided  from 
the  nature  of  Man  (1796)  ;  A  Restoration  of  the  an- 
cient  modes  of  bestowing  names  on  the  rivers,  hills... 
of  Britain  (1805)  ;  Vulgar  Errors  ancient  and  mo- 
dem inuestigating  the  origin  and  uses  of  letters 
(1816).  ^   R;S. 

DYER  (George),  écrivain  anglais,  né  à  Londres  le 
15  mars  1755,  mort  à  Londres  le  2  mars  1841.  D'une  très 
humble  origine,  il  fut  élevé  par  des  personnes  charitables, 
put  faire  de  bonnes  études  à  Oxford,  et,  venu  à  Londres 
en  1792,  collabora  au  Neiu  ]\]onthly  et  au  Gentleman's 
Magazine,  et  travailla  pour  divers  éditeurs,  corrigeantdes 
épreuves  et  faisant  des  tables.  C'est  ainsi  qu'il  revisa  les 
cent  quarante  et  un  volumes  de  l'édition  des  classiques  de 
Valpy  (1809-1831),  mais  il  y  perdit  la  vue.  Parmi  ses 
œuvres  on  peut  citer  :  Poems  (Londres,  1792)  ;  Ihe  Com- 
plainte ofthe  poorPeopleofEngland  (1793)  ;  Account 
of  new  South  Wales  and  state  of  the  convicts  (1794)  ; 
Dissertation  on  theory  and  practice  of  Benevolence 
(1795)  ;  Poems  and  critical  essays  (1801-1802)  ;  Poe- 
tics  (1812)  ;  History  of  the  university  and  collège  of 
Cambridge  (1814,2  vol.),  Memoirsof  lifeandivritings 
of  Robert  Robinson  (1796),  etc.  11  fut  très  lié  avec 
Charles  Lamb.  R*  S. 

DYER  (R.-H.),  graveur  anglais  du  xix®  siècle.  Cet 
artiste  excelle  dans  le  pointillé.  On  cite  notamment  ses 
gravures  pour  les  Illustrations  of  modem  sculpture, 
parT.-K.  Hervey  (Londres,  1832). 

DYER  (Thomas-Henry),  historien  anglais,  né  à  Londres 
le  4  mai  1804,  mort  en  1888.  Il  abandonna  de  bonne  heure 
le  commerce  pour  les  lettres.  Il  s'occupa  d'abord  de  littéra- 
ture ancienne,  Te7itaminaEschylea(iSM);  puis  de  Calvin 
le  rëïormdiieur,  Life  of  Calvin  (1850).  Son  History  ofthe 
city  of  Rome  (1865)  est  un  ouvrage  de  vulgarisation,  en 
opposition  complète  avec  les  vues  de  Niebuhr.  En  1867,  il 
publia  :  Pompeii,  ils  history,  buildings  and  antiquities, 
et  en  1873:  Ancient  Athens,  ils  history,  topography 
and  remains.  Ce  sont  des  livres  médiocres.  La  meilleure 
partie  de  son  bagage  est  constituée  par  les  cinq  volumes  de 
son  History  of  modem  Europe  (1877,  2*^  éd.)  (depuis 
la  chute  de  Constantinople  jusqu'en  1871),  vaste  compi- 
lation de  faits.  Dyer  manque  de  critique,  d'érudition  et  de 
profondeur. 

DYGASINSKI  (Adolphe),  littérateur  polonais  duxix^s., 
né  à  Niegostawice,  gouv.  de  Kielce  (Pologne  russe)  en 
1839.  Auteur  de  nombreuses  nouvelles,  réunies  en  par- 
tie sous  ce  titre  :  Z  Ogniw  zycia  (Des  Chaînons  de  la  vie  ; 
Varsovie,  1882,  2  vol.  in-8),  et  dont  certaines  ont  été 
traduites  en  allemand,  en  anglais,  en  russe,  etc.  On  lui 
doit  encore  des  écrits  pédagogiques,  des  traductions  des 
ouvrages  de  Tyndall,  Mill,  etc.,  et  des  Lettres  sur  le  Bré- 
sil (1891). 

DYHERNN  (Georg,  baron  de),  poète  et  romancier  alle- 
mand, né  à  Glogau  le  1^^'  janv.  1848,  mort  à  Rothenburg 
(Silésie)  le  27déc.  1878;  parmi  ses  poésies  nous  cite- 
rons :  In  stiller  Stund  (Berlin,  1870)  ;  Tang  und  Algen, 
Ans  der  Elut  des  Lebens  gesammelt  (Leipzig,  1876)  ; 
Aufhoher  Elut  (Breslau,  1880);  Aus  klarem  Born 
(Fribourg,  1882)  ;  parmi  ses  romans,  Hœhen  und  Tiefen 
(Fribourg,  1881,  2  vol.).  On  a  publié  ses  œuvres  com- 
plètes (Fribourg,  1879-82,  6  vol.). 

DYHRN  (Konrad-Adolf,  comte  de),  homme  pohtique 
prussien,  né  à  Reesewitz,  près  CEls  (Silésie),  mort  le 
2  déc.  1869.  Envoyé  au  Landtag  prussien  par  les  posses- 
seurs de  majorats  silésiens,  il  s'y  raUia  au  parti  libéral,  au- 
quel il  resta  fidèle  ;  spirituel  et  instruit,  le  «  gros  Dyhrn  » 
était  très  populaire. 


DYKE  (Géol.).  Toutes  les  fois  que  les  filons  d'une  roche 
éruptive  filonienne  se  détachent  en  saillie  au-dessus  des  ter- 
rains encaissants,  sous  la  forme  d'une  sorte  de  mur  irrégulier, 
dressé  sur  la  surface  du  sol  ou  bien  en  avant  d'un  escar- 
pement, cette  disposition  prend  le  nom  de  dyke.  Par 
extension,  cette  même  expression  est  apphquée  aux  poin- 
tements  des  roches  éruptives  qui,  n'ayant  pas  vu  le  jour, 
restent  en  profondeur,  où  ils  dérangent  souvent  la  conti- 
nuité des  couches  sédimentaires.  Ch.  Vélain. 

DYLE  (La).  Rivière  de  Belgique,  qui  prend  sa  source  à 
Houtain-le-Mont  en  Brabant,  passe  à  Wavre,  Louvain, 
Werchter,  où  elle  reçoit  le  Demer  et  devient  navigable,  à 
Mahnes  où  elle  reçoit  la  Senne,  et  se  joint  à  la  Nèthe  à 
Rumpst  pour  former  le  Rupel.  Son  cours  a  une  longueur 
de  85  kil.,  sa  largeur  varie  de  12  m.  (Wavre)  à  50  et 
sa  profondeur  de'l  (Wavre)  à  4.  La  marée  s'y  fait  sentir 
jusqu'à  Mahnes. 

DYLE  (Département  de  la).  Un  des  neuf  départements 
que  forma  la  Belgique  quand  elle  fut  réunie  à  la  France 
par  décret  de  la  Convention  du  1'^''  oct.  1795.  Il  avait 
pour  chef-lieu  Bruxelles.  Il  était  borné  au  N.  par  les 
dép.  de  la  Meuse-Inférieure,  des  Deux-Nèthes  et  de  l'Es- 
caut ;  à  TE.,  par  ceux  des  Deux-Nèthes  et  de  l'Ourthe  ; 
au  S.,  par  ceux  de  l'Ourthe,  de  Sambre-et-Meuse  et  de 
Jemappes;  à  l'O.,  par  ceux  de  Jemappes  et  de  l'Escaut. 
Il  fut  divisé  en  cantons,  conformément  à  la  constitution  de 
l'an  III  et  à  l'instar  des  autres  départements  français.  Sous 
le  Consulat,  il  fut  divisé  en  3  arrondisssements  :  Bruxelles, 
Louvain,  Nivelles,  en  27  cantons  et  396  communes, 
avec  30  justices  de  paix.  En  1802,  sa  population  était  de 
396,789  hab.  Les  habitants  de  Bruxelles  avaient  voté,  lors 
de  la  première  invasion,  leur  réunion  à  la  France,  qui  avait 
été  acceptée  par  décret  du  2  mars  1793.  Mais,  par  suite  de 
la  retraite  de  Dumouriez,  cette  annexion  ne  fut  effectuée 
qu'en  1795.  Le  dép.  delà  Dyle  fit  partie  de  la  France  jus- 
qu'en 1814.  F.-A.  A. 

DYMAS  (Myth.  gr.).  Ancêtre  mythique  d'une  des  trois 
tribus  doriennes,  celle  des  Dymanes  (V.  Doriens),  fils 
d'JEgimius,  frère  de  Pamphylus  etHyllus,  c'est  comme  ces 
Héraclides  un  personnage  sans  réalité  historique. 

DYME  (Géogr.  anc).  Ville  de  l'ancienne  Grèce,  dans 
FAchaïe,  la  plus  occidentale  des  douze  cités  de  la  confédé- 
ration achéenne;  elle  était  située  sur  la  côte  à  6  kil.  en- 
viron delà  frontière  de  l'Elide  formée  par  le  Larisus. Elle 
s'était  appelée  anciennement  Strates  ou  Paleia.  C'est  elle 
qui  avec  Patras  releva  en  280  av.  J.-C.  la  ligue  achéenne; 
accrue  par  la  fusion  avec  les  habitants  d'Olenus  qui  vin- 
rent s'y  établir,  elle  fut  souvent  attaquée  par  les  Eléens. 
Elle  prit  parti  pour  les  Macédoniens  dans  la  guerre  de  Phi- 
hppe  contre  les  Romains  et  fut  saccagée  par  ceux-ci.  Elle 
ne  se  releva  pas.  Pompée  essaya  d'y  fonder  une  colonie  de 
pirates  ciHciens  transplantés  en  Achaïe;  ils  n'y  restèrent 
pas.  Dyme  fut  subordonnée  à  Patras  au  temps  de  l'empire 
romain.  Sur  son  territoire  étaient  la  forteresse  de  Teichos 
avec  ses  remparts  hauts  de  30  coudées,  et  Hécatombœon 
où  Aratus  fut  vaincu  par  Cléomène.  Les  ruines  de  Dyme 
se  trouvent  près. du  village  moderne  de  Karavostasis. 

DYMOND  (Jonathan),  philanthrope  anglais,  né  à  Exeter 
en  1796,  mort  en  1828.  Dymond  appartenait  à  la  secte 
des  quakers.  Elevé  dans  les  affaires],  il  suivit  la  carrière 
du  commerce  et  tint  un  magasin  de  nouveautés.  Mais  ce 
commerçant  avait  conçu  les  réformes  sociales  les  plus 
hardies.  Partisan  de  la  paix  universelle,  il  s'imposa  comme 
mission  de  prouver,  l'évangile  à  la  main,  que  la  guerre  est 
contraire  à  la  volonté  divine.  Son  premier  traité  parut  sans 
nom  d'auteur  :  An  Inquiry  into  the  accordancy  of  war 
with  the  principles  of  Christianity  (Londres,  1823). 
Prenant  pour  seule  base  de  la  morale  les  enseignements  de 
chanté  et  d'amour  qui  sont  l'essence  même  de  l'évangile, 
il  combat  la  politique  égoïste  et  utilitaire  qui  maintient 
l'état  de  guerre  en  permanence  entre  les  peuples.  En  1825, 
il  développa  sa  thèse  par  un  nouveau  traité  :  Observations 
on  the  applicability  of  the  pacifie  principles  of  the 


New  Testament  to  the  condiid  o(  states  and  on  the 
limitations  which  those  principlcs  impose  on  the  right 
of  self  defence,  Dymond,  non  content  d'avoir  dévelopj3é 
ses  idées  dans  ces  deux  ouvrages,  en  composa  un  troi- 
sième qui  ne  parut  qu'après  sa  mort  :  Essay  on  the  prin- 
ciples  of  morality  and  on  the  private  and  political 
rights  and  obligations  of  mankind.  Ce  livre  a  eu  de 
nombreuses  éditions  en  Angleterre  et  en  Amérique.  Comme 
Fauteur  poursuit  un  but  essentiellement  pratique,  ses 
réflexions  ont  plutôt  le  caractère  d'une  conviction  ardente 
que  celui  d'uue  discussion  de  principes.  G.  Q. 

BiBL.  :  Leslie   Stepiiex,  A  Dictionary  of  national  bio- 
graphy  ;  Londres,  1890. 

DYNAMENA  (ZooL).  Genre  fondé  par  Lamouroux  pour 
des  Hydraires  Sertulaires,  répartis  maintenant  dans  les 
genres  Diphasia  et  Sertnlaria. 

DYN AMÈNE  (Astron.)  (V.  Astéroïdes). 
DYNAMENE  (Dynamena  Leach)  (Malac).  Genre  de 
Crustacés  Isopodes  ;  ces  animaux  ont  l'apparence  de  petits 
Sphéromes  (V.  ce  mot),  mais  on  les  distingue  facilement 
des  espèces  de  ce  genre  par  la  profonde  entaille  du  dernier 
segment  du  corps;  leur  corps  est  lisse  et,  lorsqu'il  se  met 
en  boule,  les  appendices  latéraux  du  pléon  restent  à  décou- 
vert; ils  se  distinguent  des  Cymodocés,  dont  ils  sont  éga- 
lement très  voisins,  par  l'absence  d'une  dent  centrale  à 
l'extrémité  de  la  queue;  le  corps  est  dépourvu  des  soies 
si  marquées  chez  ces  derniers  animaux.  Les  Dynamenes 
ont  les  habitudes  des  Sphéromes;  plusieurs  espèces  se 
trouvent  communément  sur  nos  côtes.  K.  Mz. 

DYN AM ETRE  le  Râmsden  (Opt.).  C'est  un  instrument 
destiné  à  mesurer  le  grossissement  des  lunettes  ;  il  se  com- 
pose de  trois  petits  tubes  rentrant  l'un  dans  l'autre  ;  le  plus 
étroit  porte  une  loupe,  le  second  porto  sur  un  verre  dépoli  une 
division  gravée  en  dizièmes  de  millimètre  ;  le  troisième  est 
appuyé  contre  l'oculaire  de  la  lunette  ;  pour  s'en  servir, 
on  règle  d'abord  la  lunette  de  façon  à  viser  un  objet  très 
éloigné ,  le  soleil ,  par  exem})le  ;  puis ,  dirigeant  la  lunette 
vers  un  autre  point  du  ciel,  on  avance  plus  ou  moins  le 
verre  dépoli  du  dynamètre  à  l'aide  du  troisième  tube,  de 
façon  à  obtenir  sur  ce  verre  un  cercle  lumineux  à  contour 
net.  Lorsque  ce  résultat  est  atteint,  on  a  obtenu  une  image 
de  l'objectif,  si  la  lunette  ne  possède  pas  de  diaphragme, 
ou  de  la  partie  utiHsie  de  l'objectif,  si  la  lunette  est  dia- 
phragmée,  donnée  par  l'oculaire,  A  l'aide  de  la  loupe  et 
du  micromètre,  on  mesure  le  diamètre  du  cercle  lumineux 
ainsi  obtenu  et,  à  l'aide  d'un  compas,  le  diamètre  de  l'ob- 
jectif ;  le  rapport  de  ces  deux  nombres  donne  le  grossisse- 
ment si  la  lunette  n'est  pas  diaphragmée.  Dans  le  cas 
contraire,  on  promène  sur  la  surface  de  l'objectif  les 
pointes  du  compas,  tandis  que  l'œil  regarde  dans  le  dyna- 
mètre ;  l'œil  aperçoit  les  images  des  pointes  du  compas  ;  on 
écarte  ces  dernières  jusqu'à  ce  que  leurs  images  se  peignent 
sur  les  bords  du  petit  cercle  lumineux  vu  dans  le  dynamètre  ; 
la  distance  des  pointes  du  compas  donne  alors  le  diamètre 
de  la  partie  utiHsée  de  l'objectif;  c'est  cette  partie  que  l'on 
fait  alors  entrer  dans  la  formule  du  grossissement  au  lieu 
du  diamètre  total  de  l'objectif  (V.  Lunette).     A.  Joannis. 

DYN  AMIE  (Mécan.).  Nom  employé  pour  désigner  l'unité 
de  travail.  C'est  le  travail  effectué  par  l'unité  de  force  par- 
courant l'unité  de  longueur.  Autrement,  force  que  nécessite 
le  transport  de  i  kilogr.  à  une  distance  de  1  m.  en  hauteur. 
On  lui  donne  aussi  le  nom  de  kilogrammètre.  On  voit  que, 
dans  cette  définition,  le  temps  n'intervient  pas;  aussi  lors- 
qu'il s'agit  de  comparer  les  quantités  de  travail  produites 
par  deux  machines,  faut-il  rapporter  le  nombre  de  kilo- 
grammètres  produit  par  chacune  d'elles  à  l'unité  de  temps  : 
la  seconde.  F.  G. 

DYNAMIQUE  (Mécan.).  La  dynamique  est  cette  partie  de 
la  mécanique  qui  s'occupe  à  la  fois  des  forces  et  des  mouve- 
nients  qu'elles  produisent.  Si  l'on  met  de  côté  la  cinématique 
qui  s'occupe  du  mouvement  des  corps,  abstraction  faite  des 
causes  de  mouvement  que  Ton  appelle  des  forces,  la  méca- 
nique se  compose  de  deux  parties  qui  sont  la  statique  et  la 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.   —    XV. 


—  161  —  DYMOND  —  DYNAMIQUE 

dynamique.  La  statique  étudie  surtout  l'action  des  forces 
pendant  le  repos,  la  dynamique  étudie  l'action  des  forces 
pendant  le  mouvement.  —  On  a  beaucoup  discuté  pour 
savoir  s'il  fallait  commencer  l'étude  de  la  mécanique  par  la 
statique  ou  par  la  dynamique,  et,  si  cette  discussion  est  en- 
core pendante  aujourd'hui,  c'est  que  les  partisans  de  l'une 
et  de  l'autre  méthode  se  placent  sur  des  terrains  différents. 
Sans  nous  prononcer,  exposons  les  faits. 

On  appelle  force  toute  cause  qui  tend  à  mettre  en  mouve- 
ment, un  point  matériel  qui  est  en  repos  ou  à  arrêter  le 
mouvement  d'un  point  ;  du  moins  c'est  ainsi  que  les  anciens 
concevaient  la  force  ;  nous  modifierons  un  peu  cette  défini- 
tion tout  à  l'heure.  Lagrange  et  d'autres  géomètres  trou- 
vent étonnant  qu'ayant  défini  la  force  une  cause  de  mou- 
vement, on  édifie  toute  une  partie  de  la  science  des  forces, 
toute  la  statique,  sans  faire  intervenir  le  mouvement.  Au 
fond  ils  ont  raison,  et  dans  un  cours  de  mécanique  un  peu 
élevé  et  bien  fait,  il  convient  d'étudier  les  forces  par  le 
mouvement  qu'elles  produisent  et  qui  est  leur  effet  immé- 
diat. Mais  en  réalité  on  procède  autrement,  et  cela  pour 
plusieurs  raisons.  La  statique,  découverte  il  y  a  plus  de 
deux  mille  ans  par  Archimède,  a  précédé  la  dynamique 
qui  a  été  créée  par  Galilée  en  1638.  La  simphcité  des  mé- 
thodes employées  en  statique  permet  de  renseigner  à  des 
esprits  relativement  peu  cultivés  ;  enfin  toute  la  statique 
peut  être  exposée  à  l'aide  d'un  petit  nombre  de  principes 
expérimentaux^  si  faciles  à  vérifier  que  cette  science 
est  assise  presque  aussi  solidement  que  la  géométrie  pure. 
11  en  est  tout  autrement  de  la  dynamique  qui  repose  non 
plus  sur  des  résultats  d'expériences  concluantes,  mais  sur 
des  principes  que  l'on  n'a  pas  pu  jusqu'ici  soumettre  au 
contrôle  du  raisonnement  ou  de  l'expérience  directe.  Ces 
principes  sont  donc  restés  à  l'état  d'hypothèses,  mais  d'hy- 
pothèses tellement  plausibles  que  l'on  peut  les  placer  dans 
le  domaine  des  faits  les  mieux  acquis  à  la  science.  Or,  une 
des  raisons  qui  nous  font  admettre  ces  principes,  c'est 
que,  précisément  en  les  soumettant  à  l'analyse  mathéma- 
tique, on  en  déduit,  sans  avoir  recours  à  l'expérience,  les 
faits  découverts  en  statique  par  les  anciennes  méthodes 
expérimentales.  En  réaHté,  on  étudie  deux  fois  la  statique 
et  par  des  méthodes  qui  reposent  sur  des  principes  abso- 
lument différents  ;  et  c'est  l'accord  des  résultats  qui  prouve 
de  la  façon  la  plus  éclatante  l'excellence  des  principes 
fondamentaux  de  la  dynamique,  par  laquelle  on  peut  évi- 
demment commencer  l'étude  de  la  mécanique,  si  l'on  a  sim- 
plement pour  but  d'étudier  les  conséquences  de  certains 
principes  considérés  comme  hypothèses,  sauf  à  vérifier  plus 
tard  ces  conséquences  par  l'expérience. 

Il  est  temps  d'arriver  aux  principes  dont  nous  avons 
parlé;  le  premier,  énoncé  par  Galilée,  porte  le  nom  de  prin- 
cipe de  l'inertie;  il  contient  une  définition  plus  complète  de 
la  force  que  celle  qui  a  été  donnée  par  les  anciens,  mais 
qui  n'est  pas  en  contradiction  avec  elle  ;  il  s'énonce  ainsi  : 
Un  point  matériel  ne  peut  modifier  de  lui-même  son  état 
de  repos  ou  de  mouvement,  c.-à-d.  que  s'il  est  en  repos 
ou  en  état  de  mouvement  rectiligne  et  uniforme^  il  y 
restera  tant  qu'une  cause  ou  force  ne  viendra  pas  agir  sur 
lui.  Nous  résumerons  ce  principe  en  disant  simplement  : 
«  Quand  un  point  matériel  n'est  pas  en  repos  ou  en  mou- 
vement rectiligne  et  uniforme,  on  dit  qu'il  est  sollicité  par 
une  force.  »  Ainsi,  au  fond,  le  principe  de  l'inertie  est  moins 
un  principe  qu'une  définition.  C'est  dans  l'ouvrage  intitulé 
Discorsi  e  dimostrazioni  matematiche  intorno  a  due 
fiuove  scienze  i6S8^  que  Galilée  a  fait  connaître  son 
principe  et  les  premières  notions  de  dynamique.  Le  second 
principe  de  la  dynamique  entrevu  par  Galilée  a  subi  depuis 
bien  des  transformations  dans  son  énoncé  ;  voici  celui  que 
nous  adopterons,  parce  qu'il  nous  paraît  plus  facilement 
accessible  à  l'analyse  mathématique  :  «  Si  l'on  considère 
un  point  en  mouvement  à  l'époque  t  et  soumis  à  l'influence 
de  plusieurs  forces  que  nous  appellerons  F,  F^, F'''',... pour 
avoir  la  position  de  ce  corps  à  l'époque  t  +  dt,  il  suffit  de 
composer  :  i^  h  chemin  que  parcourrait  le  corps  dans  le 

11 


DYNAMIQUE 


-  46S  - 


temps  dt  qui  suit  l'époque  t  si,  aucune  force  n  agissant 
sur  lui  il  obéissait  simplement  à  la  vitesse  qu  il  possède  a 
l'époaue  ^;  2Me  chemin  qu'il  parcourrait  si,  partant  du 
reoos  il  était  soumis  à  l'action  de  la  seule  torce  l ,  dans 
le  même  temps  dt;  3«  le  chemin  qu'il  parcourrait  sous 
l'influence  de  la  force  F^  toujours  dans  le  même  temps  dt 
et  en  partant  du  repos,  etc.  On  énonce  ce  principe  d  une 
façon  plus  concise,  mais  moins  claire  pour  des  esprits  encore 
peu  cultivés,  en  disant  que  «  les  effets  des  forces  et  de  la 
vitesse  acquise  par  un  point  matériel  en  mouvemen 
s'ajoutent  géométriquement  pendant  un  temps  mfimment 
petit  ».  Au  fond,  le  premier  principe  de  Galilée  est  une 
définition  de  la  force,  le  second  est  une  tonne  du  prin- 
cipe de  continuité  étendu  au  monde  matériel;  le  troisième 
principe,  énoncé  par  Newton,  est  plus  hardi,  c  est  le  prin- 
cipe de  l'action  et  de  la  réaction,  il  consiste  à  admettre  que  : 
«  Si  un  point  matériel  A  est  soumis  à  l'action  d  une  torce, 
cette  force  émane  d'un  autre  point  matériel  B  ;  a  son  tour 
le  point  B  est  alors  soumis  à  l'action  d  une  force  qui  émane 
de  A.  Si  Ton  appelle  action  la  force  émanant  de  B,  et  reac- 
tion la  force  émanant  de  A,  l'action  est  égale  à  la  reaction, 
Faction  est  dirigée  soit  de  A  vers  B,  soit  de  B  vers  A  ;  mais 
en  tout  cas  ces  deux  forces  sont  de  sens  contraires,  >> 
Pour  bien  comprendre  ce  dernier  principe  qui  a  lui  seul 
suffirait  à  immortahser  le  nom  de  Newton,  il  est  indispen- 
sable de  savoir  ce  que  l'on  appelle  direction  et  grandeur 
d'une  force.  La  concision  qui  nous  est  imposée  nous  oblige 
à  nous  borner  aux  simples  définitions  suivantes  en  nous 
empêchant  de  montrer  comment  elles  ont  été  amenées. 

Le  point  d'application  d'une  force  est  le  point  dont  elle 
modifie  l'état  de  repos  ou  de  mouvement  rectiligne  et  uni- 
forme. Sa  direction  à  l'époque  t  est  celle  de  la  tangente  a 
la  trajectoire  que  suivrait  son  point  d'application  à  l  époque 
t  s'il  partait  à  cette  époque  du  repos,  soumis  a  la  seule 
influence  de  la  force.  Enfin  pour  définir  la  force  comme 
grandeur,  on  convient  :  1°  de  dire  que  deux  forces  sont 
égales  (en  intensité)  quand  appKquées  à  un  même  point 
naturel  pris  au  repos  elles  lui  commumquent  des  accéléra- 
tions éoales;  2°  d'appeler  somme  de  deux  forces,  la  force 
qui  pro'duit  le  même  effet  que  l'ensemble  de  ces  deux  forces 
appliquées  dans  la  même  direction  au  même  point.  Cet 
eff'et  (on  le  démontre  en  Tappuyant  sur  le  second  principe 
de  Galilée)  est  la  production  d'une  accélération  égale  a  a 
somme  des  accélérations  dues  aux  deux  forces  dont  elle 
est  la  somme,  ce  qui  a  permis  de  mesurer  les  forces  par 
les  accélérations  qu'elles  communiquent  à  un  même  point 

pris  au  repos.  ,       .  i      r  * 

Toute  la  dynamique,    toute  la  science  des  forces  est 
fondée  sur  ces  trois  principes  fondamentaux  ;  leur  démons- 
tration repose,  comme  nous  l'avons  dit,  d'abord  sur  ce 
fait  qu'ils  permettent  par  la  seule  force  du  raisonnement 
de  retrouver  toute  la  statique  des  anciens,  et  ensuite  sur  cet 
autre  fait  qu'ils  ont  permis  de  prédire  avec  une  précision 
remarquable  les  phénomènes  célestes  les  mieux  constates 
tels  que  les  mouvements  des  planètes  et  de  leurs  satellites. 
Jusqu'en  1743,  l'application  directe  de  ces  trois  prin- 
cipes était  le  seul  moyen  employé  par   les    géomètres 
pour  découvrir  les  vérités  de  la  dynamique,  lorsque  d  Alem- 
bert  énonça  son  fameux  théorème  qui  permettait  de  ra- 
mener toute  question  de  dynamique  à  une  question  de  sta- 
tique. Ce  théorème,  qui  aujourd'hui  est  presque  devenu  une 
naïveté,  peut  s'énoncer  ainsi  :  «  11  y  aurait  equi  ibre  a 
chaque  instant  entre  les  forces  qui  agissent  réellement 
sur  un  système  de  points  matériels  en  mouvement,  et  les 
forces  d'inertie  des  divers  points  de  ce  système,  si  ces 
forces  d'inertie  venaient  à  agir.  »  Enfin  en  1788  parut  1  im- 
mortel ouvrage  de  Lagrange  intitulé  Mécanique  analytique 
qui  contenait  une  formule  résumant  toutes  les  questions 
de  mécanique  en  les  ramenant  toutes,  et  d'une  manière 
uniforme,   à  un  simple  problème  de  calcul  difi'érentiel  ou 
de  calcul  intégral.  Depuis  la  découverte  de  Lagrange,  on 
peut  dire  qu'il  n'ex.iste  plus  un  seul  problème  de  mécanique 
que  l'on  ne  puisse  résoudre,  quand  on  connaît  exactement 


les  forces  qui  entrent  en  jeu  dans  ce  problème.  La  méthode 
inaugurée  par  Lagrange  a  permis  de  retrouver,  pour  ainsi 
dire  en  se  jouant,  une  foule  de  propositions  péniblement 
découvertes  par  les  savants  qui  l'ont  précédé,  et  un  grand 
nombre  d^autres  (V.  Force  vive,  Aire,  Quantitç  de  mou- 
vement. Centre  de  gravité,  Impulsion,  Moment). 

Il  y  a  actuellement  en  dynamique,  on  peut  même  dire 
en  mécanique  rationnelle,  deux  parties  bien  tranchées; 
l'une  est  assise  sur  des  bases  inébranlables  :  c'est  une  science 
dont  les  théorèmes  s'enchaînent  avec  une  rigueur  et  une 
élégance  que  l'on  ne  retrouve  que  dans  les  sciences  les 
plus  pures  ;  l'autre  est  basée  sur  ce  que  l'on  pourrait  appeler 
la  théorie  des  liaisons  :  elle  repose  sur  des  hypothèses  que 
rien  ne  vient  justifier,  si  ce  n'est  qu'elles  peuvent  fournir  à 
l'occasion  de  jolies  questions  de  calcul  intégral.  Il  y  a 
peut-être  des  inconvénients  à  maintenir  dans  renseigne- 
ment officiel  cette  partie  de  la  mécanique  ;  elle  jette  du  dis- 
crédit sur  la  science  et  les  savants  ;  elle  fait  souvent  dire 
aux  praticiens  qui  n'ont  pas  fait  une  étude  suffisamment 
approfondie  de  la  science,  que  les  choses  sont  vraies  en 
théorie,  mais  fausses  en  pratique. 

Equations  de  la  dynamique.  —  On  a  donné  le  nom 
d'équations  de  la  dvnamique  aux  formules  données  par 
Lagrange,  dont  nous  avons  parlé  tout  à  l'heure  et  qui  per- 
mettent d'écrire  immédiatement  les  équations  du  mouve- 
ment d'un  corps  quand  on  connaît  bien  exactement  les 
forces  qui  agissent  sur  lui.  Soient  x,  y,  z  les  coordonnées 
rectangulaires  prises  par  rapport  à  trois  axes  fixes  d  un 
point  quelconque  d'un  système  en  mouvement,  X,  Y,  Zles 
projections  sur  les  axes  de  la  résultante  de  toutes  les  forces 
qui  sollicitent  ce  point,  m  sa  masse,  t  le  temps  ;  en  écri- 
vant qu'il  y  a  équilibre  entre  toutes  les  forces   réellement 

agissantes  X,  Y,   Z  et  les  forces  d'inertie  —  w^, 


-  m 


d'y 


dH 


(l) 


__  m  ^-T^ ,  on  a  la  formule  de  Lagrange 
dt-  dt- 

.[(x-»4>+(v-»,s>, 

_l_  (Z  —  m-T—  iù:^  1=  0. 


■(-»S)^= 


hx,  Bî/,  U  désignent  dans  cette  formule  des  déplacements 
virtuels  donnés  au  point  x,  y,  %.  Si  le  système  est  libre, 
^x,  Sî/,  %%  sont  arbitraires  et  cette  équation  revient  a 
autant  de  groupes  de  la  forme 

d^x      ^  dhj       ^      ^dH__  ^ 

qu'il  y  a  de  points  dans  le  système  considéré,  et  les  con- 
séquences de  ces  formules  seront  toujours  absolument 
exactes  et  vérifiées  par  Texpérience. 

Si  le  système  en  mouvement  est  un  système  à  liaisons 
et  si  l'on  ne  veut  pas  tenir  compte  dans  Févaluation  de 
X,  Y,  Z  des  forces,  souvent  inconnues,  développées  par 
les  liaisons,  on  ne  peut  plus  considérer  les  8^,  hy.Zz 
comme  arbitraires;  ils  doivent  être  considérés  comme  liés 
par  des  équations  linéaires 
(2)  S(A8x-hB82/  +  C^=:0, 

S  (A^8^  -H  B%  +  C'Zz)  =  0,  etc. , 
obtenues  en  différenciant  les  équations  de  liaison  ;  en  éli- 
minant autant  de  variations  8^,  8z/,  ^z  qu'il  y  a  d'équa- 
tions de  liaison  entre  (1)  et  (2),  on  obtient  une  équation 
hnéaire  et  homogène  entre  les  variations  non  éliminées  qui 
alors  sont  arbitraires  ;  en  égalant  les  coefficients  de  ces  va- 
riations restantes  à  zéro,  on  obtient  des  équations  qui, 
jointes  aux  équations  de  liaison,  sont  en  nombre  égal  à 
celui  des  variables  x,  y,  z,  et  permettent  de  les  calculer,  si 
l'on  peut  toutefois  les  intégrer.  En  tout  cas,  on  est  ramené 
à  une  difficulté  d'analyse  pure.  Disons  que  le  plus  souvent 
l'élimination  des  variations  se  fait  par  la  méthode  des 
multiplicateurs.  Je  n'ai,  pour  ma  part,  aucune  confiance 
dans  les  résultats  fournis  par  cette  méthode,  parce  qu  elle 
repose  sur  le  théorème  des  vitesses  virtuelles,  qui  dans  le 


~  163  ~ 


DYNAMIQUE  —  DYNAMISME 


cas  où  il  existe  des  liaisons  no  me  paraît  nullement  dé- 
montré, et  quand  je  dis  que  ce  principe  ne  me  parait  pas 
démontré  ;  je  ne  veux  pas  simplement  dire  que  les  démons- 
trations que  l'on  en  donne  ne  sont  pas  tout  à  fait  rigou- 
reuses, je  soutiens  que  les  hypothèses  faites  pour  démon- 
trer le  principe  ne  sont  presque  jamais  réalisées,  pas 
même  approximativement,  excepté  dans  des  cas  très  rares. 
Lagrange  a  donné,  dans  sa  Mécanique  analytique, 
d'autres  formules  du  mouvement;  ces  formules,  qui  con- 
tiennent les  précédentes  comme  cas  particuHers  et  qui  s'en 
déduisent,  ont  pour  but  de  faire  connaître  les  équations 
du  mouvement  avec  des  coordonnées  quelconques.  —  Soient 
?i»  (Izy  •••  ^k  d^s  coordonnées  propres  à  déterminer  la  po- 
sition d'un  corps  quelconque  à  un  moment  donné  t,  sup- 
posons que  l'on  ait  évalué  en  fonction  de  q^,  q.^^  ...  le 
travail  virtuel  des  forces  qui  sollicitent  ce  corps  et  qu'on 
Tait  trouvé  égal  à  Qi^^yi  +  %^■^-^  •••  +  Qk^^/kî  dési- 
gnons par  2T  la  force  vive  du  système  qui,  en  coordon- 
nées rectangulaires,  a  pour  expression 

avec  les  notations  employées  tout  à  l'heure,  l'équation  qui 
déterminera  à  chaque  instant  les  valeurs  de  q.^,  q.^ ...  q^^ 
sera,  d'après  Lagrange, 

où  q^  :=:  -jj-.  Si  les  q  sont  des  variables  indépendantes, 
cette  équation  se  décomposera  en  k  autres  de  la  forme 

^^  dtdq'       dq~^' 

(V.  Equations  canoniques  au  mot  Canonique).  Pour  mon- 
trer une  application  de  ces  formules,  nous  ferons,  en  con- 
sidérant un  seul  point, 

^  in  r  sin  8  cos  cj^,     z/ =z  r  sin  6  cos  <];,     :irr:rcosO, 
ce  qui  revient  à  prendre  des  coordonnées  polaires  ;  nous 
aurons  alors  : 

_  m  dr^  +  rhlù^  +  r^sin^Q^/f- 

~  2  dt' 

et  si  nous  désignons  le  travail  par  Pi  or  -{-  0  ô  6  +  ^F  5  ^, 
les  équations  (1)  prendront  la  forme 

dr''  /d,^Y  .  ,Jd'iY     1, 

d/ . .  .,dj>Y_,,, 


dt\ 


^(,.^sin4J)^=.,^ 


dt\    "'"  ^dt, 
Telles  sont  les  équations  du  mouvement  d'un  point  en 
coordonnées  polaires.  H.  Laurent. 

BiBL.  :  Lagraxge,  Mécanique  analytique  (contient  un 
historique  détaillé  des  théories  de  la  mécanique). —  Jacobi, 
Vorlesungen  ueber  Dynamick.  —  En  général  tous  les 
traités  de  mécanique  rationnelle. 

DYNAMISME  (Philos.).  Ce  mot  vient  du  grec  8uva[j.t^  qui 
signifie,  proprement,  puissance  ;  le  verbe  ouvajxai  a  le  sens 
de  pouvoir  et  l'adjectif  Buvaidv  celui  de  possible.  Dans  la 
langue  d'Aristote,  la  puissance  s'oppose  à  Pacte  ;  la  matière, 
par  exemple,  est  la  puissance  nue,  car  si  elle  ne  devient  rien 
par  elle-même,  grâce  à  l'intervention  d'une  cause  motrice, 
elle  peut  tout  devenir.  Dans  le  langage  philosophique  cou- 
rant, le  terme  dyiiamisme  a  une  signification  qu'il  n'est 
pas  impossible  de  rattacher  au  sens  du  mot  dont  il  dérive, 
mais  qui  ne  laisse  pas  d'être  sensiblement  ditïérente.  En 
effet,  la  puissance  du  péripatétisme  est  une  sorte  d'impuis- 
sance, car  ce  qui  peut  tout  recevoir,  la  matière  par  exemple, 
ne  peut  se  rien  donner.  La  puissance  dont  le  terme  dyna- 
misme évoque  chez  nous  la  notion,  en  est  presque  l'op- 
posé ;  elle  implique  l'effort  et  la  tendance  vers  l'acte.  Il 
n'y  a  donc  plus  entre  cette  puissance  et  l'acte  une  diffé- 
rence de  nature,  nécessitant  pour  l'actuation  de  cette  puis- 
sance, l'action  d'une  cause  motrice  externe  :  partout  où  la 


puissance  se  rencontre,  cette  puissance  agit.  La  puissance 
et  la  cause  agissante  ne  sont  plus  deux  principes  distincts, 
comme  le  soutenait  le  fondateur  de  l'école  péripatéticienne  ; 
ces  deux  expressions  de  puissance  et  (['acte  ne  représen- 
tent plus  que  deux  aspects  ou,  si  l'on  préfère,  deux 
moments  d'une  même  réalité.  Par  suite,  on  comprendra  la 
parenté,  pour  ne  pas  dire  l'identité  des  deux  notions  de 
puissance  (telle  que  nous  venons  de  la  définir),  et  ^q  force. 
Et  en  effet  l'épithète  dynamiste  paraît  devoir  convenir  à 
toutes  les  doctrines  de  philosophie  dans  lesquelles  une 
place  est  faite  à  la  notion  de  force. 

On  considère  avec  raison  Leibniz  comme  le  réforma- 
teur de  la  notion  de  puissance,  et  l'on  peut  aller  jusqu'à 
dire  qu'il  a  opéré  la  fusion  des  deux  principes  qu'Aristote 
avait  maintenus  séparés,  la  puissance  et  l'acte.  Mais  de 
ce  que  Leibniz  a  réformé  un  concept  par  l'enrichissement 
de  son  contenu,  ce  serait  se  tromper  gravement  que  de 
refuser  à  ce  concept  ainsi  entendu  une  action,  latente  sans 
doute,  mais  indiscutable,  sur  les  philosophes  antérieurs, 
non  pas  seulement  à  Leibniz,  mais  à  Aristote  lui-même. 
En  effet,  le  problème  cosmogonique,  qui  ne  fait  pour  ainsi 
dire  qu'un  avec  le  problème  ontolooique,  ne  consiste-t-il 
pas  à  se  demander  à  quelles  conditions  le  monde,  tel  que 
Pexpérience  nous  le  livre,  a  pu  parvenir  à  son  état  actuel  ? 
Et  alors  il  est  aisé  do  se  répondre  (ce  qui  a  l'air  d'un  pur 
truisme,  mais  n'en  a  peut-être  que  l'apparence)  que  ce  qui 
est  actuellement  était,  dans  l'origine  et  de  tout  temps,  des- 
tiné à  devenir  à  un  moment  précis  de  son  histoire,  tel  que 
l'expérience  nous  le  fait  connaître.  Bref,  l'état  actuel  du 
monde  serait  Peffet  d'une  cause  perpétuellement  agissante, 
agissant  conformément  à  sa  loi,  loi  dont  la  formule  est 
éternelle  et  immuable. 

Mais  ce  n'est  pas  assez  dire.  Et  même  si  l'on  ne  disait  rien 
de  plus,  bien  loin  de  pouvoir  rendre  compte  de  la  possibi- 
lité des  explications  dynamistes,  on  se  rendrait  la  tâche 
impraticable.  Effectivement,  si  la  cause  dont  nous  parlons 
est  extérieure  au  monde,  c'est  en  cotte  cause  que  se  concentre 
l'énergie  manifestée  par  le  développement  cosmique  ;  et  cette 
cause  agit  sur  les  éléments  du  monde  à  la  manière  d'un 
mécanicien.  Le  dieu  de  Descartes  n'agit  pas  différemment  ; 
aussi  le  système  de  Descartes  est-il  l'extrême  opposé  des 
doctrines  dynamistes.  La  physique  de  Descartes  est  une 
physique  rigoureusement  mécaniste.  Comment  modifier 
une  doctrine  cosmogonique  mécaiiiste,  de  façon  à  en  méta- 
morphoser Pessence?  En  déplaçant  le  siège  de  l'énergie  qui 
fait  mouvoir  le  monde  et  en  la  transposant  au  cœur  même 
de  l'univers.  Croire  à  une  âme  de  l'univers,  c'était  déjà  un 
dynamiste  sans  le  savoir. 

Cette  idée  de  l'âme  du  monde  ne  peut  s'être  dégagée  dès 
les  premiers  efforts  de  la  spéculation  grecque,  car  elle  est 
nécessairement  postérieure  à  l'apparition  du  concept  d'âme 
humaine  qui,  on  le  sait,  est  historiquement  postérieur  à 
celui  de  matière.  Mais,  sans  définir  au  moyen  du  terme 
âme  le  principe  des  mouvements  cosmiques,  on  peut  expli- 
quer ces  mouvements  par  l'action  d'un  principe  déterminé 
ou  indéterminé,  imaginé  sur  l'un  des  types  perceptibles 
du  genre  matière  (air,  eau,  feu),  et  donner  à  ce  prin- 
cipe les  attributions  d'une  véritable  force  organisatrice. 
Tel  est  le  feu  d'Heraclite;  tel  était,  avant  Heraclite,  Pair 
d'Anaximène,  Peau  de  Thaïes.  Au  sujet  de  Vinfïni  d'Anaxi- 
mandre,  une  discussion  s'est  élevée  entre  les  historiens 
modernes  de  la  philosophie  grecque  ;  il  nous  paraît  utile 
de  nous  en  souvenir,  ne  serait-ce  que  pour  marquer,  avec 
quelque  précision,  ce  qu'étaient,  dès  l'antiquité,  les  doc- 
trines dynamistes.  Anaximandre,  selon  la  tradition, 
enseignait  que  le  monde  résulte  d'une  séparation  d'élé- 
ments autrefois  mélangés  dans  un  chaos  préexistant  au 
cosmos.  Cela  étant,  certains  historiens  ont  fait  remarquer 
que  le  cosmos  provenait  d'un  changement  de  situation  dans 
les  éléments,  mais  non  d'un  devenir  de  ces  éléments  mêmes 
et  qu'alors  il  fallait  distinguer,  parmi  les  premiers  philo- 
sophes, ceux  qui  attribuent  l'ordre  actuel  du  monde  à  un 
simple  déplacement  et  ceux  qui  l'expliquent   d'une  façon 


—  164  — 


DYNAMISME  —  DYNAMITE 

plus  primitive,  plus  poétique  aussi,  sans  doute,  par 
un  véritable  changement  survenu  dans  la  nature  même 
de  la  matière.  Ces  derniers  s'opposeraient  aux  pre- 
miers ;  on  appellerait  les  premiers  mécanistes,  les  autres 
dynamistes.  C'est  ainsi  par  exemple  que  Ton  parle  cou- 
ramment du  mécanisme  de  Démocrite  et  du  méccmisme 
d'Anaxagore.  Anaxagore  est  partisan  d'un  démiurge,  les 
atomistes  sont  athées.  Mais  la  ditférence  entre  les  méca- 
nistes  et  les  dynamistes  —  dans  la  philosophie  grecque  — 
ne  porte  pas  sur  la  question  de  savoir  s'il  y  a  ou  non  un 
démiurge;  elle  porte  sur  la  question  de  savoir  si  la  matière 
trouve  en  elle-même  le  principe  de  ses  métamorphoses.  Or, 
si  les  atomistes  pensent  que  les  changements  qualitatifs 
de  la  matière  n'existent  que  pour  nos  sens,  qu'ils  se  rédui- 
sent à  des  modifications  dans  les  rapports  de  positions  de 
éléments,  cela  suffit  :  ils  sont  mécanistes.  Et  de  même 
Anaxagore  pourra  faire  intervenir  l'action  de  l'Esprit  pour 
expliquer  ces  changements  de  situation.  Du  moment  où  il 
ramènera  le  changement  au  déplacement,  le  nom  de 
mécanisme  conviendra  à  sa  doctrine. 

Tant  qu'il  ne  s'agit  que  de  philosophie  ancienne,  et  encore 
de  première  philosophie  grecque,  dynamisme  est  syno- 
nyme àliyUnoïsme  (V.  ce  mot)  et  par  conséquent  s'oppose 
au  mécanisme.  Quand  il  s'agit  de  philosophie  moderne,  il 
n'y  a  plus  opposition,  mais  superposition.  Depuis  Descartes, 
il  est  impossible  de  nier  l'origine,  on  oserait  presque  dire, 
l'essence  mécanique  des  modes  de  la  matière.  Mais  tandis 
([ue  certains  philosophes  anciens  ont  tenté  de  réduire  au 
mouvement  les  qualités  dites  secondes  de  la  matière 
(lumière,  chaleur,  etc.),  les  modernes,  et  au  premier 
rang  Leibniz,  sont  allés  au  delà.  Le  mouvement,  peut-on 
le  dire,  est  un  déplacement  dans  l'espace  ;  or,  qu'est-ce 
que  l'espace  ?  Les  anciens  croyaient  à  sa  réalité.  Depuis 
Kant,  cette  réalité  est  plus  que  compromise.  Il  va  de  soi, 
dès  lors,  que,  si  l'espace  descend  à  la  condition  d'apparence, 
pareil  sort  est  inévitablement  réservé  au  mouvement.  Tou- 
tefois, si  le  mouvement  perd  la  réalité  objective  dont  il  ne 
paraît  pas  que  chez  les  Grecs  on  ait  jamais  songé  à  le 
dépouiller,  il  n'en  reste  pas  moins  que  le  mouvement 
a  l'air  d'être,  qu'il  nous  apparaît  et  qu'on  n'a  pas  tout  dit 
en  concédant  —  ce  dont  le  contraire  est  à  jamais  impos- 
sible —  qu'il  est  objet  d'apparence  universelle.  Comment 
expliquer  cette  apparence  ?  Ou  l'on  renoncera  à  en  rendre 
compte,  ou,  ce  nous  semble,  il  faudra,  bon  gré  mal  gré, 
recourir  aux  notions  à'effort  et  de  force.  On  ne  dira  plus 
que  le  mécanisme  est  faux,  mais  on  le  réduira  à  ne  repré- 
senter que  la  phénoménalité  des  choses  ;  on  continuera  d'ac 
cepter  les  explications  mécaniques  ;  mais,  si  l'on  persiste  à 
douter  de  la  réalité  de  l'espace,  on  cherchera  les  explica- 
tions de  ces  exphcations  et  beaucoup  iront  les  demander 
au  dynamisme.  Aussi  n'opposera-t-on  peut-être  pas  l'esprit 
leibnitien  à  l'esprit  cartésien;  mais,  de  ce  point  de  vue, 
on  sera  conduit  à  penser  que  Leibniz,  loin  de  contredire 
Descartes,  le  complète. 

En  somme,  l'histoire  du  dynanisme  se  confond  avec 
l'histoire  de  l'élaboration  du  concept  de  force,  concept  dont 
l'action  latente  a  précédé  la  distinction  consciente,  et  cela 
depuis  bien  des  siècles.  Ce  sera  l'éternel  honneur  de  la  phi- 
losophie stoïcienne  d'avoir  compris  le  rôle  de  la  tension,  du 
Tovoç,  et  d'avoir  cherché  à  tout  expliquer  par  l'action  de  ce 
Tovoç  dont  la  fonction  est  de  maintenir,  tantôt  concentrés, 
tantôt  relâchés,  les  éléments  des  choses.  Notons  à  ce  propos 
que  le  xovo;  n'est  pas  le  dieu  des  stoïciens,  mais  qu'il  est 
l'attribut  principal  de  ce  dieu  immanent  aux  choses  ; 
notons  enfin,  et  ceci  importe,  que  ce  tovo;  produit  tantôt 
des  rapprochements,  tantôt  des  dilatations.  C'est  assez  dire 
qu'il  agit  mécaniquement.  Il  doit  donc  se  trouver  déjà  dans 
l'antiquité  une  philosophie  dynamiste,  oîi  le  dynanisme, 
loin  de  s'opposer  à  son  contraire  apparent,  s'y  superpose, 
je  me  trompe,  s'y  juxtapose  ;  car  c'est  bien  de  juxtaposi- 
tion qu'il  faut  ici  parler.  Le  mécanisme  n'est  pas  —  ce 
qu'il  sera  chez  les  philosophes  modernes  —  une  apparence 
dont  le  dynamisme  est  la  réalité,  mais  le  moyen  à  l'aide 


duquel  le  principe  dynamique  inhérent  à  l'essence  de  l'uni- 
vers, se  manifeste. 

On  a  dit  avec  raison  du  stoïcisme  que  c'était  un  pan- 
théisme ;  on  l'appellerait  aujourd'hui  un  monisme  et  avec 
une  égale  raison.  La  doctrine  contemporaine  d'Herbert 
Spencer,  puissante  restauration  du  stoïcisme  et  par  là 
même  dep'héraclitéisme  ancien,  est  aussi  un  monisme  dyna- 
miste: la  force  Q^i  l'un  des  noms  que  Spencer  donne  à  son 
Inconnaissable.  Le  dynamisme  s'accommode  donc  aussi  bien 
du  monisme  que  du  monadisme  ;  c'est  qu'en  effet  le  dyna- 
misme ne  préjuge  rien  quant  à  l'unité  ou  à  la  muUiplicité 
des  principes  d'énergie  de  l'univers.  Pour  être  dynamiste, 
il  suffit  d'attribuer  le  mouvement  à  l'action  d'une  ou  de 
plusieurs  sources  d'énergie  immanentes  aux  choses  qui  se 
meuvent;  par  où  l'on  voit,  ce  qu'atteste  d'ailleurs  l'histoire 
des  doctrines,  que  l'épithête  de  dynamiste,  si  elle  peut 
caractériser  un  système,  ne  suffit  pas  à  le  définir.  Et 
il  en  est  ainsi  de  l'épithête  mécaniste.  Car  si  le  méca- 
nisme s'allie  au  matérialisme,  il  s'allie  également  bien  au 
théisme.  Tous  les  philosophes  dynamistes  sont  exclus  par 
Lan^e  de  la  galerie  des  matérialistes  dont  il  nous  fait 
l'histoire.  En  revanche,  le  pur  matérialiste  exclut  le  dyna- 
nisme et  l'alliance  du  dvnanisme  avec  le  théisme  est  aussi 
rare  que  fragile  :  —  le  dieu  de  Leibniz  a  été  jugé  par  maint 
historien,  un  dieu  dont  la  réalité  complique  inutilement  le 
système—.  Mais  cette  alliance  n'est  pas  impossible  :  on  peut 
être  dynamiste  en  cosmogonie  et  théiste  en  morale,  ainsi 
que  Gœthe  se  vantait  de  l'être,  et  cela  sans  se  contredire, 
puisque,  s'il  niait  et  affirmait  en  même  temps,  il  n'affirmait 
ni  ne  niait  au  même  point  de  vue.  Pour  les  raisons  qui  vien- 
nent d'être  données,  il  paraît  impossible  de  faire  une  his- 
toire des  théories  dynamistes,  non  plus  d'ailleurs  que  des 
théories  mécanistes  en  tant  que  telles,  j'entends  une  his- 
toire qui  ne  soit  point  rhapsodique.  Nous  n'avons  donc  pas 
d'ouvrage  spécial  à  signaler  sur  la  matière,  si  ce  n'est  à 
titre  d'éclaircissements,  une  histoire  inachevée,  œuvre  pos- 
thume de  Fernand  Papillon  :  De  la  Philosophie  moderne 
dans  ses  rapports  avec  le  développement  des  Sciences 
de  la  Nature  (Paris,  1875,  in-8)  (V.  Mécanisme). 

Lionel  Dauriac. 
DYNAMITE.  I.  Chimie.  —  On  donne  le  nom  de  dyna- 
mite à  des  mélanges  de  nitroglycérine  avec  certaines  sub- 
stances poreuses  capables  de  l'absorber.  En  1866,  une  série 
d'accidents  survenus  par  suite  d'explosions  de  nitroglycérine 
à  Stockholm,  Hambourg,  Aspinwall,  San  Francisco,  avaient 
vivement  ému  le  public  et  allaient  faire  renoncer  à  l'emploi 
de  cette  dangereuse  substance,  quand  M.  Nobel  eut  l'idée, 
pour  en  atténuer  la  sensibilité,  de  recourir  à  un  artifice  bien 
connu  dans  le  cas  de  la  poudre  ordinaire  et  qui  consiste  à 
mélanger  l'explosif  avec  une  certaine  quantité  de  substance 
inerte.  H  additionna  d'abord  la  nitroglycérine  d'alcool  mé- 
thylique,  puis  cet  expédient  n'étant  pas  suffisant,  il  la  mêla 
avec  de  la  silice  amorphe  et  donna  au  mélange  le  nom  de 
dvnamite.  Il  reconnut  bientôt,  —  et  ce  fut  là  le  point  ori- 
ginal de  sa  découverte,  —  que  la  sensibilité  au  choc  de 
l'explosif  est  extrêmement  diminuée  et  que  la  détonation 
exige  l'emploi  d'amorces  spéciales  au  fulminate  de  mer- 
cure (V.   Détonateur)   et  acquiert  dans  ces  conditions 
une  violence  extrême.  Depuis  on  a  étendu  le  nom  de  dyna- 
mite à  un  certain  nombre  de  mélanges  à  base  de  nitrogly- 
cérine. Leur  caractère  commun  est  de  ne  détoner  m  par 
inflammation,  ni  par  choc  faible,  ni  par  friction  modérée, 
et  d'exiger  l'emploi  de  détonateurs.   Les  dynamites  sont 
définies  par  leur  dosage  en  nitroglycérine  et  l'indication 
de  la  matière  absorbante.  On  nomme  dynamite  à  50,  60, 
70  «/o  des  mélanges  contenant  50,  60,  70  parties  en  poids 
de  nitroglycérine  pour  100  de  dynamite. 

On  partage  les  dynamites  en  deux  grandes  classes  : 
1«  les  dynamites  à  base  inerte  dans  lesquelles  la  nitro- 
glycérine est  associée  avec  la  silice,  l'alumine,  le  carbonate 
de  magnésie,  l'alun  calciné,  la  brique  pilée,  le  sable,  etc., 
en  un  mot  avec  des  substances  dont  la  composition 
chimique  n'intervient  pas,  et  qui  n'agissent  que  par  leur 


—  165 


DYNAMITE 


constitution  physique  et  leur  proportion  relative  ;  elles  en- 
travent la  propagation  des  chocs  moléculaires  dont  la  suc- 
cession concordante  donne  naissance  à  l'onde  explosive; 
2°  les  dynamites  à  base  active  dans  lesquelles  la  matière 
associée  à  la  nitroglycérine  peut  se  décomposer  en  produi- 
sant un  dégagement  de  gaz  qui  s'ajoutent  à  ceux  provenant 
de  la  nitroglyf'érine  et  augmentent  les  effets  de  l'explosion. 
Les  dynamites  à  base  active  peuvent  être  divisées  en  trois 
groupes  :  dynamites  à  base  active  simultanée,  résultant 
de  l'association  de  la  nitroglycérine  avec  une  substance 
explosive  (azotate  d'ammoniaque,  chlorate  de  potasse)  qui 
détone  en  même  temps  sans  que  les  éléments  de  l'une  inter- 
viennent chimiquement  dans  la  décomposition  de  l'autre  ; 
dynamites  à  base  combustible  simple,  fondées  sur  cette 
remarque  que  la  détonation  de  la  nitroglycérine  met  en 
liberté  une  petite  dose  d'oxygène  (3,5  ^/o)  surpassant  celle 
qui  est  nécessaire  pour  changer  tout  le  carbone  en  acide 
carbonique  et  tout  l'hydrogène  en  eau  ;  on  ajoute  alors  à 
la  nitroglycérine  une  certaine  masse  d'un  corps  combustible 
(charbon,  sciure  de  bois,  paille,  son,  soufre,  blanc  de  ba- 
leine) destiné  à  utiliser  cet  excès  d'oxygène  ;  dynamites 
à  base  mixte  :  comme  la  dose  d'oxygène  est  trop  faible 
pour  que  la  proportion  correspondante  de  matière  combus- 
tible (1  centième  de  charbon  ou  de  blanc  de  baleine,  ou 
bien  2  centièmes  de  sciure  de  bois,  ou  bien  3,5  centièmes 
de  soufre)  suffise  à  absorber  la  totalité  de  la  nitroglycé- 
rine on  emploie  un  grand  excès  de  substance  complémen- 
taire. Ainsi  la  dynamite  noire  est  un  mélange  de  charbon  et 
de  sable  qui  peut  absorber  45  centièmes  de  nitroglycérine. 

D'ailleurs,  on  peut  encore  préparer  les  dynamites  à  base 
combustible  explosive  en  employant  pour  compléter  la 
combustion  un  composé  explosif  par  lui-même,  qui  ne 
contient  pas  assez  d'oxygène  pour  éprouver  la  combustion 
totale.  Tels  sont  le  coton-poudre,  les  diverses  variétés  de 
cellulose  nitrique,  l'acide  picrique,  etc.  On  peut  rattacher 
ces  dynamites  à  deux  grands  groupes  :  1°  les  dynamites 
a  base  d'azotates  :  dynamite  à  base  de  poudre  noire  ;  dy- 
namite à  base  de  poudre  de  mine  ;  dynamite  à  base  de  sal- 
pêtre et  de  charbon  ;  dynamite  à  base  d'azotate  de  baryte  et 
de  résine,  ou  de  charbon,  avec  ou  sans  addition  de  soufre  ; 
dynamites  formées  de  nitroglycérine,  de  salpêtre  et  de  sciure 
de  bois,  ou  d'amidon  ou  de  cellulose,  etc.;  2«  \q^  dynamites 
a  base  de  pyroxyle;  telles  sont  la  dynamite  de  Trauzl, 
formée  de  nitroglycérine  et  de  coton-poudre  en  pâte  ;  la 
glyoxyline  d'Abel  formée  des  mêmes  substances  avec  ad- 
dition de  salpêtre  ;  les  dynamites  à  base  de  ligneux  nitrifié 
(pâte  de  papier  ou  de  bois)  ;  la  dynamite  gomme  ou  géla- 
tine explosive,  constituée  par  l'association  de  93  à  95  par- 
ties de  nitroglycérine  et  de  5  à  7  parties  de  collodion,etc. 
On  peut  d'ailleurs  associer  les  matières  inertes,  les  matières 
combustibles  simples  et  les  matières  combustibles  explosives 
dans  des  proportions  variées,  ce  qui  constitue  de  nouvelles 
dynamites  à  base  mixte  très  variées,  qui  se  multiplient 
tous  les  jours  et  reçoivent  des  inventeurs  les  noms  les 
plus  pompeux  :  poudre  d'Hercule,  poudre  de  Yulcain, 
poudre  géante,  etc. 

Avant  de  donner  l'examen  détaillé  de  deux  ou  trois  dyna- 
mites que  nous  prendrons  comme  types,  nous  examinerons 
d'abord  quelques-unes  des  propriétés  communes  aux  diverses 
dynamites  :  telles  que  la  sensibilité  au  choc,  la  stabilité  du 
mélange,  l'action  de  la  chaleur,  de  l'humidité,  etc. 

La  dynamite  détone  sous  l'action  des  chocs,  mais  beaucoup 
plus  difficilement  que  la  nitroglycérine  pure,  ce  qui  la  rend 
moins  dangereuse  que  cette  dernière.  C'est  là  une  circonstance 
essentielle,  surtout  dans  les  applications  militaires.  Il  importe 
en  effet  de  mettre  entre  les  mains  des  soldats  une  subs- 
tance qui  ne  détone  pas  sous  l'action  delà  balle.  La  dyna- 
mite ordinaire  ne  remplissant  pas  cette  condition,  on  lui  a 
souvent  préféré  la  poudre-coton  comprimée,  qui  offre  pour- 
tant aussi  certains  dangers  à  ce  point  de  vue.  Pour  remé- 
dier à  ce  péril  on  a  incorporé  des  substances  étrangères  aux 
dynamites  ;  par  exemple,  quelques  centièmes  de  camphre. 
Mais  l'efficacité  de    cette  modification  est  douteuse.  Au 


contraire ,  le  mélange  de  nitroglycérine  et  de  collodion 
qui  constitue  la  variété  appelée  dynamite-gomme  paraît 
résoudre  la  difficulté.  En  revanche,  la  matière  détonant  plus 
difficilement  exige  alors  des  capsules  spéciales  et  une  dose 
de  fulminate  trop  considérable.  On  obvie  à  cet  inconvénient 
par  l'emploi  d'une  cartouche  intermédiaire  en  coton-poudre 
comprimé,  amorcée  elle-même  au  fulminate  :  mais  c'est  là 
une  complication  fâcheuse  et  qui  n'assure  même  pas  toujours 
la  détonation  de  la  dynamite-gomme.  L'explosion  de  la 
dynamite  est  produite  par  l'action  d'un  corps  fulminant  ou 
bien  par  celle  de  la  nhroglycérine  ou  d'une  autre  charge 
de  dynamite  détonant  au  contact  ou  dans  le  voisinage.  Pour 
éviter  les  explosions  par  influence,  il  faut  donc  avoir  soin 
de  tenir  soigneusement  les  amorces  éloignées  des  provisions 
de  dynamite  dans  les  magasins  et  dans  les  transports  : 
l'oubli  de  cette  précaution  fondamentale  a  amené  nombre 
d'accidents. 

L'homogénéité  et  la  stabilité  du  mélange  exigent  une  atten- 
tion toute  particulière.  Il  est  nécessaire  en  effet  que  la  nitro- 
glycérine soit  entièrement  absorbée  par  la  substance  qui  lui 
est  associée,  et  que  ce  mélange  se  conserve  uniforme  malgré 
les  secousses  du  transport  ou  les  changements  de  la  tempé- 
rature. Si  la  dynamite  en  effet  laissait  exsuder  la  nitroglycé- 
rine qu'elle  contient,  l'explosion  accidentelle  d'une  goutte  de 
nitroglycérine  amènerait  la  détonation  de  la  masse  entière,  et 
l'on  retomberait  dans  tous  les  inconvénients  de  la  nitroglycé- 
rine. Il  faut  donc  que  la  structure  de  la  matière  absorbante 
ne  permette  pas  la  séparation  de  la  nitroglycérine.  Cette 
condition  entraîne  le  rejet  des  dynamites  à  base  de  sable 
ordinaire,  de  brique  pilée,  de  coke  en  poudre.  Cette  ten- 
dance à  la  séparation  est  encore  accrue  par  une  propriété 
spéciale  de  la  nitroglycérine  :  celle-ci  se  solidifie  à  i'i".  Or, 
en  se  solidifiant  l'explosif  se  sépare  en  partie  de  son  absor- 
bant et  forme  un  système  nouveau  doué  de  propriétés  dif- 
férentes. La  nitroglycérine  solide,  en  effet,  est  moins  sen- 
sible aux  chocs  et  surtout  à  leur  transmission  de  proche  en 
proche.  Aussi  doit-on  recourir  à  des  dispositions  spéciales 
pour  provoquer  l'explosion  à  basse  température;  il  faut 
employer  une  charge  plus  forte  de  fulminate  ou  provoquer 
l'explosion  par  l'intermédiaire  d'une  charge  d'amorce  dége- 
lée. On  est  amené  aussi  à  réchauffer  les  cartouches  pour 
les  liquéfier  et  reconstituer  la  dynamite  primitive  :  opéra- 
tion qui  a  causé  d'innombrables  accidents  dans  les  mines. 
Lorsqu'on  est  obligé  de  faire  dégeler  la  dynamite,  l'opéra- 
tion doit  être  faite  au  bain-marie  ;  on  *peut  aussi  dégeler 
une  cartouche  de  dynamite  en  la  tenant  quelque  temps 
dans  la  poche.  Il  faut  surtout  proscrire  sévèrement  l'emploi 
du  feu  :  c'est  l'inobservation  de  cette  règle  qui  occasionne 
le  plus  grand  nombre  de  catastrophes.  C'est  ainsi  qu'à 
Parme,  en  4878,  un  lieutenant  de  cavalerie  ayant  posé  sur 
un  brasier  un  bidon  contenant  i  kilogr.  de  dynamite,  il  se 
produisit  aussitôt  une  explosion  qui  tua  ou  blessa  quatre- 
vingts  personnes.  D'autï'e  part,  la  congélation  de  la  dyna- 
mite peut  faire  exsuder  en  partie  la  nitroglycérine  :  celle-ci 
est  ensuite  difficilement  absorbée  de  nouveau,  surtout  si 
l'absorbant  n'est  pas  de  bonne  qualité.  C'est  pourquoi  la 
dynamite  qui  a  été  gelée  offre  toujours  certains  dangers  de 
maniement.  On  doit  éviter  de  bourrer  de  la  dynamite  gelée 
avec  un  corps  dur  ou  même  d'y  percer  un  trou  pour  l'amorce. 
La  sensibilité  des  dynamites  à  l'action  des  chocs  dépend 
non  seulement  de  leur  teneur  en  nitroglycérine,  mais  encore 
de  la  nature  de  la  matière  absorbante.  C'est  ainsi  que  des 
dynamites,  au  dosage  de  55  <^/o,  mais  faites  avec  une  subs- 
tance pouvant  absorber  75  %  de  nitroglycérine  sans  la 
laisser  exsuder,  exigent  8  décigr.  de  fulminate  de  mercure 
pour  détoner;  tandis  que  des  dynamites  à  40  %,  mais 
faites  avec  une  substance  ne  pouvant  pas  absorber  plus  de 
45  ^lo  de  nitroglycérine  sans  la  laisser  exsuder,  détonent 
avec  3  décigr.  de  fulminate.  L'explosion  de  la  dynamite 
est  donc  d'autant  plus  facile  que  celle-ci  est  plus  voisine 
de  son  point  de  saturation  en  nitroglycérine. 

Au  reste  la  présence  d'un  excès  de  nitroglycérine  peut 
diminuer  la  puissance  d'une  dynamite  au  lieu  de  l'augmenter, 


DYNAMITE 


—  166  - 


en  raison  de  la  différence  du  mode  de  propagation  de 
l'onde  explosive  dans  le  liquide  et  dans  un  mélange  poreux. 
Ainsi  l'écrasement  d'un  bloc  de  plomb  est  plus  prononcé 
avec  une  dynamite  à  75  centièmes  qu'avec  une  dynamite 
plus  riche  et  même  avec  de  la  nitroglycérine  pure.  Le 
voisinage  du  point  de  saturation  peut  jouer  également  un 
rôle  dans  la  grandeur  des  effets  produits  par  une  charge 
donnée.  Ainsi,  à  l'air  libre,  des  dynamites  qui  à  40  % 
se  trouvaient  très  voisines  de  leur  point  de  saturation 
ont  produit  des  effets  plus  considérables  que  d'autres  à 
o5  o/o,  faits  avec  une  matière  pouvant  absorber  jusqu'à 
75  °/o  de  nitroglycérine;  en  vase  clos,  par  contre,  les 
résultats  dépendent  de  la  teneur  en  nitroglycérme .  Il  y  a 
donc  dans  certains  cas  une  limite  supérieure  qui  dépend 
des  résultats  cherchés.  Il  y  a  de  même  une  limite  infé- 
rieure. Les  additions  de  substance  étrangère  ont  pour  effet 
de  diminuer  la  dose  de  nitroglycérine,  de  ralentir  la  décom- 
position et  de  transformer  fagent  briseur  en  agent  pro- 
pulsiL  Mais  si  le  ralentissement  est  trop  considérable ,  on 
rentre  dans  les  poudres  lentes  et  on  perd  les  avantages  dus 
à  la  présence  de  la  nitroglycérine. 

L'action  de  la  chaleur  sur  la  dynamite  varie  avec  la 
température.  Soumise  à  une  douce  chaleur,  la  dynamite 
n'éprouve  aucun  changement  :  maintenue  pendant  une 
heure  à  100°,  elle  reste  inaltérée.  Si  on  l'échauffé  rapide- 
ment, elle  s'enflamme  vers  220°  comme  la  nitroglycérine.  Au 
contact  d'un  corps  en  combustion  elle  s'enflamme.  Quelques 
dynamites  faites  avec  des  matières  absorbant  très  bien  la 
nitroglycérine  brûlent  de  diverses  manières  suivant  le 
mode  d'inflammation.  Si  on  les  touche  avec  un  corps  en 
ignition,  mais  sans  flamme,  avec  un  charbon  rouge  par 
exemple,  elles  fusent  sans  produire  aucune  flamme  ;  mais 
si  on  approche  un  corps  qui  flambe,  elles  s'allument  et 
brûlent  avec  flamme,  mais  sans  explosion.  Mais  quand  la 
dynamite  est  enfermée  dans  un  vase  hermétique  et  à  parois 
résistantes,  elle  détone  sous  l'influence  de  réchauffement. 
Cet  accident  se  produit  également  si  la  masse  de  dynamite 
est  considérable,  1  kilogr.  par  exemple,  par  suite  de  réchauf- 
fement progressif  des  parties  intérieures  qui  amène  toute 
la  masse  à  Ta  température  de  la  décomposition  explosive.  Du 
reste,  la  dynamite  devient  plus  sensible  aux  chocs  à  mesure 
qu'elle  atteint  une  température  plus  voisine  de  la  décom- 
position. La  lumière  solaire  la  décompose  lentement  comme 
tous  les  composés  nitrés.  Des  courants  électriques,  même 
intenses,  sont  sans'influence,  mais  les  étincelles  électriques 
l'enflamment  sans  la  faire  détoner. 

La  présence  des  acides  entraîne  la  décomposition  de  la 
dynamite  et  peut  en  amener  l'explosion  ;  aussi  la  conser- 
vation n'est-elle  possible  que  si  la  nitroglycérine  utilisée 
a  été  complètement  débarrassée  de  toute  trace  d'acidité. 
Le  contact  du  fer  et  de  l'humidité  altère  à  la  longue  la 
dynamite,  et  une  fois  qu'elle  a  éprouvé  un  commencement 
d'altération  elle  devient  acide  et  susceptible  d'explosions 
spontanées,  surtout  si  elle  est  contenue  dans  des  enve- 
loppes résistantes.  L'eau,  mise  en  contact  avec  la  dynamite, 
s'empare  lentement  de  la  silice  et  déplace  la  nitroglycérine 
qui  se  sépare  et  vient  se  réunir  au  fond  du  vase  sous 
forme  d'un  liquide  huileux  ;  c'est  pour  cette  raison  qu'il 
faut  éviter  de  faire  des  dynamites  avec  des  matières  hygro- 
métriques, parce  que  l'humidité  absorbée  par  les  temps 
humides  pourrait  mettre  en  liberté  quelques  gouttes  de 
nitroglycérine.  Les  dynamites  ordinaires  n'absorbent 
pourtant  que  très  peu  la  vapeur  d'eau  et  sont  peu  sensibles 
à  l'état  hygrométrique  de  l'air.  Les  dynamites  à  sciure  de 
bois  peuvent  être  mouillées,  puis  desséchées  sans  altération 
notable.  La  dynamite  à  base  de  cellulose  peut  être  addi- 
tionnée de  15  à  20  centièmes  d'eau,  ce  qui  la  rend  insen- 
sible au  choc  de  la  balle,  sans  lui  enlever  la  propriété  do 
détoner  par  une  forte  amorce. 

Examen  cVune  dynamite.  Il  convient  d'observer  les 
points  suivants  :  vérifier  que  la  nitroglycérine  n'exsude 
pas  ;  que  la  dynamite  n'est  pas  acide  ;  déterminer  le  dosage 
en  nitroglycérine.    On    s'assure    que    la   nitroglycérine 


n'exsude  pas  par  un  examen  attentif  de  la  dynamite,  en 
la  pressant  légèrement  entre  les  doigts,  et  en  plaçant  une 
petite  portion  entre  deux  feuilles  de  papier  buvard  et  en 
la  soumettant  à  une  légère  pression.  La  plus  faible  exsu- 
dation se  révèle  par  une  tache  huileuse  sur  le  papier.  On 
vérifie  la  neutralité  en  plaçant  la  dynamite  en  contact  avec 
le  papier  de  tournesol  bleu.  La  vérification  est  plus  précise 
si  on  lave  avec  soin  à  l'eau  distillée  une  petite  quantité  de 
la  dynamite  et  si  l'on  fait  bouillir  ensuite  l'eau  de  lavage 
dans  un  petit  ballon  à  long  col,  à  l'orifice  duquel  est  sus- 
pendue une  bande  de  papier  tournesol.  On  constate  ainsi 
le  moindre  commencement  de  décomposition  de  la  dyna- 
mite, car  ce  phénomène  produit  des  acides  nitreux  qui, 
dissous  par  l'eau  distillée  et  mis  en  Hbertépar  l'ébullition, 
viennent  rougir  le  papier  de  tournesol.  On  vérifie  le  dosage 
en  nitroglycérine  de  diverses  manières.  La  plus  simple 
consiste  à  placer  un  poids  déterminé  de  substance  sur  une 
plaque  métalKque  ou  sur  une  plaque  de  verre  et  à  l'en- 
flammer de  manière  à  produire  la  combustion  de  la  nitro- 
glycérine. Du  poids  du  résidu  on  déduit,  par  différence,  le 
poids  de  la  nitroglycérine.  Mais  ce  procédé  n'est  pas  très 
exact,  car  lors  de  la  combustion  il  arrive  souvent  que  de 
petites  portions  sont  projetées.  D'ailleurs,  il  est  inappli- 
cable si  la  matière  absorbante  est  combustible  ou  mélangée 
de  matières  combustibles.  On  peut  aussi  doser  directement 
la  nitroglycérine  en  la  précipitant  par  l'eau  de  la  dissolu- 
tion, en  retirant  la  majeure  partie  de  l'eau  par  décantation 
et  en  la  desséchant  complètement,  puis  en  la  pesant.  Mais 
on  perd  un  peu  de  nitroglycérine  par  décantation,  et  dans 
les  transvasements  du  hquide  huileux  il  en  reste  des 
gouttelettes  adhérentes  aux  vases.  On  peut  encore  mélanger 
avec  de  l'éther,  de  l'alcool  méthylique  ou  de  la  benzine, 
un  poids  déterminé  de  dynamite,  de  manière  à  faire  dis- 
soudre la  nitroglycérine.  Le  mélange  est  ensuite  versé  sur 
un  filtre  séché  et  pesé  et  la  matière  est  arrosée  avec  le 
dissolvant  employé.  On  sèche  le  filtre  puis  on  le  pèse.  On 
retranche  du  poids  obtenu  celui  du  filtre  vide,  ce  qui 
donne  le  poids  de  la  matière  absorbante  et  par  différence 
celui  de  la  nitroglycérine.  Ces  notions  générales  étant 
établies,  nous  allons  décrire  à  titre  d'exemple  trois  dyna- 
mites intéressantes  :  la  dynamite  ordinaire,  la  dynamite  à 
base  d'azotate  d'ammoniaque  et  la  dynamite-gomme. 

Dynamite  proprement  dite.  A  l'origine,  M.  Nobel 
fabriqua  la  dynamite  en  employant  comme  matière  absor- 
bante une  terre  siliceuse,  d'un  brun  rouge,  qu'on  trouve 
à  Oberlohe  en  Hanovre,  où  elle  est  connue  sous  le  nom 
de  Kieselguhr.  L'examen  microscopique  montre  qu'elle 
est  formée  d'une  multitude  de  carapaces  siliceuses  de  dia- 
tomées. Depuis  on  a  trouvé  en  divers  heux  des  silices 
naturelles,  telles  que  la  randanite  d'Auvergne  qui  peuvent 
jouer  le  même  rôle.  On  regarda  d'abord  la  structure  spé- 
ciale et  l'origine  organique  de  ces  variétés  de  silice  comme 
indispensables  à  la  fabrication  de  la  dynamite  ;  mais  il  a 
été  reconnu  que  la  silice  amorphe,  préparée  par  voie 
chimique,  jouit  exactement  des  mêmes  propriétés.  On  dis- 
tingue les  dynamites  d'après  leur  origine  :  dynamites 
Nobel,  dynamites  Iboz,  dynamites  de  la  poudrerie  de 
Vonges,  etc.,  et  d'après  leur  dosage  :  dynamite  \\^  1  à 
75  °/o  de  nitroglycérine  ;  dynamite  n<^  2  à  50  7^  ;  dyna- 
mite n°  3  à  30  7o.  Pour  préparer  la  dynamite  on  com- 
mence par  pulvériser  et  tamiser  la  silice  ;  puis  on  la  des- 
sèche dans  des  fours  pendant  cinq  à  six  heures  ;  on  pèse 
le  mélange  absorbant  dans  une  terrine  en  fer-blanc,  on  y 
ajoute  le  poids  correspondant  de  nitroglycérine  et  l'on 
mélange  grossièrement  avec  une  spatule  en  bois.  Puis  la 
matière  est  étalée  sur  une  table  en  bois  recouverte  de 
plomb  ;  on  la  triture  à  l'aide  d'un  rouleau  en  bois  terminé 
par  des  poignées  et  manœuvré  par  un  ouvrier  dont  les 
mains  sont  protégées  contre  le  contact  de  la  dynamite  par 
une  plaque  de  cuir  ;  cet  ouvrier  relève  à  plusieurs  reprises 
la  matière  en  tas  et  l'étend  à  nouveau  un  certain  nombre 
de  fois  jusqu'à  ce  qu'il  ait  obtenu  un  mélange  parfaitement 
homogène.  On  ajoute  souvent  à  la  matière  quelques  cen- 


—  167  - 


DYNAMITE 


tièmes  de  carbonate  de  chaux,  de  magnésie,  ou  de  bicar- 
bonate de  soude  afin  d'empêcher  le  mélange  de  devenir 
acide,  transformation  qui  précède  sa  décomposition  spon- 
tanée. La  dynamite  est  ensuite  introduite,  s'il  y  a  heu, 
dans  des  cartouches  préparées  à  l'avance  où  on  la  tasse 
avec  des  mandrins  en  bois.  Pour  fermer  les  cartouches  en 
papier  du  commerce,  on  replie  simplement  le  papier  sur 
la  malière  ;  pour  les  cartouches  métalliques  de  guerre,  on 
colle  après  leur  remplissage  une  feuille  de  papier  moyen- 
nement fort  sur  le  pourtour  et  une  rondelle  de  même 
papier  sur  chaque  fond,  en  ayant  soin  de  placer  préala- 
blement sur  le  fond  qui  porte  la  douille  d'amorce  un  ruban 
de  fil  qui  dépasse  et  qui  sert  à  décoiffer  le  canal  d'amorce. 

La  dynamite  ainsi  fabriquée  est  une  substance  grise, 
brune  ou  rougeâtre  (suivant  la  matière  absorbante  em- 
ployée), un  peu  plus  grasse  au  toucher,  formant  une  masse 
pâteuse'.  Sa  densité  absolue  est  un  peu  supérieure  à  4,60, 
sa  densité  relative,  déterminée  par  la  méthode  gravimé- 
trique,  est  1,50  pour  la  dynamite  à  75  centièmes.  Lors  de 
la  fabrication  de  la  dynamite  on  observe  une  contraction 
apparente  des  constituants  ;  c.-à-d.  que  la  nitroglycérine 
occupe  un  volume  moindre  que  l'air  interposé  dans  la  silice. 
La  nitroglycérine  pouvant  se  congeler  à  12»,  la  dynamite 
se  transforme  vers  cette  température  ou  un  peu  au-dessous 
en  une  masse  dure,  en  se  dilatant.  Ses  propriétés  géné- 
rales, en  ce  qui  concerne  l'influence  delà  chaleur,  de  l'hu- 
midité, du  choc,  ont  été  décrites  précédemment.  La  dyna- 
mite ordinaire  fait  explosion  par  le  choc  de  fer  sur  fer  ou 
de  fer  sur  pierre,  mais  non  par  celui  de  bois  sur  bois.  Lors- 
qu'on la  frappe  avec  un  marteau  la  partie  directement 
choquée  détone  seule,  les  portions  ambiantes  étant  direc- 
tement dispersées.  Elle  détone  sous  le  choc  de  la  balle,  k 
50  m.  et  plus  loin  :  inconvénient  très  grave  dans  les  appli- 
cations militaires. 

La  détonation  de  la  dynamite  se  propage  dans  des  tubes 
entièrement  remplis  de  cette  substance  avec  une  vitesse  de 
5,000  m.  par  seconde.  Son  explosion  franche  ne  produit 
pas  de  gaz  nuisibles,  tels  que  ceux  de  la  poudre.  Mais 
lorsqu'elle  brûle  par  inflammation  simple  (ratés  de  déto- 
nation), il  se  produit  du  bioxyde  d'azote,  de  l'oxyde  de 
carbone  et  de  la  vapeur  nitreuse,  qui  sont  délétères.  La 
chaleur  dégagée  par  la  décomposition  brusque  de  la  dyna- 
mite est  la  même  que  la  chaleur  de  combustion  totale  et 
elle  est  proportionnelle  au  poids  de  la  nitroglycérine  con- 
tenue dans  la  dynamite.  Or  la  détonation  de  la  nitroglycé- 
rine est  représentée  par  l'équation  très  simple  : 

C^H^  (Az06H)3  =  30^0^  +  5H0  +  3Az  +  0 
et  la  chaleur  mise  en  jeu  est,  si  Ton  suppose  l'eau  liquide 
356^^15  à  pression  constante,  358c^io  à  volume  constant  ; 
et  si  l'eau  est  gazeuse  331^^4  à  pression  constante,  SSS^^^^^e 
à  volume  constant.  Le  volume  des  gaz  permanents  pour  1 
équivalent  à  la  température    de  t  degrés   est  106  lit. 

U  4,  ^  l'eau    étant  liquide;   1611^^8  (i  +  ^Y 

l'eau  étant  gazeuse.  On  calcule  facilement  au  moyen  de  ces 
nombres  la  chaleur  dégagée  par  une  dynamite,  ainsi  que 
le  volume  des  gaz  produits  dans  l'explosion,  en  tenant 
compte  de  la  silice. 

Les  considérations  suivantes  dues  à  M.  Berthelot  mon- 
trent que  la  théorie  thermochimique  rend  compte  des  avan- 
tages de  la  dynamite.  La  dynamite  est  moins  brisante  que 
la  nitroglycérine  parce  que  la  chaleur  dégagée  se  partage 
entre  les  produits  de  l'explosion  et  la  masse  inerte.  Par 
suite,  la  température  s'élève  moins  ce  qui  diminue  d'autant 
les  pressions  initiales.  Ainsi  la  silice  et  l'alumine  anhydres 
qui  peuvent  êtres  mélangées  avec  la  nitroglycérine  ont  à 
peu  près  la  même  chaleur  spécifique  (0,19)  que  les  pro- 
duits gazeux  de  l'explosion  de  la  nitroglycérine  ;  à  volume 
constant,  à  poids  égaux  et  dans  une  capacité  entièrement 
remplie,  elles  abaisseront  à  moitié  la  température  et  par 
suite  la  pression  initiale.  Pour  un  même  poids  de  nitro- 
glycérine, les  propriétés  brisantes  seront  donc  atténuées 


proportionnellement  au  poids  de  la  matière  inerte  mélan- 
gée, tandis  que  le  travail  maximum  restera  le  même,  étant 
toujours  proportionnel  au  poids  de  la  nitroglycérine.  Les 
mêmes  particularités  s'opposent  à  la  propagation  de  l'in- 
flammation simple  d'une  petite  portion  de  la  masse  dans  les 
parties  voisines  :  celles-ci  en  effet  détonent  seulement 
lorsqu'elles  sont  portées  d'une  manière  brusque  au  voisi-- 
nage  de  200"^.  La  détonation  produite  par  une  amorce  exi- 
gera donc  une  commotion  initiale  plus  forte  pour  se  pro- 
duire. Si  la  déflagration  est  produite  par  le  choc  d'un  corps 
dur  ou  d'une  fusée  fulminante,  les  particules  solides  inter" 
posées  dans  le  liquide  répartissent  la  force  vive  du  choc 
entre  la  matière  inerte  et  la  matière  explosive,  dans  un 
rapport  qui  dépend  de  la  proportion  de  la  matière  inerte, 
La  loi  de  l'explosion  se  trouve  modifiée  par  là,  lapropaga- 
tion  de  Fonde  explosive  est  empêchée  jusqu'à  un  certain 
degré  et  il  en  résulte  une  extrême  variété  dans  les  phéno- 
mènes comme  l'ont  montré  les  expériences  réalisées  par 
MM.  Nobel,  Girard,  Millot,  Vogt  sur  la  nitroglycérine  mé-- 
langée  avec  la  silice,  l'alumine,  l'éthal  ou  le  sucre. 

A  côté  de  la  dynamite  ordinaire  à  base  de  silice,  il  existe 
d'autres  dynamites  se  rattachant  au  mênie  type.  C'est  ainsi 
qu'au  moment  du  siège  de  Paris,  la  silice  faisant  défaut, 
on  la  remplaça  par  diverses  matières  inertes,  telles  que 
l'alumine  ou  la  cendre  de  boghead.  Les  expériences  aux- 
quelles procéda  le  comité  scientifique  de  défense,  présidé 
par  M.  Berthelot,  aux  carrières  d'Amérique  et  au  polygone 
de  Vincennes,  montrèrent  que  cette  dynamite  se  prêtait 
parfaitement  à  tous  les  usages  qu'on  en  attendait  :  bris  de 
rails,  dislocation  de  murs,  éclatement  des  pièces  de  canon. 
Elle  fut  employée  pour  dégager  la  flottille  des  canonnières, 
prise  dans  les  glaces  de  la  Seine  vers  Charenton.  Les 
moyens  ordinaires  avaient  été  reconnus  d'un  emploi  trop 
long  et  trop  coûteux  pour  déblayer  le  lit  de  la  Seine,  en- 
combré sur  une  longueur  de  plus  de  1  kil.  par  des  glaçons 
empilés  et  soudés  depuis  la  surface  jusqu'au  fond  de  la 
rivière,  sur  une  hauteur  de  3  à  4  m.  Mais  le  résultat  fut 
atteint  en  quelques  jours,  avec  une  dépense  minime,  par 
l'emploi  de  dynamite  posée  à  la  surface  des  glaces.  Son 
explosion  disloquait  la  masse  et  disjoignait  les  piles  de 
glaçons  sur  de  grandes  étendues  ;  il  était  facile  de  les  dé- 
blayer ensuite  en  les  faisant  écrouler  dans  le  courant  au 
moyen  de  la  proue  d'un  bateau  à  vapeur,  c'était  là  une 
apphcation  fort  élégante  des  propriétés  de  la  dynamite.  La 
destruction  des  glaces  du  Rhône  à  Lyon  en  1871,  celle  de 
l'embâcle  de  la  Loire  à  Saumur  en  1880,  embâcle  de  9  kil. 
de  long  pressée  en  amont  par  26  kil.  de  glace  de  nouvelle 
formation,  furent  également  effectuées  au  moyen  de  la 
dynamite. 

Dynamite  a  hase  d'azotate  d'ammoniaque.  Cette 
dynamite  mérite  une  mention  spéciale  à  cause  de  sa  grande 
énergie  qui  provient  à  la  fois  de  la  nitroglycérine  et  de 
l'azotate  d'ammoniaque.  Elle  a  été  proposée  à  diverses 
reprises  par  les  inventeurs  avec  des  variantes  plus  ou 
moins  secondaires,  dues  à  l'adjonction  de  corps  combus- 
tibles complémentaires  (charbon,  cellulose),  destinés  à  la 
fois  à  utiliser  l'excès  d'oxygène  fourni  par  la  nitroglycé- 
rine et  l'azotate  d'ammoniaque  et  à  compléter  les  proprié- 
tés absorbantes  de  la  matière.  Mais  cette  dynamite  offre  de 
graves  inconvénients  pratiques,  car  l'azotate  d'ammoniaque 
absorbe  l'eau,  principalement  dans  une  atmosphère  saturée 
d'humidité.  De  plus,  l'eau  en  sépare  immédiatement  la  ni- 
troglycérine. La  théorie  montre  la  puissance  qu'a  cette 
variété  de  dynamite  ;  et  les  essais  pratiques  confirment  les 
résultats  du  calcul  et  conduisent  à  rapprocher  la  dynamite 
à  60  centièmes  et  le  mélange  formé  de  18  p.  de  nitrogly- 
cérine, 75  p.  d'azotate  d'ammoniaque,  3  p.  de  charbon  et 
4  p.  de  paraffine. 

Dynamites  à  base  de  cellulose  azotique,  Trauzl  pro- 
posa en  4868  l'association  de  la  nitroglycérine  au  coton- 
poudre  ;  ce  produit  fut  alors  jugé  d'une  fabrication  trop 
dangereuse.  On  revient  pourtant  aujourd'hui  à  des  dyna- 
mites analogues  (V.  Duâlines).  —  Plus  récemment,  Nobel 


DYNAMITE 


-  468  — 


a  fabriqué  un  composé  d'ordre  différent  en  dissolvant  le 
collodion  dans  la  nitroglycérine  dans  la  proportion  de  93 
parties  de  nitroglycérine  pour  7  de  collodion.  Il  obtint 
ainsi  la  gomme  explosive,  ou  gélatine  explosive,  ou  dyna- 
mite-gomme. C'est  un  composé  gélatineux,  élastique,  trans- 
lucide, jaune  clair,  plus  stable  que  la  dynamite  au  point 
de  vue  physique,  car  il  ne  donne  lieu  à  aucune  exsudation 
même  par  la  pression.  Il  est  inaltérable  par  l'eau,  plus 
puissant  que  la  dynamite  siliceuse  et  comparable  sous  ce 
rapport  à  la  nitroglycérine  elle-même. 

On  peut  rendre^  la  dynamite-gomme  insensible  aux 
actions  mécaniques  qui  déterminent  l'explosion  de  la  dyna- 
mite ordinaire  même  (frottements,  choc  de  balle  à  faible 
distance,  etc.).  Il  suffit  de  l'additionner  d'une  faible  pro- 
portion de  camphre  (de  1  à  4  centièmes).  Sa  puissance 
n'est  guère  affaiblie  par  ce  mélange,  mais  elle  n'entre  en 
action  que  sous  l'influerfûc  de  très  fortes  doses  de  fulminate 
ou  d'amorces  spéciales  à  la  nitrocellulose,  la  nitroglycérine 
et  l'hydrocellulose  azotique,  excitées  elles-mêmes  par  une 
faible  dose  de  fulminate.  On  constate  que  le  choc  initial  néces- 
saire pour  faire  détoner  la  dynamite-gomme  est  environ  six 
fois  celui  qu'exigerait  la  dynamite  ordinaire  :  différence  qui 
tient  sans  doute  à  la  cohésion  de  la  matière.  La  dynamite- 
gomme  est  beaucoup  moins  sensible  que  la  dynamite  pro- 
prement dite  aux  explosions  par  influence.  Ces  circons- 
tances paraissent  très  favorables  à  son  emploi  comme 
explosif  de  guerre.  Mais  la  difficulté  d'une  fabrication 
régulière,  la'nécessité  d'amorces  spéciales,  l'incertitude  qui 
subsiste  malgré  cela  pour  la  faire  détoner  ont  empêché 
son  usage  de  devenir  aussi  général  qu'on  pouvait  le  penser. 

Voici  ses  propriétés  physiques  les  plus  caractéristiques. 
Elle  n'absorbe  pas  l'eau  ;  elle  blanchit  seulement  à  la  sur- 
face par  suite  de  la  dissolution  de  la  nitroglycérine  contenue 
dans  la  couche  superficielle.  Mais  le  collodion  séparé  par 
l'eau  dans  cette  première  couche  étant  insoluble  dans  ce 
dissolvant  forme  une  pellicule  protectrice,  et  l'explosif  de- 
meure inaltéré  après  un  séjour  de  quarante-huit  heures 
sous  l'eau  courante.  La  densité  de  la  dynamite- gomme  est 
égale  à  1,6,  c.-à-d.  très  voisine  de  celle  de  la  nitroglycé- 
rine, comme  il  est  naturel  par  suite  de  sa  structure  homo- 
gène et  non  poreuse.  Elle  brûle  à  l'air  sans  faire  explosion. 
Maintenue  huit  jours  à  70^,  elle  ne  se  décompose  pas  ;  main- 
tenue deux  mois  entre  40«  et  45°,  elle  perd  seulement  un 
peu  de  camphre  et  de  nitroglycérine  ;  chauffée  lentement, 
elle  détone  vers  204<^.  Si  elle  contient  10  centièmes  de 
camphre,  elle  ne  détone  plus,  mais  fuse.  Sa  force  peut  être 
évaluée  d'après  les  méthodes  données  par  M.  Berthelot  pour 
définir  l'énergie  des  matières  explosives.  Soit  une  dynamite- 
gomme  formée  de  91 ,6  p.  de  nitroglycérine  et  8,4  p.  de  col- 
lodion :  proportions  qui  répondent  à  une  combustion  totale. 
Une  telle  dynamite  offre  les  rapports 

Son  poids  équivalent  est  12,630  gr.  La  détonation  produit 
177CW  +  143H-0^  +  81Az^.  La  chaleur  dégagée  par  sa 
détonation  (eau  gazeuse)  est  19,381  cal.,  le  volume  réduit 
de  gaz  est  8,930  lit.  (eau  gazeuse).  La  pression  théorique 
est  à  très  peu  près  la  même  que  celle  de  la  nitroglycérine. 
Il  résulte  de  là  que  la  dynamite-gomme  surpasse  la  dyna- 
mite ordinaire  dans  le  rapport  19  :  14.  Des  essais  pratiques 
faits  par  M.  Hess  sur  la  rupture  de  fortes  pièces  de  bois 
lui  ont  donné  le  rapport  78  :  56  ,  qui  concorde  d'une  manière 
satisfaisante  avec  le  précédent.  Une  matière  analogue  ren- 
fermant de  la  nitroglycérine  entre  dans  la  composition  de 
la  poudre  sans  fumée  allemande. 

Usages,  La  dynamite  est  employée  dans  les  mines,  dans 
le  creusement  des  tunnels,  pour  disloquer  les  roches  dures, 
pour  les  travaux  des  ports  dans  les  terrains  aquifères.  On 
y  a  recours  pour  rompre  les  blocs  de  pierre,  les  masses  de 
fontes,  les  bancs  de  silex,  les  amas  de  glace,  pour  défoncer 
les  sols  destinés  à  la  culture  de  la  vigne,  etc.  —  Elle 
joue  aussi  un  grand  rôle  dans  la  guerre  (torpilles,  mines, 
destruction  de  palissades,  abatis  d'arbres,  de  bâtiments, 
de  ponts  ;  destruction  de  rails,  de  voies  ferrées,  de  ca- 


ilus  loin  des  détails  sur  ces 


nous,    etc.).  On  trouvera 
applications  militaires. 

Parmi  les  grands  travaux  exécutés  à  l'aide  de  la  dynamite, 
nous  citerons  à  titre  d'exemple  la  destruction  du  récif 
d'Hallets-Point  qui  barrait  sur  12,140  m.  une  des  passes 
menant  à  New-York.  Il  fut  percé  de  dix  galeries  de  80  m. 
de  long  réunies  par  huit  autres  galeries  transversales.  On  y 
creusa  5,000  fourneaux  où  l'on  mit  13,600  cartouches 
contenant  13,000  kilogr.  de  dynamite  et  24,000  kilogr.  de 
substances  explosives  diverses.  L'explosion  désagrégea 
48,000  m.  c.  de  roches  qu'on  mit  dix  ans  à  extraire  du 
fond  de  la  mer.  Enfin  on  sait  que  la  dynamite  a  été  parfois 
utilisée  dans  un  but  criminel.  Les  explosions  qui  eurent 
lieu  à  Londres  en  1883,  1884  et  1885  dans  les  principaux 
édifices  publics  et  notamment  à  la  gare  de  Victoria  Station, 
au  palais  du  Parlement,  à  la  Tour  de  Londres,  jetèrent  une 
véritable  terreur  en  Angleterre.  On  les  attribua  aux  fenians 
irlandais. 

La  dynamite  s'emploie  habituellement  en  cartouches 
dont  les  dispositions  varient  suivant  la  nature  de  l'effet 
que  l'on  cherche  à  produire.  La  plupart  du  temps  les  car- 
touches sont  isolées  ou  accolées  sur  l'obstacle  à  détruire  : 
ce  n'est  qu'exceptionnellement  qu'on  en  réunit  une  grande 
quantité  dans  une  caisse  (destruction  d'un  pont  ou  d'un 
gros  ouvrage  en  maçonnerie).  A  moins  que  les  cartouches 
ne  soient  distantes  de  plus  de  30  centim.,  il  suffit  d'en 
amorcer  une  seule  pour  que  toute  la  charge  détone  simul- 
tanément par  influence.  Pour  provoquer  la  détonation  de 
la  cartouche  choisie  on  a  recours  soit  à  des  capsules  ful- 
minantes enflammées  au  moyen  d'une  mèche  de  sûreté,  soit 
à  des  amorces  fulminantes  électriques.  Après  avoir  mis  le 
feu  à  la  mèche  on  se  retire  aussi  loin  que  possible  derrière 
un  arbre  ou  un  obstacle  quelconque.  Dans  le  cas  d'un  raté, 
après  avoir  suivi  sur  une  montre  la  durée  de  combustion 
de  la  mèche,  on  s'approche  avec  précaution  pour  voir  de 
loin  si  la  dynamite  est  enflammée.  Dans  ce  cas,  on  attend 
qu'elle  ait  fini  de  brûler. 

Législation.  —  Fabrication  de  la  dynamite.  Après 
la  guerre  de  1870  on  se  demanda  si  les  lois  réservant  en 
France  à  l'Etat  le  privilège  de  fabriquer  la  poudre  s'appli- 
quaient à  la  dynamite.  La  question  fut  résolue  affirmative- 
ment, et  le  gouvernement,  pour  répondre  aux  demandes  de 
l'industrie  privée,  entreprit  la  fabrication  de  la  dynamite  à 
la  poudrerie  de  Vonges.  Le  7  janv.  1873,  on  soumit  à 
l'Assemblée  un  projet  de  loi  consacrant  le  monopole  de 
l'Etat  et  réglant  les  prix  de  vente  des  dynamites.  Ces  prix 
fixés  provisoirement  par  décret  du  21  déc.  1872  à  11  fr.25 
le  kilogr.  pour  la  dynamite  n«  1 ,  à  7  fr.  50  pour  la  dyna- 
mite n°  2,  à  4  fr.  50  pour  la  dynamite  n^  3  furent  abais- 
sés ensuite  à  9  fr.  50,  6  fr.  50  et  4  fr.  50  (D.  du  31  mai 
1873),  mais  le  14  déc.  1874,  le  gouvernement  retira  le 
projet  de  loi  du  7  janv.  1873  et  soumit  un  nouveau  pro- 
jet d'après  lequel  la  fabrication  et  la  vente  de  la  dynamite 
seraient  cédées  à  un  concessionnaire.  Mais  la  commission 
se  prononça  à  la  fois  contre  le  monopole  de  l'Etat  et  le 
système  de  la  concession,  et  proposa  d'abandonner  à  l'in- 
dustrie privée  la  fabrication  et  la  vente  de  la  dynamite. 
Ce  système  fut  adopté  le  8  mars  1875  par  l'Assemblée. 
La  dynamite  et  les  explosifs  à  base  de  nitroglycérine  peu- 
vent donc  être  fabriqués  dans  les  établissements  privés 
moyennant  un  impôt  de  2  fr.  par  kilogr.  Les  dynamites 
exportées  sont  exemptes  de  cet  impôt .  Aucune  fabrique  ou 
magasin  ne  peut  être  établi  sans  l'autorisation  du  gouver- 
nement. Cette  autorisation  est  aussi  nécessaire  pour  l'im- 
portation des  dynamites  étrangères  qui  sont  assujetties  à 
un  droit  de  2  fr.  50  par  kilogr. 

Il  n'existe  actuellement  en  France  que  deux  fabriques 
privées  de  dvnamite  autorisées  :  l'une  est  celle  de  Paulilles 
(Pyrénées-Orientales),  que  M.  Barbe,  concessionnaire  des 
brevets  Nobel,  avait  obtenu  l'autorisation  d'établir  pendant 
la  guerre  de  1870;  l'autre  est  celle  d'Ablon  (Calvados), 
dirigée  par  M.  Iboz,  qui  employa  le  premier  la  randanite  du 
Puy-de-Dôme  pour  la  confection  de  la  dynamite.  Enfin, 


—  469  — 


DYNAMITE 


l'Etat  fabrique  sa  dynamite  à  la  poudrerie  de  Vonges. 
La  consommation  de  la  dynamite  en  France  a  suivi  pen- 
dant les  premières  années  qui  ont  suivi  la  loi  de  1873  une 
progression  réeulière.  Les  quantités  soumises  à  l'impôt 
étaient  :  enl876,  de  101 ,687  kilogr.  ;  en  1877, de  160,100; 
en  1878,  de  196,^247  ;  en  1879;  de  283,504;  en  1880, 
de  489,963;  en  1881,  de  718,750;  en  1882,  de  879,442. 
A  partir  de  ce  moment,  le  contre-coup  de  la  crise  indus- 
trielle a  amené  un  abaissement  dans  les  ventes  :  elles 
étaient,  en  1883,  de  765,705;  en  1884,  de  643,785;  en 
1888,  de  521,234  kilogr.  L'exportation  des  dynamites 
françaises  était  en  1887  de  360,790  kilogr.  ;  l'importation 
de  83,768  kilogr. 

La  fabrication  de  la  dynamite  a  pris  dans  certains  pays 
étrangers  un  développement  très  supérieur  à  celui  de  la 
France.  C'est  ainsi  qu'en  1882,  les  usines  qui  emploient 
les  procédés  Nobel  avaient  fabriqué  à  elles  seules  en  Alle- 
magne et  en  Autriche,  3,100,000  kilogr.  ;  en  Angleterre, 
1,200,000  kilogr.  ;  en  Espagne  et  en  Portugal,  un  million 
100,000  kilogr.  ;  en  Italie  et  en  Suisse,  600,000  kilogr.  ; 
en  Suède  et  en  Norvège,  400,000  kilogr.  ;  aux  Etats- 
Unis,  4,000,000  de  kilogr.  La  compagnie  Nobel  pos- 
sède les  usines  suivantes  :  en  Suède,  Vinterudken  près  de 
Stockholm,  fondée  en  1865;  en  Norvège,  Christiania  (1866); 
en  Allemagne,  Krummel  près  de  Hambourg  (1865)  et  Sclile- 
buch  près  de  Cologne  (1872)  ;  en  Autriche,  Zamky  près  de 
Prague  (1868)  ;  en  Hongrie,  Presbourg  (1874)  ;  en  Suisse, 
Islet^en,  près  d'Uri  (1872)  ;  en  Italie,  Avigliano  près  de 
Turin  (1872);  en  Espagne,  Galdacano  près  de  Bilbao 
(1873)  ;  en  Portugal,  Trafaria  près  de  Lisbonne  (1873)  ; 
en  Ecosse,  Ardeer  près  de  Glasgow  (1871)  ;  en  France, 
Paulille  près  de  Port-Vendres  (1871);  en  Amérique, 
San  Francisco  et  New- York. 

Conservation  de  la  dynamite.  En  France,  les  dépôts 
particuliers  destinés  à  recevoir  la  dynamite  sont  assimilés 
aux  établissements  dangereux  et  insalubres  de  première, 
deuxième  et  troisième  catégorie,  selon  qu'ils  doivent  rece- 
voir plus  de  50  kilogr.  de  dynamite,  de  5  à  50  kilogr.,  ou 
moins  de  5  kilogr.  La  zone  regardée  comme  dangereuse 
s'étend  à  2  kil.  pour  les  dépôts  delà  première  catégorie,  à 
500  m.  pour  ceux  de  la  seconde,  à  200  m.  pour  ceux  de 
la  troisième.  La  dynamite  ne  peut  circuler  que  renfermée 
dans  des  cartouches  recouvertes  de  papier  parchemin  ou 
d'une  autre  enveloppe  imperméable,  non  amorcées.  On  em- 
balle les  cartouches  dans  des  enveloppes  de  bois,  de  carton 
ou  de  caoutchouc  à  parois  non  résistantes.  On  remplit  les 
vides  avec  du  sable  fin,  de  la  sciure  de  bois,  du  papier 
découpé  ou  des  étoupes.  Le  tout  est  renfermé  dans  un  ba- 
ril en  bois  consolidé  au  moyen  de  cerceaux  ou  chevilles  en 
bois  et  pourvus  de  poignées  non  métalliques.  Aucune  caisse 
ne  doit  peser  plus  de  25  kilogr.  On  doit  écrire  en  carac- 
tères Ksibles  sur  toutes  les  faces  :  Dynamite,  matière  ex- 
plosive. Chaque  cartouche  doit  être  revêtue  d'une  étiquette 
semblable. 

Emmagasinage.  L'emmagasinage  et  la  conservation  de 
la  dynamite  dans  les  places  sont  soumis  aux  précautions 
suivantes.  Les  magasins  à  dynamite  doivent  être  éloignés 
des  habitations,  entourés  d'un  fossé,  d'un  remblai  en  terre. 
On  y  évite  toute  source  constante  de  chaleur  (poêles,  che- 
minées traversant  les  murs).  Dans  les  pays  chauds,  surtout 
hors  d'Europe,  il  y  a  lieu  d'empêcher  la  chaleur  solaire  de 
s'accumuler  dans  les  magasins  en  y  réalisant  une  venti- 
lation active.  On  s'assujettit  pour  Féclairage  artificiel  aux 
mêmes  précautions  que  dans  les  magasins  à  poudre  ordi- 
naires. Les  magasins  doivent  avoir  une  capacité  au  moins 
décuple  de  leur  contenance  en  dynamite  et  présenter  de 
nombreuses  ouvertures.  Chacun  d'eux  doit  être  séparé  en 
deux  compartiments  par  un  mur  plein,  afin  qu'un  accident 
fortuit  ne  se  propage  pas  de  l'un  dans  l'autre.  On  ne  doit 
emmagasiner  que  la  dynamite  en  cartouches  ;  les  caisses 
sont  conservées  ouvertes,  c,-à-d.  les  couvercles  dévissés. 
On  les  place  sur  des  étagères  facilement  accessibles  et  dont 
chaque  rayon  ne  porte  qu'une  rangée  de  caisses.  On  n'exé- 


cute dans  les  magasins  aucune  manipulation  de  dynamite. 
Les  amorces  fulminantes  ne  sont  jamais  logées  dans  le 
même  magasin  que  la  dynamite,  ni  même  trop  près.  Tout 
nouvel  arrivage  de  dynamite  est  vérifié  cartouche  par  car- 
touche. On  s'assure  qu'il  n'y  a  pas  d'exsudation  et  on  place 
dans  chaque  boîte  un  papier  bleu  de  tournesol  légèrement 
humecté.  Si  l'on  constate  ainsi  un  commencement  d'alté- 
ration par  exsudation  ou  par  dégénérescence  acide,  on  trans- 
porte les  caisses  suspectes  dans  un  endroit  écarté  où  on  les 
met  en  observation.  S'il  y  a  lieu,  on  les  détruit  par  le  feu. 
Tous  les  six  mois,  à  la  fin  de  l'hiver  et  à  la  fin  de  l'été,  on  fait 
une  visite  détaillée  des  magasins,  en  examinant  les  boîtes  et 
les  cartouches  comme  s'il  s'agissait  d'un  nouvel  arrivage. 
Transport.  Le  transport  de  la  dynamite  par  chemin  de 
fer  est  soumis  à  certaines  prescriptions.  Les  récipients  doi- 
vent être  disposés  comme  il  a  été  indiqué  plus  haut  et 
doivent  porter  extérieurement  une  estampille  indiquant  le 
nom  du  fabricant  et  la  date  de  l'emballage.  Les  dynamites 
ayant  plus  d'un  an  d'emballage  ne  sont  pas  admises  au 
transport.  Les  récipients  sont  placés  couchés  dans  les  wa- 
gons et  maintenus  de  façon  à  éviter  le  moindre  choc.  Ils 
ne  doivent  jamais  être  recouverts  par  d'autres  coHs,  même 
de  même  matière.  Les  précautions  pour  le  choix  et  la  ma- 
nœuvre des  wagons,  pour  la  surveillance  dans  les  gares,  etc., 
sont  les  mêmes  que  pour  la  poudre  ordinaire.  Les  dyna- 
mites expédiées  par  les  administrations  de  la  guerre  et  de 
la  marine  peuvent  être,  par  exception,  chargées  sur  des 
wagons  plats  quand  elles  sont  contenues  dans  des  voitures 
des  modèles  réglementaires  affectées  au  transport  de  la 
dynamite  pour  des  usages  réglementaires.  Le  transport  sur 
les  rivières,  les  canaux  et  les  routes  est  fait  en  se  confor- 
mant aux  règlements  en  vigueur  pour  les  autres  poudres. 

D.  B. 
II.  Art  militaire.  —  La  dynamite  employée  pour 
les  opérations  militaires  est  à  base  inerte.  Sa  composition 
et  son  mode  d'emploi  sont  définis  par  le  règlement  du 
27  nov.  1880.  Elle  est  formée  de  75  parties  de  nitrogly- 
cérine et  de  25  parties  de  randanite.  Elle  a  Faspect  d'une 
pâte  grisâtre  et  détone  sous  l'action  d'un  choc  violent. 
Bien  qu'elle  agisse  par  simple  application  contre  l'obstacle 
à  détruire,  il  y  a  toujours  avantage  à  la  recouvrir  d'un 
bourrage  :  quelques  pelletées  de  terre,  une  claie,  une  fas- 
cine, un  bout  de  planche  posés  sur  la  charge  augmentent 
considérablement  l'effet  de  l'explosion. 

Pétard  de  cavalerie.  —  Description,  hdi  dynamite  est 
généralement  renfermée  dans  une  enveloppe  prismatique  en 
fer-blanc,  portant  le  nom  de  pétard  et  contenant  une 
charge  de  100  gr.  Sur  chacun  des  fonds  est  soudé  un 
petit  tube  formant  sailhe  à  l'intérieur  et  destiné  à  recevoir 
la  capsule  ;  son  orifice  est  recouvert  par  un  ruban  de  fil.  Le 
tout  est  enveloppé  de  papier.  Il  existe  également  un  pétard 
de  25  gr.  ;  il  est  cyhndrique  et  porte  un  seul  tube.  Dans  ce 
qui  suit,  il  ne  sera  question  que  du  pétard  de  100  gr. 
Amorçage  et  mise  de  feu.  L'amorce  se  compose  d'une 
capsule  renfermant ']  2^50  de  fulminate  de  mercure,  dans 
laquelle  on  engage  Textrémité  d'un  cordeau  Bickford. 
Après  avoir  arraché  le  ruban  de  fil  d'un  des  fonds  du  pé- 
tard, on  introduit  l'amorce  dans  le  petit  tube  et  on  met  le 
feu  à  l'extrémité  libre  du  cordeau  au  moyen  d'un  morceau 
d'amadou.  La  vitesse  de  combustion  du  cordeau  est  d'en- 
viron 1  m.  en  90  secondes.  On  s'éloigne  dès  qu'on  a  en- 
tendu le  sifflement  produit  par  la  combustion.  Au  lieu  du 
cordeau  Bickford,  on  peut  employer  la  fusée  instantanée, 
qui  brûle  avec  une  vitesse  de  100  m.  par  seconde.  Quand 
plusieurs  pétards  sont  réunis  et  se  touchent,  il  suffit  d'en 
amorcer  un  pour  les  faire  détoner  tous. 

Usages.  —  Destruction  des  voies  ferrées.  Lorsqu'on 
veut  mettre  hors  de  service  une  voie  ferrée,  on  peut  bri- 
ser des  rails  ou  des  traverses,  ou  bien  détruire  un  des 
ouvrages  d'art  qui  supportent  la  voie.  —  Pour  la  rupture 
simple  d'un  rail,  placer  deux  pétards  l'un  sur  Fautre  en 
les  appliquant  contre  l'âme  du  rail  et  sur  le  patin.  La 
brèche  produite  est  d'environ  40  centim.  ;  elle  ne  suffit  pas 


DYNAMITE  —  DYNAMOMÈTRE 


170  — 


en  général  pour  provoquer  un  déraillement  ;  aussi  opère- 
t-on  toujours  au  moins  une  rupture  double.  Pour  cela, 
appliquer  deux  charges,  de  deux  pétards  chacune,  à  droite 
et  à  gauche  d'une  traverse,  de  part  et  d'autre  du  rail,  en 
les  amorçant  au  moyen  de  deux  cordeaux  Bickford  de 
même  longueur  pour  avoir  deux  détonations  simultanées. 
On  obtient  ainsi  une  interruption  de  voie  de  1^60  à  1^80. 
Si  l'on  craint  la  non-simultanéité  d'explosion  des  deux 
charges,  les  placer  du  même  côté  du  rail  ;  introduire  dans 
une  des  charges  une  capsule  seule,  dans  l'autre  une  cap- 
sule avec  cordeau  :  la  détonation  de  la  seconde  entraîne, 
par  influence,  celle  de  la  première.  —  On  peut  aussi  bri- 
ser deux  traverses  non  consécutives  ;  pour  cela  placer  sur 
chacune  d'elles,  contrôle  côté  intérieur  du  rail,  une  charge 
de  cinq  pétai^ds.  La  rupture  fournit  une  brèche  de  ^'^Ai). 
—  La  rupture  des  ouvrages  d'art  exige  des  charges  très 
fortes  qui  sont  placées  à  l'extrados  sur  la  clef  de  voûte. 
Ces  charges  varient  suivant  qu'elles  sont  encastrées  ou  non 
dans  la  maçonnerie. 

Destruction  des  murs.  Pour  pratiquer  dans  un  mur 
de  0°"50  d'épaisseur  une  ouverture  de  1°^15,  considérée 
comme  une  bonne  brèche,  disposer  au  pied  du  mur  une 
charge  concentrée,  c.-à-d.  en  paquet,  de  1^800  avec  bour- 
rage'. Si  l'on  se  sert  de  charges  allongées,  c.-à-d.  de  pétards 
fixes  bout  à  bout  avec  de  la  ficelle  le  long  d'une  baguette, 
il  faut  compter  2^300  par  mètre  courant  de  mur  à  détruire. 
Abatage  des  arbres  et  des  poteaux  télégraphiques. 
Entourer  l'arbre  d'un  cordon  de  pétards  attachés  avec 
une  ficelle  et  se  touchant,  ou  bien  pratiquer  un  forage  sui- 
vant un  rayon  de  l'arbre  et  y  introduire  la  charge.  Dans 
les  deux  cas  il  sufiit  d'amorcer  un  seul  des  pétards.  Pour 
un  arbre  de  0^^30  de  diamètre,  le  cordon  doit  comprendre 
dix  pétards,  le  forage  trois. 

Mise  hors  de  service  d'une  bouche  a  feu.  Cinq  pé- 
tards introduits  dans  l'âme  d'une  pièce  de  campagne  la 
mettent  complètement  hors  de  service.  Il  est  bon  de  fermer 
la  bouche  avec  un  tampon  en  argile  ou  quelques  gazons. 
Destruction  des  projectiles  chargés.  Pour  détruire  un 
projectile  chargé  qui  a  été  tiré  et  qui  n'a  pas  éclaté,  pla- 
cer dessus  un  pétard  avec  un  léger  bourrage. 

Transports.  —  L'artillerie  transporte  les  approvision- 
nements de  pétards  qui  sont  nécessaires  pour  son  service 
et  pour  le  ravitaillement  des  troupes  de  cavalerie  ;  celles-ci 
emportent  avec  elles  les  pétards  qui  lui  sont  distribués 
par  les  soins  de  l'artillerie.  Les  pétards  sont  placés  dans 
des  chariots  de  batterie  à  raison  de  dix  caisses  par  chariot, 
soit  1,500  pétards.  Un  chariot  de  batterie  est  attaché  à 
une  des  trois  batteries  à  cheval  qui  accompagnent  chaque 
division  de  cavalerie  indépendante;  deux  chariots  de  bat- 
terie chargés  de  pétards  sont  attachés  à  chaque  parc  de 
corps  d'armée. 

III.  Thérapeutique  (V.  Nitroglycérine). 
BiBL.  :  Chimie.—  Fritsch,  la  Nitroglycérine  et  les  Dyna- 
mites AS12.  —  Manuel  de  pyrotechnie  à  l'usage  de  l'ar- 
tillerie de  marine,  1879.  —  Désortiaux,  Traité  de  la 
poudre,  etc.,  1878.— Roux,  Conférence  faite  à  lExposition 
d'Amsterdam,  1883.  —  Berthelot,  la  Force  des  matières 
explosives,  \è%Z.  . 

DYNAMIUS,  né  à  Arles  en  551,  mort  en  601.  Origi- 
naire d'une  famille  noble,  il  eut  de  bonne  heure  des  fonc- 
tions importantes  ;  on  le  trouve  à  trente  ans  patrice  et 
gouverneur  de  Marseille  et  de  la  Provence  austrasienne 
sous  Childebert  ;  il  profita  de  la  rivalité  de  Childebert  et 
de  Contran,  possesseur  chacun  d'une  moitié  de  Marseille, 
pour  s'y  rendre  presque  indépendant,  gouverner  en  des- 
pote, faisant  par  exemple  élire  successivement  à  l'évêché 
d'Uzès,  malgré  Childebert,  deux  de  ses  candidats,  après  la 
mort  de  saint  Ferréol  en  581,  expulsant  deux  fois  l'évêque 
Théodore  de  Marseille.  Puis  sa  conduite  changea  brus- 
quement ;  il  devint  un  sujet  d'édification,  entra  en  corres- 
pondance avec  le  pape  Grégoire  le  Grand,  lui  demanda  des 
avis  et  des  livres,  se  chargea  de  la  direction  des  patri- 
moines de  Saint-Pierre  en  Provence  de  593  à  597.  Gré- 
goire lui  envoya  en  cadeau  une  croix  avec  de  la  limaille 


des  chaînes  de  saint  Pierre  et  des  morceaux  du  gril 
de  saint  Laurent.  Dynamius  se  réfugia  ensuite  dans  la 
retraite,  composa  des  vies  de  saints  et  mourut  à  cinquante 
ans.  Il  fut  enterré  à  Saint-Hippolyte  de  Marseille  auprès 
de  son  épouse  Euchéria  dont  il  avait  eu  au  moins  deux  fils. 
On  a  l'épitaphe  de  Dynamius  et  d'Euchéria  écrite  par  leur 
petit-fils.  Nous  avons  de  Dynamius  :  la  Vie  de  saint  Marius, 
abbé  de  Bodane  (diocèse  de  Sisteron),  dont  il  ne  reste  qu'un 
abrégé  fait  postérieurement  ;  la  Vie  de  Maxime  de  Riez,  et 
deux  lettres.  Il  avait  en  outre  écrit  des  poésies,  dont  plu- 
sieurs adressées  à  Fortunat  ;  nous  avons  deux  poèmes  que 
lui  adresse  Fortunat.  Ch.  Lécrivain. 

BiBL.  :  Hist.  littér.  de  la  France,  t.  III,  pp.  457-464.  —Du 
Chesne,  Hist.  Franc.,  I,  p.  519.  —  Mig^je,  Patrol.  latin,, 
LXXX,  pp.  26-40. 

DYNAMO  (Mach.)  (V.  Electricité). 
DYNAMOGÉNIE  (V.  Inhibition). 
DYNAMOIVIÈTRE  (Mécan.).  On  donne  le  nom  de  dynamo- 
mètres aux  appareils  qui  permettent  la  mesure  des  forces  au 
moyen  de  l'élasticité  des  corps  solides.  Ils  se  composent 
essentiellement  d'un  ressort  dont  on  note  la  flexion.  L'ins- 
trument est  gradué  préalablement  avec  des  poids  connus. 
Si  la  force  appliquée  produit  la  même  flexion  qu'un  poids 
de  5  kilogr.,  10  kilogr.,  etc.,  on  dit  qu'elle  vaut  5  kilogr., 
40  kilogr.,  etc.  Le" nombre  de  dynamomètres  employés 
par  l'industrie  dans  les  divers  pays  d'Europe  ou  en  Amé- 
rique est  très  considérable.  On  peut  les  rattacher  à  trois 
types  :  dynamomètres  de  traction,  dynamomètres  de 
rotation,  dynamomètres  pour  r évaluation  des  charges. 
I.  Dynamomètres  de  traction.  —  Le  dynamomètre  le  plus 
simple  est  le  peson  du  commerce  (fig.  1).  Il  se  compose  d'un 
ressort  en  forme  de  V  dont  chaque  branche  porte  un  arc 
de  cercle  métallique  qui  lui  est  fixé  et  qui  traverse  l'autre 


Fig.  1.  —  Peson  du 
commerce. 


Fig.  2.—  Dynamo- 
mètre Leroy. 


branche.  L'extrémité  de  l'un  des  arcs  porte  un  crochet 
auquel  on  peut  suspendre  un  poids  ou  appliquer  une  force 
quelconque  ;  l'extrémité  du  second  arc  porte  un  anneau  qui 
sert  à  suspendre  l'instrument.  Sur  ce  second  arc  est  tracée 
une  graduation.  Un  autre  dynamomètre  ulihse  un  ressort  à 
boudin  disposé  dans  un  tube  fermé  à  ses  deux  bouts  (fig.  2). 
Le  ressort  s'appuie  d'une  part  contre  la  base  supérieure  du 
tube,  d'autre  part  contre  un  piston  mobile,  dont  la  tige  est 
graduée  et  se  termine  au  dehors  par  un  anneau  servant  à 
iixer  l'appareil.  A  la  partie  inférieure  du  tube  est  un 
crochet  auquel  on  applique  la  force  à  mesurer.  Celle-ci 


471 


DYNAMOMÈTRE 


tire  la  base  supérieure  du  tube  vers  le  piston  et  fait  sortir 
du  cylindre  une  portion  de  la  tige  d'autant  plus  longue 
que  la  force  est  plus  intense.  Le  dynamomètre  de  Régnier 
(fig.  3)  convient  pour  la  mesure  de  forces  plus  intenses. 
Il  se  compose  d'un  ressort  à  deux  branches  réunies  par 


Fig.  3.  —  Dynamomètre  de  Régnier. 

leurs  extrémités  AB.  Le  milieu  D  de  l'une  des  branches  est 
fixe  ;  c'est  au  miheu  G  de  la  seconde  que  l'on  apphque  la 
force  à  mesurer  sous  forme  de  pression,  en  orientant  la 
ligne  des  miheux  suivant  la  direction  de  la  pression.  Les 
branches  se  rapprochent  et  ce  mouvement  est  rendu  visible 
par  le  déplacement  d'une  aiguille  Om  sur  un  cadran.  Cet 
appareil  peut  s'employer  d'une  autre  manière  si  l'on  a 
affaire  à  des  forces  plus  considérables.  On  fixe  l'une  des 
extrémités  et  on  applique  la  force  à  l'autre  sous  forme  de 
traction.  Le  système  s'aplatit  encore  et  une  pointe  intérieure 
de  l'aiguille  n  mesure  la  force  sur  un  second  arc  concen- 
trique au  premier.  Ce  second  mode  de  mesure  convient 
pour  des  forces  plus  intenses,  telles  que  la  force  muscu- 
laire d'un  cheval. 

Ces  divers  appareils  présentent  tous  un  même  inconvé- 
nient :  la  sensibilité  diminue  dès  que  la  force  devient  con- 
sidérable; le  déplacement  de  l'indicateur  pour  un  même 
accroissement  de  la  force  est  d'autant  plus  faible  que  la 
déformation  du  ressort  est  plus  grande.  Poncelet  a  évité 
ce  défaut  dans  son  dynamomètre.  Celui-ci  est  formé  de 
deux  lames  d'acier  égales  et  parallèles,  articulées  à  leurs 

^ -_, 


Fig.  4.  —  Dynamomètre  de  traction. 

extrémités.  Le  milieu  de  l'une  d'elles  est  fixe;  au  miHeu 
de  l'autre,  on  applique  la  force,  et  la  déformation  se 
lit  sur  une  règle  divisée  devant  laquelle  glisse  un  index 
fixé  à  l'autre  lame.  Quand  les  forces  sont  considérables, 
on  peut  tailler  les  lames  suivant  la  forme  parabolique  : 
on  sait  en  effet  que  cette  forme  jouit  de  la  propriété  de 
donner  à  la  résistance  de  la  lame  à  la  rupture  la  même 
valeur  sur  toute  sa  longueur;  de  plus, la  flexion  est  double 
pour  un  même  effort.  Morin  a  constaté  qu'il  y  a  propor- 
tionnalité entre  la  force  agissante  et  la  flexion  jusqu'à  une 
flexion  égale  au  dixième  de  la  longueur  des  lames. 

On  peut  enregistrer  les  flexions  du  ressort  du  dynamo- 
mètre à  chaque  instant.  Il  suffit  d'adapter  au  ressort  un 
style  appuyant  sur  une  bande  de  papier  qui  se  déroule 


d'un  mouvement  continu.  Un  second  style  trace  sur  le 
papier  une  ligne  qui  correspond  à  un  effort  nul.  L'ordonnée 
de  la  courbe  tracée  par  le  style  mobile  fait  connaître  à 
chaque  instant  l'effort  exercé.  Si  les  indications  du  dyna- 
momètre sont  proportionnelles  aux  forces,  et  le  mou- 
vement du  papier  au  déplacement  du  véhicule,  l'aire  de  la 
courbe  tracée  mesure  le  travail  effectué  :  donnée  capitale 
en  mécanique.  Aussi  le  nom  de  dynamomètres  enregis- 
treurs sous  lequel  ces  instruments  sont  connus  n'indique- 
t-il  pas  d'une  manière  assez  explicite  les  services  qu'ils 
peuvent  rendre.  L'aire  peut  être  évaluée  par  les  procédés 
ordinaires  de  quadrature  ou  par  l'emploi  d'un  planimètre. 
On  peut,  plus  simplement  encore,  comme  l'a  proposé 
Morin,  se  servir  d'un  papier  homogène,  le  découper  suivant 
la  droite  fixe  et  la  courbe  et  peser  la  bande  obtenue.  Le 
poids  est  proportionnel  à  la  surface. 

Comme  exemple  de  dynamomètre  de  traction,  nous  décri- 
rons celui  qui  est  employé  le  plus  souvent  dans  les  expé- 
riences relatives  au  tirage  des  voitures,  des  charrues,  des 
bateaux,  etc.  Il  se  compose  (fig.  4)  de  deux  lames  égales, 
d'environ  68  centim.  de  long,  planes  à  leur  face  interne, 
paraboliques  à  leur  face  externe  et  articulées  à  leurs 
extrémités.  Elles  sont  saisies  en  leur  milieu  par  deux 
griffes  :  l'une  se  fixe  au  véhicule  en  expérience,  l'autre 
porte  un  petit  anneau  auquel  s'accroche  la  volée  ou  la 
corde  sur  laquelle  le  moteur  doit  agir.  Pour  empêcher  les 
lames  d'être  forcées,  on  fixe  à  la  lame  postérieure  deux 
brides  d'arrêt,  l'une  au-dessous,  l'autre  au-dessus  des 
lames  :  celle  de  dessus  est  seule  visible  sur  la  figure  où 
elle  affecte  la  forme  d'une  fourchette  à  deux  branches.  A 
la  griffe  antérieure  est  fixé  un  pinceau,  au-dessous  duquel 
se  déroule  une  bande  de  papier  animée  d'un  mouvement 
proportionnel  à  celui  du  véhicule,  mais  dans  une  direction 
perpendiculaire.  Ce  mouvement  est  emprunté  à  l'une  des 
roues  de  la  voiture  par  un  système  de  poulies,  de  cordes 
sans  fin  et  de  vis  de  renvoi.  Un  second  pinceau  fixé  à 
l'une  des  brides  d'arrêt  trace  sur  le  papier  la  ligne  droite 
qui  sert  de  terme  de  comparaison. 

Dans  la  catégorie  des  dynamomètres  de  traction  se  ran- 
gent encore  les  divers  dynamomètres  employés  sur  les 
lignes  de  chemins  de  fer.  Tel  est  le  wagon  dynamométrique 
des  chemins  de  fer  de  FOuest.  Sous  la  plate-forme  de  ce 
wagon  sont  deux  groupes  de  ressorts,  dont  l'un  s'attache 
au  crochet  d'attelage  du  wagon  et  permet  de  connaître  la 
résistance  du  véhicule  à  la  traction,  et  dont  l'autre  se  relie 
aux  tiges  des  tampons  et  entre  en  jeu  quand  le  wagon,  au 
heu  d'être  tiré,  est  refoulé.  Chacun  de  ces  groupes  de  res- 
sorts est  d'ailleurs  muni  d'un  style  enregistreur  qui  inscrit 
sur  une  bande  de  papier  la  courbe  des  résistances.  Le 
dynamomètre  Dudley,  employé  en  Amérique,  fonctionne 
d'après  un  mécanisme  un  peu  différent.  La  traction  et  la 
poussée  sont  transmises  au  piston  d'un  cylindre  rempli 
d'huile  et  relié  à  un  second  cylindre  dont  le  piston  met  en 
mouvement  le  crayon  enregistreur.  Des  dispositions  méca- 
niques assez  compliquées  permettent  d'enregistrer  diverses 
autres  données,  telles  que  la  quantité  d'eau  empruntée  au 
tender,  le  nombre  de  pelletées  jetées  dans  le  foyer,  les 
distances  parcourues,  les  dénivellations  de  la  voie,  etc.  Les 
dynamomètres  précédents  ne  permettent  de  connaître  que 
la  résistance  des  wagons  remorqués  sans  donner  aucun 
renseignement  sur  celle  de  la  locomotive  et  du  tender,  qui 
peut  être  très  supérieure  à  la  première  dans  les  trains 
rapides,  par  suite  de  la  résistance  de  l'air.  Le  dynamo- 
mètre Desdouits  permet  de  connaître  toutes  ces  résistances 
en  enregistrant  les  secousses  du  départ,  de  l'arrêt,  etc.  Il 
se  compose  d'un  segment  de  cercle  oscillant  dans  une  boîte 
placée  sur  le  plancher  du  wagon.  Il  enregistre  le  démar- 
rage, le  patinage,  l'action  des  freins,  etc. 

IL  Dynamomètres  de  rotation.  —  Les  dynamomètres 
décrits  précédemment  ne  s'appliquent  qu'aux  appareils  qui 
sont  déplacés  (voitures,  charrues,  bateaux,  etc.)  ;  mais, 
dans  les  ateliers,  le  travail  mécanique  est  toujours  trans- 
mis par  des  systèmes  animés  d'un  mouvement  circulaire 


DYNAMOMÈTRE  —  DYNAMOSCOPE 


—  172 


continu.  On  l'évalue  au  moyen  de  dynamomètres  d'un  type 
différent,  dit  de  rotation,  et  qui  permettent  de  mesurer  la 
portion  du  travail  transmise  à  une  machine  par  un  arbre 
moteur  qui  en  dessert  plusieurs  autres.  Ils  se  divisent  en 
dynamomètres  de  transmission  et  dynamomètres  d'ab- 
sorption. 

1°  Les  dynamomètres  de  transmission  se  composent 
essentiellement  d'un  organe  moteur  et  d'un  organe  de  ré- 
sistance, poulie  ou  autre  ;  un  mécanisme  quelconque  trans- 
met la  rotation  de  l'un  à  l'autre.  On  peut  les  subdiviser 
en  deux  groupes:  dynamomètres  a  flexion,  dans  lesquels 
la  poulie  folle  est  reliée  à  la  poulie  fixe  par  des  ressorts 
calés  sur  l'arbre;  la  flexion  des  ressorts,  proportionnelle 
à  la  résistance,  est  transmise  à  une  aiguille  indicatrice  : 
le  type  en  est  le  dynamomètre  Morin  ;  dynamomètres  à 
engrenages,  dans  lesquels  la  roue  motrice  s'engrène  sur 
un  pignon  mobile  :  le  type  en  est  fourni  par  le  dynamo- 
mètre Bourdon. 

Le  dynamomètre  de  Morin  se  compose,  en  principe,  de 
deux  poulies  montées  sur  un  même  arbre.  La  première,  fixe 
sur  l'arbre,  reçoit  par  une  courroie  le  mouvement  de  rotation 
de  l'arbre  moteur  ;  la  seconde  est  folle  sur  l'arbre,  mais  lui 
est  reliée  par  un  couple  de  lames  élastiques,  dirigées,  a  l'état 
de  repos,  parallèlement  au  rayon  moyen  intermédiaire  et  en- 
castrées dans  l'arbre.  L'autre  extrémité  de  chacune  des  lames 
est  engagée  entre  deux  couteaux  d'acier  que  porte  la  poulie  B 
près  de  sa  circonférence.  Cette  poulie  transmet  par  une  cour- 
roie le  mouvement  à  la  machine  dont  on  veut  mesurer  le 
travail  résistant  utile.  Un  crayon  ou  un  pinceau,  placé  au 
milieu  du  système  des  lames  élastiques,  dessine  une  courbe 
sur  une  bande  de  papier  dont  le  mouvement  est  propor- 
tionnel à  celui  de  l'arbre.  L'ordonnée  de  la  courbe,  par 
rapport  à  la  droite  qui  serait  tracée  dans  l'état  naturel  de 
l'appareil,  est  proportionnelle  à  l'effort  développé,  et  l'aire 
est  proportionnelle  au  travail  transmis. 

Le  dynamomètre  Bourdon  se  compose  de  deux  arbres 
parallèles  sur  lesquels  sont  montées  deux  pouHes.  La 
première  reçoit  par  une  courroie  le  mouvement  de  ro- 
tation de  l'arbre  moteur  ;  elle  communique  ce  mouvement 
à  la  seconde  par  l'intermédiaire  d'un  engrenage  sans  frot- 
tement et  transmet  ce  travail,  au  moyen  d'une  cour- 
xoie,  à  la  machine  dont  on  veut  mesurer  le  travail  résistant 
utile.  Les  poulies  et  les  roues  dentées  ont  le  même  dia- 
mètre. L'un  des  arbres  a  la  faculté  de  ghsser  dans  ses 
coussinets  et  vient  buter  contre  le  sommet  d'une  lame 
élastique  boulonnée  à  ses  deux  extrémités  à  un  support 
fixe.  La  flexion  de  la  lame  est  indiquée  par  une  aiguille 
articulée  à  une  pièce  fixée  en  son  miheu.  Le  dynamomètre 
Brown  fournit  un  autre  exemple  de  dynamomètre  à  engre- 
nage. Il  se  compose  d'une  roue  motrice  dentée  qui  engrène 
un  pignon  mobile  de  même  diamètre  ;  celui-ci  entraîne  la 
roue  de  résistance,  qui  enveloppe  les  deux  pignons  au 
moyen  d'une  denture  intérieure.  L'arbre  mobile  du  second 
pignon  est  relié  à  un  fléau  dont  on  charge  de  poids  l'extré- 
mité libre  pour  amener  le  pignon  mobile  à  son  zéro. 

Les  dynamomètres  de  transmission  précédents  (Morin, 
Bourdon,  Brown)  sont  séparés  des  machines  dont  ils  enre- 
gistrent le  travail.  D'autres  dynamomètres,  dits  directs, 
font  partie  intégrante  de  la  machine.  Ils  ne  sont  pas  très 
répandus  dans 'l'industrie.  Le  dynamomètre  de  Taurines 
est  en  usage  dans  la  marine  française.  On  sait  que  dans 
les  navires  à  hélice  l'arbre  des  manivelles  des  machines  à 
vapeur  est  dans  le  prolongement  de  l'arbre  de  l'hélice 
auquel  il  est  Ué  par  un  manchon  ou  par  tout  autre  pro- 
cédé ;  le  dynamomètre  Taurines  se  place  au  point  d'inter- 
ruption des  deux  arbres.  Les  efforts  entre  les  deux  arbres 
sont  tidusmis  par  des  ressorts  dont  l'axe  est  perpendicu- 
laire à  l'axe  de  l'arbre.  Ces  ressorts  travaillent  dans  le 
sen«  de  leur  longueur;  leurs  déformations  sont  propor- 
tiji.noies  aux  efforts  transmis  et  leur  élasticité  se  conserve 
indéfiniment.  Ce  dynamomètre  permet  d'évaluer  des  tra- 
vaux de  plusieurs  milliers  de  chevaux.  Le  pandynamomètre 
11  rn  mesure  l'effort  transmis  par  un  arbre  moteur  par  la 


torsion  qu'il  subit  entre  la  poulie  motrice  et  la  poulie 
résistante. 

2«  Les  dynamomètres  d'absorption  permettent  de 
connaître  le  travail  en  l'absorbant  et  non  pas  en  le  trans- 
mettant. Le  plus  simple  et  le  plus  ancien  est  le  frein  de 
Prony  qui  permet  de  savoir  le  travail  produit  par  un  mo- 
teur et  transmis  par  un  arbre.  Il  sera  décrit,  avec  les  per- 
fectionnements qu'on  y  a  apportés  de  nos  jours,  au  mot 
Frein.  D'autres  dynamomètres  d'absorption  sont  fondés 
sur  l'inertie.  Le  dynamomètre  Fronde  se  compose  de  deux 
turbines  montées  sur  un  même  axe  et  enfermées  dans  une 
enveloppe  dont  l'extérieur  porte  un  levier  et  dont  l'inté- 
rieur est  garni  de  lames  comme  celles  des  turbines.  L'en- 
veloppe est  remplie  d'eau  et  quand  l'appareil  tourne,  la 
projection  de  l'eau  sur  les  parois  tend  à  entraîner  l'enve- 
loppe avec  une  force  mesurée  par  les  poids  que  l'on  place 
à  l'extrémité  du  levier.  Le  dynamomètre  à  courroie  Fronde 
se  compose  d'une  courroie  passant  sur  une  poulie  de  grand 
diamètre,  puis  sur  une  poulie  de  plus  faible  diamètre.  Les 
deux  brins  de  la  courroie  sont  rendus  parallèles  au  moyen 
de  pouUes  mobiles  aux  chapes  desquelles  on  accroche  deux 
poids  qui  maintiennent  ces  pouHes  au  même  niveau  et 
équilibrent  par  suite  la  tension  de  la  courroie.  On  compare 
la  tension  du  brin  moteur  à  celle  du  brin  résistant  et  on 
en  déduit  l'effort  absorbé  par  la  résistance.  Dans  les  dyna- 
momètres à  courroie  Hefner  von  Alteneck,  Elihu  Thomp- 
son, on  ne  mesure  plus  la  différence  de  tension  de  deux 
brins,  mais  leur  différence  de  rigidité. 

III.  Dynamomètres  pour  l'évaluation  des  charges.  — 
Enfin,  il  convient  de  mentionner  un  autre  dynamomètre 
dans  lequel  la  déformation  élastique  des  solides  est  obser- 
vée d'une  manière  toute  différente,  grâce  à  un  procédé 
optique.  Les  dynamomètres  décrits  jusqu'ici  ne  permettent 
pas  la  mesure  des  pressions  qui  s'exercent  entre  deux 
corps  solides  sans  chemin  appréciable  parcouru,  cas  inté- 
ressant pourtant  quand  il  s'agit  d'évaluer  les  résistances 
statiques  mises  en  jeu  par  les  presses,  étaux,  balanciers, 
l'évaluation  des  charges  supportées  par  les  matériaux  de 
construction,  la  déformation  des  métaux,  etc.  Fresnel  a 
démontré  qu'un  corps  solide  transparent  et  homogène,  s'il 
est  tiré  ou  pressé  suivant  une  seule  direction,  acquiert  la 
double  réfraction  et  par  suite  fait  apparaître  des  couleurs 
en  lumière  polarisée.  Wertheim  a  utilisé  cette  action  dans 
son  dynamomètre.  Celui-ci  se  compose  d'une  plaque  de 
verre,  parfaitement  transparente  et  assez  épaisse  pour  pou- 
voir supporter  des  pressions  très  considérables.  Cette  plaque 
est  placée  entre  deux  plateaux  en  fonte  suffisamment  épais. 
Une  plaque  de  porcelaine  blanche,  bien  éclairée,  donne  une 
image  lumineuse,  qui,  après  avoir  passé  par  un  nicol,  tra- 
verse la  plaque  de  verre  et  est  reçue  par  l'œil.  La  couleur 
de  l'image  permet  d'évaluer  l'effet  produit.  La  principale 
difficulté  de  l'expérience,  c'est  d'éviter  que  le  verre  ne 
subisse  une  flexion  transversale  qui  ferait  apparaître  des 
bandes  colorées  et  s'opposerait  à  toute  détermination.  On 
y  arrive  en  donnant  à  la  plaque  une  épaisseur  de  2  à 
3  centim. 

Un  autre  dynamomètre  pour  l'évaluation  des  charges 
a  été  construit  d'après  des  principes  différents  par  le 
D^  Frankel.  On  peut  l'employer  pour  mesurer  la  déforma- 
tion que  le  passage  d'un  train  fait  subir  aux  poutres  <^\\\\ 
pont  métaUique.  On  le  fixe  sur  la  pièce  à  observe-  a 
moyen  de  vis  de  pression  et  il  inscrit  sur  une  bande  de 
papier  mobile  les  variations  d'écartement  des  deux  extré- 
mités de  la  poutre.  Connaissant  la  longueur  dont  une 
bande  de  fer  s'allonge  sous  l'influence  d'une  pression  de 
i  kilogr.,  on  déduit  Immédiatement  de  l'allongement  enre- 
gistré la  charge  subie.  Des  systèmes  de  leviers  convena- 
blement placés  permettent  d'amplifier  les  déformations  qui 
sont  très  petites.  D.  B. 

DYNAMOSCOPE  (Médec).  Le  dynamoscope  est  un  ins- 
trument qui  sert  à  ausculter  certams  bruits  du  corps  qui 
paraissent  dus  à  la  contraction  fibrillaire  des  muscles.  Le 
dynamoscope,  imaginé    par  le  D"^  Collongues,  se  compose 


—  173  — 


DYNAMOSCOPE  -  DYSAULES 


d'une  lige  métallique  de  10  à  15  cent,  de  longueur  dont  l'une 
des  extrémités  amincie  doit  être  introduite  dans  l'oreille  de 
l'observateur,  dont  l'autre  extrémité,  creusée  en  dé,  peut 
recevoir  la  dernière  phalange  de  l'un  des  doigts  du  malade. 
Lorsqu'on  se  sert  de  cet  instrument  sur  un  sujet  normal, 
l'oreille  perçoit  un  bruit  continu,  sorte  de  bourdonnement 
qui  rappelle  le  roulement  d'une  voiture  pesamment  chargée, 
bourdonnement  entremêlé  de  petits  grésillements  on  pé- 
tillements. Tous  ces  bruits  peuvent  bien  se  percevoir  si 
on  introduit  dans  l'oreille  le  doigt  du  sujet  examiné,  mais 
ils  sont  bien  moins  nets  que  lorsqu'on  se  sert  du  dynamo- 
scope.  Ce  qui  prouve  en  tous  cas  qu'il  s'agit  là  d'un  bruit 
qui  provient  bien  réellement  du  doigt  en  observation  et 
non  de  l'observateur,  c'est  que  si  on  écoute,  avec  ou  sans 
l'instrument,  le  doigt  d'un  cadavre,  on  n'entend  ni  bour- 
donnement ni  grésillement.  Les  bruits  perçus  par  le  dyna- 
moscope  varient  suivant  l'état  de  maladie.  D'une  façon 
générale,  on  peut  dire  que  le  bourdonnement  s'accélère 
dans  les  états  fébriles,  diminuant,  au  contraire,  ou  même 
disparaissant  totalement  dans  les  paralysies  complètes. 
D'après  Collongues  qui  a  étudié  les  diverses  variatioas 
d'intensité  et  de  rythme  du  bourdonnement,  lorsque  celui- 
ci  est  simplement  plus  fort  et  plus  rapide,  mais  continu, 
c'est  le  signe  d'un  état  morbide  sans  gravité.  Le  bourdon- 
nement devient-il  tremblotant  ?  c'est  au  contraire  l'indice 
d'une  affection  sérieuse.  Si  le  bourdonnement  est  inter- 
mittent, on  a  lieu  de  craindre  une  maladie  très  grave. 
L'absence  de  bourdonnement  à  l'extrémité  des  doigts  est, 
enfin,  l'indice  d'une  mort  prochaine.  Il  faut  cependant  savoir 
que  le  bourdonnement  cesse  dans  les  paralysies  complètes 
et  qu'il  peut  s'interrompre  momentanément  dans  cer- 
tains états  morbides  tels  que  la  syncope,  l'épilepsie,  l'apo- 
plexie, etc.  On  a  proposé  de  se  servir  du  dynamoscope  pour 
s'assurer  de  la  réalité  de  la  mort,  mais  comme  l'absence 
du  bourdonnement  peut  se  rencontrer  dans  divers  états 
morbides,  comme  ce  signe  n'est  pas  des  plus  faciles  à 
apprécier,  il  est  préférable  de  se  fier  à  des  indices  plus 
certains  (auscultation  des  bruits  cardiaques  en  particulier). 
Le  dynamoscope  peut,  par  contre,  être  utilement  consulté 
pour  la  diagnose  des  paralysies  simulées  :  c'est  là  un  mode 
d'exploration  commode  qui  mériterait  d'être  plus  employé. 

D'^  Alphândéry. 
DYNANT  (V.  Dînant). 

DYNASTES  [Dynastes  Kirby)  (Entom.).  Genre  de 
Coléoptères,  de  la  famille  des  Scarabéides  {Lamallicornes 
de  Latreille),  qui  a  donné  son  nom  au  groupe  des  Dynas- 
tites.  Les  représentants  sont  nettement  caractérisés  autant 
par  l'existence,  derrière  les  hanches  antérieures,  d'une 
saiUie  en  forme  de  cône  allongé  et  très  velue,  que  par  la 
présence,  chez  les  mâles,  d'une  grande  corne  arquée  et  den- 
tée, implantée  sur  le  vertex,  et  d'une  autre  corne  horizontale 
plus  ou  moins  longue,  densément  velue  en  dessous ,  fixée 
sur  le  prothorax,  dont  elle  forme  le  prolongement.  Les  cinq 
espèces  qui  composent  ce  genre  sont  exclusivement  améri- 
caines. La  plus  connue  est  le  T).  Herculesh.,  ou  Scarabée 
Hercule.  Le  mâle  est  remarquable  par  sa  grande  taille  et  sa 
forme  bizarre.  Il  mesure  127  millim.  Ses  deux  cornes,  dont 
celle  du  prothorax  est  très  allongée,  sont  d'un  noir  profond 
comme  le  reste  du  corps,  à  l'exception  des  élytres  qui  sont 
lisses,  d'un  vert  olive  clair  et  ornées  çà  et  là  de  quelques 
petites  taches  noires.  La  femelle,  dépourvue  de  cornes, 
est  d'un  brun  noirâtre  et  uniformément  recouverte,  tant  en 
dessus  qu'en  dessous,  de  poils  bruns  très  courts  mais  très 
serrés.  Ce  remarquable  insecte  est  commun  aux  Antilles  et 
en  Colombie.  On  le  trouve  sur  le  tronc  des  vieux  arbres, 
dans  l'intérieur  desquels  ont  vécu  ses  larves.     Ed.  Lef. 

DYNE.  C'est  l'unité  de  force  adoptée  dans  le  système 
C.  G.  S.  C'est  la  force  qui,  agissant  sur  la  masse  de  1  gr., 
lui  imprime  une  accélération  égale  à  1  centim.  par  seconde. 
DY  NO  MENE  (Malac).  Ce  nom  qui  a  beaucoup  trop 
de  ressemblance  avec  Bijnaynene  (genre  d'Isopodes)  a 
été  donné  par  Latreille  à  des  Crustacés  très  voisins  des 
Dromies,  qui  diffèrent  surtout  de  ce  dernier  ge^îre  parce 


que  la  dernière  paire  de  pattes  seulement  est  relevéejsur 
le  dos.  —  Type  :  1).  hispida,  de  l'île  de  France.  R.  Mz. 

D  Y  NIER  (Edmond  de),  historien  belge,  né  à  Dynter, 
près  de  Bois-le-Duc,  vers  1375,  mort  à  Bruxelles  en  1448.  Il 
devint  secrétaire  d'Antoine  de  Bourgogne,  duc  de  Brabant, 
et,  après  la  mort  de  ce  prince,  il  conserva  la  même  charge 
auprès  de  ses  deux  fils  et  successeurs,  Jean  IV  et  Phihppe 
de  Saint-Pol.  Il  laissa  un  manuscrit  d'intérêt  capital  pour 
l'histoire  de  la  Belgique  au  moyen  âge;  c'est  hClu^onique 
des  ducs  de  Brabant,  De  Dynter  était  avantageusement 
placé  pour  observer  de  près  les  événements  et,  d'autre 
part,  il  avait  accès  aux  archives  de  ducs  et  des  couvents. 
Il  a  intercalé  dans  sa  chronique  la  copie  d'une  grande 
quantité  de  documents  dont  les  originaux  sont  aujourd'hui 
perdus.  Cet  ouvrage  si  précieux  n'a  été  publié  qu'en  1854 
par  les  soins  de  Deram.  E.  H. 

BiBL.  :  FoppENS,  Bibliotheca  belgica;  Malines,  1739, 
2  vol.  in-8.  —  Paquot,  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire 
littéraire  des  Pays-Bas;  Louvain,  1765-1770,3  vol.  in-fol. 
—  Henné  et  Wauters,  Histoire  de  la  ville  de  Bruxelles  ; 
Bruxelles,  1840,  3  vol.  in-8. 

DYO  (Diocum),  Com.  du  dép.  de  Saône-et-Loire,  arr.  de 
Charolles,  cant.  de  La  Clayette,  sur  la  rivière  de  Couche 
ou  de  la  Baize  et  le  ruisseau  de  la  Côte  ;  891  hab.  Car- 
rières. Moulins,  huilerie,  poterie.  Ruines  d'un  château  qui 
fut  le  berceau  de  l'importante  famille  de  Dyo  et  de  Dyo- 
Montperroux.  La  seigneurie,  qui  appartint  longtemps  aux 
de  Damas  d'Anlezy,  était  qualifiée  comté-palatinat  ;  ses 
possesseurs  prenaient  le  titre  de  comtes  palatins  et  coïn- 
tesses  palatines.  L-x. 

DYONYSOS  (V.  Dionysos). 

DYOTT  (William),  général  anglais,  né  en  1761,  mort 
en  1847.  Ami  personnel  de  Guillaume  IV,  il  servit  obscu- 
rément aux  Indes,  en  Egypte,  et  prit  part  à  l'expédition  de 
Walcheren. 

DYRRACHIUM  (V.  Durâzzo). 

DYRSKJŒT  (Peder-Larsen),  paléographe  danois,  né  à 
Aagaard,  paroisse  d'CErum  (Jutland),  le  10  avr.  1630, 
mort  à  Knserœ  (paroisse  de  Jerslev)  le  13  oct.  1707.  Fils 
d'un  paysan  tué  (1644)  à  l'âge  de  quatre-vingt-quatre  ans, 
à  la  tête  d'une  bande  qu'il  conduisait  contre  les  envahis- 
seurs suédois,  il  fut  une  trentaine  d'années  employé  dans 
des  bureaux  où  il  prit  goût  à  la  lecture  des  anciens  docu- 
ments. Aussi,  quoiqu'il  n'eût  pas  plus  fréquenté  les  écoles 
que  son  contemporain,  le  paysan  islandais  Bjœrn  Jénsson 
de  Skardsâ,  recueillit-il  comme  lui  nombre  de  vieux  papiers, 
manuscrits  ou  imprimés,  des  chansons  et  des  documents 
de  toute  sorte.  Les  nobles  et  les  ecclésiastiques  facihtaient 
ses  recherches  et  consultaient  cet  humble  scribe  qui,  après 
son  mariage,  redevint  un  simple  travailleur  des  champs. 
D  légua  ses  grandes  et  précieuses  collections  à  l'évêque 
d'Aalborg,  Bircherod  ;  elles  ont  en  grande  partie  passé  à 
la  bibliotlièque  royale  de  Copenhague  et  aux  archives  pri- 
vées, où  l'on  consulte  encore  avec  fruit  ses  copies  qui 
remplacent  beaucoup  d'originaux  perdus.        Beauvois. 

DYSASTER  (Paléont.).  Genre  d'Oursins  fossiles,  consti- 
tuant avec  quelques  genres  voisins  une  sous-famille  des 
Holasteridœ  (V.  Holaster),  remarquable  par  un  appareil 
apical  très  allongé  et  consolidé  par  des  plaquettes  surnu- 
méraires. Il  en  résulte  que  les  trois  ambulacres  antérieurs 
(Trivium)  sont  très  éloignés  des  deux  postérieurs  (Biviurn). 
Il  n'y  a  pas  de  fascioles.  —  Les  Dysasterinœ  peuvent  être 
considérés  comme  la  forme  primitive  des  Holasteridœ  et 
des  Spatangidœ.  Tous  sont  du  jurassique  et  du  crétacé, 
commençant  dans  le  bajocien  (Jura  moyen)  avec  le  genre 
Collyrites  (Desmoulins).  Nous  citerons  C.  elliptica  de 
l'oolithede  Mamers  (Sarthe).  Dysaster  est  du  jurassique 
supérieur  (D.  granulosus)  et  du  crétacé.  Grasia  est  du 
corallien  de  l'Yonne  et  de  l'Isère,  et  Metaporhinus  est 
très  commun,  surtout  dans  l'étage  tithonique  des  Alpes  et 
le  crétacé  inférieur.  E.  Trt. 

DYSAULES  (Mylh.  gr.).  Père  de  Triptolème,  frère  de 
Celée  ;  d'après  une  légende  de  Phlionte,  il  aurait  été  chassé 


DYSAULES  —  DYSMÉNORRHÉE 


—  174  — * 


d'Eleusis  par  Ion  et  aurait  apporté  aux  Phiiasiens  les  mys- 
tères éleusiniens;  on  montrait  son  tombeau  à  Celeœ. 
DYSCHROWIATOPSIE  (V.  Achromatopsie). 
DYSCRASE  (Discrase,  argent  antimonial)  (Miner.), 
Antimoniure  d'argent,  isomorphe  de  la  chalcosine.  Ortho- 
rhombique.a  :  b  :  crr=0,578  : 1  :  0,672;  mm rr:  11 9° 59^ 
b^l^b^r  =  1320  42^  Formes  principales  :  m,g^,p.  b^jo, 
e^l^.  Clivages  e^  et  p  faciles,  m  imparfaits.  Densité:  9,4  à 
9,82  ;  blanc  d'argent  ou  blanc  d'étain.  Cassure  inégale. 
Ce  minéral  n'a  pas  une  composition  constante,  la  teneur  en 
argent  oscille  de  72  à  84,7  «/q.  Au  chalumeau,  fond  en 
donnant  un  globule  d'argent  et  les  réactions  de  l'anti- 
moine ;  soluble  dans  l'acide  azotique  en  laissant  un  résidu 
d'oxyde  d'antimoine.  Le  dyscrase  se  trouve  à  Wolfbach 
(Baden),  Wittichen  (Souabe),  Andreasberg  (Hartz),  Aile- 
mont  (Isère),  etc.  A.  Lacroix. 

DYSCRASIE  (Méd.).  Dans  l'ancienne  médecine,  compo- 
sition vicieuse  des  humeurs,  caractéristique  d'un  mauvais 
tempérament.  Aujourd'hui  on  n'entend  plus  par  ce  mot 
qu'une  altération  du  sang  et  des  humeurs  en  général  résul- 
tant de  la  maladie,  d'une  dialhèse  (cancéreuse,  scrofuleuse, 
syphihtique,  etc.).  D^L.  Hn. 

DYSENTERIE  (Méd.).  La  dysenterie,  dyssenterie  ou 
colite  ulcéreuse,  est  une  affection  intestinale,  épidémique, 
caractérisée  par  une  diarrhée  liquide  et  sanguinolente  avec 
ténesme,  par  un  état  général  plus  ou  moins  grave  et  une 
grande  tendance  aux  récidives.  La  dysenterie  s'observe  aussi 
souvent  chez  les  enfants  que  chez  les  grandes  personnes. 
Dans  le  jeune  âge,  elle  paraît  frapper  avec  la  même  fré- 
quence les  enfants  de  l'un  ou  l'autre  sexe;  plus  tard,  elle  se 
rencontre  plus  souvent  chez  l'homme,  sans  doute  parce  que 
le  genre  de  vie  de  celui-ci  l'expose  plus  facilement  aux 
atteintes  de  la  maladie.  Parmi  les  causes  qui  paraissent 
favoriser  l'apparition  de  la  dysenterie,  il  faut  noter  les  cha- 
grins, la  crainte,  la  nostalgie,  le  surmenage  intellectuel  ou 
physique,  et  d'une  façon  générale  toutes  les  affections  anté- 
rieures qui  ont  pu  être  une  cause  de  débilitation  pour  l'or- 
ganisme. Les  variations  atmosphériques  brusques,  une  nour- 
riture vicieuse,  l'encombrement  jouent  le  rôle  de  causes 
déterminantes.  On  a  beaucoup  discuté  sur  la  question  de 
savoir  si  la  dysenterie  était  ou  non  contagieuse  ;  en  réalité 
la  question  n'est  pas  encore  complètement  résolue.  La  dysen- 
terie est  endémique  dans  certains  pays  chauds  oti  elle 
règne  constamment;  dans  nos  climats  elle  peut  être  spora- 
dique,  c.-à-d.  ne  frapper  qu'une  personne  ou  quelques 
individus  isolés,  ou  bien  épidémique,  c.-à-d.  atteindre  en 
même  temps  et  dans  le  même  lieu  un  grand  nombre  de  per- 
sonnes. La  dysenterie  débute  ordinairement  d'une  façon 
brusque,  excepté  dans  les  cas  très  intenses  où  elle  est  pré- 
cédée d'une  courte  période  de  malaise.  Le  sujet  sent  de 
vives  douleurs  dans  le  flanc  gauche,  douleurs  qu'exaspère 
la  pression  et  qui  s'irradient  parfois  dans  tout  l'abdomen  ; 
il  éprouve  le  besoin  d'aller  du  corps,  et  les  évacuations 
qu'il  produit  péniblement,  à  des  intervalles  de  plus  en  plus 
rapprochés,  s'accompagnent  de  ténesme  rectal  et  quelque- 
fois vésical.  L'état  des  garde-robes,  qui  varie  suivant  la 
période  de  la  maladie,  est  tout  à  fait  caractéristique.  Au 
début,  le  malade  rend  des  matières  glaireuses,  d'une  odeur 
fade,  rappelant  assez  bien  l'aspect  du  frai  de  grenouille;  on 
y  voit  déjà  par,fois  quelques  filets  de  sang.  Plus  tard,  la 
couleur  des  matières  devient  rougeâtre,  et  le  liquide  séro- 
purulent  ou  même  constitué  par  du  sang  pur  qui  les  entoure 
contient  des  pellicules  blanchâtres,  formées  par  des  lam- 
beaux de  la  muqueuse  intestinale.  L'affection  est-elle  plus 
grave  ?  les  matières  sont  encore  plus  sanguinolentes  ;  leur 
apparence  devient  comparable  à  des  fraises  ou  des  fram- 
boises  écrasées;   elles  sont  même  parfois  mêlées  à  des 
cylindres  noirâtres  constitués  par  des  lambeaux  gangrenés 
du  tube  digestif.  Le  nombre  des  évacuations  est  variable. 
Dans  les  dysenteries  légères  le  malade  va  de  dix  à  douze 
fois  du  corps  sans  trop  souffrir;  dans  les  formes  mortelles 
le  besoin  d'évacuer  est  incessant,  et  on  a  vu  certains  sujets 
aller  à  la  garde-robe  jusqu'à  deux  cents  fois  dans  l'espace 


de  quelques  heures.  Les  symptômes  généraux  qui  accom- 
pagnent les  troubles  précédents  sont  en  rapport  avec  Tin- 
tensité  de  la  maladie.  La  dysenterie  est-elle  légère?  il  n'y 
a  pas  de  fièvre;  tout  au  plus  y  a-t-il  une  diminution  légère 
de  l'appétit  avec  une  sensation  de  malaise,  de  faiblesse  plus 
ou  moins  marquée.  S'agit-il  d'une  forme  plus  intense?  la 
fièvre  parait,  la  soif  devient  vive,  la  figure  se  grippe,  le 
malade  a  envie  de  vomir  ou  même  vomit.  Dans  les  cas 
tout  à  fait  graves  la  fièvre  s'élève  ;  la  peau  devient  sèche 
et  terreuse  ;  les  yeux  sont  caves,  les  lèvres  sèches  et  noires  ; 
l'expression  du  visage  est  profondément  altérée,  la  pros- 
tration des  forces  arrive  au  dernier  point.  On  conçoit  que 
la  marche  de  la  maladie  doit  être  singulièrement  influencée 
suivant  que  l'on  a  affaire  à  telle  ou  telle  des  formes  décrites. 
La  dysenterie  de  nos  pays  ne  dure  ordinairement  que 
quelques  jours,  et  la  guérison  est  la  règle  surtout  dans  les 
cas  sporadiques.  Lorsque  l'affection  revêt  la  forme  épidé- 
mique, le  pronostic  est  déjà  plus  sérieux,  les  cas^  de 
mort  n'étant  pas  rares.  Le  sujet  meurt  alors  soit  de  l'in- 
tensité du  mal,  soit  d'un  abcès  du  foie,  soit  d'un  érysipèle 
gangreneux,  soit  encore  d'une  pneumonie  ou  d'une  affec- 
tion tuberculeuse  intercurrente.  Quelquefois  le  malade 
parait  se  remettre;  les  symptômes  généraux  et  locaux 
s'amendent  ;  l'affection  revêt  une  forme  chronique,  mais  la 
terminaison  fatale  ne  s'en  produit  pas  moins  soit  à  la  suite 
d'un  marasme  progressif,  soit  du  fait  d'une  recrudescence 
aiguë.  La  dysenterie  chronique  peut  cependant  guérir,  mais 
alors  sa  durée  est  longue,  et  il  est  habituel  que  le  malade 
s'en  ressente  fort  longtemps.  La  dysenterie  des  pays  chaudâ 
est  la  plus  grave  comme  pronostic.  Les  cas  de  mort  sont  ici 
fréquents  soit  à  la  suite  de  la  forme  aiguë,  soit  à  la  suite 
de  la  forme  chronique  ;  elle  frappe  cruellement  les  Euro- 
péens qui  viennent  s'établir  dans  les  pays  chauds. 

C'est  une  maladie  contre  laquelle  on  peut  se  prémunir 
jusqu'à  un  certain  point  en  observant  une  hygiène  sévère 
dans  les  pays  où  cette  affection  est  endémique,  ainsi  que 
dans  les  moments  où  elle  règne  d'une  façon  épidémique. 
C'est  ainsi  par  exemple  que  l'on  doit  éviter  toute  cause  de 
débilitation,  quelle  qu'elle  soit,  s'abstenir  soigneusement  de 
toute  eau  impure  non  bouillie,  se  prémunir  contre  les  varia- 
tions de  température,  et  traiter  sévèrement  dès  le  début 
tout  dérangement  intestinal.  Lorsque  la  dysenterie  est  décla- 
rée, les  purgatifs  salins,  les  lavements  d'amidon  laudanisés, 
les  applications  émoflientes  sur  le  ventre,  la  diète,  le  repos 
suffisent  dans  les  cas  légers.  Dans  les  formes  plus  graves 
on  emploie  avec  avantage  les  purgatifs,  les  astringents,  les 
opiacés,  et  surtout  l'ipéca  qui  justifie  pleinement  son  nom 
de  racine  antidysentérique.  L'association^  de  l'ipéca  aux 
opiacés  est  particulièrement  avantageuse  :  l'opium  fait  en 
effet  mieux  supporter  l'ipéca,  et  il  ajoute  son  action  propre 
à  celle  de  ce  médicament.  Dans  les  formes  chroniques,  les 
lavements  astringents  ou  cathérétiques  ont  surtout  leur 
indication,  mais  sans  détriment  du  traitement  précédent. 
Dans  tous  les  cas,  le  malade  doit  soutenir  ses  forces  par 
des  toniques  et  une  alimentation  réparatrice  dont  le  lait  et 
la  viande  crue  constituent  la  base.  Pendant  la  convalescence, 
il  est  bon  de  surveiller  attentivement  le  régime  du  malade 
qui  doit  suivre  une  hygiène  rigoureuse  pour  éviter  toute 
récidive.  ^^  Alphandéry. 

DYSMÉNORRHÉE  (Méd.).  La  dysménorrhée  est  un  état 
pathologique  caractérisé  par  l'écoulement  difficile  et  doulou- 
reux du  sang  menstruel.  Cette  affection  peut  résulter  de 
diverses  causes  qui  ont  permis  de  grouper  les  diverses  dys- 
ménorrhées en  quatre  groupes  principaux.  La  première,^  la 
dysménorrhée  mécanique  ou  chirurgicale,  résulte  d'un 
obstacle  au  cours  du  sang;  elle  provient  d'un  rétrécissement 
de  la  vulve,  du  vagin,  de  Vutérus  ou  des  trompes  de  Fal- 
lope,  que  la  sténose  soit  produite  par  une  tumeur,  une 
rétraction  cicatricielle,  ou  bien  une  disposition  congénitale. 
La  dysménorrhée  nerveuse  s'observe  surtout  chez  les  jeunes 
filles  chloro-anémiques  ;  elle  se  rencontre  particulièrement 
chez  les  hystériques;  elle  est  ordinairement  sinon  guérie, 
du  moins  notablement  améliorée  par  le  mariage.  La  dys- 


—  175 


DYSMÉNORRHÉE  —  DYSPEPSIE 


ménorrhée  congestive  est  due  à  l'exagération  de  l'afflux 
sanguin  vers  les  parties  profondes  de  l'appareil  génital.  On 
la  remarque  surtout  chez  les  sujets  robustes,  bien  qu'elle 
puisse  se  produire  cependant  chez  des  femmes  d'une  appa- 
rence grêle  à  la  suite  d'abus  de  coït  ou  comme  phénomène 
concomitant  d'une  aifection  utérine.  La  dysménorrhée  mem- 
braneuse garde  une  physionomie  un  peu  à  part  à  côté  des 
trois  premiers  groupes.  Elle  mérite  d'être  détachée  des  pré- 
cédentes formes  ;  aussi  sera-t-elle  étudiée  plus  loin  après 
celles-ci.  Les  symptômes  qui  se  produisent  dans  la  dysmé- 
norrhée sont  à  peu  de  chose  près  les  mêmes,  quel  que  soit 
le  point  de  départ  de  l'affection.  Un  peu  avant  le  moment 
où  les  règles  vont  apparaître,  la  femme  éprouve  d'abord 
une  sensation  de  malaise,  de  pesanteur  plus  ou  moins  accen- 
tuée du  côté  du  rein  et  du  bas-ventre.  Ces  symptômes  vont 
ensuite  en  s'aggravant  :  le  ventre  devient  dur,  tendu,  dou- 
loureux; des  tiraillements  douloureux  se  produisent  du 
côté  des  reins.  L'utérus  devient  le  siège  de  coliques  très 
pénibles.  Les  urines  sont  émises  plus  fréquemment,  quoique 
plus  rares  et  plus  foncées.  Il  y  a  en  outre,  suivant  les  sujets, 
diarrhée  ou  constipation  avec  besoins  fréquents  d'aller  à  h 
selle.  En  même  temps  que  ces  troubles  locaux  ou  de  voi- 
sinage s'observent  des  symptômes  généraux  dont  l'inten- 
sité est  susceptible  de  présenter  les  plus  grandes  variations. 
Le  plus  souvent  la  malade  devient  triste,  irritable,  riant 
ou  pleurant  pour  les  causes  les  plus  futiles  ;  parfois  elle  est 
atteinte  de  véritables  crises  de  nerfs.  Du  côté  du  tube 
digestif,  on  observe  une  diminution  de  l'appétit  coïncidant 
avec  un  état  saburral  plus  ou  moins  marqué.  On  a  vu  qu'il 
y  avait  ordinairement  soit  diarrhée,  soit  constipation;  il 
peut  y  avoir  également  envies  de  vomir  ou  même  vomisse- 
ments dans  les  formes  les  plus  intenses.  Ces  phénomènes 
s'amendent  généralement  dès  que  les  règles  apparaissent, 
surtout  dans  les  formes  congestive  et  nerveuse.  Dans  la 
dysménorrhée  chirurgicale,  le  sang  ne  peut  que  s'écouler 
péniblement  à  cause  de  l'obstacle  mécanique  ;  aussi  les  phé- 
nomènes douloureux  persistent-ils  durant  quelques  jours. 
Les  règles  terminées,  phénomènes  locaux  comme  phéno- 
mènes généraux  disparaissent,  et  la  santé  est  habituelle- 
ment bonne  dans  l'intervalle  des  crises.  —  La  dysménorrhée 
membraneuse  est  caractérisée  par  l'expulsion  d'une  partie 
ou  de  la  totalité  de  la  muqueuse  de  l'utérus.  Il  se  produit 
dans  ce  cas,  par  suite  d'un  état  morbide,  un  fait  identique 
à  celui  qui  s'accomplit  dans  l'accouchement  où  cette  mu- 
queuse sort  avec  le  fœtus.  L'état  sous  lequel  se  présente  la 
muqueuse  dans  la  dysménorrhée  est  variable.  Exception- 
nellement elle  sort  en  entier  sous  l'apparence  d'un  petit  sac 
triangulaire  présentant  à  chacun  de  ses  angles  un  orifice  ; 
plus  fréquemment  elle  s'échappe  au  contraire  par  lambeaux 
plus  ou  moins  étendus  ;  dans  les  deux  cas  son  apparence 
est  elle-même  sujette  à  varier  suivant  que  la  muqueuse  a 
été  expulsée  de  l'utérus  sitôt  après  son  décollement  ou 
qu'elle  y  est  restée  un  certain  temps.  Les  symptômes  de  la 
dysménorrhée  membraneuse  sont  à  peu  près  les  mômes 
que  dans  les  autres  dysménorrhées  ;  seulement,  comme  cette 
affection  est  presque  toujours  accompagnée  d'autres  altéra- 
tions de  l'utérus,  les  symptômes  qui  résultent  des  diverses 
lésions  viennent  ajouter  leur  nuance  propre  au  tableau  chi- 
mique. Le  traitement  de  la  dysménorrhée  dépend  de  la  cause 
qui  la  détermine.  Dans  la  dysménorrhée  mécanique,  on 
pratique  la  dilatation  s'il  s'agit  d'un  rétrécissement  d'une 
des  parties  du  canal  génital,  l'excision  si  l'obstacle  à  l'écoule- 
ment menstruel  est  une  tumeur.  Contre  la  dysménorrhée 
nerveuse^  on  a  recours  aux  calmants  et  au  repos  au  moment 
des  règles  ;  dans  l'intervalle  on  prescrit  les  toniques  et  les 
sédatifs.  La  dysménorrhée  congestive  est  combattue  de  la 
même  façon  au  moment  des  règles;  dans  l'intervalle,  on 
emploie  les  saignées  locales,  les  purgatifs  répétés,  les  alca- 
lins, quelquefois  même  les  emménagogues  (particulièrement 
dans  les  congestions  passives).  La  dysménorrhée  membra- 
neuse étant  une  affection  symptomatique,  son  traitement 
est  celui  de  l'affection  déterminante.  D^  Alphandéry. 
DYSMORPHOSA    (Dysmorphosa     Philippi)     (ZooL). 


Dysmorphosa  carnea  Hœck.  et 
Podocoryne  carnea  Sars. 


Genre  d'Anthoméduses  (Hydroïdes)  de  la  famille  des  Mar- 
gellides,  constitué  par  de  très  petites  Méduses,  d'une  colo- 
ration rougeâtre  ou  brunâtre,  généralement  restreinte  aux 
parois  stomacales,  aux  glandes  sexuelles  et  aux  ocelles, 
possédant  des  tentacules  simples,  disposés  en  une  seule 
rangée,  dont  quatre  sont  perradiaux  et  plus  longs  et  quatre 
interradiaux  plus  courts.  La  bouche  est  entourée  de  huit 
appendices  non  ramifiés  ;  l'estomac  est  cylindro-quadran- 
gulaire  et  les  canaux  radiaires  qui  en  partent  sont  étroits. 
Ce  genre  comprend  quatre  espèces.  Le  D.  carnea  (Sars) 
Hseck. ,  type  du  genre, 
se  trouve  sur  les  côtes 
européennes  et  n'est 
autre  que  la  Méduse 
libre  d'un  Polype  hy- 
draire  gymnoblasti- 
que,  le  Podocoryne 
carnea  Sars.  Ce  Po- 
lype, couleur  de  chair , 
de  4  à  6  miUim.  de 
hauteur,  possédant 
ordinairement  douze 
tentacules,  est  fixé 
au  sol  par  une  mince 
membrane  recouverte 
de  petites  pointes 
obtuses.  Cette  sorte  de  racine  membraniforme  porte  un 
nombre  variable  d'individus.  Parmi  ceux-ci,  il  en  est,  dont 
le  rôle  est  de  produire  des  bourgeons  sexuels,  qui  sont 
plus  petits,  ne  mesurent  que  de  2  à  4  millim.  de  haut  et 
ont  seulement  de  deux  à  quatre  tentacules.  Ce  sont  là  les 
nourrices  des  Méduses  blanches  ou  couleur  de  chair,  qui 
se  forment  sur  la  face  libre  de  leur  corps,  au-dessous  des 
tentacules,  et  qui  s'en  séparent  pour  constituer  les  êtres 
décrits  plus  haut.  On  connaît  quatre  espèces  de  Podoco- 
rynes,  nourrices  de  Méduses  de  la  famille  des  Margellides, 
habitant  la  mer  du  Nord,  la  mer  Baltique,  sur  des  coquilles  de 
Gastéropodes,  principalement  sur  celles  de  la  Nassa  reticu- 
lata,  la  mer  Adriatique,  etc.  Le  genre  Lizusa  Hœck.  diffère 
du  précédent  en  ce  que  ses  tentacules  buccaux  sont  disposés 
en  quatre  groupes.  C'est  là,  probablement,  la  Méduse  de 
VEiidendrium  ramosum.  Van  Beneden.     J.  Kunstler. 

DYSODES  (Ornith.).  La  famille  des  Dysodes  que  La- 
treille  [Familles  natur,  du  règne  animal,  4825)  pla- 
çait en  tête  des  Passerigalles,  dans  le  voisinage  des  Hoccos 
et  des  Pigeons  (V.  ces  mots),  ne  renfermait  qu'une  seule 
espèce,  l'Opisthocome  hoazin  (V.  Hoazin)  qui  pour  MM.  Scla- 
ter  et  Salvin  constitue  le  type  d'un  ordre  particulier 
(Opisthocomi).  E.  Oustalet. 

DYSODYLE  (Miner.).  Le  dysodyle  de  Cordier  (houille 
papyracée,  merda  di  Diavolo)  est  un  lignite  schisteux, 
riche  en  matières  terreuses.  Il  est  formé  de  feuillets  minces, 
papy  racés,  se  séparant  facilement  les  uns  des  autres,  et 
renfermant  parfois  des  empreintes  de  poissons  ou  de  plantes. 
Flexible  et  un  peu  élastique.  Densité,  1,14  à  l,2o.  A  l'air 
humide,  le  dysodyle  se  boursoufle  et  tombe  en  morceaux. 
Il  brûle  avec  une  flamme  vive  en  répandant  une  fumée  à 
odeur  désagréable,  rappelant  celle  de  Vasa  fœtida.  Il  laisse 
un  résidu  de  silice,  oxyde  de  fer  et  d'alumine.  Le  dysodyle 
se  trouve  en  Sicile,  aux  environs  de  Giessen  et  dans  divers 
gisements  de  lignite. 

DYSOPES  (Zool.)  (V.  Molosse). 

DYSOXYLUM  (Dysoxylum  Bl.)  (Bot.).  Genre  de 
Méliacées,  qui  ne  forme  plus  aujourd'hui  qu'une  simple 
section  du  genre  Epicharis  BL,  caractérisé  par  le  calice 
imbriqué  et  univalvaire  (V.  Epicharis).  Ed.  Lef. 

DYSPEPSIE  (Méd.),  Le  mot  dyspepsie  (de  Sùç,  diffici- 
lement, et  tA^i^,  digestion)  signifie  digestion  difficile^ 
digestion  lente,  laborieuse,  pénible,  douloureuse.  D'après 
cette  définition,  l'indigestion  la  plus  légère  serait  une  dys- 
pepsie. Mais  il  s'agit  ici  surtout  d'un  état  fréquent,  du- 
rable, le  plus  souvent  chronique,  et  non  d'une  indisposition 
passagère,  accidentelle.  La  dyspepsie  est  caractérisée  par 


DYSPEPSIE 


176  — 


un  ensemble  de  symptômes  qui  peuvent  se  présenter  indé- 
pendamment d'un  état  morbide  bien  caractérisé  avec  lequel 
ils  pourraient  se  trouver  dans  une  relation  pathogénique  ; 
c'est  la  dyspepsie  simple,  la  dyspepsie  idiopathique  des  au- 
teurs. Plus  souvent  le  syndrome  de  la  dyspepsie  est  conco- 
mitant avec  d'autres  affections,  ou  bien  les  suit,  parfois  les 
annonce,  comme  cela  peut  arriver  dans  le  cancer  de  l'esto- 
mac. Ici  la  dyspepsie  est  purement  symptomatique  et  ses 
formes  sont  aussi  variables  que  les  maladies  qu'elle  com- 
plique. 

Pathogénie.  Les  classifications  des  variétés  de  dyspepsie 
proposées  depuis  Galien  jusqu'à  nos  jours  sont  innombra- 
bles et  se  relient  à  autant  de  théories  pathogéniques  ;  il 
nous  est  impossible  de  donner  ici  môme  un  aperçu  de  ces 
classifications.  Nous  devons  nous  borner  à  rechercher  en 
quoi  consiste  d'une  manière  générale  le  trouble  dyspeptique, 
quelle  en  est  la  nature,  quel  en  est  le  mode  de  production. 
Envisagée  au  point  de  vue  strictement  physiologique,  la 
dyspepsie  se  réduit  à  deux  facteurs,  l'un  mécanique  (mou- 
vements), l'autre  chimique  (sécrétions).  Le  moindre  trouble 
de  l'une  ou  de  l'autre  de  ces  fonctions  détermine  de  la 
dyspepsie.  Si  la  tunique  musculeuse  de  l'estomac,  par 
exemple,  a  perdu  de  sa  contractilité  par  suite  d'une  phleg- 
masie  locale,  d'une  affection  adynamique  ou  cachectique 
générale,  par  parésie,  par  atonie,  etc.,  ou  d'une  distension 
exagérée  due  à  l'introduction  d'un  excès  d'aliments  solides 
ou  liquides,  il  se  produit  une  stagnation  des  aliments  qui 
fermentent  et  ne  peuvent  plus  être  transformés  en  matières 
assimilables  par  les  sécrétions;  cette  variété  se  rapproche 
plus  ou  moins  de  la  dilatation  de  V estomac  (V.  ce  mot)  ; 
si,  au  contraire,  il  y  a  exagération  dans  les  contractions,  la 
dyspepsie  est  caractérisée  par  des  spasmes,  des  contrac- 
tions, des  vomissements;  enfin,  il  peut  y  avoir  perversion 
des  mouvements  péristaltiques  de  l'estomac  :  c'est  alors  la 
rumination  ou  le  mérycUme  (Y.  ce  mot). 

Quoi  qu'il  en  soit,  dans  les  dyspepsies  stomacales,  c'est  le 
chimisme  qui  joue  le  rôle  le  plus  important.  Le  suc  gastrique 
est  naturellement  acide  et  cette  acidité  n'est  pas  due  exclu- 
sivement à  l'acide  chlorhydrique  libre,  comme  on  le  croyait, 
car  l'acidité  totale,  évaluée  par  les  procédés  si  exacts  de 
Hayem,  n'en  dépend  que  pour  une  faible  proportion,  et  même 
dans  les  conditions  les  plus  normales  l'acide  libre  peut  faire 
défaut  ;  c'est  le  chlore  combiné  qui  est  le  facteur  le  plus 
sérieux  de  l'acidité  totale.  Il  n'y  a  donc  pas  lieu  de  con- 
server les  dyspepsies  avec  hyperacidité  ou  hypoacidité 
des  auteurs  allemands,  pas  plus  que  les  hyperchlorhydries 
et  les  anachlorhydries  (Sée,  A.  Robin)  des  auteurs  fran- 
çais, parce  que  toutes  ont  trait  à  l'acide  chlorhydrique  libre, 
ou  du  moins  à  une  acidité  dont  la  nature  n'est  pas  suffi- 
samment déterminée.  Pour  plus  de  précision,  Hayem  a  in- 
troduit dans  la  science  les  termes  &' hyperpepsie  [digestion 
exagérée),  désignant  une  sorte  d'irritation  fonctionnelle  de 
l'estomac  avec  exagération  de  l'acidité  (sécrétions  trop 
riches  en  chlorures) 'et  exagération  de  la  sécrétion  gastrique 
(qui  n'entraine  pas  nécessairement  une  suractivité  de  la 
digestion)  ;  à'hypopepsie,  caractérisée  par  un  affaibUsse- 
ment  des  opérations  chimiques  stomacales,  et  aboutissant 
à  Vapepsie  si  le  travail  chimique  se  trouve  totalement  sup- 
primé. Les  variétés  de  dyspepsie  qui  rentrent  dans  ces 
deux  catégories  sont  très  nombreuses  ;  la  classe  des  hypo- 
pepsies  en  particulier  comprend  la  plupart  des  dyspepsies 
symptomatiques.  Dans  Vapepsie,  ce  sont  probablement  les 
glandes  gastriques  qui  se  trouvent  atrophiées,  et  alors  la 
digestion  stomacale  se  réduit  à  une  fermentation  anormale 
des  aliments.  Du  reste,  des  fermentations,  en  général  acides, 
accompagnent  presque  toujours  l'hypopepsie  et  souvent 
l'hyperpepsie  ;  nous  y  reviendrons  plus  bas. 

«  Dans  toute  dyspepsie,  dit  Hayem,  on  trouve  des 
altérations  chimiques,  des  troubles  mécaniques,  des  trou- 
bles nerveux.  Ceux-ci  peuvent  varier  avec  un  même  genre 
d'altération  chimique  en  raison  de  particularités  qui  nous 
échappent  ou  peut-être  simplement  à  cause  d'une  impres- 
sionnabilité  spéciale  du  système  nerveux.  Mais  les  névro- 


pathes sont  loin  de  pouvoir  être  reconnus,  grâce  à  l'absence 
de  modifications  dans  le  chimisme  stomacal,  car  on  observe 
au  contraire  assez  souvent  de  grandes  modifications  de  ce 
chimisme  chez  des  névropathes  ne  se  plaignant  pas  de 
mauvaises  digestions.  »  Il  est  donc  bien  certain  que  les 
névroses  stomacales  peuvent  entraîner  des  modifications  du 
chimisme  stomacal.  Peut-il  exister  une  névrose  stomacale 
(dyspepsie  nerveuse  de  Leube  et  autres),  sans  altération 
du  suc  gastrique,  dans  laquelle  les  phénomènes  gastriques, 
pesanteurs,  vomissements,  etc.,  ne  dépendent  que  de  mou- 
vements antipéristaltiques  et  de  contractions  anormales  de 
la  musculeuse,  la  pneumatose  d'air  avalé,  etc.?  Les  expé- 
riences de  Hayem  ne  sont  pas  favorables  à  cette  opinion 
qui  trouve  cependant  en  Sée  un  défenseur  autorisé.  H  y  a 
lieu,  en  tout  cas,  d'admettre  une  dyspepsie  simple,  dans 
laquelle  les  troubles  mécaniques  et  nerveux  sont  prédomi- 
nants et  où  le  chimisme  n'est  que  faiblement  altéré. 

Un  mot  au  sujet  des  fermentations  anormales  dont  l'es- 
tomac peut  être  le  siège.  Ce  sont  généralement  des  acides 
de  la  série  grasse  qui  se  produisent,  acides  lactique,  acé- 
tique ou  fo unique,  butyrique,  et  de  plus  des  gaz  variés, 
entre  autres  des  éthers  composés,  dont  l'existence  semble  se 
révéler  par  l'odeur  de  l'haleine,  et  même  des  produits  am- 
moniacaux (Hayem).  C'est  la  fermentation  acide  qui  domine 
et  dans  Thyperpepsie  et  dans  l'hypopepsie.  La  paresse  de 
la  musculeuse  favorise  les  fermentations  ainsi  que  la  dila- 
tation de  l'estomac  dont  la  dyspepsie  est  une  complication 
inévitable  (Y.  Estomac).  Dans  l'hypopepsie  et  dans  l'apep- 
sie,  la  digestion  intestinale  supplée  généralement  à  la  diges- 
tion stomacale.  Si  l'intestin  est  pris  à  son  tour,  aucun  autre 
organe  ne  peut  le  remplacer,  et  la  guérison  devient  impos- 
sible (Sée) .  Il  est  rare  que  la  dyspepsie  stomacale,  quelle  qu'en 
soit  l'origine  ou  la  nature,  pour  peu  qu'elle  dure  un  certain 
temps,  ne  s'accompagne  pas  de  dyspepsie  intestinale  (dys- 
pepsie gastro-intestinale  de  G.  Sée).  La  dyspepsie  intesti- 
nale se  manifeste  rarement,  au  contraire,  seule  et  d'emblée; 
en  pareil  cas,  elle  peut  résulter  soit  d'une  parésie  de  la 
musculature,  soit  de  l'insutfisance  ou  de  l'altération  des 
sécrétions  biliaire,  pancréatique,  etc.,  ou  d'un  antago- 
nisme des  hquides  digestifs.  La  dyspepsie  intestinale  (dys- 
pepsie iléo-c«cale),  suivant  Bachelet,  serait  au  contraire  plus 
fréquente  que  la  dyspepsie  gastrique,  l'estomac  ne  jouant, 
selon  lui,  dans  la  digestion  qu'un  rôle  purement  mécanique. 
Les  travaux  modernes  n'ont  pas  justifié  cette  opinion. 

Quant  aux  causes  prochaines  de  la  dyspepsie,  elles  sont 
innombrables;  bornons-nous  donc  à  quelques  généralités 
et  à  des  exemples.  Dans  la  production  des  hyperpepsies, 
l'excitation  directe  de  la  muqueuse  gastrique  (condiments 
irritants,  alcool,  etc.)  joue  un  rôle  prépondérant  ;  le  sur- 
menage intellectuel  est  également  cité  comme  une  cause  de 
ce  genre  de  dyspepsies.  Les  dyspepsies  par  hypopepsie  sont 
plus  souvent  que  les  précédentes  secondaires  ou  symptoma- 
tiques et  se  rencontrent  dans  certaines  maladies  de  l'esto- 
mac, dans  celles  d'organes  plus  ou  moins  éloignés  de  l'ap- 
pareil digestif,  dans  les  maladies  générales,  diathésiques, 
dyscrasiques,  etc.  ;  dans  les  formes  graves,  les  troubles 
vont  jusqu'à  l'apepsie,  et  alors  la  pepsine  manque  égale- 
ment ;  le  chimisme  physiologique  n'a  plus  lieu  et  l'estomac 
n'est  plus  que  le  siège  de  fermentations  anormales.  Parmi 
les  causes  d'hypopepsie,  on  signale  la  gastrite  et  le  cancer 
de  l'estomac,  puis  les  maladies  de  l'utérus,  de  la  vessie, 
des  reins,  du  cœur,  etc.,  enfin  des  affections  telles  que 
l'anémie,  le  diabète,  l'urémie,  la  maladie  d'Addison,  les 
pyrexies  graves  ou  légères,  etc.  Dans  les  maladies  des  voies 
urinaires,  par  exemple,  l'état  fébrile,  si  léger  soit-il,  peut 
suffire  pour  provoquer  la  dyspepsie  ;  d'autres  fois,  on  ne 
peut  trouver  d'autre  explication  que  le  retentissement 
sympathique.  Cette  explication  est  souvent  aussi  la  seule 
plausible  dans  les  affections  de  l'utérus  ;  elle  est  indéniable 
pour  la  dyspepsie  de  la  grossesse.  Passons  au  cas  des  ma- 
ladies générales  et  diathésiques.  Dans  la  fièvre  typhoïde, 
par  exemple,  la  dyspepsie  s'expHque  par  l'asthénie  de  la 
tunique  musculeuse,  reflet  de  l'adynamie  générale,  et  par 


—  177  — 


DYSPEPSIE  —  DYSPHAGIE 


les  déterminations  gastriques  (lésions  inflammatoires  mul- 
tiples, altérations  vasculaires  par  stase  et  thrombose,  dégé- 
nérescence granulo-graisseuse  des  glandes  stomacales)  (A. 
Chauffard).  Il  est  plus  difficile  d'expliquer  le  mode  de  genèse 
de  la  dyspepsie,  par  exemple  chez  les  tuberculeux  et  les 
goutteux,  les  herpétiques.  La  dyspepsie  des  tuberculeux, 
souvent  très  précoce,  peut  apparaître  avant  les  autres 
symptômes  de  la  maladie  et  faire  croire  à  une  dyspepsie 
d'origine  anémique.  Celle  des  goutteux,  tantôt  précède  et 
annonce  l'accès,  tantôt  persiste  en  dehors  de  toute  manifes- 
tation articulaire.  Chez  les  herpétiques,  on  la  voit  alterner 
avec  des  éruptions  cutanées.  Dans  tous  ces  cas  le  mode  de 
production  de  la  dyspepsie  reste  plus  ou  moins  mystérieux. 

Que  dire  des  dyspepsies  qui  précèdent,  accompagnent  ou 
suivent  les  névroses,  la  gastralgie,  l'hystérie,  l'hypocon- 
drie, etc.  ?  Tantôt  c'est  une  dyspepsie  vraie,  fonctionnelle, 
tantôt  c'est  un  trouble  qui  paraît  résulter  simplement  d'une 
sensibilité  exagérée  des  nerfs  de  l'estomac.  Nous  avons  vu 
plus  haut  que  cette  variété  est  considérée  par  nombre  d'au- 
teurs comme  une  névrose  de  l'estomac,  comme  une  dys- 
pepsie nerveuse  essentielle  ;  nous  nous  sommes  expliqué  sur 
cette  question  et  avons  vu  que  chez  les  névropathes  le  chi- 
misme  stomacal  est  troublé  même  quand  ils  digèrent  bien 
en  apparence.  On  voit  qu'il  ne  saurait  être  question  d'une 
classification  rationnelle  des  dyspepsies  ;  à  côté  de  dyspepsies 
simples,  protopathiques,  accompagnées  ou  non  de  troubles 
nerveux,  c'est  un  nombre  infini  de  variétés  symptomatiques 
dont  l'étiologie  n'est  pas  aisée  à  établir,  quelquefois  même 
ne  peut  être  établie  dans  l'état  actuel  de  la  science. 

Symptômes.  Ils  sont  variables  selon  la  cause  prochaine 
de  la  dyspepsie  et  le  mode  de  réaction  des  sujets.  Parfois 
la  dyspepsie  ne  donne  pas  lieu  à  des  sensations  particulières 
et  se  révèle  seulement  par  un  défaut  de  nutrition,  l'assi- 
milation se  trouvant  entravée.  Ailleurs  ce  sont  des  symp- 
tômes très  disparates,  qui  font  de  la  dyspepsie  une  maladie 
protéiforme.  Le  plus  souvent,  elle  est  accompagnée  d'inap- 
pétence ;  le  malade  même  à  jeun  a  une  sensation  de  pléni- 
tude de  l'estomac  et  parfois  des  crampes  d'estomac  ;  cepen- 
dant l'appétit  lui  vient  en  mangeant,  mais  il  laisse  de  côté 
les  aliments  (gras  ou  féculents  ou  légumes)  qu'il  sait  par 
expérience  lui  être  contraires.  La  digestion  est  lente  et 
laborieuse,  parfois  accompagnée  de  ballonnement  à  l'épi- 
gastre,  de  douleur,  d'éructations,  de  vomissements.  Le 
matin,  au  réveil,  la  bouche  est  sèche,  amère,  la  langue 
pâteuse,  l'épigastre  sensible;  la  constipation  est  la  règle; 
cependant,  dans  certaines  déterminations  intestinales,  elle 
est  remplacée  par  de  la  diarrhée  ou  par  une  alternance  de 
constipation  et  de  diarrhée  ;  dans  la  dyspepsie  purement 
intestinale,  les  symptômes  caractéristiques  se  manifestent 
plus  tard  que  dans  la  dyspepsie  gastrique,  et  les  douleurs, 
au  lieu  de  siéger  à  l'épigastre,  occupent  les  hypocondres  ; 
en  même  temps  on  perçoit  des  borborygmes  avec  disten- 
sion des  anses  intestinales ,  coliques ,  puis  diarrhée.  La 
dyspepsie ,  du  reste  gastro-intestinale  dans  la  pluralité 
des  cas,  retentit  souvent  sur  toute  l'économie  ;  il  se  produit 
de  la  céphalalgie,  de  la  migraine,  des  vertiges,  de  l'inapti- 
tude au  travail  ;  à  la  longue,  comme  l'a  si  bien  fait  remar- 
quer Beau,  surviennent  de  l'anémie,  de  l'amaigrissement, 
de  l'hypocondrie,  ou  des  symptômes  plus  graves  encore, 
palpitations ,  dyspnée ,  albuminurie  ;  la  peau  prend  un 
aspect  terreux  et  l'émaciation  devient  extrême,  et  l'on  est 
tenté  de  songer  à  un  cancer  de  l'estomac.  Souvent  les 
symptômes  dyspeptiques  sont  accompagnés  d'un  abondant 
dégagement  de  gaz  dans  l'estomac  et  Tintestin  qui  se  bal- 
lonnent considérablement  (dyspepsie  flatu lente)  ;  ces  gaz 
sont  dus  à  la  décomposition  des  féculents  et,  paraît-il,  à 
une  vraie  sécrétion  gazeuse  analogue  à  celle  qu'on  observe 
dans  l'hystérie  ;  il  paraîtrait  aussi  que  les  gaz  formés  dans 
rintestin  puissent  être  refoulés  dans  l'estomac  par  des 
mouvements  antipéristaltiques  de  l'intestin  (Leven).  Dans 
d'autres  cas,  la  dyspepsie  acide,  les  éructations  et  les  vo- 
mituritions  sont  acides  ;  en  même  temps  le  malade  ressent 
une  sensation  de  brûlure  {pyrosis)  qui  remonte  de  l'estomac 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.  —  XV. 


à  la  gorge.  Enfin,  dans  les  formes  nerveuses  de  dyspepsie, 
chez  les  névropathes,  les  hystériques,  les  gastralgiques,  etc., 
le  manque  d'appétit  est  parfois  remplacé  par  de  la  boulimie; 
c'est  une  sensation  continifelle  de  vide  de  l'estomac  avec 
faim  persistante  ;  dans  cette  forme  la  diarrhée  est  la  règle. 
Les  symptômes  de  la  dyspepsie  se  rapprochent  dans  un 
grand  nombre  de  cas  de  ceux  du  catarrhe  stomacal  (V.  Es- 
tomac). En  général,  cependant,  le  diagnostic  dyspepsie 
est  facile  à  établir,  mais  celui  de  la  cause  offre  de  sérieuses 
difficultés,  surtout  dans  les  cas  où  les  troubles  dyspep- 
tiques ne  sont  ni  fonctionnels,  ni  ne  peuvent  être  rattachés 
à  une  aifection  concomitante  d'un  organe  éloigné,  mais 
sont  simplement  l'avant-coureur  d'un  ulcère  ou  d'un  cancer 
de  l'estomac. 

Traitement.  Il  est  évident  que  le  traitement  varie  sui- 
vant la  cause.  Quel  qu'il  soit,  l'hygiène  et  le  régime  jouent 
un  grand  rôle  :  choix  des  aliments  et  des  boissons,  régu- 
larité dans  l'heure  des  repas,  exercice,  etc.  Dans  les  formes 
les  plus  simples  et  dans  la  dyspepsie  des  goutteux,  les  alca- 
lins, les  eaux  de  Vichy,  de  Vais,  de  Pougues,  de  Carlsbad, 
sont  particulièrement  indiquées  ;  de  légères  purgations 
sont  nécessaires  de  loin  en  loin.  —  Dans  la  dyspepsie  fla- 
tulente,  avec  éructations  acides,  les  alcalins  sont  également 
indiqués,  mais  doivent  être  remplacés  après  quelques  jours 
par  les  amers  (quassia  amara  et  quassine,  Colombo,  noix 
vomique,  etc.),  et  par  la  strychnine  à  très  petite  dose;  on 
y  associera  les  eaux  de  Plombières,  de  Luxeuil,  d'Aix-les- 
Bains,  de  Hombourg,  etc.  Dans  la  dyspepsie  anémique,  ce 
sont  les  eaux  de  Bussang,  d'Orezza,  de  Forges,  de  Riper- 
villé,  Spa,  qui  rendent  le  plus  de  services. 

Il  ne  faudrait  pas  croire  que  les  alcalins  conviennent 
dans  toutes  les  formes  de  dyspepsie  ;  dans  celles  où  l'action 
du  suc  gastrique  est  entravée,  puis  dans  l'apepsie  et  les 
dyspepsies  par  fermentation,  on  se  trouve  mieux  de  l'usage 
des  acides  associés  aux  eupeptiques  ;  on  administre  une 
ou  deux  gouttes  d'acide  chlorhydrique  dilué  dans  de  l'eau, 
au  début  des  repas  (Trousseau).  Enfin,  dans  les  dyspepsies 
avec  brûlure  et  diarrhée,  l'opium  et  le  laudanum  sont  parti- 
culièrement indiqués.  Dans  les  dyspepsies  nerveuses,  en 
général,  les  bains  de  mer,  les  cures  d'eau  froide,  le  séjour 
dans  les  montagnes,  l'arsenic,  la  galvanisation  de  l'estomac, 
l'électricité  appliquée  au  système  nerveux  central,  les  bains 
électriques  sont  éminemment  utiles.  Certaines  dyspepsies 
sont  particulièrement  douloureuses;  le  condurango  et  le 
chanvre  indien  rendent  de  grands  services  dans  ce  cas, 
de  même  que  les  analgésiques  antithermiques,  antipy- 
rine,  exalgine,  etc. 

Nous  devrions  encore  examiner  ici  les  indications  des 
ferments  digestifs  dans  la  dyspepsie,  de  la  pepsine,  de  la 
papaïne,  de  la  pancréatine,  des  diastases  telles  que  lamal- 
tine  ;  mais  l'espace  nous  manque  et  il  vaut  mieux  renvoyer 
aux  articles  spéciaux  consacrés  à  ces  agents.  —  Mention- 
nons enfin  le  lavage  de  Vestomac,  dont  l'utilité  est  si 
grande  dans  la  dyspepsie  en  général,  mais  surtout  dans 
celle  qui  accompagne  la  dilatation  de  l'estomac  (V.  Estomac)  . 
—  Dans  la  dyspepsie  purement  intestinale,  l'antisepsie  joue 
le  rôle  le  plus  important  (salicylate  de  phénol,  salol,  sali- 
cylate  de  bismuth,  etc.).  D'^  L.  Hahn. 

'Biul.:  Beau,  Traité  de  la,  dyspepsie;  Paris,  1857.  — 
Trousseau,  Cliniq.  méd..,  t.  III.  —  Sée,  Des  Dyspepsies 
gastro-intestinales  ;  Paris,  1881.  —  Damaschino,  Leçons 
sur  les  maladies  des  voies  digestives  ;  Paris,  1880.  —  Bache- 
LET,  Rech.sur  la  dyspepsie  iléo-coecale  ;  Paris,  1888,  in-18, 
3»  édit.—  Leven,  Traité  des  maladies  de  l'estomac  ;  Paris, 
1879.  —  Leube,  Zeitsch.  f.  klin.  Medicin,  VI,  1883.  —  Cou- 
TARET,  Dyspepsie  ;  Paris,  1880,  in-8.  —  Hallopeau,  Traité 
depathol.  générale;  Paris,  1890,  3"  édit.  —  A.  Robin,  dans 
Hallopeau.  —  Hayem,  Bullet.  et  mém.  de  la  Soc.  méd.  des 
/ïopif., 24  juil.  1890;  Bullet.  A cad.  méd.,  29 iuil.  1890.  — Sée, 
Bullet.  Acad.  de  méd.,  29  juil.  1890.  —  Hayem  et  Winter, 
Du  Chimisme  stomacal,  etc.  ;  Paris,  1891,  in-18.  —  Dujar- 
din-Beaumetz,  Leçons  de  clinique  thérapeutique;  Paris, 
1891,  t.  I,  in-8.  —  Bouveret  et  Devic,  la  dyspepsie  par 
hypersécrétion  ;  Paris,  1892,  in-8. 

DYSPHAGIE  (Méd.).  C'est  la  difficulté  d'avaler.  L'obs- 
tacle peut  siéger  dans  la  bouche,  à  l'isthme  du  gosier, 
dans  le  pharynx  ou  dans  l'œsophage,  d'où  quatre  variétés 

12 


DYSPHAGIE  -  DYSTER 


178  — 


de  dYsphasie.  La  dysphagie  buccale  peut  résulter  dune 
tumeur  de  la  langue  ou  de  la  mâchoire,  dune  paralysie 
des  muscles  lingual  ou  buccaux,  d'une  contracture  muscu- 
laire, comme  dans  le  trismus,d'Vine  glossitc,  d'une  solution 
de  continuité  de  la  voûte  du  palais,  d'un  detaut  de  sécré- 
tion de  la  salive,  même  d'une  névralgie.  La  dijsptiagie 
vhaninciienne  (isthme  du  gosier  et  pharynx)  est  souvent 
mécanique   (rétrécissements  scrofuleux  ou  syphi  itiques, 
angines   tumeurs,  paralysie  du  voile  du  paiais  et  du  pha- 
rynx, pertbralion  du  voile  du  palais)  ;  la  paralysie  s  observe 
surtout  dans  les  affections  cérébrales  ou  bulbaires  ou  des 
nerfs  qui  émanent  du  bulbe,  ainsi  que  dans  les  hevres.  La 
dyspha-ie  pharyngienne  peut  avoir  pour  conséquence  le 
passade  des  aliments  dans  les  fosses  nasales  (lésions  du 
voile)  ou  dans  le  larynx,   d'où  obstruction  et  asphyxie 
rapide  (diphtérie);  cette  variété  de  dysphagie  s'observe 
encore  dans  l'atrophie  musculaire  progressive,  dans  1  epi- 
lepsie   l'hystérie,  le  tétanos,  l'hydrophobie  rabique,  etc. 
Enfin,'  la  dysphagie  œsophagienne  est  mécanique  (rétré- 
cissement cicatriciel  ou  syphilitique,  tumeur  de  voisinage) 
ou  fonctionnelle  (paralysie,  spasme  dans  Thysterie  ou  par 
paralysie  du  pneumogastrique)  ou  réflexe  par  lésion  superh- 
cielle  de  la  muqueuse.  La  dysphagie  prolongée  a  naturelle- 
ment pour  conséquence  Vinanition  (V.  ce  mot) .  D  L.  m. 
DYSPNÉE  (Méd.).  La  dypsnée,  comme  1  indique  1  ety- 
molooie  du  mot,  est  la  difficulté  de  respirer.  Elle  consiste 
dansî'augmentation  morbide  de  l'intensité  ou  de  la  fréquence 
des  mouvements  respiratoires,  accompagnée  d'une  sensation 
pénible  d'étouffement,  de  manque  d'air,  même  angoissante. 
Nous  ne  dirons  rien  ici  de  V asthme  dans  lequel  la  dyspnée 
présente  des  caractères  particuliers  décrits  ailleurs  (\. 
Asthme). Phvsiologiquement, la  respiration  dépend  dcl  exci- 
tation qu'exerce  sur  le  centre  respiratoire  du  bulbe  le  sang 
chargé  d'un  excès  d'acide  carbonique,  et  dans  une  certaine 
mesure  des  excitations  centripètes  transmises  par  le  nert 
pneumogastrique  et  d'autres  nerfs  sensitifs.  Il  y  a  dypsnee 
dès  que  l'hématose  est  troublée,  dès  que  la  proportion 
d'oxveène  dans  le  sang  tombe  au-dessous  de  la  norma  e, 
et  queUe  que  soit  du  reste  la  cause  de  ce  trouble,  qu  elle 
soit  purement  mécanique  ou  de  nature  hématique  ou  enhn 
due  à  une  influence  nerveuse.  ^ 

10  Dyspnée  de  cause  mécanique.  Elle  peut  être  due 
à  un  obstacle  siégeant  dans  les  voies  aériennes  et  s'oppo- 
sant  cà  l'entrée  de  l'air  :  affections  variées  et  tumeurs  des 
fosses  nasales,  du  pharynx,  du  larynx,  des  bronches  des 
alvéoles,  etc.  ;  diphtérie,  œdème  laryngé,  spasme  de  la 
dotte,  bronchites  généralisées,  compression  du  paren- 
chyme pulmonaire  par  des  épanchements  pleurétiques,  par 
l'hydrothorax,  le  pneumothorax,  etc.  D'autres  fois  cest  le 
diaphragme  qui  est  gêné  dans  son  fonctionnement  par  une 
tumeur libdominale,  un  épanchement  péritonéal,  etc.,  par 
les  douleurs  vives,  que  les  mouvements  respiratoires  exaspè- 
rent (péritonite,  pleurésie,  etc.).  Lorsque  les  muscles  ins- 
pirateurs sont  paralysés  (cachexie,  maladies  adynamiques) 
ou  atrophiés,  etc.,  il  en  résulte  également  de  la  gène  i;es~ 
piratoire  ;  voilà  pour  l'inspiration.  Dans  d'autres  cas,  c  est 
l'expiration  qui  est  gênée  ;  dans  l'emphysème  pulmonaire, 
par  exemple,  l'air  reste  dans  les  alvéoles  et  la  retractilite 
du  poumon  est  diminuée,  et  il  en  résulte  que  1  inspiration 
à  son  tour  est  incomplète  ;  de  plus,  les  capillaires  s  atro- 
phient et  constituent  une  nouvelle  cause  de  dyspnée,  il  en 
est  de  même  quand  les  alvéoles  sont  remplies  d  un  exsudât 
quelconque  ou  d'un  produit  néoplasique  (tubercule,  can- 
cer etc.)  ou  que  les  bronches  sont  encombrées  de  mucus. 
Enfin,  la  contracture  du  diaphragme,  maintenant  l'inspi- 
ration forcée,  empêche  la  rétraction  pulmonaire.  --  Aux 
dvspnées  de  cause  mécanique,  on  peut  rattacher  celles  qui 
accompagnent  les  maladies  du  cœur  ;  le  sang  n  afflue  pas 

bien.  .         ^  +    if-   - 

2°  Dyspnée  de  cause  hématique.  Le  sang  est  altère 
dans  sa  composition  dans  les  anémies  graves,  la  chlorose, 
les  affections  cachectiques  et  dyscrasiques,  la  convalescence 
des  maladies  adynamiques,  etc.  Les  globules  ne  peuvent 


plus  fixer  l'oxygène  nécessaire  à  la  revivification  du  sang. 
Il  en  est  de  même  dans  certaines  intoxications,  par  exemple 
dans  l'empoisonnement  par  l'oxyde  de  carbone  ;  l'hémoglo- 
bine contracte  avec  ce  gaz  une  combinaison  stable  qui  en- 
trave toute  absorption  ultérieure  d'oxygène.  La  respiration 
dans  un  air  confiné,  chargé  d'un  excès  d'acide  carbonique, 
ou  dans  un  air  trop  raréfié  (mal  de  montagne),  produit  de 
la  dyspnée  par  défaut  d'oxygène  absorbable.  Lorsque  les 
combustions  organiques  se  tiouvent  augmentées,  dans  les 
fièvres,  par  exemple,  le  défaut  d'oxygène  se  fait  sentir  et 
la  respiration  s'active  et  devient  dyspnéique  ;  mais,  dans 
ce  cas,  la  dyspnée  reconnaît  encore  un  autre  facteur,  comme 
nous  allons  le  voir.  . 

30  Dyspnée  de  cause  nerveuse.  La  température  fébrile 
agit  directement  sur  le  centre  respiratoire  qu'elle  excite  ; 
ce  fait  a  été  mis  hors  de  doute  par  Gh.  Richet.  Les  encé- 
phalopathies,  de  cause  urémique,  apoplectique  (hémorragie 
cérébrale),  hystérique,  etc.,  paraissent  également  provo- 
quer de  la  dyspnée  par  une  excitation  directe  de  ce  centre. 
Dans  la  sclérose  et  l'atrophie  du  bulbe  (paralysie  labio- 
glosso-laryngée),  dans  les  lésions  de  la  moelle,  dans  les 
myélites  aiguës  ou  chroniques  qui  occupent  primitivement 
ou  envahissent  secondairement  la  région  cervico-dorsale, 
on  observe  de  la  dyspnée  ;  c'est  cette  dyspnée  qui,  avec  la 
toux,  sa  compagne  ordinaire,  constitue  assez  souvent 
l'avant-coureur  de  la  paraplégie  (Charcot).  Dans  certains 
cas,  il  peut  y  avoir  paralysie  du  pneumogastrique  ;  c'est 
même  ainsi  que  certains  auteurs  expliquent  les  dyspnées 
hystérique,  asthmatique,  etc. 

La  dyspnée,  quelle  qu'en  soit  la  cause,  présente  des 
degrés  d'intensité  très  différents.  Chez  un  grand  nombre 
de'  personnes,  convalescents ,  cachectiques,  vieux  catar- 
rheux,  etc.,  l'hématose  peut  suffire  à  la  condition  que  les 
dépenses  soient  minimes  ;  dès  que  celles-ci  augmentent, 
par  une  marche  intempestive,  l'ascension  d'un  escalier,  un 
exercice  musculaire  disproportionné,  un  effort  quelconque, 
l'essoufflement  se  produit.  Les  caractères  varient  souvent 
suivant  la  cause.  Ainsi,  dans  les  dyspnées  de  cause  encé- 
phalique, la  respiration  est  souvent  profonde  et  ralentie  ; 
dans  les  dyspnées  de  cause  abdominale,  la  péritonite  aiguë, 
par  exemple,  elle  est  superficielle  et  très  accélérée.  Enfin, 
arrivée  à  son  degré  d'intensité  le  plus  élevé,  elle  prend  le 
caractère  de  Vorthopnée  ;  les  malades  se  redressent,  met- 
tent en  jeu  toutes  les  puissances  inspiratrices  et  cherchent 
des  points  d'appui  pour  faciliter  l'action  des  muscles.  Dans 
le  croup  (V.  ce  mot),  la  dyspnée  [tirage)  est  excessive- 
ment pénible  et  angoissante.  Vapnée  est  la  suspension 
complète  de  la  respiration  ;  elle  ne  saurait  se  prolonger 
longtemps  sans  danger  ;  elle  peut  durer  cependant  de  dix- 
huit  à  vingt  secondées  dans  le  phénomène  respiratoire  de 
Cheyne-Stokes  (V.  ce  mot). 

La  dyspnée  étant  un  symptôme  commun  à  un  grand 
nombre"^  de  maladies,  il  n'y  a  pas  de  traitement  spécial  à 
lui  opposer;  elle  fournit  cependant  quelques  indications; 
ainsi,  dans  le  cas  de  dyspnée  mécanique,  on  s'adressera 
aux  expectorants  et  aux  vomitifs,  à  l'iodure  de  potassium 
et  au  chlorhydrate  d'ammoniaque,  aux  stimulants,  etc.  ; 
dans  certains"  cas,  la  trachéotomie  (croup,  tumeurs  du 
larynx,  etc.),  la  ponction  (pleurésie,  ascite),  le  cathété- 
risme  rectal  (pneumatose),  etc.,  sont  nécessaires.  La  dysp- 
née cardiaque  sera  combattue,  selon  les  cas,  par  la  digitale, 
le  café,  les  diurétiques,  les  émissions  sanguines,  les  révul- 
sifs, etc.  Dans  la  plupart  des  autres  cas,  le  traitement  est 
celui  de  la  maladie  et  nous  n'y  insisterons  pas.  On  n'ou- 
bliera pas  les  moyens  hygiéniques  :  air  fréquemment  renou- 
velé, pieds  chauds,  pas  d'efforts  inutiles,  ni  d'émotions  ; 
aliments  reconstituants  sous  un  petit  volume  ;  les  féculents, 
les  léfiumes,  les  eaux  gazeuses  artificielles  sont  exclus. 
^  D^  L.  Hahn. 

BiBL.  :  Heciit,  Art.  Dyspnée,  dans  Dict.  encycL  se. 
méd.,  1885.  —  Hallopeau,  Paihol.  gén.,  1890.  —  Mck, 
Wilrzburg.  Verhandl,  1871.  —  Richet,  Mém.  boe.  de 
5io^,1889. 

DYSTER   (Benjamin),  aventurier  finno-suedois,  ne  a 


—  479  — 


DYSTER  —  DZANSKAR 


Lappvesi  (Finlande) ,  mort  à  l'asile  d'aliénés  de  Danvik  le 
29  août  1730.  Après  avoir  gagné  le  grade  d'officier  dans 
l'armée  de  Charles  XII,  il  fut  licencié"  et  il  travaillait  de 
son  métier  d'orfèvre,  lorsqu'il  se  rendit  à  Stockholm  (1724), 
où  il  se  donna  pour  ce  héros  regretté,  dont  certains 
paysans  attendaient  encore  la  réapparition  en  d808.  Mal- 
gré quelques  traits  de  ressemblance  avec  le  monarque  qui 
avait  succombé  six  ans  auparavant,  l'imposteur  fut  de  suite 
démasqué,  arrêté  et  condamné  à  mort  avec  ses  complices 
qui  en  furent  quittes  pour  un  châtiment  corporel.  Sa  propre 
sentence  fut  commuée  en  internement  dans  une  maison 
de  fous,  après  exposition  au  pilori  (not.  par  J.-R.  As- 
pelin,  dans  Kuukauslehti ;  Helsingfors,  1 869).       C-s. 

DYSTOCIE  (Obstétr.).  La  dystocie  est  cette  partie  des 
sciences  médicales  qui  traite  des  accouchements  vicieux  ou 
difficiles.  Le  mot  de  dystocie  est  également  pris  comme 
synonyme  d'accouchement  laborieux.  Les  causes  de  dystocie 
peuvent  provenir  de  la  mère  ou  bien  de  l'enfant,  d'où  deux 
catégories  d'accouchements  vicieux  qu'il  est  d'usage  d'étu- 
dier séparément.  Les  causes  de  dystocie  maternelle  sont 
assez  nombreuses;  signalons  parmi  les  principales  :  l'inertie 
primitive  de  l'utérus  ;  les  contractions  irrégulières  ou  trop 
fortes  de  cet  ori>ane;  la  rigidité  du  col,  son  oblitération 
partielle  ou  incomplète,  sa  contraction  ;  la  résistance  de  la 
vulve  ou  du  périnée;  les  tumeurs  de  lutérus;  les  ruptures 
de  l'utérus  ou  du  vagin;  les  vices  de  conformation  de  l'uté- 
rus, du  vagin  ou  de  la  vulve;  le  trop  d'ampleur  ou  l'étroi- 
tesse  du  bassin  ;  la  déchirure  du  périnée  ;  l'éclampsie,  les 
hémorragies  graves,  etc.  Dans  les  causes  de  la  deuxième 
catégorie  se  rangent  :  les  adhérences  de  fœtus  multiples  ; 
les  maladies  du  fœtus  avec  augmentation  de  volimie  (hydro- 
céphalie, ascite,  rétention  d'urine,  tumeurs,  etc.);  les  pré- 
sentations vicieuses  du  fœtus  ;  la  brièveté  ou  la  procidence 
du  cordon,  etc.  Il  serait  difficile  de  faire  ici  une  étude  d'en- 
semble des  causes  de  dystocie  ;  nous  renvoyons  donc  aux 
mots  suivants  où  l'on  trouvera  de  plus  amples  détails  sur 
ce  sujet:  Accouchement,  Bassin  (t.  V,  p.  647),  Céphalo- 
TRiPsiE,  Cordon,  Craniotomie,  Détroncâtion,  Eclampsie, 
Embryotomie,  Fœtus,   Hydrocéphalie,  Périnée,  Utérus, 
Vulve,  etc.  D^  Alphandéry. 

DYSURIE  (Méd.).  Miction  lente,  laborieuse  et  doulou- 
reuse. La  miction  est  lente  physiologiquement  au  moment 
du  réveil,  puis  dans  les  cas  d'hypertrophie  de  la  prostate, 
de  rétrécissement  de  l'urèthre  (V.  Prostate  et  Urèthre)  et 
chez  les  individus  qui  habituellement  retiennent  longtemps 
leurs  urines.  La  miction  douloureuse  s'observe  surtout  dans 
les  affections  inflammatoires  de  l'urèthre  et  de  la  vessie 
(blennorrhagie,  uréthrite  simple,  cystite  du  col,  cystite  cal- 
culeuse,  etc.)  (V.  Blennorrhagie,  Vessie,  etc.).    D^  L.  Hn. 
DYTIQU  E.  I.  Entomologie.  —  (Dyticus  L.).  Genre  de  Co- 
léoptères, qui  a  donné  son  nom  à  la  famille  des  Dyticides  ou 
Hydrocanthares,  placées  entre  les  Haliplides  et  les  Gvrinides 
dans  la  grande  division  des  Carnivores.  Ce  sont  des  insectes 
d'assez  grande  taille,  vivant  les  uns  dans  les  mares  et  les 
étangs,  les  autres  dans  les  rivières.  Leur  corps  est  oblong, 
assez  convexe,  de  couleur  noire  ou  d'un  vert  olivâtre,  avec 
le  prothorax  et  les  élytres  bordés  de  jaune  et  une  fascie 
nébuleuse  vers  l'extrémité  des  élytres.  Ils  ont,  comme  les 
Carabiques,  six  palpes,  des  antennes  fdiformes  et  des  tarses 
de  cinq  articles;  mais  leurs  pattes  postérieures  allongées, 
aplaties  et  fortement  ciliées,  sont  propres  à  la  natation. 
Quand  on  les  saisit,  ils  répandent,  par  les  articulations 
antérieures  et  postérieures  du  prothorax,  un  liquide  lai- 
teux, d'une  odeur  désagréable.  Les  mâles  se  distinguent  à 
leurs  élytres  lisses  et  surtout  à  leurs  tarses  antérieurs 
dilatés,  dont  les  trois  premiers  articles  forment  une  large 
palette,  ciliée  sur  les  bords  et  garnie  en  dessous  de  petites 
papilles  serrées,  au  milieu  desquelles  sont  placées  deux 
grosses  cupules  sessiles,  de  dimensions  inégales.  Quant 
aux  femelles,  elles  sont  faciles  à  reconnaître,  en  général, 
à  leurs  élytres  profondément  canaliculées  ou   striées  dans 
leur  moitié  ou  leur  tiers  antérieurs.  Toutefois,  il  existe 
bon  nombre  de  femelles  qui  ont  les  élytres  lisses  comme 


Dyticus  latissimus  femelle. 


celles  des  mâles,  et  cela  aussi  bien  dans  une  seule  et  même 
espèce  que  dans  des  espèces  différentes.  Ces  deux  formes 
de^  femelles  (à  élytres  lisses  ou  à  élytres  sillonnées)  co- 
existent ordinairement  dans  m\  même  milieu,  mais  il  y 
a  souvent  prédominance  de  l'une  d'elles,  tantôt  l'une, 
tantôt  l'autre,  suivant  les  espèces  ou  suivant  les  régions 
(V.  Preudhomme  de  Borre, /1/zn.  Soc.  entom.  de^ Bel- 
gique, XII,  p.  407). 

Les  Dytiques  habitent  l'Europe  et  les  pays  hmitrophes, 
le  nord  de  l'Asie  et  l'Amérique   boréale."  Leurs  mœurs 
et  leurs  métamorphoses  ont  été  décrites  depuis  longtemps 
(V.  Chapuis  et  Candèze,  Cat.  des  larves,  pi.  I,  fig.  5  ; 
Schiodte,  Nat.  Tids.,  1864,  III,  p.  \n  ;  Altum,  Stettin 
Zeit.,  1865,  p.  400).  Mais  c'est  seulement  depuis  1875 
que  l'on  connaît  la  manière 
dont  s'effectue  la  ponte.  Les 
femelles  insèrent  leurs  œufs, 
sur  les  tiges    des  plantes 
aquatiques,  dans  une  inci- 
sion qu'elles  pratiquent  au 
moyen  de  leur  tarière  cor- 
née (V.  D.  Régimbart,  ^l/z/z. 
Soc.  ent.  de  France,  1875, 
p.  201,  pi.  IV).  Parmi  les 
espèces  françaises,  la  plus 
répandue  est    le   Dyticus 
marginalis  L.  ou  Dytique 
bordé,  que  l'on  trouve  très 
communément  en  automne 
dans  les  mares  et  les  étangs. 
Le  B.  latissimus  L.,  dont 
nous   figurons  la  femelle, 
est  une  espèce  de  l'Europe  septentrionale,  commune  en 
Prusse  et  dans  le  nord  de  l'Allemagne.   Elle  affectionne 
plus  particulièrement  les  grands  étangs  et  les  rivières. 
On  l'a  rencontrée  également  en  Lorraine,  dans  les  Vosges, 
et  dans  quelques  localités  des  dép.  de  l'Eure,  de  la  Marne 
et  du  Loiret.  ^.à.  Lef. 

IL  Paléontologie.  — -  La  famille  des  Dyticidœ  date  du 
lias  où  le  genre  LaccopJiUus  est  représente.  Dyticus  et 
Hydroporus  se  montrent  dans  le  jurassique  supérieur 
(Solenhofen)  et  à  Purbeck.  Ces  genres  et  la  plupart  des 
genres  vivants  sont  représentés  dans  le  tertiaire  :  les  espèces 
sont  cependant  distinctes.  Nous  citerons  D.  Lauateri  (Heer) 
du  miocène  d'OEningen.  E.  Trt. 

DYVEKE,  favorite  du  roi  de  Danemark  Christian  II, 
née  vers  1490,  morte  en  1517.  Fille  de  la  Hollandaise 
Sigbritjillumsdatter  qui  tenait  une  auberge  à  Bergen,  elle 
plut  (1507  ou  1509)  au  prince  Christian,  alors  vice-roi  de 
Norvège,  qui  l'emmena  avec  sa  mère  à  Oslo,  puis  en  Da- 
nemark après  son  avènement  (1513).  Leurs  relations  con- 
tinuèrent même  après  qu'il  eut  épousé  (1515)  la  princesse 
Isabelle  d'Autriche  ;  aussi  le  frère  de  celle-ci,  le  futur 
Charles-Quint,  fit-il  demander  par  des  ambassadeurs  (1516) 
que  la  mère  et  la  fille  fussent  renvoyées  dans  les  Pays- 
Bas.  Le  greffier  du  château  de  Copenhague,  Ilans  Faaborg, 
qui  avait  accusé  son  patron  Torben  Oxe  de  relations  illi- 
cites avec  la  belle  favorite,  fut  lui-même  soupçonné  et 
pendu  comme  concussionnaire.  Dyveke  étant  peu  après  morte 
subitement,  T.  Oxe,  accusé  de  l'avoir  empoisonnée,  fut  dé- 
capité. Sigbrit,  qui  était  une  femme  de  tête,  continua  d'être 
l'impopulaire,  mais  habile  conseillère  de  Christian  IL  B-s. 
DZAIZAN  NoR  ou  ZAÏZAN  (Lac  noble).  Lac  de  l'Asie 
russe,  entre  le  grand  Altaï  et  le  Tarbagataï,  dans  le  gou- 
vernement de  Semipalatinsk.  Il  est  alimenté  principale- 
ment au  S.  par  le  Kara  Irtych  (Irtych  noir),  près  duquel 
se  trouve  la  ville  de  Zaïzan.  et  par  l'Irtych  qui  en  ressort 
au  N.-E.  Sa  direction  générale  est  N.-O.,  S.-E.;  sa  lon- 
gueur d'environ  120  kil.  et  sa  profondeur  de  7  à  12  m.  Il 
est  très  poissonneux.  h.  C. 

DZANSKAR  (Zanskar).  District  et  rivière  deLadakh.Le 
district  lui-même,  arrosé  par  la  rivière  du  nom,  ne  fait  pas 
pohtiquement  partie  du  Ladàkh  (V.  ce  mot).  La  chaîne 


DZANSKAR  —  DZOUNGARIE 


—  180  — 


élevée,  dépendance  des  Himalaya,  d'où  sort  le  Dzanskar,  est 
remarquable  par  son  aspect  et  sa  hauteur  ;  de  son  versant 
nord  sortent  deux  cours  d'eau  torrentueux  qui  forment  le 
Dzanskar,  affluent  delà  rive  droite  de  l'Indus.      H.  G. 

DZIALYNSKI.Grande  famille  comtale polonaise. Elle  tire 
son  nom  du  village  de  Dzialyn,  dans  le  gouvernement  de 
Plock.  Ses  représentants  les  plus  remarquables  ont  été,  au 
xvi^  siècle,  /m/^Dzialynski,  palatin  de  Ciielmno;  auxxvii^ 
et  xviii*^  siècles,  Thomas  Dzialynski,  palatin  de  Chelmno.  Ce 
dernier  soutint  d'abord  l'élection  du  prince  de  Conti,  puis 
passa  au  service  du  candidat  saxon.  Il  fut  chargé  d'une  mis- 
sion auprès  de  Pierre  le  Grand  (4704),  mission  par  suite  de 
laquelle  les  Russes  mirent  pour  la  première  fois  les  pieds 
sur  le  territoire  polonais.  Il  mourut  en  1714.  —  Igjiace 
Dzialynski,  né  en  1754,  mort  en  1797,  prit  part  à  la  consti- 
tution du  3  mai  et  aux  luttes  de  Kosciuszko  pour  l'indépen- 
dance nationale.  —  François- Xavier  Dzialynski,  né  en 
1756,  mort  en  1819,  remplit  des  missions  diplomatiques 
et  fit  partie  de  la  commission  gouvernementale  du  grand- 
duché  de  Varsovie.—  ick//^r/^»5  Dzialynski,  né  en  1795, 
mort  le  12  avr.  1861,  fils  du  précédent,  a  rendu  de  grands 
services  à  l'histoire  et  à  rarcliéologie  de  la  Pologne.  Lié 
avec  Czacki,  Albertrandy,   Niemcewicz,   il   entreprit  de 
recueillir  et  de  publier  les  monuments  de  l'histoire  nationale. 
Il  réunit  dans  son  château  de  Kornik  (Poznanie)  une  quan- 
tité considérable  de  manuscrits  et  de  livres.  Il  publia  à  ses 
frais  un  grand  nombre  d'ouvrages,  notamment  :  Mémoires 
de  Jean  Kilinski  (Brieg,  1828);  Recueil  de  lois  lithua- 
niennes de  iS80  à  15W  (Poznan,  1841);  Acta  Tomi- 
ciana  (zfl.,  1852-1860,  8  vol.)  ;  Mémoires  d'Orzelski  {id., 
1854)  ;  Lites  ac   liegestœ  inter  Polonos,  ordinemque 
Cruciferorum,  de  Dlugosz  (1855-1856,  5  vol.)  ;  Sources 
pour  servira  V histoire  de  l'union  de  la  Lithuanie  et  de 
la  Poloqne  iid.,  1856);  Armoiries  du  pays  et  de  la 
noblesse  (id.,  1857),  etc.  —  Jean  Dzialynski,  fils  du  pré- 
cédent, né  en  1832,  mort  à  Kornik  le  30  mars  1880. 
Marié  en  1857  à  la  princesse  Isabelle  Czartoryska.  il  est 
devenu  en  1862  député  au  Parlement  prussien.  En  1863, 
il  fut  poursuivi  et  condamné  à  mort  par  contumace.  Am- 
nistié depuis,  il  a  contribué  à  accroître  l'importante  biblio- 
thèque de  Kornik  et  a  publié  à  ses  frais  un  certain  nombre 
d'ouvrages  scientifiques.  L.  Léger. 

DZIEDUSZYCKl.  Famille  polonaise.  Ses  principaux  re- 
présentants ont  été  :  Thaddé cDzleduszycki,  mort  en  1777, 
grand  cchanson  delà  couronne;  il  prit  une  part  importante 
à  la  diète  de  1764;  il  lutta  contre  la  Confédération  de 
Bar,  mais,  abandonné  par  ses  troupes,  il  dut  se  réfugier  en 
Yalachie. —  Maurice  Dzieduszycki,  historien,  né  enGalicie 
en  1813,  mort  à  Lwow  (Lemberg)  en  1871.  11  servit  dans 
l'administration  de  la  Galicie,  fut  chambellan  de  l'empereur 
d'Autriche.  En  1851,  il  fut  directeur  de  Tlnstitut  Osso- 
linski.  Outre  un  grand  nombre  d'articles  dans  les  journaux 
scientifiques,  il  a  publié  en  polonais  d'importants  ouvrages  : 
Histoire  des  Lisoivczy ki  (h\\o\\,  1843-1844,  4  vol.); 
Pierre  Skarga  et  son  temps  (Cracovie,  1868,  2®  éd.); 
Zbigniew  Olesnicki  (Cracovie,   1854,  2  vol.)  ;   Chro- 
nique   de   la   famille   Dzieduszycki   (Lwow,   1856)  ; 
la  Patrie  {id.,  1857)  ;  Piécits  des  anciens  temps  {id.., 
1868).  Quelques-uns  de  ses  ouvrages  ont  paru  sous  le 
pseudonyme  de  Rychlicki.  —  Albert  Dzieduszycki,  député 
à  la  diète  de  Galicie,  a  publié  quelques  travaux  d'esthétique 
et  d'archéologie.  —  Vladimir  Dzieduszycki,   député  au 
Reichsrath  de  Vienne,  a  constitué  à  Lwow^une  bibhothèque 
et  d(îs  collections  fort  importantes.  Il  a  publié  à  ses  frais 
un  certain  nombre  d'ouvrages  scientifiques.     L.  Léger. 
Bi]]L.  :  EsTREiciiER,  Bihliocjv.  polonaise  du  xix^  siècle. 
DZIEKONSKl  (Thomas),littérateur  polonais,  né  àLomza 
en  1790,  mort  à  Varsovie  en  1875.  Il  fut  professeur  et 
directeur  du  gymnase.  Il  a  publié  en  polonais  un  grand 
nombre  d'ouvrages  d'histoire  et  de  géographie  traduits  ou 
imités  du  français  ou  de  l'allemand   et  quelques  travaux 
pédagogiques.  —  Son  fils,  Jean-Bogdan,  né  à  Kalisz  en 
1816,  mort  à  Paris  en  1853,  a  écrit  entre  autres  un  roman, 


Sendziwoj  (Varsovie,  1845);  Rêves  et  souvenirs  (id., 
1848,  2  vol.),  etc. 
BriJL.  :  EsTiiEiciiER,   Diblioc/r.  polonaise  du  xix^  siècle. 
DZIERZANOWSKI    (Michel),   aventurier   polonais  du 
xvm«  siècle.  On  ne  sait  pas  où  il  est  né.  Il  servit  aux 
Indes  sous  les  ordres  de  Lally,  puis  se  fit  corsaire  :  pour- 
suivi par  les  Anglais,  il  se  serait  réfugié  à  Madagascar  et 
serait  devenu  roi  de  quelque  tribu.  11  se  serait  ensuite 
enfui  à  Sainte -Hélène,  puis   à   Londres.    Revenu   dans 
sa  patrie,  il  fut  bien  accueilli  par  Stanislas-Auguste  qui  le 
nomma  son  chambellan.  Il  organisa  à  lui  tout  seul  une 
confédération,  mais  il  ne  réussit  pas  et  dut  s'enfuir  en 
Hongrie.  Après  le  premier  partage  de  la  Pologne,  il  se  re- 
tira à  Vienne  où  il  s'occupa  d'alchimie  et  mourut  en  1808. 
Ce  personnage  bizarre  rappelle  par  plus  d'un  côté  son 
congénère  l'aventurier  Beniowski. 
BiiJL.  ;  RuLHiKRE,  Histoire  de  l'anarchie  de  Pologne: 
DZIERZKOWSKI  (Joseph),  écrivain  polonais,  néàXawe- 
row  (Galicie)  en  1806,  mort  à  Lwow  le  13  janv.  1865.  Il 
servit  en  1831  sous  Dwernicki.  Rentré  en  Galicie,  il  se  con- 
sacra entièrement  à  la  littérature.  Il  est  considéré  comme  l'un 
des  premiers  nouvellistes  polonais.  H  se  plaît  surtout  à  décrire 
les  types  et  les  mœurs  populaires.  Les  plus  remarquables 
de  ses  œuvres,  généralement  publiées  en  Galicie,  sont  : 
Pour  la  dot  (1847);  le  Salon  et  la  Rue  (1847);  l'En- 
fant  trouvée  (1854);  les  Deux  Jumeaux  (1854);  le  Roi 
des  ancêtres  (1855);  Tout  nest  pas  or  (1859);  VEcole 
du  mo7ide  (1862).  On  lui  doit  en  outre  une  comédie,  C Etin- 
celle de  la  vie;  un  drame,  VOïïense  et  la  Revanche 
(1865),  etc. 
BiJJL.  :   EsTREiciiER;  Biblio(jv.  polonaise  du  xix»  siècle. 
DZIERZON   (Johann),   apiculteur  allemand,   d'origine 
polonaise,  né  à  Lobkowitz  (Haute-Silcsie)    le  11    janv. 
1811.   Il  étudia  la  théologie  à  Breslau,  fut  chapelain  à 
Sclialkowitz^en  1834,  curé  à  Karlsmarkt,  près  de  Brieg, 
depuis  1835;   il  s'occupa  avec  passion  d'apiculture,  au 
point  que  ses  supérieurs  ecclésiastiques  provoquèrent  sa 
mise  à  la  retraite.  Depuis  plus  de  cinquante  ans,  Dzierzon 
écrit  sur  son  sujet  favori;  c'est  à  lui  qu'est  due  la  connais- 
sance de  la  parthénogenèse,  ce  fait  si  intéressant  pour  la 
physiologie  générale  ;  c'est  lui  qui  a,  paraît-il,  imaginé  les 
ruches  à  rayons  ou  cadres  mobiles;  en  1853,  il  introdui- 
sit en  Allemagne  l'abeille  dite  italienne.  Principaux  ou- 
vrages :  Théorie  und  Praxis  des  neuen  Bienenfreundes 
(Berlin,  1848,  in-8;  Nachtrag,  Nordlingue,  1852)  ;  Ra-- 
tionelle  Bienenzucht  {Wieg,\m\,  in-8);  depuis  1854, 
il  publie  Der  Bienenfreund  ans  Schlesien.     D^  L.  Hn. 

DZONDI  (Karl-Heinrich),  médecin  allemand,  né  à  Ober- 
winkel  (Saxe)  le  25  sept.  1770,  mort  à  Halle  le  1^^  juin 
1836.  Il  dirigea  en  1806-1807  l'hôpital  français  de  Wit- 
tenberg,  devint  en  1811  professeur  ordinaire  de  chirurgie 
et  directeur  de  la  clinique  chirurgicale,  puis  en  1817  fut 
destitué  pour  avoir  manifesté  de  prétendues  sympathies 
pour  la  France.  Il  fonda  alors  une  clinique  particulière  à 
Halle,  qui  eut  un  immense  succès.  On  doit  à  Dzondi  une  foule 
d'écrits,  parmi  lesquels  :  Lehrbuch  der  Chirurgie,  etc. 
(Halle,  1824,  in-8)  ;  Neue  zuverl.  Heilartder  Lustseu- 
che,  etc.  (Halle,  1826,  1832,  in-S)  ;  Die  Functionen  des 
weichen  Gaumens,  etc.  (Halle,  1831,  in-4)  ;  Die  Au- 
genheilkunde,  etc.  (Halle,  1835,  in-8,  fîg.).  D"^  L.  Hn. 
DZOU  (V.  Dou). 

DZOUNGARIE.  Pays  de  l'Asie  centrale.  Cette  contrée  a 
eu  des  limites  extrêmement  vastes  ;  à  la  fin  du  xvii«  et  au 
xviii«  siècle,  elle  s'étendait  sur  les  deux  versants  des  Tien- 
chan  ;  d'une  part,  jusqu'au  lac  Balkach,  de  l'autre  jusqu'à 
Hami.  Aujourd'hui,  on  est  généralement  d'accord  pour  dé- 
signer sous  le  nom  de  Dzoungarie  la  partie  septentrionale 
des  Tien-chan,  que  les  Chinois  appellent  Tien-chan  Pe-lou 
et  qui  comprend  principalement  les  vallées  des  rivières 
Tekes  et  Kounges  qui  forment  l'Ili  et  Kach.  Il  en  résulte 
que  la  partie  occidentale  du  pays  appartient  à  la  Russie,  et 
la  partie  orientale,  y  compris  Kouldja,  à  la  Chine.  D'après 
les  termes  mêmes  du  traité  du  12  févr.  1881,  art.  7,  «  la 


-  184  - 


DZOUNGARIE 


frontière  entre  les  possessions  de  la  Russie  et  la  pro- 
vince chinoise  d'IU  suivra,  en  partant  des  montagnes  Béd- 
jin-taou,  le  cours  de  la  rivière  Khorgos,  jusqu'à  l'endroit 
où  celle-ci  se  jette  dans  la  rivière  Ili  et,  traversant  cette 
dernière,  se  dirigera  au  S.,  vers  les  montagnes  Ouzounta, 
en  laissant  à  l'O.  le  village  de  Koldjat.  A  partir  de  ce 
point  elle  suivra,  en  se  dirigeant  au  S.,  le  tracé  fixé  par 
le  protocole  signé  à  Tchougoutchak  en  '1864  ». 

En  réalité,  le  nom  même  ne  marque  ni  un  pays  ni  ses 
habitants,  Dzoungares.  Le  mot  dzoungare  veut  dire  aile 
gauche,  main  gauche.  Les  Dzoungares,  que  les  Chinois  nom- 
ment Djun-ga-rh,  formaient  l'un  des  quatre  oirats  mon- 
gols. Les  quatre  oirats  étaient  :  les  Tchoros,  dans  l'Ili, 
qui  sont  les  Dzoungares  ;  les  Dourbet,  sur  l'Irtych  ;  les 
Tourgoutes,  dans  le  Targabataï,  et  les  Kochots,  dans  le 
pays  d'Ouroumtsi.  Les  Oirats,  Eleuthes  (V.  ce  mot)  sont 
la  vraie  dénomination  du  peuple  désigné  sous  le  nom  de 


Kalmouks,  qui  formèrent  à  la  hn  du  xvii«  et  au  commen- 
cement du  xviii''  siècle  un  empire  extrêmement  puissant, 
qui  ne  fut  définitivement  conquis  qu'en  47S9  par  l'empe- 
reur chinois  Kien-loung.  L'administration  actuelle  du  ter- 
ritoire chinois  dlli  a  un  gouverneur  qui  porte  le  titre  à'Ili 
Tsiang  Kiln,  dont  le  premier  titulaire  fut  créé  en  1864. 
Ces  notes  montrent  que  ces  Dzoungares,  qui  sont  en  réalité 
des  Tchoros,  ont  été  fortement  mélangés  ;  à  la  fin  du  règne 
de  Kien-loung,  il  y  eut  dans  la  Dzoungarie  une  grande  émigra- 
tion de  Chinois,  venus  du  Chen-si  et  du  Kan-sou.  M.  Radlotf 
fait  rentrer  le  groupe  dzoungare  dans  l'un  des  trois  principaux 
des  dialectes  turcs  de  Sibérie  (Dzoungar,  Altaïque,  Saïansk), 
et  il  le  subdivise  en  Kirghiz,  Kara-Kirghiz  et  Tourantchi 
(Ouïffours)  (V.Asie,  Eleuthes,  Ili).        Henri  Cordier. 

BiBL.  :  S.  Julien,  Journ.  asiat,  1846,  VIII,  pp.  228, 
385.  —  Radloff,  Année  géographique,  1865,  IV,  p.  205. 
—  Bretschneider,  Mediœval  Researches,  II,  pp.  159, 
171-172. 


LA 


GRANDE  ENCYCLOPÉDIE 


4.  Ms.  du  vii«  siècle.  Bibl.  nat.,  lat.  2706. 

2.  Ms.  du  vii°  siècle.  Ibid. 

3.  Ms.  visigothique  du  \iii^  siècle.    Sacramen taire  de 

Gellone. 

4.  Ms.  visigothique  du  \'iii®  siècle.  Ibid, 

5.  Ms.  visigothique  du  viii®  siècle.  Ibid. 

6.  Ms.  du  ix^  siècle.  Sacramentaire  de  Metz. 


7.  Ms.  anglais  du  xiii®  siècle.  Musée  britannique. 

8.  Testament  du  roi  Charles  V.  1374.  Arch.  nat.,  J  404. 

9.  Testament  du  roi  Charles  VI.  1391.  Ibid, 

10.  Ms.  anglais  de  Tite-Live.  Musée  britannique. 

11.  Gothique  des  livres  de  chœur  du  xvi^  siècle.  Ms.  du 

Mont-Cassin. 

12.  Bible  de  Wittenberg  (xvi®  siècle). 


LA   GRANDE  ENCYCLOPÉDIE 


E 


E.  I.  Linguistique.—  La  place  que  cette  voyelle  occupe 
dans  les  alphabets  indo-européens  à  la  suite  de  l'a  semble 
indiquer  que,  dès  Tantiquité,  on  avait  le  sentiment  que  celle- 
là  dérive  de  celle-ci.  En  sanscrit,  en  grec,  en  latin,  etc.,  la 
voyelle  e  est  longue  (ê)  ou  brève  [ë).  Le  rapport  de  ê  avec 
a,  à  titre  de  son'modifié  ou  affaibli,  est  surtout  indiqué  par 
les  phénomènes  que  présente  le  dialecte  dorien  eu  égard 
aux  autres  dialectes  grecs  ;  en  général,  Vê  dans  ces  dialectes 
remplace  un  a  du  "dorien  comme  dans  l'airiixt  (ionien, 
attique,  etc.)  auprès  de  laïa^jn  (dorien).  La  comparaison 
de  ce  verbe  avec  le  correspondant  sanscrit  tisthâmi  et  le 
correspondant  radical  latin  stâ,  dans  stâre,  fournit  d'ail- 
leurs la  preuve  sûre  qu'en  pareils  cas  l'a  dorien  est  l'an- 
técédent de  Yê  des  autres  dialectes  de  la  Grèce.  En  sanscrit, 
les  faits  qui  tendent  à  la  même  conclusion  sont  nombreux. 
Qu'il  nous  suffise  de  citer  les  formes  des  parfaits  non  re- 
doublés comme  sêdima  auprès  de  sasâda,  etc.  De  même, 
en  latin,  tout  indique  que  ïê  du  parfait  fêci  et  des  ana- 
logues est  le  résultat  de  l'affaiblissement  d'un  ancien  a.  En 
français,  on  sait  que  Vè  de  mère,  par  exemple,  représente 
l'ancien  â  du  latin  mater,  etc.  Vê  est  absent  du  sanscrit 
où  Vï  parfois  en  tient  lieu.  En  revanche,  le  zend  le  pos- 
sède et  dans  des  cas  où  il  occupe  visiblement  la  place  d'un 
ancien  a,  comme  dans  le  suffect  ent  (pour  et  auprès  de 
ant)  du  participe  présent  actif.  En  général,  dans  les  autres 
langues  indo-européennes,  ê  est  dans  un  rapport  semblable 
avec  à  à  celui  qui  existe  entre  ê  et  a.  En  ce  qui  concerne 
le  grec,  on  le  voit  surtout  par  la  relation  de  piyaç  avec 
(xaxpoç  et  le  latin  magnus;  par  celle  de  xscpaXr)  avec  le 
latin  câpnt,  de  7][X£pa  auprès  de  T^piap,  etc.  Dans  le  latin 
même,  les  mots  composés  tels  que  puerpêra  auprès  de 
pàrio,  iners  auprès  de  ars,  confectus  auprès  de  fàcio.,  etc., 
montrent  que  la  loi  du  changement  de  à  en  è  s'y  est 
surtout  exercée  quand  les  formes  où  figure  l'a  primitif 
se  sont  élargies  (cf.  le  rapport  de  r^ixap  et  de  f][j.£pa 
en  grec) . 

Les  mêmes  transformations  s'accusent  en  français  dans 
une  infinité  de  cas.  Exemples  :  cher  auprès  du  latin 
carus,  père  auprès  du  latin  pater,  c/i^^z/ auprès  de  cap- 
tivus,  etc.  En  allemand,  a  s'est  changé  surtout  en  e  (a) 
dans  les  formes  du  pluriel  jadis  élargies  eu  égard  à  celles 
du  singulier  (comparer  ce  qui  s'est  passé  en  grec  et  en  latin 
dans  de  semblables  circonstances).  En  anglais,  la  pronon- 
ciation e  appliquée  au  son  a  dans  des  cas  si  fréquents 
est  la  preuve  la  plus  évidente  d'une  évolution  phonétique 
du  même  genre  :  le  son  a  changé,  mais  l'ancienne  ortho- 


graphe s'est  conservée  et  témoigne  avec  éloquence  du  sens 
de  l'écart  qui  s'est  produit  entre  celui-là  et  celle-ci. 

Cet  ensemble  de  preuves  ne  permet  pas  de  doutes  sur 
la  véritable  nature  du  changement  qui  s'est  manifesté  entre 
le  sanscrit  d'une  part  et  le  grec  et  le  latin  (et  les  langues 
slaves)  de  l'autre  dans  des  racines  comme  ad,  manger 
(sansc),  et  sB,  êd,  même  sens  (gr.  et  lat.).  Dans  ces  deux 
dernières  langues,  l'a  primitif  s'est  affaibU  simultanément 
en  ë  par  l'eflet  d'une  loi  qui  s'exerce  partout,  nous  l'avons 
vu,  dans  le  domaine  des  idiomes  indo-européens.  L'expli- 
cation donnée  de  tels  faits  par  les  néo-grammairiens  et 
d'après  laquelle  l'a  sanscrit  représenterait,  en  pareils  cas, 
un  ancien  ë,  est  donc  contraire  à  toutes  les  analogies  et  par 
là  absolument  inacceptable. 

En  grec  et  en  latin  Vë,  surtout  auprès  des  liquides 
et  des  nasales,  a  souvent  disparu  sous  l'influence  d'une 
contraction  subie  par  les  formes  dans  lesquelles  il  se  ren- 
contre. C'est  ainsi  que  axpo;  est  pour  àxsp-o;  (cf.  lat. 
acer)  ;  ;:ot(j.vr]  pour  Tcoipisv-r]  (cf.  r.ov^t]^)  ;  lat.  patrem 
pour  pater-em  (cf.  pater);  alumnus  pour  alumenus 
(cf.  les  participes  grecs  en  [j.£voç),  etc.  Il  y  a  tout  lieu 
de  croire  que,  dans  les  exemples  de  ce  gerre,  Frétait 
préalablement  descendu  à  la  valeur  réduite  de  notre  e  muet. 

En  français,  on  distingue  trois  sortes  à'e,  Yè  (ouvert), 
Yë  (fermé)  et  Ye  (muet),  qui  dérivent  tous,  d'après  des 
lois  et  dans  des  conditions  qu'il  serait  trop  long  d'examiner 
en  détail,  des  voyelles  latines  â  et  â,ê  et  ë.  Bornons-nous 
à  constater  que  Ye  muet  représente  généralement  ces  voyelles 
dans  les  syllabes  qui  correspondent  aux  parties  atones  des 
antécédents  latins.  Vè  ouvert  apparaît  le  plus  souvent  à  la 
pénultième  des  mots  dont  la  syllabe  finale  contient  un  e 
muet  et  leurs  dérivés  :  père,  mère,  extrême,  extrême- 
ment, dernière,  dernièrement,  etc.  Par  un  effet  remar- 
quable de  compensation  ou  d'équilibre  phonique,  Yè  ouvert 
devient  muet  quand  la  syllabe  qui  le  suit  est  sonore  (ou 
accentuée)  au  lieu  d'être  muette.  Exemples  :  je  sème,  je 
sèmerai,  mais,  nous  semons,  je  semais,  etc.  Vé  fermé 
s'emploie  à  l'intérieur  des  mots  devant  une  syllabe  sonore  : 
téméraire,  mérite,  héros,  fétu,  etc.  ;  ou  à  la  fin  des  mots 
terminés  par  une  syllabe  sonore  :  témérité,  persé- 
cuté, etc.  Paul  Regnaud. 

II.  Paléographie.  —  Le  signe  qui  représente  le  son  E 
est  le  même  dans  les  alphabets  grecs  et  latins  ;  il  procède 
d'un  hiérogramme  égyptien  dérivé  lui-même  d'un  signe 
hiéroglyphique  ayant  la  signification  de  fenêtre.  Emprunté 
à  l'Egypte  par  les  Phéniciens,  il  a  été  introduit  par  eux 


486  - 


dans  les  écritures  de  Tantiquité,  mais  c'est  seulement  en 
passant  des  Phéniciens  aux  Grecs  qu'il  a  changé  de  valeur 
et  est  devenu  une  véritable  voyelle.  Les  Phéniciens  tra- 


çaient ce  signe  en  plaçant  les  barres  transversales  à  gauche 
de  la  barre  verticale  3 .  Il  est  figuré  exactement  de  la  même 
manière  dans  les  inscriptions  cadméennes  dont  l'écriture  va 


i.  ORIGINE  ET  DERIVATION  DE  L'E  LATIN 

ScjupVmt 

Jven'iÔMv 

Qt£c  Cûutmk'n 

Ocïc'CBûUcn. 

m 

1  ^ 

^^ 

j^n 

£■ 

un 

de  droite  à  gauche,  mais  on  le  voit  retourné  et  déjà  très 
semblable  à  notre  E  dans  les  textes  où  l'écriture  a  été  tracée 
de  gauche  à  droite,  suivant  la  direction  qui  finit  par  pré- 


valoir en  Grèce.  On  le  retrouve  dans  les  autres  écritures 
grecques  et  notamment  dans  la  plus  ancienne,  l'écriture  éolo- 
dorienne,  tout  à  fait  redressé  et  devenu  exactement  notre  E. 


2.  ÉCRITURES  DE  LA  PREMIÈRE  PÉRIODE  DU  MOYEN  AGE 


y 


Écritures  anti- 
ques  

V®  siècle 

VP  siècle 


VII®  siècle. 


VHP  siècle. . . . 


IX«  siècle. 


X®  siècle . 


XI®  siècle. 


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e  er 


Ce  sont  les  colonies  chalcidiennes  du  sud  de  l'Italie  qui 
ont  transmis  ce  caractère,  comme  la  plupart  des  autres 
lettres  de  l'alphabet,  à  l'écriture  latine,  où  on  le  retrouve. 


dans  les  inscriptions  les  plus  archaïques,  avec  la  forme 
que  nous  lui  connaissons.  Mais  on  y  rencontre  en  même 
temps  une  autre  forme  très  différente  composée  de  deux 


—  187  — 


traits  verticaux  parallèles  ||.  Cette  forme  caractéristique 
provient  de  la  tendance  de  l'alphabet  latin  à  détacher  les 
différents  traits  des  lettres  et  à  les  tracer  de  bas  en  haut  ; 
elle  n'a  du  reste  pas  persisté.  Le  tableau  n^  1  donne  ces 
différentes  formes  de  TE  et  en  rend  sensible  la  déri- 
vation. 

De  l'E  capital  des  textes  lapidaires  latins,  que  reproduit 
exactement  l'E  capital  de  l'imprimerie  moderne,  dérivent 


toutes  les  formes  de  cette  lettre  en  usage  chez  les  divers 
peuples  de  l'Europe  occidentale.  La  forme  ||,  particulière 
à  l'écriture  latine,  s'est  maintenue  assez  longtemps  dans  les 
inscriptions  et  on  la  retrouve  même  dans  celles  qui  ont  été 
tracées  légèrement  à  la  pointe,  ou  graffiti.  Mais  de  très 
bonne  heure,  la  nécessité  d'écrire  rapidement  a  fait  incurver 
la  barre  verticale,  lorsqu'on  voulait  la  tracer  d'un  seul 
trait  avec  les  deux  barres,  supérieure  et  inférieure  ;  un 


3.  ÉCRITURES  GOTHIQUES 


XIP  siècle. 


XII1«  siècle 


XIV^  siècle 


XV^  siècle. 


0)iaiudciu£ 


ovtôc/ù/pïiûfn6 


e 


c5ce<x<u^ 


OTCmué>ctAic^ 


et 

t  ^ 
i  e 


Cu^f^wc- 


C  c 


V   ♦=- 


ér  ^ 


^ 


second  trait  y  ajoutait  la  barre  du  milieu.  Cela  produisit  la 
forme  dite  onciale  ;  on  la  trouve  indiquée  déjà  assez  nette- 
ment dans  les  graffiti  et  dans  les  papyrus  d'Herculanum 
et  de  Pompéi,  tandis  que  les  tablettes  de  cire  semblent 
avoir  préféré  la  forme  ancienne  1 1 . 

De  la  forme  onciale  est  naturellement  sortie  la  lettre 
minuscule;  il  a  suffi  que  la  barre  médiane  fût  reliée  au 
trait  supérieur  infléchi   à  droite  et  forme  avec  lui  une 


panse,  pour  que  ce  caractère  ressemble  fort  a  IV  minuscule 
de  la  typographie.  On  rencontre  ce  caractère  dès  le  vi®  siècle 
dans  l'écriture  à  laquelle  le  mélange  des  formes  onciales  et 
minuscules  a  fait  donner  le  nom  de  semi-onciale.  Depuis 
lors  cette  barre  médiane  s'est  plus  ou  moins  rapprochée 
du  sommet  de  la  lettre,  et  la  panse  formée  par  elle  a  été 
plus  ou  moins  vaste  ;  mais  la  forme  générale  du  caractère 
n'en  a  été  que  peu  modifiée,  et  les  formes  minuscules  n'en 


4.  ECRITURES  MODERNES 


^(^Kjotttcjae 

u\xnMm>wL' 

vtûuicfue^ 

Oc/tÀXunJi/ 

Jé^fXoKB^ 

ec 

e 

e 

S 

,^  ^ 

diffèrent  guère  que  par  les  dimensions.  Il  n'en  est  pas  de 
même  de  la  cursive  :  les  ligatures  des  lettres  voisines  l'ont 
souvent  transformée  à  ce  point  qu'il  est  difficile  de  recon- 
naître la  forme  de  cette  lettre,  au  moins  dans  les  premiers 
siècles  du  moyen  âge  et  surtout  dans  les  écritures  de  chan- 
cellerie. Assez  souvent  Ve  cursif,  d'assez  grande  dimension, 
semble  dériver  de  l'E  capital  qu'on  aurait  voulu  tracer 
tout  entier  d'un  seul  trait  de  plume  et  former  de  deux 
panses  ouvertes  à  droite  et  superposées.  Cette  forme  s'est 
conservée  jusqu'à  nous,  et  c'est  à  peu  près  celle  des  majus- 
cules de  l'écriture  courante  moderne.  Parfois  aussi  Ve 
ainsi  formé  a  été  de  très  petite  dimension  et  ressemble  à 


l's  grec.  D'autres  fois  enfin  s'est  ajoutée  à  la  lettre  une  barre 
transversale  que  l'on  a  tracée,  soit  dans  le  haut  de  la 
panse  supérieure  (écriture  mérovingienne  et  Caroline),  soit 
entre  les  deux  panses.  Cette  disposition  est  caractéristique 
dans  plusieurs  des  écritures  dites  nationales  et  particu- 
lièrement dans  la  cursive  et  la  minuscule  dites  lombardi- 
ques.  Certains  caractères  cursifs, notamment  dans  les  lettres 
apostoliques  du  viii®  au  xi®  siècle,  ont  à  peu  près  la  forme 
d'un  8  dont  la  panse  supérieure  très  petite  serait  séparée 
par  un  trait  de  la  panse  inférieure.  C'est,  du  reste,  comme 
on  peut  le  voir  par  notre  tableau  5,  à  peu  près  la  seule 
particularité  de  ces  écritures. 


E  —  EADIE 


—  188 


L'E  capital  romain  est  longtemps  demeuré  en  usage  dans 
les  inscriptions.  On  y  trouve  cependant  aussi  assez  tôt  une 
forme  qui  se  rapproche  de  l'onciale,  témoin  la  fameuse  ins- 
cription de  Maktar  qui  remonte  pour  le  moins  au  vi®  siècle. 
D'abord  très  rare,  cette  forme  est  devenue  fréquente  à 
partir  du  x®  siècle. 


Pendant  la  seconde  partie  du  moyen  âge  (xii®-xv«  siècle), 
on  retrouve  encore  dans  les  majuscules  initiales,  les  ins- 
criptions lapidaires  et  les  légendes  des  sceaux,  l'E  capital 
romain,  mais  la  forme  la  plus  ordinaire  est  dérivée  de 
l'onciale  dont  elle  diffère  cependant  en  ce  que  presque 
toujours  la  lettre  est  fermée  à  droite  par  un  trait  vertical 


5.  ECRITURES  DITES  NATIONALES 


Mérovingienne. . . 


Lombarde  , 


Visigothique. 


Irlandaise . 


Anglo-Saxonne  . , 


Cxpitoie 

0 

CAAKèW^ 

^wMécuXe^ 

} 

e 

t 

t  e 

H 

c 

û 

Ct 

1£ 

e 

£ 

e 

ï 

e 

i 

^ 

î 

ô 

Z 

e 

(V.  tableau  3).  Les  écritures  gothiques  y  ont  ajouté,  sur- 
tout dans  les  lettrines,  des  fioritures  et  des  enjolivements. 
A  partir  du  xiv^  siècle,  on  rencontre  assez  souvent  dans  les 
inscriptions  lapidaires  et  dans  les  légendes  des  sceaux  la 
forme  minuscule,  qui  y  est  employée  à  peu  près  seule  au 
siècle  suivant  et  qui  est  caractéristique  des  inscriptions 
gothiques  de  ce  temps.  Il  y  a  peu  de  choses  à  dire  des 
formes  minuscules  et  cursives  ;  les  unes  sont  devenues  de 
plus  en  plus  anguleuses,  surtout  dans  les  lettres  dites  de 
forme,  les  autres  d'abord  assez  semblables  aux  minuscules, 
ont  été  plus  tard  formées  souvent  de  deux  traits  légère- 
ment concaves  superposés  et  sans  liaison  entre  eux.  Cette 
forme  s'est  perpétuée  dans  les  écritures  modernes  ;  on  la 
retrouve  dans  les  bulles  et  jusque  dans  la  bâtarde  des  xvii® 
et  xviii®  siècles. 

Notre  frontispice  donne  une  idée  du  parti  décoratif  qu'ont 
su  tirer  de  la  lettre  E  les  calligraphes  et  les  enlumineurs 
du  moyen  âge.  '^'^'^ 

III.  Logique.  —  En  logique,  la  lettre  E  employée  dans  le 
corps  des  mots  qui  désignent  les  différents  modes  du  syllo- 
gisme (V.  ce  mot)  signifie  que  la  proposition  qui  lui  cor- 
respond est  une  proposition  négative  universelle.  Ainsi 
dans  cEsarE^  la  majeure  et  la  conclusion  sont  des  né- 
gatives universelles,  dans  camEstrEs,  la  mineure  et  la 
conclusion. 

IV.  Musique.  —  Dans  l'alphabet  de  la  notation  dite 
Boétienne  par  lettre,  l'E  représente  la  note  mi  naturel. 

V.  Mathématiques.  —  On  a  désigné  par  la  lettre  e  la  base 
des  logarithmes  népériens.  Ce  nombre  est  la  limite  vers  la- 

^    m 

quelle  tend  (1 H — )    quand  m  croît  indéfiniment  en  passant 


par  des  valeurs  positives  ou  négatives.  On  trouve  : 
114  1 

^    ^  1^1.2  ^  1.2.3  ^"'  ^  1.2.3.. .m^"  * 

r=  2,718281828459045... 
On  a  prouvé  que  ce  nombre  est  incommensurable,  et 
même  dans  ces  derniers  temps,  M.  Hermite  a  prouvé  qu'il 
ne  saurait  être  racine  d'une  équation  algébrique  à  coefii- 
cients  entiers.  On  rencontre  le  nombre  e  dans  une  foule 
de  questions  d'analyse.  En  général,  on  a 
^,      ,      X        x^  x"^ 

^^=1+-  +  — --^...  +  -— ~ h... 

1       1.2  1.2. 3. ..71 

EACHARD  (John),  théologien  anglais,  fameux  par  sa 
science  et  son  esprit,  né  en  1636,  mort  le  7  juil.  1697.  Il 
est  surtout  connu  par  une  satire  mordante  dirigée  contre 
le  clergé,  dont  il  feint  de  chercher  à  expliquer  le  discrédit, 
The  Grounds  and  occasions  of  the  contempt  of  the 
clergy  (1670).  Quelques  années  plus  tard,  il  dirigea  contre 
Hobbes  ses  Deux  Dialogues  sur  l'état  de  nature.  Vive- 
ment attaqué  à  son  tour  par  ses  adversaires,  il  sut  les 
désarmer  en  mêlant  l'humour  aux  arguments  sérieux.  En 
1675,  il  fut  nommé  principal  de  Catharine  Hall,  à  Cam- 
bridge, où  il  avait  fait  ses  études.  Il  dirigea  cet  établisse- 
ment pendant  près  de  vingt-deux  ans.  G.  Q. 

EACHARD  (Laurence)  (V.  Echard). 

EACIDES  (Myth.).  1°  Descendants  à'Eaque(Y.  ce  nom). 
2<^  Roi  des  Molosses  (V.  JEacides). 

EADIE  (John), théologien  écossais,  né  en  1810, mort  en 
^876.  Il  avait  vingt-cinq  ans  quand  il  fut  appelé  à  Glasgow 
comme  pasteur  de  la  congrégation  sécessioniste  de  cette 
ville.  Quelques  années  après  (1843),  il  y  remplit  les  fonc- 


—  189  — 


EADIE  —  ÉAQUE 


lions  de  professeur  de  théologie,  au  nom  du  grand  parti 
des  séparatistes  qui  avaient  fondé  avec  Erskine  IMssoda^^ 
Presbytery,  près  d'un  siècle  auparavant.  Parmi  les  travaux 
scientifiques  de  Eadie,  on  cite  son  History  ofthe  english 
Bible  (1876)  et  ses  études  sur  le  texte  des  Epîtres  de  samt 
Paul  aux  Ephésiens,  aux  Colossiens,  aux  Philippiens  et 
aux  Galates.  Il  est  aussi  connu  par  ses  sermons  et.  des 
ouvrages  de  vulgarisation.  G.  Q. 

EADMER,  historien  anglais,  mort  vers  1124.  A  la  hn 
du  XI®  siècle  et  au  commencement  du  xu^,  Eadmer  occupa 
une  situation  prépondérante  dans  l'église  métropolitaine  de 
Canterbury;  sur  l'esprit  de  saint  Anselme  et  de  son  suc- 
cesseur, l'archevêque  Ralph,  il  fut  tout-puissant.  Il  était 
si  célèbre  par  la  vigueur  de  son  esprit  que  le  roi  Alexandre 
d'Ecosse  l'appela  en  1 120  au  siège  archiépiscopal  de  Saint- 
Andrews,  mais  Eadmer  refusa  d'être  consacré  par  un 
autre  prélat  que  le  métropolitain  de  Canterbury,  dont  les 
Ecossais  repoussaient  la  juridiction,  et  il  dut  renoncer  à 
l'épiscopat.  Il  mourut  dans  la  dignité  de  precentor  de  la 
cathédrale  de  Canterbury.  —  C'était  un  homme  de  talent  : 
il  a  écrit  en  fort  bon  style  des  biographies  de  saint  An- 
selme, de  saint  Dunstan,  de  saint  Oswald,  etc.  Mais  son 
principal  titre  littéraire  est  son  Historia  Novorum,  qui 
va  de  la  conquête  normande  à  l'année  1122;  l'auteur  s'y 
montre  peu  crédule,  pourvu  d'une  bonne  méthode,  et  par- 
tisan décidé  des  libertés  de  l'Eghse  anglaise.  Cet  ouvrage 
a  été  imprimé  dès  1551  à  Anvers;  la  dernière  édition,  à 
laquelle  on  a  joint  la  Vie  de  saint  Anselme,  a  paru  dans 
les  Rolls  Séries,  en  1884,  par  les  soins  de  M.  Martin 
Rule.  —  C'est  bien  à  tort  que  les  anciens  bibliographes 
Leland,  Baie  et  Pits  ont  confondu  Eadmer  de  Canterbury 
avec  un  autre  Eadmer,  abbé  de  Saint-Albans,morten980. 

EAGLE.  Monnaie  (V.  Aigle). 

EAGLEHAWK.  Ville  d'Australie,  colonie  de  Victoria, 
au  N.-E.  de  Melbourne  et  au  N.  du  Dividing  Range; 
7,642  hab.  (en  1881);  elle  doit  sa  prospérité  à  sa  situa- 
tion dans  un  district  aurifère  ;  elle  est  reliée  à  Melbourne 
par  un  chemin  de  fer. 

EAGLE  PASS.  Petite  localité  des  Etats-Unis  (Etat  du 
Texas),  sur  le  Rio  Grande;  3,000  hab.  en  1880.  Près  de 
là  est  le  fort  Duncan.  Une  ligne  de  chemin  de  fer,  reliant 
Brackettsville  (Texas) ,  station  du  Southern  Pacific,  non  loin 
de  la  source  du  Nueces,  à  Torreon  (Mexique),  station  du 
Central  Mexicain,  franchit  le  Rio  Grande  à  Eagle  Pass. 

EAGLES  (John),  artiste  et  écrivain  anglais,  né  à  Bristol 
en  1783,  mort  le  8  nov.  1855.  De  goûts  assez  changeants, 
il  manifesta  d'abord  l'intention  de  se  faire  peintre  de 
paysages  et  voyagea  dans  ce  but  en  Italie,  où  il  se  pas- 
sionna surtout  pour  le  Poussin  et  Salvator  Rosa.  Après 
avoir  donné  quelques  esquisses,  il  résolut  de  prendre  les 
ordres  et  occupa  diverses  cures,  entre  autres  celle  d'Hal- 
berton  dans  le  Devonshire.  Enfin,  il  fut  un  collaborateur 
zélé  du  Blackwood's  Magazine,  où  il  publia  une  série 
d'études  artistiques.  On  peut  citer  de  lui  :  The  Sketcher 
(Edimbourg,  1856,  in-8);  Essays  (Londres,  1857,  in-8)  ; 
Félix  Farley  Rhymes  (Bristol,  1856,  in-8)  ;  Sonnets 
(Edimbourg,  1858,  in-8).  R.  S. 

EALING'.  Ville  d'Angleterre,  comté  de  Middlesex,  fau- 
bourg de  Londres,  à  10  kil.  à  l'O.  de  Hyde  Park; 
15,766  hab.  (en  1881).  Contiguë  à  Brentford,  elle  com- 
prend Gunnersbury  Park,  résidence  du  baron  de  Roths- 
child, des  hôpitaux,  orphelinats,  etc. 

EAMES  (John),  érudit  anglais,  né  à  Londres,  mort  en 
1744.  Bien  que  laïque,  il  remplit,  depuis  1734  jusqu'à  sa 
mort,  les  fonctions  de  maître  de  conférences  de  théologie 
dans  une  institution  de  dissidents,  la  Fund  Academy, 
L'amitié  de  Newton  le  fit  recevoir  membre  de  la  Royal 
Society.  Il  rédigea,  avec  John  Martyn,  un  abrégé  des 
travaux  de  cette  société  savante,  The  Philosophical 
Transactions  from  i7i9  to  11SS  abridged  (2  vol.  in-4), 
complété  par  un  Index  général  (1735,  in-4).  On  lui  doit 
aussi  une  édition  de  The  Knowledge  of  the  Heavens  and 
Earth  made  easy,  par  Isaac  Watts  (1726,  in-8). 


EAMES  (M^^^  Emma),  cantatrice  dramatique,  née  en 
Australie  vers  1865.  Elle  vint  faire  ses  études  vocales  à 
Paris,  sous  la  direction  de  l'excellent  professeur  M'^"  Mar- 
ches!, et,  son  éducation  terminée,  fut  engagée  à  l'Opéra, 
où  elle  débuta  avec  succès,  le  13  mars  1889,  dans  Roméo 
et  Juliette,  après  quoi  elle  se  montra  dans  Faust.  Douée 
d'une  beauté  séduisante,  M^^®  Eames  est  en  possession 
d'une  voix  charmante,  qu'elle  conduit  avec  goût  et  que 
vient  aider  un  sentiment  scénique  fort  intelligent.  Après 
s'être  affirmée  dans  le  répertoire,  elle  a  créé  d'une  façon 
très  heureuse  le  rôle  de  Colombe  d'Éstourville  dans  Ascanio^ 
de  M.  Saint-Saëns,  et  celui  de  Zaïre  dans  Zaïre,  de  M.  Vé- 
ronge  de  la  Nux.  Engagée  à  Londres,  au  théâtre  de  Covent 
Garden,  en  1891,  W^^  Eames  y  a  obtenu  de  grands  succès, 
principalement  dans  Eisa,  de  Lohengrin. 

EANCÉ.  Com.  du  dép.  d'ille-et- Vilaine,  arr.  de  Vitré, 
cant.  de  La  Guerche  ;  1,023  hab. 

EANES  ou  EANNES  ou  encore  AN  NES.  Nom  commun 
à  divers  architectes  portugais  dont  les  plus  marquants  furent 
Affbnso,  Gonçalo  et  Rodrigo  Eanes,  tous  trois  frères, 
et  qui  sont  cités  dans  des  documents  de  la  première  moitié 
du  xv^  siècle  comme  ayant  été  des  plus  fameux  dans  leur 
art.  C'est  en  effet  vers  cette  même  époque  que  le  conné- 
table Pereira  leur  confia  la  construction  du  couvent  du 
Carme  à  Lisbonne,  travaux  dont  Affonso  prit  plus  particu- 
lièrement la  direction.  —  Un  autre  architecte,  Jacques 
Eanes,  construisait,  vers  1556,  les  tours  de  l'éghse  de 
Caminha.  —  Ce  nom  a  encore  été  porté  par  un  statuaire, 
Gil  Eanes,  qui  travaillait  en  1465  à  Batalha.        P.  L. 

EANNES  DE  AzuRARA  (Gomez),  historien  portugais  du 
XV®  siècle  (V.  Azur  ara). 

EAP  ou  YAP.  La  principale  île  du  groupe  occidental  des 
Carolines  (V.  ce  mot)  ;  200  kil.  q.  ;  2  à  3,000  hab.  Dé- 
couverte en  1625. 

ÉAQUE  (Al'a/oç)  (Myth.  gr.).  Héros  grec  légendaire, 
fils  de  Zeus  et  d'Egine  (fille  du  dieu  fluvial  Asopus).  Il  na- 
quit dans  l'île  d'(Enopia,  plus  tard  appelée  Egine,  où  son 
père  avait  assuré  un  refuge  à  sa  mère.  Une  autre  version 
lui  donne  pour  mère  Europe.  Au  moment  de  sa  naissance, 
l'île  d'Egine  était  inhabitée  ou  bien  elle  fut  dépeuplée  par  la 
vengeance  d'Héra;  pour  donner  des  sujets  à  son  fils,  Zeus 
métamorphosa  en  hommes  les  fourmis  ([xuppLrixe;)  et  Eaque 
régna  sur  les  Myrmidons.  Ces  légendes  sont  l'expression 
mythique  du  fait  de  la  colonisation  d'Egine  dont  la  vieille 
population  pélasgique  fut  remplacée  par  des  immigrants 
venus  des  bords  del'Asopus  (Phlionte  et  Corinthie)  et  de  la 
Phthiotide,  le  pays  des  Myrmidons.  Eaque  resta  dans  le  sou- 
venir des  Grecs  un  type  de  roi  pieux  et  juste,  parfois  pris 
pour  arbitre  par  les  dieux  eux-mêmes  ;  on  lui  attribuait  la 
cessation  de  fléaux  ;  on  disait  qu'il  avait  élevé  le  temple  de 
Zeus  Panhellénien  sur  le  mont  Panhellenium  (V.  Egine),  et 
les  Eginètes  avaient  dans  leur  île  un  sanctuaire  appelé 
Eaceum  où  était,  disaient-ils,  le  tombeau  du  héros.  Une 
légende  rapportée  par  Pindare  contait  que  Eaque  aida 
Apollon  et  Poséidon  à  bâtir  les  remparts  de  Troie  ;  l'œuvre 
achevée,  trois  dragons  l'assaillirent  et  seul  celui  qui  esca- 
ladait le  mur  bâti  par  Eaque  réussit  à  entrer  dans  la  ville; 
Apollon  prophétisa  que  Troie  tomberait  sous  les  coups  des 
Eacides.  —  Eaque  eut  de  sa  première  femme,  Endeis,  deux 
fils,  Télamon  et  Pelée;  de  la  seconde,  Psamathe,  un  seul, 
Phocus  ;  ce  dernier,  préféré  par  son  père,  fut  tué  par  ses  frères 
qui  s'enfuirent  de  l'île.  —  Après  sa  mort,  Eaque  devint  un 
des  trois  juges  des  Enfers  (avec  Minos  et  Radamanthe)  ;  on 
le  représente  tenant  le  sceptre  et  les  clefs  du  royaume  sou- 
terrain. On  lui  rendait  un  culte  à  Egine  dont  il  était  le  pa- 
tron et  à  Athènes. 

Le  nom  à'Eacides  fut  donné  aux  descendants  d'Eaque, 
formant  deux  branches  :  fils  de  Pelée  et  fils  de  Télamon  ; 
dans  la  première,  Achille,  dans  la  seconde,  Ajax,  sont  les  plus 
illustres  des  héros  qui  assiégèrent  Troie.  Le  nom  fut  parti- 
culièrement appliqué  à  la  vieille  dynastie  épirote,  descen- 
dant de  Pyrrhus,  fils  d'Achille,  à  laquelle  se  rattachèrent 
plus  tard  les  rois  de  Macédoine. 


EARINUS  -  EASTLAKE  -  490  - 

EARINUS.  Surnom  romain,  d'origine  grecque,  dont  le 
sens  est  printanier.  Il  se  trouve  dans  plusieurs  inscrip- 
tions (Corp,  inscr.  M.,  5,  5526;  7,  1331).  C'est  dans 
Sénèque  {Ep.,  83,  3)  le  nom  d'un  enfant,  dans  Martial 
(9, 12,  13,  14)  et  dans  Stace  [Silv.,  3,  4)  le  nom  d'un 
affranchi  de  Domitien. 

EARLE  (John),  écrivain  et  évêque  anglais,  né  à  York 
en  1601,  mort  à  Londres  le  17  nov.  1665.  Fils  d'un  secré- 
taire de  l'archevêché  d'York,  il  fit  ses  études  à  l'université 
d'Oxford,  reçut  les  ordres  et  publia  anonymement  en  1628 
Microcosmographia,  livre  plein  d'esprit  et  d'humour  sur 
la  société  d'alors.  Hallam  considère  Earle  comme  l'égal  de 
La  Bruyère  dans  l'art  de  peindre  les  caractères.  Trois 
éditions  s'épuisèrent  coup  sur  coup  et  d'autres  suivirent 
presque  d'année  en  année  jusqu'en  1669.  Réimprimé  plu- 
sieurs fois  depuis,  la  meilleure  édition  est  celle  du  D''  Bliss 
(1811).  Charles P^  avait  chargé  Earle  de  l'éducation  de  son 
fils  auquel  il  resta  profondément  attaché.  Il  le  suivit  dans 
son  exil  en  France  et,  à  la  restauration  des  Stuarts,  fut 
fait  doyen  de  Westminster,  puis  évêque  de  Worcester  et 
en  dernier  lieu  de  Salisbury.  On  lui  doit  encore  une  tra- 
duction latine  de  VEikon  Basilikè,  sous  le  titre  :  Imago 
régis  Caroli  (La  Haye,  1649).  Hector  France. 

EARLE  (Giles),  homme  politique  anglais,  né  vers  1678, 
mort  le  20  août  1758.  H  entra  jeune  dans  l'armée  et  par- 
vint au  grade  de  colonel.  Très  hé  avec  le  duc  d'Argyll  qu'il 
abandonna  par  la  suite,  il  se  lança  dans  la  politique  et 
représenta  Chippenham  au  Parlement  de  1715  à  1722.  En 
1722,  il  fut  élu  par  Malmesbury  qu'il  représenta  jusqu'en 
1747.  De  1718  à  1720,  il  fit  partie  de  la  maison  du 
prince  de  Galles,  entra  en  1720  dans  la  maison  du  roi  et, 
en  1728,  fut  nommé  commissaire  des  revenus  d'Irlande.  Il 
remplaça,  en  1737,  sir  George  Oxenden  au  Trésor  et  garda 
cette  situation  jusqu'en  1742.  Il  occupa  encore  de  1727  à 
1741  les  importantes  fonctions  de  président  de  la  commis- 
sion des  privilèges  et  élections.  La  versatilité  de  ses  con- 
victions politiques,  son  physique  disgracieux  et  la  vulgarité 
de  ses  plaisanteries  lui  avaient  valu  une  espèce  de  célébrité. 
EARLE  (William),  général  anglais,  né  à  Liverpool  le 
18  mai  1833,  mort  à  Kirbekan  (Egypte)  le  10  févr.  1885. 
Entré  dans  l'armée  en  1851,  il  fit  la  campagne  de  Crimée, 
prit  part  aux  batailles  de  l'Aima  et  d'Inkermann,  fut,  de 
1859  à  1860,  secrétaire  du  général  Codrington,  gouverneur 
de  Gibraltar,  servit  à  la  Nouvelle-Ecosse  en  1862  et  dans 
l'Amérique  du  Nord  de  1865  à  1872.  H  avait  été  promu 
colonel  en  1868.  De  1872  à  1876,  il  occupa  les  fonctions 
de  secrétaire  militaire  de  lord  Northbrook  aux  Indes,  fut 
nommé  major  général  des  grenadiers  de  la  garde  le  31  oct. 
1880  et  fut  envoyé  en  Egypte  en  1882.  H  commanda  la 
place  d'Alexandrie  jusqu'à  la  fin  de  1884  et  accompagna 
alors  lord  Wolseley  dans  l'expédition  envoyée  au  secours 
de  Gordon  à  Kharfoum.  Il  fut  tué  en  enlevant  les  positions 
des  Arabes  à  Kirbekan.  Une  statue  lui  a  été  élevée  à  Li- 
verpool. R.  S. 

EARLOM  (Richard),  graveur  anglais,  né  à  Londres  en 
1743,  mort  à  Londres  le  9  oct.  1822.  Honoré,  à  l'âge  de 
quatorze  ans,  d'une  récompense  par  la  Société  des  arts,  il 
devint  élève  de  Cipriani  et  finit  par  se  placer  au  premier 
rang  des  graveurs  en  manière  noire.  Ses  chefs-d'œuvre  à 
cet  égard  sont  les  deux  estampes  :  les  Fleurs  et  les  Fruits, 
d'après  les  tableaux  de  la  galerie  Huysum,  et  Bethsabée 
amenant  Abisag  à  David,  d'après  Adrien  Van  der  Werff. 
Il  a  gravé  nombre  de  planches  à  l'eau-forte,  au  burin  et 
au  pointillé,  d'après  des  maîtres,  surtout  pour  des  recueils 
de  l'éditeur  Boydell,  et  une  série  d'excellents  portraits, 
parmi  lesquels  on  remarque  :  celui  du  Duc  (TArenberg, 
à  cheval,  d'après  Van  Dyck  ;  Bubens  et  sa  femme  reve- 
nant de  la  chasse,  d'après  ce  maître  ;  Rembrandt  et  la 
Femme  de  Bembrandt,  d'après  celui-ci,  etc.  H  est  sur- 
tout connu  aujourd'hui  pour  avoir  reproduit  en  fac-similé 
les  deux  cents  dessins  de  Claude  Lorrain,  de  la  collection 
du  duc  de  Devonshire  (Liber  Veritatis;  1777,  2  vol. 
in-fol.),  où  il  se  permit  néanmoins  d'irrévérencieuses  modi- 


fications. Un  catalogue  critique  de  son  œuvre  a  été  publié 
par  Wessely  (Hambourg,  1889,  in-8).  G.  P-i. 

EARLY  (Jubal),  général  américain,  né  en  Virginie  vers 
1815.  Elève  de  l'école  mifitaire  de  West-Point,  il  servit 
dans  l'artillerie,  démissionna  bientôt  et  étudia  le  droit.  Au 
moment  de  la  guerre  avec  le  Mexique,  il  s'engagea  dans 
un  corps  de  volontaires  virginiens,  et  au  début  de  la  guerre 
de  Sécession  servit  dans  l'armée  des  confédérés.  Il  se  dis- 
tingua en  de  nombreuses  occasions,  notamment  aux  lignes 
de  Fredericksburg  (1863),  à  Gettysburg  et  dans  la  vallée 
du  Shenandoah,  où  il  fut  mis  en  pleine  déroute  par  Sheri- 
dan  en  1864.  Il  se  réfugia  en  Europe  après  la  guerre  du- 
rant laquelle  il  était  parvenu  au  grade  de  général,  puis  il 
revint  à  Richmond  où  il  exerça  comme  avocat.  Plus  tard, 
il  devint  directeur  de  la  loterie  de  la  Louisiane  à  la  Nou- 
velle-Orléans. On  a  de  lui  :  Memoirs  of  the  last  year  of 
the  war  (1867)  ;  Jackson  campaign  against  Pope  in 
186'2  (1883). 

EARN  (Loch).  Lac  d'Ecosse,  comté  de  Perth,  situé 
au  pied  du  Ben  Voirlich,  long  de  9  kil.,  large  de  2  kil., 
entouré  de  collines  boisées  ;  il  renferme  les  ruines  d'un 
château  dans  une  île.  —  Il  donne  naissance  à  la  rivière 
Earn  qui  se  jette  dans  l'estuaire  du  Tay,  après  un  cours 
sinueux  de  70  kil.  La  vallée  de  Strathearn,  très  pittoresque, 
est  souvent  visitée. 

EARNSLAW  (Mont).  Montagne  de  la  Nouvelle-Zélande, 
île  méridionale,  près  d'Otago  ;  2,793  m.  d'alt. 

EASDALE.  Ile  des  côtes  occidentales  d'Ecosse,  comté 
d'Argyll,  sur  le  détroit  de  Lorn  ;  ardoisières  considé- 
rables. 

EAST  (Sir  Edward-Hyde),  magistrat  anglais,  né  à  la 
Jamaïque  le  9  sept.  1764,mortàLondresle8  janv.  1847. 
Inscrit  au  barreau  de  Londres  en  1786,  il  fut  élu  membre 
delà  Chambre  des  communes  par  Great  Bedwin  en  1792, 
appuya  la  politique  de  Pitt  et  en  1813  fut  nommé  chief 
justice  de  la  cour  suprême  du  Bengale  en  remplacement 
de  sir  Henry  Russell.  Il  occupa  ces  fonctions  jusqu'en  1822 
et  fut  créé  baronnet  le  25  avr..  1823.  Il  représenta  Win- 
chester au  Parlement  de  1823  à  1830  et  entra  au  conseil 
privé.  On  a  de  lui  :  Beports  of  cases  in  the  court  of 
King'sBench  from.  1185  to  1800  (Londres,  1817, 
5  vol.  in-8),  en  collaboration  avec  C.  Durnford  et  qu'il 
continua  seul  jusqu'à  l'année  1812  ;  Pleas  of  the  Crown 
(Londres,  1803,  2  vol.)  ;  A  Beport  of  the  cases  of  sir 
F.  Burdet  against  Ch.  Abbott  (Londres,  1811). 

EASTBOURNE.  Ville  maritime  d'Angleterre,  comté  de 
Sussex,  près  du  cap  Beachy  Head;  21,977  hab.  Source 
minérale  de  Holywell.  C'est  une  grande  station  balnéaire 
qui  se  développe  rapidement.  Le  fort  Langley  la  défend. 

EASTHOPE  (Sir  John),  homme  politique  anglais,  né  à 
Tewkesbury  le  29  oct.  1784,  mort  près  de  Weybridge 
(Surrey)  le  11  déc.  1865.  D'abord  employé  de  banque,  il 
devint  assez  rapidement  un  des  plus  riches  commerçants  et 
spéculateurs  de  la  cité  de  Londres  et  présida  les  conseils 
d'administration  de  plusieurs  importantes  sociétés  indus- 
trielles. Après  s'être  présenté  sans  succès  aux  élections 
législalives  à  Saint-Albans  en  1821,  il  représenta  ce  bourg 
au  Parlement  de  1826  à  1830.  Il  fut  élu  par  Banbury  en 
1831,  échoua  à  Lewes  en  1837  et  représenta  Leicester  de 
1837  à  1847.  Orateur  facile  et  très  écouté,  il  s'occupa 
seulement  des  questions  d'affaires  et  surtout  des  lois  sur  les 
céréales.  En  1834,  il  acheta  la  propriété  du  Morning 
Chronicle  et  fut  créé  baronnet  le  24  août  1841.  Il  appar- 
tenait au  parti  libéral.  R.  S, 

EAST  INDIA  (Compagnie)  (V.  Inde). 

EASTLAKE  (Sir  Charles  Lock),  peintre  et  écrivain  d'art 
anglais,  né  à  Plymouth  le  17  nov.  1793,  mort  à  Pise  le 
23  déc.  1865.  Il  vint  à  Londres  étudier  la  peinture  sous 
la  direction  de  Fuseli,  et  son  premier  tableau  exposé,  la 
Fille  de  Jaïre  (1814),  lui  valut  d'être  envoyé  à  Paris  pour 
y  faire  des  copies  de  maîtres.  En  1817,  il  partit  pour 
l'Italie  et  y  demeura  quatorze  années  pendant  lesquelles  il 
ne  fit  que  deux  apparitions  en  Angleterre  :  la  première  en 


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EASTLAKE  —  EASTWICK 


1820,  la  seconde  en  1828  k  l'occasion  de  son  élection  à 
la  Royal  Academy.Enl819,  il  avait  fait  une  courte  excur- 
sion en  Grèce  en  compagnie  de  Tarchitecte  Berry.  Les  pre- 
miers tableaux  d'Eastlake  représentent  des  scènes  de  ban- 
dits italiens  ou  de  paysans  de  la  campagne  romaine  :  la 
Femme  d'un  brigand  défendant  son  mari  (1823)  ; 
Jeime  Fille  d'Albano  conduisant  une  femme  aveugle  à 
l'église;  Pèlerins  en  vue  de  la  Ville  sainte  (1828); 
Famille  de  paysans  tombée  au  pouvoir  des  bandits 
(1 830)  ;  Grecque  en  costume  national,  Grecs  fugitifs 
(1833),  etc.  Mais  ceux  qui  lui  valurent  le  plus  de  succès 
sont  des  tableaux  bibliques  ou  religieux  :  Agar  et  Ismaël 
(1838);  le  Christ  bénissant  les  petits  enfants  (1839), 
et  surtout  le  Christ  pleurant  sur  Jérusalem  (1841).  En 
1835,  Eastlake  envoya  à  l'E-xposition  universelle  de  Paris 
quatre  toiles  :  les  Pèlerins  ;  le  Spartiate  Isadas  s' élan- 
çant au  combat  (tableau  datant  de  1827);  la  Sveglia- 
rina;  François  de  Carrare  s' échappant  de  Milan  avec 
sa  femme,  A  partir  de  ce  moment,  il  abandonna  de  plus 
en  plus  la  peinture  pour  s'occuper  exclusivement  de  ses 
fonctions  de  directeur  de  la  National  Gallery  ;  son  amitié 
avec  le  prince  Albert  lui  permit  d'avoir  la  plus  heureuse 
influence  sur  tout  ce  qui  touchait  aux  beaux-arts  en  Angle- 
terre; il  enrichit  les  musées  anglais  de  cent  trente-neuf 
tableaux  de  maîtres,  et  c'est  au  cours  d'un  voyage  entre- 
pris pour  acquérir  des  tableaux  qu'il  mourut.  Eastlake, 
nommé  bibliothécaire  de  la  Royal  Academy  en  1842,  pré- 
sident en  1830,  directeur  de  la  National  Gallery  en  1835, 
a  laissé  sur  les  beaux-arts  divers  ouvrages,  entre  autres  : 
une  traduction  de  la  Théorie  des  couleurs,  de  Gœthe 
(1840)  ;  un  traité  :  Materials  for  a  history  of  oil  Paint- 
ing  (1847-1869,  2  vol.);  Contributions  to  the  litera- 
ture  of  fine  Arts  (1848, 1  vol,  ;  nouv.  édit.,  augm.,  1870, 
2  vol.),  etc.  F.  CouRBOiN. 

BiBL.  :  Leslie  Stephen,  National  Biography. 

EASTLAKE  (Elizabeth  Rigby,  lady),  née  en  1815,  fille 
d'un  médecin  de  Norwich.  Elle  était  déjà  connue  comme 
femme  de  lettres  quand,  en  1849,  elle  épousa  sir  Charles 
Lock  Eastlake,  le  célèbre  peintre  (V.  ci-dessus).  Ses  Letters 
from  the  Shores  oftheBaltic  (1841)  eurent  un  très  grand 
succès  ;  les  mœurs  des  Esthoniens  y  sont  décrites  avec  un 
réel  talent.  Ce  premier  ouvrage  fut  suivi  de  la  Juive 
(1843),  et  des  Livonian  Taies  (1846).  Les  récits  de  miss 
Rigby  se  distinguent  par  une  très  grande  simpHcité  et  un 
charme  qui  naît  du  naturel.  Elle  fit  paraître  dans  la  London 
Quarterly  Review  (juin  1845)  une  sorte  de  monographie 
des  voyageuses  sous  le  titre  de  Lady  Travellers.  A  partir 
de  1849,  elle  se  voua  à  l'étude  des  beaux-arts  :  elle  tra- 
duisit de  l'allemand  le  Manuel  de  la  peinture  en_  Italie, 
de  Kugler,  pour  lequel  son  mari  fit  d'intéressantes  anno- 
tations (1831);  elle  acheva  l'excellente  iconographie  de 
Jésus-Christ  de  M"^^  Jameson  {History  ofOur  Lord,  1864, 
2  vol.);  elle  publia  V Autobiographie  du  sculpteur  John 
Gibson  (1869),  et,  après  la  mort  de  son  mari,  une  vie 
d'Eastlake,  substantielle  et  courte,  vrai  modèle  du  genre, 
qui  a  paru  en  tête  de  la  seconde  série  des  Contributions 
to  the  liter attire  offine  arts,  œuvre  posthume  de  l'artiste 
(1870);  enfin  Five  great  Painters  (1883,  2  vol.),  et 
d'autres  travaux  de  moindre  importance. 

Casimir  Stryienskt. 

EAST  LIVERPOOL.  Ville  des  Etats-Unis,  Etat  de  l'Ohio; 
5,568  hab.  en  1880.  Poteries  de  grès. 

EAST  LONDON.  Ville  de  l'Afrique  centrale,  ch.-l.  de 
comté  de  la  colonie  du  Cap,  à  l'embouchure  de  la  rivière 
Ruffalo,  à  900  kil.  E.  du  Cap;  2,500  hab.  Port  d'un  accès 
difficile,  marqué  par  de  fréquents  sinistres  ;  le  Buffalo  y 
forme  une  barre,  avec  un  tirant  d'eau  de  2  m.  et  demi.  En 
1886,  le  mouvement  maritime  d'East  London  a  été  de 
1,033,000  tonnes  et  la  valeur  du  commerce  de  30  millions 
de  francs.  L'exportation  des  laines  s'est  élevée  à  7,088,500 
kilogr. 

EASTMAN  (Charles  Gamage),  journaliste  et  poète  amé- 
ricain, né  en  1816,  mort  en  1861.  lia  publié,  entre  autres 


ouvrages,  un  volume  de  vers  où  il  décrit,  avec  charme  et 
vérité,  la  vie  des  champs  dans  la  Nouvelle-Angleterre  (Mont- 
pelier,  Vermont,  1848,  in-18). 

EASTMAN  (Mary  Henderson,  femme),  romancière  amé- 
ricaine, née  à  Warrenton  (Virginie)  en  1817,  fille  du 
D^  Thomas  Henderson.  Elle  excelle  à  retracer  les  mœurs 
et  la  vie  dos  Indiens  d'aujourd'hui,  que  ses  longs  séjours 
sur  les  limites  des  territoires  réservés  lui  ont  permis  d'étu- 
dier de  près.  On  peut  citer  d'elle  :  Dahcotah  ou  Vie  et 
légendes  des  Sioux  (New-York,  1849,in-'I2)  ;  Romance 
of  Indian  Life  (Philadelphie,  1852,  in-8);  American 
Aboriginal  Portfolio,  avec  des  illustrations  par  son  mari, 
le  capitaine  S.  Eastman  (1853,  in-4)  ;  Chicora,  and  other 
Régions  of  the  Conquerors  and  Conquered  (1854,  pet. 
in-4),  et  une  sorte  cle  contre-partie  à  la  Case  de  l'oncle 
Tom,  intitulée  Aunt  Phillis's  Cabin  (1852).    B.-H.  G. 

EASTON.  Ville  des  Etats-Unis,  Etat  de  Pennsylvanie, 
comté  de  Northampton,  au  confluent  de  la  rivière  Lehigh 
et  du  Delaware;  12,000  hab.  (1880).  Ville  bien  bâtie, 
commerçante  et  industrielle;  fonderies,  moulins,  distille- 
ries. Collège  Lafayette.  Le  faubourg  de  South  Easton  a 
5,000  hab.  Aug.  M. 

EASTON I A  (Malac).  Genre  de  Mollusques  Lamelli- 
branches, de  l'ordre  des  Vénéracés,  établi  par  J.-E.  Gray  en 
i853  pour  une  coquille  oblongue,  arrondie  aux  extrémités, 
équivalve,  équilatérale,  ornée  extérieurement  de  côtes 
rayonnantes.  Charnière  composée  d'une  dent  cardinale 
comprimée,  de  dents  latérales  non  écartées,  l'intérieure 
verticale,  la  postérieure  oblique;  le  cuilleron  large  et 
triangulaire  ;  ligament  marginal,  presque  externe.  Type  : 
Eastonia  rugasa  Gmelin.  Les  espèces  de  ce  genre  vivent 
dans  le  sable  à  des  profondeurs  variables;  elles  habitent 
l'océan  Atlantique  et  la  Méditerranée,  sur  les  côtes  du 
Portugal  et  de  l'Algérie,  l'océan  Pacifique,  côtes  de  Cali- 
fornie, etc.  J.  Mab. 

EASTPORT.  Ville  de  l'extrême  pointe  de  la  frontière 
N.-E.  des  Etats-Unis,  Etat  du  Maine,  sur  l'île  Moose,  au  S. 
de  la  baie  de  Passama  (Juoddy  ;  5,000  hab.  Port  excellent, 
défendu  par  le  fort  SulHvan.  Pêcheries  ;  commerce  de  bois. 

EAST  PROVIDENCE.  Ville  des  Etats-Unis,  Etat  de 
Rhode  Island  ;  6,816  hab.  en  1885. 

EAST  RIVER.  Bras  de  mer  de  30  kil.  environ  de  lon- 
gueur, qui  joint  le  port  de  New- York  et  le  détroit  de  Long 
Island,  et  sépare  le  côté  oriental  de  New- York  de  la  ville 
de  Brooklyn.  En  1885,  le  Ht  de  la  rivière  de  l'Est  a  été 
débarrassé,  par  de  grands  travaux,  des  rochers  qui  l'obs- 
truaient et  formaient  le  passage  dangereux  connu  sous  le 
nom  de  Hellgate.  Le  pont  de  Brooklyn  franchit  la  rivière 
de  l'Est,  dont  le  passage  est  également  desservi  par  de  nom- 
breux ferrys  ou  bacs  à  vapeur. 

EAST  SAGINAW.  Ville  des  Etats-Unis,  Etat  de  Mi- 
chigan,  sur  la  rive  droite  de  la  rivière  Saginaw  qui  se 
jette  dans  la  baie  de  même  nom  (lac  Huron)  ;  29,000  hab. 
en  1884.  Ville  industrielle. 

EAST  SAINT-LOUIS.  Faubourg  de  Saint-Louis  (Etats- 
Unis);  9,200  hab.  en  1885.  Tandis  que  Saint-Louis  est 
situé  sur  la  rive  droite  du  Mississipi,  East  Saint-Louis 
l'est  sur  la  rive  gauche  et  appartient  à  l'Etat  d'Illinois.  Un 
grand  pont  en  fer,  œuvre  remarquable  du  génie  civil, 
traverse  le  Mississipi  et  réunit  les  deux  villes.  East  Saint- 
Louis  est  le  point  de  réunion  d'un  grand  nombre  de  lignes 
ferrées  tenant  du  N.,  du  N-E.,  de  l'E.  et  du  S.-E.  des 
Etats-Unis.  Aug.  M. 

EASTWICK  (Edward  Backhouse),  orientaliste  et  diplo- 
mate anglais,  né  à  Narfield  (Berkshire)  le  13  mars  1814, 
mort  en  1883.  Appartenant  à  une  famille  qui  avait  joué 
un  rôle  notable  dans  l'histoire  de  la  Compagnie  des  Indes 
(son  père  en  fut  directeur),  il  débuta  comme  cadet  dans 
l'infanterie  de  Bombay  ;  mais  il  entra  bientôt  dans  l'ad- 
ministration civile,  où  sa  parfaite  connaissance  des  dialectes 
du  pays  le  mettait  à  même  de  rendre  de  grands  services. 
Il  professa  pendant  un  temps  l'hindoustani,  au  collège  de 
Hailesbury,  puis  fut  nommé  secrétaire  politique  adjoint  à 


EASTWICK  —  EAU 


49^2  — 


VIndia  Office  (1859).  Il  remplit  plus  tard  des  missions 
diplomatiques  et  financières  en  Perse  et  au  Venezuela,  devint 
secrétaire  d'Etat  pour  l'Inde  et  représenta,  de  1868  à  1874, 
Penryn  et  Falmouth  au  Parlement.  Parmi  ses  nombreux 
ouvrages,  il  faut  citer  une  Concise  Grammar  of  Hindus- 
tani  (1847),  un  journal  de  ses  trois  années  de  résidence 
en  Perse  (Journal  of  diplomatist ;  1864,  2  vol.),  Vene- 
zuela or  Sketches  ofLife  in  a  South  American  Republic 
(1868),  des  traductions  comme  celles  du  Jardin  des 
Roses  ou  Gulistan  de  Sadi,  de  la  grammaire  comparée 
de  Bopp  et  de  la  Révolte  des  Pays-Bas  de  Schiller,  et 
deux  luxueux  volumes  publiés  à  l'occasion  de  l'érection  des 
Indes  anglaises  en  empire  sous  le  titre  de  Kaisar-nama-i 
Hind  ou  Lay  of  the  Empress  (1882).  B.-H.  G. 

EATON  (Theophilus),  administrateur  anglais,  né  àStony 
Stratford  (comté  de  Buckingham)  en  1590,  mort  à  New 
Haven  le  7  janv.  1658.  Fils  d'un  pasteur,  il  préféra  le 
commerce  à  l'Eglise  à  laquelle  son  père  le  destinait.  Très 
intelligent,  il  fit" une  carrière  brillante  au  service  de  VEast 
Land  Company,  pour  laquelle  il  voyagea  dans  le  nord  de 
l'Europe.  Charles  P'^  le  choisit  pour  agent  à  la  cour  de  Da- 
nemark. Eaton  prit  un  intérêt  considérable  à  l'émigration 
en  Amérique,  partit  lui-même  pour  Boston  en  1637  et 
fonda,  sur  la  baie  de  (Juinnipiack,  un  établissement  qui 
reçut  le  nom  de  New  Haven.  Le  25  oct.  1639,  il  fut  choisi 
pour  gouverneur  de  New  Haven  et  exerça  ces  fondions 
jusqu'à  sa  mort.  Il  dota  la  nouvelle  colonie  d'un  code  qu'il 
rédigea  avec  l'aide  de  Davenport  et  qui  fut  imprimé  à 
Londres  en  1656  sous  le  titre  de  iY^if  Haven' s  settling 
in  New  England  and  some  lawes  for  government  pu- 
blished  for  the  use  of  that  colony  (Hartford,  1858,  in-4, 
nouv.  éd.).n  eut  d'incessants  démêlés  avec  les  Hollandais; 
mais,  grâce  à  sa  prudence  et  à  son  habileté,  ils  ne  dégéné- 
rèrent pas  en  hostilités  déclarées.  B.  S. 

EAU.I.  Histoire  de  la  science.  —L'eau  était  regardée 
par  les  anciens  comme  un  élément  et  même  comme  l'un  des 
quatre  éléments  dont  l'assemblage  constituait,  à  leurs  yeux, 
tous  les  corps  de  la  nature.  —  Ce  mot,  d'ailleurs,  n'était 
pas  appliqué  seulement  d'une  façon  spécifique  à  Peau  pro- 
prement dite  ;  il  avait  un  sens  générique  plus  compréhensif, 
car  on  le  donnait  à  toute  matière  naturellement  liquide,  ce 
qui  comprenait  aussi  le  vin,  le  miel,  le  vinaigre,  etc.,  et  on 
rétendait  à  toute  matière  fusible  par  l'action  de  la  chaleur, 
telle  que  l'or,  l'argent,  le  cuivre,  le  plomb,  les  métaux. 
Le  mercure  spécialement  était  désigné  sous  le  nom  d'eau- 
argent  (uSpapYupoç).  Cette  signification  du  mot  eau  est 
déjà  exposée  dans  le  Timée  de  Platon  et  elle  a  subsisté 
pendant  tout  le  moyen  âge.  Le  mot  eau  signifiait  aussi 
l'élément  liquide,  la  matière  ou  princioe  de  la  liquidité  en 
général,  matière  ou  principe  que  l'on  croyait  pouvoir  retirer 
à  un  corps  donné,  ou  y  ajouter  par  divers  procédés.—  Mais 
le  mot  eau  désignait  d'une  manière  plus  spéciale  la  matière 
particuUère,  actuellement  liquide  ou  Hquéfiable,  telle  que 
l'eau  ordinaire,  le  vin,  etc.,  spécifiée  par  un  adjectif.  A  ces 
deux  sens  purement  matériels,  on  doit  en  joindre  deux 
autres,  si  l'on  veut  comprendre  les  conceptions  des  anciens 
et  du  moyen  âge,  lesquelles  s'étendaient  aussi  aux  modifica- 
tions de  la  maltière,  envisagées  en  elles-mêmes,  telle  que 
la  fusion  ou  acte  dynamique  de  la  liquéfaction,  et  l'état 
statique  de  la  matière  fondue.  Ces  notions  subtiles  ont  été 
continuellement  agitées  au  moyen  âge  et  elles  se  trouvent 
sous  d'autres  formes  dans  la  physique  actuelle. 

L'eau  élémentaire  n'était  pas  envisagée  comme  indécom- 
posable, mais  elle  était  susceptible  de  se  transformer  dans 
les  autres  éléments  ;  par  Faction  de  la  chaleur,  elle  se  chan- 
geait en  vapeur,  c.-à-d.  en  air;  par  l'action  du  froid,  elle 
devenait  solide,  c.-à-d.  terre.  Les  notions  de  la  physique 
moderne  sur  les  états  des  corps  étaient  ainsi  appliquées  par 
les  anciens  aux  éléments  eux-mêmes,  envisagés  comme  con- 
stitués au  fond  par  les  arrangements  différents  d'une  matière 
première  identique,  groupée' suivant  les  principes  de  la  géo- 
métrie ;  les  pythagoriciens  et  Platon  à  leur  suite  assignaient 
même  les  formes  caractéristiques  de  chaque  élément.  Telle 


fut  la  doctrine  des  savants  pendant  Fantiquité  et  pendant 
tout  le  moyen  âge.  Elle  continuait  à  régner  avec  des  va- 
riantes diverses  au  xviii^  siècle,  l'eau  étant  envisagée  comme 
un  élément  fondamental  des  corps,  homogène  et  non  réso- 
luble en  d'autres  corps  du  même  ordre  qu'elle-même.  Mais 
à  cette  époque,  un  grand  changement  commença  à  s'effec- 
tuer dans  les  idées,"  par  suite  des  progrès  de  la  chimie  et 
de  la  découverte  des  gaz. 

Tandis  que  la  notion  vague  de  l'élément  terre  faisait 
place  à  la  connaissance  même  d'une  multitude  de  matières 
diverses,  oxydes  irréductibles,  en  dérivés  métalliques  les  uns 
dans  les  autres,  la  connaissance  de  la  composition  de  l'air 
permit  à  Lavoisier  d'expliquer  les  phénomènes  de  la  com- 
bustion, ainsi  que  la  formation  des  oxydes  et  des  acides,  et 
la  respiration,  d'après  les  idées  que  nous  enseigons  aujour- 
d'hui. Cependant  elles  n'avaient  pas  porté  la  conviction 
dans  l'esprit  de  ses  contemporains  ;  de  grands  doutes  sub- 
sistèrent pendant  quelque  temps  en  raison  de  l'ignorance 
où  l'on  était  alors  de  la  composition  de  l'eau.  C'est  Fintel- 
ligence  exacte  de  cette  composition  qui  jeta  un  jour  définitif 
sur  la  théorie. 

Tant  que  l'hydrogène  demeura  inconnu,  la  question  de 
la  composition  de  l'eau  ne  pouvait  pas  être  posée,  ni  la  so- 
lution  entrevue.  La  découverte  même  de  l'hydrogène  faite 
par  Cavendish,  en  1767,  ne  suffisait  pas.  Dix  ans  après, 
en  1778,  Macquer  disait  encore  :  «  L'eau  paraît  une  sub- 
stance inaltérable  et  indestructible,  du  moins  jusqu'à  pré- 
sent ;  il  n'y  a  aucune  expérience  connue,  de  laquelle  on 
puisse  conclure  que  l'eau  peut  être  décomposée.  »  L'eau 
continuait  donc  à  être  regardée,  conformément  à  la  tradi- 
tion de  tous  les  siècles  et  de  toutes  les  écoles,  comme  un 
élément.  La  formation  de  l'air  inflammable,  c.-à-d.  de 
notre  hydrogène,  demeurait  inexphcable.  En  effet,  les  con- 
ditions de  sa  production,  par  la  réaction  des  acides  sur  les 
métaux,  semblaient  conduire  à  cette  conséquence  néces- 
saire :  que  l'hydrogène  était  le  vrai  principe  inflammable 
des  métaux,  ce  principe  si  longtemps  cherché,  désigné  au- 
trefois sous  le  nom  de  sulfuréitë,  c.-à-d.  principe  sulfu- 
reux, ou  plutôt  principe  de  la  volatilité,  principe  qui  était 
celui  dont  Lavoisier  contestait  l'existence  réelle. 

L'hydrogène  apparaît  en  effet  dès  qu'on  traite  les  métaux, 
tels  que  le  fer  ou  le  zinc,  par  la  plupart  des  acides.  H  apparaît 
également  lorsque  le  fer  est  attaqué  par  la  vapeur  d'eau, 
et  même  par  Feau  liquide.  Si  donc  Feau  est  un  élément 
indécomposable,  il  paraît  nécessaire  d'admettre  que  l'hydro- 
gène résulte  de  la  décomposition  du  métal,  une  chaux  mé- 
tallique étant  formée  simultanément  :  que  cette  chaux 
demeure  libre,  comme  dans  la  réaction  directe  du  fer  sur 
l'eau,  ou  qu'elle  se  combine  à  l'acide  pour  engendrer  un 
sel,  comme  dans  la  réaction  des  acides.  Nous  retournons 
ainsi  à  la  théorie  du  phlogistique. 

La  force  de  ces  raisons  était  telle  qu'à  la  suite  de  la  dé- 
couverte de  l'hydrogène  la  plupart  des  chimistes  le  regar- 
dèrent comme  représentant  le  principe  combustible  par 
excellence,  le  phlogistique  lui-même,  ou  plutôt  comme  l'une 
des  formes  et  la  plus  pure  de  cet  être  subtil,  que  l'on  sup- 
posait contenu  dans  les  métaux.  Telle  était  l'opinion  de 
Cavendish,  qui  avait  découvert  l'hydrogène. 

Cependant  Feau,  véritable  produit  de  la  combustion  de 
l'hydrogène,  avait  déjà  été  observée,  sans  que  l'on  comprît 
l'importance  de  son  apparition.  Macquer  avait  vu,  dès  1775, 
que  la  combustion  de  l'air  inflammable  laisse  déposer  des 
gouttelettes  d'eau  sur  une  soucoupe,  sans  donner  lieu  à 
aucune  matière  fuligineuse.  Mais  on  avait  regardé  cette 
eau  comme  préexistante  à  l'état  de  vapeur,  ou,  comme  on 
disait  alors,  de  dissolution  dans  le  gaz,  et  étrangère  à  sa 
constitution  ;  elle  relevait,  pensait-on,  de  l'hygrométrie, 
qui  était  alors  même  l'objet  des  recherches  des  physiciens  : 
le  gaz,  qui  lui  servait  de  "support,  étant  détruit  par  la  com- 
bustion, l'eau  se  condensait.  On  n'avait  donc  point  attaché 
d'importance  à  sa  manifestation. 

Cavendish  répéta  à  son  tour  Fexpérience  en  1783  et 
constata  que  le  poids  des  corps  mis  en  expérience  ne  change 


—  193  — 


EAU 


pas  dans  la  combustion  de  l'air  inflammable.  On  ne  pou- 
vait donc  pas  invoquer  la  fixation  ou  le  départ  de  la  matière 
du  feu.  Gavendish  vit  en  même  temps,  et  c'était  le  nœud 
de  la  question,  que  la  proportion  de  l'eau  ainsi  formée  était 
trop  considérable  pour  être  expliquée  par  la  simple  présence 
de  la  vapeur  d'eau  préexistante  dans  les  gaz.  Il  eut  donc, 
dans  la  découverte  des  faits  relatifs  à  la  composition  de 
l'eau,  l'initiative  principale.  Toutefois,  préoccupé  par  la 
formation  constante  d'un  peu  d'acide  nitrique  dans  cette 
combustion,  ainsi  que  par  les  expériences  faites  à  la  même 
époque  par  Priestley  sur  le  prétendu  changement  intégral 
de  l'eau  en  gaz  sous  l'influence  de  la  chaleur  rouge,  O- 
vendish  hésita  tout  d'abord  à  tirer  les  conclusions  de  sa 
belle  expérience,  et  même  à  en  faire  l'objet  d'une  publi- 
cation quelconque.  Il  ne  la  présenta  pas  avant  le  19  janv. 
1784  à  la  Société  royale  de  Londres,  avec  laquelle  il  était 
pourtant  en  rapports  quotidiens,  et  il  l'exposa  même  en 
admettant,  comme  une  alternative  possible,  cette  opinion 
que  le  gaz  inflammable  (hydrogène)  pourrait  être  de  l'eau 
unie  au  phlogistique  :  alternative  d'après  laquelle  l'eau 
demeurait  un  élément. 

A  ce  moment,  le  problème  avait  été  complètement  éclairci 
par  Lavoisier.  En  effet,  la  notoriété  des  essais  de  Gaven- 
dish s'était  répandue  dans  le  monde  scientifique  pendant  le 
printemps  de  1783  :  il  ne  pouvait  en  être  autrement  à  une 
époque  où  tous  les  esprits  étaient  tenus  en  éveil  par  la  dis- 
cussion des  théories  soulevées  par  Lavoisier  et  oii  les  lettres 
et  les  communications  verbales  donnaient  lieu  à  un  échange 
incessant  des  connaissances  positives  et  des  idées  contro- 
versées. Lavoisier,  toujours  en  éveil  sur  la  nature  des 
produits  de  la  combustion  de  l'hydrogène,  se  trouvait  à  ce 
point  où  la  moindre  ouverture  devait  lui  en  faire  com- 
prendre la  nature  véritable.  Il  se  hâta  de  reprendre  ses 
essais,  comme  il  en  avait  le  droit,  n'ayant  jamais  cessé  de 
s'occuper  d'une  question  qui  touchait  au  cœur  même  de 
son  système.  Ge  fut  lui  qui  donna  le  premier  d'une  façon 
formelle  la  signification  réelle  et  complète  des  phénomènes. 
Il  conclut,  de  ses  expériences,  que  l'eau  n'est  pas  un  élé- 
ment, mais  qu'elle  est  composée  d'air  vital  et  d'air  inflam- 
mable, c.-à-d.  d'oxygène  et  d'hydrogène.  Il  ne  donna  pas 
dès  le  début  la  démonstration  expérimentale  complète, 
celle  de  la  permanence  du  poids  des  deux  composants  dans 
le  composé. 

G'est  à  Monge  qu'est  due  cette  démonstration,  commu- 
niquée en  son  nom  quelques  jours  après  par  Vandermonde 
à  l'Académie.  Mais  il  regardait  comme  une  hypothèse  tout 
aussi  probable  que  celle  de  Lavoisier  l'opinion  que  l'hydro- 
gène et  l'oxygène  sont  des  combinaisons  de  l'eau  avec  des 
fluides  élastiques  différents,  lesquels  par  la  combustion  se 
changeraient  dans  le  fluide  du  feu,  et  s'échapperaient  sous 
forme  de  chaleur  et  de  lumière.  Gette  opinion,  congénère 
de  celle  du  phlogistique  et  qui  rappelle  les  anciennes  idées 
des  physiciens  sur  les  deux  fluides  électriques  adhérents  à 
la  surface  des  corps,  maintenait  toujours  l'eau  comme  un 
élément  indécomposable.  Watt  pensait  également,  à  cette 
époque,  que  l'eau  pouvait  être  changée  en  air,  si  on  la 
chauffe  assez  fortement  pour  que  toute  sa  chaleur  latente 
se  dégage  sous  forme  de  chaleur  hbre  ou  sensible,  puis  il 
émit  dans  des  lettres  privées,  qu'il  refusa  d'ailleurs  de 
laisser  publier,  des  opinions  plus  conformes  à  la  réalité, 
mais  sans  exécuter  lui-même  aucune  expérience  et  sans 
oser  prendre  la  responsabilité  de  ses  conjectures. 

En  résumé,  dans  la  découverte  fondamentale  de  la  com- 
position de  l'eau,  si  Lavoisier  n'a  pas  eu  la  pleine  initia- 
tive des  faits,  si  Gavendish  l'a  précédé  à  cet  égard,  si  Monge 
et  Priestley  ont  participé  à  leur  étude  progressive,  ce  qu'on 
ne  saurait  contester  à  Lavoisier,  c'est  qu'il  ait  eu  d'abord 
la  claire  vue  de  la  théorie,  théorie  que  ses  travaux  anté- 
rieurs sur  le  rôle  de  l'oxygène  dans  la  formation  des  oxydes 
et  des  acides  devaient  faire  pressentir  à  tous  les  chimistes 
éclairés  de  l'époque  :  il  osa  le  premier  proclamer  claire- 
ment et  publiquement  la  composition  de  l'eau,  vérité  qui 
est  devenue  Tune  des  pierres  angulaires  de  la  science 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —    XV. 


chimique.  S'il  l'a  fait  tout  d'abord  et  hardiment,  alors  que 
les  autres  savants  hésitaient  encore  sur  l'interprétation  des 
faits,  c'est  parce  que  son  esprit  était  libre  des  entraves  de 
cette  hypothèse  du  phlogistique,  qui  troublait  à  la  fois  le 
langage  et  la  pensée  de  ses  contemporains.  Gette  conclu- 
sion extraordinaire  pour  eux  venait  se  placer  tout  natu- 
rellement dans  le  cadre  de  sa  nouvelle  doctrine  :  il  sut  en 
tirer  aussitôt  les  applications  les  plus  diverses  aux  points 
essentiels  de  la  science,  tels  que  la  formation  de  l'eau  dans 
la  réduction  des  oxydes  métalliques  par  l'hydrogène,  la  dé- 
composhion  inverse  de  l'eau  par  les  métaux,  seule  ou  avec 
le  concours  des  acides,  la  production  de  l'eau  dans  la  com- 
bustion de  l'alcool  et  des  matières  organiques,  etc.  G'est 
ainsi  que  la  découverte  de  la  composition  de  l'eau  a  joué 
un  rôle  capital  dans  la  constitution  définitive  de  la  chimie 
moderne.  M.  Berthelot. 

II.  Chimie.  —  On  démontre  facilement  que  l'eau  est 
formée  d'oxygène  et  d'hydrogène  :  1^  en  enflammant  un 
jet  d'hydrogène  sous  une  cloche  ;  on  dessèche  le  gaz  au 
préalable,  afin  de  rendre  la  démonstration  plus  probante  ; 
2"*  en  faisant  arriver  un  globule  de  potassium  sous  une 
éprouvette  remplie  de  mercure  et  contenant  à  son  sommet 
une  petite  quantité  d'eau  :  il  ne  se  dégage  que  de  l'hydro- 
gène pur;  3°  en  décomposant  l'eau  en  vapeur,  à  une  tem- 
pérature élevée,  dans  un  tube  contenant  du  fer  chauffé  au 
rouge,  comme  dans  l'expérience  de  Lavoisier.  Dans  quel 
rapport  de  poids  et  de  volume  se  combinent  l'oxygène  et 
l'hydrogène  pour  engendrer  l'eau  ?  Gette  question,  ébau- 
chée par  Lavoisier,  a  été  résolue  par  les  belles  recherches 
de  Gay-Lussac  et  Humboldt,  de  Berzélius  et  Dulong,  puis 
de  Dumas. 

Guy-Lussac  a  démontré  qu'en  faisant  détoner  dans  un 
eudiomètre  2  vol.  d'hydrogène  et  1  vol.  d'oxygène,  les 
deux  gaz  disparaissaient  pour  donner  2  vol.  de  vapeur 
d'eau.  Berzélius  et  Dulong  ont  établi  synthétiquement  la 
composition  de  l'eau  en  réduisant  par  l'hydrogène  un  poids 
connu  d'oxyde  de  cuivre,  cette  composition  se  déduisant 
de  la  perte  de  poids  de  l'oxygène  de  l'oxyde  et  du  poids 
de  l'eau  formée  pendant  l'opération.  Ils  ont  trouvé  par  cette 
méthode  que  la  composition  centésimale  était  la  suivante  : 

Hydrogène 11,09 

Oxygène 88,91, 

soit  1  p.  d'hydrogène  pour  8,017  d'oxygène.  Depuis  les 
recherches  classiques  de  Dumas  reposant  sur  la  méthode 
précédente  perfectionnée,  on  admet  que  9  p.  d'eau  en  poids 
contiennent  1  p.  d'hydrogène  et  8  p.  d'oxygène,  soit 
pour  100  : 

Hvdrogène 11,112 

Oiygène 88,888. 

En  résumé  :i°en  équivalent,  l'eau  est  formée  de  1  équiv. 
d'hydrogène  pris  pour  unité  de  poids  et  de  1  équiv.  d'oxy- 
gène représenté  par  8,  ou,  si  l'on  veut,  9  gr.  d'eau  con- 
tiennent exactement  1  gr.  d'hydrogène  et  8  gr.  d'oxygène  ; 
2*^  en  volume,  elle  contient  exactement  2  vol.  d'hydro- 
gène et  1  vol.  d'oxygène  qui  s'unissent  pour  former  2  vol. 
de  vapeur  d'eau.  L'équivalent  de  l'eau  est  donc  représenté 
par  HO  ;  mais,  comme  la  plus  petite  quantité  d'eau  qui 
prend  naissance  dans  les  réactions  chimiques  n'est  jamais 
inférieure  à  2  équiv.,  on  admet  que  le  poids  moléculaire 
est  RW  : 

H^-02zz=18. 
Dans  la  théorie  atomique,  le  volume  représentant  l'atome, 
on  dit,  sous  autre  forme,  que  l'eau  est  formée  de  deux 
atomes  d'hydrogène  et  d'un  atome  d'oxygène,  la  formule 
atomique  de  l'eau  étant  alors  H^O. 

Propriétés  physiques.  A  la  surface  du  globe,  l'eau 
existe  toujours  sous  trois  états  physiques  :  elle  est  solide, 
liquide  ou  gazeuse.  A  l'état  solide,  bien  qu'elle  soit  d'une 
admirable  transparence,  elle  est  cristallisée,  ou  plutôt 
formée  d'une  multitude  de  cristaux  empâtés  dans  une  masse 
amorphe.  En  faisant  passer  à  travers  un  morceau  de  glace 
un  rayon  lumineux,  on  met  ces  cristaux  en  évidence,  sous 

13 


EAU 


—  d94  — 


forme  de  rosaces,  qui  ont  été  décrites  parTyndall  sous  le 
nom  de  fleurs  de  glace. 

L'eau  cristallise  dans  le  système  rhomboedrique,  tantôt 
sous  forme  d'un  dodécaèdre  de  120%  tantôt  sous  celle 
d'un  dodécaèdre  isocèle  :  c'est  ce  qui  explique  es  belles 
cristallisations  pennées  qu'on  observe partoissur  les  vitres 
peniiant  riiiver.  La  neige  elle-même  est  formeed  un  assem- 
blable   d'une   multitude  de  petits  cristaux  simulant  des 
étoiles  à  six  rayons,  de  manière  à  présenter  des  angles  de 
60°  En  se  liquéfiant,  sous  l'influence  de  la  chaleur,  1  eau 
diminue  de  volume;   en  effet,  la  densité  de  l'eau  étant 
prise  pour  unité,  celle  de  la  glace  est  seulement  de  U,Jlb 
Brunner)  ;  en  outre,  il  y  a  absorption  de  chaleur  :  la 
chaleur  latente  de  fusion  de  la  glace  est  égale  a  TU^^^io. 
Ainsi,  lorsqu'on  met  dans  un  vase   1  kilogr.  de  glace  a 
zéro,  puis  1  kdogr.  d'eau  à  79%  on  obtient  après  la  tusion 
2  kilogr.  d'eau  à  0«  environ.  Réciproquement,  en  passant 
de  l'état  liquide  à  l'état  solide,  l'eau  augmente  de  volume  ; 
et  chose  remarquable,  le  maximum  de  densité  est  situe, 
non  à  zéro,  mais  à  4«  (Despretz),  ce  qui  semble  indiquer 
qu'à  partir  de  4«  les  molécules  commencent  à  s  orienter, 
d'oii   résulte  une  expansion  de  volume  qui  atteint  son 
maximum  au  point  de  congélation.  Ces  changements  de 
volume  expUquent  une  foule  de  phénomènes  quetout  le 
monde  peut  observer  pendant  l'hiver,  tels  que  les  suivants  : 
la  présence  de  la  glace  à  la  surface  des  lacs  et  des  rivières; 
la  rupture  des  pierres,  dites  gélives,  et  même  des  tissus 
végétaux,  des  corps  les  plus  résistants,  comme  les  métaux 
et  les  alliages,  etc.  Tout  le  monde  sait  qu'on  peut  briser 
des  canons  de  bronze  en  les  remplissant  d'eau  et_  en  les 
exposant   ensuite,   après   une   fermeture   hermétique,    a 
l'action  d'une  basse  température.   Comme  la  plupart  des 
autres  corps,  l'eau  peut  être  en  surfusion,  c.-à-d.  être 
encore  liquide  au-dessous  de  zéro,   et  alors  on  peut  la 
comparer    à  une  dissolution  sursaturée  ;   ce  phénomène 
s'observe  :  i*^  lorsqu'elle  tient  en  dissolution  certains  sels, 
notamment  le  sulfate  de  soude;  2^  lorsqu'elle  est  contenue 
dans  des  tubes  capillaires  et  qu'elle  mouille  les  parois  ; 
30  lorsqu'on  l'abandonne  à  un  refroidissement  très  lent. 
Dans   ce  dernier  cas,   la  température  peut  descendre  à 
—  20°  ;  mais  la  solidification  a  lieu  immédiatement  et  la 
température  remonte  à  zéro  sous  l'influence  du  momdre 
mouvement  vibratoire  et  par  l'introduction  d'une  parcelle 
de  glace,  ce  qui  est  une  autre  preuve  de  la  structure  cris- 
talline de  cette  dernière . 

A  l'état  liquide,  l'eau  pure  est  inodore  et  incolore  ; 
toutefois,  vue  en  masse,  elle  présente  une  légère  teinte 
verdâtre.  A  partir  de  4%  elle  augmente  graduellement  de 
volume  jusqu'au  point  d'ébuUition  (Despretz).  Elle  dissout 
un  srand  nombre  de  corps,  solides,  liquides  ou  gazeux  : 
les  alcalis,  les  matières  sucrées,  gommeuses  et  mucilagi- 
neuses  ;  un  grand  nombre  de  principes  immédiats,  d'ori- 
oine  végétale  ou  animale  ;  une  foule  de  sels,  comme  les 
formiates  et  les  acétates;  la  plupart  des  azotates,  des  chlo- 
rures, des  sulfates,  des  oxalates,  etc.  ;  en  général,  es 
corps  très  oxygénés  sont  solubles  dans  l'eau,  tandis  que  les 
corps  riches  en  carbone  et  en  hydrogène  sont  de  préférence 
solubles  dans  l'alcool  et  dans  l'éther.  Contrairement  à  ce 
qui  a  lieu  d'ordinaire  pour  les  liquides  et  les  solides,  les 
gaz  sont  d'autant  plus  solubles  dans  l'eau  que  la  tempe- 
rature  est  plus  basse. 

L'eau  existe  constamment  à  1  état  de  gaz  dans  l  atmo- 
sphère; à  la  surface  de  la  terre,  elle  émet  continuellement 
des  vapeurs,  même  aux  températures  les  plus  basses.  Comme 
les  liquides  volatils,  elle  se  vaporise  immédiatement  dans  le 
vide  et  acquiert  dans  des  temps  très  courts  la  tension 
maxima  qui  répond  à  la  température  de  l'expérience.  En 
se  vaporisant,  elle  augmente  environ  de  dix-sept  cents  fois 
son  volume  ;  elle  est  alors  sous  forme  d'un  fluide  élastique, 
incolore,  inodore,  plus  léger  que  l'air,  car  sa  densité, 
rapportée  à  ce  dernier,  est  égale  à  0,622.  Dans  les  con- 
ditions normales  dépression,  c.-à-d.  àïOO^^^S  on  ditqu  el le 
bout  à  100°  ;  en  augmentant  la  pression,  on  élevé  graduel- 


lement le  point  d'ébuUition,  principe  sur  lequel  repose  la 
marmite  de  Papin;  réciproquement,  à  mesure  que  la  pression 
diminue,  le  point  d'ébuUition  s'abaisse,  à  tel  point  qu'on  peut 
provoquer  l'ébullition  au  voisinage  de  zéro  en  faisant  le 
vide  à  la  surface  du  liquide.  Pour  se  transformer  en  vapeur, 
elle  exi^e  environ  cinq  fois  et  demie  plus  de  chaleur  que 
pour  élever  sa  température  de  zéro  à  100°;  en  d'autres 
termes,  1  kilogr.  de  vapeur  d'eau  à  100°,  reçu  dans 
5^s500  d'eau  à  zéro,  donne  e^'SoOO  d'eau  à  400°, 

L'eau  n'est  pas  un  électrolyte.  Lorsqu'on  l'acidule,  le 
courant  décompose  l'acide,  ce  qui  fournit  2  vol.  d'hydro- 
gène au  pôle  négatif  pour  1  vol.  d'oxygène  au  pôle  positif. 
Soit  de  l'eau  additionnée  d'un  peu  d'acide  sulfurique, 
S0%3H0  ;  on  a,  sous  l'influence  du  courant  électrique  : 
S03,3H0  =  3H  +  (S0'^  +  0^); 

au  pôle  positif  : 

(S03  +  0^^)  +  3H0=:30  +  S03,3H0. 
Ainsi,  au  contact  de  l'eau,  l'acide  anhydre  SO^  ou  S'-O^ 
reproduit  l'acide  sulfurique  et  voilà  pourquoi  ce  dernier  se 
retrouve  non  altéré  à  la  fln  de  l'expérience  (Bourgoin). 

Propriétés  chimiciiies.  L'eau  intervient  dans  la  plupart 
de  nos  réactions  de  laboratoire  et  dans  presque  tous  les 
phénomènes  qui  se  passent  à  la  surface  de  la  terre  ;  lors- 
que cette  dernière  était  à  l'état  incandescent,  l'eau  ne 
pouvait  exister  qu'à  l'état  de  vapeur,  et,  dès  que  la  con- 
densation est  devenue  possible,  sa  température  étant  très 
élevée,  son  pouvoir  dissolvant  était  considérable  ;   amsi 
s'explique  la  formation  des  couches  géologiques  stratifiées. 
Dès  que  la  vie  est  devenue  possible  sur  notre  planète,  l'eau 
a  joué  un  rôle  prépondérant  dans  la  formation  des  végétaux 
et  des  animaux;  elle  est  indispensable  pour  assurer  la  série 
des  combinaisons   et  des  décompositions   chimiques   qui 
s'effectuent  dans  les  tissus.  Après  la  mort,  elle  est  égale- 
ment nécessaire  pour  désorganiser  les  matières  organiques 
et  restituer  leurs  éléments  à  la  nature.  C'est  sous  son 
influence  que  se  produisent  la  plupart  de  ces  doubles  décom- 
positions,  que  les  chimistes  effectuent  journellement,  et 
son  influence  est  capitale  dans  une  foule  de  réactions. 
Tantôt  elle  n'agit   qu'à  titre  de  dissolvant  ;^  tantôt  elle 
fournit  seulement  l'un  de  ses  deux  éléments,  l'oxygène  ou 
l'hydrogène,  aux  corps  qui  réagissent  les  uns  sur  les  autres  ; 
tantôt,  enfin,  elle  entre  intégralement  en  combinaison  pour 
engendrer  de  nouveaux  composés  ;  parfois  elle  détermine 
des  dédoublements,  sans  entrer  en  réaction,  du  moins  en 
apparence.   En  résumé,  trois  cas  principaux  peuvent  se 
présenter  :  1°  l'eau  est  décomposée  et  l'oxygène  entre  en 
combinaison,  l'hydrogène  étant  mis  en  liberté  ;  2°  l'hydro- 
gène est  fixé,  tandis  ({ue  l'oxygène  est  éliminé  ;  3°  les  deux 
éléments,  oxygène  et  hydrogène,  sont  fixés  simultanément. 
C'est  en  s'appuyant  sur  l'action  de  l'eau  que  Thénard  a 
établi  sa  classification  des  métaux  :  les  trois  premières  sec- 
tions renferment  les  métaux  qui  décomposent  l'eau  à  une 
température  plus  ou  moins  élevée  ;  cette  décomposition  est 
due  à  ce  que  l'hydrogène  est  un  métal  et  qu'il  peut  être 
remplacé  par  un^utre  métal,  soit  à  froid,  soit  à  chaud. 

Le  rôle  de  l'eau  en  chimie  organique  est  d'une  impor- 
tance capitale  :  on  la  voit  à  chaque  instant  entrer  en  com- 
binaison ou  prendre  naissance,  par  suite  de  la  réaction 
interne  des  éléments  qui  constituent  la  molécule  organique. 
Un  fait  digne  de  remarque,  c'est  que  la  quantité  d'eau  qui 
se  forme  dans  une  réaction  quelconque  ne  peut  pas  être 
inférieure  à  deux  équivalents.  Exemple  : 

Action  de  la  potasse  sur  les  hydracides  ou  sur  les  oxacides  : 
KH02  +  HC1=:H20^^  +  KC1, 
lilW  +  AzHO«  zzz  H^O^  -4-  AzO^K. 
Oxvdation  de  l'alcool  et  formation  de  l'éther  sulfurique  : 
C^H'^O^  +  0"  =  IPO^  -+-  C^lî  'O'^ 
2C^*H«02  =  H^O^  +  C^H4(C4F0^) . 
C'est  pour  cette  raison  qu'on  adopte  la  formule  H^O^ 
pour  représenter  une  molécule  d'eau.       Ed.  Bourgoin. 

Analyse.  —  Les  méthodes  suivies  pour  l'analyse  des 
eaux  varient  suivant  leur  destination  ;  ainsi  pour  l'alimen- 


—  im  — 


EAU 


tation  des  chaudières  à  vapeur  se  borne-t-on  généralement 
aux  données  fournies  par  la  méthode  hydrotimétrique, 
tandis  que,  pour  les  eaux  destinées  à  la  consommation, 
eaux  présumées  potables,  il  est  de  rigueur,  avant  d'en  faire 
usage,  de  constater  l'absence  de  souillure,  soit  d'origine 
végétale,  soit  et  surtout  d'origine  cmz'ma/^  provenant  des 
résidus  de  la  vie.  Pour  les  eaux  minérales,  une  analyse 
complète,  destinée  à  en  faire  connaître  les  propriétés,  est 
absolument  indispensable.  Une  eau  potable  doit  être 
fraîche  et  hmpide,  incolore  sous  une  faible  épaisseur,  ou 
légèrement  bleue  en  masse,  d'une  température  inférieure  à 
45°  centigrades  ;  ne  pas  contenir  de  matières  organiques 
capables  d'entrer  en  putréfaction,  ni  une  trop  forte  pro- 
portion de  sels  en  dissolution,  bien  cuire  les  légumes  et  ne 
pas  coaguler  le  savon.  Toute  eau  dégageant  une  odeur 
sulfureuse  doit  être  rejetée,  car  elle  contient  des  matières 
organiques  en  putréfaction  sous  l'action  des  ferments,  et 
pourrait  amener  des  désordres  dans  l'économie.  Ces  carac- 
tères ne  sont  cependant  pas  suffisants  pour  juger  une 
eau,  car  remphssant  ces  conditions,  elle  peut  néanmoins 
contenir,  comme  il  est  parfaitement  démontré  aujour- 
d'hui, des  bactéries,  germes  de  maladies  infectieuses. 
L'analyse  complète  d'une  eau  d'alimentation  comprend  : 
1°  l'analyse  chimique  proprement  dite,  c.-à-d.la  recherche 
et  le  dosage  des  éléments  dissous,  normaux  et  anormaux  ; 
2*^  l'examen  bactériologique,  c.-à-d.  la  culture,  la  numé- 
ration et  la  détermination  des  êtres  microscopiques  qui  la 
peuplent. 

Prise  de  Véchaîitillon.  La  prise  d'échantillon  d'une 
eau  destinée  à  l'analyse  est  très  délicate,  car  c'est  de  cette 
prise  que  découle,  naturellement,  l'appréciation  analytique. 
Pour  les  cours  d'eaux,  fleuves  ou  rivières,  les  étangs,  etc., 
la  prise  doit  être  faite  au  milieu  de  la  tranche  liquide, 
éviter  de  prendre  aux  bords,  au  fond  ou  à  la  surface,  afin 
de  ne  pas  rencontrer  de  vase,  argile,  gravier,  ou  des 
matières  organiques,  débris  de  plantes  ou  d'animaux  qui 
peuvent  surnager.  Dans  l'examen  de  l'eau  distribuée  à  une 
ville,  la  prise  se  fait  au  robinet  d'un  immeuble  situé  à  peu 
près  au  centre  de  la  distribution  ;  il  faut  avoir  soin  de  pur- 
ger au  préalable  la  conduite  en  laissant  couler  dix  mi- 
nutes environ,  car  on  s'exposerait  à  prélever  un  échantil- 
lon contenant  du  plomb  provenant  des  tuyaux  de  canalisa- 
tion. On  recueille  l'eau  dans  des  vases  de  verre,  bouchés 
à  l'émeri  (ne  pas  faire  usage  de  bouteilles  de  grès,  qui 
peuvent  en  modifier  la  dureté),  très  propres,  que  l'on  aura 
stérilisés  par  un  lavage  au  permanganate  de  potasse  légè- 
rement acidulé  à  l'acide  sulfurique,  puis  passés  trois  ou 
quatre  fois  à  l'eau  distillée  bouillie;  de  cette  façon  on  a 
des  fioles  entièrement  privées  de  microorganismes;  on  les 
remplit  d'eau  à  examiner  après  un  rinçage  à  cette  même 
eau,  et  on  les  tient  au  frais  et  à  l'obscurité.  C'est  dire  que 
toutes  les  précautions  possibles  doivent  être  prises  pour 
éviter  l'introduction  de  bactéries  étrangères,  qui  viendraient 
donner  des  résultats  erronés.  L'analyse  sera  commencée 
aussitôt  la  prise  faite,  car  non  seulement  la  quantité  des 
colonies,  mais  aussi  l'acide  carbonique  hbre,  l'oxygène 
dissous,  etc.,  varient  avec  le  temps. 

Examen  préliminaire.  Il  importe  de  noter  la  couleur 
de  l'eau,  les  eaux  bleues  étant  des  eaux  généralement 
pures  ;  cet  examen  se  fait  dans  un  tube  de  laiton  fermé  à 
ses  extrémités  par  des  obturateurs  en  verre,  comparati- 
vement à  un  tube  témoin  de  même  longueur  rempli  d'eau 
distillée.  Une  saveur  d'eau  croupie  indique  une  eau  conte- 
tenant  de  grandes  quantités  de  matières  organiques  ;  la  sa- 
veur terreuse  est  propre  à  l'eau  chargée  de  sels  calcaires. 
Quant  à  l'odeur,  elle  se  développe  au  bain-marie  après 
agitation  de  la  fiole  contenant  l'eau.  Sur  le  tournesol, 
l'eau  doit  avoir  des  réactions  très  faiblement  acides  ou 
alcalines. 

Analyse  chimique.  Les  corps  que  l'on  peut  rencontrer 
dans  une  eau  douce  sont  :  1^  résidus  minéraux  :  silice,  fer, 
alumine,  chaux,  magnésie,  soude,  potasse,  chlore,  acide 
sulfurique;  2*^  résidus  delà  vie  :  acides  azoteux,  azotique. 


phosphorique,  hydrogène  sulfuré,  ammoniaque  salin,  ammo- 
niaque albuminoïde,  matières  organiques,  scatol.  Lorsqu'on 
a  affaire  à  une  eau  trouble,  il  convient  d'opérer  tous  les 
dosages  sur  l'eau  filtrée  ;  on  peut  tenir  compte  des  ma- 
tières en  suspension,  argile  ou  matières  organiques,  en  fil- 
trant une  assez  grande  quantité  d'eau,  huit  ou  dix  litres 
environ,  sur  un  Berzelius  séché  et  taré,  et  séchant  à  nou- 
veau jusqu'à  poids  constant. 

Résidu  d'évaporation.  Le  comité  consultatif  d'hygiène 
de  France  recommande  d'évaporer  lentement  un  litre  ï'eau, 
chauffer  encore  quatre  heures  après  dessiccation  et  peser. 
Certains  auteurs  et  le  Laboratoire  municipal  de  Paris  pré- 
fèrent, après  évaporation  complète,  porter  àl'étuve  à  180^ 
ou  200°  pendant  deux  heures  environ,  jusqu'à  poids  cons- 
tant ;  les  sels  composant  le  résidu  sont  alors  tous  à  l'état 
anhydre;  on  laisse  refroidir  sous  l'exsiccateur  à  acide 
sulfurique  et  on  pèse  rapidement,  car  le  résidu  est  très 
hygrométrique.  On  a  ainsi  la  somme  des  éléments  dissous 
dans  l'eau  ;  il  s'ensuit  qu'en  additionnant  les  chiffres  obte- 
nus dans  les  dosages  des  matières  organiques,  du  fer,  de 
l'alumine,  de  la  chaux,  de  la  magnésie,  de  la  potasse,  de 
la  soude,  du  chlore,  des  acides  sulfurique,  azoteux,  azo- 
tique, carbonique  des  carbonates  neutres,  en  déduisant  du 
total  l'oxygène  correspondant  au  chlore,  on  doit  sensible- 
ment trouver  le  poids  du  résidu  à  j  80°. 

Perte  au  rouge.  La  perte  au  rouge  porte  sur  les  ma- 
tières organiques,  les  carbonates  et  les  chlorures  en  partie 
ou  en  totalité;  pour  la  déterminer,  le  résidu  à  180°  pré- 
cédemment obtenu  est  maintenu  au  petit  rouge  pendant 
une  heure  sur  la  flamme  d'un  bec  Bunsen  m  dans  un 
moufle  à  gaz  ;  on  laisse  refroidir  sous  l'exsiccateur  et  on 
pèse  ;  le  résultat  obtenu  varie  avec  l'intensité  de  la  tem- 
pérature et,  comme  il  est  fort  difficile  sinon  impossible 
d'obtenir  une  température  constante,  ce  résultat  ne  pré- 
sente pas  grande  valeur. 

Dosage  de  la  silice.  Un  litre  d'eau  additionnée  de  2  ou 
3centim.  c.  d'acide  chlorhydrique  pur  est  évaporé  très 
lentement  en  évitant  l'ébullition  ;  on  reprend  par  un  peu 
d'eau  distillée  aiguisée  d'acide  chlorhydrique;  on  filtre  sur 
du  papier  BerzéHus;  après  lavage,  on  sèche  et  on  calcine  : 
le  poids  indique  la  quantité  de  silice. 

Dosages  du  fer  et  de  ralumine.  La  liqueur  filtrée 
séparée  de  la  silice  est  précipitée  par  l'ammoniaque  ou 
par  le  sulfhydrate  d'ammoniaque;  si  l'eau  est  très  calcaire, 
pour  éviter  la  précipitation  d'une  partie  de  la  chaux,  on  fait 
bouillir  pour  chasser  l'excès  d'alcali  ou  de  sulfhydrate,  on 
filtre,  on  lave,  sèche  et  calcine  ;  le  poids  donne  le  ses- 
quioxyde  de  fer  et  l'alumine  ;  souvent  la  quantité  de  fer 
est  négligeable ,  la  plupart  des  eaux  de  fleuve  et  de 
rivière  n'en  contenant  que  des  traces;  on  fait  alors 
ordinairement  figurer  ensemble  le  fer  et  l'alumine  dans 
le  Hbellé  de  l'analyse.  Cependant  si  la  quantité  de  fer  est 
notable,  on  le  dose  en  opérant  de  la  manière  suivante  :  le 
précipité  de  sesquioxyde  de  fer  et  d'alumine  étant  pesé  est 
redissous  à  chaud  dans  l'acide  chlorhydrique  additionné  de 
quelques  gouttes  d'acide  sulfurique  ;  on  chasse  l'excès  d'acide 
chlorhydrique  par  la  chaleur;  on  étend  d'eau  distillée  à 
100  centim.  c.  environ  ;  on  réduit  le  fer  à  l'état  de  sel  de 
protoxyde  par  le  zinc  ;  on  décante  la  liqueur  ;  on  lave  le 
zinc  et  on  dose  le  fer  au  permanganate  normal  centime 

N 
r-r^  (à  08''316  de  sel  cristallisé  par  litre)  :  1  centim.  c. 

de  cette  solution  —  0,000,800  de  sesquioxyde  de  fer.  Le 
poids  du  fer  et  de  l'alumine  étant  connu,  le  fer  étant  dosé 
à  l'état  de  sesquioxyde,  la  différence  donne  l'alumine. 

Dosage  de  la  chaux.  La  liqueur  séparée  du  fer  et  de 
l'alumine  est  additionnée  d'ammoniaque  et  précipitée  par 
l'oxalate  d'ammoniaque  ;  on  attend  douze  heures  que  le 
précipité  soit  rassemblé  et  on  filtre  à  60°  centigr.  pour 
éviter  que  le  précipité  passe  à  travers  le  filtre  ;  parfois  une 
partie  de  l'oxalate  de  chaux  adhère  aux  parois  du  vase  où 
s'est  faite  la  précipitation.  Dans  ce  cas,  on  Ive  le  vase  à 


EAU 


—  196  — 


reau  aii^uisce  cUacide  chlorhydrique  et  reprecipite  a  nou- 
veau par  raminoniaque.  On  lave  à  Feau  chaude,  sèche  et 
calcine  •  il  se  forme,  suivant  Tintensité  de  la  tempera  ure, 
soit  du 'carbonate  de  chaux  avec  dégagement  d  oxyde  de 
carbone,  soit  un  mélange  de  carbonate  et  de  chaux  x-ive; 
aussi  dans  ce  produit  complexe,  il  faut  convertir  toute  la 
chaux  en  un  composé  fixe.  Pour  cela  on  laisse  retroidir 
la  capsule;  on  mouille  le  précipité  à  l'acide  sulturique 
étendu;  on  dessèche  avec  précaution;  on  calcine  a  nou- 
veau et  on  pèse  ;  on  a  toute  la  chaux  à  l'état  de^suhate 
dont  le  poids  multiplié  par  0,411  donne  la  chaux  (UU). 

Dosaqe  de  la  magnésie.  La  magnésie  se  précipite  dans 
le  liquide  filtré  provenant  de  la  séparation  de  la  chaux  par 
addition  d'ammoniaque  et  de  phosphate  de  soude;  on  aisse 
reooser  vinet-quatre  heures;  le  précipité  se  formant  lente- 
ment, surtout  s'il  n'y  a  que  des  traces  de  magnésie  il  se 
dépose  du  phosphate  ammoniaco-magnésien  grenu  et  cris- 
tallin adhérent  aux  parois  du  vase.  On  filtre,  lave  a  l  eau 
ammoniacale,  sèche,  calcine  et  pèse.  Le  phosphate  ammo- 
niaco-maenésien  se  convertit  en  pyrophosphate  de  ma- 
gnésie ;    le   multiplicateur    pour    obtenir    la    magnésie 

^^ofaqe'des  alcalis  {potasse  et  soude).  Ce  dosage  se  fait 
sur  une  nouvelle  quantité  d'eau,  en  se  débarrassant  de  toutes 
les  autres  bases,  par  la  précipitation  en  bloc.  Ce  procède  est 
dû  à  M   Peliffot.  On  évapore  à  siccité  deux  litres  d  eau  très 
légèrement  acidulée  à  l'acide  sulfurique;  on  reprend  par  un 
excès  d'eau  de  baryte;  on  filtre  pour  séparei  le  sul  tate  de 
baryte  formé;  on  lave  bien  le  filtre,  et  on  précipite  1  excès 
de   baryte  par    un    courant  d'acide  carbonique  ;  on  tait 
bouillir  pour  chasser  Vacide  carbonique  dissous  qui  retien- 
drait un  peu  de  carbonate  de  baryte  en  dissolution  ;  on 
filtre  à  nouveau  la  liqueur;   on  acidulé  à  l  acide  chlor- 
hydrique et  on  évapore  à  sec  ;  on  calcine  légèrement  et 
le  résidu  est  formé   des   chlorures  de  potassium   et  de 
sodium  •  on  laisse  refroidir  à  Texsiccaleur  et  on  pesé.  Un 
dissout 'le  résidu  dans  un  peu  d'eau  disliUee;  on  ajoute 
un  lé^er  excès  de  bichlorui  e  de  platine  ;  \\  se  terme  un 
précipité  jaune  serin  de  chloroplatinate  de  potasse  ;  on  éva- 
pore à  sec  au  bain-marie  et  on  reprend  par  l  alcool  (le 
chloroplatinate  étant  un  peu  soluble  dans  l'eau);  on  verse 
sur  un  filtre  séché  et  taré;  on  lave  à  1  alcool  jusqu  a  ce 
qu'il  passe  incolore  et  n'entraîne   plus  rien  ;  on  sèche  le 
filtre  à  110°  jusqu'à  poids  constant;  on  a  ainsi  la  potasse 
à  l'état  de  chloroplatinate  (PtCl^  KCl)  dont  le  poids  mul- 
tiphé  par  0,192  donne  la  potasse  (KO),  et  par  0  304  la 
potasse  à  l'état  de  chlorure;  la  soude  s'obtient  alors  par 
différence,  le  poids  des  deux  chlorures  étant  connu  ;  le  chlo- 
rure  de  sodium  multiplié  par  0,5299  donne  la  soude  (NaO) 
PtCl2,KCl  X  0,192  m  KO. 
PtCl^KCl  X  0,304  =  KCl. 
NaCl  X  0,530  ==  NaO. 
dosaqe  de  Vammoniaque  salin.  Le  dosage  de  l  am- 
moniaque dans  les  eaux  par  le  procédé  Boussmgault  est 
très  délicat;  il  donne  de  bons  résultats  entre  des  mains 
expérimentées  ;   il  est  encore  employé  par  quelques  chi- 
mistes. Aujourd'hui  dans  la  plupart  des  laboratoires  on 
dose  l'ammoniaque  avec  le  réactif  de  Nessler.  La  méthode 
de  Nessler  est  fort  ingénieuse  et  permet  de  déceler  des 
traces  infinitésimales  d'ammoniaque.  Il  faut  pour  faire  ce 
dosase  :  1«  des  tubes  de  verre  dits  de  Nessler,  exactement 
de  même  calibre,  de  17  cenlim.  de  hauteur  et  de  4  centim. 
de  diamètre,  à  fond  régulièrement  arrondi  et  portant  un 
traitdejaugeàoOcentim.c;  2^  une  pipette  de  2  centim.  c; 
3«  deux  liqueurs  titrées  de  chlorhydrate  d'ammoniaque; 
une  à  3S'-15  de  ce  sel  par  litre  d'eau  très  pure  (distillée 
sur  du  permanganate  dépotasse,  puis  sur  du  sulfate  d'alu- 
mine); c'est  la  solution  forte  ;  1  centim.  c.  de  cette  liqueur 
z=:  1  milligr.  d'ammoniaque  ;  une  seconde,  cent  fois  plus 
faible,  obtenue  en  étendant  à  un  litre  10  centim.  c.  de  la 
première  ;  c'est  la  solution  faible  ;  elle  correspond  à  O^g'-Ol 
d'ammoniaque  par  centim.  c;  4«  le  réactif  de  Nessler  qui 
est  une  dissolution  alcaline  potassique  ou  sodique  d'iodure 


de  potassium,  saturée  de  biodure  de  mercure.  Pour  le  pré- 
parer, on  dissout  à  chaud  62S''5  d'iodure  de  potassium  dans 
environ  2o0  centim.  c.  d'eau;  on  y  ajoute  une  solution  sa- 
turée à  chaud  de  bichlorure  de  mercure,  jusqu'à  ce  que  le 
précipité  d'iodure  de  mercure  ne  se  redissolve  plus  ;  on 
filtre  et  on  verse  dans  la  liqueur  loO  gr.  de  potasse  caus- 
tique en  solution  concentrée.  On  additionne  alors  le  réactif 
de4  à  5  centim.  c.  de  la  solution  saturée  de  bichlorure  de 
mercure  pour  en  augmenter  la  sensibilité. 

Ceci  dit,  pour  procéder  à  un  dosage,  on  opère  de  la  ma- 
nière suivante  :  on  se  débarrasse  des  sels  de  chaux,  de  fer, 
et  de  l'argile  contenus  dans  l'eau  en  soumettant  500  cen- 
tim. c.  de  cette  eau  légèrement  alcalinisée  au  carbonate 
de  soude  pur;  à  la  distillation,  on  recueille  trois  ou  quatre 
portions  de  50  centim.  c.  ;  le  liquide  distillé  ne  doit  plus 
accuser  d'ammoniaque.  On  mélange  toutes  ces  portions;  on 
verse  50  centim.  c.  de  ce  mélange  dans  un  tube  Nessler  et 
on  y  ajoute  2  centim.  c.  de  réactif;  il  se  développe  en  pré- 
sence d'ammoniaque  une  coloration  brun  rouge;  s'il  y  avait 
précipité,  on  devrait  étendre  le  produit  de  la  distillation 
(l'eau  contenant  une  grande  quantité  d'ammoniaque,  plus 
de  5  milligr.).  Dans  un  tube  identique,  on  met  50  centim.  c. 
d'eau  distillée  bien  pure,  2  centim.  c.  de  réactif  et  à  l'aide 
d'une  burette  Gay-Lussac  divisée  en  dixièmes  de  centim.  c. 
on  verse  goutte  à  goutte  de  la  liqueur  faible  de  chlorhydrate 
d'ammoniaque,  jusqu'à  ce  que  les  deux  tubes  étant  placés 
sur  une  feuille  de  papier  blanc,  on  observe   egahte  de 
teinte;   dans  cet    essai,  le  chlorhydrate  versé  après  le 
Nessler  détermine  dans  le  tube  témoin  un  louche  qui  masque 
en  partie  la  fin  de  l'opération;  aussi  doit-on  contrôler  en 
recommençant  une  ou  plusieurs  fois  l'essai,  mais  en  versant 
d'un  seul  coup  dans  le  tube  témoin  et  avant  le  réactif  de 
Nessler  la  quantité  de  chlorhydrate  fixée  par  l'essai  pré- 
cédent. Le  titre  de  la  solution  faible  de  chlorhydrate  étant 
0"^s^01  d'ammoniaque  par  centimètre  cube,  le  nombre  de 
centimètres  cubes  employé,  multiplié  par  3  ou  4,  suivant 
que  l'on  a  recueilli  trois  ou  quatre  portions  de  50  centim.  c, 
donne  en  centièmes  de  milligramme  la  quantité  d'ammo- 
niaque salin  contenue  dans    les   500  centim.  c.  d'eau. 
L'urée,  les  diamines  et  les  alcaloïdes  sont  sans  action  sur  le 
réactif  de  Nessler. 

Dosage  de  lammoniaque  albuminoïde.  Le  procédé 
généralement  employé  consiste  à  brûler  les  matières  albu- 
minoïdes  par  le   permanganate    de  potasse  en  solution 
alcaline;  il  n'est  pas  encore  prouvé  que  l'oxydation  soit 
complète,  mais  on  ne  possède  point  encore  de  méthode 
certaine.  Ce  procédé  est  dû  à  MM.  Wanklyn  et  Chapmann. 
On  ajoute  au  résidu  de  la  distillation  opérée  pour  le  dosage 
de  l'ammoniaque  salin,  et  contenant  l'ammoniaque  albu- 
minoïde, 50  centim.  c.  d'une  dissolution  de  permanganate 
alcalin  ;  on  distille  et  on  reçoit  dans  un  volume  connu 
d'acide  sulfurique  titré  comme  cela  se  fait  à  Montsouris  ; 
il  ne  reste  plus  qu'à  titrer  l'excès  d'acide,  ou  bien  on 
recueille  trois  ou  quatre  portions  de  50  centim.  c.  et  on 
dose  au  réactif  Nessler  comme  pour  l'ammoniaque  salm. 
La  solution  alcahne  de  permanganate  s'obtient  en  dissol- 
vant 8  gr.  de  permanganate  cristallisé;  on  ajoute  200  gr. 
de  potasse  caustique  ;  on  fait  bouillir  un  quart  d'heure  pour 
chasser  toute  trace  d'ammoniaque,  et  après  refroidissement 
on  complète  le  litre  avec  de  l'eau  distillée  sur  du  perman- 
o;anate  de  potasse,  puis  sur  du  sulfate  d'alumine. 

Dosage  des  nitrates.  Tous  les  procédés  proposés  pour 
déterminer  l'acide  nitrique  contenu  dans  les  eaux  agissent 
sur  les  nitrites;  il  faut  donc  tenir  compte  de  cette  erreur. 
Nous  décrirons  successivement  :  l*'  le  procédé  Boussmgault, 
basé  sur  l'action  de  l'acide  nitrique  sur  le  sulfate  d'mdigo  ; 
20  le  procédé  Grandval  et  Lajoux  (formation  de  picrate 
d'ammoniaque). 

Procédé  Boussingault.  Le  procédé  de  Boussmgault  est 
fondé  sur  la  décoloration  du  sulfate  d'indigo  par  l'acide 
nitrique.  On  prépare  deux  dissolutions  :  1"  l'une  très  diluée 
de  sulfate  d'indigo,  appelée  liqueur  normale,  en  versant 
dans  100  centim.  c.  d'eau  distillée  vingt  gouttes  de  sul- 


—  197  — 


EAU 


fate  d'indigo  (acide  sulfurique  Nordhausen,  50  à  60  cen- 
tim.  c.  ;  indigotine  pure,  5  gr.)  ;  2°  l'autre  d'azotate  de 
potasse  titrée  à  Os^^OOl  de  ce  sel  pour  2  centim.  c.  On 
détermine  le  titre  de  la  solution  bleue  de  la  manière  sui- 
vante. On  verse  2  centim.  c.  de  la  solution  d'azotate  dans 
un  tube  à  essai  avec  ij'll  centim.  c.  d'acide  chlorhydrique 
exempt  de  clilore  et  de  produits  nitreux  ;  on  fait  bouilhr, 
puis  on  ajoute  goutte  à  goutte  avec  une  burette  Gay- 
Lussac  la  solution  de  sulfate  d'indigo  tant  que  la  couleur 
bleue  de  la  liqueur  disparaît  ;  on  concentre  ensuite  la  liqueur; 
on  ajoute  de  temps  en  temps  de  l'acide  chlorliydrique  et  on 
verse  à  nouveau  du  sulfate  d'indigo  jusqu'à  coloration  ver- 
dâtre  persistant  à  l'ébullition  et  à  l'addition  de  nouvelles 
quantités  d'acide  chlorhydrique.  Un  essai  identique  fait 
.avecl'eau  à  examiner  donne  la  proportion  de  nitrates  qui 
y  est  contenue.  Lorsque  l'eau  contient  des  matières  orga- 
niques, on  les  brûle  en  distillant  en  présence  d'acide  sulfu- 
rique (1  gr.)  et  de  bichromate  de  potasse  ou  de  bioxyde 
de  manganèse  lavé  (1  gr.)  et  on  dose  l'acide  nitrique  dans 
le  produit  de  la  distillation. 

Procédé  Grandval  et  Lajoiix.  Ce  procédé  consiste  à 
transformer  l'acide  nitrique  en  trinitrophénol,  puis  en  picrate 
d'ammoniaque,  ensuite  à  comparer  à  l'aide  du  colorimètre 
de  Duboscq  l'intensité  de  la  solution  obtenue  avec  une 
solution  type  de  picrate.  Il  réussit  même  en  présence  des 
chlorures  ;  cependant,  si  la  quantité  en  est  un  peu  forte,  on 
élimine  l'acide  chlorhydrique  au  moyen  de  l'oxyde  d'argent 
hydraté.  Ce  procédé  nécessite  l'emploi  d'une  solution  d'acide 
sulfophénique  et  d'une  liqueur  titrée  de  nitrate  de  potasse. 
Réactif  sulfophénique. 

Acide  phénique  pur  cristallisé 3  gr. 

Acide  sulfurique  monohydraté 37  — 

Total 40  gr. 

La  Uqueur  titrée  de  nitrate  contient  0-^936  de  ce  sel 
par  litre  et  correspond  à  Os^oO  d'acide  azotique  (AzO^)  ou 
à  0SM29  d'azote  (Az).  Pour  préparer  la  solution  type  de 
picrate  d'ammoniaque,  on  évapore  à  sec  au  bain-marie 
dans  une  capsule  de  porcelaine  10  centim.  c.  de  la  solu- 
tion de  nitrate;  on  laisse  refroidir,  puis  on  ajoute  dix  gouttes 
de  réactif  sulfophénique  que  Ton  promène  sur  les  parois 
de  la  capsule  à  l'aide  d'un  agitateur,  afin  que  tout  le  résidu 
en  soit  imprégné;  on  étend  d'un  peu  d'eau  distillée,  puis  on 
verse  un  excès  d'ammoniaque  ;  il  se  développe  une  belle 
coloration  jaune  et  on  complète  1,000  centim.  c.  de  liqueur. 
Le  dosage  des  nitrates  dans  une  eau  se  fait,  comme  ci- 
dessus,  en  prenant  10  centim.  c,  de  l'eau  à  essayer  (ou 
moins  si  elle  est  très  chargée  d'acide  nitrique,  afin  d'éviter 
le  dégagement  de  vapeurs  nitreuses  et  par  suite  les  pertes 
qui  pourraient  en  résulter) ,  évaporant  à  sec  au  bain-marie, 
traitant  le  résidu  par  dix  gouttes  de  réactif  sulfophénique, 
puis  amenant  au  volume  de  25  centim.  c.  ou  50-100- 
200  centim.  c.  suivant  l'intensité  de  la  coloration,  par 
addition  d'eau  et  d'un  excès  d'ammoniaque.  Il  ne  reste 
plus  qu'à  examiner  comparativement  la  coloration  de  la 
liqueur  obtenue  avec  celle  de  la  solution  type  de  picrate, 
au  moyen  du  colorimètre  de  Duboscq,  avec  interposition 
de  verres  bleus.  Cette  méthode,  très  simple  et  très  rapide, 
donne  de  bons  résultats. 

Dosage  des  nitrites.  On  dose  généralement  les  nitrites 
par  les  procédés  suivants  :  1«  méthode  de  Trommsdorff  ; 
2«  méthode  de  Tiemann  et  Preusse. 

Méthode  de  Trommsdorff.  Le  dosage  des  nitrites  par 
cette  méthode  se  fait  ainsi  :  on  soumet  à  l'ébullition  pen- 
dant plusieurs  heures  5  gr.  d'amidon  ou  de  fécule  avec 
20  gr.  de  chlorure  de  zmc  dans  100  centim.  c.  d'eau 
distillée,  en  remplaçant  l'eau  au  fur  et  à  mesure  qu'elle  s'éva- 
pore; quand  la  dissolution  est  complète  on  ajoute  2  gr.  d'io- 
dure  de  zinc;  on  étend  à  un  litre  et  on  filtre;  on  conserve 
le  flacon  bien  bouché  et  à  l'abri  de  la  lumière  :  c'est  le  réactif 
de  Tronirnsderfi*.  On  prépare  ensuite  une  liqueur  titrée  de 
nitrite  de  potasse;  pour  cela  on  dissout  2  gr.,  3  gr.  de 
nitrite  de  potasse  dans  un  litre  d'eau,  et  dans  5  centim.  c. 


on  détermine  au  permanganate  la  quantité  réelle  d'acide 
azoteux  contenu  ;  on  s'arrange  alors  de  façon  que  la  liqueur 
titre  O-''  001  d'acide  azoteux  par  centimètre  cube.  On  la 
conserve  à  l'abri  de  la  lumière  ;  comme  elle  s'altère  facile- 
ment, il  est  bon  de  la  retitrer  chaque  fois  que  l'on  s'en  sert. 
Pour  faire  un  dosage,  on  prend  dans  un  tube  de  verre 
calibré,  un  tube  deNessler  par  exemple,  50  centim.  c.  de 
l'eau  à  essayer  ;  on  verse  1  centim.  c.  d'acide  sulfurique 
dilué  (1  à  3)  et  1  centim.  c.  du  réactif  de  Trommsdorlf. 
Si  au  bout  de  trente  à  quarante  secondes  le  liquide  se 
colore,  on  étend  l'eau,  car  la  coloration  doit  apparaître 
lentement,  deux  minutes  environ  après  l'addition  du  réactif. 
On  opère  dans  les  mêmes  conditions  en  employant  1  cen- 
tim. c.  de  la  solution  titrée  de  nitrite  que  l'on  étend  à 
50  centim.  c.  On  compare  les  deux  teintes  sur  une  feuille 
de  papier  blanc  ;  si  au  bout  de  quinze  minutes  environ 
les  teintes  bleues  sont  d'égale  intensité,  l'essai  est  achevé. 
Ce  dosage  peut  être  entaché  d'erreur  par  la  présence  de 
matières  oxydantes,  les  sels  ferriques,  par  exemple. 

Méthode  de  Tiemann  et  Preusse.  Le  procédé  de  Tiemann 
et  Preusse  est  d'une  grande  délicatesse,  et  c'est  le  seul 
réellement  pratique,  car  il  ne  porte  que  sur  les  nitrites.  On 
prépare  :  1^  une  solution  d'une  partie  d'acide  sulfurique 
dans  deux  parties  d'eau;  2^  une  liqueur  d'azotitede  soude  à 
O-'-OOOl  d'acide  azoteux  anhydre  (AzO'^)  par  centimètre 
cube;  pour  cela,  il  convient  de  dissoudre  0?''-406  d'azotite 
d'argent  cristallisé  dans  l'eau  bouillante,  précipiter  par  un 
léger  excès  de  chlorure  de  sodium  pur,  ajouter  de  l'eau  dis- 
tillée à  concurrence  d'un  litre  ;  laisser  déposer  le  chlorure 
d'argent  formé  et  décanter  ;  3«  une  solution  de  5  gr.  de 
métaphénylène  diamine  dans  un  litre  d'eau  distillée  addi- 
tionnée de  quelques  gouttes  d'acide  sulfurique  ou  chlorhy- 
drique pur,  qui  donnent  de  la  stabilité  à  cette  solution. 
On  conserve  à  l'obscurité.  Pour  faire  un  dosage  on  opère 
dans  des  éprouvettes  graduées  de  môme  dimension.  Dans 
une  on  met  1  à  10  centim.  c.  de  liqueur  titrée  d'azotite 
que  l'on  amène  à  100  centim.  c.  avec  de  l'eau  distillée; 
dans  l'autre,  100  centim.  c.  de  l'eau  à  examiner.  Ces  deux 
essais  sont  additionnés  de  1  centim.  c.  de  solution  de 
métaphénylène  diamine  et  1  centim.  c.  d'acide  dilué.  On 
attend  vingt  minutes  ;  la  réaction  est  alors  nette  et  consi- 
dérée comme  complète.  On  compare  l'intensité  des  deux 
liqueurs  colorimétriquement  ou  par  dilution  :  le  rapport 
donne  la  quantité  de  nitrites.  Si  l'eau  donnait  de  suite  une 
coloration  rouge,  il  faudrait,  au  préalable,  l'étendre  d'un 
volume  connu  d'eau  distillée. 

Dosage  de  l'hydrogène  sulfuré.  Un  ou  plusieurs  litres 
d'eau  sont  acidulés  et  soumis  à  la  distillation  ;  on  recueille 
le  produit  distillé  dans  une  solution  d'acétate  de  plomb 
légèrement  acétique  ;  il  se  forme  du  sulfure  de  plomb  ;  on 
fiftre,  lave  le  sulfure  formé,  et  transforme  par  l'acide 
nitrique  en  sulfate  que  l'on  calcine  et  l'on  pèse.  Le  multi- 
plicateur est  0,112. 

PbO,  S03  X  0,112  =  HS. 
Le  procédé  volumétrique  suivant  à  l'iode  est  presque  exclu- 
sivement employé  dans  les  laboratoires.  Dans  100  centim.  c. 
d'eau  additionnée  de  carbonate  d'ammoniaque  et  d'un  peu 
d'empois  d'amidon,on  verse  goutte  à  goutte  avec  une  burette 
graduée  en  dixièmes  une  solution  normale  centime  d'iode 

/  J!L  igr27  d'iode  par  litre  j  jusqu'à  coloration  très  légè- 
rement bleue  ;  on  lit  le  nombre  de  centimètres  cubes 
employés;  1  centim.  c.  de  la  solution  =2  O^" 00127  iode 
(I)  et  ==  0,  000017  HS.  Pour  préparer  l'empois  d'amidon 
on  délave  une  partie  d'amidon  dans  100  p.  d'eau  et 
on  porte  à  l'ébullition  en  agitant  constamment  ;  on  laisse 
refroidir  et  on  décante.  La  solution  normale  centime  d'iode 
s'obtient  en  dissolvant  18^27  d'iode  dans  l'eau  au  moyen 
d'environ 2  gr.  d'iodure  de  potassium  pur;  on  complète  le 
htre  à  l'eau  distillée  et  on  vérifie  le  titre  avec  une  solution 

titrée  d'hyposulfite  de  soude  normale  centime  ^j^J-  Les 


EAU 


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liqueurs,  d'iode  et  d'hyposulfite,  doivent  être  conservées 
dans  des  flacons  à  Fémeri  toujours  remplis  et  à  l'obscurité; 
malgré  ces  précautions  les  titres  de  ces  solutions  varient 
facilement;  aussi  faut-il  les  vérifier  chaque  fois  que  l'on  en 
fait  usage.  .    .  , 

Dosage  des  phosphates.  On  évapore  à  siccite,  en  pré- 
sence d'un  peu  d'acide  azotique  pur,  un  ou  plusieurs  litres 
d'eau;  la  silice  étant  devenue  insoluble,  on  reprend  par 
l'eau  aiguisée  du  même  acide  et  après  filtration  on  précipite 
par  la  solution  molybdique;  après  un  repos  de  douze  heures 
dans  un  endroit  chaud,  on  filtre  à  nouveau,  lave  légèrement 
et  dissout  le  précipité  dans  l'ammoniaque.  La  dissolution 
est  étendue  et  additionnée  de  chlorure  de  magnésium  ;  on 
attend  vingt-quatre  heures  que  la  précipitation  soit  com- 
plète; on  filtre,  lave  à  l'eau  ammoniacale,  sèche,  calcine  et 
pèse  ;  on  a  tout  l'acide  phosphorique  à  l'état  de  pyrophos- 
phate de  magnésie  qui,  multiplié  par  0,639,  donne  l'acide 
phosphorique  anhydre  (PhO^). 

PhOS  2  (MgO)  X  0,639  =  PhO^ 
La  solution  molybdique  s'obtient  en  dissolvant  une  partie 
d'acide  molybdique  dans  4  p.  d'ammoniaque,  d'une  den- 
sité de  0,960;  après  filtration,  on  verse  la  liqueur  qui 
passe,  en  remuant  constamment  dans  45  p.  d'acide  azo- 
tique d'une  densité  de  4,20.  Conserver  à  l'abri  de  la 
lumière.  On  décante  avant  de  s'en  servir. 

Dosage  des  matières  organiques.  Les  méthodes  pro- 
posées jusqu'à  ce  jour  pour  doser  les  matières  organiques 
contenues  dans  les  eaux  ne  permettent  pas  de  déterminer 
leur  nature  ;  elles  se  trouvent,  en  effet,  sous  divers  états 
et  proviennent  soit  de  la  décomposition  des  matières  végé- 
tales, soit  des  matières  animales.  Les  deux  seuls  procédés 
généralement  en  usage  basés  sur  l'oxydation  par  le  per- 
manganate de  potasse  sont  :  4«  dosage  en  Uqueur  acide  ; 
2°  dosage  en  liqueur  alcaline. 

Dosage  en  liqueur  acide.  Ce  procédé,  dû  à  Mounier,  a 
été  modifié  par  Kubel.  Dans  un  ballon  de  500  centim.  c, 
on  verse  250  centim.  c.  d'eau  et  25  centim.  c.  d'acide 
sulfurique  dilué  au  tiers;  on  ajoute  goutte  à  goutte  avec 
une  burette  graduée  en  commençant  à  froid  et  portant  à 
rébullition,  la  solution  titrée  de  permanganate  de  potasse 
normale  centime  jusqu'à  coloration  rose  permanente,  même 
après  une  ébullition  de  dix  minutes  environ.  Quand  l'eau 
est  très  chargée,  on  n'opère  que  sur  50  centim.  c.  ou 
400  centim.  c.  que  l'on  étend  à  250  avec  de  l'eau  dis- 
tillée. 4  centim.  c.  de  permanganate  employé  ==:  0-^00063 
d'acide  oxalique  et  Os^OOOOB  d'oxygène  cédé  par  le  per- 
manganate. La  solution  de  permanganate  perdant  de  Foxy- 
gène  par  ébullition  en  liqueur  acide,  même  sans  qu'il  y 
ait  de  matière  organique,  il  s'ensuit  que,  pour  avoir  des 
résultats  comparatifs,  il  faut  opérer  rapidement  et  toujours 
dans  les  mêmes  conditions. 

Dosage  en  liqueur  alcaline.  Le  procédé  suivi  au  Labo- 
ratoire municipal  de  Paris  est  celui  décrit  dans  le  Formu- 
laire des  hôpitaux  de  4884. 

On  soumet  250  centim.  c.  d'eau  pendant  vingt  minutes 
à  l'ébullition  avec  2  centim.  c.  de  potasse  caustique  pure 
à  45<>  Baume  et  40  centim.  c.  de  permanganate  centime  ; 
au  bout  de  ce  temps,  les  matières  organiques  sont  brûlées  ; 
on  laisse  refroidir  à  60-80'',  on  ajoute  40  centim.  c.  d'acide 
sulfurique  étendu  de  son  volume  d'eau  et  40  centim.  c. 
d'acide  oxalique  centime  ;  l'acide  oxalique  à  cette  dilution 
s'oxydant  rapidement  à  l'air  et  à  la  lumière,  on  emploie 
souvent  une  solution  de  sulfate  de  protoxyde  de  fer  équi- 
valente dans  Feau  bouillie  ;  on  titre  l'excès  au  permanganate 
centime.  Si  Feau  contenait  une  assez  grande  proportion  de 
matières  organiques,  il  conviendrait  de  l'étendre  au  préa- 
lable d'eau  distillée.  Il  est  à  noter  qu'au  nombre  trouvé, 
il  faut  faire  subir  une  correction,  correction  due  à  la  quan- 
tité de  permanganate  réduit  en  opérant  dans  les  mêmes 
conditions  avec  de  Feau  distillée.  L'urée  n'est  pas  attaquée 
lorsque  l'on  opère  en  liqueur  alcaline,  tandis  qu'elle  réduit 
le  permanganate  en  Hqueur  acide.  Dans  les  dosages  de 
matières  organiques,  lorsque  l'on  a  affaire  à  une  eau  sen- 


tant l'hydrogène  sulfuré,  on  doit  tenir  compte  de  la  quan- 
tité de  ce  gaz  dissous,  car  l'acide  sulfhydrique  réduit  le 
permaneçana'te  suivant  la  formule  : 

4(lè,Mn20^)  +  5(HS)  +  7(S0MI0)  =4(K0,S03) 

+  8(Mii0,S0'^) -4- 42(110). 

La  matière  organique  est  ordinairement  exprimée  en  acide 

oxalique    ou    en    oxygène    emprunté   au   permanganate 

(dans  ce  cas  le  nombre  est  -^=  7,875    moins    fort). 

Quelques  auteurs  notent  les  milligr.  de  permanganate 
employé  ;  les  Allemands  midtiphent  la  quantité  d'oxygène 
absorbé  par  5  ;  on  voit  donc  que,  pour  juger  de  la  valeur 
d'une  eau,  il  est  avant  tout  indispensable  de  connaître 
la  base  adoptée  pour  le  calcul  de  la  matière  organique. 

Dosage  de  l'oxygène  dissous.  La  quantité  d'oxygène 
dissous  dans  une  eau  peut  fournir  d'utiles  renseignements 
sur  sa  potabilité  ;  le  dosage  doit  être  commencé  aussitôt 
l'arrivée  de  l'échantillon  au  laboratoire  et  préférablement, 
s'il  y  a  moyen,  sur  place,  au  moment  même  de  la  prise. 
Au  Laboratoire  municipal,  on  opère  de  la  manière  sui- 
vante :  dans  un  flacon  d'un  litre  on  met  500  centim.  c. 
de  Feau  à  essayer  et  40  centim.  c.  d'une  solution  de  sul- 
fate de  protoxyde  de  fer  de  titre  connu  ;  le  bouchon  porte 
un  tube  à  entonnoir  et  robinet  jaugé  à  40  centim.  c.  plon- 
geant au  fond  du  flacon  ;  un  second  tube,  muni  d'un  petit 
barboteur  à  eau  (indiquant  le  passage  du  courant  gazeux), 
modèle  A.  Dupré,  plonge  à  moitié  du  flacon  ;  il  est  relié  à 
un  appareil  à  acide  carbonique.  On  fait  passer  un  courant 
d'acide  carbonique  ;  au  bout  d'un  quart  d'heure  environ,  tout 
l'air  est  chassé  ;  alors  à  l'aide  du  petit  entonnoir  on  introduit 
10  centim.  c.  de  potasse  caustique  à  45'^  Baume  ;  on  agite, 
il  se  précipite  un  mélange  de  protoxyde  et  de  sesquioxyde 
de  fer  par  suite  de  l'absorption  de  l'oxygène  dissous  dans 
Feau  ;  on  redissout  ces  oxydes  en  ajoutant  40  centim.  c. 
d'acide  sulfurique  pur  dilué  au  tiers,  il  ne  reste  plus  qu'à 

déterminer  au  permanganate  normal  décime  -jrr.  le  sulfate 

de  protoxyde  de  fer  en  excès.  La  solution  de  sulfate  de 
protoxyde  se  prépare  en  dissolvant  20  gr.  de  sulfate  fer- 
reux dans  un  peu  d'eau  distillée  bouillie  ;  on  ajoute  40  gr. 
d'acide  sulfurique  pur  et  on  complète  le  litre  à  l'eau  dis- 
tillée bouillie.  Cette  solution  se  conserve  sous  une  couche 
de  pétrole  ;  on  doit  la  retitrer  chaque  fois  que  l'on  s'en 
sert  ;  pour  cela  on  en  prend  le  titre  au  permanganate  dé- 
cime en  opérant  sur  500  centim.  c.  d'eau  distillée  bouilhe, 
10  centim.  c.  de  chacune  des  liqueurs  potassique  et  sul- 
furique et  10  centim.  c.  de  solution  ferreuse. 

Dosage  du  chlore.  Le  dosage  du  chlore  peut  se  faire 
soit  volumétriquement,  soit  par  la  méthode  pondérale.  Pour 
doser  le  chlore  volumétriquement,  on  concentre  un  litre 
d'eau  à  100  ou  200  centim.  c;  on  laisse  refroidir,  puis 
on  verse  goutte  à  goutte  à  l'aide  de  la  burette  en  dixièmes 
après  avoir  additionné  la  liqueur  de  2  ou  3  gouttes  de 
chromate  neutre  de  potasse,  une  solution  normale  décime 

d'azotate  d'argent  (^  j  (17  gr.  d'azotate  par  litre)  jus- 
qu'à coloration  très  légèrement  rouge  de  la  liqueur  indi- 
quant la  fin  de  l'opération  par  formation  de  chromate 

d'argent.  1  centim.  c.  d'azotate  d'argent  décime  (  ^  j  = 

0-^0033  chlore  (Cl)  et  0-^006  chlorure  de  sodium  (NaCl). 
Par  la  méthode  pondérale,  on  évapore  500  centim.  c.  ou 
un  Htre  d'eau  à  100  ou  200  centim.  c.  environ;  on  aci- 
dulé à  l'acide  azotique  pur  et  on  précipite  par  l'azotate 
d'argent  ;  il  se  forme  un  précipité  blanc  cailleboté  de  chlo- 
rure d'argent,  on  met  le  tout  à  Fétuve  à  60^  pour  ras- 
sembler le  précipité  ;  on  filtre  sur  un  Berzéhus  séché  à 
110«  et  taré.  On  lave,  sèche  à  nouveau  à  IIO''  jusqu'à 
poids  constant  ;  le  poids  trouvé  multiplié  par  0,2474  donne 
le  chlore  (Cl). 

Dosage  de  l'acide  sulfurique.  On  évapore  à  un  petit 
volume  500  centim.  c.  ou  1  litre  d'eau  acidulée  à  Facide 


-  199  - 


EAU 


chlorhydrique  pur;  on  ajoute  un  peu  de  chlorhydrate 
d'ammoniaque  et  on  précipite  par  le  chlorure  de  baryum 
l'acide  sult'urique  à  l'état  de  sulfate  de  baryte;  on  fait 
bouillir  une  vingtaine  de  minutes  pour  agréger  le  préci- 
pité et  éviter  qu'il  ne  passe  à  travers  le  filtre  ;  on  tiltre, 
lave  soigneusement  à  l'eau  bouillante,  sèche  et  calcine  ;  à 
cette  incinération  le  charbon  du  filtre  réduit  un  peu  de 
sulfate  en  sulfure  ;  aussi  on  laisse  refroidir  la  capsule, 
mouille  la  substance  d'une  goutte  ou  deux  d'acide  sulfu- 
rique  pur  étendu,  dessèche  à  nouveau,  calcine  et  pèse.  Le 
multiplicateur  est  0,3433  pour  l'acide  sulfurique  anhydre 
(S03). 

Détermination  de  P acide  carbonique  par  le  calcul. 
Toutes  les  bases  et  tous  les  acides  étant  dosés,  l'acide  car- 
bonique des  carbonates  neutres  peut  se  déterminer  facile- 
ment par  le  calcul.  On  suppose  d'abord  toutes  les  bases  à 
l'état  de  sulfates;  on  calcule  donc  la  quantité  d'acide  sul- 
furique anhydre  qu'il  faudrait  aux  poids  trouvés  de  : 

Fer pour  former  Fe^O^,  3(S03) 

Alumine -  APO^  3(S03) 

Chaux -  CaO,SO-^. 

Masnésie --  MgO,  SO^. 

Soude -  NaO,S03. 

Potasse —  KO,  SO^. 

On  additionne,  et  du  total  trouvé  d'acide  sulfurique  on 
déduit  l'acide  sulfurique  existant  réellement  dans  l'eau, 
augmenté  des  quantités  d'acide  sulfurique  correspondant 
aux  chlore,  acides  nitreux,  nitrique,  phosphorique,  etc., 
s'il  y  en  a  ;  la  différence  exprime  l'acide  sulfurique  cor- 
respondant à  l'acide  carbonique  des  carbonates,  que  l'on 
détermine  par  le  calcul  sachant  que  : 

40gr  so^  =  n^'  co\ 

La  silice  n'entre  pas  ici  en  ligne  de  compte;  elle  est 
toujours  supposée  à  l'état  hbre. 

Dosage  de  l'acide  carbonique  total.  Dans  une  fiole 
de  750  centim.  c.  environ  contenant  450  centim.  c.  de 
chlorure  de  baryum  ammoniacal  bien  limpide,  on  verse 
500  centim.  c.  d'eau;  on  bouche,  on  agite  et  on  laisse 
reposer  douze  heures  ;  il  se  précipite  du  carbonate  et  du 
sulfate  de  baryte  ;  on  filtre  et  lave  à  l'eau  distillée  bouil- 
lante ;  on  arrose  le  précipité  avec  de  l'acide  chlorhydrique 
étendu  ;  le  sulfate  de  baryte  reste  insoluble  ;  la  liqueur 
contenant  la  baryte  provenant  des  carbonates  est  préci- 
pitée par  l'acide  sulfurique  et  on  dose  à  l'état  de  sulfate 
en  prenant  les  précautions  voulues.  On  a  alors  : 
1468^5  BaO,S03=  228^002. 

L'acide  carbonique  des  carbonates  neutres  étant  déter- 
miné par  le  calcul  comme  précédemment,  on  peut  donc 
avoir  par  différence  l'acide  libre  et  des  bicarbonates.  Le 
chlorure  de  baryum  ammoniacal  s'obtient  en  additionnant 
une  solution  de  chlorure  de  baryum  au  dixième  de  son 
volume  d'ammoniaque  à  S^'^  Baume  et  filtrant. 

Dosages  de  l'acide  carbonique  libre  et  combiné. ^  On 
peut,  sur  un  même  volume  d'eau  et  d'une  seule  opération, 
doser  l'acide  carbonique  des  carbonates  neutres,  des  bicar- 
bonates et  libre.  Dans  un  ballon  de  2  litres,  muni  d'un 
tube  de  sûreté  et  d'un  tube  à  dégagement  se  rendant  dans 
une  fiole  contenant  250  centim.  c.  de  chlorure  de  baryum 
ammoniacal,  on  soumet  à  l'ébullition  un  litre  d'eau;  tout 
l'acide  carbonique  libre  et  la  moitié  de  celui  qui  entre  dans 
la  constitution  des  bicarbonates  est  chassé  ;  il  se  forme 
dans  le  flacon  à  chlorure  un  précipité  de  carbonate  de 
baryte  ;  quand  il  ne  se  dégage  plus  que  de  la  vapeur  d'eau, 
on  retire  le  flacon  et  alors  on  le  remplace  par  un  autre, 
en  additionnant  l'eau  par  le  tube  de  sûreté  d'acide  chlor- 
hydrique et  maintenant  l'ébullition  ;  l'acide  des  carbonates 
est  déplacé  et  donne  un  nouveau  précipité  de  carbonate  de 
baryte.  Ces  précipités  sont  recueillis  sur  un  fdtre,  lavés, 
dissous  dans  l'acide  chlorhydrique  étendu  et  transformés 
en  sulfate  de  baryte  par  addition  d'acide  sulfurique  ;  on 
filtre,  lave,  sèche,"^etc.,  comme  il  a  été  dit  précédemment. 
Si  on  a  affaire  à  une  eau  très  gazeuse,  une  eau  minérale, 
par  exemple,  pour  avoir  la  quantité  réelle  d'acide  carbo- 


nique, il  convient  de  faire  la  prise  à  la  source  même  dans 
une  fiole  jaugée  pouvant  supporter  une  température ^  de 
400°  et  bien  bouchée  au  liège.  De  retour  au  laboratoire, 
on  recueille  l'acide  carbonique  hbre  dans  le  chlorure  de 
baryum  ammoniacal,  en  faisant  usage  d'un  tire-bouchon- 
siphon  creux  à  robinst,  la  fiole  étant  portée  à  la  tempé- 
rature de  400*^  au  bain-marie.  Quant  au  dosage  de  l'acide 
carbonique  combiné,  on  opère  comme  il  a  été  dit. 

Du  calcul  des  analyses.  Il  est  d'usage,  dans  le  calcul 
des  analyses,  de  suivre  les  règles  suivantes.  Le  chlore  est 
uni  au  potassium  et  au  sodium  et,  s'il  en  reste,  ce  qui  est 
rare,  on  l'unit  au  calcium.  L'acide  sulfurique  à  la  chaux, 
l'acide  azotique  à  l'ammoniaque  et,  s'il  reste  de  cet  acide, 
on  les  combine  à  la  chaux,  si  toute  cette  base  n'est  pas 
saturée  par  le  chlore,  auquel  cas  on  prend  la  magnésie. 
On  laisse  la  silice  libre  et  Ton  transforme  le  reste  de  la 
chaux  et  la  magnésie  en  carbonate  et  en  général  en  carbonate 
neutre.  Il  ne  faut  pas  oublier  que  les  données  de  l'analyse 
qualitative  nécessitent  quelquefois  une  autre  manière  de 
calculer  les  résultats.  «  Si,  par  exemple,  l'eau  évaporée  a 
une  réaction  alcaline,  c'est  qu'il  y  a  du  carbonate  de 
soude,  ordinairement  avec  du  sulfate  de  soude  et  du  chlo- 
rure de  sodium,  parfois  aussi  avec  de  l'azotate  de  soude. 
La  chaux  et  la  magnésie  sont  alors  complètement  à  l'état 
de  carbonates.  »  (Fresenius.) 

Dosage  des  gaz  dissous  dans  Veau.  Le  dosage  des  gaz 
dissous  dans  l'eau  se  fait  très  rarement.  Nous  décrirons 
une  disposition  ingénieuse  imaginée  par  M.  A.  Gautier 
pour  faire  cette  opération.  L'appareil  se  compose  d'un 
ballon  à  col  étiré,  de  volume  exactement  connu,  un  litre 
par  exemple,  relié  par  un  tube  de  caoutchouc  muni  d'une 
pince  de  Mohr,  à  une  boule  de  300  à  400  centim.  à 
laquelle  est  adapté  un  tube  à  dégagement  se  rendant  sur 
une  cuve  à  mercure  ;  la  hauteur  totale  du  tube  à  dégage- 
ment doit  évidemment  être  de  plus  de  76  centim.  On  opère 
de  la  manière  suivante  :  le  ballon  étant  rempli  exactement 
de  l'eau  à  examiner,  on  met  un  peu  d'eau  distillée  dans 
la  boule,  que  l'on  porte  à  l'ébullition;  la  pince  de  Mohr 
étant  serrée,  la  vapeur  d'eau  formée  balaye  l'air  de  l'appa- 
reil ;  lorsqu'il  est  complètement  chassé,  on  desserre  la 
pince  et  on  fait  bouillir  l'eau  du  ballon,  une  partie  est 
projetée  soit  par  la  dilatation,  soit  par  l'ébullition,  dans  la 
boule  ;  aussi  on  a  soin  d'y  maintenir  une  légère  ébullition. 
On  recueille  les  gaz  sous  une  éprouvette  pleine  de  mercure  ; 
on  mesure  le  volume  recueiUi,  puis  on  opère  les  sépara- 
tions comme  il  est  d'usage,  en  absorbant  l'acide  carbo- 
nique par  la  potasse,  l'oxygène  par  l'acide  pyrogallique 
et  la  potasse  :  on  a  l'azote  comme  résidu. 

Hydrotimétrie.  L'hydrotimétrie  permet  d'apprécier  la 
valeur  d'une  eau,  mais  ne  peut  être  envisagée  comme  une 
méthode  rigoureuse  d'analyse  ;  on  ne  peut  en  effet  songer 
à  doser  les  sels  terreux  d'une  eau  avec  une  simple 
liqueur  de  savon;  elle  n'est  bonne  qu'en  ce  sens,  c'est 
qu'elle  est  rapide  et  donne  des  résultats  comparatifs.  Ce  pro- 
cédé, établi  par  Clarke,  modifié  par  Boutron  et  Boudet,  est 
basé  sur  la  combinaison  des  sels  terreux  avec  le  savon  ;  dans 
l'eau  distillée  bouillie,  quelques  gouttes  de  solution  alcoolique 
de  savon  rendent  l'eau  mousseuse  par  agitation,  tandis  qu'avec 
les  eaux  de  fleuve,  de  rivière  ou  de  puits,  il  faudra  pour 
arriver  à  la  mousse  persistante  d'autant  plus  de  savon  qu'il 
y  aura  en  dissolution  de  sels  terreux.  On  emploie  pour  ces 
dosages  :  4°  un  flacon  bouché  à  l'émeri  divisé  en  40-20- 
30-40  centim.  c.  ;  2°  une  burette  graduée  en  dixièmes 
de  centim.  c.  et  dont  la  graduation  ne  commence  qu'à 
la  seconde  division,  le  dixième  supplémentaire  servant 
de  correction  ;  c'est  la  quantité  de  solution  de  savon  qu'il 
faudrait  ajouter  pour  produire  dans  40  centim.  c.  d'eau 
pure  une  mousse  persistante;  3*^  une  solution  d'oxalate 
d'ammoniaque  au  soixantième;  ¥  une  solution  de  chlo- 
rure de  baryum  cristallisé  BaCl2H0  à  08^55  par  litre  ; 
MM.  Boutron  et  Boudet  ont  établi  leur  méthode  en  faisanj 
usage  d'une  solution  de  chlorure  de  calcium  fondu  à  Os^'25 
par  litre;  mais,  vu  l'hygrométrie  de  ce  sel  et  la  difliculté 


EAU 


^200  — 


qu'on  a  à  l'obtenir  pur,  on  ne  l'emploie  plus;  4°  une 
solution  de  100  gr.  de  savon  blanc  de  Marseille  dans 
4,600  gr.  d'alcool  à  90»;  les  impuretés  sont  séparées  par 
filtration  et  on  ajoute  à  la  liqueur  filtrée  1  litre  d'eau  distillée; 
cette  solution  doit  être  préparée  longtemps  d'avance,  car 
elle  laisse  déposer  lentement  des  bistéarates.  Avant  de  se 
servir  de  la  liqueur  de  savon,  il  est  indispensable  de  la 
titrer,  en  opérant  (comme  s'il  s'agissait  d'un  essai  d'eau) 
avec  40  centim.  c.  de  la  solution  de  cblorure  de  baryum  ; 
on  doit  employer  2,  3  centim.  c,  ce  qui  est  égal  à  vingt-deux 
divisions  ou  degrés  hydrotimétriques  pour  obtenir  une 
mousse  persistante.  —  Essai  d'une  eau  :  à  40  centim.  c.  d'eau 
à  examiner  (l'eau  doit  toujours  être  préalablement  étendue 
de  deux  ou  quatre  fois  son  volume  d'eau  distillée  si  elle  est 
très  calcaire)  contenus  dans  le  petit  flacon  émeri,  on  verse 
goutte  à  goutte,  à  l'aide  de  la  burette  graduée,  la  solution 
savonneuse  jusqu'à  ce  que  l'on  ait  obtenu  par  agitation  une 
mousse  d'au  moins  un  4/2  cent,  et  persistant  une  dizaine 
de  minutes;  le  degré  est  alors  indiqué  directement  par  la 
numération  de  la  burette. 

Dans  Fessai  hydrotimétrique  complet  d'une  eau,  on  dé- 
termine :  A,  le  degré  de  l'eau  naturelle;  on  a  ainsi  la 
totalité  des  éléments  dissous  :  acide  carbonique,  carbonate 
de  chaux,  sels  de  chaux  autres  que  le  carbonate,  sels  de 
magnésie  ;  —  B,  le  degré  de  l'eau  additionnée  de  4  centim.  c. 
de  solution  d'oxalate  pour  400  centim.  c.  d'eau  et  filtration 
après  repos  d'une  heure;  toute  la  chaux  est  éliminée,  il 
ne  reste  que  l'acide  carbonique  et  les  sels  de  magnésie;  — 
C,  le  degré  de  l'eau  soumise  à  une  ébullition  d'une  demi- 
heure  ;  on  ramène  au  volume  primitif  avec  de  l'eau  distillée  ; 
on  agite  et  on  filtre  ;  l'acide  carbonique  est  chassé,  le  carbo- 
nate de  chaux  est  précipité  (la  portion  restée  en  dissolution 
est  évaluée  à  3«  qu'il  convient  de  retrancher  du  nombre 
trouvé)  ;  on  a  ainsi  le  sulfate  de  chaux  et  les  sels  de  ma- 
gnésie; —  D,  le  degré  de  l'eau  soumise  à  l'ébuUition,  puis 
précipitée  dans  l'oxalate.  50  centim.  c.  de  l'eau  soumise  à 
l'ébuUition  (C)  sont  additionnés  de 2  centim.  c.  d'oxalate; 
après  repos  d'une  heure,  on  filtre  et  on  titre  ;  il  ne  reste 
plus  que  les  sels  de  magnésie.  Les  mousses  obtenues  avec 
les  essais  additionnés  d'oxalate  d'ammoniaque  (B  et  D)  ne 
sont  pas  ténues  et  sont  peu  persistantes  ;  il  faut  une  très 
grande  habitude  pour  saisir  la  fin  de  l'opération  et,  déplus, 
le  résultat  obtenu  pour  les  sels  de  magnésie  est  toujours 
erroné  avec  les  eaux  très  chargées  de  sels  calcaires. 

Le  calcul  se  fait  ainsi  :  sels  de  magnésie  =  résultat  du 
quatrième  titrage  ;  sels  de  chaux  autres  que  le  carbo- 
nate =  résultat  du  troisième  titrage  dont  on  déduit  la  cor- 
rection 3<>  et  le  résultat  du  quatrième  tirage;  acide  carbo- 
nique =  résultat  du  second  titrage  moins  le  résultat  du 
quatrième  ;  carbonate  de  chaux  =  la  différence  existant 
entre  le  degré  total  (premier  titrage)  et  la  somme  des 
degrés  correspondants  aux  sels  de  magnésie,  aux  sels  de 
chaux  autres  que  le  carbonate  et  à  l'acide  carbonique. 
Le  degré  hydrotimétrique  total  indique  approximativement 
en  centigrammes  l'extrait  ou  résidu  sec  d'une  eau;  la 
quantité  de  savon  qu'une  eau  rend  insoluble  est  de  0=^4 
par  degré  et  par  litre. 

MM.  Boutron  et  Boudet  classent  d'après  leur  méthode 
les  eaux  en  trois  classes  :  4°  de  0^  à  30'',  bonnes  pour  la 
boisson,  la  cuisson  des  légumes  et  le  blanchissage;  2^  de 


30°  à  60^*,  impropres  aux  usages  domestiques,  peuvent 
à  peine  servir  aux  générateurs  à  vapeur  ;  3<^  au-dessus  de 
60^,  impropres  à  tous  usages.  Il  est  bon  de  noter  que  la 
valeur  du  degré  hydrotimétrique  varie  suivant  le  pays. 
Ainsi  un  degré  français  correspond  à  0,56  degré  allemand 
ou  à  0,70  degré  anglais  (Clarke). 

TABLEAU    HYDROTIMÉTRIQUE 

Valeurs   en  grammes  pour  i  litre  cVeaii  de  i^  des 
corps  suivants  : 

Chaux 0,0057 

Chlorure  de  calcium 0,0444 

Carbonate  de  chaux • . .  .  0,0103 

Sulfate  de  chaux 0,0440 

Magnésie 0,0042 

Chlorure  de  magnésium 0,0092 

Carbonate  de  magnésie 0,0088 

Sulfate  de  magnésie 0,0425 

Chlorure  de  sodium 0,0420 

Sulfate  de  soude 0,0446 

Acide  sulfurique  anhvdre 0,0082 

Chlore " 0,0073 

Savon  à  50  %  d'eau 0,1064 

,  . ,        ,     .  i  0,01 00  ou 

Acide  carbonique  gazeux 'm       -  ^ 

MetJwde  d'analyse  des  eaux  destinées  à  ralimenta- 
tion  publique  adoptée  par  le  comité  d'hygiène  publique 
de  France,  Afin  de  rendre  uniformes  et  comparables  les 
analyses  d'eaux  destinées  à  l'alimentation  publique,  le 
comité  consultatif  d'hygiène  publique  de  France  a,  sur  le 
rapport  de  M.  le  docteur  G.  Pouchet,  dans  sa  séance  du 
40  août  4885,  adopté  la  marche  suivante:  1*^  Evaporer  au 
moins  un  litre  d'eau  au  bain-marie,  chauffer  encore  quatre 
heures  après  dessiccation,  peser  au  milligramme  près  et  sur 
le  résidu  rechercher  les  nitrates,  au  réactif  Desbassyns  de 
Richemond,  dont  on  mentionnera  la  présence.  —  2<>  Eva- 
porer la  même  quantité  d'eau  ;  le  poids  du  résidu  sec  ser- 
vira de  contrôle  à  l'opération  précédente.  Ce  résidu  est 
chauffé  peu  à  peu  au  rouge  sombre  et  pesé  au  milligramme; 
la  différence  avec  le  premier  nombre  est  comptée  comme 
matière  organique  et  produits  volatils.  Dans  le  résidu, 
doser  l'acide  sulfurique  en  poids.  —  3^  Déterminer  les 
quatre  degrés  hydrotimétriques  ;  le  bulletin  portera  la  men- 
tion du  degré  avant  et  après  l'ébuUition  et  des  éléments 
calculés  comme  il  est  dit. —  4°  Concentrer  à  50  centim.  c. 
un  litre  d'eau,  doser  le  chlore  volumétriquement  et  calculer 
en  chlorure  de  sodium.  —  5°  Faire  bouillir  pendant  juste 
dix  minutes  iOO  centim.  c.  d'eau  avec  3  centim.  c.  de 
solution  à  1 0  ^/o  de  bicarbonate  de  soude  pur  et  1 0  cen- 
tim. c.  de  permanganate  titré  à  0°''50  par  litre  (si  le  rose 
disparaît,  rajouter  du  permanganate),  laisser  refroidir, 
ajouter  2  centim.  c.  d'acide  sulfurique  pur  et  5  centim.  c. 
d'une  solution  titrée  de  20  gr.  de  sulfate  ferreux  et  10  gr. 
d'acide  sulfurique  pur  par  litre  et  ramener  au  rose  par  le 
permanganate.  On  recommencera  ensuite  exactement  l'essai 
avec  des  quantités  doubles  et  on  calculera  en  oxygène  con- 
sommé par  litre.  —  6^  S'il  est  possible,  l'examen  bactério- 
logique. 

Pour  les  villes  de  plus  de  5,000  hab. ,  le  comité  désire  l'ana- 
lyse complète  de  l'eau.  Le  comité  fixe  les  limites  suivantes  : 


SUBSTANCES 


Chlore 

Acide   sulfuri(|ue 

Matière  organique  en  oxygène 

Matière  organique  et  produits  volatils. 

Degré  hydrotim.  (total) 

—  après  ébullition 


EAU  PURE 


<  0.015 
0.002  —  0.005 

<  0.001 

<  0.015 
5  —  15 
2  —  5 


EAU    PGTAIÎLE 


<  0.040 

0.005  —  0.030 

<  0.002 

<  0.040 
15  —  20 

5  —  12 


EAU   SUSPECTE 


0.050  —  0.100 

>  0.030 

0.003  —  0.004 

0.040  —  0.070 

>  30 

12  —  18 


EAU   MAUVAISE 


>  0.100 

>  0.050 

>  0.004 

>  0.100 

>  100 

>  20 


Le  signe  <^  signifie  moins  de;  le  signe  ^  signifie  plus  de 


Il  est  aujourd'hui  parfaitement    démontré   que   cer- |  taines  épidémies,  fièvre  typhoïde,  choléra,  charbon,  etc., 


201 


EAU 


étaient  dues  à  ringestion  d'eaux  contaminées.  A  Paris  et 
dans  la  plupart  des  grandes  \illes,  les  boulangers  (il  en 
est  de  môme  des  brasseurs)  se  servent  d'eaux  de  puits 
pour  la  préparation  de  leurs  produits,  eaux  le  plus  sou- 
vent et  même  toujours  chargées  d'infdtrations  de  fosses 
d'aisances  ;  or  on  sait  que,  pendant  la  cuisson,  le  milieu 
du  pain  ou  la  mie  n'atteint  jamais  100«  (Gliantemesse),  et 
par  suite  que  tous  les  microbes  (il  y  en  a  qui  résistent 
à  120°)  ne  sont  pas  détruits.  Aussitôt  le  fait  reconnu, 
l'administration  fait  fermer  les  puits,  et  les  boulangers, 
du  moins  à  Paris,  sont  mis  en  demeure  de  faire  usage 
d'eau  de  source  fournie  par  la  ville  (Vanne  ou  Dhuis). 
C'est  pour  la  même  raison  que  l'ingestion  d'eau  bouillie 
n'épargne  pas  absolument  de  la  contamination;  de  plus, 
elle  est  lourde  et  indigeste  par  suite  de  la  perte  des  gaz 
et  d'une  grande  partie  des  sels  qu'elle  tenait  en  dissolu- 
tion. L'examen  bactériologique  permet  aussi  de  suivre 
l'infection  des  cours  d'eaux  traversant  des  centres  popu- 
leux, infection  reconnue  par  des  cultures  faites  avec  de 
l'eau  prise  en  amont,  au  centre  et  en  aval  de  la  ville  tra- 
versée, en  suivant  dans  la  prise  les  précautions  données 
au  commencement  de  cet  article.  Il  est  donc  de  toute  utilité 
de  compléter  l'analyse  chimique  d'une  eau  par  l'analyse 
bactériologique  à  laquelle  la  plupart  des  hygiénistes  (Brouar- 
del,  Pasteur,  Cornil,  Chantemesse,  etc.)  attachent  une  très 
grande  importance  dans  la  transmission  des  maladies, 
quoique  cette  étude  ne  date  à  peine  que  de  quelques  années. 
Dans  Texamen  bactériologique  complet  d'une  eau,  on  dis- 
tingue :  1°  la  numération  des  colonies,  c.-à-d.  la  détermi- 
nation du  nombre  de  bactéries  initiales  contenues  dans  un 
petit  volume  d'eau  à  examiner,  en  comptant  le  nombre  de 
colonies  auxquelles  elles  ont  donné  naissance  dans  un  milieu 
de  culture  convenable,  bouillons  ou  gélatines  nutritives 
d'après  la  méthode  de  Smith  ou  de  Koch  ;  2°  la  détermination 
des  colonies  pathogènes,  par  isolement  et  cultures  spéciales, 
et  leur  numération  par  l'emploi  du  microscope. 

Méthode  suivie  au  Laboratoire  municipal  de  Paris 
pour  r analyse  bactériologique  des  eaux  (V.  Bactérie, 
t.  IV,  pp.  1099-1112,  en  particulier  p.  1107). 

Examen  microscopique  des  dépôts  des  eaux.  Non 
seulement  la  culture  bactériologique  est  de  la  plus  grande 
importance,  mais  il  est  souvent  indispensable  d'examiner 
au  microscope  les  dépôts  formés  par  les  eaux  afin  d'être 
fixé  sur  la  nature  des  liquides  déversés  dans  les  cours 
d'eau  par  les  usines  riveraines.  Pour  cela,  on  laisse  reposer 
l'eau  vingt-quatre  heures,  on  décante  et  avec  le  dépôt  on 
monte  plusieurs  préparations.  L'examen  se  fait  avec  un 
simple  grossissement  de  300  à  600  diamètres.     Gh.  Girard. 

III.  Chimie  industrielle.— Eau  distillée. —  L'eau 
de  condensation  des  moteurs  à  vapeur  est  fréquemment 
employée  dans  Tindustrie  pour  l'alimentation  des  chau- 
dières ;  car  non  seulement  c'est  de  l'eau  à  peu  près  pure 
ne  contenant  que  des  traces  de  matières  grasses,  mais  elle 
garde  une  partie  de  son  calorique,  d'où  économie  notable 
de  combustible.  L'alimentation  des  chaudières  à  l'eau  de 
condensation  n'est  pas  sans  présenter  quelques  dangers  ; 
en  effet,  ne  contenant  que  peu  d'air  en  dissolution,  l'ébul- 
lition  se  trouve  retardée  et  a  lieu  avec  soubresauts  ;  aussi 
avant  d'ahmenter  a-t-on  toujours  soin  de  la  mélanger  avec 
de  l'eau  ordinaire  aérée.  Quelques  industries  s[)éciales 
emploient  l'eau  distillée  :  ce  sont  les  parfumeurs  et  les 
teinturiers-apprêteurs,  ces  derniers  pour  les  teintures  en 
nuances  claires  dites  nuances  lumières;  lorsque  les  crues 
ne  leur  permettent  pas  de  faire  usage  d'eau  de  rivière, 
ils  disposent  alors  de  l'eau  de  condensation  provenant  des 
vannes  et  métiers  d'apprêt  qui,  ordinairement,  sont 
exemptes  de  corps  gras.  Ch.  Girard. 

IV.  Pharmacie.  —  L'eau  employée  en  pharmacie,  pour 
les  préparations  magistrales,  doit  être  de  l'eau  filtrée,  de 
bonne  qualité,  notamment  de  l'eau  de  rivière  ou  de  l'eau  de 
source.  On  doit  éviter  l'emploi  des  eaux  de  puits,  ordinai- 
rement plus  ou  moins  séléniteuses,  ainsi  que  les  eaux  con- 
tenant des  matières  organiques.  Pour  la  confection  de  la 


plupart  des  médicaments  officinaux,  tisanes,  sirops,  extraits, 
limonades,  mucilages,  pâtes,  solutés,  etc.,  le  codex  de 
1884  prescrit  l'emploi  de  l'eau  distillée.  Pour  préparer  l'eau 
distillée,  on  distille  dans  un  alambic  de  l'eau  de  rivière 
ou  de  l'eau  de  source,  en  maintenant  une  ébuUition  mo- 
dérée ;  on  essaye  de  temps  en  temps  l'eau  condensée  avec 
les  réactifs  ci-dessous  et  on  ne  commence  à  la  recueillir 
qu'à  partir  du  moment  où  elle  est  sans  action  sur  eux.  On 
arrête  l'opération  lorsqu'il  ne  reste  plus  dans  fa  cucurbite  que 
le  quart  environ  de  la  quantité  d'eau  qui  y  a  été  introduite. 
L'eau  distillée  ne  doit  pas  modifier  la  couleur  des  réactifs 
colorés,  notamment  celle  du  papier  rouge  ou  bleu  de  tour- 
nesol. Les  solutions  d'azotate  d'argent,  d'azotate  de  baryum, 
d'oxalate  d'ammoniaque  et  de  sublimé  corrosif  ne  doivent 
y  produire  aucun  trouble,  ce  qui  exclut  la  présence  de 
l'ammoniaque,  des  acides,  des  chlorures,  des  sulfates,  des 
carbonates,  des  sels  de  chaux  et  des  matières  organiques. 
Pour  plus  de  sûreté,  il  est  bon  d'additionner  préalable- 
ment l'eau  à  distiller  d'un  peu  de  sulfate  d'alumine  et  de 
ne  pas  recueillir  les  premiers  litres  afin  d'éviter  la  présence 
de  l'ammoniaque.  Il  arrive  parfois  qu'une  eau  distillée, 
répondant  aux  caractères  ci-dessus,  se  trouble  sensiblement 
à  l'ébullition.  Cela  tient  à  ce  que  l'eau  distillée  est  alors  un 
produit  secondaire  provenant  de  la  condensation  de  vapeurs 
industrielles  :  ces  eaux  renferment  alors  une  très  petite 
quantité  de  zinc,  sans  doute  à  l'état  de  carbonate.  Il  suffit  de 
les  faire  bouilhr  et  de  les  filtrer  pour  enlever  cette  impureté. 
En  Amérique,  aux  Etats-Unis,  par  exemple,  on  remplace 
souvent  l'eau  distillée  par  de  l'eau  provenant  de  la  fonte  des 
glaces  ;  mais  elle  n'est  jamais  aussi  pure  que  l'eau  distillée 
préparée  d'après  les  prescriptions  du  codex.  Ed.  Bourgoin. 

V.  Parfumerie  (V.  Teinture). 

VI.  Travaux  publics.  —  Conduites  d'eau.  —  Les 
conduites  qui  servent  à  l'écoulement  de  l'eau  peuvent  être 
ou  non  soumises  à  une  pression  intérieure  ;  on  distingue, 
en  conséquence,  les  conduites  libres  et  les  conduites 
forcées.  Les  aqueducs  qui  amènent  l'eau  potable  dans  les 
villes,  les  tuyaux  qui  servent  à  l'évacuation  des  eaux  plu- 
viales et  des  eaux  ménagères,  les  égouts  qui  en  assurent 
l'écoulement  sous  les  rues  sont,  en  général,  des  conduites 
libres.  Les  canalisations,  qui  servent  à  distribuer  l'eau  sur 
la  voie  pubHque  et  dans  les  maisons,  sont  nécessairement 
formées  de  conduites  forcées.  Les  conduites  fibres  peuvent 
recevoir  une  section  intérieure  de  forme  quelconque  et 
s'exécuter  en  matériaux  de  diverses  natures  :  la  maçon- 
nerie, le  béton,  les  poteries,  la  fonte  mince,  le  plomb,  sont 
employés  suivant  les  cas.  Pour  les  conduites  forcées,  c'est 
la  forme  circulaire  qui  est  presque  seule  employée,  et  les 
métaux,  résistant  bien  à  l'extension,  conviennent  particu- 
lièrement à  la  fabrication  des  tuyaux  qui  servent  à  les 
établir. 

Les  lois  de  l'écoulement  de  l'eau  dans  les  conduites 
ont  été  l'objet  d'études  nombreuses,  parmi  lesquelles  il 
convient  de  signaler  les  travaux  de  Prony,  Dupuit,  Darcy 
et  Bazin,  qui  ont  donné  lieu  à  l'établissement  de  for- 
mules pratiques  dont  quelques-unes  ont  été  citées  au 
mot  Canalisation.  Nous  citerons  ici  celle  de  MM.  Darcy 
et  Bazin  : 

RI  =:  b^iC^ 

très  employée  aujourd'hui  et  qui  s'applique  également  bien 
aux  conduites  libres  et  aux  conduites  forcées.  R  est  le 

rayon  moyen  ou  le  rapport  —  entre  la  section  Q  et  le 

L 
périmètre    mouillé  x-  I  la  pente  par  mètre,  u  la  vitesse 
moyenne,  et  b^  un  coefficient  numérique  qui  prend  les 
valeurs  suivantes  : 

Pour  les  conduites  libres. 
A  parois  très  unies  (ciment  lissé,  /        0,03^ 

bois  raboté,  etc.) 0,00015  y  +  1^^ 

A  parois  unies  (pierre  de  taille,  /        0,07 \ 

briques,  etc.) 0,00019  ^  +  "IT/ 


EAU 


—  202  — 


A  parois  peu  unies  (maçonnerie  /         0,2d\ 

de  moellons) 0,00024  y  ^ — r" j 

A  parois  en  terre 0,00028  (i  +  ^^ 

Pour  les  conduites  forcées» 
Neuves  en  verre  ou  en  tôle.  0,000169   -f 


Neuves  en  fonte  ou  en  fer  forgé.  0,0002535  -f 


0,00000216 

R 

0,00000323 


Depuis  longtemps  en  service .  0,000507   4- 


R 

0,00000646 
R 

Des  tables,  dressées  d'après  les  formules  de  Prony  et  de 
Darcy  et  Razin,  se  trouvent  dans  divers  recueils  et  faci- 
litent singulièrement  les  tâtonnements  et  les  calculs  (V.  les 
Distributions  d'eau,  par  Rechmann  ;  Paris,  1889,  gr.  in-8). 
On  a  employé,  à  diverses  époques  et  dans  divers  pays, 
des  conduites  d'eau  en  bois,  en  sapin  surtout  ;  les  bouts 
dont  elles  se  composent  sont  emboîtés  ou  juxtaposés,  par- 
fois cerclés  de  fer;  on  en  cite  une  de  1"^20  de  diamètre  à 
Toronto  (Canada)  ;  il  y  en  a  encore  400  milles  à  Londres. 
L'emploi  de  tuyaux  en  pierre  a  été  aussi  tenté  quelquefois. 
Sans  remonter  à  l'antiquité,  on  en  trouve  des  exemples  à 
Dresde,  à  Prague,  etc.  La  maçonnerie  sert  à  la  confection  des 
grandes  conduites  libres,  des  aqueducs,  des  égouts  (V.  ces 
mots).  Elles  reçoivent  de  préférence  la  forme  circulaire,  qui 
a  le  double  avantage  d'oftrir  la  plus  grande  section  d'écou- 
lement pour  un  périmètre  donné  et  de  réduire  au  minimum 
la  poussée  exercée  sur  les  terres  ambiantes,  La  forme 
ovoïde,  fort  employée  également,  est  motivée  par  les  faci- 
lités qu'elle  présente  pour  la  circulation.  Le  béton  s'applique 
avantageusement  à  l'établissement  des  conduites,  soit  qu'on 
les  forme  de  bouts  de  tuyaux  moulés  d'avance  et  assemblés 
au  moyen  d'un  bourrelet  de  mortier,  soit  qu'on  les  exécute 
dans  la  tranchée  même  sur  des  tambours  en  bois  ou  mieux 
en  tôle  qu'on  fait  avancer  au  fur  et  à  mesure  du  travail,  de 
manière  à  obtenir  un  ouvrage  monolithe.  L'épaisseur  peut 
être  réduite  à  5  et  même  à  4  centim.  lorsque  l'eau  y  doit 
couler  sans  pression,  mais  elle  augmente  rapidement  pour 
les  conduites  forcées  avec  la  pression  qu'elles  sont  appelées 
à  supporter.  La  poterie  ordinaire,  malgré  sa  faible  résis- 
tance, se  prête  à  l'établissement  de  conduites  sans  pression 
dont  le  grand  avantage  est  le  bon  marché  relatif.  D'autre 
part,  on  fabrique  aujourd'hui  des  grès  vernissés,  qui  sup- 
portent au  besoin  des  pressions  de  plusieurs  atmosphères, 
et  qui,  sous  forme  de  tuyaux  à  emboîtement  ou  de  tuyaux 
droits  manchonnés  avec  joints  en  ciment,  se  ré{)andent  de 
plus  en  plus  pour  l'établissement  des  canalisations  servant 
à  l'évacuation  des  eaux  sales  ou  acides.  On  a  exécuté  des 
tuyaux  en  verre,  en  asphalte  ou  en  papier  bitumé.  Mais 
les  conduites  les  plus  répandues  sont  en  fonte,  en  plomb 
et  en  fer. 

Les  tuyaux  de  fonte  s'obtiennent  généralement  en 
deuxième  fusion  et  avec  des  épaisseurs  très  régulières 
quand  du  cubilot  le  métal  est  dirigé  à  l'état  liquide  vers 
des  moules  disposés  verticalement  dans  des  fosses  pro- 
fondes. On  fabrique  couramment  des  tuyaux  de  0^03  à 
1^^30  de  diamètre  intérieur  sur  des  longueurs  utiles  de 
2  à  4  m.  Les  épaisseurs  e  sont  le  plus  souvent  calculées 
en  France  pour  les  conduites  forcées  au  moyen  de  la  for- 
mule :  ^z::=K -1-0, 0001 6DII,  où  K  représente  une  cons- 
tante, D  le  diamètre,  H  la  pression  d'épreuve  en  mètres 
d'eau,  et  qui  est  devenue,  au  service  des  eaux  de  Paris, 
e  =  0,008  +0,0160.  A  l'étranger,  on  admet  d'ordinaire 
des  épaisseurs  plus  grandes;  il  en  est  de  même  en  France 
pour  les  pièces  de  raccord  qui  sont  coulées,  d'après  l'an- 
cien procédé,  dans  dos  moules  horizontaux.  Outre  les 
essais  aux  usines  destinés  à  reconnaître  la  bonne  qualité 
de  la  fonte,  on  soumet  presque  toujours  les  tuyaux  à 
l'épreuve  pratique  au  moyen  de  la  presse  en  les  emplis- 
sant d'eau  sous  une  pression  détermmée,  après  quoi,  et 
pour  les  conserver  à  l'abri  de  la  rouille,  on  les  enduit  à 


chaud  de  goudron  ou  de  coaltar.  Les  assemblages  des  tuyaux 
de  fonte  sont  de  divers  types  ;  le  seul  connu  autrefois 
était  le  joint  à  brides  encore  exclusivement  appliqué  aux 
conduites  à  très  haute  pression  ;  le  plus  répandu  aujourd'hui 
est  le  joint  à  emboîtement  et  cordon  formé  de  deux  bouts 
mâle  et  femelle  se  pénétrant  de  0™08  en  laissant  un 
intervalle  qu'on  remplit  de  corde  goudronnée  et  de  plomb 
coulé  et  maté  ;  on  emploie  aussi  le  joint  à  bague  et  au 
plomb.  Divers  joints  au  caoutchouc,  parmi  lesquels  nous 
citerons  les  joints  Lavril,  Petit,  Delperdange,  Gibault,  s 'exé- 
cutant à  froid  et,  se  démontant  aisément,  n'exigent  pas 
des  ouvriers  spéciaux  et  habiles,  et  rendent  par  là  des  ser- 
vices dans  des  cas  particuliers.  Ren  est  de  même  des  joints 
flexibles  ou  articulés  de  divers  types.  Les  pièces  de  raccord 
les  plus  employées  sont  les  manchons,  les  bouts  d'extré- 
mité, les  cônes  de  réduction,  les  bagues  et  les  manchons 
biais,  les  coudes  au  quart,  au  huitième,  au  seizième  de 
cercle,  les  pièces  à  tubulures. 

Le  plomb  a  été  longtemps  le  seul  métal  employé  à  la 
confection  des  conduites  d'eau  ;  il  est  encore  le  plus  répandu 
pour  l'étabhssement  de  celles  de  petit  diamètre,  des  bran- 
chements d'appareils  pubKcs,  des  canalisations  intérieures 
des  maisons,  à  cause  de  la  facilité  avec  laquelle  il  épouse 
les  contours  les  plus  sinueux.  On  le  trouve  dans  le  com- 
merce en  tuyaux  continus,  en  couronnes,  obtenus  à  froid 
ou  à  chaud  par  voie  d'étirage  ou  de  compression.  L'assem- 
blage se  fait  à  chaud  par  soudure  ou  à  froid  au  moyen 
de  brides  et  d'un  cuir  gras  interposé  entre  deux  collets 
battus.  On  reproche  au  plomb  de  se  laisser  attaquer  par 
les  eaux  très  pures  en  produisant  des  sels  toxiques  ;  mais, 
en  fait,  il  est,  dans  la  plupart  des  cas,  sans  inconvénient, 
parce  qu'il  n'est  pas  attaqué  par  les  eaux  lé^^èrement  cal- 
caires et  que  le  moindre  dépôt  y  forme  un  enduit  protec- 
teur. Aussi  les  tentatives  de  vulgarisation  des  tuyaux  en 
plomb  étamé  n'ont-elles  guère  réussi.  Le  fer  ou  la  tôle 
permet  la  confection  de  conduites  de  très  grand  diamètre 
qu'on  n'oserait  aborder  avec  la  fonte.  On  emploie  beaucoup 
en  France  des  tuyaux  de  tous  diamètres,  en  tôle  plombée  à 
rintérieur  et  bitumée  à  l'extérieur,  assemblés  au  moyen 
d'un  court  emboîtement  garni  de  métal  fusible  et  de  filasse 
et  appelés  tuyaux  Chameroy.  Les  tuyaux  en  fer  étiré  avec 
assemblage  à  vis  sont  assez  répandus  pour  les  petits  dia- 
mètres ;  ils  ont  le  défaut  de  s'oxyder  vite  ;  on  y  remédie 
par  la  galvanisation  ;  on  a  proposé  aussi  de  les  rendre 
inoxydables  en  les  recouvrant  d'une  couche  noire  d'oxyde 
magnétique,  d'un  émail,  d'un  enduit  de  ciment,  ou  par  un 
étamage.  Les  conduites  se  posent  presque  toujours  sous 
les  voies  publiques  et  enterre,  dans  une  tranchée  de  0"^60 
de  largeur  au  moins,  et  à  une  profondeur  de  0"^80  à 
1"^20  suffisante  dans  nos  climats  pour  les  préserver  de  la 
gelée.  Dans  quelques  cas  relativement  rares,  à  Paris  notam- 
ment, où  l'on  disposait  d'un  réseau  d'égouts  à  grande  sec- 
tion, on  les  a  posées  en  galerie  en  les  accrochant  aux 
parois  au  moyen  de  consoles  ou  d'agrafes  ou  les  supportant 
au  moyen  de  colonnettes  ou  de  tasseaux. 

Dans  l'un  et  l'autre  cas,  les  conduites  sont  peu  exposées 
aux  variations  de  température  ;  les  effets  de  dilatation  y  sont 
'négligeables;  pour  peu  que  l'eau  y  ait  de  la  vitesse,  elle 
conserve  à  très  peu  de  chose  près  sa  température  initiale, 
même  après  de  longs  parcours.  Lorsque  la  pression  est  un 
peu  élevée,  il  faut  buter  les  extrémités  et  les  coudes  des 
conduites  de  manière  à  résister  aux  poussées,  et,  après  la 
pose,  procéder  à  un  essai  au  moyen  de  la  pompe  de  com- 
pression. Dans  l'intérieur  des  habitations  et  en  élévation, 
les  conduites  sont  fixées  au  moyen  de  crochets.  Aux  points 
bas,  on  doit  ménager  le  moyen  de  vider  les  conduites,  éta- 
blir une  décharge.  Aux  points  hauts,  des  ventouses  sont 
nécessaires  pour  éviter  les  accumulations  d'air.  Des  dispo- 
sitions spéciales  doivent  être  prises  aussi  pour  éviter  les 
effets  redoutables  des  coups  de  bélier,  résultant  de  ma- 
nœuvres brutales.  Toutes  les  conduites  d'eau  sont  exposées 
à  des  dépôts,  tantôt  boueux,  tantôt  adhérents.  Les  dépôts 
calcaires  sont  parfois  assez  abondants  ;   on  a  vu  dans 


203 


EAU 


quelques  cas  se  former  des  tubercules  ferrugineux  qui  se 
développaient  au  point  d'obstruer  complètement  les  con- 
duites. D'ordinaire,  des  chasses  suffisent  pour  entraîner 
les  boues  ;  quelquefois  on  a  recours  à  des  appareils  de 
nettoyage  que  la  pression  même  de  l'eau  fait  progresser 
dans  les  tuyaux.  G.  Bechmann. 

VII.  Administration.  —  Eaux  et  Forêts. —Faisait 
autrefois  l'objet  d'une  juridiction  particulière  confiée  aux 
officiers  des  eaux  et  forêts.  Les  matières  spéciales  qu'elle 
concernait  étaient  régies  par  des  lois  anciennes;  de  ce 
nombre  était  la  législation  forestière  éparse  dans  l'ordon- 
nance de  1669,  la  loi  du  29  sept.  1791  et  une  foule  de 
règlements  de  dispositions  différentes.  Cette  législation  a 
été  refondue  dans  le  code  forestier  (V.  Forêt).  Pour  l'his- 
torique, V.  Domaine,  t.  XIV,  p.  843. 

Chambre  de  ré  formation  des  eaux  et  forêts  (Y.  Cham- 
bre). 

VIII.  Droit  civil  et  administratif.  —  Comme 
toutes  les  choses  matérielles,  l'eau  peut  faire  l'objet  d'un 
droit,  du  droit  d'usage  ou  même  du  droit  de  propriété,  si 
bien  que  Pothier  déclare  coupable  de  vol  celui  qui  s'empare 
de  l'eau  qu'une  personne  a  recueillie  dans  un  vase.  A  ce 
point  de  vue,  il  n'y  a  pas  lieu  de  s'en  occuper  davantage, 
pas  plus  qu'on  ne  s'occupe  spécialement  de  la  terre,  de  la 
pierre  ou  du  bois.  Mais  l'eau  se  présente  sous  des  formes 
différentes:  tantôt  elle  provient  directement  de  la  pluie; 
tantôt  ces  pluies  se  rassemblant  dans  les  fissures  du  sol 
donnent  naissance  à  des  sources,  à  des  ruisseaux  ou  à  des 
rivières  ;  tantôt  enfin  la  main  de  l'homme  creuse  à  ces  eaux 
un  lit  artificiel.  De  là  un  grand  nombre  de  questions  dont  le 
législateur  a  dû  s'occuper  :  ainsi,  il  doit  déterminer  jusqu'à 
quel  point  et  sous  quelles  conditions  le  propriétaire  du 
fonds  inférieur  peut  être  obligé  de  recevoir  les  eaux  qui 
proviennent  du  fonds  supérieur  ;  il  faut  délimiter  les  droits 
des  riverains  d'un  cours  d'eau,  ceux  des  usiniers  établis 
le  long  d'une  même  rivière,  ceux  du  propriétaire  de  l'héri- 
tage dans  lequel  il  existe  une  source ,  etc.  D'autre  part, 
les  fleuves  et  rivières  étant,  selon  l'expression  de  Pascal, 
des  chemins  qui  marchent^  intéressent  au  plus  haut 
point  le  commerce,  et  comme  ils  peuvent  de  plus  servir  à 
l'irrigation  et  à  la  fertilisation  du  sol,  il  a  fallu  déterminer 
les  concessions  que  l'intérêt  privé  devait  faire  à  l'intérêt 
général,  et  les  obligations  qu'on  devait  lui  imposer  pour  la 
conservation  et  l'entretien  de  ces  voies  naturelles  de  circu- 
lation. Ces  questions  sont  traitées  dans  une  série  d'articles 
spéciaux  auxquels  nous  renvoyons  le  lecteur. 

Eaux  de  pluie.  En  ce  qui  concerne  les  eaux  pluviales, 
nous  rappellerons  simplement  le  principe  posé  par  l'art.  640 
du  C.  civ.  :  «  Les  fonds  inférieurs  sont  assujettis,  envers 
ceux  qui  sont  plus  élevés,  à  recevoir  les  eaux  qui  en  dé- 
coulent naturellement,  sans  que  la  main  de  l'homme  y  ait 
contribué  ;  le  propriétaire  inférieur  ne  peut  pas  élever  de 
digue  qui  empêche  cet  écoulement.  Le  propriétaire  supé- 
rieur ne  peut  rien  faire  qui  aggrave  la  servitude  du  fonds 
inférieur.  »  Cette  obligation  pour  le  fonds  inférieur  de  re- 
cevoir les  eaux  pluviales  que  le  fonds  supérieur  lui  envoie 
par  l'effet  de  la  pente  naturelle  du  terrain  sera  plus  spé- 
cialement étudiée  au  mot  Egout  des  toits.  Bien  entendu,  le 
propriétaire  du  fonds  supérieur  est  aussi  propriétaire  de 
l'eau  de  pluie  qui  y  tombe,  et  il  peut  en  faire  tel  usage  qui 
lui  semble  bon,  à  moins  qu'il  ne  préfère  user  de  la  faculté 
que  lui  donne  l'art.  640  de  la  laisser  couler  sur  le  fonds 
voisin;  celui-ci  ne  saurait  se  plaindre  si,  à  un  moment 
donné,  le  propriétaire  supérieur  empêchait  l'eau  de  pluie 
de  suivre  la  pente  comme  elle  l'avait  fait  jusque-là.  Il  en 
résulte  que  l'administration  est  propriétaire  de  l'eau  de 
pluie  qui  tombe  sur  les  routes  et  chemins,  et  que  l'Etat,  le 
département  ou  la  commune  à  qui  appartiennent  ceux-ci 
peuvent  recueillir  ces  eaux  chargées  de  fumier  et  les 
vendre  à  tel  ou  tel  des  propriétaires  riverains.  Mais  l'obli- 
gation pour  les  fonds  inférieurs  de  recevoir  l'eau  qui  coule 
naturellement  des  fonds  supérieurs  ne  s'applique  qu'aux 
eaux  pluviales  et  non  aux  eaux  ménagères,  car  la  main  de 


l'homme  contribue  à  l'écoulement  de  celles-ci  :  la  jurispru- 
dence n'admet  même  pas  que  la  servitude  ai' évier  soit  con- 
tinue, et  par  conséquent  elle  décide  que  le  propriétaire 
d'un  héritage  ne  peut  jamais  prescrire  le  droit  de  faire 
couler  ses  eaux  ménagères  sur  le  fonds  de  son  voisin  ; 
celui-ci,  alors  même  qu'il  a  supporté  l'écoulement  pendant 
trente  ans,  est  réputé  ne  recevoir  les  eaux  que  par  simple 
tolérance. 

Sources  (V.  Source  et  Servitude,  Rivières  et  Canaux). 

Rivières  navigables  et  flottables  (V.  Cours  d'eau, 
t.  XIIÏ,  p.  135,  et  Domaine,  t.  XIV,  p.  830). 

Canaux  (V.  ce  mot). 

Etangs,  marais,  lacs,  etc.  (V.  ces  mots). 

Mer  (V.  ce  mot  et  Domaine,  t.  XIV,  p.  831). 

Les  règles  qui  concernent  les  eaux  sont  éparsesdans 
quelques  rares  articles  du  code  civil  et  dans  des  lois  spéciales. 
Il  résulte  de  ce  morcellement  d'une  même  matière  un  défaut 
général  d'ordre  et  d'homogénéité;  de  plus,  les  textes  sont 
loin  de  prévoir  toutes  les  questions  qui  touchent  à  la  pro- 
priété et  à  la  jouissance  des  eaux.  Aussi,  depuis  longtemps, 
on  avait  compris  la  nécessité  de  codifier  cette  matière  et  de 
réunir  en  une  seule  toutes  les  lois  qui  l'ont  successivement 
réglée.  Les  Chambres  sont  actuellement  saisies,  depuis  1880, 
d'un  projet  de  loi  sur  le  régime  des  eaux.  Il  comprend 
cent  quatre-vingt-six  articles  répartis  en  sept  titres,  sous 
les  rubriques  suivantes  :  Titre P^ Eaux pluvialeset sources. 
Titre  IL  Cours  d'eau  non  navigables  et  non  flottables. 
Titre  III.  Des  rivières  flottables  à  bûches  perdues.  Titre  IV. 
Des  fleuves,  rivières  navigables  ou  flottables.  Titre  V.  Tra- 
vaux de  défense  contre  les  fleuves,  cours  d'eau  navigables 
ou  non  navigables  et  contre  la  mer.  Titre  VI.  Eaux  utiles. 
Titre  VIL  Eaux  nuisibles. 

IX.  Hygiène.  —  L'importance  de  l'eau  dans  les  ques- 
tions d'hygiène  est  primordiale,  et  on  peut  dire,  presque 
sans  exagérer  :  donnez  de  la  bonne  eau  en  quantité  et  on 
fera  de  la  bonne  hygiène.  L'eau  en  effet  joue  un  double 
rôle,  sous  forme  d'eau  d'utihsation  et  sous  forme  d'eau 
d'ahmentation.  Bien  qu'à  la  rigueur  on  puisse  admettre  que 
l'eau  d'utilisation,  c.-à-d.  celle  qui  est  utilisée  pour  les 
lavages  soit  du  corps,  soit  des  maisons,  du  linge,  des 
rues,  etc.,  puisse  être  d'un  degré  de  pureté  inférieur  à 
l'eau  destinée  à  pénétrer  dans  l'organisme,  on  doit  tou- 
jours tendre  au  degré  de  pureté  rigoureux,  parce  qu'on  n'est 
jamais  sûr  que  cette  eau  destinée  aux  usages  externes  ne 
servira  pas  accidentellement  ou  involontairement  à  l'usage 
interne,  et  enfin  parce  qu'il  n'est  pas  indifférent  qu'une  eau 
de  lavage  puisse   renfermer  des  souillures  quelconques. 

Les  notions  acquises  désormais  sur  la  spécificité  d'un 
grand  nombre  d'affections  ne  permettent  pas  d'admettre 
qu'une  eau  riche  en  matières  organiques  non  conta- 
minée puisse  engendrer  d'elle-même  une  de  ces  maladies 
caractéristiques,  mais  il  faut  toutefois  reconnaître  que  l'ab- 
sorption d'eau  sale  constitue  une  condition  défectueuse,^  une 
préparation  locale  et  générale  de  l'économie  à  recevoir  les 
maladies  infectieuses,  spécialement  celles  qui  pénètrent  par 
la  voie  digestive  (Arnould).  En  outre  de  son  action  nuisible 
sur  la  muqueuse  digestive,  on  peut  volontiers  admettre  que 
l'eau  chargée  de  matières  organiques  constitue  un  excellent 
terrain  de  culture  pour  les  microbes  pathogènes  et  par 
suite  qu'elle  doit  toujours  être  considérée  comme  suspecte, 
et  son  emploi  rejeté. 

Les  organismes  vivants  que  peut  renfermer  l'eau  sont 
autrement  importants.  Dans  un  premier  groupe,  nous  pou- 
vons ranger  les  grands  parasites,  tels  que  la  Bilharzia 
Jiœmatobia  si  fréquente  dans  les  eaux  d'Egypte,  et  qui  dé- 
termine une  hématurie  grave  pouvant  entraîner  la  mort  ; 
V Ankylostoma  duodenale  et  les  ascarides  voisins  auxquels 
on  attribue  l'anémie  des  mineurs  ;  l^Eilaria  medinensis  que 
l'on  trouve  sur  la  côte  ouest  de  l'Afrique;  les  anguillules  de 
Cochinchine  qui  seraient  la  cause,  discutée,  il  est  vrai,  de  la 
diarrhée  chronique  de  ce  pays  ;  les  sangsues  de  cheval  (Hce- 
mophys  sangiiisug a),  nombreuses  dans  les  eaux  d'Algérie. 
Les  entomostracés,  les  infusoires  fréquents  dans  les  eaux 


EAU 


--  204 


stagnantes  n'ont  pas  d'influence  délétère  par  eux-mêmes. 
L'eau  renferme  toujours  des  microorganismes  au  moment 
où  elle  est  utilisée.  En  admettant  en  effet,  comme  l'a  montré 
Pasteur,  que  l'eau  de  source  au  moment  où  elle  sourd  de 
terre  est  privée  de  germe,  il  est  impossible,  quelles  que 
soient  les  précautions  apportées  à  la  captation  et  par  suite 
des  manipulations  diverses  auxquelles  elle  est  soumise  pour 
les  usages  domestiques,  qu'elle  ne  reçoive  pas  un  certain 
nombre  de  germes.  Les  cliiff'res  suivants  empruntés  aux 
recherches  de  P.  Miquel  montrent  les  écarts  énormes  que 
peuvent  présenter  les  différentes  eaux.  Nombre  de  micro- 
organismes  par  centimètre  cube  :  eau  de  pluie,  4  ;  des 
drains  de  Gennevilliers,   42  ;  de  la  Vanne,  120  ;  de  la 
Seine  àChoisy,  300;  à  Saint-Denis,  200,000;  d'essan- 
geage  des  lavoirs  de  Paris,  26,000,000.  Mais  le  nombre 
des  microbes  est  moins  important  que  leur  nature,  et  il  y 
a  lieu,  au  point  de  vue  de  l'hygiène,  de  distinguer  les  mi- 
crobes pathogènes  et  les  microbes  non  pathogènes  ou  indif- 
férents. Les  microbes  indifférents  peuvent  exister  en  nombre 
sans  présenter  de  dangers  pour  la  santé  publique  ;  un  cer- 
tain nombre  d'entre  eux  paraissent  avoir  l'eau  pour  habitat, 
tel  le  Bacillus  subtilis,  le  Bacillus  ulna,  Saprogenus,  etc. 
C'est  principalement  contre  les  microbes  pathogènes  con- 
tenus dans  l'eau  que  l'hygiéniste  doit  lutter.  La  présence 
de  quelques-uns  est  désormais  formellement  étabhe.  Le 
transport  de  certaines  maladies  par  l'eau  était  soupçonné 
depuis  longtemps,  quand  Budd,  en  Angleterre,  établit  claire- 
ment le  rôle  de  l'eau    dans  la  propagation  de  la  fièvre 
tvphoïde.  Depuis,  les  faits  sont  de  plus  en  nombreux  et  de 
plus  en  plus  probants.  En  1881,  Gaff'ky,  à  Berlin,  trouvait 
dans  l'eau  de  la  Panke  la  bactéridie'^de  la  septicémie  du 
lapin  ;  en  1884,  Koch,  à  Calcutta,  reconnaissait  laprésence 
du  bacille  du  choléra  dans  l'eau  des  marais  de  l'Inde  ;  en 
1885,  Mors   signalait  le  bacille   typhique.  A  rencontre 
d'un  certain  nombre  de  microorganismes  indifférents,  les 
bacilles  pathogènes  ne  paraissent  pas  devoir  se  multiplier 
dans  les  eaux.  Les  recherches  de  Kraus,de  Munich,  sont 
particulièrement  intéressantes  à  cet  égard,  quoique  en  con- 
tradiction avec  les  recherches  d'autres  anteurs.  Dans  l'eau 
qui  sert  à  l'alimentation  de  Munich,  le  bacille  de  Koch  dis- 
paraîtrait en  vingt-quatre  heures,  le  bacille  du  charbon  en 
trois  jours,  le  bacille  typhique  en  six.  Les  organismes  in- 
diff*érents,  algues,  saprophytes,  etc.,  qui  se  trouvent  dans 
leur  milieu  favorable,  attaquent  et  détruisent  les  microbes 
pathogènes.  Gabriel  Pouchet  a  montré  également  que  le  ba- 
cille typhique  se  conserve  plus  longtemps  dans  une  eau  pure 
que  dans  une  eau  sale,  c.-à-d.  riche  en  organismes.  Con- 
sidérant le  rôle  de  l'eau  comme  véhicule  de  certaines  aff"ec- 
tions  contagieuses,  notamment  de  la  fièvre  typhoïde,  par- 
faitement  établi    aujourd'hui    (V.   Contagion,   Choléra, 
Epidémie,  Fièvre  typhoïde),  la  nécessité  d'une  eau  bio- 
logiquement  pure,  c.-à-d.  privée  de  tout  germe  au  moins 
pathogène,  s'impose  nécessairement.  Dans  les  petites  loca- 
lités, l'eau  de  pluie  recueillie  dans  des  citernes  étanches,  à 
l'abri  absolu  de  toute  infiltration  suspecte,  les  puits  placés  dans 
des  conditions  de  protection  analogues  suffisent  générale- 
ment ;  mais,  pour  les  grandes  agglomérations  urbaines,  il  est 
indispensable  d'assurer  le  service  d'eau  par  une  prise  d'eau 
considérable  et  une  canalisation  irréprochable.  Autant  que 
possible  l'eau  doit  être  captée  à  la  source  même  ;  c'est  le 
seul  moyen  d'avoir   une  eau  rigoureusement  privée  de 
germes  ;  malheureusement,  il  est  difficile  d'assurer  par  la 
prise  à  la  source  l'approvisionnement  total  d'une  ville,  et 
l'on  a  dû  recourir  à  des  procédés  de  filtration  qui  tous, 
nous  n'hésitons  pas  à  l'écrire,  ne  sont  que  des  paUiatifs 
presque  toujours  insuffisants.  On  peut  essayer  la  filtration 
périphérique  constituée  par  une  série  de  filtres  placés  chez 
chaque  particulier  au  robinet  d'arrivée,  procédé  illusoire, 
parce  que  l'on  ne  peut  jamais  être  sûr  et  de  la  bonne  vo- 
lonté individuelle  et  de  la  valeur  des  filtres  utilisés. 

Le  filtrage  central  est  employé  dans  un  grand  nombre 
de  villes  :  Londres,  Berlin,  etc.  On  cherche  à  imiter  la  fil- 
tration naturelle  en  faisant  passer  l'eau  très  lentement  à 


travers  des  lits  de  graviers  et  de  sable.  A  Anvers  et  dans 
quelques  villes  anglaises,  l'épuration  chimique  est  obtenue 
au  moyen  du  système  Andersen,  fondé  sur  ce  principe  que 
le  fer  à  l'état  spongieux,  brassé  énergiquement  avec  l'eau, 
lui  enlève  toutes  ces  impuretés,  microorganismes  compris. 
Dans  les  villes  où  l'on  dispose  d'une  certaine  quantité 
d'eau  de  source,  on  a  préconisé  également  l'emploi  de  deux 
distributions  d'eau  dans  toutes  les  maisons,  l'eau  pure  de- 
vant être  réservée  pour  l'alimentation  seule.  L'organisa- 
tion d'une  double  colonne  montante  représente  des  frais 
considérables,  et  ici  encore,  comme  pourla  filtration  péri- 
phérique, il  faudrait  compter  sur  l'observation  intelligente 
de  l'unanimité  de  la  population. 

Dans  les  cas  où  l'eau  est  suspecte,  une  ébullition  pro- 
longée est  une  bonne  précaution  à  prendre,  quoique  peut-être 
insuffisante,  les  bacilles  pathogènes  pouvant  résister  à  cette 
température,  si  elle  n'est  pas  prolongée  un  temps  suffisant. 
Un  appareil  très  ingénieux  de  Geneste  et  Herscher  permet  de 
porter  rapidement  et  avec  une  grande  économie  de  combus- 
tible une  quantité  d'eau  considérable  à  115«  pendant  un 
quart  d'heure.  Cette  eau  surchauffée  à  l'autoclave  n'a,  par 
suite,  subi  aucune  modification  dans  sa  composition  :  gaz  et 
sels,  et  elle  présente  toutes  les  garanties  de  pureté  possible. 
Cet  appareil  est  appelé  à  rendre  de  grands  services  dans  les 
agglomérations,  les  armées  en  campagne.  Connu  plus  tôt, 
if  aurait  évité  les  si  dispendieuses  et  si  insuffisantes  instal- 
lations des  filtres  Chamberland  dans  les  casernes. 

Quantité  d'eau  nécessaire.  —  Nous  n'avons  eu  jus- 
qu'ici en  vue  que  les  quahtés  nécessaires  à  une  eau  potable  ; 
mais  l'eau  ne  sert  pas  seulement  à  l'alimentation  :  elle  est 
encore  indispensable  pour  tous  les  usages  domestiques  et 
pubhcs.  Il  y  a  en  effet  les  besoins  de  la  maison,  de  la  rue 
et  du  groupe  d'habitations,  enfin  de  l'industrie.  Parkes  éva- 
lue à  112  litres  par  jour  l'eau  utilisée  par  un  individu 
adulte  en  vingt-quatre  heures  :  boissons,  cuisson  des  ali- 
ments, toilette,  bain,  lessivage  du  linge,  entretien  de  la 
maison,  water-closets,  gaspillage  inévitable  ;  en  ajou- 
tant 22  litres  pour  les  animaux  et  autant  pour  l'industrie, 
on  arrive  au  chiff're  de  157  litres  par  tête,  chiffre  que 
nous  considérons  comme  insuffisant  pour  assurer  tous 
les  besoins  publics,  et  notamment  le  lavage  des  êgouts 
(V.  ce  mot)  avec  de  puissants  appareils  de  chasse.  Quelques 
chiff'res  montreront  que  cette  appréciation  n'a  rien  d'exa- 
géré. Paris  a  260  htres  par  tête;  les  villes  américaines  de3à 
400  litres;  Lyon,  grâce  à  la  dérivation  de  l'Ain,  400  ;  Mar- 
seille tient  le  premier  rang  en  France  avec  800  litres,  mais 
elle  sera  bientôt  dépassée  par  New-York  qui  disposera 
d'un  mètre  cube  par  habitant.  «  Il  faut  trop  d'eau  pour  qu'il 
y  en  ait  assez  »,  a  dit  avec  raison  Foucherde  Careil,  mais 
il  faut  surtout  que  cette  eausoitpure.Surles400,000m.  c. 
qui  sont  déversés  dans  Paris,  114,000  seulement  peuvent 
être  déclarés  potables;  pour  assurer  aux  2,500,000  hab.  de 
Paris  100  litres  d'eau  de  source  pour  les  besoins  indivi- 
duels, il  faut  encore,  en  tenant  compte  du  développement 
graduel  de  la  population,  200,000  m.  c.  La  dérivation  des 
eaux  de  l'Avre  assurera  cette  quantité.     D^  P.  Langlois. 

BiBL.  :  Hygiène.  —  Budd,  Typhoid,  févr.  1873.  — 
Blanchard,  les  Parasites  introduits  par  l'eau,  dans  Re- 
vue d'hygiène,  1890.  —  Arnould,  l'Eau  et  les  bactéries, 
dans  Revue  d'hygiène,  1887. 

EAU  AUX  JAMBES.  Aff'ection  particulière  aux  sohpèdes, 
siégeant  au-dessous  du  genou  ou  du  jarret,  sur  les  parties 
inférieures  des  membres,  autour  de  la  couronne,  du  patu- 
ron et  du  boulet,  caractérisée  à  ses  débuts  par  une  érup- 
tion vésiculeuse,  par  une  sécrétion  continue  de  liquide 
jaunâtre  et  fétide,  par  le  hérissement  et  la  chute  des  poils, 
puis  par  une  altération  profonde  de  la  peau  qui  se  recouvre 
d'excroissances  verruqueuses  disposées  en  forme  de  grappe. 
Les  eaux  aux  jambes  sont  beaucoup  moins  fréquentes  au- 
jourd'hui qu'autrefois.  Une  meilleure  nourriture  des  ani- 
maux, un  meilleur  entretien  des  chemins,  des  routes  et  des 
rues  des  grandes  villes,  une  hygiène  mieux  comprise,  des 
écuries  mieux  aménagées  etmieux  entretenues,  ont  presque 
fait  partout  disparaître  cette  grave  maladie  très  répandue 


—  205  — 


EAU 


autrefois  et  qui  maintenant  ne  se  rencontre  plus  qu'excep- 
tionnellement. A  l'état  aigu,  les  eaux  aux  jambes  débu- 
tent généralement  par  un  engorgement  chaud  et  doulou- 
reux'de  la  région  du  boulet  et  du  paturon.  Si  la  maladie 
débute  à  froid,  elle  se  manifeste  sans  que  les  animaux 
cessent  leur  service.  Les  poils  se  hérissent;  au  lieu  d'être 
imbriqués  les  uns  sur  les  autres,  ils  sont  piqués,  humectés 
par  un  liquide  blanchâtre,  séreux  et  odorant.  Des  vési- 
cules existent  sur  la  surface  cutanée,  se  crèvent  et  se 
transforment  en  excoriations  superficielles  lesquelles  par 
leur  réunion  ne  tardent  pas  à  former  une  vaste  surface 
rougeâtre,  saignante,  chagrinée  et  fétide.  Plus  tard,  des 
ulcérations  apparaissent  formant  une  plaie  bourgeonnante 
et  colorée  ;  puis  à  cet  état  inflammatoire  succède  une  sorte 
d'accalmie  pendant  laquelle  la  peau  malade  se  transforme 
et  revêt  des  caractères  particuliers.  La  matière  sécrétée 
devient  bleuâtre,  sanieuse,  très  acre,  très  irritante  et 
d'une  intolérable  fétidité  ;  des  fies,  verrues  ou  grappes, 
tantôt  isolés,  le  plus  souvent  agglomérés,  s'élèvent  sur  la 
trame  cutanée  ;  des  sillons  profonds  les  séparent  desquels 
s'écoule  une  matière  sanieuse,  grisâtre  ou  sanguinolente  ; 
les  animaux  ont  la  fièvre  ;  ils  souffrent  et  boitent  considé- 
rablement. Ces  végétations  sont  fixées  par  un  pédoncule,  au 
chorion  de  la  peau  ;  leur  extrémité  libre  est  arrondie  et 
sphéroïdale,  souvent  saignante  et  irritée.  A  la  longue,  la  dé- 
formation de  la  peau  et  du  membre  s'accentue,  le  sabot 
lui-même  ou  du  moins  les  parties  vivantes  qu'il  renferme 
s'enflamment  à  leur  tour  ;  l'animal  cesse  d'être  utilisable 
et  on  est  obligé  de  le  livrer  à  l'équarrisseur.  Le  traitement 
des  eaux  aux  jambes  est  préventif  et  curatif.  Il  est  préven- 
tif par  une  bonne  nourriture  et  une  excellente  hy- 
giène. Comme  traitement  curatif  :  essayer  d'arrêter,  au 
début,  l'inflammation  par  des  bains  astringents;  si  le  mal 
progresse,  et  si  des  fies  ou  verrues  apparaissent,  on  les 
excisera,  et  on  les  cautérisera.  L.  Garnier. 

EAU  BÉNITE.  L*eau  tient  une  grande  place  dans  la  plu- 
part des  religions.  Les  païens  s'en  servaient  pour  leurs 
ablutions  solennelles  et  leurs  lustrations  expiatoires  ;  les 
Israélites  pour  la  purification  sacerdotale  (Exode,  XXX, 
18-21).  Mêlée  à  la  cendre  de  la  vache  rousse,  elle  puri- 
fiait du  péché  {Nombres,  XIX,  9).  Conformément  à  un 
symbolisme  instinctif  qu'on  retrouve  communément  ailleurs, 
les  premiers  chrétiens  se  lavaient  les  mains  avant  de  prier  ; 
c'est  pourquoi  des  vases,  des  cuves  et  des  fontaines  furent 
placés  à  l'entrée  de  leurs  lieux  de  culte  (V.  Bénitier).  Mais 
ce  qui,  principalement,  les  induisit  à  attribuer  à  l'eau  une 
dignité  propre  et  une  vertu  mystérieuse,  c'est  qu'elle  est  un 
des  éléments  essentiels  du  baptême.  Tertullien  (De  Baptis- 
mo)  fait  remonter  jusqu'à  la  création  l'énumération  des  faits 
qui  sont  les  indices  de  cette  dignité  :  Au  commencement. 
Dieu  créa  les  cieux  et  la  terre.  La  terre  était  informe  et 
vide  ;  les  ténèbres  étaient  sur  l'abîme  et  l'esprit  de  Dieu 
était  porté  sur  les  eaux...  Par  un  privilège  refusé  aux 
autres  éléments,  l'eau  était  le  siège  de  l'Esprit  divin... 
L'eau,  la  seule  eau,  matière  toujours  parfaite,  toujours 
excellente,  toujours  pure,  servait  de  trône  à  l'esprit  de 
Dieu  (111).  Or  ce  qui  était  saint  ne  pouvait  être  porté  que 
par  une  chose  sainte,  ou  bien  ce  qui  portait  empruntait  la 
sainteté  de  ce  qui  était  porté  (IV).  C'est  dans  l'eau  que 
Dieu  a  fait  naître  les  premières  créatures  terrestres  ;  c'est 
du  limon,  c.-à-d.  de  la  terre  pénétrée  d'eau,  qu'il  a  formé 
le  corps  du  premier  homme  (III).  Dans  le  baptême,  le  saint 
Esprit,  descendant  sur  les  eaux  et  s'y  arrêtant,  les  sanc- 
tifie par  sa  présence,  et  les  eaux  ainsi  sanctifiées  deviennent 
douées  de  la  vertu  de  sanctifier  (IV).  Dans  le  Nouveau 
Testament  {Ev.  saint  Jean,  V),  il  relève  les  guérisons  mi- 
raculeuses accomplies  dans  la  piscine  de  Béthesda  (V).  Après 
lui  et  dans  le  même  ordre  d'idées,  d'autres  théologiens 
considérèrent  l'eau  comme  un  élément  universellement  con- 
sacré par  l'attouchement  du  corps  de  Jésus-Christ,  lors  de 
son  baptême  dans  le  Jourdain.  Néanmoins,  malgré  sa  di- 
gnité originelle,  l'eau  n'est  point  restée  intégralement  pure  ; 
des  esprits  immondes,  imitant  par  jalousie  l'esprit  de  Dieu, 


s'y  sont  répandus  (De  Bapt.,\).  Aussi  trouve-t-on  établi 
de  temps  immémorial  l'usage  de  bénir  l'eau  destinée  à  un 
emploi  rehgieux.  Celui  de  l'exorciser  paraît  plus  récent. 

Des  documents  se  rapportant  au  iv^  siècle  constatent  la 
croyance  à  des  miracles,  guérisons  de  maladies,  renverse- 
ments d'enchantements,  délivrances  de  démons,  opérés  par 
l'eau  et  particulièrement  par  l'eau  préparée  pour  le  bap- 
tême. En  conséquence,  les  chrétiens  se  mirent  à  recueillir 
et  à  emporter  dans  leurs  maisons  l'eau  qui  avait  servi  à 
baptiser.  Saint  Jean  Ctirysostome  affirme  qu'elle  est  mira- 
culeusement incorruptible  (De  Bapt.  Christi,  2).  Deux 
siècles  plus  tard,  à  Rome,  on  voit  qu'il  leur  était  permis 
de  prendre  l'eau  bénite  la  veille  de  Pâques  pour  le  baptême 
solennel,  mais  avant  ce  baptême  ;  ils  s'en  servaient  pour 
asperger  leurs  maisons,  leurs  vignes,  leurs  champs,  leurs 
fruits  (Orclo  Bomanus,  I,  42).  —  Enfin,  on  bénit  l'eau 
directement  et  indépendamment  de  tout  rapport  avec  le 
baptême.  Les  premières  mentions  certaines  de  cet  usage, 
que  Baronius  et  la  plupart  des  théologiens  catholiques  rap- 
portent aux  Apôtres,  ne  se  trouvent,  pour  les  Orientaux, 
que  dans  les  Constitutions  apostoliques  (V.  ce  mot),  par 
suite  d'une  addition  faite  vraisemblablement  au  v^  siècle, 
et  pour  les  Occidentaux,  seulement  dans  une  fausse  decré- 
tale  (ix®  siècle)  attribuée  à  Alexandre  P^  (109),  pour  prê- 
ter à  un  rite  relativement  récent  une  origine  ancienne. 
Cette  fausse  décrétale,  reproduite  par  Gratien,  fait  partie 
du  corps  de  droit  canon  ;  elle  indique  comme  concourant  à 
la  bénédiction  de  l'eau  l'emploi  du  sel,  symbole  de  la  pru- 
dence, comme  l'eau,  de  la  pureté.  Ce  mélange  du  sel  et  de 
l'eau  représente  aussi  l'union  des  deux  natures  en  Jésus- 
Christ.  Malgré  cette  interprétation  allégorique,  les  Grecs  le 
réprouvent.  —  L'eau  rituellement  bénite,  avec  adjonction 
de  sel,  par  un  prêtre,  est  classée  parmi  les  sacramentaux 
(V.  ce  mot)  ;  elle  a  sept  effets  principaux  :  1°  elle  contri- 
bue à  la  guérison  des  maladies  de  l'âme  et  du  corps  ; 
2^  elle  préserve  ou  délivre  des  illusions,   des  embûches, 
des  infestations  du  démon  et  de  ses  ministres  ;  S'^  elle  calme 
les  agitations  de  l'esprit  ;  4*^  elle  dispose  à  la  prière  et  aux 
sacrements  ;  5^  elle  rend  les  terres  fertiles  ;  6°  elle  chasse 
la  peste,  dissipe  le  tonnerre,  les  orages,  etc.  ;  T'^  elle  remet 
les  péchés  véniels.  —  Si  l'on  ajoute  à  de  Peau  bénite  de 
l'eau  non  bénite,  toute  l'eau  sera  censée  bénite,  quelle  que 
soit  la  quantité  ajoutée.  —  A  ce  que  nous  avons  dit  sur 
les  droits  honorifiques  (V.  ces  mots),  nous  devons  ajou- 
ter, pour  ce  qui  concerne  l'eau  bénite,  qu'un  règlement  de 
rassemblée  du  clergé  (16o5)  dit  que  les  curés,  après  avoir 
aspergé  l'autel  et  les  ecclésiastiques,  donneront  Peau  bénite, 
par  aspersion,  aux  seigneurs  et  aux  dames  des  lieux,  en 
leurs  bancs  ordinaires.  Mais  ce  règlement  ne  pouvait  faire 
cesser  le  privilège  de  beaucoup  de  seigneurs  en  possession 
de  recevoir  l'eau  bénite  par  la  présentation  du  goupillon  à 
la  main.  — Les  litiirgistes  appellent  eau  grégorienneVQ^w. 
avec  laquelle  on  purifie  les  églises  polluées.  On  y  mêle  des 
cendres  et  du  vin.  L'évêque  seul  peut  la  bénir. 

E.-II.  Vollet. 
BiBL   ;  Martigny,  Dictionnaire  des  antiquités  chrétien- 
nes;   Paris,    1877,  in-8.   —  W.-E.  Scudamore,  art.  Holy 
Water,  dans  le    Dictionary  of  Christian   antiqiiities    de 
W.  Smith  et  S.  Cheetham  ;  Londres,  1875,  2  vol.  in-8. 

EAU  céleste  (Techn.  agric).  On  donne  ce  nom  à  un 
liquide  formé  de  sulfate  de  cuivre  et  d'ammoniaque,  pré- 
conisé il  y  a  quelques  années  pour  la  destruction  des  ma- 
ladies cryptogamiques  de  la  vigne,  notamment  du  mildeiv 
(V.  ce  mot).  Elle  est  également  employée  pour  combattre 
la  maladie  de  la  pomme  de  terre.  C'est  vers  le  mois  de  mai 
qu'on  projette,  au  moyen  d'un  pulvérisateur,  l'eau  céleste 
sur  les  parties  aériennes  des  vignes  ;  elle  donne  générale- 
ment de  très  bons  résultats.  L'eau  céleste  se  prépare  de  la 
manière  suivante  :  1  kilogr.  de  sulfate  de  cuivre  ou  vitriol 
bleu  est  dissous  dans  3  litres  d'eau  tiède  ;  après  la  dis- 
solution et  le  refroidissement,  on  ajoute  1  litre  d'ammo- 
niaque. On  a  ainsi  4  litres  d'une  eau  d'un  beau  bleu  qu'il 
suffit,  au  moment  de  s'en  servir,  de  verser  dans  200  à 
250  litres  d'eau  pour  avoir  un  liquide  d'un  bleu  pâle,  bon 


EAU 


—  206  — 


à  employer.  Cette  quantité  est  à  peu  près  celle  qu'exige 

le  traitement  de  chaque  hectare  de  yigne,  de  pommes  de 

terre  ou  de  tomates.  Alb-  L. 

EAU    d'Ange  (Archéol.).   Eau    de    senteur    composée 

d'iris  de  Florence,  de  storax,  de  bois  de  rose,  de  santal 

citrin,  d'eau  de  rose,  de  fleur  d'oranger,  de  benjom,  de 

musc,  d'ambre,  de  canelle  et  de  girofle,  dont  on  faisait 

usaL^e  au  moyen  âge.  .     .   ^  , 

BiBL.  :  Gay,  Glossaire.  —  Dictionnaire  de  Trévoux. ^ 

EAU  DE  Cologne.  Jean-Paul  Féminis,  qui  habitait  la 
ville  de  Cologne  vers  le  milieu  du  xvii^  siècle,  est  l'inven- 
teur de  cette  eau  dont  la  vogue  fut  très  grande  à  un 
moment;  avant  sa  mort  il  confia  sa  recette  à  Jean- 
Maria  Farina  dont  le  petit-fils  vint  en  1 806  s'établir  à  Pans. 
Aujourd'hui  le  nom  de  J.-M.  Farina  couvre  de  sa  protec- 
tion tous  les  flacons  vendus  dans  Funivers  ;  rien  qu'a  Co- 
logne, on  compte  une  quarantaine  de  maisons  qui  usurpent 
ce  nom  et  en  font  leur  raison  sociale.  Selon  l'inventeur, 
l'eau  de  Cologne  avait  des  propriétés  merveilleuses  ;  on  ne 
lui  reconnaît  plus  guère  que  la  qualité  d'être  tonique  et 
on  l'emploie  uniquement  pour  Faromate  et  pour  la  toilette 
(V.  Alcoolat,  t.  II,  p.  47).  Les  recettes  pour  la  fabrica- 
tion de  l'eau  de  Cologne  sont  nombreuses  ;  nous  donnerons 
les  plus  connues  :  Formule  de  J,-M.  Farina.  A  11  htres 
d'alcool  de  Montpelher,  on  ajoute  :  essence  de  romarin,  de 
petit-grain,  de  lavande,  de  cédrat,  de  citron,  31  gr.  de 
chaque  ;  essence  de  Portugal,  628^^  ;  de  bergamote,  43  gr.  ; 
de  néroli  bigarade,  U  gr.  ;  eau  de  fleur  d'oranger,  bOOgr. 
On  filtre  au  bout  de  vingt-quatre  heures.  --  ^'oi^.^iulede 
Piesse.  Première  qualité  :  alcool  de  vm,  27  ht.  ibU  ; 
essence  de  néroli  bigarade,  87  gr.  ;  de  romarin,  56  gr.  ; 
d'orano;e,  141  gr.;  de  citron,  141  gr.;  de  bergamote,  ob  gr. 
Deuxième  quahté  :  alcool  d'industrie,  27  lit.  260;^  essence 
de  néroli  bigarade,  14  gr.  ;  de  romarin,  56  gr.  ;  d'orange, 
113  gr.  ;  de' citron,  113  gr,  ;  de  bergamote,  113  gr  ;  de 
petit-grain,  56  gr.  ;  on  mêle  les  essences  citrmes  a  1  alcool, 
on  distille  au  bain-marie  la  presque  totahté,  puis  on  ajoute 
le  romarin  et  le  néroli.  —  Formule  du  codex.  A  6  kilogr. 
d'alcool  à  850,  on  ajoute  :  essence  de  bergamote,  de  citron, 
de  limette,  60  gr.  de  chaque  ;  essence  d'orange,  de  petit- 
grain,  de  romarin,  30  gr.  de  chaque;  essence  de  lavande, 
de  fleur  d'oranger,  15  gr.  de  chaque  ;  essence  de  cannelle, 
12  gr.  ;  esprit  de  romarin,  250  gr.  ;  eau  de  mélisse  com- 
posée, 1^500  ;  on  distille  presque  à  siccité  au  bam-marie  et 
on  ajoute  :  eau  de  bouquet,  500  gr.—  Formule  bon  mar- 
ché. A  1^^500  d'alcool  à  90°,  on  ajoute  4  gr.  de  chacune 
des  essences  de  romarin,  néroU,  cédrat,  citron,  bergamote. 

L.  Knab. 

EAU  DE  Javel  (V.  Chlorure  décolorant). 

EAU  d'égout  (V.  Egoct). 

EAU  DE  MER.  I.  Chimie.  —  L'eau  de  mer  diflcre  essen- 
tiellement des  eaux  de  source,  qui  servent  à  notre  ali- 
mentation, par  la  nature  et  la  quantité  des  sels  quelle 
tient  en  dissolution  (30  à  40  gr.  par  litre  de  chlorures  de 
sodium  et  de  magnésium)  ;  aussi  n'est-elle  pas  potable.  On 
prétend  que  Pierre  le  Grand  ayant  décrété  que  les  enfants 
de  ses  matelots  ne  devaient  boire  que  de  l'eau  de  mer, 
afin  d'en  faire  de  sohdes  marins,  la  plupart  périrent  de  la 
soif.  De  plus,  elle  ne  dissout  pas  le  savon  et  est  impropre 
aux  usages  domestiques.  On  a  de  tout  temps  cherché  à  bord 
des  navires  de  rendre  Feau  de  mer  potable,  afin  d'éviter 
d'embarquer  l'eau  douce  nécessaire  aux  besoins  de  l'équi- 
page ,  chargements  toujours  considérables  et  d'aucun  rap- 

Préparation  d'eau  potable  par  la  distillation  de 
l'eau  de  mer.  C'est  J,-B.  Porta  qui  le  premier  démontra 
que  Feau  de  mer  était  susceptible  de  fournir  de  l'eau  douce 
par  distillation.  Le  capitaine  Freycinet,  dans  son  voyage 
autour  du  monde  à  bord  de  VUranie,  alimenta  l'équipage 
avec  de  Feau  de  mer  distihée  au  moyen  d'un  appareil  dû 
à  Clément  ;  le  litre  d'eau  potable  revenait  ainsi  à  environ 
1  cent.  Depuis  les  appareils  distillatoires  ont  été  notable- 
ment modifiés  par  Herauden,  Davier,  Rocher  ;  c'est  ce  der- 


nier modèle  qui  est  adopté  par  la  plupart  des  armateurs. 
Dans  cet  appareil  on  utilise  la  chaleur  perdue  des  cuisines  ; 
l'alimentation  du  vase  distillatoire  et  la  réfrigération  du 
serpentin  se  font  directement  à  l'eau  de  mer,  des  ouver- 
tures étant  ménagées  dans  la  coque  du  navire  (V.  fig.)  ;  il 


Serpentin  refroidi  directement  par  Peau  de  mer. 
s'ensuit  que  des  courants  s'établissent  par  suite  de  l'inégale 
densité  de  l'eau  du  réfrigérant,  à  la  condition  que  le  ser- 
pentin soit  placé  au-dessous  de  la  hgne  de  flottaison  du 
navire.  L'eau  distillée  recueilhe  peut  dès  lors  servir  aux 
usages  domestiques  ;  mais,  si  elle  est  destinée  à  servir  de 
boisson,  on  Fabandonne  quinze  à  vingt  jours  au  contact  de 
l'air  ou  on  la  soumet  pendant  plusieurs  heures  à  un  bat- 
tage énergique,  après  l'avoir,  au  préalable,  additionnée 
d'une  petite  quantité  de  carbonate  de  chaux  et  de  chlorure 
de  sodium;  elle  perd  ainsi  son  goût  insipide,  devient  d'une 
digestion  plus  facile,  se  rapprochant  comme  composition 
des  eaux  douces  naturelles.  L'appareil  Rocher  disposé  pour 
l'alimentation  d'un  équipage  de  deux  cent  trente  hommes 
consommant  environ  685  litres  d'eau,  peut  fournir  en  un 
jour  720  litres  d'eau  potable  avec  une  dépense  de 
75  kilogr.  de  houille,  soit  1  fr.  50  ;  le  litre  d'eau  ne  re- 
vient donc  qu'à  deux  dixièmes  de  centime. 

Panification  à  l'eau  de  mer.  La  panification  à  Feau 
de  mer,  entreprise  depuis  plusieurs  années  par  un  indus- 
triel de  Paris,  n'a  pas  pris  d'extension.  Les  propriétés 
thérapeutiques  du  pain  à  l'eau  de  mer  sont  fort  douteuses, 
et  jusqu'à  ce  jour  les  données  nous  manquent  pour  nous 


prononcer. 


Ch.  Girard. 


Fxtraction  du  sel  marin  (V.  Chlorure  de  sodium). 

IL  Contributions  indirectes  (V.  Sel). 

III.  Physiologie  et  Thérapeutique  (V.  Bain,  t.  V,  p.  20). 

EAU   DENTIFRICE  (V.  DeNTIFRICE). 

EAU  DE  SENTEUR  (Contr.  ind.)  (V.  Consommation  [Droit 
de],  Dénaturation,  Entrée  [Droit  d']). 

EAU-DE- VIE.  I.  Viticulture.  —  Les  eaux-de-vie  sont 
des  boissons  alcooliques  formées  d'alcool  et  d'eau  avec  des 
essences  aromatiques  qui  varient  selon  l'origine.  Ce  qui  les 
différencie  essentiellement  des  esprits,  c'est  qu'elles  ren- 
ferment moins  de  70  «^/o  d'alcool.  C'est  Arnaud  de  Ville- 
neuve, alchimiste  français,  qui  le  premier  parle  de  Feau- 
de-vie  au  xm*"  siècle.  Elle  fut  tout  d'abord  tirée  du  vin. 
«  Cette  eau  de  vin,  dit-il,  est  appelée  par  quelques-uns 
eau-de-uie,  et  ce  nom  lui  convient,  puisque  c'est  une 
véritable  eau  àHmmortalité .  Déjà  on  commence  à  connaître 
ses  vertus;  elle  prolonge  les  jours,  dissipe  les  humeurs 
peccantes  ou  superflues,  ranime  le  cœur  et  entretient  la  jeu- 
nesse ;  seule  ou  jointe  à  quelques  autres  remèdes,  elle  guérit 
la  colique,  Fhydropisie,  la  paralysie,  fond  la  pierre,  etc.  » 
Ce  nom  d'eau-de-vie  est  parfaitement  justifié,  en  ce  sens 
que  le  liquide  auquel  il  est  fait  allusion  ranime  la  vie  chez 
les  personnes  affaiblies  (V.  Alcool  [Thérapeutique]). 

Classification  des  eaux-de-vie.  Les  eaux-de-vie  véri- 
tables renferment  55  à  58  ^/o  d'alcool;  elles  sont  obtenues 


-  "207 


EAU 


par  la  distillation  du  vin  ;   naturellement,  elles  sont  inco- 
lores ;  mais  comme  on  les  conserve  dans  des  barils  de 
bois  de  chêne,  elles  prennent  une  coloration  jaune  ambrée. 
C'est  dans  les  dép.  de  la  Charente  et  de  la  Charente-Infé- 
rieure qu'on  produit  les  meilleures  eaux-de-vie  du  monde 
entier  :  on  les  désigne  sous  le  nom  de  cognacs;  a[)rès  vien- 
nent les  eaux-de-vie  dites  armagnacs  qu'on  produit  dans 
les  dép.  de  Lot-et-Garonne,  du  Gers  et  des  Landes.  D'ail- 
leurs, les  eaux-de-vie  véritables  peuvent  être  divisées  en 
trois  classes  :  1^  les  eaux-de-vie  de  Cognac  ;  2°  les  eaux- 
de-vie  d'Armagnac  ;  3°  les  eaux-de-vie  de  Montpellier.  Les 
eaux-de-vie  de  Cognac,  lisons-nous  dans  le  Dictionnaire 
de  L'industrie  de  0.  Lami,  les  plus  parfaites,  les  plus  es- 
timées, sont  produites  dans  la  Charente  ;  on  en  distingue 
plusieurs  sortes  différentes,  suivant  les  zones  dont  elles 
proviennent  :  les  fines  champagnes  ou  grandes  champagnes  ; 
les  petites  champagnes  ;  les  borderies  ou  fins  bois  ou  pre- 
miers bois  ;   les  bois  ordinaires  ;  les  deuxièmes  bois.  Le 
nom  de  Champagne  est  donné  dans  l'Angoumois  aux  plaines 
dont  le  terrain  rappelle  le  sol  de  la  Champagne  de  l'Est 
de  la  France.  Les  eaux-de-vie  de  fine  Champagne  sont  ré- 
coltées dans  l'arr.  de  Cognac.  La  petite  Champagne  entoure 
le  territoire  de  la  grande  Champagne.  Les  eaux-de-vie  des 
borderies  ou  fins  bois  sont  situées  dans  le  cant.  de  Cognac, 
corn,  de  Saint-x4ndré,  Cherves,  Crouin,  Javrezac,  Louzac, 
Richement  et  Saint-Sulpice.  Enfin,  les  bois  ordinaires  et 
les  deuxièmes  bois   sont  récoltés  sur  l'emplacement  d'an- 
ciens bois  qui  ont  été  successivement  défrichés.  Les  eaux- 
de-vie  récoltées  au  delà  de  Saint-Jean-d'Angely,  à  Surgères, 
à  Mauzé,  à  Aigrefeuiile  et  à  l'île  d'Oléron,  portent  encore 
le  nom  de  cognacs  de  Saintonge,  mais  leur  arôme  un  peu 
rude  les  sépare  des  cognacs  et  les  fait  classer  après  les  ar- 
magnacs. Bien  que  les  armagnacs  soient  classés  après  les 
cognacs,  ce  sont  encore  des  eaux-de-vie  excellentes.  Elles 
sont  récoltées  dans  l'arr.  de  Condom  (Gers)  et  dans  quel- 
ques com.  du  Gers  et  des  Landes.  On  en  distingue  trois 
variétés,  qui  sont,  par  ordre  de  mérite  :  les  bas  armagnacs, 
les  tenarèzes  et  les  hauts  armagnacs.  Les  bas  armagnacs  pro- 
viennent des  cant.  de  Cazaubon  et  de  Nogaro,  dans  le  Gers, 
et  d'une  partie  du  cant.  de  Gabaret.  Les  tenarèzes,  des 
cant.  d'Eauze  et  de  Montréal  et  d'une  partie  du  dép.  du 
Lot-et-Garonne.  Les  hauts  armagnacs  commencent  à  la  par- 
tie E.  du  cant.  de  Montréal  et  s'étendent  à  Condom,  Va- 
lence, Yic-Fezensac,  Jegun  et  Montesquieu.  Quant  aux  eaux- 
de-vie  de  Montpellier,  il  faut  faire  remarquer  que  le  dép. 
de  l'Hérault  produisait  autrefois  des  alcools  de  vin  rectifiés 
et  à  haut  titre  (des  trois-six  à  86*^,  des  trois-cinq  à  78^). 
Les  alcools  dits  «  preuve  de  Hollande  »,  c.-à-d.  à  M^^ 
constituent  d'excellentes  eaux-de-vie.  L'industrie  de  ces 
hquides  a  considérablement  diminué  d'importance  dans 
la  région.  Enfin  dans  un  quatrième  groupe  on  pourrait 
ranger  des  eaux-de-vie  de  moins  bonne  qualité  que  les 
précédentes  :  telles  sont  les  eaux -de -vie  de  marc,  les 
eaux-de-vie  de  cidre,  les  eaux-de-vie  de  grain,  le  ge- 
nièvre, les  eaux-de-vie  de  merises  ou  kirsch  dont  il  est 
parlé  plus  bas. 

Le  vin  fut  a  seule  source  des  eaux-de-vie  jusqu'en  1850. 
Dans  le  sud-ouest  de  la  France,  plus  de  2  millions  d'hectol. 
de  vins  étaient  annuellement  distillés  dans  ce  but.  Depuis 
l'invasion  du  phylloxéra,  les  choses  se  sont  bien  modifiées  ; 
les  eaux-de-vie  de  vin,  c.-à-d.  les  eaux-de-vie  véritables, 
sont  devenues  très  rares  et  on  les  a  remplacées  par  des 
eaux-de-vie  fabriquées.  Ainsi  dans  la  Charente,  par  exemple, 
de  2  millions  d'hectol.  de  vin  distillé,  on  est  tombé  à 
320,000  hectol.  en  1879  et  à  50,000  en  1881.  Mais,  pen- 
dant la  même  période,  la  demande  des  eaux-de-vie  ne 
diminuait  pas,  bien  au  contraire;  aussi  a-t-il  fallu  avoir 
recours  aux  alcools  d'industrie  bien  rectifiés  et  additionnés 
d'eau  (mouillage),  puis  aromatisés  et  colorés.  Une  indus- 
trie nouvelle,  celle  delà  fabrication  des  eaux-de-vie  à  l'aide 
des  alcools,  s'est  donc  créée  à  côté  de  celle  des  eaux-de-vie 
vraies,  et,  tandis  que  la  première  va  tous  les  jours  en  aug- 
mentant, la  seconde  diminue  de  plus  en  plus,  par  suite  de 


la  rareté  du  vin,  due  au  phylloxéra  et  aux  autres  maladies 
de  la  vigne.  Nous  ferons  tout  d'abord  observer  qu'il  n'est 
pas  facile  de  reconnaître  ces  deux  sortes  de  produits  et  de 
les  distinguer. 

Caractères  d'une  bonne  eau-de-vie.  Une  bonne  eau- 
de-vic  doit  être  claire,  brillante,  d'un  degré  alcoofique 
pas  trop  fort,  ni  trop  faible  non  plus,  soit  environ  50°  C;  sa 
couleur  doit  être  d'autant  plus  foncée  qu'elle  est  plus 
vieille,  et  comme  le  bon  vin  la  qualité  doit  augmenter  avec 
le  vieilhssement.  La  saveur  sera  suave,  éthérée,  exempte 
de  goût  de  feu,  de  terroir.  Le  vrai  cognac  a  toujours  une 
réaction  acide  au  tournesol;  l'imitation  ne  la  présente  pas  ; 
de  plus,  les  faux  cognacs  donnent,  avec  une  solution  très 
faible  de  chlorure  de  fer,  un  précipité  de  couleur  dou- 
teuse après  quelques  instants  de  repos,  tandis  que  le  vrai 
cognac  prend  une  coloration  noire  caractéristique.  Les 
eaux-de-vie  vraies  renferment  de  Falcool  ordinaire  ou  éthy- 
lique,  uni  à  un  peu  d'alcool  amylique  ;  mais  les  eaux-de- 
vie  industrielles  sont  bien  plus  riches  en  alcool  amylique 
et  aussi  en  alcool  butylique.  Elles  sont  donc,  non  seule- 
ment moins  agréables  au  goût,  mais  encore  plus  funestes 
à  la  santé.  Nous  allons  étudier  successivement  la  prépara- 
tion de  ces  deux  sortes  d'eaux-de-vie. 

Extraction  de  Veau-de-vie  de  vin.  Les  vraies  eaux- 
de-vie  sont  préparées  en  général  par  les  petits  cultivateurs 
appelés  bouilleurs  de  cru.  Le  vin  destiné  à  être  distillé  est 
l'objet  de  soins  non  moins  assidus  que  s'il  devait  être  con- 
sommé en  nature.  La  distillation  se  fait  en  hiver,  dans  un 
alambic  simple,  chauffé  à  feu  nu,  d'une  contenance  de  300 
à  400  Htres.  Le  premier  liquide  qui  passe  est  appelé  «  pre- 
mier brouillis  »,  puis  on  remplit  la  chaudière  avec  le 
liquide  déjà  échauffé  du  chauffe-vin  ;  après  avoir  évacué  la 
vinasse,  on  remplit  avec  du  vin  neuf  et  on  obtient  ainsi  un 
deuxième,  puis  un  troisième  brouillis.  Après  celui-ci,  on  in- 
troduit dans  la  chaudière  les  trois  premiers  brouillis  et  on 
en  recueille  un  quatrième.  A  ce  moment,  on  vide  la  chau- 
dière, on  y  fait  écouler  les  trois  brouillis  du  chauffe-vin  et 
on  distille  après  avoir  rempli  le  chauffe-vin  de  vin  frais. 
Les  trois  premiers  litres  qui  distillent  sont  mis  à  part  et 
versés  dans  le  brouillis  à  distiller  plus  tard.  La  distillation 
est  continuée  tant  que  le  liquide  qui  passe  est  «  à  la 
preuve  ».  Celle-ci  consiste  à  remplir  aux  deux  tiers  avec 
le  liquide  à  essayer  une  petite  bouteille  étroite  à  parois 
épaisses;  on  agite  d'un  coup  sec  en  bouchant  avec  le  pouce 
et,  suivant  le  n^ombre,  la  persistance  et  la  grosseur  des 
bulles,  on  juge  la  force  de  Feau-de-vie.  Les  bouilleurs  de 
la  Charente  préfèrent  de  beaucoup  cette  preuve  à  l'emploi 
de  l'alcoomètre,  qui  donnerait  alors  60  à  68°.  Par  le  vieiF 
hssemcnt  et  l'évaporation  dans  les  fûts,  ce  titre  descend  à 
50  ou  55°.  Les  soins  d'ouiilage  et  de  décantage  qu'on  donne 
au  vin  sont  inutiles  ici.  On  sait  que  Fouillage  a  pour  but 
de  tenir  la  barrique  pleine,  afin  (|ue  le  vin  ne  soit  pas  en 
contact  avec  Fair  ;  Feau-de-vie  n'étant  pas  un  milieu  favo- 
rable aux  microorganismes,  cette  précaution  est  superflue. 
Les  décantages  sont  également  sans  utilité,  car  un  liquide 
produit  par  distillation  ne  peut  pas  tenir  en  suspension  des 
molécules  solides  qui  puissent  se  précipiter.  Immédiate- 
ment après  la  distihation,  fait  remarquer  M.  Alibert,  les 
eaux-de-vie  de  la  fine  Champagne,  de  la  petite  Champagne 
et  des  bois  n'ont  rien  qui  permette  de  les  différencier. 
L'arôme  spécial  du  cognac  n'est  pas  encore  développé. 
Toutes  ces  eaux-de-vie  se  ressemblent,  et,  quelle  que  soit 
la  déhcatesse  du  palais  du  dégustateur,  il  n'est  pas  pos- 
sible de  distinguer  d'abord  leur  provenance.  Quand  le 
commerce  les  acbète,  il  procède  par  voie  de  confiance  ;  il 
compte  plus  sur  l'honorabilité  du  vendeur  que  sur  ses  pro- 
pres appréciations.  L'eau-de-vie  jeune  a  un  goût  d'alambic, 
dû  à  des  huiles  empyreumatiques  créées  par  la  distillation, 
qui  masquent  complètement  Farome  futur  du  cognac,  mais 
les  quahtés  que  l'avenir  devra  mettre  en  lumière  sont  à 
l'état  latent;  il  n'est  aucun  moyen  de  les  apprécier  encore. 
Dans  l'Armagnac,  la  méthode  charentaise  que  nous  venons 
de  décrire  n'est  pas  suivie.  La  nature  des  vins  permet  ici 


EAU 


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une  distillation  rapide  à  l'aide  d'alambics  perfectionnes 
semblables  à  ceux  qu'on  emploie  pour  les  alcools  d  industrie 
(V.  Distillerie).  Les  vins  employés  pour  1  extraction  te 
co^cssont  produits  avec  divers  cépages  ;  mais  le  plus 
Généralement  adopté  est  la  folle  jaune  ou  folle  blanche, 
ainsi  que  le  colornbat  et  le  saint-émilioii.U  folle  jaune 
occupe  le  plus  souvent  les  neuf  dixièmes  du  vignoble.  Le 
rendement  moyen  est  de  21  hectol.  à  l'hectare. 

Eau-de-vie  de  marc.  Pour  les  eaux-de_-yie  de  marc 
on  emploie  indistinctememt  le  marc  des  raisins  blancs  et 
celui  des  raisins  rouges  ;  néanmoins  ce  dernier  est  beau- 
coup plus  riche  en  alcool  parce  qu'il  a  ete  p  us  longtemps 
en  contact  avec  le  moût.  Les  marcs  sont  d  ailleurs  d  au- 
tant plus  riches  qu'ils  proviennent  de  raisins  de  meilleure 
Qualité.  Il  va  sans  dire  que  la  richesse  en  alcool  des  marcs 
varie  avec  les  années,  qu'elle  s'élève  dans  les  années  chaudes 
et  qu'elle  diminue  dans  les  années  froides  et  pluvieuses. 
Le  prix  des  marcs  est  également  très  variable;  il  oscille 
entre  2  fr   et  6  fr.  pour  une  quantité  de  marc  ayant  pro- 
duit 456  litres  de  vin.  C'est  surtout  en  Bourgogne  quon 
produit  l'eau-de-vie  de  marc.  La  provision  de  matière  pre- 
mière étant  faite,  on  entasse  celle-ci  dans  des  fosses  ou  des 
cuviers  en  désagrégeant  le  marc  avec  des  pioches  a  dents 
puis  on  le  tasse  fortement  pour  éviter    accès  de  1  air  et 
par  suite  la  fermentation.  Dans  ces  conditions  lemarc  se 
conserve  aisément  toute  l'année.  Pour  la  distd lation,  on  se 
sert  d'un  alambic  ordinaire,  dont  on  charge  la  chaudière 
de  marc  jusqu'à  2o  centim.  du  rebord.  Lue  fois  la  chau- 
dière pleine,  on  allume  le  feu  avec  du  bois  sec,  et,  pen- 
dant que  le  feu  prend,  on  place  le  chapiteau  et  on  le  lute 
avec  de  la  terre  glaise.  Le  feu  doit  être  règle  ;  s  il  était 
trop  vif  il  y  aurait  perte  par  évaporation,  et  l  alcool  contrac- 
terait ce  qu'on  appelle  un  goût  d'échauffé.  Le  liquide  qui 
distille  pendant  cette  opération  constitue  la  «  petite  eau  »  : 
c'est  de  l'eau-de-vie  à  15  ou  20oqmcoiie  pendant  six 
heures  environ.  Lorsqu'on  suppose  qu  il  n  y  a  plus  guère 
d'alcool  dans  la  petite  eau  (ce  dont  on  s  assure  en  en  jetant 
un  verre  sur  le  brasier  du  fourneau  et  qu  elle  ne  s  allume 
pas),  on  met  la  petite  eau  recueillie  jusqu  à  ce  moment  dans 
un  fût,  puis  on  décharge  l'alambic.  D  après  M.  P.  Joi- 
aneaux,  le  marc  de  684  litres  de  vm  rejid,  en  petite  eau, 
de  15  à  20«C.:  marc  de  bon  vin  rouge,  4ô  a  t)0  litres  ;  marc 
de  gamais,  35  à  40  ;  marc  de  vin  blanc  2d  a  30  La  rec- 
tification ou  repasse  a  pour  but  d'élever  la  force  de  la  pe- 
tite eau-de-vie  jusqu'à  54°,  c.-à-d.  un  peu  a^-^e^^^^^^ 
chiffre  exigé  par  le  commerce  qui  veut  que  cette  eau-de-xie 
marque  â^  à  la  température  de4-  15^0.  Les  deux  degrés 
en  plus  sont  donnés  en  vue  de  la  perte  par  évaporation.  On 
met  le  marc  dans  la  chaudière,  puis  on  verse  dessus  la 
petite  eau-de-vie  jusqu'à  ce  que  le  marc  en  soit  recouvert 
et  on  allume.  Pour  recevoir  le  filet  d'eau-de-vie  qui  tombe 
du  serpentin,  on  se  sert  d'un  vase  capab  e  de  contenir  tout 
le  produit  de  la  rectification,  autrement  dit  toute  la  repasse. 
Au  moven  de  l'alcoomètre  ons'assure  du  degré  vouki.  Les 
marcs  de  Bourgogne  rendent  en  eau-de-vie  rectifi^ee  :  pour 
le  marc  de  228  litres  de  vin  rouge  (pmot),  5  litres    /^  , 
pour  celui  de  228  litres  de  vin  rouge   gamais),  4  htres; 
pour  celui  de  228  litres  de  vin  blanc,  3  litres.  Le  marc  qui 
a  subi  la  distillation,  et  qui  est  appelé  marc  brûle  ou  genne 
brûlée,  n'est  pas  sans  valeur.  Il  est  employé  comme  en- 
crrais  et  se  vend  à  raison  de  30  à  40  cent,  l  hectolitre. 
"^  Eau-de-vie  de  cidre.  L'eau-de-vie  obtenue  en  distil- 
lant le  cidre  ou  le  poiré  est  très  appréciée  en  Normandie. 
Lorsqu'elle  est  bien  fabriquée  elle  a  un  exce  lent  goût  ;  de 
même  que  l'eau-de-vie  de  vin  est  inimitable  dans  sa  pureté, 
qu'elle  porte  un  cachet  indélébile  de  terroir  et  de  truit,  de 
même  l'eau-de-vie  de  cidre.  On  se  sert,  pour  distiller  le 
cidre  d'appareils  distillatoires  continus  ou  discontinus  qui 
varient  beaucoup  ;  les  cidres  et  poirés  donnent  en  eau-ce- 
vie  à  55«  de  6  à  iO'lo  ;  mais  le  rendement  se  rapproche 
Dins  de  7  à  8  '/  .  H  varie  selon  la  pureté  des  cidres,  leur 
fabrication,  leur  âge,  les  essences  des  fruits  d;aù  ils  sor- 
tent, les  crus  qui  les  produisent,  le  mode  de  distillation  et 


le  bouilleur.  Comme  pour  le  vin,  le  moment  de  distiller  le 
cidre  et  le  poiré  est  venu,  fait  remarquer  M.  E.  Pelletier, 
quand  la  saveur  de  la  boisson  n'est  plus  sucrée  ;  quand  ils 
sont  parés,  c.-à-d.  lorsque  le  principe  saccharin  s'est  alcoo- 
lisé. Suivant  les  natures  de  cidre,  ce  phénomène  arrive  de 
deux  à  quatre  mois  après  leur  fabrication.  Les  cidres  gâ- 
tés, à  mauvais  goût,  donnent  des  eaux-de-vie  qui  conser- 
vent toutes  ces  qualités  défectueuses  et  surtout  le  mauvais 
goût.  Il  faut  donc  soigner  les  futailles  si  l'on  veut  des  eaux- 
de-vie  de  bonne  nature  et  nettes  de  goût.  Le  bouilleur, 
après  avoir  versé  250  litres  de  cidre  ou  poiré  dans  la  chau- 
dière, la  couvre  de  son  chapiteau,  ajoute  le  tube  qui  la 
relie  au  serpentin  et  lute  avec  soin  toutes  les  jointures 
avec  de  la  colle    composée  de  farine  délayée.  Il  s'agit 
alors  d'ébaucher,  c.-à-d.  de  retirer  la  petite  eau  qui,  étant 
repassée  par  le  même  procédé,  donnera  l'eau-de-vie  au 
degré  voulu.  Le  chauffage  doit  être  conduit  avec  précaution  ; 
on^évitera  surtout  un  feu  trop  vif.  L'ébauchage  étant  fini, 
il  s'agit  de  procéder  au  repassage.  Préalablement,  la  chau- 
dière et  ses  accessoires  sont  nettoyés,  puis  le  bouilleur  verse 
250  litres  de  petite  eau  dans  la  chaudière  et  lute  avec 
soin.  La  bouillée  d'ébauchage  dure  quatre  ou  cinq  heures, 
celle  de  repassage  se  prolonge  pendant  neuf  heures.  Dans 
ce  dernier  cas,  l'eau  doit  être  prodiguée  sur  le  réfrigérant, 
de  manière  à  ce  qu'elle  sorte  à  peine  tiède  par  le  trop-plein 
et  surtout  à  ce  que  l'eau-de-vie  arrive  froide  au  serpentin. 
Chaque  bouillée  de  250  litres  donne  en  moyenne  50  litres 
de  petite  eau  de  5  à  53*^  C.  et  ces  50  litres  fournissent  au 
repassage    18  litres  d'eau-de-vie  de  33  à  77<^   C.   de 
l'alcoomètre  de  Gav-Lussac,  ce  qui  la  réduit  à  68°,  ou  25 
un  quart  de  l'aréomètre  Cartier.  Le  cidre  ou  le  poiré  de 
bonne  quaUté  donne  donc  ainsi  environ  un  treizième  de 
bonne  eau-de-vie.  L'eau-de-vie  de  poiré  perd  prompte- 
ment  son  odeur  et  sa  saveur  originelles,  et  mieux  encore 
que  celle  de  cidre  elle  se  rapproche  en  vieillissant  des 
bonnes  eaux-de-vie  de   vin.  Cependant,  à  nos  yeux,  elle 
n'est  pas  pour  cela  supérieure  à  l'eau-de-vie  de  pomme  : 
celle-ci  offre  plus  de  douceur,  et  son  arôme,  gage  de  sa 
pureté,  n'offre  rien  de  désagréable.  Comme  celui  de  l'eau- 
de-vie  de  poiré,  il  tend  aussi  à  s'effacer  en  vieillissant. 

Eau-de-vie  de  mélasses  de  canne  à  sucre  ou  rhum. 
L'eau-de-vie  provenant  de  la  distillation  des  mélasses  des 
colonies  est  appelée  rhum.  C'est,  avec  l'eau-de-vie  devin,  celle 
qui  est  la  plus  estimée.  C'est  un  produit  coloré  en  brun 
plus  ou  moins  foncé;  son  goût  est  fort,  rappelant  celui  du 
cuir  (goût  de  savate).  La  consommation  tend  à  prendre  un 
assez  grand  développement  en  Europe.  Ainsi  notre  colonie 
de  la  Martinique  à  elle  seule  exporte  près  de  20  millions 
de  litres  de  rhum  ;  la  Guadeloupe  en  envoie  5  millions  de 
litres.  On  obtient  le  rhum  en  mélangeant  52  p.  de  mélasse 
avec  24  p.  d'eau  ;  on  brasse  le  tout  et  on  laisse  fermenter  ; 
après  dix  ou  douze  jours,  on  ajoute  au  hquide  64  p.  de 
résidus  de  distillations  précédentes  (vinasses)  et  on  passe 
à  l'alambic.  Autrefois  on  employait  des  alambics  simples 
chauffés  à  feu  nu;  aujourd'hui  on  préfère  les  alambics 
perfectionnés  qui  permettent  d'obtenir  régulièrement  3,500 
litres  de  rhum  par  jour.  L'opération  est  continue;  le 
liquide  distillé  porte 'le  nom  de  tafia;  il  est  incolore  et 
marque  de  56  à  75^;  on  le  met  dans  des  fûts  en  attendant 
qu'on  les  transforme  en  rhum.  Cependant  le  tafia  est 
assez  estimé  des  créoles  et  des  marins.  Les  tafias  sont 
réduits  d'abord  au  degré  commercial  voulu  (56«) ,  remontés 
en  couleur  avec  du  caramel,  puis  on  les  laisse  vieillir.  Tous 
les  rhums  consommés  actuellement  n'ont  pas  cette  origine; 
on  en  fabrique  également  d'artificiels  avec  des  alcools  d'in- 
dustrie ;  mais  il  est  facile  de  les  distinguer  ;  il  suffit  de 
mélanger  à  10  centim.  c.  de  rhum,  3  centim.  c.  d'acide 
sulfurique.  On  agite  et  on  laisse  reposer  vingt-quatre 
heures  dans  un  tube  à  essai.  Les  rhums  vrais  ne  perdent 
pas  leur  odeur  par  l'action  de  l'acide,  tandis  que  les 
rhums  artificiels  perdent  leur  odeur  bien  avant  ce  temps. 
Eau-de-vie  de  merises  ou  kirschenwasser .  L'eau-de- 
vie  de  cerises,  le  kirschenwasser  des  Allemands,  ou  plus 


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EAU 


simplement  le  kirsch,  est  un  liquide  incolore,  marquant  de 
50  à  52*^  C.  et  présentant  une  saveur  spéciale  qui  rappelle 
celle  du  noyau,  due  à  la  présence  d'une  faible  quantité 
d'acide  cyanhydrique  (WOO'2  ^/oo).  La  fabrication  de  cette 
eau-de-vie  se  fait  en  grand  dans  la  Forêt-Noire,  où  l'on  pro- 
duit la  meilleure.  En  France,  c'est  dans  les  dép.  des  Vosges, 
de  la  Haute-Saône,  du  Doubs  et  de  Meurthe-et-Moselle  ; 
mais  le  centre  du  commerce  qui  en  résulte  est  sans  contre- 
dit à  Fougerolles  (Haute-Saône).  En  moyenne,  400  kilogr. 
de  merises  écrasées  fournissent  à  la  distillation  de  7  à 
8  litres  de  kirsch.  Lorsque  les  cerises  sont  mûres,  on  les 
jette  pêle-mêle  dans  des  tonneaux  défoncés;  là,  on  les 
écrase,  le  jus  qui  s'en  écoule  est  mis  dans  des  cuves  où  se 
fera  la  fermentation.  On  y  ajoute  une  certaine  quantité  de 
noyaux  écrasés,  et  on  laisse  la  fermentation  se  déclarer. 
Lorsque  celle-ci  est  terminée,  on  jette  le  tout  dans  un 
alambic  et  on  distille. 

Conservation  et  amélioration  des  eaux-de-vie,  H  est 
à  remarquer  que  les  négociants  ne  hvrent  pas  au  commerce 
les  eaux-de-vie  telles  qu'ils  les  reçoivent  des  producteurs  ; 
outre  les  coupages,  ils  leur  font  subir  certaines  manipula- 
tions destinées  à  les  amener  à  l'état  marchand.  Les  eaux- 
de-vie  fines  sont  mouillées  avec  de  l'eau  distillée.  L'eau-de- 
vie,  au  sortir  de  l'alambic,  est  incolore  ;  c'est  dans  les  fûts 
en  chêne,  où  on  la  conserve,  qu'elle  acquiert  la  teinte  brune 
qu'on  lui  connaît .  Pour  donner  aux  eaux-de-vie  jeunes  la 
teinte  voulue,  on  emploie  le  caramel.  On  y  ajoute  quelquefois 
1  à  2  °/o  de  rhum  vrai  pour  compléter  la  saveur  et  adoucir 
le  goût.  La  dernière  opération  est  la  filtration  qui  s'effectue 
le  plus  souvent  dans  des  poches  en  flanelle  garnies  de  papier 
délayé.  Enfin,  comme  le  fait  remarquer  M.  0.  Lami,à  part 
certaines  maisons  qui  ont  des  marques  spéciales  vendues  à 
des  prix  très  élevés,  on  voit  depuis  quelque  temps  aug- 
menter de  jour  en  jour  le  nombre  d'industriels  qui,  sous  le 
nom  de  coupages,  additionnent  les  eaux-de-vie  vraies  avec 
des  alcools  d'industrie;  ce  qui  n'était  que  l'exception  est 
devenu  la  règle  générale.  D'autre  part,  le  vigneron  lui- 
même  a  acquis  certaines  connaissances  qu'il  met  en  pratique 
pour  accroître  son  profit;  il  sait  qu'il  peut  augmenter  la 
richesse  alcoolique  du  vin  en  ajoutant  du  sucre  à  la  ven- 
dange; il  sait  aussi  qu'en  additionnant  d'alcool  le  vin  avant 
la  distillation,  il  retirera  beaucoup  plus  d'eau-de-vie  et  qu'il 
sera  difficile  de  distinguer  cette  eau-de-vie  de  celle  qui  aurait 
été  produite  sans  mélange.  En  somme,  entre  les  grandes 
eaux-de-vie  et  les  eaux-de-vie  préparées  exclusivement  avec 
des  alcools  d'industrie,  on  trouve  dans  le  commerce  une 
série  de  produits  intermédiaires  qui  contiennent  des  pro- 
portions variables  d'eau-de-vie  vraie.  Si  ces  produits  laissent 
à  désirer  à  certains  points  de  vue,  il  faut  reconnaître  qu'ils 
donnent  satisfaction  aux  exigences  de  la  majorité  des  con- 
sommateurs. 

Fabrication  des  eaux-de-vie  artificielles  avec  les 
alcools  d'industrie.  Les  alcools  d'industrie  obtenus  avec 
les  pommes  de  terre,  les  betteraves,  les  grains,  quoique 
rectifiés,  ne  renferment  pas  seulement  de  l'alcool  éthylique, 
ils  contiennent  encore  d'autres  produits  que  la  rectification 
n'élimine  que  très  imparfaitement  et  qui  caractérisent  pour 
ainsi  dire  ces  alcools  (V.  Alcool,  t.  II,  p.  35).  Ce  sont  ces 
liquides  qui  servent  à  préparer  les  eaux-de-vie  communes 
à  bas  prix.  Quelquefois  on  les  fabrique  simplement  par 
affinage,  c.-à-d.  en  coupant  ou  en  mélangeant  simplement 
de  ces  alcools  d'industrie  de  provenances  diverses,  préala- 
blement mouillés;  alors  ils  se  corrigent  l'un  l'autre.  Mais 
le  plus  souvent  la  fabrication  de  ces  eaux-de-vie  est  plus 
complexe  et  comprend  les  opérations  suivantes  :  prépara- 
lion  des  substances  aromatiques  dites  bonifiantes,  prépara- 
tion du  colorant,  épuration  et  préparation  de  l'eau  de 
mouillage,  enfin  clarification  et  filtration  des  eaux-de-vie. 

Le  mouillage  doit  se  faire  avec  des  eaux  de  pluie  ou  de 
l'eau  distillée.  Cette  opération  a  pour  objet  d'abaisser  le 
degré  des  alcools  d'industrie  pour  les  amener  au  degré  de 
concentration  que  doivent  avoir  les  eaux-de-vie  qu'on  se 
propose  de  confectionner.  Mais  jamais  on  ne  doit  employer 

GRANDE    encyclopédie:.    —    W. 


des  eaux  calcaires  ou  chargées  de  matières  organiques. 
Avec  les  premières,  la  clarification  devient  difficile,  avec 
les  secondes  les  eaux-de-vie  ont  un  mauvais  goût  et  des 
colorations  louches.  Lorsqu'on  n'a  que  de  l'eau  de  source 
ou  de  rivière  à  sa  disposition,  il  faut  la  purifier;  mais  l'eau 
de  mouillage,  quelle  qu'elle  soit,  n'est  pas  employée  telle 
quelle;  on  l'additionne  de  45  à  20  7o  d'alcool,  et  on  la 
laisse  séjourner  pendant  plusieurs  mois  dans  des  fûts  con- 
tenant des  copeaux  de  chêne  du  Limousin.  Pour  donner  de  la 
saveur,  on  emploie  des  infusions  de  bois  de  sassafras,  de  fleur 
de  tilleul,  de  thé  noir,  de  bois  de  réglisse,  etc.  Ces  infusions 
se  préparent  en  versant  les  plantes  dans  un  fût  défoncé  et 
en  ajoutant  de  l'eau  bouillante;  deux  heures  après,  on 
soutire  et  on  exprime  les  plantes  infusées.  Pour  400  litres 
d'eau,  on  emploie  le  plus  souvent  200  gr.  de  thé  noir, 
500  gr.  de  fleur  de  tilleul,  4  kilogr.  de  bois  de  réghsse  et 
60  gr.  de  bois  de  sassafras.  Mais  ces  infusions  ne  sont  pas 
suffisantes.  Pour  donner  le  complément  de  saveur,  on  em- 
ploie des  infusions  alcooliques  de  raisins  secs  de  Malaga, 
de  pruneaux  d'Agen  et  de  figues  sèches.  Pour  400  litres 
d'eau-de-vie  à  50°,  on  met  5  kilogr.  de  raisin,  5  de  figues 
et  4  de  pruneaux  ;  quinze  jours  après,  l'infusion  peut  être 
employée,  à  la  dose  d'environ  40  litres  par  hectolitre  d'eau- 
de-vie  à  fabriquer.  Enfin,  on  sucre  avec  du  sirop  de  sucre 
candi  ou  de  mélasse.  La  coloration  est  obtenue  avec  du 
caramel  bien  pur  pour  ne  pas  obtenir  de  difficultés  dans  la 
clarification;  200  à  250  gr.  de  caramel  suffisent  pour 
4  hectol.  Enfin,  pour  donner  du  parfum,  on  ajoute  encore 
par  hectolitre  400  gr.  d'eau-de-vie  vraie  de  bonne  qualité. 
Cependant,  les  proportions  relatives  de  ces  divers  ingrédients  : 
alcool,  infusion  aqueuse,  petites  eaux,  infusion  alcoolique, 
colorant,  etc.,  varient  avec  le  degré  de  finesse  de  l'eau-de-vie 
qu'on  veut  obtenir  et  le  prix  de  revient  que  l'on  s'est  fixé. 
La  préparation  même  s'eftectue  de  la  manière  suivante  : 
l'alcool  étant  introduit  dans  un  récipient  de  capacité  con- 
venable, on  y  incorpore  tout  d'abord  l'eau-de-vie  vraie  et 
4  ^Iq  de  rhum,  puis  le  sirop  de  sucre  délayé  dans  une  petite 
quantité  de  Uquide  en  préparation  ;  après  quoi  on  ajoute 
les  infusions  dans  lesquelles  on  a  fait  dissoudre  le  caramel. 
Après  avoir  brassé  énergiquement  le  mélange,  on  le  laisse 
reposer  pendant  quelques  semaines.  Nous  donnons,  dans 
le  tableau  ci-dessous,  d'après  M.  Pezeyre,  la  formule  de 
préparation  de  400  litres  d'eau-de-vie  à  50^  de  quatre  qua- 
lités différentes  :  A,  eau-de-vie  commune  à  bon  marché  ; 
B,  eau-de-vie  bonne  ordinaire;  C,  eau-de-vie  demi-fine; 
D,  eau-de-vie  supérieure. 


SUBSTANCES 


Alcool  à  95° 

Infusion  de  réglisse 

—  de  thé 

—  de  capillaire 

Petites  eaux  alcoolisées  à20° 

Esprit  de  fruits  sucrés 

Eau-de-vie    vraie   nouvelle 

(armagnac) 

Eau-de-vie    vraie    nouvelle 
(cognac)  à  60" 


Essence  de  cognac. 


Mélasse  de  sucre  de  canne. 
Sirop  de  sucre  candi 

Rhum 


Caramel . 


lit. 

18 
53 


150 


100 


lit. 
33 


60 
15 


gr- 
100 

150 
» 
lit. 

1 
■gr. 
100 


lit. 
39 


26 
15 
10 

10 


gr. 
150 

100 
300 

lit. 

1 

gi'. 
100 


Ht. 

27 


40 
10 


20 
gi-. 
150 


lit. 
1 

gr- 

100 


Toutes  les  eaux-de-vie  de  vin  vraies  ont  un  bouquet  parti- 
culier qui  les  distingue  ;  les  trois-six  d'industrie  n'ont  qu'un 
arôme  plus  ou  moiiis  désagréable.  Le  producteur  et  le  com- 
merçant doivent  donc,  chacun  en  ce  qui  le  concerne,  s'atta- 
cher à  développer  le  premier  et  à  masquer  ou  à  détruire  le 
second.  Pour  que  le  bouquet  des  eaux-de-vie  se  développe, 
er  M.  Lebœuf,  il  faut  qu'elles  soient  réduites 


fait  remarquer  '. 


44 


EAU 


-  210 


à  48  ou  50°,  qu'elles  soient  logées  dans  des  vases  propres 
où  elles  puissent  séjourner  sans  être  exposées  à  en  extraire 
des  matières,  des  principes,  tels  que  ceux  provenant  de  la 
gomme,  de  la  résine,  etc.,  contenus  dans  les  bois  de  la 
futaille  ;  de  là  la  nécessité  d'employer  des  vases  en  châ- 
taignier et  en  chêne,  préparés  à  l'eau  bouillante,  car  ces 
matières  extractives  sont  puissamment  dissoutes,  absorbées 
par  l'eau-de-vie  et  combinées  avec  elle.  Enfin,  la  clarification 
se  fait  en  ajoutant  de  la  colle  de  poisson,  ou  de  la  gélatine 
ou  du  blanc  d'œuf  ;  le  dépôt  est  assez  rapide;  puis  on  filtre, 
soit  sur  des  grands  filtres  verticaux  formés  d'étofi'e,  soit 
niême  sur  du  papier  lorsqu'on  opère  sur  de  petites  quantités. 
Amélioration  des  eaux-de-vie.  Que  l'on  ait  affaire  à 
des  eaux-de-vie  vraies  ou  à  des  eaux-de-vie  fabriquées,  on 
se  trouve  quelquefois  dans  la  nécessité  de  les  améhorer, 
soit  pour  en  accentuer  le  goût,  soit  pour  cacher  ou  dissi- 
muler une  saveur  peu  agréable.  Pour  cela,  on  peut  em- 
ployer une  des  formules  suivantes  : 

1^  Essence  de  cognac.  Pour  4  hectol.  d'eau-de-vie  à  amé- 
liorer, prendre  : 

Cachou  pulvérisé. » 80  gr. 

Baume  de  Tolu  pulvérisé 8  — 

Sassafras  râpé 42  — 

Vanille S  — 

Essence  d'amandes  amêres 4  — 

Esprit  de  vin  à  85« 41itre. 

Toutes  ces  substances  sont  introduites  dans  F  alcool  après 
avoir  trituré  la  vanille  avec  400  gr.  de  sucre,  et  on  laisse 
infuser  huit  jours.  Puis  le  mélange  est  introduit  dans  l'eau- 
de-vie  à  améliorer,  et  on  brasse  pendant  cinq  minutes. 

2<^Cachou , 60  gr. 

Baume  de  Tolu 40  — 

Ammoniaque 20  — 

Eau-de-vie  à  60« 41itre. 

On  dissout  les  deux  premières  substances  dans  l'eau-de- 
vie;  on  laisse  reposer^un  jour  et  on  décante,  puis  on  ajoute 
l'ammoniaque.  Les  deux  améliorations  qui  précèdent  s'ap- 
pliquent à  4  hectol.  Mais,  comme  on  le  voit,  ces  bonifica- 
teurs  sont  d'une  préparation,  longue  et  difficile  et  tout  le 
monde  ne  peut  pas  s'en  occuper.  C'est  pourquoi  le  commerce 
les  livre  tout  préparés  ou  tout  au  moins  des  produits  qui 
s'en  rapprochent  quelque  peu;  sous  ce  rapport,  quelques 
parfums  cognac  jouissent  d'une  certaine  renommée  ;  il  en 
est  de  même  des  parfums  fine  Champagne,  rhum,  etc. 

Fabrication  du  rhum  et  du  kirsch  avec  des  alcools 
d'industrie.  Mais  il  n'y  a  pas  que  les  eaux-de-vie  de  cognac, 
de  fine  Champagne  et  d'armagnac  que  l'on  fabrique  de 
toute  pièce  avec  les  alcools  d'industrie.  La  consommation 
des  eaux-de-vie  et  boissons  alcooliques  de  toutes  sortes  a 
tellement  progressé  depuis  quelques  années  que  l'on  a  dû 
songer  à  préparer  des  rhums  et  des  kirschs,  la  production 
naturelle  de  ces  spiritueux  étant  devenue  insuffisante,  et 
leur  prix  par  cela  même  trop  élevé.  Il  convient  de  faire 
remarquer  que  le  problème,  malgré  son  apparente  difficulté, 
a  été  parfaitement  résolu.  Aussi  les  consommateurs  trouvent- 
ils  aujourd'hui  dans  le  commerce  du  rhum  et  du  kirsch  à 
des  prix  très  peu  élevés  qui,  sans  valoir  bien  entendu  les 
produits  naturels,  leur  donnent  néanmoins  entière  satisfac- 
tion. Voyons  d'abord  le  rhum.  En  Allemagne,  on  fabrique 
du  rhum  en  distillant  de  l'alcool  avec  de  l'acide  sulfurique 
et  du  bioxyde  de  manganèse,  puis  on  ajoute  au  produit  rec- 
tifié des  proportions  convenables  d'étherstannique,  butylique 
et  acétique,  un  peu  de  teinture  d'huile  de  bouleau  et  on  ajoute 
du  caramel  pour  donner  la  coloration.  Les  rhums  à  bas  prix 
se  préparent  sans  distillation,  en  versant  l'essence  dont  la 
formule  suit  dans  42  litres  d'alcool  trois-six  réduit  à  50°  : 

Essence  de  rhum 30  gr. 

Sirop  fine  Champagne 2  litres. 

Caramel. 20  gr. 

Tafia 5  litres. 

Eau 4     — 

Après  agitation  convenable,  on  clarifie  avec  de  la  colle  de 


poisson.  Quant  au  kirsch,  il  se  prépare  en  mélangeant 
parties  égales  d'alcool  à  85''  avec  de  l'eau  distillée  de 
laurier-cerise  ou  de  marasque  qui  est  préparée  avec  les 
noyaux  de  certains  cerisiers.  Quelquefois  même  on  ajoute 
les  deux.  On  prépare  aussi  du  kirsch  en  versant  dans 
75  htres  de  trois-six  le  mélange  suivant  : 

Kirsch  vrai 25  litres. 

Essence  de  kirsch 30  gr. 

Sucre 2  kilogr. 

Eau 4  litre. 

On  prépare  encore  du  kirsch  factice  par  distillation  en 
prenant  : 

Alcool  d'industrie  rectifié  à  50'^. .     400  litres. 

Feuilles  de  pêcher 4  kilogr. 

— •      laurier-cerise 750  gr. 

Noyaux  de  cerises  pulvérisés ....         4  kilogr. 
—     d'abricots        —       ....         4     — 

Myrrhe 40  gr. 

On  met  le  tout  en  infusion  pendant  quarante-huit  heures 
et  on  ajoute  60  litres  d'eau  au  moment  de  distiller.  A  la 
distillation,  on  retire  95  litres  de  bon  produit  à  50°  qu'on 
laisse  reposer  pendant  huit  jours  ;  après  quoi,  on  ajoute  : 

Essence  de  kirsch 30  gr. 

Sucre  candi 500  — 

Eau 2  litres. 

Eau-de-vie  de  genièvre.  Une  eau-de-vie  très  répandue 
dans  le  nord  de  la  France,  en  Belgique,  en  Hollande  et 
aussi  en  Angleterre  est  le  genièvre,  ou  gin  des  Anglais, 
qui  se  fabrique  avec  le  malt  de  seigle  et  d'orge  distillé  sur 
des  baies  de  genévriers.  Dans  la  seule  petite  ville  de 
Schiedam,  près  de  Rotterdam,  il  y  a  plus  de  deux  cents 
distilleries  qui  ne  font  que  cette  eau-de-vie.  Mais  très  sou- 
vent aussi  les  genièvres  communs  à  bas  prix  ne  sont  qu'un 
mélange  d'alcool  de  grains  et  d'essence  de  genévrier,  ou 
même  un  mélange  de  malt,  seigle,  orge,  cassonade,  aro- 
matisé avec  du  coriandre,  du  carvi,  des  écorces  d'oranges 
et  de  la  réghsse. 

Comme  on  le  voit,  les  eaux-de-vie  factices  sont  très 
nombreuses  et  très  répandues  aujourd'hui.  Autant  qu'elles 
sont  fabriquées  suivant  les  procédés  qui  ont  été  indiqués 
plus  haut,  il  n'y  a  guère  à  se  plaindre,  car  le  commerce  est 
bien  forcé  de  fournir  à  la  demande.  Malheureusement,  la 
fraude  vient  souvent  modifier  la  composition  et  les  pro- 
priétés de  ces  liquides.  Aussi  devons-nous  nous  occuper, 
au  moins  sommairement,  des  falsifications  les  plus  faciles 
à  mettre  en  évidence. 

Falsifications  des  eaux-de-vie.  Nous  avons  déjà  vu 
comment  on  pouvait  différencier  un  cognac  vrai  d'un 
cognac  fabriqué;  nous  avons  vu  comment  on  pouvait 
distinguer  le  rhum  véritable  du  rhum  factice.  Il  nous  reste, 
avant  d'aborder  les  falsifications  proprement  dites,  à  voir 
comment  on  peut  distinguer  un  kirsch  véritable  d'un  kirsch 
fabriqué.  Pour  cela,  il  faut  doser  la  proportion  d'acide 
cyanhydrique,  qui  est  toujours  plus  forte  dans  les  kirschs 
fabriqués  que  dans  les  kirschs  naturels.  M.  Buignet  opère 
avec  une  dissolution  titrée  de  sulfate  de  cuivre  contenant 
23ê''09  de  sel  cristallisé  pour  4,000  centim.  c.  On  verse 
400  centim.  c.  de  l'eau-de-vie  à  analyser  dans  un  ballon 
en  verre  à  fond  plat;  on  y  ajoute  40  centim.  c.  d'ammo- 
niaque et  on  y  verse  la  liqueur  titrée  à  l'aide  d'une  burette 
divisée  en  dixièmes  de  centimètre,  en  agitant  continuelle- 
ment jusqu'à  ce  que  la  liqueur  de  cuivre  cesse  de  se  déco- 
lorer. Le  nombre  de  divisions  de  la  burette  indique  en  milli- 
grammes la  quantité  d'acide  cyanhydrique  existant  dans 
l'eau-de-vie.  Dans  la  plupart  des  eaux-de-vie  fabriquées  avec 
des  alcools  de  grains  et  surtout  de  pommes  déterre,  on  trouve 
de  l'huile  de  pomme  de  terre  ou  fuselol.  Cette  huile  est  la 
cause  principale  qui  s'oppose  à  ce  que  les  alcools  de  grains 
et  de  pommes  de  terre,  malgré  les  moyens  perfectionnés 
mis  en  œuvre  pour  les  purifier  et  leur  donner  le  bon  goût, 
puissent  remplacer  pour  tous  les  usages  l'alcool  de  vin. 
Pour  rechercher  l'huile  de  pomme  de  terre,  on  ajoute 


-  211  — 


EAU 


quelques  gouttes  d'une  solution  d'azotate  d'argent  et  un  peu 
d'ammoniaque,  puis  on  expose  ce  mélange  à  l'action  de  la 
lumière  solaire.  Dans  une  eau-de-vie  tout  à  fait  pure,  il 
n'y  a  alors  aucun  changement  sensible  à  l'œil,  tandis  que 
l'eau- de -\ie  renfermant  de  l'huile  de  pomme  de  terre 
se  trouble  promptement  et  prend  une  coloration  rougeâtre 
ou  noirâtre.  On  peut  encore,  et  ce  procédé  est  plus  simple, 
mélanger  l'eau-de-vie  à  essayer  avec  son  volume  d'éther  et 
ajouter  un  volume  d*eau  égal  au  volume  du  mélange  ;  l'éther 
dissout  l'huile  de  pomme  de  terre  et  se  sépare  de  celle-ci  ; 
si  maintenant  on  laisse  évaporer  l'éther  dans  une  capsule 
de  porcelaine,  il  reste  un  résidu  qui  offre  l'odeur  caracté- 
ristique de  l'huile  de  pomme  de  terre  (alcool  amylique). 
D'après  Cabasse,  on  reconnaîtra  une  eau-de-vie  préparée 
avec  de  l'alcool  de  betteraves  en  prenant  3  p.  du  liquide  • 
auxquelles  on  ajoute  1  p.  d'acide  sulfurique;  il  doit  se 
produire  une  coloration  rouge  rose  persistante.  On  ajoute 
quelquefois  aux  eaux-de-vie  une  petite  quantité  d'acide  sul- 
furique afin  de  lui  donner  l'odeur  agréable  que,  lorsqu'elles 
sont  pures,  elles  acquièrent  en  vieillissant  ;  pour  rechercher 
cet  acide,  on  évapore  à  une  très  douce  chaleur  et,  lorsqu'il 
reste  le  cinquième  du  volume  primitif,  on  plonge  un  papier 
de  tournesol  qui  rougit  fortement  s'il  y  a  de  l'acide.  De 
plus,  en  étendant  le  résidu  avec  un  peu  d'eau  et  en  ajou- 
tant du  chlorure  de  baryum,  on  a  un  précipité  blanc.  Quel- 
quefois on  ajoute  aux  eaux-  de- vie  à  bas  prix  de  l'esprit  de 
bois  ou  alcool  méthylique.  Pour  la  déceler,  Reynold  dis- 
tille dans  une  cornue  une  petite  quantité  du  liquide  à  essayer 
en  recueillant  le  produit  dans  une  éprouvette  maintenue 
froide  ;  au  liquide  distillé,  il  ajoute  deux  ou  trois  gouttes 
d'une  solution  très  étendue  de  bichlorure  de  mercure,  puis 


une  lessive  de  potasse  en  excès;  après  agitation  convenable, 
on  observe  si  le  bioxyde  de  mercwe  qui  s'est  précipité  se 
dissout  à  chaud.  Si  cela  n'est  pas,  il  n'y  a  pas  d'esprit  de 
bois;  si  la  solution  est  complète,  on  divise  le  mélange 
chauffé  en  deux  parties,  et  à  l'une  on  ajoute  de  l'acide  acé- 
tique, qui  doit  produire  un  précipité  blanc  jaunâtre  flocon- 
neux ;  on  chauffe  l'autre  partie  à  l'ébullition  et  on  reconnaît 
également  la  présence  de  l'esprit  de  bois  à  la  formation 
d'un  précipité.  Quelquefois  aussi  on  ajoute  au  rhum,  pour 
accentuer  son  goût,  de  l'éther  butylique  ou  de  l'acide  acé- 
tique ;  pour  découvrir  ce  dernier,  on  mélange  le  liquide 
avec  de  la  soude  caustique,  on  évapore  et  on  décompose  le 
résidu  salin  par  l'acide  sulfurique,  qui  met  alors  l'acide 
acétique  en  liberté.  On  le  reconnaît  à  son  odeur  ;  s'il  y  a 
de  l'éther  butylique,  son  odeur  le  trahit  également  par  le 
même  procédé.  Enfin,  lorsque  les  droits  d'octroi  à  payer 
doivent  être  plus  élevés  pour  une  eau-de-vie  plus  forte 
que  pour  une  autre  plus  faible,  on  ajoute  quelquefois, 
dans  le  but  de  rendre  inexact  l'essai  aréométrique,  une 
certaine  quantité  de  chlorure  de  calcium,  qui  a  pour  résultat 
d'augmenter  le  poids  spécifique  du  liquide.  Ce  sel  se  trouve 
dans  le  résidu  de  l'évaporation  d'une  petite  quantité  de 
l'eau-de-vie.  L'oxalate  de  potasse  donne  dans  le  résidu  étendu 
un  abondant  précipité. 

Commerce  des  eaux-de-vie.  Les  eaux-de-vie  de  diverses 
sortes  qui  viennent  d'être  étudiées  sont  l'objet  d'un  com- 
merce  très  actif  qui,  en  présence  de  l'accroissement  tou- 
jours constant  des  l3oissons  alcooliques,  va  toujours  en 
s'accentuant  davantage.  Nous  donnons  ci-joint  le  tableau 
des  importations  appliqué  aux  années  1887,  1888  et  1889 
et  le  tableau  des  exportations  pendant  les  mêmes  années  î 


IMPORTATIONS 


EAUX- DE -VIE 


De  vin 

Dp  mAlflssP    (  Guadeloupe 

Totaux  — 
Autres  que  de  vin  et  de  mélasse 


COMMERCE    SPECIAL 


QUANTITÉS  LIVRÉES  A  LA  CONSOMMATION 


1887 


lie«tol. 
6.191 

20.418 
101.000 

14.042 


135.360 
8.539 


1888 


hectol. 

21.632 
19.774 
80.342 
9.741 


109.857 
9.124 


1889 


hectol. 
11.588 
16.480 
80.938 
4.812 


VALEURS    ACTUELLES 


1887 


fr. 

990.57 


12.868.705 


102.230 
10.327 


3.952 


1888 


fr. 
3.461.155 


9.887.113 


456.217 


1889 


fr. 
1.854.074 

9.200.744 


516.356 


EXPORTATIONS 


EAUX-DE-VIE 

COMMERCE    SPÉCIAL 

MARCHA 

0 

1887 

NDISES    FRANÇAISES 
U    FRANCISÉES 

VALEURS  ACTUELLES 

1888 

1889 

1887 

1888 

1889 

f  Angleterre 

\  Etats-Unis 

hectol. 

68.627 
3  896 
1.855 
2.474 

60.683 

hectol. 

70.976 
4.119 
1.591 
2.358 

48.444 

hectol. 

73.776 
3.237 
1.859 
3.007 

48.486 

fr. 

40.642.552 

\ 

18.067,219 

952.335 
3.177.922 

fr. 

39.177.381 

17.344.779 

695.585 
3.389.686 

fr. 
40.636.147 

18.207.535 

692.924 
3.421.494 

De  vin  en  fûts.]  République  Argentine  . . . 
/  Algérie 

\  Autres  pays 

Totaux 

137.535 

29.933 

1.992 

7.135 

195 

23.303 

127.488 

30.169 

2.234 

3.880 

222 

21.863 

132.365 

33.247 
2.242 

4.884 

197 

20.735 

/  Ano"leterre. 

°UTes^.?.'?r;    Sp'Argentine::: 

[  Autres  pays 

Totaux 

62.558 
10.025 

42.372 

58.368 
7.729 

45.196 

61.305 
7.699 

45.660 

Autres  que  de  vin,  de  cerises  et  de  mé- 
lasse ■     *.   . •••••. ••••t.. ••••>• 

EAU 


—  212  — 


Comme  on  peut  le  voir  en  effectuant  les  totaux,  et  pour 
ne  prendre  que  Tannée  4889,  nous  avons  comme  eaux-de- 
vie  importées  :  112,557  hectol.  représentant  une  valeur 
totale  de  11,571,474  fr.,  tandis  que  les  exportations  se 
chiffrent  pour  la  même  année  par  247,029  hectol.,  soit 
une  valeur  de  62,961,100  fr.  Il  est  à  remarquer  aussi 
que  les  eaux-de-vie  que  nous  importons  sont,  à  part  les 
rhums  et  quelques  eaux-de-vie  spéciales  (telles  que  le 
kirschenwasser  de  la  Forêt-Noire,  le  schiedam  de  Hol- 
lande, etc.),  des  produits  de  qualité  intérieure,  tandis  que 
la  plupart  des  eaux-de-vie  que  nous  envoyons  à  l'étranger 
sont  des  produits  vrais,  des  cognacs,  fine  Champagne,  etc., 
que  nos  voisins  nous  payent  un  prix  élevé.  Cependant  il  ne 
faudrait  pas  croire  que  nous  n'exportons  pas  d'eaux-de-vie 
fabriquées.  Il  est  même  certain  que  sur  les  247,029  hectol. 
qui  sortent,  il  y  en  a  plus  d'une  benne  moitié  dans  ce  cas, 
mais  ces  produits  sont  fabriqués  chez  nous  avec  beau- 
coup de  soin  par  des  industriels  habiles  et  consciencieux 
pour  la  plupart.  D'ailleurs,  ces  eaux-de-vie  portent  des 
marques  françaises,  et  à  l'étranger,  surtout  aux  Etats-Unis 
et  dans  l'Amérique  du  Sud,  on  n'apprécie  guère  que  ces 
dernières.  Albert  Larbalétrier. 

IL  Industrie  (V.  Alcool,  t.  II,  p.  35). 

lïl.  Pharmacie  (V.  Alcool,  t.  II,  p.  43). 

IV.  Physiologie  et  thérapeutique  (V.  Alcool,  t.  Il, 
pp.  38  et  suiv.). 

V.  Contributions  indirectes  (V.  Alcool,  Consommation 
rDroit  del,  Dénaturation,  Distillerie,  Entrée  [Droit  d']). 

Rtml  •  V  -F  Lebeuf,  Manuel  complet  de  l'amélioration 
desliauides;  Paris,  1887,  in-18.  -  O.  L ami,  Dictionnaire 
de  Vindustrie;  Paris,  1885,  in-8.  -  A.  Larbalétrier, 
ri icooi  Paris,  1888,  in-18.-  Cli.  Laboulaye,  Dictionnaire 
te  aris  elmanuraciures  ;  Paris  1890,  in-8.  -  A.  Boi.lev 
Manuel  d'essais  et  de  recherches  chimiques  ;  Pâvis,  1877, 
in-16  -  P.  Joigneaux,  le  Livre  de  la  terme;  Pans,  1887, 

^""'eAU  divine  (Alch.).  L'eau  divine  joue  un  grand  rôle  chez 
les  alchimistes  grecs.  Elle  est  la  même  que  l'eau  de  soufre, 
le  même  mot  Oaîov  signifiant  à  la  fois  soufre  etdivm,  et  les 
vieux  auteurs  jouant  sans  cesse  sur  ce  double  sens.  L'eau 
divine  est  une  expression  générique  applicable  à  tout  liquide 
préparé  en  vue  de  la  teinture  des  métaux,  c.-à-d.  de  la 
pierre  philosophale.  Le  mot  se  trouve  déjà  dans  le  papyrus 
égyptien  de  Leyde,  où  il  signifie  une  solution  de  polysul- 
fui-e  de  calcium;  et  on  retrouve  des  compositions  analogues 
à  base  de  sulfoarsénites  chez  les  alchimistes  latins  du 
xiv«  siècle  sous  le  nom  de  aqiia  sulfurea.  Mais  le  nom 
d'eau  divine  a  été  aussi  appliqué  à  toute  liqueur  ou  matière 
obtenue  par  sublimation,  et  même  au  mercure  métallique, 
non  seulement  parce  que  ces  matières  étaient  employées 
pour  colorer  les  métaux,  mais  parce  que  le  soufre  était 
réputé  l'élément  essentiel  de  la  volatilité  dans  les  corps. 

EAU-FORTE.  I.  Chimie  (V.  Azotique  [Acide]). 

IL  Gravure.  —  La  gravure  à  l'eau-forte  consiste  essen- 
tiellement à  tracer  sur  une  plaque  de  métal  recouverte 
d'un  enduit  inattaquable  aux  acides  un  dessin  dont  chaque 
trait  met  le  métal  à  nu,  et  à  soumettre  la  plaque  ainsi  traitée 
■i  l'action  d'un  acide  qui  creuse  toutes  les  parties  non  proté- 
gées par  l'enduit.  Ce  procédé,  employé  anciennement  par  les 
armuriers  pour  la  décoration  des  lames,  n'a  guère  ete 
appliqué  à  la  gravure  des  estampes  que  dans  les  premières 
années  du  xvi^^  siècle,  et  l'on  ne  sait  si  l'honneur  en  revient 
au  Parmesan  ou  à  Albert  Durer,  dont  le  Saint  Jérôme  en 
prière  qui  porte  le  millésime  de  1512  est  la  plus  ancienne 
estampe  à  l'eau-forte  datée.  Le  terme  d'eau-forte  s'apphque 
actuellement  et  au  procédé  de  gravure  que  nous  allons 
décrire  et  aux  estampes  obtenues  par  ce  procède.  Le  métal 
le  plus  employé  pour  la  gravure  à  l'eau-forte  est  le  cuivre 
rouée  bien  martelé,  plané  et  poli  (V.  Cuivre,  Gravure)  ; 
l'acier  est  de  plus  en  plus  abandonné,  et  les  anciennes 
planches  de  fer  et  d'étain  citées  dans  quelques  catalogues 
ne  sont  que  des  curiosités  archéologiques;  quelques  gra- 
veurs se  servent  de  planches  de  zinc,  de  bronze  ou  de  laiton, 
mais  ces  différents  métaux  résistent  peu  à  l'action  de  la 
presse  ou  sont  attaqués  par  l'acide  d'une  façon  très  irregu- 


lière,  et  leur  emploi  peut  passer  pour  exceptionnel.  Les 
opérations  successives  de  la  gravure  à  l'eau-forte  sont  :  le 
vernissage,  le  tracé,  la  morsure,  et,  s'il  y  a  lieu,  les  correc- 
tions et  la  remorsure. 

Vernissage.  Il  existe  un  grand  nombre  de  formules  de 
vernis  pour  l'eau-forte  ;  on  les  trouvera  dans  l'excellent 
Manuel  du  graveur  de  Roret;  celle  du  vernis  le  plus  em- 
ployé actuellement  est  la  suivante  :  cire  vierge,  90  gr.  ; 
bitume  de  Judée,  60  gr.  ;  poix  blanche,  60  gr.  On  vend 
ce  vernis  en  petites  boules,  que  les  graveurs  enveloppent 
dans  un  tissu  de  soie  bien  serré,  de  façon  que  les  impuretés 
qui  pourraient  s'y  trouver  ne  puissent  se  déposer  à  la  sur- 
face du  cuivre.  Pour  l'appliquer,  on  promène  la  boule  sur 
la  planche  maintenue  par  un  étau  et  chauffée  suffisamment 
pour  déterminer  par  son  contact  la  fusion  du  vernis,  qu'on 
étale  en  couche  aussi  égale  que  possible  à  l'aide  d'un  tam- 
pon de  coton  enveloppé  dans  une  peau  fine  ou  dans  un 
morceau  de  taffetas  ;  puis ,  avant  que  la  planche  ne  soit 
refroidie,  on  promène  la  surface  vernie  au-dessus  de  la 
flamme  d'un  flambeau  de  cire,  dont  la  fumée,  en  s'incor- 
porant  au  vernis  lui  donne  une  belle  couleur  d'un  noir 
mat  sur  lequel  le  travail  du  graveur  se  détache  nettement. 

Tracé.  Une  fois  la  planche  vernie  et  refroidie ,  le  gra- 
veur établit  la  mise  en  place  de  son  sujet  (qui  doit  être 
gravé  en  sens  inverse  de  celui  du  dessin)  à  l'aide  d'un 
calque  tracé  avec  une  pointe  d'acier  bien  aiguisée  sur  une 
mince  feuille  de  gélatine  dite  papier  -  glace  ;  les  traits 
obtenus  sur  la  gélatine  sont  remplis  de  mine  de  plomb  ou 
de  sanguine  en  poudre  et  se  reportent  à  contre-sens  sur  la 
surface  vernie  à  l'aide  d'une  pression  régulière  et  prudente. 
Une  fois  ce  travail  fait,  le  graveur  commence  son  tracé  à 
l'aide  de  pointes  d'acier  qui  ressemblent  à  un  crayon  dont 
la  mine  serait  remplacée  par  une  aiguille.  Il  faut,  pour  que 
l'action  de  l'acide  se  produise,  que  le  vernis  soit  bien  tra- 
versé par  la  pointe  et  que  le  cuivre  et  l'eau-forte  se  trouvent 
en  contact  direct.  Dans  le  cas  d'accidents  à  la  surface  du 
vernis  ou  de  traits  manques,  l'artiste  a  la  ressource  de 
couvrir  les  parties  qu'il  ne  veut  pas  faire  mordre  d'un  vernis 
composé  d'essence  de  térébenthine,  de  cire  vierge  et  de 
bitume  de  Judée.  Ce  vernis  s'applique  au  pinceau  et  se 
nomme,  en  termes  de  métier,  petit  vernis. 

Morsure.  La  gravure  une  fois  tracée,  il  faut,  avant  de 
faire  mordre  la  planche ,  en  protéger  le  dos  et  les  biseaux 
à  l'aide  d'une  couche  de  vernis  au  pinceau.  C'est  alors  seu- 
lement qu'intervient  l'action  del'eau-forte,  ou  acide  azotique, 
que  le  graveur  emploie  en  solution  étendue  d'eau  et  mar- 
quant au  pèse-acide  de  15  à  30°  suivant  que  sa  planche 
lui  paraît  devoir  comporter  une  morsure  lente  ou  brusque. 
Le  cuivre  placé  au  fond  d'une  cuvette  doit  être  recouvert 
d'une  couche  d'acide  d'au  moins  un  centimètre  d'épais- 
seur; il  se  forme,  aussitôt  que  l'eau-forte  commence  à  agir, 
une  quantité  de  petites  bulles  d'acide  hypoazotique  qui  se 
dégagent  en  bouillonnant  et  que  le  graveur  doit  détacher 
du  cuivre  à  l'aide  d'une  plume  douce;  sans  cette  précaution, 
le  bouillonnement  empêche  l'acide  d'agir  également  sur  tous 
les  points  de  la  gravure  et  fait  sauter  de  petites  parcelles 
de  vernis,  ce  qui  élargit  les  traits  et  produit  les  accidents 
appelés  crevés.  Quand  l'artiste  juge  que  les  parties  les  plus 
claires  de  la  planche  sont  suffisamment  creusées,  il  la  retire 
du  bain,  la  lave,  la  sèche  et  couvre  de  vernis  au  pinceau 
tout  ce  qui  ne  doit  pas  mordre  davantage,  puis  il  replonge 
le  cuivre  dans  l'acide  et  répète  la  morsure  et  la  couverture 
autant  de  fois  qu'il  a  de  valeurs  différentes  à  obtenir.  Dès 
qu'il  juge  la  morsure  terminée,  il  nettoie  la  planche  avec  un 
peu  d'essence  de  térébenthine  et  peut  la  faire  imprimer.  La 
morsure  est  une  opération  des  plus  délicates,  soumise  aux 
influences  de  la  température  et  de  l'atmosphère,  et  c'est 
l'expérience  seule  qui  enseigne  aux  graveurs  à  en  tirer  des 
résultats  réguliers.  Au  Heu  de  mettre  la  planche  dans  une 
cuvette,  on'fait  souvent  sur  la  planche  même  une  sorte 
d'enceinte  autour  de  la  partie  de  gravure  à  mordre,  dont 
les  murailles,  de  hauteur  convenable,  sont  faites  avec  des 
bandes  de  cire  jaune  rendue  pâteuse  par  son  mélange  avec 


—  ^213 


EAU 


de  la  poix  de  Bourgogne  et  du  saindoux.  La  planche  elle- 
même  forme  le  fond  de  cette  cuvette. 

Corrections.  Il  est  rare  qu'une  planche  gravée  soit  ter- 
minée d'un  coup;  pour  la  reprise  des  travaux,  on  recom- 
mence la  série  des  opérations  précédentes,  mais  en  se  servant 
d'un  vernis  transparent  fait  de  cire  et  de  mastic  en  larmes, 
qu'on  appelle  vernis  blanc.  Les  parties  trop  mordues  sont 
atténuées,  soit  à  l'aide  d'un  brunissoir  d'acier  avec  lequel 
on  aplatit  le  cuivre ,  ce  qui  resserre  un  peu  la  taille  et  en 
diminue  la  profondeur,  soit  avec  un  grattoir  avec  lequel  on 
baisse  le  relief  du  cuivre ,  soit  avec  un  charbon  de  bois  à 
grain  serré  dont  on  se  sert  pour  poncer. 

Remorsure.  Si  la  planche  n'est  pas  assez  mordue,  le 
graveur  a  la  ressource  de  lui  donner  plus  d'intensité  sans 
la  surcharger  de  travaux  à  l'aide  d'un  vernis  à  remordre  qui 
se  compose  de  cire,  de  bitume  de  Judée  et  de  poix  blanche 
dissous  dans  l'essence  de  lavande  à  la  consistance  d'une 
pommade  ;  ce  vernis  s'applique  sur  le  cuivre  gravé  au  moyen 
d'un  rouleau  de  cuir  très  régulier  et  très  uni,  ou  de  géla- 
tine, qui  ne  couvre  que  les  parties  en  relief  et  laisse  nues 
et  prêtes  à  subir  une  nouvelle  action  de  l'acide  toutes  celles 
qui  se  trouvent  au-dessous  du  niveau  de  la  planche.  Cette 
opération,  très  délicate,  ne  peut  être  faite  que  par  des  pra- 
ticiens habiles. 

Telles  sont  sommairement  les  opérations  nécessaires  pour 
graver  une  planche  à  l'eau-forte.  Il  est  bon  de  rappeler  que 
la  gravure  à  l'eau-forte  est  employée  à  la  préparation  des 
planches  gravées  au  burin  et  que,  dans  ce  cas,  elle  com- 
porte des  conditions  de  régularité  et  de  sobriété  auxquelles 
n'est  point  soumise  l'eau-forte  dite  des  peintres  qui  ne  relève 
que  de  la  fantaisie  de  l'artiste  et  doit  son  plus  grand  charme 
à  la  liberté  de  l'exécution.  La  plupart  des  grands  peintres 
ont  été  tentés  par  le  charme  de  ce  procédé,  qui  laisse  en 
relief  toute  la  personnalité  d'un  maître.  On  peut  citer, 
parmi  les  principaux  :  en  Italie,  le  Parmesan,  le  Guide, 
les  Carrache,  Castiglione,  Stefano  délia  Bella,  Salvator 
Rosa,  Tiepolo,  Canaletti;  en  Allemagne,  Albert  Diirer 
et   son   école,    Dietrich,   Louter bourg ,   Ridinger  ;  en 


Flandre,  Van  Dyck;  en  Hollande,  Rembrandt,  Bol, 
Lievens,  Paul  Potter,  Karl  Dujardin,  Berghem,  Van 
Ostade,  Ruysdaël;en  Angleterre,  Hollar,  Hogarth,  Wil- 
kie,  Turner ;  en  Espagne,  Ribera  et  Goya;  en  France 
enfin,  Callot,  Abraham  Bosse,  Cl.  Lefèvre,  Cl.  Gillot, 
Cl.  Lorrain^  Boucher,  Fragonard  et  tant  d'autres.  En 
France  également  nombre  de  graveurs  se  sont  surtout  servis 
de  l'eau-forte.  Citons  parmi  les  principaux  :  /.  Morin, 
G.  Audran,  Lepautre,  Bérain,  Cars,  Lebas,  les  maîtres 
du  xvin^  siècle,  Cochin,  les  Saint- Aubin,  Choffardy 
Moreau  le  Jeune,  sans  parler  des  amateurs  tels  que  le 
comte  de  Caylus,  Wattelet,  M^^  de  Pompadour  et  Vabbé 
de  Saint-Non.  L'eau-forte  a  eu  comme  une  renaissance 
française  dans  la  seconde  moitié  de  ce  siècle  ;  elle  est 
devenue  le  procédé  favori  des  graveurs,  et  il  est  peu  de 
peintres  contemporains  qui  ne  s'y  soient  essayés  ;  citons  : 
Ingres,  Eug.  Delacroix,  Th.  Chassériau,  Decamps, 
Daubigny,  Millet,  Ch.  Jacque,  Ch.  Chaplin,  Ribot, 
Th.  Rousseau,  M^mowz^r  parmi  les  peintres;  CélestinNan- 
teuil,  Méryon,  Legros,  Bracquemond,  F.  Buhot,  Des- 
boutins  parmi  les  graveurs  oris^inaux  ;  et,  parmi  les  graveurs 
reproducteurs,  /.  Jacquemart,  Léop.  Flameng,  Rajon, 
Waltner,  Courtry,  Lalauze,  etc.  Une  étude  plus  détaillée 
de  l'eau-forte  contemporaine  entraînerait  un  développement 
trop  volumineux  ;  il  suffira  de  consulter  à  cet  égard,  outre 
les  livrets  des  Salons,  les  publications  de  la  Société  des 
aquafortistes,  les  Catalogues  des  expositions  de  blanc 
et  noir,  des  expositions  des  peintres-graveurs,  et  le 
Dictionnaire  des  graveurs  du  xix®  siècle  par  H.  Beraldi. 

F.    COURBOIN. 

BiBL.  :  Abraham  Bosse,  Traité  des  manières  de  graver 
en  taille-douce  sur  l'airain  par  le  moyen  des  eaux-fortes  ; 
Paris,  1645.  —  Max.  Lalanne,  Traité  de  gravure  à  l'eau- 
forte.  —  Martial,  Traité  de  gravure  à  Veau-forte.  — 
G.  IIamerton,  Etchings  and  Et'chers. 

EAU  GAZEUSE  ARTIFICIELLE  (ludustr.).  L'iudustrie  des 
eaux  gazeuses  artificielles  a  pris  naissance  vers  le 
xvii^  siècle,  époque  à  laquelle  on  commença  à  vouloir 
imiter  les  eaux  minérales  naturelles  ;  mais  ce  n'est  réelle- 


Fig.  1. 


•  Appareil  Briet. 


ment  que  vers  1800  que  la  fabrication  des  eaux  gazeuses 
prit  une  certaine  extension.  En  1788,  deux  pharmaciens 
de  Genève,  Paul  et  Gasse,  livraient  déjà  au  commerce 
annuellement  environ  quarante  mille  bouteilles,  et,  après 
plusieurs  tentatives  de  perfectionnement  de  l'appareil  de 
Genève,  nous  voyons  surgir  les  machines  de  Savaresse, 
d'Ozouf,  de  Brahma  et  enfin  de  MondoUot,  que  nous  allons 
décrire. 

Fabrication  des  eaux  et  boissons  gazeuses.  Nous 
dirons  un  mot  en  passant  du  gazogène  Briet,  petit  appa- 
reil que  nous  rencontrons  journellement  sur  nos  tables  et 
qui  ne  convient  qu'aux  usages  domestiques.  Il  se  compose 
de  deux  carafes  de  cristal,  à  pied,  de  forme  ovoïde  et  d'iné- 
gale capacité,  entourées  d'un  filet  de  rotin  ou  de  fil  métal- 


lique afin  de  prévenir  les  accidents  en  cas  de  rupture  de 
l'appareil  sous  l'effort  de  la  pression  intérieure  ;  les  deux 
récipients  superposés  sont  mis  en  communication  au  moyen 
d'une  garniture  métallique  traversée  par  un  tube  en  étain 
et  séparés  par  une  plaque  percée  d'une  infinité  d'ouver- 
tures capillaires  ;  un  robinet  permet  de  soutirer  le  liquide 
gazéifié  (fig.  1).  La  mise  en  marche  de  ce  petit  appareil 
est  fort  simple  :  la  grande  carafe  est  incomplètement  rem- 
plie de  l'eau  ou  de  la  boisson,  vin,  bière, cidre,  etc.,  à 
gazéifier  ;  on  met  dans  la  carafe  inférieure  le  mélange  des- 
tiné à  produire  le  gaz  acide  carbonique,  c.-à-d.  18  gr. 
d'acide  tartrique  et'Sl  gr.  de  bicarbonate  de  soude;  on 
place  le  tube,  et  l'appareil  ainsi  monté  est  retourné  de 
façon  à  ce  qu'une  partie  du  liquide  de  la  carafe  supérieure 


EAU 


—  214  — 


passe  par  le  tube  en  étaindans  la  carafe  inférieure  et  dé- 
termine la  réaction  ;  le  gaz  carbonique  se  dégage,  est  tamisé 
par  les  trous  capillaires  de  la  garniture  métallique  et 
\ient  se  dissoudre  peu  à  peu  dans  l'eau  de  la  carafe  supé- 

YÏmre,  ^,  ,,    ^  ^   i   , 

Appareil  Savaresse.  L'appareil  Savaresse  est  tort 
simple;  il  se  compose  :  4°  d'un  producteur  de  gaz  en 
cuivre  garni  intérieurement  de  plomb,  muni  d'un  agi- 
tateur à  manivelle  et  d'un  robinet  de  vidange;  2<^^  de 
deux  laveurs  étamés  remplis  de  braise  humectée  d'une 
solution  de  bicarbonate  de  soude;  3°  du  saturateur  con- 
tenant Teau  gazeuse  ;  un  robinet  permet  le  tirage.  Le 
courant  de  gaz  est  produit  par  l'action  de  l'acide  sulfurique 
sur  la  craie  ;  les  traces  d'acide  entraîné  sont  arrêtées 
par  le  bicarbonate  des  laveurs  ;  l'acide  carbonique  passe 
dans  le  saturateur,  et  on  en  facilite  la  dissolution  en  im- 
primant à  celui-ci  un  mouvement  de  rotation  autour  de 
ses  tourillons.  Cet  appareil  encore  en  usage  dans  quelques 
maisons  donne  de  bons  résultats.  Nous  passerons  sous 
silence  les  appareils  Greffier  et  François,  qui  ne  sont  que 
des  copies  du  modèle  de  Savaresse. 

Appareil  Ozouf.  Dans  l'appareil  Ozouf  (fig.  2),  le  satu- 
rateur surmonte  le  producteur;  des  agitateurs  en  bronze 
facilitent  le  mélange  de  l'acide  et  de  la  craie,  ainsi  que  la 


2.  _  Appareil  Ozouf. 


dissolution  du  gaz  dans  l'eau  du  saturateur.Letoutesten 
cuivre  rouge  étamé.  Le  perfectionnement  notable  apporté 
dans  cet  appareil  est  l'adjonction  d'une  pompe  permettant 
d'alimenter  à  volonté  d'eau  le  saturateur,  et,  par  suite, 
d'obtenir  de  plus  forts  rendements  qu'avec  les  appareils 
précédents. 

Appareil  Brahma.  Les  appareds  Brahma  et  Mon- 
dollot  sont  des  appareils  dits  continus,  c.-à-d.  qu'ici  la 
pompe  est  le  principal  organe  et  qu'elle  sert  à  refouler 
simultanément  l'eau  et  le  gaz  dans  le  saturateur.  Nous  ne 
citons  le  premier  que  pour  mémoire,  étant  complètement 
remplacé  aujourd'hui  par  les  appareils  MondoUot. 

Appareils  MondoUot.  Différents  modèles  ont  été  cons- 
truits à  grand  débit  et  à  petit  débit,  le  producteur  étant 
ou  non  séparé  du  saturateur.  Ils  se  composent  de  tous  les 
organes  des  appareils  précédemment  décrits,  dont  ils  ne 
sont  que  le  perfectionnement;  dans  l'appareil  à  grand 
débit,  type  n«  3,  les  producteurs  sont  au  nombre  de  deux 
et  marchent  alternativement  ;  un  laveur  en  verre  placé  sur 
le  côté  de  l'appareil  permet  d'en  suivre  le  fonctionnement. 


L'appareil  MondoUot,  type  n"  3,  grand  débit,  donne  en  dix 
heures  de  travail  deux  mille  quatre  cents  siphons,  soit 
quatre  mille  huit  cents  bouteilles. 

Tirage.  La  boisson  gazeuse  préparée  est  mise  en  si- 
phons ou  en  bouteilles  pour  être  livrée  au  commerce.  Les 
appareils  de  tirage  ne  présentent  rien  de  particulier;  l'eau 
de  seltz  arrive  par  un  tube  en  étain  fin  et  est  distribuée 
au  moyen  d'un  robinet  à  vis  ou  à  boisseau,  ou  à  levier. 
Nous  citerons  comme  nouveauté  le  bouchage  à  bille  ;  dans 
ce  système  une  bille  de  verre  enfermée  dans  le  goulot  de 
la  bouteille  la  ferme  hermétiquement,  maintenue  par  la 
pression  intérieure. 

Marche  des  appareils.  La  préparation  des  boissons 
gazeuses  doit  être  faite  lentement,  afin  de  permettre  au 
gaz  carbonique  de  se  dissoudre  aussi  complètement  que 
possible  ;  les  siphons  qui  se  vident  incomplètement  pro- 
viennent simplement  d'une  fabrication  précipitée. 

Eau  azotée.  Quelques  médecins  ont  vanté  dans  ces  der- 
nières années  l'usage  de  l'eau  saturée  d'azote  dans  cer- 
taines maladies  telles  que  les  maladies  de  poitrine ,  et  de 
vastes  étabhssements  ont  été  installés.  L'azote  est  préparé 
par  la  combustion  du  phosphore  dans  un  récipient  remph 
d'air,  le  gaz  est  bien  lavé  et  refoulé  au  moyen  de  pompe 
dans  un  saturateur  ordinaire. 

Eau  saturée  d'oxygène.  L'eau  saturée  d'oxygène,  appe- 
lée improprement  eau  oxygénée,  est  aujourd'hui  très  em- 
ployée dans  le  traitement  des  maladies  des  voies  respira- 
toires. Sa  consommation  a  pris  une  assez  grande  extension 
vu  son  prix  modique,  grâce  aux  perfectionnements  appor- 
tés dans  sa  fabrication  par  MM.  Brin  frères.  Dans  l'établis- 
sement de  MM.  Brin  frères,  à  Passy,  l'oxygène  est  produit 
par  la  calcination  du  bioxyde  de  baryum,  et  l'eau  saturée 
d'une  pression  de  douze  atmosphères  est  livrée  soit  en 
siphons  soit  en  bouteilles  forme  Champagne.  Cette  eau, 
abandonnée  à  elle-même  dans  un  verre  à  la  pression  ordi- 
naire, renferme  encore  sept  fois  plus  d'oxygène  que  l'eau 
ordinaire,  d'après  les  analyses  faites  au  Laboratoire  muni- 
cipal de  Paris;  elle  est  donc  sursaturée.      Ch.  Girard. 

EAU   GRÉGORIENNE  (V.  EaU  BÉNITE). 

EAU  MÉDICINALE.  Lcs  caux  médicinales  comprennent  : 
1«  les  eaux  aromatiques  médicamenteuses  ;  2«  les  eaux 
distillées  (V.  Hydrolat)  ;  3°  les  solutés  simples  ou  com- 
posés ;  4°  les  préparations  diverses  qui  ne  se  trouvent  pla- 
cées dans  ce  groupe  qu'en  raison  de  leur  dénomination 
consacrée  par  l'usage  :  eau  d'Alibour,  eau  d'alun  composée, 
eau  d'arquebusade,  eau  céleste,  eaux  balsamiques,  eaux 
antiputrides,  eau  camphrée,  eau  de  goudron,  eau  de  Gou- 
lard,  eaux  hémostatiques,  etc.  Citons,  comme  exemple,  les 
eaux  albumineuse,  camphrée  et  de  chaux  : 
Eau  albumineuse  : 

Blancs  d'œufs ^ 

Eau  distillée i,000  gr. 

Eau  distillée  de  fleur  d'oranger. ...  '^^.  7"  , 
Délayez  les  blancs  d'œufs  dans  une  petite  quantité  d'eau, 
ajoutez  le  reste  du  hquide,  passez  à  travers  une  étamine 
et  aromatisez  avec  de  l'eau  de  fleur  d'oranger.  La  propriété 
que  possède  l'albumine  de  précipiter  un  grand  nombre  de 
solutions  métalliques  a  fait  considérer  cette  substance  comme 
le  contrepoison  chimique  par  excellence  des  sels  métal- 
Hques  vénéneux,  notamment  ceux  de  cuivre  et  de  mercure. 
Aussi  l'usage  s'en  est-il  vulgarisé  depuis  les  travaux  d'Or- 
fila.  Il  ne  faut  pas  oublier  que  le  précipité  peut  se  redis- 
soudre dans  un  excès  de  réactif;  toutefois,  sous  forme 
d'albuminate,  le  métal  cesse  d'être  un  irritant  local.  Il 
convient  donc  d'administrer  l'eau  albumineuse  dans  les 
empoisonnements  métaUiques,  à  la  condition  d'administrer 
en  même  temps  des  purgatifs  ou  même  des  vomitifs  au 
début  ou  dans  l'intervalle. 
Eau  camphrée  : 

Camphre  du  Japon iO  gr. 

Eau  distillée 1,000  — 

On  pulvérise  le  camphre  à  l'aide  d'un  peu  d'alcool  ;  on  ajoute 
l'eau,  et  on  abandonne  le  mélange  à  lui-même  pendant  deux 


-  215  — 


EAU 


jours,  en  agitant  de  temps  en  temps  ;  on  filtre  et  on  con- 
serve dans  un  flacon  bien  bouché.  Un  litre  d'eau  ne  con- 
tient guère  qu'un  gramme  de  camphre  dissous.  On  a  pro- 
posé divers  moyens  pour  avoir  une  eau  plus  chargée,  comme 
de  chaufter  le  mélange,  de  se  servir  d'une  eau  gazeuse,  de 
triturer  le  camphre  avec  des  sels,  etc.  Il  est  préférable  de 
recourir  au  procédé  de  Planche.  On  prend  : 

Camphre  du  Japon 8  gr. 

Ether  rectifié 25  — 

Eau  distillée 475  — 

En  dissolvant  d'abord  le  camphre  dans  l'éther  et  en  ajou- 
tant l'eau,  le  tout  reste  limpide. 

Eau  de  chaux.  L'eau  de  chaux,  eau  de  chaux  se- 
conde ou  soluté  de  chaux  se  prépare  avec  de  la  chaux 
hydratée,  récemment  préparée,  qu'on  traite  d'abord  par 
trente-cinq  à  quarante  fois  son  poids  d'eau  filtrée,  afin 
d'enlever  les  sels  de  potasse  qu'elle  peut  contenir.  Après 
avoir  abandonné  le  tout  au  repos,  on  rejette  l'eau  décantée 
et  on  la  remplace  par  une  quantité  d'eau  cent  fois  plus 
grande  que  celle  de  la  chaux.  Après  quelques  heures  de 
contact,  en  ayant  soin  d'agiter  de  temps  en  temps,  on 
filtre  et  on  conserve  dans  des  flacons  bouchés,  afin  d'éviter 
l'action  de  l'acide  carbonique  de  l'air.  Chaque  litre,  à  la 
température  de  45°,  contient  4»''285  de  chaux  caustique. 
Pour  avoir  un  soluté  toujours  saturé,  il  convient  de  le  con- 
server sur  un  excès  de  chaux  non  dissoute,  d'agiter  et  de 
filtrer  au  moment  du  besoin.  L'eau  de  chaux  s'administre 
à  l'intérieur  à  la  dose  de  15  à  25  gr.,  ordinairement  mé- 
langée à  du  lait,  dans  le  pyrosis,  dans  les  vomissements 
acides  et  incoercibles,  dans  la  diarrhée  séreuse  et  dans  l'en- 
térite chronique.  A  l'extérieur,  elle  est  utilisée  avec  succès 
contre  les  brûlures  au  premier  et  au  second  degré  ;  on 
l'additionne  alors  d'un  huitième  de  son  poids  d'huile 
d'amandes  douces,  ce  qui  constitue  le  Uniment  oléo-cal- 
caire.  On  s'en  sert  en  lotions  ou  en  fomentations  sur  les 
éruptions  cutanées,  comme  l'eczéma  prurigineux,  les  ulcères 
douloureux,  etc.  Ed.  Bourgoin. 

EAU  MÈRE.  I.  Chimie  et  thérapeutique.  —  Liquide  siru- 
peux, jaunâtre,  résultant  deFévaporation  des  eaux  chlorurées 
fortes  des  salines  ou  de  la  mer,  desquelles  on  a  retiré  le  sel 
marin  du  commerce,  par  évaporation  spontanée  (tables,  bâti- 
ments de  graduation)  ou  artificielle  (ébullition).  Les  côtes 
de  France  fournissent  en  abondance  les  eaux  mères  ;  elles 
sont  également  très  exploitées  à  Salins  du  Jura  et  à  Salies- 
de-Béarn  ;  à  l'étranger  les  centres  d'exploitation  les  plus  im- 
portants sont  Bex  (Suisse),  Kreuznach,  Mannheim,  Kissin- 
gen,  Elmen  et  Sassendorf  (Allemagne).  L'élément  dominant 
dans  les  eaux  mères  est  le  chlorure  de  sodium,  le  chlorure 
de  calcium  ou  le  chlorure  de  magnésium  ;  viennent  ensuite 
d'autres  chlorures,  des  sulfates,  des  carbonates,  du  fer,  du 
brome,  de  l'iode,  du  soufre,  etc.  Dans  la  thérapeutique  bal- 
néaire, les  eaux  mères  sont  mélangées  aux  eaux  trop  faible- 
ment minéralisées  ;  leurs  propriétés  sont  résolutives,  alté- 
rantes et  névrosthéniques  ;  elles  s'adressent  principalement 
aux  affections  qui  dérivent  du  lymphatisme  ou  de  la  diathèse 
scrofuleuse  et  sont  très  utiles  dans  les  engorgements  vis- 
céraux, périarticulaires  et  péri-utérins,  le  fibrome  de  l'uté- 
rus, les  plaies  osseuses,  etc.  D**  L.  Hn. 

II.  Contributions  indirectes.  —  Se  dit,  dans  les  fabriques 
de  sucre,  de  toutes  les  eaux  qui  contiennent  un  peu  de  sucre 
et,  dans  les  salins,  de  celles  qui  servent  à  obtenir  le  sel 
par  l'évaporation. 

EAU  MINÉRALE.  I.  Physiologie  et  Thérapeutique. 
—  On  désigne  sous  ce  nom  toute  eau  qui,  à  sa  sortie  de 
terre,  possède  des  propriétés  physiologiques  spéciales  et 
par  suite  thérapeutiques  applicables  à  l'homme  malade. 
L'action  de  certaines  sources  est  connue  de  toute  anti- 
quité; souvent  l'instinct  des  animaux  en  avait  fait  décou- 
vrir les  vertus  curatives.  Longtemps  on  ne  sut  expliquer 
les  propriétés  des  eaux  minérales;  l'analyse  chimique 
dissipa  ce  qu'il  y  avait  de  merveilleux  dans  leur  action. 
Cependant  certains  effets  physiologiques  que  la  composi- 
tion des  eaux  ne  permettait  pas  de  prévoir  restèrent  une 


énigme  jusqu'à  ce  que  les  procédés  d'analyse,  perfectionnés, 
permissent  de  déceler  de  nouveaux  principes,  passés  ina- 
perçus jusqu'alors,  l'arsenic,  le  mercure,  la  lithine,  etc.,  et 
jusqu'à  ce  qu'on  accordât  l'importance  qu'elles  méritent 
aux  propriétés  électriques  que  ces  eaux  acquièrent  dans 
les  profondeurs  du  sol  (modification  de  l'état  moléculaire 
et  état  vibratoire  particulier  acquis  sous  l'influence  de  la 
chaleur  associée  à  une  forte  pression).  —  Il  ne  faut  pas 
perdre  de  vue,  dans  l'étude  du  malade  soumis  à  une  cure 
d'eau  minérale,  que  le  changement  d'air,  le  climat,  la 
tranquillité  d'esprit  exercent  une  action  adjuvante  très 
sérieuse.  Dans  le  choix  d'une  station,  il  faut,  du  reste, 
tenir  grand  compte  des  conditions  climatériques,  de  la  situa- 
tion, de  l'altitude,  etc.,  sans  parler  de  l'état  général  du 
malade.  Une  altitude  trop  grande  fait  suffoquer  les  emphy- 
sémateux. Quant  à  l'état  général,  on  s'assurera  tout  d'abord 
dans  laquelle  des  deux  catégories,  des  excités  et  des  dépri- 
més, rentre  le  malade.  Aux  excités,  névrosés,  névro- 
pathes, etc.,  conviennent  les  eaux  sédatives,  les  climats 
doux  ;  aux  déprimés,  les  eaux  excitantes  et  fortifiantes. 

Action.  —  Les  eaux  minérales  agissent  :  1°  par  leur 
thermalité;  2°  par  les  sels,  les  gaz  qu'elles  contiennent, 
l'électricité  qu'elles  dégagent;  3*^  par  des  facteurs  encore 
inconnus.  Voici  comment  Aronssohn  a  rangé  les  effets  des 
eaux  minérales  ;  il  les  distingue  en  quatre  classes  : 

Action  dynamique  stimulante  :  sur  l'organe  cutané,  par 
la  thermalité,  les  sels  alcalins,  le  gaz  hydrogène  sulfuré; 
sur  le  système  nerveux  en  général  et  sur  l'axe  cérébro- 
spinal en  particulier,  par  la  chaleur,  l'acide  carbonique  et 
l'impulsion  des  douches  ;  sur  l'organe  central  de  la  circu- 
lation, par  la  chaleur  et  le  fer;  sur  l'estomac,  par  les  car- 
bonates sodiques  et  ferreux;  sur  l'utérus,  par  le  fer  et 
l'impulsion  des  douches  ascendantes.  —  Action  dynamique 
sédative  du  système  nerveux  et  de  l'organe  cutané  par  les 
eaux  moins  chargées  de  principes  salins  et  contenant  un 
principe  azoté.  —  Les  propriétés  électriques  de  certaines 
eaux,  peu  minéralisées  du  reste,  expliquent  les  effets  remar- 
quables produits  sur  te  système  nerveux;  malgré  leur 
refroidissement  et  leur  décomposition,  ces  eaux  conservent 
assez  longtemps  ces  propriétés  particulières. 

Action  altérante^  modifiant  la  composition  des  liquides, 
soit  en  diluant  les  principes  qui  s'y  trouvent  en  solution, 
soit  en  augmentant  certains  d'entre  eux  ou  bien  en  en 
introduisant  de  nouveaux;  delà  Vsictïoïi diluante  du  sang, 
de  la  bile,  des  urines  par  l'introduction  de  l'eau  dans  le 
système  circulatoire  ;  reconstituante  du  sang  par  le  fer  ; 
spécifique  sur  le  système  glanduleux  par  l'iode,  le  brome 
et  les  chlorures  alcalins  ;  sur  l'organe  cutané  par  l'hydro- 
gène sulfuré  et  l'acide  arsénieux. 

Action  éliminante,  en  expulsant  les  principes  nui- 
sibles de  nos  humeurs  par  les  émonctoires  naturels  sui- 
vants :  l'organe  cutané,  par  l'eau  et  la  chaleur;  les  intes- 
tins, par  le  sulfate  de  magnésie  et  le  chlorure  de  sodium  ; 
les  reins,  par  l'eau  et  les  carbonates  de  soude  et  de  chaux. 

Action  révulsive,  en  agissant  d'une  manière  active  sur 
un  organe  éloigné  du  siège  de  la  maladie,  sur  les  intestins 
par  exemple,  dans  les  affections  du  cerveau  et  du  foie. 

Une  fois  l'utilité  d'une  cure  d'eau  minérale  reconnue, 
quelques  précautions  sont  à  observer.  Il  ne  faut  pas  com- 
mencer brusquement  la  cure,  mais  quitter  ses  occupa- 
tions graduellement,  et  dans  certains  cas  même  se  sou- 
mettre auparavant  à  un  traitement  médical.  La  durée  de  la 
cure  est  généralement  de  vingt  et  un  jours  avec  des  inter- 
ruptions souvent  forcées  (menstruation,  par  exemple).  Il  ne 
faut  jamais  entreprendre  une  cure  sans  direction  médicale; 
on  s'exposerait  à^  des  accidents  souvent  redoutables.  Au 
cours  de  la  cure,  il  peut  être  utile  de  diminuer  le  nombre 
de  verres,  de  bains,  etc.,  si  par  exemple  la  fièvre  thermale 
ou  la  poussée  sont  trop  vives,  ou  s'il  survient  de  la  diar- 
rhée ;  dans  ce  dernier  cas,  on  peut  du  reste  recourir  à  un 
astringent.  Après  la  cure,  on  ne  doit  reprendre  ses  occupa- 
tions que  graduellement  ;  le  mieux  serait  de  faire  un  petit 
voyage  avant  de  rentrer.  Puis,  au  bout  de  cinq  à  six  semaines, 


EAU 


—  ^216  — 


il  serait  utile  de  reprendre  à  domicile  l'usage  modéré  des 
eaux  (Nachcur  des  Allemands). 

Mode  d'emploi.  —  Les  eaux  minérales  s'emploient  en 
boisson,  bains,  bains  de  vapeurs,  inhalations,  boues  et 
eaux  mères. 

Boisson.  Il  n'est  pas  possible  d'exposer  en  détail  toutes 
les  précautions  à  prendre  dans  l'administration  des  eaux 
minérales  en  boisson  ;  ces  précautions  diffèrent  selon  l'âge 
et  le  tempérament  des  personnes,  la  nature  et  le  degré  de 
thermalité  de  l'eau,  les  influences  météorologiques,  etc. 
Au  début,  la  prudence  est  la  règle;  on  augmente  lentement 
le  nombre  de  verres,  en  se  maintenant  pendant  quatre  à 
cinq  jours  au  maximum,  puis,  vers  la  fin  du  traitement,  on 
prend  des  précautions  analogues. 

Bains.  Le  traitement  hydrominéral  qui  donne  les  résul- 
tats les  plus  complets  est  celui  qui  réunit  l'usage  externe 
des  eaux  (bains,  douches,  vapeurs,  boues,  eaux  mères)  à 
l'usage  interne.  Il  y  a  même  des  stations  où  le  bain  ther- 
mal constitue  le  traitement  tout  entier  (Néris,  Aix-en- 
Savoie,  Aix-en-Provence) .  La  température  des  bains  varie 
généralement  entre  28«  et  36°  C,  ce  qui  oblige  quelquefois 
à  abaisser  ou  à  élever  le  degré  calorique  de  l'eau.  Le  bain 
est  le  plus  actif  et  le  plus  énergique  si  l'eau  se  renouvelle 
constamment  ;  si  l'on  veut  une  action  moins  énergique,  on 
renferme  l'eau  dans  une  baignoire,  où  elle  perd  de  son 
gaz,  de  son  électricité,  de  ses  sels,  qui  se  déposent,  etc. 
Chez  les  femmes  pâles,  lymphatiques,  scrofuleuses,  il  n'est 
pas  utile  d'interrompre  les  bains  au  moment  des  règles. 
Enfin,  on  se  rappellera  que  le  bain  très  chaud  est  excitant, 
qu'il  est  sédatif  à  la  température  moyenne.  Les  eaux  forte- 
ment chargées  d'acide  carbonique  (Royat,  par  exemple)  sont 
très  excitantes  et  révulsives.  Les  bains  de  gaz,  acide  carbo- 
nique (Vichy,  Royat,  Saint-Nectaire,  etc.)  produisent  des 
effets  semblables.  A  toutes  ces  pratiques  ajoutons  les 
douches,  dont  les  effets  diffèrent  selon  la  thermalité  et  la 
minéralisation  de  l'eau  (V.  Hydrothérapie),  les  irriga- 
tions nasales,  si  utiles  dans  le  coryza  chronique  et  les  pha- 
ryngites, les  inhalations  et  aspirations  {\ .hiîXLATio^  et 
Pulvérisation),  les  bains  de  boues,  dont  l'action  résolu- 
tive est  si  appréciée  dans  les  affections  rhumatismales 
(V.  Boue,  t.  VII,  p.  618) ,  etc.  Souvent  on  mélange  aux 
bains  des  eaux  mères  des  salines,  si  efficaces  dans  la  scro- 
fule et  le  lymphatisme  (V.  Eau  mère). 

Origine  et  classification  des  eaux  minérales.  —  Deux 
bases  on  été  données  à  la  classification  des  eaux  minérales  : 
l'une  géologique,  l'autre  chimique.  La  première  ne  tient 
compte  que  des  terrains  d'où  elles  émergent,  de  sorte  que 
Brongniart  a  été  amené  à  partager  les  eaux  minérales  en  sept 
groupes,  suivant  qu'elles  sortaient  des  terrains  primitifs,  de 
transition,  de  sédiment  inférieurs,  moyens  et  supérieurs, 
porphyriques  et  basaltiques,  des  roches  volcaniques.  Aujour- 
d'hui l'origine  véritable  et  la  composition  chimique  des 
eaux  minérales  sont  mieux  connues,  et  la  classification  de 
Brongniart  n'a  plus  de  valeur.  Les  eaux  minérales  ne  sont 
autre  chose  que  les  eaux  météoriques  qui  ont  pénétré  dans 
les  montagnes  par  les  fentes  et  par  les  pores  des  roches, 
puis  viennent  sourdre  à  leur  pied  ou  dans  la  plaine.  Elles 
peuvent  arriver  en  contact  avec  des  couches  ignées  ou  se 
mélanger  à  de  l'eau  chaude  provenant  de  courants  souter- 
rains, d'où  les  sources  thermales  des  Pyrénées,  du  massif 
central,  du  groupe  du  Jura,  de  la  Haute-Saône  et  des 
Vosges  ;  en  raison  de  leur  température,  ces  sources 
sont  riches  en  chlorures,  en  soufre  et  particulièrement  en 
soude,  qu'elles  peuvent  dissoudre  en  abondance  dans  les 
terrains  qu'elles  traversent.  C'est  grâce  à  l'acide  carbo- 
nique, dont  l'eau  se  charge  en  traversant  les  couches  super- 
ficielles riches  en  détritus  organiques,  ou  qui  se  forme 
par  la  réaction  de  l'acide  sulfurique  produit  dans  la  trans- 
formation des  pyrites  de  fer  en  oxyde  de  fer  hydraté,  ou 
de  l'acide  chlorhydrique  d'origine  volcanique,  sur  la  dolo- 
mite ou  les  autres  roches  calcaires,  qu'elle  dissout  la 
chaux,  l'un  des  éléments  les  plus  répandus  dans  les  eaux 
froides,  avec  les  carbonates;  les  alcalis,  l'oxyde  de  fer  sont 


également  dissous  à  la  taveur  de  l'acide  carbonique.  L'eau 
météorique  n'entraîne  pas  seulement  en  dissolution  de 
l'acide  carbonique,  mais  encore  de  l'oxygène  et  de  l'azote, 
et  des  substances  organiques  susceptibles  de  décomposer 
les  oxydes,  d'où  des  réactions  capables  d'introduire  dans 
l'eau  des  composés  nouveaux.  Certaines  substances  se  dis- 
solvent directement  (sel  gemme,  calcaire)  ;  d'autres,  qui 
résistent  à  Faction  de  l'eau,  deviennent  solubles  par  suite 
d'une  modification  apportée  à  leur  combinaison  :  change- 
ment de  la  pyrite  de  fer  en  sulfate  de  fer,  de  l'anhydrite 
en  gypse,  etc.  Dans  le  groupe  du  Jura,  de  la  Haute-Saône 
et  des  Vosges,  où  plus  de  la  moitié  des  sources  sont  chlo- 
rurées, le  principe  minéralisateur  vient  de  couches  mar- 
neuses renfermant  du  sel  gemme.  L'acide  chlorhydrique  et 
l'acide  sulfhydrique,  éléments  si  essentiels  des  eaux  pyré- 
néennes, proviennent  d'émanations  volcaniques  ;  il  en  est 
de  même  pour  les  eaux  du  massif  central,  avec  cette  diffé- 
rence qu'ici  ces  gaz  sont  fournis  par  des  roches  ignées  et 
ailleurs  par  des  roches  plu  toniques  récemment  disloquées. 
Les  terrains  à  stratification  régulière  (Ardennes,  Bretagne) 
ne  fournissent  d'eaux  minérales  que  s'ils  renferment  à 
de  faibles  profondeurs  des  principes  aisément  solubles;  ce 
sont  en  général  des  sources  carbonatées  froides,  parfois 
ferrugineuses. 

La  classification  rationnelle  des  eaux  minérales  doit  donc 
se  baser  essentiellement  sur  leur  composition  chimique; 
comme  ce  sont  les  principes  minéralisateurs  qui  en  déter- 
minent la  valeur  thérapeutique,  on  s'est  efforcé  de  rendre 
cette  classification  à  la  fois  chimique  et  thérapeutique,  en 
tenant  compte  de  l'élément  dominant  de  chaque  groupe  et 
de  son  association  avec  les  autres  éléments.  Voici  la  divi- 
sion qui  a  été  adoptée  par  les  auteurs  modernes. 

Eaux  acidulés  gazeuses  ou  carbo-gazeuses,  Condillac, 
Châteldon,  Soulzmatt,  Schwalheim,  Seltz,  Saint-Galmier, 
Renaison,  Teyssières-les-Boulies ,  etc.,  etc.;  il  faut  y 
ajouter  Carlsbad,  quoique  rangée  dans  les  bicarbonatées  sul- 
fatées chlorurées  (et  par  Rotureau  dans  ses  polymétallites). 
Excitantes  de  la  nutrition,  diurétiques,  elles  deviennent  stu- 
péfiantes par  un  usage  prolongé  (troubles  de  l'intelligence, 
hallucinations)  ;  à  dose  convenable,  elles  font  cesser  la  tor- 
peur et  calment  l'éréthisme  des  organes,  et  l'élément  gazeux, 
l'acide  carbonique,  agit  comme  résolutif  sur  les  systèmes  glan- 
dulaire et  lymphatique,  et  sur  les  engorgements  chroniques. 
De  là  l'emploi  de  ces  eaux  gazeuses  et  de  l'acide  carbo- 
nique sec  dans  les  ulcérations  et  l'inflammation  chronique 
de  la  muqueuse  respiratoire  et  digestive,  dans  la  gastralgie, 
la  dyspepsie,  contre  les  vomissements  d'origine  nerveuse, 
les  crises  hépatiques  et  néphrétiques,  les  convulsions,  etc. 
Elles  augmentent  la  sécrétion  urinaire  et  arrêtent  les  sécré- 
tions purulentes  de  la  muqueuse  vésicale.  Extérieurement, 
elles  modifient  avantageusement  les  ulcères  atoniques  ; 
enfin,  elles  sont  très  utiles  dans  les  névralgies,  la  leucor- 
rhée, etc.  Les  poussées  congestives  et  la  grossesse  sont 
des  contre-indications  absolues. 

Eaux  sulfurées  ou  sulfureuse  s.  {^Sulfurées  sodiques  : 
Améhe-les-Bains,  Aix,  Bagnols,  Barèges,  Cauterets,  Eaux- 
Chaudes,  Escaldas,  Guagno,  Guetera,  Luchon,  Molitg, 
Olette,  Pietrapola,  La  Preste,  Saint-Honoré,  Le  Vernet, 
Saint-Sauveur,  etc.  Ces  eaux  laissent  dégager  de  l'acide 
sulfhydrique  et  sont  riches  en  chlorure  de  sodium.  Elles 
offrent  une  action  altérante,  agissent  efficacement  sur  les 
affections  chroniques  des  voies  respiratoires  et  de  la  mu- 
queuse génito-urinaire,  dont  elles  font  tarir  les  sécrétions  ; 
en  gargarisme,  elles  font  disparaître  les  granulations  pha- 
ryngées et  les  sécrétions  des  amygdales  et  du  pharynx. 
2°  Sulfurées  calciques  :  Enghien,  Allevard,  Cambo,  Cau- 
valat-lès-Le-Vigan ,  Digne,  Guillon,  Montmirail,  Euzet, 
Viterbe,  Pierrefonds,  Puzzichello,  Castera-Verduzon,  etc. 
Ces  eaux,  moins  riches  en  chlorure  de  sodium  que  les  sul- 
furées sodiques,  renferment  en  même  temps  du  sulfure  de 
sodium,  parfois  en  quantité  presque  égale  au  sulfure  de 
calcium  (Eaux-Bonnes,  Saint-Gervais) .  Elles  rendent  de 
grands  services  chez  les  personnes  débiles,  lymphatiques, 


217  — 


EAU 


scrofiileuses,  avec  manifestations  sur  la  peau  et  les  mu- 
queuses, dans  les  maladies  des  voies  respiratoires  et  cuta- 
nées. On  appelle  eaux  sulfureuses  accidentelles  des  eaux 
généralement  sulfatées,  oligométallites  ou  amétallites,  qui 
se  décomposent  à  l'air  avec  production  d'hydrogène  sulturé. 
Elles  diminuent  l'expectoration,  augmentent  souvent  la 
sécrétion  intestinale,  la  diurèse,  d'où  leur  utilité  dans  la 
gravelle,  excitent  les  fonctions  génitales  et  provoquent  par- 
fois des  éruptions  variées. 

Eaux  chlorurées.  1«  Chlorurées  sodique s  :  Bade,  Bams 
(Vosges),  Balaruc,  Bourbon-rArchambault,  Bourbon - 
Lancy,  Bourbonne,  Châtel-Guyon,  Durkheim,  Hammam- 
Meskoutin,  Hombourg,  Isch^lschia,  Kreuznach,  Kissin- 
gen,  Niederbronn,  Nauheim,  Salins,  Salies,  Wiesbaden, 
Wildbad.  2°  Chlorurées  sodiques  bicarbonatées  :  La 
Bourboule,  Saint-Nectaire,  avec  arsenic  en  proportion 
notable.  3<>  Chlorurées  sodiques  sulfatées  :  Baden  (Argo- 
vie),  Brides,  Cheltenham,  Saint-Gervais,  etc.,  devenant 
quelquefois  sulfureuses  artificielles.  4«  Chlorurées  sodi- 
ques sulfurées  :  Uriage,  Aix-la-Chapelle,  Challes,  Grioulx. 
Les  eaux  chlorurées  sodiques  exercent  au  début  une  action 
excitante  sur  la  circulation,  augmentent  les  sécrétions, 
fluidifient  le  sang,  décongestionnent  les  viscères  abdo- 
minaux et  le  cerveau,  etc.  ;  elles  possèdent  une  action  spé- 
cifique sur  la  scrofule  :  lésions  osseuses ,  altérations  des 
tissus,  glandes,  fistules,  tumeurs  blanches  ;  elles  sont  très 
utiles  dans  le  rhumatisme  et  les  névroses  des  scrofuleux, 
dans  les  affections  chirurgicales,  suites  de  fractures,  luxa- 
tions, entorses,  etc.,  dans  les  hémiplégies,  certaines  der- 
matoses, etc.  ;  les  bicarbonatées  sont  précieuses  contre  la 
dyspepsie. 

Eaux  bicarbonatées.  Les  eaux  minérales  de  cette  classe 
sont  surtout  caractérisées  par  la  présence  d'un  sel  alcalin, 
bicarbonate  de  soude,  carbonate  de  chaux  ou  bicarbonate 
de  magnésie;  l'acide  carbonique  qu'elles  renferment  en 
excès  s'échappe  dès  que  la  pression  diminue,  et  les  bicar- 
bonates se  transforment  en  carbonates  neutres;  ceux-ci, 
ainsi  que  les  autres  sels  tenus  en  dissolution  à  la  faveur 
de  l'acide  carbonique,  se  déposent.  Ces  eaux  peuvent  con- 
tenir, outre  les  carbonates,  des  sulfates,  des  chlorures,  des 
phosphates,  puis  de  la  chaux,  de  la  magnésie,  du  fer,  de 
l'arsenic  et  de  lalithine.  En  général,  dans  l'économie,  les 
eaux  bicarbonatées  neutralisent  les  acides  en  excès,  modi- 
fient les  sécrétions  gastro-intestinales,  fluidifient  la  bile,  etc. 
L'action  spéciale  est  déterminée  par  la  base.  1°  Bicarbo- 
natées sodiques  :  Chaudes-Aiguës,  Hauterive,  La  Chal- 
dette.  Le  Boulou,  Salzbrunn,  Soulzmatt,  Vais,  Vichy. 
Ces  eaux  sont  altérantes,  résolutives,  reconstituantes  et 
hyposthénisantes  ;  elles  sont  utiles  dans  les  engorgements 
des  viscères  sous-diaphragmatiques,  la  dyspepsie  acide,  la 
gastralgie,  la  goutte,  le  rhumatisme  et  les  diverses  mani- 
festations de  l'arthritisme,  l'entérite  et  la  colite  chroniques, 
les  coliques  néphrétiques  et  hépatiques,  la  gravelle.  2«  Bi- 
carbonatées calciques  :  Aix-en-Provence,  Alet,  CondiUac, 
Neuhaus,  Fougues,  Saint-Galmier,  Saxon,  etc.,  et  l'on 
pourrrait  y  ranger  bon  nombre  d'eaux  oligométalliques. 
Ces  eaux,  peu  minéralisées,  sont  diurétiques  et  quelquefois 
laxatives,  sédatives,  réparatrices  ;  celles  qui  contiennent 
du  fer  sont  franchement  reconstituantes  (Alet,  Foncaude, 
Fougues).  3*'  Bicarbonatées  mixtes  :  Châteauneuf,  Celles, 
Castellammare,  Brucknau,  Mont-Dore,  Fontgibaud,  Renai- 
son,  Saint-Alban,  Saint-xMyon,  Sail-sous-Couzan,  Rouzat,  La 
Malou,  etc.,  et  de  plus  on  pourrait  y  placer  un  certain 
nombre  d'eaux  oligométalliques.  Ces  eaux  n'ont  pas  le 
caractère  excitant  des  bicarbonatées  sodiques  ;  elles  ren- 
ferment des  sels  de  chaux,  de  potasse,  de  magnésie,  quelque- 
fois du  sulfate  de  soude,  du  chlorure  de  magnésium,  du 
fer,  etc.  Elles  sont  reconstituantes,  antirhumatismales, 
parfois  laxatives.  4«  Bicarbonatées  chlorurées:  Ems, 
Royat,  Saint-Nectaire,  etc.,  et  d'autres  qui  peuvent  être 
rangées  également  dans  le  groupe  précédent.  Le  bicarbo- 
nate prédomine  ;  les  bases  sont  la  soude,  la  potasse,  la 
chaux,  la  lithine.  Dans  ces  eaux,  Faction  fluidifiante  est 


contre-balancée  par  l'action  du  chlorure  de  sodium  et  celle 
du  fer,  qui  sont  des  réparateurs  par  excellence;  elles  ren- 
ferment en  outre  de  l'arsenic.  5«  Bicarbonatées  sulfatées 
di/orziré?^s;Châtel-Guyon,Carlsbad,Jeuzat,Marienbad,etc. 
Nous  retrouvons  dans  ce  groupe  l'eau  carbo-gazeuse  de 
Carlsbad.  A  un  autre  point  de  vue,  Rotureau  en  rapproche 
l'eau  de  Saint-Nectaire,  que  nous  avons  placée  dans  le 
groupe  précédent. 

Eaux  sulfatées.  4«  Sulfatées  sodiques  et  sulfatées 
magnésiennes  .-Marienbad,  Epsom,Miers,  Friedrichshall, 
Montmirail,  Sedlitz ,  Seidschiitz ,  Birmenstorf,  Fullna. 
Ce  sont  des  eaux  purgatives.  2^^  Sulfatées  calciques  : 
Bagnères-de-Bigorre,  Audinac,  Aulus,  Capvern,  Cambo, 
Encausse,  Saint-Amand,  etc.  Ces  eaux  sont  laxatives  et,  à 
haute  dose,  purgatives  ;  elles  possèdent  en  outre  des  pro- 
priétés sédatives;  quelques-unes  appartiennent  en  même 
temps  à  la  classe  suivante. 

Eaux  ferrugineuses.  Très  nombreuses  ;  nous  n'en  indi- 
querons que  les  principales  :  Auteuil,  Barbotan,  Bussang, 
Cransac,  Capvern,  Cusset,  Châteldon,  Cambo,  Châtel- 
Guyon,  Egger,  Franzensbad,  Forges-les-Eaux,  Hambourg, 
La  Malou,  Luxeuil,  Marienbad,  Meyrac,  Orezza,  Oriol, 
Fassy,  Frovins,  Fyrmont,  Fougues, Ripervillé,  Rippoldsau, 
Royat,  Saint-Fardoux,  Saint-Nectaire,  Schwalbach,  Spa, 
Sulzbach,  Sylvanes,  Versailles,  Vic-sur-Cère,  Vichy,  etc. 
Un  grand  nombre  d'eaux  des  autres  classes  doivent  figurer 
nécessairement  dans  celle-ci.  Ces  eaux  renferment  le  fera 
l'état  de  protoxyde  combiné  à  l'acide  carbonique,  à  l'acide 
sulfurique,  à  l'acide  crénique  ou  apocrénique;  le  plus  sou- 
vent il  s'y  trouve  à  l'état  de  carbonate  tenu  en  solution  à 
la  faveur  de  l'acide  carbonique;  quelquefois  aussi  on  y 
rencontre  du  manganèse,  de  l'arsenic,  etc.  Les  eaux  fer- 
rugineuses excitent  l'appétit,  mais  en  général  constipent  ; 
elfes  sont  sédatives,  reconstituantes,  éminemment  utiles 
dans  la  chloro-anémie,  l'anémie  traumatique,  Fatonie  géné- 
rale et  gastro-intestinale,  celle  des  organes  génito-uri- 
naires  (catarrhe  vésical,  leucorrhée,  dysménorrhée),  les 
diarrhées  chroniques,  la  dysenterie,  la  stérilité  par  atonie 
ou  acidité,  etc.,  dans  les  affections  nerveuses,  l'hypocon- 
drie, les  fièvres  intermittentes  et  les  engorgements  viscé- 
raux, et  dans  tous  les  états  de  misère  physiologique.  Elles 
sont  contre-indiquées  par  la  pléthore,  la  tendance  aux  con- 
gestions ou  à  l'apoplexie,  le  cancer  des  voies  digestives  ou 
urinaires. 

Eaux  oligométalliques  ou  amétallites  :  Néris,  Flom- 
bières,  Luxeuil,  Chaudesaigues,  Saint-Laurent,  Aix-en- 
Frovence,  Ussat,  Dax,  Schlangenbad,  Gastein,  Ffeffers, 
Mont-Dore,  Evaux,  Saint-Christau ,  Bagnols-de-FOrne , 
Acqui,  Evian.  Ces  eaux  sont  faiblement  minérahsées.  Celles 
de  Mont-Dore  et  de  Flombières  contiennent  un  peu  d'arse- 
nic; une  des  sources  de  Saint-Christau,  un  peu  de  sulfate 
de  cuivre.  Quelques-unes  sont  hyperthermales  (Chaude- 
saigues, 88«;  Flombières,  40  à  7Ô«;  Néris,  52«),  d'autres 
thermales  (Aix,  20  à  36°;  Ussat,  31  à  36«),  ou  froides 
(Evian,  W);  parfois  elles  produisent  des  éruptions  (gqle 
de  Flombières).  On  les  emploie  en  boisson  et  surtout  en 
bains.  Ces  eaux  sont  équilibrantes,  sédatives,  reconsti- 
tuantes ;  elles  sont  très  utiles  dans  l'éréthisme  nerveux  et 
les  états  dépressifs.  Elles  rendent  de  grands  services  dans 
les  névralgies  des  organes  sous-diaphragmatiques,  dans 
les  maladies  nerveuses  chroniques,  la  névropathie,  l'hys- 
térie, l'hypocondrie  avec  dyspepsie  flatulente,  l'éréthisme 
avec  chloro-anémie,  les  douleurs  rhumatismales  chroniques, 
surtout  localisées,  la  dyspnée  et  le  catarrhe  des  vieillards, 
les  affections  cutanées  chroniques.  En  général,  elles  sont 
un  peu  laxatives  ;  Evian  constipe. 

Eaux  minérales  transportées.  Les  eaux^  minérales 
transportées  perdent  toujours  une  grande  partie  de  leurs 
propriétés;  celles  qui  supportent  le  mieux  le  transport 
sont  les  eaux  froides  non  gazeuses  (Alet,  Evian,  etc.)  ;  les 
sources  froides  de  Vichy  et  de  Vais  supportent  mieux  le 
transport  que  les  sources  thermales  (Hôpital,  Grande-Grille, 
de  Vichy,  par  exemple)  ;  la  même  remarque  s'applique  aux 


EAU 


—  218  — 


eaux  bicarbonatées  polymétallites  ainsi  qu'aux  eaux  chlo- 
rurées sodiques  pures  et  fortes  ;  souvent,  par  le  transport, 
les  eaux  acquièrent  par  décomposition  de  quelqu'un  de 
leurs  éléments  une  odeur  et  un  goût  désagréables,  d'hy- 
drogène sulfuré  par  exemple  (Bourbon-l'Archambault,  etc.)  ; 
les  eaux  de  Salies-de-Béarn  s'exportent  bien.  Les  eaux 
sulfatées  fortes  étant  toutes  froides  et  à  peine  gazeuses 
sont  aisément  transportabies  (Sedlitz,  Pullna,  Hunyadi 
Jànos,  etc.).  Nous  n'insisterons  pas.  Quant  à  la  cause  de 
cette  altération  des  eaux  transportées,  elle  n'est  pas  connue; 
on  peut  supposer  qu'il  y  a  un  dérangement  des  molé- 
cules intimes  coïncidant  avec  la  perte  de  leur  température 
native.  C'est  tout  ce  qu'on  peut  dire  dans  l'état  actuel  do  la 
science.  D^  L.  Hn. 

II.  Chimie  industrielle.— Par  suite  de  leur  prix  rela- 
tivement élevé  ou  dans  un  but  de  lucre  de  la  part  de 
négociants  peu  scrupuleux,  on  a  de  tout  temps  cherché 
à  imiter  les  eaux  minérales  naturelles  ;  mais,  malgré  l'ha- 
bileté apportée  à  cette  imitation,  l'analyse  chimique  per- 
met toujours  de  la  déceler.  Il  ne  faudrait  cependant 
pas  conclure  à  une  falsification  quand,  à  l'analyse,  une 
eau  ne  répond  pas  à  sa  composition  normale,  car  les  eaux 
minérales,  surtout  les  eaux  gazeuses  et  ferrugineuses,  con- 
servées un  certain  temps  en  bouteille,  perdent  leur  gaz  car- 
bonique, et  une  partie  des  éléments  dissous  se  dépose  ; 
aussi  doit-on  toujours  examiner  avec  soin  le  dépôt  formé 
dans  les  bouteilles.  Nous  donnons  ci-dessous  les  formules 
générales  proposées  par  Soubeyran  pour  la  fabrication  des 
eaux  minérales  artificielles  : 

Eau  acidulé  gazeuse,  imitation  des  eauxdeRenaison^ 
Saint-Galmier,  etc, 

gr. 
Chlorure  de  calcium 0,33 

—  de  magnésium 0,27 

—  de  sodium 1,10 

Carbonate  de  soude  cristallisé 0,90 

Eau  gazeuse 650,00 

Eau  alcaline  gazeuse  (Vais,  Vichy) 


gr. 
3,12 
0,23 
0,35 
0,08 
Eau  gazeuse 650,00 


Carbonate  de  soude.. 
Carbonate  de  potasse . 
Sulfate  de  magnésie. 
Chlorure  de  sodium . . 


Eau  ferrugineuse 


Tartrate  ferrico-potassique. 
Eau  gazeuse 


gr. 

0,15 
650,00 


Eaux  lithinées.  Les  eaux  lithinées  se  préparent  avec 
le  carbonate  de  lithine  en  présence  des  carbonates  de  soude 
et  de  potasse  ;  les  quantités  à  employer  sont  variables  et 
doivent  être  formulées  par  le  médecin. 


Eaux  purgatives  de  Sedlitz 


gr. 


Sulfate  de  magnésie 30 

Eau  gazeuse 650 

Ces  eaux  se  préparent  facilement  à  l'aide  du  gazogène 
Briet  (V.  Eau  gazeuse).  Les  imitations  que  l'on  rencontre 
fréquemment  dans  le  commerce  sont  celles  de  Vais,  de 
Vichy  et  les  eaux  purgatives.  Ch.  Girard. 

III.  Droit  administratif.  —  Le  commerce  des  eaux 
minérales,  pouvant  donner  lieu  à  des  fraudes  et  à  des 
abus ,  devait  fatalement  être  réglementé.  Cette  régle- 
mentation fut  l'objet  d'édits  royaux,  rendus  par  Henri  IV, 
Louis  XIV,  Louis  XV  et  Louis  XVI.  Le  Béarnais  qui,  né 
dans  les  Pyrénées,  avait  bu  de  leurs  eaux  bienfaisantes, 
nomma  par  lettres  patentes  de  mai  1603  des  surin- 
tendants chargés  d'inspecter  les  établissements  thermaux. 
Certains  de  ces  établissements  reçurent  une  législation 
spéciale.  C'est  ainsi  qu'un  arrêt  du  conseil  du  roi,^  en  date 
du  6  mai  1732,  remis  en  vigueur  par  le  décret  du 


30  prairial  an  XII,  vint  imposer  des  servitudes  et  de  véri- 
tables prohibitions  aux  propriétaires  des  sources  de  Ba- 
règes.  Vers  la  fin  du  xvni®  siècle,  les  décisions  adminis- 
tratives se  succèdent  à  de  brefs  intervalles.  Un  arrêt  du 
conseil  de  1772  crée  une  commission  de  médecins  chargée 
de  la  distribution  des  eaux  minérales.  A  cet  effet  sont 
établis  des  bureaux  de  distribution.  D'autres  arrêts, 
datés  des  1^^  avr.  1774  et  12  mai  1775,  prescrivent 
l'examen  des  eaux  dans  ces  bureaux.  Un  autre ,  portant 
la  date  du  5  mai  1781,  est  relatif  à  leur  fonctionnement, 
à  la  conservation  des  sources,  à  la  découverte  des  eaux, 
à  leur  analyse,  à  leur  adjudication,  à  leur  puisement,  à 
leur  transport  et  à  leur  recensement.  Depuis  1789,  les 
mesures  administratives  prises  en  vue  de  réglementer 
l'usage  des  eaux  thermales  ont  été  plus  nombreuses  encore 
que  dans  l'ancien  droit.  Il  nous  suffira  de  citer  un  décret 
du  23  vendémiaire  an  VI  (14  oct.  1797),  qui  chargea  les 
municipalités  de  leur  surveillance  et  accorda  aux  indi- 
gents leur  usage  gratuit  ;  l'arrêté  du  Directoire,  qui,  à 
la  date  du  29  floréal  an  VII  (18  mai  1799),  renouvela 
les  prescriptions  de  l'arrêt  du  5  mai  1781;  l'arrêté  des 
consuls  du  3  floréal  an  VIII  (23  avril  1800),  relatif  à  la 
location  et  à  l'administration  des  établissements  ther- 
maux; leur  arrêté  du  6  nivôse  an  XI  (27  déc.  1802),  com- 
plétant le  précédent;  les  décrets  impériaux  des  12  juin  et 
22  nov.  1811,  concernant  les  eaux  de  Plombières,  de  Bour- 
bonne  et  d'Aix-la-Chapelle;  l'ordonnance  royale  des  18  juin 
et  7  juil.  1823,  l'un  des  textes  fondamentaux  en  la  matière  ; 
le  décret  du  8  mars  1848  ;  la  loi  des  14-22  juil.  1856, 
qui  a  complété  et  réformé  l'ordonnance  de  1823  sur  plu- 
sieurs points,  les  décrets  des  8-20  sept.  1856  et  des 
28  janv.  et  13  févr.  1860  ;  la  loi  des  12-13  févr.  1883,  com- 
plétant celle  de  1856,  et  le  décret  des  11-15  avr.  1888, 
modifiant  celui  de  1856. 

De  l'ensemble  de  ces  documents  résulte  la  législation 
actuelle.  Elle  a  profondément  modifié  les  principes  du 
droit  civil  apphcables  à  la  question.  Le  propriétaire  du 
sol  peut,  en  règle  générale,  disposer  comme  il  lui  plaît  de 
tous  les  produits  de  ce  sol  et  notamment  des  eaux  qui  en 
jaiUissent,  à  la  condition  de  n'apporter  aucune  entrave  à 
l'exercice  des  servitudes  acquises  par  ses  voisins.  C'est  là 
le  jus  abutendi  que  donne  la  propriété  entière  d'une  chose. 
Mais  telle  est  l'importance  des  eaux  minérales  que  le  pos- 
sesseur le  plus  légitime  et  le  moins  contesté  d'une  des 
sources  dont  elles  découlent  ne  saurait  les  vendre,  ni 
même  les  donner  comme  il  l'entend.  Tout  d'abord,  il  doit, 
pour  «  livrer  ou  administrer  au  public  des  eaux  minérales 
naturelles  ou  artificielles  »,  demander  au  ministère  de 
l'intérieur  une  autorisation  préalable,  qui  est  délivrée 
«  sur  l'avis  des  autorités  locales,  accompagné,  pour  les 
eaux  minérales  naturelles,  de  leur  analyse,  et,  pour  les  eaux 
minérales  artificielles,  des  formules  de  leur  préparation 
(art.  l^''  de  l'ordonnance  du  7  juil.  1823)  ».  Cette  auto- 
risation peut  être  révoquée  «  en  cas  de  résistance  aux 
règles  prescrites  par  la  présente  ordonnance  ou  d'abus  qui 
seraient  de  nature  à  compromettre  la  santé  publique  ». 

Tout  établissement  d'eau  minérale  est,  en  outre,  sou- 
mis à  une  inspection  réglementée  par  l'ordonnance  de 
1823,  la  loi  de  1856,  le  décretdel860  et  la  loi  de  1883. 
Autorisation  et  inspection  sont  évidemment  requises  dans 
l'intérêt  de  la  santé  publique.  Aussi  les  inspecteurs  sont- 
ils  pris  exclusivement  parmi  les  docteurs  en  médecine 
(art.  3  de  l'ordonnance).  Quoique  leurs  fonctions  soient 
entièrement  gratuites  (loi  du  13  févr.  1883,  art.  1^^),  ils  ne 
peuvent  exiger  aucune  rétribution  des  malades  auxquels  ils 
ne  donnent  pas  de  conseils  ou  de  soins.  Ils  doivent,  en 
outre,  leur  assistance  aux  indigents  «  admis  à  faire  usage 
des  eaux  minérales  (décr.  du  28  janv.  1860,  art.  8)  ».  Les 
établissements  thermaux  sont,  de  plus,  soumis  à  la  sur- 
veillance des  ingénieurs  des  mines  (décr.  de  1860,  art.  13); 
il  en  est  de  même  de  la  recherche,  de  la  conservation  et 
de  l'aménagement  des  sources  (circulaire  du  ministre  de 
l'agriculture  du  15  oct.  1855  — D.  P.,  1856,  III,  p.  42). 


—  219  — 


EAU 


Un  arrêté  ministériel  de  juin  1889  a  supprimé  les  postes 
d'inspecteurs  de  Cauterets,  d'Eaux-Bonnes  et  de  la  plupart 
des  stations  importantes.  La  surveillance  de  ces  établisse- 
ments balnéaires  n'appartient  donc  plus  qu'aux  ingénieurs 
des  mines.  Cette  mesure  a  soulevé  de  nombreuses  récla- 
mations. Sans  examiner  leur  bien  fondé,  nous  croyons  de 
notre  devoir  de  contester  la  valeur  juridique  d'une  décision 
ministérielle  modifiant  trois  textes  législatifs,  l'ordonnance 
del823,laloidel8r)6,laloidel883,etledécretdel860. 

Si  le  propriétaire  d'un  établissement  thermal  veut  lui 
donner  l'importance  résultant  d'une  déclaration  d'intérêt 
public,  il  doit  en  adresser  la  demande  au  préfet  de  son  dé- 
partement dans  les  formes  prescrites  par  le  décret  des  8  et 
20  sept.  1836,  art.  1,  2  et  9.  Il  est  statué  sur  cette  de- 
mande, conformément  aux  art.  3  et  8  inclus,  par  un  dé- 
cret délibéré  en  conseil  d'Etat. 

Le  principal  efiet  de  la  déclaration  d'intérêt  public  d'un 
établissement  est  de  lui  assurer  un  «  périmètre  de  protec- 
tion ».  Sur  une  étendue  déterminée  du  sol  qui  entoure  la 
source,  il  est  interdit  aux  propriétaires  du  terrain  de  faire 
sans  autorisation  aucun  sondage  ou  travail  souterram 
(art.  3  delà  loi  des  14-22  juil.  1856).  C'est  là  encore  une 
atteinte  grave  au  droit  de  propriété,  qui  comporte  l'usage, 
même  abusif,  du  sol  et  du  sous-sol.  Elle  a  été  nécessitée  par 
des  dommages  causés  à  des  sources  déjà  mises  en  exploi- 
tation, notamment  à  Vichy  et  à  Cauterets.  Les  formalités 
à  remplir  pour  obtenir  la  fixation  du  périmètre  de  protec- 
tion sont  prescrites  par  le  titre  2  du  décret  de  1856 
(art.  10  à  13). Pour  avoir  le  droit  d'exécuter  des  travaux 
dans  le  sol  du  périmètre,  il  faut  se  conformer  à  celles  du 
titre  III. 

Une  dérogation,  peut-être  plus  excessive,  aux  prmcipes 
du  droit  civil  consiste  dans  la  faculté  donnée  par  l'art.  7  de 
la  loi  des  14-22  juil.  1856  au  propriétaire  d'une  source 
déclarée  d'intérêt  public,  de  faire  dans  les  terrains  d'au- 
trui  (à  l'exception  des  maisons  d'habitation  et  des  cours 
attenantes)  «  tous  les  travaux  de  captage  et  d'aménagement 
nécessaires  pour  la  conservation,  la  conduite  et  la  distribu- 
tion de  cette  source,  lorsque  ces  travaux  ont  été  auto- 
risés par  un  arrêté  du  ministre  de  l'agriculture  ».  Ces 
servitudes  si  rigoureuses  ne  donnent  droit  à  aucune  in- 
demnité ;  elles  sont  d'utilité  publique  et  comme  telles  doivent 
être  subies  sans  dédommagement  (V.  Proudhon,  Domaine 
/}w6/ic,  1. 1,  n°  832,871;  ùemohmbe.  Servitudes,  i-^0^; 
Dalloz,  Répertoire,  Servitudes,  n«  398  ;  idem,  Supplé- 
ment, Eaux  minérales,  n°  29). 

En  pratique,  cependant,  elles  causent  des  préjudices  dont 
il  est  dû  réparation.  La  loi  de  1856  elle-même  en  a  prévu 
quelques-uns.  Elle  accorde  indemnité  :  1«  lorsque  des  tra- 
vaux, entrepris  dans  le  périmètre  de  protection  avec  une 
autorisation  préfectorale,  viennent  à  être  interdits  par  le 
préfet,  sur  la  demande  du  propriétaire  de  la  source  (art.  4); 
2^*  lorsque  des  travaux,  commencés  en  dehors  du  périmètre, 
sont  interrompus  par  l'extension  de  ce  périmètre,  en  vertu 
de  l'art.  5  de  la  loi  de  1856;  3^^  lorsque  le  propriétaire 
d'une  source  exécute  sur  le  terrain  d'autrui  des  travaux 
de  captage  et  d'aménagement  (art.  7).  Dans  tous  les  cas, 
les  dommages  sont  à  la  charge  de  ce  propriétaire,  et  les  in- 
demnités réglées  à  l'amiable  ou  devant  les  tribunaux 
(art.  10)  dans  les  limites  fixées  par  l'art.  10,  §  2. 
«  Lorsque  l'occupation  d'un  terrain  compris  dans  le  péri- 
mètre prive  le  propriétaire  de  la  jouissance  du  revenu  au 
delà  du  temps  d'une  année  ou  lorsque,  après  les  travaux, 
le  terrain  n'est  plus  propre  à  l'usage  auquel  il  était  em- 
ployé, le  propriétaire  dudit  terrain  peut  exiger  du  proprié- 
taire de  la  source  l'acquisition  du  terrain  occupé  ou  déna- 
turé. Dans  ce  cas,  l'indemnité  est  réglée  par  la  loi^  du 
3  mai  1841  (sur  les  expropriations).  Dans  aucun  cas,  l'ex- 
propriation ne  peut  être  provoquée  par  le  propriétaire  de 
la  source  (art.  9).  »  Si  une  source  d'intérêt  public  «  est 
exploitée  d'une  manière  qui  en  compromette  la  conserva- 
tion, ou  si  l'exploitation  ne  satisfait  pas  aux  besoins  de  la 
santé  publique  »,  un  décret,  rendu  en  conseil  d'Etat,  peut 


autoriser  l'expropriation  de  la  source  dans  les  formes  de 
la  loi  du  3  mai  1841  (art.  12).  Les  infractions  aux  dispo- 
sitions qui  précèdent  sont  réprimées  par  l'art.  13,  qui  les 
frappe  d'une  amende  de  50  à  500  fr.  Elles  sont  consta- 
tées «  concurremment  par  les  officiers  de  police  judi- 
ciaire, les  ingénieurs  des  mines  et  les  agents  sous  leurs 
ordres  ayant  droit  de  verbaliser  (art.  15)  ».  Des  servitudes 
spéciales  ont,  en  outre,  été  établies  au  profit  de  plusieurs 
établissements  thermaux.  Nous  avons  déjà  cité  à  cet  égard 
l'arrêt  du  6  mai  1732  relatif  à  Barèges.  Il  en  est  de  plus 
anciens,  qui  concernent  les  bains  de  Balaruc  (arrêts  des 
29  janv.  etl4déc.l715  etll  mars  1783),  de  plus  récents, 
intervenus  en  faveur  du  Mont-Dore,  les  13  mars  1810 
et  18  mai  1813. 

Aux  termes  du  décret  des  28  janv.,  13  févr.  1860 
(art.  15),  «  l'usage  des  eaux  n'est  subordonné  à  aucune 
permission  ni  aucune  ordonnance  de  médecin  ».  Il  n'en 
est  pas  de  même  de  leur  exportation;  l'art.  16  de  l'or- 
donnance des  18  juin  et  7  juil.  1823  porte  :  «  Une  peut 
être  fait  d'expédition  d'eaux  minérales  naturelles  hors  de 
la  commune  où  elles  sont  puisées  que  sous  la  surveillance 
de  l'inspecteur.  Les  envois  doivent  être  accompagnés  d'un 
certificat  d'origine,  par  lui  délivré,  constatant  les  quantités 
expédiées,  la  'date  de  l'expédition  et  la  manière  dont  les 
vases  et  bouteilles  ont  été  scellés  au  moment  même  où 
l'eau  a  été  puisée  à  la  source  ».  Et  l'art.  17  ordonne  aux 
inspecteurs  de  vérifier,  à  l'arrivée  des  bouteilles  d'eau  à 
leur  destination,  si  «  les  précautions  prescrites  (par  l'art, 
précédent)  ont  été  observées  »,  et  si  elles  peuvent  être 
livrées  au  public.  Les  mêmes  mesures  sont  requises  par 
l'ordonnance  pour  les  eaux  minérales  artificielles.  En  ce 
qui  concerne  ces  dernières,  des  formalités  spéciales  ont 
été  inscrites  dans  ce  document  législatif.  L'art.  13  exige 
des  fabricants  certaines  garanties  de  capacité.  L'art.  14 
les  oblige  à  se  conformer  strictement  dans  leurs  prépara- 
tions aux  formules  approuvées  par  le  ministre  de  l'inté- 
rieur, à  moins  que  d'autres  ne  leur  aient  été  délivrées  par 
des  docteurs  en  médecine.  L'art.  J  5  place  les  dépôts  d'eau 
minérale  naturelle  ou  artificielle  autres  que  les  pharma- 
cies sous  l'application  des  mêmes  règles.  Il  reconnaît,  tou- 
tefois, le  droit  qu'a  «  tout  particulier  de  faire  venir  des 
eaux  minérales  pour  son  usage  et  celui  de  sa  famille  ». 

Les  infractions  à  l'ordonnance  de  1823  sont  punies  des, 
peines  de  simple  police  édictées  par  l'art.  471,  §  15  du 
C.  pén.  (Cass.  cr.  rejet,  22  juil.  1875,  D.  P.,  1876,  I, 
p.  190).  Une  pénalité  spéciale  et  toujours  en  vigueur  est 
prononcée  par  un  arrêt  du  conseil  du  5  mai  1781,  qui 
rend  passible  de  1,000  fr.  d'amende  quiconque  aura,  sans 
permission,  fait  le  commerce  d'eaux  minérales  achetées  aux 
sources.  Application  de  cet  arrêt  a  été  faite,  le  16  fév.  1884, 
par  la  cour  d'Amiens  (D.  P.,  1884,  II,  p.  230).  A.  Berlet. 

BiBL.  ;  Physiologie  et  Thérapeutique.  —  Dict.  ency' 
clop.  se.  médic,  Dict.de  thérap.  de  Dujardin-Beaumetz, 
et   les   traités   de  Duraxd-Fardel,  etc. 

EAU  OXYGÉNÉE  (Chim.).  Form.  jg^"^;  '  *  *  *  '  ;  {{'JJ^ 

L'eau  oxygénée  a  été  découverte  en  1818  par  Thénard, 
en  attaquant' par  les  acides  le  bioxyde  de  baryum.  Elle  a 
été  étudiée  par  un  grand  nombre  de  chimistes,  notamment 
par  Schœnbein,  Brodie,  Carius,  Houzeau,  Weltien,  et 
surtout  par  M.  Berthelot,  qui  l'a  soumise  à  un  examen 
approfondi.  Elle  est  formée  de  volumes  égaux  d'oxygène  et 
d'hydrogène  :  c'est  le  corps  le  plus  riche  en  oxygène  que 
l'on  connaisse. 

On  la  prépare  en  traitant  l'acide  chlorhydrique  par  le 
bioxyde  de  baryum  délayé  dans  de  l'eau;  en  agitant 
constamment,  le  peroxyde  se  dissout,  et  l'eaufoxygénée 
prend  naissance,  mélangée  à  un  grand  excès  d'eau,  d'après 
l'équation  suivante  : 

2Ba02  +  2HC1  =  2BaCl  +  H^O^. 
On  précipite  le  chlorure  métallique  par  un  très  léger  excès 
d'acide  sulfurique,  et  on  ajoute  peu  à  peu  une  nouvelle 
quantité  de  peroxyde,  ce  qui  fournit  une  quantité  d'eau 


EAU 


—  220  - 


oxygénée  égale  à  la  première  ;  en  répétant  trois  autres  fois 
cette  opération,  on  obtient  un  liquide  de  plus   en  plus 
chargé.  Finalement,    on  précipite  le  baryum  par  l'acide 
sulfurique,  ce  qui  régénère  l'acide  chlorhydrique  ;  on  en- 
lève ce  dernier  par  le  sulfate  d'argent,  ce  qui  donne  de 
l'acide  sulfurique,  qu'on  précipite  par  de  l'eau  de  baryte. 
Le  liquide  est  alors  seulement  formé  d'eau   ordinaire  et 
d'eau  oxygénée.  On  l'obtient  industriellement  en  faisant 
réagir,  à  basse  température,  l'acide  chlorhydrique  étendu 
sur  du  bioxyde  de  baryum  délayé  dans  de  l'eau  ;  le  liquide 
contient  ordinairement  dix  à  douze  fois  son  volume  d'oxygène 
et  renferme  de  l'acide  chlorhydrique  libre  qui  ne  nuit  pas, 
en  général,  à  son  emploi  et  rend  sa  conservation  plus  facile. 
L'eau  oxygénée  est  un  liquide  neutre,  incolore,  insipide, 
inodore,  ayant  pour  densité  1 ,452  ;  elle  traverse  l'eau  à  la 
manière  d'un  sirop,  bien  qu'elle  y  soit  soluble  en  toutes 
proportions  ;  elle  reste  encore  liquide  à  —  30"  ;  elle  est  plus 
soluble  dans  l'alcool  que  dans  l'éther.  Elle  décolore  beau- 
coup de  matières  organiques,  attaque  l'épiderme  et  le 
blanchit.  Soumise  à  l'action  de  la  chaleur,  elle  commence 
à  se  décomposer  vers  45<^  ;  mais,  si  elle  est  étendue  de  douze 
à  quinze  fois  son  volume  d'eau,  la  décomposition  résiste 
jusqu'à  oO°;   les  acides  lui  donnent  de  la  stabilité;  les 
alcalis  facilitent  au  contraire  sa  décomposition  ;  on  peut  la 
distiller  dans  le  vide  à  basse  température.  Plusieurs  corps 
la  décomposent,  même  à  froid  :  l'oxyde  d'argent,  plusieurs 
oxydes  et  métaux  lourds,  la  fibrine  du  sang,  etc.  D'après 
M.  Berthelot,  avec  l'oxyde  d'argent,  le  volume  d'oxygène 
dégagé  est  égal  à  celui  qu'elle  peut  fournir  pour  se  trans- 
former en  eau  ordinaire,  bien  que  l'oxyde  soit  lui-même 
décomposé,  d'où  résulte  de  l'argent  métallique  et  du  peroxyde 
d'argent  :  3AgO=:Ag-f  Ag^O^.  D'après  le  même  auteur, 
la  chaleur  absorbée  au  moment  de  sa  formation  est  égale 
à  10^^174,   et,  si  l'oxyde  d'argent  la  décompose,   c'est 
parce  que  le  système  peut  dégager  de  la  chaleur  avec 
formation  de  sesquioxyde  ou  peut-être  de  trioxyde  d'argent. 
Thénard  a  proposé  l'emploi  de  l'eau  oxygénée  pour  res- 
taurer les  anciens  tableaux  plus  ou  moins  altérés  par  la 
sulfuration  des  sels  de  plomb  ;  elle  a  servi  aux  chimistes  à 
obtenir  des  peroxydes  nouveaux  et  à  faire  quelques  syn- 
thèses organiques.  Actuellement,  elle  est  emplovée  dans 
l'industrie  comme  agent   décolorant  ;  on  l'applique  à  la 
décoloration  de  la  soie,  des  plumes  d'autruche,  des  fils  de 
"  lin,  des  cheveux  ;   dans  ce  dernier  cas,  les  cheveux  noirs 
sont  blanchis  et  on  peut  même  obtenir  toutes  les  nuances 
intermédiaires  avec  des  solutions  plus  ou  moins  étendues. 

Ed.  BOURGOIN. 

BiBL.  :  Barreswil,  Ann.  ch.  et  phys.,  1847,  t.  XX,  364. 
—  BoussiNGAULT,  id.,  1880,  t.  XIX,  464.  —  Berthelot, 
Rech.  sur  l'eau  oxygénée,  id.,  t.  XXI,  146,  153,  157,  164, 
172,  176,  181.  —  Brodie,  zd.,  1850,  t.  LXV,  59.  —  Favre  et 

SiLBERMANN,   id.,    1852,    t.    XXXVI,     22.    —    HOUZEAU,    id 

1868,  t.  XIV,  111,  305.  —  ScHŒNBEiN,  îd.,  t.  LVIIl,  4/9, 
484  ;  t.  LIX,  102.- Thénard,  id.,  1818,  t.  VIIÎ,  306;  t.  IX, 
55,  94;  t.  X,  114,  335;  t.  XI,  83,  208.  —  V^eltzien,  id., 
1860,  t.  LIX,  105. 

EAU  RÉGALE  (V.  Azotique  [Acide]). 

EAU  RÉsiDUAiRE  (Analyse).  La  composition  des  eaux 
résiduaires  varie  suivant  le  genre  d'industrie  d'où  elles 
proviennent  ;  c'est  ainsi  qu'aux  environs  des  centres  indus- 
triels, les  eaux  sont  souvent  chargées  de  pétrole,  d'huile 
minérale,  d'acides,  de  métaux,  cuivre,  zinc,  de  matières 
fécales,  de  matières  en  putréfaction,  etc.,  etc.,  décelés  fa- 
cilement par  les  procédés  suivants  d'analyse. 

Recherche  des  métaux  toxiques.  — ■  Recherche  et  do- 
sage du  cuivre.  Le  résidu  sec  d'un  certain  volume  d'eau 
acidulée  repris  par  l'eau  distillée  et  additionnée  d'ammo- 
niaque, donne  une  Hqueur  bleu  céleste  en  présence  du 
cuivre.  Pour  le  doser,  on  évapore  à  siccité  plusieurs  litres 
d'eau  acidulée  à  l'acide  chlorhydrique,  on  sépare  la  silice, 
comme  il  a  été  dit  (V.  Eau  [Analyse]),  et  on  précipite,  à 
tiède,  par  un  excès  de  gaz  sulfhydrique  ;  on  filtre  rapide- 
ment, on  lave  constamment  à  feau  chargée  d'hydrogène 
sulfuré  pour  éviter  les  pertes  par  sulfatisation,  et  on  sèche 
rapidement.  Le  précipité  est  mis  dans  un  creuset  de  porce- 


laine avec  un  peu  de  soufre  en  poudre  ;  on  y  joint  les 
cendres  du  filtre  et  on  chaufPe  fortement  au  rouge,  dans  un 
courant  d'hydrogène  ;  on  obtient  le  protosulfure  de  cuivre 
qui,  multiplié  par  0,7985,  donne  le  cuivre  métallique. 

(V^SX  0,7985  =  Cu. 
Le  dosage  à  l'état  d'oxyde  par  calcination  du  sulfure  au 
contact  de  l'air  n'est  pas  aussi  juste. 

Recherche  et  dosage  du  plomb.  Un  certain  volume 
d'eau  légèrement  acidifiée  à  l'acide  nitrique  est  évaporé  à 
sec;  on  reprend  par  l'eau,  on  filtre;  l'iodure  de  potassium 
donnera  dans  la  liqueur,  s'il  y  a  du  plomb,  un  précipité 
jaune  d'iodure  de  plomb.,  soluble  à  chaud  et  cristallisant 
en  lamelles  par  le  refroidissement.  Le  dosage  se  fait  sur 
2  litres  d'eau  ;  on  acidulé  à  l'acide  chlorhydrique  et  on 
évapore  à  siccité  ;  la  siUce  est  séparée  et  on  précipite  par 
l'hydrogène  sulfuré.  Il  se  précipite  du  sulfure  de  plomb 
que  l'on  filtre  ;  on  lave  à  l'eau  bouillante  et  on  convertit 
en  sulfate  par  l'acide  nitrique  ;  on  calcine  et  on  pèse.  Le 
multiplicateur  0,736  donne  l'oxyde  de  plomb  : 
PbO,S03x  0,736  =:PbO. 
Recherche  et  dosage  du  zinc.  Sur  plusieurs  htres  d'eau, 
on  sépare  la  sihce,  puis  on  ajoute  un  peu  d'ammoniaque  ; 
l'oxyde  de  fer  se  dépose  ;  on  fiUre;  dans  la  liqueur  on  pré- 
cipite le  zinc  par  le  sulfhydrate  d'ammoniaque  ;  on  jette 
sur  un  filtre  et  on  lave  à  l'eau  distillée  contenant  du 
sulfhydrate  d'ammoniaque.  Le  sulfure  est  ensuite  desséché 
et  placé  dans  un  creuset  de  porcelaine  pesé  d'avance  ;  on 
ajoute  les  cendres  du  filtre  ;  on  recouvre  le  tout  de  soufre 
en  poudre  ;  on  chauffe  d'abord  doucement,  puis  au  rouge 
vif,  dans  un  courant  lent  d'hydrogène  :  on  a  ainsi  le  sul- 
fure dont  le  poids,  multiplié  par  0',835,  donne  l'oxyde  : 

ZnSX  0,835  ==ZnO. 
On  peut  aussi  doser  à  l'état  d'oxyde  de  zinc  en  calcinant 
fortement  le  sulfure. 

Recherche  et  dosage  de  Varsenic  (V.  Arsenic,  t.  IIÏ, 
p.  4137).  Le  procédé  suivant  de  recherche  et  de  dosage  de 
l'arsenic  est  très  rigoureux  ;  on  l'emploie  fréquemment 
dans  les  analyses  d'eaux  minérales.  A  iO  litres  d'eau,  con- 
tenue dans  un  grand  flacon,  on  ajoute  de  l'acide  chlorhy- 
drique pur  jusqu'à  réaction  acide,  puis  environ  40  centim.  c. 
d'une  solution  à  30°  Baume  de  perehlorure  de  fer  ;  on  agite 
et  on  précipite  par  l'ammoniaque;  tout  l'arsenic  est  entraîné 
par  l'oxyde  de  fer  ;  on  laisse  déposer  le  précipité  ;  on  décante 
le  plus  possible  de  liquide  et  on  filtre.  Après  lavage,  le 
précipité  est  mis  dans  une  capsule  et  dissous  à  l'acide  sul- 
furique ;  cette  liqueur  est  essayée  à  l'appareil  de  Marsh. 
S'il  y  a  de  l'arsenic,  on  peut  le  doser  en  dissolvant  le  pré- 
cipité de  fer  dans  l'acide  chlorhydrique.  On  réduit  par  un 
courant  d'acide  sulfureux  ;  on  chasse  l'excès  de  ce  gaz  par 
la  chaleur  et  on  fait  passer  un  courant  d'hydrogène  sulfuré  ; 
il  se  précipite  du  sulfure  d'arsenic  que  l'on  transforme  par 
l'acide  azotique  en  acide  arsénique  ;  le  dosage  se  fait  en- 
suite à  l'état  d'arséniate  ammoniaco-magnésien. 

Recherche  des  infiltrations  de  fosses  d'aisance.  Er- 
nest Baudrimont  a  proposé  le  procédé  suivant  :  on  traite 
500  centim.  c.  par  200  centim.  c.  d'éther;  on  décante  ce 
dernier  dans  une  soucoupe  de  porcelaine  et  on  laisse  éva- 
porer à  l'air  libre  ;  les  matières  fécales  communiquent  au 
résidu  une  odeur  franche  de  scatol. 

Recherche  du  pétrole.  Les  puits  voisins  des  usines  de 
rectification  de  pétrole  sont  souvent  infectés  par  les  infil- 
trations de  ce  liquide.  Pour  rechercher  le  pétrole,  on 
soumet  un  litre  d'eau  à  la  distillation;  les  400  premiers 
centim.  c.  qui  passent  sont  agités  avec  50  centim.  c. 
d'éther.  On  décante  l'éther  et  on  l'abandonne  à  l'évaporation 
spontanée  à  l'air  hbre;  si  le  résidu  contient  du  pétrole,  on 
le  reconnaît  facilement  à  l'odeur  particulière  de  ce  carbure. 
Recherche  des  infiltrations  de  produits  d'usine  à 
gaz.  Les  eaux  souillées  par  les  produits  d'usine  à  gaz 
possèdent  une  od£ur  empyreumatique  et  contiennent  des 
sulfocyanures.  On  peut  se  rendre  compte  de  cette  altération 
comme  suit  :  le  résidu  de  200  centim.  c.  d'eau  est  repris  par 
un  peu  d'eau  distillée  et  deux  gouttes  d'acide  chlorhydrique 


—  2^1  — 


pur  ;  la  liqueur  filtrée  donnera  la  coloration  rouge  des  sul- 
focyanures  en  présence  de  perchlorure  de  fer. 

Recherche  du  tanin.  Le  tanin  se  rencontre  très 
rarement  dans  les  eaux  ;  cependant  on  a  quelquefois  à  le 
rechercher  lorsque  des  usines  d'extrait  de  bois  de  châtaignier 
ou  de  bois  de  teinture  rejettent  leurs  eaux  dans  une  rivière. 
Pour  le  caractériser,  on  évapore  à  petit  volume  un  litre 
d'eau  ;  on  filtre  ;  on  s'assure  que  la  liqueur  est  parfaitement 
neutre  et  on  verse  une  solution  de  gélatine  ;  il  se  forme  un 
précipité  de  tanate  de  gélatine;  on  le  recueille;  on  le  met 
en  suspension  dans  de  l'eau  acidulée  à  l'acide  chlorhydrique 
et  on  agite  avec  de  l'éther  qui  dissout  le  tanin  mis  en 
liberté.  On  peut  alors  le  caractériser  par  les  sels  de  fer.  On 
peut  aussi  faire  directement  la  réaction  des  sels  de  fer  sur 
l'eau  évaporée  à  un  petit  volume. 

L'écoulement  des  eaux  résiduaires  aux  égouts  et  cours 
d'eau  est  réglementé  par  des  ordonnances  de  police  ;  il 
convient  auparavant  de  leur  faire  subir  diiférentes  mani- 
pulations physiques  ou  chimiques  ayant  pour  but  de  les 
débarrasser  de  la  plus  grande  partie  des  impuretés  en  sus- 
pension ou  en  dissolution  ;  aucun  des  procédés  proposés 
n'est  parfait;  cependant  les  traitements  à  la  chaux,  au  sul- 
fate de  fer,  au  sulfate  d'alumine,  au  mélange  de  charbon, 
fer  et  alumine  connu  sous  le  nom  de  carfeml,  paraissent 
les  meilleurs.  Ch.  Girard. 

EAU  SALÉE  (Contrib.)  (V.  Sel). 

EAU  THERMALE  (V.  Eau  MINÉRALe). 

EAU  (Abbaye  de  1'),  appelée  aussi  Pantoison,  An- 
cienne abbaye  de  femmes  de  l'ordre  de  Gîteaux,  du  diocèse 
de  Chartres,  fondée  en  4225  par  Isabelle,  comtesse  de 
Chartres;  elle  était  située  sur  le  territoire  de  la  com.  de 
Ver-lès-Chartres  (Eure-et-Loir) . 

EAU  DE  Rouen  (Vicomte  de  1').  Recette  et  juridiction 
étabhe  au  moyen  âge  dans  la  ville  de  Rouen.  Les  coutumes, 
analogues  aux  droits  modernes  d'octroi,  qui  formaient  un 
des  principaux  revenus  de  la  vicomte,  remontent  à  une 
antiquité  fort  reculée,  mais  le  nom  de  la  vicomte  de  l'Eau 
ne  date  que  de  la  première  moitié  du  xiii«  siècle.  La  vi- 
comte était  une  espèce  de  prévôté  (V.  ce  mot),  à  laquelle 
le  commerce  actif  de  la  Basse-Seine  donnait  une  impor- 
tance exceptionnelle.  Dans  l'origine,  elle  fut  administrée 
pour  le  compte  du  duc  de  Normandie.  Mais,  dès  le  milieu 
du  xu°  siècle,  on  la  donnait  à  ferme  ;  enfin  les  derniers 
ducs  confièrent  l'exploitation  de  la  vicomte  au  maire  et 
aux  officiers  de  la  com.  de  Rouen,  usage  très  fréquent  en 
Angleterre  au  moyen  âge.  Les  bourgeois  gardèrent  cette 
exploitation  jusqu'en  1204.  A  cette  date,  le  roi  de  France, 
conquérant  de  la  Normandie,  en  prit  le  fardeau  et  les  pro- 
fits, et  la  bailla  en  garde  ou  en  ferme  à  des  particuliers. 
La  vicomte  de  l'Eau  était  ainsi  affermée  quand  fut  rédigé, 
sous  le  règne  de  saint  Louis,  son  Coutumier.  Les  fermiers 
(il  y  en  avait  plusieurs)  «  faisaient  conjointement  la  recette 
des  revenus  et  rendaient  conjointement  la  justice  »  ;  vicomtes 
de  l'Eau,  ils  devaient  prêter  serment  au  bailli  royal  et  lui 
présenter  leurs  comptes.  Ce  système  était  très  vicieux,  la 
recette  et  la  juridiction  étant  réunies  entre  les  mains  sus- 
pectes des  fermiers,  qui  n'avaient  acquis  leur  dignité  qu'en 
qualité  de  derniers  enchérisseurs.  Dans  les  dernières 
années  du  xiv®  siècle,  un  magistrat  distinct  des  fermiers  de 
la  vicomte  de  l'Eau  fut  institué  pour  juger  les  questions 
relatives  à  la  perception  des  acquits,  recevoir  les  serments 
des  sergents,  etc.  ;  le  titre  de  vicomte  de  l'Eau  lui  fut 
réservé.  Les  adjudicataires  de  la  ferme  cessèrent  même  de 
toucher  immédiatement  les  deniers;  la  caisse  de  la  vicomte 
fut  confiée  à  la  garde  d'un  officier  du  roi  ;  au  xv^  siècle,  elle 
était  fermée  de  trois  serrures,  dont  les  fermiers  ne  détenaient 
qu'une  seule.  —  La  vicomte  de  l'Eau  se  composait  des 
coutumes  perçues  sur  les  marchandises  apportées  à  Rouen, 
soit  par  la  Seine,  soit  par  l'une  des  sept  portes  de  la  ville, 
surtout  sur  les  vins;  elle  fut  affermée  en  i;^>ll  pour 
6,000  livres  par  an  ;  mais  les  guerres  du  xiv^  et  du 
xv«  siècle  ruinèrent  le  commerce  ;  vers  le  milieu  du 
xv«  siècle,  la  ferme  était  baillée  ordinairement  au  prix  de 


EAU  —  EAUNES 


1,100  ou  1,200  livres  par  an.  En  1627,  on  payait,  au 
contraire,  pour  l'avoir,  jusqu'à  14,000  hvres;  mais  la 
vicomte  souffrit  beaucoup  de  l'interdiction  du  commerce 
de  la  Hollande  et  de  Hambourg,  faite  en  1664.  A  la 
suite  d'un  arrêt  du  conseil  d'Etat  du  28  sept.  1717,  des 
commissaires  généraux  adjugèrent,  en  1717,  au  prince 
de  Condé  et  à  ses  frères  et  sœurs,  à  titre  d'engage- 
ment, avec  faculté  de  rachat  perpétuel  et  moyennant  un 
capital  de  120,000  livres,  tous  les  droits  de  la  vicomte. 
Ces  droits  restèrent  dans  la  famille  de  Condé  jusqu'à  la 
Révolution.  —  Comme  juridiction,  la  vicomte,  après  avoir 
été  en  décadence,  à  partir  du  xiv^  siècle,  se  releva  en 
vertu  d'un  édit  du  22  mai  1554,  qui  attribua  force  de  loi 
à  son  Coutumier,  Elle  se  fit  dès  lors  assimiler,  malgré  de 
fréquents  conflits  avec  les  tribunaux  rivaux,  à  la  prévôté 
de  Paris.  Elle  s'étendit  sur  la  Seine  normande  et  sur  les 
affluents  de  ce  fleuve,  embrassant  dans  sa  compétence, 
outre  la  police  des  quais,  les  faits  relatifs  aux  péages,  aux 
bacs,  au  halage,  au  flottage,  au  voiturage  par  eau.  —  La 
vicomte  de  l'Eau  était  installée  dès  le  xm«  siècle  en  face 
de  l'église  Saint- Vincent  jusqu'à  la  rue  Herbière  le  long 
de  la  rue  dite  «  de  la  Vicomte  »  ;  les  anciennes  caves 
de  son  hôtel  subsistent  encore.  —  Le  Coutumier  de  la 
vicomte  de  l'Eau  est  une  espèce  de  tarif  des  droits  de 
coutume  ;  il  est  intéressant  à  cause  de  sa  date  (xiii«  siècle) 
et  à  cause  des  usages  juridiques  qui  s'y  trouvent  rap- 
portés, n  a  été  pubhé  pour  la  première  fois  à  Rouen, 
en  1617,  par  Germain  de  La  Tour.  M.  Ch.  de  Beau- 
repaire  en  a  donné  une  édition  critique  dans  son  excel- 
lente monographie  De  la  Vicomte  de  l'Eau  de  Rouen 
(Evreux,  1856,  in-8).  Ch.-V.  Langlois. 

EAUBONNE.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Oise,  arr.  de 
Pontoise,  cant.  de  Montmorency  ;  1 ,4  30  hab.  Ce  pittoresque 
vallon  des  environs  de  Montmorency  dut  au  siècle  dernier 
une  certaine  vogue  au  séjour  de  Saint-Lambert,  qui  y  écrivit 
les  Saisons,  de  Housseau  et  de  M"^^  d'Houdetot  ;  on  y 
voit  encore  la  maison  de  Saint-Lambert  etvun  chêne  de  la 
Liberté  planté  par  Franklin. 

EAU-CLAIRE.  Ville  des  Etats-Unis,, Etat  de  Visconsin, 
sur  la  rivière  Chippewa;  21,000  hab.  en  1885.  Nombreuses 
scieries;  plusieurs  autres  établissements  industriels. 

EAUCOURT  (Abbaye  d').  Ancienne  abbaye  d'augustins 
du  diocèse  d'Arras,  fondée  vers  1100. 

EAUCOURT-suR-SoMME.  Com.  du  dép.  de  la  Somme 
arr.  et  cant.  (S.)  d'Abbeville;  342  hab. 

EAULNE.    Rivière  de  France  (V.    Seine-Inférieure 

[Dep.  de  la]). 

E/^UMEJ  {Ulmetum),  Abbaye  du  diocèse  d'Arles,  fon- 
dee  par  les  cisterciens  en  1175,  à  qui  l'abbesse  de  Saint- 
Cesaire  concéda  l'église  d'Eaumet.  En  1194,  Alphonse 
d'Aragon  donna  aux  moines  le  village  de  Silva  Albaronis 
ou  Silva  regalis  (Sauveréal)  où  le  monastère  fut  transféré. 
L'abbé  Jean  prit  en  1243  le  titre  d'abbé  de  Sauveréal  au 
heu  de  celui  d'abbé  d'Eaumet.  Sous  l'abbé  Bernard  IIÏ 
(1299-1313),  l'abbaye  de  Sauveréal  s'unit  avec  celle  de 
Yalmagne  (diocèse  de  Valence,  Vallismagna)  et  Pons  II 
Maurin,  abbé  de  Valmagne,  est  le  dernier  dans  les  actes 
de  qui  on  trouve  encore  le  titre  d'abbé  de  Sauveréal. 

EAUNES  (Ulnœ,  Eunœ),  Com.  du  dép.  de  la  Haute- 
Garonne,  arr.  et  cant.  de  Muret,  sur  la  rive  droite  de  la 
Garonne  ;  531  hab.  L'histoire  de  cette  localité  se  confond 
avec  celle  de  l'abbaye,  autour  de  laquelle  elle  s'est  formée. 
Leghse  (moderne)  de  l'ancienne  abbaye  sert  d'édise 
paroissiale. 

Abbaye  d'Eaunes.  —  Ordre  de  Clteaux,  dioc.  de  Tou- 
louse. Fondée  vers  le  milieu  du  xii«  siècle,  par  les  sei- 
gneurs de  Montant.  L'histoire  de  cet  établissement  est  assez 
obscure.  Après  avoir  végété  pendant  quatre  siècles,  il  fut 
détruit  par  les  religionnaires  ;  l'église  fut  reconstruite  en 
IboS  par  1  abbé  François-Barthélemi  de  GrammonK 
^r^'.tyV.^h'^-".^*'''''!-  ^^\\}^^^^  (cartulaire  du  xiP  siècle). 


EAUX  —  ÉBARBAGE 


—  222  — 


EAUX  AUX  JAMBES  (V.  Eau  aux  jambes). 
EAUX  ET  Forêts  (V.  Forêt  et  eau,  §  Administration). 
EAUX-BONNES.  Corn,  dudép.  des  Basses-Pyrénées,  arr. 
d'Oloron,  cant.de  Laruns;  874  hab.  Cette  ville  thermale 
très  fréquentée  est  à  l'entrée  de  la  gorge  resserrée  de  la 
Sourde  ou  Soûle,  au-dessus  du  confluent  de  ce  torrent  et 
de  celui  du  Valentin.  Elle  est  dominée  du  côté  S.  par  le 
Gourzy  (1,839  m.)  et  au  delà  par  le  pic  de  Ger,  au  N. 
par  la  Montagne  Verte  (1,106  m.).  La  station  de  chemin 
de  fer  la  plus  rapprochée  est  Laruns,  d'où  l'on  va  à  Pau. 
Des  chartes  de  1356  mentionnent  pour  la  première  fois  les 
sources  des  Eaux-Bonnes.  Gaston  Phœbus  fit  de  cette  loca- 
lité un  rendez-vous  de  chasse.  Henri  d'Albret,  après  avoir 
combattu  à  Pavie,  y  envoya  ses  compagnons  d'armes,  d'où 
le  nom  que  prirent  alors  les  sources  d'eaux  d'arquebu- 
sades.  Montaigne  les  avait  appelées  eaux  gramontaises, 
en  l'honneur  d'un  duc  de  Gramont.  Les  monuments  des 
Eaux-Bonnes  sont  l'établissement  thermal,  une  éghse 
moderne,  et  le  casino,  fondé  en  1857.  G.  R. 

Eaux  minérales.  —  Les  eaux  de  cette  station  sont  sulfurées 
sodiques  ou  calciques,  avec  chlorure  de  sodium  abondant 
et  sulfate  calcique  et  avec  dégagement  abondant  d'azote.  H 
y  a  neuf  sources  dont  la  température  varie  de  13°  à  32°  G. 
Les  eaux  servent  principalement  en  boisson  dans  les  catarrhes 
delà  muqueuse  aérienne  :  angines  et  bronchites  chroniques, 
asthme  avec  catarrhe,  pleurésie  et  pneumonie  chroniques, 
phtisie  pulmonaire;  les  effets  se  manifestent  très  vite,  surtout 
chez  les  herpétiques,  les  lymphatiques  et  les  ^scrofuleux  ; 
l'hémoptysie  n'est  pas  une  contre-indication.  L'action  exci- 
tante de^ces  eaux  serait  nuisible  dans  la  phtisie  aiguë  non 
circonscrite  et  dans  les  cas  de  complication  cardiaque,  de 
diarrhée  chronique,  de  fièvre  hectique  continue.  Il  n'est  pas 
prudent  d'aller  aux  Eaux-Bonnes  avant  le  1^^  juin  et  après 
le  30  sept.  ^    ^    ^,   ^^  L.  Hn. 

EAUX-CHAUDES.  Ville  thermale  du  dep.  des  Bass^es- 
Pyrénées,  arr.  d'Oloron,  cant.  et  com.  de  Laruns;  753 
hab.  Elle  est  située  sur  le  gave  d'Ossau,  dans  une  gorge 
resserrée,  à  675  m.  d'alt.  et  à  9  kil.  des  Eaux-Bonnes. 
L'étroit  défilé  de  Hourat  conduit  des  Eaux-Bonnes  aux 
Eaux-Chaudes.  Catherine  de  Bourbon,  sœur  de  Henri  IV,  a 
été  aux  Eaux-Chaudes  en  1591 .  Après  avoir  été  fréquentées 
sous  Henri  IV,  les  Eaux-Chaudes  perdirent  leur  répu- 
tation, et  ce  ne  fut  qu'en  1781  que  les  Etats  du  Béarn 
purent  déterminer  la  commune  de  Laruns  à  y  faire  des 
travaux  indispensables.  L'établissement  thermal  actuel  a  ete 
construit  (1848-50)  sur  la  rive  droite  du  Gave.  G.  R. 
Eaux  minérales.  —  Les  eaux,  sulfurées  sodiques  faibles, 
azotées,  émergent  non  loin  des  Eaux-Bonnes  et  présentent 
des  propriétés  analogues.  Les  sources,  au  nombre  de  sept, 
présentent  une  température  de  10  à  36«  C.  Ces  eaux  s  em- 
ploient en  boisson  et  en  bains  et  douches,  mais  1  usage 
externe  en  est  prédominant.  Moins  excitantes  que  les  Eaux- 
Bonnes,  elles  sont  utiles  dans  les  affections  des  voies  res- 
piratoires, les  manifestations  rhumatismales  et  arthritiques, 
un  grand  nombre  de  dermatoses,  les  affections  utérines,  les 
ulcères,  les  ophtalmies  chroniques,  etc.  D"*  L.  Hn. 
EAUX-CLAIRES  (Les).  Rivière  de  France  (V.  Charente 

[Dép.  delà]).  .    „.   r. 

EAUX-PUISEAUX.  Com.  du  dép.  de  l'Aube,  arr.  de 
Troyes,  cant.  d'Ervy;  639  hab. 

ÉAUX-VlVES. Faubourg  oriental  de  Genève;  8,000 hab. 
Cette  commune  n'a  pris  son  véritable  développement  qu'après 
la  démolition  des  fortifications  de  Genève  (1849).  Elle  n'avait 
que  2,000  hab.  en  1850.  Son  nom  est  probablement  une 
corruption  d'Aquam  viridem,  eau  verte,  à  cause  du  lac,  sta- 
gnant à  cet  endroit.  Aujourd'hui  les  Eaux-Vives  sont  desser- 
vies par  quatre  lignes  de  tramways  à  vapeur,  et  la  gare  de 
Genève-Eaux-Vives  (P.-L.-M.)  est  la  tête  de  ligne  des  che- 
mins de  fer  de  la  Haute-Savoie.  E.  K. 

EAUZAN  {Elesanus  pagus).  Ancien  pays  de  la  Gas- 
cogne, compris,  depuis  la  suppression  du  diocèse  d'Eauze, 
son  chef-lieu,  dans  celui  d'Auch.  H  avait  pour  limites  au 
N.  le  Gabardan,  au  S.  et  à  l'E.  l'Armagnac,  à  l'O.  le  Marsan. 


EAUZE  (Elusa).  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  du  Gers,  arr. 
de  Condom,  sur  une  colline  dominant  la  Gélise  ;  4,225  hab. 
Stat.  du  chem.  de  fer  du  Midi,  embranchement  de  Nérac 
à  Eauze.  Petit  séminaire.  Important  marché  des  eaux- 
de-vie  de  l'Armagnac.  Fabrique  d'alambics.  —  Ancienne 
capitale  des  Elusates,  la  ville  d'Eauze  devint  floris- 
sante sous  la  domination  romaine  et  fut  au  iv<^  siècle  la 
capitale  de  la  Novempopulanie  ou  troisième  Aquitaine. 
Mais  depuis  cette  époque  elle  ne  cessa  de  déchoir.  Sa  déca- 
dence avait  déjà  commencé  lorsque,  du  vu®  au  x^  siècle, 
elle  fut  successivement  dévastée  par  les  Vandales,  les 
Goths,  les  Sarrasins  et  les  Normands.  H  n'y  subsistait  plus 
que  des  ruines,  et  les  habitants  avaient  été  dispersés  lors- 
qu'au x^  siècle  s'éleva,  à  quelque  distance  des  ruines  de  l'an- 
cienne ville,  un  monastère  autour  duquel  se  forma  une 
agglomération  nouvelle  qui  est  devenue  la  ville  actuelle. 
Fortifiée  au  moyen  âge,  elle  joua  un  certain  rôle  dans  les 
guerres  de  religion.  Henri  IV,  alors  roi  de  Navarre,  échoua 
dans  une  tentative  qu'il  fit  pour  s'en  emparer  en  1596. 
—  L'emplacement  de  l'ancienne  capitale  de  la  Novempopu- 
lanie est  à  1  kil.  environ  à  l'E.  de  la  ville  actuelle  sur 
un  plateau  cultivé;  il  est  appelé  dans  le  pays  du  nom 
caractéristique  de  La  Cieutat.  H  n'y  reste  plus  aucun  ves- 
tige de  la  ville  ancienne,  mais  des  fouilles  y  ont  amené  à 
diverses  reprises  la  découverte  de  nombreuses  antiquités. 
L'église  d'Eauze  est  un  bel  édifice  gothique  du  xvi«  siècle, 
dû  à  Jean  de  La  Marre.  L'abside  est  flanqué  d'une  tour 
octogonale.  Il  subsiste  quelques  débris  des  anciens  rem- 
parts. La  source  de  Sainte-Rose,  qui  jaillit  à  3  kil.  de  la 
ville,  près  d'une  chapelle,  est  le  but  d'un  pèlerinage  fré- 
quenté.— Un  siège  épiscopal  existait  à  Eauze  au  iii^  siècle. 
La  tradition  en  attribue  l'établissement  à  saint  Paterne. 
On  cite  comme  ses  successeurs  Luperculus,  Mamertinus, 
qui  assista  au  concile  d'Arles  de  303,  et  Servandus.  Saint 
Taurin  était  évêque  lors  de  l'invasion  des  Vandales,  en 
406.  On  cite  après  lui  :  Clarus,  en  506;  Leontius,  en 
511  ;  Aspasius,  de  533  à  549;  Laban,  de  573  à  585; 
Didier,  en  585;  Senoch  ou  Sinoch,  en  625,  et  enfin  Pa- 
terne, qui  était  évêque  en  663.  Après  lui  il  y  eut  encore 
d'autres  évêques  dont  les  noms  ont  été  oubliés,  puis,  à  la 
suite  des  invasions,  le  siège  épiscopal  fut  transféré  à  Auch. 
BiBL.  :  Histoire  générale  de  Languedoc,  éd.  Privât,  t.  IV 
(1872),  note  d'E.  Mabille,  col.  365. 

EBALIA  (Zool.).  Genre  de  Crustacés  Décapodes  bra- 
chyures,  de  la  famille  des  Leucosiadés,  établi  par  Leach  et 
caractérisé  par  la  carapace  de  forme  rhomboïdale  ou  hexa- 
gone, à  front  proéminent  presque  droit  ;  la  première  an- 
tenne est  placée  obliquement  sous  le  front,  la  seconde  est 
très  courte  ;  les  trois  paires  de  pattes-mâchoires  sont 
presque  semblables  à  celles  des  Ilia;  les  pattes  portent  des 
pinces  de  longueur  médiocre  ;  l'abdomen  est  de  cinq  an- 
neaux. Type  :  E.  Cranchii  des  côtes  océaniques  d'Europe 
et  de  la  Méditerranée.  R»  M. 

ÉBARBAGE.  I.  Technologie.  —  L'ébarbage  est  une 
opération  qui  consiste  à  enlever  les  barbes  ou  ébarbures 
des  objets  fabriqués,  c.-à-d.  à  faire  disparaître  les  parties 
superflues.  L'opération  diffère  suivant  les  métiers,  mais 
le  but  est  toujours  le  même  (V.  ci-dessous). 

II.  Fonderie.  —  Dans  la  fonderie  de  fonte,  d'acier  ou 
d'alliages  du  cuivre,  les  pièces  coulées  présentent  souvent 
sous  forme  de  bavures  des  parties  étrangères,  principale- 
ment dans  les  endroits  où  les  différentes  parties  du  moule 
se  réunissent.  L'ébarbage  a  pour  but  d'enlever  ces  parties, 
en  général  assez  minces,  afin  de  rétablir  la  forme  exacte. 
Cette  opération  se  fait  à  la  main,  au  moyen  d'un  burin  et 
d'un  marteau  ;  aujourd'hui,  on  emploie  souvent  dans  le 
même  but  les  machines  à  fraiser  ;  enfin,  dans  le  cas 
exceptionnel  d'une  fonte  blanche  et  très  dure  à  attaquer 
au  ciseau,  on  fait  usage  de  la  meule.  L.  K. 

III.  Gravure.  —  Opération  qui  consiste  à  enlever,  à 
l'aide  de  l'ébarboir  ou  du  grattoir,  les  aspérités  que  le 
travail  de  la  pointe  sèche  ou  du  burin  détermine  à  la  sur- 
face du  cuivre.  On  obtient  ce  résultat  en  faisant  glisser 


—  223 


sur  le  cuivre  une  des  faces  de  l'ébarboir,  posé  à  plat,  de 
façon  que  le  tranchant  joue  un  rôle  analogue  à  celui  du 
rasoir  sur  la  peau.  F.  Courboin. 

IV.  Reliure  (V.  Reliure). 

ÉBARBEUSE  (Agric).  Afin  de  rendre  les  grains  d'orge 
marchands  et  de  les  utiliser  pour  l'alimentation  ou  pour 
la  préparation  du  malt  des  distilleries  et  des  brasseries,  il 
est  nécessaire  de  leur  enlever  le  prolongement  filiforme, 
raide  et  coriace  qui  persiste  après  l'opération  du  battage. 
L'opération  se  fait  soit  en  soumettant  l'orge  à  un  nouveau 
battage  ou  mieux  en  le  faisant  passer  dans  une  ébarbeuse. 
Cette  machine  se  compose,  en  principe,  d'un  arbre  légère- 
ment incliné  de  O-^SO  de  longueur,  garni  de  lames  d'acier 
disposées  suivant  une  hélice.  Cet  arbre,  mis  en  mouve- 
ment par  un  engrenage  à  manivelle,  fait  cent  cinquante 
tours  par  minute  et  tourne  dans  une  enveloppe  cannelée, 
en  fonte,  de  0^15  de  diamètre  intérieur.  Le  grain  est 
jeté  dans  une  trémie,  d'où  il  passe  dans  l'enveloppe,  et  sort 
à  une  extrémité  complètement  ébarbé  ;  un  simple  coup  de 
tarare  suffit  pour  le  séparer  des  barbes.  Le  rendement  de 
l'ébarbeuse  est  de  1,500  litres  d'orge  ébarbé  par  heure. 

EBARBOIR  (Grav.).  Instrument  d'acier  bien  trempé, 
en  forme  de  lame  triangulaire  ou  quadrangulaire,  servant 
à  Vébarbage  (V.  ce  mot). 

ÉBATY.  Com.  du  dép.  de  la  Côte-d'Or,  arr.  et  cant.  (S.) 
de  Reaune  ;  434  hab. 

ÉBAUCHA6E.  I.  Métallurgie.  —  L'ébauchage  est 

I  opération  prélimmaire  du  laminage  quand  on  veut  arriver 
à  une  forme  profilée.  L'ébauchage  sert  à  transformer  en 
barres  plates,  faciles  à  paqueter,  le  fer  puddlé  obtenu  dans 
l  affinage,  tout  en  lui  enlevant  les  scories  dont  il  était 
accompagné.  L'opération  est  faite  au  moyen  d'une  série 
de  cannelures  ogivales  et  rectangulaires.  L'ébauchage,  dans 
le  laminage  proprement  dit,  se  fait  surtout  avec  des  can- 
nelures carrées  ou  rectangulaires  (V.  Laminage).     L.  K. 

IL  Céramique.  —  Le  dégrossissement  d'une  pièce  céra- 
mique se  fait  soit  au  moulage,  avec  des  balles  de  terre  : 
il  est  dit  alors  au  ballon  ;  soit  au  tour,  avec  des  bou- 
dins de  terre  qu'on  superpose  les  uns  aux  autres  :  il  est 
dit  au  colombin.  —  Il  doit  être  exécuté  à  la  main,  pour 
rendre  la  pâte  bien  homogène,  la  mélanger  intimement  et 
faire  adhérer  tous  les  raccords  de  la  terre.  Cette  opé- 
ration a  pour  but  de  prévenir  les  fentes,  les  déchirures,  qui 
ne  manqueraient  pas  de  détériorer  la  pièce  à  la  cuisson,  si 
la  liaison  de  toutes  les  parties  n'était  pas  absolue.  Plus  la 
pâte  est  fusible,  plus  l'ébauchage  doit  se  faire  sous  une 
épaisseur  considérable.  F.  M. 

^  ÉBAUCHE  (Beaux-Arts).  Première  phase  de  l'exécution 
d'une  œuvre  d'art  quelconque,  tableau,  statue,  gravure,  etc. 

II  faut  distinguer  très  nettement  V ébauche,  telle  que  nous 
venons  delà  définir,  de  Vesquisse  (V.  ce  mot),  qui  n'est 
pas  un  commencement  d'exécution,  mais  bien  un  projet,  de 
dimensions  généralement  réduites,  de  l'œuvre  d'art;  trop 
souvent  ces  deux  appellations  sont  prises  comme  synonymes. 
—  L'ébauche  d'un  tableau  peut  se  faire  de  différentes 
manières,  selon  que  l'enduit  préparatoire  dont  est  revêtu 
le  panneau  ou  la  toile  à  peindre  est  blanc  ou  gris,  que 
l'artiste  préfère  attaquer  son  travail  avec  des  valeurs  et 
des  tons  d'une  gamme  foncée  et  puissante,  ou  claire  et 
assourdie,  qu'il  lui  convient  de  frotter  sa  toile  avec  des 
couleurs  légères  et  transparentes,  ou  de  la  couvrir  de 
touches  grasses  et  fermes.  Il  y  aurait  nombre  d'exemples 
remarquables  à  citer  pour  chacun  de  ces  procédés.  Chaque 
genre  de  peinture  peut  s'ébaucher  d'une  façon  particu- 
lière ;  l'étude  exécutée  d'après  nature,  dans  un  laps  de 
temps  plus  ou  moins  limitée,  ne  saurait,  on  le  comprend, 
être  ébauchée  avec  l'attention  et  la  méthode  que  l'artiste 
pourra  consacrer,  dans  le  calme  de  l'atelier,  au  tableau 
fait  d'après  elle  et  pour  lequel  il  aura  tout  le  temps  de 
combiner  les  artifices  du  pinceau.  Le  dessin  sur  la  toile  est 
une  partie  importante  de  l'ébauche  ;  il  doit  être  fait  spé- 
cialement en  vue  de  la  peinture  qui  le  recouvrira  ensuite, 
et  dont  il  doit  indiquer  surtout  les  grands  plans,  en  traits 


ÉBARBAGE  —  EBBON 


sobres  et  accentués.  D'après  les  observations  faites  sur  les 
œuvres  des  écoles  anciennes  et  surtout  sur  celles  de  notre 
époque,  si  habile  dans  les  procédés  d'exécution  de  la  pein- 
ture, on  peut  conclure  que  la  manière  d'ébaucher  la  plus 
généralement  employée,  celle  qui  laisse  le  plus  de  res- 
sources pour  la  perfection  finale  d'un  tableau  est  celle  qui 
consiste  à  peindre  légèrement  les  ombres,  avec  des  cou- 
leurs transparentes,  mais  suffisamment  siccatives,  puis  à 
poser  les  clairs  en  touches  grasses  et  solides,  largement 
fondues  dans  les  demi-teintes,  en  prévoyant  et  en 'ména- 
geant toujours  l'effet  que  Ton  se  propose  d'obtenir  en 
somme.^  Une  ébauche  bien  faîte  doit  donner  une  juste 
impression  de  l'ensemble  d'une  œuvre,  quoique  dans  une 
tonalité  plus  sourde.—  L'ébauche  d'une  statue,  d'un  groupe 
ou  d'un  bas-rehef  peut  être  envisagée  à  deux  points  de  vue 
différents  :  c'est  le  commencement  d'exécution,  par  l'ar- 
tiste, d'un  modèle  en  terre,  destiné  à  être  reproduit  en- 
suite en  bronze  ou  en  marbre  ;  ou  celui  de  cette  œuvre 
elle-même,  au  moyen  de  la  pierre  ou  du  marbre,  par  des 
ouvriers  spéciaux  et  par  des  procédés  mathématiques.  La 
seconde  de  ces  opérations  constitue  la  mise  au  point  (V.  ce 
mot).  Pour  la  première,  l'artiste  se  sert  généralement 
d  une  maquette,  esquisse  réduite  qui  est  la  première  idée 
de  son  œuvre,  et  qu'il  reproduit  dans  les  dimensions  défi- 
nitives. Une  connaissance  approfondie  de  l'anatomie,  des 
dessins  faits  d'après  nature,  doivent  lui  permettre  d'obte- 
nir les  attitudes  justes  et  vraies,  les  proportions  heureuses 
et  les  attaches  exactes  d'une  figure  humaine,  qualités  pri- 
mordiales d'une  ébauche  de  sculpture,  et  dont  la  réunion 
rend  une  œuvre  vivante  dès  son  début,  malgré  la  rudesse 
de  l'ébauchoir.  x^à.  T. 

ÉBAUCHOIR.  I.  Technologie.  —  Sorte  de  ciseau  à  deux 
tranchants  formant  angle,  à  un  ou  deux  biseaux,  que  les 
charpentiers  emploient  pour  ébaucher  les  mortaises,  les 
embrèvements,  les  pas  de  vis.  Cet  outil  est  en  fer  pour  les 
gros  ouvrages,  et  en  fer  pourvu  d'un  manche  en  bois  pour 
les  ouvrages  plus  délicats.  On  se  sert  aussi  de  l'ébauchoir 
pour  amorcer  le  fer  sur  le  bois.  L.  K. 

IL  Sculpture.  —  Outil  de  sculpteur,  de  formes  et*  de 
dimensions  extrêmement  variées,  servant  à  terminer  les 
ouvrages  en  cire  ou  en  terre.  Destiné  à  suppléer  à  l'in- 
suffisance et  au  manque  de  finesse  des  doigts  de  l'artiste 
dans  le  travail  des  extrémités  et  des  détails  d'un  mor- 
ceau, l'ébauchoir  est  le  plus  souvent  en  fer,  en  buis 
ou  en  ivoire,  renflé  au  milieu  pour  le  rendre  plus  aisé- 
ment maniable.  Ses  bouts  sont  arrondis,  courbés,  aplatis 
ou  biseautés  de  diverses  façons,  selon  l'emploi  qu'on  lui 
destine. 

EBBLINGHEM.Com.dudép.  du  Nord,  arr.  et  cant.  (N.) 
d  Hazebrouck  ;  703  hab. 

iT,!^?°'^'5^^^^^^"^  ^®  ^^™s,  né  vers  773,  mort  à 
Hildesheim  le  20  mars  851.  Frère  de  lait  de  Louis  le 
Débonnaire,  il  fut  élevé  avec  ce  prince,  dont  il  devint  le 
secrétaire  dans  son  royaume  d'Aquitaine.  Peu  de  temps 
après  l  avènement  de  Louis  à  l'empire,  Ebbon,  promu  par 
celui-ci  à  l'archevêché  de  Reims  (816) ,  devint  un  des 
principaux  personnages  de  cette  époque.  Ebbon  fit  preuve 
de  grandes  qualités  dans  l'administration  de  son  diocèse  et 
travailla  activement  à  évangéliser  les  Saxons  et  même  les 
Danois  (822).  Il  devint  un  des  chefs  du  parti  ecclésiastique. 
Il  prit  part  au  concile  de  Paris  (829),  dont  les  décisions 
turent  une  sorte  de  manifeste  clérical  (V.  Louis  le  Débon- 
naire). Lorsqu'éclata  le  conflit  et  que  Lothaire  se  mit  à  la 
tête  des  mécontents,  le  clergé  s'abstint  d'abord  ;  mais,  trois 
ans  après,  il  se  prononce  contre  le  vieil  empereur.  En  833, 
a  1  assemblée  de  Compiègne,  Ebbon  joue  le  rôle  dirigeant 
avec  Agobard  (V.  ce  nom)  ;  ils  imposent  à  Louis  la  con- 
fession publique  de  ses  fautes  et  l'abdication  solennelle. 
Quand  l  empereur  est  restauré,  Ebbon  porte  la  peine  de  sa 
conduite  au  synode  de  Thionville;  il  se  déclare  lui-même 
indigne  de  sa  fonction,  est  déposé  et  conduit  au  monastère 
de  Fulda,  puis  à  celui  de  Fleury  (835).  Il  en  sort  à  la  mort 
de  Louis  le  Débonnaire,  et  Lothaire  le  fait  rétablir  sur  son 


—  224  — 


EBBON  -  EBELMEN 

sièse  par  le  concile  d'Ingelheim  (840).  Il  publie  meApo- 
loaieon  il  conteste  la  régularité  de  sa  déposition.  Mais  le 
Dane  lui  refuse  une  nouvelle  institution  canonique  ;  il  tombe 
en  disgrâce  auprès  de  Lothaire,  qui  lui  ôte  ses  abbayes.  Il 
se  retire  auprès  de  Louis  le  Germanique,  qui  lui  donne 
l'évèché  d'Hildesheim.  Outre  son  Apologie  nous  avons  de 
lui  une  lettre  à  Halitgaire,  évêque  de  .Cambrai,  et  des 
Rèqlements  édités  à  la  suite  de  F  lodoarcW  .ce  nom). 
EBBW-Vale.  Ville  d'Angleterre,  comte  de  Monmouth 
(Pays  de  Galles),  aux  sources  de  l'Ebbw  ;  45,519  hab. 
Bassin  bouiller  et  ferrugineux.  .    .   u  lu     *  ^f 

EBE  (Gustav),  architecte  allemand,  ne  a  Halberstadt 
le  1^^  nov  1834.  Il  étudia  rarchitectiire  et  la  construction 
à  Berlin,  puis  voyagea  en  France  et  en  Itahe.  Il  prit 
part  à  de  nombreux  concours,  soit  seul,  soit  en  collabora- 
tion avec  M.  3.  Benda,  son  compatriote  et  parmi  ces  con- 
cours, ceux  relatifs  à  l'hôtel  de  ville  de  Magdebourg  e  a 
la  cathédrale  de  Berlin  ;  à  l'hôtel  de  ville  de  Vienne  ou  les 
deux  associés  obtinrent  un  des  quatre  premiers  prix  d  une 
valeur  de  10,000  fr.  ;  à  une  «  Realschule  »  et  à  un  gymnase 
pour  Magdebourg;  aux  théâtres  à  construire  dans  les 
villes  de  Posen  et  de  Breslau;  à  l'hôtel  de  ville  de  Ham- 
bourcr  et  au  palais  du  Parlement  de  Berlin.  Gustav  Ebe 
obtint  des  médailles  aux  expositions  de  Vienne  et  de  Mu- 
nich, et  fit  construire  de  nombreuses  résidences  dont  le 
château  de  Miechowitz  (Silésie  supérieure)  et  les  villas 
Kauffmann  et  Bunsen,  à  Berlin.  Charles  Lucas. 

EBED-Jésus,  surnommé  Bar  Brika  (fils  du  Beni),  théo- 
logien nestorien,  né  à  Gozarta  sur  le  Tigre,  vers  le  milieu 
du  xiii«  siècle,  mort  en  nov.  1318.  Remarque  pour  sa 
riche  culture,  il  fut  nommé  évêque  de  Smdjar  et  d  Arabie, 
puis  vers  1287,  métropolitain  de  Nisibis.  Parmi  ses  nom- 
breux écrits,  plusieurs  sont  importants:  le  Livre  de  la 
Vierre  précieuse  de  la  vérité  de  la  foi,  édite  par  le  car- 
dinal Mai  dans  Scriptoriim  veterum  nova  collectw 
(Rome,  1825-28,  t.  X,  pp.  317-366);  l'Epitome  des 
canons  des  conciles  et  Douze  Traités  sur  toutes  les 
sciences,  une  sorte  d'encyclopédie  en  vers;  enfin,  uncata- 
loeue  rimé,  mais  très  important,  d'environ  deux  cents  écri- 
vains syriaques,  édité  et  expliqué  par  Assémam  dans  sa 
Bibliothecaorientalis  (Rome,  1719-1  /28,  t.  III,  1 ,  pp.  1- 
362)  r.-n.  IV. 

EBED-Jésus,  fils  de  Jean,  patriarche  chaldéen  du 
xvi«  siècle.  Elu  en  1554  évêque  de  Gozarta,  il  alla  àRome 
en  1562  pour  faire  confirmer  son  élection  par  le  pape,  et 
mourut  peu  après  son  retour  en  Mésopotamie.  On  vante 
son  érudition  et  son  ardeur  à  augmenter  le  nombre  des 
nestoriens  unis  à  Rome. 

EBEL  (Johann-Gottfried) ,  médecin  et  géographe  alle- 
mand, né  à  Ziillichau  le  6  oct.  1764,  mort  à  Zurich  le  8  oct. 
1830.  Reçu  docteur  à  Vienne,  ilexerçaàtranctortenl7yi, 
puis  en  1796  se  rendit  à  Paris  comme  attaché  d  ambassade 
et  s'y  ha  avec  Sieyès,  dont  il  répandit  les  ouvrages  en  Alle- 
magne ;  en  1 801  ,*  il  passa  en  Suisse  et  y  obtmt  le  droit  de 
cité-  en  1810,  il  se  fixa  définitivement  à  Zurich.  U  s  est 
occupé  du  cerveau  et  de  son  développement  (thèse  inaug., 
1788),  de  crétinisme,  d'ethnologie,  de  statistique.  Ouvrages 
les  plus  importants  :  Schilderung  der  Gebirgsvolker  der 
Schweiz  (Tubingue,  1798-1802,  2  vol.  in-8  ;  Leipzig, 
1802-1803  2voL  in-8);  Veber  den  Bau  der  Erde  inden 
Alpen-Gebirgen,  etc.  (Zurich,  1808  in-8);  Ma/msc/i^ 
Reise  durch...  Graubilnden  (Zurich,  1825).    \)^  L.  Hn. 

EBEL  (Johann-Wilhelm),  chef  delà  secte  religieuse  des 
Kaniqsberqer,  né  à  Passenheim  (Prusse  orientale)  en 
1784,  mort  à  Ludwigsburg  (Wurttemberg)  le  18  août 
1861,  Elève  du  théosophe  Schœnherr,  il  devmt  pasteur  a 
Kœnigsberg  et  réunit  un  certain  nombre  de  disciples  des 
deux  sexes;  on  les  accusa  d'immoralité  et,  à  la  suite  d  un 
lone  procès,  il  fut  destitué,  en  1839.  Il  se  retira  avec  la 
comtesse  Ida  de  Grœben  en  Wurttemberg,  et  plus  tard  son 
innocence  fut  prouvée  (V.  Muckeb). 

Btbl  •  Kanitz,  Aufklœrung  und  Altenquellen  uber  den 
1835-m2  zu   Kœnigsberg  gefûrhten    Religionsprozess  ; 


Baie  et  Ludwigsburg,  1862.  —  Hahnenfeld,  Die  religiœse 
Bewegung  in  Kœnigsberg  ;  Braunsberg,  1858. 

EBEL  (Hermann),  celtisant  allemand,  né  à  Berlin  le 
10  mai  1828,  mort  à  Misdroy  le  19  août  1875.  Elève  de 
Bœckh,  de  Pott  et  de  Bopp,  professeur  de  français  dans 
divers  gymnases,  puis  de  sjrammaire  comparée  à  l'université 
de  Berlin,  où  il  succéda  à  Bopp,  il  a  publié  un  grand  nombre 
d'articles  dans  la  revue  de  Kuhn,  Zeitschrift  filr  verglei- 
chende  SprachforschungMn^  les  Beitrœge  de  Kuhn  et 
de  Schleicher;  il  est  un  des  promoteurs  des  études  cel- 
tiques avec  Zeuss;  son  grand  travail  fut  une  refonte  de  la 
GrammaticaCeltica  de  Zeuss(Berlin,  1871);  il  a  collabore 
à  rindogermanische  Chrestomathie  de  Schleicher  (Wei- 
mar,  1869)  et  préparé  un  dictionnaire  de  l'ancien  irlan- 
dais; parmi  ses  articles,  nous  citerons,  outre  le  recueil 
traduit  en  anglais  des  Celtic  Studies  (Londres,  1863)  : 
De  Verbi  Britannici  futuro  a  conjunctivo  (Schneide- 
muhl,  1866). 

EBEL  (Fritz),  paysagiste  allemand  contemporain,  ne  a 
Lauterbach  (Hesse)  en  1835.  Il  étudia  la  peinture  a 
Darmstadt  et  à  Karlsruhe,  s'établit  en  1861  à  Diisseldort, 
et  compléta  ses  études  par  des  voyages  en  Italie  et  en 
France.  Ses  œuvres  les  plus  remarquables  sont  :  Paysage 
du  Rhin,  Paysage  du  Tirol,  Vallée  de  Vllse  dans  le 
Harz,  Lac  d'Uklei  en  Holstein,  etc. 

EBELING  (Johann-Georg),  compositeur  allemand,  né  à 
Lunebourg  vers  1620,  mort  à  Stettin  en  1676.  Il  fut  direc- 
teur de  musique  à  Berlin,  puis  professeur  à  Stettin.  Son 
principal  ouvrage  est  un  recueil  de  cent  vmgt  cantiques 
spirituels  à  quatre  voix  avec  deux  violons  et  basse  sur  les 
poésies  de  Paul  Gerhard.  La  première  édition  en  fut  publiée 
à  Berhn  en  1666  sous  le  titre  Pauli  Gerhardi  geisthche 
Andachten.  Le  même  Ebeling  est  l'auteur  d'une  disserta- 
tion historique  intitulée  Archeologiœ  orphicœ  (lb7b),  et 
d'un  concerto  pour  plusieurs  instruments  (1 662). 

EBELING  (Ernest),  architecte  et  professeur  d'architec- 
ture allemand,  né  à  Hanovre  en  1804.  Il  fit  ses  e^tudes 
à  Hanovre,  les  continua  à  Karlsruhe  et  voyagea  en  Italie, 
à  Saint-Pétersbourg  et  en  Russie.  Revenu  dans  son  pays 
natal,  il  s'y  livra  à  l'enseignement  de  son  art  et  essaya 
d'implanter  en  Hanovre  le  style  de  la  renaissance  floren- 
tine et  des  diverses  ères  du  gothique  anglais.  Parmi  les 
édifices  qu'il  fit  construire,  on  doit  citer  l'Ecole  polytech- 
nique, l'Arsenal,  l'Ecole  militaire  des  cadets,  la  salle  des 
séances  des  Etats  de  la  province  et  nombre  de  construc- 
tions privées.  Charles  Lucas. 

EBELING  (Adolf),  écrivain  allemand,  né  à  Hambourg 
le  24  oct.  1827.  H  a  voyagé  au  Brésil,  vécu  longtemps  a 
Paris  (1851-1870)  où  il  professa  à  l'Académie  de  commerce 
à  partir  de  1862;  il  a  ensuite  professé  à  l'Ecole  militaire 
du  Caire  (1874-1878),  puis  s'est  retiré  à  Cologne.  H  a 
publié  entre  autres  :  Gedichte  (1845);  Bruchstilcke  aus 
der  Beschreibung  einer  Reise  nach  Brasilien  (Ham- 
bourg, 1849);  des  romans,  Je7iny  (Hambourg,  ^8^^)  î 
Eine  Mutter  in  Irrenhaus  (Brème,  1851);  Ghasele 
(Aix-la-Chapelle,  1868);  Thûrine  (Berlin,  1871);  Ver- 
mischte  Schriften  (Soest,  1867-1868,  2  vol.);  ses  cor- 
respondances, réunies  sous  le  titre  de  Lebenden  Bilder 
aus  dem  modernen  Paris  (Cologne,  1863-1867,  5  vol.) 
ont  eu  du  succès  ;  il  a  publié  encore  :  Bilder  aus  tairo 
(Stuttgart,  1878,  2  vol.);  Eïirstin  und  Professor  (Co- 
logne, 1881),  intéressant  pour  la  biographie  de  Heine; 
jslpoleon  m  und  seinen  Hof  (1887);  il  a  traduit  les 
mémoires  de  M^^  de  Rémusat  et  de  la  générale  Durand 
(1884-1887).  .  „        ,       -  , 

EBELL  (Heinrich-Karl),  compositeur  allemand,  ne  a 
Neu-Ruppin  en  1775,  mort  à  Breslau  le  12  mars  1824.  U 
a  fait  représenter  à  Breslau  plusieurs  opéras,  notamment 
Der  Nachtwachter  et  Anacreon  ;  il  a  écrit  des  cantates, 
des  symphonies,  des  quatuors,  des  chœurs,  pour  la  plupart 
restés  en  manuscrit,  et  a  rédigé  quelques  dissertations 
pour  une  société  musicale  qu'il  avait  fondée  à  Breslau. 
EBELMEN  (Jacques-Joseph),  ingénieur  et  savant  fran- 


—  225 


EBELMEN  —  ÉBÈNE 


çais,  né  à  Baume-les-Dames  (Doubs)  le  10  juil.  1844, 
mort  à  Paris  le  31  mars  1852.  Il  fut  admis  à  l'Ecole 
polytechnique  en  1831,  à  peine  âgé  de  dix-sept  ans; 
il  en  sortit  dans  les  premiers  rangs  pour  entrer  dans  le 
corps  des  mines.  Il  quitta  l'Ecole,  en  1836,  le  premier 
de  sa  promotion,  et  fut  envoyé  à  Vesoul  remplir  les  fonc- 
tions d'ingénieur  ordinaire.  Ses  travaux  et  ses  recherches 
au  laboratoire  administratif  de  cette  ville  le  firent  nommer, 
au  début  de  l'année  scolaire  1840-1841,  adjoint  au  pro- 
fesseur de  docimasie  de  l'Ecole  des  mines  de  Paris, 
Berthier  ;  dès  cette  époque,  il  le  suppléa  dans  sa  chaire, 
dont  il  fut  nommé  professeur  titulaire  en  1845.  Quelques 
mois  auparavant,  à  la  demande  de  Brongniart,  Ebelmen 
avait  été  nommé  administrateur  adjoint  à  la  manufacture 
de  Sèvres;  deux  ans  après,  en  1847,  à  la  mort  de  Bron- 
gniart, il  le  remplaça  comme  administrateur.  Son  passage 
à  la  direction  de  cet  établissement  fut  margué  par  le  déve- 
loppement donné  au  procédé  de  coulage  qui  permit  d'obte- 
nir des  pièces  d'une  grande  légèreté,  d'une  pureté  de  forme 
et  d'une  élégance  irréprochables,  dans  des  dimensions  jus- 
qu'alors réputées  impossibles,  et  par  la  substitution  com- 
plète de  la  houille  au  bois  dans  la  cuisson  de  la  porcelaine 
dure  ;  on  lui  doit  aussi  la  rénovation  de  la  fabrication  de 
la  porcelaine  tendre.  Aux  fonctions  d'administrateur  de 
Sèvres  et  de  professeur  à  l'Ecole  des  mines,  Ebelmen  avait 
joint  celles  de  professeur  au  Conservatoire  des  arts  et 
métiers,  où  son  cours  sur  les  arts  céramiques  avait  excité 
un  vif  intérêt.  Il  fut  enlevé  presque  subitement,  à  peine 
âgé  de  trente-huit  ans,  en  pleine  maturité  de  son  génie. 

Les  travaux  d'Ebelmen,  qui  l'ont  ainsi  fait  juger  avec 
tant  d'autorité  et  de  justesse,  ont  consisté  en  études  et 
recherches  sur  la  chimie  proprement  dite,  sur  la  métallur- 
gie chimique  et  enfin  sur  les  roches  et  les  minéraux.  Tous 
les  travaux  d'Ebelmen  sur  ces  divers  points  ont  été  consi- 
gnés dans  des  notes  ou  mémoires  publiés,  de  d837  jusqu'à 
sa  mort,  dans  les  Annales  des  mines ^  les  Annales  de 
physique  et  de  chimie  et  les  Comptes  rendus  de  l'Aca- 
démie des  sciences.  En  chimie  proprement  dite,  Ebelmen 
s'est  spécialement  occupé  de  docimasie  ou  de  chimie  ana- 
lytique minérale,  soit  pour  donner  de  nouvelles  méthodes 
d'analyse,  soit  pour  faire  connaître  les  résultats  intéressants 
auxquels  ces  méthodes  l'avaient  conduit.  Il  n'a  fait  qu'une 
excursion  dans  la  chimie  organique,  excursion  féconde  et 
brillante,  avec  les  Recherches  sur  les  combinaisons  des 
acides  borique  et  silicique  avec  les  éthers  et  la  décou- 
verte de  l'hydrophane  artificielle  qui  en  résulta.  Dès  ses 
premiers  travaux  à  Vesoul,  Ebelmen  avait  commencé  ses 
recherches  si  originales,  et  qui  devaient  être  si  fécondes, 
sur  la  chimie  métallurgique  avec  les  Expériences  relatives 
a  remploi  du  bois  en  nature  dans  les  hauts  fourneaux. 
Ses  études  sur  la  [Composition  et  remploi  du  gaz  des 
hauts  fourneaux,  puis,  d'une  façon  plus  générale,  sur  la 
composition  et  l'emploi  du  gaz  dans  tous  les  foyers  métal- 
lurgiques et  industriels,  devaient  l'occuper  presque  sans 
discontinuité  jusqu'à  la  fin  de  sa  trop  courte  carrière.  Ces 
travaux  devaient  puissamment  contribuer  à  faire  passer  la 
métallurgie  de  l'état  de  métier  à  celui  de  science,  en  per- 
mettant d'asseoir  sur  des  bases  rationnelles  la  théorie  de 
la  combustion  dans  les  foyers  métallurgiques  et  plus  spé- 
cialement dans  les  hauts  fourneaux,  ainsi  que  dans  les  foyers 
industriels.  Les  recherches  d'Ebelmen  dans  le  domaine  de 
la  géologie  et  de  la  minéralogie  sont  de  deux  sortes.  En 
premier  lieu  se  placent  les  études,  restées  classiques,  sur 
la  décomposition  des  rochdl  et  particulièrement  des  silicates  ; 
ces  études,  publiées  de  1845  à  1851,  ont  eu  la  plus  haute 
portée  géogénique,  particulièrement  au  point  de  vue  de  la 
formation  des  kaolins  et  des  argiles  par  la  décomposition  des 
feldspaths.  Les  mémoires  sur  la  reproduction  des  espèces 
minérales  qui,  de  1847  à  1851,  suivie  nt  les  recherches 
précitées  produisirent  dans  le  monde  scientifique  une  sen- 
sation encore  plus  profonde.  Ebelmen  venait,  en  effet,  de 
faire  une  découverte  de  premier  ordre  en  imaginant  une 
méthode  propre  à  obtenir  par  la  voie  sèche,  à  l'état  de 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.  — XV. 


cristaux  parfaits,  des  compositions  semblables  aux  miné- 
raux qui  constituent  les  gemmes.  Cette  méthode  consistait 
à  obtenir  la  séparation  ou  l'évaporation  de  dissolvants 
appropriés  à  des  températures  et  par  une  continuité  d'ac- 
tion telles  que  celles  données  par  les  fours  à  porcelaine. 
Ebelmen  reproduisit  ainsi,  en  premier  lieu,  les  minéraux 
de  la  famille  des  spinelles  (R^Qs^MO)  à  symétrie  cubique, 
puis  la  cymophane  (A1^03,G10)  dont  la  symétrie  est  sim- 
plement rhombique  ;  il  obtint  les  premiers  borates  anhydres, 
à  base  protoxyde,  qui  aient  été  encore  complètement  et  cris- 
tallographiquement  décrits  ;  il  avait  commencé  des  études  sur 
la  cristallisation  des  silicates  infusibles  à  la  température 
de  nos  fourneaux,  et  il  les  étendait  à  un  grand  nombre 
d'autres  silicates  lorsque  la  mort  vint  le  surprendre  sans 
qu'il  ait  pu  obtenir  tous  les  résultats  que  ces  méthodes 
pouvaient  donner  et  sans  qu'il  ait  même  pu  utiliser  les 
matériaux  déjà  réunis  par  lui.  M.  Mallard  {Annales  des 
mines,  1887,  8«  série,  t.  XII,  p.  887)  a  décrit,  parmi  les 
préparations  déposées  à  l'Ecole  des  mines,  une  série  d'entre 
elles  d'un  haut  intérêt  scientifique  dont  Ebelmen  n'avait 
pu  faire  mention  de  son  vivant,  telles  que,  en  dehors  de 
divers  borates,  le  chromite  de  glucine,  la  glucine,  l'acide 
niobique  et  l'acide  tantalique.  L.  Aguillon. 

ÉBÉNACÉES  (Ebenacece  Endl.)  (Bot.).  Famille  de 
végétaux  Dicotylédones,  dont  les  représentants  sont  des 
arbres  ou  des  arbustes,  à  bois  dense,  très  dur,  souvent  noir, 
à  feuilles  alternes,  quelquefois  opposées  et  verticillées  par 
trois,  dépourvues  de  stipules.  Les  fleurs,  insérées  à  l'ais- 
selle des  feuilles  ou  sur  le  bois  des  tiges  ou  des  branches, 
sont  dioïques,  plus  rarement  hermaphrodites  ou  polygames, 
tétramères  ou  trimères,  avec  un  calice  gamosépale,  une 
corolle  gamopétale  et  un  androcée  isostémone  ou  diplos- 
témone.  L'ovaire,  supère,  est  divisé  en  un  nombre  variable 
de  loges  renfermant  chacune  deux  ovules  anatropes  pen- 
dants ;  mais  chaque  loge  se  trouve  souvent  subdivisée 
par  une  fausse  cloison  en  deux  logettes  uniovulées.  Le 
fruit  est  une  baie,  accompagnée  généralement  du  calice 
accrescent  ;  ces  graines,  solitaires  ou  peu  nombreuses,  ren- 
ferment sous  leurs  téguments  un  gros  albumen  charnu, 
entier  ou  ruminé,  et  un  embryon  axile,  droit  ou  courbe,  à 
cotylédons  foliacés.  —  Les  Ébénacées  sont  placées  entre 
les  Sapotacées  et  les  Styracacées  ;  elles  diffèrent  des  pre- 
mières par  leur  diœcie,  des  secondes  par  leur  hypogynie, 
de  toutes  les  deux  par  leurs  loges  ovariennes  biovulées. 
On  en  connaît  environ  deux  cent  cinquante  espèces,  répar- 
ties dans  les  six  genres  :  Royena  L.,  Euclea  L.,  Maba 
Forst.,  Diospyros  L.,  Tetraclis  Hiern  et  Brachynema 
Benth.  Elles  ont  été  étudiées  monographiquement  par 
M.  Hiern  (dans  Transact,  Cambr.  PhiL  Soc,  XII,  avec 
11  pL).  Ed.  Lef. 

EBENALP.  Montagne  de  Suisse,  cant.  d'Appenzell, 
dans  le  groupe  du  Saentis;  1,640  m.  d'alt.  Ses  grottes  et 
son  point  de  vue  lui  attirent  de  nombreux  visiteurs  ;  ces 
grottes  renferment  des  chapelles  et  des  caves  ;  la  principale 
est  Wildkirchlein,  à  1,499  m.  d'alt.,  où  la  chapelle  fondée 
par  le  curé  Llmann  le  29  sept.  1856  est  un  lieu  de  pèle- 
rinage. 
BiBL.  :  Eglis,  Hœhlen  der  Ebenalp,  1865. 

ÉBÈNE.  I.  Botanique.  —  Sous  le  nom  de  Bois  d'Ebène, 
on  désigne  différents  bois  dont  le  cœur,  ou  duramen, 
prend,  avec  Tâge,  une  belle  teinte  noire,  entremêlée 
quelquefois  de  lignes  blanches  ou  brunes.  Ces  bois,  très 
recherchés  pour  la  confection  des  meubles  de  luxe,  sont 
fournis  principalement  par  des  Ebénacées  du  genre  Dios- 
pyros (V.  ce  mot).  C'est  ainsi  que  le  Bois  d'Ebène  noir 
ou  B.  d'Ebène  vrai  provient  des  Diospyros  Ebenum 
Retz,  D.  Ebenaster  Retz  et  D.  melanoxylon  Roxb.,  des 
Indes  orientales;  le  B.  d'Ebène  marbré,  du  D.  mela- 
nidea  Poir.;  le  B,  d'Ebène  à  veines  noires,  du  D.  leu- 
comelas  Poir.,  des  îles  Mascareignes.  —  Le  B.  d'Ebène 
vrai  est  également  appelé  dans  le  commerce  B.  d'Ebène 
noir  ou  de  Maurice;  mais  il  ne  faut  pas  le  confondre 
avec  la  véritable  Ebène  noire  de  ce  pays,  qui  est  fournie, 

15 


ÉBÈNE  —  EBER 


226 


dit-on,  par  le  Diospyros  tesselana  Poir.  —  D  un  autre 
côté  VEbène  noire  du  Brésil  ou  Ebène  du  Portugal 
est  attribuée  au  Melanoxylon  Brauna  Schott  (Légumi- 
neuses-Gaesalpiniées)  ;  VEbène  blanche  des  îles  Masca- 
Teignes  au  Diospyros  chrysophyllumUmk.;\Ebene 
bâtarde  au  Diospyros  reticulata  Willd.;  \Ebene  du 
Sénégal  au  Dalbergia  melanoxylon  Pers.  (Légummeuses- 
Papilionacées)  ;  VEbène  verte  soufrée  de  Cayenne  au 
Biqnonia  leucoxylon  L.  (Bignoniacées)  ;  enfin  VEbène 
verte  brune  de  Cayenne  à  VExcœcana  glandulosa  L., 
de  la  famille  des  Euphorbiacées.  Ed.  Lef. 

IL  Ameublement  (V.  Ébénisterie).  ,    .    , 

EBENEZER.  Village  de  l'Afrique  du  Sud,  colonie  du 
Cap,  comté  de  Clanwilliam,  à  25  kil.  environ  de  Tembou- 
chure  de  l'Olifant;  350  hab.  Les  missionnaires  de  la  Société 
rhénane  y  ont  fondé  un  établissement. 

EBENEZER.  Village  de  Palestine,  en  Judée,  près  de 
Mizpa,  oii  Samuel,  vainqueur  des  Philistins,  leur  reprit 
l'arche  sainte  ;  il  commémora  cet  événement  par  un  monu- 
ment (Sam.,  I,  7,  12).  .        .    o         K 

EBENFURTH.  Ville  d'Autriche,  province  de  Basse-Au- 
triche, sur  la  Leitha;  2,227  hab.  ;  vieux  château  de  tem- 
pliers; jardin  zoologique.  Filature  de  coton,  papeterie,  etc. 
ÉBÉNIER  (Bot.f.  Nom  vulgaire  du  Diospyros  Ebenum 
Retz  qui  fournit  une  partie  du  véritable  Bois  d'Ebène  du 
commerce.  —  L'Ebénier  de  Crète  est  VAnthyllis  Cretica 
Willd.  (Ebenus  Creticus  L.),  de  la  famille  des  Légumi- 
neuses-PapiUonacées;  l'E.  de  montagne,  le  Bauhinia  acu- 
minata  L.,  des  Antilles  (Légumineuses-Caisalpimées); 
l'E.  d'Orient,  VAlbizzia  Lebbek  Willd.  (Légumineuses- 
Mimosées);  le  faux  Ebénier  ou  E.  des  Alpes,  le  Cytisus 
Laburnum  L.  (Légumineuses-Papilionacées).  Ed.  Lef. 
ÉBÉNISTE  (V.  Ebénisterie). 

ÉBÉNISTERIE.  I. Histoire.  —  Vers  le  commencement 
du  xvii«  siècle,  ce  terme  servit  à  désigner  la  fabrication 
des  meubles  de  luxe,  qui  jusqu'alors  avait  été  réservée  aux 
menuisiers-huchiers.  A  ce  moment,  la  mode  abandonna  les 
dressoirs  et  les  armoires  dont  nos  bois  indigènes  fournissaient 
les  éléments  pour  rechercher  les  essences  rares  provenant 
des  forêts  de  l'Asie  et  du  nouveau  monde.  L'ébène  étant, 
de  toutes  les  matières  exotiques,  celle  qui  se  prêtait  le 
mieux  à  la  sculpture  en  raison  de  son  grain  serre,  les 
ouvriers  employés  à  ce  travail  spécial  reçurent  la  dénomi- 
nation d'ébénistes.  Mais  il  leur  fallut  attendre  jusqu'au 
xviii^  siècle  pour  obtenir  l'autorisation  de  former  une  nou- 
velle communauté  de  maîtres  menuisiers  et  ébénistes,  en 
se  séparant  de  l'ancienne  corporation  des  huchiers-menui- 
siers.  L'ébénisterie  ne  se  bornait  pas  à  employer  l'ébène 
et  les  bois  des  îles  ;  elle  comptait  également  dans  son  sein 
des  marqueteurs,  ainsi  que  des  ouvriers  pratiquant  l'art  de 
l'incrustation  de  l'ivoire  et  de  l'os  dans  le  bois.  On  trouvera 
au  mot  Ameublement  l'historique  de  cette  industrie. 

IL  Industrie.  —  L'ébénisterie  est  une  industrie  mul- 
tiple ;  elle  ne  comprend  pas  seulement  un  certain  nombre 
de  parties  distinctes  (menuiserie,  sculpture,  moulure),  mais 
des  subdivisions  nombreuses  tenant  aux  différentes  espèces 
de  meubles  (il  y  a  les  chaisiers,  les  menuisiers  en  fau- 
teuils, en  buffets,  etc.)  et  aussi  aux  diverses  opérations 
auxquelles   l'exécution  donne  lieu  (débitage,  préparation, 
corroyage,  dressage  du  bois,  emboîtage  des  pièces,  assem- 
blase,  ajustage,  placage,  ponçage  et  vernissage).  Il  faut  dis- 
tinguer l'ébénisterie  ordinaire,  où  les  ouvriers  travaillent 
suivant  des  données  connues,  d'après  des  mesures  fixées 
et  à  peu  près  invariables,  et  sans  avoir  besoin  de  recherche 
ou  d'imagination  ;  leur  besogne  consiste  surtout  à  ajuster 
les  diverses  parties  d'un  meuble,  à  coller  les  apphques, 
moulures,  etc.,  puis  à  plaquer  et  à  vernir.  Dans  l'ébénis- 
terie de  luxe,  au  contraire,  il  s'agit  d'exécuter  des  meubles 
d'après  des  dessins  ou  des  plans  spéciaux  ;  il  faut  alors 
allier  la'science  du  constructeur  à  l'habileté  manuelle  du 
menuisier,  et,  comme  ceux  qui  ont  ce  double  talent  sont 
rares,  on  s'explique  le  prix  fort  élevé  qu'atteint  le  meuble 
le  plus  simple,  dès  qu'il  sort  des  formes  et  des  proportions 


communes  (V.  Meuble).  C'est  à  Paris  que  l'ébénisterie 
française  a  son  principal  centre  ;  là  seulement  se  trouvent 
réunies  toutes  les  conditions  nécessaires  à  sa  perfection  : 
matières  premières,  ouvriers  habiles,  critiques  et  acheteurs. 
Mais  le  prix  élevé  de  la  main-d'œuvre  et  la  faciUté  des 
communications  ont  fait  créer  dans  plusieurs  villes  de  pro- 
vince des  ateliers  qui  tendent  à  décentraliser  cette  indus- 
trie. Marseille,  Toulouse,  Bordeaux,  Lyon,  Dijon,  Nantes, 
Lille,  Angers,  possèdent  des  ateliers  d'ébénisterie  où  l'on 
aborde  tous  les  genres,  mais  spécialement  le  meuble  ordi- 
naire. Lyon,  la  Savoie  et  le  Midi  ont  accaparé  à  leur  pro- 
fit le  commerce  de  l'ameublement  avec  l'Algérie,  la  Tunisie, 
l'Egypte,  etc.  Les  sièges  en  vieux  chêne  ont  aujourd'hui  leur 
centre  de  fabrication  dans  les  Vosges  ;  les  articles  dits  d'or- 
nement se  font  à  Castres. 

A  Paris,  on  compte  environ  18,000  ouvriers  ébénistes, 
dont  un  tiers  est  étranger.  Ils  se  divisent  ainsi  :  4,000  pour 
le  style,  les  meubles  de  luxe  et  de  fantaisie  ;  7,000  pour 
les  meubles  courants  de  commerce  ;  7,000  pour  les  meubles 
ordinaires.  La  journée  de  travail  est  de  dix  heures  et  la 
moyenne  des  salaires  de  8  fr.  par  jour.  Dans  les  grandes 
maisons,  les  ouvriers  travaillent  sous  la  direction  de  contre- 
maîtres qui  gagnent  de  300  à  400  fr.  par  mois.  Quelques 
maisons  emploient  de  200  à  300  ouvriers  ;  beaucoup  n'en 
occupent  que  de  20  à  50,  et  un  plus  grand  nombre  encore 
en  ont  moins  de  40.  Ces  derniers  sont  presque  toujours  des 
ouvriers  patrons,  travaillant  chez  eux,  dans  un  local  res- 
treint qui  peut  contenir  tout  au  plus  quelques  établis  et  les 
outils  indispensables.  Ils  sont  donc  de  petits  entrepreneurs, 
qui  n'ont  besoin  de  capitaux  importants  que  lorsque  leurs 
affaires  prennent  de  l'extension.  Citons  aussi  les  irréguliers, 
ceux  qui  travaillent  pour  la  trôle,  bâclent  un  meuble  et  le 
vendent  à  vil  prix  sur  les  trottoirs  du  faubourg  Saint-An- 
toine. La  corporation  de  l'ébénisterie  est  reliée,  à  Paris,  à 
la  Chambre  syndicale  de  l'ameublement  (13,  rue  de  la  Ce- 
risaie) fondée  en  1860.  Cette  Chambre  a  fondé  les  cours 
gratuits  du  «  patronage  des  enfants  de  l'ébénisterie  » 
(5,  passage  des  Chantiers),  qui  comprennent  la  géométrie 
élémentaire,  la  géométrie  descriptive,  la  perspective,  le 
dessin  technique,  le  modelage  et  l'histoire  de  l'art.  Ils  ont 
lieu  tous  les  soirs  et  sont  suivis  par  cent  vingt-cinq  élèves 
environ.  La  Chambre  syndicale  ouvrière  de  l'ébénisterie 
et  du  meuble  sculpté  a  également  créé  des  cours  profes- 
sionnels gratuits  de  dessin  et  de  modelage  (16,  rue  de  Cha- 
ronne).  Tout  récemment  la  ville  de  Paris  a  créé  une  école 
spéciale,  l'Ecole  Boule.  A  Cherbourg  existait  déjà  une  école 
de  ce  genre,  fondée  par  MM.  Noyon,  fabricants  de  meubles 
dans  cette  ville,  et  qui  donne  les  meilleurs  résultats. 

EBENSEE.  Village  d'Autriche,  prov.  de  la  Haute-Au- 
triche, au  S.  du  lac  de  Gmunden;  1,053  hab.  Il  possède 
des  salines  importantes  (Langbath)  à  gauche  de  la  Traun  ; 
on  en  retire  près  de  400,000  quintaux  annuellement. 

ÉBÉON.Com.  du  dép.  de  la  Charente-Inférieure,  arr. 
de  Saint-Jean-d'Angely,  cant.  de  Saint-Hilaire  ;  110  hab. 
Il  existe  sur  le  territoire  de  cette  commune  une  pile  ro- 
maine ou  fanii7n. 

BiBL.  :  A. -F.  Lièvre,  les  Fana  ou  Vernemets  du  sud- 
ouest  de  la  Gaule  ;  Paris,  1888,  in-8.  —  Revue  poitevine  et 
saintongeaise,  V°  année,  1888-1889,  p.  97.  —  Revue  de  Sain- 
tonge  et  d'Aunis^  1888,  p.  388. 

ÈBER  (Paul),  théologien  et  poète  allemand,  né  à  Ki- 
tzingen,  en  Franconie,  le  8  nov.  1511,  mort  à  Wittenberg, 
en  Saxe,  le  10  déc.  1569.  Il  avait  douze  ans  quand  son 
père,  un  pauvre  tailleur,  lui  ayant  reconnu  des  facultés 
exceptionnelles,  l'envoya  au  gymnase  d'Ansbach.  Mais  il 
tomba  malade  et  fut  obligé  de  revenir  à  la  maison  pater- 
nelle ;  une  chute  de  cheval  ruina  complètement  sa  santé  ; 
il  resta  petit  et  contrefait.  Il  continua  néanmoins  ses  études 
à  Nuremberg,  où  il  eut  pour  maître  Camerarius.  Son  goût 
l'entraîna  d'abord  vers  l'histoire  et  les  sciences  naturelles  ; 
son  premier  ouvrage  fut  une  Histoire  du  peuple  juif  de- 
puis le  retour  de  la  captivité,  en  latin  (Wittenberg, 
1548)  ;  il  composa  aussi  un  calendrier  sur  lequel  les  noms 
des  saints  étaient  remplacés  par  des  éphémérides  histo- 


—  m  — 


EBER  —  EBERHARD 


riques.  Dans  l'intervalle,  il  était  arrivé  à  Wittenberg  (1532), 
et  il  était  entré  en  relations  intimes  avec  Luther  et  surtout 
avec  Melanchthon.  Il  fut  nommé  professeur  de  grammaire 
latine  en  1544,  et  pendant  la  guerre  de  Sma]kalde(lo46- 
1547),  quand  l'université  se  dispersa,  il  resta  dans  la 
ville.  11  devint  prédicateur  à  l'église  principale  en  1557, 
et  l'année  suivante  il  fut  nommé  inspecteur  ecclésiastique 
de  l'électorat  de  Saxe.  Dans  les  discussions  qui  s'élevèrent 
au  sein  de  l'Eglise  nouvelle,  Paul  Eber  chercha  toujours 
à  concilier  les  opinions  extrêmes,  maintenant  avec  fermeté 
les  points  essentiels  de  la  doctrine  et  laissant  les  détails  à 
la  libre  appréciation  de  chacun  ;  il  pensa  qu'il  fallait  éviter 
avant  tout,  comme  il  le  dit  dans  un  écrit  sur  la  Sainte 
Cène  (Wittenberg,  1562),  «  les  vaines  subtilités  et  les 
disputes  où  l'on  ne  cherche  qu'à  faire  assaut  d'esprit  ». 
Lui-même  considérait  comme  sa  tâche  spéciale  la  revision 
de  la  version  latine  de  l'Ancien  Testament,  dont  il  avait 
été  chargé  par  l'électeur,  l^ne  partie  de  ses  sermons  furent 
publiés  après  sa  mort.  Ce  qui  lui  a  le  plus  longtemps  sur- 
vécu, ce  sont  ses  cantiques  ;  le  plus  célèbre  commence  par 
ces  mots  :  «  Seigaeur  Jésus-Christ,  vrai  homme  et  vrai 
Dieu,  tu  souffris  pour  moi  le  martyre  et  l'outrage.  »  Un 
choix  de  ses  œuvres  se  trouve  au  8^  vol.  de  la  collection 
intitulée  Leben  und  ausgewœhlte  Schriften  der  Vœter 
und  Begrûnder  der  reformirten  Kirche.  A.  B. 

BiBL.  :  SiXT,  Dr.  Paul  Ehei\  der  Schûler.,  Freund  und 
Amtsgenosse  der  Reformatoren  ;  Heidelberg,  1843.  —  Du 
même,  Paul  Eber,  ein  Stûck  Wittenberger  Lebens  aus  den 
Jahren  1532-1569  ;  Ansbach,  1857. 

EBERBACH.  Ville  d'Allemagne,  grand-duché  de  Bade, 
cercle  de  Mosbach,  sur  le  Neckar,  au  pied  du  Katzenbuckel  ; 
4,830  hab.  Commerce  de  bois  et  de  vin.  C'est  une  ancienne 
ville  impériale  qui  finit  par  tomber  aux  mains  des  électeurs 
palatins. 

BiBL.  :  WiRTH,  Geschichte  der  Stadt  Eberbach;  Stutt- 
gart, 1864. 

EBERBACH.  Ancienne  abbaye  cistercienne,  située  dans 
le  Rheingau  (district  de  Wiesbaden,  Prusse).  Fondée  en 
1116,  occupée  par  les  cisterciens  en  1131,  elle  fut  sécu- 
larisée en  1803  ;  il  subsiste  son  église,  le  réfectoire  à  trois 
nefs,  les  tombeaux  de  plusieurs  archevêques  de  Mayence  et 
comtes  de  Nassau.  Ses  caves  et  les  bâtiments  du  cloître, 
transformés  en  cellier,  abritent  les  récoltes  des  meilleurs 
crus  du  Rheingau. 

BiBL.  :  Baer,  Diplomatische  Geschichte  der  Abtei  Eber- 
bach; Wiesbaden,  1851-58,  2  vol.—  Rossel,  Urkunden- 
buch  der  Abtei  Eberbach  ;  Wiesbaden,  1861-65,  2  vol.  — 
Du  même,  Die  Abtei  Eberbach.,  dans  Denkmœlern  aus 
Nassau  ;  Wiesbaden,  1862. 

EBERHARD,  duc  de  Franconie,  tué  près  d'Andernach 
en  939.  Frère  et  dévoué  partisan  du  roi  Conrad  (V.  ce 
nom),  il  fut  vaincu  en  915  sur  la  Diemel  par  le  duc  Henri 
de  Saxe,  détermina  l'élection  de  celui-ci  comme  roi  à 
Fritzlar  (avr.  919).  Il  entra  en  conflit  avec  Otton  P^,  se 
souleva,  d'accord  avec  le  frère  de  celui-ci,  Thankmar,  en 
938,  et  fit  prisonnier  un  autre  frère  du  roi,  Henri.  En  939, 
il  s'associa  au  duc  Gislebert  de  Lorraine,  ravagea  la  Saxe 
et  périt  dans  une  embuscade  tendue  par  ses  cousins,  Conrad 
et  Udo.  Il  mourut  sans  héritiers,  et  avec  lui  disparut  la 
puissance  de  la  première  maison  de  Franconie. 

EBERHARD.  Comtes  et  ducs  de  Wurttemberg  (V.  ce 
mot,  §  Histoire), 

EBERHARD  (Philippe),  mathématicien  zurichois,  né  en 
1563,  mort  en  1627.  On  connaît  de  lui  et  de  son  conci- 
toyen Zubler  un  rapport  paru  à  Zurich  en  1602  sur  un 
nouvel  instrument  géométrique  dû  à  leur  invention,  ainsi 
qu'un  traité  De  Triangiilo. 

EBERHARD  (Johann-Paul),  architecte  et  professeur  de 
mathématiques,  né  à  Altona  le  25  janv.  1723,  mort  à 
Gottingue  en  \1%.  Nommé  professeur  d'architecture  à 
Gôttingue  en  1754,  Eberhard  a  laissé  les  ouvrages  sui- 
vants :  Description  d'une  nouvelle  méthode  d'arpentage 
(Halle,  1753);  Essai  sur  r architecture  militaire  (Gôt- 
tingue, 1757);  De  VUtilité  des  mathématiques  (RaWe, 


1769);  Etude  sur  les  dépôts  d'artillerie  (1771),  et  Des- 
cription  des  environs  de  Gôttingue  (1793).     Ch.  L. 

EBERHARD  (Johann-August),  philosophe  et  vulgari- 
sateur allemand,  né  à  Halberstadt  le  31  août  1739,  mort 
à  Halle  le  6  janv.  1809.  Son  père,  maître  de  chant  et  pro- 
fesseur à  Halberstadt,  était  un  savant  homme  et  fut  son 
premier  maître.  Après  avoir  étudié  quelques  années  au 
gymnase  d'Halberstadt ,  le  jeune  Eberhard  vint,  en  1756, 
étudier  la  théologie  à  l'université  de  Halle.  Vers  la  fin  de 
l'année  1759,  il  retourna  dans  sa  ville  natale  et  devint  pré- 
cepteur de  l'aîné  des  fils  du  baron  von  der  Horst,  auprès 
duquel  il  resta  en  Westphalie  pendant  toute  la  durée  de  la 
guerre  de  Sept  ans.  En  1763,  il  revint  à  Halberstadt  et  fut 
nommé  recteur  adjoint  de  l'école  Saint-Martin  et  second 
prédicateur  de  l'église  de  l'hôpital  du  Saint-Esprit.  Mais  il 
renonça  bientôt  à  ces  fonctions  pour  suivre  son  protecteur 
à  Berlin,  où  il  fut  admis  dans  la  meilleure  société  et  entra 
en  relations  avec  Nicolaï  et  Mendelssohn.  Nommé,  en  1768, 
chapelain  à  l'asile  de  Rerlin,  il  se  remit  avec  ardeur  à 
l'étude  de  la  théologie,  de  la  philosophie  et  de  l'histoire. 
En  1786,  Eberhard  fut  nommé  membre  de  l'Académie 
des  sciences  de  Berlin;  en  1805,  il  reçut  le  titre  de  con- 
seiller intime  et,  en  1808,  un  an  avant  sa  mort,  celui 
de  docteur  en  théologie  de  la  faculté  de  Halle.  Enfin  il 
publia,  en  1772,  sa  Ëeue  Apologie  des  Sokrates  (Berlin 
et  Stettin,  2  vol.  plusieurs  fois  réimprimés),  où  il  combat 
la  théorie  ecclésiastique  d'après  laquelle  tous  les  païens 
sont  damnés  faute  d'avoir  eu  la  foi.  Persécuté  pour  cet 
ouvrage,  il  accepta  la  cure  de  Charlottenburg  (1774)  et 
consacra  les  loisirs  que  lui  laissaient  ses  fonctions  à  pré- 
parer un  second  volume  de  son  apologie,  où  il  énonçait  les 
théories  les  plus  libérales  sur  la  tolérance  reHgieuse  et  sur 
la  critique  des  textes  sacrés.  Sa  situation  dans  l'Eglise  deve- 
nant de  plus  en  plus  difficile,  il  consentit,  non  sans  regrets, 
à  occuper  la  chaire  de  philosophie  à  l'université  de  Halle 
(1778).  Il  n'eut,  comme  professeur,  qu'un  succès  médiocre  ; 
il  maniait  difficilement  les  termes  abstraits,  et  son  débit 
manquait  d'assurance.  Mais  de  cet  enseignement  résultèrent 
divers  ouvrages  philosophiques.  Déjà,  en  1776,  avait  paru  : 
Allgemeine  Théorie  des  Denkens  und  Empfindens.  Il 
publia  successivement  :  Sittenlehre  der  Vernunft  (1781- 
86)  ;  Théorie  der  schônen  Kilnste  und  Wissensch. 
(1783-86-90);  Vorbereitung  zurnatïlrl.  Theol,  (Halle, 
ilSl);Allgem.  Gesch.  der  Philos.  (Halle,  1788-96).  En 
même  temps  il  entamait  contre  Kant  une  longue  polémique, 
prétendant  que  la  critique  de  la  raison  pure  n'avait  rien 
détruit  de  la  philosophie  de  Leibniz  et  de  Wolff*.  Il  fonda, 
pour  soutenir  cette  polémique,  deux  journaux  :  Das  philo- 
sophische  Magazin  (1787-95),  et  Philosophisches  Archiv 
(1793-95).  La  réponse  de  Kant  (Durch  eine  Entwicklwig 
durch  die  aile  Kritik  der  reinen  Vernunft  durch  die 
altère  entbehrlich  gemacht  werden  soll^  1790)  fut  désas- 
treuse pour  Eberhard,  qui  consacra  le  reste  de  ses  jours  à 
des  travaux  moins  exclusivement  philosophiques  :  Allgem, 
Synonymik  der sinnvenvandten  Wôrterder  hochdeuts- 
chen  Sprache  (1795);  un  excellent  manuel  d'esthétique 
(Handbuch  der  Msthetik;  Halle,  1803-5,  4  vol.)  ;  Der 
Geist  des  Urchristenthums  {id.,  1808),  et  un  grand 
nombre  de  monographies  dans  divers  recueils.  Th.  Ruyssen. 

Parmi  les  écrits  d'Eberhard,  plusieurs  intéressent  par- 
ticulièrement les  musiciens,  et  l'on  y  trouve  diverses 
dissertations  sur  le  mélodrame  et  sur  des  questions  relatives 
aux  instruments  à  vent.  Cette  dernière  a  été  publiée  dans 
le  BerL  mus.  Wochenblatt.,  en  1805,  p.  97,  sous  le 
titre  de  Fragmente  einiger  Gedonken  zur  Beautwor^ 
tung  einer  Frage  ûber  die  Blasinstrumente.  Dans  son 
Manuel  d'esthétique  (Handbuch  des  Aesthetik),  Eberhard 
combat  la  théorie  de  Kant.  qui  réduit  les  impressions  pro- 
duites par  la  musique  à  un  jeu  de  pures  sensations.  Le 
premier,  il  consacra  à  la  musique  un  développement  scien- 
tifique et  philosophique.  Dans  la  troisième  partie  de  son 
ouvrage,  il  traite  de  la  théorie  du  beau  dans  cet  art  (pp.  66 
et  123).  Son  principe  fondamental  reconnaît  à  l'homme  le 


—  228 


EBERHARD  —  EBERS 

sentiment  inné  des  éléments  de  la  musique  que  Texpérience 
développe.  Ces  éléments  sont  classés  dans  cet  ordre  : 
rythme,  mouvement,  intonation,  mélodie,  harmonie. 
BiBL.  :  NicoLAi,  GedàchtniszsclirlftaiirEberhard;  Ber- 
lin 1810.  -  Sprengel,  WielamVs  Neues  Merhur,  n»  4, 
p.  283. 

EBERHARD(K  onrad) ,  sculpteur  et  peintre  al  lemand ,  ne  a 
Hindelang  le  25  nov.  1768,  mort  à  Munich  le  12  mars  18^39. 
Il  se  fit  connaître  par  la  perfection  des  ouvrages  de  sam- 
teté  (crucifix,  autels,  images  de  saints),  qu'il  exécutait 
avec  ses  frères  Konrad  et  Franz,  devint  élève  de  Boos  et 
se  rendit  à  Rome  (1806).  Il  exécuta  dans  le  style  classique 
une  Muse,  un  Faune,  une  Leda,  Endymion  et  Diane, 
devint  professeur  à  l'Académie  de  Munich  (1810),  exécuta 
le  tombeau  de  la  princesse  Caroline  (Munich,  église  des 
Théâtins,  l82o),  passa  au  style  gothique,  mais  imitant  les 
romantiques  italiens,  par  exemple  dans  ses  tombeaux  des 
évêques  Sailer  et  Wittmann  (cathédrale  de  Ratisbonne).  Il 
est  l'auteur  de  poésies  et  de  compositions  musicales  reli- 
gieuses. —  Son  frère,  Franz,  né  à  Hindelang  en  1767 
mort  aveugle  le  18  déc.  1836,  a  souvent  aidé  Konrad;  seul 
il  a  exécuté  divers  ornements  religieux,  petits  bas-reliefs  en 
albâtre,  etc.,  très  appréciés  pour  la  grâce  de  la  composition, 
l'expression  des  physionomies  et  la  délicatesse  de  l'exécution. 
EBERHARD  (Christian-August-Gottlob),  écrivain  alle- 
mand, né  à  Belzig  en  1769,  mort  à  Dresde  le  13  mai  1845. 
Il  s'essaya  dans  la  théologie,  les  beaux-arts,  la  hbrairie,  le 
journalisme,  obtint  de  réels  succès  dans  la  poésie.  Il  se 
rattache  aux  vieux  maîtres  du  xviii«  siècle  ;  on  peut  citer 
Hannchen  und  die  Kilchlein  (Halle,  1822),  idylle  vingt- 
cinq  fois  rééditée.  Ses  œuvres  complètes  forment  vingt 
volumes  (Halle,  1830-31).  H  publia  avec  Lafontame  la 
revue  mensuelle  Satina  (Halle,  1812-16,  8  vol.),  reprit 
à  la  mort  de  son  père,  celle  du  Jarhrbuch  der  hàuslîchen 
Andacht,  Citons  encore  Der  erste  Mensch  und  die  Erde 
(Halle,  1828;  2«  édit.  1834)  et  Vermischte  gedichte 
(Halle,'   1833,  2  vol.). 

EBERHARDT  (J.),  peintre  d'histoire  et  de  genre  alle- 
mand du  xix«  siècle.  On  signale  parmi  ses  ouvrages  : 
Lénore  (d'après  la  Ballade  de  Burger)  ;  la  Victoire  de 
l'amiral  Ruijter  sur  les  flottes  anglaise  et  française; 
le  Printemps, 

EBERL  (Anton),  pianiste  et  compositeur  autrichien,  né 
à  Vienne  le  13  juin  1765,  mortà  Vienne  le  11  marsl807. 
Son  père  était  un  officier  important  de  la  cour  impé- 
riale, et  le  destina  d'abord  au  barreau.  Mais,  dès  l'âge 
de  seize  ans,  il  composa  deux  opéras-comiques.  Il  fut  re- 
marqué par  Gluck  et  se  lia  peu  après  avec  Mozart.  Voici 
la  liste  sommaire  de  ses  œuvres  les  plus  marquantes  :  une 
sonate  en  ut  mineur,  gravée  sous  le  nom  de  Mozart,  op.  47, 
et  publiée  par  Pleyel  sous  le  titre  de  Dernière  grande 
Sonate  de  Mozart;  neuf  sonates  pour  le  piano  à  deux  et 
quatre  mains,  une  pour  piano  avec  violon,  publiées  sépa- 
rément sous  des  titres  divers  ;  des  variations  sur  des  airs 
célèbres,  <?ntre  autres  sur  un  air  de  la  Flûte  enchantée, 
celles-là  publiées  sous  le  nom  de  Mozart  ;  une  cantate,  la 
Gloria  d'Imeneo  ;  des  trios  et  quatuors  pour  piano  et 
cordes,  un  quintette,  trois  quatuors  pour  deux  violons,  alto 
et  basse,  des  fantaisies,  polonaises,  concertos,  sérénades 
(l'une  de  ces  sérénades  est  pour  deux  ténors,  deux  basses 
avec  alto,  violoncelle  et  clarinette);  des  opéras,  les  Bohé- 
miens, la  Marchande  démodes,  la  Reinedes  Iles  noires, 
la  Sorcière,  Baudouin,  comte  de  Flandre;  quatre  sym- 
phonies à  grand  orchestre.  A.  Ernst. 

EBERLE  (Adam),  peintre  d'histoire  allemand,  né  à  Aix- 
la-Chapelle  en  1805,  mort  à  Rome  le  18  avr.  1832.  Elève 
de  CorneUus,  il  suivit  son  maître  de  Dusseldorf  à  Munich. 
En  1829,  il  partit  pour  Rome,  où  il  mourut  à  peine  âgé 
de  vingt-sept  ans.  Ses  plus  remarquables  œuvres  sont  :  la 
fresque  du  plafond  de  l'Odéon  de  Munich,  représentant 
Apollon  et  les  Bergers,  et  deux  dessins,  les  Apôtres 
saint  Paul  et  saint  Pierre  sur  la  route  de  Rome,  et 
Jérusalem  captive. 


EBERLE  (Robert),  peintre  animalier  allemand,  né  à 
Meersburg  (Bade)  le  22  juil.  1815,  mort  à  Ebersing,  près 
de  Munich,  le  19  sept.  1860.  Cet  artiste  excellait  prmcipa- 
lement  dans  la  peinture  des  brebis.  Ses  œuvres  principales 
sont  :  le  Berger  foudroyé  a  côté  de  ses  brebis  (1842)  ; 
Brebis  chassées  dans  un  précipice  par  un  aigle  (1858). 
EBERLE  (Adolf),  peintre  de  genre  allemand,  né  a 
Munich  en  1843.  Elève  de  Piloty,  il  débuta,  en  1861,  par 
la  Saisie  de  la  dernière  vache,  qui  se  distingue  par  l'ac- 
cent de  la  vérité  et  par  la  simplicité.  Il  peignit  dans  la 
suite  des  Scènes  populaires  de  la  Haute-Bavière,  la 
Leçon  de  cithare,  la  Danse  de  la  fiancée,  la  Prière  à 
table,  le  Premier  Chevreuil,  etc. 

EBERLEIN  (Georg),  architecte  et  peintre  décorateur 
allemand,  né  à  Linden  (Bavière,  Franconie  moyenne)  le 
13  avr.  1819,  mort  à  Nuremberg  le  8  juil.  1884.  Elève  de 
Heideloff",  il  décora  une  église  de  Stuttgart,  la  grande  salle 
du  château  de  Cobourg,  travailla  (1840-44)  à  décorer  les 
châteaux  de  Lichtenstein  (Wurttemberg)  et  de  Landsberg 
(près  de  Meininger),  à  la  reconstruction  du  château  de 
Hohenzollern,  de'la  cathédrale  d'Erfurt,  qu'il  orna  de  mo- 
saïques, à  la  construction  de  Saint-Emmeran  de  Nuremberg, 
de  la  seconde  église  protestante  de  Munich,  etc. 

EBERLEIN  (Gustav),  sculpteur  allemand,  né  à  Spie- 
kershausen  (près  deMinden)  le  14  juil.  1847.  Orfèvre,  il 
étudia  à  Nuremberg,  devint  élève  de  Begas  à  Berlin  et 
voyagea  en  Italie.  Il  a  exécuté  des  statues  de  Léonard  de 
Vinci,  Platon,  Hippocrate ,  une  Victoire  couronnant 
r empereur,  une  Joueuse  de  flûte  grecque,  et  surtout  la 
grande  frise  de  la  façade  du  ministère  des  cultes,  longue  de 
45  m.  (en  pierre);  depuis,  un  bas-relief  colossal,  le  Génie 
de  r  Allemagne  (1883),  Jeune  Fille  sacrifiant  des  tour- 
terelles, une  Psyché,  une  Bacchante  (1884),  etc.  Une 
certaine  perfection  d'exécution  ajoute  au  charme  de  ces 
œuvres  gracieuses  et  vivantes. 

EBERLIN  (Johann-Ernst),  célèbre  organiste  et  compo- 
siteur de  musique  sacrée,  né  à  Jettingen,  près  de  Giinzbourg 
(Bavière),  le  27  mars  1702,  mort  à  Salzbourg  le  21  juin 
1762.  Son  vrai  nom  était  Eberle.  Il  fut  maître  de  chapelle 
de  la  cour  de  Farchevêque  de  Salzbourg.  Il  a  écrit  une 
suite  de  drames  latins  pour  les  étudiants  du  couvent  des 
bénédictins  de  Salzbourg,  de  nombreuses  messes,  des 
hymnes,  des  motets,  dont  on  trouvera  la  longue  liste  dans 
la  Biographie  des  musiciens  de  Fétis.  Ses  /X  Toccate  e 
fughe  per  Vorgano,  publiées  à  Augsbourg  en  1747, 
obtinrent  un  grand  succès  auprès  des  musiciens  de  son 
temps.  Clementi  les  a  insérées  dans  sa  collection  de  musique 
d'orgue  et  de  clavecin,  mais  Mozart  estimait  surtout  les 
pièces  à  quatre  voix.  En  1777,  il  en  copia  treize  pour  son 
instruction  et  cette  copie  existe  encore.  Le  style  vocal  de 
ces  motets  est  très  noble,  et  l'harmonie  pleine  de  modula- 
tions savantes. 

EBERNBURG.  Village  d'Allemagne,  royaume  de  Ba- 
vière, cercle  du  Palatinat  Rhénan,  à  l'embouchure  de  l'Al- 
senz,  sur  la  Nahe;  606  hab.  Station  du  chem.  de  fer  de 
Bingen  à  Kaiserslautern.  Ruines  du  château  qui  fut  la 
résidence  de  Franz  de  Sickingen  (V.  ce  nom). 

EBERS  (Karl-Friedrich),  compositeur,  né  à  Cassel,  dans 
laHesse,le  25  mars  1770,  mort  à  Berlin  le  7  sept.  1836. 
Après  avoir  appartenu  au  corps  de  l'artillerie  prussienne, 
il  se  fit  maître  de  musique  dans  une  troupe  ambulante, 
puis  devint  compositeur  de  la  chambre  du  prince  de  Meck- 
lembourg-Schwerin  (1797).  Marié,  puis  divorcé,  il  reprit 
sa  vie  errante,  fut  directeur  de  musique  à  Pesth,  à  Mag- 
debourg,  et  vécut  enfin  dans  la  misère,  à  Leigzig  d'abord, 
jusqu'en  1822,  puis  à  BerHn.  Ses  ouvrages  comprennent 
des  opéras,  Bella  et  Fernando,  l'Ermite  de  Formen- 
tera,  Der  Blumeninsel,  Der  Liebescompass  ;  des  chan- 
sons avec  accompagnement  de  piano  ;  des  rondos,  thèmes 
variés,  sonates,  pièces  à  quatre  mains,  valses,  écossaises, 
variations,  ouvertures,  polonaises,  danses  diverses  pour 
le  piano  ;  des  trios  et  sonates  pour  piano  et  flûte,  six 
marches  pour  deux  clarinettes,  deux  hautbois,  deux  cors 


!229  — 


EBERS  —  EBERSMONSTER 


et  deux  bassons  ;  d* autres  pièces  pour  instruments  à  vent, 
cors,  clarinettes,  cors  de  basset,  etc.  ;  des  solos  et  airs 
variés  pour  flûte  ;  une  symphonie.  A.  Ernst. 

EBERS  (John),  libraire  anglais  et  directeur  de  théâtre, 
né  à  Londres  vers  1785,  mort  à  Londres  entre  1830  et 
1835.  D'abord  libraire  à  Londres,  puis  marchand  de  billets, 
il  prit,  en  1820,  la  direction  du  King's  Théâtre,  où  il 
releva  l'opéra  italien,  qui  était  tombé  en  pleine  décadence. 
Il  obtint  d'abord  des  succès  considérables  avec  la  Gazza 
Ladra  et  plusieurs  opéras  de  Rossini,  puis  il  fit  faillite  en 
1827.  Il  reprit  alors  son  commerce  de  librairie.  On  a  de  lui 
Seven  Years  of  the  King's  Théâtre  (Londres,  1828), 
ouvrage  utile  pour  l'histoire  de  l'opéra  italien  en  Angle- 
terre. R.  S. 

EBERS  (Emil),  peintre  de  genre  allemand,  né  à  Breslau 
le  14  déc.  1807.  Elève  de  l'Académie  de  Dusseldorf,  où 
il  s'établit  en  1830,  cet  artiste  s'est  fait  connaître  par 
des  scènes  de  la  vie  des  contrebandiers,  des  matelots,  des 
pêcheurs,  etc. 

EBERS  (Georg-Moritz),  égyptologue  allemand,  né  à 
Berlin  le  1^^  mars  1837.  Elève  de  Brugsch,  Lepsius  et 
Bœckh,  à  l'université  de  Berlin,  privât  docent  à  celle 
d'Iéna  (1865),  il  entreprit  un  voyage  en  Egypte  et  Nubie 
(1869-70),  professa  à  l'université  de  Leipzig  (1870-72), 
repartit  pour  l'Egypte,  où  il  fit  plusieurs  trouvailles,  entre 
autres  celle  dnPapyrus  Ebers^  dans  la  nécropole  de  Thèbes. 
Ses  principaux  travaux  scientifiques  sont  :  Disquisitiones 
de  dynastia  vicesima  sexta  regum  œgyptiorum  (Ber- 
lin, 1865);  Aegypten  und  die  Bûcher  Mosis  (Leipzig, 
1868)  ;  Durch  Gosenzum  Sinai  (Leipzig,  1872)  ;  l'édi- 
tion de  son  Papyrus^  très  intéressant  pour  l'étude  de  la 
médecine  des  anciens  Egyptiens  (Leipzig,  d875).  Il  a,  en 
outre,  rédigé  un  ouvrage  de  luxe,  Aegypten  in  Wort 
und  Bild  (Suttgart,  1880,  2  vol.,  2«  éd.)  ;  un  guide,  Ci- 
cérone durch  das  alte  und  neue  Aegypten  (Stuttgart, 
1886,  2  vol.)  ;  une  biographie  de  Richard  Lepsius  (Leip- 
zig, 1885).  Il  a  eu  encore  plus  de  succès  comme  roman- 
cier que  comme  savant.  Ses  romans  historiques,  très  bien 
écrits,  où  l'intérêt  archéologique  est  soutenu  par  une 
psychologie  et  une  mise  en  scène  habiles,  sont  très  popu- 
laires en  Allemagne.  Le  premier,  Eine  œgyptische  Kœnig- 
stochter  (Stuttgart,  1864),  était,  en  1883,  à  sa  onzième 
édition  ;  non  moindre  fut  le  succès  des  suivants  :  Uarda 
(Stuttgart,  1877,  3  vol.);  Homo sum  (Stuttgart,  1878); 
Die  Schwestern  (Stuttgart,  1879);  Der  Kaiser  (Stutt- 
gart, d880,  2  voL);  Serapis  (Stuttgart,  1885)  ;  ils  se 
rapportent  aux  différentes  périodes  de  l'histoire  égyptienne 
jusqu'au  moment  du  triomphe  du  christianisme;  Eine 
Frage  (Stuttgart,  1881)  est  une  idylle  dont  la  scène  est 
dans  l'ancienne  Grèce  ;  celle  de  deux  autres  romans  est 
dans  les  Pays-Bas  et  l'Allemagne  du  xvi®  siècle  :  Die  Frau 
Burgemeisterin  (Stuttgart,  1881);  Ein  Ifor^  (Stutt- 
gart, 1882). 

EBERS  BAC  H.  Ville  d'Allemagne,  royaume  de  Saxe, 
cercle  de  Bautzen  ;  6,931  hab.  On  y  fabrique  surtout  des 
cotonnades  multicolores  pour  l'Orient  ;  deux  lignes  ferrées 
s'y  croisent  près  de  la  frontière  de  Bohême. 

EBERSBERG.  Village  d'Allemagne,  royaume  de  Ba- 
vière, province  de  Haute-Bavière;  1,584  hab.  Ancien  cou- 
vent de  bénédictins  fondé  en  990,  célèbre  au  xi«  siècle, 
occupé  par  les  jésuites  de  1595  à  1773,  grand  prieuré  jus- 
qu'en 1803.  C'est  encore  un  lieu  de  pèlerinage. 

EBERSBERG  (Johann-Siegmund),  écrivain  autrichien, 
né  à  Steinabrunn  (Basse-Autriche)  le  22  mars  1799,  mort 
à  Bernais,  près  de  Vienne,  le  27  oct.  1854.  Précepteur  dans 
des  familles  aristocratiques,  il  publia  Feierstunden  (1824), 
puis  OEsterreichischen  Zuschauer  (1831),  revue  pour 
les  enfants.  Réactionnaire  passit)nné,  il  dut  suspendre  sa 
publication  en  1848.  On  a  réuni  une  partie  de  ses  écrits 
sous  le  titre  :  Erzœhlungen  filr  meine  Sœhne  (Vienne, 
1835,  8  vol.).  —  Son  fils  aîné,  Karl-Julius,  né  à  Vienne 
le  7  sept.  1831,  mort  à  Vienne  le  4  avr.  1876,  profes- 
seur à  l'académie  militaire  de  Wiener-Neustadt,  a  publié 


plusieurs  récits  militaires  :  Aus  dem  Wanderbuch  eines 
Soldaten  (Stuttgart,  1855)  ;  Am  Wachtfeuer  (1856); 
Haus,  Hof  und  Staatsgeschickten  (1869,  3  vol.),  etc. 
—  Son  second  fils,  Ottokar-Franz  (frère  du  précédent), 
né  à  Vienne  le  10  oct.  1833,  mort  aliéné  le  16  janv. 
1886,  se  fit  connaître  comme  auteur  dramatique  sous  le 
pseudonyme  d'O.-F.  Berg,  Il  a  écrit,  à  partir  de  1854, 
environ  cent  cinquante  pièces,  dont  beaucoup  ont  eu  jus- 
qu'à cinquante  et  soixante  représentations  ;  quelques-unes, 
adaptées  par  Kalisch,  ont  eu  à  Berlin  jusqu'à  cent  et  deux 
cent  cinquante  représentations  {Ein  Wiener  Dienstbot^ 
transformé  en  Berlin^  voie  es  weint  und  lacht^  et  Einer 
von  unsere  Leut').  Citons  encore  :  Die  Pfairerskœchin, 
Die  alte  Schachtel^  Verlassene  Kinder,  Die  Probier- 
mamsell,  Der  letzte  Nationalgardist,  Nemesis,  Das 
Mœd'l  ohne  Geld,  Der  deutsche  Bruder,  Ein  Wort  an 
den  Beichsrat,  Der  barmherzige  Brader,  Eine  resolute 
Person,  Wiener  und  Franzos,  etc.  Ces  comédies  légères, 
dont  la  plupart  confinent  à  la  farce,  ont  dû  leur  vogue 
autant  à  l'esprit  de  l'auteur  qu'à  sa  connaissance  des  goûts 
et  des  travers  des  classes  populaires  et  de  la  petite  bour- 
geoisie. On  a  comparé  l'auteur  à  Goldoni.  Il  eut,  d'ailleurs, 
plusieurs  collaborateurs,  dont  Bittner.  Il  a  rédigé  un  grand 
nombre  d'articles  de  journaux,  d'almanachs,  publié  des 
revues  satiriques,  Tritsch-Tratsch  (iSi^9),i^ms  Kikeriki, 
enfin  créé,  en  1872,  Das  illustrierte  Extrablatt. 

EBERSDORF.  Bourg  d'Allemagne,  principauté  de 
Reuss  (branche  cadette)  ;  beau  château;  dans  le  voisinage, 
le  rocher  de  Heinrichstein,  qui  domine  la  Saale  de 
130  m.,  et  le  château  de  Bellevue.  Ce  fut  une  seigneurie 
au  profit  d'une  branche  de  la  maison  de  Reuss,  la  branche 
Reuss-Lobenstein  s'étant  divisée  en  trois  en  1678.  Le 
prince  de  Reuss-Ebersdorf  bâtit  le  château  en  1690.  Ses 
descendants  héritèrent  des  deux  autres  rameaux,  Hirschfeld 
et  Lobenstein.  En  1848,  le  prince  Henri  abdiqua  au  profit 
de  son  beau-frère  de  la  ligne  de  Schleiz  (V.  Reuss). 

EBERSDORF.  Village  d'Allemagne,  royaume  de  Saxe, 
cercle  de  Zwickau  ;  belle  église,  ancien  pèlerinage. 

EBERSDORF  ou  Kaiser-Ebersdorf.  Bourg  de  la  Basse- 
Autriche  (cercle  de  Bruck),  au  confluent  de  la  Schwechat 
et  du  Danube;  2,560  hab.  Il  possède  un  port  important 
sur  le  Danube.  Auprès  est  le  grand  cimetière  de  Vienne. 
En  1809,  Napoléon  y  tint  son  quartier  général  (au  Thur- 
nelhof)  avant  de  faire  passer  son  armée  dans  Tîle  Lobau. 
C'est  l'ancienne  Ala  nova,  résidence  de  la  14^  légion  ro- 
maine. Le  château  où  résidèrent  souvent  les  empereurs,  à 
partir  de  Maximilien,  était  placé  au  centre  de  leurs  régions 
de  chasse.  l\  fut  agrandi  par  Ferdinand  I*'*  (1558-61). 
Plus  tard  on  l'affecta  au  logement  des  fiancées  impériales. 
Marie-Thérèse,  ayant  adopté  Schœnnbrunn  comme  rési- 
dence d'été,  donna  Ebersdorf  aux  pauvres,  mais  Joseph  II 
en  fit  une  caserne. 

EBERSHEIM  {villa  Ebrotheim,  725).  Como  de  la 
Basse-Alsace,  arr.  et  cant.  de  Schlestadt,  sur  la  ligne  de 
ch.  de  fer  de  Strasbourg  à  Bâle;  1,892  hab.;  tissage  de 
coton  ;  malterie.  —  Antiquités  gallo-romaines  :  l'ancienne 
station  d'Ehl  (V.  Benfeld)  faisait  autrefois  partie  du  terri- 
toire de  cette  commune.  D'après  la  légende,  Sigebert,  fils  de 
Dagobert,  vers  l'an  675,  aurait  été  blessé  par  un  sanglier 
{Eber),  en  chassant  dans  ces  environs  ;  de  là  le  nom  d'Eber- 
sheim  (V.  Arbogast,  t.  III,  p.  567,  col.  2). —  A  2  kil.  au 
N.-E.,  s'élevait  la  célèbre  abbaye  d'Ebersmiinster  (V.  ce 
nom).  L.  W. 

BiBL.  :  Grandidier,  Œuvres  hist,  inëd.,  V,  pp.  362-365. 
E  B  ERS  M  Ù  N  STE  R  {Ebersheimmûnster,  Aprimonas- 
terium).  Com.  de  la  Basse-Alsace,  arr.  et  cant.  de  Schle- 
stadt, sur  rill;  668  hab.  Eglise  du  xvm®  siècle  avec  trois 
clochers  ;  antiquités  romaines  ;  tumuli  ;  possédait  autre- 
fois une  célèbre  abbaye  de  bénédictins  que  le  duc  Adalric 
d'Alsace  doit  avoir  fondée  au  vii<^  siècle  dans  une  île  formée 
par  deux  bras  de  l'Ill,  sur  l'emplacement  de  l'ancien  iVo- 
viantum,  où  saint  Materne  aurait  détruit  un  temple  dédié 
à  Mercure  (cf.  sur  le  caractère  légendaire  de  ces  origines, 


EBERSMiJNSTER  -  EBERT  -  ^30  - 

Beatus  Rhenanus,  Rer.  germ.,  lib.  III,  p.  148).  L'abbaye, 
mise  sous  la  protection  des  évêques  de  Strasbourg  en  HbU, 
céda  à  ces  derniers  au  xii^  siècle  le  village  d'Ebersmunster 
qui,  dès  lors,  fut  compté  au  nombre  des  villes.  En  lb4U, 
ses  murs  furent  détruits  et  l'abbaye  fut  brûlée  (cf.  Zeiler, 
Tomqraphia,  p.  15).  Sur  les  nombreux  diplômes  relatits 
aux  riches  fondations  de  l'abbaye  et  attribués  à  des  prmces 
mérovingiens  et  carolingiens,  V.  Grandidier,  Histoire  de 
VEqlise  de  Strasbourg,  vol.  I  et  IL  ^  .    ^'  r^' 

BiBL.  :  Chronicon  Novientense  «eu  Ebersheimensis  mo- 
nasterii,  commencé  en  11.63,  terminée  en  1235  et  p^Dlie 
nar  Grandidier  (p  èces  justificatives  du  t.  11  de  iHist. 
8^ïfsace)- Grandidier,  Hist.  de  l'Eglise  de  Strasbourg; 
Strasbourg,  1777,  I,  pp.  367-376.  T.P^.^'^^^^'^fJllf 
inédites:  Colmsir,  1865,  V,  pp.  365-368.  —  Eug.  Muller, 
Ebersmitnster  ;  Strasbourg,  1842  -  Glo^ckler,  Geschichte 
des  Bisthums  von  Strassburg,  II,  p.  ^4d.  ,  ,   .    ,, 

EBERSTADT.  Ville  d'Allemagne,  grand-duche  de  Hesse, 
prov.  de  Starkenburg,  à  7  kil.  S.  de  Darmstadt;  3,485  hab. 
Non  loin,  les  ruines  de  Frankenstein,       ,    ^      , 

EBERSTEIN.  Ancienne  seigneurie  de  la  Souabe,  qui 
ioua  un  certain  rôle  du  xi^  au  xiii«  siècle.  Dévoués  aux 
Hohenstaufen,  les  comtes  d'Eberstein  prirent  part  aux 
guerres.  Leur  centre  était  le  château  d'Alt-Eberstem, 
dans  la  Forêt-Noire,  aux  frontières  de  Bade  et  de  Wurt- 
temberg.  Le  comté,  qui  avait  environ  d6  kil.  de  long  sur 
4  de  laree  et  comprenait  la  ville  de  Gernsbach,  eut  en- 
suite pour  chef- lieu  le  château  de  Neu-Eberstem, 
au-dessus  de  la  Murg.  Le  château  passa  aux  margraves 
de  Bade  dès  lexiii^  siècle.  Les  comtes  d'Eberstem,  dont  le 
plus  célèbre  est  Wolfgang,  adversaire  résolu  des  comtes  de 
Wurttemberg,  se  divisèrent  en  deux  lignes,  protestante  et 
catholique,  et  s'éteignirent  en  1660.  -  Il  y  eut  en  Fran- 
conie  dans  le  Rhôn,  un  autre  château  et  une  autre  tamille 
d'Eberstein  ;  elle  fut  mêlée  dès  le  xii«  siècle  aux  allaires 
de  l'Allemagne  du  Nord  et  de  la  maison  de  Brunswick  ; 
elle  eut  des  branches  en  Poméranie  (éteinte  en  1663),  en 
Saxe  (éteinte  au  xv«  siècle).  Le  plus  connu  àe  #es  comtes 
est  Ernst-Albreckt  (1605-1676),  qui  se  distingua  dans  la 
cTuerre  de  Trente  ans  et  devint  lieutenant  feld-marechal 
impérial,  puis  entra  au  service  des  Danois  et  défit  les 
Suédois  à  Nyborg  (1659)  et  enfin  devint  généralissime  des 

^Tb^.  •TR"Ef;oN  HocHEELDEN,  Geschichte  derGrafen 
von  Eberstein  und  ihrer  Besitzungen;  Arolsen,  183d. 

EBERSTEIN  (Wilhelm-Ludwig-Gottlob,  baron  von), phi- 
losophe allemand,  né  à  Mohrungen,  près  de  Sangerhausen, 
le  10  nov.  1762,  mort  à  Mohrungen  le  4  fevr.  IbOi). 
Esprit  peu  original,  il  ne  s'est  guère  écarté,  en  philosophie, 
du  point  de  vue  d'Eberhard.  Mais,  comme  historien  de  la 
philosophie,  il  a  un  réel  mérite.  Son  principal  ouvrage 
Versuch  einer  Geschichte  der  Logik  und  Metaphysik 
der  Deutschen  bis  auf  die  gegenwârtige  Zeit  (Halle, 
1794-1799,  2  part.),  se  distingue  parla  richesse  de  1  éru- 
dition et  l'impartialité  de  l'exposition.  Comme  Eberhard,  il  a 
soutenu  contre  Kant  la  philosophie  de  Leibniz  simplifiée  et 
éclaircie  par  Wolff  ;  mais  il  a  apporté  dans  cette  polémique 
plus  de  sens  critique  qu'Eberhard  (cf.  son  opuscule,  Ueber 
meine  Parteilichkeit  vorzûglich  einen   Widerspruch 
des  Herrn  Kant  betreffend,  1800).  Eberstein  a  encore 
publié  :  Beschaffenheit  der  Logik  und  Metaphysik  bei 
denreinenPeripaietikern  (1800)  ;  DieNatûrl.  TheoL 
der  Scholastiker  (1803),  le  meilleur  livre  que  nous  pos- 
sédions sur  ce  sujet.  ,'^^\     ,lSf^*o  q 
BiBL.  :  Intelliqenzbl.  zur  Leipz.  Litterahirztg.,m5.n^9, 
pp    139-144.  -  RosENKRANz,  Gesch.  d.  Kantschen  PhiL, 
84Ô,  p.  240.                                 .     ,      ,     .     .  ,  j  . 

EBERSTEIN  (Carl-Christian) ,  écrivain  suédois,  ne  a 
Lund  le  23  mars  1794,  mort  à  Vestra-Krarup  le  16  mars 
1858.  Fils  d'un  professeur  de  Lund,  qui  fut  évêque  de 
Visby  (1813-1838),  et  qui  publia  de  nombreux  ouvrages 
de  théologie,  il  futdocent  (1812),  adjoint  en  grec  (1815) 
à  la  même  université  et  obtint,  en  1821,  le  titre  de  pro- 
fesseur ;  mais,  ayant  été  ordonné  prêtre  (1823),  il  devint 
pasteur  de  Visseltofta  (1824),  puis  de  Vestra-Krarup 
(1835).  Outre  six  dissertations  et  des  prêches,  ainsi  que 


la  première  Matricule  du  diocèse  de  Visby  (1836),  il 
publia  divers  volumes  de  poésies  :  Mes  Passe-temps  (Hel- 
singborg  (1826)  ;  Mes  Fleurs  d'automne  (1853,  1860, 
2  vol.);  l'Evêque  (1853),  satire  contre  Tévêque  Faxe; 
le  Moine  bourru  (1854),  calendrier.  B-s. 

EBERSWALDE.  Ville  d'Allemagne,  royaume  de  Prusse, 
prov.  de  Brandebourg,  à  45  kil.  E.  de  Berlin,  au  confluent 
du  canal  Finow  et  de  la  Schwsertze  ;  11,524  hab.  Com- 
merce de  bois,  scieries,  briqueteries,  fabrication  de  ciment, 
de  tuiles,  etc.  Dans  le  voisinage,  grandes  papeteries  de 
Spechthausen  et  Wolfswi7ikel  ;  ancien  couvent  cistercien 
de  Chorin.  Eberswalde  est  le  siège  de  l'académie  ou  école 
forestière  prussienne.  La  ville  reçut  sa  charte  en  1257. 
En  1747,  elle  fut  agrandie  par  l'immigration  des  Thurin- 
giens.  Elle  prit  le  nom  de  Neustadt,  qu'elle  garda  jusqu'en 
1877. 

BiBL.  :  Bellermann,  Beschreibung  der  Stadt  Neustadt- 
Eberswalde  ;  Berlin,  1829.  —  Danckelmann,  Die  Forst- 
akademie  Eberswalde;  Berlin,  1880. 

EBERT  (Johann- Arnold),  poète  et  traducteur  allemand, 
né  à  Hambourg  le  8  févr.  1723,  mort  à  Brunswick  le 
19  mars  1795.  Il  se  lia,  jeune  encore,  avec  le  poète  Hage- 
dorn.  Il  se  destina  d'abord  à  la  théologie  ;  mais,  une  de  ses 
poésies  lui  ayant  attiré  un  blâme  de  l'autorité  ecclésias- 
tique, il  se  tourna  vers  les  lettres.  Il  fut  un  des  collabo- 
rateurs de  la  revue  intitulée  Bremer  Beitrœge,  oii  débuta 
Klopstock.  Il  fut  chargé,  en  1748,  d'un  cours  d'anglais  au 
Carolinum  de  Brunswick,  et  nommé  successivement  pré- 
cepteur du  prince  Charles-Guillaume-Ferdinand,  professeur 
titulaire  et  conseiller  aulique.  Ebert  a  publié  un  recueil  de 
ses  poésies  sous  ce  titre  Episteln  und  vermischte  Ge- 
dichte  (Hambourg,  1789;  nouvelle  éd.  en  2  vol.,  avec 
une  biographie,  par  Eschenburg,  1795).  Ses  traductions  des 
Nuits  d'Young  et  du  Leonidas  de  Glover  eurent  un  grand 
succès. 

EBERT  (Friedrich-Adolf),  bibliographe  et  littérateur 
allemand,  né  à  Taucha,  près  de  Leipzig,  le  9  juil.  1791, 
mort  à  Dresde  le  13  nov.  1834.  Secrétaire  de  la  biblio- 
thèque royale  de  Dresde  en  1814,  bibliothécaire  à  celle 
de  Wolfenbuttel  en  1823,  il  revint  en  la  même  quahté  à 
Dresde  en  1825,  et  fut  chargé  de  la  direction  de  ce  riche 
dépôt  en  1828.  H  débuta  dans  la  bibliographie  par  celle  des 
éditions  du  Tasse,  à  la  suite  d'un  essai  sur  ce   poète, 
d'après  Ginguené  (Leipzig,  1819).  Puis  il  publia:  DieBil- 
dung  des  Bibliothekars  (1820)  ;  Geschichte  und  Be- 
schreibung der  KônigL  ôffentlichen  Bibliothek  zu  Dres- 
den  (1822).  Mais  son  ouvrage  capital  est  une  bibliographie 
générale,  sur  le  modèle  du  Manuel  de  Brunet,  adaptée  aux 
besoins  du  public  allemand  (Allgemeines  bibliographie 
sches  Lexicon;  Leipzig,  1821-30,  2  vol.  in-4).  On  lui 
doit  encore  un  bon  travail  sur  la  connaissance  des  manus- 
crits :  Zur  Handschriftenkunde  (1825-27,  2  vol.  in-8), 
et  des  ouvrages  historiques,  tels  que  :  Leben  Napoléon 
Bonaparte' s (\S\1);  Die Kulturperioden  des  obersdch- 
sischen  Mittelalters  (DresAQ,  1825)  ;  Ueberlieferungen 
zur  Geschichte,  Litteratur  und  Kunst  der  Vor-  und 
Mitwelt  (Dresde,  1825-26,  2  vol.),  etc.  Il  mourut  des 
suites  d'une  chute  du  haut  d'une  échelle  à  la  bibliothèque 
même  dont  il  était  le  chef.  ^'  P-i» 

EBERT  (Karl-Egon,  Ritter  von),  poète  allemand,  né  à 
Prague  le  5  juin  1801,  mort  à  Prague  le  24  oct.  1882. 
Son  père  était  avocat  et  chargé  de  l'administration  des  do- 
maines de  la  maison  de  Fiirstenberg.  Ayant  fait  ses  études 
à  Prague  et  à  Vienne,  Ebert  devint  bibliothécaire  et 
archiviste  du  prince  Karl-Egon  de  Fiirstenberg.  H  résigna 
ces  fonctions  en  1857,  et  ne  s'occupa  plus  que  de  ses 
travaux  littéraires.  Il  fut  élevé  au  rang  de  chevalier  par 
l'empereur  d'Autriche,  en  1871.  Egon  Ebert  s'essaya  d'abord 
au  théâtre,  mais  il  fut  surtout  connu  par  ses  œuvres  lyriques 
et  épiques:  Poésies  (Prague,  1824);  Poèmes  (Prague, 
1828,  2  vol.;  3'^  éd.,  1845)  ;  Wlasta,  épopée  nationale 
de  la  Bohême  en  trois  livres  (Prague,  1829)  ;  le  Monas- 
tère, idylle  en  cinq  chants  (Stuttgart,  1833).  La  pensée 


231  — 


EBERT  -  ÉBIOiNlTES 


commune  qui  inspire  ces  ouvrages  est  la  restauration  des 
vieilles  légendes  nationales  et  religieuses  de  la  Bohême. 
Les  poésies  dénotent  un  sentiment  profond,  avec  un  pen- 
chant à  la  tristesse  méditative.  Les  poèmes  retracent  de 
préférence  des  aventures  tragiques  ;  la  philosophie  qui  s'en 
dégage  est  la  résignation  aux  arrêts  du  destin  ;  les  carac- 
tères sont  empreints  d'une  sorte  d'héroïsme  violent  et 
sombre.  Pour  la  forme,  Egon  Ebert  se  rapproche  d'Uhland. 
Parmi  ses  dernières  productions  dramatiques,  il  faut  citer 
surtout  :  Bretislaw  et  Jutta  (1829)  et  le  Vœu  (1864).  Il 
a  publié  encore  un  recueil  de  poésies  sous  le  titre  de  Pensées 
pieuses  d'un  laïque  (Leipzig,  1859),  et  un  petit  poème, 
la  Femme  du  magyare  (Vienne,  1865)  ;  Poetische  Werke 
(Prague,  1877,  7  vol.)  A.  B. 

EBERT  (Adolf),  philologue  allemand,  né  à  Cassel  le 
1^^  juin  1820,  mort  à  Leipzig  le  1^^  juil.  1890.  Il  étudia 
d'abord  au  gymnase  de  Cassel  ;  puis  il  suivit,  de  1840  à  1844, 
les  cours  des  universités  de  Marbourg,  Leipzig,  Gœttingue; 
dès  cette  époque,  il  se  consacra  à  l'étude  des  littératures  ro- 
manes. Ses  thèses  portèrent  sur  les  littératures  espagnole  et 
italienne.  Appelé  à  l'université  de  Marbourg,  il  y  professa 
l'histoire  des  littératures  romanes,  de  1849  à  1862,  date 
à  laquelle  il  passa  à  l'université  de  Leipzig.  Ebert  s'est 
surtout  attaché  à  l'étude  des  rapports  des  littératures  ro- 
manes avec  les  littératures  germanique  et  latine  du  moyen 
âge  ;  il  s'est  efforcé  de  rattacher  ces  littératures  aux  mœurs, 
aux  institutions,  aux  idées  du  temps.  Il  a  écrit  :  Quellen- 
jorschungen  ans  der  Gesch.  Spaniens  (Cassel,  1849); 
Handb,  der  ital.  national  Litteratur  (Marbourg,  1854)  ; 
Entwickelungsgesch.  der  franzôs.  Tragôdie  (Gotha, 
1856);  et  surtout  Allgem.  Gesch,  der  Litteratur  des 
Mittelalters  im  Abendl.,  ouvrage  très  estimé  dont  les 
trois  premiers  volumes  ont  seuls  paru,  de  1874  à  1887, 
et  ont  été  traduits  en  français  au  fur  et  à  mesure  par 
MM.  Aymeric  et  Condamin.  Il  a  fondé,  en  1859,  avec 
M.  F.  Wolf,  le  Jarbruch  fur  romanische  und  englische 
Litteratur,  continué  depuis  (jusqu'en  1876)  parLemcke, 
et  dont  l'apparition  fait  date  dans  l'histoire  de  la  philo- 
sophie romane.  Th.  Ruyssen. 

EBERT  (Karl),  paysagiste  allemand,  né  à  Stuttgart  le 
13  oct.  1822.  Elève  de  l'Académie  de  Stuttgart  et  de  Stein- 
kopf,  il  quitta  le  style  classique  pour  aborder  une  manière 
plus  réaUste.  On  cite  parmi  ses  ouvrages  ;  Forêt  de  hêtres 
à  travers  laquelle  passe  un  troupeau  de  brebis  (iSli)  ; 
l'Entrée  de  la  forêt  dans  les  montagnes  (1874)  ;  In- 
térieur de  forêt  (1874)  ;  Forêt  de  châtaigniers  dans 
le  TiroL 

EBERTÏ  (Félix),  écrivain  allemand,  né  à  Berlin  le 
26  janv.  1812,  mort  à  Arnsdorf  le  7  juil.  1884  ;  profes- 
seur à  l'université  de  Breslau  (1854).  Parmi  ses  écrits 
nous  citerons  :  Die  Gestirne  und  die  Weltgeschichte 
(Breslau,  1846;  3^  éd.,  1874);  des  biographies  de 
W.  Scott  (Leipzig,  1860)  ;  de  Byron  (Leipzig,  1862)  ;  Ge-- 
schichte  des  preussischen  Staats  (Breslau,  1866-73, 
7  vol.)  ;  Jugenderinnerungen  eines  alten  Berliners 
(Berlin,  1878). 

EBERWEIN(Traugott-Maximilian),  musicien  allemand, 
né  à  Weimar  le  27  oct.  1775,  mort  à  Rudolstadt  le  2  déc. 
1831.  A  sept  ans,  il  figurait  comme  violoniste  dans  la 
chapelle  du  prince  ;  il  jouait  d'ailleurs  de  presque  tous  les 
instruments.  En  1797,  il  était  musicien  auprès  du  prince 
de  Schwarzbourg-Rudolstadt;  en  1803,  il  commença  de 
voyager  en  Allemagne  et  en  Italie  ;  en  1809,  il  dirigea  la 
chapelle  de  Rudolstadt,  et,  en  4817,  il  reçut  sa  nomination 
officielle  à  ce  poste.  Il  voyagea  beaucoup,  contribua  à  l'ins- 
titution des  fêtes  musicales  en  Allemagne,  et  s'occupa  aussi 
de  philanthropie,  de  médecine,  d'économie  politique.  Il  a 
beaucoup  produit  ;  on  lui  doit  des  cantates  et  hymnes 
pour  la  Pentecôte,  la  fête  de  la  Moisson,  la  Trinité,  la  fête 
de  la  Réformation  ;  une  messe  solennelle  en  la  bémol  ; 
des  Te  Deum,  des  psaumes;  des  opéras  et  opérettes,  Pe- 
dro ed  Elvira,  Ferdusi,  Claudine  de  Villabella,  Jéru- 
salem délivrée,  la  Foire  annuelle  de  Plaudersweder, 


le  Tournoi,  le  Réseau  d'or,  le  Nid  de  cigognes,  la  Prê- 
teuse, la  Lune,  le  Chêne  creux  ;  une  grande  ouverture, 
Macbeth  ;  des  quatuors,  variations,  concertos,  entr'actes, 
une  symphonie,  des  chansons,  des  canons,  etc.    A.  Ernst. 

EBERWEIN  (Karl),  musicien,  frère  du  précédent,  né  à 
Weimar  le  10  nov.  1784,  mort  à  Weimar  le  2  mars  1868. 
Il  fut  élève  de  son  père  et  de  son  frère,  se  mit  à  composer  et 
devint  également  un  virtuose  très  habile  sur  le  violon.  Ses 
ouvrages  pour  le  théâtre  sont  :  Die  Heerschau,  Der  Graf 
von  Gleichen,  Léonore  von  Holtée,  le  Marchand  d'orvié- 
tan, le  Fils  du  riche,  une  ouverture  et  de  la  musique 
de  scène  pour  le  Faust  de  Gœthe  ;  une  ouverture  pour  le 
monodrame  lyrique  du  même  poète,  Proserpine,  des 
entr'actes  pour  plusieurs  autres  pièces.  On  a  aussi  de  lui 
des  cantates,  des  cantiques,  un  oratorio,  le  Jeune  Homme 
de  Naïm,  des  quatuors,  duos,  concertos,  chants  divers,  etc. 
Sa  femme  s'est  fait  remarquer  comme  cantatrice,  surtout 
dans  Fidelio  et  Don  Juan.  A.  Ernst. 

EBGAL.  Tribu  de  l'Afrique  orientale,  peuplade  des  5o- 
malis  Issa  (V.  ce  mot). 

EB6HIGH  ou  BEGHIGH.  Petit  village  d'Egypte  dans 
la  province  du  Fayyoum,  à  3  kil.  S.-O.  de  Medinet-el- 
Fayyoum.  Cette  localité  n'est  connue  qu'à  cause  de  l'obé- 
lisque de  granit  qui  s'y  trouve.  Ce  monolithe  de  13  m.  de 
hauteur  a  été  renversé  et  brisé  ;  il  date  de  la  xii®  dynastie. 

EBHARDT  (Gotthilf-Friedrich),  organiste  allemand,  né 
à  Hohenstein,  dans  la  principauté  de  Schœnbourg,  en  1771. 
Il  fut  organiste  à  Greitz,  puis  en  1807  à  Schleitz.  Ses 
compositions  de  musique  sacrée  sont  nombreuses  :  chorals 
d'orgue,  cantates,  messes  et  motets.  On  n'a  édité  qu'une 
suite  de  Préludes  pour  V orgue  (Leipzig).  Il  a  publié 
aussi  trois  traités  de  théorie  musicale,  dont  on  trouvera  les 
titres  développés  dans  la  Biographie  des  musiciens  de 
Fétis. 

E B I N  G  E N .  Ville  d'Allemagne,  royaume  de  Wurttemberg, 
cercle  de  la  Forêt-Noire,  sur  la  Schmieche  ;  5,555  hab. 
Draps,  velours  de  coton,  etc. 

EBIONITES.  Au  mot  Christianisme  (t.  XI,  pp.  273  et 
suiv.),  nous  avons  indiqué  les  dispositions  de  la  plupart  des 
juifs  qui  crurent  en  Jésus-Christ,  leur  attachement  à  la  loi  et 
au  culte  de  leurs  pères  et  leur  répugnance  à  admettre  des 
incirconcis  parmi  eux.  L'Evangile  pour  eux  n'étant  point 
une  religion  nouvelle,  mais  le  complément,  l'accomplisse- 
ment de  l'ancienne,  ils  considéraient  la  circoncision  comme 
une  condition  nécessaire  de  la  participation  aux  espérances 
messianiques.  Ces  espérances  mêmes  avaient  gardé  chez 
eux  leur  caractère  national,  et  ils  en  attendaient  la  réali- 
sation au  retour  prochain  du  Christ  (V.  Chiliasme).  La 
décision  de  la  conférence  de  Jérusalem,  qui  dispensait  les 
gentils  de  la  circoncision,  tout  en  la  laissant  obligatoire 
pour  les  Israélites,  ne  pouvait  mettre  fin  ni  à  leurs  préfé- 
rences ni  à  leurs  répugnances.  Ceux  qui  tenaient  la  cir- 
concision et  les  observances  rituelles  et  légales  comme 
indispensables  pour  les  juifs  devaient  tout  naturellement 
s'efforcer  de  les  faire  adopter  par  les  gentils.  Aussi  les 
voit-on  entreprendre,  dans  ce  but,  une  sorte  de  contre- 
mission  dans  les  contrées  que  Paul  avait  évangélisées  ;  et, 
pendant  plusieurs  générations,  on  trouve  des  indices  mani- 
festes de  cet  antagonisme  :  vénération  de  la  personne  et 
de  l'œuvre  de  Pierre  et  de  Jacques,  réprobation  haineuse 
de  la  personne  et  de  l'œuvre  de  Paul.  —  Primitivenient, 
tous  ceux  qui  croyaient  en  Jésus  s'appelaient  eux-mêmes 
les  frères,  les  disciples,  les  fidèles.  Lorsque  l'omissiop 
de  la  circoncision,  révélant  une  innovation  radicale,  induisit 
le  peuple  d'Antioche  à  donner  aux  nouveaux  croyants  le 
nom  de  chrétiens,  les  ïrères  ({ni  font  l'objet  de  cette  notice, 
prétendant  rester  purs  Israélites,  n'acceptèrent  point  ce  nom 
grec,  qui  dénonçait  la  rupture  de  l'ancienne  alliance.  Il  est 
vraisemblable  que  ce  fut  pour  se  distinguer  de  ceux  qui 
sortaient  de  l'ordonnance  d'Israël,  qu'ils  adoptèrent  un  nom 
appartenant  à  leur  langue.  Ils  s'appelèrent  les  ébionites, 
ébiônim ,  c.-k-à.  les'  pauvres,  nom  vénéré  dès  avant 
Jésus-Christ,  parce  qu'il  était  porté  par  toute  une  classe 


ÉBIONITES  -  EBLES 


^'d'I  — 


d^israélites  pieux,  épris  de  renoncement,  d'humilité  et  de 
résienation,  attendant  avec  une  ardente  confiance  la  venue 
du  royaume  de  Dieu,  mais  fermement  attachés  aux  tradi- 
tions du  judaïsme.  C'était  parmi  eux  que  l'Evangile  avait 
trouvé  dès  le  commencement  ses  auditeurs  les  plus  sym- 
pathiques.—Irénée  est  le  premier  des  écrivains  catholiques 
qui  mentionne  ce  nom.  Hippolyte  ou  l'auteur,  quel  qu'il 
soit,  des  Philosophoumena,  Tertullien,  Origène,  Eusebe, 
Epiphane,  Jérôme  l'ont  reproduit  après  lui,  en  y  attachant 
des  interprétations  dédaigneuses  ou  bizarres.  Suivant  les  uns, 
les  ébionites  tiraient  leur  nom  de  la  pauvreté  de  leur  mtel- 
lieence;  suivant  les  autres,  delà  pauvreté  de  leurs  concep- 
tions concernant  le  Christ  ;  ou  encore,  suivant  d'autres, 
d'un  hérésiarque  nommé  Ebion  et  disciple  de  Cérinthe. 

Il  est  vraisemblable  qu'au  commencement  la  plus  grande 
partie,  sinon  la  totalité  des  ébionites,  se  soumirent  à  la 
décision  de  la  conférence  de  Jérusalem  qui  avait  exempte  les 
f^entils  de  la  circoncision,  tout  en  la  laissant  obligatoire 
pour  les  juifs.  Il  est  vraisemblable  aussi  que  pour  pourvoir 
à  l'accomplissement  de  cette  obligation  et  pour  garder  en- 
vers le  culte  d'Israël  la  fidélité  dont  les  apôtres  avaient 
donné  l'exemple,  ils  durent  établir  des  synagogues  exclu- 
sivement composées  de  circoncis  et  répudiant  tout  ce  qui 
aurait  pu  impliquer  un  reniement  des  traditions  fondamen- 
tales du  judaïsme.  Ces  congrégations  se  trouvèrent  isolées 
à  l'égard  des  juifs  qui  persistaient  à  condamner  Jésus  et 
son  œuvre,  et  à  l'égard  des  Eglises  chrétiennes  recrutées 
parmi  les  gentils.  Profondément  pénétrées  de  l'idée  juive 
sur  l'indivisible  et  incommutable  unité   de  Dieu,   étran- 
gères au  besoin  de  déification  qui  tourmentait  les  païens 
et  aux  spéculations  théologiques  qu'il  sollicitait,  elles  gar- 
dèrent sur  la  personne  de  Jésus-Christ  les  conceptions 
exprimées  par  saint  Pierre  dans  les  Actes  des  Apôtres  ; 
elles  estimaient  que  toute  la  maison  d'Israël  devait  re- 
connaître comme  Seigneur  et  Christ  le  Jésus  qui  avait  ete 
crucifié  (il,  36)  ;  mais  Jésus  le  Nazaréen  n*était  pour  eux 
qu'un  homme  approuvé  de  Dieu,  par  les  effets  de  puissance, 
par  les  merveilles  et  les  miracles  que  Dieu  avait  faits  par 
lui  (22);  il  avait  reçu  du  Père  le  saint  esprit  promis  (33); 
il  avait  été  livré  par  la  volonté  déterminée  et  la  prescience 
de  Dieu  (23);  mais  Dieu  l'avait  ressuscité  (24).  Et  ils 
attendaient  son  retour.  Des  conceptions  analogues  se  trou- 
vent dans  le  même  livre  (m,  13,  22;  iv,  27,  28;  vu,  37; 
X,  38;  XIII,  23;  xvii,  31).  Elles  semblent  bien  être  les 
seules  qui  pussent  se  former  dans  les  premières  années  de 
l'ère  chrétienne  chez  la  plupart  des  juifs  qm  avaient  connu 
Jésus  vivant  parmi  eux  et  soumis  à  toutes  les  conditions  de 
l'existence  humaine.—  On  donne  généralement  à  ces  ébio- 
nites le  nom  de  Nazaréens.  Demeurant  fixés  au  point  de 
départ,  ils  se  trouvèrent  de  plus  en  plus  éloignés  des  Eglises 
chrétiennes,  à  mesure  que  celles-ci  s'éloignaient  de  la  toi 
et  de  la  pratique  des  premiers  jours.  Saint  Jérôme  dit  que 
de  son  temps  (331-420)  ils  formaient  des  synagogues  que 
les  juifs  considéraient  comme  hérétiques  et  dans  lesquelles 
on  professait  la  foi  en  Jésus-Christ,  fils  de  Dieu,  ne  de  la 
Vierge  Marie,  crucifié  sous  Ponce-Pilate  et  ressuscite;  Sed 
dum  volunt  et  judœi  esse  et  Christiani,  nec  judœi 
sunt  nec  Chrisiiani  (Epist.  LXXXIX  ad  August.),  Ils 
se  servaient  d'un  livre  qui  présentait  disecV  Evangile  selon 
sai  nt  Mathieu  une  ressemblance   si  grande  que  saint 
Jérôme  le  prit  pour  le  texte  hébreu  et  original  de  cet 
évangile.  En  ce  temps-là,  ils  étaient  répandus  dans  la  région 
de  Bérée,  la  Célésyrie,  la  Décapole,  la  Batanée,  la  Moabi- 
tide,etc.  Leurs  églises  ou  leurs  synagogues  se  maintinrent 
jusqu'au  vii«  siècle,  époque  où  elles  furent  submergées  par 
l'invasion  mahométane. 

On  réserve  ordinairement  le  nom  à' ébionites  à  une  secte 
qui  paraît  avoir  eu  la  même  origine  que  les  Nazaréens  et 
qu'on  retrouve  dans  les  mêmes  contrées,  mais  qui  se  dis- 
tinguait par  un  attachement  plus  étroit  au  judaïsme.  Pour 
eux,  la  loi  et  les  prophètes  subsistaient  avec  une  immuable 
autorité.  Ils  n'admettaient  nullement  les  incirconcis  à  la 
participation  des  espérances  messianiques.  Jésus  était  le 


fils  de  Joseph  et  de  Marie,  selon  les  conditions  ordinaires 
de  toute  génération  humaine;  le  descendant  de  David, non 
le  fils  de  Dieu.  Mais,  à  l'heure  de  son  baptême,  il  avait  été 
l'objet  d'une  élection  spéciale  et  d'une  onction  divine  qui 
avaient  fait  de  lui  le  Christ.  Le  caractère  le  plus  mamfeste 
de  sa  vertu  et  la  condition  de  sa  puissance  avaient  été  le 
parfait  accomplissement  de  la  loi.  Il  avait  dit  qu'il  était 
venu,  non  pour  aboUr  la  loi  et  les  prophètes,  mais  pour  les 
accomplir  ;  il  avait  affirmé  que,  jusqu'à  ce  que  la  terre  et  le 
ciel  passent,  il  n'y  aura  rien  dans  la  loi  qui  ne  s  accom- 
pHsse,  jusqu'à  un  seul  iota  et  un  seul  trait  de  lettre  (Ev, 
s.  Ma^teîi,v,  17-18);  il  avait  recommandé  à  sesdiscipes 
d'être  ses  imitateurs.  Par  conséquent,  ses  vrais  disciples 
étaient,  suivant  eux,  les  ébionites,  qui  obéissaient  à  cette 
recommandation  en  observant  tout  ce  que  lui-même  avait 
observé.—  Les  ébionites  avaient  leur  littérature  propre, 
comprenant  des  documents  sur  les  premiers  temps  du 
christianisme  et  des  travaux  importants  de  traduction  et 
d'interprétation  des  livres  saints.  La  plupart  des  pertec- 
tionnements  apportés  à  la  version  des  Septante  sont  dus  a 
la  version  ébionite  de  Symmaque.  —  Pour  les  ébionites 
qui  dérivèrent  du  côté  de  l'essénisme  et  du  gnosticisme, 

Y.  ElKÉSÂÏTES.  ^  E.-H.  VOLLET. 

RiBL  •  Lipsius,  Die  Quellen  der  altester  Ketzerge- 
<ichichiê  1875,  in-8.-  Schliemann,  Die  Clementinen.lhU. 
-  RiTScnL,Enesfehurig  der  all-katoUischen  Kirche,  1857. 

_  Renan,  les  Evangiles,  1877.  

ÉBISELER  (Menuis.).  Taille  en  biseau  que  donnent 
les  ouvriers  aux  planches  pour  former  certains  assem- 
blages et  pour  assurer  la  parfaite  adhérence  des  pièces 
dont  se  compose  leur  ouvrage.  ,   ,    ,   « 

ÉBLÉ  (Jean-Baptiste,  comte),  gênerai  français,  ne  a 
Saint-Jean-de-Rohrbach  (Moselle)  le  21  déc.  1758,  mort 
àKœniesbere  le  31  déc.  1812.  Dès  1  enfance,  il  entra 
comme  canonnier  au  régiment  d'Auxonne,  où  son  père 
servait  comme  officier.  Devenu  lieutenant  en  1785,  il  tut 
attaché  pendant  plusieurs  années  à  la  mission  mihtaire  de 
M   de  Pommereul  à  Naples,  rentra  en  France  au  commen- 
cement de  1792,  fut  nommé  capitaine  et  commanda  avec 
distinction  l'artillerie  de  l'avant-garde  dans  1  armée  de  Du- 
mouriez.  Les  services  signalés  qu'il  rendit  à  Hondschoote, 
à  Dunkerque  et  à  Wattignies,  lui  valurent,  des  e  i5  oct. 
1793   le  grade  de  général  de  division.  Place  a  la  tête  de 
l'artillerie  dans  l'armée  du  Nord  (1794-1795),  dans  1  ar- 
mée de  Rhin-et-Moselle  (1795-1797),  puis  dans  1  armée 
de  Rome  et  de  Naples  (1798-1799),  il  montra  partout  le 
même  sans-froid,  la  même  habileté.  Après  avoir  puissam- 
ment contribué  aux  succès  de  Moreau  en  Allemagne  pendant 
les  campagnes  de  l'an  VIII  et  de  l'an  IX   il  alla  comman- 
der l'artillerie  de  l'armée  batave,  puis  celle  de  1  armée  de 
Havovre  (1803-1805),  devint  gouverneur  de  Magdebourg, 
ministre  de  la  guerre  du  royaume  de  Westphalie  (1808), 
passa  ensuite  à  l'armée  de  Portugal  dirigea  l  artillerie  sous 
Masséna  aux  sièges  d'Almeida  et  de  Ciudad-Rodrigo  (1810), 
enfin  fit  la  campagne  de  Russie  comme  commandant  en 
chef  des  équipages  de  pont.  On  sait  quelle  fermeté  il  dé- 
ploya au  passage  de  la  Bérésina  et  comment  son  héroïque 
désobéissance  aux  ordres  de  l'empereur  sauva,  en  cette 
circonstance,  une  bonne  partie  de  l'armée.  Fort  peu  après, 
il  succédait  à  Lariboisière  dans  le  commandement  en  chet 
de  l'artillerie.  Napoléon,  qui  l'avait  en  très  haute  estime 
et  qui  l'avait  fait  comte,  le  nomma  premier  inspecteur  gênerai 
de  son  arme  (2  janv.  1813).  Mais  depuis  deux  jours  Eble 
avait  succombé  aux  fatigues  de  sa  dernière  campagne.—  Son 
neveu,  Charles  Eblé,  né  en  1799,  mort  à  Pans  le  19  dec. 
1870     gagna  le  grade  de  capitaine  pendant  1  expédition 
d'Alger  (1830),  fut  précepteur  militaire  du  duc  de  Montpen- 
sier  devint  colonel  directeur  de  l'artillerie  à  Metz  et  fut,  à 
titre  de  général  de  brigade,  chargé  du  commandement  de 
l'Ecole  polytechnique  (déc.  1854).         ,  A- P^^^^^^^^^ 
EBLES  l^S  abbé  de  Saint-Germam-des-Pres  vers  88b, 
frère  de  Rainulphe  II ,  comte  de  Poitiers  et  duc  d'Aquitame, 
auquel  il  succéda  en  893;  mais  il  fut  tué  la  même  année 
en  combattant  à  Brillac  contre  le  roi  Eudes. 


!233  — 


EBLES  -  EBOULEMENT 


EBLES  II,  dit  Mauzer  ou  le  Bâtard,  fils  du  comte  de 
Poitiers  Rainulphe  II,  succéda  en  902,  dans  le  comté  de 
Poitiers,  à  Aimar  son  parent,  et  en  926,  dans  le  duché 
d'Aquitaine  et  le  comté  d'Auvergne,  à  Acfred.  Il  fut  dé- 
pouillé de  ces  derniers  fiefs  par  le  roi  Raoul  en  932  et 
mourut  peu  après. 

EBLOUISSEMENT  (V.  Berlue  et  Obnubila^tion) . 

EBNER  (Jean-Paul),  dit  (Z'£sc/imôac/i,  antiquaire  alle- 
mand, né  à  Nuremberg  le  43  juil.  1611,  mort  à  Altorf  le 
14  juil.  1691.  Il  accompagna  le  comte  de  Windischgraetz 
dans  ses  diverses  légations  en  Italie,  et  il  eut  par  là  l'occa- 
sion de  se  former  une  riche  collection  de  monnaies  antiques. 
Il  fut  sénateur  et  curateur  de  l'université  d' Altorf.  On  a  de 
lui  divers  écrits  :  Zelus  Galliœ;  Sol  Tyrolis  oriens  et 
occidens  ;  Cenotaphium  legionis  francinicœ  pedestris. 
Ces  ouvrages  ne  sont  plus,  aujourd'hui,  que  des  curiosités 
bibliographiques. 

EB'NER-Eschenbach  (Marie  Dubsky,  baronne  d'),  écri- 
vain autrichien,  né  àZislawetz  (Moravie)  le  13  sept.  1830, 
épousa  en  1848  le  baron  d'Eschenbach.  Elle  a  écrit  des 
drames  en  vers  (Marie  Stuart,  iS60;  Marie  Roland, 
1867)  qui  ont  eu  du  succès  ;  des  contes  dramatiques,  Dok- 
tor  Ritter  (Vienne,  1871)  ;  Die  Prinzessin  von  Bana- 
lien  (Vienne,  1872);  Freifrau  von  Bozena  (Vienne, 
1876)  ;  une  comédie,  Die  Veilchen  (1878)  ;  des  Apho- 
rismes  (Berlin,  1880)  ;  Zwei  Comtessen  (1885),  etc. 

ÉBO  (Niger)  (V.  Abo). 

EBOLI.  Ville  d'Italie,  prov.  de  Salerne,  sur  une  colline 
qui  domine  la  vallée  du  Sélé  (ancien  Silarus)  ;  8,947  hab. 
Belle  <vue  sur  la  mer  et  sur  les  temples  de  Pœstum. 

EBOLI  (Ana  de  Mendoza  y  LaCerda,  princesse  d'),  dame 
espagnole,  fille  unique  de  Diego  Hurtado  de  Mendoza,  comte 
de  Mélito,  vice-roi  du  Pérou,  et  de  Catalinade  Silva,  née  à 
Cifuentes  (province  de  Guadalajara)  en  1540,  morte  à  Pas- 
tranale2févr.l592.  Elle  fut  fiancée,  le  18  avr.  1553,  à 
Ruy  Gomez  de  Silva,  prince  d'Eboli  et  conseiller  d'Etat  de 
Philippe  II,  «  fort  favory  du  roi  d'Espaigne  s'il  en  fust  onc, 
et  qui  avoit  esté  nourry  avecque  luy  dès  sa  jeunesse  (Bran- 
thôme)  ».  Elle  ne  l'épousa  cependant  que  deux  ans  après. 
Dix  enfants  naquirent  de  ce  mariage  en  treize  années.  A  la 
mort  de  son  mari  (29  juil.  1573)  et  dans  le  premier  moment 
de  douleur,  la  veuve  de  Ruy  Gomez  voulut  prendre  le 
voile  au  couvent  des  carmélites  de  Pastrana ,  fondé  par 
sainte  Thérèse.  Incapable  d'obéir  à  la  règle,  et  bientôt 
lasse  d'un  caprice  dévot,  elle  en  sortit  avec  tapage,  au  bout 
de  six  mois,  sans  avoir  prononcé  ses  vœux,  brouillée  avec 
les  religieuses  et  la  pieuse  fondatrice.  Rentrée  dans  le  monde, 
Ana  de  Mendoza  vint  s'établir  à  Madrid,  oîi  devait  com- 
mencer sa  fameuse  liaison  avec  Antonio  Perez,  l'intrigant 
secrétaire  d'Etat.  L'amour  semble  avoir  eu  peu  de  part  à 
cette  affaire  :  libertinage  chez  la  princesse,  vanité  et  inté- 
rêt chez  Perez  ;  il  faut  ajouter  qu'elle  était  loin  d'être 
jeune  à  cette  époque,  malgré  la  beauté  dont  parlent  les 
contemporains,  et  qu'elle  était  borgne,  ayant  perdu  un 
œil,  crevé  d'un  coup  de  fleuret,  en  faisant  de  l'escrime. 
(Quelques  historiens  modernes  ont  prétendu  qu'elle  n'était 
que  louche.)  C'est  vers  ce  temps-là  qu'eut  lieu  le  meurtre 
d'Escovedo  (1578),  que  Perez  fit  tuer,  conseillé  par  sa 
maîtresse  et  avec  la  complicité  du  roi  lui-même  (V.  l'art. 
EscovEDo).  Philippe  II,  d'abord  favorable  aux  accusés, 
puis  excité  par  Mateo  Vazquez,  se  décida  brusquement  à 
les  faire  arrêter,  dans  la  nuit  du  28  juil.  1579.  Il  avait 
pris  cette  résolution  après  avoir  communié  et  s'être  entre- 
tenu avec  son  confesseur,  Diego  de  Chaves,  et  différents 
ecclésiastiques.  Il  vint  en  personne  assistera  l'exécution  de 
cet  ordre,  prétend  Perez,  vers  onze  heures  du  soir,  dissi- 
mulé sous  le  porche  de  Sainte-Marie-Majeure,  pendant  que 
D.  Rodrigo  Manuel  de  Villena,  capitaine  des  gardes,  saisis- 
sait la  princesse  en  sa  maison  et  la  faisait  conduire  à  la 
tour  de  Pinto.  Dans  les  premiers  jours  de  févr.  1580,  elle 
quittait  cette  prison  pour  SanTorcaz,où  la  sévérité  royale 
se  détendit  un  peu  ;  les  fils  furent  admis  à  visiter  leur  mère 
et  la  surveillance  devint  moins  rigoureuse,  grâce  au  duc 


de  Medina-Sidonia,  son  gendre.  Enfin,  en  mars  1581, 
Philippe  II  consentit,  sur  la  demande  des  médecins,  à  l'exi- 
ler à  Pastrana,  avec  défense  de  retourner  à  Madrid.  La 
princesse  d'Eboli  reprit  aussitôt  l'ancienne  vie  :  gaspil- 
lages, fêtes,  processions  de  pénitents,  intrigues,  dévotions  ; 
trois  spadassins  l'accompagnaient  partout  ;  l'un  d'eux  fut 
congédié  pour  n'avoir  tué  qu'un  seul  homme  en  sa  vie.  Elle 
ne  tarda  pas  à  renouer  des  rapports  avec  Perez.  Le  roi  dut 
intervenir  de  nouveau.  Condamnée  en  même  temps  que  Perez, 
l'administration  de  ses  biens  et  la  tutelle  de  ses  enfants  lui 
furent  retirées,  le  séjour  forcé  de  Pastrana  changé  en  em- 
prisonnement perpétuel,  les  fenêtres  des  appartements  gril- 
lées (commencement  de  mai  1590).  Ualcaide  D.  Alonso  del 
Castillo,  chargé  de  la  garder,  ne  communiquait  plus  avec 
la  prisonnière  qu'au  moyen  d'un  greffier  qui  prenait  acte  des 
moindres  paroles,  et  dont  le  journal  nous  a  été  conservé 
(Autos  del  escribano  Torrontero),  Ainsi  se  passèrent 
les  dernières  années  de  cette  femme,  «  en  ce  cachot  de 
mort,  obscur  et  triste  »,  ainsi  qu'elle  le  dit  elle-même, 
sans  que  l'inflexibilité  de  celui  qui  l'y  avait  ensevelie  se  fût 
relâchée  un  moment,  même  à  l'heure  suprême. 

D'après  l'opinion  la  plus  commune,  la  princesse  d'Eboli 
aurait  été  la  maîtresse  de  Philippe  II,  et  le  duc  de  Pastrana 
passait  pour  le  fils  naturel  du  roi.  Antonio  Perez,  dans  les 
Relaciones,  écrites  alors  qu'il  était  réfugié  à  la  cour  de 
Henri  IV,  l'insinue  d'une  façon  déguisée  et  en  phrases 
mystérieuses.  Il  semble  dire  qu'il  gagna  l'amour  d'Ana  de 
Mendoza  et  la  haine  d'un  puissant  rival,  dont  la  jalousie  le 
persécuta  et  fut  la  cause  de  tous  ses  malheurs.  De  là  seu- 
lement viendrait  l'acharnement  de  Philippe  II  contre  le 
secrétaire,  qui  passait  pour  jouir  des  faveurs  réservées  jadis 
au  maître  seul  ;  de  là,  le  long  emprisonnement  de  celle  qui 
l'avait  dédaigné.  Cette  version  a  été  plus  ou  moins  admise 
par  presque  tous  les  historiens  :  d'Aubigné ,  Branthôme, 
de  Thon,  Gregorio  Leti,  Watson,  Mignet,  Pidal,  Canovas 
del  Castillo.  D.  Gaspar  Muro  l'a  combattue  et  réfutée  dans 
son  étude  sur  la  princesse  d'Eboli  (chap.  x  et  xi).  Ce  ro- 
man n'aurait  d'autre  origine,  suivant  lui,  que  les  bruits 
malveillants  répandus  par  Perez,  autorité  suspecte  s'il  en 
fut,  accueillis  avec  empressement  par  les  nombreux  enne- 
mis du  roi  d'Espagne  et  dont  l'écho  a  retenti  jusqu'à  nous. 
Ranke  et  Lafuente  se  sont  également  prononcés  pour  la  né- 
gative. Quant  à  la  princesse  d'Eboli  du  i).  Carlos  de  Schil- 
ler, c'est  un  personnage  de  pure  fantaisie.      L.  Dollfus. 

BiBL.  :  Cabrera  de  Côrdoba,  Historia  de  Felij)e  II; 
Madrid,  1619.  —  Antonio  Perez,  Obras  y  Relaciones  ; 
Genève,  1644.  —  Salazar  y  Castro,  Historia  de  la  casa 
de  Silva;  Madrid,  1685,  t.  II.  —  Proceso  criminal  instruido 
contra  Antonio  Perez  ;  Madrid,  1788.  —  Ranke,  Fûrsten 
und  Vôlker  von  sud  Europa;  Berlin,  1837,  1. 1.  —  Salva- 
dor Bermudez  de  Castro,  Antonio  Perez^  secretario  de 
Estado  del  Rey  Felipe  II;  Madrid,  1841.  —  Mignet,  An- 
tonio Perez  et  Philippe  II;  Paris,  1846.  —  Gaspar  Muro, 
Vida  de  la  princesa  de  Eboli  ;  Madrid,  1877. 

EBON  ou  BOSTON.  L'un  des  groupes  des  îles  de  l'ar- 
chipel Marshall  (V.  ce  mot). 

ÉBONITE  (Techn.)  (V.  Caoutchouc,  t.  IX,  p.  143). 

EBOSI  ou  mieux  YEBOSI.  Petite  île  du  Japon,  au  large 
de  la  province  de  Tsikou-zen,  dans  la  partie  du  détroit  de 
Corée,  qui  sépare  Iki-sima  de  Kiou-siou  (Iki-no-Seto  Gen- 
kainada).  Cet  îlot  surmonté  d'un  phare  se  trouve  sur  la 
route  des  steamers  qui  vont  de  Nagasaki  à  Kobé  par  le 
Suwo-nada.  H.  C^ 

ÉBOU  AGE  (Ponts  et  chaus.)  (V.  Balayage,  t.  V,  p.  87, 
et  Boue,  t.  VII,  p.  615). 

ÉBOULEAU.  Com.  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de  Laon, 
cant.  de  Sissonne;  332  hab. 

EBOULEMENT.  I.  Géologie.  —  Dans  tous  les  massifs 
montagneux,  Pyrénées,  Alpes  et  autres  grandes  chaînes, 
il  est  peu  de  vallées  où  l'on  ne  voie,  sur  les  flancs,  des 
entassements  souvent  prodigieux  de  rochers,  déterminés 
par  l'éboulement  subit  d'une  partie  de  la  montagne.  Nom- 
breux sont  alors  les  désastres  occasionnés  par  de  tels  acci- 
dents qui  prennent  trop  souvent  le  caractère  d'une  véri- 
table catastrophe  ;  des  roches  escarpées  ou  surplombantes 


ÉBOULEMENT 


—  234  — 


qui  restaient  suspendues  au-dessus  des  campagnes  se 
détachent  tout  d'un  coup,  glissent  sur  les  pentes  avec 
une  vitesse  qui  n'a  d'égale  que  celle  des  avalanches,  puis 
s'écroulent  avec  un  bruit  sinistre,  en  venant  ravager  toutes 


les  cultures  et  même  anéantir  des  villages  entiers.  Derrière 
ce  fait,  qui  frappe  toujours  par  sa  soudaineté,  et  peut  lar- 
gement contribuer  à  modifier  le  relief  d'une  contrée,  se 
cache  une  cause  profonde,  lente  et  graduelle,  qui  ne  doit 


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Fig.  1.  —  La  vallée  de  Goldau  après  réboulement  du  Rossberg,  d'après  une  photographie  de  M.  Jackson. 


qu'à  la  persistance  de  son  action  de  pouvoir  produire  de  tels 
effets.  Cette  cause,  en  effet,  réside  tout  entière  dans  le  tra- 
vail masqué  d'érosion  qu'exercent,  dans  leur  circulation 
souterraine,  les  eaux  d'infiltration. 

En  pénétrant  lentement  dans  le  sous-sol,  au  travers  des 
roches  fissurées,  les  eaux  pluviales  ou  celles  qui,  abondantes. 


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Fig.  2.  —  Carte  montrant  Tespace  recouvert  par  l'éboule- 
ment  du  Rossberg,  dans  la  vallée  de  Goldau. 

dans  les  régions  montagneuses,  résultent  de  la  fonte  des 
neiges,  viennent  s'accumuler  dans  le  dessous,  par  quantités 
considérables,  quand  elles  rencontrent  une  couche  argileuse 
imperméable  qui  fixe  leur  niveau.  Dès  lors,  si  elles  ne  peu- 
vent trouver,  sur  les  lignes  d'affleurement,  de  point  d'écou- 
lement facile  leur  permettant  de  se  traduire  au  dehors 
sous  la  forme  de  sources,  la  pression  hydrostatique  qu'elles 


acquièrent,  en  se  concentrant  à  la  jonction  des  deux  sys- 
tèmes de  couches,  a  pour  effet  de  délayer  peu  à  peu  la 
masse  argileuse.  Or,  quand  cette  dernière,  réduite  à  l'état 
de  boue  liquide,  est  devenue  impuissante  pour  servir 
de  support  efficace  au  massif  de  roches  fissurées  gui  la 
recouvrent,  ces  roches,  manquant  de  point  d'appui,  glissent 
et  s'écroulent  en  détruisant  tout  sur  leur  passage.  Ainsi  se 
produisent  de  gigantesques  éboulements  comme  ceux  dont 
la  Suisse  a  si  souvent  enregistré  les  désastres.  Telle  a  été 
par  exemple  la  catastrophe  du  Rossberg  en  4806.  Cette 
montagne,  située  au  nord  du  Righi,  est  formée  d'une  sorte 
de  grès  marneux  rempli  de  galets  (Nagelfhiie)  disposé  par 
couches  inchnées  au-dessus  de  couches  argileuses  cons- 
tamment délayées  par  les  eaux  d'infiltration.  La  saison  qui 
venait  de  s'écouler  avait  été  pluvieuse  ;  l'argile  s'étant  gra- 
duellement transformée  en  une  masse  boueuse,  une  partie 
de  la  montagne,  sur  une  étendue  de  plus  d'une  lieue,  se 
mit  à  glisser  sur  cette  nappe  semi-liquide  ;  puis,  soudain,  les 
habitants  de  la  vallée  de  Goldau  entendirent  un  craquement 
terrible  :  une  masse  énorme,  détachée  de  la  montagne  avec 
ses  forêts,  ses  prairies,  ses  hameaux,  se  précipitait  dans  la 
vallée  avec  un  bruit  de  tonnerre,  ensevelissant  sous  ses 
débris  cinq  villages.  Ainsi  furent  détruites  pour  jamais 
les  charmantes  campagnes  de  Goldau  (la  vallée  d'Or),  et 
le  lac  de  Lowerz  fut  lui-même  en  partie  comblé  par  un 
entassement  formidable  de  rochers  (fig.  2).  L'éboulement 
n'avait  pas  moins  de  4 ,500  m.  de  long  sur  3!20  m.  de  largeur 
moyenne  avec  une  épaisseur  de  32  m.,  ce  qui  représente  une 
masse  de  45  miUions  de  m.  c.  En  avant  de  cette  débâcle,  de 
nombreux  oiseaux,  surpris  dans  leur  vol  par  l'air  mis  en 
mouvement,  tombèrent  inanimés,  et  le  glissement  fit  naître 
un  tel  développement  de  chaleur  qu'on  vit  se  produire  des 
projections  de  vapeur  d'eau  chargée  de  boue  et  de  pierre. 
Non  moins  considérable  a  été  en  i  884  l'éboulement  du 
Plattenberg,  prèsd'Elm,  en  Suisse;  le  44  nov.,  le  versant 
boisé  de  cette  haute  montagne,  miné  à  sa  base  par  une 
exploitation  de  schistes  ardoisiers,  s'écroula  en  bloc.  Une 
masse  rocheuse  d'environ  40  millions  de  m.  c.  s'abattit 
sur  le  village  d'Unterthal  et  vint  combler  l'étroite  vallée 


235  — 


ÉBOULEMENT 


de  Miisli,  tandis  qu'une  partie  de  ces  débris  était  projetée 
avec  violence  sur  le  flanc  opposé  d'une  montagne  voisine, 
celle  du  Diinbesg,  où  ils  dessinent  actuellement,  à  400  m. 
au-dessus  de  la  vallée,  une  grande  traînée.  Ici  encore  on  a  pu 
constater  que  l'air  mis  en  mouvement  par  cette  avalanche 
de  pierre  fit  tourbillonner,  en  avant  de  l'éboulis,  les  cha- 
lets avec  leurs  habitants  et  les  arbres  déracinés.  Il  est 
juste  d'ajouter  que  l'imprévoyance  humaine  fut  la  cause  du 
désastre.  Bien  avant  que  cet  écroulement  se  produisît,  les 
travaux,  poussés  sans  relâche  dans  les  escarpements  d'ar- 
doise, avaient  déterminé  de  grandes  crevasses,  où  s'en- 
gouffraient les  eaux,  et  c'est  à  la  suite  de  pluies  orageuses 
que  se  fit,  dans  ce  massif,  une  rupture  qu'on  aurait  pu 
facilement  prévoir  et,  par  suite,  éviter.  C'est  par  centaines 
qu'on  peut  citer  en  Suisse  ces  grands  éboulements  de 
rochers  qui  ont  depuis  les  temps  historiques  singulièrement 
contribué  au  démantèlement  des  Alpes;  parmi  les  plus 
célèbres  figurent  ceux  qui,  à  deux  reprises  différentes  (1714, 


4749),  ont  fait  écrouler  les  plus  hauts  pics  des  Diablerets, 
en  venant  étaler,  sur  les  pâturages  avoisinants,  une  couche 
de  débris  épaisse  de  400  m.  ;  et  surtout  celui  qui,  en  4835, 
fit  descendre  dans  la  vallée  du  Rhône  une  partie  de  la 
Dent  du  Midi  (Valais)  :  en  amont  de  Saint-Maurice,  on  crut 
un  instant  que  le  cours  du  fleuve  allait  être  arrêté,  et  pen- 
dant de  longues  semaines  des  escouades  d'ouvriers  durent, 
nuit  et  jour,  travailler  au  déblaiement. 

Très  fréquemment  en  effet,  quand  ces  éboulements  se  pro- 
duisent dans  une  vallée,  le  fleuve  qui  la  draine,  quelle  que 
soit  son  importance,  peut  être  momentanément  arrêté  dans 
son  cours,  en  venant  donner  naissance,  en  arrière  de  ce  bar- 
rage, à  un  lac  plus  ou  moins  étendu,  et  c'est  seulement,  si 
l'industrie  humaine  n'intervient  pas  pour  rompre  l'obstacle, 
quand  la  pression  des  eaux  de  ce  lac  est  devenue  sufiisante 
pour  remplir  cet  office,  que  le  barrage  peut  être  emporté  ; 
dans  ce  cas,  il  en  résulte  une  débâcle  dont  les  effets  méca- 
niques  peuvent    devenir   considérables.  En    4841,    par 


Fig.  3.  —  Carte  montrant  les  effets  de  Téboulement  de  Salazie  (26  nov.  1875). 


exemple,  la  plaine  de  l'Oisans,  dans  les  iVlpes  du  Dauphiné, 
ayant  été  soudainement  fermée  par  un  gigantesque  éboule- 
ment  descendu  des  flancs  de  la  Voudène,  les  eaux  de  la 
Romanche,  de  l'OUe  et  du  Venéon,  s'accumulant  en  arrière 
de  l'obstacle,  s'étalèrent  en  un  lac  de  40  kil.  de  longueur. 
Des  bourgades  entières,  de  vastes  campagnes,  d'immenses 
forêts  disparurent  sous  cette  nappe  lacustre  qui,  par  places, 
pouvait  atteindre  20  m.  d'épaisseur  ;  l'industrie  locale 
devint  celle  de  la  pêche  et  cet  état  de  choses  dura  trente- 
huit  années,  au  bout  desquelles  la  digue  cédant  enfin  sous 
l'effort,  ses  eaux  se  répandirent  en  une  inondation  sans 
égale,  non  seulement  sur  Grenoble,  mais  sur  toutes  les 
villes  et  les  campagnes  du  bord  de  l'Isère.  Au  début  du 
xvi^  siècle,  ce  bassin  lacustre,  qui  avait  reçu  le  nom  de 
lac  Saint-Laurent,  était  complètement  asséché,  et  ce 
n'est  pas  là  un  fait  unique.  En  4844,  le  cours  de  l'Indus 
fut  arrêté  par  un  éboulement  survenu  sur  les  flancs  du 
Nanga  Parbat.  La  débâcle  d'eau,  de  cailloux  et  de  boue, 


évaluée  à  600  millions  de  m.  c,  produisit  une  vague  de 
40  m.,  qui  rasa  plusieurs  villages  et  refoula  le  courant  de 
la  rivière  de  Caboul  jusqu'à  plus  de  32  kil.  de  son  em- 
bouchure (E.  Reclus,  rincle ,  p.  240).  Assurément  de 
pareilles  débâcles  d'eau,  en  prenant  une  allure  franche- 
ment torrentielle,  contribuent  singulièrement  à  modifier  le 
profil  des  vallées  parcourues,  et  ce  phénomène,  qui  a  dû 
survenir  à  plusieurs  reprises  pendant  leur  période  de 
creusement,  doit  entrer  en  ligne  de  compte  dans  leur  for- 
mation. D'autres  fois,  —  ce  fait  est  plus  rare,  mais  inté- 
ressant à  constater,  —  dans  des  vallées  étroites,  ces  lacs, 
établis  en  arrière  des  digues  d'éboulements,  deviennent 
permanents.  Tels  sont,  dans  le  cours  du  torrent  de  Lizerne, 
les  trois  lacs  de  Derborence,  qui  se  sont  établis  à  la  suite 
des  éboulements  des  Diablerets,  mentionnés  plus  haut. 
De  pareils  accidents  ne  sont  pas  rares  dans  les  régions 
volcaniques,  où  il  existe  toujours  en  profondeur  des  roches 
chargées  de  feldspath  et  par  suite  d'un  élément  émi- 


EBOULEMENT 


—  286 


nemment  altérable,  que  les  eaux  réduisent  promptement  en 
kaolin,  c.-à-d.  en  une  argile  facilement  délayable.  Ces  roches 
sont  de  plus  creusées  de  vastes  cavités,  où  les  eaux  s'accu- 
mulent en  acquiérant  une  pression  considérable,  et  la  con- 
séquence devient  la  rupture  violente  des  parois  suivant  les 
fentes  du  terrain,  c.-à-d.  suivant  les  lignes  de  moindre  résis- 
tance. Tel  a  été,  par  exemple,  la  cause  de  l'éboulement  gigan- 
tesque qui  s'est  produit,  en  1875,  au  cirque  de  Salazie, 
dans  l'île  essentiellement  volcanique  de  la  Réunion,  sous 
l'influence  des  pluies  torrentielles  de  la  région  équatoriale, 
et  par  la  chute,  toujours  brusque,  d'une  portion  très 
étendue  des  remparts  à  pic  qui  circonscrivent  cette  grande 
dépression  des  Salazes  (fig.  3).  Soixante-deux  victimes,  un 
village,  celui  du  Grand-Sable,  tout  entier  enseveli  sous  les 
débris,  une  superficie  de  plus  de  120  hect.  entièrement  bou- 
leversée et  maintenant  recouverte  par  un  entassement  de 
blocs  énormes  sur  des  épaisseurs  de  40  à  50  m.;  des  habi- 
tations complètement  démolies  à  grande  distance  par  des 
projections  de  blocs  et  de  boue  chargée  de  débris,  tels  furent 
les  principaux  résultats  de  cette  castatrophe,  qu'il  eût  été 
facile  de  prévoir,  comme  celle  précédemment  citée  d'Elm. 
Parmi  les  effets  les  plus  saillants  des  grands  éboulements 
figurent  ensuite  des  troubles  très  notables  apportés  dans 
la  stratification  des  points  affectés  par  les  glissements.  Les 
couches  sédimentaires  refoulées  prennent  une  forte  incli- 
naison, parfois  même  se  plient  et  se  renversent  en  affec- 
tant des  (îontournements  serrés,  tout  à  fait  comparables  à 
ceux  qu'on  observe  dans  les  régions  montagneuses  où  de 
pareilles  couches  ont  été  soumises  à  de  puissants  efforts  de 
compression.  Cette  circonstance  est  surtout  pleinement  réa- 
lisée quand  ces  accidents  deviennent  le  résultat,  non  plus 
de  la  seule  action  érosive  des  eaux  d'infiltration,  mais  de 
leur  action  chimique.  L'eau,  en  se  chargeant  par  dissolu- 
tion de  substances  diverses,  peut,  en  effet,  non  seulement 
désagréger  les  roches  qu'elle  traverse,  mais  entraîner  une 
partie  de  leurs  éléments  constituants  ;  et  des  éboulements 
très  importants  peuvent  surtout  se  produire  dans  les  ré- 
gions où  il  existe,  en  profondeur,  des  roches  solubles  tels 
que  le  sel  gemme  ou  le  gypse  accessibles  à  cette  action 
des  eaux  souterraines.  Pour  le  sel  gemme,  la  dissolution 
n'a  pas  de  limite  ;  de  son  côté,  le  gypse  se  dissout  aisément 
dans  460  parties  d'eau.  On  conçoit  dès  lors  aisément  qu'il 
puisse  se  produire,  même  dans  les  amas  gypseux,  parle  seul 
fait  de  l'infiltration,  d'importantes  cavités  dont  les  parois, 
pressées  par  les  assises  encaissantes,  s'écroulent  en  don- 
nant naissance  à  de  grands  talus  d'éboulement.  Puis  ce 
phénomène,  quand  la  portée  de  ces  cavités  est  devenue 
trop  grande  pour  le  poids  qu'elles  supportent,  se  complète 
d'effondrements  se  traduisant  à  la  surface  par  l'appari- 
tion de  gouftres  inattendus.  Dans  le  Jura  salinois,  ces  acci- 
dents ne  sont  pas  rares,  notamment  aux  environs  de  Lons- 
le-Saunier,  où  la  cause  des  effondrements  qui,  à  diverses 
reprises,  dans  cette  région,  ont  été  accompagnés  de  véri- 
tables tremblements  de  terre,  doit  être  cherchée  dans  un 
grand  nombre  de  sources  séléniteuses  et  surtout  salées, 
qui,  chaque  année,  entraînent  du  sous-sol  des  quantités  con- 
sidérables de  gypse  et  de  sel  gemme.  Un  des  traits  parti- 
culiers de  ces  effondrements,  c'est  qu'ils  entraînent  des 
mouvements  du  sol  assez  accentués  pour  se  traduire  par 
des  tremblements  de  terre  très  localisés,  sans  doute, 
mais  souvent  encore  désastreux  dans  leurs  effets  à  la  sur- 
face. C'est  encore  en  Suisse  qu'il  faut  chercher  les  meil- 
leurs exemples  de  pareils  faits.  En  particulier,  de  ce 
nombre  sont  les  secousses  violentes  que,  pendant  plus  d'un 
mois,  la  vallée  de  Visp  en  Valais  ressentit  en  1855,  ébran- 
lements qui  devinrent  assez  accentués  pour  faire  naître  des 
fentes  dans  les  rochers  et  amener  la  destruction  d'un  grand 
nombre  d'habitations.  Or,  comme  il  existe  dans  cette  ré- 
gion plus  de  vingt  sources  séléniteuses j  dont  chacune 
enlève  au  sol  en  une  seule  année  plus  de  500  m.  c.  de 
gypse,  on  conçoit  aisément  qu'il  faille  chercher  dans  ce 
gigantesque  travail  de  dissolution  la  cause  principale,  non 
seulement  de  ce  tremblement  de  terre  de  1855,  mais  aussi 


de  la  majeure  partie  des  mille  dix-neuf  ébranlements  de 
cette  nature  ressenties  en  Suisse  de  1700  à  1854(Credner, 
dans  Lapparent,  Traité  de  géologie,  p.  325). 

Mais  les  effondrements,  avec  les  mouvements  du  sol  et 
les  éboulements  qui  en  sont  la  conséquence,  ne  sont  pas 
limités  aux  régions  où  se  rencontrent  des  amas  gypseux  ou 
salifères  en  profondeur  ;  les  pays  calcaires  fissurés  parcou- 
rus par  un  réseau  compliqué  de  grottes  et  de  rivières  sou- 
terraines sont  de  même  fréquemment  soumis  à  de  pareils 
accidents.  Aussi  bien  souvent,  sur  les  grands  plateaux  for- 
més de  pareilles  roches,  on  remarque,  jalonnant  au  jour 
la  direction  de  ces  cours  d'eau  cachés,  une  série  de  gouf- 
fres ou  de  puits  naturels,  intimement  liés  à  l'existence  de 
grottes  souterraines  et  produits  par  leur  effondrement, 
gouffres  qui,  presque  partout  considérés  comme  des  abîmes 
sans  fond,  ou  bien  entourés  de  légendes  mystérieuses, 
restent  toujours  désignés  sous  des  noms  symboliques  : 
foibe,  trichter  ou  dolinas  en  Carinthie,  creux  et  empo- 
deux  dans  le  Jura,  embues,  gouilles,  boit-tout,  ansel- 
moirs,  scialets,  tindouls,  bétoires,  ragagés,  dans  les 
diverses  régions  calcaires  de  la  France,  etc.  Tels  sont,  en 
particuHer,"dans  la  curieuse  région  des  Causses,  les  nom- 
breux avens  (abîmes)  ouverts  dans  la  masse  même  du  cal- 
caire à  des  ait.  de  800  à  1 ,000  m.  et  dans  lesquels  viennent 
se  perdre  les  eaux  de  la  surface  pour  se  rendre  aux  rivières 
souterraines  qui  circulent  sous  ces  plateaux.  Tels  sont 
aussi  ceux  de  la  Grèce  (Katavothres),  de  l'Illyrie,  et  sur- 
tout en  Autriche  ceux  du  pays  de  Karst,  situé  entre  la 
Carniole  et  l'Istrie,  et  qui  devient  la  région  la  mieux  par- 
tagée à  cet  égard,  à  ce  point  qu'on  désigne  souvent  sous  le 
nom  de  phénomènes  du  Karst  l'ensemble  de  ces  singuliers 
accidents  qui  impriment  à  la  topographie  souterraine  et 
superficielle  des  pays  calcaires  un  caractère  si  particulier. 
Mais  il  est  juste  aussi  d'ajouter,  comme  l'a  fait  si  judi- 
cieusement observer  M.  de  Lapparent,  qu'il  serait  excessif 
de  vouloir  attribuer  au  seul  travail  des  eaux  courantes 
tous  les  effondrements,  en  forme  d'entonnoir,  qu'on  ren- 
contre dans  les  régions  calcaires.  Il  en  est  dont  l'étroitesse 
et  surtout  la  régularité  rendent  impossible  une  pareille 
attribution.  Dans  ce  cas,  on  observe  sur  leurs  parois  ou 
dans  le  fond  une  terre  rouge  caractéristique  qui  permet  de 
les  rattacher  à  des  phénomènes  de  nature  chimique  et  de 
considérer  par  suite  ces  cavités  comme  d'anciennes  fentes 
élargies  et  façonnées  en  forme  de  puits  naturels  par  un 
travail  spécial  de  dissolution,  tant  il  est  vrai  que  les  phé- 
nomènes naturels  sont  souvent  complexes  et  que  pour  en 
trouver  l'explication  il  est  parfois  dangereux  de  ne  recourir 
qu'à  une  seule  catégorie  d'agents.  Ch.  Vélain. 

II.  Mines.  —  C'est  aux  éboulements  que  revient  la  plus 
grande  part  de  la  mortalité  occasionnée  par  les  accidents 
dont  les  mines  sont  le  théâtre.  On  peut  à  cet  égard  distin- 
guer deux  degrés  de  gravité,  à  savoir  :  l'éboulement  cir- 
conscrit d'un  point  en  particuher  ou  l'effondrement  total 
d'une  mine.  Parfois,  dans  les  tailles  ou  les  galeries,  le  toit 
mal  soutenu  s'éboule,  ou  des  blocs  se  détachent  de  la  voûte, 
ou  encore  la  paroi  ébranlée  d'un  front  d'attaque  s'écroule 
subitement.  Il  est  assez  rare  qu'un  éboulement  important 
se  produise  sans  que  les  craquements  des  roches  qui  se  fis- 
surent, des  étais  qui  fatiguent  avant  de  se  rompre,  n'aient 
averti  les  travailleurs.  Si  l'éboulement  se  produit  dans  un 
puits,  les  suites  peuvent  être  très  graves  ;  les  débris  accu- 
mulés forment  voûte,  en  quelque  endroit  où  ils  s'arrêtent, 
obstruant  parfois  le  puits  sur  une  grande  hauteur,  en  com- 
blant le  fond  et  murant  l'issue  des  galeries  inférieures. 
L'histoire  a  enregistré  le  souvenir  de  mémorables  exemples 
d'effondrement  total  d'une  mine.  En  1687,  tous  les  tra- 
vaux de  la  mine  de  Fahlun  (Suède)  éboulèrent  à  la  fois. 
La  mine  de  Stahlberg  (pays  de  Siegen)  s'est  entièrement 
effondrée  en  1740.  En  1860,  la  mine  de  soufre  de  Lercara 
(Sicile)  a  enseveli  trente-sept  mineurs  et  dix-neuf  en  1871. 
Le  plus  récent  des  désastres  présentant  un  caractère  géné- 
ral est  celui  de  la  mine  de  sel  de  Varangéville  (Meurthe- 
et-Moselle)  où  est  pratiquée  la  méthode  de  lavage  du  sel 


Î237  — 


EBOULEMENT  -  ÉBREUIL 


gemme  par  l'eau.  Les  piliers  massifs  s'enfoncèrent  tous  à 
la  fois  le  31  oct.  1873,  et  l'on  vit  dans  l'espace  de  trente 
secondes  s'affaisser  sur  une  hauteur  de  3  m.  une  étendue 
d'environ  350  m.  sur  300  m.  La  véritable  influence  des 
effets  de  l'éboulement  sur  la  mortalité  souterraine  (100  tués 
par  an  par  les  éboulements  sur  236  décès  totaux  prove- 
nant des  accidents  à  l'intérieur  et  sur  100,000  mineurs) 
provient  beaucoup  moins  de  ces  événements  essentiellement 
rares  que  des  accidents  locaux  trop  fréquents,  dans  lesquels 
un  ou  plusieurs  hommes  peuvent  se  trouver  engagés.  Les 
moyens  de  préservation  à  cet  égard  se  réduisent  à  la  bonne 
entente  de  la  méthode  d'exploitation  et  aux  soins  que  l'on 
doit  apporter  aux  soutènements.  Nous  parlerons  à  leur 
place  des  moyens  employés  pour  sauver  les  mineurs  pris 
par  un  éboulement  (V.  Sauvetage).  L.  K. 

BiBL.  :  GÉOLOGIE.  —  L'abbé  Paramelle,  VArt  de  dé' 
couvrir  les  sources  ;  Paris,  1856,  p.  118,  in-8.  —  Desnoyers, 
art.  Grottes,  du  Dict.  d'hist.  nat.  de  d'Orbigny,  1868,  t.  VI, 
2e  édit.  —  Daubrée,  les  Eaux  souterraines  ;  Paris,  1887, 
2  vol.  in-8.  —  De  Lapparent,  Traité  de  Géologie,  1885, 
p.  145,  2«  édit. 

ÉB0UR6E0NNEMENT.  L  Horticulture  et  Sylvicul- 
ture. —  Chez  les  arbres  fruitiers,  l'ébourgeonnement  con- 
siste à  supprimer  par  une  simple  cassure  les  bourgeons  à  bois 
inutiles  ou  nuisibles  à  la  formation  de  la  charpente  et  une 
partie  des  bourgeons  à  fleurs  lorsque  les  arbres  sont  trop 
chargés  de  productions  fruitières.  Cette  opération  est  en 
somme  une  taille  prématurée,  fort  utile  en  ce  sens  que  la  sève 
économisée  sert  uniquement  au  développement  des  bourgeons 
conservés,  qui  acquièrent  plus  de  vigueur  et  donnent  de  plus 
beaux  fruits.  Pour  en  tirer  tout  le  parti  possible,  on  doit 
naturellement  l'appliquer  de  bonne  heure,  c.-à-d.  avant 
que  les  bourgeons  à  supprimer  ne  se  développent  en  ra- 
meaux. Dans  les  taillis  sous  futaie,  il  est  aisé  de  remarquer 
que  le  tronc  des  arbres  réservés  se  couvre  de  bourgeons 
après  la  coupe  du  sous-bois.  Ces  bourgeons  attirent  à  eux 
une  bonne  partie  de  la  sève  destinée  à  la  flèche,  dont  l'allon- 
gement se  ralentit.  Il  est  donc  important  de  les  supprimer 
avant  qu'ils  ne  deviennent  des  gourmands.  L'opération 
s'exécute  dans  le  courant  de  rété,à  partir  du  mois  de  juin, 
à  l'aide  d'une  raclette  longuement  emmanchée.  On  pratique 
parfois  l'ébourgeonnement  sur  les  arbres  résineux.  Le  but 
est  différent  :  les  bourgeons  servent  en  pharmacie  à  faire 
des  tisanes,  et  les  jeunes  pousses  sont  utilisées  pour  la  fabri- 
cation de  la  bière.  G.  Boyer. 

IL  Viticulture.  —  L'ébourgeonnement  est  toujours 
pratiqué  dans  les  vignobles  des  régions  septentrionales 
de  la  France  et  assez  souvent  dans  les  régions  du  Sud. 
Cette  opération  consiste  à  supprimer,  sur  toutes  les 
vignes,  les  rameaux  herbacés  qui  poussent  sur  le  vieux 
bois;  dans  le  Nord,  le  Centre,  l'Est ^et  l'Ouest,  on  enlève 
en  outre,  dans  bien  des  cas,  les  rameaux  qui  ne  sont  pas 
fructifères  ou  qui  ne  sont  d'aucune  utilité  pour  l'établisse- 
ment de  la  taille  de  l'année  suivante. 
Les  rameaux  sont  supprimés  lorsqu'ils 
ont  une  longueur  maxima  de  8  à  10 
centim.  et  on  les  enlève  à  la  main  en 
les  séparant  le  plus  près  possible  de 
leur  point  d'insertion.       P.  Viâla. 

ÉBRANCHAGE(Arboric.).  L'ébran- 
chage  consiste  à  couper  les  branches 
d'un  arbre,  soit  que  celles-ci  soient  trop 
nombreuses,  soit  que  leur  direction 
soit  mauvaise,  soit  enfin  qu'elles  soient 
mortes.  L'ébranchage  doit  toujours  être 
fait  avec  ménagement  pour  ne  pas  trop 
fatiguer  ni  blesser  l'arbre ,  surtout  en 
ce  qui  concerne  les  grosses  branches. 
L'instrument  dont  on  se  sert  pour  pra- 
tiquer cette  opération  consiste  en  une 
lame  affectant  la  forme  d'une  double 
courbure;  elle  est  affilée  sur  ses  deux  courbes  et  montée  sur 
un  manche  plus  ou  moins  long.  Cet  outil,  bien  connu  des 
forestiers,  porte  le  nom  à'ébranchoir. 


Ebranchoir. 


ÉBRARD  ou  EVRARD  deBéthune,  vivait  probablement 
au  commencement  du  xiii^  siècle.  Il  est  connu  par  son 
Grœcismus  (d'où  le  surnom  de  Grœcista),  manuel  d'en- 
viron deux  mille  vers  latins  qui  exposent  les  règles  de  la 
rhétorique,  de  la  prosodie, de  letymologie  et  de  la  syntaxe. 
Ce  livre  fut  d'un  usage  constant  dans  les  écoles  du  moyen 
âge  jusqu'au  début  duxvi^  siècle.  La  première  édition  im- 
primée est  apparemment  celle  de  Paris,  par  Pierre  Levet, 
en  -1487,  in-fol.  Elle  fut  réimprimée  à  Lyon  (1490  et  1493, 
in-4).  Ce  même  Ebrard  a  sans  doute  aussi  rédigé  le  Liber 
antihœresis  contre  les  cathares,  nombreux  alors  en  Flandre; 
ce  document  fournit  quelques  renseignements  intéressants 
sur  la  doctrine  de  ces  sectaires.  La  première  impression 
fut  signée  par  le  jésuite  Gretser  sous  le  titre  erronné  de 
Contra  Valdenses  dans  Trias  scriptorum  adv.  Vald. 
sectam  (Ingolstadt,  1614,  in-4);  réimp.  dans  Maxima 
Biblioth.  Patrum  (Lyon,  1677,  t.  XXIV).       F.-H.  K. 

EBRARD  (Johann-Heinrich-August),  théologien  réformé 
allemand,  né  à  Erlangen  (Bavière)  le  18  janv.  1818,  mort 
le  23  juil.  1888.  Depuis  1842,  il  professa  la  théologie  à 
Erlangen,  sauf  de  1844-47,  où  il  fut  professeur  à  Zurich, 
et  de  1853-61,  où  il  gouverna  l'Eglise  du  Palatinat,  comme 
conseiller  consistorial  à  Spire.  C'était  un  esprit  d'une  cul- 
ture très  variée,  ayant  autant  de  virtuosité  en  musique  et 
en  littérature  qu'en  théologie.  Ses  principaux  ouvrages 
sont  :  Das  Dogma  vom  heiligen  Abendmahl  und  seine 
Geschichte  (1843-46)  ;  Christliche  Dogmatik  (1863, 
2^  éd.)  ;  Praktische  Théologie  (18o6)  ;  Kirchen  und 
Dogmengeschichte  (1865-67, 4  vol.)  ;  Apologetik  (1880- 
81 ,  2^  éd.).  Sous  le  pseudonyme  de  Gottfried  Flammberg, 
il  a  publié  des  romans  et  des  productions  poétiques.  C.  P. 

ÉBRASEMENT  ou  EMBRASEMENT. Partie  d'une  em- 
brasure comprise  entre  la  feuillure  servant  à  recevoir  la 
fermeture  d'une  baie  (porte  ou  fenêtre)  et  le  parement  du 
mur  intérieur  d'une  salle.  Afin  de  faciliter  l'ouverture  des 
vantaux  et  aussi  pour  augmenter  la  quantité  de  lumière 
introduite  dans  la  salle,  on  élargit  le  plus  souvent  cette 
partie  de  l'embrasure  du  dehors  au  dedans,  suivant  une 
direction  oblique  à  la  perpendiculaire  du  tableau  ;  le  fais- 
ceau des  rayons  lumineux  pénétrant  normalement  à  l'in- 
térieur forme  ainsi,  d'après  la  forme  rectangulaire  ou 
circulaire  de  la  baie,  un  tronc  de  pyramide  ou  un  tronc  de 
cône  au  lieu  d'un  parallélépipède  ou  d'un  cylindre.  De  nom- 
breux édifices  civils  ou  religieux  du  moyen  âge  présentent 
des  embrasures  à  double  ébrasement,  c.-à-d.  dont  les 
tableaux  et  aussi  les  meneaux  les  divisant  sont  ébrasés  à 
l'extérieur  comme  à  l'intérieur.  —  En  menuiserie,  on  désigne 
de  ce  même  mot,  ébrasement  ou  embrasement,  le  revête- 
ment, assemblé  à  rainure  et  à  languette,  et  raccordé  avec 
le  lambris  de  la  pièce,  dont  on  couvre  la  partie  inférieure  de 
l'ébrasement  d'une  baie  (V.  Embrasure).     Charles  Lucas. 

ÉBRAY  (Charles-Henri-Théophile),  géologue  d'origine 
française,  né  à  Bàle  en  1823,  mort  au  Petit-Saconnex, 
près  de  Genève,  le  5  févr.  1879.  Elève  de  l'Ecole  centrale  de 
Paris,  il  fut  attaché  successivement  aux  compagnies  d'Or- 
léans et  de  Paris-Lyon-Méditerranée  et  construisit  une 
partie  de  la  ligne  du  Bourbonnais.  En  1870,  il  fut  appelé 
à  séjourner  à  Talloires,  sur  les  bords  du  lac  d'Annecy,  et 
plus  tard  se  fixa  à  Genève.  La  géologie  de  la  France,  et 
particulièrement  celle  du  Jura  et  des  Alpes,  lui  doit  beaucoup. 
Ses  publications ,  très  nombreuses ,  sont  disséminées  dans 
les  Annales  de  l' Académie  de  Lyon,  les  Annales  de  la 
Société  des  sciences  de  Lyon,  les  Annales  de  la  Société 
de  la  carte  géographique  de  France,  et  surtout  le  Bul- 
letin de  la  Société  géologique  de  France,    D'^  L.  Hn. 

EBRE.  Fleuve  d'Espagne  (V.  Espagne  [Géographie 
physique]). 

EBRÉON.  Corn,  du  dép.  de  la  Charente,  arr.  deRuffec, 
cant.  d'Aigre;  428  hab. 

ÉBREUIL  (Ebrogilum,  Evrolocus,  Ebrolium).  Ch.-l. 
de  cant.  du  dép.  de  l'Allier,  arr.  de  Gannat,  situé  sur  la 
rivière  de  Sioule  ;  2,267  hab.  Nombreux  fours  à  chaux. 
Mentionné  dans  une  lettre  de  Sidoine  Apollinaire  (Epist.  V 


ÉBREUIL  —  EBROÏN 


238  - 


ad  Hypathium),  qui  possédait,  paraît-il,  une  maison  de 
campagne  dans  le  voisinage,  Ebreuil  aurait  été,  un  peu  plus 
tard,  une  des  résidences  des  rois  d'Aquitaine,  et  Louis  le 
Pieux  y  aurait  séjourné.  Il  eut  une  abbaye  dont  la  fonda- 
tion, déclarée  royale,  a  été  attribuée  tantôt  à  Charles  le 
Simple,  tantôt  à  Lothaire,  et  fixée  à  l'année  901  ou  à 
l'année  96i .  De  fréquents  démêlés  se  produisirent  entre  les 
abbés  d'Ebreuil  et  les  seigneurs  de  Bourbon.  Ceux-ci  finirent, 
devenus  ducs  d'Auvergne,  par  imposer  leur  suzeraineté 
aux  abbés.  Pierre  P^  avait  donné  le  château  d'Ebreuil  et 
des  terres  à  Jean,  bâtard  de  Bourbon.  L'abbaye  fut  sup- 
primée en  1768,  et  ses  revenus  donnés  aux  frères  de  la 
Charité  de  Clermont,  à  la  charge  de  fonder  un  hôpital  à 
Ebreuil.  L'église  abbatiale  est  classée  comme  monument 
historique.  La  ville  était  ceinte  de  murailles  ;  elle  députait 
aux  Etats  de  la  basse  Auvergne  et  possédait  des  armoiries 
qui  étaient  à' argent,  à  une  belette  de  gueules. 

BiBL.  :  Boudant,  Hist.  de  la  ville,  du  château  et  de 
l'abbaye  d'Ebreuil  ;  Moulins,  1865,  in-4. 

ÉBRIÉ.  Village  et  pays  d'Afrique  faisant  partie  des  pos- 
sessions françaises  de  la  Côte  d'Or  (Guinée).  Le  pays 
d'Ebrié  occupe  le  bord  septentrional  de  la  lagune  du  même 
nom,  laquelle  communique  avec  la  mer  par  la  rivière  de 
Grand-Bassam  ou  rivière  Costa.  Dabou  est  le  seul  point 
occupé  militairement  par  la  France.  Les  objets  d'échange 
sont  l'or,  l'huile  de  palme.  Des  plantations  de  café  ont 
été  essayées  avec  succès  ;  le  coton  est  cultivé  avec  profit. 

EBROICI  (V.  Eburovices). 

EBROÏN,  maire  du  palais  de  Neustrie,  mort  en  681. 
C'est  le  principal  personnage  de  l'histoiie  franque  dans  la 
période  du  vu®  siècle,  comprise  entre  la  mort  de  Dagobert 
et  l'avènement  de  la  famille  carolingienne.  Nous  savons 
peu  de  chose  sur  ses  débuts,  seulement  qu'il  était  de  mé- 
diocre extraction  et  s'était  élevé  par  ses  talents  personnels. 

A  la  mort  d'Erchinoald,  Ebroïn  fut  choisi  par  les  nobles 
francs  comme  maire  du  palais  des  trois  royaumes  de  Neus- 
trie, Bourgogne  et  Austrasie  (656).  Depuis  ce  moment 
jusqu'à  sa'mort,  pendant  une  vingtaine  d'années,  il  est  le 
principal  personnage  de  l'histoire  des  Francs.  Nous  sommes 
assez  mal  renseignés  sur  ses  actes  et  ses  projets,  d'autant 
que  son  histoire  a  été  écrite  par  les  clercs,  ses  mortels  en- 
nemis. Il  en  ressort  néanmoins  qu'Ebroïn,  dont  ce  titre  de 
maire  du  palais  faisait  le  dernier  représentant  du  pouvoir 
général,  à  défaut  des  rois  impuissants  et  annulés,  lutta 
avec  une  énergie  désespérée  pour  restaurer  le  pouvoir  cen- 
-  tral  et  l'autorfté  monarchique.  Il  n'eut  ni  plus  ni  moins  de 
scrupules  que  ses  adversaires,  fut  comme  eux  fourbe  et 
cruel,  mais  au  nom  d'une  idée  générale.  Il  fut  donc  l'en- 
nemi résolu  des  grands,  surtout  de  l'aristocratie  ecclésias- 
tique. Au  début," il  fut  tempéré  par  la  régente  Bathilde,  qui 
était  sous  l'influence  du  clergé,  notamment  des  évêques 
Chrodobert  de  Paris,  Audoin  de  Bouen  et  Léger  (Leodegar) 
d'Autun.  Le  roi  nominal  était  Clotaire  III.  Dès  660,  son 
frère  cadet,  Childéric  II,  fut  nommé  roi  d'Austrasie  avec 
un  maire  du  palais  distinct.  Le  pouvoir  d'Ebroïn  et  de  son 
roi  sont  restreints  à  la  Neustrie  et  la  Bourgogne.  Le  con- 
flit éclate  entre  le  maire  du  palais  et  les  évêques  ;  Bathilde 
abdique  et  se  retire  à  l'abbaye  de  Chelles  (6^4:)  ;  malgré 
elle,  l'évêque  Siegbrand  avait  été  mis  à  mort.  Peut-être 
faut-il  l'identifier  avec  un  évêque  de  Lyon,  Annemund,  tué 
par  ordre  d'Ebroïn.  Celui-ci  est  seul  maître  sous  le  nom 
de  Clotaire  III  jusqu'en  670  où  l'enfant  royal  meurt.  Son 
principal  opposant  fut  Leodegar  ou  saint  Léger,  évêque 
d'Autun,  non  moins  énergique  et  non  moins  cruel.  Une  crise 
grave  eut  lieu  à  la  mort  de  Clotaire  III.  Ebroïn  voulait  lui 
donner  pour  successeur  Thierry  ou  Théodoric,  son  frère, 
troisième  fils  de  Clovis  IL  L'évêque  d'Autun  accourut, 
réunit  les  grands  hostiles  au  maire  du  palais.  On  repro- 
chait à  celui-ci  sa  cupidité,  le  sang  qu'il  avait  versé,  son 
interdiction  aux  Bourguignons  de  venir  à  la  cour  sans  au- 
torisation. C'était  donc  en  Bourgogne  qu'était  le  plus  vive 
l'hostilité  contre  Ebroïn  ;  mais  en  Neustrie  aussi,  il  comp- 
tait bien  des  ennemis.  Raguebert,  Bodo  et  Guiscand  com- 


plotent de  le  tuer.  Les  grands  de  Bourgogne  et  les  dissi- 
dents de  Neustrie  proclament  roi  Childéric  d' Austrasie, 
l'imposent  par  le  fer  et  le  feu.  Ebroïn,  délaissé  par  la  plu- 
part de  ses  partisans,  se  soumit  et  demanda  au  roi  de  le 
laisser  se  retirer  dans  un  cloître  ;  ses  biens  furent  pillés 
par  les  vainqueurs.  Lui-même  eut  la  vie  sauve  et  fut  en- 
voyé au  monastère  de  Luxeuil  ;  son  roi  Théodoric  fut  tondu 
et  enfermé  à  Saint-Denis.  Les  grands  firent  décider  plu- 
sieurs mesures  pour  atténuer  le  pouvoir  de  la  mairie  du 
palais  ;  elle  dut  être  alternativement  confiée  aux  principaux 
entre  les  nobles  ;  le  particularisme  des  trois  royaumes  reçut 
satisfaction  par  plusieurs  concessions.  Wulfoald  était  seul 
maire  du  palais  et  saint  Léger  gouvernait  la  Bourgogne,  en 
fait  du  moins,  et  naturellement  au  profit  des  grands.  Tous 
les  adversaires  d'Ebroïn  furent  replacés  dans  leurs  hon- 
neurs et  leurs  situations. 

Cependant  l'évêque  d'Auvergne,  saint  Prœjectus,  indigné 
de  voir  le  patrice  de  Provence,  Hector,  qui  avait  enlevé  une 
fille  arverne  et  dépouillé  l'Eglise,  soutenu  par  son  ami  saint 
Léger,  attaqua  celui-ci.  Cité  par  l'évêque  d'Autun   devant 
le  tribunal,  il  fut  appuyé  par  la  reine;  Prœjectus  eut  le 
dessus;  Hector  fut  exécuté,  saint  Léger  s'enfuit,  mais  fut 
pris  et  exilé  au  monastère  de  Luxeuil  (673).  Précipité  par 
l'influence  de  Wulfoald  et  des  Austrasiens,  l'évêque  d'Autun 
se  réconcilia  à  Luxeuil  avec  Ebroïn  contre  l'ennemi  commun . 
La  tyrannie  de  Childéric  lui  aliéna  les  grands,  surtout  ceux 
de  Neustrie  et  de  Bourgogne.   Un  d'entre  eux,  Bodolen, 
Tassassina  avec  sa  femme.  Wulfoald  s'enfuit  en  Austrasie, 
Ebroïn  et  saint  Léger  furent  délivrés,  et  Leudesius,  fils 
d'Erchinoald,  nommé  maire  du  palais  pour  la  Bourgogne. 
Ebroïn  fit  route  avec  son  ancien  rival  jusqu'à  Autun,  puis 
s'échappa  de  nuit;  son  roi,  Théodoric  II,  avait  été  reconnu 
par  Leudesius  et  saint  Léger  pour  la  Neustrie  et  la  Bour- 
gogne. Mais  l'anarchie  était  générale  ;  tous  les  bannis  étaient 
revenus  :  partisans  et  victimes  de  saint  Léger,  de  Wul- 
foald, d'Ebroïn,  se  disputaient  la  prépondérance,  chacun 
pillant  le  plus  possible.  Ebroïn  s'était  rendu  en  Austrasie, 
oti  l'on  avait  pris  pour  roi  un  fils  de  Sigebert  III  retiré 
dans  un  couvent  d'Irlande,  Dagobert  II,  à  qui  l'archevêque 
d'York  paya  son  voyage  de  retour.  Un  autre  parti  austra- 
sien  dirigé  par  Waimar,  duc  de  Champagne,  ralliant  les 
comtes  et  évêques  du  sud-ouest  de  l'Austrasie,  acclama  un 
autre  prince,  fils  réel  ou  prétendu  de  Clotaire  III,  qui  reçut 
le  nom  de  Clovis  IH.   Ebroïn  se  rallia  d'abord  à  ce  troi- 
sième parti,  avec  les  évêques  de  Châlons  et  de  Valence. 
Il  rassembla  une  armée,  entra  en  Neustrie,  força  le  passage 
de  l'Oise,  écrasa  l'armée  de  Leudesius  près  de  Pont-Sainte- 
Maxence,  s'empara  du  trésor  royal  à  la  villa  de  Basiu,près 
de  Corbie.  Le  maire  du  palais  et  Théodoric  furent  atteints  et 
faits  prisonniers  à  Crécy-en-Ponthieu.  Ebroïn  mit  à  mort 
son  rival,  reprit  la  mairie  du  palais  et  se  déclara  sujet 
dévoué  de  Théodoric,  son  ancienne  créature,  abandonnant 
Clovis  III,  dès  qu'il  eut  en  son  pouvoir  un  Mérovingien  plus 
authentique.  Ses  alliés  Waimar  et  Dido  (évêque  de  Châ- 
lons) marchèrent  sur  Autun  ;  saint  Léger  y  fut  assiégé  ; 
ne  pouvant  résister,  il  donna  ses  richesses  aux  pauvres  et 
aux  égUses  et  sortit  à  la  tête  d'une  procession,  reliques  en 
tète.  H  fut  saisi  et  aveuglé  ;  Bobo,  qui  venait  de  perdre 
l'évêché  de  Valence,  devint  évêque  d'Autun.  Lyon  résista 
ensuite,  mais  dut  se  soumettre  (674).  Ebroïn  publia  une 
amnistie  générale.  Cependant  les  chefs  du  parti  adverse 
s'enfuirent  chez  les  Vascons;  c'était  prudent,  car  Ebroïn 
n'épargna  pas  ses  ennemis.  Des  couvents  de  femmes  furent 
dépouillés.  Saint  Léger,  etGairin,  son  frère,  furent  mis  en 
jugement  pour  le  meurtre  de   Childéric  II,  condamnés, 
celui-ci  à  la  lapidation,  l'évêque  à  la  déposition  ;  on  lui 
coupa  la  langue  et  les  lèvres  et  on  finit  par  le  décapiter 
après  l'avoir  traîné  dans  plusieurs  couvents  (678).  Rétabli 
dans  son  autorité,  Ebroïn  se  brouilla  avec  le  groupe  sur 
qui  il  s'était  appuyé  pour  sa  restauration,  le  groupe  des 
partisans  de  Clovis  III.  L'évêque  de  Châlons  fut  excommunié 
par  le  même  synode  qui  déposa  saint  Léger  et  décapité. 
Waimar,  le  duc  de  Champagne,  devenu  évêque  de  Troyes, 


—  239  — 


EBROÏN  —  ÉBULLITION 


fut  avec  d'autres  condamné  au  bannissement  perpétuel. 
11  est  probable  que  les  Champenois  voulaient  se  rapprocher 
de  TAustrasie.  Leur  ami,  le  duc  Adalric  (de  Provence),  fut 
également  condamné  pour  infidélité  et  s'allia  aux  Austrasiens. 
Ébroïn,  qui  avait  rétabli  son  pouvoir  et  celui  de  son  roi 
ThéodoricII  en  Neustrie  et  en  Bourgogne,  écrasé  les  grands 
champenois  et  bourguignons,  se  tourna  alors  contre  l'Aus- 
trasie  pour  achever  sa  tâche  et  réunir  tout  le  royaume  des 
Francs.  Dagobert  II  venait  d'être  assassiné  par  les  grands 
austrasiens  qui  l'accusaient  de  mépriser  leurs  avis.  Wulfoald 
disparaît  avec  lui.  La  guerre  qui  éclata  alors  (678)  entre 
la  Neustrie  et  l'Austrasie  fut  soutenue  contre  Ebroïn  par 
la  puissante  famille  des  Arnulfings  qui  devait  réunir  tout 
le  royaume  franc  et  fonder  la  monarchie  carolingienne.  Le 
chef  en  était  Pépin  dit  l'Ancien  qui  marchait  d'accord  avec 
Martin,  probablement  son  parent.  Les  ducs  austrasiens 
n'avaient  pas  de  roi.  Ils  se  portèrent  à  la  rencontre  d'Ebroïn 
et  de  Théodoric  III,  mais  furent  complètement  défaits  au 
voisinage  de  Laon.  Pépin  échappa;  Martin,  qui  s'était  en- 
fermé dans  la  ville,  fut  attiré  au  dehors  par  les  fallacieuses 
assurances  d'Ebroïn  qui  le  massacra  avec  sa  suite.  Le  maire 
du  palais  ne  put  recueillir  les  fruits  de  sa  victoire  qui 
semblait  en  faire  le  seul  chef  des  Francs  ;  il  fut  assassiné 
par  le  Franc  Ermenfrid  qu'il  avait  menacé  de  dépouiller 
de  ses  biens  (681).  —  Les  appréciations  varient  sur  cet 
homme  violent,  mais  on  ne  peut  méconnaître  la  grandeur 
de  son  rôle.  Son  échec  assura  la  prédominance  des  Francs 
d'Austrasie.  Les  principales  sources  pour  son  histoire  et 
celle  de  son  ennemi,  saint  Léger,  lui  sont  hostiles  sans 
mesure  :  ce  sont  les  deux  Vies  de  saint  Léger  (la  seconde 
moins  partiale),  les  Gesta  Francorum,  le  continuateur  de 
Frédégaire  ;  les  Vies  de  saint  Praejectus,  de  sainte  Aus- 
trude  permettent  de  critiquer  les  documents  précédents. 

ÉBROUISSAGE  (V.  Teinturerie). 

EBRUTA6E  (V.  Diamant,  t.  XIV,  p.  436). 

EBSTEIN  (Wilhelm) ,  médecin  allemand  contemporain, 
né  à  Jauer  (Silésie)  le  27  nov.  1836.  Professeur  de  patho- 
logie interne  et  directeur  de  la  clinique  à  Gôttingue  depuis 
1874,  il  a  publié  des  ouvrages  très  estimés  sur  les  affections 
des  reins,  l'obésité,  la  goutte,  le  diabète,  diverses  maladies 
de  l'estomac.  D^  L.  Hn. 

EBSWORTH  (Joseph),  auteur  dramatique,  acteur  et 
musicien  anglais,  né  à  Londres  en  1788,  mort  à  Edim- 
bourg en  1868.  Il  apprit  d'abord  le  métier  d'horloger  et 
y  devint  très  habile  ;  mais  son  goût  pour  le  théâtre  le  porta 
bientôt  à  s'engager  dans  la  troupe  d'opéra  de  Covent  Garden 
et  à  devenir  auteur.  Il  joua  pendant  quelque  temps  au 
Théâtre  royal,  à  Edimbourg,  oti  il  s'étabht  définitivement 
comme  professeur  de  musique  et  de  chant.  Il  s'acquit  ainsi 
une  grande  réputation,  encore  rehaussée  par  ses  connais- 
sances de  linguiste  et  par  ses  goûts  de  bibliophile.  Outre 
ses  très  nombreuses  œuvres  dramatiques,  dont  beaucoup 
n'ont  jamais  été  imprimées  et  parmi  lesquelles  nous  ne 
citerons  qu'une  curieuse  version  du  Courrier'  de  Lyon 
(The  two  Prisoners  of  Lyons,  or  the  Duplicate  Keys, 
1824),  il  a  laissé  de  nombreuses  notes  sur  les  hiéroglyphes 
et  sur  l'astrologie.  Sa  collection  d'œuvres  musicales  et  de 
traités  sur  la  musique  n'avait  pas  de  rivale  en  Ecosse.  En 
1828,  il  avait  fondé  à  Edimbourg  une  librairie  dramatique 
anglaise  et  étrangère,  où  il  centralisait  aussi  les  caricatures 
et  les  publications  périodiques.  Ses  compositions  musicales 
sont  en  très  grand  nombre  et  jouissent  encore  d'une  cer- 
taine popularité.  Il  avait  épousé,  en  1817,  miss  Mary-Emma 
Fairbrother,  née  en  1794,  et  déjà  connue  comme  traduc- 
trice de  romans  français.  Elle  collabora  à  la  plupart  des 
pièces  de  son  mari,  et  écrivit  seule  plusieurs  drames  publiés 
dans  la  collection  de  John  Cumberland.  Le  plus  célèbre  a 
pour  titre  The  Sculptor  of  Florence,  Elle  monvut  kWâl- 
worth  en  1881.  B.-H.  Gausseron. 

EBULLIOSCOPE  (Techn.).  Instrument  qui  sert  à 
déterminer  la  richesse  en  alcool  des  boissons,  d'après  leur 
point  d'ébuUition.  Les  ébullioscopes  sont  basés  sur  ce  fait 
que,  sous  la  pression  normale,  l'eau  bout  à  100%  l'alcool 


à  7 8°, 4  et  les  mélanges  alcooliques  à  des  températures 
intermédiaires  d'autant  plus  voisines  de  78*^,4  que  ces  mé- 
langes sont  plus  riches  en  alcool.  On  a  construit  divers 
appareils   basés  sur   ce  principe;   le   plus  répandu  est 


Ebullioscope   Malligand. 

l'ébullioscope  de  M.  Malligand.  L'appareil  se  compose 
d'une  chaudière  F  conique,  qui  sert  à  chauffer  le  vin  et 
qui  est  fixée  sur  un  pied  en  fonte  ;  elle  porte  un  petit 
thermo-siphon  S  chauffé  par  une  lampe  à  alcool  L.  La 
chaudière  est  fermée  par  un  bouchon  à  vis  percé  de  deux 
trous  ;  l'un  de  ces  trous  donne  passage  à  un  réfrigérant  R 
destiné  à  condenser  les  vapeurs  lorsque  le  hquide  est 
porté  à  l'ébuUition  et  à  faire  retomber  le  liquide  condensé 
dans  la  chaudière.  Le  second  trou  est  destiné  à  un  thermo- 
mètre à  mercure  T,  dont  la  tige  est  recourbée  horizonta- 
lement à  angle  droit  et  fixée  le  long  d'une  règle  en  laiton 
qui  fait  corps  avec  le  couvercle  à  vis.  Dans  les  transactions 
commerciales  pour  les  liquides,  la  richesse  en  alcool  est 
comprise  entre  0°  et  2o«*  ;  aussi  le  thermomètre  a-t-il  sa 
graduation  de  O*'  à  25<^  inscrite  sur  une  règle  métallique  E 
parallèle  à  la  tige  du  thermomètre  et  appliquée  à  frotte- 
ment contre  la  règle  principale,  disposition  qui  permet  de 
vérifier  à  chaque  opération  le  point  exact  d'ébuUition  de 
l'eau  sous  la  pression  atmosphérique  du  moment.  Un  petit 
curseur  c  mobile  sur  la  réglette  peut  être  amené  au  point 
où  le  mercure  s'arrête  et  marque  sur  la  réglette  le  degré 
alcoolique  du  liquide  en  ébullilion.  Supposons  que  l'on 
veuille  titrer  un  vin  ;  on  verse  de  l'eau  distillée  dans  la 
chaudière  jusqu'à  un  trait  de  jauge  marqué  à  l'intérieur  ; 
on  visse  le  couvercle,  on  ajuste  le  réfrigérant,  puis  on 
allume  la  lampe.  Quand  l'eau  est  en  ébullition,  on  fait 
glisser  la  réglette  jusqu'à  ce  que  son  0  coïncide  avec  le 
point  où  s'arrête  le  mercure.  On  vide  ensuite  l'appareil  et 
on  répète  l'opération  avec  le  vin  à  essayer  sans  toucher  à 
la  réglette.  Dès  que  le  liquide  bout,  on  lit  à  l'aide  du  cur- 
seur le  chiffre  en  face  duquel  s'est  arrêté  le  mercure  ;  ce 
chiffre  indiquera  en  centièmes  et  en  volume  la  richesse 
alcoolique  du  vin.  Sous  le  rapport  de  la  sensibilité,  l'ébul- 
Hoscope  permet  d'apprécier  des  fractions  de  degré.  L.  K. 
ÉBULLITION.  L  Physique.  —  La  transformation  d'un 
liquide  en  vapeur  peut  se  produire  de  plusieurs  façons;  le 
phénomène  peut  avoir  lieu  uniquement  à  la  surface  libre  du 
liquide  :  il  prend  alors  le  nom  d'évaporation  ;  lorsqu'il  se 
produit  toute  dans  la  masse,  c'est  l'ébuUition  proprement  dite . 


ÉBULLITION 


—  240 


Les  expériences  très  intéressantes  de  M.  Gernez  ont  montré 
le  mécanisme  de  l'ébullition.  Rappelons  tout  d'abord  les  faits 
observés  :  lorsqu'on  chauffe  un  liquide  dans  un  vase  ou- 
vert à  l'air  libre,  on  constate  en  général  que,  lorsqu'on 
atteint  une  certaine  température,  de  grosses  bulles  gazeuses 
se  détachent  des  parois  du  vase  chauffé  et  viennent  crever 
à  la  surface  :  le  liquide  bout.  On  constate  que  la  tempéra- 
ture à  laquelle  ce  phénomène  se  produit  est,  pour  chaque 
liquide,  justement  celle  à  laquelle  celui-ci  possède  une 
tension  maxima  de  vapeur  égale  à  la  pression  atmosphé- 
rique, c.-à-d.  à  la  pression  de  l'atmosphère  gazeuse  que 
supporte  le  liquide  chauffé.  Il  en  résulte  que  si,  par  un 
artifice  quelconque,  on  vient  à  diminuer  ou  à  augmenter  la 
pression  que  supporte  un  liquide,  la  température  à  laquelle 
celui-ci  entrera  en  ébullition  sera  dans  ces  nouvelles  cir- 
constances plus  basse  dans  le  premier  cas,  plus  haute  dans 
le  second.  C'est  ainsi  que,  sur  les  sommets  des  montagnes 
où  la  pression  atmosphérique  est  notablement  différente 
de  760  millim. ,  la  température  d'ébullition  de  l'eau  s'abaisse 
au-dessous  de  100°.  Au  sommet  du  mont  Blanc  (ait., 
4,845  m.),  l'eau  bout  à  84<»  en  moyenne.  Au  contraire, dans 
la  chaudière  d'une  locomotive,  quand  la  pression  est  de  huit 
atmosphères,  l'ébullition  ne  se  produit  qu'à  1 72^.  On  montre 
souvent,  dans  les  cours, l'influence  delà  diminution  ou  de 
l'augmentation  de  la  pression  sur  la  température  d'ébullution 
à  l'aide  du  ballon  de  Franklin  et  de  la  marmite  de  Papin. 
Le  premier  appareil  se  compose  d'un  ballon  de  verre  à 
moitié  plein  d'eau;  on  l'a  fermé  après  avoir  chassé  l'air 
par  l'ébullition.  Quand  le  ballon  se  refroidit,  si  l'on  active 
avec  de  l'eau  le  refroidissement  de  la  partie  où  se  trouve 
la  vapeur,  celle-ci  se  condense,  et  le  liquide,  éprouvant  une 
pression  moindre,  entre  en  ébullition.  Avec  la  marmite  de 
Papin,  on  montre  que  l'on  peut  élever  la  température  de 
l'eau  au-dessus  de  100°,  à  condition  de  la  chauffer  envase 
clos,  c.-à-d.  en  présence  d'une  pression  supérieiire  à  la 
pression  atmosphérique.  La  température  d'ébullition  d'un 
liquide  dépend  donc  à  la  fois  de  la  nature  du  liquide  et  de 
la  pression  de  l'atmosphère  qu'il  supporte  ;  on  appelle  tem- 
pérature normale  d'ébullition  celle  à  laquelle  l'ébullition 
se  produit  sous  la  pression  d'une  colonne  de  mercure  de 
760  millim.  à  0°  et  à  la  lat.  45o.  D'autres  circonstances 
influent  encore  sur  la  température  d'ébullition  :  on  cons- 
tate, en  effet,  que,  lorsqu'on  fait  bouillir  un  liquide  dans 
un  vase,  surtout  dans  un  vase  de  verre,  l'ébullition 
se  produit  par  soubresauts,  et  peu  à  peu  la  température 
d'ébullition  dépasse  sa  valeur  primitive.  On  a  pu  chauffer 
de  l'eau  dans  un  tube  de  verre  exposé  à  l'air  libre  jusque 
vers  180^  sans  que  l'ébullition  se  produisît  (Donny, 
Dufour).  M.  Gernez  a  donné  l'explication  de  ces  curieux 
phénomènes  :  introduisons  dans  un  liquide  à  une  tempéra- 
ture t  une  petite  bulle  d'air  ou  de  gaz  sec  de  volume  v. 
La  bulle  augmentera  de  volume,  parce  qu'une  partie  du 
liquide  se  vaporisera,  de  façon  que  la  tension  de  la  vapeur 
dans  la  bulle  d'air  soit  égale  à  sa  tension  maxim^a  f  à  cette 
température  t.  Soit  v'  le  nouveau  volume  et  h  la  pression 
atmosphérique,  on  a,  en  appliquant  la  loi  de  Mariotte  à  la 
bulle  d'air  sec  : 


hv  —  (h-^f)v\ 


ou 


v~'h-f 
Plus  f  est  voisin  de  h,  c.-à-d.  plus  on  est  près  de  la 
température  où  la  tension  maxima  de  la  vapeur  est  égale 
à  la  pression  atmosphérique,  de  la  température  normale 
d'ébullition  par  conséquent,  plus  ce  rapport  est  grand  et 
plus  la  bulle  augmente  de  volume.  Lorsque /'^/i,^ on 
trouve  qu'une  bulle  d'air  sec  très  petite  mise  au  sein  d'un 
liquide  pour  lequel  f=ih  peut  prendre  un  volume  infini- 
ment grand  ;  de  sorte  qu'une  trace  d'air  permet  à  un  volume 
illimité  de  vapeur  de  se  former.  C'est  de  cette  façon  que  se 
produit  l'ébullition,  car,  si  dans  un  liquide  en  ébullition 
on  recueille  une  bulle  de  vapeur  et  qu'on  la  condense  en  la 


refroidissant,  on  trouve  toujours  une  fine  bulle  d'air  qui 
ne  disparaît  pas,  et  inversement  si  par  suite  d'une  longue 
ébullition  un  liquide  a  été  privé  de  l'air  qu'il  contenait 
dissous,  on  constate  que  l'ébullition  est  très  difficile,  mais 
qu'elle  devient  très  abondante  dès  qu'on  introduit  dans  son 
intérieur  une  bulle  d'air  renfermée  dans  une  petite  cloche 
en  verre  ou  dans  un  corps  poreux,  comme  une  parcelle  de 
charbon.  L'ébullition  exige  donc  pour  se  produire  une  trace 
d'un  gaz  quelconque  ;  les  poussières  attachées  sur  les  parois 
des  vases  jouent  un  grand  rôle  dans  l'ébullition  par  suite 
de  l'air  condensé  qu'elles  contiennent.  Si  on  les  détruit  par 
l'action  d'acides  très  énergiques,  comme  l'acide  sulfurique, 
l'ébullition  ne  se  produit  plus  que  très  difficilement  et  avec 
une  sorte  d'explosion.  L'expérience  classique  de  Donny  le 
montre  bien  :  dans  un  tube  de  verre  entièrement  clos  et 
lavé  à  l'acide  sulfurique  on  a  introduit  de  l'eau  dont  on  a 
enlevé  l'air  dissous  par  une  longue  ébullition.  Lorsqu'on 
chauffe  ce  tube  au  bain  d'huile,  on  constate  souvent  que 
l'on  peut  atteindre  une  température  voisine  de  140°  sans 
voir  l'ébullition  se  produire,  puis  tout  d'un  coup  elle  a  lieu 
très  violemment,  en  projetant  l'eau  vers  les  parois  inférieures 
du  tube;  celui-ci  est  parfois  brisé  par  la  violence  du  choc. 
Dufour  est  allé  plus  loin  :  en  chauffant  au  milieu  d'une 
masse  d'huile,  de  densité  égale  à  celle  de  l'eau  chaude,  une 
grosse  goutte  de  liquide,  il  a  élevé  la  température  jusqu'à 
180°  sans  obtenir  d'ébuUition. 

La  température  normale  d'ébullition  d'un  liquide  varie 
lorsque  ce  liquide  contient  en  dissolution  diverses  subs- 
tances. Dans  le  cas  de  deux  liquides,  la  température  d'ébulli- 
tion du  mélange  est  intermédiaire  entre  celles  des  deux 
liquides  purs.  Dans  le  cas  d'un  liquide  et  d'un  solide, 
celui-ci  abaisse  d'autant  plus  la  température  d'ébullition 
qu'il  est  en  proportions  plus  considérables.  Les  expériences  les 
plus  précises  et  les  plus  récentes  faites  sur  ce  sujet  sont  dues 
à  M.  Raoult  qui  a  montré  que  pour  les  dissolutions  éten- 
dues, une  molécule  d'une  substance  fixe,  en  se  dissolvant 
dans  cent  molécules  d'un  liquide  quelconque,  diminue  la 
tension  de  vapeur  de  ce  liquide  d'une  fraction  constante  de 
sa  valeur  égale  à  0,0099.  Cette  loi  est  vérifiée  pour  un  très 
grand  nombre  de  substances.  Pour  quelques  autres,  il  faut 
employer  une  constante  différente  en  rapport  simple  avec  la 
première.  A.  Joannis. 

II.  Technologie.  —  On  fait  de  nombreuses  applica- 
tions de  l'ébullition  dans  l'industrie  ;  par  exemple,  dans 
la  production  de  la  vapeur  par  l'ébullition  de  l'eau  à  di- 
verses pressions,  pour  utiliser  sa  force  élastique  de  mille 
manières  ;  dans  la  distillation  des  pétroles  pour  en  extraire 
les  diverses  essences  :  ainsi,  tant  que  le  thermomètre  reste 
stationnaire  à  60<»  dans  le  liquide,  c'est  qu'il  passe  à  la  dis- 
tillation une  première  essence  ;  quand  celle-ci  est  épuisée, 
le  thermomètre  monte  à  80°  et  s'y  arrête  pendant  tout  le 
temps  qu'une  autre  essence  moins  volatile  passe  à  la  dis- 
tillation, et  ainsi  de  suite.  La  marmite  de  Papin  et  les 
nombreux  appareils  qui  en  dérivent  sont  employés  pour 
extraire  la  gélatine  des  os  ou  dissoudre  des  substances  sa- 
lubres  seulement  au-dessus  de  100<».  Dans  la  formation  du 
sucre  de  betterave,  on  facilite  la  concentration  des  sirops 
en  déterminant  l'ébullition  et,  par  conséquent,  la  vapori- 
sation rapide  à  une  température  peu  élevée  afin  d'éviter 
la  détérioration  partielle  de  la  matière  organique,  au 
moyen  d'appareils  pneumatiques.  On  sait  que  la  fixité  du 
point  d'ébullition  d'un  liquide  est  un  indice  de  sa  pureté. 
Comme  il  existe  des  relations  connues,  d'une  part,  entre  la 
pression  et  l'ébullition  de  l'eau  et,  d'autre  part,  entre  la 
pression  atmosphérique  et  la  hauteur  au-dessus  du  niveau 
de  la  mer,  on  a  été  amené  à  construire  des  thermomètres 
hypsométriques  qui  indiquent,  par  la  température  de  l'ébul- 
lition de  l'eau  sur  une  montagne,  la  hauteur  de  celle-ci; 
Regnault  a  construit  des  tables  à  cet  effet.  L.  K. 

III.  Art  \ÉTÈn]}iAmE,  —  (Echauboulure,  Feu  d'herbe). 
Maladie  de  la  peau  des  animaux,  et  notamment  du  cheval, 
consistant  en  une  congestion  du  tissu  cutané  et  particuliè- 
rement du  tissu  vasculaire,  congestion  qui  se  manifeste 


—  241  — 


ÉBULLITION  —  ÉCAILLAGE 


par  des  plaques,  boulons  ou  tumeurs  aplaties  apparaissant 
subitement.  L'ébullition  se  montre  surtout  au  printemps. 
Les  che\  aux  jeunes  et  pléthoriques  y  sont  plus  particulière- 
ment exposés,  ainsi  que  les  animaux  soumis  au  régime  du 
vert  ou  qui  passent  subitement  d'une  alimentation  mauvaise 
ou  épuisante  à  une  alimentation  riche,  nutritive,  abondante 
et  variée.  Parfois  elle  n'est  que  partielle,  se  montrant  sur 
les  côtes,  la  tête  ou  le  dos;  parfois  elle  est  générale  et  en- 
vahit la  peau  tout  entière,  et  cela  si  soudainement  qu'on 
dirait  que  le  sang  s'est  tout  à  coup  porté  en  masse  aux 
extrémités  du  cercle  qu'il  parcourt.  La  surface  tégumen- 
taire  apparaît  alors  bosselée,  inégale  et  anfractueuse.  La 
terminaison  la  plus  ordinaire  de  l'ébullition  est  la  guéri- 
son.  Rarement  cette  maladie  devient  grave  ;  rarement 
aussi  les  bosselures  qui  la  caractérisent  se  terminent  ou  se 
transforment  en  tumeurs  ou  boutons  persistants  et  indurés. 
C'est  une  affection  sans  gravité,  qui,  partielle,  guérit  tou- 
jours spontanément,  et  qui,  générale,  ne  résiste  pas  à  un 
traitement  rationnel,  à  moins  qu'elle  ne  se  complique,  ce 
qui  peut  arriver  quelquefois,  de  congestions  sur  la  poi- 
trine ou  l'intestin,  congestions  qui  sont  la  conséquence  de 
sa  disparition  trop  subite  et  déterminent  des  accidents  de 
métastase  d'une  excessive  gravité.  Si  l'ébullition  est  par- 
tielle et  n'attaque  que  quelques  régions  isolées  du  corps, 
la  diète,  une  saignée  légère,  quelques  barbotages  alca- 
lins, rafraîchissants  et  légèrement  purgatifs  suffisent  pour 
la  faire  disparaître.  Si  elle  est  générale,  il  ne  faut  pas 
hésiter  à  faire  immédiatement  une  abondante  saignée.  Si 
elle  apparaît  sur  plusieurs  animaux  à  la  fois  et  se  rattache 
à  l'usage  de  fourrages  nouveaux,  on  donnera  des  barbo- 
tages purgatifs  aux  malades  ;  on  remplacera  les  fourrages 
nouveaux  par  des  fourrages  anciens,  ou,  si  on  ne  le  peut, 
on  aura  soin  d'arroser  les  fourrages  nouveaux  avec  de  l'eau 
salée,  de  bien  les  étendre  au  soleil,  de  manière  à  leur  enlever 
leurs  propriétés  excitantes  et  odorantes.       L.  Garnier. 

ÉB URINE  (Techn.).  Produit  industriel  nouveau  pour 
lequel  on  utiHse  les  déchets  d'os  et  d'ivoire  au  moyen  de 
procédés  spéciaux.  La  composition  de  l'os  est  de  33,30  d'os- 
séine  et  de  66,70  de  phosphate  de  chaux,  de  magnésie  et 
de  carbonate  de  chaux;  celle  de  l'ivoire,  ave^  les  mêmes 
matières,  ne  contient  que  28,57  d'osséine.  Fn  soumettant 
les  déchets  d'os  et  d'ivoire  bien  desséchés  et  réduits  en 
poudre  impalpable  dans  des  moules  fermé?  à  une  tempé- 
rature de  100  à  120*^,  l'osséine  se  ramollit,  prend  une 
autre  texture  en  empâtant  le  phosphate  e^  le  carbonate  de 
chaux  et  donne,  par  le  refroidissement,  une  matière  très 
compacte  et  d'une  grande  solidité.  Ar  rès  cette  première 
opération,  les  objets  moulés  passent  à  l 'atelier  du  polissage, 
où  l'on  enlève  les  bavures,  où  l'on  donne  de  la  dépouille 
aux  parties  qui  en  ont  besoin,  où  l'on  met  les  objets  d'épais- 
seur et  de  cahbre,  et  enfin  où  ils  subissent  un  polissage 
complet;  ils  vont  ensuite  à  l'atelier  de  montage,  où  ils  sont 
terminés.  On  peut  donner  à  l'éburine  les  couleurs  les  plus 
variées;  cette  matière  se  prête  à  un  grand  nombre  d'ap- 
plications, à  la  fabrication  de  menus  articles  empreints  de 
ce  goût  particulier  à  l'industrie  parisienne  :  encrier?,  presse- 
papiers,  plumiers,  flambeaux,  cadres,  couvertures  de  livres 
de  messe  et  d'albums,  boîtes  en  tous  genres,  croix,  béni- 
tiers, bijouterie,  etc.  Par  le  mélange  et  la  compression  des 
diverses  couleurs,  on  obtient  les  marbres  et  les  pierres 
précieuses.  L.  K. 

EBURNA  (Malac).  Genre  de  Mollusques  Gastéropodes, 
de  l'ordre  des  Prosobranches-Pectinibranches,  établi  par 
Lamarck  en  1801  pour  une  coquille  oblongue  à  spire  assez 
élevée,  à  tours  bien  développés,  mais  dont  les  sutures  sont 
comblées  par  un  dépôt  épais  et  brillant.  Ouverture  ovale 
allongée  ;  columelle  tordue  plissée,  avec  une  forte  callosité 
en  arrière  ;  bord  externe  simple,  aigu  :  un  ombilic  souvent 
en  partie  recouvert.  Type  :  Eburna  glahrata  Linné.  Es- 
pèces habitant  l'océan  Pacifique.  J.  Mab. 

ÉBU  BON  ES.  Peuple  germanique  de  l'ancienne  Belgique. 
Vers  l'an  55  av.  J.-G.,  les  Eburones  passèrent  le  Rhin. 
Laissant  la  majeure  partie  de  leur  population  dans  la  cou- 
grande  ENCYCLOPÉDIE.   —  XV. 


trée  située  entre  ce  fleuve  et  la  Meuse  (César,  De  Bello 
GalL,  V,  24),  ils  s'avancèrent  jusqu'à  TEscaut.  Ce  terri- 
toire, couvert  de  marais  et  d'immenses  forêts,  confinait, 
d'après  M.  Wauters,  du  côté  du  Rhin,  aux  Sicambres,  qui 
n'eurent  qu'à  passer  le  fleuve  pour  se  répandre  sur  leur 
territoire,  et  aux  Ubiens,  qui  en  repeuplèrent  plus  tard 
toute  la  partie  orientale,  c.-à-d.  la  partie  cisrhénane  du 
diocèse  de  Cologne.  Dans  la  direction  de  la  mer,  les  Ebu- 
rones étaient  les  voisins  des  Menapii  ;  du  côté  de  l'Ardenne, 
ils  étaient  séparés  des  Treveri  par  les  Segni  et  les  Con- 
drusi;  à  l'O.,  les  Nervii  les  séparaient  des  Aduatici,  aux- 
quels ils  payaient  tribut  (César,  V,  27).  Ils  occupaient  donc 
les  rives  du  Rhin,  depuis  Remagen  jusque  vers  Dusseldorf, 
celles  de  la  Meuse,  de  Liège  à  Ruremonde  et  le  pays  inter- 
médiaire ;  quant  à  leurs  frontières  dans  la   contrée  cis- 
mosane,  il  est  impossible  de  les  déterminer.  A  peu  près  au 
milieu  de  leur  territoire,  ils  possédaient  la  ville  à'Adua- 
tuca  (V.  ce  mot)  qui,  à  en  juger  par  le  nom,  doit  avoir 
été  ou  occupée  quelque  temps  par  les  Aduatici  ou  fondée 
par  ce  peuple  pour  maintenir  dans  la  soumission  les  Ebu- 
rones, lorsqu'ils  étaient  ses  tributaires.  On  a  beaucoup 
discuté  sur  la  position  de  cette  forteresse;  la  plupart  des 
savants  toutefois  l'identifient  avec  Tongres  (sur  la  question 
d'Aduatuca,  V.   les  nombreuses  notices  bibliographiques 
dans  Wauters,  Nouvelles  Etudes,  pp.  133-135).  Outre 
Aduatuca,  les  Eburones  avaient  un  autre  oppidum  que  la 
commission  de  la  carte  des  Gaules  a  cru  pouvoir  fixer  à 
FaWise,  près  d'Huy,  mais  que  d'autres  savants  placent 
sur  la  colline  où  s'élève  aujourd'hui  la  citadelle  de  Namur. 
Sur  la  destinée  à  la  fois  éclatante  et  malheureuse  de  cette 
nation,  sur  le  rôle  patriotique  qu'elle  joua  dans  l'histoire 
de  la  lutte  désespérée  du  Belgium  et  sur  son  extermination 
par  Jules  César,  V.  Ambiorix  et  Cativulcus.  Après  que 
César  eût  poussé  la  vengeance  jusqu'à  détruire  le  peuple 
des  Eburones,  leurs  débris,  fondus  aux  restes  des  Aduatici, 
formèrent  plus  tard  une  civitas  unique.  Comme  le  terri- 
toire que  les  Eburones  occupaient  à  l'époque  de  César  com- 
prenait au  iv^  siècle,  d'après  les  indications  delà  Notice  des 
provinces,  la  civitas  Tungrorum  et  la  partie  septentrio- 
nale de  la  civitas  Agrippinensium,\\  est  permis  de  sup- 
poser que  les  Tungri  étaient  leurs  descendants  et  héritiers. 
Le  nom  des  Eburones  se  trouve  encore  dans  Strabon,  mais 
ne  figure  déjà  plus  dans  Pline,  où  apparaît  pour  la  pre- 
mière fois  celui  des  Tungri,  qui  avaient  Aduatucum  comme 
ville  principale.  L.  W. 

BiBL.  :  J.  CÉSAR,  De  Bello  Gallico,  II,  4;  IV,  6;  V,  24, 
28-39,47;  VI,  5,  31-35.  —  Baron  J.  de  Witté,  Monnaies 
gauloises  attribuées  à  Tournai  et  aux  Eburons,  dans  Bul- 
letin de  V Académie  roy.  de  Belgique,  1854,  XXI. —  Creuly 
et  Alex.  Bertrand,  Quelques  Difficultés  du  l.  II  des  Com- 
mentaires étudiés  sur  le  terrain,  dansRev.  archéoL,  1861, 
IV,  pp.  453-466,  2«  sér.  —  A.  Wauters,  Nouvelles  Etudes 
sur  la  géographie  ancienne  de  la  Belgique  ;  Bruxelles, 
1867,  pp.  55-61.  —  Ern.  Desjardins,  Géogr.  de  la  Gaule 
romaine,  II,  passim.  —  A.  Longnon,  Atlas  hist.  de  la 
France,  passim. 

ÉBUROViCES.  Peuple  gaulois  de  la  nation  aulerque  ; 
il  occupait  le  pays  d'Evreux  (V.  Aulerci,  t.  IV,  p.  672). 
BiBL.  :  J.  César,  De  Bello  Gallico,  III,  17;  VII,  75.  — 
Ptolémée,  II,  VIII,  11.  —  J.-Th.  BoNNiN,  Antiquités  gallo- 
romaines  des  Eburoviques  ;  Paris,  1860.—  H.  Vallentin, 
Bulletin  épigraphique  de  la  Gaide,  1882,  II,  pp.  10-11. 

EÇA  DE  QuEiROS  (José-Maria),  romancier  portugais  con- 
temporain, né  à  Povoa  de  Varzim  le  2o  nov.  1845.  Elève 
de  l'université  de  Coimbre,  puis  rédacteur  d'un  journal 
polhique  àEvora,  il  fut  nommé  consul  à  La  Havane,  ensuite 
à  Newcastle,  enfin  à  Bristol,  et  élu  membre  de  l'Académie 
des  sciences  de  Lisbonne.  Il  est  aujourd'hui  le  plus  en  vue 
parmi  les  romanciers  de  son  pays  et  est  regardé  comme  le 
chef  de  l'école  réaliste.  Ses  meilleures  œuvres  sont  :  0 
Crime  do  Padre  Amaro  (1874  ;  édition  complètement 
refondue,  1880)  ;  0  Mandarim  (1880)  ;  0  Primo  Basilio 
(1883).  Plusieurs  de  ses  romans  ont  été  traduits  en  espa- 
gnol et  en  allemand.  G.  P-i. 

ÉCAILLAGE.  I.  Céramique.  —  Défaut  de  la  couverte 
céramique,  qui  se  détache  par  écailles,  après  la  cuisson, 

^16 


ÉGAILLAGE  --  ÉCANGUË  -  24^2  - 

de  la  pièce  qu'elle  recouvre,  par  suite  de  son  manque 
d'adhérence  à  la  pâte.  Cet  accident  provient  de  l'absence 
d'affinité  de  la  terre;  on  y  remédie  en  ajoutant  du  calcaire 
à  la  pâte  céramique.  F.  de  M. 

II.  Peinture.  —  Tableau,  panneau  ou  fresque  dont  la 
peinture  se  crevasse,  se  contracte  et  se  détache  par  frag- 
ments. L'écaillage  tient  le  plus  souvent  à  la  grande  vieillesse 
d'une  œuvre,  à  la  vétusté  d'une  toile  ou  d'un  panneau, 
et  surtout  à  la  manière  défectueuse  dont  les  enduits  sup- 
portant la  peinture  ont  été  composés  et  appliqués.  La 
mauvaise  préparation  des  dessous,  de  l'ébauche,  faite  avec 
des  couleurs  trop  peu  siccatives,  et  la  combinaison  en 
trop  forte  partie  de  ces  mêmes  couleurs  avec  les  autres, 
est  aussi  une  cause  d'écaillage.  Les  tableaux  de  notre  école 
française  contemporaine  où  l'on  a  tant  abusé  du  bitume, 
surtout  ceux  de  Géricault  et  de  Granet,  fournissent  de 
tristes  exemples  de  ce  dernier  inconvénient.  Les  tableaux 
détachés  de  leurs  châssis  et  roulés  sans  beaucoup  de  soins 
sont  aussi  fatalement  voués  à  l'écaillage.  Ad.  T. 

ÉCAILLE.I.  Zoologie.— L'épiderme  ou  la  peau  forment  à 
la  surface  du  corps  des  animaux  des  lamelles  ou  des  plaques 
de  formes  très  variées  ;  rares  chez  les  Mammifères  (Pangolin, 
Tatou,  Rat,  Castor,  etc.)  et  surtout  chez  les  Oiseaux 
(plaques  épidermiques  des  pattes),  les  écailles  s'observent 
chez  la  plupart  des  Reptiles  ;  la  carapace  des  Chéloniens 
n'est  autre  chose  qu'un  tégument  écailleux.  Les  écailles  sont 
de  nature  et  de  forme  très  variables  chez  les  Poissons  et 
fournissent  souvent  des  caractères  à  leur  classification  ; 
elles  sont  molles  ou  dures,  petites  ou  grandes  ;  chez  les 
Coffres,  par  exemple,  elles  forment  une  véritable  cuirasse  ; 
le  Diodon  et  la  Raie  bouclée  en  présentent  d'épineuses 
(V.  Poissons).  Enfin,  on  donne  aussi  le  nom  d'écaillés  aux 
lamelles  fines  et  diversement  colorées  qui  recouvrent  les 
ailes  des  Papillons,  des  Charançons,  etc.  (V.  Lépidoptères, 

CURCULIONIDES,  Ctc).  D''    L.    Hn. 

IL  Entomologie.  —  Nom  donné  par  Geoffroy  à  plu- 
sieurs Lépidoptères  du  genre  Arctia  Schrank  [Chelonia 
Latr.).  L'E.  couleur  de  rose  est  VA.  Hebe  L.,  TE.  marbrée 
VA.  villica  L.,  TE.  martre  ou  hérisonne  VA.  caja  L.,  l'E. 
mouchetée  l'i.  viUica  L.  et  l'Ecaillé  pudique  VEuprepia 
piidica  Esp.  Ed.  Lef. 

III.  Botanique.  —  Lames  foliacées,  de  consistance 
variable  ;  morphologiquement  ce  sont  des  feuilles,  et  elles 
en  remplissent  souvent  les  fonctions.  Les  bourgeons  sont 
fréquemment  couverts  d'écaillés  protectrices  ;  les  bractées, 
les  sépales  et  les  pétales  sont  susceptibles  de  se  transformer 
en  écailles  et  sont  alors  remplacés  par  elles.       D'^  L.  Hn. 

IV.  Commerce  et  Industrie.  —  Sous  le  nom  d'écaillé,  on 
désigne  dans  le  commerce  les  plaques  qui  recouvrent  le 
corps  de  certaines  espèces  de  tortues  et  les  ongles  de  leurs 
doigts.  Les  tortues  recherchées  spécialement  pour  cette 
matière  sont  :  la  tortue  franche  (Chelonia  niydas),  que 
l'on  rencontre  dans  l'océan  Atlantique  et  dans  les  mers 
du  Sud,  et  quelques  espèces  voisines  telles  que  la  tor- 
tue à  raie  de  la  mer  Rouge  et  la  tortue  tachetée  de  Ma- 
labar, la  caouane  {Chelonia  caouanea),  qui  vit  dans 
l'Atlantique  et  dans  la  Méditerranée,  le  caret  {Chelonia 
imbricata),  que  l'on  trouve  dans  la  mer  des  Indes,  sur 
les  côtes  de  la  Guinée,  du  Mexique  et  de  l'Amérique  du 
Sud.  Les  écailles  de  ces  reptiles,  au  nombre  de  treize, 
sont  classées  dans  le  commerce  en  deux  grandes  feuilles, 
deux  petites  feuilles,  trois  buses,  deux  ailerons,  deux 
pointes  et  deux  carrés.  Les  principales  sortes  commerciales 
sont  :  la  grande  écaille  ou  caret  de  llnde,  en  feuilles 
épaisses,  transparentes,  peu  fiexibles,  noires  tachées  de 
jaune  pâle  et  de  brun  rougeâtre  ou  bien  jaspées  de  jaune 
clair.  Vécaille  jaspée  de  F  Inde  provient,  comme  la  précé- 
dente, du  caret.  Les  plaques  sont  à  fond  brun  nuancé  de 
rouge,  taché  de  rouge  brun  et  de  jaune  citron.  Les  parties 
claires  sont  transparentes.  La  grande  écaille  d'Amérique 
provient  de  la  carapace  de  la  tortue  franche.  Elle  est  verJâtre 
en  dehors,  noirâtre  intérieurement;  sur  les  bords  princi- 
palement, on  trouve  des  jaspures  rougeâtres,  noirâtres  et 


jaunes.  La  grande  écaille  de  tortue  franche  est  pro- 
duite par  une  tortue  d'une  espèce  voisine  de  celle  de  la 
tortue  franche,  que  l'on  trouve  dans  les  grandes  mers. 
L'écaillé  est  mince  et  flexible,  jaune  pâle  marqué  de  noir  et 
de  jaune  rougeâtre.  Les  parties  claires  sont  transparentes. 
La  grande  écaille  de  caouane  est  peu  é{)aisse,  à  fond  brun, 
rougeâtre  et  noirâtre,  taché  de  plaques  blanc  sale  trans- 
parentes. V écaille  caouane  blonde  est  formée  par  une 
des  treize  plaques  dorsales  de  la  tortue  caouane.  La  cou- 
leur est  d'un  jaune  doré  ;  elle  est  demi-transparente,  un 
peu  laiteuse.  Le  polissage  lui  donne  de  la  souplesse  et  une 
belle  transparence.  Cette  espèce  est  très  estimée.  La  petite 
écaille  noire  d'Amérique  semble  être  fournie  par  une 
tortue  terrestre. 

Les  ongles  fournissent  deux  sortes  commerciales  d'écaillé  : 
Vonglon  sain  de  Vlnde,  fourni  parles  pattes  du  caret,  est 
composé  de  feuilles  inégales  :  la  grande  est  brune,  l'autre 
jaune.  Vonglon  galeux  d'Amérique  provient  des  pattes  de 
la  tortue  franche  et  de  quelques  autres  espèces.  H  diffère  du 
précédent  par  les  nombreuses  aspérités  qui  se  trouvent  à  la 
surface.  L'écaillé  se  travaille  connue  la  corne  ;  la  grande  faci- 
Hté  qu'elle  a  de  se  ramollir  à  une  douce  chaleur  et  de  se  sou- 
der, le  rend  facile.  Les  teuilles  brutes  livrées  au  commerce 
ont  besoin  d'être  redressées  ;  pour  cela,  on  peut  opérer  de 
deux  manières  :  par  voie  sèche  ou  par  voie  humide.  Le 
dernier  procédé  est  le  meilleur  ;  on  ne  risque  pas  comme 
avec  l'autre  de  brûler  la  corne.  Pour  cette  opération,  les 
feuilles  sont  plongées  dans  l'eau  chaude,  et,  lorsqu'elles 
sont  devenues  suffisamment  souples,  on  les  place  sous  une 
presse,  entre  des  plaques  de  tôle  ou  de  cuivre.  Toujours  en 
se  fondant  sur  l'action  de  la  chaleur,  on  peut  mouler  l'écaillé, 
et  les  pièces  obtenues  de  cette  façon  sont  terminées  à  la 
lime  et  au  tour,  puis  soudées  ensemble  s'il  est  besoin.  On 
prépare  de  l'écaille  factice  au  moyen  de  la  colle  de  première 
qualité  que  l'on  colore.  Ch.  Girard. 

V.  Ornement.  —  Motif  d'ornementation  formée  de 
lamelles  terminées  en  arc  de  cercle,  à  pans  coupés  ou  en 
pointes  plus  ou  moins  aiguës,  imbriquées  comme  les 
écailles  d'un  poisson ,  et  servant  à  décorer  le  parement 
d'une  muraille  inclinée,  à  simuler  une  toiture.  Ce  système 
d'ornementation,  très  employé  au  moyen  âge,  paraît 
inspiré  par  les  couvertures  en  bardeaux  de  bois  communes 
alors  en  certains  pays.  On  le  remarque  principalement 
dans  les  édifices  du  xii«  siècle;  il  revêt  des  rampants 
de  contreforts  des  flèches  de  pierre,  des  couronnements 
de  pinacles.  Plus  variées  dans  leurs  formes  aux  siècles  sui- 
vants, les  écailles  furent  conservées  par  les  architectes  de 
la  Renaissance  pour  donner  de  la  légèreté  et  de  l'élégance 
aux  dômes  des  campaniles.  Ad,  T. 

VI.  Ordres.  —  Ordre  de  rEcaille,  Fondé  en  Castille, 
en  4418,  par  le  roi  don  Juan  IL  C'était  une  milice  com- 
posée de  chevaliers  qui,  tous,  promettaient  de  protéger  la 
religion  catholique  contre  les  attaques  des  Maures  ;  ils 
portaient  un  manteau  blanc  sur  lequel  figurait  une  croix 
formée  d'écaillés  de  poisson;  de  là  le  nom  d'ordre  de  la 
Scuama  ou  de  l'Ecaillé.  Il  faut  supposer  que  cette  insti- 
tution ne  rendit  guère  de  services  ;  elle  disparut  peu  de 
temps  après  sa  fondation.        H.  Gourdon  de  Genouillac. 

ÉCAILLE  (L').  Corn,  du  dép.  des  Ardennes,  arr.  de 
Rethel,  cant.  d'Asfeld;  213  hab. 

ÉCAILLON.  Com.  du  dép.  du  Nord,  arr.  et  cant.  (S.)  de 
Douai,  sur  l'Ecaillon,  affluent  de  l'Escaut;  611  hab.  Eglise 
moderne  conservant  des  fonts  baptismaux  du  xvi^  siècle 
et  un  intéressant  triptyque  à  panneaux  peints  de  la  même 
époque. 

ÉCAJEUL.  Com.  du  dép.  du  Calvados,  arr.  de  Lisieux, 
cant.  de  Mézidon  ;  331  hab. 

ÉCALLES-Alix.  Com.  du  dép,  de  la  Seine-Inférieure, 
arr.  de  Rouen,  cant.  de  Pavilly;  431  hab. 

ÉCANGUE  (Indust.).  Outil  dont  on  fait  usage  pour  le 
teillage  du  lin  ou  du  chanvre  (V.  Chanvre,  t.  X,  p.  538, 
et  Teillage). 


ÉCAQUELON.  Gom.  du  dép.  de  l'Eure,  arr.  de  Pont- 
Audemer,  cant.  de  Montfort-sur-Rille  ;  572  hab. 

ÉCARDENVILLE-la-Campagne.  Corn,  du  dép.  de  l'Eure, 
arr.  de  Bernay,  cant.  de  Beaumont-le-Roger  ;  447  hab. 

ÉCARDENVlLLE-suR-EuRE.  Corn,  da  dép.  de  l'Eure, 
arr.  de  Louviers,  cant.  deGaillon;  298  hab. 

ÉCARLATE  (Chim.  indust.).  Les  matières  colorantes 
artificielles  dérivées  de  la  houille  et  connues  sous  le  nom 
à'écarlates  appartiennent  pour  la  plupart  à  la  classe 
des  colorants  diazoïqiies  (V.  ce  mot).  On  rencontre  dans 
le  commerce  les  marques  suivantes  :  Ecarlate  de  coche- 
nille G  ou  azococcine  G.  Azobenzol  a  naphtohuonosulfo- 
nate  de  soude  (sel  de  Clèves),  découvert  parGaess  en  1883. 

—  Ecarlate  de  cochenille  G  ou  azococcine  G  (Gaess, 
1883).  Azobenzol  a  naphtolmonosulfonate  de  sodium  (sel 
de  Clèves).  ■—  Ecarlate  de  cochenille  2  R  (Gaess,  1883). 
Azotoluidine  a  naphtolmonosulfonate  de  sodium  (sel  de 
Clèves).  —  Ecarlate  de  cochenille  4  R  (Gaess,  1883). 
Azoxylidine  a  naphtolmonosulfonate  de  sodium  (sel  de 
Clèves).  —  Ecarlate  pour  laines  R  (1884).  Azoxylidine  a 
naphtoldisulfonate  de  sodium  (sel  de  SchôllkolF).  —  Ecar- 
late G  R  (Leveinstein,  1879).  Azoxylidine  p  naphtoldisul- 
fonate de  sodium  (sel  de  SchâfFer).  —  Ecarlate  G(Meister 
Lucius,  1878).  Azoxylidine  p  naphtoldisulfonate  de  sodium 
(sel  R.).  —  Ecarlate  double  brillant  G  (Prinz,  1882). 
Azo  p  naphtol  p  naphtylamine  sulfonate  de  sodium  (sel  de 
Brônner).  —  Ecarlate  double  extra  S  (Prinz,  1882), 
obtenu  par  l'action  du  dérivé  diazoté  de  l'acide  p  naphty- 
lamine sulfureux  de  Bronner  sur  l'a  naphtolsulfite  N.  W. 

—  Ecarlate  solide  ou  de  Riebrich  (Nietzki,  1878).  Ami- 
doazobenzoldisulfonate  de  soude  azo  p  naphtol.  —  Ecartâtes 
de  crocéine  (V.  Crocéine). 

Les  écarlates  se  présentent  sous  forme  de  poudre  rouge 
ou  brun  rouge,  solubles  à  l'eau  et  à  l'alcool,  et  donnant 
en  teinture  des  nuances  variant  du  rouge  orange  au  rouge 
cerise  ;  ils  résistent  assez  bien  aux  acides  et  aux  alcalis 
faibles.  La  préparation  des  écarlates  est  identique  à  la  pré- 
paration de  tous  les  dérivés  diazoïques  ;  il  nous  suffira  donc 
d'indiquer  le  procédé  suivi  pour  l'obtention  de  l'un  d'eux, 
l'écarlate  de  Biebrich  par  exemple.  On  verse,  peu  à  peu, 
47  kilogr.  de  jaune  d'aniline  (chlorhydrate  d'amidoazo- 
benzol)  dans  230  kilogr.  d'acide  Nordhausen  à  14  ^/'^ 
d'anhydride,  on  chauffe  à  60-70<^.On  dissout  et  on  neutra- 
lise par  la  soude;  on  a  ainsi  l'acide  disulfoconjugué  de 
l'amidoazobenzol  ;  on  acidulé  avec  50  kilogr.  d'acide  chlo- 
rhydrique  à  22^  B.,  et  on  diazote  en  maintenant  à  4''  avec 
une  solution  de  14  kilogr.  de  nitrite  de  soude  dans  50  litres 
d'eau.  On  ajoute  une  solution  aqueuse  de  29  kilogr.  de  p 
naphtol  et  \^  kilogr.  de  soude;  on  laisse  en  contact  six 
heures  environ  et  la  matière  colorante  est  précipitée  parle  sel. 

Teinture  de  la  soie.  La  soie  se  teint  en  bain  acidifié 
très  légèrement  à  l'acide  sulfurique  et  au  bouillon,  c.-à-d. 
à  100^  environ,  en  présence  de  25  à  30  litres  de  bain  de 
savon  provenant  du  décreusage  par  10  kilogr.  de  soie;  la 
teinture  terminée,  on  rince,  avive  et  sèche. 

Teinture  de  la  laine.  Les  écarlates  se  précipitent  trop 
vite  sur  la  laine  ;  aussi  est-il  fort  difficile  de  les  appli- 
quer sur  cette  fibre.  Généralement  on  teint,  en  présence 
d'acide  sulfurique,  600-800  gr.  par  10  kilogr.  de  laine  ou 
1  kilogr.  de  bisulfate  de  soude,  en  commençant  à  froid  et 
arrivant  peu  à  peu  en  une  heure  environ  à  l'ébullition  ;  on 
maintient  cette  température  pendant  une  demi-heure  afin 
de  parfaire  Vunisson,  puis  on  lave  et  on  sèche. 

Teinture  du  coton.  On  mordance  préalablement  le  coton 
de  différentes  façons.  Par  10  kilogr.  de  fibre  :  1^  avec 
500  gr.  de  stannate  de  soude,  500  gr.  d'alun,  100  gr.  de 
cristaux  de  soude;  2°  avec  1  kilogr.  d'alun,  100  gr.  de  cris- 
taux de  soude.  Quel  que  soit  le  procédé  de  mordançage 
employé,  on  tord  le  coton  sans  rincer  et  on  teint  à  40- 
.50'^  C.  dans  un  bain  très  concentré  d' ecarlate.  Les 
marques  dites  coton  peuvent  se  teindre  directement  en  pré- 
sence d'alun.  Au  sortir  du  bain  de  teinture,  on  lave  et  on  sèche. 

Enlevages  sur  écarlates.  Les  enlevages  sur  les  tissus 


—  243  —  ÉCAQUELON  —  ÉCART 

teints  en  écarlates  s'obtiennent  très  facilement,  comme  pour 
les  ponceaux,  par  l'application  d'une  bouillie  de  bisulfite 
de  soude  concentré  et  de  poudre  de  zinc;  après  quelques 
minutes  de  contact,  la  décoloration  est  complète  ;  il  ne  reste 
plus  qu'à  laver.  Ch.  Girard. 

Ecarlate  d'éosine  (V.  Eosine). 

Ecarlate  de  fuchsine  (V.  Fuchsine). 

Ecarlate  de  cochenille  (V.  Cochenille,  t.  XI,  p.  764). 

ÉCART.  I.  Mathématiques.—  Supposons  que  l'on  fasse  m 
épreuves  pour  observer  l'arrivée  d'un  certain  événement; 
soit  p  la  probabilité  de  cet  événement  et  (/zzl  — p.  Le 
nombre  d'arrivées  le  plus  probable  est,  d'après  un  théo- 
rème de  Bernoulli,  mp  ;  on  appelle  écart  la  différence 
entre  le  nombre  mp  et  le  nombre  de  fois  que  l'événement 
est  réellement  arrivé  dans  les  m  épreuves.  L'écart  est  un 
nombre  qui  est  de  l'ordre  de  la  racine  carrée  de  m. 

II.  Artillerie.  — Lorsqu'on  tire  dans  une  même  bouche 
à  feu,  dans  des  conditions  identiques  de  charge,  d'angle 
de  tir,  etc.,  et  les  conditions  atmosphériques  restant  les 
mêmes,  un  grand  nombre  de  coups,  les  points  de  chute 
sur  le  plan  horizontal  qui  porte  la  bouche  à  feu  ne  se  con- 
fondent pas  en  un  seul;  ils  sont  dispersés  sur  une  certaine 
étendue.  Cette  dispersion  tient  à  ce  que,  dans  la  pratique, 
il  est  impossible  de  réaliser  l'invariabilité  absolue  des  con- 
ditions du  tir  :  quoi  qu'on  fasse,  il  existe  toujours  des 
différences  qui  modifient,  d'un  coup  à  l'autre,  soit  la  portée, 
soit  la  dérivation  (poids  de  la  charge,  propriétés  balis- 
tiques de  la  poudre,  poids  du  projectile,  pression  atmo- 
sphérique, etc.).  En  étudiant  la  dispersion  des  points  de 
chute,  on  reconnaît  qu'il  y  a  une  région  où  les  coups  sont 
en  plus  grand  nombre,  tandis  qu'autour  de  cette  région  ils 
sont  disséminés  d'autant 
plus  qu'ils  en  sont  plus 
éloignés.  Si  l'on  prend  la  U 

moyenne   de  toutes   les  N  | ,  A 

portées  ainsi  obtenues  et 
la  moyenne  de  toutes  les 
dérivations,  on  détermine 
dans  le  plan  horizontal 

un    point   appelé  point      'T j j        et' 

moyen.  La  distance  d'un  |Ô      M 

point  de  chute  quelconque 
à  ce  point  moyen  se 
nomme  écart  de  disper- 
sion. Il  ne  faut  pas  con- 
fondre l'écart  de  disper- 
sion avec  l'é^'car^,  distance 
d'un  point  de  chute  au 
but. 

Menons   par  le  point 
moyen  0  (fig,  1)   deux 


y 

Fig, 


axes  rectangulaires  xx'  et  yif ,  le  second  passant  par  la 
bouche  à  feu  B.  Les  coordonnées  d'un  point  de  chute  quel- 
conque A  par  rapport  à  ces  axes  sont  respectivement  l'^'car^ 
de  dispersion  en  portée 
AM  et  {'écart  de  disper- 
sion en  direction  AN. 

La  moitié  des  coups  se 
trouvent  au  delà  de  la  ligne 
xx\  l'autre  moitié  en  deçà; 
de  même  la  moitié  des  points 
de  chute  est  à  droite  de  ijy\ 
l'autre  à  gauche.  Traçons 
(fig.  2)  deux  parallèles  à 
xx^  :  l'une,  ab.,  séparant  la 
meilleure  moitié  des  coups 


(L 

y 

f 

b 

JC 

25 

% 
0 

ai 

C 

Z5 

% 

d 

y 

5 

Fig.  2. 


longs  (soit  25  °/o  des  coups  tirés),  l'autre,  cd^  isolant  la 
meilleure  moitié  des  coups  courts  ;  ces  deux  lignes  sont  à 
égale  distance  de  xx\  et  l'une  quelconque  de  ces  distances 
0/"  ou  0^  est  ce  qu'on  appelle  X écart  probable  en  por- 
tée. L'écart  probable  en  portée  est  donc  la  demi-largeur 
d'une  bande  contenant  la  meilleure  moitié  des  coups  (la 
bande  étant  orientée  perpendiculairement  à  la  direction  du 


ECART 


244  — 


y 

h  5 

% 

7 

% 

1 

1 

16 

% 

1 
I 

:  1 

1    J? 

X 

2.5 

0^ 

JC'^ 

.    ^ 
^-^   ^ 

25 

% 

1     ^ 

16 

% 

1    ^ 
1      I 

V        y 

7 

% 

*» 

i.5 

% 

V 

Fi- 


tir  et  le  tir  étant  supposé  indéfiniment  prolongé).  On  peut 
encore  dire  que  l'écart  probable  en  portée  est  tel  qu'il  y  a 
un  à  parier  contre  un  qu'il  ne  sera  pas  dépassé.  ]J écart 
probable  en  direction  se  définit  d'une  manière  analogue. 
Si  on  relève  les  points  de  chute  sur  un  plan  vertical,  on  a 
des  écarts  en  hauteur;  la  définition  de  V écart  probable 
en  hauteur  est  encore  la  même. 

Supposons  qu'on  trace  sur  le  sol,  de  chaque  côté  du 
point  moyen  0,  des  parallèles  à  xx'  (ou  à  yi/)  équidis- 
tantes  d'une  longueur  égale  à  l'écart  probable  en  portée  (ou 

en  direction),  on 
divisera  le  terrain 
en  bandes  renfer- 
mant chacune  une 
certaine  propor- 
tion de  coups, 
ainsi  que  l'indi- 
que la  fig.  3.  En 
pratique,  on  ad- 
met que  tous  les 
coups  (99  Vo) 
tombent  dans  une 
bande  de  largeur 
égale  à  huit  fois 
l'écart  probable. 
Cette  répartition 
des  points  de 
chute  est  la 
même,  quelles 
3  que     soient     la 

bouche  à  feu  et 
la  distance  du  tir  :  l'écart  probable  varie  seul  et  dépend 
à  la  fois  de  la  bouche  à  feu  et  de  la  distance;  il  mesure  donc 
la  précision  de  la  bouche  à  feu  à  la  distance  considérée. 
On  se  sert  quelquefois,  pour  apprécier  cette  précision, 
de  deux  autres  écarts  :  Vécart  moyen,  qui  est  la  moyenne 
des  écarts  pris  en  valeur  absolue,  et  Vécart  quadratique 
moyen,  qui  est  la  racine  carrée  de  la  moyenne  arithmé- 
tique des  carrés  des  écarts.  Ces  écarts,  que  nous  désigne- 
rons par  m  et  g,  sont  reliés  à  l'écart  probable  r  par  les 
formules  suivantes  : 

(1)  r  =  0,845  m, 

(2)  r  =  0,674  q. 

Dans  l'établissement  des  tables  de  tir,  qui  donnent  les 
écarts  probables  en  portée  et  en  direction,  on  détermine  direc- 

tement  l'écart 
moyen  m  et  l'on 
en  déduit,  parla 
formule  (1),  la 
valeur  de  r. 
Quant  à  l'écart 
probable  en  hau- 
teur, qui  figure 
également  dans 
les  tables,  on  le 
calcule  en  sup- 
posant qu'aux 
environs  du 
point  de  chute  les  trajectoires  (fig.  4)  sont  des  lignes  droites 
parallèles,  faisant  toutes,  avec  le  plan  horizontal,  un  angle  w 
égal  à  l'angle  de  chute  de  la  trajectoire  moyenne;  autrement 
dit,  on  applique  la  formule  : 

rj 
dans  laquelle 

rj^  rzr  écart  probable  en  hauteur 
et 

r„  =z  écart  probable  en  portée. 
Tout  ce  qui  précède  s'applique  au  cas  du  tir  percutant. 
Dans  le  tir  fusant,  la  durée  de  combustion  de  la  fusée  est 
un  nouvel  élément  variable  qui,  combiné  avec  la  dispersion 
des  trajectoires,  fait  que  les  projectiles  n'éclatent  pas  à  la 
même  hauteur.  Les  hauteurs  d'éclatement  sont  soumises  à 
la  loi  des  écarts.  Leur  écart  probable  est  d'ailleurs  plus 


-Vg^» 


grand  que  l'écart  probable  en  hauteur  dans  le  cas  du  tir 
percutant  (V.  Probabilité  et  Tir). 

III.  Marine.  —  En  matière  de  charpentage  maritime, 
on  appelle  ainsi  la  jonction,  l'assemblage  de  deux  pièces  de 
bois  obtenu  en  ôtant,  soit  obliquement,  soit  par  façons,  soit 
par  excavations,  du  bois  d'une  face  d'une  pièce  de  cons- 
truction ou  de  mâture  et  en  travaillant  ou  taillant  celle  qui 
doit  s'assembler  avec  la  première,  de  manière  qu'elle 
s'applique  exactement  contre  elle.  Pour  certaines  grosses 
œuvres  du  navire,  la  quille,  les  mâts  les  plus  gros,  il  est 
impossible  de  trouver  des  pièces  de  bois  de  dimensions 
suffisantes  ;  on  assemble  alors  plusieurs  pièces  de  dimen- 
sions moindres  et  on  les  encarve,  c.-à-d.  qu'on  les  réunit 
par  des  écarts  dont  la  forme  varie  suivant  l'usage  qu'on 
veut  en  faire,  suivant  l'eiFort  présumé  qu'elles  auront  à 
soutenir.  A  ce  point  de  vue,  on  distingue  les  écarts  simples, 
écarts  car7'és  ou  en  about,  ceux  des  pièces  simplement 
juxtaposées;  les  écarts  oti  les  pièces  sont  appliquées  les 
unes  sur  les  autres  :  écarts  plats  ou  à  mi-bois  où  les  bouts 
sont  coupés  en  biseau  sur  leur  épaisseur  ;  écart  double  ou 
flamand  quand  les  pièces  sont  coupées  en  biseau  sur  leur 
largeur.  Enfin,  il  y  a  des  ècdiVis  saillants  ou  à  croc  quand, 
au  miheu  de  leur  jonction,  les  bouts  des  pièces  encarvées 
portent  une  dent  saillante  ou  rentrante.  —  Les  pièces  de 
la  quille  sont  réunies  par  des  écarts  doubles  ;  celles  qui 
composent  les  bans  par  des  écarts  à  croc. 

Les  faces  en  contact  des  écarts  sont  toujours  enduites  de 
goudron,  qui  est  un  préservatif  en  même  temps  qu'un  agent 
de  cohésion;  on  y  intercale  parfois  du  feutre.  Il  faut  aussi 
avoir  soin,  quand  on  superpose  plusieurs  pièces  à  écarts, 
que  les  écarts  ne  se  correspondent  pas  pour  ne  pas  s'affai- 
blir mutuellement,  c.-à-d.  que  les  plans  verticaux  passant 
par  leurs  milieux  soient  espacés  le  plus  possible. —  L'écart 
a  plus  ou  moins  de  longueur,  suivant  le  degré  de  résistance 
que  doit  présenter  l'assemblage  :  ainsi  les  écarts  des  allonges 
des  mâts  ont  la  moitié  de  la  longueur  totale  des  mâts, 
tandis  que  l'écart  de  l'alonge  d'une  vergue  a  les  deux  tiers 
de  la  longueur  totale  de  la  vergue.  —  Le  mot  écart  est 
aussi  employé  par  les  voiHers  pour  exprimer  la  jonction 
des  laizes  de  voile  dans  leur  longueur. 

IV.  Art  vétérinaire.  —  Encore  appelé  effort  d'épaule, 
l'écart  est  une  boiterie  qui  a  son  siège  au  pourtour  de  l'arti- 
culation scapulo-humérale  du  cheval  et  sa  cause  dans  une  dis- 
tension ou  entorse  des  liens  ligamenteux  ou  musculaires  qid 
attachent  le  scapulum  à  l'humérus.  Les  mouvements  de  la 
région  de  l'épaule  sont  ceux  de  flexion,  d'extension,  d'ab- 
duction, d'adduction,  de  circumduction  et  de  rotation  ;  que 
ces  mouvements,  par  suite  d'un  choc,  d'une  chute,  ou 
d'une  course  rapide,  ou  d'un  saut  excessif,  viennent  à  dé- 
passer les  hmites  normales,  ils  peuvent  avoir  pour  effets 
d'exercer  des  tiraillements  extrêmes  sur  les  muscles  qui, 
dans  cette  région,  ont  pour  mission,  à  défaut  d'un  appa- 
reil ligamenteux  suffisamment  solide,  de  maintenir  les 
rayons  articulaires  dans  leurs  rapports  et  d'assurer  leur 
solidité.  Le  diagnostic  de  l'écart  est  entouré  de  difficultés, 
en  raison  de  la  difficulté  d'exploration  de  l'épaule  entourée 
de  muscles  puissants  et  volumineux,  en  raison  aussi  de  la 
similitude  des  boiteries  entre  elles,  quant  à  leur  manifes- 
tation. Si  l'animal  est  tombé  sur  l'épaule,  s'il  a  reçu  un 
coup  à  l'épaule,  si  cette  région  est  douloureuse,  engorgée, 
pas  de  doute  en  ce  cas  :  le  mal  a  son  siège  à  l'épaule  ;  mais, 
si  rien  n'apparaît,  si  rien  n'est  visible  sur  le  membre,  en 
ce  cas,  c'est  par  voie  de  déduction  qu'on  arrivera  à  dia- 
gnostiquer le  siège  du  mal.  La  première  indication  est 
d'examiner  le  pied,  de  le  faire  déferrer,  de  s'assurer  qu'au- 
cune cause  de  boiterie  n'y  réside,  qu'il  n'y  a  ni  bleimes, 
ni  seimes,  ni  foulures,  ni  kéraphyllocèle  ;  on  s'assurera 
ensuite  s'il  n'y  a  pas  une  forme,  un  suros,  une  cause 
quelconque  pouvant  déterminer  la  boiterie,  et  c'est  quand 
on  aura  sévèrement  examiné  le  membre  boiteux  et  plu- 
sieurs fois,  et  à  différents  jours  d'intervalle,  qu'on  devra 
à  son  tour  sonder  l'épaule  et  s'assurer  si  elle  ne  cause  pas 
la  boiterie.  Pour  guérir  l'écart  récent,  la  première  indication 


-  245  — 


ÉCART  —  ÉCARTÉ 


à  remplir  est  d'immobiliser  le  membre  malade  en  le  main- 
tenant autant  que  possible  dans  son  attitude  physiologique, 
et  on  y  parviendra  au  moyen  d'une  entrave  reliant  l'un  à 
l'autre  les  deux  membres  antérieurs,  et  par  une  application 
de  vésicatoire  sur  la  région  malade  ;  si  le  vésicatoire  est 
impuissant,  on  recourra  avec  avantage  à  la  cautérisation  en 
raies  ou  en  pointes.  L.  Garnier. 

ECARTE  (Jeu).  d°  Règle.  —  L'écarté  est  un  des  jeux  de 
cartes  les  plus  usités.  C'est  aussi  l'un  de  ceux  où  l'habileté 
assure  le  plus  d'avantages.  Nous  indiquons  les  règles  du  jeu 
et  quelques-unes  des  méthodes,  d'après  l'ouvrage  de  M.  Dor- 
moy.  L'écarté  se  joue  entre  deux  personnes,  avec  un  jeu  de 
trente-deux  cartes.  On  l'a  joué  parfois  à  trois  ou  quatre, 
mais  cela  est  irrégulier.  On  se  sert  ordinairement  de  deux 
jeux  de  couleurs  différentes  ;  il  est  préférable  de  se  servir  de 
trois  jeux.  Dans  ce  cas ,  le  joueur  qui  a  donné  ramasse  les 
cartes  après  le  coup  et  place  le  jeu  à  sa  gauche;  le  joueur 
qui  donne  prend  le  jeu  qui  est  à  sa  droite.  —  Après  chaque 
coup,  chaque  joueur  a  le  droit  de  demander  des  cartes  neuves. 
De  la  main.  Chacun  donne  les  cartes  à  son  four.  Pour 
déterminer  qui  aura  la  main,  c.-à-d.  qui  donnera  le  pre- 
mier, chaque  joueur  mêle  l'un  des  jeux  et  tire  une  carte  dans 
le  jeu  qui  a  été  mêlé  par  son  adversaire  :  c'est  la  carte  la 
plus  forte  qui  donne.  L'ordre  de  force  des  cartes  est  le  sui- 
vant :  roi,  dame,  valet,  as,  dix,  neuf,  huit,  sept.  —  Si,  en 
tirant  la  main,  on  découvre  deux  ou  plusieurs  cartes,  c'est  la 
carte  la  plus  basse  qui  compte.  —  La  main  est  valablement 
tirée,  même  si  le  jeu  est  reconnu  faux.  —  Quand  on  joue  en 
partie  liée,  la  main  continue  à  alterner,  même  après  chaque 
partie. 

De  la  coupe  et  de  la  donne.  Celui  qui  a  la  main  mêle  le 
jeu  et  le  présente  à  coupera  son  adversaire.  Celui-ci  a  le  droit 
de  mêler  une  seconde  fois.  —  La  coupe  doit  être  faite  d'un 
seul  coup,  et  en  laissant  au  moins  deux  cartes  en  dessus  et 
en  dessous  ;  autrement,  l'adversaire  a  le  droit  de  faire  couper 
de  nouveau,  après  avoir  mêlé  les  cartes,  s'il  le  juge  à  pro- 
pos. —  On  donne  les  cartes  en  commençant  par  servir  son 
adversaire.  On  peut  donner  par  trois  et  deux,  ou  par  deux 
et  trois  ou  une  par  une.  On  donne  ainsi  cinq  cartes  à  chacun  ; 
on  retourne  la  onzième  carte,  qui  forme  l'atout.  On  place  à 
sa  droite  le  paquet  de  cartes  restant,  qui  s'appelle  le  talon. 
■—  Pendant  toute  la  durée  d'une  partie,  chaque  joueur  est 
obligé  de  donner  les  cartes  de  la  même  manière  qu'il  les  a 
données  à  son  premier  coup,  à  moins  qu'il  ne  prévienne  son 
adversaire  avant  que  celui-ci  ait  coupé.  A  défaut  de  cet 
avertissement,  le  joueur  qui  est  le  premier  peut  exiger  ou  que 
la  donne  se  fasse  régulièrement,  ou  que  le  coup  soit  recom- 
mencé. Mais  il  perd  cette  faculté  dès  que  la  retourne  est 
faite  ou  dès  qu'il  a  regardé  une  carte  de  son  jeu.  Si  un 
joueur  donne  hors  son  tour,  et  qu'on  s'en  aperçoive  avant 
la  retourne  faite,  le  coup  est  recommencé.  Si  l'on  s'en 
aperçoit  après  la  retourne  faite,  mais  avant  que  le  premier 
ait  engagé  le  coup,  les  jeux,  tels  qu'ils  sont,  sont  mis  de 
côté  pour  le  coup  suivant.  Mais,  si  la  partie  finit  sans  qu'il 
y  ait  lieu  déjouer  le  coup  suivant,  le  coup  mal  donné  est 
définitivement  annulé,  même  en  partie  liée.  Si  l'on  ne  s'aper- 
çoit de  la  donne  hors  tour  qu'après  le  coup  engagé,  le  coup 
est  valable.  Le  coup  est  engagé  quand  un  joueur  a  annoncé 
le  roi,  ou  joué  sa  première  carte,  ou  proposé,  accepté  ou 
refusé  des  cartes.  —  S'il  y  a  une  ou  plusieurs  cartes  retour- 
nées dans  Je  jeu,  et  qu'on  s'en  aperçoive  avant  d'avoir  vu  son 
jeu,  le  coup  est  annulé,  à  moins  que  la  carte  retournée  soit 
la  onzième  ;  dans  ce  cas,  cette  carte  forme  l'atout.  Si  l'on 
ne  s'en  aperçoit  qu'après  écart,  et  que  les  cartes  retour- 
nées reviennent  à  celui  qui  donne,  le  coup  est  valable.  Si, 
au  contraire,  une  carte  retournée  revient  au  premier,  il  peut, 
à  son  choix ,  tenir  le  coup  pour  bon  ou  l'annuler.  Dans  ce 
dernier  cas,?le  point  du  roi  ne  compte  pas.—  Si,  en  donnant, 
soit  d'emblée  soit  après  écart,  on  retourne  une  carte,  même 
par  suite  d'un  faux  mouvement  de  son  adversaire,  le  coup 
est  valable  si  cette  carte  revient  à  celui  qui  donne;  si  elle 
revient  à  son  adversaire,  celui-ci  a  le  droit  de  maintenir  le 
coup  ou  de  l'annuler;  mais,  s'il  a  regardé  tout  ou  partie  des 


cartes  ainsi  données,  le  coup  reste  valable.  On  procède  de 
même  si  la  carte  découverte  fait  partie  du  talon,  et  notam- 
ment si  l'on  a  retourné  pour  l'atout  deux  cartes  au  lieu 
d'une  ;  dans  ce  dernier  cas,  c'est  toujours  la  onzième  carte 
qui  forme  l'atout.  —  Si  l'un  des  joueurs  a  moins  de  quatre 
cartes  ou  plus  de  six,  le  coup  est  annulé.  —  Si  l'un  des 
joueurs  a  quatre  ou  six  cartes  et  qu'on  s'en  aperçoive  avant 
la  retourne  faite,  on  rectifie  l'erreur  en  rétablissant ,  s'il 
est  possible,  l'ordre  normal  de  la  distribution.  —  Si  la  re- 
tourne a  été  faite,  le  premier  en  cartes,  après  avoir  vu  son 
jeu,  peut,  à  son  choix,  annuler  le  coup  ou  compléter  son  jeu 
en  prenant  la  première  carte  du  talon  s'il  n'en  a  reçu  que 
quatre,  ou  réduire  son  jeu  à  cinq  cartes  en  en  jetant  une  à 
son  choix  s'il  en  a  reçu  six  ;  l'atout  retourné  n'est  pas 
changé.  Si  c'est  le  joueur  qui  donne  qui  a  quatre  ou  six 
cartes,  et  qu'on  s'en  aperçoive  avant  qu'il  n'ait  engagé  le 
coup  en  ce  qui  le  concerne,  l'adversaire  a  le  droit,  ou  d'an- 
nuler le  coup,  ou  de  lui  compléter  son  jeu,  en  lui  donnant 
la  première  carte  du  talon,  ou  de  le  réduire  à  cinq  cartes  en 
en  retirant  une  au  hasard.  —  Quand  un  coup  est  annulé 
par  suite  de  maldonne,  le  premier  en  cartes  a  le  droit  de 
prendre  la  main  s'il  le  juge  à  propos.  —  Celui  qui  engage  le 
coup  en  ayant  six  cartes,  soit  avant  soit  après  écart,  perd 
un  point  et  le  droit  de  marquer  le  roi. 

Du  roi,  du  point  et  de  la  vole.  Chaque  partie  se  joue 
en  cinq  points.  —  Celui  qui  retourne  le  roi  comme  atout 
marque  un  point.  —  Celui  qui  a  dans  son  jeu  le  roi  d'atout 
marque  un  point;  toutefois,  il  doit  annoncer  le  roi  avant 
d'avoir  jeté  sa  première  carte,  c.-à-d.  avant  que  cette  carte 
ait  touché  le  tapis,  faute  de  quoi  le  roi  ne  compte  pas. 
Pour  annoncer  le  roi,  l'on  doit  dire  :  Le  roi,  ou  :  J'ai  le  roi, 
ou  :  Je  marque  le  roi;  toute  autre  locution  ne  compte  pas  ; 
on  est  dispensé  d'annoncer  le  roi,  tout  en  conservant  le 
droit  de  le  marquer,  si  on  le  joue  pour  sa  première  carte, 
que  l'on  soit  premier  ou  second.  —  On  n'est  pas  obligé 
d'annoncer  le  roi  quand  on  l'a  dans  son  jeu,  mais  on  perd 
le  droit  de  le  marquer.  —  Lorsqu'un  joueur  a  annoncé  le 
roi  sans  l'avoir,  l'adversaire  peut  reprendre  les  cartes  qu'il 
a  déjà  jouées.  —  Le  joueur  qui  fait  trois  ou  quatre  levées 
marque  un  point  ;  celui  qui  fait  les  cinq  levées,  c.-à-d.  la 
vole,  marque  deux  points. 

Des  cartes.  Le  premier  en  cartes,  après  avoir  vu  son 
jeu,  peut  demander  d'autres  cartes,  ce  qu'il  fait  en  disant  : 
J'écarte  ou  je  propose  ;  cette  proposition  une  fois  faite,  il 
ne  peut  plus  la  retirer  ;  le  joueur  qui  a  donné  peut  accep- 
ter ou  refuser.  S'il  refuse,  le  coup  se  joue  avec  les  cartes 
primitivement  données  ;  s'il  accepte,  il  répond  :  Combien? 
En  cas  d'acceptation,  le  joueur  qui  a  proposé  est  obligé 
d'écarter  au  moins  une  carte  ;  celui  qui  a  donné  lui  dis- 
tribue, en  les  prenant  au-dessus  du  talon,  autant  de  cartes 
qu'il  en  demande  ;  il  jette  ensuite  autant  de  cartes  qu'il 
veut  de  son  propre  jeu  et  en  prend  le  même  nombre,  tou- 
jours au-dessus  du  talon.  S'il  n'y  a  plus  assez  de  cartes 
pour  satisfaire  à  une  dernière  demande  d'écart,  les  cartes 
restant  au  talon  sont  distribuées  tant  qu'il  y  en  a,  et  le 
joueur  pour  qui  il  n'y  en  a  plus  assez  ne  peut  écarter  plus  de 
cartes  qu'il  n'en  reste  au  talon.  —  Si,  dans  l'un  des  écarts, 
le  premier  s'aperçoit  qu'il  a  reçu  moins  de  cartes  qu'il 
n'en  avait  demandé,  il  se  complète  dans  l'ordre  naturel  du 
talon.  Si  cet  ordre  ne  peut  pas  être  rétabli  ou  si  l'un  des 
joueurs  a  déjà  regardé  son  jeu,  il  se  complète  en  prenant 
une  carte  au-dessous  du  talon.  Si  le  premier  s'aperçoit 
qu'il  a  reçu  plus  de  cartes  qu'il  n'en  avait  demandé,  il 
refuse  les  dernières,  qui  sont  remises  dans  l'ordre  naturel. 
Mais,  SI  l'ordre  naturel  ne  peut  pas  être  rétabli  ou  si  l'un 
des  joueurs  a  déjà  regardé  son  jeu,  il  déclare  qu'il  a  six 
cartes  et  il  en  jette  une  à  son  choix  ;  si  le  premier  de- 
mande, par  exemple,  deux  cartes  et  qu'il  en  jette  trois,  et 
SI  l'ordre  naturel  ne  peut  pas  être  rétabli,  il  prend  la  pre- 
mière carte  du  talon.  Si  le  premier  demande,  par  exemple, 
trois  cartes  et  qu'il  n'en  jette  que  deux,  et  si  l'ordre  naturel 
ne  peut  pas  être  rétabli,  il  jette  une  de  ses  six  cartes  à 
son  choix,  mais  il  ne  marque  pas  le  point,  s'il  le  fait,  et 


ÉCARTÉ 


—  246 


il  ne  marque  qu'un  point  s'il  en  fait  deux  ;  de  plus,  il  perd 
le  droit  de  marquer  le  roi.  --  On  ne  peut  pas  reprendre  les 
cartes  que  l'on  a  écartées,  même  avant  d'avoir  reçu  les 
cartes  nouvelles.  On  n'a  pas  le  droit  de  regarder  tout  ou 
partie  des  cartes  écartées,  sous  peine  d'être  obligé  de  jouer 
à  jeu  découvert  ;  on  peut  cependant  toucher  les  cartes 
écartées  afin  de  les  compter.  —  Celui  qui  a  joué  d'autorité, 
c.-à-d.  sans  demander  de  cartes,  ou  celui  qui,  étant 
second,  a  refusé  des  cartes  sur  la  première  proposition  de 
son  adversaire,  perd  deux  points  si  l'adversaire  fait  trois, 
quatre  ou  cinq  levées  ;  on  ne  peut  jamais  faire  plus  de  deux 
points  sur  un  coup  sans  le  roi  ni  plus  de  trois  si  l'on  a  le 
roi.  —  On  peut  regarder  les  levées  que  l'on  a  faites  ;  mais  on 
ne  peut  pas  regarder  celles  de  l'adversaire,  sous  peine  de 
iouer  à  jeu  découvert.  —  On  a  le  droit  de  montrer  son  jeu, 
mais,  si  l'on  jette  ses  cartes  sur  le  tapis,  on  perd  toutes  les 
levées  qui  restent  à  faire.  ,  r  -  i 

De  la  renonce  et  de  la  sous-force.  On  est  oblige  de 
fournir  une  carte  de  la  couleur  jouée,  si  l'on  en  a,  ou  de 
couper  si  l'on  n'en  a  pas  ;  autrement  on  fait  une  renonce. 
On  est  obligé  de  prendre  la  carte  jouée  si  l'on  en  a  une 
plus  forte  de  la  même  couleur  :  fournir  une  carte  plus  faible 
s'appelle  sous-forcer.  La  renonce  ou  la  sous-force  ne  sont 
accomplies  que  lorsque  la  première  carte  de  la  levée 
suivante  a  été  jouée  soit  par  celui  qui  a  fait  la  faute,  soit 
par  son  adversaire.  —  Quand  il  y  a  eu  renonce  ou  sous-force, 
chacun  reprend  toutes  ses  cartes  et  joue  de  nouveau,  mais 
celui  qui  a  fait  la  faute  ne  marque  pas  le  point,  s'il  le  fait, 
et  ne  marque  qu'un  point  s'il  en  fait  deux.  —  Si  un  jeu  de 
cartes  est  reconnu  faux,  le  coup  où  l'on  s'en  aperçoit 
avant  que  la  retourne  du  coup  suivant  soit  faite  est  annulé; 
tous  les  coups  précédents  sont  valables.—  On  perd  le  droit 
de  marquer  les  points  que  l'on  vient  de  faire,  ainsi  que 
tout  droit  de  réclamation,  dès  que  la  retourne  du  coup  sui- 
vant est  faite.  --  Quand  la  dernière  partie  a  été  réglée,  soit 
en  jetons,  soit  en  argent,  ou  que  les  joueurs  ont  quitté  la 
table,  aucune  réclamation  ne  peut  plus  être  admise. 

Des  paris.  Celui  qui  parie  pour  un  joueur  ou  qui  est 
intéressé  dans  son  jeu,  a  le  droit  de  le  conseiller  et  de  lui 
faire  remarquer  les  erreurs  qui  pourraient  être  commises. 
Toutefois,  le  joueur  qui  fait  la  chouette,  c.-à-d.  qui  joue 
contre  tous  les  autres,  ne  peut  être  conseillé  ni  aidé  par 
personne  et  nul  ne  doit  regarder  son  jeu.  —  La  galerie  com- 
posée des  personnes  qui  ne  sont  pas  intéressées  dans  le  jeu, 
ne  peut  ni  conseiller  ni  rectifier  de  son  chef  aucune  erreur  ; 
mais,  si  elle  est  consuhée,  elle  doit  rétabUr  la  question  de 

fait.  ^  iv      1    • 

2«  Conduite  du  jeu.  —  Pour  une  étude  complète  du  jeu 
de  l'écarté  on  constate  que  la  carte  de  retourne  peut  être  l'une 
des  32,  soit  32  combinaisons  différentes;  les  31  autres 
peuvent  se  combiner  pour  former  le  jeu  du  premier  de 
469,911  manières;  le  jeu  du  premier  étant  donné,  les 
26  cartes  restantes  peuvent  fournir  pour  le  jeu  du  second 
65,780  combinaisons.  Le  total  des  combinaisons  est  donc  de 
357,655,858,560.  On  ne  peut  donc  étudier  isolément  chaque 
cas  particulier.  Si  on  supprime  les  cas  équivalents,  il  reste 
encore  53,051  jeux  de  premier  de  valeur  différente  et 
42,003  jeux  de  second.  La  probabilité  pour  le  premier 
d'avoir  dans  son  jeu  un  atout  est  de  44  °/o,  deux  atouts 
25  «/o,  trois  6  %,  quatre  1/2  °/o  et  cinq  1/8000,  enfin  pas 
d'atout  25  °/o.  La  probabilité  que  le  roi  tournera  ou  sera 
dans  un  des  deux  jeux  avant  écart  est  de  13/32.  Le  pre- 
mier joue  d'autorité  une  fois  sur  trois,  34  fois  sur  100  ;  il 
propose  des  cartes  et  le  second  accepte  55  fois  sur  100;  il 
propose  et  le  second  refuse  11  fois  sur  100.  Si  un  joueur 
jouait  d'autorité  toutes  les  fois  qu'il  est  premier,  son  désa- 
vantage serait  de  8  <^/o;  s'il  refusait  desj^artes  à  tous  les 
coupst  ce  désavantage  approcherait  de  25  %.  Une  partie 
d'écarté  dure  en  moyenne  plus  de  4  coups  et  un  peu  moins 
de  5  (48  coups  pour  10  parties). 

L'avantage  de  la  donne  (possibilité  de  tourner  le  roi) 
est  à  peu  près  équivalent  à  celui  de  la  primauté  (choix  de 
l'attaque)  ;  mais,  quand  on  est  4  à  4,  l'avantage  est  de 


donner  :  il  assure  54  chances  contre  46.  La  valeur  des 
chances  que  chaque  joueur  a  de  gagner  la  partie  dans  toutes 
les  positions  de  la  partie  est  donnée  par  le  tableau  sui- 
vant : 


POINTS 

du    JOUEUR  A. 

i 

0 

1 

2 

3 

4 

0 

50 

40 

29 

18 

10 

1 

60 

50 

38 

25 

14 

il 

2 

71 

62 

50 

36 

23 

H 

i\ 

3 

82 

75 

64 

50 

35 

4 

90 

86 

77 

65 

46 

ou 

54 

Il  résulte  de  ce  tableau  que  les  différents  points  ont 
pour  chaque  joueur  une  valeur  très  inégale  selon  la  posi- 
tion de  la  partie.  Le  premier  point  consistant  à  passer  de 
0  à  1  qui  vaut  10  quand  l'adversaire  a  0  ou  1,  ne  vaut 
que  9  s'il  a  deux  points,  7  s'il  en  a  trois,  4  s'il  en  a  quatre  ; 
le  quatrième  point  (passage  de  3  à  4)  vaut  8  quand  l'ad- 
versaire n'a  pas  de  point,  15  s'il  en  a  trois  et  19  ou  11 
(en  premier  ou  en  second)  s'il  en  a  quatre  ;  enfin  le  cin- 
quième point  finissant  la  partie  vaut  10  quand  l'adversaire 
n'a  pas  de  point,  35  quand  il  en  a  trois,  54  ou  46  quand  il 
en  a  quatre.  En  somme,  dans  tout  le  courant  de  la  partie, 
un  point  à  faire  a  presque  la  même  valeur  pour  l'un 
et  l'autre  joueur,  excepté  quand  l'un  est  à  4  points. 

Les  différentes  questions  à  examiner  pour  un  joueur 
d'écarté  sont  les  suivantes  :  Avec  quels  jeux  doit-on  en  pre- 
mier jouer  d'autorité  ou  proposer  des  cartes?  Avec  quels 
jeux  le  second  doit-il  accepter  ou  refuser  les  cartes  propo- 
sées? L'écart  terminé,  par  quelle  carte  le  premier  doit-il 
attaquer  et  continuer?  Comment  le  second  doit-il  jouer 
ayant  repris  la  main  ? 

Celui  qui  joue  d'autorité  aune  chance  sur  sept  de  faire  la 
vole;  il  joue  donc  1  point  plus  1/7  contre  2  points.  Il  faut  tenir 
compte  de  la  valeur  relative  des  points  à  chaque  moment  ; 
s'il  est  par  exemple  2  à  3,  il  joue  16  contre  36  ;  il  faut 
aussi  tenir  compte  de  la  possibiHté  que  l'adversaire  ait  le 
roi;  quand  on  est  3  à  3,  on  expose  en  jouant  d'autorité 
50  contre  20  ;  mais  4  à  4  on  n'expose  que  46  contre  54. 
Le  détail  des  cas  est  indiqué  par  les  traités  spéciaux.  En 
somme,  le  premier  doit  avoir  en  moyenne  63  à  64  chances 
sur  100  de  faire  le  point  pour  jouer  d'autorité  ;  mais, 
quand  il  a  4  points  ou  quand  son  adversaire  en  a  4,  il  suf- 
fit qu'il  ait  à  peu  près  60  chances  pour  lui;  dans  le  cas  de 
4  à  4  où  les  deux  présomptions  se  combinent,  il  devra 
jouer  en  se  contentant  avec  46  chances  ;  le  cas  le  plus  dé- 
favorable est  celui  de  3  à  3  où  l'on  ne  doit  jouer  d'auto- 
rité qu'avec  71  chances  pour  soi.  Mais  il  faut  faire  inter- 
venir ici  la  loi  de  groupement.  Les  raisonnements  que 
nous  avons  développés  supposent  que  les  cartes  sont  par- 
faitement mêlées.  Il  n'en  est  pas  ainsi  en  fait  ;  on  brouille 
avec  négligence  et  les  cartes  de  même  couleur  restent  grou- 
pées ensemble  ;  comme  on  les  donne  par  deux  et  trois  (ou 
davantage  à  l'écart),  cette  considération  est  grave.  Celui 
qui  donne,  prenant  les  cartes  qui  touchent  la  retourne,  a 
plus  de  chance  d'avoir  des  atouts,  mais  aussi  plus  d'en 
donner  à  l'autre  si  l'on  écarte;  s'il  a  plus  d'un  atout,  il 
doit  craindre  d'en  trouver  chez  l'adversaire  plus  que  la 
probabilité  ne  l'indique;  de  même,  s'il  a  une  couleur  longue 


-  247  — 


ÉCARTÉ 


ou  me  carte  seconde  ;  les  seuls  jeux  qui  ne  soient  pas  me- 
nacés par  la  loi  de  groupement  sont  ceux  qui  tirent  leur 
force  de  cartes  maîtresses  isolées  ou  de  cartes  se  suivant 
(mariage,  par  exemple).  L'on  a  donc  d'autant  plus  d'in- 
térêt à  bien  mêler  les  cartes  qu'on  est  en  avance  sur  l'ad- 
versaire; ne  jouer  qu'avec  réserve  les  jeux  qui  doivent  leur 
force  à  une  longue  couleur  ou  deux  longues  couleurs  pas 
tout  à  fait  maîtresses.  Enfin,  en  pratique,  il  est  prudent 
de  ne  jouer  d'autorité  que  les  jeux  valant  67  à  68.  Il  est 
vrai  que  la  crainte  de  donner  le  roi  (probabilité  moyenne 
14  ^lo  contre  9  ^o  de  le  prendre)  à  l'adversaire  doit  abais- 
ser un  peu  cette  moyenne,  que  M.  Dormoy  fixe  à  65.  On 
voit  que  la  complexité  du  problème  posé  à  un  joueur  d'écarté 
est  extrême  et  exigerait  dans  chaque  cas  un  calcul  complet. 
Pour  s'en  dispenser  on  a  admis  que  le  premier  devra  jouer 
d'autorité  si  son  jeu  a  une  valeur  d'au  moins  65,  des  jeux 
un  peu  plus  forts  (de  4  à  5  points)  si  son  adversaire  ou 
lui-même  est  à  3  ;  sensiblement  plus  forts  (environ  73)  au 
point  de  3  à  3,  un  peu  moins  forts  s'il  est  à  4  ou  que 
son  adversaire  est  à  4  ;  enfin  hardiment  sur  le  point  de 
4  à  4. 

Il  nous  faut  maintenant  voir  quels  sont  les  jeux  qui  ont 
cette  valeur  moyenne  de  65.  Les  jeux  se  répartissent  en 
six  catégories  selon  le  nombre  d'atouts  ;  dans  chacune,  trois 
groupes  d'après  le  nombre  de  couleurs  différentes  qu'ils 
contiennent  en  dehors  de  l'atout.  On  les  subdivise  en- 
suite. Voici  quelles  sont  les  conclusions  formulées  par 
M.  Dormoy;  nous  renvoyons  à  son  traité  et  particulièrement 
à  la  note  annexe  pour  la  discussion.  Sans  atout,  plus  une 
ou  deux  couleurs  :  on  ne  doit  jamais  jouer  ;  la  valeur  maxima 
(tierce  majeure  et  mariage)  étant  seulement  de  41  ;  avec 
trois  couleurs  on  peut  jouer  si  on  a  :  1°  dans  chaque  cou- 
leur le  roi  ou  le  petit  mariage  (valet  et  dame)  ;  2°  les  trois 
rois  et  un  as  ;  'S^  deux  fois  roi  et  valet,  plus  une  dame.  — 
Un  petit  atout,  plus  :  4°  une  couleur  unique;  il  faut 
qu'elle  commence  par  roi  et  dame;  2°  deux  couleurs;  on 
peut  jouer  avec  une  carte  troisième  et  une  carte  seule  assez 
forte  pour  servir  de  rentrée  ;  ou  avec  deux  rois  seconds 
plus  un  as  ;  un  roi  second,  une  dame  seconde,  plus  un  va- 
let, deux  dames  secondes,  plus  un  valet  et  un  as  ;  3°  trois 
couleurs  ;  on  peut  jouer  avec  trois  rois,  deux  rois  dont  un 
par  as,  deux  rois  seuls  plus  huit  et  neuf  dans  la  troisième 
couleur  ;  s'il  n'y  a  pas  de  roi,  la  limite  minimum  est  la 
même  qu'avec  deux  atouts  et  trois  couleurs.  — Deux  petits 
atouts,  plus:  1^  une  couleur  :  se  joue  toujours;  2^  deux 
couleurs  ;  il  faut  que  le  total  des  points  fasse  au  moins  32 
en  comptant  roi  pour  18,  dame  pour  14,  valet  pour  12; 
S°  trois  couleurs  ;  il  faut  avoir  quatre  cartes  majeures, 
atouts,  rois  ou  dames;  toutefois,  deux  valets  comptent  pour 
une  et  trois  valets  pour  deux  cartes  majeures.  —  Trois 
petits  atouts;  on  joue  toujours  pourvu  que  les  deux  cartes 
isolées  dépassent  la  force  de  deux  huit  (avec  un  huit  et  un 
neuf  on  a  67  chances)  ;  cependant  la  loi  de  groupement 
affaiblit  plus  ce  jeu  que  les  autres. 

Dans  quelles  conditions  le  secoua  peut-il  refuser  des 
cartes?  Uuand  le  premier  propose,  on  doit  supposer  que  son 
jeu  vaut  moins  de  65,  laissant  de  côté  l'hypothèse  où  il  pro- 
poserait pour  chercher  la  vole  ou  assurer  le  point  de  refus. 
La  valeur  moyenne  du  jeu  peut  donc  être  évaluée  à  32  ^/g. 
Le  second,  s'il  refuse,  expose  deux  points  contre  un  ;  il  ne 
doit  donc  refuser  que  si  son  jeu  vaut  au  moins  65.  Quand 
l'un  des  joueurs  et  surtout  quand  les  deux  sont  au  point 
de  3,  il  devra  être  plus  réservé  encore  (valeur  mini- 
mum 70)  ;  au  contraire,  si  l'un  des  joueurs  est  à  4,  il 
peut  être  plus  hardi  (valeur  minimum  30);  et  surtout  si 
l'on  est  4  à  4  et  jouer  un  jeu  valant  50.  Quant  au 
piège  tendu  par  le  premier  demandant  des  cartes  avec 
un  beau  jeu,  il  n'y  a  pas  moyen  de  l'éviter;  le  cas  est 
d'ailleurs  rare,  et  le  joueur  qui  abuserait  de  cette  ruse  en 
serait  victime.  —  Voyons  maintenant  quels  sont  les  jeux 
avec  lesquels  on  peut  ou  doit  refuser  des  cartes  en  second. 
Il  ne  faut  pas  oublier  qu'un  jeu  composé  des  mêmes  cartes 
a  moins  de  valeur  entre  les  mains  du  second  qu'entre  celles 


du  premier  ;  en  moyenne  il  vaut  1 5  %  de  moins  ;  mais 
cette  différence  n'est  pas  constante  :  certains  jeux  perdent 
20  et  jusqu'à  50  Vo;  d'autres  ne  perdent  pas.  Ainsi  le  jeu 
sans  atouts  comportant  une  tierce  majeure,  un  roi  et  une 
dame  vaut  64  pour  le  premier,  51  pour  le  second  ;  et  le 
jeu  sans  atouts  formé  de  deux  mariages  et  une  dame,  va- 
lant 83  pour  le  premier,  vaut  encore  81  pour  le  second; 
un  jeu  avec  un  petit  atout  et  une  quatrième  majeure  vaut 
68  pour  le  premier  et  seulement  30  pour  le  second  ;  tan- 
dis qu'un  jeu  formé  d'un  petit  atout,  un  roi  second  par  le 
sept  et  dame  seconde  par  le  sept  vaut  59  pour  le  premier 
et  57  pour  le  second.  Pour  les  jeux  ayant  deux  atouts,  la 
diminution  est  moindre;  pour  ceux  qui  en  ont  trois,  elle  est 
nulle. 

Après  un  premier  écart,  quand  doit-on  en  consentir  un 
deuxième?  Rarement. En  effet,  le  joueur  qui  n'a  pas  le  roi 
craint  de  le  donner  à  l'adversaire  ;  celui  qui  a  beau  jeu 
sans  avoir  le  point  sûr  craint  de  le  perdre  ;  celui  qui  a 
mauvais  jeu  craint  d'assurer  la  vole  à  son  adversaire.  Ce- 
pendant chacun  des  joueurs  peut  y  avoir  intérêt  :  s'il  a  le 
point  sûr  et  la  vole  improbable  ;  s'il  ne  craint  pas  le  roi  ; 
s'il  a  très  mauvais  jeu  ou  la  dame  d'atout  seule  avec  de 
très  basses  cartes.  On  ne  doit  pas  écarter  les  rois  la  se- 
conde fois  plus  que  la  première,  d'autant  que  très  souvent 
un  roi  vaut  mieux  qu'un  atout. 

La  manière  de  jouer  pour  le  premier  en  cartes  varie  selon 
les  jeux.  Il  est  impossible  d'étudier  ici  tous  les  cas,  et 
nous  renvoyons  aux  traités  spéciaux.  Les  principes  élé- 
mentaires sont  d'attendre  avec  les  fourchettes,  de  ne  pas 
exposer  les  cartes  secondes  qui  sont  gardées,  d'affranchir 
les  longues  couleurs.  Voici  quelques  exemples  :  avec  un 
jeu  sans  atout  contenant  deux  couleurs,  il  faut  débuter  par 
la  couleur  où  les  deux  plus  fortes  cartes  se  suivent,  ou  le 
plus  souvent  par  la  couleur  longue  ;  avec  un  jeu  contenant 
trois  couleurs,  on  débute  par  la  carte  isolée  ou  la  plus 
forte  des  deux  cartes  isolées;  si  on  a  un  roi,  on  le  joue 
d'abord,  à  moins  que  le  jeu  ne  soit  très  beau.  —  Avec  un 
jeu  contenant  un  atout  et  une  longue  couleur  maîtresse, 
on  ne  doit  débuter  atout  que  si  l'atout  est  le  roi,  mais,  si 
l'adversaire  est  à  4,  il  faut  débuter  atout  avec  la  dame  si  on 
est  à  0,  avec  le  valet  si  on  esta  1,  2,  ou  3.  Si  la  couleur 
maîtresse  comprend  quatre  cartes,  on  doit  débuter  atout 
avec  la  dame,  étant  1  ou  2  à  4  avec  le  valet  et  étent  3  à  4 
avec  le  dix.  4  à  4,  on  ne  doit  jamais  débuter  atout.  Avec 
un  atout,  un  roi  troisième  et  une  carte  seconde,  on  ne  peut 
débuter  que  par  le  roi  d'atout.  Avec  deux  rois  seconds,  on 
débute  par  celui  qui  offre  la  fourchette  la  plus  large.  — 
Avec  un  jeu  contenant  deux  atouts  et  une  seule  couleur,  on 
doit  débuter  par  cette  couleur;  on  ne  peut  débuter  atout 
que  si  l'on  a  roi  et  dame  à  la  fois  en  atout  et  dans  l'autre 
couleur,  excepté  si  l'on  est  3  à  4,  auquel  cas  on  peut  jouer 
plus  hardiment.  Avec  roi  second  d'atout,  un  roi  second  et 
une  petite  carte,  on  ne  doit  pas  débuter  atout.  Si  au  con- 
traire la  cinquième  carte  est  un  roi,  on  doit  jouer  atout 
d'entrée.  Règle  générale,  avec  deux  atouts,  une  carte  se- 
conde et  une  carte  isolée,  le  premier,  s'il  joue  d'autorité  et 
qu'il  n'a  pas  l'atout  maître,  débutera  par  sa  carte  se- 
conde; s'il  a  l'atout  maître,  et  dans  les  autres  couleurs  en 
même  temps  le  roi  ou  la  dame,  il  débutera  par  un  coup 
d'atout.  Sinon,  non.  Avec  le  même  jeu,  si  on  lui  a  refusé 
des  cartes,  il  jouera  d'abord  sa  carte  unique  ou  seulement 
la  carte  seconde  si  c'est  un  roi.  Mais  après  l'écart  le  pre- 
mier ne  débutera  par  sa  carte  seconde  que  s'il  ne  craint 
pas  la  vole.  —  Avec  deux  atouts  et  trois  couleurs,  une 
figure  dans  chaque  couleur,  on  débutera  par  la  figure  la 
plus  forte,  pour  épuiser,  si  c'est  possible,  un  des  atouts  de 
l'adversaire.  —  Avec  un  jeu  contenant  trois  atouts  et  une 
couleur,  on  débute  par  atout  avant  l'écart,  par  la  couleur 
après  l'écart.  Avec  trois  atouts  et  deux  couleurs,  le  pre- 
mier doit  jouer  atout  sauf  dans  trois  cas  :  s'il  a  les  trois 
plus  petits  atouts  et  deux  rois  ;  s'il  ne  joue  que  pour  un 
point  et  a  le  point  sûr  en  ne  jouant  pas  atout  ;  si  l'adver- 
saire ayant  refusé  ou  écarté,  ses  cartes  sont  trop  faibles 


ÉCARTÉ  -  ECBATANE 


—  248 


pour  espérer  le  point  et  qu'il  puisse  se  garantir  de  la  vole 
en  attendant  à  un  fort  atout  gardé. 

La  manière  de  jouer  la  seconde  ou  la  troisième  carte  est 
assez  simple.  Quand  on  cherche  la  vole  et  qu'on  débute 
par  une  couleur  autre  qu'atout,  il  faut  au  second  coup 
changer  la  couleur,  dans  la  crainte  d'être  coupé  et  ahn  de 
pouvoir  jouer  atout  au  troisième  coup.  Pour  faire  le  point, 
il  est  fréquemment  bon  de  changer  de  couleur  au  second 
coup,  afin  de  faire  les  deux  premières  levées  et  de  donner 
la  main  à  l'adversaire  au  troisième  coup  et  de  l'attendre 
avec  un  atout  second. 

Le  second  en  cartes  a  peu  d'initiative.  Un  des  cas  con- 
testés est  celui  de  la  carte  anglaise  ;  ayant  eu  en  mams 
deux  atouts  et  trois  couleurs,  perdu  la  première  levée, 
coupé  la  seconde,  réussi  le  coup  d'atout  pour  la  troisième, 
doit-il  pour  la  quatrième  levée  jouer  sa  carte  la  plus  taible 
ou  la  plus  forte?  Il  ne  doit  jamais  jouer  la  plus  faible  ou 
carte  anglaise.  La  plus  grande  difficulté  est  de  savoir  si  on 
doit  jouer  atout  à  la  troisième  levée,  et  cela  dépend  unique- 
ment de  la  nature  du  jeu.  ,     ^      i       *  i. 
L'écarté  est  un  des  jeux  de  cartes  où  la  fraude  est  le 
plus  facile  et  le  plus  fréquente;    nous    étudierons    les 
moyens  principaux  dans  l'article  Jeu.  Le  plus  simple  est 
de  se  donner  ou  de  tourner  le  roi  ;  un  des  plus  a^mgereux 
est  de  tricher  à  la  marque.               ,    „    .  ^/o"J?*  ^' 
BiBL.  :  DoRMOY,  Traité  de  l'Ecarté;  Pans,  1887. 
ÉCARTELÉ  (Art  héraldique)  (V.  Blason). 
ÉCARTÈLEMENT    (Ane.   dr.  crim.).    L'écartelement 
était  Tune  des  formes  de  la  peine  de  mort,  réservée  aux 
condamnés  pour  crimes  de  lèse-majesté  humaine  au  premier 
chef,  et  principalement  aux  régicides.  Les  membres  du 
condamné  devaient  être  tirés  en  sens  contraire  par  quatre 
chevaux  vigoureux.  Damiens,  qui  avait  tenté  d'assassiner 
Louis  XV  en  1757,  subit  la  peine  de  l'écartèlement  ; 
Voltaire,  dans  son  Histoire  du  'Parlement  de  Paris, 
décrit  rhorrible  supplice  de  ce  régicide. 

ÉCARTELURE  (Blas.).  Division  d'un  écu  en  quatre 
écarts  ou  quartiers.  Uécartelure  est  la  réunion  sur  un 
même  écu  des  armes  du  possesseur  avec  celles  d  une  ta- 
mille  alliée  ou  celles  provenant  de  la  multiplicité  des  fiels, 
des  dignités,  de  prétentions,  de  substitutions,  de  conces- 
sions de  patronage,  de  dévotion.  On  écartèle  par  recon- 
naissance, par  suite  d'adoption.  Une  des  écartelures  qui 
frappent  le  plus  les  regards  est  celle  des  rois  d'Angleterre 
qui,  par  suite  de  leurs  prétentions  sur  le  royaume  de  France, 
écartelèrent  à  partir  du  xiv«  siècle  :  aux  i  et  4,  de 
France,  aux  2  et  3,  d'Angleterre,  c.-à-d.  que  dans  leur 
écartelure  ils  portaient  les  trois  fleurs  de  lis  et  les  trois 
léopards.  H.  Gourdon  de  Genouillac. 

ÉCARTEMENT  (Menuis.).  Terme  employé  pour  désigner 
la  distance  qui  sépare  les  deux  parties  d'un  meuble  ou  l'in- 
tervalle de  deux  planchers.  On  calcule  l'écartement  des  pieds 
d'une  table,  de  même  que  celui  des  deux  bras  d'un  fauteuil. 
ÉCARTEUR  (V.  Taureau  [Courses]). 
ÉCATISSAGE  (Drap.).  Lorsque,  dans  la  fabrication  du 
drap,  on  a  procédé  au  décatissage,  qui  a  pour  but  d'enle- 
ver au  drap,  au  moyen  de  la  vapeur,  le  lustre  et  le  brillant 
produits  par  le  pressage  à  chaud,  il  arrive  parfois  que 
rétofiPe  s'est  ramollie  et  a  perdu  complètement  son  brillant  ; 
il  est  indispensable  alors  de  lui  rendre  sa  main  et  son  lustre 
par  un  pressage  à  froid  ;  cette  opération  porte  le  nom 
d'écatissase. 

ÉCAUSSEVILLE.  Com.  du  dép.  de  la  Manche,  arr.  de 
Valo^nes,  cant.  de  Montebourg;  442  hab. 

ÉCAUSSINES-d'Enghien.  Com.  de  Belgique,  prov.  de 
Hainaut,  arr.  de  Soignies;  6,500  hab.  Stat,  du  ch.  de  fer 
de  Bruxelles  à  Chimay.  Nombreuses  carrières  de  granit, 
de  pierres  à  chaux  et  de  pavés. 

ÉCAUVILLE.  Com.  du  dép.  de  l'Eure,  arr.  de  Louviers, 
cant.  du  Neubourg;  94  hab. 

ECBALLIUM  (Ecballium  A.  Rich.).  I.  Botanique.  — 
Genre  de  plantes  de  la  famille  des  Cucurbitacées,  dont  l'unique 
espèce,  E.   Elaterium.  A.  Rich.  (E.  agresta  Reichb.  ; 


Momordica  Elaterium  L.),  est  connue  sous  les  noms 
vulgaires  de  Concombre  sauvage,  C.  d'âne,  Cornichon 
d'attrape,  Giclet.  C'est  une  herbe  vivace,à  racine  épaisse, 
charnue,  blanchâtre,  à  tige  couchée,  ramifiée,  couverte, 
comme  toutes  les  parties  de  la  plante,  de  poils  blancs  et 
raides  et  portant  des  feuilles  alternes,  longuement  petio- 
lées,  dépourvues  de  vrilles,  à  limbe  ovale-triangulaire, 
fortement  cordé  à  la  base.  Les  fleurs,  de  couleur  jaune, 
sont  monoïques  ;  les  mâles  en  grappe,  les  femelles  soli- 
taires à  l'aisselle  des  feuilles.  Le  fruit  est  oblong,  charnu. 


Ecballium  Elaterium  A.  Rich  (rameau  fructifère), 


aqueux  à  l'intérieur.  A  la  maturité,  il  se  détache  brusque- 
ment du  sommet  de  son  pédoncule  et  présente  alors  un 
trou  basilaire  par  lequel  sont  projetés,  avec  élasticité,  les 
sraines  et  le  liquide  qui  les  accompagne.  —  LE.  Maie- 
Hum  croit  en  Orient  et  dans  les  lieux  arides  de  la  région 
méditerranéenne.  C'est  le  Cucumis  asm^m^s  des  anciennes 
pharmacopées.  Le  liquide  contenu  dans  son  fruit  est  doue 
de  propriétés  drastiques  énergiques.  On  en  préparait  au- 
trefois un  extrait  qui  a  joui  pendant  longtemps  d  une  cer- 
taine réputation  sous  le  nom  à'élatérium,      l^d.  Lef. 

II.  Thérapeutique.  -  Le  suc  du  fruit  de  1  Ecballium 
agreste  jouit  de  propriétés  purgatives  énergiques    dues  a 
la  présence  dans  ce  suc  d'un  principe  particulier,  l  elate- 
rine  ;  les  autres  parties  de  la  plante,  surtout  la  racine,^sont 
également  purgatives.  La  dose  de  la  racine  est  de  -  o  gr. 
pour  d,500  2r.  d'eau  qu'on  réduit  à  moitié  par  l  ebulhtion. 
Autrefois  on  préparait  avec  le  suc  du  fruit  le  produit  connu 
sous  le  nom  à'élatérium  ou  de  fécule  d'élaténum  qm  est 
tout  simplement  le  dépôt  formé  dans  le  suc  sèche  ;  1  elate- 
rium s'emploie  à  la  dose  de  5  à  25milligr.,  souvent  associe 
à  la  somme-^utte  et  à  la  jusquiame  ;  son  admmistration 
réclame  de  grandes  précautions.  Il  rend  de  grands  services 
comme  hydragogue  et  cathartique  dans  les  hydropisies  de- 
pendant  d'affections  du  cœur  ou  des  rems.  -  L  ^k^mn^, 
principe  cristallisable,  insoluble  dans  l'eau,  très  soluble  dans 
l'alcool,  peu  dans  l'éther,  neutre  aux  réactifs,  fusible  a 
200%  exerce  des  effets  purgatifs  à  la  dose  de  2  a  3  milligr.; 
on  l'emploiera  avec  prudence  en  granules  àl  nulligr.,  par 
exemple,  pris  successivement.  .M'^*,  "^*    , 

ECBATANE.  Nom  de  ville,  qui  tire  son  origine  d  un  mot 
perse  ancien,  Hagmatana,  littéralement  congressus,  réu- 
nion, d'où  les  Grecs  ont  fait  'AY6àxava  et  Ex6aTava,  en 
latin  Ecbatana.  Ce  nom  fut  porté  par  plusieurs  villes  de 
Perse  et  de  Médie.  ^  .  w      .«. 

1»  Quatre  villes  de  l'Orient  ont  seules  conserve  a  travers 
les  siècles,  sinon  leur  ancienne  splendeur,  au  moins  leur 
grande  importance  et  leur  antique  nom  célèbre.  Ce  sont 
Smvrne,  Jérusalem,  Damas  et  Ecbatane  de  Medie.  Cette 
ville,  qui  fut  la  capitale  de  l'empire  de  Médie,fut  fondée  par 
le  Touranien  Déjocès  dans  un  pays  arien,  et  reçut  le  nom 
Générique  à'Hagmatana,  qui  s'est  perpétué  jusqu  a  nos 
fours  dans  la  yilhàe  H amadan,  pour  son  importance  et  le 


—  U9  — 


ECBATANE  —  ECCHYMOSE 


nombre  de  ses  habitants  la  seconde  ou  la  troisième  grande 
ville  de  la  Perse  actuelle.  Elle  est  située  près  du  mont 
Elvend,  l'antique  Orontes,  où  Darius  fit  graver  un  texte 
trilingue. 

Le  premier  roi  de  la  dynastie  mède,  Déjocès  (V.  ce  nom) 
fonda  cette  ville  non  loin  du  mont  Elvend,  non  loin  des 
chaînes  de  montagnes  qui  séparent  la  Médie  du  bassin  du 
Tigre.  La  ville  était  située  sur  le  versant  d'une  colline  et 
entourée  de  sept  murs,  qui  furent  tous  visibles,  s'élevant 
en  forme  de  gradins  l'un  sur  l'autre  ;  chacune  de  ces  cir- 
convallations  avait  des  créneaux  d'une  couleur  différente. 
Hérodote  (1,  98)  nous  donne  l'ordre  suivant  :  noir,  blanc, 
écarlate,  bleu,  orange,  argent  et  or,  arrangé  d'après  un 
certain  ordre  de  classement  des  planètes  auxquelles  une 
couleur  était  consacrée.  L'enceinte  extérieure,  la  plus  basse, 
avait  250  stades  (48  kil.  5)  en  circonférence.  La  dernière 
enceinte,  la  plus  élevée,  entourant  la  ville  sacrée  et  royale, 
renfermait  le  palais  du  souverain  et  un  temple  du  Soleil  ; 
les  édifices  étaient  bâtis  en  bois  de  cèdre  et  de  cyprès;  tous  les 
toits  et  tous  les  chapiteaux  des  colonnes  étaient  couverts 
de  plaques  d'or  et  d'argent.  Nous  savons  par  les  textes 
babyloniens  qu'Ecbatane  était  la  capitale  d'Astyage  ;  la  ville 
et  le  palais  passèrent  sous  la  domination  des  rois  perses, 
qui  choisirent  ces  lieux  montagneux  et  aérés  pour  leur  ré- 
sidence d'été.  D'immenses  trésors  étaient  accumulés  dans 
cette  forteresse  entourée  de  sept  murs.  Alexandre  en  en- 
leva une  partie  en  331  ;  Séleucus  prit  Ecbatane  en  313  et 
la  pilla  :  mais  telle  fut  la  richesse  des  trésors  qu'un  siècle 
plus  tard  Antiochus  III  put  emporter  encore  pour  4,000  ta- 
lents d'argent,  c.-à-d.  26  millions  de  fr.  Les  rois  parthes 
l'enlevèrent  aux  Séleucides  vers  170  av.  J.-C,  et  choisirent 
Ecbatane  également  pour  leur  résidence  d'été;  les  Sas- 
sanides  semblent  l'avoir  délaissée,  mais  durant  le  moyen 
âge  elle  conserva  son  importance  sous  le  nom  de  Hama- 
dan.  La  ville  moderne  étant  bâtie  sur  le  site  de  l'antique 
capitale,  les  fouilles  à  Ecbatane  sont  devenues  impossibles, 
et  beaucoup  d'antiquités  remarquables  doivent  encore  être 
recelées  sous  les  constructions  nouvelles.  Quelques  chapi- 
teaux de  colonnes,  inscriptions  cunéiformes  et  un  lion  en 
pierre  sont  les  seuls  vestiges  de  l'antique  splendeur.  Les 
Juits  d'aujourd'hui ,  confondant  Suse  et  Ecbatane ,  regar- 
dent Hamadan  comme  représentant  cette  première  ville  et 
le  tombeau  de  Mardochée  et  d'Esther.  Une  grande  quantité 
de  petits  monuments,  monnaies,  pierres  gravées  des  temps 
postérieurs  sont  trouvés  sur  le  site  d'Ecbatane.  Pour  l'his- 
toire de  la  ville  moderne,  V.  Hamadan. 

On  a  discuté  souvent  sur  l'emplacement  de  la  capitale 
de  Médie,  qu'on  a  voulu  reconnaître  ailleurs  que  dans  ce 
pays  ;  mais  la  plupart  des  passages  montrent  (par  exemple 
Macch.,  H,  9,  8)  qu'Ecbatane  ne  peut  être  que  Hamadan. 
Le  nom  d'Ecbatane  se  trouve  aussi  dans  le  texte  d'Esdras 
(VI,  2)  sous  la  forme  à'Akhmata;  on  y  conservait  les 
archives  de  l'empire  perse,  et  spécialement  le  décret  de 
Cyrus  donnant  la  liberté  aux  Juifs. 

2*^  Quelques  auteurs  distingués,  surtout  sir  Henry  Raw- 
linson  (Royal  Asiatic  Society^  vol.  X,  i,  494),  ont  voulu 
admettre  une  ville  d'Ecbatane  en  Atropatène  ou  l'Azer- 
beidjan  près  des  ruines  sassanides  de  Takht-i-Suleimcm 
à  lat.  N.  36«  28';  long.  E.  de  Paris,  34«!48^  C'est  l'an- 
tique Gazaka  ou  Canzaka,  lequel  nous  dénote  en  effet  une 
ville  de  trésors.  Elle  était  florissante  durant  les  temps  du 
kalifat,  et  fut  saccagée  par  les  Mongols  au  commencement 
du  xni®  siècle.  Des  ruines  très  importantes,  entourées  d'une 
circonvallation,  dénotent  la  grande  importance  de  la  ville 
qui,  dans  les  écrits  orientaux,  s'appelle  Shis.  Il  est  dou- 
teux que  cette  ville  se  soit  jamais  nommée  Ecbatane. 

30  Pline  (Flist,  nat.,  VI,  29)  parle  d'une  Ecbatane  des 
Mages,  aux  confins  orientaux  de  la  Perside,  qui,  selon  le 
texte  obscur  de  l'auteur  latin,  fut  transportée  par  Darius 
dans  les  montagnes. 

¥  Le  nom  d'Ecbatane,  avec  la  forme  plus  ancienne 
et  plus  correcte  d'Agbatane  d'Hérodote,  d'Eschyle  et  de 
Ctésias,[est  appliqué  à  une  ville  de  Syrie.  Hérodote  (III,  64) 


raconte  que  Cambyse  avait  évité  la  ville  d'Ecbatane,  parce 
qu'un  oracle  de  la  ville  de  Buto  lui  avait  prédit  qu'il  mour- 
rait dans  cette  ville.  Blessé  en  Syrie  en  revenant  d'Egypte, 
il  demanda  comment  s'appelait  la  ville  où  il  se  trouvait. 
On  lui  répondit  que  le  nom  en  était  Agbatane,  et  il  aurait 
conclu  que  sa  fin  était  venue  et  qu'il  s'était  trompé  sur  le 
compte  de  la  capitale  mède.  Il  est  probable  que  cette  ville 
est  la  ville  de  Hamat,  qui,  prononcée  Hâmatavec  un  h  fort, 
pouvait  être  prise  pour  Hagmatane,  d'autant  plus  que  les 
Juifs,  comme  nous  l'avons  dit,  nomment  Ecbatane  de  Médie 
Achmata,  Ce  conte,  peut-être  inventé,  ne  contient  pour- 
tant rien  qui  soit  impossible.  J.  Oppert. 

ECBERT,  archevêque  d'York  (V.  Egbert). 

ECCARD  (Johann),  compositeur  allemand,  né  à  Muhl- 
hausen  (Thuringe)  en  1553,  mort  à  Berlin  en  1611.  Elève 
de  Joachim  de  Burgk,  avec  lequel  il  collabora,  puis  d'Orlando 
Lasso  à  Munich,  il  visita  l'Italie,  entra  au  service  de 
Jakob  Fugger  à  Augsbourg  (1578),  puis  à  celui  du  duc  de 
Prusse  à  Kœnigsberg  (1583),  où  il  fut  adjoint  puis  succes- 
seur (1599)  du  maître  de  chapelle  Riccius.  Pris  avec  ce 
titre  par  l'électeur  de  Brandebourg,  il  vint  à  Berlin  en  1608. 
Il  a  encore  la  réputation  d'un  des  plus  illustres  compo- 
siteurs allemands  de  musique  sacrée.  Parmi  ses  œuvres  on 
remarque  surtout  :  Geistliche  Lieder,  deux  livres  de  chant 
rehgieux  à  5  voix  sur  des  chorals  (Kœnigsberg,  1597, 
2  parties)  et  Pi^eussicke  Festlieder  à  5,  6,  7  et  8  voix 
(Kœnigsberg,  1598,  2  parties)  ;  ces  chants  ont  été  réédités 
par  Stobaeus  (Danzig,  1634-44)  et  par  Teschner  (Leipzig, 
1858-60).  C'est  Eccard  qui  le  premier  dans  ces  œuvres 
donna  au  choral  luthérien  le  caractère  de  grand  art. 
L'Eghse  réformée  a  conservé  un  grand  nombre  de  petites 
compositions  d'Eccard,  et,  de  nos  jours,  on  en  a  remis  en 
lumière  auxquelles  le  caractère  de  poésie  populaire  prête 
un  grand  charme.  Nous  citerons  parmi  ses  recueils  :  XX 
Cantiones  sacrœ  Helmboldi  (Muhlhausen,1574)  ;  Neuwe 
teutsche  Lieder  mit  vierund  fûnf  Stimmen  ganz  liehlich 
zusingen  (Muhlhausen,  1578)  ;  Crepundia  sancti  Helm- 
boldi (Muhlhausen,  1596  ;  Erfurt,  1608). 

ECCHELLENSIS  (Abraham),  savant  maronite,  mort  à 
Rome  en  1664.  H  fut  élevé  au  collège  des  Maronites  à 
Rome,  puis  enseigna  le  syriaque  et  l'arabe  à  la  Propagande. 
En  1640,  il  passa  un  an  à  Paris  pour  collaborer  à  la  Bible 
polyglotte  de  Le  Jay.  Vers  1646,  il  fut  nommé  professeur 
d'arabe  et  de  syriaque  au  Collège  de  France,  mais  fut 
rappelé  à  Rome  en  1652  et  y  mourut  très  âgé.  Parmi  ses 
ouvrages,  assez  superficiels,  il  suffit  de  citer  une  Gram- 
maire syriaque  (Rome,  1628);  une  édition  des  œuvres  de 
saint  Antoine  (Paris,  1641  et  1646)  et  sa  polémique  contre 
J.  Selden,  dans  Eutychius...  vindicatus  (Rome,  1661, 
in-4).  F.-H.  K. 

ECCHONDROSE  (Pathol.).  Tumeur  de  nature  cartilagi- 
neuse qui  se  développe  sur  les  os,  au  niveau  des  cartilages 
normaux  ;  c'est  une  hypertrophie  (néoformation)  partielle 
et  limitée  de  cartilages  préexistant  normalement.  Il  ne  faut 
pas  confondre  l'ecchondrose  avec  le  chondrome  ostéoïde, 
qui  est  formé  exclusivement  de  tissu  ostéoïde  ou  spongoïde 
sans  mélange  d'éléments  cartilagineux.  Ces  deux  sortes  de 
tumeurs  se  distinguent  nettement  des  chondromes  et  des 
enchondromes,  dont  l'étude  est  faite  au  mot  Enchondrome. 

ECCHYMOSE  (Pathol.).  On  donne  le  nom  d'ecchymose 
à  Textravasation  sanguine  qui  se  produit  dans  le  tissu  cel- 
lulaire à  la  suite  d'un  coup,  d'une  ligature  trop  serrée  ou 
de  toute  autre  cause  susceptible  de  déterminer  la  rupture 
des  petits  vaisseaux  sanguins.  L'aspect  sous  lequel  se  pré- 
sente l'ecchymose  varie  suivant  le  moment  où  l'on  l'observe 
et  suivant  la  place  qu'elle  occupe.  Sur  la  peau,  la  tache 
ecchymotique  est  d'abord  bleuâtre,  puis  verdàtre  ou  plom- 
bée, ensuite  violacée,  jaune  en  dernier  lieu.  Au  niveau  de 
la  conjonctive  et,  d'une  façon  générale,  au-dessous  de  toutes 
les  muqueuses,  l'ecchymose  est  de  suite  d'un  rouge  vif; 
sa  couleur  va  ensuite  en  s' atténuant  insensiblement.  La  ri- 
chesse vasculaire  du  tissu  lésé,  la  nature  du  traumatisme, 
la  constitution  du  sujet,  son  âge  et  diverses  autres  circons- 


ECCHYMOSE  —  ECCLÉSIASTE 


-  250 


tances  peuvent  influer  sur  la  marche,  l'aspect  et  la  durée  de 
la  lésion.  On  peut  dire  cependant  d'une  façon  générale  que 
la  coloration  bleuâtre  apparaît  du  deuxième  au  troisième 
jour,  lorsqu'il  s'agit  d'une  contusion  de  la  peau  ;  la  cou- 
leur verdâtre  ou  plombée  apparaît  dans  ce  cas  vers  le  cin- 
quième ou  sixième  jour;  la  teinte  jaunâtre  vers  le  septième 
ou  huitième  jour.  L'ecchymose  sous-cutanée  disparaît  à  peu 
près  complètement  vers  le  douzième  jour.  S'agit-il  d'une 
violence  ayant  intéressé  les  parties  profondes,  ayant  pro- 
duit par  exemple  une  rupture  musculaire  ou  la  fracture 
d'un  os,  il  se  peut  alors  que  la  peau  ne  présente  aucune 
trace  de  traumatisme  pendant  plusieurs  jours  ;  ce  n'est  guère 
en  effet  que  vers  le  cinquième  ou  sixième  jour,  quelquefois 
même,  lequinzième,  que  l'ecchymose  commence  à  se  montrer. 
Dans  ce  cas,  elle  peut  apparaître  à  une  distance  assez 
éloignée  de  la  lésion,  le  sang  épanché  dans  les  tissus  profonds 
ayant  suivi  une  gaine  musculaire  ou  gUssé  le  long  d'une  aponé- 
vrose. —  Le  diagnostic  et  le  pronostic  des  ecchymoses  ont 
une  grande  importance  en  médecine  légale  ;  or,  les  difficultés 
que  rencontre  l'expert  sont  plus  sérieuses  qu'il  ne  paraît 
au  premier  abord.  On  a  vu  plus  haut  qu'une  ecchymose 
pouvait  se  produire  une  quinzaine  de  jours  après  le  trau- 
matisme; inversement,  une  extravasation  sanguine  très 
étendue  peut  s'observer  à  la  suite  d'une  contusion  sans  gra- 
vité. Quelques  sujets  ont  des  ecchymoses  pour  les  causes 
les  plus  minimes;  le  fait  s'observe  même  particulièrement 
chez  certaines  femmes  à  la  peau  délicate  dont  le  sein  se 
marbre  d'ecchymoses  consécutives  à  des  pressions  ou  à  des 
pincements  qu'on  ne  saurait  cependant  qualifier  de  vio- 
lences. Des  ecchymoses  nombreuses  et  étendues  peuvent 
également  être  le  fait  d'un  état  morbide  grave  (affections 
adynamiques,  scorbut,  etc.).  Il  n'est  pas  enfin  jusqu'à  cer- 
taines taches  congénitales  ou  encore  certaines  affections 
cutanées  qui  ne  peuvent  parfois  en  imposer  pour  des  ecchy- 
moses. L'examen  détaillé  et  complet  du  sujet,  le  siège,  la 
forme  et  le  nombre  des  ecchymoses,  leur  marche,  leur  durée 
ainsi  que  les  diverses  circonstances  du  cas  observé  per- 
mettent d'établir  le  diagnostic.  Fait  important,  il  est  im- 
possible de  produire  une  ecchymose  sur  un  cadavre,  en 
dehors  de  quelques  rares  '.as  bien  spécifiés  ;  c'est  donc  là 
un  signe  d'autant  plus  précieux  pour  le  médecin-légiste,  que 
l'incision  de  la  tache  suspecte  permet  d'en  reconnaître  la 
nature  sans  difficulté.  Le  traitement  de  l'ecchymose  est  celui 
de  la  contusion  (V.  ce  mot)  si  elle  est  la  suite  d'une  violence. 
L'ecchymose  de  cause  interne,  étant  secondaire,  nécessite  le 
traitement  de  l'affection  dont  elle  dépend.    D"^  Alphândéry. 

ECCICA-SuARELLA.  Com.  du  dép.  de  la  Corse,  arr. 
d'Ajaccio,  cant.  de  Bastelica;  705  hab. 

ECCILIA  (Bot.).  Genre  de  Champignons  de  la  famille  des 
Agaricinées,  à  chapeau  submenibraneux,  souvent  ombiliqué, 
à  marge  primitivement  infléchie,  à  lamelles  atténuées  en 
arrière  et  décurrentes,  à  spores  roses,  à  stipe  cartila- 
gineux, continu  avec  le  chapeau.  Nombreuses  espèces, 
terrestres  sauf  une  ou  deux.  H.  F. 

ECCLEFECHAN.  Village  d'Ecosse,  comté  de  Dumfries, 
dans  l'Annandale  ;  patrie  de  Th.  Carlyle. 

ECOLES.  Com.  du  dép.  du  Nord,  arr.  d'Avesnes,  cant. 
de  Solre-le-Château  ;  445  hab. 

ECOLES.  Ville  d'Angleterre,  comté  de  Lancastre,  sur 
rirwell,  à  7  kil.  0.  de  Manchester;  21,758  hab.,  en  y 
comprenant  les  localités  voisines  de  Barton,  Winton,  Mouton 
et  Patricroft.  Dans  cette  dernière  est  la  fonderie  Bridgwater 
illustrée  par  ISasmyth  (V.  ce  nom). 

ECCLESALL-BiERLOw.  Faubourg  de  Sheffîeld;  53,280 
hab.  (V.  Sheffîeld). 

ECCLESFIELD.  Ville  d'Angleterre,  comté  d'York, 
West-Riding,  à7  kil.  N.  de  Sheffîeld;  21,458  hab.  Aciéries, 
coutellerie. 

ECCLESHALL.  Ville  d'Angleterre,  comté  de  Stafford, 
près  du  Sov^,  affluent  du  Trent;  5,708  hab.  Tannerie,  cor- 
donnerie. Dans  son  église  se  réfugia  la  reine  Marguerite, 
après  la  bataille  de  Bloreheath  (1459). 


ECCLESHILL.  Ville  d'Angleterre,  comté  d'York,  près 
de  Bradfqrd  ;  7,037  hab.  Tannerie,  cordonnerie. 

ECCLÉSIARQUE.  On  appelait  ainsi  chez  les  Orientaux 
un  officier  chargé  du  service  général  d'une  éghse  et  de  la 
garde  de  ce  qu'elle  contenait.  C'était  lui  qui  convoquait  le 
peuple  pour  les  services  religieux.  Les  fonctionnaires  infé- 
rieurs de  l'église  étaient  placés  sous  son  autorité. 

ECCLÉSIASTE.  Livre  appartenant  à  la  troisième  sec- 
tion de  la  Bible  hébraïque  et  qui  se  donne  pour  l'œuvre 
du  Qohéleth,  c.-à-d.  du  prédicateur,  «  fils  de  David,  roi 
de  Jérusalem  ».  Par  là  et  par  d'autres  traits  se  trouve 
désigné  Salomon  avec  une  suffisante  clarté  ;  mais,  comme 
il  ne  peut  pas  être  question  de  faire  remonter  au  x^  siècle 
avant  notre  ère  un  écrit  dont  la  langue  et  les  idées  domi- 
nantes trahissent  l'origine  relativement  récente,  il  appa- 
raît que  l'écrivain  a  usé  du  pseudonymat,  si  volontiers  em- 
ployé par  les  docteurs  juifs  aux  siècles  qui  avoisinent  la 
naissance  du  christianisme.  M.  Segond  a  donné  de  VEcclé- 
siaste  une  analyse  exacte  et  judicieuse  dont  nous  reprodui- 
rons les  données  essentielles. 

VEcclésiaste  est  un  ouvrage  philosophico-didactique 
dans  lequel  l'auteur,  conversant  avec  lui-même,  donne  le 
résultat  de  ses  méditations  et  de  ses  expériences  sur  la 
vanité  des  choses  du  monde.  Le  contenu  du  livre,  malgré 
les  difficultés  qu'il  soulève,  témoigne  en  faveur  d'un  seul 
auteur  et  d'une  certaine  unité  dans  la  tractation  du  sujet. 
Mais,  si  l'on  est  conduit  à  reconnaître  un  seul  auteur,  cela 
ne  veut  pas  dire  que  tout  lui  appartienne  en  propre 
comme  création  première.  De  même,  par  unité  de  compo- 
sition, il  ne  faut  pas  entendre  un  tout  bien  coordonné,  une 
connexion  étroite  et  logique  entre  les  diverses  parties.  Au 
contraire,  on  remarque  des  pensées  qui  se  heurtent,  des 
incohérences  et  des  contradictions,  et  l'on  aperçoit  clai- 
rement les  irrésolutions  du  philosophe.  «  Tout  est  vanité  », 
telle  est  la  thèse  principale,  développée  dans  une  série 
d'observations  sur  la  vie  humaine,  ses  misères  et  ses  peines 
comme  aussi  ses  plaisirs  et  ses  joies.  Dans  tout  ce  qui  se 
passe  sous  le  soleil,  il  n'y  a  que  «  vanité  et  poursuite  du 
vent  ».  Les  tourments  qu'on  se  donne  pour  acquérir  de  la 
richesse  sont  une  gêne  et  une  folie  ;  les  plaisirs  ne  sont 
pas  un  moyen  sûr  d'arriver  au  bonheur,  le  juste  est  sou- 
vent malheureux,  le  méchant  prospère  ;  la  science  accroît 
les  chagrins,  la  sagesse  profite  plus  à  autrui  qu'à  ceux  qui 
la  possèdent  :  rien  de  mieux  que  de  manger,  boire  et  se 
réjouir,  de  mener  une  vie  gaie  et  exempte  de  soucis  avant 
que  la  vieillesse  arrive  avec  ses  infirmités.  Et  pourtant,  si 
ne  pas  jouir  est  un  mal,  la  jouissance  ne  procure  pas  sa- 
tisfaction complète.  Rien  de  nouveau  sous  le  soleil,  et  tout 
ce  qui  arrive  a  son  temps  fixé  par  Dieu  ;  puisqu'il  en  est 
ainsi,  le  mieux  consiste  à  prendre  les  choses  comme  elles 
sont,  à  s'accommoder  d'un  bien-être  éventuel  et  relatif  : 
cela  même  est  un  don  de  Dieu.  En  résumé,  l'auteur  a  re- 
connu par  expérience  que  tout  est  vanité,  et  il  a  examiné 
la  vie  sous  toutes  ses  faces  pour  rechercher  le  meilleur 
parti  à  en  tirer  :  c'est  là  son  but.  Il  a,  pour  ainsi  dire,  con- 
versé avec  lui-même,  approuvant  et  désapprouvant,  exagé- 
rant et  s'adoucissant,  attaquant,  contredisant,  affirmant, 
puis  se  réfutant  en  quelque  sorte.  Lassé  de  la  lutte,  il  con- 
clut de  nouveau  que  tout  est  vanité  et,  s'embarrassant  peu 
du  lien  logique,  il  déduit  «  la  crainte  de  Dieu  et  l'obser- 
vation de  ses  commandements  »  comme  conséquence  de 
tout  son  discours.  —  Le  contraste  sensible  que  présente 
VEcclésiaste  comparé  à  l'ensemble  des  livres  bibliques  a 
donné  lieu  parfois  à  des  jugements  excessifs.  Ce  curieux 
traité  est  l'œuvre  non  d'un  sceptique,  mais  d'un  pessimiste  ; 
l'auteur,  à  la  vue  du  triste  spectacle  que  lui  offre  la  société 
contemporaine,  a  perdu,  non  les  croyances  de  ses  ancêtres, 
mais  leur  enthousiasme  et  leur  sainte  confiance  en  un  avenir 
meilleur.  Tout  engage  à  placer  la  composition  de  l'œuvre 
au  n°  siècle  avant  notre  ère.  M.  Vernes. 

BiBL.  :  Knobel,  Commentar  ueber  das  Buch  Koheleth  ; 
Leipzig,  1836.  —  Hitzig,  Der  Prediger  Salomo  ;  Leipzig, 
1847;  nouv.  édit.,  par  Nowack,  Leipzig,  1883.  —  Hengsten- 
BERG,  Der  Prediger  Salomo   ausgelegt;  Berlin,  1859.  — 


254  — 


ECCLÉSIASTE  —  ÉCHAFAUD 


H.  Graetz,  Kohelet  oder  der  Salomonische  Prediger  kn- 
tisch  erlâutert;  Leipzig,  1871.  —  Delitzsch,  Der  Prediger 
und  das  tiohe  Lied;  Leipzig,  1875.  —  Ed.  Reuss,  Pfnjoso- 
pliie  religieuse  et  morale  des  Hébreux  ;  Pans,  1878.  — 
L.  Segond,  Ecclésiaste,  dans  Encyclopédie  des  sciences 
religieuses;  Paris,  1878,  t.  IV.  —  J.  Derenbourg,  iVo^es 
détachées  sur  VEcclésiaste,  dans  Revue  des  Etudes  juives, 
cahier  d'oct.-déc.  1880.—  C.  Bruston,  le  Prétendu  Epicu- 
risme  de  VEcclésiaste,  dans  Revue  théologique  de  Mon- 
tauban,  n»  de  oct.-déc.  1881.  —  E.  Renan.  VEcclésiaste, 
traduit  de  Vhébreu  avec  une  élude  sur  Vâge  et  le  carac- 
tère du  livre;  Paris,  1882.  —  M.Vernes,  Bulletin  critique 
de  la  religion  juive,  dans  Revue  de  Vhisloire  des  religions  ; 
Paris,  1882,  t.  VL  —  H.  Bois,  Essai  sur  les  origines  de  la 
philosophie  judéo-alexandrine  ;  Paris,  1890. 

ECCLÉSIASTIQUE.  L'un  des  livres  apocryphes  ou  deii- 
térocanoniques  de  la  Bible,  composé  originairement  en  hé- 
breu, et  dont  nous  ne  possédons  que  la  traduction  grecque. 
Le  véritable  titre  de  l'ouvrage  est  Sagesse  de  Jésus,  fils 
de  Sirac,  et,  sous  une  forme  abrégée,  le  Siracide.  C'est  un 
Hvre  de  philosophie  morale,  sorte  de  recueil  de  préceptes 
rappelant  en  quelque  mesure  le  livre  des  Proverbes.  Bien 
que  l'œuvre  présente  une  incontestable  unité  d'auteur  et 
d'inspiration,  «  iln'y  a  pas  lieu,  remarque  justement  Reuss, 
de  parler  d'un  plan  régulièrement  conçu  d'avance  et  dispo- 
sant les  différentes  matières  à  traiter  d'après  un  ordre  naturel 
et  logique.  Il  n'y  a  pas  la  moindre  trace  d'une  pareille  pré- 
occupation de  la  part  de  l'auteur.  Il  passe  d'un  sujet  à 
l'autre  sans  qu'on  entrevoie  le  moins  du  monde  ce  qui  a 
pu  en  décider  le  choix,  ou  par  quelle  association  d'idées  des 
éléments  hétérogènes  ont  pu  se  trouver  ensemble.  »  Nous 
signalerons  tout  particulièrement  l'éloge  de  la  sagesse  et 
la  récapitulation  des  héros  de  l'histoire  d'Israël.  Le  livre, 
composé  en  Palestine  dans  la  première  moitié  du  ii®  siècle 
avant  notre  ère,  autant  qu'il  paraît,  a  été  traduit  en  grec 
une  soixantaine  d'années  plus  tard  par  les  soins  du  petit- 
fils  de  l'auteur,  fixé  en  Egypte.  C'est  une  œuvre  distinguée 
déforme  et  d'une  inspiration  morale  soutenue,  précieuse 
pour  nous  faire  connaître  les  croyances  des  Juifs  palesti- 
niens et  l'état  de  la  science  religieuse  et  morale  des  doc- 
teurs de  la  loi  à  l'époque  qui  précède  immédiatement  l'in- 
surrection des  Machabées.  «  L'auteur  de  V Ecclésiastique, 
dit  Michel  Nicolas,  ne  connaît  en  aucune  façon  ni  les 
méthodes  artificielles  d'interprétation  qui  permirent  aux 
docteurs  de  la  loi  de  découvrir  dans  les  écrits  mosaïques 
des  sens  cachés  et  des  mystères  dont  on  ne  s'était  pas  douté 
jusqu'alors,  ni  la  réglementation  à  outrance  dans  laquelle 
la  vie  tout  entière  de  risraéhte  finit  par  être  enfermée, 
ni  l'importance  exagérée  qu'on  donna  aux  prescriptions 
cérémonielles,  ni  les  développements  extraordinaires  que 
reçurent  les  anciennes  espérances  messianiques.  »  C'est, 
en  un  mot,  une  œuvre  saine,  sobre  et  forte;  Jésus,  fils 
de  Sirac,  s'y  montre  le  digne  disciple  et  continuateur 
des  écrivains  prophétiques,  dont  il  a  profondément  médité 
les  écrits.  M.  Vernes. 

BiBL.  :  M.  Nicolas,  Des  Doctrines  religieuses  des  Juifs 
pendant  les  deux  siècles  antérieurs  à  Vère  chrétienne  ; 
Paris,  1860;  2«  éd.,  1866.  —  Ed.  Reuss,  Philosophie  reli- 
gieuse et  morale  des  Hébreux;  Paris,  1878.—  II.  Bois, 
Essai  sur  les  origines  de  la  philosophie  judéo-alexandrine; 
Paris,  1890. 

ECCLÉSIASTIQUE.  Ce  mot  désigne  en  général  les  per- 
sonnes et  les  choses  qui  appartiennent  à  l'Eglise.  Les  per- 
sonnes ecclésiastiques  sont  aussi  appelées  cleirs.  Dans 
l'usage,  les  deux  noms  comprennent  pareillement  toutes  les 
personnes  qui  sont  destinées  au  service  de  l'EgUse,  depuis 
le  plus  haut  dignitaire  jusqu'au  simple  tonsuré  (V.  Clerc 
et  Clergé). 

ECCREfû00^HPUS{EccremocarpusK.BtV3i\.){BoL). 
Genre  de  plantes  de  la  famille  des  Bignoniacées  et  du 
groupe  des  Jacarandées ,  composé  de  sous -arbrisseaux 
grimpants,  à  feuilles  opposées,  pennées,  avec  les  folioles 
incisées  et  le  pétiole  terminé  par  une  vrille  simple  ou 
ramifiée.  Les  fleurs,  de  couleur  jaune  ou  rouge,  sont  dis- 
posées en  grappes  lâches  ;  la  corolle  ,^  tubuleuse,  est 
rétrécie  au  niveau  de  la  gorge  ;  les  étamines,  au  nombre 
de  quatre,  sont  didynames,  et  le  fruit,  capsulaire,  s'ouvre 
en  deux  valves  pour  laisser  échapper  des  graines  entourées 


d'une  aile  transparente.  L'espèce  type,  E.  scaber  R.  et 
Pav.  (Calampelis  scabra  Don),  est  originmre  du  Chili.  On 
la  cultive  fréquemment  dans  les  jardins  comme  ornemen- 
tale; ses  fleurs  sont  orangé.  Ed.  Lef. 

ECDICIUS.  Nom  de  deux  seigneurs  gaulois  du  v®  siècle. 
L  Sozomène  raconte  qii'Ecdicius,  le  père  de  l'empereur 
Avitus,  seigneur  gaulois  originaire  de  Nîmes,  tua,  après  le 
siège  d'Arles,  en  411,  son  ami  Ecdobic,  général  du  tyran 
Constantin,  qui  s'était  réfugié  auprès  de  lui,  après  avoir 
été  vaincu  par  Ulphilas  et  Constance,  les  généraux  de 
l'empereur  Honorius.  Constance,  auquel  le  meurtrier  pré- 
senta la  tête  d'Ecdobic,  lui  défendit  de  rester  dans  son 
camp,  de  peur  que  la  présence  d'un  homme  aussi  misé- 
rable n'y  causât  quelque  malheur. 

II.  Ecdicius  que  Sirmond,  d'après  Jornandès,  fait  fils 
d'Avitus  et  par  conséquent  petit-fils  du  précédent,  était  le 
frère  de  Papianilla,  la  fille  de  cet  empereur,  mais  proba- 
blement le  fils  d'un  autre  père.  Sous  l'empereur  Anthé- 
mius,  il  commandait  la  cavalerie  en  Gaule  lors  de  l'invasion 
des  Yisigoths  sous  Eurik  ;  mais  il  se  distingua  surtout  en 
474  pendant  le  siège  de  Clermont-Ferrand  (V.  ce  mot). 
L'empereur  Jules  Nepos  le  nomma  patrice  romain.  Sidoine 
Apollinaire,  l'époux  de  sa  sœur  Papianilla,  qui  lui  dédia 
deux  de  ses  épîtres,  dit  dans  l'une  d'elles  qu'il  reçut  ce 
titre  tôt  pour  son  âge,  mais  trop  tard  pour  les  services 
qu  il  avait  rendus.  Ecdicius  mourut  à  Rome,  où  il  s'était 
rendu  après  avoir  été  nommé  patrice.  D'après  une  légende, 
rapportée  par  Grégoire  de  Tours,  il  aurait  pourvu  à  la 
subsistance  de  plus  de  quatre  mille  personnes  pendant  une 
famine  qui  ravagea  la  Gaule.  L.  W. 

BiBL.  ■  I.  Sozomène,  Hist.,\.  IL- Le  Nain  de  Tillemont, 
Hist.  des  empereurs',  Bruxelles,  1710,  V.  —  IL  Sidonius 
Apollinaris,  EpisL,  L  111,  3.  -  Grégoire  de  Tours, 
Hist,  des  Francs,  éd.  Omont  ;  Pans,  188b,  H,  xvi  {U). 
—  Le  Nain  de  Tillemont,  Hist.  des  emper,,  VL  —  Le 
Mercure  de  France,  avr.  1761. 

ECDOTIQUE  (V.  Critique  des  textes). 

i  Eauiv         C^^H^^AzO^ 

ECGONINE  (Chim  ).  Form.   j  ^^^^''\     Cm^'^AzO^ 

Base  artificielle  obtenue  par  Wœhler  en  chauffant  en 
tubes  scellés  à  100^  la  cocaïne  avec  de  l'acide  chlorhy- 
drique  concentré  :  il  y  a  fixation  d'eau  et  production  d'al- 
cool méthylique,  d'acide  benzoïque  et  d'ecgonine  (exyovoç, 
fils),  d'après  l'équation  suivante  : 

c^^r-^AzO^ + mwz=:  cmw + c^^ii^o^ + ^L^è^ 

^^'^^^^^^  AlSoÏÏr        Acide  Ecgoiiine 

oocaine  niôth.  benz.  ^ 

L'ecgonine  cristallise  en  prismes  rhomboïdaux  obliques, 
incolores,  brillants,  avec  une  molécule  d'eau  de  cristaUisa- 
tion.  Elle  est  très  soluble  dans  l'eau,  peu  dans  l'alcool  con- 
centré, insoluble  dans  l'éther;  sa  saveur  est  douceâtre,  fai- 
blement amère.  Chauffée  graduellement,  elle  se  déshydrate, 
puis  fond  à  198°  en  se  décomposant.  C'est  une  base  faible, 
sans  action  sur  les  réactifs  colorés,  donnant  cependant  un 
chlorhydrate  bien  cristallisé.  —  Le  chloroplatinate,  qui 
est  rouge  orangé,  cristallise  en  prismes  peu  solubles  dans 
l'alcool,  très  solubles  dans  l'eau  (Lossen).  Ed.  B. 

BiBL.  :  LossEx,  Rech.  sur  la  cocaïne,  Soc.  ch.,  t.  IV, 
293.  _  Wœhler,  Action  de  Vacide  chlorhydrique  sur  la 
cocaïne,  Ann.  ch.  et  phys.,  t.  LXV,  2'à'ô  (3). 

ÉCHAFAUD.  I.  Construction.  —  Ouvrage  de  charpente 
provisoire,  consistant  en  un  ou  plusieurs  planchers  et  ser- 
vant à  l'exécution  de  travaux  de  construction.  Les  écha- 
fauds  peuvent  être  fixés  à  la  construction  même  qu'ils  servent 
à  élever  ou  seulement  juxtaposés  à  cette  construction  et  par- 
fois portés  sur  des  plates-formes  mobiles,  ou  encore,  et  sur- 
tout dans  le  cas  de  travaux  de  réparation,  ils  peuvent  ne 
consister  qu'en  parties  de  plancher  maintenues  enéquiUbre 
ou  en  cages  de  bois  ou  de  fer,  ces  dernières  suspendues  à 
des  cordages  ou  à  des  chaînes.  Pour  la  construction  des 
édifices  publics  qui  peut  durer  plusieurs  années,  on  em- 
ploie, dans  les  échafaudages  formés  d'une  série  continue 
d'échafauds,  des  bois  de  charpente  équarris,  souvent  assem- 
blés, reliés  à  l'aide  de  boulons  et  de  chevilles,  avec  plan- 
chers soigneusement  établis  et  auxquels  on  accède  par  de 


ÉCHAFAUD  —  ECHAGUE  —  252 

véritables  escaliers;  mais,  pour  la  construction  de  maisons 
ordinaires,  on  se  sert,  le  plus  souvent,  d'échafaudages  plus 
légers  consistant  en  pièces  de  bois  verticales  (baliveaux  ou 
échasses)  scellées  à  leur  extrémité  inférieure  dans  le  sol, 
et  en  pièces  horizontales  (boulins),  perpendiculaires  aux 
premières  et  scellées  à  une  extrémité  dans  le  mur  en  cons- 
truction, lesdites  pièces,  baliveaux  et  boulins,  reliées  entre 
elles  par  des  traverses  parallèles  au  mur  et  toutes  ces 
pièces  fixées  solidement  à  leurs  points  de  rencontre  par 


des  nœuds  de  cordages.  Dans  les  travaux  de  moindre  im- 
portance, telles  que  réparations  à  apporter  à  un  étage 
d'une  maison  existante,  on  installe  souvent  des  échafau- 
dages dits  à  bascule,  pour  la  construction  et  l'équiHbre 
desquels  on  se  sert  des  appuis  des  fenêtres  et  des  planchers 
et  des  plafonds  intérieurs  de  l'étage  où  Ton  doit  travailler.  — 
Les  échafaudages  ont,  à  toutes  les  époques,  fait  l'objet  d'étu- 
des spéciales  de  la  part  des  constructeurs,  et  quelques-unes 
de  ces  études  sont  venues  jusqu'à  nous.  Dans  l'antiquité  ro- 


Échafaudage  ayant  servi  pour  la  construction  de  la  colonnade  du  Louvre,  d'après  une  gravure  de  Séb.  Leclerc. 


maine  et  au  moyen  âge,  il  est  vrai,  les  échafauds  étaient 
souvent  liés  à  la  construction,  faisaient  corps  et  s'élevaient 
avec  elle,  au  fur  et  à  mesure  de  ses  besoins  et,  par  suite, 
avaient  généralement  moins  d'importance  que  de  nos  jours  ; 
mais  on  a  vu,  depuis  la  Renaissance,  certains  échafaudages 
faire  grand  honneur  à  l'imagination  des  maîtres  d'œuvre 
qui  les  ont  conçus.  C'est  ainsi  qu'un  dessin  du  musée  des 
Offices  nous  a  conservé  la  composition  de  l'échafaudage 
imaginé  par  Brunellesco  pour  la  construction  de  la  lan- 
terne de  26  m.  de  haut  destinée  à  couronner  le  Dôme  de 
Florence  (Eug.  Mûntz,  Hist.  de  l'art  pendant  la  Pie- 
naissance^  t.  I,  p.  447);  qu'une  gravure  de  Séb.  Leclerc, 
d'après  Cl.  Perrault,  reproduit  l'échafaudage  imaginé  par 
cet  archilecte  et  reproduit  par  Ponce  Cliquet  pour  élever 
les  deux  pierres  formant  la  cimaise  au-dessous  du  fronton 
de  couronnement  de  la  partie  centrale  de  la  colonnade  du 
Louvre  à  Paris,  et  que,  plus  récemment,  dans  cette  ville, 
les  travaux  de  restauration  du  dôme  des  Invalides,  dirigés 
par  M.  Crépinet  et  ceux  de  la  façade  de  l'église  Saint- 
Gervais,  dirigés  par  M,  Calliat,  ont  donné  lieu  à  des  écha- 
faudages intéressants,  dont  le  dernier  môme  est  gardé,  à 
l'état  de  modèle,  au  musée  du  Conservatoire  des  arts  et 
métiers.  —  Les  échafaudages  à  élever  sur  la  voie  publique 
sont  soumis,  à  Paris,  à  la  demande  d'une  permission  et 
au  payement  de  droits  de  voirie,  ainsi  qu'à  une  régle- 
mentation spéciale,  cette  dernière  en  partie  relative  aux 


précautions  à  prendre  pour  assurer  la  sécurité  des  ouvriers, 
prescriptions  dont  les  principales  sont  contenues  dans  l'or- 
donnance du  préfet  do  police  du  12  mai  1881.  Charles  Lucas. 

II.  Pêche.  —  On  nomme  ainsi  le  hangar  en  bois  sur 
lequel  à  Terre-Neuve  on  décharge  et  on  prépare  la  morue. 

m.  Pénalogie  (V.  Guillotine  et  Exécuteur  des  hautes 
oeuvres). 

BiBL.  :  Construction.  —  P.  Chabat,  Dlct.  de  la  Con- 
struction ;  Paris,  1881,  2«  éd.  in-8,  t.  II. 

ÉCHAFAUDAGE.  I.  Construction  (V.  Echafaud). 

II.  Peinture.  —  Construction  en  bois  servant  aux 
artistes  qui  ont  à  peindre  de  vastes  surfaces  murales; 
très  variée  dans  son  architecture  suivant  les  nécessités  du 
travail,  elle  se  compose  généralement  d'un  ou  plusieurs 
planchers,  établis  sur  de  solides  charpentes  et  munis 
d'escaliers.  Lorsqu'il  s'agit  simplement  d'un  tableau  de 
grande  dimension,  le  peintre  se  sert  le  plus  souvent  d'un 
haut  et  massif  marchepied  à  roulettes,  muni  d'un  banc 
mobile  qui  s'accroche  aux  marches,  à  la  hauteur  désirée. 

ECHAGUE  (Don  Rafaël),  général  espagnol,  né  à  Saint- 
Sébastien  le  13  févr.  1815,  mort  à  Madrid  en  déc.  1887. 
Il  était  issu  d'une  famille  de  noblesse  basque.  Capitaine  en 
1833,  il  se  rallia  aux  cristinos  et  prit  part  à  la  longue 
guerre  contre  les  carlistes,  d'abord  comme  aide  de  camp  du 
général  O'Donnell,  puis  à  la  tête  d'un  régiment  d'infanterie. 
Passant  ensuite  dans  les  rangs  des  moderados^  il  participa 


253  — 


EGHAGUE  —  ÉCHANGE 


activement  au  soulèvement  provoqué  à  Madrid  par  O'Don- 
nell  (28  juin  1854),  puis  à  la  victoire  remportée  par  les 
insurgés  à  Vicalvuro  sur  les  troupes  du  gouvernement. 
Promu  général  sous  le  ministère  de  son  ancien  chef,  il  se  dis- 
tingua dans  la  campagne  du  Maroc,  notamment  à  la  défense 
de  El  Serallo  (nov.  1839),  et  fut  nommé  capitaine  général. 
Il  devint  alors  très  populaire  et  joua  un  rôle  important 
dans  le  parti  libéral,  ce  qui  lui  valut  d'être  emprisonné  et 
interné,  avec  Serrano  et  d'autres,  sous  le  ministère  de 
Gonzalez-Bravo  (7  juil.  1868).  Il  exerça  encore  des  com- 
mandements dans  la  dernière  guerre  contre  les  carlistes 
(1873-1876),  puis  se  retira  de  la  vie  active.      G.  P-i. 

ÉCHAILLON  (L').  Hameau  de  la  com.  de  Veurey  (Isère), 
dans  le  massif  montagneux  du  Villars-de~Lans.  Carrières 
de  belles  pierres  calcaires  d'une  blancheur  éclatante  et  de 
marbre  à  teinte  rosée.  Source  thermale  sulfureuse  dont  les 
propriétés  sont  analogues  à  celles  d'AUevard  et  d'Uriage. 
Un  établissement  de  bains  y  a  été  fondé  en  1853.  Les 
escarpements  abrupts  de  l'extrémité  N.  du  massif  sont 
nommés  le  Bec  de  l'Echaillon;  on  y  jouit  d'une  vue  fort 
étendue  sur  la  vallée  de  l'Isère. 

ECHAILLY  (V.  Escharlis  [Les]). 

ECHAINE.  Mot  vieilli  employé  pour  désigner  la  chaîne 
d'arpenteur,  qui,  autrefois,  était  souvent  faite  en  corde, 
ordinairement  goudronnée  ou  cirée,  avec  des  nœuds. 

ÉCHALAS.  I.  Sylviculture.  —  Brins  ou  pieux  de  bois 
de  7  à  10  centim.  de  tour  et  de  1"'14  à  1°^56  de  longueur, 
suivant  les  localités,  servant  à  soutenir  les  plantes  grim- 
pantes, la  vigne  principalement.  Tous  les  arbres  peuvent 
donner  des  échalas,  mais  certaines  essences  forestières  : 
chêne,  robinier,  châtaignier,  sont  plus  spécialement  em- 
ployées à  leur  fabrication  et  fournissent  des  produits  excel- 
lents, de  longue  durée.  Les  pins,  les  bois  blancs  :  saule, 
coudrier,  etc.,  sont  souvent  utiHsés  aussi;  leurs  échalas 
sont  légers,  bon  marché,  mais  ils  s'usent  vite.  11  est  pos- 
sible d'ailleurs  d'en  augmenter  la  durée  en  les  immergeant 
dans  une  solution  de  sulfate  de  cuivre,  pendant  une  dizaine 
de  jours  s'ils  sont  secs,  et  pendant  deux  ou  trois  jours  s'ils 
viennent  d'être  fabriqués;  immersion  nécessaire  surtout 
pour  les  échalas  faits  avec  de  jeunes  rejets  non  refendus. 
Le  débit  des  échalas  dits  de  fente  se  fait  d'ordinaire  en 
forêt.  On  y  consacre  le  plus  souvent  les  grosses  perches 
des  taillis,  les  jeunes  arbres  de  15  centim.  à  25  centim.  de 
diamètre,  que  l'on  scie  à  la  longueur  voulue.  On  fend  ensuite 
les  billes  à  l'aide  du  contre^  sans  rejeter  l'aubier.  Le  dé- 
chet est  donc  très  faible  ;  mais  les  échalas  qui  contiennent 
de  l'aubier  ont  moins  de  valeur  que  ceux  formés  entière- 
ment de  bois  parfait.  D'un  mètre  cube  de  bois  on  tire 
environ  mille  échalas.  G.  Boyer. 

II.  Viticulture  (V.  Viticulture). 

ÉCHALAS.  Com.  du  dép.  du  Rhône,  arr.  de  Lyon,  cant. 
de  Givors;  853  hab. 

ÉCHALASSA6E  (V.  Echalas). 

EC  H  ALLEN  S  (en  allemand  Tcherlitz).  Bourg  et  district 
du  cant.  de  Vaud  (Suisse).  C'est  le  seul  district  du  canton 
où  le  catholicisme  soit  demeuré  rehgion  officielle  à  côté  du 
protestantisme  :  les  catholiques  y  comptent  2,300  adhé- 
rents sur  9,500  hab.  Dans  le  bourg  même  (1,000  hab.), 
les  quatre  cinquièmes  de  la  population  sont  catholiques. 
Le  bourg,  où  se  tiennent  des  foires  importantes,  est  à 
14  kil.  au  N.  de  Lausanne;  un  chemin  de  fer  à  voie  étroite, 
inauguré  en  1873,  l'unit  au  chef-lieu.  Le  château  d'Echal- 
lens,  qui  appartient  aujourd'hui  à  la  commune  et  sert  à 
l'administration,  est  mentionné  pour  la  première  fois  en 
1273.  Au  moyen  âge,  les  seigneurs  d'Echallens  jouent  dans 
la  contrée  un  certain  rôle,  qui  cesse  en  1476  lorsque  les 
Suisses  s'emparèrent  du  pays.  Dès  lors,  Echallens  resta  trois 
siècles  et  plus  sous  la  domination  des  villes  de  Fribourg  et 
de  Berne,  qui  désignaient  les  baillis  chacune  à  leur  tour. 
C'est  grâce  aux  efforts  de  Fribourg  que  le  culte  catholique 
fut  maintenu.  Les  deux  confessions  recevaient  à  tour  de 
rôle  un  candidat  à  la  naturalisation  :  Voltaire  chercha  à 


obtenir  la  bourgeoisie  d'Echallens,  mais  les  catholiques,  ne 
le  jugeant  pas  assez  bon  teint  pour  être  un  des  leurs,  repous- 
sèrent sarequête.  Jusqu'en  1865,  les  catholiques  et  les  pro- 
testants se  servirent  de  la  même  église.  E.  K. 

ÉC  H  ALLES  (Arm.).  Lanières  de  cidr  reliant  l'épée  à  la 
ceinture. 

ÉCHALLON.  Com.  du  dép.  de  l'Ain,  arr,  de  Nantua, 
cant.  d'Oyonnax;  1,091  hab. 

ÉCHALOT.  Com.  du  dép.  de  la  Côte-d'Or,  arr.  de 
Chàtillon-sur-Seine,  cant.  d'Aignay-le-Duc  ;  269  hab. 

ÉCHALOTE  (Bot.).  Nom  vulgaire  de  VAllium  Ascalo- 
niciim  L.,  plante  de  la  famille  des  Liiiacées,  que  l'on  cul- 
tive depuis  un  temps  immémorial  dans  les  jardins  potagers, 
où  elle  fleurit  assez  rarement.  Ce  n'est  peut-être  qu'une 
modification  de  VAllium  Cepa  L.  (V.  Oignon),  car  on  ne 
l'a  pas  encore  trouvée  sauvage  d'une  manière  certaine 
(V.  de  Candolle,  De  VOrigine  des  plantes  cultivées, 
1883,  p.  55).  Elle  se  reconnaît  à  son  bulbe  ovoïde-oblong 
renfermant  des  bulbilles  violets,  à  sa  tige  non  renflée,  à 
ses  feuilles  subulées-cylindriques,  fistuleuses,  et  à  ses  fleurs 
blanches  ou  bleuâtres,  souvent  remplacées  par  des  bulbilles. 
—  L'Echalote  d'Espagne  est  VAllium  scorodoprasumh, 
(V.  Rocambole)  et  la  fausse  Echalote,  VA.  schœnopra- 
sum  L.  (V.  Ciboulette).  Ed.  Lef. 

ÉCHALOU.  Com.  du  dép.  de  l'Orne,  arr.  de  Domfront, 
cant.  de  Messei;  545  hab. 

ÉCHAMPISSAGE  (Peint.).  Imitation  de  bas-relief  en 
trompe-l'œil.  Ce  procédé  décoratif,  dont  il  existe  de  nom- 
breux spécimens  au  Louvre  et  dans  divers  monuments, 
diffère  du  camaïeu  par  sa  vigueur,  son  apparence  de  réalité, 
souvent  remarquable  lorsque  la  peinture  est  récente.  On 
dit  aussi  échampir,  pour  arrêter  fermement  les  contours 
d'une  peinture,  les  détacher  du  fond,  du  champ.     Ad.  T. 

ÉCHANCRURE  (Mar.).  Pour  éviter  que  les  voiles  ne 
portent  sur  les  étais  des  mâts  inférieurs,  on  donne  aux 
ralingues  une  forme  de  courbe  rentrante.  L'arc  qui  est 
ainsi  formé  s'appelle  échancrure.  L'échancrure  se  calcule 
d'après  la  position  des  étais  des  mâts  inférieurs.  Elle  est 
très  considérable  pour  les  perroquets,  à  cause  de  l'abaisse- 
ment présumé  des  vergues  de  hune  quand  on  prend  des  ris 
aux  huniers  ;  très  considérable  aussi  pour  la  perruche,  afin 
de  laisser  libre  passage  aux  vergues  du  perroquet  :  pour 
ces  voiles,  la  chute  au  mât  n'est  queles  neuf  dixièmes  delà 
chute  au  point.  Pour  les  voiles  basses,  l'échancrure  moyenne 
s'obtient  en  multipliant  la  longueur  de  la  chute  au  point 
par  0,084.  Déplus,  les  voiles  carrées  ont  une  échancrure 
latérale,  parce  que,  les  voiles  une  fois  gonflées,  les  ralingues 
de  chute  ne  supporteraient  plus  l'effort  du  vent,  qui  se  por- 
terait sur  les  toiles  avoisinantes.  Cette  échancrure  est  très 
grande  aux  perroquets  de  fougue,  à  cause  du  passage  des 
bras  de  la  vergue  du  grand  hunier.  Les  hunes,  au  contraire, 
sont  peu  échancrées  aux  côtés  de  chute  pour  que  leurs 
rahngues  en  cette  partie  soient  plus  tendues. 

ÉCHANDELY.Com.dudép.  du  Puy-de-Dôme,  arr.  d'Am- 
bert,  cant.  de  Saint-Germain-l'Herm  ;  1,137  hab. 

ÉCHAN FREIN  (Mécan.).  Opération  qui  consiste  à  rac- 
courcir les  dents  d'une  roue  d'engrenage,  ce  qui  revient  à 
couper  les  dents  de  la  roue  à  échanfreiner  par  une  cir- 
conférence concentrique  à  cette  roue.  Le  rayon  de  cette 
circonférence  se  détermine  par  une  épure  de  l'engrenage, 
tracée  de  façon  que  deux  dents  successives  soient  toujours 
en  prise.  Les  distances  du  point  de  contact  initial  des  deux 
dents  suivantes  au  centre  des  deux  roues  donne  pour  cha- 
cune de  ces  roues  le  rayon  du  cercle  de  coupage.  L.  K. 

ÉCHANGE.  I.  Droit  romain.  —  L'échange,  rerum 
permutatio,  suppose  essentiellement  une  convention  par 
laquelle  l'une  des  parties  s'engage  à  transférer  à  l'autre  la 
propriété  d'une  chose,  à  charge  par  cette  autre  partie  de  lui 
transférer  la  propriété  d'une  autre  chose.  A  l'époque  de  la 
pleine  maturité  du  droit  romain,  l'échange  figure  au 
nombre  des  contrats  innomés,  et  il  y  fait  partie  de  la 
classe  desnegotia  do  ut  des.  Aussi,  la  convention  d'échange 


ÉCHANGE 


254 


ne  devient-elle  obligatoire  que  lorsqu'un  des  coechangistes 
a  exécuté  la  prestation  mise  à  sa  charge.   Alors,  ^  mais 
alors  seulement,  il  peut  exiger  f ,  ^'^f  «^^  ^«f /^^f,^^^^^^^^^ 
prestation  promise  par  celui-ci,  et,  ^^^^^f  ^'i  est  m  esu 
de  l'action  générale  servant  de  sanction  a  tous  les  contra  ^ 
innomés,  l'Iction  prœscriptis  verbis  (V.  Contrat  [Droit 
romain!  .  Lui-même,  d'ailleurs,  est  expose  également  a 
cette  action,  bien  qu'ayant  exécuté  la  convention,  lorsque 
cette  exécution  n'a  pas  été  de  nature  à  donner  pleine  sa- 
tisfaction à  son  cocontractant,  notamment  lorsque  celui-ci 
vient  à  être  évincé  de  la  chose  qui  lui  a  ete  transférée. 
Mais  l'échange  n'a  pas  toujours  été  considère  comme  un 
contrat.  Il  aluivi  à  cet  égard  toutes  les^  vicissitudes  par 
lesquelles  a  passé  la  théorie  des  contrats  mnomes.  Jamais, 
dans  les  débuts  comme  d'ailleurs  à  la  fin,  on  ne  vit  dans 
la  convention  d'échange  autre  chose  qu  un  simple  pacte 
dépourvu  de  force  obligatoire.  Les  parties  pouvaient  sans 
doute  volontairement  se  transférer  la  propriété  des  choses 
qu'elles  s'étaient  promises  réciproquement  en  échange; 
mais  ce  transfert,  étant  l'exécution  de  la  convention,  y  met- 
tait fin  par  là  même,  en  sorte  qu'après  cette  exécution, 
pas  plus  qu'avant,  il  n^était  question  d'obligation  entre 
les  parties.  Plus  tard  commença  à  se  faire  jour  1  idée  que 
toute  convention  synallagmatique  pouvait,  lorsqu  elle  avait 
été  exécutée  par  l'une  des  parties,  être  considérée  comme 
un  contrat  et  engendrer  une  action.  L'échange  e  ait  pré- 
cisément dans  ce  cas.  Mais  restait  la  question  de  savoir 
quelle  action  il  convenait  d'accorder  au  coechangiste  qui, 
ayant  exécuté  le  premier,  avait  par  làtranstorme  la  simple 
convention  en  contrat.  -  ^i..    nn 

Ici  se  produisit  un  conflit  entre  les  deux  écoles    ou 
sectes  rivales  des  Sabiniens  et  des  Proculiens.  Les  pre- 
miers   peu  disposés  à  augmenter  le  nombre  des  contrats, 
refusaient  de  voir  dans  l'échange  un  negotium  navum 
avant,  avec  une  place  à  part,  des  caractères  et  des  etiets  a 
lui  propres.  Aussi  proposaient-ils  d'assimiler  la  convention 
d'échange  au  contrat  avec  lequel  elle  présentait  le  plus 
d'analoeie,  c.-à-d.  à  la  vente.  Ils  faisaient  remarquer  en 
effet  que,  dans   l'ordre  du  développement  économique, 
réchaui^e  a  précédé  la  vente  et  que  ces  deux  opérations  de 
droit  sont  reliées  par  des  rapports  de  fihation  incontestables. 
Mais  ce  n'était  point  là,  aux  yeux  des  Proculiens,  une  rai- 
son suffisante  pour  confondre  l'échange  avec  la  vente.  Ce 
qui  caractérise  essentiellement   ce  dermer  contrat  dans 
l'état  de  développement  auquel  il  était  parvenu  à  1  époque 
où  sursit  ce  conflit  d'opinions,  c'est  que  l'une  des  choses 
promises  est  un  prix,  c.-à-d.  une  certame  quantité  de 
monnaie.  Or  cette  particularité  avait  suffi  pour  imprimer  a 
la  vente  un  caractère  à  part  et  lui  donner  une  organisation 
telle  que  ses  règles  ne  pouvaient  en  aucune  façon  convenir 
à  l'échange.  Dans  la  vente,  en  effet,  chacune  des  parties  a  des 
oblioations  différentes  ;  celles  de  l'acheteur,  qui  doit  le  prix, 
ne  ressemblent  pas  à  celles  du  vendeur  qui  doit  la  chose. 
Or   si  on  veut  confondre  l'échange  avec  la  vente,  il  devient 
impossible  de  discerner  quelle  est  celle  des  deux  choses 
échansées  qui  fait  l'office  de  prix,  quelle  est  celle   qui 
fait  fonction  de  chose  vendue,  et  par  suite   on  ne  sait 
quelle  est  celle  des  parties  à  qui  revient  le  rôle  d  acheteur, 
quelle  est  celle  qui  devra  être  considérée  comme  vendeur. 
Ces  considérations  devaient  entraîner  le  rejet  de  la  doc- 
trine sabinienne  qui,  combattue  avec  vigueur  par  le  juris- 
consulte Paul,  ne  fut  définitivement  écartée  qu  à  la  fin  de 
l'époque  classique.  Depuis,  et  jusque  dans  le  dernier  état 
du  droit,  l'échange  fut  envisagé  sans  conteste  coinme  faisant 
partie  du  groupe  des  contrats  mnomés.  G.  May. 

II  Droit  civil.  —  Dans  son  acception  économique, 
laquelle  est  la  plus  large  et  la  pluscompréhensive,  échange 
désigne  toute  opération,  de  quelque  nature  qu  elle  soit, 
ayant  pour  objet  et  pour  effet  de  faire  réciproquement  passer 
d'une  personne  à  une  autre  la  propriété  d'objets  de  na- 
tures différentes,  ayant  entre  eux  une  valeiir  convention- 
nelle égale  (V.  Commerce).  L'acception  juridique  du  mot 
échange  est  beaucoup  plus  restreinte,  aussi  bien  en  droit 


commercial  qu'en  droit  civil  ;  elle  ne  concerne  que  le  contrat 
où  la  chose  échangée  par  chacune  des  parties  est  la  contre- 
valeur  plus  ou  moins  complète,  mais  tout  au  moins  prin- 
cipale, de  l'autre,  en  d'autres  termes,  où  chacune  des  deux 
choses  est  réciproquement  le  prix  de  l'autre,  par  opposition 
à  la  vente  où  une  seule  chose,  meuble  ou  immeuble ,  fait 
l'objet  du  contrat,  et  dont  le  prix  est  toujours  détermine 
en  argent.—  L'échange  est  un  contrat  naturel  et  le  droit 
des  gens  :  cette  classifi'cation  est  justifiée  parce  qui  précède. 
Le  code  civil  définit  l'échange  «  un  contrat  par  lequel 
les  parties  se  donnent  respectivement  une  chose  pour  une 
autre  »   art.  1702).  Malgré  ce  que  cette  rédaction  peut 
sembler  avoir  de  compréhensif,  il  faut  se  garder  de  croire 
que  l'on  peut  l'étendre  à  l'échange  de  prestations.  La  con- 
vention par  laquelle  les  parties  se  concèdent  l'usage  d  une 
chose,  contre  celui  d'une  autre,  ou  des  services  en  retour 
d'autres  services  ne  constituerait  pas  un  échange  au  sens 
du  code.  Bien  que  théoriquement  et  au  point  de  vue  de  la 
philosophie  du  droit,  ces  contrats  procèdent  de  l'idée  pri- 
mordiale d'échange,  en  droit  positif  ils  rentrent  dans  la 
catégorie  des  contrats  innomés  soumis  aux  règles  générales 
des  conventions  par  l'art.  1107  duC.  civ.  Le  contrat  auquel 
le  code  a  attaché  cette  dénomination  propre  d'échange  a 
pour  objet  unique  des  choses  corporelles,  meubles  ou 
immeubles,  ou  des  droits  incorporels  (créances,  actions)^.  11 
s'analvse  en  deux  ventes  corrélatives  et  concurrentes  ;  c  est 
pourquoi  la  loi  le  soumet  aux  règles  ordinaires  de  la  vente, 
sauf  quelques  exceptions  nécessitées  par  sa  nature  propre. 
Ce  qui  a  été  dit  relativement  aux  échanges  commerciaux 
a  fait  préjuger  que  l'échange,  ramené  à  son  sens  juridique, 
n'est  pas  exclusivement  un  contrat  de  droit  civil;  il  peut 
quelquefois  aussi  avoir  le  caractère  commercial,  et  la  cir- 
constance qui  lui  donne  ce  caractère  est  celle-là  même  a 
laquelle  on  reconnaît  la  commercialité  d'un  acte,  c.-a-d. 
le  fait  d'acquérir  une  chose  avec  l'intention  de  la  revendre 
ou  de  réaUser  un  bénéfice;  acquérir  par  voie  d  échange 
une  marchandise  avec  l'intention  de  s'en  défaire  prochaine- 
ment moyennant  profit  est  un  acte  commercial  identique  a 
l'achat  de  cette  même  marchandise  moyennant  argent. 
Disons  toutefois  que  les  rapports  commerciaux,  en  dehors 
du  troc,  ne  comportent  l'échange  que  tout  à  fait  exception- 
nellement, sauf  pourtant  dans  certains  commerces  comme 
celui  des  bestiaux.  Mais,  lorsque  deux  marchands  vendant 
les  mêmes  produits  recourent  réciproquement  l'un  à  1  autre 
pour  se   procurer  les  marchandises  similaires  qui  leur 
manquent  accidentellement,  il  y  a  là  deux  opérations  dis- 
tinctes constituant  deux  ventes  indépendantes  lune  de 
l'autre,  compliquées,  quant  au  règlement  des  prix,  d  une 
opération  de  compte  courant.  Quand  il  s'agit  d  un  véritable 
échange,  on  suit,  comme  pour  l'échange  civil,^  les  règles 
générales  tracées  par  le  code  civd  pour  les  Lontrats  et 
Obligations  en  général  (art.  Il 01  à  ^369)    et  les  reg  es 
spéciales  du  même  code  pour  la  Vente  (art.  lo8i  a  ITUl), 
sauf  les  dispositions  particulières  de  l'art.  109  du  C.  de  com. 
L'échange  est  le  contrat  commutatif  par  excellence  ;  il 
est  de  plus  consensuel  comme  tous  les  contrats  de  notre 
droit,  c.-à-d.  parfait  dès  qu'il  y  a  concours  des  deux  vo- 
lontés pour  l'opérer  et  accord  sur  les  objets  respective- 
ment échangés,  sans  que  la  livraison  soit  instantanément 
effectuée.   La  promesse  d'échange  a  donc  la  même  force 
obligatoire  que  l'échange  actuellement  réalise  (art.  1/ Ud 
du  C.  civ.).  Toutes  les  choses  qui  peuvent  être  vendues 
peuvent  faire  l'objet  de  l'échange.  On  peut  échanger  soit 
une  espèce  contre  une  espèce  (un  tableau  quelconque  contre 
un  autre  ;  une  ferme  contre  une  ferme),  soit  des  choses  de 
nature  et  d'espèces  différentes,  par  exemple  un  objet  mo- 
bilier contre  un  immeuble,  un  objet  d'art  ou  de  curiosité 
contre  une  maison  à  Paris,  opération  qui  n'aurait  rien  de 
surprenant  à  une  époque  où  l'on  voit  les  objets  d  art  ou 
de  simple  curiosité  atteindre  des  prix  à  rendre  jaloux  les  Ro- 
mains. —La  considération  générale  qui  mflue  sur  les  règles 
spéciales  à  l'échange  est  que  ce  contrat  a  pour  mobile  des 
convenances  particulières  à  chacun  des  contractants.  La 


-  255  — 


monnaie  étant  le  moyen  usuel  de  se  procurer  ce  que  l'on 
désire,  et  l'objet  non  moins  usuel  que  se  propose  tout  pro- 
priétaire qui  cède  la  propriété  de  sa  chose,  il  faut,  pour 
recourir  à  la  voie  de  l'échange,  que  chacune  des  deux  par- 
ties désire  spécialement  la  chose  de  l'autre.  C'est   donc 
qu'elles  attachent  respectivement  à  la  chose  convoitée  une 
valeur  de  convenance,  de  fantaisie  même  qui  leur  est  par- 
ticulière et  que  la  préoccupation  de  sa  valeur  vénale  cou- 
rante ne  soit,  dans  leur  pensée,  que  tout  à  fait  secondaire. 
C'est  en  partant  de  cette  idée  que  l'on  est  arrivé  à  décider 
qu'il  n'y  a  pas  lieu  de  prendre  en  considération  cette  va- 
leur vénale  pour  apprécier  si  l'un  ou  l'autre  des  contrac- 
tants a  fait  un  marché  plus  ou  moins  avantageux,  c.-à-d. 
s'il  a  subi   une  lésion,   résultat  d'une   erreur  ayant  pu 
influer  sur  son  consentement.  Il  arrive  souvent  que  c'est 
le  besoin  d'argent  qui  obUge  à  vendre,  et  il  n'est  pas  rare 
non  plus  que  la  cupidité  en  abuse  pour  acheter  à  bas  prix. 
On  a  senti  de  tout  temps  la  nécessité  de  protéger  le  ven- 
deur contre  des  entraînements  ou  des  défaillances.  Rien  de 
semblable  dans  l'échange.  Ce  n'estjamais  le  besoin  d'argent 
qui  en  est  le  mobile.  11  y  a  une  autre  raison,  qui  est  le 
corollaire  de  celle-ci  :  dans  la  vente  Faction  en  rescision 
n'a  pas  lieu  en  faveur  de  l'acheteur,  car,  si  l'on  peut  se 
trouver  obligé  de  céder  sa  propriété  à  vil  prix  sous  le  coup 
de  nécessités  urgentes,  jamais  on  ne  l'est  d'acheter  trop 
cher  une  chose  que  l'on  désire  vivement  ;  or  dans  l'échange 
chaque  copermutant  est  à  la  fois  vendeur  et  acheteur  :  si 
donc  il  a  fait  un  mauvais  marché,  c'est  autant  au  moins 
parce  qu'il  a  payé  trop  ■  cher  ce  qu'il  a  acheté  que  parce 
qu'il  a  cédé  à  trop  bas  prix  ce  qu'il  a  vendu.  C'est  pour- 
quoi on  a  pensé  que  ce  contrat  ne  devait  pas  être  soumis 
à  la  même  règle  d'égalité  relative  que  la  vente,  soit  en 
égard  à  la  consistance  de  la  chose  échangée,  à  sa  quantité, 
à  sa  contenance  ou  à  sa  valeur.  Si  l'un  des  contractants 
s'est  trompé  sur  les  qualités  qu'il  croyait  rencontrer  dans 
la  chose  à  lui  cédée,  il  n'est  pas  admis  à  se  plaindre,  du 
moment  que  son  consentement  a  été  hbrement  donné  d'après 
l'opinion  qu'il  avait  alors  de  cette  chose.  Aussi  l'art.  4706 
du  C.  civ.  porte-t-il  que  «  la  rescision  pour  cause  de  lésion 
n'a  pas  lieu  dans  le  contrat  d'échange  ».  Disons  toutefois 
qu'au  cas  où  un  litige  surgirait,  le  juge  devrait  chercher  avant 
tout  à  se  pénétrer  de  l'intention  des  parties,  du  but  pour- 
suivi par  elles,  même  de  leur  mobile,  contrairement,  sur  ce 
dernier  point,  à  ce  qui  a  lieu  en  général  dans  les  contrats. 
Si  en  effet  l'échange  ne  peut  être  rescindé  pour  cause  de 
lésion,  il  reste  toujours  attaquable  pour  cause  de  dol  ou  de 
fraude  caractérisés,  car  ce  sont  là  des  vices  du  consente- 
ment qui  font  exception  à  toutes  les  règles  ;  mais  ce  sera 
au  plaignant  à  démontrer  les  manœuvres  indélicates  au 
moyen  desquelles  son  cocontractant  lui  a  fait  concevoir  de  la 
chose  qu'il  lui  livrait  une  opinion  erronée.  Même  en  l'absence 
de  ces  manœuvres,  le  contrat  pourra  être  rescindé  pour  erreur 
sur  la  substance,  par  exemple,  s'il  s'agit  d'un  tableau  pris 
par  l'acquéreur  pour  l'œuvre  originale  de  tel  maître,  alors 
qu'il  n'est  qu'une  copie.  —  Il  y  a  une  règle  de  la  vente  d'après 
laquelle  ce  qui  est  obscur  ou  ambigu  dans  le  contrat  s'in- 
terprète contre  le  vendeur  ;  on  considère   que  dans  une 
convention  qui  a  pour  objet  la  vente  d'une  chose,  c'est  le 
vendeur  qui  stipule,  c.-à-d.  qui  fait  ses  conditions  ;  ce  n'est 
à  la  vérité  qu'une  présomption  fondée  sur  ce  qui  paraît 
arriver  le  plus  ordinairement,  et  que  le  juge  n'applique  d'ail- 
leurs qu'autant  qu'il  lui  est  impossible  de  découvrir  quelle 
a  été  la  véritable  intention  des  parties.  Quoi  qu'il  en  soit, 
l'art.  4602  dispose  formellement  que  le  vendeur  est  tenu 
d'expliquer  clairement  à  quoi  il  s'oblige,  et  que  toute  con- 
dition obscure  ou  ambiguë  s'interprète  contre  lui.  Mais  dans 
l'échange  le  rôle  de  vendeur  étant  réciproquement  rempli 


la  même  raison  que  les  frais  de  l'acte  sont  supportés  par 
les  deux  contractants,  chacun  par  moitié,  contrairement  à  la 
règle  édictée  pour  la  vente,  qui  les  met  à  la  charge  de 


ÉCHANGE 


l  acheteur  (C  Cl V.,  art.  4593).  —  Enfin,  l'échange  étant  un 
acte  translatif  de  propriété,  tout  contrat  de  ce  genre  ayant 
pour  objet  des  droits  immobiliers  doit  être  transcrit  au 
bureau  des  hypothèques,  de  façon  que  les  tiers  intéressés 
soient  mis  à  même  de  le  connaître.  A  défaut  de  cette  for- 
mahte,  il  ne  leur  est  pas  opposable,  et  les  droits  qu'ils  ont 
acquis  sur  l'un  ou  l'autre  des  immeubles  du  chef  du  pré- 
cèdent propriétaire,  antérieurement  à  son  accomplisse- 
ment, prodmsent  tous  leurs  effets  nonobstant  l'aliénation 
(V.  Transcription). 

Lorsque  les  'deux  choses  échangées  sont  acceptées  res- 
pectivement par  les  parties  comme  étant  à  leur  gré  de  valeur 
égale,   elles  se  compensent  d'une  façon  absolue  ;  on  dit 
alors  dans  la  pratique  que  l'échange  est  fait  but  à  but, 
et  dans  les  formulaires  on  ajoute  les  mots  :  sans  soulte  ni 
retour.  Ces  derniers  mots  ont  seuls  une  valeur  juridique. 
La  soulte,  ou  retour,  est  le  complément,  le  plus  ordinai- 
rement en  argent,  stipulé  pour  établir  l'équilibre  entre 
deux  objets  en  soi  de  valeur  inégale  (V.  Soulte).  La 
soulte  est  donc  simplement  une  différence,  un  appoint  qui 
ne  modifie  pas  la  nature  de  l'acte.  Ce  caractère  de  la  soulte 
permet  de  résoudre  en  principe  les  difficultés  que  peut  faire 
naître  le  pmnt  de  savoir   quand  un  acte,  se   présentant 
comme  échange  avec  soulte,  cesse  d'être  juridiquement  un 
échange  pour  devenir  une  vente.  On  a  dit  que  le  fait  que 
le  contrat  a  pour  objet  l'échange  de  deux  choses  est  ce  qui  doit 
en  caractériser  la  nature.  Mais  ily  aune  rè-le  de  droit  d'après 
laquelle  il  faut  plutôt  considérer  la  nature"^  de  l'acte  fait  par 
les  parties  que  s'attacher  au  nom  qu'elles  lui  ont  donné. 
C  est  pourquoi,  en  général,  quand  la  soulte  excède  la  moitié 
de  la  valeur  de  l'objet  qu'elle  équilibre,  il  est  difficile  de 
considérer  l'opération  comme  un  échange.  La  soulte,  dans 
ces  conditions,  a  bien  tout  d'abord  l'apparence  d'un  prix, 
et  l'objet  donné  par  surcroît  est  lui-même  l'équivalent  d'un 
prix  ou  d'une  dation  en  payement,  voire  même  d'une  soulte 
en  nature.  Mais,  sous  le  bénéfice  de  cette  règle,  à  la  fois 
de  bon  sens  et  de  droit,  nous  ajouterons  qu'il  faut  avant 
tout  chercher  quelle  a  été  la  commune  intention  des  parties 
et  qu'ici  encore  la  difficulté  est  plus  en  fait  qu'en  droit.  Il 
faudrait  se  garder  de  croire  que  c'est  là  une  pure  discus- 
sion de  mots  ou  d'école  ;  l'intérêt  pratique  nous  saisira  si 
nous  nous  rappelons  les  différences  qui  existent  entre  la 
vente  et  l'échange,  particulièrement  en  matière  de  rescision 
pour  lésion.  Dans  les  conditions  indiquées  plus  haut,  le  con- 
trat sera  rescindable  si  on  le  considère  comme  une  vente; 
il  ne  le  sera  pas,  quelque  importante  que  soit  la  soulte^ 
SI  on  le  considère  comme  un  échange.  —  Les  art.  4704  et 
4705  du  C.  civ.  ne  sont  qu'une  application  à  l'échange  de 
l  une  des  règles  de  la  vente,  celle  qui  déclare  nulle  la  vente 
de  la  chose  d'autrui.  Il  en  résulte  que,  si  l'un  des  échan- 
gistes est  menacé  d'être  évincé  de  la  chose  par  celui  qui  en 
est  le  véritable  propriétaire,  il  est  à  sa  discrétion  de  con- 
sidérer le  contrat  comme  nul,  ou,  s'il  le  préfère,  de  le  tenir 
pour  existant  et  de  demander  des  dommages-intérêts  pour 
l'inexécution.  S'il  a  recula  chose,  il  la  restitue  purement  et 
simplement  et  revendique  la  sienne,  s'il  l'a  livrée  ou  la 
conserve  s'il  ne  l'a  pas  encore  fait.  S'il  n'a  pas  reçu  la 
chose  contre-échangée,   il  n'est  pas  obligé  de  la   rece- 
voir. Dans  tous  les  cas,  chacun  des  contractants  n'avant 
pas  cessé  d'être  propriétaire  de  sa  chose,  elle  reste  à  ses 
risques  et  périls. 

Rappelons  que  les  opérations  de  change  d'une  place  sur 
une  autre  ne  sont  que  des  échanges  de  sommes  d'argent 
assortis  d'ordinaire  d'une  soulte  qui  porte  aussi  le  nom  de 
change  {Y.  ce  mot).  e.  Dramard. 

m.  Droit  commercial  (V.  ci-dessus  et  Commerce, 
t.  Ali,  p.  38) . 

IV.  Droit  international  (V.  Commerce  et  Economie  poli- 
tique, Libre-Echange). 

V.  Postes.  —  Echange  vostal  international  (V. 
Postes).  ^ 

VI.  Mathématiques.  —  Echange  du  paramètre  et  de 
l  argument.  Soient  ::(?,$0  et  7u(a,aO  deux  intégrales 


ÉCHANGE  -  ÉGHANSONNERIE  -  ^^6 

abéliennes  normales  de  troisième  espèce  ayant  respective- 
ment pour  infinis  ^  et  \' ,  a  et  a^  La  relation 

est  connue  sous  le  nom  de  théorème  de  l'échange  du  para- 
mètre et  de  l'argument  ;  les  limites  des  mtégrales  sont  les 
arguments  et  les  infinis  sont  les  paramètres. 

BiBL.  :  Droit  romain.  -  Dig.,  BeRer  pennuL,  XIX, 
4.  —  Cod.  Just.,  De  i^er.  permwi.,  IV,  64  ,  7,  §  2.  -  Dig., 
De  Pact  ,  II,  14.  -  Gaius,  III,  Ul  ;  1  pr.,  §  1  \  Dig  ,  Ï^^Oon- 
b'ih  emi  XVIIL  1  ;  5  §  1  ;  Dig.,  De  Pv^scv.  verb,,  XIX,  5, 
S9  insT  de  Jus  ,  Delmt.  ei  ^Jend.,  III,  23.-  Accarias, 
|>?éc^^  dedroirromam;  Paris,  1891,  t.  II,no«603,  653,  2  vol. 
in-8  4«  éd  -  Da  même,  Théorie  des  contrats  innomés; 
Paris  1866,  in-8.-  Mainz,  Coursde  droit  romain  ;  Bruxelles, 
Î877  4e  éd  ,  3  vol.  in-8,  t'.  II,  §  244  -G.  May,  Eléments  de 
droi^  roma^- Paris,  1889    1890    1-  in-8,  t.  II, 

nos  312.  D.  112;  314,  pp.  117,  330;  331,  p.  17<i.    ^ 

Droit  civil.  -  J.-B.  Say,  Cours  d'économie  politique, 
3e  part.,  des  Echanoes.  -  Boistel,  Précis  dii  cours  de  droit 
rnmmerciaL  PP.  271  et  suiv.  --  Pothier,  Du  Contrat 
dTchanqe  {êJ^Bugnet^t.  III,  pp.  244  et  suiv.). 

ÉCHANGEABLE  (Math.).  Deux  symboles  opératoires 
sont  échangeables  quand  le  résultat  des  opérations  qu'ils 
représentent,  efiectuées  successivement,  est  indépendant 
de  l'ordre  dans  lequel  on  effectue  ces  opérations. 

ÉCHANGEA6E  (Papet.).  L'opération  de  l'échangeage 
se  pratique  ordinairement  dans  la  fabrication  du  papier  à 
la  main.  Le  papier  est  pressé  au  moins  une  fois  ou  deux 
après  le  collage  ;  après  avoir  subi  la  première  pression,  les 
feuilles  de  papier  sont  enlevées  de  la  pile  et  replacées  dans 
un  ordre  différent  pour  former  une  nouvelle  pile  qui  est 
pressée  à  son  tour.  C'est  ce  changement  de  position  des 
feuilles  qui  est  appelé  l'échangeage.  Certains  papiers  soignes 
subissent  l'échangeage  trois  et  quatre  fois  ;  cette  opération 
augmente  l'apprêt  du  papier  et  facihte  la  répartition  plus 
ésale  de  la  colle  à  la  surface  de  la  feuille.  On  prend  som, 
pendant  ce  travail,  de  défaire  les  plis  qui  peuvent  se  tor- 
mer,  de  remettre  à  plat  les  coins  recourbes  des  feuilles  et 
de  faire  disparaître  quelques  autres  défauts.  Chaque  fois 
qu'on  remet  les  feuilles  de  papier  à  la  presse,  on  augmente 
la  durée  de  la  pression.  Cette  durée  varie  de  un  quart 
d'heure  pour  la  première  fois  jusqu'à  quatre  heures  pour 
la  dernière. 

ÉCHANNAY.  Com.  du  dép.  de  la  Côte-d'Or,  arr.  de 
Dijon,  cant.  de  Sombernon;  204  hab. 

ÉCHANSON  (Grand).  Officier  de  la  couronne,  qui  avait 
la  haute  direction  de  Véchansonnerie  (V.  ce  mot)  et  qui 
devint,  à  la  fin  du  xv«  siècle,  l'un  des  premiers  dignitaires 
de  la  cour  de  France.  Dès  l'époque  mérovmgienne,  les 
échansons  du  roi  étaient  soumis  à  l'autorité  d  un  officier 
du  palais,  appelé  magister  scancionum  ou  pnnceps 
mncernarum,  qui  partageait  avec  le  sénéchal  et  le  conné- 
table l'administration  des  villas  du  domame  oii  s  approvi- 
sionnait la  cour  du  roi.  Sous  les  Carolingiens,  ce  fonction- 
naire reçut  le  titre  de  buticularius  (bouteiller)  ;  son  pou- 
voir s'accrut  notablement,  et,  sous  les  premiers  Capétiens, 
il  devint  l'un  des  cinq  grands  officiers  de  la  couronne 
(V  Bouteiller).  Mais  sa  haute  situation  politique  et  la 
variété  de  ses  attributions  administratives  ne  lui  permet- 
taient plus  de  surveiller  comme  à  l'erigine  les  officiers 
subalternes  préposés  à  la  cave  et  à  la  table  royale.  Aussi 
lorsque,  au  xiv-  siècle,  le  personnel  de  la  maison  du  roi 
eut  pris  une  grande  extension,  la  direction  effective  de 
l'échansonnerie  fut-elle  donnée,  sous  l'autorité  du  grand 
bouteiller,  à  un  officier  spécial  appelé  tantôt j^rmt^r 
échanson,  tantôt  maître  échanson  du  roi  (Pierre  de 
Chantemesse,  1325),  tantôt  grand  êchamori  de  France 
(Guy  de  Cousan,  4385;  Charles  de  Savoisy,  ^/,07-1413; 
Jean  de  Craon,  1443-4445;  Nicolas  Mabry  4419;  Phi- 
lippe de  Courcelles,  4424).  Puis,  quand  la  charge  de 
bouteiller  fut  supprimée  en  4468,  le  grand  échanson  suc- 
céda naturellement,  sinon  à  son  pouvoir_  politique  et  admi- 
nistratif, du  moins  à  ses  droits  lucratifs  et  a  ses  préro- 
gatives honorifiques.  Dans  les  circonstances  solennelles, 
notamment  au  festin  du  sacre,  il  devait  remplir  en  per- 


sonne les  fonctions  d'échanson.  Il  avait  le  droit  d'ajouter 
à  ses  armoiries  deux  flacons  de  vermeil  portant  les  armes 
du  roi.  Ses  gages  étaient  de  600  livres.  —  La  charge  de 
grand  échanson  subsista  jusqu'à  la  fin  de  l'ancien  régime; 
en  voici  les  titulaires  connus  :  Jean  du  Fou ,  4488  ; 
Charles  de  Rohan,  seigneur  de  Gié,  1498-4  546  ;  François 
Baraton,  seigneur  de  Montgauger,  4546-4549  ;  Adrien  de 
Hangest,  seigneur  de  Genlis,  4520-4532  ;  Louis  de  Bueil, 
comte  de  Sancerre,  4533;  Jean  Vil  de  Bueil,  comte  de 
Marans,  +4638  ;  Jean  VIII  de  Bueil,  f  1665  ;  Pierre  de 
Perrien,  marquis  de  Crenan,-J-  4670  ;  Louis  de  Beaupoil  de 
Saint-Aulaire,  marquis  de  Lanmary,  +4702;  Marc-Antoine 
de  Beaupoil  de  Sainte-Aulaire,  4703-4734  ;  André  de 
Gironde,  4734-4756;  E.-F.  Chaspoux,  marquis  de  Ver- 
neuil,  4756-4790.  —  En  4845,  la  Restauration  rétablit,  en 
faveur  du  comte  de  Rothe,  la  charge  de  premier  échanson 
de  France,  qui  subsista  jusqu'à  la  réorganisation  delà  Mai- 
son du  roi  par  l'ordon.  du  4^^  nov.  4820  :  depuis  cette  date 
jusqu'en  4  830,  les  fonctions  de  premier  échanson  furent  rem- 
plies par  l'un  des  quatre  chambellans  de  l'hôtel.  Ch.  Mortet. 

BiBL  :  Le  P.  Anselme,  Hist.  généal.  et  chronol.  de  la 
maison  de  France,  1674,  t.  VIII,  pp.513  à  603;  avec  suppl. 
par  Potier  de  Courcy,  1881,  t.  IX,  2«  partie,  p.  879. 

ÉCHANSON NERIE.  On  appelait  ainsi,  à  la  cour  du  roi 
et  chez  les  grands  seigneurs  de  l'ancienne  France,  l'en- 
semble des  officiers  chargés  de  verser  à  boire  à  table  et, 
d'une  manière  plus  générale,  de  veiller  au  service  de  la 
cave.  —  L'habitude  d'avoir  dans  les  maisons  riches  des  gens 
spécialement  employés  à  cet  office  remonte  jusqu'à  l'anti- 
quité :  on  sait  que,  chez  les  Grecs  et  les  Romains,  de 
jeunes  esclaves  appelés  olvoy dot,  pocillatores,  pincernœ, 
apportaient  aux  banquets  le  vin  dans  des  cratères  et  y  pui- 
saient au  moyen  de  vases  spéciaux  (xuaôo;,  o'.yoxorî)  pour 
rempHr  les  coupes  des  convives.  Le  même  usage  existait  chez 
les  chefs  des  tribus  germaniques,  et  c'est  dans  les  textes 
bas-latins  de  l'époque  franque  qu'apparaît  pour  la  première 
fois  le  titre  d'échanson,  sous  la  forme  scancio  (gothique 
skankian,  allemand  schenken,  verser)  ;  mais  les  fonctions 
domestiques  qui  y  correspondaient  étaient  exercées  par  des 
hommes  Hbres,  compagnons  du  chef.  Les  rois  mérovingiens 
et  plus  tard  les  Carolingiens  avaient  parmi  les  officiers  de 
leur  palais  un  certain  nombre  de  scanciones  ou  pincernœ, 
qui  faisaient  le  service  de  la  table,  approvisionnaient  la  cave 
et  percevaient  les  revenus  des  vignobles  royaux,  sous  l'au- 
torité d'un  grand  officier  appelé  magister  scancionum, 
princeps  pincernarum,  plus  tard  buticularius. 

Au  xiii®  siècle,  lorsque  la  maison  des  rois  capétiens, 
devenue  considérable,  reçut  une  organisation  minutieuse 
(ordonn.  de  4264,  4285...),  l'échansonnerie  forma,  avec 
la  paneterie,  la  cuisine  et  la  fruiterie,  l'un  des  quatre  dé- 
partements entre  lesquels  fut  divisé  le  personnel  chargé  de 
préparer  les  repas  du  souverain  et  de  sa  cour.  En  4285, 
elle  se  composait,  sous  la  direction  du  grand  bouteiller,  de 
4  échansons,  à  qui  incombait  le  soin  d'acheter  du  vin  et 
de  percevoir  dans  le  domaine  la  redevance  de  hauban 
(payable  d'abord  en  muids  de  vin,  mais  depuis  4204  en 
argent)  ;  2  barilliers,  qui  veillaient  à  la  cave  et  aux  ton- 
neaux; 2  bouteillers,  qui  préparaient  les  boissons  ;  4  po- 
tier qui  avait  soin  de  la  vaisselle  ;  4  clerc  de  l'échansonnerie 
qui  tenait  les  comptes.  La  plupart  de  ces  fonctions  étaient 
très  recherchées  et  remphes  par  des  nobles  attachés  à  la 
cour  du  roi.  Dès  la  fin  du  xiv«  siècle,  le  service  de  l'échan- 
sonnerie avait  pris,  comme  les  autres,  une  grande  exten- 
sion ;  il  comptait  en  4386  :  9  échansons,  dont  un  premier, 
4  clercs,  7  sommeliers,  3  barilliers,  3  garde-huches  (pour 
le  soin  de  la  vaisselle), 40  aides,  4  huissier  et  4  voiturier. 
Quand  la  maison  civile  du  roi  fut  complètement  constituée, 
au  xvii®  siècle,  l'échansonnerie  fut  divisée  en  deux  ser- 
vices distincts  qui  relevaient  également  du  grand  échan- 
son :  Véchansonnerie-bouche  pour  la  table  du  roi,  et 
Véchansonnerie-commun  pour  celle  de  la  cour.  Le  pre- 
mier comprenait,  suivant  l'état  officiel  de  4742,  4  chef 
ordinaire,  42  chefs  par  quartier,  4  aides,  4  aide  ordi- 


m 


ECHANSONNERIE  —  ÉCHAPPEMENT 


naire,  4  sommiers  qui  transportaient  la  vaisselle  dans  les 
voyages  du  roi,  4  coureurs  de  vin  et  2  conducteurs  de 
haquenée,  qui  suivaient  le  roi  à  la  chasse  avec  des  provi- 
sions de  bouche.  Le  second  service  comprenait  :  20  chefs, 
42  aides,  1  maître  des  caves,  4  sommiers  de  bouteilles, 
2  sommiers  de  vaisselle  et  plusieurs  garçons.  La  reine  et 
les  princes  du  sang  avaient  un  train  de  maison  analogue. 
Ce  n'était  pas  seulement  à  la  cour  de  France  que  le  ser- 
vice de  l'échansonnerie  était  organisé  avec  ce  soin  luxueux, 
mais  aussi  dans  les  grandes  maisons  féodales  du  moyen 
âge,  comme  celles  de  Champagne,  de  Bourgogne  ou  de  Bre- 
tagne. Ainsi  Charles  le  Téméraire,  duc  de  Bourgogne,  avait, 
suivant  le  témoignage  d'Olivier  de  La  Marche,  1  premier 
échanson,  50  échansons  ordinaires,  2  sommeliers,  2  garde- 
huches  et  2  barilliers. 

Lorsque  les  échansons  faisaient  leur  service  à  la  table 
du  roi  ou  à  celle  d'un  seigneur,  ils  observaient  un  certain 
cérémonial.  A  la  cour  de  Bourgogne,  au  xv®  siècle,  dès 
que  le  duc  était  assis  à  table,  l'échanson,  un  genou  en 
terre,  lui  offrait  l'eau  pour  la  bouche  ;  pendant  le  repas, 
chaque  fois  que  le  duc  demandait  à  boire  par  signe,  l'échan- 
son prenait  le  gobelet  avec  la  soucoupe,  et  l'élevant  au- 
dessus  de  sa  tête,  allait,  précédé  de  l'huissier,  le  faire 
remplir  au  buffet  par  le  sommelier,  versait  un  peu  de  vin 
dans  la  soucoupe  du  sommelier  et  dans  la  sienne  pour  en 
faire  l'essai,  puis  donnait  le  gobelet  au  duc,  et,  tandis  que 
celui-ci  buvait,  tenait  la  soucoupe  sous  son  menton.  A  la 
fin  du  repas,  il  lui  présentait  le  bassin  et  l'eau  pour  se 
laver  les  mains.  A  la  cour  de  Louis  XIV  les  formalités  va- 
riaient suivant  que  le  roi  dînait  «  au  petit  ou  au  grand 
couvert  ».  Dans  le  premier  cas,  le  contrôleur  ordinaire  de 
la  bouche  avertissait  le  chef  de  l'échansonnerie  chaque  fois 
que  le  roi  demandait  à  boire  :  le  chef  allait  prendre  au 
buffet  un  plateau  sur  lequel  étaient  préparés  une  carafe  pleine 
d'eau,  une  carafe  de  vin  et  un  verre  ;  puis  il  s'avançait  vers 
le  grand  chambellan,  précédé  d'un  aide  de  l'échansonnerie 
qui  portait  Vessai,  c.-à-d.  une  petite  tasse  dans  laquelle 
le  chambellan  versait  un  peu  d'eau  et  de  vin  ;  il  y  goûtait 
devant  le  roi,  puis  lui  présentait  le  plateau,  et  le  roi  se 
servait  lui-même.  Dans  le  second  cas,  le  cérémonial,  réglé 
par  l'ordonnance  de  1681,  était  encore  plus  compliqué. 
—  Supprimées  à  la  fin  de  l'ancien  régime,  les  fonctions 
d'échanson  ne  furent  pas  rétablies  à  la  cour  de  Napoléon  P^  : 
suivant  l'étiquette  impériale,  c'était  le  premier  préfet  de 
service  qui  versait  à  boire  et  le  grand  maréchal  qui  offrait 
le  verre  au  souverain.  —  Pendant  la  Restauration,  l'échan- 
sonnerie fut  rétablie,  de  1815  à  1820,  sous  la  direction  du 
premier  échanson  de  France  ;  de  1820  à  1830,  elle  fut  confiée 
à  l'un  des  quatre  chambellans  de  l'hôtel,  sous  l'autorité  du 
grand  maître  de  France.  Ch.  Mortet. 

BiBL.  :  Legrand  d'Aussy,  Histoire  de  la  vie  privée  des 
Français^  éd.  Nodier,  1815,  t.  III,  p.  349.  —  A.  Franklin, 
la  Vie  privée  d'autrefois  :  la  Cuisine^  1888,  pp.  56,  187  ; 
Variétés  gastronomiques^  1891,  p.  180.  —  Comptes  de 
l'hôtel  des  rois  de  France  aux  xiv«  et  xv«  siècles,  publiés 
par  DouET  d'Arcq,  1865,  introd.  •—  Juvénal  des  Ursins, 
Hist.  de  Charles  VI,  éd.  D.  Godefroy  (Wbd) -,  Pièces  justi- 
ficatives, pp.  711  et  720.  —  Mémoires  d'Ol.  de  La  Marche, 
éd.  Beaune  et  d'Arbaumont,  1888,  t.  IV,  p.  31.  —  Trabouil- 
LET,  Etat  de  la  France  pour  1712,  t.  I,  pp.  98,  130. 

ÉCHANTIGNOLE  (Charp.)  (V.  Chantignole). 

ÉCHANTILLON.  I.  ARcmTECTURE.  —  Forme  et  dimen- 
sions de  différentes  espèces  de  matériaux  déterminées  par 
des  règlements  que  le  constructeur  doit  toujours  suivre 
pendant  toute  la  durée  des  travaux  d'un  édifice,  afin  d'as- 
surer la  bonne  exécution  de  son  oeuvre  et  la  parfaite  homo- 
généité de  toutes  les  parties  de  la  construction. 

II.  Marine.  —  Les  dimensions  d'une  pièce  de  bois,  par 
extension  la  force  d'un  navire,  l'épaisseur  de  sa  coque,  c'est 
ce  qu'on  appelle  échantillon.  «  Les  défauts  les  plus  essentiels 
qui  se  trouvent  dans  tous  les  vaisseaux  bastis  à  Toulon,  dont 
il  est  fait  mention  en  ce  devis,  consistent  en  ce  qu'ils  ne  sont 
pas  assez  forts  à  l'endroit  où  les  membres  se  joignent  et  qu'ils 
ne  sont  pas  bastis  de  bois  d'un  assez  gros  échantillon  à  pro- 
portion de  la  grandeur  :  il  n'y  a  rien  de  plus  important.  » 

GRANDE   ENCYCT.OPÉDTE.    —    XV. 


(Lettre  de  Seignelay  à  Duquesne  du  12  févr.  i6S0.) 
Les  navires  construits  spécialement  en  vue  d'une  grande 
vitesse  et,  par  conséquent,  très  légers,  tels  que  les  paque- 
bots, les  croiseurs,  ont  une  coque  mince  et  sont  de  faible 
échantillon  ;  les  cuirassés  et  les  bâtiments  de  charge,  cargo- 
boat^  où  une  grande  solidité  est  nécessaire,  ont  la  coque 
lourde  et  épaisse  et  sont  des  navires  de  gros  échantillon. 

III.  Contributions  indirectes.  —  Un  laboratoire  central 
a  été  créé  à  Paris  pour  l'expertise  des  vins,  liqueurs,  alcools 
dénaturés,  huiles,  sucres,  sels  dénaturés  et  toutes  autres 
substances  imposables  ou  paraissant  devoir  être  imposées. 
Une  circulaire  du  3  janv.  1878  de  l'administration  des  con- 
tributions indirectes  résume  les  instructions  au  sujet  du 
prélèvement  d'échantillons  et  de  leur  envoi.  L'importance 
de  chacun  des  échantillons,  suivant  qu'il  s'agit  de  liquides 
ou  d'autres  substances,  sera,  autant  que  possible,  d'un 
demi-Utre  ou  d'un  litre,  de  500  gr.  ou  d'un  kilogr.  En 
aucun  cas,  on  ne  devra  prélever  moins  de  30  centil.  ou 
de  300  gr.  Le  mode  d'analyse  en  usage  pour  les  huiles 
essentielles  exige  qu'un  litre  au  moins  des  produits  de  l'es- 
pèce à  examiner  soit  mis  à  la  disposition  de  l'expérimen- 
tateur. Les  fioles,  flacons,  boîtes  ou  paquets  contenant  les 
échantillons  devront  être  hermétiquement  bouchés  ou  fer- 
més et,  s'il  y  a  lieu,  revêtus  du  cachet  de  la  régie  et  de 
celui  du  redevable.  Lorsque  les  employés  de  la  régie,  croyant 
à  une  contravention,  ont  levé,  dans  les  formes  déterminées 
par  la  loi,  des  échantillons  de  la  boisson  suspectée,  l'ex- 
pertise ordonnée  par  les  juges  doit  porter  sur  ces  échan- 
tillons et  non  sur  la  boisson  dont  il  a  été  donné  mainlevée 
au  détenteur  (arrêt  de  la  cour  de  Nîmes  du  11  janv.  1877). 

IV.  Droit  commercial  (V.  Vente). 

BiBL.  :  Contributions  Ixndirectes.  —  Trescaze,  Dic- 
tionnaire général  des  contributions  indirectes. 

ÉCHANTILLONNAGE(Tissage).  Il  n'est  jamais  possible 
de  prévoir  d'une  manière  certaine  les  effets  que  produiront, 
après  leur  exécution,  les  combinaisons  d'entrelacements  de 
fils  ou  d'associations  de  couleurs  conçues  en  vue  d'obte- 
nir certains  tissus.  Avant  de  les  réaliser  en  grand,  on  est 
amené  à  tisser,  soit  dans  des  chaînes  de  largeurs  restreintes, 
soit  dans  les  portions  de  la  largeur  de  chaînes  ordinaires 
les  dispositions  que  l'on  se  propose  d'adopter,  en  faisant 
en  même  temps  varier  successivement  ces  effets.  On  choi- 
sit alors  les  parties  de  ces  étoffes  qui  semblent  répondre 
le  mieux  au  goût  de  la  clientèle  à  laquelle  on  devra  s'adres- 
ser, et  on  les  reproduit  en  dimensions  plus  grandes  pour 
composer  les  collections  d'échantillons  d'après  lesquelles  se 
traitent  les  marchés.  P.  Goguel. 

ECHAPPADE  (Gravure).  Accident  occasionné  par  le 
dérangement  d'un  outil  employé  à  la  gravure  et  qui  glisse 
à  travers  les  travaux.  Cet  accident  se  produit  quand  on  se 
sert  d'un  burin  dont  la  pointe  est  émoussée. 

ÉCHAPPÉE  (Peint.).  Espace  libre,  ouverture,  comprise 
dans  une  vue  d'intérieur,  de  sous-bois,  par  laquelle  on 
aperçoit  un  lointain.  On  dit  aussi  une  échappée  de 
lumière  pour  désigner  les  rayons  solaires  qui,  par  un  ciel 
couvert,  filtrent  parfois  entre  deux  nuages  et  viennent 
illuminer  vivement  une  scène  ou  un  fragment  de  paysage. 

ÉCHAPPEMENT.  I.  Mécanique.  —  C'est  la  période  de 
la  distribution  dans  les  machines  à  vapeur,  pendant  la- 
quelle la  vapeur,  ayant  rempli  son  rôle  actif  dans  les 
cylindres,  se  dégage  dans  l'atmosphère.  L'échappement 
joue  un  rôle  considérable,  surtout  dans  l'économie  de  la 
locomotive  ;  la  hauteur  de  la  cheminée  de  ces  machines  est 
beaucoup  trop  faible,  en  effet,  pour  déterminer  un  volume 
d'air  suffisant  dans  le  foyer  ;  le  tirage  est  dû  uniquement 
à  l'entraînement  par  la  vapeur  dégagée  dans  l'atmosphère, 
et  cette  disposition  explique  la  vaporisation  énorme  de  ces 
chaudières,  comparée  à  leur  faible  volume.  Le  courant  de 
vapeur  agit  à  la  fois  par  déplacement  et  par  frottement, 
c.-à-d.  qu'il  entraîne  l'air,  à  la  fois  en  faisant  le  vide  dans 
la  cheminée  comme  un  piston  gazeux  dans  un  corps  de 
pompe  et  en  le  frottant  comme  l'eau  d'une  rivière  sur  son 
lit.  Cette  dernière  action  paraît  de  beaucoup  la  plus  puis- 

17 


ÉCHAPPEMENT  —  ÉCHARD 


-  258 


santé  et  explique  les  essais  entrepris  par  nombre  d'inven- 
teurs pour  augmenter  le  tirage  en  multipliant  les  surfaces 
de  contact  de  l'air  et  de  la  vapeur.  Un  fait  bien  connu  des 
mécaniciens,  c'est  que,  s'ils  diminuent  la  section  du  tuyau 
d'échappement,  la  vitesse  du  tirage  va  en  augmentant. 
C'est  là  le  principe  de  l'échappement  variable  ;  en  serrant 
l'échappement,  les  mécaniciens  activent  le  feu,  et  ^  ils  ne 
négligent  pas  d'y  avoir  recours  toutes  les  fois  qu'ils  ont 
laisse  tomber  la  pression  pour  une  cause  quelconque. 
L'installation  pratique  du  tuyau  d'échappement  exerce  une 
grande  influence  sur  le  tirage  ;  ce  tuyau  débouche,  en  gé- 
néral, au  bas  de  la  cheminée  ;  il  faut  s'attacher  à  ce  qu'il 
soit  toujours  placé  bien  exactement  dans  l'axe  de  la  che- 
minée pour  que  le  jet  n'aille  pas  heurter  les  parois  et 
perdre  ainsi  inutilement  sa  force  vive.  L.  K. 

IL  Horlogerie  (V.  Ancre). 

[IL  Travaux  purlics.  —  Le  barrage  mobile  a  permis 
de  transformer  beaucoup  de  rivières  ordinaires  en  rivières 
canalisées.  Après  l'invention  de  Vicat  (chaux  hydrauliques), 
celle  de  Poirée  et  de  ses  émules.  Chanoine,  Louiche-Des- 
fontaines,  Girard,  etc.,  est  la  plus  importante  de  celles 
qu'on  doit  à  nos  ingénieurs  depuis  un  demi-siècle.  Le  bar- 
rage mobile  peut  être  établi  bien  plus  haut  que  l'ancien 
barrage  fixe  ;  mais  c'est  à  la  condition  d'être  annihilé  faci- 
lement quand  arrive  une  crue.  Pour  cela,  on  a  recours  à 
des  appareils  dits  échappements;  il  s'agit  d'enlever  la 
quantité  d'aiguilles  nécessaire,  tout  le  rideau  même  s'il  le 
faut,  d'après  les  nouvelles  qu'on  reçoit  d'amont  ;  enfin,  si 
l'on  craint  les  corps  flottants  ou  les  glaçons,  on  fait  tomber 
successivement  les  fermettes  en  repliant  la  passerelle  :  la 
rivière  est  libre.  Pour  abréger  cette  délicate  opération,  on 
a  r.ecours  à  l'un  ou  à  l'autre  des  procédés  suivants. 

Procédé  Poirée  fils  et  MichaL  Ces  ingénieurs  ont 
adopté  pour  barre  d'appui  des  aiguilles  la  première  planche 
de  la  passerelle  qui  repose  sur  la  partie  supérieure  des 
fermettes  ;  toutes  les  aiguilles  sont  réunies  par  une  corde 
entre  elles  et  à  leur  planche  d'appui,  puis  cette  corde  va  se 
fixer  en  aval  à  un  câble  attaché  à  la  rive.  Lorsqu'on  veut 
ouvrir  la  passe,  on  commence  par  enlever  à  la  main  les 
premières  aiguilles  masquant  le  passage  entre  la^  culée 
extrême  et  la  fermette  voisine,  ainsi  que  toutes  les  liaisons 
les  rattachant  l'une  à  l'autre.  Ensuite  on  interpose  entre 
les  fermettes  1  et  2  une  gritfe  à  mâchoires  qui  assure 
provisoirement  leurs  positions  respectives,  pendant  que  les 
ouvriers  enlèvent  la  passerelle  et  en  général  toutes  les  liai- 
sons, à  l'exception  de  la  planche  qui  supporte  les  aiguilles. 
Lorsque  enfin  on  enlève  la  griffe  à  mâchoires,  la  première 
fermette  et  la  planche  formant  barre  d'appui  ne  sont  plus 
adhérentes  que  par  les  frottements.  Alors,  avec  un  levier 
de  forme  spéciale,  on  ébranle  la  fermette  que  l'on  veut 
abattre  dans  le  sens  du  mouvement  qu'elle  doit  prendre  ; 
ce  premier  déplacement  met  son  taquet  en  contact  avec  la 
portion  arrondie  de  la  planche-appui  qui,  chargée  par  la 
pression  des  aiguilles,  effectue  sa  rotation  et  pousse  la  fer- 
mette vers  le  radier.  Pendant  ce  temps,  les  aiguilles  et  la 
planche  elle-même  sont  emportées  par  le  courant  et  de- 
meurent flottantes  au  bout  du  cable,  ou  cincenelle. 

Echappement  Chanoine.  Dans  ce  procédé,  la  barre 
d'appui  de  chaque  travée  est  percée  d'un  œil  à  une  extré- 
mité et  armée  d'un  crochet  à  l'autre,  comme  certaines 
barres  de  fer  qui  servent  souvent  à  la  campagne  à  fixer 
un  battant  de  porte,  de  l'intérieur  ;  dans  le  barrage,  tou- 
tefois, le  mouvement  de  rotation  de  la  barre  est  horizontal. 
La  rotation  s'effectue  sur  la  fermette  qui  doit  rester  en 
place  ;  le  crochet  se  fixe  à  celle  qui  doit  tomber,  et  en  tel 
sens  que  la  pression  l'ouvre,  c.-à-d.  que  la  concavité  du 
crochet  regarde  l'amont.  Dans  cette  position,  pour  maintenir 
la  barre,  on  soutient  le  crochet  par  un  excentrique  adhé- 
rent à  la  fermette.  Quand  on  veut  faire  disparaître  la  retenue, 
on  a  encore  recoui'S  à  une  griffe  à  mâchoires  ;  elle  va  d'un 
excentrique  à  l'autre,  et  on'la  maintient  en  place  jusqu'après 
enlèvement  de  la  passerelle.  Alors  on  enlève  la  griffe  et,  de 
la  fermette  qui  va  rester  debout,  on  frappe  l'excentrique  de 


celle  qui  doit  tomber  ;  cet  excentrique  se  déplace  et  laisse 
la  barre  d'appui  faire  sa  rotation.  M.-C.  L. 

BiBL.  :  Travaux  publics.  —  Guillermain,  Rivières  et 
Canaux  ;  Paris,  1885,  2  vol.  gr.  in-8. 

ÉCHARÇON.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Oise,  arr.    et 
cant.  de  Corbeil  ;  306  hab. 

ÉCHARD  (Le  père  Jacques),  célèbre  érudit,  né  à  Rouen 
le  22  sept.  1644,  mort  à  Paris  le  15  mars  1724.  Fils  de 
R.  Echard,  secrétaire  du  roi,  il  entra  dans  l'ordre  des 
dominicains  le  15  nov.  1660.  H  s'y  distingua  par  l'étendue 
de  son  savoir,  l'exactitude  de  ses  recherches  historiques, 
la  pénétration  de  son  jugement  ainsi  que  par  la  modestie 
de  son  caractère.  Son  principal  ouvrage  est  une  savante 
histoire  des  personnages  de  son  ordre  qui  se  sont  signalés 
par  leurs  écrits  :  Scriptores  ordinis  prœdicatonm 
recensai  notisque  historicis  et  criticis  illustrati 
(Paris,  1719-1721,  2  vol.  in-fol.).  Elle  avait  été  entre- 
prise par  le  P.  Jacques  Quétif  (1618-1698),  qui  fut 
bibliothécaire  de  la  maison  des  dominicains  à  Paris.  Mais 
celui-ci  ne  fit  qu'une  faible  partie  de  ce  recueil,  tandis  que 
le  P.  Echard  parvint  à  mener  à  bonne  fin  le  vaste  travail 
dont  il  s'était  chargé.  Des  notices  disposées  par  ordre  chro- 
nologique font  connaître  la  vie  des  frères  prêcheurs ,^  la 
nature  de  leurs  travaux,  la  date  et  le  lieu  de  publication 
de  leurs  œuvres  imprimées,  les  bibliothèques  et  les  dépôts 
d'archives  où  se  trouvent  celles  qui  sont  restées  manus- 
crites. Les  preuves  qui  accompagnent  chaque  assertion 
donnent  à  l'ouvrage  une  grande  autorité  et  en  font  l'une 
des  sources  les  plus  sûres  pour  l'histoire  ecclésiastique  et 
l'histoire  littéraire.  —  Un  autre  écrit  du  P.  Echard,  bien 
moins  souvent  consulté,  mais  non  sans  valeur,  est  un 
mémoire  sur  Vincent  de  Beauvais.  Il  est  intitulé  Sancti 
Thomœ  summa  suo  auctori  vindicata,  sive  de  Vin- 
centii  Bellovacensis  scriptis  dissertatio,  in  qiia  quid 
de  speculo  morali  sentiendum  aperitur  (Paris,  1708, 
in_8).  —  On  a  encore  de  ce  savant  dominicain  une  lettre 
en  date  du  9  déc.  1723,  adressée  à  l'abbé  Le  Clerc,  Sul- 
picien,  pour  prouver  que  Jean  Hennuyer,  évêque  de  Lisieux 
(1560-1578),  n'a  point  été  religieux  de  l'ordre  de  Saint- 
Dominique.  Elle  a  été  insérée  dans  le  t.  V  des  Mémoires 
d'histoire,  de  critique  et  de  littérature  de  l'abbé  d'Ar- 
tigny  (1749-56).  Victor  Mortet. 

BiBL.  :  MoRERi,  le  Grand  Dictionnaire  historique  (nouv. 
éd.,  1759),  IV,  art,  Echard.  —Richard  et  Giraud,  Diction, 
univ.  des  se.  ecclës.,  1760,  II,  art.  Echard.—  P.-H.  De- 
NiFLE,  Qaellen  zur  Gelehrtengeschichte  des  Predigeror- 
dens  im  13  iind  i4  Jahrhiindert,  dans  Archiv  fur  Litte- 
raiur  und  Kirchengeschichte  des  MitLelalters^  1886,  vol.  II, 
pp.  165  et  suiv. 

ECHARD  (Laurence),  historien  anglais,  né  à  Barsham 
(Suffolk)  vers  1670,  mort  à  Lincoln  le  16  août  1730.  Après 
avoir  étudié  et  pris  ses  grades  à  Cambridge,  il  entra  dans 
les  ordres  et  devint  chapelain  de  l'évêque  de  Lincoln  et  ar- 
chidiacre de  Stow.  Il  est  connu  surtout  par  son  History 
of  England  from  the  first  entrance  of  Jiilius  Cœsar 
and  the  Romans  to  the  establishment  of  king  Wil- 
liam and  Mary  (1707-1718,  3  vol.  av.  un  appendice 
en  1720),  qui  obtint  beaucoup  de  succès,  malgré  sa 
naïveté  ou  plutôt  à  cause  d'elle.  Nous  citerons  encore 
d'Echard  :  An  Exact  Description  of  Ireland  (1691, 
in-12)  ;  A  Description  or  Flanders  or  the  Spanish  Ne- 
therlands  (1691);  A  Most  compleat  Compendium  of 
geography  gênerai  and  spécial  (1691,  in-12  ;  8''  éd., 
1713, in-12);  The  Gazeteer's  or  ISeivman's  interpréter 
(1695,  3^  éd.  ;  1741,  15«  éd.  in-12);  The  Roman  His- 
tory from  the  building  ofthe  city  to  the  removal  of 
the  Impérial  states  by  Constantine  the  great  (1698- 
99,  4^  éd.,  2  vol.  in-8);  A  General  ecclesiastical  His- 
tory (1702,  in-fol.;  1722,  6«  éd.,  in-8);  The  History 
of  the  révolution  and  the  establishment  of  England  in 
the  year  i688  (1725,  in-8),  etc.,  et  des  traductions  de 
Piaule,  de  Térence,  de  Lucien,  de  VHistoire  des  révolu- 
tions d'Angleterre  du  père  d'Orléans,  etc.  R.  S. 

ÉCHARD  (Charles),  peintre  français,  né  à  Caen  en  1748, 
mort  à  Paris  vers  le  commencement  du  xix^  siècle.  Il  fut 


—  2o9  — 


ECHARD  —  ÉGHARPE 


élève  de  Descamps  père  ;  agréé  à  l'Académie  de  peinture 
en  1782,  il  fut  exclu  de  cette  compagnie  pour  n'avoir  pas 
fourni  son  morceau  de  réception.  11  passa  quelques  années 
en  Hollande,  où  il  étudia  les  maîtres  flamands  et  hollandais. 
Echard  a  peint  des  marines  et  des  paysages  :  en  1791, 
Vue  de  Hollande^  Vue  de  Marseille^  Vue  du  port  de 
Harlem;  er\  1798,  Vue  du  Mont-Blanc,  Vue  du  glacier 
et  des  bois  de  Chamouny.  Les  musées  de  Rouen  et  d'Alen- 
çon  possèdent  des  tableaux  de  cet  artiste,  qui  a  gravé 
aussi  plusieurs  eaux-fortes. 

ÉCHARDONNAGE  (Industr.).  L'échardonnage  est  une 
préparation  relativement  récente  que  l'on  fait  subir  aux 
laines  et  qui  a  remplacé  le  triage  à  la  main,  lors  de  l'appa- 
rition, sur  le  marché,  des  laines  de  Buenos-Aires.  Les 
toisons  de  l'Amérique  du  Sud  sont,  en  effet,  souillées  de 
graines  de  chardon  ou  plutôt  de  graines  d'une  espèce  par- 
ticulière de  trèfle,  et  il  eût  été  impossible  de  les  employer 
industriellement  sans  l'intervention  des  machines  spéciales 
dites  échardonneuses  ou  égratteronneuses.  Dès  le  principe, 
l'échardonnage  se  pratiqua  entièrement  à  la  main  par  des 
femmes  ;  chaque  ouvrière  devait  chercher  des  yeux  et  des 
doigts  les  gratterons  ou  chardons  roulés  dans  la  laine 
étendue  sur  une  claie  devant  elle  ;  elle  prenait  cette  laine 
mèche  à  mèche,  pinçait  entre  les  doigts  d'une  main  le 
gratteron  trouvé  et  tirait  les  fibres  avec  l'autre  main  ;  elle 
jetait  tous  les  gratterons  ainsi  retirés   dans  un  panier 
d'osier  dit  boutillon,  ainsi  nommé  parce  qu'il  était  placé 
au  bout  de  la  claie,  et  elle  mettait  à  part  la  laine  épurée. 
Lorsque  la  première  machine  à  échardonner  fut  inventée, 
il  y  eut  grand  émoi  parmi  les  trieuses,  chaque  machine 
pouvant  suppléer  au  travail  de  trente  femmes  ;  aussi  ne 
fût-ce  seulement  qu'à  la  longue  que  l'industrie  lainière 
put  en  faire  emploi.  Les  premiers  types  d'échardonneuses 
reposent  sur  la  combinaison  d'un  battage  énergique  pour 
ouvrir  les  filaments  et  d'un  démêlage  pour  soumettre  les 
fibres  étirées  à  l'action  de  cylindres  à  côtes  saillantes  tour- 
nant à  grande  vitesse.  Les  chocs  répétés  des  côtes  sur  les 
mèches  de  laine  détachent  ou  brisent  les  graines  et  les 
pailles.  L'inconvénient  est  précisément  de  briser  les  ma- 
tières végétales  et  de  subdiviser  les  graines  qui  se  déve- 
loppent à  la  manière  de  ressorts  préalablement  roulés  en 
spirales  et  armés  de  piquants.  Vers  1870,  vingt  ans  après 
l'adoption  de  l'échardonnage  mécanique,  apparurent  plu- 
sieurs procédés  d'échardonnage  chimique.  Sauf  des  va- 
riantes de  détail,  les  différentes  méthodes  consistent  dans 
le  traitement  de  la  matière  textile  par  un  liquide  acide, 
capable  d'atlaquer  les  parties  ligneuses  sans  altérer  la 
laine,  puis,  après  lavage,  dans  la  carbonisation  à  l'intérieur 
d'une  étuve  des  graines  et  pailles  rendues  ainsi  friables- 
L'écueil  des  procédés  chimiques  gît  dans  la  difficulté  de 
limiter  exactement  l'effet  de  l'acide  qui,  parfois,  occasionne 
l'altération  ultérieure  de  la  fibre  même  et  des  teintures  dont 
elle  est  imprégnée.  Aussi,  depuis  quelques  années,  revient- 
on  aux  moyens  mécaniques.   Dans  les  échardonneuses,  la 
laine  désuintée  préalablement,  étalée  sur  une  toile  sans 
fin  en  couche  régulière  plus  ou  moins  épaisse,  est  amenée 
à  des  cylindres  alimentaires  sur  lesquels  la  pression  ne 
doit  jamais  être  assez  considérable  pour  produire  l'écrase- 
ment des  gratterons.  Elle  est  ensuite  reçue  par  un  cylindre 
dit  batteur,  alternativement  muni  de  dents  en  forme  de 
couteau  et  de  battes  rectangulaires  en  fonte  ;  là  les  brins 
sont  désagrégés  par  les  dents  et  secoués  par  les  battes,  ce 
qui  fait  que  tout  ce  qui  est  un  peu  adhèrent  à  la  laine 
tombe  d'abord  sous  la  machine.  Le  textile  passe  ensuite 
entre  un  rouleau  muni  de  brossettes  et  un  cylindre-héris- 
son garni  de  dents  de  cardes  ;  la  brosse  aide  à  l'alimentation 
du  hérisson,  ce  dernier  ayant  pour  mission  d'ouvrir  la  laine 
et  de  la  fournir  en  lame  mince  à  un  cylindre  peigneur  qui  le 
suit,  animé  d'un  mouvement  de  rotation  continue.  La  laine 
est  enlevée  par  un  cylindre  peigneur  et  elle  est  dépouillée  de 
ses  chardons  par  deux  rouleaux  à  côtes  dits  échardonneurs, 
tournant  en  sens  inverse,  qui  en  détachent  les  ordures  par 
une  succession  de  coups.  Les  gratterons  sont  reçus  dans  une 


boîte  et  les  mèches  nettoyées  sont  retirées  du  cylindre  par 
une  brosse  qui  les  projette  sur  un  plan  incliné  derrière  la 
machine.  Un  ventilateur  débarrasse  celle-ci  des  poussières 
et  les  envoie  dans  une  cheminée  d'appel.  L.  Knab. 
ÉCHARNA6E  (Tann.)  (V.  Cuir). 
ECHARPE.  I.  Archéologie.  —  Draperies  attachées  par 
leurs  deux  extrémités  et  tombant  au  milieu  de  façon  à  pro- 
duire une  courbe  gracieuse  et  dont  les  deux  bouts,  ter- 
minés par  un  gland,  retombent  en  queue  d'écharpe.  Cette 
disposition  de  draperies  fut  surtout  employée  au  commen- 
cement de  ce  siècle. 

II.   Histoire.   —   L'usage   d'attacher   par-dessus   ses 
armes  une  pièce  d'étoffé  de  couleur  déterminée  pour  se 
faire  reconnaître  est  sans  doute  fort  ancienne.  Mais,  au 
moyen  âge,  on  porta  surtout  dans  ce  but  des  voiles  de 
casque,  des  cottes  d'armes,  des  dalmatiques,  voire  une 
manche  aux  couleurs  des  chefs  et  des  partis  sous  lesquels 
on  servait.  Si  l'écharpe  apparaît,  ce  n'est  que  d'une  façon 
irrégulière.  Au  xiv«  siècle,  on  porta  des  écharpes,  déjà 
signalées  au  xni^,  et  même  par-dessus  les  vêtements.  La 
maison  d'Anjou-Sicile  se  reconnaissait  à  ses  écharpes  de 
couleur  verte  adoptées  plus  tard  par  celle  de  Lorraine,  son 
héritière,  et  qui  devinrent  ainsi,  dans  la  suite,  celles  des 
Guises  et  de  la  Ligue  après  leur  mort.  Au  commencement 
du  xve  siècle,  les  partisans  du  duc  de  Berry  étaient  dits 
bandez,  à  cause  d'une  bande  ou  écharpe  qu'ils  portaient 
pour  se  distinguer  des  autres.  Mais  c'est  seulement  au 
xvi^  siècle  et  sous  Henri  H  que  l'écharpe  devint  une  partie 
du  costume  militaire.  Les  soldats  la  portaient  par-dessus 
le  corps  d'armure  ou  le  collet  de  buffle,  nouée  sur  la 
hanche  gauche,  les  cavaliers  la  nouant  parfois  sur  l'épaule; 
souvent  on  en  portait  deux  croisées  sur  la  poitrine,  l'une 
étant  celle  du  parti,  c.-à-d.  la  même  pour  toute  l'armée, 
l'autre  variant  de  compagnie  à  compagnie  et  étant  aux 
couleurs  des  colonels,  mestres  de  camp  ou  capitaines.  H 
en  fut  de  même  des  écharpes  qu'on  attachait  aux  enseignes 
et  qui  devinrent  les  cravates  des   drapeaux.   L'écharpe 
blanche  fut  d'abord  portée,  comme  couleur  de  commande- 
ment, par  les  officiers  de  haut  grade  qui  la  croisaient  par- 
dessus celle  de  leur  parti  ou  celle  à  leurs  couleurs  propres 
et  qu'ils  faisaient  aussi  porter  à  leurs  gens.  Ces  confusions 
ne  firent  que  s'accroître  pendant  les  'guerres  de  religion, 
où  les  moindres  chefs  de  bandes  prétendaient  à  l'indépen- 
dance et  à  des  couleurs  personnelles.  Mais  une  grande 
division  se  fit  qui  permit  aux  deux  partis  de  se  reconnaître  ; 
les  huguenots  arborèrent  des  écharpes  blanches  par-dessus 
leurs  casaques  blanches  ;  les  catholiques  usèrent  d'écharpes 
rouges.  Puis,  sous  Henri  III,  apparaît  une  troisième  couleur, 
l'écharpe  verte  des  Guises,  celle  des  ligueurs.  Au  reste, 
un  moment  les  huguenots  avaient  porté,  en  1369,  les 
écharpes  jaunes  et  noires,  aux  couleurs  du  duc  de  Deux- 
Ponts,  en  reconnaissance  des  forts  secours  que  ce  prince 
leur  avait  amenés  d'Allemagne.  L'écharpe  rouge  des  catho- 
liques était  celle  que  portaient  les  troupes  espagnoles.  En 
1588,  les  ligueurs  abandonnèrent  les  écharpes  vertes  et 
en  prirent  de  noires  pour  porter  le  deuil  des  Guises  morts 
par  ordre  de  Henri  III.  Mais  quand,  quelques  mois  après,  le 
roi  fut  assiégé  dans  Tours  par  les  ligueurs  (1589),  il 
reçut  à  temps  secours  du  roi  de  Navarre  et  de  ses  hugue- 
nots et,  en  signe  de  gratitude,  il  prit  et  imposa  à  son 
armée  l'écharpe  blanche,  qui  resta    désormais  celle  de 
l'armée  royale.  Ces  écharpes  portaient  souvent  des  em- 
blèmes brodés  ;  ainsi,  la  soie  rouge  de  celles  des  catho- 
liques était  couverte  de  croix  blanches,  la  soie  blanche  des 
autres  fut  ornée  plus  tard  de  fleurs  de  lis  d'or,  etc.  Henri  IV, 
après  la  paix  de  Vervins,  délaissa  personnellement  Técharpe 
blanche  et^  en  portait  d'habitude  une  bleue,  couleur  de 
France  ancien,  dans  les  cérémonies  officielles.  Et,  dans  la 
vie  courante,  il  préférait  en  avoir  une  aux  couleurs  de  sa 
favorite  du  jour.  On  continua  à  porter  l'écharpe,  à  la  ville 
comme  aux  armées,  sous  le  règne  de  Louis  XIII  ;  mais,  au 
lieu  de  la  mettre  en  sautoir,  on  s'en  ceignit  la  taille,  très 
haut,  jusqu'aux  pectoraux,  suivant  cette  mode  alors  en 


ÉCHARPE  -  ÉCHASSES 


—  260  - 


voeue  qui  faisait  remonter  la  ceinture  des  vêtements  et  des 
cuirasses  sous  les  épaules.  Les  gens  de  bel  air  affectèrent, 
au  contraire,  sous  Louis  XIV,  de  la  porter  très  lâche, 
retombant  sur  les  hanches;  puis  elle  disparut  de  1  armée, 
car    rétablissement   d'uniformes  détermmés  en   rendait 
Tusase  inutile.  Mais,  pendant  le  xvii«  siècle,  les  champs 
de  bataille   de  l'Allemagne,  de  l'Italie  et  de  la  France 
avaient  vu  toutes  les  écharpes  de  l'Europe  se  mêler,  les 
bleues  des  Savoyards  et  des  Anglais,  les  blanches  des 
Français,  les  rouges  des  Espagnols,  celles  jaunes  et  noires 
des  Autrichiens,'qu'un  moment  Walenstein  fit  remplacer 
par  les  couleurs  de  l'Espagne,  les  enseignes  orange  des 
Hollandais,  bien  d'autres  encore.  Le  souvenir  des  écharpes 
se  earda  longtemps  dans  les  couleurs  diverses  des  larges 
baudriers  des  épées  et  jusque  sous  la  Révolution  dans  les 
bandoulières  des  compagnies  de  gens  d'armes  et  de  chevau- 
légers.  En  sept.  1791,  on  voit  même  la  Convention  donner 
aux  cantons  des  compagnies  de  vétérans  dont  la  marque  dis- 
tinctive  était  une  écharpe  blanche,  et  les  chefs  des  chouans 
portaient  aussi  une  large  écharpe  autour  de  la  taille.  Les 
représentants  du  peuple  auprès  des  armées  étaient  ceints 
d'une  écharpe  tricolore,  et  cet  insigne  est  encore  aujourd  hui 
remblème  de  la  loi,  porté  par  les  commissaires  de  police  et 
les  officiers  municipaux.  Maurice  Mâindron. 

Les  miniatures  du  moyen  âge  montrent  des  prix  de  tournoi 
ou  des  bijoux  portés  par  des  dames  et  recouverts  d  écharpes 
en  soie  dont  les  deux  extrémités  sontsoutenues  par  des  pages. 
—  Dans  certaines  cérémonies  religieuses  et  notamment 
muTl'd  Messe  des  Trois  Maries,  le  prêtre  se  couvre  les 
épaules  d'une  écharpe  de  soie  blanche  dont  les  bouts  lui 
servent  à  soutenir  le  saint  ciboire  sans  le  toucher  directe- 
ment. Il  en  était  de  même  pour  l'ostensoir,  lors  des  pro- 
cessions de  la  Fête-Dieu.  Les  ministres  du  culte  grec  la 
revêtent  avant  d'entrer  dans  le  sanctuaire.  Les  juifs  jettent 
également  une  écharpe  sur  leurs  vêtements  quand  ils  sont 
à  la  synagogue.  . 

Vers  le  commencement  du  xix«  siècle,  les  dames  se 
mirent  à  porter  des  écharpes  dont  les  extrémités  retom- 
baient des  épaules  et  se  nouaient  en  avant  du  corps.  Cette 
mode  était  venue  à  la  suite  de  l'expédition  d'Egypte,  qui 
avait  fait  connaître  en  France  les  châles  cachemires  de 
l'Orient.  On  fit  également  des  écharpes  en  dentelle,  ^  en 
gaze,  en  étoffe  de  soie  brodée  ;  le  mantelet  actuel  n  est 
qu'une  transformation  de  ce  vêtement. 

L'usaee  de  l'écharpe  s'est  perpétué  de  nos  jours  dans 
l'armée  allemande,  en  Russie,  en  Angleterre  et  dans  la 
plupart  des  pays  étrangers  comme  marque  distmctive  du 
grade  et  de  la  durée  du  service,  tant  dans  les  troupes  de 
terre  que  dans  les  équipages  de  la  marine.  Il  a  ete  aban- 
donné en  France,  où  le  port  de  l'écharpe  est  reserve  aux 
seuls  représentants  de  la  puissance  législative  et  de  la  de- 
lésation  judiciaire.  Diverses  corporations  s'en  revêtent  dans 
les  réunions  officielles  et  les  commissaires  ordonnateurs  des 
fêtes  sont  désignés  par  une  écharpe  que,  le  plus  souvent, 
ils  portent  au  bras.  ^  A.  de  Ch. 

III  Chirurgie.  —  L'écharpe  est  un  bandage  plem, 
destiné  à  maintenir  l'avant-bras  fléchi  sur  le  bras  contre 
la  poitrine.  Tout  le  monde  connaît  l'écharpe  ordinaire  cons- 
tituée par  une  pièce  de  linge  pliée  de  façon  variable,  et 
dont  les  deux  extrémités  viennent  se  serrer  en  arrière  du 
cou.  Ce  bandage  élémentaire  est  employé  fort  souvent  dans 
les  plaies  de  minime  importance,  bien  qu'il  n'immobilise 
que  d'une  façon  très  relative  le  membre  supérieur.  De  beau- 
coup préférables  sont  l'écharpe  dite  de  Mayor  et  celle  de 
J  -L.  Petit,  toutes  deux  plus  solides,  quoique  cependant 
d'une  application  plus  délicate.  L'écharpe  de  Mayor  se  com- 
pose d'une  pièce  de  linge  carrée  d'environ  1  m.  de  côte  qu  on 
plie  en  deux  suivant  l'une  des  diagonales,  avant  de  pro- 
céder à  son  application.  On  place  l'écharpe  sur  la  poitrine, 
la  base  du  triangle  en  bas,  et,  pendant  qu'un  aide  maintient 
de  chaque  côté  du  cou  les  deux  angles  supérieurs,  on  re- 
tourne sur  le  bras  malade,  replié  devant  l'écharpe,  la  base 
du  triangle.  On  constitue  ainsi  une  sorte  de  gouttière  qm 


retient  d'autant  mieux  l'avant-bras  contre  le  tronc  qu  on 
en  réunit  les  deux  extrémités  en  arrière  par  un  nœud,  ou 
mieux  encore  par  quelques  points  de  couture.  Pour  les  deux 
angles  supérieurs  confiés  à  l'aide,  on  les  rattache  à  leur 
tour  à  la  ceinture  constituée  parles  deux  bouts  précédents, 
soit  directement,  soit  à  l'aide  de  deux  petites  bretelles. 
L'écharpe  de  J.-L.  Petit  se  fait  avec  une  grande  serviette, 
à  peu  près  de  même  dimension  que  la  précédente.  On  place 
le  plein  de  la  pièce  de  linge  sur  la  poitrme,  et  l'on  applique 
contre  elle  le  bras  malade,  de  telle  sorte  que  l'angle  droit 
qu'elle  forme  corresponde  au  coude.  On  fait  venir  un  des 
angles  aigus  sur  l'épaule  saine,  l'autre  sur  l'épaule  du  cote 
malade,  en  la  passant  d'abord  devant  l'avant-bras,  et  on 
les  fixe  en  arrière  du  cou  convenablement.  Revenant  alors 
sur  le  plein  de  l'écharpe,  on  la  dédouble,  tirant  l'un  des 
angles  du  côté  delà  main,  l'autre  du  côté  du  coude,  et  cela 
de  façon  à  ce  que  l'avant-bras  se  trouve  à  peu  près  au 
centre  de  la  serviette.  On  termine  enfin  en  faisant  passer 
l'un  des  deux  angles  en  arrière  du  bras,  l'autre  en  arrière 
de  la  main,  et  en  les  fixant  l'un  à  l'autre.  D'^  A. 

IV.  Artillerie.  —  Un  tir  (V.  ce  mot)  est  dit  d'^'c/iar/?^ 
lorsque  sa  direction  est   oblique  par  rapport  au  but  a 

*  battre.  Il  est  plus  efficace  que  le  tir  direct  parce  que  le 
but  s'offre  à  lui  sous  une  plus  grande  profondeur.  On  dit 
aussi  batterie  d' écharpe,  coup  d'écharpe.  Les  expressions 
battre  on  prendre  en  écharpe  sont  également  usitées. 

V.  Ordres  (V.  Bande  [Ordre  de  la]). 

VI.  Construction.  —  On  appelle  écharpe,  ou  quelquefois 
décharge,  une  pièce  de  bois  posée  obliquement  dans  un  pan 
de  bois  ou  dans  un  cintre  pour  soulager  les  pièces  verticales 
d'une  partie  du  poids  qu'elles  ont  à  supporter  :  les  écharpes 
atteignent  ce  but  en  s'opposant  à  la  déformation  des  figures 
rectangulaires  suivant  la  diagonale  desquelles  elles  sont 
placées.  La  même  dénomination  s'applique  à  toute  pièce 
oblique  ayant  la  même  destination  ;  par  exemple,  dans  une 
porte  d'écluse,  l'écharpe  est  un  tirant  en  fer  fixe  d  un  bout 
à  la  partie  supérieure  d'un  poteau-tourillon  et  de  l  autre  au 
bas  du  poteau  busqué.  Lorsque  les  écharpes  agissent  ainsi 
par  traction,  il  est  souvent  utile  de  disposer,  soit  au  milieu 
de  leur  longueur,  soit  sur  leurs  extrémités,  des  appareils 
de  serrage,  tels  que  clavettes,  écrous,  etc.,  permettant  d  en 
récrier  la  longueur  et  de  relever  la  porte  qui  a  commence 
à  le  déformer  en  donnant  du  nez.  Dans  les  mêmes  portes 
d'écluse,  les  écharpes  en  bois,  disposées  suivant  1  autre 
diagonale,  c.-à-d.  appuyant  la  partie  supérieure  du  poteau 
busqué  sur  la  base  du  poteau-tourillon  portent  le  nom  de 
bracons.  La  dimension  du  tirant  formant  écharpe  doit  être 
calculée  de  manière  à  ce  que  cette  pièce  soit  sutiisante  pour 
porter  le  poids  de  la  porte,  sans  tenir  compte  de  la  résis- 
tance opposée  à  la  déformation  par  les  assemblages  des 
entretoises  horizontales  avec  les  poteaux  montants,  bi  donc 
P  est  le  poids  total  de  la  porte  que  l'on  peut  supposer 
réparti  par  moitié  entre  le  pivot  et  l'écharpe,  si  a  est  la 
lameur  horizontale  du  vantail  et  h  sa  hauteur,  letiort 

auquel  le  tirant  devra  résister  sera  ^  V  P* 

ce  même  effort  que  devront  être  en  état  de  surmonter  les 
appareils  de  serrage  dont  il  vient  d'être  parle.  Dans  le  ser- 
vice des  ponts  et  chaussées,  on  appelle  écharpe  une  peti  e 
digue  ou  un  petit  caniveau  qu'on  établit  obliquement  sur  la 
surface  des  accotements  d'une  route  pour  amener  les  eaux 
pluviales  dans  le  fossé.  Ces  écharpes  doivent  être  tracées 
suivant  la  ligne  de  plus  grande  pente  de  la  surface  a  tra- 
vers laquelle  elles  établissent  l'écoulement.  A.  1^ . 

ÉCHASSE.  I.  Ornithologie.  —  Les  Échasses  (Hzman- 
topus  Briss.)  qui  doivent  leur  nom  français  à  la  longueur  et 
à  la  gracilité  de  leurs  pattes,  dénudées  bien  au-dessus  de 
l'articulation  tibio-tarsienne,  se  placent  dans  1  ordre  des 
Échassiers  tout  à  côté  des  A  vocettes  (V.  ce  mot  et  Echassiers) 
dont  elles  diffèrent  par  la  forme  de  leur  bec  et  le  développe- 
ment de  leurs  ailes.  Celles-ci,  lorsqu'elles  sont  ployees, 
dépassent  en  effet  de  5  à  6  centim.  l'extrémité  de  la  queue, 


—  Wi  — 


ÉCHASSE  —  ECHASSIERS 


et  les  mandibules,  extrêmement  grêles,  ne  se  relèvent  pas  à 
l'extrémité,  mais  s'avancent  en  ligne  droite,  sur  une  lon- 
gueur égale  à  deux  fois  environ  la  longueur  de  la  tête.  Le 
plumage  est  tantôt  d'un  noir  pourpre  uniforme,  comme 
chez  l'Echasse  de  la  Nouvelle-Zélande  (Himantopus  Novce 
Zelandiœ  Gould),  tantôt  blanc  et  noir  comme  chez  TEchasse 
blanche  d'Europe  {Himantopus  candidus  Bonnat.), 
TEchasse  à  nuque  noire  {H.  nigricollis  V.)  des  Etats-Unis, 
de  la  Colombie  et  du  Brésil,  et  l'Echasse  à  tète  blanche 
(H.  leucocephalus  Gould)  d'Australie  et  des  Moluques. 


Échasse. 

Les  Echasses  vivent  en  petites  troupes  sur  les  côtes,  au 
bord  des  étangs  et  des  marais  salants  dans  les  contrées 
chaudes  ou  tempérées  de  l'Annam  et  du  Nouveau  Monde  et 
en  Océanie  ;  elles  se  nourrissent  de  vers  et  de  petits  Mol- 
lusques marins  ou  d'eau  douce.  Leur  genre  était  déjà  repré- 
senté dans  notre  pays,  .durant  la  période  tertiaire,  par  une 
espèce  que  M.  A.  Milne  Edwards  a  nommé  Himantopus 
brevipes.  E.  Oustalet. 

IL  Technologie.  —  Nom  que  l'on  donne  à  de  longues 
perches  qui  servent  de  supports  verticaux  dans  les  écha- 
faudages (V.  ce  mot).  Ces  echasses,  appelées  aussi  bali- 
veaux ou  écoperches,  sont  formées  de  bois  de  brin  et  ont 
un  diamètre  minimum  à  la  base  de  0^12  àO^M5  sur  une 
hauteur  qui  atteint  parfois  45  m.  On  donne  aussi  le  nom 
d'échasse  à  la  règle  de  bois  mince  sur  laquelle  les  appa- 
reilleurs  marquent  la  longueur,  la  hauteur  et  la  largeur 
des  pierres  à  tailler,  pour  chercher  dans  le  chantier  les 
blocs  qui  peuvent  convenir.  L.  K. 

On  donne  aussi  le  nom  à'échasses  à  deux  perches  ou 
bâtons  de  1™50  à  2  m.,  munis  d'une  espèce  d'étrier  appelé 
fourchon,  placé  à  une  certaine  hauteur  et  sur  lequel  on 
pose  le  pied.  Elles  sont  serrées  aux  jambes,  au-dessous  du 
genou,  par  des  courroies.  Les  echasses  des  enfants  ne  res- 
semblent pas,  en  général,  aux  autres  :  elles  se  prolongent 
jusque  sous  les  bras  et  offrent  ainsi  un  double  point  d'ap- 
pui, mais  elles  ont  l'inconvénient  de  gêner  la  marche. 

L'usage  des  echasses  existe  dans  les  foires,  où  Ton  voit 
assez  souvent  des  bateleurs  exécuter  sur  ce  perchoir  des 
danses  et  des  courses  pour  amuser  la  foule.  Mais  les 
echasses  sont  surtout  employées  par  les  habitants  du  bas 


Poitou  et  des  Landes.  Elles  forment  presque  partie  inté- 
grante du  Landais.  Les  Landes  présentent  de  vastes  marais 
formés  par  la  pluie  et  retenus  par  les  dunes  qui  se  forment 
continuellement  de  l'O.  au  N.-O.  :  le  lanusquet  ou 
coiisiot,  perché  sur  ses  longues  echasses  ou  changuées, 
traverse  la  plaine  en  quatre  enjambées  ;  son  agilité  est  pro- 
digieuse; armé  d'un  long  bâton,  il  franchit  tous  les  obs- 
tacles ;  lorsqu'il  garde  son  troupeau  dans  la  plaine,  il  s'ap- 
puie sur  la  longue  perche  qui  lui  sert  de  canne  ;  quand  il 
arrive  près  d'une  maison  ou  d'une  grange,  il  s'asseoit  sur 
la  croisée  ou  sur  le  manteau  de  la  cheminée  et  attache  ses 
echasses  autour  de  ses  jambes  ;  coiffé  d'un  béret  de  laine 
brune  qu'il  tricote  lui-même,  vêtu  d'un  doliman  de  peau  de 
mouton  sans  manches,  les  jambes  enveloppées  d'une  four- 
rure appelée  camao  qu'il  attache  avec  des  jarretières  rouges, 
les  pieds  nus  reposant  sur  l'appui  des  echasses,  le  Landais  a 
un  aspect  très  original.  Les  Parisiens  en  ont  vu  un  l'année 
dernière  (1891)  partir  de  la  place  de  la  Concorde  après  avoir 
annoncé  à  grand  bruit  dans  les  journaux  qu'il  allait  faire 
le  voyage  de  Paris  à  Saint-Pétersbourg  sur  ses  echasses. 

On  trouve  des  mentions  assez  anciennes  des  echasses. 
C'était  autrefois  une  coutume  de  Namur  d'exécuter  des 
courses  et  des  combats  sur  des  echasses.  Les  grands  per- 
sonnages devant  qui  se  donnaient  ces  jeux  y  prenaient  grand 
plaisir.  Les  combattants  se  divisaient  en  deux  camps  :  les 
Melans  ou  habitants  nés  dans  l'enceinte  de  la  vieille  ville 
(enceinte  de  1064),  et  les  Avresses  ou  habitants  nés  entre 
la  vieille  enceinte  et  la  nouvelle  (celle  de  1414).  Les  cou- 
leurs des  premiers  étaient  jaunes  et  noires,  celles  des 
seconds  rouges  et  blanches.  Les  jeunes  gens,  au  nombre 
de  près  de  quinze  cents,  commandés  par  un  capitaine,  mon- 
tés sur  des  echasses  de  1™30  au  moins,  s'attaquaient  :  les 
coups  de  coudes  et  les  crocs-en-jambe  étaient  seuls  permis 
pour  renverser  les  adversaires.  Un  des  plus  brillants  de 
ces  combats  fut  celui  de  1669,  que  le  baron  de  Waief  a 
célébré  en  vers. 

BiBL.  :  Ornithologie.— Vieillot,  Galerie  des  Oiseaux^ 
1824,  t.  II,  p.  85  et  pi.  229.  — F.-J.  Auduson,  Birds  of  Ame- 
rica, 1843,t.VI,p.  31  et  pi.  354.  — J.  Gould,  Bi?'dso/'EMropa, 
1838,  pi.  289,  et  Birds  of  Australia,  1818,i[t.  VI,  pi.  25.— 
Degland   et  Gerbe,  Qrnith.  europ.^  1867,  t.  Il,  p.  245. 

ÉCHASSÉRIAUX  (V.  Eschassériaux). 

ÉCHASSIÈRES  (eccL  de  Eschasseriis).  Com.  du  dép. 
de  l'Allier,  arr.  de  Gannat,  cant.  d'Ebreuil  ;  1,222  hab. 
Mines  de  kaoHn  appartenant  à  l'Etat  et  à  M.  Dubousset. 
C'est  dans  cette  commune  qu'est  situé  le  château  de  Beciîi- 
voir,  ancien  chef-lieu  d'une  importante  seigneurie.  Bâti  au 
sommet  d'une  montagne  qui  domine  toute  la  région,  ce  fut 
pendant  longtemps  une  puissante  forteresse.  Il  appartint  à 
l'antique  famille  des  Le  Loup  ou  Loup,  puis  aux  d'Alègre, 
qui  l'habitaient  au  xvii<^  siècle,  et  à  M^"  de  Langonnet,  et 
enfin  à  M.  de  Tilly.  Reconstruit  à  une  époque  relative- 
ment récente,  c'est  aujourd'hui  une  vaste  demeure  qui  n'a 
plus  rien  de  féodal. 

ECHASSIERS  (Ornith.).  G.  Cuvier  réunissait  dans  un 
ordre  particuher,  sous  le  nom  d'Echassiers,  tous  les  oiseaux 
à  longues  pattes  que  Linné  appelait  Grallœ  et  que  l'on 
rencontre  principalement  sur  le  bord  des  étangs  et  des 
cours  d'eau  et  sur  le  rivage  de  la  mer.  «  Les  Echassiers, 
disait  Cuvier,  tirent  leur  nom  de  leurs  habitudes  et  de  la 
conformation  qui  les  occasionne.  On  les  reconnaît  à  la 
nudité  du  bas  de  leurs  jambes,  et  le  plus  souvent  à  la  hau- 
teur de  leurs  tarses,  deux  circonstances  qui  leur  permet- 
tent d'entrer  dans  l'eau  jusqu'à  une  certaine  profondeur, 
sans  se  mouiller  les  plumes,  d'y  marcher  à  gué  et  d'y 
pêcher  au  moyen  de  leur  cou  et  de  leur  bec,  dont  la  lon- 
gueur est  toujours  proportionnée  à  celle  des  jambes.  »  Ces 
caractères  sont  très  accusés  chez  les  Avocettes,  les  Echasses, 
les  Ibis,  les  Hérons,  mais  ils  n'existent  qu'en  partie  chez 
les  Autruches,  les  Nandous,  les  Casoars  et  les  Emeus, 
qui,  tout  en  étant  très  haut  montés,  se  distinguent  net- 
tement des  oiseaux  de  rivage  par  la  conformation  de 
leur  bec,  par  l'atrophie  presque  complète  de  leurs  ailes, 
par  leur  régime  et  par  leurs  mœurs.  Tout  en  reconnais- 


ÉCHASSIERS 


262  — 


sant  ces  particularités  de  structure,  Cuvier  n'en  ran- 
geait pas  moins  les  Autruches  de  TAncien  et  du  Nouveau 
Monde,  les  Casoars  de  l'Australie  et  de  la  Papouasie  dans 
son  ordre  des  Echassiers  et  en  formait  une  première  famille 
sous  le  nom  de  Brévipemies.  Ensuite  venaient  les  Pressi- 
rostres,  ainsi  nommés  à  cause  de  la  torme  de  leur  bec  et 
comprenant  les  Vanneaux,  les  Pluviers,  les  Court- Vite,  les 
Cariamas,  les  OEdicnèmes  et  les  Outardes,  puis  les  Cultri- 
rostres,  oiseaux  au  bec  robuste,  souvent  allongé,  pointu 
et  tranchant  sur  les  bords,  parmi  lesquels  figuraient  les 
Grues,  les  Agamis,  les  Courlans,  les  Caurales,  les  Savacous, 
les  Hérons  et  les  Cigognes,  les  Jabirus,  les  Ombrettes, 
les  Tantales  et  les  Spatules.  Les  Longirostres,  c.-à-d.  les 
Bécasses,  les  Ibis,  les  Barges,  les  Alouettes  de  mer,  les 
Tourne-Pierres,  les  Chevaliers,  les  Bécasseaux,  les  Echasses 
et  les  Avocettes  leur  succédaient  immédiatement  et  étaient 
suivis  à  leur  tour  des  Macrodactyles,  c.-à-d.  des  Jacanas, 
des  Kamichis,  des  Râles,  des  Poules  d'eau,  des  Poules-Sul- 
tanes et  des  Foulques.  Enfin  l'ordre  des  Echassiers  se  ter- 
minait par  deux  genres  pour  lesquels,  G.  Cuvier  éprouvait 
quelque  incertitude,  savoir  le  genre  Glaréole  (Glareola 
Gm.)  et  le  genre  Flammant  (Pliœnicopterus  L.), 

Dans  son  Traité,  d'ornithologie,  Lesson  ne  conserva  pas 
Tordre  des  Echassiers  tel  que  Cuvier  l'avait  défini  ;  il  le 
diminua  par  la  suppression  du  groupe  des  Brévipennes, 
auquel  il  assigna  avec  raison  une  place  plus  impor- 
tante, et  il  modifia  la  distribution  intérieure,  en  éta- 
blissant quatre  groupes,  quatre  sous-ordres,  Himanto- 
galles,  Echassiers  macrodactyles,  Vrais  Echassiers  et 
Hétérorostres,  d'après  des  caractères  tirés  exclusivement 
de  la  conformation  des  pattes  et  des  mandibules.  A  ces 
caractères  superficiels,  qui  avaient  conduit  Lesson  à  rap- 
procher à  tort  les  Ibis  des  Courlis,  les  Avocettes  des  Flam- 
mants,  Lherminier  substitua  des  caractères  tirés  du  ster- 
num, mais  à  son  tour  il  méconnut  les  affinités  naturelles 
de  certains  groupes  en  ne  prenant  en  considération  qu'une 
seule  pièce  de  la  charpente  osseuse.  Le  prince  Ch.-L.  Bo- 
naparte, dans  ses  Tableaux  paralléliques  de  l'ordre  des 
Echassiers,  créa  aux  dépens  de  ce  grand  groupe  deux 
ordres  distincts,  savoir:  1°  l'ordre  des  Herodiones,^  dans 
lequel  il  fit  rentrer  non  seulement  les  Hérons,  mais  les 
Tantales,  les  Spatules,  les  Balœniceps,  les  Savacous,  les 
Cigognes,  les  Dromas,  les  Chaunas,  les  Petits  Paons  des 
roses  ou  Heliornis,  les  Grues  et  même  les  Flammants  qu'il 
avait,  dans  son  Conspectus  avium,  rangés,  à  l'exemple 
de  Gray,  parmi  les  Palmipèdes  ;  2«  l'ordre  des  Grallœ 
renfermant  les  Outardes,  les  Pluviers,  les  Glaréoles,  les 
Huîtriers,  les  Avocettes,  les  Echasses,  les  Bécasseaux,  les 
Chevaliers,  les  Barges,  les  Jacanas  et  les  Râles.  Ces  deux 
ordres  des  Herodiones  et  des  Grallœ  fut-ent  maintenus 
dans  le  Conspectus  systematis  ornithologiœ  et  dans  les 
Tableaux  de  L'ordre  des  Hérons  publiés  en  1854  et 
4855  par  le  même  auteur  et  se  trouvèrent  même  éloignés 
l'un  de  l'autre  par  l'intercalation,  peu  naturelle,  de  certains 
Palmipèdes,  tels  que  les  Pélicans,  les  Frégates,  les  Anhin- 
gas,  les  Pétrels,  les  Mouettes,  les  Pingouins  et  les  Grèbes, 
et  de  certains  Gallinacés  comme  les  Talégalles,  les  Pin- 
tades, les  Hoccos,  les  Paons,  les  Faisans,  les  Perdrix,  etc. 
Au  contraire,  feu  G.-R.  Gray ,  dans  son  Handlist  of 
the  gênera  and  species  of  Birds,  rétablit  l'ancien  ordre 
des  Grallœ  ou  Echassiers,  dont  il  retira  toutefois  les 
Autruches,  les  Casoars,  les  Aptéryx  et  même  les  Tina- 
mous,  et  qu'il  partagea  en  vingt-trois  familles  :  Otididœ 
(Outardes),  Charadriidœ  (OEdicnèmes  et  Pluviers),  Gla- 
reolidœ  (Glaréoles  etPluvians),  Thinocoridœ  (Thinocores), 
Chionidœ  (Becs-en-fourreau),  Ilœmatopodidœ  (Huîtriers 
et  Tourne-Pierres),  Psophiidœ  (Agamis),  Cariamidœ 
(Cariamas),  Gruide  (Grues),  Eurypygidœ  (Petits  Paons 
des  roses),  Rhinochetidœ  (liau^oiis) ,  Ardeidœ  (Hérons, 
Savacous  et  Balœniceps),  Ciconiidœ  (Cigognes  et  Anas- 
tomes) ,  Plataleidœ  i^ Spatules) ,  Tantalidœ  (Tantales  et 
Ibis),  Dromadidœ  (Dromas),  Scolopacidœ  (Bécasses, 
Barges,  Bécasseaux  et  Avocettes) ,  Phalaropidœ  (Phala- 


YO\>es),Rallidœ  (Râles et Ocydromes),  Gallinulidœ  (Poules 
d'eau),  Heliornithidœ (Grébifoulques), Parnd^  (Jacanas) 
et  Palamedeidœ  (Kamichis). 

Toutefois,  cette  classification  n'est  plus  guère  en  faveur 
aujourd'hui  en  Angleterre,  où  M.  Sclater  et  d'autres  orni- 
thologistes ont  adopté  un  système  dont  les  principes  sont 
empruntés  au  professeur  Huxley  et  dans  lequel  les  Echas- 
siers sont  répartis  en  trois  ordres,  savoir  :  1°  les  Hero- 
diones comprenant  les  Ardeidœ  (Hérons,  Savacous,  etc.), 
les  Ciconiidœ  (Cigognes,  Marabouts,  Jabirus,  Tan- 
tales, etc.),  les  Phœnicopteridœ  (Flammants)  ;  2°  les 
Geranomorphœ  subdivisés  eux-mêmes  en  deux  tribus,  les 
Fulicariœ  renfermant  les  Gruidœ  (Grues),  les  Rallidœ 
(Râles,  Poules  d'eau,  Poules-Sultanes),  les  Heliorni- 
thidœ et  les  Aramidœ  (Râles  de  l'Amérique  du  Sud)  et 
les  Alectorides  composés  des  Eurypygidœ,  des  Caria- 
midœ et  des  Psophiidœ  ;  3°  les  Limicolœ  embrassant  les 
familles  des  OEdicnemidœ,  des  Parridœ  ou  Jacanas,  des 
Charadriidœ  ou  Pluviers,  des  Chionididœ  ou  Becs-en- 
fourreau,  des  Thinocoridœ  et  des  Scolopacidœ.  Toute- 
fois, dans  ce  système,  les  grands  groupes  des  Heriodones 
ou  Pelagomorphœ  étant  placés,  à  cause  de  la  conforma- 
tion de  leur  voûte  palatine,  dans  une  autre  catégorie  que 
les  Geranomorphœ,  et  les  Limicolœ  se  trouvent  sépa- 
rés de  ceux-ci  par  les  Anseres  (Oies  et  Canards),  les 
Colombœ  (Pigeons),  les  GaZ/mce  (Gallinacés  typiques)  et 
les  Opisthocomi  (Hoazins). 

Dans  le  volume  du  Standard  ofNatural  History  con- 
sacré aux  Oiseaux  et  publié  en  4885,  le  D^  Stejneger  a 
profondément  modifié  les  classifications  précédentes  ;  il 
a  notamment  reporté  les  Heliornithidœ  ou  Podoas  à 
côté  des  Grèbes,  et  il  a  réparti  les  anciens  Echassiers 
en  deux  ordres  :  Grallœ  et  Herodii,  entre  lesquels  il  a 
intercalé  les  Oies,  les  Canards  et  les  Flammants.  De  son 
côté,  le  professeur  Max  Fiirbringer  a  proposé  en  1888  un 
autre  système  dans  lequel  nous  trouvons  réunis,  dans  le 
même  ordre,  les  Flammants,  les  Cigognes,  les  Hérons,  les 
Oiseaux  de  proie  diurnes  et  les  Totipalmes  sous  le  nom 
général  de  Pelargornithes,  tandis  que  les  Pluviers,  les 
Jacanas,  les  Outardes,  les  OEdicnèmes,  les  Eurypyga,  les 
Grues,  les  Cariamas,  les  Râles,  etc.,  constituent  un  autre 
ordre,  celui  des  Charadriornithes.  Ce  système  repose  en 
partie  sur  des  données  fournies  par  la  paléontologie,  tandis 
que  celui  de  M.  Seebohra,  qui  est  de  deux  ans  plus  récent, 
ne  tient  compte  que  des  oiseaux  de  la  faune  actuelle.  Dans 
ce  système,  les  Hérons,  les  Spatules  et  les  Flammants  se 
trouvent  associés  sous  le  nom  d' Anatiformes  aux  Palmi- 
pèdes totipalmes  des  auteurs  français,  tandis  que  les  petits 
Echassiers  de  rivage,  les  Poules  d'eau,  les  Râles,  sont  réu- 
nis d'une  part  aux  Mouettes,  de  l'autre  aux  Gallinacés 
typiques  pour  constituer  l'ordre  des  Gallo-Grallœ.  Enfin, 
dans  un  mémoire  lu  tout  récemment  devant  le  Congrès 
ornithologique  réuni  à  Budapest,  au  mois  de  mai  4891, 
M.  R.  Bowdler  Sharpe,  après  avoir  exposé  les  différents 
systèmes  de  classification  proposés  jusqu'ici,  a  indiqué 
l'ordre  qu'il  compte  suivre  dans  ses  ouvrages,  en  s' inspi- 
rant des  travaux  de  MM.  Stejneger,  Seebohm  et  Furbringer. 
M.  Sharpe  a  séparé  complètement  les  Bâles,  les  Poules 
d'eau  et  les  Podoas  des  autres  Echassiers  et  les  a  placés, 
sous  le  nom  de  Ralliformes,  entre  les  Hoazins,  les  Po- 
doas et  les  Grèbes,  tandis  qu'il  a  rangé  les  petits  Echas- 
siers de  rivage,  les  Jacanas,  les  OEdicnèmes  et  les  Outardes, 
les  Grues,  les  Agamis  et  les  Kagous,  les  Hérons,  les 
Cigognes,  les  Ombrettes,  les  Spatules  et  les  Ibis  dans  trois 
oi'dres  successifs,  Charadrii formes,  Gruiformes  et 
P  élargi  for  mes,  les  premiers  touchant  aux  Lariformes, 
c.-à-d.  aux  Mouettes  et  aux  Sternes,  les  derniers  passant 
aux  Oiseaux  d'eau  par  les  Phœnicopteri formes  ou  Flam- 
mants. M.  Sharpe  a  reconnu  du  reste  lui-même  que  cet 
arrangement  en  série  est  forcément  artificiel,  qu'il  rompt 
les  relations  naturelles  des  groupes,  dont  les  affinités  ne 
peuvent  être  démontrées  que  par  des  tableaux,  tels  que 
ceux  qui  sont  annexés  à  son  mémoire,  et  oti  les  groupes 


-  263  - 


ÉCHASSIERS  —  ECHÂURI 


d'oiseaux  sont  placés  à  la  façon  des  constellations  sur  une 
carte  céleste.  Il  est  certain  en  effet  que  les  différentes 
familles  ornithologiques,  aussi  bien  parmi  les  Echassiers 
que  parmi  les  Passereaux,  les  Gallinacés  ou  les  Rapaces, 
ne  sont  pas  rigoureusement  intermédiaires  entre  deux 
autres  familles,  mais  présentent  des  relations  de  parenté 
avec  trois,  quatre  groupes  ou  même  davantage,  et  ce  sont 
précisément  ces  relations  multiples  qui  ont  jeté  dans  l'em- 
barras les  naturalistes  s'occupant  de  systématique.  Les 
Râles,  par  exemple,  qui  se  rattachent  aux  Grues  par  cer- 
tains côtés,  ont  des  affinités  avec  quelques  Gallinacés,  et  les 
petits  Echassiers  de  rivage,  comme  M.  A.  Milne  Edwards 
l'a  démontré,  sont  unis  aux  Hirondelles  de  mer  par  les 
Glaréoles.  Aucun  système  de  classification  en  série  continue 
ne  pouvant  traduire  ces  connexions  variées,  il  est  peut-être 
préférable,  dans  les  ouvrages  didactiques  et  dans  les  musées, 
de  conserver  l'ancien  ordre  des  Echassiers,  en  en  retran- 
chant seulement  les  Struthioniens  ou  Brévipennes  et  les  Tina- 
mous,  et  de  les  partager  en  plusieurs  familles,  Totanidés^ 
Otididés^  Gruidés,  Ardéidés,  etc. ,  renfermant  les  différents 
types  dont  il  a  été  question  ci-dessus  et  qui  font,  dans  VEn- 
cyclopédie,  l'objet  d'articles  spéciaux.      E.  Oustalet. 

BiBL.:  G.  CuviER,  Règne  animal,  1817,  l^e  édit.,  1. 1,  p.  458 
—  Lheraiinier,  Recherches  sur  l'appareil  sternal  des  Oi- 
seaux, dans  Act.  soc.  linn.  de  Paris,  1828,  t.  VI.  —  Lesson, 
Traité  d'ornithologie,  1831,  pp.  xxx  et  523.  —  Ch.-L.  Bona- 
parte, Conspectus  systematis  ornithologiœ,  1854,  Ta- 
bleaux de  V ordre  des  Hérons,  et  Tableaux  par alléliques  de 
l'ordre  des  Echassiers,  dans  C.  R.  Acad.  Se,  1855  et  1856, 
t.  XL  à  XLIII.  —  Degland  et  Gerbe,  Ornith.  europ.,  1867, 
t.  II,  p.  93,  2«  édit.  —  Huxley,  On  the  Classif.  of  birds, 
dans  Proceed.  zool.  Soc.  Lond.,  1867,  p.  415.  —  G.-A.  Gray, 
Handlist  of  the  gênera  and  species  of  Birds,  1871,  t.  III, 
p.  7.  —  Ph.-L.  ScLATER,  Remarks  on  the  présent  State  of 
sijstema  Avium,  Ibis,  1880,  p.  340.  —  A.  Newton,  art. 
Ornitholog.,  dans  Encyclopœdia  britannica,  t.  XVIIl.  — 
A.  Keichenow,  Sys^  Uebers.  die  Schreitvôgel  {Gressores), 
dans  Journ.  f.  Ornith.,  1877,  p.  113.—  L.  Stejneger,  Stan- 
dard of  Natural  History.  Birds,  1885.  —  Max  Fûrbringer, 
Unters.  zur  Morphologie  und  Systematik  der  Vôgel, 
1888.  —  H.  Sebohm,  Classif.  of  Birds,  1890.  —  R.-B. 
Sharpe,  a  Review  of  récent  attempts  to  class.  Birds; 
Budapest,  1891. 

ÉCHAUBOULURE  (Art  vétér.)  (V.  Ebullition). 

ÉCHAUDAGE  (V.  Charcuterie,  t.  X,  p.  609). 

ÉCHAUDÉ  (Pâtiss.).  Sorte  de  gâteau  non  sucré  que 
l'on  mange  avec  le  thé  ou  le  café  et  dont  la  préparation 
exige  des  soins  assez  minutieux.  La  meilleure  manière  de 
faire  des  échaudés  consiste  à  pétrir  pendant  dix  minutes 
une  pâte  faite  avec  500  gr.  de  farine,  10  gr.  de  sel  fin, 
200  gr.  de  beurre  et  8  œufs.  Quand  cette  pâte  est  devenue 
souple  et  élastique,  on  la  laisse  reposer  dix  à  douze  heures 
en  un  endroit  frais,  dans  un  linge  saupoudré  de  farine,  puis 
on  la  divise  en  deux  parties  longues  et  égales  qu'on  roule 
un  peu  en  donnant  à  chacun  de  ces  rouleaux  3  ou  4  centim, 
de  diamètre;  on  les  coupe  en  autant  de  morceaux  qu'on 
veut  avoir  d'échaudés,  et  on  les  verse  dans  une  grande 
casserole  d'eau  bouillante  en  les  écartant  autant  que  pos- 
sible les  uns  des  autres.  La  pâte  descend  d'abord  au  fond 
de  l'eau,  dont  on  doit  agiter  légèrement,  avec  une  spatule, 
les  couches  supérieures  afin  que  les  échaudés  remontent  à 
la  surface.  Quand  ils  sont  fermes,  on  les  retire  et  on  les 
met  dans  l'eau  froide,  où  on  les  laisse  deux  heures.  Après 
les  avoir  fait  égoutter  sur  une  serviette  on  les  place  sur  des 
feuilles  minces  de  tôle,  et  on  les  fait  cuire  dans  un  four  un 
peu  chaud  pendant  vingt  minutes  environ,  en  ayant  soin 
de  ne  pas  ouvrir  le  four  pendant  la  durée  de  la  cuisson. 
Une  bonne  manière  de  servir  les  échaudés,  c'est,  au  mo- 
ment où  ils  sortent  du  four,  de  les  couper  par  le  milieu, 
de  les  saupoudrer  légèrement  d'une  pincée  de  sel  fin,  de 
les  arroser  d'une  cuillère  de  beurre  frais  qu'on  a  fait  tiédir, 
et  de  réunir  ensuite  les  deux  parties.  —  Les  échaudés  ont 
une  origine  très  ancienne.  En  1202,  une  charte  de  l'église 
cathédrale  de  Paris  fait  déjà  mention  des  panes  qui  dis- 
cuntur  eschaudati.  Les  échaudeurs  ou  fabricants  d'échau- 
dés avaient  reçu  de  saint  Louis  permission  de  vendre  leurs 
produits  tous  les  jours  de  la  semaine.  Ils  étalaient  le 
samedi  près  de  la  rue  de  la  Tonnellerie,  aux  Halles,  ou 


bien  parcouraient  les  rues  en  criant  :  Galètes  chaudes  ! 
eschaudez! 

ÉCHAUDOIR  (V.  Abattoir). 

ÉCHAUFFE  (Tann.)  (V.  Débourrage). 

ÉCHAUFFEMENT  (Bois).  Commencement  de  pourriture 
qui  se  reconnaît,  quand  le  mal  est  assez  avancé,  à  des 
taches  blanches,  noires  ou  rouges,  groupées  çà  et  là,  en 
plus  ou  moins  grand  nombre,  et  à  une  odeur  particulière 
qui  n'est  pas  celle  du  bois  sain.  On  l'attribue  à  la  fermen- 
tation de  la  sève.  Cette  maladie  est  d'autant  plus  grave 
qu'elle  se  propage  rapidement  dans  toute  l'étendue  de  la 
pièce  attaquée  et  que,  en  outre,  elle  se  communique  à  celles 
qui  sont  en  contact  avec  elles.  Le  bois  qui  en  est  atteint  est 
quelquefois  appelé  par  les  ouvriers  bois  blanc,  bois  rouge, 
bois  pouilleux,  suivant  la  couleur  des  taches.  Le  bois  brûlé 
n'est  autre  chose  que  du  bois  échauffé  arrivé  à  un  plus 
haut  degré  d'altération.  Les  bois  enfermés  dans  les  ma- 
çonneries sont  très  exposés  à  réchauffement,  soit  qu'on 
les  ait  mis  en  place  avant  que  leur  dessiccation  eût  atteint 
un  degré  convenable,  soit  parce  que  les  portions  de  sève 
qu'ils  contenaient,  au  moment  de  l'emploi,  se  sont  ramol- 
hes  et  ont  fermenté  sous  l'influence  de  l'humidité  des 
pierres  et  des  mortiers.  L.  K. 

ÉCHAUFFETTE  (Archéol.)  (V.  Chaufferette). 

ÉCHAUFFOiR  (Archéol.).  Vase  ou  récipient  de  meta 
servant  à  faire  chauffer  l'eau.  Ce  terme,  usité  souvent  au 
moyen  âge,  n'est  plus  employé  que  rarement  à  notre  époque. 

ÉCHAUFFOUR.  Com.  du  dép.  de  l'Orne,  arr.  d'Argen- 
tan, cant.  de  Merlerault,  sur  un  affluent  de  la  Rille; 
1,410  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  de  l'Ouest,  au  point  de 
rencontre  des  deux  lignes  de  Sainte-Gauburge  à  Bernay  et 
au  Mesnil-Mauger.  Centre  d'élevage  de  chevaux.  Chaux, 
tourbes.  Au  hameau  de  Sainte-Colombe,  tréfilerie  et  gan- 
terie. Sur  le  territoire  de  la  commune  sont  plusieurs  mo- 
numents mégalithiques  et  notamment  deux  dolmens  appelés 
les  Croûtes. 

ÉCHAUGUETTE.  Nom  donné  anciennement  à  une  sen- 
tinelle ou  garde,  faisant  le  guet  à  la  partie  supérieure  des 
tours,  courtines  et  autres  ouvrages  fortifiés,  mais  employé 
généralement,  pendant  le  moyen  âge,  pour  désigner  de 
petites  loges  carrées  ou  cylindriques,  le  plus  souvent 
construites  en  encorbellement,  munies  de  mâchicoulis  et  de 
meurtrières  et  destinées  aussi  bien  à  abriter  des, sentinelles 
qu'à  jeter  des  projectiles  sur  les  assaillants.  Les  premières 
échauguettes  durent  être  de  bois  comme  les  hourds  et  pro- 
visoires, c.-à-d.  seulement  posées  en  temps  de  guerre  : 
aussi  n'en  est-il  resté  aucune  ;  mais  Viollet-le-Duc  (Dict. 
de  r  Architecture,  passim)  donne  de  nombreux  exemples 
d'échauguettes,  construites  en  pierre  ou  en  bois  postérieu- 
rement au  xii^  siècle,  en  partie  encore  existantes  de  nos 
jours  et  empruntées  à  des  châteaux  forts,  des  portes  de 
ville  ou  même  des  églises.  Ces  échauguettes,  très  diverses 
quant  à  leur  situation  et  à  leur  forme,  reflètent  assez 
exactement  en  petit  la  physionomie  des  grands  ouvrages 
militaires  de  l'époque  qui  les  a  vu  construire  et  donnèrent 
leur  nom,  sous  la  Renaissance  à  de  petites  tourelles  carrées, 
rondes  ou  octogonales,  servant  de  petits  cabinets  ou  de  vé- 
randas à  l'angle  des  grandes  salles  des  demeures  seigneu- 
riales. De  nos  jours  même,  certains  édifices,  flèches  d'hôtels 
de  ville  ou  clochers  d'église,  voient  dans  les  régions  du  nord 
de  l'Europe,  ménager  dans  leur  construction  des  chambres 
de  guetteurs  d'incendie  rappelant  assez  bien  les  échau- 
guettes des  fortifications  du  moyen  âge.       Charles  Lucas. 

ECHÂURI.  Vallée  d'Espagne,  située  dans  la  province  et 
le  partido  judicial  de  Pampelune  (ancienne  Navarre),  dominée 
par  des  montagnes  élevées  au  N.  et  au  S.,  et  traversée  de 
l'O.  à  l'E.  par  le  rio  Arga.  Elle  produit  du  blé,  des  céréales, 
des  légumes,  un  peu  de  vin,  des  fruits,  particuhèrement  des 
cerises;  la  fraîcheur  des  sites  et  la  qualité  des  eaux,  dont 
quelques-unes  minérales,  y  attirent  l'été  un  assez  grand 
nombre  d'étrangers  ;  la  vallée,  qui  formait  autrefois  une  seule 
commune,  estdivisée  aujourd'hui  en  plusieurs  :  Echâuri,  Elio, 


ÉCHÂURI  —  ÉCHÉANCE  —  ^264  — 

Ciriza,  Echarri,  Vidaurreta,  Belascoâin,  Arrâiza,  Zabalza, 
Ubani  et  Otazu,  qui  ont  ensemble  un  millier  d'habitants. 

ÉCHAVANNE.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Saône,  arr.  de 
Lure,  cant.  de  Champagney;  184  hab. 

ECHAVARRIA  (José-Ignacio),  marquis  de  Fuentefiel, 
général  espagnol,  né  en  1848.  Il  se  distingua  dans  la  pre- 
mière guerre  contre  les  carlistes  et  devint  général  de  brigade 
en  1847.  Lors  du  soulèvement  organisé  par  O'Donnell  en 
1834,  il  faillit  être  victime  de  son  loyalisme.  Il  fut  ensuite 
capitaine  général  de  Cuba  pendant  cinq  ans,  puis  chef  de 
l'état-major  du  général  Concha.  Lors  de  la  révolution  de 
sept.  1868,  il  demeura  fidèle  à  la  reine,  qu'il  suivit  en 
exil  après  la  défaite  d'Alcolea.  Rentré  en  Espagne  dès 
l'avènement  d'Alphonse  XII,  il  commanda  un  corps  d'ar- 
mée contre  les  carlistes  et  contribua  puissamment  à  leur 
échec  final.  Il  eut  ensuite  une  large  part  à  la  réorganisation 
de  l'armée,  et  fut  ministre  de  la  guerre  dans  le  cabinet 
Canovas  del  Castillo  (9  déc.  1879),  avec  lequel  il  se  retira 
le  8févr.  1881.  G.  P-i. 

ÉCHAY.  Com.  du  dép.  du  Doubs,  arr.  de  Besançon, 
cant.  de  Quingey;  146  hab. 

ECH-CH  ERR.  Chaîne  de  collines  de  Tunisie,  entre  Gafsa 
et  Gabès,  sorte  de  falaise  au  N.  des  chotts  Fedjedj  et  Djerid. 

ECH-CH l ATI  (Oued).  Ravin  de  Tripolitaine  (Fezzan) 
qui  se  trouve  au  pied  des  escarpements  de  la  Montagne- 
Noire  et  forme  comme  un  sillon  fertile  de  l'O.  à  l'E  ;  une 
couche  d'humus  recouvre  le  fond  de  cette  ancienne  rivière, 
et  les  palmiers  enfonçant  leurs  racines  rencontrent  à 
quelques  pieds  un  sable  humide.  Deux  oasis  principales 
existent  dans  l'Ech-Chiati,  Ederi  à  l'O.  et  Brak  à  l'E.  On 
pense,  sans  en  être  sûr,  que  la  rivière  coulait  autrefois  dans 
ce  sillon  dans  la  direction  de  l'O.  à  l'E.  E.  Caï. 

ÉCHÉANCE.  D'une  façon  générale,  l'échéance  est  la 
date  ou  l'époque  à  laquelle  une  chose  doit  être  faite,  ou 
celle  qui  fait  prendre  fin  à  un  délai  légalement  accordé. 
Mais,  en  matière  commerciale,  l'échéance  est  la  date  à  la- 
quelle une  obligation  de  payer  doit  être  remplie,  et  c'est 
en  ce  sens  qu'on  dit  aussi  bien  l'échéance  d'un  coupon  que 
l'échéance  d'un  effet  de  commerce.  Pour  les  coupons  ou 
autres  titres  du  même  genre,  l'échéance  est  indiquée  à 
l'avance,  ou  fixée  par  une  décision  de  l'assemblée  géné- 
rale ;  c'est,  dans  tous  les  cas,  une  date  bien  déterminée. 
En  matière  d'effets  de  commerce,  il  n'en  est  pas  de  même, 
et  l'échéance  peut  être  indiquée  de  diverses  manières,  à 
vue,  à  date  fixe  ou  à  un  certain  délai  de  date  ou  de  vue. 
L'indication  de  l'échéance  est  obligatoire  en  matière  de 
lettres  de  change  ;  certains  auteurs  admettent  qu'une  lettre 
de  change  dont  l'échéance  est  omise  doit  être  considérée 
comme  payable  à  présentation  ;  mais  MM.  Lyon-Caen  et 
Renault  (Précis  de  droit  commercial,  n^  1041)  rejettent 
ce  système  et  n'admettent  pas  même  que  l'acceptation 
puisse  corriger  ce  vice  de  forme.  Il  est  toutefois  à  remar- 
quer que  les  législations  belge  et  anglaise  admettent  que  la 
lettre  de  change  dont  l'échéance  est  omise  est  payable  à 
vue.  Pour  l'échéance  à  vue  (ou  à  présentation),  faculta- 
tive pour  la  lettre  de  change  mais  obligatoire  pour  le 
chèque,  la  date  de  la  présentation  est  indéterminée,  mais 
elle  doit  avoir  lieu  dans  les  délais  de  cinq  ou  huit  jours 
de  la  date  pour  le  chèque  (V.  ce  mot),  et  pour  la  lettre  de 
change,  dans  les  délais  fixés  par  l'art.  160  du  C.  de  comm. 
et  qui  varient  de  trois  mois  à  un  an,  suivant  le  lieu  de 
création.  L'échéance  à  date  fixe  indique  d'une  façon  précise 
le  jour  où  la  lettre  de  change  doit  être  présentée  au  paye- 
ment ;  lorsque  l'échéance  est  fixée  à  un  certain  délai  de  la 
date,  les  mois  se  comptent  pour  leur  nombre  exact  de 
jours  si  la  lettre  de  change  est  tirée  à  tant  de  jours  de 
date  ;  si  au  contraire  elle  est  tirée  à  tant  de  mois  de  date, 
les  mois  se  comptent  de  quantième  en  quantième,  et  si  le 
dernier  mois  n'a  pas  le  quantième  correspondant,  l'échéance 
est  fixée  au  dernier  jour  du  mois.  C'est  ainsi  qu'une  lettre 
de  change  tirée  le  31  déc.  à  deux  mois  de  date  sera  payable 
le  28  ou  le  29  févr.  suivant  que  l'année  est  ou  non  bis- 
sextile. Si  l'échéance  est  à  un  certain  délai  de  vue,  la 


même  règle  est  applicable,  mais  en  partant,  bien  entendu, 
du  jour  de  l'acceptation  ou  du  visa  pour  la  supputation  du 
délai  d'échéance,  la  présentation  à  l'acceptation  devant 
être  faite  dans  les  délais  énoncés  dans  l'art.  160  duC.  de 
comm.  Enfin,  si  la  lettre  de  change  est  payable  en  foire, 
l'échéance  est  fixée  à  la  veille  du  jour  de  la  clôture  de  la 
foire,  si  celle-ci  dure  plusieurs  jours,  ou  au  jour  même  de 
la  foire,  si  elle  ne  dure  qu'un  jour.  De  quelque  façon  que 
l'échéance  ait  été  fixée,  la  présentation  doit  avoir  lieu  la 
veille  si  le  jour  de  l'échéance  est  un  jour  férié. 

Prorogation  des  échéances.  —  Il  arrive  souvent  que, 
pour  des  raisons  diverses,  la  date  choisie  pour  le  règlement 
d'un  marché,  d'une  facture,  doit  être  modifiée  et  reportée 
à  une  époque  ultérieure  ;  ces  arrangements  entre  particu- 
liers ne  demandent  aucune  explication.  Mais  il  arrive  aussi 
que,  par  suite  de  troubles,  de  crises  amenées  par  la  guerre 
ou  par  des  événements  politiques,  toutes  les  échéances 
commerciales  doivent  être  modifiées.  C'est  une  mesure  de 
ce  genre  que  le  Portugal  a  prise  en  mai  1891,  par  suite 
d'une  terrible  crise  financière.  En  France,  des  dispositions 
semblables  ont  été  prises  à  diverses  époques.  L'ancien  ré- 
gime avait  eu  recours  à  ce  moyen,  mais  uniquement  pour 
retarder  le  payement  des  dettes  du  Trésor;  au  contraire, 
les  mesures  prises  dans  le  courant  de  ce  siècle  n'ont  con- 
cerné que  les  particuliers.  En  1830  (31  juil.),  un  arrêté 
de  la  commission  municipale  de  la  ville  de  Paris  prorogeait 
de  dix  jours  l'échéance  des  effets  payables  depuis  le 
26  juil.  jusqu'au  15  août  inclusivement;  pour  donner 
plus  de  force  à  cet  arrêté,  le  tribunal  de  commerce  de  la 
Seine  intervint  et  ordonna  que  l'arrêté  serait  transcrit  sur 
le  registre  des  délibérations  ;  cette  décision  fut  prise  le 
jour  même  de  l'arrêté.  Le  26  févr.  1848,  le  gouverne- 
ment provisoire  décrète  que  les  effets  de  commerce  payables 
à  Paris,  échus  ou  à  échoir  du  22  févr.  au  15  mars,  seront 
prorogés  de  dix  jours.  Tous  protêts  et  recours  en  garantie 
seront  également  prorogés  de  dix  jours.  Le  décret  du 
28  févr.  étend  la  prorogation  aux  dép.  de  la  Seine  et  de 
la  Seine-Inférieure,  et  celui  du  3  mars  à  toute  la  France. 
Le  19  mars,  les  tribunaux  de  commerce  étaient  autorisés 
à  accorder  aux  commerçants,  sur  requête  et  par  jugement, 
un  sursis  de  trois  mois  contre  les  poursuites  de  leurs 
créanciers  ;  le  décret  du  29  mars,  rectifié  par  celui  du 
4  avr.,  prorogeait  de  quinze  jours  le  délai  accordé  aux 
porteurs  d'effets  de  commerce  pour  exercer  leur  recours  ; 
enfin  la  loi  du  26  juin,  votée  par  l'Assemblée  nationale, 
prorogeait  les  effets  payables  à  Paris  et  dans  les  départe- 
ments du  23  juin  au  5  juil.  Les  événements  de  1870-71 
obligèrent  à  prendre  des  mesures  analogues.  La  loi  du 

13  août  1870  stipulait  que  les  délais  dans  lesquels  de- 
vaient être  faits  les  protêts  et  tous  actes  conservant  le 
recours  étaient  prorogés  d'un  mois  pour  toutes  les  valeurs 
souscrites  avant  le  13  août  ;  le  même  délai  était  appli- 
cable aux  remboursements  à  demander  aux  endosseurs  et 
autres  obligés.  Tout  citoyen  appelé  au  service  militaire 
était  dispensé  de  toute  poursuite  pendant  la  durée  de  la 
guerre.  Un  décret  du  gouvernement  de  la  Défense  natio- 
nale, des  10-13  sept.  1870,  avait  prorogé  d'un  mois  les 
délais  accordés  par  la  loi  du  13  août,  et  déclaré  ladite  loi 
applicable  à  l'Algérie  et  aux  colonies.  De  nouvelles  proro- 
gations furent  édictées  parles  décrets  des  11  oct.,  10  nov., 

14  déc.  et  12  janv.  1871.  Ce  dernier  décret  prorogeait 
bien  d'un  mois  tous  les  délais  à  partir  du  14  suivant, 
mais  la  prorogation  était  augmentée  de  quinze  jours  pour 
les  effets  souscrits  postérieurement  à  la  loi  du  13  août  et 
aux  décrets  de  prorogation  qui  l'avaient  suivie.  Les  dé- 
crets des  29  janv.  et  9  févr.  stipulèrent  de  nouvelles  pro- 
rogations, mais  l'art.  2  de  ce  dernier  décret  portait  que 
les  intérêts  des  effets  continueraient  à  courir  du  jour  de 
l'échéance.  Pendant  toute  cette  période,  la  délégation  de 
Tours  avait  pris  des  mesures  analogues  (décrets  des  3,  13 
et  16  oct.,  5  et  14  nov.,  9  déc.  et  8  janv.  1871),  mais  en 
prorogeant  les  échéances  elles-mêmes  au  lieu  de  proroger 
les  délais  de  poursuites.  Afin  de  faire  cesser  toute  anoma- 


^265  — 


ÉCHÉANCE  —  ÉCHECS 


lie,  le  décret  du  9  févr.  stipula  que  toutes  dispositions 
contenues  dans  les  décrets  de  Tours-Bordeaux  étaient  non 
avenues,  pour  tout  ce  qui  pouvait  être  contraire  au  prin- 
cipe de  la  loi  du  13  août  1870.  La  paix  conclue  avec  l'Al- 
lemagne,   la  situation  devait  être   liquidée.  La  loi  du 
10  mars  1871  stipulait  à  cet  effet  que  les  effets  de  com- 
merce échéant  après  le   12"  avr.  ne  jouiraient  d'aucune 
prorogation  ;  pour  les  effets  échus  du  13  août  au  12  nov. 
1870,  ils  devaient  être  exigibles  sept  mois,  date  pour  date, 
après  l'échéance  inscrite  aux  titres  avec  les  intérêts  depuis  le 
jour  de  cette  échéance;  enfin  les  effets  échus  du  13  nov. 
1870  au  12  avr.  1871  étaient  exigibles,  date  par  date,  du 
13  juin  au  13  juil.  ;  ces  dispositions  étaient  applicables 
aux  effets  qui  auraient  déjà  été  protestés  ou  suivis  de  con- 
damnation. En  outre,  les  porteurs  de  traites  ou  lettres  de 
change  à  vue  ou  à  délai  de  vue  étaient  déclarés  relevés  de 
la  déchéance  prononcée  par  l'art.  160  du  C.  de  comm. 
pour  défaut  de  présentation  en  temps  utile,  à  charge  d'exi- 
ger le  payement  ou  l'acceptation  de  ces  effets  dans  le  mois 
qui  suivrait  la  promulgation  delà  loi.  Enfin,  les  tribunaux 
étaient  autorisés  à  accorder,   pendant  l'année  1871,  des 
délais  modérés  pour  le  payement  des  effets  aux  porteurs 
domiciliés  dans  les  départements  occupés  en  tout  ou  partie 
par  les  troupes  étrangères.  A  peine  promulguée,  la  loi  du 
10  mars  était  modifiée  ;  le  24  mars,  une  loi  prorogeait  au 
24  avr.  les  effets  échus  du  13  au  24  mars  et  d'un  mois 
les  effets  échéant  du  25  mars  au  24  avr.  L'insurrection 
parisienne  rendit  de  nouvelles  mesures  nécessaires  ;  la  loi 
suivante  était  votée  le  26  avr.  et  promulguée  le  6  mai  1871  : 
«  Art.  1^^.  Les  effets  de  commerce,  quelle  que  soit  la  date 
de  leurs  souscriptions,  payables  dans  le  dép.  de  la  Seine, 
échus  ou  à  échoir  à  partir  du  18  mars  dernier  jusqu'au 
dixième  jour  qui  suivra  le  rétablissement  du  service  de  la 
poste  entre  Paris  et  les  autres  parties  de  la  France,  ne  se- 
ront exigibles  qu'après  ce  terme.  —  Art.  2.  Une  déclaration 
du  gouvernement  constatera  la  reprise  de  ce  service  et  le 
délai  de  dix  jours  courra  de  l'insertion  de  cette  déclaration 
dans  le  Journal  officiel,  —  Art.  3.  Les  délais  accordés  par 
les  lois  des  10  et  24  mars  pourront,  pendant  l'année  1871, 
être  accordés  par    tous    les  tribunaux  de  commerce  de 
France,  mais  seulement  aux  souscripteurs,  endosseurs  et 
autres  coobligés  résidant  dans  le  dép.  de  la  Seine  et  dans 
les  départements  envahis.  »  Ces  dispositions  suffirent  pour 
régler  le  sort  des  échéances  dans  toute  la  France,  sauf 
dans  le  dép.  de  la  Seine.  La  Commune  vaincue,  il  fallut 
permettre  au  commerce  parisien  de  retrouver  toutes  ses 
ressources  ;  aussi  le  gouvernement  prit-il  l'initiative  d'un 
projet  de  loi  devenu  la  loi  du  4  juil.  1871,  stipulant  que 
le  délai  de  sept  mois  accordé  par  l'art.    2  de  la  loi  du 
10  mars  1871  pour  protester  les  effets  de  commerce  échus 
du  13  août  'au  12  nov.  1870  était  prolongé  de  quatre 
mois,  ces  effets  devenant  exigibles,  date  pour  date,  du 
13  juil.  au  12  oct.  1871  ;  les  effets  échus  du  13  nov.  au 
12  juil.  1871  étaient  exigibles,  date  pour  date,  du  13  oct. 
au    12  nov.  Ces  dispositions   s'appliquaient  aux.  effets 
payables  dans  le  dép.  de  la  Seine  ou  dans  les  communes 
de  Sèvres,  Meudon  et  Saint-Cloud  et  créés  antérieurement 
au  31  mai.  Pour  les  effets  de  création  postérieure,  échus 
ou  venant  à  échéance  avant  la  promulgation  de  la  loi,  le 
protêt  devait  être  fait  dans  les  cinq  jours  de  la  promulga- 
tion. Par  dérogation  à  l'art.  162  du  C.  de  comm.  et  jus- 
qu'au 30  nov.  1871,  un  délai  de  dix  jours  était  accordé 
aux  porteurs  pour  faire  protester.  Enfin  les  porteurs  tom- 
bant sous  le  coup  des  déchéances  prononcées  par  l'art.  160 
du  C.  de  comm.  en  étaient  relevés,  à  charge  de  faire  pré- 
senter les  effets  dont  ils  étaient  porteurs  à  l'acceptation  ou 
au  payement  dans  le  mois  de  la  promulgation  de  la  loi.  La 
Commune  avait  aussi  pris  des  mesures  relativement  aux 
échéances  ;  la  loi  suivante  fut  insérée  au  Journal  officiel 
de  la  Commune  du  18  avr.  1871  :  «  Art.  1®^  Le  rem- 
boursement des  dettes  de  toute  nature  souscrites  jusqu'à  ce 
jour  et  portant  échéance,  billets  à  ordre,  mandats,  lettres 
de  change,  factures  réglées,  dettes  concordataires,  etc. 


sera  effectué  dans  un  délai  de  trois  années  à  partir  du 
lo  juil.  prochain  et  sans  que  ces  dettes  portent  intérêt.  — 
Art.  2.  Le  total  des  sommes  dues  sera  divisé  en  douze 
coupures  égales,  payables  par  trimestre,  à  partir  de  la 
même  date.  —  Art.  3.  Les  porteurs  des  créances  ci-dessus 
énoncées  pourront,  en  conservant  les  tiires  primitifs, 
poursuivre  le  remboursement  desdites  créances  par  voie  de 
mandats,  traites  ou  lettres  de  change  mentionnant  la  na- 
ture de  la  dette  et  de  la  garantie,  conformément  à  l'art.  2. 
—  Art.  4.  Les  poursuites  en  cas  de  non-acceptation  ou  de 
non-payement  s'exerceront  seulement  sur  la  coupure  qui  y 
donnera  lieu. — Art.  5.  Tout  débiteur  qui,  profitant  des  dé- 
lais accordés  par  le  présent  décret,  aura  pendant  ces  délais 
détourné,  aliéné  ou  anéanti  son  actif  en  fraude  des  droits 
de  son  créancier,  sera  considéré,  s'il  est  commerçant, 
comme  coupable  de  banqueroute  frauduleuse,  et,  s'il  n'est 
pas  commerçant,  comme  coupable  d'escroquerie.  Il  pourra 
être  poursuivi  comme  tel,  soit  par  son  créancier,  soit  par 
le  ministère  public.  »  G.  François. 

ÉCHEBRUNE.  Com.  du  dép.  de  la  Charente-Inférieure, 
arr.  de  Saintes,  cant.  de  Pons  ;  691  hab. 

ÉCHEC  LÈS,  philosophe  grec  de  l'école  cynique.  Nous 
ne  savons  rien  de  lui,  sinon  qu'il  naquit  à  Ephèse  et  fut 
disciple  de  Théombrote  et  Cléomène,  qui  avaient  eu  eux- 
mêmes  pour  maître  Métroclès,  disciple  de  Diogène  le 
Cynique.  Echéclès  était  le  contemporain  de  l'épicurien 
Colotès.^  V.  Br. 

ÉCHÉCRATE,  philosophe  grec,  de  l'école  pythagori- 
cienne, né  à  Phlius,  contemporain  de  Platon,  qui  le  nomme 
dans  le  Phédon,  C'est  à  tort  que  Cicéron,  dans  le  De  Fini- 
bus,  fait  de  lui  un  Locrien.  Nous  ne  savons  rien  de  plus 
sur  ce  personnage.  Il  est  mentionné  aussi  par  Diogène 
Laerce  (1.  VHI).  V.  Br. 

ÉCHECS.  Historique.  —  On  ne  sait  rien  de  précis  sur 
l'origine  du  jeu  des  échecs.  Tout  au  plus  est-il  permis  de 
dire  que  les  anciens  avaient  divers  jeux  de  table  dont  les 
règles  ne  nous  sont  pas  parvenues  :  tels  sont  ceux  qu'on 
trouve  figurés  sur  les  monuments  égyptiens.  Tels  sont  en- 
core le  ludus  latrunculorum  ou  le  ludus  calculorum 
des  Romains.  Au  moyen  âge,  alors  que  le  latin  était  la 
langue  écrite  de  l'Europe,  les  auteurs  qui  avaient  à  parler 
des  échecs  les  désignaient  sous  le  nom  de  ludus  latrun- 
culorum ;  mais  cette  assimilation  n'avait  rien  de  rigou- 
reux. Mentionnons  la  légende  d'après  laquelle  Palamède 
aurait  inventé  le  jeu  pendant  le  siège  de  Troie  :  d'où  le 
nom  de  Palamède  donné  au  journal  des  joueurs  d'échecs 
du  café  de  la  Régence.  Rappelons  également  que  certains 
auteurs  font  dériver  le  mot  échec  de  l'arabe  cheikh  et 
d'autres  du  persan  chah.  Laissant  de  côté  la  question  des 
origines,  nous  diviserons  l'histoire  des  échecs  en  trois 
périodes  distinctes  :  la  première  est  celle  de  l'ancien 
jeu  des  Hindous,  nommé  chaturanga  ;  la  seconde,  qui 
commence  au  vi®  siècle  de  notre  ère,  est  celle  du  shatranj 
ou  jeu  du  moyen  âge  ;  la  dernière  période  ou  période  mo- 
derne commence  au  xvi®  siècle. 

Première  période  (le  chaturanga  des  Hindous).  L'échi- 
quier se  composait  de  soixante-quatre  cases.  Le  jeu  était 
joué  par  quatre  personnes,  chacun  ayant  un  roi,  une  tour, 
un  cavalier,  un  fou  et  quatre  pions.  Les  deux  joueurs 
vis-à-vis  (jaunes  et  rouges)  étaient  alliés  contre  les  deux 
autres  (verts  et  noirs).  Les  points  se  décidaient  en  jetant 
les  dés.  Les  pièces  se  plaçaient  dans  l'ordre  suivant  : 
dans  le  coin  le  fou,  puis  le  cavaher,  la  tour  et  le  roi. 
Les  quatre  pions  étaient  devant  les  pièces,  comme  dans 
le  jeu  actuel.  Les  pièces  se  mouvaient  comme  aujourd'hui, 
sauf  les  pions,  qui  n'avançaient  que  d'un  pas  au  premier 
coup,  et  sauf  les  fous,  qui  sautaient  diagonalement  à  chaque 
troisième  case,  en  passant  par-dessus  la  case  avoisinante, 
sur  laquelle  ils  n'avaient  pas  d'action.  Il  en  résultait  qu'ils 
ne  pouvaient  atteindre  que  sept  cases  sur  l'échiquier  outre 
celle  qu'ils  occupaient,  et  qu'aucun  des  quatre  fous  ne 
pouvait  attaquer  aucune  des  cases  des  trois  autres.  Les 
pions  parvenus  à  la  dernière  ligne  de  l'échiquier  se  trans- 


ÉCHECS 


%6  — 


formaient  en  tours  ou  en  cavaliers.  Un  objet  important 
pour  chaque  joueur  était  de  diriger  avec  adresse  son  roi 
vers  la  case  du  roi  allié.  S'il  réussissait  à  atteindre  cette 
case  avant  que  son  allié  lui  eût  joué  le  même  tour,  il  pre- 
nait le  commandement  des  deux  armées.  Après  quoi  son 
objet  essentiel  était  de  prendre  les  rois  ennemis,  gagnant 
ainsi  le  chaturaji,  c.-à-d.  remportant  la  victoire.  Tel  fut  le 
primitif  jeu  des  échecs.  La  plupart  des  écrivains  persans  et 
arabes  en  rapportent  l'honneur  à  Sassa,  fils  de  Dahir.  Il 
figure  dans  plusieurs  légendes  indiennes  :  l'on  sait  que 
Yudhishthira  perdit  toutes  ses  possessions  dans  un  hasar- 
deux défi  à  ce  jeu  contre  Shakuni.  De  l'Inde,  il  passa  dans 
la  Perse.  Firdousi  rapporte  dans  fe  Shahnama  ou  Livre  des 
Rois  que  le  roi  de  Hind  envoya  au  roi  Kisra  Naushirwan 
un  ambassadeur  porteur  d'un  échiquier  et  s'engagea  à  se 
reconnaître  son  tributaire  s'il  parvenait  à  trouver  le  secret 
du  jeu.  Le  premier  conseiller  du  roi,  Buzursmihr,  après 
avoir  réfléchi  un  jour  et  une  nuit  sur  la  probabilité  de  la 
marche  des  pièces,  expliqua  solennellement  les  règles 
devant  la  cour  et  l'envoyé  stupéfaits. 

Seconde  période  (le  chatranj  du  moyen  âge).  L'échiquier 
et  la  marche  des  pièces  restent  les  mêmes  que  dans  le  jeu 
indien,  mais  les  forces  alliées  sont  réunies  d'un  même  côté 
et  un  des  rois  alliés  se  transforme  en  dame.  La  tour  est 
transportée  au  coin  de  l'échiquier,  et  le  fou  placé  comme 
aujourd'hui.  La  puissance  des  fous  reste  la  même  que  dans 
le  jeu  indien.  Quant  à  la  dame,  elle  atteint  seulement  la 
case  oblique  la  plus  proche.  Sa  puissance  s'étend  lente- 
ment sur  les  cases  de  sa  couleur.  Les  deux  dames  étant 
sur  des  cases  de  couleurs  différentes  ne  peuvent  entrer 
en  lutte.  Quand  un  pion  atteint  le  bord  opposé  de  l'échi- 
quier, il  se  transforme  en  dame  et  non  en  une  autre 
pièce.  Dans  ce  jeu,  la  tour  vaut  environ  deux  fous, 
autant  que  la  dame  et  le  fou;  le  cavalier  a  une  valeur 
intermédiaire.  Il  y  avait  deux  manières  de  gagner  la 
partie;  la  première  était  de  donner  l'échec  et  mat;  la 
seconde  consistait  à  prendre  toutes  les  forces  de  son  adver- 
saire pourvu  que  l'on  conservât  soi-même  une  force,  si 
petite  qu'elle  fût.  Les  Arabes  et  les  Persans  distinguaient 
les  joueurs  en  cinq  classes  d'après  les  avantages  qu'ils  pou- 
vaient s'accorder  :  le  plus  petit  degré  des  avantages  était 
de  céder  à  son  adversaire  le  trait;  le  second,  de  lui  donner 
un  demi-pion,  c.-à-d.  d'enlever  le  pion  du  cavalier  de  sa 
ligne  et  de  le  placer  sur  la  troisième  de  la  ligne  de  la  tour  ; 
le  troisième  degré  était  de  rendre  le  pion  de  la  tour  ;  le 
quatrième,  celui  du  cavalier,  etc.  Les  plus  forts  joueurs 
formaient  la  classe  des  Alujât  ou  des  grandeurs.  Il  en  exis- 
tait rarement  trois  à  la  même  époque.  Ils  pouvaient  faire 
aux  joueurs  de  seconde  classe  l'avantage  d'un  pion  ;  à  ceux 
de  troisième  classe,  l'avantage  de  la  dame,  à  ceux  de  qua- 
trième, l'avantage  du  cavalier;  à  ceux  de  cinquième,  l'avan- 
tage de  la  tour. 

Jroisième  période  (période  moderne).  Le  changement 
apporté  au  jeu  du  moyen  âge  consiste  dans  l'extension  de 
puissance  du  fou  et  de  la  dame,  dans  le  droit  des  pions 
d'avancer  d'un  ou  deux  pas  au  premier  coup,  et  dans  la 
faculté  de  roquer. 

Le  premier  traité  du  jeu  d'échecs  en  Europe  remonte  au 
début  du  xiii^  siècle  et  est  dû  à  Jacobus  de  Cœsolis;  son 
traité,  divisé  en  vingt-quatre  chapitres,  paraît  être  une 
compilation  de  divers  manuscrits  espagnols.  Il  est  des  plus 
médiocres.  Pour  en  trouver  un  meilleur,  il  faut  descendre 
à  la  fin  du  xv^  siècle ,  époque  où  parurent  les  traités  de 
Vincent  et  de  Lucena;  on  trouve  parmi  les  recomman- 
dations de  ce  dernier  des  préceptes  comme  celui-ci  :  «  Si 
vous  jouez  le  soir,  à  la  chandelle,  mettez-la  du  côté  gauche  ; 
dans  le  jour,  placez  votre  adversaire  en  face  de  la  lumière, 
pour  que  sa  vue  en  soit  gênée.  »  C'est  dans  ce  traité 
qu'apparaît  la  marche  actuelle  des  pièces.  En  1512,  paraît 
le  traité  de  Damiano.  Les  six  courts  chapitres  sur  les  débuts 
sont  fort  intéressants.  Ruy  Lopez  de  Sigura  publia  en 
I06I  un  traité  in-4  de  trois  cents  pages,  rempli  d'obser- 
vations ingénieuses.  Au  début  du  xviii^  siècle  apparut  le 


traité  de  Salvio  ;  il  contient  une  histoire  des  échecs  et  ren- 
ferme des  parties  très  bien  jouées  :  ce  livre  est  à  peine 
inférieur  aux  productions  modernes.  Carrera  donna,  en 
1617,  une  laborieuse  compilation  qui  manque  d'originalité 
et  parfois  de  correction.  Le  traité  de  Greco  (1680)  renferme 
beaucoup  de  parties  brillantes  et  intéressantes  à  étudier.  Il 
en  existe  plusieurs  éditions  françaises.  Greco,  dit  le  Cala- 
brais, était  de  basse  extraction  et  vivait  de  son  talent  aux 
échecs.  Le  capitaine  Bertin  pubha,  en  \  735,  un  in-8  de 
soixante -dix -huit  pages;  Stamma  vint  ensuite  (1735- 
1745)  ;  sur  ses  cent  «  parties  désespérées  »,  il  y  en  a  une 
vingtaine  de  fort  belles,  mais  quelques-unes  sont  incor- 
rectes. Nous  touchons  à  la  plus  brillante  période  de  la 
littérature  des  échecs  avant  la  période  moderne.  En  1749, 
Philidor  publia  la  première  édition  de  son  Analyse  du  jeu 
des  échecs  :  ce  livre  fut  considéré  alors  comme  le  nec  plus 
ultra  des  traités  et  passe  aujourd'hui  encore  comme  con- 
tenant tout  l'essentiel  du  sujet  aux  yeux  des  gens  peu 
informés.  Ses  notes  sont  très  instructives,  et  il  contient  de 
très  belles  analyses  des  fins  de  parties.  Philidor  excellait  à 
faire  manœuvrer  les  pions,  et  son  système  était  fondé  sur 
eux  :  il  les  appelait  l'âme  du  jeu  des  échecs.  La  Bourdon- 
nais, au  contraire,  a  inauguré  la  méthode  moderne,  plus 
hardie,  qui  consiste  à  sacrifier  pièces  et  pions  pour  obtenir 
une  forte  attaque.  Un  an  après  l'apparition  de  V Analyse^ 
parut  à  Modène  un  traité  anonyme  que  l'on  sut  plus  tard 
être  d'Ercole  del  Rio.  Lolli  reprit  cet  ouvrage  et  le  com- 
menta en  1763  dans  un  traité  excellent.  En  1769,  Pon- 
ziani  donne  à  Modène  son  Guioco  incomparabile.  Il  traite 
des  ouvertures,  des  mats  usuels,  des  positions  des  pions  : 
c'est  un  des  meilleurs  Hvres  écrits  sur  la  matière.  Le 
Traité  des  amateurs  (Paris,  1775-1786)  fut  rédigé  par 
les  plus  forts  joueurs  du  caté  de  la  Régence  :  il  contient 
de  bonnes  notes.  En  1795,  Johann  Allgaier  de  Vienne 
donna  un  ouvrage  sur  les  échecs  :  il  se  montra  partisan 
excessif  de  l'école  de  Philidor,  défendant  comme  lui  de  faire 
sortir  le  cavalier  en  avant  des  pions.  En  1808,  Sarratt, 
joueur  anglais,  édita  deux  volumes  où  il  donnait  une  mé- 
thode systématique  d'attaque  et  de  défense.  L'ouvrage 
passa  pour  très  nouveau  dans  son  pays,  mais  il  est  copié 
en  grande  partie  dans  Ponziani,  Ercole  del  Rio,  etc. 

A  partir  de  ce  moment,  la  Uttérature  des  échecs  se 
développe  de  plus  en  plus.  En  Angleterre,  Lewis,  en  1831 
et  183:2,  étudie  d'une  manière  originale  une  série  d'ouver- 
tures ;  un  peu  plus  tard,  Walker,  Slaunton  y  ajoutent  de 
grands  développements,  puis  Kling  et  Horwitz  publient  à 
Londres  un  ouvrage  sur  les  fins  de  partie.  Plus  récemment 
(1890-92),  Stemltz  a  commencé  à  New-York  la  publi- 
cation d'un  grand  traité  intitulé  The  Modem  Chess  in- 
structor.  En  France,  de  La  Bourdonnais,  le  premier  joueur 
de  son  temps,  donne  en  1833  un  bon  traité;  en  1837, 
Alexandre  pubha  des  tableaux  synoptiques  des  ouvrages 
tant  anciens  que  modernes  ;  la  Stratégie  raisonnée  des 
ouvertures  du  jeu  d'échecs  par  Durand,  Metton  et  Preti 
(2^  éd.)  paraît  en  1867-68.  Depuis  cette  époque,  il  n'y  a 
rien  à  citer  en  France  en  dehors  des  ouvrages  tout  à  fait 
élémentaires,  en  sorte  qu'il  n'existe  pas  à  l'heure  actuelle 
de  traité  d'échecs  au  courant  de  la  science.  En  Allemagne, 
Silberschmidt ,  von  Heydebrand  und  der  Lasa,  Max 
Lange,  von  Bilguer,  font  faire  de  grands  progrès  à  la 
théorie.  L'ouvrage  de  Bilguer  intitulé  Handbuch  des 
Schachspiels  (1843)  est  le  meilleur  traité  d'échecs  qui 
existe.  Les  premières  éditions  ont  été  publiées  et  tenues 
au  courant  par  von  Heydebrand  und  der  Lasa.  La  septième 
édition,  qui  a  paru  en  1891,  est  revue  par  Schallopp.  En 
Russie,  Jœnisch  publie  en  langue  française  (1842-43)  une 
analyse  mathématique  du  jeu  d'échecs  qui  est  fort  estimée. 
Le  jeu  d'échecs  a  d'ailleurs  fait  de  très  grands  progrès 
par  suite  de  l'apparition  de  journaux  spéciaux  en  langue 
française  (le  Palamède  par  La  Bourdonnais,  1836,  et 
Saint-Amand,  1841;  la  Régence  par  Kieseritzky,  1848, 
et  Arnous  de  Rivière,  1856;  la  Nouvelle  Régence  par 
Journoud,  1864;  la  Stratégie  par  Jean  et  Numa  Preti 


depuis  1867  jusqu'à  nos  jours),  anglaise,  allemande,  hol- 
landaise, danoise,  italienne,  espagnole  et  russe;  en  même 
temps,  de  grands  journaux  périodiques  tels  que  l'Illustra- 
tion publiaient  des  problèmes  et  des  parties. 

Plus  récemment  encore  les  tournois  internationaux  ont 
pris  un  grand  développement  et  ont  servi  à  mettre  en 
lumière  les  plus  forts  joueurs.  De  tous  temps  les  forts 
joueurs  engagèrent  des  matchs  entre  eux  :  c'est  ainsi  que 
les  matchs  de  Le  Breton  et  Deschapelles,  de  Cochrane  et 
La  Bourdonnais,  et  surtout  de  La  Bourdonnais  et  Mac  Don- 
nell  sont  restés  célèbres.  La  Bourdonnais  est  regardé  comme 
le  plus  fort  joueur  qui  ait  encore  paru  en  France.  C'est 
l'initiateur  de  la  méthode  moderne.  Mac  Donnell  est  égale- 
ment considéré  par  les  Anglais  comme  le  plus  fort  joueur 
qu'ils  aient  jamais  eu.  Dans  ce  beau  tournoi,  ce  fut  La  Bour- 
donnais qui  gagna  la  grande  majorité  des  parties.  Des 
matchs  analogues  ont  eu  lieu  entre  Staunton  et  Saint-Amant, 
Harrwitz  et  Lôwenthal  (1853),  Steinitz  et  Anderssen  d'un 
côté,  Blackburne  et  Zukertort  de  l'autre  (1866,  1875, 
1886),  Zukertort  d'un  côté,  Bosenthal  et  Blackburne  de 
l'autre  (1880, 1881),  Steinitz  etTschigorin  (1890).  Quant 
aux  tournois  internationaux,  le  premier  fut  tenu  à  Londres 
(1851).  Le  joueur  Anderssen,  professeur  d'allemand  et  de 
mathématiques  à  Breslau  (né  en  1818,  mort  en  1879),  y 
remporta  le  prix.  Il  triompha  de  même  au  second  tournois 
de  Londres  (1862).  Il  était  regardé  comme  le  plus  fort 
joueur  du  monde  quand  vint  en  Europe  l'avocat  améri- 
cain Paul  Morphy,  âgé  de  vingt  et  un  ans,  qui  avait  triom- 
phé à  New- York  l'année  précédente  (1857)  des  premiers 
joueurs  des  Etats-Unis.  Il  battit  avec  éclat  en  1858  et 
1859,  à  Londres  et  à  Paris,  Anderssen  et  les  meilleurs 
joueurs  d'Europe.  On  s'accorde  à  reconnaître  qu'il  n'y  a 
jamais  eu  de  joueur  aussi  fort.  Philidor  avait  déjà  donné 
l'exemple  du  tour  de  force  qui  consiste  à  jouer  deux 
parties  à  la  fois  sans  voir  l'échiquier.  Morphy  en  joua 
huit  dans  les  mêmes  conditions  et  en  gagna  sept.  Mais 
il  renonça  bientôt  aux  échecs  :  dans  un  deuxième  voyage 
à  Paris  (1863-64),  il  ne  joua  aucune  partie.  Il  fut 
atteint  un  peu  plus  tard  d'aliénation  mentale  et  mourut 
le  10  juil.  1884  à  la  Nouvelle-Orléans  à  l'âge  de  qua- 
rante-sept ans.  Ses  parties  ont  été  recueillies  et  publiées 
dans  diverses  langues  par  Lange,  Lôwenthal,  Dufresne, 
Preti,  Stanley  et  Frère. 

Au  congrès  de  Londres  de  1872,  le  premier  prix  fut 
gagné  par  Steinitz,  le  second  par  Blackburne,  le  troisième 
par  Zukertort.  Ce  dernier  (né  en  1842,  mort  en  1888) 
gagna  les  premiers  prix  aux  tournois  de  Paris  (1878)  et  de 
Londres  (1883).  Dans  ce  dernier,  sur  les  vingt-trois  pre- 
mières parties  qu'il  joua,  il  en  gagna  vingt-deux  et  s'assura 
ainsi  le  prix  par  trois  parties  d'avance  sur  Steinitz.  Mais 
en  1886,  Zukertort  fut  battu  aux  Etats-Unis  par  Steinitz, 
qui  gagna  contre  lui  dix  parties  contre  cinq,  les  cinq  autres 
étant  nulles.  Mais  Steinitz  a  trouvé  tout  récemment  un 
redoutable  adversaire  dans  le  Busse  Tschigorin. 

Citons  parmi  les  autres  congrès  internationaux  ceux  de 
Paris  (1867)  où  Anderssen  ne  prit  pas  part  (1^^  prix  Kolish), 
de  Vienne  (1873)  (1^^  prix  Steinitz),  de  Paris  (1878),  oti 
Steinitz  n'assista  pas  (Zukertort),  de  Vienne  (1882)  (Steinitz 
et  Winawer  ex  œquo),  de  Londres  (1883)  (1<^^  prix  Zuker- 
tort). II  convient  de  dire  que,  depuis  1870,  les  joueurs  fran- 
çais n'ont  pas  pris  part  aux  congrès  tenus  en  Allemagne. 
Les  plus  réputés  des  joueurs  français  sont  aujourd'hui 
MM.  Arnous  de  Bivière  et  S.  Bosenthal. 

Description  de  l'échiquier  et  des  pièces.  —  L'échiquier 
est  une  planche  divisée  en  soixante-quatre  cases  alternati- 
vement blanches  et  noires.  On  le  dispose  de  manière  que  la 
case  angulaire  de  la  dernière  ligne  à  droite  du  joueur  soit 
blanche.  Bien  que  cette  règle  soit  sans  influence  sur  la 
marche  même  du  jeu,  il  convient  de  l'observer,  sinon  on 
se  trouverait  déplacer  de  droite  à  gauche  et  vice  versa  les 
fous  et  la  dame  qui  occupent  une  couleur  déterminée. 
Chaque  joueur  possède  seize  pièces  dont  la  position  au  début 
de  la  partie  est  représentée  par  la  figure  2.  Ce  sont  :  un 


—  267  —  ECHECS 

roi  (le  roi  blanc  sur  la  case  el,  le  roi  noir  sur  la  case  e8), 
une  dame  ou  reine  (dl  et  d8),  deux  cavaliers  (bl  et  gl, 
b8  et  g8),  deux  tours  (al  et  hl,  a8  et  h8),  deux  fous 
(cl  et  fl,  c8  et  f8),  huit  pions  (lignes  2  et  7). 

Les  pièces  de  la  preuiière  hgne  se  nomment  grosses 
pièces,  par  opposition  aux  pions.  Ceux-ci  sont  souvent  dé- 
signés d'après  le  nom  des  grosses  pièces  devant  lesquelles 


Ds     i#l     0  3    m^f^    te 


Fig.  1. 

ils  se  trouvent  :  pion  du  roi,  pion  du  fou  du  roi,  pion  de 
la  tour  du  roi,  pion  de  la  tour  de  la  dame,  etc. 

On  remarquera  qu'au  début  de  la  partie,  le  roi  blanc  est 
sur  une  case  noire,  le  roi  noir  sur  une  case  blanche.  Les 
dames  au  contraire  sont  sur  des  cases  de  leur  propre  cou- 
leur {reqit  reqinacolorem). 

dotation,  La  notation  que  nous  suivons  ici  est  celle  de 
Philidor  ;  elle  a  été  adoptée  par  La  Bourdonnais  dans  son 
traité.  Elle  est  usitée  presque  universellement  à  l'étranger. 
C'est  la  plus  simple  et  la  plus  claire  de  toutes.  Les  cases 
diverses  de  l'échiquier  sont  désignées  au  moyen  d'un  sys- 
tème combiné  de  lettres  et  de  chiffres,  clairement  indiqué 
par  le  diagramme  ci-dessus. 


•Fig.  2. 

Comme  tout  coup  consiste  à  mouvoir  une  pièce  d'une 
case  à  une  autre,  on  indique  la  case  d'où  part  la  pièce  et 
la  case  où  elle  se  place.  Pour  apporter  encore  plus  de  clarté, 


ECHECS 


—  268  — 


on  désigne  les  pièces  du  jeu  par  la  lettre  initiale  de  leur 
nom  :  R,  roi;  D,  dame;  T,  tour;  F,  fou;  C,  cavalier; 
quand  la  notation  du  coup  n'est  précédée  d'aucune  lettre, 
c'est  le  pion  qu'il  faut  jouer.  La  prise  d'une  pièce  est  dési- 
gnée à  la  fin  du  coup  par  deux  points  (:)  ou  la  lettre  p. 
entre  les  deux  cases  ;  l'échec  au  roi  adverse  par  le  signe  +. 
Le  mouvement  du  roc  est  exprimé  par  0  —  0  du  côté  du 
roi,  et  par  0  —  0  — 0  du  côté  plus  étendu  de  la  dame. 
Dans  l'énoncé  des  coups,  on  commence  par  celui  des  blancs. 
Le  signe  !  représente  le  meilleur  coup  possible  dans  la 
position  où  l'on  est  arrivé;  le  signe?  indique  que  le  coup 
est  faible.  Les  journaux  et  périodiques  français  adoptent 
souvent  une  autre  notation  dans  laquelle  on  se  borne  à 
désigner  la  pièce  qui  joue  par  son  initiale,  et  à  noter  sim- 
plement la  case  oti  elle  arrive.  Cette  case  est  désignée  par 
sa  distance  à  la  pièce  qui  occupe  le  bord  de  l'échiquier  dans 
la  même  ligne.  Ainsi  :  C3FD,  signifie  que  le  cavalier  joue 
à  la  troisième  case  devant  le  fou  de  la  dame  :  les  coups 
ci-après  serviront  de  modèle  comparatif  entre  cette  nota- 
tion et  celle  de  Philidor. 


Mat  de 
Blancs 

1 .  Pion  à  la  4®  case  du  roi. 

2.  Fou  du  roi  à  la  4®  case 

du  fou  de  la  dame. 

3.  Dame  à  la  3^  case  du  fou 

du  roi. 

4.  Dame  prend  le  pion  du 

fou  (Echec). 


'écolier  ou  du  berger. 

Noirs 
Pion  à  la  4^  case  du  roi. 
Fou  du  roi  à  la  4«  case  du 

fou. 
Cavalier  de  la  dame  à  la 

3^  case  du  fou. 
Mat. 


Fig.  3.  —  Mat  du  berû:er.  ] 

Position  après  le 

3»  coup 

des  noirs. 

Blancs 

Noirs 

Blancs 

Noirs 

1.  P4«R 

P4«R 

1.  e2  — e4 

e7  —  e5 

2.  FR  4^  FD 

F4«FD 

2.  Ff l  —  c4 

Ff8  —  c5 

3.  D  3«  FR 

CD  3«F 

3.  Ddl  — f3 

Cb8  —  c6 

4.  D  p.  PF  (Ec) 

Mat 

Mat  d% 

4.  Df3  p.  f7  + 
i  lion. 

Mat 

1.  P3^FR 

P  4«  R 

L  f2-f3 

e7  — e5 

2.  P  4«  CR 

D5«T(Ec 

2.  g2-g4 

DdS  -  h4 

et  mat) 

-f  mat 

Mat  de 

Légal, 

4.  P4^  R 

P4«R 

1.  e2  — e4 

e7  —  e5 

2.  C3«FR 

P3«D 

2.  C^t  -  f3 

d7— d6 

3.  F  4^  FD 

P3«TR 

3.  Ffl  -  c4 

h7-h6 

4.  C3«FD 

F  o«  CD 

4.  Cbl  —  c3 

Fc8  —  g4 

5.  Cp.  PR 

Fp.D 

5.  Cf3  p.  e5 

Fg4  p.  di 

6.  F  p.  P  (Ec) 

R2«R 

6.  Fc4p.f7  - 

Re8  —  e7 

7.  C5«D 

Mat 

7.  Cc3  — d5- 

Mat. 

Marche  des  pièces.  Les  grosses  pièces  se  meuvent  en 
avant,  en  arrière  ou  de  côté  ;  les  pions  au  contraire  ne 
peuvent  qu'avancer.  Le  mouvement  d'une  pièce  dans  une 
direction  déterminée  est  arrêté  s'il  existe  sur  son  tra- 
jet une  autre  pièce;  si  celle-ci  est  de  la  même  couleur,  la 
première  ne  peut  pas  la  remplacer  ;  mais,  si  elle  est  d'une 
couleur  différente,  c.-à-d.  appartient  au  camp  ennemi,  elle 
peut  être  prise.  La  pièce  qui  prend  se  met  à  la  place  de 
celle  qu'elle  vient  de  prendre. 

La  tour  se  meut  suivant  une  ligne  droite,  perpendicu- 
lairement aux  côtés  de  l'échiquier.  Une  tour  placée  en 
do  par  exemple,  peut  aller  sur  toutes  les  cases  de  la 
ligne  d,  ou  sur  toutes  celles  du  rang  5,  c.-d.  en  dl,  d2, 
d3,  d4,  d6,  d7,  d8,  ou  en  a5,  bo,  c5,  e5,  fo,  g5, 
h5.  On  voit  que  sur  un  échiquier  complètement  libre 
la  tour  commande  44  cases  :  mais,  si  sur  la  ligne  d  ou 
sur  le  rang  5  il  se  trouve  une  pièce  de  même  couleur 
ou  de  couleur  différente,  la  marche  de  la  tour  est  entra- 
vée. Supposons  que  la  tour  placée  en  d5  soit  une  tour 
blanche  et  qu'il  se  trouve  un  pion  noir  en  d7  et  un  pion 
blanc  en  d2  ;  la  tour  ne  pourra  pas  aller  occuper  les  cases 
d4  ou  d8  qui  sont  derrière  ces  pions  ;  elle  ne  pourra  non 
plus  occuper  la  case  d2  qui  est  occupée  par  un  pion  de  sa 
couleur  ;  mais  elle  pourra  prendre  le  pion  noir  et  se  mettre 
à  sa  place  sur  la  case  d7.  Aux  échecs,  on  n'est  pas  forcé 
de  prendre;  on  ne  le  fait  que  si  on  le  juge  avantageux. 
Le  roi  ne  peut  se  placer  ou  prendre  que  sur  les  cases  qui 
ne  sont  pas  commandées  par  une  pièce  adverse. 

Le  fou  se  meut  obliquement  par  rapport  aux  côtés  de 
.'échiquier;  il  reste,  par  suite,  toujours  sur  la  même  cou- 
leur. Un  fou  placé  end5,  pourra  parsuite  aller  ena2,  b3, 
c4,  e6,  f7,  g8,  ou  bien  en  a8,  b7,  c6,  e4,  f3,  g2,h4. 
Dans  cette  position,  il  commande  43  cases,  mais  si  on  l'ap- 
proche du  bord,  il  n'en  commande  plus  que  44,  9  ou  7. 
Chaque  joueur  a  un  fou  des  blancs  et  un  fou  des  noirs, 
c.-à-d.  un  fou  qui  ne  se  meut  que  sur  les  cases  blanches 
et  un  autre  qui  ne  se  meut  que  sur  les  cases  noires.  Le 
fou  placé  à  droite  de  soi  est  nommé  fou  du  roi,  l'autre, 
fou  de  la  dame. 

La  dame  ou  reine  se  meut  en  droite  ligne  ou  en  ligne 
oblique  ;  elle  possède  donc  à  la  fois  le  mouvement  de  la  tour 
et  celui  du  fou.  C'est  la  plus  forte  pièce  du  jeu.  Une  dame 
placée  end5  commande  27  cases;  quand  eHe  se  rapproche 
du  bord  elle  n'en  commande  plus  que  25,  23  ou  24. 

La  marche  du  cavalier  est  la  plus  difficile  à  comprendre. 
Il  ne  se  place  jamais  sur  une  case  attenante  à  celle  qu'il 
occupe,  il  saute  par-dessus  cette  case  pour  aller  occuper 
une  des  cases  situées  au  delà  et  de  couleur  différente  de 
sa  case  initiale.  S'il  y  a  des  pièces  situées  sur  une  des  cases 
attenantes  à  sa  case  initiale,  comme  il  saute  par-dessus, 
son  mouvement  n'est  pas  entravé.  Si  nous  supposons  un 
cavalier  en  d5,  les  cases  sur  lesquelles  il  pourra  se  placer 
sont  c3,  e3,  f4,  f6,  e7,  c7,  b6,  b4.  On  remarquera  qu'un 
fou  ou  une  tour  placée  en  d5  ne  pourrait  se  rendre  sur  au- 
cune de  ces  cases.  Peu  importe  d'ailleurs  qu'il  y  ait  ou  non 
des  pions  sur  les  cases  c4,  d4,  e4,  e5,  e6,  d6,  c6,  co.  Un 
cavalier  placé  sur  Tune  quelconque  des  42  cases  du  mUieu, 
commande  8  cases  ;  s'il  est  sur  le  bord  ou  sur  les  lignes 
adjacentes,  il  n'en  commande  plus  que  6,  4,  3  ou  2. 

Le  roi.  Le  but  de  tout  le  jeu  est  d'amener  le  roi  dans 
une  situation  déterminée  qui  sera  définie  plus  loin  et  où  on 
dit  qu'il  est  mat.  C'est  donc  la  pièce  la  plus  importante  du 
jeu.  Sa  marche  est  très  simple  ;  il  va  de  sa  case  sur  toute 
case  voisine  sans  pouvoir  faire  plus  d'un  pas.  Un  roi  placé 
en  d5  peut  aller  en  c4,  d4,  e4,  e5,  e6,  d6,  c6  et  co. Pour- 
tant il  ne  peut  pas  se  placer  sur  une  case  commandée  par 
une  pièce  ennemie.  Dans  un  coin  il  commande  3  cases  ;  sur 
un  des  bords  de  l'échiquier  5  ;  sinon  8.  Le  roi  a  le  droit 
de  faire  une  fois  dans  une  partie  une  manœuvre  spéciale, 
étudiée  plus  loin  et  nommée  le  roc. 

Les  pions.  Au  début  de  la  partie  se  trouvent  sur  les 
lignes  2  et  7  un  ensemble  de  pions  qui  arrêtent  toutes  les 
pièces  à  l'exception  des  cavaliers.  Rien  qu'isolément  assez 


-  269  - 


ECHECS. 


faibles,  ils  représentent  dans  leur  ensemble  une  des  forces 
principales  de  chaque  camp. 

Le  mouvement  des  pions  s'écarte  de  celui  de  toutes  les 
autres  pièces  et  est  assez  anormal.  Le  pion  ne  peut  faire 
qu'un  pas  et  en  ligne  droite  ;  mais  il  prend  obliquement  à 
droite  ou  à  gauche.  Soit  par  exemple  un  pion  blanc  placé 
en  do,  une  pièce  noire  en  c6,  une  autre  en  e6,  le  pion 
peut  soit  pousser  en  d6,  soit  prendre  l'une  des  pièces  c6 
et  e6.  Si  l'une  des  pièces  noires  avait  été  en  d6,  le  pion 
n'aurait  pas  pu  la  prendre.  Le  pion  a  la  faculté,  de  sa  place 
initiale,  de  faire  deux  pas  en  avant  :  cet  avantage  a  pour 
effet  de  hâter  le  début  de  la  lutte  en  mettant  plus  rapi- 
dement les  pions  adverses  en  contact.  Toutefois,  le  pion  qui 
avance  de  deux  pas  s'expose  à  être  pris  en  passant.  Voici 
ce  que  l'on  entend  parla.  Soit  un  pion  blanc  en  e2,  un  pion 
noir  en  f4.  Le  pion  blanc,  n'ayant  pas  encore  bougé,  peut 
aller  soit  en  e3,  soit  en  e4.  Mais  dans  ce  dernier  cas,  comme 
il  saute  par-dessus  la  case  e8,  que  commande  le  pion  noir 
f4,  celui-ci  peut,  s'il  le  juge  convenable,  le  prendre  en 
passant,  c.-à-d.  l'enlever  de  l'échiquier  et  se  placer  lui- 
même  en  e3.  Cette  règle,  assez  singulière  et  généralement 
mal  comprise  des  débutants,  n'a  été  introduite  qu'à  la  fin 
du  siècle  dernier  et  n'est  pas  admise  aujourd'hui,  même  en 
Italie.  Ce  n'est  pas  d'ailleurs  la  seule  particularité  qu'offre 
le  pion.  La  suivante  est  d'une  importance  capitale.  Quand 
un  pion  atteint  la  dernière  ligne  de  l'échiquier  (c.-à-d.  la 
première  ligne  du  camp  adverse),  il  se  change  au  gré  du 
joueur  en  telle  pièce  qui  lui  plait:  dame,  tour,  cavalier,  etc. 
Peu  importe  que  ces  pièces  existent  encore  dans  le  camp 
auquel  il  appartient  :  par  suite,  il  peut  arriver  qu'un  même 
jeu  ait  trois  dames,  trois  cavaliers,  etc. 

U échec  et  le  mat.  Quand  un  joueur,  au  cours  de  la 
partie,  met  en  prise  le  roi  de  son  adversaire,  il  est  tenu 
de  dire  :  «  Echec  au  roi  »  ou  simplement  :  «  Echec  ». 
Quand  le  roi  est  en  échec  et  qu'il  ne  peut  pas  se  mettre 
hors  de  prise,  on  dit  qu'il  est  mat.  La  partie  est  alors  ter- 
minée. Le  but  du  jeu  est  donc  de  faire  mat  le  roi  adverse. 
Il  y  a  trois  manières  de  parer  à  un  échec,  suivant  les  cas. 
La  première  consiste  à  prendre  la  pièce  qui  donne  l'échec 
(au  cas,  bien  entendu,  où  elle  est  en  prise).  La  seconde  con- 
siste à  déplacer  le  roi.  La  troisième  consiste  à  le  couvrir 
en  interposant  une  pièce  entre  lui  et  la  pièce  adverse.  On 
remarquera  que  cette  dernière  méthode  n'est  pas  applicable 
si  l'échec  est  donné  par  le  cavalier.  Si  le  roi  mis  en  échec 
ne  peut  employer  aucun  de  ces  trois  procédés,  il  est  mat. 
Il  y  a  deux  manières  de  mettre  le  roi  adverse  en  échec. 
La  première  consiste  à  amener  une  pièce  dans  une  position 
où  elle  le  menace.  La  seconde,  qui  est  plus  dissimulée,  se 
nomme  échec  à  la  découverte  :  ce  n'est  pas  la  pièce  que 
l'on  déplace  qui  donne  l'échec,  mais  elle  en  découvre  une 
autre  qu'elle  masquait.  Ainsi,  soit  la  position  suivante: 

Blancs:  roi  en  hl,  fou  en  g2,  tour  en  f3. 

Noirs  :  roi  en  a8,  tour  en  g8,  pion  en  a7. 

Il  suffit  aux  blancs  de  déplacer  la  tour  f3  pour  que  le 
fou  g2  qu'elle  masquait  mette  en  échec  le  roi  noir.  Ce  qui 
rend  l'échec  à  la  découverte  particulièrement  dangereux, 
c'est  que  la  pièce  que  l'on  déplace  est  Hbre  d'occuper  des 
cases  importantes  et  d'entreprendre  des  coups  d'attaque, 
car  l'adversaire  est  obligé  de  se  couvrir  contre  l'échec  et 
se  trouve  souvent  empêché  de  parer  à  l'attaque  engagée 
par  la  pièce  déplacée.  Parfois,  en  combinant  les  mouve- 
ments de  la  pièce  qui  se  déplace  et  de  celle  qu'elle  démasque, 
on  peut  faire  le  roi  adverse  mat,  en  particulier  si  la 
première  pièce  donne  aussi  échec  au  roi.  C'est  ce  qui 
arrive  dans  l'exemple  donné  plus  haut  si  la  tour  blanche 
joue  de  f3  en  f8.  Si  la  tour  ou  le  fou  des  blancs  étaient 
seuls,  les  noirs  pourraient  prendre  l'un  ou  l'autre  avec  leur 
propre  tour,  mais,  par  suite  du  double  échec,  le  roi  est  mat. 

Voici  quelques  autres  positions  qui  montrent  quels 
résultats  heureux  on  peut  attendre  d'un  échec  à  la  dé- 
couverte : 

Blancs  :  roi  en  hl,  fou  en  f3,  tour  en  e4. 

Noirs  :  roi  en  aS,  dame  en  g7. 


Le  blanc  joue  sa  tour  de  e4  en  e7  :  il  met  ainsi  le  roi 
en  échec  par  le  fou  f3  ;  la  dame  par  la  tour  e7.  Celle-ci 
est  prise  au  coup  suivant,  et  le  blanc  gagne. 

Blancs  :  roi  en  hl,  tour  en  al,  cavalier  en  a5. 

Noirs  :  roi  en  aS,  tour  en  dS,  pion  en  b7. 

Le  blanc  joue  son  cavalier  de  ao  en  c6,  et  donne  l'échec 
et  le  mat. 

Blancs  :  roi  en  d6,  fou  en  e5. 

Noirs  :  roi  en  b8,  tour  ena8,  pions  en  a7  et  b7. 

Les  blancs  jouent  le  roi  de  d6  en  d7  et  font  les  noirs 
échec  et  mat. 

Blancs  :  roi  en  f2,  fou  en  f4,  pion  en  d6. 

Noirs  :  roi  en  b8,  tour  en  e8,  dame  en  h7,  pions  en 
a7  et  b7. 

Les  blancs  jouent  et  gagnent. 

Ainsi  qu'il  a  été  dit,  le  roi  est  obligé,  s'il  est  mis  en  échec 
par  un  cavalier  qui  n'est  pas  en  prise,  de  quitter  sa  place. 
S'il  est  complètement  entouré  de  ses  pièces,  il  peut  être 
fait  mat  par  impossibilité  de  se  mouvoir.  Ce  cas  se  pré- 
sente dans  la  position  suivante,  où  c'est  aux  blancs  à  jouer: 

Blancs  :  roi  en  a4,  cavalier  en  b5. 

Noirs  :  roi  en  a8,  tour  en  b8,  pions  en  a7  et  b7. 

Les  blancs  matent  en  jouant  le  cavalier  en  c7.  C'est 
ce  qu'on  nomme  le  mat  à  l'étouffée. 

Le  roc.  D'après  les  principes  du  jeu,  on  ne  peut  remuer 
qu'une  pièce  à  la  fois.  Cette  règle  souffre  cependant  une 
exception  ;  dans  le  roc,  on  déplace  à  la  fois  le  roi  et  la 
tour.  Cette  manœuvre  a  pour  but  d'enlever  le  roi  du  centre 
du  jeu,  où  il  est  souvent  très  exposé,  et  de  le  mettre  dans 
une  position  plus  sûre  dans  un  coin,  aussi  bien  que  de  lier 
les  deux  tours  et  d'augmenter  ainsi  dès  le  début  les  forces 
offensives  ou  défensives  du  jeu.  Un  joueur  ne  peut  roquer 
qu'une  fois  au  cours  d'une  partie,  et  ce  droit  est  soumis  à 
certaines  restrictions.  Voici  comment  l'on  roque.  On  amène 
la  tour  près  du  roi,  et  l'on  place  le  roi  de  l'autre  côté  de 
la  tour.  On  roque  d'ailleurs  aussi  bien  avec  la  tour  du  roi 
qu'avec  la  tour  de  la  dame.  Voici  par  conséquent  la  posi- 
tion des  pièces  avant  et  après  le  roc  : 


Blancs. 


Blancs. 

Noirs. 


Roc  avec 
,  Avant  : 
'  Après  : 

Noirs.  îi;-'; 

Roc  avec  la 

Avant  : 

Après  : 

Avant  : 

Après  : 


la  tour  du  roi. 
roi  en  el,  tour  en  hl. 
roi  en  gl,  tour  en  fi. 
roi  en  e8,  tour  en  h8. 
roi  en  g8,  tour  en  f8. 

tour  de  la  dame. 
roi  en  el,  tour  en  al. 
roi  en  cl,  tour  en  dl. 
roi  en  e8,  tour  en  a8. 
roi  en  c8,  tour  en  d8. 


Pour  que  le  roc  soit  permis,  il  faut  :  \^  qu'il  n'y  ait  sur 
la  première  ligne  entre  le  roi  et  la  tour  aucune  autre  pièce  ; 
2°  que  ni  le  roi,  ni  la  tour  n'aient  encore  bougé  depuis  le 
commencement  de  la  partie  ;  3<»  que  le  roi  ne  soit  pas  en 
échec  ;  4°  qu'il  ne  traverse  dans  son  mouvement  aucune 
case  commandée  par  une  pièce  ennemie,  qu'il  ne  se  mette 
pas  en  échec  en  roquant.  Ainsi  supposons  que  les  blancs 
aient  un  cavalier  en  e6  ;  le  roi  noir  sera  par  cela  seul  em- 
pêché de  roquer  soit  avec  la  tour  du  roi,  soit  avec  la  tour 
de  la  dame,  puisque  le  cavaliercommande  les  cases  d8  et  f8. 

La  manière  de  roquer  que  nous  avons  donnée  est  la 
seule  admise  en  France,  en  Angleterre,  en  Allemagne  et 
en  Russie  ;  mais  les  Italiens  admettent  une  grande  va- 
riété dans  le  roc  ;  ils  substituent  par  exemple  la  tour  au 
roi  et  le  roi  à  la  tour. 

Cas  de  nullité.  Une  partie  ne  se  termine  pas  toujours 
par  le  mat.  Elle  peut  rester  indécise  dans  divers  cas  :  c'est 
ce  qui  arrive  quand  aucun  des  deux  joueurs  n'a  les  forces 
nécessaires  pour  mater  son  adversaire.  Ainsi,  s'ils  se 
trouvent  tous  deux  en  présence  avec  le  roi  ou  une  autre 
pièce,  ou  bien  le  mat  est  impossible,  ou  bien  il  ne  le  se- 
rait que  par  une  grave  inadvertance  de  l'un  d'eux.  Souvent, 


ECHECS 


—  270 


malgré  un  avantage  de  forces,  le  mat  n'est  pas  possible  : 
c'est  le  cas  de  m  et  fou  ou  de  roi  et  cavalier  contre  roi 

seul.  ,,      .  1      1 

La  partie  sera  également  déclarée  nulle  si  les  deux 
joueurs  répètent  indéfiniment  les  mêmes  coups.  Le  cas  le 
plus  curieux  est  celui  de  l'échec  perpétuel.  Supposons  la 
position  suivante  : 

Blancs  :  roi  en  bl,  pions  en  a2,  b2,  c2,  tour  en  b3, 
fou  en  a6. 

Noirs  :  roi  en  a8,  tour  en  e8,  pions  en  a7  et  c7,  dame 
en  d2,  tour  en  h2. 

Les  blancs  jouent  et  annulent  la  partie,  qu'ils  seraient 
certains  de  perdre  par  un  échec  perpétuel  : 

Blancs  Noirs 

1.  Fa6— b7+  Ra8-b8 

2.  Fb7  — a6+  Rb8  —  a8 

3.  Fa6  — b7  +  etc.  

On  voit  par  là  que,  dans  les  positions  difficiles,  il  faut 
examiner  soigneusement  si  l'on  ne  peut  annuler  par  un 
échec  perpétuel.  En  voici  deux  autres  exemples  : 

Blancs  :  roi  en  g I,  pions  en  f2,  h2,  g3,  dame  en  f6. 

Noirs  :  roi  en  g8,  tour  en  f8,  pions  en  f7,  h7,  tour 
en  e4,  dame  en  bl,  fou  en  dl. 

Les  blancs  jouent 

Blancs  Noirs 

1.  Df6-g5+  Rg8-h8 

2.  Df5— g6+  Rh8  — g8 

3.  Df6  —  g5  +  etc. 

Blancs  :  roi  en  hl,  tour  en  el,  cavalier  en  gi,  pion  en 
g2,  dame  en  h2. 

Noirs  :  roi  en  g8,  pions  en  f7,  g7,  fou  en  b6,  cavalier 
en  h3. 

C'est  aux  noirs  à  jouer. 

Blancs  Noirs 

1 Ch3~f2  + 

2.  Rhl  -  gl  Cf2  -  h3  + 

3.  Rgl— hl      ,  Ch3  — f2  +  etc. 
La  partie  est  encore  nulle  dans  les  deux  cas  suivants  : 

si  un  joueur,  à  la  fin  de  la  partie,  bien  que  possédant  des 
forces  suffisantes  pour  forcer  le  mat  n'y  réussit  pas  après 
cinquante  coups  prescrits  d'avance  et  comptés  suivant  les 
règles  du  jeu,  —  nous  reviendrons  plus  loin  sur  ce  cas,  — 
et'enfin  si  le  jeu  est  pat. 

Le  pat.  Quand  le  joueur  au  tour  duquel  c'est  à  jouer 
n'est  pas  en  échec  et  qu'il  ne  peut  pas  déplacer  son  roi 
sans  le  mettre  en  échec,  il  est  pat.  Ce  qui  distingue  le  pat 
du  mat,  c'est  que  le  roi  n'est  pas  en  échec.  La  partie  est 
déclarée  nulle  dans  ce  cas. 

Une  position  de  pat  qui  se  présente  souvent  dans  la 
pratique  est  la  suivante  :  roi  noir  en  b8,  roi  blanc  en  b6, 
pion  blanc  en  b7.  C'est  au  noir  à  jouer,  il  est  pat.  Voici 
encore  une  autre  position  de  pat  pour  les  noirs  :  roi  blanc 
à  volonté,  dame  blanche  en  b6,  roi  noir  en  a8.  Il  arrive 
parfois  que  Ton  réussisse  en  sacrifiant  des  pièces  à  se  faire 
faire  pat  au  lieu  de  perdre  la  partie.  Voici  trois  posi- 
tions de  pat  empruntées  à  des  parties  réellement  jouées. 
C'est  aux  blancs  à  jouer  dans  le  premier  cas,  aux  noirs 
dans  les  deux  autres  : 

Blancs  :  roi  en  a5,  pion  en  d3. 

Noirs  :  roi  en  a7  ;  pions  en  b7,  c6,  e6,  f6  ;  dame  en  d4. 

Blancs  :  roi  en  f8,  fou  en  e4,  pion  en  h4,  tour  en  el. 

Noirs  :  roi  en  hl,  fou  en  gl,  cavalier  en  g2,  tour  en 
h2,  pion  en  h3. 

Blancs  :  roi  en  d6,  pions  en  b2  et  a3,  cavalier  en  e6, 
fou  en  g6. 

Noirs  :  roi  en  e8,  tour  en  f7,  pions  en  a4  et  b3. 

A  la  marche  des  pièces  se  rattachent  deux  problèmes 
curieux  : 

Problème  du  cavalier.  Il  faut  que  le  cavalier  parcoure 
toutes  les  cases  de  Téchiquier  une  fois  seulement^  et  que 
de  sa  case  finale  il  puisse  revenir  à  sa  case  initiale.  Ce 
problème  a  longtemps  passé  pour  très  difficile.  De  grands 


mathématiciens,  comme  Euler,  s'en  sont  occupés.  On  en 
connaît  aujourd'hui  diverses  solutions,  l'une,  des  plus 
simples,  s'obtient  par  la  règle  suivante  :  «  Placez  chaque 
fois  le  cavalier  dans  la  case  d'où  il  peut  sauter  sur  le  plus 
petit  nombre  de  cases  encore  inoccupées.  » 

Problème  des  huit  dam,es.  Placez  sur  l'échiquier  huit 
dames  sans  qu'aucune  soit  en  prise  des  autres.  Le  nombre 
des  solutions  est  de  quatre-vingt-douze.  En  voici  une  : 
placez  les  dames  en  hl,  c2,  a3,  f4,  b5,  e6,  g7,  d8.  ^ 

Valeur  des  diverses  pièces.  La  valeur  des  pièces  dépend 
de  leur  position,  mais  on  peut  admettre  d'une  manière  gé- 
nérale que  la  dame  vaut  huit  pions,  la  tour  quatre  pions, 
le  fou  ou  le  cavalier  trois  pions.  Par  suite,  la  dame  peut 
être  échangée  sans  désavantage  contre  deux  tours  et  le  fou 
contre  le  cavalier  ou  réciproquement. 

Règles  du  jeu.  —  Il  serait  à  désirer  que  les  règles  du 
jeu  fussent  établies  par  un  congrès  international  de  joueurs 
et  acceptées  universellement.  —  I.  L'échiquier  doit  être 
disposé  de  sorte  que  la  case  angulaire  à  gauche  de  chaque 
joueur  soit  une  case  noire.  Si  l'échiquier  a  été  mal  placé, 
on  devra  le  remettre  dans  la  bonne  position  avant  que  le 
quatrième  coup  ait  été  joué,  mais  non  après.  —  IL  Si 
une  pièce  a  été  mal  placée  ou  n'a  pas  été  placée  du  tout 
sur  l'échiquier,  la  partie  est  annulée.  Si  l'erreur  a  eu  lieu 
au  cours  de  la  partie,  il  faut  remettre  les  choses  en  état 
ou,  si  on  ne  le  peut  pas,  déclarer  la  partie  nulle.  — III.  Le 
droit  de  jouer  le  premier  est  tiré  au  sort;  si  deux  joueurs 
font  plusieurs  parties  de  suite,  ils  jouent  alternativement. 
—  IV.  Une  pièce  touchée  doit  être  jouée  à  moins  que  le 
joueur  au  moment  de  toucher  ne  dise  :  «  J'adoube.  »  — 
V.  Si  un  joueur  touche  une  pièce  de  son  adversaire  sans 
dire  :  «  J'adoube  »  ou  tout  autre  mot  en  ce  sens,  son  adver- 
saire peut  l'obliger  à  prendre,  ou,  si  les  règles  du  jeu  s'y 
opposent,  à  jouer  son  roi.  —  VL  Si  un  joueur  fait  une 
fausse  marche,  son  adversaire  peut  le  forcer  ou  de  laisser 
la  pièce  sur  la  case  où  il  l'a  placée,  ou  de  la  mettre,  selon 
les  règles  du  jeu,  sur  une  autre  case,  ou  de  jouer  son  roi  en 
remettant  la  pièce  à  sa  place.  —  VIL  Si  un  joueur,  sans 
dire  échec  attaque  le  roi  adverse,  celui-ci  n'est  pas  obligé 
d'y  faire  attention.  Si  le  roi  a  été  en  échec  pendant  plusieurs 
coups,  on  doit  remettre  ces  coups.  —  VIII.  Si  un  joueur 
reste  à  la  fin  d'une  partie  avec  tour  et  fou  contre  tour,  ou 
avec  un  cavalier  et  un  fou  contre  le  roi  ennemi  dépouillé, 
il  doit  le  faire  mat  en  cinquante  coups,  sinon  la  partie  est 
réputée  nulle.  Les  cinquante  coups  commencent  à  partir 
du  moment  où  l'adversaire  annonce  qu'il  va  les  compter. 
Cette  règle  s'applique  également  quand  il  s'agit  de  faire 
mat  avec  des  pièces  seulement,  telles  que  la  reine  contre 
une  tour,  etc.  —  IX.  Si  une  question  litigieuse  s'élève, 
on  peut  la  soumettre  aux  plus  habiles  et  aux  plus  désinté- 
ressés des  assistants. 

La  manœuvre  des  pièces  ne  peut  guère  s'apprendre  que 
par  la  pratique.  On  peut  pourtant  donner  à  cet  égard  cer- 
tains préceptes  généraux. 

Le  roi.  Toutes  les  combinaisons  du  jeu  ont  le  roi  pour 
objet.  Celui-ci  se  distingue  de  toutes  les  autres  pièces 
par  le  fait  qu'il  ne  peut  être  pris  et  par  la  faculté  qu'il  a 
de  roquer.  Le  roc  change  souvent  complètement  le  carac- 
tère d'un  jeu.  En  permettant  au  roi  menacé  de  se  mettre  en 
sûreté,  il  décide  du  gain  ou  de  la  perte  de  la  partie.  En 
général,  il  est  avantageux  de  roquer  de  bonne  heure,  afin 
de  se  servir  des  tours.  Toutes  les  forces  du  jeu  peuvent  être 
consacrées  à  l'attaque  ou  à  la  défense,  tandis  que  le  roi  à 
sa  place  empêche  la  concentration  des  pièces.  Il  vaut 
mieux  roquer  en  général  avec  la  tour  du  roi  qu'avec  la  tour 
de  la  dame  ;  la  première  opération  est  plus  prompte,  car 
elle  nécessite  simplement  le  déplacement  d'un  fou  ou  d'un 
cavalier,  tandis  que  la  seconde  exige  aussi  celui  de  la 
dame.  De  plus,  dans  le  roc  avec  la  tour  de  la  dame,  le 
pion  du  coin  n'est  pas  protégé.  Pourtant,  ce  mode  de  roc 
se  recommande  dans  divers  cas  :  par  exemple,  si  l'on  veut 
diriger  avec  les  pions  du  côté  du  roi  une  attaque  vers  le 
roi  ennemi  qui  a  roqué  avec  sa  propre  tour  ;  ou  inverse- 


^271 


ECHECS 


ment,  si  l'on  craint  une  attaque  des  pions  ennemis  sur 
l'aile  du  roi.  Parfois,  on  renonce  au  roc  en  plaçant 
le  roi  sur  la  case  B  (fT),  ou  il  peut  se  trouver  mieux  qu'en 
gl  (g8).  Il  suit  de  là  qu'on  s'efforcera  en  général  d'ein- 
pècher  le  roc  du  roi  ennemi.  Si  on  l'oblige  à  se  déplacer, 
il  peut  arriver  qu'il  s'oppose  ainsi  au  développement  de  la 
tour.  Parfois,  au  contraire,  le  roc  offrira  à  l'adversaire 
une  occasion  qu'il  utilisera.  C'est  ainsi  qu'un  échec  donné 
en  même  temps  au  roi  et  à  la  dame  au  moyen  d'une  tour 
ou  d'un  cavalier  peut  être  très  dangereux.  Jusque  vers  le 
milieu  de  la  partie,  surtout  si  les  dames  n'ont  pas  été 
échangées,  il  est  mauvais  de  conduire  le  roi  au  milieu  du 
jeu,  011  il  est  trop  exposé.  Au  contraire,  après  l'échange 
des  dames,  on  amène  souvent  le  roi  vers  le  milieu  du  jeu, 
comme  les  autres  pièces,  et  la  manière  dont  on  le  manœuvre 
décide  souvent  du  gain  du  jeu. 

La  dame.  C'est  la  plupart  du  temps  la  dame  qui  décide 
de  l'issue  du  jeu.  On  évitera  de  la  sortir  trop  tôt,  car  elle 
serait  exposée  à  l'attaque  des  pièces  moins  importantes  de 
l'adversaire  et  pourrait  être  perdue  ou  forcée  de  rentrer 
dans  ses  lignes  d'une  manière  désavantageuse.  Il  vaut 
mieux  commencer  l'attaque  avec  les  autres  pièces  et  l'ap- 
puyer au  moment  décisif  avec  la  dame.  Le  moment  où  elle 
intervient  dans  une  partie  en  marque  souvent  le  moment 
critique.  On  évitera  de  prendre  des  pièces  avec  la  dame 
si  cette  opération  l'éloigné  du  jeu  au  point  de  la  laisser 
couper  de  ses  propres  forces  et  de  laisser  l'attaque  à  la 
dame  ennemie.  Pour  éloigner  ainsi  la  dame  adverse  de  son 
camp,  un  bon  joueur  sacrifiera  au  besoin  des  pions  ou  des 
figures.  La  force  de  la  dame  équivaut  à  celle  de  deux  tours  ; 
on  peut  faire  rechange,  le  cas  échéant,  sans  désavantage. 
Au  début,  au  milieu  du  jeu,  la  dame  se  trouve  très  bien 
sur  sa  propre  case  dl  (d8),  ainsi  que  sur  les  cases  c2  (c7) 
et  b3  (b6).  Certains  gambits  offrent  une  exception  à  ces 
règles  :  car  la  dame  peut  y  être  placée  de  très  bonne 
heure  en  h4  (h5) . 

La  tour.  La  tour  est,  après  la  dame,  la  figure  la  plus 
forte.  Dans  les  ouvertures,  sa  marche  est  entravée  par  les 
pions  et  les  figures  qui  l'entourent.  Un  bon  joueur  s'effor- 
cera de  la  dégager  rapidement  et  de  la  mettre  en  rapport 
avec  la  seconde  tour.  Au  milieu  du  jeu,  les  tours  sont  bien 
placées  sur  des  lignes  d  et  c.  L'action  de  la  tour  est  d'au- 
tant plus  efficace  que  les  lignes  qu'elle  commande  sont  plus 
libres  ;  si  l'on  a  deux  tours  qui  se  soutiennent  et  dont  l'une 
s'est  emparée  d'une  ligne  libre,  et  si  l'adversaire  lui  oppose 
de  même  sa  première  tour  soutenue  par  la  seconde,  il 
ne  faut  pas  faire  l'échange,  mais  le  lui  laisser  faire,  car 
on  reprend  avec  sa  propre  tour  et  l'on  commande  de  nou- 
veau la  ligne  libre.  Si  l'on  ne  peut  pas  faire  entrer  en  jeu 
une  tour  au  moyen  du  roc,  on  avancera  les  pions  qui 
sont  devant  elle  pour  lui  faire  de  la  place.  Quand  les  dames 
ont  été  échangées,  les  tours  décident  souvent  du  sort  de  la 
partie  en  se  plaçant  sur  la  rangée  des  pions  (rangée  2  ou 
6).  Il  est  important  dans  les  fins  de  partie,  quand  la  tour 
commande  des  lignes  libres,  qu'elle  retienne  le  roi  sur  le 
fond  de  l'échiquier.  La  tour  est,  avec  la  dame,  la  seule 
pièce  qui  puisse,  aidée  par  le  roi,  faire  le  roi  adverse  mat. 

Le  fou.  Les  deux  fous  de  chaque  jeu  se  meuvent  sur  des 
cases  de  couleurs  différentes.  Le  fou  du  roi  est  souvent 
amené  dans  les  débuts  de  parties  sur  les  cases  c4  (co),  où 
il  menace  le  pion  f7  (f2),  qui  n'est  protégé  que  par  le  roi  et 
où  il  peut  empêcher  le  pion  de  la  dame  d'avancer  en  do.  Si 
le  roi  adverse  a  roqué,  le  fou  du  roi  sera  bien  placé  en  d3 
(d6),  où  il  menacera  le  point  h7  (h2),  d'habitude  protégé 
par  le  roi  adverse  seul.  Le  second  fou  ou  fou  de  la  dame 
sert  souvent,  dans  le  début,  à  la  défense.  On  le  place  par- 
fois en  e6  (e3)  si  le  fou  adversaire  s'est  mis  en  c4  (co) 
pour  l'attaque.  Le  concours  des  deux  fous  permet  de  diriger 
des  attaques  très  vigoureuses  contre  le  côté  où  le  roi  ennemi 
a  roqué.  Il  est  souvent  désavantageux  d'en  échanger  un 
contre  un  cavalier  ennemi.  Pourtant  les  fous  et  les  cavaliers 
sont  réputés  pièces  de  même  force;  leur  utilité  relative 
dépend    essentiellement  de  la  tournure  du  jeu.  Si  l'on  a 


moins  de  pions  que  l'adversaire,  on  cherchera  à  conserver 
ses  fous,  car  ils  sont  très  aptes  à  arrêter  les  pions  ennemis. 

Le  cavalier.  Ce  qui  rend  le  cavalier  dangereux,  c'est  sa 
faculté  de  sauter  par-dessus  les  pièces  de  son  camp  ou  du 
camp  adverse.  Aussi  sa  puissance  relative  diminue-t-elle 
quand  il  y  a  un  grand  nombre  de  pièces  échangées.  On 
développe  souvent  le  cavalier  du  roi  en  f3  (f6),  d'où  il  peut 
se  rendre  en  e5  (e4)  ou  go  (g6)  pour  menacer  f7  (f2)  ou 
h7  (hi).  Dans  les  fins  de  partie,  le  cavalier  a  sur  le  fou 
l'avantage  de  pouvoir  prendre  les  pions  ennemis  sur  les 
deux  couleurs,  mais,  d'autre  part,  il  est  moins  apte  à  les 
empêcher  d'avancer. 

Les  pions.  Nous  avons  vu  toutes  les  anomalies  qui  ca- 
ractérisent la  marche  du  pion  :  la  nécessité  de  toujours 
avancer,  la  différence  entre  la  manière  dont  il  avance  et 
celle  dont  il  prend,  le  droit  de  prendre  en  passant,  la 
faculté  de  faire  dame  en  atteignant  la  base  du  camp  en- 
nemi. Mais  ce  ne  sont  pas  les  seules  causes  qui  rendent 
la  conduite  des  pions  particulièrement  délicate.  Souvent  on 
est  amené  à  sacrifier  des  pions  pour  dégager  des  pièces,  et  il 
y  a  toujours  lieu  de  se  demander  si  l'amélioration  de  la 
position  compense  le  sacrifice  du  pion.  Philidor  prescri- 
vait de  ne  pas  placer  les  cavaliers  f3  (f6)  ou  c3  (c6)  avant 
d'avoir  avancé  les  pions  des  fous  de  deux  pas,  mais  cette 
règle  est  absolument  abandonnée  aujourd'hui.  La  force  des 
pions  augmente  à  mesure  qu'on  se  rapproche  du  centre  de 
l'échiquier.  Les  pions  des  coins  sont  les  plus  faibles  ;  ceux  du 
centre  les  plus  forts.  Si  l'on  a  le  choix,  on  prendra  donc 
de  préférence  des  côtés  vers  le  milieu.  Les  deux  pions  du 
milieu  sont  bien  placés  au  début  en  c^  (c5),  d4  (do), 
cases  où  ils  gênent  les  pièces  ennemies.  En  général,  on  ne 
doit  pousser  un  pion  très  en  avant  que  s'il  est  soutenu  par 
d'autres  pions.  La  force  des  pions  tient  en  grande  partie  à 
leur  faculté  de  se  soutenir  les  uns  les  autres  par  le  côté. 
C'est  pourquoi  un  pion  doublé  peut  être  à  peine  plus  effi- 
cace qu'un  seul  pion.  On  évitera  d'acquérir  par  des  échan- 
ges des  pions  doublés,  sans  oublier  pourtant  que,  s'ils 
peuvent  être  échangés  facilement,  ils  sont  tout  aussi  forts 
que  d'autres.  Les  pions  ayant  le  droit  de  faire  dame,  il  est 
très  avantageux  d'avoir  des  pions  passés.  Si  l'on  a  un  pion 
passé,  on  cherchera  à  le  soutenir  au  moyen  d'autres  pions, 
sinon  il  serait  facilement  enlevé  par  les  pièces  de  l'adver- 
saire. Au  début  et  au  milieu  de  la  partie,  les  pions  sont 
consacrés  à  l'attaque  du  camp  adverse  et  à  la  défense  de 
leur  camp.  A  la  fin  du  jeu,  au  contraire,  on  cherche  sur- 
tout à  les  conduire  à  dame. 

Exemples  de  parties.  —  Avant  d'aborder  la  théorie 
des  ouvertures,  donnons  deux  exemples  de  parties  avec 
annotations. 

Première  partie  : 

Blancs  Noirs 

i.     e2  — e4  ..... 

Bon  coup  de  début  par  lequel  les  blancs  dégagent  le  fou 
du  roi  et  la  dame.  De  plus,  le  pion  e,  que  le  pion  d  peut 
venir  bientôt  soutenir  se  trouve  avantageusement  placé  sur 
cette  case,  soit  pour  aller  plus  avant,  soit  pour  repousser 
les  pièces  ennemies. 

1 e7  —  e5 

Riposte  juste.  Les  ripostes  c7  —  c5  ou  e7  —  e6  sont 
également  correctes  ;  mais  elles  conduisent  à  un  jeu  plus 
lent. 

2.  Cgi  —  f3  

Une  des  meilleures  attaques.  Le  cavalier  f3  menace  en 
effet  le  pion  eo,  et  peut  se  rendre  soit  en  e5  soit  en  go 
pour  attaquer  le  point  f7. 

2 Cb8  — c6 

La  meilleure  riposte.  Le  pion  e5  est  gardé,  et  le  cava- 
lier c6  est  en  même  temps  amené  dans  le  jeu. 

3.  Ffi  -  c4  

C'est  ici  la  meilleure  place  au  début  du  jeu  pour  le  fou 
du  roi,  car  il  menace  le  point  le  plus  faible  du  jeu  ennemi, 
c.-à-d.  le  pion  f7  qui  n'est  gardé  que  par  le  roi.  Tant  que 


ÉCHECS 


—  'in 


Tadversaire  n'a  pas  roqué,  il  convient  d'attaquer  le  point  f7. 

3.  .....     "  Ff8  — c5 
Riposte  correcte  :  le  fou  noir  menace  de  même  le  point 

faible  du  jeu  blanc. 

4.  c2  — c3  

afin  de  jouer  ensuite  d2  —  d4  et  de  former  un  centre. 
Deux  pions  côte  à  côte  au  centre  du  jeu  sont  très  efficaces  ; 
ils  gênent  le  mouvement  des  pièces  ennemies,  et  mena- 
cent eux-mêmes  de  s'avancer  dans  le  camp  adverse. 

4 Cg8-f6 

Riposte  correcte. 

5.  d2  — d4  

Les  blancs  ont  formé  un  centre. 

5 e5  p.  d4 

e!     c3  p.  d4  

Les  blancs  pourraient  jouer  aussi  e4  —  e5,  à  quoi  les 

noirs  riposteraient  d7  —  d5.  Tout  ce  début  de  partie  est 

classique  ;  il  se  nomme  guioco  piano. 

6 Fc5  —  b4  4- 

7.  Cbl  — c3  ..... 

Le  coup  correct  dans  cette  position  est  Fcl  —  d2. 

7 Cf6  p.  e4 

Les  noirs  peuvent  prendre  ce  pion  avec  leur  cavalier, 
car  le  cavalier  c3  ne  peut  remuer  sans  découvrir  le  roi. 

8.  0  —  0  Ce4  p.  c3 

Il  vaudrait  mieux  prendre  avec  le  fou  et  roquer. 

9.  b2  p.  c3  Fb4p.  c3 

Une  faute  qui  montre  bien  combien  il  est  dangereux  de 
prendre  sans  examiner  les  conséquences. 

10.  Ddl  —  b3  

Les  blancs  pourraient  jouer  Fc4  p.  f7  +  puis  Ddl  —b3  -f 
et  regagner  ainsi  le  fou  et  le  pion  perdu,  mais  ils  jouent  de 
manière  à  laisser  faire  aux  noirs  une  faute  encore  plus 
grave.  Ceux-ci,  en  effet,  ne  peuvent  prendre  la  tour 
ai  qu'en  compromettant  leur  jeu  comme  le  montrera  la 
suite. 

10 Fc3  p.  al 

11.  Fc4p.  f7  Re8— f8 

Si  les  noirs  jouent  Re8  —  e7,  les  blancs  gagnent  la  dame. 

12.  Fcl  — g5  Cc6— e7 

Les  noirs  n'ont  pas  d'autre  moyen  de  protéger  la  dame. 
Cc6  p.  d4  est  une  contre-attaque  illusoire.  Sans  doute,  si 
le  fou  g5  prenait  de  suite  la  dame  d8,  le  cavalier  c4  pren- 
drait la  dame  b3,  mais  les  blancs  joueraient  Db3  —  a3  +, 
tireraient  ainsi  leur  dame  d'affaire  et  prendraient  la  dame 
noire  le  coup  d'après. 

13.  Cf3— e5  

Les  blancs  pourraient  jouer  aussi  Tfl  —  el ,  qui  leur 
assurerait  également  la  victoire,  mais  le  coup  adopté  est 
plus  élégant. 
^  13 Fal  p.  d4 

La  variante  d7  —  d5  sera  examinée  plus  loin. 

14.  Ff7  — g6  

Ce  fou  ne  peut  être  pris.  Sinon  les  blancs  materaient  en 
f7  avec  la  dame. 

14 d7  —  do 

15.  Db3-f3+  Fc8  — f5 

16.  Fg6  p.  f5  ..... 

On  voit  pourquoi  au  quatorzième  coup  les  blancs  ont  placé 
le  fou  en  ^6. 

16 Fd4p.  e5 

17.  Ff5  — e6+  Fe5-f6 

18.  F^op.f6  g7  p.  f6 

19.  Dt3p.  f6  4-  Rf8-e8 

20.  Df6  —  f7  +  et  mat         

Variante  :  supposons  qu'au  treizième  coup   les  noirs 

aient  joué  d7  —  d5  au  lieu  de  Fal  p.  d4. 

14.    Db3-f3  Fc8-f5 

Les  noirs  n'ont  pas  d'autre  coup  pour  se  protéger  contre 
l'échec,  à  la  découverte,  car  s'ils  retiraient  le  cavalier  e7, 
les  blancs  prendraient  la  dame. 

lo.     Ff7  — e6  

afin  de  prendre  au  coup  prochain  le  fou  f5. 


15 g7-g6 

16.  Fg5— h6+  Rf8  — e8 

17.  Fe6— f7  -fmat  

Deuxième  partie  : 

Blancs  Noirs 

1,  e2  — e4  e7  — e5 

2.  Cgl-f3  Dd8-f6 

Ce  coup  des  noirs  est  médiocre,  car  il  amène  trop  tôt  la 
dame  dans  le  jeu. 

3.  'Ffl-c4  Df6-g6 

Les  noirs  menacent  à  la  fois  les  pions  g2  et  e4.  Mais  on 
va  voir  combien  il  est  facile  aux  blancs  de  repousser 
l'attaque. 

4.  0  —  0  Dg6  p.  e4 
Une  faute. 

5.  Fc4p.f7-1;  Re8  — d8 

Si  les  noirs  avaient  pris  le  fou,  les  blancs  prenaient  la 
dame  noire  avec  Cf3  —  g5. 

6.  Cf3p.  e5  Cg8-f6 

Si  les  noirs  prenaient  le  cavalier  e5,  les  blancs  joueraient 
Tfl  —  el  et  prendraient  la  dame  ou  donneraient  le  mat 
en  e8. 

7.  Tfl— el  De4  — f5 

8.  FH  — g6  h7p.  g6 

Si  les  noirs  jouent  leur  dame  en  e6,  les  blancs  jouent 
Ce5  —  f7  -j-  et  prennent  la  dame. 

9.  Ce5  —  f7  +  et  mat         ^ 

Variante  :  au  cinquième  coup,  les  rois  pourraient  jouer 

Re8  —  e7.  Le  jeu  sie  poursuivrait  ainsi  : 

6.  Xfi  —  el  De4  —  f4 

7.  Tel  p.  e5  -I-  

On  va  voir  que  si  les  blancs  laissent  le  fou  f7  en  prise, 
c'est  que  la  prise  de  celui-ci  entraîne  la  perte  du  jeu  pour 
les  noirs. 

7 Re7  p.  f7 

8.  d2  —  d4  Df4  —  f6 

La  dame  n'a  pas  d'autre  coup.  Si  elle  jouait  Df4  —  g4, 
elle  serait  perdue  par  Cf3  —  g5  -f . 

9.  Cf3-g5+  Rf7-g6 
10.     Ddl  — d3+  Rg6-h5 

Si  le  roi  allait  en  h6,  les  blancs  le  feraient  mat  par 
Cg5  -  f7. 

H.     g2  — g4-f  Rho  p.  g4 

Si  le  roi  va  en  h4,  les  blancs  le  font  mat  par  Dd3  — h3. 
S'il  joue  en  h6,  il  est  mat  de  même  par  Cgo  —  f7  -(- . 
12.     Dd3— h3  +  etmat         ..... 

Nous  examinerons  successivement  la  théorie  des  débuts 
de  partie  ou  ouvertures  et  la  théorie  des  fins  de  partie. 

Théorie  des  ouvertures.  —  Nous  diviserons  les  ouver- 
tures en  deux  grandes  catégories  :  les  parties  ouvertes, 
dans  lesquelles  les  blancs  qui  débutent  avancent  le  pion  du 
roi  de  deux  pas  (1 .  e2  —  e4)  et  les  noirs  ripostent  de 

même  (1 e7  —  e5);  suivant  le  second  coup   des 

blancs,  on  a  trois  grandes  subdivisions  :  parties  du  cava- 
lier, les  blancs  jouent  2.  Cgi  —  f3;  parties  du  fou,  les 
blancs  jouent  2.  Ffl  —  c4;  gambit  du  roi,  les  blancs 
jouent  2.  f2  —  f4;  et  les  parties  fermées  où  les  blancs 
jouent  encore  1.  e2  —  e4,  mais  les  noirs  ripostent 
1 e7  —  e6  (partie  française) ,  ou  1 c7  —  c5  (par- 
tie sicilienne)  ou  tout  autre  coup  ;  ou  bien  les  blancs  ne  jouent 
pas  :  1.  e2  —  e4,  mais  1.  d2  —  d4  ou  1.  f7  —  fo,  etc. 

I.  Parties  du  cavalier.—  Ces  parties  sont  caractérisées 
par  les  coups  : 

Blancs  Noirs 

1 .     e2  —  e4  e7  —  e5 

1.     Cgi— f3  ..... 

Nous  allons  étudier  d'abord  quelques  répliques  peu 
correctes  des  noirs  : 

Défenses  irrégulières  dans  la  partie  du  cavalier  du 
roi  :  gambit  de  Damiano, 

Blancs  Noirs 

1.  e2  — e4  e7  —  e5 

2.  Ci^i  —  f3  f7  -  f6 


—  273  -- 


ÉCHECS 


Les  joueurs  inexpérimentés  poussent  souvent  le  pion 
f7  —  f6  pour  soutenir  le  pion  e5.  Mais  ce  coup  est  mé- 
diocre, car  les  blancs,  en  plaçant  leur  fou  en  c4  empêchent 
le  roc  du  roi  noir.  Au  lieu  de  jouer  immédiatement  ce  fou, 
ils  peuvent  même  prendre  le  pion  e5  avec  leur  cavalier.  Si 
les  noirs  reprennent  le  cavalier,  leur  jeu  est  ruiné,  comme 
le  montrent  les  coups  suivants  : 

;■).     Cf3  p.  eo  f6  p.  e5 

4.  Ddi— h5+  g^-ge 

5.  DhD  p.  e5  +  Dd8  —  e7 

6.  De5p.h8  

Les  blancs  prennent  la  tour  et  ont  l'avantage. 
Première  variante  :  les  noirs,  au  lieu  de  jouer  g7  —  g6 

au  quatrième  coup,  déplacent  le  roi  en  e7  : 

4 Re8  — e7 

0.     Dh5  p.  e5  +  Re7  —  f7 

6.  Ffl  —  c4  +  Rf7  —  g6 

7.  De5— fo  +  Rg6  — h6 

8.  d2  —  d4'-[-  g^-gS 

9.  h2  —  h4                      d7  — d5 
10.     Df5  — f7  

Les  blancs  donneront  le  mat  avec  h4  p.  go  -f-- 
Deuxième  variante  :  dans  la  variante  précédente,  les 

noirs,  au  lieu  déjouer  au  sixième  coup  Rf7  —  g6,  peuvent 

avancer  de  deux  pas  le  pion  de  la  dame  : 

6 d7— d5 

7.  Fc4  p.  d5  +  Rf7  —  g6 

8.  h2  — h4  Ff8  — d6 

9.  h4-h5+  Rg6-h6 

40.  d2  — d4+  g7— go 

41.  h5p.  g6-f  Rh6p.  g6 

42.  De5  — h5+  Rg6  — f6 

43.  Dh5--f7  +  et  mat        

Si  les  noirs  au  huitième  coup  jouent  h7  —  h6  ou 
h7  —  h5,  les  blancs  jouent  Fdo  p.  b7.  Le  fou  ne  peut 
être  pris,  car  les  blancs  donneraient  échec  avec  leur  dame 
en  fo. 

On  voit  par  là  combien  il  est  funeste  pour  les  noirs  de 
prendre  le  cavalier  blanc  au  troisième  coup.  Une  fois  la 
faute  de  tirer  f7  —  f6  commise,  ils  jouent  pour  le  mieux 
Dd8-e7.  '      J  F 

Défense  Ff8  —  d6.  Ce  moyen  de  soutenir  le  pion  e.H 
est  mauvais,  car  le  fou  en  d6  empêche  d'avancer  le  pion 
d7  et,  par  suite,  arrête  le  fou  c8  et  toute  l'aile  de  la  dame. 
4.     e2  — e4  e7  —  e5 

2.  Cgd~f3  Ff8-d6 

3.  Ff4  ■-C4  Cg8-f() 

4.  d2  — d4  ..... 

Les  blancs  menacent  de  gagner  une  figure  avec  d4  p.  eo. 

4.     Cf6  p.  e4 

Si  les  noirs  jouaient  eo  p.  d4,  les  blancs  riposteraient 
e4  —  eo  et  gagneraient  une  pièce. 

5.  d4p.  eo  Fd6— co 

Les  noirs  dirigent  une  nouvelle  attaque  sur  le  point  f2; 
mais  cette  attaque  est  médiocre,  comme  le  montre  la 
suite. 

6.  Dd4--d5  

La  dame  attaque  le  cavalier  e4  et  menace  de  donner  le 
mat  en  f7. 

^.     Fco  p.  f2  + 

7.  Rcl  —  e2  0  —  0 

8.  Dd5.p.  e4  

et  les  blancs  ont  gagné  une  pièce. 

Défense  Dd8~  —  f6.  Une  variante  de  ce  début  a  été 
proposée  à  titre  d'exemple. 

4 .     e2  —  e4  e7  —  eo 

2.  Cg4-f4  Dd8-f6 

3.  Ff4— c4  Ff8  — c5 
^'     c2  —  c3                         Cb8  —  c6 
o.     d2  —  d4  eo  p.  d4 
6.     e4  — e5  Df6  — g6 

^  A  Cc6  p.  e5,  les  blancs  riposteraient  Dd4'—  e2,  puis 
c3  p.  d4. 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —    XV^ 


7.  c3  p.  d4  Dg6  p.  g2 

8.  Th4  -  g4  Fc5  —  b4  + 

9.  Cbl-c3                       Dg2— h3 
40.     Fc4  p.  f7  +  

et  les  blancs  ont  le  meilleur  jeu. 

Défense  dl  —  do.  Ce  coup  n'est  pas  incorrect,  mais 
il  est  un  peu  aventureux.  Pourtant,  si  les  deux  adver- 
saires jouent  correctement,  il  amène  à  un  jeu  égal. 
4 .     e2  —  e4  e7  —  eo 

2.  Cg4-f3  d7-d5 

3.  Cf3p.  e5  Dd8  — e7 

4.  d2  — d4  

Contre- gambit  dans  la  partie  du  cavalier  du  roi. 

Les  noirs  peuvent  riposter  f7  —  f 5  à  Cg4  —  f3.  Ils  offrent 
un  pion  pour  former  une  contre-attaque.  Si  les  blancs 
prenaient  le  pion  en  jouant  e4  p.  fo,  ils  iraient  au-devant 
des  desseins  des  noirs,  comme  le  montre  la  variante  sui- 
vante : 

4 .     e2  —  e4  e7  —  eo 

2.  Co4  —  f3  f7  —  f5 

3.  e4p.f5?  d7  — d6! 

4.  d2  —  d4  e5  —  e4 

5.  Dd4— e2  

Si  les  blancs  jouentCf3 — go,  les  noirs  ripostent  Fc8  p.  fo. 
5 Dd8  — e7 

6.  Cf3  —  go  Cg8  -  m 

Fc8  p.  f5  serait  suivi  de  De2  —  b5  -f  ;  et  d6  —  do,  de 
De2-h5-l-. 

7.  g2  — g4  h7— h5 

8.  Ff4  -  h3  h5  p.  g4 

9.  Fh3  p.  g4  g7-g6 

Si  les  blancs  prennent  g6,  les  noirs  enlèvent  le  fou  g4. 

Cette  position  est  caractéristique  de  ce  genre  de  gambits. 

40.     Cgo  — e6  g6p.  f5 

44.     Ce6p.  f8  Re8  p.  f8 

42.     Fc4  — g5  ..... 

Les  blancs  n'ont  pas  de  moyen  de  sauver  le  fou  g4. 

12 fo  p.  g4 

13.     Cb4-c3  De7-f7 

Les  blancs  menaçaient  de  Cc3  —  d5. 

'14.     Fg5p.  f6  Df7p.  f6 

4o.     Cc3  — do  Df6  — f7 

46.     De2  p.  e4  Fc8  —  f5 

et  les  noirs  ont  une  figure  de  plus. 

Mais,  si  les  blancs,  au  troisième  coup,  au  lieu  de  jouer 
c4  p.  f5,  jouent  Cf3  p.  e5  ou  Ffl  —  c4,  ils  s'assurent  au 
contraire  le  meilleur  jeu. 

1 .  e2  —  e4  e7  —  e5 

2.  Cg'l  —  f3  f7  -  f5 

3.  Cf3  p.  eo  !  Dd8  —  f6 
Pour  le  mieux. 

4.  d2  — d4  dj  — d6 

5.  Ce5  —  c4  fo  p.  e4 

6.  Cbl  — c3  Fc8— fo 

7.  g2-g4  

En  général,  il  n'est  pas  bon  d'avancer  trop  tôt  les  pions 
g  et  h.  Il  convient  pourtant  de  le  faire  si,  comme  ici,  on 
doit  en  retirer  quelque  avantage. 

7 Ffo  — g6 

8.  Ffl  —  g2  c7  —  c() 

Les  noirs  veulent,  après  échange  des  fous,  attaquer 
avec  d6  —  do  les  deux  cavahers,  mais  le  résultat  est  mau- 
vais. 

9.  Fg2  p.  e4  Fg6  p.  e4 

10.  Cc3p.  e4  Df6  — e6 

11.  Ddl— e2  d6  — d5 

12.  Ce4  —  f6  +  Re8  —  f7 

Si  le  roi  allait  en  e7,  les  blancs  joueraient  Cf6  p.  g8. 

13.  Cc4  — eo-f  ..... 

Les  blancs  sacrifient  le  cavalier  f6  et  bientôt  après  une 
autre  pièce.  On  verra  pourtant  que  l'avantage  de  position 
qu'ils  en  tirent  est  décisif. 

IS 


ÉCHECS 


—  274 


d8  et 


13 RH  p.  m 

U,    Fcl  -  g5  +                  Rf6  p.  gS 
15.     De2-f3  

Le  coup  décisif  qui  justifie  le  sacrifice  des  deux  pions. 

La  dame  placée  en  îo  coupe  la  retraite  au  roi  noir  : 
lo  ....  h^  —  ho 

46*.     h2  — h4+  RgS  — h6 

47      ^4__g5l  Rh6  — liï 

48.  |5-i6+  •  RhT-li6 

49.  i)f3-f4+                     .   .  .   .  -^i"^^^- 
Partie  de  la  défense  Philidor.  Le  coup  2 d7— db 

contre  2. Cgi  —  f3  représente  une  défense  très  sure  ;  elle 
conduit  toutefois  à  un  jeu  un  peu  lent.  Elle  a  été  recom- 
mandée par  Philidor,  d'après  lequel  elle  assure  l'avantage 
aux  noirs  ;  mais  cette  opinion  paraît  excessive. 
4.     e2  — e4  eT  —  e5 

2.  Cgl-f3  d7-d6 

3.  d2  — d4! 

Ceci  est,  avec  Ffl  —  c4,   la  meilleure  manière  pour 

les  blancs,  de  continuer  l'attaque. 

3 f^  -J^        ,  .       . 

Ce  coup  des  noirs  est  très  intéressant.  C  est  celui  qui 
doit,  selon  Philidor,  leur  assurer  l'avantage  ;  mais  les 
théoriciens  modernes  ne  partagent  pas  son  avis,  et  les  coups 
Yii  —  c4  ou  eo  p.  d4  sont  généralement  préfères. 

4.  d4  p.  e5  j    •    X 

Si  les  blancs  jouaient  e4  p.  fo,  les  noirs  prendraient 

l'avantage.  On  retomberait,  en  efi'et,  dans  une  variante 
analogue  à  l'une  de  celles  examinées  précédemment  (contre- 
sambit  dans  la  partie  du  cavalier  du  roi). 

4.  ....   .  fô  P-  ^^ 

5.  Cf3--go  d6  — d5 
A  d6  p.  e5,  les  blancs   riposteraient  Ddl   p 

Cg5-f7  +  .    ^ 

6.  eo  —  eb . 

Joli  coup  qui  assure  un  certain  avantage  de  position  aux 
blancs,  qui  menacent  maintenant  déjouer  Cg5—  f7. 

0 Cg8— hb 

(3        .  Ff8 1- c5  est  joué  dans  une  partie  donnée  plus  bas. 

7.  Cbl-c3  .... 

\u  mieux.  Les  blancs  pourraient  encore  jouer  Cg5  p.  hi 
dans  l'intention,  si  la  tour  prend,  de  donner  échec  avec  la 
dame  en  ho  ;  mais  les  noirs,  au  lieu  de  prendre  le  cavalier, 
joueraient  Fc8  p.  e6  et  s'assureraient  un  jeu  égal. 
*"  7 c7  — c6 

8.  Cgo  p.  e4  

Ce  sacrifice  assure  aux  blancs  une  forte  attaque. 

8 d5  p.  e4 

9*.     Ddl— h3+  g7  — g6 

10.     Dho-e5  Th8--g8 

Fcl  —  gS  Ff8  —  g7 

e6-e7!  Dd8  -  d7 

Deo  _  f4  !  Dd7  —  f5 

Feo  — h6  Fc8  — e6 

0  —  0  —  0  Df5  — f4+,etc. 

et  la  partie  des  blancs  est  un  peu  meilleiire. 

Au  lieu  de  jouer  au  troisième  coup  \i  —  to,  les  noirs 
peuvent  poursuivre  par  eo  p.  d4. 

4.     e2  — e4  e7  —  e5 

2.  Cgi— f3  d7  — d6 

3.  d2  —  d4  e5  p.  d4 

4.  Ddl  p.  d4  Fc8  —  d7 
o.     Fcl  — e3  Cg8  — f6 

A   Q38— c6,  les  blancs  ripostent  6.  Dd4  — d2  et   a 
7    Ce8— f6  Ffl  —  d3  et  les  jeux  s'égalisent  rapidement. 

6.  '  Cbl  -  c3  Ff8  —  e7 

7.  Ffl  — c4  Cb8  — c6 

8.  Dd4  — d2  Cc6  — eo 

9.  Cf3  p.  e5  d6  p.  e5 
10.     0-0  0-0 

et  les  jeux  sont  égaux.  _  ,n      j/ 

Les  blancs,  au  lieu  de  jouer  au  troisième  coup  d2  —  d4, 
peuvent  jouer  Ffl  —  c4. 


1. 

e2  —  e4 

2. 

Cgi  —  f3 

3. 

Ffl— c4 

4. 

d2  —  d4 

5. 

Cf3p.  d4 

6. 

Cbl  -  c3 

7. 

0-0 

Jeux  égaux. 

Barnes 

Blancs 

1. 

e2  — e4 

2. 

Cgl-f3 

3. 

d2  -  d4 

4. 

d4  p.  e5 

5. 

Cf3-go 

6. 

eo  —  eb 

7. 

Cgo-f7 

8. 

Fcl  —  e3 

9. 

Fe3  —  g5 

10. 

Cf7  p.  h8 

11. 

Ffl  —  c4 

12. 

Ch8  —  f7 

13. 

Thl  —  fl 

14. 

f  2  -  f  3 

11. 

12. 
13. 
14. 
15. 


e7— e5 
d7  —  d6 
Ff8— e7 
e5  p.  d4 
Cg8  —  f6 
0-0 


Paul  Morphy 
Noirs 
e7  —  eo 
d7  — d6 
f7-f5 
f5  p.  e4 
d6-d5 
Ff8  —  c5 
Dd8  —  m 
d5  —  d4 
Df6  —  f5 
Df5p.  g5 
Cb8  —  c6 
Dg5  p.  g2 
Cg8  -  m 


Faute  grave,  dont  les  noirs  tirent  parti  d'une  manière 
très  brillante. 

14 Cc6  —  b4 

15.     Cbl— a3  Fc8p.  e6 

Début  d'une  combinaison  décisive. 


Fig.  4.  _  Position  de  la  partie  après  le  15«  coup  des  blancs. 


K).     Fc4p.  e6                       Cb4  —  d3 + 
17.     Ddl  p.  d3  

c2  p.  d3  serait  suivi  du  mat  en  deux  coups. 

17 e4  p.  d3 

18^    ô— 0  — 0  Fc5p.  a3 

19.  Fe6— b3  

La  dame  menaçait  de  donner  le  mat  enc2. 

19 d3-d2  + 

20.  Rcl  —  bl  Fa3  —  co 

21.  Cf7  — e5  Re8  — f8 

22.  Ce5  — d3  Ta8  —  e8 

23.  Cd3  p.  c5  Dg2  p.  fl 
Les  blancs  abandonnent. 

Partie  russe  ou  partie  de  la  défense  Pétroff.  Ce 
début  consiste,  au  lieu  de  défendre  le  pion  e5  attaque  par 
le  cavalier  f3,  à  diriger  une  contre-attaque  sur  le  pion 
ennemi  e4  en  jouant  Cg8—  f6.  Ce  coup  donne  naissance 
à  un  jeu  curieux,  mais  assez  dangereux  pour  les  noirs. 


—  275  — 


ÉCHECS 


1 .  e2  —  e^  e7  —  e5 

2.  Cgi-f3  Cg8-f6 

3.  Ct'3  p.  eo  

Le  coup  le  plus  simple  et  le  meilleur,  3 d"2 — d4, 

conduit  aussi  à  un  jeu  éi^al. 

3 dT  — d6! 

4.  Ce5  — f3  Cf6p.  e4 

5.  d2  — d4!  

Si  les  blancs  jouent  5.  Ddl  —  e2,  les  noirs  répondent 
par  Dd8  —  e7  et  après  6.  d2  —  d3,  Ce4  —  f6,  les  jeux 
seraient  é^aux. 

5 d6— d5 

6.  Ffl— d3  Ce4  — f6 

Les  noirs  peuvent  jouer  également  bien  Ce4  —  d6  ou 
Cb8  —  c6  ou  Ff8  —  d6  ou  mieux  e7. 

7.  0-0  Ff8  — e7 

8.  e2  — c4  d5  p.  c4 

9.  Fd3p.  c4  0—0 
iO.     Cbl  — c3  c7  — c6 
44.     Dd4— b3                      Cb8  —  d7 
42.     Fc4  — e3                        Cd7  — b6 

Jeux  égaux. 

Supposons  que  les  noirs  au  troisième  coup  aient  joué 
Cf6p.  e4  au  lieu  de  d7  — d6,  les  blancs  auraient  pris 
l'avantage  par  : 

4.     Dd4— e2  DdS  —  e7 

Au  mieux,  car  les  noirs  ne  peuvent  pas  retirer  le  cava- 
lier sans  perdre  la  dame.  Ce  coup  laisse  bien  le  cavalier  e4 
sans  protection,  mais  les  blancs  ne  pourront  pas  conserver 
leur  cavalier. 

o.     De2  p.  e4  d7  —  d6 

6.  d2  — d4  n— f6 

7.  f2-f4  Cb8  — d7 

8.  Cb4  — c3  

Ce  coup  donne  l'avantage  aux  blancs.  La  dame  e4  est 
maintenant  gardée,  et  les  noirs  sont  forcés  de  prendre  de 
suite  le  cavalier  e5. 

8 d6p.  e5 

f6  p.  e5  serait  peut-être  meilleur. 

9.  Cc3  — d5  De7— d6 
40.     d4p.  e5  f6p.e5 
44.     f4p.eo                          Dd6— c6 

Les  noirs  n'ont  pas  d'autre  coup  pour  soutenir  le  pion  c7, 
car,  si  la  dame  prend  e5,  les  blancs  échangent  les  dames  et 
jouent  Cdo  p.  c7  -f ,  mais,  si  le  cavalier  prend  eo,  les  blancs 
jouent  Fc4  —  f4. 

42.     Ff4— b5  

et  a  l'avantage. 

Partie  des  deux  cavaliers.  La  meilleure  riposte  que 
les  noirs  puissent  faire  au  second  coup  des  blancs  Cg4  —  f3 
est  Gb8  —  c6.  Les  blancs  continuant  par  Ff4  —  c4,  la 
riposte  classique  des  noirs  est  Ff8  —  c5.  Toutefois,  Cg8  — 
f6  est  une  riposte  très  intéressante  et  que  nous  allons 
examiner  d'abord.  La  partie  ainsi  engagée  se  nomme  partie 
des  deux  cavaliers. 

4.     e2  — e4  e7  —  e5 

2.  Cg4  —  f3  Cb8  —  c6 

3.  Ft'4  —  c4  Cg8  —  m 

4.  Cf3  -  g5  ,,.., 

4 Cf6  p.  e4  donne  l'avantage  aux  noirs  par 

d7  —  d5  si  les  blancs  prennent  le  cavalier,  ou  par  Dd8 
—  h4,  si  les  blancs  cherchent  à  prendre  la  tour  par  4.  Cg5 
— 17  ;  mais  les  blancs  ripostent  4.  Fc4  —  f 7  -]-  et  ont  le 
meilleur  jeu. 

4 d7  —  do 

5.  e4  p.  d5  Cf6  p.  do 

6.  Cgo  p.  f7  

Très  joli  gambit  qui  assure  aux  blancs  une  attaque  très 
forte  et  réputée  décisive  jusqu'à  ces  derniers  temps. 
Quelques  théoriciens  inclinent  aujourd'hui  à  penser  que  les 
noirs  peuvent  se  défendre  dans  toutes  les  variantes.  Il 
n'en  est  pas  moins  certain  que  dans  la  pratique  leur  jeu 
est  très  difficile. 


6 Re8  p.  f7 

6.     Dd4  —  Ki  Rf7  —  e6 

Il  faut  que  le  roi  se  rende  sur  cette  case,  s'il  veut  con- 
server la  figure  gagnée. 

8.  Cb4  —  c3  _       

Les  blancs  attaquent  d'une  troisième  manière  le  cavalier 
d5. 

8 Cc6  —  b4 

9.  Df3  —  e4  c7  —  c6 
40.     a2  —  a3                       Cb4  -  a6 
44.     d2  —  d4  Dd8  —  d6 

42.  Fc4  —  f4  b7  —  b5 

43.  Ff4p.e5  Dd6  —  d7 

44.  Fe5p.  g7+  Re6  —  f 7 

45.  Fg7  p.  h8  b5  p.  c4 

46.  De4p.  h7-f  Rf7  —  e8 

47.  Dh7p.  d7-f  Fc8p.  d7 

48.  Cc3  p.  do  c6  p.  d5 

49.  Fh8  —  e5,  etc. 

Si  les  noirs  jouaient  au  onzième  coup  DdS  —  f6,  les 
blancs  riposteraient  42.  Cc6  p.  d5,  c6  p.  d5  ;  43.  De4 
p.  d5  +,  Re6  —  e7;  44.  d4  p.  eo  et  gagne.  En  effet, 
si  les  noirs  jouent  44 Df6  —  c6,  les  blancs  répon- 
dent 45.  Fcl  —  g5  +,  Re7  —  e8;   46.  Ddo  —  f 7  -f 

et  mat  si  les  noirs  jouent  44 Df6  —  g6,  les  blancs 

répondent  45.  Fc4  —  g5  + ,  Dg6  p.  go  ;  46.  Dd5  —  f7  4- 
Re7  —  d8;  47.  Ta4  —  d4  +,  Fc8  —  d7;  48.  Df7  p. 
d7  +  mat. 

Si  les  noirs  jouent  44 Df6  —  e6,  les  blancs  répon- 
dent 45.  Fc4  —  g5  +,  Re7  —  f7;  46.  Dd5  —  m  •+- 
et  gagnent. 

On  voit  à  quels  dangers  s'exposent  les  noirs  en  permet- 
tant aux  blancs  de  prendre  le  pion  f6  en  sacrifiant  leur 
cavalier.  Ils  échappent  à  ces  dangers  en  jouant  au  cinquième 
coup  Cc6  —  a5. 

4.     e2  —  e4  e7  —  eo 

2.  Cg4  -  f3  Cb8  —  c6 

3.  Ffl  -  c4  Cg8  -  f6 

4.  Cf3-j5  d7-do 

5.  e4  p.  do  Cc6  —  a5 

6.  d2  —  d3  

Ce  coup  est  meilleur  que  Fc4  —  b5  -f  • 

6 Ff8  -  c5 

7.  0  —0  0  —  0 

8.  c2  -  c3  h7  -  h6 
et  les  jeux  s'égalisent. 

Partie  italienne  ou  guioco  piano.  Le  guioco  piano  est 
le  début  classique  par  excellence.  Il  est  caractérisé  par  les 
coups  : 

4 .     e2  —  e4  e7  —  e5 

2.  Cg4  -  f3  Cb8  -  c6 

3.  Ffl  —  c4  Ff8  —  c5 

Les  blancs  et  les  noirs  ont  des  jeux  également  bien  déve- 
loppés. Les  blancs  peuvent  maintenant  poursuivre  par 
c2  —  c3,  par  0  —  0  —  0  ou  d2  —  d3.  Nous  examinerons 
plus  loin  le  coup  b2  —  b4  caractéristique  du  gambit  Evans, 
une  des  plus  belles  ouvertures  du  jeu  des  échecs. 

Premier  jeu  : 

4.  c2  —  c3  

Les  blancs  préparent  ainsi  le  coup  d2  —  d4  qui  leur 
assurera  un  centre,  c.-à-d.  deux  pions  au  milieu  du  jeu. 
Ils  pourraient  également  roquer  en  ce  moment. 

4 Cg8  —  f6  ! 

d7  —  d6  ou  Dd8  —  e7  ou  Fc5  —  b6  amèneraient  éga- 
lement à  des  jeux  égaux. 

0.     d2—  d4  

d2  —  d3  est  un  coup  très  sûr,  mais  moins  énergique. 

o.     .....  e5  p.  d4 

6.  e4  —  eo  d7  —  do 

Si  les  noirs  jouaient  Cf6  —  e4,  les  bancs  prendraient  le 
cavalier  avec  Fc4  —  d5, 

7.  Fc4  —  b5  

Les  blancs  auraient  tort  de  prendre  le  cavalier  f6. 


ECHECS 


—  276  — 


7 Cf6  —  e4 

8.  c3  p.  d4  ^  Fc5  —  b6 

9.  Cbl  —  c3  et  les  jeux  sont  égaux. 
Variante  :  Supposons  que  les  blancs   aient  joué  au 

sixième  coup  non  pas  e4  —  e5,  mais  c3  p.  d4. 

6.  c3  p.  d4  Fc5  —  b4  + 

7.  Fcl  —  d2  Cf6  p.  e4 

Fb4  p.  d2  serait  suivi  de  Cbi  p.d'2  et  égaliserait  les  jeux. 

8.  Fd2  p.  b4  Cc6  p.  b4 

9.  Fc4  p.  f7  +  Re8  p.  f7 

10.  Ddl  -  b3  +  d7  -  d5 

11.  Db3  p.  b4  et  les  jeux  se  valent. 
Deuxième  jeu  : 

4.  0  — 0    ^  ^  Cg8  — f6 
Les  noirs  peuvent  riposter  également  d7  —  d6. 

5.  d2  —  d4  Fco  p.  d4 

6.  Cf3  p.  d4  Cc6  p,  d4 

7.  f2  — f4  d7  — d6 

8.  f4  p.  e5  d6  p.  e5 

9.  Fcl— g5  Fc8  — e6! 

10.  Fg5  p.  Î6  g7  p.  m 

11.  Fc4  p.  e6  Cd4  p.  e6 

12.  Cbl— c3  c7  — c6 

13.  Ddl  p.  d8  -f  Ta8  p.  d8 

14.  Tfl  p.  f6  

Les  jeux  se  valent. 

Troisième  jeu  : 

4.  d2  — d3  d7  — d6 

5.  Fcl  — e3  

0.  Cf3  —  g5  serait  une  attaque  prématurée. 

5 FcS  — b6 

6.  Cbl  — c3  Cg8  — f6 

7.  h2  — h3  h7— h6 

8.  0  —  0  0—0 

S.    LOYD 

Blancs 

1.  e2  — e4 

2.  Cgi— f3 

3.  Ffl  —  c4 

4.  d2  —  d3 
o.  Fcl  — e3 

6.  Cbl  —  c3 

7.  h2  — h3 

8.  Fc4  — b3 

9.  a2  p.  b3 

10.  Cc3  — b5 
Les  blancs  forcent  les  noirs  à  l'échange  de  fous. 

10 Fb6  p.  e3 

11.  f2  p.  e3  c7  — c6 

12.  Cb5— c3  Dd8— c7 

13.  g2— g4  a7  -a6 

14.  d3  — d4  0  —  0  —  0 

15.  d4  — d5  ..... 

En  général,  il  n'est  pas  bon  de  laisser  en  arrière  un  pion 
doublé. 

15 Fe6  — d7 

16.  g4-g5  Cf6  — e8 

17.  Cf3  — d2  c6— c5 

18.  Cd2  — c4  li7  — h6 
Une  faute  dont  les  blancs  tirent  habilement  parti. 

19.  Ddl— h5  Th8— f8 

20.  g5  p.  h6  ^  Tf8  —  h8 

Cette  manœuvre  aggrave  la  situa  :;on  des  noirs  ;  il  valait 
mieux  sacrifier  un  pion. 

21.  h6p.  g7  Th8p.  ho 

22.  g7  —  g8  D  Th5  p.  h3 

23.  Thl  p.  h3  Fd7  p.  h3 

24.  Cc3— b5!  Dc7— e7 

Si  les  noirs  jouaient  a6  p.  b5,  les  blancs  répondraient 
25.  Dal  —  a8  + ,  Rc8  —  d7  ;  26.  Dg8  p.  f7  +  et  mat. 

25.  Dg8— h7  Fh3  — g4 

26.  Cb5  -  a7  +  Rc8  —  b8 

27.  Tal  p.  a6  Ce8  — c7 


S.    ROSENTHAL 

Noirs 

e7- 

■e5 

Cb8- 

-c6 

Ff8- 

-c5 

Cg8- 

-f6 

Fc5- 

-h6 

d7- 

d6 

Cc6- 

-a5 

Cao  p.  b3 

Fc8- 

-e6 

Les  noirs  ne  peuvent  pas  prendre  la  tour,  sous  peine 


de  voir  leur  dame  prise  par  Ca7  - 


Ta6  —  a5 

Dh7-hl 

Dhl  —  fl 

Cc4  -b6!  ....  . 

riposte  ;  les  noirs  sont  obligés  de 


-c6+. 
De7  -  f6 
Td8  -  h8 

Fa-4-f3 


28. 
29. 
30. 
31. 
Excellente 
leur  dame. 

31 Df6— li4  + 

32.  Rel— d2  Dh4  — g4 

33.  Dfl  p.  f3  

Très  beau  coup,  digne  de  l'habile  compositeur  de  pro- 
blème. 

33 Dg4p.  f3 

34.  Cb6-d7+  Rb8  — a8 

35.  Ca7  —  c6  +  Cc7  —  a6 

36.  Cd7  —  b6  +  et  mat. 

Gambit  Evans.  Cette  excellente  attaque  représente  une 
des  plus  belles  ouvertures  connues.  Le  début  est  le  sui- 
vant : 

1 .  e2  —  e4  e7  —  e5 

2.  Cgl-f3  Cb8  — c6 

3.  Ffl-c4  Ff8-c5 

4.  b2  — b4  

Les  blancs  sacrifient  le  pion  b4  pour  gagner  ensuite  un 
temps  avec  c2  —  c3  et  former  immédiatement  un  centre 
en  poussant  d2  —  d4.  Par  suite  de  l'absence  du  pion  b,  le 
fou  de  la  dame  peut  se  placer  aux  cases  b2  ou  c3,  qui  sont 
excellentes  pour  l'attaque. 

Premier  jeu  : 

4." Fc5  p.  b4 

Les  noirs  peuvent  refuser  le  gambit  avec  Fc5  —  b6  ou 
d7  —  d5  ;  ces  solutions  sont  examinées  plus  loin.  S'ils 
prennent  avec  le  cavalier,  les  blancs  jouent  c2  —  c3,  le 
cavalier  retourne  en  c6,  et  l'on  retombe  sur  une  variante 
du  jeu  adopté  ici. 

5.  c2  — c3  Fb4  — c5 
Le  fou  peut  aussi  se  retirer  en  a5,  e7,  d6  et  f8. 

Le  meilleur  de  ces  coups  est  5 Fb4  —  e7.  Nous 

l'étudions  plus  loin.  On  remarquera  que  5 Fb4  — 

a5  ;  6.  d2  —  d4  !,e5  p  d4  ;  7.  0  —  0,  conduit  sitôt  que 

les  noirs  ont  joué  7 Fc5  —  b6  ;   8.  c3  p.  d4, 

d7  —  d6  à  la  même  position  que  le  jeu  actuel.  Si  les  noirs 

jouent,  au  contraire,  7 d4  p.  c3,  leur  jeu  est  très 

compromis  et  les  blancs  se  font  une  attaque  puissante 
avec  8.  Ddl  —  b3  !  Dd8  —  f6  !  9.  e4  —  eo,  Dr6  —  g6  ; 
10.  Cbl  p.  c3,  Cg8  —  e7  ;  11.  Cc3  —  e2,  b7  —  b5. 
Ce  contre-gambit  ne  peut  arrêter  l'attaque  des  blancs. 
12.  Fc4  — d3!  Dg6  — e6;  13,  Db3  p.  b5,  Ta8  — b8; 
14.  Db5  —  a4,  et  le  jeu  noir  est  perdu.  En  effet,  à  14. 
0  —  0,  les  blancs  ripostent  15.  Fd3  p.  h7  -f- ,  Rg8 

—  h8  ;  16.  Da4  —  h4,  et  à  14 Tb8  —  b4  ;  15. 

Da4— c2. 

6.  d2  —  d4  e5  p.  d4 

7.  0-0  

Si  les  blancs  jouent  ici  7.  c3  p.  d4,  les  noirs  répondent 
7 Fc5  —  b6  ;  7.  Fco  —  b4  -f  n'est  pas  à  recom- 
mander, car  les  noirs  joueraient  avec  avantage  8.  Rel 

—  fl. 

7.     d7-d6 

Si  les  noirs  jouent  7 d4  p.  c3  ?  les  blancs  ré- 
pondent 8.  Fc4  p.  f7  +,  Re8  p.  f7  ;   9.  Ddl  —  d5  + 

puis  Dd5  p.  c5  ;   si  7 d4  —  d3  ;  8.  Cf3  —  g5, 

Cg8  —  h6  ;  9.  Fc4  p.  f7  +,  Ch6  p.  f 7  ;  10.  Cg5  p.  f7, 
Rc8  p.  f7  ;  11.  Ddl  —  h5  -f  g7  —  g6  ;  12.  Dh5  —  d5 
-)-,  puis  Dd5  p.  co. 

8.  c3  p.  d4  Fc5  —  b6 

Tous  les  coups  donnés  jusqu'ici  sont  réputés  les  meil- 
leurs possibles  et  la  position  à  laquelle  nous  sommes  arri- 
vés est  nommée  position  normale  du  gambit  Evans.  La 
question  se  pose  maintenant  de  savoir  quelle  est  la  meilleure 
manière,  pour  les  blancs,  de  continuer  l'attaque.  On  admet 
que  les  trois  meilleurs  coups  sont  :  9.  Cbl  —  c3  ou  9. 


—  ^277  — 


ÉCHECS 


Fcl  —  b:2  ou  9.  d4  —  do,  et  l'on  donne  généralement  la 
préférence  à  ce  dernier  coup,  que  La  Bourdonnais  a  recom- 
mandé le  premier. 

Les  noirs  répondent  pour  le  mieux  9 Cc6  —  a5, 

et  ces  trois  modes  d'attaque  conduisent  alors  avec  inter- 
version de  l'ordre  des  coups  à  la  même  variante  principale. 

Première  variante  : 

9.     d4  — d3!  Cc6  — a5! 

On  ne  saurait  recommander  9 Cc6  —  eo  ;  10, 

Cf3  p.  e5,  d6  p.  e5  ;  M.  Fcl  —  a3,  Fb6  -  d4  ;  [±  Cbl 
—  d"2,  Fd4  p.  al  ;  13.  Ddl  p.  al,  f 7  —  f6  ;  14.  f2  —  f4. 

Aussi  médiocre  est  :  9 Cc6  —  e7  ;  10.  e4—  eo, 

Ce7  —  g6  ;  11.  e5  —  e6,  f7  p.  e6  ;  12.  do  p.  e6,  C^S  — 
e7  ;  13.  Cf3  -  g5  0  —  0  ;  14.  Cbl  —  c3. 

En  ces  deux  variantes,  l'attaque  des  blancs  devient  irré- 
sistible. 

10.  Fcl  — b2  Cg8  — e7 
Au  mieux. 

11.  Fc4  — b3  

11.  Fb2  p.  g7  ?  serait  plus  faible  : 

11 0—0 

12.  Cbl— c3  Ce7 -g6 
Nécessaire.  Sinon,  les  blancs  joueraient  13.  e4  —  eo  et 
ouvriraient  la  diagonale  du  fou  blanc. 

13.  Cc3  —  e2  c7  —  c5 

Pour  interdire  au  cavalier  ennemi  la  case  d7  et  prépa- 
rer le  développement  de  l'aile  de  la  dame. 

14.  Ddl— d2  f7— f6 

Ce  coup  est  le  meilleur  à  ce  moment  déjà.  Il  serait  néces- 
saire après  15.  Ce2l  —  g3,  car  les  blancs  menaceraient  16. 

Fb2  p.  g7  et  à  16 Rg8  p.  g7  répondraient  17. 

Cg3_h5  -f,Rg7  — hS;  18.  Dd2  — h6,  Tf8  — g8;19. 
Cf3  —  go. 

^15.     Rgl  — M  

Afin  de  pouvoir,  après  15 Cg6  —  e5,  f6  p.  e5, 

continuer  l'attaque  avec  17.  f2  —  f4.  Si  les  blancs  jouaient 
à  ce  moment  15.  Ce2  — g3,  et  seulement  après  échange 
du  cavalier  17.  Rgl  — hl,  les  noirs  prendraient  l'attaque 

avec  17 Dd8  —  h4. 

15 Fb6— c7 

16.     Tal— cl  

Les  blancs  arrêtent  ainsi  dans  une  certaine  mesure  l'aile 

de  la  dame  noire  et  empêchent  en  même  temps  16 

Cg6—  e5,  car  après  17.  Fb2  p.  e5,  le  pion  d  ne  doit  pas 

prendre  et  après  17 f6  p.  e5,  18.  Cf3  —  g5  et  19. 

Cg5  —  e6  suivent. 

16 Ta8  — b8 

Dans  cette  position,  les  noirs  ont  conservé  le  pion  du 
gambit;  mais  les  blancs  ont  une  si  belle  attaque  que,  dans 
une  partie  réelle,  ils  ont  certainement  de  grandes  chances 
de  gagner. 

Deuxième  variante  : 

9.     Cbl  —  c3  Fc8  —  g4 

La  variante  9 Cc6  — a5,  en  vogue  aujourd'hui, 

est  examinée  dans  une  des  parties  données  plus  loin. 

Les  blancs  peuvent  jouer  aussi  10.  Fc4  —  b5,  les  noirs 
échangent  alors  le  fou  g4  contre  le  cavalier  f3  ou  retirent 
le  fou  en  d7.  Les  blancs  obtiennent  dans  les  deux  cas  une 
belle  attaque. 

10.  Ddl— a4  Fg4-d7! 

11.  Da4  — b3  Cc6  — a5 

12.  Cc4p.  f7+  Re8  — f8 

13.  Db3  — c2  

Les  blancs  sacrifient  une  pièce,  mais  la  supériorité  de  la 
position  qu'ils  obtiennent  justifie  pleinement  ce  coup.  Ce- 
pendant, ils  pourraient  jouer  sans  désavantage  :  Db3  — d5. 
13 Rf8  p.  f7 

14.  e4  —  e5  

Les  noirs  ont  à  craindre  e5  —  e6  -f  et  Cf3  g5  -f- . 

14 h7  — h6 

(14 Rf7  -  f8  ;  15.  Tfl  —  el  ou    14 

g7  —  g6  ;  15.  Cf3  —  g5  -|-  suivi  de  e5  —  e6). 

15.  d4-d5  Cg8— f6 


Les  noirs  rendent  une  figure  et  les  blancs  peuvent  jouer 
e5  p.  f6  ou  e5  —  e6  -|-  • 

Deuxième  jeu  :  Dans  toutes  ces  variantes,  les  pions  du 
centre  prennent  une  position  extrêmement  forte.  Pour 
balancer  cet  avantage,  Mac  Donnell  avait  conseillé  le  coup 
5 Fc4  —  d6,  mais  il  n'est  pas  avantageux.  Au- 
jourd'hui, on  regarde  la  retraite  du  fou  en  e7  avec  Cc6  —  a5, 
d7  —  d5  et  la  restitution  du  pion  comme  la  meilleure  défense. 


4. 
5. 
6. 
7. 
8. 
9. 
10. 


c2  —  c3 
d2  -  d4 
Cf3  p.  e5 
Ce5  p.  c4 
e4  p.  d5 
Cc4  — e3 
et  les  jeux  sont  égaux. 

Anderssen 

Blancs 

e2—  e4 

Cgl-f3 


1. 

2. 
3. 
4. 
5. 

6. 

7. 


Ffl  —  c4 
b2  — b4 
c2  — c3 
d2  —  d4 
0-0 


Fc*)  p 

.  b4 

Fb4  - 

-e7 

Cc6  - 

-a5 

Ca5  p 

.  c4 

d7- 

d5 

Dd8p 

.  d5 

Dd5- 

-  a5  ou  d8 

DUFRESNE 

Noii 

s 

e7- 

e5 

Cb8- 

-c6 

Ff8  - 

-c5 

Fc5  p 

b4 

Fb4- 

-a5 

e5  p. 

d4 

d4- 

d3 

Ce  coup,  bien  que  meilleur  que  d4  p.  c3,  est  hasardé  ; 
d7  —  d6  est  préférable. 

8.  Ddl  —  b3  Dd8  —  f6 

9.  e4  —  e5  Df6  —  g6 

10.  Tfl  —  el  Cg8  -  e7 

A  Fa5  —  b6,   les  blancs  répondraient  Db3  —  dl   et 
menaceraient  de  prendre  la  dame  noire  avec  Cf3  —  h4. 

11.  Fcl— a3  b7  — h5 
Un  contre-gambit  pour  amener  dans  le  jeu  la  tour  de  la  dame. 

""      '^  "^      '■■  Ta8  — b8 

Fa5  -  b6 
Fc8  —  b7 
Dg6  —  f5 
Pour  jouer  ensuite  Cc6  p.  e5. 

16.  Fc4p.  d3  Df5  — h5 
Les  noirs  ont  manifestement  perdu  un  coup. 

17.  Ce4  — f6+  gTp.  f6 

18.  e5  p.  f6  Th8  —  g8 
Pour  prendre  au  coup  suivant  le  cavalier  f3. 

19.  Tal  -  dl  

Un  piège. 

19 Dh5  p.  f3 


12. 

Db3p. 

b5 

13. 

Db5- 

-  a4 

14. 

Cbl- 

d2 

15. 

Cd2- 

e4 

Fig.  5.  —  Position  de  la  partie  après  le  19«  coup  des  noirs. 

20.     Tel  p.  e7  Cc6  p.  e7 

Si  le  roi  allait  en  d8,  les  blancs  joueraient  Te7  p. 


ECHECS 


—  278  — 


d7  +,  etc.  ;  si  le  roi  allait  en  f8,  les  blancs  joueraient 

Te7  —  e3. 

21.     Da4p.  d7+  

Ce  coup  superbe  est  la  clef  de  toute  la  combinaison 

précédente. 

24 Re8  p.  d7 

22*.     FdS  -  fo  4-  Rd7  —  e8 

23.  Ffo  ~  d7  4-  Re8  -  fS 

24.  Fa3  p.  e7  +  et  mat. 

Cette  fin  de  partie  est  l'une  des  plus  belles  que  Ton 

connaisse. 

TSCIIIGORIN  StEINITZ 

(Jusqu'au  septième  coup,  comme  la  première  partie.) 

7.     0  —  0  Fao  — b6 

8*.     c3  p.  d4  d7  —  d6 

9.     Cbi  —  c3  Cc6  —  ao 

dO.     Fcl-gD  f7-f6! 

11.  Fû5  — f4  Caop.  c4 

12.  Ddl-a4+  Dd8-d7 

13.  Da4p.c4  Dd7  —  f7 

14.  Cc3  —  do  g7  —  gS 
44 Fe6  serait  meilleur. 

15.  Ff4  — g3  Fc8  — e6 

16.  Dc4  — a4+  Fe6  —  d7 

17.  Da4  — a3  Ta8  —  c8 

18.  Tfl-el  gS-g4- 

19.  Cd5p.  b6  a7p.b6 

20.  Cf3  —  d2  Fd7  —  e6 

21.  f2  — f4  g4  p.  f3 

22.  Cd2p.f3  Cg8-e7 

23.  e4  — e5  

Ce  coup  est  décisif. 

23 f6  p.  eo 

24.  d4  p.  e5  d6  —  do 

25.  Tel  -  fl  Ce7  —  15 

26.  Cf3  -  d4  Df7  -  g6 

27.  Cd4p.  f5  Fe6p.  f5 

28.  Fg3  —  h4  c7  —  c5 

29.  Tfl  —  f3  Re8  —  d7 

30.  Tal-fl  Th8-f8 

31.  Tf3-g3  Dg6-h6 

32.  Fh4  —  f6  Ff5  —  e6 

33.  Da3-a7  Kd7-c7 

34.  Tg3  — b3  Rc7-d7 

35.  Da7  p.  bO  Tc8  -  c6 

36.  Db6  p.  b7  +  Tc6  -  c7 

37.  Db7— b5  4-  Tc7  -  c6 

38.  Db5  —  b7  +  Tc6  —  c7 

39.  Db7  — a6!  

Les  noirs  abandonnent. 

Gambit  Evans  refusé,  La  difficulté  pour  les  noirs  ^  de 
défendre  leur  jeu  contre  les  attaques  des  blancs  fait  qu'un 
grand  nombre  de  joueurs  regardent  aujourd'hui  comme 
prudent  de  refuser  le  gambit. 

1.  e2  — e4  e7  —  e5 

2.  Cgi  —  f3  Cb8  —  c6 

3.  Ffl  —  c4  Ff8  —  c5 

4.  b2  —  b4  Fc5  —  b6 

5.  0  —  0  

5,  1)4  —  b5  serait  moins  bon  ;  5 Cc6  —  a5  ; 

6.  Cf3  p.  e5,  Dd8  —  g5  ! 

5.  .   .  .  .  .  d7-d6 

6.  a2  —  a4  a7  —  a6 

7.  a4  — a5  Fb6  — a7 

8.  b4  — b5  a6p.  b5 

9.  Fc4  p.  b5  Cg8  —  e7 
10.     d2  —  d4  e5  p.  d4 

Le  sambit  peut  également  se  refuser  par  : 

4 d7  —  d5 

5.  e4  p.  d5  Cc6  p.  b4 

6.  0  —  0  0)4  p.  d5 

7.  Cf3  p.  e5  


Noirs 
e7  —  e5 
C^8  —  f6 


■f6 


Partie  des  quatre  cavaliers. 
Blancs 

1.  e2  — e4 

2.  Cgi— f3 

3.  Cbl  — c3  .  .  . 
Les  noirs  ripostent  pour  le  mieux  : 

3 Cg8- 

et  la  partie  ainsi  engagée  se  nomme  partie  des  quatre  cava- 
liers. Les  répliques  des  noirs  :  3 Ff8  —  c5  ou 

3,  g7  _  g6  sont  moins  avantageuses. 

Ce  début  est,  on  le  voit,  en  contradiction  avec  la  théorie 
de  Philidor,  d'après  laquelle  les  cavaliers  ne  doivent  pas 
jouer  avant  que  les  pions  des  fous  ne  soient  avancés.  La 
partie  des  quatre  cavaliers  est  devenue  très  usuelle  dans 
ces  derniers  temps. 

4.  d2  — d4  

4.  Ffl  —  c4  est  plus  faible. 

4 Ff8  — b4 

5.  d4  — d5  Cc6  — e7 

6.  Ffl  —  d3  Cf6  p.  e4 

7.  Fd3p.  e4  f7  — f5 

8.  Cf3  p.  e5  f5  p.  e4 

9.  0-0  

Meilleur  que  Ddl  —  h5. 

9 Fb4p.  c3 

10.     b2  p.  c3  0  —  0,  etc. 

Partie  anglaise  ou  partie  du  pion  du  fou  de  la 
dame.  Le  quatrième  coup  que  jouent  les  blancs  dans  le 
guioco  piano,  c2  —  c3,  qui  a  pour  but  de  préparer  la 
formation  d'un  centre,  peut  très  bien  se  jouer  avant  que 
les  fous  n'aient  quitté  leur  place. 

1 .  e2  —  e4  e7  —  e5 

2.  Cgi— f3  Cb8-c6 

3.  c2  — c3  

Les   noirs    peuvent  jouer    f7  ■—  f5,    d7  —  d5    ou 
Cg8  —  f6. 
Premier  jeu  : 

3 ^^-"^^. 

Ce  contre-gambit  est  correct  dans  cette  position  : 

4.  d2— d4  

Ce  coup  est  meilleur  que  e4  p.  f5. 

4 d7  — d6 

5.  d4  p.  e5  15  p.  e4 

6.  Cg3  — f5  Cc6p.  e5 
et  les  jeux  sont  égaux. 

Les  noirs  peuvent  continuer  par  6 d6  —  d5. 

Deuxième  jeu  : 

3 d7-d5 

4.  Ffl— b5  

Les  blancs  peuvent  également  jouer  Ddl  —  a4. 

4 d5  p.  e4 

5.  Cf3  p.  e5  Dd8  -  d5 

6.  Ddl— a4  Cg8— e7 
Au  mieux. 

7.  f2  — f4  e4p.f3 

8.  Ceop.  f3  a7— a6 

9.  Fb5  — c4  Dd5  — e4  + 

10.  Rel  — f2  Fc8-e6 
Jeux  égaux. 

Trosième  jeu  : 

3 Cg8  — f6 

4.  d2  —  d4  Cf6  p.  e4 

5.  d4p.  e5  Ff8-c5 

Ce  coup,  très  correct  dans  le  cas  actuel,  ne  le  serait  pas 
dans  beaucoup  de  situations  analogues  à  cause  de  la  riposte 
Ddl  —  d5  qui  menacerait  deux  pièces. 

6.  Ffl  —  c4  Ce4  p.  f2 

7.  Ddl— d5  Dd8  — e7 

8.  Thl  — fl  Cf2  — g4 


—  279 


ECHECS 


Le  jeu  des  noirs  est  un  peu  meilleur. 
Supposons  que  les   blancs    jouent   au    sixième  coup 
Ddl--do: 

6.  Ddl  —  d5  Fc5  p.  fi 

7.  Rel— e2  H  — f5 

8.  Cbl  —  d-2  Cc6  —  e7 

9.  Ddo  —  b3  d7  —  do 

10.  e5  p.  d6  Dd8  p.  dG 

11.  Cd2  p.  e4  fop.  e4 

12.  Re2  p.  f2  e4  p.  f3 

13.  g2p.  f3  Fc8-e6 
Le  jeu  noir  est  meilleur. 

Gambii  écossais.  Ce  gambit  représente  une  des  bonnes 
attaques  de  la  partie  du  cavalier  du  roi.  11  tire  son  nom 
d'une  suite  de  parties  que  le  Club  des  échecs  d'Edim- 
bourg gagna  contre  celui  de  Londres.  Voici  les  coups  ca- 
ractéristiques de  ce  début  : 

1.  e2  — e4  e7— e5 

2.  Cgi  -  f3  Cb8  -  c6 

3.  d2-d4  

Les  noirs  peuvent  prendre  le  pion  d4  soit  avec  le  cava- 
lier c6,  soit  avec  le  pion  e5. 
Premier  jeu  : 

3 Cc6p.d4 

4.  Cf3  p.  d4  ^      

Ce   coup    peut  être  remplacé   par  4.  Cf3  p.   e5  qui 

amène  :  4 Cd4—  e6;  5.  Ffl  —  c4,  c7  —  c6;  6. 

Fc4  p.  e6,  Dd8  —  a5  -f  ;  7.  Cbl  —  c3,  Dao  p.  e5  ;  8. 
Fe6  -  b3,  Ff8  —  c5  ;  9.  0  —  0.  Jeux  égaux. 

4 e5  p.  d4 

o.     Dd  1  p.  d4  Cg8  —  e7 

A  Dd8  —  f6,  les  blancs  répondent  e4  —  eo. 

6.  Ffl— c4  Ce7  — c6 

7.  Dd4  — d5  Dd8— f6 

8.  0-0  Ff8  — b4 

9.  c2  — c3  Fb4~a5 
Jeux  égaux. 

Deuxième  jeu  : 

3 e5  p.  d4 

4.  Cf3  p.  d4  

Ffl  —  c4  peut  aussi  se  jouer,  mais  ce  coup,  très  en 
faveur  autrefois,  est  un  peu  délaissé  aujourd'hui. 
4 Ff8  —  c5 

5.  Cd4p.  c6  Dd8  — f6 

6.  Ddl— f3  Df6p.  f3 

7.  g2  p.  f3  b7  p.  c6 

8.  Fcl  — f4  d7  — d6 

9.  Ffl  —  c4                       Fc8  —  e6 
10.     Cbl  — d2  

Jeux  égaux. 

Les  noirs  peuvent  encore  au  quatrième  coup  jouer  : 
4 Cg8  — f6 

5.  Cd4  p.  c6  b7  p.  c6 

6.  Ffl  —  d3  d7  —  do 

7.  Cbl-d2  Ff8-c5 

8.  h2-h3  0-0 

9.  0-0  

et  les  jeux  s'égalisent. 

Une  autre  variante  intéressante  consiste,  pour  les  noirs, 
à  placer  au  quatrième  coup  leur  dame  en  h4. 

4 Dd8  — h4 

o.     Cd4  —  b5  Dh4  p.  e4  4- 

6.  Ffl  — e2  Re8  — d8 

7.  0-0  a7  — a6 

8.  Cbl  —  c3  De4  —  e8 

9.  Cb5  — d4  

Les  noirs  ont  un  pion  en  plus,  les  blancs  une  position 

un  peu  meilleure.  Aussi  le  coup  4 Dd8  —  h4  est-il 

en  général  évité  dans  les  tournois,  mais  joué  au  contraire 
dans  les  parties  par  correspondance. 


eo  p.  d4 


Troisième  jeu  : 

3 

4.  Ffl  —  c4 

Les  blancs  renoncent  à  prendre  le  pion  d4  et  placent 
leur  fou  en  c4,  où  il  occupe  une  position  dangereuse  pour 
les  noirs.  Ceux-ci  ripostent,  pour  le  mieux,  Ff8  —  co. 
Et,  si  les  blancs  continuent  par  c2  —  c3,  les  noirs  jouent 
d4  —  d3  ou  Cg8  —  f6.  Dans  les  deux  cas,  les  noirs  re- 
noncent au  gain  d'un  pion  qui  leur  serait  assuré  par 
d4  p.  c3  pour  empêcher  les  blancs  de  développer   leur 

cavalier  Cbl    en   c3.  Le  coup  4 Ff8  —  b4  est 

rejeté  avec  raison  en  pratique,  car  les  blancs  joueraient 
c2  —  c3,  sacrifiant  ainsi  un  pion  de  plus,  et  la  défense  des 
noirs  serait  extrêmement  difficile.  Ce  coup  sera  étudié  plus 
loin  : 

4 Ff8-c5 

5.  c2  —  c3  

Cf3  —  go  est  moins  correct.  Les  noirs  répondraient  : 

5 Cg8— h6. 

3 d4  — d3 

6.  Ddl— b3  Dd8  — f6 

7.  0—0  d7— d6 

8.  Fc4  p.  d3  Fco  -  b() 
Jeux  égaux. 

Quatrième  jeu  : 

3 e5  p.  d4 

4.  Ffl  —  c4  Ff8  —  b4  -f 

5.  c2  —  c3  d4  p.  c3 
6.0-0                           c3  p.  b2 

Les  noirs  gagnent  un  second  pion,  mais  ils  s'exposent  à 
une  attaque  si  forte  qu'il  est  douteux  que  leur  jeu  puisse 
être  défendu  avec  succès. 

7.  Fcl  p.  b2  

Le  pion  g7  peut  être  défendu  par  Cg8  —  f6  ou  f7  —  f6 
ou  Ff4  —  f8  ou  Re8  —  f8.  Cette  dernière  manière  est  la 
meilleure. 

7 Re8  — f8 

8.  e4  —  eo  Dd8  —  e7 

9.  a2  —  a3  Fb4  —  c5 

10.  Cbl— c3  d7— d6 

11.  Cc3— do  De7  — d7 

12.  Tfl  -  el  d6  p.  05 

13.  Fb2  p.  eo  Cc6  p.  eo 

14.  Cf3p.  eo  Dd7  — d8 
lo.     Ce5  p.  17 

et  gagne. 

Boston 
Blancs 

1.  e2  — e4 

2.  Cgi  -  f3 

3.  d2  -  d4 

4.  Ffl  —  c4 

5.  c2  —  c3 

6.  b2  — b4 

7.  b4— bo 

8.  Fc4  p.  d3 

9.  e4  p.  do 

10.  0-0 

11.  Ddl-e2 

12.  Cf3  — el 

13.  Cbl  — a3 

14.  c3  —  c4 
lo.  De2  — c2 

16.  Cel— f3 

17.  h2  — h3 
Ce  coup  permet  aux  noirs  la  combinaison  suivante,  qui 

aboutit  à  un  échec  perpétuel  : 

17 Tg4  p.  g2  -f 

18.  Rgl  p.  g2  Fe6  p.  h3  + 

19.  Rg2  p.  h3  Dc5  — h5  + 

20.  Rh3  -  g3  Dh5  —  g4  -f 

21.  Rg3-h2  Dg4-h5  + 
et  annule  par  un  échec  perpétuel. 


Philad 

ELPHIE 

No 

irs 

e7  - 

-  eo 

Cb8 

-c6 

eo  p 

d4 

Ff8- 

—  co 

d4- 

-d3 

Fc5- 

-b6 

Cc6- 

-a5 

d7- 

-do 

Dd8 

p.  do 

Fc8- 

-e6 

0  — 

0-0 

Co-8- 

-f6 

Ta8- 

-e8 

Ddo  - 

-c5 

Td8- 

-d4 

Td4- 

_g4 

ÉCHECS 


280 


KoLiscn  Anderssen 

Blancs  Noirs 

Les  quatre  premiers  coups  comme  dans  la  partie  précé- 
dente. 

3.     0  —  0  d7  —  d6 

6.  c2  —  c3  Fc8  —  g4  ! 

Cette  élégante  attaque  assure  l'avantage  aux  noirs  et 
montre  que  le  roc  des  blancs  au  cinquième  coup,  réputé 
autrefois  très  correct,  est  défectueux . 

7.  Ddi— b3  Fg4p.  f3 

8.  Fc4  p.  fT  +  Re8  —  f8 

9.  Ff7  p.  g8  Th8  p.  g8 

10.  g2  p.  f3  g7  — g'") 

11.  bb3— dl  Dd8  — d7 
■12.     b2-b4                        Fco-b6 

13.  Fcl— b2  d4  — d3 

14.  Ddi  p.  d3  Cc6  —  e51 
13.  Dd3  — e2  Dd7  — h3! 
16.     Cbl— d2                      gS-g4 

et  gagne. 

Partie  espagnole  ou  partie  de  Rui-Lopez.  Après 
1.  e2  —  e4,  e7  —  e5;  2.  Cgi  —  f3,  Cb8  —  c61es  blancs 
peuvent  jouer  3.  Ffl  —  b3  pour  enlever  au  pion  e5  son  sou- 
tien. Les  joueurs  italiens  duxviii®  siècle  blâmaient  ce  coup  ; 
Philidor,  au  contraire,  soutint  qu'il  assurait  l'avantage  aux 

blancs  :  c'est  pourquoi  il  désapprouvait  la  défense  2 , 

Cb8  —  c6  à  laquelle  il  préférait  2 d7  —  d6.  L'école 

moderne  pense  que  le  coup  3.  Ffl  —  bo  est  excellent  et 
assure  aux  blancs,  sans  aucun  sacrifice  matériel,  une  attaque 
très  vive  et  plus  prolongée  que  toute  autre  ouverture,  mais 
que  les  noirs  peuvent  se  défendre  d'une  manière  suffisante 

par  3 ,  Cg8 —  f6,  et  sans  doute  aussi  par  3 

a7  —  a6.  x\ussi  cette  ouverture  est-elle  aujourd'hui  en 
très  grande  faveur.  La  partie  italienne  au  contraire  est  un 
peu  moins  à  la  mode  qu'il  y  a  une  cinquantaine  d'années. 
La  partie  ainsi  engagée  prend  le  nom  de  partie  espagnole, 
ou  de  partie  Rui-Lopez,  du  nom  du  joueur  qui  recommanda 
le  coup  Ffl  — bo. 

Premier  jeu  : 

1.  e2  —  e4  e7  —  e5 

2.  Cgi  —  f3  Cb8  -  c6 

3.  Ffl  -  b5  Cg8  —  m 

Le  coup  du  cavalier  est  la  meilleure  défense  des  noirs 
avec  a7  —  a6.  Les  coups  Ff8  —  cd,  Dd8  —  fO,  Cg8  —  e7, 
Cc6  —  d4  sont  moins  recommandables. 

Première  variante  : 

4.  0-0  

Coup  classique.  d2  —  d3,  Ddi  —  e2,  d2  —  d4  peuvent 
également  bien  se  jouer. 

4 Cf6  p.  e4 

Ceci  est  la  meilleure  réponse  des  noirs.  4 Ff8  —  e7 

serait  moins  bon,  car  les  blancs  auraient  un  jeu  mieux 
dégagé  après  3.  Cbl  —  c3,  d7  —  d6  ;  6.  Fb3p.  c6  +, 
b7  p.  c6. 

3.     d2  —  d4  

(3.  Tfl  —  ei  serait  aussi  correct.  On  arriverait  rapi- 
dement à  un  jeu  égal  par  5.  Tfl  —  el,  Ce4  —  d6; 
6.  Cf3  p.  e3,  Ff8  —   e7;  7.  Fb3  —  a4,  Cc6  p.  e3  ; 

8.  Tel  p.  e3,  0  —  0,  etc.) 

3 Ff8  -  e7 

Les  noirs  ne  peuvent  pas  prendre  le  second  pion,  car 

après  5 Cc6 p.  d4  ;  6.  Cf3 p.  d4,  e3  p.  d4;  7. Tfl  —  el 

ils  perdraient  une  pièce  ;  et  après  3 e3  p.  d4;  6.  Tfl 

—  el,  f7  —  fo!  [6 d7  —  d3;  7.  Cf3  p.  d4,  Fc8 

—  d7  ;  8.  Fb3  p.  c6,  b7  p,  c6  ;  9.  f2  —  f3]  ;  7.  Cf3  p.  d4, 
Cc6  p.  d4  [7 Ff8  —  c3  ;  8.  Fb3  p.  c6,  d7  p.  c6  : 

9.  Tel  p.e4  +,f3  p.  e4;  10.  Ddi  —  ho  +,  g7— gB; 
il.  Dh3  p.  c3];  8.  Ddi  p.  d4,  Ff8  —  e7;  9.  Dd4p.  g7, 
Fe7  —  f6;  10  Dg7  -  h6. 

Après  le  coup  Ff8  —  e7  les  blancs  peuvent  poursuivre 
par:  6.  d4  —  d3;  6.  Tfl  —  el,  etc. 


6.  d4  -  do  

(6.  Ddi  —  e2,  Ce4  —  d6;  7.  Fb3  p.  c6,  b7  p.  c6; 

8.  d4  p.  eo,  Cd6  —  fo,  etc.) 

6 Ce4  —  d6 

7.  Fbo  —  a4  

(7.  d3  p.  c6,  Cd6  p.  b3;  8.   c6  p.   b7,  Fc8  p.  b7  ; 

9.  Cf3  p.  e3,  etc.) 

7.  .^.   .  .  .  e3  —  e4 

8.  d5  p.  c6  e4  p.  f3 

9.  c6  p.  d7  +  Fc8  p.  d7 

10.  Fa4  p.  d7  -f  Dd8  p.  d7 

11.  Ddlp.  f3  

Jeux  égaux. 

B 

6.  Tfl  -  el  Ce4  -  d6 
(6 d7  —  d3  serait  aventuré.) 

7.  Fb3  p.  c6  d7  p.  c6 

8.  d4  p.  e5  

(8.  Cf3  p.  eo  ou  8.  Tel  p.  e3  serait  suivi  de  8 

0  -  0.) 

8 Cd6  —  c4 

9.  Ddi  —  e2  Fc8  —  e6 

10.  Tel  —  dl  Dd8  -  c8 

11.  b2-b3  Cc4-b6 

12.  c2  —  c4  0  —  0 

13.  Cbl-c3  f 7  -  fo 

14.  Fcl  —  f4  Dc8  —  e8 
Jeux  égaux. 

Deuxième  variante  :  Au  lieu  de  4.  0  —  0  les  blancs  peu- 
vent jouer  4.  d2  —  d3. 

4.     d2  —  d3  d7  -  d6 

4 Ff8  —  c3;  3.  c2  —  c3  est  également  correct 

si  les  noirs  jouent  3 0  —  0;  s'ils  jouaient  3 

Dd8  —  e7  leur  jeu  se  présenterait  moins  bien,  à  cause  de  : 
6.  d3  —  d4,  eop.d4;  7.  0  -  0,  Cf6  p.  e4;8.  c3p.  d4, 
Fc3-b6;9.Cbl-c3,  Ce4  p.  c3;  10.  1)2  p.  c3,0  — 0; 

11.  Tfl  —  el,  De7  —  d8  [11 De7  —  d6;  12.  a2 

—  a4oull De7  — f6;  12Fcl  —  g3]  ;12.d4— d3, 

Cc6  —  a3;  13.  d3  -  d6,  c7  p.  d6  ;  14.  Ddi  —  d3, 
Dd8  —  f6;  13.  Fcl  —  g3,  Df6  p.  c3;  16.  Tal  —  cl, 
Dc3  —  1)2;  17.  Tel  —  e2,  Db2  —  a3;  18.  Fb3  —  d3, 
h7  -  h6;  19.  Fd3  -  g6,  h6  p.  g3;  20.  Tel  -  el, 
Da3  —  c5;  21.  Ddo  p.  f7  -|-  et  mat  en  deux  coups: 

3.  Fb3  p.  c6  -f  b"^  P-  c6 

6.  h2  —  h3  

nécessaire,  car  la  supériorité  du  jeu  blanc  consiste  en  ce 
que  les  noirs  ne  peuvent  pas  placer  favorablement  leurs 
fous. 

6 Ff8  —  e7 

7.  Cbl-c3  0-0 

8.  0  —  0  c6  —  c3 

9.  Cf3  —  h2  Fc8  -  b7 

10.  Ddi  —  e2  Cf6  —  d7 

11.  f2  -  f4  

Le  jeu  blanc  est  mieux  dégagé. 

Troisième  variante  : 

4.  d2  —  d4  

Les  noirs  ont  trois  ripostes,  dont  les  deux  premières 
leur  assurent  un  jeu  égal  ;  la  troisième  les  conduit  à  une 
position  inférieure,  mais  avec  l'avantage  d'un  pion. 

A 

5 Cf6  p.  e4 

Les  blancs  peuvent  jouer  0  —  0  ou  d4  —  d3,  ce  qui  les 
ramène  à  des  variantes  examinées  plus  haut  ;  ou  bien  con- 
tinuer par  : 

o.     d4  p.  e3  Ff8  —  e7 

6.     0-0  0-0 

Jeux  é^aux. 


—  281  — 


ÉCHECS 


B 


4 e5  p.  d4 

5.  e4  —  e5  

(5.  0  —  0,  Ff8  —  e7;  mais  5 ,  Cf6p.  e4 serait 

mauvais,  à  cause  deTfl  —  el.) 

5  Cf6  —  e4 

6*    6-0  Ff8-e7 

7.  Cf3  p.  d4  Cc6  p.  d4 
(7 Cc6p.  e5;  8.  Tfl  -el.) 

8.  Ddl  p.  d4  Ce4  —  c5 

Jeu  égal. 

"^  C 

4 Cc6  p.  d4 

s!     Cf3  p.  d4  e5  p.  d4 

6.  e4  —  e5  c7  —  c6 
7.0  —  0  c6  p.  b5 

8.  Fcl  —  go  Ffô  —  e7 

9.  e5  p.  f6  Fe7  p.  f6 

10.  Tfl  -  el  +  Re8  -  f8 

11.  Fg5p.  f6  Dd8p.  f6 

12.  Ddl  —  e2  g7  —  g6 
Deuxième  jeu  : 

3 a7  —  a6 

Ce  coup  n'est  pas  tout  à  fait  aussi  bon  que  Cg8  —  f6, 

mais  il  conduit  dans  un  grand  nombre  de  variantes  aux 
mêmes  positions. 

4.  Fb5  —  a4  

(Les  blancs  peuvent  également  jouer  4.  Fb5  p.  c6.  Cet 

échange  du  fou  contre  le  cavalier  est  regardé  aujourd'hui 

par  beaucoup  de  joueurs  comme  la  meilleure  riposte  ;  on 

en  trouvera  un  exemple  dans  une  partie  donnée  plus  loin.) 

4 Cg8-f6 

(4 Ff8  —  c5  sera  examiné  plus  loin;  4 

b7  —  bo  compromettrait  la  position  des  pions  noirs.)  Les 
blancs  ont  trois  manières  principales  de  continuer  le  jeu. 

Première  variante  : 

5.  0-0  Cf6p.  e4 

6.  d2  —  d4  b7  —  bo 

7.  Fa4— b?>  d7— d5 

8.  d4  p.  e5  Cc6—  e7 

9.  Fcl  -  e3  Fc8  —  b7 

10.  Cbl  —  d2  Ce4  p.  d2 

11.  Ddlp.d2  Ce7  — g6 

12.  c2  —  c3  Ff8  —  e7 
Deuxième  variante  : 

5.  d2  -  d3  d7  -  d6 

C'est  la  meilleure  riposte  des  noirs  5 Ff8  —  co; 

6.  c2  —  c3  donne  aux  blancs  soit  un  centre  solide,  soit  le 
gain  d'un  pion. 

6.  Fa4  p.  c6  +  b7.  p.  c6 

7.  h2  —  h3  g7  —  g6 

8.  Cbl  -  c3  Ff8  -  g7 

9.  Fcl  —  e3  0  —  0 

10.  Ddl  —  d2  d6  —  d5 

Les  noirs  peuvent  jouer  également  :  1 0 Rg8  —  h8  ; 

11.  Fe3  —  h6,  etc. 

11.  Fe3  —  h6  

Les  blancs  font  bien  de  prendre  sitôt  possible  le  fou  g7. 
Celui-ci,  en  effet,  non  seulement  empêche  toute  attaque  sur 
l'aile  du  roi  et  sur  le  centre,  mais  menace  de  se  transfor- 
mer en  une  pièce  d'attaque  dangereuse. 

il Dd8  —  d6 

12.  Fh*6  p.  g7  Rg8  p.  g7     . 

13.  0-  0  ..... 

Le  roc  avec  la  tour  de  la  dame  serait  dangereux  en 
présence  de  la  position  des  pièces  noires. 

Troisième  jeu  : 

3.     Cg8  — e7 

La  plus  ancienne  riposte  au  Lopez.  Elle  est  médiocre, 
car  elle  permet  aux  blancs  de  prendre  une  grande  avance 
dans  le  développement. 


4.  d2  — d4  

Ceci  est  la  meilleure  manière  dont  les  blancs  puissent 
tirer  parti  du  coup  faible  que  viennent  de  jouer  les  noirs. 

4,  0  —  0  permettrait  aux  noirs  d'obtenir  un  jeu  égal 

après  4 g7  —  g6  suivi  de  Ff8  —  g7  et  0  —  0. 

4 e5  p.  d4 

Les  noirs  sont  obligés  de  prendre,  car  ils  ne  peuvent  pas 

couvrir.  4 Cc6  p.  d4  conduit  à  la  même  position 

avec  interversion  des  coups. 

5.  Cf3  p.  d4  

Meilleur  que  de  roquer.  Dans  cette  position,  le  jeu  noir 

offre  deux  désavantages  :  d'une  part,  le  foit  du  roi  est  en- 
fermé; d'autre  part,  l'aile  de  la  dame  est  mal  développée. 
Quatrième  jeu  : 

3 Ff8  -  c5 

4.  c2  — c3  

4.  0  —  0  est  également  bon.  Les  noirs  peuvent  jouer 

maintenant  Cg8  —  f6,  ou  a7  —  a6,  ou  f7  —  f5 ,  ou 

Cg8  —  e7,  mais  aucune  de  ces  variantes  n'égalise  les  jeux  ; 

aucune  en  effet  n'empêche  les  blancs  de  former  un  centre. 

4 C|8-f6 

5.  0  —  0  Cf6  p.  e4 

(Si  les  noirs  jouent  5 0  —  0,  les  blancs  for- 
ment un  centre  puissant  avec  6.  d2  —  d4,  e5  p.  d4; 


7.  c3  p, 


e4  —  eo.' 


d4,  Fc5  —  b6  ; 

6.  Ddl  —  e2 

7.  Cf3  p.  e5 

8.  Fbo  p.  c6 
7.     d2  — d4 

Le  jeu  des  blancs  est  meilleur. 
Cinquième  jeu  : 

3 

Cette  défense  est  faible. 

4.  d2  —  d4 

(4 Fc8  d7  serait 

5.  Cf3p.  d4 

6.  0-0 

7.  Cbl— c3 

8.  f2  —  f4 
Avec  le  meilleur  jeu. 

SCHALLOPP 

1.  e2  — e4 

2.  Cgi  —  f3 
Ffl  —  b5 
Fbo  p.  c6 
Cbl  —  c3 
h2  — h3 
Ddl  p.  f3 
Cc3  --  e2 
Df3  —  b3 
0  —  0 
f 2  -  f 4 
Tfl  p.  f4 
Db3  —  c3 
d2  — d4 
Dc3  —  d3 
Tf4  —  f3 
Fcl  —  f4 
Ff4  —  h2 
c2—  c3 
h3  p.  g4 
Tf3  -  g3 
Dd3  — 'f3 
Tg3  —  h3 
Tal  —  fl 
Df3  -  g3 


Ce4  —  d6 
0-0 
d7  p.  c6 
Fco— b6 


d7  — d6 

e5  p.  d4 
suivi  de  5.  c2  —  c3.) 
Cg8-e7 
Fc8  —  d7 
Ce7  —  g6 


3. 

4. 

5. 

6. 

7. 

8. 

9. 
10. 
11. 
12. 
13. 
14. 
15. 
16. 
17. 
18. 
19. 
20. 
21. 
22. 
23. 
24. 
25. 


Afin  de  répondre  à  T  - 
25 

26.  Dg3  —  f2 

27.  Th3  —  f3 

28.  Ce2  —  g3 


c8,  26. 


GUNSBERG 

e7  —  e5 
CbS  —  c6 
a7  — a6 
d7  p.  c6 
Fc8  —  g4 
Fg4  p.  f3 
Cg8  —  e7 
Dd8  —  d6 
b7  — b6 
g7-g6 
e5  p.  14 
Dd6  —  e6 
Th8  —  g8 
Ff8  —  g7 
a6  — ao 
De6  —  d7 
g6  — gS 
Ta8-d8 
g5  —  g4 
Dd7  p.  g4 
Dg4  -  d7 
Ce7  —  g6 
Tg8  -  h8 
Re8  —  f8 

T-*h5,*  * 

Dd7  —  d6 
Dd6  —  e7 
Td8  —  d7 
Rf8  —  g8 


ECHECS 


—  282 


29.  Cg3  —  f5 

30.  b2  —  b3 
34.  Fh2  — e5 

32.  d5T).  e5 

33.  Cf3  -  d4 

34.  Tf3  p.  fT 
33.  g2  —  g3 

36.  Tf7  p.  d7 

37.  Dt"2  —  Ï6 


Bel  —  e6 
Fg7  —  f8 
Cg6  p.  eo 
FfS  -  c3 
De6  p.  eo 
Fco  —  d6 
De5  —  eS 
De8  p.  d7 
h7-h6 


37 D  —  e7  serait  suivi  de  38.  D  —  f 4 

38.  Df6  —  g6  +  Dd7  —  g7 

39.  Dg6  —  e6  -f  Rg8  —  h7 

40.  Tf  I  —  f7  

Les  noirs  abandonnent. 

II.  Parties  du  fou.  —  Nous  avons  examiné  les  débuts 
dans  lesquels  les  blancs  après  4 .  e2  —  e4  e7  —  e5  con- 
tinuent par  2.  Cgi  —  f3.  Ils  peuvent,  au  lieu  de  déplacer 
le  cavalier,  jouer  le  fou  2.  Ffl  —  c4.  Ce  coup  est  très  sûr, 
mais  il  donne  lieu  à  une  attaque  moins  vive  que  Cgi  —  f3 . 
Les  anciens  auteurs  et  notamment  Philidor  regardaient 
cette  ouverture  comme  la  plus  belle  de  toutes.  Les  noirs 
peuvent  riposter  par  Cg8  —  f6,  ou  Ff8  —  c5,  ou  c7  —  c6, 
ou  f7  —  f5.  Les  deux  premiers  coups  sont  les  meilleurs. 
d .     e2  —  e4  e7  —  eo 

2.  Ffl  —  c4  

Premier  jeu  : 

2 Cg8  — f6 

C'est  la  défense  la  plus  forte.  Les  blancs  peuvent  répon- 
dre Cgi  —  f3,  d2  —  d4,  f2  —  f4,  d2  —  d3,  Cbl  —  c3. 
Ces  diverses  variantes  sont  examinées  en  A,  B,  C,  D,  E. 
A 

3.  Cgi  —  f3  Cf6  p.  e4 

4.  d2  —  d3  _  Ce4  —  f6 

Ce4  —  d6  serait  suivi  de  5,  Cf3  p.  eo,  Cd6  p.  c4  ; 
6.  d3  p.  c5  avec  jeu  égal. 

5.  Cf3  p.  e5  d7  —  do 

6.  Fc4  —  b3  Ff8  —  d6 

7.  d3  —  d4  0  —  0 
8.0  —  0                           c7  —  c3 
9.     c2  —  c3                         Cb8  —  c6 

Les  jeux  sont  égaux. 

B  (Gambit  de  Ponziani) 

3.  d2  —  d4  e5  p.  d4 

Au  mieux.  Cf6   p.  e4  serait  suivi  de  4.  d4  p.  e5, 
Ff8  — c5;  o.  Fc4p.J7  +. 

4 .  e4  —  eo  

Fcl  —  g3  serait  suivi  de  Ff8  —  e7  ;  et  Cgi  —  f3  de 

4 Cf6  p.  e4  ;  5.  Ddl  p.  d4,  Ce4  -  c5  ;  6.Cf3  —  eo, 

Cc5  —  e6;  7.0  —  0,  Ff8  —  c5 

4 d7  — d5 

5.  Fc4  —  b5  +  

e5  p.  f6 amènerait 5 d5p.c4;  6.f6p.g7,Ff8p.g7, 

Ff8  p.  g7. 

o Fc8  — d7 

6.  Fd5  p.  b7  +  Cf6  p.  d7 

7.  Ddl  p.  d4  Cb8  —  c6 

8.  Dd4  p.  d3  Cd7  p.  e5 

9.  Dd5  p.  d8  +  Ta8  p.  e8 

C 

3.  f2-f4  d7~do 

4.  f4  p.  e5  

e4  p.  d5  serait  suivi  de  e5  —  e4. 

5.  Ddl  —  f3  Dd8  —  h4  + 

6.  g2  -  g3  Ce4  p.  g3 

7.  h2  p.  g3  Dh4  p.  c4 

8.  Cbl— c3  Fc8-e6 

9.  d2  -  d3  Dc4  —  c6 

10.  Fcl  —  go  do  —  d4 

11.  Df3p.  c6+         •         Cb8p.  a6 

D 

3.  d2  -  d3  Ff8  —  c5 

4.  Cgi  — f3  


4.  f 2  —  f4  amènerait  rapidement  à  un  jeu  égal. 
4 d7  — d6 

5.  c2  —  c3  0-0 

6.  a2  —  a4  a7  —  ao 

7.  0  —  0,  etc.  

E 

3.  Cbl  —  c3  Cf6  p.  e4 

Ff8  —  co  mène  à  un  jeu  éaal  avec  4.  Csl  —  f3, 
d7  -  d6. 

4.  Fc4  p.  f7  +  Re8  p.  f7 

5.  Cc3  p.  e4  Cb8  -  c6 

6.  Ddl-f3  Rf7-e8 
Jeux  égaux. 

Deuxième  jeu  : 

2 Ff8-c5 

Défense  très  sûre.  Les  noirs  ont  alors  diverses  ripostes 
telles  que  Cgi  —  f3,  Ddl  —  e2,  b2  —  b4  ou  c2-c3. 

A 

3.  Cgi  -  f3  

Au  mieux.  La  partie  prend  le  caractère  d'une  partie  de 
cavalier. 

3 d7  —  d6 

4.  c2  — c3  

Au  mieux.  Ce  coup  est  préférable  aux  autres  tels  que  : 
4.  d2  -  d3  ou  4.  d2  —  d4. 


Dd8  —  e7 
Cg8  —  f  6 
Fc5  —  b6 


5.  0-0 

6.  d2  —  d4 
Jeux  égaux. 

B  (Gambit  de  Lopez) 

3.  Ddl~e2  

3.  Ddl  —  g4,  3.  Ddl  —  f3  représentent  des  attaques 
prématurées  auxquelles  les  noirs  répondent  suffisamment 
avec  Dd8-f6,  A  Ddl  —  h5  les  noirs  répondraient  Dd8  — 
e7  ;  d2 —  d4  ne  serait  pas  plus  avantageux  pour  les  blancs; 
pas  plus  que  f2  —  f4.  Les  noirs  répondraient  ainsi  :  3f2 
—  f4,  Fco  p.  gl  ;  4.  Thl  p.  gl,  Dd8  —  h4  +  ;  5.  g2  — 
g3,  Dh4  p.  h2  ;  6.  Tgl  —  H,  Dh2  p.  g3  +  et  a  l'avan- 
tage. 

3 Dd8  — e7 

4.  f2-f4  Cg8-f6 

5.  Cgl-f3  d7-d6 

6.  Cbl— c3  c7— c6 

7.  d2  — d3  Fc8— g4 
Jeux  égaux. 

C 

3.  b2— b4  

Ce  coup  conduit  également  à  égaliser  les  jeux. 

3 Fc5  p.  b4 

4.  f2-f4  

Un  double  gambit. 

4 d7  — do 

Au  mieux.  4 eo  p.  f4  donnerait  aux  blancs  une 

forte  attaque. 

3.     e4  p.  d3  eo  —  e4 

6.    Cgl-e2  Cg8  — f6,etc. 

Attaque  classique  dans  la  partie  du  fou.  Cette  va- 
riante est  l'une  des  parties  favorites  de  Philidor. 

3.     c2— c3  

Afin  de  jouer  plus  tard  d2  —  d4.  Les  noirs  peuvent  ri- 
poster Cg8  —  f6,  Cb8  —  c6,  Dd8  —  e7,  Dd8  — g3,  d7  — 
d3.  Voici  quelques-unes  de  ces  sous-variantes  : 


3. 

• 

.  . 

Cg8- 

-m 

4. 

d2- 

■d4 

e3  p 

d4 

5. 

e4- 

-e3 

d7- 

d3 

6. 

e3  p.  Î6 
5  peuvent  jouer  ég 

Les  blancs 

îlement  Fc4  - 

-b3. 

6. 

.   .  . 

d3p. 

c4 

283  -« 


ÉCHECS 


7.  Ddl-h5  0-0 

8.  Dh5  p.  c5  

Meilleur  que  Dh5  p.  g5. 

8.     Tf8-e8 

9.  Cgi— e2  

9  Rel  —  fl  est  suivi  de  d4  p.  c3  et  plus  tard  de  Dd8 
-d3  +  . 

9 d4  — d3 

lo!     Foi— e3  d3p.  e2 

11.  Cbl  — d2  Cb8  — a6 

12.  Dc5  p.  c4  Dd8  p.  f6 

13.  Dc4  p.  e2  

Jeux  égaux. 

b  (Partie  du  fou  à  l'italienne) 

3 Dd8  — g5 

4.     Ddi  — f3  ..... 

Si  le  roi  joue  Rel  —  fl,  la  dame  adverse,  pour  éviter 
d2  —  d4,  se  retire  en  e7  ;  et  après  5.  d2  —  d4,  FcS  — 
b6  ;  6.  Cgi  —  f3,  d7  —  d6,  les  jeux  sont  égaux. 

4 Dg5-g6 

Au  mieux. 

5.  Cgi  —  el  d7  —  d6 

6.  d2  —  d4  Fc5  —  b6 

7.  d4  p.  e5  d6  p.  e5 

8.  Ce2-g3  Cg8-f6 

9.  h2-h3  0-0 
Jeux  égaux. 

c  (Contre-gambit  de  Lewis) 

3 d7  —  d5 

Les  noirs  sacrifient  le  pion  pour  obtenir  une  contre-at- 
taque. d7  —  d6,  au  contraire,  serait  faible,  car  les  blancs 
formeraient  un  centre. 

4.  Fc4  p.  do  

Au  mieux.  4,  e4  p.  d5  donnerait  l'avantage  aux  noirs 

après  4 Fco  p.  f2  et  5.  Dh8  —  h4  +. 

4 Cg8-f6 

5.  Ddl— f3  

Au  mieux.  Les  blancs  peuvent  encore  jouer  sans  désa- 
vantage :  5.  Fdo  —  b3,  Cf6  p.  e4  ;  6.  Ddl  —  e2,  Ce4  p. 
H:  7.  De2p.  e5+-,Dd8-e7;  8,  De5  p.  e7 +,  Re8p, 
e7  ;  9.  d2-  d4,  Fc5  p.  d4  ;  10.  c3p.  d4.  Cf2  p.  hl  et 
les  jeux  sont  égaux. 

5.  ....  .  0  —  0 
Cf6  p.  d5  ferait  gagner  aux  blancs  un  pion. 

6.  d2  — d4  

Fd5  —  c4  peut  aussi  se  jouer  sans  inconvénient. 

6 e5  p.  d4 

7.  Fcl  —  g5  d4  p.  c3 

8.  Fg5  p.  f6  

et  les  jeux  s'égalisent. 

Troisième  jeu  : 

2 c7  —  c6 

Ce  coup  est  plus  faible  que  Cg8  —  f6  ou  Ff8  —  eo.  Il 
dénote  l'intention,  de  la  part  des  noirs,  de^  s'emparer 
du  centre,  mais  cette  manœuvre  ne  saurait  réussir.  Les 
blancs  répondent  au  mieux  par  Ddl  —  e2. 

Quatrième  jeu  : 

2 f7  -  f5 

Les  noirs  se  défendent  au  moyen  d'un  gambit.  Le  coup 
n'est  pas  absolument  correct  ;  mais  les  blancs  doivent  jouer 
très  prudemment  s'ils  ne  veulent  par  voir  l'attaque  passer 
à  leurs  adversaires.  Les  blancs  répondent  au  mieux  d2  —  d3 
ou  Cgi  —  f3.  d2  —  d4  ou  c2  —  c3  mènent  à  des  jeux 
égaux.  Fc4  p.  ^8  ou  e4  p.  f5  sont  moins  bons. 
3.    d2-d3  

Le  coup  est  le  meilleur  avec  3.  Cgi  —  f3  suivi  de  3 

Cb8  -  c6;  4.  d2  -  d4,  Cg8  -  f6  ;  5.  d4  p.  e5,  Cf6 
p.  e4;  6.  0  —  0,  Ff8  —  c5  ;  7.  Cbl  —  c3,  Ce4  p.  c3  ; 
8.  b2  p.  c3  avec  bonne  attaque. 


3 Cg8-f6 

4.  f2-f4  •  •  •  •  L 

Au  mieux.  4.  Cgi  —  f3  serait  suivi  de  c7  —  c6  ;  5.  0  —  0, 
Dd8  —  c7. 

4 d7  — d6 

5.  Cgî  —  f3  c5  p.  f4 

Si  les  noirs  jouent  5 f5  p.  e4,  les  blancs  s'as- 
surent le  meilleur  jeu  par  6.  d3  p.  e4,  Fc8  —  g4  ;  7.  14 
p.  e5,  Fg4  p.  f3  ;  8.  Ddl  p.  f3,  d6  p.  eo  ;  9.  Df3-b3. 


6.  0  —  0 

7.  d3  p.e4 
et  a  le  meilleur  jeu. 

Alexander 
Blancs 
e2  —  c4 
Ffl  —  c4 


1. 

2. 
3. 
4. 
5. 
6. 


Cgi  —  f3 

Cf3  p.  eo 
Fc4  —  b3 
0-0 


f5  p.  e4 


ZUKERTORT 

Noirs 
e7  —  eo 

Cg8  -  m 

m  p.  e4 
d7  — do 
Dd8  —  g5 


Les  blancs  roquent  dans  l'espoir  de  regagner  leur  pièce 
6 Dg5p.  c5 

7.  d2  — d3  Ff8  — d6 

8.  g2  — g3  

8.  f2  —  f4' serait  suivi  de  8 De5  —  d4  +. 


8. 


Ce4  -  g5 

Cg5  -  f3  + 

Fc8  — h3-fetmat. 

Mac  Donnell 

Noirs 

e7  —  e5 

Ff8  —  c5 

Cg8  -  m 


n  ;  5. 


9.     Tfl  —  el 
10.    Rgl— fl 

La  Bourdonnais 
Blancs 

1.  e2— c4 

2.  Ffl  —  c4 

3.  Ddl  —  e2 

4.  d2  — d3  

4.  Fc4  p.  f7  -|-  amènerait  4 Re8  p. 

De2  —  c4  + ,  d7  —  d5  ;  6.  Dc4  p.  c5,  Cf6  p.  e4. 
4      Cb8  —  c6 

5.  c2  —  c3  Cc8  —  e7 

6.  f2  —  f4  e5  p.  f4 

A  6 d7  —  d6  les  blancs  répondraient  7.t4  —  to. 

7.  d3  — d4  Fc5  — b6 

8.  Fclp.f4  d7  — d6 

9.  Fc4  — d3  

Afin  de  pouvoir  répondre  à  9 d6  —  d5  ;  10. 

e4  ^—  e5. 


9. 
10. 
11. 
12. 
13. 
14. 
15. 
16. 
17. 


Ff4  —  e3 
h2  —  h3 
Cbl  —  d2 
0-0-0 
Rcl  —  bl 
c3  p.  d4 
Cgi  —  f3 
g2  —  g4 


Ce7  -  g6 
0-0 
Tf8  -  e8 
Dd8  —  e7 
c7  —  c5 
c5  p.  d4 
a7  —  a5 
Fc8  —  d7 
h7-h6 


En  général,  quand  l'aile  où  le  roi  a  roqué  est  attaquée  par 
les  pions  ennemis,  le  mieux  est  de  ne  pousser  ses  propres 
pions  que  lorsqu'ils  sont  en  prise  des  pions  ennemis  et 
d'échapper  ainsi  à  ceux-ci.  Ici  18.  g4  -  g5  menaçait 
d'amener  la  perte  du  cavalier. 

18.  Tdl  — gl  a5  — a4 

19.  g4  —  g5  h6  p.  g5 

20.  Fe3  p.  go  a4—  a3 

21.  b2  — b3  Fd7— c6 

22.  Tgl  —  g4  Fb6  —  a5 

23.  h3  —  h4  Fa5  p.  d2 

24.  Cf3  p.  d2  Ta8  —  a5 

25.  h4  —  h5  Tao  p.  go 

26.  Tg4  p.  g5  Cg6  —  f4 

27.  De2  — f3  Ct4  p.  d3 

28.  d4  — d5  

A  28.  Df3  p.    d3  les  noirs  répondraient   28 

Cf6p.e4. 


ÉCHECS 


—  284  — 


28 Cf6  p.  do 

29.  Thl  —  gi  Cd5  —  c3  + 

30.  Rbi  -  al  

30.  Rbl  —  c2  assure  la  victoire  des  noirs  avec  30 

DeT  p.  gD  ;  31 .  Tgl  p.  go,  Cd3  —  el  +  ;  32.  Rc2  p.  c3. 
Cel  p.  13  ;  33.  Cd2  p.  f3,  Fc6  p.  e4. 

30 Fc6  p.  e4 

31.  Tgl  p.  gT  +  Rg8  — h8 

32.  Dî"3  — ^3  Fe4  — g6 

33.  h5p.  g6  De7~el  + 

Les  noirs  ne  peuvent  pas  prendre  la  tour  avec  le  roi,  à 
cause  de  34.  g6  p.  H  + ,  Rg7  p.  fT  ;  3o.  Dg3  —  g6  + 
et  mat  au  prochain  coup. 

34.  Tgl  p.  el  

La  faute  décisive.  Les  blancs  gagnaient  avec  34.  Cd2  —  bl, 
Del  p.  g3  ;  35.  Tg7  —  h7  +,  Rh8  -  g8;  36.  g6  p. 
n  +,  Rg8  p.  h7  ;  37.  Tgl  —  M  +,  R  à  volonté;  38. 
f7  p.  e8  D. 

34 Te8  p.  el  + 

35.  Dg3  p.  el  Cd3  p.  el 
3tj.     Tg7  —  h7  +                  Rh8  -  g8 

et  les  blancs  ne  peuvent  pas  empêcher  le  mat  par  Cel  —  c2. 
Partie  hongroise,  La  partie  hongroise  est  ainsi  nom- 
mée d'après  une  partie  par  correspondance  jouée  entre  les 
clubs  de  Paris  et  de  Pesth.  Elle  est  caractérisée  par  le  dé- 
but : 

Blancs  Noirs 

1 .  e2  —  e4  e7  —  eo 

2.  C^l  —  f3  Cb8  -  c6 

3.  Ffl  —  c4  Ff8  —  e7 

Ce  début  fut  adopté  par  le  club  de  Pesth  afin  d'éviter  la 
partie  italienne  dans  laquelle  le  club  de  Paris  s'était  dis- 
tingué contre  celui  de  Londres.  Aujourd'hui  les  noirs  l'adop- 
tent parfois  pour  échapper  à  la  défense  si  difficile  du  gam- 
bit  Evans.  Les  blancs  jouent  pour  le  mieux  d2  —  d4. 

4.  d2  —  d4  d7  —  d6 

4 e5  p.  d4  abandonnerait  trop  de  terrain  aux 

blancs.  5.  d4  p.  e5,  d6  p.  e5  égalise  les  jeux,  mais  il  ne 

faudrait  pas  jouer  6 Cc6  p.  e5  à  cause  de  7.  Cf3 

p.  e5,  d6p.  e5;  8.  Ddl— h5. 

5.  d4-d5  Cc6  — b8 

6.  Fc4  — d3  

Les  blancs  empêchent  ainsi  6 f7  —  f5. 

6 Cb8— d7 

7.  c2-c4  Cg8— f6 

8.  Cbl  —  c3  0  —  0 

9.  0-0  

Le  jeu  des  blancs  est  un  peu  mieux  dégagé. 
Partie  du  pion  du  fou  de  la  dame.  L'ouverture  : 

1 .  e2  —  e4  e7  —  eo 

2.  c2  —  c3  

n'est  pas  incorrecte,  mais  elle  ne  donne  pas  aux  blancs  une 
position  d'attaque,  les  noirs  répondant  : 

2 d7  —  d5 

3.  Cgi  —  f3  d5p.  e4 

4.  Cf3  p.  eo  Ff8  —  d6 

5.  Ce5  —  c4  

5.  Ddl  —  a4-|-,  c7  —  c6  ;  6.  Da4  p.  e4  serait  mau- 
vais à  cause  de  6 ,  Dd8  —  e7;  7.  d2  —  d4,  f7  —  f6. 


i) 

6.  d2  —  d4 

7.  Ffl  —  e2 

8.  0-0 
Jeux  égaux. 
Gambit  du  centre. 

Blancs 

1.  e2  —  e4 

2.  d2  —  d4 


Cg8  —  e7 
Fc8  —  e6 
0-0 


Noirs 
e7  —  eo 
e5  p.  d4 


Cette  ouverture  prend  le  nom  de  gambit  du  centre  ; 
dans  un  grand  nombre  de  variantes,  elle  se  confond  avec 
le  gambit  écossais. 


Premier  jeu  : 

3.  Ffl  -  c4  Ff8  -  b4  + 

Les  noirs  pourraient  répondre  3 Cg8  —  f6,  ce 

qui  nous  ramènerait  au  gambit  de  Ponziani  dans  la  partie 
(lu  fou. 

4.  c2  —  c3  d4  p.  c3 

5.  b2  p.  c3  

5.  Fc4  p.  f7,  Re8  p.  f7;  6.  Ddl  -  b3,  d7  -  do; 
7.  Db3p.  b4  permet  aux  noirs  de  se  développer  rapide- 
ment. 

5 Dd8  —  m 

6.  c3  p.  b4  

Les  blancs  sacrifient  avec  raison  une  tour  contre  un  fou, 
car  ils  s'assurent  une  forte  attaque.  Ce  coup  vaut  mieux 
que  6.  Fc4  p.  f7. 

6 Df6  p.  al 

7.  Ddl  —  b3  Dal  —  f6 

8.  Fcl  —  b2  Df6— g6 

9.  Cgl-e2  Cg8~h6 
40.     Cbl  —  c3                      c7  —  c6 

11.  Ce2— f4  Dg6  — go 

12.  Cc3  -  e2  

et  les  noirs  ont  une  situation  difficile,  car  l'aile  de  la  dame 
n'est  pas  développée.  Les  blancs  menacent  13.  h2  —  h4 

et  14.  Fb2  p.  g7.  Si  les  noirs  roquent,  on  a  :  12 

0—0;  13.  h2  —  h4,  Dg5  —  e7;  14.  Db3  —  g3,  g7 

-  g6;  15.  Çf4p.  g6,  etc. 
Deuxième  jeu  : 

3.  Cgl-f3  Ff8-b4  + 

4.  Fcl  —  d2  Fb4  —  c5 

5.  Ffl  —  d3  

A  5.  Ffl  —  c41es  noirs  répondraient  5 Cg8  —  f6. 

5 Cb8  —  c6 

6.  0  —  0  d7  -  m 
et  les  noirs  conservent  le  pion  gagné. 

Troisième  jeu  : 

3.     Cgi  -  f3  Cb8  -  c6 

Nous  retrouvons  la  situation  du  gambit  écossais. 
Quatrième  jeu  : 

3.  Ddl  p.  d4  Cb8  —  c6 

4.  Dd4  —  e3  d7  —  d6 

5.  Cbl  —  c3  Cg8  —  m 

6.  Ffl  -  e2  Ff8  -  e7 

7.  De3  —  g3  Cc6  —  e5 

8.  Fcl  —  f4  Ce5  —  g6 

9.  0-0-0                  Cg6  p.  f4 
10.     Dg3  p.  f4  

Jeux  égaux. 
Partie  viennoise. 

Blancs  Noirs 

1.  e2  —  e4  e7  —  eo 

2.  Cbl  -  c3  

Ce  coup  est  un  coup  de  développement  plutôt  qu'un 
coup  d'attaque.  Aussi  a-t-il  été  longtemps  négligé,  alors 
qu'on  regardait  l'attaque  comme  la  tactique  nécessaire. 
Mais,  depuis  que  la  théorie  a  montré  que  les  attaques 
les  plus  vives  peuvent  être  souvent  repoussées  avec  perte 
pour  l'assaillant,  on  s'est  tourné  vers  cette  manière  de 
jouer  très  sûre.  Les  blancs  peuvent  pourtant  reprendre 
l'offensive  ensuite.  Les  noirs  peuvent  répondre  2 Ff8 

—  c5  ou  2 Cg8— f6;2 Ff8  —  b4  serait  plus 

faible  à  cause  de  3.  f2  —  f4.  Mais  le  meilleur  coup  est 
2 Cb8  -c6. 

2 Cb8  —  c6 

3.  f2  -  f4  eo  p.  f4 

4.  d2  —  d4  

Après  4.  Cgi  —  f3  les  noirs  prendraient  l'avantage  par 

4 g7  —  go;  5.  Ffl  —  c4,  go  —  g4:6.  0  —  0, 

g4p.f3;  7.  d2  — d4,Ff8— g7;  8.  e4  — e5,d7  —  d5; 
9.  Fc4  p.  do,  Fc8  —  g4;  10.  Fd5  p.  f3,  Fg4  p.  f 3  ; 
11.  Ddl  p.  f3,  Dd8  p.  d4+  ;  12.  Rgl  —  hl,  Cc6  p.  e5; 


—  285  — 


ÉCHECS 


13.  Df3  —  h3,  Dd4  —  d7.  De  même,  après  4.  Ffl  —  c4, 
Dd8  —  h44- ,  5.  Rel  —  fl,  FfS  —  c5  les  noirs  auraient 
le  meilleur  jeu. 

4 Dd8--h4-f 

4. dï  —  d5  est  sans  doute  préférable,  car  les  noirs 

auraient  une  belle  attaque. 

5.  Rei  —  e2  Dh4  -  ho-f 

6.  Cgi  —  f3  g7  —  go,  etc. 

Paulsen  Paul  Morphy 

Blancs  Noirs 

1.  e2  —  e4  e7  —  e5 

2.  Cbl  -  c3  Cb8  —  c6 

3.  Cgi  -  f3  Ff8  -  c5 

4.  Ffl  —  b5  Cg8  —  m 
La  partie  est  devenue  une  partie  espagnole. 

5.  0  —  0  0-0 

6.  Cf3  p.  eo    ^  Tf8  —  e8 

6 Cc6  p.  e5  serait  moins  bon  :  les  noirs  joueraient 

7.  d2  ~  d4. 

7.  Ce5  p.  c6  d7  p.  c6 

8.  Fb5  p.  c4  b7  -  bo 

9.  Fc4  —  e2  Cf6  p.  e4 
10.  Cc3  p.  e4  Te8  p.  e4 
a.    Fe2  — f3                      Te4  —  e6 

12.  c2  —  c3  

Une  faute  qui  permet  aux  noirs  de  gêner  beaucoup  le 
jeu  blanc;  12.  d2  —  d3  valait  mieux. 

12 Dd8  —  d3 

13.  b2  -  b4  FcD  -  b6 

14.  a2  —  a4  b5  p.  a4 

15.  Ddl  p.  a4  Fc8— d7 

16.  Tal  —  a2  

Les  blancs  veulent  forcer  la  dame  noire  à  la  retraite  avec 
17.  Da4  —  c2;  mais  16.  Da4  —  a6  valait  mieux. 

16 Ta8  —  e8 

Coup  préparé  de  longue  main. 

17.  Da4  —  a6  

trop  tard. 


Fig.  6.  —  Position  de  la  partie  après  le  17«  coup  des  blancs. 

Dd3  p.  f3  I 


Te6  —  g6-}- 
Fd7  -  h3 


17 

Très  beau  coup. 

18.  g2p.  f3 

19.  Kgl— hl 

20.  Tfl  —  dl 
Si  les  blancs  jouaient  20.  Da6  —  d3  afin  de  pouvoir 

après  20 Fh3  —  g2  +  ;  21 .  Rgl  —  hl ,  Fg2  p.  f3  +  ; 

22.  Dd6  p.  g6  garder  l'avantage  de  la  qualité,  les  noirs 

répondraient  20 f7  ^  fg  ;  21.  Dd3  —  c44-,  Rff8 

-f8.  ^      ^ 


Fh3—  g2-f 
Fg2p.  f3-f 
Ff3  -  a-2  + 
Fg2  —  h34- 
Fb6  p.  f2 
Fh3  p.  fl 
Te8  —  e2 
Tg6  -  h6 
Ff2  -  e3 


20 

21.  Rhl— gl 

22.  Rgl  —  fl 

23.  Rfl  -  gl 

24.  Rgl  —  hl 

25.  Da6  —  fl 

26.  Tdl  p.  fl 

27.  Ta2  —  al 

28.  d2  —  d4 
Les  blancs  abandonnent. 
Gambit  du  roi.  Le  gam])it  du  roi  est  le  meilleur  type 

du  gambit,  c.-à-d.  d'une  ouverture  dans  laquelle  un  des 
joueurs  cherche  à  s'assurer  le  sacrifice  d'un  pion  ou  d'une 
pièce,  un  avantage  de  position.  Ce  début  conduit  aux  plus 
belles  attaques  que  l'on  trouve  dans  le  jeu  des  échecs.  Il 
est  caractérisé  par  les  coups  : 

Blancs  Noirs 

1.  d2  — e4  e7— e5 

2.  f2— f4  ..... 
Suivant  que  les  noirs  prennent  le  pion  f4  ou  non,  le 

gambit  est  dit  accepté  ou  refusé.  Le  gambit  accepté  prend, 
suivant  le  troisième  coup  des  blancs,  le  nom  de  gambit  du 
cavalier  (3.  Cgi  —  f3),  gambit  du  fou  (3.  Ffl  —  c4)  ou 
gambit  irrégulier  (3.  h2  —  h4,  3.  Ddl  —  f3  ou 
3.  Ddl  —  g4). 

Gambit  du  cavalier. 

Blancs  Noirs 

1.  e2  — e4  e7— fo 

2.  f2  -  f4  e5  p.  f4 

3.  Cgi-f3  ..... 

Les  blancs  poussent  le  cavalier,  bonne  figure  d'attaque, 
et  empêchent  l'échec  Ddl  —  h4.  La  meilleure  riposte  des 

noirs,  de  l'avis  unanime  des  théoriciens,  est  3 g2 

—  g4.  Toutefois,  nous  examinerons  tout  d'abord  quelques 
autres  ripostes. 

Premier  jeu  : 

3 d7  — d5 

4.  e4p.  d5  Ff8  — d6 

5.  d2  — d4  g'7  — g5 

6.  c2  — c4  b7— b6 

7.  Ffl— d3  

Jeux  égaux. 

Deuxième  jeu  : 

3 f7-f5 

4.  e4  —  e5  

4.    e4  p.  fo,    d7  —  d5;    5.    d2  —  d4,    Fc8  p.  f5; 
6.  Fcl  p.  f4,  Cg8  —  f6  égalise  les  jeux. 

4 d7  — d6 

5.  h2  —  h4  d6  p.  eo,  etc. 
Troisième  jeu  : 

3 Cg8-f6 

4.  e4  —  e5  Cf6  —  h5  ! 

(4 Cf6  — d5;  c2  —  c4,  Cdo  —  b6 ;  6.  d2  —  d4: 

4 Dd8  —  e7  ;  5.  Ffl  —  e2  ou  5d2  —  d4.) 

5.  Ffl  — e2  g7— fi5 

6.  Cf3p.  g5!  Dd8p;g5 

7.  Fe2  p.  h5  Dff5  p.  e2 

8.  Ddl  -  f3  Dg2  p.  f3 

9.  Fh5p.  f3  Cb8-c6 

10.  Ff3  p.  c6  d7  p.  c6 

11.  d2  — d4  Fc8  — fo 

12.  c2  — c3  0  —  0-0 

13.  Fcl  p.  f4  c6  —  c5 

14.  Ff4-e3  

Jeux  égaux. 

Gambit  de  Cunningham. 

1 .  e2  —  e4  e7  —  eo 

2.  f2  —  f4  e5  p.  f4 

3.  Cgi  —  f3  FfS  —  e7 

Ce  coup  est  meilleur  que  toutes  les  défenses  précédentes. 
Il  permet  une  attaque  vigoureuse. 


ÉCHECS 


—  286  — 


4,  Ffl— c4  Fe7— h4  + 

Ces  deux  coups  sont  les  meilleurs.  Les  blancs  peuvent 
alors  jouer  soit  Rel  —  fi,  soit  g2  —  g3. 
Premier  jeu  : 

5.  g^2  -  g3  ^       ^       :•,••• 
Ce  coup  conduit  à  une  partie  très  anunee. 

5 f^P-gS     , 

6.0-0  g3  p.  h2  + 

7.     Rgl-hi  ..... 

Dans  cette  position,  les  noirs  ont  trois  pions  de  plus, 

mais  un  tel  retard  dans  le  développement  que  leur  jeu  est 

très  compromis. 

7  ...  Fh4-e7? 

8*.     Fc4p.f7+  ï^^^P-^I 

9.     ct3-e5  +  +  KT-e8 

9  Rf7  _  e6  ;    10.  Ddi  — g4  +  ,  Reb  p.  e5 

(40*   *.".*Re6-d6;  41.Ce5-f7 +);  11.  Dg4-f5  +  , 

Ke5  -  d6  ;  12.  Df5  -  d5  +  et  mat. 

10.  Ddl-h5+  iV^m 

11.  Ce5p.  g6  ^^^~il 
42.     Tfl  p.  f6  Fe7  p.  f6 

13.  Cg6-e5+  ^'^-V, 

14.  Dho-f7+  Re7-d6 
13.  Ce5  — c4  4-  Rd6  — c5 
16.  Df7  —  do  +  

et  mat  en  deux  coups. 

B 


d7  —  do 


C'est  la  meilleure  riposte  des  noirs. 

8.     Fc4  p.  do  •  •  •  •   • 

8    e4  p.  do  amènerait  8 Fh4  —  tb. 

g Cg8-f6 

9*     Fd'o  p.  n  +  Re8  p.  f7 

lO:     Cf3p'.h4^  Th8-f8 

11-   ci2-d4^  Se     fl 

S    S^d8  Tf8Î:fl  + 

14.  Ddlp.fl  ^{-Ift 

15.  Rhlp.h2  Cg3p.  fl  + 
et  les  noirs  ont  le  meilleur  jeu. 

Deuxième  jeu  : 

5^     j{el  —  fl  !  Fl^^  "  *" 

Si  les  noirs  jouaient  Fh4-g5  oud7-d6ou  Cg8-h6, 
les  blancs  riposteraient  6.  d2  -  d4  avec  avantage, 
(j.     e4  —  eo  ï^f^  —  ej 

7.  d2  —  d4  d7  —  do 

8.  Fc4-e2  1  g'^  -  i^^ 

9.  h2-h4  g^^-gf 

10.  Ct3  — h2  h7-ho 

11.  Fcl  p.  f4  l^^e7  p.  h4 
402,  go2  _  g3  Fh4  —  go 
13.  Ch2  p.  g4  

et  les  blancs  ont  l'avantage. 
Gambit  cVAllgaier. 

Blancs  J^'^i^^. 

1.  e2  — e4  e7  —  e.^ 

02.  f2  _  f4  e5  p.  f4 

3.  Cal-f3  g7-gS 

4.  Ii2  — h4  

Les  blancs  jouent  ce  coup  pour  rompre  la  chaîne  des 
nions  ennemis.  Les  noirs  ne  doivent  pas  protéger  ce  pion, 

car  après  4 h7  -  h6  ;  5.  h4  p.  go   le  pion  ne 

pourrait  prendre,  sous  peine  d'amener  la  perte  de  la  tour 
h8  Les  variantes  suivantes  seraient  également  mauvaises  : 
4  *     .f7-f6;o.Cf3p.go;3.f6p.go;6.Ddl— h5+, 
Res  L  e7  ;  7.  Dho  p.  go  +,  Re7-e8  ;  8   Dg^  -  hb  + 
Re8  -  e7  ;  9.  Dho  _  eo  + ,  Re7  -  t  ^  ;  10.  Ffl  -^c4  + 

et  mat  en  quelques  coups;  4 14b  — e/,o.  m 

p.  g5,  Fe7p,  go;  6.  d2  —  d4. 

Les  noirs  jouent  : 

4 g'>  —  g^' 


et  les  blancs  peuvent  jouer  Cf3  —  go  (gambit  d'Allgaier) 
ou  Cf3  —  eo  (gambit  de  Kieseritzky). 

4.    Cf3~g5  ..... 

Les  blancs  peuvent  facilement  se  faire  une  vive  attaque 
qui  décide  de  la  partie  en  leur  faveur;  pourtant  les  noirs, 
s'ils  jouent  correctement,  doivent  obtenir  le  meilleur  jeu. 
''       5 h7  — h6 

Ceci  est  la  riposte  correcte.  Les  blancs  sont  forcés  de 
sacrifier  le  cavalier,  mais  l'attaque  suivante  peut  être  re- 
poussée et  ne  justifie  pas  le  sacrifice. 

6.  Cg5p.f7  Re8p.f7 

Les  blancs  peuvent  jouer  soit  Ddl  p.  g4,  soit  Ffl— c4, 
suivant  qu'ils  visent  à  enlever  les  deux  pions  avec  la  dame 
ou  à  fortifier  l'attaque  en  déployant  rapidement  leur  jeu. 
A 

7.  Ddl  p.  g4  Cg8  —  f6 

Ce  coup  est  meilleur  que  Dd7  —  f6,  qui  suffirait  déjà  à 
assurer  l'avantage  aux  noirs. 

8.  Dg4-f4  Ff8-d6 

Il  n'est  pas  bon  d'ordinaire  de  placer  le  fou  devant  le  pion 
de  la  dame;  mais,  ici,  il  y  a  lieu  de  faire  une  exception. 

9.  Df4-f2  Rf7  — g7 
10.    Cbl-c3                      Th8-f8 

et  les  noirs  ont  l'avantage. 

B 
8.     Ffl  —  c4  +  d7  —  d5 

Nécessaire  pour  couvrir  la  case  g4. 

8.  Fc4p.  d5+  Rf7-g7 

Ce  coup  vaut  mieux  que  8 Rf7  —  e8  qui  laisse 

encore  longtemps  le  roi  noir  exposé  à  des  attaques  dange- 
reuses. On  a  objecté  à  8 Rf7  —  g7  que  lej  blancs 

font  partie  nulle  par  échec  perpétuel  avec  9.  Fd5  p.  b7, 
Fc8  p.  b7;  10.  Ddl  p.  g4  -f ,  Rg7-f7;  11.  Dg4-h5  +  . 
Mais  cette  critique  est  réfutée  pas  la  variante  ci-dessous  : 

9.  Fdo  p.  b7  f4  — f3 
10.     Fb7  p.  a8  f3  p.  g2 

41.     Thl  — gl  Dd8  p.  h4 + 

12.     Rel  — e2  g4  —  g3 

et  les  blancs  pour  parer  à  13 Fc8  —  g4  -f  qui 

menace  de  leur  faire  perdre  leur  dame  n'ont  que  trois 
coups:  Ddl— el,  Re2— d3,  Re2  —  e3,  dont  aucun 
n'est  suffisant  pour  sauver  leur  jeu. 

Gambit  de  Kieseritzky.  Ce  gambit  ne  se  distingue 
du  précédent  qu'au  cinquième  coup. 

Blancs  Noirs 

1 .     e2  —  e4  e7  —  eo 

û)      fo2  __  f4  e5  p.  f4 

3'.     Cgl-f3  gT-gS 

4.  h2  —  h4  go  —  g4 

5.  Cf3  — e5  

Le  cavalier  menace  la  pion  g4  et  se  ménage  une  re- 
traite possible.  Les  noirs  ripostent  au  mieux  Cg8  —  f6  ou 
Ff8  —  g7.  Les  autres  réponses  telles  que  d7— ■d6  ou 
Dd8  —  e7  sont  plus  faibles. 

Premier  jeu  :  u^       u^ 

5 h7  —  h5 

Ceci  est  la  riposte  classique  imaginée  par  Kieseritzky  et 

qui,  d'après  lui,  assure  aux  noirs  l'avantage.  Enréalité,  c'est 

la  plus  faible  de  toutes. 

6.  Ffl  — c4  

6 Th8-h7 

Ceci  est  le  coup  de  Kiesiritzky.  6 Cg8— h6 

n'est  pas  meilleur. 

7.  d2  — d4  

On  ne  saurait  conseiller  7.  Fc4  p.  f7  +,  Th7  p.  f7  ; 
8.  Ce5  p.  f7,  Re8  p.  f7  ;  9.  d2  —  d4,  car  les  noirs  pren- 
draient une  position  sûre  avec  9 f4  —  f3.  Les  noirs 

ont  maintenant  diverses  manières  de  poursuivre  telles  que 

7 d7  — d6;  7 Dd8-f6;  7 f4  -  f3.  La 

dernière  est  la  meilleure,  mais  aucune  d'elles  ne  leur  per- 
met de  conserver  le  pion  du  gambit  avec  jeu  égal. 

7 f4  — f3 

8.*     g2*p.f3  


287 


ECHECS 


8.  g2  —  g3  ne  serait  pas  bon,  les  blancs  étant  mis  en 

désavantage  par  8 Cb8  —  c6  ;  9.  Ce5  p.  c6  ; 

d7  p.  c6  ;  10.  Fcl  —  f4,  Dd8  — e7;  11.  Cbl  -  c3, 
Fc8  — e6.  * 

8.  ..."..  d7— d6 

9.  Ceo  —  d3                      Ff8  —  e7 
40.     Fcl  —  e3  

Coup  qui  justifie  la  prise  du  pion  au  huitième  coup,  car 
l'échec  en  M  devient  inoffensif. 

10 Fe7  p.  h4  + 

11.  Rel  — d2  e'4p.f3 

12.  Ddlp.f3  Fc8-^4 

13.  Df3-f4  Cb8-d7 

14.  Cbl  — c3  Cd7-b6 
d5.  Fc4  — b3  Th7  — ff7 
46.     e4  — e5  ..... 

et  les  blancs  ont  un  jeu  bien  développé. 
Deuxième  jeu  : 

o Cg8  — f6 

Ce  coup  est  une  des  meilleures  ripostes. 

6.  Ffl  —  c4  d7  —  d5 

7.  e4  p.  d5  Ff8  —  g7 
Ff8  —  d6  est  également  intéressant. 

8.  d2  —  d4  0  —  0 

9.  0-0  C7-C0 
10.    Fclp.f4  c5p.d4 
a.     Ddlp.  d4                       Cf6-^d7 
42.     Cbi  — c3                      Cd7p.e5 

13.  Ff4p.  e5  Cb8  — c6 

14.  d5p.  c6  Dd8p.d4  + 

15.  Fe5p.d4  Fg7p.d4  + 
46.     Rg4  — hl                       b7  p.  c6 

Jeux  égaux. 
Troisième  jeu  : 

5;     Ff8  — g7 

Bonne  riposte,  équivalente  à  la  précédente. 
A 

6.  Ceop.g4  d7— do! 

7.  d2  — d4  

Les  blancs  ne  doivent  pas  jouer  7.  e4  p.  do,  car  ils 

perdraient  par  7 Dd8  —  e7  ;  8.  Rel  —  f2  (Ddl  ou 

Ffl  —  e2,  Fc8  p.  g4),  Fg7  —  d4  +  ;  9.  Rf2  —  f3,  Fc8 
p.  g4  +  ;  10.  Rf3  p.  g4,  Cg8  -  f6  +,  etc.  ;  7.  d2  -  d3 

serait  sui\i  de  7 d5  p.fe4  et  les  blancs  ne  devraient 

prendre  ni  le  pion  e,  ni  le  pion  f,  car,  dans  le  premier  cas, 
ils  perdraient  un  cavalier  (après  l'échange  des  dames),  dans 
le  second  le  pion  b  et  la  tour  ai . 

7 dS  p.  e4 

8.  Fclp.f4  Dd8p.d4 

9.  Ddl  p.  d4  Fg7  p.  d4 
10.     c2  — c3  Fc8p.g4 

et  les  jeux  s'égalisent. 

B 

6.  d2  — d4  Cg8  — f6 

Les  blancs  peuvent  protéger  le  pion  e  avec  Cbl  —  c3 
.ou  Ffl  —  d3  ou  bien  prendre  un  des  pions  f  ou  g  par 
Fcl  p.  f4  ou  Ce5  p.  g4,  ou  enfin  attaquer  le  point  f7  avec 
Ffl  —  c4.  Toutes  ces  variantes  conduisent  à  des  jeux  ésaux. 

7.  Ffl-c4  d7-d5 

8.  e4p.  d5  0  —  0 

9.  Fclp.f4  Cf6p.d5 

10.  Fc4p.  do  DdSp.do 

11.  0-0  c7-c5 

12.  Cbl— c3  Dd5p.d4  + 

13.  Ddlp.d4  c5p.d4 

14.  Cc3— d5  Cb8  — c6,  etc. 
Gamhit  Muzio,  Après  les  coups  : 

Blancs  Noirs 

1.  e2  — e4  e7— c5 

2.  f2-f4  e5p.f4 

3.  Cgl-f3  gT-gS 

Les  blancs  peuvent  continuer  l'attaque,  non  pas  par 
4.  h2  —  h4  (gambits  Allgaier  et  Kieseritzky) ,  mais  par  : 


4.  Ffl  —  c4  

La  riposte  classique  des  noirs  est  4 Ff8  —  g7. 

Elle  leur  assure  l'avantage  s'ils  jouent  très  correctement, 
mais  ils  restent  exposés  à  une  attaque  longue  et  périlleuse. 

Aussi  le  coup  4 g5  —  g4  paraît-il  préférable.  La 

riposte  4.  . . .  h7  —  h6  est  à  peu  près  aussi  correcte  que 

4.  .....  Ff8  —  g7  ;  elle  conduit  d'ailleurs  dans  nombre 

de  variantes  aux  mêmes  positions. 

^' gS  — g4 

Les  blancs  ont  le  choix  entre  5.0-0  (^ambit  Muzio) 
ou  5.  Cf3  —  e5  (gambit  de  Salvio). 

5.  0  —  0  

Les  blancs  sacrifient  le  cavalier  pour  obtenir  un  déve- 
loppement rapide.  Ce  coup  a  longtemps  été  classique  :  on 
regardait  le  sacrifice  du  cavalier  comme  justifié  par  la  su- 
perbe attaque  qu'il  donne  aux  blancs.  Aujourd'hui  l'on 
incline  à  penser  que  les  noirs  peuvent,  dans  toutes  les 
variantes,  se  défendre  avec  succès  et  que  le  gambit,  bien 
que  très  intéressant  et  même  dangereux  dans  les  parties 
jouées  sur  l'échiquier,  n'est  pas  absolument  correct. 
^.     .  .  .  .  .  ff4  p.  f3 

6.  Ddlp.fô  !  .  .  .  . 

6.  d2  —  d4  serait  mauvais  pour  les  blancs  :  6.  ... 

d7  —  d5  ;  7.  Fc4  p.  d5,  Fc8  —  g4  !  ;   8.  g2  p.  f3* 

Fg4  — h3;  9.  Tfl— f:2,  c7  — c6.  Les  noirs  ont  plusieurs 

ripostes.  La  meilleure  est  Dd8  —  f6. 

A 

6 Dd8  — f6 

7.  e4  — e5  

La  meilleure  continuation  de  l'attaque. 

7 Df6p.  e5 

8.  d2-d3  Ff8-h6 

9.  Cbl  — c3  .... 

(9.  Fcl-d2,  Cg8-e7;10.Fd2-c3,De5-co  +  : 
ll.Rgl-hl,  Th8-g8.)  ^ 

9 Cg8-e7 

10.  Fcl-d2  Cb8-c6 

Si  les  noirs  jouaient  ici  10 c7  —  c6,  ils  pour- 
raient s'emparer  d'une  nouvelle  pièce,  mais  leur  jeu  serait 
tellement  exposé  qu'ils  perdraient  rapidement  la  partie 
après  :  11.  Tal  —  el,  Deo  —  co  +  ;  12.  Rgl  —  hl, 
d7  —  do;   13.  Df3  —  ho,  Dco  —  d6;  14.  Fc4  p.  do, 

c6  p.  do  ;  15.  Cc3  p.  do,  Cb8  —  c6  (15 Fc8  —  e6  • 

16.  Tel  p.  e6,  Dd6  p.  e6  ;  17.  Cdo  -  c7  +);  16'. 

11.  Tal  —  el  De5  — f5 

Ce  coup  est  meilleur  que  1 1 De5  —  c5,  qui  assure 

le  meilleur  jeu  aux  blancs. 

12.  Tel— e4  

Les  blancs  peuvent  jouer  également  Cc3  —  d5,  Re8  — 
d8;13.  Fd2  —  c3,Ta8  — e8;14.  Cd5— f6  (14.  Fc3  — 
f6,  Fh6  -  g5),  Te8  -f8  ;  15.  g2  -  g4,  Dfo-g6;  16. 
h2  -  h4,  d7  -  d5;  17.  Fc4  p.  d5^;  18.  Fc8  p.  g4, 
Cf6  p.  g4,  Tf8  —  g8,  et  les  noirs  gagnent. 
i2 0-0 

12.  ...  Cc6  —  e5  ou  12.  d7  —  d6  sont  plus  faibles 
et  laissent  l'avantage  aux  blancs. 

13.  Fd2  p.  f4  

Si  les  blancs  jouaient  13.  Te4  p.  f4,  les  noirs  fortifie- 
raient leur  jeu  avec  13.  Fh6  p.  f4;  14.  Fd2  p.  f4,  d7  — 
d6  !  et  utiliseraient  ensuite  leur  supériorité  numérique. 
13 Fh6  — g7 

Le  meilleur  coup. 

14.  Df3  —  e2  

Df3  —  e3  serait  dangereux  à  cause  du  fou  ennemi  ^7. 
14 d7  -  d5  ^ 

15.  Ff4p.  c7  Df5  — 2:5 

16.  h2  -  h4  ...  .  . 

Si  les  blancs  jouaient  16.  Fc7  —  f4,  les  noirs  force- 
raient l'échange  de  dames  par  16 Dg5  —  g4.  Les 

noirs  obligent  donc  les  blancs  à  avancer  le  pion  h  et  em- 
pêchent par  suite  la  tour  fl  de  venir  en  f3  puis  g3 


—  ^288  — 


ÉCHECS 

16 i^g^  -  ë^ 

et  les  noirs  ont  le  meilleur  jeu. 

g      Ff8-li6? 

Ce  coup'est'bêaûco'up  plus  faible  que  Dd8  —  f6 

7  d2  —  d4  Dd8  —  e7 
8*.  Fclp.f4  l^î'^'^i 
9.     Df3p.f4  ^^l^t 

10.  Fc4  p.  f7  +  Re8  -  d8 

11.  e4  —  e5  

et  les  diverses  manières  dont  les  noirs  peuvent  contmuer 

tpllesaue  11 d7  —  d6  ;  11 n'  — ^^  ' 

11  Cc6  -  b4  ne  leur  permettent  pas  de  repousser 

''^Œ£ÏW*  Muùo.  Les  bllncs  quand  «s 
Sacrifient  le  cavalier  au  cinquième  coup,  peuvent,  au  lieu 
de  roqu  r^^^^  d'autres  coups  de  développement  tels  que 
H  d^  - d4  ou  5.  Cbl  -  c3  ;  ces  variantes  sont  plu^  faibles 
q^e  le  sambit  Muzio,  mais'donnent  lieu  à  des  parties  ana- 
logues, comme  le  montre  l'exemple  smvant  : 

Mac  Donnell  La  Bourdonnais 

Blancs  Noirs  ^ 

1.  e2-e4  ^o""5? 

2.  f2  —  f4  e5  p.  f4 

3.  Cgl-f3  gI-§^? 

4.  Ffl-c4  ê^-|f 
^-     Cbl-c3  tJ'^lai 
6.    Ddl  p.  f3  Vuç^^^V 

8  0  —  0  Cc6  p.  d4 

9.  Fc4p.  f7  +  •  ;  •  ;/ 

Ce  second  sacrifice  est  correct,  étant  donne  le  mauvais 
développement  des  pièces  noires.  ^ 

10.  Df3-h5+  Rn-gï 

11      Fcl  p.  f4  Fh6  p.  f4      ^ 

44         *      d7  —  d6  serait  suivi  de  12.  Ff4  —  eb  +, 
d6p.'e5Vl3.Tfl-n+etmat. 

12.  Tfl  p.  f4  ^§^""m    , 

.  07  C28  —  h6  amène  13.  Dh5  —  65+. 

•  :,3;Dhl>-g5+  Rr^-n 

14.     Tal-fl  Sio'^!7 

13.  Tf4p.  f6  5^?"~l' 

16.  Cc3-d5  Dej-c5 

17.  R^l— hl  Cc&  — eb 

Ce  coup  amèle  la  perte  de  la  dame.  Mais  es  noirs  ne 

peuvent  plus  sauver  la  partie   S  ^s  jouaient  17 

d7  —  d6,  ils  perdraient  après  17.  Ub  --  î  ^ 

18.  TfBp.  e6+  ai  p.  eb 

19.  Cd5-f6+  

''  S^S^^e  et  Salvio.  Le  gambit  Muzio  et  ses 
div™  ariantes,  bien  que  donnant  une  forte  attaque  aux 
b  ancs  laLsent  e^  définitive  aux  noirs  le  meilleur  jeu  si 
leur  défense  est  juste.  Si  Ton  rejette  au  cinquième  coup  le 
Muzio,  il  ne  reste  qu'à  déplacer  le  cavalier  : 

Blancs  ^^^^^^ 

1.  e2-e4  e^-^^o 

2.  f2  —  f4  e^  P-  ^l 

3.  C^l-f3  g7-g5 


Ffl  —  c4 


^g5  —  g4 


5.     Cf3  —  eo  •  /  j  •  •'       f  -e 

Le  noint  f7  se  trouve  attaqué  pour  la  deuxième  lois. 

Les  ncnrs,  au  lieu  de  le  couvrir,  JoueroM  pour^l^e_mieux  : 

6*.    Rei  -fi  '•''''  a 

Les  noirs  ont  alors  le  choix  entre  trois  coups  :  b.  . . . . . 

f4  -  f3  !   (gambit   Cochrane),  ou   6.    .....    Lgb  — 10 

(gambit  Salvio)  ou  6 Cg8  —  hb  . 

Gambit  Cochrane. 

G         ....  i^  — 

A 
7.     Fc4p.  f7+  Re8-e7 


8.  Ddl  —  el  ..... 

Les  autres  coups  laissent  l'avantage  aux  noirs.  Ainsi  j 
8.  Ff7  p.  g8,  Th8  p.  g8;  9.  g2  p.  f3  d7  -d6;  10.  Ce^ 
p.  g4,  Fc8  p.  g4;  H.  f3  p.  g4,  Tg8  p.  g4  ou  bien  8. 
U%  'f3,  d7-d6;  9.  Ff7  p.  g8,  ThS  p.  g8;  ou  bien 
1.  P^-gS,  Dh4-h3+;  9.Rf1  -f2,Cg8-  6;  10; 
Ff7-b3:d7-d6;  11  Ce3  -  f7  ,  Cf6  p.  e4+ ,  12. 
Rf2-eUCe4p.g3.  ^^^^^^^^^ 

9.  Rfl  p.  g2  

Si  le  roi  joue  9.  Rfl  —  e2,  les  noirs  répondent  9 

Dli4  -  h3  ;  10.  Thl  -  gl ,  d7  -  d6. 

9  .  Dh4  —  h3  4- 

1Ô:     Rg2-f2  ™""^J 

11.     Ft7p.  g8  Fg/p.e5 
B 

7.  22  —  ^3  Dh4  — h3  + 

8.  Rfl-f2  Cg8-f6 

9.  d2-d3  ^1-^5 

10.  CeSp.  f7  i^^r^^'c,  I 

11.  Cf7p.h8  ?,\^-f  + 

12.  Rf2  — e3  Cb8  — c6 

13.  Ch8-n  .  .  ... 

Pour  empêcher  le  mat  13 ^i?  T     rT"' 

13^     Re8  p.  f7 

14!     Fc4p.*d5+  Cf6p.  d5 

et  les  noirs  gagnent. 

\j 

A  7  d2  — d4,  les  noirs  répondraient  7 Cg8  — h6 

(V.  gambit  Salvio);  7.  Ce5  p.  f7  serait  mauvais  à  cause 
y^  f  .  ..  Cg8-f6;  8.  Cf7  p.  h8,  Cf6  p.  e4  ;  9. 
Ddl-el,f3p.g2+,etc.  ^^^  _  ^^ 

8.  Ddl-e2  d7--d6 

9.  Ceo  p.  g4  Cf6  p.  g4 

10.  f3  p.  g4         ^  Fc8  -  g4 
et  les  noirs  ont  le  meilleur  jeu.. 

Gambit  Salvio, 

6 Cg8  — fb 

Ce  coup  est  faible. 

7.     Ddl  •— el  •••/.•       ,     , 

8   Ce5  p.  f7  coûte  aux  blancs  fou  et  cavaher  contre  la 
tour-  8  Fc4p.f7donne  aux  noirs  un  jeu  mieux  développe. 
'      7.         .  .  .   .  D^^  P-  ^^  + 

8*.     Rfip.'el*  ^^^J'^i 

9.  Fc4p.  f7+  Re8-e7 
10.     Ff7-h5  §t"~^i 
42.     h2-h3  ilr^t' 
42.     Ce5-d3  Ff8  -  hb 

13.   Cbi-c3  ...^y'P;o   .  1  A- 

43.  Ce4  — f6  est  suivi  de  14.  lht>  —  13  et  de  lo. 

^'^"■14.     d2p.c3  Th8-f8 

iD.    Thl-fl  •,:••*. 

et  les  blancs  regagnent  le  pion  de  gambit  et  ont  un  jeu 
bien  développé. 

Gambit  Salvio  modifié. 

6 ^ë8-li^.„ 

Ce  coup,  indiqué  également  par  Salvio,  est  meilleur  que 
le  sambit  Salvio  simple. 

7.     d2  — d4  f4  — fo! 

Y  *    cl7  —  d6  est  beaucoup  plus  faible.  Les  blancs 

ont'le'Vhoix  entre  divers  coups  (8.  Fcl  p.  h6,  ou  8. 
g2  —  g3,  ou  8.  g2  p.  f3)  dont  aucun  ne  leur  donne  un 
jeu  égal. 
J       ^     8.     Fcl-f4  •  •  •/  • 

C'est  peut-être  le  meilleur  coup  des  blancs  a  ce  moment. 
8  d7  —  db 

9;  Ce5-d3  î?P-^^+ 

10.  Rflp.  g2  ™-gj. 

11.  c2-c3  Cb8-cb 
42.  Ff4— g3  Dh4  — e^ 


~  289  — 


ECHECS 


14.     Cbl  —  d2  0  —  0. 

45.     Ddl  — e2  Rg8  — h8 

et  les  noirs  ont  un  pion  de  plus  et  un  beau  jeu. 

HAînSTEIN  V.   DER  LASA 

Blancs  Noirs 

1 .  e2  —  e4  eT  —  eo 

2.  f2  -  f4  e5  p.  f4 
().  Cgi  —  f8  g7  —  g5 
4.     Ffl  —  c4  g5  —  g4 

3.  Cf3  —  e5  bd8  —  h4  + 

6.  Rel  -  fl  f4  -  f3 

7.  g2  p.  f3  dT  —  do 

8.  Fc4  p.  d5  Cg8  —  f6 

9.  Fd3  p.  f7  -f  Re8  -  e7 
10.  d2  — d4  Cb8  — c6 
41.  Ff7  —  c4  g4  —  g3 

12.  Rfl  —  e2  Cf6  p.  e4  ! 

13.  Cbl  —  c3]  

13.  f3  p.  e4  serait  suivi  de  13.  Cc6  p.  e5  ;  14.  d4  p.  eo, 
Fc8  -  g4  + 

13 Ce4  — f2 

14.  h2  p.  g3  !  Dh4  p.  g3 

14 Dh4  p.  hl  serait  suivi  de  15.  Fcl  —  g5  -f- 

lo.     Thl— gl  Dg3p.eo  + 

16.  d4  p.  eo  Cfe  p.  dl 

17.  Fcl— go  +  Re7  — d7 

18.  Talp.  dl  +  

Les  noirs  abandonnent. 

Gambit  de  Philidor  et  de  Gréco.  Dans  les  variantes 
précédentes  du  gambit  du  cavalier,  après  les  coups  : 
Blancs  Noirs 

1 .  e2  —  e4  e7  —  eo 

2.  f2  —  f4  e5  p.  f4 

3.  C^l  -  f3  g7  -  go 

4.  Ffl-c4  ..... 

Nous  avons  fait  jouer  aux  noirs  4 go  —  g4,  ce 

qui  oblige  les  blancs  aux  gambits  Muzio,  Cochrane  ou 
Salvio.  Mais  les  noirs  peuvent  également  jouer  : 
4 Ff8  — g7 

Ce  coup  est  le  coup  classique.  Il  assure  aux  noirs,  s'ils 
jouent  correctement,  la  meilleure  partie,  mais  il  les  laisse 
exposés  très  longtemps  à  de  vives  attaques.  Les  blancs  ont 
diverses  poursuites,  telles  que  :  5.  h2  —  h4,  5.  0  —  0, 
o.  d2  —  d4  ou  o.  c2  —  c3. 

Premier  jeu  : 

0.    h2-h4  h7-h6 

5.  g5  —  g4  serait  moins  bon  ;  6.  Cf3  —  g5,  Cfi[8  — h6; 
7.  d2  -d4,  f7  —  m  ;  8.  Fcl  p.  f4,  f6  p.  g5  ;  9.  Ff4  p.  g5 
(9.  h4  p.  g5,  Ch6  -  f7),  Fg7  -  Î6  ;  10.  Fgo  p.  h6  (les 
blancs  pourraient  jouer  10.  Ddl  —  d2  et  sacrifier  la  pièce 
qu'ils  ont  gagnée  en  échange  d'une  bonne  attaque), 
Ff6p.h4  +  ;  11.  Rel  —  d2,  Fh4  — go  +  ;  12.  Rd2  —  d3. 

6.  d2-d4  d7-d6 

.  (6 c7-c6;7.  e4— e5,  d7-d5;  8.  e5p.d6.) 

7.  c2  —  c3  go  —  0-4 

8.  Fcl  p.  f4  g4  p.  f3 

9.  Ddl  p.  f3  Fc8  —  eB 

Le  meilleur  coup  :  9 Cg8  —  f6  ou  9 

I)d8  —  e7  sont  moins  bons. 

10.  Cbl-d2  Cg8-e7 

11.  h4— h5  Fe6p.  c4 

12.  Cd2p.  c4  b7-bo 

13.  Cc4— e3  Cb8  — c6 
et  le  jeu  des  noirs  est  un  peu  meilleur. 

Deuxième  jeu  : 

Au  lieu  d'attaquer  les  pions  noirs  avec  5.  Ii2  —  li4,  les 
blancs  peuvent  jouer  ici  un  coup  de  développement  tel 
que  o.  0  —  0  ou  5.  d2  —  d4  ou  5.  c2  —  c3.  Ces  variantes 
sont  intéressantes,  mais  permettent  en  général  aux  noirs 
de  prendre  l'avantage. 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —    XV. 


Noirs 
e7  —  eo 
eo  p.  f4 


Gambit  du  fou. 

Blancs 

1.  e2  — e4 

2.  f2  —  f4 

3.  Ffl  — c4  

Le  troisième  coup  des  blancs  caractérise  ce  gambit.  On 

le  préfère  généralement  au  gambit  du  cavalier  3.  Cgi —f3, 
car  toutes  les  variantes  étudiées  amènent  à  cette  ^conclu- 
sion que  les  noirs  ne  peuvent  pas  conserver  sans  désavan- 
tage le  pion  du  gambit  et  qu'ils  égalisent  seulement  les 
jeux.  Ce  début  est  donc  une  des  ouvertures  les  plus  cu- 
rieuses, puisque  l'échec  Dd8  —  h4  -f ,  par  lequel  les  noirs 
enlèvent  aux  blancs  la  faculté  du  roc,  n'entraîne  pour  ceux- 
ci  aucun  désavantage.  Ceci  tient  en  grande  partie  à  ce  que 
la  dame  noire  est  mal  postée  en  h4.  Elle  peut  être  re- 
poussée avec  perte  d'un  temps  par  Cgi  —  f3,  et,  si  elle  se 
retire  en  h5,  place  qui  est,  en  général,  regardée  comme 
la  meilleure,  elle  reste  tellement  éloignée  de  l'aile  de  la 
dame  que  le  roi  noir  est  souvent  obligé  de  se  porter  en  d8 
pour  protéger  le  point  c7  menacé  par  le  cavalier  blanc 
venu  en  d5  ou  bo.  Dans  ce  cas,  les  noirs  perdent  aussi 
leur  roc. 
Premier  jeu  : 

3 Dd8  — li4  + 

4.  Rel-fl  §7-g5 

Ces  coups  représentent  la  défense  classique  dans   le 
gambit  du  fou.  Longtemps  ils  ont  passé  pour  excellents 

0.     Cbl— c3  

Ce  coup  est  très  fort. 

^^ Ff8-g7 

6.     dj  — d4  Cg8— e7 

6 d7  — d6  conduit  à  égaliser  les  jeux  après 

7.    Cgl-f3,   Dh4-h5;    8.    h2-h4,    h7  -  h6 

9.  e4  — e5,   d6  p.  eo  ou  Dh5  — g6   ou  g5  —  g4.  Les 

blancs  ont  deux  coups  qui  leur  donnent  une  bonne  attaque. 

A 

l    Cgl-f3  Dh4-ho 

8.  h2-h4  h7-h6 

9.  Rfl  — gl 

Si  les  blancs  jouaient  9.  e4  — eo,  les  noirs 'réplique- 
raient f7—  f6. 

^^ •  go  —  g4 

^^    9 Dh5— g6,    les  blancs   répliqueraient 

avec  avantage  10.  e4  — eo,  d7  — d6;  11.  Cc3  —  bo 
Cb8-a6;  12.  h4-ho,  Dg6-f5;  13.  e5  p,  do' 
c7  — c6;  14.  Ddl  —  e2.  ^ 

10.  Cf3-h2!  f4  — f3 

11.  g2p.  f3  g4p.  f3 

12.  Ch2p.  g3  d7— d() 

13.  Fc4  — e2  Fc8  — 2-4 

14.  Rfl  —  f2  f7  ~  fl 
Jeux  égaux. 

B 

^        ^'     g^^-g3!  

Ce  coup  est  le  meilleur. 

^ f4  p.  g3 

8.    Rfl-g2  Dh4-ht) 

(8 d7-d6;  9.   h2  p.  g3,  Dh4-g4:   10. 

Fc4  -  e2,  Dg4  -  d7  ;  11.  Fcl  p,  k.)  ""    ' 

,  '^-     h2  p.  g3  ..... 

(9.  Cgi  —  f3  est  également  recommandabîe.) 
9 Dh6-g6 

10.  Cgl-f3  h7-hr 

11.  Cc3-do  

C'est  le  meilleur  coup.  11.  Thl  —  fl  est  "plus  faible 
11 Ce7  p.  do 

12.  e4  p.  do  

et  dans  cette  position,  les  blancs  ont  l'avantage. 

Deuxième  jeu  : 

3 g7  —  go 

Ce  coup,  qui  est  le  meilleur  dans  le  gambit  du  cavalier, 
ne  suffît  pas  ici. 

19 


ÉCHECS 


—  290 


4.     h2  — li4  

La  meilleure  réplique  des  blancs. 

4 hT  — h6 

4  g5  — g4;  D.  d2  — d4,  Ff8  — e7;  6.  Fd  p.  f4, 

^.^g7  p,  li4  _L  ;  7,  o2  —  g3,  Fh4  —  e7  ;  8.   c2  —  c3, 
h7  i  h5  ;   9.  Ddi  -  b3,  ThS  -  h7  ;  10.  Thl  p.  h5, 

Th7  —  e7  ;  il.   Th5  —  li8  ;  ou  bien  4 h7  —  ho  ; 

5.    h4  p.  g5,  Dd8  p.  g5  ;   6.  Cgi  -  f3,   Dgo  -  g3  1 
7.  Rei-fl,d7-d6. 

Troisième  jeu: 

3 Cg8  —  fb 

Cette  défense  est  bonne. 

4.     Cbl  —  c3  ..... 

4^  e4  —  e5?  serait  suivi  de  4.  d7  —  do  ;  5.  Fc4  — bd, 
Cf6-e4;6.  Cgl-f3,Fc8-g4;  7.  0-0,  Cb8-c6. 


5.  Cgl-f3 

6.  0-0! 

7.  Cc3  — d5 

8.  e4  p.  do 

9.  Cf3  p.  eo 

10.  d2  — d4 

11.  c2  — c3 
42.     d4  p.  eo 

13.  Fcl  p.  f4 

14.  Tfl  p.  f4 
Jeux  égaux. 
Quatrième  jeu  : 

3 

Cette  défense  est  bonne. 

4.     Ddl  —  e2  

4    e4  p.  fo    serait   mauvais;    4 Dd8  —  li4  ; 

5.  Kel  --  fl,    f4  -  f3  ;   6.   Fc4  p.  g8,  f3  p.  g2  +  ; 
7.  Rfl  p.  g2,  Dh4  — go+. 


Cb8  —  c6 
Ff8  —  b4 
d7-d6 
Cf6  p.  do 
Cc6  —  e5 
d6  p.  eo 
Dd8  —  e7 
Fb4  —  d6 
Fd6  p.  eo 
Fe5  p.  f4 
0-0 


n  —  f  o 


Anderssen 

1. 

e2  —  e4 

2. 

f  2  -  f 4 

3. 

Ffl  —  c4 

4. 

Rel  —  fl 

0. 

Fci'  p.  bo 

il 

Col  -  f3 

7. 

d2  -  d3 

8. 

Cf3  —  h4 

9. 

Ch4  —  f3 

10. 

g2-_g4 

11. 

ïhl  —  gl 

)lan 

es  sacrifient  i 

11. 

KlESERITZKY 

e7  —  e5 
e5  p.  f4 
Dd8  —  h4  + 
b7  -  b5 

Cg8  —  m 

Dii4  —  h6 
Cf6  —  ho 
Dh()  —  go 
c7  —  c6 
Ch5  —  f6 


gure  pour  avoir  l'attaque. 
c6  p.  b5 

12.  h2  — h4  Dg5  — g6 

13.  h4  — ho  Dg6  — go 

14.  Ddl— f3  Cf6— g8 

Pour  faire  place  à  la  dame,  que  les  blancs  menaçaient 
par  lo.  Fcl  p.  f4. 

lo.     Fcl  p.  f4  Diio  — f6 


4. 

o. 

6. 

7. 

8. 

9. 
10. 
11. 
12. 


Rel  —  dl 

De2p.  e4  + 
d2— d4 
De4  p.  f4 
Fcl  —  f4 
Fc4  —  d3 
Cgi  —  e2 
c2  —  c3 


Dd8  —  h4  + 
fo  p.  c4 
Ff8  -  e7 
Cg8  —  f6 
Dh4  p.  f4 
d7— d5 
Fc8  —  g4  + 
Cb8  —  c6 
0-0-0 


Jeux  égaux. 

Cinquième  jeu  :  toutes  les  variantes  adoptées  jusqu'ici 
au  troisième  coup  par  les  noirs  réussissent  au  plus  à  leur 
donner  une  partie  égale  à  celle  des  blancs.  Le  coup 
3  ^ , .  (17  —  (15  fut  proposé,  il  y  a  une  vingtame  d'années, 
comme  le  meilleur.  On  le  regarde  aujourd'hui  comme  de 

même  force  que  3 f7  —  f5  ou  3 Cg8  —  f6. 

3 d7  —  d5 


A 


4. 

5. 

6. 

7. 

8. 

9. 
10. 
11. 
12. 
13. 
14. 
15. 
16. 


Jeux  égaux. 


Fc4  p.  do 
Rel  -  fl 
Cgi  —  f3 
h2  —  h4 
d2  — d4 
Cbl  —  c3 
e4  —  e5 
Fd5  —  e4  I 
Cc3  —  e2  î 
Rfl  -  gl 
h4  p.  go 
Fe4  p.  f3 
Fcl  p.  f4 


Dd8  —  li4  + 

Dh4  — h5 
Ff8  —  g7  ! 
CgS  —  e7 
}i7  -  h6 
0-0 
c7  —  c5  ! 
Cb8  — c6 
Cc6  p.  d4 
Cd4p.f3  + 
Dh5  p.  g5 


Blancs 

4.  e4  p.  d5 

5.  Rel  —  fl 

6.  d2  —  d4 


et  les  noirs  ont  la  meilleure  position . 


Noirs 
Dd8  —  h4 
Ff8  —  d6 

CgS  —  e7 


16.  Cbl— c3 

17.  Cc3  — d5 


Ff8  —  co 
Df6p.  b2 


Fi 


,  —  Position  de  la  partie   après  le  17«  coup 
des  noirs. 


18.    Ff4-d6!  

Très  bien  joué.  Cette  fin  de  partie  est  de  premier  ordre. 


18. 


(18 Fc5p.  d6;  19.  Cfo  p. 

20.  Cd6  p.  f7  +,  mat  en  4  coups.) 

19.  e4  — e5! 

20.  Rfl  —  e2 


Fc5  p.  gl 

d6_j_,  Re8-d8; 

Db2  p.  al4- 
Cb8  —  a6 


Les  blancs  forcent  le  mat  en  trois  coups. 


Re8  —  d8 
Cg8  p.  f6 


21.  Cf5p.  g7  + 

22.  Df3  — f6-f- 

23.  Fd6  — e7+  

et  mat. 

Gambit  du  fou  limité. 

Blancs  Noirs 

1.  e2  — e4  e7  — e5 

2.  f2  —  f4  e5  p.  f4 

3.  Ffl  —  e2  

Ce  coup  a  son  origine  dans  la  remarque  que  dans  nombre 
de  variantes  de  la  défense  classique  du  gambit  du  fou,  le 
retour  du  fou  en  e2  est  avantageux.  On  ne  saurait  recom- 
mander ici  aux  noirs  3»   Dd8  —  li4  -j-  ^t  4 

g7  __.  ^5,  car  les  blancs  prendraient  l'avantage  avec  5. 
Cbl  —  c3  et  6.  d2  —  d4.  Les  noirs  doivent  se  développer 
le  plus  rapidement  possible. 


-  291 


ECHECS 


Gambit  du  roi  ir régulier. 

Blancs  Noirs 

i .     e2  —  e4  eT  —  e5 

2.  H  —  f4  e5  p.  f4 

Dans  les  variantes  assez  peu  usitées  que  nous  donnons 
ci-dessous,  les  blancs  jouent  3.  h2  —  M  afin  d'empêcher 

3 g"^  —  gS,  ou  bien  attaquent  le  fou  f4  avec  la  dame. 

Ces  variantes  sont  médiocres  pour  les  blancs. 

Premier  jeu  : 

3.  h2  — h4  ^        

C'est  le  gambit  de  la  tour  du  roi. 

3: Ff8-e7 

4.  Cgi— f3  

4.  Ddl  —  s4  n'est  pas  meilleur. 

4.    \  .  .  ,  ,  C-8-f6 

0.  Cb'l  —  c3  d7  —  do 

6.  e4  p.  do  Cf6  p.  do 

7.  Cc3p.  d5  Dd8p.  do 

8.  d^2  —  d4  Fe7  —  d6 

9.  c2  —  c4  Ddo  —  e6  + 
iO.  Ffl  — e2  c7  — c6 

il.     Ddl— b3  0  —  0 
Deuxième  jeu  : 

3.  Ddl— f3  Dd8  — li4  + 

4.  Df3  —  f2  Dh4  p.  n  + 

5.  Rel  p.  f^2  Ff8  —  co  -f 

6.  im  —  f3  Fc5  p.  gl 

7.  Thl  p.  gl  g7  —  g5 

8.  h2  — li4  h7— h6 
Troisième  jeu  : 

3.  Ddl  —  g4  d7  —  do 

4.  D§4  p.  f4  Ff8  —  d6 

5.  e4  —  eo  

5.  Df4  —  f3  amènerait  5 Dd8  —  li4  +  suivi  de 

6 Dh4p.  e4+, 

5 Dd8-e7 

6.  d2  — d4  f7-f6,  etc. 
Gambit  du  roi  refusé.  On  a  vu  qu'après  avoir  accepté  le 

gambit,  les  noirs  obtiennent  l'avantage  dans  toutes  les  va- 
riantes s'ils  jouent  correctement.  Le  refus  du  gambit  amène 
à  des  parties  égales.  11  peut  se  faire  de  trois  manières. 
Blancs  Noirs 

1 .  e2  —  e4  e7  —  eo 

2.  f2  —  f4  

Premier  jeu  : 

^2 d7  — d6 

3.  Ffl  —  c4  

3.     Cgi  —  f3  est  aussi  bon. 

3 Cg8  — f6 

4.  Cbl  —  c3  Fc8  —  g4 

5.  Cgl  —  f3  Cb8  —  c6 

6.  0-0  Fg4  p.  f3 

7.  Ddl  p.  13  

Jeux  égaux. 

Deuxième  jeu  : 

2 Ff8  — c5 

3.  Cgl  —  f3  d7  —  d6 

4.  c2  —  c3  Fc8  —  g4 
6.     Ffl— e2  

Pour  occuper  le  centre  avec  d2  —  d4  sans  désavantage 
de  position, 

5.  .....  Fg4  p.  f3 

6.  Fe2  p.  f3  Cb8  —  c6,  etc. 
Troisième  jeu  : 

2 d7  —  do 

La  partie  suivante  donne  un  exemple  de  ce  jeu. 

ScHULTEN  Paul  Morphy 

Blancs  Noirs 

1 .  e2  —  e4  e7  —  e5 

2.  f2— f4  ^J  —  ^'^ 

3.  e4  p.  do  eo  —  e4 

4.  Cbl— c3  ^     ..... 
Ce  coup  ne  vaut  pas  4.  Ffl  —  bo-j-. 


Cg8  —  m 

Ff8  —  b4 
e4  —  e3  ! 
0  —  0 

Fb4  p.  c3 

Tf8  —  e8  + 
Fc8  —  g4 


0.  d2  —  d3 

6.  Fcl  —  d2 

7.  Fd2  p.  e3 

8.  Fe3  —  d2 

9.  b2  p,  c3 

10.  Ffl  — e2 

11,  c3  — c4?  

Les  blancs,  par  ce  coup  et  le  suivant,  laissent  aux  noirs 

tant  de  temps  que  leur  attaque  devient  irrésistible, 

11.  ,  .  .  ,   .  c7  — c6 

12.  do  p,  c6?  Cb8  p.  c6 

13.  Rel  — fl  Te8p.  e2! 

14.  Cgl  p.  e2  Cc6  — d4 

15.  Ddl— bl  Fg4p,  e2  + 

16.  Rfl  —  f2  Cf6  — 2[4 

17.  Rf2  —  gi  ,   .  ,  .  . 

Les  noirs  forcent,  le  mat  en  sept  coups  ;  17.    ,,.,  Cd4 

—  f3+  ;  18.  g2  p,  f3,  Dd8  —  d4  +;  19.  Rgl  —  g2, 
Dd4  —  f2  +  ;  20  Rg2  —  h3,  Df2  p,  f3  -f  ;  21 .  Rh3  —  h4, 
Cg4  —  li2  ;  22.  Dbl'—  gl ,  Df3  —  h3  +  ;  23,  Rh4  —  g5. 
Dh3  —  ho  -|-  et  mat. 

Parties  fermées.  —  Les  parties  fermées  se  distinguent 
d'ordinaire  des  parties  ouvertes,  non  seulement  par  leur  dé- 
but, mais  par  leur  allure  générale.  Elles  conduisent  de  part 
et  d'autre  à  des  positions  solides,  moins  exposées  aux  atta- 
ques des  pièces  adverses  et  par  cela  même  moins  intéres- 
santes. On  a  remarqué  que  la  plupart  d'entre  elles  peuvent  être 
transformées  en  parties  ouvertes  au  début  par  l'un  ou  l'autre 
des  joueurs  et  surtout  par  celui  qui  a  débuté  ;  mais  que,  vers 
le  milieu,  toute  tentative  faite  pour  les  transformer  en  parties 
ouvertes,  tourne  en  général  au  détriment  de  celui  qui  la  fait. 
La  conduite  d'une  partie  fermée  est  très  difficile;  il  arrive 
beaucoup  plus  fréquemment  que  dans  les  parties  ouvertes 
qu'un  seul  coup  de  pion  compromette  le  jeu  tout  entier. 

Les  ouvertures  de  ce  genre  se  rattachent  à  deux  types 
différents  :  1°  les  blancs  avancent  les  pions  du  roi  de  deux 
pas;  e2  —  e4,  mais  les   noirs  répondent  par  1 e7 

—  e6  (partie  française),  ou  1 c7  —  co  (partie  sici- 
lienne) ou  1.  .,.,.  d7  —  do  ;  2<^  les  blancs  jouent  au  pre- 
mier coup  1.  d2  —  d4,  1.  f2  —  f4,  1.  e2  —  e3  ou  tout 
autre  coup  analogue. 

Partie  française. 

Blancs  Noirs 

1.  e2  — e4  e7  —  e6 

Cette  réplique  est  très  correcte  ;  elle  conduit  à  des  situa- 
tions uniformes. 

2.  d2  — d4   ^  ..... 

2.  f2  —  f4  est  moins  bon.  Les  noirs  répondraient 
2 c2  —  c4. 

2 d7-d5 

3.  Cbl  — c3  

3.  e4  —  eo  est  un  peu  aventureux  ;  3.  e4  p.  do, 
e6  p.  d5  ;  4.  Cgl  -  f3,  Cg8  -  f6  ;  5.  Ffl  -  d3,  Ff8  -d()  ; 
6.  0  —  0,  0  —  0  égaliserait  les  jeux. 

A 
3 Ff8-b4 

4.  Ffl  —  d3  c7  —  c5 

5.  e4  p.  do  Dd8  p.  do 

6.  Fd3  —  b5  +  Cb8  —  c6 

7.  Cgl  —  f3  c5  p.  d4 

8.  Fbo  p.  c6  -f  b7  p.  c6 

9.  Ddl  p.  d4  Fb4  p.  c3  -f 

10.  b2p.  c3  Cg8  — f6 

11.  0  —  0  

et  les  jeux  s'égalisent. 

B 

3 Cg8  — f6 

4.     e4  p,  do  e6  p,  do 

o.     Ffl  —  d3  c7  —  c6 

6.  Cgl-f3  Ff8-d6 

7.  0-0  0  —  0 
et  les  jeux  s'égalisent. 


ÉCBbXS 


29^2  — 


Partie  sicilienne.  Cette  partie  est  caractérisée  par  : 
Blancs  Noirs^ 

j  ^     e2 e4  c  /  —  co 

Cette  réplique  des  noirs  est  très  correcte  ;  quelques 
joueurs  la  préfèrent  même  à  e^2  -  e4.  Les  blancs  peuvent 
poursuivre  de  diverses  manières,  dont  la  meilleure  est  : 

2.  Cgi  —  f3  6^^  -~^^ 

La  meilleure'^réplique  des  noirs  :  2 Cb8  —  c6, 

est  plus  faible. 

3.  Cbl  —  c3  •  •   •   r  •  u 

3.  d2  —  d4  égalise  les  jeux,  mais  est  moms  bon  que 

3.  Cbl  -  c3.  ^^^        . 

3      .      .   .  .  Cb8  —  c6 

4;     f^2  — ii'  c5p.  d4 

0.  Cf3p.d4  ^g^~l^', 

6.  Fcl-e3  Ff8-b4 

7.  Ffl— d3  d7— do 

8.  Cd4  p.  c6  b7  p.  cb 

9.  e4  —  e5  ^^'>  —  ^^^ 
10.  0  —  0  

Jeux  égaux. 
Contre-gambit  du  centre. 

Blancs  ^ï'^''^- 

1.  e2  — e4  d7  — do 

Cette  réplique  des  noirs  est  faible. 

2.  ei  p.  do  •;•/,*•        * 
Les  noirs  prennent  avec  leur  dame,  les  blancs  jouent 

Cbl  -  c3  et  amènent  leur  cavalier  dans  le  jeu  avec  attaque 

sur  la  dame  ;  si  les  noirs  jouent  2 Cg8  —  tb,  les 

blancs  répliquent  d2  -  d4  et  obtiennent  une  avance  dans 
le  développement. 

Fianchetto  di  Donna. 

Blancs  J^°'^^.. 

4.     e2  — e4  b7  —  bb 

Cette  réplique  des  noirs  ne  saurait  être  appelée  incor- 
recte; elle  est  pourtant  moins  bonne  que  1.  .....  e/  —  e5, 

oui e7-e6,  oui ^V""*^ 

2.  d2  —  d4  e7  —  e6 

3.  Ffl-d3  Fc8-b7 

4.  Cbl-c3  Cg8-fô 

5.  Cgi  —  f3  c7  —  co 
Fianchetto  del  Re.  . 

Blancs  Noirs 

4.     e2  — e4  g'— g^ 

Pour  placer  le  fou  en  g7,  les  blancs  peuvent  jouer  : 

2.  f2  —  f4  e7  —  e6 

3.  Cgl-f3  ^'-^^. 

4.  (12  —  d4  d7  —  do 

5.  Cbl  — c3  Ff8-g7,etc. 
Parties   fermées  de  part  et  d'autre.  Nous  arrivons 

maintenant   aux  parties   où   les    blancs    ne  jouent  pas 
4.  e2  —  e4. 

Ouverture  de  Yant  Kruyt. 

Blancs  ^'^^'^^ 

1.  e2  — e3  ^ 

Les  blancs  en  jouant  ce  coup  se  proposent  d'engager 
par  ''>  c2  -—  c4  une  partie  sicilienne  avec  un  coup  d  avance 
si  les^  blancs  répliquent  1.  e7  —  eo,  mais  ceux-ci  peuvent 

^^^P^^^^'^i f7-fo 

Il  y  a  alors  diverses  répliques,  telles  que  : 

2.  d2-d4  ?7o~'m 

3.  c2  -  c4  Cg8  -J6 
4  f^2  —  fi  c7  —  c5 
r>*.  d4  -  do  Dd8  —  c7 

6.  Cgl-f3  Ff8-c7 

7.  Ffl-e2  0-0 

8.  0-0  

Blancs  .J^^Kl 

1.     c2-c4  n-fo  ^ 

Celte  ouverture  se  rapproche  de  la  précédente  ;  elle  n  en 
diffère  la  plupart  du  temps  que  par  l'ordre  des  coups. 


Ouverture  avec  le  pion  du  fou  du  roi. 

Blancs  Noirs 

1.     f2  — f4  

Cette  ouverture  se  rapproche  des  deux  précédentes.  Les 

noirs  répliquent  au  mieux  1 f7  —  fo,  1 .    

e7— e6,  1 c7  —  co,  1 d7  —  do. 

Ouverture  du  pion  de  la  dame. 

Blancs  Noirs 

1.     d2  — d4  

Cette  ouverture  est  classique.  Les  noirs  peuvent  répondre 

par  1 ci7  -  do,  1 f 7  —  f5,  1 

eT  —  e6.  En  ce  qui  concerne  la  dernière  réplique,  nous 
nous  contenterons  de  remarquer  qu'après  2.  c2  —  c4, 
dT  —  do,  elle  se  confond  avec  le  gambit  de  la  dame  refuse 
1.  cl2  —  d4,  d7  —  do  ;  2.  c2  —  c4,  e7  —  e6  ;  ou  bien 
qu'après  2.  c2  —  c4,  f7  —  fo  elle  se  confond  avec  une  va- 
riante de  la  seconde  réplique,  ou  enfin  qu'après  2.  e2  —  e4, 
d7  _  do,  on  retombe  dans  la  partie  française. 
Gambit  de  la  dame. 

Blancs  Noirs 

1.  d2  — d4  d7  — d5 

2.  c2  —  c4  

Ce  coup  caractérise  le  gambit  de  la  dame.  Contrairement 
à  ce  qui  arrive  dans  le  gambit  du  roi,  les  noirs  ont  intérêt 
à  refuser  le  gambit  de  la  dame. 

Gambit  accepté. 

02 d5  p.  c4 

3.  ê2-^e3!  

Cette  réplique  des  blancs  est  meilleure  que  3.  e2  —  e4, 

ou  3.  Cbl  —  c3. 

3 e/  —  60 

La  tentative  de  conserver  le  pion  du  gambit  avec  3.  ..... 

b7  _  bo,  est  mauvaise  à  cause  de  4.  a2  —  a4,  c7  —  cb  ; 

5.  a4  p.  b5  cb  p.  bo  ;  6.  Ddl  —  f3.  De  même  3.  ..... 

f7  __  f5  est  à  rejeter  à  cause  de  4.  Ftl  p.  c4,  e7  —  eb  ; 

5.  Ddl  —  b3  ;  et3. c7  —  c5  à  cause  de4.  Ffl  p.  c4, 

cop.  d4;  5.  e3p.  d4,  Cb8  -  c6  ;  6.  Cgi  -  e2  e7  -  e5; 

7/Fcl   -  e3,  er)  p.   d4;  8.  Ce2  p.  d4,  Cc6  p.  d4  ; 

9.  Fe3  p.  d4,  Dd8-e7  +  ;  10.  Fc4  -e2,  De7  -  b4  +; 

11.  Ddl  -  d2,  Db4  p.  d2  +  ;  12.  Cbl  p.  d2 

0.     Ffl  p.  c4  *  *   '10  *    ji     I 

4  d4  p.  eo  serait  mauvais  à  cause  de  Dd8  p.  dl  + 

5.   Rel  p.  dl,  Cb8  -  c6  ;  6.  Cgi  -  f3,  Fc8  -  e6 

7   Cbl  --  d2,  0  —  0  —  0  ;  8.  Rdl  —  c2,  Ccb  —  b4  + 

9*.  Rc2  —  c3,  Cb4  -  d3;  10.  Ffl  p.  d3,  Td8  p.  d3  -f 

.4 eo  p.  d4 

n'     ê3*p.*d4  Cg8  — f6 

/^^^    .;; . ,  [é  -  db  ;   b.  Cgi   -  f3,  Cg8  -  fb 

7  0-0    0  —  0  et  la  position  des  blancs  est  meilleure. 
5.     Odl  —  b3  Dd8  —  e7  + 

7.     Ci^l-e2  De7-b4  + 

cEl  _  c3  Db4  p.  b3 


9.     Fc4  p.  b3 


Ff8  -  e7 


et  les  blancs  ont  un  meilleur  développement. 
Gambit  de  la  dame  refusé. 

2 e7  —  eb      _ 

Ceci  est  la  meilleure  manière  de  refuser  le  gambit. 

3.  Cbl  -  c3  c7  -  c5 

4.  e2  —  e3  Cg8  —  fb 

0.  Cgi  -  f3  Cb8  —  cb 
b.     a2  —  a3  a7  —  ab 
7      1)2  —  b3  b7  —  bb 

8.  Fcl  —  b2  Fc8  —  b7 

9.  c4  p.  do  eb  p.  do 
40.  Ffl  —  d3  eo  p.  d4 

11.  e3p.  d4  Ff8-db 

12.  0—0  0-0 
Les  jeux  sont  égaux. 

La  Bourdonnais  Mac-Donnell 

Blancs  Noii"S,^ 

1.  d2  -  d4  d7-do 

2.  c2  —  c4  do  p.  c4 

3.  e2  —  e3  e7  —  eo 


^93 


ÉCHIXS 


4.  Ffl  p.  c4  e")  p.  d4 

5.  e3  p.  di  C^8  —  m 

6.  Cbl  —  c3  FÏ8  —  e7 

7.  Cgi  —  f  3  0—0 

8.  Fcl  —  eo  c7  —  c6 

9.  h2  —  h3  Cb8  —  d7 
10.  Fc4  —  b3  Cd7  —  bO 
M.     0  —  0  Cf6  — dr) 

12.  a2  —  a4  a7  —  aa 

13.  Cf3  —  e5  Fc8  —  e() 

14.  Fb3  —  c2  n  —  f5 

15.  Ddl  —  e2  f5  —  f4 

16.  Fe3  —  d2  Dd8— e8 

17.  Tal  —  el  Fe6  —  f7 

18.  De2  — e4  g^  —  g6 

19.  Fd2  p.  f4  Cdo  p.  f4 

20.  De4  p.  f4  Ff7  —  c4 

21.  Df4  — h6!  Fc4p.  fJ 

22.  Fc2  p.  g6  h7  p.  g6 

23.  Ce5  p.  g6  Cb6  —  c8 
Seul  moyen  de  protéger  le  fou. 

24.  Dh6  —  h8+  Rg8  —  H 
23.     Dh8  —  h74-                 Rt7  —  f6 

26.  Cg6  —  f4  !  Ffl  —  d3 
Pour  parer  à  27.  Cc3  —  e4  4-  et  mat. 

27.  Tel  -  e6+  Rf6  —  g5 

28.  Dh7  —  h6+  Rgo  —  fo 

29.  Te6  -  e5-|-  et  mat. 
Partie  hollandaise. 

Blancs  Noirs 

1.  d2-d4  f7  — f5 

Si  les  noirs  jouent  plus  tard  d6  —  d5,  cette  partie  se 
ramène  au  gambit  de  la  dame  refusé.  Mais  ce  coup  n'est 
pas  à  recommander.  Dans  les  parties  fermées,  il  est  sou- 
vent avantageux  de  ne  pas  avancer  le  pion  de  la  dame,  qui 
soutient  le  pion  du  roi  et  protège  les  cases  e5  (e4)  contre 
les  cavaliers  ennemis.  La  partie  sera  conduite  d'après  les 
principes  des  jeux  fermés.  Voici  par  exemple  quelques  coups 
empruntés  à  une  partie  de  Harrwitz  (blancs),  et  Morphy 
(noirs)  : 

2.  c2  —  c4  e7  —  e6 

3.  Cbl  —  c3  C£^8  —  m 

4.  Fcl  -  g5  1Ï8  —  e7 
o.     e2  -  e3                        0-0 

6.  Ffl  -  d3  b7  —  b6 

7.  Cgi  -  e2  Fc8  —  b7 

M.  Arnous  de  Rivière  a  montré  que  les  blancs  peuvent 
transformer  cette  partie  en  une  partie  ouverte  en  jouant 
2.  e2  —  e4. 

2.  e2  —  e4  f5  p.  e4 

3.  Cbl  -  c3  Cg8  -  m 

4.  Fcl  —  go  c7  —  c6 

La  tentative  de  garder  le  pion  pris  en  jouant  4 d7 

—  d5,  échouerait  "par  o.  FgD  p.  f6,  e7  p.f6;  6.  Ddl  — 

—  h5-f-,  g7  — g6;  7.Dh3p.  do. 

5.  Fg5  p.  f6  e7  p.  f6 

6.  Cc3  p.  e4  d7  —  do 

7.  Ce4  —  g3  Ff8  —  d6 

8.  Ffl  —  d3  0-0 

9.  Cgi  —  e2  Fc8  —  e6 
10.     0-0                         Cb8  —  d7 

Les  jeux  sont  égaux. 

Ouvertures  irrégulières.  Enfin  les  blancs  peuvent  débu- 
ter par  divers  coups  plus  ou  moins  fantaisistes.  Ils  joue- 
ront par  exemple  1 .  a2  —  a3  afin  d'engager  la  partie  sici- 
lienne avec  un  coup  d'avance  si  leur  adversaire  répond  e7 

—  e5. 

Parties  à  avantage.  Après  avoir  donné  la  théorie  des 
principaux  débuts  où  chaque  joueur  a  toutes  ses  pièces,  il 
importe  de  dire  quelques  mots  des  parties  à  avantage. 

i .  Donner  le  mat  sur  une  case  désignée. 

2.  Donner  le  mat  avec  une  pièce  désignée. 

3.  Le  pion  coiffé  :  il  s'agit  de  faire  mat  avec  un  pion 


qui  est  d'habitude  le  pion  du  cavalier  du  roi  et  que  l'on 
coiffe  d'une  sorte  de  bonnet.  Le  pion  ne  peut  aller  à  dame  ; 
si  l'on  fait  mat  avec  une  autre  pièce  on  perd  la  partie. 

4.  Donner  le  mat  avec  un  pion  quelconque. 

o.  Compter  comme  perdues  les  parties  nulles. 

{).  Donner  à  la  dame  les  mouvements  du  cavalier. 

7.  Qui  perd  gagne. 

8.  La  partie  des  pions.  On  admet  que  la  dame  vaut 
huit  pions.  Un  des  joueurs  ôte  sa  dame  de  l'échiquier  et 
place  les  huit  pions  où  il  veut  dans  sa  moitié  d'échiquier. 
La  tour  vaut  quatre  pions;  le  fou  et  le  cavalier  trois. 

9.  Rendre  la  dame. 
10.  Rendre  la  tour  de  la  dame. 
d3.  Rendre  la  tour  de  la  dame  en  échange  du  cavalier 
de  la  dame. 

14.  Rendre  un  cavalier. 

15.  Pion  et  deux  traits.  Quand  on  ne  peut  plus  faire  à 
quelqu'un  l'avantage  d'une  pièce,  on  se  mesure  contre  lui 
à  pion  et  deux  traits. 

Voici  quelques-uns  des  débuts  de  cette  partie  ;  on  enlève 
aux  noirs  le  pion  du  fou  du  roi  : 

Blancs  Noirs  Blancs  Noirs 


1 .  e2  —  e4 

2.  d2  — d4 

3.  Ffl 

4.  e4  —  e5 

5.  h2  — h4 

6.  f2  -  f4 

7.  h4  —  li5 

8.  Ddl  —  g4 

Blancs 

1.  e2  — e4 

2.  d2— d4 

3.  e4  —  eo 


e7  —  e6 
d3    c7  —  c5 

gj-g6 
co  p.  d4 
Cg8  —  e7 
Ff8-g7 


Noirs 

Cb8  — c6 
d7  — do 


4.  Ffl  —  d3    Fc8  —  e6 


5.  Cgi  —  f3 

6.  0-0 

7.  c2  —  c3 


Dd8  —  e7 
0  —  0-0 

g^  — g6 


Fcl  —  e3    Cg8  —  h6 
Cb8  — d7   Ff8— g7 


1.  e2  — e4 

2.  d2  — d4 

3.  Ffl  —  d3 

4.  e4  —  e5 

5.  f2  — f4 

6.  h2  — h4 

7.  g2  — g4 


d7— d6 
Cb8  —  d7 
g7  — g6 
Ff8  —  g7 
Cd7  — f8 


Blancs 

e2  —  e4 
d2  —  d4 
Ddl— ho + 
Dho  p.  c5 
c2  —  c3 
Dc5  —  c4 
Fcl  —  s5 


Noirs 

c7  — c5* 

g7-g6 
Cb8  —  c6 
e7  — e5 
C28  —  Î6 


10.  b2  — b4 

16.  Pion  et  trait.  Cette  partie  remonte  à  la  plus  haute 
antiquité.  L'avantage  est  beaucoup  moins  fort  que  dans  la 
partie  précédente.  Dans  la  partie  de  pion  et  trait  le  second 
joueur  peut  roquer  le  plus  souvent.  —  On  enlève  aux 
noirs  le  pion  du  fou  du  roi. 

Les  blancs  débutent  par  1 .  e2  —  e4  et  les  noirs  ré- 


po 
ou 

nueni par  1 
1 

t^uo  - 

d7-d6 

-  c 

J,  uu   1.     .  .  . 

.  .  e  j  —  eu 

Blancs 

Noirs 

Blancs 

Noirs 

i. 

e2  —  e4 

Cb8  —  c6 

1. 

e2  —  e4 

d7  — d6 

2. 

d2-d4 

d7  —  d5 

2. 

d2-d4 

Cg8  —  f6 

3. 

e4  —  e5 

Fc8  —  fo 

3. 

Cbl  —  c3 

Cb8  -  c6 

4. 

Fcl  —  e3 

e7  — e6 

4. 

d4  —  d5 

Cc6  —  e5 

5. 

Cgi  -  f3 

Cg8  —  e7 

5. 

f2  — f4 

Ceo  -  f7 

6. 

Ffl  —  d3 

Ffo  p.  d3 

6. 

Cgi  -  f3 

e7  —  e5 

7. 

Ddl  p.  d3 

Théorie  des  fins  de  partie.  —  Nous  étudierons  d'abord 
les  divers  cas  de  mat  simple,  c.-à-d.  ceux  que  l'on  obtient 
contre  le  roi  seul. 

Roi  et  dame  contre  le  roi.  Ce  mat  se  fait  en  acculant 
le  roi  ennemi  contre  les  bords  de  l'échiquier  au  moyen  de 
sa  dame  et  en  soutenant  celle-ci  au  moyen  de  son  roi.  Soit 
par  exemple  le  roi  noir  en  e5,  le  roi  blanc  en  e\  ,  la 
dame  blanche  en  dl,  le  mat  s'obtiendra  de  la  manière  sui- 
vante :  1.  Ddl  —  d3,  Re5  —  f4;  2.  Rel  —  82,Rf4  —  e5  ; 
3.  Re2  —  e3,Reo  —  e6  ;  4,  Re3  —  f4,Re6  —  f7  ;  5.  Dd  3 

—  d6,  Rf7  —  g7;   6.  Rf4  —  fo,  Rg7  —  f7;  7.  Dd6 

—  d7+  (il  faut  veiller  à  ne  pas  faire  le  roi  pat),  Rf7 

—  f8  ;  8.  Rfo  -  g6,  Rf8  -  g8  ;  9.  Dd7  —  d8  +  et  mat. 


ÉCHECS 


—  294  — 


Roi  et  tour  contre  le  roi.  Au  moyen  de  la  tour  sou- 
tenue par  le  roi,  on  pousse  le  roi  ennemi  au  bord  de  1  échi- 
quier, on  place  son  roi  en  face,  et  la  tour  donne  le  ma  . 
Soit  par  exemple  le  roi  noir  en  e8,  le  roi  blanc  en  eb,  la 
tour  blanche  en  eS;  si  c'est  aux  blancs  à  jouer,  le  nwt  a 
lieu  en  trois  coups  :  1.  Te5  à  volonté,  Re8  -  d«  ;  2.  1 
ioue  dans  la  lii^ne  c.  Le  roi  noir  revient  en  eS;  d.  i  va 
en  c8+  et  mat.  Si  c'est  aux  noirs  à  jouer,  le  mat  a  heu 
en  dera  coups  •  1. .....  Re8  -  d8;  3.  Teo  -  ca,  Rd8 

_  °8  •  3.  Tco  -  c8+  et  mat.  On  peut  avec  une  tour 
faire  le  roi  adverse  mat  sur  une  case  du  bord  de  1  échi- 
quier donnée  d'avance.  ,  f  „^  no,.vont 
^  Roi  et  deux  fous  contre  le  roi.  Les  fous  ne  peuvent 
faire  le  roi  mat  que  dans  un  coin.  Soit  le  roi  noir  en  e8, 
le  roi  blanc  en  el,  les  fous  blancs  en  cl  et  fl  :  1.  Hl 
_  d3,  Re8  -  d8  ;  2.  Fcl  -  iL  Rd8  -  e  -  ;  o.  Rel  -  «2, 
Re7  L  f6;  4.  Re'i  -f3,  Rf6  -  ej  ;  8.  U^  -  to,  Re7 
_  f6 ;  6.  Rf3  -g4,  Rf6  -  e7  ;  7.  Rg4  -  go,  Re7  - e8 
s  RoH  ffi  Re8  —  d8;  9.  F  4  —  d6,  Rd8  —  e8 
iS^^  -  f8j  H,  FfS  -  d7,  Rt;8  -  gj 
407  nfg  _  „to,  Rg8  —  h8  ;  -13.  Fc7  —  d6,  Rh8  —  g8 
\X  FdT  _e6+,  Rg8-li8;  18.  Fd6  --  eo+et  ma 

Roi,  fou  et  cavalier  contre  le  roi.  Parmi  les  mats 
simplet,  celui-ci  est  le  plus  difficile.  11  ne  peut  se  'aire  que 
dans  le  coin  de  la  couleur  du  fou.  S'il  se  réfugie  dans  le 
coin  inverse,  le  cavalier  et  le  fou  l'en  délogeront  en  com- 
binant leurs  mouvements.  Quelle  que  soit  la  position  que  1  on 
donne  aux  pièces,  ce  mat  s'obtient  en  trente-cinq  a  rente- 
huit  coups  au  plus.  Plaçons  le  roi  noir  en  e8,  le  roi  blanc 
en  el ,  le  fou  blanc  en  fl ,  le  cavalier  en  bl  :  1 .  Rel  -  ei, 
Re8  -  e7  ;  2.  Re2  -  e3,  Re7  -  eb;  3.  Re3  -  e4 
Re6  -  fb  4.  Ffl  -  c4,Rf6  -  g6;  S.  Re4  -U^Kg 
_  fb ;  6.  Cbl  -  c3,  Rfb  -  gb ;  7.  Ce  - e4,  Rgo -hb 

8.  Rf4  -  fo,  Rbb  -  b7  (8 Rbb  -  g7;  9.  Rfo 

_  gS,  Rg7  -  f8  ;  10.  Rg6  -  f6,  Rf8  -  e8;  11.  M 
_kRe8-d8';12.Ce4-d6,Rd8-e7;13.Cdb 

—  c4,  etc.,  voir  la  suite  en  C;  ou  bien  :  8.  .....  Khb 

_  h5   9.  i,'c4  _  e2+  Rh8  -  h4;  10.  Mo  -  gb,  voir 
la  suite  en  R)  ;  9.  RfT-  f6,  Rh7  --  h8    9.  .....  Rh 

_  hb;  10.  Fc4  -  e2,  Rhb  -  h7  ;  11.  Ce4-  db,  Rh7 
_  g8-  12.  Cd6—  f7,  voir  la  suite  en  A);  '10.Ce4— ab, 
Rh8  -  h7  ;  11.  Cdb  -  n,  Rii7  -  g8  ;  12.  M  -  do, 
RcS  -  f8;  13.  Fd3  -  h7,  Rf8  -  e8;  14.  Uv  -  eo. 
dIus  cette  position  les  noirs  ont  deux  manières  de  jouer, 
et  les  blancs  deux  répliques  à  la  seconde. 

A  14  ..Re8  —  18;  lo.Ceo— d7-(-,  Rt8— c8 
16.  Rf6-  eb,  Re8  -  d8;  17.  Re6  -  db,  M8  -  e8 
(17  .Rd8  -  c8;18.  Cd7  -c8,Rc8  — d8  ;  19.  Fh7 
L  gé  etc.)  ;  1 8.  Fh7  -  g6  +  Re8  -  d8  ;  1 9./gb  -Xi, 
Rd8  -c8  20.Cd7  -  co,  Rc8-d8;  21.Cco-b7+, 
Rd8  -  c8  ;  22.  Rdb  —  c6,  Rc8  -  b8  ;  23.  Rcb  —  bb, 
Rb8  -  c8  ;  24.  FIT  -  e6+  Rc8  -^'^i^^^f  -'^l 
Rb8—  a8;  2b.  Feb  -  d7  (ou  io,  h3,  g2),  Ra8  -  b8 , 
27.  Cc5  -  a6+,  Rb8  -  a8  ;  28.  rd7  -  cb+  et  mat. 
Si  l'on  veut  donner  le  mat  avec  le  cavalier,  on  joue  :  2b.  F  eb 

—  c8,  Ra8  -  b8;  27.  Fc8  -  ab,  Rb8  -  a8;  28.  I<a6 
_  b7-4-,  Ra8  —  b8;  29.  Cco  —  ab+  et  mat.  ^ 

B  14 Re8— d8;18.Rfb  — e6,Rd8— c7;16.Ceo 

_  d7,  Rc7  -  cb;  17.  Fh7  -  d3,  Rcb  -  c7;  18.  Fd3 

—  e4  Re7  —  d8  ;  19.  Reb  —  d6,Rd8  —  c8;  20.  I'e4 
_  d5,'  Re8  -  d8;  21;  Fdo  -  f7,  Rd8  -  c8;  22.  Cd7 

—  c8  et  la  suite  comme  en  A. 
C   14 Re8  —  d8  ;  13.  Fli7  -  ei,  Rd8  —  c7; 

16.  Ceo  -  c4,  Rc7  -  d7;  17.  Rf6  -  f7,  M7  -d8; 
18.  Fe4  —  cb,  Rd8  —  c7  ;  19.  Fc6  —  bo,  Rc7  —  d8  ; 
20.  Rf7  —  eb,  Rd8  —  c7  ;  21.  Reb  —  do,  Rc7  —  d8; 
22.  Rdo  —  d6,  Rd8  —  c8  ;  23.  Cc4  —  ao,  Rc8  —  b8; 
24.  Rdb  —  d7,  Rb8  —  a7  ;  23.  Rd7  —  c7, Ra7  —  ab; 
26.  FbS  —  a6,  Ra8  —  a7  ;  27.  Fa6  —  c8,  Ra7  —  a8; 
28.  Fc8  —  b7  4-,  Ra8  —  aT  ;  29.  Cao  —  c6+  et  mat. 
Roi  et  deux  cavaliers  contre  le  roi.  Deux  cavaliers  ne 
peuvent  pas  mater  le  rei.  Soit,  par  exemple,  le  roi  noir 
en  g8,  le  roi  blanc  en  g6,  les  cavaliers  blancs  en  eb  et 


d7  •  le  roi  noir  a  été  acculé  dans  le  coin  ;  on  voit  qu'après 
1  Cd7  — fb  -1-  Rg8  —  b8,  le  second  cavalier  qm  devait 
in'terdire  au  m  la' case  f8  ne  peut  pas  donner  le  mat. 
Nous  verrons  plus  loin  que,  si  le  roi  noir  a  un  ou  plusieurs 
pions,  ceux-ci  peuvent  lui  être  funestes,  et  qu  en  pareil 
cas,  il  peut  arriver  qu'un  seul  cavalier  ou  un  seul  fou 
donne  le  mal.  ,,         ,      ,         ,, 

Roi  et  pièces  contre  roi  et  pièces.  La  dame,  ^ous 
examinerons  d'abord  la  dame  seule  contre  une  ou  plusieurs 
pièces,  puis  la  dame  soutenue  par  des  pièces  contre  des 

^'%%ame  contre  un  pion.  Si  le  pion  n'est  pas  parvenu 
sur  le  septième  rang,  la  dame  gagne  facilement  ;  s  il_  est 
déjà  sur  le  septième  rang,  la  dame  gagne  contre  les  pions 
du  cavaher,  du  roi  et  de  la  dame;  elle  annule  seulement 
contre  ceux  des  tours  et  des  fous. 
Blancs  :  roi  en  g7,  dame  en  d7.  Noirs  :  roi  en  c2,  pion 

"""il  s'agit  d'empêcher  le  pion  noir  de  faire  dame  en  dl. 

1.  Dd7  -cb  +,  Rc2  -  b3  ;  2  Dcb  -  b.o  +,  Rb3- 
c3;  3.  Dbo-do,  Rc3-c2;  j- Ddo-c4+,  R  2- 
b2  3.  De4  -  d3,  Rb2  -  cl  ;  6.  Dd3  -  c3  +  Rcl  - 
dl  •  7  W(  - 16,  Rdl  -  e2  ;  8.  Dc3  -  c2,  Re2  -  el  ; 
9  bei  _  e4  + ,  Rel  -  f2  ;  1 0.  De4  -  d3,  Rf2  -  el  ; 
11  Dd3  -e^+,  Rel  -dl  ;  12.  Rf6-  eo,  Rdl  -  c2  ; 
13.  De3 -  e2,  Rc2  -  cl  ;  14.  De2  -  c4+,  Rcl  -  b2  ; 
13.  Dc4  -  d3,  Rb2  -  cl  ;  1 6.  Dd3  -  c.  +,  Rcl  -  d  ; 
,7  Re3  _  d4  Rdl  -  e2  ;  18.  Dc3  -e3+,  Re2  -  dl  ; 
19;  Rdl  -  c3,'Rdl  -  cl  ;  20.  Dd3  p.  d2  +,  Rcl  -  bl  ; 
21.  Dd2  — b2+  et  mat. 

Avec  les  pions  de  la  tour  et  du  fou,  le  temps  de  repos 
nécessaire  pour  amener  le  roi  blanc  ne  peut  être  obtenu. 
Mais  on  rencontre  dans  la  pratique  divers  cas  ou,  par  suite 
de  la  position  des  rois,   le  mat  peut  être  obtenu  même 
après  que  le  pion  est  parvenu  à  dame. 
Ainsi  soit  la  position  suivante  : 
Blancs  :  roi  en  f5,  dame  en  d6. 
Noirs  •  roi  en  b2,  pion  en  a2. 
UvlnLe^^  1.  I>d6~b4+,  Rb2-c2;  2. 

Db4  --  a3,  Rc2  -  bl  ;  3.  Da3  -  b3  +,  Rbl  -  al,  et  le 
roi  blanc  ne  peut  s'approcher,  car  le  roi  noir  serait  pat. 
Mais  si  le  roi  blanc  était  au  début  en  e4  au  lieu  d  être  en 
fo,  les  blancs  gagneraient  après  les  trois  coups  précédents 
par  :  4.  Db3-c3+,  Rai -bl  ;  5.  Re4 -  do  !, a2 - 
al  C  (si  le  pion  faisait  dame  a2  —  ai  D,  les  blancs  mate- 
raient avec  6.  Dc3-c2+)  :  6  Dc3  -  a3  Cal  --c2  ; 
7.  Da3-b3+,  Rbl  — al;  8.  Rd3  -c3,  C  a  volonté; 
9.  DbB  — b2-f-  et  mat. 
Voici  encore  quatre  positions  où  les  blancs  gagnent  s  Us 

ont  le  trait  :  .  •  i. .      •       ci 

Blancs  :  roi  b6,  dame  en  b7.  Noirs  :  roi  bl    pion  a2 
Blancs  :  roi  ^3,  dame  f7.  Noirs  :  m  g2   pion  h2.  Blanc, 
roi  c4,  dame^dS.  Noirs  :  roib2,  pion  c2.  Blancs  :  roi  g4, 
dame  f7.  Noirs  :  roi  dl,  pion  c2.  .        c- 1      •  r.. 

20  Dame  contre  deux  ou  plusieurs  pions.  Si  les  pions 
sont  peu  ou  point  avancés,  la  dame  gagne  même  contre  les 
hrnt  pTons.  Contre  deux  pions  sur  la  septième  ligne  ou 
contre  un  pion  sur  la  septième  soutenu  F^  un  autre  pion 
sur  la  sixième,  la  dame  ne  pourra  généralement  qu  an- 

""""irv  a  quelques  exceptions  provenant  de  la  proximité  du 
roi  qui  permet  de  forcer  le  mat  après  que  le  pion  a  tait 
dame.  11  en  est  de  même  dans  certaines  positions  particu- 
lières, telles  que  la  suivante  : 

Blancs  :  roi  en  e7,  dame  en  f7. 

Noirs  :  roi  en  bl ,  pions  en  a3  et  b2. 

Les  blancs  gagnent  avec  1.  ^17 -b3  Rbl -cl  ,  i. 
Db3  p.  a3,  Rcl  -c2  ;  3.  Da3  -  a2,  Rc2-cl  ;  4.  Da2 
__e4  1  ,  Rcl  -d2  ;  5.  Dc4-b3,  Rd2  -cl  ;  6.  Db3 
_c3+,  Rcl-bl;  7.  Re7-d6,  etc. 

Contre  trois  pions  sur  la  septième  ligne,  la  dame  perdra, 
à  moins  qu'elle  ne  puisse  faire  partie  nulle  par  échec  per- 
pétuel ou  que  le  roi  adverse  ne  soit  très  voisin. 


-  295 


ÉCHECS 


3°  Dame  contre  fou  ou  cavalier  et  pion.  La  dame 
gagne  facilement  contre  roi  et  fou  ou  roi  et  cavalier  ;  elle 
mate  le  roi  sans  avoir  besoin  de  prendre  la  pièce.  Contre 
un  pion  sur  la  septième  case,  soutenu  par  un  fou  ou  un 
cavalier;  elle  ne  pourra,  en  général,  qu'annuler. 

4^  Dame  contre  tour.  La  dame  gagne  contre  la  tour 
en  poussant  le  roi  adverse  contre  le  bord  de  l'échiquier, 
tandis  que  le  roi  de  même  couleur  s'approche.  On  s'effor- 
cera d'amener  la  position  suivante,  de  manière  que  ce  soit 
aux  noirs  à  jouer. 

Blancs  :  roi  en  c3,  dame  en  a4. 

Noirs  :  roi  en  bl,  tour  en  b2. 

Si  c'était  aux  blancs  à  jouer,  ils  gagneraient  le  temps 
de  repos  nécessaire  par  Da4  —  e4-f-,  Rbl  —  al,  De4  — 
a8-f-,  Rai  —  bl,  Da8  —  a4.  Si  les  noirs  jouent  avec  le 
roi,  ils  perdent  par  Da4  — a3,  Rcl  —  di,  Da3  p.  b2, 
Rdl  —  el,Db2  — g2,  Rel— dl,  Dg2  — fl  +  et  mat. 

Si  les  noirs  jouent  avec  la  tour,  ils  perdent  de  même, 

1 Tb2  — b6;    2.    Da4  — dl-f-,  Rbl  — a2;  3. 

Ddl— do-f-,  Ra2  — bl;4.  Ddo  — f5+,  fRb2— a2; 
o.  Df5  —  ao  +,  Ra2  —  bl  ;  6.  Da5  p.  b6,  R  à  volonté; 
7.  D  mat. 

Si  la  tour  jouait  en  f2  ou  h2,  le  mat  s'obtiendrait  de 
même  en  quelques  coups  par  Da4 —  e4-f-,  etc. 

Il  est  certaines  positions  dans  lesquelles  les  noirs  ob- 
tiennent le  pat  en  sacrifiant  la  tour.  Telles  sont  les  deux 
suivantes  : 

Blancs  :  roi  en  f6,  dame  en  e6. 

Noirs  :  roi  en  f8,  tour  en  g7. 

Les  noirs  jouent  TgT  —  g6  -f-^  le  roi  blanc  prend,  le 
roi  noir  est  pat. 

Blancs  :  roi  en  b4,  dame  en  d3. 

Noirs  :  roi  en  cl,  tour  en  a2. 

1 Ta2— b2  +  ;  2.  Rb4  — a3,  Tb2  — a24- ; 

3.  Ra3  p.  a2  pat. 

5*^  Dame  contre  tour  et  pion.  La  dame  annulera  contre 
une  tour  et  un  pion,  si  le  pion  n'a  pas  remué  ou  s'il  est 
très  avancé.  Elle  gagnera  dans  les  autres  cas.  C'est  ce 
qu'a  montré  Pliilidor  dans  une  magistrale  analyse  où  il 
suppose  la  position  initiale  suivante  :' 

Blancs  :  roi  en  f4,  dame  en  d3. 

Noirs  :  roi  en  e7,  tour  en  e5,  pion  en  e6. 

Mais  cette  analyse  est  trop  longue  pour  être  donnée  ici. 

6<*  Dame  contre  tour  et  fou  ou  contre  tour  et  cava- 
lier. En  général,  la  partie  sera  nulle.  Les  pièces  noires 
devront  se  tenir  le  plus  prés  possible  de  leur  roi.  Si  les 
deux  camps  possèdent  des  pions,  la  solution  dépend  de  leur 
position.  Ici  également,  il  peut  y  avoir  des  exceptions. 

Blancs  :  roi  en  a5,  dame  en  c5. 

Noirs  :  roi  en  al,  tour  en  bl,  fou  en  a2. 

l.DcD  — d4+,  Tbl— b2;  2.  Rao  —  a4,  F.  à  vo- 
lonté ;  3.  Ba4  —  a3,  à  volonté  ;  4,  Dd4  p.  b2  -f-  et  mat. 

7**  Dame  contre  les  deux  tours.  La  dame  annule  contre 
les  deux  tours.  Soit  la  position  : 

Blancs  :  roi  en  c4,  dame  en  aS. 

Noirs  :  roi  en  hl,  tours  en  g2  et  h2. 

1 .  Da8  —  al  +,  Tg2  —  gl  ;  2.  Dal  —  a8  -f ,  Th2  — 
g2  ;  3.  Da8  —  h8-j-,  Tg2  —  h2  ;  4.  Dh8  —  a8-|-,  etc. 
Si  c'est  aux  noirs  à  jouer,  la  partie  est  nulle  ;  de  même 

par:   4 Th2  — h4-f ;  2.  Rc4  — co,    Rhl — 

h2,  etc. 

Il  peut  y  avoir  toutefois  des  positions  où  les  blancs  gagnent 
et  d'autres  où  ce  soient  les  noirs. 

Blancs  :  roi  en  tl,  dame  enel. 

Noirs  :  roi  en  hl,  tours  en  g2  et  h5. 

Les  blancs  gagnent  par  :  1.  Del  — e4,  Th5  —  e5;  2. 
De4  —  h4+,'  Tg2  ~h2;  3.  Dh4  p.  g5,  Th2  —  b2  ;  4. 
Dgo  —  gl  -j-  et  mat. 

Blancs  :  roi  en  al,  dame  en  a8. 

Noirs  :  roi  en  gl,  tours  en  g2  et  h2. 

Les  noirs  gagnent  par  :  1 Th2  —  hl  ;  2.  Da8 

—  b8,  Rgl  — f2-f-;   3.  Rai  — b2,  Rf2— e3;  4.  Rb2 

—  c3,  Thl  —  cl  4-;  5.  Rc3  —  b3,  Tel  —  bl  +. 


8°  Dame  contre  les  deux  fous.  La  dame  gagne  contre 
les  deux  fous,  si  ceux-ci  sont  désunis  ou  séparés  de  leur 
roi,  sinon  elle  annule.  Les  fous  doivent  être  manœuvres 
avec  beaucoup  de  précaution  ;  il  vaut  mieux,  en  général, 
écarter  d'eux  le  roi  d'une  case  que  de  les  séparer,  ce  qui 
faciliterait  l'approche  du  roi  ennemi. 

9^  Dame  contre  les  deux  cavaliers.  La  manœuvre  des 
deux  cavaliers  contre  la  dame  est  encore  plus  difficile  que 
celle  des  fous.  Il  faut  viser  surtout  à  ce  que  les  cavahers 
se  tiennent  près  du  roi,  plutôt  qu'à  ce  qu'ils  se  soutiennent 
l'un  l'autre.  Toutefois,  il  est  clair  que  si,  en  se  soutenant, 
ils  tenaient  le  roi  ennemi  bloqué  sur  un  petit  nombre  de 
cases,  la  partie  serait  nulle,  quelque  éloigné  que  fût  leur 
propre  roi.  C'est  ce  qui  arriverait  si  le  roi  blanc  étant  en 
a7,  les  cavaliers  noirs  étaient  en  c5  et  d7. 

10°  Dame  contre  fou  et  cavalier.  Si  le  fou  et  le  cava- 
lier ne  peuvent  pas  empêcher  l'approche  du  roi  ennemi,  la 
dame  gagne.  Sinon  la  partie  est  nulle. 

11"  Dame  contre  dame  et  autres  pièces.  En  général, 
une  dame  perd  si  elle  est  seule  contre  une  dame  et  d'autres 
pièces  qui,  après  l'échange  des  dames,  suffiraient  à  forcer 
le  mat.  Elle  perd  donc  contre  dame  et  tour,  ou  contre 
dame  et  deux  fous,  ou  contre  dame,  fou  et  cavalier.  Elle 
annule  contre  dame  et  fou  ou  dame  et  cavalier.  Pourtant, 
elle  perd,  en  général,  contre  dame  et  deux  cavaliers.  Elle 
annule  souvent  contre  dame  et  pions  au  moyen  de  l'échec 
perpétuel.  Voici  une  fin  de  partie  où  Morphy  dirigeait  les 
blancs  : 

Blancs:  roi  en  g6,  dame  en  c7,  pions  en  h2l  etf5. 

Noirs  :  roi  en  e8,  dame  en  d8,  tour  en  h3,  pions  en 
do,  e7,  16. 

i,  Dc7  — c6,  Re8  — f8(l Dd8— d7;  2.  Dc6 

—  a8+,  Dd7  — d8;  3.  Da8  — c6-{-);  2.  Dc6  p.  f6+, 
e7  p.  f6  pat.  2 Rf8  —  e8  serait  suivi  de  3.  Df6 

—  c6  -j-  et  2.  Rf8  —  g8  de  3.  Df6  —  g7  +  et  mat. 

La  Tour.  1°  Tour  contre  pions.  L'issue  dépend  de 
la  position  des  rois.  Si  les  deux  rois  sont  éloignés,  la  tour 
perd  contre  un  pion  sur  la  septième  ligne  qu'elle  ne  peut 
prendre  ;  contre  deux  pions  unis,  si  ceux-ci  sont  parvenus 
sur  la  sixième  ligne  sans  être  en  prise,  ou  bien  si  l'un  est 
sur  la  septième,  l'autre  sur  la  cinquième  ;  contre  trois 
pions,  s'ils  sont  sur  la  cinquième  ligne  sans  être  en  prise. 
Si,  au  contraire,  les  pions  n'ont  pas  remué,  la  tour  gagne 
contre  quatre  pions  unis,  et  même,  si  c'est  à  elle  à  jouer, 
contre  cinq  :  mais  un  tel  cas  ne  se  présente  jamais  dans  la 
pratique.  Tout  ceci  n'est  vrai  que  si  les  deux  rois  sont 
trop  éloignés  pour  intervenir.  La  tour  peut  annuler  en 
forçant  le  pat  après  que  le  pion  a  fait  dame,  ou  en  l'em- 
pêchant de  faire  dame  par  la  menace  d'un  mat. 

Blancs  :  roi  en  f4,  tour  en  e5. 

Noirs  :  roi  en  d6,  pion  en  d2. 

1.  Te3  —  e8,  Rd6  —  d7  ;  2.  Rf4  —  e3,  d2  —  dl  D  et 
les  noirs  gagnent  : 

Blancs  :  roi  en  f6,  tour  en  c8. 

Noirs  :  roi  enh7,  pions  en  a4  et  b2. 

Les  noirs  perdent  parce  que  les  blancs  attaquent  leurs 
pions  en  menaçant  le  roi  d'un  mat  : 

l.Tc8— c7-f-,  Rh7— g8;  2.  Tc7  — g7-f,  Rg8  — 
h8  ;  3.  Tg7  —  b7,  a4  —  a3  ;  4.  Rf6  —  g6  et  gagne. 

Blancs  :  roi  en  h8,  tour  en  gl. 

Noirs  :  roi  en  a4,  pion  en  b5. 

Les  noirs  annulent  s'ils  ont  le  trait:  1 b5  — b4; 

2.  Rh8  —  g7,  b4  -  b3  ;  3.  Rg7  —  f6,  b3  —  b2  ;  4.  Rf6 

—  e5,  Ra4  — b3;  5.  Re5  — d4,  Rb3  —  a2.  Partie 
nulle.  Les  blancs  auraient  gagné  s'ils  avaient  eu  le  trait 
en  rejoignant  le  pion  sur  la  septième  case  avec  le  roi  amené 
en  c2.  —  Si  les  deux  rois  sont  près  des  pions,  le  roi  ennemi 
étant  devant  eux,  la  tour  gagne  contre  un  ou  deux  pions. 
Dans  la  même  hypothèse  de  l'intervention  des  rois,  trois 
pions  unis  annulent,  en  général,  contre  la  tour,  tandis  que 
quatre  gagnent. 

2<^  Tour  contre  cavalier.  Le  cavalier  annule  contre  la 
tour,  à  moins  qu'il  ne  soit  séparé  de  son  roi  et  que  les 


ECHECS 


—  296  — 


cases  où  il  peut  jouer  ne  soient  commandées  par  la  tour. 
Ces  cas  ne  se  présentent  guère  que  si  le  roi  est  acculé  au 
bord  de  l'échiquier. 

Blancs  :  roi  en  b3,  tour  en  h2. 

Noirs  :  roi  en  al ,  cavalier  en  cl . 

Blancs  :  roi  en  c6,  tour  en  h8. 

Noirs  :  roi  en  a7,  cavalier  en  b7. 

Dans  ces  deux  cas,  les  blancs  gagnent. 

30  Tour  contre  fou.  Le  fou  annule  presque  toujours 
contre  la  tour.  Le  roi  qui  est  soutenu  par  le  ton  se  place 
dans  un  coin  de  couleur  opposée  à  celle  du  fou,  de  manière 
à  parer  les  échecs  avec  le  fou. 

Si,  au  contraire,  le  roi  n'est  pas  dans  le  coin,  il  ne  faut 
jamais  parer  l'échec  avec  le  fou,  car  celui-ci  serait  pris 
comme  le  montre  la  position  suivante  : 

Blancs  :  roi  en  f6,  fou  en  bB. 

Noirs  :  roi  en  f8,  tour  en  d7. 

1.  Tb6-b8+,  Fd7-e8;  2.  Tb8^a8,  Rf8-g8; 
3.  T  p.  e8-)-  et  mat  en  deux  coups. 

On  mettra  le  roi  sur  une  case  de  même  couleur  que  celle 
du  fou  et  on  empêchera  le  roi  adverse  de  se  placer  en  face 
en  donnant  échec  au  moyen  du  fou. 

40  Tour  contre  deux  pions  et  fou  ou  contre  deux 
pions  et  cavalier.  La  tour  soutenue  par  son  roi  annule 
contre  deux  pions  et  un  cavalier  en  prenant  une  position 
telle  que  les  deux  pions  ne  puissent  avancer  sans  être  pris. 
Contre  deux  pions  et  un  fou,  la  manœuvre  de  la  tour  est 
très  difficile  ;  si  les  deux  pions  parviennent  à  la  sixième  ligne, 
ils  gagnent  en  général, 

0°  Jour  contre  tour  et  pion.  La  tour  annule  souvent 
contre  tour  et  pion,  si  son  roi  se  trouve  devant  le  pion 
ennemi.  Les  cas  de  cette  espèce  se  présentent  fréquemment 
dans  le  jeu  pratique  et  sont  très  déUcats. 

Blancs  :  roi  en  el,  tour  en  b3. 

Noirs  :  roi  en  f4,  tour  en  h2,  pion  en  eo. 

Les  blancs  jouent  1.  Tb3  —  a3.  Les  noirs  répondent  1. 
■    Si  les  blancs  jouent  2.  Ta3  — a8,  ils 


perdent  la  partie  ;  s'ils  jouent  2.  Ta3  —  b3,  ils  annulent: 
ils  ne  doivent  quitter  la  troisième  ligne  que  quand  les  noirs 
y  ont  amené  le  pion.  2.  Ta3  —  b3,  Th2  -  a2  ;  3.  Tb3 
-  c3,  e4  -  e3  ;  4.  Tc3  -  c8,  Rf4-  f3  ;  5.  Tc8  -  f8  + . 
Si  le  roi  noir  reste  auprès  du  pion,  la  tour  donne  l'échec 
perpétuel  ;  s'il  s'éloigne,  la  tour  prend  le  pion. 

Blancs  :  roi  en  gl ,  tour  en  g7. 

Noirs  :  roi  en  h3,  tour  en  e8,  pions  en  g2  et  g4. 

1.  Tg7  — h7+,  Rh3  — g3  ;  2.  Th7  — e7,  Te8  p.  e7; 
pat. 

Même  contre  tour  et  deux  pions,  il  n'est  pas  rare  que 
la  tour  annule. 

Blancs  :  roi  en  b5,  tour  en  go. 

Noirs  :  roi  en  b7,  tour  en  h'7,  pions  en  a5  et  b6. 

La  tour  blanche  reste  sur  la  hgne  5  aussi  longtemps  que 
la  tour  noire  sur  la  ligne  7.  Si  celle-ci  s'en  écarte,  la  tour 
blanche  donne  échec  et  son  roi  prend  le  pion  b. 

6^  Tour  contre  fou,  cavalier  et  pion  et  analogues- 
Contre  deux  cavaliers  et  un  pion,  la  tour  annule  en  pre- 
nant le  pion  ;  contre  deux  fous  et  un  pion  ou  un  fou,  un 
cavaher  et  un  pion,  elle  perd. 

7*^  Tour  contre  tour  et  cavalier.  En  général,  la  tour 
annule.  Elle  peut  perdre  si  son  roi  est  bloqué  dans  un  espace 
restreint. 

Blancs  :  roi  en  f6,  tour  en  eo,  cavalier  en  e6. 

Noirs  :  roi  en  h8,  tour  en  b2. 

1 .  Teo  —  cf),  Tb2  —  b6  ;  2.  Rf()  —  f7,  Tb6  —  b7  ;  3. 
Ce6  —  c7  et  gagne, 

8<^  Tour  contre  tour  et  fou.  Cette  fm  de  partie  est  très 
difficile.  Il  n'est  pas  prouvé  que  la  tour  et  le  fou  puissent 
acculer  le  roi  ennemi  au  bord  de  l'échiquier,  et  même,  si 
le  roi  est  acculé,  il  ne  peut  pas  être  fait  mat  dans  tous  les 
cas.  Cette  fin  de  partie  aboutit  donc,  en  général,  à  une 
nullité. 

9<*  Tour  contre  trois  pièces.  La  tour  perd  contre  deux 


fous  et  un  cavalier  ;  elle  annule  contre  deux  cavaliers  et 
un  fou  si  elle  peut  se  sacrifier  en  prenant  le  fou.  Si  le 
joueur  qui  possède  les  trois  pièces  réussit  à  pousser  le  roi 
dans  le  coin,  il  ne  devra  pas  perdre  de  vue  que  dans  les 
positions  du  pat,  la  tour  réussit  souvent  à  annuler  par 
l'échec  perpétuel. 

Blancs  :  roi  en  f7,  fous  en  f6  et  en  d7,  cavalier  en  g4. 

Noirs  :  roi  enh7,  tour  enfl. 

Les  blancs  ont  le  trait  et  gagnent. 

Blancs  :  roi  en  cl,  fous  en  g2  et  a3,  cavalier  en  c3. 

Noirs  :  roi  en  al,  tour  en  d7. 

Les  noirs  jouent  et  annulent  avec  Td7  —  d2. 

10*^  Tour  et  pion  contre  le  cavalier.  La  tour  gagne 
presque  toujours.  On  peut  s'en  convaincre  en  analysant 
cette  fin  de  partie  de  La  Bourdonnais  (blancs)  et  Mac-Don- 
nell  (noirs). 

Blancs  :  roi  en  c4,  tour  en  al,  pion  en  a6. 

Noirs  :  roi  en  b6,  cavalier  en  a7. 

Il  y  a  certaines  positions  de  nullité  comme  la  suivante  : 

Blancs  :  roi  en  h2,  tour  enh3,  pion  en  d3. 

Noirs  :  roi  en  e2,  cavalier  en  e4. 

1.  Rh2  -g2,   Rd2-e2;  2.  Th3  — g3,  Cd4  — fo; 

3.  Xg3  —  h3,  Cfo  —  d4.  Partie  remise. 

11"  Tour  et  pion  contre  fou.  Le  fou  perdra  presque 
toujours.  Voici  un  exemple  emprunté  à  Stamma. 

Blancs  :  roi  en  eo,  tour  en  h7,  pion  en  d6. 

Noirs  :  roi  en  d8,  fou  en  g4. 

1.  Th7  -  h4,  Fg4  -  dl  (1 Fg4  -  f3  ou  e2  ; 

2.  Reo  —  e6  et  les  blancs  gagnent)  ;  2.  d6  —  d7  (meil- 
leur que  2.  Th4  —  d4),  Fdl  —  f3  (tout  mouvement  du  roi 
serait  suivi  de  3.  Th4  —  d4)  ;  3.  Re5  —  d6,  Fb3  -  g8  ; 

4.  Th4  —  b4  et  5.  Tb4  —  b8  +  et  mat. 
Voici  une  position  de  nullité. 

Blancs  :  roi  en  g3,  tour  en  a7,  pion  en  f6. 
Noirs  :  roi  en  f8,  fou  en  c4. 

Les  noirs  jouent  1 Fc4  —  b3  ;  2.  Ta7  —  b7, 

Fb3  —  c4  ;  3.  Tb7  —  c7,  Fb3  —  a2  et  les  noirs  annulent 
en  plaçant  leur  fou  dans  la  diagonale  de  f7,  de  manière  à 
donner  échec  si  le  roi  blanc  joue  en  g6. 

12°  Tour  et  pièces  contre  tour  et  pièces.  Un  camp 
gagnera  la  partie  s'il  a  sur  le  camp  adverse  une  supé- 
riorité de  forces  suffisante  pour  faire  le  mat,  après  échange 
des  pièces  équivalentes.  Une  tour  et  des  pions  perdront 
contre  deux  tours  et  des  pions  ;  deux  tours  et  un  fou  an- 
nuleront contre  deux  tours  ;  de  même  deux  tours  et  fou  et 
cavalier  contre  tour  et  tou  ou  bien  contre  tour  et  cava- 
her, etc.  Il  peut  y  avoir  des  exceptions  tenant  à  la  position 
des  pièces. 
Blancs  :  roi  en  I16,  tour  en  f4,  pions  en  f6,  g6,  ho. 
Noirs  :  roi  en  h8,  tours  en  g8  et  g2,  pions  en  bo  et  c3. 

Les  blancs  f^aenentpar  1.  f6  —  f7,Tg8  —  f8  (1 

c3  -  c2  ;  2.   17  -  f8D,  c2  -  clD  ;   3.  Df8  -  f 6  +)  ; 

2.  T  f4  -  f2  !,  c3  _  c2  (2 Tf8  p.  f7  ;  3.  Tf2  p. 

f7,  Rh8  -  g8  ;  4.  Tf7  -  e7)  ;  3.  Tf2  p.  c2,  Tg2  -  g3  ; 
4.  Tc2  —  e2  et  gagne. 

Le  fou.  1°  Fou  contre  pions.  Les  deux  rois  étant 
éloignés,  un  fou  annulera  contre  un  pion  dès  qu'il  pourra 
l'arrêter  ;  il  annulera  généralement  contre  deux  ;  il  per- 
dra contre  trois.  Si  les  pions  sont  soutenus  par  leur  roi,  le 
fou  perdra  en  général  contre  deux  pions.  Si  les  deux  rois 
interviennent,  îe  fou  annulera  en  général  même  contre  trois 
pions. 

Blancs  :  roi  en  e7,  fou  en  f2. 
Noirs  :  roi  en  h7,  pions  en  c4  et  fo. 

Si  les  noirs  ont  le  trait,  ils  gagnent  pari f o  —  f 4  ; 

si  les  blancs  ont  le  trait,  ils  annulent  par  :  1.  Ff2  —  e3, 
Rh7  —  g7  ;  2.  Re7  —  e6,  Rg7  —  g6  ;  3.  Re()  —  eo. 
Blancs:  roi  en  g3,  pions  en  b2,  e4,  go. 
Noirs  :  roi  en  b4,  fou  en  g6. 
La  partie  est  nulle,  que  les  blancs  aient  le  trait  ou  non. 
20  Fou  contre  cavalier  et  pions.  C'est  la  position  sur- 
tout qui  décide.  En  général,  un  pion  soutenu  par  un  fou  ou 
un  cavalier  obtiendra  seulement  partie  nulle  contre  un  fou 


ou  un  cavalier.  S'il  n'y  a  pas  de  différence  tranchée  de  po- 
sition, un  surplus  de  deux  pions  entraîne  la  victoire. 

3«  Fous  de  couleurs  opposées  Vuri  contre  Vautre 
avec  pions.  Un  surplus  d'un  ou  de  deux  pions  ne  suffit  pas 
en  général  ;  le  fou  et  le  roi  s'associent  pour  arrêter  un  pion 
sur  une  case  où  le  fou  adverse  est  inefficace. 

Blancs  :  roi  en  d5,  fou  en  d3. 

Noirs  :  roi  en  b4,  fou  en  e7,  pions  en  c5,  d6,  eo. 

Même  si  les  noirs  ont  le  trait,  la  partie  est  nulle. 

Blancs  :  roi  en  g6,  fou  en  d3,  pions  en  g4,  h5. 

Noirs  :  roi  en  f8^  fou  en  c3. 

La  partie  est  nulle.  1 .  Fd3  —  c4,  Fc3  —  d2  ;  2.  ho  — 
h(),  Fd2  —  e3  ;  3.  g4  —  g5  Fe3  -  d2  ;  4.  Rg6  -  ho, 
Fd2  —  e3  ;  5.  g5  —  g6,  Fe3  —  d4. 

4<^  Fous  de  même  couleur  l'un  contre  l'autre.  Un  sur- 
plus d'un  pion  suffit  d'habitude  pour  assurer  le  gain  de  la 
partie.  Le  fou  ennemi  doit  être  tenu  éloigné  des  cases  sur 
lesquelles  le  pion  va  avancer,  de  manière  que  l'échange  ne 
soit  pas  possible. 

Blancs  :  roi  en  h6,  pion  en  g6,  fou  en  d2. 

Noirs  :  roi  en  f8,  fou  en  b2. 

d .  Rh6  —  h7,  Fb2  -  d4  ;  2 .  Fd2  -  h6  + ,  Rf8  -  e8  ; 
3.  Fh6  —  g7,  Fd4  —  co  ;  4.  Fg7  —  c3,  Fco  —  f8  ; 
5.  Fc3  —  b4  et  les  blancs  gagnent. 

Blancs  :  roi  en  d6,  fou  en  b5,  pion  en  co. 

Noirs  :  roi  en  f^,  fou  en  f3. 

Les  blancs  jouent  et  gagnent. 

Blancs  :  roi  en  c6,  fou  en  h2,  pion  en  e6. 

Noirs  :  roi  en  c8,  fou  en  ao. 

La  partie  est  nulle. 

o*^  Fous  et  cavaliers  les  uns  contre  les  autres.  En 
général,  il  y  a  lieu  d'appliquer  ici  la  règle  déjà  énoncée:  le 
camp  le  plus  fort  gagne  la  partie  s'il  a  sur  l'adversaire  un 
excès  de  forces  suffisant  pour  le  mater.  Il  y  a  pourtant  des 
exceptions. 

Blancs  :  roi  en  c4,  cavalier  en  c3,  fou  en  d7. 

Noirs  :  roi  en  b6,  cavalier  en  g7. 

d.  Cc3  — d5  4-,Rb8-b7;2.Rc4-b5,Cg7-ho; 
3.  Fd7  —  g4,  Cho  --  g3  ;  4.  Fg4  —  f3,  R  à  volonté  ; 
5.  Cdo  —  e3  et  prend  le  cavalier  au  moyen  du  roi  en  cinq 

coups.  Si  au  premier  coup  les  noirs  jouaient  1 — 

Rb8  —  a7,  les  blancs  répondraient  2.  Rc4  —  d3,  puis 
3.  Rd3  —  e3  et  prendraient  le  cavaHer  de  même. 

Voici  une  position  très  curieuse  où  les  blancs  avec  deux 
cavahers  forcent  le  mat  contre  roi,  pion  et  fou. 

Blancs  :  roi  en  f3,  cavaliers  en  e3  et  f4. 

Noirs  :  roi  en  h4,  fou  en  h6,  pion  en  f6. 

i,  Ce3-fo  +,Rh4-g5;2.Rf3  — e4,Fh6-f8! 

3.  Cf4-e6  +,Rgo  — g6;4.  Ge6p.  f8  +,Rg6  — f7 
5.  Cf8-d7,  Rf7-e6;6.  Cd7  -  co +,  Re6  - f7 
7.  Re4— .e3,  Rf7  -  g6  ;  8.  Re3  -  f4,  Rg6  -  f7 
9.  Rf4  — e4,  Rf7  — g6;  10.  Cc5  — b7,  Rg6  —ho 
44.  Cb7  —  d6,  Rho  —  g4  ;  42.  Re4  —  e3,  Rg4  —  h3 
13.  Re3  -  f3,  Rh3  -  h2  ;  1 4.  Cd6  —  c4,  Rh2  —  gl  ;  15 
Cc4  —  e3,  Rgl  -  m  ;  16.  Ce3  —  d5,  Rh2  -  gl 
47. Rf3  _  e2,  Rgl  —  g2  ;  18.  Cdo  —  f4  + ,  Rg2  —  hl 
19.  Re2  —  fl,  Rhl  —  h2  ;  20.  Rfl  —  f2,  Rh2  —  hl 
21 .  Cfo  -  ^3  + ,  Rhl  -  h2  ;  22.  Cg3  -  fl  + ,  Rh2  — 
hl  ;  23.  Cf4  —  e2,  f6  —  f o  ;  24.  Ce2  —  g3  -f  et  mat. 

Le  cavalier.  1*^  Cavalier  contre  pions.  Si  les  rois 
sont  éloignés,  le  cavalier  annulera  en  général  contre  un 
pion;  il  perdra  contre  deux.  Il  y  a  deux  points  à  noter  ici: 
d'une  part,  le  cavalier  est  très  propre  à  mettre  en  prise  à 
la  fois  le  roi  et  les  pions  ;  d'autre  part,  il  risque  beaucoup 
d'être  pris  dans  les  coins  par  le  roi  ennemi. 

Blancs  :  roi  en  b7,  pion  en  a6. 

Noirs  :  roi  en  g7,  cavaHer  en  a7. 

Les  noirs  ont  le  trait  et  annulent  tantôt  en  empêchant  le 
pion  d'avancer,  tantôt  en  le  menaçant,  s'il  avance,  de  don- 
ner échec  à  la  fois  au  roi  et  au  pion  :  1 Ca7  —  bo  ; 

2.   Rb7— b6,   Cbo—  d6;  3.  Rb6  —  c6,   Cd6  —  c8  ; 

4.  Rc6  —  c7,  Cc8  —  a7,  etc.  ;  si  le  pion  était  déjà  sur  la 
septième  ligne,  les  blancs  gagneraient,  car  le  cavalier  pour 


297  —  ECHECS 

arrêter  le  pion  serait  obligé  de  se  mettre  dans  le  coin  où 
le  roi  blanc  le  prendrait.  Pourtant  la  situation  du  roi  noir 
peut  amener  la  nullité.  Tel  est  le  cas  suivant. 

Blancs  :  roi  en  b5,  pion  en  a7. 

Noirs  :  roi  en  f7,  cavalier  en  a8. 

1.  Rbo  — c6,  Rf7—  e6  ;  2.  Rc6  — b7,  Re6--d7; 
3.  Rb7  p.  a8,  Rd7  —  c8  et  le  roi  blanc  est  pat.  Dans  cer- 
tains cas,  très  intéressants,  il  peut  arriver  qu'un  cavalier 
seul  réussisse  à  faire  mat  le  roi  ennemi  si  celui-ci  a  encore 
des  pions  qui  peuvent  jouer,  tandis  qu'il  est  bloqué  dans 
un  coin  par  le  roi  ennemi. 

Blancs:  roi  en  fl,  cavalier  en  e2. 

Noirs  :  roi  en  hl,  pion  enh3. 

1.  Ce2  —  g3  + ,  Rhl  —  h2;  2.  Cg3  —  e4,  Rh2  —  hl  ; 
3.  Rfl  —  f2,  Rhl  -  h2  ;  4.  Ce4  —  d2,  Rh2  —  hl  ; 
o.  Cd2  —  fl,  h3  —  h2  ;  6.  Cfl  —  g3  +  et  mat. 

Si  les  noirs  avaient  le  trait,  la  partie  serait  nulle. 

Blancs  :  roi  en  bo,  cavalier  en  a6. 

Noirs  :  roi  en  a8,  pions  en  a7  et  b6. 

1.  Rb5  —  c6,  b6  —  b5  ;  2.  Rc6  —  c7,  b5  —  b4  ;  3. 
Rc7  —  c8,  b4  —  b3  ;  4.  Ca6  —  c7  +  et  mat.  On  voit  que 
dans  ce  cas  le  nombre  des  pions  noirs  n'intervient  pas  :  les 
noirs  eussent  eu  cinq  autres  pions  en  d4,  e4,  14,  g4  et 
li4  qu'ils  n'eussent  pu  empêcher  le  mat  en  quatre  coups. 

Blancs  :  roi  en  h3,  cavalier  en  f3. 

Noirs  :  roi  en  hl,  pions  en  17  et  h7. 

Si  les  blancs  ont  le  trait,  ils  forcent  le  mat  en  quinze 
coups  ;  si  les  noirs  ont  le  trait,  les  blancs  forcent  le  mat  en 
neuf  coups. 

2°  Cavalier  et  pion  contre  pions.  Si  les  positions  sont 
équivalentes,  c.-à-d.  si  les  deux  rois  interviennent,  un  ca- 
valier et  un  pion  gagneront  contre  un  pion  et  la  plupart 
du  temps  contre  deux. 

Blancs  :  roi  en  b4,  cavalier  en  e3,  pion  en  f4. 

Noirs  :  roi  en  c6,  pions  en  a6  et  bS. 

1.  Rb4  —  c3,  Rc6  —  co  ;  2.  Ce3  —  c2,Rc5  —  d5  ;  3. 
Rc3  —  d3,  Rdo  —  cS  ;  4  Rd3  —  e4,  bo  —  b4  ;  5.  f4  — 
fo,  b4  —  b3  ;  6.  Cc2  —  a3,  Rco  —  b4  ;  7.  f5  -f6,  Rb4 
p.a3  ;  8.  f6  —  f7,  b3  —  b2 ;  9.  f7—  f8 D  + ,  Ra3  —  a2  ; 
40.  Dt8  —  f2,  Ra2  —  al  ;  11.  Df2  —  d4,  Rai  —  a2  ; 
12.  Dd4  —  a4  -(-  elles  blancs  gagnent. 

Blancs  :  roi  en  b6,  cavalier  en  g4,  pion  en  a5. 

Noirs  :  roi  en  b8,  pions  en  h3  et  g5. 

1 Rb8  —  a8  ;   2.    a5  —  a6,  Ra8   —  b8  ; 

3.  a6  — a7  +,  Rb8  —  a8;  4.  Cg4  —  f6,  h3  —  h2; 
5.  Cf6  —  d5,  h2  —  hl  D;  6.  Cdo  —  c7  +  et  mat. 

Si  les  blancs  avaient  le  trait,  la  partie  serait  nulle.  Un 
cavalier  et  un  pion  annuleront  d'habitude  contre  trois  pions; 
ils  perdront  contre  quatre  et  davantage.  Ici  comme  tou- 
jours il  y  a  des  exceptions.  En  voici  une  fort  curieuse  où 
les  blancs  forcent  le  mat  en  une  vingtaine  de  coups  : 

Blancs  :  roi  en  c4,  cavalier  en  e3,  pion  en  b3. 

Noirs  :  roi  en  b6,  pions  en  a3,  b4,  c5,  fo. 

3o  Cavalier  et  pions  contre  cavalier  et  pions.  C'est 
la  position  qui  décide,  comme  le  montrent  les  deux  exem- 
ples suivants  : 

Blancs  :  roi  en  a3,  cavalier  en  bo,  pion  en  b7. 

Noirs  :  roi  en  e6,  cavaHer  en  c6. 

\ .  Cb5  —  d4  + ,  Cc6  p.  d4  ;  2.  b7  —  b8  D  et  gagne. 

Blancs  :  roi  en  c4,  cavaHer  en  d2. 

Noirs  :  roi  en  b6,  cavaHer  en  e6,  pions  en  c5  et  d4. 


l.Cd2- 


Rb6  _c6;  2.  Ce4  p.  c5,  Ce6  p.  c3; 


3.  Rc4  p.  d4.  Partie  nulle. 

4^  Deux  cavaliers  contre  roi  et  pions.  Deux  cava- 
liers ne  peuvent  pas  mater  le  roi  ennemi  s'il  est  seul  ; 
mais,  s'il  possède  encore  un  pion,  il  y  a  des  cas  où  le  mat 
est  possible.  Nous  en  avons  donné  un  exemple  un  peu  plus 
haut  à  propos  du  jeu   du  fou.  En  voici  plusieurs  autres  : 

Blancs  :  roi  en  e6,  cavahers  en  d4  et  f5. 

Noirs  :  roi  en  h8,  pion  en  e3. 

1.  Cd4  —  e2,  Rh8  —  g8  ;  2.  Re6  —  e7.  Rg8  —  h8 
3.  ReT  —  f8,  Rh8  —  h7  ;  4.  Rf8  —  f7,  Rh7  —  h8 
^;.  Ce2  —  f4,  e3  —  e2;  6.  Cf4  —  ^6  +,  Rh8  —  h7 


ÉCHECS 


—  298  — 


7.  Cg6  —  f8  +,  Rh7  —  h8  ;  8.  Cf5  —  h4,  e2  —  ei  D  ; 
9.  Ch4  — g6  4-  et  mat. 

Blancs  :  roi  en  d8,  cavaliers  en  h6  et  d4. 

Noirs  :  roi  en  f8,  pion  en  h7. 

Mat  en  vingt-neuf  coups. 

Blancs  :  roi  en  c6,  cavaliers  en  c2  et  f3. 

Noirs  :  roi  en  e6,  pion  en  14. 

Mat  en  quarante-trois  coups. 

Blancs  :  roi  en  b2,  cavaliers  en  d3  et  h3. 

Noirs  :  roi  en  g8,  pion  en  h4. 

Mat  en  soixante-quatre  coups. 

Le  pion.  Nous  avons  examiné  plus  haut  diverses  posi- 
tions dans  lesquelles  des  pions  étaient  soutenus  par  diverses 
pièces.  Nous  nous  bornerons  ici  au  cas  des  pions  soutenus 
par  le  roi  seul. 

1°  Pion  et  roi  contre  roi.  Dans  la  fin  de  partie  de  roi 
et  pion  contre  roi,  c'est  la  position  des  rois  qui  décide. 
C'est  ce  que  montrent  les  exemples  suivants  : 

Blancs  :  roi  en  el ,  pion  en  e2.  Noirs  :  roi  en  e8. 

Si  les  blancs  ont  le  trait,  ils  gagnent,  tandis  qu'ils 
font  seulement  partie  nulle  si  c'est  aux  noirs  à  jouer. 

1.  Red— f2,Re8  — f7;2.  Rf2  — f3;  3.  Re3  —  e4 
(dans  cette  position  on  dit  que  le  roi  a  pris  l'opposition 
en  avant  de  son  pion),  Re6  —  f 6  ;  4.   Re4  —  do,  Rf6 

—  e7  (si  les  noirs  jouaient  4 Rf6  —  f7  ou  f5 

les  blancs  répondraient  5.  e2  —  e4)  ;  5.  Rd3  —  e5, 
Re7  —  d7  ;  6.  Re5  —  f6,  Rd7  —  e8  ;  7.  e2  —  e4, 
Re8  —  f 8  ;  8.  e4  —  eo  (les  noirs  sont  maintenant  obli- 
gés de  renoncer  à  l'opposition  qu'ils  avaient  momentané- 
ment prise),  Rf8  —  e8  ;  9.  Rf6  —  e6  (9.  e5  ■-  e6  con- 
duirait à  la  remise  de  la  partie  avec  9 Re8  —  f8  ; 

40.  e6  —  c7  -f ,  R18  —  eS  et  les  blancs  font  le  roi  noir 
pat  ou  abandonnent  le  pion),  Re8  —  d8  ;  10.  Re6  — 17, 
et  le  pion  va  à  dame. 

Supposons  au  contraire  que  les  noirs  aient  le  trait  : 

1 Re8  — f7;2,Rel  —  d2,Rf7  — e6;3.Rd2— e3, 

Re6  —  e5  (les  noirs  ont  pris  l'opposition  et  la  gardent 
aussi  longtemps  que  les  blancs  jouent  le  roi)  ;  4.  Re3  — f3, 
Re5  —  f5;  5.  e^  —  e4  +,  Rfô  _  e5  +  ;  6,  Rf3  —  e3, 
Re5  —  e6;  7.  Re3  —  d4,  Re6  —  d6  ;  8.  e4  —  e5  +, 
Rd6  —  e6  ;  9.  Rd4  —  e4,  Re6  —  e7  ;  40.  Re4  —  î^, 
Re7  —  f7  ;  44.  eo  —  e6  -fî  Rf"7  —  e7  (les  noirs  pour- 
raient jouer  également  44 Rf7  —  e8,  mais  non  pas 

44 Rf7  —  f8);    42.  Rf5  —  e5  ,  Re7  —  e8  !  ; 

43.Re5  —  d6,  Re8  —  d8  ;  44.  e6  —  c7  -f  ;  Rd8  —  e8  ; 
15,  Rd6  —  e6.  Pat. 

De  cette  analyse  on  déduit  la  règle  suivante  :  le  roi  et 
le  pion  gagnent  contre  le  roi  si  le  roi  peut  prendre  l'oppo- 
sition devant  son  pion,  sinon  la  partie  est  nulle. 

Il  n'y  a  qu'une  exception  à  cette  règle  ;  la  voici  : 

Blancs  :  roi  en  e6,  pion  en  eo.  Noirs  :  roi  en  e8. 

Les  blancs  gagnent  toujours,  même  si  c'est  à  eux  de 
jouer  :  4.  Re6  —  f6,  Re8  —  f8  ;  2.  e5  —  e6,  Rf8  —  e8  ; 
3.  e6  —  e7,  _Re8  —  d7  ;  4.  Rf6  —  H  et  gagne. 

Cette  dernière  analyse  est  en  défaut  pour  le  pion  de  la 
tour  :  celui-ci  ne  pourra  pas  gagner  si  le  roi  ennemi  s'est 
logé  dans  la  case  du  coin,  ou  si,  au  contraire,  il  y  tient 
emprisonné  le  roi  adverse. 

Blancs  :  roi  en  b6,  pion  enaS.  Noirs  :  roi  en  b8. 

4 Rb8  —  a8;   2.  Rb6  —  a6,  Ra8  —  b8 

3.  Ra6  —  1)5,  Rb8  —  b7;  4.  Rbo  —  a6,  Rb7  —  a8 
5.  Ra6  —  b6,  Ra8  —  b8;  6.  a5  —  a6,  Rb8  —  a8 
7.  a6  —  a7.  Pat. 

Si  le  roi  ennemi  peut  se  loger  dans  la  case  du  coin,  un 
pion,  même  soutenu  par  un  fou  dont  la  couleur  n'est  pas 
celle  de  la  case  du  coin,  ne  pourra  qu'annuler.  Tel  est  le 
cas.  Blancs  :  roi  en  b5.  Noirs  :  roi  en  e3,  pion  en  a4,  fou 
en  b5.  En  pareil  cas,  un  cavalier  gagnerait,  à  moins  que 
le  pion  n'eût  atteint  la  septième  ligne.  —  Si,  au  contraire, 
le  roi  est  enfermé  dans  le  com  par  son  propre  pion,  un  fou 
de  n'importe  quelle  couleur  gagne  la  partie,  tandis  qu'un 
cavalier  qui  a  le  trait  et  qui  est  sur  une  case  de  même 
couleur  que  le  roi  ennemi  annule  seulement  :  ainsi,  les 


blancs  ayant  le  roi  en  c2  ;  les  noirs  le  roi  en  a4 ,  le  pion 
en  a2,  le  cavalier  en  c8,  la  partie  est  nulle. 

2^  Pio7is  les  uns  contre  les  autres.  En  général,  deux 
pions  gagnent  contre  un  ;  mais  il  y  a  de  nombreuses  excep- 
tions, provenant  surtout  du  fait  que  le  roi  qui  n'a  qu'un 
pion  réussit  à  prendre  l'opposition. 

Blancs  :  roi  en  f3,  pions  en  a4  et  b3. 

Noirs  :  roi  en  eo,  pion  en  b4. 

C'est  le  trait  qui  décide.  Si  c'est  aux  blancs  à  jouer,  ils 
gagnent.  4 .  Rf3  —  e3,  Re5  —  do  ;  2.  Re3  —  d3,  Rd5  — 
co  ;  3.  Rd3  —  e4,  Rc5  —  c6  ;  4.  Re4  —  d4,  Rc6  —  b6  ; 

5.  Rd4  —  c4,  Rb6  —  a5  ;  6.  Rc4  —  cS,  Rao  —  a6  ;  7. 
Rc5  p.  b4,  Ra6  —  b6  ;  8.  a4  —  a5  + ,  Rb6  —  a6  ;  9.  Rb4 

—  co,  Re6p.  a5;  40.  b5  — b4+,  Ra5  —  a6 ;  44.  Rc5 

—  c6  et  gagne. 

Si,  au  contraire,  c'est  aux  noirs  à  jouer,  ils  annulent 
\ Reo  —  d3  ;  2.  Rf3  —  f4,  Rd5  —  d4  ;  3.  Rf4 

—  g4,  Rd4  —  e4  ;  4.  Rg4  —  h3,  Re4  —  d5  ;  5,  Rh3  — 
g2,  Rd5  —  e4;  6.  Rg2  — f4,  Re4  —  d5  ;  7.  Rfl  —  e4, 
Rdo  —  eo  ;  8.  Re4  —  d2,  Re5  —  d4  ;  9.  Rd2  —  c2,  Rd4 

—  e4;  40.  Rc2  — b4,  Re4  — d5;  H.Rb4— c4,Rdo 

—  e5  et  les  noirs  ont  toujours  l'opposition. 
Blancs  :  roi  en  h3,  pions  en  c4  et  d3. 
Noirs  :  roi  en  go,  pion  en  d4. 

Les  noirs  perdent  en  toute  hypothèse  :  4 .  .....    Rgo 

—  f5;  2.  Rh3  — g3,  Rf5  — g5;  3,  Rg3  — f2,  RgS- 
fO  ;  4.  Rf2— e4,  Rf6  —  e7  ;  5.  Re4  — d4,  Re7  — d7; 

6.  Rd4  —  c2,  Rd7  —  c6  ;  7.  Rc2  —  b3,  Rc6  —  co  ;  8. 
Rb3  —  a4,  Rco  —  c6  ;  9.  Ra4  —  b4,  Rc6  —  b6  ;  40.  c4 

—  co  -f-  et  gagne. 

Blancs  :  roi  en  e4,  pions  en  f4  et  g5. 

Noirs  :  roi  en  e6,  pion  en  g6. 

Le  joueur  qui  joue  le  second  obtient  l'opposition  :  si  les 
noirs  ont  le  trait,  ils  perdent;  si  les  blancs  ont  le  trait,  les 
noirs  annulent. 

S'il  y  a  deux  pions  dans  chaque  camp,  c'est  la  position 
des  rois  qui  décide. 

Blancs  :  roi  en  a2,  pions  en  a3  et  g2. 

Noirs  :  roi  en  b6,  pions  en  b7  et  c4. 

Les  noirs  perdent,  qu'ils  aient  ou  non  le  trait. 

Blancs  :  roi  en  f2,  pions  en  a2  et  g2. 

Noirs  :  roi  en  d4,  pions  en  a3  et  fo. 

Les  noirs  gagnent  s'ils  ont  le  trait  ;  avec  4 , 

Rd4  —  c3  ;  si  les  blancs  ont  le  trait,  ils  annulent  avec  4 . 

Trois  pions  gagnent  contre  deux,  si  les  positions  des 
rois  se  valent  ;  mais  la  nullité  n'est  pas  rare. 
Blancs  :  roi  en  f4,  pions  en  g4  et  h4. 
Noirs  :  roi  en  c8,  pions  en  f6,  g6,  h6. 
Les  noirs  gagnent  s'ils  ont  le  trait  par  4 Rc8 

—  d7  ;  sinon,  les  blancs  annulent  avec  4.  h4  —  h5. 

Le  roi  peut-il  retenir  trois  pions  passés  et  se  soutenant? 
Soit,  par  exemple,  la  position  suivante  : 

Blancs  :  roi  en  g4,  pions  en  a6  et  b6. 

Noirs  :  roi  en  b8,  pions  en  f7,  g7,  h7. 

Le  roi  noir  ne  peut  pas  s'écarter,  sous  peine  de  laisser 
les  blancs  faire  dame  ;  les  trois  pions  noirs  peuvent-ils 
être  arrêtés  par  le  roi  blanc?  On  voit  facilement  que  oui, 
et  que,  par  suite,  les  blancs  gagnent.  Si  l'on  mettait  les 
trois  pions  noirs  en  f4,  g5,  h5  et  le  roi  blanc  en  h2,  ce 
serait  le  joueur  qui  aurait  le  trait  qui  gagnerait.  (Les 

blancs  par  4.  Rh2  —  g4,  les  noirs  par  4 f4  —  f3.) 

Si  l'on  mettait,  au  contraire,  les  trois  pions  noirs  en  f3, 
g4,  h4  et  le  roi  blanc  en  f2,  ce  serait  le  joueur  ayant  le 
trait  qui  perdrait. 

On  résoudrait,  d'après  ces  règles,  les  divers  cas  pouvant 
se  présenter,  si  chacun  des  deux  camps  possédait  trois 
pions  passés.  Mais  ce  sont  des  cas  ne  se  présentant  jamais 
en  pratique. 

Il  est  plus  intéressant  de  montrer  par  quelques  exemples 
comment  on  doit  mener  une  fin  de  partie  de  pions  contre  pions  : 

Blancs  :  roi  en  b4,  pions  en  a4,  f2,  g2. 

Noirs  :  roi  en  d4,  pions  en  f5,  h5,  h4. 


—  299  — 


ÉCHECS  —  ÉCHELAGE 


d.  a4— a5,  f 5  —  f 4  ;  2.  f2  — f3,  Rd4  — e3;  3.  a5 
—  a6,Re3— f2;4.  a6  — aï,  Rfâ  p.  g2  ;  5.a7  — a8D, 

h4-h3;  6.  Da8-a2+,Rg2-gl(6 Rg2- 

„3  ;  7.  Da2  —  e2,  h3  — h2  ;  8.  De2  —  fi  ou  bien  6 

Rp2  p.  f3;  7.  Da2  — h2);7.  Da2  —  bl  +,Rg4-g2; 
8.  Dbl  — c2+,Rg2— gl;  9.  Dc2  — cl  +  !,  Rgl — 
g2;10.  Del  p.  14,  h3— h2;41.  Df4  — g5,  Rg2  — e 

(11 Rg2  p.  f3  ;  12.  Dg5  —  d5  et  13.  Dd5  — 

hl)  ;  12.  Dg5  p.  h5,  Rf2  —  g2  ;    13.  f3  —  f4  et  gagne. 

Blancs  :  roi  en  e2,  pions  en  d4,  e5,  h3. 

Noirs  :  roi  en  go,  pions  en  e6,  f4,  h4,  h5. 

1.  Re2  ■—  f2  !  (si  les  blancs  jouaient  1 .  Re2  —  f3,  ils 

perdraient  par  1 Rgo  —  f5),  Rg5—  g6  !  (si  les 

noirs  jouaient  1 Rg5  —  f5,  ils  perdraient  par  2. 

Rf2  — f3  et  3.  Rf3  — e4);  2.  Rf2  — g2,  Rg6  — g5. 
Partie  remise. 

Blancs  :  roi  en  al,  pions  en  b5,  d2,  g5,  h4. 

Noirs  :  roi  en  a3,  pions  en  a5,  b4,  d3,  g^,  ho. 

Les  blancs  gagnent  s'ils  ont  le  trait  par  :  1.  bo  —  b6, 
b4— b3;  2.  b6  — b7,  b3  — b2-f;3.  Rai— bl,  a5  — 
a4  ;  4.  b7  —  b8  C  (si  le  pion  faisait  dame  ou  tour,  le  roi 
noir  serait  pat  ;  s'il  faisait  fou,  le  jeu  se  continuerait  par  4. 

Ra3  — b3;  5.  Fb8  —  eo,  a4  — a3  ;  6.Fe5  p.b2, 

a3  p.  b2,  et  le  roi  blanc  est  pat),  Ra3  —  b3,  etc. 

D.  Berthelot. 

ECHEGARAY  (Don  José),  mathématicien,  homme  d'Etat 
et  célèbre  auteur  dramatique  espagnol  contemporain,  né 
à  Madrid  en  183o.  Fils  d'un  professeur  de  grec.  Elève 
de  l'Ecole  des  ingénieurs  de  Murcie,  il  devint,  en  1858,  pro- 
fesseur à  l'Ecole  des  ponts  et  chaussées  de  Madrid  et  par- 
vint rapidement  à  être  considéré  comme  le  plus  éminent 
des  mathématiciens  de  son  pays.  Ses  travaux  :  Memoria 
sobre  los  trabajos  de  perforaciôn  del  tunel  de  los 
Alpes  (Madrid,  1860);  Problemas  de  geometna  anali- 
tica  (1865),  etc.,  lui  ouvrirent  les  portes  de  l'Académie 
des  sciences,  où  il  prononça  lors  de  son  admission  un  Dis- 
CMTSo  sobre  la  historia  de  las  matemâticas  pnras  en 
Espafia  (1866)  ;  il  justifia  ensuite  cette  distinction  par  son 
remarquable  ouvrage ,  Teorias  modernas  de  la  fisica 
unidad  de  las  fuerzas  materiales  (1867  ;  3^  éd.,  1883; 
2^  série,  1883).  La  révolution  de  sept.  1868  le  lança 
dans  la  politique.  Député  aux  Certes,  il  reçut  le  portefeuille 
du  commerce  et  fut  un  des  fervents  libre-échangistes.  Le 
roi  Amédée  le  chargea  du  ministère  de  l'instruction  pu- 
bhque  en  1873,  et  il  eut  celui  des  finances  en  1874.  Tout 
à  coup,  cette  même  année,  l'illustre  mathématicien  se 
révéla,  à  la  surprise  générale,  auteur  dramatique  d'une 
puissante  originalité  dans  son  drame  en  vers  La  Esposa 
del  vengador,  qu'il  fit  représenter  sous  le  pseudonyme  de 
Jorge  Hayaseca,  drame  du  genre  romantique ,  ou,  à  côté 
des  inspirations  subhmes,  apparaissent  des  conceptions 
puériles  trahissant  l'inexpérience  du  métier.  Maltraité  par 
la  critique  pour  son  drame  réaliste  d'une  grande  faiblesse, 
La  Ultvma  Noche  (1875),  il  conquit  définitivement  sa 
nouvelle  célébrité  par  son  drame  E71  el  Puno  de  la  es- 
pada  (1875).  Dès  lors,  la  fécondité  de  son  génie  drama- 
tique ne  cessa  de  s'affirmer  avec  un  bonheur  très  inégal, 
et  voici  les  titres  de  ses  principales  pièces  qui  ont  toutes 
été  jouées  :  Un  Sol  que  nace  y  un  sol  quemuere  (1876), 
comédie;  Cômo  empieza  y  como  acaba  (1876);  Lo 
que  no  puede  decirse  (1877)  ;  0  Locura  6  saniitad 
(1877),  beau  drame  psychologique  en  prose  ;  En  el  Pilar 
y  en  la  cruz  (1878)  ;  En  el  Seno  de  la  muerte  (1879)  ; 
Mar  sin  orillas  (1879)  ;  La  Muerte  en  los  labios  (1881)  ; 
El  Gran  Galeoto  (1881)  ;  Haroldo  el  Normando  (1881)  ; 
Conflicio  entre  dos  deberes  (1882);  Un  Milagro  en 
Egipto  (1883),  pièce  archéologique;  Vida  alegre  y 
muerte  triste  (1885),  drame  où  il  y  a  peut-être  le  plus 
d'observation;  Dos  Fanatismos  (1886);  La  Realidad  y 
el  delirio  (1887);  Lo  Sublime  en  lo  vulgar  (1888).  La 
plus  estimée  de  ses  œuvres  estE/  Gran  Galeoto^  où,  sous 
un  titre  qui  rappelle  la  chevalerie  du  moyen  âge,  se  déroule 
une  action  dramatique  empruntée  à  la  vie  moderne.  Ce 


drame  a  été  traduit  en  français  par  W^^  de  Rute  {Matinées 
espagnoles,  puis  à  part,  Madrid,  1883).  Un  recueil  des 
Obras  dramaticas  escogidas  de  notre  auteur  est  en  cours 
de  publication  (Madrid,  1884-85,  t.  I  et  II). 

Le  génie  dramatique  d'Echegaray  offre  un  singulier  as- 
semblage de  facultés  contradictoires.  En  savant  de  cabinet, 
en  mathématicien  devenu  poète  sur  le  tard,  il  ne  possède 
ni  la  connaissance  du  cœur  humain  ni  le  véritable  senti- 
ment de  la  réalité,  de  sorte  que  les  types  et  les  situations 
qu'il  crée  sont  généralement  de  pures  abstractions.  Mais 
sa  fantaisie  est  si  puissante,  il  parle  si  fortement  à  l'ima- 
gination, que  la  raison  se  laisse  subjuguer.  Son  procédé 
consiste  dans  la  multiplication  des  effets  et  dans  la  richesse 
de  la  couleur,  et  il  exerce  une  réelle  fascination  sur  le  pu- 
bUc,  malgré  son  insuffisance  comme  dramaturge,  malgré 
ses  audaces  et  ses  impossibilités,  malgré  l'exagération  du 
caractère  sombre  de  ses  pièces.  Aucune,  pour  ainsi  dire,  ne 
résiste  à  la  critique  ;  toutes  sont  frénétiquement  applaudies. 
En  tout  cas,  Echegaray  est  l'une  des  personnalités  litté- 
raires les  plus  originales  de  ce  siècle.     G.  Pawlowski. 

BiBL.  :  Manuel  de  La  Revilla,  Obras  ;  iMadrid,  1883,  et 
Criticas;  Burgos,  1884,  t.  1^^  pp.  195-378  (analyse  de  seize 
pièces).  — Aufores  dramâticos  coniemporâneos,  1886,  t.  II. 
—  Léo  QuESiNEL,  dans  Revue  bleue,  11  avr.  1885  et  19  juin 
1886. 

ÉCHELAGE  (Constr.).  On  nomme  échelagele  droit  qu'a 
le  propriétaire  d'un  mur  ou  d'un  bâtiment  de  poser,  au 
long  de  ce  mur  ou  de  ce  bâtiment,  les  échelles  nécessaires 
à  la  réparation  et,  généralement,  de  faire,  au  long  et  en 
dehors  de  ce  mur,  tous  les  travaux  nécessaires  en  y  intro- 
duisant les  ouvriers  avec  leurs  outils  ou  leurs  échafau- 
dages. L'échelage  se  nomme  aussi  tour  d'échelle.  Il  y  a 
lieu  de  distinguer  entre  le  tour  d'échelle  considéré  comme 
propriété,  qui  est  un  espace  laissé  par  un  propriétaire  en 
dehors  du  mur  qu'il  construit  sur  son  héritage,  et  le  droit 
du  tour  d'échelle,  qui  n'est  qu'une  servitude  et  qui  consiste 
dans  le  droit  acquis  à  un  propriétaire  de  dresser  ses  échelles 
sur  le  terrain  de  son  voisin,  d'y  faire  passer  ses  ouvriers, 
d'y  échafauder,  d'y  déposer  momentanément  les  matériaux 
nécessaires  au  mur  de  reconstruction.  Dans  le  premier  cas, 
l'espace  du  tour  d'échelle  est  une  véritable  propriété  sur 
laquelle  le  voisin  ne  peut  faire  aucune  entreprise.  Pour 
éviter  toute  contestation,  celui  qui,  en  construisant,  laisse 
le  tour  d'échelle  en  dehors,  doit  faire  constater  par  un 
procès-verbal  la  largeur  et  l'état  du  terrain  laissé.  Le 
propriétaire  du  tour  d'échelle  peut  y  faire  tous  les  travaux 
qu'il  lui  convient  ;  mais  il  peut,  dans  certaines  circons- 
tances, être  tenu  de  payer  cet  espace  de  terrain,  de  Féta- 
bhr  en  pente  de  son  côté  pour  éviter  l'écoulement  des 
eaux  de  ses  toits  sur  la  propriété  voisine.  Le  propriétaire 
limitrophe  peut  construire  jusqu'à  la  limite  de  son  héri- 
tage ;  il  en  résulte  que  le  terrain  d'échelage  forme  une 
ruelle  dont  la  possession  est  toujours  exclusivement  à  celui 
qui  l'a  laissée.  Dans  les  villes  et  faubourgs,  où  la  clôture 
est  forcée,  il  est  préférable  de  ne  pas  laisser  une  portion 
de  terrain  en  dehors  du  mur  terminant  une  propriété,  car 
le  voisin,  venant  à  se  clore,  pourrait  forcer  celui  qui  a 
construit  le  premier  à  contribuer  aux  frais  d'un  mur  sur 
la  hgne  séparative  des  héritages,  ce  qui  rendrait  l'ancien 
mur  inutile  et  onéreux.  La  longueur  de  l'échelage  est  na- 
turellement celle  du  mur  de  la  construction  ;  la  largeur 
fixée  par  les  usages  est  d'au  moins  1  m.  Considéré  comme 
servitude,  le  tour  d'échelle  ne  donne,  à  celui  qui  en  jouit, 
aucun  droit  de  propriété  sur  le  terrain  où  cette  servitude 
s'exerce.  Il  faut,  en  outre,  remarquer  que  le  tour  d'échelle 
et  le  droit  de  passage  diffèrent  entre  eux  essentiellement 
et  ne  sont  pas  la  conséquence  l'un  de  l'autre.  La  longueur 
du  terrain  assujetti  doit  être  proportionnelle  à  l'étendue  du 
mur  ou  de  la  construction;  la  largeur  est  fixée  par  les 
usages  locaux  et,  à  leur  défaut,  peut  être  réglée  à  1  m. 
mesuré  du  parement  extérieur  du  mur  au  rez-de-chaussée. 
Cette  largeur  peut  être  plus  considérable  si  la  hauteur  du 
mur  exige  plus  de  pied  pour  l'échelle.  Dans  le  cas  où  le 
mur  à  séparer  est  mitoyen,  chaque  intéressé  doit,  sans 


ÉCHELAGE  —  ÉCHELLE 


—  300  — 


indemnité,  fournir  le  passage  et  l'espace  de  terrain  néces- 
saire aux  travaux.  L.  K. 

ÉCH  ELET  (Ornith.).  Le  nom  d'Echelet,  qu'il  ne  faut  pas 
confondre  avec  Echelete,  Ton  des  noms  spécifiques  vulgaires 
du  Tichodrome  de  murailles,  a  été  employé  par  Temminck 
(Maîiuel  cV ornithologie,  1820,  t.  1,  p.  lxxxv)  et  par 
Lesson  (Traité  d'ornithologie,  4831,  p.  307)  pour  dési- 
gner de  petits  Passereaux  australiens  qui  offrent,  dans  leur 
aspect  extérieur  et  dans  leur  genre  de  vie,  certaines  analo- 
gies avec  nos  Grimpereaux  (V.  ce  mot).        E.  Oust.- 

ÉCHELETTE  (Mus.).  Instrument  de  musique  composé 
de  bâtons  de  bois  dur  d'inégale  longueur  que  l'on  met  en 
vibration  au  moyen  de  baguettes  assez  semblables  à  celles 
des  timbaliers.  Les  lames  sont  disposées  diatoniquement  et 
reposent  sur  des  tampons  de  paille.  Elles  rendent  des  sons 
clairs,  mais  de  courte  durée,  qui,  émis  avec  rapidité,  peuvent 
être  de  quelque  utilité  pour  le  compositeur.  Autrefois 
nommé  «  claquebois  »,  «  régale  »,  «  patouille  »,  l'éche- 
Ictte  n'est  autre  que  l'instrument  populaire  des  races  tar- 
tares,  encore  en  usage  dans  les  Karpates  et  l'Oural  sous  le 
nom  de  «  jerora  i  salamo  ».  Il  semble  s'être  introduit  chez 
nous  depuis  fort  longtemps  ;  Mersenne  {Harmonie  univer- 
selle, 4637)  en  fait'mention  sous  le  nom  de  ligneum  psal- 
terium.  En  Allemagne,  on  le  nomme  Sthrofiedel,  en 
Italie  sticcato  et  de  nos  jours  le  xylophone,  qui  en  est  un 
dérivé,  a  sa  place  marquée  dans  nos  orchestres.  M.  Saint- 
Saëns  en  a  tiré  un  parti  fort  heureux  dans  sa  Danse  ma- 
cabre, Ch.  B. 

ÉCHELLE.  I.  Technologie.  — -  Sorte  d'escalier  mobile 
que  l'on  peut  considérer  comme  le  plus  simple  des  échafau- 
dages et  qui  se  compose  essentiellement  de  deux  longues 
pièces  de  bois  ou  montants,  réunies  entre  elles  par  une  série 
de  barres  transversales  appelées  échelons,  distribuées  à  des 
distances  égales.  Les  montants  et  les  échelons  peuvent  être 
à  section  circulaire  ou  rectangulaire.  Les  échelles  sont  d'un 
emploi  constant  dans  les  travaux  de  bâtiment  ;  les  maçons 
se  servent  d'échelles  simples  à  montants  cylindriques  pour 
établir  la  communication,  soit  avec  les  divers  planchers 
d'un  échafaudage,  soit,  avant  la  pose  de  l'escalier,  entre 
les  différents  étages  d'une  construction  en  cours  d'exécu- 
tion. Les  couvreurs  emploient  aussi,  pour  leurs  travaux, 
des  échelles  simples,  plus  légères  que  celles  des  maçons. 
Les  toitures  sont  fréquemment  munies  de  crochets  à  de- 
meure qui  permettent  de  fixer  ces  échelles  pour  les  répa- 
rations nécessaires.  Les  peintres  font  usage  d'échelles 
simples  et  doubles  ;  ces  dernières  sont  avec  ou  sans  roues. 
Dans  le  premier  cas,  elles  sont  formées  de  deux  échelles 
inclinées  en  sens  inverse  et  maintenues  l'une  contre  l'autre 
par  une  cheville  en  fer  qui  traverse  l'extrémité  supérieure 
des  quatre  montants.  Pour  assurer  la  stabilité  du  système, 
les  montants  ne  sont  pas  parallèles,  de  sorte  que  les  éche- 
lons vont  en  diminuant  de  la  base  au  sommet  et,  de  plus, 
une  corde  relie  deux  échelons  de  même  niveau  des  deux 
branches  inclinées.  Les  échelles  pourvues  de  roues  sont 
de  grande  dimension  et  servent,  à  l'intérieur  des  édifices, 
aux  travaux  des  salles  plafonnées  ou  voûtées  d'une  hauteur 
considérable.  Des  modifications  récentes  apportées  par  divers 
constructeurs  à  la  disposition  des  échelles  simples  rendent 
ces  engins  d'un  usage  plus  commode  et  plus  sûr  :  mon- 
tants à  coulisses,  poulies  accompagnées  de  cordes  de  ma- 
nœuvre, boulons  formant  échelons  avec  écrous  de  serrage, 
telles  sont  les  additions  diverses  qui  permettent  d'allonger 
ces  engins  ou  de  les  raccourcir  à  volonté  et  de  les  adapter 
aux  dispositions  de  points  d'appui  les  plus  variées.  On 
distingue  l'échelle  ordinaire  à  coulisses,  l'échelle  double  à 
coulisses  et  à  roulettes,  l'échelle  simple  à  coulisses  et  à 
crochets  par  le  haut,  l'échelle  simple  à  coulisses  dont  l'un 
des  montants  peut  être  muni  d'une  rallonge,  de  manière 
que  le  système  puisse  reposer  sur  deux  marches  contigues 
d'escalier.  Enfin,  Ton  a  appliqué  le  fer  à  ces  engins  et  on 
a  construit  ainsi  des  échelles  très  légères,  diversement 
combinées,  qui  peuvent  être  employées  dans  les  conditions 
les  plus  diverses  et  aux  usages  les  plus  variés. 


Nous  citerons  encore  les  échelles  utilisées  dans  les 
librairies  et  dans  les  bibliothèques  pour  atteindre  les  livres 
aux  rayons  les  plus  élevés.  Ces  échelles  peuvent  se  trans- 
porter parallèlement  au  mur  au  moyen  d'un  étrier  en  fer 
qui  se  termine  par  une  chape  munie  d'une  poulie  roulant 
sur  un  banc  de  fer  porté  par  des  consoles.  Des  échelles 
fixes  composées  d'échelons  en  fer  rond  ayant  la  forme 
d  etriers  scellés  dans  la  maçonnerie  sont  souvent  disposées 
sur  les  murs  auxquels  sont  adossés  des  tuyaux  de  cheminée 
pour  faciliter  les  réparations  à  faire  à  ces  conduits.  Les 
échelles  de  meunier  sont  des  escaliers  droits  qui  servent 
généralement  à  monter  dans  un  grenier.  Elles  se  compo- 
sent de  deux  fortes  planches  ou  Hmons  posées  de  champ, 
parallèlement  et  suivant  l'incHnaison  convenable  et  dans 
lesquelles  s'assemblent  par  leur  bout,  à  tenon  et  mortaise, 
d'autres  planches  plus  courtes  n'ayant  que  la  largeur  stric- 
tement nécessaire  pour  qu'on  y  puisse  poser  le  pied. 
L'échelle  de  corde  ou  corde  à  nœuds  est  un  câble  auquel 
on  a  fait  de  gros  nœuds  distants  les  uns  des  autres  de  0"^30 
environ  et  sur  lequel  les  ouvriers  se  tiennent  au  moyen 
d'une  sellette  et  de  deux  étriers  pourvus  chacun  d'un  cro- 
chet, que  l'on  attache  au-dessus  des  nœuds. 

Échelle  a  incendie.  —  Trois  sortes  d'échelles  sont  em- 
ployées à  peu  près  partout  et  notamment  à  Paris  par  le 
régiment  de  sapeurs-pompiers  pour  attaquer  les  incendies. 
Ce  sont  les  échelles  à  crochets,  les  échelles  à  coulisses  dont 
le  plus  grand  développement  est  de  7'"^0,  et  enfin  les 
échelles  attelées  qui  atteignent  20  m.  de  haut.  L'échelle  à 
crochets  consiste  en  deux  montants  de  bois  de  frêne^  ayant 
une  longueur  totale  de  4  m.,  et  se  repliant  l'un  sur  l'autre 
au  milieu,  à  l'aide  d'une  double  charnière.  Chaque  mon- 
tant porte  à  son  extrémité  supérieure  un  demi-cercle  de 
fer  dont  le  développement,  qui  est  de  0"^38,  est  assez  grand 
pour  embrasser  la  totalité  d'une  croisée  et  s'y  fixer  soli- 
dement. L'échelle  à  couhsse  se  compose  de  deux  échelles 
simples  qui  s'ajustent  et  s'embrassent  l'une  sur  l'autre,  de 
manière  que  l'une  puisse  glisser  sur  l'autre  pour  en  aug- 
menter la  hauteur.  On  conçoit  que  l'une  de  ces  échelles 
est  nécessairement  plus  large  que  Tautre,  et  que  c'est  cette 
dernière  qui  est  mobile.  Les  montants  de  la  première  pré- 
sentent, sur  leur  face  intérieure,  à  quelques  millimètres  des 
échelons,  une  rainure  longitudinale  dans  laquelle  glisse 
une  pièce  saillante  de  même  forme  et  de  mêmes  dimen- 
sions que  portent  les  montants  de  la  seconde  sur  leur 
face  extérieure.  Pour  faire  fonctionner  l'échelle  mobile,  le 
moyen  le  plus  simple  est  d'agir  sur  une  corde  qui,  atta- 
chée au-dessous  à  l'un  des  échelons  les  plus  bas,  va  passer 
dans  la  gorge  d'une  petite  poulie  disposée  au  sommet  de 
l'échelle  fixe.  Quand  l'échelle  est  arrivée  à  la  hauteur 
voulue,  on  l'y  maintient  en  attachant  l'extrémité  libre  de 
de  la  corde  à  l'un  des  échelons  de  l'échelle  fixe. 

L'utilité  des  échelles  aériennes  libres  pour  le  sauvetage 
est  incontestable  ;  mais,  dans  tous  les  systèmes  connus  jus- 
qu'à ce  jour,  les  roues  qui  servent  au  transport  forment 
le  point  d'appui  principal  à  l'échelle  dressée  ;  l'échelle  étant 
développée  peut  recevoir  un  choc  qui  la  déplace,  d'où  la 
crainte  d'accidents  graves.  Dans  le  système  Gugumus,  adopté 
par  le  régiment  des  sapeurs-pompiers  de  la  ville  de  Paris, 
pour  les  échelles  aériennes  de  20  m.  de  hauteur,  l'échelle 
ne  repose  pas  sur  les  roues,  mais  elle  pose  solidement  sur 
quatre  points  d'appui  formant  rectangle,  qui  assurent  sa 
complète  stabilité  et  élèvent  les  roues  au-dessus  du  sol.  Un 
autre  inconvénient  des  anciens  systèmes,  c'est  que  les  câbles 
ou  vis  qui  servent  à  dresser  et  à  développer  l'échelle  por- 
tent généralement  toute  la  charge  de  l'échelle  même,  et  en 
plus  celle  des  personnes  qui  y  montent.  Dans  l'échelle  Gu- 
gumus, l'échelle  étant  dressée  et  développée,  les  câbles  ne 
portent  plus  la  moindre  charge,  et  par  conséquent  il  n'y 
a  nul  danger  de  rupture.  L'échelle,  qui  est  en  bois,  peut 
être  construite  en  deux  ou  trois  plans  suivant  les  be- 
soins ;  son  développement  peut  atteindre  de  40  à  25  m.  de 
hauteur  dans  le  vide,  et  cela  sans  autre  point  d'appui  que 
son  chariot  ;  elle  peut  facilement  supporter  un  poids  de 


301  — 


ÉCHELLE 


500  kilogr.  à  son  extrémité.  Dressée,  l'échelle  est  munie 
de  deux  supports  montés  à  moitié  de  la  hauteur  si  on  a 

deux  plans,   au  tiers  si 
l'on  en  a  trois  ;  ces  sup- 
ports sont  embrochés  sur 
une  partie  du  chariot  et 
non  sur  le  sol.  Les  roues 
qui  servent  au  transport 
se  trouvent  soulevées  et 
deviennent  libres  par  la 
manœuvre  de  quatre  vé- 
rins  qui  forment  points 
d'appui  et  servent  à  régler 
l'aplomb.  On  constate  que 
l'échelle  est  bien  d'aplomb 
au  moyen  d'un  fd  à  plomb 
à  demeure.  Les  montants 
de  l'échelle  sont  recou- 
verts extérieurement 
d'une  garniture  en    tôle 
d'acier  embouti  d'une 
seule  pièce  pour  toute  la 
longueur  ;  cette  garniture 
rend  ainsi  les  montants 
de  l'échelle  pour  ainsi  dire 
incassables  et  préserve  les 
mortaises  des  échelons  de 
l'humidité.  Les  différents 
plans  de    l'échelle    sont 
armés  de  tirants  qui  leur 
donnent  toute  la  rigidité 
nécessaire  et  servent  en 
même   temps   de  garde- 
fous.  A  la  tête  de  l'échelle 
se  trouve  une  poulie  qui 
permet  de  faire  les  sau- 
vetages par  le  moyen  d'une 
corde  et  d'une  benne  ou 
d'un  sac.   Le  développe- 
ment  des   plans  s'opère 
successivement  ;  le  bas  de 
l'échelle    est  muni   d'un 
galet  ou  roulette  dite  de 
manœuvre,    qui  permet, 
au  moyen  de  deux  leviers 
mobiles,  de  déplacer  faci- 
lement l'échelle  dressée. 
Le  treuil  de  levage  est 
formé  de  deux  fusées  ou 
cônes  à  diamètre  progres- 
sif, afin  de  répartir  unifor- 
mément la  force  de  trac- 
tion.   Ce  treuil  est  mis 
en  action  par   une  roue 
à  vis  sans  fin,  supprimant 
ainsi  tout  encliquetage  et 
permettant  de  dresser 
l'échelle   par   un    seul 
homme.  L'arbre  du  treuil 
de  développement  est  muni  de  chaque  côté  d'une  manivelle 
fixe  à  manche  articulé,  qui  se  rabat  avec  le  bras  de  la 


Échelle  d'incendie  développée 
à  20  mètres  (syst.  Gugumus). 


Échelle  repliée  (syst.  Gugumus). 

manivelle,  pour  diminuer  la  largeur  au  transport.  L'échelle 
peut  être  transportée  à  bras  d'homme  ou  par  des  chevaux 


sans  rien  changer  au  système  ;  dans  ce  dernier  cas,  on 
l'accroche  à  un  avant-train.  L'échelle  est  manœuvrée  théo- 
riquement par  trois  hommes,  mais  au  besoin  un  seul  homme 
peut  la  dresser.  L'échelle  une  fois  dressée  et  déployée,  les 
câbles  qui  ont  servi  ne  supportent  plus  aucune  charge,  vu 
que  les  différents  plans  reposent  sur  des  parachutes.  Indé- 
pendamment de  son  emploi  pour  le  sauvetage,  l'éch^dle  est 
employée  pour  l'attaque  du  feu  dans  les  parties  élevées. 

L.  Knab. 
IL  Mines.  —  Le  moyen  par  excellence  de  descente  dans 
les  mines  a  été ,  pendant  les  siècles  qui  se  sont  succédé 
jusqu'à  celui-ci,  l'emploi  des  échelles.  Si  d'autres  procé- 
dés tendent  aujourd'hui  à  prévaloir ,  rien  ne  dispense , 
en  aucun  cas,  d'établir  dans  un  certain  nombre  de  puits 
des  répétitions  d'échelles  pour  assurer  la  sortie  du  per- 
sonnel dans  l'hypothèse  où  les  moyens  mécaniques  vien- 
draient à  être  désorganisés.  Les  échelles  se  font  en  bois  ou 
en  fer.  Dans  ce  dernier  cas,  les  montants  sont  en  fer  plat 
de  6  à  7  centim.  de   largeur  sur  6  à  7  millim.   d'épais- 
seur ;  leur  écartement  est  de  23  centim.  Les  échelons  en 
fer  rond  ont  au  moins  23  millim.  de  diamètre  et  se  suc- 
cèdent à  20  ou  23  centim.  d'intervalle.  Les  échelles  en  fer 
sont  d'une  sohdité  absolue,  mais  elles  sont  chères  ;  de  plus, 
le  métal  est  très  froid  au  contact  des  mains,  surtout  en  hiver. 
Les  échelles  en  bois  ont  des  montants  de  3  à  3  centim.  de 
largeur  suivant  le  plan  de  l'échelle  et  10  à  12  centim. 
d'épaisseur  dans  le  sens  perpendiculaire.  Les  échelons  pré- 
sentent 4  à  3  centim.  de  diamètre  lorsqu'ils  sont  ronds; 
souvent  on  leur  donne  une  forme  méplate ,  pour  qu'ils 
résistent  par  leur  tranche  au  poids  du  corps.  Il  est  impor- 
tant que  le  système  soit  bien  rigide,  sans  flexions  ni  oscil- 
lations. Le  bois  a  le  défaut  de  pourrir  et  de  s'user  rapi- 
dement. On  a  soin  d'interdire  aux  mineurs  de  descendre 
avec  des  souliers  ferrés.  La  plupart  du  temps,  d'ailleurs, 
ils  sont  pieds  nus.  On  peut  disposer  les  échelles  vertica- 
lement en  les  maintenant  à  une  distance  de  la  paroi  suffi- 
sante pour  que  la  pointe  du  pied  trouve  sa  place  ;  mais  la 
montée  est  plus  fatigante  que  si  l'on  donne  aux  échelles 
une  certaine  inclinaison.  La  plus  favorable  est  celle  de  70°  ; 
par  là,  le  centre  de  gravité  du  corps  reste  à  peu  près  sur 
la  verticale  du  point  d'appui,  au  lieu  qu'avec  l'échelle  ver- 
ticale il  se  trouve  nécessairement  en  dehors.  Le  moment 
du  poids,  par  rapport  à  Téchelon   qui  sert   de   base,  ne 
peut  donc  être  contre-balancé,  pour  l'équilibre,  que  par 
celui  d'une  tension  égale  développée  dans  les  bras,  ce  qui 
détermine  un  excédent  de  lassitude  absolument  inutile.  En 
raison  de  l'accumulation  de  cette  fatigue,  on  dispose  les 
échelles  en  répétition  avec  des  planchers  intermédiaires, 
qui  permettent  aux  hommes  de  reprendre   haleine.   Ces 
planchers  se  font  à  claires-voies,  afin  que  l'eau  n'y  puisse 
séjourner  par-dessus,  ni  le  grisou  par  dessous  ;  ils  sont 
percés  d'un  trou  rectangulaire  suffisant  pour  le  passage  du 
corps  de  l'homme.  Les  échelles  peuvent  être  d'une  travée 
à  l'autre  établies  suivant  deux  dispositifs  différents  :  pa- 
rallèle ou  croisé.  Le  premier  présente  plus  de  sécurité,  en 
ce  que   l'échelle  recouvre  en  projection  l'ouverture   du 
plancher  inférieur.  Les  moyens  d'ascension  sans  machine, 
et  à  l'aide  de  la  seule  force  musculaire,  occasionnent  une 
grande  perte  de  temps  ainsi  qu'une  fatigue  considérable; 
aussi  l'emploi  des  moyens  mécaniques  prévaut-il  aujour- 
d'hui ;  les  échelles  mécaniques  entre  autres  sont  en  usage 
dans  les  mines  profondes  {V.  Fahrkuinst),  d'autres  exploi- 
tations emploient  des  procédés  différents  pour  assurer  la 
descente  et  la  montée  des  mineurs  (V.  Cage,  t.  VIII,  p.  754, 
et  CuFFAT,  t.  XIII,  p.  338).  L.  Knab. 

III.  Architecture.  —  En  terme  de  beaux-arts,  l'échelle 
est  une  mesure  proportionnelle  destinée  à  représenter  en 
réduction,  mais  à  faire  coucevoir  les  dimensions  exactes 
qu'aurait  l'œuvre  terminée,  et,  particulièrement  en  architec- 
ture, l'échelle  consiste  en  une  ligne  tracée  sur  les  dessins, 
divisée  en  parties  égales  et  dont  chacune  représente  telle 
ou  telle  mesure  usuelle  :  ainsi  autrefois,  une  toise  ou  un  pied 
et,  de  nos  jours,  un  mètre  ou,  dans  les  études  d'ordre,  un 


ECHELLE 


-  302 


module.  On  dit,  en  conséquence,  échelle  d'une  ligne  pour  pied 
ou  d'un  pouce  pour  toise  (1/444)  et  d'un  centim.  ou  de 
2  millim.  pour  mètre  (1/100  ou  1/500).  Les  élévations  et 
les  coupes  sont  assez  souvent,  en  architecture,  à  une  échelle 
double  des  plans,  et  les  détails  d'exécution,  construction 
ou  décoration,  sont  à  une  échelle  encore  plus  grande.  — 
Pour  les  dessins  figurés  en  perspective,  il  y  a  deux  sortes 
d'échelles,  Véchelle  de  front,  servant  aux  objets  placés 
sur  le  premier  plan,  et  Véchelle  fuyante,  déterminant,  par 
des  données  inégales  et  de  plus  en  plus  petites,  l'étendue 
des  parties  fuyantes  ou  raccourcies.         Charles  Lucas. 

IV.  Gymnastique  (V.  Gymnastique). 

V.  Marine.— A  bord,  les  degrés  en  forme  d'escaliers, 
tantôt  fixes,  tantôt  mobiles,  qui  servent  à  faire  communi- 
quer les  dilîérentes  parties  du  navire  les  unes  avec  les 
autres  ou  avec  les  embarcations  qui  viennent  accoster  le 
navire,  s'appellent  indistinctement  échelles.  Pour  commu- 
niquer avec  le  dehors,  il  y  a,  à  tribord,  l'échelle  de  com- 
mandement, échelle  d'honneur  qui,  sur  les  bâtiments  de 
l'Etat,  sert  aux  officiers  et  à  ceux  qui  sont  assimilés  par  le 
règlement  du  service  intérieur  :  elle  est  commode,  en  bois, 
gamie  d'une  rampe  avec  plates-formes,  facilement  démon- 
table pour  être  rentrée  en  cas  de  départ.  Quand  on  reçoit 
un  personnage  d'importance,  on  fait  descendre  le  long  de 
l'échelle  des'matelots  qui  veillent  sur  lui  pendant  le  trajet 
de  l'embarcation  au  pont  du  navire,  le  préservant  des 
accidents  qui  pourraient  survenir.  «  Les  capitaines  de 
vaisseau,  dit  Villette  (Mémoires),  servirent  au  roy  d'An- 
gleterre de  matelots  pour  lui  aider  à  monter  sur  le  vaisseau 
de  M.  le  comte  d'Estrées.  »  —  Le  personnel  qui  n'a  pas 
le  droit  à  l'escalier  de  commandement  monte  par  les  échelles 
de  côté  ou  par  le  bord,  placées  à  peu  près  par  le  travers 
du  grand  mât,  composées  de  chevrons  cloués  ou  degrés 
qu'on  gravit  en  s'aidant  de  deux  tireveilles  amarrées  sur 
le  pont.  —  A  l'arrière  se  trouve  l'échelle  de  poupe,  sus- 
pendue à  la  bôme,  à  l'arrière  du  couronnement  :  elle  a 
des  montants  de  corde  et  des  échelons  de  bois  ou  de  corde 
et  donne  accès  dans  les  embarcations  qui  sont  à  la  traîne, 
à  l'arrière.  —  Les  échelles  mettant  en  communication  les 
différentes  parties  du  navire  prennent  des  noms  spéciaux  : 
il  y  a  les  échelles  de  haubans  ou  limons,  les  échelles  de 
revers  ou  gambes,  les  enfléchures  ;  elles  sont  tantôt  en  bois, 
tantôt  en  fer.  Pour  descendre  dans  la  cale,  il  y  a  aussi  les 
élances,  appelées  aussi  pieds-droits,  degrés  de  fer,  simple- 
ment munies  d'une  tireveille.—  Par  extension,  on  a  nommé 
échelle  les  ports  où  l'on  dispose  l'échelle  pour  communiquer 
avec  les  quais  ou  avec  le  rivage  :  c'est  dans  ce  sens  qu'on 
dit  les  échelles  du  Levant  en  désignant  les  villes  maritimes 
du  Levant,  de  l'Egypte  et  de  la  Barbarie.  Le  mot  escale 
est,  du  reste,  plus  employé. 

Echelle  de  tirant  d'eau,  Echelle  de  l'étambot  et  de 
l'étrave.  Echelle  de  solidité  (V.  Tirant  d'eau). 

VI.  Musique.  — •  Nom  donné  en  musique  à  une  suc- 
cession de  notes.  Il  y  a  trois  sortes  d'échelles  :  l'échelle 
diatonique,  composée  de  cinq  tons  et  de  deux  demi-tons 
diatoniques  (V.  ce  mot)  ;  l'échelle  chromatique,  composée 
de  douze  demi-tons  chromatiques  (V.  ce  mot)  ;  l'échelle 
enharmonique,  composée  d'intervalles  moindres  que  le 
demi- ton  appelés  quarts  de  tons  et  scientifiquement  co- 
mas et  sur  la  considération  desquels  est  formé  le  genre 
enharmonique  (V.  ce  mot).  Le  tempérament  (V.  ce 
mot)  a  aussi  son  échelle  dite  tempérée.  Un  registre  ins- 
trumental ou  vocal  a  son  échelle  embrassant  tous  les  sons 
diatoniques  ou  chromatiques  qui  lui  sont  propres.  On 
nomme  aussi  échelle  modale  la  succession  des  sons  types 
constitutifs  du  mode  (V.  ce  mot  et  Gamme,  Tétra- 
coRDE,  etc.).  Ch.  Bordes. 

VII.  Perspective.  —  Echelle  de  front.  —  Tout 
dessin  sur  un  plan  de  front  ayant  une  perspective  homo- 
thétique  à  lui-même,  comme  section  parallèle  à  la  base 
dans  la  pyramide  visuelle  qui  a  pour  base  le  dessin  ;  la 
seconde  figure  pourra  donc  s'obtenir  à  l'aide  de  l'autre, 
et  au  moyen  de  leur  rapport  de  similitude.  Véchelle  du 


plan  de  front  est  l'expression  numérique  de  ce  rapport. 
Elle  se  trace  à  partir  de  la  base  du  tableau,  comme  une 
suite  de  carreaux  réguliers,  et  permet  de  déterminer  ainsi 
avec  facilité  la  perspective  des  objets  parallèles  au  plan 
du  tableau  (V.  Perspective).  Ad.  Thiers. 

VIII.  Mathématiques.  —  L'échelle  d'un  système  de 
numération  est  la  progression  géométrique  qui  a  pour 
raison  sa  base  (mot  peu  usité). 

Echelle  de  relation  (V.  Récurrentes  [Séries]). 

Echelle  d'un  dessin.  —  C'est  le  rapport  des  dimensions 
de  ce  dessin  à  celles  de  l'objet  réel  qu'il  représente  ;  ainsi, 
quand  on  dit  que  l'échelle  d'un  dessin  (d'une  carte,  par 
exemple)  est  le  71'^"^^,  il  faut  entendre  par  là  que  ce  dessin 
a  pour  dim^ensions  linéaires  les  tz'*'*"''*  parties  des  dimensions 
correspondantes  de  l'objet  qu'il  représente.  Si  ce  dessin 
représente  un  objet  à  trois  dimensions,  il  est  une  projection 
de  l'objet,  et  dire  que  l'échelle  est  le  n^^™%  c'est  dire  que 
le  dessin  a  ses  dimensions  linéaires  n  fois  plus  petites  que 
celles  de  la  projection  réelle  de  l'objet. 

Echelle  logarithmique.  —  C'est  une  droite  ou  une  cir- 
conférence divisée  en  parties  inégales,  les  points  de  division 
marqués  1,  2,  8,...  sont  à  des  distances  égales  ou  pro- 
portionnelles à  log  1,  log  2,  log  3,...  de  la  division 
origine.  Cette  échelle  se  trouve  gravée  sur  les  règles  à 
calcul  (V.  Arithmomètre). 

Echelle  de  front  (V.  Perspective). 

Echelle  de  fuite  (V.  Perspective). 

Echelle  de  pente  (V.  Plans  cotés). 

Echelle  des  latitudes  croissantes  (V.  Carte,  t.  IX, 
p.  585). 

Echelle  de  modules.  —  Lorsque  l'on  veut  calculer  la 
valeur  d'une  intégrale  elliptique,  telle  que 
do 


f: 


■q    sji—  k'^ sin^cp 
on  peut  employer  une  méthode  qui  consiste  à  calculer  ce 
que  l'on  appelle  une  échelle  de  modules,   c.-à-d.  que 
l'on  remplace  l'intégrale  proposée  par  une  autre  de  la 
même  forme  : 


0  \Ji—ki  sin^cp^ 
dans  laquelle  k^^  a  une  valeur  en  général  plus  petite  et  par- 
tant plus  facile  à  calculer.  On  opère  ensuite  sur  cette  nou- 
velle intégrale  comme  sur  l'ancienne,  jusqu'à  ce  que  l'on 
ait  trouvé  une  valeur  du  module  assez  petite  pour  déve- 
lopper l'intégrale  en  une  série  très  convergente  ordonnée 
suivant  les  puissances  du  module.  Les  modules  successifs 
k,  k^,  k.^"»  forment  alors  une  échelle.  On  peut,  par 
exemple,  prendre 

'cp  d(D  1  +  k^ 


p.. 


et  l'on  a 


v'I  —  kH\v?^ 


'/" 


yl  —  /c"^sin^cp^' 


k=. 


h'K 


i-\-k, 
sin(V-9i)_     ^ 

-7- H^    , 


pour  la  commodité  du  calcul  on  pose  : 

2 

^  m  sin  0,  alors j-  =  2cos  * 

1  4-  /h 

^i-tg^L 


et  l'on  voit  que  k^  =  tg^  -  sera  en  général  beaucoup  plus 

petit  que  Â:  =  sin6  si /i;<l. 

Il  existe  un  grand  nombre  d'échelles  de  modules,  mais 
celle  que  nous  venons  d'indiquer  est  la  plus  simple  ;  elle 
a  été  indiquée  par  Landen.  H.  Laurent. 

Echelle  de  réduction  (V.  Plan). 

IX.  Physique.  —  On  nomme  ainsi  l'ensemble  des 
degrés  qui  servent  à  définir  les  températures.  Nous  n'en- 
trerons pas  ici  dans  les  détails  relatifs  à  la  notion  de 


303  - 


ÉCHELLE  —  ÉCHELLES 


température  (V.  ce  mot)  ;  nous  nous  contenterons  d'in- 
diquer que,  dans  tous  les  procédés  imaginés  pour  graduer 
les  thermomètres,  on  a  adopté  deux  points  fixes,  c.~à-d. 
deux  phénomènes  qui  servent  à  établir  deux  températures; 
c'est  le  point  de  fusion  de  la  glace  et  le  point  d'ébullition 
normale  de  l'eau.  Nous  désignerons  le  premier  par  G,  le 
second  par  E.  On  a  adopté  en  divers  pays  quatre  gradua- 
tions piincipales:  en  France,  l'échelle  centigrade  attribuée 
à  Celsius  et  l'échelle  Réaumur;  en  Angleterre  et  en  Alle- 
magne, l'échelle  de  Fahrenheit;  en  Russie,  celle  de  Delisle. 
L'échelle  centigrade  est  de  beaucoup  la  plus  usitée.  — 
1°  Echelle  centigrade  :  le  point  G  correspond  au  degré  0°, 
le  point  E  au  degré  iOO  ;  2°  échelle  de  Réaumur  :  fe  point 
G  correspond  au  degré  0°  et  le  point  E  au  degré  80  ; 
3<^  échelle  de  Fahrenheit  :  le  point  G  correspond  au  degré  32 
et  le  point  E  au  degré  212  ;  4*^  échelle  de  Delisle  :  le  point 
G  correspond  au  degré  450  et  le  point  E  au  degré  0.  Il 
est  facile  à  l'aide  de  quelques  formules  simples  de  passer 
d'un  quelconque  de  ces  systèmes  à  l'autre.  Soit  C  une  tem- 
pérature exprimée  en  degrés  centigrades  et  soient  F  la 
même  température  exprimée  en  degrés  Fahrenheit,  R  la 
même  température  en  degrés  Réaumur  et  D  en  degrés  De- 
lisle. Il  est  facile  de  voir  que  l'on  a 

4 
R=gC 

F  — 32  =  ^  G 

D 

i50-D=z^C. 

2 

D'où  l'on  déduit  : 


C: 


:~R  =  ^(F-32)z:.:3(loO-D). 


Le  tableau  suivant  montre  la  correspondance  des  diverses 
températures  dans  ces  trois  systèmes  : 


Glace  fondante 

Eau  bouillante 

o 

as 

^«5 

^1 

il 

9 
^  eu 

•a 

17077 

0 

10 
20 
30 
40 
50 
60 
70 
80 
90 
100 

0" 

32 

50 

68 

86 

104 

122 

140 

158 

176 

194 

212 

14022 

0 

8  - 
16 
24 
32 
40 
48 
56 
64 
72 
80 

17606 
150 
135 
120 
105 
90 
75 
60 
45 
30 
15 
0 

A.   JOANNIS. 

X.  Finances.  —  Echelle  de  primes  (V.  Prime). 

XL  Economie  politique.  —  Echelle  mobile.  —  On  a 
donné  le  nom  d'échelle  mobile  à  un  système  législatif  de  droits 
de  douane  appliqués  au  commerce  des  grains  en  Angleterre, 
puis  en  France,  dans  la  première  partie  du  xix<^  siècle.  L'An- 
gleterre fut  jusqu'à  ce  siècle  un  pays  agricole,  exportant  du 
blé  plus  qu'il  n'en  importait.  Pour  protéger  les  producteurs, 
on  mit  dès  1670  des  droits  fort  élevés  sur  les  importations 
de  blé,  et  on  imagina,  pour  assurer  les  approvisionnements 
en  cas  de  mauvaise  récolte,  de  faire  varier  ces  droits  selon 
l'échelle  des  prix.  Ce  système,  qui  procédait  de  celui  des 
droits  ad  valorem,  devint  très  compliqué  dans  l'application. 
Quand  le  prix  du  blé  était  inférieur  à  33  shillings  4  pence,  les 
droits  étaient  prohibitifs  ;  entre  ce  prix  et  celui  do  80  shil- 
lings, il  était  de  8  shillings.  En  1773,  ces  droits  furent 
beaucoup  diminués  ;  le  prix  du  blé  avait  été  générale- 
ment ^  inférieur  à  2  livres  sterling  et  presque  toujours  à 
50  shillings.  On  décida  que  l'importation  serait  autorisée 
dès  que  le  blé  se  vendrait  plus  de  48  shillings,  le  droit 
étant  de  1  et  2  shillings  par  quarter.  Mais,  en  1791,  on 


revint  à  une  protection  plus  grande.  Le  droit  fut  de  1  /2  shil- 
ling quand  le  blé  se  vendait  au-dessus  de  54  shillings  ;  il 
fut  de  2  1/2  entre  54  et  50  shillings;  quand  les  prix  tom- 
baient au-dessous  de  50  shillings,  le  droit  devenait  prohi- 
bitif, s'élevant  à  24  shillings  1/4.  Sous  l'influence  des 
guerres  de  la  Révolution  et  de  l'Empire,  le  prix  du  blé  s'éleva 
en  Angleterre  au-dessus  de  5  livres  sterling.  On  accrut 
donc  la  protection;  le  droit  de  24  shilfings  1/4  fut 
perçu  à  partir  du  prix  de  63  shiUings  (en  1804).Enl815, 
on  décida  que  le  blé  étranger  entrerait  en  franchise,  mais 
à  la  condition  d'être  déposé  dans  les  magasins  de  la  cou- 
ronne et  vendu  seulement  quand  le  prix  atteindrait  80  shil- 
lings. Toujours  le  souci  de  combiner  la  protection  des 
agriculteurs  avec  la  sécurité  des  approvisionnements.  En 
1822,  on  vota  un  droit  de  1  shilling  quand  le  blé  se  ven- 
dait 85 shillings;  5  shillings  entre  80  et  85  ;  12  shillings 
entre  70  et  80.  En  1828,  cette  échelle  mobile  fut  com- 
pliquée :  au  prixde  72shillings,  droit  de2  shillings 8 pence; 
au  prix  de  71  shillings,  droit  de  6  shillings  8  pence  ;  à 
70  shillings,  droit  de  10  shillings  ;  ix66  shillings,  droit  de 
20  shillings  8  pence.  L'effort  de  l'Etat  pour  soutenir  le 
prix  du  blé  et  le  fixer  entre  des  limites  étroites  apparaît. 
C'est  contre  cette  législation  que  fut  dirigée  par  Cobden 
et  V Anti-corn-law-league  (V.  t.  III,  p.  195)  des  efforts 
persévérants.  En  1842,  Robert  Peel  proposait  d'admettre 
un  droit  de  1  shilling  pour  le  prix  moyen  de  73  shillings, 
ce  droit  croissant  d'autant  de  shilHngs  que  le  prix  moyen 
baissait  de  shillings,  le  minimum  étant  à  51  shillings.  Le 
prix  était  fixé  par  le  cours  moyen  de  cent  cinquante 
marchés.  La  lutte  engagée  alors  fut  décisive.  Les  libre- 
échangistes  triomphèrent  en  1846.  Le  droit  fut  réduit  à 
10  shillings  si  le  prix  s'abaissait  au-dessous  de  48  shil- 
lings, à  5  shillings  si  le  prix  tombait  à  26  shillings,  4  shil- 
lings s'il  tombait  à  18  shillings.  On  décida  enfin  que,  dans 
un  délai  de  trois  ans,  ces  droits  seraient  supprimés.  La 
date  à  laquelle  ils  prirent  fin  fut  le  I^r  féyp.  1849. 

En  France,  on  avait  emprunté  aux  Anglais  le  système  de 
V échelle  mobile  facilitant  l'entrée  du  blé  quand  le  prix 
monte  à  l'intérieur,  la  frappant  davantage  quand  le  prix 
s'abaisse,  afin  de  ne  pas  déprécier  le  travail  national.  Le 
droit  d'exportation  variait  en  sens  opposé.  Il  en  étaitdemème 
en  Angleterre  tant  qu'il  exista.  Toute  cette  organisation  a  été 
expliquée  à  l'art.  Blé  (t.  VI,  p.  1076).  L'échelle  mobilefut 
temporairement  abolie  en  1846  et  1853  dans  des  époques 
de  disette.  Elle  le  fut  définitivement  par  la  loi  du  15  juin 
1861,  à  la  suite  d'une  grande  enquête  préparée  par  le  con- 
seil d'Etat  et  d'une  vive  discussion  au  Corps  législatif 
(27-29  mai  1861). 

L'échelle  mobile  adoptée  aussi  par  la  Hollande,  la  Bel- 
gique et  les  Etats  romains  a  disparu  partout.  Les  entraves 
mises  au  commerce  des  grains  favorisaient  la  spéculation 
et  mettaient  en  danger  l'approvisionnement  du  pays. 
(Y.  Libre-Echange).  A.-M.  B. 

ÉCHELLE  (L').  Com.  du  dép.  des  iVrdennes,  arr.  de 
Rocroi,  cant.  de  Rumigny  ;  329  hab. 

ÉCHELLE  (L').  Com.  du  dép.  de  la  Marne,  arr.  d'É- 
pernay,  cant.  de  Montmirail  ;  261  hab. 

ÉCHELLE  (L')  (Seine-et-Marne)  (V.  Léchelle). 

échelle-Saint-Aubin  (L').  Com.  du  dép.  de  la 
Somme,  arr.  de  Montdidier,  cant.  de  Roye;  213  hab. 

ÉCHELLES  (Les).  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  delà  Savoie, 
arr.  de  Chambéry,  sur  le  Guiers  ;  765  hab.  Métiers  à  soie. 
La  route  de  Chambéry  traverse,  à  4  kil.  des  Echelles  une 
galerie  longue  de  308  m.,  commencée  par  Napoléon  P^et 
terminée  en  1815  par  le  gouvernement  sarde.  L'ancienne 
roule,  ouverte  par  le  duc  de  Savoie,  Charles-Emmanuel,  en 
1670,  ainsi  qu'en  témoigne  une  inscription,  est  devenue 
inaccessible  aux  voitures;  elle  avait  elle-même  remplacé 
un  passage  difficile  et  dangereux  nommé  le  chemin  de 
l'Echaillon. 

ÉCHELLES  DU  Levant.  On  désigne  ainsi  les  ports  et 
places  de  commerce  de  la  Méditerranée  orientale  appartenant 
à  l'empire  ottoman  depuis  Constantinople  jusqu'à  Alexan- 


ÉCHELLES  —  ECHENILLAGE 


304  — 


drie.  On  y  comprenait  aussi  jadis  les  ports  delà  côte  bar- 
baresque  jusqu'à  Alger  et  ceux  des  îles  et  presqu'îles  de  la 
Grèce,  également  dépendants  du  sultan.  C'est  le  territoire 
classique  des  capitulations  (V.  ce  mot). 

ÉCHELON.  L  Technologie.  —  Nom  que  l'on  donne  aux 
barres  transversales  qui  relient  les  montants  d'une  échelle 
(V.  ce  mot).  Les  échelons  sont  en  bois  ou  en  fer;  dans  le 
premier  cas,  ils  ont  un  aspect  fusiforme  et  sont  renflés  en 
leur  milieu  ;  dans  le  second  cas,  ce  sont  de  simples  tiges 
cylindriques.  On  fait  aussi  pour  descendre  dans  les  puits, 
par  exemple,  des  échelons  en  fer  qui  sont  coudés  et  scellés 
par  leurs  extrémités  dans  la  maçonnerie.  Les  murs  pignons 
d'une  grande  hauteur  portent  souvent  des  échelons  sem- 
blables qui  permettent  d'atteindre  les  souches  des  chemi- 
nées pour  les  réparer.  Desimpies  liges  de  fer  scellées  d'un 
bout  dans  les  murs  remplissent  le  même  objet.  L'ne  échelle 
de  ce  genre  scellée  dans  un  mur  séparatif  non  mitoyen 
exige  l'achat  d'une  partie  du  mur  par  celui  qui  fait  poser 
cette  échelle  sur  le  mur  ne  lui  appartenant  pas.  La  largeur 
à  acquérir  est  la  moitié  de  celle  occupée  à  plomb  de  la  plus 
grande  saillie  de  l'échelle,  plus  un  pied  d'aile  (0^32)  au 
delà  de  chaque  côté  de  ladite  échelle.  L.  K. 

IL  Tactique.  —  On  désigne  sous  ce  nom  des  lignes 
de  troupes  disposées  les  unes  derrière  les  autres,  de  ma- 
nière à  pouvoir  être  successivement  engagées  au  combat  et 
soutenues  ou  remplacées  les  unes  par  les  autres.  L'ordre 
en  échelons  a  été  employé  de  tout  temps  dans  les  armées 
conduites  au  combat  avec  discipline  et  méthode.  Aujour- 
d'hui, le  bataillon  se  forme  pour  combattre  en  trois  éche- 
lons :  1°  une  chaîne  constituée  par  les  sections  de  tête 
des  deux  compagnies  de  tête  de  la  colonne  pour  le  combat; 
2^  des  soiitieïis  ïonms  par  les  sections  de  queue  de  ces 
deux  compagnies;  3°  une  réserve  comprenant  les  deux 
autres  compagnies.  Cette  formation,  qui  est  celle  du  ba- 
taillon encadré,  subit  quelques  modifications  de  détail  dans 
le  cas  où  le  bataillon  est  isolé,  où  le  combat  doit  être  dé- 
fensif,  etc.  Toutes  les  autres  unités  d'infanterie  emploient 
un  échelonnement  analogue  pour  combattre.  Dans  les 
manœuvres  de  cavalerie,  le  régiment  peut  marcher  en 
échelons  par  demi-régiment.  Le  colonel  désigne  le  demi- 
régiment  qui  doit  se  porter  en  avant  le  premier  et  lui  donne 
sa  direction  ;  il  indique  ensuite  à  celui  qui  doit  former  le 
deuxième  échelon  la  distance  qu'il  doit  conserver  et  fait 
commencer  le  mouvement  par  l'indication  :  Tel  demi- 
régiment,  à  telle  distance: m  échelon.  Le  régiment  peut 
être  porté  en  arrière  par  des  moyens  analogues.  Pendant 
la  marche,  le  colonel  peut  faire  l'indication  :  Tel  escadron, 
à  telle  distance  :  en  échelon.  —  On  désigne  encore  sous 
ce  nom  les  fractions  de  troupes  d'une  colonne  en  route  : 
avant-garde,  gros,  etc.,  ainsi  que  les  lignes  successives  des 
troupes  aux  avant-postes  :  sentinelles,  petits  postes,  grand'- 
gnrdes,  etc. 

ÉCHEM BROIE,  poète  et  musicien  arcadien  de  la  fin  du 
vii^  siècle  avant  J.-C.  Il  composait  des  nomes  élégiaques 
accompagnés  de  flûte,  et  remporta,  la  troisième  année  de 
la  48*^  olympiade,  une  victoire  en  souvenir  de  laquelle  il 
consacra  à  Hercule  un  trépied  avec  une  inscription  en 
vers  que  Pausanias  (X,  7)  a  conservée. 

ÉCHEM  IN  ES.  Com.  du  dép.  de  l'Aube,  arr.  de  Nogent- 
sur-Seine,  cant.  de  Marcilly-le-Hayer;  137  hab. 

ÉCHEMIRÉ-RiGNÉ.  Com.  du  dép,  de  Maine-et-Loire, 
arr.  et  cant.  deBaugé,près  delà  forêt  deBaugé;  784hab. 
Chaux.  Près  de  Rigné,  plusieurs  monuments  mégalithiques 
connus  sous  le  nom  de  Pierres  du  Coq.  Ancien  prieuré 
dont  l'église  peut  remonter,  dans  certaines  de  ses  parties, 
à  l'époque  carolingienne. 

ÉCHENANS.  Com.  du  dép.  du  Doubs,  arr.  et  cant.  de 
Montbéliard  ;  62  hab. 

ÉCHENANS-sous-Mont-Vaudois.  Com.  du  dép.  de  la 
Haute-Saône,  arr.  de  Lure,  cant.  d'Héricourt;  2i0  hab. 
Ce  village  dépendait  en  partie  du  comté  de  Montbéhard  et 
en  partie  de  la  seigneurie  d'Héricourt.  Marguerite  de  Bade, 
dame  d'Héricourt,  vendit,  en  1360,  sa  moitié  à  Thomas  de 


Beurneyesin  qui  la  revendit  en  1364  à  Jean  de  Mandeure. 
Celui-ci  ayant  refusé  le  devoir  de  foi  et  hommage  à  Thié- 
baud  de  Neufchâtel,  seigneur  d'Héricourt,  fut  assiégé  dans 
son  château  du  Mont-Vaudois  et  fait  prisonnier  (1381).  Les 
habitants  qui  relevaient  de  la  seigneurie  furent  affranchis 
en  1520  par  Guillaume,  comte  de  Furstemberg  et  seigneur 
d'Héricourt;  ceux  qui  relevaient  du  comté  le  furent  en 
1584  par  Frédéric  de  Wurttemberg,  comte  de  Montbéliard. 

ÉCHENAY.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Marne,  arr.  de 
Wassy,  cant.  de  Poissons  ;  202  hab.  —  Hauts  fourneaux, 
distilleries  de  betteraves.  —  Cette  localité,  située  sur  la 
rive  droite  de  la  Saulx,  fut,  au  moyen  âge,  le  siège  d'une 
importante  baronnie  qui  appartenait,  au  xiii^  siècle,  à  la 
maison  de  Joinville,  d'où  elle  passa  successivement  dans 
celles  de  Dinteville,  de  Choiseul,  de  La  Ferté-Senneterre  et 
de  Rarécourt-Pimodan.  Le  château,  restauré  par  les  soins 
du  marquis  de  Pimodan,  renferme  une  intéressante  galerie 
de  portraits.  A.  T. 

BiBL.  :  Marquis  de  Pimodan,  Histoire  d'une  vieille  mai- 
son, le  château  d'Echenay  ;  T.anG;res  et  Paris,  1882,  in-8 
avec  pi.  —  Henri  Lozeral,  le  Château  d'Echenay,  dans 
Revue  de  Champagne  et  Brie,  1890,  p.  312. 

ECHENEIS  (Ichtyol.).  Genre  de  Poissons  osseux  (Té- 
léostéens),  de  l'ordre  des  Acanthoptérygiens  Cotto- 
Sconibriformes  et  de  la  famille  des  Scombridœ  (V,  ces 
mots)  vulgairement  connu  sous  le  nom  de  Rémora  (V.  ce 
mot).  Les  Poissons  compris  dans  ce  genre  ont  sur  la  tête 
un  disque  ovale  composé  d'un  nombre  variable  de  lamelles 
transversales  disposées  par  paires.  Ces  lamelles  ont  leur 
limbe  garni  de  petites  épines.  Cet  appareil,  qui  permet  au 
Poisson  de  se  fixer  sur  les  corps  submergés,  est  une  mo- 
dification de  la  première  nageoire  dorsale;  chacune  des 
lamelles  représente  la  moitié  de  l'un  des  rayons  qui  s'est 
rabattu  et  étalé.  Ces  Poissons  ont  le  corps  allongé,  la  tête 
large,  la  bouche  petite,  la  dorsale  est  opposée  à  l'anale, 
les  ventrales  ont  une  épine  et  cinq  rayons  mous.  Les  dix 
formes  connues  ont  une  large  distribution  géographique,  à 
cause  même  de  leur  genre  de  vie.  Ils  sont  cependant  pro- 
pres aux  mers  chaudes.  VEcheneis  rémora,  qui  atteint 
40  centim.  de  long,  est  d'un  brun  rougeâtre  uniforme, 
plus  pâle  sous  le  ventre,  avec  des  maculatures  blanches  et 
une  bande  de  même  couleur  sur  les  pectorales.  Rochbr. 
BiBL.  :  Sauvage,  dans  Breiim,  éd.  française.  Poissons. 
—  GuNTHER,  Study  of  Fishes.  —  BE  Rochebrune,  Faune 
de  la  Sênégambie.  Poissons. 

ÉCHENEVEX.  Com.  du  dép.  de  l'Ain,  arr.  et  cant.  de 
Gex  ;  324  hab. 

ECHENILLAGE.  1.  Agriculture  (V.  Chenille). 

H.  Droit  administratif.  —  La  destruction  des  chenilles  a 
été  en  France  l'objet  de  nombreuses  mesures  législatives.  Le 
premier  texte  qui  la  concerne  est  un  arrêt  du  parlement  de 
Paris  en  date  du  4  févr.  1732,  pris  à  la  suite  d'une  inva- 
sion peu  ordinaire  de  chenilles  qui  s'était  produite  à  l'au- 
tomne de  1731.  Tout  propriétaire  et  fermier  était  tenu  de 
brûler  les  bourses  et  toiles  à  peine  de  50  livres  d'amende. 
La  Révolution  abandonna  ces  questions  agricoles  à  l'initia- 
tive des  autorités  locales.  La  loi  du  6  oct.  1791  (art.  20) 
stipule  :  Les  corps  administratifs  sont  invités  à  encourager 
les  habitants  des  campagnes  par  des  récompenses  et  suivant 
les  localités  à  la  destruction  des  animaux  malfaisants  qui 
peuvent  ravager  les  troupeaux,  ainsi  qu'à  la  destruction 
des  animaux  et  des  insectes  qui  peuvent  nuire  aux  récoltes. 
Ces  prescriptions  demeurèrent  illusoires  et,  à  la  suite  de 
ravages  effrayants  causés  par  les  chenilles,  le  conseil  des 
Anciens  et  le  conseil  des  Cinq-Cents  votèrent,  sur  un 
message  du  Directoire,  la  loi  du  26  ventôse  an  IV,  qui  est 
restée'en  vigueur  jusqu'à  ces  dernières  années. 

Cette  loi  spécifiait  que  les  propriétaires,  fermiers,  loca- 
taires  ou  autres  doivent  écheniller  tous  les  ans  avant  le 
mois  de  mars  et  brûler  sur-le-champ  les  bourses  et  toiles 
qui  sont  tirées  des  arbres,  haies  et  buissons,  dans  un  lieu 
oti  il  n'y  aura  aucun  danger  de  communication  de  feu  soit 
pour  les  bois,  arbres  et  bruyères,  soit  pour  les  maisons 
et  bâtiments.  D'autre  part,  l'art.  471  du  C.    pénal  con- 


—  30o 


ÉCHENILLAGE  —  ECHEVERRIA 


damne  à  une  amende  de  4  à  S  fr.  ceux  qui  auront  négligé 
d'écheniller  dans  les  campagnes  et  jardins  où  ce  soin  est 
prescrit  par  la  loi  ou  les  règlements.  La  cour  de  cassation 
a  décidé  (6  sept.  1850)  que  l'échenillage  est  une  charge 
de  la  propriété  et  que  le  propriétaire  demeure  responsable, 
même  lorsqu'il  a  atfermé  la  terre.  Les  préfets  et  les  maires 
devaient  prescrire  chaque  année  l'échenillage,  par  arrêté. 
Les  maires  et  adjoints  veillaient,  sous  leur  propre  respon- 
sabilité, à  l'exécution  de  l'échenillage,  et  les  procès-verbaux 
en  cette  matière  étaient  dressés  par  les  gardes  champêtres 
et  les  gendarmes.  En  vertu  d'une  lettre  du  ministre  des 
finances  en  date  du  41  avr.  4824,  l'administration  des 
forêts  était  dispensée  d'écheniller. 

De  nombreuses  critiques  s'élevèrent  contre  cette  loi.  On 
lui  reprocha  surtout  de  rendre  les  maires  et  adjoints  res- 
ponsables de  la  négligence  de  leurs  administrés,  de  ne 
s'appliquer  qu'aux  chenilles,  tandis  que  beaucoup  d'autres 
insectes  ne  causent  pas  moins  de  dégâts,  et  de  supposer  que 
l'échenillage  ne  peut  avoir  lieu  qu'au  printemps,  tandis 
qu'on  peut  l'exercer  avec  succès  en  été  et  en  automne. 
Elle  finit  par  tomber  en  désuétude  et  on  ne  verbalisa  guère 
contre  les  contrevenants.  Après  plusieurs  tentatives  infruc- 
tueuses en  1839,  en  1849,  en  4854,  en  4872,  les  Chambres 
françaises  finirent  par  adopter  la  loi  du  24  déc.  4888  qui 
abroge  celle  de  l'an  IV  relative  à  l'échenillage  et  s'étend  à 
la  destruction  des  insectes,  cryptogames  et  autres  végétaux 
nuisibles  à  l'agriculture.  D'après  cette  loi,  les  préfets  pres- 
crivent les  mesures  nécessaires  pour  arrêter  ou  prévenir 
les  dommages  causés  à  l'agriculture  parles  chenilles,  etc., 
lorsque  ces  dommages  se  produisent  dans  un  ou  plusieurs 
départements  ou  seulement  dans  une  ou  plusieurs  com- 
munes, et  prennent  ou  peuvent  prendre  un  caractère  enva- 
hissant et  calamiteux.  Les  propriétaires,  fermiers,  colons 
ou  métayers,  les  usufruitiers  et  usagers  sont  tenus  d'exé- 
cuter sur  les  terrains  qu'ils  possèdent  et  cultivent  ou  dont 
ils  ont  la  jouissance  et  l'usage,  les  mesures  prescrites  par 
l'arrêté  préfectoral  (toutefois,  dans  les  bois  et  forêts,  ces 
mesures  ne  sont  applicables  qu'à  une  lisière  de  30  m.).  Ils 
doivent  ouvrir  leurs  terrains  aux  agents  chargés  de  la  vé- 
rification ou  de  la  destruction.  En  cas  d'inexécution,  procès- 
verbal  est  dressé  par  le  maire,  l'adjoint,  l'officier  de  gen- 
darmerie, le  commissaire  de  police,  le  garde  forestier  ou 
le  garde  champêtre,  et  le  contrevenant  est  cité  devant  le 
juge  de  paix.  Il  est  passible  d'une  amende  de  6  à  45  fr. 
L'amende  est  doublée  et  la  peine  d'emprisonnement  pen- 
dant cinq  jours  au  plus  peut  même  être  prononcée  en  cas 
de  récidive.  Comme  ces  prescriptions  sont  fort  rigoureuses, 
il  est  stipulé  que  l'arrêté  préfectoral  doit  être  pris  après 
avis  du  conseil  général  et  soumis  à  l'approbation  du  ministre 
de  l'agriculture  qui  prend  lui-même,  sur  les  procédés  à  appli- 
quer, l'avis  d'une  commission  technique  instituée  par  décret. 
—  Des  lois  analogues  existent  à  l'étranger,  notamment  en 
Italie,  en  Angleterre,  en  Belgique,  en  Prusse,  etc. 

ÉCHENILLEUR  (Ornith.).  Nom  vulgaire  de  quelques 
Passereaux  d'Afrique,  de  Madagascar,  de  la  Nouvelle- 
Guinée,  des  Philippines  et  des  Moluques  qui  rentrent  dans 
les  genres  Campophaga,  Grancalus  ou  Ceblepyris  et 
Edoliisoïna  et  dans  la  famille  des  Campopliagidés  (V.  ce 

ïWOt).  E.  OUSTALET. 

ÉCH  EN  ILLOIR.  Pour  opérer  Véchenillage  (V.  ce  mot), 
on  se  sert  d'une  sorte  de  petite  cisaille,  en  fer  aciéré,  fixée 
sur  un  long  manche  ;  lorsque  l'outil  est  placé  de  manière 
à  saisir  la  petite  branche  qui  porte  les  nids  de  chenilles, 
il  suffit  de  tirer  une  ficelle  qui  fait  mouvoir  une  des  branches 
de  la  cisaille,  et  la  branche  tombe.  Cet  instrument  porte  le 
nom  d'échenilloir. 

ECH  ENON.  Com.  du  dép.  de  la  Côte-d'Or,  arr.  deBeaune, 
cant.  de  Saint-Jean-de-Losne  ;  756  hab.  Gaudes  (farines  de 
mais)  renommées. 

ÉCHENOZ-la-Meline.  Com,  du  dép.  de  la  Haute-Saône, 
arr.  et  cant.  de  Vesoul;  4,080  hab.  Carrières  de  pierres 
de  tadle  et  de  moellons;  moulins, huilerie.  Grotte  du  Trou 
de  la  Baume  qui  a  fourni  de  nombreux  ossements  fossiles 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —    XV. 


et  quelques  silex  taillés.  A  l'église,  bras  d'argent  du  xvi^  siè- 
cle contenant  une  relique  de  saint  Martin.  xAu  hameau  de 
Solborde,  pèlerinage  de  Notre-Dame,  très  fréquenté  autre- 
fois et  à  l'occasion  duquel  Philippe  IV,  roi  d'Espagne,  créa 
d'importantes  foires  à  Echenoz  (4665).  L-x. 

ÉCHENOZ-le-Sec.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Saône, 
arr.de  Vesoul,  cant.  de  Montbozon;  345  hab. 

ÉCH  E  VAN  NE.  Com.  du  dép.  du  Doubs,  arr.  de  Besan- 
çon ,  cant.  d'Ornans;  443  hab. 

ÉCHEVANNE.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Saône,  arr.  et 
cant.  de  Gray;  92  hab. 

ÉCHEVANNES.  Com.  du  dép.  de  la  Côte-d'Or,  arr.  de 
Dijon,  cant.  d'Is-sur-Tille;  464  hab. 

ÉCH  EV EAU.  Dans  un  grand  nombre  de  cas,  les  fils,  soit 
qu'ils  aient  été  filés  sur  des  métiers  continus,  soit  qu'ils 
doivent  être  teints,  soit  qu'on  veuille  en  faciliter  l'embal- 
lage et  le  transport,  sont  dévidés  en  forme  d'écheveaux 
avant  d'être  livrés  à  la  vente.  La  longueur  du  fil  contenue 
dans  un  écheveau,  dont  tout  le  monde  connaît  l'aspect,  est 
toujours  en  rapport  avec  la  méthode  adoptée  pour  le  numé- 
rotage, au  moyen  duquel  on  spécifie  la  finesse  du  fil.  Dans 
l'industrie  française  du  coton,  les  écheveaux  contiennent 
toujours  4,000  m.  de  fil,  et  sont  divisés  ordinairement 
en  dix échevettes  de  400  m.  ou  cinq  échevettes de 200  m. 
Les  dévidoirs  sur  lesquels  on  les  forme  ont  un  périmètre 
de  4^428,  de  sorte  que  soixante-dix  tours  fournissent 
l'échevette  de  4 00  m.  Le  numéro  indique  le  nombre  d'éche- 
veaux qui,  réunis,  forment  un  poids  d'un  demi-kilogr.  L'em- 
ballage se  fait  en  formant  des  paquets  pesant  uniformé- 
ment 2  kilogr.  et  demi  ou  5  kilogr.  L'industrie  de  la  laine 
fait  usage  du  même  dévidoir,  mais  dans  les  usages  de 
bien  des  locaUtés  l'échevette  ne  contient  que  cinquante  tours 
correspondant  à  une  longueur  de  744  m.  Les  dévidoirs 
dont  on  fait  usage  en  Angleterre  et  dans  les  différents  autres 
pays  sont  un  peu  moins  grands;  leur  périmètre  est  de 
i  yard  et  demi  ou  4"^372,  et  l'écheveau  composé  de  cinq 
cent  soixante  tours  renferme  840  yards  ou  768  m.  de  fil. 
Pour  le  lin,  même  en  Erance,  on  a  adopté  des  dévidoirs  de 
2  yards  et  demi  ou  2™286  de  périmètre,  et  les  écheveaux 
contiennent  douze  échevettes  formées  chacune  par  cent 
vingt  tours  de  dévidoirs.  Elles  correspondent  à  une  lon- 
gueur de  3,600  yards  ou  3,294  m.  La  vente  se  fait  par 
paquets  de  poids  variables,  mais  renfermant  toujours  cent 
écheveaux,  soit  une  longueur  constante  de  360,000  yards. 
Les  dévidoirs  en  usage  pour  la  soie  sont  toujours  plus  petits 
et  les  longueurs  des  écheveaux  varient  suivant  les  cas. 

ECHEVERIA  (Echeveria  DC.)  (Bot.).  Genre  de  Cras- 
sulacées,  que  M.  H.  Bâillon  (Hist.  des  PL,  IH,  p.  310) 
considère  comme  une  simple  section  du  genre  Cotylédon  L. 
Ses  représentants,  originaires  du  Mexique  et  de  la  Cali- 
fornie, sont  des  arbustes  ou  des  herbes,  à  feuilles  tantôt 
en  rosette,  tantôt  caulinaires  et  alternes,  à  périanthe 
double,  à  cinq  divisions,  avec  six  étamines  insérées  au  fond 
de  la  corolle.  Plusieurs  espèces,  notamment  1'^.  cocci- 
nea  DC,  sont  cultivées  dans  les  jardins  comme  orne- 
mentales. 

ECHEVERRIA  (Estéban),  célèbre  poète  argentin,  né  à 
Buenos  Aires  en  4809,  mort  à  Montevideo  en  janv.  4854. 
Son  éducation  fut  essentiellement  française.  A  l'âge  de  dix- 
huit  ans,  il  vint  à  Paris  pour  suivre  les  cours  de  la  Sor- 
bonne  et  du  Collège  de  Erance;  il  y  passa  près  de  cinq 
années  et  s'imprégna  profondément  des  idées  du  romantisme 
littéraire  dont  il  se  fit  l'apôtre  au  retour  dans  son  pays. 
Son  poème  d'essai,  Elvira  6  la  novia  del  Plata  (4832), 
n'est  qu'un  produit  d'une  imagination  dévoyée;  ses  poésies 
fngniw es ^  Consuelos  (4834), ne  sont  encore  que  des  reflets 
de  la  littérature  élégiaque  française.  Mais  il  eut  le  mérite 
de  donner  à  toute  l'Amérique  espagnole  le  signal  de  rupture 
avec  les  traditions  du  classicisme.  Dans  son  poème  la  Cau- 
tiva  (4837),  il  essaya  de  devenir  poète  national.  La  trame 
en  est  assez  puérile,  mais  les  descriptions  des  «  pampas  » 
et  des  mœurs  de  ses  habitants  sont  faites  avec  émotion  et 
vigueur.  Obligé  de  s'expatrier  pour  échapper  aux  persécu- 

20 


EGIIEVERRÏA  -  ÉCHIDNÉ 


—  306  — 


tions  du  dictateur  Rosas,  il  passa  à  Montevideo,  où  il  con- 
sacra plusieurs  beaux  chants  à  célébrer  les  actions  héroï- 
ques des  défenseurs  de  la  liberté  qui  perdirent  la  vie  en 
combattant,  en  4839-1840,  la  sauvage  tyrannie  de  ce 
saucho  sanguinaire  (La  Insurrecciôn  ciel  Sud  ;  monie- 
video,  1849).  Ses  œuvres  complètes  ont  été  publiées  a 
Buenos  Aires  (1870,  2  vol.  in-8).         G.  Pawlowski. 

BiBL  :  Torrés-Caicedo,  Ensnyos  hiograficos  y  do  cri- 
tica  literaria;  Paris,  1863,  t.  l^^.-X.  Marmier,  Lettres  sur 
VAmérique,  t.  II. 

ÉCHEVETTE.  Fraction   d'un  écheveau  (V.  ce  mot). 
ÉCHEVINS.  On  donne  ce  nom  à  des  personnages  qui  ap- 
paraissent dans  les  documents  au  cours  du  vm«  siècle  ;  le 
nom  latin  scabini,  sous  lequel  ils  figurent  dans  les  textes, 
est  dérivé  d'un  ancien  mot  allemand  qui  signifie  juger.  Ce 
sont  d'abord,  semble-t-il,  des  hommes  libres  analogues 
aux  rachimboiirgs  (V.  ce  mot)  désignés  pour  participer 
aux  plaids,  mais  bientôt  la  réforme  de  l'administration  de 
la  justice   sous  Charlemagne  les  substitue  complètement 
aux  rachimbourgs  et  les   transforme  en  fonctionnaires 
royaux  ayant  la  mission  permanente  de  rendre  la  justice 
avec  les  comtes  et  les  centeniers.  Ils  étaient  nommés  par  les 
7nissi  ou  par  les  comtes  avec  la  participation  du  peuple  et 
semblent  avoir  exercé  leur  charge  à  vie,  sauf  le  cas  de  révo- 
cation. Cette  institution  des  échevins  et  cette  organisation 
des  tribunaux  des   comtés  persista  sans  grand  change- 
ment pendant  toute  la  période  carohngienne  et  se  perpétua 
même,  en  se  transformant,  bien  au  delà.  Lorsque  s'organisa 
au  cours  du  x«  siècle  la  justice  seigneuriale,  les  tribunaux 
échevinaux,  loin  de  disparaître,  se  multiplièrent  au  contraire 
et  constituèrent  la  juridiction  des  non-nobles,  paysans  ou 
habitants  des  villes.  Il  semble  que  les  populations  furent 
en  général  très  attachées  à  cette  juridiction,  si  bien  que  la 
révolution  communale  eut,  dans  la  plupart  des  villes,  pour 
effet  de  transformer  les  échevins  en  magistrats  municipaux 
et  de  leur  conférer  de  nouvelles  attributions.  Dans  quelques 
villes,  cependant,  le  tribunal  échevinal  persista  plus  ou 
moins  longtemps  à  côté  des  nouvelles  magistratures.  L'iden- 
tité des  échevins  municipaux  et  des  échevins  carohngiens, 
longtemps  contestée,  est  aujourd'hui  admise  par  la  plupart 
des^historiens  ;  beaucoup  d'entre  eux  cependant  persistent 
à  désigner  les  scabini  de  l'époque  carolingienne  sous  le 
nom  de  scabi7is,  réservant  le  nom  à'échevins  pour  les 
5ca/^mi  municipaux.  Ceux-ci  continuèrent  d'abord  à  être 
nommés  à  vie  et  par  les  seigneurs  des  villes  où  ils  étaient 
établis,  mais  peu  à  peu,  au  cours  du  xii^  siècle,  les  habi- 
tants prirent  à   leur  élection  une  part    de  plus  en    plus 
grande,  et  des  réformes  survenues,  soit  à  la  fin  de  ce  siècle, 
soit  dans  la  première  moitié   du  suivant,  transformèrent 
presque  partout  leurs  charges  en  magistratures  annuelles 
et  électives.  A  l'imitation  des  villes  qui  avaient  eu  un  tri- 
bunal d'échevins  avant  de  devenir  des  communes,  certaines 
localités  qui  obtinrent  une  charte  de  commune  donnèrent  le 
nom  d'échevins  aux  collèges  de  magistrats  qu'elles  créaient 
de  toutes  pièces.  Dans  les  unes    comme  dans  les  autres, 
leurs  attributions  n'étaient  pas  restreintes  à  l'administra- 
tion de  la  justice;  il  s'y  joignait,  bien  entendu,  les  attribu- 
tions administratives  militaires  et  de  police  qui  incombaient 
aux  magistrats  municipaux.  Bientôt,  dans  le  nord  de  la 
France  particulièrement,  des  collèges  d'échevins  ou  éche- 
vmages  furent  établis  dans  la  plupart  des  villes  et  dans 
celles  même  qui  n'avaient  pas  le  rang  de  communes  et  ne 
possédaient  pas  de  droits  de  justice.  Depuis  le  xv^  siècle, 
la  monarchie  ne  cessa  de  créer  des  échevinages  dans  les 
localités  qui  en  étaient  dépourvues.  Le  nombre  et  les  attri- 
butions des  échevins  ne  furentjamais  uniformément  fixées 
pour  tout  le  royaume.  La  haute  justice  fut  enlevée  aux 
Tilles  au  xvi«  siècle,  par  les  ordonnances  de  Moulins  et  de 
Blois,  mais  presque  partout  les  échevinages  conservèrent  la 
juridiction  de  police  et  continuèrent  à  former  un  tribunal 
sous  la  présidence  du  maire  ou  du  prévôt.  Souvent  les 
fonctions  municipales  étaient  réparties  entre   les   divers 
membres  de  l'échevinage;  il  y  avait  à  cet  égard,  du  reste, 


une  infinie  variété,  et  les  règlements  différaient  de  ville  à 
ville.  Au  xyiii*^  siècle,  seulement,  on  se  préoccupa  de  donner 
aux  villes  une  administration  uniforme  ;  l'édit  de  Com- 
piègne,  du  mois  d'août  1764,  fixa  à  quatre  le  nombre  des 
échevins  des  bonnes  villes,  mais  ses  dispositions  ne  furent 
point  généralement  appliquées.  Le  titre  d'échevin  n'a  pas 
survécu  en  France  à  l'ancien  régime.  A.  G.^ 

BiBL.:Pour  les  échevins  carolingiens,  W.  SiCKKL,Die 
Entstehunq  des  Schôffenqerichts,  dans  Zeitschrift  der  Sa- 
vignyStlftunq  Germ.  Abi'h.,t.  VI(1885),pp.  1-86.-Brunner, 
Die  Herhunft  der  Schôffen,  dans  Mittlieil.  des  Instituts 
fur  Oesterr.  Geschichtsforschung.  t.  VIII  (1887).  — _  Ed. 
Beaudouin,  la  Participation  des  hommes  libres  au  juge- 
ment dans  le  droit  franc.  III,  les  Scabins,  dans  lYou- 
velle  Revue  historique  de  droit,  t.  XII  (1888),  pp.  121-231.— 
Pour  la  persistance  du  scabinat  à  Tépoque  communale, 
A.  GiRY,  Etude  sur  les  origines  de  la  commune  de  Saint- 
Quentin;  Saint-Quentin,  1887,  in-4.  —  Pour  les  échevins  de 
l'époque  communale,  V.  la  bibliographie  de  1  art.  Com- 
mune. 

ÉCHEVIS.  Corn,  du  dép.  de  la  Drôme,  arr.  de  Valence, 
cant.  de  Saint-Jean-en-Royans,  dans  la  gorge  de  k  Ver- 
naison,  entre  les  Grands  et  les  Petits-Goulets;  453  hab, 
La  route  de  Pont-de-Royans,  taillée  en  grande  partie  dans 
le  roc,  traverse  sur  le  territoire  de  cette  commune  de  pit- 
toresques défilés  qui  ont  exigé  un  grand  nombre  de  tra- 
vaux d'art. 

ÉCHEVRONNE.  Com.  du  dép.  de  la  Côte-d'Or,  arr.  de 
Beaune,  cant.  de  Nuits;  421  hab. 

ECHEVSKY  (Etienne-Vasilievitch),  historien  russe,  né 
en  1829,  mort  en  1865.  Il  fut  professeur  d'histoire  à 
Odessa,  à  Kazan  et  à  l'université  de  Moscou,  où  il  succéda 
à  Granovsky.  Il  avait  recueilli  sur  la  franc-maçonnerie 
russe  des  documents  qui  lui  ont  permis  de  publier  sur  ce 
sujet  curieux  un  travail  fort  intéressant.  Ses  œuvres  his- 
toriques ont  été  éditées  à  Moscou  en  1870.  Cette  pubhca- 
tion  est  précédée  d'une  notice  de  M.  Bestoujev-Rioumme, 
notice  réimprimée  dans  le  volume  intitulé  Biographies  et 
C  aractéiHs  tique  s  (Sâint-VètershouTg,  \  882). 

ECHi  DNA.  I.  Mythologie.—  Fille  de  Chrysaor  et  de  Cal- 
lirhoé,  d'après  la  théogonie  hésiodique,  du  Tartare  et  de 
Terre,  d'après  Apollodore.  Au  buste  de  femme  et  à  queue 
de  serpent.  Elle  attirait  dans  sa  grotte  les  hommes  et  les 
égorgeait.  Elle  vivait  au  pays  des  fabuleux  Arimes.  Alhée 
à  Typhon,  elle  donna  le  jour  à  Orthos,  Cerbère,  à  l'hydre 
de  Lerne,  à  la  Chimère,  au  Sphynx  et  au  lion  de  Némée. 
Elle  fut  tuée  par  A-rgus.  Une  autre  légende,  rapportée  par 
Hérodote,  fait  vivre  Echidna  chez  les  Scythes  ;  aimée  d'Hé- 
raclès (Hercule),  elle  en  aurait  eu  trois  fils,  Agathyrsus, 
Gelonus  et  Scythes,  ancêtres  de  trois  grandes  peuplades. 
H.  Astronomie.  —  Un  des  noms  de  Vllydre  (V.  ce  mot). 
ÏII.  Erpétologie.  —  Genre  de  Serpents  Thanatho- 
phides,  de  la  famille  des  Viperidœ,  diftérenciés  des  vrais 
Vipera  par  Fouvcrture  des  narines  occupant  la  région 
supérieure  de  la  tète  en  avant  et  entre  les  yeux.  Les  deux 
formes  africaines  appartenant  à  ce  genre,  les  Echidna 
arietans  et  Echidna  Gabonica,  ont  été  rangées  par  Gray 
dans  son  genre  Bitis.  Nous  avons  décrit  à  ce  mot  la  Gabo- 
nica  ou  Rhinocéros  (V.  Brns).  Rochbr. 

BiBL.  :  Erpétologie.—  DuMÉRiL  et  Bidron,  Erp.  gêner . 
—  De  Rochebrune,  Faune  de  la  Sénégambie.  Reptiles.  ^ 
ÉCH\DHÈ  (Echidna)  (ZooL).  Genre  de  Mammifères  ovi- 
pares qui  constitue,  avec  le  genre  Ornithorhynque,  l'ordre 
des  Monotrèmes  (V.  ce  mot),  le  plus  dégradé  de  cette 
classe.  Ce  genre  est  caractérisé  par  son  corps  court,  aplati, 
à  queue  rudimentaire,  couvert  en  dessus  de  piquants  entre- 
mêlés de  poils  plus  ou  moins  longs  et  abondants  suivant  les 
saisons.  La  tète  est  allongée,  cyUndro-conique,  terminée 
par  un  rostre  muni  d'un  très  petit  bec  corné;  la  bouche 
est  petite  et  terminale,  les  mâchoires  complètement  dépour- 
vues de  dents.  La  langue  est  longue,  extensible,  couverte 
de  papilles  e[)ineuses  ainsi  que  le  palais.  Les  pieds  sont  courts 
et  larges,  pourvus  de  trois  à  cinq  doigts  munis  d'ongiCS 
robustes  propres  à  fouir  et  dirigés  en  arrière  aux  pattes 
postérieures.  Le  mâle  porte  un  éperon  au  talon.  Les  par- 
ticularités anatomiques  que  l'Echidné  présente  en  commun 


307  — 


ECHIDNE  —  ECHIMYS 


avec  rOrnithorhynque  seront  indiquées  au  mot  Monotrèmes. 
L'Echidné  représente  le  type  terrestre,  et  l'Ornithorhynque 
le  type  aquatique  de  cet  ordre.  Le  premier  a  le  cerveau  plus 
volumineux  et  muni  de  circonvolutions  qui  manquent  à 
rOrnithorhynque.  Haack  etCaldwell  ont  découvert  presque 
simultanément  (1884)  que  ces  deux  genres  étaient  ovi- 
pares^ comme  Isidore-Geoffroy  Saint-Hilaire  l'avait  déjà 
supposé  (en  1824),  et  non  vivipares,  comme  on  l'a  toujours 
cru  jusque  dans  ces  derniers  temps,  d'après  les  observa- 
tions incomplètes  des  naturalistes  voyageurs. 

En  nov.  1884,  Haack  reçut  de  l'île  des  Kangourous  (Aus- 
tralie Sud-Est)  une  femelle  d'Echidné  vivante  qui  portait 
dans  sa  poche  mammaire  un  œuf  blanc,  presque  rond 
(15  millim.  de  long  sur  13  millim.  de  large),  à  coquille 
parcheminée  comme  celle  de  la  plupart  des  reptiles,  épaisse 
d'un  demi-millim.,  à  surface  externe  plus  lisse  que  l'in- 
terne. Des  observations  subséquentes  ont  établi  que  la  poche 
marsupiale  sert  d'abord  à  l'incubation  de  cet  œuf  unique, 
et  présente  une  température  plus  élevée  de  plusieurs  degrés 
que  celle  de  l'animal  lui-même,  qui  est  remarquablement 
basse  pour  un  mammifère  (28^^  centigr.  seulement).  Cette 
poche  d'ailleurs  ne  se  développe  qu'après  que  l'œuf  a  été 
pondu  :  hors  du  temps  de  la  reproduction  on  n'en  voit  pas 
trace.  Elle  est  à  peine  assez  profonde  pour  loger  une  montre 
d'homme  sans  la  cacher  complètement.  Cette  poche,  située 
sur  la  ligne  médiane  du  ventre,  en  avant  du  cloaque,  se 
continue  en  avant  par  deux  fossettes  peu  profondes  au 
miheu  desquelles  sont  les  aréoles  mammaires.  La  peau  qui 
forme  cette  poche  est  plus  épaisse  que  celle  du  reste  du 
ventre,  et  les  poils  y  sont  plus  rares,  plus  courts,  tandis 
qu'ils  forment  des  toutt'es  épaisses  autour  de  l'aréole  mam- 
maire. Bien  qu'il  n'y  ait  pas  de  muscles  spéciaux,  l'animal 
peut  en  rétrécir  considérablement  l'ouverture  et  le  volume 
à  l'aide  de  ses  muscles  peauciers.  Une  fois  sorti  de  l'œuf, 
le  jeune  reste  encore  un  certain  temps  dans  la  poche,  puis 
il  s'attache  aux  mamelles,  et  la  poche  disparaît  alors,  car 
sur  une  femelle  en  lactation,  étudiée  par  R.  Owen,  on  ne 
voyait  plus  que  les  deux  fossettes  semi-lunaires  au  fond 
desquelles  sont  les  orifices  des  glandes  mammaires.  D'après 
Gegenbaur,  ces  glandes  sont  très  simples,  dépourvues  de 
mamelon  et  ne  se  distinguent  du  reste  du  ventre  que  par 
l'épaisse  musculature  de  la  peau  en  cette  région.  Les  glandes 
mammaires  sont  reliées  aux  follicules  pileux,  mais  appar- 
tiendraient cependant  au  type  des  glandes  sudoripares  (et 
non  au  type  des  glandes  sébacées  comme  chez  les  autres 
Mammifères).  Ces  glandes  sont  relativement  très  dévelop- 
pées chez  le  mâle.  On  ne  sait  pas  encore  comment  s'opère  la 
lactation  :  il  est  probable  que  le  lait,  exprimé  par  la  con- 
traction des  muscles  de  la  mère,  est  simplement  léché  par 
le  jeune  dont  la  tète  est  moins  allongée  et  le  museau  plus 
large  que  chez  l'adulte. 

Les  Echidnés,  dont  il  existe  plusieurs  espèces,  habitent 
les  forêts  arides  et  montagneuses  de  la  région  australienne, 
de  la  Nouvelle-Guinée  à  la  Tasmanie.  Ils  se  nourrissent 
exclusivement  de  fourmis,  qu'ils  agglutinent  à  l'aide  de  leur 
langue  grêle  et  rétractile.  Leurs  ongles  robustes  leur  ser- 
vent à  fouiller  les  fourmilières  pour  mettre  à  nu  les  insectes 
dont  ils  font  leur  nourriture.  0.  Thomas  a  montré  que 
l'on  a  beaucoup  trop  multiplié  le  nombre  des  espèces 
fondées  sur  des  difiërences  locales  ou  saisonnières,  notam- 
ment sur  le  plus  ou  moins  de  longueur  des  poils  fins  qui 
cachent  les  piquants.  Il  admet  seulement  deux  espèces  :  la 
première,  type  du  genre  Ecliidna  (Cuvier)  caractérisé 
par  la  présence  de  cinq  doigts  à  tous  les  pieds,  comprend 
trois  variétés  :  E.  aculeata  typica  (ou  E.  histrix  Cuv.), 
qui  habite  tout  le  continent  australien;  E.  aculeata 
Lawesi  (Ramsay),  propre  à  la  Nouvelle -Guinée  (Port 
Moresby),  et  E.  aculeata  setosa  (Cuvier),  qui  habite  la 
Tasmanie.  La  seconde  espèce,  type  du  genre  Proechidna 
(Gervais),  Bruijnii  (Dubois),  caractérisé  par  ses  pattes 
à  trois  doigts  seulement,  est  Proechidna  Bruijnii  (Poters 
et  Doria),  qui  habite  la  Nouvelle-Guinée  et  le  nord  de 
l'Australie.  Son  rostre  est  plus  grêle,  plus  allongé  que  celui 


de  l'Echidné  proprement  dit  et  recourbé  vers  le  bas.  Tous 
ces  animaux  sont  de  couleur  brune,  et  leur  taille  dépasse 
un  peu  celle  de  notre  Hérisson.  Il  a  existé  autrefois  sur  le 


Echidné  épineux. 

continent  australien  des  Echidnés  de  plus  grande  taille;  tel 
est  VEchidna  Oivenii  (ou  E.  Piamsayi),  de  l'époque  quater- 
naire, dont  les  ossements  indiquent  un  animal  presque  deux 
fois  plus  fort  que  les  espèces  actuelles.     E.  Trouessart. 

BiBL.  :  O.  Thomas,  Notes  on  the  Characters  of  the  dif- 
férent Races  of  Echidna^  dans  Proc.  ZooL  Soc.  Lond.,  1885, 
p.  329,  avec  une  bibliogr.  plus  complète.  —  P.  Gervais, 
Ostéographie  des  Monoirèmes^  1877.  —  Haacke,  On  the 
Marsupial  Ouitrn,  etc.,  dans  Proc.  Roy.  Soc.  Lond.,  1885, 
t.  XXXVIII,  p.  72.  —  R.  Owen,  On  the  Ova  of  Echidna, 
dans  Philos.  Trans.  Roy.  Soc.^  1880. —  Bruiil,  Das  MonO' 
tremen-Skelet;  Vienne,  1891.  —  Morton,  Aboies  on  the  Egg 
of  Echidna  seiosa,dans  Proc.  Roy .  Soc.  Tasm..,  1887,  p.  290. 
—  Westli^^g,  Anatomische  Untersiichungen  ueher  Echi- 
dna,  dans  Bih.  Svensha  Ahad.  HandL,  1889,  t.  XV,  p.  1.— 
V.  aussi  Monotrèmes. 

ÉCHIFFE  ou  ÉCHIFFRE(Gonstr.).  Partie  de  mur  ram- 
pant dont  l'inclinaison  est  réglée  sur  la  pente  même  de  l'es- 
calier, dont  elle  soutient  les  marches.  On  dit  aussi  mur 
d'échiffre,  et  ce  mot  vient  de  l'habitude,  conservée  encore  de 
nos  jours,  qu'ont  les  ouvriers  de  chiffrer  ou  d'inscrire  les 
numéros  des  marches  le  long  du  rampant  de  l'échiffre.  — 
L'échiifre  peut  être  en  bois  et  formé  d'un  assemblage  triangu- 
laire composé  d'un  patin,  de  deux  noyaux,  d'un  ou  plusieurs 
potelets  et  du  limon  portant  les  balustres  et  l'appui  ou  main 
courante  de  la  rampe  d'escalier.  Charles  Lucas. 

ÉCHiGEY.Com.  du  dép.  de  la  Côte-d'Or,  arr.  de  Dijon, 
cant,  de  Genlis;  219  hab. 

ÉCHILLAIS.  Com.  du  dép.  de  la  Charente-Inférieure, 
arr.  de  Maronnes,  cant.  de  Saint-Agnant  ;  d,499  hab.; 
église  du  xu^  siècle  (mon.  liist.),  avec  un  portail  bien 
conservé. 

BiBL.  :  R.-P.  Lesson,  Fastes  historiques  du  dép.  de  la 
Charente-Inférieure  ;  Rochefort,  1842-1845,  1. 1,  pp.  97-101.— 
Bévue  de  Saintonge  et  d'Aunis,  1888,  p.  270.  —  Revue 
poitevine  et  saintongeaise^  5"  année,  1888-1889,  p.  250. 

ECHIMYS  ouECHINOMYS.  I.  Zoologie.  —  Genre  de 
Mammifères  Rongeurs  appartenant  à  la  famille  des  Octo- 
dontidœ{y.  Octodon),  et  devenu  le  type  d'une  sous-famille 
à  part  {Echinomyinœ)  qui  présente  les  caractères  suivants  : 
pelage  plus  ou  moins  rude,  souvent  mêlé  de  poils  raides 
ou  d'épines  ;  queue  ordinairement  longue,  molaires  radi- 


Echimys  de  Cayenne. 

culées  ou  semi-radiculées,  à  couronne  présentant  de  pro- 
fonds replis  d'émail.  D'après  Alston,  cette  sous-famille 
comprend  les  genres  Carterodon,  Myopotamus,  Cerco- 
mys,  Loucher  es,  Mesomys,  Echimys,  Dactylomys^  Pla- 
giodon  et  Capromys,  tous  de  la  région  néotropicale  (Amé- 
rique centrale  et  méridionale),  et  enfin  Aulacodus,^  qui 
seul  représente  ce  groupe  sur  l'ancien  continent,  en  Afrique. 
Tous  ces  animaux  ont  l'apparence  extérieure  des  grands 
Rats,  mais  en  diffèrent  par  leur  pelage  épineux  et  la  structure 
de  leurs  dents.  Les  Echimys  proprement  dits  ont  le  pelage 


EGHIMYS  -  ÉCHÏNADES 


-  308  - 


plus  ou  moins  épineux  sur  le  dessus  du  corps,  le  museau 
pointu,  les  oreilles  médiocres,  les  pieds  étroits,  allongés, 
la  queue  longue  et  écailleuse,  les  incisives  comprimées.  Leur 
taille  atteint  ou  dépasse  celle  du  Surmulot.  Ils  vivent  à 
terre,  mais  sont  médiocrement  fouisseurs  et  se  nourrissent 
exclusivement  de  substances  végétales.  On  en  a  décrit  une 
dizaine  d'espèces  qui  habitent  l'Amérique  chaude,  du  Nica- 
ragua au  S.  du  Brésil  {E.  seinispinosus,  E.  ferrugineus, 
E.  Cayennensis,  E.  hispidus,  E.  macriirus,  E.  albispi- 
nus,  E.  dimidiatus,  etc.).  Le  genre  Isothrixde  Wagner 
(Lasiuromys  Deville  ou  TJiricJiomys  Trouess.)  comprend 
des  espèces  du  Brésil,  de  la  Nouvelle-Grenade  et  de  la 
Bolivie  qui  ont  la  queue  plus  courte  et  poilue  (/.  pachyura 
ou  antricola,  I.  iiiei^mù^  L  brevicauda,  I.  caniceps^ 
L  bistriata,  L  pagura,  I.  picta,  L  villosa). 

Dans  le  genre  Loncheres  (IHiger)  ou  Nelomys  de  Jour- 
dan  (mais  non  de  Lund),  on  place  des  espèces  à  museau 
obtus,  à  oreilles  courtes,  à  pelage  mêlé  d'épines  plates,  à 
queue  longue  couverte  d'écaillés  et  de  poils,  qui  s'étendent 
de  la  Nouvelle-Grenade  au  Pérou  et  au  Paraguay  à  travers 
le  Brésil  (L.  cristatus,  L.  Guianœ,  L.  armatus,  tous  trois 
de  la  Guyane  et  ce  dernier  aussi  de  la  Martinique,!.  Blain- 
villei,  L.  dasythrix,  L.  semi-villosa,  L.  macrura).  Le 
Mesomys  ecaudatus  ou  brachyurus  (Wagner),  de  la 
Guyane  et  du  Brésil,  a  la  queue  courte  et  poilue,  le  pelage 
dépourvu  d'épines.  Le  Cercomys  cuniculariiis  (E.  Geoff. 
et  F.  Cuv.)  se  distingue  des  précédents  par  ses  oreilles 
grandes  et  nues  comme  celles  des  Rats,  sa  queue  longue, 
écailleuse,  son  pelage  doux  et  sans  épines.  Il  habite  le  Bré- 
sil. Le  genre  Dactylomys  (Is.  GeofF.)  se  rapproche  davan- 


Molaires  de  Dactylomys  (mâchoire  inf.  et  sup.). 

tage  des  Echimys  proprement  dits  par  ses  oreilles  courtes  ; 
la  queue  est  velue  seulement  à  la  base  ;  le  museau  est  assez 
épais  ;  le  pouce  antérieur  est  rudimentaire  ;  tandis  que  le 
troisième  et  quatrième  doigts  sont  allongés,  à  ongles  presque 
plats  :  les  I).  dactylimis  etD.  amblyonyx  sont  de  l'Equa- 
teur et  du  Brésil.  Le  genre  voisin,  Tlirinacodus  (Giinther), 
ne  renferme  qu'une  seule  espèce  (T,  albicauda)  propre 
à  la  Nouvelle-Grenade.  Le  genre  Carter odon  (Waterhouse) 
ou  Nelomys  (de  Lund)  est  fondé  sur  une  espèce  (C.  sul- 
cidens)  qui  ressemble  à  notre  Rat  d'eau  et  se  distingue 
par  son  museau  et  sa  queue  courte,  à  la  fois  écailleuse  et 
poilue,  ses  oreilles  moyennes,  ses  incisives  larges  et  sil- 
lonnées sur  leur  face  antérieure.  Elle  habite  des  terriers 
peu  profonds  dans  l'intérieur  du  Brésil. 

Près  du  genre  précédent  vient  se  placer  le  genre  Myo- 
potamus  (E.  Geoif.),  dont  les  molaires  sont  semblables  à 
celles  des  Carter  odon.  Le  Myopotame,  Coypou  ou  Castor 
de  la  Plata  (Hydromys  et  Guillinomys  de  certains  au- 
teurs), que  les  anciens  plaçaient  dans  le  genre  Castor, 
représente  le  type  aquatique  des  Echimys.  On  n'en  con- 
naît qu'une  seule  espèce  {M.  coypiis)  qui  habite  tous  les 
cours  d'eau  de  l'Amérique  du  Sud,  sur  les  deux  versants 
des  Cordillières,  du  Pérou  à  la  Patagonie  et  au  Chili  ;  c'est 
l'espèce  de  cette  sous-famille  qui  s'avance  le  plus  au  S., 


et  c'est  aussi  la  plus  grande  du  groupe,  car  sa  taille  atteint 
60  centim.,  non  compris  la  queue.  Le  museau  est  obtus,  la 
queue  cylindrique  comme  celle  des  Rats  ;  les  pieds  posté- 
rieurs sont  larges  et  palmés,  propres  à  la  nage,  le  cin- 
quième doigt  restant  seul  libre.  Les  mamelles  de  la  femelle 
sont  placées  très  haut  sur  les  flancs,  au  niveau  et  en  arrière 


Myopotame  Coypou. 

de  l'articulation  de  l'épaule,  ce  qui  permet  aux  jeunes,  qu 
suivent  leur  mère  aussitôt  après  la  naissance,  de  teter  en 
nageant  dans  l'eau  ù  ses  côtés.  Le  Myopotame,  appelé  aussi 
improprement  Loutre  (fiutria)  par  les  Argentins,  creuse 
son  terrier  le  long  de  tous  les  cours  d'eau  de  l'Amérique 
méridionale,  et  c'est  là  que  la  femelle  met  bas  de  quatre 
à  six  petits.  Sa  fourrure  soyeuse,  d'un  brun  clair  tirant 
sur  le  jaunâtre,  est  très  recherchée. 

Le  genre  Aulacodus  (Temminck)  représente  les  Echi- 
mys sur  le  continent  africain.  Les  molaires,  qui  possèdent 
des  racines,  ont  le  dessin  de  leur  couronne  semblable  à 
celui  du  genre  Capromys  (V.  ce  mot),  propre  aux  An- 
tilles, appartenant  également  à  cette  sous-famille,  et  que 
l'on  peut  considérer  comme  formant  la  transition  entre  les 
Echimys  américains  et  les  Aulacodes  africains.  Ces  der- 
niers ont  des  formes  robustes,  le  museau  court,  le  pelage 
épineux,  la  queue  moyenne  couverte  de  poils  durs,  épars; 
les  incisives  supérieures  très  larges,  sillonnées.  VA.  Sivin- 
derianus  est  un  animal  à  peu  près  de  la  taille  d'un  Lapin, 
mais  à  oreilles  et  à  pattes  courtes,  de  couleur  brune.  Il 
habite  toute  l'Afrique  au  S.  du  Sahara.  Sur  la  côte  de 
Guinée,  où  il  dévaste  les  champs  de  maïs,  on  le  désigne  sous 
le  nom  de  Cochon  de  terre  ou  Rat  des  bois.  Une  seconde 
espèce  récemment  découverte  dans  l'Afrique  centrale  (pays 
des  Niams-Niams)  est  VA.  scmi-palmatus  de  Heuglin, 
type  du  sous-genre  Thryonomys  de  Fitzinger. 
"^  IL  Paléontologie.  —  Des  Rongeurs  voisins  des  Echi- 
mys ont  vécu  en  Europe  à  l'époque  tertiaire  :  tels  sont  les 
genres  Trechomys  (ayant  pour  type  le  Theridomys  pla- 
ticeps  Filhol)  et  Protechimys  (Echimys  breviceps,  et 
ciirvistriatus  deLaizeret  Parieu),  établis  par  Schlosser, 
et  qui  sont  de  l'oligocène  du  sud  de  la  France.  Le  Pelle- 
grina  panormensis  (Gregorio),  plus  récent  (post-pliocène 
de  Sicile),  appartiendrait  aussi  à  ce  groupe.  Les  fossiles 
de  cette  sous-famille  sont  beaucoup  plus  nombreux  dans 
l'Amérique  méridionale,  où  les  genres, Echimys,  Carte- 
rodon,  Loncheres,  Mesomys,  Myopoiamiis  sont  repré- 
sentés dans  les  cavernes  quaternaires  du  Brésil.  Plus  au  S., 
ces  animaux  étaient  très  abondants  à  l'époque  tertiaire  ; 
outre  plusieurs  espèces  éteintes  de  Myopotamus,  Ame- 
ghino  signale  en  Patagonie  et  dans  l'Argentine  les  genres 
Potamarchus  (Burmeister),  Neoreomys,  Colpostemma, 
Strophostephanos,  Scleromys,  Adelphomys,  Stichomys, 
Spaniomys,  Tribodon,  Eumysops,  Olenopsis,  Morenia, 
Discolomys,  Orthomys,  Perimys.Euphilus,  tous  éteints. 
Le  genre  Lonchophorus,  également  éteint,  est  du  Brésil. 

E.  Trouessart. 
BiBL.  :  E.  Trouessart,  Catalogue  des  Mammifères 
vivants  et  fossiles,  i^orzgfeur s,  clans  Bull.  Soc.  d'Etudes  se. 
d'Angers,  1880,  avec  une  bibliogr.  plus  complète.  —  A.  von 
Pelzeln,  Brasilische  Saûgethiere  von  Natterer  (1817-35); 
Vienne,  1883.  —  FI.  Amegiiino,  Los  Mamifevos  fosiles  de 
la  Repiiblica  Argentina,  1889,  pp.  131  et  suiv. 

ÉCHÏNADES  (Iles).  Groupe  d'îles  grecques  situées  en 
face  de  l'embouchure  de  l'Achélous  (Aspropotamo).  Les 
alluvions  de  ce  fleuve  comblent  lentement  le  bras  de  mer 
qui  les  sépare  du  rivage.  Hérodote  l'avait  déjà  remarqué.  Il 


-  309  - 


ÉCHINADKS  -  l'XHINOCKHUS 


est  question  de  ces  îles  dans  VIliade.  Elles  étaient  alors 
habitées  ;  Strabon  y  place  même  la  ville  de  Dulichium  (en 
face  d'OEniades)  ;  au  temps  de  Thucydide,  elles  étaient  dé- 
sertes. Pline  en  énumère  neuf:  yEgralia,  Cotonis,  Thyatira, 
Geoaris,  Dionysia,  Cyrnus,  Chalcis,  Pinara,  Mystus.  Une 
autre,  Artemïta,  avait  été  réunie  au  continent.  On  ratta- 
chait aussi  aux  Echinades  le  groupe  des  îles  Oxeia.  Elles 
devaient  leur  nom  à  1  apreté  de  leur  silhouette.  Au  moyen 
âge,  on  appela  îles  Dhragonares  le  groupe  septentrional, 
Oxiès  ou  Scrofès  le  groupe  méridional.  Les  Vénitiens 
adoptèrent  le  nom  de  Kurtzolari.  Actuellement,  on  en  compte 
dix-sept,  dont  neuf  sont  cultivées;  ce  sont,  du  S.  au  N.  : 
Oxia,  Makri,  Vromona,  Pondikonisi,  Karlonisi,  Provati, 
Lambrino,  Sofia,  Dhragonara. 

ECHINANTHUS  (Paléont.)  (V.  Cassidulus). 
ECHINARACHNIUS  (ZooL).  Ce  genre  d'Echinodermes, 
de  l'ordre  des  Clypéastroïdes ,  famille  des  Scutellines, 
comprend  des  espèces  tertiaires  et  des  formes  actuelles  qui 
vivent  dans  les  mers  américaines  ;  leur  test  est  discoïde, 
déprimé,  les  pétales  sont  largement  ouverts;  il  existe 
quatre  pores  génitaux;  l'anus  est  marginal,  les  sillons 
ambulacraires  de  la  face  inférieure  sont  anastomosés  une 
seule  fois  vers  le  bord.  Type  :  E.  par  ma  Gray.    R.  Mz. 

ECH  IN  ASTER  (ZooL).  Genre  important  d'Astérides,  de 
la  famille  des  Solastérides,  fondé  par  Millier  et  Troschel 
pour  des  Echinodermes  munis  de  cinq  et  quelquefois  six 
bras  allongés,  dont  les  téguments  sont  soutenus  par  un 
réseau  d'ossicules  sur  lesquels  sont  fixés  les  piquants; 
la  peau  est  nue  dans  les  intervalles  du  réseau  et  présente 
en  ces  points  des  pores  tentaculaires  isolés  ou  multiples. 
Chaque  plaque,  dans  le  sillon  ambulacraire,  porte  tou- 
jours un  petit  piquant  courbe,  et,  au  bord  du  sillon,  chaque 
plaque  porte  un  seul  piquant.  Les  pédicellaires  sont  absents. 
Types  :  E.  sepositus,  de  la  Méditerranée,  E.  crassus^ 
des  mers  de  l'Inde,  etc.  R.  Moniez. 

ÉCHINE  (Archit.).  Partie  du  chapiteau  dorique  placée 
au-dessous  de  l'abaque  ou  tailloir  et  consistant  en  un  solide 
engendré  par  la  rotation,  autour  de  l'axe  du  chapiteau, 
d'un  quart  de  rond  ou  d'une  courbe  analogue.  Dans  l'ordre 
dorique  grec  (V.  Architecture  grecque,  t.  IIl,  p.  699, 
fig.  4,  ordre  dorique  grec  du  Parthénon),  l'échiné  se  rap- 
proche davantage  d'une  ligne  droite,  et  le  chapiteau  pré- 
sente plus  d'élégance  et  aussi  plus  de  fermeté  que  dans 
l'ordre  dorique  romain  où  cette  moulure  est  plus  arrondie 
et  moins  gracieuse  d'aspect.  Charles  Lucas. 

ECHINEIBOTHRIUM  (Echineibothrium  Van  Ben.) 
(ZooL).  Genre  de  Vers  Cestodes,  delà  famille  des  Tétraphyl- 
lides,  sous-famille  des  Phyllobothrides,  caractérisés  par  la 
tête  portant  quatre  ventouses  longuement  pédiculées,  très 
mobiles,  dépourvues  de  crochets  et  de  piquants  ;  le  corps 
n'est  pas  segmenté,  car  les  anneaux  ou  proglottis,  nette- 
ment différenciés,  se  détachent  et  peuvent  vivre  isolément, 
comme  un  véritable  animal  ;  non  seulement  le  proglottis 
se  contracte  et  se  meut  par  reptation,  mais  il  se  nourrit  et 
augmente  de  volume.  VE.  minimum  Van  Ben.  vit  dans 
le  canal  digestif  du  Trygon  et  du  Raja  ;  il  s'introduit  par 
l'intermédiaire  des  Gammarines.  D^  L.  Hn. 

ÉCHINEUSE.  Couperet  à  large  lame  et  à  manche  de 
métal,  dont  on  se  sert  en  Normandie  pour  dépecer  la  viande. 
ECHINGHEM.Com.  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  et 
cant.  (S.)  de  Boulogne-sur-Mer  ;  202  hab. 

ÉCHINIDES,  ÉCHINIDÉES,  ÉCHINOÏDES  (V.  Ecm- 

NUS). 

ECH  INOBOTH  RI  U  M.  L  Zoologie.— (£6'/im(9/;o^/irmm 
Van  Ben.).  Genre  de  Vers  Cestodes,  constituant  la  famille 
des  Diphyllides  et  caractérisés  par  la  tète  munie  de  deux 
ventouses  et  de  deux  trompes  armées  de  crochets  et  par  le 
cou  couvert  de  piquants.  VE.  typiis  Van  Ben.  vit  en  pa- 
rasite dans  la  jeune  Raie  aussi  longtemps  que  celle-ci  se 
nourrit  de  Crustacés.  D^  L.  Hn. 

IL  Botanique.  —  Genre  de  Mucédinées  à  mycélium 
filiforme  simple  ou  ramifié,  présentant  çà  et  là  des  capitules 
de  spores.  Celles-ci  sont  ovoïdes,  lisses  ou  couvertes  d'as- 


pérités, d'une  coloration  allant  du  jaune  brun  au  brunâtre. 
(Juatre  espèces  décrites  :  E.  atrum  (parasite),  E.  parasi- 
tans  (Corda)  vivant  en  parasite  sur  une  autre  Mucédinée 
agrégée,  le  Stijsanus  Capiit-Medusœ,  sur  le  pied  noir  de 
laquelle  elle  forme  de  petites  saillies  d'un  jaune  foncé. 
E.  Citri  et  E.  Lene  se  développent  sur  les  racines  pour- 
ries et  les  vieux  troncs.  H.  F. 
ECHINOBRISSUS  (Paléont.)  (V.  Cassidulus). 
ECHINOCACTUS.LBotanique.— (Edu^^ocflC^z/^Link). 
Genre  de  Cactacées,  dont  les  représentants,  très  répandus 
au  Mexique,  sont  voisins  des  Pilocereus  (V.  ce  mot).  Ils  se 
reconnaissent  immédiatement  à  leur  forme  globuleuse  ou 
oblongue,  parfois  énorme.  Ils  sont  munis  de  côtes  nom- 
breuses ou  de  mamelons  distincts,  disposés  verticalement 
ou  en  spirale,  sur  lesquels  sont  implantés  des  faisceaux 
d'épines  le  plus  souvent  très  acérées  et  très  longues. 
Plusieurs  espèces,  notamment  les  E.  cornigcrus  DC, 
E.  ornatus  DC,  E.  spvralis  Karn.,  E,  hematacanthus 
Weber,  etc.,  sont  cultivées  dans  nos  serres  à  cause  de  la 
beauté  de  leurs  fleurs.  Mais  la  plus  intéressante  est  assu- 
rément VE.  ingens  Link  {E.  visnaga  Hook),  désigné 
communément,  au  Mexique,  sous  le  nom  de  Visnaga  et 
qui  peut  atteindre  plus  de  l^oO  de  hauteur  et  près  de 
1  m.  de  diamètre.  Sa  chair  molle,  pulpeuse,  blanche,  légè- 
rement acide,  est  comestible.  On  la  mange  fraîche  et  crue, 
ou  bien  on  la  fait  confire.  Pour  cela,  on  la  coupe  en 
tranches,  que  l'on  plonge  dans  de  l'eau  bouillante  addi- 
tionnée de  sucre  de  canne,  puis  on  la  fait  sécher,  et  elle 
peut  ainsi  se  conserver  très  longtemps.  Cette  sorte  de  con- 
fit se  vend  communément  sur  les  marchés  de  Mexico  sous 
le  nom  de  Dolce  de  visnaga.  Elle  fait  l'objet  d'une  con- 
sommation assez  importante  (V.  P.  Maury,  dans  le  f^atu- 
raliste,  1889,  p.  230).                                 Ed.  Lef. 

IL  Horticulture.  —  Ces  plantes  demandent  la  serre 
chaude  ou  la  serre  tempérée,  selon  leur  provenance.  Leur 
culture  est  simple  à  condition  de  les  bien  éclairer  et  aérer. 
On  leur  donne  une  terre  substantielle,  mélangée  de  terre 
de  bruyère,  et  on  les  place  dans  des  pots  bien  drainés.  Pen- 
dant la  période  active  de  végétation,  des  arrosages  fré- 
quents, des  bassinages  légers,  une  atmosphère  un  peu 
humide,  une  température  tiède  et  soutenue  sont  les  condi- 
tions qui  assurent  le  succès  de  cette  culture.  En  hiver,  il 
faut  laisser  reposer  les  échinocactus  en  les  tenant  à  sec  à 
une  température  de  quelques  degrés  supérieure  à  zéro.  On 
les  prépare  à  ce  repos,  à  partir  de  septembre,  par  un  abais- 
sement graduel  de  la  température,  une  aération  large,  et 
en  diminuant  peu  à  peu  les  arrosages.  Il  est  toujours  utile 
de  porter  les  échinocactus  en  plein  air  pendant  les  beaux 
jours  de  l'été  et  même  de  les  sortir  de  leurs  pots  pour  leur 
faire  prendre  plus  de  vigueur.  La  multiplication  par  le  bou- 
turage et  par  la  greffe  est  plus  usitée  que  le  semis.  Les 
graines  sont  semées  sur  de  la  terre  de  bruyère,  dans  une 
terrine  et  légèrement  recouvertes.  On  maintient  la  terre 
fraîche  par  des  bassinages  et,  lorsque  le  plant  est  assez 
fort,  on  le  repique  en  pots  remplis  de  terre  franche  et  de 
terre  de  bruyère  mélangées.  La  reprise  des  greffes  et  des 
boutures  est  très  facile.  C'est  la  greffe  en  fente  qu'on  pra- 
tique d'ordinaire.  Pour  le  bouturage,  il  suffit  de  détacher  et 
de  planter  les  œilletons  qui  naissent  du  collet  des  échino- 
cactus. G.  BOYER. 

ECHINOCARDIUM  (£c/imocarc^mm,  Gray,  1825;  im- 
phidetus  Agassiz,  1836)  (ZooL).  Genre  d'Echinodermes,  de 
la  famille  des  Spatangides  :  test  cordiforme,  mince  et  fra- 
gile, plat,  à  pétales  lancéolés,  triangulaires;  fasciole  sub- 
anale et  fasciole  interne,  interrompant  le  pétale  ;  ambulacre 
antérieur  large,  avec  de  petits  pores  situés  dans  une  fos- 
sette ;  piquants  extrêmement  fins  portés  sur  des  tubercules 
également  fins.  Espèces  principales  :  E.  cordatum  Penn., 
des  mers  du  Nord  et  Méditerranée,  jusqu'au  Brésil  ;  E.  ova- 
tum  Leske  (E.  flavescens  MiilL),  de  la  mer  du  Nord  ;  E. 
mediterraneum  Gray,  de  la  Méditerranée.     D''  L.  Hn. 

ECHINOCERUS  (ZooL).  Genre  de  Crustacés  Décapodes 
Brachyures,  de  la  famille  des  Lithodides,  établi  par  White  ; 


ECHINOCERUS  —  FXHINODERME 


—  310 


il  est  très  voisin  du  genre  Lithodes  (V.  ce  mot).  Le  même 
nom  cVEchinocerus  a  été  donné  plus  tard,  parMulsant,  à 
unColéoptère  (1863).  R.  Mz. 

ECHINOCIDARIS.  Synonyme  de  Arbacia  (V.  ce  mot). 
ECHINOCOCCIFER   (Zool.).  En  4861,  AVeinland  a 
donné  ce  nom  à  un  genre  de  Cestodes  de  sa  sous-famille  des 
Téniadés-Sclérolépidotes,  qui  n'est  ^autre  chose    que   le 
Tœnia  echinococcus  von  Sieb.  (4853). 

ECHINOCONUS  (Paléont.).  Genre  d'Oursins  fossiles  du 
groupe  des  Echinoïdes  irréguliers  devenu  le  type  de  la 
famile  des  Echinoconidœ  (d'Orbigny),  qui  comprend  des 
animaux  à  test  rond,  elliptique  ou  en  pentagone  arrondi, 
à  ambulacres  simples,  droits,  s'étendant  du  sommet  à  la 
bouche  ;  appareil  masticateur  bien  développé  avec  auri- 
cules.  Les  tubercules  sont  petits,  perforés,  plus  dévelop- 
pés à  la  face  inférieure.  Le  péristome  est  central  et  l'anus 
entre  le  sommet  et  la  bouche.  Les  radioles  sont  générale- 
ment sétiformes.  Par  leur  forme  presque  régulière,  les 
Oursins  de  cette  famille  se  rapprochent  des  Echinoïdes 
réguliers  plus  que  les  autres  Oursins  exocycliques  du 
sous-ordre  des  Gnathostomes,  auquel  ils  appartiennent.  Le 
genre  Echinoconus  (Breyn),  à  test  généralement  renflé, 
conique,  à  zones  porifères  linéaires  étroites,  est  du  crétacé. 
E.  vulgaris  est  commun  dans  la  craie  blanche ,  et  se 
rencontre  aussi,  comme  élément  remanié,  en  moules  sili- 
ceux, dans  le  diluvium  du  nord  de  l'Allemagne.  Discoïdea 
(Klein)  a  un  test  presque  hémisphérique  présentant  des 
cloisons  internes  ;  c'est  également  un  type  du  crétacé. 
Holectypus  (Desor),  dépourvu  de  cloisons,  est  dujurassique 
et  du  crétacé  inférieur.  Pygaster  (Agassiz),  à  test  dépri- 
mé, pentagonal  arrondi,  du  jurassique  et  du  crétacé,  serait 
'  encore  représenté  à  l'époque  actuelle  par  une  espèce,  P. 
relictus  (Loven),  qui  vit  dans  la  mer  des  Antilles.  Les 
genres  Anorthopygiis  (du  crétacé)  et  Pileiis  (du  juras- 
sique supérieur)  se"  rapprochent  du  précédent.  E.  Trt. 
ÉCHINOCOQUE.  L  Zoologie  (V.  Ténia). 
IL  Pathologie  (Y.  Hydatide). 
ECHINOCORYS  (Paléont.)  (V.  Ananchytes,  dont  Echy- 
nocorys  est  synonyme,  et  Holaster). 

ECHINOCUCUMIS  (Zool.).  Ce  petit  genre  d'Echino- 
dermes  Holothurides,  famille  des  Dendrochirotes,  a  été  éta- 
bU  par  Sars  en  4864  pour  l'E.  typica,  des  mers  de  Norvège, 
et  Semper  en  a  décrit  une  seconde  espèce  des  Philippines, 
C.  adversaria,  en  modifiant  un  peu  les  caractères  du  genre. 
Les  Echinocucumis  sont  de  petits  animaux  caractérisés 
par  leurs  ambulacres,  disposés  en  cinq  séries,  leurs  dix 
tentacules,  ramifiés  et  inégaux,  leurs  téguments  pourvus 
d'écaillés  calcaires  serrées,  dont  chacune  porte  un  long 
piquant.  R.  Moniez. 

ECHINOCYAIVIUS  (Paléont.)  (V.  Clypeaster). 
ÉCHINOCYSTITE  (Paléont.)  (V.  Cystocidaris). 
ÉCHINODERME.  L  Zoologie.  —  Les  Echinodermes , 
qui  tous  habitent  la  mer,  où  on  les  trouve  par  tout  le  globe, 
aussi  bien  à  la  côte  qu'au  large  et  dans  les  plus  grands  fonds, 
forment  un  vaste  embranchement  du  règne  animal,  que  l'on 
peut  caractériser  sommairement  comme  il  suit  :  animaux  à 
symétrie  rayonnée,  le  plus  souvent  pentaradiée,  à  squelette 
dermique  calcifié,  souvent  muni  de  piquants,  présentant 
un  appareil  digestif  et  un  appareil  aquifère  distincts.  Il 
existe  un  système  nerveux  bien  développé.  —  Les  Echino- 
dermes constituent  l'un  des  groupes  les  plus  naturels,  les 
plus  homogènes  et,  partant,  les  plus  isolés  du  règne  animal. 
Pendant  longtemps,  les  zoologistes,   frappés  surtout  de 
leur  symétrie   rayonnée,   les    réunirent  dans  un   même 
embranchement   avec   les    Cnidaires ,    sous  le   nom   de 
Rayonnes,  Leuckart  montra  que  leur  organisation  interne, 
très  particulière,  permettait  d'en  faire  un  groupe  parfaite- 
ment autonome,  et  cette  manière  de  voir  a  été  adoptée  par 
tous  les  naturalistes.  Nous  allons  la  justifier  en  passant  en 
revue  les  principaux  traits  de  l'organisation  de  ces  ani- 
maux. —  La  symétrie  pentaradiée  des  Echinodermes  est 
un  caractère  qui  frappe  immédiatement  l'observateur  ;  c'est 
elle  qui  détermine  la  forme  de  leur  corps  ;  on  la  retrouve 


Fin;.  1.  —  Etoile  de  mer  (schéma;.  — 
G,  oreanc  génital,  situé  entre  les 
rayons  ;  Af,  rangées  d'ambulacres, 
sur  les  rayons. 


chez  tous  les  types  de  l'embranchement  :   on  l'observe 
avec  la  plus  grande  netteté  chez  les  Astéries  ou  Etoiles  de 
mer  (fig.  4  et  7)  dont  le  corps  présente  cinq  rayons  sem- 
blables,' tous  organisés  exactement  de  la  même  façon  et 
disposés  autour 
d'un   axe  cen- 
tral,   perpen- 
diculaire aux 
rayons,  et  aux 
extrémités    du- 
quel se  trouvent 
la  bouche,  si- 
tuée inférieure- 
ment,  et  l'anus 
qui  occupe  la 
partie  dorsale  : 
c'est  autour  de 
cet   axe    qu'est 
placé    le   tube 
digestif;   c'est 
autour   de    lui 
que  sont  dispo- 
sés les  anneaux 
nerveux  et  aqui- 
fères  qui,  à  l'instar  du  tube  digestif,  envoient  une  branche, 
simple  ou  ramifiée,  dans  chacun  des  bras,  et  aussi  l'appa- 
reil génital,  qui  s'ouvre  par  cinq  ouvertures  distinctes, 
chacune  d'elles  étant  située  dans  le  sinus  qui  sépare  les 
bras.  Le  Crinoïde  (V.  ce  mot)  a  fondamentalement  la 
même  structure  et  s'écarte  même  assez  peu  des  Astéries 
par  ses  caractères  extérieurs,  mais  ses  bras  sont  ramifiés 
et  sa  partie  dorsale  donne  naissance  à  une  tige,  organe  de 
fixation  ;  V Oursin,  autre  type  de  l'embranchement,  se  rat- 
tache étroitement  aussi  à  cette  forme  :  il  est  globuleux, 
mais  son  corps  est  formé  de  cinq  bandes  juxtaposées  qui 
correspondent  toutes  aux  mêmes  organes  ;  on  comprend 
que,  si  son  corps  s'aplatit  et  si  les  rayons  ou  bandes  se  déve- 
loppent plus  que  les  espaces  qui  les  relient,  il  arrive  à 
reproduire  exactement  l'aspect  de  l'Astérie  ;  enfin  \' holo- 
thurie ne  diffère  de  l'Oursin  qu'en  ce  que  son  axe  principal 
s'allongeant  beaucoup,  l'animal  perd  sa  forme  globuleuse 
et  devient  cylindrique,  tout  en  gardant  au  fond  la  structure 
même  et  la  symétrie  de  l'Astérie  (V.  Oursln,  Holothurie). 
Ce  sont  là  les  quatre  principaux  types  d'Echinodermes  : 
dans  de  nombreux  cas,  on  peut  observer  des  formes  en 
apparence  différentes,  mais  il  est  toujours  facile  de  les  ra- 
mener à  ces  quatre 
groupes  fondamen- 
taux. 

Le  premier  ca- 
ractère des  Echino- 
dermes est  l'incrus- 
tation calcaire  de 
leurs  téguments  : 
chez  la  plupart,  les 
formations  cal- 
caires sont  fort 
développées  ;  chez 
d'autres,  elles  sont 
réduites  à  des  cor- 
puscules de  forme 
définie  (Holothu- 
rides), isolés,  très 
variables  suivant 
les  genres  ou  les 
espèces,  à  tel  point 
qu'elles  jouent  un 
rôle  fort  important 
en  taxonomie.  Chez 
les  Astéries,  il  se  forme  dans  les  bras  un  squelette  der- 
mique mobile,  composé  de  segments  calcaires  externes  et 
internes,  réunis  à  la  façon  des  vertèbres,  tandis  que  la  peau 
présente  des  mamelons  et  des  épines  et  même  des  lamelles 


pig,  2.  —  Pôle  apical  du  test  d'un 
Oursin.—  a,  aires  ambulacraires  ^ 
^,  yjlaques  génitales  \  i,  aires  inter- 
ambulacraires  ;  zgf,  plaques  inter- 
génitales; m,  plaque  madrépo- 
rique;x,  ouverture  anale. 

Nota.  Les  tubérosités  des  plaques 
n'ont  été  figurées  que  sur  une  aire 
interambulacraire  et  sur  une  aire 
ambulacraire  ;  sur  celle-ci  les  pores 
ont  aussi  été  indiqués. 


—  314 


ECIilNODEKME 


de  même  composition.  Chez  les  Oursins  (fig.  2),  le  sque- 
lette dermique  devient  complètement  immobile  :  il  est  formé 
de  vingt  rangées  de  plaques  disposées  suivant  les  méri- 
diens, "réunies  par  des  sutures,  et  le  test  auxquelles  elles 
donnent  ainsi  naissance  est  interrompu  seulement  autour 
des  ouvertures  anale  et  buccale.  De  ces  plaques,  les  unes, 
placées  dans  les  zones  radiaires,  sont  percées  de  trous 
qui  laissent  passer  les  ambulacres  (plaques  ou  aires 
amhulacraires),  les  autres,  également  groupées  par  deux, 
séparent  les  précédentes  ou  paires  ambulacraires  :  elles 
sont  dépourvues  de  pores,  et  on  les  nomme  plaqiies 
ou  aires  interambulacraires.  Autour  de  l'anus,  cinq 
plaques,  qui  correspondent  aux  zones  ambulacraires,  pré- 
sentent des  ocelles  et  sont  appelées  plaques  ocellaires 
{radioUa)  ;  cinq  autres  plaques,  intermédiaires  aux  pré- 
cédentes, correspondant,  par  conséquent,  aux  aires  inter- 
ambulacraires, sont  percées  de  gros  pores  qui  donnent 
issue  aux  produits  génitaux  et  sont  appelées  plaques  géni- 
tales ou  apicales  (basalia).  L'une  d'elles,  plus  grande 
que  les  autres  et  d'aspect  criblé,  porte  le  nom  particulier 
de  plaqiie  madréporique ;  nous  en  reparlerons  plus  loin. 
Au  pôle  inférieur  ou  oral,  les  dix  rangées  de  plaques  s'ar- 
rêtent à  quelque  distance  du  centre  et  circonscrivent  un 
espace  pentagonal,  fermé  par  une  membrane  au  centre  de 
laquelle  s'ouvre  la  bouche.  Les  deux  dernières  plaques  de 
chaque  ravon  portent  sur  leur  bord  libre  un  appendice  cal- 
caire, dressé  à  l'intérieur  du  test  et  qui,  en  s'unissant  à  son 
congénère,  constitue  une  sorte  d'arc  appelé  auricule. 

Les  caractères  de  l'appareil  squelettitpie  chez  les  Cri- 
noïdes  ont  été  décrits  à  propos  de  ces  animaux  (V.  Cri- 
NoïDEs)  ;  nous  n'y  reviendrons  pas. 

Le  test  est  recouvert,  chez  tous  les  Echinodermes,  par  le 
périsome,  revêtu  lui-même  d'une  couche  d'épilhélium 
vibratile  :  cette  couche  se  conti- 
nue sur  les  appendices,  parmi 
lesquels  nous  citerons  les  piquants 
ou  radio  les,  organes  mobiles, 
extrêmement  variables  dans  leurs 
caractères,  d'habitude  peu  déve- 
loppés, mais  qui  atteignent  parfois 
des  dimensions  énormes  :  ils  sont 
presque  toujours  articulés  sur  un 
mamelon.  Les  pédicellaires 
(iig.  3),  qui  sont  des  radioles  mo- 
difiés, sont  également  articulés 
sur  un  mamelon  du  test  :  ils  se 
terminent  par  une  pince,  ordinai- 
rement à  trois  mors  ;  leur  forme 
est  également  variable  et  leur 
rôle  n'est  pas  nettement  établi. 
Les  sphéridies,  de  nature  pro- 
bablement semblable  à  celle  des 
précédents,  sont  de  petits  corps 
sphériques,  transparents,  ciliés, 
mobiles,  fixés  par  un  court  pédi- 
cule sur  un  mamelon  :  on  les  considère  comme  des  organes 
des  sens. 

Une  des  particularités  les  plus  caractéristi(jues  des  Echi- 
nodermes consiste  dans  leur  appareil  aquifère  (fig.  4). 
Il  est  constitué  par  un  vaisseau,  disposé  en  anneau  autour 
de  l'œsophage  et  en  communication  avec  l'extérieur  par  le 
canal  du  sable,  ou  canal  pierreux,  ou  canal  hydrophore, 
ainsi  nommé  des  dépôts  calcaires  de  ses  parois,  ou  de  sa 
fonction  :  ce  canal  s'ouvre  sous  h  plaque  madréporique, 
dont  nous  avons  parlé  plus  haut,  et  c'est  à  travers  la  plaque 
madréporique  que  filtre  l'eau  de  la  mer  qui  se  rend  dans 
l'appareil.  La  disposition  est  un  peu  différente  chez  les 
Holothuries  (V.  ce  mot).  Du  vaisseau  annulaire  périœso- 
phagien  se  détachent  cinq  canaux  radiaires,  tapissés  inté- 
rieurement de  cils  vibratiles,  qui  se  rendent  dans  les 
bras  chez  les  Astéries,  ou  dans  les  régions  correspon- 
dantes chez  les  autres  Echinodermes.  Sur  les  branches 
latérales  de  ces  troncs  radiaux  se  trouvent   les  tubes 


Fiiî.  3.  —  Pédicellaire. 


Fip:.  4.  —  Appareil  aquifère 
d'une  Etoile  de  mer  (schéma). 
—  Rc,  canal  circulaire;  Ap, 
ampoules  ou  vésicules  de 
Poli;  Sic,  canal  pierreux; 
M,  pla(j[ue  madréporique;  P, 
pieds  ambulacraires  sur  les 
branches  latérales  des  ca- 
naux radiaires;  Ap' ,  am- 
poules des  pieds  ambula- 
craires. 


OU  pieds  ambulacraires,  plus  simplement  dénommés 
ambulacres.  Ce  sont  de  petites  expansions  érectiles, 
munies  d'ordinaire,  à  l'extrémité,  d'une  petite  ventouse, 
qui  viennent  faire  sailhe 
à  la  surface  du  corps  de 
l'Echinoderme,  en  tra- 
versant les  orifices  ou 
les  pores  des  téguments 
—  nous  avons  parlé  plus 
haut  des  plaques  ambu- 
lacraires et  de  leurs 
pores  ;  -—  d'habitude  on 
voit  de  petites  ampoules 
contractiles  à  la  base  des 
ambulacres  :  ces  am- 
poules, aidées  par  les  vé- 
sicules de  Poli  (fig.  4), 
fonctionnent  comme  des 
pompes,  en  se  contrac- 
tant, et  déterminent  l'é- 
rection des  ambulacres. 
Ceux-ci  se  fixent  au  sol 
à  l'aide  de  leur  ventouse, 
et  c'est  grâce  à  eux  ({ue 
l'Echinoderme  progresse. 
Les  ambulacres  présen- 
tent dans  leurs  caractères 
une  assez  grande  variété, 
et  nous  indiquerons  leurs 
principales  modifications 
à  propos  des  formes  qui 
les  présentent. 

Le  système  nerveux 
des  Echinodermes  s'observe  dans  sa  forme  la  plus  simple 
chez  les  Astéries  :  il  est  formé  d'un  anneau  disposé  autour 
de  la  bouche  et  duquel  se  détachent  cinq  troncs  principaux 
ou  davantage,  suivant  le  nombre  des  rayons  ;  ces  branches 
s'étendent  jusqu'à  l'extrémité  du  bras  (fig.  o)._La  disposi- 
tion est  la  même  chez  les  Ophiures,  les  Echinides  et  les 
Holothuries,  mais  l'appareil  est  beaucoup  plus  compliqué 
chez  les  Crinoïdes.  L'appareil  circulatoire  des  Echino- 
dermes est  également  très  caractéristique,  mais  il  est  fort 
difficile  à  étudier,  très  compliqué  dans  sa  disposition,  et 
nous  renvoyons, 

pour  sa  description,  ^\\      ^.^.^j^-,,^      / 

aux  travaux  de  Per- 
rier  et  de  Kœhler. 
La  respiration  s'ef- 
fectue sans  doute 
par  l'ensemble  des 
surfaces  des  appen- 
dices externes  et  par 
la  surface  des  vis- 
cères ;  on  considère 
souvent,  comme  des 
organes  respira- 
toires accessoires , 
les  appareils  appe- 
lés, suivant  les  dif- 
férents groupes, 
branchies  ambula- 
craires, branchies 
dermiques ,  pou- 
mons, etc. 

Un  autre  appareil  particulièrement  remarquable  et  qu'on 
ne  retrouve  pas  non  plus  ailleurs,  est  celui  qui  a  reçu  le 
nom  d'appareil  plastidogène  :  il  donne  naissance  aux  élé-- 
ments  figurés  du  hquide  de  la  cavité  générale,  et  c'est  aussi 
à  ses  dépens  que  se  développent  les  organes  génitaux.  Il 
comprend  une  glande  centrale  volumineuse,  que  l'on  appe- 
lait autrefois  le  cœur,  située  contre  le  canal  du  sable  et 
dont  le  prolongement  vient  former  anneau  autour  de  l'oeso- 
phage :  il  se  détache  de  cet  anneau  des  branches  qui  se 


_  .  5.  —  Anneau  et  troncs  nerveux 
d\m  Oursin. —  a,  œsophage  coupé 
en  travers  ;  5,  fond  de  la  cavité 
buccale;  c,  bandelettes  qui  relient 
les  extrémités  des  pyramides  de 
l'appareil  masticateur;  d,  commis- 
sures nerveuses  formant  autour 
de  l'œsophage  un  anneau  penta- 
gonal ;  e,  troncs  nerveux. 


ÉCHINODERME 


312  — 


rendent  dans  les  rayons.  Cet  appareil  se  modifie  suivant  les 
groupes  et  c'est  chez  les  Astéries  qu'il  présente  la  plus 
grande  simplicité  ;  dans  les  autres  classes  d'Ecliinodermes, 
il  se  met  en  relation  avec  un  système  de  lacunes  (système 
absorbant)  dont  l'apparition  modifie  profondément  les  dis- 
positions primitives. 

Tous  les  appareils  très  différenciés  que  nous  venons  de 
décrire  appartiennent  en  propre  aux  Echinodermes  et  ne 
se  rencontrent  pas  dans  les  autres  embranchements  du 
règne  animal  ;  il  nous  reste  quelques  mots  à  dire  sur  l'ap- 
pareil digestif,  les  glandes  génitales  et  le  mode  de  repro- 
duction de  ces  animaux. 

Tous  les  Echinodermes  ont  une  bouche  et  un  tube 
digestif  distinct  de  la  cavité  viscérale,  formé  de  trois  parties, 
œsophage,  estomac,  rectum,  variable  dans  ses  caractères 
suivant  les  types,  suspendu  par  un  mésentère  et  débouchant 


Fig.  6.  —  Oursin  ouvert  suivant  Téquateur  pour  montrer  : 
D^  tube  digestif,  fixé  au  test  par  des  brides  ;  G,  organes 
génitaux  ;  J,  plaques  interradiales.  e— _ 

au  dehors  par  un  anus  (fig.  6);  celui-ci  est  situé  d'ordinaire 
à  l'opposé  delà  bouche,  mais  il  peut  descendre  jusqu'à  se  trou- 
vera la  face  ventrale  ;  l'intestin  peut  aussi  se  terminer  en  cul- 
de-sac  comme  chez  les  Ophiurides,  Euryales,  etc.  La  bouche 
peut  être  armée  de  pièces  squelettiques  diverses,  qui  arrivent 
à  constituer  un  appareil  masticateur  puissant  :  ce  que  l'on 
a  appelé  lanterne  cVAristote  (V.  ce  mot)  vient,  chez  cer- 
tains types,  ren- 
forcer encore  ces 
pièces  buccales . 
Des  organes  gian- 
dulaires  divers 
se  surajoutent  au 
tube  digestif 
(fig.  7).  La  re- 
production des 
Echinodermes  est 
sexuelle,  mais 
certains  types  se 
multiplient  aussi 
par  scissiparité , 
ce  qui  est  en  rap- 
port avec  la  fa- 
culté que  beau- 
coup d'entre  eux 
possèdent,  à  un 
haut  degré,  de  re- 
produire les  par- 
ties  du  corps 
qu'ils  ont  per- 
dues ;  la  sépara- 
tion des  sexes  est 
la  règle,  les  mâles 
et  les  femelles  ne 


Fii 


^  -  Appareil  digestif  d'une  Asté- 
rie pour  montrer  ses  glandes  annexes. 
—  a,  estomac  ;  b,  appendices  cœcaux 
situés  à  la  face  supérieure  de  l'esto- 
mac (organes  excréteurs);  c,  cœcums 
rameux  de  l'estomac  à  l'état  de  dis- 
tension -,  (i,  les  mêmes  dans  leur  état 
normal,  mais  ouverts. 

diffèrent  point  par  leurs  caractères  extérieurs;  quelques 
espèces  seulement  sont  vivipares.  La  structure  des  organes 
sexuels  est  très  semblable  dans  les  deux  sexes,  et  l'exa- 
men des  produits  peut  seul  permettre  de  les  distinguer  ; 
le  plus  souvent,  toutefois,  ils  diffèrent  entre  eux  par  la 
couleur.  Les  glandes  génitales  sont  des  organes  en  grappe, 
dont  le  nombre  et  la  position  correspondent  le  plus  sou- 
vent à  la  symétrie  rayonnée  (fig.  8)  :  ils  déversent  leurs 


Yig^  y.  —  Organes  génitaux  d'un  Oursin. 
—  Ad^  poi-tion  terminale  de  l'intestin. 
G,  glandes  sexuelles  reposant  sur  les 
platjues  interambulacraires. 


produits  dans  un  organe  excréteur  commun  qui  s'ouvre  à 
l'extérieur  par  le  pore  génital  (V,  aussi  la  fig.  '2).  La  fécon- 
dation est  géné- 
ralement  exté- 
rieure. Il  est 
rare  que  le  dé- 
veloppement 
des    Echino- 
dermes soit:  di- 
rect ;    en    gé- 
néral, ces  ani- 
maux présen- 
tent des  méta- 
morphoses com- 
pliquées     et 
passent  par  des 
états    larvaires 
dont  la  symétrie 
bilatérale     est 
caractéristique . 
Chez  tous,  il  y  a 
segmentation  totale  de  l'œuf,  qui  aboutit  à  la  formation 
d'une  gastrula  par  embolie,  avec  deux  diverticules  entéro- 
cœliens,  dont  l'un  formera  la  cavité  générale,  l'autre  l'ap- 
pareil   aquifère.    Quand 
l'embryon    a    quitté  la 
membrane  de  l'œuf,  il  se 
forme,  en  un  point  de  sa 
paroi ,    une    dépression 
qui,  s'enfonçant  de  plus 
en  plus,  forme  la  pre- 
mière ébauche  du  tube 
digestif,    puis    un    des 
côlés  du  corps  s'aplatit 
et  se  rapproche  de  l'ex- 
trémité en  cul-de-sac  du 
tube  digestif  qu'elle  finit 
par  atteindre  ;  au  point 
de  contact  apparaît  une 
ouverture  :  cette  dernière 
constituera   la  bouche  ; 
l'ouverture  primitive  de- 
vient l'anus.  Pendant  que  le  tube  digestif  se  différencie, 
les  cils  vibratiles  commencent  à  se  concentrer  à  la  face 
ventrale,  qui  se  recourbe  en  forme  de  selle,  et  l'on  voit 
apparaître,  en  avant  et;  en  arrière  de  l'ouverture  buccale, 
deux  bandelettes  arquées,  couvertes  de  cils,  qui  se  réunissent 
par  leurs  extrémités  latérales  et  forment  la  bandelette 
ciUée  caractéris- 
tique des  larves 
d' Echinodermes. 
Au  fur  et  à  me- 
sure que  l'évo- 
lution  marche , 
les  larves,  sem- 
blables   entre 
elles    au    stade 
gastrula,  com- 
mencent à  se  dif- 
férencier, sui- 
vant  qu'elles 
doivent    donner 
naissance  à  un 
Oursin,    une 
Ophiure,  une  Astérie  ou  une  Holothurie  ;  elles  arrivent  à 
prendre  des  formes  vraiment  extraordinaires,  qui  ne  rap- 
pellent en  rien  celles  de  l'adulte  et  auxquelles  on  a  donné 
des  noms  différents.  Ces  diverses  larves  sont  caractéristiques 
des  difiérents  groupes  d'Echinodermes  :  elles  ne  diffèrent, 
au  fond,  les  unes  des  autres,  que  par  la  disposition  des 
bandes  ciliées  et  le  développement  de  leurs  appendices.  Nous 
les  décrirons  très  sommairement. 
Les  Bipinnaria  (fig.  9)  et  Brachiolaria  (fig.  10)  sont 


G 


Fig.  8  bis.  —  Portion  irterra- 
diale  d'une  Etoile  de  mer  pour 
montrer  les  glandes  sexuelles 
G  et  les  plaques  ciliées  des 
téguments  dorsaux. 


Fig.  9.  —  Larve  d'Astérie,  forme  Bipin- 
naria.— m,  bouche;  an,  anus.  —  Les 
lignes  noires  représentent  les  bandes 
ciliées. 


—  813  — 


ÉCHINODERME 


les  larves  des  Astéries  ;  elles  sont  caractérisées  parla  pré- 
sence d'appendices  brachiaux  et  de  deux  bandes  ciliées, 
l'une  en  avant,  l'autre  en  arrière  de  la  bouche  ;  il  n'est 
pas  rare,  avant  sa  transformation  en  Astérie,  de  voir  la 

Bipinnaria  se 
transformer  en 
Brachiolaria  , 
en  acquérant 
trois  nouveaux 
bras,  sans  rap- 
ports avec  les 
bandes  ciliées  et 
couvertes  de 
papilles.  Les 
Auricularia 
Bra-  (fig.  11),  larves 


^y7 


Fig.  _  10.  ■ 


Larve  d'Astérie,  forme 


c/iio^a7ia.  — an,  anus;m,  bouche.  — Les  j^ë  <^vTipnfp<ï  pf 
lignes  noires  représentent  les  bandes  ^cb  o^^iidpica  et 
ciliées.  des  Holothuries, 

sont  des  appen- 
dices courts  et  mous,  qui  prennent  la  forme  d'oreillettes, 
situés  sur  les  bords  dorsaux  latéraux.  Cette  larve,  avant 
de  se  transformer,  peut  passer  à  une  sorte  d'état  de  chrysa- 
Ude,  à  l'intérieur  de  laquelle  se  développe  la  forme  adulte. 

Les  Pluteus  (fig. 
12)  sont  les  larves 
des  Oursins  et  des 
Ophiures  ;  elles 
sont  surtout  carac- 
térisées par  le  dé- 
veloppement con- 
sidérable des  ap- 
pendices, toujours 
accompagnés  de 
pièces  calcaires; 
certaines  d'entre 
elles  présentent  au 
sommet  une  longue 
tige  calcaire;:  ce 
sont  les  larves  des 
Spatangues;  d'au- 
tres ont  des  épau- 
lettes  ciliées  :  elles 
appartiennent  aux 
Echinus  et  aux 
Echinocidaris.  La 


Fig. 11.  —  Larve  des  Synaptes  et  des 
Holothuries,  forme  Auricularia.— 
o,  bouche  ;  a,  anus  ;  p,  sac  péri- 
tonéal;  r,  corpuscule  calcaire. 


larve  des  Crinoïdes,  enfin,  a  une  forme  moins  aberrante, 
mais  elle  n'en  présente  pas  moins  des  métamorphoses  com- 
pliquées; elle  a  déjà  été  décrite  (V.  Crinoïdes).  Toutes  ces 

larves  d'Echino- 
dermes  sont  gélati- 
neuses et  transpa- 
rentes ;  leur  trans- 
formation n'a  pas  lieu 
de  la  même  manière  : 
en  général,  c'est  aux 
dépens  d'une  partie 
seulement  des'Jarves 
que  se  formeM'être 
définitif.  Il  ne  peut 
être  dans  notre  pen- 
sée de  décrire  ici  les 
phénomènes  compli- 
qués, à  la  suite  des- 
quels un  Echino- 
derme  de  forme  par- 
faite se  détache  de  la 
larve  sur  laquelle  il 
a  pour  ainsi  dire 
bourgeonné,  et  nous 
devons  renvoyer  le  lecteur  aux  nombreux  travaux  publiés 
sur  ce  sujet. 

La  description  rapide  que  nous  venons  de  faire  de  l'em- 
branchement des  Echinodermes  nous  conduit  à  nous  poser 


Fig.  12  —  Ldr\e  d'Oursm,  forme 
Pluteub.  —  ve,  epaulettes  cilioes  ; 
0,  bouche;  a,  anus. 


deux  questions  :  Quels  sont  les  rapports  de  ces  animaux 
entre  eux  et  quelle  est  l'origine  du  groupe  ? 

La  lumière  est  loin  d'être  faite  sur  ces  points,  bien  que 
ces  derniers  temps  aient  apporté  des  faits  intéressants  qui 
aideront  sans  doute  à  les  résoudre.  La  paléontologie  semble 
avoir  montré  que  les  Cystidées,  type  fort  ancien,  disparu 
à  l'époque  carbonifère  et  qui  atteignit  son  maximum  de  déve- 
loppement dans  le  silurien,  ont  été  le  point  de  départ  des 
autres  groupes  d'Echinodermes  :  de  nombreuses  formes  de 
passage,  appartenant  aux  terrains  les  plus  anciens,  rattachent 
en  effet  ces  animaux  disparus  aux  types  qui  ont  persisté. 
Les  travaux  remarquables  de  Semon  ont  conduit,  en  outre, 
à  une  constatation  importante,  que  l'on  peut  rattacher  à  ces 
idées  de  Neumayr  sur  les  rapports  des  différents  groupes 
d'Echinodermes  entre  eux  :  cet  auteur  a  montré  que  toutes 
les  larves  d'Echinodermes,  avant  d'acquérir  leurs  carac 
tères  différentiels,  passaient  toutes  par  un  même  stade, 
auquel  il  a  donné  le  nom  de  Pentactula  (V.  ce  mot),  d'où 
la  conclusion  que  tout  l'embranchement  a  eu  pour  ancêtre 
commun  la  même  forme  primitive,  représentée  au  cours 
de  révolution  de  l'individu  par  cette  forme  Pentactula; 
cet  ancêtre  commun  a  reçu  le  nom  de  Pentactœa.  Si  l'on 
a  toutefois  une  solution  satisfaisante  sur  la  question  des 
rapports  des  Echinodermes  entre  eux,  il  est  beaucoup  moins 
aisé  de  dire  quelle  est  l'origine  du  groupe,  et  la  symétrie, 
rayonnée,  si  caractéristique  de  ces  animaux,  est  un  fait  qui 
déroute  les  recherches  à  ce  sujet  :  ils  n'ont,  en  effet,  aucun 
rapport  avec  les  Cnidaires,  qui  présentent  la  même  symétrie, 
et  l'on  ne  peut  chercher  là  leur  point  de  départ.  Nous  ne 
citerons  qu'une  des  hypothèses  faites  à  ce  sujet,  celle  de 
Semon,  qui  a  le  mérite,  au  moins,  d'indiquer  une  voie  de 
recherches.  Les  Cystidées  étaient  fixées  :  cet  auteur  a  cherché 
à  montrer  que  la  fixation  seule  avait  déterminé  le  change- 
ment en  symétrie  radiaire  de  la  symétrie  bilatérale  que 
montrent  encore  les  larves  par  un  rappel  ontogénique.  La 
démonstration  paléontologique  de  ce  fait  manque  encore, 
mais  l'idée  est  suggestive. 

La  classification  des  Echinodermes  est  admise  comme 
suit  :  1^®  classe  :  Crinoïdes,  subdivisée  en  Cystidées,  Blas- 
toïdes,  Crinoïdes  ;  2®  classe  :  Astéroïdes,  subdivisée  en  Stel- 
lérides,  Ophiurides  ;  3^  classe  :  Echinoïdes,  subdivisée  en 
Réguliers,  Clypéastroïdes,  Spatangoïdes  ;  4®  classe  :  Holo- 
thurides.  R.  Moniez. 

IL  Paléontologie.  —  Les  Echinodermes  font  partie  des 
plus  anciens  organismes  qui  aient  apparu  à  la  surface  du 
globe.  Les  Cystidées  (V.  ce  mot)  sont  déjà  représentées 
dans  les  couches  cambriennes,  et  tous  les  autres  groupes  (à 
l'exception  des  Holothuries  dépourvues  de  squelette  cal- 
caire) ont  des  représentants  dans  le  silurien.  La  distribu- 
tion géologique  des  différentes  classes  est  indiquée  aux 
mots  :  AsTÉRiDÉES,  Blastoïdes,  Crinoïdes,  Cystidées, 
Oursins,  etc.  Les  Blastoïdes  et  les  Cystidées,  formes  les 
plus  anciennes  des  Crinoïdes,  sont  éteintes.  Les  Asté ridées 
et  les  Echinidées  paraissent  avoir  eu  leur  plus  grand  déve- 
loppement à  l'époque  secondaire,  notamment  dans  les  mers 
profondes  de  la  période  crétacée.  Les  Crinoïdes,  plus  an- 
ciens encore,  prédominent  dans  les  couches  paléozoïques  et 
n'ont  plus,  à  l'époque  actuelle,  que  de  rares  représentants 
dans  les  mers  profondes.  La  phylogénie  des  Echinodermes 
est  assez  obscure,  bien  que  l'on  soit  d'accord  pour  admettre 
que  les  quatre  classes  des  Crinoïdes,  des  Astéridées,  des 
Echinidées  et  des  Holothuries  dérivent  d'un  tronc  commun, 
comme  l'indique  la  forme  de  leurs  larves  qui,  dans  leur 
premier  stade,  peuvent  toutes  être  rapportées  au  type  Plu- 
teus. Cette  larve  elle-même  ne  ressemble  qu'à  celle  du 
Balanoglossus^  désignée  sous  le  nom  de  Tornaria,  et 
celle-ci  relie  le  type  Pluteus  au  type  trochosphère  com- 
mun aux  Vers  Chétopodes  et  aux  Mollusques  (Balfour). 
Dans  tous  les  cas,  la  séparation  des  quatre  classes  a  dû 
s'opérer  dès  l'époque  primordiale  et  les  formes  primitives 
qui  les  ont  précédées  sont  inconnues.      E.  Trouessart. 

BiBL.  :  Zoologie.  —  La  bibliographie  des  Echinodermes 
est  extrêmement  étendue  :  beaucoup  de  savants  français, 


ÉCHINODERME  —  ÉCHINORHYNQUE  —  314  - 

en  particulier,  ont  publié  sur  ces  animaux  les  plus  impor- 
tants mémoires  (Kœhler,  Perrier,  Poirier,  etc.),  mais  nous 
ne  pouvons,  à  ce  sujet,  que  renvoyer  le  lecteur  aux  recueils 
spéciaux  ou  aux  articles  particuliers  de  la  Grande  Ency- 
clopédie sur  les  principaux  groupes.  Kœhler  a  récemment 
publié  un  fort  intéressant  article  dont  nous  recommandons 
la  lecture  :  les  Idées  nouvelles  sur  les  Echinodermes, 
dans  Revue  générale  des  Sciences,  févr.  1891. 

ECHINODISCUS  (Zool .  ) .  Echinodermes  actuels  de  l'ordre 
des  Clypéastroïdes,  famille  des  Scutellides.  Ce  genre  a  été 
établi  par  Breynius  (1732)  pour  YE,  Rumphii  qui  appar- 
tenait à  l'ancien  genre  Sciitella.  Les  Echinodisciis ont  le 
test  aplati,  circulaire,  à  bords  postérieurs  profondément 
entaillés,  le  bord  antérieur  étant  simplement  ondulé.  Les 
pétales  sont  lancéolés,  ouverts  à  leur  extrémité,  formés 
de  zones  étroites  ;  la  bouche  est  centrale  ;  l'anus  est  situé 
à  mi-distance  du  bord  ;  il  n'existe  pas  de  cloisons  à  l'inté- 
rieur. E.  lœvis,  Nouvelle-Calédonie.  R.  Moniez. 

ECHINODUS  (Paléont.).  Davis  a  décrit  sous  le  nom  de 
E,  paradoxus  une  plaque  de  poisson  trouvée  dans  le  ter- 
rain carbonifère  du  Yorksliire  qui,  d'après  Woodward,  se 
rapporte,  sans  doute,  aux  Tristychius,  genre  de  Squale 
faisant  partie  de  la  famille  des  Cestraciontidées. 
BiBL.  :  Quart.  Journ.  Geol.  Soc.  1884,  p.  631. 
ECHINOENCRINUS   (Paléont.).  Genre  de   ùjstidées 
(V.  ce  mot),  caractérisé  par  un  calice  irrégulièrement  ovoïde 
à  tige  courte,  formé  de  quatre  zones  successives  de  plaques 
polygonales  ornées  de  côtes  qui  figurent  des  triangles  en 
relief  cachant  les  sutures.  La  tige  est  amincie  vers  le  bas, 
à  articles  em boitants.  Le  type  (E.  angulosus)  est  du  si- 
lurien inférieur  de  Russie  (Pulkova). 
ÉCHINOÏDES  (V.  Oursin). 
ECHINOLANIPAS  (Paléont.)  (V.  Cassidulus). 
ECHINOMETRA  (Paléont.)  (V.  EcmNUs). 
ÉCHINONIYIE  (Ecliinomyia  Dumér.)  (Entom.).  Genre 
de  Diptères,  de  la  famille  des  Muscides  et  du  groupe  des 

Tachinides.  Ce  sont 
des  mouches  remar- 
quables par  la  gran- 
deur et  l'épaisseur  du 
corps  et  caractérisées 
surtout  par  les  an- 
tennes inclinées ,  à 
deuxième  article  plus 
long  que  le  troisième  ; 
le  style  est  multi- 
articulé ,  avec  son 
deuxième  article  al- 
longé. UE.  fera  L. 
et  VE.  grossa  L.  se  rencontrent  aux  environs  de  Paris 
sur  les  fleurs  des  grandes  OmbeUifères.  Leurs  larves  vivent 
dans  le  corps  de  différentes  chenilles,  qu'elles  abandonnent 
ensuite  pour  se  transformer  en  pupes.  Ed.  Lef. 

ECHINONEUS  (Paléont.).  Genre  d'Oursins  de  la  famille 
des  Cassidulidce  (V.  Cassidulus),  devenu  le  type  d'une 
sous-famille  qui  présente  les  caractères  suivants  :  ambu- 
lacres  simplement  rubanés,  tous  égaux;  bouche  centrale 
sans  floscelle  ;  sommet  portant  quatre  pores  génitaux.  Les 
ambulacres  se  composent  de  plaques  et  de  demi-plaques 
intercalées,  toutes  à  doubles  pores.  Le  genre  Echineneus 
(Van  Phels.),  qui  vit  encore  dans  la  mer  des  Antilles,  date 
du  miocène.  Ces  Oursins  sont  petits,  de  forme  ovale,  bom- 
bés, à  radioles  très  courtes,  acuminées.  On  place  dans  la 
même  sous-famille  les  genres  suivants  :  Hybocyclus  du 
jurassique  moyen;  Galeropygus^  du  lias  et  du  jurassique; 
Galeroclypeiis,  du  bathonien  ;  Pachyclypus,  du  juras- 
sique supérieur  ;  Infraclypeus^  du  tithonique  d'Algérie, 
et  Pyrina,  du  jurassique,  plus  commun  dans  le  crétacé  et 
rare  dans  l'éocène.  E.  Trt. 

ECHINOPS  {Echinops  L.)  (Bot.).  Genre  de  Composées, 
du  groupe  des  Cynaroïdées,  caractérisé  surtout  par  les 
fleurs,  qui  sont  accompagnées  chacune  d'un  involucelle 
propre  et  formant  ainsi  un  capitule  particulier  dans  le 
capitule  général.  Ce  sont  des  herbes  vivaces,  ayant  le  port 
des  Chardons.  Leurs  feuilles  alternes  sont  plus  ou  moins 


Echinomyia  grossa  L. 


pubescentes  ou  tomenteuses  et  une,  deux  ou  trois  fois  pin- 
natiséquées  avec  les  divisions  spinescentes.  Les  fleurs,  de 
couleur  bleue  ou  blanche,  sont  réunies  en  capitules  globuleux 
terminaux,  solitaires  ou  réunis  en  cymes.  VE.  Ritro  L., 
espèce  des  lieux  arides  de  la  France  et  de  l'Europe  méri- 
dionale, est  fréquemment  cultivé  dans  les  jardins  comme 
ornemental.  11  en  est  de  même  deVE.  sphœrocephalush., 
qui  croit  dans  les  lieux  incultes  du  Dauphiné,  du  Poitou, 
de  l'Anjou  et  de  l'Orléanais.  VE.  Ritro  est  désigné  par 
les  jardiniers  sous  le  nom  de  Roulette  azurée.    Ed.  Lef. 

ï.^\\\\{Q?'i\\%  [Eôhinopyxis  Claparède  et  Lachmann 
4859)  (Zool.).  Synonyme  de  Difflugia  (V.  ce  mot). 

ÉCHINORHINUS  (Paléont.).  De  Blainville  a  décrit,  en 
1828,  sous  le  nom  d'Echinorhinus  spmosus,  un  S([uale 
de  la  Méditerranée  dont  la  peau  est  hérissée  de  boucles  à 
base  large,  à  pointe  en  crochet  ;  la  tête  est  aplatie  ;  les 
dents,  qui  sont  semblables  aux  deux  mâchoires,  ont  le  bord 
libre  oblique,  tranchant,  les  bords  latéraux  étant  munis  de 
une  ou  deux  dentelures  obHques  ou  transversales  ;  les 
nageoires  dorsales  sont  très  petites,  dépourvues  d'aiguillon. 
Ce  Squale,  connu  sous  le  nom  de  Bouclé,  se  trouve  dans 
la  Méditerranée  et  dans  certaines  parties  de  l'Atlantique. 
Lawley  a  décrit  sous  le  nom  d'E.  Pdchiardii  une  espèce 
du  terrain  pliocène  de  Toscane.  E.  Sauvage. 

BiBL.  :  De  Blainville,  Faune  française.  Poissons  , 
1828.  —Lawley,  Nuovi  Slud.  sopra  ai  pesci  délie  colline 
Toscane;  Firenze,  1876. 

ÉCHINORHYNQUE  (Zool.).  Les  Echinorhynques  (£c/iz- 
norhynchus  O.-F.  Mûller)  forment  un  ordre  distinct  de 
la  classe  des  Némathelminthes.  Ils  se  reconnaissent  à  leur 
corps  arrondi,  souvent  annelé,  mais  toujours  dépourvu  de 
soies  et  de  parapodes,qui  se  termine  en  avant  par  un  rostre 
armé  de  crochets.  Ils  sont  parasites  et  accomplissent  des 
migrations  entre  deux  hôtes  distincts,  pour  passer  de  l'état 
larvaire  à  l'état  adulte  ;  c'est  seulement  à  l'état  d'embryon 
qu'ils  se  trouvent  répandus  librement  dans  la  nature. 

Les  plus  grandes  espèces  présentent  une  vraie  annula- 
tion, qui  ne  porte  pas  seulement  sur  la  cuticule,  mais  se 
montre  toujours  aux  mêmes 
endroits  et  divise  en  segments 
le  système  lacunaire  de  la 
peau.  En  avant,  le  corps 
s'effile  en  un  cou  qui  porte 
le  rostre  ;  le  cou  manque 
souvent,  mais  le  rostre  ne 
fait  jamais  défaut  (fig.  1,  ?^). 
11  porte  des  crochets  ordinai- 
rement de  deux  sortes,  par- 
fois même  de  trois  sortes, 
disposés  par  séries  ayant 
chacune,  pour  une  même  es- 
pèce, le  même  nombre  de 
crochets  :  au  point  de  vue  de 
la  distinction  des  espèces, 
l'étude  du  rostre  présente  donc 
le  plus  grand  intérêt.  Le 
rostre  peut  être  rétracté  dans 
l'intérieur  d'un  sac  muscu- 
leux,  situé  à  sa  base.  Cette 
gaine  rs  renferme  dans  son 
épaisseur  des  fibres  muscu- 
laires qui  vont  s'attacher  à 
l'extrémité  du  rostre.  Elle 
peut  elle-même  être  tirée  en 
arrière  par  deux  muscles 
rétracteurs,  qui  s'insèrent 

sur  la  paroi  du  corps.  Sur  les  côtés  du  rostre  se  voient 
les  deux  lemnisques,  le,  organes  creusés  de  lacunes,  qui 
sont  des  prolongements  de  la  paroi  du  corps  ;  leurs  lacunes 
sont  unies  entre  elles  par  une  lacune  circulaire,  creusée 
dans  la  peau  à  la  base  du  cou  et  grâce  à  laquelle  elles 
communiquent  avec  le  système  lacunaire  du  rostre  et  du 
cou.  Le  tégument  du  reste  du  corps  est  également  creusé 


1.  —  Echinorhynchus 
angustatus  (mâle). 


315 


de  lacunes,  mais  celles-ci  ne  communiquent  pas  avec  le 
système  précédent  :   on  distingue  deux  grandes  lacunes 
longitudinales  et  latérales,  réunies  entre  elles  par  d'autres 
lacunes  plus  petites.  Le  système  nerveux  est  représenté 
par  un  ganglion  g,  enfoui  dans  l'épaisseur  de  la  gaine  du 
rostre;  chez  le  mâle  (Ech.  nodulosus),  on  voit  encore 
un  paire  de  ganglions  à  l'extrémité  postérieure.  On  ne  con- 
naît pas   d'organes  sensoriels,   à  moins  que  les  papilles 
qui  se  trouvent  dans  la  bourse  du  mâle  ne  doivent  être 
considérées  comme  telles.  —  La  paroi  du  corps  est  formée 
de  la  peau,  d'une  couche  musculaire  externe  ou  annulaire 
et  d'une  couche  musculaire  longitudinale.  —  Les  organes 
sexuels  sont  situés  dans  la  cavité  générale,  ainsi  que  leurs 
canaux  excréteurs  ;  un  ligament  suspenseur  li,  qui  naît  de 
l'extrémité  postérieure  de  la  gaine  du  rostre,  les  maintient 
en  place.  On  distingue  chez  le  mâle  deux  testicules  t,  six 
glandes  du  cément  ou  prostate  pr,  un  pénis  p,  et  une 
bourse  protractile  b  à  l'extrémité  postérieure  du  corps. 
Chez  la  femelle,  l'ovaire  n'est  pair  que  pendant  le  jeune 
âge  ;  il  se  fragmente  bientôt  en  masses  ovulaires  qui  flottent 
à  l'intérieur  du  ligament  et  de 
la  cavité  générale.  Les  œufs 
mûrs  sont  saisis  par  un  appa- 
reil musculaire  en   forme  de 
cloche  ;  ils  traversent  ensuite 
l'un  ou  l'autre  de»  deux  ovi- 
ductes,   l'utérus  (fig.  2,   ii), 
le  vagin  v,   et  sont   pondus 
par  la  vulve,   qui  s'ouvre  à 
l'extrémité  postérieure  du 
corps.  L'embryon  est  déjà  tout 
formé  avant  la'^ponte  de  l'œuf; 
comme  l'Echinorhynque  adulte 


Fig.  2. —  Echinorhynchus 
gigas  (appareil  génital 
femelle). 


est  parasite  du  tube  digestif, 
les  œufs  sont  donc  entraînés 
au  dehors  avec  les  excréments 
de  son  hôte  ;  ils  arrivent  dans 
l'eau  et  sont  avalés  par  quelque 
animal.  Celui-ci  est-il  un  Crus- 
tacé,  ils  éclosent  et  livrent 
passage  à  un  embryon  qui,  à 
l'aide  des  spicules  qui  couvrent 
son  extrémité  antérieure ,  tra- 
verse la  paroi  intestinale  et 
tombe  dans  la  cavité  géné- 
rale, où  il  poursuit  son  évo- 
lution et  passe  à  l'état  larvaire. 
Que  le  Crustacé  devienne  main- 
tenant la  proie  d'un  Poisson 
ou  d'un  Oiseau,  la  larve  est  mise  en  liberté  dans  l'intestin 
de  celui-ci  :  elle  s'y  fixe  et  y  passe  rapidement  à  l'état 
adulte.  Les  sexes  sont  toujours  séparés. 

A  l'état  jeune,  les  Echinorhynques  gisent  librement  dans 
l'intesiin,  sans  se  fixer  à  la  muqueuse.  Par  la  suite  de  son 
développement,  la  taille  du  Ver  se  proportionne  à  celle  de 
son  hôte  :  c'est  ainsi,  par  exemple,  que  V Echinorhynchus 
proteus  est  rarement  long  de  plus  d'un  centim.  chez  les 
petits  Poissons  (Gobio  vulgaris,  Lota  commiinis)  ou 
chez  de  jeunes  individus  appartenant  à  des  espèces  de  plus 
grande  taille  ;  au  contraire,  ses  dimensions  deviennent  au 
moins  deux  fois  plus  grandes  chez  des  Poissons  de  grande 
taille  (Acerina cernua,  Esox  lucius,  7 rw^to/ario). Quand 
le  Ver  a  acquis  une  certaine  longueur,  il  se  fixe  alors  à  la 
paroi  intestinale  et  enfonce  dans  la  muqueuse  son  rostre 
et  même  son  cou  tout  entier  ;  la  couche  musculeuse  peut 
elle-même  être  traversée.  Les  tissus  attaqués  de  la  sorte 
s'enflamment  autour  du  rostre  et  du  cou  et  il  en  résulte 
la  production  d'un  kyste  conjonctif  qui  finit  même  par  se 
calcifier  dans  certains  cas  (Ech.  proteus). 

Les  Echinorhynques  n'ont  pas  de  tube  digestif.  En  rai- 
son de  leur  mode  particulier  de  fixation,  le  corps  seul 
plonge  librement  dans  l'intestin  et  se  trouve  en  contact 
avec  les  substances  digérées  par  leur  hôte.  L'absorption 


ÉCHÎNOKHYNQUE 

des  aliments  se  fait  donc  par  le  système  lacunaire  de  la 
paroi  du  corps.  Ce  système,  comme  on  sait,  ne  commu- 
nique pas  avec  celui  du  rostre,  du  cou  et  des  lemnisques  : 
ce  second  appareil  est  rempli  d'un  liquide  très  différent, 
qui  constitue  sans  doute  le  liquide  nourricier,  absorbé  par 
voie  d'osmose  après  avoir  été  élaboré  dans  le  système  lacu- 
naire du  corps;  finalement,  le  liquide  nourricier  transsu- 
derait  à  travers  les  lemnisques  pour  tomber  dans  la  cavité 
générale,  où  il  viendrait  imprégner  les  organes  génitaux, 
la  gaine  du  rostre  et  les  muscles.  La  graisse  s'accumule 
dans  les  muscles,  pour  être  utilisée  au  moment  de  la  matu- 
rité des  produits  sexuels.  Quant  au  rejet  des  substances 
excrémentitielles,  il  peut  se  faire  par  la  cloche  et  l'utérus, 
au  moins  chez  la  femelle.  Pour  le  mâle,  on  peut  admettre 
que  l'excrétion  se  fait  au  moyen  des  deux  canaux  longitu- 
dinaux et  de  leurs  ramifications  :  de  même  qu'ils  absorbent 
la  nourriture,  ces  canaux  seraient  donc  capables  d'éliminer 
les  excrétions  par  voie  d'osmose.  Dans  ce  cas,  ces  canaux 
seraient  donc  des  formations  analogues  aux  vaisseaux  aqui- 
fêres  des  Cestodes. 

On  connaît  environ  165  espèces  d'Echinorhynques  qui 
sont  toutes,  sous  leur  forme  adulte,  parasites  des  Verté- 
brés :  29  chez  les  Mammifères,  66  chez  les  Oiseaux,  18 
chez  les  Reptiles  et  52  chez  les  Poissons.    Une   seule 
espèce  (Ech.  todari  Délie  Chiaje)  a  été  signalée  chez  un 
Céphalopode  (Ommastrephes  todarus),  qui  peut-être  ne 
l'héberge  qu'à  l'état  larvaire.  On  connaît  en  outre,  chez 
les  Invertébrés,  plusieurs  larves  dont  la  forme  adulte  est 
encore  ignorée  (Ech.  corrugatus  Sars,  chez  un  Schizopode, 
Eiiphausia  pellucida).  —  L'espèce  la  plus  intéressante 
à  connaître  est  VEch.  gigas 
Gôze,  qui  vit  dans  l'intestin 
grêle  du  Porc  et  du  Sanglier. 
Le  mâle  (fig.  3  et  4)  mesure 
de  6  à  40  centim.  de  longueur, 
la  femelle  20  à  30  et  même 
40  centim.  Ant.  Schneider  est 
d'avis  que  les  œufs  évacués 
avec  les  excréments  du  Porc 
sont  avalés  par  la  larve  du 
Hanneton.  Le  Porc  s'infesterait 
donc  en  fouillant  le  sol  et  en 
se  repaissant  de  larves  de  Han- 
neton mises  à  découvert  ;  l'in- 
festation  pourrait  résulter  aussi 
de  l'ingestion   de  Hannetons 
parfaits,  puisque  la  larve  du 
parasite  est  capable  de  tra- 
verser sans  mourir  la  phase 
de  nymphose  de  son  hôte.  D'après  Kaiser,  la  larve  de  la 
Cétoine  dorée  (Cetonia  aurata)  pourrait  aussi  servir  au  pa- 
rasite d'hôte  in- 
termédiaire. 
Pour  l'Amé- 
rique du  Nord, 
où  l'Echino- 
rhynque géant 
est   très    com- 
mun  chez    le 
Porc  et  où  d'ail- 
leurs il  n'existe 
ni  Hannetons  ni 
Cétoines ,     des 
expériences  ré- 
centes de  C.-W. 
S t il  es  tendent 
à  prouver  que  la 
larve  des  Lach- 
nosterna  (L, 
arcuata^L.du- 
bia,  L.  hirti-  ' 

cula)  est  l'hôte  intermédiaire  normal  :  l'infestation  du  Porc 
se  fait  de  la  façon  la  plus  simple,  puisque  les  fermiers 


Fig,  3,  _  Echinorhynchus 
gigas  (extrémité  cépha- 
lique  grossie  dix  fois). 


Fig.  4.  —  Echinorhynchus  gigas  (mâle) 
fixé  à  l'intestin  du  Porc. 


ECHINORHYNQUE  -  ECHINUS 


—  316 


des  Etats-Unis  ont  précisément  l'habitude  de  faire  fouiller 
leurs  champs  par  le  Porc  pour  les  débarrasser  des  larves 
de  l'Insecte  en  question,  larves  qui  ont  le  même  genre  de 
vie  que  chez  nous  celles  du  Hanneton. 

Les  Echinorhynques  peuvent  également  se  rencontrer 
dans  l'intestin  de  l'Homme.  Le  seul  cas  authentique  a  été 
publié  par  Lambl,  de  Prague,  en  1857  :  une  femelle  indé- 
terminée a  été  trouvée  chez  un  jeune  garçon  de  neuf  ans  ; 
il  ne  s'agissait  pas  du  moins  de  YEch.  gigas.  Lindemann 
assure  que,  sur  les  rives  de  la  Volga,  l'Homme  prend  le  pa- 
rasite en  mangeant  du  Poisson,  mais  il  ne  cite  aucune 
observation  positive  à  l'appui  de  cette  opinion.  A  Catane, 
Grassi  et  Calandruccio  ont  reconnu  que  VEch,  monili- 
f or  mis  Bremser  est  assez  commun  dans  l'intestin  du 
Surmulot  et  que  la  larve  vit  chez  un  Coléoptère  {Blaps 
mucronata  Latreille).  Si  Ton  ingère  cet  Insecte,  les  larves 
arrivent  à  l'état  adulte  dans  l'intestin  de  l'Homme,  pondent 
des  œufs  au  bout  de  trente-cinq  jours  et  occasionnent  de 
violentes  douleurs  abdominales,  accompagnées  de  diarrhée, 
de  fatigue,  de  somnolence,  de  bourdonnements  d'oreille, 
ainsi  que  Calandruccio  l'a  expérimenté  sur  lui-même.  Ces 
parasites  sont  expulsés  par  l'extrait  éthéré  de  Fougère  mâle. 

Raphaël  Blanchard. 

BiBL.  :  R.  Blanchard,  Traité  de  zoologie  médicale^ 
1890,  t.  II,  p.  91.  —  Grassi  et  Calandruccio',  Ueher  einen 
Echinorhynchus,  welcher  auch  im  Menschen  parasitirt 
und  dessert  Zwtschenwirth  ein  Blaps  ist^  dans  Centralblatt 
fur  Bakteriol.  und  Parasitenkunde,  1888,  t.  III,  p.  521.  — 
O.  Hamann,  Monographie  der  Acanthocephalen  {Echi- 
norhynchen)^  dans'  lenaische  Zeitschrift  fur  Natur\mss^ 
1890,  t.  XXV,  p.  113.  -  C.-W.  Stiles,  Sur  l'Hôte  intermé- 
diaire de  l'Echinorhynchus  gigas  en  Amérique,  dans  Bull, 
de  la  Soc.  zool.  de  France,  1891,  t.  XVI,  p.  240. 

ECHINOSOMA  (Zool.).  Genre  d'Holothurides  étabh  par 
f  Semper  pour  VEupyrgus  hispidus  Barrett  qui  appartient 
aux  Echinocucumis  (V.  Eupyrgus). 

ECHINOSPERMUM  (Echinospermiim  Sw.)  (Bot.). 
Genre  de  plantes  de  la  famille  des  Borraginacées  et  du 
groupe  des  Cynoglossées.  L'espèce  type,  E,  Lappula 
Lehm.  (Myosotis  Lappula  L.),  est  une  herbe  annuelle, 
commune  dans  les  lieux  arides  de  presque  toute  la  France. 
On  l'appelle  vulgairement  Bardanette.  Ses  feuilles,  pu- 
bescentes-velues,  sont  lancéolées  ou  linéaires.  Ses  fleurs 
sont  bleues  ou  blanches  et  très  analogues  à  celles  des  Myo- 
sotis. Ses  fruits  brunâtres  ont  leur  face  dorsale  granuleuse 
et  entourée  d'une  aile  blanchâtre  qui  est  découpée  en  longues 
épines  terminées  par  deux  ou  quatre  crochets.  Ed.  Lef. 
ECHINOSPH^RITES  (Paléont.).  Genre  de  Crinoïdes 
de  l'ordre  des  Cystidées  (Y.  ce  mot),  caractérisé  par  un 
corps  sphérique,  sans  tige, 
fixé  par  une  base  courte  et 
formé  de  plaquettes  nom- 
breuses disposées  sans 
ordre,  lisses,  minces,  ordi- 
nairement hexagonales.  La 
bouche  est  au  sommet,  au 
milieu  d'une  fente  ambula- 
craire  courte,  aux  extré- 
mités de  laquelle  sont  les 
bras  courts  et  minces.  Près 
de  la  bouche  est  une  petite 
ouverture  (anale  ou  géni- 
tale), découverte,  et  plus 
loin  une  autre  ouverture, 
recouverte  de  cinq  plaques 
triangulaires  soudées  en 
forme  de  pyramide  (ouver- 
ture ovarienne  ?).  Les  pla- 
quettes présentent  des  hydrospires  rhombiques  que  nous 
avons  décrits  et  figurés  au  mot  Cystidées,  et  qui  ne  se 
voient  bien  que  sur  les  exemplaires  usés  par  le  frottement, 
polis  ou  mouillés.  VEchinosphœrites  aurantium  est 
commun  dans  le  calcaire  du  silurien  inférieur  de  Russie  et 
de  Scandinavie.  Près  de  ce  genre  viennent  se  placer  les 
genres  Caryocystites.,  Palœocystites,  Achradocystites  et 


Echinosphœrites  aurantium, 
vu  de  profil ,  montrant  la 
bouche  a  au  sommet,  la  pe- 
tite ouverture  anale  b  et  la 
pyramide  c  qui  recouvre 
l'ouverture  ovarienne. 


Comarocystites,  tous  du  silurien  inférieur  d'Europe  et  du 
Canada.  E.  Trouessart. 

ECHINOSTREPHUS  (Zool.).  Genre  d'Echinodermes  de 
la  famille  des  Echinides,  établi  par  A.  Agassiz  en  4864 
pour  des  Oursins  de  petite  taille,  dont  les  tubercules  res- 
semblent à  ceux  des  Holopneustes  par  leur  disposition  et 
dont  les  zones  ambulacraires  sont  étroites,  avec  les  pores 
disposés  en  arc  ;  leurs  épines  sont  plus  longues  que  le  dia- 
mètre du  test,  grêles,  striées  longitudinalement  ;  le  test  est 
convexe  en  dessous,  aplati  en  dessus  ;  les  dents  portent  un 
arc  transverse.  Type  :  E.  molare  de  Zanzibar.     R.  Mz. 

ECHINOSTRObuS  (Echinostrobus  Schimp.,  Arthro- 
taxites  Ung.)  (Paléont.).  Genre  de  Conifères  Taxodinées 
fossiles  fondé  par  Schimper  (Jraité  de  paléontol.  végé- 
tale^ II,  330)  sur  un  échantillon  du  calcaire  lithogra- 
phique de  Solenhofen.  Type  :  E,  Sternbergii  Schimp. 
(Arthrotaxites  princeps  Ung.)  ;  les  E,  robustus  Schimp. 
et  E.  expansus  Schimp.  doivent  être  séparés  des  vrais 
Echinostrobus;  ce  sont  des  Cupressinées  de  la  grande  oolithe. 
Le  kimméridien  inférieur  de  Creys  (Isère)  renferme  VEclii- 
nostrobusyvsii.  Les  rameaux,  cyhndriques,  sont  couverts  de 
feuilles  spiralées,  disposées  en  écailles  imbriquées,  légè- 
rement convexes  sur  la  face  dorsale,  apprimées  et  pointues; 
les  feuilles  rappellent  celles  des  Brachyphyllum.,  le  strobile 
celui  des  Arthrotaxis  d'Australie,  qui  restent  ses  plus 
proches  voisins  de  la  nature  actuelle.  D^  L.  Hn. 

BiBL.  :  De  Saporta,  Paléontologie  française. 

ECHINOTHRIX  (Zool.).  Echinodermes  de  la  famille  des 
Diadématides.  Ce  genre  a  été  fondé  par  Peters  en  1853 
pour  deux  espèces  rangées  auparavant  dans  le  genre  Dia- 
dema  (D.  calamaris  et  turcarum)  et  qui  proviennent 
des  îles  Tahiti  et  de  la  mer  des  Indes  (V.  Diadema).  R.  Mz. 

ECHINOTHURIA  (Paléont.).  Genre  d'Oursins  fossiles 
devenu  le  type  de  la  famille  des  Eckinothuridœ  qui 
comprend  les  genres  encore  vivants  :  Calveria  et  Phormo- 
soma^  propres  aux  grandes  profondeurs.  Chez  ces  Echino- 
dermes, qui  appartiennent  au  groupe  des  Oursins  réguliers, 
le  squelette  externe  est  formé  de  plaques  en  forme  d'écaillés, 
imbriquées,  et  par  suite  mobiles  les  unes  sur  les  autres,  et 
non  articulées  ou  soudées  comme  chez  les  autres  animaux 
de  cette  classe.  Les  aires  ambulacraires  et  interambula- 
craires  ont  leurs  plaques  imbriquées  en  sens  contraire  et 
sont  munies  de  nombreux  tubercules  perforés.  Le  péris- 
tome  est  recouvert  de  plaquettes  calcaires  en  partie  po- 
reuses. Ce  type  se  rapproche  surtout  des  Diadématidées 
(V.  Diadema)  par  la  structure  des  aires.  Echinothuria 
(Woodward)  avait  les  aires  interambulacraires  également 
développées,  à  plaques  larges,  faiblement  imbriquées.  L'ap- 
pareil masticateur  était  bien  développé.  VE.  floris  est  de 
la  craie  blanche  d'Europe.  E.  Trouessart. 

ECHINUS.  L  Zoologie  (V.  Oursin). 

II.  Paléontologie.  —  Les  Oursins  delà  famille  ou  sous- 
famille  des  Echinidœ,  ou  Oursins  proprement  dits,  se 
montrent  pour  la  première  fois  dans  le  jurassique  moyen 
Si\ecPedina,  Echinodiadema,  Stomecliinus ,  Polycyphus 
du  groupe  des  Oligopori.  Echinus  apparaît  seulement 
dans  llèocène.  D'une  façon  générale,  on  peut  dire  que  les 
Oligopori  précèdent  les  Polypori.  Les  premiers,  avec  les 
genres  Salmacis,  Micropedina^  Echinus ,  Codechi- 
nus,  etc.,  s'étendent  du  jurassique  à  l'époque  actuelle. 
Les  Polypori,  qui  datent  seulement  du  néocomien  et  du 
crétacé  supérieur  avec  Pedinopsis,  sont  surtout  tertiaires 
et  actuels  avec  Diplotagma,  Sphœr echinus.,  Echinome- 
tra,  etc.  (V.  Oursin  [Paléont.]).  E.  Trt. 

III.  Botanique  (Echinus  Lour.).  Genre  de  plantes  de 
la  famille  des  Euphorbiacées  et  du  groupe  des  Jatrophées. 
Ce  sont  des  arbres  ou  des  arbustes,  à  feuilles  alternes  ou 
plus  rarement  opposées  et  munies  de  deux  stipules.  Les 
fleurs  sont  monoïques  ou  plus  rarement  dioïques,  avec  un 
périanthe  simple  à  2-5  divisions  valvaires  et  un  nombre 
indéfini  d'étamines  à  anthères  biloculaires,  introrses  ou 
extrorses.  —  On  connaît  environ  soixante-quinze  espèces 
d' Echinus,  toutes  originaires  des  régions  tropicales  de 


l'Ancien  Monde.  La  plus  importante  estl'E.  philippinensis 
H.  Bn.  (Croton  philippinense  Lamk.,  Rottleria  tindoria 
Roxb.),  arbre  de  3  à  10  m.  de  hauteur,  qui  croît  dans 
l'Asie  tropicale,  dans  toute  la  Malaisie,  l'archipel  Indien  et 
jusqu'en  Austrahe.  Ses  fruits,  globuleux  et  trigones,  longs 
de  5  à  6  millim.,  sur  8  à  10  millim.  de  large,  sont  cou- 
verts d'une  poudre  granuleuse  d'un  rouge  vif,  que  l'on 
emploie  en  médecine  et  dans  l'industrie  sous  le  nom  de 
Kamala  (V.  ce  mot).  Ed.  Lef. 

ÉCHION.  Nom  par  lequel  on  désigne  quelquefois  à  tort 
un  artiste  grec  qui,  en  réahté,  s'appelait  Aétion  (V.  ce 
nom).  Echion  provient  d'une  faute  de  texte  dans  un  passage 
de  Cicéron  (Paradoxa,  V,  2,  37). 

ÉCHIQUET  (Techn.).  On  appelle  pose  ou  échiquetd'un 
parquet  la  pose  des  feuilles  diagonalement  par  rapport  aux 
murs  (V.  Parquet). 

ÉCHlQUETÉ(Blas.).  Attribut  d'un  écu ou  de  pièces  cou- 
vertes de  carrés  d'échiquier.  Les  animaux,  chevaux,  lions, 
bœufs,  peuvent  aussi  être  échiquetés,  mais  c'est  rare  sur 
les  blasons  français.  L'écu  échiqueté  est  ordinairement 
composé  de  vingt  à  vingt-quatre  carrés. 

ÉCHIQUIER.  L  Mathématiques.  —  On  donne  le  nom 
d'échiquiers  arithmétiques  à  des  tableaux  numériques,  habi- 
tuellement de  forme  carrée  ou  rectangulaire,  présentant 
des  cases  analogues  à  celles  d'un  papier  quadrillé.  Dans 
chacune  de  ces  cases  est  inscrit  un  nombre  qui  se  forme 
d'après  une  loi  déterminée.  M.  Ed.  Lucas  a  montré  le  pre- 
mier toute  l'utilité  de  l'échiquier  dans  un  grand  nombre  de 
recherches  arithmétiques,  soit  pour  simplifier  des  démons- 
trations de  théorèmes  connus,  soit  pour  en  découvrir  de 
nouveaux,  soit  pour  résoudre  certains  problèmes  ;  il  y  a 
lieu  surtout  de  citer  sa  théorie  des  permutations  figurées. 
Plus  tard,  M.  Delannoy  imagina  de  faire  varier  la  forme  de 
l'échiquier  ;  par  la  considération  d'échiquiers  triangulaires, 
pentagonaux,  hexagonaux,  il  parvint  à  résoudre  simplement 
des  problèmes  difficiles,  et  notamment  des  questions  de  pro- 
babilités. Citons  seulement  ici  quelques  exemples  :  1°  sur 
un  damier  dont  la  largeur  présente  un  nombre  donné  de 
cases  et  dont  la  longueur  est  indéfinie,  par  combien  de 
chemins  différents  un  pion  qui  ne  recule  jamais  peut-il  se 
rendre  d'une  case  donnée  aune  autre  ?  2°  problème  sur  la 
durée  du  jeu  :  Pierre  et  Paul  jouent  l'un  contre  l'autre  à 
chances  égales  ;  en  entrant  au  jeu,  chacun  d'eux  possède 
n  fr.,  et,  à  chaque  partie,  le  perdant  donne  1  fr.  au  ga- 
gnant. Le  jeu  se  termine  dès  que  l'un  des  joueurs  est 
ruiné.  Quelle  est  la  probabilité  que  le  jeu  se  terminera  après 
la  (JL^  partie  ?  3«  A  et  B  jouent  l'un  contre  l'autre,  avec  les 
probabilités  respectives  ;?  et  ^,  de  sorte  quep-{-^  =  l; 
A  possi  de  a  fr.  et  B  possède  b  fr.  en  entrant  au  jeu  ;  à 
chaque  partie  le  perdant  donne  1  fr.  au  gagnant.  Quelle 
est  la  probabilité  que  A  ruinera  B  avant  la  [i^  partie  ?  Ces 
questions  ont  été  étudiées  par  des  géomètres  de  grande 


Echiquiers   anallagmatiques. 

valeur,  parmi  lesquels  nous  pouvons  citer  Huyghens, 
Moivre,  Laplace,  Lagrange,  Ampère,  MM.  Bertrand,' Bou- 
ché, Hermann  Laurent,  et  conduisent,  par  les  méthodes 
ordinaires,  à  des  formules  extrêmement  compliquées,  par- 
fois illusoires.  L'échiquier,  au  contraire,  donne  des  solutions 
presque  immédiates  et  relativement  simples. 

L'un  des  exemples  les  plus  simples  d'échiquiers  arith- 
métiques est  fourni  par  la  table  de  Pythagore  ;  le  triangle 


—  317  —  ECHINUS  —  ÉCHIQUIER 

arithmétique  de  Pascal,  le  carré  arithmétique  de  Fermât 
sont  aussi  des  échiquiers  arithmétiques.  Les  questions  de 
cette  nature  tiennent  de  près  à  la  géométrie  des  quinconces 
ou  des  tissus.  Il  y  a  lieu  de  mentionner  aussi  l'échiquier 
anallagmatique  de  M.  Sylvester;  c'est  un  carré  formé  de 
cases  noires  et  blanches,  de  telle  sorte  que,  pour  deux  hgnes 
ou  deux  colonnes  quelconques,  le  nombre  total  des  varia- 
tions de  couleur  soit  toujours  égal  au  nombre  des  perma- 
nences. M.  Ed.  Lucas  a  fait  remarquer  l'analogie  qui 
existe  entre  l'échiquier  anallagmatique  et  les  formules  qui 
donnent  la  décomposition  du  produit  de  sommes  de  ^**  carrés. 
D'un  échiquier  anallagmatique  on  peut  déduire  un  grand 
nombre  d'autres:  1°  par  la  permutation  des  colonnes  et  des 
lignes;  2^  par  le  changement  des  couleurs  des  cases  d'une 
ligne  ou  d'une  colonne  quelconque.  Nous  donnons  ci-dessus 
deux  exemples  d'échiquier  anallagmatique.  A.  Laisant. 
IL  Jeu  (V.  Echecs). 

III.  Stratégie.  —  On  appelle  échiquier  stratégique 
l'ensemble  du  terrain  considéré  au  point  de  vue  des 
mouvements  des  armées  pendant  une  guerre.  Dans  le  do- 
maine tactique,  on  formait  autrefois,  chez  nous,  des  carrés 
en  échiquier.  La  moitié  des  bataillons  en  ligne,  soit  les 
numéros  pairs,  soit  les  numéros  impairs,  se  portaient  à  une 
certaine  distance  en  avant  et  l'on  obtenait  ainsi  deux  lignes 
de  carrés  qui  se  flanquaient  mutuellement  et  pouvaient  faire 
feu  sans  s'atteindre.  Le  principe  des  formations  en  échiquier 
datait  des  guerres  de  l'antiquité.  La  tactique  linéaire  du  grand 
Frédéric  en  avait  largement  fait  usage,  et  Bonaparte  en 
faisait  cas.  Il  a  disparu  de  nos  méthodes  actuelles  de  combat. 

IV.  Pêche. —  Dans  certaines  parties  de  la  France,  on 
donne  ce  nom  au  carrelet,  nappe  carrée,  tenue  à  bras;  sur 
les  côtes  de  la  Méditerranée,  le  grand  carrelet  de  3'»50, 
avec  lequel  on  pêche  en  bateau,  porte  le  nom  de  calen  ou 
venturon  ;  dans  les  eaux  profondes  on  se  sert  d'une  va- 
riété d'échiquier  à  laquelle  on  donne  le  nom  de  hunier. 

BiBL.  :  Mathématiques.  —  Ed.  Lucas,  Sur  VEchiquier 
anallagmatique  de  M.  Sylvester^  dans  Assoc.  française 
pour  l'avancement  des  sciences  ;  Le  Havre,  1877.  —  Sur  le 
Problème  des  huit  reines^  id.;  Montpellier,  1879.  — Su?'  les 
Echiquiers  anallagmatiques  et  les  produits  de  sommes  de 
carrés,  id.;  Reims,  IS80.  —  Sur  V Arithmétique  figurative. 
Les  permutations.  Le  saut  du  cavalier,  id.  ;  Rouen,  1883. 
—  Delaunay,  Emploi  de  l'échiquier  pour  la  solution  des 
problèmes  arithmétiques,  id.  ;  Nancy,  1886.  —  Note  sur 
l'emploi  de  l'échiquier,  id.  ;  Paris,  1889.  —  Mantel,  Sur 
les  Combinaisons  d'éléments  dispersés  dans  un  plan,  id.  ; 
Rouen,  1883.  —  Général  Parmentier,  Problème  des  n 
reines,  id.;  Rouen,  1883.  —Ed.  Lucas,  Récréations  mathé- 
matiques, t.  II,  p.  114  ;  Théorie  des  nombres,  1. 1,  p.  83. 

ÉCHIQUIER.  Nom  donné,  en  Angleterre,  à  l'administra- 
tion financière  centrale.  —  L'histoire  primitive  de  l'Echi- 
quier des  rois  d'Angleterre  est  infiniment  moins  obscure 
que  celle  de  la  Chambre  des  comptes  des  rois  de  France, 
organe  similaire.  On  possède  en  effet  des  documents  très 
anciens  et  très  précis  :  les  plus  précieux  sont  la  collection 
des  Pipe  rolls  et  le  Dialogue  de  VEchiquier.  Les  Pipe 
rolls  sont  des  rouleaux,  ainsi  nommés  à  cause  de  leur  forme 
tubulaire  [pipe,  tube,  pipe),  qui  contiennent,  année  par 
année,  les  recettes  et  les  dépenses  des  officiers  de  la  cou- 
ronne :  ce  sont  les  budgets  dressés  par  les  plus  anciens  agents 
de  l'Echiquier;  le  premier  en  date  remonte  aux  dernières 
années  du  règne  de  Henri  P^  ;  la  série  est  presque  complète 
à  partir  de  la  deuxième  année  de  Henri  II  ;  Madox  s'en  est 
grandement  servi  dans  sa  fameuse  History  of  the  Exche- 
quer^  et  une  société  (Pipe  roll  Society)  a  été  récemment 
établie  à  Londres  en  vue  de  la  publication  intégrale  de  ces 
textes  inestimables  (V.  surtout  le  fasc.  3  des  publica- 
tions de  cette  société,  intitulé  Introduction  to  the  study 
of  the  Pipe  rolls  ;  Londres,  d884,  in-8).  Quant  au 
Dialogus  de  Scaccario  (composé  en  iill  par  Richard, 
évêque  de  Londres,  trésorier  de  l'Echiquier,  fils  de  Nigel, 
évêque  d'Ely,  son  prédécesseur  dans  cette  charge,  et 
petit-neveu  de  l'évêque  Roger  de  Salisbury,  l'un  des  pre- 
miers organisateurs  de  l'institution),  on  en  trouve  une 
bonne  édition  dans  les  Select  Charters  de  Stubbs  (Oxford, 
1884,  pp.  169-248).  — Aussitôt  après  la  conquête,  dit  Pau- 


ÉCHIQUIER 


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teur  du  Dialogus,  il  y  eut,  à  ce  qu'on  prétend,  un  Echiquier 
en  Angleterre,  siimpta  ipsius  ratione  a  Scaccario  trans- 
marino  (I,  4).  Richard  Fitz  Nigel  semble  dire  par  là 
qu'il  y  avait  un  Echiquier  en  Normandie,  avant  la  con- 
quête, qui  aurait  été  le  prototype  de  l'Echiquier  d'Angle- 
terre. Mais  il  n'y  a  aucune  preuve  convaincante  de  ce  fait; 
il  Y  eut  certainement  un  Echiquier  d'Angleterre  dès  les 
premières  années  du  règne  de  Henri  P^'  ;  nous  ne  trouvons 
d'Echiquier  en  Normandie  que  sous  Henri  H.  Il  est  même 
probable  que  c'est  l'Echiquier  de  Normandie  qui  a  emprunté 
son  nom  et  sa  procédure  à  l'Echiquier  d'Angleterre,  d^ ail- 
leurs organisé  par  des  ministres  normands,  tels  que  Flam- 
bard  et  Roger  de  Salisbury.  En  ce  qui  touche  ce  nom 
bizarre  d'échiquier,  l'étymologie  la  plus  simple  en  est  aussi 
la  meilleure;  il  fait  allusion  au  tapis  divisé  en  comparti- 
ments carrés,  alternativement  blancs  et  noirs,  qui  couvrait 
la  table  autour  de  laquelle  s'asseyaient  les  financiers  de  la 
couronne.  Du  tapis  et  de  la  table,  le  terme  échiquier 
passa  à  la  réunion  des  hommes  qui  siégeaient  autour. 
Notre  expression  «  table  de  marbre  »  a  une  origine  ana- 
logue. Richard  Fitz  Nigel  ajoute  ce  trait  que  les  échanges 
qui  se  faisaient  d'un  bout  à  l'autre  de  la  table  entre  le 
receveur  et  les  payeurs,  au  moment  des  redditions  de 
compte,  suggéraient  tout  autant  que  les  compartiments  du 
tapis  l'idée  d'une  partie  d'échecs  jouée  entre  le  trésorier  et 
les  sheriffs.  L'Echiquier  anglais  n'était  qu'une  partie  de  la 
Curia  régis  générale  (V.  Cour  du  roi),  et  portait  à  cause 
de  cela  le  nom  officiel  de  Curia  régis  ad  scaccarium.imis 
il  formait  le  seul  département  du  gouvernement  central  qui 
fut,  dès  Henri  PS  régulièrement  organisé  :  curiarum 
omnium  apucl  Anglo-Normannos  a7îtiquissima.  Nous  y 
trouvons  chaque  année,  depuis  Henri  PS  des  grands  offi- 
ciers et  des  palatins,  avec  de  nombreux  clercs,  employés  à 
recevoir  les  payements  des  sheriiîs  locaux,  à  vérifier  leurs 
comptes,  à  décider  des  procès  de  finances,  à  ordonnancer 
les  dépenses  de  la  maison  royale  et  de  l'Etat.  Henri  II 
introduisit  des  perfectionnements  dans  le  mécanisme  de  cette 
institution.  La  cour  d'Echiquier  se  partagea,  sous  ce  règne, 
en  deux  sections  :  celle  des  comptes,  Scaccarium  majus,^  où 
les  comptes  des  officiers  étaient  reçus  et  les  questions  liti- 
gieuses jugées;  celle  des  recettes  {Scaccarium  inferius, 
Exchequer  of  receipt),  où  l'argent  du  roi  était  versé, 
pesé  et  vérifié.  . 

Examinons  brièvement  quel  était,  au  moyen  âge,  le 
personnel,  quelle  était  la  procédure  des  deux  Echiquiers, 
en  quel  lieu  ils  étaient  installés  :  problèmes  savam- 
ment résolus  par  l'ancien  historien  de  la  Compagnie, 
Thomas  Madox,  et  par  les  historiens  modernes,  entre 
autres  par  M.  Hubert  Hall  (The  Antiquities  and  curiosi- 
ties  of  the Exchequer ;Lor)àres,  1894,  in-8).  —  Lacour 
d'Echiquier  fut  longtemps  ambulatoire  à  la  suite  des  rois  ; 
mais  les  impedimenta  de  l'Echiquier  des  recettes,  tels 
que  tables,  tailles,  coffres-forts,  rouleaux,  etc.,  furent  de 
bonne  heure  installés  à  Westminster,  dans  une  tour  sise 
au  N.-E.,  près  du  jardin  au  bord  de  l'eau.  Là  le  bureau 
de  la  «  recette  »  de  l'Echiquier  est  demeuré  jusqu'à  une 
époque  relativement  récente,  tandis  que  la  «  cour  »  pro- 
prement dite  (Scaccarium  majus)  fut  transférée  vers  la 
fin  du  xni^  siècle  dans  des  locaux  plus  commodes,  à  côté 
de  Westminster  Hall.  Le  caractère  ambulatoire  ne  s'effaça 
du  reste  complètement  que  très  longtemps  après  que  la 
Compagnie  fût  devenue  sédentaire.  La  dixième  année  du 
roi  Jean,  une  session  de  l'Echiquier  fut  tenue  à  Northamp- 
ton  ;  la  quinzième  année  d'Edouard  H,  une  autre  fut  tenue 
à  York,  à  cause  des  exigences  de  la  guerre  contre  les 
Ecossais.  En  4643,  Charles  P^'  établit  à  Oxford  un  Echi- 
quier royaliste;  en  4666,  l'Echiquier  fut  chassé  de  ses 
locaux  de  Westminster  par  le  grand  incendie,  et  se  trans- 
porta à  Nonsuch.  Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  remarquer 
ici  que,  à  côté  du  grand  Echiquier  de  Westminster,  il  y  en 
eut  de  tout  temps  d'autres  moins  considérables,  modelés 
sur  le  même  type  :  à  Caernarvon  et  à  Chester  pour  le  pays 
de  Galles,  à  Dublin  pour  l'Irlande.  Il  y  avait  à  Londres 


môme  un  Echiquier  spécial  pour  les  juifs  (V.  ci-dessous 
Echiquier  des  juifs),  d'autres  à  la  Monnaie,  et  à  la 
Garderobe.  L'évèque  de  Winchester  tenait  chaque  année 
un  Echiquier  à  Wolverley,  oii  les  comptes  de  ses  baillis 
étaient  résumés  en  forme  de  petits  Pipe  rolls;  et  cet 
Echiquier  était  utilisé  par  la  couronne  à  son  profit  pen- 
dant les  vacances  du  siège. 

Le  personnel  de  l'Echiquier  se  composait  de  clercs  et  des 
grands  officiers  de  l'Etat.  La  présidence  appartenait  natu- 
rellement au  roi  ou  à  son  représentant  direct,  le  justicier, 
capitalis  justicia;  le  justicier  réunissait  autour  de  lui, 
dans  la  grande  salle  de  l'Echiquier  de  Westminster,  des 
personnages  dont  les  uns  se  trouvaient  là  ex  ofjicio,  et 
dont  les  autres  ex  sola  jussione  principis  residebant. 
Siégeaient  en  vertu  de  leur  charge  les  grands  officiers  de 
la  couronne,  à  savoir  le  connétable,  le  chancelier,  deux 
chambellans,  le  maréchal,  le  trésorier,  soit  en  personne, 
soit  par  procuration  (cf.  sur  les  fonctions  spéciales  de  cha- 
cun de  ces  personnages,  H.  Hall,  op.  cit.,  pp.  78-81). 
Hiis  autem  assident  ex  sola  jussione  principis,  mo- 
mentanea  se.  et  mobili  auctoritate,  quidam  qui  majo- 
res et    discretiorcs  videntur  in  regno,  sive  de  clero 
sint,  sive  de  curia.  Ces  membres  momentanés  de  l'Echi- 
quier, qui  y  étaient  convoqués  une  fois,  mais  que  le  roi  pou- 
vait y  appeler  ou  non,  étaient  pris  dans  cette  masse  de 
palatins  à  la  disponibilité  du  roi  qui  siégeaient  au  même 
titre  dans  les  cours  strictement  judiciaires  du  Banc  du 
roi  et  des  Plaids  communs.  Au  Banc  du  roi,  ils  portaient 
le  titre  de  justiciarii;  devant  le   tapis  quadrillé  de  la 
table   des   comptes    de    Westminster,  ils   s'institulaient 
barons  de  l'Echiquier.  Au-dessous  des  barons  de  l'Echi- 
quier, grands  officiers  et  palatins,  étaient,  d'autre  part, 
des  clercs,  clerici  Scaccarii  :  scribes,  gardes  des  rôles, 
essayeurs,  fondeurs,  «  tailleurs   de  tailles  »,  huissiers, 
comptables,  etc.,  tous  agents  dont  l'existence  régulière 
était  pour  la  Compagnie  elle-même,  encore  mal  dégagée  de 
la  Curia  régis,  un  signe  et  une  promesse  de  stabilité.  Le 
personnel  des  barons  de  l'Echiquier  se  renouvelait  souvent, 
mais  celui  des  clercs  de  l'Echiquier  était  toujours  le  même. 
Tel  était  l'état  des  choses  en  4477.  Mais  il  arriva,  par  la 
suite  des  temps,  que  les  grands  officiers,  trop  occupés,  ces- 
sèrent d'assister  en  personne  aux  séances  :  le  chancelier, 
les  chambellans,  le  connétable,  le  maréchal  ne  vinrent  plus, 
et  leurs  fonctions  furent  remplies  par  de  nouveaux  clercs 
inamovibles  qu'on  institua.  L'office  de  justicier  étant  tombé 
en  désuétude  sous  Edouard  PS  la  haute  main  sur  l'admi- 
nistration financière  échut  ainsi  au  trésorier.  Quand  la 
chancellerie  devint  un  département  particulier,  pourvu  d'at- 
tributions précises,  le  chancelier  du  royaume  fut  remplacé 
à  l'Echiquier  par  un  clerc  qui  prit  le  titre,  promis  à  une^  si 
grande  fortune,  de  chancelier  de  l'Echiquier.  Le  premier 
chancelier  de  l'Echiquier,  nommé  en  4248,  fut  un  certain 
John  Maunsell.  La  complication  croissante  des  affaires  imposa, 
d'ailleurs,  la  création  de  nouveaux  dignitaires  :  au  temps  de 
Richard  Fitz  Nigel,  les  barons  de  l'Echiquier  réservaient  les 
rares  questions  contentieuses  qui  se  présentaient  jusqu'à 
la  fin  de  la  reddition  des  comptes;  et  ces  memoranda,  tel 
était  le  terme  en  vigueur,  étaient  consignés  sur  un  rôle 
particuHer;  or  les  memoranda  étaient  devenus  si  nom- 
breux sous  Henri  IH  qu'il  fallut  appointer  un  remembran- 
cer  spécial  pour  s'en  occuper  ;  ce  personnage  fut  en  quelque 
sorte  le  sohcitor  de  la  Trésorerie.  On  créa  aussi  sous 
Henri  HI  un  clerk  of  the  pells,  chargé  de  la  tenue  des 
rôles  de  recettes  et  de  dépenses  ;  un  «  auditeur  de  la  re- 
cette »,  etc.  A  travers  les  siècles,  les  rouages  se  multi- 
plièrent infiniment  ;  on  en  a  la  preuve  frappante  si  Ton  con- 
sulte le  tableau  du  personnel  de  l'Echiquier  en  4593.  Le 
chef  de  la  Compagnie,  à  cette  date,  était  le  lord  haut  tré- 
sorier ;  venaient  ensuite  le  chancelier  de  l'Echiquier,  le  lord 
chief  baron,  les  barons,  les  deux  remembrancers,  celui 
du  roi  et  celui  du  trésorier,  le  «  clerc  de  la  Pipe  »,  le 
contrôleur  de  la  Pipe,  cinq  auditeurs,  le  clerc  des  plaids, 
le  clerc  des  semonces,  deux  maréchaux,  deux  suppléants 


319  - 


ÉCHIQUIER 


des  chambellans,  des  huissiers,  des  portiers,  un  sous-tré- 
sorier, le  clerc  des  tailles,  le  clerc  des  pells^  quatre  tellers, 
quatre  messagers,  etc.,  etc.  Cette  organisation  subsista  à 
peu  près  intacte  depuis  le  règne  d'Elisabeth  jusqu'à  celui 
de  George  III  ;  mais,  à  partir  de  George  III,  un  mouve- 
ment se  dessina  en  faveur  de  la  suppression  des  offices  les 
plus  anciens,  qui  s'étaient  lentement  transformés  en  siné- 
cures honorifiques  et  lucratives.  En  1833,  une  réforme 
radicale  supprima  en  bloc  les  deux  chambres  de  l'Echi- 
quier, la  chambre  des  barons  et  le  département  de  la 
recette.  Seul  l'office  de  remembmncer  royal  survécut, 
avec  le  titre,  désormais  vide  de  son  sens  primitif,  de  chance- 
lier de  l'Echiquier.  Les  fonctions  de  l'ancien  Echiquier  des 
barons  sont  aujourd'hui  accomplies  par  le  département  que 
dirige  le  Paymaster  gênerai  et  par  la  Trésorerie  ;  quant  à 
l'Echiquier  des  recettes,  c'est  aujourd'hui  la  Banque  d'An- 
gleterre qui  en  tient  lieu.  —  Le  moyen  âge  a  laissé  une  foule 
de  satires  contre  le  personnel  de  l'Echiquier  qui  jouissait 
du  privilège  envié  d'être  exempt  de  toutes  taxes.  Ce  per- 
sonnel se  composait  de  clercs  dressés  de  bonne  heure  à 
faire  toute  leur  vie  une  besogne  très  technique.  Des  hommes 
comme  Alexandre  de  Swereford  et  l'évêque  Stapleton  n'ont 
pas  eu  d'ambition  au  delà  de  leurs  fonctions  à  l'Echiquier: 
dans  l'intervalle  des  sessions,  ils  rédigeaient  d'immenses 
compilations  pour  le  service  de  la  Compagnie  et  arran- 
geaient ses  archives  :  c'est  grâce  à  ces  serviteurs  dévoués 
que  les  archives  de  l'Echiquier  d'Angleterre  sont  les  plus 
riches  et  les  mieux  tenues  qu'aucun  corps  analogue  ait 
possédés.  —  Voici  comment  la  cour  d'Echiquier  procédait 
à  ses  diverses  fonctions.  D'abord,  en  ce  qui  touche  les 
recettes.  Les  sheriffs  se  présentaient  à  l'Echiquier  séant  à 
Westminster,  deux  fois  par  an,  à  Pâques  et  à  la  Saint- 
Michel,  apportant  l'argent  du  roi,  en  espèces.  Ces  espèces 
étaient  pesées  par  les  agents  de  l'Echiquier,  et  même  fon- 
dues en  Hngots,  pour  vérifier  la  pureté  du  métal.  La 
somme  reçue  du  sheriff  était  aussitôt  marquée  sur  une 
taille,  c.-à-d.  sur  une  pièce  de  bois  sec  sur  laquelle  un 
clerc  faisait  des  coches  correspondantes  à  la  somme  versée, 
après  quoi  un  autre  clerc  écrivait  le  chiffre  de  ladite 
somme  en  face  des  coches.  Incisions  et  chiffres  étaient 
répétés  sur  la  taille  deux  fois,  aux  deux  bouts,  si  bien 
qu'en  la  cassant  en  deux,  on  eût  deux  tailles  portant  les 
mêmes  mentions.  L'une  des  moitiés  était  remise  au  sheriff 
pour  sa  décharge,  l'autre  restait  aux  archives  de  l'Echi- 
quier. Ce  mode  barbare  de  comptabilité  n'a  été  remplacé  à 
l'Echiquier  d'Angleterre  par  le  régime  des  chèques  qu'en 
1783,  à  la  suite  d'une  ordonnance  du  roi  George.  Sur  la 
procédure  archaïque  des  comptables  de  l'Echiquier  qui, 
rangés  autour  de  la  table  traditionnelle,  «  avaient  l'air  », 
en  poussant  les  jetons  qui  leur  servaient  à  calculer  suivant 
certaines  conventions,  «  de  jouer  une  partie  d'échecs  ou 
de  trictrac  »,  on  consultera  utilement  les  travaux  de 
M.  Hall,  op.  cit.,  pp.  414-134.  Bien  entendu,  en  même 
temps  que  les  tailles  en  bois,  il  y  avait  à  l'Echiquier  des 
registres  ou  plutôt  des  rouleaux  oti  les  comptes  étaient  mis 
au  net.  Nous  avons  déjà  nommé  le  rôle  annuel  de  la  Pipe. 
Ajoutons  ici  que  ce  rôle  continua  à  être  rédigé  dans  les 
anciennes  formes  jusqu'à  la  fin  du  règne  de  Henri  III.  Mais 
il  ne  tarda  })as  à  devenir  impossible  d'y  consigner  tous  les 
revenus  et  toutes  les  dépenses  ;  les  percepteurs  de  res- 
sources extraordinaires,  telles  que  les  douanes,  rendirent 
leurs  comptes  dans  des  rôles  spéciaux,  qui  fuï'ent  appelés 
foreign  accounts,  comptes  étrangers  (étrangers  au  grand 
rôle  de  la  Pipe).  De  ces  foreign  accounts,  il  y  eut  bien- 
tôt une  grande  variété  :  citons  parmi  les  principaux  le 
compte  que  rendit  annuellement,  depuis  Edouard  P^,  le 
préposé  à  la  perception  des  amendes  et  amerciarnents 
levés  en  vertu  de  lettres  royales  scellées  sur  cire  verte 
(greenwax).  Il  y  eut  sous  Jacques  P^  un  surveyor  gêne- 
rai of  the  greemvax. 

L'Echiquier  d'Angleterre,  au  xn^  siècle,  était  à  la  fois 
une  compagnie  de  judicature  administrative  et  une  cour  de 
justice  à  laquelle  ressortissaient  toutes  les  causes  oti  le 


fisc  était  intéressé.  Nous  venons  d'en  parler  en  tant  que 
cour  des  comptes.  Mais  que  faut-il  entendre  quand  on  en 
parle  en  tant  que  cour  de  justice  ?  L'Echiquier  ne  préten- 
dait, pour  employer  les  expressions  de  Richard  Fitz  Nigel, 
que  ad  discernenda  jura  et  dubia  determinanda,  quœ 
fréquenter  ex  incidentibus  questionibus  oriuntur  (I,  4); 
mais  le  système  financier  des  rois  normands  était  lié  si 
étroitement  avec  toutes  les  branches  du  droit  public  et 
privé  que  la  fixation  des  amendes,  la  décision  des  appels 
interjetés  contre  l'imposition  des  tallages,  etc.,  entraînaient 
au  profit  de  l'Echiquier  une  juridiction  qui,  en  réalité,  était 
immense.  Or,  en  tant  que  cour  des  comptes,  l'Echiquier  a 
eu  certainement  son  âge  d'or  au  moyen  âge,  et  même  en 
particulier,  au  xii®  siècle.  L'Echiquier  a  été  vraiment,  sous 
Henri  II  et  ses  fils,  le  centre  et  le  cœur  du  gouvernement 
royal.  Il  dégénéra  ensuite.  Déjà  sous  Henri  III  le  méca- 
nisme si  exact  que  décrivait  Richard  Fitz  Nigel  en  1177 
semble  avoir  subi  des  désordres.  Jean  sans  Terre  et  Henri  III 
se  servirent,  comme  Philippe-Auguste  et  saint  Louis,  des 
Tem)jliers  comme  comptables  ;  c'est  probablement  que 
la  comptabilité  de  leur  Echiquier  leur  parut  moins  bonne. 
Dès  1223,  de  nombreuses  catégories  de  recettes  et  de 
dépenses  furent  examinées  à  la  garde-robe  royale  {King's 
Wardrobe)  au  lieu  de  l'être  à  l'Echiquier;  dès  1225, 
les  impositions  extraordinaires,  telles  que  quinzième, 
treizième,  etc.,  furent  perçues  et  vérifiées  par  des  commis- 
saires appointés  spécialement  au  lieu  de  l'être  par  les  she- 
riffs et  d'être  apurées  dans  les  Great  rolls  of  the  Pipe. 
Les  plaintes  continuelles  sous  Edouard  IH  et  sous  Ri- 
chard II  au  sujet  du  désordre  de  la  comptabilité  financière 
montrent  bien  que  l'ancien  système  de  Henri  II  avait  été 
ruiné.  Un  archevêque  de  Canterbury  pouvait  écrire  à 
Edouard  III  :  Utinam  scires  débita  tua  et  débita  patris 
tui!  L'organisation  relativement  simple,  mais  très  efficace, 
de  Henri  II,  n'avait  pas  pu  s'adapter  à  la  complication  tou- 
jours croissante  des  méthodes  nouvelles  de  taxation. 

Mais,  en  tant  que  cour  de  justice,  l'Echiquier  d'Angleterre 
ne  fit  avec  le  temps  que  se  consolider,  au  contraire.  Au  début 
du  règne  de  Henri  III,  nous  trouvons  trois  cours  constituées 
aux  dépens  de  l'ancienne  Curia  régis  :  l'Echiquier,  chargé 
des  causes  touchant  les  revenus  de  la  couronne  ;  la  cour 
des  Plaids  communs,  chargée  des  procès  entre  particu- 
liers; la  cour  du  Banc  du  roi,  chargée  de  tous  les  autres 
litiges  qualifiés  de  placita  coram  rege.  Celle  de  l'Echi- 
quier travailla  activement  durant  tout  le  xni^  siècle  à 
accroître  sa  compétence  aux  dépens  des  autres,  et  l'auto- 
rité royale  dut  intervenir  plusieurs  fois  pour  l'en  empêcher. 
La  cinquième  année  de  son  règne,  Edouard  P^  dut  inviter 
les  barons  de  l'Echiquier  à  cesser  d'entendre  les  placita 
communia,  en  contravention  de  la  grande  charte.  Cinq 
ans  après,  il  répéta  cette  défense  dans  le  statut  de  Rutland, 
en  remarquant  que,  par  l'abus  en  question,  les  procès  se 
trouvaient  indûment  éternisés.  De  même  lorsque  Edouard  P'', 
en  1293,  eut  ordonné  que  les  pétitions  soumises  au  roi 
fussent  partagées  en  cinq  liasses,  d'après  leur  contenu,  et 
examinées  soit  par  la  chancellerie,  |soit  par  l'Echiquier,  soit 
par  les  juges  du  Banc,  etc.,  l'avidité  professionnelle  des 
juges  de  l'Echiquier  se  trouva  en  conflit  avec  la  volonté  du 
prince  d'introduire  partout  l'ordre  avec  la  spécialisation  des 
fonctions.  —  Au  xiv^  siècle,  l'Echiquier  d'Angleterre  se 
composait  donc  d'une  cour  des  comptes,  d'une  cour  des 
recettes,  toutes  deux  amoindries  et  en  voie  de  désorganisa- 
tion, d'un  tribunal  financier  à  l'ambition  envahissante. 
Remarquons  maintenant  que,  malgré  la  délégation  qu'il 
avait  consentie  de  ses  pouvoirs  judiciaires  aux  cours  issues 
de  la  Curia  régis,  le  roi  était  resté  le  juge  suprême 
d'équité  :  les  matières  de  grâce  ou  de  faveur,  trop  graves 
pour  être  jugées  par  les  cours  sans  la  collaboration  per- 
sonnelle du  prince,  lui  étaient  transmises  par  le  Chancelier 
et  par  les  premiers  magistrats  de  ces  cours.  Mais,  peu  à 
peu,  le  Chancelier  cessa  de  transmettre  ces  affaires  très 
graves  et  les  jugea  lui-même.  Ce  fut  pour  ainsi  dire  une 
seconde  délégation  des  pouvoirs  judiciaires  de  la  couronne. 


ÉCHIQUIER 


—  320  — 


?; 


De  là,  la  juridiction  d'équité  du  chancelier,  qui  a  pris  de  si 
\astes  développements.  Le  trésorier  et  le  chancelier  de 
l'Echiquier  acquirent  peu  à  peu  de  la  même  façon  une  juri- 
diction d'équité.  De  là  une  quatrième  section  de  l'Echiquier 
du  xiY^  siècle,  the  Court  of  Exchequer  in  Equity.  La 
juridiction  d'équité  du  chancelier  de  l'Echiquier  a  été 
abolie  en  1841,  lorsque  deux  vice-chanceliers  supplémen- 
taires ont  été  institués  à  la  Court  of  Chancenj.  —  Par  le 
Judicature  Act  de  1873,  la  cour  d'Echiquier  fut  abolie 
en  tant  que  cour  séparée,  mais  elle  subsiste  encore  à 
l'état  de  subdivision  de  la  High  Court  of  Justice,  spé- 
ciale pour  les  affaires  financières.  Chancelier  de  l'Echiquier 
est  encore  aujourd'hui  le  titre  du  ministre  des  finances 
[ui  prépare  le  budget  annuel.  Mais  il  ne  siège  plus  qu'iine 
,'ois  par  an  à  la  cour  d'Echiquier,  le  jour  de  la  nomination 
des  sheriffs.  —  La  Court  of  Exchequer  Chamber,  qu'il  ne 
faut  pas  confondre  avec  la  cour  d'Echiquier  proprement  dite, 
fut,  depuis  le  statut  31  Edouard  P^  c.  12,  une  cour  d'appel 
devant  laquelle  étaient  portés  les  appels  interjetés  des 
arrêts  non  seulement  de  l'Echiquier,  mais  aussi  du  Banc 
du  roi  et  des  Plaids  communs.  Elle  se  composait  du  chan- 
celier, du  trésorier  et  des  justices  du  Banc  et  des  Plaids 
communs.  Elle  a  été  supprimée  lors  de  la  grande  réorga- 
nisation de  la  hiérarchie  judiciaire  en  1873. 

Echiquier  des  juifs.  —  Les  juifs  furent  en  Angleterre 
une  source  considérable  de  revenus  pour  la  couronne  jus- 
qu'à leur  expulsion  en  1290.  Les  rois  leur  permettaient  de 
se  livrer  à  des  opérations  usuraires  et  hypothécaires,  de  s'en- 
richir par  ces  opérations,  quitte  à  les  pressurer  de  temps  en 
temps  comme  des  éponges.  Le  roi  était  maître  absolu  de 
leurs  personnes  et  de  leurs  biens.  De  temps  en  temps,  il 
les  taxait  lourdement  en  les  rendant  tous  soUdairement 
responsables  du  payement  de  la  quote-part  de  chacun. 
Ainsi  Henri  II,  la  trente-troisième  année  de  son  règne, 
prit  aux  juifs  le  quart  de  leurs  «  chateux  »,  par  voie 
de  taille.  Jean,  en  1210,  leur  fit  payer  66,000  marcs. 
Ils  versèrent  encore  une  somme  de  20,000  marcs,  la  vingt- 
huitième  année  du  règne  de  Henri  III,  à  titre  d'amende, 
et  60,000  à  titre  de'  taille.  —  Les  revenus  tirés  de  la 
juiverie  étaient  administrés  au  xiii^  siècle  par  une  succur- 
sale particulière  de  l'Echiquier  d'Angleterre,  pourvue  d'un 
personnel  séparé,  les  custodes  et  justiciarii  Judeorum. 
L'existence  de  cette  institution  prit  fin  naturellement  lors 
de  l'expulsion  des  juifs  en  1290.  On  sait  que  l'entrée  de 
l'Angleterre  fut  interdite  aux  juifs  depuis  cette  date  jus- 
qu'au temps  de  la  république  de  Cromwell.  —  L'organi- 
sation intime  de  V Exchequer  of  the  Jews  a  été  étudiée  à 
fond  par  M.  Ch.  Gross  (Papers  read  at  the  anglo-jewish 
historical exhibition  of  ^^57; Londres,  1888,  pp.  170- 
230,  in-12).  Ch.-V.  L. 

BiBL.  :  Th.  Madox,  History  and  antiquities  of  the  Ex- 
chequer; Londres,  1769,  2  vol.  in-4.  —  Thomas,  The  an- 
cient  Exchequer;  Londres,  1848.  in-8.  —  Devon,  Issues  of 
the  Exchequer  {Record  piiblications,  n»  57).  —  Vernon, 
The  Exchequer  opened  ;  Londres,  1661.— Sir  Fr.  Palgrave, 
Calendars  and  inventories  of  the  Exchequer  [Record  pu- 
blications, n"  53j.  —  Publications  de  la  Pipe  roll  Society. 
—  LiEBERMANN,  Einlcttung  in  den  Dialogus  ;  Goettingue, 
1875,  in-8.  —  H.  Hall,  The  Antiquities  and  curiosilies  of 
the  Exchequer  [The  Camden  Library);  Londres,  1891,  in-8. 
ÉCHIQUIER  DE  Normandie.  Le  terme  Echiquier  a  eu 
dans  le  duché  de  Normandie  une  fortune  assez  difTérente 
de  celle  qu'il  a  eue  en  Angleterre.  Echiquier  est  devenu 
synonyme  en  Angleterre  de  cour  des  comptes  et  de"  tribunal 
financier;  en  Normandie, ce  mot  a  désigné  simplement  une 
cour  de  justice.  L'Echiquier  normand,  dit  M.  L.  Delisle, 
c'est  la  cour  féodale  des  ducs  de  Normandie.  Jusqu'à 
Henri  II  Plantagenet,  nous  voyons  les  ducs  tenir  indistinc- 
tement leur  cour  ou  échiquier  dans  leurs  différentes  rési- 
dences et  sans  périodicité  régulière.  On  y  remarquait  deux 
catégories  d'assistants  :  les  justiciarii  ou  palatins  nommés 
par  le  duc,  les  barons  ayant  le  droit  et  le  devoir  de  com- 
paraître en  raison  de  leur  fief.  A  partir  de  Henri  II,  les 
Echiquiers  se  tinrent  réguhèrement  deux  fois  par  an,  à  la 
Saint-Michel  et  à  Pâques,  au  château  de  Caen,  dans  la 


chapelle  Saint-Georges,  et  les  «  justiciers  »  y  prirent  décidé- 
ment lepas  sur  les  barons.  Toutefois,  on  tint  encore  beaucoup 
d'Echiquiers,  au  xii®  siècle,  à  Falaise,  et  Rouen  ne  tarda 
pas  à  remplacer  Caen  comme  siège  ordinaire  de  la  juridic- 
tion.— La  conquête  de  la  Normandie  par  PhiHppe-Auguste 
en  1204  ne  mit  pas  fin  à  l'existence  des  Echiquiers  :  le 
conquérant  jura  de  les  maintenir,  avec  les  autres  privi- 
lèges de  la  province;  «mais  la  Normandie  dut  se  résigner 
à  voir  arriver  de  Paris,  chaque  année,  à  Caen,  à  Falaise 
ou  à  Rouen  des  commissaires  du  roi,  des  Français,  en- 
voyés peur  tenir  cet  Echiquier  qu'on  lui  avait  laissé.  »  Ces 
commissaires,  ordinairement  membres  de  la  cour  centrale 
du  roi  de  France,  qui  est  devenue  au  xiii^  siècle  le  Parle- 
ment de  Paris,  n'avaient  de  mission  que  pour  une  assise  ; 
ils  formaient  une  sorte  de  chambre  ambulatoire  de  la  curia 
française,  dont  les  membres  changeaient  à  chaque  session, 
par  suite  d'un  roulement.  Du  reste,  les  prélats  et  les  barons 
normands  continuèrent  de  jouir,  sous  les  rois  de  France, 
du  droit  de  séance  aux  Echiquiers  dont  ils  avaient  joui  sous 
les  ducs.  Les  évêques  et  les  abbés  étaient  même  forcés  d'y 
assister  et  frappés  d'amende  en  cas  d'absence  sans  excuse 
valable.  Les  séances  de  l'Echiquier  étaient  fort  solennelles  ; 
en  dehors  des  commissaires,  des  barons  et  des  prélats,  on 
y  voyait  une  énorme  affluence  de  gens  de  loi  (deux  cent 
quatorze  avocats  en  1390  ;  trois  cent  trente-neuf  en  1464), 
tous   les  gens  du   roi,   depuis  les   lieutenants  généraux 
jusqu'aux  verdiers.  A  partir  du  jour  marqué  pour  l'ouver- 
ture de  la  session,  toutes  les  juridictions,  royales  et  autres, 
étaient  suspendues  ;  leurs  juges,  officiers,  avocats  étaient 
censés  être  à  Rouen  «  aux  pies  des  seigneurs  tenant  l'Eschi- 
quier»  ;  les  juges  devenaient  justiciables  à  partir  de  ce  jour- 
là.  Tous  les  officiers  devaient  en  effet  soutenir  les  sentences 
qu'ils  avaient  rendues  et  dont  appel    avait   été    interjeté 
devant  la  cour  d'Echiquier,  ouïr  les  ordonnances  réglemen- 
taires  qu'elle  édicterait,    rendre   leurs   comptes.    Nous 
avons  conservé  un  fort  grand  nombre  d'arrêts  des  Echi- 
quiers depuis  le  xiii®  siècle;  ils  éclairent  naturellement 
d'un  jour  très  vif  l'organisation,  la  compétence  et  la  pro- 
cédure de  cette  compagnie.  Quatre  arrêtistes  anonymes 
nous  ont  laissé  des  recueils  de  décisions  antérieures  à  la 
mort  de  saint  Louis.  Ces  recueils  ont  été  combinés  et  pu- 
bliés par  M.  L.  Delisle  :  Notices  et  extraits  des  manus- 
crits (1862,  t.  XX,  2^  partie,  pp.   138  et  suiv.)  et  Mé- 
moires de  r Académie  des  inscriptions  (1864,  t.  XXIV, 
2®  partie,  pp.  343  et  suiv.),  et  par  M.  L.  Auvray,  dans  la 
Bibliothèque  de  V Ecole  des  chartes  (1888,  pp.  635  et 
suiv.).  Les  arrêts  rendus  depuis  la  mort  de  saint  Louis 
jusqu'au  xiv*^  siècle  ont  été  publiés  par  M.    Léchaudey 
d'Anisy  dans  les  Mémoires  de  la  Société  des  antiquaires 
de   Normandie  (t.  XV,  p.  150)  et  par  M.  Vi^arnkonig, 
Franzôsische  Staats  und  Rechtsgeschichte  (t.  II  [Urk.], 
pp.  120-144).  A  partir  du  xiv^  siècle,  les  arrêts  de  l'Echi- 
quier, conservés  au  Palais  de  justice  de  Rouen,  sont  iné- 
dits :  le  premier  registre  contient  les  arrêts  de  1336  à 
1342;  il  est  en  latin;  les  autres  sont  rédigés  en  français. 
n  serait  aisé  d'écrire  aujourd'hui  à  l'aide  de  ces  textes  une 
histoire  définitive  de  la  juridiction  suprême  de  la  Nor- 
mandie au  moyen  âge.  M.  A.  Floquet,  qui  a  écrit  sur  ce 
sujet  dans  son  Histoire  du  parlement  de  Normandie 
(Rouen,  1840,  in-8,  t.   P^   pp.   1-311),  n'a  fait  que 
l'effleurer.   —   H   faudrait  mener  cette  histoire  jusqu'à 
l'année  1497.  La  session  de  1497  fut  en  effet  la  dernière 
des  Echiquiers  temporaires  tenus  par  des  commissaires 
étrangers  à  la  province.  Les  Etats  de  Normandie  réunis  à 
Rouen  par  Louis  XII  le  20  mars  1498  furent  consultés  par 
le  cardinal  d'Amboise,  au  nom   du  roi,  sur  le  point  de 
savoir  s'il  ne  conviendrait  pas  de  remplacer  les  Echiquiers 
par  un  parlement  permanent  de  Normandie  :  —  «  Oui, 
s'écria  le  procureur  du  roi  au  siège  de  Pont-Audemer, 
Jean  le  Rienvenu,  ouy,  les  Normans  se  doibvent  juger  par 
eux-mêmes.  »  Ce  Le  Rienvenu  briguait  une  place  de  con- 
seiller au  futur  parlement  ;  il  réussit  à  entraîner  la  majorité 
de  l'assemblée.  Dans  des  articles  signés  du  greffier  des 


—  324  — 


ÉCHIQUIER  —  ÉCHIURE 


Etats,  les  représentants  «  requirent  très  instamment  que 
le  plaisir  du  roi  fût,  pour  le  bien  de  la  justice,  que  la  cour 
souveraine  de  l'Eschiquier  qui,  par  cy-devant,  n'avait  pas 
été  ordinairement  tenue,  fut  d'ores  en  avant,  assise  et 
continuellement  tenue  par  des  présidents  et  conseillers  ». 
Un  édit  d'avr.  d499  institua,  conformément  à  ce  vœu,  un 
parlement  de  Normandie  sous  le  nom  traditionnel  d'Echi- 
quier, qui  fut  conservé.  «  Tous  les  inconvénients,  dit 
M.  Floquet,  justement  reprochés  à  l'Echiquier  temporaire, 
disparaissaient  dans  cet  acte  royal.  A  des  assises  d'un  mois, 
de  six  semaines  au  plus,  irrégulièrement  tenues  et  qu'avaient 
séparées  parfois  plusieurs  années  d'une  entière  inaction, 
succédait  une  cour  souveraine  permanente.  Les  commissaires 
du  roi,  étrangers  à  la  province,  les  prélats  mêmes  et  les 
barons  normands,  dont  les  uns  ignoraient  notre  coutume 
et  les  autres  toute  loi,  allaient  faire  place  à  «  quatre  pré- 
sidents et  vingt-huit  conseillers,  vertueux,  jurisconsultes 
et  sçachants,  connaissants  et  entendants  les  lois,  coutumes, 
usages,  stiles  et  Chartres  de  Normandie  ».  (V.  Parlement 
de  Normandie.) 

^  La  _  question  de  la  souveraineté  de  la  cour  ancienne 
d'Echiquier  a  fait  couler  beaucoup  d'encre.  Il  n'est  pas 
douteux  que,  au  xni«  siècle,  le  parlement  de  Paris  ne 
se  faisait  pas  faute  iVévoquer  à  sa  barre  une  foule  de 
causes  qui,  régulièrement,  auraient  dû  être  jugées  à 
Rouen,  par  les  juges  qui  siégeaient  autour  du  tapis  échi- 
queté.  Bien  plus,  le  parlement  de  Paris  réforma  plusieurs 
fois  sur  appel,  au  temps  de  Philippe  le  Bel,  des  arrêts 
rendus  par  les  Echiquiers.  Le  premier  soin  des  barons  ré- 
voltés en  1315,  à  l'avènement  de  Louis  le  Hutin,  fut  de 
réclamer  énergiquement  contre  cette  violation  flagrante  de 
la  constitution  normande.  Louis  X  céda  :  «  Les  causes 
jugées  à  l'Echiquier  de  Rouen  ne  pourront,  décida-t-il, 
être  portées  à  notre  parlement  de  Paris,  sous  quelque 
prétexte  que  ce  soit  »  (art.  13  de  la  première  charte  nor- 
mande). La  deuxième  charte  normande  mit  pareillement 
fin  à  l'abus  des  évocations  :  «  Nul,  désormais,  ne  pourra 
être  ajourné  au  parlement  de  Paris  à  raison  de  procès  nés 
dans  le  duché  de  Normandie.  —  Les  causes  du  duché  de 
Normandie  doivent  s'y  juger  par  la  coutume  du  pays  » 
(art.  17).  D'ailleurs,  on  Ta  dit  justement,  qui  voudrait 
rapporter  toutes  les  violations  des  art.  13  et  17  des  chartes 
normandes,  ainsi  que  tous  les  édits  qui  ont  promis,  depuis 
le  xiy«  jusqu'à  la  fin  du  xviii«  siècle,  que  ces  articles  seraient 
religieusement  respectés  désormais,  il  lui  faudrait  un 
volume.  Ch.-V.  Langlois. 

ECHIQUIER  ou  de  NINIGO  (Archipel  de  F). Grouped'îles 
"océan  Pacifique,  à  270  kil.  de  la  côte  N.  de  la  Nouvelle- 


de 


Guinée  allemande,  par  lM3Mat.  S.,  et  142»  53' long.  E.  Il 
se  compose  d'une  cinquantaine  d'îles  et  îlots  qui  commencent, 
avec  l'îlot  du  Tigre,  la  courbe  transversale  N.  se  conti- 
nuant, à  l'E.  et  au  S.-E.,  par  les  îles  de  l'Amirauté  et  Salo- 
mon.  Tandis  que  cette  courbe  et  celle  méridionale  des  îles 
mélanésiennes  sont  composées  en  grande  partie  de  terres 
volcaniques,  le  groupe  de  l'Echiquier  est  un  vaste  atoll,  et 
1  on  Ignore  si  le  socle  qui  les  porte  est  formé  par  une  ter- 
rasse éruptive.  Ces  îles  sont  basses  et  semées  de  récifs. 
Elles  constituent  comme  une  enclave  et  l'avant-poste  de  la 
population  micronésienne.  Découvertes  et  dénommées  par 
Bougamville  en  1768,  visitées  par  Miklukho-Maklaï  en 
18/6,  elles  sont  comprises,  par  suite  du  traité  de  1885, 
dans  les  possessions  allemandes. 

ÉCHIRÉ.  Com.  du  dép.  des  Deux-Sèvres,  arr.  et  cant. 
de  Niort;  1,743  hab. 

ÉCHIROLLES.  Com.  du  dép.  de  l'Isère,  arr.  et  cant. 
de  Grenoble;  679  hab. 

A  ^^!?'^.  (Erpét.).  Genre  de  Serpents  Thanathophides, 
de  la  tamille  des  Viperidœ,  dont  le  caractère  fondamental 
réside  dans  la  disposition  des  plaques  sous-caudales,  distri- 
buées en  une  double  rangée.  Pour  tout  le  reste,  il  ne  diffère 
en  rien  du  genre  Vipera.  Trois  formes  seulement  rentrent 
dans  le  genre  Echls  :  deux  se  trouvent  en  Egypte,  la 
troisième  est  propre  à  l'Ouest  tropical  africain.  ^La  plus 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.   —  XV. 


connue  est  l'Echis  carinata  ou  VElfa,  serpent  de  faible 
taille,  de  60  centim.  de  long,  dont  les  écailles  carénées 
forment  sur  le  dos  des  lignes  saillantes,  séparées  par  des 
sillons  rectilignes.  Le  corps  est  d'un  jaunâtre  sale  orné  de 
raies  et  de  taches  noirâtres;  des  lignes  blanches  ondulées 
forment  une  série  interrompue  sur  la  région  dorsale.  Malgré 
la  faiblesse  de  l'animal,  son  poison  est  très  rapide.  Les  Elfas 
jouent  un  rôle  important  dans  certaines  cérémonies  du  Caire 
oti  les  jongleurs  ou  charmeurs  de  serpents  les  montrent  en 
public  et  jouent  avec  elles,  après  avoir  eu  soin  de  leur  ar- 
racher au  préalable  les  crochets  venimeux.  Rocher. 
BiBL.  :  Sauvage,  dans  Brehm,  éd.  française.  Reptiles, 

—  DuMÉRiL  et  BiBRON,  EvpéL  génër. 

ÉCHUES  (Echites  P.  Br.)  (Bot.).  Genre  de  plantes 
de  la  famille  des  Apocynacées,  composé  d'arbrisseaux  vo- 
lubiles,  à  feuilles  opposées,  pourvues  de  cils  glanduleux 
interpétiolaires,  à  fleurs  blanches,  jaunes,  roses  ou  pour- 
pres, souvent  très  odorantes,  disposées  en  cymes  axillaires 
ou  terminales.  La  corolle  est  hypocratérimorphe  avec  le 
limbe  à  cinq  divisions  et  cinq  étamines  insérées  vers  le 
miHeu  du  tube.  Le  fruit  est  constitué  par  deux  follicules 
allongés,  coriaces,  renfermant  de  nombreuses  graines 
pourvues  d'une  longue  aigrette  soyeuse.—  Les  Echites  ha- 
bitent exclusivement  les  régions  tropicales  de  l'Amérique. 
Plusieurs  espèces  y  sont  employées  en  médecine.  Men- 
tionnons notamment  VE.  antisyphilitica  L.  f.  de  Surinam, 
VE.  umbeltata  Jaq.  des  Antilles,  VE.  alexicaca  Mart.  et 
VE.  pastorum  Mart.,  du  Brésil;  de  ces  deux  dernières 
espèces,  la  première  est  le  Purgo  do  Campo,  la  seconde, 
le  Purgo  do  pastor  des  Brésiliens.  Dans  d'autres  espèces, 
le  latex,  extrêmement  vénéneux,  est  riche  en  caoutchouc. 

—  VE.  antidysenterica  de  Roxburgh  appartient  au  genre 
Holarrhena;  c'est  lui  qui  fournit  l'Ècorce  de  Conessie  ou 
Codaga-Pala  (V.  ce  mot).  Ed.  Lef. 

ECHIUM  (Echium  Touvn.)  (Bot.).  Genre  de  plantes  de 
la  famille  des  Boraginacées ,  caractérisé  surtout  par  la 
corolle  tubuleuse  infundibuliforme,  à  limbe  subbilabié,  à 
gorge  ouverte  et  nue.  L'espèce  type,  E.  vulgare  L.,  est 
bien  connue  sous  le  nom  de  Vipérine,  Herbe  aux  Vipères. 
C'est  une  herbe  bisannuelle,  à  racine  épaisse,  pivotante,  à 
tige  dressée,  simple,  donnant  naissance  latéralement  aux 
rameaux  de  l'inflorescence  et  couverte  de  poils  raides, 
presque  piquants,  insérés  sur  de  petits  tubercules  noi- 
râtres. Les  fleurs,  de  couleur  bleue,  plus  rarement  rosée 
ou  blanche,  sont  presque  sessiles  et  disposées  en  grappes 
axillaires  simples,  formant  par  leur  réunion  une  vaste  pa- 
nicule  racémiforme.  —  La  Vipérine  est  commune  en  Europe 
sur  le  bord  des  chemins  et  dans  les  lieux  incultes.  Ses 
fleurs,  infusées  dans  l'eau  chaude,  forment  une  tisane  légè- 
rement sudorifique.  On  les  vend  souvent  à  la  place  de  celles 
de  la  Bourrache,  parce  qu'elles  ne  se  décolorent  pas  aussi 
y'AQ.—VEchiumplantagineum  L.,  de  l'Amérique  du  Sud, 
ou  Burracha  cimarona  des  colons  espagnols,  est  employé 
aux  mêmes  usages  que  chez  nous  la  Bourrache.  Ed.  Lef. 
ÉCHIURE  (Zool.).  Le  genre  £c/im?^ii5,  type  des  Géphy- 
riens  armés,  doit  être  rapproché  des  Annélides  Chœto- 
podes.  L'Echiure  des  côtes  septentrionales  de  l'Europe  a 
été  découvert  par  Pallas,  qui  le  décrivit  et  le  figura  (1766) 
sous  le  nom  de  Lumbricus  echiurus.  Les  recherches  de 
Pallas  fournissent  d'intéressants  documents  sur  l'éthologie 
et  l'anatomie  de  ce  Ver.  Après  un  long  intervalle,  Forbes 
et  Goodsir  (1841)  en  firent  une  nouvelle  étude.  En  1847, 
de  (Juatrefages  publia  une  courte  note  sur  VEchiurus 
Paltasii,  puis,  la  même  année,  un  mémoire  plus  complet 
dans  lequel  l'animal  fut  appelé  Echiurus  Gaertneri.  Le 
travail  de  de  Quatrefages  est  fort  inférieur  à  celui  des  na- 
turalistes anglais  qu'il  paraît  avoir  ignoré.  De  1872  à 
1879,  R.  Greef  fit  connaître  dans  diverses  publications 
de  nouveaux  détails  sur  l'organisation  des  Echiures  et  des 
formes  voisines.  Enfin,  en  1880,  Spengel  nous  exposa 
en  détail  l'organisation  de  ce  Géphyrien,  dont  l'embryo- 
génie fut  peu  après  étudiée  par  Hatschek.  —  VEchiurus 
Pallasii  Guérin  est  très  commun  dans  la  mer  du  Nord  et 

21 


ÉCHIURE  —  ÉCHO 


—  322  — 


spécialement  aux  environs  de  l'ile  Norderney.  Il  creuse 
dans  le  sable  vaseux  et  coquiller  des  galeries  peu  pro- 
fondes. Il  est  bien  connu  des  pécheurs,  qui  l'emploient 
comme  amorce.  Le  corps  est  cylindrique  et  terminé  en 
avant  par  la  bouche,  en  arrière  par  l'anus.  Les  parois 
sont  minces  et  presque  transparentes  lorsque  l'annnal  est 
vivant,  de  telle  sorte  qu'on  peut  voir  la  position  et  les 
mouvements  des  organes  internes.  Le  bord  dorsal  de  l'ou- 
verture buccale  se  pro^oi^g®  en  un  prostomium  en  forme 
de  pelle,  la  trompe  des  auteurs.  Derrière  la  bouche,  du 
côté  ventral,  se  trouvent  deux  soies  brillantes  métalliques 
(les  soies  ventrales),  tandis  qu'à  l'extrémité  postérieure  du 
corps,  on  trouve  deux  couronnes  de  soies  anales  interrom- 
pues en  dessous.  Le  tube  digestif,  enroulé  en  spirale,  est 
fixé  par  des  mésentères  dans  la  cavité  du  corps.  Vers 
l'extrémité  postérieure,  débouchent  deux  appendices  en 
cul-de-sac  (les  poches  anales).  Derrière  les  soies  ventrales, 
on  voit  sur  la  paroi  du  corps  les  ouvertures  de  deux  paires 
de  néphridies  (organes  segmentaires). 

Le  tégument  se  compose  d'une  cuticule,  d'un  hypoderme 
(couche  matrice)  et  de  couches  musculaires.  Il  y  a  en  outre, 
sous  l'hypoderme,  une  lame  de  tissu  conjonctif  (cutis). 
La  cuticule  est  chitinoïde  et  peut  être  renouvelée  par  un 
phénomène  d'exuvialion.  Les  soies  antérieures  sont  formées 
dans  des  invaginations  de  l'hypoderme;  celles  des  cercles  pos- 
térieurs dérivent  chacune  d'une  cellule  unique.  La  muscu- 
lature du  corps  est  constituée  par  une  couche  circulaire 
suivie  d'une  couche  longitudinale,    puis  d'une  troisième 
couche  circulaire  d'après  Greef,  oblique  d'après  Spengel. 
Toutes  ces  couches  musculaires  sont  absolument  continues 
et  tapissées  intérieurement  par  l'épithélium  péritonéal.  Le 
système  nerveux   consiste  en  une  corde  médiane  ventrale 
et  en  un  anneau  pharyngien  d'où  partent  des  prolonge- 
ments qui  suivent  les  côtés  de  la  trompe.  La  corde  mé- 
diane est  dépourvue   de  tout  renflement  ganglionnaire  et 
traversée  par  un  fin  canal.  Les  nerfs  sortent  de  cette  corde 
par  paires  dont  les  racines  sont  assez  exactement  opposées. 
Ils  se  réunissent  sur  le  dos,  formant  ainsi  des  anneaux 
complets.  Des  branches  nerveuses,   présentant   sur  leur 
trajet   des  cellules  ganglionnaires,  vont  aboutir  dans  des 
cellules  de  l'hypoderme  situées  sur  des  renflements  papil- 
liformes.  Le  tube  digestif  est  accompagné  d'un  siphon  ou 
intestin  collatéral   (Nebendarm)   analogue  à  celui  de  cer- 
tains Echinides  et  ayant  évidemment  la  même  fonction. 
Cet  organe  supplée  à  l'insufiisance  des  muscles   du  tube 
digestif,  qui  seraient  impuissants  à  chasser  le  sable  amassé 
dans  l'intestin.  Les  contractions  du  pharynx  musculeux 
chassent  l'eau  dans  le  siphon  et  cette  irrigation  va  balayer 
le  sable  de  la  portion  rectale,  permettant  ainsi  le  chemi- 
nement de  celui  qui  est  amassé  au-dessus  dans  l'intestin 
moyen.  Le  tube  digestif  est  d'ailleurs  cilié  dans  toute 
son   étendue,  et   il  existe  un  sillon  vertical,  présentant 
comme  l'endostyle  des  Tuniciens  des  cils  plus  longs  dans 
sa  partie  médiane.  Une  paire  de  caecums  débouchent  dans 
le  proctodaeum.  Greef  les  considère  connne  des  branchies. 
Morphologiquement,  ce  sont   des  protonèphres   modifiés 
homologues   des  plectonéphridies    signalées  par  Spencer 
et  Beddard  chez  certains  Lombriciens.  Us  communiquent 
avec  le  cœlome  par  des  entonnoirs  ciliés.  Leur  rôle  excré- 
teur est  démontré  par  l'existence  de  grosses  granulations 
brunes    dans    les    cellules    tapissant  intérieurement  les 
cœcums.  Les  Echiures  ont  un  appareil  vasculaire  assez 
développé.  Il  existe  une  lacune  péri-intestinale  d'où  part 
un  vaisseau  dorsal  à  la  surface  de  l'œsophage  et  du  pha- 
rynx jusqu'à  l'extrémité  du  prostomium.  Là,  ce  vaisseau 
se  bifurque  ;  une  branche  suit,  de  chaque  côté,  le  bord  de 
la  trompe  ;  ces  deux  branches  viennent  se  réunir  au  niveau 
du  pharynx  en  un  vaisseau  ventral  supra-nerveux  qui  se 
termine^  en   cul-de-sac   à  l'extrémité  postérieure  de   la 
corde  nerveuse.  Un  vaisseau  neuro-intestinal  réunit  le  vais- 
seau ventral  à  l'anneau  péri-intestinal.  D'après  Greef,  le 
vaisseau  dorsal  présente  des  contractions.  Le  liquide  cœlo- 
mique   renferme  des  corpuscules  amœboïdes.  Ces  éléments 


renferment  parfois  de  petits  amas  d'un  pigment  brunâtre. 
Le  liquide  des  vaisseaux  sanguins  renferme  aussi  des  cor- 
puscules analogues  à  ceux  du  cœlome. 

L'Echiure  possède,  comme  nous  l'avons  dit,  deux  paires  de 
deutonèphres  dont  les  ouvertures  extérieures  sont  situées  près 
des  soies  ventrales.  Ces  organes  sont  de  petite  taille,  excepté 
pendant  la  période  de  maturité  sexuelle,  où  ils  sont  gonflés 
d'œufs  ou  de  spermatozoïdes.  Ces  canaux  néphridiaux  sont 
ciliés,  terminés  par  des  entonnoirs  bilabiés  (E.  Pallasii), 
ou  prolongés  en  spirales  {E.  unicindiis).  Les  sexes  sont 
séparés  ^t,  si  les  mâles  paraissent  plus  nombreux,  cela  tient 
à   ce  que  l'activité  sexuelle  se  maintient  plus  longtemps 
dans  ce  sexe.  Les  glandes  génitales  naissent  à  l'extrémité 
postérieure  du  vaisseau  ventral,  aux  dépens  des  cellules  de 
l'épithélium  cœlomique.   Les  œufs  ou  les  spermatozoïdes 
tombent  librement  dans  le  cœlome.  La  larve  de  l'Echiure 
est  une  trochosphère  typique.    Elle   possède  un   grand 
prostomium  qui  devient  la  trompe  de  l'adulte.  La  bouche 
est  ventrale,  l'anus  postérieur  et  terminal.  L'architroque  se 
dédouble    en    deux    couronnes,   l'une  préorale,    l'autre 
postorale,  comprenant  entre  elles  une  zone  ciliée  qui  se 
prolonge  verticalement  en  un  sillon  cilié  allant  de  la  bouche 
à  l'anus.  Le  mésoderme  est  segmenté.  On  compte  quinze 
somites  et  un  pygidium  séparés   intérieurement  par  des 
cloisons  et  marqués  à  l'extérieur  par  des  anneaux  ciliés. 
Ces  anneaux  sont  remplacés  chez  le  jeune  Echiure  par  des 
zones  de  tubercules  épineux  et  sur  les  somites  quatorze  et 
quinze  par  les  cercles  de  soies  postérieures.  Quatre  zones 
de  tubercules  se  forment  antérieurement  au-dessus  de  celles 
dont   nous   venons  de  parler.  Le   système  nerveux  est 
constitué  :  1°  par  un  épaississement  exodermique  au  som- 
met du  prostomium  d'où  partent  des  commissures  se  ren- 
dant à  la  deuxième  partie  ;  2«  par  la  corde  ventrale  formée 
par   des    épaississements  métamériques  de  l'exoderme  qui 
bientôt  s'unissent  entre  eux  en  une  jjande  continue.  Il 
existe  une  paire  de  protonèphres  (reins  céphaliques  de 
Hatschek)  terminés  par  des  branches  à  entonnoirs  vibra- 
tiles.  Ce  système  rénal  est  provisoire.  Les  sacs  anaux  dé- 
rivent du  mésoderme  sous  forme  de  deux  tubes  commu- 
niquant par  un  entonnoir  interne  avec  la  cavité  du  corps  et 
débouchant  extérieurement  par  des  pores  situés  très  près 
de  l'anus.  C'est  seulement  d'une  façon  secondaire  qu'ils 
entrent  en  rapport  avec  le  rectum  chez  l'animal  adulte. 

Ce  développement  est  absolument  comparable  à  celui 
des  AnnéUdes  Chsetopodes,  et  c'est  avec  raison  que 
Hatschek  a  proposé  de  rapprocher  les  Echiuridœ  de  ces 
Annélides  en  les  éloignant  des  Géphyriens  inermes  (Sipun- 
culides).  "  A.  Giard. 

BiBL.  :  Greef,  NovaAclai,  1879,  LI.  —  Spengel,  Zeilschr. 
f.  Wiss.  Zoologie;  1880,  XXXIV.  —  Rietscii,  Recueil  zool. 
suisse,  1886,  III.  -  Hatschek,  Arb.  Zool.  Inst.  Wien, 
1881,  III. 

ÉCHO.  I.  Physique.  —  On  appelle  écho  la  répétition  d  un 
son  ;  on  peut  distinguer  le  cas  où  l'endroit  où  le  son  est  produit 
(appelé  quelquefois  centre  phonique)  difl'ère  de  celui  où  l'écho 
est  observé.  L'écho  est  dû  à  la  réflexion  des  ondes  qui  cons- 
tituent le  son.  PmfF^Ȕ44  ait  mim  il  ^ut  que  l'etfet  pro- 
duit par  les  ondes  réfléchies  ne  se  confonde  pas  ou  ne  fasse 
pas  suite  au  son  produit  par  les  ondes  directes.  Désignons 
par  d  la  distance  en  mètres  du  centre  phonique  à  l'obser- 
vateur et  par  D  la  longueur  de  la  route  suivie  par  les  ondes 

qui  arrivent  à  l'observateur  en  se  réfléchissant.  ^  et 

-~-  seront,  en  secondes,  les  temps  nécessaires  pour  que 

le  son  direct;  et  le  son  réfléchi  arrivent  à  l'observateur, 
337  m.  par  seconde  étant  la  vitesse  du  son,  et  le^temps 
écoulé  entre  le  moment  où  le  premier  son  frappera  l'oreille 
et  le  moment  où  l'cclio  commencera  à  se  produire  sera 
D  — ^ 
337  * 
Si  le  bruit  produit  dure  moins  que  cette  quantité,  il  aura 
fini  d'être  entendu  avant  que  l'écho  n'ait  commencé,  et, 


—  323 


ECHO  —  ECHOUAGE 


par  suite,  l'écho  sera  distinct  du  bruit.  Si  le  contraire 
arrivait,  le  bruit  et  l'écho  empiéteraient  l'un  sur  l'autre,  et 
l'on  n'aurait  plus  à  proprement  parler  un  écho,  mais  une 
résonance.  C'est  ce  que  l'on  observe  fréquemment  dans 
les  pièces  vides.  On  peut  prononcer  environ  quatre  syllabes 
par  seconde.  Si 

])  —  d_i 
337  "4' 

c.-à-d.  si  d  —cl  est  d'environ  84  m.,  une  syllabe  prononcée 
au  centre  phonique  pourra  donner  un  écho;  en  particu- 
lier, si  c'est  la  personne  qui  est  au  centre  phonique  qui 
observe  l'écho  et  si  elle  se  trouve  à  42  m.  de  l'obstacle 
réfléchissant  qui  produit  l'écho,  elle  pourra  faire  répéter  à 
l'écho  une  seule  syllabe,  car,  si  elle  en  disait  deux,  au  mo- 
ment où  elle  prononcerait  la  seconde,  l'écho  lui  renverrait 
la  première,  et  les  deux  sons  se  confondraient.  Si  la  dis- 
tance considérée  est  de  72  X  42  m.,  l'écho  pourra  répéter 
sans  confusion  n  syllabes  ;  on  dit  alors  qu'il  est  polysylla- 
bique. Il  existe  des  échos  multiples  dus  à  la  présence  de 
plusieurs  obstacles,  au  moins  deux,  qui  réfléchissent  suc- 
cessivement les  ondes  sonores.  On  a  signalé  aussi  l'existence 
d'échos  qui  modifiaient  la  hauteur  du  son.  Cela  est  théori- 
quement possible,  mais  ce  fait  doit  rarement  se  présenter  : 
il  faut  pour  cela  qu'il  se  produise  des  interférences  entre 
l'onde  directe  et  l'onde  réflective,  interférences  qui  peuvent, 
en  détruisant  le  son  principal  du  bruit  produit,  laisser  en- 
tendre les  sons  primitivement  dominés  par  le  son  principal; 
l'obstacle,  en  produisant  l'écho,  peut  aussi  se  comporter 
comme  résonnateur  en  ne  renvoyant  qu'un  ou  quelques-uns 
seulement  des  sons  primitivement  contenus  dans  le  bruit 
envoyé  à  l'écho. 

Echos  célèbres.  Nous  ne  citerons  ici  que  les  échos  les 
plus  remarquables  :  Monge  a  observé  un  écho  signalé  au- 
trefois par  le  P.  Kercher  (au  château  de  Simonetta,  en 
Italie),  qui  répète  quarante  à  cinquante  fois  le  bruit  d'un 
pistolet;  ce  sont  deux  ailes  de  bâtiment  qui  produisent  cet 
écho.  L'astronome  Gassendi  parle  d'un  écho  qui  répète  huit 
fois  un  vers  de  V Enéide.  Ces  deux  échos  sont  remarquables 
à  la  fois  comme  polysyllabiques  et  comme  échos  multiples. 
Beaucoup  d'autres  répètent  quinze  ou  vingt  fois  un  mot 
d'une  ou  deux  syllabes  (près  de  Coblentz,  au  bord  du  Rhin; 
parc  deWoodslock,  près  d'Oxford,  etc.).  Comme  écho  pro- 
duisant des  variations  de  hauteur,  on  ne  peut  citer  que 
l'écho  situé  en  Ecosse,  sur  un  lac  entouré  de  coteaux 
boisés,  près  du  château  de  Rosneath,  qui,  d'après  M.  Guil- 
lemin,  répète  plusieurs  fois  l'air  d'une  trompette  successi- 
vement sur  des  tons  de  plus  en  plus  bas.     A.  Joannis. 

II.  Musique.  —  IL  y  aurait  une  étude  esthétique  et  pit- 
toresque à  faire  sur  la  traduction  musicale  du  phénomène 
acoustique  de  l'écho.  Beaucoup  de  musiciens  se  sont  amu- 
sés a  le  reproduire  en  quelque  sorte  dans  leurs  œuvres,  de 
manière  à  en  tirer  des  effets  plus  ou  moins  heureux.  Les 
procédés  employés  par  ces  compositeurs  ont  conduit  à 
élargir  le  sens  du  mot  écho  en  musique,  et  à  employer 
ce  terme  toutes4es  ïo\%^  qu'im^oupe  déterminé  de  sons 
est  distinctement  reproduit  dans  une  sonorité  plus  douce, 
lointaine  pour  ainsi  dire,  sans  qu'il  soit  indispensable  d'y 
voir  un  essai  de  reproduction  du  phénomène  matériel  qui 
constitue  l'écho.  Pris  dans  son  acception  restreinte  ou  son 
acception  large,  l'écho  figure  en  des  œuvres  très  diverses, 
qu'il  serait  oiseux  d'énumérer  toutes.  Dans  le  nombre, 
nous  citerons  seulement  :  l'écho  célèbre  de  l'ouverture  de 
Guillaume  Tell  de  Rossini,  un  passage  du  Manfred  de 
Schumann  {lianz  des  Vaches)  ;  la  mélodie  de  Berlioz,  le 
Jeune  Pâtre  breton;  le  «  chœur  des  Bohémiens  »  de  Pre- 
ciosa  de  Weber;  les  fanfares  lointaines  qui  se  répondent, 
traitées  en  écho,  dans  le  deuxième  acte  du  Lohengrin  de 
^Vaguer,  à  la  scène  du  lever  du  jour.  A.  E. 

III.  Mythologie  ('IL/fo). —  Nymphe  de  Béotie  qui  per- 
sonnifie l'écho.  Aimée  du  dieu  Pan,  elle  se  soustrait  à  l'amour 
du  dieu  et  finit  par  être  déchirée  par  les  bergers.  D'après  un 
autre  récit,  elle  serait  morte  d'amour  pour  le  beau  Narcisse. 


IV.  Astronomie.  —  Nom  du  60^  astéroïde  (V.  ce  mot). 
BiBL.  :  Mythologie.  —  Wieseler,  Die  Nymphe  Echo  ; 
GœttingLie,  1814. 

ÉCHOPPE.  I.  Construction. —  Petite  boutique,  en 
cliarpente  légère  ou  en  menuiserie,  le  plus  souvent  adossée 
contre  un  mur  ou  rachetant  l'angle  de  deux  bâtiments  et  cou- 
verte en  appentis.  Les  art.  il  et  12  de  l'ordonnance  royale 
du  24déc.  1823  indiquent  les  conditions  dans  lesquelles 
peuvent  être  établies  des  échoppes,  lesquelles  ne  doivent, 
dans  les  angles  et  renfoncements,  excéder  8  m.  en  longueur 
et  dépasser  en  hauteur  la  hauteur  du  rez-de-chaussée,  mais' 
doivent  avoir  au  moins  1  m.  de  profondeur  et  se  trouver 
hors  de  Talignement  des  rues  et  des  places.     Charles  Lucas. 

II.  Droit  administratif.  —  Les  échoppes  ne  peuvent  être 
installées  sans  l'autorisation  des  maires  ou,  à  Paris,  du 
préfet  de  police.  Elles  ne  peuvent  être  autorisées  à  Paris 
que  dans  les  renfoncements  ou  dans  les  angles,  et  elles  ne 
doivent  pas  dépasser  l'alignement  des  maisons.  En  province, 
il  n'est  rien  spécifié  à  cet  égard.  Un  vieux  règlement  (loi 
du  16  août  1790)  prescrit  au  possesseur  de  l'échoppe  d'in- 
staller un  écriteau  faisant  connaître  son  nom  et  sa  pro- 
fession. 

ECHOUAGE.  I.  Marine.  —  Un  navire  échoue  quand  il 
rencontre  le  fond  et  que,  portant  dessus,  il  cesse  de  flotter 
librement.  L'échouage  peut  être  volontaire,  pour  nettoyer 
les  bâtiments  ou  réparer  leurs  avaries,  dans  les  bassins  de 
radoub,  pour  les  bâtiments  de  fort  tonnage  ;  sur  la  plage, 
pour  les  canots,  chaloupes,  barques,  de  préférence  pen- 
dant les  grandes  marées,  pour  avoir  plus  de  temps.  Indé- 
pendamment des  réparations  et  des  visites  à  la  coque,  il  est 
en  effet  nécessaire  d'enlever  fréquemment,  soit  en  les  ra- 
clant, soit  en  les  incendiant,  les  herbes  qui  s'accrochent 
aux  navires  et  aux  barques,  au  grand  détriment  de  leur 
conservation  et  de  la  rapidité  de  leur  marche.  —  L'échouage 
a  lieu  aussi  volontairement  quand  un  commandant  voit 
ainsi  le  moyen  d'échapper  à  l'ennemi  :  l'histoire  des  guerres 
maritimes  en  fournit  quelques  exemples.  —  Mais  l'échouage 
a  lieu  le  plus  souvent  par  accident,  soit  que  l'on  ait  mal 
apprécié  sa  position  sur  la  carte,  ou  que  l'on  ait  rencontré 
un  écued  jusqu'alors  inconnu,  soit,  ce  qui  arrive  le  plus 
fréquemment,  quand  on  n'a  pas  réussi  à  s'élever  au  vent, 
quand  celui-ci  portait  en  côte,  ou  bien  encore  quand  les 
chaînes  et  les  ancres  ont  cassé,  sous  l'influence  du  vent  et  de 
la  mer.  C'est  ce  qui  arriva  en  1888  lors  de  la  catastrophe 
des  îles  Samoa.  Trois  navires  allemands  surpris  par  l'ou- 
ragan s'échouèrent  et  furent  brisés.  L'accident  est  natu- 
rellement d'autant  plus  grave  que  le  vent  et  la  mer  sont 
plus  forts  ;  le  navire,  ne  pouvant  plus  manœuvrer  à  la 
lame,  est  violemment  battu  par  elle  et  se  brise  fatalement  ; 
raccident  est  également  plus  sérieux  quand  le  navire  est 
échoué  par  l'arrière  que  par  l'avant,  à  cause  du  poids  plus 
considérable  et  de  la  plus  grande  difficulté  par  suite  pour 
le  déhaler.  Si  l'échouage  a  lieu  de  jusant,  il  faut  se  hâter 
de  béquiller  le  navire  pour  éviter  qu'il  se  couche  à  marée 
basse  (V.Béquillage).  Si,  au  contraire,  il  s'échoue  à  marée 
montante,  il  faut  en  profiter  pour  se  déhaler  et  prendre 
des  précautions  pour  ne  pas  être  porté  plus  à  terre.  La 
première  opération  à  faire  est  évidemment  d'essayer  de 
faire  parcourir  en  sens  inverse  au  navire  la  route  qu'il  a 
faite  :  on  force  les  feux  dans  ce  but  et  l'on  fait  machine  en 
arrière  ;  si  l'on  n'y  parvient  pas,  on  fait  sonder  le  fond 
pour  chercher  la  route  la  meilleure.  On  allégera  le  bâti- 
ment autant  que  possible  ;  on  videra  l'eau  des  caisses  ; 
on  mettra  à  l'eau  les  embarcations  ;  on  jettera  à  la  mer  le 
lest  volant,  le  charbon,  l'artillerie,  en  ayant  soin  d'en 
marquer  la  place  par  des  orins  et  des  bouées  ;  on  prendra 
garde  d'obstruer  la  route  du  navire.  Quand  le  navire  est 
échoué  par  un  fond  dur,  ou  que  l'on  éprouve  des  secousses, 
il  faut  caler  les  mâts  de  hune,  amener  les  basses  vergues 
et  même  couper  la  mâture  si  l'on  craint  de  la  voir  tomber. 
D'ailleurs,  en  principe,  un  navire  ne  doit  jamais  faire  côte 
avec  sa  mâture,  car  la  prise  que  donne  celle-ci  au  vent 
nécessite  l'eff'ort  de  deux  ancres  et  empêche  le  bâtiment  de 


ÉCHOUAGE  -  ECHUCA 


324  - 


se  relever.  Pendant  ce  temps,  on  élonge  avec  les  chaloupes 
des  ancres  de  jet  et  de  bossoir,  en  se  servant  autant  que 
possible  de  câbles  en  chanvre,  à  cause  de  leur  légèreté,  et, 
dès  qu'un  allégement  se  produit  dans  le  navire  ou  qu'un 
changement  s'opère  dans  sa  position,  on  force  de  vapeur  en 
même  temps  qu'on  vire  au  cabestan  pour  le  déhaler.  On 
lui  fait  même  donner  de  la  bande  s'il  est  nécessaire  pour 
diminuer  son  tirant  d'eau.  Ces  opérations  sont  toujours 
fort  dangereuses  et  engagent  gravement  la  responsabilité 
du  commandant. 

S'il  y  a  danger  de  naufrage  (V.  ce  mot),  si  la  mer 
déferle  avec  violence,  menaçant  de  défoncer  le  bâtiment, 
le  commandant  doit  immédiatement  faire  les  signaux  de 
détresse  et  préparer  l'évacuation  du  bâtiment.  Celle-ci 
s'exécute  soit  avec  les  embarcations  du  bord,  soit  avec  des 
mâts,  vergues  et  autres  corps  flottants  dont  on  fait  rapi- 
dement un  assemblage  appelé  radeau  (V.  ce  mot),  soit 
enfin  à  la  nage.  Toutefois,  il  faut  conduire  les  choses  avec 
prudence  et  fermeté  :  les  canots  sont  dangereux,^  les  ra- 
deaux sont  fort  peu  propres  à  la  navigation,  et  l'on  a  vu 
souvent  le  navire,  même  après  avoir  subi  de  graves  avaries, 
offrir  plus  de  chances  de  salut. 

II.  Droit  maritime.  —  Il  y  a  échouage  ou  échouement 
lorsqu'un  navire  touche  sur  un  fond  qui  n'a  pas  assez  de  pro- 
fondeur d'eau  pour  qu'il  puisse  continuer  à  marcher.  Les 
causes  en  sont  très  variées.  Parfois  le  capitaine  fait  volontai- 
rement échouer  le  navire  en  vue  du  salut  commun.  Dans  les 
cas  autres  que  celui-là,  l'échouage  est  qualifié  de  fortuit. 
Lorsque  l'échouage  est  fortuit,  les  frais  faits  pour  ren- 
flouer le  navire  rentrent  dans  la  catégorie  des  avaries  com- 
munes. Lorsque  ensuite  de  l'échouage  le  navire  subit  des 
détériorations,  on  dit  qu'il  y  a  échouage  avec  bris.  Le  bris 
peut  être  partiel  ou  absolu.  Il  est  partiel  lorsque  le  navire 
n'est  pas  complètement  mis  hors  d'état  de  naviguer  et  qu'il 
peut  reprendre  la  mer  après  quelques  réparations.  Il  est 
absolu  quand  il  y  a  impossibilité  de  relever  le  navire.  Qu'il 
y  ait  bris  partiel  ou  bris  absolu,  le  propriétaire  du  navire, 
lorsqu'il  est  assuré,  a  le  droit  d'olFrir  aux  assureurs  le 
délaissement  du  vaisseau  et  de  leur  réclamer  le  payement 
de  l'indemnité.  En  établissant  ce  cas  de  délaissement,  le 
législateur  a  voulu  faire  à  l'assuré  une  faveur  spéciale  en 
lui  permettant  de  toucher  l'indemnité  sans  attendre  les 
résultats  toujours  douteux  d'une  tentative  de  renflouement. 
Cependant,  il  ne  faudrait  pas  prendre  cette  règle  trop  au 
pied  de  la  lettre  et  venir  prétendre  que  toute  détérioration, 
même  la  plus  légère,  peut  donner  lieu  à  l'action  en  délais- 
sement. Les  tribunaux  saisis  d'une  pareille  action  ont  un 
large  pouvoir  d'appréciation,  et  ils  ne  devront  l'admettre, 
au  cas  de  bris  partiel,  que  lorsqu'il  aura  entraîné  de  graves 
dommages.  Il  ne  sera  pas  nécessaire  pourtant  que  la  perte 
soit  égale  aux  trois  quarts  de  la  valeur  du  navire,  cette 
circonstance  constituant  par  elle  seule  une  cause  de  délais- 
sement. Il  pourrait  arriver  que  seules  les  marchandises 
chargées  sur  le  navire  soient  assurées,  à  l'exclusion  de 
celui-ci.  Dans  ce  cas,  l'échouement  avec  bris,  dans  les 
conditions  que  nous  venons  d'indiquer,  autoriseraft  le  dé- 
laissement des  marchandises.  Ce  que  nous  venons  de  dire 
montre  combien  sont  délicates  les  questions  qui  peuvent  se 
poser  dans  cette  matière  de  l'échouage.  Aussi,  pour  éviter 
des  difficultés  de  ce  genre,  les  compagnies  d'assurance 
excluent-elles,  en  général,  cette  cause  de  délaissement  de 
leurs  polices  et  stipulent-elles  qu'il  n'y  aura  lieu  à  délais- 
sement que  pour  cause  d'innavigabilité  absolue.  D'autres, 
sans  se  montrer  aussi  exclusives  et  aussi  rigoureuses,  se 
bornent  à  réglementer  strictement  les  cas  d'échouage 
qui  pourront  engager  leur  responsabilité.  La  preuve  de 
l'échouage  doit  se  faire  en  principe  par  les  procès- verbaux 
du  capitaine  et  des  autorités  chargées  de  veiller  au  sauve- 
tage. Mais  ici  encore  on  ne  saurait  poser  de  règle  absolue, 
et  les  tribunaux  peuvent  aller  chercher  ailleurs,  même 
dans  des  rapports  non  dressés  conformément  aux  règles 
prescrites,  les  éléments  de  leur  conviction  :  étant  donné 
surtout  qu'il  est  toujours  loisible  aux  intéressés  de  contester 


la  valeur  des  preuves  apportées  par  l'assuré  à  l'appui  de  sa 
demande.  Lyonnel  Didierjean. 

BiBL.  ;  Droit  maritime.  —  Caumont,  Dictionnaire  de 
droit  maritime  ;  Paris,  1867, in-8,  v«Assura7ice  maritime  — 
Cresp  sur  LA.URIN,  Cours  de  droit  maritime  ;  Pans,  187b- 
1882  1  vol  in-8.  —  CouLON  et  Houard,  Code  des  assurances 
maritimes  ;  Paris,  1887,  2  vol.  in-8.  —  Dalloz,  Répertoire 
méthodique  et  alphabétique  de  législation,  etc.;  Pans,  18o0, 
t.  XVIIl,  v°  Droit  maritiine.  —  Laroque-Bordenave, 
Traité  des  assurances  maritimes  ;  Paris,  1876,  m-8.  — 
Lyon-Caen  et  Renault,  Précis  de  droit  conmercial  ; 
Paris,  1879-1885,  2  vol.  in-8. 

ÉCHOUBOULAINS.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Marne, 
arr.  deMelun,  cant.  du  Châtelet;  6î2o  hab. 

ÉCH0UR6NAC.  Com.  du  dép.  de  la  Dordogne,  arr.  de 
Ribérac,  cant.  de  Monpont;  692  hab. 
ECHT  (Von)  (V.  Bachoff  [Von  EchtJ). 
ECHTEH.  Tribu  importante  de  la  Tripolitaine,  qui  vit 
dans  les  montagnes  voisines  de  Benghazi  ;  elle  paraît  d'ori- 
gine arabe. 

ECHTER  (Michacl),  peintre  d'histoire  allemand,  né  à 
Munich  le  5  mars  1812,  mort  à  Munich  le  4  févr.  1879. 
Elève  de  l'Académie  munichoise  et  de  Schnorr  von  Carols- 
feld,  il  se  fit  remarquer  par  un  Saint  Georges;  plus  tard 
Schnorr  l'associa  aux  peintures  murales  de  la  Résidence. 
En  4846,  il  assista  Kaulbach  dans  l'exécution  des  pein- 
tures murales  de  la  cage  de  l'escalier  du  nouveau  musée 
de  Berlin.  En  1860,  Echter  peignit  pour  le  «  Maximilia- 
neum  »  de  Munich  la  Bataille  livrée  aux  Hongrois  en 
955.  Le  «  National  Muséum  »  de  la  même  ville  possède 
quatre  autres  peintures  de  cet  artiste,  qui  a  en  outre  exécuté 
à  Munich  les  fresques  de  la  gare,  et,  pour  le  roi,  de  nom- 
breux tableaux  dont  les  sujets  sont  tirés  du  cycle  des 
Nibelungen  et  des  opéras  de  Wagner. 

ECHTERMEYER  (Karl),  sculpteur  allemand,  né  à  Cas- 
sel  le  27  oct.  1843.  Ses  œuvres  les  plus  connues  sont 
les  statuettes  en  bronze  d'un  Satyre  dansant  et  d'une 
Bacchante  dansante  (Galerie  nationale  de  Berlin),  huit 
cariatides  et  huit  statues  pour  le  musée  de  Cassel,  un 
Satyre  et  une  Bacchante  (théâtre  de  Dresde),  les  statues 
colossales  de  l'Art  et  de  la  Science  pour  l'Ecole  polytech- 
nique de  Brunswick. 

ECHTERNACH.  Ville  du  grand-duché  de  Luxembourg, 
district  de  Grevenmacher,  sur  la  rive  droite  de  la  Sure  ; 
3,710  hab.  Scieries,  moulins  à  blé,  à  tan  et  à  huile  ; 
tanneries,  fabriques  de  lainages,  damas,  faïences,  etc. 
Belle  église  romane  de  la  première  moitié  duxi«  siècle,  res- 
taurée en  1862.  On  y  voit  encore  le  tombeau  de  saint 
Willibrord,  qui  est  un  but  de  pèlerinage,  très  fréquenté 
surtout  au  temps  de  la  Pentecôte.  L'origine  et  l'importance 
d'Echternach  sont  dus  à  une  abbaye  de  bénédictins  fondée 
en  698  par  Willibrord.  Actuellement  encore,  on  célèbre 
une  procession  fondée  au  moyen  âge  en  l'honneur  du  saint. 
Elle  remonte  à  le374,  époque  où  l'épidémie  de  danse  ma- 
ladive (danse  de  Saint-Guy)  se  répandit  dans  la  région 
rhénane  et  les  Pays-Bas.  Pour  la  guérir,  on  créa  la  pro- 
cession du  saint.  Le  mardi  de  la  Pentecôte,  les  pèlerins, 
dont  le  total  peut  s'élever  à  quinze  mille,  s'assemblent  au- 
près d'une  croix  sur  le  pont  de  la  Sure.  Après  un  court 
sermon,  le  clergé  et  des  chantres  prennent  la  tête,  enton- 
nant la  litanie  de  saint  WilUbrord  ;  les  pèlerins  suivent  en 
dansant  d'après  l'air  ;  ils  font  alternativement  cinq  pas  en 
avant  et  deux  pas  en  arrière,  ou  trois  pas  en  avant  et  un 
pas  en  arrière.  Ils  se  groupent  par  trois  ou  six,  se  tenant 
aux  mains  ou  par  des  mouchoirs  ;  sautant  ainsi  en  cadence, 
ils  traversent  le  pont,  se  rendent  à  l'église  paroissiale,  y 
déposent  leur  offrande,  puis  vont  au  cimetière,  où  finit  cette 
procession,  d'une  durée  movenne  de  deux  heures. 

BiBL.  :  Sax,  Beitrœgezur  Geschichte  der  Abtei  Ecliter- 
nach;  Luxcmbourix,  1874.  —  Krier,  Ueber  die  Spring- 
prozession  ;  Luxembourg,  1871.  —  Reiners,  Die  Spring- 
prozession;  Francfort-sur-le-Main,  1884. 

ECHUCA  ou  HOPEWOODS  Ferry.  Ville  d'Australie, 
colonie  de  Victoria,  sur  la  rive  gauche  du  Murray,  au  con- 
fluent du  Campapse  ;  4,000  hab.  Commerce  de  laines,  transit 
entre  les  colonies  de  Victoria  et  Nouvelles-Galles  du  Sud. 


3^25 


ÉCÏDIE  —  ECKARDT 


ÉCIDIE  (Bot.).  Organe  reproducteur  de  certains  Cham- 
pignons, de  la  famille  des  Urédinées  (V.  iEciDiuM). 

ÉCIDIOLE  (Bot.).  Appareil  sporifère  des  JRcidium  (V. 
ce  mot). 

ECU  A.  Ville  d'Espagne,  province  de  Séville,  près  du 
Xénil,  appelée  le  Poêle  de  l'Andalousie^  parce  que  c'est 
l'endroit  d'Espagne  où  se  font  sentir  les  plus  fortes  chaleurs. 
L'été  y  est  vraiment  très  dur,  et  autrefois  l'atmosphère  était 
viciée  par  les  miasmes  d'un  marécage  qu'on  a  desséché.  La 
ville  a  de  nombreuses  rues  tortueuses  et  étroites,  des  mai- 
sons bien  construites  pour  l'été,  quelques  belles  promenades 
et  places,  une  grande  plaza  de  toros,  etc.  Aux  environs  sont 
de  belles  fermes  et  maisons  de  plaisance  ;  le  pays  produit  de 
nombreux  moutons,  porcs,  chevaux,  taureaux  renommés, 
mulets,  ânes;  on  cultive  l'oUvier,  la  vigne,  les  légumes;  la 
production  en  huile  est  très  considérable  ;  il  y  a  dans  la  ville 
des  fabriques  de  cotonnades,  de  soieries,  et  aux  environs 
on  exploite  des  salines.  Ecija,  VAstigi  des  Romains,  est 
aujourd'hui  le  chef-lieu  d'un  district  qui  comprend  trois 
communes  et  a  une  pop.  de  24,935  hab.  E.  Cat. 

ÉC IMAGE  (Yitic).  L'écimage  consiste  à  supprimer 
le  sommet  des  rameaux  herbacés;  son  but  est  d'em- 
pêcher l'élongation  du  rameau,  la  poussée  de  nouvelles 
feuilles  et  de  concentrer  les  matières  nutritives  dans  les 
fruits.  Il  a  pour  résultat  de  diminuer  la  coulure.  C'est  une 
bonne  opération  quand  on  la  pratique  seulement  sur  les 
rameaux  fructifères  dans  les  tailles  à  long  bois  et  exclusi- 
vement dans  les  vignobles  des  régions  où  la  vigne  n'a  pas 
une  très  grande  vigueur.  Il  faut  écimer  dans  ce  cas  surtout 
au  moment  de  la  floraison;  l'opération  est  ensuite  renouvelée 
une  fois  ou  deux  à  des  intervalles  réguliers  et  avant  la 
véraison.  L'écimage  est  une  mauvaise  pratique  pour  les 
vignobles  méridionaux,  car  elle  a  pour  effet  de  faire 
pousser  des  rameaux  secondaires  sur  le  rameau  principal  et 
de  transformer  en  végétation  herbacée  les  matières  nutri- 
tives que  l'on  veut  concentrer  dans  les  fruits  ;  le  résuhat 
obtenu  est  l'inverse  de  celui  qui  se  produit  dans  les  vigno- 
bles du  Nord.  P.  Viala. 

ECITON  {Eciton  Latr.)  (V.  Fourmi). 

ECK.  Lac  d'Ecosse,  comté  d'Argyll,  au  centre  de  la 
presqu'île  de  Cornai  ;  Il  kil.  de  long,  400  à  600  m.  de 
large.  Ses  eaux  vont  à  l'estuaire  de  la  Clyde. 

ECK  (Leonhard  von),  jurisconsulte  allemand,  né  à 
Kelheim  en  1475,  mort  le  17  mars  1530.  Précepteur, 
puis  chancelier  (1519)  du  duc  de  Bavière,  Guillaume  IV, 
il  eut  sur  celui-ci  une  influence  prépondérante  et  fut  du- 
rant trente  ans  l'inspirateur  de  la  politique  bavaroise, 
adversaire  résolu  de  la  Réforme,  cherchant  à  faire  élire 
son  maître  roi  des  Romains. 

BiBL.:  VoGT,  Die  bayrische  Politik  im  Bauernkvieg  und 
der  Kcinzler  Dolitor  Leonhard  von  Eck;  Nordiingue,  1883. 

ECK  (Johann  Maier  von),  théologien  cathohque  allemand, 
né  à  Eck  (Souabe)  le  13  nov.  14§6,  mort  à  Ingolstadt  le 
10  févr.  1543.  Il  fut  un  des  adversaires  les  plus  violents 
de  la  Réforme.  Ayant  étudié  à  Heidelberg,  à  Tubingue  et 
à  Cologne,  il  devint  un  des  théologiens  catholiques  les  plus 
érudits  et  un  disputateur  de  premier  ordre  ;  en  même 
temps,  il  était  philosophe  nominaliste  et  un  excellent  huma- 
niste. En  1510,  il  devint  professeur  de  théologie  à  l'uni-- 
versité  bavaroise  d'Ingolstadt.  Il  attaqua  Luther,  avec  qui 
il  avait  eu  des  relations  amicales,  dans  ses  Obelisci  (1518), 
puis  au  colloque  de  Leipzig  (1519).  Devenu  le  champion 
attitré  de  Rome,  il  fut  de  presque  tous  les  colloques  où  il 
s'agissait  de  discuter  avec  les  réformateurs  :  à  Bade  (1526), 
à  Worms  (1340),  à  Ratisbonne  (1541).  Il  fut  un  des  ré- 
dacteurs de  la  Confutation  opposée  à  la  Confession  d'Augs- 
bourg.  Ses  principaux  écrits  sont  :  De  non  tollendis 
Cfiristi  et  S.  S.  imaginibus  (1522)  ;  De  Pœnitentia  et 
Confessioïie  (1523)  ;  De  Initio  pœnitentiœ,  seu  contri- 
tione  (1523)  ;  De  Satisfactioîie  (1323)  ;  Enchiridion 
locorum  communium.  Adversus  Lutliercmos  (1525); 
Sacrifwio  Missœ  (1526).  Lui-même  a  publié  une  collec- 
tion de  tous  ses  ouvrages  de  controverse,  sous  le  titre 


Operimi  Joli.  Eckii  contra  Lutkerum  (1530-35,  t.  I-IV). 
Pour  opposer  une  version  allemande  de  la  Bible  à  celle 
de  Luther,  il  traduisit  l'Ancien  Testament  d'après  la  Vul- 
gate,  mais  en  utilisant  beaucoup  l'œuvre  du  réformateur. 
C'est  Jérôme  Emser  qui  traduisit  le  Nouveau  Testament 
(V.  Luther).  Ch.  Pfender. 

BiBL.  :  Félix  Kuhn,  Luthei\  sa  vie  et  son  œuvre;  Paris, 
1881,  3  vol.  —  WiEDEMANxX,  D'-  Joh.  Eck,  1865. 

ECKARD  (Jean),  publiciste  français,  né  à  Versailles  en 
1761,  mort  à  Paris  en  déc.  1839.  D'abord  avocat  dans 
sa  ville  natale,  puis  notaire  à  Sèvres  de  1791  à  1800,  il 
vint  plus  tard  habiter  Paris.  Sorti  de  son  domicile,  rue 
Villedot,  le  14  déc.  1839,  vers  six  heures  du  soir,  il  ne 
reparut  pas,  et  son  cadavre,  entièrement  dépouillé,  ne  fut 
retrouvé  dans  la  Seine  que  six  semaines  plus  tard.  Monar- 
chiste convaincu,  Eckard  a  fait  preuve  dans  ses  diverses 
publications  d'un  sens  critique  bien  rare  à  l'époque  où  il 
écrivait,  et  il  n'allègue  rien  sans  preuve.  Aussi  ses  diverses 
dissertations,  tirées  pour  la  plupart  à  cent  exemplaires, 
ont-elles  conservé  une  réelle  valeur.  On  connaît  de  lui  : 
Notice  sur  le  général  Victor-Léopold  Berthier  (1807, 
in-4)  ;  Mémoires  historiques  sur  Louis  XF//,  roi  de 
France  et  de  Navarre,  suivis  de  Fragments  histori- 
ques sur  le  Temple  (1816,  in-8;  3^  éd.,  1818)  ;  Notice 
sur  le  manuscrit  original  de  la  relation  des  derniers 
événements  de  la  captivité  de  Monsieur,  frère  de 
Louis  XVI  (1823,  in-8)  ;  Lettre  à  M.  A.  Dumesnil, 
éditeur  des  Mémoires  de  Sénart  (1824,  in-8);  Notice 
sur  J.-B.  Hanet-Cléry  (1825,  in-8);  Question  d'état 
civil  historique  :  Napoléon  Bonaparte  est-il  né  Fran- 
çais? (1826,  in-8);  la  Vérité  rétablie  sur  quelques- 
uns  des  principaux  événements  du  9  thermidor  an  II 
(1828,  in-8);  Notice  sur  Jacques  Peuchet(iS'SO,  in-8); 
Supplément  aux  Mémoires  historiques  sur  Louis  XVII 
(1831,  in-8)  ;  Un  Dernier  Mot  sur  Louis  XVII  (1832, 
in-8)  ;  Démarques  sur  un  écrit  posthume  de  Peuchet 
intitulé  Recherches  sur  rexhumation  du  corps  de 
Louis  XVI  (1835,  in-8);  Recherches  historiques  et  cri- 
tiques sur  Versailles  (1834,  in-8;  2^  éd.  aiigm.,1836, 
in-8)  ;  Etat,  au  vrai,  de  toutes  les  sommes  employées 
par  Louis  XIV aux  créations  de  Versailles, Marly, etc., 
et  leurs  dépendances  (1836,  in-8),  d'après  un  manuscrit 
que  l'éditeur  croyait,  à  tort,  inédit  et  dont  Lemontey  avait 
déjà  fait  usage,  mais  pour  en  tirer  des  conclusions  toutes 
différentes,  combattues  par  Eckard  dans  une  lettre  :  A  M. 
J.  Taschereau,  au  sujet  des  dépenses  de  Louis  XIV 
(Versailles,  1836,  in-8).  Eckard  a  aussi  édité,  avec  Lucet, 
les  Hommages  poétiques  sur  la  naissance  du  roi  de 
Rome  (1811,  in-8),  et,  avec  Sérieys,  àQ?>  Lettres  inédites 
de  M"^^  du  Châtelet  (1818,  in-8),  publication  très  défec- 
tueuse à  tous  égards,  dont  M.  Eugène  Asse  a  donné  depuis 
le  texte  authentique  et  complet  (1878,  in-18).     M.  Tx. 

ECKARDT  (Ludwig),  écrivain  allemand,  né  à  Vienne 
le  26  mai  1827,  mort  à  Tetschen  le  1«^  févr.  1871.  Il 
débuta  par  un  drame,  Thron  und  Hiltte  (Vienne,  1846). 
Compromis  dans  les  événements  de  1848,  il  se  réfugia  en 
Suisse,  revint  en  1862  à  Karlsruhe  comme  bibliothécaire; 
il  fit,  à  partir  de  1867,  des  tournées  de  conférences  en 
Allemagne.  Outre  ses  drames  littéraires,  Sokrates  (léna, 
1858),  Friedrich  Schiller  (léna,  1859),  Palm  (léna, 
1860),  Weltburger  und  Patriot  (léna,  1862),  Josefine 
(Mannheim,  1868),  il  a  donné  des  Nouvelles  (Mannheim, 
1867);  un  roman,  Nikolas- Manuel  (léna,  1862);  des 
dissertations  esthétiques,  Anleitung  dichterische  Meis- 
terwerke  zu  lesen  (Leipzig,  1883,  3^  éd.);  des  commen- 
taires de  pièces  de  Schiller,  enfin  Vorschule  der  OEsthetik 
(Karlsruhe,  1864-65,  2  vol.)  et  une  collection  de  confé- 
rences (Stuttgart,  1817). 
BiBL.  :  Arnold,  Ludwig  Echardt;  Leipzig,  1867. 

ECKARDT  (Christian-Frederik-Emil), peintre  danois,  né 
à  Copenhague  le  2  juil.  1832.  Il  fit  ses  études  et  ses 
voyages  arlistiques  en  travaillant  comme  peintre  de  décors 
et  en  retouchant  des  photographies,  et  il  a  été  deux  fois 


—  326 


ECKARDT  —  ECKERNFŒIRDE 

médaillé  par  l'Académie  des  beaux-arts  de  Copenhague 
pour  ses  scènes  de  la  vie  des  pêcheurs.  B-s. 

ECKARDT  (Julius),  publiciste  allemand,  né  à  Wolmar 
en  Livonie  le  4^''  août  4836.  Il  étudia  le  droit  à  Péters- 
bourg,  à  Dorpat  et  à  Berhn,  et  devint,  en  4860,  secré- 
taire du  consistoire  de  la  Livonie;  il  entra  en  même  temps 
à  la  rédaction  du  Journal  de  Riga,  organe  prmcipal  du 
parti  allemand  dans  les  provinces  baltiques.  Obhgé  de  quit- 
ter la  Russie,  en  1867,  il  vint  en  Allemagne  et  collabora 
aux  Grenzboten  dirigés  par  Freytag,  au  Correspondent 
de  Hambourg  et  à  la  Hamburgische  Bœrsenhalle,  Il  fut 
secrétaire  du  sénat  de  Hambourg  de  4870  à  4882,  et  il 
est  depuis  4885  consul  d'Allemagne  à  Tunis.  Il  a  piibhe, 
sur  les  conditions  sociales  et  économiques  des  provinces 
baltiques,  un  grand  nombre  d'écrits,  dont  les  principaux 
sont  :   Die  baltischen  Provinzen  Russlands  (Leipzig, 
4869,  2«  éd.),  et  Russlands  lœndliche  Zustœnde  seit 
Aufhebung  der  Leibeigenschaft  (Leipzig,  4870).  On  lui 
attribue  également  :  Aus  der  Petersburger  Gesellscliatt 
(Leipzig,  4875,  5«  éd.);  Riissland  vor  und  nach  dem 
Kriege  (Leipzig,  4879,  2«  éd.);  Berlin  und  Petersburg 
(Leipzig,  4880,  2«  éd.);   Von  Nikolaus  L  %u  Alexan- 
der  IIL  (Leipzig,  4884,  2«  éd.),  et  Russische  Wand- 
lungen  (Uipz\g,  4882,  2«éd.).  Il  a  commencé  à  faire 
paraître,  en  4876,  un  ouvrage  historique  sur  la  Livonie, 
Liuland  im  achtzehnten  Jahrhundert  (Leipzig).     A.  B. 
ECKART,  personnage  légendaire,  qui  figure  dans  les 
expéditions  fabuleuses  des  Goths  sur  le  Rhin  et  en  Italie, 
et  dont  la  tradition  s'est  vaguement  conservée  jusqu'à  nos 
jours  dans  la  poésie  allemande.  Il  avait  été  chargé  de  faire 
l'éducation  chevaleresque  de  deux  neveux  du  roi  Erma- 
narich.  Or  il  apprit  un  jour  que  quelques    compagnons 
d'armes  du  roi  voulaient  surprendre  les  deux  princes  dans 
leur  château,  situé  aux  bords  du  Rhin.  Aussitôt  il  monte  à 
cheval  et  voyage  nuit  et  jour,  pour  prévenir  les  traîtres. 
Ne  trouvant  aucune  embarcation  pour  traverser  le  fleuve, 
il  se  jette  à  la  nage,  tirant  son  cheval  par  la  bride  derrière 
lui.  Les  deux  jeunes  gens  mettent  leur  château  en  état  de 
défense,  et  font  bonne  contenance  devant  l'ennemi.  Eckart 
fut  considéré  dans  la  suite  comme  le  modèle  de  la  loyauté 
chevaleresque;   son  rôle  fut  surtout  d'avertir  ses  amis 
d'un  danger  qu'ils  couraient.  On  l'appelait  le  fidèle  Eckart  : 
c'est  sous  ce  titre  que  Gœthe  l'a  célébré  dans  une  ballade 
(V.  W.  Grimm,  Deutsche  Heldensage,  iU).      A.  B. 

ECKARTSBERGA.  Ville  d'Allemagne,  roy.  de  Prusse, 
district  de  Mersebourg ;  2,026  hab.  Ruines  de  VEckarts- 
burg.  Fondée  en  998  par  le  margrave  de  Misme,  ce  fut 
une  place  assez  forte.  Le  44  oct.  4806,  un  combat  d'ar- 
rière-garde y  eut  lieu  entre  Français  et  Prussiens,  com- 
plétant la  victoire  d'Auerstaedt. 

ECKBOLSHEIM  (Eggiboldesheim,  884).  Com.  de  la 
Basse-Alsace,  arr.  de  Strasbourg,  cant.  de  Sclnltigheim , 
à  4  kil.  au  S.-O.  de  Strasbourg,  sur  le  canal  de  la 
Bruche  et  la  ligne  de  tramway  de  Strasbourg  à  Wolfisheim  ; 
4,645  hab.  laiterie,  tuileries.  Eglise  protestante,  avec  tour 
gothique.  —  Eckbolsheim,  que  Dagobert  II,  roi  d'Austrasie, 
doit  avoir  légué  en  679  à  l'ancien  monastère  de  Saint-Thomas 
à  Strasbourg,  possédait  autrefois  un  couvent  de  religieuses 
de  Sainte-Marguerite  et  une  chartreuse.  L,  W. 

RiBL.  :  Grandidier,  (Euvres  historiques  inédites  ; 
Colinar,  1865,  V.  pp.  370-374.  -  Du  mùmo,  Histoire  de 
VEqlise  de  Strastjourg,  I,  385-386. 

ECKEHART,  moine  de  Saint-Gall  (V.  Ekkehart). 
ECKENBRECHER  (Karl-Paul-Themistokles  von),  paysa- 
giste allemand,  né  à  Athènes  le  44  nov.  4842.  Il  com- 
mença ses  études  à  Potsdam,  les  continua  à  Dusseldorf  et 
les  acheva  en  Suisse.  Ses  œuvres  les  plus  connues  sont  : 
la  Place  près  de  la  mosquée  de  Uni  Djami  à  Stam- 
boul (1873)  ;  Six  Paysages  d'Islande  (1873)  ;  le  Cap 
du  Nord,  la  Ville  de  Brousse  (4876).  Depuis  4880,  il 
se  voua  plus  spécialement  à  la  peinture  de  tableaux  pano- 
ramiques, parmi  lesquels  figure  la  Bataille  de  Gravelotte. 
ECKER.  Affluent  deVOcker  (grand-duché  de  Brunswick), 


qui  descend  du  Brocken  par  une  vallée  très  pittoresque. 
ECKER  (Alexander),  médecin  allemand  contemporain,  né 
à  Fribourg  le  iO  juil.  4846.  Professeur  d'anatomie  et  de 
physiologie  successivement  à  Bâle  (depuis  1844)  et  à  Fri- 
bourg (depuis  4850),  il  est  l'auteur  d'un  grand  nombre 
d'ouvrages  surl'anatomie,  la  physiologie,  l'anatomie  patho- 
logique,' etc.  Citons  en  particulier  :  Der  feinere  Bau  der 
Nebennieren  (Brunswick,  4846,  2  pi.);  Icônes  phijsio- 
logicœ  (Leipzig,  4854-59,  in-fol.);  Die  Anatomie  des 
Frosches,  etc.  (Brunswick,  4864-83,  in-8)  ;  Crania  Ger- 
maniœ,  etc.  (Fribourg,  4875,  in-4,  38  pi.);  Die  Hirn- 
luindungen  der  Menscfien  (Brunswick,  4869,  in-8  ;  2« 
édit.,  4883).  Dr  L.  Hn. 

ECKERMANN  (Johann-Peter),  écrivain  allemand,  né  à 
Winsen  en  Hanovre  le  24  sept.  4792,  mort  à  Weimar  le 
3  déc.  4854.   Il  était  fils  d'un  colporteur  et  ne  reçut 
d'abord  aucune  instruction.  En  4843,  il  prit  part  au  sou- 
lèvement de  la  jeunesse  allemande  contre  Napoléon,  et  il 
entra  comme  volontaire  dans  un  régiment  de  hussards 
qui  opéra  dans  la  Belgique.  En  4845,  il  obtint  un  emploi 
à  la  chancellerie  de  la  guerre,  à  Hanovre.  Il  refit  tardive- 
ment son  éducation  négHgée,  entra  à  vingt-cinq  ans  au 
gymnase   de  Hanovre,   et  passa  ensuite  deux  années  à 
l'université  de  Gœttingue.  Il  se  mit  au  courant  de  la  litté- 
rature allemande   et  latine,   lut   Klopstock  et    Schiller, 
s'exerça  à  traduire  Horace,  Virgile,  Ovide  ;  mais  ce  fut 
Gœthe  qui  produisit  sur  lui  l'impression  la  plus  puissante. 
«  H  me  sembla,  dit-il,  que  je  m'éveillais  pour  la  première 
fois  à  la  vie,  et  que  je  prenais  seulement  conscience  de 
moi-même  ;  il  me  sembla  que  ma  propre  âme,  qui  jusque- 
là  m'était  inconnue,  m'était  renvoyée  dans  un  miroir.  » 
Dès  lors,  son   unique  pensée  fut  de   se  rapprocher  de 
Gœthe.  Il  lui  envoya  ceux  de  ses  travaux  qu'il  jugea  les 
meilleurs  ;  c'étaient  des  articles  de  critique  et  de  théorie 
littéraire,  qui  parurent  ensuite  sous  le  titre  de  Beitrœge 
zur  Poésie  (Stuttgart,  4823).  La  réponse  de  Gœthe  ayant 
été  encourageante,  Eckermann  partit  pour  Weimar.  Il  faut 
lire  la  suite  dans  les  premières  pages  du  livre  qui  a  rendu 
Eckermann  célèbre,  dans  ses  Conversations  avec  Gœthe, 
Il  fut,  à  partir  de  4823,  le  secrétaire  particulier  du  poète, 
qui  le  chargea  de  conduire  son  fils  en  Italie  en  4830,  et 
le  nomma  son  exécuteur  testamentaire.  Après  la  mort  de 
Gœ^the,  Eckermann  devient  conseiller  aulique  et  biblio- 
thécaire de  la  grande-duchesse  Louise.  Les  deux  premiers 
volumes  des  Conversations  furent  publiés  à  Leipzig,  en 
4836,  quatre  ans  après  la  mort  de  Gœthe;  le  troisième, 
contenant  des   extraits  plus  détaillés,  et  augmenté   des 
souvenirs  de  Soret,  précepteur  du  prince  héréditaire  de 
Saxe-Weimar,  parut  à  Magdebourg,  en  4848.  Ensuite 
les  éditions  se  multiplièrent,  et  Fouvrage  fut  traduit  dans 
toutes  les  langues  de  l'Europe  ;  une  excellente  traduction 
française,  précédée  d'une  introduction  de  Sainte-Beuve, 
a   été  faite   par  M.   Délerot    (Paris,    4863,    2  vol.). 
Ces  conversations  sont  un  précieux  recueil  de  renseigne- 
ments ;  on  y  voit  Gœthe  s'exprimer  avec  une  entière  fran- 
chise sur  tous  les  événements  de  son  temps,  marquer  ses 
rapports  avec  ses  contemporains,  rendre  compte  de  son 
immense  lecture.  Sainte-Beuve  déclare  que  ce   livre  l'a 
fait  avancer  d'un  degré  dans  la  connaissance  du  poète. 
Eckermann  publia  aussi,    avec  un   autre    secrétaire  de 
Gœthe,  Riemer,  la  première  édition  complète  des  œuvres 
de  Gœthe  (Stuttgart,  4839-4840,  40  vol.).  Ses  propres 
poésies  (Leipzig,  1838)  sont  insignifiantes.  A.  B. 

ECKERIVIAN'n  (Karl),  paysagiste  allemand,  né  à  Weimar 

en  4834.  Elève  de  Preller  et  de  Schirmer,  il  s'est  fait 

'  connaître  par  la  Plaine  du  Rhin  et  les  Vosges,  Vile  de 

Rilgen,  un  Paysage  dans  les.  landes  de  Lûnebourg,  un 

Paysage  pendant  V orage,  etc. 

ECKERNFŒRDE.  Ville  d'Allemagne,  roy.  de  Prusse, 
prov.  de  Slesvig-Holstein,  entre  la  baie  du  môme 
nom  sur  la  Baltique  et  le  lac  Windebv;  5,324  hab.  Chris- 
tian IV  la  prit  en  4628;  le  7  déc.  ^4843,  Walmoden  y 
battit  les  Danois.  Le  5  avr.  4849,  deux  navires  danois  y 


—  327  — 


ECKERSBERG  —  ECKHEL 


furent  détruits  par  les  batteries  allemandes.  La  cession  à 
l'Allemagne  a  ruiné  le  commerce  d'Eckernfœrde. 

ECKERSBERG  (Christoph-Wilhelm) ,  portraitiste  et 
peintre  d'histoire  allemand,  né  à  Varnaes  (Slesvig)  le 
2  janv.  1783,  mort  à  Copenhague  le  22  juil.  1833.  Cet 
artiste  fit  ses  études  à  Copenhague,  en  Italie  et  à  Paris. 
Ses  meilleures  œuvres  sont  :  Moïse  au  passage  de  la  mer 
Rouge  (1817),  la  Mort  de  Baldur,  la  Rade  de  Helsingôr; 
plusieurs  Marines  et  les  portraits  de  la  Famille  royale 
de  Danemark,  de  Thorwaldsen  et  à'OEhlenschlâger. 

ECKERT  (Karl-Anton-Florian),  musicien  allemand,  né 
à  Potsdam  le  7  déc.  1820.  Son  père,  ancien  soldat  des 
troupes  polonaises  de  Napoléon  P%  entra  comme  brigadier 
de  douanes  au  service  de  la  Prusse,  et  fut  tué  par  des 
contrebandiers.  Sa  mère  retourna  alors  en  Pologne,  le 
confiant  aux  soins  des  camarades  de  son  père.  A  trois  ans, 
il  fut  adopté  par  ]VP^^«  de  Fœrster,  qui  fit  les  frais  de  son 
éducation.  En  1830,  il  fut  élève  de  Zelter,  et  plus  tard  de 
Rungenbagen.  Spontini  lui  adressa  des  éloges,  et  il  travailla 
enfin  sous  la  direction  de  Mendelssohn,  à  Berlin.  Eckert 
a  voyagé  en  Italie,  en  Belgique,  en  Hollande,  en  France, 
mais  ne  put  se  faire  suffisamment  connaître  à  Paris,  où  il 
remplit,  en  1852,  les  fonctions  de  chef  d'orchestre  du 
Théâtre-Italien.  Après  avoir  été  chef  d'orchestre  à  Vienne, 
maître  de  chapelle  à  Stuttgart,  à  Munich,  à  Bade,  il  a 
dirigé  assez  longtemps  l'orchestre  de  l'Opéra  de  Berlin  et 
des  concerts  de  la  cour.  Son  opéra  le  plus  connu  est 
Guillaume  d'Orange^  représenté  en  1846,  et,  parmi  ses 
autres  ouvrages,  on  remarque  Catherine  de  Nuremberg^ 
le  Charlatan,  avec  symphonie,  une  ouverture  de  fêtes,  des 
lieder,  etc.  Alfred  Ernst. 

ECKHARD  (Karl-Maria- Joseph),  homme  politique  alle- 
mand, né  à  Engen  (Bade)  le  13  mars  1822.  Un  des  chefs 
du  parti  libéraf  dans  le  grand-duché  de  Bade,  il  siégea  à  la 
Chambre  badoise  depuis  1861,  au  Reichstag  de  1871  à 
1874,  rapporteur  du  projet  d'alliance  avec  la  Prusse  (1867) 
et  du  traité  de  Versailles  (déc.  1870). 

ECKHARDT  (V.  Eckarï). 

ECKHART  (Johann,  dit  Maître),  philosophe  mystique 
allemand,  né  vraisemblablement  en  Thuringe  vers  1260, 
mort,  à  ce  que  l'on  croit,  à  Cologne,  vers  1327.  Sa  vie  est 
mal  connue.  On  sait  seulement  qu'il  entra  de  bonne  heure 
dans  l'ordre  des  dominicains.  Nous  le  trouvons,  aux  envi- 
rons de  1293,  prieur  des  dominicains  d'Erfiirt  et  vicaire 
de  son  ordre  pour  la  Thuringe.  En  1300,  il  fut  envoyé  à 
l'université  de  Paris,  où  il  s'enfonça  dans  l'étude  d'Aristote 
et  des  platoniciens  et  obtint  le  grade  de  maître  es  arts. 
Peut-être  enseigna-t-il  dès  cette  époque  à  Paris.  Sa  répu- 
tation d'érudit  et  de  penseur  était  déjà  retentissante,  et  il  fut 
appelé  à  Rome  en  1302  pour  assister  le  pape  Boniface  VIII 
dans  sa  lutte  contre  Philippe  le  Bel.  En  1 304 ,  il  devint 
provincial  de  son  ordre  pour  la  Saxe  et,  en  1307,  vicaire 
général  pour  la  Bohême.  En  1311,  il  fut  envoyé  de  nou- 
veau à  l'école  des  dominicains  de  Paris,  puis  à  celle  de 
Strasbourg  pour  y  pr-oiesser  la  théologie.  Partout  où  il  passa, 
il  semble  que  son  enseignement  et  sa  prédication  laissèrent 
des  traces  profondes.  A  Strasbourg  même,  son  activité 
éveilla  des  soupçons  et  lui  créa  des  ennemis  ;  on  assimila  sa 
doctrine  à  celle  des  Beghards  et  des  frères  du  Saint-Esprit,  et 
le  supérieur  général  de  l'ordre  chargeâtes  prieurs  de  Worms 
et  de  Mayence  de  soumettre  ses  écrits  à  une  enquête. 
L'histoire  de  cette  enquête  est  des  plus  obscures  ;  il  semble 
bien  qu'Eckhart  fut  cité  devant  le  tribunal  de  l'Inquisition 
de  Cologne  et  qu'il  désavoua  par  avance  tout  ce  que  sa  doc- 
trine pouvait,  à  son  insu,  contenir  qui  ne  fût  pas  conforme 
à  la  plus  pure  orthodoxie.  L'enquête  alla  jusqu'au  pape  qui, 
en  1329,  condamna  quelques  propositions  tirées  des  livres 
d'Eckhart,  deux  ans  après  la  mort  de  celui-ci.  Eckhart  avait 
beaucoup  écrit  ;  quelques  sermons  seulement  et  quelques 
traités  lui  ont  survécu  ;  on  les  trouvera  dans  les  recueils 
de  PfeifFer  (Deutsche  Mystiker;  Leipzig,  1837,  t.  II)  ;  de 
Preger  (Zeitschrift  filr  hist.  TheoL,  1864-66)  ;  de  Sievers 
(Haupfs  Zeitschrift  filr  deutsch,  Alterth. ,   t.  XV). 


L'importance  d'Eckhart  dans  l'histoire  de  la  scolastique  est 
considérable.  A  cette  époque,  tout  l'effort  de  la  philosophie 
religieuse  tendait  à  élargir  la  théologie  pour  y  faire  rentrer 
la  science  universelle,  en  conciliant  la  raison  et  la  foi. 
A  cette  dialectique  toute  formelle  du  connaître,  Eckhart, 
le  premier  au  moyen  âge,  a  ouvertement  substitué  une  dia- 
lectique de  l'Etre  assez  analogue  à  celle  des  mystiques 
alexandrins.  La  notion  fondamentale  de  sa  philosophie  est 
celle  de  l'Absolu,  ou  unité  abstraite,  conçu  comme  seul 
existant  réellement.  Hors  de  Dieu,  pas  d'existence  réelle. 
Ce  Dieu  est  le  ôsoç  aYvtoaTo;  des  néo-platoniciens  ;  il  est  abso- 
lument dépourvu  d'attributs;  toute  détermination  serait  une 
limitation  de  son  être  infini.  Dieu  est  incompréhensible  ;  en 
réalité,  il  n'est  rien  autre,  au  regard  de  notre  intelligence 
bornée,  que  l'éternel  possible,  origine  et  fin  dernière  do 
toute  chose.  Comment  donc  ce  Dieu  peut-il  être  une  per- 
sonne ?  C'est  que  le  Père  engendre  éternellement  le  Fils  dans 
lequel  il  prend  conscience  de  lui-même,  et  le  retour  du  Fils 
au  Père  dans  un  mutuel  amour  est  l'Esprit.  En  même  temps 
que  le  Fils,  Dieu  engendre  les  formes  idéales  des  choses 
créées.  L'absolu  est  ainsi  le  fond  commun  de  Dieu  et  de 
l'Univers.  Comme  le  Fils  encore,  toute  chose  née  de  Dieu 
tend  à  retourner  à  Dieu  pour  s'abîmer  dans  l'unité  de  l'être. 
Cette  théologie  est  un  pur  panthéisme.  De  cet  absolu,  nous 
ne  connaissons  d'ordinaire  que  les  apparences  sensibles  ; 
mais  l'homme,  en  faisant  effort  pour  s'abstraire  du  temps  et 
de  l'espace,  a  le  pouvoir  d'atteindre  cet  absolu  ;  ce  pouvoir, 
qu'Eckhart  appelle  étincelle  (Scintilla,  Filnklein)  vient 
de  Dieu.  C'est  au  fond  Dieu  agissant  dans  l'homme  ;  connaître 
Dieu,  c'est  s'identifier  à  Dieu.  C'est  là  la  fin  dernière  de  notre 
activité,  et  le  moyen  d'y  parvenir  serait  le  quiétisme  absolu. 
Mais  Eckhart  recule  devant  ces  conséquences  ;  il  admet  que 
les  facultés  humaines  ont  un  emploi  légitime  et  n'a  jamais  nié 
l'efficacité  des  bonnes  œuvres.  Il  n'est  qu'à  moitié  vrai  qu'il 
ait  devancé  la  Réforme  dans  cette  voie.      Th.  Ruyssen. 

BiBL.  :  Martensen,  Meister  E.  ;  Hambourg,  1842.  — 
SciiMiDT,  dans  les  Mém.  de  VAcad.  des  sciences  mor.  et 
polit.,  1845.  —  Heidrich,  Das  theologische  System  Mstr. 
EckharVs,  1864.  —  Pfeiffer,  Deutsche  Mystiker  ;  Leipzig, 
1857,  t.  II.  —  Bach,  Mstr.  E.  der  Vater  der  deutsch.  Spécu- 
lation ;  Vienne,  1864.  —  Lasson,  Mstr.  E.  der  Mytiker  ; 
Berlin,  1868.  —  Preger,  Zeitschr.  f.  historische  Theol., 
1864-1869.  —  Du  n:iême,  Mstr.  E.  und  die  Inquisition,  1869. — 
JuNDT,  Essai  sur  le  mysticisme  spéculatif  de  M.  É.,  1871. 
—  Linsenmann,  Der  eth.  Char,  der  Lehre  M.  EckharCs. 
1873.  —  Preger,  Gesch.  der  deutsch.  Mystih  im  Mittelal- 
1er;  Leipzig,  1874,  t.  I. 

ECKHART  (Johann-Georg  von),  historien  et  érudit  alle- 
mand, né  à  Duingen  (duché  de  Brunswick)  le  7  sept.  1664, 
mort  à  Wurzbourg  le  9  févr.  1730.  Il  professa  l'histoire 
à  Ilelmstedt,  puis  à  Hanovre,  se  convertit  ensuite  au 
catholicisme  et  finit  ses  jours  comme  bibliothécaire  du 
prince-évêque  de  Wurzbourg.  Parmi  ses  ouvrages  nom- 
breux, on  distingue  :  Leges  Francorum  Salicœ  et  Ripua- 
riorum  (Franctbrt,  1720,  in-foL);  Origines  Habsburgo 
Austriacœ  (Leipzig,  1721,  in-fol.)  ;  Historia  genealogica 
principum  Saxoniœ  super ioris  (1722,  in-fol.)  ;  Corpus 
histor.  medii  œvi  à  tempore  Caroli  Magni  usque  ad 
finem  sœculi  XV  (1723,  2  vol.  in-fol.);  Commentarii 
de  rébus  Franciœ  orientalis  (1729,  2  vol.  in-fol.)  ;  De 
Origine  Germanorum,  migrationibus  ac  rébus  geslis 
(Gœttingue,  1750,  in-4).  Il  a  en  outre  édité  les  Collée- 
tanea  etymologica  de  Leibniz. 

ECKHEL  (Joseph-Hilarius),  savant  jésuite  et  numisma- 
tiste  autrichien,  né  à  Enzersfeld-sous-Enns  (Autriche)  le 
13  janv.  1737,  mort  à  Vienne  le  16  mai  1798.  Il  étudia 
au  collège  des  jésuites  de  Vienne,  puis  à  Leoben  ;  en  1756, 
il  fut  chargé  d'enseigner  le  latin  au  Theresianum;  plus 
tard,  il  professa  successivement  à  Steyr  (Autriche)  et  au 
gymnase  de  Vienne.  Le  P.  Khell  l'initia  à  la  connaissance 
des  monnaies  antiques,  et,  plus  tard,  Eckhel  succéda  à 
ce  savant  comme  garde  du  cabinet  des  médailles  des 
jésuites.  Après  un  assez  long  séjour  en  Italie,  Eckhel  ren- 
tra dans  sa  patrie  et  fut  nommé,  en  1774,  directeur  du 
cabinet  des  médailles  de  Vienne  et  professeur  d'antiquités. 
Ce  fut  Eckhel  qui  éleva  la  numismatique  à  la  hauteur  d'une 


ECKHEL  —  ECLAIR 


-^  328  — 


science;  jusque-là,  ce  n'avait  été  pour  les  amateurs  de 
monnaies  anciennes  qu'une  agréable  distraction,  malgré  de 
fécondes  découvertes  dues  aux  Spanheim,  aux  Frœlich, 
aux  Vaillant,  aux  Morelli,  aux  Pellerin  même.  L'ouvrage 
essentiel  d'Eckhel,  chef-d'œuvre  de  science,  de  critique  et 
de  clarté,  qui  est  resté  encore  aujourd'hui  le  code  des 
études  de  numismatique,  est  intitulé  Doctrina  numorum 
veterum  (1792  à  1798,  8  vol.  in-4).  On  lui  doit,  en 
outre  :  fourni  veteres  anecdoti  ex  museis  Cœsareo  Vin- 
dobonensis,  Florentino  magni  ducis  Etrusciœ,  etc. 
(Vienne,  1775,  2  vol.  in-4)  ;  Catalogus  musœi  Cœs. 
Vindobonensis  numorum  veterum  (Vienne,  1779, 
2  vol.  in-fol.)  ;  Descriptio  numorum  Aîitiochiœ  Syricc 
(Vienne,  1786,  in-4)  ;  Explication  d'un  choix  des 
pierres  gravées  du  cabinet  impérial  des  antiques 
(Vienne,  1788,  in-foL).  E.  Babelon. 

ECKHOUT  (V.  Eeckhout). 

ECKMUHL.  Village  d'Algérie,  dans  la  banlieue  d'Oran, 
à  quelques  centaines  de  mètres  de  la  porte  de  Tlemcen, 
composé  de  villas  et  de  maisons  de  plaisance  qui  forment 
aujourd'hui  comme  un  quartier  d'Oran  ;  on  l'appelle  aussi 
Noiseux,  du  nom  d'un  architecte  qui  trouva  à  une  dizaine  de 
kilomètres  la  source  qui  alimente  Oran  d'eau  potable. 

ECKMUHL  (Bavière)  (V.  Eggmùhl). 

ECKMUHL  (Prince  d')  (V.  Davout). 

ECKSTEIN  (Johann),  peintre  et  sculpteur  allemand, 
mort  à  Londres  en  1798.  En  1762  et  en  1764,  Eckstein 
remporta  des  prix  pour  ses  bas-reliefs.  On  lui  doit  le 
Retour  des  soldats  (1796)  ;  Un  Groupe  de  famille,  etc., 
et  on  lui  attribue  deux  beaux  bas-reliefs  de  la  «  Kunst- 
kammer  »  à  Berlin. 

ECKSTEIN  (Ferdinand,  baron  d'),  publiciste  et  phi- 
losophe français,  d'origine  danoise,  né  à  Copenhague  en 
sept.  1790,  mort  à  Paris  le  25  nov.  1861.11  se  fit  catholique 
à  Rome,  à  l'âge  de  dix-sept  ans,  et,  après  avoir  terminé  ses 
études  à  Gœttingue  et  à  Heidelberg,  il  ht,  dans  le  corps  franc 
de  Lutzow,  les  campagnes  de  1812, 1813  et  1814.  Il  devint 
officier  en  Hollande,  puis  chargé  de  la  police  militaire  et 
civile  à  Gand,  où  il  vit  Louis  XVIII  en  1815  ;  enfin  il  travailla 
à  la  délimitation  de  grand-duché  de  Luxembourg.  Son  abju- 
ration lui  créa  des  difficultés  daiis  les  Pays-Bas,  qu'il  quitta 
pour  venir  en  France,  où  il  fut  nommé  commissaire  géné- 
ral de  police  à  Marseille,  et  bientôt,  en  1818,  inspecteur 
général  au  ministère  de  la  police  ;  enfin  il  fut  attaché  aux 
affaires  étrangères  jusqu'en  1830.  Il  collabora  activement 
au  Drapeau  blanc,  feuille  ultra-royaliste,  à  divers  pério- 
diques de  même  opinion,  notamment  à  la  Quotidienne  et 
au  recueil  le  Catholique,  fondé  par  lui  (1826).  Il  ramenait 
tout  au  catholicisme  pur,  et  partageait  la  plupart  des  doc- 
trines de  de  Maistre  et  de  Bonald.  Outre  ses  articles  de  revues 
et  de  journaux,  le  baron  d'Eckstein  a  laissé  :  De  l'Espagne, 
considérations  sur  son  passé,  son  présent  et  son  ave- 
nir, etc.  (Paris,  1836,  in-8). 

ECKSTEIN  (Friedrich-August) ,  pédagogue  allemand, 
né  à  Halle  le  6  mai  1810,  mort  à  Leipzig  le  15  nov.  1885. 
Professeur  à  Halle,  puis  à  l'université  de  Leipzig  (1862), 
recteur  de  l'école  latine  de  Halle  depuis  1842  à  1863,  puis 
de  l'école  Thomas  (1863-1881)  à  Leipzig,  il  fut  l'orga- 
nisateur des  congrès  philologiques,  rédigea  des  éditions 
classiques  d'auteurs  latins  et  de  plus  :  Nomenclator  phi- 
lologorum  (Leipzig,  1871)  et  Lateiîiischer  Unterricht 
(Leipzig,  1882,  dans  V Encyclopédie  de  Schmid). 

ECKSTEIN  (Ernst),  poète,  romancier  et  publiciste  alle- 
mand, né  à  Giessen  le  6  févr.  1845.  Il  reçut  sa  première 
instruction  au  gymnase  de  cette  ville,  et  voyagea  ensuite 
en  Italie  et  en  France.  Après  avoir  fait  ses  études  acadé- 
miques à  Giessen,  à  Bonn,  à  Berlin  et  à  Marbourg,  il  se 
rendit  à  Paris  (1868),  où  il  termina  son  premier  ouvrage, 
un  poème  humoristique  intitulé  Schach  der  Kœnigin 
(Stuttgart,  1870).  D'autres  résultats  de  son  séjour  à  Paris 
furent:  Pariser  Silhouetten  (Leipzig,  1873)  ;  Die  Ges- 
penster  von  Varzin  (Leipzig,  1870),  et  le  poème  héroï- 


comique,  Der  Stumme  von  Sevilla.  Ces  ouvrages,  qui 
eurent  aussitôt  plusieurs  éditions  en  Allemagne,  firent  à  Eck- 
stein la  réputation  d'un  écrivain  alerte  et  spirituel,  fort  au 
courant  des  choses  de  son  temps.  Il  reprit  ses  voyages  après 
1870,  et  visita  le  midi  de  l'Europe.  En  1874,  il  s'établit  à 
Leipzig,  comme  principal  rédacteur  de  deux  feuilles  litté- 
raires et  satiriques,  Deutsche  Dichterhalle  (1874-1879) 
et  Schalk  (1879-1882).  En  même  temps,  il  exerça  sa 
plume  facile  dans  un  grand  nombre  de  poèmes,  de  romans 
et  de  nouvelles.  Parmi  ses  poèmes,  il  faut  citer  surtout 
Venus  Urania  (Stuttgart,  d872)  et  Murillo  (Leipzig, 
1879).  Un  de  ses  derniers  romans.  Die  Claudier{\imne, 
1882,  3  vol.),  où  il  décrit  la  société  romaine  au  temps  de 
l'Empire,  a  été  traduit  en  plusieurs  langues. 

ECLACTISMOS  (V.  Danse,  t.  XHI,  p.  864). 

ÉCLAIBES.  Com.  du  dép.  du  Nord,  arr.  d'Avesnes, 
cant.  de  Maubeuge,  sur  un  affl.  de  la  Sambre;  267  hab. 
Ruines  d'un  ancien  château  féodal  reconstruit  au  xvi^  siècle 
et  qui  a  appartenu  aux  maisons  de  Croy  et  d'Orléans. 
Eglise  du  xvi*^  siècle. 

ÉCLAIR.  I.  Physique.  —  C'est  la  manifestation  lumi- 
neuse de  la  foudre,  dont  le  tonnerre  est  la  manifestation 
sonore.  Arago,  qui  a  publié  en  1837  une  importante  notice 
sur  la  foudre,  distingue  les  éclairs  en  trois  classes  :  les 
éclairs  en  zigzag  ou  de  première  classe  qui  apparaissent  sous 
forme  d'un  sillon  de  lumière  très  resserré,  très  mince,  très 
arrêté  sur  les  bords  ;  ils  sont  de  couleurs  variées  :  on  en  a 
vu  de  purpurins,  de  violacés,  de  bleuâtres.  Kundt  et  Vogel, 
qui  ont  examiné  la  lumière  des  éclairs  au  spectroscope,  y 
ont  parfois  reconnu  la  présence  de  raies  dues  à  l'oxygène 
et  à  l'azote  de  l'air.  Les  éclairs  ne  suivent  nullement  la 
ligne  droite  :  non  seulement  ils  vont  en  zigzag,  mais  souvent 
même  ils  semblent  rétrograder.  Ce  phénomène,  rare  d'or- 
dinaire, est  très  fréquent  au  voisinage  des  volcans.  Hamilton 
décrit  ainsi  des  éclairs  qui  ont  accompagné  l'éruption  du 
Vésuve  de  1799  :  ces  éclairs  volcaniques  abandonnaient 
très  rarement  le  noir  nuage  de  cendres  qui  s'avançaient 
vers  la  ville  de  Naples  ;  ils  retournaient  vers  le  cratère  du 
volcan  et  rejoignaient  la  colonne  ascendante  enflammée  d'où 
originairement  on  les  avait  vus  sortir.  M.  d'Abbadie,  en 
Ethiopie,  a  vu  des  éclairs  en  forme  de  V  jaillir  entre  deux 
nuages.  Assez  souvent  les  éclairs  se  bifurquent  en  deux, 
plus  rarement  en  trois  traits  lumineux.  La  longueur  des 
éclairs  est  très  variable  ;  elle  atteint  parfois  5  à  6  lieues  ; 
il  est  facile  de  l'estimer  en  déterminant  sa  distance  obtenue, 
en  multipliant  par  340  m.  (vitesse  moyenne  du  son  dans 
l'air)  le  nombre  de  secondes  qui  s'est  écoulé  entre  l'appa- 
rition de  l'éclair  et  le  bruit  du  tonnerre  et  en  mesurant 
l'angle  que  sous-tendent  ses  extrémités.  Autrefois,  depuis 
l'expérience  de  Wheatstone,  on  considérait  l'éclair  comme 
d'une  durée  inappréciable,  inférieure,  d'après  le  savant 
anglais,  à  un  millionième  de  seconde.  Son  expérience 
semble  probante  et  il  paraît  certain  qu'il  existe  de  pareils 
éclairs;  mais,  d'autre  part,  on  lit  dans  la  plupart  des  re- 
lations d'éclairs  que  l'éclair  part  de  tel  endroit;  pour  qu'on 
puisse  déterminer  le  sens  de  la  direction  de  l'éclair,  il  faut 
qu'il  ait  une  durée  plus  considérable.  Howard  a  remarqué 
des  éclairs  progressant  d'une  façon  rapide,  mais  cependant 
facile  à  suivre.  Enfin,  dans  ces  derniers  temps,  M.  Trou- 
velot  a  obtenu  (22  juil.  1888)  des  photographies  d'éclairs 
qui  montrent  qu'il  y  en  a  qui  ne  sont  nullement  instantanés. 
Les  photographies  d'éclairs  sont  intéressantes  en  ce  qu'elles 
montrent  des  détails  qui  échappent  absolument  à  la  vue. 
Un  éclair  photographié  par  le  même  savant  présente  quatre 
branches  principales,  très  brillantes,  très  accusées,  accom- 
pagnées de  plusieurs  autres  plus  faibles  ;  il  y  en  avait  trente- 
sept  en  tout;  la  forme  générale  est  celle  d'un  ruban  ondu- 
lant dans  l'air  et  coupé  par  des  raies  transversales  plus 
nombreuses  au  voisinage  des  zigzags. 

Les  éclairs  de  la  seconde  classe,  au  lieu  d'être  concentrés 
dans  des  traits  sinueux  très  minces,  embrasse  au  contraire 
d'immenses  surfaces  ;  ils  n'ont  ni  la  blancheur  ni  la  viva- 
cité des  éclairs  de  première  classe.  Parfois  ils  n'éclairent 


—  329  — 


ÉCLAIR  —  ECLAIRAGE 


que  le  contour  des  nuages,  tantôt  ils  en  embrassent  toute 
la  surface,  paraissant  même  parfois  sortir  de  leur  intérieur. 
Ces  éclairs  correspondent  probablement  à  des  charges  élec- 
triques analogues  aux  effluves  que  l'on  voit  souvent  en 
certains  points  des  machines  électriques. 

Les  éclairs  de  troisième  classe  diffèrent  totalement  des 
précédents  ;  ils  apparaissent  sous  forme  de  boules,  que  les 
observateurs  ont  comparées  à  des  oranges,  à  la  lune,  mais 
avec  des  contours  indécis  ;  ils  apparaissent  presque  toujours 
à  la  suite  d'un  coup  de  tonnerre;  ils  se  déplacent  lente- 
ment, puis  disparaissent,  tantôt  sans  explosion,  tantôt  avec 
un  bruit  égal  à  celui  du  tonnerre.  Ces  éclairs  sont  très 
rares.  Arago,  qui  a  recueilli  le  plus  grand  nombre  de  docu- 
ments qu'il  a  pu  sur  ces  phénomènes,  cite  une  trentaine 
de  cas  où  ils  ont  été  bien  observés.  A.  Joânnis. 

IL  Divination  (V.  Divination). 

BiBL.:  Arago,  Notice  sur  le  tonnerre.  Œuvres  com- 
plètes, t.  IV,  pp.  1  à  404. 

ÉCLAIRAGE.  I.  Technologie  et  Histoire.  —  Prin- 
cipes PHYSIQUES  DE  l'éclairage.  —  Lcs  divcrs  moyens 
d'éclairage  employés  à  l'heure  actuelle  sont  fondés  sur  la 
faculté  qu'ont  les  corps  de  produire  des  radiations  lumi- 
neuses quand  on  élève  suffisamment  leur  température.  Les 
corps  émettent  à  toute  température  des  radiations  que  l'on 
regarde  comme  constituées  par  un  mouvement  vibratoire 
de  réther.  Ce  mouvement  est  caractérisé,  au  point  de  vue 
physique,  par  le  nombre  de  vibrations  à  la  seconde  ou, 
ce  qui  revient  au  même,  par  la  longueur  d'onde,  c.-à-d.  par 
la  distance  que  le  mouvement  a  parcouru  pendant  la 
durée  d'une  oscillation  complète  du  point  vibrant.  L'exis- 
tence des  radiations  se  constate  par  les  effets  calorifiques 
qui  mesurent  leur  énergie,  et  la  science  des  radiations 
se  propose  de  chercher  comment  varie  cette  énergie  avec 
la  longueur  d'onde,  ou,  si  l'on  préfère,  avec  le  nombre  des 
vibrations.  On  emploie  pour  cette  étude  divers  instruments 
qui  ne  sont,  au  fond,  que  des  calorimètres  d'une  sensibiHté 
extrême  ;  telles  sont  la  pile  thermo-électrique,  le  holomètre 
et  le  radio-micromètre  (V.  ces  mots  ainsi  que  les  mots 
Radiation  et  Spectre). 

Lorsqu'on  chauffe  progressivement  un  conducteur,  tel 
qu'un  fil  de  platine,  à  l'aide  d'un  courant  électrique  ou  par 
tout  autre  procédé,  voici  ce  que  l'on  observe  :  au-dessous 
de  330°,  les  radiations  ne  se  manifestent  que  par  la  pro- 
priété d'échauffer  les  corps  situés  à  une  température  infé- 
rieure. Le  nombre  de  leurs  vibrations  s'élève  jusqu'à 
400,000,000,000,000  (ou,  comme  l'on  écrit  d'habitude, 
400  XW^),  c.-à-d.  400  trillions  par  seconde.  Entre  350° 
et  450<*,  le  fil  commence  à  émettre  des  radiations  qui,  outre 
leur  effet  calorifique,  sont  capables  d'impressionner  la  ré- 
tine :  on  dit  que  ces  radiations  sont  lumineuses.  Si  l'on 
continue  à  augmenter  la  température  en  accroissant  l'in- 
tensité du  courant,  la  couleur  du  fil  passe  successivement 
du  rouge  sombre  au  rouge  vif,  puis  au  blanc  incandescent. 
Cette  couleur  n'est  pas  une  couleur  simple  ;  elle  résulte  de 
la  superposition  d'un  certain  nombre  de  rayons  lumineux 
élémentaires  ;  en  faisant  tomber  cette  lumière  sur  un 
prisme,  on  obtient  une  bande  colorée  nommée  spectre,  dans 
laquelle  ces  diverses  radiations  sont  séparées.  L'aspect  de 
ces  spectres  varie  avec  la  température  ;  on  n'obtient 
d'abord  que  des  rayons  rouges  ;  puis,  quand  la  température 
s'élève,  on  voit  apparaître  des  rayons  orangés  superposés 
aux  premiers  ;  l'intensité  du  courant  continuant  à  croître, 
au  fur  et  à  mesure  que  la  température  s'élève,  on  voit 
apparaître  le  vert,  le  jaune,  le  bleu  et  enfin  le  violet.  Ce 
dernier  n'apparaît  que  quand  le  platine  est  chauffe  à  blanc  ; 
la  superposition  de  ces  divers  rayons,  du  rouge  au  violet, 
donne  donc  à  l'œil  la  sensation  du  blanc.  Le  nombre  de 
vibrations  répondant  à  ces  diverses  couleurs  est  de 
484  trillions  par  seconde  pour  le  rouge,  de  544  trillions 
pour  le  jaune,  de  586  pour  le  vert,  de  631  pour  le  bleu, 
de  709  pour  le  violet.  Au  delà  du  spectre  visible,  vers 
l'extrémité  du  violet,  s'étendent  d'autres  radiations,  carac- 
térisées par  un  nombre  de  vibrations  encore  plus  considé- 


rable ;  l'énergie  calorifique  de  ces  radiations  est  beaucoup 
moins  considérable  que  celle  des  vibrations  précédentes  ; 
mais  leurs  propriétés  chimiques  et  photographiques  sont 
très  marquées  et  permettent  d'en  faire  l'étude  avec  préci- 
sion. On  en  a  constaté  dont  le  nombre  dépasse  1,600  tril- 
lions par  seconde,  mais  l'œil  humain  ne  les  aperçoit  plus. 
En  résumé,  à  mesure  que  la  température  d'un  corps  s'élève, 
son  spectre  s'enrichit  de  radiations  qui  répondent  à  des 
vibrations  de  plus  en  plus  fréquentes  et  qui  se  superposent. 
Toutes  ces  radiations  se  manifestent  par  leurs  effets  calo- 
rifiques, mais  les  seuls  rayons  qui  agissent  sur  la  rétine 
sont  ceux  qui  sont  compris  dans  l'octave  s'étendant  entre 
400  trillions  et  800  trillions  de  vibrations  par  seconde. 

Tous  ces  caractères  conviennent  aux  spectres  des  corps 
à  haute  température  ou  spectres  d'incandescence  des 
solides  ;  ils  commencent  dans  l'infra-rouge  et  se  déve- 
loppent très  régulièrement  jusqu'à  l'ultra-violet.  On  les 
regarde  comme  dus  à  des  mouvements  moléculaires.  Mais 
on  connaît  d'autres  spectres,  plus  capricieux,  formés  de 
bandes  souvent  lumineuses,  sans  chaleur  appréciable  ;  ce 
sont  les  spectres  de  certains  corps  à  basse  température., 
je  veux  dire  des  corps  phosphorescents  et  fluorescents. 
On  ne  saurait  les  attribuer  à  des  oscillations  de  molécules 
entières,  qui,  d'après  les  théories  cinétiques  de  la  matière, 
correspondraient  à  des  températures  beaucoup  plus  élevées 
que  celles  des  corps  phosphorescents.  Mais  il  peut  se  faire 
qu'une  molécule  de  plusieurs  atomes  possède  deux  sortes 
de  mouvements  :  des  mouvements  d'ensemble  et  des  mou- 
vements partiels.  Tandis  qu'en  général  il  s'établirait  rapi- 
dement un  équilibre  entre  le  mouvement  vibratoire  interne 
et  le  mouvement  vibratoire  général,  il  n'en  serait  plus  de 
même  ici,  et  ces  spectres,  dits  luminescents,  seraient  dus 
à  des  mouvements  intermoléculaires.  L'existence  de  ces 
spectres  est  de  la  plus  haute  importance,  et  l'on  verra  plus 
loin  que  c'est  probablement  à  des  phénomènes  de  cet  ordre 
qu'il  convient  de  s'adresser  pour  arriver  à  produire  des 
éclairages  plus  économiques  que  les  éclairages  actuels. 

La  figure  suivante  permet  de  se  rendre  compte  d'un  coup 
d'œil  de  la  répartition  de  l'énergie  dans  les  spectres  des 
diverses  sources  lumineuses.  On  a  porté  en  abscisses  les 
longueurs  d'onde,  en  ordonnées  les  énergies  correspon- 


3.0  JJt 


Spectres  de  lampes  à  gaz,  à  arc,  du  soleil,  du  ver  luis  ant 

dantes.La  superficie  des  courbes  représente  l'énergie  totale. 
La  figure  est  telle  que  toutes  ces  courbes  aient  même 
superficie,  de  manière  que  l'on  puisse  voir  comment,  pour 
ces  diverses  sources,  une  même  somme  d'énergie  est  utilisée 
au  point  de  vue  de  l'éclairage.  On  adopte,  pour  évaluer 
les  longueurs  d'onde,  une  unité  de  longueur  extrêmement 
petite,  le  micron  ou  millionième  de  millimètre,  que  l'on 
représente  par  la  lettre  \l.  On  voit  sur  ce  dessin  quatre 
courbes  différentes  :  la  première  représente  la  radiation 
d'une  lampe  à  gaz,  la  seconde  celle  d'un  arc  électrique,  la 
troisième  la  radiation  solaire,  la  quatrième  le  spectre  lumi- 
neux et  à  basse  température  d'un  ver  luisant,  la  luciole 
cubaine  (Pyrophoriis  noctilucus).  Il  faut  noter,  pour 
cette  dernière  courbe,  qu'elle  dépasse  de  beaucoup  les 
Hmites  du  dessin;  le  maximum,  qui  correspond  à  0,57  p., 
est  représenté  en  ordonnées  par  87  unités.  Les  traits 
pointillés  indiquent  qu'on  a  interrompu  la  courbe  afin  de 
pouvoir  en  représenter  le  haut.  En  ce  qui  concerne  la  cha- 
leur solaire,  on  observe  un  fait  très  remarquable  :  le 


ÉCLAIRAGE 


-  330  - 


maximum  de  radiation  correspond  à  0,6  (jl,  c.-à-d.  à  la 
plus  grande  sensibilité  de  notre  œil  ;  Fénergie  solaire  est 
donc  utilisée  le  mieux  possible  pour  la  vision.  Si  l'on 
adopte  les  vues  de  Darwin,  on  dira  que  notre  œil  s'est 
adapté  d'une  manière  presque  parfaite  à  l'éclairage  qui  lui 
est  habituel.  Il  faut,  d'ailleurs,  remarquer  que,  bien  que 
le  spectre  solaire  se  termine  à  2,7  [x,  il  est  probable  que 
le  soleil  émet  des  radiations  de  plus  grande  longueur  d'onde, 
mais  elles  sont  absorbées  presque  entièrement  par  notre 
atmosphère.  Quant  aux  trois  derniers  spectres,  celui  de 
la  lampe  à  gaz,  celui  de  l'arc  voltaïque  et  celui  de  la 
luciole  cubaine,  l'aspect  des  courbes  est  très  instructif  et 
fait  ressortir  cette  vérité  que  l'on  ne  soupçonnait  pas  jus- 
qu'à ces  dernières  années  et  que  Tétude  de  l'énergie  dans 
le  spectre  a  seule  pu  révéler  :  c'est  que  nos  meilleurs 
éclairages  sont  d'un  rendement  déplorable.  On  savait  bien 
que  dans  toute  lampe  à  combustion  les  courants  d'air  contri- 
buent beaucoup  plus  au  refroidissement  que  le  rayonne- 
ment et  que  toute  la  chaleur  emportée  par  les  produits  de 
la  combustion  ou  par  l'air  en  mouvement  était  de  la  cha- 
leur perdue  pour  l'éclairage  ;  la  supériorité  des  becs  de 
gaz  à  récupération  provient  précisément  de  ce  qu'ils  re- 
prennent une  partie  de  cette  chaleur.  On  savait  que,  dans 
l'installation  la  plus  satisfaisante  de  la  lumière  électrique, 
on  amène  aux  bornes  de  la  lampe  une  quantité  d'énergie 
à  peine  égale  au  dixième  de  l'énergie  du  charbon  brûlé 
dans  la  chaudière  qui  actionne  la  dynamo.  Mais  ces  pertes 
si  grandes  sont  peu  de  chose  à  côté  de  la  perte  provenant 
de  la  nature  même  de  la  lumière  que  nous  employons. 

On  désigne  sous  le  nom  de  rendement  lumineux  d'un 
foyer  le  rapport  de  l'énergie  lumineuse  à  l'énergie  totale 
qu'il  rayonne.  Ce  rapport  se  mesure  facilement  sur  les 
courbes  données  plus  haut  ;  c'est  le  rapport  des  superficies 
comprises,  d'une  part,  entre  Taxe  des  abscisses,  la  courbe 
d'énergie  et  les  ordonnées  extrêmes  du  spectre  visible  ; 
d'autre  part,  entre  la  courbe  entière  et  l'axe  des  abscisses. 
Cete  définition  manque  un  peu  de  précision,  car  la  limite 
du  spectre  dans  le  rouge  est  mal  définie,  tandis  que  les 
ordonnées  croissent  rapidement  dans  cette  région.  La  sen- 
sibilité de  l'œil  pour  les  diverses  couleurs  est,  en  effet, 
très  inégale.  Pour  en  tenir  compte,  il  suffirait  d'affecter  à 
chacune  des  régions  du  spectre  un  coefficient  spécial  ;  ce 
coefficient  serait  égal  à  1  pour  les  rayons  jaunes  verdâtres, 
c.-à-d.  pour  ceux  auxquels  la  rétine  est  le  plus  sensible  ; 
il  s  erait  très  voisin  de  0  pour  les  rayons  rouges  extrêmes 
qui  n'affectent  presque  plus  l'œil.  Les  rendements  calculés 
ainsi  seraient  encore  beaucoup  plus  faibles  que  ceux  que 
nous  donnons  plus  loin.  Il  en  serait  de  même  si,  au  lieu 
de  co  nsidérer  tout  le  spectre  visible  comme  nécessaire  à 
la  vision,  nous  nous  contentions  de  la  faible  portion  des 
radiations  situées  dans  la  région  de  sensibilité  maxima  de 
l'œil,  c.-à-d.  dans  le  jaune  verdàtre.  Ce  groupe  de  radia- 
tion suffirait  à  donner  une  connaissance  exacte  de  la  forme 
des  objets,  mais  il  ferait  disparaître  la  notion  de  couleur. 
En  mesurant,  dans  la  figure  donnée  plus  haut,  les  su- 
perficies dont  le  rapport  donne  le  rendement  photogénique 
d'une  lampe  à  arc,  on  trouve  que  ce  rendement  est  de 
2,5  °/o  environ.  En  multipliant  ce  nombre  par  le  rende- 
ment des  machines  qui  n'utihsent  pas  plus  du  dixième  de 
l'énergie  du  charbon,  on  voit  que  l'on  n'utihse,  en  fin  de 
compte,  pas  plus  de  4/400®  de  l'énergie  du  charbon  brûlé; 
le  rendement  total  est  donc  0,0025. 

Pour  la  lampe  à  gaz,  la  courbe  montre  que  la  distribu- 
tion de  l'énergie  est  encore  beaucoup  plus  défectueuse  ;  la 
proportion  des  radiations  visibles  par  rapport  aux  radia- 
tions totales  est  deux  fois  aussi  faible  ;  le  rendement  pho- 
togénique est  1,2  %  ou  0,012.  Pour  déterminer  le  rende- 
ment total,  il  faudrait  connaître  les  pertes  que  les  courants 
d'air  et  le  rayonnement  font  subir  aux  lampes  à  combus- 
tion. On  ne  possède  pas  de  données  précises  sur  ce  point, 
mais  on  peut  faire  le  calcul  par  une  voie  indirecte.  On  a 
mesuré  simultanément  le  pouvoir  éclairant  de  divers  foyers 
et  leur  consommation  ou  les  watts  aux  bornes  des  lumières 


électriques,  ce  qui  donne  une  relation  entre  les  calories 
dépensées  et  les  carcel-heures  fournis  par  ces  diverses 
sources.  En  posant  le  rendement  total  de  la  lampe  à  arc 
égal  à  0,0025,  on  trouve  celui  des  autres  sources  lumi- 
neuses en  multipliant  ce  nombre  par  le  rapport  inverse  des 
calories  dépensées.  Voici  le  résultat  du  calcul  : 


Bougie  de  l'Etoile 

Bec  de  iraz  Bengel 

Bec  à  récupération 

Lampe  à  iricandecscence. 
1  rinit^e  à  ar  c        

Calories 

par 
carcel-heure 

Rendement 
total 

i  l 

716 

567 

189 

20 

4 

0.00014 

o;oooi8 

0,00053 
0,00050 
0,00250 

0,012 
0,025 

Le  rendement  photogénique  du  soleil  est  d'environ  14^/o; 
c'est  le  plus  élevé  que  donne  un  foyer  incandescent,  ce  qui 
paraît  tenir,  commeil  a  été  dit,  à  l'adaptation  denotre  œil  pour 
ce  genre  de  lumière.  D'ailleurs,  on  sait  que  tous  les  rayons 
solaires  ont  leur  utihté  dans  la  nature,  tandis  que,  dans 
l'éclairage  artificiel,  c'est  la  lumière  seule  que  l'on  cherche. 
On  voit  par  là  combien  sont  imparfaites  même   nos 
meilleures  lampes  électriques,  puisqu'elles  ne  transforment 
en  lumière  que  la  quarantième  partie  de  l'énergie  électrique 
qu'elles  absorbent.  Les  radiations  obscures  qu'elles  émettent 
absorbent  les  trente-neuf  quarantièmes  de  cette  énergie. 
Nous  sommes  dans  la  situation  d'un  organiste  qui,  pour 
arriver  à  tirer  quelques  sons  aigus  de  son  orgue,  serait 
obligé  de  manœuvrer  toutes  les  touches  et  toutes  les  pé- 
dales et  d'y  déchaîner  un  véritable  ouragan.  Le  physicien 
qui  veut  s'éclairer  et  qui  n'a  besoin  que  des  radiations  dont 
les  nombres  de  vibrations  sont  compris  entre  400  X  10^^ 
et  800  X  10^^  par  seconde,  est  obligé  de  provoquer  toute 
la  série  des  vibrations  jusqu'à  ce  qu'enfin  il  obtienne  les 
vibrations  qui  atfectent  la  rétine.  Que  l'on  considère  les 
foyers  et  les  chaudières  d'une  grande  usine  électrique  avec 
ses  moteurs  et  ses  dynamos  et  que  l'on  calcule  l'énergie 
dépensée.  D'autre  part,  que  l'on  regarde  les  filaments 
incandescents  et  que  l'on  évalue  la  fraction  d'énergie  uti- 
lisée par  nos  yeux.  On  peut  dire,  sans  exagération,  qu'un 
homme  attelé  à  une  manivelle  pourrait  suffire  à  entretenir 
la  lumière  produite  si  toute  l'énergie  était  utilisée,  et  rem- 
placerait l'usine  entière.  Ainsi,  l'éclairage  électrique  lui- 
même,  que  beaucoup  de   personnes  regardent  comme  le 
nec  plus  iiltra^  n'est  lui-même  qu'un  procédé  transitoire 
destiné  sans  doute  à  être  remplacé  par  un  procédé  meilleur. 
Le  rendement  photogénique  d'un  foyer  incandescent  aug- 
mente avec   la  température.  Or  il  n'est  pas  vraisemblable 
que  l'on  puisse  dépasser  beaucoup  la  température  de  l'arc 
électrique  ;  on  ne  saurait  donc  espérer  obtenir  par  l'incan- 
descence un  rendement  photogénique  de  plus  de  3  à  4  %. 
Si  l'on  veut  produire  économiquement  la  lumière,  il  faut 
avoir  recours  à  d'autres  phénomènes. 

Ces  phénomènes  paraissent  devoir  être  les  phénomènes 
de  phosphorescence  qui  produisent  des  foyers  de  lumière 
beaucoup  plus  favorables  pour  notre  œJl.  Si  l'on  regarde 
en  effet  la  courbe  de  la  lumière  du  ver  luisant  donnée  plus 
haut,  on  voit  que  son  rendement,  même  considéré  dans  le 
sens  le  plus  restreint  —  c.-à-d.  son  rendement  photogé- 
nique —  est  égal  à  l'unité.  Il  est  vraisemblable,  si  l'on  en 
juge  par  la  perfection  que  l'on  trouve  toujours  lorsqu'on 
étudie  les  mécanismes  de  transformation  des  êtres  vivants, 
que  la  perte  pour  passer  du  rendement  photogénique  au 
rendement  total  est  très  faible  et  que  ce  mode  de  produc- 
tion de  la  lumière  est  beaucoup  plus  parfait  que  le  nôtre  à 
ce  point  de  vue.  Il  est  intéressant  de  rappeler  que  la 
femelle  seule  du  ver  luisant  a  le  pouvoir  éclairant  et  que 
celui-ci  sert  à  révéler  sa  présence  aux  mâles.  Si  l'on  admet 
que  l'adaptation  darwinienne  de  cet  insecte  est  complète, 
on  en  conclut  que  son  œil  possède  un  maximum  de  sensi- 
bilité au  même  endroit  du  spectre  que  le  nôtre. 


—  331 


Il  est  probable  que  ces  phénomènes  de  phosphorescence 
jouent  un  rôle  important  dans  la  plus  éclatante  des  lumières 
artificielles  que  nous  sachions  produire  :  celle  qui  résulte 
de  la  combustion  du  mai^nésium.  La  coloration  que  l'on 
observe  est  en  effet  très  différente  de  celle  qui  correspon- 
drait à  la  température  de  combustion  du  métal.  Ce  n'est 
donc  pas  un  simple  phénomène  d'incandescence  :  la  quaUlé 
des  radiations  émises  par  la  magnésie  chauffée  est  sans 
doute  en  relation  avec  la  nature  de  sa  molécule  et  les 
mouvements  de  ses  atomes.  On  observe  en  général  que  la 
phosphorescence  augmente  beaucoup  avec  la  température. 
La  magnésie  offrirait  l'exemple  d'une  phosphorescence  éner- 
gique ne  se  produisant  qu'à  haute  température. 

Il  y  a  donc  là  pour  l'éclairage  de  l'avenir  une  voie  toute 
différente  des  voies  suivies  jusqu'ici.  Elle  consiste  à  pro- 
duire la  lumière  sans  passer  par  V intermédiaire^  de  la 
chaleur.  Certaines  expériences  récentes  permettent  d'entre- 
voir un  des  côtés  par  oii  l'on  pourrait  aborder  ce  problème. 

Depuis  1888,  M.  Hertz  et  d'autres  physiciens  sont  par- 
venus, au  moyen  d'appareils  nommés  excitateurs  et  fondés 
sur  une  combinaison  du  condensateur  avec  la  bobine  d'in- 
duction, à  produire  des  oscillations  électriques  se  propa- 
geant dans  le  milieu  ambiant  à  la  manière  des  oscillations 
calorifiques  et  lumineuses  émanées  des  molécules  des  corps 
et  ne  paraissant  différer  de  celles-ci  que  par  leur  longueur 
d'onde.  Cette  longueur  d'onde,  qui  atteignait  une  dizaine  de 
mètres  dans  les  premières  expériences  de  M.  Hertz,  a  été 
réduite  à  quelques  décimètres,  puis  à  quelques  centimètres 
au  moyen  d'appareils  plus  perfectionnés.  Or,  tandis  qu'on 
n'a  longtemps  connu  que  les  radiations  lumineuses  du 
spectre  comprises  entre  0,4  {x  et  0,8  [x,  ces  limites  ont  été 
singulièrement  étendues  :  la  plus  courte  radiation  mesurée 
jusqu'ici  dans  l'ultra-violet,  grâce  aux  plaques  photogra- 
phiques, est  de  0,185  a;  la  plus  longue  ondulation  mesurée 
dans  r infra-rouge,  grâce  au  bolomètre,  est  de  30  [x.  Il  existe 
sans  aucun  doute  des  radiations  au  delà  de  la  longueur 
d'onde  30  [x,  mais  le  bolomètre  ne  suffit  plus  à  les  déceler. 
On  peut  penser  que,  si  l'on  avait  un  moyen  d'investigation 
plus  perfectionné,  le  spectre  pourrait  être  prolongé  dans 
l'infra-rouge,  et  qu'en  mesurant  des  radiations  calorifiques 
d'une  longueur  d'onde  de  plus  en  plus  grande,  on  finirait 
par  rejoindre  les  radiations  électriques  que  les  résonnateurs 
électriques  nous  révèlent  seuls  aujourd'hui.  S'il  y  a  identité 
entre  les  radiations  électriques  et  les  radiations  calorifiques, 
on  peut  espérer  arriver  à  produire  directement  de  la  lumière 
par  voie  électrique  et,  par  suite,  à  la  fabriquer  indépen- 
damment de  toute  élévation  de  température.  Que  faudrait-il 
pour  cela?  Jusqu'ici, on  n'est  pas  parvenu  à  faire  descendre 
la  longueur  d'onde  des  oscillations  électriques  au-dessous 
de  quelques  centimètres  :  si  l'on  réussissait  à  la  diminuer 
encore  de  manière  à  la  faire  descendre  au-dessous  de 
quelques  millièmes  de  millimètres,  on  obtiendrait  des  ondes 
agissant  sur  la  rétine.  Mais  il  faudrait  pour  cela  diminuer 
extrêmement  les  dimensions  des  excitateurs  et  même  vrai- 
semblablement les  réduire  à  la  dimension  d'une  molécule. 
Peut-être  est-ce  à  des  vibrations  de  cet  ordre  que  sont  dus 
les  phénomènes  de  la  fluorescence  et  de  la  phosphorescence 
que  nous  voyons  réalisés  dans  le  ver  luisant.  Le  jour  où 
l'on  découvrira  la  solution  de  ce  problème,  on  pourra  pro- 
duire des  spectres  d'émission  limités  à  la  partie  visible,  et 
le  problème  de  l'éclairage  artificiel  économique  sera  résolu. 

CoNDrnoNS  chimiques  de  l'éclairage.  —  Presque  tous 
les  systèmes  d'éclairage  employés  à  l'heure  actuelle  — 
bougies,  huiles  végétales,  huiles  minérales,  gaz,  arc  élec- 
trique —  produisent  la  lumière  au  moyen  de  la  combustion 
des  corps  :  seul  le  système  fondé  sur  l'incandescence  des 
lampes  électriques  dans  le  vide  a  recours  à  un  phénomène 
purement  physique.  Tous  les  autres  procédés  exigent  par 
conséquent  la  combinaison  d'un  comburant  et  d'un  com- 
bustible. Théoriquement,  beaucoup  de  substances  peuvent 
jouer  ces  rôles  ainsi  qu'en  font  foi  les  expériences  bien 
connues  dans  les  cours  de  chimie  sur  la  combustion  du 
phosphore,  du  fer,  des  sels  de  magnésium  ou  de  calcium 


ECLAIRAGE 

dans  l'oxygène,  de  l'antimoine  dans  le  chlore.  Mais,  dans  la 
pratique  industrielle,  le  corps  comburant  est  l'oxygène  de 
l'air  et  le  corps  combustible  le  carbone.  Les  combustions 
vives  peuvent  se  faire  soit  avec  flamme,  soit  sans  flamme. 
C'est  ainsi  que  le  soufre,  le  phosphore,  le  magnésium 
brûlent  dans  l'oxygène  avec  flamme,  tandis  que  le  charbon 
pur  et  le  fer  porte  au  rouge  y  brûlent  sans  flamme.  Chacun 
sait  que,  dans  une  cheminée,  la  combustion  de  la  houille  se 
fait  avec  flamme  et  celle  du  coke  sans  flamme.  Cette  diffé- 
rence tient  à  ce  que  la  flamme  est  toujours  un  gaz  ou 
une  vapeur  en  combustion.  Dès  lors,  les  corps  qui  ne  se 
réduisent  pas  en  vapeur  peuvent  bien  brûler  quand  on 
élève  suffisamment  leur  température,  mais  ils  brûlent  sans 
flamme,  comme  le  charbon  pur  et  les  métaux  non  volatils. 
Au  contraire,  les  corps  volatils,  comme  l'hydrogène,  le 
soufre,  le  magnésium,  le  zinc,  brûlent  avec  flamme  :  il  en 
est  de  même  des  corps  décomposables  en  produits  volatils. 
La  plupart  des  sources  lumineuses  employées  pour 
l'éclairage  brûlent  avec  flamme.  Tantôt  elles  affectent  na- 
turellement l'état  gazeux  :  tel  est  le  cas  du  gaz  d'éclairage; 
tantôt  elles  fournissent  par  leur  décomposition  et  dans 
l'acte  même  de  la  combustion  des  substances  gazeuses  qui 
deviennent  le  support  de  la  lumière  produite  :  tel  est  le  cas 
des  huiles  végétales,  du  pétrole,  des  résines,  du  bois,  de  la 
chandelle,  de  la  bougie,  etc. 

L'éclat  de  la  flamme  dépend  de  diverses  circonstances 
telles  que  la  pression,  la  présence  des  corps  soUdes,  la 
température,  etc. 

L'influence  de  la  pression  est  facile  à  constater.  La 
flamme  du  chalumeau  à  gaz  oxygène  et  hydrogène  qui  est 
peu  éclairante  quand  la  combustion  se  fait  à  la  pression 
atmosphérique,  devient  éclatante  quand  la  pression  est  de 
dix  atmosphères.  Une  ex[)érience  de  M.  Frankland  met  en 
évidence  le  même  fait;  six  bougies  furent  allumées  à  Cha- 
mounix  pendant  une  heure,  et  l'on  détermina  la  perte  de 
poids  qu'elles  avaient  subie  pendant  ce  temps.  Ces  mêmes 
bougies  furent  portées  au  sommet  du  mont  Blanc,  où  on  les 
fit  brûler  pendant  une  heure  sous  une  tente,  à  l'abri  du 
vent.  Les  flammes  étaient  petites  et  pâles,  et  cependant  la 
quantité  d'acide  stéarique  brûlée  fut  trouvée  la  même  dans 
les  deux  cas  :  ainsi  la  raréfaction  de  l'air  diminue  l'éclat 
de  la  flamme,  mais  non  l'énergie  de  la  combustion.  La 
compression  de  l'air  en  eflet  augmente  le  nombre  de  parti- 
cules actives  en  contact  avec  la  flamme  et  diminue  la  mo- 
bilité du  gaz  et  par  suite  l'enlèvement  des  couches  brûlées. 
La  flamme  de  l'alcool,  pâle  dans  l'air  ordinaire,  devient 
brillante  comme  celle  du  gaz  d'éclairage  si  l'on  augmente 
la  pression  de  l'air.  Elle  peut  même  devenir  fumeuse  dans 
l'air  encore  plus  comprimé.  Dans  ce  cas,  en  eflét,  par  suite 
de  la  diminution  de  mobilité  des  produits  de  la  combustion, 
l'oxygène  de  l'air  ambiant  ne  suflit  plus  à  la  combustion 
complète  du  carbone. 

La  présence  des  particules  solides  est  nécessaire  pour 
donner  de  l'éclat  à  une  flamme.  Les  gaz  qui  ne  renferment 
pas  de  corps  solides,  tels  que  l'hydrogène,  peuvent  être 
portés  à  une  température  très  haute,  capable  par  exemple 
de  fondre  le  platine,  sans  étnettre  autre  chose  qu'une  lueur 
à  peine  visible.  Mais  si,  dans  cette  flamme  obscure,  on 
introduit  une  spirale  de  platine,  de  la  chaux  vive,  de  la 
magnésie,  de  l'oxyde  de  zinc  en  poudre,  les  particules 
solides  portées  à  une  haute  température  émettent  aussitôt 
une  vive  lumière. 

Les  gaz  hydrocarbonés  que  l'on  retrouve  dans  la  plupart 
des  lumières  artificielles  deviennent  lumineux  par  suite  de 
la  précipitation  sous  forme  solide  d'une  partie  du  carbone 
qu'ils  renferment.  A  la  température  ordinaire,  le  carbone 
est  uni  avec  l'hydrogène  et  forme  le  composé  gazeux  ;  mais, 
au  moment  de  la  combustion,  deux  actions  déterminent  au 
sein  de  la  flamme  la  précipitation  du  carbone  :  d'une  part 
le  gaz  est  porté  à  une  haute  température  qui  détermine  sa 
décomposition  partielle  en  carbone  et  hydrogène;  d'autre 
part,  en  présence  d'une  quantité  d'oxygène  insulïisante, 
l'hydrogène  du  gaz  brûle  le  premier  et  le  carbone  se  sépare  : 


ÉCLAIRAGE 


—  332  — 


comme  l'hydrogène  en  brûlant  dégage  beaucoup  de  chaleur, 
le  carbone  est'  porté  à  l'incandescence  avant  de  brûler 
dans  les  parties  extérieures.  Pour  démontrer  l'existence 
du  carbone  libre  dans  ces  flammes,  il  suffît  de  les  couper 
avec  une  soucoupe  froide  :  celle-ci  se  recouvre  aussitôt  de 
noir  de  fumée. 

Si  une  insuffisance  de  carbone  enlève  de  son  éclat  à  la 
flamme,  il  en  est  de  même  d'un  excès  de  carbone  :  il  faut 
que  la  proportion  de  carbone  soit  assez  faible  pour  qu'il 
brûle  complètement  à  la  surface  extérieure  de  la  flamme. 
Si  la  proportion  de  carbone  est  trop  faible,  la  lumière  est 
pâle  :  la  flamme  de  l'oxyde  de  carbone  a  une  couleur  bleue 
due  vraisemblablement  à  des  traces  de  carbone  produites 
par  un  commencement  de  décomposition.  La  flamme  du  gaz 
des  marais  renferme  une  quantité  de  carbone  un  peu  plus 
forte,  mais  encore  trop  faible  :  elle  est  jaunâtre  et  peu 
éclairante.  Si,  au  contraire,  le  carbone  est  en  excès,  il  ne 
brûle  pas  complètement  à  la  surface  extérieure  de  la  flamme; 
une  certaine  proportion  échappe  à  la  combustion  et  s'inter- 
pose comme  un  brouillard  entre  l'œil  et  la  région  brillante 
de  la  flamme.  Celle-ci  perd  donc  de  son  éclat  et  produit  de 
plus  une  grande  quantité  de  rayons  rouges  émis  par  les 
particules  charbonneuses  au  moment  oti  elles  cessent  d'être 
lumineuses.  La  flamme  est  dite  fuligineuse.  On  observe  ces 
phénomènes  dans  la  combustion  de  la  benzine  ou  de  l'essence 
de  térébenthine,  des  torches  de  résine,  de  la  paille  hu- 
mide, etc.  —  Enfin  l'éclat  de  la  flamme  augmente  beaucoup 
avec  la  température  :  la  lumière  émise  parles  particules  incan- 
descentes est  beaucoup  plus  vive  dans  ce  cas.  Aussi  dans  les 
becs  de  gaz  perfectionnés  (bec  Siemens,  etc.)  utilise-t-on  la 
chaleur  de  combustion  du  gaz  pour  échauffer  le  gaz  com- 
bustible et  l'air  avant  qu'ils  arrivent  à  l'ouverture  du  bec. 

Appliquons  maintenant  les  notions  précédentes  aux  gaz 
qui  peuvent  servir  à  l'éclairage.  L'expérience  a  montré  que 
l'éclat  de  la  flamme  d'un  gaz  hydrocarbure  brûlant  au 
contact  de  l'air  est  lié  aux  circonstances  suivantes  : 

1«  Rapport  du  carbone  et  de  l'hydrogène  du  com- 
posé gazeux.  Si  l'hydrogène  domine,  comme  dans  le  gaz 
des  marais,  C^H^,  la  flamme  est  peu  éclairante  ;  si  le  car- 
bone l'emporte,  comme  dans  l'acétylène,  C^Il^,  ou  la  ben- 
zine, C^^H^,  la  flamme  est  fuligineuse.  Le  cas  le  plus 
favorable  est  celui  où  les  éléments  sont  en  proportions  à 
peu  près  équivalentes  :  comme  dans  le  gaz  oléfiant,  C^iï^. 

2«  Condensation  des  éléments  dans  les  composés 
gazeux.  Le  gaz  oléfiant,  C^H^  le  propylène,  C^H^,  et 
l'amylène,  C^^H^^  sont  formés  des  mêmes  éléments  unis 
dans  les  mêmes  proportions,  mais  avec  des  condensations 
différentes.  Tous  trois  donnent  des  flammes  éclairantes, 
mais  les  deux  dernières  sont  déjà  fuligineuses.  De  même  la 
flamme  de  l'alcool  méthylique,  C^H^lH^O^),  est  presque 
incolore:  celle  de  l'alcool  ordinaire,  C^H^CH^O^),  est  jau- 
nâtre; celle  de  l'éther,  C^H^lH^O"-),  est  très  brillante; 
celle  de  l'alcool  amylique,  C^oHi^(H202),  est  légèrement 
fuligineuse.  Il  résuhe  de  là  que  l'on  peut  corriger  les  pro- 
priétés fuligineuses  d'une  flamme  en  associant  le  composé 
qui  la  fournit  avec  un  corps  moins  carboné  qui,  employé 
seul,  donnerait  une  flamme  pâle.  Ainsi  la  flamme  de  l'hy- 
drogène est  incolore,  celle  de  la  benzine  fuhgineuse,  mais 
l'hydrogène  chargé  de  vapeur  de  benzine  brûle  avec  une 
flamme  blanche.  De  même  l'alcool  a  une  flamme  pâle, 
l'essence  de  térébenthine  une  flamme  fuligineuse;  leur  mé- 
lange donne  un  liquide,  autrefois  appelé  gaz  liquide,  dont 
la  flamme  est  très  éclairante.  Les  mêmes  remarques  s'appli- 
quent à  la  fabrication  du  gaz  d'éclairage  préparé  au  moyen 
de  la  distillation  de  la  houille.  Les  premiers  produits  obte- 
nus à  basse  température  (benzine,  acétylènç,  gaz  olé- 
fiant, etc.)  sont  riches  en  carbone,  très  éclairantset  même 
fuHgineux  ;  les  derniers  produits  (gaz  des  marais,  oxyde 
de  carbone,  hydrogène)  sont  très  peu  éclairants.  En  mé- 
langeant les  uns  aux  autres  dans  les  gazomètres,  on  obtient 
un  gaz  qui  éclaire  convenablement.  Si  les  premiers  pro- 
duits de  la  distillation  ne  sont  pas  assez  riches  en  carbone, 
on  leur  ajoute  les  produits  de  distillation  des  houilles  grasses 


ou  des  boghead,  schistes  qui  donnent  des  carbures  très 
éclairants. 

Enfin,  on  fait  varier  l'éclat  des  flammes  d'après  la  pro- 
portion d'air  avec  laquelle  on  les  mélange.  Cela  est  naturel, 
puisque  cet  air  détermine  la  combustion  plus  ou  moins 
complète  du  carbone  dans  la  flamme.  On  constate  qu'un 
gaz,  qui  brûlerait  avec  une  flamme  fuligineuse  dans  les 
conditions  ordinaires,  devient  très  éclairant  lorsqu'on  le 
mélange  avec  une  certaine  quantité  d'air;  si  l'on  augmente 
la  quantité  d'air,  la  flamme  devient  presque  incolore.  Cette 
influence  se  vérifie  facilement  avec  le  bec  imaginé  par 
M.  Bunsen  :  le  gaz  arrive  par  un  tube  vertical  conique;  ce 
tube  est  entouré  d'un  autre  tube  de  diamètre  plus  grand 
et  percé  à  la  hauteur  du  dégagement  du  gaz  de  deux  trous 
circulaires  pour  l'introduction  de  l'air.  Le  mélange  des 
deux  gaz  se  fait  ainsi  dans  le  tube  extérieur  et  vient  brûler 
à  l'orifice  supérieur.  Une  virole  qui  tourne  sur  le  tube  à 
frottement  doux  et  présente  des  ouvertures  de  même  dia- 
mètre que  les  trous,  règle  l'ouverture  de  ceux-ci  et  permet 
de  faire  varier  à  volonté  la  proportion  de  l'air.  Ce  mélange 
peut  être  fait  avant  la  combustion  comme  dans  le  bec  Bunsen. 
L'effet  d'un  excès  d'air  sur  le  gaz  d'éclairage  se  constate 
dans  les  illuminations  publiques;  poussé  par  le  vent, 
l'oxygène  pénètre  au  centre  de  la  flamme,  et  celle-ci,  de 
blanche  qu'elle  était,  devient  bleu  pâle.  On  opère  un  mé- 
lange analogue  en  chassant  un  courant  d'air  au  moyen  d'un 
ventilateur  à  travers  un  réservoir  rempli  de  carbures  d'hydro- 
gène très  volatils.  Ce  mélange,  s'il  est  bien  réglé,  peut 
donner  un  gaz  très  éclairant.  Diverses  lampes  à  huile  de 
schiste  sont  basées  sur  ce  principe  :  la  vapeur  de  l'huile 
échauffée  se  mélange  à  l'air  avant  la  combustion.  Mais  sou- 
vent la  vapeur  ou  le  gaz  combustible  n'est  pas  mêlé  d'avance 
à  l'air  ;  le  mélange  se  fait  au  moment  même  de  la  combus- 
tion. Pour  arriver  à  ce  résultat,  tantôt  on  force  le  tirage 
de  l'air  autour  de  la  flamme  à  l'aide  d'une  cheminée  de 
verre  assez  haute,  tantôt  on  donne  à  la  flamme  une  forme 
spéciale  destinée  à  augmenter  sa  surface  pour  une  même 
quantité  de  gaz  brûlé.  C'est  d'après  ces  principes  généraux 
que  sont  réglées  les  innombrables  dispositions  proposées 
pour  la  construction  des  becs  de  gaz,  des  lampes  à  huile, 
à  pétrole,  etc. 

Ces  notions  permettent  de  se  rendre  compte  de  l'aspect 
que  présentent  les  flammes  éclairantes.  Si  nous  prenons 
pour  type  la  flamme  d'une  bougie,  nous  voyons  qu'elle 
comprend  trois  régions  distinctes  :  une  région  intérieure 
et  sombre  a,  qui  entoure  la  mèche  et  où  la  température 
est  peu  élevée  ;  une  première  enve- 
loppe b,  très  brillante,  et  que  con- 
stitue la  partie  éclairante  de  la  bou- 
gie ;  enfin,  l'enveloppe  extérieure  c, 
mince,  peu  colorée,  jaune  vers  le 
haut,  bleue  vers  le  bas  en  dd\  C'est 
la  partie  la  plus  chaude.  Il  est  facile 
d'expliquer  cette  constitution  de  la 
flamme  ;  la  matière  fondue  monte 
par  capillarité  dans  la  mèche  ;  elle 
s'y  décompose  sous  l'influence  de  la 
chaleur  produite  par  les  parties  déjà 
en  combustion  ;  de  là  résultent  divers 
gaz  qui  forment  la  partie  obscure  a 
de  la  flamme  ;  ils  n'y  brûlent  pas 
faute  d'oxygène.  Dans  l'enveloppe  b, 
la  combustion  commence  :  l'hydro- 
gène brûle  d'abord  et  porte  à  l'in- 
candescence le  charbon  réduit  qui 

donne  son  éclat  à  la  flamme.  Enfin,  dans  l'enveloppe 
extérieure  c  où  il  y  a  excès  d'oxygène,  la  combustion  se 
complète  ;  la  chaleur  est  plus  grande  que  dans  la  région 
intermédiaire;  mais,  comme  il  n'y  a  pas  de  corps  solide, 
la  flamme  est  peu  iDrillante.  La  partie  inférieure  et  ex- 
terne dcf  est  bleue  ;  elle  résuhe  de  la  combustion  de  l'oxyde 
de  carbone  et  du  gaz  des  marais,  premiers  produits  de  dé- 
composition de  la'bougie  à  une  température  relativemen 


Constitution     d'une 
flamme  de  bougie. 


—  333  — 


ECLAIRAGE 


peu  élevée.  Si  l'air  en  contact  avec  la  flamme  n'est  pas 
suffisant  pour  fournir  l'oxygène  de  la  combustion,  la  flamme 
fume. 

La  flamme  du  gaz  et  celle  des  lampes  à  huile  offrent  la 
même  constitution.  On  en  augmente  l'éclat  en  les  faisant 
brûler  dans  des  becs  annulaires  à  double  courant  d'air  et 
à  cheminée  de  verre.  La  flamme  peut  être  assimilée  à  la 
réunion  d'une  série  de  flammes,  dont  les  mèches  juxtapo- 
sées formeraient  un  grand  anneau.  La  cheminée  de  verre 
qu'on  élève  ou  qu'on  abaisse  à  volonté  dans  les  lampes  à 
huile,  permet,  grâce  à  la  position  de  sa  partie  rétréciepar 
rapport  à  la  flamme,  de  régler  le  tirage.  Si  la  partie  rétré- 
cie  de  la  cheminée  est  descendue  au  niveau  de  la  mèche, 
le  tirage  est  très  actif  et  la  combustion  très  vive,  mais 
alors  les  gaz  brûlent  presque  au  sortir  de  la  mèche,  et  la 
flamme  est  peu  étendue  et,  par  suite,  peu  éclairante.  Si, 
au  contraire,  la  partie  rétrécie  de  la  cheminée  est  située 
trop  au-dessus  de  la  mèche,  le  cône  de  flamme  s'allonge, 
mais  l'activité  de  la  combustion  est  diminuée,  le  charbon 
n'est  plus  maintenu  à  l'incandescence  et  la  flamme  devient 
fumeuse.  Le  maximum  d'éclat  s'obtient  en  réglant  le  tirage 
de  manière  à  avoir  une  combinaison  complète  tout  en  obte- 
nant une  flamme  suffisamment  allongée. 

L'éclairage  avant  le  xix^  siècle.  —  Il  est  probable 
que,  dès  les  temps  les  plus  reculés,  les  hommes  ont  eu 
recours,  pour  s'éclairer,  à  la  combustion  de  broussailles 
et  de  bois.  V Odyssée  nous  montre  les  servantes  d'Ulysse 
jetant  des  morceaux  de  bois  dans  les  trois  brasiers  qui  éclai- 
raient la  salle  du  festin.  La  Bible  renferme  certains  détails 
sur  les  instruments  d'éclairage  destinés  au  culte.  De  ce 
nombre  est  le  célèbre  chandelier  à  sept  branches  que  Dieu 
commanda  à  Moïse  d'exécuter.  Le  chapitre  viii  du  Kvre  de 
Juda  fait  mention  de  lampes  que  Gédéon  fit  placer  dans  des 
bouteilles  vides  qu'il  donna  aux  Hébreux  pour  marcher 
contre  les  Madianites.  Les  uns  y  ont  vu  des  lanternes 
sourdes,  les  autres  des  espèces  de  grenades  incendiaires. 
L'éclairage  des  Grecs  nous  est  mieux  connu.  Athénée  a  con- 
sacré tout  un  chapitre  de  son  livre  à  retracer  le  progrès 
de  l'éclairage.  Les  convives  qui  dissertent  à  la  fin  du  ban- 
quet tombent  d'accord  que  les  premiers  flambeaux  furent 
de  simples  morceaux  de  bois  de  chêne,  fendus  en  allumettes 
et  trempés  dans  la  poix  résine  ou  dans  l'huile.  Plus  tard, 
on  distingua  deux  espèces  de  lanternes  :  lanternes  au  bout 
d'un  bâton,  sortes  de  phares  portatifs,  et  lanternes  de 
corne  montées  avec  de  la  baleine.  Les  Grecs  appelaient 
phanos  la  première  espèce  de  lanternes.  Quant  aux  se- 
condes, pour  en  prouver  l'usage.  Athénée  cite  quelques 
vers  fort  scabreux  de  Théodoride,  de  Syracuse  :  in  Cen- 
tauris,  et  du  poète  Alexis  :  in  Mydone.  Parmi  les  grandes 
solennités  grecques  figurait  la  Lampadophorie  qui  revenait 
trois  fois  dans  l'année  aux  fêtes  de  Minerve,  inventeur  des 
arts  ;  à  celles  de  Vulcain,  auteur  des  lampes  ;  à  celles  de 
Prométhée  qui  avait  ravi  le  feu  du  ciel.  Les  coureurs  se 
passaient  le  flambeau  de  main  en  main  jusqu'au  moment  où 
l'un  d'eux  réussissait  à  passer  le  but  avec  son  flambeau 
allumé.  Cette  tète  fut  de  bonne  heure  adoptée  par  les 
Romains.  C'est  à  cet  usage  que  fait  allusion  le  vers  célèbre 
de  Lucrèce  :  Et  quasi  cursores  vitai  lampada  tradunt. 
L'éclairage  des  rues  était  très  négligé  en  Grèce.  Les  an- 
ciens vivaient  au  grand  jour.  S'ils  prenaient  sur  leurs 
nuits,  c'était  plutôt  pour  s'adonner  à  la  débauche  que  pour 
se  Hvrer  au  travail.  La  lampe  d'Epictète  était  conservée 
comme  une  relique  rare.  Le  soir,  hormis  quelques  matelots 
attardés  dans  les  cabarets  du  Pnyx,  hormis  quelques  es- 
claves ou  quelques  Scythes  portiers  de  l'Aéropage,  nul  ne 
circulait  plus  dans  les  rues,  et  seuls,  les  fanaux  placés  au- 
dessus  des  portes  des  maisons  de  débauche  de  l'Agora,  ré- 
pandaient leur  lueur  vacillante  sur  la  cité  endormie . 

Longtemps  il  en  fut  de  même  à  Rome.  La  nuit,  la 
grande  clepsydre  du  Forum,  qui  marquait  les  heures,  était 
arrêtée,  et  toute  la  ville  sommeillait.  La  nuit  commençait 
après  le  coucher  du  soleil  et  avait  les  subdivisions  sui- 
vantes :  vesper^  la  chute  du  jour  ;  crepusculum,  le  cré- 


puscule; prima  fax,  la  première  torche,  c.-à-d.  l'heure 
où  les  premières  torches  apparaissaient  dans  les  rues  pour 
éclairer  les  litières  des  riches  ;  corticinium,  le  silence  ; 
concubitum,  le  moment  où  chacun  est  couché  ;  gallici^ 
7îium,  le  chant  du  coq  ;  matutinum^  le  matin.  Les  rues 
mal  famées  étaient  seules  éclairées  :  la  voie  Suburane, 
repaire  des  courtisanes  de  bas  étage  qui  se  tenaient  assises 
sur  des  chaises  hautes,  devant  des  maisons  illuminées  de 
petites  lampes  ;  le  vicus  Patricius,  sur  le  mont  Esquilin  ; 
les  arcades  du  cirque  Maxime,  asiles  habituels  de  la  pros- 
titution. 

Les  voyageurs  s'éclairaient,  dans  les  campagnes,  avec 
des  bottes  d'écorces,  des  brins  d'épine  blanche,  de  genêt, 
de  pin  ou  de  coudrier.  Varron  blâme  cet  usage,  car  sou- 
vent les  voyageurs,  en  jetant  leurs  torches,  allumaient  de 
terribles  incendies  dans  les  forêts  ou  les  moissons.  Peu  à 
peu,  la  lanterne  se  substitua  à  la  torche  dans  les  villes. 
Les  riches  faisaient  porter  leur  lanterne  par  un  esclave  ap- 
pelé lanternarius;  les  simples  citoyens  attachaient  la  leur 
à  leur  ceinture.  Selon  Pline,  ces  lanternes  étaient  généra- 
lement faites  avec  de  minces  lamelles  de  corne  ou  avec  des 
vessies  ;  les  plus  modestes  étaient  fabriquées  avec  des  mor- 
ceaux de  toile  de  lin  trempés  dans  l'huile.  Certaines  villes 
d'Orient  semblent  avoir  été  mieux  éclairées.  Ammien  Mar- 
cellin  nous  dit  que  la  ville  d'Antioche  était  éclairée  par 
une  telle  profusion  de  lumières  que  leur  éclat  rivalisait  avec 
la  splendeur  du  jour,  mais  il  ne  donne  pas  de  détails  précis 
sur  cet  éclairage.  Saint  Jérôme  est  plus  explicite  ;  mais  il 
nous  montre  qu'il  faut  beaucoup  en  rabattre  des  hyper- 
boles d'Ammien.  Cet  éclairage  consistait  simplement  en 
grands  feux  de  bois  allumés  dans  les  carrefours,  à  la  lueur 
desquels  les  oisifs  se  rassemblaient.  Citons  encore  Libanius 
qui  rapporte  que  quelques  séditieux  coupèrent  la  corde 
d'une  lampe  placée  près  d'une  maison  de  bains  ;  mais  on 
sait  que  les  bains  étaient  des  lieux  de  prostitution  et  que 
ceux-ci  se  reconnaissaient  dans  la  nuit  au  falot  suspendu 
devant  la  porte. 

Il  n'y  avait  donc  pas  d'éclairage  régulier  chez  les  Ro- 
mains ;  par  contre,  dans  de  nombreuses  occasions,  les  rues 
étaient  illuminées  la  nuit  ;  lors  des  fêtes,  on  allumait  des 
feux  de  joie  dans  les  carrefours  ;  c'est  dans  un  de  ces  feux 
de  joie,  sur  la  place  Trajane,  que  l'empereur  Adrien  brûla 
toutes  ses  créances  sur  les  provinces,  créances  s'élevant  à 
une  somme  représentant  plus  de  cent  trente  millions  de  francs 
de  notre  monnaie.  Pour  célébrer  la  naissance  des  princes, 
les  Romains  plaçaient  sur  leurs  fenêtres  de  petites  lampes 
remplies  de  graisse  ou  d'huile,  sortes  de  lampions  analogues 
à  ceux  avec  lesquels  nous  illuminons  aujourd'hui.  Les  juifs 
qui  se  trouvaient  en  Italie  avaient  la  même  coutume.  «  Les 
jours  où  les  circoncis  célèbrent  Pavènement  au  trône  d'Hé- 
rode,  dit  Perse,  des  lampions  ornés  de  violettes  et  disposés 
avec  ordre  aux  fenêtres,  répandent  dans  l'air  un  nuage 
épais  de  fumée.  »  Caligula,  le  premier,  fit  illuminer  toute 
la  ville  et  donna  des  jeux  à  la  fois  diurnes  et  nocturnes. 
Tacite  nous  apprend  que  ce  luxe,  renouvelé  souvent  par 
Néron  et  ses  successeurs,  était  blâmé  des  vieux  Romains, 
se  plaignant  «  qu'aucun  asile  ne  restât  à  la  pudeur  ». 

Dans  leurs  maisons,  les  Romains  se  servaient  de  lampes 
de  divers  modèles.  La  plus  simple  consistait  en  un  récipient 
rempli  d'huile  où  plongeait  une  mèche.  Souvent  la  lampe 
avait  plusieurs  becs.  Ces  lampes,  dont  un  certain  nombre 
ont  été  retrouvées  à  Pompéi  et  figurent  au  musée  deNaples, 
étaient  parfois  de  véritables  objets  d'art  représentant  tan- 
tôt le  cygne,  oiseau  d'heureux  présage,  tantôt  la  chauve- 
souris,  symbole  de  la  nuit,  tantôt  une  souris  léchant 
l'huile,  etc.  Les  lampes  chrétiennes  étaient  ornées  d'em- 
blèmes religieux  :  colombe  de  Noé,  etc.  Ces  lampes  étaient 
en  argile,  en  fer,  en  marbre,  en  verre  ou  en  bronze.  Pour 
éclairer  les  grandes  salles,  on  avait  recours  à  des  grands 
candélabres  représentant  des  arbres  desséchés  avec  des 
branches  dépouillées  soutenant  des  lampes  d'airain,  des 
serpents,  des  statues  dorées  (V.  Candélabre). 

Plus  tard,  la  religion  chrétienne  déploya  un  grand  luxe 


ÉCLAIRAGE 


-  334 


dans  l'éclairage  des  églises.  Sur  l'autel  était  placée  une 
veilleuse  qui  ne  s'éteignait  jamais,  afin  de  marquer  la  pré- 
sence de  Dieu  sur  l'autel.  Un  règlement  d'Aldéric,  évêque 
du  Mans,  prescrit  de  conserver  chaque  nuit  dans  la  cathé- 
drale quinze  lumières,  dix  d'huile  et  cinq  de  cire.  Le  di- 
manche, on  en  allumait  trente-cinq  ;  pendant  les  grandes 
fêtes,  deux  cents.  Les  seigneurs  donnaient  souvent  aux 
éghses  de  grands  appareils  d'éclairage  en  forme  de  croix  ou 
-de  couronnes  (Y.  ce  mot),  destinés  à  porter  des  chande- 
liers et  des  cierges.  Les  couronnes  de  Ilildesheim,  de  Reims, 
de  Toul,  de  Bayeux  étaient  célèbres  par  leur  beauté.  La 
couronne  de  bronze  d'Aix-la-Chapelle  subsiste  encore  :  elle 
est  de  forme  octogone  et  ornée  de  statuettes  d'argent.  Cer- 
taines couronnes  portaient  au  centre  une  lampe  et  sur  la 
circonférence  douze  godets  ;  la  lampe  symbolisait  le  Christ, 
et  les  godets  les  douze  apôtres.  Les  malades,  les  pécheurs 
offraient  aux  saints  des  gros  cierges.  Pendant  une  disette 
de  blés  au  xiv^  siècle,  le  prévôt  des  marchands  de  Paris 
décida  de  placer  devant  la  statue  de  la  Vierge  un  cierge 
unique  ayant  la  même  longueur  que  l'enceinte  de  Paris  et 
brûlant  nuit  et  jour. 

Quant  à  l'éclairage  privé,  il  consistait  toujours  en  torches 
ou  flambeaux  de  cire.  On  les  laissait  souvent  brûler  pen- 
dant la  nuit,  ainsi  qu'il  résulte  de  deux  romans  de  chevalerie 
cités  par  Lacurne  de  Sainte-Palaye.  Dans  l'un  d'eux,  un 
des  personnages  crie  si  haut  qu'une  autre  personne  couchée 
en  sa  chambre  s'éveille  et,  approchant  le  mortier  de  cire 
qui  brûlait,  vient  lui  demander  s'il  se  trouve  mal.  Le  second 
roman  parle  de  torches  fixées  aux  quatre  coins  de  la  salle 
pour  l'éclairer.  Dans  les  fêtes,  on  faisait  éclairer  les  salles 
par  des  varlets  porteurs  de  torches  :  c'est  ainsi  qu'eut  lieu 
le  terrible  accident  du  bal  des  Ardents,  où  des  gentilshommes 
déguisés  en  sauvages  et  couverts  d'étoupe  prirent  feu  par 
suite  de  l'imprudence  des  varlets,  qui  avaient  trop  approché 
leurs  lumières  des  costumes.  A  la  suite  de  la  grande  frayeur 
qu'eut  le  roi,  il  perdit  irrémédiablement  la  raison.  Un  peu 
plus  tard,  on  remplace  ces  varlets  qui  tenaient  une  torche 
à  la  main  par  des  chandehers  ayant  des  formes  humaines. 
Ces  chandeliers  représentent  souvent  des  hommes  velus  ou 
sauvages.  Nous  possédons  de  beaux  spécimens  de  chande- 
liers, datant  du  xii*^  siècle,  en  cuivre  fondu  et  en  bronze. 
Ils  étaient  connus  sous  le  nom  de  chandeliers  de  dinanderie, 
car  ils  venaient  principalement  de  Dinant.  Ils  portaient  sou- 
vent une  anse  qui  permettait  de  les  manier,  ce  qui  prouve 
qu'ils  remplissaient  l'ofiice  de  nos  bougeoirs.  On  se  servait 
aussi  de  petits  bougeoirs  à  main  en  forme  de  pelles  pour 
s'éclairer  dans  les  habitations  ;  on  y  brûlait  également  des 
parfums.  Au  dehors,  on  se  servait  parfois  d'un  crasset,  petite 
veilleuse  de  nuit,  ou  d'une  esconce,  mais  plus  souvent  d'une 
lanterne.  L'esconce  était  une  sorte  de  bougeoir  en  métal 
portant  une  chandelle  couverte  et  garantie  du  vent  ;  un 
manche  en  bois  permettait  de  le  tenir  à  la  main.  Cet  ins- 
trument servait  à  éclairer  en  plein  air  pendant  quelques 
instants  :  on  l'employait,  par  exemple,  à  traverser  la  cour 
d'un  château.  Le  plus  souvent,  on  employait  des  lanternes 
que  l'on  portait  au  bout  d'une  chaîne.  Celles-ci  étaient  des 
objets  de  luxe  :  munies  de  petites  vitres  de  corne  qui  pré- 
servaient du  vent  la  lumière,  elles  étaient  souvent  en  or  ou 
en  argent.  Beaucoup  de  celles  qu'on  mentionne  dans  les 
inventaires  étaient  des  joyaux  que  les  femmes  portaient  à 
leur  ceinture  et  oii  elles  mettaient  des  parfums  appelés 
oyselets  de  Chypre  :  petites  boules  en  forme  d'oiseaux  que 
l'on  crevait  et  qui  se  répandaient  en  poudre  odorante.  Les 
lanterniers  formaient  une  corporation  à  part,  parfois  réunie 
à  celle  des  peigniers.  Etienne  Boileau  explique  les  règles  aux- 
quelles ils  étaient  soumis  dans  son  livre  Des  Métiers. 

Quant  aux  lampes,  elles  restèrent  longtemps  fort  gros- 
sières :  elles  consistaient  toujours  en  un  récipient  rond  ou 
carré  percé  de  deux  trous  dont  l'un  servait  à  verser  l'huile 
et  dont  l'autre  livrait  passage  à  la  mèche.  Un  médecin, 
nommé  Cardan,  connu  par  diverses  inventions  mécaniques, 
inventa  un  type  de  lampe  à  laquelle  il  a  donné  son  nom.  On 
en  trouve  la  description  dans  le  Dictionnaire  de  Trévoux, 


au  xviii^  siècle,  époque  où  ces  lampes  se  vulgarisèrent. 
«  Cette  lampe  se  fournit  elle-même  son  huile  ;  c'est  une 
petite  colonne  de  cuivre  ou  de  verre  bien  bouchée  partout, 
à  la  réserve  d'un  petit  trou  par  en  bas,  au  milieu  d'un 
goulot  où  se  met  la  mèche,  car  l'huile  ne  peut  sortir  qu'à 
mesure  qu'elle  se  consume  et  qu'elle  fait  découvrir  cette 
petite  ouverture.  Depuis  vingt  ou  trente  ans,  ces  espèces 
de  lampes  sont  devenues  d'un  très  grand  usage  parmi  les 
gens  d'études  et  les  religieux.  »  Cette  lampe  était  montée 
sur  un  pivot  et  il  suffisait  de  la  pencher  pour  faire  affluer 
l'huile  en  plus  grande  quantité  jusqu'à  la  mèche. 

D'autres  avaient  un  récipient  de  verre  gradué  qui  mar- 
quait le  temps  par  l'abaissement  régulier  de  l'huile  dans  le 
réservoir.  On  en  trouve  de  ce  modèle  au  musée  de  Cluny  et 
dans  différentes  collections  particulières.  On  y  brûlait  des 
huiles  odoriférantes. 

L'éclairage  public  au  moyen  âge  et  au  début  des  temps 
modernes  était  à  peu  près  nul.  A  l'heure  où  les  cloches  de 
Saint-Merry  ou  bien  celles  de  la  Sorbonne  ont  annoncé 
VAngekis  du  soir  et  donné  le  signal  du  couvre-feu,  tout 
rentre  dans  l'obscurité.  Les  boutiques  se  ferment,  les 
lumières  disparaissent.  Moins  favorisés  qu'à  Athènes  ou  à 
Rome,  les  heux  mêmes  de  prostitution  doivent  avoir  portes 
closes  au  son  de  la  cloche  de  Notre-Dame.  Les  rues  boueuses 
et  mal  pavées  appartiennent  à  partir  de  ce  moment  aux 
détrousseurs  et  aux  bandits  qui,  dans  l'ombre,  passent  sou- 
vent de  longues  heures  en  guettant  une  proie  qui  ne  vient 
pas.  En  fait  de  lanternes,  on  ne  connaissait  que  celles  qui 
se  tenaient  à  la  main  :  celles  qu'on  suspend  le  long  des 
murs  n'existaient  qu'en  peinture.  Les  noms  des  rues  de  la 
Vieille-Lanterne,  de  la  Lanterne-en-la-Cité,  de  la  Lanterne- 
des-Arcis  viennent  de  lanternes  peintes  en  forme  d'enseignes. 
La  lanterne  de  la  Pierre-au-let  dont  parle  Villon  n'était  pas 
d'autre  nature  et  c'est  par  moquerie  qu'il  y  renvoie  les 
bourgeois. 

Quelques  rares  lueurs  brillent  pourtant  dans  les  rues  :  ce 
sont  celles  qui  sont  dues  à  la  sollicitude  de  la  religion.  Au 
sommet  de  la  haute  tour,  jadis  perdue  dans  le  bois  des 
Champeaux,  et  restée  debout  dans  cet  espace  quand  il  est 
devenu  le  terrain  des  Halles ,  on  place  un  fanal  qui  brûle 
toute  la  nuit.  Aux  angles  des  carrefours,  on  allume  de^^ant 
les  madones  chaque  nuit  une  chandelle  dans  les  quartiers 
pauvres,  une  lampe  dans  les  quartiers  riches.  De  semblables 
lumières  brûlent  devant  les  ex-voto  élevés  par  des  criminels 
repentants,  sur  l'ordre  du  prêtre,  à  l'endroit  même  du 
crime.  Dans  la  rue  aux  Ours,  on  trouvait  Vex-voto  du  Suisse 
impie  et  iconoclaste,  et  dans  la  rue  Barbette  (aujourd'hui 
rue  Vieille-du-Temple)  brûlait  la  lampe  que  Brûlart,  un  des 
assassins  du  duc  d'Orléans,  avait  fait  vœu  d'entretenir  per- 
pétuellement en  l'honneur  de  la  Vierge.  Sous  François  P^ 
la  lampe  du  repentir  brillait  toujours.  Le  roi  galant  s'en 
trouva  fort  mal.  La  clarté  de  la  lampe  de  Brûlart  le  trahit 
un  soir  qu'il  se  glissait  chez  la  belle  Ferronnière.  Le  mari 
l'aperçut  :  on  sait  quelle  fut  la  vengeance.  Outre  les  lampes 
des  ex-voto,  diverses  confréries  allumaient  des  chandelles 
devant  l'image  de  leurs  patrons.  Certaines  villes  de  province 
ne  s'éclairaient  pas  autrement.  Les  statuts  de  la  confrérie 
des  bouchers  de  Bayeux,  en  1431 ,  font  voir  que  la  corpo- 
ration était  tenue  de  maintenir,  chaque  nuit ,  une  lampe 
d'huile  allumée  au  portail  de  l'église  Saint-Martin.  C'est  là 
que  les  valets  de  la  confrérie  devaient  venir  se  ranger,  c'est 
là  qu'on  les  louait. 

Le  spectacle  de  Paris  était  des  plus  curieux  à  la  chute  du 
jour.  M.  Fournier,  dans  son  spirituel  opuscule  sur  les  lan- 
ternes, en  a  tracé  un  tableau  pittoresque.  Voici  d'abord  les 
petits  marchands  qui  courent  les  rues,  criant  les  uns  leurs 
pâtisseries  ou  oubhes,  les  autres  la  chandelle  étagée  sur 
leurs  éventaires 

Qui  plus  ard  cler  que  nule  estoile. 
Mais  en  4720  on  interdisit  les  courses  des  oublieurs^  car 
à  l'époque  où  la  bande  de  Cartouche  commit  ses  méfaits, 
quelques  oublieurs  furent  assassinés,  et  les  brigands  prirent 
leurs  déguisements  pour  faire  de  mauvais  coups.  Voici  encore 


—  835  — 


ECLAIRAGE 


le  clocheteur  des  trépassés,  le  lugubre  moine  des  pénitents, 
qui  s'avance,  la  robe  parsemée  de  têtes  de  morts  et  d'osse- 
ments en  croix,  avec  sa  clochette  au  glas  sinistre  et  sa 
psalmodie  lamentable  : 

Réveillez-vous,  gens  qui  dormez 
Priez  Dieu  pour  les  trépassés  1 

Au  xvii^  siècle,  Saint-Arnaud  poursuivra  de  ses  impréca- 
tions ce  messager  de  deuil.  Puis  c'est  le  prêtre  de  Notre- 
Dame  ou  de  Saint-Gervais  qui  s'en  va  porter,  à  la  lueur  des 
flambeaux,  l'hostie  et  les  sacrements  suprêmes  à  un  mou- 
rant. C'est  encore,  se  mêlant  au  bruit  de  la  clochette,  qui 
annonce  une  mort  pieuse,  les  cris  et  les  cliquetis  d'épées, 
qui  annoncent  plus  loin  une  mort  violente  ;  la  plainte 
étouffée  de  quelque  malheureux  frappé  dans  l'ombre  ;  le 
fracas  d'une  fenêtre  qui  s'ouvre  et  qui  se  referme,  après  que 
le  bruit  d'un  corps  qui  tombe  est  venu  retentir  au  milieu 
de  quelque  flaque  fangeuse.  A  d'autres  moments  c'est  la 
venue  plus  rassurante  des  archers  du  guet  s'avançant  à 
grand  fracas  de  hallebardes  et  à  grand  attirail  de  flambeaux. 
Plus  d'une  fois  cependant,  au  cours  de  ces  époques  trou- 
blées, on  résolut  de  parer  aux  périls  de  la  nuit.  Quand 
éclata  la  guerre  du  Bien  pubhc,  Louis  XI  fit  ordonner  aux 
habitants  de  Paris  par  le  prévôt  «  d'avoir  armures  dans 
leurs  maisons ,  de  faire  le  guet  dessus  les  murailles  et  de 
mettre  ilambeaux  ardents  et  lanternes  aux  carrefours  des 
rues  et  fenêtres  des  maisons  ».  Mais  cette  ordonnance  ne 
semble  pas  avoir  produit  grand  effet,  si  bien  qu'après  le 
combat  de  Montlhéry,  les  marchands  décidèrent  que  l'on 
allumerait  la  nuit  de  grands  feux  dans  les  carrefours  et  que 
chacun,  dans  son  quartier,  ferait  le  guet  en  armes.  Les 
guerres  incessantes  qui  eurent  Heu  sous  François  P*"  gros- 
sirent le  nombre  des  aventuriers  sans  solde  réunis  à  Paris. 
En  15"24,  le  guet  n'ose  plus  sortir,  la  garde  assise  craignant 
d'être  égorgée  dans  ses  postes  refuse  de  faire  son  service. 
Alors,  le  roi  étant  au  delà  des  monts,  le  Parlement  se 
décide  à  prendre  des  mesures  et  rend  un  arrêt  à  la  date  du 
47  juin  ^.524.  Cet  arrêt  vise  à  la  fois  les  incendies  et  les 
vols  :  «  La  cour  ordonne  et  enjoint  derechef  à  tous  les  ma- 
nants et  habitants  de  cette  ville,  privilégiés  et  non  privilé- 
giés, que,  chaque  jour,  ils  auront  à  faire  le  guet  de  nuit.  Et, 
outre  icelles,  qu'ils  aient  à  mettre  à  neuf  heures  du  soir  à 
leur  fenêtre  sur  la  rue  une  lanterne  garnie  d'une  chandelle 
allumée.  »  Les  années  suivantes,  on  retrouve  une  série 
d'ordonnances  et  d'arrêts  analogues.  En  loo3,  le  prévôt  des 
marchands,  indigné  des  placards  injurieux  imprimés  contre 
lui  et  collés  aux  murs,  à  la  faveur  de  l'obscurité,  donne  au 
lieutenant  criminel  l'ordre  de  faire  placer  des  lanternes  aux 
fenêtres,  mais  sa  colère  ne  peut  rien  contre  l'inertie  des 
habitants.  Enfin,  le  29  oct.  4558,  le  Parlement  arrête  que, 
pour  se  défendre  des  larrons,  voleurs,  effracteurs  de  portes 
et  d'huis,  il  y  aura  au  coin  de  chaque  rue,  de  dix  heures 
du  soir  à  quatre  heures  du  matin,  un  falot  allumé  ;  l'arrêt 
ajoute  que  «  où  lesdites  rues  seront  si  longues  que  ledit 
falot  ne  puisse  éclairer  d'un  bout  à  l'autre,  il  en  sera  mis 
un  au  milieu  desdites  rues  ».  L'ordonnance  criée  dans  les 
rues  à  son  de  trompe  et  affichée  dans  les  carrefours  est  le 
premier  arrêt  sérieux  rendu  en  la  matière.  Peu  de  jours 
après,  les  falots  furent  remplacés  par  les  lanternes.  Celles- 
ci  consistaient  en  forts  poteaux  de  bois  munis  d'échelons  qui 
permettaient  de  monter  jusqu'aux  bras  de  potence,  placés  au 
sommet  à  angle  droit.  Au  bout  de  ces  bras  pendaient  de 
lourds  pots  de  fer  remplis  de  résine  et  d'étoupes  auxquelles 
on  mettait  le  feu  sitôt  la  nuit  tombée.  La  flamme  rougeàtre 
et  fumeuse  de  ces  lanternes  primitives,  constituait  un  sérieux 
progrès  sur  l'obscurité  des  siècles  passés.  Par  malheur, 
l'argent  fit  défaut  pour  exécuter  complètement  le  règle- 
ment :  l'arrêt  portait  que  les  lanternes  seraient  exécutées 
aux  trais  du  peuple.  On  commanda  les  premières  lanternes,  et 
les  lanterniers  les  eurent  bientôt  achevées,  mais,  lorsqu'il 
s'agit  de  payer,  les  habitants  se  déclarèrent  trop  pauvres, 
et  le  Parlement,  sous  prétexte  de  réparer  le  mal,  fit  vendre 
aux  enchères  les  lanternes  et  les  potences  pour  en  distri- 
buer le  prix  aux  ouvriers  qui  les  avaient  faites  ;  l'éclairage 


fut  d'abord  plus  théorique  que  réel.  Mais  le  Parlement  ne 
se  découragea  pas  et  parvint  à  organiser  tant  bien  que  mal 
l'éclairage.  Les  bourgeois  de  Paris  ayant  réclamé  contre  la 
brièveté  du  temps  d'éclairage  fixé  à  quatre  mois  seulement, 
on  décida  le  23  mai  4562  que  les  lanternes  seraient  allu- 
mées pendant  cinq  mois  et  dix  jours.  «  Le  lieutenant  de 
police  a  représenté  que,  depuis  quatre  années,  les  rues  de 
cette  ville  de  Paris  ayant  été  éclairées  la  nuit  pendant  quatre 
mois  des  hivers  passés,  les  habitants  y  avaient  trouvé  une 
telle  commodité,  que  toutes  les  fois  qu'elle  a  cessé,  ils 
n'avaient  pu  s'empêcher  de  lui  en  porter  leurs  plaintes,  et 
quelques  personnes  malintentionnées  ayant  cette  année  dans 
les  premières  nuits  de  mars,  entrepris  de  troubler  la  tran- 
quillité publique,  ce  désordre  avait  excité  de  nouvelles  plaintes 
et  obligé  plusieurs  bourgeois  de  demander  avec  beaucoup 
d'insistance  que  les  rues  fussent  éclairées  plus  longtemps, 
avec  offre  de  fournir  à  la  dépense  qui  serait  nécessaire.  » 

Cet  état  de  choses,  encore  si  imparfait,  allait  changer  sous 
Louis  XIV.  Dès  les  premières  années  du  grand  règne,  les 
fêtes  et  les  illuminations  qui  en  étaient  un  des  attraits 
commencèrent  à  dissiper  les  ombres.  Les  seigneurs  placent 
en  dehors  de  leurs  hôtels  des  flambeaux  énormes  de  cire 
blanche  sur  des  chandeliers  de  cuivre  ;  les  bourgeois  sus- 
pendent à  leurs  fenêtres  des  lanternes  vénitiennes.  Quel- 
ques nobles  même  ne  dédaignent  pas  ce  mode  d'éclairage 
qui  leur  permet  d'étaler  leurs  armoiries  en  transparent. 

Les  divers  ustensiles  d'éclairage  jouaient  un  rôle  impor- 
tant dans  le  cérémonial  de  la  cour.  Le  roi  seul  avait  droit 
à  un  bougeoir  à  deux  bobèches  et  deux  bougies  ;  le  fait  de 
porter  le  bougeoir  au  coucher  du  roi  était  une  faveur  fort 
recherchée.  Au  grand  coucher  du  roi,  l'aumônier  de  service 
tenait  le  bougeoir  pendant  que  le  roi  faisait  sa  prière,  puis, 
au  petit  coucher,  le  premier  gentilhomme  demandait  au  sou- 
verain à  qui  il  voulait  faire  l'honneur  de  confier  le  bougeoir  : 
celui-ci  désignait  souvent  un  étranger  de  distinction.  Au 
mariage  des  princes  du  sang,  le  mari  de  la  dame  d'honneur 
portait  le  bougeoir  lorsque  l'on  mettait  au  ht  les  nouveaux 
mariés.  Les  cierges  de  cire  blanche  n'étaient  pas  seuls 
employés,  même  dans  les  maisons  des  seigneurs  et  dans  les 
palais.  On  se  servait  également  de  vulgaires  chandelles  de 
suif  placées  dans  des  chandeliers  de  boîs  ainsi  qu'il  résulte 
d'une  anecdote  contée  par  Tallemant  :  «  A  la  fin  d'un  bal 
une  jeune  fille  voulant  éclairer  le  roi  à  sa  sortie  monta  sur 
un  siège  pour  prendre  un  bout  de  chandelle  de  suif  dans  un  • 
chandelier  de  bois  avec  une  si  bonne  grâce  qu'il  en  devint 
amoureux.  » 

Les  lanternes  à  main  étaient  employées  pour  s'éclairer 
dans  les  rues  ;  elles  étaient  en  papier  ou  en  toile  et  ren- 
traient dans  une  petite  boîte  ronde  qui  servait  de  fond  et 
au  centre  de  laquelle  était  la  bougie.  Le  couvercle,  dont  une 
partie  était  mobile,  servait  de  poignée.  On  voit  qu'elles 
ressemblaient  assez  à  ce  que  nous  appelons  les  lanternes 
vénitiennes.  Les  pauvres  qui  ne  possédaient  pas  de  lanternes 
plaçaient  simplement  une  chandelle  au  fond  d'un  cornet  de 
papier  qu'ils  roulaient  autour  pour  préserver  du  vent  la 
lumière.  Cet  usage  fut  même  prescrit  par  quelques  anglicans 
dans  un  but  rehgieux.  Le  lord-maire  de  Londres,  Humphrey 
Edwin,  se  mit  en  tête  de  faire  toutes  les  lanternes  publiques 
et  particulières  avec  des  feuilles  de  vieilles  bibles  de  Genève, 
afin  d'accomplir  à  la  lettre  le  texte  de  la  Genèse  :  «  Ta 
parole  est  une  lanterne  à  mes  pieds.  » 

C'est  vers  cette  époque  qu'un  abbé,  du  nom  de  Laudati, 
eut  l'idée  de  créer  une  compagnie  de  porte-lanternes  qui 
éclaireraient  les  habitants  pour  un  prix  convenu.  En  mai 
4665,  il  obtint  un  privilège  pour  une  durée  de  vingt  années. 
Des  postes  de  porte-lanternes  devaient  être  étabhs  de  trois 
cents  pas  en  trois  cents  pas,  et  chacun  d'eux  était  indiqué 
par  une  lanterne  peinte  ;  le  prix  de  l'éclairage  était  de  cinq 
sous  le  quart  d'heure,  pour  les  gens  qui  se  faisaient  éclairer 
dans  leur  carrosse,  et  trois  sous  pour  les  simples  piétons.  Afin 
de  marquer  le  temps,  chaque  lanternier  portait  à  sa  ceinture 
un  sabher  sur  lesquelles  se  trouvaient  les  armes  de  la  ville. 
Le  succès  de  l'abbé  de  Laudati  décida  enfin  l'établissement 


ÉCLAIRAGE  —  336  — 

d'un  éclairage  public  sérieux.  A  la  fin  de  1666,1e  roi  créa 
la  charge  de  lieutenant  de  police  et  y  nomma  La  Reynie. 
Celui-ci  se  signala  immédiatement  par  son  zèle  et  ses 
innovations.  Quelques  mois  après  sa  nomination,  il  rendit 
un  édit  (mars  1667)  pour  établir  des  lanternes  publiques. 
Une  gravure  du  temps  nous  fait  assister  à  l'allumage  des 
lanternes.  Le  sonneur  passe  avec  sa  clochette,  tandis  qu'un 
homme  détache  la  corde  qui  retient  la  lanterne  à  la  muraille 
et  la  fait  descendre  :  une  servante  qui  se  trouve  au  pied  de 
l'appareil,  place  une  chandelle  allumée  dans  la  lanterne,  qui 
a  la  forme  d'un  gros  baril.  Sous  la  gravure  on  lit  ce  qua- 
train : 

La  sonnette  a  sonné, 
Abaisse  ta  lanterne  ; 

Quoique  1  usage  en  soit  moderne 

Il  n'en  est  pas  moins  estimé. 

On  plaçait  une  lanterne  aux  deux  bouts  et  une  au  milieu 
de  chaque  rue.  En  outre,  on  avait  jugé  que  Féclairage  ne 
devait  exister  que  pendant  l'hiver,  les  nuits  d'été  semblaient 
trop  courtes  et  trop  claires  pour  avoir  besoin  d'un  tel  luxe. 

Le  roi  fut  enchanté  de  ses  lanternes  et  se  fit  frapper  des 
médailles  avec  des  inscriptions  un  peu  pompeuses,  telles 
que  :  Providentia  optimi  principis  et  urbis  securitas  et 
nitor.  Les  étrangers  admirèrent  fort  cet  éclairage. 

L'Anglais  Lister,  dans  la  relation  de  son  voyage  fait  en 
1698,  justifie  son  admiration  par  des  détails  précis  :  «  Les 
lanternes  sont  suspendues  au  milieu  de  la  rue  à  une  hauteur 
de  vingt  pieds  et  à  vingt  pas  de  distance  l'une  de  l'autre. 
Le  luminaire  est  enfermé  dans  une  cage  de  verre  de  deux  pieds 
de  haut,  couverte  d'une  plaque  de  fer,  et  la  corde  qui  les 
soutient,  attachée  à  une  barre  de  fer ,  glisse  de  sa  poulie 
dans  une  coulisse  scellée  contre  le  mur.  Ces  lanternes  ont 
des  chandelles  de  quatre  à  la  livre  qui  durent  encore  après 
minuit.  Le  mode  d'éclairage  coûte,  dit-on,  pour  six  mois 
environ,  50,000  livres  sterling.  Le  bris  des  lanternes 
publiques  entraîne  la  peine  des  galères.  J'ai  su  que  trois 
jeunes  gentilshommes ,  appartenant  à  de  grandes  familles, 
avaient  été  arrêtés  pour  ce  délit  et  n'avaient  été  relâchés 
qu'après  une  détention  de  plusieurs  mois,  grâce  aux  pro- 
tecteurs qu'ils  avaient  à  la  cour.  »  Lady  Montagu,  dans  une 
lettre  en  date  du  16  oct.  1717,  avoue  que  Paris  est  mieux 
éclairé  que  Londres.  En  1673,  M""«  de  Sévigné  écrit  dans 
une  lettre  à  sa  fille  :  «  Nous  soupâmes  hier  avec  M"*^  Scar- 
ron  et  l'abbé  Têtu  chez  M"^°  de  Coulanges  ;  nous  trouvâmes 
plaisant  de  l'aller  ramener  à  minuit  au  fin  fond  du  faubourg 
Saint-Germain,  fort  au  delà  de  M"'^  de  La  Fayette ,  quasi 
auprès  de  Vaugirard,  dans  la  campagne.  Nous  revînmes 
gaiement  à  la  faveur  des  lanternes  et  dans  la  sûreté  des 
voleurs.  »  Les  frais  d'entretien  des  lanternes  laissés  à  la 
charge  des  villes  étaient  assez  considérables,  si  bien  qu'à  la 
fin  de  son  règne,  Louis  XIV  conçut  l'idée  de  battre  monnaie 
en  se  faisant  donner  par  la  ville  de  Paris  la  somme  qu'elle 
dépensait  annuellement  pour  son  éclairage  ;  en  échange,  le 
roi  garantissait  la  lumière  et  se  chargeait  à  l'avenir  des 
frais.  Il  décida  ensuite  la  création  de  lanternes  dans  toutes 
les  villes  du  royaume,  en  levant  sous  ce  prétexte  une  con- 
tribution (1697). 

Le  successeur  de  La  Reynie,  d'Argenson,  excita  des 
plaintes  très  vives,  en  supprimant,  par  mesure  d'économie, 
les  lanternes,  les  soirs  de  clair  de  lune.  «  Pendant  un 
siècle  et  demi,  dit  Dreux  du  Radier,  cette  ridicule  lésinerie 
fut  le  but  de  toutes  sortes  d'épigrammes.  Dernièrement 
encore,  dans  une  pièce  des  Variétés  Amusantes,  intitulée 
VAïujlais  à  Paris,  on  fit  dire  à  un  cocher  de  fiacre,  furieux 
d'être  à  tâtons  dans  la  rue  :  «  Les  réverbères  comptaient 
«  sur  la  lune,  la  lune  comptait  sur  les  réverbères,  et,  ce 
«  qu'il  y  a  de  plus  clair,  c'est  qu'on  ne  voit  goutte.  » 
Pourtant  Voltaire,  dans  l'éloge  qu'il  consacre  à  d'Argenson 
sous  le  titre  de  la  Police  sous  Louis  XIV,  s'écriait  : 

L'astre  du  jour  à  peine  a  fini  sa  carrière, 
De  cent  mille  fanaux  Téclatante  lumière 
Dans  ce  grand  labyrinthe  avec  ordre  me  suit, 
Et  forme^un  jour  de  fête  au  milieu  de  la  nuit. 

Cette  admiration  paraît  quelque  peu  hyperbolique  ;  «  Les 


lanternes  en  efîet  formées  de  petits  vitraux,  lisons-nous 
dans  la  Corî^espondance  secrète,  étaient  construites  de 
manière  à  ne  laisser  échapper  que  très  peu  des  rayons  de 
la  faible  et  sombre  lumière  qui  y  était  entretenue.  Les 
jointures  des  vitres  produisaient  dans  la  rue  ces  ombres 
transversales  que  M.  Rondin,  en  revenant  de  souper  en 
ville,  prenait  pour  des  poutres  et  qu'il  franchissait  avec 
peine  en  sautant  à  chaque  pas.  »  Pour  obtenir  un  peu  de 
lumière,  le  seul  remède  que  l'on  avait  imaginé  avait  été  de 
rapprocher  de  plus  en  plus  les  lanternes.  Dans  le  courant 
même  du  siècle.  Sterne,  dans  son  Voyage  sentimental^ 
donne  des  détails  caractéristiques.  Il  était  venu  à  Paris  en 
1762  et  1764  et  raconte  son  second  voyage.  L'Opéra-Co- 
mique était  alors  un  des  théâtres  les  plus  fréquentés  de 
Paris  et  très  à  la  mode.  Or  voici  comment  les  abords  en 
étaient  éclairés  :  «  Il  y  a  un  passage  fort  long  et  fort  obs- 
cur qui  va  de  l'Opéra-Comique  à  une  rue  fort  étroite.  Il 
est  ordinairement  fréquenté  par  ceux  qui  attendent  l'arri- 
vée d'un  fiacre  ou  qui  veulent  se  retirer  tranquillement 
quand  le  spectacle  est  fini.  Le  bout  de  ce  passage,  vers  la 
salle,  est  éclairé  par  une  petite  chandelle,  dont  la  faible 
lumière  se  perd  avant  que  l'on  arrive  à  l'autre  bout.  Cette 
chandelle  est  peu  utile,  mais  elle  sert  d'ornement,  elle 
paraît  de  loin  comme  une  étoile  fixe  de  la  moindre  gran- 
deur :  elle  brûle  et  ne  fait  aucun  bien  à  l'univers.  » 

Au  xvni^  siècle,  la  question  de  l'éclairage  passionna  un 
certain  nombre  de  chercheurs.  Un  physicien  nommé  Fabre 
émit  l'idée  d'éclairer  Paris  à  l'aide  d'une  lampe  unique 
munie  de  puissants  réflecteurs  et  placée  au  sommet  d'une 
haute  tour  :  idée  chimérique  que  quelques  publicistes  ont 
encore  discutée  gravement  au  moment  de  la  construction 
de  la  tour  Eiff^el.Èn  1744,  Bourgeois  de  Châteaublanc,  après 
une  série  d'études  en  collaboration  avec  l'abbé  Preigny, 
présenta  à  FAcadémie  des  sciences  une  lanterne  à  réver- 
bère qui  ne  projetait  pas  d'ombre  sous  elle  et  éclairait  mieux 
que  le  système  en  usage.  En  1765,  de  Sartines  proposa 
une  récompense  à  l'inventeur  qui  trouverait  le  moyen  d'a- 
méliorer l'éclairage  en  augmentant  la  facilité  du  service, 
l'intensité  et  la  durée  de  la  lumière.  L'Académie  des  sciences 
était  chargée  de  décerner  le  prix.  L'appareil  perfectionné 
de  Bourgeois  de  Châteaublanc  fut  jugé  le  meilleur.  C'était 
une  lanterne  à  huile  munie  d'un  réflecteur  métallique. 
Lavoisier,  qui  avait  pris  part  au  concours,  avait  rédigé  un 
long  travail  sur  «  les  moyens  qu'on  peut  employer  pour 
éclairer  une  grande  ville  »  qui  sembla  peu  pratique.  L'in- 
venteur Rabiqueau  avait  depuis  plusieurs  années  déjà  pro- 
posé de  substituer  l'huile  à  la  chandelle,  mais  il  n'avait  pu 
se  faire  écouter.  En  1765,  lorsqu'on  s'occupa  d'établir  des 
réverbères,  Rabiqueau  s'éleva  vivement  contre  l'imperfection 
des  lampes  de  Châteaublanc  et  proposa  d'éclairer  à  ses  frais, 
avec  une  seule  lampe  de  son  invention,  le  Pont-Neuf,  la 
place  Dauphine,  les  quais  des  Orfèvres  et  de  la  Volaille.  Mais 
il  abandonna  bientôt  la  partie.  Les  réverbères  excitèrent 
une  satisfaction  générale  ;  pourtant  ils  étaient  au  milieu  de 
la  rue  et  séparés  par  un  intervalle  d'environ  50  mètres. 

On  établit,  en  1877,  des  réverbères  tout  le  long  de  la 
route  de  Paris  à  Versailles.  Le  roi  payait  l'huile  et  les 
mèches  comme  si  toutes  les  nuits  eussent  été  obscures  ; 
mais,  quand  la  lune  brillait,  on  n'allumait  pas  les  lanternes. 
C'est  sur  le  bénéfice  qui  en  résultait  que  l'on  hypothéqua 
certaines  gratifications  appelées  «  pensions  du  clair  de  lune  ». 
Les  plaisants  ajoutaient  que  ces  pensions  se  payaient  na- 
turellement par  quartiers.  Une  autre  innovation  qui  prêta 
à  rire  fut  celle  qu'imagina  le  lieutenant  de  police  de  Crosne, 
en  1785.  Il  fit  placer  un  réverbère  d'une  forme  particulière 
devant  le  logis  des  commissaires  du  Châtelet  ;  ces  lan- 
ternes se  sont  conservées  devant  la  porte  des  commissaires 
de  police.  Le  public  railla  beaucoup  la  lanterne  du  commis- 
saire et  on  nous  a  conservé  un  quatrain  assez  plaisant  à  ce 
sujet  : 

Le  commissaire  baliverne 

En  dépit  de  qui  chacun  rit, 

N"a  de  brillant  que  sa  lanterne 

Et  de  terne  que  son  esprit. 


—  337  — 


ECLAIRAGE 


Les  réverbères  subsistèrent  tels  quels  jusqu'en  1821. 
Ce  fut  en  cette  année  que  Ton  essaya,  place  du  Louvre,  l'ap- 
pareil de  Vivien,  de  Bordeaux,  qui  dura  jusqu'au  rempla- 
cement des  réverbères  par  le  gaz.  Il  appliquait  le  courant 
d'air  d'Argand  au  tube  qui  portait  la  mèche  allumée.  A  cette 
date,  Paris  était  éclairé  par  près  de  J 1 ,000  becs  placés 
dans  4,64o  réverbères;  la  dépense  était  de  146  fr.  par  an 
pour  chaque  réverbère.  La  disposition  des  réverbères  sus- 
pendus au-dessus  des  rues  était  fort  incommode.  Pour  les 
allumer,  il  fallait  les  descendre  jusqu'à  hauteur  d'homme, 
les  nettoyer,  récurer  la  plaque  réfléchissante,  verser  dans  le 
réservoir  la  provision  voulue  d'huile  de  navette  ;  pendant 
ce  temps-là  les  voitures  étaient  obligées  d'attendre  la  fin 
de  toute  cette  toilette.  Lors  des  grands  enterrements  où  le 
corbillard  atteignait  une  hauteur  anormale,  on  se  voyait 
obligé  d'enlever  les  réverbères.  Le  l®^janv.  1815,  quand 
on  transporta  les  restes  de  Louis  XVI  et  de  Marie-Antoi- 
nette de  la  Madeleine  à  Saint-Denis,  le  char  s'accrocha  suc- 
cessivement à  tous  les  réverbères  de  la  route.  La  foule, 
fort  peu  respectueuse,  s'en  moquait  et  criait  :  «  A  la  lan- 
terne !  »  En  déc.  1840,  quand  on  rapporta  aux  Invalides 
les  cendres  de  Napoléon  P^,  on  eut  soin  de  prendre  les 
précautions  voulues,  et  la  voiture,  partie  de  Courbevoie, 
arriva  sans  encombre  à  la  cour  d'honneur.  Mais  quand  il 
s'agit  de  la  ramener  aux  pompes  funèbres,  on  s'aperçut 
qu'on  n'avait  pas  pensé  à  dégager  la  route.  Le  corbillard 
dut  passer  la  nuit  sur  le  boulevard  des  Invalides. 

Le  nombre  des  réverbères  continua  à  augmenter  au  dé- 
but du  xix^  siècle,  malgré  l'apparition  d'un  nouveau  mode 
d'éclairage  qui  devait  prendre  plus  tard  le  premier  rang  : 
l'éclairage  au  gaz.  En  1821,  on  trouvait  12,672  réver- 
bères sur  les  rues  et  les  places  de  Paris  et  668  dans  les  éta- 
blissements publics.  Pendant  longtemps  les  marchés  passés 
par  la  ville  de  Paris  pour  l'allumage  des  réverbères  arrê- 
tèrent les  progrès  du  gaz.  En  1838,  d'après  le  bail  fait 
avec  les  compagnies  d'éclairage  public,  le  nombre  des  becs 
de  gaz  ne  pouvait  dépasser  le  cinquième  du  nombre  total 
des  lumières.  Il  y  avait  alors  12,816  becs  de  lumière  allu- 
més dans  6,273  lanternes;  11,654  de  ces  becs  étaient 
éclairés  à  l'huile  et  1,162  au  gaz.  Mais  cette  année  même 
le  bail  expirait,  et  le  gaz  allait  se  substituer  rapidement  à 
rhuile.  Ce  n'est  pas  à  dire  pourtant  qu'aujourd'hui  même 
les  lanternes  à  huile  aient  complètement  disparu  ;  on  en 
retrouverait  sans  peine  dans  les  vieux  quartiers  ou  sur  les 
berges  de  la  Seine.  C'est  ainsi  que  la  routine  administra- 
tive, s'appuyant  sur  la  résistance  des  intéressés,  opposa 
longtemps  à  l'extension  du  gaz  des  objections  et  des  obs- 
tacles fâcheux  :  objections  et  obstacles  que  —  par  un  retour 
bien  fréquent  des  affaires  humaines  —  la  Compagnie  du  gaz 
a  repris  à  son  tour  un  demi-siècle  plus  tard,  au  moment 
où  l'électricité  a  offert  un  mode  d'éclairage  public  et  privé 
aussi  supérieur  au  gaz  que  le  gaz  l'avait  été  en  son  temps 
aux  vieux  quinquets. 

Le  xix*^  siècle,  siècle  de  transformations  si  grandes  pour 
la  science  et  l'industrie,  a  accompli  une  véritable  révolu- 
tion dans  l'éclairage  public  et  privé.  Nous  allons  en  tracer 
un  tableau  rapide  en  remontant,  au  besoin,  aux  dernières 
années  du  xvni^  siècle  et  en  classant  sous  cinq  chefs 
les  principaux  modes  d'éclairage  employés  aujourd'hui  : 
1°  éclairage  au  moyen  des  huiles  végétales  ;  2"  éclairage 
par  les  huiles  minérales  ;  3°  éclairage  par  les  bougies  stéa- 
riques  ;  4^  éclairage  par  le  gaz  ;  5°  éclairage  par  l'électricité. 
Eclairage  par  les  huiles  végétales.  —  Les  lampes  an- 
ciennes étaient,  nous  l'avons  vu,  de  simples  vases  remplis 
d'huile,  où  trempait  une  mèche  fibreuse  de  chanvre,  de  lin 
ou  de  coton.  L'huile  montait  entre  les  fibres  par  l'effet  de 
la  capillarité.  Pour  faire  avancer  cette  mèche,  on  se  ser- 
vait d'une  épingle  ou  d'un  crochet.  Le  volume  d'air  en- 
traîné sur  la  flamme  était  beaucoup  trop  faible  pour  que 
le  carbone  do  l'huile  pût  brûler  complètement.  La  mèche 
charbonnait  et  produisait  une  fumée  d'autant  plus  nauséa- 
bonde que  l'huile  était  plus  impure  et  qu'on  la  remplaçait 
souvent  par  des  graisses  infectes.  Quant  à  la  lumière,  elle 
grande  encyclopédie.  —  XV. 


était  trop  rouge  et  fuligineuse.  Pour  supprimer  ces  incon- 
vénients, il  était  nécessaire  d'amener  un  plus  grand  afflux 
d'oxygène  et,  par  suite,  d'air  dans  la  lampe.  C'est  vers  la 
fin  du  xviii^  siècle  que  le  médecin  et  physicien  Argand, 
originaire  de  Genève,  mais  établi  en  France,  construisit  une 
lampe  répondant  à   ce  besoin.   Sa   découverte  peut  être 
regardée  comme  le  véritable  point  de  démarcation  entre 
l'ancien  et  le  nouvel  éclairage  à  l'huile  :  elle  n'eut  pas  moins 
d'importance  en  son  temps  que  n'en  a  eu  de  nos  jours  la 
découverte  des  lampes  électriques  pratiques.  Propriétaire 
d'une  grande  distillerie  près  de  MontpeUier,  Argand  in- 
venta, vers  1780,  pour  éclairer  ses  ateliers,  les  lampes  à 
courant  d'air  et  à  cylindre.  La  mèche  plate  était  remplacée 
par  une  mèche  circulaire,  ajustée  entre  deux  tubes  con- 
centriques :  l'air  circulant  dans  le  tube  intérieur  venait 
baigner  la  face  correspondante  de  la  flamme  qui  se  trou- 
vait soumise  à  l'action  d'un  double  courant  d'air  intérieur 
et  extérieur.  Le  réservoir  d'huile  était  placé  à  une  cer- 
taine distance  du  brûleur  et  dans  une  position  un  peu  plus 
élevée,  de  manière  que  l'huile  montât  jusqu'au  haut  de  la 
mèche,  en  vertu  du  principe  des  vases  communicants.  L'ap- 
pareil ainsi  partagé  en  deux  parties  que  réunissait  un  tube 
s'accrochait  à  un  mur  ou  se  montait  sur  une  tige  à  pied 
plat  qui  lui  donnait  une  certaine  stabilité.  Argand  présenta 
son  invention  aux  Etats  du  Languedoc  en  n82.  Encou- 
ragé par  le  succès  qu'il  obtint,  if  perfectionna  son  modèle 
primitif  et  vint  à  Paris  pour  le  faire  connaître.  En  sept, 
et  oct.  1784,  il  aida  Montgolfier  dans  des  expériences 
aérostatiques  où  la  nouvelle  lampe  jouait  un  certain  rôle 
et  auxquelles  collaboraient  également  Meunier,  membre  de 
l'Académie  des  sciences,  Lange  et  le  pharmacien  Quinquet. 
Meunier  présenta  l'année  suivante,  à  l'Académie ,  la  belle 
invention  d'Argand.  Mais  celui-ci  étant  parti  pour  l'An- 
gleterre, Lange  et 
Quinquet  en  pro- 
fitèrent pour  fabri- 
quer et  vendre  des 
lampes  construites 
sur  le  même  mo- 
dèle.  Argand  re- 
vint en  France  pour 
combattre  les  pré- 
tentions de  Quin- 
quet.  L'Académie 
des  sciences  recon- 
nut le  bien  fondé 
de  sa  réclamation 
et  décida  que  les 
lampes  à  courant 
d'air,  injustement 
baptisées  quin- 
quets par  le  pu- 
blic, porteraient 
le  nom  de  lampes  d'Argand  dans  le  monde  savant.  Un 
arrêt  du  conseil  du  30  août  1785  donnait  également  gain 
de  cause  à  Argand,  et,  le  11  oct.,  il  obtenait  une  permission 
emportant  privilège  pour  la  création  d'une  manufacture 
près  de  Gex.  Mais  la  Révolution  étant  survenue,  Quinquet 
reprit  la  vente  de  ses  lampes  ;  Lange,  son  associé  et  plus 
tard  son  rival,  perfectionna  un  peu  le  cylindre  de  verre  de 
lampe  d'Argand,  qu'il  rétrécit  au-dessus  de  la  mèche  ;  la 
colonne  d'air  extérieure  rejetée  sur  la  flamme  assurait  une 
combustion  plus  complète.  L'Académie  des  sciences,  à  la- 
quelle il  présenta  sa  lampe,  déclara  qu'elle  ne  contenait  de 
nouveau  que  la  cheminée  de  verre,  mais  que  c'était  de  cette 
cheminée  que  la  lumière  recevait  son  plus  vif  éclat.  Argand 
ne  fut  pas  plus  heureux  en  Angleterre  qu'en  France;  il  se 
retira  à  Versoix,  où  il  construisit  un  miroir  elliptique  et  pa- 
rabolique qui  devait  porter  la  lumière  de  Lausanne  à 
Genève  ;  mais  il  mourut  dans  la  misère. 

Durant  les  années  suivantes,  divers  inventeurs  essayèrent 
de  perfectionner  la  lampe  d'Argand.  On  chercha  tout 
d'abord  à  supprimer  le  réservoir  latéral  qui  dans  les  lampes 


Lampe  de  Quinquet. 


ECLAIRAGE 

d'Argand  projetait  une  ombre.  En  1786,  Philippe  de  Girard 
décrivait  une  lampe  dite  hydrostatique,  où  la  montée  de 
l'huile  était  déterminée  par  sa  légèreté  spécifique  plus 
grande  que  celle  de  l'eau.  Un  peu  plus  tard,  il  inventait 
un  second  modèle  basé  sur  le  principe  de  la  fontaine  de 
Héron.  Mais  les  lampes  hydrostatiques  avaient  divers  in- 
convénients dus  à  la  complication  de  leur  structure,  à  l'in- 
iiuence  exercée  sur  la  hauteur  de  l'huile  par  les  variations 
de  pression  atmosphérique  et  de  température  et  aux  troubles 
causes  par  les  déplacements.  Les  lampes  astrales  dans  les- 
quelles l'huile  est  contenue  dans  un  petit  réservoir  circu- 
laire qui  porte  Fabat-jour  et  parvient  à  la  mèche  par  deux 
tubes  inclinés,  ne  réussirent  pas  davantage  à  passer  dans  la 
pratique.  Tous  ces  systèmes  ne  supprimaient  pas  d'une  façon 
suffisante  la  difficulté  de  faire  monter  régulièrement  l'huile. 
C'est  à  l'horloger  Carcel  qu'il  était  réservé  de  résoudre 
ce  problème.  Il  prit  le  24  oct.  4800  un  brevet  pour  la 
lampe  mécanique  devenue  célèbre  sous  son  nom.  Un  rouage 
d'horlogerie  mù  par  un  fort  barillet  déterminait  le  mou- 
vement alternatif  d'un  piston  à  double  efl'et,  qui  faisait 
monter  l'huile  au  sommet  du  bec  ;  il  en  résuUait  un  dé- 
gorgement d'huile  permettant  d'élever  la  mèche,  refroidis- 
sant le  bec  et  empêchant  le  liquide  de  s'échauffer  et  de 
s'altérer.  Le  réservoir  était  placé  au-dessous  delà  lampe  ; 
la  lumière  était  blanche  et  éclatante.  La  cheminée  pouvait 
être  élevée  ou  abaissée  de  façon  que  le  coude  fût  au  point 
le  plus  convenable  pour  la  combustion.  Mais  la  lampe  Car- 
cel avait  un  inconvénient  :  c'était  la  perfection  même  du 
mouvement  d'horlogerie  qui  était  d'un  prix  élevé  et  ne  pou- 
vait guère  être  réparé  que  par  le  fabricant  lui-même. 
Aussi%herclia-t-on  de  tous  côtés  à  la  simpUfier.  On  songea 
de  suite  à  produire  l'ascension  de  l'huile  par  la  seule  pres- 
sion d'un  ressort  ou  d'un  poids.  Franchot  fut  le  premier  à 
trouver  une  solution  vraiment  pratique  (1836).  Voici  les 
dispositions  essentielles  de  sa  lampe  modérateur.  L'huile 
est  enfermée  à  la  partie  inférieure  de  la  lampe,  entre  le 

fond,  les  parois  laté- 
rales et  un  piston  en 
cuir  embouti,  pressé 
par  un  ressort.  Cette 

Dl            K,    ■  pression  détermine 

^^^^H    ia         ^         l'ascension  de  l'huile 
^^^'^H[    ||  1  par  un  tube  vers  la 

_^    J^^„.,..J^  _  mèche.  A  mesure  que 

l'huile  se  consomme, 
le  piston  descend,  le 
ressort  se  débande,  la 
hauteur  ascension- 
nelle s'accroît,  et  le 
débit  du  liquide  au 
niveau  de  la  flamme 
diminue  ;  pour  y  re- 
médier, Franchot  a 
placé  selon  l'axe  du 
tube  une  tringle  co- 
nique qui  oppose  au 
mouvement  de  l'huile 
une  résistance  d'au- 
tant plus  faible  que 
le  piston  s'abaisse 
davantage.  L'excé- 
dent d'huile  retombe 
dans  la  lampe  et  reste 
au-dessus  du  cuir  em- 
bouti. Pour  le  faire 
passer  dans  le  réser- 
voir, il  suffit  de  re- 
monter la  lampe, 
c,-à-d.  de  tendre  le 
ressort  au  moyen 
diuio  crémaillère.  Le  vide  produit  sous  le  cuir  y  produit 
une  ilexion  qui  Fécarte  des  parois.  On  procède  de  même 
pour  emmagasiner  l'huile  destinée  à  remplacer  celle  qui 


-  388  - 


Lampe  modérateur 


a  été  brûlée.  La  vulgarisation  de  la  lampe  modérateur  a 
déterminé  un  grand  développement  de  Féclairage  àFhuile. 
Le  bas  prix  de  l'appareil  a  permis  de  produire  des  lampes 
propres,  brûlant  aussi  bien  que  les  meilleures  lampes  à 
mouvement  d'horlogerie,  d'un  entretien  facile,  d'un  net- 
toyage commode.  Son  seul  inconvénient,  c'est  de  brûler 
moins  longtemps  que  la  lampe  Carcel  :  bien  que  le  remon- 
tage soit  très  simple  et  qu'il  soit  facile  de  le  pratiquer  avant 
que  la  mèche  ait  charbonné,  c'est  pourtant  là  un  inconvé- 
nient assez  sérieux.  Sauf  quelques  perfectionnements  de 
détail  ayant  pour  objet  de  rendre  plus  faciles  le  montage, 
le  démontage  ou  le  nettoyage,  la  lampe  à  modérateur^  cons- 
titue aujourd'hui  encore  l'instrument  ordinaire  de  Féclai- 
rage à  l'huile  végétale.  Les  progrès  ont  porté  seulement 
sur  les  formes  et  Fornementation  de  la  lampe.  Les  porce- 
laines de  France,  de  Chine,  du  Japon  ont  été  substituées 
au  bronze.  Les  huiles  les  plus  employées  sont  celles  d'olive, 
de  colza,  de  navette  et  d'œillette.  On  les  épure  par  Facide 
sulfurique  d'après  le  procédé  Thénard;  leur  fluidité  et  leur 
hmpidité  les  rendent  bien  supérieures  aux  anciennes  huiles 
denses  et  visqueuses.  .  ^ 

Eclairage  par  les  huiles  minérales.  —  Le  prix  élevé 
des  huiles  végétales  engagea  de  bonne  heure  un  grand 
nombre  d'inventeurs  à  les  remplacer  par  des  produits  de 
moindre  valeur.  Les  premières  tentatives  eurent  pour  objet 
l'emploi  de  l'essence  de  térébenthine  et  de  Falcool.Mais  les 
essais  furent  peu  heureux  ;  sans  parler  de  l'extrême  inflam- 
mabilité  de  tels  mélanges,  la  flamme,  très  riche  en  car- 
bone, était  toujours  fuligineuse  et  rougeâtre.La  combus- 
tion répandait  une  odeur  très  forte.  On  eut  recours  ensuite 
aux  huiles  essentielles  volatiles  de  résine,  de  goudron  et 
de  naphle.  Les  premières  lampes  étaient  construites  de 
manière  à  brûler  la  vapeur  du  liquide  ;  par  conséquent  elles 
n'étaient  pas   munies 'de  mèches.  A   travers    les  huiles 
échauffées  passaient  des  gaz  peu  éclairants  par  eux-mêmes, 
tels  que  l'hydrogène  ou  l'oxyde  de  carbone  qui^  entraînaient 
des  vapeurs  combustibles.  La  construction  était  assez  ana- 
logue  à  celle  des  quinquets,  c.-à-d.   que  Fahmentatmn 
avait  lieu  au  moyen  d'un  réservoir  supérieur.  En  1832, 
Breuzin  construisit  une  lampe  munie  d'un  réservoir  infé- 
rieur en  métal  ou  en  verre  et  d'une  grosse  mèche  aspirant 
le  liquide  par  capillarité.  La  mèche  était  placée  dans  un 
tube  métallique  qui  offrait  à  sa  partie  supérieure  un  cer- 
tain nombre  d'ouvertures  capillaires,  au  sortir  desquelles 
la  vapeur  brûlait.  On  commençait  par  échauffer  le  tube  pour 
amorcer  l'appareil  et  volatiliser  le  liquide  ;  ensuite  la  combus- 
tion suffisait  à  entretenir  la  marche  régulière  de  la  lampe. 
Toutefois,  le  moindre  refroidissement  accidentel  du  tube  était 
funeste  à  la  lampe,  qui  s'éteignait  aussitôt.  On  employa  suc- 
cessivement pour  alimenter  cette  lampe  l'essence  de  téré- 
benthine, l'huile  de  goudron  pur,  l'huile  de  schiste  préparée 
par  les  procédés  de  Selligue.   Divers  perfectionnements 
furent  réalisés  par  Breuzin,  Robert,  Jeanne,  Valson  pour 
parer  aux  dangers  d'inflammation  et  diminuer  l'odeur. 

Ce  n'était  pas  là  d'ailleurs  le  seul  essai  fait  en  vue  de  l'em- 
ploi des  huiles  de  schiste  et  des  hydrocarbures  liquides. 
A  l'Exposition  universelle  de  1851  étaient  exposés  une  série 
d'appareils  que  le  rapporteur  jugeait  fort  satisfaisants  pour 
l'éclairage  public.  Un  réservoir  supérieur,  rempli  d'un  hy- 
drocarbure liquide,  communiquait  par  un  tube  recourbe 
avec  un  bec  portant  une  petite  ouverture  ;  autour  de  ce  bec 
était  une  enveloppe  métallique  percée  à  sa  partie  inférieure 
de  trous  destinés  à  l'admission  de  l'air  et  à  sa  partie  supé- 
rieure d'autres  trous  pour  la  sortie  des  jets  lumineux.  Au 
moment  de  l'allumage,  on  ouvrait  un  peu  le  robinet  placé 
entre  le  réservoir  et' le  tube,  et  on  chauffait  le  bec  par  une 
flamme  à  l'alcool  ;  les  vapeurs  sortaient  par  le  bec  en  (m- 
traînant  de  Fair,  et  on  pouvait  allumer  ;  la  combustion  main- 
tenait ensuite  Féchauffement  du  tube  et  la  vaporisation  des 
liquides.  Ces  essais  intéressants  restèrent  pourtant  isolés 
jusqu'au  jour  où  les  pétroles  d'Amérique  inondèrent  le  mar- 
ché. Les  grands  avantages  économiques  que  présentait  leur 
emploi  sur  celui  des  huiles  déterminèrent,  à  partir  de  1861 , 


-  339  - 


ECLAIRAGE 


de  nombreuses  recherches  dans  le  but  de  perfectionner  les 
appareils.  L'odeur  et  le  danger  d'incendie  préoccupèrent 
surtout  les  constructeurs.  On  renonça  à  la  combustion  par 
vaporisation  et  l'on  se  servit  de  mèches  tantôt  plates,  tan- 
tôt rondes  ;  l'huile  arrivait  au  bec  sans  le  secours  d'aucun 
organe  mécanique  :  l'ascension  ayant  lieu  par  un  réservoir 
supérieur  ou  par  la  seule  action  de  la  capillarité.  De  là,  il 
est  vrai,  une  économie  notable;  mais  de  là  aussi  la  néces- 
sité d'avoir  un  réservoir  d'une  capacité  considérable,  pro- 
jetant un  cône  d'ombre  fort  gênant,  et  une  grande  inégalité 
dans  l'intensité  de  la  lumière,  par  suite  des  différences 
considérables  de  niveau  du  liquide  et  de  la  densité  de  plus 
en  plus  considérable  qu'il  acquiert. 

Aussi  les  huiles  minérales  ne  purent-elles  pendant  les 
premiers  temps  se  substituer  aux  huiles  végétales.  On  les 
employait  dans  les  atehers,  les  ménages  peu  aisés,  parfois 
dans  les  cuisines  ou  les  antichambres  ;  mais  on  les  excluait 
des  salons  et  des  pièces  confortables.  On  employait  spécia- 
lement pour  les  antichambres  de  petites  lampes  à  éponge 
imbibée  d'essence  avec  mèche  en  coton  floche,  brûlant 
comme  une  mèche  de  lampe  à  alcool.  Par  contre,  dès  le 
début,  on  se  servit  avec  succès  des  lampes  à  pétrole  pour 
l'éclairage  public,  pour  lequel  les  recommandaient  la  modi- 
cité de  leur  prix,  iQur  pouvoir  éclairant  et  la  simplicité  des 
appareils.  Dans  les  pays  froids  où  l'huile  de  colza  était  peu 
répandue,  et  le  luxe  des  habitations  moins  grand  qu'en 
France,  l'éclairage  minéral  y  prit  une  extension  beaucoup 
plus  grande  dans  les  intérieurs;  il  en  fut  ainsi  de  très 
bonne  heure,  en  Allemagne  et  en  Russie. 

Mais  la  consommation  du  pétrole  s'accrut  très  rapide- 
ment dans  certains  pays,  plus  lentement  en  France.  Les 
pétroles  figurant  à  l'Exposition  de  4878,  mieux  distillés, 
ne  s'enflammaient  plus  qu'entre  27  et  35°  :  pour  certains 
pétroles,  l'inflammabilité  a  même  été  reportée  à  60°. 
Mais  le  fait  même  de  la  distillation  plus  complète  des  huiles 
augmentait  la  quantité  d'essence  mise  en  circulation  et 
son  emploi  se  généralisait  malgré  les  dangers  qu'elle  pré- 
sente. Aujourd'hui  le  traitement  des  pétroles  bruts  s'est 
encore  amélioré;  les  produits  ne  s'enflamment  plus  au- 
dessous  de  la  température  convenable  pour  éviter  les  dan- 
gers d'incendie;  la  combustion  ne  dégage  plus  aucune 
odeur.  Les  appareils  ont  reçu  de  notables  perfectionne- 
ments. La  lampe  à  double  courant  d'air  s'est  de  plus  en 
plus  répandue  ;  les  appareils  nommés  lampe  universelle, 
lampe  belge,  etc.,  appartiennent  à  ce  système.  L'intensité 
des  foyers  a  augmenté;  les  lampes  de  3,  4  et  même  6 
ou  8  carcels  sont  devenues  courantes.  Nombre  de  mo- 
dèles d'un  bel  effet  décoratif  et  d'un  grand  pouvoir  éclai- 
rant figurent  aujourd'hui  dans  les  salons.  En  moins  de  onze 
ans,  l'importation  des  huiles  de  pétrole  et  de  schiste  est 
passée  de  59  millions  à  484  millions  de  kilogrammes.  Le 
principal  inconvénient  du  pétrole  provient  de  sa'facile  inflam- 
mabilité  et  des  dangers  que  présente  encore,  malgré  tout, 
son  emploi  ;  en  revanche,  c'est  à  l'heure  actuelle  le  plus 
économique  de  tous  les  éclairages  connus  :  un  tableau 
donné  un  peu  plus  loin  et  montrant  le  prix  comparatif  des 
divers  éclairages  montre  sa  supériorité  à  ce  point  de  vue 
sur  l'huile  ou  sur  le  gaz.  Encore  convient-il  de  faire  re- 
marquer que  les  progrès  du  pétrole  ont  été  beaucoup  plus 
rapides  dans  les  pays  étrangers  qu'en  France  où  ce  pro- 
duit est  frappé  d'un  droit  triple  de  sa  valeur.  Si  le  pro- 
duit est  dégrevé,  comme  il  paraît  probable,  son  emploi  se 
généralisera  de  plus  en  plus. 

Eclairage  par  les  bougies.— Jusqu^à  la  fin  du  xviii^  siècle 
on  ne  perfectionna  guère  l'ancienne  chandelle  de  suif,  fa- 
briquée au  moyen  de  la  graisse  de  mouton  et  de  la  graisse 
do  ha'uf.  Les  travaux  de  Chevrcul  sur  les  corps  gras 
(1814)  permirent  d'extraire  industriellemont  du  suif  le 
meilleur  do  ses  principes  éclairants,  l'acide  stéarique.  Clio- 
vreul  prit  avec  Gay-Lussac,le  ojanv.  4825,  à  Paris,  un 
brevet  d'invention  ;  Gay-Lussac  prit  à  Londres  un  brevet 
sous  le  nom  de  Mosès-Poole.  Mais  aucun  de  ces  deux  bre- 
vets ne  fut  exploité,  La  méthode  employée,  satisfaisante  au 


point  de  vue  scientifique,  ne  l'était  pas  au  point  de  vue 
industriel.  En  4825  et  4826,  Cambacérès  prit  quatre  bre- 
vets sur  le  même  objet.  Il  fabriqua  des  bougies  stéariques  ; 
mais  ces  bougies  encore  jaunes  et  impures  poissaient  aux 
doigts  comme  les  anciennes  chandelles,  brûlaient  mal  et 
sentaient  presque  aussi  mauvais.  Aussi  Cambacérès  re- 
nonça-t-il  bientôt  à  en  fabriquer.  Ce  fut  seulement  en  4829 
qu'après  deux  ans  de  recherches  persévérantes,  MM.  de 
Milly  et  Motard  donnèrent  une  solution  satisfaisante  ;  ils 
préconisèrent  un  traitement  satisfaisant  des  acides  gras 
et  réussirent  à  surmonter  l'obstacle  où  avaient  échoué 
leurs  prédécesseurs,  celui  de  la  volatihsation  complète  de 
la  mèche.  C'est  de  4834  que  date  l'industrie  des  bougies 
stéariques.  La  première  usine  étant  située  au  voisinage  de 
l'Arc  de  triomphe  de  l'Etoile,  elles  prirent  le  nom  de  bou- 
gies de  l'Etoile  qui  leur  resta  quand  l'usine  eut  changé  de 
quartier.  La  bougie  stéarique  conservait  la  forme  de  la 
chandelle,  mais  elle  était  plus  solide,  plus  propre;  la 
mèche  n'avait  plus  besoin  d'être  mouchée  ;  la  combustion 
se  faisait  sans  fumée  et  sans  odeur.  On  l'emploie  sou- 
vent comme  unité  dans  les  évolutions  de  lumière  en  pre- 
nant pour  type  la  bougie  qui  brûle  par  heure  40  gr.  de 
stéarine.  Il  faut  noter  d'ailleurs  que  la  bougie  stéarique 
coûte  beaucoup  plus  cher  que  l'ancienne  chandelle  de  suif. 
Elle  a  donc  réalisé  un  progrès  au  point  de  vue  du  confort, 
mais  non  pas  au  point  de  vue  de  l'économie.  Les  procédés 
de  fabrication  actuellement  employés  ont  été  décrits  en 
détail  au  mot  Bougie.  A  côté  des  bougies  stéariques,  nous 
mentionnerons  les  bougies  de  paraffine.  La  paraffine,  décou- 
verte en  4830,  devint  l'objet  d'une  exploitation  impor- 
tante en  Angleterre  à  partir  de  4850  et  en  France  à  partir 
de  4856.  Les  bougies  diaphanes  de  paraffine  sont  agréables 
(V.  les  mots  Bougie  et  Paraffine),  leur  emploi  est  assez 
limité  en  France,  mais  elles  sont  beaucoup  plus  répandues 
en  Angleterre  et  surtout  en  Allemagne. 

Eclairage  par  le  gaz.  —  La  découverte  du  gaz  d'éclai- 
rage est  due  à  l'ingénieur  français  Philippe  Lebon.  Il  eut 
l'idée  de  brûler  le  bois  en  vase  clos,  et  de  faire  passer  les 
produits  gazeux  de  la  combustion  à  travers  une  couche 
d'eau  :  les  matières  bitumineuses  et  ammoniacales  s'y  con- 
densaient, et  il  s'en  dégageait  un  gaz  pur,  qui,  enflammé, 
donnait  une  belle  lumière.  11  perfectionna  successivement 
avec  beaucoup  de  patience  et  de  ténacité  son  procédé.  Dès 
4786,  il  faisait  fonctionner  ses  thermolampes;  en  4799 
(6  vendémiaire  an  VIII),  il  prenait  un  brevet  portant  : 
«  Sur  de  nouveaux  moyens  d'employer  les  combustibles 
plus  utilement  soit  pour  la  chaleur,  soit  pour  la  lumière 
et  d'en  recueillir  les  divers  produits.  »  Deux  ans  plus  tard 
(août  4804),  il  obtenait  un  certificat  d'addition  pour  la 
construction  des  machines  mues  par  la  force  expansive  du 
gaz.  Il  exécuta  ses  essais  dans  l'ancien  hôtel  Seignelay,  rue 
Saint-Dominique-Saint-Germain  :  c'est  là  qu'il  fit  la 
démonstration  publique  de  ses  thermolampes;  il  illumina 
les  appartements,  les  cours,  les  jardins  au  moyen  de  becs 
de  gaz  disposés  en  forme  de  rosaces,  de  gerbes,  de  fleurs. 
Le  rapport  officiel  adressé  au  ministre  constate  que  les 
résultats  ont  dépassé  «  les  espérances  des  amis  des  sciences 
et  des  arts  ».  Le  ministre  de  la  marine  et  le  premier  consul 
furent  frappés  de  ce  fait  que  l'invention  de  Lebon  per- 
mettait, en  distillant  le  bois,  d'obtenir  du  goudron  à  bon 
marché  :  point  de  vue  qui  n'était  pas  sans  importance  à 
un  moment  où  l'on  projetait  de  reconstruire  en  grand  la 
flotte.  On  accorda  à  Philippe  Lebon  la  concession  d'une 
partie  de  la  forêt  de  Rouvray,  près  du  Havre.  Il  admit  à 
travailler  avec  lui  des  étrangers  ;  de  nombreux  Anglais 
vinrent  le  visiter  et,  rentrés  chez  eux,  n'oublièrent  pas  ce 
qu'ils  avaient  vu.  Les  princes  Gahtzin  et  Dolgorouki  lui 
offrirent  d'exploiter  sa  découverte  en  Russie  ;  mais  il  refusa. 
Peu  ai)rès,  le  soir  môme  du  couronnement  de  Napoléon  P^', 
le  2  déc.  4804,  Philippe  Lebon  fut  assassiné  aux  Champs- 
Elysées  ;  ses  meurtriers  restèrent  toujours  inconnus.  Sa 
veuve  renouvela  en  4844,  rue  de  Bercy,  dans  le  faubourg 
Saint- Antoine,  les  expériences  du  thermolampe;  l'Académie 


ÉCLAIRAGE 


—  340  — 


des  sciences  ayant  rédigé  un  rapport  favorablej'empereur, 
par  décret  du  2  déc.  1811,  lui  accorda  une  pension  de 
1,200  francs,  mais  elle  mourut  en  1813. 

Cette  invention  essentiellement  française  devait,  comme 
il  est  arrivé  trop  souvent,  prendre  son  importance  indus- 
trielle en  passant  par  les  Anglais.  En  1804,   Murdoch 
faisait  divers  essais  à  Birmingham;  à  la  même  époque, 
Winsor,  Allemand  établi  à  Londres,  créait  une  société  à 
Londres  pour  éclairer  la  ville  par  le  gaz  hydrogène  ;  mais 
l'application  n'en  fut  faite  qu'en  1808,  le  bois  était  rem- 
placé par  la  houille  et  surtout  par  la  houille  grasse.  En 
1815,  Winsor  venait  à  Paris  pour  y  fonder  une  société; 
son  brevet  d'importation  est  daté  du  1«^  déc.  1815.  Plus 
tard,  dans  une  polémique  dont  on  peut  trouver  trace  dans 
le  Journal  des  Débats  du  9  juil.  1823,  il  reconnaît  «  avoir 
été  un  des  premiers  en  J802  à  rendre  un  tribut  d'éloges  à 
M.  Lebon  ».  En  janv.  1817,1e  passage  des  Panoramas  fut 
éclairé  au  gaz  ;  mais  la  Société  fut  liquidée  en  1819  après 
avoir  éclairé  une  partie  du  Luxembourg  et  le  pourtour  de 
rOdéon.  Les  autres  sociétés  qui  lui  succédèrent  pendant  une 
dizaine  d'années  ne  furent  pas  plus  heureuses.  La  popula- 
tion était  réfractaire  au  nouvel  éclairage.   Des  écrivains 
instruits  comme  Charles  Nodier  insistaient  sur  les  méfaits 
du  gaz  :  des  arbres  meurent,  les  peintures  des  cafés  noir- 
cissent, des  gens  sont  asphyxiés,  des  voitures  versent  dans 
les  trous  creusés  au  miUeu  des  chaussées,  la  devanture  d'une 
boutique  saute,  etc.,  tous  ces  accidents  sont  exploités  avec 
habileté  par  le  spirituel  chroniqueur.  A  la  Société  Winsor 
succèdent  la  Société  Pauwels  et  la  Compagnie  royale.  Cette 
dernière,  soutenue  par  Louis  XVIII,  ne  réussit  pas  davantage. 
Elle  fusionna  bientôt  avec  une  compagnie  anglaise  formée 
par  Mauby-Wilson.  Le  l^'^janv.  1830,1a  rue  de  la  Paix  est 
éclairée  au  gaz  ;  six  mois  après  c'est  le  tour  de  la  rue 
Vivieiine.  A  partir  de  ce  moment,  le  procès  du  gaz  est  gagné  : 
peu  à  peu  on  décroche  les  vieux  réverbères  et  on  les  rem- 
place par  des  candélabres  (Y.  ce  mot).  Des  compagnies 
anglaises  se  forment  vers  cette  époque  et  obtiennent  des  con- 
cessions dans  la  plupart  des  grandes  villes.  Diverses  compa- 
gnies s'organisent  à  Paris;  en  1855,  elles  fusionnent,  mais, 
après  le  décret  d'annexion,  on  se  trouve  en  présence  des 
exploitations  autonomes  de  la  banlieue.  Toutes  les  sociétés 
sont  réunies  et  englobées  sous  le  titre  de  Compagnie  pari- 
sienne d'éclairage  et  de  chauffage  par  le  gaz.  C'est  celle 
qui  fonctionne  aujourd'hui.  Elle  a  établi  des  usines  aux 
Ternes,  à  Saint-Denis,  à  Maisons-Alfort,  à  Passy,  à  Bou- 
logne, à  Ivry,  à  Saint-Mandé,  à  Yaugirard,  à  Belleville  et 
à  La  Yillette.  Cette  dernière  est  la  plus  grande  de  toutes. 
Dès  l'origine  le  gaz  fut  envoyé  aux  lieux  de  consomma- 
tion au  moyen  d'une  canalisation  (Y.  ce  mot)  spéciale. 
Mais  les  fabricants  distribuèrent  aussi  à  domicile  du  gaz 
portatif  comprimé  dans  des  réservoirs  résistants.  Les  becs 
de  gaz  (Y.  ce  mot)  se  rattachaient  à  divers  types  :  becs 
bougies,  becs  papillons,  becs  Manchester,  becs  d'Argand  à 
double  courant.  Ils  donnaient  des  flammes  uniques,  droites 
ou  creuses,  en  aile  de  chauve-souris,  etc.  Les  compteurs 
(Y.  ce  mot)  attiraient  également  l'attention  des  chercheurs. 
Les  compagnies  traitèrent  d'abord  avec  les  abonnés  pour 


l'alimentation  des  becs  pendant  un  certain  nombre  d'heures; 
mais  elles  comprirent  bien  vite  la  nécessité  de  vendre  le 
gaz  au  volume.  Clegg  imagina  les  cloches  jumelées  auxquelles 
le  mouvement  du  gaz  imprimait  un  mouvement  alternatif 
dont  les  oscillations  s'enregistraient  avec  des  rouages  d'hor- 
logerie. Ensuite  vinrent  les  roues  à  compartiments. 

En  même  temps  de  grandes  ^améliorations  étaient  appor- 
tées aux  méthodes  de  distillation  et  aux  choix  des  houilles. 
Grâce  à  l'addition  au  gaz  trop  pauvre  d'une  certaine  quan- 
tité de  gaz  riche  tiré  du  cannel-coal,  le  pouvoir  éclairant 
présentait  une  invariabilité  presque  absolue  :  progrès  con- 
sidérable sur  l'ancien  état  de  choses  où  la  diversité  des 
houilles  employées  et  la  variabilité  des  méthodes  de  distil- 
lation faisaient  varier  la  teneur  du  gaz  dans  des  Hmites  éten- 
dues. Un  autre  progrès  réel  consista  dans  la  détermination  de 
la  meilleure  forme" de  brûleur  à  employer  ;  question  impor- 
tante, car  certains  becs  dépensent  pour  produire  la  même  lu- 
mière trois  fois  plus  de  gaz  que  d'autres.  Des  expériences  très 
concluantes  furent  faites  sous  la  direction  deMM.  Dumas  et 
Regnault  par  MM.  Audouin  et  Bérard  :  ils  prouvèrentque  pour 
une  niême  quantité  de  gaz  brûlé  le  pouvoir  éclairant  le  plus 
élevé  correspond  à  la  pression  lapins  faible.  Ils  constatèrent 
en  outre  le  fait  curieux  que  quelle  que  soit  la  forme  du  brûleur 
—  bec  fendu,  bec  bougie  ou  bec  bougie  à  forme  circulaire  — 
les  meilleurs  résultats  sont  donnés  par  une  fente  de  7/10^  de 
millim.  de  largeur  ou  un  trou  de  même  diamètre.  Ces  résultats 
ont  servi  de  base  à  une  instruction  pratique  rédigée  par  Dumas 
et  Regnault  qui  permet  de  vérifier  chaque  jour  le  pouvoir 
éclairant  du  gaz  dans  la  ville  de  Paris,  et  ils  ont  conduit  en 
1861  à  abandonner  l'ancien  bec  employé  dans  les  lanternes 
publiques  et  à  le  remplacer  par  un  bec  normal,  qui,  sans 
accroissement  de  dépense,  a  plus  que  doublé  la  lumière. 
D'autres  améliorations  étaient  réalisées  :  on  diminuait  la 
hauteur  exagérée  des  becs  au-dessus  du  sol  ;  on  adoptait  des 
candélabres  (Y.  ce  mot)  d'un  heureux  elfct  décoratif.  La 
ventilation  des  locaux  éclairés  par  le  gaz,  qui  avait  de  bonne 
heure  attiré  l'attention  des  Anglais,  commençait^  à  être  étu- 
diée en  France  ;  il  n'est  presque  personne  qui  n'ait  éprouvé 
au  bout  de  peu  de  temps  passé  dans  un  local  éclairé  au  gaz  un 
malaise  occasionné  par  la  chaleur  et  les  émanations  que  déve- 
loppe la  combustion.  Une  commission  formée  par  les  soins  du 
préfet  de  la  Seine  a  recherché  les  moyens  les  plus  faciles  et 
les  plus  pratiques  de  ventilation.  On  ménage  à  cet  effet  dans 
les  planchers  et  les  murs  des  orifices  et  des  tuyaux  qui  abou- 
tissent à  des  cheminées  d'appel.  C'est  seuleinent  depuis  que 
la  ventilation  a  été  ainsi  réalisée  que  l'emploi  du  gaz  a  cessé 
de  présenter  de  trop  grands  inconvénients  hygiéniques  dans 
les  pièces  si  restreintes  de  nos  appartements.  —  La  consom- 
mation du  gaz  en  France  a  beaucoup  augmenté  dans  ces  der- 
nières années,  comme  le  montrent  les  tableaux  suivants  • 


A^NFF<                        PARIS 

(intra-muros) 

HORS  PARIS 

TOTAUX 

1878 

1888 

mètres  cubes 

185.000.000 

262.000.000 

mètres  cubes 

197.000.000 

355.000.000 

mètres  cubes 

382.000.000 
017.000.000 

Tableau  de  la  répartition  des  villes  éclairées  au  gaz. 


GROUPES  D^HABITANTS 


Au-dessous  de  2,000 

De  2,000  à  4,000 

De  4,000  à  6,000 

De  6,000  à  8,000 

De  8,000  à  20,000 

De  20,000  à  40,000 

De  40,000  à  80,000 

De  80.000  à  200,000 

Au-dessus  de  200,000 

Totaux 


1878 


Nombre 


60 
171 
134 

85 
164 

41 

21 


687 


Population 


84.539 

522.332 

656.580 

580.233 

2,087.165 

1.132.408 

1.181.726 

1.039.513 

2.658.938 


9.943.434 


1889 


Nombre 


143 

276 

196 

126 

187 

59 

28 

9 

4 


1.028 


Population 


197.957 

822.933 

951.695 

872.079 

2.330.095 

1.550.943 

1.590.873 

1.078.973 

3.363.205 


12.758.753 


341  — 


ECLAIRAGE 


L'accroissement  a  donc  été  très  rapide.  Nous  sommes 
pourtant  tr«'^s  loin  de  l'Angleterre.  La  ville  de  Londres  à 
elle  seule  consomme  plus  de  gaz  que  la  France  entière.  Le 
fait  caractéristique  des  dix  dernières  années,  en  dehors  de 
l'accroissement  de  consommation,  est  la  création  de  becs 
intensifs  avec  ou  sans  récupération.  L'inertie  dans  laquelle 
s'endormaient  les  compagnies  privilégiées  pourvues  de 
monopoles  s'est  trouvée  tout  à  coup  secouée  par  la  con- 
currence de  l'électricité.  Il  y  a  dix  ans,  les  becs  employés 
étaient  uniquement  de  i ,  2  ou  3  carcels  et  consommaient 
de  400  à  125  litres  par  carcel.  Aujourd'hui  on  rencontre 
couramment  des  becs  de  20,  30  et  50  carcels  consommant 
50,  40  et  même  30  litres  par  carcel.  Les  lampes  nouvelles 
appartiennent  à  divers  types  :  lampes  intensives  à  l'air 
libre,  lampes  à  air  chaud,  lampes  à  incandescence  à  gaz, 
lampes  à  gaz  carburé.  L'emploi  des  lampes  intensives 
fut  provoqué  par  l'apparition  de  la  bougie  Jablochkoff  et 
son  essai  sur  l'avenue  de  l'Opéra.  La  Compagnie  du  gaz 
engagea  la  lutte  en  installant  rue  du  Quatre-Septembre  des 
becs  formés  de  six  papillons  à  fente  de  6/10  demillim. 
consommant  1,400  litres  à  l'heure  et  munis  de  coupes  en 
cristal  constituant  cheminée.  La  dépense  par  carcel  était 
ramenée  de  127  à  105  litres.  Ce  succès  décida  l'apparition 
de  types  analogues  à  Paris.  Les  lampes  à  air  chaud  étaient 
connues  en  principe  depuis  longtemps.  En  1836,  à  la  suite 
d'un  concours  ouvert  par  la  Société  d'encouragement  «  sur 
les  moyens  les  plus  efficaces  d'augmenter  le  pouvoir  illu- 
minant du  gaz  »,  Chaussenot  avait  obtenu  un  prix  de 
2,  000  fr.  pour  une  lampe  réduisant  de  33  *^/,,  la  con- 
sommation. Dans  cette  lampe,  l'air  alimentant  la  com- 
bustion s'échauffait  entre  deux  cheminées  de  verre.  L'idée 
était  juste  :  car  les  flammes  du  gaz  doivent  leur  pouvoir 
éclairant  aux  particules  de  carbone  qu'elles  tiennent  en 
suspension  et  qui  viennent  de  la  décomposition  des  hydro- 
carbures par  la  chaleur,  et  le  pouvoir  lumineux  de  ces  par- 
ticules croît  rapidement  avec  la  température.  Mais  l'appa- 
reil de  Chaussenot  était  trop  fragile  pour  passer  dans  la 
pratique.  Ce  fut  seulement  en  1879  que  Frédéric  Siemens, 
de  Dresde,  reprit  le  principe  et  créa  les  becs  à  récupéra- 
tion très  répandus  aujourd'hui  :  l'air  n'arrive  au  brûleur 
qu'après  avoir  été  porté  à  une  température  élevée  par  la 
chaleur  récupérée  provenant  des  produits  de  la  combustion. 
Wenham  a  perfectionné  en  1882  le  bec  Siemens  en  ren- 
versant la  flamme  et  en  plaçant  le  récupérateur  au-dessus 
du  bec,  de  manière  à  ne  plus  perdre  de  lumière.  Ces  nou- 
veaux modèles  se  sont  multipliés  :  on  en  voyait  un  grand 
nombre  à  l'Exposition  universelle  de  1889. 

Les  lampes  à  incandescence  à  gaz  sont  d'un  emploi  beau- 
coup plus  restreint  :  elles  tirent  un  éclat  exceptionnel  de  la 
présence  dans  la  flamme  d'une  matière  réfractaire  portée 
à  l'incandescence  :  à  ce  type  appartiennent  le  bec  Clamond 
(corbeille  de  magnésie  additionnée  d'oxydes  métalliques) 
et  le  bec  Auër  von  Welsbach  (mèche  en  zircon  mélangé 
avec  des  oxydes  incombustibles).  Les  lampes  à  gaz  carburé 
sont  alimentées  par  du  gaz  qui  s'est  préalablement  enrichi 
de  carbone  en  traversant  des  hydrocarbures. 

Eclairage  a  l'électricité,  —  Mais,  tandis  que  l'éclai- 
rage au  gaz  se  substituait  à  l'ancien  éclairage  à  t'huile,  un 
nouveau  système  se  développait  de  son  côté,  qui,  d'abord 
méconnu  et  dédaigné,  semble  devoir  remplacer  tous  les 
autres  dans  un  avenir  plus  ou  moins  rapproché  :  je  veux 
parler  de  l'éclairage  à  l'électricité.  La  lumière  électrique 
a  été  connue  de  tout  temps  :  l'éclair,  en  effet,  n'est  pas 
autre  chose  qu'une  gigantesque  étincelle  électrique  ;  mais 
c'est  seulement  au  xvii®  siècle  qu'on  a  réussi  à  reproduire 
artificiellement  l'image  en  miniature  de  ce  grandiose  phé- 
nomène naturel.  A  partir  de  ce  moment  jusqu'à  nos  jours, 
l'histoire  de  l'éclairage  électrique  a  passé  par  trois  phases 
bien  distinctes,  que  l'on  peut  résumer  d'un  mot  en  disant 
qu'elles  correspondent  exactement  aux  progrès  des  ma- 
chines génératrices  d'électricité.  La  première  période,  qui 
comprend  la  fin  du  xvii®  et  tout  le  xviii®  siècle,  est  la  pé- 
riode des  machines  statiques  ;  la  seconde  période,  qui  com- 


prend les  soixante-dix  premières  années  du  xix^  siècle,  est 
la  période  des  piles  ;  la  troisième  période  ou  période  con- 
temporaine est  celle  des  dynamos.  Tant  qu'on  ne  connaît 
d'autre  source  d'électricité  que  la  machine  statique,  on  ne 
connaît  d'autre  manifestation  lumineuse  que  l'étincelle, 
d'une  durée  aussi  courte  que  l'éclair.  La  pile  découverte  en 
1800  par  Volta  permet  de  produire  l'électricité  d'une  ma- 
nière continue  :  à  l'étincelle  succèdent  l'arc  électrique 
(1813)  et  les  lampes  à  incandescence  (1841).  L'arc  et  les 
lampes  à  incandescence  revêtent,  dès  l'origine,  l'aspect 
même  qu'ils  ont  aujourd'hui.  Mais  ils  restent  confinés 
dans  les  laboratoires,  le  prix  du  nouvel  éclairage  étant 
beaucoup  plus  élevé  que  celui  de  l'ancien.  Ce  n'est  que 
quand  les  machines  dynamo-électriques  permettent  de 
produire  l'électricité  à  bon  marché  que  s'ouvre  la  période 
industrielle. 

Ce  fut  Otto  de  Guericke,  bourgmestre  de  Magdebourg, 
qui  découvrit,  en  1672,  l'étincelle  électrique.  Ayant  cons- 
truit la  première  machine  électrique,  simple  globe  de  soufre 
qu'il  faisait  tourner  rapidement  avec  une  corde  pendant  qu'il 
appuyait  la  main  dessus,  il  vit  qu'en  approchant  de  ce  globe 
un  objet,  il  en  jaillissait  une  petite  lueur.  Peu  après,  Wall,  qui 
répéta  l'expérience  avec  un  bâton  d'ambre,  déclara  que  la 
lumière  et  le  craquement  lui  paraissaient  représenter  en 
quelque  sorte  le  tonnerre  et  l'éclair.  Dufay,  membre  de 
l'Académie  des  sciences  de  Paris,  se  fit  électriser  en  se  pla- 
çant sur  un  plateau  de  bois  isolé  et  tira  des  étincelles  de 
tous  les  objets  voisins,  en  même  temps  que  les  personnes 
présentes  en  tiraient  de  son  corps.  L'expérience  excita  une 
admiration  unanime  ;  quelques-uns  la  varièrent  en  se  coif- 
fant la  tête  d'une  couronne  métallique  munie  de  pointes, 
d'où  paraissaient  sortir  des  auréoles  lumineuses.  D'autres 
électrisèrent  Teau  d'une  fontaine  qui  se  dispersait  en  gouttes 
brillantes.  Au  moyen  de  grosses  machines  électriques  for- 
mées de  plusieurs  globes  de  soufre  de  grandes  dimensions, 
on  réussit  à  obtenir  des  jets  de  flamme  si  rapprochés,  que 
l'on  voyait  distinctement  les  visages  d'une  dizaine  de  per- 
sonnes assises  dans  une  chambre.  Aussi  les  plus  vives  espé- 
rances furent-elles  excitées  par  là  chez  les  contemporains. 

Le  XIX®  siècle  marque  une  nouvelle  ère  dans  l'histoire 
de  l'électricité.  En  1800,  Volta  découvre  la  pile  grâce  à 
laquelle  on  produit,  d'une  manière  suivie,  les  effets  des 
anciennes  machines.  On  reconnaît  facilement  l'identité  qui 
existe  entre  l'électricité  des  machines  et  celles  des  piles. 
Divers  physiciens  remarquent  que,  lors  de  l'ouverture  et 
de  la  fermeture  du  circuit,  il  se  produit  des  étincelles  dues 
à  l'arrachement  des  morceaux  de  métal  incandescents.  Il 
semblait  naturel  de  remplacer  les  pointes  métalliques,  dif- 
ficiles à  rendre  incandescentes  et  s'arrachant  mal,  par  des 
pointes  de  charbon.  Le  physicien  Ritter  termina  un  des 
côtés  de  la  chaîne  par  un  crayon  de  charbon  :  il  obtint 
ainsi  de  belles  étincelles. 

Un  pas  de  plus,  et  l'arc  voltaïque  était  trouvé.  Ce  pas 
décisif,  ce  fut  Davy  qui  le  fit.  L'expérience  eut  lieu  en 
1813  à  l'Institution  royale  de  Londres.  Davy  employait 
une  pile  de  2,000  couples  zinc-cuivre  de  2  décim.  carrés 
chacun,  et  baignant  dans  une  dissolution  d'alun  acidulée 
par  l'acide  sulfurique.  Le  courant  était  amené  dans  deux 
morceaux  de  charbon  de  bois  de  3  centim.  de  longueur  et 
de  2  milHm.  de  diamètre,  placés  bout  à  bout.  Les  écartant 
progressivement  jusqu'à  11  centim.  de  distance,  Davy 
obtint  une  magnifique  bande  de  feu  dont  l'éclat  dépassait 
celui  de  toutes  les  lumières  alors  connues.  Il  put  fondre 
ou  volatiliser  dans  ce  brillant  foyer  les  substances  les  plus 
difficilement  fusibles  :  le  platine,  le  quartz,  le  saphir,  la 
chaux,  la  magnésie  (V.  Arc  électrique).  En  répétant 
l'expérience  de  Davy,  on  reconnut  bien  vite  que,  pour  la 
faire  passer  dans  la  pratique,  il  faudrait  surmonter  trois 
graves  difficultés,  tenant  la  première  à  la  nature  des  piles, 
la  seconde  à  celle  des  charbons,  la  troisième  à  la  régulation 
de  l'arc. 

Les  piles  construites  sur  le  modèle  de  celle  de  Volta 
s'affaiblissaient  très  vite  par  le   passage    du    courant, 


ECLAIRAGE 


-  342  — 


en  sorte  que  l'intensité  diminuant,  l'arc  s'éteignait  tout  à 
coup.  La  découverte  des  éléments  à  courant  constant  (élé- 
ments Daniell,  1838,  et  Bunsen,  1840)  en  levant  cette  objec- 
tion ramena  l'attention  publique  vers  les  applications  de 
l'arc  électrique. 

Alors  se  présenta  la  question  des  charbons  :  les  charbons 
de  bois  employés  par  Davy  se  consumaient  très  rapide- 
ment et  donnaient  un  éclat  variable  suivant  les  échantil- 
lons. En  1844,  Léon  Foucault  substitua  aux  charbons  de  bois 
les  charbons  qui  se  déposent  contre  les  parois  des  cornues 
à  gaz.  Ces  charbons  lentement  formés  présentent  plus  de 
dureté  et  brûlent  moins  rapidement.  Mais  bien  que  les 
expériences  publiques  de  Deleuil  à  Paris  eussent  fort  bien 
réussi,  les  charbons  des  cornues  laissaient  encore  fort  à 
désirer  ;  ils  étaient  mélangés,  comme  le  montra  Le  Roux,  à 
des  matières  terreuses  et  siliceuses,  en  sorte  que  leur  lu- 
mière était  très  agitée.  Les  charbons,  se  désagrégeant  par  la 
fusion  de  ces  matières,  éclataient  souvent  et  se  trouvaient 
accompagnés  la  plupart  du  temps  de  vapeurs  qui  écoulaient 
une  partie  de  l'arc  à  l'état  de  décharge  obscure.  On  cher- 
cha donc  à  fabriquer  de  toutes  pièces  des  charbons  aussi 
durs,  mais  plus  purs.  Dès  1846,  deux  ans  à  peine  après 
l'innovation  de  Foucault,  Staite  et  Edwards  faisaient  bre- 
veter un  procédé  dont  le  principe  est  encore  employé 
aujourd'hui.  Ils  pulvérisaient  un  mélange  de  coke  et  de 
sucre  qu'ils  malaxaient  et  comprimaient  dans  un  moule  ; 
ils  le  soumettaient  successivement  à  une  première  cuisson, 
après  laquelle  ils  ajoutaient  une  dissolution  concentrée  de 
sucre,  puis  à  une  seconde  cuisson  à  la  chaleur  blanche. 
Plus  tard  Jacquelain  fabriqua  un  charbon  très  pur  avec  les 
goudrons  provenant  de  la  distillation  de  la  houille  ;  Arche- 
reau  donna  l'idée  de  comprimer  la  pâte  à  travers  une  filière, 
et  obtint  de  bons  résultats  en  ajoutant  de  la  magnésie  aux 
poudres  de  charbon.  Depuis  cette  époque  d'innombrables 
brevets  ont  été  pris  pour  la  préparation  des  charbons.  Ils 
ne  diifèrent  guère  les  uns  des  autres  que  par  les  propor- 
tions relatives  du  coke  et  du  sucre,  par  la  substitution  du 
charbon  de  bois  au  coke.  Contentons-nous  de  dire  que  les 
charbons  les  plus  lumineux  sont  ceux  de  Gaudoin  (1877), 
dont  la  base  est  le  noir  de  fumée,  et  que  les  plus  souvent 
employés  dans  l'industrie  sont  ceux  de  Carré  en  France 
(1876)  et  de  Siemens  en  Allemagne. 

Le  problème  de  la  fabrication  des  charbons  n'était  pour- 
tant pas  ni  le  seul,  ni  même  le  principal  dont  on  se  préoc- 
cupât alors.  Le  problème  des  régulateurs  paraissait  encore 
plus  important.  Afin  d'empêcher  l'extinction  de  l'arc,  Davy 
se  bornait,  au  fur  et  à  mesure  de  la  combustion,  à  rap- 
procher à  la  main  les  deux  pointes  de  charbon.  Ce  procédé 
par  trop  primitif  réglait  la  lumière  par  soubresauts  et  offrait 
en  outre  de  graves  inconvénients  pour  la  vue  de  l'opéra- 
teur, obligé  de  s'approcher  de  très  près  de  la  lampe.  On 
s'appliqua  donc  à  trouver  un  système  capable  de  maintenir 
la  lumière  fixe  dans  l'espace  et  de  lui  conserver  une  inten- 
sité constante  malgré  l'usure  des  charbons  et  les  variations 
incessantes  de  l'intensité  du  courant.  En  1845,  Thomas 
Wright  eut  l'idée  de  remplacer  les  baguettes  cylindriques 
de  charbon  par  deux  disques  de  carbone,  auxquels  un 
mécanisme  d'horlogerie  communiquait  un  double  mou- 
vement de  rotation  et  de  translation.  A  chaque  révolution 
du  disque  les  charbons  se  trouvaient  rapprochés  d'une 
distance  précisément  égale  à  l'usure  due  à  la  combustion. 
L'année  suivante,  William  Edward  Staite  imagina  de 
régler  le  rapprochement  des  charbons  par  un  ressort 
en  spirale.  Deux  crayons  incHnés  de  30°  se  rencontraient 
obliquement  sur  une  substance  réfractaire  et  mauvaise  con- 
ductrice de  l'électricité.  Ces  crayons  étaient  placés  dans  des 
gaines  métalliques  et  poussés  par  des  ressorts  à  boudin  qui 
devaient  maintenir  leurs  pointes  à  une  distance  fixe.  Ce 
système  donna  des  résultats  médiocres  par  suite  de  l'usure 
inégale  des  deux  charbons,  le  charbon  positif  brûlant  deux 
fois  aussi  vile  que  le  négatif. 

Tous  les  régulateurs,  dans  lesquels  la  distance  des  char- 
bons est  maintenue  par  des  procédés  purement  mécaniques. 


sont  d'ailleurs  insuffisants  ;  la  longueur  de  l'arc  dépend  en 
effet  de  l'intensité  du  courant.  Toute  variation  du  courant 
risque  donc  d'amener  l'extinction  de  l'arc.  Grave  inconvé- 
nient que  l'on  ne  saurait  éviter  qu'en  prenant  le  courant 
lui-même  comme  régulateur.  Foucault  en  émit  l'idée  en 
1848,  et  Archereau  la  réalisa  presque  aussitôt;  il  fixait  le 
charbon  inférieur  à  un  cylindre  de  fer  placé  à  l'intérieur 
d'une  bobine  creuse  et  équilibré  par  un  contrepoids  qui 
tendait  à  le  faire  buter  contre  le  charbon  supérieur.  Le 
courant  en  passant  faisait  descendre  le  cyHndre  dans  la 
bobine;  mais, dès  qu'il  s'affaiblissait,  le  cylindre  remontait. 
Foucault  fit  ensuite  construire  par  Dubosq  un  régulateur 
très  parfait  muni  de  deux  moteurs,  dont  l'un  éloigne  les 
crayons  quand  ils  sont  trop  rapprochés  et  dont  l'autre  les 
rapproche  quand  ils  s'éloignent.  Mais  cet  appareil  était 
trop  délicat  pour  passer  dans  la  pratique  industrielle.  En 
revanche,  celui  de  Serrin  a  été  très  employé  ;  sa  caracté- 
ristique est  un  parallélogramme  oscillant  auquel  on  a  eu 
souvent  recours  depuis. 

C'est  en  1841  qu'eurent  lieu  les  premières  expériences 
publiques  faites  par  Deleuil  et  Archereau  sur  le  quai  Conti. 
Ils  utilisaient  comme  source  d'électricité  une  pile  de 
100  éléments  Bunsen  ;  les  charbons  de  l'arc  étaient  placés 
dans  un  ballon  où  l'on  avait  fait  le  vide.  Ils  n'employaient 
pas  de  régulateur.  La  lumière  était  si  vive  que  Cagnard  de 
La  Tour  put  lire  du  terre-plein  de  la  statue  de  Henri  IV  une 
étiquette  placée  au  fond  de  son  chapeau.  L'année  sui- 
vante, Archereau  fit  de  nouvelles  expériences  publiques  rue 
Rougemont,  boulevard  Bonne-Nouvelle  et  rue  Basse-du- 
Rempart.  Le  journal  r Illustration  contient  une  intéres- 
sante gravure  représentant  la  place  de  la  Concorde  illumi- 
née à  l'électricité,  le  20  oct.  1843.  C'était  Archereau  qui 
avait  installé  la  partie  optique.  L'arc  électrique  jaillissait 
dans  le  vide  entre  deux  pointes  de  charbon  trempées  dans 
du  mercure.  Le  courant  était  produit  à  l'aide  de  200  élé- 
ments à  acide  nitrique  et  charbon  construits  par  Deleuil. 
Le  journal  insiste  sur  le  merveilleux  éclat  de  la  lumière  ; 
la  plupart  des  becs  de  gaz,  dit-il,  avaient  été  éteints  et  la 
lueur  de  ceux  qui  demeuraient  semblait  pâle  et  fuligineuse. 
Avec  quatre  ou  cinq  foyers  semblables,  la  place  eût  été 
parfaitement  éclairée.  L'expérience  devait  être  recommen- 
cée peu  après  en  plaçant  une  étoile  beaucoup  plus  brillante 
au  sommet  de  l'Obélisque.  Mais  cette  curieuse  idée  ne  fut 
pas  mise  en  exécution.  En  déc.  1844,  Foucault  fit  de  nou- 
velles expériences  au  même  endroit.  Il  avait  disposé  son 
appareil  sur  les  genoux  de  la  statue  de  la  ville  de  Lille. 
Une  pile  de  100  éléments  Bunsen  était  logée  dans  la  petite 
pièce  ménagée  dans  le  soubassement  de  la  statue  ;  on  lisait 
facilement  un  journal  au  pied  de  l'obélisque. 

Peu  après,  la  lumière  électrique  était  introduite  au 
théâtre.  Le  premier  essai  eut  lieu  en  1846  dans  la  pièce 
des  Pommes  de  terre  malades.  Il  fut  renouvelé  en 
1849  à  l'Opéra  :  on  y  montait  le  Prophète^  et  Meyerbeer 
pria  Foucault  de  chercher  le  meilleur 'moyen  de  figurer 
un  lever  de  soleil.  Celui-ci,  qui  venait  d'inventer  son 
régulateur,  en  fit  usage  avec  un  grand  succès.  Duboscq, 
qui  fut  chargé  peu  après  du  service  électrique  de  l'Opéra, 
y  réalisa  une  multitude  d'applications  de  l'éclairage  élec- 
trique :  imitation  de  la  lune,  de  l'arc-en-ciel,  rayons  de  cou- 
leurs, suivant  les  personnages,  fontaines  lumineuses,  etc. 
Durant  le  second  Empire,  l'éclairage  électrique,  sans  en- 
trer encore  dans  la  pratique  courante,  fut  employé  à  maintes 
reprises.  Ce  fut  grâce  à  lui  que  l'on  put  travailler  de  jour 
comme  de  nuit  au  nouveau  Louvre,  au  pont  Notre-Dame  et 
aux  docks  Napoléon.  Dans  cette  dernière  entreprise,  huit 
cents  ouvriers  étaient  occupés  dans  les  tranchées  ;  celles- 
ci  étaient  éclairées  par  deux  régulateurs  alimentés  chacun 
par  une  pile  de  cinquante  éléments.  A  l'Exposition  de  1835, 
la  grande  nef  du  palais  de  l'Industrie  fut  éclairée  à  l'élec- 
tricité, lors  de  la  distribution  des  récompenses.  Duboscq 
avait  installé  l'éclairage  qui  dura  douze  heures  consé- 
cutives sans  la  moindre  défaillance.  A  chacune  des  extré- 
mités du  vaisseau,  on  avait  placé  une  lampe  alimentée  par 


—  343  — 


ECLAIRAGE 


cent  éléments  Bunsen.  La  première  lampe  marcha  de  cinq 
heures  à  dix  heures  et  demie  du  soir  ;  la  seconde  de  dix 
heures  et  demie  à  trois  heures  du  matin  et  de  trois  à  six 
heures.  On  réunit  ensuite  les  deux  lampes  de  manière  à  les 
faire  fonctionner  ensemble.  Au  moment  où  le  jour  parut, 
la  lumière  brillait  encore  de  tout  son  éclat. 

C'est  en  cette  même  année  que  l'on  fit  la  première  ap- 
plication des  projections  électriques  à  la  guerre,  La  flotte 
française  s'en  servit  au  siège  de  Kinburn,  dans  la  Bal- 
tique; en  1863,  l'électricité  fut  installée  aux  phares  de  La 
Hève  avec  un  grand  succès.  Aussi  construisit-on,  lors  de 
l'Exposition  de  1867,  un  petit  phare  qui  fut  fort  remarqué 
sur  le  modèle  de  ceux  de  La  Hève.  Les  lampes  Serrin  ser- 
vaient encore  à  éclairer  à  cette  exposition  une  belle  pis- 
cine située  le  long  du  quai  de  la  Seine,  où  des  plongeurs, 
vêtus  d'un  appareil  Denayrouze,  jouaient  aux  dominos  de- 
vant les  badauds  stupéfaits.  Au  mois  de  janvier,  Napo- 
léon III  fit  venir  Serrin  et  lui  ordonna  d'éclairer  la 
cour  du  Carrousel  à  l'aide  de  quatre  régulateurs  de  son 
système.  Le  résultat  ayant  été  très  satisfaisant,  la  lumière 
électrique  fut  appelée  à  jouer  son  rôle  dans  la  grande  fête 
de  nuit  donnée  aux  Tuileries  le  10  juin.  C'est  la  fête 
connue  sous  le  nom  de  fête  des  souverains,  car  Napo- 
léon avait  réuni  à  sa  table  l'empereur  Alexandre  II  et  son 
fils,  le  roi  Guillaume  et  son  ministre  M,  de  Bismarck,  le 
taïkoun  du  Japon  et  un  grand  nombre  de  majestés  secon- 
daires dont  les  principautés  ont,  pour  la  plupart,  disparu 
depuis  lors.  Dans  le  jardin  étaient  installés  trente-deux 
régulateurs  que  l'on  alluma  tous  au  même  instant,  afin  de 
faire  succéder  sans  transition  la  lumière  la  plus  intense  à 
l'obscurité  la  plus  profonde.  Chacun  d'eux  était  alimenté 
par  cinquante  piles  Bunsen  dissimulées  dans  les  fossés. 
En  face  de  chaque  régulateur  se  trouvait  un  soldat,  préa- 
lablement stylé.  Trois  coups  de  grosse  caisse  furent  frap- 
pés. Au  troisième,  chaque  soldat  tournait  son  commuta- 
teur. La  précision  fut  parfaite,  et  tout  le  jardin  s'illumina 
d'un  seul  coup.  D'ailleurs,  des  expériences  analogues  avaient 
lieu  dans  tous  les  pays:  à  Rio  de  Janeiro,  pour  l'anniver- 
saire de  l'indépendance  du  Brésil;  à  Boston,  pour  célébrer 
la  victoire  des  armées  fédérales  (1863). 

Vers  la  même  époque,  d'autres  expériences  non  moins 
remarquables  ouvraient  une  nouvelle  voie.  Les  régulateurs 
présentent  l'inconvénient  qu'on  ne  peut  en  placer  qu'un 
seul  par  circuit,  carie  courant  réglant  le  rapprochement  des 
charbons,  un  accident  arrivé  à  une  lampe  troublerait  toutes 
les  autres.  Or,  dans  l'éclairage  privé  ou  public,  on  a  plutôt 
besoin  d'une  série  de  petits  foyers  que  d'un  seul  foyer 
intense.  Aussi  chercha-t-on  de  bonne  heure  à  établir  des  becs 
électriques  analogues  aux  becs  de  gaz.  Les  frères  Deleuil 
tentèrent  pendant  les  mois  de  sept.,  oct.  et  déc.  1850 
de  placer  dans  un  même  circuit  une  série  d'arcs  vol- 
taïques,  mais  les  résultats  furent  médiocres,  la  lumière  ne 
se  maintenant  jamais  fixe  plus  de  dix  à  quinze  minutes. 
Deux  physiciens  lyonnais,  J.  Lacassagne  et  Rodolphe  Thiers, 
reprirent  la  question  et  imaginèrent  une  disposition,  grâce 
à  laquelle  chaque  lampe  brille  isolément  sans  influencer  sa 
voisine.  Les  lampes  sont  connues  aujourd'hui  sous  le  nom 
de  lampes  différentielles.  Considérons  un  régulateur  Ar- 
chereau  où  le  déplacement  des  charbons  est  réglé  par  les 
mouvements  d'un  noyau  de  fer  doux  placé  dans  l'arc  d'un 
solénoïde  que  traverse  le  courant  ;  plaçons  en  dérivation 
sur  l'arc  un  second  solénoïde  à  fil  très  résistant.  Le  courant 
se  partage  entre  ces  deux  branches  en  raison  inverse  de 
leurs  résistances.  Si  le  régulateur  est  en  équilibre,  si  l'arc 
offre  une  résistance  déterminée,  le  courant  peut  varier  d'in- 
tensité ;  l'arc  reste  fixe.  Les  accidents  survenus  aux  autres 
lampes  ne  tirent  pas  à  conséquence.  Il  suffit  donc  d'assu- 
rer la  régulation  de  l'intérieur  de  l'appareil  ;  or,  celle-ci 
se  fait  sans  difficulté  :  si  l'arc  s'allonge,  sa  résistance  aug- 
mente, une  plus  grande  partie  du  courant  se  dérive  dans 
la  bobine  à  fil  fin  "et  l'attraction  de  celle-ci  augmentant,  le 
noyau  s'élève  et  la  distance  des  charbons  se  rétablit.  C'est 
au  moins  de  juin  1855,  sur  le  quai  des  Célestins,  à  Lyon, 


que  Lacassagne  et  Thiers  firent  les  premières  expériences 
publiques  du  nouveau  système  avec  leur  lampe  à  mercure. 
«  Le  quai  tout  entier,  dit  le  Salut  public^  était  inondé 
d'une  lumière  fulgurante  qui  permettait  de  lire  à  une  dis- 
tance de  400  m.  ;  les  oiseaux  eux-mêmes,  croyant  le  jour 
déjà  revenu,  quittèrent  leurs  nids  pour  venir  battre  de 
l'aile  dans  les  rayons  du  nouveau  soleil.  »  Ces  expériences 
furent  répétées  avec  succès,  en  1855,  à  Château- Beauj on, 
et,  en  1857,  dans  la  grande  rue  de  Lyon  ;  pendant  les 
dernières  soirées,  on  éteignit  même  les  réverbères  à  gaz. 
En  1856,  on  éclaira  de  même  à  Paris  l'avenue  de  l'Impé- 
ratrice, au  moyen  de  deux  lampes  placées  sur  l'Arc  de 
triomphe.  Le  système  de  Lacassagne  et  Thiers  donnait, 
par  avance,  la  solution  d'un  problème  qui  a  été  passionné- 
ment discuté  il  y  a  quelques  années  :  celui  de  la  division 
de  la  lumière  électrique.  Mais  il  venait  avant  son  heure. 
On  ne  disposait  pas  d'autres  sources  d'électricité  que  les 
piles,  et  il  semblait  indifférent  de  placer  plusieurs  foyers 
sur  le  même  circuit.  Ce  n'est  que  lorsqu'on  eut  inventé 
des  générateurs  puissants  que  la  question  de  la  division 
de  la  lumière  électrique  se  posa  de  nouveau.  A  cette  époque, 
Siemens  présenta  un  modèle  de  lampe  qui  reproduisait  les 
dispositions  essentielles  des  physiciens  lyonnais. 

Plus  récemment,  on  a  imaginé  de  substituer  aux  régu- 
lateurs, appareils  délicats  et  compliqués,  les  bougies  élec- 
triques dans  lesquelles  tout  mécanisme  est  supprimé.  Cette 
combinaison  si  simple  fut  imaginée  en  1877  par  l'officier 
russe  Jablochkoff.  Deux  charbons  parallèles  sont  séparés 
par  une  matière  isolante,  telle  que  le  kaohn,  qui  se  con- 
sume en  même  temps.  Pour  allumer  les  bougies,  on  réunit 
les  deux  pointes  des  baguettes  des  électrodes  par  un  petit 
filet  de  charbon  que  le  passage  du  courant  fait  rougir  et 
qui  remplit  l'office  d'amorce  .'Mais  il  subsiste  toujours  une 
difficulté  :  dans  l'arc  voltaïque,  le  pôle  positif  s'use  deux 
fois  aussi  vite  que  le  négatif.  Pour  y  obvier,  Jablochkoff" 
donna  à  ce  charbon  positif  une  section  double  de  celle  du  char- 
bon négatif.  Mais  il  vit  bientôt  qu'il  était  beaucoup  plus  simple 
de  laisser  les  charbons  semblables  et  d'avoir  recours  aux 
courants  alternatifs.  La  bougie  Jablochkoff'  a  puissamment 
contribué  au  triomphe  de  l'éclairage  électrique.  Sa  remar- 
quable simphcité  en  a  fait,  dès  son  apparition,  l'objet  d'un 
engouement  mérité.  La  nouvelle  invention  ferma  la  bouche 
à  ceux  qui  s'obstinaient  encore  à  ne  voir  dans  la  lumière 
électrique  qu'une  curiosité  de  laboratoire  nécessitant  la  pré- 
sence d'un  physicien  de  profession.  Une  compagnie  impor- 
tante se  forma  aussitôt  pour  l'exploiter  et  les  applications  se 
multiphèrent  rapidement.  Les  premiers  essais  publics  eurent 
lieu  au  mois  de  mai  1877  dans  les  grands  magasins  du 
Louvre  :  six  foyers  y  furent  allumés  dans  le  hall  Marengo, 
Les  grands  hôtels,  les  théâtres,  les  gares  y  eurent  bientôt 
recours.  En  1879,  on  comptait  à  Paris  plus  de  trois  cents 
foyers  de  ce  système  ;  l'avenue  de  l'Opéra  en  donnait  une 
brillante  démonstration,  ainsi  que  la  place  de  la  Bastille, 
les  Halles,  la  place  du  Théâtre-Français,  l'hôtel  Continen- 
tal, l'Hippodrome,  l'hôtel  du  Figaro,  le  théâtre  du  Châ- 
telet,  etc. 

Lumière  électrique  à  incandescence.  Dans  les  lampes 
à  incandescence,  le  conducteur,  au  lieu  de  se  consumer 
comme  dans  les  appareils  à  arc,  est  simplement  porté  au 
rouge.  Les  apparences  d'incandescence  ont  été  observés 
dès  le  xviii^  siècle.  Le  thermomètre  de  Kinnersley  (1761) 
contient  une  spirale  en  fil  de  fer  portée  au  rouge  par  la 
décharge  d'une  batterie.  Plus  tard,  Van  Marum,  avec  sa 
grosse  machine,  fit  fondre  de  gros  fils  de  fer  et  constata 
que  le  platine  est  le  métal  le  plus  difficilement  fusible. 
Une  fois  l'incandescence  constatée,  il  était  naturel  de 
supprimer  l'air  dans  lequel  le  fil  se  consumait  rapidement 
et  de  faire  l'expérience  dans  le  vide.  La  première  lampe  à 
incandescence  fut  construite  par  l'Anglais  de  Moleyns  à 
Cheltenham,  en  1841.  Un  ballon  de  verre,  dans  lequel  on 
avait  fait  le  vide,  était  traversé  par  une  spirale  de  platine 
verticale  que  le  courant  rendait  incandescente.  Pour  aviver 
cette  lumière,  de  Moleyns  laissait  tomber  sur  le  fil  rougi 


ÉCLAIRAGE 


—  344  — 


du  charbon  finement  pulvérisé  et  contenu  dans  un  petit 
réservoir  placé  à  la  partie  supérieure  de  la  spirale.  Grâce 
à    cet  artifice,   on   obtenait  une  belle  lumière   blanche. 
Comme  la  spirale  fondait  facilement,  de  Moleyns  avait  eu 
la  précaution  de  la  composer  de  deux  parties  placées  côte 
à  côte,  en  sorte  qu'il  suffisait  de  pousser  un  petit  cercle 
métallique  pour  substituer  la  moitié  intacte  à  la  moitié  en- 
dommagée. Mais  cette  précaution,  pour  louable  qu'elle  fût, 
était  d'un  caractère  peu  pratique,  et  le  platine  fondait  trop 
facilement  pour  que  la  lampe  devînt  d'un  usage  courant. 
En  1845,  apparut  un  nouveau  système  d'incandescence. 
Il  avait  été  imaginé  par  l'Américain  Starr  :  le  grand  phi- 
lanthrope Peabody,  qui  le  subventionnait,  avec  une  modes- 
tie dont  l'Amérique  a  perdu  l'habitude,  lui  conseilla  d'aller 
soumettre  son    invention  aux  savants   européens.  Mais 
Peabody,  se  défiant  de  la  naïveté  de  son  protégé    et  du 
manque  de  scrupules  des  Anglais,  eut  l'idée  malheureuse 
de  lui  adjoindre  un  agent  d'affaires  retors  nommé  King. 
La  lampe  de  Starr  consistait  en  un  candélabre  de  vingt- 
six  lampes  (destinées  à  symboliser  les  vingt-six  Etats  de 
l'Union)  ;  il  la  fit  fonctionner  avec  un  plein  succès  sous  les 
yeux  de  Faraday.  Chaque  lampe  se  composait  d'un  ballon 
(le  verre  où  l'on  avait  fait  le  vide,  traversé  par  deux  tiges 
métalliques  entre  lesquelles  se  trouvait  un  mince  fil  de 
charbon  des  cornues.  Ce  fil  était  porté  au  rouge  blanc  par 
un  fort  courant.  Starr  insistait  sur  l'utilité  que  pouvait  avoir 
sa  lampe  pour  les  plongeurs,  les  mineurs  et  dans  toutes  les 
circonstances  où  les  lumières  à  flannnes  sont  dangereuses. 
Son  invention  était  fort  intéressante  :  il  la  paya  peut-être 
de  sa  vie,  car,  le  lendemain  du  jour  où  il  quitta  l'Angleterre, 
en  compagnie  de  son  secrétaire,  on  le  trouva  mort  dans 
son  lit,  et^King  s'empara  de  ses  brevets  pour  les  exploiter. 
Mais  le  charbon  des  cornues  retient  dans  ses  pores  de 
Pair  qui  amène  bientôt  sa  combustion.  Aussi  en  revint-on 
aux  spirales  métalliques.  Pétrie  remplaça,  en  1849,  le  pla- 
tine par  l'iridium  :  invention  dont  on  a  voulu  faire  honneur 
à  Edison,  sans  grand  intérêt,  du  reste,  car  Piridium  fond 
comme  le  platine.  Vers  1858,  eurent  lieu  les  essais  d'un 
inventeur  original  nommé  de   Changy,  essais  qui  exci- 
tèrent d'abord   un  grand  enthousiasme,   puis  tombèrent 
dans  l'oubli.  On  y  trouve  pourtant  le  germe  de  presque 
tous  les  progrès  accompHs  plus  tard.  De  Changy  essaya  suc- 
cessivement l'incandescence  des  métaux  et  celle  du  charbon. 
Il  construisit  d'abord  une  lampe  incandescente  au  platine. 
Des  expériences  préalables  le  conduisirent  à  reconnaître 
que  le  métal  devait  recevoir  une  préparation  particulière  ; 
au  lieu  de  le  porter  de  prime  abord  à  l'incandescence ,  il 
vaut  mieux  l'accoutumer  peu  à  peu  à  l'office  qu'il  doit 
rendre  ;  à  cet  effet,  on  le  maintient  à  des  chaleurs  rouges 
modérées  pour  le  faire  lentement  arriver  au  degré  où  il  doit 
être  maintenu.  Edison  a  retrouvé  ces  résultats  vingt  ans  plus 
tard.  Mais  pour  éviter  la  fusion  du  métal  il  était  nécessaire 
de  régulariser  l'intensité  du  courant  et  de  diviser  celui-ci 
entre  plusieurs  lampes.  De  Changy  y  arrivait  en  plaçant 
chaque  lampe  sur  un  circuit  dérivé  du  courant  principal  ; 
ce  circuit  traversait,  en  outre,  le  fil  d'un  électro-aimant.  Un 
second  circuit  dérivé,  branché  sur  le  premier,  était  formé 
par  le  noyau  de  cet  électro-aimant  et  son  armature  :  ce 
second  circuit  ne  se  fermait  que  si  le  courant  devenait  trop 
intense,  et  menaçait  de  fondre  le  platine  ;  il  lui  fournissait 
alors  une  dérivation.  Cette  méthode  ingénieuse  n'obviait  pas 
d'une  manière  suffisante  au  grand  inconvénient  du  platine, 
qui  est  le  risque  de  fusion.  Aussi  de  Changy  eut-il  également 
recours  à  l'incandescence  du  charbon.  Il  tailla  d'abord  des 
baguettes  très  fines  de  charbon  des  cornues,  et,  pour  éviter  le 
défaut  d'homogénéité  qui  causait  fréquemment  leur  rupture, 
les  trempa  dans  des  résines  fondues  ou  des  solutions  sucrées, 
et  les  fit  ensuite  recuire.  Mais  cet  artifice  même  n'était  pas 
complètement  satisfaisant.  Aussi,  en  1859,  du  Moncel  ayant 
fait  connaître,  dans  ses  études  sur  la  bobine  de  Ruhm- 
korfi*,  des  expériences  dans  lesquelles  il  avait  obtenu  une 
très  brillante  lumière  par  l'incandescence  de  fibres  végé- 
tales, telles  que  du  liège,  préalablement  trempées  dans 


l'acide  sulfurique  et  carbonisées,  de  Changy  tenta  l'appli- 
cation de  ce  procédé  aux  lampes  vides  d'air,   mais  il 
reconnut  qu'il  fallait  augmenter  la  conductibilité  et  l'homo- 
généité qui  n'étaient  pas  suffisantes  ;   cela  exigeait  une 
série  d'expériences  qu'il  ne  poussa  pas  jusqu'au  bout.  On 
sait  que  c'est  dans  cette  voie  qu'ont  été  trouvées  les  solu- 
tions adoptées  aujourd'hui.  Quoi  qu'il  en  soit,  les  résultats 
obtenus  par  de  Changy  dans  ses  divers  essais  excitèrent 
l'admiration  de  tous  les  spectateurs.  M.  Jobard,  directeur 
du  Musée  industriel  de  Bruxelles,  les  décrivait  en  ces 
termes  :  «  J'ai  vu  une  pile  de  douze  éléments  Bunsen, 
perfectionnée  par  de  Changy,  produisant  un  arc  lumineux 
constant,  sans  intermittence  et  sans  crépitation,  entre  deux 
charbons  rapprochés  par  un  régulateur  de  son  invention  ; 
de  plus,   une  douzaine  de  petites  lampes  de  mineur,  mo- 
biles sur  des  tringles  ou  des  fils  de  cuivre  dont  il  peut  à 
volonté  allumer  ou  éteindre  l'une  ou  l'autre,  ou  toutes 
ensemble ,  sans  que  l'intensité  de  la  lumière  augmente  ou 
diminue  par  l'extinction  des  lampes  voisines.  Ces  lampes, 
contenues  dans  des  tubes  de  verre  hermétiquement  fermés, 
sont  destinées  à  l'éclairage  des  mines  a  grisou  aussi  bien 
qu'aux  réverbères  des  rues,  qui  s'allumeraient  et  s'étein- 
draient tous  dans  toute  une  ville  en  ouvrant  ou  fermant  le 
circuit.  Cette  lumière  est  blanche  et  pure  comme  celle  du 
gaz  Gillard  avec  laquelle  elle  a,  du  reste,  ce  seul  point  de 
contact,  que  c'est  l'incandescence  du  platine  qui  la  produit. 
Les  tuyaux  de  conduite  de  gaz  seraient  alors  remplacés  par 
de  simples  fils  et  ne  pourraient  occasionner  ni  explosions, 
ni  incendies,  ni  mauvaises  odeurs.  J'ai  vu  également  une 
ampoule  lumineuse  en  verre  épais  que  l'on  peut  immerger 
à  des  profondeurs  considérables  sous  Peau.  Mon  étonne- 
ment  a  été  grand  de  voir  une  lampe  s'allumer  dans  le 
creux  de  ma  main  et  rester  allumée  en  la  mettant  dans  ma 
poche,  avec  mon  mouchoir  par-dessus.  »  Un  autre  témoin 
s'exprime  ainsi  :  «  Emerveillé  de  ce  que  j'avais  vu  chez 
Changy  en  1859,  j'en  ai  parlé  à  un  architecte  de  mes  amis, 
Lenoir,  qui  construisait,  boulevard  de  Strasbourg,  un  im- 
mense café.  Quelle  attraction  pour  un  nouveau  café,  alors, 
que  d'être  éclairé  à  l'électricité  !  Il  fallait  trois  cents  becs. 
Je  fus  chargé  de  voir  Changy  qui,  désolé,  me  fit  voir  sa 
pile  pour  ses  quatre  becs.  Il  aurait  fallu  une  église  pour 
contenir  la  pile  de  Bunsen  génératrice  de  trois  cents  becs 
Changy.  »  Ces  belles  expériences  venaient  avant  leur  temps  ; 
l'heure  des  grandes  applications  n'avait  pas  sonné  ;   on 
ignorait  les  sources  puissantes  d'électricité  dont  nous  dis- 
posons actuellement.  C'est  seulement  de  nos  jours  que  les 
machines  génératrices  ont  pris  naissance  et  se  sont  rapi- 
dement perfectionnées.  Le  moment  propice  à  l'incandes- 
cence est  venu.  De  tous  côtés,  les  inventeurs  se  tournèrent 
vers  les  créations  de  ce  genre  ;  plusieurs  d'entre  eux,  qui 
n'ignoraient  pas  les  recherches  de  Changy,  se  bornèrent  à 
rééditer  ses  résultats  avec  des  dispositions  pratiques  sou- 
vent inférieures. 

En  1878  ont  lieu  les  premiers  essais  d'Edison.  Sa  pre- 
mière machine,  bien  oubliée  aujourd'hui,  si  tant  est  qu'elle 
ait  jamais  été  exécutée,  se  composait  essentiellement  d'un 
gigantesque  diapason  vibrant,  portant  des  bobines  dont  les 
oscillations  engendraient  le  courant  ;  les  lampes  étaient  à 
fil  de  platine  avec  des  régulateurs  rudimentaires.  La  nou- 
velle de  cette  invention  fit  baisser  les  actions  des  compa- 
gnies de  gaz  de  100  fr.  en  une  bourse.  En  revanche, 
lorsque,  deux  ans  plus  tard,  le  vrai  système  parut,  les 
compagnies  de  gaz  ne  furent  aucunement  ébranlées.  Ce  fut 
la  dernière  tentative  faite  au  moyen  de  spirales  métal- 
liques. On  en  revint  au  charbon.  En  1875,  le  Russe  Konn 
proposa  une  lampe  fondée  sur  la  combustion  du  charbon 
rendu  incandescent  dans  le  vide  incomplet.  En  1878, 
MM.  Reynier  et  Werdermann  inventèrent  des  lampes  à 
contact  imparfait  :  on  fait  presser  un  crayon  de  charbon 
contre  un  cylindre  ou  un  disque  qui  tourne.  Le  courant 
porte  le  charbon  à  l'incandescence  :  l'usure  a  lieu  au  point 
du  contact  imparfait  où  la  température  est  le  plus  élevée. 
Ces  lampes  paraissaient  avoir  Pavenir  à  elles,  car  elles 


-  345  - 


ECLAIRAGE 


résolvaient  le  difficile  problème  de  la  division  de  la  lumière 
électrique.  Mais  les  lampes  à  incandescence  les  supplan- 
tèrent presque  aussitôt.  En  1879,  Edison  proposa  un  nou- 
veau système  de  lampes  à  incandescence  autour  duquel  on  fit 
beaucoup  de  bruit  comme  autour  de  toutes  les  inventions  de 
ce  célèbre  industriel.  Il  se  servait  de  papier  bristol  carbonisé 
auquel  il  donnait  la  forme  de  fer  à  cheval.  Avec  un  courant 
de  huit  éléments  Bunsen,  ce  filament  donnait  une  belle 
lumière  blanche.  On  apporta  un  grand  nombre  de  lampes 
en  Europe,  mais  aucune  ne  dura  plus  de  quelques  semaines. 
L'invention  d'Edison  n'en  était  une  qu'au  point  de  vue 
financier . 

L'attention  des  chercheurs  se  tourna  alors  vers  la  dé- 
couverte d'un  filament  de  charbon  durable.  Il  n'y  avait 
pour  le  trouver  qu'à  se  souvenir  des  expériences  de  du 
Moncel  et  du  Cliangy,  et  plusieurs  physiciens  aboutirent, 
à  peu  près  en  même  temps,  à  des  résultats  pratiques. 
M.  Swann,  industriel  de  Newcastle,  avait  déjà  fait  quelques 
essais  de  lampe  à  incandescence  au  moyen  de  spirales  de 
carton  carbonisé,  mais  ce  charbon  se  désagrégeait  fort  vite. 
Le  20  oct.  1880,  il  présentait  à  la  Société  philosophique 
de  Newcastle  une  lampe  capable  de  fonctionner.  Le  filament 
était  composé  de  tresses  de  coton  ;  ces  tresses  étaient  plon- 
gées dans  l'acide  sulfurique,  puis  chauffées  au  rouge  blanc 
au  milieu  de  poussier  de  charbon.  On  les  introduisait  alors 
dans  la  lampe  où  l'on  faisait  le  vide  avec  la  pompe  Sprengel, 
tandis  que  le  courant  passait  pendant  une  demi-heure  à 
travers  le  filament.  Après  ces  diverses  opérations,  la  lampe 
était  fermée.  Edison  reconnut  bientôt  l'insuffisance  du  papier 
carbonisé,  et  il  essaya  à  son  tour  d'employer  les  fils  de 
coton,  mais  il  y  renonça  bientôt  pour  s'arrêter  à  l'emploi 
des  fibres  d'une  espèce  de  bambou  très  commun  au  Japon 
qui  donne  des  résultats  bien  supérieurs.  Ces  filaments  sont 
enfermés  dans  une  ampoule  de  verre  où  l'on  fait  le  vide 
au  millionième  d'atmosphère.  Ce  sont  les  lampes  mêmes 
que  l'on  emploie  à  l'heure  présente.  Leur  fabrication  sera 
décrite  au  mot  Lampe  à  incandescence. 

A  la  même  époque  parut  la  lampe  Maxim  qui  se  dis- 
tingue des  précédentes  par  ce  fait  que  le  fil  incandescent 
n'y  séjourne  pas  dans  le  vide,  mais  bien  dans  un  gaz  hydro- 


carbure. Selon  l'inventeur,  ce  système  aurait  l'avantage  de 
permettre  aux  particules  de  carbone  que  contient  le  mélange 
gazeux  de  se  déposer  sur  les  filaments  de  charbon  aux 
endroits  où  il  tend  à  se  rompre.  La  pratique  a  montré  au 
contraire  que,  bien  loin  de  jouer  ce  rôle  providentiel,  la 
poussière  charbonneuse  se  dépose  volontiers  sur  les  parois 
de  la  lampe,  dont  elle  aff'aiblit  l'éclat. 

Ces  divers  modèles  furent  montrés  à  l'exposition  d'élec- 
tricité de  Paris,  en  1881.  Beaucoup  de  gens  combattaient 
encore  à  cette  époque  la  lumière  électrique  :  aussi  l'expo- 
sition de  1881  fut-elle  une  véritable  révélation  pour  le 
grand  public.  Elle  marqua  l'avènement  définitif  de  l'éclairage 
électrique  dans  la  pratique  industrielle. 

Comparaison  des  divers  modes  d'éclairage.  La  com- 
paraison des  diverses  sources  lumineuses  au  point  de  vue 
de  l'éclairement  sera  traitée  en  détail  au  mot  Photométrie. 
Si  les  deux  sources  lumineuses  que  l'on  compare  émettent  des 
rayons  diff'érents,  si  l'une  par  exemple  est  riche  en  rayons 
rouges,  l'autre  en  rayons  bleus,  la  comparaison,  bien  que  pos- 
sible théoriquement  au  moyen  du  spectrophotomètre,  n'a  plus 
une  valeur  pratique  bien  nette.  Les  étalons  photométriques 
sont  très  nombreux.  En  France,  on  adoptait  autrefois  la 
lampe  Carcel  brûlant  42  gr.  d'huile  normale  à  l'heure  dans 
les  conditions  définies  par  Dumas  et  Regnault.  Les  Anglais 
se  servaient  d'un  étalon  moins  précis,  la  bougie  de  blanc  de 
baleine  (candie)  de  six  à  la  livre  anglaise  ;  les  Allemands 
de  la  bougie  de  paraffine  (Kerze)  de  douze  au  kilogramme. 
Le  congrès  des  électriciens  a  adopté  en  1881  l'étalon  VioUe 
(lumière  émise  par  un  centimètre  carré  de  platine  à  la 
température  de  la  solidification)  ;  le  congrès  de  1889  a 
recommandé  comme  étalon  secondaire,  la  bougie  décimale 
qui  vaut  un  vingtième  de  l'étalon  Violle.  Le  carcel  vaut 
0,481  étalon  Violle;  9,62  bougies  décimales;  8,91  candies; 
7,89  kerzen. 

Le  tableau  suivant  donne,  pour  les  diverses  sources 
lumineuses  usuelles,  le  prix  moyen  de  la  consommation  par 
bougie  décimale  en  Europe.  On  remarque  seulement  qu'ac- 
tuellement en  France  les  droits  sur  le  pétrole  en  quadruplent 
environ  la  valeur,  et  que  le  gaz  est  vendu  à  Paris  30  cent, 
le  mètre  cube  parla  Compagnie. 


NATURE   DES   FOYERS 

ÉLÉMENTS 

CONSOMMÉS 

PRIX 

DE     l'unité 

QUANTITÉS 

consommées 
par  bougie  décimale 

PRIX 

de  la  consommation 

par 

bougie  décimale 

Paralïine 

francs 

1,50  le  kilogr. 

1,00        - 
0,20        — 
0,20  le  m.  c. 

Id. 
0,80  le  kilowatt 

Id. 

9  gr. 

4,2  gr. 

2,5  - 
20  lit. 
12  — 

3,5  watts 

0,6    — 

centimes 
1,350 

0,420 
0,050 
0,400 
0,240 
0,280 
0,048 

Bougie « 

Spermaceti 

Huile  de  colza 

Pétrole 

r^anioe  modérateur 

Lampe  à  pétrole 

Gaz 

Id 

Electricité 

Lampes  à  arc  voltaïoue . . 

Id 

Il  résulte  de  ces  nombres  que,  parmi  les  divers  modes 
d'éclairage  domestique,  le  plus  cher  est  celui  qui^  est  fourni 
par  les  bougies.  Il  subsiste  pourtant  et  subsistera  sans 
doute  longtemps  encore  à  titre  d'éclairage  de  luxe.  En 
premier  lieu,  dans  beaucoup  de  cas,  il  ne  fait  pas  double 
emploi  avec  le  gaz  ou  l'électricité  qui  ne  fournissent  à 
l'heure  actuelle  que  des  lumières  fixes.  11  n'en  est  pas  de 
même  si  on  le  compare  aux  lampes  à  huile  ou  à  pétrole. 
Mais,  d'après  le  jugement  d'un  grand  nombre  de  per- 
sonnes, l'éclairage  par  les  bougies  est  le  plus  agréable 
de  tous.  Déjà  au  xviti^  siècle,  lorsque  furent  inventées  les 
lampes,  on  crut  que  les  bougies  allaient  disparaître.  Il  n'en 
fut  rien.  Les  lampes  ne  furent  pas  jugées  de  bonne  com- 
pagnie et  les  gens  de  qualité  continuèrent  à  s'éclairer  à  la 
bougie  blanche.  Dans  son  Dictionnaire  des  Etiquettes  de 
la  Cour,  M"^^  de  Genlis  s'attache  à  établir  la  supériorité 
des  bougies.  L'opinion  des  gens  de  goût  ne  paraît  pas  avoir 


varié  sur  ce  point.  Dans  un  dîner,  la  lumière  des  bougies 
est  sans  doute  celle  qui  s'associe  le  mieux  à  l'éclat  des 
cristaux  et  de  l'argenterie.  Les  lampes  à  huile  ou  à  essence, 
qui  donnent  des  foyers  plus  intenses,  mais  moins  dissémi- 
nés, conviennent  moins  bien.  Seules,  les  petites  lampes  à 
incandescence  pourraient  sur  ce  terrain  de  l'élégance  lutter 
avec  les  bougies,  comme  elles  luttent  avec  le  gaz  sur  le 
terrain  de  l'économie. 

Si  l'éclairage  par  les  bougies  est  le  plus  cher  des  éclai- 
rages domestiques,  en  revanche  l'éclairage  fourni  par  le 
pétrole  est  de  beaucoup  le  plus  économique  dans  les  pays 
où  cette  substance  n'est  pas  frappée  de  droits  élevés.  Le 
prix  de  20  cent,  le  kilogr.  est  celui  du  pétrole  en  Alle- 
magne et  en  Angleterre.  A  New-Yorlv,  il  coûte  2  cent.,  à 
cause  de  la  proximité  des  mines  de  Pennsylvanie.  On  sait 
qu'en  France  les  droits  sur  le  pétrole  en  augmentent 
de  beaucoup  la  valeur,  mais  qu'à  la  suite  d'un  vif  débat 


ECLAIRAGE 


-  846  - 


parlementaire  (déc.  1894),  le  gouvernement  s'est  engagé  à 
présenter  une  loi  les  diminuant  avant  oct.  4892.  Pourtant 
ce  mode  d'éclairage  offre  des  inconvénients  sérieux.  C'est 
celui  qui  expose  le  plus  souvent  aux  accidents  et  aux  incen- 
dies, surtout  avec  des  enfants  ou  des  personnes  peu  soi- 
gneuses; mais  déjà  les  progrès  de  la  fabrication  ont  beau- 
coup diminué  ces  dangers. 

L'éclairage  par  incandescence  tend  à  son  tour  à  se  sub- 
stituer au  gaz  dans  les  villes  où  existent  des  distributions 
d'électricité  bien  établies,  car  cet  éclairage  est  plus  hygié- 
nique, plus  propre,  plus  commode  et  représente  aujourd'hui 
le  plus  parfait  des  modes  d'éclairement  artificiels.  Il  faut 
remarquer  qu'à  bien  des  points  de  vue,  il  se  distingue  de 
tous  les  systèmes  d'éclairage  employés  antérieurement  — 
bougies,  lampes  à  huile  et  à  pétrole,  gaz,  etc.  Ces  systèmes, 
en  effet,  ont  ce  caractère  de  produire  la  lumière  aux  dépens 
de  l'oxygène  que  nous  respirons.  Il  en  résulte  que  plus  une 
maison  est  éclairée,  plus  elle  est  insalubre.  Prenons  pour 
exemple  le  gaz  :  400  volumes  de  gaz  contiennent  environ 
47  volumes  d'hydrogène,  42  de  gaz  des  marais,  8  d'oxyde 
de  carbone  et  3  d'hydrocarbure.  Qu'arrive~t-il  quand  on 
allume  le  gaz  ?  C'est  que  tous  ces  éléments  se  combinent  à 
l'oxygène  de  l'air  pour  donner  de  la  vapeur  d'eau  et  de 
l'acide  carbonique,  tandis  que  l'oxyde  de  carbone  passe 
presque  entièrement  dans  l'atmosphère.  Or  ces  produits 
présentent  tous  trois  de  graves  inconvénients  :  la  vapeur 
d'eau  se  condense  sous  forme  liquide  sur  toutes  les  sur- 
faces, murs,  tables,  tapisseries,  qu'elle  abîme  plus  ou 
moins.  La  quantité  d'eau  ainsi  produite  dépasse  ce  que  l'on 
s'imagine  d'ordinaire.  Un  bec  de  gaz  produit  couramment 
4  litre  et  demi  d'eau  à  l'heure;  une  salle  où  400  becs 
brûlent  de  cinq  heures  à  minuit,  reçoit  donc  de  700  à 
800  litres  de  vapeur  d'eau.  L'acide  carbonique  est  impropre 
à  la  respiration  et  commence  à  devenir  délétère  quand  il 
atteint  une  proportion  de  4  %  d'air  ordinaire.  L'oxyde  de 
carbone,  poison  des  plus  redoutables,  est  la  principale  cause 
des  maux  de  tête  et  des  vertiges  qu'occasionne  toujours  un 
séjour  prolongé  dans  une  pièce  éclairée  au  gaz.  Ajoutons 
encore  que,  suivant  le  degré  plus  ou  moins  grand  d'épura- 
tion du  charbon,  il  se  produit  une  quantité  plus  ou  moins 
considérable  d'hydrogène  sulfuré  et  de  sulfure  de  carbone 
que  la  combustion  transforme  partiellement  en  acide  sulfu- 
rique,  dont  une  partie  pénètre  dans  nos  poumons,  dont 
l'autre  se  dépose  avec  la  vapeur  d'eau  sur  les  meubles 
qu'elle  détériore  à  la  longue.  C'est  ainsi  qu'au  foyer  du 
Grand-Opéra  de  Paris,  les  célèbres  peintures  de  Baudry 
avaient  presque  disparu  sous  une  couche  noire  :  tandis  que 
nettoyées,  puis  éclairées  à  l'électricité,  elles  sont  restées 
aussi  fraîches  qu'au  premier  jour.  Enfin  la  chaleur  développée 
par  le  gaz  devient  souvent  un  inconvénient  des  plus  sé- 
rieux. Au  sortir  de  cette  atmosphère  malsaine,  surchauffée, 
remphe  de  vapeur  d'eau  et  de  gaz  nuisibles,  les  refroidisse- 
ments et  les  bronchites  sont  à  redouter.  La  température 
des  ateliers  où  brûlent  un  grand  nombre  de  becs  de  gaz 
est  souvent  telle  qu'on  ne  peut  y  travailler  que  légère- 
ment vêtu  et  en  manches  de  chemise,  fût-ce  au  fort  de 
l'hiver. 

Que  faut-il  pour  écarter  tous  les  inconvénients  attachés 
à  l'emploi  du  gaz  ?  Il  faut  une  lumière  qui  ne  consomme 
pas  d'oxygène,  qui  n'ajoute  aucune  matière  à  l'air  que 
nous  respirons,  qui  ne  produise  aucun  gaz  funeste  à  la 
santé.  Il  n'existe  qu'une  lumière  pour  répondre  à  ces  desi- 
derata :  c'est  la  lumière  électrique  par  incandescence  dans 
le  vide.  Cette  lumière  n'est  pas  d'origine  chimique,  mais  pure- 
ment physique.  Elle  n'emprunte  rien  à  l'atmosphère  et  n'y 
ajoute  rien.  Close  dans  son  enveloppe  de  verre,  elle  n'a 
aucun  rapport  avec  l'extérieur  ;  elle  se  manifeste  aussi  bien 
dans  le  vide,  dans  l'eau,  dans  les  gaz  impropres  à  la  com- 
bustion. On  voit  aussi  que  les  dangers  d'incendie,  si  grands 
avec  le  gaz  dans  les  maisons  et  surtout  dans  les  théâtres,  se 
trouvent  presque  supprimés  :  le  charbon  lumineux  est  isolé 
du  dehors  par  son  ampoule  de  verre.  Celle-ci  vient-elle  à 
se  briser  :  le  charbon  s'éteint  aussitôt.  L'incendie  ne  peut 


venir  de  la  lampe  même  :  il  est  vrai  qu'il  peut  résulter  de 
réchauffement  d'un  point  du  circuit  portant  au  rouge  un 
fil  conducteur.  Mais  tous  les  systèmes  de  canahsation  sont 
agencés  de  manière  à  éviter  ce  danger  en  intercalant  en  un 
point  quelconque  un  fil  qui  fond  dès  que  la  température 
s'élève  trop. 

Si  maintenant,  laissant  de  côté  ces  considérations  d'hy- 
giène, de  luxe  ou  de  sécurité,  nous  nous  bornons  à  com- 
parer au  point  de  vue  purement  économique  le  gaz  et 
l'électricité,  nous  aboutissons  aux  résultats  suivants  : 

Tout  d'abord,  il  faut  mettre  à  part  un  cas  spécial,  bien 
que  très  important,  où  la  lumière  électrique  est  de  beaucoup 
la  plus  économique  de  tous  les  systèmes  possibles  :  c'est 
celui  où  l'on  dispose  de  forces  naturelles  au  voisinage  des 
locaux  à  éclairer.  Ce  cas  se  trouve  réahsé  dans  les  régions 
montagneuses  où  les  cours  d'eaux  et  les  chutes  fournisseni 
une  force  hydraulique  pour  ainsi  dire  gratuite.  C'est  ainst 
qu'il  y  a  dans  la  vallée  du  Rhône,  tant  en  Suisse  qu'en 
Dauphiné  ou  en  Savoie,  un  très  grand  nombre  de  petites 
localités  beaucoup  mieux  éclairées  que  ne  l'est  Paris  à 
l'heure  actuelle. 

Dans  les  cas  où  l'énergie  est  produite  au  moyen  de  dy- 
namos, c.-à-d.  en  définitive  par  la  combustion  du  charbon, 
les  lampes  à  incandescence  donnent,  au  prix  actuel,  une 
lumière  un  peu  plus  chère  que  les  becs  à  gaz  Bengel  qui, 
bien  que  nuisibles  à  l'hygiène,  aident  pendant  l'hiver  au 
chauffage  des  pièces.  Mais  la  différence  de  prix,  très  faible 
aujourd'hui,  va  en  s'atténuant  d'année  en  année  :  on  s'en 
rend  compte  en  remarquant  que  4  kilogr.  de  charbon  pro- 
duit une  énergie  égale  à  4  cheval-heure,  laquelle  entretient 
40  lampes  à  incandescence  de  46  bougies,  soit  460  bougies; 
la  même  quantité  de  combustible  développe  280  litres  de 
gaz  fournissant  dans  les  becs  Bengel  24  bougies  seulement. 
Aux  Etats-Unis,  où  le  charbon  à  gaz  est  cher,  l'électricité 
est  dès  aujourd'hui  moins  chère  que  le  gaz  en  beaucoup 
d'endroits.  Quand  les  locaux  à  éclairer  sont  vastes,  comme 
le  sont  par  exemple  les  chemins  de  fer,  l'électricité  apporte, 
par  l'arc  voltaïque,  une  grande  économie,  môme  par  rapport 
aux  becs  à  gaz  intensifs  les  plus  perfectionnés.  C'est  ce  qui 
a  été  établi  au   congrès  des  chemins  de  fer  de  4889. 
Si,  en  Europe,  l'éclairage  par  incandescence  est  encore 
un  peu  plus  cher  que  le  gaz,  dans  bien  des  cas  cet  avantage 
est  illusoire,  et  la  différence  de  prix  est  compensée  par  cer- 
tains effets  secondaires.  La  détérioration  des  tentures  et 
des  décorations  intérieures  par  le  gaz  occasionne  des  frais 
supplémentaires.  La  diminution  des  dangers  d'incendie,  la 
suppression  des  risques  d'asphyxie  et  d'explosion  ont  amené 
les   compagnies  d'assurance    à    dégrever   les  bâtiments 
éclairés  à  rélectricité.  Notons  encore  qu'on  laisse  souvent 
brûler  sans  nécessité  les  becs  de  gaz  éclairant  les  couloirs 
et  les  pièces  des  appartements,  à  cause  de  l'ennui  de  les 
rallumer.  Avec  l'électricité,  il  suffît,  en  rentrant,  de  tourner 
un  bouton   qu'on  peut  rendre  lumineux  par  un  enduit 
phosphorescent.  Les  lampes  à  gaz  exigent  un  entretien  : 
frottage  journalier  des  verres,  nettoyage  des  trous  des  becs, 
réglage  de  la  flamme  toutes  les  fois  que  la  pression  varie 
par  suite  de  l'allumage  des  becs  voisins.  De  plus,  la  pro- 
priété des  lampes  à  incandescence  de  ne  développer  que 
peu  de  chaleur  peut  être  utihsée  pour  rapprocher  les 
foyers  des  points  à  éclairer.  On  peut  éclairer  un  bureau 
avec  une  lampe  de  8  bougies  placée  à  30  centim.de  la  tête 
du  travailleur,  tandis  qu'un  bec  de  gaz  n'est  supportable 
qu'à  2  m.  de  distance  et  doit  être  plus  lumineux  pour  pro- 
duire un  même  effet  utile.  Toutes  ces  considérations  con- 
courent à  établir  la  supériorité  de  l'électricité.  Aussi  les 
gaziers,   qui   traitaient  volontiers  la  lumière   électrique 
d'éclairage  de  luxe,  —  comme  si  le  gaz  n'était  pas  lui- 
même  un  éclairage  de  luxe  par  rapport  au  pétrole,  — 
commencent-ils  à  comprendre  que  leur  véritable  intérêt 
est  de  prendre  en  main  l'exploitation  de  l'électricité  pour 
ne  pas  perdre  leur  clientèle  :  dans  nombre  de  villes,  ils 
installent  des  usines  électriques. 
En  fait,  la  concurrence  entre  les  divers  systèmes  d'éclai- 


-  347  — 


ÉCLAIRAGE 


rage  profite  à  chacun  d'eux.  Nos  yeux  deviennent  de  plus 
en  plus  exigeants.  Un  éclairage  considéré  jadis  comme 
luxueux  paraît  aujourd'hui  mesquin.  En  1745,  à  l'occasion 
du  mariage  du  dauphin,  la  galerie  des  Glaces  de  Versailles 
était  illuminée  à  raison  de  2,5  bougies  par  mètre  carré, 
et  les  contemporains  s'en  émerveillaient.  Aujourd'hui,  les 
salons  de  l'Hôtel  de  ville  de  Paris  sont  éclairés,  les  soirs 
de  réception,  à  raison  de  16  bougies  par  mètre  carré. 
Rien  n'approche  encore  de  la  lumière  diffuse  du  jour  qui 


fournit  jusqu'à  200  bougies  par  mètre  carré.  La  concur- 
rence de  l'électricité,  du  gaz  et  du  pétrole  jusqu'ici  n'a  fait 
que  développer  les  trois  rivaux.  Seules,  les  bougies  et  les 
lampes  à  huile  ont  diminué  dans  ces  dernières  années. 
Le  tableau  suivant,  emprunté  à  M.  Fontaine,  montre  la 
progression  suivie  par  les  cinq  principaux  modes  d'éclairage 
à  Paris  de  1855  à  1889.  Il  faut  noter  que  le  pétrole  n'a 
pas  atteint  dans  cette  ville  le  même  développement  que 
dans  les  autres  pays  européens. 


Quantités  de  lumière  consommées  à  Paris  par  an  et  par  habitant,  évaluées  en  bougies  décimales-heure. 


ANNÉES 

BOUGIES 
et 

CHANDELLES 

HUILES 

GAZ 

ÉUECTRICITÉ 

QUANTITÉS 

TOTALES 

VÉGÉTALES 

MINÉRALES 

1855 

220 

250 
210 
217 
190 

1.174 

967 
770 
649 
517 

)) 

503 

722 

1.244 

1.995 

2.376 
4.272 
4.776 
6.086 
6.470 

» 

65 

230 

2.130 

3.770 

5.992 

6.543 

8.426 

11.302 

1872 

1877 

1883 

1889 

Rues  et  places  publiques.  Pour  éclairer  les  grandes 
rues  ou  les  places  d'une  ville,  la  lumière  puissante  de  l'arc 
voltaïque  est  celle  qui  convient  le  mieux.  Placée  à  une 
certaine  hauteur,  elle  produit  l'effet  d'un  beau  clair  de 
lune  et  fait  valoir  l'architecture  des  maisons  que,  les  lan- 
ternes à  gaz  de  faible  intensité,  employées  d'habitude, 
laissent  dans  une  obscurité  presque  complète.  La  lumière 
directe,  dont  l'éclat  serait  trop  vif  pour  les  yeux,  est  atté- 
nuée par  l'emploi  de  globes  opalins.  La  hauteur  des  foyers 
varie  le  plus  souvent  de  8  à  20  m.  Aux  Etats-Unis,  on 
a  adopté  des  hauteurs  encore  beaucoup  plus  grandes,  mais 
elles  paraissent  exagérées.  Les  lampes  sont  portées  par 
des  poteaux  métalliques  placés  sur  les  trottoirs  ;  parfois 
elles  sont  suspendues  par  des  chaînes  accrochées  à  des 
poteaux  placés  des  deux  côtés  de  la  rue.  Dans  les  rues 
secondaires,  ?u  l'on  n'a  besoin  que  d'un  éclairement  mi- 
nime, on  peut  employer  les  lampes  à  incandescence  ;  le 
rendement  de  celles-ci  n'étant  guère  que  le  cinquième  de 
celui  de  l'arc  voltaïque,  elles  conviendraient  moins  bien 
pour  les  boulevards  ou  les  grandes  places.  Les  stations 
d'électricité  et  les  systèmes  de  distribution  les  plus  fré- 
quemment employés  seront  décrits  au  mot  Electricité 
(Industrie). 

Nous  nous  bornerons  ici  à  donner  quelques  détails  sur  le 
développement  de  l'éclairage  électrique  de  la  ville  de  Paris. 
Le  15  févr.  1878,  le  syndicat  formé  pour  exploiter  les 
brevets  de  M.  Jablochkoff  fut  autorisé  à  placer  des  bou- 
gies Jablochkoff  sur  les  huit  refuges  situés  devant  l'Opéra 
et  à  installer  ses  générateurs  dans  les  sous-sols  du  théâtre. 
Cette  tentative  eut  un  plein  succès.  Le  11  mars  1878,  le 
même  syndicat  proposa  d'éclairer  la  place  et  l'avenue  de 
l'Opéra  pendant  la  durée  de  l'Exposition  universelle,  et,  le 
11  avril,  il  s'engageait  à  éclairer  également  la  Madeleine, 
l'Arc  de  triomphe  et  le  palais  du  Corps  législatif.  Le  conseil 
municipal  accepta  les  offres  de  la  Société  et  mit  à  la  dispo- 
sition du  service  de  l'éclairage  une  somme  de  49,000  fr. 
pour  solder  le  supplément  de  dépenses  causées  par  la  nou- 
velle installation.  L'éclairage  ne  devait  avoir  Keu  que  jusqu'à 
minuit  et  demi;  le  gaz  était  remis  en  service  après  cette 
heure  jusqu'au  matin.  La  Société  installa  32  foyers  nou- 
veaux avenue  de  l'Opéra  et  place  du  Théâtre-Français. 
Ils  commencèrent  à  fonctionner  le  30  mai.  Mais,  quelques 
semaines  plus  tard,  le  nombre  de  foyers  fut  porté  de  32 
à  46,  soit  32  pour  l'avenue  de  l'Opéra  et  14  pour  la  place 
du  Théâtre-Français.  De  plus,  les  lanternes  du  modèle 
ordinaire  furent  remplacées  par  des  globes  dépolis  et  les 
candélabres  surélevés,  ce  qui  améliora  sensiblement  l'éclai- 
rage du  sol.  L'installation  comprenait  62  foyers  dont 
8  doubles  sur  la  place  de  l'Opéra;  elle  était  divisée  en 
quatre  groupes  ayant  chacun  une  force  motrice  distincte. 


Conformément  aux  demandes  de  la  Société,  le  prix,  pour 
les  foyers  de  l'avenue  de  l'Opéra  et  des  places  du  Théâtre- 
Français  et  de  l'Opéra,  était  de  1  fr.  25  par  foyer  et  par 
heure  d'éclairage  ;  pour  les  autres  installations,  le  prix  fut 
porté  à  1  fr.  75,  à  cause  de  leur  dispersion.  Le  25  oct. 

1878,  la  Société  générale  d'électricité  consentit  à  prolon- 
ger d'un  mois  son  entreprise  aux  conditions  suivantes  : 
10  fr.  50  par  heure  pour  les  6  foyers  du  Palais-Bourbon 
et  50  fr.  pour  les  62  foyers  de  l'avenue  de  l'Opéra  et  des 
places  annexes.  Cet  arrangement  avait  pour  but  de  per- 
mettre une  entente  entre  la  ville  et  la  Société  pour  l'éclai- 
rage de  diverses  voies  publiques.  Aucune  solution  n'étant 
intervenue  au  30  nov.,  le  conseil  décida  qu'il  ne  permet- 
trait la  continuation  des  essais  jusqu'au  15  janv.  1879 
qu'à  la  condition  que  la  rétribution  allouée  à  la  Société 
ne  dépasserait  pas  le  chiffre  du  prix  du  gaz.  La  Société 
accepta,  bien  que  ce  prix  fût  onéreux  pour  elle.  A  la  suite 
de  ces  essais,  la  troisième  commission  du  conseil  municipal 
proposa  de  continuer  pendant  un  an,  à  partir  du  15  janv. 

1879,  l'éclairage  électrique  avenue  de  l'Opéra  et  sur  les 
places  annexes,  de  l'installer  sur  la  pla-ce  de  la  Bastille 
et  dans  un  pavillon  des  Halles  et,  afin  de  pouvoir  éta- 
bhr  une  comparaison  rationnelle  entre  la  lumière  élec- 
trique et  l'éclairage  perfectionné  au  gaz,  de  traiter  avec  la 
Compagnie  du  gaz  pour  un  éclairage  intensif  des  points 
suivants  :  1°  rue  du  Quatre-Septembre  ;  2°  place  du  Châ- 
teau-d'Eau  ;  3°  un  pavillon  des  Halles.  De  1879  à  fin 
févr.  4  880,  la  Société  Jablochkoff  expérimenta  une  série 
d'appareils  nouveaux.  Ces  expériences  publiques,  exécutées 
à  Paris  en  1878,  eurent  un  grand  retentissement  et  con- 
tribuèrent, dans  une  large  mesure,  à  l'extension  de  la 
lumière  électrique,  non  seulement  en  France,  mais  encore 
dans  les  autres  pays  européens. 

Jusqu'en  mai  1880,  aucune  demande  nouvelle  ne  fut 
faite  à  la  ville.  A  cette  époque,  la  Société  Lontin  et  C^® 
demanda  la  concession  de  l'éclairage  des  ports  de  la  Seine 
et  du  canal  de  l'Ourcq,  ainsi  que  des  grandes  places  de 
Paris,  au  moyen  des  foyers  de  son  invention.  Le  conseil 
hésitait  à  accorder  son  autorisation,  mais  les  bons  résultats 
obtenus  par  les  demandeurs  lors  de  la  fête  du  14  juillet 

1880,  place  de  la  Bastille,  firent  que  le  15  oct.  1880 
l'administration  présenta  un  projet  de  concession  pour  la 
place  du  Carrousel  et  la  cour  du  Louvre.  La  Société  Lontin 
avait  abandonné  sa  proposition  primitive  et  son  dernier 
projet  ne  portait  que  sur  l'éclairage  de  ces  deux  places  à 
raison  de  50  cent,  par  foyer  et  par  heure  de  fonction- 
nement. La  Société  Lontin  n'employait  que  des  foyers  très 
intenses  obtenus  par  des  systèmes  nouveaux  de  régulateurs 
dans  lesquels  les  deux  charbons  étaient  placés  en  face  l'un 
de  l'autre  au  lieu  d'être  accouplés  à  côté  l'un  de  l'autre. 


ECLAIRAGE 


—  348  — 


comme  dans  les  bougies  JablochkofF,  Elle  éclaira  la  place 
du  Carrousel,  au  moyen  des  foyers  à  régulateur  Mersanne, 
à  partir  du  mois  de  nov.  1881,  mais  l'installation  de  la 
cour  du  Louvre  ne  fut  faite  qu'à  la  fin  de  janv.  1882. 
Elle  ne  tarda  pas  à  abandonner  les  régulateurs  Mersanne 
pour  y  substituer  les  foyers  Brush,  dont  elle  avait  fait 
l'acquisition  lors  de  l'exposition  d'électricité.  Cette  expé- 
rience, qui  devait  prendre  fm  le  18  nov.,  dure  encore  sur 
la  place  du  Carrousel,  où  la  concession  a  été  transférée, 
depuis  la  fin  de  1888,  à  la  Compagnie  Edison.  Quant  à 
l'avenue  de  l'Opéra,  la  Société  générale  d'électricité  re- 
nonça à  continuer  à  l'éclairer  à  un  prix  non  rémunérateur, 
en  sorte  qu'on  y  rétablit  le  gaz. 

Depuis,  deux  éclairages  ont  été  installés,  l'un  dans  le 
parc  Monceau,  l'autre  aux-Buttes-Chaumont.  Au  parc 
Monceau  sont  installés  12  foyers  système  Jablochkoff,  qui 
fonctionnent  depuis  le  1^^  déc.  1882  d'une  manière  satis- 
faisante, mais  on  ne  peut,  à  proprement  parler,  considérer 
cela  comme  un  essai  d'éclairage  de  la  voie  publique.  Une 
seule  avenue,  de  l'avenue  de  Messine  à  la  rotonde,  reçut 
au  début  la  lumière  de  foyers  électriques  jusqu'à  deux 
heures  du  matin.  Le  parc  des  Buttes-Chaumont  est  éclairé 
depuis  le  14  juil.  1884  au  moyen  de  40  foyers  électriques, 
représentant  chacun  un  pouvoir  éclairant  d'environ  60  car- 
cels.  La  machine  dynamo  et  les  lampes  sont  du  système 
Brush.  Le  parc  étant  très  accidenté  et  présentant  une  sur- 
face de  22  hect.,  les  lampes  ont  été  montées  sur  des 
colonnes  en  fonte  de  5"^50  de  hauteur  qui  permettent  de 
projeter  la  lumière  à  une  assez  grande  distance.  Les  ré- 
sultats obtenus  n'ont  pas  été,  au  début,  aussi  satisfaisants 
qu'on  l'espérait  ;  les  extinctions  étaient  assez  fréquentes  et 
la  lumière  manquait  souvent  de  fixité  ;  mais,  aujourd'hui, 
l'ensemble  de  cet  éclairage  fonctionne  régulièrement. 

En  dehors  des  essais  d'éclairage  de  la  voie  publique,  la 
ville  de  Paris  fit  d'autres  expériences  :  1°  dans  les  locaux 
du  conseil  municipal,  au  pavillon  de  Flore  ;  2°  dans  le 
pavillon  n^  10  des  Halles  centrales  ;  3^  à  l'Hôtel  de  ville. 
A  la  suite  de  ces  expériiences,  le  conseil  municipal  décida 
l'installation  d'une  usine  électrique  au  nouvel  Hôtel  de 
ville  ;  l'ensemble  de  l'installation  représente  une  force  de 
quatre  cents  chevaux  et  un  éclairage  de  plus  de  quatre 
mille  lampes.  Pendant  le  temps  passé  à  ces  divers  essais, 
la  lumière  électrique,  née  pour  ainsi  dire  en  France,  pre- 
nait un  essor  considérable  à  l'étranger.  Les  petites  loca- 
lités, qui  n'avaient  pas  encore  d'usines  à  gaz,  la  trouvaient 
pratique,  surtout  lorsqu'une  force  hydraulique  était  à 
portée,  et,  dans  les  grandes  villes,  les  stations  centrales 
se  muhipliaient  pour  faire  face  aux  demandes  des  particu- 
liers, trop  heureux  d'échapper  enfin  aux  inconvénients  de 
toute  nature  que  présente  le  gaz.  Il  y  avait  en  Amérique  plus 
de  400  installations  de  lampes  à  incandescence  et  plus  de 
250  de  lampes  à  arcs.  New-York  comptait  13,000 lampes, 
Harrisburg  5,000,  WiUiamsport  et  Lawrence  4,500,  etc. 
En  Europe,  on  trouvait  à  Berlin  plus  de  1 2, 000  lampes.  Il  y  en 
avait  2,500  à  Munich,  10,000  à  Milan,  1 ,500 à  Tivoh,  700  à 
Lucerne,  7,000  à  Vienne,  6,000  à  Anvers,  sans  compter 
les  stations  de  moindre  importance  et  notamment  la  Suède 
et  la  Norvège  où  l'électricité  se  trouvait  à  chaque  pas.  La 
France  suivait  le  mouvement  général  ;  Saint-Etienne,  Tours, 
Dijon,  Nancy,  Marseille,  Bellegarde,  dans  l'Ain,  et  Châ- 
teauhn,  tout  au  fond  du  Finistère,  étaient  en  avance  sur 
Paris.  En  1888,  lorsqu'il  s'agit  pour  le  conseil  municipal 
de  Paris  d'examiner  dans  quelles  conditions  il  pouvait  ac- 
corder des  autorisations  de  canaKsations  électriques,  la 
question  se  posait  devant  lui  en  des  termes  tout  nouveaux. 
A  la  fin  de  1886,  et  au  début  de  l'année  1887,  plusieurs 
sociétés  importantes  s'étaient  créées  pour  exploiter  à  Paris 
les  divers  systèmes  d'éclairage  par  l'électricité. 

La  Compagnie  Edison,  qui  avait,  depuis  le  13  sept.  1884, 
un  traité  avec  la  ville  de  Berlin,  proposa,  le  30  mars  1887, 
à  l'administration  préfectorale  d'établir  à  Paris  une  station 
analogue  en  vue  de  l'éclairage  des  particuliers,  plus  spé- 
cialement sur  une  partie  des  grands  boulevards.  Cette  com- 


pagnie venait  de  créer  des  usines  centrales  à  Milan,  à 
Dijon  et  à  Saint-Etienne.  Quelques  jours  auparavant,  le 
conseil  municipal  de  Paris  avait  voté  la  mise  à  l'étude 
iîmncdiate  des  moyens  nécessaires  à  la  création  d'une  ou 
de  plusieurs  usines  municipales  de  distribution  de  force 
électrique,  tant  pour  le  service  de  la  voie  publique  que  pour 
celui  des  particuliers.  Deux  autres  sociétés  firent  presque 
à  la  même  époque  des  offres  à  la  ville  de  Paris  :  la  compa- 
gnie formée  pour  Texploilation  des  procédés  de  transport  de 
la  force  par  l'électricité,  imaginés  par  M.  Marcel  Desprez,  et 
une  société  formée  par  un  chercheur  français,  M.  Gaulard, 
l'homme  qui,  en  inventant  les  transformateurs,  a  le  plus 
fait  pour  la  solution  du  problème  du  transport  de  la  force 
et  de  l'éclairage  électrique,  et  qui  depuis  est  mort  fou,  tué 
par  la  déception  et  les  obstacles  qu'il  rencontra  pour 
exploiter  ses  brevets.  Quelque  temps  après,  deux  autres 
demandes  furent  encore  présentées  :  l'une  par  M.  Victor 
Popp,  l'autre  par  un  groupe  d'ingénieurs  et  de  banquiers 
issus  de  la  Société  alsacienne  de  constructions  mécaniques 
(ex-maison  Kœchlin).  Toutes  ces  demandes  avaient  pour 
but  d'obtenir  l'autorisation  de  canaliser  les  voies  publiques 
pour  y  installer  des  câbles  de  distribution  de  force  élec- 
trique et  visaient  des  projets  de  réseaux  plus  ou  moins 
étendus.  L'esprit  de  concurrence  contribua  à  modifier  les 
demandes  primitives  et  à  étendre  les  réseaux  dans  une  pro- 
portion considérable.  Ainsi,  de  prime  abord,  la  Compagnie 
Edison  se  bornait  à  projeter  l'installation  d'une  usine  rela- 
tivement peu  considérable,  rue  Basse-du -Rempart,  sur 
l'emplacement  qui  depuis  a  été  occupé  par  les  Montagnes 
russes.  Cette  station  centrale  devait  être  analogue  à  ce  qui 
existait  à  BerUn,  c.-à-d.  alimenter  de  2,000  à  2^200  lampes 
à  incandescence  du  type  de  16  bougies.  Sa  demande  mo- 
difiée visait  un  vaste  réseau  partant  des  usines  d'Ivry  et 
venant  au  centre  de  Paris. 

En  présence  de  ces  propositions,  l'administration  muni- 
cipale pensa  à  créer  une  situation  définitive  pour  l'exploi- 
tation dans  Paris  des  divers  systèmes  d'éclairage  électrique. 
Une  commission  fut  nommée  pour  examiner  les  proposi- 
tions des  diverses  sociétés  et  élaborer  un  cahier  des  charges 
destiné  à  servir  de  type  aux  conventions  à  passer  entre  la 
ville  et  les  demandeurs.  Elle  étudia  les  points  suivants  : 
monopoles  restreints  ou  liberté  absolue  de  concurrence, 
emploi  des  égouts  pour  la  pose  des  câbles,  tarifs  à  imposer, 
redevances  à  exiger  des  permissionnaires,  droit  de  rachat 
des  concessions,  durée  des  autorisations.  Le  conseil  muni- 
cipal de  Paris  avait  trop  à  se  plaindre  des  sociétés  déte- 
nant des  monopoles,  comme  la  Compagnie  du  gaz,  la 
Compagnie  générale  des  omnibus,  la  Compagnie  des  eaux; 
il  avait  eu  à  soutenir  contre  elles  des  luttes  trop  vives,  et 
sa  campagne  contre  les  tarifs  élevés  du  gaz  était  trop  ré- 
cente pour  qu'il  pût  être  question  de  constituer  un  nouveau 
monopole  pour  l'exploitation  de  l'éclairage  électrique.  Une 
tendance  s'indiqua  un  moment  en  faveur  de  l'organisation 
d'un  service  pubhc,  mais  on  comprit  que  l'état  de  la 
science  ne  permettait  pas  encore  de  marcher  sans  tâton- 
nements coûteux  et  on  pensa  que  des  sociétés  particulières 
étaient  mieux  à  même  de  se  livrer  à  ces  essais  que  la  ville. 
Néanmoins,  on  demanda  à  l'administration  un  avant-projet 
pour  l'éclairage  de  tout  Paris  à  l'électricité,  en  prenant 
pour  base  l'installation  du  gaz.  L'administration  présenta 
un  travail  qui  pouvait  se  résumer  ainsi  :  «  Pour  substituer 
dans  tout  Paris  l'électricité  au  gaz,  il  faut  une  dépense 
initiale  d'installation  de  255  miUions  de  francs,  sans  comp- 
ter aucun  fonds  de  roulement  pour  le  fonctionnement  des 
usines.  »En  présence  de  ce  chiffre,  la  troisième  commis- 
sion, voyant  la  nécessité  de  recourir  à  l'industrie  privée, 
examina  avec  soin  quelles  étaient  les  conditions  qu'il  con- 
venait d'imposer  aux  permissionnaires.  Elle  s'arrêta  à 
l'idée  d'accorder  des  concessions  concurrentes  à  toutes  les 
sociétés  qui  offriraient  des  garanties  suffisantes  et  à  créer 
en  même  temps  leur  usine  municipale.  A  la  suite  d'un 
rapport  magistral  fait  par  M.  Lyon-Alemand,  le  conseil 
municipal  adopta  les  dispositions  du  cahier  des  charges, 


—  349  — 


ECLAIRAGE 


qui  est  encore  en  vigueur  à  l'heure  actuelle  et  dont  les 
grandes  lignes  sont  les  suivantes  :  limitation  à  dix-huit 
années  de  la  durée  des  autorisations  ;  Hberté  de  concur- 
rence absolue  ;  le  conseil  a  le  droit,  dont  il  a  déjà  usé,  de 
donner  des  autorisations  de  canalisation  à  quiconque  en 
demandera,  même  dans  les  portions  de  la  ville  déjà  concé- 
dées ;  faculté  pour  la  ville  d'abaisser  les  tarifs  tous  les 
cinq  ans,  proportionnellement  aux  prix  de  revient  des 
sociétés  ;  impôt  de  3  °/o  sur  les  produits  bruts  constatés  ; 
obligation  de  fournir  l'électricité  au  bout  de  deux  ans  dans 
tout  le  secteur  ;  droit  de  rachat  par  la  ville  au  bout  de  dix 
ans  ;  emploi  exclusif  d'ouvriers  français  avec  une  latitude 
de  10  %  d'ouvriers  étrangers  seulement  ;  application  des 
prix  de  série  ;  limitation  des  heures  de  travail  ;  obligation 
de  n'employer  qu'un  matériel  de  fabrication  exclusivement 
française. 

Enfin,  à  côté  de  ces  exploitations  particulières,  la  ville 
installait  sous  les  Halles  l'embryon  d'une  grande  usine 
électrique,  qui  lui  fournissait  un  vaste  champ  d'expé- 
riences pour  essayer  les  divers  systèmes  de  lampes,  de  ré- 
gulateurs, de  compteurs  d'électricité,  d'accumulateurs,  etc., 
et  où  se  formait  peu  à  peu  un  personnel  d'élite,  grâce 
auquel  dans  dix-huit  ans  la  ville  pourra,  s'il  y  a  lieu, 
produire  et  distribuer  elle-même  l'électricité.  A  la  suite  du 
vote  du  conseil  municipal,  l'éclairage  électrique  a  pris  un 
grand  essor.  Si  l'éclairage  public  est  encore  limité  aux 
grandes  artères,  l'éclairage  privé  se  répand  de  plus  en 
plus  et,  dès  aujourd'hui,  a  détrôné  le  gaz  dans  la  plupart 
des  cafés,  des  restaurants  et  des  maisons  luxueuses  des 
beaux  quartiers  de  Paris. 

Gares  et  usines.  La  lumière  de  l'arc  voltaïque  convient 
d'une  manière  parfaite  aux  grands  espaces  couverts  ou 
dècouveils,  tels  ([u'en  oll'rentles  gares  et  les  usines.  L'arc 
éle('tri(pte  donne  à  un  prix  très  économique  des  foyers  in- 
tenses qui,  placés  suffisamment  haut,  réduisent  les  ombres 
portées  et  permettent  le  travail  comme  en  plein  jour.  Le 
bon  éclairage  des  chantiers  améliore  le  travail  des  ouvriers 
et  facilite  leur  surveillance.  Aussi  les  congrès  tenus  par 
les  ingénieurs  des  chemins  de  fer  à  Milan  (1885)  et  à 
Paris  (1889)  ont  recommandé  spécialement  l'éclairage  élec- 
trique dans  les  gares.  Les  lampes  à  arc  doivent  être  pla- 
cées assez  haut  :  en  Belgique  on  a  essayé  de  mâts  ayant 
jusqu'à  32  m.  de  haut,  mais  la  hauteur  de  16  nj.  paraît 
très  suffisante.  Les  lampes  ù  arc  devant  brûler  pendant  de 
longues  nuits  sont  pourvues  de  charbons  pouvant  fonction- 
ner pendant  seize  heures.  Dans  les  cas  où  l'on  désire  une 
grande  uniformité  d'éclairement,  on  peut  se  servir  de 
l'éclairage  par  réflexion.  Les  lampes  sont  placées  dans  une 
lanterne  fermée  en  dessous  et  de  côté  par  des  réflecteurs 
qui  envoient  toute  la  lumière  sur  un  écran  blanc.  Les 
rayons  sont  diffusés  en  tous  sens  ;  la  lumière  est  douce  et 
égale;  il  n'y  a  pas  d'ombres.  Les  gares  et  les  mines  fabri- 
quent généralement  l'énergie  qu'elles  emploient  ;  autant  que 
possible  il  convient  d'actionner  les  dynamos  par  des  moteurs 
spéciaux  pour  assurer  la  fixité  de  la  lumière.  Pourtant  si 
l'un  des  moteurs  possède  une  allure  suffisamment  constante 
on  peut  l'utiliser  ;  sinon  on  régularisera  la  tension  des 
dynamos  par  des  accumulateurs  en  dérivation  sur  le  circuit 
des  lampes. 

Théâtres,  cafés  et  magasins.  La  lumière  électrique  se 
recommande  tout  spécialement  dans  les  théâtres  et  grands 
magasins  par  ses  avantages  hygiéniques  et  la  sécurité 
qu'elle  procure.  On  sait  qu'à  Paris,  à  la  suite  de  l'incendie 
de  rOpéra-Comique,  la  plupart  des  théâtres  ont  adopté 
l'électricité.  Ces  installations  exigent  généralement  un  grand 
nombre  de  lampes.  Aussi  y  a~t-il  souvent  avantage  à  les 
munir  de  dynamos  et  de  machines  spéciales,  même  dans 
les  villes  où  il  existe  des  distributions  d'électricité.  Ces 
dernières  en  elfet  sont  soumises  à  des  frais  généraux  consi- 
dérables, résultant  des  canalisations  et  des  taxes  munici- 
pales. Les  moteurs  employés  doivent  être  aussi  peu  bruyants 
que  possible,  particuUèrement  lorsqu'ils  sont  placés  dans 
les  sous-sols  d'un  théâtre.  On  étouffe  le  bruit  en  tendant 


les  parois  de  la  chambre  des  machines  de  matelas  de 
coton  ou  de  laine  ou  en  plaçant  sous  les  fondations  des 
machines  des  dalles  en  liège  bitumé.  Les  théâtres  exigent, 
tant  au  point  de  vue  de  la  sécurité  que  des  effets  particu- 
liers à  produire,  des  dispositions  spéciales.  L'éclairage  exté- 
rieur se  fait  avec  des  lampes  à  incandescence  dont  la  teinte 
chaude  convient  mieux  que  celle  des  lampes  à  arc  aux 
effets  de  décoration  et  de  toilette  auxquels  nos  yeux  sont 
habitués.  L'arc  voltaïque  est  employé  dans  les  péristyles  et 
dans  certains  effets  de  scène,  tels  que  l'éclairage  des  ballets. 
Pour  éclairer  la  salle,  on  installe  souvent  les  lampes  à  in- 
candescence sur  les  lustres  et  girandoles,  autrefois  aména- 
gés pour  le  gaz.  On  peut  les  dissimuler  dans  des  lustres  à 
cristaux  dont  les  facettes  dispersent  les  faisceaux  lumineux 
et  produisent  des  jeux  de  lumière  agréables.  La  lumière 
des  lampes  à  incandescence  peut  être  graduée  s'il  y  a  lieu 
pour  produire  des  effets  de  crépuscule.  La  scène  et  les  cou- 
loirs sont  éclairés  par  les  lampes  à  incandescence.  L'éclai- 
rage de  la  scène  est  le  plus  compliqué  de  tous.  On  place 
d'habitude  à  la  rampe  une  série  de  lampes  fixes  ;  on  sus- 
pend dans  les  herses,  à  la  partie  supérieure  de  la  scène, 
plusieurs  lignes  de  rampes  dont  on  fait  varier  la  hauteur 
suivant  la  nature  des  décors.  Le  courant  est  amené  par  des 
câbles  flexibles  enfermés  dans  des  gaines  de  cuir,  afin  d'évi- 
ter que  les  frottements  n'amènent  l'usure  des  isolants  et 
ne  mettent  les  conducteurs  à  nu.  Les  côtés 'de  la  scène 
sont  éclairés  par  des  faisceaux  de  lampes  fixées  sur  des 
planches  verticales  accrochées  aux  portants.  Toutes  ces 
lampes  sont  invisibles  de  la  salle.  Dans  la  salle  des  ma- 
chines on  trouve  un  tableau  de  distribution  d'où  partent 
les  conducteurs  principaux.  Les  lampes  de  la  scène  et  de  la 
salle  sont  raccordées  à  un  commutateur  spécial  ou  jeu 
d'orgue  j)lacé  dans  la  coulisse  ou  au  voisinage  du  trou  du 
souffleur  :  ce  commutateur  permet  de  baisser  lentement  ou 
brusquement  l'éclat  des  lampes,  depuis  l'intensité  ordinaire 
jusqu'à  une  intensité  nulle. 

Dans  quelques  installations  très  coinplètes,  les  herses  et 
la  rampe  sont  munies  de  trois  séries  de  lampes  qu'on  peut 
substituer  les  unes  aux  autres  :  la  première  se  compose  de 
lampes  incolores,  la  seconde  de  lampes  à  verres  rouges, 
la  troisième  de  lampes  à  verres  bleus  ;  on  produit  ainsi  des 
effets  d'éclairement  originaux  :  incendies,  crépuscules,  etc. 
Pour  graduer  l'éclairement,  les  circuits  de  la  salle  et  de  la 
scène  contiennent  des  résistances  artificielles  que  l'on  fait 
varier  par  des  leviers  placés  dans  le  jeu  d'orgue  :  ces  ré- 
sistances sont  composées  de  fils  de  maillechort  tendus  côte 
à  côte  sur  un  châssis  de  fer  et  séparés  par  de  lamiante. 
Si  l'on  a  recours  à  trois  séries  de  lampes  de  diverses  cou- 
leurs, il  faut  que  tous  les  circuits  de  la  scène  soient  ins- 
tallés en  triple.  Parfois  on  évite  cette  dépense  en  amenant 
devant  les  lampes  des  écrans  en  gélatine  rouges  ou  bleus. 
Quand  on  veut  projeter  sur  certains  personnages  ou  cer- 
taines parties  de  la  scène  un  vif  faisceau  de  lumière,  on  se 
sert  de  lampes  à  réflecteur  paraboliques,  maniées  par  des 
machinistes  spéciaux.  En  général,  on  installe  dans  les 
théâtres  une  seconde  machine  indépendante  de  la  première 
et  aUmentant  les  lampes  strictement  nécessaires,  afin  qu'il 
n'y  ait  pas  interruption  en  cas  d'accident  de  la  première 
machine.  Des  accumulateurs  en  nombre  suffisant  peuvent 
jouer  le  même  rôle. 

Trains.  On  a  fait  depuis  quelques  années  de  nombreux 
essais  pour  éclairer  les  voitures  des  trains  au  moyen  de 
lampes  à  incandescence.  Les  essais,  d'abord  hmités  aux 
wagons-salons  et  aux  wagons  de  luxe  s'étendent  peu  à  peu 
à  toutes  les  voitures.  Les  lampes  se  placent  au-dessus  des 
dossiers  des  sièges  pour  permettre  aux  voyageurs  de  lire 
avec  commodité.  On  a  reconnu  que,  pour  régulariser  la  ten- 
sion des  lampes  et  assurer  l'éclairage  pendant  les  arrêts, 
il  fallait  avoir  recours  aux  accumulateurs.  Divers  systèmes 
sont  employés.  Le  premier  et  le  plus  généralement  usité 
consiste  à  placer  sous  chaque  voiture,  dans  une  ou  plu- 
sieurs caisses  de  tôle,  des  boîtes  renfermant  les  couples 
secondaires  nécessaires  à  l'alimentation  des  lampes.  Celles-ci 


ECLAIRAGE  -  ÉCLAIRCIE 


350  - 


ont  une  intensité  lumineuse  de  huit  à  dix  bougies  déci- 
males et  sont  soumises  à  une  tension  de  io  à  25  volts. 
Le  poids  des  accumulateurs  pour  une  voiture  varie  de  120 
à  600  kilogr.  suivant  le  nombre  des  lampes  et  la  longueur 
des  wagons.  Ces  accumulateurs  se  chargent  à  postes  fixes 
dans  les  dépôts  où  les  voitures  sont  amenées.  Un  second 
système  consiste  à  charger  les  accumulateurs  par  une  dy- 
namo actionnée  par  un  "moteur  placé  dans  le  fourgon  en 
tête  du  train,  et  recevant  la  vapeur  de  la  locomotive.  Ce 
système  évite  le  retour  des  voitures  au  dépôt  et  permet  un 
éclairage  de  longue  durée.  On  doit  remarquer  que  la  va- 
peur qui  s'échappe  de  la  petite  machine  peut  encore  servir 
au  chauffage  du  train  ;  si  elle  est  admise  à  dix  atmosphères 
(180'')  et  s'échappe  à  une  atmosphère  (100°),  elle  n'a  perdu 
que  4  °/o  de  sa  chaleur.  Enfin,  le  troisième  système  con- 
siste à  charger  les  accumulateurs  en  route  par  une  dynamo 
qui  commande  un  essieu  du  fourgon.  Le  mécanisme  est 
assez  délicat  car  les  couples  ne  peuvent  être  chargés  qu'à 
partir  du  moment  où  la  vitesse  du  train  a  acquis  une  cer- 
taine valeur,  et  l'excitation  doit  être  réglée  lorsque  l'allure 
du  train  devient  trop  rapide.  D'après  le  rapport  présenté 
par  MM.  Sartiaux  et  Weissenbruch  au  congrès  des  che- 
mins de  fer  en  1889,  les  essais  effectués  par  le  premier 
système  en  Europe  ont  donné  un  prix  de  revient  de  1 ,9 
à  3  cent,  par  lampe-heure  pour  des  lampes  de  six  à  huit 
bougies  ;  le  second  système  essayé  aux  Etats-Unis  coûte 
de  3,5  à  5  cent,  par  lampe-heure\le  seize  bougies.  Enfin, 
le  troisième  système  essayé  en  Europe  revient  à  4  ou 
5  cent,  par  lampe-heure  de  cinq  bougies.  Il  convient 
de  rappeler  le  coût  des  autres  systèmes  d'éclairage.  D'a- 
près le  bureau  impérial  des  chemins  de  fer  allemands, 
le  gaz  coûte  3,764  cent,  et  l'huile  de  colza  5,636  cent. 
par  lampe-heure  de  cinq  à  six  bougies.  La  Compagnie  Pa- 
ris-Lyon-Méditerranée paye  4,37  cent,  pour  le  gaz,  celle 
duGothard,  5,37  cent.  La  commission  technique  de  l'Union 
des  chemins  de  fer  suisses  a  formulé,  le  2  nov.  1889, 
après  examen  de  ces  chiffres,  la  conclusion  suivante  :  Eu 
égard  à  l'état  actuel  de  l'éclairage  électrique,  on  ne  peut 
encourager  le  développement  de  l'éclairage  au  gaz  des  voi- 
tures de  chemins  de  fer.  Il  est  préférable  d'étudier  le  sys- 
tème d'éclairage  à  l'électricité  et  de  chercher  à  le  perfec- 
tionner par  des  essais  pratiques. 

Mines.  L'éclairage  des  mines  ne  présente  pas  de  diffi- 
cultés spéciales  lorsqu'elles  ne  renferment  pas  de  grisou. 
La  lumière  électrique  est  employée  avec  succès.  Si  les  mines 
contiennent  du  grisou,  il  faut  avoir  recours  à  des  appareils 
d'éclairage  spéciaux.  On  sait  comment  ce  grave  problème 
a  été  résolu  par  l'emploi  des  lampes  de  sûreté  (V,  ce 
mot).  Les  lampes  à  incandescence  peuvent  remplir  aujour- 
d'hui le  même  but.  Il  n'y  a  aucune  difficulté  en  ce  qui  con- 
cerne les  lampes  disposées  à  poste  fixe,  surtout  si  la  mine 
possède  déjà  une  distribution  électrique  servant  à  l'alimen- 
tation des  moteurs.  En  ce  qui  concerne  les  lampes  porta- 
tives, il  n'en  est  pas  de  même.  Celles-ci  contenant  leur 
générateur  électrique,  il  est  nécessaire  de  leur  donner 
un  poids  aussi  faible  que  possible.  Les  divers  systèmes 
proposés  ne  sauraient  être  regardés  comme  satisfaisants. 
La  lampe  Swan  est  alimentée  par  4  éléments  secondaires, 
groupés  dans  un  bloc  de  gutta-percha  enfermé  dans  une 
boîte  en  bois.  Le  poids  est  de  3^'s2.  La  lampe  est  de 
1  à  1,3  bougie;  elle  brûle  dix  heures  et  coûte  39  fr.  75. 
La  lampe  Schanschieff  comporte  une  pile  zinc  —  solution 
de  sulfate  mercureux  —  charbon.  Elle  pèse  2^s5,  pro- 
duit deux  à  trois  bougies  pendant  neuf  heures  et  coûte 
34  fr.  50.  L'emploi  des  piles  légères  permettra  sans  doute 
d'arriver  à  une  solution  vraiment  pratique. 

Phares  (V.  ce  mot). 

ïî.  Administration.—  La  loi  des  \6-'li)  août  1790  a 
classé  l'éclairage  de  la  voie  publique  parmi  les  dépenses  fa- 
cultatives des  communes.  Mais  les.  villes  de  quelque  impor- 
tance ont  l'usage  d'y  pourvoir  soit  au  moyen  d'un  service 
spécial,  soit  par  un  traité  passé  avec  un  entrepreneur^  ou 
une  compagnie.  Dans  ce  dernier  cas,  les  clauses  des  traités 


passés  entre  la  ville  et  la  compagnie  concessionnaire  de 
l'éclairage  soit  au  gaz,  soit  à  l'électricité,  portent  que  toute 
personne  qui  désirera  prendre  un  abonnement  pour  un 
appartement  devra  faire  exécuter  les  travaux,  tant  exté- 
rieurs qu'intérieurs,  par  les  fournisseurs  et  entrepreneurs 
de  la  compagnie.  Depuis  quelques  années,  la  facilité  et 
l'économie  avec  laquelle  on  installe  l'éclairage  électrique 
quand  on  dispose  dans  le  voisinage  de  forces  naturelles,  telles 
que  torrents  ou  chutes  d'eau,  a  décidé  un  grand  nombre 
de  municipalités,  de  bourgades  de  peu  d'importance,  mais 
situées  dans  les  régions  montagneuses  de  la  vallée  du 
Rhône,  à  établir  des  usines  électriques. 

Les  usines  à  gaz,  étant  classées  parmi  les  établissements 
dangereux  ou  incommodes  de  deuxième  classe,  sont  sou- 
mises à  la  législation  qui  régit  la  matière.  Un  décret  du 
9  févr.  1867  Vy  applique  d'ailleurs  spécialement.  La  sur- 
veillance des  tuyaux  de  gaz  qui  peuvent  présenter  des  dan- 
gers d'asphyxie,  d'explosion,  d'incendie,  etc.,  rentre  dans 
les  attributions  du  préfet  de  police  (V.  Gaz).^  ^ 

L'éclairage  électrique  est  soumis  aux  dispositions  du  dé- 
cret du  15  mai  1888  qui  régit  l'établissement  et  l'exploi- 
tation des  usines. 

Ajoutons  encore  que  les  matériaux  déposés  et  les  exca- 
vations faites  dans  les  rues  et  places  doivent  être  éclairés 
la  nuit.  Ceux  qui  négligent  cette  mesure  sont  passibles 
d'une  amende  de  1  à  5  fr.  ;  en  cas  de  récidive,  l'emprison- 
nement pendant  cinq  jours  peut  être  prononcé  (C.  pén., 
art.  471  et  suiv.).  Daniel  Berthelot. 

III.  Peinture.—  Distribution  de  la  lumière  dans  un 
tableau.  Cette  partie  de  l'art  de  la  peinture  a  pris  une 
très  grande  importance  depuis  que  les  artistes  ^  se  préoc- 
cupent sérieusement  du  milieu  de  lumière  ambiante  dans 
lequel  leurs  sujets  sont  placés.  Jadis,  on  voyait  trop  sou- 
vent dans  des  scènes  figurées  en  rase  campagne  et  sous  un 
ciel  terne  et  nébuleux,  des  ombres  noires,  précieuses  pour 
faire  tourner  les  formes,  mais  absolument. fausses  comme 
effet,  diviser  longitudinalement  en  deux  parties  égales  tous 
les  membres  des' personnages.  Aujourd'hui  le  sentiment  du 
plein  air  a  fait  sentir  l'impossibiUté  pour  un  cas  semblable 
de  faire  poser  ses  modèles  dans  un  atelier  éclairé  à 
45  degrés  par  un  seul  vitrage,  et  les  jeunes  artistes  au 
moyen  d'ateliers  agencés  comme  de  véritables  cages  de 
verre,  ou  simplement  d'un  petit  jardin,  ont  bien  soin  de 
placer  leurs  modèles  dans  un  éclairage  identique  à  celui  de 
la  scène  reproduite  dans  le  tableau.  La  fausse  entente  de 
l'éclairage  qu'on  peut,  à  juste  titre,  reprocher  à  des  artistes 
médiocres  ne  doit  pas,  il  faut  le  reconnaître,  s'appliquer  aux 
grands  maîtres.  Rembrandt  et  Claude  Lorrain  sont  deux 
illustres  exemples,  dans  deux  genres  bien  différents,  du 
parti  qu'un  peintre  de  génie  peut  tirer  de  la  distribution  de 
la  lumière,  même  conventionnelle,  dans  ses  tableaux. 

ÉCLAl  RCI E.  I.  Peinture.—  Effet  produit  dans  un  tableau 
et  principalement  dans  un  paysage,  par  une  clairière  au 
miheu  d'un  sous-bois,  un  lointain  entrevu,  un  rayon  lumi- 
neux dans  un  ciel  lourd  et  chargé  de  nuages. 

IL  Sylviculture.  — ■  On  entend  par  éclaircies,  en  syl- 
viculture, une  opération,  ou  plutôt  une  série  d'opérations 
qui  toutes  ont  pour  objet,  dans  le  traitement  en  futaie  d'un 
massif  boisé,  d'assurer  le  repeuplement  naturel,  et,  depuis 
la  première  jeunesse  jusqu'au  terme  de  l'exploitation,  de 
favoriser  la  croissance  en  maintenant  un  peuplement  uni- 
forme et  complet,  des  âges  convenablement  gradués.  C'est 
une  des  plus  délicates  et  des  plus  importantes  entre  toutes 
les  opérations  forestières.  Les  anciens  forestiers  semblent 
avoir  de  tout  temps  pratiqué  les  éclaircies  comme  moyen 
d'accélérer  la  croissance  du  bois,  mais  ils  ne  connaissaient 
d'autre  système  pour  repeupler  les  torôts,  après  l'exploita- 
tion, que  la  mise  en  culture  du  sol  et  le  semis  artificiel. 
Pour  l'époque,  ce  traiteniont  était  lent,  dispendieux  et  peu 
sûr.  La  dégradation  des  massifs  boisés  allait  toujours  crois- 
sant, et  il  était  très  sérieusement  question  de  renoncer  à 
l'aménagement  des  forêts  en  futaie.  C'est  aux  forestiers 
allemands  et  surtout  à  Burgsdorf  qu'on  doit  le  traitement 


—  351  — 


ECLAIRCIE  —  ECLAIREUR 


rationnel  qui  présente,  outre  l'avantage  de  favoriser  l'ac- 
croissement des  bois,  celui  d'assurer  le  réensemencement 
naturel  des  coupes.  —  Au  lieu  de  l'ancienne  méthode  à  tire 
et  à  aire  qui  consistait  à  asseoir  les  coupes  par  contenances 
égales  et  de  proche  en  proche  sans  rien  laisser  en  arrière, 
on  divise  la  totalité  de  la  futaie  en  un  certain  nombre  de 
coupes  déterminées  d'après  les  conditions  de  l'aménagement; 
puis,  pour  obtenir  un  bon  réensemencement  naturel,  con- 
server le  sol  meuble  et  substantiel,  assurer  un  abri  aux 
jeunes  plants  tout  en  leur  permettant  de  participer  aux 
influences  atmosphériques,  on  n'enlève  que  graduellement, 
et  en  plusieurs  années,  les  arbres  qui  couvrent  chacune 
des  divisions  ou  coupes  de  la  forêt.  La  première  de  ces 
opérations,  appelée  coupe  d'ensemencement,  doit  laisser  sur 
pied  le  nombre  d'arbres  nécessaires  pour  garnir  de  graines 
le  terrain  de  la  partie  en  exploitation  et  pour  abriter  et 
protéger  convenablement  le  jeune  plant.  —  Aussitôt  que 
le  recru  a  atteint  un  certain  degré  de  force,  on  éclaircit 
cette  réserve  afin  de  le  faire  participer  plus  largement  aux 
bienfaits  de  l'air  et  de  la  lumière  en  enlevant  de  préférence 
les  arbres  qui  surmontent  les  plants  les  plus  vigoureux  et 
les  plus  élevés.  Quand  enfin  il  est  assez  fort  pour  se  passer 
de  tout  abri,  on  abat  le  reste  du  vieux  peuplement.  Ces  trois 
opérations  portent  le  nom  de  coupes  de  régénération. 

Pour  que  la  jeune  forêt  produite  par  ces  trois  coupes 
successives  puisse  prendre  tout  le  développement  dont  elle 
est  susceptible,  il  devient  ensuite  nécessaire  de  seconder  la 
nature  dans  l'accomplissement  de  son  œuvre.  Le  plus  sou- 
vent une  végétation  accessoire,  des  bois  blancs  dont  la 
venue  est  plus  rapide  que  celle  des  bois  durs,  menacent 
de  dominer  les  espèces  les  plus  précieuses  et  de  les  gêner 
dans  leur  croissance.  Il  devient  nécessaire  de  faire  en  temps 
opportun  l'extraction  de  ces  essences  secondaires.  C'est  la 
coupe  de  nettoiement.  L'époque  à  laquelle  il  convient  de 
l'entreprendre  ne  peut  être  précisée  d'une  façon  certaine  ; 
l'aspect  des  lieux  seul  peut  en  décider.  Aussitôt  qu'une 
essence  devient  gênante,  il  faut  la  faire  disparaître  et  répé- 
ter l'opération  jusqu'à  ce  que  l'essence  principale  ait  repris 
le  dessus.  Lorsque  la  forêt  se  trouve  débarrassée  des 
essences  accessoires,  la  lutte  se  produit  bientôt  entre  les 
jeunes  brins  de  l'essence  principale.  L'action  du  forestier 
consiste  alors  à  faire  disparaître,  au  moment  opportun,  et 
dans  les  conditions  les  plus  favorables  à  la  bonne  tenue  du 
massif,  les  tiges  faibles  ou  mal  venantes  surmontées  ou 
près  de  l'être,  et  dont  la  végétation  est  languissante,  ou 
encore  des  rejets  de  bois  tendre  qui  se  sont  produits  après 
le  nettoiement,  quelquefois  même  des  tiges  bien  venantes 
qui  seraient  de  nature  à  gêner  le  peuplement.  Il  n'y  a  à  ce 
point  de  vue  aucune  règle  absolue.  L'opération  doit  être  con- 
duite de  telle  sorte  que  les  jeunes  bois  puissent  croître  dans 
les  meilleures  conditions,  eu  égard  au  but  qu'on  se  propose. 

Il  est  tout  aussi  difficile  de  préciser  la  date  à  laquelle 
doivent  commencer  les  premières  éclaircies  ;  le  tout  dépend 
de  l'essence  du  sol,  du  climat,  de  la  rapidité  de  la  crois- 
sance. C'est  de  la  part  du  forestier  une  affaire  d'apprécia- 
tion. Les  époques  auxquelles  elles  doivent  se  répéter  obéis- 
sent aux  mêmes  nécessités.  En  règle  générale  et  pour  être 
toujours  maître  de  son  peuplement  et  prêt  à  parer  à  toute 
éventualité,  il  vaut  mieux  éclaircir  faiblement  et  revenir 
plus  souvent.  Des  éclaircies  tous  les  cinq  ou  tous  les  dix 
ans  dans  la  jeunesse,  tous  les  vingt  ans  dans  un  âge  avancé, 
sont  suffisantes.  Les  éclaircies  ne  peuvent  être  utilement 
faites,  au  point  de  vue  de  la  culture,  qu'autant  qu'on  pro- 
cède graduellement  et  au  fur  et  à  mesure  de  la  marche  des 
travaux  à  la  désignation  des  arbres  à  abattre.  Agir  autre- 
ment serait  risquer  de  compromettre  le  succès  et  la  bonne 
exécution  de  l'opération.  La  vente  des  coupes  d'éclaircie 
â'eirectue  dans  ces  conditions  d'une  façon  différente  de 
celle  des  produits  ordinaires.  Au  lieu  d'adjuger  les  bois  sur 
pied,  on  fait  exploiter  sous  la  direction  des  agents  forestiers 
soit  par  des  ouvriers  payés  a  la  tâche  ou  à  la  journée,  soit 
par  un  entrepreneur  responsable.  Après  le  façonnage,  les 
produits  sont  vendus  en  détail  et  par  lots.     Martinet. 


ÉCLAIRE,  Grande  Éclaire  (Bot.).  Noms  vulgaires  du 
Chelidonium  majorL,  (V.  Chélidoine). — La  petite  Eclaire 
est  le  Ficaria  7'anunculoidesMœndi  (V.  Ficaire).  Ed.  Lef. 

ÉCLAIREMENT  (Techn.).  C'est  un  des  effets  produits 
sur  les  corps  par  la  lumière,  comme  réchauffement  est  un 
de  ceux  produits  par  la  chaleur.  On  trouve  l'analogie  en- 
core plus  complète  si  l'on  observe  que  de  même  que 
réchauffement  transforme  les  corps  en  sources  de  chaleur, 
qui  émettent  encore  des  radiations  caloriques  après  que  le 
chauffage  a  cessé,  l'éclairement  des  surfaces  les  transforme 
en  sources  lumineuses  secondaires,  devenues  non  seule- 
ment visibles  par  la  réflexion  de  la  lumière  reçue,  mais 
capables  quelquefois  d'émettre  des  radiations  lumineuses 
après  la  cessation  de  l'éclairage.  L'éclairement  commu- 
niqué à  une  surface  est  proportionnel  à  la  quantité  de 
lumière  qu'elle  reçoit  ;  aussi  est-ce  en  comparant  les  éclai- 
rements  produits  sur  une  même  surface  par  les  diverses 
sources  de  lumière  que  l'on  mesure  leurs  intensités  lumi- 
neuses. Mais,  tandis  que  l'on  a  pu  trouver  dans  les  effets 
physiques  de  la  chaleur  un  moyen  de  mesurer  réchauffe- 
ment par  les  méthodes  calorimétriques,  aucun  des  effets 
caloriques,  chimiques  ou  électriques  produits  par  la  lu- 
mière n'a  pu  être  utilisé  pour  mesurer  l'éclairement,  et, 
aujourd'hui  encore,  les  évaluations  de  la  photométrie  sont 
loin  d'avoir  la  précision  des  autres  mesures  scientifiques 
(V.  Photométrie).  L.  K. 

ÉCLAIRES.  Com.  du  dép.  de  la  Marne,  arr.  de  Sainte- 
Menehould,  cant.  de  Dommartin-sur-Yèvre  ;  328  hab. 

ÉCLAIREU  R.  I.  Art  militaire.  —  Soldat  chargé  de  pré- 
céder une  troupe  en  campagne  pour  surveiller  les  mouve- 
ments de  l'ennemi  et  les  faire  connaître  au  commandant  de 
cette  troupe.  On  range  dans  cette  catégorie  les  patrouilles, 
flanqueurs,  extrêmes  pointes  d'avant-garde,  etc.  En  pays 
accidenté,  l'infanterie  joue  utilement  le  rôle  d'éclaireurs,  qui 
appartient,  par  contre,  à  la  cavalerie  dans  les  pays  décou- 
verts, à  cause  du  pouvoir  qu'a  cette  arme  de  se  porter 
promptement  à  de  grandes  distances.  L'antiquité  connais- 
sait les  éclaireurs.  «  Un  général,  dit  Végèce  dans  ses  Ins- 
titutions militaires,  qui  se  prépare  à  faire  décamper  son 
armée,  enverra  en  campagne  des  détachements  composés 
de  gens  de  confiance  bien  montés,  pour  reconnaître  exac- 
tement, en  avant,  à  droite,  à  gauche  et  par  derrière,  tous 
les  lieux  où  l'armée  doit  passer...»  Des  corps  d'éclaireurs 
ont  existé  dans  nos  armées.  Pendant  la  campagne  de  Saxe 
en  4813,  la  garde  comptait  trois  régiments  d'éclaireurs 
qui  furent  supprimés  l'année  suivante.  Lors  de  la  réorga- 
nisation de  nos  forces  militaires  après  la  guerre  de  4870, 
la  loi  a  prévu,  pour  être  appelés  à  l'activité  seulement  au 
moment  de  la  mobihsation  ou  des  manœuvres,  dix-neuf 
escdiôrons  d'éclaireurs  volontaires,\m  par  corps  d'armée, 
devant  se  monter  et  s'équiper  à  leurs  frais.  Le  projet  pri- 
mitif portait  la  création  de  vingt-quatre  escadrons  de  guides 
d'état-major.  Le  décret  du  30  juil.  4875  fixa  l'organisa- 
tion de  ces  escadrons.  Leur  cadre  se  compose  d'un  capi- 
taine, un  lieutenant  en  premier  et  trois  lieutenants  ou 
sous-lieutenants  ;  l'effectif  du  cadre-troupe  est  de  trente  et 
un  hommes,  plus  un  certain  nombre  de  cavaliers  pour 
servir  d'ordonnance  aux  officiers  et  aux  sous-oflicicrs 
et  pour  la  conduite  des  équipages.  Quant  au  nombre  de 
cavaliers  éclaireurs,  il  est  déterminé  par  le  ministre  de  la 
guerre,  selon  les  ressources  de  la  région.  L'armement  doit 
être  celui  de  la  cavalerie  légère.  Le  capitaine  est  un  capi- 
taine de  cavalerie  en  activité  de  service  ;  les  autres  offi- 
ciers sont  pris  parmi  les  officiers  de  cavalerie  en  activité  et 
ceux  de  réserve  indifféremment.  Les  hommes  de  troupe  se 
recrutent  parmi  les  militaires  de  la  disponibilité  ou  de 
la  réserve  qui  ont  servi  un  an  au  moins  dans  la  cavalerie 
et  s'engagent,  comme  nous  l'avons  dit,  à  se  monter  et  à 
s'équiper  à  leurs  frais.  Ils  ont  droit  à  la  solde  et  aux 
rations.  Une  décision  ministérielle  du  22  mars  4876  fixa 
l'effectif  des  cavaliers  éclaireurs  à  cent  vingt  hommes  montés 
et  n'admet,  pour  les  dix-huit  premiers  escadrons,  que  des 
chevaux  de  4°^49  à  4"^o6,  hongres  ou  juments. 


ÉCLAIREUR  -  ÉCLAMPSIE 


—  352 


On  appelle  éclair eur s  du  terrain,  dans  les  manœuvres 
de  cavalerie,  des  cavaliers,  deux  par  escadron,  qui  précé- 
dent, à  la  distance  de  200  m.,  une  troupe  s'avançant pour 
charo-er,  afin  de  signaler  les  obstacles  qui  pourraient  arrêter 
la  marche.  Us  cherchent  les  passages  et,  le  cas  échéant, 
ils  doivent  indiquer,  par  un  signal,  que  l'escadron  est 
obligé  de  réduire  son  front.  Pendant  que  l'un  des  cava- 
liers continue  de  marcher,  l'autre  s'arrête  devant  l'obstacle. 
En  arrivant  à  proximité  de  l'ennemi,  les  éclaireurs  se 
laissent  rejoindre  par  l'escadron  et  chargent^  avec  lui. 

II.  Marine.— Eclaireurs  d'escadre.— L'armée  navale, 
l'escadre,  marche  à  une  vitesse  moyenne,  à  cause  des  types 
différents  de  navires  dont  elle  se  compose  :  il  est  nécessaire 
que  des  bâtiments  de  grande  vitesse,  marchant  en  avant  et 
sur  les  ailes,  préviennent  d'une  attaque  possible  si  l'ennemi 
est  proche,  renseignent  sur  la  position  et  les  forces  de 
l'adversaire,  empêchent  en  un  mot  toute  surprise.  Ce  rôle, 
analogue  à  celui  que  joue  la  cavalerie  légère  dans  l'armée 
de  terre,  incombe  aux  éclaireurs  d'escadre  :  on  les  a  appelés 
les  uhians  de  la  mer.  Dans  notre  ancienne  marine,  ce 
furent  les  corvettes  qui  servirent  d'éclaireurs  d'escadre. 
«  Corvette  est  espèce  de  barque  longue  qui  n'a  qu'un  mât 
et  un  petit  hinguet  et  qui  va  à  voiles  et  à  rames.  Les  cor- 
vettes sont  fréquentes  à  Calais  et  à  Dunkerque,  et,  d'ordi- 
naire, il  y  en  a  à  la  suite  d'une  armée  navale  pour  aller  à 
la  découverte  et  pour  porter  des  nouvelles.  »  Ainsi  les 
définissait  Guillet  en  1678.  Les  qualités  militaires  de  la 
corvette  étaient  à  ce  moment  presque  nulles  :  ce  n'est  que 
vers  le  milieu  du  xvni^  siècle  que  la  corvette  grandit  et 
reçoit  une  mâture  complète.  Les  corvettes  accompagnaient 
les  escadrilles  commandées  par  nos  hardis  marins  qtii  ont 
eu  nom  Jean  Bart,  Duguay-Trouin,  etc.,  et  armées  pour  la 
course  :  elles  éclairaient  la  route  à  la  poursuite  des  convois. 

Les  grandes  vitesses  dans  la  navigation  ù  vapeur  ne 
datent  que  de  l'application  de  l'hélice  aux  navires,  à  la  fin 
de  la  première  moitié  de  ce  siècle  ;  c'est  de  cette  époque 
que  date  aussi  le  véritable  éclaireur  d'escadre,  dont  la 
qualité  absolument  essentielle  est  la  vitesse.  En  1844,  on 
construisit  l'aviso  de  haute  mer  le  Caton  qui  avait  une 
marche  moyenne  de  11  nœuds  :  il  servit  d 'éclaireur  à  l'es- 
cadre d'évolution  pendant  vingt-six  ans,  et  on  peut  le  con- 
sidérer comme  le  type  de  l'éclaireur  d'escadre  à  cette 
époque.  Toutefois,  le  Caton  n'atteignait  pas  à  une  vitesse 
suffisante.  En  1863-1866  fut  construit,  sur  les  plans  de 
M.  Normand,  Thabile  constructeur  du  Havre,  le  Canard,  ap- 
pelé plus  tard  Jérôme-Napoléoîi,  {mis  Desaix,  qui  atteignit 
une  vitesse  de  14^26.  —  On  pouvait  reprocher  à  ce  type  de 
navire  l'absence  de  force  militaire.  Or  on  prévoyait  déjà  que, 
malgré  l'utilité  de  ces  navires  pour  le  transport  sûr  et 
prompt  des  dépêches  ou  pour  leur  action  sur  le  commerce, 
on  construirait  promptement  des  croiseurs  qui  auraient 
les  mêmes  qualités  de  vitesse  avec  une  force  militaire  effec- 
tive. Aussi  un  projet  de  navire  du  même  type,  filant  16 
nœuds,  proposé  en  1867  par  M.  Normand,  fut-il  rejeté. 

—  Non  pas  que  ces  navires  ne  soient  inutilisables  en  temps 
de  guerre.  Le  contraire  a  été  prouvé  en  1870.  Le  yacht 
impérial  rilironddle,  construit  en  1869,  fut  employé  en 
1870  à  assurer  les  communications  entre  la  France  et  l'es- 
cadre des  mers  du  Nord,  de  même  que  le  Grill,  aviso 
prussien,  construit  également  par  M.  Normand,  rendit  de 
grands  services  à  la  flotte  allemande  en  la  renseignant  sur 
la  position  de  l'escadre  de  blocus.  —  Mais  la  vitesse  ne 
suffit  pas.  Il  faut,  aujourd'hui  que  la  construction  coûte  si 
cher,  que  tous  les  navires  aient  un  rôle  au  point  de  vue 
de  la  défense,  une  puissance  navale  réelle.  Le  type  de 
l'éclaireur  d'escadre  était  donc  destiné  à  se  fondre  avec  le 
type  du  croiseur  à  grande  vitesse.  C'est  ce  qui  a  eu  lieu. 

—  La  dénomination  d'éclaireur  d'escadre  a  subsisté  sur  les 
listes  officielles  de  notre  flotte  jusqu'en  1884,  avec  des 
bâtiments  tels  que  le  Rigault-de-Genouilly,  construit  en 
1871,  sur  les  plans  de  M.  l'ingénieur  Bienaymé  (longueur, 
14m.;  déplacement,  1,643  tonneaux;  armement,  8  canons 
de  14  centim.;  vitesse,  15  nœuds  avec  une  machine  d'une 


force  de  1,900  chevaux). —  Le  dernier  bâtiment  construit 
sous  le  nom  d'éclaireur  d'escadre  a  été  le  Milan,  confié  en 
1822  aux  Chantiers  de  la  Loire.  Ce  bâtiment,  avec  une 
machine  de  3,000  chevaux,  atteignit  une  vitesse  de  19  nœuds. 
A  l'heure  actuelle,  il  n'y  a  plus  d'éclaireurs  d'escadre  à 
proprement  parler.  Le  Rigaiilt-de-Genouilly ,  le  Desaix, 
le  Milaîi  ont  été  rayés  sur  les  listes  officielles  de  la  flotte 
au  nombre  des  cuirassés  de  deuxième  classe  ;  les  anciens 
éclaireurs  d'escadre  d'une  force  inférieure,  comme  le  Bou- 
rayne  et  le  Volta  sont  devenus  croiseurs  de  troisième 
classe.  Il  n'y  a  plus  que  des  croiseurs  qui  sont  aptes  à  faire 
le  rôle  d'éclaireurs  en  même  temps  qu'ils  possèdent  une 
grande  force  militaire.  —  Ajoutons  que  les  avisos  et  les 
torpilleurs  de  haute  mer  peuvent  au  besoin  éclairer  la 
marche  d'une  escadre. 

ÉCLAMPSIE  (Méd.).  On  désigne  sous  ce  nom  un  état 
aigu  caractérisé  par  des  convulsions  toniques  et  cloniques 
d'abord  limitées  aux  muscles  de  la  vie  de  relation,  puis 
s'étendant  quelquefois  à  ceux  de  la  vie  végétative.  Il  s'ac- 
compagne d'une  perte  de  connaissance  complète  et  se  ter- 
mine par  une  période  de  coma  ou  de  stupeur  suivie  de  la 
guérison  ou  de  la  mort.  Cliniquement,  l'attaque  d'éclampsie 
offre  des  ressemblances  très  marquées  avec  l'attaque  d'épi- 
lepsie,  et  on  a  pu  dire,  en  se  plaçant  au  point  de  vue  de  sa 
pathogénie,  qu'elle  constitue  une  variété  d'épilepsie  symp- 
tomatlque.  On  distingue  tout  particulièrement  deux  va- 
riétés :  l'éclampsie  puerpérale  et  l'éclampsie  infantile. 

1°  Eclampsie  puerpérale.  Elle  peut  se  déclarer  pendant 
la  grossesse,  le  travail  et  l'accouchement  :  son  début  est 
souvent  précédé  pendant  plusieurs  jours  par  des  prodromes  : 
céphalalgie  tenace  et  intense,  vertiges  et  éblouissements 
passagers,  affaiblissement  intellectuel,  insomnie  et  agitation 
ou  au  contraire  sommeil  comateux.  Puis  surviennent  les 
signes  qui  annoncent  l'attaque  :  troubles  visuels  variés 
allant  de  la  simple  fatigue  visuelle  à  la  diplopie  et  à  la 
cécité  complète,  douleur  vive  au  creux  épigastrique  pou- 
vant s'accompagner  de  dyspnée  et  d'anxiété  précordiale. 
Dans  d'autres  cas,  ces  prodromes  font  défaut  et  l'attaque 
survient  brusquement  :  la  malade  perd  connaissance,  son 
regard  devient  fixe,  ses  pupilles  se  dilatent  et  restent 
insensibles  à  la  lumière,  puis  les  convulsions  commencent; 
elles  débutent  en  général  par  les  muscles  des  paupières, 
atteignent  ceux  des'^lèvres,  dévient  fortement  la  bouche  et 
en  se  propageant  à  ceux  du  cou  provoquent  des  mouve- 
ments de  rotation  de  la  tête  sur  les  épaules.  Ensuite  les 
convulsions  se  généralisent  aux  muscles  du  tronc  et  des 
membres  et  prennent  le  type  tonique  ;  le  corps  est  rigide  et 
souvent  incurvé  par  le  spasme  ;  la  respiration  se  suspend  et 
la  face  devient  violacée  ;  les  mâchoires  se  resserrent  et  la 
langue  peut  être  coupée  par  les  dents.  A  cette  raideur 
spasmodique  succèdent  des  convulsions  cloniques,  tout 
comme  dans  l'attaque  d'épilepsie,  qui  agitent  avec  violence 
le  tronc  et  les  membres  ;  elles  durent  de  quelques  secondes 
à  quelques  minutes  et  sont  remplacées  par  une  période  de 
résolution  musculaire  complète,  pendant  laquelle  la  malade 
est  dans  le  coma.  L'accès  peut  être  unique  ;  quand  il  y  en  a 
plusieurs,  ils  sont  parfois  espacés,  mais  le  plus  souvent  ils  se 
succèdent  à  de  courts  intervalles  ou  môme  sont  subintrants. 
L'éclampsie  ne  dure  guère  plus  de  deux  jours,  mais  dans 
le  cas  de  guérison  elle  peut  se  reproduire  plus  tard.  Ici, 
comme  dans  l'épilepsie  subintrante,  la  température  centrale 
s'élève  depuis  le  début  de  l'attaque  jusqu'à  la  fin  :  elle 
s'abaisse  si  les  accès  disparaissent  ;  elle  continue  à  s'élever 
quand  le  mal  éclamptique  doit  se  terminer  par  la  mort  ; 
ce  signe  sert  à  la  différencier  de  l'urémie,  pendant  laquelle 
la  température  baisse  graduellement.  Quoique  le  chiffre  de 
la  mortalité  soit  considérable,  l'éclampsie  guérit  souvent. 
La  mort  peut  survenir  du  fait  même  de  l'accès  ou  par  suite 
d'une  complication  soudaine  telle  qu'apoplexie  pulmonaire, 
choc  cérébral,  hémorragie  méningée,  ou  d'une  compHca- 
tion  éloignée,  accidents  puerpéraux,  mal  de  Bright,  accidents 
cérébraux  divers. 

L'examen  des  organes  d'une  femme  morte  d'éclampsie 


montre  un  grand  nombre  d'altérations,  mais  dont  aucune 
n'est  propre  à  cette  maladie.  Le  cerveau  présente  presque  tou- 
jours de  l'hyperémie  et  des  sufFusions  hémorragiques  sur 
les  méninges,  parfois  des  foyers  d'hémorragie,  mais  souvent 
il  paraît  intact  ;  la  congestion  et  l'apoplexie  pulmonaires 
ont  été  notées  dans  quelques  cas;  les  reins  montrent  sou- 
vent de  la  néphrite  congestive  et  œdémateuse  dont  les 
lésions  rappellent  celles  de  la  néphrite  aiguë  de  la  scarla- 
tine. Chez  les  éclamptiques,  la  sécrétion  urinaire  est  dimi- 
nuée et  l'albuminurie  est  fréquente  ;  on  la  rencontre  à  peu 
près  dans  la  proportion  de  dix  fois  sur  quatorze  cas.  En 
général,  la  présence  de  l'albumine  dans  l'urine  précède 
l'éclampsie,  mais  on  l'y  trouve  en  quantité  plus  abondante 
pendant  les  accès. 

Les  causes  de  l'éclampsie  puerpérale  sont  encore  fort 
mal  connues  et  nous  ne  pouvons  que  citer  les  principales 
opinions  qui  ont  été  mises  en  avant  pour  exphquer  son 
apparition  :  1^  œdème  cérébral  dû  au  mal  de  Bright; 
2^  anémie  cérébrale  par  troubles  vaso-moteurs  ;  3°  excita- 
tion réflexe  partie  des  nerfs  de  l'utérus,  sous  l'influence  de 
laquelle  la  moelle  réagit  par  des  convulsions  ;  4°  l'éclamp- 
sie est  sous  la  dépendance  d'un  empoisonnement  du  sang. 
On  a  tour  à  tour  incriminé  comme  principe  toxique  l'urée, 
le  carbonate  d'ammoniaque  et  les  matières  extractives  de 
l'urine,  mais  des  faits  précis,  tirés  de  la  clinique  et  de  l'ex- 
périmentation, ont  démontré  que  ces  divers  produits  sont 
incapables  de  provoquer  le  syndrome  clinique  de  l'éclamp- 
sie. Il  semble  cependant  que  les  lésions  rénales  qui  l'ac- 
compagnent si  fréquemment  jouent  un  rôle  prépondérant 
dans  sa  pathogénie,  et  jusqu'à  nouvel  ordre  on  admet  qu'elle 
est  le  résultat  de  l'action  de  toxines  qui  ne  sont  plus  élimi- 
nées ;  l'éclampsie  serait  le  résultat  d  une  auto-intoxication.  Il 
est  même  possible  que  certaines  toxines  convulsivantes  soient 
sécrétées  particulièrement  pendant  la  grossesse  et  mani- 
festent leur  action  lorsque  l'émonctoire  rénal  accidentelle- 
ment malade  ne  leur  livre  plus  passage.  A  plusieurs  reprises 
les  auteurs  ont  observé  le  développement  simultané  çle  plu- 
sieurs cas  d'éclampsie,  comme  s'il  y  avait  eu  contagion,  et 
il  serait  fort  possible  que  la  causede  cette  maladie  fût  la 
présence  dans  l'organisme  d'un  agent  infectieux  ayant  des 
propriétés  convulsivantes  analogues  à  celui  du  tétanos  par 
exemple.  Des  recherches  faites  dans  le  laboratoire  de 
M.  Chauveau  pour  démontrer  son  existence  sont  restées 
sans  résultat.  M.  Combemale  (de  Lille)  a  récemment  ren- 
contré dans  le  sang  de  trois  femmes  éclamptiques,  dont  deux 
sont  mortes,  l'association  du  Streptococcus  pyogenes  aWus 
et  du  Streptococciis  amnis  ;Véd3impsÏG  serait  ainsi  d'après 
lui  une  forme  d'infection  puerpérale,  et  les  convulsions 
seraient  dues  à  l'action  des  microbes  ou  de  leurs  toxines 
contenus  dans  le  sang  sur  les  centres  nerveux. 

Le  traitement  de  l'éclampsie  est  encore  purement  empi- 
rique. Quand  on  reconnaît  de  l'albuminurie  chez  une  femme 
enceinte,  il  faut  la  combattre  par  le  régime  spécial.  Quand 
l'éclampsie  est  déclarée,  il  faut  avant  tout  chercher  à  pro- 
voquer ou  à  terminer  l'accouchement,  ce  qui  suffit  souvent 
pour  faire  cesser  les  crises.  La  saignée  donne  d'excellents 
résultats  et  se  montre  préférable  à  la  chloroformisation  et  à 
l'emploi  du  chloral. 

2°  Eclampsie  des  enfants.  Une  éclampsie  dont  le 
tableau  symptomatique  est  à  peu  près  celui  de  l'éclampsie 
puerpérale  peut  se  rencontrer  chez  les  jeunes  enfants;  elle 
constitue  les  convulsions  essentielles  de  l'enfance.  Elle 
se  voit  surtout  chez  des  enfants  nerveux  et  débilités,  et 
dans  certains  cas  parait  être  héréditaire  ;  elle  est  détermi- 
née par  la  peur,  la  colère  et  surtout  par  des  impressions 
agissant  sur  les  extrémités  des  nerfs  de  la  muqueuse  diges- 
tive,  dentition,  vers  intestinaux,  aliments  grossiers,  etc. 
Son  pronostic  est  variable  selon  les  causes;  la  guérison  est 
fréquente  vers  l'âge  de  quatre  à  cinq  ans.  Cette  éclampsie 
nous  parait  être  une  variété  d'épilepsie  et  nullement  une 
maladie  distincte.  Georges  Lemoine. 

ECLANCE.  Com.  du  dép.  de  FAubc,  arr.  de  Bar-sur- 
Aube,  cant.  de  Soulaines  ;  254.  hab. 

GRApE   ENCYCLOPÉDIE.    —    XV 


)  —  ÉCLAMPSIE  —  ÉCLECTISME 

ÉCLANS.  Com.  du  dép.  du  Jura,  arr.  de  Dole,  cant.de 
Rochefort  ;  259  hab. 

ÉCLARON.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Marne,  arr.  de 
Wassy,  cant.  de  Saint-Dizier,  sur  la  rive  droite  de  la  Biaise  ; 
921  hab.  Stat.  du  chemin  de  fer  de  l'Est,  sur  la  ligne  de 
Saint-Dizier  à  Troyes.  Carrières  de  craie  ;  lavoirs  à  mine- 
rai, hauts  fourneaux  ;  fabriques  d'huile  de  colza,  moulins, 
tuileries.  —  Importante  pendant  tout  le  moyen  âge,  la  ba- 
ronnie  d'Eclaron  appartint  successivement  aux  maisons  de 
Dampierre-Saint-Dizier  et  de  Joinville.  Plus  tard,  les  Guises 
se  plurent  à  embellir  cette  résidence,  où  ils  reçurent  Fran- 
çois r  ^  Henri  II,  François  II  et  Marie  Stuart.  Belle  église 
du  xv^  siècle,  malheureusement  inachevée.  A.  t. 

BiBL.  :  Vicomte  Ch.  de  Hédouville,  Notice  sur  le  vil- 
lage d'Eclaron^  dans  Mémoires  de  la  Société  des  lettres 
sciences,  etc.,  de  Saint-Dizier^  1880-1881,  p.  25.  ' 

ÉCLASSAN.  Com.  du  dép.  de  l'Ardèche,  arr.  et  cant. 
de  Tournon ;  946  hab. 

ÉCLAT.  I.  Peinture.  —  Qualité  claire  et  brillante  d'un 
tableau,  d'une  manière  de  peindre.  On  peut  citer  la  peinture 
de  Rubens  comme  une  des  plus  éclatantes;  la  rareté  rela- 
tive des  ombres,  la  touche  franche  et  lumineuse,  la  fraîcheur 
des  carnations,  produisent  cette  impression.  L'éclat  dans  la 
peinture  est  une  belle  et  précieuse  qualité  pour  un  artiste, 
mais  difficile  à  acquérir  lorsqu'elle  n'est  pas  un  don  naturel  ; 
le  papillotage  des  tons  est  un  écueil  où  se  butent  souvent 
ceux  qui  veulent  l'obtenir  quand  même.  Ad.  T. 

II.  Art  militaire.  --  Action  d'éclat.  —  Le  militaire 
qui  dirige  un  coup  de  main  hardi  ou  y  prend  une  part  active, 
celui  qui  enlève  un  canon  ou  un  drapeau,  celui  qui  sauve  la 
vie  d'un  de  ses  chefs  ou  d'un  de  ses  camarades,  celui  qui  dé- 
livre des  prisonniers  ou  qui,  assailli  par  plusieurs  ennemis, 
leur  tient  tête  et  parvient  à  se  dégager  ou  se  fait  tuer,  au 
lieu  de  se  rendre,  se  signalent  par  une  action  d'éclat.  Ces 
actions  sont,  suivant  leur  importance,  mises  à  l'ordre  du 
jour  de  la  division,  du  corps  d'armée  ou  de  l'armée.  Elles 
sont  inscrites  sur  l'état  des  services  des  militaires  qui  les 
ont  accomplies,  sous  le  titre  :  campagnes,  blessures  et 
actions  d'éclat.  E.  Feller. 

ECLATEMENT  (V.  Essai  [Epreuve des  bouches  à  feu]). 
ÉCLECTIQUE  (V.  Eclectisme). 
ÉCLECTISME.  I.Philosophie.— On  désigne  sous  le  nom 
d'éclectique  toute  doctrine  philosophique  qui,  au  lieu  de 
poser  un  principe  qui  lui  soit  propre  et  d'en  déduire  les 
conséquences,  choisit  dans  les  systèmes  antérieurement  cons 
titués  les  parties  qui  lui  paraissent  les  plus  vraies,  et  essaye, 
avec  ces  éléments  d'emprunt,  de  former  un  ensemble.' 
L'éclectisme  apparaît  de  bonne  heure  dans  l'histoire  de  la 
philosophie.  Après  les  grands  systèmes  de  Platon  et  d'Aris- 
tote,^  après  ceux  d'Epicure  et  des  stoïciens,  qui  étaient 
aussi  des  corps  de  doctrine  inspirés  d'une  pensée  unique 
et  fortement  liés,  l'éclectisme  prit  naissance  avec  des  phi- 
losophes tels  que  Asclépiade,  Panétius,  Posidonius,  qui 
essayèrent  d'unir  soit  les  doctrines  d'Epicure,  soit  celles 
de  Zenon  avec  celles  des  philosophes  antérieurs.  Plus  tard, 
la  nouvelle  académie,  avec  Philon  et  surtout  Antiochus,  le 
maître  de  Cicéron,  entra  aussi  dans  la  même  voie.  Il  semble 
que  l'apparition  des  doctrines  sceptiques  ait  de  tout  temps 
exercé  une  grande  influence  sur  le  développement  de  l'éclec- 
tisme. En  présence  de  la  diversité  et  de  la  contradiction 
des  systèmes,  le  premier  mouvement  de  l'esprit  humain 
semble  être  de  dire  qu'aucun  n'est  vrai.  Puis,  par  une 
tendance  inverse,  on  arrive  à  croire  sinon  que  tout  est  vrai, 
au  moins  qu'il  y  a  du  vrai  dans  toutes  les  doctrines.  C'est 
ainsi  que  le  pyrrhonisme  et  le  probabilisme  d'Arcésilas  ont 
suscité  l'éclectisme  de  Panétius  et  de  Posidonius;  plus 
tard  l'enseignement  d'Antiochus  d'Ascalon  et,  dans  une 
certaine  mesure,  celui  de  Philon  de  Larisse,  furent  une 
réaction  contre  la  philosophie  de  Carnéade. 

On  désigne  parfois  sous  le  nom  d'éclectique  la  doctrine 
de  Plotin  et  celle  de  Leibniz,  et  il  est  certain  que  ces 
grands  philosophes  ont  essayé  de  conciher  dans  une  vaste 
synthèse  les  systèmes  antérieurs.  Mais,  à  ce  compte,  on 

23 


ÉCLECTISME  -  ÉCLIMÈTRE  -  354  - 

trouverait  de  l'éclectisme  chez  Platon,  chez  Aristote,  chez 
tous  les  philosophes  ;  tous,  en  effet,  ont  essayé  de  faire 
une  part  aux  idées  régnantes  de  leur  temps.  Il  semble  plus 
juste  de  réserver  ce  nom  aux  doctrines  qui  ne  sont  qu  éclec- 
tiques, c.-à-d.  qui  n'ont  pas  introduit  dans  la  philosophie 
une  idée  nouvelle,  un  principe  supérieur  auquel  elles  ont 
subordonné  et  ramené  les  idées  déjà  connues.  Si  on  se  place 
à  ce  point  de  vue ,  Plotin  et  Leibniz  sont  plus  et  mieux 
que  des  éclectiques.  De  nos  jours,  le  nom  d'éclectisme 
désigne  tout  particulièrement  la  philosophie  qu'ont  ensei- 
gnée Victor  Cousin  et  ses  disciples  et  qui  a  eu  un  moment  de 
grande  vogue.  Nous  avons  exposé  ailleurs  (V.  Cousin 
[Victor])  les  principes  de  cette  doctrine.  Victor  Brochard. 
II.  Esthétique.  —  L'éclectisme  est  une  direction  de  goût 
qui  consiste  à  réunir  les  qualités  d'écoles  différentes  pour 
en  former  un  ensemble  harmonieux.  C'est  aussi,  pour 
la  critique,  savoir  apprécier  et  louer  les  qualités  particu- 
lières et  opposées  de  ces  écoles.  L'éclectisme  est  un  goût 
des  époques  de  décadence  ;  c'est  lorsque  la  science  prime 
l'inspiration  qu'une  école  devient  éclectique.  Telle  fut  1  école 
desCarraches  à  la  fin  de  la  Renaissance.  Notre  époque  est 
une  des  plus  éclectiques  qui  fussent  jamais  ;  en  nul  autre 
temps  on  n'a  étudié  et  connu  aussi  bien  qu'à  présent  les 
formules  artistiques,  le  génie  propre  à  chacune  des  écoles 
anciennes.  Si  les  études  de  ce  genre  ne  sont  pas  pour  taire 
surgir  des  individualités  bien  accentuées,  il  faut  reconnaître 
qu'elles  ont  singulièrement  relevé  la  moyenne  de  valeur  des 
œuvres  d'art,  et  que  si  les  traits  de  génie  sonttoujours  rares, 
les  ouvrages  remarquables  par  l'ensemble  de  leurs  bonnes 
quaUtés  sont  bien  plus  nombreux  que  jadis.  Ad.  T. 
ECLECTUS  (Ornith.)  (V.  Perroquet). 
ÉCLEUX.  Com.  dudép.  du  Jura,arr.  de  Poligny,  cant. 
de  Villers-Farlav  ;  321  hab. 

ÉCLIMÈTRE.  Les  topographes  désignent  sous  ce  nom 
les  appareils  servant  à  déterminer  la  différence  d'altitude 
de  deux  points  ;  toutefois,  ils  réservent  plus  spécialement 
ce  mot  pour  les  instruments  du  genre  de  celui  décrit  ci- 
dessous  :  une  lunette  pourvue  d'un  réticule  se  meut  dans 
le  plan  vertical  autour  d'un  axe  passant  par  le  centre 
d'un  cercle  gradué  ;  elle  entraîne  dans  son  mouvement 
deux  verniers  qui  serviront  à  la  lecture  des  angles  mesu- 
rés. Un  niveau  à  bulle  d'air  dont  le  tube  porte  des  traits 
de  division  servant  à  observer  les  extrémités  de  la  bulle 
est  fixé  au  limbe  gradué,  de  manière  que,  lorsque  la  bulle 


(_ 

h- 

3 

1                1 

,...l 

! 

) 

disposition  habituelle  des  organes  de  ce  genre  permet  de 
fixer  la  lunette  dans  une  position  donnée  sur  le  limbe,  et 
d'achever  le  pointé  en  amenant  la  croisée  des  fils  du  ré- 
ticule sur  l'image  de  l'objet.  On  voit  que,  si  le  zéro  se 
trouve  bien  exactement  sur  la  verticale,  une  simple  lec- 
ture du  limbe  donnera  la  distance  zénithale  de  l'objet.  En 
eénéral,  l'appareil  est  fixé  sur  le  côté  d'une  boussole,  et 
les  visées  obtenues  au  moyen  de  la  lunette  servent  à  la 
fois  pour  la  planimétrie  et  pour  le  nivellement  (hg.  1). 
Très  souvent  le  limbe  est  réduit  à  deux  arcs  d'une  ampli- 
tude de  25  à  30^  au-dessus  et  au-dessous  de  la  division 
100»,  car,  dans  la  topographie,  les  points  que  l'on  vise  ne 
s'élèvent  jamais  beaucoup  au-dessus  de  l'horizon.  11  en 
résulte  qu'une  grande  portion  du  limbe  est  inutile  ;  en  la 


Fig.l. 

est  contenue  dans  ses  repères,  le  diamètre  passant  par 
la  division  100^  est  horizontal.  Le  zéro  de  la  graduation 
du  limbe  correspond  donc  dans  un  appareil  parfait  à  la 
lecture  qui  serait  faite  sur  le  zénith  et  sur  le  nadir. 
La  graduation  se  développe  de  chaque  côté  du  zéro. 
Enfin,  une  pince  munie  d'une  vis  de  rappel  et  affectant  la 


supprimant,  on  a  l'avantage  de  diminuer  le  poids  et  le  vo- 
lume de  l'appareil  (fig.  2).  On  construit  aussi  des  ecli- 
mètres  qui  n'ont  qu'un  arc  de  cercle.  Dans  ce  cas,  1  axe 
de  rotation  de  la  lunette  est  reporté  à  l'une  des  extrémités 
de  l'appareil,  disposition  qui  permet  de  donner  au  limbe 
un  diamètre  plus  grand  et,  par  suite,  d'augmenter  le 


Fig.  3. 

nombre  de  traits  de  division;  mais  le  diamètre  du  trait  100 
est  encore  horizontal  lorsque  la  bulle  est  entre  ses  repères 

On  voit  par  cette  description  sommaire  que  l'éclimètre 
doit  satisfaire  à  deux  conditions  :  1«  L'axe  horizontal  au-- 
tour  duquel  la  lunette  tourne  doit  être  exactement  centre 
sur  le  cercle  gradué.  Pour  vérifier  que  cette  condition  est 
satisfaite,  on'fixera  la  lunette  sur  le  limbe  à  l'aide  de  sa 
pince  et  de  la  vis  de  rappel,  de  manière  que  les  verniers 
donnent  exactement  100^  pour  lecture.  Puis,  à  l'aide  d  une 
clef,  on  agira  sur  une  vis  qui  sert  à  soulever  une  des  extré- 
mités du  niveau,  jusqu'à  ce  que  la  bulle  soit  exactement 
logée  entre  ses  repères.  Dans  cette  position,  on  sera  sur 


-  355  - 


ECLIMÈTRE  —  ECLIPSE 


que  le  diamètre  du  trait  100  est  horizontal,  et  par 
suite  que  le  zéro  est  sur  la  verticale.  Donc  en  visant  suc- 
cessivement dans  les  deux  positions  du  limbe  un  objet 
éloigné,  on  devra  obtenir  des  lectures  identiques.  S'il  n'en 
est  point  ainsi,  l'instrument  devra  être  rejeté.  Mais,  si  l'on 
emploie  l'éclimètre  à  un  seul  arc  de  limbe,  il  n'existe  au- 
cun moyen  de  vérification,  sinon  de  s'assurer  que  l'ins- 
trument donne  de  bonnes  indications,  en  pointant  des 
objets  d'altitude  connue,  en  ayant  soin  de  corriger  préa- 
lablement les  lectures  de  l'erreur  de  collimation.  2°  Le  zéro 
de  la  graduation  doit  être  exactement  sur  la  verticale.  En 
réalité  cette  condition  est  rarement  remplie  ;  on  se  borne 
à  déterminer  la  lecture  correspondant  au  zénith,  qui  est 
désignée  sous  le  nom  de  collimation.  On  déduira  les  dis- 
tances zénithales  vraies  en  ajoutant  ou  rétractant  algébri- 
quement la  coUimation,  telle  qu'elle  est  donnée  avec  son 
L^  — L 


signe  par  la  formule  c  - 


2 


-.  En  désignant  par  L  la 


lecture  limhe  à  droite,  U  la  lecture  limbe  à  gauche, 
c  la  collimation,  Z  la  distance  zénithale,  on  a  Z  =  L-|-c  et 

l=iV  —  c;  on  tire  aisément  c  =  — ^ — .  Dans  le  cas  de 

l'éclimètre  à  un  limbe,  on  opérera  de  la  manière  suivante 
pour  la  détermination  de  l'erreur  de  collimation.  Après 
avoir  mis  l'appareil  en  station  en  A  sur  un  terrain  uni,  on 
visera  une  mire  éloignée  placée  en  B,  à  une  hauteur  au- 
dessus  du  sol  égale  à  celle  de  l'écUmètre.  Puis  on  trans- 
portera l'appareil  en  B  et  la  mire  en  A,  et  Ton  pointera 
de  nouveau  la  mire  (fig.  4).  Les  deux  distances  zénithales 


sont  deux  angles  supplémentaires  ;  d'autre  part,  si  l'on  a 
au  point  A  :  z=zL-\-c,  on  aura  en  B  :  z^=: U  -\-c.  On 
tirera  z-\- 2/  =.L-\-V  -\~'^c,  d'où  l'on  déduit  : 

c=1008-t±il. 

A  l'aide  d'un  éclimètre  à  deux  verniers  donnant  la  mi- 
nute centésimale,  on  obtiendra  les  cotes  avec  une  erreur 
moindre  qu'un  mètre  pour  des  distances  d'environ  5  kil., 
précision  bien  suffisante  pour  les  besoins  de  la  topogra- 
phie. Ch.   DE  ViLLEDEUIL. 

ÉCLIIVIEUX.  Com.  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  de 
Saint-Pol-sur-Ternoise,  cant.  du  Parcq  ;  283  hab. 

ÉCLIN.  Rivière  de  France  (V.  Côte-d'Or  [Dép.  de  la], 
t.  XII,  p.  1187). 

ÉCLIPSE  (Astron.). Disparition  partielle  ou  totale  d'un 
astre  causée  momentanément  par  la  situation  de  trois  astres 
en  hgne  droite.  Si  la  terre  est  entre  le  soleil  et  la  lune,  au 
moment  de  la  pleine  lune,  notre  satellite  peut  être  plongé 
dans  le  cône  d'ombre  projeté  derrière  la  terre  et  cesser 
d'être  visible  :  il  est  éclipsé.  A  la  nouvelle  lune,  quand  le 
cône  d'ombre  de  la  lune  rencontre  la  terre,  les  habitants 
plongés  dans  ce  cône  d'ombre  ne  voient  plus  le  soleil,  qui 
pour  eux  est  éclipsé.  La  grande  différence  entre  ces  deux 
sortes  d'éclipsés,  c'est  que  les  éclipses  de  lune  sont  visibles 
pour  tout  l'hémisphère  terrestre  tourné  vers  notre  satel- 
lite, tandis  que  les  écHpses  de  soleil  n'ont  lieu  que  pour 
une  très  petite  région  de  notre  globe  cachée  par  l'ombre 
delà  lune.  Etudions  les  conditions  d'une  éclipse  de  lune,  et 
voyons  d'abord  en  quoi  consiste  le  phénomène.  0  étant  le 
centre  du  soleil,  C  celui  de  la  terre  (V.  fig.),  les  lignes  AB 


et  DF,  tangentes  communes  extérieure  et  intérieure  aux 
deux  circonférences  engendrent  en  tournant  autour  de  la 
ligne  OC  les  cônes  MBB'  d'ombre  pure  et  PN^F,  dont 
la  partie  située  en  arrière  de  la  terre  est  la  pénombre.  Un 


Figure  schématique  d'une  éclipse  de  lune. 

observateur  placé  dans  la  région  EMB""  ne  peut  voir  au- 
cun point  du  soleil;  c'est  pourquoi  on  dit  qu'il  est  dans 
l'ombre  pure;  au  contraire,  un  habitant  des  régions  situées 
entre  P^F  et  MB  voit  une  portion  du  soleil  d'autant  plus 
grande  qu'il  est  plus  éloigné  du  soleil  et  de  la  terre,  et  plus 
rapproché  de  la  génératrice  P^F''  :  il  se  trouve  alors  dans  la 
pénombre.  Si  la  lune  au  moment  de  la  pleine  lune  se  trouve 
dans  la  région  de  l'espace  PB^FT^  elle  disparaîtra  tota- 
lement ou  partiellement,  suivant  qu'elle  sera  plongée  en 
totalité  ou  en  partie  dans  le  cône  BMB^  d'ombre  pure.  Sa 
lumière  diminuera  très  faiblement  quand  notre  satellite 
sera  dans  la  pénombre,  et  l'éclipsé  proprement  dite  com- 
mencera et  finira  quand  l'astre  entrera  dans  l'ombre  pure 
ou  bien  en  sortira.  Nous  pouvons  chercher  la  longueur  MC 
du  cône  d'ombre  projeté  derrière  la  terre.  Les  triangles 
semblables  AMO, BMC  donnent  en  effet,  si  l'on  désigne  AO, 
BC  et  OC  par  R,  r,  d 

AO__BC__AO  —  RC 

OM~CM""OM  — CM 
R        r       R  — r 


OM~CM~ 


d'où 


CM: 


rd 


■R  — r 

Remplaçons  R  et  cî  par  leurs  valeurs  moyennes,  qui  sont 
108,6  T  et  23,280  r,  nous  aurons 


CM: 


rX  23280  r__  23280  r 


:216r 


108,6  T  —  r~^   107,6 

La  distance  moyenne  de  la  lune  à  la  terre  étant  60  r, 
on  voit  que  le  cône  d'ombre  pure  s'étend  bien  au  delà  de 
l'orbite  de  notre  satellite,  et  par  suite  que  les  éclipses  de 
lune  sont  possibles.  Désignons  par  a  et  a  les  demi-angles 
au  sommet  des  cônes  BMB'  et  F^NF,  par  A,  A''  les  demi- 
diamètres  apparents  du  soleil  et  de  la  lune  à  leur  distance 
moyenne,  par  p  et  p^  la  parallaxe  horizontale  du  soleil  et 
de  la  lune  à  la  même  distance  ;  nous  aurons  :  a  zn  A — p  ; 
a'  =  A  +  p  ;  le  demi-diamètre  apparent  LCM  du  cône 
d'ombre  à  la  distance  CL  de  la  lune  estpiirp'  —  ai=w^ 
—  A+iO=ip^+p  — A.0r/~57^;p=:8^8;A=:16'; 
d'où  [3=  41'  envn^on,  et  comme  le  demi-diamètre  appa- 
rent de  la  lune  est  inférieur  à  17',  cet  astre  peut  être  com- 
plètement éclipsé.  L'orbite  de  la  lune  étant  inclinée  de  5<* 
environ  sur  l'écliptique  tandis  que  (3  est  de  41^,  il  n'y  a 
donc  pas  échpse  de  soleil  à  chaque  nouvelle  lune,  ni  éclipse 
de  lune  à  chaque  pleine  lune  ;  il  faut  que  notre  satellite  soit 
très  près  de  ses  nœuds,  points  où  son  orbite  perce  l'éclip- 
tique ;  si  l'on  désigne  par  X  sa  latitude.  A'  étant  son  dia- 
mètre apparent,  on  devra  avoir  pour  la  condition  de  pos- 
sibilité d'une  éclipse  X  <  A'+  |3  ;  en  remplaçant  A^  et  (3 
parleurs  valeurs  maxima  etminima,  on  arrive  aux  conclusions 
suivantes  :  1°  X  <  52',  éclipse  certaine  ;  2^  52'  <  X  <  76', 
éclipse  douteuse  ;  3^  X  >  76',  éclipse  impossible. 

Au  moment  des  éclipses  de  lune  la  longitude  de  cet 
astre  et  celle  du  soleil  diffèrent  de  180",  et  l'on  trouve 
ces  longitudes  dans  la  Connaissance  des  temps  publiée 


ÉCLIPSE 


356  — 


par  le  Bureau  des  longitudes.  On  pourrait  aussi  prendre 
les  Tables  de  la  lune  et  les  Tables  du  soleil  (mais 
le  travail  serait  beaucoup  plus  pénible)  pour  tous  les 
jours  de  Tannée  à  midi  (celle  de  la  lune  est  même 
donnée  de  six  heures  en  six  heures)  ;  une  simple  inter- 
polation permet  de  trouver  l'instant  précis  de  l'opposi- 
tion. Le  calcul  peut  ensuite  donner  l'époque  et  la  valeur 
de  la  plus  grande  phase,  les  moments  d'entrée  de  la  lune 
dans  la  pénombre  et  de  sa  sortie,  les  heures  précises  du 
commencement  et  de  la  fin  de  l'éclipsé  proprement  dite,  la 
durée  du  phénomène,  etc.  L'atmosphère  terrestre  a  une 
influence  considérable  sur  les  éclipses  de  lune  :  elle  rac- 
courcit notablement  le  cône  d'ombre  qui  mesure,  comme 
nous  l'avons  déjà  vu,  216  rayons  terrestres  ;  elle  réduit 
sa  longueur  à  42  rayons  terrestres.  Comme  la  distance 
moyenne  de  notre  satellite  à  la  terre  est  de  60  r,  il  n'y  a 
donc  pas  à  proprement  parler  d'éclipsé  totale  de  lune  :  on 
conserve  cependant  cette  expression  pour  les  cas  où  la  lune 
entre  complètement  dans  le  cône  d'ombre  pure  ;  on  la  voit 
alors  faiblement  éclairée  par  réfraction  et  présentant  une 
teinte  noire  rougeâtre.  L'éclipsé  peut  être  partielle,  totale 
ou  annulaire  suivant  que  l'astre  disparaît  en  partie,  en 
totalité  ou  seulement  en  sa  partie  centrale,  le  cône  d'ombre 
pure  étant  entouré  d'une  couronne  lumineuse. 

Eclipses  de  soleil.  Les  éclipses  de  soleil  se  produisent 
pour  les  habitants  de  la  terre  plongés  dans  le  cône  d'ombre 
pure  projeté  derrière  notre  satellite  au  moment  de  la  nou- 
velle lune  quand  les  trois  astres  sont  pour  ainsi  dire  en 
ligne  droite,  et  que  le  soleil  et  la  lune  ont  la  même  longi- 
tude. On  calcule  toutes  les  conditions  d'une  éclipse  de  soleil 
à  peu  près  comme  celles  d'une  écHpse  de  lune,  et  les 
éclipses  totales  sont  fort  remarquables  :  au  heu  oti  elles  se 
produisent,  le  soleil  disparaissant  très  vite,  la  nuit  succède 
au  jour,  et  l'on  aperçoit  les  étoiles  de  première  grandeur. 
Aussi  la  frayeur  était-elle  considérable  autrefois,  et  cepen- 
dant le  phénomène  ne  dure  généralement  que  deux  ou  trois 
minutes,  le  maximum  étant  au  plus  six  minutes  environ. 

Grandeur  des  éclipses.  On  évaluait  autrefois  la  gran- 
deur des  éclipses  en  doigts  ou  douzièmes  de  diamètre  de 
l'astre  considéré.  Si  la  partie  échancrée  était  à  peu  près  la 
moitié  du  disque  de  l'astre,  on  disait  que  l'échpse  était  de 
six  doigts  ;  cette  portion  disparue  s'appelait  la  phase 
écliptique.  On  estime  aujourd'hui  la  grandeur  de  l'éclipsé 
en  fraction  décimale. 

Périodicité  des  éclipses.  Les  anciens  ne  possédaient  ni 
Tables  de  la  lune  ni  Tables  du  soleil,  et  ne  pouvaient 
calculer  à  l'avance  les  éclipses  qui  devaient  arriver.  Une 
observation  suivie  des  éclipses  leur  apprit  que  ces  phéno- 
mènes se  reproduisent  de  In  même  manière  et  dans  le  même 
ordre  après  une  période  nommée  Saros  embrassant  six  mille 
cinqcent  quatre-vingt-cinq  joursun  tiers  oudix-huh  ans  onze 
jours.  Pendant  ce  temps,  on  noteeneftet  soixante-dix  éclipses, 
dont  vingt-neuf  de  lune  et  quarante  et  une  de  soleil  obser- 
vables sur  toute  la  terre.  Tandis  que  les  premières  sont 
visibles  pour  tout  l'hémisphère  terrestre  plongé  dans  la 
nuit,  et  dès  lors  ont  bien  plus  de  chance  d'être  observées, 
puisque  le  mauvais  temps  est  rarement  répandu  dans  tout 
l'hémisphère,  les  éclipses  de  soleil  ne  sont  au  contraire 
produites  que  pour  une  très  faible  région  terrestre,  et  ont 
dès  lors  plus  de  chances  de  passer  inaperçues.  On  compte 
généralement  de  -  deux  à  sept  éclipses  par  an,  soit  une 
inoyenne  de  quatre.  Si  une  année  n'a  que  deux  échpses, 
ce  sont  des  phénomènes  solaires. 

Autres  éclipses.  Les  planètes  sont  parfois  cachées 
derrière  la  lune  ainsi  que  les  étoiles  :  on  appelle  plu- 
tôt ce  phénomène  occultation  (V.  ce  mot).  Si  le  rayon 
visuel  mené  de  l'œil  de  l'observateur  à  deux  planètes  ren- 
contre ces  deux  corps,  puis  n'en  voit  plus  qu'un  seul,  le 
plus  éloigné  disparaissant  derrière  l'autre  se  trouve  éclipsé. 
Ces  circonstances  se  rencontrent  fort  rarement.  Lalande 
cite  les  éclipses  de  Mars  par  Vénus  le  3  oct.  1590,  de  Ju- 
piter par  Mars  le  9  janv.  1591  observées  par  Kepler.  Les 
éclipses  des  satellites  de  Jupiter  qui  disparaissent  quand  ils 


se  plongent  dans  le  cône  d'ombre  projeté  derrière  la  pla- 
nète, sont  étudiées  avec  soin.  C'est  en  observant  attenti- 
vement les  variations  des  temps  qui  s'écoulent  entre  deux 
échpses  consécutives  du  premier  satelhte  de  Jupiter  que  le 
Danois  Rœmer  a  pu  mesurer  en  1675  la  vitesse  de  la  lu- 
mière. Les  passages  (V.  ce  mot)  des  disques  de  Mercure 
et  de  Vénus  sur  celui  du  soleil,  qui  sont  de  véritables 
éclipses,  sont  étudiées  fort  attentivement  :  c'est  de  l'obser- 
vation des  passages  de  Vénus  sur  le  soleil  en  1761  et  en 
1769  qu'on  a  déduit  la  première  valeur  approchée  de  la 
parallaxe  (V.  ce  mot)  du  soleil.  Les  éclipses  de  soleil  nous 
ont  appris  la  nature  de  cet  astre.  Déplus,  les  éclipses  ser- 
vent à  calculer  la  longitude  des  lieux  où  l'on  observe  et  à 
rectifier  les  Tables  astronomiques,  puisque  le  calcul  basé 
sur  ces  Tables  doit  donner  l'instant  précis  des  diverses 
phases  du  phénomène. 

Opinions  des  anciens  sur  les  éclipses.  Les  anciens 
regardaient  ces  phénomènes  comme  les  présages  des  plus 
grands  malheurs.  L'histoire  nous  raconte  que  Périclès  ras- 
sura ses  marins  et  ses  soldats  terrifiés  par  une  éclipse  de 
soleil.  Alexandre,  près  d'Arbelles,  usa  de  toute  son  adresse 
pour  calmer  la  frayeur  de  ses  troupes  au  moment  d'une 
éclipse  de  lune.  Sulpicius  Gallus,  lieutenant  de  Paul-Emile, 
prédit  une  écKpse  de  lune  qui  arrivait  le  lendemain,  et 
changea  en  confiance  la  terreur  qu'auraient  eue  ses  soldats. 
Christophe  Colomb  allait  se  trouver  à  la  merci  des  sau- 
vages de  l'île  de  la  Jamaïque  lorsque  ses  vivres  allaient  être 
épuisés  quand  une  éclipse  de  lune  lui  fournit  le  moyen  de 
sortir  d'embarras.  Il  fit  dire  aux  chefs  qu'il  allait  les  livrer 
aux  derniers  malheurs  s'ils  ne  lui  apportaient  immédiate- 
ment tout  ce  qu'il  désirait,  et  qu'il  commencerait  par  les 
priver  de  la  lumière  de  la  lune.  Les  sauvages  méprisèrent 
d'abord  ses  menaces  ;  mais,  quand  arriva  l'éclipsé  de  lune, 
ils  furent  frappés  de  terreur,  donnèrent  à  Colomb  tout  ce 
qu'il  désirait  et  le  conjurèrent  d'avoir  pitié  d'eux.  Quand 
la  lune  était  écHpsée,  les  Incas  la  croyaient  malade.  Dès 
qu'on  la  voyait  entamée,  l'inquiétude  se  répandait  dans  tous 
les  cœurs.  Si  elle  allait  disparaître  tout  entière,  ce  serait 
le  signe  d'une  mort  certaine,  car  elle  ne  pourrait  plus  se 
soutenir  au  ciel,  tomberait  sur  la  terre,  écraserait  les  pauvres 
mortels  et  le  monde  finirait.  Aussi,  dès  que  l'on  s'aper- 
cevait d'une  de  ces  éclipses,  dont  on  ignorait  les  dates, 
chacun  se  précipitait  sur  les  instruments  qu'il  pouvait 
trouvei'  sous  la  main,  tambours,  trompettes,  chaudrons, 
faisant  un  bruit  épouvantable.  Ils  attachaient  les  chiens 
et  les  fouettaient  pour  leur  faire  pousser  des  cris  la- 
mentables, persuadés  que  la  lune  aime  ces  animaux,  et 
que,  touchée  de  leurs  gémissements,  elle  ferait  un  effort 
pour  se  ranimer.  Au  Pérou,  pendant  les  éclipses  de  lune, 
les  hommes,  les  femmes  et  les  enfants  criaient  avec  un  en- 
semble assourdissant  :  marna  quitta!  mania  quitta  !  c.-à-d. 
maman  lune,  suppliant  les  puissances  célestes  de  ne  pas 
la  laisser  mourir.  Quand  elle  reprenait  sa  lumière,  on  louait 
le  grand  dieu  Pachacamac,  soutien  de  l'univers,  qui  l'avait 
guérie,  et  cette  guérison  l'avait  empêchée  de  mettre  fin  à 
l'existence  des  hommes.  Les  Hurons  et  les  Caraïbes  avaient 
à  peu  près  les  mêmes  idées  :  le  terrible  démon  M  aboya, 
qui  est  Fauteur  des  apparitions  effrayantes,  des  maladies, 
du  tonnerre  et  des  tempêtes,  essayait  de  dévorer  l'astre  des 
nuits.  Pour  mettre  le  monstre  en  fuite,  on  faisait  un  grand 
bruit  en  frappant  sur  des  écorces,  sur  des  timbales,  des 
chaudrons,  et  surtout  en  agitant  les  maracas  (calebasses 
renfermant  des  cailloux,  comme  nos  clochettes  ont  des  gre- 
lots). Les  Caraïbes  dansent  alors  toute  la  nuit,  aussi  bien 
les  jeunes  que  les  vieux,  les  femmes  que  les  hommes,  sau- 
tant les  deux  pieds  joints,  une  main  sur  la  tête  et  l'autre 
sur  la  fesse,  sans  chanter,  mais  poussant  des  cris  lugubres 
et  épouvantables.  Ceux  qui  ont  commencé  à  danser  sont 
obligés  de  continuer  jusqu'au  point  du  jour,  sans  oser 
quitter  pour  n'importe  quelle  nécessité.  Les  Esquimaux 
cachent  les  provisions  et  ferment  les  maisons,  de  peur  que 
le  soleil  ou  la  lune  n'y  entrent.  Les  hommes  jettent  des 
cris  et  frappent  des  coups  retentissants  ;  les  femmes  tirent 


—  357  — 


ÉCLIPSE  —  ECLISSE 


les  oreilles  des  chiens.  Si  ces  animaux  crient,  la  fin  du 
monde  n'est  pas  encore  proche,  car  ils  existaient  avant  les 
hommes,  et  ont  un  pressentiment  de  l'avenir  beaucoup  plus 
certain.  Pour  quelques  tribus  de  l'Amérique  du  Sud,  c'est 
un  chien  gigantesque  qui  dévore  la  lune  pendant  les  éclipses. 
C'est  un  jaguar  pour  les  Guaranis  du  bassin  del'Orénoque, 
un  requin  pour  les  Makas  ichtyophagrs  du  détroit  de  Fuca. 
Plusieurs  peuplades  tiraient  des  flèches  en  l'air  pour 
écarter  les  ennemis  prétendus  de  la  lune  et  du  soleil.  Les 
Scandinaves  avaient  à  peu  près  les  mêmes  idées.  La  lune 
et  le  soleil,  Mane  et  Sumia,  qui  sont  le  frère  et  la  sœur, 
marchent  vite,  poursuivis  par  deux  loups  terribles  prêts  à 
les  dévorer.  Le  plus  redoutable  est  Managarmer,  monstre 
qui  s'engraisse  de  la  substance  des  hommes  approchant  de 
leur  fin,  mange  parfois  la  lune,  et  répand  du  sang  dans  le 
ciel  et  dans  les  airs  (allusion  à  la  teinte  rouge  noirâtre 
de  la  lune  pendant  les  éclipses  totales).  Malgré  l'état  rela- 
tivement avancé  de  l'astronomie  chez  les  Hindous,  ce  peuple 
conservait  au  ciel  la  tête  et  la  queue  du  dragon  qui  cherche 
à  dévorer  le  soleil  et  la  lune  j)endant  les  échpses  :  c'étaient 
les  deux  nœuds  ou  les  deux  points  oti  l'orbite  lunaire 
perce  l'écliptique  et  où  doit  se  trouver  notre  satellite  pour 
que  Féclipse  puisse  avoir  lieu.  On  trouve  chez  les  Hé- 
breux une  tradition  analogue.  L'auteur  de  l'Apocalypse 
nous  représente  une  femme  drapée  dans  le  soleil,  qui  a  la 
lune  sous  ses  pieds  et  qui  porte  un  diadème  surmonté  de 
douze  étoiles.  Un  dragon  à  sept  tètes,  capable  d'entraîner 
avec  sa  queue  un  tiers  des  étoiles  du  ciel,  attend  le  fruit 
que  cette  femme  va  mettre  au  monde  pendant  l'éclipsé 
pour  le  dévorer.  Dans  les  croyances  populaires  de  Sumatra 
et  de  Malacca,  Tobscurcissement  de  l'astre  est  causé  par  un 
grand  serpent  qui  l'entortille  dans  ses  plis.  Les  Alfourous 
de  Céram  croient  que  la  lune  s'endort  pendant  les  éclipses, 
et  battent  du  tambour  pour  la  réveiller.  Les  Siamois  s'ima- 
ginent encore  aujourd'hui  que  les  éclipses  sont  causées 
par  la  malignité  d'un  dragon  qui  dévore  le  soleil  ou  la  lune  ; 
ils  font  alors  un  grand  bruit  avec  les  poêles  et  les  chau- 
drons pour  chasser  l'animal  pernicieux .  Les  lettrés  savent 
qu'on  peut  prévoir  à  l'avance  tous  ces  phénomènes  et  en 
calculer  le  retour.  Il  en  est  de  même  en  Chine.  Dans  ce 
pays  éminemment  conservateur,  la  cour  et  les  autorités 
de  l'empire  perpétuent  indéfiniment  les  traditions  des  pre- 
miers temps.  Une  éclipse  de  soleil  est  un  avertissement 
donné  à  l'empereur  pour  lui  faire  examiner  ses  fautes  et 
les  réparer.  Si  le  phénomène  est  annoncé  par  l'astronome 
officiel  (les  deux  astronomes  Ho  et  Hi  furent  condamnés  à 
mort  pour  n'avoir  pas  prévu,  comme  la  loi  le  leur  prescri- 
vait, Féclipse  du  soleil  arrivée  sous  le  règne  de  l'empereur 
Tchong-Kong  vers  Fan  2155  avant  notre  ère),  on  en 
donne  avis  dans  tout  l'empire  et  la  cour  s'y  prépare  par 
le  jeûne  et  la  retraite.  Au  jour  fixé,  on  attend  partout 
avec  anxiété.  Dès  que  l'astre  commence  à  disparaître,  ou 
à  être  mangé,  suivant  l'expression  chinoise,  l'empereur 
donne  lui-même  l'alarme  en  battant  le  roulement  du  pro- 
dige sur  le  tambour  du  tonnerre.  Les  mandarins  venus 
avec  leurs  arcs  et  leurs  flèches  pour  secourir  l'astre  éclipsé 
tirent  en  l'air  sans  interruption.  Les  Chinois  éclairés  sa- 
vent que  ce  ne  sont  que  des  formes,  mais  la  superstition 
règne  encore  chez  les  gens  du  peuple,  qui  se  jettent  à 
genoux  dès  le  commencement  de  Féclipse,  frappant  la  terre 
de  leur  front  et  faisant  un  grand  bruit  de  tambours  et  de 
gongs  pour  délivrer  l'astre  du  dragon  qui  menace  de  le 
dévorer.  Les  auteurs  grecs  et  latins  (Platon,  Pline,  Tite 
Live)  nous  rapportent  que  l'on  faisait  grand  bruit  pendant 
les  éclipses.  Les  premiers  chrétiens  sonnaient  les  cloches, 
non  seulement  pendant  les  orages  (ce  qui  se  faisait  encore 
au  siècle  dernier),  mais  encore  pendant  les  éclipses,  pour 
combattre  l'action  des  esprits  malfaisants,  pour  repousser 
seulement  l'obscurité  causée  par  les  fantômes,  souvenir 
des  génies  obscurs  qui  dévorent  la  lune,  d'après  le  P.  La- 
fiteur.  L.  Barré. 

Eclipse  annulaire  (V.  Annulaire). 

BiBL,   -,  Encyclopédie    méthodique;   Padoue,    1788.— 


Gruey,  Leçons  d'astronomie;  Paris,  1885.—  Houzeau  et 
Lancaster,  Bibliographie  générale  de  l'astronomie; 
Bruxelles,  1887. 

ÉCLIPTIQUE  (Astron.).  Si  l'on  porte  sur  une  sphère 
de  carton  représentant  la  sphère  céleste  les  ascensions 
droites  et  les  déclinaisons  du  centre  du  soleil,  observées 
chaque  jour  à  midi  pendant  une  année,  on  voit  que  le  lieu 
des  positions  occupées  par  cet  astre  est  une  circonférence 
de  grand  cercle  inclinée  sur  Féquateur  céleste  de  23°27' 
environ  :  c'est  cette  courbe  que  l'on  nomme  édipiique, 
parce  que  les  éclipses  n'ont  heu  qu'aux  moments  ou  la 
lune  se  trouve  dans  ce  plan.  (Comme,  en  réalité,  c'est  le 
soleil  qui  est  immobile  et  la  terre  qui  tourne  autour  de  lui, 
notre  globe  décrit  une  courbe  plane  inclinée  de  23°  27^  sur 
Féquateur.)  L'écliptique  est  la  ligne  médiane  de  la  zone  cé- 
leste appelée  zodiaque,  et  le  soleil  paraît  chaque  mois  occuper 


k^  2oJuih 


Ecliptique  Y  £ 


^  i'  et  équateur  y  E  ■ 
w  ^  e  0  E  =  23°27'. 


:  E'  en  1892. 


une  des  douze  constellations  zodiacales  ou  dodécatémories. 
Cette  courbe  rencontre  Féquateur  céleste  en  deux  points 
diamétralement  opposés  qu'on  appelle  les  points  y  et  ^. 
Le  20  mars,  le  soleil  passe  de  l'hémisphère  austral  dans 
l'hémisphère  boréal  par  le  point  y  qui  est  le  point  vernal 
ou  l'origine  des  ascensions  droites,  à  l'équinoxe  du  prin- 
temps. Il  s'élève  ensuite  de  jour  en  jour  dans  l'hémisphère 
boréal  jusqu'au  20  juin,  époque  où  il  atteint  sa  plus 
grande  déclinaison, -f  23^^27^  :  c'est  le  solstice  d'été.  Le 
soleil  redescend  ensuite  graduellement  vers  Féquateur,  qu'il 
atteint  le  22  sept.,  à  l'équinoxe  d'automne.  Sa  déclinai- 
son continue  à  diminuer,  et  de  boréale  ou  positive,  elle 
devient  australe  ou  négative  ;  elle  passe  par  un  minimum 
—  23°  27^  le  21  déc,  au  solstice  d'hiver.  Puis  le  soleil 
remonte  progressivement  jusqu'à  Féquateur,  qu'il  atteint 
le  20  mars  de  l'année  suivante,  non  plus  en  y,  mais  un 
peu  auparavant,  en  un  point  Y  distant  de  y  d'un  arc 
de  50^''2.  Ce  phénomène,  qu'on  appelle  précession  des 
équinoxes,  et  qui  est  la  conséquence  de  la  rétrogradation 
des  points  équinoxiaux,  a  pour  effet  d'avancer  l'instant  de 
l'équinoxe,  puisque  le  soleil  n'a  pas  à  parcourir  Farc  de 
360°  pour  avoir  effectué  sa  révolution  tropique,  mais 
bien  360°  —  50^''2.  C'est  sur  l'échptique,  et  à  partir  du 
point  y,  que  Fon  compte  les  longitudes  en  sens  inverse  des 
aiguilles  d'une  montre,  comme  l'ascension  droite.  La  latitude 
d'un  astre  est  Farc  de  grand  cercle  compris  entre  cet  astre 
et  l'écliptique.  L'écliptique  a  pour  pôles  les  points  Pi,P'i, 
oti  son  axe,  c.-à-d.  la  perpendiculaire  à  son  plan  menée 
par  le  centre,  rencontre  la  sphère  céleste.  L'obhquité  de 
l'écliptique  est  l'angle  fait  par  cette  courbe  avec  Féquateur; 
sa  valeur  moyenne  en  1892  est  23°27M4'''84,  et  sa  dimi- 
nution par  siècle  est  de  48^''  environ.  L.  Barré. 

ÉCLlSSE.  L  Technologie.  —Ce  mot  désigne  des  petits 
morceaux  de  bois  ou  de  tôle  destinés  cà  relier  les  parties 
d'une  pièce  fracturée.  On  fait  tenir  les  éclisses  de  bois  avec 


ÉCLISSE  —  ECLOGITE 


—  358  — 


des  cordes  ou  des  clous,  et  les  éclisses  de  tôle  avec  des 
rivets  ou  des  boulons.  L.  K. 

II.  Chemins  de  fer.  —  On  nomme  éclisses  des  arma- 
tures en  fer  ou  en  acier,  destinées  à  établir  la  continuité 
des  barres  qui  forment  les  rails  et  à  assurer  T affleurement 
exact  de  deux  barres  consécutives.  On  met  deux  éclisses 
pour  assembler  deux  rails  qui  se  suivent,  une  à  l'intérieur, 
l'autre  à  l'extérieur  ;  les  deux  éclisses  correspondantes  sont 
réunies  par  des  boulons  qui  traversent  les  rails,  assurent 
un  serrage  énergique  et  donnent  à  l'ensemble  une  grande 
rigidité.   Autrefois,   avant   l'emploi   des   éclisses,  on  se 
contentait  de  rapprocher  les  abouts  des  deux  rails  con- 
sécutifs et  on  les  fixait  sur  une  traverse,  dite  traverse  de 
joint,  plus  large  que  les  traverses  ordinaires  ;  avec  la  voie 
à  double  champignon,  on  réunissait  ces  deux  bouts  de  rails 
dans  un  coussinet  spécial  sous  la  pression  d'un  même 
coin  ;  avec  la  voie  Vignole,  on  fixait  directement  les  rails 
sur  les  traverses  au  moyen  de  quatre  tirefonds.  Avec  les 
éclisses,  il  n'est  plus  besoin  de  placer  les  joints  des  rails 
sur  les  traverses  ;  on  adopte  généralement  le  joint  en 
porte  à  faux,  qui 
est  représenté  par 
la  fig.  ;  il  est  par- 
faitement compa- 
tible avec  la  sta- 
bilité de  la  voie 
et  donne  même 
une  grande  dou- 
ceur à  cette  der- 
nière. La  forme 
des   éclisses  ré- 
sulte de  celle  des  rails  qu'elles  doivent  réunir  ;  celles  que 
représente  la  fig.  sont  destinées  aux  rails  à  double  cham- 
pignon symétrique;  elles  ont  84  millim.  de  hauteur  et 
20  millim.  d'épaisseur  ;  leurs  faces  en  contact  avec  les 
rails  ont  une  inclinaison  égale  à  celle  des  champignons. 
L'expérience  a  montré  que  c'est  entre  0,500  et  0,545  que 
se  trouva  l'inclinaison  correspondant  à  un  bon  échssage. 
La  longueur  des  éclisses  ordinaires  est  en  moyenne  de 
0^^45  ;  elle  se  trouve  limitée,  dans  la  voie  à  coussinets, 
par  la  faible  distance  qui  existe  entre  les  deux  traverses 
voisines  du  joint,  distance  qui  est  généralement  de  0°^60. 
Depuis  quelques  années,  on  tend  à  augmenter  la  longueur 
des  éclisses  ;  la  Compagnie  P.-L.-M.  en  emploie  actuelle- 
ment qui  ont  O'^TO,  0^75  et  0"^80  de  longueur.  L'éclisse 
ne  peut  plus  alors  être  comprise  dans  l'espace  qui  sépare 
les  deux  traverses  de  joint  ;  elle  s'étend  au  delà  des  deux 
côtés  et  s'appuie  sur  ces  deux  traverses.  Elle  est,  en  outre, 
retournée  à  sa  base  en  forme  de  cornière  et  se  trouve 
fixée  sur  les  deux  traverses  au  moyen  de  tirefonds.  L'éclisse 
cornière,  par  sa  forme,  s'oppose  au  déversement  du  rail  à 
ses  extrémités  sous  l'action  de  la  poussée  latérale  ;  de 
plus,  elle  empêche,  par  sa  liaison  avec  les  traverses,  le 
glissement  longitudinal  de  la  voie.  Les  éclisses  ordinaires 
pèsent  5  kilogr.  environ  ;  les  éclisses  cornières  de  la  Com- 
pagnie P.-L.-M.  pèsent  de  15  à  20  kilogr.  ;  la  Compagnie 
du  Nord  emploie  également  des  éclisses  de  cette  forme  qui 
pèsent  42  kilogr.  Pendant  fort  longtemps,  on  n'a  employé 
que  du  fer  de  première  qualité  pour  la  fabrication   des 
éclisses  ;  depuis  quelques  années,  on  commence  à  se  servir 
de  l'acier,  qui  résiste  mieux  aux  efforts  élevés  qu'elles  ont 
à  supporter.  D'après  un  calcul  présenté  par  M.  Deharme, 
dans  son  Traité  de  superstructure,  le  travail  du  métal 
dans  les  éclisses  de  la  Compagnie  d'Orléans  atteindrait  dans 
les  fibres  les  plus  fatiguées  19  kilogr.  par  millimètre  carré  ; 
mais  ce  résultat  du  calcul  est  supérieur  à  la  réalité,  parce  que 
l'éclisse  ne  reçoit  pas  du  rail  la  totalité  de  la  charge  portée 
par  lui.  Celui-ci  continue  à  en  porter  une  certaine  fraction 
qu'il  n'est  pas  possible  de  déterminer.        G.  Humbert.  _ 
IIÏ.  Sylviculture.  —  Les  écHsses  sont  des  lames  de  bois 
très  minces  obtenues  par  la  fente.  On  s'en  sert  pour  la 
confection  des  boîtes  légères,  boîtes  des  confiseurs,  des 
merciers,  etc.,  pour  faire  des  jouets  d'enfants,  des  tam- 


bours, des  mesures  pour  les  grains,  etc.  Le  sapin,  l'épicéa 
sont  les  arbres  employés  le  plus  souvent  à  cette  fabrication 
et  l'on  choisit  ceux  dont  la  fibre  est  bien  droite  et  saine. 
On  débite  les  arbres  en  billes  qui  sont  refendues  ensuite  à 
l'aide  d'un  tranchant,  en  suivant  les  rayons  médullaires. 
L'épaisseur  desécUssesne  dépasse  pas  quelques  millimètres. 
Les  plus  minces  s'enlèvent  avec  un  rabot.        G.  B. 

IV.  Musique.  —  Les  luthiers  nomment  éclisses  les  côtés 
d'un  instrument  à  archet,  luths,  violons,  basses,  etc.;  ce 
sont  des  planches  minces  et  courbées  qui  forment  l'épais- 
seur de  ces  instruments  et  sur  lesquelles  reposent  la  table 
et  le  fond. 

V.  Chirurgie.  —  En  chirurgie,  éclisse  est  synonyme 
à' attelle  (V.  ce  mot). 

BiBL.  :  Chemins  de  fer.  —  Couche,  Voie,  matériel  rou- 
lant et  exploitation  technique  des  chemins  de  fer;  Pans, 
1867-1876,  3  vol.  et  atlas.  —  Deharme,  Superstructure  ; 
Paris,  1890, 1  vol.  et  atlas.  —  G.  Humbert,  Traité  complet 
des  Chemins  de  fer;  Paris,  1891,  3  vol. 

ECLOGA.  Code  civil  byzantin  publié  vers  740  par  les 
empereurs  iconoclastes  Léon  III  et  Constantin  V,  et  destiné 

à  remplacer,  par 


Coupe  CD 


un  recueil  de  lois 
écrit  en  langue 
grecque,  et  fré- 
quemment inspiré 
des  coutumes 
locales,  le  droit 
de  Justinien  qui, 
chaque  jour,  tom- 
bait davantage 
en  oubli.  Un 
esprit  réformateur  fort  remarquable  anime  VEcloga  : 
comme  l'indique  le  titre  même  de  ce  code,  les  lois  de 
Justinien  y  sont  modifiées  «  dans  un  sens  plus  humain  », 
£i;  To  oiXavepwTroTspov  ;  et  en  effet  l'antique  point  de 
vue  des 'jurisconsultes  romains  y  disparaît  pour  faire  place 
à  un  esprit  tout  chrétien.  C'est  au  nom  de  la  religion  qu'est 
proclamée  la  loi  nouvelle  ;  c'est  sur  les  versets  de  l'Ecriture 
sainte  qu'est  fondée  son  autorité,  et,  sous  cette  influence, 
VEcloga  modifie  profondément  les  vieilles  lois  relatives 
au  mariage  et  à  la  patria  potestas.  Il  est  fort  curieux  de 
voir  dans  ce  code  comment  le  droit  romain  se  transforma  à 
Byzance  sous  l'action  du  moyen  âge  chrétien  ;  VEcloga  n'est 
pas  moins  instructive  pour  faire  apprécier,  d'autre  part, 
les  pensées  réformatrices  et  les  vastes  desseins  des  empe- 
reurs iconoclastes  (V.  Iconoclastes,  Léon  III).  Malheu- 
reusement l'œuvre  de  ces  princes  eut  peu  de  durée  ;  dès 
le  ix«  siècle,  le  droit  des  Basiliques  (V.  ce  mot)  remettait 
pleinement  en  honneur  les  lois  de  Justinien.  —  VEcloga, 
d'abord  éditée  par  Leunclavius,  a  été  publiée  excellemment 
par  Zacharise  de  Lingenthal  dans  sa  Collectio  librorum 
juris  grœco-romani  ineditorum  (Leipzig,  1852);  une 
'édition  plus  récente  a  été  donnée  à  Athènes  (1889)  par 
Monferratus.  Ch.  Diehl. 

ECLOGITE  {Eklogite)  (Géol.).  L'éclogite  fait  partie 
d'un  groupe  bien  particulier  de  roches  lourdes,  basiques, 
normalement  dépourvues  d'éléments  de  nature  feldspa- 
thique  et  chargées  de  grenat,  qui  se  présentent  toujours 
disposées  en  lits  minces  ou  en  amas  lenticulaires  interstra- 
tifiés au  travers  des  schistes  cristallins  primitifs  dans  la 
zone  des  micaschistes  à  minéraux  souvent  granulitisés. 
Essentiellement  constituée  par  un  agrégat  cristallin  de 
pyroxène  vert  sodifère  (omphazite)  et  de  grenat,  cette 
roche  se  montre  souvent  assez  riche  en  disthène  pour 
mériter  la  qualification  de  roche  à  disthène  (île  de  Syra). 
Les  éléments  subordonnés  les  plus  fréquents  sont  ensuite  : 
amphibole  {hornblende  et  glaucophané),éfidote,  mica 
blanc,  zoïsite,  rutile,  quartz  grenu,  ilménite.  Ensuite 
figurent,  à  l'état  accessoire  :  apatite,  zircon,  fer  oxydulé. 
Les  produits  secondaires  {épidote  et  chlorite)  sont  ceux 
qui  dérivent  habituellement  de  l'altération  des  silicates 
ferromagnésiens. 
Tous  les  minéraux  subordonnés  se  tiennent,  dans  la 


-  359  - 


ÉCLOGITE  —  ÉCLUSE 


roche,  en  proportion  variable,  et  donnent  naissance,  suivant 
la  prédominance  marquée  de  l'un  ou  l'autre,  à  de  nom- 
breuses variétés  accumulées  parfois  dans  un  même  gisement 
ou  localisées  dans  certains  d'entre  eux.  Les  éclogites  du 
Fichtelgebirge  et  de  la  Forèt-Noire,  par  exemple,  sont  riches 
en  amphibole  et  très  pauvres  en  quartz  ;  celles  de  l'île  Syra 
(Grèce)  et  du  Val  Rubbiano  (Piémont)  abondent  en  glauco- 
phane  (variété  bleue  d'amphibole)  ;  il  en  est  de  même  de 
celles  de  l'île  de  Groix  en  Bretagne  qui  sont  presque  dépour- 
vues depyroxène.  Dans  la  Sibérie  orientale,  sur  la  côte  E. 
du  lac  Balkal,  la  baïkalite  (variété  vert  sombre  de  diopside) 
remplace  lomphracite  dans  des  éclogites  schisteuses  dis- 
posées en  lits  minces  alternant  avec  des  gneiss  amphiboliques. 
Mais  le  plus  souvent  massives  et  à  grains  cristallins  bien 
distincts  non  orientés,  ces  roches  ont  une  texture  granitoïde 
très  accentuée  ;  si  bien  que  certaines  éclogites  de  Norvège 
ont  été  considérées  comme  éruptives  par  les  auteurs  qui  les 
ont  décrites  (TeclefDahl  et  von  Mohl,  Jernforekomsten 
ved  Sordal  Tillaeg  II  %u  Irgens  U.  Hjordahl  om  de 
geologiske  Forhold). 

Nombreuses  sont  ensuite  les  modifications  souvent  pro- 
fondes que  peuvent  introduire  les  actions  secondaires  dans 
la  structure  et  la  composition  minéralogique  de  ces  roches, 
postérieurement  à  leur  formation  ;  indépendamment  de  la 
transformation  habituelle,  du  rutile  et  de  l'ilménite  en 
sphène,  du  grenat  en  épidote,  il  faut  noter  maintenant, 
d'après  les  observations  récentes  de  M.  Lacroix  sur  les 
éclogites  de  la  Loire-Inférieure,  un  dédoublement  remar- 
quable du  pyroxène  en  amphibole  aciculaire  et  en  feldspath 
triclinique  (albite-oligoclase),  c.-à-d.  d'une  transformation 
qui  diffère  de  Vouralitisation  habituelle  en  ce  que  Tam- 
phibole  secondaire,  en  prenant  des  formes  feutrées  ou  ver- 
miculées,  s'accompagne  d'un  développement  de  feldspath 
très  sodique,  circonstance  motivée  par  la  composition  du 
pyroxène  des  éclogites  qui  contient  avec  14,23  d'alumine 
jusqu'à  6,21  °/o  de  soude. 

Le  Saualpe  en  Styrie,  d'où  vient  le  type  décrit  par  Haiiy, 
la  Haute-Franconie,  le  Fichtelgebirge,  la  Carinthie,  la 
Bavière,  la  Saxe,  le  Piémont,  en  France  la  Loire-Inférieure 
et  la  Vendée  où  des  éclogites  très  variées  de  composition  se 
disposent  de  part  et  d'autre  de  la  Loire  près  de  son  embou- 
chure suivant  deux  bandes  très  étendues  :  telles  sont, 
indépendamment  des  localités  précédemment  signalées,  les 
principales  régions  où  ces  roches,  fort  intéressantes  et  re- 
lativement rares,  ont  été  signalées  et  décrites.  Ch.  Vélain. 

BiBL.  :  Von  Hochstetter,  Geogn.  Studien  aus  dem 
Bôhmerwald^  dans  Jarhb.  D.  K.  K.  geol.  Reichsanstalt, 
1855,  t,  VI,  p.  776.  —  R.  von  Drasche,  Miner.  Mittheil. 
V.  Tschermak,  1871,  t.  II,  p.  85.  —  O.  Luedecke,  Der 
Glaiicophan  u.d.  qlaiic.  fûhrende  Gesteine  der  Insel  Syra, 
dans  Zeits.  d.  dents,  geol.  Ges.,  1876,  t.  XXVIII,  p.  248.  - 
D«- E.  R.  RiESs,  Unters.  ûber  die  Zusammensetziing  d.  Eklo- 
gits.Min.  Mittheil.  v.  Tschermak,  1878,  t.  I,  p.  165.— 
E.  Dathe,  Olivinfels,  Serpentine  u.  Eklogite  des  Sacchs, 
Granulitgebirges,  Neues  Jarhb.,  1876,  pp.  238,  345  .  —  Ch. 
Barrois",  les  Schistes  métamorphiques  de  l'île  de  Groix, 
dans  Ann.  de  la  Soc.  géol.  du  Nord,  1883,  t.  XI,  p.  18.  — 
Ch.  VÉLAIN,  Notes  géologiques  sur  la  Sibérie  orientale, 
dans  Bull,  de  la  Soc.  géologique  de  France,  1885,  S-^o  série, 
t.  XIV,  p.  132.  —  A.  Lacroix,  Eclogites  de  la  Loire-Infé- 
rieure, dans  Bull,  de  la  Soc.  des  sciences  de  l'Ouest,  1891, 
l'o  année.  —  Rosenbusch,  Mik.  Physiog.  d.  Gesteine; 
Stuttgart,  1873,  p.  342. 

ÉCLOSE.  Com.  du  ,dép.  de  l'Isère,  arr.  de  Vienne, 
cant.  de  Saint-Jean-de-Bournay  ;  668  hab. 

ÉCLUSE  (Hydraul.).  La  dénomination  d'écluse  s'ap- 
plique aux  barrages  qui  constituent  les  retenues  d'usines 
sur  les  rivières.  Ces  barrages  sont  généralement  mo- 
biles, et  leur  ouverture  donne  heu  à  un  exhaussement  du 
niveau  du  bief  d'aval  à  la  faveur  duquel  les  bateaux,  trains 
de  bois,  etc.,  trouvent,  dans  ce  bief,  une  profondeur 
momentanément  suffisante  pour  flotter  et  se  déplacer.  Le 
flot  ainsi  produit  s'abaisse  bientôt  et  les  bateaux  ne  trouvent 
plus  qu'un  mouillage  trop  faible  jusqu'à  ce  que,  l'écluse 
ayant  été  fermée  et  le  bief  d'amont  rempli,  on  puisse  l'ouvrir 
de  nouveau  et  lâcher  une  nouvelle  éclusée.  La  navigation 
par  éclusées,  fort  imparfaite  et  présentant  à  la  remonte  les 


plus  grandes  difficultés,  a  été  cependant  la  seule  pratiquée 
pendant  longtemps  sur  les  rivières,  sur  la  haute  Seine  et 
sur  l'Yonne^  par  exemple  ;  et  elle  l'est  encore  sur  bien  des 
cours  d'eau  où  l'on  ne  peut  obtenir  un  mouillage  suffisant 
en  toute  saison.  Indépendamment  des  lenteurs  et  des  retards 
auxquels  donnait  lieu  ce  mode  de  transport  (de  1865  à  1870, 
sur  l'Yonne,  le  nombre  des  éclusées  a  été  en  moyenne  de 
quatre-vingt-cinq  par  an) ,  le  passage  du  pertuis  présentait  sou- 
vent des  dangers  pour  les  bateaux.  A  la  descente,  le  bateau 
était  entraîné  par  le  flot  et  courait  le  risque,  par  suite  de  la 
moindre  fausse  manœuvre,  de  se  briser  sur  les  bords  ou  sur 
le  fond  ;  à  la  remonte,  il  devait  franchir  un  courant  très 
rapide,  ce  qui  exigeait  l'emploi  d'efforts  de  traction  con- 
sidérables. Aussi  a-t-on  cherché  d'abord  à  améUorer  les 
conditions  du  passage.  Le  problème  a  été  résolu,  depuis 
longtemps,  de  la  manière  la  plus  simple,  par  l'emploi  d'une 
double  écluse  limitant  un  bassin  intermédiaire,  et  consti- 
tuant, avec  lui,  ce  qu'on  appelle  une  écluse  à  sas,  ou  plus 
ordinairement,  une  écluse.  L'écluse  à  sas,  dont  l'invention 
est  attribuée  à  Léonard  de  Vinci  qui,  tout  au  moins,  les  a 
importées  en  France  vers  1480,  se  compose  donc  de  deux 
écluses  simples  ou  pertuis,  séparés  par  un  intervalle  qui  est 
le  sas.  Chacune  des  deux  écluses  est  fermée  par  des  portes, 
généralement  doubles,  busquées,  c.-à-d.  battant  l'une  sur 
l'autre.  Lorsque  le  sas  est  destiné  à  recevoir  un  seul  bateau, 
il  est  limité  par  des  murs  latéraux  en  prolongement  de  ceux 
des  pertuis  et  qu'on  appelle  bajoyers.  (Juelquefois,  les  écluses 
d'amont  et  d'aval  sont  placées  d'une  manière  indépendante 
l'une  de  l'autre  et  le  sas  prend  une  forme  quelconque  dans 
l'intervalle.  Le  niveau  de  l'eau  dans  le  sas  étant  amené  suc- 
cessivement à  coïncider  avec  celui  de  la  retenue  d'amont  ou 
celui  d'aval,  les  portes,  d'un  côté  ou  de  l'autre,  peuvent 
s'ouvrir  sans  difficulté  et  les  bateaux  entrer  dans  le  sas  ou 
en  sortir  sans  avoir  à  franchir  aucune  différence  de  niveau. 

La  largeur  des  écluses  dépend  évidemment  de  la  dimen- 
sion des  bateaux  qui  doivent  y  passer;  elle  était  variable 
sur  les  principales  hgnes  de  navigation  intérieure,  et  voici 
quelles  sont  encore  les  largeurs  des  écluses  sur  quelques 
lignes  :  canal  du  Berry,  2°»70  ;  canal  de  l'Ourcq,  3^^i20  ; 
canaux  d'Ile-et-Bance,  de  Nantes  à  Brest,  4"^70  ;  canaux  de 
Bourgogne,  de  Briare,  du  Centre,  latéral  à  la  Loire,  de  la 
Marne  au  Rhin,  du  Nivernais,  d'Orléans,  du  Rhône  au 
Rhin,  de  Saint-Quentin  et  partie  du  canal  de  l'Est,  o'^SO  ; 
canaux  du  Midi  et  latéral  à  la  Garonne,  rivière  de  Dor- 
dogne,  partie  du  canal  de  l'Est,  6  m.  ;  Somme-et-Charente, 
6^50  ;  Marne,  7^80  ;  Haute-Saône-et-Oise,  8  m.  ;  Yonne, 
i0"'50;  Seine,  42  m.;  Basse-Saône,  16  m.  Cette  variété 
de  largeur  constituait,  pour  la  batellerie,  une  gène  réelle 
dès  qu'un  bateau  devait  quitter  la  hgne  sur  laquelle  il  avait 
l'habitude  de  naviguer;  aussi  la  loi  du  5  août  1879  a-t-elle 
fixé  uniformément'à  5"^20  la  largeur  des  écluses  des  canaux 
à  construire  et  décidé  que  celles  des  canaux  existants 
seraient  successivement  ramenées  à  ce  type.  Le  nombre 
total  des  écluses  à  sas  existant  sur  les  voies  navigables 
du  réseau  français  est  de  2,497  savoir  :  sur  les  rivières 
canalisées,  d'une  longueur  totale  de  3,598  kil.,  609  écluses  ; 
sur  les  canaux  latéraux,  d'une  longueur  totale  de  2,085  kil., 
471  écluses  ;  sur  les  canaux  à  point  de  partage,  d'une 
longueur  totale  de  2,734  kil.,  1,417  écluses;  soit,  pour 
tout  le  réseau,  non  compris  les  rivières  naturellement  na- 
vigables, 8,417  kil.  et  2,497  écluses. 

La  longueur  utile  des  écluses  des  canaux  a  été  fixée,  par 
la  même  loi  du  5  août  1879,  à  38^50,  et  cela  suppose  que 
le  sas  ne  contiendra  qu'un  seul  bateau.  C'est  ce  qui  arrive 
le  plus  souvent  sur  les  canaux  où  d'ailleurs  les  nécessités 
de  l'alimentation  exigent  que  l'on  réduise  le  plus  possible 
la  dimension  des  écluses.  Mais,  lorsque  l'on  doit  desservir 
un  trafic  considérable  et  que  l'ahmentation  est  largement 
assurée,  on  peut  avoir  avantage  à  donner  aux  sas  une 
dimension  suffisante  pour  le  passage  simultané  de  deux 
bateaux  ou  même  davantage.  La  disposition  la  plus  natu- 
relle consiste  à  donner  aux  sas  une  longueur  égale  à  deux 
fois,  trois  fois,  etc.,  celle  d'un  bateau;  et,  au  moyen  de 


ECLUSE 


—  360 


portes  intermédiaires,  elle  permet  même  de  réduire  le  sas  à 
la  dimension  strictement  nécessaire  pour  le  nombre  de 
bateaux  qui  se  présentent  à  la  fois.  Mais  elle  est  en  même 
temps  très  coûteuse  à  cause  de  la  grande  longueur  des 
bajoyers  qu'elle  exige.  On  préfère,  en  général,  augmenter  la 
dimension  des  sas  dans  le  sens  de  la  largeur,  ce  qui  n'allonge 
pas  les  bajoyers  et  permet ,  sans  augmentation  sensible  de 
dépense,  d'accroître  à  peu  près  autant  qu'on  le  veut  la 
capacité  des  sas.  Mais  alors  il  n'est  plus  possible  non  plus 
d'en  fractionner  l'étendue  au  nombre  de  bateaux  à  faire 
passer  à  la  fois  ;  il  faut,  à  chaque  éclusée,  le  remplir  et  le 
vider  entièrement.  Une  disposition  fréquemment  adoptée 


1_. 


n- 


Schéma  d'une  écluse  à  sas  double. 

consiste,  dans  les  sas  pour  deux  bateaux,  à  placer  les  per- 
tuis  d'amont  et  d'aval  sur  deux  alignements  différents, 
comme  l'indique  le  croquis  ci-dessus.  Le  bateau  entré  le  pre- 
mier dans  le  sas  conserve  son  rang  et  sort  le  premier;  et, 
en  même  temps  l'entrée  et  la  sortie  du  sas  se  trouvent  placées 
latéralement  à  l'axe  du  canal,  ce  qui  permet  le  stationne- 
ment des  bateaux  tout  près  de  l'écluse,  soit  à  l'amont,  soit  à 
l'aval,  sans  gêner  la  marche  de  ceux  qui  la  franchissent, 
La  chute  des  écluses  est  encore  plus  variable  que  leurs 
autres  dimensions  ;  elle  est  déterminée  par  la  différence  de 
niveau  qui  existe  entre  les  deux  biefs  à  raccorder.  Lorsque 
cette  différence  ne  dépasse  pas  3  ou  4  m.,  on  la  rachète 
par  une  seule  chute  ;  on  la  divise  au  contraire  en  plu- 
sieurs lorsqu'elle  est  plus  grande.  La  chute  peut  varier 
ainsi  depuis  quelques  centimètres  jusqu'à  plus  de  4  m.; 
les  nouvelles  écluses  du  canal  du  Centre  ont  5"^20  de 
chute.  Mais   on   n'est  limité  que  par  la  résistance   des 
maçonneries  qui  permet   d'aller  beaucoup  plus  loin;  il 
n'est  pas  rare,  dans  les  écluses  à  la  mer,  d'avoir  des  chutes 
de  8  à  10  m.,  et  l'on  a  proposé  soit  pour  le  canal  des  Deux- 
Mers,  soit  pour  le  canal  de  Panama,  des  écluses  de  10  à 
12  m.  de  chute;  on  vient  d'inaugurer,  sur  le  canal  Saint- 
Denis,  une  écluse  de  10  m.  de  chute.  Enfin,  tout  récem- 
ment, le  projet  d'une  écluse  de  20  m.  du  chute  a  été  pré- 
senté par  M.  Fontaine,  ingénieur  en  chef  des  ponts  et 
chaussées,  et  inséré  dans  le  journal  le  Génie  civil.  Il  n'y 
a,  théoriquement,  aucune  difficulté  à  adopter  ces  fortes 
chutes  ;  seulement  l'établissement  des  maçonneries  présente 
alors  des  sujétions  nombreuses,  et  l'on  n'est  pas  certain 
qu'il  ne  s'y  manifestera  pas  des  mouvements  inquiétants 
pour  la  sécurité.  L'une  des  difficultés  de  l'adoption  des 
écluses  à  grande  chute  réside  dans  la  durée  qu'elle  com- 
porte pour  le  remplissage  et  la  vidange  des  sas.  Il  serait 
probablement  dangereux,  tant  pour  la  sécurité  des  bateaux 
qui  se  trouvent  dans  le  sas  que  pour  la  conservation  des 
talus  du  canal  en  aval,  de  dépasser,  pour  la  vitesse  d'as- 
cension ou  de  descente,  un  chiffre  supérieur  à  0^04  par 
seconde  dans  les  sas  de  faible  étendue  horizontale  et  à 
0'"02  dans  les  grands.  Dans  ces  conditions,  le  remplissage 
d'un  grand  sas  de  12  m.  de  chute  n'exigerait  pas  moins 
de  dix  minutes,  et  cette  durée,  à  laquelle  il  faut  ajouter 
le  temps  nécessaire  à  l'ouverture  et  à  la  fermeture  des 
portes,  à  l'entrée  et  à  la  sortie  des  bateaux,  a  pour  consé- 
quence de  réduire,  dans  une  forte  proportion,  le  nombre 
de  bateaux  que  l'on  peut  faire  passer  par  jour,  ou  la  capa- 
cité de  trafic  de  l'écluse.  Il  y  a  avantage,  à  ce  point  de  vue, 
à  ne  pas  exagérer  la  hauteur  de  chute  et  à  augmenter  le 
nombre  des  écluses  d'une  même  échelle. 

Un  autre  avantage,  bien  plus  appréciable,  du  fraction- 
nement de  la  chute  est  la  réduction  de  la  quantité  d'eau 
dépensée  pour  les  éclusées,  qui,  toutes  choses  égales,  est 
proportionnelle  à  la  hauteur  de  chute.  Diverses  dispositions 
ont  été  proposées  et  essayées  en  vue  de  diminuer  cette 


consommation  d'eau.  La  plus  connue  consiste  à  établir,  à 
côté  du  sas,  un  certain  nombre  de  bassins  d'épargne,  pré- 
sentant chacun  une  superficie  égale  à  celle  du  sas,  et  dont 
les  niveaux  sont  échelonnés  de  manière  à  diviser  en  parties 
égales  la  hauteur  totale  de  la  chute,  le  nombre  de  divisions 
étant  7^  H-  2  si  n  est  celui  des  bassins.  Si  l'on  se  représente 
le  sas  divisé  en  n  -}-  2  tranches  d'égale  hauteur  par  des 
plans  horizontaux  et  si,  à  côté  de  chacune  des  n  tranches 
intermédiaires  (la  plus  élevée  et  la  plus  basse  exceptées), 
on  imagine  un  bassin  situé  à  la  même  hauteur  et  ayant  la 
même  contenance,  pouvant  communiquer,  à  volonté,  au 
moyen  de  vannes  et  d'aqueducs  avec  la  tranche  du  sas  qui 
est  au-dessus  de  lui  et  avec  celle  qui  est  au-dessous,  il  est 
facile  de  se  rendre  compte  que  la  consommation  d'eau, 
pour  une  éclusée  complète,  pourra  être  réduite  à  la  fraction 

2 

1   2  de  ce  qu'elle  serait  sans  l'usage  de  ces  bassins 

d'épargne.  De  pareils  bassins  ont  été  projetés  aux  écluses 
du  canal  des  Deux-Mers  et  à  l'écluse  de  20  m.  de  chute 
dont  il  a  été  parlé  plus  haut.  Leur  construction  entraîne 
une  dépense  assez  grande,  et  surtout  la  manœuvre  en  est 
longue  et  compliquée.  On  peut  arriver  à  un  résultat  à  peu 
près  équivalent  au  moyen  des  appareils  de  M.  de  Cahgny, 
dont  l'emploi  est  fondé  sur  l'utilisation  de  l'inertie  de  l'eau 
en  mouvement.  Voici  quel  en  est  le  principe.  Le  remplis- 
sage et  la  vidange  des  sas  s'opèrent  par  l'intermédiaire 
d'aqueducs  complètement  noyés,  d'une  section  transversale 
assez  grande,  et  présentant  une  longueur  à  peu  près  égale 
à  celle  du  sas.  Si,  pour  le  remplissage,  par  exemple,  on  a 
ouvert  d'abord,  pendant  un  temps  assez  court,  la  vanne  de 
communication,  toute  la  masse  d'eau  contenue  dans  l'aqueduc 
acquiert  rapidement  une  grande  vitesse,  et  si,  alors,  on 
ferme  la  vanne,  cette  vitesse  acquise  aura  pour  effet  d'as- 
pirer, dans  le  bief  d'aval,  un  certain  volume  d'eau  qui  sera 
relevé  dans  le  sas.  Le  remplissage  s'effectue  ainsi  en  partie 
avec  de  l'eau  prise  au  bief  d'aval ,  et  de  même,  dans  la 
vidange,  une  partie  de  l'eau  du  sas  est  remontée  dans  le 
bief  d'amont.  Cet  appareil,  en  fonctionnement  à  l'écluse  de 
l'Aubois,  sur  le  canal  latéral  à  la  Loire,  y  économise  envi- 
ron 0,80  de  l'eau  qui  serait  consommée  par  les  éclusées 
ordinaires;  il  produit  donc,  à  ce  point  de  vue,  le  même  effet 
utile  que  huit  bassins  d'épargne  échelonnés  sur  la  hauteur 
de  la  chute.  La  manœuvre  en  est  beaucoup  plus  rapide  et 
les  frais  d'étabhssement  beaucoup  moindres.  Malgré  cela, 
l'appareil  de  M.  de  Cahgny  n'a  pas  reçu,  jusqu'à  présent, 
d'autre  application  ;  mais  il  pourrait  certainement  rendre 
de  grands  services  et  faciliterait  grandement  l'alimentation 
des  canaux  en  diminuant  leur  consommation  d'eau. 

Les  portes  qui  ferment  les  écluses  à  leurs  deux  extré- 
mités sont,  en  général,  busquées  ou  formées  de  deux  van- 
taux présentant  chacun  une  largeur  plus  grande  que  la 
moitié  de  celle  du  pertuis  et  qui,  venant  s'arc-bouter  l'un 
sur  l'autre,  offrent  à  la  pression  d'eau  une  résistance  plus 
grande  que  s'ils  étaient  d'une  seule  pièce.  L'usage  des  portes 
busquées  est  resté,  on  peut  le  dire,  à  peu  près  général, 
quelle  que  soit  la  chute  des  écluses  et  la  résistance  des 
matériaux  employés  pour  construire  ces  portes.  Autant  cette 
disposition  peut  être  justifiée  pour  les  pertuis  d'une  grande 
largeur,  autant  elle  est  peu  recommandable  pour  ceux  qui 
peuvent  être  fermés  facilement  par  des  portes  à  un  seul 
vantail.  Les  portes  busquées  exigent  en  effet,  dans  leur  ins- 
tallation, une  précision  qui  fait  souvent  défaut  et  dont 
l'absence  est  cause  de  leur  rapide  détérioration.  Si  les  deux 
vantaux  qui  doivent  venir  buter  et  s'appuyer  l'un  sur 
l'autre  ne  présentent  pas  exactement  les  dimensions  pré- 
cises qu'ils  doivent  avoir,  il  en  résulte  des  efforts  anor- 
maux qui  ne  tardent  pas  à  en  disloquer  les  assemblages. 
Un  vantail  unique,  au  contraire,  s'applique  toujours  exac- 
tement sur  les  feuillures  qui  doivent  le  recevoir  :  une  erreur 
de  quelques  centimètres  en  plus  ou  en  moins,  dans  sa  lar- 
geur, ne  fait  que  modifier  l'étendue  ou  l'emplacement  de 
ses  surfaces  d'appui,  mais  ne  l'empêche  pas  d'être  supporté 
très  régulièrement  sur  tout  son  pourtour. 


361  — 


ÉCLUSE  —  ÉCLUSIER 


Pour  opérer  le  remplissage  et  la  vidange  des  sas,  on  se 
sert  souvent  de  vénielles  démasquant  des  ouvertures  prati- 
quées à  la  partie  inférieure  des  portes.  Ce  système  n'est 
applicable  aussi  qu'aux  vantaux  de  petites  dimensions  ;  il 
affaiblit  trop  ceux  qui  ont  une  grande  largeur.  On  doit  alors 
pratiquer  dans  les  bajoyers  de  l'écluse  des  aqueducs  qui  per- 
mettent d'établir  à  volonté  la  communication  entre  Tinté- 
rieur  du  sas  et  l'un  des  deux  biefs  qu'il  réunit.  Les  vannes 
fermant  et  ouvrant  cette  communication  peuvent  être  de 
forme  diverse  ;  mais  la  plus  commode  est  certainement  la 
vanne  cylindrique,  déjà  employée  par  M.  de  Caligny  dans 
son  appareil,  usitée  sur  un  certain  nombre  de  canaux,  prin- 
cipalement en  Angleterre  et  récemment  perfectionnée  en 
France  par  M.  Moraillon,  ingénieur  du  canal  du  Centre.  Les 
aqueducs  de  communication,  pour  le  remplissage  et  la 
vidange,  présentent  encore  sur  le  système  de  ventelles  placées 
dans  les  portes,  un  autre  avantage  sérieux  :  ils  permettent 
de  répartir  l'arrivée  de  l'eau  en  plusieurs  points  de  la  lon- 
gueur du  sas  et  d'éviter  la  formation  des  ondes  d'oscillation 
qui  ne  manquent  pas  de  se  produire  lorsque  toute  l'eau 
arrive  à  la  fois  par  une  extrémité  et  qui  ont  l'inconvénient 
de  projeter  alternativement  sur  les  portes  d'amont  et  d'aval 
les  bateaux  placés  dans  le  sas,  à  moins  que  ceux-ci  ne 
soient  amarrés  très  solidement.  On  facilite  grandement 
l'entrée  des  bateaux  dans  les  sas  d'écluse  et  leur  sortie  en 
prenant  la  précaution  d'établir  le  radier  à  une  profondeur 
telle  qu'il  reste,  sous  le  fond  des  bateaux,  une  tranche 
d'eau  de  0^60  à  0^80  au  moins.  Cette  disposition  n'aug- 
mente pas  la  consommation  d'eau  et  elle  n'accroît  pas 
beaucoup  la  dépense  de  premier  établissement  de  l'ouvrage. 
Les  écluses  à  la  mer  ne  diffèrent  des  écluses  de  naviga- 
tion intérieure  que  par  leurs  dimensions  qui  exigent  l'emploi 
de  moyens  mécaniques  (généralement  l'eau  sous  pression) 
pour  la  manœuvre  de  leurs  vannes  et  de  leurs  portes. 
L'écluse  d'un  bassin  à  flot  peut  être  simple  :  elle  s'ouvre 
alors,  à  chaque  marée,  au  moment  où  le  niveau  variable 
de  l'avant-port  atteint  celui  du  bassin.  Quelquefois  on  éta- 
blit une  double  paire  de  portes,  ce  qui  constitue,  entre  le 
bassin  à  flot  et  l'avant-port,  un  véritable  sas  auquel  on  donne 
le  nom  de  bassin  de  mi-marée.  Cette  disposition  permet  aux 
navires  d'entrer  dans  le  bassin  à  flot  ou  d'en  sortir  pen- 
dant un  temps  beaucoup  plus  long.  Lorsque  l'entrée  du 
bassin  à  flot  est  exposée  directement  à  l'action  des  lames, 
on  en  protège  quelquefois  les  portes  par  un  autre  système 
de  portes,  busquées  en  sens  contraire,  et  qu'on  appelle 
portes  de  flot.  Ces  portes  permettent  aussi  de  vider  le 
bassin  et  de  le  transformer  au  besoin  en  bassin  de  radoub. 
On  appelle  écluse  de  chasse  un  pertuis  par  lequel  on 
laisse  s'écouler  brusquement  l'eau  contenue  dans  des  réser- 
voirs ou  bassins  de  chasse  et  que  la  marée  a  remplis.  La 
porte  de  l'écluse  de  chasse,  qui  est  généralement  tournante 
autour  d'un  axe  vertical,  s'ouvre  rapidement  au  moment  de 
la  basse  mer  et  l'eau  se  précipite  dans  l'avant-port  avec  une 
vitesse  suffisante  pour  entraîner  les  sables  ou  les  vases  qui 
ont  pu  s'y  déposer.  A.  Flamant. 

BiBL.  :  P.  GuiLLEMAiN,  Navigalioîi   maritime^  rivières 
et  canaux;  Paris,  1885,  2  vol. 

ÉCLUSE  (Fort  de  1').  Fort  du  dép.  de  l'Ain,  arr.  de 
Gex,  cant.  et  com.  de  Collonges,  sur  les  pentes  du  grand 
Crêt-d'Eau,  au-dessus  du  Rhône,  qui  est  ici  profondément 
encaissé  entre  le  Crêt-d'Eau  et  le  mont  Vuache.  Le  fort 
de  l'Ecluse  barre  ce  défilé  et  est  une  des  plus  fortes  posi- 
tions fortifiées  de  notre  frontière.  L'importance  stratégique 
de  ce  défilé  avait  déjà  été  reconnue  par  Jules  César.  A  partir 
du  xi^  siècle,  il  appartint  à  la  maison  de  Savoie,  qui  le 
fortifia.  Leur  fort  fut  plusieurs  fois  pris  par  les  Suisses, 
les  Bernois  et  les  Genevois.  Il  fut  acquis  par  la  France 
en  1604.  Le  fort  reconstruit  par  Vauban,  adossé  à  une 
muraille  montagneuse  presque  verticale,  entouré  de  deux 
ravins,  dominant  le  Rhône  de  40  m.,  occupe  tout  l'espace 
entre  le  Rhône  et  la  montagne,  à  ce  point  que  la  route  le 
traverse,  ne  pouvant  passer  ailleurs.  II  fut  pris  par  les 
Autrichiens  en  févr.  1814.  L'année  suivante,  ils  le  réoecu- 


pèrent  et  en  firent  sauter  la  plus  grande  partie.  Il  a  été 
relevé  en  1824  et  complété  depuis.  Il  est  en  grande  par- 
tie creusé  dans  le  flanc  môme  du  grand  Crêt-d'Eau. 

ÉCLUSE  (L').  Com.  du  dép.  du  Nord,  arr.  de  Douai, 
cant.  d'Arleux,  sur  la  Sensée;  1,629  liab.  Fabriques  de 
sucre  et  de  savon.  Ancienne  motte  féodale  qui  supportait 
un  château  construit  au  xi®  siècle,  démoli  en  1654  et  dont 
les  matériaux  servirent  à  la  construction  de  la  citadelle 
d'Arras.  Vestiges  de  fortifications.  Moulins. 

ÉCLUSE  (L').  Com.  du  dép.  des  Pyrénées-Orientales, 
arr.  et  cant.  de  Céret;  107  hab.  —  L'Ecluse,  qui  serait 
mieux  dénommée  Les  Cluses,  est  formée  de  trois  hameaux 
égrenés  dans  la  vallée  qui  conduit  aux  passages  de  Perthus 
et  de  Panissars  ;  c'est  un  point  stratégique  important,  par 
oii  devait  passer  une  voie  romaine  secondaire.  Le  château, 
aujourd'hui  ruiné,  joua  un  rôle,  au  vu®  siècle,  au  moment 
de  la  révolte  du  duc  Paul  contre  Wamba.  L'église,  dont 
le  chevet  plat  est  sur  l'alignement  des  remparts,  est  à 
trois  nefs  terminées  chacune  intérieurement  par  une 
abside.  Le  cul-de-four  de  l'abside  centrale  est  orné  de 
peintures  anciennes. 

BiBL,  :  Alart,  Notices   historiques  sur  les  communes 
du  Roussillon,  pp.  53-104. 

ÉCLUSE  (L'),  en  hollandais  SLUIS.  Ville  hollandaise 
fortifiée  de  la  prov.  de  Zélande,  au  fond  d'une  anse  qui 
s'ouvre  sur  la  mer  du  Nord  ;  2,631  hab.  Son  port  est 
en  communication  avec  Bruges  par  un  canal.  Beffroi  du 
xv«  siècle.  Le  24janv.  1340,  la  flotte  française,  composée  de 
vaisseaux  castillans  et  génois,  fut  complètement  détruite  en 
vue  de  l'Ecluse  par  la  flotte  anglaise  commandée  par 
Edouard  III;  ce  fut  la  première  grande  bataille  de  la 
guerre  de  Cent  ans.  La  ville  de  l'Ecluse  fut  prise  deux 
fois  par  les  Français,  en  1647,  puis  le  26  août  1794. 
ÉCLUSE  (Ch.  de  L')  (V.  Lécluse). 
ÉCLUSIER  (Ponts  et  chaussées).  Les  éclusiers  sont  des 
agents  préposés  spécialement  à  la  manœuvre,  à  la  garde, 
à  la  conservation  et  à  l'entretien  des  écluses.  Ils  constatent 
les  délits  de  pêche  et  les  contraventions  de  grande  voirie. 
Accessoirement,  ils  peuvent  être  chargés  de  la  tenue  des 
registres  de  statistique  de  la  navigation,  d'observations 
hydrométriques  et  pluviométriques,  d'un  service  télégra- 
phique, etc.  —  Autrefois  les  éclusiers  étaient  nommés  par 
le  préfet  ;  le  décret  du  11  août  1888  en  a  réservé  la  nomi- 
nation au  ministre  des  travaux  publics.  Ils  sont  choisis 
de  préférence  parmi  les  anciens  militaires  et  les  ouvriers 
d'art.  Nul  ne  peut  être  nommé  s'il  n'est  français,  âgé  de 
vingt  et  un  ans  au  moins  et  de  trente-cinq  ans  au  plus  ; 
les  candidats  qui  justifient  de  dix  années  de  services  civils 
ou  militaires  les  rendant  admissibles  pour  la  retraite 
peuvent  être  nommés  jusqu'à  l'âge  de  quarante-cinq  ans. 
Les  propositions  de  nomination  doivent  être  accompagnées  : 
1^  d'un  acte  de  naissance  ;  2®  d'un  certificat  de  médecin 
constatant  que  le  postulant  n'est  atteint  d'aucune  infirmité 
apparente  ou  cachée  qui  s'oppose  à  un  service  actif  et  jour- 
naher;  3^  d'un  extrait  du  casier  judiciaire  ;  4^  d'un  cer- 
tificat d'un  ingénieur  constatant  que  le  candidat  peut  rédiger 
convenablement  un  procès-verbal. 

Les  rivières  et  canaux  sont  divisés,  en  ce  qui  concerne  les 
agents  inférieurs,  en  trois  catégories.  Le  traitement  annuel 
des  éclusiers  est  fixé  ainsi  qu'il  suit  :  Première  catégorie  : 
première  classe,  600  fr.  ;  deuxième  classe,  350  fr.  ;  troi- 
sième classe,  500  fr.  Deuxième  catégorie  :  première  classe, 
550  fr.  ;  deuxième  classe,  500  fr.  ;  troisième  classe,  450  fr. 
Troisième  catégorie  :  première  classe,  500  fr.  ;  deuxième 
classe,  450  fr.  ;  troisième  classe,  400  fr.  Moyennant  ces 
traitements ,  ils  doivent  faire ,  indépendamment  de  la  ma- 
nœuvre de  l'ouvrage  auquel  ils  sont  spécialement  attachés, 
celle  des  autres  ouvrages  situés  à  proximité  dont  le  service 
leur  aura  été  confié.  Néanmoins,  lorsqu'ils  sont  chargés  de 
la  manœuvre  d'un  autre  ouvrage  qui,  à  raison  de  sa  position 
et  de  son  importance,  aurait  pu  motiver  l'emploi  d'un  agent 
spécial,  il  peut  leur  être  accordé  un  supplément  de  traitement 
qui,  en  aucun  cas,  ne  dépasse  100  fr.  Lorsque  plusieurs 


ÉCLUSIER  ~  ÉCOLE 


—  362  — 


agents  sont  attachés  au  service  d'un  même  ouvrage,  l'un 
d'eux  porte  le  titre  de  chef.  Il  reçoit  alors  un  supplément 
de  traitement  qui  est  fixé  à  100  fr.  et  qui  peut,  dans  cer- 
tains cas  exceptionnels,  être  porté  jusqu'à  200  fr.  Les 
éclusiers  sont  d'ordinaire  logés  dans  un  bâtiment  à  proximité 
de  l'écluse  ;  ceux  auxquels  il  n'est  pas  fourni  de  logement 
reçoivent  une  indemnité  annuelle  de  100  à  150  fr.  Dans  les 
localités  où  la  vie  est  plus  particulièrement  chère,  il  peut 
leur  être  accordé  une  indemnité  de  résidence.  Les  éclusiers 
touchent  pour  déplacements  et  éclusées  de  nuit  des  indemnités 
dont  le  maximum  annuel  est  fixé  à  200  fr.  (2o0  fr.  pour 
les  chefs  éclusiers).  Ceux  qui  sont  chargés  de  services  acces- 
soires :  statistique,  télégraphie,  etc.,  reçoivent  de  ce  chef 
des  rétributions  spéciales  ;  enfin  il  leur  est  alloué,  le  cas 
échéant,  pour  travaux  exécutés  en  dehors  de  leur  service 
obligatoire,  des  indemnités  représentant  la  différence  entre 
leur  traitement  et  le  salaire  de  l'ouvrier  qu'ils  ont  remplacé 
(cire.  trav.  publ.  16  mai  1867).—  Au  point  de  vue  mili- 
taire, les  éclusiers  sont  classés  (après  trois  mois  de  service) 
dans  la  non-disponibilité.  L.  Schmit. 

BiiiL.  :  Recueil  de  lois^  ordonnances,  etc.,  concernant 
les  services  dépendant  du  ministère  des  travaux  publics. 
—  G.  Lechalas,  Manuel  de  droit  administratif  ;  Paris, 
1889. 

ÉCLUSIER-VAUX.  Com.  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  de 
Péronne,  cant.  de  Bray-sur-Somme  ;  191  hab. 

ÉCLUZELLES.  Com.  du  dép.  d'Eure-et-Loir,  arr.  et 
cant.  de  Dreux  ;  144  hab. 

ÉCLY.  Com.  du  dép.  des  Ardennes,  arr.  de  Rethel, 
cant.  de  Château-Porcien  ;  504  hab. 

ÉCLYSE  (Mus.  anc).  Altération  du  genre  enharmo- 
nique, qui  avait  lieu  lorsqu'une  des  cordes  était  acciden- 
tellement baissée  de  trois  quarts  de  ton  au-dessous  de  son 
accord  ordinaire. 

ECNOM  E  (Mont).  Montagne  de  Sicile  (aujourd'hui  Moti^^ 
cli  Licata),  sur  la  rive  droite  de  l'Himera  méridionale, 
près  de  la  mer.  Le  tyran  Phalaris  y  avait  construit  une 
forteresse.  C'est  en  vue  de  ce  rivage  que  se  livra  dans 
la  première  guerre  punique  entre  Romains  et  Carthagi- 
nois une  des  plus  grandes  batailles  navales  dont  l'his- 
toire fasse  mention  (256).  La  flotte  romaine  comptait 
330  vaisseaux  montés  par  100,000  hommes  et  comman- 
dés par  les  deux  consuls  Manlius  Vulso  et  Atilius  Regulus. 
La  flotte  carthaginoise  comptait  350  vaisseaux  sous  les 
ordres  d'Hamilcar  et  d'Hannon.  Les  Romains  venant  de 
l'est  rencontrèrent  leurs  adversaires  venant  de  l'ouest 
(Lilybée).  Ils  formèrent  leur  flotte  en  triangle,  de  ma- 
nière à  abriter  les  vaisseaux  de  transport.  Les  amiraux 
carthaginois  tentèrent  de  les  envelopper.  Amilcar,  par  une 
manœuvre  habile  et  une  fuite  simulée,  faillit  rompre  l'or- 
donnance des  Romains  et  les  attirer  vers  la  haute  mer, 
tandis  qu'Hannon  les  attaquait  par  derrière.  Mais  quand 
on  en  vint  au  combat  corps  à  corps  et  à  l'abordage,  la 
supériorité  des  soldats  romains  leur  assura  l'avantage.  Ils 
ne  perdirent  que  24  vaisseaux  coulés  à  fond  ;  les  Cartha- 
ginois en  perdirent  30  coulés  à  fond  et  64  pris.  Cette 
grande  victoire  navale  ouvrit  aux  Romains  la  route  de 
l'Afrique  (V.  Regulus). 

ÉCOBUAGE  (Agric).  L'écobuage  consiste  à  découper, 
avec  un  instrument  spécial  nommé  écobiie^  la  couche  su- 
perficielle d'une  terre  enherbée,  à  laisser  sécher  les  plaques 
ainsi  obtenues  puis  à  les  réunir  en  formant  de  petits  four- 
neaux auxquels  on  met  le  feu.  Sous  l'action  de  cette  com- 
bustion, les  matières  organiques  sont  minéralisées,  et,  de 
plus,  l'argile  de  la  terre  se  transforme  en  brique  pulvéru- 
fente  ayant  les  mêmes  propriétés  que  le  sable  siHceux.  Sous 
l'action  de  cet  amendement,  le  sol  devient  friable,  moins 
tenace,  moins  humide  et  moins  froid.  Toutefois,  il  ne  faudra 
jamais  écobuer  les  terres  riches  en  sable  siliceux,  car  l'ac- 
tion du  feu,  en  vitrifiant  la  sihce,  recouvrirait  la  terre  d'une 
croûte  dure  et  imperméable  à  l'air  et  à  l'eau,  qui  aurait 
pour  effet  de  stériliser  le  champ  pour  une  longue  série 
d'années.  On  n'appliquera  donc  l'écobuage  qu'aux  terres 


franchement  tourbeuses  ou  argileuses.  Il  va  sans  dire  que, 
lorsque  la  combustion  est  achevée,  il  est  essentiel  de 
répandre  les  cendres  aussi  uniformément  que  possible  à  la 
surface  du  champ.  Après  quoi  on  donne  un  labour  pour 
bien  incorporer  les  cendres  à  la  terre  végétale  et  on  ter- 
mine par  un  ou  plusieurs  hersages.  On  laisse  reposer  la 
terre  ainsi  écobuée  pendant  plusieurs  semaines  et,  vers 
le  mois  de  septembre,  on  peut  l'ensemencer  en  seigle, 
plante  qui  réussit  généralement  très  bien  après  cette  opé- 
ration. Mais  il  ne'faut  pas  oublier  que  l'écobuage  ayant 
minérahsé  les  matières  organiques  du  sol,  il  faudra  donner 
de  fortes  fumures  les  années  suivantes.  C'est  surtout  en 
Angleterre  et  dans  le  Dauphiné  que  l'écobuage  est  en  faveur. 
En  résumé,  son  action  est  complexe  et  elle  comprend  : 
1<*  l'enrichissement  du  sol  en  matières  minérales,  surtout 
en  sels  potassiques,  aux  dépens  des  substances  organiques  ; 
2°  les  terres  très  fortes  et  trop  tenaces  sont  rendues  plus 
légères  et  plus  friables;  3°  les  mauvaises  herbes,  les  larves 
et  insectes  nuisibles  se  trouvent  détruits  par  l'action 
du  feu.  A.  Larbalétrier. 

ECO C HE.  Com.  du  dép.  de  la  Loire,  arr.  de  Roanne, 
cant.  de  Belmont;  1,599  hab. 

ÉCOINÇON  (Archit.).  Ce  mot  désigne,  dans  l'intérieur 
d'un  bâtiment,  la  partie  du  mur  de  face,  depuis  l'embra- 
sure d'une  croisée  jusqu'au  retour  de  l'angle  d'un  mur  de 
refend,  tandis  que  le  mot  trumeau  désigne  la  partie  qui, 
dans  un  mur  de  face,  se  trouve  placée,  soit  intérieurement, 
soit  extérieurement,  entre  les  baies  des  portes  et  des 
croisées  d'un  bâtiment.  —  En  menuiserie,  on  appelle 
écoinçon  un  morceau  de  bois  rapporté  pour  compléter  une 
pièce  n'ayant  pas  la  largeur  voulue,  par  exemple  les  mar- 
ches dansantes  d'un  escalier  tournant.  —  En  décoration, 
on  donne  ce  nom  d'écoinçon  à  de  petites  parties  de  mou- 
lures ou  d'ornementation  formant  angle  et  raccordant  ainsi 
les  parties  de  moulures  ou  d'ornementation  courant  sur  la 
surface  d'un  plafond,  d'une  porte,  d'un  lambris,  d'un 
cadre,  etc.  Charles  Lucas. 

ÉCOIVRES.  Com.  du  dép.  du  Pas-de-Calais, arr.  et  cant. 
de  Saint-Pol-sur-Ternoise  ;  133  hab. 
ÉCOLAGE  (V.  Gratuité  scolaire). 
ÉCOLÂTRE  (Escolâtre,  Scliolaster).  Nom  de  l'ecclé- 
siastique, un  chanoine  habituellement,  qui,  dans  chaque 
éghse  cathédrale,  au  moyen  âge,  avait  pour  fonction  d'en- 
seigner les  «  lettres  ordinaires  »,  comme  le  théologal,  la 
théologie.  Une  prébende  étant  afiTectée  à  son  salaire,  l'en- 
seignement était  gratuit  pour  les  clercs  et  les  pauvres 
écoliers  destinés  au  service  de  l'Eglise.  x\insi  l'avait  exigé 
le  concile  de  Latran  (1179). 

ÉCOLE.  L  GÉNÉRALITÉS.  —  Il  semble  paradoxal,  au 
premier  abord,  que  le  mot  qui  désigne  le  lieu  consacré  à 
l'étude  vienne  du  grec  axoXri,  loisir.  Cela  s'explique  par  ce 
fait  que  l'étude  suppose  du  loisir  et  que  le  travail  intellectuel 
dut  paraître  d'abord  comme  un  jeu,  par  rapport  aux  rudes 
occupations  de  la  vie.  De  là  vient  sans  doute  aussi  qu'un 
autre  nom  de  l'école,  en  latin,  est  luclus,  le  même  mot 
qui  signifie  jeu.  De  vrai,  quand  le  maître  est  ce  qu'il  doit 
être,  habile,  égal,  de  bonne  humeur,  quand  la  discipline 
est  intelligente  et  douce  avec  fermeté,  quand  la  part  est 
faite  large,  comme  elle  doit  l'être,  à  la  vie  physique  et  au 
jeu  et  que  les  méthodes  d'enseignement,  actives  et  vivi- 
fiantes, bannissent  la  torpeur  et  l'ennui,  nous  voyons  en- 
core aujourd'hui  l'école  très  aimée  des  enfants.  C'est  un 
plaisir  pour  beaucoup  d'y  aller,  non  seulement  à  cause  des 
camarades  et  des  jeux,  mais  pour  le  maître  même  et  les 
exercices  de  la  classe  ;  les  bons  élèves  supportent  avec 
peine  d'en  être  privés  pour  un  temps,  par  exemple  en  cas  de 
maladie;  il  n'est  pas  jusqu'à  l'internat,  parfois  pourtant  si 
peu  hospitalier,  que  ne  retrouvent  souvent ^,avec  plaisir,  à  la 
rentrée,  ceux-là  mêmes  qui  ont  le  plus  souhaité  les  vacances. 
C'est  que  l'école  est,  à  sa  manière,  un  mifieu  naturel 
pour  l'enfant,  favorable  à  son  développement,  d'autre  sorte 
mais  presque  autant  que  la  famille  même.  Elle  répond  à 
son  besoin  de  société  et  de  camaraderie  :  il  y  apprend 


363  - 


ECOLE 


l'ordre,  l'égalité,  la  solidarité;  il  s'y  exerce  aux  luttes  de 
la  vie,  et  s'il  y  déploie  moins  librement  peut-être  que  dans 
la  famille  sa  personnalité,  il  apprend  à  compter  avec  celle 
des  autres.  Même  pour  l'éducation  proprement  dite,  par 
conséquent,  c.-à-d.  pour  la  formation  du  caractère  et  la 
préparation  à  la  vie,  l'école  est  le  complément  nécessaire 
de  la  famille  :  pour  les  études  et  la  culture  intellectuelle, 
elle  est  unique.  On  peut  encore,  en  effet,  dans  de  certaines 
conditions  sociales,  imaginer  une  éducation  toute  domes- 
tique qui  suffise,  qui  du  moins  rachète  ses  inconvénients 
par  ses  avantages  propres,  au  point  de  faire  un  homme 
fort  bien  élevé  pour  la  vie  à  laquelle  on  le  destine,  mieux 
élevé  même  à  tout  prendre,  surtout  au  sens  mondain  du 
mot,  que  ceux  qui  ne  l'ont  été  qu'à  l'école  ;  mais,  à  de  rares 
exceptions  près,  si  rares  qu'à  peine  faut-il  en  parler,  on 
ne  fait  que  dans  les  écoles  des  études  complètes,  suivies  et 
fortes  :  cela  est  si  vrai  que  le  meilleur  précepteur  est  le 
premier  à  demander  l'assistance  et  le  contrôle  des  maîtres 
d'un  établissement  régulier.  Non  que  les  études  ne  puissent 
être  poussées  aussi  vite,  plus  vite  même  dans  la  famille  ; 
mais,  en  fait  de  développement  intellectuel,  la  sûreté  vaut 
mieux  que  la  précocité  ;  et,  si  la  famille  peut  sans  doute,  en 
certains  cas,  l'emporter  même  à  cet  égard  sur  une  mauvaise 
école,  la  bonne  école  l'emportera  toujours  sur  la  famille 
la  plus  favorisée.  L'émulation  y  est  plus  vive,  le  train  plus 
égal,  les  occupations  y  sont  plus  méthodiquement  et  plus 
exactement  réglées.  Pourquoi  faut-il  qu'une  sorte  de  fata- 
lité voue  les  écoles  trop  souvent  au  mécanisme,  c.-à-d.  à 
la  routine,  au  formalisme  aride,  à  l'abus  de  l'abstraction, 
au  culte  du  savoir  mnémonique  et  verbal,  tous  vices  (sans 
parler  d'autres  encore)  dont  il  faut  sans  relâche  travailler 
à  les  défendre  et  à  les  corriger  ?  Un  bon  correctif  est  dans 
le  régime  de  V externat  (V.  ce  mot)  qui  laisse  l'élève  en 
commerce  avec  les  réalités  de  la  vie,  dans  son  miheu 
naturel,  tout  en  le  pliant  à  une  discipline  générale  et  le 
faisant  bénéficier  de  toute  la  culture  traditionnelle. 

Comme  on  le  verra  par  la  longue  série  d'articles  que 
nous  donnons  à  la  suite  de  celui-ci,  l'école  est  aujourd'hui, 
dans  la  grande  majorité  des  cas,  un  étabUssement  public, 
c.-à-d.  institué  par  la  communauté  civile  :  cela  est  vrai  et 
des  grandes  écoles  spéciales  qui  ont  comme  une  existence 
individuelle  (Ecole  polytechnique.  Ecole  navale,  etc.)  et  des 
grands  types  généraux  d'écoles  donnant  les  divers  degrés 
d'enseignement.  En  fait  cependant  comme  en  droit,  les  écoles 
peuvent  être  aussi  privées,  libres  de  toute  attache  officielle, 
fondées  et  tenues  par  des  particuliers  à  leurs  profits  et  risques, 
sous  la  seule  condition  d'offrir  certaines  garanties,  de  remphr  ' 
certaines  formalités  légales  et  de  se  soumettre  à  l'autorité 
gardienne  du  droit  commun  (V.  Enseignement  libre). 
Chaque  degré  d'enseignement  a  ainsi,  chez  nous,  ses  écoles 
libres,  dont  plusieurs  très  prospères  et  quelques-unes 
illustres.  Mais  les  plus  puissantes,  et  en  tout  cas  les  plus 
nombreuses  de  ces  «  écoles  libres  »,  se  rattachent,  en 
réahté,à  un  troisième  type,  le  plus  ancien  peut-être,  qu'on 
pourrait  appeler  le  type  sacerdotal.  Il  semble,  en  effet, 
que  les  premières  écoles  aient  été  partout  l'œuvre  des 
prêtres,  le  besoin  de  perpétuer  les  traditions  rehgieuses  et 
de  transmettre  les  rites  ayant  rendu  nécessaire  une  prépa- 
ration méthodique  des  clercs  destinés  à  recueiUir  la  doc- 
trine et  le  culte,  longtemps  avant  que  le  prix  de  la  culture 
pour  elle-même  fût  reconnu  des  particuliers  et  que,  à 
plus  forte  raison,  elle  s'imposât  aux  cités  comme  un  objet 
d'intérêt  pubHc. 

Il  est  difficile  et  il  semblerait  arbitraire  d'assigner  un 
ordre  fixe  dans  lequel  se  seraient  succédé  partout  et  tou- 
jours l'école  d'origine  ecclésiastique,  l'école  privée,  l'école 
publique.  Elles  peuvent  coexister,  comme  c'est  le  cas  presque 
partout  aujourd'hui,  et  l'ordre  d'évolution  n'a  peut-être  pas 
été  partout  le  même.  On  peut,  toutefois,  se  figurer  assez 
bien  comment  les  choses  ont  dû  se  passer  en  général,  d'après 
ce  que  nous  savons  de  l'histoire  des  institutions  d'enseigne- 
ment en  France  depuis  le  moyen  âge.  Abstraction  faite  de 
Charlemagne,  qui,  devançant  son  temps,  paraît  avoir  compris 


l'importance  pubhque  de  l'école,  on  peut  dire  que  l'Eglise 
seule  eut  à  cet  égard  de  l'initiative.  Elle  créa  des  écoles  dans 
les  cathédrales,  dans  les  monastères  ou  à  leur  ombre,  avant 
tout  pour  assurer  son  propre  recrutement.  Ce  fut  longtemps 
le  privilège  exclusif  des  évêques  et  des  chapitres  d'ouvrir 
des  écoles,  puis,  un  peu  plus  tard,  d'en  autoriser  l'ouver- 
ture moyennant  redevance,  d'en  régler  et  d'en  surveiller  la 
discipline  et  l'enseignement  quand  les  particuliers  et  les 
villes  commencèrent  à  y  prendre  intérêt.  Avec  les  corpora- 
tions religieuses  se  multiphèrent  les  écoles  ;  avec  les  dis- 
sensions rehgieuses,  on  les  vit  se  diversifier,  chaque  église, 
chaque  secte  ayant  passionnément  à  cœur,  non  plus  seule- 
ment de  former  des  clercs  pour  son  culte,  mais  de  se  pré- 
parer des  fidèles.  Il  était  notamment  dans  la  logique  de  la 
Réforme  de  favoriser  les  écoles,  puisqu'elle  préconisait  la 
lecture  directe  de  la  Bible.  Après  que  la  culture  générale 
et  les  lettres  profanes  elles-mêmes  eurent  profité  comme 
on  sait  de  cette  émulation  des  Eglises,  le  progrès  même  qui 
en  résulta  permit  enfin  à  la  société  civile  de  prendre  peu  à 
peu  d'elle-même  une  conscience  distincte,  et  l'esprit  laïque, 
prenant  son  essor  à  la  Renaissance,  put  entrer  en  jeu.  Dès 
lors,  l'école  fut  de  plus  en  plus  le  terrain  sur  lequel  se  rencon- 
trèrent l'Etat  et  l'Eglise, l'esprit  civil  et  l'esprit  sacerdotal, 
soit  pour  s'entendre  et  se  prêter  appui  mutuellement  quand 
ils  sont  unis,  soit,  quand  ils  sont  en  lutte,  pour  se  disputer 
les  âmes.  Les  écoles  vraiment  privées  ont  grand 'peine  à 
subsister  entre  les  deux  autres  types  et  ne  prospèrent, 
en  effet,  sauf  dans  des  conditions  exceptionnelles,  que  plus 
ou  moins  appuyées  sur  l'une  ou  l'autre  de  ces  puissances 
rivales.  A  mesure  que  la  nation  comme  telle  s'est  affirmée 
et  que  les  pouvoirs  qui  la  représentent  se  sont  affranchis 
de  l'autorité  ecclésiastique,  l'école  publique  a  pris  le  pas 
sur  les  autres  :  l'éducation  nationale  est  apparue  de  plus 
en  plus  comme  un  des  suprêmes  intérêts  de  la  communauté 
civile  et  politique,  indépendamment  de  tout  dogme  et  de 
tout  credo.  Il  n'est  pas  un  Etat  civilisé,  aujourd'hui,  qui 
abandonnât  aux  particuliers  ou  à  une  corporation  quelconque 
indépendante  de  lui  le  soin  de  pourvoir  à  la  culture  des 
esprits,  au  risque  de  n'avoir  pas  d'école  du  tout,  ou  de  les 
avoir  insuffisantes,  ou  de  les  voir  dans  un  esprit  contraire 
au  sien.  Il  n'est  pas  un  Etat  qui  ne  tienne  à  honneur  d'avoir 
ses  écoles  à  lui,  même  s'il  en  soufire  d'autres  à  côté, 
c.-à-d.  d'assurer  au  nom  et  aux  frais  de  la  nation  et  dans 
l'esprit  des  institutions  nationales  la  diffusion  et  le  progrès 
des  connaissances,  la  transmission  des  disciplines  tradition- 
nelles. Même  dans  les  pays  oti  il  est  le  plus  d'usage  de  compter 
sur  l'initiative  individuelle  ou  corporative  et  où  elle  s'exerce 
le  plus  largement  dans  le  sens  des  aspirations  nationales, 
comme  en  Angleterre  et  aux  Etats-Unis,  chaque  jour  s'ac- 
centue la  tendance,  aujourd'hui  générale,  à  regarder  la 
question  des  écoles  comme  une  des  grandes  affaires  de 
l'Etat,  comme  une  chose  qui  réclame  autant  que  pas  une 
autre  l'attention  des  pouvoirs  publics,  et  dont  ils  ne  pour- 
raient se  désintéresser  sans  manquer  à  une  partie  essen- 
tielle de  leur  mission.  H.  Marion. 

Classification.  —  Le  nombre  des  diverses  écoles  aux- 
quelles nous  consacrons  des  notices  plus  ou  moins  déve- 
loppées, l'étendue  de  l'article  d'ensemble  sont  tels  qu'il 
en  pourrait  résulter  quelque  confusion  aux  yeux  du  lecteur 
et  quelque  difficulté  pour  trouver  un  renseignement  précis, 
si  nous  n'indiquions  dès  le  début  la  méthode  suivie  pour 
classer  ces  notices.  La  division  la  plus  simple,  classant 
d'une  part  les  types  généraux  (Ecole  primaire),  de  l'autre 
les  grandes  écoles  spéciales  ayant  une  existence  indivi- 
duelle (Ecole  polytechnique),  ne  peut  s'appliquer  complète- 
ment, certains  types  n'étant  représentés  que  par  deux  ou 
trois  ou  même  par  une  seule  école  ou  bien  l'ayant  été  par 
plusieurs,  puis  par  une  seule  (Ecole  du  service  de  santé 
mihtaire).  D'autre  part,  l'ordre  alphabétique  rigoureux 
séparerait  des  institutions  régies  d'après  les  mêmes  prin- 
cipes et  répondant  à  des  besoins  analogues.  Nous  avons 
donc  adopté,  comme  pour  l'art.  Académie,  l'ordre  métho- 
dique; pour  facihter  les  recherches,  nous  plaçons  ici  une 


ÉCOLE 


364 


liste  générale  de  toutes  les  écoles  dont  il  sera  question  ci-des- 
sous. On  remarquera  qu'il  n'est  traité  que  des  écoles  fran- 
çaises, les  autres  se  trouvant  étudiées  plus  sommairement 
soit  dans  l'art.  Enseignement,  soit  dans  l'article  consacré  à 
chacun  des  pays  ou  à  chacune  des  villes  où  elles  se  trouvent 
établies,  soit  enfin  des  articles  spéciaux  (V.  par  exemple 
Cadets).  —  Voici  la  Hste  des  groupes  entre  lesquels  nous 
classons  les  écoles  :1°  Instruction  générale  et  carrières  hbé- 
rales  impliquant  surtout  des  connaissances  spéculatives; 
2«  Beaux-arts  ;  3°  Armée  et  marine  ;  4«  Travaux  publics  et 
industrie;  5^  Commerce;  G'' Agriculture. Presque  toutes  ces 
écoles  sont  des  établissements  publics  entretenus  aux  frais 
de  l'Etat.  En  général,  dans  chaque  groupe,  elles  ressortissent 
au  ministère  compétent.  Les  trois  premiers  groupes  visent 
surtout  l'instruction  générale  et  les  services  publics,  les  trois 
derniers  l'enseignement  professionnel.  Dans  chacune  de  ces 
catégories,  sauf  la  première,  nous  répartissons  autant  que 
possible  les  écoles  dans  l'ordre  suivant  :  écoles  d'instruction 
supérieure,  écoles  d'application,  écoles  élémentaires.  —  Les 
écoles  élémentaires  préparant  à  chaque  carrière  spéciale  ont 
en  effet  pour  objet  ou  de  compléter  les  cadres  du  personnel 
recruté  dans  les  écoles  d'instruction  supérieure  et  d'appli- 
cation, ou  bien  de  suppléer  au  passage  par  celles-ci,  mais 
nullement  d'y  préparer.  Cette  règle  comporte  seulement 
quelques  exceptions,  surtout  des  exceptions  individuelles. 
Mais  en  ce  qui  concerne  la  première  catégorie  d'écoles, 
celles  où  l'on  donne  l'enseignement  général,  tout  le  monde 
passe  ou  est  censé  passer  par  les  premiers  degrés  avant 
d'arriver  aux  plus  hauts. 

i''  Instruction  générale.  Nous  placerons  en  tète  les 
notices  exclusivement  historiques,  à  partir  des  écoles  du 
moyen  âge,  tout  en  rappelant  que  c'est  aux  art.  Enseigne- 
ment et  "Université  qu  on  trouvera  l'ensemble  des  détails 
relatifs  aux  institutions  scolaires  d'autrefois. 
Ecole  palatine  caroUngienne. 

Ecoles  abbatiales,   abécédaires,   canoniales,   cathé- 
drales, claustrales,  collégiales,  ecclésiastiques,  épis- 
copales,  monastiques,   paroissiales,  presbytérales 
(Y.  Enseignement  [Historique]). 
Ecoles  municipales  (Petites)  ou  mercenaires  (V.  En- 
seignement [Historique]). 
Ecoles  de  charité  (V.  Enseignement  [Historique]). 
Ecoles  buissonnières  ou  furtives. 
Ecole  de  la  Montagne  (V.  le  §  Ecoles  nationales 

d'arts  et  métiers). 
Ecole  militaire  (V.  le  §  Ecole  spéciale  militaire 
de  Saint-Cyr). 
Nous  grouperons  ensemble  les  écoles  de  la  période  révo- 
lutionnaire : 

Ecoles  secondaires. 
Ecoles  centrales. 
Ecoles  de  services  publics. 
Ecoles  spéciales. 

Ecole  de  Mars  (V.  le  §  Ecole  spéciale  militaire  de 
Saint-Cyr). 
Nous  aborderons  ensuite  l'étude  des  écoles  actuellement 
existantes  en  France,   auxquelles  le   présent  article  est 
essentiellement  consacré.  La  première  catégorie  est  celle  de 
l'enseignement  primaire,  base  de  toute  instruction  générale  : 
■  Ecoles  maternelles. 
Ecoles  enfantines  (V.  Ecoles  maternelles). 
Ecoles  gardiennes. 
Ecoles  primaires, 
et  leurs  différentes  variétés,  que  nous  rangeons  par  ordre 
alphabétique  : 

Ecoles  ambulatoires. 

Ecoles  chrétiennes  (V.  ci-après  l'article  spécial  con- 
sacré aux  Ecoles  chrétiennes   [Frères  des]). 
Ecoles  confessionnelles  (V.  Laïcité). 
Ecoles  consistoriales  (V.  Laïcité). 
Ecoles  d'apprentis ,   d'apprentissage ,  etc.  (  V.  plus 
bas  les  §§  Ecoles  d'apprentissage,  Ecoles  ma- 
nuelles, etc.). 


Ecoles  de  demi-jour  (V.  Demi-jour). 

Ecoles  de  demi-temps  (V.  Demi-temps). 

Ecoles  de  hameau. 

Ecoles  de  manufactures. 

Ecoles  de  perfectionnement  (V.  Enseignement  complé- 
mentaire). 

Ecoles  du  dimanche  (V.  Dimanche). 

Ecoles  libres  ou  privées  (V.  Enseignement  [le  §  Li- 
berté d'enseignement]). 

Ecoles  ménagères. 

Ecoles  méridiennes. 

Ecoles  mixtes. 

Ecoles  modèles  protestantes. 

Ecoles  temporaires. 
Viennent  ensuite  les  écoles  qui  forment  la  transition 
vers  les  écoles  professionnelles  et  vers  les  établissements 
d'enseignement  secondaire  et  supérieur  : 

Ecoles  primaires  supérieures. 

Ecoles  moyennes. 

Ecoles  industrielles. 

Ecoles  de  réforme. 
Après  celles-ci  se  placeraient  les  écoles  professionnelles 
et  spéciales  dont  il  sera  parlé  plus  loin  (V.  ci-dessous  et 
Enseignement  professionnel);  puis  les étabhssements  d'en- 
seignement secondaire.  Un  grand  nombre  de  ceux-ci  sont 
dénommés  écoles;  conformément  à  la  méthode  adoptée  pour 
les  lycées,  les  plus  importants  de  ces  étabhssements  seront 
l'objet  de  notices  spéciales  placées  à  leur  nom  propre  (V.  par 
exemple,  Monge  [Ecole],  Turgot  [Ecole],  Sophie  Ger- 
main [Ecole],  etc.  —  Ecoles  secondaires  ecclésiastiques, 
V.  Séminaires  [Petits]  et  Enseignement  [le  §  Liberté  d* en- 
seignement']). 

Vient  ensuite  la  série  des  écoles  normales,  établissements 
pédagogiques  où  se  recrute  l'élite  du  personnel  enseignant  : 

Ecoles  normales  d'instituteurs  et  d'institutrices. 

Ecoles  stagiaires. 

Ecoles  magistrales  (V.  Ecoles  normales,  le  §  Italie). 

Ecoles  normales  supérieures  d'enseignement  primaire 
(Saint-Cloud  et  Fontenay-aux-Roses) . 

Ecole  normale  supérieure. 

Ecole  normale  secondaire  de  jeunes  filles  (Sèvres). 

Ecole  normale  spéciale  (Cluny),  aujourd'hui  abolie, 
L'Ecole  normale  supérieure  appartient  à  l'enseignement 
supérieur. 

Les  écoles  d'enseignement  supérieur  sont  destinées  soit 
à  la  formation  d'érudits,  principalement  d'archéologues, 
soit  à  la  préparation  aux  diverses  carrières  libérales.  Dans 
la  première  catégorie  nous  classerons  : 

Ecole  pratique  des  hautes  études. 

Ecole  du  Louvre, 

Ecole  française  d'Athènes. 

Ecole  française  de  Rome. 

Ecole  française  du  Caire. 

Ecole  d'anthropologie  (V.  Société  d'anthropologie). 
Nous  n'avons  pas  à  nous  occuper  ici  des  grands  établis- 
sements d'enseignement  supérieur  auxquels  on  donne,  dans 
le  langage  courant,  le  nom  d'école  :  Ecole  de  droit,  Ecole  de 
médecine.  Nous  renvoyons  à  l'art.  Faculté  pour  l'organi- 
sation administrative,  aux  art.  Université,  Jurisprudence 
(Enseignement)  etMÉDECiNE  (Enseignement)  pour  l'historique 
de  l'enseignement,  l'étude  comparative  de  ses  méthodes  dans 
les  divers  pays;  de  même  que,  aux  mots  Lettres,  Science, 
Théologie,  on  trouvera  les  détails  analogues.  Ceux  qui  sont 
relatifs  aux  écoles  mihtaires  de  l'étranger  seront  donnés 
dans  l'art.  Instruction  militaire.  De  même,  nous  nous  bor- 
nerons à  un  renvoi  pour  quelques  autres  étabhssements 
qui  portent  officiellement  le  titre  d'école  :  Ecoles  prépara- 
toires à  l'enseignement  supérieur  des  sciences  et  des  lettres; 
écoles  de  plein  exercice  et  écoles  préparatoires  de  médecine 
et  de  pharmacie;  école  supérieure  de  droit  d'Alger;  école 
préparatoire  à  l'enseignement  du  droit  de  Fort-de-France 
(Martinique).  Ces  institutions  sont  trop  intimement  liées 
dans  notre  enseignement  supérieur  aux  Facultés  pour  qu'il 


-  36S  — 


ECOLE 


soit  utile  de  les  en  séparer.  Il  en  sera  donc  traité  à  l'art. 
Faculté  {Droit,  Lettres,  Médecine,  Sciences). 

Ecole  des  hautes  études  ecclésiastiques  (V.  Institut 

CATHOLIQUE  DE  PaRIS). 

Nous  traiterons  ici  des  autres  écoles  préparant  à  des 
carrières  libérales  et  aux  fonctions  publiques  :  pharmacie, 
archives  et  bibliothèques,  consulats,  diplomatie,  adminis- 
tration, etc.  : 

Ecoles  de  pharmacie. 
p]cole  des  chartes  (V.  Chartes). 
Ecole  d'administration. 
Ecole  libre  des  sciences  poHtiques. 
Ecole  des  langues  orientales. 
Ecole  coloniale. 
2<^  Beaux-arts.  Les  écoles  destinées  à  l'éducation  des 
artistes  seront  classées  dans  l'ordre  suivant  : 

Ecole  nationale  et  spéciale  des  beaux-arts  (Paris). 

Ecoles  nationales  des  beaux-arts. 

Ecole  spéciale  d'architecture. 

Ecoles  des  arts  décoratifs. 

Ecole  de  chant  et  de  déclamation  (V.  Conservatoire 

et  Musique  [Enseignement]). 
Ecoles  nationales  de  musique  (V.  Musique  [Enseigne- 
ment]). 
Ecoles  de  musique  (V.  Musique  [Enseignement]). 
3^  Armée  et  marine.   Les  écoles  militaires  et  navales 
n'ont  pas,  autant  que  les  précédentes,  un  caractère  d'ensei- 
gnement général  et  théorique,  mais  les  carrières  spéciales 
auxquelles  elles  préparent  sont  des  carrières  publiques. 
De  plus,  la  plus  considérable,  l'Ecole  polytechnique,  est 
en  même  temps  un  établissement  d'enseignement  supérieur, 
le  premier  de  tous  pour  l'éducation  des  ingénieurs.  Nous 
suivrons  l'ordre  annoncé,  parlant  successivement  de  l'armée, 
puis  de  la  marine,  puis  des  services  de  santé  de  ces  deux 
corps  :  écoles  militaires  d'instruction  générale  où  se  forment 
les   officiers  d'artillerie  et   de  génie,  d'infanterie  et  de 
cavalerie  : 

Ecole  polytechnique. 
Ecole  militaire  spéciale  de  Saint-Cyr. 
Puis  les  écoles  d'application  où  les  élèves  des  précédentes 
vont  parachever  leur  instruction  pratique  ou  se  préparer 
au  commandement  : 

Ecole  d'application  de  l'artillerie  et  du  génie  (Fon- 
tainebleau). 
Ecole  d'application  de  cavalerie  (Saumur). 
Ecole  supérieure  de  guerre. 

Ecole  d'état -major  (V.  le  §  Fxole  supérieure  de 
guerre  et  l'art.  Etat-major). 
Viennent  ensuite  les  écoles  de  sous-officiers  destinés  à  com- 
pléter les  cadres  recrutés  dans  les  grandes  écoles  militaires  : 
Ecole  d'infanterie  de  Saint-Maixent. 
Ecole  de  cavalerie  de  Saumur  (V.  le  §  Ecole  d'appli- 
cation de  cavalerie). 
Ecole  militaire  de  l'artillerie  et  du  génie. 
Ecole  des  travaux  de  campagnes  (V.  la  précédente). 
Ecole  d'administration  militaire  de  Vincennes. 
Puis  quelques  institutions  spéciales  : 
Ecoles  de  tir  (normale  et  régionale). 
Ecole  de  dessin  du  service  géographique  de  l'armée. 
Ecole  de  pyrotechnie  militaire. 
Ecole  normale  de  gymnastique  et  d'escrime  (Joinville). 
Ecole  de  télégraphie  militaire  (V.  le  §  Ecole  d'appli- 
cation de  cavalerie), 
à  la  suite  desquelles  nous  placerons  deux  créations  desti- 
nées à  assurer  l'instruction  élémentaire  des  soldats  : 
Ecoles  militaires  préparatoires  (enfants  de  troupe). 
Ecoles  régimentaires. 
Nous  néghgeons  de  parler  de  quelques  institutions  secon- 
daires qui  ne  sont  pas  de  véritables  écoles  : 

Ecole  de  mécaniciens  du  quai  de  Billy  (V.  Manuten- 
tion militaire). 

Ecole  de  dressage  (V.  le  §  Ecole  d'application  de 
cavalerie). 


Ecole  d'instruction  aérostatique  de  Meudon  ou  Châlons 

(Y.  Aérostats,  t.  I,  p.  670). 
Ecole  du  génie  créée  à  Toul 
et  dont  le  rôle  est  simplement  de  gérer  le  matériel  d'ins- 
truction technique  du  bataillon,  etc. 
Pour  la  marine,  l'ordre  est  le  même  : 
Ecole  navale. 

Ecole  d'application  du  génie  maritime. 
Ecoles  élémentaires  des  équipages  de  la  flotte. 
Ecole  d'administration  de  la  marine. 
Ecoles  des  mécaniciens  de  la  flotte. 
Ecoles  des  défenses  sous -marines,  école  des  torpilles. 
Ecole  des  fusiliers  marins. 
Ecoles  flottantes  (école  des  gabiers,  école  des  canon- 

niers). 
Ecole  de  pyrotechnie  maritime. 
Ecoles  d'hydrographie. 
Ecole  des  mousses. 
Pour  le  service  de  santé,  nous  présenterons  successivement 
les  deux  écoles  du  service  de  santé  militaire,  celle  du  service 
de  santé  maritime  avec  ses  écoles  annexes  ou  préparatoires  : 
Ecole  du  service  de  santé  militaire  (Lyon). 
Ecole  d'application  de  médecine  et  de  "pharmacie  (Val- 

de-Grâce) . 
Ecole  principale  du  service  de  santé  de  la  marine 

(Bordeaux). 
Ecoles  (annexes)  de  médecine  navale. 
¥  Travaux  publics  et  industrie.  Il  faut  citer  en  premier 
lieu  les  écoles  d'application  où  les  élèves  sortis  de  l'Ecole  poly- 
technique achèvent  de  se  former  pour  les  services  pubHcs  : 
Ecole  supérieure  des  mines. 
Ecole  des  ponts  et  chaussées. 
Ecole  d'application  des  manufactures  de  l'État. 
Ecole  d'apphcation  des  poudres  et  salpêtres. 
Ecole  professionnelle  supérieure  des  postes  et  télé- 
graphes. 
Immédiatement  après  nous  plaçons  : 

Ecole  centrale  des  arts  et  manufactures. 
Tous  ces  établissements  recrutent  l'immense  majorité  de 
leurs  élèves  parmi  ceux  qui  ont  reçu  l'instruction  générale 
dans  les  écoles,  lycées,  facultés  de  l'Etat  ou  dans  les  institu- 
tions similaires.  Mais  à  côté  de  ces  écoles  et  lycées  où  sous  la 
direction  du  ministère  de  l'instruction  publique  se  transmet 
la  culture  générale,  existe  l'enseignement  professionnel,  re- 
présenté par  un  grand  nombre  d'écoles  qui  fournissent  les 
cadres  inférieurs  du  personnel  d'ingénieurs  et  d'industriels. 
Ecoles  professionnelles  (V.  Enseignement  profession- 
nel). 
Ecoles  d'arts  et  métiers. 
Ecole  des  mineurs  (Saint-Etienne). 
Ecole  des  maîtres  ouvriers  mineurs  (Alais). 
Ecole  municipale  de  physique  et  de  chimie  de  Paris. 
Ecole  des  arts  industriels  (Roubaix). 
Ecole  nationale  d'apprentissage  (Dellys). 
Ecoles  d'apprentis. 
Ecoles  d'apprentissage. 
Ecoles  manuelles  d'apprentissage. 
Ecoles  nationales  mixtes  d'enseignement  primaire  su- 
périeur et  d'enseignement  professionnel. 
Ecoles  de  cuisine. 
Ecoles  d'infirmiers  (V.  Assistance  publique,  t.  IV, 

p.  274). 
Ecoles  d'horlogerie. 

Ecole  professionnelle  et  spéciale  de  Nevers. 
En  classant  à  part  tout  le  groupe  des  écoles  profession- 
nelle   de  la  ville  de  Paris. 

o^  Commerce.  L'enseignement  commercial  est  donné 
dans  des  écoles  qui  répondent  à  trois  degrés  d'instruction 
différents  : 

Ecole  commerciale. 
Ecoles  supérieures  du  commerce. 
Ecole  des  hautes  études  commerciales. 
Il  faut  ajouter  que  le  principal  recrutement  du  person- 


ÉCOLE 


—  366  - 


nel  commercial  s'opère  dans  les  écoles  primaires  supérieures 
et  dans  les  lycées  et  collèges  où  est  organisé  l'enseigne- 
ment secondaire  moderne  (ancien  enseignement  spécial). 
Nous  renvoyons  donc  à  l'art.  Enseignement  et  à  ceux  qui  sont 
consacrés  aux  principales  écoles  d'enseignement  primaire 
supérieur  de  Paris  (Y.  Chaptal,  Lavoisier,  Turgot,  etc.). 
6^  Agriculture.  Il  existe  un  grand  nombre  d'écoles 
d'agriculture.  La  principale  nous  échappe  (V.  Institut 
agronomique).  Nous  ne  traiterons  ici  que  d'une  de  ses 
écoles  d'application  : 

Ecole  forestière  (Nancy). 
Les  autres  grandes  écoles  agricoles  sont  : 

Ecoles  nationales  d'agriculture. 

Ecole  des  haras  (Le  Pin). 

Ecoles  nationales  vétérinaires. 
A  un  degré  sensiblement  moins  élevé,  l'enseignement 
agricole  comporte  les  écoles  suivantes  : 

Ecole  de  sylviculture  (Les  Barres). 

Ecole  d'horticulture  (Versailles). 

Ecoles  des  bergers. 

Ecoles  pratiques  d'agriculture. 


IL  ARCHITECTURE.  —  Les  bâtiments,  et  souvent  on 
peut  dire  les  édifices  scolaires,  tiennent  depuis  un  siècle  une 
grande  place  dans  les  préoccupations  des  législateurs  de 
tous  les  pays  et,  par  conséquent,  dans  les  programmes  que 
les  architectes  ont  à  réaliser  de  nos  jours.  Il  y  a  un  siècle 
en  effet,  et  à  ne  considérer  que  la  France  où,  sous  l'ancien 
régime,  l'enseignement  secondaire  et  la  majeure  partie  de 
l'enseignement  supérieur  alors  existant  étaient  distribués 
dans  les  collèges  (édifices  dont  il  sera  parlé  au  mot  Lycée), 
l'enseignement  primaire  n'avait  guère  donné  lieu  à  des 
constructions  spéciales  et  obéissant  à  des  règles,  tant  dans 
leurs  programmes  qu'au  point  de  vue  de  leurs  dispositions 
générales,  tant  pour  les  lois  de  l'hygiène  appliquées  à  leurs 
aménagements  que  pour  leur  style  d'architecture.  En  outre, 
la  Révolution,  qui  décréta  l'organisation  de  la  plupart  de 
nos  grandes  écoles  spéciales  et  par  suite  de  nos  établis- 
sements d'enseignement  supérieur,  abrita  ces  fondations 
nouvelles  dans  des  couvents  devenus  sans  emploi  ou  dans 
des  collèges  supprimés,  laissant  à  l'avenir  le  soin  d'agrandir 
ou  de  réédifier  ces  constructions  et  de  les  mettre  en  rapport 
avec  les  programmes  nouveaux,  et,  quant  à  l'enseignement 


Plan  du  groupe  scolaire  d'Aubervilliers  (Seine). 


primaire,  dont  l'expansion  ne  date  que  du  gouvernement  de 
Juillet  et  qui  reçut  son  développement  considérable  sous  la 
troisième  République,  ce  n'est  guère  que  depuis  trente 
années  qu'il  a  donné  lieu  à  des  édifices  d'une  réelle  impor- 
tance et  aussi  intéressants  par  leur  nombre  et  leur  diver- 
sité que  par  leurs  dispositions  spéciales  et  leur  caractère 
architectonique.  Laissant  donc  de  côté  les  étabhssements 
d'enseignement  supérieur  et  ceux  d'enseignement  secondaire 
ainsi  que  les  écoles  primaires  supérieures,  les  écoles  pro- 
fessionnelles et  les  écoles  nationales  d'enseignement  supé- 
rieur, tous  établissements  qui  rentrent  dans  l'enseigne- 
ment primaire  supérieur,  il  ne  sera  question  ici  que  des 
écoles  primaires  communales,  écoles  maternelles,  écoles 
de  garçons  et  écoles  de  jeunes  filles,  lesquelles,  dans 
les  grands  centres  de  population,  sont  souvent  juxtaposées 
et  forment  ce  que  l'on  appelle  un  groupe  scolaire.  Un 
règlement  ministériel  de  1880,  accompagné  de  croquis  dus 
à  des  architectes  du  gouvernement  et  suivi  peu  après  d'une 
exposition  officielle  d'édifices  scolaires,  a  tracé  les  règles  aux- 


quelles doivent  obéir  les  architectes  afin  de  conserver  la  santé 
des  jeunes  élèves  et  d'empêcher  les  résultats  fâcheux  que  peut 
produire  leur  agglomération.  Correspondant  aux  données 
d'âge  (trois  à  six  ans  pour  les  enfants  de  l'école  maternelle 
et  de  six  à  treize  ans  pour  les  enfants  des  écoles  de  garçons  et 
des  écoles  de  jeunes  filles),  les  dimensions  et  le  cube  d'air 
des  classes  et  des  préaux  couverts  et  découverts,  les  amé- 
nagements des  lavabos  et  des  latrines  ainsi  que  des  cuisines 
ou  cantines,  les  dispositions  des  baies  de  circulation,  d'aé- 
ration et  d'éclairage,  le  mode  de  chauffage,  les  détails  du 
mobilier  scolaire  et  enfin  l'importance  à  donnei'  aux  loge- 
ments des  maîtres,  tout  a  été  prévu  dans  ce  règlement  qui 
a  été  le  point  de  départ  de  progrès  considérables  et  dont 
l'exposition,  qui  suivit  sa  mise  en  vigueur,  montra,  parla 
sélection  des  projets  récompensés,  la  possibilité  et  aussi  la 
diversité  de  ses  applications  pratiques.  Il  faut  donc  renvoyer 
à  ce  règlement,  d'après  les  prescriptions  duquel  ont  été 
construites  depuis  dix  ans  en  France  toutes  les  écoles  com- 
munales, pour  l'étude  des  questions  multiples  relevant  de 


-  3(57  - 


ÉCOLE 


l'hygiène  et  de  la  pédagogie  ;  mais  pour  faire  saisir,  dans 
leurs  grandes  lignes,  ce  que  peuvent  être  les  dispositions  des 
écoles  maternelles  et  primaires  de  garçons  et  de  jeunes  filles, 
nous  reproduisons  ci-contre,  d'après  M.  Riimler  (P.  Planât, 
Encyclopédie  de  V  Architecture  ;  Paris,  1890,  vol.  IV, 
p.  316,  in-8),  le  plan  du  rez-de-chaussée  et  le  plan  de  l'étage 
d'un  important  groupe  scolaire  édifié  récemment  pour  la 
com.  d'AuberviUiers  (Seine)  et  dans  les  études  duquel  l'ar- 
chitecte, M.  Valiez,  a  pu  s'aider  de  données  fournies  par 
plusieurs  projets  primés  à  la  suite  d'un  concours  spécial. 

Ce  groupe  comprend  :  1°  une  école  maternelle  pour  quatre 
cents  enfants  ;  2°  une  école  de  jeunes  filles  pour  quatre 
cents  enfants  ;  o""  une  école  de  garçons  pour  quatre  cents 
enfants  ;  ces  trois  écoles  avec  logements  des  directrices  et 
du  directeur  ;  4^  un  gymnase  couvert  ;  5°  une  bibliothèque 
municipale.  —  1^  Ecole  maternelle.  Cette  école,  située 
à  la  gauche  du  plan,  a  son  entrée  en  R  ;  un  abri  cou- 
vert, longeant  la  cour  de  récréation,  conduit  aux  latrines, 
au  cabinet  de  la  directrice  S,  au  préau  couvert  T,  au 
lavabo  U,  à  la  salle  d'exercices  V  et  à  deux  classes  enfan- 
tines K  et  K.  Une  entrée  spéciale  J  est  réservée  pour 
donner  accès  à  l'escalier  conduisant,  au  premier  étage,  au 
logement  delà  directrice  W,  et  sert  en  même  temps  d'entrée 
pour  le  préau  couvert  M  de  l'école  de  jeunes  filles.  — 
2°  Ecole  déjeunes  filles.  L'entrée  de  cette  école,  qui  occupe 
le  milieu  de  l'ensemble  du  terrain,  est  à  gauche  de  la  loge  du 
concierge  A,  laquelle  est  commune,  avec  deux  pièces  à  usage 
de  cantine,  à  l'école  de  jeunes  filles  et  à  l'école  de  garçons  ; 
les  services  de  l'école  de  jeunes  filles  sont  ainsi  disposés  : 
L,  bibliothèque  scolaire  ;  K,  cabinet  de  la  directrice  ;  M, 
préau  couvert  avec  sortie  en  J  et  escalier  conduisant  aux 
classes  du  premier  étage,  N,  N,  et  à  la  salle  de  dessin  et 
de  coupe  0  ;  puis  au  rez-de-chaussée  Q,  préau  découvert 
avec  abri  conduisant  aux  latrines,  et  en  N,  N,  N,  N,  N,  N, 
six  classes.  Derrière  la  loge  du  concierge  et  à  gauche,  un 
escalier  spécial  conduisant  au  logement  de  la  directrice,  au 
premier  étage,  en  P.  —  3^  Ecole  de  garçons.  Cette  école, 
dans  la  partie  droite  du  terrain,  se  présente  ainsi  :  à 
droite  de  la  loge  du  concierge.  A,  est  l'entrée  ;  D,  biblio- 
thèque scolaire  ;  C,  cabinet  du  directeur  ;  M,  préau  couvert 
et  escalier  conduisant  aux  classes  du  premier  étageF,  F,  et 
à  la  salle  de  dessin  0;  au  rez-de-chaussée,  I,  préau  décou- 
vert avec  abri  et  latrines;  en  F,  F,  F,  F,  F,  F,  six  classes. 
En  H,  au  premier  étage,  logement  du  directeur.  —  4''  Gym- 
nase couvert^  avec  entrée  spéciale  sur  la  rue,  pouvant 
servir  à  chacune  des  écoles  auxquelles  le  relient  des  abris 
en  même  temps  qu'à  d'autres  écoles  ou  à  des  sociétés  de  la 
commune  et  pouvant  même  être  aménagé  comme  salle  des 
fêtes.  —  5^  Bibliothèque  municipale^  avec  son  entrée 
distincte,  dans  le  pan  coupé  à  l'angle  des  deux  rues,  com- 
prenant une  entrée  et  deux  salles,  É,E,  une  pour  le  biblio- 
thécaire et  servant  de  dépôt  de  livres,  et  l'autre,  la  plus 
grande,  est  la  salle  de  lecture  publique. 

Au  point  de  vue  de  l'art,  les  difi'érences  de  dimensions 
des  baies,  baies  de  préaux,  de  classes,  de  cabinets  ou  de  loge- 
ments de  directeurs  et  de  concierges  ;  la  répartition  des  pleins 
et  des  vides  sur  les  façades;  l'accentuation,  par  des  chaînes 
saillantes,  des  murs  de  refend  séparant  les  différents  corps 
de  bâtiments,  et  surtout  la  polychromie  naturelle  qui  résulte 
de  l'emploi  de  matériaux  divers,  meuUère,  pierre,  moellon, 
brique,  terre  cuite,  bois  et  métaux,  peuvent,  avec  quelques 
saiUies  produisant  des  jeux  d'ombre  et  de  lumière  et  de 
rares  profils  étudiés  avec  goût,  donner  aux  écoles  primaires, 
sinon  un  style  particulier,  mais  au  moins  une  certaine  ori- 
ginalité et  un  charme  de  bon  aloi  qui  témoignent  du  talent 
des  architectes  qui  les  conçoivent  et  qui  marquent  à  ces 
édifices  une  place  à  part  dans  les  œuvres  de  l'architecture 
française  contemporaine.  —  Dans  les  centres  peu  importants 
comme  population,  dans  les  hameaux,  par  exemple,  l'école 
primaire  qui  peut  contenir  de  vingt  à  quarante  enfants  de 
sexe  différent  consiste  le  plus  souvent  en  une  seule  salle 
de  classe  et  deux  cabinets  d'aisance  ;  mais,  en  revanche, 
dans  les  communes  d'une  certaine  importance,  il  n'est 


pas  rare  de  voir  la  mairie  occuper  un  premier  étage 
au-dessus  d'une  partie  de  l'école  et  fournir  à  l'architecte, 
par  ce  développement  de  programme,  une  occasion  de  varier 
les  dispositions  et  la  silhouette  de  ses  bâtiments  et  de  leur 
donner  un  caractère  spécial.  Charles  Lucas. 

III.  HYGIÈNE.  —  La  loi  sur  l'enseignement  obligatoire 
a  rendu  plus  nécessaire  que  jamais  l'application  de  nfesures 
hygiéniques  sévères  et  précises  dans  les  écoles.  Nous  insis- 
terons ici  spécialement  sur  les  écoles  primaires  ;  mais  tout 
ce  qui  est  applicable  à  ces  étabhssements  s'adresse  égale- 
ment à  ceux  de  l'enseignement  secondaire.  Pour  ces  der- 
niers s'ajoutent  la  question  des  dortoirs  et  celle  de  Talimen- 
tation,  puisque  le  régime  de  l'internat  n'a  pu  encore  être 
supprimé.  L'importance  de  l'hygiène  dans  les  écoles  ne 
saurait  être  contestée.  L'école  reçoit  l'enfant  au  moment  où 
il  est  en  pleine  croissance,  en  voie  d'évolution  perpétuelle; 
il  est  donc  essentiel  de  s'occuper  de  son  développement 
physique  autant  que  de  son  développement  intellectuel. 

Bâtiments  scolaires.  Il  est  absolument  inutile  de  faire 
des  bâtiments  scolaires  des  monuments  somptueux,  qui 
grèvent  le  budget  des  communes  et  s'opposent  par  les 
dépenses  mêmes  qu'ils  entraînent  à  leur  multiplicité  et  aux 
progrès  qu'ils  seraient  susceptibles  de  recevoir.  La  salle 
de  classe  doit  remplir  trois  conditions  essentielles  :  bien 
aérée,  bien  éclairée,  facile  à  assainir.  La  plupart  des  classes 
sont  au  rez-de-chaussée;  cette  situation  n'a  aucun  incon- 
vénient, si  le  plancher  est  élevé  à  une  certaine  hauteur  du 
sol,  [  m.  au  moins.  Le  plancher  étant  constitué  par  du 
bois  blanc  traité  par  l'huile  de  lin  bouillante,  est  facile 
par  conséquent  à  nettoyer;  le  carrelage  est  d'un  lavage 
facile,  mais  il  a  l'inconvénient  d'être  froid.  Pas  de  papier, 
de  tenture,  ni  de  rideaux;  un  simple  badigeonnage  à 
la  chaux,  dont  le  renouvellement  est  peu  dispendieux, 
constitue  la  meilleure  peinture  des  murs.  Quant  à  l'espace 
réservé  aux  enfants,  le  règlement  français  exige  1  m.  de 
surface  avec  4  m,  de  hauteur.  Ce  chiffre  n'a  rien  d'exagéré; 
loin  de  là,  si  l'on  tient  compte  des  espaces  pris  par  les 
couloirs,  les  places  vides  devant  les  tableaux,  etc.,  et  à  sa 
place  l'enfant  n'occupe  que  1/2  m.  q.  Un  chiffre  de  qua- 
rante élèves  est  un  maximum  qu'il  est  bon  de  ne  pas  dépas- 
ser, surtout  au  point  de  vue  de  la  surveillance.  Il  faut 
donc  compter  40  m.  q.  de  surface  environ. 

Le  règlement  accordant  3  à  4  m.  c.  par  tête,  on  voit 
qu'une  ventilation  bien  comprise  est  nécessaire  pour  balayer 
les  produits  de  la  respiration.  Le  meilleur  système  de  ven- 
tilation est  encore  l'ouverture  fréquente  des  fenêtres.  Si  les 
classes  sont  de  courte  durée,  et  nous  verrons  que  c'est  là 
un  des  desiderata  des  hygiénistes,  il  suffit  d'ouvrir  large- 
ment les  fenêtres  pour  assurer  un  balayage  suffisant.  L'éta- 
blissement de  quelques  vantaux  mobiles  ou  mieux  de  car- 
reaux de  verre  percés  de  trous  permettrait  d'assurer  une 
ventilation  permanente,  insuffisante  à  elle  seule,  mais  s'op- 
posant  déjà  à  une  élévation  trop  grande  de  l'acide  car- 
bonique pendant  la  durée  des  classes. 

La  classe  doit  être  bien  éclairée  ;  dans  les  écoles  pri- 
maires, on  n'a  à  s'occuper  que  de  l'éclairage  par  la  lumière 
naturelle.  E.  Trélat  préconise  l'éclairage  unilatéral,  alors 
que  Gariel  et  Javal  défendent  l'éclairage  bilatéral.  Ce  qu'il 
importe  avant  tout,  c'est  d'avoir  de  la  lumière  en  quantité 
suffisante.  Quant  à  l'orientation  même  de  l'école  sur  laquelle 
on  a  beaucoup  discuté,  elle  a  au  fond  une  médiocre  impor- 
tance, et  très  souvent  elle  s'impose  par  la  configuration  du 
terrain.  Dans  les  classes  plus  élevées,  où  ie  travail  se  pour- 
suit avec  la  lumière  artificielle,  on  a  généralement  recours 
au  gaz  ;  l'éclairage  par  ce  dernier,  très  incriminé,  ne  pré- 
senterait aucun  inconvénient,  d'après  Javal,  lorsqu'on  fait 
usage  de  becs  munis  de  cheminées  de  verre  et  de  régu- 
lateurs maintenant  la  flamme  à  une  température  constante. 
Javal  voudrait  que  l'on  puisse  donner  à  chaque  élève  une 
lampe  basse  avec  un  abat-jour,  ou  bien,  si  cela  est  im- 
possible, que  les  foyers  soient  au  moins  à  1™80  au-dessus 
du  sol,  avec  un  bec  pour  six  élèves. 

Matériel.  La  myopie  dont  la  fréquence  augmente  avec 


ÉC01.E 


—  368  — 


une  intensité  inquiétante  (A.  Key)  a  ete  attribuée  en  grande 
partie  aux  mauvaises  dispositions  du  mobilier.  On  a  beau- 
coup écrit  sur  cette  question,  et  il  nous  est  impossible  de 
nous  étendre.  Le  rapport  entre  la  hauteur  de  la  table  et 
celle  du  banc  doit  être  tel  que  l'enfant  puisse  écrire  sans 
fatisue  et  sans  attitude  vicieuse  ;  il  doit  donc  varier  avec 
l'âge.  Lerèdement  français  (1880)  comporte  cinq  types. 
Un  dossier  est  indispensable.  La  composition  typographique 
des  livres  est  également  importante.  En  France,  on  admet 
qu'il  faut  rejeter  tout  livre  qui,  tenu  verticalement  et 
éclairé  par  une  bougie  placée  à  la  distance  de  1  m.,  ne  peut 
pas  être  lu  avec  une  vue  normale  à  80  centim.  Le  carac- 
tère huit  des  typographes,  six  à  sept  lettres  au  centimètre, 
correspond  à  cette  exigence.  Quant  à  l'écriture  la  com- 
mission française  de  1882  s'est  rangée  à  la  formule  de 
Georse  Sand  :  écriture  droite  sur  papier  droit,  corps  droit. 
La  durée  des  classes  doit  être  courte  et  varier  avec  1  âge 
des  enfants.  Chez  les  tout  jeunes,  une  leçon  de  quinze  minutes 
doit  être  un  maximum,  et  même  chez  les  plus  âges  1  atten- 
tion est  difficilement  soutenue  une  heure.  Il  est  indispen- 
sable de  couper  les  heures  de  travail  de  récréations  ou 
d'exercices  physiques  pris  en  dehors  de  la  salle  de  classe. 
Au-dessous  de  sept  ans,  un  maximum  de  travail  intellec- 
tuel de  deux  heures  et  demie,  de  trois  heures  à  trois  heures 
et  demie  de  sept  à  dix,  et  de  quatre  heures  de  dix  à  douze. 
Après  quinze  ans,  on  peut  appliquer  le  système  des  trois 
huit  (8  heures  de  sommeil,  8  heures  de  travail,  8  heures 
de  liberté).  La  propreté  collective  et  individuelle  doit  être 
l'objet  d'une  sollicitude  constante  des  maîtres  et  des  maî- 
tresses. On  ne  saurait  trop  insister  sur  ces  soins,  notam- 
ment de  la  chevelure  et  delà  bouche,  cette  dernière  presque 
complètement  néghgée.  Généraliser  un  système  de  bains  ou 
de  douches  serait  excellent  et  donnerait  aux  entants  des 
habitudes  de  propreté,  qu'ils  conserveraient  ensuite  à  leur 
sortie  de  l'école.  .  .    ,      , 

Il  est  impossible  de  s'étendre  ici  plus  longuement  sur 
les  dispositions  qui  doivent  être  prises  en  vue  dubon  déve- 
loppement physique  de  l'enfant.  Pour  que  les  mesures  hygié- 
niques soient  appliquées,  il  est  absolument  nécessaire  que 
l'autorité  médicale  puisse  s'exercer  librement  dans  la  per- 
sonne du  médecin  inspecteur  des  écoles.  Malheureusement 
cette  inspection,  quand  elle  existe,  ce  qui  dépend  des  muni- 
cipalités, est  presque  toujours  illusoire,  le  medecm  se  bor- 
nant trop  souvent  k  faire  acte  de  présence  à  l  école.  La 
i)ropa^ation  des  maladies  contagieuses  si  nombreuses  dans 
l'enfance  est  facilitée  singulièrement  par  la  reunion  dun 
grand  nombre  de  sujets.  Tout  enfant  suspect  doit  être 
immédiatement  renvoyé  dans  sa  famille,  et  il  devrait  être 
sionalé  au  médecin  inspecteur.  Enfin,  tout  enfant  ayant 
cmitracté  une  affection  contagieuse  doit  être  exclu  de 
l'école  pendant  un  temps  variable  suivant  la  maladie,  et 
nui  est  fixé  ainsi  par  l'Académie  de  médecme  :  scarlatine, 
quarante  jours  à  partir  du  premier  jour  de  l'mvasion  ;  rou- 
geole, vingt  jours;  diphtérie,  quarante  jours;  oreiUon, 
vingt-deux  jours;  varicelles,  vingt-cinq  jours.  Il  est  mutile 
de  faire  remarquer  combien  il  est  absurde  de  compter  a  par- 
tir du  jour  de  l'invasion.  Les  Anglais,  plus  logiques,  s  ap- 
puient surtout  sur  la  fin  de  l'éruption.  La  revaccmation 
obligatoire  vers  l'âge  de  dix  ans  est  un  excellent  moyen  de 
généraliser  cet  instrument  de  haute  prophylaxie  en  atten- 
dant l'obligation  absolue  et  générale.  Nous  ne  parlons  pas 
ici  de  l'alimentation,  des  dortoirs,  ayant  eu  surtout  en  vue 
1p^  ôooles  primaires  (V.  Dortoir).  D*-  J.-P.  Langlois. 
irNoScLlTURE  MÉTHODIQUE  ET  HISTORIQUE. 
—  Ecole  palatine  carolingienne.  —  Avant  Charle- 
magne,  il  existait  déjà ,  semble-t-il,  une  école  palatine  à  la  cour 
des  rois  francs.  Cette  institution  prit  sous  son  règne  une 
importance  qui  s'explique  par  les  préoccupations  politiques 
de  ce  prince.  Les  lettres  avaient  leur  place  dans  ses  projets 
de  réorganisation  de  l'Etat  et  de  l'Eglise  ;  l'instruction  lui 
paraissait  une  condition  essentielle  de  la  reforme  de  l  Eg Use, 
inséparable  de  la  prospérité  de  l'empire  chrétien  ;  il  s  effor- 
çait de  la  répandre  par  les  créations  d  écoles  que,  dans  un 


capitulaire  de  789,  il  recommandait  aux  évêques  d'établir 
non  seulement  à  l'usage  des  futurs  clercs,  mais  des  nobles 
et  des  hommes  libres.  De  bonne  heure,  il  s'était  occupé  de 
réunir  autour  de  lui  les  hommes  les  plus  savants  de  son 
temps  :  l'Anglo-Saxon  Alcuin;  les  Italiens  Pierre  de 
Pise,  Paul  Diacre  ;  le  Goth  Théodulf  ;  des  Francs,  tels 
que  Angilbert,  Eginhard,  etc.  Ainsi  se  forma  une  véritable 
académie,  le  mot  n'est  pas  impropre,  puisque  Alcuin,  dans 
une  lettre  à  Charlemagne,  lui  parle  de  ses  «  académiciens  ». 
Les  femmes  de  la  famille  carolingienne  en  faisaient  partie  ; 
on  y  lisait  des  vers,  on  y  devinait  de  savantes  énigmes,  on 
y  discutait  des  questions  de  théologie,  de  morale,  de  gram- 
maire, de  rhétorique.  Alcuin  en  était  comme  le  directeur, 
et  c'est  dans  ses  écrits  qu'on  trouve  le  plus  de  renseigne- 
ments à  ce  sujet.  Ceux  qui  en  faisaient  partie  prenaient 
des  noms  d'emprunts  :  Charlemagne  qui,  vers  la  fin  de  sa 
vie,  s'efforçait  d'apprendre  à  écrire,  s'appelait  David  ; 
Alcuin,  Flaccus  ;  Angilbert,  qui  maniait  l'hexamètre  épique, 
Homère;  Eginhard,  qui  était  artiste,  Béséleel  ;  le  sénéchal 
Audulf  et  le  camérier  Méginfrid  avaient  les  surnoms  buco- 
liques de  Ménalcas  et  de  Thyrsis,  Riculf  celui  de  Damoetas. 
L'abbesse  Gisèle,  sœur  de  Charlemagne,  s'y  appelait  Lucia, 
sa  fille  Rothrude  Colomba.  En  dépit  du  caractère  puéril 
et  pédantesque  de  ces  déguisements  et  de  certains  des 
exercices  auxquels  se  livraient  ces  «  académiciens  »,  il  est 
juste  de  reconnaître  la  généreuse  pensée  à  laquelle  obéis- 
sait Charlemagne.  La  renaissance  carolingienne  a  vécu 
surtout  d'emprunts  et  d'imitations;  elle  a  eu  cependant  une 
influence  réelle  sur  le  maintien  de  la  culture  littéraire 
antique,  et  les  effets  s'en  sont  fait  longtemps  sentir  :  la 
littérature  latine  en  France  au  ix«  et  au  xi«  siècle,  qu'il 
s'agisse  de  l'art  de  la  composition  ou  du  style,  est  infini- 
ment supérieure  à  la  littérature  latine  mérovingienne. 

Ecoles  buissonnières.  —  On  a  donné  le  nom  d'écoles 
buissonnières  ou  furtives  aux  écoles  ouvertes  dans  des 
lieux  retirés  de  Paris  ou  des  environs  afin  de  se  soustraire 
à  la  redevance  qu'exigeaient  des  maîtres  d'école  le  chantre 
de  Notre-Dame.  Ce  nom  fut  appliqué  au  xvi^  siècle  aux 
écoles  des  huguenots  qui  se  soustrayaient  à  la  surveillance 
de  l'évêque;  elles  existaient  en  grand  nombre  dans  les 
montagnes,  bien  qu'un  arrêt  du  Parlement  (1552)  les  eût 
prohibées.  Sous  la  Révolution,  les  prêtres  et  les  rehgieux 
insermentés  ouvrirent  à  leur  tour  des  écoles  buissonnières. 
Ecoles  secondaires.  —  Dans  le  plan  général  smvi 
par  les  assemblées  révolutionnaires  en  matière  d'instruc- 
tion publique  (V.  Enseignement),  les  écoles  secondaires 
auraient  été  intermédiaires  entre  les  écoles  primaires  ou 
communales  et  les  écoles  centrales  (Y.  ci-dessous),  ré- 
pondant aux  écoles  de  département.  Elles  figurent  dans  le 
plan  de  Talleyrand  comme  écoles  de  district.  Ecartées  par 
Condorcet  et  Lakanal,  elles  ne  furent  pas  créées  par  la  loi 
du  3  brumaire  an  IV.  C'est  seulement  sous  le  Consulat 
qu'on  les  institua  par  la  loi  du  11  floréal  an  X  pour  servir 
de  transition  entre  les  écoles  primaires  et  les  lycées  qui 
remplaçaient  les  écoles  centrales.  La  définition  était  : 
«  Toute  école  établie  par  les  communes  ou  tenue  par  les 
particuliers  dans  laquelle  on  enseignera  les  langues  latme 
et  française,  les  premiers  principes  de  la  géographie,  de 
l'histoire  et  des  mathématiques,  sera  considérée  comme 
école  secondaire.  »  En  l'an  XI,  on  accorda  ce  titre  à  cent 
soixante-quatre  écoles;  en  l'an  XII  à  cent  seize  autres. 
Quand  fut  organisée  l'Université,  on  appela  ces  écoles  secon- 
daires collèges  communaux,  nom  qui  leur  est  resté  (V.  Col- 
lège).— En  Suisse,  l't/co/^  secondaire  {Secundarschule) 
correspond  à  notre  école  primaire  supérieure  et  à  l'école 
moyenne  de  Relgique. 

Ecoles  centrales.  —  Le  nom  d'écoles  centrales  est 
celui  que  les  pédagogues  de  la  Révolution  avaient  imaginé 
pour  désigner  les  établissements  d'enseignement  secondaire, 
destinés  i  remplacer  les  collèges  de  l'ancien  régime.  Ins-- 
tituées  par  le  décret  du  25  févr.  1795  (7  ventôse  an  III) 
sur  le  rapport  de  Lakanal,  les  écoles  centrales  furent  réorga- 
nisées le  25  oct.  de  la  même  année  (3  brumaire  an  IV)  sur  le 


--  369  — 


ÉCOLE 


rapport  deDaunou.  Elles  disparurent  dès  4802,  supprimées 
par  la  loi  du  1^"^  mai.  Le  plan  d'études  de  ces  écoles  em- 
brassait à  peu  près  tout  le  savoir  humain  et  affectait  un 
caractère  encyclopédique.  A  côté  des  mathématiques  et  du 
latin,  on  devait  y  enseigner  les  sciences  physiques,  les 
sciences  morales  et  aussi  les  arts  pratiques,  l'agriculture, 
l'hygiène,  les  arts  et  métiers.  L'école  centrale  n'était  plus 
seulement  un  foyer  de  culture  intellectuelle  répondant  à 
l'idée  que  nous  nous  faisons  aujourd'hui  de  l'enseignement 
secondaire  ;  c'était  aussi  une  école  technique  et  en  un  sens 
un  établissement  d'enseignement  supérieur.  Tout  y  était 
confondu,  et  Daunou  ne  parvint  pas  à  ordonner  ce  chaos 
en  divisant  en  trois  sections  les  matières  d'enseignement 
et  les  élèves.  La  première  section  (enfants  de  plus  de  douze 
ans)  comprenait  le  dessin,  l'histoire  naturelle,  les  langues 
anciennes  et  aussi  les  langues  vivantes,  mais  celles-ci 
facultativement.  La  deuxième  section  (enfants  de  plus  de 
quatorze  ans)  était  exclusivement  consacrée  aux  études  de 
mathématiques,  de  physique  et  de  chimie.  Enfin  dans  la 
troisième  section  (au-dessus  de  seize  ans)  on  enseignait 
la  grammaire  générale,  les  belles-lettres,  l'histoire,  la  légis- 
lation. Les  langues  classiques,  on  le  voit,  n'étaient  plus  au 
premier  plan,  comme  dans  l'ancienne  éducation.  On  leur 
associait,  on  leur  préférait  même  les  sciences  théoriques  ou 
pratiques,  les  connaissances  dont  les  élèves  peuvent  tirer 
un  profit  immédiat  pour  l'apprentissage  de  la  vie.  L'idée 
positive  et  utilitaire  du  succès  dans  la  vie  s'était  substituée 
à  l'idée  spéculative  et  désintéressée  du  développement  de 
l'esprit  pour  lui-même.  De  ces  deux  idées,  que  dans  une 
éducation  bien  faite  il  faut  savoir  associer  pour  atteindre 
le  vrai  but  des  études,  la  première,  dans  le  système  des 
écoles  centrales,  semblait  exclure  l'autre.  Par  là  les  con- 
ceptions de  Lakanal  et  de  Daunou  étaient  foncièrement 
vicieuses.  D'autre  part,  à  mesure  que  les  idées  religieuses 
reprirent  crédit,  l'opinion  publique  dans  sa  réaction  contre 
le  mouvement  révolutionnaire  n'était  plus  favorable  à  des 
écoles  absolument  laïques,  où  les  professeurs  devenus  des 
officiers  du  culte  «  devaient  remplir  quelques-unes  des 
fonctions  bienfaisantes  auxquelles  les  prêtres  étaient  autre- 
fois appelés  ».  Les  fondateurs  des  écoles  centrales  furent 
donc  vite  déçus  dans  leurs  espérances.  «  Ainsi,  disaient- 
ils,   devait  finir  le  siècle  qui  avait  perfectionné  l'esprit 
humain  et  préparé  le  plus  grand  bonheur  des  peuples.  » 
Les  ambitions  étaient  grandes.  «  Il  semblait  que  ces  écoles, 
écrivait  récemment  M.  Gaston  Boissier,  dans  lesquelles  on 
se  plaisait  à  placer  les  bustes  deBrutus,  de  Guillaume  Tell 
et  de  Rousseau,  allaient  accomplir  toutes  les  promesses, 
opérer  toutes  les  réformes  que  les  grands  esprits  annonçaient 
depuis  cinquante  ans.  Aussi  furent-elles  accueilHes  avec 
enthousiasme  par  les  partisans  des  idées  nouvelles;  en  cer- 
tains pays  on  les  ouvrit  au  son  des  cloches  et  au  bruit  du 
canon.  Mais,  hélas  !  elles  ne  durèrent  que  quelques  années.  » 
Les  écoles  centrales,  en  effet,  n'eurent  que  six  ans  d'exis- 
tence. Et  en  général,  à  part  quelques  exceptions,    par 
exemple  l'école  centrale  du  Panthéon  (lycée  Napoléon  ou 
Henri  IV),  celle  des  Quatre-Nations  (lycée  Charlemagne), 
elles  ne  prospérèrent  point.  Une  des  causes  de  leur  insuccès, 
ce  fut  assurément  que  le  législateur  y  avait  supprimé  le 
régime  de  l'internat.  Ces  écoles  n'ont  donc  été  qu'un  accident, 
un  essai  malheureux,  dans  l'histoire  de  notre  enseignement 
secondaire.  Il  convient  cependant  d'y  voir  comme  le  prélude 
des  remaniements  et  des  réformes  que  depuis  quelques 
années  l'esprit  de  progrès  introduit  dans  nos  lycées  et  dans 
nos  collèges.  L'enseignement  spécial  et  l'enseignement  secon- 
daire moderne  qui  lui  a  succédé  relèvent  au  fond  de  la  même 
inspiration  que  les  écoles  centrales.       Gabriel  Compayré. 
Ecoles  de  services  publics.--  La  Convention  décida 
par  la  loi  de  30  vendémiaire  an  IV  l'organisation,  aux  frais 
de  l'Etat,  d'écoles  «  relatives  aux  différentes  professions 
uniquement  consacrées    au  service  public  ».  C'étaient  : 
l'Ecole  polytechnique,  l'Ecole  d'artillerie,  l'Ecole  des  ingé- 
nieurs militaires,  l'Ecole  des  ponts  et  chaussées,  l'Ecole  des 
mines,  TEcole  des  géographes,  l'Ecole  des  ingénieurs  de 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.   —  XV. 


vaisseaux,  les  écoles  de  navigation,  les  écoles  de  marine. 
Ecoles  spéciales.  —  L'organisation  de  l'enseignement 
supérieur,  esquissée  par  la  Convention  dans  le  décret  du 
3  brumaire  an  IV,  prévoyait  la  création  d'une  série  d'écoles 
spéciales,  destinées  à  l'instruction  générale  et  distinctes 
de  celles  des  services  publics.  On  prévoyait  des  écoles 
spécialement  destinées  à  l'étude  :  de  l'astronomie,  de  la 
géométrie  et  de  la  mécanique,  de  l'histoire  naturelle,  de 
la  médecine,  de  l'art  vétérinaire,  de  l'économie  rurale,  des 
antiquités,  des  sciences  politiques,  de  la  peinture,  sculp- 
ture et  architecture,  de  la  musique;  en  outre,  des  écoles 
spéciales  pour  les  sourds-muets  et  les  aveugLs-nés. 

Ecoles  maternelles.  —  Les  écoles  maternelles  ne 
portent  oflîciellement  ce  nom,  dont  on  avait  déjà  eu  l'idée 
en  4848,  gue  depuis  l'arrêté  du  2  août  4881.  On  a  voulu 
marquer  ainsi  le  caractère  familial  qui  convient  à  une 
école  du  premier  âge,  où  les  tout  petits  enfants  doivent  re- 
trouver quelque  chose  des  soins  et  de  l'affection  de  leurs 
mères.  L'école  maternelle  n'est  plus  l'ancienne  salle  d'asile 
dont  l'appellation  semblait  indiquer  je  ne  sais  quelle  idée 
d'enfants  abandonnés  par  leurs  parents  et  recueillis  dans 
une  garderie  quelconque.  Elle  prétend  continuer  l'œuvre 
de  la  famille  et  se  substituer  à  la  mère  qui  ne  peut  elle- 
même  élever  ses  enfants.  Elle  est,  comme  la  définit  le 
décret  du  48  janv.  4887,  «  un  établissement  de  première 
éducation  où  les  enfants  des  deux  sexes  reçoivent  en  com- 
mun les  soins  que  réclame  leur  développement  physique, 
moral  et  intellectuel  ».  Les  enfants  peuvent  y  être  admis  dès 
l'âge  de  deux  ans  révolus  et  y  rester  jusqu'à  l'âge  de  six 
ans.  C'est  la  principale  des  institutions  destinées'  à  l'édu- 
cation des  petits  enfants.  Pour  bien  marquer  son  caractère, 
nous  empruntons  au  Dictionnaire  de  pédagogie  {^.  850)  la 
description  très  claire  des  degrés  successifs  de  la  première 
éducation  donnée  aux  très  jeunes  enfants  :  4°  d'abord  la 
crèche  (V.  ce  mot)  qui  peut  garder  les  enfants  jusqu'à  deux 
ou  trois  ans;  2«  ensuite  l'école  maternelle, terme  récem- 
ment substitué  au  mot  salle  d'asile  et  qui  correspond  à  plu- 
sieurs égards  à  ce  qu'on  appelle  ailleurs  jardin  d'enfants 
(V.  cet  article)  ;  3«  V école  ou  la  classe  enfantine  (Y.  ci- 
après)  qui  peut  les  garder  de  quatre  ou  cinq  ans  à  sept 
ou  huit;  4°  l'école  primaire  dans  sa  classe  élémentaire  qui 
commence  au  plus  tôt  à  sept  ans. 

L'institution  des  écoles  maternelles  est  d'origine  fran- 
çaise. C'est  en  4770  que  la  première  fut  créée  par  le 
pasteur  Oberlin  (V.  ce  nom)  au  Ban-de-la-Roche  sous  le 
nom  d'école  à  tricoter.  Jusqu'alors  on  ne  connaissait  que 
des  refuges,  des  garderies  d'enfants  où  on  les  entassait 
en  se  bornant  à  les  surveiller  et  à  les  protéger  contre  les 
dangers  de  la  rue.  Oberlin  fut  le  premier  qui  eut  l'idée 
d'utiHser  pour  leur  éducation  cette  réunion  d'enfants  en 
bas  âge.  Son  succès  personnel  fut  considérable  et  deux  fois 
la  Convention  lui  décerna  des  éloges  pubhcs.  Néanmoins, 
son  exemple  ne  fut  guère  imité.  C'est  d'Angleterre  que 
nous  vmt  l'impulsion.  Nous  parlerons  plus  bas  des  infant 
schools  organisées  à  Londres  à  partir  de  4849.  M"'^  de 
Pastoret,qui  avait  déjà  fondé  une  salle  d'hospitalité,  sorte 
de  crèche,  en  4 804, fit  un  nouvel  essai.  En  avr.  4826,  elle 
ouvrit  rue  du  Bac,  à  la  maison  des  Ménages,  une  salle  d'asile 
pour  80  enfants.  Cochin,  maire  du  XIP  arrondissement,  se 
mit  en  relations  avec  le  comité  des  dames,  et  l'on  ouvrit  une 
seconde  salle  d'asile  rue  des  Martyrs,  puis  un  asile  modèle 
qui  a  gardé  le  nom  de  Cocliin  (4828).  On  donnait  un  ensei- 
gnement trop  sérieux,  et  il  fallut  de  longs  efforts  pour  faire 
prévaloir  une  meilleure  jnéthode.  Peu  à  peu  l'institution  se 
généralisa.  Dès  483o,  on  recense  en  France  102  salles  d'asile. 
L'intervention  active  des  pouvoirs  publics  qui  arrachèrent 
à  la  Chambre  une  subvention  de  200,000  fr.  (4840)  assura 
l'existence  et  les  progrès  de  cette  éducation  élémentaire. 
Dans  son  état  actuel,  elle  est  réglée  par  la  grande  loi 
organique  de  l'enseignement  primaire  du  30  oct?  4886  et 
le  décret  du  48  janv.  4887  dont  le  premier  chapitre  est 
consacré  aux  écoles  maternelles  et  aux  classes  enfantines. 
Il  porte  que  les  écoles  maternelles  des  établissements  de 

24 


ÉCOLE 


â70  - 


première  éducation  où  les  enfants  des  deux  sexes  reçoivent 
en  commun  les  soins  que  réclame  leur  développement 
physique,  moral  et  intellectuel.  Les  enfants  peuvent  y  être 
admis  dès  l'âge  de  deux  ans  révolus  et  y  rester  jusqu'à 
l'âffe  de  six  ans.  Aucun  enfant  n'est  reçu  dans  une  école 
maWnelle  s'il  n'est  muni  d'un  billet  d'admission  signé  par 
le  maire,  et  s'il  ne  produit  un  certificat  du  médecin  dûment 
légalisé  constatant  qu'il  n'est  atteint  d'aucune  maladie 
contagieuse ,  et  qu'il  a  été  vacciné.  Nulle  ne  peut  être 
nommée  directrice  d'école  maternelle  sans  être  pourvue  du 
certificat  d'aptitude  pédagogique.  Dans  toute  école  mater- 
nelle publique,  les  enfants  sont  divisés  en  deux  sections, 
suivant  leur  âge  et  le  développement  de  leur  intelligence. 
Si  la  moyenne  des  présences  dépasse  le  nombre  de  50  en- 
fants, la  directrice  est  aidée  par  une  adjointe.  La  direc- 
trice et  l'adjointe  s'occupent  alternativement  de  l'une  et 
l'autre  section.  Une  femme  de  service  doit  être  attachée  à 
toute  école  maternelle.  Elle  est  nommée  par  la  directrice 
avec  l'agrément  du  maire  et  révoquée  dans  la  même  forme; 
son  traitement  est  à  la  charge  de  la  commune.  Un  règlement 
des  écoles  maternelles  publiques  de  chaque  département 
est  rédigé  par  le  conseil  départemental,  d'après  les  indica- 
tions générales  d'un  règlement  modèle  arrêté  par  le  ministre 
de  l'instruction  pubhque  en  conseil  supérieur.  Il  est  affiché 
dans  l'école  maternelle.  Il  peut  être  établi  dans  chaque 
commune  où  il  existe  une  école  maternelle  un  ou  plusieurs 
comités  de  dames  patronnesses  présidés  parle  maire. ^ Les 
membres  de  ce  comité  sont  nommés  pour  trois  ans  par  l'ins- 
pecteur d'académie  après  avis  du  maire.  Ce  comité  a  pour 
attribution  exclusive  de  veiller  à  l'observation  des  prescrip- 
tions de  l'hygiène,  à  la  bonne  tenue  de  l'établissement,  à 
l'emploi  des^  fonds  ou  dons  en  nature  recueillis  en  faveur  des 
enfants.  On  a  un  peu  tâtonné  au  début  dans  l'organisation 
des  exercices  et  des  études  qui  peuvent  être  imposés  sans 
inconvénient  à  des  enfants  d'un  âge  aussi  tendre.  Comme 
le  disait  M"^^  Kergomard,  il  ne  saurait  être  question,  «  il 
serait  insensé  et  coupable  de  vouloir  instruire,  dans  le  sens 
précis  du  mot,  des  enfants  de  deux  à  six  ans  ».  C'est  dans 
cet  esprit  qu'ont  été  rédigés  les  programmes  de  4887, 
d'après  lesquels  l'enseignement  des  écoles  maternelles  com- 
prend :  1°  des  jeux,  des  mouvements  gradués  et  accom- 
pagnés de  chant;   2«  des  exercices  manuels;  3«  les 
premiers  principes  d'éducation  morale  ;  4°  les  connais- 
sances les  plus  usuelles;  5°  des  exercices  de  langage, 
des  récits  ou  contes  ;  6°  les  premiers  éléments  du  dessvji, 
de  la  lecture,  de  Vécriture  et  du  calcul  Ce  programme 
peut  paraître  encore  bien  chargé,  et  il  deviendrait  la 
source  d'un  surmenage  dangereux  s'il  était  indiscrètement 
appliqué  par  des  maîtresses  malhabiles  ou  trop  exigeantes. 
Il  ne  s'adresse  d'ailleurs,  les  règlements  administratifs 
Font  sagement  prévu,  qu'aux  enfants  d'une  des  deux  sec- 
tions de  l'école,  ceux  qui  ont  pour  la  plupart  de  cinq  à  six 
ans.  Quatre  inspectrices  générales  sont  chargées  de  visiter 
les  écoles  maternelles  et  d'assurer  l'exécution  des  décrets 
et  arrêtés.  Une  circulaire  excellente  de  1887  a  de  plus 
défini  quelle  devait  être  la  méthode  d'éducation  et  d'ins- 
truction suivie  dans  ces  écoles.  Nous  reproduisons  les  indi- 
cations essentielles  formulées  au  conseii  supérieur.  L'édu- 
cation tient  à  la  fois  de  la  famille  et  de  l'école;  elle  garde 
la  douceur  affectueuse  et  indulgente  de  la  famille,  en  même 
temps  qu'elle  initie  l'enfant  au  travail  et  à  la  régularité  de 
l'école.  Le  but  à  atteindre  n'est  pas  de  procurer  à  l'enfant 
telle  ou  telle  mesure  de  savoir  en  lecture,  écriture,  en 
calcul;  il  s'agit  de  le  soumettre  à  un  ensemble  de  bonnes 
influences,   de  lui  donner  de  bonnes  habitudes  intellec- 
tuelles et  morales,  physiques  et  de  savoir-vivre,  de  lui 
inculquer  le  goût  du  travail.  Une  bonne  santé,  l'ouie,  la 
vue,  le  toucher  déjà  exercés  par  une  suite  graduée  de  ces 
petits  jeux  et  de  ces  petites  expériences  propres  à  faire 
l'éducation  des  sens  ;  des  idées  enfantines,  mais  nettes  et 
claires  sur  les  premiers  éléments  de  ce  que  sera  plus  tard 
l'instruction  primaire  ;  un  commencement  d'habitudes  et  de 
dispositions  sur  lesquelles  l'école  puisse  s'appuyer  pour 


donner  plus  tard  un  enseignement  régulier,  le  goût  de  la 
gymnastique,  du  chant,  du  dessin,  des  images,  des  récits  ; 
î'empressement  à  écouter,  à  voir,  à  observer,  à  imiter,  à 
questionner,  à  répondre  ;  une  certaine  faculté  d'attention 
entretenue  par  la  docilité,  la  confiance  et  la  bonne  humeur  ; 
l'inteUigence  éveillée  enfin  et  l'âme  ouverte  à  toutes  les 
bonnes  impressions  morales  :  tels  doivent  être  les  effets  et 
les  résultats  de  ces  premières  années  passées  à  l'école  ma- 
ternelle, et,  si  l'enfant  qui  en  sort  arrive  à  l'école  primaire 
avec  une  telle  préparation,  il  importe  peu  qu'il  y  joigne 
quelques  pages  de  plus  ou  de  moins  du  syllabaire.  Ainsi 
que  l'observe  très  justement  M.  Pécaut,  «  le  dernier  mot 
de  ces  programmes,  ce  qui  en  fait  le  fort  et  aussi  le  faible, 
c'est  qu'ils  ne  valent  que  par  d'excellentes  maîtresses  » 
(V.  les  art.  Education  et  Enseignement). 

La  ville  de  Paris  en  1889  possédait  l'i3  écoles  mater- 
nelles publiques  avec  un  personnel  de  430  institutrices. 
En  1887,  il  y  avait  pour  la  France  entière  3,597  écoles 
maternelles  pubhques,  laïques  ou  congréganistes,  et 
2,493  écoles  privées,  au  total,  6,090,  avec  543,839  en- 
fants dans  les  écoles  publiques  et  217,853  dans  les  écoles 
privées,  et  un  ensemble  de  9,219  directrices  ou  adjointes. 
Pour  juger  les  progrès  accomplis,  il  suffira  de  rappeler 
qu'il  n'y  avait  en  1837  que  251  salles  d'asile,  et,  en 
1850,1^737. 

Classes  enfantines.  —  Avant  la  loi  du  30  oct.  1886 
il  existait,  dans  certaines  communes,  des  écoles  dites 
écoles  enfantines.  Il  en  existe  encore  un  certain  nombre 
à  Paris.  Mais  la  loi  de  1880  ne  reconnaît  plus  que  des 
classes  enfantines,  ainsi  définies  par  le  décret  du 
18  janv.  1887  :  «  Les  classes  enfantines  forment  le  degré 
intermédiaire  entre  l'école  maternelle  et  l'école  ^primaire. 
Elles  ne  peuvent  exister  que  comme  annexes  d'une  école 
primaire  élémentaire  ou  d'une  école  maternelle.  Les  enfants 
des  deux  sexes  y  sont  admis,  depuis  l'âge  de  quatre  ans  au 
moins  jusqu'à  l'âge  de  sept  ans  au  plus.  Ils  y  reçoivent, 
avec  l'éducation  de  l'école  maternelle,  un  commencement 
d'instruction  élémentaire.  »  Dans  les  communes  où  il 
existe  une  école  maternelle,  la  classe  enfantine  sert  de 
transition  entre  l'école  maternelle  et  l'école  primaire.  Dans 
les  communes  où  il  n'existe  pas  d'école  maternelle,  la 
classe  enfantine  est  destinée  à  la  remplacer.  Dans  les  deux 
cas,  elle  a  pour  avantage  de  dégager  les  abords  du  cours 
élémentaire  de  Técole  primaire,  qui  est  trop  souvent 
encombré  d'enfants  insuffisamment  préparés  à  le  suivre. 
L'idée  de  cette  organisation  remonte  à  une  vingtaine  d'an- 
nées ;  mais  elle  n'a  été  réalisée  que  par  les  soins  de 
M.  Buisson  sous  le  ministère  Jules  Ferry  (oct.  1879).  Les 
institutions  similaires  de  l'étranger  seront  étudiées  ^ci- 
dessous  ;  elles  ne  se  distinguent  pas  aussi  nettement  qu'en 
France  de  ce  que  nous  appelons  école  maternelle. 

Etranger.  —  Voyons  maintenant  ce  qui  existe  à 
l'étranger.  .7.7       , 

En  Allemagne,  les  écoles  enfantines  {Klemkmderschu- 
len,  Warteschulen)  sont  des  établissements  privés  ;  elles 
ont  pris  un  grand  développement,  grâce  aux  efforts  de 
Frœbel  et  de  Fœlsing  (V.  ces  noms).  Elles  sont  placées 
sous  la  surveillance  des  autorités  scolaires,  mais  ne  sont  pas 
regardées  comme  des  étabhssements  scolaires.  En  Bavière, 
on  y  interdit  l'enseignement  de  la  lecture,  de  l'écriture  et  du 
calcul.  Le  système  d'éducation  de  Frœbel,  qui  est  le  plus 
célèbre,  sera  exposé  au  mot  Jardin  d'enfants. 

En  Angleterre,  les  écoles  enfantines  (infant  schools)  ont 
eu  d'abord  le  caractère  de  garderies  d'enfants.  La  pre- 
mière fut  ouverte  à  New-Lanark  par  Owen  et  confiée  à 
un  ouvrier  tisserand,  Joseph  Buchanan  (1816)  ;  ce  dernier 
fut,  en  1819,  chargé  d'en  organiser  une  à  Londres.  En 
1825,  l'évêque  de  Chestcr,  Bloomsfield,  crée  une  société 
des  infant  schools  et  bientôt  on  en  compte  200  en 
Angleterre.  En  1870,  leur  condition  est  réglée  par  la  loi 
(Elementanj  Education  Ad).  Elles  reçoivent  les  enfants 
de  quatre  à  sept  ans  ;  on  leur  accorde  des  subventions 
variant  de  2  à  9  shillings  par  élève,  selon  la  qualité  de 


l'éducation  constatée  par  l'inspecteur  ;  celui-ci   a   droit 
d'approbation  sur  le  choix  de  l'instituteur. 

En  Autriche,  les  jardins  d'enfants,  asiles,  crèches  ou 
garderies  sont  annexées  aux  écoles;  le  système  est  celui 
de  Frœbel,  consacré  par  le  règlement  du  2^  juin  4872. 

En  Belgique,  on  a  adopté  le  nom  à' écoles  gardiennes 
(V.  ci-dessous). 

En  Danemark,  il  existe  une  soixantaine  de  salles  d'asile 
ou  écoles  enfantines. 

En  Espagne,  on  a  réorganisé  les  esmelas  de  pdrvulos 
par  le  décret  du  17  mars  1882  et  créé  un  brevet  spécial 
pour  leur  direction.  Elles  n'existent  guère  que  dans  les 
villes  et  sont  médiocrement  prospères. 

En  Grèce,  la  première  école  enfantine  fut  VArsakeion 
annexée  en  1867  à  l'Ecole  normale  de  filles  d'Athènes  et 
organisée  d'après  la  méthode  de  M^^«  Pape-Garpantier. 
Les  Grecs  en  ont  créé  un  bon  nombre  dans  les  pays  de 
leur  race  soumis  à  la  Turquie  (Macédoine,  Roumélie,  Asie 
Mineure),  plus  que  dans  le  royaume  de  Grèce. 

En  Hollande,  les  écoles  gardiennes  (Bewaarschoolen) 
remontent  assez  haut.  On  les  signale  en  1806  dans  la  pre- 
mière loi  organique  sur  l'enseignement  primaire.  Multi- 
pliées par  la  Société  du  bien  public  (à  partir  de  1823), 
elles  ont  été  réglementées  par  la  loi  de  1878  et  sont  sou- 
rnoises à  la  surveillance  des  autorités  scolaires.  L'Etat 
n'exige  aucun  titre  pour  leur  direction,  et  tout  ce  qui  a  été 
fait,  à  ce  point  de  vue,  est  dû  à  l'initiative  privée. 

En  Italie,  dès  le  xv!!!*^  siccle,  Garaventa  de  Gênes  fondait 
des  garderies  pour  les  enfants  en  bas  âge.  C'est  l'abbé  Aporti 
qui,  en  1827,  a  créé  le  système  des  asili  infantili.  Son 
établissement  de  Crémone  servit  de  modèle.  Condamnées 
par  le  pape  Grégoire  XVI,  ces  écoles  enfantines  furent 
acceptées  par  Pie  IX.  Elles  se  rapprochaient  trop  des 
écoles  proprement  dites  et,  à  partir  de  1860,  on  fit  une 
vive  propagande  pour  les  idées  de  Frœbel,  surtout  au  N. 
de  la  péninsule.  Les  salles  d'asiles  et  jardins  d'enfants 
sont  en  Italie  regardés  comme  établissements  de  bien- 
faisance et  dépendent  du  ministère  de  l'intérieur,  celui 
de  l'instruction  publique  se  bornant  à  une  inspection  péda- 
gogique. 

En  Portugal,  il  existe  quelques  garderies  d'enfants  qui 
ont  le  caractère  d'établissements  de  charité. 
0  En  Russie,  cette  institution  relève  exclusivement  de 
l'initiative  privée  ;  elle  est  peu  développée. 

.  En  Suède,  on  a  créé,  en  1853,  des  petites  écoles  (Snias- 
kolor)  préparatoires  à  l'enseignement  primaire  dont  elles 
donnent  les  premiers  éléments  ;  les  pères  de  famille  et  les 
pasteurs  nomment  les  maîtres. 

En  Suisse,  les  écoles  enfantines  {Kleinkinderschulen) 
n'existent  pas  dans  tous  les  cantons.  Les  méthodes  varient 
selon  les  lieux.  Ces  écoles  répondent  autant  à  nos  écoles 
maternelles  qu'à  nos  écoles  enfantines  proprement  dites. 
Elles  sont  bien  organisées  dans  la  Suisse  française,  et 
même  obhgatoires  dans  le  cant.  de  Genève. 

Aux  Etats-Unis,  il  n'y  a  qu'un  petit  nombre  d'écoles 
maternelles  ou  de  jardins  d'enfants.  Le  rapport  du  bureau 
d'éducation  de  Washington  pour  1881  n'en  signale  que  273 
recevant  14,100  enfants,  c.-à-d.  un  nombre  insignifiant. 
On  trouvera  la  statistique  et  des  détails  complémen- 
taires dans  l'article  Enseignement  primaire. 

Ecoles  gardiennes.  —  En  Belgique,  l'institution  des 
écoles  gardiennes  correspond  à  nos  écoles  maternelles  et 
enfantines.  Les  premières  furent  fondées  à  Bruxelles 
en  1826  par  la  Société  des  salles  d'asile  écoles  gar- 
diennes. En  1860,  le  gouvernement  fit  enseigner  la  mé- 
thode Frœbeldans  les 'écoles  normales  d'inslitLitrices.  La 
loi  du  1^^  juiL  1879  s'occupe  des  écoles  gardiennes  qui 
ont  depuis  réalisé  de  grands  progrès.  Un  diplôme  spécial 
aété  créé,  en  1880,  pour  les  institutrices  appelées  à  les 
diriger.  Ouverte  aux  enfants  de  trois  à  six  ans,  l'école 
gardienne  comprend  dans  son  programme  :  don^s  de  Fr.vbel 
(V.  ce^  mot)  et  occupations  manuelles,  causeries,  petites 
collections,  explications  d'images  choisies,  historiettes  mo- 


-  371  --  ÉCOLE 

raies,  poésies  enfantines,  chant,  jeux,  gymnastique,  jardi- 
tnage.  Elle  exclu  la  lecture  et  l'écriture,  mais  elle  y  pré- 
pare. La  classe  de  transition  vers  l'école  primaire,  répon- 
dant à  notre  classe  enfantine,  peut  ère  rattachée  aussi 
bien  à  l'école  gardienne  qu'à  l'école  primaire» 
_  Écoles  primaires o  —  Le  nom  d'écoles  primaires  nous 
vient  de  la  RévoliUion  française.  Il  fut  proposé  parTalley- 
rand  dans  son  plan  d'éducation  nationale  présenté  à  l'As- 
semblée constituante,  repris  par  Condorcet  et  adopté  par 
la  Convention  qui,  le  12  déc,  1792,  décréta  :  «  Les  écoles 
primaires  formeront  le  premier  degré  d'instruction.  On  y 
enseignera  les  connaissances  rigoureusement  nécessaires  à 
tous  les  citoyens.  Les  personnes  chargées  de  l'enseignement 
dans  ces  écoles  s'appelleront  instituteurs.  »  La  loi  du 
3  brumaire  an  IV  subordonna  les  écoles  primaires  aux 
administrations  municipales;  celle  du  11  floréal  an  X  les 
mit  à  la  charge  des  communes  et  en  confia  l'organisation 
aux  sous-préfets.  La  décadence  continue  sous  l'Empire,  et 
le  décret  qui  fonde  l'Université  cite  à  peine  les  écoles  pri- 
maires. C'est  la  loi  de  1833  qui  leur  a  rendu  leur  caractère 
et  leur  importance.  Elle  étabht  deux  catégories  :  écoles 
primaires  élémentaires,  écoles  primaires  supérieures; 
supprimées  par  la  loi  du  15  mars  1850,  elles  ont  été  réta- 
blies et  la  loi  du  30  oct.  1886  consacre  cette  division. 
L'école  primaire  est  soit  publique,  soit  privée  (ou  libre),  soit 
gratuite,  soit  payante,  soit  confessionnelle,  soit  laïque  ou 
mixte  quant  au  culte,  soit  spéciale  aux  garçons  ou  aux 
filles,  soit  mixte  quant  aux  sexes. 

L'organisation  générale  de  nos  écoles  primaires  de  toute 
nature  sera  étudiée  à  l'art.  Enseignement  primaire  où  l'on 
trouvera  aussi  les  faits  relatifs  à  l'histoire  de  l'instruction 
publique,  à  la  liberté  de  l'enseignement;  quant  à  la  question 
de  l'école  confessionnelle,  elle  sera  exposée  dans  l'art.  Laïcité. 
Etranger.  —  En  Allemagne,  l'école  primaire  s'appelle 
généralement  école  populaire  [Volksschule) ,  Il  y  en  a  de 
deux  ou  de  trois  degrés.  Dans  le  duché  de  Bade,  il  y  a  : 
l''  des  écoles  populaires  simples  (seize  heures  par  semaine); 
2''  des  écoles  populaires  à  temps  plus  développé  (vingt- 
six  à  trente  heures  par  semaine)  ;  les  deux  sexes  y  sont 
ordinairement  réunis  ;  3^  des  écoles  populaires  développées 
ou  supérieures.  En  Bavière,  il  n'y  a  qu'une  catégorie  qua- 
lifiée école  des  jours  ouvrables  (  Werkstagsschule)  ; 
immédiatement  au-dessus  sont  les  étabhssements  d'ensei- 
gnement secondaire.  En  liesse,  il  y  a  des  écoles  populaires 
élémentaires  et  supérieures.  En  Prusse,  l'école  primaire  ou 
populaire  comporte  trois  degrés  correspondant  à  l'instruc- 
tion des  élèves.  Elle  peut  avoir  jusqu'à  six  classes  et,  dans 
ce  cas,  les  plus  hautes  empiètent  sur  le  programme  des 
écoles  moyennes  (V.  plus  loin).  La  Saxe  a  une  organisa- 
tion analogue  :  écoles  populaires  simples,  moyennes,  supé- 
rieures. Le  Wurtteinberg  n'a  qu'une  catégorie  d'écoles  popu- 
laires et  ce  sont  les  écoles  moyennes  qui  dispensent  notre 
enseignement  primaire  supérieur. 

En  Autriche,  on  distingue  l'école  po])ulaire  élémentaire 
de  l'école  bourgeoise  (ensignement  primaire  supérieur). 
On  peut  fusionner  les  deux  si  l'école  primaire  a  huit  classes, 
La  séparation  des  sexes  est  ordonnée  pour  les  écoles  bour- 
geoises (Burgerschiileri)  ou  les  classes  correspondantes.— 
En  Hongrie,  l'école  élémentaire  ou  inférieure  comprend  un 
cours  de  six  années  ;  l'école  supérieure,  un  cours  de  trois 
années  (deux  pour  les  filles).  Les  sexes  sont  séparés. 

En  Belgique,  il  n'y  a  qu'une  catégorie  d'écoles  primaires; 
elles  sont  dites  écoles  communales;  les  petites  sont  mixtes 
quant  au  sexe.  L'enseignement  primaire  supérieur  se  donne 
à  V école  moyenne  (V.  plus  loin). 

En  Danemark,  les  écoles  ont  un  programme  plus  développé, 
selon  qu'elles  sont  rurales,  urbaines  ou  de  la  capitale. 

En  Espagne,  on  distingue  les  écoles  primaires  élémen- 
taires incomplètes  (niixtcs  quant  au  sexe),  complètes,  les 
écoles  primaires  supérieures  (chefs-lieux  de  province  et 
villes  de  10,000_hab.). 

Aux  Etats-Unis,  on  distingue  les  écoles  primaires  ou 
élémentaires  (elementary  ou  primary  schools,  les  écoles 


ÉCOLE 


—  372  — 


intermédiaires  (iniermediate  schools),  les  écoles  primaires 
supérieures  ou  grammar  schools,  enfin  les  hautes  écoles 
Ihighschools), 

Dans  la  Gvdinde-BreiSigne.V Eleme7îtary  Education  A  et 
de  4870  établit  qu'une  école  élémentaire  publique  doit 
donner  l'enseignemement  élémentaire  moyennant  une  rétri- 
bution de  9  pence  par  semaine  (au  maximum),  être  neutre 
au  point  de  vue  religieux,  se  soumettre  à  l'inspection  offi- 
cielle et  aux  règlements.  Il  doit  y  avoir  au  moins  quatre 
cents  leçons  ou  séances  scolaires  par  an.  —  En  Ecosse, 
outre  les  écoles  publiques  de  paroisse  ou  de  bourg,  il  y 
en  a  d'un  degré  supérieur  qui  se  rapprochent  de  l'ensei- 
gnement moyen  ou  secondaire.  —  En  Irlande,  l'école  pri- 
maire publique  est  dite  nationale;  ouverte  cinq  jours  par 
semaine,  sans  caractère  confessionnel,  elle  est  nommée  à 
l'inspection  officielle.  Il  y  a  de  plus  des  écoles  primaires 
agricoles,  des  écoles  nationales  à  section  industrielle,  des 
écoles  nationales  de  travail,  des  écoles  nationales  annexées 
à  des  couvents,  enfin  des  écoles  du  soir  ;  mais  pas  d'éta- 
blissements d'enseignement  primaire  supérieur. 

En  Grèce,  la  loi  de  1834  a  établi  des  écoles  populaires. 
En  Italie,  la  loi  du  13  nov.  1859  divise  les  écoles  pri- 
maires en  inférieures  et  supérieures;  mais  le  cours  total 
d'études  n'est  que  de  cinq  ans  et  la  faiblesse  des  programmes 
oblige  à  dire  qu'il  n'y  a  là  que  deux  moments  d'un  ensei- 
gnement élémentaire  ;  les  sexes  sont  séparés. 

En  Portugal,  il  y  a  des  écoles  primaires  élémentaires  et 
supérieures  ou  complémentaires. 

En  Russie,  on  distingue  les  écoles  primaires  élémentaires 
rurales  (du  gouvernement,  paroissiales,  orthodoxes,  luthé- 
riennes) et  urbaines;  les  classes  supérieures  de  celles-ci 
donnent  l'enseignement  primaire  supérieur. 

En  Suède,  on  distingue  les  écoles  préparatoires  (petites 
écoles),  les  écoles  primaires  et  les  écoles  primaires  supé- 
rieures. 

En  Suisse,  sauf  quelques  cantons   (Valais,  Uri,  etc.), 
il  y  a  partout  des  écoles  primaires  de  deux  degrés,  élémen- 
taire et  supérieur.  Dans  plusieurs  cantons,  celles  où  se  donne 
l'enseignement  primaire  supérieur   sont  qualifiées  écoles 
secondaires. 
Pour  l'étude  d'ensemble  et  l'historique,  V.  Enseignement. 
Ecoles  ambulatoires.  —  On  appelle  écoles  ambula- 
toires celles  qui  sont  desservies  par  des  instituteurs  ambu- 
lants, lesquels  se  transportent  tour  à  tour  dans  les  différents 
centres  scolaires  dont  chacun  serait  isolément  insuffisant 
pour  avoir  une  école  à  lui  particulière.  Ce  système  a  fonc- 
tionné jadis  en  France  dans  la  région  alpestre,  d'où  les 
instituteurs  émigraient  pendant  l'hiver  ;  maintenant  encore 
en  Corse  l'été,  quand  la  population  des  villages  menacés 
par  la  malaria  émigré,  l'école  et  l'instituteur  se  déplacent 
aussi.    Mais   les  écoles  ambulatoires  sont  officiellement 
organisées  à  l'étranger.  —  En  Norvège,  la  loi  du  1 6  mai  1 860 
stipule  que,  dans  les  localités  où  la  population  est  trop  dis- 
séminée, on  pourra  établir  une  école  ambulatoire  ;  l'insti- 
tuteur se  transporte  successivement  sur  différents  points 
de   sa  circonscription  et  y  réunit   les  groupes  d'élèves 
durant  quelques  semaines.  De  même  en  Danemark,  dans 
lespays  de  landes,  un  instituteur  ambulant  (Omgangslœrer) 
peut  être  chargé  de  plusieurs  hameaux  où  il  se  rend  alter- 
nativement,  étant  logé  et  nourri  par  les  habitants.  En 
Prusse,  on  a  eu  des  écoles  âmhuhtokes  (Wandcrschuk), 
mais  on  ne  les  accepte  pas  comme  équivalant  à  une  autre 
et  on  s'est  attaché  à  les  faire  disparaître.  En  Hongrie,^  on 
les  accepte  dans  les  districts  ruraux  (loi  du  5  déc.  1868). 
Eu  Espagne,  pendant  la  saison  hivernale,  ne  pouvant  pas 
déplacer  les  enfants  à  cause  de  l'état  des  routes,  on  fait 
venir  l'instituteur  qui  s'installe  successivement  dans  cha- 
cun des  groupes  de  fermes  et  y  enseigne  pendant  quelques 
semaines,  logé,  nourri  et  payé  par  les  habitants. 

Ecoles  de  hameau.  —  Les  écoles  de  hameau  telles 
que  les  a  instituées  la  loi  du  20  mars  1883  sont  obliga- 
toirement établies  dans  les  petits  centres  de  population 
éloignés  du  chef-lieu  de  la  commune  ou  distants  les  uns 


des  autres  de  3  kil.  Une  autre  condition  exigée  par  la 
loi  pour  l'établissement  de  ces  écoles,  c'est  qu'elles  réu- 
nissent  un  efiectif  d'au  moins  20  enfants  d'âge  scolaire, 
c.-à-d.  âgés  de  six  à  treize  ans.  Les  écoles  de  hameau 
rendent  d'incontestables  services,  puisqu'elles  permettent 
de  faire  pénétrer  l'instruction  jusque  dans  les  coins  les 
plus  reculés  du  territoire.  D'après  les  relevés  les  plus 
récents,  ces  écoles  étaient  au  nombre  de  7,387  et  étaient 
fréquentées  par  305,131  enfants. 

Ecoles  de  manufactures.  —  Un  grand  nombre 
d'industriels  ont  organisé  dans  leurs  manufactures  des 
écoles  ou  des  cours  destinés  à  donner  aux  apprentis  une 
instruction  primaire.  C'est  à  cet  effet  qu'on  a  créé  en 
Angleterre  les  écoles  de  demi-temps  (V.  ce  mot).  En 
France,  l'Etat  favorise  ces  organisations  dues  à  l'initiative 
privée.  La  loi  du  19  mai  1874  sur  le  travail  des  enfants 
dans  les  manufactures  décide  que  nul  enfant  ayant  moins 
de  douze  ans  révolus  ne  peut  être  employé  par  un  patron 
qu'autant  que  ses  parents  ou  tuteur  justifient  qu'il  fré- 
quente actuellement  une  école  publique  ou  privée.  Tout 
enfant  admis  avant  douze  ans  dans  un  atelier  devra  jusqu'à 
cet  âge  suivre  les  classes  d'une  école  pendant  le  temps 
hbre  du  travail.  Il  devra  recevoir  l'instruction  pendant 
deux  heures  au  moins  par  jour,  si  une  école  est  attachée 
à  l'étaWissement  industriel.  La  fréquentation  de  l'école  est 
constatée  au  moyen  d'une  feuille  de  présence  dressée  par 
l'instituteur  et  remise  chaque  semaine  au  patron.  —  En 
Angleterre,  les  exigences  sont  plus  grandes.  Le  système 
du  demi-temps,  adopté  dès  1802,  sur  l'initiative  de  sir  Ro- 
bert Peel,  consiste  à  partager  le  temps  des  enfants  ouvriers 
entre  l'école  et  l'atelier.  Il  a  été  réglé  par  le  Factory  Act 
de  1 844  ;  si  l'enfant  est  employé  de  deux  jours  l'un  à  l'usine, 
il  doit  l'autre  jour  travailler  cinq  heures  à  l'école  ;  s'il  est 
employé  quotidiennement,  il  doit  avoir  chaque  jour  au 
moins  trois  heures  de  classe.  Les  jeunes  garçons  employés 
dans  les  mines  doivent  jusqu'à  douze  ans  recevoir  dix  heures 
de  leçons  par  semaine.  L'obligation  scolaire  n'est  atténuée 
par  le  demi-temps  qu'à  partir  de  dix  ans,  et  encore  faut-il 
que  les  enfants  de  dix  à  douze  ans  justifient  d'un  mini- 
mum d'instruction,  qu'ils  aient  passé  l'examen  du  qua- 
trième degré. 

Ecoles  de  réforme.  --  On  désigne  sous  ce  nom,  à 
l'étranger,  particulièrement  en  Belgique,  les  étabhssements 
où  l'on  place  les  mineurs  âgés  de  moins  de  seize  ans  qui 
ont  été  mis  en  jugement  pour  un  délit  et  acquittés  comme 
avant  agi  sans  discernement.  Les  écoles  de  réforme  répon- 
dent donc  à  nos  colonies  pénitentiaires  (V.  Jeunes  détenus). 
—  En  Belgique,  il  existe  deux  écoles  de  réforme,  créées 
par  la  loi  du  3  avr.  1848  :  celle  de  Uuysselede  pour  les 
garçons,  celle  de  Beernem  })Our  les  filles.  Ces  écoles 
recueillent  aussi  les  enfants  abandonnés.  On  les  forme  aux 
travaux  de  l'agriculture  ou  à  divers  métiers  (menuiserie, 
forge,  cordonnerie,  vannerie,  tissage,  Hngerie,  blanchis- 
sage, dentelle,  etc.).  —  En  Angleterre,  les  reformatory 
schools  datent  de  1788;  la  première,  qui  est  encore  la 
plus  importante,  se  trouve  actuellement  à  Redhill(Surrey). 
Un  acte  du  Parlement  de  1854  à  réglé  l'organisation  de 
ces  écoles.  Des  actes  de  1866  et  1876  ont  établi  des 
industrial  schools  qui  ont  le  caractère  d'externats.  — 
En  Allemagne,  les  nettungsanstalien  ou  Besserungsan- 
staltcn  les  plus  réputées  sont  celles  de  Beuggen  (près  de 
Bade)  créée  en  1816  par  Christian-Heinrich  Zeller,^et  de 
Rauhe  Haus  (près  de  Hambourg)  créée  en  1833  par 
J.-H.  Wichern.  Cette  dernière  servit  de  modèle  à  Mettray . 
Ecoles  industrielles.  —  Le  nom  d'écoles  industrielles 
désigne  à  l'étranger  des  établissements  scolaires  de  plusieurs 
catégories.  En  Belgique,  ce  sont  des  écoles  où  ks  jeunes 
gens  âgés  de  quatorze  ans  au  moins  reçoivent  l'enseigne- 
ment du  dessin  et  de  ses  applications  à  l'industrie,  des 
éléments  des  sciences,  de  la  comptabilité.  Ce  sont  des  écoles 
communales,  mais  avec  subvention  de  l'Etat  et  de  la  pro- 
vince. Le  cours  d'études  varie  de  deux  à  quatre  ans.  -j-  En 
Suisse  (Neuchâtel),  l'école  industrielle  correspond  à  l'école 


-^  373  - 


ÉCOLE 


réelle  {Realschulé)  des  Allemands.  —  En  Angleterre,  Vin- 
dus  trial  school  est  une  espèce  de  maison  de  correction  ou 
école  de  réforme  (V.  ci-dessus). 

Ecoles  mixtes.  —  Les  écoles  mixtes  sont  les  écoles 
ouvertes  aux  enfants  des  deux  sexes.  Elles  existent  dans 
toutes  les  petites  communes  dont  la  population  n'est  pas 
assez  nombreuse  pour  qu'il  y  ait  lieu  d'ouvrir  deux  écoles, 
une  école  pour  les  garçons,  une  école  pour  les  filles.  La 
loi  de  1886  édicté  que  l'enseignement  dans  les  écoles 
mixtes  sera  confié  à  des  institutrices;  mais  le  conseil 
départemental  a  le  droit,  à  titre  provisoire,  de  charger  des 
instituteurs  de  cette  direction,  à  condition  qu'il  leur  soit 
adjoint  une  maltresse  de  couture.  En  fait,  la  plupart  des 
écoles  mixtes  sont  encore  aux  mains  des  instituteurs.  Sur 
48,363  écoles  mixtes,  en  4887,  5,26^  seulement  étaient 
dirigées  par  des  institutrices.  En  4865,  M.  Jules  Simon 
disait  dans  son  livre  VEcole  :  «  Dans  beaucoup  de  villages, 
l'essai  de  l'institutrice  a  été  tenté  :  on  n'a  réussi  qu'à 
remplacer  l'école  de  garçons  par  une  école  de  filles  :  les 
garçons  ont  été  retirés  par  leurs  parents.  Le  peu  de  capa- 
cité de  la  plupart  des  institutrices  explique  ce  résultat.  » 
Ce  préjugé  n'est  plus  aujourd'hui  qu'un  anachronisme,  si 
l'on  considère  les  progrès  considérables  accomplis,  grâce 
aux  écoles  normales,  dans  l'éducation  pédagogique  des 
institutrices  ;  mais  le  préjugé  n'en  subsiste  pas  moins,  en- 
couragé d'ailleurs  par  les  préférences  des  maires  des  com- 
munes rurales,  qui,  dans  leur  préoccupation  de  trouver  un 
secrétaire  de  mairie,  aiment  mieux  avoir  un  instituteur 
qu'une  institutrice  (V.  Coéducation). 

Il  sera  traité  des  écoles  mixtes  quant  au  culte,  en  même 
temps  que  des  écoles  confessionnelles  (V.  Laïcité). 

Ecoles  ménagères.  —  On  a  fondé  des  écoles  inter- 
médiaires entre  l'école  primaire  et  l'école  professionnelle 
par  la  nature  de  leur  enseignement  ;  elles  sont  appelées 
é'coles  ménagères;  leur  objet  est  d'enseigner  aux  jeunes 
filles  tout  ce  qui  est  essentiel  pour  la  tenue  d'un  ménage  et 
particulièrement  la  couture,  la  coupe  et  la  confection,  le 
repassage,  etc.  Il  s'agit  donc  bien  d'un  enseignement  géné- 
ral ne  visant  pas  la  préparation  à  une  profession  spéciale. 
On  cite,  en  France,  celle  de  Reims  (4873),  de  Rouen,  du 
Havre.  —  En  Wurttemberg,  on  a  organisé  des  écoles  ména- 
gères fonctionnant  l'hiver  dans  les  communes  rurales.  — 
Les  écoles  de  cuisine  (V.  plus  bas)  ont,  dans  une  cer- 
taine mesure,  le  même  caractère,  bien  que  leur  enseigne- 
ment soit  plus  spécial  (V.  aussi  l'art.  Economie  domestique). 

Ecoles  méridiennes.  —  Ecoles  primaires  qui  ne 
reçoivent  leurs  élèves  qu'à  partir  de  midi  (V.  Demi-temps 
et  le  §  Ecoles  de  manufactures). 

Ecoles  modèles  protestantes.  —Les  écoles  modèles 
protestantes  ont  été  créées,  conformément  à  l'ordonnance 
du  46  juil.  4833,  à  Dieulefit(Drôme),  Montbéliard  (Doubs) 
et  Mens  (Isère),  pour  former  des  instituteurs  destinés  aux 
écoles  primaires  confessionnelles  (V.  Laïcité). 

Ecoles  moyennes.  —  On  désigne  sous  le  nom  d'écoles 
moyennes  en  Relgique  et  en  Allemagne  (Mittelschulen) 
des  établissements  intermédiaires  entre  l'école  primaire 
et  les  institutions  d'enseignement  secondaire,  athénées  ou 
gymnases.  C'est  donc  quelque  chose  d'analogue  à  nos 
écoles  primaires  supérieures.  -—  En  Belgique,  où  elles  sont 
régulièrement  organisées,  les  écoles  moyennes  comportent 
un  cours  d'études  de  trois  années.  —  En  Autriche,  au 
contraire,  l'école  moyenne  est  un  établissement  d'ensei- 
gnement secondaire,  ce  qu'on  appelle  en  Allemagne  Mit- 
telschule  étant  ici  dénommé  Bilrgerschule. 

Ecoles  temporaires.  —  En  4850,  l'on  décida,  au 
conseil  supérieur  de  l'instruction  publique,  que  le  ministre 
pouvait,  sur  la  demande  du  conseil  municipal  et  appro- 
bation du  conseil  départemental,  autoriser  l'ouverture 
d'écoles  temporaires  ;  elles  répondaient  à  peu  près  aux 
mêmes  besoins  que  les  écoles  de  hameau, 

Ecoles  primaires  supérieures. —  Instituées  par  la  loi 
Guizot,  en  4833,  les  écoles  primaires  supérieures  devaient 
être  établies  dans  chaque  chef-lieu  de  département  et  dans 


toutes  les  villes  ayant  au  moins  6,000  hab.,  et  bien 
que  les  prescriptions  du  législateur  n'eussent  pas  reçu  une 
complète  exécution,  ces  écoles  étaient  en  nombre  assez  consi- 
dérable en  4850.  Mais  la  loi  de  réaction  du  45  mars  4850, 
leur  ôtant  par  là  tout  caractère  légal,  omit  de  les  mentionner 
parmi  les  établissements  d'enseignement  primaire,  et  leur 
nombre  diminua  peu  à  peu.  C'est  seulement  en  4878  que 
la  troisième  République  inscrivit  un  crédit  de  100,000  fr. 
au  budget  de  l'instruction  publique  pour  subventionner  les 
écoles  primaires  supérieures.  Ce  crédit  n'a  cessé  depuis 
lors  d'être  augmenté,  et  il  est  pour  le  budget  de  4892  de 
2,643,600  fr.  Le  nombre  des  écoles  de  cet  ordre  qui 
n'était  que  d'une  quarantaine  en  4878  s'est  élevé  en  4890 
à  280,  dont  203  de  garçons  et  77  de  filles.  La  loi  orga- 
nique du  30  oct.  4880  les  a  enfin  consacrées  en  les  énumé- 
rant  parmi  les  établissements  d'instruction  primaire.  Leurs 
programmes,  leur  régime  intérieur,  leur  organisation,  en 
un  mot,  ont  été  réglés  par  les  décrets  et  arrêtés  du 
48  janv.  4887.  Enfin  la  loi  du  19  juil.  4889  (art.  5)  a  modifié 
les  conditions  qui  leur  donnaient  droit  à  une  subvention 
de  l'Etat  en  stipulant  qu'elles  cesseraient  d'être  entrete- 
nues, si  leur  effectif,  pendant  trois  années  consécutives, 
s'était  abaissé  au-dessous  de  45  élèves  par  année  d'étude. 
Rappelons  d'ailleurs  que  l'enseignement  primaire  supé- 
rieur est  donné  aussi  dans  ce  qu'on  appelle  les  cours 
complémentaires^  qui  se  distinguent  des  écoles  primaires 
supérieures  en  ce  qu'ils  n'ont  pas  une  existence  indépen- 
dante, étant  annexés  à  une  école  primaire  élémentaire  et 
placés  sous  la  même  direction  que  cette  école.  En  outre, 
dans  les  cours  complémentaires,  la  durée  des  études  est  de 
deux  ans  au  maximum  :  elle  est  de  deux  ans  au  minimum 
dans  les  écoles  primaires  supérieures,  qui  sont  dites  «  de 
plein  exercice  »  quand  elles  comprennent  trois  années  ou 
un  plus  grand  nombre.  En  4890,  on  comptait  468  cours 
complémentaires  dont  334  de  garçons  et  434  de  filles. 

Le  programme  d'enseignement  des  écoles  primaires 
supérieures  tel  qu'il  a  été  réglé  par  le  décret  organique 
de  4887  comprend,  outre  la  revision  approfondie  des  ma- 
tières étudiées  à  l'école  primaire,  les  matières  suivantes  : 
l'arithmétique  appliquée;  les  éléments  du  calcul  algé- 
brique et  de  la  géométrie  ;  les  règles  de  la  comptabilité 
usuelle  et  de  la  tenue  des  livres  ;  les  notions  de  sciences 
physiques  et  naturelles  applicables  à  l'agriculture,  à  l'in- 
dustrie et  à  l'hygiène  ;  le  dessin  géométrique,  le  dessin 
d'ornement  et  le  modelage  ;  les  notions  de  droit  usuel  et 
d'économie  politique  ;  les  notions  d'histoire  de  la  littéra- 
ture française  ;  les  principales  époques  de  l'histoire  géné- 
rale et  spécialement  des  temps  modernes  ;  la  géographie 
industrielle  et  commerciale;  les  langues  vivantes;  le  tra- 
vail du  bois  et  du  fer,  pour  les  garçons;  le  travail  à 
l'aiguille,  la  coupe  et  l'assemblage,  pour  les  filles. 

La  prospérité  des  écoles  primaires  supérieures  est  établie 
d'une  façon  éclatante  par  les  dernières  statistiques.  En 
4884,  elles  ne  comptaient  (en  y  comprenant  les  cours 
complémentaires)  que  28,882  élèves;  en  4890,  elles  en 
ont  eu  40,572.  Sur  42,943  élèves  sortis  en  4890  des 
écoles  primaires  supérieures,  2,452  sont  entrés  dans  le 
commerce,  3,795  dans  l'industrie,  4,446  dans  l'agricul- 
ture, soit  une  proportion  de  60  °/o  environ.  Les  ^autres 
ou  bien  ont  continué  leurs  études  dans  divers  étabhsse- 
ments,  ou  bien  sont  rentrés  dans  leurs  familles,  ou  enfin 
ont  été  pourvus  d'emplois  dans  différentes  administrations. 
On  voit  donc  que  les  écoles  primaires  supérieures  répondent 
déjà  à  leur  vraie  destination  qui  est  de  préparer  de  bons 
sujets  pour  le  commerce  et  l'industrie.  Leur  caractère 
professionnel  ne  fera  très  vraisemblablement  que  s'accen- 
tuer davantage  dans  l'avenir.  Actuellement,  les  écoles  dont 
nous  parlons  forment  deux  catégories  :  les  unes  sont  sou- 
mises au  régime  de  la  loi  du  44  déc.  1880,  les  autres 
non.  Les  premières  qu'on  appelle  écoles  manuelles  d'ap- 
prentissage relèvent  à  la  fois  du  ministère  de  l'instruc- 
tion publique  et  du  ministère  du  commerce  et  de  l'indus- 
trie :  elles  sont  au  nombre  de  48;   les  autres,   le  plus 


ECOLE 


—  374  — 


grand  nombre,  soit  748  écoles  ou  cours  complémentaires, 
ne  dépendent  que  du  ministère  de  l'instruction  publique. 
Mais  il  est  peu  probable  qu'on  en  reste  là.  Des  projets 
sont  en  préparation  qui  auront  pour  résultat  d'établir  un 
nouveau  classement  des  écoles  primaires  supérieures  :  on 
ne  se  contenterait  pas  d'accroître  le  nombre  de  celles  qui 
seraient  attribuées  au  ministère  du  commerce  :  on  en  met- 
trait quelques-unes  sous  la  direction  du  ministère  de 
l'agriculture.  En  instituant  ces  diverses  catégories,  ratta- 
chées aux  ministères  compétents,  on  déterminera  mieux 
encore  le  caractère  pratique  de  l'enseignement  primaire 
supérieur  qui  ne  doit  pas  être  simplement  un  développe- 
ment, un  degré  plus  élevé  de  l'enseignement  primaire 
élémentaire,  mais  qui,  pour  remplir  vraiment  sa  mission, 
doit  être  de  plus  en  plus  une  préparation  aux  professions 
techniques,  Ga])riel  Compayré, 

Ecoles  normales  d'instituteurs  et  d'institu- 
trices. —  Quoique  de  tout  temps  les  éducateurs  de  l'en- 
fance aient  paru  comprendre  l'importance  de  séminaires 
pédagogiques  oti  seraient  formés  les  instituteurs  du  peuple, 
c'est  la  Convention  qui,  la  première,  a  essayé  de  fonder 
en  France  des  écoles  normales.  Lakanal ,  dans  son  rap- 
port du  2  brumaire  an  III,  exposait  avec  netteté  la 
raison  d'être  de  ces  établissements  :  «  En  décrétant  les 
écoles  normales  les  premières,  vous  avez  voulu,  disait-il 
à  ses  collègues,  créer  à  l'avance  un  très  grand  nombre 
d'instituteurs,  capables  d'être  les  exécuteurs  d'un  plan  qui 
a  pour  but  la  régénération  de  l'entendement  humain  dans 
une  République  de  2o  millions  d'hommes  que  la  démo- 
cratie rend  tous  égaux.  »  Le  9  brumaire  an  III,  la  Con- 
vention vota  les  propositions  de  Lakanal,  et,  quelques  mois 
après,  le  l^""  pluviôse  an  III,  s'ouvrit,  avec  4,400  jeunes 
gens,  appelés  de  toutes  les  parties  du  territoire,  l'Ecole 
normale  de  Paris.  Mais  l'essai,  qui  ne  dura  que  quelques 
mois,  ne  répondit  pas  aux  espérances  de  ses  promoteurs. 
On  ne  donna  pas  suite  à  l'idée  d'installer  des  écoles  nor- 
males en  province.  Il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  l'exemple 
avait  été  donné  ;  le  principe  avait  reçu  un  commencement 
d'exécution;  enfin  le  nom  était  trouvé.  «  Ecoles  normales^ 
disait  Lakanal,  parce  que  ces  écoles  doivent  être  le  type  et 
la  règle  de  toutes  les  autres.  »  Le  premier  Empire,  qui  se 
montra  si  indifférent  pour  les  choses  de  l'enseignement 
primaire,  ne  songea  plus  aux  écoles  normales.  Ce  fut  seu- 
lement pendant  les  Cent-Jours  qu'un  décret  rendu  sous 
l'inspiration  de  Carnot  établit  qu'il  serait  ouvert  à  Pans 
une  école  d'essai  d'éducation  primaire,  organisée  de  ma- 
nière à  devenir  une  école  normale.  Cette  école  ne  fut  pas 
créée,  et  la  première  école  normale  primaire  qu'ait  possédée 
notre  pays  est  celle  qui  s'était  ouverte  à  Strasbourg  en 
1810.  Les  progrès  rapides  de  l'enseignement  primaire  en 
Alsace  ont  été  dus  en  partie  à  cette  heureuse  initiative. 
La  Restauration,  comme  l'Empire,  se  montra  peu  favo- 
rable aux  écoles  normales,  et  cependant  le  dép.  de  la 
Meurthe  et  celui  de  la  Moselle  en  créèrent  2  en  1820. 
15  autres  écoles  furent  fondées  en  1830, 1831,  1832.  Un 
règlement  intervint  en  1832,  et,  rattachant  au  pouvoir 
central  les  écoles  déjà  existantes,  il  transforma  en  éta- 
Missements  d'Etat  les  écoles  normales  qui,  jusque-là, 
avaient  été  exclusivement  départementales.  Mais  c'est  sur- 
tout la  loi  Guizot  qui,  en  1833,  organisa  les  écoles  nor- 
males, et  l'article  2  disait  :  «  Tout  département  sera  tenu 
d'entretenir  une  école  normale  soit  par  lui-même,  soit  en 
se  réunissant  à  un  ou  plusieurs  départements  voisins.  » 
En  1836,  la  France  compta  74  écoles  normales  d'institu- 
teurs. La  loi  du  15  mars  1850  tendait  à  humilier  les  écoles 
normales  que  le  parti  clérical  voyait  prospérer  avec  mé- 
fiance, mais  elle  ne  les  supprima  point.  Plusieurs  départe- 
ments même  en  ouvrirent  de  nouvelles.  Mais  elles  durent 
attendre  la  troisième  République  pour  retrouver  les  sym- 
pathies des  pouvoirs  pubhcs.  Rappelons  d'abord  que  la  loi 
du  9  août  1879  a  rendu  obligatoire  pour  chaque  départe- 
ment l'établissement  d'une  école  normale  d'instituteurs, 
et,  ce  qui  était  tout  à  fait  nouveau,  d'une  école  normale 


d'institutrices.  Jusque-là  il  n'existait  guère  que  des  cours 
normaux,  dirigés  pour  la  plupart  par  des  communautés 
rehgieuses.  Ce  n'est  pas  une  des  moindres  œuvres  de  la 
République  actuelle  que  d'avoir  fait  apparaître  en  douze  ans, 
sur  toutes  les  parties  du  territoire ,  plus  de  80  écoles 
normales  de  fdles.  Après  la  loi  de  1879,  nous  avons  eu 
celle  du  16  juin  1881,  qui  établit  la  gratuité  dans  les 
écoles  normales,  comme  dans  tous  les  établissements  d'en- 
seignement primaire,  et  celle  du  19  juil,  1889  qui  déter- 
mine les  traitements  des  fonctionnaires.  Nous  rappellerons 
aussi  les  décret  et  arrêté  organiques  du  18  janv.1887  qui 
règlent  l'organisation  des  écoles  normales,  le  décret  du 

9  janv.  1883  qui  y  supprime  les  aumôniers,  l'arrêté  du 

10  janv.  1889  qui,  revisant  les  règlements  de  1881, 
fixe  définitivement  les  programmes,  enfin  les  circulaires 
des  21  oct.  1880,  7  févr.  1884  et  10  mars  1887  rela- 
tives à  la  discipline  intérieure.  De  tous  ces  textes  qui  sont 
entre  toutes  les  mains,  nous  allons  extraire  les  dispositions 
les  plus  importantes. 

Les  écoles  normales,  qui  étaient  autrefois  presque  exclu- 
sivement des  établissements  départementaux,  sont  aujour- 
d'hui «  des  étabUssements  publics  ».  Elles  relevaient 
autrefois  du  préfet;  elles  sont  depuis  1881  placées  sous 
l'autorité  du  recteur.  Les  élèves  s'y  préparent  au  brevet 
supérieur.  Les  aspirants  doivent  avoir  seize  ans  au  moins, 
dix-huit  ans  au  plus,  sauf  dispense.  Le  brevet  élémen- 
taire est  exigé  des  candidats,  qui  doivent  en  outre  s'en- 
gager à  servir  pendant  dix  ans  dans  l'enseignement  pri- 
maire. Le  cours  d'études  est  de  trois  ans.  Le  personnel 
enseignant  se  compose  de  professeurs  titulaires  pourvus 
d'un  certificat  d'aptitude,  de  délégués,  qui  sont  progressi- 
vement remplacés  par  des  professeurs  titulaires,  enfin  de 
maîtres  étrangers,  empruntés  généralement  aux  étabhsse- 
ments  d'enseignement  secondaire  et  chargés  de  l'ensei- 
gnement des  langues  vivantes,  du  chant,  etc.  Les  direc- 
teurs doivent  être  en  possession  d'un  diplôme  spécial,  le 
certificat  d'aptitude  à  la  direction  des  écoles  normales. 
Dans  les  écoles  de  plus  de  60  élèves,  il  y  a,  outre  le 
directeur,  un  économe  spécial  ;  dans  les  autres,  c'est  un 
professeur  qui  est  chargé  du  service  de  l'économat.  Une 
école  d'application,  dite  école  annexe,  est  jointe  à  l'école 
normale,  et  les  élèves-maîtres  vont  s'y  exercer  à  la  pra- 
tique de  l'enseignement.  Le  régime  de  l'école  est  l'internat. 
On  a  pourtant  expérimenté  l'externat  en  quelques  endroits, 
à  Mâcon,  par  exemple,  où  les  élèves  ont  été  mis  en  pen- 
sion dans  des  familles  de  la  ville.  Mais  le  résultat  de  cet 
essai  a  été  d'étabKr  que  les  élèves  externes  travaillaient 
moins,  qu'ils  avaient  moins  de  succès  aux  examens  du 
brevet  supérieur,  et,  en  outre,  que  le  régime  de  l'externat 
est  presque  deux  fois  plus  coûteux  que  celui  de  l'internat. 
Les  programmes  très  larges  et  très  étendus  comprennent, 
outre  les  sciences  mathématiques  et  naturelles,  l'histoire  et 
l'instruction  civique,  l'étude  de  la  langue  et  de  la  littéra- 
ture françaises,  une  langue  vivante,  l'allemand  ou  l'anglais, 
la  psychologie,  la  morale  et  la  pédagogie,  et,  en  outre,  des 
exercices  du  travail  manuel,  le  dessin,  etc.  Le  cours  des 
études  est  de  trois  années.  Le  régime  de  l'internat  a  été 
fort  adouci  dans  ces  dernières  années.  On  a  supprimé 
les  emplois  de  surveillants.  Rien  ne  rappelle  plus  dans  les 
écoles  normales  d'aujourd'hui  l'ancien  régime  de  silence 
perpétuel,  de  discipline  mécanique  et  de  contrainte  exté- 
rieure. On  a  voulu  faire  appel  à  la  responsabiUté  person- 
nelle des  élèves,  les  habituer  à  se  gouverner  eux-mêmes, 
et  il  semble,  d'après  les  résultats  de  l'expérience,  qu'on 
ait  eu  raison.  Avec  plus  de  liberté,  les  écoles  normales 
ont  maintenu  le  même  ordre  et  la  même  assiduité  au 
travail.  En  1886-87,  tous  les  départements  de  France  et 
d'xAlgérie,  à  l'exception  do  celui  d'Oran,  avaient  une  école 
normale  d'instituteurs.  En  1890,  les  dép.  du  Gers  et 
des  Hautes-Pyrénées,  profitant  de  la  disposition  légale  qui 
autorise  deux  départements  voisins  à  s'unir  pour  entretenir 
à  frais  communs  leurs  écoles  normales,  ont  fusionné  : 
l'école  normale  d'instituteurs  est  maintenant  établie  à  Auch, 


-  375  — 


ECOLE 


celle  des  institutrices  à  Tarbes.  Mais  il  est  peu  probable 
que,  malgré  les  encouragements  de  l'administration,  beau- 
coup de  départements  se  décident  à  sacrifier  leurs  écoles 
normales  propres,  construites  à  grands  frais  et  répondant 
d'ailleurs  à  des  besoins  départementaux.  En  4886-87,  il 
y  avait  81  écoles  normales  d'institutrices.  Mais,  depuis 
cette  époque,  les  départements  retardataires  ont  ouvert 
aussi  leur  école  normale  de  filles  ;  et  sauf  une  ou  deux 
fusions  opérées,  on  peut  dire  que  chaque  circonscription 
départementale  a  maintenant  son  école  d'institutrices.  Le 
nombre  des  élèves -maîtres  et  des  élèves -maîtresses  qui 
était,  en  4887,  de  5,443  et  de  3,544,  a  été  sensible- 
ment réduit,  au  moins  en  ce  qui  concerne  les  instituteurs, 
non  pas  seulement  par  mesure  d'économie,  mais  parce  que 
le  ralentissement  inévitable  des  créations  nouvelles  d'écoles 
et  d'emplois  laisse  moins  de  disponibilité  pour  le  place- 
ment des  instituteurs  débutants  :  il  n'est  plus  en  4892 
que  de  4,056  élèves-maîtres,  soit  une  diminution  dejrès 
de  4,500.  Si  le  nombre  des  élèves-maîtresses  est  de  3,552, 
c.-à-d.  supérieur  de  huit  unités  au  chiffre  de  4,887,  cela 
tient  à  l'ouverture  de  plusieurs  nouvelles  écoles  d'institu- 
trices. Ajoutons  enfin  que  les  écoles  normales  sont  actuelle- 
ment inscrites  au  budget  de  l'instruction  publique  pour 
une  somme  de  9,356,975  fr.  Gabriel  Compayré. 

Etranger,  —  Allemagne.  L'instruction  professionnelle 
des  instituteurs  et  institutrices  leur  est  donnée  en  Alle- 
magne dans  des  séminaires^  quelquefois  appelés  établis- 
sements pour  la  formation  des  m^\lvQ?>{Lehrerbildungsan- 
stalten).  Les  premiers  furent  fondés  à  la  fin  du  xvii®  siècle. 
Le  duc  Frédéric  II  de  Saxe-Cobourg-Gotha  en  eut  l'ini- 
tiative ;  Francke,  dans  son  Pœdagogium  de  Halle,  créa  une 
classe  pour  la  préparation  des  instituteurs.  Son  disciple 
Schienmettin  adjoignit  en  4732  un  séminaire  d'instituteurs 
à  son  orphelinat  de  Stettin.  En  4748,  fut  créé  par  Hecker 
celui  de  Berlin  que  le  gouvernement  prussien  subventionna 
à  partir  de  4  753  et  qui  recruta  les  instituteurs  brande- 
bourgeois;  il  existe  encore  à  Kœpenick.  Le  mouvement 
piétiste  qui  avait  inspiré  Francke  et  Hecker  provoqua  de 
nombreuses  créations  de  séminaires  analogues  pendant  la 
seconde  moitié  du  xvin^  siècle;  de  4781  à  4800,  il  en  naît 
25,  dont  le  plus  célèbre  fut  celui  de  Dresde  (dans  la  Fried- 
richstadt).  Les  progrès  furent  non  moins  rapides  dans  la 
période  suivante.  En  4826,  il  y  avait  en  Prusse  27  sémi- 
naires d'instituteurs,  dont  45  protestants,  6  cathohques  et 
6  mixtes;  ils  comptaient  4,500  élèves  internes;  le  cours 
d'études  était  de  deux  ans,  rarement  trois  ;  à  chacun  était 
annexé  une  école  d'application.  De  4826  à  4848,  on  crée 
en  Allemagne  48  séminaires  dont  9  en  Prusse;  de  4848  à 
4870,  32  dont  21  en  Prusse.  Fait  remarquable,  il  n'était 
pas  question  jusque-là  de  séminaires  d'institutrices  ;  la  fon- 
dation de  ceux-ci  est  toute  récente  et  il  n'y  en  a  qu'un 
très  petit  nombre.  —  En  Bavière,  il  y  a  deux  catégories 
d'établissements  pour  la  formation  des  instituteurs  :  les 
écoles  préparatoires  et  les  séminaires;  le  cours  d'études 
est  de  cinq  années,  dont  deux  dans  le  séminaire.  Il  a  été 
créé  3  séminaires  d'institutrices.  Les  études  durent  six 
années  dont  quatre  en  cours  préparatoire  et  deux  au  sémi- 
naire. —  En  Prusse,  les  candidats  passent  par  l'école  pré- 
paratoire qui  est  un  externat  avant  d'entrer  au  séminaire. 
Celui-ci  comporte  trois  années  d'études  ;  voici  le  programme 
et  le  plan  d'études  : 


Matières  obligatoires. 

Pédagogie 

Religion 

Langue  allemande 

Histoire 

Calcul., 

Géométrie 

Sciences  naturelles  et  phy- 
siques   

A  reporter..    . 


HEURES    PAR  SEMAINE 
0  année         2°  anueo         3°  ann 

2 
4 


2 
3 
2 

4 
"22^ 


2 
4 
5 

2 
3 

2 

4 
"22" 


2 
72" 


Matières  obligatoires. 

Report 

Géographie 

Dessin 

l^criture 

Gymnastique 

Musique  et  chant 


Matières  facultatives. 
Français,  anglais  ou  latin.         3  3  2 

Il  y  a,  de  plus,  des  exercices  pratiques  d'agriculture.  La 
troisième  année  est  moins  chargée,  parce  que  les  élèves- 
maîtres  sont  alors  occupés  à  donner  un  enseignement  à 
l'école  d'application,  où  ils  se  mettent  au  courant  sous  la 
direction  des  maîtres  du  séminaire  et  de  l'instituteur  spé- 
cial de  l'école  annexe.  La  Prusse  avait,  en  4882,  444  sé- 
minaires comptant  9,955  élèves.  Elle  avait  seulement 
9  séminaires  d'institutrices.  —  En  Saxe,  on  comptait 
46  séminaires  d'instituteurs  et  2  d'institutrices.  En  somme, 
dans  toute  l'Allemagne,  il  y  avait,  en  déc.  4884,  464  sé- 
minaires d'instituteurs  et  24  d'institutrices.  De  plus, 
75  écoles  préparatoires  (dont  4  pour  les  femmes). 

Angleterre.  En  Angleterre,  les  écoles  normales  d'insti- 
tuteurs et  d'institutrices  sont  appelées  training  collèges. 
Elles  sont  toutes  la  création  d'associations  privées  ou  de 
particuliers,  mais  l'Etat  les  subventionne  et  les  surveille. 
On  en  comptait  42  en  4884.  Toutes  possèdent  une  école 
d'application.  Les  premières  furent  fondées  par  les  asso- 
ciations British  an  Foreign  school  Society  et  National 
Society;  h  première,  qui  professe  la  neutralité  confes- 
sionnelle, en  possède  6,  la  seconde,  4;  l'Eglise  anglicane 
en  a  25,  les  wesleyens  2,  les  congrégationahstes  4,  les 
catholiques  3.  Le  nombre  des  maîtres  est  de  338,  celui 
des  élèves  de  3,244,  dont  3,499  boursiers  (en  4883-84). 
Depuis,  on  a  ouvert  à  Liverpool  un  quarante-deuxième 
training  college,^  sans  couleur  religieuse,  et  le  mouve- 
ment vers  la  laïcisation  est  très  marqué.  Chaque  année, 
a  lieu  l'examen  d'admission  à  chaque  training  collège. 
Le  cours  moyen  d'études  est  de  deux  années.  2  écoles 
normales  admettent  des  élèves-maîtres  des  deux  sexes  ; 
des  autres,  23  sont  réservées  aux  femmes  et  46  aux 
hommes.  En  Ecosse,  il  y  a  4  training  collèges  mixtes 
quant  au  sexe  et  3  réservés  aux  institutrices.  Tous  sont 
entretenus  par  l'Eglise  d'Ecosse,  l'Eglise  libre  ou  l'Eghse 
épiscopale.  —  En  Irlande,  il  n'y  eut,  jusqu'en  4883,  qu'une 
école  normale  {the  Institution)  ;  entretenue  par  l'Etat, 
c'était  un  internat  comptant  400  élèves-maîtres  et  75  élèves- 
maîtresses.  3  autres  ont  été  créés  en  4883  et  4884,  dont 
2  catholiques;  mais  encore  maintenant  la  majorité  des 
instituteurs  se  forment  par  l'apprentissage  direct  en  servant 
de  moniteurs  à  leurs  collègues  en  exercice. 

Argentine  {République).  Il  y  avait,  en  4882,  9  écoles 
normales  d'instituteurs  et  6  d'institutrices,  ayant  respec- 
tivement 306  et  335  élèves. 

Autriche-Hongrie.  En  Autriche,  la  première  école  nor- 
male fut  créée  par  Mesmer  en  4770,  sous  le  nom  de  Nor- 
malschule.  On  apphqua  la  méthode  d'enseignement  mé- 
canique de  l'abbé  de  Sagan.  En  4780,  il  y  avait  45  écoles 
normales.  Le  code  scolaire  de  4805  fixe  à  trois  mois  la 
durée  des  cours  pédagogiques  pour  les  aspirants  institu- 
teurs des  écoles  élémentaires,  à  six  mois  pour  ceux  qui 
se  destinent  aux  écoles  principales.  Sous  le  ministère 
Hasner  (4867-70)  a  lieu  la  réforme  scolaire.  En  4869,  on 
organise  de  véritables  écoles  normales  :  âge  d'admission, 
quinze  ans  ;  durée  des  études,  quatre  années.  Il  y  en  avait 
42  pour  les  instituteurs,  et,  sur  ce  nombre,  24  allemandes 
(dont  2  mixtes),  7  tchèques,  è  polonaises,  3  polonaises  et 
ruthènes,  2  Slovènes  (mixtes),  2  italiennes  (4  mixte), 
2  croates  (4  mixte).  Des  24  écoles  normales  d'institutrices, 
40  allemandes  (dont  2  mixtes),  4  tchèques  (4  mixte), 
4  polonaise,  3  italiennes  (4  mixte),  4  Slovène  (mixte). 


ECOLE 


—  376  — 


1  croate.  -—  En  Hongrie,  l'organisation  est  analogue,  mais 
des  70  écoles  normales,  24  seulement  appartiennent  à 
l'Etat  ;  les  autres  sont  confessionnelles  (catholiques  23, 
catholiques  grecques  4,  grecques  orientales  4,  calvinistes  4, 
luthériennes  40,  Israélite  1).  On  y  comptait  3,988  élèves, 
dont  i,025  femmes,  2,291  boursiers. 

Belgique.  Les  écoles  normales  de  la  Belgique  sont,  de- 
puis l'origine  du  royaume,  dans  une  situation  instable, 
tenant  aux  luttes  des  partis  sur  le  terrain  scolaire.  En  1842, 
on  décida  que  les  écoles  normales  privées  seraient  adoptées 
par  le  gouvernement  à  côté  des  2  siennes,  à  la  condition 
de  se  soumettre  à  l'inspection.  Les  écoles  congréganistes 
ou  épiscopales  bénéficièrent  de  ce  régime.  En  1879,  on 
leur  retira  ces  avantages,  et  l'Etat,  qui  n'avait  que  4  écoles 
d'instituteurs  et  1  d'institutrices,  en  ouvrit  d'autres.  Mais, 
dès  1884,  la  réaction  catholique  rendit  aux  écoles  privées 
les  subsides  de  l'Etat  et  réduisit  le  nombre  des  écoles  pu- 
bliques. Dans  celles-ci,  le  régime  est  l'externat  ou  l'internat, 
l'âge  d'admission  de  seize  à  vingt-deux  ans,  la  durée  des 
études  de  quatre  années. 

Brésil.  Il  existait,  en  1884,  18  écoles  normales  pri- 
maires relevant  des  autorités  provinciales. 

Bulgarie.  On  a  créé,  en  1881,  2  écoles  normales  pri- 
maires (Vratsa,  Choumla);  en  1882,  1  autre  à  Kazanlik 
(Roumélie-Orientale). 

Canada.  Il  y  a  des  écoles  normales,  confessionnelles  ou 
neutres,  mixtes  quant  au  sexe,  dans  les  provinces  de 
Québec,  d'Ontario,  Nouvelle-Ecosse,  Nouveau-Brunswick  et 
dans  l'Ile  du  Prince-Edouard. 

Chili.  Il  y  avait,  en  1881,  4  écoles  normales. 

Colombie.  Chacun  des  neuf  Etats  ou  provinces  a  son 
école  normale  d'instituteurs  et  son  école  normale  d'insti- 
tutrices. Elles  fonctionnent  d'après  la  méthode  allemande. 

Danemark.  Les  séminaires  d'instituteurs  remontent  à 
1790  ;  il  y  en  a  5  avec  233  élèves;  pas  d'école  normale 
d'institutrices. 

Egypte.  On  a  fondé  en  1881  une  école  normale  d'ins- 
tituteurs. 

Espagne.  Créées  en  1838,  les  écoles  normales  devaient 
être  à  raison  d'une  par  province  ;  ce  nombre  fut  réduit  en 
1849  à  9  écoles  normales  supérieures  (internats),  plus 
l'école  centrale  de  Madrid  et  22  écoles  normales  élémen- 
ts ur^  (externats).  En  1857,  on  décida  de  nouveau  qu'il  y 
iiaidu  une  école  normale  dans  la  capitale  de  chaque  pro- 
vince et  qu'on  en  créerait  pour  former  des  institutrices. 
En  1884,  il  y  avait  47  écoles  normales  d'instituteurs  dont 
2  seulement  avaient  un  cours  d'études  de  quatre  années, 
6  de  trois  années,  39  de  deux  années.  De  plus,  29  écoles 
normales  d'institutrices  dont  12  avaient  un  cours  d'études 
de  trois  ans,  16  de  deux  ans,  1  d'un  an. 

Etats-Unis.  Les  écoles  normales  (normal  schools) 
sont  nombreuses  ;  en  1883,  on  en  a  recensé  233  avec 
36,300  élèves  sur  le  territoire  de  l'Union  ;  sur  ce  total, 
97  étaient  entretenues  par  les  Etats  (18,000  élèves), 
22  par  une  ville  ou  un  comté  (3,300  élèves)  et  114  par 
des  particuliers  (15,000  élèves).  La  première  fut  ouverte 
dans  le  Massachusetts  à  Lexington  et  dirigée  par  Cyrus 
Peirce  (V.  ce  nom).  Le  régime  varie  d'un  établissement  à 
l'autre.  L'école  normale  d'^Albany,  la  principale  de  l'Etat 
de  New-York,  reçoit  les  élèves  des  deux  sexes,  à  seize  ans 
(femmes)  ou  à  dix-huit  (hommes) .  L'admission  est  prononcée 
sur  le  vu  d'un  certificat  d'études  ou  après  examen.  L'en- 
seignement est  gratuit;  il  dure  deux  années  divisées  cha- 
cune en  deux  semestres  d'études.  —  Malgré  le  nombre 
des  écoles  normales  et  de  leurs  élèves,  l'enseignement  pri- 
maire est  si  développé  aux  Etats-Unis  qu'il  a  fallu,  pour 
recruter  le  personnel  des  petites  écoles,  organiser  presque 
partout  des  cours  normaux  ou  des  conférences  pédagogiques 
(teachers  institutes). 

Grèce.  Il  existe  à  Athènes  une  école  normale  d'institu- 
teurs et  une  école  normale  d'histitutrices  (Arsakeion). 

Hollande.  La  première  et  longtemps  la  seule  école  nor- 
male fut  celle  de  Haarlem  fondée  en  1816   (externat, 


quatre  années  d'études) .  Après  la  loi  âe  1857  on  en  eut  3; 
en  1878,  7,  outre  des  cours  normaux  municipaux  ou 
publics.  Pour  les  institutrices,  il  n'y  a  que  des  écoles  nor- 
males libres  et  des  cours. 

Italie.  Le  règlement  de  1883  a  supprimé  le  nom  d'écoles 
magistrales,  mais  maintenu  la  chose,  c.-à-d.  les  écoles 
normales  inférieures  (deux  ans  d'études)  à  côté  de  celles  du 
degré  supérieur  (trois  ans  d'études).  Les  unes  et  les  autres 
ont  un  cours  préparatoire  de  deux  ans  auquel  on  est  admis 
à  treize  ans  (femmes)  ou  quatorze  ans  (hommes).  On  a  créé 
en  1 882  à  Rome  et  à  Elorence  des  écoles  normales  supé- 
rieures d'institutrices  [Istituti  superiori  femminili  di 
magistero)  pour  préparer  celles  qui  se  destinent  à  un  en- 
seignement plus  élevé  que  celui  de  l'école  primaire.  On  y 
entre  avec  le  brevet  d'institutrice  primaire  et  on  y  fait 
quatre  années  d'études. 

Japon.  Les  écoles  normales  primaires  étaient  en  1882 
au  nombre  de  76.  Leur  enseignement  comporte  trois  de- 
grés différents.  A  chacune  est  annexée  une  école  d'applica- 
tion. A  Tokio,  l'Etat  entretient  2  écoles  normales  modèles 
pour  les  hommes  et  les  femmes.  Les  autres  sont  entre- 
tenues par  les  autorités  locales. 

Luxembourg.  L'école  normale  fondée  en  1817  est  un 
externat  pour  les  jeunes  gens,  un  internat  congréganiste 
pour  les  jeunes  filles. 

Norvège.  Il  existe  à  côté  des  séminaires  des  écoles 
d'instituteurs  annexées  aux  écoles  primaires  supérieures 
rurales.  D'un  ordre  un  peu  inférieur,  les  séminaires  étaient 
en  1881  au  nombre  de  6;  les  petites  écoles  normales  au 
nombre  de  5;  les  premiers  comptaient  423  élèves;  les 
autres  106. 

Pérou.  Il  a  été  ouvert  en  1876  et  1878  à  Lima  une 
école  normale  pour  chacun  des  deux  sexes. 

Portugal.  On  a  décidé  en  1878  la  création  de  2  écoles 
normales  modèles  à  Lisbonne  et  à  Porto  pour  former 
l'une  des  instituteurs,  l'autre  des  institutrices.  L'âge  d'ad- 
mission est  de  seize  à  vingt-cinq  ans  ;  la  durée  des  études 
de  trois  années.  Dans  les  autres  districts  administratifs, 
on  a  créé  des  écoles  normales  de  seconde  classe  (deux  ans 
d'études). 

Roumanie.  En  1882-1883,  on  a  recensé  dans  les 
8  écoles  normales  primaires  741  élèves. 

Russie.  Les  instituts  pédagogiques  préparent  les 
maîtres  des  écoles  urbaines  et  de  district  ;  les  séminaires 
pédagogiques  préparent  ceux  des  écoles  élémentaires.  Les 
premiers  sont  des  internats  où  les  études  durent  trois 
années  et  renferment  chacun  au  plus  75  élèves,  dont 
60  boursiers  ;  on  y  entre  à  seize  ans.  Les  seconds  sont  des 
externats  où  l'on  entre  à  seize  ans  ;  ils  ont  chacun  60  élèves 
boursiers.  La  durée  des  études  est  de  trois  années.  On 
compte  une  dizaine  d'instituts  pédagogiques  ;  quant  aux 
séminaires  pédagogiques,  il  y  en  avait,  en  1883,  62  dont 
49  entretenus  par  le  gouvernement.  Ils  comptaient  4,423 
élèves  dont  620  femmes. 

Serbie.  Les  instituteurs  se  forment  aux  séminaires  de 
Belgrade  et  de  Nich,  les  institutrices  à  l'école  supérieure 
de  Belgrade  (section  pédagogique). 

Suède.  Il  y  a  7  écoles  normales  primaires  ou  sémi- 
naires d'instituteurs  et  4  d'institutrices  ;  ce  sont  des  ex- 
ternats ;  la  durée  des  études  est  de  quatre  ans  (trente-six 
semaines  par  an).  Il  existe  de  plus  2  séminaires  spéciaux 
pour  les  écoles  finnoises  et  les  écoles  laponnes. 

Suisse.  Les  institutions  pédagogiques  sont  très  diffé- 
rentes d'un  canton  à  l'autre.  Beaucoup  n'ont  pas  d'école 
normale,  soit  que  les  instituteurs  fassent  leurs  études  pro- 
fessionnelles dans  les  gymnases,  soit  qu'ils  se  rendent  dans 
les  séminaires  d'un  canton  voisin.  C'est  le  cas  pour  les 
doubles  cant.  d'Ap[)enzell  et  de  Bâle  et  d'Unterwald,  pour 
ceux  de  Glaris,  d'Uri,  de  Schaffhouse.  Le  cant.  de  Berne 
possède  4  écoles  normales  cantonales  pour  les  institu- 
teurs français  et  allemands,  institutrices  françaises  et 
allemandes. Le  régime  comporté  l'internat,  la  gratuité,  mais 
pas  de  bourses,  une  école  d'application,  l'admission  à 


—  377  — 


ECOLE 


quinze  ans  ;  il  existe  de  plus  des  établissements  privés.  Le 
cant.  de  Lucerne  eut  en  1799  la  première  école  normale 
de  Suisse  fondée  par  le  directoire  de  la  République  hel- 
vétique. Elle  existe  encore  avec  les  règles  suivantes  :  ex- 
ternat, gratuité,  bourses,  admission  à  quinze  ans,  quatre 
ans  d'études.  Les  séminaires  cantonaux  d'instituteurs  de 
Soleure  et  de  Schwytz  sont  des  internats  (admission  à  quinze 
ou  à  seize  ans,  trois  ans  d'études)  ;  les  séminaires  d'ins- 
titutrices des  cant.  de  Schwytz  et  Zug  sont  dirigés  par  les 
sœurs  de  la  Sainte-Croix.  Le  séminaire  cantonal  d'institu- 
teurs de  Saint-Gall  est  mixte  au  point  de  vue  religieux  ; 
c'est  un  internat  où  l'on  entre  à  quinze  ans,  les  études 
durant  trois  années.  Les  Grisons  ont  à  Coire  un  séminaire 
cantonal  d'instituteurs  (internat,  admission  à  treize  ans, 
quatre  ans  d'études);  comme  dans  le  précédent,  la  plupart 
des  élèves  sont  boursiers.  Les  séminaires  cantonaux  d'ins- 
tituteurs d'Argovie  et  de  Thurgovie  (celui-ci  organisé  par 
Wehrli),  mixtes  quant  aux  cultes,  sont  des  internats  où 
l'on  entre  à  quinze  ans  pour  faire  quatre  ou  trois  années 
d'études. Dans  les  écoles  normales  d'instituteurs  et  d'institu- 
trices du  Tessin,les  études  ne  durent  que  deux  ans  ;  elles  sont 
mixtes  quant  aux  cultes.  Les  écoles  normales  du  cant.  de 
Vaud  sont  protestantes  ;  pour  les  femmes  comme  pour  les 
hommes,  le  régime  est  l'externat  ;  on  y  est  admis  à  seize 
ans  avec  le  titre  d'élève-régent  ou  régente.  Les  premiers 
font  quatre  ans  d'étude,  les  secondes  deux  ans.  Le  cant. 
du  Valais  a   4  écoles  normales  cantonales  (instituteurs, 
institutrices  de  langue  française  et  allemande)  ;  elles  sont 
catholiques  ;  on  y  entre  à  quinze  ans  et  les  études  durent 
trois  années,  mais  seulement  deux  à  trois  mois  par  an.  A 
Neuchàtel,  l'école  normale  cantonale  d'instituteurs  et  d'ins- 
titutrices est  laïque  ;  c'est  un  externat  où  l'on  entre  à  seize 
ans  ;  les  études  durent  deux  ans  pour  les  hommes,  un  an 
pour  les  femmes.  Le  cant.  de  Genève  n'a  pas  d'école  nor- 
male, mais  seulement  une  double  section  de  pédagogie  au 
gymnase  et  une  autre  à  l'école  supérieure  de  filles.  En 
résumé,  la  Suisse  possédait  en  1885,  34  écoles  normales 
dont  25  cantonales,  1  municipale,  8  privées  ;  21  étaient 
réservées  aux  hommes,  12  aux  femmes,  1  mixte.  Au  point 
de  vue  confessionnel,  3  ne  comportaient  pas  d'enseigne- 
ment religieux,  14  étaient  mixtes  quant  au  culte,  8  pro- 
testantes et  9  catholiques. 

Uruguay.  On  a  créé  en  1877  une  double  école  normale 
à  Montevideo.  A. -M.  B. 

Ecoles  stagiaires.  —  Les  écoles  stagiaires  sont,  aux 
termes  de  la  loi  de  1850,  les  établissements  publics  ou 
libres  d'institution  primaire  autorisés  par  le  conseil  dé- 
partemental pour  recevoir  des  élèves-maîtres  stagiaires. 
Cette  institution  a  disparu  devant  le  développement  des 
écoles  normales  d'enseignement  primaire.  Les  stagiaires 
pensionnaires  ou  externes  étaient  confiés  à  l'instituteur  sur 
sa  demande  ;  ils  étaient  surveillés  par  l'mspecteur  primaire. 
Ecole  normale  supérieure  d'instituteurs.  —  Ins- 
tallée en  mars  1882  dans  les  dépendances  de  l'ancien  palais 
de  Saint-Cloud.  Dès  l'année  précédente  (arrêté  de  M.  Jules 
Ferry  du  9  mars  1881),  le  ministère  de  l'instruction  pu- 
blique avait  décidé  d'établir  pour  les  écoles  normales  d'insti- 
tuteurs une  pépinière  de  professeurs  analogue  à  celle  qu'il 
venait  d'ouvrir  à  Fontenay- aux- Roses  pour  les  écoles 
normales  d'institutrices.  «  Un  premier  essai  de  cours  pré- 
paratoires au  professorat  des  écoles  normales  »  avait  eu 
lieu  du  1^^  avr.  au  15  juil.  1881,  à  Sèvres,  dans  les 
locaux  occupés  depuis  par  l'Ecole  normale  d'enseignement 
secondaire  des  jeunes  filles.  33  maîtres  adjoints  désignés 
par  les  recteurs  (21  pour  les  sciences,  12  pour  les  lettres), 
avaient  été  reçus  là  aux  frais  de  l'Etat  et  préparés  pen- 
dant trois  mois  au  certificat  d'aptitude  au  professorat, 
où  plus  de  la  moitié  avaient  réussi  du  premier  coup. 
En  renouvelant  l'essai  l'année  suivante,  on  avait  mis  les 
places  au  concours.  La  durée  des  études  fut  portée  à  un 
an  d'abord,  puis  à  deux  ans.  C'est  le  22  déc.  1882  que, 
sur  l'avis  du  conseil  supérieur,  fut  pris  par  M.  Duvaux, 
ministre,  l'arrêté  qui  consacrait  l'Ecole  normale  supérieure 


d'enseignement  primaire  de  Saint-Cloud.  Elle  reçoit  des 
élèves  internes  et  des  élèves  externes.  Le  nombre  des  in- 
ternes, fixé  chaque  année  par  le  ministre,  est  en  moyenne 
de  20  par  promotion;  celui  des  externes  est  variable.  Les 
internes  seuls,  étant  tous  boursiers,  sont  reçus  au  concours  : 
il  faut  être  âgé  de  vingt  et  un  ans  au  moins  et  de  vingt-cinq 
au  plus,  avoir  deux  ans  de  service  dans  l'enseignement 
public,  être  pourvu  soit  du  brevet  supérieur,  soit  d'un  bac- 
calauréat, enfin  prendre  l'engagement  décennal.  Outre  le 
logement,  la  nourriture  et  l'instruction,  les  élèves  reçoivent 
une  indemnité  annuelle  de  250  fr.  (elle  était  même  de  400 
avant  1888)  pour  leurs  dépenses  d'entretien  et  de  voyage. 
Les  externes  sont  admis  pour  une  année  seulement  par 
décision  bienveillante  du  ministre,  sur  le  rapport  favorable 
du  recteur  de  leur  académie;  ils  suivent  les  cours  et 
participent  à  toute  la  vie  scolaire  des  internes,  mais  ils 
prennent  leur  logement  et  leurs  repas  au  dehors;  ou  payent 
un  prix  de  pension  fixé  à  800  fr.  pour  être  reçus  (jusqu'à 
concurrence  de  10)  comme  pensionnaires  libres  à  l'Ecole. 
Il  y  a  deux  catégories  d'externes  :  les  uns  qui  ont  été  ad- 
missibles au  plus  récent  concours  d'admission  et  ont  donné 
une  idée  suflisante  de  leur  aptitude;  les  autres  qui  se 
préparent  directement  au  professorat  et  y  ont  déjà  été  ad- 
missibles. 

Tout  ce  qui  concerne  le  régime  de  l'Ecole  est  réglé  par 
le  décret  et  l'arrêté  du  18  janv.  1887  pris  en  exécution  de 
la  loi  du  30  oct.  1886.  Il  faut  dire  toutefois  que  plusieurs 
dispositions  libérales  de  ce  règlement  n'ont  pu  encore  être 
appliquées  pour  des  raisons  budgétaires,  par  exemple  celles 
qui  concernent  les  bourses  d'externes,  la  troisième  année 
d'études,  l'mstitution  d'une  école  normale  annexe.  L'inter- 
nat est  ce  qu'il  doit  être  pour  des  hommes  et  des  maîtres, 
c._à-d.  aussi  libre  que  possible  :  point  de  maîtres  d'études  ; 
pour  toute  administration  un  directeur,  un  sous-directeur 
et  un  économe.  Les  récréations  ont  lieu  dans  le  parc  Saint- 
Cloud.  Chaque  élève  a  sa  chambre  pour  la  nuit,  mais  ils 
travaillent  en  commun;  ils  ont  une  bibliothèque,  une  salle 
de  réunion  avec  des  jeux,  des  journaux  français  et  étran- 
gers, des  revues  littéraires,  scientifiques  et  pédagogiques. 
Le  dimanche,  jour  de  sortie  générale,  ils  viennent  libre- 
ment à  Paris,  où  d'ailleurs  dans  la  semaine  même  ils  vien- 
nent par  groupes  suivre  certains  cours.  L'enseignement  est 
donné  dans  l'Ecole  par  des  professeurs  appartenant  pour 
la  plupart  aux  lycées  de  Paris.  Chaque  leçon  est  d'une 
heure  et  demie  :  aucun  professeur  n'en  donne  plus  de  deux 
par  semaine.  Pas  d'autres  programmes  que  ceux  des  écoles 
normales  primaires,  mais  étudiés  d'une  manière  appro- 
fondie, dans  un  esprit  élevé  et  philosophique,  avec  les  excur- 
sions nécessaires  sur  les  domaines  voisins,  notamment  dans 
le  champ  de  l'histoire,  de  la  morale  et  de  la  psychologie 
apphquée.  Des  manipulations,  des  excursions  scientifiques, 
des  interrogations  hebdomadaires  constituent  pour  les  élèves 
de  sciences  une  série  d'exercices  pratiques,  auxquels  cor- 
respondent pour  la  section  des  lettres,  des  discussions,  des 
explications  d'auteurs,  des  corrections  de  devoirs,  des  leçons 
faites  et  critiquées  par  les  élèves.  Quatre  heures  et  demie 
par  semaine  dans  chaque  année  sont  consacrées  à  l'ensei- 
gnement du  travail  manuel  (forge,  ajustage,  tour  au  fer  et 
au  bois,  modelage,  menuiserie,  etc.),  enseignement  donné 
par  deux  professeurs  spéciaux  et  obligatoire  pour  la  sec-- 
tion  des  sciences.  Par  là  l'Ecole  de  Saint-Cloud  a  remplacé 
l'Ecole  spéciale  de  travail  manuel  supprimée  en  1883.  Elle 
fournit  aussi,  au  besoin,  le  personnel  enseignant  et  diri- 
geant des  écoles  primaires  supérieures  aussi  bien  que  des 
écoles  normales.  Le  budget  de  l'Ecole  était  de  172,960  fr. 
en  1889.  Pour  les  20  places  d'internes,  il  y  a  en  moyenne 
200  candidats;  le  niveau  n'a  cessé  de  s'élever,  mais  en 
restant  toujours  inférieur  pour  les  lettres  à  ce  qu'il  est 
pour  les  sciences.  Parmi  les  externes,  il  y  a  chaque  année 
des  étrangers  ;  chaque  année  aussi  l'Ecole  envoie  à  l'étran- 
ger quelques-uns  de  ses  élèves,  comme  boursiers  de  l'Etat, 
pour  y  compléter  leurs  études  de  langues  vivantes.  Ils 
prennent  au  retour  les  grades  spéciaux  de  cet  enseigne- 


ÉCOLE 


--  378  — 


ment.  D'une  manière  générale,  les  élèves  de  Saint-Cloud 
ne  se  bornent  pas  aux  grades  auxquels  on  les  prépare  direc- 
tement. Comme  il  arrive  toujours  à  la  suite  d'études  éle- 
vées, ils  se  trouvent  prêts  pour  des  services  plus  variés, 
plus  élevés  même  parfois,  que  ceux  qu'on  avait  d'abord  en 
vue.  Enseignement,  inspection,  direction,  ils  remplissent 
déjà  des  fonctions  très  diverses  en  France  et  aux  colonies. 
.Comme  lien  entre  eux,  ils  ont  fondé  une  Société  amicale  des 
anciens  élèves  de  Saint-Cloud.  H.  M. 

Ecole  normale  supérieure  d'institutrices  de  Fon- 
tenay-aux-Roses .  —  La  loi  du  1 0  juin  1879  ayant  prescrit 
à  tous  les  départements  d'avoir  dans  quatre  ans  une  école 
normale  de  filles,  il  fallait  préparer  d'urgence  des  direc- 
trices et  des  professeurs  pour  ces  écoles  :  tel  est  le  but  de 
l'Ecole  normale  supérieure  d'institutrices  ouverte  à  Fonte- 
nay-aux-Roses  en  nov.  1880.  L'organisation  des  études  fut 
confiée  à  M.  Pécaut,  inspecteur  général,  qui  en  a  gardé 
depuis  la  haute  direction,  et  dont  on  peut  dire  que  cette 
école  est  l'œuvre  en  ce  qu'elle  a  de  plus  original.  On  ne 
peut  toutefois  séparer  de  ce  nom  celui  de  M°^®  de  Friedberg, 
la  directrice  des  dix  premières  années.  Les  premières  leçons 
eurent  lieu  à  l'Ecole  normale  d'institutrices  de  Paris,  où 
l'on  avait  réuni  en  hâte  les  19  élèves  de  la  première 
promotion,  appelées  pour  une  année  seulement.  Peu  après 
l'installation  à  Fontenay,  un  arrêté  de  M.  Jules  Ferry 
(24  déc.)  fixa  les  conditions  de  l'établissement,  confirmées 
et  développées  depuis  par  l'arrêté  du  18  janv.  1887.  Pour 
la  première  fois  en  France  l'Etat  créait  l'instruction  supé- 
rieure des  jeunes  filles,  cela  en  vue  d'organiser  rationnel- 
lement et  de  fortifier  l'enseignement  primaire  des  femmes  ; 
et  il  conviait  à  cette  œuvre,  si  importante  dans  la  réfection 
totale  de  l'éducation  nationale,  des  hommes  choisis  dans 
les  trois  ordres  d'enseignement.  De  là  le  caractère  unique, 
et  si  remarqué  à  l'origine,  de  cette  grande  école,  où  des 
professeurs  des  lycées  de  Paris,  de  la  Sorbonne  et  du  Mu- 
séum, humanistes,  philosophes,  savants,  membres  de  l'Ins- 
titut, apportent,  les  uns  deux  fois  par  semaine,  les  autres 
seulement  quelques  fois  par  an,  le  meilleur  et  le  plus  assi- 
milable de  leur  savoir  et  de  leur  pensée  à  une  élite  de 
jeunes  filles  déjà  fort  instruites,  et  dont  le  bon  vouloir  ne 
saurait  être  plus  grand. 

Bien  que  l'Ecole  puisse  recevoir  des  externes,  elle  en  a 
peu  :  toutes  les  élèves  proprement  dites  sont  internes  et 
boursières  de  l'Etat,  qui  leur  fournit  même  les  livres  et 
alloue  à  chacune  pour  frais  d'habillement  et  de  voyage  une 
indemnité  annuelle  de  250  fr.  Elles  sont  nommées  au  con- 
cours. Pour  s'y  présenter,  il  faut  avoir  dix-neuf  ans  au 
moins,  vingt-cinq  au  plus,  être  munie,  soit  du  brevet  supé- 
rieur, soit  du  diplôme  de  bachelier,  soit  du  certificat 
d'études  secondaires,  enfin,  prendre  l'engagement  décen- 
nal. Le  nombre  des  aspirantes  dépasse  150  :  on  en  reçoit 
en  moyenne  15  pour  les  lettres  et  autant  pour  les  sciences. 
La  durée  des  études,  fixée  en  principe  à  trois  ans,  n'est 
encore  en  fait  que  de  deux,  vu  l'urgence  des  besoins.  En 
revanche,  le  nombre  des  élèves  est  de  plus  de  70  (avec  les 
aspirantes  à  la  direction)  ;  il  pourra  être  moindre  quand 
les  écoles  normales  nouvelles  et  les  écoles  primaires  su- 
périeures (pour  lesquelles  on  exige  le  même  grade)  auront 
tout  leur  contingent  de  professeurs.  L'examen  d'entrée 
n'a  pas  d'autre  programme  que  celui  des  écoles  normales 
et  du  brevet  supérieur;  mais  on  y  cherche  les  marques 
d'aptitude,  ^  les  bonnes  habitudes  d'esprit,  le  sens  péda- 
gogique bien  plus  que  le  savoir  acquis.  Pour  l'ordre 
des  lettres,  quatre  compositions  écrites  :  littérature,  pé- 
dagogie ou  morale,  histoire  et  géographie,  langues  vi- 
vantes ;  quatre  épreuves  orales  :  exposé  grammatical  ou 
littéraire,  exposé  d'histoire  et  de  géographie,  explication 
d'un  texte  français,  explication  d'un  texte  anglais  ou  alle- 
mand. Pour  les  sciences  :  compositions  écrites  de  mathé- 
matiques, de  sciences  physiques  et  naturelles,  de  dessin, 
de  langues  vivantes,  de  pédagogie  ou  de  morale.  Comme 
épreuves  orales  :  exposé  de  mathématiques  ;  exposés  de 
physique,  chimie,  histoire  naturelle;  explication  d'un  texte 


allemand  ou  anglais  ;  travail  à  l'aiguille.  Les  compositions 
se  font  au  chef-lieu  de  chaque  département  et  sont  corri- 
gées à  Paris  par  des  commissions  composées  surtout  des 
professeurs  de  l'Ecole.  L'oral  a  lieu  à  Paris.  Une  heure  de 
préparation  est  accordée  pour  les  exposés,  que  suivent  des 
interrogations  diverses.  La  première  année  se  termine  par 
un  simple  examen  de  passage,  la  seconde  par  l'examen 
public  du  professorat. 

La  discipline  intérieure,  toute  libérale,  s'exerce  sans 
étroite  surveillance,  par  l'mfluence  morale,  par  les  conseils 
de  la  directrice  et  de  quatre  répétitrices  choisies  parmi  les 
anciennes  élèves.  L'esprit  de  liberté  et  de  responsabilité 
est  la  règle  de  la  maison.  La  grande  majorité  des  élèves 
ont  chacune  leur  chambre,  qu'elles  font  elles-mêmes.  A 
tour  de  rôle  elles  prennent  part  à  l'administration  inté- 
rieure. Les  salles  de  travail  sont  communes.  Les  récréations 
se  prennent  au  jardin  et  même  au  dehors  en  pleins  champs, 
ou  bien  dans  la  bibliothèque,  les  salles  de  lecture  et  de 
jeux.  Toute  étude  cesse  à  sept  heures  et  demie,  et  l'heure 
entière  qui  précède  le  coucher  est  donnée  à  la  conversation, 
à  la  danse,  à  la  correspondance,  aux  petits  travaux  de  cou- 
ture. Une  règle  inflexible  interdit  le  travail  la  nuit  et  pen- 
dant les  heures  dues  aux  repos.  Le  travail  est  du  reste 
aussi  libre  que  possible.  Les  sorties  le  sont  aussi  à  cer- 
taines heures,  et  le  dimanche  depuis  le  matin  jusqu'à  la 
nuit  :  les  élèves  n'ont  qu'à  dire  où  elles  se  proposent  d'aller. 
Les^leçons  des  professeurs  sont  d'une  heure  et  demie,  et 
il  n'y  en  a  que  deux  par  jour;  mais  elles  sont  «  répétées  », 
reprises,  suivies  d'exercices  pratiques  et  d'interrogations. 
En  seconde  année  surtout,  les  élèves  font  elles-mêmes  des 
leçons,  que  plusieurs  préparent,  que  d'autres  discutent, 
que  le  professeur  corrige  principalement  au  point  de  vue 
pédagogique,  exigeant  la  transposition  de  son  propre  ensei- 
gnement, l'adaptation  aux  écoles  normales  et  quelquefois 
même  aux  écoles  primaires.  On  s'exerce  aussi  à  la  correc- 
tion des  devoirs,  à  des  comptes  rendus  de  lectures,  surtout 
à  la  composition  française,  tantôt  faite  à  loisir,  tantôt  en 
un  temps  donné.  La  version  allemande  ou  anglaise  est  pra- 
tiquée en  vue  de  la  précision  et  de  la  souplesse.  Enfin  le 
chant  choral  devant  tenir  une  grande  place  dans  l'ensei- 
gnement des  écoles  normales,  en  tient  une  grande  aussi  à 
Fontenay.  Faire,  en  un  mot,  des  éducatrices  capables  de 
tout  point  d'en  former  à  leur  tour,  voilà  le  but  en  vue  duquel 
tout  est  concerté.  Pour  cela,  la  formation  du  caractère  et 
des  habitudes  est  jugée  plus  importante  encore  que  celle 
de  l'esprit.  Les  aspirantes  à  la  direction,  déjà  pourvues  du 
diplôme  de  professeurs,  sont  admises  pour  une  seule  année 
à  la  suite  de  trois  compositions  écrites  (psychologie  ou 
morale,  pédagogie  pratique,  analyse  critique  d'un  texte). 
Leur  préparation  comporte,  outre  des  exercices  communs  à 
toute  l'Ecole,  d'autres  analogues  et  plus  approfondis,  puis 
des  visites  faites  sous  la  direction  d'un  inspecteur  général 
dans  les  écoles  de  Paris,  et  certains  cours  suivis  à  la  Sor- 
bonne, dont  elles  rendent  compte  ensuite  et  qu'elles  discu- 
tent dans  de  libres  entretiens.  Toutes  les  élèves  sont  exer- 
cées avant  tout  à  penser  par  elles-mêmes  en  toute  sincérité, 
de  façon  à  répandre  à  leur  tour  dans  le  personnel  qu'elles 
formeront  pour  l'éducation  des  filles  du  peuple  ce  fruit  par 
excellence  d'une  culture  élevée  :  de  bonnes  habitudes  intel- 
lectuelles et  morales.  La  fondation  de  cette  école  est  sans 
contredit  une  des  plus  belles  créations  et  des  plus  décisives 
qui  aient  été  faites  pour  l'éducation  de  la  démocratie. 

H.  Marion. 

Ecole  normale  supérieure  (pour  le  recrutement  des 
professeurs  de  l'enseignement  secondaire  classique).  —  On 
fait  avec  raison  remonter  l'origine  première  de  cette  école 
aux  mesures  prises  par  le  parlement  de  Paris  en  1762  pour 
préparer  des  maîtres  en  remplacement  des  jésuites  expulsés. 
Tel  est  le  sens  de  l'arrêt  du  7  sept.  1762  qui  réunit  au 
collège  de  Louis-le-Grand  le  collège  de  Lisieux  et  groupa 
dans  cette  maison  les  boursiers  aspirants  à  l'enseignement 
jusque-là  épars  dans  les  divers  collèges  de  l'Université. 
Un  règlement  du  4  sept.  1770  organisa  en  particulier  le 


—  379 


concours  pour  les  bourses  d'aspirants  aux  trois  agrégations 
de  grammaire,  de  rhétorique  et  de  philosophie  instituées 
par  lettres  patentes  du  3  mai  4766.  Quand  le  9  brumaire 
an  m  (30  oct.  1794),  la  Convention  créa  l'Ecole  normale 
de  Paris,  elle  eut  en  vue  bien  moins  d'assurer  la  culture 
classique  que  la  diffusion  des  lumières  en  général,  voire 
celle  de  l'instruction  élémentaire  daus  le  peuple  (rapport  de 
Lakanal).  LesLaplace,  les  Lagrange,les  Plaliy,  les  Monge, 
les  Berthollet,  pour  les  sciences;  La  Harpe, Volney, Garât, 
Bernardin  de  Saint-Pierre,  pour  les  lettres,  n'eurent  pas 
des  élèves  suffisamment  préparés  à  recevoir  leur  enseigne- 
ment. C'est,  en  réalité,  le  décret  du  17  mars  1808  qui,  en 
organisant  l'Université  impériale,  institua  l'Ecole  normale 
que  nous  connaissons  pour  en  assurer  le  recrutement. 
«  Il  sera  établi  à  Paris,  disait  l'art.  110,  un  pensionnat 
normal  destiné  à  recevoir  trois  cents  jeunes  gens  qui  y 
seront  formés  à  l'art  d'enseigner  les  lettres  et  les  sciences.» 
Les  inspecteurs  généraux  devaient  choisir  chaque  année,  dans 
les  lycées,  d'après  des  examens  et  des  concours,  un  nombre 
déterminé  d'élèves,  âgés  de  dix-sept  ans  au  moins,  parmi 
ceux  dont  les  progrès  et  la  bonne  conduite  auraient  été  les 
plus  constants  et  qui  annonceraient  le  plus  d'aptitude  à 
l'administration  ou  à  l'enseignement.  L'art.  112  exigeait 
des  aspirants  l'engagement  décennal.  D'autres  articles  por- 
taient que  les  élèves  du  pensionnat  normal  suivraient  les 
cours  du  Collège  de  France,  de  l'Ecole  polytechnique  ou  du 
Muséum,  mais  qu'ils  auraient  en  outre,  dans  l'Ecole,  «  des 
répétiteurs  choisis  parmi  les  plus  anciens  et  les  plus  habiles 
de  leurs  condisciples  ».  Le  séjour  à  l'Ecole  «  aux  frais  de 
l'Université  »  serait  de  deux  ans.  Durant  ces  deux  années 
ou  à  leur  terme,  les  aspirants  devaient  prendre  leurs  grades 
à  Paris,  dans  la  Faculté  des  lettres  ou  dans  celle  des  scien- 
ces, pour  être  aussitôt  appelés  par  le  grand  maître  à  rem- 
plir des  places  dans  les  académies.  —  Cette  organisation 
est  encore  à  peu  près  celle  de  l'Ecole  aujourd'hui,  sauf  que 
les  «  répétiteurs  »  sont  devenus  des  «  maîtres  de  confé- 
rences »  donnant  un  enseignement  personnel  souvent  très 
original  et  très  élevé,  et  que  le  cours  d'études  a  été  porté  de 
deux  à  trois  ans  (décembre  1815).  Le  statut  du  30  mars 
1810,  délibéré  en  conseil  de  l'Université,  régla  par  le  menu 
«  l'administration,  la  police  et  l'enseignement  de  l'Ecole 
normale  ».  Au  mois  de  novembre  de  la  même  année,  elle 
fut  installée  dans  les  anciens  bâtiments  du  collège  du  Pies- 
sis,  avec  37  élèves  et,  pour  maîtres  de  conférences,  Vil- 
lemain,  Burnouf,  Laromiguière.  En  1812,  on  compte  77 
élèves  et  la  première  promotion  commence  à  donner  des 
répétiteurs,  parmi  lesquels  V.  Cousin.  En  1813,  l'Ecole 
est  transférée  au  séminaire  du  Saint-Esprit,  rue  des  Postes. 
Sous  la  Restauration,  l'ordonnance  du  6  sept.  1822  sup- 
prime «  la  Grande  Ecole  normale  de  Paris  »  et  porte  qu'elle 
«  sera  remplacée  par  les  écoles  normales  partielles  des 
académies  »  ;  mais  le  résultat  fut  sans  doute  pitoyable, 
car  la  Restauration  elle-même,  quatre  ans  plus  tard,  rou- 
vrit au  collège  Louis-le-Grand  une  Ecole  préparatoire  à 
l'enseignement  qui  n'était  autre  chose  que  l'Ecole  normale 
reconstituée  et  débaptisée  (mars  et  déc.  1826,  ministère 
de  Mgr  de  Frayssinous).  Louis-Philippe  lui  rend  son  nom 
le  6  août  1830  et  elle  prospère  sous  la  direction  de  Gui- 
gniault,  auquel  succède  Cousin  en  1834  et  Dubois  en  1840. 
Les  directeurs  antérieurs  avaient  été  Guéroult (1810-1815), 
Guéneau  de  Mussy  (1815-1822),  Gibon  (1828). 

C'est  le  4  nov.  1847,  sous  le  ministère  de  Salvandy, 
que  l'Ecole  fut  installée  (avec  120  élèves)  dans  les  bâti- 
ments construits  pour  elle  rue  d'Ulm,  où  l'on  remarque 
surtout  une  très  belle  bibliothèque  et  les  laboratoires  illus- 
trés par  les  travaux  de  Sainte-Claire  Deville  et  de  Pasteur.  La 
Révolution  de  1848  donna  aux  élèves  un  uniforme  mili- 
taire qu'ils  ne  portèrent  qu'un  an.  Leur  seul  insigne  depuis 
est  une  petite  palme  brodée  à  la  boutonnière.  L'Ecole  eut 
à  souffrir  sous  les  ministères  de  Falloux,  de  Parieu  et  For- 
toul,  sans  être  toutefois  menacée  dans  son  existence.  Le 
peu  de  goût  de  l'Empire  autoritaire  pour  l'esprit  Hbéral  de 
l'Université  se  manifesta  par  des  mesures  de  défiance  qui 


ECOLE 

furent  surtout  sensibles  aux  normaliens,  mais  sans  réussir 
à  les  décourager  ni  les  empêcher  de  rester  une  élite  :  on 
trouve  des  hommes  très  distingués,  quelquefois  illustres, 
môme  dans  chacune  des  promotions  de  cette  triste  période 
(direction  Michelle,  de  1850  à  1857).  A  partir  de  1857, 
l'Ecole  se  relève  sous  la  direction  de  M.  Nisard,  surtout 
quand  on  permet  aux  élèves  sortants  de  se  présenter  direc- 
tement aux  diverses  agrégations  rétablies.  Elle  se  maintient 
sous  la  direction  de  M.  Bouilher  (1867)  et  traverse  hono- 
rablement la  crise  de  la  guerre  et  de  la  Commune,  grandie 
dans  l'opinion  par  l'enrôlement  volontaire  des  élèves  et 
la  belle  conduite  de  plusieurs  sur  les  champs  de  bataille. 
E.  Bersot  (1871),  Fustel  de  Coulanges  (1880)  et  M.  G. 
Perrot  (1883)  ont  porté  au  plus  haut  point  la  prospérité 
de  l'Ecole  par  un  régime  intérieur  de  plus  en  plus  libéral, 
non  peut-être  sans  la  laisser  dévier  légèrement  de  son  but 
primitif  en  devenant  une  pépinière  pour  l'enseignement 
supérieur  autant  et  plus  que  pour  l'enseignement  des  lycées. 

On  entre  à  l'Ecole  au  concours  :  il  faut  avoir  dix-huit 
ans  au  moins  et  pas  plus  de  vingt-quatre  le  l^'^  janv.  de 
l'année  où  l'on  se  présente.  Il  y  a  en  moyenne  vingt-cinq 
places  chaque  année  dans  la  section  des  lettres  et  vingt 
dans  celle  des  sciences.  Les  compositions  écrites  ont  lieu 
en  juin;  —  pour  les  lettres  :  dissertation  de  philosophie, 
discours  latin,  discours  français,  version  latine,  thème 
grec, histoire;  pour  les  sciences  :  mathématiques, physique, 
dissertation  de  philosophie,  version  latine.  Les  épreuves 
orales  ont  lieu  au  commencement  d'août  ;  elles  consistent, 
pour  les  lettres,  en  explications  d'auteurs  français,  latins, 
grecs,  et  en  interrogations  sur  la  philosophie  et  sur  l'his- 
toire; pour  les  sciences,  en  interrogations  sur  le  cours  de 
mathématiques  spéciales,  épreuves  de  descriptive  et  de  dessin 
au  trait.  Les  candidats  prennent  l'engagement,  s'ils  manquent 
par  leur  faute  à  servir  dix  ans  l'Université,  de  rembourser 
le  prix  de  la  pension  évalué  à  4,000  fr.  par  année  d'école. 
Car  les  élèves,  tous  boursiers,  n'ont  à  leur  charge  que  les 
frais  de  trousseau,  fixés  à  400  fr.,  et  dont  beaucoup  sont 
même  dispensés  sur  leur  demande.  Le  régime  est  l'internat 
très  adouci,  avec  deux  sorties  par  semaine  et  liberté  presque 
entière  de  suivre  les  cours  au  dehors.  Les  élèves  de  lettres 
doivent  prendre  la  licence  es  lettres  à  la  fin  de  la  première 
année,  sous  peine  à'ètveséchés,  c.-à-d.  de  quitter  l'Ecole  ; 
ils  ont  toute  la  seconde  pour  travailler  librement  et  choisir 
leur  voie  ;  ils  se  présentent  à  la  fin  de  la  troisième  à  une 
agrégation  (grammaire,  lettres,  philosophie  ou  histoire). 
Les  élèves  de  sciences  doivent  prendre  deux  licences  dans 
les  deux  premières  années  ;  ils  se  présentent  après  la  troi- 
sième à  une  des  trois  agrégations  scientifiques.  Tous  font, 
durant  la  troisième  année,  une  sorte  de  noviciat  d'une 
quinzaine  dans  les  lycées  de  Paris  :  préparation  profes- 
sionnelle insuffisante  ;  mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  le 
recrutement  de  l'enseignement  secondaire  se  fait  en  grande 
partie  aujourd'hui  par  les  facultés  et  que  ce  n'est  plus  là, 
depuis  longtemps,  la  fonction  unique  de  l'Ecole  normale,  dont 
la  gloire  est  autant  ou  plus  de  donner  au  pays  des  savants  et 
des  écrivains  que  de  pourvoir  les  classes  de  professeurs.— 
Il  existe,  depuis  le  1®""  janv.  1846,  une  Association  des 
anciens  élèves  de  l'Ecole  normale  supérieure,  reconnue, 
en  1877,  comme  établissement  d'utiUté  publique.  H.  M. 

Ecole  normale  supérieure  d'enseignement  se- 
condaire des  jeunes  filles.  —  La  loi  du  21  déc.  1880 
a  créé  en  France  l'enseignement  secondaire  des  filles. 
Quelques  mois  plus  tard,  le  3  mars  1881,  le  promoteur 
de  cette  loi,  M.  Camille  Sée,  présentait  à  la  Chambre  des 
députés  une  proposition  de  loi,  tendant  à  la  création  d'une 
école  normale  supérieure  destinée  à  préparer  pour  le  nouvel 
enseignement  des  professeurs-femmes.  Le  projet  fut  voté 
sans  discussion  au  Palais-Bourbon,  le  14  mai  de  la  même 
année.  Le  rapporteur,  M.  Sée,  disait  dans  l'exposé  des 
motifs  pour  justifier  le  régime  de  l'internat  qui  devait  être 
celui  de  la  nouvelle  école  :  «  S'il  importe  de  donner  aux 
futurs  professeurs  une  instruction  étendue  et  solide,  il 
importe  autant  pour  le  moins  de  former  leur  caractère  et 


ECOLE 


880  — 


de  les  habituer  à  une  vie  sévère  et  recueillie.  L'Etat  doit 
savoir  à  qui  il  se  fie.  Les  jeunes  filles,  au  sortir  de  l'Ecole 
normale,  auront  charge  d'âmes  à  leur  tour.  Elles  ensei- 
gneront à  leurs  élèves,  outre  les  sciences  écrites  sur  le 
programme,  la  science  de  la  vie,  qui  est  la  plus  nécessaire 
et  la  plus  difficile  de  toutes.  »  Malgré  l'opposition  assez 
vive  des  membres  de  la  droite,  le  Sénat  à  son  tour  adopta, 
le  23  juil.  1881,  sans  modification,  la  loi  de  création,  qui 
fut  promulguée  le  %Q  juil.  de  la  même  année.  C'est  un 
arrêté  du  14  oct.  1881  qui  régla  provisoirement  l'organi- 
sation de  l'Ecole.  M.  Camille  Sée  avait  proposé  comme 
siège  de  l'établissement  le  palais  de  Compiègne  ;  Tadminis- 
tration  préféra  l'installer  dans  les  dépendances  de  l'an- 
cienne manufacture  de  Sèvres.  L'ouverture  des  cours  eut 
lieu  le  17  nov.,  et  depuis  lors,  administrée  par  M.  Legouvé, 
directeur  des  études,  et  par  M"^®  veuve  Jules  Favre,  direc- 
trice eff'ective,  avec  le  concours  de  professeurs  distingués, 
empruntés  pour  la  plupart  aux  lycées  de  Paris  et  à  la 
Sorbonne,  l'Ecole  de  Sèvres  a  prospéré  :  elle  a  formé  un 
nombre  considérable  de  jeunes  filles  qui,  aujourd'hui, 
comme  directrices  ou  comme  professeurs,  peuplent  les 
vingt-sept  collèges  et  les  vingt-quatre  lycées  déjà  ouverts 
à  l'enseignement  secondaire  féminin.  Le  décret  du  23  nov. 
1885  a  réglé  définitivement  les  conditions  d'admission  à 
l'Ecole.  Les  élèves  sont  recrutées  par  voie  de  concours 
annuels.  La  durée  des  études  est  de  trois  ans.  Le  régime 
de  l'établissement  est  l'internat.  Toutes  les  dépenses  (sauf 
le  trousseau)  sont  supportées  par  l'Etat.  Les  élèves  doivent 
prendre  l'engagement  de  se  vouer  pendant  dix  ans  à  l'en- 
seignement pubhc  dans  les  lycées  et  collèges  de  jeunes 
filles.  D'autre  part,  l'arrêté  du  4  janv.  1884  établit  que 
les  aspirantes  doivent  être  âgées  de  vingt-quatre  ans  au 
plus  et  de  dix-huit  ans  au  moins,  et  justifier  soit  du  diplôme 
de  fin  d'études  secondaires,  soit  d'un  diplôme  de  bachelier, 
soit  du  brevet  supérieur.  L'Ecole  est  divisée  en  deux  sec- 
tions :  pour  la  section  des  lettres,  les  épreuves  écrites  du 
concours  d'admission  comprennent  cinq  compositions  :  sur 
la  langue  française,  sur  la  littérature  française,  sur  l'his- 
toire et  la  géographie,  sur  les  éléments  de  la  morale,  sur 
les  langues  vivantes  ;  pour  la  section  des  sciences ,  les 
compositions  roulent  sur  les  matières  suivantes  :  arithmé- 
tique et  géométrie  ;  physique  et  chimie  ;  histoire  naturelle  ; 
littérature  ou  morale;  langues  vivantes.  L'examen  oral 
porte  sur  les  mêmes  matières  que  les  épreuves  écrites  et 
sur  la  diction.  A  ce  dernier  trait,  on  reconnaît  que  M.  Le- 
gouvé est  le  directeur  suprême  de  l'Ecole.  Répondant  à  des 
besoins  nouveaux,  organisée  avec  prudence  et  confiée  à  des 
mains  habiles,  la  nouvelle  Ecole  normale  supérieure  a  rendu 
déjà  de  grands  services,  en  préparant  pour  les  lycées  et  les 
collèges  de  jeunes  filles  un  personnel  enseignant  d'élite,  et 
elle  peut  compter  sur  un  brillant  avenir  si,  comme  il  faut 
l'espérer,  l'enseignement  secondaire  des  femmes  continue  à 
faire  des  progrès  dans  l'opinion  publique  et  à  recruter  chaque 
année  un  plus  grand  nombre  d'élèves.       G.  Compayré. 

Ecole  normale  d'enseignement  spécial  de  Cluny. 
—  Ecole  fondée  par  M.  Duruy  (oct.  1866)  pour  former  les 
professeurs  destinés  à  l'enseignement  nouveau  qu'avait 
institué  la  loi  du  21  juin  1865.  C'était  une  idée  juste,  qu'à 
un  enseignement  qu'on  voulait  à  la  fois  élevé  et  pratique, 
distinct  de  l'enseignement  classique  aussi  bien  que  du  pri- 
maire, il  fallait  des  maîtres  préparés  ad  hoc,  dans  le  sen- 
timent exact  de  ce  qu'on  attendait  d'eux;  malheureusement 
le  ministre  manquait  d'argent  pour  ses  créations  :  c'est  ce 
qu'il  ne  faut  jamais  perdre  de  vue  pour  ne  pas  lui  reprocher 
injustement  ce  qu'elles  purent  avoir  de  défectueux.  S'il 
avait  eu  le  choix ,  on  peut  croire  qu'il  ne  lui  fût  guère 
venu  à  l'idée  d'installer  une  école  normale  d'enseignement 
secondaire  dans  une  petite  ville  morte  de  Bourgogne ,  à 
23  kil.  de  Màcon,  loin  de  toute  voie  ferrée.  Mais,  faute  de 
mieux,  il  fut  trop  heureux  qu'on  lui  offrît  là  l'ancienne 
abbaye  des  bénédictins  ;  et  faisant  de  nécessité  vertu,  avec 
ce  bel  optimisme  qui  est  la  force  des  esprits  très  actifs,  il 
se  félicite  aussitôt  (circul.  aux  préfets  du  9  août  1865)  à 


l'idée  d'organiser  son  école  dans  cette  abbaye  «  où  vivent 
encore  de  grands  et  précieux  souvenirs  de  piété,  de  science 
et  de  travail  ;  dans  une  riche  province  où  se  trouvent  toutes 
les  cultures,  céréales, prairies,  vignes  et  bois;  à  proximité 
d'un  grand  centre  industriel,  le  Creuset,  d'un  grand  centre 
commercial,  Lyon,  et  non  loin  de  Saint-Etienne  et  de  ses 
mines...  »  Et  dans  son  instruction  aux  recteurs  du  6  avr. 
1866  :  «  (Quelques  personnes  auraient  voulu  établir  cette 
école  à  Paris  ;  je  la  trouve  mieux  placée  aux  champs.  Les 
bons  professeurs  n'y  manqueront  pas  plus  qu'ils  ne  man- 
quent à  soixante-douze  lycées  de  province,  et  les  élèves 
trouveront  à  Cluny  d'excellentes  conditions  d'études,  sans 
les  dangereuses  séductions  d'une  grande  ville...  » 

Mais  la  solitude  était  plus  complète  à  Cluny  et  l'excitation 
intellectuelle  moindre  encore  que  dans  n'importe  quelle  ville 
pourvue  d'un  lycée.  On  trouva  de  bons  professeurs,  surtout 
pour  les  sciences  apphquées  ;  mais  l'enseignement  littéraire, 
d'ailleurs  faiblement  organisé,  resta  inférieur  de  l'aveu  de 
tous.  Pour  le  cours  do  morale,  par  exemple,  on  faisait 
venir  par  la  diligence  le  professeur  de  philosophie  du  lycée 
de  Mâcon,  souvent  un  jeune  homme  à  ses  débuts,  fort  ins- 
truit sans  doute,  mais  dont  l'autorité  morale  et  l'expérience 
pédagogique  ne  l'emportaient  pas  toujours  assez  sur  celles 
des  élèves-maîtres  :  rien  ne  marque  mieux  quelle  diff'é- 
rence  de  niveau  on  se  résignait  à  mettre  entre  cette  école 
normale  et  celle  de  la  rue  d'Ulm,  par  suite  entre  les  deux 
enseignements  secondaires  qu'on  allait  juxtaposer  pourtant 
dans  les  mêmes  lycées.  Le  recrutement  des  élèves  n'était 
pas  moins  difficile  :  il  fut  à  la  fois  ingénieux  et  laborieux, 
au  demeurant  assez  confus  et  fort  inégal.  La  ville  de  Cluny 
offrait  les  bâtiments  et  dépensait  70,000  fr.  pour  racheter 
des  dépendances  antérieurement  aliénées;  le  dép»  de  Saône- 
et-Loire  donnait  100,000  fr.  pour  l'aménagement;  mais 
cette  somme  était  loin  de  suffire,  et  si  l'on  pouvait  compter 
sur  des  élèves  payants  au  collège  annexe,  il  n'en  était  pas 
de  même  pour  l'Ecole  normale  qu'il  fallait  peupler  de 
boursiers.  Les  fonds  manquant  pour  les  prendre  tous  à  la 
charge  de  l'Etat,  le  ministre  demanda  aux  préfets  d'inté- 
resser à  son  œuvre  les  conseils  généraux,  en  invitant  cha- 
que département  à  fonder  une  ou  deux  bourses  à  Cluny  en 
faveur,  par  exemple,  des  meilleurs  élèves  sortant  des 
écoles  normales  primaires.  Ces  bourses  furent  votées,  moins 
nombreuses  peut-être  qu'on  ne  le  souhaitait,  mais,  somme 
toute,  avec  un  élan  remarquable.  Seulement,  on  ne  pouvait 
guère  refuser  ni  même  chicaner  trop  sur  leur  préparation 
antérieure  des  boursiers  des  départements,  et  il  arriva  qu'ils 
furent  de  force  très  inégale  et  entre  eux  et  avec  les  bour- 
siers de  l'Etat  choisis  à  la  suite  d'un  concours  :  inégafité 
fâcheuse  pour  la  marche  des  études.  Enfin,  on  provoqua 
pour  les  collections  scientifiques  et  la  bibliothèque  des  dons 
en  nature  qui  affluèrent,  mais  plus  nombreux  que  choisis 
et  très  inégalement  utiles. 

Le  succès,  malgré  tout,  fut  remarquable,  grâce  à  l'active 
sollicitude  du  ministre  qui  faisait  sans  cesse  inspecter  l'Ecole 
par  des  hommes  d'une  grande  autorité,  correspondait  chaque 
jour  avec  son  directeur,  la  dirigeait  presque  lui-même  à 
distance.  Quand  il  tomba,  en  juil.  1869,  Cluny  était  en  pleine 
prospérité;  le  collège  annexe,  par  exemple,  était  passé  de 
17  élèves  à  plus  de  500.  Mais  presque  aussitôt  commença 
une  crise  qui  s'aggrava  pendant  la  guerre  et  après.  En 
1872,  M.  Batbie  supprima  d'un  coup  tous  les  privilèges 
de  l'Ecole  comme  établissement  supérieur  relevant  directe- 
ment du  ministre  et  la  plaça,  comme  un  simple  lycée,  sous 
l'autorité  du  recteur  de  Lyon.  Elle  s'est  relevée  depuis,  à 
mesure  que  l'enseignement  spécial  a  repris  faveur,  mais  non 
sans  souffrir  des  discussions  auxquelles  cet  enseignement  a 
donné  lieu  et  de  l'incertitude  qui  règne  encore  sur  les  réformes 
désirables  dans  l'organisation  de  l'enseignement  secondaire 
en  général.  Il  n'y  a  qu'une  voix  sur  l'impossibiUté  de  main- 
tenir à  Cluny  la  pépinière  des  maîtres  de  l'enseignement 
secondaire  moderne,  surtout  si  l'on  veut  le  mettre  sur  lo 
pied  d'égalité  avec  l'enseignement  classique  gréco-latin. 
Le  mode  de  recrutement  à  adopter  dépend  nécessairement 


381 


ÉCOLE 


du  but  qu'on  se  proposera,  de  la  réforme  générale  qui  aura 
prévalu.  En  attendant,  la  commission  du  budget  pour  4891 
a  proposé,  d'accord  avec  le  ministre,  et  fait  voter  par  la 
Chambre  la  suppression  des  fonds  attribués  à  l'Ecole  normale 
de  Cluny  :  si  elle  subsiste  encore,  ce  n'est  plus  qu'à  titre 
transitoire.  H.  M. 

Ecole  pratique  des  hautes  études.  —  Cette  insti- 
tution a  été  créée  par  décret  du  31  juil.  1868,  sous  le 
ministère  de  M.  Duruy  ;  elle  avait  pour  but,  aux  termes 
mêmes  du  décret  de  fondation,  «  de  placer  à  côte  de  l'en- 
seignement théorique  les  exercices  qui  peuvent  le  fortifier 
et  l'étendre  ».  En  réalité,  le  ministre  et  ses  conseillers,  au 
premier  rang  desquels  il  faut  citer  M.  Armand  DuMesnil, 
alors  directeur  de  l'enseignement  supérieur,  vivement 
préoccupés  de  l'état  de  décadence  où  tombait  peu  à  peu 
l'enseignement  des  facultés,  en  méditaient  une  réforme 
générale;  mais,  en  prévision  des  difficultés  et  des  résis- 
tances qu'on  n'aurait  pas  manqué  de  rencontrer  en  abor- 
dant directement  le  problème,  on  préféra  créer  une 
institution  nouvelle,  destinée  à  agir  par  la  puissance  de 
l'exemple  et  en  quelque  sorte  par  pénétration.  L'effet 
répondit  pleinement  aux  espérances  de  ses  fondateurs,  et, 
de  la  création  de  l'Ecole  pratique  des  hautes  études  date 
le  mouvement  de  rénovation  de  l'enseignement  supérieur 
en  France.  L'Ecole,  placée  sous  le  patronage  d'un  conseil 
supérieur  composé  des  sommités  de  la  science,  était 
divisée  en  quatre  sections  :  1°  sciences  mathématiques  ; 
2^  sciences  physico-chimiques  ;  3''  sciences  naturelles  ; 
4°  sciences  historiques  et  philologiques.  Depuis  lors  une 
cinquième  section,  celle  des  sciences  religieuses,  a  été  créée 
par  décret  du  30  janv.  1886,  en  exécution  de  la  loi  de 
finances  du  8  août*  1885.  Dans  l'esprit  de  son  fondateur, 
cette  «  école  »  ne  comportait  la  création  ni  d'un  établis- 
sement, ni  même  à  proprement  parler  de  chaires  nouvelles  ; 
elle  consistait  :  dans  l'ordre  des  sciences  physico-chimiques 
et  des  sciences  naturelles,  en  subventions  aux  laboratoires 
d'études  ou  de  recherches  des  grands  étabhssements  scien- 
tifiques, subventions  qui  devaient  leur  permettre  de  rece- 
voir un  plus  grand  nombre  d'élèves  et  de  les  placer  sous 
la  direction  de  directeurs  d'études  et  de  répétiteurs  ;  dans 
l'ordre  des  sciences  mathématiques  et  dans  celui  des 
sciences  historiques  et  philologiques,  en  conférences  desti- 
nées à  diriger  les  études  des  élèves  en  complétant  l'ensei- 
gnement donné  par  les  professeurs  de  la  Sorbonne  et  du 
du  Collège  de  France  ;  pour  toutes  les  sections  enfin,  en 
subventions  destinées  à  leur  fournir  les  moyens  de  publier 
les  travaux  des  maîtres  et  des  élèves.  A  ceux-ci  on  pro- 
mettait des  avantages  qui,  pour  la  plupart  du  reste,  ne  se 
sont  pas  réalisés  :  dispense  éventuelle  du  grade  de  licencié 
pour  être  admis  à  subir  les  épreuves  du  doctorat,  pensions, 
missions  en  France  et  à  l'étranger,  etc.  Une  originalité  de 
la  nouvelle  institution  était  de  n'exiger  des  élèves  aucune 
condition  d'âge,  de  grade  ni  de  nationalité. 

Pour  les  trois  sections  des  sciences  mathématiques,  des 
sciences  physiques  et  chimiques  et  des  sciences  naturelles, 
l'organisation  et  le  développement  furent  ce  qu'avaient 
prévu  le  fondateur.  Les  laboratoires  anciens  se  dévelop- 
pèrent et  se  peuplèrent  d'élèves;  d'autres  furent  fondés 
parmi  lesquels  il  convient  de  donner  une  mention  spéciale 
aux  stations  maritimes  de  Roscoff,  Banyuls,  Villefranche, 
Wimereux,  Marseille,  Cette,  etc.  De  nombreuses  publica- 
tions téujoignèrent  de  l'activité  imprimée  aux  recherches 
scientifiques.  Citons  :  le  Bulletin  des  sciences  mathéma- 
tiques, organe  de  la  section  des  sciences  mathématiques, 
dont  un  volume  se  pubhe  chaque  année  ;  la  Bibliothèque  de 
l'Ecole  des  Jiautes  études,  section  des  sciences  naturelles, 
dont  36  fascicules  avaient  paru  en  1889  ;  les  Travaux  du 
laboratoire  d'histologie  dirigés  par  M.  Ranvier,  parvenus 
à  la  même  époque  à  leur  9^  vol.  ;  les  Archives  de  zoologie 
expérimentale  et  générale  (4  fasc.  par  an)  publiées 
sous  la  direction  de  M.  de  Lacaze-Duthiers. 

La  section  des  sciences  historiques  et  philologiques  eut 
dès  le  début  une    indépendance  plus   complète  et  par  la 


suite  des  destinées  un  peu  différentes.  Ne  trouvant  dans 
l'enseignement  supérieur  des  lettres  ni  terrain  préparé  m 
soutien,  elle  constitua  un  groupe  de  conférences,  analogues, 
par  certains  côtés  du  moins,  aux  séminaires  scientifiques 
de  l'Allemagne,  où  l'on  put  cultiver  les  branches  de  l'his- 
toire et  de  la  philologie  qui  n'étaient  pas  comprises  dans 
les  programmes  universitaires,  mais  surtout  former  les 
jeunes  gens  à  la  pratique  de  l'érudition  et  aux  méthodes 
scientifiques.  Le  cours  d'études  fut  fixé  à  trois  ans,  après 
lesquels  les  élèves  peuvent  présenter  une  thèse  et  recevoir 
le  titre  d'élèves  diplômés  de  l'Ecole  des  hautes  études.  Ce 
titre  n'assure  jusqu'à  présent  l'accès  d'aucune  carrière  ; 
aussi  les  conférences  ne  sont-elles  fréquentées  que  par 
ceux  qui  veulent  poursuivre  des  études  désintéressées. 

Les  conférences  sont  actuellement  au  nombre  de  trente- 
deux  et  portent  sur  les  matières  suivantes  :  philologie  et 
antiquités  grecques  (histoire  littéraire,  métrique,  expli- 
cation et  critique  de  textes,  grammaire,  paléographie, 
épigraphie  et  archéologie)  ;  philologie  latine,  épigraphie 
et  antiquités  romaines  ;  histoire  de  la  philologie  classique  ; 
langue  néo-grecque;  histoire  (historiographie,  droit  et 
institutions,  antiquités  chrétiennes,  critique  des  sources, 
diplomatique)  ;  géographie  historique  ;  linguistique  et 
grammaire  comparée  ;  langues  et  littératures  celtiques  ; 
langues  romanes  ;  langue  sanscrite  ;  langue  zende  ;  langues 
sémitiques  (hébreu,  syriaque,  arabe)  ;  langues  éthiopienne 
et  himyarite  ;  philologie  et  antiquités  égyptiennes  ;  archéo- 
logie orientale.  La  section  publie,  sous  le  titre  de  Biblio- 
thèque de  l'Ecole  des  hautes  études,  des  travaux  ori- 
ginaux des  maîtres  et  des  élèves;  ce  recueil  compte 
aujourd'hui  près  d'une  centaine  de  fascicules. 

La  section  des  sciences  religieuses,  créée  seulement, 
comme  on  l'a  dit  plus  haut,  en  1886,  a  modelé  son  orga- 
nisation sur  celle  des  sciences  historiques  et  philologiques  ; 
elle  compte  actuellement  onze  conférences,  qui  ont  pour 
objet  les  religions  de  l'extrême  Orient,  de  l'Inde,  de 
l'Egypte,  de  la  Grèce  et  de  Rome,  des  peuples  non  civi- 
lisés, les  origines  du  christianisme,  la  littérature  chrétienne, 
l'histoire  des  dogmes,  l'histoire  de  l'Eglise  chrétienne, 
l'histoire  du  droit  canonique  et  enfin  l'histoire  des  rapports 
de  la  philosophie  et  de  la  théologie.  Elle  publie  égale- 
ment sa  Bibliothèque  dont  4  fascicules  ont  paru  jus- 
qu'ici. 

L'Ecole  pratique  des  hautes  études  figure  au  budget  de 
1892  pour  une  somme  de  330,000  fr.  En  outre,  le 
conseil  municipal  de  Paris  lui  alloue  une  subvention 
annuelle  de  36,000  fr.  destinée  à  être  employée  en  bourses 
d'études  et  de  voyages.  Les  diverses  sections  publient  en 
commun  chaque  année  un  rapport  sur  leur  enseignement 
et  sur  leurs  travaux  ;  le  dernier  paru  est  celui  de  l'année 
scolaire  1888-1889.  ^   A.  G. 

Ecole  du  Louvre.  —  Destination.  —  Cette  école  a  pour 
but  de  former  des  conservateurs  et  des  attachés  à  la  con- 
servation des  musées,  des  voyageurs  pour  des  missions 
archéologiques,  des  professeurs,  des  critiques  d'art,  en  un 
mot  de  jeunes  savants  qu'un  enseignement  précis  donné  en 
présence  des  monuments  doit  mettre  à  même  de  se  rendre 
utiles  dans  toutes  les  branches  de  l'archéologie  et  de  l'art. 
L'Ecole  du  Louvre  est,  pour  l'histoire  de  l'art,  ce  que 
l'Ecole  des  hautes  études  est  pour  les  autres  sciences. 

Historique.  —  Créée  par  le  décret  du  24  janv.  1882, 
que  confirma  le  décret  du  25  juil.  suivant,  cette  institution 
ne  comportait  d'abord  qu'un  cours  de  langue  démotique  et 
un  cours  d'épigraphie  assyrienne,  phénicierme  etaraméenne. 
Ce  programme  a  été  successivement  étendu  par  l'adjonction 
de  divers  autres  cours,  savoir  :  archéologie  égyptienne, 
archéologie  orientale,  archéologie  nationale,  histoire  de  la 
peinture,  histoire  de  la  sculpture  au  moyen  âge  et  à  la 
Renaissance,  histoire  des  arts  industriels. 

Régime  intérieur.  —  Un  arrêté  du  11  nov.  1884 
détermine  ainsi  qu'il  suit  le  règlement  de  l'Ecole  :  il  y 
a  deux  catégories  d'élèves  ;  les  uns  sont  inscrits  pour 
un  ou  plusieurs  cours,  les  autres  pour  tous  les  cours 


ECOLE 


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organiques.  La  durée  des  études  est  de  trois  ans.  Les 
élevés  subissent  à  la  fin  de  chaque  année  un  examen 
sur  les  matières  de  l'enseignement  qu'ils  ont  suivi,  et  à  la 
fin  de  la  troisième  ou  dans  le  courant  de  la  quatrième  an- 
née ils  soutiennent  devant  le  jury  une  thèse  qui,  si  elle  est 
jugée  suffisante,  donne  lieu  à  la  délivrance  d'un  diplôme 
d'élève  de  r Ecole  du  Louvre.  Les  élèves  ne  peuvent  su- 
bir plus  de  deux  fois  le  même  examen.  Les  professeurs 
font  un  choix  parmi  les  thèses  présentées;  celles  qui  sont 
reconnues  les  meilleures  peuvent  valoir  à  leurs  auteurs  le 
titre  à'attaché  libre  des  musées  nationaux,  titre  qui  ne 
peut  d'ailleurs  leur  être  conféré  régulièrement  que  par  le 
ministre  de  l'instruction  publique  et  des  beaux-arts  sur  la 
proposition  du  directeur  des  musées  nationaux.  Pendant  la 
première  année  scolaire  (1882-1883),  l'Ecole  ne  comptait 
que  90  élèves  inscrits  ;  ce  nombre  a  toujours  été  en  aug- 
mentant ;  dans  ces  trois  dernières  années  il  a  varié  entre 
300  et  360.  Le  diplôme  n'a  été  délivré  jusqu'en  1891 
qu'à  20  élèves.  F.  Trawinski. 

Ecole  française  d'Athènes.  —  Destination.  — 
L'Ecole  française  d'Athènes  a  été  créée  par  ordonnance 
du  11  sept.  1846  comme  moyen  de  perfectionner  les  études 
de  jeunes  savants  français  relatives  à  la  langue,  à  l'his- 
toire et  aux  antiquités  grecques.  Elle  est  placée  sous  l'au- 
torité directe  du  ministre  de  l'instruction  publique  et  sous 
le  patronage  du  ministre  des  affaires  étrangères.  Son 
organisation  est  réglée  par  le  décret  du  26  nov.  1874. 

Historique.  —  L'institution  à  Athènes  d'une  école  de 
perfectionnement  pour  l'étude  de  la  Grèce  ancienne  eut 
d'abord  le  caractère  d'une  sorte  de  mission  permanente. 
On  y  envoyait  des  professeurs  auxquels  on  conservait  leur 
traitement  ;  on  prévoyait  qu'ils  pourraient  ouvrir  en  Grèce 
des  cours  publics  et  gratuits  de  langue  et  de  littérature 
française  et  latine,  être  constitués  en  commission  pour 
conférer  le  baccalauréat  aux  élèves  des  Ecoles  françaises 
et  latines  d'Orient.  Mais  l'Ecole  prit  dès  le  début  le 
caractère  d'institution  scientifique  qu'elle  a  conservé.  Un 
arrêté  du  26  janv.  1850  décida  que,  par  analogie  avec 
l'Ecole  de  Rome  (des  beaux-arts)  (V.  Académie  de  France 
A  Rome),  chacun  des  membres  de  l'Ecole  d'Athènes  serait 
tenu  d'envoyer  annuellement  un  mémoire  sur  un^  point 
d'archéologie,  de  philologie  ou  d'histoire,  lequel  serait  sou- 
mis à  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres.  Jus- 
qu'alors on  n'avait  admis  à  l'Ecole  que  les  élèves  de  l'Ecole 
normale  supérieure  reçus  agrégés  des  classes  d'humanités, 
d'histoire  et  de  philosophie.  Un  décret  du  7  août  1850 
décida  que  les  membres  de  l'Ecole  française  d'Athènes 
seraient  choisis  parmi  tous  les  agrégés  de  lettres  après  un 
examen  spécial.  Un  décret  du  15  déc.  1852  admit  même 
des  licenciés  à  cet  examen.  En  fait,  le  privilège  des  élèves 
de  l'Ecole  normale  a  subsisté  et  ils  ont  continué  de  recruter 
exclusivement  l'Ecole  d'Athènes.  Un  décret  du  9  févr.  1859 
vint  remanier  toute  cette  organisation.  11  décidait  la  créa- 
tion de  deux  nouvelles  sections  :  sciences  et  beaux-arts. 
La  première  ne  fonctionna  jamais,  la  seconde  fut  formée 
des  pensionnaires  de  l'Académie  de  France  à  Rome.  Ainsi 
s'établit  entre  celle-ci  et  l'Ecole  d'Athènes  un  échange  de 
bons  procédés  ;  les  membres  de  l'Ecole  d'Athènes  durent 
préluder  à  leur  séjour  en  Grèce  par  un  voyage  de  trois 
mois  en  Italie,  où,  durant  leur  présence  à  Rome,  ils 
logèrent  à  la  villa  Médicis.  —  Un  décret  du  25  mars  1873 
fixa  à  une  année  le  séjour  à  Rome  des  membres  de  l'Ecole 
française  d'Athènes.  Un  savant  dut  leur  faire  à  ^  Rome 
pendant  ce  temps  un  cours  d'archéologie.  On  préparait  ainsi 
la  création  de  V Ecole  archéologique  de  Rome  (V.  ci-des- 
sous) effectuée  l'année  suivante  par  le  décret  du  26  nov.  1874 
qui  demeure  le  décret  organique  de  l'Ecole  d'Athènes. 

Conditions  d'admission.  —  Les  candidats  au  titre  de 
membre  de  l'Ecole  d'Athènes  doivent  être  âgés  de  moins 
de  trente  ans;  ils  doivent  être  docteurs  es  lettres  ou  agré- 
gés des  lettres,  de  grammaire,  de  philosophie  ou  d'histoire. 
Le  concours  pour  l'admission  à  l'iilcole  française  d'Athènes 
porte  sur  la  langue  grecque  ancienne  et  moderne,  sur  les 


éléments  de  l'épigraphie,  de  la  paléographie  et  de  l'archéo- 
logie, sur  l'histoire  et  la  géographie  de  la  Grèce  ancienne. 
Il  est  tenu  compte  aux  candidats  de  la  connaissance  qu'ils 
auraient  du  dessin.  Cet  examen  se  compose  de  deux 
épreuves  :  l'une  écrite,  l'autre  orale,  d'après  un  pro- 
gramme préparé  par  l'Académie  ;  il  est  subi  devant  une 
commission  de  sept  membres  désignés  par  le  ministre.  En 
fait ,  ces  conditions  sont  illusoires  ;  le  concours  est  de 
pure  forme.  Les  élèves  de  l'Ecole  d'Athènes  sont  désignés 
d'avance  par  le  directeur  de  l'Ecole  normale  parmi  les 
agrégés  des  lettres,  d'histoire  ou  de  grammaire. 

Régime  intérieur.  —  L'Ecole  française  d'Athènes  est 
placée  sous  l'autorité  du  ministre  de  l'instruction  pubHque, 
le  patronage  du  ministre  des  affaires  étrangères  et  la 
direction  scientifique  de  l'Académie  des  inscriptions  et 
belles-lettres.  Son  directeur  est  un  membre  de  l'Institut  ou 
fonctionnaire  supérieur  de  l'instruction  publique  nommé 
par  décret  pour  six  ans  sur  proposition  de  l'Académie  et 
du  comité  consultatif.  Les  membres  sont  au  nombre  de  6. 
Ils  reçoivent  un  traitement  annuel  de  3,600  fr.  La  durée 
de  leur  mission  est  de  trois  ans.  En  principe,  ils  passent  la 
première  année  à  Rome  ;  en  fait,  ils  y  passent  quelques 
semaines. 

En  Grèce,  ils  résident  à  Athènes;  mais  une  grande  partie 
de  leur  temps  est  consacré  aux  voyages  d'exploration  et 
aux  fouilles  archéologiques. 

Les  membres  de  l'Ecole  doivent  partir  dans  les  dix  jours 
qui  suivent  leur  nomination.  Ils  sont  placés  à  Rome  sous 
l'autorité  du  directeur  de  l'Académie  de  France.  Ils  sont 
logés  à  l'Académie  et  prennent  leurs  repas  avec  les  pen- 
sionnaires. A  Athènes,  une  chambre  et  un  cabinet  sont 
réservés  à  chacun  des  membres  dans  les  bâtiments  de 
l'Ecole  ;  ils  se  nourrissent  à  leurs  frais  et  mangent  en 
commun.  Ils  ne  sont  astreints  à  aucune  règle  pour  l'emploi 
de  leur  temps  ;  mais  à  la  fin  de  chaque  mois  ils  rendent 
compte  de  leurs  études  au  directeur  qui  transmet  tous  les 
trimestres,  au  ministre,  un  bulletin  indiquant  avec  détail 
les  travaux  accomplis  ou  en  cours  d'exécution.  Aucun  des 
membres  ne  peut  s'absenter  sans  autorisation.  Le  directeur 
détermine  l'époque  des  voyages  et  leur  durée  ;  ils  ont  lieu 
en  principe  du  1^^  avr.  au  10  nov. 

Chaque  membre  est  tenu  d'envoyer  à  l'Académie  des 
inscriptions,  par  l'intermédiaire  du  ministre  de  l'instruction 
publique,  avant  l'expiration  de  chaque  année,  un  travail 
personnel.  Une  commission  spéciale  les  examine  et  en  rend 
compte  à  l'Académie.  Les  membres  de  l'Ecole  d'Athènes 
ont  créé  en  1876  V Institut  de  correspondance  hellé- 
nique dont  les  travaux  forment  la  matière  du  Bulletin  de 
correspondance  hellénique.  Les  ouvrages  plus  étendus 
sont  insérés  dans  la  Bibliothèque  des  Ecoles  françaises 
d'Athènes  et  de  Rome.  Le  succès  de  l'Ecole  a  été  consi- 
dérable et  des  plus  honorables  pour  l'archéologie  française. 
Nous  citerons  en  particulier  les  fouilles  de  Délos  (Lebègue, 
Homolle,  etc .  ) ,  de  Myrina  (Reinach)  ;  celles  de  Delphes 
qui  vont  donner  lieu  à  un  grand  effort.  A. -M.  R. 

Ecole  archéologique  de  Rome.  —  Destination.  — 
L'Ecole  archéologique  de  Rome,  étabhe  au  palais  Farnèse, 
a  pour  objet  la  préparation  archéologique  déjeunes  savants, 
l'exploration  de  la  bibliothèque  et  des  archives  du  Vatican 
et  plus  généralement  de  tous  les  documents  et  monuments 
de  l'Italie  relatifs  à  l'antiquité  classique  et  au  moyen  âge. 
Elle  ne  serait,  d'après  le  décret  qui  la  fonda  (26  nov.  1874), 
qu'une  section  de  l'Ecole  d'Athènes.  En  fait,  elle  est  abso- 
lument autonome  ;  nul  rapport  n'existe  entre  le  personnel 
des  deux  Ecoles  et  les  membres  de  celle  d'ilthènes,  pendant 
leur  séjour  de  Rome,  ne  logent  pas  au  palais  Farnèse,  mais 
à  la  villa  Médicis.  Le  fondateur  de  l'Ecole  fut  M.  GefFroy. 

Conditions  d'admission.  —  L'Ecole  reçoit  6  membres 
présentés  par  l'Ecole  normale  supérieure,  l'Ecole  des 
chartes,  l'Ecole  pratique  des  hautes  études.  Le  ministre  y 
adjoint,  s'il  y  a  lieu,  des  jeunes  gens  qui  se  sont  distingués 
par  leurs  travaux. 
Régime  intérieur.  —  Les  membres  sont  nommés  pour 


383  - 


ÉCOLE 


deux  ans.  Ils  reçoivent  un  traitement  annuel  de  3,600  fr. 
Souvent  on  accorde  une  troisième  et  même  une  quatrième 
année,  mais  (en  dehors  des  membres  adjoints)  le  total  ne 
dépasse  pas  6 ,  de  sorte  que  ces  prolongations  se  font  au 
détriment  des  promotions  suivantes.  Les  membres  pro- 
viennent soit  de  l'Ecole  normale,  soit  de  l'Ecole  des  chartes. 
Les  membres  sont  placés  sous  l'autorité  d'un  directeur 
nommé  pour  six  ans  sur  présentation  de  l'Académie  des 
inscriptions.  Ils  ne  peuvent  sortir  d'Italie,  mais  ils  voyagent 
dans  tout  le  royaume  et  s'absentent  réguhèrement  de  Rome 
en  été,  au  moment  des  fièvres.  L'Italie  n'offrant  pas  de 
ressources  exceptionnelles  pour  les  études  philologiques ,  et 
les  fouilles  archéologiques  étant  à  peu  près  impossibles  à 
cause  de  l'attitude  du  gouvernement  italien,  l'Ecole  s'est 
essentiellement  consacrée  au  moyen  âge.  Son  grand  travail 
est  la  publication  des  Registres  des  papes  du  xiii^  siècle; 
citons  encore  celle  du  Liber  pontificalis  par  l'abbé  Du- 
chesne.  Les  membres  sont  soumis,  comme  ceux  de  l'Ecole 
d'Athènes,  à  l'obHgation  d'envoyer  à  l'Académie  des  ins- 
criptions un  mémoire  annuel.  Ils  rédigent  une  publication 
périodique  (bi-mensueile),  les  Mélanges  d'archéologie  et 
d'histoire  et  insèrent  leurs  travaux  plus  étendus  dans  la 
Bibliothèque  des  Ecoles  fraiiçaises  d'Athènes  et  de 
Rome. 

Ecole  française  du  Caire.  —  Un  décret  du  28  déc. 
4880  a  installé  au  Caire  une  mission  permanente  sous  le 
nom  d'Ecole  française  du  Caire.  Elle  a  pour  objet  l'étude 
des  antiquités  égyptiennes,  de  l'histoire,  de  la  philologie  et 
des  antiquités  orientales.  Elle  bénéficie  de  ce  fait  que  le 
musée  de  Boulaq  est  dirigé  par  des  savants  français.  Elle 
publie  un  bulletin  périodique  intitulé  Mission  française 
archéologique  du  Caire. 

Ecoles  de  pharmacie.  —  Les  écoles  de  pharmacie  en 
France  sont  d'origine  récente,  car  elles  ne  datent  légale- 
ment que  de  la  loi  du  21  germinal  an  XI  (11  avr.  1803). 
Avant  cette  époque,  les  élèves  recevaient  leurs  diplômes  des 
maîtres  apothicaires.  La  déclaration  de  1777  mit  fin  aux 
longues  et  perpétuelles  discussions  des  apothicaires  et  des 
épiciers,  en  groupant  les  premiers  dans  une  seule  et  même 
corporation,  sous  la  dénomination  de  Collège  de  pharmacie. 
Elle  donnait  le  droit  aux  maîtres  en  pharmacie  de  conti- 
nuer à  faire  dans  leurs  laboratoires  particuliers  des  cours 
d'études  et  de  démonstration,  même  d'établir  des  cours  pu- 
bUcs  pour  l'instruction  des  élèves  dans  leur  laboratoire  et 
jardin  de  la  rue  de  l'Arbalète,  avecla  faculté  de  présenter 
chaque  année,  au  lieutenant  général  de  police,  un  nombre 
suffisant  de  maîtres  pour  faire  ces  cours.  Le  lOfévr.  1780, 
parurent  les  statuts  promis  dans  la  déclaration  de  1777.11 
y  est  dit  que  les  aspirants  au  titre  de  pharmacien,  âgés  de 
vingt-cinq  ans  au  moins,  devront  justifier  de  leurs  connais- 
sances en  langue  latine,  et  de  huit  années  de  stage  chez 
les  maîtres  en  pharmacie.  Après  quoi,  leurs  examens  se 
suivront  au  plus  tard  de  mois  en  mois  :  le  premier,  sur  les 
principes  de  l'art  pharmaceutique  et  sur  l'application  de 
ces  principes  aux  opérations  ;  le  deuxième,  sur  l'histoire  des 
plantes  et  des  drogues  simples,  leur  choix,  leur  prépara- 
tion, leur  conservation,  leur  débit  médicinal  ;  le  troisième, 
sur  la  préparation  de  neuf  produits  au  moins ,  obtenus 
d'après  le  codex.  Le  jury  se  composait  du  doyen  du  Collège 
de  pharmacie,  de  deux  médecins  de  la  Faculté,  des  quatre 
prévôts  en  exercice,  et  de  onze  maîtres  appartenant  au  Col- 
lège de  pharmacie.  Entre  le  Collège  de  pharmacie  et  la 
création  des  écoles,  une  société  fut  fondée  et  exista  pen- 
dant quelques  années  sous  la  dénomination  de  Société  libre 
de  pharmacie  de  Paris  ;  qWq  constitue  actuellement  la  So- 
ciété de  pharmacie  de  Paris.  L'établissement  de  la  rue  de 
l'Arbalète,  fondé  par  Nicolas  Houll,  devenu  la  propriété 
des  membres  du  Collège  de  pharmacie,  avait  prospéré  de- 
puis 1777  :  on  y  faisait  des  cours  publics  et  gratuits  de 
pharmacie,  de  chimie,  de  botanique,  d'histoire  naturelle, 
terminés  chaque  année  par  une  distribution  de  prix  aux 
élèves  les  plus  studieux.  L'utilité  évidente  de  cet  établis- 
sement lui  mérita  d'être  maintenu  provisoirement  par  la 


loi  du  17  avr.  1791  concernant  l'enseignement  et  Texer- 
cice  de  la  pharmacie  ;  puis  par  celle  du  14  frimaire  an  III 
portant  création  d'écoles  centrales  de  santé.  Par  arrêté  du 
3  prairial  suivant,  le  ministre  de  l'intérieur,  membre  du 
directoire  exécutif,  donna  à  ce  même  établissement  le  nom 
d'Ecole  gratuite  de  pharmacie  et  nomma  les  professeurs 
pris  pour  la  plupart  parmi  les  membres  de  la  Société  de 
pharmacie.  Telle  est  l'origine  de  l'Ecole  de  pharmacie  de 
Paris,  dont  voici  la  composition  primitive  :  Trusson,  direc- 
teur ;  Chéradame,  directeur  adjoint;  Bouillon-Lagrange, 
secrétaire  ;  Morelot,  secrétaire  adjoint.  —  Professeurs  et 
adjoints.  Chimie:  Vauquelin  et  Bouillon-Lagrange;  Bou- 
riat,  adjoint.  Pharmacie:  Morelot  et  Trusson  ;  Nachet,  ad- 
joint. Histoire  naturelle  :  Demachy,  Dizé  et  Martin.  Bota- 
nique :  Guiart  et  Sagot  ;  Guiard  fils,  adjoint. 

Enfin  fut  promulguée  la  loi  du  21  germinal  an  XI  qui 
établit  une  école  de  pharmacie  à  Paris,  à  Montpellier,  à 
Strasbourg,  et  dans  les  trois  autres  villes  où  seront  créées  trois 
écoles  de  médecine  ;  mais  ces  trois  dernières  écoles  n'ont 
jamais  été  instituées.  L'Ecole  de  Paris  fut  organisée  par  un 
décret  du  25  thermidor  an  XI  et  mise  en  activité  par  un 
autre  arrêté  du  15  vendémiaire  an  XII  nommant  aux  places 
d'îidministrateurs  et  de  professeurs.  La  loi  de  germinal, 
qui  constitue  encore  la  législation  actuelle  de  la  pharmacie 
en  France,  n'était  qu'une  loi  transitoire,  loi  par  conséquent 
mal  faite  et  pleine  de  contradictions.  Ainsi,  pour  ne  citer 
que  l'une  de  ses  imperfections,  il  était  rationnel  d'admettre 
que  tous  les  élèves,  pour  obtenir  leur  diplôme,  devaient  su- 
bir les  mêmes  épreuves  et  remplir  les  mêmes  conditions  ; 
or,  l'art.  8  du  chap.  ii  est  ainsi  conçu  :  «  Aucun  élève  ne 
pourra  prétendre  à  se  faire  recevoir  pharmacien  sans  avoir 
exercé  pendant  huit  années  au  moins  son  art  dans  des  phar- 
macies légalement  étabhes  ;  mais  les  élèves  qui  auront 
suivi  pendant  trois  ans  les  cours  dans  une  école  de  phar- 
macie ne  seront  tenus,  pour  être  reçus,  que  d'avoir  résidé 
pendant  trois  autres  années  dans  ces  pharmacies.  » 

Il  en  est  résuhé  que  la  plupart  des  élèves  ont  obtenu  à 
l'origine  leur  diplôme  sans  passer  par  l'Ecole,  étant  d'ail- 
leurs reçus  par  des  jurys  formés  pour  la  plupart  par  des 
membres  étrangers  à  la  pratique  de  la  pharmacie,  jurys 
établis  dans  chaque  département  pour  la  réception  des  offi- 
ciers de  santé.  A  la  vérité,  la  loi  de  germinal  a  été  succes- 
sivement modifiée  par  une  série  d'ordonnances  royales  et 
d'arrêtés  ministériels  qui  l'ont  parfois  améliorée,  mais 
sans  lui  enlever  tous  ses  défauts.  Les  ordonnances  royales 
du  27  sept.  1840  et  du  13  oct.  1841  ont  institué  des 
écoles  préparatoires  de  médecine  et  de  pharmacie  dans  un 
grand  nombre  de  villes  ;  et,  à  partir  de  cette  époque,  les 
élèves  ont  été  mis  dans  l'obligation  de  se  faire  inscrire  dans 
ces  écoles  et  d'y  subir  leurs  examens.  Actuellement,  il 
existe  trois  sortes  d'écoles:  1°  trois  écoles  supérieures  de 
pharmacie  (Paris,  Montpelher,  Nancy).  On  y  délivre  des 
diplômes  de  pharmacien  de  première  classe,  d'herboriste  de 
première  classe,  ainsi  que  des  certificats  d'aptitude  pour  la 
profession  de  pharmacien  et  d'herboriste  de  deuxième  classe 
(décret  du  22  août  1854)  ;  2<*  trois  écoles  de  médecine  et 
de  pharmacie  de  plein  exercice  dans  lesquelles  on  ne  peut 
recevoir  que  des  pharmaciens  de  deuxième  classe  (Alger, 
Marseille,  Nantes).  Les  examens,  comme  dans  les  écoles 
préparatoires,  sont  présidés  par  un  professeur  délégué  de 
l'une  des  écoles  supérieures  de  pharmacie  ;  3°  treize  écoles 
préparatoires  de  médecine  et  de  pharmacie  (Amiens,  An- 
gers, Besançon,  Caen,  Clermont,  Dijon,  Grenoble,  Limoges, 
Poitiers,  Reims,  Rennes,  Rouen,  Tours). 

Les  pharmaciens  de  première  classe  sont  bacheliers  es 
sciences  et  peuvent  exercer  la  pharmacie  dans  toute  la 
France,  y  compris  les  colonies  ;  ceux  de  deuxième  classe, 
pourvus  seulement  d'un  certificat  d'aptitude  d'une  classe 
de  quatrième,  ne  peuvent  exercer  que  dans  un  seul  dé- 
partement ;  s'ils  veulent  s'établir  dans  un  autre,  ils  doi- 
vent subir  de  nouveaux  examens  ;  mais,  dans  ce  dernier  cas, 
la  loi  n'est  jamais  apphquée,  cartons  les  postulants  obtien- 
nent la  dispense  des  trois  premiers  examens,  et  le  tout  se 


ECOLE 


384. 


réduit  le  plus  souvent  à  faire  une  synthèse.  Ces  distinctions 
des  pharmaciens  en  deux  classes  sont  surannées,  inutiles 
et  dangereuses  au  point  de  vue  de  l'hygiène  et  de 
la  salubrité  publiques  ;  beaucoup  de  personnes  pensent 
encore  qu'elles  sont  nécessaires,  afin  de  faciliter  l'étabUsse- 
ment  des  pharmaciens  dans  les  campagnes  ;  mais  c'est  là 
une  erreur,  car  la  plupart  des  pharmaciens  de  deuxième 
classe  se  fixent  de  préférence  dans  lesvilles.  C'est  ainsi,  pour 
ne  citer  qu'un  exemple,  que  Paris  est  envahi  par  les  phar- 
maciens de  deuxième  classe.  Un  fait  plus  grave,  et  qui  de- 
vrait préoccuper  le  législateur,  c'est  que  beaucoup  de  phar- 
macies sont  fondées  ou  tenues  par  des  personnes  étran- 
gères à  la  pharmacie,  sous  le  couvert  d'un  prête-nom. 
Pour  ramener  tout  dans  l'ordre,  il  serait  nécessaire,  au 
point  de  vue  universitaire,  de  régulariser  les  écoles  de  mé- 
decine et  de  pharmacie,  en  prenant  pour  type  l'une  de 
nos  facultés,  celle  de  droit  par  exemple.  Ainsi,  les  facultés 
de  médecine,  qui  ne  sont  en  réalité  que  des  écoles  profes- 
sionnelles, puisqu'elles  ne  confèrent  que  des  diplômes  pro- 
fessionnels, devraient  pouvoir  délivrer  deux  sortes  de  di- 
plômes :  un  diplôme  professionnel,  celui  de  médecin;  un 
diplôme  scientifique,  celui  de  docteur  en  médecine,  ou  si 
l'on  veut,  pour  éviter  toute  confusion,  un  diplôme  de  doc- 
teur es  sciences  médicales,  Semblablement,  les  écoles  su- 
périeures de  pharmacie,  érigées  en  facultés,  devraient  dé- 
livrer :  l°un  diplôme  professionnel,  celui  de  pharmacien, 
lequel  serait  également  délivré  par  les  écoles  secondaires, 
si  on  tient  à  les  conserver  ;  2°  un  diplôme  scientifique,  celui 
de  docteur  en  pharmacie  ou  de  docteur  es  sciences 
pharmaceutiques.  Ces  diplômes  donneraient  seuls,  à  l'ave- 
nir, le  droit  de  concourir  aux  agrégations.  L'institution  de 
l'agrégation,  qui  a  remplacé  celle  des  professeurs  adjoints, 
serait  conservée  et  servirait  à  recruter  les  professeurs 
titulaires,  nommés  au  concours  ou  par  le  gouvernement. 
Toutes  ces  modifications,  faciles  à  réaliser,  constitueraient, 
à  mon  sens,  un  grand  progrès,  et  donneraient  au  public 
une  garantie  qui  lui  fait  actuellement  défaut. 

Eiîumérons  enfin,  pour  terminer,  la  nt)menclature  des 
épreuves  qui  sont  exigées  pour  obtenir  le  diplôme  de  phar- 
macien de  première  classe,  et  indiquons  l'organisation  de 
l'Ecole  supérieure  de  pharmacie  de  Paris,  avec  l'énumé- 
ration  des  chaires  qui  existent  actuellement. 

Premier  examen.  —  Sciences  physico-chimiques.  Appli- 
cation de  ces  sciences  à  la  pharmacie.  Epreuve  j)ratique  : 
Analyse  chimique.  Epreuve  orale  :  Physique,  chimie,  toxi- 
cologie. 

Deuxième  examen.  —  Sciences  naturelles.  Application  à 
la  pharmacie.  Epreuve  pratique  :  Micrographie.  Epreuve 
orale  :  Botanique,  zoologie,  minéralogie  et  hydrologie.  11 
est  accordé  quatre  heures  pour  l'épreuve  de  chimie  et  deux 
heures  pour  l'épreuve  de  micrographie.  Ces  épreuves  sont 
éliminatoires. 

Troisième  examen.  —  Première  partie.  Sciences  phar- 
maceutiques proprement  dites.  Epreuve  pratique  :  Essai 
ou  dosage  d'un  médicament.  Reconnaissance  de  médica- 
ments simples  et  composés.  Epreuve  orale  :  Pharmacie 
chimique  et  galénique.  Matière  médicale.  —  Deuxième 
partie.  Préparation  de  huit  médicaments  chimiques  ou  ga- 
léniques.  Interrogations  sur  ces  préparations. 

Quatre  jours  sont  accordés  pour  la  deuxième  partie  du 
troisième  examen.  Cette  deuxième  partie  pourra  être  rem- 
placée, après  avis  de  l'école  ou  par  la  faculté  mixte,  par 
une  thèse  contenant  des  recherches  personnelles.  Les  can- 
didats refusés  à  la  deuxième  partie  du  troisième  examen 
conservent  le  bénéfice  de  la  première  partie.  Dans  les 
écoles  supérieures  et  les  facultés  mixtes,  le  délai  d'ajour- 
nement est  fixé  à  trois  mois  au  minimum.  Les  étudiants 
refusés  à  l'une,  ou  à  l'autre  de  ces  épreuves  dans  les 
écoles  de  plein  exercice  et  préparatoires  pendant  la  ses- 
sion d'août  sont  ajournés  à  la  session  de  novembre  suivant. 
Aucun  délai  n'est  exigé  entre  les  examens  probatoires  subis 
avec  succès  (décret  à\x  24  juil.  1889).       Ed.  Bourgoin. 

Ecole  d'administration.  —  La  pensée  de  créer  pour 


l'instruction  générale  des  candidats  aux  fonctions  adminis- 
tratives une  école  qui  donnât  au  gouvernement  des  garanties 
analogues  à  celles  que  lui  donnent  pour  la  préparation 
aux  carrières  militaires  l'Ecole  polytechnique  et  l'Ecole  de 
Saint-Cyr,  a  souvent  été  reprise  depuis  la  Révolution  fran- 
çaise. Actuellement ,  c'est  une  école  libre  qui  vise  à  rem- 
plir cet  objet.  Mais  la  République  de  1848  avait  créé  une 
Ecole  d'administration  qui  fut  supprimée  au  bout  d'une 
année  par  la  réaction.  Dès  le  8  mars  1848,  le  gouverne- 
ment provisoire  décréta  :  «  Une  Ecole  d'administration, 
destinée  au  recrutement  des  diverses  branches  d'adminis- 
tration, dépourvues  jusqu'à  présent  d'écoles  préparatoires, 
sera  établie  sur  des  bases  analogues  à  celles  de  l'Ecole 
polytechnique.  »  L'exposé  des  motifs,  rédigé  par  de  Vau- 
labelle,  rappelle  les  précédents.  Napoléon  P"^  avait  lié  à 
l'organisation  du  conseil  d'Etat  une  sorte  d'Ecole  de  haute 
administration  ;  le  nombre  des  auditeurs  était  porté  à  300  ; 
ils  étaient  répartis  entre  les  diverses  sections  du  conseil, 
les  administrations  centrales  et  les  préfectures  des  dépar- 
tements, faisant  un  stage  de  deux  ans  au  conseil  d'Etat 
ou  de  quatre  ans  dans  les  départements  avant  d'être 
appelés  aux  fonctions  administratives.  Cuvier,  élève  de 
l'Ecole  d'administration  du  Wurttemberg,  tenta  de  décider 
Louis  XVIII  à  en  créer  une  semblable.  Le  gouvernement 
provisoire  commença  par  annexer  le  nouvel  enseignement 
au  Collège  de  France  en  y  créant  onze  chaires  de  sciences 
juridiques  et  poHtiques  ;  les  élèves  du  Collège  de  France 
formèrent  l'Ecole  d'administration  (7  avr.  1848).  On 
ouvrit  un  concours  d'admission  ;  les  candidats  (Français  de 
dix-huit  à  vingt-deux  ans)  furent  interrogés  sur  la  philo- 
sophie, l'histoire  littéraire,  les  auteurs  français,  la  rhéto- 
rique, les  mathématiques,  et  durent  faire  des  compositions 
en  version  latine,  histoire  de  France,  sciences  physiques  et 
naturelles,  dessin.  L'examen  oral  donnait  l'admissibilité, 
l'examen  écrit  l'admission.  Le  nombre  des  places  mises  au 
concours  était  de  ISO.  Les  élèves  étaient  dispensés  du  ser- 
vice militaire.  Le  5  juil.  1848,  on  décida  d'admettre  une 
seconde  promotion  de  150  élèves  et  d'ouvrir  un  second 
concours  le  17  sept.  Le  titre  définitif  était  élève  de  l'Ecole 
d'administration  du  Collège  de  France.  Mais  cette  organi- 
sation fut  éphémère.  Falloux  en  proposa  la  suppression  en 
y  substituant  l'enseignement  du  droit  administratif  dans  les 
facultés  de  droit.  Par  l'organe  de  Dumas,  la  commission  de 
l'Assemblée  nationale  se  rallia  à  ces  conclusions,  et  une  loi 
du  9  août  1849  supprima  l'Ecole  d'administration.  —  Elle 
n'a  pas  été  rétablie,  et  les  projets  faits  pour  donner  le 
caractère  d'établissement  public  à  l'Ecole  Hbre  des  sciences 
politiques  ou  pour  en  créer  une  autre  n'ont  pas  eu  de  suite. 

Ecole  libre  des  sciences  politiques.  —  Destina- 
tion. —  L'Ecole  libre  des  sciences  politiques,  sise  à  Paris, 
rue  Saint-Guillaume,  n'^  27,  a  pour  objet  de  remplacer 
V Ecole  d'administration  (V.  ci-dessus),  fondée  en  1848 
et  supprimée  bientôt  après.  Elle  a  été  fondée  par  l'initiative 
privée,  grâce  aux  eff'orts  de  M.  Boutmy  et  aux  libéralités 
de  la  duchesse  de  Galliera. 

Chacune  des  grandes  divisions  de  son  enseignement 
constitue  une  préparation  complète  à  l'une  des  carrières 
suivantes  et  aux  examens  ou  aux  concours  qui  en  ouvrent 
l'entrée  :  la  diplomatie  (ministère  des  affaires  étrangères, 
légations,  consulats),  le  conseil  d'Etat  (auditorat  de  2^ 
classe),  l'administration  (administration  centrale  et  dépar- 
tementale, contentieux  des  ministères,  sous-préfectures, 
secrétariats  généraux  de  département,  conseils  de  préfec- 
ture), l'inspection  des  finances,  la  cour  des  comptes,  le 
service  colonial  (direction  de  l'intérieur,  administration  des 
affaires  indigènes,  emplois  dans  les  grandes  compagnies 
industrielles  et  financières).  D'autre  part,  ce  programme 
comprend  des  éléments  d'instruction  supérieure  qui  com- 
plètent utilement  la  préparation  à  certaines  hautes  positions 
commerciales  (banques,  contentieux  des  grandes  compa- 
gnies, inspection  des  chemins  de  fer,  etc.). 

L'Ecole  reçoit  des  élèves  et  des  auditeurs  ;  les  uns  et  les 
autres  sont  admis  sans  examen,  avec  l'agrément  du  directeur 


385  - 


ÉCOLE 


et  du  conseil  de  l'Ecole.  Ils  n'ont  à  justifier  d'aucun  grade 
universitaire.  Les  élèves  sont  les  personnes  qui  prennent 
une  inscription  d'ensemble.  Les  auditeurs  sont  les  personnes 
qui  prennent  une  ou  plusieurs  inscriptions  partielles.  Les 
élèves  sont  seuls  admis  à  briguer  le  diplôme  de  l'Ecole. 
Aucun  auditeur  ne  peut  s'inscrire  aux  conférences  de  pré- 
paration pour  l'inspection  des  finances  ou  pour  la  cour  des 
comptes,  s'il  n'est  inscrit,  en  outre,  au  cours  de  finances, 
ou  au  cours  d'organisation  administrative,  ou  au  cours  de 
matières  administratives,  ou  au  cours  d'économie  politique. 
Pour  l'inscription  d'ensemble,  donnant  entrée  à  tous  les 
cours  et  conférences  tant  réguliers  que  complémentaires 
(à  l'exception  du  cours  de  russe)  et  à  la  bibliothèque, 
l'élève  verse  soit  180  fr.  par  terme,  soit  300  fr.  pour 
l'année.— Le  prix  des  inscriptions  partielles  est  de  60  fr. 
pour  un  cours  à  une  leçon  par  semaine;  de  120  fr.  pour 
un  cours  à  deux  leçons  par  semaine  ;  de  50  fr.  pour  une 
conférence  à  une  leçon  par  semaine;  de  100  fr.  pour  une 
conférence  à  deux  leçons  par  semaine.  —  Pour  les  cours 
de  langues  (anglais  ou  allemand,  deux  leçons  par  semaine), 
le  prix  est  de  30  fr.  par  terme,  de  50  fr.  pour  l'année.— 
La  durée  des  études  est  de  deux  ans;  l'année  scolaire  dure 
de  novembre  à  la  mi-juin  ;  elle  se  divise  en  deux  semestres  : 
de  novembre  à  février  et  de  mars  à  juin.  La  durée  des 
études  peut  être  étendue  à  trois  années,  de  manière  à 
coïncider  avec  les  études  de  droit  ou  à  préparer  plus  soi- 
gneusement une  carrière  ou  un  concours  spécial.  —  Les 
cours  ont  lieu  de  huit  heures  et  demie  du  matin  à  cinq 
heures  du  soir.  La  bibliothèque  est  ouverte  de  dix  heures 
du  matin  à  dix  heures  du  soir. 

L'enseignement  comprend,  dans  chaque  section,  des 
cours  et  des  conférences.  Il  est  plus  général  dans  les  cours, 
plus  spécial  et  pratique  dans  les  conférences.  Les  cours  et 
conférences  sont  distribués  en  cinq  sections  :  1°  section 
administrative;  2^^  section  diplomatique;  3°  section  écono- 
mique et  financière  ;  4^^  section  générale  (droit  public  et 
histoire);  5*^  section  coloniale.  Les  sections  étant  organisées 
en  vue  du_  diplôme  de  l'Ecole,  les  élèves  et  les  auditeurs 
qui  ne  briguent  point  ce  diplôme  ont  toute  liberté  pour 
composer  autrement,  et  selon  leurs  convenances  particu- 
lières, la  liste  des  cours  qu'ils  entendent  suivre. 

Sortie.  —  Dans  chaque  section,  un  examen  partiel  a 
lieu  à  la  fin  de  la  première  année  ;  un  examen  général  et 
final,  à  l'expiration  de  la  seconde  année.  Les  élèves  qui  on 
font  la  demande  sont  seuls  admis  à  l'une  ou  à  l'autre  de  ces 
épreuves.  Elles  portent  sur  toutes  les  matières  obligatoires 
de  la  section  choisie  par  le  candidat  et,  en  outre,  'sur  les 
matières  facultatives  qu'il  désigne.  L'examen  partiel  de 
fin  de  la  première  année  consiste  exclusivement  en  épreuves 
orales.  Le  candidat  qui  a  obtenu  une  moyenne  suffisante 
pour  une  matière  est  dispensé  d'être  interrogé  de  nouveau 
sur  la  même  matière  à  l'examen  final  de  la  seconde  année. 
—  Les  élèves  de  deuxième  année  candidats  au  diplôme 
doivent  présenter  une  étude  développée  où  ils  fassent  preuve 
de  travail  personnel.  Ils  ont  trois  mois  pour  la  rédiger. 
L'examen  final  comprend  des  épreuves  écrites  et  des 
épreuves  orales.  Les  compositions  sont  au  nombre  de  deux 
et  doivent  être  faites  en  quatre  heures,  sans  livres  ni  notes. 
Une  semaine  après  a  lieu  l'examen  oral.  De  plus,  les  can- 
didats doivent  faire  une  troisième  composition  en  deux 
heures  ou  un  exposé  oral  en  dix  minutes  après  une  demi- 
heure  de  préparation. 

Pour  obtenir  le  diplôme,  il  faut  que  le  candidat  atteigne 
une  moyenne  de  points  assez  élevée  et  uniquement  sur  les 
matières  obligatoires  de  chaque  section,  les  autres  notes 
n'entrant  pas  dans  le  total  indispensable  pour  l'obtention 
du  diplôme.  Sur  celui-ci  on  inscrit  la  mention  de  toutes  les 
matières  obfigatoires  ou  facultatives  sur  lesquelles  le  can- 
didat a  eu  une  note  satisfaisante. 

Il  est  constitué  deux  jurys  d'examen,  l'un  pour  les  sec- 
tions diplomatique  et  coloniale,  l'autre  pour  la  section 
administrative,  la  section  économique  et  financière  et  la 
section  générale.  Les  candidats  admis  dans  chaque  section 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —    XV. 


par  le  jury  d'examen  reçoivent  un  certificat  de  capacité  ; 
pour  se  faire  délivrer  le  diplôme,  il  faut  payer  un  droit  de 
20  fr.  Des  prix  en  livres  sont  accordés  aux  cinq  candidats 
classés  les  premiers.  Une  bourse  de  voyage  (500  fr.)  est 
mise  au  concours  tous  les  cinq  ans. 

L'Ecole  libre  des  sciences  politiques  est  excessivement 
utile  à  ses  élèves  à  qui  elle  ouvre,  les  carrières  administra- 
tives. Non  seulement  ses  cours  et  conférences  constituent 
une  préparation  unique  aux  concours  d'entrée  (énumérés 
ci-dessus),  mais  les  jurys  qui  jugent  ces  concours  sont  en 
grande  partie  recrutés  parmi  les  professeurs  de  l'Ecole  dont 
les  élèves  se  trouvent  ainsi  avantagés.  En  fait,  les  succès 
obtenus  par  eux  ont  été  considérables. 

Une  Société  amicale  des  anciens  élèves  et  élèves  de 
V Ecole  des  sciences  politiques  a  été  fondée  en  1875  pour 
resserrer  les  liens  entre  les  diverses  promotions  et  créer  un 
esprit  de  corps  et  une  solidarité  dont  tous  profitent.  Elle 
fonctionne  activement  et  organise  des  conférences.  On  a  été 
conduit  à  l'institution  de  groupes  de  travail,  où  d'anciens 
élèves  réunissent  leurs  eff'orts  à  ceux  des  professeurs  de 
l'Ecole  pour  discuter  par  écrit  les  questions  d'un  intérêt 
actuel.  Un  groupe  des  finances,  le  groupe  du  droit  public 
et  privé,  le  groupe  d'histoire  et  diplomatie,  fonctionnent 
régulièrement.  Les  mémoires  sont  insérés  dans  les  Annales 
de  r Ecole  des  sciences  politiques. 

Ecole  des  langues  orientales  vivantes.  —  Desti- 
nation. —  Cette  école,  établie  à  Paris,  rue  de  Lille,  2,  res- 
sortit au  ministère  de  l'instruction  publique.  Elle  a  pour 
but  de  former  des  élèves  consuls  et  des  élèves  interprètes 
pour  les  pays  de  l'Orient.  Elle  est  régie  par  les  décrets  du 
8  nov.  1869,  du  11  mars  1872  et  du  6  sept.  1873  et  par 
l'arrêté  du  31  juil.  1876. 

Historique.  —  Le  développement  chaque  jour  plus 
grand  des  relations  entre  la  France  et  les  pays  orientaux  a 
donné  une  importance  nouvelle  aux  études  relatives  aux 
langues  orientales  vivantes.  L'enseignement  supérieur  et 
érudit,  donné  au  Collège  de  France  par  les  orientalistes  les 
plus  distingués,  ne  pouvait  suffire  aux  exigences  de  la  vie 
courante.  Il  fallait,  à  côté  de  la  linguistique,  de  la  littéra- 
ture^ des  religions  et  des  institutions  de  ces  peuples, 
enseigner  aussi  des  idiomes  pratiques,  la  langue  courante, 
former  des  interprètes,  instruire  les  négociants  ou  les 
fonctionnaires  français  destinés  à  se  mettre  en  contact  avec 
ces  races.  L'Ecole  des  langues  orientales  vivantes  fut  créée 
par  la  Convention.  Un  décret  du  10  germinal  an  III 
(30  mars  1795)  décida  qu'il  serait  étabh,  dans  l'enceinte 
de  la  Bibliothèque  nationale,  une  école  publique  destinée  à 
l'enseignement  des  langues  orientales  vivantes  d'une  utilité 
reconnue  pour  la  politique  et  le  commerce.  L'Ecole  ne 
comptait  à  l'origine  que  trois  cours  :  arabe  littéral  et  vul- 
gaire (S.  de  Sacy),  persan  et  malais  (Langlès),  turc  et 
tartare  de  Crimée  (Venture).  Jusqu'en  1831,  elle  fut 
subordonnée  au  ministère  de  Tintérieur.  A  cette  date,  elle 
fut  transportée  au  ministère  du  commerce,  puis,  sous 
l'administration  de  M.  Guizot,  rattachée  au  ministère  de 
l'instruction  publique  par  l'ordonnance  du  11  oct.  1832. 
En  même  temps,  l'enseignement  se  développait  par  l'ad- 
jonction de  cours  d'arménien,  de  grec  moderne,  d'arabe 
vulgaire,  d'indoustani,  de  chinois  moderne,  de  malais  et 
javanais.  Plusieurs  des  professeurs  rédigeaient  la  gram- 
maire de  la  langue  qu'ils  enseignaient.  Les  auditeurs  de 
l'Ecole  n'étant  astreints  à  aucune  règle,  parce  qu'on  ne 
leur  demandait  ni  inscriptions  ni  examens,  qu'on  ne  leur 
déhvrait  aucun  diplôme,  il  en  résulta  que  les  études 
prirent  un  caractère  exclusivement  scientifique,  sous  l'in- 
fluence de  maîtres  éminents,  plus  désireux  naturellement 
d'élever  leur  enseignement  que  de  lui  donner  un  caractère 
pratique.  L'Ecole  des  langues  orientales  vivantes  dévia  donc 
complètement  de  sa  destination  primitive.  On  voulut  l'y 
ramener.  Ce  fut  l'objet  du  décret  du  8  nov.  1869.  L'Ecole 
est  restée  à  la  Bibliothèque  nationale  de  1795  à  1868; 
abritée  de  1868  à  1873  au  Collège  de  France,  elle  a  reçu, 
à  cette  date,  les  locaux  abandonnés  par  l'Ecole  du  génie 

25 


ÉCOLE 


386  - 


inaritime  (rue  de  Lille).  L'extension  prise  par  les  études  a 
motivé  en  1886  un  agrandissement  et  la  reconstruction 
totale  de  l'Ecole,  afin  de  donner  la  place  nécessaire  aux 
salles  de  cours,  aux  collections  et  à  la  belle  bibliothèque 
riche  de  plus  de  vingt  mille  volumes. 

Conditions  d'admission.  —  Les  aspirants  au  titre  d  eleve 
réc^uHer  de  l'Ecole  des  langues  orientales  vivantes  sont 
tenus  de  s'inscrire  du  1«^  au  25  nov.  au  secrétariat  de 
l'Ecole.  En  s'iiiscrivant,  ils  doivent  déposer  :  1^  leur  acte 
(le  naissance,  prouvant  qu'ils  sont  Français  et  âgés  de  seize 
ans  au  moins  et  de  vingt-quatre  ans  au  plus  ;  2«  le  diplôme 
de  bachelier  es  lettres  ou  celui  de  bachelier  es  sciences. 
Le  ministre  décide,  sur  l'avis  du  conseil  de  perfectionne- 
ment, des  exceptions  qu'il  peut  y  avoir  lieu  de  faire  à  ces 
conditions  d'âge  et  de  nationalité.  Les  jeunes  gens  qui  ne 
peuvent  justifier  du  grade  de  bacheUer  es  lettres  ou  es 
sciences  sont  admis  à  se  faire  inscrire  à  la  section  com- 
merciale de  l'Eoole  des  langues  orientales.  Les  élèves  de 
l'Ecole  qui  justifient  d'une  année  d'études  assidues  peuvent 
obtenir  des  subventions.  Les  élèves  qui,  par  leur  assiduité 
et  leurs  progrès,  ont  mérité  des  subventions,  sont  proposes 
au  ministre  pour  être  nommés  élèves  pensionnaires  de 
l'Ecole.  Le  titre  d'élève  pensionnaire  ne  peut  jamais  être 
obtenu  avant  la  fin  de  la  première  année.  La  collation  et 
la  jouissance  des  bourses  fondées  par  les  départements,  les 
communes,  les  chambres  de  commerce  ou  les  particuliers 
ont  lieu  aux  conditions  indiquées  par  l'acte  de  fondation. 
Régime    intérieur.  —  L'Ecole  des  langues  orientales 
vivantes  comprend  les  cours  suivants  existant  en  1869  : 
arabe  vulgaire,  persan,  turc,  malais  et  javanais,  arménien, 
grec  moderne,  indoustani,  chinois   vulgaire,   japonais, 
annamite,  auxquels  se  sont  ajoutés  :  l'arabe  httéral,  la 
lan-ue  russe,  la  géographie,  rhistoire  et  la  législation  des 
Etats  musulmans  et  de  ceux  de  l'extrême  Orient,  la  langue 
tamoule,  la  langue  roumaine.  Ces  cours  ont  pour  objet  d'ap- 
prendre aux  élèves  à  lire,  écrire  et  parler  les  langues  dont 
rénumération  précède,  et  de  leur  enseigner  la  géographie 
politique  et  commerciale  des  pays  où  ces  langues  sont  en 
usage.  Leur  durée  est  de  trois  ans.  Chaque  professeur  est 
tenu  de  faire,  par  semaine,  trois  leçons  d'une  heure  au 
moins.  Des  répétiteurs  sont  chargés  d'interroger  les  élèves 
et  de  les  exercer  à  la  conversation  et  à  la  lecture  à  haute 
voix.  Tous  ces  cours  sont  publics  et  gratuits.  Ils  sont  divisés 
en  deux  semestres  :  l*'  du  deuxième  lundi  de  novembre  au 
lundi  qui  précède  Pâques  ;  2«  du  second  lundi  après  Pâques 
au  commencement  de  juillet.  Ils  sont  ouverts  non  seulement 
aux  élèves,  mais  aux  auditeurs  libres  qui  se  font  inscrire 
à  cet  effet.  Ceux  des  étudiants  qui  ont  l'intention  de  se  pré- 
senter aux  examens  de  fin  d'année  et  de  fin  d'études  doivent 
se  faire  inscrire,  avant  le  1^^  nov. ,  au  secrétariat  de  l'Ecole. 
Les  inscriptions  sont  renouvelées  tous  les  trois  mois  ;  elles 
se  perdent  par  une  absence  non  justifiée  de  six  leçons  dans 
le  trimestre.  A  la  tête  de  l'Ecole  est  un  administrateur 
nommé  pour  cinq  ans  par  le  ministre  de  l'instruction  pu- 
blique (parmi  les  professeurs)  ;  un  autre  professeur  a  le  titre 
d'administrateur  adjoint.  L'administrateur  convoque  et  pré- 
side l'assemblée  des  professeurs  et  porte  à  l'ordre  du  jour, 
après  autorisation  du  ministre,  les  questions  à  mettre  en 
déhbération  ;  il  vise  les  pièces  de  comptabiUté,  contresigne 
les  diplômes,  surveille  tous  les  services  et  fait  exécuter  les 
règlements.  L'assemblée  se  compose  des  professeurs  titu- 
laires et  du  secrétaire.  Elle  se  réunit  au  moins  trois  fois 
par  an.  Elle  délibère  sur  les  programmes  et  Tordre  des 
cours,  sur  les  programmes  et  l'ordre  des  examens,  sur  les 
règlements  intérieurs  de  l'Ecole,  et  en  général  sur  toutes  les 
questions  mises  en  délibération  par  l'administrateur.  Le 
conseil  de  perfectionnement  établi  près  de  l'Ecole  se  com- 
pose de  neuf  membres  :  le  ministre  de  l'instruction  publique, 
président;  l'administrateur  de  l'Ecole,  vice-président  ;  des 
délégués  des  ministères  de  l'instruction  publique,  de  l'in- 
térieur, des  afi'aires  étrangères,  de  la  guerre,  de  la  marine, 
de  l'agriculture  et  du  commerce;  le  directeur  ou  un  dé- 
légué de  l'Imprimerie  nationale;  le  président  de  la  chambre 


de  commerce  de  Paris.  Le  conseil  de  perfectionnement  se 
réunit  sur  la  convocation  du  ministre;  il  délibère  sur  les 
améliorations  et  les  réformes  dont  l'enseignement  serait 
susceptible  dans  l'intérêt  des  relations  poUtiques  et  com- 
merciales de  la  France  en  Orient,  et  entend  le  rapport  de 
l'administrateur  sur  les  travaux  de  l'Ecole;  et  les  progrès 
des  élèves.  Ses  membres  peuvent  assister  aux  examens. 

Les  professeurs  sont  nommés  sur  une  triple  liste  de 
présentation  de  deux  noms,  dressée  par  l'assemblée  des 
professeurs,  le  conseil  de  perfectionnement  et  l'Acadéinie  des 
inscriptions.  Les  répétiteurs  sont  nommés  par  le  ministre, 
A  la  fin  de  chaque  année,  il  est  procédé,  dans  la  seconde 
quinzaine  de  juillet,  à  des  examens  publics,  que  tous  les 
élèves  sont  tenus  de  subir.  Ceux  d'entre  eux  qui  ne  s  y 
présentent  pas  perdent  leur  titre  d'élève  de  l'Ecole  et  ne 
peuvent  continuer  à  suivre  les  cours  que  comme  auditeurs 
libres.  Les  examens  ont  lieu  devant  un  jury  compose  de 
l'administrateur  de  l'Ecole,  du  professeur  compétent  et  du 
répétiteur.  .,        ,,,.    , 

Sortie.  —  A  la  fin  des  cours  d'études,  il  est  délivre  par 
le  ministre,  aux  élèves  qui  en  sont  jugés  dignes,  un  diplôme 
d'élèves  brevetés  de  l'Ecole  des  langues  orientales  vivantes. 
Ce  diplôme  indique  la  langue  sur  laquelle  l'élève  a  subi 
l'épreuve.  Ce  diplôme  vaut  aux  élèves  à  qui  il  a  été  délivre 
la  dispense  de  deux  années  de  service  militaire  actif,  dans 
les  mêmes  conditions  qu'aux  licenciés  des  facultés  de 
lettres.  Les  jeunes  gens  inscrits  cà  la  section  commerciale  sont 
soumis  aux  mêmes  règlements  que  les  élèves  réguhers  ;  ils 
subissent  les  examens  de  fin  d'année  et,  après  avoir  termine 
leurs  études,  ils  reçoivent  un  certificat  d'études  distinct  du 
diplôme  accordé  aux  élèves  réguliers. 

Le  chiffre  des  élèves  est  d'environ  50,  celui  des  audi- 
teurs de  75,  en  majorité  pour  les  langues  annamite,  chi- 
noise  et  arabe;   sur  ce  total,  on   délivre  annuellement 
25  diplômes  à  15  élèves,  beaucoup  d'élèves  étudiant  à  la 
fois  deux  ou  même  trois  langues.  Les  plus  distingués  de 
ces  élèves  brevetés  (qui  sont  mis  à  la  disposition  des  mi- 
nistres des  affaires  étrangères,  de  la  guerre,  de  la  marine 
et  du  commerce)  peuvent  être  envoyés,  aux  frais  d  un 
département  ministériel,  dans  un  des  pays  dont  ils  ont 
appris  la  langue,  afin  de  se  mettre  au  courant  de  la  vie 
pratique,  des  intérêts  commerciaux  et  pohtiques  de  ces  pays. 
En  somme,  la  principale  carrière  ouverte  aux  élèves  bre- 
vetés ou  jeunes  de  langue,  est  celle  de  drogman  et  d'inter- 
prète qui,  cependant,  ne  leur  est  pas  exclusivement  réservée. 
Ecole  coloniale.  —  Destination.  —  L'Ecole  colo- 
niale établie  à  Paris  et  organisée  par  le  décret  du  23  noy. 
1889,  comprend  deux  sections  ;  la  section  indigène  et  la 
section  française .  La  section  indigène  est  destinée  à  donner 
à  de  jeunes  indigènes  de  nos  colonies,  particulièrement  de 
celles  d'Indo-Chine,  une  éducation  française  et  une  ins- 
truction primaire  supérieure.  La  section  française  est  des- 
tinée à  former  des  fonctionnaires  coloniaux.  La  différence 
est  donc  complète  entre  les  deux  sections,  tant  pour  le  per- 
sonnel que  pour  le  programme.  ^  ^ 

Section  indigène.  —  La  section  indigène  organisée  la 
première  est  de  beaucoup  la  moins  importante  actuellement. 
Elle  eut  des  commencements  modestes  :  une  école  cambod- 
gienne organisée  rue  Ampère,  73,  en  1886.  On  y  adjoignit 
un  Cochinchinois  et  un  Africain.  Elle  fut  réorganisée  en 
1888  ;  les  cadres  administratifs  furent  étabhs,  les  études 
orientées  dans  un  sens  positiL  On  décida  de  ne  plus  amener 
que  des  indigènes  déjà  instruits  par  des  instituteurs  colo- 
niaux et  ayant  justifié  d'une  connaissance  suffisante  de  la 
langue  française.  On  résolut  de  diviser  les  élèves  amenés 
à  Paris  en  deux  groupes  :  ceux  qui  manifesteraient  un  goût 
particuUer  pour  les  langues,  l'enseignement  ou  l'adminis- 
tration, formeraient  une  division  classique  et  seraient  pré- 
parés aux  fonctions  d'interprète,  d'instituteur  ou  d'agent 
de  l'administration.  Dans  une  division  technique,  on  placerait 
ceux  qui  feraient  l'apprentissage  d'un  métier.  Le  cours 
d'études  devrait  durer  deux  années,  les  élèves  pouvant  être 
conservés   une  troisième  année.  Le  régime  était  l'mter- 


—  387  - 


ECOLE 


nat  ;  naturellement  cet  enseignement  était  gratuit.  Le  dé- 
cret du  23  nov.  1889  a  consacré  ces  principes.  L'Ecole  n'est 
pas  encore  sortie  de  la  période  d'organisation. 

Section  française.  —  La  création  de  la  section  fran- 
çaise, qui  forme  une  école  d'administration  coloniale,  a  été 
préparée  par  M.  Dislère  et  réalisée  en  1889.  Elle  comble 
une  lacune  grave  de  notre  système  administratif  et  est 
destinée  à  rendre  des  services  analogues  à  ceux  du  Civil 
Service  oti  se  recrutent  les  administrateurs  de  l'Inde  an- 
glaise, du  gymnase  Guillaume  III  à  Java  et  des  écoles  de 
Leyde  et  Deift  ou  se  recrutent  les  administrateurs  des  co- 
lonies néerlandaises.  L'école  des  stagiaires,  organisée  en 
Cochincliine  (1873-1880),  n'avait  pas  réussi  ;  môme  aux 
écoles  de  droit  et  des  lettres  d'Alger,  on  n'a  pu  préparer  de 
fonctionnaires  au  courant  des  coutumes  indigènes.  Cette 
préparation  ne  pouvant  se  faire  efficacement  qu'à  Paris,  on 
a  décidé  en  1888  et  réalisé  l'année  suivante  l'institution 
de  l'Ecole  coloniale,  sur  les  rapports  de  M.  Dislère,  de 
M.  Léveilléet  de  M.  Marcel  Simon.  Il  a  été  l'objet  du  dé- 
cret du  23  nov.  1889  suivi  de  l'arrêté  du  13  déc.  qui 
règle  le  programme  des  cours. 

Destination.  VY^mh  coloniale  (section  française) ,  établie 
à  Paris,  boulevard  du  Montparnasse,  n°  129,  est  destinée  à 
assurer  le  recrutement  des  administrations  et  corps  colo- 
niaux dont  la  liste  suit  :  administration  centrale  des  colo- 
nies, au  ministère  des  colonies  ;  magistrature  coloniale 
(sous  la  réserve  que  le  candidat  sera  licencié  en  droit) , 
commissariat  colonial  (sous  la  réserve  que  le  candidat  sera 
licencié  en  droit  et  aura  suivi  avec  succès  le  cours  spécial 
du  commissariat)  ;  service  des  bureaux  du  secrétariat  gé- 
néral du  gouvernement  de  la  Cochincliine  (sous  la  réserve 
que  le  candidat  aura  suivi  avec  succès  les  cours  de  langues 
indo-chinoises)  ;  administration  des  affaires  indigènes  en 
Cochinchine  (sous  la  môme  réserve)  ;  personnel  des  rési- 
dences au  Cambodge,  en  Annam  et  au  Tonkin  [idem)  ; 
corps  des  administrateurs  coloniaux  (administration  des 
directions  de  l'intérieur)  ;  administration  pénitentiaire  à  la 
Guyane  et  en  Nouvelle-Calédonie. 

Conditions  d'admission.  Les  admissions  sont  pronon- 
cées par  le  ministre  sur  l'avis  du  conseil  d'administration. 
Il  faut  que  le  candidat  justifie  :  1°  qu'il  est  Français  ou 
naturalisé  ;  2*^  qu'il  a  plus  de  dix-huit  ans  et  moins  de 
vingt-cinq  ans  au  1®^  janv.  de  l'année  courante.  Toutefois 
les  jeunes  gens  qui  auront  accompli  au  1^^  juil.  de  l'année 
courante,  dans  l'une  des  deux  administrations  ou  l'un  des 
corps  énumérés  ci-dessus,  ainsi  que  dans  l'armée  ou  la 
marine,  au  moins  une  année  do  service  réel  et  effectif, 
pourront  être  admis  à  l'Ecole,  pourvu  qu'ils  n'aient  pas 
dépassé  i'àge  de  vingt-six  ans  à  cetle  même  date,  et  qu'ils 
soient  encore  au  service  au  moment  où  ils  feront  leur  de- 
mande d'admission.  Les  candidats  doivent  adresser  leur 
demande  :  dans  les  colonies,  aux  gouverneurs,  avant  le 
15  mai  ;  en  France,  au  ministre  chargé  des  colonies,  avant 
le  IS  juil.  Nulle  demande  n'est  admise  après  ces  dates. 
Les  pièces  à  produire  pour  l'inscription  sont  :  un  extrait  de 
l'acte  de  naissance,  un  extrait  du  casier  judiciaire,  un 
certificat  de  bonnes  vie  et  mœurs,  un  des  trois  diplômes 
du  baccalauréat  ;  un  certificat  constatant  que  le  candidat 
est  propre  au  service  des  colonies,  délivré  :  aux  colonies, 
par  le  service  de  santé  de  la  colonie  ;  à  Paris ,  par  le 
conseil  supérieur  de  santé  des  colonies  ;  à  Marseille , 
Bordeaux,  Nantes  et  Le  Havre,  par  les  conseils  de  santé 
institués  près  des  chefs  du  service  des  colonies.  Les  can- 
didats qui  veulent  bénéficier  de  l'admission  après  vingt- 
cinq  ans  doivent  produire,  en  outre,  un  certificat  de  le\ir 
chef  de  corps  constatant  qu'ils  compléteront  au  l'^^nov.  au 
moins  une  année  de  service  réel  et  effectif. 

Régime  intérieur.  Le  régime  de  l'Ecole  est  l'externat. 
La  durée  des  études  est  fixée  à  trois  ans;  toutefois,  elle  est 
réduite  à  deux  ans  pour  les  élèves  munis  du  diplôme  de 
licencié  en  droit  ou  simplement  ayant  passé  avec  succès  le 
premier  examen  du  baccalauréat  en  droit.  Les  droits  d'ins- 
cription sont  de  120  fr.  par  an,  payables  moitié  à  l'entrée  et 


moitié  au  1«^  avr.  ;  il  y  faut  ajouter  180  fr.  pour  les  leçons  . 
d'exercices  physiques  (escrime,  équitation)  qui  sont  obliga- 
toires. La  remise  des  droits  dinscription  et  des  frais  de  leçons 
d'exercices  physiques  est  faite  chaque  année  à  12  élèves; 
en  outre,  six  bourses  de  1,200  fr.  sont  instituées,  en  pre- 
mière et  troisième  année,  en  faveur  des  élèves  qui  remplis- 
sent les  conditions  indiquées  ci-après  :  la  remise  des  frais 
d'études  et  la  cgncession  des  bourses  sont  accordées  par 
le  ministre  chargé  des  colonies,  sur  la  proposition  du  con- 
seil d'administration  de  l'Ecole,  après  enquête  sur  la  situa- 
tion de  fortune  du  candidat  au  concours.  Sont  seuls  admis 
à  concourir  à  leur  entrée  à  l'Ecole,  pour  la  remise  des  frais 
d'études,  et  au  commencement  delà  deuxième  année,  pour 
l'obtention  de  bourses,  les  élèves  qui  se  destinent  au  corps 
du  commissariat  colonial.  Les  demandes  de  remise  des  frais 
d'études  doivent  être  adressées  dans  les  colonies  au  gou- 
verneur, du  15  au  30  juin,  et  en  France,  au  président  du 
conseil  d'administration  de  l'Ecole  du  15  au  31  août.  Elles 
doivent  être  accompagnées  de  l'engagement  de  reverser  à 
la  caisse  de  l'Ecole  toutes  les  sommes  provenant  de  remise 
de  frais  d'études  ou  de  bourses,  dans  le  cas  où  l'intéressé 
choisirait  à  sa  sortie  de  l'Ecole  une  autre  carrière  que  le  com- 
missariat. Les  cours  commencent  au  l'^^nov.  Ils  portent  sur 
les  matières  suivantes  :  droit  (100  points  au  maximum);  sys- 
tèmes coloniaux  étrangers  (60  points)  ;  colonisation  fran- 
çaise (60  points)  ;  législation  indo-chinoise  (120  points)  ; 
commissariat  colonial  (cours  spécial,  180  points);  langue 
annamite  (30  points  la  première  année,  60  la  seconde)  ;  langue 
cambodgienne  (30  et  60  points)  ;  langue  anglaise  (30  points)  ; 
organisation  des  colonies  (cours  biennal)  ;  en  outre,  des 
conférences  sur  l'ethnographie,  la  construction  pratique, 
les  productions  coloniales,  l'hygiène,  la  comptabilité,  la 
topographie  sont  faites  aux  élèves.  Enfin  les  exercices  phy- 
siques donnent  lieu  à  des  points  (10  les  deux  premières 
années,  20  la  troisième).  Les  premières  promotions  ont 
été  de  33  à  36  élèves  ;  elles  ont  fourni  15  élèves  brevetés  qui 
ont  été  placés  dans  l'administration  coloniale.  L'Ecole  colo- 
niale est  dirigée  par  un  conseil  d'administration  sous  la  pré- 
sidence du  sous-secrétaire  d'Etat  des  colonies.     A. -M.  B. 

Ecoles  des  beaux-arts.  —  Il  y  a  en  France  onze 
écoles  des  beaux-arts  ou  des  arts  décoratifs;  elles  sont 
d'importance  inégale  ;  la  principale  est  l'Ecole  nationale  et 
spéciale  de  Paris,  qui  est  un  de  nos  plus  grands  établisse- 
ments d'instruction  supérieure  et  peut-être  le  plus  apprécié 
de  tous  par  les  étrangers,  car  il  est  sans  rival  dans  le 
monde.  Les  écoles  nationales  des  beaux-arts  de  Bourges, 
de  Dijon, de  Lyon  et  d'Alger  ne  lui  peuvent  être  comparées  ; 
ce  sont,  comme  les  écoles  nationales  des  arts  décoratifs 
de  Paris,  d'Aubusson,  de  Limoges  et  de  Nice,  comme 
l'Ecole  des  arts  nationale  de  dessin  pour  les  jeunes  filles 
de  Paris,  l'Ecole  des  arts  industriels  de  Roubaix  des  iiis- 
titutions  utiles,  mais  secondaires,  visant  seulement  l'ins- 
truction professionnelle . 

Ecole  nationale  et  spéciale  des  beaux-arts  de 
Paris.  —  Destination.  —L'Ecole  nationale  et  si)éciale  des 
beaux-arts,  située  à  Paris,  rue  Bonaparte,  n°  14,  donne 
l'enseignement  des  arts  du  dessin,  de  la  peinture,  de  la 
sculpture,  de  l'architecture,  de  la  gravure  en  taille-douce 
et  de  la  gravure  en  médailles  et  en  pierres  fines.  Elle 
comprend  :  1"^  des  cours  oraux  se  rapportant  aux  différentes 
branches  de  l'art  ;  2°  l'Ecole  proprement  dite,  où  l'on  peut, 
à  la  suite  d'épreuves  d'admission,  participer  à  des  études 
pratiques,  à  des  concours,  obtenir  des  récompenses  et  des 
titres  ;  3»  des  ateliers,  où  l'on  peut,  à  la  suite  d'épreuves 
d'admission,  participer  à  des  études  pratiques,  à  des  con- 
cours, obtenir  des  récompenses.  ™-  L'Ecole  nationale  et 
spéciale  des  beaux-arts  de  Paris  est  le  seul  établissement 
d'enseignement  supérieur  qui  distribue  en  France  la  haute 
culture  intellectuelle  appliquée  aux  arts  du  dessin.  L'Ecole  a 
donc  pour  but  de  former  des  artistes,  peintres,  sculpteurs, 
graveurs  qui,  ayant  subi  avec  succès  les  examens  d'admis- 
sion à  l'Ecole,  ayant  travaillé  pendant  plusieurs  années  dans 
les  ateliers  et  sous  la  direction  de  professeurs  de  l'Ecole 


ÉCOLE 


388  - 


ou  clans  des  ateliers  libres  ouverts  au  dehors,  ayant  suivi 
les  eours  et  les  concours  spéciaux  de  1  Kcole  et  ayant  entm 
été  admis  à  prendre  part  aux  concours  des  prix  de  Home 
(lesquels relèvent  de  T Académie  des  beaux-arts),  constituent 
ainsi  parmi  les  artistes  français,  une  élite  de  jeunes  maîtres 
qui  se  trouvent  désignés,  par  leur  notoriété  d  école,  pour 
ôtre  employés  par  l'Etat  ou  pour  enseigner  leur  art. 

Historique.  -  L'institution  de  l'Ecole  des  beaux-arts 
remonte,  de  fait,  pour  la  peinture  et  pour  la  sculpture,  a 
EEcole  académique  fondée  en  4648,  en  même  temps  que 
l'Académie  royale  de  peinture  et  de  sculpture,  et,  pour  1  ar- 
chitecture, elle  remonte  à  l'Ecole  de  l'Académie  d  architec- 
ture cette  dernière  fondée  seulement  en  1671  ;  mais  ces 
écoles  ne  furent  réunies  que  pendant  la  Révolution.  En 
revanche,  elles  subsistèrent  malgré  la  destruction,  en  179^, 
des  académies  qui  leur  avaient  donné  naissance.  Plusieurs 
phases  sont  à  noter,  depuis  1648,  dans  l'orgamsation  de 
l'enseignement  supérieur  des  beaux-arts  en  France  et  dans 


I    .       .1        ,         J      ,       ,        .        O     .      .    O      ,        u       u       1  u       0     .      .1 


les  réglementations  successives  qui  aboutirent  à  la  consti- 
tution'actuelle  de  l'Ecole  des  beaux-arts.  L'Ecole  de  l'Aca- 
démie de  peinture  et  de  sculpture  comjirenait,  avant  tout, 
dès  son  origine,  en  1648,  ce  que  l'on  appelait  alors  ri!;co/£^ 
du  modèle,  c.-à-d.  un  atelier  où  chaque  professeur,  à  tour 
de  rôle,  faispjt  poser,  devant  les  élèves,  le  modèle  vivant.  La 
même  année,  des  cours  spéciaux  de  perspective  etd'anatomie 
vinrent  s'y  ajouter  et  des  encouragements,  de  plus  en  plus 
nom])reux,  notamment  la  fondation  des  prix  de  Rom^e  en 
1666,  stimulèrent  le  zèle  des  élèves.  Pour  l'Ecole  de  l'A^ca- 
démie  d'architecture,  François  Blondel  y  professa,  ^^js  1672, 
un  cours  théorique  et  pratique  d'architecture.  En  16Ji,  et 
depuis  cette  époque  jusqu'en  1807,  l'Académie  royale  de 
peinture  et  de  sculpture  et  celle  d'architecture  occupèrent, 
au  palais  du  Louvre,  soit  par  elles-mêmes,  soit  par  leurs 
écoles,  des  locaux  que  ces  écoles  ne  quittèrent  que  lorsque 
l'Ecole  unique,  formée  de  leur  réunion,  vint  s'installer  pro- 
visoirement au  palais  de  l'Institut  sous  le  nom  d'Ecole 


Aqrandissemenî 
de   l'Ecole 
sur  l'Hôte].^  de   Chimay. 
(en    voie    d'exécutionj 


Fi,.  1.  -  Plan  de  l'Ecole  nationale  des  Beaux-Arts  (Paris)^  A    ?le  roTatnT-^ci,  tôurvHre';?fi^1&tI^'SSll; 
''£.  salle  de  chimie;  D,,  cour  des  Loge- v '^if,^L'?,f  ."„^l°™M;.nHlHl  S^    m\  portail  d:Anet\;'N,^école  de  de.^^^^^ 

rdécoration;  V,"vestibulè;'X,  salle  de  la 


§;trS^l-E^'ï^^l^^ 


'^r,^^^^:^^^^^^^^^^^^   Q,  salle 'Melpomêne;  R,  R ,  a  e 
S'   ™nds  prix  de  sculpture;  T,  salle  de  Caylus  ;  U    atelier  de  de 
'  ?.'.9.!^  X!r..L_âo.o  PtrpnSissaAee:  Z.  chapelle  Michel-Ange. 


Tour^Y^  musee'^moyen-âge  et  renaissance';  Z,  chapelle  î 


impériale  et  spéciale  des  beaux-arts.  Jusqu'en  1819, 1ms- 
titution  resta  régie  suivant  des  règlements  empruntes  aux 
traditions  des  anciennes  académies  ;  mais  l'ordonnance  royale 
du  4  août  1819,  pour  donner  satisfaction  au  désir  unanime 
des  professeurs,  divisa  l'Ecole  en  deux  sections,  celle  de 
peinture  et  de  sculpture  et  celle  d'architecture,  établit  a 
nouveau  les  droits,  les  attributions  et  les  devoirs  des  pro- 
fesseurs ainsi  que  les  travaux  et  les  concours  des  élèves,  et 
créa  l'organisation  qui  subsista,  sans  changements  notables, 
jusqu'en' 1863.  C'est  pendant  cette  période,  de  1819  a 
1863,  que  furent  construits  et  aménagés  les  bâtiments 
actuels  de  l'Ecole  des  beaux-arts  dont  M.  Eugène  Muntz  a 
décrit  les  charmantes  dispositions  et  les  richesses  artis- 
tiques dans  un  ouvrage  spécial.  En  1816,  une  ordonnance 
royale  avait  affecté  à  l'Ecole  l'emplacement  de  l'ancien  Musée 
des  monuments  français  ou  Musée  des  Petits-Augustms 
fondé  par  Alexandre  Lenoir  et,  dès  1820,  l'architecte  Debret 
commençait  les  travaux  de  reconstruction  et  de  réparation. 


travaux  interrompus  par  la  révolution  de  1830,  mais  repris 
en  1832  sous  la  direction  de  Félix'  Duban(N.  ce  nom), 
lequel,  après  avoir  achevé,  en  1837,  les  bâtiments  sur  la  rue 
Bonaparte,  construisit,  de  1858  à  1862,  ceux  en  façade 
sur  le  quai  Malaquais  plus  spécialement  destines  aux  salles 
d'exposition  publique  des  travaux  des  élèves  et  des  pen- 
sionnaires de  l'Académie  de  France  à  Rome. 

Ce  vaste  ensemble  de  constructions  (fig.  1)  se  conipose 
de  deux  parties  bien  distinctes,  dont  l'une,  sur  la  rue  Bona- 
parte, comprend  une  première  cour  sur  laquelle  s  ouvrent 
à  droite  le  musée  du  moyen  âge  et  de  la  Renaissance,  avec 
la  petite  chapelle  consacrée  à  Michel-Ange,  et  le  vestibule 
des  études  avec,  au  rez-de-chaussée,  les  amphithéâtres  do 
dessin  et,  au-dessus  du  vestibule,  les  services  de  1  admi- 
nistration. Derrière  ces  amphithéâtres  est  la  cour  dite  clu 
Mûrier,  avec  le  monument  commémoratif  d'Henri  Kegnauit. 
Un  portail  ])rovenant  du  château  de  Gaillon  sépare  la  pre- 
mière cour  de  la  deuxième  cour,  au  fond  de  laquelle  s  eleve 


le  palais  des  Etudes  (fig.  2) ,  entre  la  cour  des  Loges 
à  gauche  et,  à  droite,  le  jardin  de  l'Ecole  (ce  dernier  est 
contigu  à  l'ancien  hôtel  de  Cliimay  récemment  acquis  par 
l'Etat  pour  agrandir  l'Ecole  et  lui  fournir  de  nouveaux  ate- 
liers d'élèves).  Sur  la  cour  des  Loges  est,  à  gauche,  un 
vaste  bâtiment  occupé,  au  rez-de-chaussée,  par  l'amphi- 
théâtre avec  laboratoire  de  chimie  et  l'atelier  de  modelage 


—  389  —  ECOLE 

et,  aux  étages  supérieurs,  par  les  Loges  destinées  aux  con- 
cours des  élèves.  Quant  au  palais  des  Etudes,  la  partie  la 
plus  richement  traitée  de  cet  ensemble,  il  renferme,  au  rez- 
de-chaussée,  un  grand  vestibule,  une  cour  vitrée  et  des 
salles  qui,  vestibule,  cour  et  salles  servant  de  musées  de 
sculpture  et  de  salles  d'études  aux  élèves,  forment  un  seul 
et  magnifique  vestibule  donnant  accès  au  grand  amphi- 


Fig.  2. —  Façade  de  l'Ecole  nationale  des  beaux-arts  (Paris). 


théâtre  de  l'Ecole  décorée  de  la  remarquable  composition 
picturale  connue  sous  le  nom  de  r Hémicycle  de  Paul  De- 
laroche  (V.  ce  nom).  Deux  grands  escahers  droits,  compris 
entre  le  vestibule  et  la  cour  vitrée,  conduisent  au  premier 
étage  occupé  par  la  bibliothèque,  la  plus  riche  de  ce  genre, 
les  salles  de  collections  et  la  salle  du  conseil  supérieur  de 
l'Ecole  et  des  réunions  du  jury.  La  seconde  partie  de  l'Ecole 
consiste,  quant  à  présent,  en  un  bâtiment  sur  le  quai 
Malaquais  comprenant  un  vestibule  avec,  au-dessus,  une 
grande  salle  d'exposition,  à  la  suite,  la  salle  dite  de  Melpo- 
mène  décorée  de  copies  des  œuvres  des  maîtres  de  la 
Renaissance  et,  à  droite,  au  fond  et  à  gauche  de  cette  salle, 
des  ateliers  d'élèves. 

L'Ecole  des  beaux-arts  se  trouvait,  à  cette  époque,  comme 
bâtiments  et  sauf  les  augmentations  considérables  et  les 
grandes  améliorations  qui  ont  été  apportées  à  sa^bibliotlièque 
et  à  ses  collections,  dans  l'état  où  elle  se  trouve  aujour- 
d'hui; mais  un  décret  en  date  du  13  nov.  4863,  décret 
complété  par  le  règlement  du  14  janv.  1864,  vint  en  modi- 
fier singulièrement  l'organisation  intérieure.  La  division  |de 
l'Ecole  en  deux  sections  fut  supprimée  ;  la  direction  de 
l'établissement  passa  de  l'assemblée  des  professeurs,  qui 
avait  toujours  conservé  cette  direction  depuis  l'origine  des 
académies  royales  au  xvii^  siècle,  à  un  directeur  nommé 
par  l'administration  centrale  et  assisté  d'un  conseil  supé- 
rieur d'enseignement  ;  et  des  ateliers  d'architecture,  de 
sculpture,  de  peinture  et  de  gravure  (au  nombre  de  onze) 
furent  institués  et  ouverts  gratuitement  aux  élèves,  en 
même  temps  que  certains  cours  leur  étaient  rendus  o])liga- 
toires.  De  plus,  à  côté  des  ateliers  de  jour,  le  même  règle- 
ment créa  les  études  du  soir.  Enfin,  en  1883,  le  décret  du 
30  sept,  complété  par  un  règlement  du  3  oct.  de  la  même 
année,  décret  qui  régit  actuellement  l'Ecole,  y  institua  l'en- 
seignement simultané  des  trois  arts  par  la  création  d'études 


et  de  concours  de  dessin,  de  modelage,  d'architecture  élé- 
mentaire et  de  composition  décorative.       Charles  Lucas. 

Organisation  générale.  —  L'organisation  générale  de 
l'Ecole  est  réglée  par  les  décrets  du  13  nov.  1871  et  du 
30  sept.  1883  dont  plusieurs  arrêtés  (5  oct.  1883, 30  mars 
1884,15janv.  1885,8  nov.  1885,8 janv.  1886, etc.)  ont 
développé  les  conséquences.  La  situation  des  élèves  au  point 
de  vue  de  la  loi  militaire  sera  examinée  dans  un  para- 
graphe spécial  ci-dessous.  Le  régime  de  l'Ecole  est  l'exter- 
nat. L'enseignement  est  gratuit.  Les  cours  oraux  n'ont  lieu 
qu'à  partir  du  1^^  nov.  Il  y  a  vacances  à  l'Ecole  du 
1^^  août  au  15  oct.  Les  jeunes  gens  qui  veulent  profiter 
de  l'enseignement  de  l'Ecole  doivent  préalablement  se  faire 
inscrire  au  secrétariat,  justifier  de  leur  âge  et  de  leur 
qualité,  et,  de  plus,  s'ils  sont  étrangers,  se  présenter  avec 
une  lettre  d'introduction  de  l'ambassadeur,  du  ministre 
ou  du  consul  général  de  leur  nation.  Tous  doivent  être 
munis  d'une  pièce  attestant  qu'ils  sont  capables  de  subir 
les  épreuves  d'admission.  Nul  ne  peut  obtenir  son  inscrip- 
tion s'il  a  moins  de  quinze  ans  et  plus  de  trente  ans  révo- 
lus, dernière  limite  d'âge  des  études  de  l'Ecole.  Une  ins- 
cription spéciale  pour  chaque  concours  est  obligatoire  dans 
les  huit  jours  qui  le  précèdent,  sauf  dans  les  cas  indiqués 
par  l'administration.  Sont  élèves  de  l'Ecole  et  jouissent  des 
avantages  attachés  à  cette  qualité  les  jeunes  gens  qui  ont 
rempU'les  conditions  d'admission  indiquées  ci-après. 

Cours,  Les  cours  sont  ouverts  aux  élèves  de  FEcole  et 
des  ateliers  et  de  plus  à  toute  personne  qui,  en  ayant  fait 
la  demande  à  l'administration,  a  obtenu  une  carte  spéciale 
d'admission.  Ces  cours  ont  lieu  du  l^"^  nov.  au  \^''  avr.  ; 
ils  comprennent  les  matières  suivantes  :  1°  l'histoire  géné- 
rale; 2°  l'anatomie;  3"  la  perspective  à  l'usage  des  peintres 
et  des  architectes  ;  4»  les  mathématiques  et  la  mécanique  ; 
5*^  la  géométrie  descriptive  ;  6<^  la  physique  et  la  chimie  ; 


ÉCOLE 


390  - 


70  la  stéréotomie  et  le  levé  de  plans  ;  8°  la  construction  ; 
90  la  législation  du  bâtiment;  10^  l'histoire  de  l'architec- 
ture; W  la  théorie  de  l'architecture  ;  12°  le  dessin  orne- 
mental ;  d3Ma  composition  décorative  ;  W  la  littérature  ; 
450  l'histoire  et  l'archéologie  ;  i6«  l'histoire  de  l'art  et 
l'esthétique.  Indépendamment  des  cours  énumérés  ci-dessus 
et  qui  sont  à  l'usage  spécial  des  élèves  admis,  il  y  a,  dans 
l'Ecole,  des  cours' élémentaires  pour  les  aspirants  à  la 
classe  d'architecture.  L'Ecole  proprement  dite  est  divisée 
en  trois  sections  :  la  section  de  peinture,  la  section  de 
sculpture  et  la  section  d'architecture.  A  la  section  de  pein- 
ture se  rattache  la  gravure  en  taille-douce  ;  à  la  section  de 
sculpture  la  gravure  en  médailles  et  en  pierres  fines.  Nul 
ne  peut  être  admis  à  l'Ecole  proprement  dite  qu'après  avoir 
satisfait  aux  épreuves  suivantes  qui  varient  selon  les  trois 
sections.  Nous  examinerons  successivement  les  conditions 
d'admission  et  le  régime  intérieur  réglant  l'ordre  des  études 
et  les  concours  d'émulation  d'abord  pour  les  deux  sections 
de  peinture  et  de  sculpture  qui  ont  la  même  organisation, 
puis  pour  celle  d'architecture. 

40  Section  de  peinture,  de  sculpture  et  de  gravure. 
—  Conditions  d'admission.  Chaque  année,  en  mars  et 
en  juillet,  il  y  a  une  session  d'examens  d'admission  à  l'Ecole 
proprement  dite  pour  les  candidats  aux  sections  de  peinture 
et  de  sculpture  inscrits  dans  les  conditions  réglementaires. 
Les  épreuves  pour  la  section  de  peinture  comprennent  : 
une  figure  dessinée  d'après  la  nature  à  l'une  des  sessions, 
d'après  l'antique  à  l'autre  session,  et  exécutée  en  douze 
heures.  Cette  épreuve  préalable,  qui  est  éliminatoire,  est 
jugée  parlle  jury  de  peinture,  qui  peut  choisir  80  candi- 
dats au  plus  et  20  supplémentaires.  Les  candidats  admis 
à  la  suite  de  ce  jugement  sont  seuls  autorisés  à  subir 
les  autres  épreuves,  qui  comprennent  :  1«  un  dessin  d'ana- 
tomie  (ostéologie),  exécuté  en  loge  en  deux  heures  ;  2«  une 
épure  de  perspective,  exécutée  en  loge  en  quatre  heures  ; 
30  un  fragment  de  figure  modelée  d'après  l'antique,  exécuté 
en  neuf  heures  ;  4°  une  étude  élémentaire  d'architecture, 
exécutée  en  loge  en  six  heures  ;  5«  un  examem  sur  les 
notions  générales  de  l'histoire,  écrit  ou  oral  au  choix  du 
candidat.  Ces  épreuves  sont  jugées  par  les  professeurs 
spéciaux  d'anatomie,  de  perspective,  de  l'enseignement 
simultané  des  trois  arts  et  d'histoire,  chacun  en  ce  qui  le 
concerne,  'et  classées  au  moyen  de  notes  déterminées  qui 
sont  multiphées  par  des  coefiicients  convenus.  Les  épreuves 
techniques  sont  naturellement  tout  à  fait  prépondérantes, 
plus  encore  en  fait  qu'en  droit. 

Les  épreuves  pour  la  section  de  sculpture  compren- 
nent :  une  figure  modelée  d'après  la  nature  à  l'une  des 
sessions,  d'après  l'antique  à  l'autre  session,  et^  exécutée 
en  douze  heures.  Cette  épreuve  préalable,  qui  est  éli- 
minatoire, est  jugée  par  le  jury  de  sculpture,  qui  peut 
choisir  27  candidats  au  plus  et  15  supplémentaires. 
Les  candidats  admis  à  la  suite  de  cette  épreuve  sont 
seuls  autorisés  à  subir  les  autres  épreuves,  qui  com- 
prennent :  l*'  un  dessin  d'anatomie  (ostéologie),  exécuté 
en  loge  en  deux  heures  ;  2°  un  fragment  de  figure  dessiné 
d'après  l'antique,  exécuté  en  neuf  heures  ;  3''  une  étude 
élémentaire  d'architecture,  exécutée  en  loge  en  six  heures; 
4°-  un  examen  sur  les  notions  générales  de  Ehistoire,  écrit 
ou  oral  au  choix  des  candidats.  Ces  épreuves  sont  jugées 
par  les  professeurs  spéciaux  d'anatomie,  de  l'enseignement 
simultané  dés  trois  arts  et  d'histoire,  chacun  en  ce  qui  le 
concerne,  et  classées  au  moyen  de  notes  déterminées,  qui 
sont  multipliées  par  des  coefficients  convenus.  —  Les  jeunes 
gens  admis  par  le  jury  sont  élèves  de  l'Ecole  proprement 
dite  jusqu'à  la  session  d'examens  suivante.  —  A  cette 
époque,  pour  continuer  à  faire  partie  de  l'Ecole  proprement 
dite,  ils  doivent  de  nouveau  subir  avec  succès  les  épreuves 
d'admission.  Sont  et  demeurent  dispensés  de  ces  épreuves, 
et,  par  conséquent,  restent  inscrits  sur  les  listes  de  l'Ecole 
proprement  dite,  les  élèves  qui,  ayant  été  admis  au  con- 
cours définitif  du  grand  prix,  ont  exécuté  le  concours  ; 
ceux  qui  ont  remporté  une  médaille  dans  les  concours  de 


dessin  et  de  sculpture,  dans  les  concours  semestriels,  les 
élèves  qui  ont  obtenu  le  titre  de  premier  dans  l'un  des 
précédents  concours  d'admission  et  ceux  qui  ont^  été  mé- 
daillés à  la  suite  des  concours  de  l'enseignement  simultané. 
Régime  intérieur.  Ordre  des  études  et  concours. 
Tous  les  jours,  deux  salles,  l'une  pour  le  dessin,  l'autre 
pour  la  sculpture,  sont  ouvertes  aux  élèves  de  l'I^^cole  pro- 
prement dite.  Les  études  consistent,  pour  la  section  de 
peinture,  en  figures  dessinées  alternativement  d'après  la 
nature  et  d'après  l'antique  ;  pour  la  section  de  sculpture, 
en  figures  modelées  alternativement  d'après  la  nature  et 
d'après  l'antique.  Ces  figures  s'exécutent  en  douze  heures. 
Il  y  a,  chaque  trimestre,  entre  les  élèves  d'une  même 
section  de  l'Ecole  proprement  dite,  un  concours  de  figure 
d'après  la  nature  et  d'après  l'antique  alternativement.  Des 
récompenses  peuvent  être  accordées  à  la  suite  de  ce  con- 
cours. Elles  consistent  en  une  seconde  et  deux  troisièmes 
médailles  au  plus  et  des  mentions.  —Il  est  institué,  chaque 
trimestre,  entre  les  élèves  d'une  même  section  de  l'Ecole 
proprement  dite,  un  concours  de  composition.  De  ces  quatre 
concours,  deux  comprennent  une  seule   épreuve.    Cette 
épreuve  consiste,  pour  les  élèves  de  la  section  de  pein- 
ture, dans  l'exécution  d'une  esquisse  peinte;   pour  les 
élèves  de  la  section  de  sculpture,  dans  l'exécution  d'une 
esquisse  modelée  alternativement  en  bas-relief  et  en  ronde 
bosse.  Ces  esquisses  sont  exécutées  en  loge   en  douze 
heures.  —  Pour  prendre  part  à  ces  concours,  les  élèves 
de  la  section  de  peinture  doivent  avoir  obtenu  une  men- 
tion de  perspective.  —  Un  autre  concours  comprend  doux 
épreuves.  -La  première  consiste  :  pour  les  élèves  de  la  sec- 
tion de  peinture,  dans  l'exécution  d'une  esquisse  dessi- 
née ;  pour  les  élèves  de  la  section  de   sculpture,  dans 
l'exécution  d'une  esquisse  modelée  alternativement  en  bas- 
relief  et  en  ronde  bosse.  Ces  esquisses  sont  exécutées  en 
loge  en  douze  heures.  Les  concurrents  emportent  un  calque 
ou  un  croquis  de  leur  esquisse,  qui  est  estampillée  et  con- 
servée par  l'administration.  La  deuxième  épreuve  consiste 
dans  l'exécution  de  cette  même  esquisse,  soit  peinte,  soit 
modelée,  dont  le  rendu  a  lieu  dans  le  délai  d'un  mois.  Les 
rendus  doivent  être  conformes  aux  esquisses  et  aux  dimen- 
sions prescrites.  —  Enfin,  un  autre  concours   à  deux 
degrés  a  lieu  dans  des  conditions  semblables  à  cehii  qui 
vient  d'être  indiqué.  Seulement  les  élèves  classés  les  dix 
premiers  à  la  première  épreuve  sont  seuls  admis  à  prendre 
part  à  la  deuxième  épreuve,  qui  se  fait  en  loge  en  quinze 
jours.  A  chacun  de  ces  concours  peuvent  être  affectées  une 
deuxième  médaille  et  deux  troisièmes  médailles  au  plus  et 
des  mentions.  La  liste  d'appel  pour  les  études  et  les  con- 
cours est  formée  de  la  manière  suivante  :  \''  les  élèves 
qui,  ayant  été  admis  au  concours  définitif  du  grand  prix, 
ont  exécuté  le  concours  ;  2°  les  élèves  qui  ont  obtenu  une 
première  médaille  dans  les  concours  semestriels  ;   3^  les 
élèves  qui  ont  obtenu  une  médaille  dans  les  concours  tri- 
mestriels de  figure  ou  de  composition,  d'après  l'ordre  et 
la  date  de  leurs  récompenses  ;  4°  les  élèves  reçus  avec  le 
titre  de  premier  ;  5^  les  élèves  qui  ont  obtenu  une  médaille 
dans  les  concours  d'études  simultanées  de  dessin,  de  mode- 
lage et  d'architecture  élémentaire  ;  6»  les  élèves  qui  ont 
obtenu  une  médaille  dans  les  concours  spéciaux,  pourvu 
qu'ils  soient  reçus  aux  places  ;  1°  les  élèves,  d'après  leur 
numéro  de  réception. 

Etudes  simultanées  de  dessin,  de  modelage  et  d'ar- 
chitecture élémentaire.  Tous  les  jours,  des  salles  sont 
ouvertes  aux  élèves  des  sections  de  peinture  et  de  sculp- 
ture de  l'Ecole  proprement  dite  et  des  ateliers  pour  étudier 
les  éléments  des  arts  des  autres  sections.  Les  études  con- 
sistent :  pour  les  peintres  :  en  figures  modelées  aherna- 
tivement  d'après  la  nature  et  d'après  l'antique  ;  pour  les 
sculpteurs  :  en  figures  dessinées  alternativement  d'après 
la  nature  et  d'après  l'antique  ;  pour  les  peintres  et  les 
sculpteurs  :  en  exercices  élémentaires  d'architecture. 
Chacune  de  ces  études  embrasse  douze  heures  de  travail. 
Les  travaux  des  élèves  peuvent  être  conservés,  sur  l'avis 


391  — 


ÉCOLE 


du  professeur,  pour  être  présentés  au  jury  et  concourir  à 
l'obtention  de  la  mention  des  trois  arts.  —  Il  est  institué, 
chaque  année,  entre  les  élèves  des  sections  de  peinture 
et  de  sculpture,  deux  concours,  comprenant  :  1**  une 
figure  dessinée  ;  2^  une  figure  modelée  (alternativement 
d'après  nature  et  d'après  l'antique)  ;  3^  une  composition 
élémentaire  d'architecture,  exécutée  en  loge.  Chacune  de 
ces  études  embrasse  douze  heures  de  travail.  Ces  con- 
cours sont  jugés  par  un  jury  composé  des  professeurs 
spéciaux  et  de  dix  peintres,  dix  sculpteurs  et  dix  archi- 
tectes tirés  au  sort  dans  les  jurys  en  exercice.  Il  peut  être 
décerné  dans  chaque  section  une  seconde  médaille,  deux 
troisièmes  médailles  au  plus  et  des  mentions.  Ces'  récom- 
penses peuvent  être  cumulées.  La  liste  d'appel  pour  ces 
études  et  concours  est  formée  de  la  manière  suivante  : 
1^  les  élèves  récompensés  dans  les  études  simultanées, 
d'après  l'ordre  et  la  date  de  leurs  récompenses  ;  2°  les 
autres  élèves,  dans  l'ordre  spécifié  ci-dessus. 

Concours  publics  spéciaux.  Ces  concours  sont  ouverts 
aux  élèves  de  l'Ecole  proprement  dite,  aux  élèves  des  ate- 
liers de  l'Ecole  et  aux  élèves  du  dehors  qui  se  trouvent 
dans  les  conditions  d'âge  prescrites  et  ont  été  régulière- 
ment inscrits.  Chaque  semestre,  il  y  a  pour  les  peintres  et 
les  sculpteurs  un  concours  d'anatomie  sur  un  sujet  indiqué 
par  le  professeur.  Le  jugement  est  rendu  par  un  jury  com- 
posé du  professeur  et  de  dix  membres  tirés  au  sort  par 
moitié  dans  les  jurys  de  peinture  et  de  sculpture  en  exercice. 
Le  jury  peut  accorder  dans  chaque  section  deux  troisièmes 
médailles  au  plus  et  des  mentions.  —  Chaque  semestre, 
il  y  a  pour  les  peintres  et  les  sculpteurs  un  concours  de 
perspective  sur  un  sujet  indiqué  par  le  professeur.  Le  ju- 
gement est  rendu,  sur  le  vu  des  dessins  et  sur  le  rapport 
du  professeur,  par  un  jury  composé  du  professeur  et  de  dix 
membres  tirés  au  sort  dans  le  jury  de  peinture  en  exercice. 
Le  jury  peut  accorder  dans  chaque  section  deux  troisièmes 
médailles  au  plus  et  des  mentions.  — Chaque  année,  il  y  a 
pour  les  peintres  et  les  sculpteurs  un  concours  simultané 
d'esquisse  dessinée  et  de  bas-relief,  sur  un  sujet  indiqué 
par  le  professeur  et  se  rapportant  aux  matières  traitées 
dans  le  cours  d'histoire  et  d'archéologie.  Le  jugement  est 
rendu  par  un  jury  composé  du  professeur  et  de  dix  mem- 
bres tirés  au  sort,  par  moitié,  dans  les  jurys  de  peinture 
et  de  sculpture  en  exercice.  Le  jury  peut  accorder  dans 
chaque  section  une  seconde  et  une  troisième  médaille,  ou 
deux  troisièmes  médailles  et  des  mentions.  —  Chaque  année, 
au  commencement  de  l'année  scolaire,  il  y  a  un  examen 
d'histoire  et  d'archéologie  donnant  lieu  à  des  mentions. — 
Les  cours  embrassant  trois  années,  les  élèves  qui  ont  ob- 
tenu trois  mentions  répondant  aux  trois  années  du  cours 
sont  exemptés  de  tout  examen.  A  la  fin  de  cette  période, 
des  troisièmes  médailles  sont  décernées  aux  élèves  qui  se 
sont  distingués  dans  les  trois  examens.  Le  jugement  est 
rendu  par  un  jury  composé  du  professeur,  remplissant  les 
fonctions  d'examinateur,  et  de  dix  jurés  tirés  au  sort,  par 
moitié,  dans  les  jurys  de  peinture  et  de  sculpture  en  exercice. 
Cours  semestriels  dits  de  grande  médaille.  Dans  le 
courant  du  mois  d'octobre  il  est  ouvert  en  peinture  et  en 
sculpture  un  concours  entre  les  élèves  de  l'Ecole  et  les 
élèves  du  dehors,  pourvu  que  ces  derniers  se  trouvent  dans 
les  conditions  d'âge  prescrites.  Ce  concours  se  compose  de 
deux  épreuves  :  la  première  consiste  en  une  esquisse  peinte 
ou  modelée  en  bas-relief  ;  la  seconde  en  une  figure  peinte 
ou  modelée  d'après  nature.  Les  élèves  classés  les  dix  pre- 
miers à  l'épreuve  de  Tesquisse  sont  seuls  admis  à  prendre 
part  à  la  seconde  épreuve.  —  Pour  être  admis  au  concours 
semestriel  d'octobre,  les  élèves  doivent  avoir  acquis  :  les 
peintres,  une  mention  de  perspective,  une  mention  d'ana- 
tomie et  une  mention  d'histoire  et  d'archéologie  ;  les  sculp- 
teurs, une  mention  d'anatomie  et  une  mention  d'histoire 
et  d'archéologie.  La  mention  d'histoire  et  d'archéologie  doit 
répondre  à  celle  des  trois  divisions  du  cours  qui  a  été  pro- 
fessé dans  l'année.  Sont  admis  de  droit  au  concours  semes- 
triel d'octobre  :  4^  les  élèves  ayant  obtenu  une  récom- 


pense dans  les  concours  des  grands  prix  de  Rome,  et  ceux 
qui,  ayant  été  admis  au  concours  définitif  pour  ce  prix, 
ont  exécuté  le  concours  ;  2°  les  élèves  qui  ont  obtenu  une 
première  médaille  dans  les  précédents  concours  semestriels 
ou  deux  secondes  médailles,  l'une  d'après  la  nature,  l'autre 
d'après  l'antique.  Le  concours  semestriel  d'octobre  peut 
donner  lieu,  dans  chacune  des  deux  sections,  à  trois  prix 
de  150  francs  ;  une  première  médaille  est  affectée  au  pre- 
mier de  ces  trois  prix.  Les  concours  de  figures  embrassent 
quatre  jours  de  travail,  à  raison  de  sept  heures  par  jour, 
non  compris  le  repos  du  modèle.  Dans  le  courant  du  mois 
d'avril,  il  est  ouvert  un  concours  semblable  ;  mais  les  con- 
currents ne  sont  pas  astreints,  quant  aux  mentions,  aux 
mêmes  exigences.  La  récompense  attachée  à  ce  concours 
consiste,  pour  chacune  des  deux  sections,  en  une  première 
médaille.  Il  peut  être  accordé  deux  mentions  au  plus.  Ces 
concours  semestriels  sont  annoncés  huit  jours  à  l'avance. 

Grande  médaille  d'émulation.  Il  est  accordé  en  pein- 
ture et  en  sculpture  à  l'élève  qui  a  remporté  le  plus  de 
valeurs  de  récompenses  à  la  suite  des  différentes  épreuves 
de  l'année  scolaire  un  prix  qui  prend  le  nom  de  grande 
médaille  d'émulation.  L'estimation  de  valeur  se  fait  d'après 
les  bases  déterminées  par  arrêté  ministériel.  Toutefois,  les 
récompenses  obtenues  dans  les  concours  des  trois  arts  et 
de  composition  décorative  ne  comptent  que  pour  un  tiers 
de  leur  valeur.  La  grande  médaille  d'émulation  peut  être 
cumulée. 

Titres  délivrés  par  l'Ecole.  Certificat  d'études  à 
l'Ecole.  Peuvent  seuls  demander  le  certificat  d'études  à 
l'Ecole  les  élèves  qui,  après  y  avoir  été  admis,  ont  obtenu  : 
soit  l'admission  en  loge  pour  le  prix  de  Rome,  pourvu  que 
le  concours  ait  été  exécuté  ;  soit  le  prix  du  torse  ou  le  prix 
de  la  tête  d'expression  ;  soit  le  prix  de  peinture  décorative, 
dit  prix  Jouvin  d'Attainville  ;  soit  une  médaille  dans  les 
concours  d'après  nature  ou  d'après  l'antique  ;  soit  le  titre 
de  premier  dans  l'un  des  concours  d'admission,  pourvu 
qu'ils  aient  de  plus  :  les  peintres,  une  mention  en  perspec- 
tive, une  mention  en  anatomie  et  les  trois  mentions  en  his- 
toire et  archéologie  ;  les  sculpteurs,  une  mention  en  anato- 
mie et  les  trois"  mentions  en  histoire  et  archéologie. 

2°  Section  d'architecture.  —  La  section  d'architecture 
se  divise  en  seconde  et  en  première  classe.  Le  nombre  des 
élèves  dans  chaque  classe  n'est  pas  limité. 

Epreuves  d'admission.  Les  concours  d'admission  en 
seconde  classe  ont  lieu  deux  fois  par  an,  au  mois  de  mars 
et  au  mois  de  juillet.  Les  candidats  doivent  avoir  satisfait 
aux  conditions  réglementaires  d'inscription  pour  subir  les 
épreuves  d'admission.  Les  listes  d'appel  sont  formées  d'après 
l'ordre  d'inscription  des  candidats.  Tout  candidat  qui  ne 
répond  pas  à  l'appel  de  son  nom  est  considéré  comme 
renonçant  au  concours.  Les  candidats  subissent  d'abord 
une  épreuve  qui  comprend  :  4"  le  dessin  d'une  tête  ou  d'un 
ornement  d'après  un  plâtre,  exécuté  en  huit  heures;  2»  le 
modelage  d'un  ornement  en  bas-reliel  d'après  un  plâtre, 
exécuté  en  huit  heures  ;  3^  une  composition  d'architecture 
exécutée  en  loge,  en  une  seule  séance  de  douze  heures,  à 
compter  de  la  dictée  du  programme.  Ces  trois  épreuves  éli- 
minatoires sont  jugées  par  une  commission  composée  du 
professeur  de  théorie  de  l'architecture,  des  professeurs  des 
cours  de  dessin  et  de  modelage,  chargés,  chacun  en  ce  qui 
le  concerne,  de  faire  choix  du  programme  et  des  modèles, 
et  de  dix  architectes,  dix  peintres,  dix  sculpteurs,  tirés  au 
sort  parmi  les  membres  des  jurys  en  exercice  jugeant 
exclusivement  pour  leur  art.  Les  candidats  admis  à  la  suite 
de  ce  jugement  sont  seuls  autorisés  à  subir  les  autres 
épreuves.  Les  élèves  qui,  ayant  subi  l'examen  complet  d'ad- 
mission, ont  été  déclarés  admissibles  pour  ces  trois  épreuves 
éliminatoires,  sont  dispensés  de  les  subir  lorsqu'ils  se  pré- 
sentent à  un  nouvel  examen.  La  seconde  partie  du  con- 
cours d'admission  consiste  :  4^  en  exercices  de  calcul  faits 
en  loge;  2^  en  un  examen  d'arithmétique,  d'algèbre  et  de 
géométrie  ;  3^  en  un  examen  de  géométrie  descriptive  ; 
40  en  une  épreuve  d'histoire.  Cette  épreuve  consista  en  un 


ECOLE 


392 


examen  oral  et  en  une  composition  écrite  sur  les  notions 
générales  de  l'histoire.  Dans  le  jugement  de  cette  composi- 
tion, il  est  tenu  compte  des  qualités  de  la  rédaction.  Toutes 
ces  épreuves  ont  lieu  conformément  aux  programmes  pu- 
bliés par  l'administration  de  l'Ecole  des  beaux-arts.  L'ordre 
dans  lequel  les  candidats  subissent  leur  examen  est  déter- 
miné par  le  sort.  Tout  candidat  qui  renonce  à  une  seule  des 
épreuves  est  considéré  comme  se  retirant  du  concours. 

Un  second  jugement  préparatoire  et  éliminatoire  est 
porté  sur  les  épreuves  scientifiques  par  les  professeurs  de 
l'enseignement  scientifique  et  par  l'examinateur  de  l'Ecole. 
A  la  suite  de  ce  jugement,  le  classement  des  élèves  admis 
est  fait  par  l'administrateur,  en  multipliant  chaque  note 
obtenue  par  un  coefiîcient  convenu.  La  liste  des  candidats 
admis  est  soumise  à  l'approbation  du  ministre.  Les  candi- 
dats nouvellement  admis  prennent  place  à  la  suite  des 
élèves  déjà  inscrits  en  seconde  classe,  d'après  leur  rang 
d'admission. 

Seconde  classe.  Les  listes  d'appel  sont  dressées,  pour 
les  élèves  déjà  reçus  en  seconde  classe,  d'après  le  nombre 
de  valeurs  qu'ils  ont  obtenues  dans  les  concours  affectés  à 
cette  classe,  et,  pour  les  -élèves  nouvellement  admis,  dans 
l'ordre  indiqué  précédemment.  Les  exercices  auxquels  les 
élèves  de  seconde  classe  sont  appelés  à  prendre  part,  sont: 
i°  les  concours  d'architecture,  divisés  en  exercices  analy- 
tiques d'architecture  et  concours  de  composition  propre- 
ment dite  ;  2°  les  concours  sur  les  matières  de  l'enseigne- 
ment scientifique  ;  3°  les  exercices  de  dessin  ornemental  ; 
4°  les  exercices  de  dessin  de  figure  et  de  modelage  d'or- 
nement. 

Concours  d'architecture.  Ces  concours  d'architecture 
consistent  chaque  année  en  :  1^  six  concours  sur  éléments 
analytiques  ou  études  de  composition  à  grande  échelle  sur 
sujets  fragmentaires  ;  les  programmes  en  sont  donnés  aux 
élèves  après  ceux  des  compositions  à  rendre  ;  2°  six  con- 
cours de  composition  proprement  dite  sur  des  projets  ren- 
dus; 3°  six  concours  de  composition  sur  esquisse.  Les 
esquisses  de  ces  divers  concours  se  font  en  loge  et  chacune 
en  une  séance  unique  de  douze  heures.  Avant  d'être  admis 
au  concours  de  composition,  les  élèves  doivent  avoir  obtenu 
deux  mentions  dans  les  concours  d'éléments  analytiques. 
On  ne  peut  exécuter  simultanément  un  concours  de  com- 
position sur  projet  rendu  et  un  concours  d'éléments  analy- 
tiques. Il  y  a  chaque  année  pour  les  élèves  de  la  seconde 
classe  deux  exercices  se  rapportant  au  cours  d'histoire  de 
l'architecture.  Ces  exercices,  dirigés  par  le  professeur  d'his- 
toire de  l'architecture,  consistent  en  études  de  fragments 
d'architecture  de  différentes  époques.  Les  travaux  qui  y  sont 
exécutés  peuvent  être  conservés,  sur  l'avis  du  professeur, 
en  vue  de  l'obtention  de  la  mention  nécessaire  au  pas- 
sage à  la  première  classe.  Ils  sont  soumis  à  l'appréciation 
d'un  jury  composé  du  professeur  spécial  et  du  jury  d'ar- 
chitecture. 

Concours  sur  les  matières  de  renseignement  scien- 
tifique. Ces  concours  consistent  :  l'^  pour  les  mathéma- 
tiques et  la  mécanique,  en  un  examen  sur  les  matières  du 
cours  et  en  compositions  faites  en  loge  ;  2°  pour  la  géo- 
métrie descriptive,  en  un  certain  nombre  d'épurés,  dont 
une  au  moins  faite  en  loge,  et  en  un  examen  sur  les  épures 
et  sur  les  matières  du  cours  ;  ces  examens  ont  lieu  deux 
fois  par  an  ;  3°  pour  la  stéréotomie  et  le  levé  des  plans, 
en  un  certain  nombre  d'épurés  et  en  un  examen  sur  ces 
épures  et  sur  les  matières  du  cours  ;  4*^  pour  la  pers- 
pective, en  un  certain  nombre  de  croquis  et  de  dessins 
d'après  nature,  en  des  épures  dont  une  au  moins  doit  être 
faite  en  loge,  et  en  un  examen  sur  ces  exercices  et  sur  les 
matières  du  cours  ;  chacun  de  ces  concours  est  jugé,  sur 
le  vu  des  croquis  et  des  épures,  pour  la  géométrie  descrip- 
tive, la  stéréotomie  et  la  perspective,  et  sur  les  rapports 
des  professeurs  spéciaux,  par  un  jury  mixte  composé,  en 
nombre  égal,  de  professeurs  de  sciences  et  de  membres 
tirés  au  sort  dans  le  jury  d'architecture  en  exercice  ;  nul 
ne  peut  prendre  part  au  concours  de  stéréotomie  et  de 


perspective  avant  d'avoir  obtenu  une  mention  en  géométrie 
descriptive  ;  5°  pour  la  construction,  en  des  exercices  en 
loge,  pendant  la  durée  du  cours  ;  en  des  exercices  spéciaux 
dans  les  ateliers,  et  en  un  concours  de  construction  géné- 
rale, qui  dure  trois  mois,  et  qui  est  suivi  d'un  examen 
oral.  Le  jugement  est  rendu,  sur  le  vu  des  dessins  et  sur 
le  rapport  du  professeur  de  construction,  par  le  jury  d'ar- 
chitecture en  exercice,  auquel  s'adjoignent  les  professeurs 
de  géométrie  descriptive  et  de  stéréotomie.  Nul  ne  peut 
prendre  part  aux  exercices  et  au  concours  de  construction 
avant  d'avoir  obtenu  une  mention  en  mathématiques,  une 
mention  en  géométrie  descriptive  et  une  mention  en  sté- 
réotomie. Les  élèves  déclarés  revisibles  à  la  suite  des  juge- 
ments de  stéréotomie,  de  perspective  et  de  construction, 
sont  admis  à  subir  un  nouvel  examen  au  commencement  de 
Tannée  scolaire. 

Etudes  simultanées  de  dessin  et  de  modelage.  Outre 
les  études  et  concours  ci-dessus  indiqués,  les  élèves  de  la 
seconde  classe  participent  à  des  exercices  de  dessin  et  de 
modelage.  Ils  consistent  :  d°  en  dessin  d'ornement  ;  2^  en 
dessin  de  figure,  d'après  le  plâtre;  3°  en  modelage  d'orne- 
ment en  bas-relief,  d'après  le  plâtre.  Chacun  de  ces  exer- 
cices, qui  sont  en  nombre  égal,  autant  que  les  besoins  du 
service  le  permettent,  est  dirigé  par  le  professeur  spécial 
de  dessin  d'ornement,  de  dessin  de  figure  ou  de  sculpture. 
Les  travaux,  dont  les  dimensions  sont  déterminées  par  le 
professeur,  s'exécutent  en  douze  heures.  Ils  peuvent  être 
conservés,  sur  l'avis  du  professeur,  en  vue  de  l'obtention 
de  la  mention  nécessaire  au  passage  en  première  classe,  et 
sont  soumis  à  l'appréciation  du  jury,  composé  du  profes- 
seur spécial  et  de  dix  peintres  ou  dix  sculpteurs  et  dix 
architectes  tirés  au  sort  dans  les  jurys  en  exercice.  La 
Hste  d'appel  est  formée  suivant  l'ordre  des  valeurs  obte- 
nues dans  la  seconde  classe. 

Récompenses  accordées  en  seconde  classe.  Sont 
affectées  comme  récompenses  en  seconde  classe  :  1^  dans 
les  concours  d'éléments  analytiques,  des  secondes  men- 
tions ;  2"*  dans  les  concours  de  composition  d'architecture 
sur  projets  rendus,  des  premières  et  des  secondes  men- 
tions ;  3^  dans  les  concours  de  composition  d'architecture 
sur  esquisse,  des  secondes  mentions  ;  4**  en  mathématiques, 
en  géométrie  descriptive,  en  stéréotomie  et  en  perspective, 
des  médailles  spéciales  (troisièmes  médailles)  et  des  pre- 
mières mentions  ;  5*^  en  construction,  des  premières,  des 
deuxièmes  et  des  troisièmes  médailles  et  des  mentions  ; 
6°  en  dessin  d'ornement,  en  dessin  de  figure,  en  ornement 
modelé  et  en  études  d'histoire  de  l'architecture,  des  troi- 
sièmes médailles  et  des  mentions.  Toutes  ces  récompenses 
peuvent  être  cumulées.  Tout  élève  qui,  dans  le  courant  de 
l'année  scolaire,  n'a  pas  rendu  deux  projets  au  moins  ou 
pris  part  à  des  concours  d'éléments  analytiques,  ou  passé 
deux  examens,  ou  rendu  un  projet  ou  passé  un  examen,  ou 
fait  le  concours  de  construction,  est  considéré  comme  dé- 
missionnaire et  ne  peut  de  nouveau  faire  partie  de  l'Ecole 
qu'en  subissant  les  épreuves  d'admission,  à  moins  qu'il 
n'en  soit  dispensé  par  décision  du  conseil  supérieur.  Dans 
le  cas  d'une  nouvelle  admission,  les  degrés  antérieurement 
acquis  par  l'élève  lui  sont  réservés.  Sont  exemptés  défini- 
tivement de  cette  obligation  les  élèves  de  la  seconde  classe 
qui,  ayant  été  admis  au  concours  définitif  du  prix  de  Rome, 
ont  exécuté  le  concours. 

Concours  d'admission  a  la  première  classe  d'archi- 
tecture. Pour  passer  de  la  seconde  à  la  première  classe, 
les  élèves  doivent  avoir  obtenu:  \^  en  architecture,  six 
valeurs,  dont  deux  au  moins  sur  éléments  analytiques  et 
deux  sur  projets  rendus  ;  2°  en  mathématiques,  en  géomé- 
trie descriptive,  en  stéréotomie,  en  construction,  en  pers- 
pective, une  médaille  ou  une  mention  ;  3^  une  médaille  ou 
une  mention  de  dessin  d'ornement,  de  figure  dessinée, 
d'ornement  modelé,  d'études  d'histoire  de  l'architecture. 

Concours  et  exercices  affectés  à  la  première  classe. 
Les  concours  ouverts  aux  élèves  de  la  première  classe 
sont  :  1°  des  concours  d'architecture  ;  2^  un  concours 


393  — 


ECOLE 


d'ornement  et  d'ajustement  ;  3°  des  concours  se  rappor- 
tant au  cours  d'histoire  de  l'architecture  ;  4'*  des  concours 
de  dessin  de  figure  ;  5<^  des  concours  d'ornement  modelé. 
Les  concours  d'architecture  consistent  chaque  année  en  : 

10  six  concours  sur  projets  rendus  ;  2^  six  concours  sur 
esquisses.  Toutes  les  esquisses  se  font  en  loge,  et  chacune 
d'elles  est  exécutée  en  une  seule  séance  de  douze  heures. 

11  y  a  chaque  année  :  1^  un  concours  d'ornement  et  d'ajus- 
tement, donnant  heu  aux  prix  Rougevin  ;  il  se  fait  en  loge 
et  dure  sept  jours  ;  2°  un  concours  se  rapportant  au  cours 
d'histoire  de  l'architecture.  Ils  consistent  en  compositions 
reproduisant  un  style  d'architecture  déterminé.  Le  pro- 
gramme en  est  donné  par  le  professeur  d'histoire  de  l'archi- 
tecture. Chacun  de  ces  concours,  dont  l'esquisse  seule  se 
fait  en  loge,  a  une  durée  de  dix  jours. 

'Etudes  simultanées  de  dessin  et  de  modelage.  Outre 
les  concours  ci-dessus  indiqués,  les  élèves  de  la  première 
classe  participent  à  des  exercices  de  dessin  et  de  modelage, 
qui  consistent  :  l""  en  dessin  de  figure,  d'après  la  nature 
ou  d'après  le  plâtre  ;  2°  en  modelage  d'ornements  d'après 
le  plâtre.  Chacun  de  ces  exercices,  qui  sont  en  nombre 
égal,  autant  que  les  besoins  du  service  le  permettent,  est 
dirigé  par  le  professeur  spécial  de  dessin  ou  de  sculpture. 
Les  travaux,  dont  les  dimensions  sont  déterminées  par  le 
professeur,  s'exécutent  en  douze  heures.  Il  y  a,  chaque 
année,  deux  concours  de  dessin  et  de  figure  et  deux  con- 
cours d'ornement  modelé.  Chaque  concours  comprend  douze 
heures  de  travail.  Il  est  jugé  par  un  jury  composé  du  pro- 
fesseur spécial  et  de  dix  peintres  ou  dix  sculpteurs  et  dix 
architectes,  tirés  au  sort  dans  les  jurys  en  exercice. 

Récompenses  accordées  en  première  classe.  Sont 
affectées  comme  récompenses  en  première  classe  :  1°  dans 
les  concours  d'architecture  sur  projets  rendus,  des  pre- 
mières médailles,  des  deuxièmes  médailles  et  des  premières 
mentions;  2^  dans  les  concours  d'architecture  sur  esquisses, 
des  deuxièmes  médailles  et  des  premières  et  deuxièmes 
mentions  ;  3°  dans  le  concours  d'ornement  et  d'ajustement, 
dans  les  concours  d'histoire  de  l'architecture,  des  pre- 
mières médailles,  des  deuxièmes  médailles  et  des  premières 
mentions  ;  4*^  dans  les  concours  de  dessin  de  figure  et 
d'ornement  modelé,  des  premières  médailles,  des  deuxièmes 
médailles  et  des  premières  mentions.  Toutes  ces  récom- 
penses peuvent  être  cumulées.  —  Tout  élève  de  première 
classe  qui  n'a  pas  rendu  au  moins  un  projet  et  pris  part  à 
l'un  des  concours  spécifiés  ci-dessus  dans  le  courant  de 
l'année  scolaire,  est  considéré  comme  renonçant  à  continuer 
ses  études  à  l'Ecole,  sauf  décision  du  conseil  supérieur. 
—  Sont  exemptés  de  cette  obligation  les  élèves  de  première 
classe  admis  au  concours  définitif  du  grand  prix  de  Rome 
et  ayant  exécuté  le  concours  et  ceux  qui  ont  obtenu  soit  le 
diplôme  d'architecte,  soit  la  grande  médaille  d'émulation, 
soit  le  prix  Abel  Blouet. 

Grande  médaille  d'émulation.  Il  est  affecté  à  l'élève 
qui  a  remporté  en  première  classe  le  plus  de  valeurs  de 
récompenses  dans  les  divers  concours  de  l'année  scolaire 
un  prix  qui  prend  le  nom  de  grande  médaille  d'émulation. 
La  somme  des  valeurs  s'établit  d'après  les  bases  déter- 
minées par  arrêté  ministériel  ;  toutefois,  les  récompenses 
obtenues  dans  les  concours  de  dessin  d'ornement,  de  dessin 
de  figure,  d'ornement  modelé  et  de  composition  décorative 
ne  comptent  que  pour  un  tiers  de  leur  valeur.  La  grande 
médaille  d'émulation  peut  être  cumulée. 

Diplôme  d'architecte.  Les  épreuves  à  la  suite  desquelles 
le  diplôme  d'architecte  peut  être  accordé  ont  lieu,  chaque 
année,  à  l'Ecole.  Pour  être  admis  à  ces  épreuves,  il  faut 
avoir  obtenu  au  moins  neuf  valeurs  en  première  classe 
dans  les  concours  d'architecture,  d'ornement  et  d'ajuste- 
ment ou  du  prix  de  Rome,  ainsi  qu'une  valeur  dans  le 
concours  d'histoire  de  l'architecture.  Le  programme  est 
donné  par  le  conseil  supérieur.  Le  sujet  proposé  aux  can- 
didats consiste  en  un  projet  d'architecture  conçu  et  déve- 
loppé comme  s'il  devait  être  exécuté.  Les  épreuves  se  divi- 
sent en  deux  parties  successives,  l'une  graphique  et  l'autre 


orale.  La  partie  graphique  se  compose  de  plans,  élévations 
et  coupes  ;  elle  embrasse  les  détails  de  la  construction  ; 
elle  est  complétée  par  un  mémoire  descriptif  et  un  devis 
estimatif  d'une  partie  de  la  construction.  La  partie  orale 
consiste  en  un  examen  sur  les  différentes  parties  du  projet 
lui-même  ;  sur  les  parties  théorique  et  pratique  de  la  cons- 
truction, telles  que  qualités  et  défauts  des  matériaux,  leur 
résistance,  les  moyens  employés  pour  leur  mise  en  œuvre  ; 
sur  l'histoire  de  l'architecture  ;  sur  les  éléments  de  phy- 
sique et  de  chimie  appliqués  à  la  construction,  et  enfin  sur 
les  notions  essentielles  de  législation  du  bâtiment  et  de 
comptabilité.  Le  nombre  des  diplômes  n'est  pas  limité  ;  la 
valeur  en  est  grande,  car  il  faut,  pour  l'obtenir,  une 
moyenne  de  cinq  années  de  travail  méthodique  et  soutenu. 
Les  élèves  de  la  première  classe  ont  eu,  d'ailleurs,  occa- 
sion de  s'exercer  à  la  pratique,  car  leur  aide  est  recherché 
par  les  architectes  de  l'Etat.  Néanmoins,  ce  diplôme  ne 
confère  pas  de  titre  spécial  et  l'expression  «  architecte 
diplômé  »  n'a  pas  de  sens  officiel.  Les  épreuves  sont  jugées 
par  une  commission  spéciale,  composée  de  la  manière  sui- 
vante :  le  directeur  de  l'Ecole,  président,  assisté  du  secré- 
taire de  l'Ecole  ;  le  secrétaire  du  conseil  supérieur  de 
l'Ecole,  secrétaire  ;  les  membres  de  la  section  d'architec- 
ture de  l'Académie  des  beaux-arts  ;  les  professeurs  d'archi- 
tecture de  l'Ecole,  savoir  :  les  trois  professeurs  chefs 
d'ateliers,  trois  professeurs  d'atehers  extérieurs,  désignés 
par  le  conseil  ;  le  professeur  de  construction,  le  professeur 
d'histoire  de  l'architecture,  le  professeur  de  théorie  de 
l'architecture,  le  professeur  de  physique  et  de  chimie  et  le 
professeur  de  législation  du  bâtiment  ;  deux  membres  du 
conseil  supérieur  de  FEcole,  désignés  par  le  conseil  supé- 
rieur ;  un  inspecteur  général  des  monuments  historiques, 
un  inspecteur  général  des  édifices  diocésains,  un  inspecteur 
général  des  bâtiments  civils,  désignés  par  le  ministre. 
Cette  commission  se  réunit  à  l'Ecole  sur  la  convocation  du 
directeur. 

Etude  simultanée  des  trois  arts.  —  Concours  d'ému- 
lation communs  aux  peintres,  sculpteurs  et  archi- 
tectes. Chaque  année,  il  est  ouvert  entre  les  élèves  de 
l'Ecole  proprement  dite  et  des  atehers  deux  concours,  qui 
sont  l'application  des  études  simultanées  des  trois  arts.  Ces 
concours  consistent  en  des  compositions  décoratives,  dont 
le  programme  est  donné  par  le  professeur  de  composition 
décorative.  L'esquisse  est  faite  en  loge  en  douze  heures  ;  le 
rendu  a  lieu  dans  le  délai  d'un  mois.  Ces  concours  sont 
jugés  par  un  jury  composé  du  professeur  de  composition 
décorative,  des  professeurs  d'études  simultanées  et  de  dix 
peintres,  dix  sculpteurs  et  dix  architectes,  tirés  au  sort 
dans  les  jurys  en  exercice.  Il  peut  être  décerné  dans  chaque 
section  une  première  médaille,  deux  deuxièmes  médailles 
au  plus,  et  des  mentions.  Ces  récompenses  peuvent  être 
cumulées. 

Des  ateliers  de  l'Ecole.  —  L'Ecole  des  beaux-arts 
comprend  :  trois  atefiers  de  peinture,  trois  ateliers  de 
sculpture,  trois  atehers  d'architecture,  un  atelier  de  gra- 
vure en  taille-douce,  un  atelier  de  gravure  en  médailles  et 
en  pierres  fines.  Les  ateliers  sont  ouverts  aux  élèves  de 
l'Ecole  proprement  dite,  qui  choisissent,  suivant  l'ordre  et 
la  date  de  leurs  récompenses,  puis  de  leur  rang  sur  la  liste 
d'admission,  celui  des  ateliers  de  leur  section  dans  lequel 
ils  désirent  étudier.  Le  nombre  des  élèves  à  admettre  dans 
chaque  ateher  est  déterminé  par  l'administration,  d'accord 
avec  le  professeur  chef  d'atelier.  Les  candidats  à  l'Ecole 
proprement  dite  pour  la  section  d'architecture  qui  ont  subi 
avec  succès  les  épreuves  éliminatoires,  peuvent  aussi  être 
admis  aux  ateliers  d'après  leur  rang  de  classement  dans 
les  épreuves  d'admission,  mais  seulement  à  défaut  des  élèves 
indiqués  ci-dessus,  et  jusqu'à  la  session  d'examen  suivante. 
L'inscription  des  élèves  dans  les  ateliers  doit  être  renou- 
velée au  commencement  de  chaque  année  scolaire.  L'ins- 
cription se  fait  soit  directement,  soit  par  lettre.  Si,  dans 
le  premier  mois,  un  élève  ne  s'est  pas  fait  réinscrire,  il  est 
considéré  comme  démissionnaire.  Le  professeur  peut  tou- 


ECOLE 


-  394  - 


jours  désigner  au  directeur  les  élèves  qu'il  a  des  motifs 
d'exclure  de  son  atelier.  Leur  radiation  est  prononcée  par 
le  directeur,  qui  la  notifie  aux  élèves.  Ces  élèves  peuvent 
être  admis  dans  un  autre  atelier,  avec  l'agrément  du  pro- 
fesseur de  cet  atelier,  celui  du  professeur  de  l'atelier  qu'ils 
quittent,  et  avec  l'assentiment  du  directeur.  Sous  certaines 
conditions,  tout  élève  a  la  faculté  de  changer  d'atelier. 
L'admission  aux  ateliers  est  définitive  ;  mais,  une  fois  inscrit 
dans  un  atelier,  l'élève  doit  y  être  assidu.  Les  cas  d'ab- 
sence doivent  toujours  être  justifiés  de  la  part  de  l'élève 
auprès  de  son  professeur.  Tout  élève  qui,  dans  l'espace  de 
deux  années,  n'aura  pas  obtenu  soit  une  récompense  pour 
son  art,  dans  les  concours  de  l'Ecole  ou  dans  les  concours 
du  prix  de  Rome,  soit  une  récompense  ou  une  mention 
pour  ses  travaux  d'atelier,  soit  une  médaille  dans  les  con- 
cours d'anatomie  ou  de  perspective,  ne  fera  plus  partie  de 
l'atelier,  à  moins  de  décision  contraire  du  conseil  supérieur. 
Les  professeurs  chefs  d'atelier  sont  autorisés  à  faire  con- 
naître au  directeur,  qui  les  signale  au  ministre,  ceux  de 
leurs  élèves  qu'ils  jugent  dignes  d'être  soutenus  dans  leurs 
études.  Tous  les  jours,  les  ateliers  de  l'Ecole  sont  ouverts 
aux  élèves.  Pendant  les  vacances,  deux  salles  sont  mises  à 
la  disposition  des  élèves  peintres  et  sculpteurs.  On  donne 
aux  élèves  architectes  des  projets  à  rendre. 

Les  études  comprennent  :  pour  les  peintres  :  4<»  des 
exercices  de  dessin  et  de  peinture  d'après  la  nature  et 
d'après  l'antique  ;  2°  des  exercices  de  composition  ;  3°  des 
exercices  de  composition  décorative.  —  Pour  les  sculp- 
teurs :  i^  des  exercices  de  modelage  d'après  la  nature  et 
d'après  l'antique,  soit  en  ronde  bosse,  soit  en  bas-rehef  ; 
2^  des  exercices  de  composition,  soit  en  ronde  bosse,  soit 
en  bas-rehef  ;  3^  des  exercices  de  composition  décorative. 

—  Pour  les  architectes  :  1°  des  exercices  scientifiques  ; 
2^  des  exercices  de  composition.  —  Pour  les  graveurs  en 
taille-douce  :  4°  des  exercices  élémentaires  de  gravure; 
2°  des  exercices  de  gravure,  soit  d'après  les  estampes  des 
maîtres,  soit  d'après  les  dessins  exécutés  par  l'élève  ;  3°  des 
figures  dessinées  d'après  la  nature  et  d'après  l'antique. 

—  Pour  les  graveurs  en  médailles  et  en  pierres  fines  : 
1^  des  exercices  élémentaires  de  gravure  ;  ^^  des  exercices 
de  gravure,  soit  d'après  les  médailles  et  les  pierres  gravées 
antiques,  soit  d'après  les  modèles  exécutés  par  l'élève  ; 
3<*  des  figures  dessinées  ou  modelées  en  bas-relief,  d'après 
la  nature  ou  d'après  l'antique  ;  4°  des  exercices  de  com- 
position en  médailles  et  en  camées.  —  Un  atelier  dirigé 
par  un  professeur  spécial  permet  aux  élèves  sculpteurs 
de  se  familiariser  avec  le  travail  de  la  pierre  et  du  marbre. 

—  A  la  fin  de  chaque  trimestre,  les  professeurs  chargés  de  la 
direction  des  ateliers  de  peinture,  de  sculpture,  de  gravure 
en  taille-douce  et  de  gravure  en  médailles  et  en  pierres 
fines,  font  un  choix  parmi  les  ouvrages  de  leurs  élèves 
pendant  le  semestre.  Ces  travaux  sont  exposés  dans  l'Ecole, 
et  des  encouragements  peuvent  être  accordés  aux  élèves 
qui  ont  montré  le  plus  d'aptitude.  Ces  encouragements  sont 
distribués,  s'il  y  a  Heu,  à  la  suite  d'un  jugement  rendu 
par  le  jury  en  exercice.  Ils  consistent,  pour  chaque  atelier, 
en  trois  récompenses  :  la  première,  d'une  valeur  de  425  fr.; 
la  deuxième,  d'une  valeur  de  75  fr.  ;  la  troisième,  d'une 
valeur  de  50  fr.  Il  peut  être  décerné  quatre  mentions  au  plus. 

—  A  la  fin  de  chaque  semestre,  le  professeur  de  composi- 
tion décorative  fait  un  choix  parmi  les  ouvrages  des  élèves 
de  l'Ecole  qui  prennent  part  aux  exercices  pratiques  de  son 
cours.  Ces  travaux  sont  exposés  dans  l'Ecole,  et  des  en- 

.  couragements  peuvent  être  accordés  aux  élèves  qui  ont 
montré  le  plus  d'aptitude.  Ces  encouragements  sont  distri- 
bués, s'il  y  a  lieu,  à  la  suite  d'un  jugement  rendu  par  un 
jury  composé  du  professeur  de  composition  décorative  et 
de  dix  peintres,  dix  sculpteurs,  dix  architectes,  tirés  au 
sort  dans  les  jurys  en  exercice.  Ils  consistent  en  trois  ré- 
compenses valant  respectivement  425  fr.,  75  fr.  et  50  fr. 
Pour  la  section  d'architecture,  la  somme  représentée  par 
la  valeur  de  ces  trois  récompenses  est  attribuée,  une  seule 
fois,  à  la  fin  de  l'année  scolaire,  à  l'élève  qui  a  obtenu  la 


grande  médaille  d'émulation,  sous  les  conditions  suivantes  : 
Le  lauréat  s'engage  à  faire  une  étude  sur  un  monument 
français  dont  le  choix  lui  est  laissé;  il  en  exécute  le  rendu. 
Ce  travail  est  exposé  chaque  année,  à  la  suite  des  vacances, 
à  l'Ecole  des  beaux-arts  ;  il  reste  la  propriété  de  l'élève. 
Le  lauréat  touche,  au  moment  où  le  prix  lui  est  décerné, 
les  deux  tiers  de  la  somme  affectée  à  cette  récompense.  Le 
reste  lui  est  remis  après  l'acceptation  de  son  travail. 

Fondations  et  concours  auxquels  elles  donnent 
lieu.  Des  fondations  et  legs  faits  à  l'Ecole  des  beaux-arts 
donnent  lieu  à  des  concours  qui  sont  l'objet  de  conditions 
spéciales.  Le  concours  de  la  tête  d'expression  fondé  par  le 
comte  de  Caylus  pour  les  peintres  et  les  sculpteurs,  et  le 
concours  de  la  demi-figure  peinte,  dite  du  torse,  institué 
par  La  Tour,  ont  Heu  chaque  année  au  mois  de  février.  Les 
récompenses  consistent  :  pour  la  tête  d'expression,  en  un 
prix  de  400  fr.,  et,  pour  le  torse,  en  une  somme  de 
300  fr.  Les  autres  prix  sont  :  le  prix  Hugnier  (anatomie), 
600  fr.  ;  le  prix  Fortin  d'Ivry  (perspective),  660  fr.  ; 
les  deux  prix  Jouvin  d' Attainville  (peinture  historique 
et  paysage),  chacun  de  2,400  fr.  ;  le  prix  Lemaire  (ajus- 
tement en  sculpture),  825  fr.  ;  le  prix  Muller-Sœhnée, 
539  fr.  ;  le  prix /a?/  (construction),  700  fr.  ;  les  deux  prix 
Jean  Leclaire  (émulation),  chacun  500  fr.  ;  le  prix  Abel 
Blouet  (nombre  de  valeurs),  947  fr.  ;  le  prix  Edmond 
Labarre  (composition  sur  esquisse),  200  fr.  ;  le  prix  Sau- 
ge l  (composition),  395  fr.  ;  le  prix  Godebœuf  (architec- 
ture), 700  fr.  Tous  ces  prix  comptent  pour  des  valeurs. 
Le  prix  Piougevin  (ornement  et  ajustement,  concours  en 
loge,  7  jours),  600  fr.  et  400  fr.)  ;  le  prix  Deschaumes 
(architecture),  500  fr.  Le  prix  Leclère  (4,000  fr.)  est 
attribué,  chaque  année,  au  second  grand  prix  d'architec- 
ture, et  le  prix  Troyon  (600 'fr.)  au  second  grand  prix  de 
peinture. 

Grand  prix  de  Rome,  La  récompense  suprême  à  la- 
quelle visent  les  élèves  de  l'Ecole  des  beaux-arts  est  le 
grand  prix  de  Rome,  qui  donne  l'accès  à  V Académie  de 
France  à  Pwme  (V.  ce  mot).  Les  concours  pour  ce  grand 
prix  ont  été  réglés  par  le  décret  du  43  nov.  4874.  Le  pro- 
gramme des  épreuves  est  établi  par  l'Institut  (Académie 
des  beaux-arts).  Chacune  des  sections  juge  le  concours 
pour  sa  spécialité.  Elle  s'adjoint  un  certain  nombre  d'ar- 
tistes étrangers  à  l'Académie,  égal  à  la  moitié  de  ses  mem- 
bres, sept  pour  le  concours  de  peinture  (la  section  ayant 
quatorze  membres),  quatre  pour  celui  de  sculpture  et  celui 
d'architecture,  deux  pour  celui  de  gravure.  Mais  les  spé- 
cialistes ne  font  que  des  présentations.  Le  jugement  défi- 
nitif du  concours  est  prononcé  par  toutes  les  sections  réu- 
nies. Le  concours  pour  les  grands  prix  est  ouvert  aux  élèves 
de  l'Ecole,  mais  en  exceptant  ceux  qui  sont  mariés.  Il  a  lieu 
tous  les  ans  pour  la  peinture,  la  sculpture,  l'architecture  ; 
tous  les  deux  ans  pour  la  gravure  en  taille-douce,  tous  les 
trois  ans  pour  la  gravure  en  médailles  et  en  pierres  fines. 
Chaque  concours  comprend  deux  séries  d'épreuves  :  les 
épreuves  préliminaires  du  concours  d'essai,  les  épreuves 
décisives  du  concours  définitif.  On  accorde  aux  concurrents 
admissibles  une  indemnité  pour  frais  d'exécution  :  300  fr. 
aux  peintres  et  aux  sculpteurs,  200  fr.  aux  architectes  et 
aux  graveurs. 

Pour  la  peinture,  il  y  a  deux  concours  d'essai  et  un 
concours  définitif  :  le  premier  concours  d'essai  consiste 
dans  une  esquisse  peinte  sur  une  toile  dite  de  six,  c.-à-d. 
mesurant  0™40  sur  0'^32  ;  l'esquisse  doit  être  terminée 
en  douze  heures,  après  la  lecture  du  programme  ;  toute 
communication  avec  le  dehors  est  interdite.  —  Le  second 
concours  d'essai  a  lieu  aussitôt  après  le  premier.  Il 
consiste  en  deux  épreuves  :  4**  une  esquisse  peinte;  2°  une 
figure  nue,  peinte  d'après  nature.  Les  concurrents  doivent 
exécuter  leurs  figures  en  quatre  séances  de  sept  heures 
chacune  (non  compris  le  repos  du  modèle).  Cette  double 
épreuve  d'admissibilité  élimine  la  plupart  des  concurrents. 
En  effet,  le  nombre  des  élèves  admis  au  concours  défi- 
nitif ne  peut  dépasser  dix.  Ce  concours  consiste  dans 


—  395  — 


ECOLE 


l'exécution  d'un  tableau  dont  la  toile,  dite  de  quatre- 
vingts,  a  1°^46  sur  1"^15.  Le  programme  est  remis  à 
9  h.  du  matin  ;  les  concurrents  reçoivent  une  feuille  de 
papier  estampillée  pour  y  tracer  leur  esquisse  ;  ils  entrent 
en  loges  et  ont  trente-six  heures  pour  l'exécution  de  l'es- 
quisse. Puis  ils  travaillent  en  loge  à  l'exécution  du  tableau. 
La  durée  du  concours  est  de  soixante -douze  jours  de 
travail  à  partir  de  la  dictée  du  programme.  Les  tableaux, 
après  avoir  été  vernis,  sont  exposés  trois  jours  avant  et 
un  jour  après  le  jugement. 

Pour  la  sculpture,  il  y  a  également  deux  concours  d'essai 
éliminatoires  et  un  définitif.  Le  premier  consiste  en  une 
esquisse  modelée  en  bas-relief  qui  doit  être  terminée  en 
douze  heures.  Le  second  concours  d'essai,  qui  a  Heu  aussitôt 
après  le  jugement  du  premier,  comporte  deux  épreuves  : 
i«  une  esquisse  modelée  ;  2^  une  figure  nue,  modelée 
d'après  nature.— Le  nombre  des  élèves  admis  au  concours 
définitif  ne  peut  dépasser  dix.  Ce  concours  consiste  alter- 
nativement dans  l'exécution  d'un  bas-relief  ou  d'une  figure 
ronde  bosse.  Trente-six  heures  sont  consacrées  à  l'esquisse. 
La  durée  du  concours  est  de  soixante-douze  jours  de  travail. 
L'exposition  publique  se  fait  dans  les  mêmes  conditions 
que  pour  la  peinture. 

Pour  l'architecture,  le  système  est  le  même  :  deux 
concours  d'essai,  un  concours  définitif.  Le  premier  essai 
consiste  en  une  esquisse  dont  le  sujet  est  généralement  un 
simple  motif  architectural.  Elle  doit  être  terminée  en 
douze  heures.  Le  second  essai  consiste  en  l'esquisse  d'une 
composition  d'ensemble  qui  doit  être  faite  en  vingt-quatre 
heures.  —  Pour  le  concours  définitif,  aussitôt  après  la 
dictée  du  programme,  les  concurrents  entrent  en  loges  et 
ont  quatre  jours  et  trois  nuits  pour  l'exécution  de  leurs 
esquisses  dont  ils  sont  tenus  de  prendre  un  calque.  La 
durée  du  concours  est  de  cent  dix  jours  de  travail.  Les 
concurrents  sont  tenus  de  dessiner  dans  leurs  loges  leurs 
projets  au  net;  mais  les  études  de  ces  projets,  au  trait  et 
à  une  échelle  autre  que  celle  du  rendu,  peuvent  être  faites 
au  dehors.  L'exposition  publique  du  concours  a  lieu  trois 
jours  avant  et  un  jour  après  le  jugement. 

Il  y  a  pour  le  grand  prix  de  gravure  en  taille-douce 
seulement  un  concours  d'essai  et  un  concours  définitif  ; 
le  premier  comprend  deux  épreuves,  à  savoir  :  1°  une 
figure  dessinée  d'après  nature  ;  2<>  une  figure  dessinée 
d'après  l'antique.  —  Le  concours  définitif  consiste  :  1°  à 
dessiner  une  figure  d'après  l'antique;  2<*  à  dessiner  une 
figure  d'après  nature;  3<*  à  graver  au  burin  la  figure 
dessinée  d'après  nature.  Pour  le  dessin  de  chaque  figure, 
il  est  accordé  aux  concurrents  six  séances  de  cinq  heures 
de  travail;  pour  la  gravure,  la  durée  du  travail  est  de 
quatre-vingt-dix  jours.  L'exposition  pubhque  a  lieu  trois 
jours  avant  et  un  jour  après  le  jugement. 

Le  concours  pour  le  grand  prix  de  gravure  en  médailles 
et  en  pierres  fines  comprend  deux  essais  et  un  concours 
définitif.  Le  premier  essai  consiste  en  une  esquisse,  modelée 
en  bas-relief,  qui  doit  être  terminée  en  douze  heures  ;  le 
second  en  une  figure  nue,  modelée  en  bas-relief,  qui  doit 
être  exécutée  en  quatre  séances  de  sept  heures  chacune. — 
Le  concours  définitif  consiste  :  i^  à  modeler  en  cire  un 
bas -relief;  2^  à  graver  ce  bas -relief  soit  sur  acier, 
soit  sur  pierre  fine;  3°  à  copier  soit  sur  acier,  soit  sur 
pierre,  d'après  un  plâtre  moulé  sur  l'antique,  une  tête 
dont  l'original  est  gravé  soit  en  médaille,  soit  en  pierre 
fine.  Trente-six  heures  sont  accordées  pour  l'exécution  des 
esquisses;  la  durée  du  travail  total  est  de  quatre-vingt- 
seize  jours.  Les  pierres  fines  sont  fournies  par  l'Académie. 
L'exposition  publique  a  lieu  trois  jours  avant  et  un  jour 
après  le  jugement. 

C'est  l'Académie  des  beaux-arts  qui  distribue  les  prix 
des  concours.  Elle  décerne  un  premier  grand  prix  et  deux 
seconds  grands  prix  dans  chaque  ordre.  Les  artistes  qui 
obtenu  les  premiers  grands  prix  reçoivent  un  diplôme  et 
une  médaille  d'or;  ils  vont  à  Rome  passer,  comme  pen- 
sionnaires, le  temps  déterminé;  les  seconds  grands  prix 


reçoivent  un  diplôme  et  une  médaille  d'or;  ils  ne  peuvent 
plus  concourir  que  pour  le  premier  prix  dans  le  même  art. 
Il  arrive  que  certains  concours  soient  jugés  trop  faibles 
pour  que  le  grand  prix  soit  décerné  ;  en  ce  cas,  on  en  donne 
deux  l'année  suivante.  Au  sujet  du  séjour  à  la  villa  Médecis 
et  des  avantages  qu'il  confère,  V.  l'art.  Académie  de 
France  à  Rome,  t.  I,  p.  221. 

L'institution  de  l'Ecole  nationale  et  spéciale  des  beaux- 
arts  a  été  l'objet  de  vives  critiques  qui  mettent  en  jeu 
même  son  existence.  Les  tendances  de  son  enseignement 
sont  attaquées,  et  on  lui  reproche  de  les  imposer  par  le 
système  des  concours  peu  favorable  à  l'originalité  artistique. 
Le  plus  fameux  de  ces  concours,  celui  des  grands  prix  de 
Rome  et  l'institution  de  l'Académie  de  France  à  Rome  sont 
particuhèrement  discutés.  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  d'aborder 
cette  question  (V.  Académie,  Classique  et  Enseignement 
artistique)  ;  mais  il  paraît  difiicile  de  nier  les  services 
rendus  par  l'Ecole,  grâce  au  concours  de  maîtres  éminents 
et  aux  ressources  des  collections  des  ateliers  mises  gra- 
tuitement à  la  disposition  des  élèves. 

Service  militaire.  —  Voici  quels  sont  les  avantages  accor- 
dés au  point  de  vue  du  service  militaire  aux  lauréats  de 
l'Ecole  des  beaux-arts.  La  loi  ne  demande  qu'un  an  de  pré- 
sence sous  les  drapeaux  avant  le  passage  dans  la  réserve  à 
ceux  qui  ont  obtenu  soit  l'un  des  prix  de  Rome,  soit  un  prix 
ou  médaille  d'Etat  dans  les  concours  annuels  de  l'Ecole.  Le 
décret  du  23  nov.  1887  spécifie  que  les  prix  de  Rome  sont 
au  nombre  de  trois  par  spécialité  (un  premier  et  deux 
seconds)  ou  de  quatre  lorsque  le  premier  grand  prix  n'a 
pas  été  décerné  l'année  précédente.  Ceux-ci  ne  sont  d'ailleurs 
le  plus  souvent  remportés  qu'à  un  âge  trop  avancé  pour 
conférer  utilement  la  dispense.  Voici  comment  on  a  réglé 
la  question  pour  les  autres  concours  (arrêté  du  14  déc. 
1889). 

Peinture  et  gravure  en  taille-douce.  Concours  de 
figure  dessinée  d'après  l'antique  et  d'après  nature  (secondes 
médailles  —  quatre)  ;  concours  de  composition  (secondes 
médailles  —  deux)  ;  concours  semestriels  dits  de  grande 
médaille  (premières  médailles  —  deux)  ;  concours  de  la 
tête  d'expression  (première  médaille  —  une);  concours  du 
torse  (première  médaille  —  deux)  ;  concours  Jouvin  d'At- 
tainville,  peinture  historique  (première  médaille  —  une)  ; 
concours  Jouvin  d'Attain ville,  paysage  (seconde  médaille 

—  une  )  ;  concours  de  composition  décorative  (premières 
ou  secondes  médailles  —  deux)  ;  grande  médaillç  d'ému- 
lation. 

Sculpture  et  gravure  en  médailles.  Concours  de  figure 
modelée  d'après  l'antique  et  d'après  la  nature  (secondes 
médailles  —  quatre)  ;  concours  de  composition  (secondes 
médailles  —  quatre);  concours  semestriels  dits  de  grande 
médaille  (premières  médailles  —  deux);  concours  de  la 
tête  d'expression  (première  médaille  —  une);  concours 
Lemaire  (première  médaille  —  une)  ;  concours  de  compo- 
sition décorative  (premières  ou  secondes  médailles  —  deux); 
grande  médaille  d'émulation. 

Architecture.  1^®  classe  :  concours  d'architecture  sur 
esquisse  et  sur  rendus  (premières  ou  secondes  médailles 

—  vingt-quatre)  ;  concours  d'ornement  et  d'ajustement 
(premières  ou  secondes  médailles  —  deux)  ;  concours  Gode- 
bœuf  (premières  ou  secondes  médailles  —  deux)  ;  concours 
de  composition  décorative  (premières  ou  secondes  médailles 

—  deux)  ;  grande  médaille  d'émulation.  —  2^  classe  : 
concours  de  construction  (premières  ou  secondes  médailles 

—  trois). 

Ecole  nationale  des  beaux-arts  de  Bourges.  — 
Destination.  —  L'Ecole  nationale  des  beaux-arts  de  Bourges 
a  pour  objet  de  former  des  jeunes  gens  et  des  jeunes  filles 
à  la  pratique  des  arts  et  à  l'enseignement  du  dessin.  C'est 
un  étabhssement  d'enseignement  professionnel.  Il  comporte 
un  enseignement  spécial  aux  professions  des  élèves.  Les 
décrets  du  7  oct.  1881  et  du  14  oct.  1882  en  règlent  le 
fonctionnement. 

Conditions  d'admission.  —  Pour  être  élève  de  l'Ecole  et 


ÉCOLE 


—  396  — 


participer  aux  récompenses  qu'elle  décerne,  il  faut  justifier 
de  la  qualité  de  Français.  Toutefois  les  étrangers  peuvent  y 
être  admis  par  autorisation  spéciale  du  ministre  ;  mais  ils 
ne  peuvent  prétendre  au  prix  d'honneur,  non  plus  qu'aux 
bourses  instituées  pour  les  élèves  de  l'établissement.  L'ins- 
cription a  lieu  au  secrétariat  de  l'Ecole,  tous  les  jours  non 
fériés,  aux  heures  des  cours.  Pour  être  admis  à  l'Ecole,  les 
élèves  doivent  avoir  au  moins  dix  ans  révolus,  savoir  lire, 
écrire  et  calculer  ;  ils  doivent  être  présentés  par  leur  père, 
mère,  correspondant  ou  chef  d'atelier.  En  entrant  à  l'Ecole, 
tous  les  élèves  doivent  être  munis  des  instruments  néces- 
saires à  leurs  études. 

Régime  intérieur.  •—  L'enseignement  est  gratuit.  Il  com- 
prend :  1°  le  dessin  linéaire  et  géométrique;  2°  le  dessin 
d'architecture,  les  mathématiques,  la  construction  et  la 
perspective;  3^  le  dessin  d'ornement  et  de  figure,  la  com- 
position ;  4°  l'architecture  ;  5^  la  sculpture  ;  6^  la  peinture  ; 
7^  la  peinture  et  la  sculpture  appliquées  à  la  céramique  ; 
8^  l'anatomie  ;  9*  l'histoire  de  l'art.  L'enseignement  de 
l'Ecole  est  réparti  en  trois  divisions  :  division  élémentaire, 
division  supérieure,  cours  spéciaux.  Les  épreuves  pour  le 
passage  d'un  cours  dans  le  cours  supérieur  consistent  à 
obtenir  dans  l'ensemble  des  matières  une  notation  moyenne 
d'au  moins  46  points  (maximum,  20  points),  sans  que,  pour 
chacune  d'elles,  la  notation  puisse  être  inférieure  à  14  ;  à 
cet  effet,  tous  les  travaux,  ainsi  notés  par  chaque  professeur 
de  cours,  sont  revisés  par  un  jury,  qui  prononce  chaque 
mois  sur  le  passage  d'un  cours  dans  un  autre. 

Un  concours  annuel ,  donnant  lieu  à  des  prix  et  à  des 
mentions,  est  institué  pour  chacune  des  facultés  de  l'ensei- 
gnement de  l'Ecole  dans  le  dernier  trimestre  de  l'année 
scolaire  ;  peuvent  seuls  y  prendre  part  les  élèves  inscrits  à 
l'Ecole  antérieurement  au  1^^  févr.,  et  qui  ont  suivi  régu- 
lièrement les  cours.  Des  bourses  d'études  sont  accordées  aux 
élèves  qui  se  distinguent  le  plus  dans  l'Ecole  :  un  tiers  est 
réservé  à  ceux  ou  celles  qui  se  destinent  à  l'enseignement  ; 
elles  ne  peuvent  se  partager  ;  pour  y  prétendre,  il  faut  être 
Français,  être  âgé  au  moins  de  quinze  ans  et  être  inscrit  à 
l'Ecole  depuis  une  année  au  moins.  Nul  ne  peut  en  obtenir 
le  renouvellement  au  delà  de  quatre  ans. 

Ecole  nationale  des  beaux-arts  de  Dijon.  --L'Ecole 
nationale  des  beaux-arts  de  Dijon  comprend  l'enseignement 
de  la  peinture,  du  dessin,  de  la  sculpture,  de  l'architec- 
ture, de  l'art  décoratif,  de  l'art  industriel  et  des  cours 
accessoires.  Pour  être  admis  élève  de  cette  école,  il  faut  : 
1«  justifier  de  laquaUté  de  Fran(;ais  ou,  pour  les  étrangers, 
de  l'autorisation  du  préfet  ;  2*^  résider  à  Dijon  ;  3«  avoir 
dix  ans  révolus  ;  4^  posséder  les  éléments  de  la  grammaire 
et  de  l'arithmétique. 

Ecole  nationale  des  beaux-arts  de  Lyon.  —  Des- 
tination. —  L'Ecole  nationale  des  beaux-arts  de  Lyon  a 
pour  objet  l'enseignement  du  dessin,  des  beaux-arts  et  des 
arts  décoratifs. 

Conditions  d'admission.  —  Nul  ne  peut  y  être  reçu  s'il 
n'a  au  moins  quinze  ans  révolus.  Les  jeunes  gens  qui  se 
présentent  à  l'Ecole  doivent  préalablement  se  faire  inscrire 
au  secrétariat,  justifier  de  leur  âge,  de  leur  qualité  de 
Français ,  et  prouver  qu'ils  ont  été  vaccinés  ou  ont  eu  la 
petite  vérole.  S'ils  sont  étrangers,  ils  doivent  justifier  de 
l'autorisation  du  maire  de  Lyon.  Les  élèves.  Français  ou 
étrangers,  ne  peuvent  se  j)résenter  qu'avec  un  répondant 
domicilié  à  Lyon. 

Régime  intérieur.  —  Les  élèves  de  l'Ecole  se  divisent  en 
deux  catégories  :  les  aspirants  et  les  titulaires.  Nul  ne 
peut  devenir  titulaire  dans  une  classe,  sans  avoir  subi  les 
examens  spécifiés  ci-après  pour  l'admission  à  chacune  des 
classes  de  l'Ecole. 

Elèves  aspirants.  A  leur  entrée  à  l'Ecole,  les  élèves  sont 
examinés  sur  :  les  notions  d'histoire  générale,  les  mathé- 
matiques élémentaires,  le  dessin  géométral  et  le  dessin 
perspectif,  et,  selon  leur  degré  d'instruction,  ils  sont 
classés  dans  la  division  préparatoire  ou  de  principes  (ensei- 
gnement du  premier  degré),  ou  dans  la  division  de  bosse 


(enseignement  du  deuxième  degré).  —  L'enseignement 
du  premier  degré,  division  préparatoire  ou  de  principes, 
comprend  J:  l'arithmétique  et  la  géométrie,  le  dessin  pers- 
pectif et  géométral  à  main  levée ,  d'après  des  modèles  en 
rehef  (simples)  ;  l'étude  élémentaire  de  la  figure  humaine, 
des  animaux  et  de  l'ornement,  d'après  des  modèles  graphies  ; 
la  pratique  du  dessin  géométrique,  avec  l'emploi  des  ins- 
truments de  mathématiques  et  le  lavis.  Pour  être  reçus  dans 
la  division  de  bosse  (enseignement  du  deuxième  degré),  les 
élèves  doivent  subir  un  examen  sur  les  matières  du  premier 
degré,  soit  à  leur  entrée  à  l'Ecole,  soit  après  un  séjour  dans 
la  division  préparatoire.  A  cet  effet,  il  y  a  deux  examens 
par  année,  l'un  à  la  rentrée  des  classes  (deuxième  quin- 
zaine d'octobre),  l'autre  fin  décembre.  Cet  examen  comporte  : 
une  interrogation  sur  l'arithmétique  et  la  géométrie  élémen- 
taire ;  un  dessin  perspectif  et  un  dessin  géométral  à  main 
levée,  d'après  le  même  modèle  en  relief,  de  forme  simple  ; 
un  dessin  géométrique  exécuté  avec  les  instruments  de 
mathématiques  et  comportant  un  peu  de  lavis,  —  L'ensei- 
seignement  du  deuxième  degré,  division  de  bosse,  com- 
prend :  la  géométrie ,  Jes  éléments  de  perspective  et  de 
géométrie  descriptive,  l'étude  de  la  figure  humaine,  des 
animaux  et  de  l'ornement,  d'après  la  bosse.  Dans  cette 
division,  les  élèves  se  préparent  aux  examens  exigés  pour 
les  différentes  classes  d'application.  En  conséquence  ,  ceux 
qui  se  destinent  à  l'architecture  et  à  l'art  décoratif  peuvent 
y  étudier  les  relevés  géométraux. 

Elèves  titulaires.  Les  élèves  aspirants  deviennent  titu- 
laires dans  une  classe  d'application  après  avoir  subi  les 
épreuves  suivantes  :  Classe  de  peinture  et  de  gravure  : 
une  académie  dessinée  d'après  l'antique  ;  un  dessin  d'orne- 
ment d'après  le  plâtre  ;  un  examen  sur  l'histoire  générale 
(notions  élémentaires)  ;  un  examen  sur  les  éléments  de  la 
perspective.  —  Classe  de  sculpture  :  une  académie  mo- 
delée (haut-reUef),  d'après  l'antique  ;  une  étude  d'ornement, 
modelée  ou  dessinée  d'après  le  plâtre  ;  un  examen  sur  l'his- 
toire générale  (notions  élémentaires)  ;  un  examen  sur  le 
tracé  des  formes  géométriques.  —  Classe  d'architecture  : 
une  académie  d'après  la  bosse,  mise  en  place  et  massée  à 
l'effet  en  deux  séances  ;  un  dessin  d'ornement  d'après  le 
plâtre  ;  un  relevé  géométral  rendu  à  l'aquarelle  ;  un  examen 
sur  l'histoire  générale  (notions  élémentaires)  ;  un  examen 
sur  les  éléments  de  la  perspective.  —  Classe  de  fleur  : 
une  académie  d'après  la  bosse  ;  un  dessin  perspective  et  un 
dessin  géométral  à  main  levée  d'après  le  même  objet  orne- 
mental; un  examen  sur  l'histoire  générale  (notions  élé- 
mentaires) ;  un  examen  sur  les  éléments  de  perspective.  Les 
élèves  doivent  suivre  en  outre  la  classe  d'art  décoratif 
durant  deux  années  au  moins.  Ils  font  des  cours  d'appH- 
cations  industrielles  à  la  fin  de  chaque  année.  —  Classe 
d'art  décoratif  :  une  académie  d'après  la  bosse,  mise  en 
place  et  massée  à  l'effet  en  deux  séances  ;  un  dessin  d'or- 
nement d'après  le  plâtre;  un  relevé  géométral  rendu  à 
l'aquarelle  ;  un  examen  sur  l'histoire  générale  (notions  élé- 
mentaires) ;  un  examen  sur  les  éléments  de  perspective. 

Ces  épreuves,  passées  avec  succès  pour  d'autres  classes, 
peuvent  compter  pour  l'admission  à  la  classe  d'art  déco- 
ratif. Chaque  année,  il  y  a  deux  concours  d'admission  aux 
différentes  classes  :  en  octobre  et  décembre.  En  outre,  les 
grands  concours  de  fin  d'année  (juillet)  peuvent  être  utilisés 
à  cet  effet.  Tous  les  élèves  titulaires  des  différentes  classes 
d'application  doivent  suivre  :  les  cours  de  perspective,  les 
cours  d'histoire  de  l'art  et  d'archéologie  (pendant  deux  ans). 
Le  cours  d'anatomie  n'est  imposé  qu'aux  élèves  des  classes  de 
peinture,  sculpture  et  gravure;  celui  de  géométrie  descrip- 
tive et  stéréotomie,  aux  élèves  do  la  classe  d'architecture. 
Six  bourses  de  200  fr.  sont  accordées  chaque  année  sur  la 
proposition  du  conseil  des  professeurs.  Outre  les  grands 
concours  de  fin  d'année  dans  toutes  les  sections,  pour  les- 
quels il  est  alloué  100  fr.  aux  premiers  prix  et  oO  fr.^  aux 
seconds,  il  existe  un  prix  d'honneur,  consistant  en  Hvres 
d'art  donnés  par  le  ministère  et  un  grand  prix  dit  prix  de 
Paris,   consistant  en  une  pension  annuelle  de  4,800  fr. 


—  397 


ECOLE 


(1,200  fr.  de  l'Etat  el  600  fr.  de  lu  ville),  pendant  trois 
ans  ;  ce  prix  est  décerné  à  un  élève  français  peintre,  sculp- 
teur, architecte  ou  graveur,  à  la  suite  d'un  concours  (en 
loge),  à  deux  degrés. 

'Ecole  nationale  des  beaux-arts  d'Alger.  —Des- 
tination. —  L'Ecole  nationale  des  beaux-arts  d'Alger  a  été 
instituée  et  organisée  par  décret  du  8  nov.  1881  en  vue 
do  former  les  jeunes  gens  et  les  jeunes  filles  à  la  pratique 
des  arts,  à  l'enseignement  du  dessin  et  à  l'exercice  des 
industries  relevant  de  l'art. 

Conditions  d'admission.  —  Pour  être  élève  de  l'Ecole  et 
participer  aux  récompenses  qu'elle  décerne,  il  faut  justifier 
de  la  qualité  de  Français  ;  toutefois,  les  étrangers  peuvent 
y  être  admis  par  autorisation  spéciale  du  ministre,  délivrée 
sur  la  demande  du  représentant  de  leur  nation,  après  l'avis 
du  directeur  de  l'Ecole.  L'inscription  des  élèves  a  lieu, 
tous  les  jours  non  fériés,  au  secrétariat  de  l'Ecole, ^  aux 
heures  des  cours  ;  pour  être  admis  à  l'Ecole,  les  candidats 
doivent  être  présentés  par  leurs  père,  mère,  correspondant 
ou  chef  d'atelier,  et  savoir  lire,  écrire  et  calculer. 

Régime  intérieur.  —  L'enseignement  est  gratuit.  Il  est 
divisé,  pour  chacune  des  sections,  filles  et  garçons,  en 
première  division,  deuxième  division,  division  supérieure, 
cours  spéciaux.  Il  est  institué  près  de  l'Ecole  nationale  des 
beaux-arts  d'Alger  des  bourses  au  profit  des  élèves  qui  se 
distinguent  le  plus  dans  l'Ecole.  Un  tiers  de  ces  bourses 
est  réservé,  s'il  y  a  lieu,  pour  ceux  ou  celles  des  élèves 
qui  se  destinent  à  l'enseignement  ;  elles  sont  accordées 
tous  les  ans  au  mois  de  janvier,  sont  payables  à  la  fin  de 
l'année  scolaire  et  ne  peuvent  se  partager.  Nul  ne  peut 
y  prétendre  s'il  n'est  inscrit  à  l'Ecole  depuis  une  année  au 
moins  et  ne  peut  en  obtenir  le  renouvellement  au  delà  de 
quatre  ans. 

Ecole  spéciale  d'architecture.  —  Destination.  — 
Cette  école,  située  à  Paris,  boulevard  Montparnasse, 
no  136,  a  été  fondée  par  une  association  d'efforts  privés, 
où  M.  Emile  Trélat  a  eu  la  plus  grande  part,  et  reconnue 
comme  établissement  d'utilité  publique  le  11  juin  1870. 
Elle  a  pour  but  de  former  des  architectes,  et  elle  admet 
des  nationaux  et  des  étrangers.  Elle  peut  admettre  égale- 
ment, dans  ses  amphithéâtres,  des  auditeurs  libres  qui 
doivent  adresser  leur  demande  aux  professeurs  titulaires 
des  chaires,  au  siège  de  l'Ecole. 

Conditions  d'admission.  —  11  n'y  a  pas  de  limite  d'âge. 
Nul  n'est  admis  à  l'Ecole  qu'après  avoir  subi  des  épreuves, 
qui  ont  heu  au  choix  du  candidat,  soit  à  Paris,  au  siège  de 
l'Ecole,  soit  dans  les  chefs-lieux  des  départements,  auprès 
du  professeur  désigné,  sur  la  demande  de  l'Ecole,  par  le 
proviseur  du  lycée  local  ;  soit  à  l'étranger,  par  les  pro- 
fesseurs des  universités.  La  session  d'examen  de  Paris 
commence  vers  le  25  oct.  Tout  postulant  doit  adresser  sa 
demande  au  directeur  avant  le  20  oct.  —  Les  épreuves 
d'admission  comprennent  :  1°  un  dessin  d'après  un  orne- 
ment en  relief;  2«  le  dessin  (plan,  coupe,  élévation)  d'un 
édifice  rendu  sur  un  croquis  coté  ;  3°  une  composition  fran- 
çaise (ces  trois  premières  épreuves  sont  remplacées  dans 
les  départements  par  un  certificat  de  l'architecte  du  dépar- 
tement ou  de  la  ville,  à  l'étranger  par  un  certificat  d'un 
architecte  notable  de,  la  localité);  4^^  un  examen  oral 
portant  sur  l'arithmétique,  l'algèbre,  la  géométrie,  la  géo- 
métrie descriptive,  la  géographie,  conformément  aux 
programmes  arrêtés  par  le  conseil  de  l'Ecole.  A  la  fin  de 
la  troisième  année  d'études,  les  élèves  qui  ont  satisfait  à 
toutes  les  épreuves  réglementaires  de  l'enseignement  sont 
admis  à  un  concours  général,  qui  a  pour  but  la  participa- 
tion au  classement  de  sortie  et  l'obtention  du  diplôme  que 
le  conseil  de  l'Ecole  décerne  à  ceux  de  ses  élèves  qui  lui 
paraissent  posséder  les  ressources  et  l'esprit  de  l'ensei- 
gnement. La  ville  de  Paris  a  fondé  des  bourses  à  l'Ecole 
spéciale  d'architecture  en  faveur  des  jeunes  gens  nés  à 
Paris,  ou  dont  les  parents  sont  domiciliés  dans  cette  ville 
depuis  dix  ans.  Les  candidats  à  ces  bourses  doivent  se 
faire  inscrire  à  la  préfecture  de  la  Seine,  du  1^^  au  30  sept.. 


en  produisant  leur  acte  de  naissance.  Elles  sont  attribuées 
tous  les  ans  par  le  conseil  municipal  à  la  suite  d'un  con- 
cours, qui  a  lieu  au  mois  d'octobre. 

Régime  intérieur.  —  Les  études  normales  durent  trois 
années.  Les  cours  et  les  ateliers  s'ouvrent  le  10  nov.  et  se 
ferment  le  10  août.  Le  régime  de  l'Ecole  est  l'externat. 
Le  prix  de  l'enseignement  est  de  850  fr.  par  an,  payables 
en  quatre  termes;  les  élèves  sont,  en  outre,  tenus  de 
verser  à  la  caisse  de  l'Ecole,  au  commencement  de  chaque 
année,  une  somme  de  40  fr.,  destinée  à  garantir  le 
payement  des  objets  perdus  ou  détériorés  par  leur  faute  ; 
ce  dépôt,  entretenu  trimestriellement  au  chifire  de  40  fr., 
leur  est  remboursé  à  la  fin  de  chaque  année  ou  lorsqu'ils 
quittent  l'Ecole  pour  une  cause  quelconque. 

Ecole  nationale  des  arts  décoratifs  de  Paris.  — 
Destination.  —  L'Ecole  nationale  des  arts  décoratifs,  située 
à  Paris,  rue  de  l'Ecole-de-Médecine,  ressortit  au  ministère 
de  l'instruction  publique  et  des  beaux-arts.  Son  objet  est 
de  former  des  artistes  et  des  artisans  pour  les  industries 
artistiques  et  décoratives  ;  elle  leur  donne  en  outre  une 
instruction  générale  appropriée  et  un  enseignement  profes- 
sionnel comportant  des  cours  et  des  exercices  pratiques. 

Historique.  —  Cette  école  a  été  fondée  par  J.-J.  Ba- 
chelier sous  le  règne  de  Louis  XV,  en  1765,  pour  les 
ouvriers.  Elle  devint  en  1767  V  Eco  le  gratuite  de  dessin. 
Son  nom  actuel  ne  date  que  de  sept.  Î877  ;  sa  dernière 
réorganisation  date  de  1890.  Elle  représente  la  section  des 
garçons,  celle  des  jeunes  filles  étant  représentée  par  l'Ecole 
de  la  rue  de  Seine  (V.  ci-après). 

Conditions  d'admission.  —  Les  jeunes  gens  qui  désirent 
y  être  admis  doivent  se  présenter  au  secrétariat  pour  leur 
inscription,  avec  leurs  parents,  patrons  ou  répondants,  et 
produire  leur  bulletin  de  naissance.  Ils  doivent  savoir  lire, 
écrire  et  calculer.  Il  faut  être  âgé  de  dix  ans  pour  suivre 
les  cours  du  soir.  Les  étrangers  ne  sont  admis  que  sur  la 
demande  du  représentant  ou  consul  de  leur  nation,  adres- 
sée au  directeur  qui  en  réfère  au  ministre.  L'Ecole  est 
dotée  de  huit  bourses  :  une  de  600  fr,,  trois  de  480  fr. 
et  quatre  de  360  fr.  Pour  être  candidat  à  une  bourse  de 
l'Ecole,  il  est  nécessaire  de  suivre  simultanément  les  divers 
cours  de  l'enseignement  supérieur  de  l'Ecole.  Les  élèves 
français  sont  seuls  admis  au  bénéfice  des  bourses  ainsi 
qu'à  l'inscription  aux  ateliers  de  l'Ecole. 

Régime  intérieur.  —  L'Ecole  des  arts  décoratifs  a  un 
directeur  spécial,  dépendant  du  ministère  de  l'instruction 
pubhque  et  des  beaux-arts,  directeur  des  deux  sections,  et 
un  sous-directeur  de  la  section  des  garçons.  L'enseigne- 
ment, qui  est  gratuit,  comporte  des  cours  de  jour  et  de 
nuit,  et  son  but  est  de  former  des  élèves  pour  les  appli- 
cations de  l'art  à  l'industrie.  On  y  apprend  l'anatomie,  les 
éléments  d'architecture,  la  perspective  pratique,  la  légis- 
lation industrielle  et  du  bâtiment,  les  reproductions  indus- 
trielles, l'histoire  générale,  l'histoire  des  industries,  du 
dessin,  de  l'architecture,  les  applications  décoratives  pour 
les  modeleurs.  Il  y  a,  en  outre,  des  cours  de  mathé- 
matiques, de  dessin,  de  sculpture  et  d'architecture.  Les 
élèves  s'exercent  au  décor  des  papiers  peints,  des  tentures 
et  des  étoffes,  des  murailles,  des  tapisseries  ;  à  la  confec- 
tion de  modèles  pour  15  céramique,  les  meubles,  la  reliure 
et  le  bronze  ;  à  l'exécution  de  modèles  pour  les  diverses 
industries  de  la  pierre,  du  bois,  du  fer,  du  bronze,  des  mé- 
taux plus  ou  moins  précieux.  L'Ecole  est  ouverte  toute  la 
journée  et  toute  la  soirée,  été  comme  hiver.  Les  classes  de 
jour  ont  Heu  en  trois  séances  :  de  huit  heures  et  demie  à 
dix  heures  trois  quarts,  de  onze  heures  à  une  heure  et  de 
une  heure  à  quatre  heures.  Les  classes  du  soir  pour  le 
dessin  et  la  sculpture  ont  lieu  de  sept  heures  et  deinie 
à  neuf  heures  et  demie  et  jusqu'à  dix  heures  et  demie, 
par  exception,  les  soirs  où  il  y  a  cours  de  composition 
d'ornement  et  d'anatomie.  L'assiduité  est  obligatoire  à 
peine  de  radiation.  Les  peines  disciplinaires  sont  :  1°  la 
réprimande  ;  2°  l'exclusion  temporaire  ;  3<^  l'exclusion  défi- 
nitive par  le  ministre  sur  rapport  du  directeur.  Les  élèves 


ÉCOLE 


—  398  - 


sont  classés  par  divisions  dès  leur  entrée  à  l'Ecole  et  à  la 
suite  d'un  concours.  Il  y  a  des  concours  mensuels  dans 
toutes  les  divisions.  Le  passade  à  une  division  supérieure 
n'est  accordé  qu'à  la  condition  d'avoir  obtenu  dans  ces 
concours  une  certaine  moyenne.  Des  concours  annuels 
donnent  lieu  à  des  récompenses. 

Les  concours  mensuels  donnent  lieu  à  des  médailles  de 
bronze  et  d'argent,  les  autres  à  des  livres,  livrets  de  caisse 
d'épargne,  bourses  de  voyage  de  l'Etat  et  de  la  ville  de 
Paris,  aux  grands  prix  (en  loges),  au  prix  d'architecture, 
au  prix  d'honneur  de  l'Ecole,  et  à  diverses  fondations.  Les 
prix  qui  peuvent  donner  lieu  à  la  dispense  de  deux  années 
de  service  militaire  sont  les  suivants  :  prix  Jacquot  (appli- 
cation décorative),  prix  Jay  (dessin),  prix  de  composition 
et  d'ornement,  prix  d'appUcation  décorative  en  peinture, 
prix  d'appUcation  décorative  en  sculpture,  prix  d'archi- 
tecture, prix  d'honneur  de  l'Ecole, 

Ecole  nationale  de  dessin  pour  les  jeunes  filles. 
—  Destination.  —  L'Ecole  nationale  de  dessin  pour  les 
jeunes  filles,  située  à  Paris,  rue  de  Seine,  40,  et  ressortis- 
sant au  ministère  de  l'instruction  publique  et  des  beaux- 
arts,  forme  une  section  de  l'Ecole  des  arts  décoratifs  ;  elle 
répond  pour  les  jeunes  filles  à  ce  que  celle-ci  est  pour  les 
jeunes  garçons.  Toutefois  l'application  à  l'industrie  y  est 
moins  importante  ;  le  but  principal  est  de  former  des  pro- 
fesseurs de  dessin,  en  particulier  de  préparer  aux  examens 
de  la  ville  de  Paris  et  de  l'Etat. 

Historique.  —  Fondée  en  1803  par  M^^  p^ère  de 
Montizon,  cette  Ecole  a  été  réorganisée  par  le  décret  du 
7oct.  1881. 

Conditions  d'admission.  —  Les  élèves  sont  admises  de 
douze  à  vingt-cinq  ans.  Présentées  par  leur  père,  mère  ou 
répondant,  elles  doivent  produire  leur  acte  de  naissance. 
On  ne  reçoit  des  étrangères  qu'avec  autorisation  du  mi- 
nistre, et  elles  n'ont  pas  droit  aux  récompenses.  Les  élèves 
doivent  savoir  lire,  écrire  et  calculer.  Six  bourses  de  400, 
300  et  200  fr.  sont  données  aux  élèves  les  plus  méri- 
tantes. 

Régime  intérieur.  —  L'enseignement  est  gratuit.  Il 
comprend  essentiellement  le  dessin  approprié  à  l'exercice 
des  professions  relevant  de  Fart  :  dessin  linéaire  et  géo- 
métrique, perspective,  éléments  d'architecture,  dessin,  mo- 
delage, anatomie,  composition  d'ornements,  histoire  de 
Fart,  gravure  sur  bois,  etc.  L'Ecole  a  un  sous-directeur 
spécial  relevant  du  directeur  de  l'Ecole  nationale  des  arts 
décoratifs. 

Ecole  nationale  d'art  décoratif  d'Aubusson.  — 
Destination.  —  L'Ecole  nationale  d'art  décoratif  d'Aubus- 
son a  été  établie  dans  une  ville  qui  est  un  des  centres  de 
production  de  la  tapisserie  française,  afin  de  former  des 
ouvriers  d'art  des  deux  sexes.  Elle  comprend  une  division 
de  jeunes  filles  et  une  division  de  jeunes  gens. 

Conditions  d'admission.  —  Il  faut  savoir  lire,  écrire  et 
calculer.  Les  étrangers  ne  sont  admis  qu'avec  une  autori- 
sation spéciale  accordée  sur  la  présentation  du  directeur 
par  le  sous-préfet  d'Aubusson.  Les  jeunes  filles  sont  reçues 
à  l'âge  de  douze  ans,  les  jeunes  garçons  à  celui  de  treize 
ans  révolus. 

Régime  intérieur.  —  L'enseignement  y  est  gratuit.  Il 
porte  sur  le  dessin  linéaire  et  géométrique,  le  dessin 
d'après  l'ornement,  la  figure  et  la  plante,  les  éléments 
d'architecture,  d'anatomie  et  de  composition  décorative.  En 
outre,  des  cours  spéciaux  sont  institués  en  vue  de  l'appli- 
cation des  arts  du  dessin  aux  industries  locales  :  ce  sont 
des  cours  de  tissage,  de  savonnerie,  de  mise  en  carte,  de 
broderie  et  de  chimie  tinctoriale. 

L'Ecole  est  administrée  par  un  directeur,  président  de 
l'assemblée  des  professeurs  et  des  jurys  ;  il  est  le  chçf  de 
tous  les  services  ;  il  est  assisté  d'un  conseil  présidé  par  le 
directeur  des  beaux-arts. 

Ecole  nationale  d'art  décoratif  de  Limoges.  — 
Destination.  —  L'Ecole  nationale  d'art  décoratif  de  Li- 
moges est  instituée  en  vue  de  former  les  jeunes  gens  et 


les  jeunes  filles  à  l'enseignement  du  dessin  et  à  l'exercice 
des  industries  relevant  de  l'art.  Fondée  dans  une  ville  qui 
est  depuis  longtemps  un  des  centres  de  production  de  la 
céramique  française,  elle  vise  plus  particuHèrement  cette 
branche  de  Findustrie  artistique.  Elle  a  été  organisée  par 
le  décret  du  5  nov.  4881  en  conformité  avec  la  loi  du 
45  juin  4881.  Elle  comporte  un  enseignement  spécial 
approprié  aux  professions  auxquelles  se  destinent  les 
élèves. 

Conditions  d'admission.  —  Pour  être  élève  de  l'Ecole  et 
participer  aux  récompenses  qu'elle  décerne,  il  faut  justifier 
de  la  qualité  de  Français.  Toutefois  les  étrangers  peuvent 
être  admis  par  autorisation  spéciale  du  ministre,  déli- 
vrée sur  la  demande  du  représentant  de  leur  nation,  après 
l'avis  du  directeur  de  l'Ecole  ;  mais  ils  ne  peuvent  prétendre 
aux  bourses.  Pour  être  admis  à  l'Ecole,  les  jeunes  gens 
doivent  être  âgés  de  treize  ans  accompHs,  les  jeunes  filles 
de  douze  ans  accomplis  ;  au  delà,  il  n'y  a  pas  de  limite 
d'âge.  Les  élèves  doivent  se  présenter  avec  leurs  parents, 
patrons  ou  répondants,  produire  leur  bulletin  de  naissance, 
et  savoir  lire,  écrire  et  calculer. 

Régime  intérieur.  —  L'enseignement  de  FEcole  est 
entièrement  gratuit.  Il  est  divisé,  pour  chacune  des  sections, 
filles  et  garçons,  en  division  élémentaire,  division  supé- 
rieure, cours  spéciaux.  Il  est  institué  près  l'Ecole  nationale 
d'art  décoratif  de  Limoges  des  bourses  au  profit  des  élèves 
qui  se  distinguent  le  plus  dans  FEcole.  Un  tiers  de  ces 
bourses  est  réservé,  s'il  y  a  heu,  pour  ceux  ou  celles  des 
élèves  qui  se  destinent  à  l'enseignement.  Elles  sont  accor- 
dées tous  les  ans,  au  mois  de  janvier,  sont  payables  à  la 
fin  de  l'année  scolaire  et  ne  peuvent  se  partager  ;  peuvent 
seuls  y  prétendre  les  élèves  français,  âgés  au  moins  de 
quinze  ans,  inscrits  à  l'Ecole  depuis  une  année  au  moins, 
ayant  subi  avec  succès  les  cours  de  la  division  élémentaire 
et  inscrits  à  un,  au  moins,  des  cours  spéciaux  ;  ehes  ne  peu- 
vent être  renouvelées  au  delà  de  quatre  ans. 

Ecole  nationale  d'art  décoratif  de  Nice.  —Des- 
tination. —  L'Ecole  nationale  d'art  décoratif  de  Nice  a 
une  utilité  moins  spéciale  et  moins  limitée  aux  indus- 
tries locales  que  celles  d'Aubusson  et  de  Limoges.  Elle  se 
rapproche  plutôt  par  le  caractère  général  de  son  ensei- 
gnement des  écoles  des  beaux-arts.  On  lui  a  adjoint  une 
école  de  dessin  pour  les  jeunes  filles  fondée  en  1882  par 
M.  Chabal-Dussurgey.  L'organisation  a  été  réglée  par  les 
décrets  des  7  oct.  4884,  45  nov.  4885  et  M  déc.  4888. 
Les  mêmes  règlements  régissent  les  deux  écoles.  Produire 
des  artistes  à'  même  de  se  rendre  utiles  au  pays  et  à  eux- 
mêmes,  tel  est  le  but  auquel  tendent  toutes  les  études  de 
l'Ecole  :  aussi  la  composition  décorative  y  est-elle  pour- 
suivie tout  particulièrement  non  seulement  en  vue  dos 
qualités  qui  sont  indispensables  à  l'artiste  à  la  recherche 
de  l'idéal,  mais  encore  en  vue  de  son  application  raisonnée 
à  l'industrie. 

Conditions  d'admission.  —  Les  jeunes  gens  qui  désirent 
entrer  à  l'Ecole  nationale  d'art  décoratif  de  Nice  doivent  se 
faire  inscrire  au  secrétariat,  justifier  qu'ils  ont  dix  ans 
révolus,  qu'ils  sont  Français  ou  naturahsés  Français  et 
remettre  au  secrétaire  :  4*^  un  extrait  de  leur  acte  de  nais- 
sance ;  2°  un  certificat  de  vaccine.  Les  étrangers  qui  ont 
reçu  l'autorisation  du  maire  peuvent  prendre  part  à  tous 
les  cours  et  prétendre  à  toutes  les  récompenses,  excepté 
aux  bourses.  Les  élèves  français  ou  étrangers  ne  peuvent 
se  présenter  qu'avec  un  parent  ou  un  répondant  domicilié 
à  Nice  ;  ils  doivent  savoir  lire  et  écrire  correctement  et 
connaître  les  éléments  de  l'arithmétique. 

Régime  intérieur.  —  Les  élèves  de  FEcole  se  divisent 
en  doux  catégories,  les  aspirants  et  les  titulaires.  Nul, 
parmi  les  aspirants,  ne  peut  devenir  titulaire  sans  avoir 
subi  les  épreuves  réglementaires  du  premier  degré.  L'en- 
seignement du  premier  degré  a  pour  objet  :  le  dessin  li- 
néaire, le  dessin  d'ornement  et  d'imitation,  comprenant  : 
4*^  la  représentation  des  figures  simples;  2^  les  éléments 
de  l'ornementation  ;  3*^  l'imitation  des  parties  de  la  figure 


-  399 


ÉCOLE 


humaine.  Le  concours  des  aspirants  doit  porter  sur  le  pro- 
gramme du  premier  degré.  Les  candidats  qui  ont  fait  leurs 
études  préparatoires  dans  d'autres  écoles,  et  qui  en  justi- 
fient devant  le  conseil  des  professeurs,  peuvent  jouir  pro- 
visoirement, et  jusqu'à  l'examen  le  plus  prochain,  des 
avantages  scolaires  des  titulaires.  —  Les  titulaires  ont  la 
faculté  de  suivre  en  môme  temps  les  cours  de  peinture,  de 
sculpture,  d'architecture,  de  dessin  des  plantes  vivantes  et 
d'ornement  ;  mais  nul  élève,  s'il  n'a  répondu  d'une  manière 
satisfaisante  aux  examens  trimestriels  que  comporte  cha- 
cun des  cours  particuliers,  ne  peut  être  dispensé  de  suivre 
ces  cours,  qui  sont  :  1*^  les  cours  de  perspective  et  d'his- 
toire de  l'art,  obligatoires  pour  tous  les  élèves  ;  2^  le  cours 
d'anatomie,  obligatoire  pour  les  peintres  et  les  sculpteurs  ; 
3"  le  cours  de  mathématiques,  obKgatoire  pour  les  archi- 
tectes. —  L'Ecole  est  administrée  par  le  directeur,  président 
de  l'assemblée  des  professeurs  et  des  jurys,  chef  de  tous  les 
services,  assisté  d'un  conseil  d'administration,  que  préside 
le  maire  de  la  ville. 

Ecole  polytechnique,  —  Destination.  —  L'Ecole 
polytechnique,  établie  à  Paris  et  dépendant  du  ministère  de 
la  guerre,  est  destinée  spécialement  à  recruter  des  sujets 
pour  les  services  publics  ci-après  :  l'artillerie  de  terre, 
l'artillerie  de  mer,  le  génie  miiïtaire,  le  génie  maritime, 
la  marine  nationale,  le  corps  des  ingénieurs  hydrographes, 
le  commissariat  de  la  marine,  les  ponts  et  chaussées,  les 
mines,  les  manufactures  de  l'Etat  (tabacs),  le  corps  des 
ingénieurs  des  poudres  et  salpêtres,  les  lignes  télégra- 
phiques. Son  objet  propre  est  donc  de  former  des  ingénieurs 
civils  ou  mihtaires.  Elle  prépare,  en  outre,  à  toutes  les 
carrières  qui  exigent  des  connaissances  étendues  dans  les 
sciences  mathématiques,  physiques  et  chimiques. 

La  durée  des  cours  d'études  est  de  deux  ans.  —  Les 
élèves  ne  peuvent  être  admis  dans  les  services  pubHcs  ci- 
dessus  désignés  qu'après  avoir  satisfait  aux  examens  de 
sortie,  à  la  fin  des  deux  années  d'études.  L'admission  dans 
les  services  pubhcs  des  élèves  qui  ont  satisfait  à  ces  exa- 
mens est,  d'ailleurs,  subordonnée  au  nombre  des  places  dis- 
ponibles au  moment  de  la  sortie  de  l'Ecole  et  à  leurs  apti- 
tudes. Voici  le  sens  de  cette  double  restriction.  En  raison 
des  démissions  volontaires,  des  non-admissibilités  en  seconde 
année  et  des  vacances  de  toute  nature  produites  dans  l'Ecole, 
on  reçoit  environ  un  dixième  d'élèves  de  plus  que  ne  le 
comporterait  le  nombre  strict  des  emplois  qu'il  sera  pos- 
sible de  leur  attribuer  à  leur  sortie  de  l'Ecole.  Cet  excé- 
dent d'un  dixième  résulte  de  l'expérience  faite  sur  l'équi- 
libre normal.  Il  peut  arriver  qu'on  soit  déçu.  Dans  quelques 
cas,  d'ailleurs  fort  rares,  des  élèves  ont  été  placés  dans 
l'infanterie  ou  dans  la  cavalerie.  —  Quant  aux  aptitudes 
physiques,  ce  sont  celles  qui  rendent  aptes  au  service 
militaire,  ou  tout  au  moins  aux  exercices  mihtaires  de 
l'Ecole  (V.  ci-dessous).  —  L'Ecole  polytechnique  donne  à 
ses  élèves  une  instruction  théorique  générale.  A  leur  sortie 
et  avant  d'entrer  en  fonctions,  ils  passent  par  des  écoles 
d'application  (V.  plus  bas).  L'Ecole  est  soumise  au  régime 
mihtaire. 

Historique.  —  L'Ecole  polytechnique  est  la  plus  popu- 
laire des  grandes  écoles  nationales.  Elle  doit  ce  prestige  à 
son  double  caractère  militaire  et  civil  et  au  grand  nombre 
d'hommes  remarquables  à  divers  titres  qui  en  sont  sortis  ; 
elle  le  doit  aussi  à  ses  traditions  libérales.  Elle  a  été  créée 
pendant  la  période  révolutionnaire  ;  comme  tant  d'autres 
institutions  fondamentales,  elle  doit  son  existence  à  la 
Convention.  Fondée  sous  le  nom  d'Ecole  centrale  des 
travaux  publics  par  décret  du  21  ventôse  an  II  (il  mars 
1794),  elle  fut  ouverte  au  début  de  l'an  III,  le  7  vendé- 
miaire (28  sept.  1794),  à  peu  près  en  môme  temps  que 
l'Ecole  normale,  les  Écoles  centrales  et  l'Ecole  de  santé. 
A  ce  moment,  la  Révolution  était  triomphante  et  la 
Convention,  à  l'apogée  de  sa  gloire,  réorganisait  la  France 
conformément  aux  principes  nouveaux.  Une  large  place 
lut  faite  à  la  science  ;  ce  n'était  que  justice,  car,  au  mo- 
ment delà  grande  crise  de  1793,  le  concours  des  savants 


avait  seul  permis  de  réaliser  les  efforts  grandioses  qui  sau- 
vèrent la  France.  Il  faut  lire  ce  récit  dans  VEistoire  des 
sciences  de  Biot  et  voir  comment  on  improvisa  des  fonde- 
ries et  forges  de  canons,  des  fabrications  d'armes,  de  mu- 
nitions, des  approvisionnements  de  salpêtre.  Après  la  vic- 
toire, on  se  préoccupa  de  rétablir  une  organisation  régulière. 
Pendant  la  lutte,  les  ingénieurs  avaient  manqué  et  on  avait 
eu  beaucoup  de  peine  à  maintenir  les  travaux  publics,  à 
mettre  les  routes  en  état  de  satisfaire  aux  nécessités  de  la 
défense  du  territoire  et  du  transport  des  subsistances.  De 
plus,  la  solidarité  des  diverses  catégories  d'ingénieurs  avait 
été  nettement  révélée.  On  eut  donc  naturellement  l'idée  de 
pourvoir  par  un  institut  unique  au  recrutement  des  ingé- 
nieurs de  toute  sorte.  Cette  conception  fut  réalisée  par  la 
fondation  de  l'Ecole  centrale  des  travaux  publics. 
^  L'idée  était  neuve  et  philosophique.  Jusqu'alors  les  prin- 
cipaux services  se  recrutaient  chacun  par  son  école  spé- 
ciale. En  voici  la  nomenclature  sommaire  :  Ecole  des  élèves 
du  corps  d'artillerie,  supprimée  en  1772,  rétabhe  en  1790 
par  décret  de  l'Assemblée  nationale  et  placée  à  Châlons  au 
lieu  de  La  Fère  (1756)  et  Bapaume  (1766)  ;  —  Ecole  du 
génie  militaire,  établie  à  Mézières,  plus  tard  transférée  à 
Metz;  —  Ecole  des  ponts  et  chaussées,  fondée  en  1747 
par  Perronet,  à  Paris  ;  —  Ecole  des  élèves  ingénieurs  de  la 
marine  placée  au  Louvre  ;  — -  Ecole  des  mines  à  Paris  ;  — 
Ecole  des  ingénieurs  géographes  annexée  au  Dépôt  de  la 
guerre.  Ces  diverses  écoles  avaient  beaucoup  souffert  de 
la  crise  politique,  et  le  besoin  d'une  réorganisation  appa- 
raissait évident.  Les  écoles  les  plus  importantes  étaient 
celle  de  Mézières  (génie)  et  celle  des  ponts  et  chaussées.  Le 
comité  des  ponts  et  chaussées,  adjoint  à  celui  de  l'agri- 
culture et  du  commerce,  proposa  la  réunion  des  trois  états 
des  ponts  et  chaussées,  du  génie  militaire  et  de  l'architec- 
ture. Carnot  fit  prévaloir  ce  projet  malgré  les  résistances. 
C'est  le  12  sept.  1793  que  fut  déposé  à  la  Convention  par 
Leconte-Puyraveau,  au  nom  des  comités  de  la  guerre  et 
des  ponts  et  chaussées,  le  projet  de  fusion.  Le  rapport  dé- 
clarait que,  pour  donner  toutes  les  garanties  de  savoir  et 
de  civisme,  il  fallait  renforcer  le  corps  du  génie  militaire 
en  y  réunissant  celui  des  ponts  et  chaussées ,\<  Il  faut  faire 
disparaître  entièrement  le  corps  du  génie  militaire  et  celui 
des  ponts  et  chaussées  ;  ensuite  créer  un  corps  nombreux 
des  membres  des  deux  corps  réformés...  Pour  l'avenir,  il 
serait  ridicule  et  contraire  aux  principes  qu'il  existât  deux 
corps  du  génie  ayant  cependant  pour  bases  les  mêmes  con- 
naissances :  celles  des  mathématiques,  du  dessin,  de  l'art 
des  constructions,  de  la  coupe  des  pierres,  de  la  chimie,  etc. 
Nous  ne  pouvons  pas  laisser  subsister  une  monstruo- 
sité que  l'ancien  régime  seul  pouvait  produire.  Tout  ce  qui 
sera  fait  sur  les  fonds  de  la  République,  en  ouvrages  d'art 
de  quelque  nature  qu'ils  soient,  sera  désigné  sous  le  nom 
de  ti^avaux  publics.  Le  soin  de  faire  les  plans,  de  les  diri- 
ger, de  veiller  à  l'exécution,  sera  confié  à  un  corps  unique, 
connu  sous  le  nom  d'ingénieurs  nationaux.  Une  seule 
école  sera  établie  pour  les  former  ;  on  y  sera  admis  au 
concours  et  on  y  enseignera  tout  ce  qu'on  peut  apprendre 
à  l'Ecole  de  Mézières  et  à  l'Ecole  de  Paris.  »  Ce  projet  de 
décret  est  l'origine  de  l'Ecole  polytechnique.  On  commença 
par  mettre  les  ingénieurs  des  ponts  et  chaussées  à  la 
disposition  du  ministre  de  la  guerre  (16  sept.  1793)  ;  le 
résultat  fut  la  désorganisation  de  l'Ecole,  fondée  sur  le 
principe  de  l'enseignement  mutuel.  Le  nouveau  directeur, 
Lamblardie  (févr.  1794),  s'adressa  au  comité  de  Salut 
public  pour  reprendre  le  projet  de  Leconte-Puyraveau.  Il  fut 
appuyé  par  Carnot,  Prieur  (de  la  Côte-d'Or),  anciens  élèves 
de  Mézières,  et  Barrère.  Ceux-ci  firent  voter  par  l'Assem- 
blée la  création  d'une  commission  des  travaux  publics  et 
le  principe  de  la  fondation  d'une  Ecole  centrale  des  tra- 
vaux publics.  Dans  cette  commission,  Monge  (ancien  pro- 
fesseur de  Mézières)  joua  le  plus  grand  rôle  et  son  influence 
y  fut  prépondérante  pour  l'organisation  du  nouvel  ensei- 
gnement. La  commission  s'était  installée  au  Palais-Bourbon 
et  avait  attribué  à  l'Ecole  une  partie  des  dépendances  de 


ÉCOLE 


400  — 


ce  palais.  On  les  aménagea  sur-le-champ  et  on  prépara  le 
matériel,  tandis  que  la  commission  rédigeait  le  plan  d'études 
et  préparait  la  loi.  Pour  le  plan  d'études,  Monge  s'inspira 
de  ses  théories,  plaçant  en  tête  les  principes  généraux  des 
mathématiques,  en  particulier  la  géométrie  descriptive,  de 
la  physique  et  de  la  chimie,  les  règles  des  constructions 
de  toute  sorte  ;  il  s'inspira  aussi  des  méthodes  de  l'Ecole 
de  Mézières  et  de  l'Ecole  de  Schemnitz,  fondée  en  Hongrie 
par  Marie-Thérèse  pour  les  travaux  pratiques  et  les  ma- 
nipulations. Le  rapport  fut  présenté  à  la  Convention  par 
Fourcroy.  «  Il  nous  faut,  dit-il  :  i^  des  ingénieurs  mili- 
taires pour  la  construction  et  l'entretien  des  fortifications, 
l'attaque  et  la  défense  des  places  et  des  camps,  pour  la 
construction  et  l'entretien  des  bâtiments  militaires,  tels 
que  les  casernes,  les  arsenaux,  etc.  ;  2"  des  ingénieurs  des 
ponts  et  chaussées  pour  construire  et  entretenir  les  com- 
munications par  terre  et  par  eau,  les  chemins,  les  ponts, 
les  canaux,  les  écluses,  les  ports  maritimes,  les  bassins, 
les  jetées,  les  phares,  les  édifices  à  l'usage  de  la  marine  ; 
30  des  ingénieurs  géographes  pour  la  levée  des  cartes  géné- 
rales et  particulières  de  terre  et  de  mer  ;  4«  des  ingénieurs 
des  mines  pour  la  recherche  et  l'exploitation  des  minéraux, 
le  traitement  des  métaux  et  la  perfection  de  procédés  mé- 
tallurgiques ;  o""  enfin  des  ingénieurs-constructeurs  pour 
la  marine,  pour  diriger  la  construction  de  tous  les  bâtiments 
de  mer,  leur  donner  les  qualités  les  plus  avantageuses  à 
leur  genre  de  service,  surveiller  les  approyisionnements 
des  ports  en  bois  de  construction  et  en  matériaux  de  toutes 
les  espèces.  » 

Le  projet  de  loi  déposé  par  Fourcroy  le  3  vendémiaire 
an  III  fut  adopté  le  7  vendémiaire  (28  sept.  4794).  Le 
comité  de  Salut  public  avait  fait  rédiger  par  Monge  des 
Développements  sur  l'enseignement  adopté  pour  l'Ecole 
centrale  des  travaux  publics.  La  loi  qui  créait  l'Ecole 
stipulait  que  des  examens  d'admission  commenceraient  le 
20  vendémiaire  et  seraient  terminés  le  30.  On  ne  perdait 
pas  de  temps.  . 

Les  examens  publics  devaient  avoir  lieu  dans  les 
vingt-deux  principales  villes  de  France.  Etaient  admis  à 
s'y  présenter  les  jeunes  gens  de  seize  à  vingt  ans  non 
compris  dans  la  première  réquisition  et  porteurs  d'une 
attestation  de  civisme.  Les  examens  devaient  porter  sur 
l'arithmétique,  les  éléments  de  l'algèbre  et  de  la  géométrie. 
Ils  étaient  faits  dans  chaque  ville  par  des  professeurs  de 
mathématiques  ou  d'hydrographie  et  les  ingénieurs  des 
ponts  et  chaussées  qui  y  résidaient.  On  s'enquérait  avec 
soin  de  la  moraUté  et  de  la  bonne  conduite  des  candidats; 
mais  on  avait  invité  les  examinateurs  à  tenir  grand  compte 
des  qualités  intellectuelles,  autant  que  des  connaissances 
acquises,  de  manière  à  «  préférer  celui  qui  sait  le  mieux  à 
celui  qui  sait  le  plus  ».  Le  noyau  de  la  première  promotion 
fut  formé  par  les  élèves  de  l'Ecole  des  ponts  et  chaussées, 
ceux  de  l'Ecole  de  Mars  et  de  l'Ecole  de  Châlons  ;  on  ne  put 
s'en  tenir  aux  limites  d'âge  fixées  ;  sur  les  349  élèves 
admis,  il  y  en  eut  70  de  plus  de  vingt  ans  et  27  de  moins 
de  seize,  un  même  de  douze  ans  et  demi.  En  janv.  et  févr. 
1795,  on  ouvrit  à  Paris  et  dans  les  départements  un  con- 
cours supplémentaire  qui  porta  à  396  le  nombre  des  élèves. 
L'ouverture  des  cours  avait  été  fixée  au  10  frimaire  ;  elle 
futreculée  ensuite  au  1^^ nivôse  (21  déc.  1794).  Lamblardie 
avait  été  nommé  directeur  de  l'Ecole.  On  s'occupa  aussitôt 
de  réunir  les  matériaux  de  l'enseignement,  machines,  des- 
sins, modèles,  livres.  Dans  les  vastes  dépendances  du  Palais- 
Bourbon,  on  aménagea  une  quarantaine  de  salles.  Elles 
étaient  situées  à  peu  près  sur  l'emplacement  du  ministère 
actuel  des  affaires  étrangères.  L'org;anisation  de  l'Ecole 
fut  réglée  par  un  arrêté  du  6  frimaire  an  III  énumérant 
les  matières  et  les  modes  d'enseignement  déterminant  la 
distribution  du  temps,  la  situation  des  élèves,  professeurs, 
agents  de  toute  sorte,  établissant  enfin  des  cours  prélimi- 
naires. La  durée  des  études  avait  été  fixée  à  trois  années, 
au  terme  desquelles  les  élèves  seraient  employées  aux 
diverses  fonctions  d'ingénieurs.  Les  élèves  devaient  donc 


être  répartis  en  trois  divisions  correspondant  aux  trois 
années  d'études.  Chacune  des  divisions  doit  se  subdiviser 
en  brigades  de  vingt  élèves  présidées  par  un  chef  de  bri- 
gade. Les  élèves  travaillent  dans  l'intérieur  de  l'Ecole, 
distribués  par  salles  pour  le  dessin  de  la  géométrie  descrip- 
tive et  l'étude  de  l'analyse  ;  ils  ont  des  laboratoires  pour 
les  manipulations  de  chimie;  ils  exécutent  eux-mêmes  les 
calculs,  les  dessins,  les  opérations  sur  lesquelles  a  porté 
le  cours  des  professeurs.  Ce  caractère  pratique  de  l'ensei- 
gnement était  son  grand  mérite  aux  yeux  des  fondateurs. 

—  Le  cours  complet  devant  durer  trois  ans,  il  eût  fallu 
attendre  trois  années  pour  le  fonctionnement  régulier  de 
l'Ecole.  Mais  on  jugea  préférable  de  l'assurer  sur-le-champ. 
On  appliqua  la  méthode  des  cou7'S  révolutionnaires. 
Chaque  professeur  exposa  en  trois  mois  les  principes  géné- 
raux de  sa  science  ou  de  son  art  ;  cette  instruction  préli- 
minaire rapide  avait  pour  but  de  partager  au  bout  de  trois 
mois  les  élèves  en  trois  classes  dont  chacune  suivrait  en- 
suite les  cours  affectés  à  l'une  des  trois  années,  de  sorte 
que  l'Ecole  se  trouvait  dès  sa  naissance  en  activité  dans 
toutes  ses  parties. 

Les  candidats  admis  reçurent  l'ordre  de  se  rendre  à 
Paris  pour  le  10  frimaire  an  III  (30  nov.)  ;  on  leur  allouait 
comme  indemnité  de  route  la  solde  de  canonniers  de  pre- 
mière classe,  15  sous  par  jour  en  assignats  (équivalant 
à  4  sous  en  numéraire).  A  la  date  d'ouverture  (21  déc. 
1794),  ils  étaient  à  peu  près  tous  arrivés  et  prêts  à  occu- 
per les  locaux  qui  leur  étaient  réservés.  Le  régime  de 
l'Ecole  étant  l'externat,  il  fallut  s'occuper  d'assurer  la  vie 
des  élèves  dans  la  capitale.  On  leur  alloua  un  traitement 
de  1,200  livres  en  assignats.  Le  comité  de  Salut  public, 
jugeant  qu'ils  ne  devaient  être  ni  casernes,  ni  réunis  dans 
un  pensionnat  commun,  voulut  les  mettre  en  pension,  sépa- 
rément ou  par  petits  groupes,  «  chez  de  bons  citoyens  qui, 
parleurs  exemples  domestiques,  les  formeraient  aux  vertus 
républicaines  ».  On  trouva  un  grand  nombre  de  ces  pères 
sensibles  auxquels  on  payait  900  livres  pour  la  nourriture 
et  le  logement  des  élèves.  Chacun  de  ceux-ci  devait  avoir 
sa  chambre  avec  un  lit,  une  table,  trois  ou  quatre  chaises, 
une  armoire  et  une  commode  ;  les  élèves,  vivant  avec  les 
citoyens  chez  qui  ils  logeaient,  auraient  même  table  et 
même  nourriture.  Ils  devaient ';,être  rendus  à  l'Ecole  à  huit 
heures  du  matin,  y  rester  jusqu'à  deux  heures,  aller  dîner 
et  revenir  ensuite  à  cinq  heures  pour  s'en  retourner  à  huit 
heures.  Le  sous-directeur  de  l'Ecole,  Gardeur-Lebrun,  et 
l'officier  de  santé,  Chaussier,  visitaient  journellement  les 
logements,  veillant  soigneusement  au  bien-être  des  élèves. 

—  Les  cours  révolutionnaires,  commencés  le  21  déc.  1794, 
furent  achevés  le  21  mars  1795.  On  procéda  au  classement 
des  élèves  d'après  un  examen  d'ensemble  devant  le  conseil 
de  l'Ecole.  Pendant  ces  trois  mois,  Monge  avait  donné  le 
soir  à  l'hôtel  Pommeuse  une  instruction  spéciale  aux  cin- 
quante meilleurs  élèves,  parmi  lesquels  on  devait  choisir 
les  vingt-cinq  chefs  de  brigade.  On  les  fit  désigner  par 
leurs  camarades.  La  formation  des  trois  divisions  eut  lieu 
alors.  La  première,  dont  le  cours  d'études  devait^  durer 
trois  ans,  comprit  152  élèves  répartis  en  huit  brigades. 
Chacune  des  autres  eut  115  élèves  répartis  en  six  brigades  ; 
celles-ci  avaient  un  cours  d'études  de  deux  années  au  bout 
desquelles  elles  devaient  alterner  de  manière  à  compléter 
leur  instruction. 

L'enseignement  des  trois  années  d'études  avait  été  réglé 
comme  suit  par  l'arrêté  d'organisation.  Dans  la  première 
année  on  apprenait  les  principes  généraux  de  l'analyse  et 
son  application  à  la  géométrie  des  trois  dimensions;  la 
stéréotomie,  donnant  des  règles  générales  et  des  méthodes 
pour  la  coupe  des  pierres;  la  charpenterie ;  la  détermina- 
tion des  ombres  ;  la  perspective  aérienne  et  linéaire  ;  le 
nivellement  et  l'art  de  lever  des  plans  et  des  cartes  ;  la 
description  des  machines  simples  et  composées  ;  la  physique 
générale;  la  première  partie  de  la  chimie  (substances 
salines).  Durant  cette  année  et  les  deux  autres  on  dessi- 
nait la  figure  d'ornement  et  le  paysage,  copiant  les  dessins, 


401  — 


ÉCOLE 


la  bosse  ou  la  nature,  selon  la  rapidité  des  progrès.  —  Dans 
la  seconde  année  :  application  de  l'analyse  à  la  mécanique 
des  solides  et  fluides  ;  l'architecture  comprenant  la  cons- 
truction et  l'entretien  des  chaussées,  des  ponts,  des  canaux 
et  des  ports,  la  conduite  des  travaux  des  mines,  la  cons- 
truction et  la  décoration  des  édifices  particuliers  et  natio- 
naux et  l'ordonnance  des  fêtes  publiques  ;  la  physique  géné- 
rale et  le  dessin  comme  dans  la  première  année  ;  la  seconde 
partie  de  la  chimie  (matières  végétales  et  animales).  — 
Dans  la  troisième  année  :  application  de  l'analyse  au  calcul 
de  l'effet  des  machines,  physique  générale  et  dessin  comme 
en  première  année;  troisième  partie  de  la  chimie  (miné- 
raux); art  de  fortifier  les  places  des  frontières,  de  les 
attaquer  et  de  les  défendre. 

Les  maîtres  chargés  de  cet  enseignement,  avec  le  titre 
d'instituteurs  auquel  on  substitua  deux  ans  après  celui 
de  professeurs,  furent  :  Lagrange  et  Prony  pour  l'analyse, 
Monge  et  Hachette  pour  la  stéréotomie,  Delorme  et  Bal- 
tard  pour  l'architecture,  Dobenheim  et  Martin  pour  la  for- 
tification, Neveu  pour  le  dessin,  Hassenfratz  et  Barruel 
pour  la  physique  générale,  Berthollet,  Chaptal,  Pelletier, 
Vauquehn,  pour  la  physique  particulière  et  la  chimie.  Les 
représentants  Fourcroy,  Guy ton-Mor veau,  Arbogast  et 
Ferry  prêtèrent  quelque  temps  leur  concours. 

L'administration  de  l'Ecole  centrale  des  travaux  publics 
fut  confiée  à  un  directeur  et  trois  sous-directeurs  (person- 
nel et  instruction,  matériel,  administration  et  comptabilité). 
Un  conseil  formé  de  ceux-ci  et  des  professeurs  avec  leurs 
adjoints  avait  l'autorité  suprême,  réglant  l'emploi  du  temps, 
le  choix  des  livres  et  des  modèles,  discutant  les  projets 
d'amélioration,  etc.  —  On  dressa  un  tableau  de  l'emploi 
du  temps  des  élèves  par  décade,  répartissant  les  exercices 
entre  les  différentes  heures  de  la  journée  de  manière  à  sou- 
tenir constamment  l'intérêt  sans  fatiguer  l'esprit.   Cette 
distribution  était  si  judicieuse  que  presque  partout  on  l'a 
copiée  et  imitée  ;  elle  subsiste  encore  aujourd'hui  dans  ses 
traits  essentiels.  A  l'origine,  six  jours  de  chaque  décade 
étaient  consacrés  aux  mathématiques,  deux  à  la  chimie,  un 
à  la  physique,  le  dixième  ou  décadi  étant  jour  de  repos. 
Nul  règlement  disciplinaire  n'avait  paru  nécessaire,  et, 
durant  les  dix  années  du  régime  d'externat,  jamais  l'har- 
monie ne  fut  troublée  entre  les  élèves  et  l'administration. 
Cependant  dans  la  vie  troublée  qui  était  celle  de  Paris  en 
1795,  ils  subirent  les  contre-coups  des  agitations  politiques. 
Ils  avaient  été  astreints  au  service  de  la  garde  nationale  et 
à  chaque  prise  d'armes  marchaient  avec  les  sections.  Ces 
appels  nuisaient  un  peu  aux  études.  Dans  les  journées 
d'alors,  les  élèves  marchaient  en  général  au  secours  de  la 
Convention.  Toutefois,  quelques-uns  se  laissèrent  enrôler 
dans  la  jeunesse  dorée,  et  il  devait  en  résulter  des  inconvé- 
nients pour  l'Ecole.  Les  élèves  eurent  aussi  leur  large  part 
des  souffrances  matérielles  si  graves  alors.  Le  traitement 
de  1,200  livres  en  assignats  qui  leur  avait  été  alloué  n'en 
représentait  que  336  en  numéraire;  dès  les  mois  suivants, 
il  ne  valait  plus  que  240,  puis  tomba  à  presque  rien.  La 
vie  matérielle  devenait  très  difficile.  En  pluviôse  an  III,  les 
pères  sensibles  réclamèrent;  on  leur  alloua  1,200  livres 
au  lieu  de  900,  et  on  écrivit  aux  parents  pour  les  engager 
à  subventionner  les  élèves' à  qui  il  ne  restait  plus  rien.  La 
Convention  vota  30,000  livres  pour  les  plus  pauvres. 
Malgré  ce  soulagement  momentané,  beaucoup  furent  obligés 
de  quitter  Paris  afin  de  ne  pas  mourir  de  faim.  On  finit 
par  assimiler  les  élèves  aux  volontaires  de  la  garde  natio- 
nale en  activité  ;  on  leur  alloua  à  tous  une  ration  de  pain 
et  de  viande  ainsi  que  l'habillement  et  l'équipement:  mais 
le  traitement  ne  fut  conservé  qu'à  ceux  qui  n'avaient  plus 
d'autre  ressource  ;  d'ailleurs,  il  ne  valait  plus  en  vendé- 
miaire an  IV  que  41  fr.  en  numéraire. 

A  ce  moment,  des  changements  notables  furent  apportés 
dans  l'organisation.  La  première  année  d'études  était  ache- 
vée; on  pouvait  juger  des  premiers  résultats.  Voici  quels 
furent  les  changements  résultant  des  lois  du  15  fructidor 
an  m  (\^'  sept. 'l  795)  et  du  30  vendémiaire  an  IV  (22  oct. 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —    XV. 


1795),  votées  sous  l'influence  de  Prieur  de  la  Côte-d'Or. 
Les  examens  d'admission  étaient  fixés  au  1^^  nivôse  de 
chaque  année,  le  jury  formé  de  cinq  savants  étrangers  à 
l'Ecole,  un  examen  de  passage  placé  à  la  fin  de  chaque 
année.  On  donnait  à  l'Ecole  centrale  des  travaux  publics 
le  nom  d'Ecole  polytechnique.  Cette  modification  dans  le 
titre  répondait  à  une  modification  profonde  dans  la  desti- 
nation. On  avait  espéré  au  début  que  l'Ecole  centrale  des 
travaux  publics  remplacerait  toutes  les  écoles  spéciales 
d'application  où  se  formaient  les  ingénieurs.  Mais  toutes 
celles-ci  ayant  été  conservées  en  fait,  il  fallut  les  réorga- 
niser et  régler  leurs  rapports  avec  l'Ecole  polytechnique. 
C'est  ce  que  fit  la  loi  du  30  vendémiaire  pour  les  écoles 
d'application  de  l'artillerie,  du  génie,  des  ponts  et  chaussées, 
des  mines,  des  ingénieurs  géographes  et  des  ingénieurs 
de  vaisseaux.  Le  nombre  des  élèves  de  l'Ecole  polytech- 
nique était  réduit  à  360.  La  durée  des  études  demeu- 
rait de  trois  années.  Au  bout  de  la  première,  on  était 
apte  à  concourir  pour  l'Ecole  des  géographes  et  celle 
des  ingénieurs  de  vaisseaux.  Après  la  seconde  année, 
on  pouvait  se  présenter  aux  autres  écoles.  Toutefois,  les 
élèves  admis  à  celles  du  génie  militaire  et  des  ponts  et 
chaussées  devaient  achever  leur  troisième  année  avant 
d'entrer  à  l'Ecole  d'application.  Les  élèves  refusés  pou- 
vaient rester  un  an  de  plus  et  se  représenter,  ilucun  ne 
pouvait  passer  plus  de  quatre  ans  à  l'Ecole.  La  loi  stipu- 
lait que  seuls  les  jeunes  gens  sortis  de  l'Ecole  polytech- 
nique seraient  admis  dans  les  écoles  spéciales.  Ainsi  se 
trouva  complété  le  système  de  recrutement  des  ingénieurs. 
Les  bases  adoptées  ont  été  conservées  depuis. 

Un  nouveau  changement  eut  lieu  pourtant  dès  l'année 
suivante,  sur  l'avis  de  Monge  et  de  Prieur  ;  il  résulte  de 
l'arrêté  du  30  ventôse  an  IV  (20  mars  1796).  Au  lieu  de 
spécialiser  les  élèves  après  la  première  année  d'études  dans 
le  travail  particulier  à  la  profession  à  laquelle  ils  se  desti- 
naient, on  résolut  de  leur  donner,  durant  tout  leur  séjour 
à  l'Ecole,  un  enseignement  complet,  préparatoire  à  celui 
des  écoles  d'application.  On  se  rapprochait  du  plan  primi- 
tif; la  première  année  fut  caractérisée  par  les  études  de 
stéréotomie  ;  la  seconde  par  celles  de  travaux  civils  ;  la 
troisième  par  celles  de  fortification.  L'importance  du  con- 
seil fut  augmentée.  Une  série  d'arrêtés  réglèrent  le  passage 
de  l'Ecole  polytechnique  à  l'Ecole  des  ingénieurs  de  vais- 
seaux, au  corps  des  ingénieurs  des  poudres  et  salpêtres,  à 
l'Ecole  des  géographes,  à  l'Ecole  d'aérostation  de  Meudon. 
Vis-à-vis  des  grandes  écoles  d'application,  on  rencontra 
plus  de  résistance.  On  appliqua  la  loi,  et,  au  bout  de 
la  seconde  année  d'études,  on  envoya  109  élèves  dans 
les  diverses  écoles  d'application.  Mais  bientôt  survint  une 
crise.  Le  comité  des  fortifications  se  fit  l'organe  de  ceux 
qui  trouvaient  exorbitant  le  monopole  concédé  aux  poly- 
techniciens. «  Ce  privilège  exclusif  de  fournir  tous  les 
élèves  destinés  aux  services  publics  tend  à  en  écarter  des 
hommes  de  mérite,  à  affaiblir  l'émulation,  à  restreindre  les 
moyens  de  recruter  les  services.  »  Le  Directoire  accueillit 
ces  plaintes,  décidé  de  réduire  le  cours  d'études  à  deux 
ans,  de  supprimer  les  cours  faisant  double  emploi  avec  ceux 
des  écoles  spéciales,  et  voulut  que,  dans  celles-ci,  on  pût 
entrer  sans  passer  par  l'Ecole  polytechnique.  La  lutte  fut  vive 
et  se  prolongea  pendant  toute  l'année  1797.  Une  discussion 
d'ensemble  s'engagea  au  conseil  des  Cinq-Cents.  Le  projet  de 
réforme  ne  put  aboutir,  le  coup  d'Etat  du  18  brumaire  étant 
survenu  avant  que  les  deux  conseils  se  fussent  mis  d'accord. 
Pendant  toute  cette  période,  l'enseignement  de  l'Ecole 
fonctionnait  d'une  manière  irrégulière  ;  il  était  réduit,  en 
fait,  à  deux  années.  L'année  scolaire  durait  dix  mois,  le 
onzième  étant  réservé  aux  examens,  le  douzième  aux  va- 
cances. On  avait  arrêté  un  règlement  disciplinaire.  D'autre 
part,  l'Ecole  d'artillerie  de  Châlons  avait  ouvert  des  exa- 
mens et  se  re(^rutait  hors  des  polytechniciens  ;  la  marine 
de  même.  Enfin,  la  loi  sur  la  conscription  avait  menacé 
l'existence  même  de  l'Ecole,  puisque  la  première  division 
presque  entière  était  réclamée  et  aurait   dû  quitter  les 

26 


ÉCOLE 


^—  40^  — 


études  si  on  n'avait  obtenu  contre-ordre.  Un  des  reproches 
adressés  aux  élèves,  dans  ces  années,  fut  d'être  imbus  d'idées 
réactionnaires.  En  effet,  au  13  vendémiaire,  quelques-uns, 
8  au  moins,  se  joignirent  aux  insurgés  royalistes,  Monge 
obtint  leur  grâce  ;  parmi  eux  étaient  Biot  et  Malus.  Les 
querelles  des  élèves  avec  la  police  étaient  fréquentes.  Enfin 
plusieurs  se  mêlèrent  aux  clichyens  ou  prirent  part  aux 
manifestations  qui  précédèrent  le  18  fructidor.  Au  lende- 
main de  ce  coup  d'Etat,  les  polytechniciens  s'y  montrèrent 
hostiles.  Néanmoins,  la  grande  majorité  étaient  républi- 
cains. Tous,  d'ailleurs,  prêtaient,  au  moment  de  la  ren- 
trée, le  serment  civique  d'amour  à  la  République  et  de 
haine  éternelle  à  la  royauté.  Après  le  coup  d'Etat  de  fruc- 
tidor et  malgré  l'intervention  de  Prieur,  l'Ecole,  accusée 
d" incivisme,  dut  exclure  4  élèves  hostiles  à  la  République; 
2  autres  furent  blâmés  et  7  censurés. 

Presque  dès  le  début,  les  polytechniciens  avaient  reçu 
un  uniforme.  La  loi  du  9  frimaire  an  VIII  les  ayant  assi- 
milés aux  gardes  nationaux  en  activité  de  service,  on  dé- 
cida de  leur  faire  porter  le  costume  de  canonnier  de  la 
garde  nationale.  Cette  décision  resta  lettre  morte.  Ce  n'est 
que  deux  ans  plus  tard  qu'on  mit  les  élèves  en  demeure  de 
se  procurer  cet  uniforme  :  habit  à  châles  fermé  par  cinq 
boutons,  coupé  à  la  française  (fendu  par  derrière,  un  bou- 
ton au-dessus  de  chaque  poche,  les  ganses  remplacées  par 
des  boutonnières  ordinaires),  veste  et  pantalon  couleur  bleu 
national,  boutons  dorés,  chapeau  à  trois  cornes.  Les  élèves 
refusaient  de  le  porter  ou  le  dissimulaient  sous  une  longue 
redingote  de  couleur.  On  accepta  la  redingote  comme  effet 
réglementaire,  mais  on  y  adapta  un  collet  noir  de  4  centim. 
au  moins.  —  Afin  de  constater  l'assiduité,  surtout  aux 
cours  du  soir  concurrencés  par  le  théâtre,  on  fit  signer  des 
feuilles  de  présence,  on  procéda  à  des  appels,  on  distribua 
des  cartes  de  circulation,  on  exigea  le  port  de  l'uniforme. 
Beaucoup  de  personnes  réclamaient  le  casernement.  En 
l'an  YII  fut  proposé  un  règlement  draconien  qui  fut  adouci 
et  inscrit  dans  la  loi  du  25  frimaire  an  YIII  (16  déc.  1799). 
Cette  loi  consacre  la  troisième  organisation  de  l'Ecole 
polvtechnique.  Elle  a  été  souvent  modifiée  depuis  lors, 
maïs  par  décret  ou  ordonnance  ;  elle  demeure  la  charte 
fondamentale.  L'Ecole  est  destinée  à  répandre  l'instruction 
des  sciences  mathématiques,  physiques  et  chimiques,  et 
^     parlicuHèrement  à  former  des  élèves  pour  les  écoles  d'ap- 
plication des  services  publics.  Le  nombre  des  élèves  est 
fixé  à  300,  la  limite  d'âge  pour  les  candidats  de  seize 
ans  au  moins  à   vingt  ans  au  plus,  vingt-six  ans  pour 
les  militaires  ayant  fait  deux  campagnes  ou  trois  ans  de 
service.  On  n'exigeait  plus  le  certificat  d'études  dans  une 
des  écoles  nationales,  mais  une  attestation  de  bonne  con- 
duite et  d'attachement  à  la  République,  délivrée  par  l'ad- 
ministration municipale.  La  durée  des  études  était  de  deux 
ans.   Ciiaque  candidat  devait  déclarer  à  l'examinateur  le 
service  auquel  il  se  destinait  ;   il  ne  pouvait  plus,  après 
son  entrée  à  l'Ecole,  changer  sa  destination  primitive.  On 
voulait  ainsi  garantir  le  recrutement  de  tous  les  services.  On 
avait  donc  ainsi  des  collections  d'élèves  affectés  aux  divers 
services,  mais  fondues  à  l'Ecole  et  recevant  une  instruc- 
tion uniforme.  Tous  avaient  le  grade  et  la  solde  de  sergent 
d'artillerie.  S'ils  n'étaient  pas  placés  dans  un  service  pu- 
blic à  leur  sortie,  ils  restaient  attachés  à  leur  classe  mi- 
litaire, selon  leur  numéro  de  tirage  au  sort.  Il  fut  créé,  à 
côté  du  conseil  des  professeurs,  un  conseil  de  perfection- 
nement où  entrèrent  les  examinateurs  de  sortie,  des  mem- 
bres de  l'Institut,  des  agents  supérieurs  ou  ofTiciers  géné- 
raux,   des  délégués  du   précédent  conseil.  Le  nouveau 
programme  d'admission  fut  rédigé  par  Monge,  les  cours 
généraux  perfectionnés,  les  cours  d'appUcation  maintenus. 
Le  règlement  de  l'an  VIll  précisa  la  discipHne,  Jes  de- 
voirs des  élèves  et  les  punitions  à  leur  infliger  ;  c'étaient  : 
1°  la  réprimande,  communiquée,  s'il  y  a  heu,   aux  pa- 
rents ;  2^  les  arrêts,  dans  un  local  de  l'Ecole  ;  3«  l'aver- 
tissement, donné  par  le  directeur,  en  présence  du  conseil 
assemblé;  4°  l'exclusion.  Bientôt,  l'accès  des  salles  d'étude 


fut  interdit  aux  étrangers.  Dès  cette  époque,  la  vie  deve- 
nait moins  dure.  Elle  l'avait  été  beaucoup  dans  les  pre- 
mières années;  sur  274  élèves,  on  en  comptait  160  sans 
fortune,  seulement  39  présumés  riches,  et  le  traitement  en 
monnaie  dépréciée,  souvent  payé  en  retard,  ne  suffisait 
pas  ;  dans  les  onze  premières  années,  sur  les  397  élèves 
qui  durent  quitter  l'Ecole,  260  le  firent  pour  insuffisance 
de  fortune.  Le  patriotisme  des  élèves  n'en  était  pas  moins 
ardent  ;  38  partirent  avec  l'expédition  d'Egypte  ;  en  1803, 
ils  s'offrirent  pour  la  descente  en  Angleterre  et  construi- 
sirent de  leurs  mains  et  à  leurs  frais  une  chaloupe  canon- 
nière dans  la  Seine,  la  Polytechnique;  26  furent  appelés 
à  Boulogne.  Ce  dévouement  est  d'autant  plus  remarquable 
que,  personnellement,  le  premier  consul  était^  peu  sympa- 
thique aux  élèves  qui  avaient  blâmé  le  coup  d'Etat  de  bru- 
maire, refusé  de  voter  pour  la  transformation  du  consulat 
tempora.re  en  consulat  à  vie  et  failhrent  manifester  contre 
la  fondation  de  l'Empire.  . 

En  ces  années,  les  nécessités  du  service  militaire  hrent 
souvent  puiser  à  l'Ecole  polytechnique,  où  l'on  prit  30  as- 
pirants de  marine,  des  lieutenants  d'artillerie  (40,  puis 
79),  des  sous-lieutenants  d'infanterie  parmi  les  élèves  en 
cours  d'études  ;  on  abaissa  la  limite  d'âge  à  trente  ans 
pour  les  candidats  militaires  (11  germinal  an  XI) ,  y  admet- 
tant des  canonniers,  des  sapeurs,  qui  venaient  de  s'enga- 
ger depuis  quelques  jours  ;  le  premier  consul  envoya  a 
l'Ecole  un  gamin  de  quinze  ans  en  attendant  qu'il  eût  l'âge 
pour  être  officier  de  cavalerie.  En  somme,  la  tendance  de 
Bonaparte  était  de  transformer  l'Ecole  en  une  institution 
militaire.  Tel  fut  l'objet  du  décret  du  27  messidor  an  XII 
(16  juil.  1804),  signé  à  Boulogne  dans  un  mouvement 
d'humeur.  Un  gouverneur  militaire  est  placé  à  la  tête, 
sous  ses  ordres  tout  un  personnel  militaire;  les  élèves, 
formés  en  un  bataillon,   sont  casernes  et  astreints  à  des 
exercices  militaires  journaliers  ;  l'étabUssement  est  ratta- 
ché au  ministère  de  la  guerre.   La  transformation  de  la 
grande  Ecole  créée  par  la  Convention  en  un  internat  mili- 
taire lui  eût  porté  un  coup  mortel  si  son  fonctionnement, 
pendant  une  dizaine  d'années,  sous  des  hommes  d'élite,  n  y 
eût  développé  une  tradition  scientifique  qui  résista  à  cette 
épreuve  et  lui  maintint  son  caractère.  Il  faut  signaler 
comme  particulièrement  regrettable  le  décret  du  22  fruc- 
tidor an  XII  (sept.  1805),  qui  imposa  aux  élèves  le  paye- 
ment d'une  pension  de  800  fr.  Le  dictateur  voulait  s'ap- 
puver  sur  les  classes  aisées,  se  souciant  peu  des  pauvres. 
En  revanche,   en  1806,  le  conseil   de  perfectionnement 
adopta  une  mesure  qui  semblait  réaliser  un  progrès.  Au 
lieu  d'être  reçus  dans  chaque  service  d'après  la  déclaration 
faite  à  l'entrée,  les  élèves  furent   classés  entre  ceux-ci 
d'après  les  résultats  des  examens  de  sortie.  Une  prime  était 
ainsi  accordée  au  mérite  et  au  travail.  Il  est  vrai  qu  on 
substituait  au  choix  d'une  carrière  hbrement  acceptée  1  obh- 
gation  d'entrer,  suivant  le  rang  de  classement,  dans  une 
autre  pour  laquelle  on  pourrait  n'avoir  pas  de  vocation  m 
d'aptitude  particuhère.  L'enseignement  fut  amoindri  sur  la 
demande  des  militaires  ;  on  supprima  la  plupart  des  cours 
d'application;  on  restreignit  le  temps  consacré  au  dessin. 
La  ruine  de  l'Ecole  polytechnique  faillit  être  consommée, 
car  l'empereur  avait  fait  rédiger  un  projet  de  décret  pour 
la  remplacer  par  une  école  napoléonienne  recrutant  des 
officiers  pour  toutes  les  armes.  Ce  projet,  rédigé  en  quatre- 
vingts  articles,  fut  heureusement  écarté.  L'empereur  vou- 
lait aussi  utiliser  pour  l'armée  tous  les  élèves  de  1  Ecole 
polytechnique,  les  besoins  de  l'artillerie  étant  énormes  ; 
puis  il  changea  d'idées,  et  le  décret  du  30  août  1811  dé- 
clara que,  dorénavant,  l'Ecole  ne  fournirait  plus  de  sujets 
pour  l'artillerie.  Le  ministre  de  la  guerre  prélèverait  ceux 
dont  il  aurait  besoin  pour  le  génie,  les  autres  seraient  don- 
nés aux  ponts  et  chaussées,  aux  mines,  aux  poudres  et 
salpêtres  et  autres  services  civils.  Il  est  vrai  qu'un  mois 
plus  tard,  l'empereur  recommença  à  prendre  des  artilleurs 
à  l'Ecole,  et  qu'en  1812,  il  n'en  laissa  que  11  aux  ser- 
vices civils.  L'artillerie  et  le  génie  se  recrutèrent  a  la  lois 


de  ce  côté  et  dans  les  autres  écoles  militaires  (lycées,  pry ta- 
nces, etc.). 

Le  casernement  avait  obligé  à  déménager.  Le  Palais- 
Bourbon  ne  pouvant  suffire,  on  chercha  un  autre  local  :  le 
château  de  Saint-Germain,  celui  de  Vincennes,  laSorbonne, 
le  couvent  des  Minimes,  Fhôtel  de  Biron,  la  maison  des 
Jacobins  de  la  rue  Saint-Dominique  furent  proposés  :  on 
choisit  le  collège  de  Navarre  où  l'on  s'installa  en  nov.  1803. 
Le  régime  miUlaire  fut  mis  en  activité  dès  août  1804  par 
le  général  Lacuée  nommé  gouverneur  ;  les  quatre  compa- 
gnies furent  organisées  par  des  officiers  d'infanterie,  les 
sous-officiers  étant  pris  parmi  les  élèves.  Le  bataillon  de 
l'Ecole  (dont  les  élèves  des  ponts  et  chaussées  formaient  la 
cinquième  compagnie)  reçut  son  drapeau  en  même  temps 
que  les  autres  le  8  déc.  1804  lors  de  la  grande  distribution 
des  aigles  au  Champ  de  Mars.  Il  fut  remis  par  l'empereur 
au  sergent  Arago.  Il  avait  une  hampe  en  bois  peint  et 
verni  en  bleu,  protégée  en  bas  par  une  armure  en  cuivre 
doré  et  surmontée  de  l'aigle  impériale.  Le  corps  était  un 
carré  formé  par  un  losange  de  talFetas  blanc  bordé  d'une 
branche  de  laurier  peinte  en  or  et  terminée  par  des  triangles 
alternatifs  bleus  et  rouges ,  garnis  de  couronnes  du  même 
feuillage.  Le  champ  portait  deux  inscriptions  en  lettres  d'or  : 
d'un  côté,  «  L'empereur  des  Français  aux  élèves  de  l'Ecole 
polytechnique  »  ;  de  l'autre,  «  Tout  pour  la  patrie ,  les 
sciences  et  la  gloire  ».  Enfin  on  adopta  un  uniforme  de 
grande  et  de  petite  tenue.  La  grande  tenue,  celle  des  diman- 
ches et  fêtes,  comportait  un  habit  bleu  national  (avec  1 1  gros 
boutons  et  22  petits)  à  la  française,  avec  collet  montant  en 
drap  écarlate  et  revers  blancs,  les  pattes  et  parements  noirs, 
les  contre-épaulettes  bleues, les  boutons  dorés,  les  retroussis 
en  drap  écarlate  en  forme  de  triangle.  En  outre,  une  veste 
en  drap  blanc  très  fin  (à  12  petits  boutons),  une  culotte  de 
même  couleur,  des  guêtres  de  toile  blanche  (46  boutons), 
un  chapeau  à  trois  cornes  avec  bordure  en  galon  noir  et 
ganse  jaune,  deux  palmettes  en  soie  bleue  et  la  cocarde 
nationale.  La  petite  tenue  se  composait  d'un  surtout  en  drap 
bleu  avec  parements  noirs,  d'une  veste  de  même  étoffe  et 
de  guêtres  d'estamette  noire,  d'une  redingote  croisée  de  drap 
bleu,  d'un  bonnet  de  police  à  lisière  écarlate  et  gland  jaune, 
de  la  giberne  et  du  havresac.  Les  grades  se  marquaient  pour 
les  caporaux  par  deux  galons  jaunes  sur  chaque  manche 
ornés  de  deux  palmettes  en  soie  bleue.  Les  sergents  n'avaient 
qu'un  galon  d'or  et  les  mêmes  palmettes.  Eux  seuls  étaient 
autorisés  à  porter  l'épée  hors  de  l'Ecole.  La  tenue  de  sortie 
était  arbitraire  et  ne  fut  régularisée  qu'en  1 813  où  le  schako 
et  les  guêtres  noires  furent  imposés  à  tous. 

L'hostihté  des  polytechniciens  pour  l'Empire  se  manifesta 
dès  l'origine.  Quand  on  leur  demanda  le  serment  d'obéis- 
sance, la  plupart  se  bornèrent  à  l'appel  de  leur  nom  à  ré- 
pondre :  Présent  !  le  fils  de  Brissot  le  girondin,  s'écria  :  Non  ! 
L'empereur  n'osa  sévir  quand  il  constata  l'étendue  de  la 
résistance.  Le  résultat  du  casernement  fut  de  solidariser 
les  élèves  et  de  les  liguer  contre  leurs  chefs.  Les  anciens 
imposèrent  aux  nouveaux  ou  conscrits  des  brimades  souvent 
violentes  qui  d'abord  donnèrent  lieu  à  des  désordres  ; 
en  déc.  1809,  ils  se  mirent  à  45  pour  aller  rosser  Malte- 
Brun  chez  lui.  Le  régime  miUtaire  fut  donc  nuisible  à  la 
discipline,  en  môme  temps  qu'il  atîaiblissait  les  études. 
L'esprit  frondeur  des  élèves  céda  un  moment  à  l'enthou- 
siasme qu'inspiraient  les  grandes  victoires  de  1803  et 
1806,  mais  reparut  vite,  malgré  les  prévenances  du  sou- 
verain, qui  faisait  figurer  l'Ecole  polytechnique  dans  les 
cérémonies  aussitôt  après  la  garde  impériale,  en  tête  de 
l'armée.  Au  moment  où  la  France  fut  à  son  tour  envahie, 
les  élèves  demandèrent  des  armes.  On  en  forma  trois  com- 
pagnies de  l'artillerie  de  la  garde  nationale.  Le  28  mars,  on 
les  envoya  avec  trente  pointeurs  à  la  barrière  du  Trône 
servir  vingt-huit  pièces  ;  engagée  imprudemment  le  29  mars 
sur  la  route  de  Vincennes,  cette  artillerie  fut  attaquée 
par  les  cosaques  ;  les  élèves  se  défendirent  vaillamment, 
19  furent  blessés  et  l'ennemi  repoussé.  Après  la  capitu- 
lation, ils  se  retirèrent  à  Fontainebleau.  Plus  tard,  ils  ne  i 


^03  —  ÉCOLE 

rentrèrent  qu'à  contre-cœur,  69  envoyèrent  leur  démis- 
sion. Malgré  les  avances  des  Bourbons,  ils  leur  restaient 
hostiles  ;  ils  refusèrent  de  les  appuyer  au  moment  du 
retour  de  Napoléon  et  se  mirent  à  la  disposition  de  celui-ci  ; 
même  après  Waterloo,  ils  se  préparaient  à  combattre 
quand  on  livra  Paris  aux  alliés.  L'Ecole  polytechnique  ne  fut 
pas  frappée  sur-le-champ  par  la  réaction.  Ce  n'est  qu'en 
avr.  1816  qu'on  la  licencia  à  l'occasion  d'un  conflit  entre 
le  gouverneur  et  les  élèves,  qui  réclamaient  le  renvoi  d'un 
répétiteur.  Au  moment  du  licenciement,  les  élèves  formèrent 
pour  s'entr'aider  une  association  qui  eut  ses  bureaux  à 
Paris,  Metz,  Montpellier,  Lyon  et  Saint-Jean-d'Angely. 

Le  travail  de  réorganisation  de  l'Ecole  polytechnique  fut 
confié  à  une  commission  sous  la  direction  de  Laplace.  On 
se  rapprocha  sur  certains  points  du  régime  initial,  et  l'or- 
donnance du  4  sept.  1816  marque  un  progrès  sur  le  système 
impérial.  L'internat  fut  maintenu,  mais  l'appareil  mifitaire 
supprimé  ;  l'uniforme  fut  civil  :  frac,  pantalon  bleu,  chapeau 
rond,  palmes  d'or  au  collet  et  boutons  d'or.  On  porta  le 
prix  de  la  pension  à  1,000  fr.  pour  favoriser  le  recrutement 
dans  les  classes  distinguées  ;  on  créa  pourtant  vingt-quatre 
bourses.  Le  conseil  de  perfectionnement  fut  composé  de 
quinze  personnes  étrangères  à  l'Ecole  ;  celle-ci  était  subor- 
donnée au  ministère  de  l'intérieur.  Les  fonctions  d'exami- 
nateur d'admission  devinrent  permanentes  et  incompatibles 
avec  celles  de  professeur  ou  de  répétiteur.  Tout  candidat 
fut  tenu  de  déclarer  s'il  se  destinait  à  un  service  public  et 
auquel,  en  désignant  ceux  qu'il  choisirait  successivement  à 
défaut  de  place  dans  les  premiers  ;  bientôt  on  autorisa  les 
élèves  à  modifier  ces  déclarations  jusqu'au  dernier  mois  pré- 
cédant l'examen  de  sortie.  La  disparition  des  cours  d'appli- 
cation commencée  en  1806  fut  consommée;  on  rétablit 
toutefois  celui  qui  était  consacré  à  la  théorie  des  machines  ; 
on  donna  plus  d'importance  à  l'instruction  littéraire  et  à 
l'instruction  religieuse.  La  faculté  de  passer  une  troisième 
année  à  l'Ecole  fut  restreinte  et  devint  exceptionnelle.  On 
discuta  vivement  dans  les  années  suivantes;  en  1820,  le 
conseil  de  perfectionnement  voulait  revenir  à  l'externat  ;  en 
1822,  au  contraire,  on  préférait  un  régime  militaire.  Les 
ordonnances  du  17  sept,  et  du  20  oct.  1822  changèrent  peu 
de  chose  :  suppression  du  conseil  d'instruction,  nomination 
d'un  gouverneur  qui  eut  à  peu  près  tous  les  pouvoirs.  On 
avait  mis  l'Ecole  sous  la  protection  du  duc  d'Angoulême,  qui 
s'en  occupa  activement,  mais  sans  pouvoir  lui  rendre  son 
ancien  éclat.  En  1816,  on  ne  reçut  que  74  élèves;  il  n'y 
avait  eu  que  124  candidats.  On  voulait  empêcher  les  élèves  de 
sortir  librement  le  dimanche  et  le  mercredi,  les  conduisant  en 
promenade  commune,  comme  les  séminaristes  et  les  lycéens  ; 
ils  résistèrent  et  on  leur  céda.  De  même,  il  fallut  tolérer  les 
initiations  et  mystifications  imposées  aux  conscrits  pen- 
dant la  période  dite  d'absorption  (les  deux  premiers  mois). 
La  séance  des  ombres  où  l'on  fait  défiler  les  silhouettes  (en 
ombres  chinoises)  de  tout  le  personnel  de  l'Ecole  devint  dès 
lors  classique.  Ces  vexations  imposaient  l'autorité  des  anciens 
et  prouvaient  la  solidarité  des  élèves,  qui  décidaient  à  la 
majorité  ce  qu'ils  feraient  dans  un  cas  déterminé,  tenant 
tête  à  l'autorité  dès  qu'ils  étaient  unis,  car  on  ne  pouvait 
que  les  licencier  en  masse,  mesure  toujours  grave  et  diffi- 
cile à  prendre.  Les  élèves  ont  fini  par  dresser  un  code  de 
leurs  lois  communes,  le  Code  X,  rédigé  en  1849-1830, 
mais  d'origine  bien  antérieure.  La  camaraderie  et  l'esprit 
de  corps  en  ont  été  fortifiés. 

C'est  en  1823  qu'on  rendit  aux  élèves  l'uniforme  militaire, 
celui  qu'ils  ont  gardé  et  rendu  si  populaire  :  habit  à  un  seul 
rang  de  boutons  avec  revers  rouges ,  parements  et  col  en 
velours  noir,  boutons  de  l'artillerie  et  du  génie,  chapeau  à 
deux  cornes  porté  en  bataille.  L'épée  ne  fut  portée  jusqu'en 
1830  que  par  les  sergents.  Les  élèves  adoptèrent  peu  après 
le  manteau  à  la  Chiroga,  à  la  mode  en  ce  temps,  mais  non 
réglementaire. 

Fidèles  à  la  cause  libérale,  les  polytechniciens  étaient  tenus 
à  une  grande  réserve  par  la  surveillance  du  pouvoir.  Une 
vente  de  carbonari  existant  à  l'Ecole,  on  hcencia  une  salle 


ÉCOLE 


—  404  — 


entière;  Perdonnet,  Léonce  Reynaud  furent  exclus;  cette 
vente,  dont  le  chef  était  Etienne  Arago,  disparut  bientôt. 
Lors  de  ses  visites,  le  duc  d'Angoulême  était  accueilli  au  cri 
de  «  Vive  la  charte  !  ».  On  faisait  de  grands  efforts  pour 
inculquer  des  idées  religieuses  aux  élèves  :  prière  en  commun 
le  matin  et  le  soir  après  l'appel,  messe  à  la  chapelle  de 
l'Ecole,  observation  des  abstinences  commandées  par  l'Eglise, 
invitation  à  se  confesser  et  communier.  L'abbé  de  Noirlieu 
fit  supprimer  les  vêpres  pour  laisser  aux  élèves  toute  leur 
journée  du  dimanche.  Ce  qui  était  plus  grave,  les  listes 
d'admission  furent  épurées  par  le  ministre  de  l'intérieur,  qui 
raya  les  suspects.  Ces  vexations  tournaient  contre  leur  but. 
On  raillait  les  exercices  du  culte,  on  organisait  des  repas 
de  corps  où  Ton  chantait  la  Marseillaise,  C'est  l'époque  où 
les  polytechniciens  Auguste  Comte,  Bayard,  Enfantin,  Lau- 
rent de  l'Ardèche,  Marceau,  Transon,  Michel  Chevalier, 
Jean  Reynaud  devenaient  les  apôtres  d'une  foi  nouvelle. 
La  totalité  des  élèves  appartenaient  au  parti  Hbéral;  à  part 
trois  ou  quatre  chouans  ou  aristocrates,  la  plupart  étaient 
franchement  républicains.  Ils  eurent  occasion  de  le  prouver. 
L'Ecole  polytechnique  prit  une  part  active  à  la  révolution 
de  juillet  1830.  Le  mardi  ^27,  au  lendemain  des  ordon- 
nances, tandis  que  tout  Paris  s'organisait  pour  la  résis- 
tance, les  élèves  s'associèrent  au  mouvement  libéral.  Dans 
la  soirée,  lorsque  éclata  la  fusillade,  tous  quittèrent  la  salle 
de  dessin,  se  réunirent  et  se  préparèrent  à  la  lutte.  Au 
lendemain  matin,  la  garde  royale  occupa  l'Ecole,  mais  partit 
bientôt.  Charles  X  donna  l'ordre  de  licencier  les  élèves.  Ils 
revêtirent  leurs  uniformes  de  grande  tenue  et  sortirent. 
Une  soixantaine  se  mêlèrent  aux  combattants ,  dirigés  par 
leur  camarade  Charras;  on  en  trouve  aux  barricades  du 
faubourg  Saint- Antoine,  à  la  porte  Saint-Denis,  au  pont 
Notre-Dame,  au  Pont-Neuf,  surtout  dans  les  quartiers 
Saint-Jacques  et  Saint-Marceau;  à  la  place  de  l'Odéon,  ils 
centralisent  les  efforts,  prennent  la  direction  de  la  garde 
nationale  et  partent  à  la  tête  des  colonnes  insurgées  ;  l'un 
d'entre  eux,  Vaneau,  fut  tué  à  l'attaque  de  la  caserne  de 
la  rue  de  Babylone,  où  l'élève  Guillemaux  se  distingua; 
d'autres  contribuaient  à  la  prise  du  Louvre.  Après  la  vic- 
toire, les  polytechniciens  se  rendent  à  l'Hôtel  de  ville,  servent 
de  délégués  au  gouvernement  et  à  la  commission  munici- 
pale, d'aides  de  camp  du  duc  d'Orléans,  du  commandant 
de  la  garde  nationale,  des  officiers  généraux.  On  leur  confie 
toutes  sortes  de  missions,  les  envoyant  en  province;  ils 
mettent  quelque  ordre  dans  l'expédition  de  Rambouillet. 
Parmi  ceux  qui  se  distinguèrent  le  plus  dans  la  révolution  de 
1830,  on  cite,  outre  Vaneau,  Charras,  Lothon,  Bosquet, 
Baduel,  Tamisier,  Gavarret,  Guillemaux,  etc.  Vaneau  fut 
solennellement  inhumé  le  31  juil.  au  cimetière  Montpar- 
nasse ;  ses  camarades  lui  élevèrent  un  monument  et  chaque 
année,  le  28  juil.,  ils  viennent  porter  des  couronnes  sur  sa 
tombe  pour  célébrer  l'anniversaire  de  sa  mort  glorieuse. 

La  conduite  des  polytechniciens  dans  les  journées  de 
Juillet  leur  valut  une  grande  popularité.  Le  peuple  pari- 
sien se  prit  pour  eux  d'une  vive  aff'ection  ;  les  poètes 
chantaient  leur  valeur.  Lafayette  exprimait  le  sentiment 
général  en  rédigeant  son  ordre  du  jour  du  5  août  1830  : 
«  En-présence  des  services  rendus  à  la  patrie  par  la  popu- 
lation parisienne  et  les  jeunes  gens  des  écoles,  il  n'est 
aucun  citoyen  qui  ne  soit  pénétré  d'admiration,  de  con- 
fiance, je  dirai  même  de  respect,  à  la  vue  de  ce  glorieux 
uniforme  de  l'Ecole  polytechnique,  qui,  dans  ce  moment 
de  crise,  a  fait  de  chaque  individu  une  puissance  pour  la 
conquête  de  la  Uberté  et  le  maintien  de  l'ordre  public.  Le 
général  en  chef  prie  les  élèves  de  l'Ecole  polytechnique  de 
désigner  un  de  leurs  membres  pour  rester  auprès  de  lui 
en  qualité  d'aide  de  camp.  » 

Des  félicitations  arrivaient  de  partout,  de  France,  d  Eu- 
rope, même  d'Amériiiue,  d'où  l'académie  (école  militaire) 
^Q  West-Point  envoya  une  adresse  à  ses  collègues  de 
l'Ecole  polytechnique.  Le  17  août  fut  donné  un  vaste 
banquet  en  l'honneur  des  polytechniciens  ;  il  réunit  plus 
de  quatre  cents  convives  dans  l'Orangerie  du  Louvre.  Le 


lendemain,  à  l'Hôtel  de  ville,  fut  tenue  une  assemblée  des 
élèves  actuels  et  des  anciens  élèves  de  l'Ecole,  qui  fonda 
une  institution  destinée  à  resserrer  les  liens  entre  les  po- 
lytechniciens et  le  peuple  ;  il  s'agit  de  V Association  poly- 
technique, où  les  jeunes  savants  organisèrent  des  cours 
pour  l'instruction  des  ouvriers  ;  Auguste  Comte,  M.  Cour- 
tral,  Al.  Meissas,  Aug.  Perdonnet  furent  parmi  les  pre- 
miers professeurs.  L'esprit  de  générosité  des  jeunes  poly- 
techniciens allait  être  mis  à  une  épreuve  plus  décisive  encore. 

Le  6  août,  Louis-Philippe  avait  signé  une  ordonnance 
ainsi  conçue  :  «  Nous,  Louis-Philippe,  duc  d'Orléans,  lieu- 
tenant général  du  royaume,  considérant  les  services  dis- 
tingués que  les  élèves  de  l'Ecole  polytechnique  ont  rendus 
à  la  cause  de  la  patrie  et  de  la  liberté,  et  la  part  glorieuse 
qu'ils  ont  prise  aux  héroïques  journées  des  27,  28  et 
29  juillet;  avons  arrêté  et  arrêtons:  Art.  1^^  Tous  les 
élèves  de  l'Ecole  polytechnique  qui  ont  concouru  à  la 
défense  de  Paris  sont  nommés  au  grade  de  lieutenant.  -- 
Art.  2.  Ceux  d'entre  eux  qui  se  destinent  à  des  services  civils 
recevront,  dans  les  diverses  carrières  qu'ils  embrasseront, 
un  avancement  analogue.  —  Art.  3.  Ils  ne  passeront  point 
d'examens  pour  leur  sortie  de  l'Ecole,  mais  ils  seront 
classés  d'après  les  notes  qu'ils  auront  obtenues  pendant  la 
durée  du  séjour  qu'ils  y  ont  fait.  —  Art.  4.  Un  congé  de 
trois  mois  leur  est  accordé.  —  Art.  5.  Vu  la  difficulté  de 
reconnaître  parmi  tant  de  braves  ceux  qui  sont  les  plus 
dignes  d'obtenir  la  croix  de  la  Légion  d'honneur,  les  élèves 
désigneront  eux-mêmes  douze  d'entre  eux  pour  recevoir 
cette  décoration.  »  Cette  ordonnance  très  maladroite  sou- 
leva de  graves  difficultés.  Les  élèves  refusèrent  la  croix. 
La  nomination  au  grade  de  lieutenant,  qu'on  mettait  quatre 
ans  à  conquérir,  parut  excessive.  Elle  portait  le  plus  grand 
préjudice  aux  élèves  de  l'Ecole  de  Metz,  qui  protestèrent 
violemment.  Sur  l'initiative  d'Arago,  les  élèves,  à  la 
presque  unanimité,  demandèrent  à  renoncer  à  ces  avan- 
tages pour  ne  pas  nuire  à  l'avancement  de  leurs  prédéces- 
seurs. La  seule  récompense  que  les  élèves  de  seconde 
année  acceptèrent  fut  de  voir  remonter  la  possession  de 
leur  grade  de  sous-lieutenant  au  6  août,  gagnant  trois  mois 
d'ancienneté.  Le  désintéressement  et  la  correction  dont 
les  polytechniciens  faisaient  preuve  contribuèrent,  autant 
que  leur  bravoure  et  leur  fidélité  à  la  cause  libérale,  à 
leur  valoir  la  popularité  exceptionnelle  qu'ils  ont  su  con- 
server depuis  lors.  Il  y  eut,  il  est  vrai,  une  contre-partie  : 
l'Ecole  se  trouva  plus  engagée  dans  la  poUtique  qu'il  n'était 
nécessaire  et  désirable,  et,  pendant  toute  la  période  si  agitée 
qui  occupa  les  premières  années  de  la  monarchie  de  Juillet, 
les  élèves  furent  mêlés  à  toutes  les  affaires  et  à  toutes  les 
agitations  parisiennes.  L'Ecole  polytechnique  eut  alors  une 
véritable  histoire  politique. 

Aussitôt  après  la  Révolution,  les  élèves  avaient  été 
classés  dans  les  services  publics  et  envoyés  en  vacances. 
Une  commission  présidée  par  Arago  établit  une  réorgani- 
sation qui  fut  réalisée  par  l'ordonnance  du  13  nov.  1830. 
Cette  ordonnance,  signée  par  Montalivet  (ancien  élève  de 
l'Ecole),  ministre  de  l'intérieur,  consacrait  des  change- 
ments notables.  La  décadence  relative  de  l'Ecole  polytech- 
nique sous  la  Restauration  avait  motivé,  l'année  précé- 
dente, la  création  de  l'Ecole  centrale  qui  devait  former  des 
ingénieurs.  Il  était  urgent  de  fortifier  la  première.  Elle 
fut  placée  sous  la  direction  du  ministre  de  la  guerre  et 
n'eut  plus  d'autre  but  que  la  préparation  aux  écoles  spé- 
ciales de  service  pubhc.  On  conserva  l'internat,  mais  en 
accroissant  la  liberté  intérieure.  Aux  chefs  militaires  furent 
■  adjoints  un  directeur  des  études  et  un  conseil,  où  siégeaient 
les  professeurs  et  examinateurs  de  sortie  ;  un  répétiteur 
fut  adjoint  à  chacun  des  professeurs.  On  recula  à  vmgt- 
quatre  ans  la  Kmite  d'admission  pour  les  militaires.  Les 
élèves  eurent  la  faculté  de  passer  une  troisième  année  à 
l'Lcole  quand  ils  n'avaient  pas  eu  de  place  dans  le  service 
choisi  par  eux.  Ils  purent  entrer  comme  sous-lieutenants 
dans  l'intanterie  ou  la  cavalerie,  ou  encore  à  FEcole  fores- 
tière, ou  comme  élèves  libres  dans  les  écoles  d'application. 


Le  choix  du  service  dut  se  faire  irrévocablement  au  bout 
de  la  première  année  d'études.  La  carrière  de  la  marine 
fut  ouverte  auK  élèves.  Les  réclamations  des  élèves  reçu- 
rent satisfaction  par  l'ordonnance  du  25  nov.  1831  qui 
recula  à  la  fin  de  la  seconde  année  le  choix  de  la  carrière 
et  rétablit  le  conseil  de  perfectionnement.  —  En  somme, 
l'ordonnance  du  13  nov.  1830  changeait  peu  de  chose  et 
ne  modifiait  pas  le  caractère  de  l'Ecole,  qui  est  demeuré  à 
peu  près  le  même  jusqu'à  nos  jours. 

La  rentrée  eut  lieu  aussitôt  après  (18  nov.).  Arago, 
commandant  provisoire  de  l'Ecole,  reçut  le  serment  que  la 
loi  du  31  août  imposait  aux  fonctionnaires.  Puis  il  laissa 
les  élèves  s'organiser  eux-mêmes.  Affranchis  de  l'autorité 
des  officiers,  ils  se  réunirent  en  assemblée  générale  et 
votèrent  leur  règlement.  Le  service  religieux  fut  supprimé 
à  l'intérieur  de  l'Ecole  ;  plus  tard  (mars  1831),  on  s'en- 
tendit pour  le  faire  assurer  avec  le  curé  de  la  paroisse 
(Saint-Etienne-du-Mont)  qui  reçut  le  mobilier  et  les  orne- 
ments de  la  chapelle  et  s'engagea  à  dire  le  dimanche  une 
messe  basse  pour  les  élèves.  Les  sorties  du  mercredi  et  du 
dimanche  furent  prolongées  jusqu'à  minuit,  et  les  élèves 
s'accordèrent  la  faculté  de  sortir  chaque  jour  durant  la 
récréation  (de  deux  heures  à  cinq  heures) ,  mais  bientôt  ils 
se  contentèrent  de  deux  petites  sorties,  mardi  et  vendredi; 
ils  refusèrent  de  rétablir  l'externat.  Ils  obligèrent  les  pro- 
fesseurs impopulaires  à  se  retirer.  L'uniforme  fut  maintenu, 
le  port  de  l'épée  accordé  à  tous  les  élèves  (seuls  les  ser- 
gents l'avaient),  la  nourriture  fut  améliorée.  On  aurait  voulu 
obtenir  de  plus  grands  changements  et  modifier  l'ordon- 
nance de  réorganisation  ;  une  délégation  fut  envoyée  à  cet 
efi'et  au  roi,  qui  refusa  de  la  recevoir.  Puis  on  se  remit  au 
travail  sous  le  commandement  du  général  Bertrand. 

Mais  on  ne  cessa  pas  de  s'occuper  de  pofitique.  La  popu- 
lation ouvrière  de  Paris  était  hostile  à  la  monarchie  orléa- 
niste, implantée  par  surprise  ;  l'agitation  était  permanente. 
L'Ecole  y  prit  part.  Elle  figurait  aux  funérailles  de  Benja- 
min Constant.  Lorsque  le  procès  des  ministres  de  Charles  X 
et  leur  condamnation  insuffisante  faillirent  amener  une  in- 
surrection, les  autorités  conduisirent  l'Ecole  polytechnique 
au  Palais-Royal  pour  assurer  le  roi  de  son  dévouement. 
Mais,  d'accord  avec  les  étudiants,  les  élèves  faisaient  affi- 
cher un  manifeste  réclamant  de  larges  concessions  aux  idées 
démocratiques  et  républicaines.  Ils  protestèrent  au  nombre 
de  82  contre  l'attitude  des  députés  de  la  majorité.  Presque 
tous  appartenaient  au  parti  du  «  mouvement  »  contre  celui 
de  la  «  résistance  ».  Ils  discutent  passionnément  sur  les  af- 
faires du  pays,  ne  se  soumettent  aux  ordres  qu'après  les 
avoir  approuvés  au  scrutin.  Ils  s'affilient  aux  sociétés  se- 
crètes. Après  avoir  marché  d'accord  avec  la  garde  nationale, 
ils  s'en  séparent,  la  trouvant  trop  peu  avancée.  Ils  organisent 
une  vente  qui  se  met  en  rapport  avec  la  Charbonnerie  ; 
150  élèves  s'y  rendent  régulièrement  (rue  de  l'Arbre-Sec)  à 
la  suite  de  Latrade  et  de  Caylus.  Le  jour  des  funérailles  du 
général  Lamarque,  un  grand  nombre  sortent  malgré  la  dé- 
fense du  général  en  bousculant  les  officiers  de  service  ;  ils 
prirent  part  à  l'émeute,  défendant  notammentla  barricade  du 
boulevard  Bourdon.  L'Ecole  fut  licenciée  le  6  juin  ;  6  élèves 
furent  arrêtés,  un  seul  poursuivi  (de  Schalles)  ;   il  fut 
acquitté.  Auboutde  quelques  jours,  on  rappela  la  majorité 
des  élèves,    n'excluant    que   les  60    qui  étaient  sortis 
d'abord;  puis  on  les  reprit  en  leur  faisant  passer  un  nou- 
vel examen  d'admission  ;  au  mois  de  janvier,ils  furent  clas- 
sés en  première  division,  puis  envoyés  à  l'Ecole  de  Metz  en 
promotion  extraordinaire.  L'ordonnance  du  30  oct.  1832 
accrut  les  pouvoirs  du  général  commandant  l'Ecole,  créa 
un  conseil  d'administration  et  un  conseil  de  discipline. 

Cette  excitation  ne  nuisait  pas  aux  études  dirigées  par 
Coriolis  et  des  professeurs  comme  Pouillet,  Lamé,  Dulong, 
Hase.  C'est  à  cette  époque  que  la  prédilection  du  professeur 
de  littérature  Arnault  pour  la  famille  d'OEdipe  et  les  mal- 
heurs de  Laïus  fit  adopter  le  terme  de  laïus  pour  désigner 
une  composition  de  rhétorique.  Il  est  impossible  d'oublier 
la  part  qu'eurent  les  anciens  élèves  de  l'Ecole  au  mouve- 


-  405  ~  ÉCOLE 

ment  saint-simonien,  Jean  Regnaud,  Enfantin,  Aug.  Comte, 
Michel  Chevalier,  etc.  ;  ils  n'eurent  pas  le  temps  de  faire 
l)eaucoup  de  prosélytes  parmi  leurs  jeunes  camarades. 

5  élèves  de  l'iLcole  polytechnique  impliqués  dans  le 
procès  de  la  Société  des  droits  de  Vtioimne  furent  acquit- 
tés avec  les  autres  prétendus  conspirateurs  (20déc.  1833). 
Ce  procès  mit  le  comble  à  l'hostilité  des  polytechniciens 
pour  Louis-Philippe.  Ils  décidèrent  de  ne  plus  le  saluer  et 
tinrent  leur  parole.  Ils  continuaient  à  fraterniser  avec  les 
associations  républicaines.  En  déc.  1834,  la  première  di- 
vision fut  licenciée  (un  mois)  à  la  suite  d'une  révolte.  Dans 
les  années  suivantes,  l'effervescence  diminua  beaucoup.  Les 
démarches  faites  par  le  jeune  duc  d'Orléans  contribuèrent  à 
l'apaisement.  Comme  la  bourgeoisie,  dont  la  plupart  sor- 
taient, les  élèves  se  ralliaient  à  la  monarchie  de  Juillet. 
Lors  du  mouvement  de  Barbés  et  Blanqui  (12  mai  1839), 
les  élèves  prirent  parti  contre  les  insurgés  et  s'armèrent 
pour  défendre  l'Ecole.  Toutefois,  lorsqu'ils  virent  les  gardes 
municipaux  égorger  sous  leurs  yeux  devant  leur  grille  trois 
hommes  sans  défense,  ils  furent  indignés;  110  remon- 
tèrent dans  les  salles  d'étude  ;  152  restèrent  à  la  dispo- 
sition du  général.  Un  récit  erroné  ayant  été  publié  par  le 
Journal  des  Débats^  ils  lui  imposèrent  une  rectification.  On 
emprisonna  40  élèves  pendant  un  mois  et  on  déplaça  le 
général  Tholozé,  commandant  l'Ecole.  Durant  les  années 
suivantes,  la  discipline  se  relâcha  complètement.  Un  inci- 
dent provoqué  par  Duhamel,  qui  voulait  cumuler  les  fonc- 
tions de  directeur  des  études  et  d'examinateur  de  sortie,  fit 
licencier  l'Ecole  en  1844.  Le  général  Rostolan  y  rétablit 
une  discipline  rigoureuse. 

Au  24tëvr.  1848,  le  général  Aupick,  commandant  l'Ecole, 
conseilla  aux  élèves  de  ne  pas  sortir.  Ils  s'assemblèrent 
tumultueusement  à  l'amphithéâtre  et,  sur  l'avis  du  sergent 
fourrier  de  Freycinet,  résolurent  de  se  jeter  entre  les  com- 
battants pour  éviter  l'effusion  du  sang.  Ils  sortirent  donc, 
se  rendirent  à  la  mairie  du  XI^  arrondissement  (aujour- 
d'hui le  V'^),  sur  la  place  du  Panthéon,  et  se  divisèrent  en 
douze  groupes  pour  aller  dans  les  douze  arrondissements. 
Lorsque  Louis-Philippe  se  fut  enfui,  les  élèves  de  l'Ecole 
polytechnique  se  mirent  à  la  disposition  du  gouvernement 
provisoire  ;  20  d'entre  eux  lui  servirent  d'aides  de  camp, 
en  tête  de  Freycinet.  Ils  inspiraient  une  certaine  confiance 
au  populaire  et  leur  intervention  fut  plusieurs  fois  efficace.  Ils 
furent  chargés  des  missions  les  plus  diverses,  envoyés  comme 
commissaires  dans  les  départements.  Le  30  avril,  les  élèves 
rentraient  à  l'Ecole  que  commandait  le  général  Poncelet  ; 
sous  ses  ordres,  le  chef  d'escadron  Lebœuf  exerçait  l'autorité 
réelle.  Au  15  mai,  l'Ecole  se  prononça  en  faveur  de  l'As- 
semblée nationale.  Aux  journées  de  juin,  la  plupart  des 
élèves  étaient  sortis^ayant  achevé  leurs  examens.  lisse  mirent 
à  la  disposition  du  gouvernement  et  plusieurs  se  battirent 
pour  lui.  Après  l'année  1848,  le  rôle  politique  de  l'Ecole 
polytechnique  est  terminé;  la  direction  est  passée  de  la 
bourgeoisie  aux  masses  populaires  sur  lesquelles  son  influence 
est  minime;  elle  ne  se  désintéresse  pas  de  la  cause  libérale, 
mais  elle  n'a  plus  occasion  de  la  servir  activement  en  corps. 

L'arrêté  du  11  nov.  1848  change  peu  de  chose,  ouvrant 
aux  élèves  la  carrière  nouvelle  des  tabacs.  On  établit  la 
gratuité.  Mais,  l'année  suivante,  l'Ecole  fut  vivement  atta- 
quée. L'Ecole  centrale  d'une  part,  les  démocrates  de  l'autre, 
combattaient  son  privilège.  On  proposait  de  diviser  le  re- 
crutement des  services  publics,  civils  et  militaires,  et  de 
recruter  à  l'Ecole  militaire  les  officiers  de  toutes  armes, 
génie  et  artillerie  comme  les  autres.  Ces  projets  furent 
abandonnés.  La  gratuité  fut  supprimée  en  1850  et  une  com- 
mission mixte  chargée  d'établir  la  concordance  entre  l'en- 
seignement des  lycées  et  les  programmes  d'admission.  On 
adopta  pour  celui-ci  le  programme  de  la  classe  des  mathé- 
matiques spéciales.  Un  décret  du  l^»*  nov.  1852  réorganisa 
l'Ecole,  son  administration  et  l'enseignement.  Depuis  cette 
date,  il  n'y  eut  plus  que  de  légères  modifications,  résultant 
principalement  des  lois  sur  le  recrutement  de  1873  et 
1889.  Qutnt  au  rôle  politique  de  l'Ecole,  il  était  terminé. 


ÉCOLE 


406 


Au  2  décembre  on  supprima  la  sortie  et  on  fit  occuper 
la  conr  par  des  troupes.  Les  élèves  ne  bronchèrent  pas. 
Ils  se  bornèrent  ensuite  à  manifester  passivement  leur  hos- 
tilité envers  l'Empire.  Voici  les  principales  circonstances. 
Lors  de  la  revue  des  troupes  revenant  de  Crimée,  passée 
le  27  déc.  48oo  sur  la  place  de  la  Bastille,  le  bataillon  des 
élèves  acclama  les  soldats,  puis  lorsque,  marchant  en  tète 
des  troupes,  il  arriva  à  la  place  Vendôme,  pas  une  voix 
ne  répéta  le  cri  de  Vive  l'Empereur!  proféré  parle  général 
et  le  colonel.  Lors  des  fêtes  de  Compiègne,  la  cour  invita 
les  deux  sergents-majors;  on  vota  que  l'invitation  serait 
refusée.  Le  prince  impérial  vint  visiter  l'Ecole  (1868) 
avec  le  général  Froissard  ;  par  220  voix  contre  19,  on  vota 
que  nul  cri  ne  serait  proféré  à  son  arrivée. 

La  funeste  guerre  de  1870-71  fournit  aux  polytechniriens 
une  nouvelle  occasion  de  prouver  leur  patriotisme.  La  pro- 
motion de  1869  fut  appelée  à  Paris,  où  elle  alterna  ses 
études  avec  les  manœuvres  dans  sa  batterie  de  la  porte 
d'Italie  et  les  bastions  85-89  ;  peu  à  peu  les  élèves  furent 
répartis  dans  l'artillerie,  les  forts  et  les  batteries  de  cam- 
pagne ;  3  furent  tués  à  l'ennemi  (Benech,  Gayet,  Men- 
dousse).  Les  examens  de  1870  se  terminèrent  10*^12  sept.  ; 
la  plupart  des  élèves  ne  purent  entrer  à  Paris  ;  tandis  qu'ici 
l'Ecole  cessait  de  fonctionner,  on  la  rouvrait  à  Bordeaux  le 
4  janv.  1871.  Les  élèves  furent  bientôt  rappelés  à  Paris. 
Ils  y  arrivèrent  pour  assister  à  la  Commune.  Ils  se  pro- 
noncèrent contre  le  Comité  central  qui  ne  compta  que  qua- 
torze partisans  dans  le  vote  qui  eut  lieu.  Le  général  les 
invita  à  quitter  Paris,  ce  que  tous  firent  successivement; 
la  promotion  se  réunit  à  Tours,  où  elle  fut  casernée  dans 
l'hôtel  du  commandement.  Elle  rentra  à  Paris,  où  les 
insurgés   avaient   failli  brûler  les  bâtiments  de  l'Ecole. 
Depuis,  celle-ci  a  poursuivi  pacifiquement  sa  glorieuse  car- 
rière ;  le  caractère  démocratique  de  l'institution  s'accentue 
avec  la  proportion  croissante  des  bourses,  qui  atteint  la 
moitié  du  chiffre  total  des  élèves  et  assure  ainsi  tous  les 
avantages  de  la  gratuité.  Les  élèves  ont  d'ailleurs  leurs  cais- 
siers qui,  sur  le  fonds  commun,  accordaient  autrefois  quelque 
assistance  à  leurs  camarades  peu  fortunés,  leur  remettant 
un  peu  d'argent  de  poche.  Aujourd'hui,  l'argent  de  la  caisse 
sert  seulement  à  fournir  des  secours  aux  pauvres  du  quar- 
tier et  à  payer  les  obsèques  des  polytechniciens  morts  en 
cours  d'études.  Cette  fraternité  s'est  manifestée  en  1865  par 
la  création  de  la  Société  amicale  de  secours  des  anciens 
élèves  de  l'Ecole  polytechnique.  Organisée  par  les  pro- 
motions de  1863  et  1864,  elle  prit  un  rapide  essor.  Son 
capital  approche  du  miUion  ;  son  budget  dépasse  100,000  fr.; 
mais  sa  grande  importance  vient  de  ce  qu'elle  resserre  les 
liens  entre  les  camarades  de  tout  âge,  lesquels  se  prêtent 
les  uns  aux  autres  un  concours  d'autant  plus  efficace  qu'ils 
occupent  une  grande  partie  des  plus  hautes  situations  dans 
leur  pays,  à  commencer  par  la  présidence  de  la  République 
et  la  présidence  du  conseil  des  ministres. 

Pour  clore  cet  historique,  il  nous  reste  à  dire  quelques 
mots  du  local  occupé  par  l'Ecole  polytechnique.  On  sait  que, 
logée  d'abord  au  Palais-Bourbon,  elle  fut  transportée  en 
1804  sur  la  montagne  Sainte -Geneviève.  Elle  occupe 
remplacement  des  anciens  collèges  de  Navarre,  de  Bon- 
court  et  de  Tournai  (V.  ces  mots),  ces  deux  derniers 
annexés  au  premier  en  1638.  Le  bâtiment  des  Bacheliers, 
élevé  en  1738,  sert  aujourd'hui  de  pavillon  aux  élèves  ;  le 
pavillon  de  l'état-major  est  à  la  place  de  l'anrien  collège 
de  Boncourt;  ces  constructions  ont  été  achevées  sous 
l'Empire  ;  les  quatre  petits  pavillons  de  la  cour  de  Bon- 
court,  la  grille  d'honneur  et  le  porche  datent  de  la  Restau- 
ration. On  a  agrandi  le  pavillon  des  élèves  sous  la  monarchie 
de  Juillet  ;  les  travaux  du  square  Monge  ont  permis  quel- 
ques améliorations;  depuis  1870,  on  a  édifié  de  ce  côté, 
jusqu'à  la  rue  d'Arras,  un  bâtiment  pour  la  bibliothèque, 
les  salles  de  dessin,  les  collections  ;  puis  sur  les  rues 
d'Arras  et  Cardinal-Lemoine  un  bâtiment  et  un  amphithéâtre 
pour  la  physique.  Telles  quelles,  ces  constructions  sont 
encore  bien  défectueuses  ;  on  projette  de  les  compléter  ; 


de  temps  à  autre,  on  propose  de  quitter  le  quartier,  de 
transporter  l'école  hors  Paris,  à  Saint-Germain,  à  Meudon, 
à  Versailles,  à  Saint-Cloud  ;  on  voulut  la  mettre  à  l'Elysée 
en  1848.  Après  1870,  il  fut  question  du  Trocadéro.  Un 
jour  ou  l'autre,  on  se  décidera  à  la  reconstruire  sur  place 
pour  mettre  les  locaux  à  la  hauteur  des  exigences  de  l'hy- 
giène et  de  la  réputation  de  l'Ecole  polytechnique. 

Conditions  d'admission.  —  Nul  n'est  admis  à  l'Ecole 
que  par  voie  de  concours.  Pour  se  présenter  à  ce  concours, 
il  faut  que  le  candidat  ait  préalablement  justifié  :  1°  qu'il 
est  Français  ou  naturalisé  Français;  2°  qu'il  a  seize  ans 
au  moins  et  vingt  et  un  ans  au  plus  au  1^^  janv.  de  l'année 
du  concours.  —  Toutefois,  les  militaires  âgés  de  plus  de 
vingt  et  un  ans,  et  qui  auront  accompH  au  1^^  juil.  de 
Tannée  du  concours  six  mois  de  service  effectif  réel, 
seront  admis  à  concourir  pourvu  qu'ils  n'aient  pas  dépassé 
l'âge  de  vingt -cinq  ans  à  cette  même  date  et  qu'ils 
soient  sous  les  drapeaux  au  moment  des  compositions. 
Aucune  dispense  d'âge  ou  de  temps  de  service,  autre  que 
celles  qui  viennent  d'être  indiquées,  ne  sera  accordée.  — 
Les  militaires  admis  à  concourir  après  l'âge  de  vingt  et  un 
ans  ne  pourront  être  classés  à  leur  sortie  de  l'Ecole  que 
dans  les  services  militaires.  —  Les  candidats  devront  se 
faire  inscrire,  s'ils  sont  civils,  à  la  préfecture  du  départe- 
ment où  ils  étudient,  et,  s'ils  sont  militaires,  à  la  préfec- 
ture du  département  dans  lequel  ils  sont  en  garnison,  le 
15  avr.  au  plus  tard.  Nulle  inscription  ne  sera  admise  après 
cette  époque.  Les  élèves  du  Prytanée  militaire  sont  seuls 
dispensés  de  l'inscription  :  ils  sont  examinés  dans  le  centre 
d'examens  assigné  au  département  de  la  Sarthe.  Les  can- 
didats qui  ne  se  présentent  pas  à  leur  tour  d'inscription 
sont  considérés  comme  renonçant  à  prendre  part  aux 
épreuves  et  rayés  de  la  liste. 

Les  pièces  à  produire  pour  l'inscription  sont  :  1°  l'acte 
de  naissance  du  candidat  et  celui  de  son  père,  revêtus  des 
formalités  prescrites  par  la  loi  ;  2°  une  pièce  attestant 
la  possession  du  diplôme  de  bachelier  es  sciences,  ou  du 
diplôme  de  bachelier  de  l'enseignement  secondaire  spécial, 
ou  du  certificat  de  la  première  épreuve  du  baccalauréat  de 
l'enseignement  secondaire  classique,  ou  du  certificat  relatif 
à  la  première  épreuve  de  l'ancien  baccalauréat  es  lettres, 
ou  tout  au  moins  une  pièccjustifiant  de  l'inscription  comme 
candidat  pour  l'obtention  d'un  de  ces  diplômes  ou  certi- 
ficats à  la  session  d'avril,  pièce  qui  devra  être  remplacée 
avant  l'examen  par  une  autre  constatant  l'obtention  du 
diplôme  ou  du  certificat;  3^  une  déclaration  d'un  doc- 
teur en  médecine  attaché  à  un  hospice  civil  ou  à  un  hôpital 
militaire,  dûment  légahsée,  et  constatant  que  le  candidat 
a  eu  la  petite  vérole  ou  qu'il  a  été  vacciné  ;  4°  un  cer- 
tificat du  commandant  du  bureau  de  recrutement  de  la 
subdivision  de  région,  constatant  que  le  candidat  remplit 
les  conditions  d'aptitude  physique  exigées  pour  l'admission 
à  l'Ecole  par  le  décret  du  l^'^  mars  1890,  rendu  en  con- 
formité de  l'art.  28  de  la  loi  du  15  juil.  1889;  5°  une 
désignation  par  écrit  des  centres  d'examens  et  de  compo- 
sitions choisis  par  le  candidat  ou  par  sa  famille,  con- 
formément aux  dispositions  ci-après  énoncées;  6°  une 
déclaration  du  père,  de  la  mère  ou  du  tuteur,  reconnais- 
sant qu'il  est  en  mesure  de  payer  la  pension,  ou,  à  défaut 
de  cette  déclaration,  la  remise  d'une  demande  de  conces- 
sion de  bourse,  établie  sur  papier  timbré  :  la  demande  de 
bourse  doit  préciser  si  la  famille  sollicite  une  bourse  avec 
trousseau  ou  demi-trousseau,  ou  une  demi-bourse  avec  trous- 
seau ou  demi-trousseau,  ou  seulement  la  demi-bourse. 

Tout  candidat  militaire  doit  produire  les  mêmes  pièces, 
moins  celles  qui  sont  désignées  aux  paragraphes  3  et  4.  Il 
produit  en  outre  les  pièces  suivantes  :  1^  un  état  signa- 
létique  et  les  services  renfermant,  en  sus  des  renseigne- 
ments réglementaires,  l'indication  des  périodes  de  mise  en 
subsistance  dans  d'autres  corps  ;  2°  une  déclaration  du 
chef  de  corps,  indiquant  que  le  candidat  comptera  au 
l^"*  juil.  de  l'année  du  concours  six  mois  de  service  effectif 
réel  sous  les  drapeaux  (cette  condition  de  six  mois  de  ser- 


-  407 


ÉCOLE 


vice  n'est  exigée  que  des  candidats  militaires  qui  ont  dépassé 
la  limite  d'âge  imposée  aux  candidats  civils)  ;  3°  un  cer- 
tificat de  bonne  conduite  ;  4^  un  relevé  des  punitions. 

Le  candidat  non  militaire  a  la  faculté  de  faire  ses  com- 
positions et  de  subir  ses  examens  dans  les  centres  assignés 
aux  départements  où  se  trouve  soit  le  domicile  de  sa  fa- 
mille, soit  l'établissement  où  il  a  achevé  son  instruction.  Il 
fait  connaître  le  département  qu'il  choisit.  Le  candidat 
militaire  subit  les  épreuves  dans  les  centres  de  compo- 
sitions et  d'examens  assignés  au  département  où  le  corps 
dont  il  fait  partie  se  trouve  en  garnison.  L'autorité  mili- 
taire doit  lui  délivrer,  à  cet  effet,  s'il  y  a  lieu,  des  per- 
missions dont  la  durée  ne  pourra  excéder  le  temps  néces- 
saire au  voyage  et  à  l'examen.  Si,  après  s'être  fait  inscrire 
à  la  préfecture,  le  candidat  militaire  change  de  garnison, 
il  doit  en  informer  le  ministre  de  la  guerre. 

La  liste  des  candidats  est  close  environ  deux  mois  avant 
le  concours.  Le  concours  est  public.  Il  a  lieu  chaque  année 
au  début  du  mois  de  juin,  en  général,  à  Paris  et 
dans  certains  centres  de  province  spécialement  désignés. 
Les  épreuves  portent  uniquement  sur  les  matières  du  pro- 
gramme des  connaissances  exigées,  arrêté  tous  les  ans  par 
îe  ministre  ;  mais  toutes  ces  matières,  y  compris  la  langue 
allemande,  sont  également  obligatoires.  Par  suite,  les  can- 
didats dont  l'inst'ruction  en  l'une  quelconque  des  parties 
du  programme  serait  reconnue  insuffisante  sont  déclarés 
inadmissibles.  Aucun  candidat  ne  peut  se  présenter  aux 
épreuves  du  concours  s'il  n'est  muni  du  diplôme  de  bachelier 
es  sciences,  ou  du  diplôme  de  bachelier  de  l'enseignement 
secondaire  spécial,  ou  du  certificat  de  la  première  épreuve  de 
l'ancien  baccalauréat  es  lettres.  Un  avantage  de  d  5  points 
est  accordé  aux  candidats  qui  sont  en  possession  du  diplôme 
de  bachelier  es  lettres  ou  pourvus  du  certificat  de  la  pre- 
mière épreuve  de  ce  baccalauréat.  Le  concours  est  divisé 
en  trois  épreuves  successives  :  les  compositions,  dont  le 
détail  est  donné  ci-après,  les  examens  oraux  préliminaires 
ou  du  premier  degré,  les  examens  oraux  du  second  degré. 

Les  compositions  comprennent  :  1<*  un  exercice  sur  le 
cours  de  mathématiques  spéciales;  2°  une  épure  de  géomé- 
trie descriptive  ;  3°  une  composition  française  ;  4"  une 
composition  de  physique  et  de  chimie  ;  5^^  un  calcul  trigo- 
nométrique  ;  6"*  un  lavis  ;  l""  le  dessin  d'un  buste  d'après 
la  bosse.  Toutes  les  compositions  seront  corrigées.  Les 
candidats  dont  les  notes  de  compositions  multiphées  par 
leurs  coefficients  respectifs  formeront  une  somme  inférieure 
à  une  limite  fixée  par  le  jury  de  classement,  seront  éhmi- 
nés  avant  les  examens  du  premier  degré.  Le  jury  de 
classement  est  formé  des  examinateurs  d'admission,  du 
général  commandant  l'Ecole,  du  commandant  en  second, 
du  directeur  des  étud^,  et  de  trois  membres  du  conseil 
de  perfectionnement  délégués  par  leurs  collègues.  —  Le 
programme  d'examen  ne  comporte  pas  pour  la  physique 
l'ensemble  du  cours  de  la  classe  de  mathématiques  spé- 
ciales ;  les  parties  les  plus  difficiles  ont  été  laissées  de 
côté.  En  revanche,  à  l'oral,  les  examinateurs  peuvent 
interroger  sur  l'arithmétique  et  la  géométrie  élémentaires 
(cours  de  la  classe  de  mathématiques  élémentaires),  et  ils 
le  font  fréquemment.  Pour  le  détail,  nous  renvoyons  aux 
programmes  spéciaux  publiés  chaque  année. 

Les  examens  oraux  du  premier  degré  (ayant  lieu  envi- 
ron trois  semaines  après  les  compositions  écrites)  qui 
portent  sur  l'ensemble  des  connaissances  spécifiées  dans  le 
programme  d'admission,  servent,  avec  les  compositions  de 
mathématiques  et  de  physique  et  chimie,  à  exclure  des 
examens  oraux  du  second  degré  les  candidats  insuffisam- 
ment préparés.  A  cet  effet,  la'moyenne  des  notes  des  deux 
examens  oraux  est  multipliée  par  40  ;  on  y  ajoute  la  note 
de  la  composition  de  physique  et  chimie  multipliée  par  2, 
et  la  note  de  la  composition  de  mathématiques.  Les  candidats 
dont  la  somme  de  points  ainsi  obtenue  sera  inférieure  à  une 
limite  déterminée  par  le  jury  de  classement  sont  éliminés. 
Les  examens  oraux  du  second  degré  servent,  concurrem- 
ment avec  les  compositions  et  les  examens  oraux  du  pre- 


mier degré,  à  déterminer  le  classement  par  ordre  de  mé- 
rite des  candidats.  Chaque  candidat  admis  aux  examens 
oraux  du  second  degré  remet  au  président  du  jury,  au 
moment  même  de  l'examen,  les  feuilles  d'épurés,  lavis  et 
dessins  exécutés  par  lui  pendant  l'année  scolaire  courante, 
d'après  les  spécifications  portées  au  programme  détaillé  des 
connaissances  exigées.  Les  candidats  qui  ont  déjà  concouru 
peuvent  représenter  les  épures  de  l'année  précédente,  en  y 
ajoutant  seulement  cinq  épures  nouvelles  relatives  aux  inter- 
sections de  surfaces  et  diff'érant,  par  les  données,  de  l'année 
précédente.  Les  coefficients  d'influence,  pour  les  examens 
oraux  et  pour  les  compositions,  sont  fixés  ainsi  qu'il  suit  : 

1«  Pour  l'admissibilité.  Examens  oraux  du  premier 
degré,  10  ;  composition  de  mathématiques,  1;  composi- 
tion de  physique  et  chimie,  2. 

l'^Pour  l'admission  définitive.  Moyenne  des  deux  exa- 
mens oraux  du  premier  degré,  18.  Examens  du  deuxième 
degré  :  mathématiques,  premier  examinateur,  20  ;  deuxième 
examinateur,  20  ;  physique,  10  ;  chimie,  5  ;  allemand,  5. 

Compositions,  Composition  de  mathématiques,  4;  épure 
de  géométrie  descriptive,  3  ;  composition  de  physique  et 
chimie,  3  ;  calcul  trigonométrique,  1;  dessin  d'imitation,  4; 
lavis,  1  ;  composition  française,  6. 

Les  notes  d'appréciation  des  épreuves  varient  de  0  à  20. 
Tout  candidat  qui  obtient,  pour  l'une  des  épreuves,  une 
note  inférieure  à  5,  est  de  droit  déféré  au  jury  et  peut  êtro 
exclu  pour  insuffisance  d'instruction.  En  particulier,  tout 
candidat  qui,  pour  l'une  des  compositions,  remettra  une 
feuille  blanche,  ou  ne  renfermant  que  l'énoncé  des  ques- 
tions posées,  ne  sera  pas  admis  à  passer  les  examens 
oraux.  Les  candidats  qui  connaissent  suffisamment  une 
langue  vivante  autre  que  l'allemand  seront  admis,  s'ils  le 
demandent,  à  faire  dans  cette  langue  un  thème  sans  dic- 
tionnaire. Cette  composition  corrigée  donnera  au  candidat 
une  immunité  de  :  1  point  si  elle  est  cotée  Ll  ou  12  ;  2  points 
pour  13  ou  14  ;  3  points  pour  15  et  16;  4  points  pour 
17  ou  18  ;  5  points  pour  19  et  20.  Si  le  candidat  compose 
ainsi  en  plusieurs  langues,  les  nombres  de  points  obtenus 
pour  chaque  composition  s'ajouteront.  —  Les  candidats  admis 
à  subir  les  examens  du  second  degré  seront  appelés  devant 
un  jury  spécial,  qui  constatera  leurs  connaissances  en  es- 
crime, gymnastique  et  équitation.  Un  nombre  de  points 
variant  de  0  à  5  leur  sera  attribué  pour  l'ensemble  de 
leurs  aptitudes  physiques. 

Le  résultat  du  concours  est  publié  vers  le  mois  de  sep- 
tembre. Les  promotions  n'étaient  que  de  90  en  1850,  de 
140  à  la  fin  du  second  Empire;  elles  ont  'été  accrues  pour 
faire  face  aux  besoins  extraordinaires  causés  par  la  guerre 
(on  a  reçu  170  élèves  en  1834  et  18oo);  en  1872,  on  en 
a  reçu  290  ;  c'est  la  plus  forte  promotion  qui  ait  eu  lieu 
depuis  la  Révolution;  de  1873  à  1876,  on  a  reçu  de  250  à 
271  élèves,  puis  les  chiffres  ont  été  abaissés.  Ils  se  sont 
relevés  à  partir  de  1889.  Le  concours  tend  à  devenir  de 
plus  en  plus  difficile,  en  raison  de  l'afïluence  croissante 
des  candidats.  En  1891,  pour  268  places,  il  y  eut  1,605 
candidats,  dont  560  admissibles. 

Le  tableau  en  tête  de  la  page  suivante  permettra  de 
juger  du  succès  croissant  de  l'Ecole  polytechnique. 

Tout  candidat  admis  qui  renonce  au  bénéfice  de  son 
admission  doit  adresser  au  ministre,  dans  le  plus  bref 
délai,  sa  démission,  accompagnée  du  consentement  de  son 
père  ou  de  son  tuteur.  Tout  candidat  nommé  élève  qui  ne 
sera  pas  présenté  au  commandant  de  l'Ecole  dans  le  délai 
fixé  par  sa  lettre  de  nomination  sera  considéré  comme  dé- 
missionnaire. Dès  son  arrivée  à  l'Ecole,  chaque  élève  sera 
soumis  à  une  visite  médicale  dans  l'établissement  :  les  élèves 
qui  sont  reconnus  aptes  au  service  militaire  ne  sont  défini- 
tivement admis  à  l'Ecole  qu'à  la  condition  de  contracter, 
devant  le  maire  de  l'un  des  arrondissements  de  Paris,  un 
engagement  volontaire  de  trois  ans,  lequel  courra  dul^^'oct, 
de  l'année  de  l'entrée,  sans  être  d'ailleurs  assujettis  à  au- 
cune condition  d'âge  autre  que  celles  qui  sont  exigées  pour 
l'admission  à  l'Ecole.  Les  élèves  qui,  au  moment  de  l'admis- 


ÉCOLE 


—  408 


ANNEES 

T^OMBRE   DES   CANDIDATS 

qui  se  sont          q^.i  ^."î,^^^, 

^     ^       ^,          admis  a  l'Ecole 

présentes         polytechnique 

jg55                 

544 

573 

592 

652 

676 

715 

707 

712 

772 

790 

767 

766 

719 

680 

691 

711 

566 

732 

708 

842 

1.020 

1.089 

1.131 

1.154 

1.130 

1.126 

1.183 

1.002 

1.034 

1.148 

1.313 

1.351 

1.450 

1.313 

1.297 

1.432 

1.605 

170 
125 
120 
112 
130 
148 
169 
131 
135 
140 
140 
145 
145 
146 
136 
151 
140 
290 
254 
265 
265 
271 
201 
236 
200 
210 
220 
250 
230 
240 
221 
230 
220 
225 
265 
266 
268 

1856            

1857     

1858        

1859     

1860 

1861          

1862 

18(33       

1864 

1865  

1866      

1867     

1868  

1869        

1870 

1871       

1872 

1873 

1874 

1875 

1876 

1877     

1878  

1879  

1880     

1881       

1882 

1883 

1884 

1885 

1886 

1887 

1888 

1889 

1890 

1891 

sion,  ne  seront  pas  reconnus  aptes  au  service  militaire,  ne 
seront  admis  à  l'Ecole  qu'autant  qu'ils  rempliront  les  con- 
ditions fixées  par  le  décret  du  i^'^  mars  1890.  Il  faut  que 
l'inaptitude  physique  ne  soit  que  transitoire  ou  de  nature  à 
permettre  de  remplir  les  services  d'ingénieur.  A  leur  sortie 
de  l'Ecole,  ils  seront  de  nouveau  visités,  afin  de  constater 
si  le  vice  de  conformation  ou  l'infirmité  qui  les  rendaient 
impropres  au  service  a  persisté  ou  disparu  et  si,  par  suite, 
il  est  possible  de  les  classer  dans  un  service  militaire. 
Ils  sont  considérés,  pendant  le  temps   qu'il  passent  à 
l'Ecole,  comme  présents  sous  les  drapeaux  dans  l'armée 
active  ;  ils  reçoivent  l'instruction  militaire  complète  et  sont 
à  la  disposition  du  ministre  de  la  guerre.  Ceux  qui  ne  sa- 
tisfont pas  aux  examens  de  sortie  ou  sont  renvoyés  pour 
inconduite  sont  incorporés  dans  un  corps  de  troupes  pour 
y  terminer  le  temps  de  service  qui  leur  reste  à  faire.  Si 
jpendant  la  durée  des  études  un  élève  est  admis  à  redou- 
bler une  année  à  l'Ecole,  cette  année  ne  compte  pas  dans 
la  durée  de  l'engagement.  —  Les  élèves  admis  dans  l'un 
des  services  civils  recrutés  à  l'Ecole,  ou  quittant  l'Ecole 
après  avoir  satisfait  aux  examens  de  sortie  sans  entrer 
dans  aucun  de  ces  services,  sont  nommés  sous-lieutenants 
de  réserve  et  accomplissent  en  cette  qualité,  dans  un  corps 
de  troupe,  leur  troisième  année  de  service.  Les  élèves  qui 
viendraient  à  quitter  le  service  civil  dans  lequel  ils  ont  été 
admis  n'en  resteront  pas  moins  soumis  à  cette  obligation. 
Ceux  qui  donneraient  leur  démission  d'officier  de  réserve 
avant  l'accomplissement  de  leur  troisième  année  de  ser- 
vice n'en  resteront  pas  moins  soumis  à  toutes  les  consé- 
quences de  l'engagement  volontaire  de  trois  ans  contracté 
par  eux  lors  de  leur  entrée  à  l'Ecole. 

Les  candidats  qui,  sans  être  reconnus  aptes  au  service 
militaire,  remplissent  cependant  les  conditions  nécessaire 
pour  suivre  les  cours  et  exercices  militaires  de  l'Ecole, 
telles  qu'elles  sont  définies  par  le  déret  du  1^^'  mars  1890, 
sont  admis  à  l'Ecole  sans  avoir  à  contracter  un  engagement. 
Le  prix  de  la  pension  est  de  1,000  fr.  par  an,  et  celui 


du  trousseau  de  600  à  700  fr.;  une  somme  de  100  fr. 
doit,  en  outre,  être  versée  pour  former  le  fonds  de  masse 
de  chaque  élève.  Le  bordereau  du  trousseau,  qui  en  fixe 
le  prix  exact  pour  l'année  courante,  ainsi  que  le  détail  des 
autres  objets  que  les  élèves  devront  apporter  avec  eux,  est 
envoyé  aux  familles  avec  les  lettres  de  nomination.  Des 
bourses  et  demi- bourses  sont  instituées  en  faveur  des 
élèves  dont  les  parents  sont  hors  d'état  de  payer  la  pen- 
sion, et  qui  remplissent  les  conditions  indiquées  ci-après. 
De  plus,  il  peut  être  alloué  à  chaque  boursier  ou  demi-bour- 
sier un  trousseau  ou  demi-trousseau  à  son  entrée  à  l'Ecole. 
Ces  concessions  sont  accordées  par  le  ministre  de  la 
guerre  sur  la  proposition  des  conseils  d'instruction  et  d'ad- 
ministration de  l'Ecole.  Les  demandes  doivent  être  remises 
au  moment  de  l'inscription.  Les  bourses  sont  accordées 
très  libéralement  selon  le  principe  démocratique  et  de  ma- 
nière à  assurer  à  tout  candidat  peu  aisé  le  bénéfice  de  la 
gratuité.  Souvent  la  proportion  des  boursiers  atteint  la 
moitié  du  nombre  total  des  élèves.  On  exige  seulement  des 
parents  ou  tuteur  du  candidat  un  engagement  de  rem- 
bourser ces  frais  de  pension  et  de  trousseau,  au  cas  où 
l'élève  ne  servirait  pas  au  moins  dix  ans  dans  les  services 
publics,  civils  ou  militaires,  auxquels  il  aura  droit  d'être 
admis  d'après  son  numéro  de  classement  sur  la  liste  de  sortie. 
Nul  ne  peut,  d'ailleurs,  être  reçu  à  l'Ecole  s'il  ne  produit 
un  récépissé  soit  du  receveur  central  de  la  Seine,  soit  d'un 
trésorier-payeur  général  ou  d'un  receveur  particulier, 
constatant  qu'il  a  payé  le  prix  du  trousseau  ou  du  demi- 
trousseau,  suivant  le  cas.  Il  doit,  en  outre,  remettre  au  gé- 
néral commandant  l'Ecole  une  promesse  sous  seing  privé, 
dans  la  forme  indiquée  par  l'art.  1326  du  C.  civ.,  par 
laquelle  son  père,  sa  mère  ou  son  tuteur  s'engage  à  verser 
dans  la  caisse  du  receveur  central  de  la  Seine,  d'un  tréso- 
rier-payeur général  ou  d'un  receveur  particulier,  par  tri- 
mestre et  d'avance,  le  montant  de  la  pension,  si  Télève  est 
pensionnaire,  ou  de  la  demi-pension,  s'il  a  obtenu  une 
demi-place  gratuite.  Cette  promesse,  qui  doit  être  légalisée 
par  le  maire  ou  par  le  sous-préfet,  sera  faite  par  l'élève 
lui-même,  s'il  est  majeur  ou  s'il  jouit  de  ses  biens. 
Quant  à  la  somme  de  100  fr.  formant  le  fonds  de  masse 
individuelle,  elle  doit  être  versée  directement  à  la  caisse 
de  l'Ecole  le  jour  même  de  l'entrée  de  l'élève.  Les  élèves 
dont  les  père,  mère  ou  tuteur  ne  résident  pas  à  proximité 
de  Paris,  doivent,  en  outre,  avoir  un  correspondant  dûment 
accrédité  auprès  du  général  commandant  l'Ecole. 

Régime  intérieur.  —  Les  élèves  de  l'Ecole  polytech- 
nique astreints  au  régime  militaire  et  au  port  de  l'uniforme, 
composent  un  bataillon  partagé  en  deux  divisions,  compre- 
nant chacune  deux  compagnies.  La  première  division  se 
compose  des  élèves  de  seconde  année  ;  la  seconde  division, 
de  ceux  de  première.  Le  ministre  fixe  chaque  année  l'époque 
d'entrée  des  élèves  nouveaux  et  de  rentrée  des  élèves  de 
seconde  année  (quelques  jours  plus  tard,  vers  le  milieu 
d'octobre).  Dans  chaque  division,  les  élèves  sont  répartis, 
en  général,  au  nombre  de  8  par  salle  pour  les  études, 
de  10  par  table  pour  les  repas,  de  20  par  laboratoire 
pour  les  manipulations  de  chimie,  et  en  nombre  variable 
par  chambre  pour  le  coucher.  Toute  la  division  est  réunie 
dans  un  même  amphithéâtre  pour  les  cours  oraux.  Il  y  a 
à  l'Ecole  trois  amphithéâtres  :  l'un  en  forme  d'hémicycle 
pour  l'une  des  divisions,  et  où  se  font  en  outre  tous  les 
cours  de  chimie;  un  second  pour  l'autre  division,  et  un 
troisième  (le  plus  beau)  pour  les  cours  de  physique. 

Le  cadre  de  chaque  compagnie  comprend  1  capitaine, 
2  adjudants  faisant  fonctions  de  lieutenants.  On  y  ajou- 
tait 1  sergent-major,  1  sergent  fourrier  et  10  sergents. 
Ces  sous-officiers  étaient  pris  parmi  les  élèves.  Les  2 
premiers  élèves  de  chaque  promotion  étant  sergents-ma- 
jors, le  troisième  et  le  quatrième  sergents  fourriers,  les 
20  suivants  avaient  le  grade  de  sergents.  Ces  grades  ont 
disparu  depuis  l'application  de  la  loi  militaire  de  1889. 
Les  élèves  qui  sont  moralement  responsables  de  la  discipline 
n'ont  plus  que  le  titre  de  chefs  de  salle.  Comme  toujours, 


-  409 


ECOLE 


c'est  le  premier  de  la  promotion  qui  est  chargé  de  parler  en 
son  nom  s'il  y  a  lieu.  Il  y  a  dans  chaque  salle  d'études  un 
élève  qui  en  est  le  chef.  Les  chefs  de  salle  transmettent  aux 
élèves  de  leurs  salles  respectives  les  ordres  des  supérieurs. 
Les  élèves  sont  en  tenue  militaire.  A  l'intérieur  de 
l'Ecole,  la  tenue  consistait  en  une  tunique  dite  berry,  un 
pantalon  semblable  au  pantalon  d'extérieur  et  une  cas- 
quette à  galons  de  laine.  Depuis  4891  le  berry  est  rem- 
placé par  une  vareuse.  La  coiffure  d'intérieur  est  le  képi 
de  la  troupe  dans  l'artillerie  avec  une  grenade  rouge  ou 
jaune  servant  à  distinguer  les  promotions.  Le  lever  a  lieu 
à  six  heures,  l'appel  à  six  heures  et  demie.  Le  premier 
repas  a  lieu  à  huit  heures  et  demie,  le  dîner  à  deux  heures 
et  le  souper  à  neuf  heures.  La  plupart  des  cours  ont  lieu 
entre  le  déjeuner  et  le  dîner;  la  récréation  qui  suit  celui-ci 
et  qui  dure  jusqu'à  cinq  heures,  est  remplie  en  partie  par 
les  manœuvres  militaires,  la  gymnastique,  l'équitation,  l'es- 
crime, etc.  Les  exercices  militaires  comprennent  les  ma- 
nœuvres d'infanterie  et  d'artillerie  ;  ils  sont  complétés  chaque 
année  par  le  tir  à  la  cible,  qui  est  exécuté  au  polygone  de 
Yincennes.  Les  leçons  d'escrime  et  celles  d'équitation  pen- 
dant la  seconde  année  sont  obhgatoires  pour  tous  les  élèves. 
Les  leçons  de  danse  sont  facultatives  et  aux  frais  des  élèves, 
qui  s'y  rendent  avec  ardeur. 

La  durée  des  études  est  de  deux  années.  Chacune  de  ces 
années  est  subdivisée  en  deux  semestres  entre  lesquels  sont 
répartis  les  cours.  Première  année.  Semestre  d'hiver 
(octobre  à  fin  février)  :  analyse,  géométrie,  chimie,  histoire 
et  littérature,  allemand,  manipulations  de  chimie,  travaux 
graphiques,  dessin.  Semestre  d'été  (du  1^^  mars  au  mois 
de  juillet)  :  physique,  mécanique,  architecture,  histoire  et 
littérature,  allemand,  manipulations  de  chimie,  travaux  gra- 
phiques, dessin,—  Deuxième  année.  Semestre  d'hiver  : 
analyse,  physique,  astronomie  et  géodésie,  architecture, 
histoire  et  littérature,  allemand,  manipulations  de  chimie, 
travaux  graphiques,  dessin.  Semestre  d'été  :  mécanique, 
chimie,  art  militaire,  stéréotomie,  histoire  et  littérature, 
allemand,  manipulations,  travaux  graphiques,  dessin.  — Les 
élèves  de  première  année  ou  conscrits  forment  la  seconde 
division,  les  élèves  de  seconde  année  (anciens  ou  carrés) 
forment  la  première.  Au  début  et  à  la  fin  de  chaque  leçon 
le  professeur  interroge  quelques  élèves  désignés  par  le  sort 
(dans  Targot  de  l'Ecole  ils  sont  dits  Schicksalés).  Les 
répétiteurs  interrogent  chaque  jour  plusieurs  élèves.  Les 
travaux  graphiques  sont  remis  à  date  fixe  et  comme  pour 
les  interrogations  (ou  cottes)  on  donne  une  note.  En  cas  de 
maladie  prolongée  un  élève  peut  être  autorisé  à  redoubler 
l'une  des  deux  années  d'études  ;  en  aucun  cas  il  ne  peut 
séjourner  plus  de  trois  années  à  l'Ecole. 

Les  élèves  sont  internes  et  casernes  ;  mais  ils  jouissent 
à  l'intérieur  d'une  grande  liberté.  On  leur  accorde  deux 
jours  de  sortie  générale  par  semaine  :  le  dimanche,  de  huit 
heures  du  matin  à  dix  heures  du  soir;  le  mercredi,  de  deux 
heures  et  demie  de  l'après-midi  à  dix  heures  du  soir.  Pour 
affaires  de  famille,  le  général  peut  permettre  des  sorties 
extraordinaires  d'un  ou  plusieurs  jours. 

A  la  fin  du  premier  semestre,  les  élèves  des  deux  divi- 
sions subissent  des  interrogations  générales  qui  donnent 
lieu  à  un  classement  ;  elles  sont  suivies  d'un  congé  d'une 
dizaine  de  jours  coïncidant  avec  la  deuxième  quinzaine  de 
février.  A  la  fin  du  deuxième  semestre,  les  élèves  de  chaque 
division  subissent  devant  les  examinateurs  spéciaux  des 
examens,  soit  pour  le  passage  de  la  seconde  à  la  première 
division,  soit  pour  la  sortie  de  l'Ecole.  Ces  examens,  au 
nombre  de  cinq  pour  chaque  élève,  ont  lieu  à  la  fin  de  juin 
et  pendant  le  mois  de  juillet  ;  ils  sont  espacés  à  dix  jours 
d'intervalle.  Les  élèves  trop  faibles  peuvent  n'être  pas  ad- 
mis au  passage  de  la  première  à  la  deuxième  année,  ou  bien 
de  celle-ci  dans  les  services  publics.  Pour  satisfaire  aux 
besoins  actuels  de  l'artillerie,  on  requit,  depuis  1890,  26r> 
élèves  environ:  sur  ces  265élèves  80  {{es  petits  chapeaux, 
comme  on  les  appelle  à  l'Ecole)  font  seulement  une  année 
d'études  à  la  fin  de  laquelle  ils  vont  à  l'Ecole  d'application 


de  Fontainebleau  avec  le  titre  d'  «  élèves  de  l'Ecole  poly- 
technique détachés  à  Fontainebleau  »  ;  ils  portent  encore 
l'uniforme  des  polytechniciens.  Après  un  an  à  l'Ecole  d'ap- 
phcation,  ils  sont  nommés  sous-lieutenants-élèyes  d'artil- 
lerie un  jour  avant  leurs  camarades  de  promotion.  A  la  fin 
de  leur  seconde  année  d'application,  ils  sont  envoyés  dans 
un  régiment  comme  sous-lieutenants  et  ne  passent  lieute- 
nants qu'après  un  an  de  service,  c.-à-d.  en  même  temps 
que  ceux  de  leur  promotion. 

Sortie.  —  Le  classement  de  sortie  a  une  importance 
capitale,  puisqu'il  détermine  le  choix  de  la  carrière  ;  les 
carrières  civiles  ont  la  préférence  ;  elles  se  classent  géné- 
ralement ainsi  dans  le  choix  des  candidats  :  mines,  ponts  et 
chaussées,  génie  maritime,  tabacs. 

Le  résultat  du  travail  intérieur  à  l'Ecole  est  de  modifier 
profondément  le  classement  d'entrée  ;  beaucoup  d'élèves 
perdent  la  place  relativement  favorable  qu'ils  y  occupaient 
tandis  que  d'autres,  grâce  à  un  travail  acharné,  gagnent  des 
rangs  sur  la  liste.  Stimulés  par  les  interrogations  conti- 
nuelles, les  élèves  travaillent  sans  relâche.  Ils  savent  que 
leur  avenir  est  entre  leurs  mains  et  dépend  essentiellement 
de  leur  énergie.  Ce  système  élève  beaucoup  le  niveau  de 
l'instruction.  En  revanche,  il  produit  souvent  du  surme- 
nage et  l'on  a  vu  nombre  d'élèves  en  être  victimes,  soit 
qu'ils  tombent  malades,  soient  qu'ils  restent  fatigués  long- 
temps après.  De  là  les  critiques  dirigées  contre  cette  mé- 
thode. On  lui  reproche  aussi  de  ne  pas  tenir  compte  pour 
la  répartition  des  polytechniciens  entre  des  services  fort 
divers,  des  aptitudes  spéciales  que  chacun  pourrait  avoir 
pour  l'un  plutôt  que  pour  l'autre,  le  classement  se  faisant 
d'après  l'ensemble  des  notes  et  le  rang  sur  la  liste  d'en- 
semble déterminant  seul  la  faculté  du  choix.  Ces  objections 
sont  graves,  mais  n'ont  pu  faire  modifier  un  régime  qui 
donne  de  bons  résultats. 


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1 

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108 

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20 

4 

5 
3 

8 

4 
1 

1 

Artillerie 

119 
20 
35 

6 

10 
3 

18 

1 

149 

12 

20 

9 

5 

2 

10 

1 
» 

1 

209 

154 

10 

30 

4 

5 

2 
8 

1 

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» 

134 

15 

40 

3 

5 
4 

8 

1 

105 

15 

33 

4 

2 
3 

8 

4 

1 

Artillerie  de  marine. 
Génie    

Constructions       na- 
vales   

Mines    

Ponts  et  chaussées. 

Manufactures  de 

l'Etat 

Poudres  et  salpêtres 

Hydrographie 

Télégraphes 

Totaux 

212 

214 

210 

175 

169 

Les  élèves  admis  dans  les  services  civils  passent  deux 
ou  trois  années  à  Paris  dans  une  école  d'application  avec 
le  titre  d'élève-ingénieur  ;  ils  reçoivent  en  outre  un  brevet 
de  sous-lieutenant  de  réserve  dans  l'artillerie  ou  le  génie. 
Ceux  qui  sont  classés  dans  l'artillerie  de  terre  ou  de  mer, 
ou  le  génie  militaire  sont  nommés  sous-lieutenants  et  pas- 
sent en  cette  qualité  deux  années  à  l'Ecole  d'application  de 
Fontainebleau  avant  d'entrer  dans  les  corps  de  troupe. 
Enfin  ceux  qui  sont  nommés  dans  la  marine  nationale  y 
entrent  avec  le  grade  d'aspirant  de  première  classe.  Les 
élèves  déclarés  non  admissibles  dans  les  services  pu- 
blics et  qu'on  appelle  à  l'Ecole  les  fruits  secs,  suivent  les 
conditions  de  la  classe  de  recrutement  à  laquelle  ils  appar- 
tiennent par  leur  âge.  Ils  font  en  général  leur  troisième 
année  de  service  comme  sous-officiers;  cela  n'est  pas  en 
droit.  Ils  sont  du  reste  en  très  petit  nombre,  un  ou  deux 
par  année  moyenne.  Il  y  a  en  revanche  de  45  à  20  démis- 
sions parmi  les  élèves  classés  dans  les  services  militaires. 
Les  démissionnaires  se  consacrent  à  l'industrie  privée  ou 
aux  carrières  administratives  (inspection  des  finances  par 


ECOLE 


—  440  — 


exemple)  où  leur  titre  d'anciens  élèves  de  l'Ecole  polytech- 
nique et  l'instruction  qu'il  garantit  les  font  rechercher  de 
plus  en  plus. 

Le  tableau  de  la  page  précédente  indique  comment  dans 
les  six  dernières  années  se  sont  répartis  entre  les  divers 
services  les  élèves  sortis  de  l'Ecole  polytechnique 

Aux  chiffres  des  deux  dernières  années  il  faut  ajouter 
les  80  petits  chapeaux  pour  avoir  le  nombre  total  d'élèves 
sortant  (dans  l'artillerie).  A. -M.  B. 

Ecole  spéciale  militaire  de  Saint- Cyr.  —  Desti- 
nation. —  L'Ecole  spéciale  militaire,  établie  à  Saint-Cyr 
et  ressortissant  au  ministère  de  la  guerre,  est  destinée  à 
former  des  otTiciers  pour  l'infanterie,  la  cavalerie  et  l'in- 
fanterie de  marine.  Elle  leur  donne  une  instruction  théo- 
rique et  pratique,  mais  ne  leur  confère  ni  monopole,  ni 
privilège. 

Historique.  —  L'institution  d'une  école  ou  académie 
militaire  pour  l'instruction  des  futurs  officiers  fut  proposée 
à  partir  du  xvi®  siècle.  Le  cardinal  de  Richelieu  créa  à  cet 
effet,  en  1636,  une  Académie  royale  pour  la  noblesse 
et  lui  donna  une  subvention  de  22,000  livres.  Elle  siégeait 
rue  Vieille-du-Temple  et  ne  survécut  guère  à  son  fondateur. 
Le  collège,  fondé  par  Mazarin  en  i655,  devait  avoir  ce 
caractère,  mais  il  ne  put  y  arriver.  Louvois  voulut  adjoindre 
à  l'Hôtel  des  Invalides  une  école  militaire,  mais  dut  se 
contenter  de  créer  neuf  compagnies  de  cadets  gentilshommes 
qui  furent  casernées  dans  les  places  frontières.  On  les  sup^^î 
prima  en  1693.  Reconstituées  en  1724,  sur  l'initiative  de 
Pâris-Duverney,  elles  furent  de  nouveau  supprimées  peu 
après.  C'est  M"^^  de  Pompadour  qui  fonda  notre  première 
école  militaire.  Elle  obtint,  le  22  juin  1751,  des  lettres 
patentes  du  roi  pour  cette  école  spécialement  destinée  aux 
«  fils  de  gentilshommes  nés  sans  biens  ou  morts  à  la 
guerre  ».  La  favorite  mit  une  véritable  passion  à  réaliser 
son  projet  qui  dota  Paris  du  majestueux  édifice  riverain  du 
Champ  de  Mars,  auquel  a  été  conservé  ce  nom  à'Ecole 
militaire.  Les  élèves,  avant  de  prendre  possession  de  ce 
palais,  furent  casernes  au  château  de  Vincennes.  Les  diffi- 
cultés budgétaires  nuisirent  à  l'école  nouvelle,  quoiqu'on 
eût,  pour  l'ahmenter,  mis  un  impôt  sur  les  cartes  à  jouer 
et  établi  une  loterie  spécialement  affectée  à  ses  dépenses. 
Au  1^^  févr.  1776,  Louis  XVI  supprima  l'Ecole  militaire 
de  Paris;  les  élèves  furent  réunis  en  compagnies  de  cadets, 
quelques-uns  envoyés  aux  écoles  de  Mézières  et  de  La  Fère. 
Cependant,  on  voulut  suppléer  par  la  création  d'écoles 
militaires  provinciales,  et  les  collèges  de  Brienne,  Sorèze, 
Tiron,  Rebais,  Pont-le-Voy,  Vendôme,  Effiat,  Pont-à-Mous- 
son,  Tournon  et  Beaumont  reçurent  des  élè\es  venus  de 
Paris  et  durent  devenir  des  académies  militaires.  Dès  l'année 
suivante,  on  rétabHt  à  Paris  une  sorte  d'école  centrale 
sous  la  forme  d'une  compagnie  de  cadets,  qui  fut  recrutée 
parmi  les  meilleurs  élèves  des  écoles  provinciales.  On  sait 
que  Napoléon,  entré  à  Brienne  à  dix  ans,  en  1779,  fut 
envoyé  à  l'Ecole  militaire  de  Paris,  en  oct.  1784.  Mais 
cette  combinaison,  qui  donnait  à  l'école  parisienne  le  rôle 
de  nos  écoles  d'application,  puisqu'on  en  sortait  officier 
pour  commencer  le  service  actif,  ne  fut  pas  définitive. 
Tous  les  élèves  des  diverses  écoles  mihtaires  voulurent 
venir  à  Paris,  si  bien  que  cette  compagnie  de  cadets,  qui 
comptait  d'abord  le  chiffre  respectable  de  200  élèves,  s'ac- 
crut jusqu'à  en  renfermer  700.  La  charge  budgétaire  rede- 
venant trop  lourde,  on  la  supprima  de  nouveau  en  oct.  1 787, 
et  on  distribua  les  élèves  entre  douze  écoles  de  province, 
celles  d'Auxonne  et  de  Dole  s'ajoutant  aux  précédentes. 

La  Révolution  française  et  les  guerres  qui  éclatèrent 
bientôt  eurent  pour  conséquence  une  organisation  nouvelle. 
On  sentit  le  besoin  d'une  école  militaire,  d'autant  plus 
qu'une  grande  partie  des  officiers  avaient  émigré.  Sur  le 
rapport  de  Barrère,  le  13  prairial  an  II,  la  Convention 
décida  la  création  de  V Ecole  de  Mars.  Cette  école,  destinée 
à  3,000  jeunes  gens  imbus  des  principes  démocratiques, 
fut  établie  dans  la  plaine  des  Sablons,  le  long  du  bois  de 
Boulogne;  les  élèves  campaient  sous  la  tente.  On  leur 


avait  donné  un  uniforme  :  maillot,  tunique  bleu  clair, 
bonnet  orné  de  plumes,  pique.  On  les  exerçait  au  maniement 
des  armes.  L'Ecole  de  Mars  ne  dura  que  quelques  mois  et 
fut  dissoute  par  décret  du  4  brumaire  an  III  (2o  oct.  1794). 

Le  général  Bonaparte,  premier  consul,  qui  plaçait  la 
carrière  militaire  au  premier  rang,  se  préoccupa  d'orga- 
niser l'enseignement  militaire  supérieur,  A  cet  effet,  il 
décida,  le  1^^  germinal  an  VIII,  la  création  de  quatre  col- 
lèges militaires  qui  furent  appelés  prytanées  français  et 
étabhs  à  Paris,  Fontainebleau,  Saint-Cyr  et  Saint-Ger- 
main. Le  10  floréal  an  X  (1^^  mai  1802),  il  créa  une 
école  d'un  ordre  plus  élevé,  VEcole  spéciale  militaire. 
C'est  celle  qui  existe  encore  aujourd'hui.  Au  début,  elle 
fut  placée  à  Fontainebleau  et  reçut  500  élèves.  Mais  le 
24  mars  1808  un  décret  impérial  transféra  l'Ecole  de 
Fontainebleau  à  Saint-Cyr.  Le  prytanée  de  Saint-Cyr  fut 
transféré  à  La  Flèche.  Cette  double  translation  fut  mo- 
tivée par  le  désir  qu'avait  l'empereur  de  prendre  le  palais 
de  Fontainebleau  pour  en  faire  sa  résidence.  L'Ecole  spé- 
ciale militaire  fut  donc  installée  à  Saint-Cyr,  dans  les 
locaux  du  prytanée  qui  étaient  ceux  de  la  fameuse  maison 
royale  fondée  par  M°^®  de  Maintenon  en  1686.  Cette  mai- 
son d'éducation  avait  été  supprimée  en  1772,  évacuée  le 
l^'^  avr.  1793  et  changée  en  hôpital,  puis  en  succursale 
de  l'Hôtel  des  Invalides,  et  enfin  en  l'an  1800  affectée  au 
prytanée.  Pendant  toute  la  durée  de  l'Empire,  l'Ecole  spé- 
ciale mihtaire  fonctionna  très  irrégulièrement;  les  études 
ne  s'achevaient  pas  ;  continuellement  des  réquisitions  anti- 
cipées réclamaient  les  élèves-officiers  pour  les  besoins  de 
la  guerre.  C'est  ainsi  qu'en  1807,  par  exemple,  l'Ecole  fut 
à  peu  près  vidée.  Ses  élèves,  formés  en  bataillons,  se  dis- 
tinguèrent dans  la  campagne  de  1814.  Ils  combattirent 
vaillamment  à  Montereau  et  à  Nemours. 

La  Restauration,  peu  favorable  à  cette  institution  impé- 
riale, prononça  la  dissolution  de  l'Ecole  de  Saint-Cyr.  On 
la  réorganisa  conformément  aux  idées  de  l'ancien  régime, 
avec  le  désir  d'en  faire  une  institution  nobiliaire.  On  ne 
réussit  pas.  L'Ecole  prit  peu  à  peu  l'importance  prépondé- 
rante qu'elle  a  maintenant  dans  le  recrutement  des  officiers 
d'infanterie  et  de  cavalerie.  Les  élèves  rendirent  en  i  870 
de  grands  services  ;  ceux  de  la  seconde  division  firent  après 
la  guerre  une  année  d'études  avec  le  grade  de  sous-lieute- 
nant. Depuis  lors,  quelques  changements  ont  été  introduits, 
surtout  par  le  décret  de  réorganisation  du  18  janv.  1882 
et  par  celui  du  25  nov.  1890. 

Conditions  d'admission.  —  Nul  n'est  admis  à  l'Ecole  de 
Saint-Cyr  que  par  voie  de  concours.  Pour  se  présenter  à  ce 
concours,  le  candidat  doit  préalablement  justifier  :  1<*  qu'il 
est  Français  ou  naturalisé  ;  2°  qu'il  a  eu  dix-sept  ans  au 
moins  et  qu'il  en  compte  moins  de  vingt  et  un  au  1^^' janv. 
de  l'année  du  concours.  —  Néanmoins  les  sous-ofiîciers, 
caporaux  ou  brigadiers  et  les  soldats  des  corps  de  l'armée, 
âgés  de  plus  de  vingt  et  un  ans,  ayant  six  mois  de  service 
réel  et  effectif,  étaient  jusqu'en  1892  admis  à  concourir 
pourvu  qu'ils  eussent  moins  de  vingt-cinq  ans  ;  cette  tolérance 
a  été  supprimée  et  subsistera  seulement  pour  ceux  qui  ont, 
en  1891,  plus  de  vingt  et  un  ans  et  dépasseront  vingt-cinq 
en  1895;  c'est  donc  à  cette  date  que  la  limite  d'âge  sera 
abaissée  à  vingt  et  un  ans  pour  la  totalité  des  candidats. 

Les  candidats  devront  se  faire  inscrire,  s'ils  sont  civils, 
à  la  préfecture  du  département  où  ils  étudient,  et,  s'ils  sont 
militaires,  à  la  préfecture  du  département  où  ûls  sont  en 
garnison.  Nulle  inscription  ne  sera  admise  après  cette 
époque.  Il  est  donc  indispensable  que  les  familles  ou  les 
directeurs  d'étaè)lissenients  d'instruction  se  mettent  en 
mesure  de  rassembler  les  pièces  des  dossiers  assez  à  temps 
pour  que  tout  retard  dans  l'inscription  des  candidats  soit 
évité.  Les  élèves  du  Prytanée  militaire  sont  seuls  dispensés 
de  l'inscription.  Les  pièces  à  produire  pour  l'inscription 
sont  :  1^  l'acte  de  naissance  du  candidat  et  l'acte  de  nais- 
sance du  père  du  candidat,  revêtus  des  formalités  prescrites 
par  la  loi  ;  2°  un  certificat  du  commandant  de  recrutement 
de  la  subdivision  territoriale,  constatant,  dans  les  mêmes 


4H  — 


ÉCOLE 


conditions  que  pour  l'engagement  volontaire,  l'aptitude 
réelle  au  service  militaire  ;  ce  certificat  constatera  que  le 
candidat  a  été  vacciné  avec  succès  ou  a  eu  la  petite  vérole  ; 
30  une  déclaration  écrite  des  centres  de  compositions  et 
d'examen  choisis  par  le  candidat  ou  par  sa  famille.  Les 
candidats  militaires  doivent  produire  les  mêmes  pièces, 
moins  celle  qui  est  désignée  au  paragraphe  2.  Ils  pro- 
duisent, en  outre,  les  pièces  suivantes  :  1^  un  état  signa- 
létique  et  des  services  renfermant,  en  sus  des  renseigne- 
ments réglementaires,  l'indication  des  périodes  de  mise  en 
subsistance  dans  d'autres  corps;  2°  une  déclaration  du 
chef  de  corps  indiquant  que  le  candidat  comptera,  au 
l^r  juil.  de  l'année  du  concours,  six  mois  de  service  réel 
et  effectif  sous  les  drapeaux;  3°  un  certificat  de  bonne 
conduite  ;  4**  un  relevé  des  punitions. 

Les  candidats  non  militaires  ont  la  faculté  de  choisir 
les  villes  dans  lesquelles  ils  veulent  subir  leurs  examens, 
comme  il  est  dit  plus  haut;  mais,  ces  choix  une  fois  faits, 
aucun  candidat  ne  sera  autorisé  à  changer  de  centre  d'exa- 
men que  pour  des  motifs  graves,  avec  pièces  à  l'appui,  et 
par  décision  du  ministre.  Les  candidats  militaires  ne  peuvent 
choisir  comme  centres  de  compositions  et  d'examen  oral 
que  les  villes  les  plus  rapprochées  du  lieu  où  ils  sont. 
Les  Hstes  d'inscriptions  sont  closes  le  15  avril,  c.-à-d. 
environ  deux  mois  avant  les  épreuves.  Le  concours  est 
pubUc;  il  a  lieu  chaque  année  à  Paris  et  dans  certaines 
villes  spécialement  désignées;  celles-ci  sont  plus  nom- 
breuses pour  les  compositions  écrites  que  pour  les  épreuves 
orales.  Les  compositions  écrites  se  font  simultanément 
partout;  par  contre,  les  épreuves  orales  du  second  degré 
ont  lieu  successivement  dans  les  divers  centres  où  la  même 
commission  d'examen  se  transporte. 

Le  concours  est  divisé  en  trois  épreuves  successives  : 
lo  les  compositions  écrites  ;  2^^  l'examen  du  premier  degré  ; 
30  l'examen  du  second  degré.  Nul  ne  peut  être  admis  aux 
compositions,  s'il  ne  justifie  de  la  possession  de  l'un  des 
diplômes  de  bachelier  es  lettres,  bachelier  es  sciences,  bache- 
lier de  l'enseignement  secondaire  spécial.  Un  avantage  de 
40  points  est  accordé  aux  candidats  pourvus  du  baccalauréat 
es  lettres  complet,  accompagné  du  baccalauréat  es  sciences 
ou  du  baccalauréat  de  l'enseignement  secondaire  spécial. 
30  points  sont  accordés  aux  candidats  possédant. le  baccalau- 
réat es  lettres  complet.  Enfin,  un  avantage  de  20  points  est 
compté  aux  candidats  pourvus  de  la  première  partie  du  bac- 
calauréat es  lettres,  accompagnée  de  l'un  des  deux  diplômes 
de  bachelier  es  sciences  ou  de  bachelier  de  l'enseignement 
secondaire  spécial.  Il  n'est  tenu  compte  de  ces  avantages 
que  pour  l'admission  seulement.  Les  candidats  présentent 
au  moment  de  l'appel,  au  président  de  la  commission  de 
surveillance  des  compositions,  le  diplôme  sans  lequel  ils  ne 
peuvent  être  admis  à  concourir  (baccalauréat  es  lettres, 
baccalauréat  es  sciences  ou  baccalauréat  de  l'enseignement 
spécial).  Ceux  qui  possèdent  les  diplômes  ou  certificats  don- 
nant droit  aux  avantages  énumérés  ci-dessus  présentent  leurs 
titres  au  président  de  la  commission  d'examen,  au  moment 
des  épreuves  orales  du  second  degré.  Indépendamment  des 
épreuves  mentionnées  ci-dessus,  les  candidats  en  subissent 
une  autre  pour  la  constatation  de  leur  aptitude  physique  et 
de  leur  habileté  dans  l'exercice  de  l'équitation,  de  l'escrime 
et  de  la  gymnastique,  qui  toutes  les  trois  sont  obhgatoires. 
Les  compositions   comprennent  :  1°  Une  composition 
française  de  la  force  de  la  classe  de  mathématiques  élémen- 
taires (deuxième  année  :  narration,  discours,  lettre,  rapport, 
dissertation).  —  2°  Un  thème  allemand.   Les  caractères 
allemands  seront  employés  pour  l'écriture  de  ce  thème,  qui 
sera  fait  sans  l'aide  de  lexique  ni  de  dictionnaire  ;  le  texte 
sera  accompagné,  s'il  est  nécessaire,  de  quelques  indica- 
tions pour  les  mots  et  les  tournures  qui  sortiraient  de  la 
pratique  usuelle.  Une  version  allemande  autographiée.  — 
30  Une  composition  mathématique  comprenant  des  pro- 
blèmes de  force  graduée.  —  4^  Un  calcul  logarithmique, 
résolution  de  triangle  (on  se  servira  des  tables  à  ^  sept 
décimales).  Les  candidats  ne  pourront  se  présenter  qu'avec 


une  table  de  logarithmes  à  sept  décimales,   tout  autre 
secours  leur  étant  formellement  interdit;  cette  épreuve  est 
obligatoire.  On  ne  peut  s'en  dispenser  sous  peine  d'ex- 
clusion.— 50  Le  tracé  d'une  épure  de  géométrie  descriptive 
d'après  des  données  numériques  simples,  et  dont  le  sujet 
sera  pris  dans  la  géométrie  descriptive.  —  6«  Un  dessin 
au  crayon  qui  sera,  selon  la  désignation  qui  en  sera  faite 
aux  candidats  par  une  insertion  au  Journal  officiel  un 
mois  avant  le  commencement  des  compositions,  un  buste, 
un  torse,  ou  une  académie  à  représenter  d'après  la  bosse 
(collection  des  modèles  des  lycées  et  collèges) .  —  7«  La  copie 
ombrée  d'un  paysage  ;  quiconque  ne  fait  pas  au  moins 
l'esquisse  est  exclu.  —  8<^  Un  lavis  à  teintes  plates  et  à 
teintes  fondues,  exécuté  à  l'encre  de  Chine.  —  Les  can- 
didats dont  les  notes  de   compositions,  multipliées  par 
leurs  coefficients  respectifs,  formeront  une  somme  inté- 
rieure à  une  limite  déterminée  seront  éliminés  avant  les  exa- 
mens du  premier  degré.  Cette  limite  sera  fixée  tous  les  ans,  par 
le  ministre,  sur  la  proposition  de  la  commission  des  exami- 
nateurs d'admission  présidée  par  le  directeur  de  l'infanterie. 
Examen  du  premier  degré  (admissibilité).  L'examen 
oral  du  premier  degré  décide  de  l'admissibilité,   concur- 
remment avec  les  compositions  dont  il  est  le  complément.  11 
porte  sur  l'ensemble  des  connaissances  exigées,  à  l'exception 
toutefois  de  l'allemand,  sur  lequel  les  candidats  ne  seront  pas 
interrogés.  Les  points  obtenus  à  cet  examen  sont  additionnes 
avec  les  points  obtenus  pour  les  compositions.  Les  candidats 
dont  la  somme  des  points  ainsi  obtenue  sera  inférieure  à  une 
limite  qui  sera  fixée  chaque  année,  comme  il  a  été  dit  ci- 
dessus  pour  les  compositions,  seront  éliminés  et  ne  pourront 
prendre  part  aux  épreuves  du  second  degré.  Les  candidats 
qui  auront  satisfait  aux  conditions  imposées  recevront  un 
certificat  d'admissibilité,   sur  la  présentation  duquel  ils 
seront  admis  à  subir  l'examen  du  second  degré. 

Examen  du  second  degré  (admission).  L'examen  oral 
du  second  degré  sert,  concurremment  avec  les  compositions 
et  les  notes  obtenues  pour  l'aptitude  physique,  à  déterminer 
le  classement,  par  ordre  de  mérite,  des  candidats  admis- 
sibles. Il  n'est  pas  tenu  compte,  pour  ce  classement,  des 
notes  de  l'examen  oral  du  premier  degré. 

Jableau  des  coefficients.  Les  coetticients  sont  fixes 
ainsi  qu'il  suit,  tant  pour  les  compositions  que  pour  les 
examens  oraux  et  l'aptitude  physique  : 
1°  Compositions. 

jo  Composition  française ^^ 

2''  Composition  mathématique  et  calcul  loga- 
rithmique         '^ 


3«  Epure. 

4°  Dessin  d'imitation 

5^  Lavis  à  l'encre  de  Chine  , 

6°  Thème  allemand 

7''  Version  allemande 

Total.., 


40 


2°  Examen  du  1^^  degré. 

!«  Physique,  mécanique,  cosmographie,  topo- 
graphie   ;  •  ;  • 

2'^  Algèbre,  géométrie,  géométrie  descriptive 
et  cotée,  trigonométrie,  applications  de 
l'algèbre  à  la  trigonométrie  et  à  la 
géométrie ^^ 

3°  Histoire  et  géographie ^^ 

Total ^ 

Somme  des  coefficients  pour  l'admissibilité. . 
3°  Examen  du  2^  degré. 

'  Histoire ^^^ 

I  Géographie 'I'^ 

Allemand iO 

^  Anglais  (facultatif) ^ 

Total JO^ 

A  reporter 


_30 

83 


Lettres. 


JO 
423 


ECOLE 


—  412  — 


Report 423 

Algèbre 10 

Trigonométrie  rectiiigne 6 

\  Géométrie 10 

q  •                 '  Géométrie  descriptive  et  cotée  10 

sciences. . . .  j  applications  de  l'algèbre  ....  40 

/  Mécanique 40 

i    Cosmographie  et  topographie.  40 

Physique 40 

Total "Te"     76 

4^  Aptitude  physique. 

Aptitolephy.^  Eq"'.'«*'«" 

\,:^»^         )  Lscrime 

*  (  Gymnastique 

Total 


sique  . 


2 
3 
3 

8        8 


Somme  des  coefficients  pour  l'admission  . . 


207 


Le  programme  d'histoire  comporte  l'histoire  de  l'Europe 
depuis  Henri  IV  jusqu'à  nos  jours  ;  celui  de  géographie,  la 
géographie  universelle.  Ces  programmes  ont  été  rapprochés, 
autant  que  possible,  du  programme  d'enseignement  des 
lycées,  pour  éviter  que  les  candidats  ne  se  croient  obhgés 
à  se  donner  une  préparation  trop  spéciale  et  nuisible  par  là 
même  à  leur  éducation  intellectuelle.  Les  candidats  doivent, 
avant  toutes  choses,  faire  preuve  de  connaissances  géné- 
rales et  réfléchies  en  histoire  et  en  géographie.  L'examen 
ne  porte  pas  sur  les  menus  détails  de  l'histoire  des  guerres. 
Pour  éviter  l'abus  en  cette  matière,  le  programme,  dont  le 
caractère  est  limitatif,  désigne,  pour  l'histoire,  les  hommes 
de  guerre  et  les  actions  militaires,  et  pour  la  géographie, 
les  régions  stratégiques,  qui  doivent  être  l'objet  d'une  étude 
plus  attentive.  Partout  ailleurs  ce  sont  les  connaissances 
générales  qui  sont  requises.  Pour  la  langue  allemande,  on 
demande  de  faire  quelques  lignes  de  thème  au  tableau,  de 
lire  l'écriture  usuelle  allemande,  d'expliquer  un  texte  à  livre 
ouvert,  enfin  de  converser  en  allemand.  Les  programmes  de 
mathématiques,  de  physique,  cosmographie,  sont  à  peu  près 
ceux  de  la  classe  de  mathématiques  élémentaires. 

Après  la  clôture  des  examens,  le  ministre  nomme  les 
élèves ,  conformément  à  la  liste  de  classement  général  dres- 
sée par  un  jury  spécial  (un  général  de  division  président, 
un  des  sous-chefs  de  l'état-major  de  l'armée,  le  chef  du 
cabinet  du  ministre  de  la  guerre,  les  directeurs  de  l'infan- 
terie et  de  la  cavalerie,  les  examinateurs  d'admission.  C'est 
dans  le  courant  du  mois  d'octobre  que  la  hste  est  publiée. 
Le  chiffre  des  dernières  promotions  a  été  de  450  élèves. 

Régime  intérieur.  —  La  durée  des  études  est  de  deux 
années.  L'Ecole  est  un  internat  soumis  au  régime  militaire. 
Les  élèves  doivent  payer  une  pension  de  1,000  fr.  et 
fournir  un  trousseau  de  600  à  700  fr.  Des  bourses,  demi- 
bourses,  trousseaux  ou  demi-trousseaux  peuvent  être 
accordés  aux  candidats  de  famille  peu  aisée.  Après  l'ad- 
missibilité à  l'épreuve  orale  du  premier  degré,  on  rédige  la 
demande  qu'on  adresse  au  préfet  en  l'accompagnant  d'un 
engagement  de  rembourser  le  montant  des  frais  de  pension 
et  de  trousseau  accordés,  dans  le  cas  où  l'élève  ne  servirait 
pas  au  moins  dix  ans  dans  l'armée  (y  compris  le  temps 
passé  à  l'Ecole).  Le  préfet  consulte  le  conseil  municipal 
dont  il  joint  l'avis,  avec  le  sien,  à  la  demande;  il  transmet 
le  tout  au  ministre  de  la  guerre  avant  le  4^"^  sept.  —  Tout 
candidat  nommé  élève  qui  ne  se  présente  pas  au  comman- 
dant de  l'Ecole  dans  le  délai  fixé  par  sa  lettre  de  nomination 
est  regardé  comme  démissionnaire. —  Nul  ne  peut  être  admis 
s'il  n'a  au  moins  la  taille  de  4^54,  exigée  par  la  loi  sur  le 
recrutement  de  l'armée,  ou  s'il  se  trouve  dans  un  des  cas 
de  réforme  prévus  par  les  ordonnances  et  règlements  sur  le 
recrutement  de  l'armée.  En  conséquence,  les  élèves,  à  leur 
arrivée  à  l'école,  sont  soumis  à  une  contre-visite  des  officiers 
de  santé.  —  Les  élèves  non  mihtaires  doivent  contracter  un 
engagement  volontaire  de  trois,  quatre  ou  cinq  ans  avant 
leur  entrée  à  l'Ecole.  Ceux  d'entre  eux  qui  n'auraient  pas 
atteint  l'âge  de  dix-huit  ans  au  moment  de  leur  entrée  à 


l'Ecole  devront  contracter  le  même  engagement  dès  qu'ils 
auront  atteint  cet  âge. 

Nul  ne  peut,  d'ailleurs,  être  reçu  à  l'Ecole  s'il  ne  produit 
un  récépissé,  soit  du  receveur  général  de  Seine-et-Oise, 
soit  d'un  receveur  général  ou  particulier  d'un  autre  dépar- 
tement, constatant' qu'il  a  payé  le  prix  du  trousseau  ou 
demi-trousseau,  et  s'il  ne  remet  au  général  commandant 
l'Ecole  une  promesse  sous  seing  privé  par  laquelle  son 
père,  sa  mère  ou  son  tuteur  s'engage  à  verser  dans  la 
caisse  du  receveur  général  du  dép.  de  Seine-et-Oise  ou  de 
tout  autre  receveur  général  ou  particulier,  par  trimestre 
et  d'avance,  le  montant  de  la  pension,  si  l'élève  est  pen- 
sionnaire, ou  de  la  demi-pension,  s'il  a  obtenu  une  demi- 
place  gratuite.  Cette  promesse,  qui  doit  être  légalisée  par 
le  maire  ou  par  le  sous-préfet,  sera  faite  par  f  élève  lui- 
même  s'il  est  majeur  ou  s'il  jouit  de  ses  biens.  Les  élèves 
dont  le  père  ou  le  tuteur  ne  réside  pas  à  proximité  de  Saint- 
Cyr  doivent,  en  outre,  avoir  un  correspondant  dûment 
accrédité  auprès  du  général  commandant  l'Ecole.  Tout 
élève  verse  le  jour  de  son  entrée  à  la  caisse  de  l'Ecole  une 
somme  de  75  fr.  Cette  somme  constitue  le  fonds  de  son 
compte  particulier  ;  elle  pourvoit  aux  remplacements  ou 
réparations  des  objets  perdus  ou  détériorés.  L'élève  qui,  en 
deuxième  année,  est  admis  dans  la  section  de  cavalerie, 
fait  un  versement  complémentaire  de  25  fr.  Chaque  élève, 
en  quittant  l'Ecole,  reçoit  l'excédent  de  son  compte,  ou 
rembourse  le  déficit  s'il  y  a  lieu. 

Les  élèves  sont  formés  en  bataillons  et  compagnies  pour 
l'instruction  militaire  ;  pour  l'enseignement,  ils  sont  répartis 
par  année  d'étude  en  divisions  et  sections  selon  la  nature  des 
cours  et  l'ordre  des  études.  Le  bataillon  de  Saint-Cyr,  re- 
nommé pour  la  perfection  de  ses  évolutions,  porte  le  nom 
àe  premier  bataillon  de  France;  il  défile  en  tête  dans  les 
revues  ;  dans  les  prises  d'armes,  il  occupe  la  droite  de  l'ar- 
mée. Les  sous-officiers  et  caporaux  sont  pris  parmi  les  élèves; 
ils  portent  les  insignes  de  leur  grade.  Le  régime  militaire  au- 
quel les  élèves  sont  soumis  exige  que  tout  supérieur  trouve 
dans  ses  subordonnés  une  obéissance  passive  ;  la  discipline 
est  rigoureuse  à  Saint-Cyr  ;  les  infractions  sont  rares.  Les 
sergents-majors  sont  chargés  de  tous  les  détails  de  la  poHce 
et  de  la  discipline  de  leurs  compagnies  respectives  ;  ils  ont, 
pour  les  seconder,  des  sergents,  un  fourrier  et  des  caporaux. 

Les  cours  d'études  de  l'Ecole  militaire  se  divisent  ainsi 
par  année  :  Première  année  (deuxième  division)  :  géométrie 
descriptive  (45  leçons)  ;  physique  et  chimie  (52  leçons)  ; 
géographie,  statistique  militaire  (34  leçons):  littérature 
(32  leçons)  ;  histoire  (42  leçons)  ;  allemand,  2  conférences 
par  semaine.  —  Deuxième  année  (première  division)  : 
topographie  (45  leçons)  ;  fortification  (27  leçons)  ;  artillerie 
(44  leçons);  art  et  histoire  militaires  (comprenant  la  tac- 
tique et  la  stratégie  (32  leçons)  ;  législation  et  administra- 
tion militaires  (22  leçons)  ;  hygiène  militaire  (conférences) 
(5  leçons).  En  principe,  la  moitié  de  la  journée  est  con- 
sacrée à  l'instruction  générale  et  l'autre  moitié  à  l'enseigne- 
ment mihtaire  comprenant  les  théories  et  les  exercices. 

Les  récompenses  sont  les  permissions  de  sortie,  la  no- 
mination à  la  première  classe  et  les  promotions  aux  grades 
de  caporal  et  de  sous-officier.  Les  élèves  proposés  pour  la 
première  classe  ou  les  difi'érents  grades  sont  choisis  parmi 
ceux  placés  dans  la  première  partie  de  la  liste  du  classement 
effectué  à  l'Ecole.  Les  permissions  ne  doivent  être  accor- 
dées que  tous  les  huit  jours  aux  sous-officiers,  tous  les 
quinze  jours  aux  caporaux  et  élèves  de  première  classe  et 
tous  les  mois  aux  autres  élèves.  Les  punitions  sont  la 
consigne  à  l'étude,  ou  le  peloton  de  punition  pendant  la 
récréation;  la  privation  de  sortie;  la  salle  de  police;  le 
blâme  devant  le  bataillon  ou  la  mise  à  l'ordre  du  jour  ;  la 
perte  de  la  première  classe  ;  la  suspension  ou  la  cassation 
du  grade  ;  la  prison  à  l'Ecole  ou  à  la  prison  militaire  de 
Paris.  Le  décret  du  30  sept.  4853  avait  organisé  à  Saint-Cyr 
une  section  de  cavalerie.  Elle  a  été  réorganisée  par  le  dé- 
cret du  18  janv.  4882.  Désormais  tous  les  élèves  sont  fan- 
tassins, mais  tous  prennent  des  leçons  d'équitation.  Pour  le 


413 


ECOLE 


passage  dans  l'arme  delà  cavalerie,  le  décret  du  25  nov.  1890 
a  décidé  que  les  élèves  de  2®  division  qui  désirent  entrer 
dans  la  cavalerie  soient  examinés  par  une  commission  d'offi- 
ciers de  cavalerie  désignés  par  le  ministre  (un  général  de 
brigade  président,  un  colonel,  un  lieutenant-colonel  et  l'offi- 
cier supérieur,  directeur  des  exercices  de  cavalerie).  Cette 
commission  se  borne  à  constater  l'aptitude  générale  au  ser- 
vice de  la  cavalerie  sans  faire  de  classement.  Les  examens 
ont  lieu  au  plus  tard  dans  la  semaine  qui  précède  le  congé 
de  Pâques.  Les  élèves  reconnus  aptes  au  service  de  la  cava- 
lerie sont  classés  entre  eux  dans  l'ordre  du  classement 
général  qui  a  lieu  à  Pâques  entre  tous  les  élèves  de  la  môme 
promotion.  La  liste  d'aptitude  arrêtée  et  signée  par  les 
membres  de  la  commission,  est  adressée  au  ministre,  qui 
fixe,  en  raison  des  besoins  présumés  de  l'arme,  le  nombre 
des  élèves  à  admettre  dans  la  cavalerie.  Les  élèves  ainsi 
désignés  sont  immédiatement  versés  dans  la  section  de  ca- 
valerie. Une  fois  classé  dans  la  section  de  cavalerie,  un 
élève  ne  pourra  être  rayé  que  pour  cause  d'infirmités  qui 
le  rendraient  impropre  au  service  de  l'arme.  On  avait 
remarqué  que  les  élèves  de  la  section  de  cavalerie  négli- 
geaient souvent  le  travail  scientifique.  Le  nouveau  système 
force  tout  le  monde  à  travailler,  puisqu'il  faut  obtenir  un 
certain  rang  au  classement  de  sortie  pour  pouvoir  choisir. 

Elèves  étrangers.  On  admet  chaque  année  à  l'Ecole  mi- 
litaire, sur  leur  demande  appuyée  par  leur  agent  diploma- 
tique, quelques  élèves  étrangers,  une  dizaine  tout  au  plus; 
la  plupart  sont  Arabes,  Algériens,  Roumains,  Turcs,  etc. 

Sortie.—  Chaque  année,  au  mois  de  juillet,  l'inspection 
générale  est  faite  par  un  général  de  division  désigné  à  cet 
effet.  Elle  se  termine  du  13  au  20  juil.  Aussitôt  après 
l'inspection  générale,  les  examens  ont  lieu  pour  les  deux 
divisions,  et  au  fur  et  à  mesure  que  les  élèves  ont  terminé 
les  épreuves  ils  quittent  l'Ecole  ;  ceux  de  première  année 
sont  en  vacances  jusqu'au  3  nov.  ;  ceux  de  seconde  année 
attendent  qu'on  les  classe  dans  l'armée  active  et  qu'on  les 
informe  de  leur  destination.  Les  examens  de  sortie  donnent 
lieu  à  un  classement  par  ordre  de  mérite.  Les  élèves  choi- 
sissent les  régiments  dans  lesquels  ils  veulent  servir,  et  les 
places  vacantes  leur  sont  attribuées  selon  leur  demande  et 
l'ordre  du  classement.  —  L'usage  s'est  établi  à  Saint-Cyr 
de  désigner  chaque  promotion  par  le  fait  militaire  ou  poli- 
tique le  plus  saillant  qui  s'est  produit  durant  la  première 
année  de  séjour  à  l'Ecole.  C'est  ainsi  que  la  promotion  de 
1 89 1  prit  le  nom  de  «  promotion  de  Cronstadt  ». 

Ecole  d'application  de  l'artillerie  et  du  génie 
de  Fontainebleau.  —  Destination.  —  L'Ecole  d'appli- 
cation de  l'artillerie  et  du  génie  est  destinée  à  donner  aux 
élèves  provenant  de  l'Ecole  polytechnique  jugés  aptes  à  servir 
dans  les  armes  de  l'artillerie  de  terre  ou  de  la  marine  et  dans 
l'arme  du  génie,  l'instruction  militaire  et  technique  qui  leur 
est  nécessaire.  Elle  est  régie  par  un  décret  du  28  oct.  1881 . 

Historique.  —  Les  institutions  dont  est  issue  l'Ecole 
d'appHcation  de  l'artillerie  et  du  génie  remontent  au  règne 
de  Louis  XIV.  En  1682,  Louvois  organisait  neuf  compagnies 
de  cadets  d'artillerie  à  Tournai,  Cambrai,  Valenciennes, 
Strasbourg,  Longwy,  Besançon,  Charlemont,  Brisach  et 
Metz.  On  y  recevait  des  élèves  de  quatorze  à  vingt-cinq  ans, 
logés,  nourris,  recevant  une  solde  de  10  sous  par  jour. 
On  leur  enseignait  l'école  d'infanterie  plutôt  que  l'artillerie. 
En  1698,  on  établit  à  Douai  une  véritable  école  d'artillerie. 
Elle  fut  licenciée  bientôt  et  on  en  institua  deux  autres  à 
Metz  et  à  Strasbourg.  D'ailleurs,  en  temps  de  guerre,  ces 
écoles  disparaissaient,  les  cadets  faisant  campagne.  Sous  le 
règne  de  Louis  XV,  on  créa  trois  nouvelles  écoles  d'artillerie 
à  La  Fère,  à  Grenoble  et  à  Perpignan.  L'enseignement 
avait  dans  les  cinq  écoles  un  caractère  à  la  fois  théorique 
et  pratique.  En  1772,  on  établit  à  Douai  une  école  de  cadets 
d'artillerie  ;  on  la  supprima  en  1779.  On  la  rétablit  en  1790 
à  Châlons-sur-Marne,  mais  elle  disparut  dans  la  Révolution 
française.  Rétablie  par  décret  du  27  prairial  an  X,  elle  fut 
l'année  suivante  réunie  à  celle  du  génie  qui  était  placée  à 
Metz.  —  Le  corps  du  génie  créé  par  Louvois  eut  dès  l'ori- 


gine un  caractère  scientifique.  On  n'y  était  admis  (à  partir 
de  1703)  qu'après  un  examen.  En  1748,  d'Argenson  décida 
la  création  d'une  école  du  génie.  Elle  fut  établie  à  Mézières 
et  s'acquit  promptement  une  grande  réputation.  C'est  une 
des  origines  de  V Ecole  polytechnique  (V.  ce  §).  Les  élèves 
de  l'Ecole  de  Mézières,  logés  aux  frais  de  l'Etat,  avaient 
une  solfie  annuelle  de  600  livres.  Les  promotions  étaient 
d'une  dizaine  d'élèves  âgés  de  dix-huit  à  vingt-sept  ans. 
L'anillerie  et  le  génie  ayant  été  momentanément  réunis  de 
1753  à  1738,  durant  cette  période  les  élèves  passèrent 
d'abord  une  année  à  La  Fère  ;  les  meilleurs  seuls  furent 
ensuite  envoyés  à  Mézières.  Les  abbés  Bossut  et  Mollet  y 
portèrent  assez  haut  le  niveau  de  l'enseignement  ;  en  1773, 
le  célèbre  Monge  y  débutait  comme  répétiteur  pour  devenir 
professeur  de  physique.  L'ordonnance  de  déc.  1776  donne 
aux  élèves  de  l'Ecole  de  Mézières  le  rang  de  sous-lieutenant 
d'infanterie.  L'Ecole  subsista  pendant  la  Révolution  fran- 
çaise. Elle  fut  transférée  à  Metz  par  le  décret  consulaire  qui 
la  réunit  à  l'Ecole  d'artillerie.  Au  moment  de  l'organisation 
de  l'Ecole  polytechnique,  on  avait  décidé  que  cette  école 
prendrait  le  caractère  d'école  d'application  (V.  le  §  Ecole 
polytechnique).  C'est  après  les  désastres  de  1870  et  la 
perte  de  Metz  que  l'Ecole  fut  transférée  à  Fontainebleau. 

Conditions  d'admission.—  Les  élèves  de  l'Ecole  polytech- 
nique admis  à  l'Ecole  d'application  de  Fontainebleau  et 
nommés  sous-lieutenants  sont  pourvus  de  l'emploi  de  sous- 
lieutenant-élève.  Leur  ancienneté  de  grade  date  du  jour 
fixé  par  le  décret  de  nomination  ;  ils  prennent  rang  entre 
eux  d'après  le  numéro  de  mérite  qu'ils  ont  obtenu  aux 
examens  de  sortie  de  l'Ecole  polytechnique.—  Lorsque  les 
élèves  sont  envoyés  à  l'Ecole  d'application  avant  d'avoir 
accompH  à  l'Ecole  polytechnique  les  deux  années  exigées 
par  la  loi,  ces  élèves  ne  sont  nommés  sous -lieutenants 
qu'après  l'expiration  du  temps  voulu.  Leur  qualification  est 
celle  d'élèves  d'artillerie  ou  du  génie  et  ils  continuent  à 
porter  l'uniforme  de  l'Ecole  polytechnique.  —  Le  ministre 
de  la  guerre  fait  parvenir  chaque  année  au  général  com- 
mandant l'Ecole  d'application  l'état  nominatif  des  sous- 
lieutenants-élèves  désignés  pour  cette  école  et  fixe  l'époque 
à  laquelle  ils  devront  y  être  rendus.  Il  joint  à  cet  état  le 
signalement  de  chacun  d'eux,  leurs  notes  et  leur  classement. 

Régime  intérieur.  —  Personnel.  L'Ecole  est  commandée 
par  un  général  de  brigade  (alternativement  choisi  dans 
l'artillerie  et  dans  le  génie)  ayant  sous  ses  ordres  un  colonel 
ou  lieutenant-colonel,  directeur  des  études;  un  chef  d'esca- 
dron d'artillerie  et  un  chef  de  bataillon  de  génie,  char- 
gés de  la  direction  de  l'instruction  spéciale  de  leur  arme; 
des  capitaines  instructeurs  des  deux  armes,  à  raison  d'un 
par  23  élèves;  un  médecin  principal,  un  médecin-major  de 
2*^  classe,  un  vétérinaire.  Le  personnel  militaire  comprend 
encore  les  professeurs  et  professeurs  adjoints,  sauf  ceux  de 
dessin.  Il  y  a  de  plus  un  personnel  civil  d'administration. 
Il  a  été  établi  à  l'Ecole  un  conseil  supérieur,  un  conseil 
d'instruction  et  un  conseil  d'administration. 

Les  élèves  restent  deux  ans  à  l'Ecole  ;  ils  sont  classés 
en  deux  divisions,  la  première  étant  formée  des  élèves  qui 
suivent  les  cours  de  deuxième  année;  la  seconde,  des 
élèves  nouvellement  admis.  Les  sous- lieutenants -élèves 
jouissent  de  tous  les  privilèges  attachés  à  leur  grade  et  sont 
tenus  de  remplir  tous  les  devoirs  que  les  lois,  décrets  et  rè- 
glements imposent  aux  officiers  de  l'armée.  Ils  doivent  en 
outre  se  conformer  aux  règles  de  discipline  spéciales  à  l'Ecole. 

L'instruction  qui  est  donnée  aux  élèves  comprend  :  l»  l'ins- 
truction commune  aux  armes  de  l'artillerie  et  du  génie  ; 
2*^  l'instruction  spéciale  à  chacune  d'elles.  Les  programmes 
sont  arrêtés  par  le  ministre  de  la  guerre. 

L'instruction  commune  aux  deux  armes  a  pour  objet  : 
1°  l'étude  des  règlements  militaires,  les  manœuvres  de 
l'infanterie,  de  cavalerie  et  d'artillerie  ;  2°  l'étude  de  l'ar- 
tillerie; 3«  l'art  militaire,  la  fortification  passagère,  l'admi- 
nistration et  la  législation  militaires;  l'^  la  fortification 
nermanente,  l'attaque  et  la  défense  des  places;  3^  la  topo- 
graphie ;  6''  l'application  des  sciences  physiques  et  chimiques 


ÉCOLE 


—  414  — 


aux  arts  militaires  ;  V  l'application  de  la  mécanique  aux 
machines  ;  8^  l'architecture  et  les  constructions  militaires  ; 
90  la  langue  allemande  ;  10"  l'hippiatrique  et  l'équitation  ; 
11°  les  travaux  pratiques  des  deux  armes,  l'escrime  et  la 
natation.  . 

L'instruction  spéciale  pour  les  élevés  de  l  artillerie  com- 
prend :  1°  des  théories  sur  les  manœuvres  à  pied  et  à 
cheval  de  l'artillerie  et  le  service  des  bouches  à  feu  ;  2°  le 
levé  et  le  tracé  des  bouches  à  feu,  des  affûts  et  des  voi- 
tures ;  S''  des  projets  de  bouches  à  feu. 

L'instruction  spéciale  pour  les  élèves  du  génie  comprend  : 
r  les  théories  d'infaaterie  ;  T  une  étude  détaillée  de  for- 
tification permanente  en  terrain  varié  ;  3"  l'étude  de  l'amélio- 
ration d'une  place  de  guerre  existante  ;  4"  l'exécution  des 
opérations  trigonométriques.     ,. 

Les  cours  sont  rédigés  par  les  professeurs  ;  ils  sont 
ensuite  lithographies  ou  imprimés  pour  facihter  l'instruc- 
tion des  élèves.  ^  ,       ,         j 

Le  ministre  de  la  guerre  peut  autoriser  sur  leur  demande 
des  officiers  d'artillerie  et  du  génie  provenant  de  la  classe 
des  sous-officiers  à  participer  à  l'instruction  qui  se  donne 
à  l'Ecole  de  Fontainebleau. 

Sortie.  —  Il  est  formé  chaque  année  un  jury  d  examen 
pour  procéder  au  classement  de  sortie  des  élèves  de  la 
première  division  (seconde  année).  Ce  jury  est  composé 
d'un  général  de  division,  deux  généraux  de  brigade,  quatre 
officiers  supérieurs,  lesquels  sont  désignés  par  le  ministre 
de  la  guerre  ;  ces  examinateurs  se  divisent  en  deux  sections 
fonctionnant  simultanément  (artillerie  et  génie),  sous  la 
haute  direction  du  général  de  division,  président  du  jury. 
Les  élèves  de  deuxième  division  (première  année)  ne  sont 
déférés  au  jury  d'examen  que  s'ils  n'ont  pas  satisfait  à 
l'interrogation  générale  que  les  professeurs  de  l'Ecole  leur 
font  subir  sur  chaque  cours.  Dans  ce  cas,  c'est  le  jury 
d'examen  qui  décide  s'ils  peuvent  passer  en  première 
division  ou  doivent  être  classés  à  la  suite  de  la  nouvelle  pro- 
motion. Le  jury  arrête  le  classement  de  passage  de  la  deuxième 
à  la  première  division.  Il  arrête  de  même  le  classement  des 
élèves  des  deux  armes  de  la  première  division,  à  la  suite 
d'un  examen  oral  où  les  questions  sont  tirées  au  sort.  Ce 
classement  règle  définitivement  Tordre  d'admission  dans 
les  services  de  l'artillerie  ou  du  génie.  Les  sous-Ueute- 
nants-élèves  de  l'une  ou  l'autre  division,  qui,  par  suite 
de  maladies  graves  ou  autres  empêchements,  régulièrement 
constatés,  se  sont  trouvés  dans  l'impossibilité  d'acquérir 
l'instruction  suffisante,  peuvent  être  autorisés  par  le  mi- 
nistre de  la  guerre,  sur  les  propositions  du  commandant 
de  l'Ecole  et  du  jury  d'examen,  à  redoubler  leur  année 
d'études  avec  la  promotion  suivante  et  à  concourir  avec 
elle.  Ceux  qui  n'ont  pas  satisfait  aux  examens  de  passage 
ou  de  sortie  peuvent  être  également  autorisés  à  redoubler 
leur  année  d'études.  Si  cette  autorisation  n'est  pas  accordée, 
ils  sont  mis  en  non-activité  par  suspension  d'emploi  et 
laissés  à  la  disposition  du  ministre  de  la  guerre.  Dans 
aucun  cas,  un  élève  ne  peut  rester  à  l'Ecole  plus  de  trois 
années.  .  A.-M.  B. 

Ecole  d'application  de  cavalerie  de  Saumur.  ■— 
Destination.  —  L'Ecole  d'application  de  cavalerie  est  ins- 
tituée en  vue  :  1°  de  perfectionner  l'instruction  d'un  certain 
nombre  de  lieutenants  de  cavalerie  et  d'artillerie,  de  lieu- 
tenants et  de  sous-lieutenants  du  génie  désignés  pour  en 
suivre  les  cours  ;  2^  de  compléter  l'instruction  des  élevés 
de  la  section  de  cavalerie  de  l'Ecole  spéciale  militaire  ;  3«  de 
perfectionner  et  d'uniformiser  l'instruction  des  sous-officiers 
de  cavalerie  reconnus  susceptibles  d'être  nommés  sous-lieu- 
tenants  ;  4*^  de  compléter  l'instruction  technique  des  aides- 
vétérinaires  stagiaires  nouvellement  promus,  de  leur  ensei- 
gner l'équitation  et  de  les  initier  au  service  régimentaire. 

Il  est  ainsi  formé  à  l'Ecole  de  Saumur  les  catégories 
d'élèves  suivantes  :  division  d'officiers  d'instruction  de  cava- 
lerie, d'artillerie  et  du  génie;  division  d'officiers-élèves; 
division  de  sous-officiers  élèves-officiers;  division  d'aides- 
vétérinaires  stagiaires. 


L'Ecole  reçoit  en  outre  :  1^  des  élèves-télégraphistes  qui 
viennent  s'exercer  au  maniement  des  appareils  de  télégra- 
phie électrique  optique  ;  2^  des  élèves-maréchaux  ferrants 
provenant  des  corps  de  troupes  à  cheval.  —  Enfin,  une 
école  de  dressage  y  est  annexée. 

Historique.  —  L'Ecole  de  cavalerie  de  Saumur  remonte 
au  règne  de  Louis  XV.  Elle  a  été  créée  en  1771.  Déjà  une 
ordonnance  du  21  août  1764  avait  institué  quatre  écoles 
d'équitation  à  Metz,  Douai,  Angers  et  Besançon.  Elles  dis- 
parurent bientôt,  mais  sept  ans  après  on  en  rétablit  une  à 
Saumur  et  on  lui  consacra  la  caserne  édifiée  en  1768  pour 
les  carabiniers  de  Monsieur.  Sous  le  règne  de  Louis  XVI^ 
l'Ecole  de  Saumur  fut  supprimée  faute  d'argent .^  La 
Convention  rétablit  les  écoles  de  cavalerie  par  la  loi  du 
7  vendémiaire  an  V  (27  sept.  1796).  Il  y  en  avait  trois,  à 
Versailles,  à  Lunéville  et  à  Angers.  Ces  écoles  furent  comme 
toutes  les  autres  écoles  militaires  victimes  du  régime  im- 
périal qui  les  empêchait  de  fonctionner  en  les  épuisant 
d'élèves  réquisitionnés  pour  la  guerre  avant  d'avoir  ter- 
miné ou  même  avancé  leur  instruction.  En  1809,  il  n'en 
restait  plus  qu'une,  celle  de  Versailles,  qui  fut  transférée 
à  Saint-Germain.  On  ne  lui  donnait  que  le  caractère  d'une 
école  d'application  réservée  aux  élèves  sortant  de  Saint- 
Cyr.  Elle  ne  fonctionna  guère.  La  Restauration  la  transféra 
à  Saumur  (30  juil.  1814)  et  lui  rendit  son  caractère 
primitif  en  y  admettant  concurremment  les  officiers  et  les 
sous-officiers.  Une  révolte  eut  lieu  en  1822  pour  des  motifs 
poUtiques.  L'Ecole  fut  dissoute.  L'année  suivante,  on  la 
réorganisa  à  Versailles,  mais  seulement  à  titre  d'Ecole 
d'application  pour  les  saints-cy riens.  Le  défaut  de  ce  sys- 
tème parut  être  le  suivant  :  les  recrues  des  régiments  de 
cavalerie  sont  instruites  non  par  les  officiers,  mais  par  les 
sous-officiers.  C'est  donc  à  ces  derniers  qu'il  faut  inculquer 
les  principes  uniformes  qui  donneront  à  l'instruction  de 
la  cavalerie  française  un  caractère  homogène.  Aussi,  dès  le 
10  mars  1825,  on  ramène  l'Ecole  à  Saumur  et  on  y  établit 
à  côté  de  la  section  d'officiers  sortant  de  Saint-Cyr  des 
escadrons  de  sous-officiers  instructeurs.  Cette  organisation 
a  été  modifiée  à  diverses  reprises  et,  en  dernier  lieu,  par  le 
décret  du  25  mai  1 883  qui  régit  encore  l'Ecole.  Les  change- 
ments introduits  depuis  sont  secondaires. 

L'Ecole  de  cavalerie  de  Saumur  occupe  encore  ses  bâti- 
ments du  xviii^  siècle  ;  à  l'aile  droite  sont  les  officiers  ;  à 
l'aile  gauche  les  sous-officiers  élèves-officiers  ;  devant 
l'Ecole  se  développe,  jusqu'à  la  Loire,  le  champ  de  ma-^ 
nœuvres  appelé  le  Chardonnet  ;  des  deux  côtés  les  annexes, 
écuries,  manèges,  magasins  à  fourrages,  etc. 

Organisation  générale.  —  En  raison  de  la  nature  par- 
ticulière de  l'Ecole  de  Saumur  qui  réunit  des  catégories 
d'élèves  d'origine  et  de  destination  diverses,  recevant  des 
enseignements  différents,  nous  nous  écarterons  un  peu 
du  plan  suivi  pour  les  autres  écoles  et  nous  étudierons 
d'abord  l'organisation  générale  et  les  conditions  communes 
à  toutes  les  divisions  d'élèves. 

Le  cadre  constitutif  de  l'Ecole  comprend  un  général  de 
brigade  ou  colonel,  commandant  ;  un  colonel  ou  lieutenant- 
colonel,  commandant  en  second;  un  major,  quatre  capi- 
taines, deux  adjudants-majors,  un  trésorier,  un  capitaine 
d'habillement,  deux  lieutenants  ou  sous-lieutenants,  sept 
commis  civils  d'administration  ;  les  exercices  militaires  sont 
dirigés  par  un  chef  d'escadrons,  instructeur  en  chef,  et  neuf 
capitaines  instructeurs;  l'équitation,  par  un  chef  d'esca- 
drons, instructeur  en  chef;  cinq  capitaines  instructeurs, 
quatre  lieutenants  ou  sous-lieutenants,  sous-instructeurs. 
L'enseignement  général  est  dirigé  par  un  chef  d'escadrons, 
directeur  des  études  et  professeur  d'art  miUtaire  et  de  topo- 
graphie; un  capitaine,  sous-directeur  des  études  et  pro- 
fesseur adjoint  d'art  militaire  et  de  topographie  ;  un  capitaine 
ou  Ueutenant,  professeur  d'histoire  et  de  géographie  mili- 
taires ;  un  capitaine,  professeur  de  fortification  et  de  sciences 
appliquées  à  l'art  militaire;  un  capitaine,  professeur  d'alle- 
mand; un  professeur  de  télégraphie.  Une  batterie  d'artille- 
rie à  cheval  est  détachée  tous  les  ans  à  Saumur  pendant 


415  — 


ÉCOLE 


trois  mois  pour  l'instruction  des  élèves  de  l'Ecole.  Le  cours 
d'artillerie  est  fait  par  les  officiers  de  cette  batterie.  Des 
officiers  d'instruction,  quelle  que  soit  leur  arme,  ou  des  offi- 
ciers-élèves peuvent  être  choisis  pour  seconder  le  profes- 
seur. Les  cadres  comprennent,  de  plus,  trois  médecins, 
trois  vétérinaires,  des  sous-officiers  et  hommes  de  service. 

Les  hommes  de  troupe  des  différentes  catégories  existant 
à  l'Ecole  de  Saumur  sont  répartis  dans  deux  escadrons 
placés  chacun  sous  les  ordres  d'un  des  capitaines  faisant 
fonction  d'adjudant-major.  Le  premier  escadron  est  com- 
posé des  élèves-officiers,  des  ordonnances  des  lieutenants 
d'instruction,  des  chevaux  des  lieutenants  et  de  ceux  des 
élèves-officiers  ;  le  second  escadron  est  composé  des  élèves- 
maréchaux  ferrants,  des  élèves-télégraphistes,  des  chevaux 
d'armes  de  l'Ecole  et  des  chevaux  des  télégraphistes. 
Sans  entrer  dans  le  détail  du  personnel  secondaire  (ma- 
nège, escrime,  télégraphie,  maréchalerie,  ateliers,  etc.), 
nous  dirons  que  l'Ecole  dispose  pour  son  service,  non  seu- 
lement des  chevaux  de  manège,  de  carrière,  d'armes  et  de 
fourgon  de  son  effectif  normal,  des  chevaux  des  officiers  du 
cadre,  mais  encore  des  chevaux  de  l'école  de  dressage  (200 
environ)  et  des  chevaux  d'armes  amenés  par  les  élèves  de 
toute  nature  (officiers  d'instruction,  sous-officiers,  élèves- 
officiers  et  élèves-télégraphistes. 

Un  conseil  d'instruction  présidé  par  le  commandant  de 
l'Ecole  et  composé  du  commandant  en  second,  du  directeur 
des  études,  de  l'instructeur  en  chef  d'exercices  militaires, 
de  l'instructeur  en  chef  d'équitation  et  de  trois  capi- 
taines (un  professeur,  un  instructeur  d'exercices  militaires, 
un  instructeur  d'équitation),  est  chargé  de  la  haute  direc- 
tion de  l'enseignement  et  de  l'établissement  de  programmes 
détaillés.  Il  émet  des  avis  sur  tout  ce  qui  concerne  les  mé- 
thodes d'instruction  et  le  service  de  l'Ecole.  Les  matières 
d'enseignement  ainsi  que  les  exercices  pratiques  sont  indi- 
qués dans  des  programmes  arrêtés  par  le  ministre.  Les 
officiers  d'instruction  de  la  cavalerie,  de  l'artillerie  et  du 
génie,  et  les  sous-officiers  élèves-officiers  continuent  de 
compter  dans  les  corps  de  troupe  auxquels  ils  appartiennent 
au  moment  de  leur  entrée  à  Saumur. 

Nous  exposerons  séparément  les  données  relatives  aux 
officiers  et  élèves-officiers  de  cavalerie  qui  forment  le  noyau 
de  l'Ecole  de  Saumur  et  ceux  relatifs  aux  services  annexes 
des  aides-vétérinaires,  télégraphistes,  maréchaux  ferrants. 
Tous  les  officiers  céhbataires  et  les  sous-officiers  vivent  en 
mess.  Les  mess  sont  au  nombre  de  trois  :  le  premier  est 
affecté  aux  officiers  du  cadre,  aux  lieutenants  d'instruction 
de  cavalerie,  aux  lieutenants  et  sous-lieutenants  d'artil- 
lerie et  du  génie  et  aux  officiers-élèves.  Le  deuxième  est 
attribué  aux  aides- vétérinaires  stagiaires.  Le  troisième  aux 
sous-officiers  du  cadre  et  aux  élèves-officiers.  Ces  mess 
ont  des  salles  de  café  indépendantes  de  leurs  salles  à  manger. 
Chacun  d'eux  est  géré  par  un  entrepreneur  civil  soumis 
au  dépôt  d'un  cautionnement  et  à  des  obligations  détermi- 
nées par  un  règlement  spécial.  Des  commissions  de  sur- 
veillance veiMent  à  l'exécution  des  règlements. 

10  ÉCOLE  DE  CAVALERIE.  —  Conditions  d'admis- 
sion.—  Officiers  d'instruction  de  cavalerie.  Les  officiers 
d'instruction  de  cavalerie  sont  désignés  par  le  ministre  sur 
la  présentation  des  inspecteurs  généraux  qui  les  choisis^sent 
parmi  les  lieutenants  comptant  au  moins  un  an  de  grade  au 
31  déc.  de  l'année  de  leur  entrée  à  l'Ecole. 

Officiers  d'instruction  d'artillerie  et  du  génie.  Des 
lieutenants  d'artillerie  ainsi  qu'un  certain  nombre  de  lieu- 
tenants et  sous-lieutenants  du  génie  sont  envoyés  à  Saumur 
dans  le  but  d'acquérir  les  connaissances  équestres  qui  leur 
sont  nécessaires  comme  instructeurs  d'équitation.  Ils  sont 
en  outre  initiés  à  la  tactique  et  à  l'emploi  de  la  cavalerie. 
Ces  officiers  font  l'objet  d'un  classement  spécial. 

Officier s-élèues.  Les  officiers-élèves  provenant  de  la 
section  de  cavalerie  de  l'Ecole  de  Saint-Cyr  sont  envoyés 
à  Saumur  dans  le  but  d'y  compléter  et  perfectionner  leur 
instruction  équestre  et  militaire. —  On  adjoint  à  cettedivi- 
sion  les  sous-lieutenants  de  corps  de  troupes  à  pied  venus 


dans  l'arme  de  la  cavalerie  à  la  suite  de  permutations.  —  Les 
sous-heutenants  promus  à  ce  grade  pour  faits  de  guerre  ou 
toute  autre  cause  exceptionnelle,  sans  avoir  préalablement 
suivi  les  cours  des  élèves-officiers,  doivent  être  autorisés  à 
suivre  les  cours  de  la  première  division  d'officiers-élèves 
qui  entrent  à  l'Ecole  après  leur  promotion.  Ils  font  l'objet 
d'un  classement  spécial,  mais  une  mention  particulière 
indique,  pour  mémoire,  le  numéro  qu'ils  auraient  pu  ob- 
tenir dans  le  classement  général  de  cette  division. 

Sous-officiers  élèves-officiers.  Les  sous-officiers  élèves- 
officiers  sont  envoyés  à  Saumur  à  la  suite  des  propositions 
des  chefs  de  corps  ou  de  service  (V.  plus  bas  les  §§  Ecole 
de  Saint-Maixent  et  Ecole  de  Vartillerie  et  du  génie) 
et  d'un  concours  subi  dans  les  conditions  déterminées  par 
le  ministre  de  la  guerre. 

Régime  intérieur.  —  La  durée  des  cours  est  de  onze  mois. 
Le  personnel  du  cadre  (professeurs ,  instructeurs)  porte 
l'uniforme  de  l'Ecole  :  dolman  bleu  noir,  collet  bleu  clair, 
pantalon  rouge  à  bandes  bleu  clair,  képi  rouge  à  bande  bleue. 

Les  officiers  d'instruction  conservent  la  tenue  de  leur 
corps.  Les  officiers-élèves  ont  l'uniforme  de  l'Ecole  sans 
les  aiguillettes.  Les  sous-officiers  élèves-officiers  portent 
la  tenue  de  maréchal  des  logis  de  leur  corps,  sauf  des  insi- 
gnes distinctifs  déterminés  par  règlement  ministériel  (tresse 
mi-partie  argent  et  rouge  sur  les  manches).  Les  officiers 
et  sous-officiers  élèves-officiers  font  usage  pour  les  exercices 
équestres  de  la  tenue  de  manège  sans  le  chapeau  à  l'écuyère. 

L'enseignement  donné  aux  officiers  d'instruction  de  cava- 
lerie a  pour  but  de  perfectionner  leur  instruction  équestre  et 
militaire,  et  de  les  initier  à  tout  ce  qui  concerne  la  conduite 
et  l'emploi  de  la  cavalerie.  Les  matières  de  cet  enseigne- 
ment sont  :  1°  les  règlements  d'exercice  de  la  cavalerie 
en  France  et  à  l'étranger  ;  2<*  l'équitation  ;  3**  l'hippologie  ; 
4*^  l'art  militaire  (comprenant  la  législation  militaire)  et 
la  tactique  appliquée  à  la  cavalerie  ;  5°  la  topographie  ; 
6°  la  fortification  passagère  ;  1^  l'artillerie  ;  8*^  l'allemand. 
—  Les  officiers  d'instruction  de  l'artillerie  et  du  génie 
suivent  les  mêmes  cours  à  l'exception  de  ceux  d'artillerie  et 
de  fortification. 

Les  officiers-élèves  étudient  particulièrement  les  appli- 
cations du  service  en  campagne.  L'enseignement  général 
se  borne  pour  eux  à  un  cours  d'histoire  militaire  et  un 
cours  d'allemand;  mais,  une  fois  par  mois,  on  les  interroge 
sur  les  autres  cours  qui  ont  été  professés  à  l'Ecole  spé- 
ciale militaire  de  Saint-Cyr.  Ils  pratiquent  journellement 
l'équitation,  le  dressage  et  les  différents  détails  du  service 
intérieur.  Ils  sont  exercés  à  l'escrime  et  au  tir  de  la  cara- 
bine et  du  revolver.  Les  sous-officiers  élèves-officiers  sui- 
vent des  cours  purement  militaires  comportant  l'étude  et 
l'application  du  règlement  sur  les  exercices  de  la  cavalerie 
et  des  divers  services,  l'équitation,  le  dressage  et  l'hippo- 
logie ;  ils  suivent  aussi  des  cours  d'enseignement  général 
ayant  pour  objet  :  1*^  l'histoire  et  la  géographie  militaires; 
2'^  des  notions  de  sciences  appliquées  à  l'art  militaire  ; 
3^  l'art  militaire  et  la  législation;  4*^  l'artillerie;  5^  la 
fortification  passagère  ;  6^  la  topographie  ;  7^  l'allemand . 
Ils  sont  exercés  à  l'escrime  et  au  tir  de  la  carabine  et  du 
revolver.  —  Tous  les  sous-officiers  élèves-officiers  sont 
remis,  à  leur  arrivée  à  l'Ecole,  dans  l'emploi  de  maréchal 
des  logis.  Ils  sont  remplacés  à  leur  corps  dans  les  emplois 
spéciaux  dont  ils  peuvent  y  être  pourvus  (adjudant,  maré- 
chal des  logis  chef  ou  fourrier)  et  placés  comme  maréchaux 
dos  logis  dans  un  escadron.  Ils  doivent  le  salut  aux  offi- 
ciers ;  ils  y  ont  droit  de  la  part  des  maréchaux  des  logis 
chefs,  maréchaux  des  logis  fourriers,  maréchaux  des  logis, 
brigadiers  et  cavaliers. 

Sortie.  —  Examens  de  sortie.  Le  mérite  de  chaque 
élève,  dans  les  diverses  parties  de  l'instruction  générale 
et  militaire,  se  constate  et  s'apprécie  par  des  interrogations 
et  des  examens  donnant  heu  à  des  notes  de  0  à  20.  Les 
notes  de  conduite  s'expriment  de  même  à  la  suite  d'une 
appréciation  d'ensemble  oti  l'on  doit  tenir  compte  séparé- 
ment de  la  conduite  proprement  dite,  de  l'application  aux 


ECOLE 


—  416  — 


cours  et  exercices,  de  la  manière  d'être  générale  ;  cette 
note  d'ensemble  est  donnée  par  le  commandant  de  l'Ecole. 
La  \aleur  relative  des  différents  éléments  de  classement 
est  indiquée  par  le  tableau  suivant  : 

Note  d'ensemble 10 

Equitation  (pour  toutes  les  divisions  :  33  points) 
Equitation  pratique  (position,  conduite  et  énergie, 

solidité,  voltige) 22  ] 


Capacité  comme  professeur 

„.      1    •    ^  Connaissance  du  cheval.. . .     4 
Hippologie .  j   c,nnr^^\^^^nc.(^.  théorinne ....      3 


33 


T\ 


Travail  pratique .  < 


Connaissance  théorique^ 
du  règlement 


10 


1 

4\ 

3/ 


20 


l  Connaissance  théorique . . . 
Exercices  militaires  (33  points) 
Officiers  d'instruction. 
Capacité  comme  instructeur. 
Maniement  de  la  troupe  (ma- 
nœuvres et  service  en  cam- 
pagne)  

Escrime 

Tir 

Règlement  sur  les  exer- 
cices de  la  cavalerie  et 
règlements  étrangers. 
Service  en  campagne . . 
Tir 

Total 

Officiers-élèves  et  élèves-officiers. 

(  Capacité  comme  instructeur .     1 0 

„       .,       ^.        )  Maniement  de  la  troupe ^  [  c)f\ 

Travad  pratique.    ^^^^-^^ f 2  .  ^0 


13 


[Tir. 


Règlement  sur  les  exer- 
Connaissance  théonque>     cices  de  la  cavalerie, 
des  règlements /  Différents  services 


;  Tir. 


'A 


13 


Total. 


33 


Enseignement  général  (33  points) 
Officiers  d'instruction. 

Art  militaire  et  applications ^ 12  ^ 

Topographie  et  connaissance  du  terrain 8  j 

Fortification ^  ( 

Artillerie ^  ( 

Hygiène "^  1 

Allemand ^  / 

Officiers-élèves. 

Art  militaire 6 

Histoire  militaire 6  i 

Topographie  et  connaissance  du  terrain 8  / 

Fortification ^  > 

Artillerie ^\ 

Hygiène ^  ] 

Allemand ^ 

Elèves-officiers. 

Art  militaire 6 

Histoire  et  géographie 6  ; 

Topographie  et  connaissance  du  terrain 6  i 

Fortification 3  ' 

Artillerie 3 

Sciences  appliquées  à  l'art  militaire 

Hygiène 

Allemand 


33 


33 


3\ 


33 


Les  examens  de  sortie  des  divisions  d'officiers  et  de  la 
division  des  sous-officiers  sont  passés  devant  un  jury  choisi 
en  dehors  du  cadre  de  l'Ecole  et  composé  de  l'inspecteur 
général,  président;  deux  colonels  ou  lieutenants-colonels, 
quatre  chefs  d'escadrons,  trois  capitaines.  Pendant  la  durée 
des  cours,  chaque  élève  doit  subir  des  interrogations  sur 
les  différentes  branches  de  l'enseignement.  Le  nombre  de 
ces  interrogations  pour  chaque  branche  est  fixé  à  cinq. 
La  moyenne  des  notes  multipliée  par  le  coetficient  constitue 


en  fin  d'année  une  somme  de  points  qui  compte  dans  le 
classement  de  sortie.  Pour  l'équitation,  l'escrime,  la  capa- 
cité comme  instructeur,  la  note  de  l'année  est  la  dernière 
note  obtenue.  —  Pour  l'examen  de  classement  on  répartit 
les  matières  entre  les  membres  du  jury  spécial.  Chacun 
d'eux,  toujours  assisté  de  l'instructeur  ou  du  professeur, 
interroge  l'élève  d'après  un  questionnaire  établi  au  com- 
mencement des  cours  par  le  conseil  d'instruction  deTEcole. 
Les  questions  sont  tirées  au  sort.  La  somme  des  notes 
ajoutées  à  celles  des  moyennes  de  l'année  détermine  la 
note  définitive.  Le  minimum  de  moyenne  générale  exigé 
pour  qu'un  élève  soit  considéré  comme  ayant  satisfait  aux 
examens  de  sortie  et  puisse  être  classé,  est  fixé  à  12  pour 
l'équitation  et  pour  les  exercices  mihtaires,  à  10  pour  l'en- 
seignement général.  Les  élèves  doivent  en  outre  avoir 
obtenu  dans  chaque  cours  en  particulier  une  moyenne  au 
moins  égale  à  6  pour  l'enseignement  général  et  l'équitation, 
à  8  pour  les  exercices  militaires.  Le  minimum  de  4  est 
toléré  pour  l'allemand.  Dans  le  classement,  la  priorité  est 
acquise  à  égalité  de  points  au  candidat  qui  a  la  supériorité  : 
1*^  pour  les  exercices  militaires;  2^  pour  l'équitation  et 
l'hippologie  ;  3^  pour  la  note  d'ensemble  ;  ¥  pour  l'ensei- 
gnement général;  5*^  pour  le  classement  d'entrée  à  l'Ecole. 

Classement. —  Officiers  d'instruction.  La  question  des 
avantages  à  accorder  aux  officiers  passant  par  Saumur  a 
donné  fieu  à  de  vives  controverses  et  à  des  décisions  con- 
tradictoires. Un  moment,  on  avait  résolu  que  tous  les  lieu- 
tenants proposés  pour  l'avancement  au  choix  devraient 
suivre  les  cours  de  l'Ecole  d'appHcation  de  cavalerie.  Une 
décision  présidentielle  du  5  oct.  1887  a  arrêté  que  les 
officiers  d'instruction  seraient  désignés  pour  l'envoi  à 
Saumur  par  les  inspecteurs  généraux  parmi  les  lieutenants 
à  raison  d'un  par  deux  régiments.  A  la  fin  du  cours,  ceux 
qui  ont  obtenu  la  note  très  bien  (de  16  à  20),  les  deux 
premiers  sur  la  liste  de  classement  sont  nommés  aux  deux 
premiers  emplois  de  capitaine  revenant  au  choix. 

Officiers-élèves.  Ceux  qui  ont  satisfait  aux  examens  de 
sortie  sont  appelés  d'après  leur  numéro  à  choisir  le  corps 
dans  lequel  ils  désirent  servir,  sous  la  réserve  de  la  con-- 
dition  de  taille  déterminée  pour  chaque  arme.  Ceux  qui 
n'auraient  pas  satisfait  aux  examens  de  sortie,  par  mau- 
vaise volonté,  sont  mis  en  non-activité  par  suspension 
d'emploi  pendant  une  année  à  l'expiration  de  laquelle  ils 
sont  admis  à  suivre  un  nouveau  cours  à  Saumur.  En  cas 
de  nouvel  échec,  ils  sont  déférés  à  un  conseil  d'enquête 
lequel  prononce,  s'il  y  a  lieu,  la  mise  en  réforme. 

Elèves-officiers.  Tous  les  sous-officiers  élèves-officiers 
qui  satisfont  aux  examens  de  sortie  sont  promus  au  grade 
de  sous-lieutenant  et  prennent  rang  dans  ce  grade  d'après 
leur  numéro  de  classement  aux  examens  de  sortie. 

Ecole  de  dressage.  —  L'école  de  dressage  annexée  à 
l'Ecole  de  cavalerie  a  pour  but  de  mettre  à  la  disposition 
des  élèves  les  ressources  nécessaires  pour  s'exercer^  au 
dressage  tout  en  formant  des  chevaux  susceptibles  d'être 
ultérieurement  affectés  soit  à  des  officiers  généraux,  soit 
au  service  spécial  des  écoles  militaires.  Les  chevaux  diffi- 
ciles des  régiments  peuvent  y  être  envoyés  pour  être  sou- 
mis à  un  dressage  méthodique.  L'école  de  dressage  est 
sous  la  direction  immédiate  du  chef  d'escadrons,  instructeur 
d'équitation. 

Atelier  d'arçOxNNeriê.  —  L'atelier  d'arçonnerie  est 
chargé  de  l'établissement  des  modèles  de  harnachement  et 
de  la  confection  d'arçons  pour  selles  de  chevaux  de  troupe. 
Les  officiers  et  élèves  s'y  perfectionnent  dans  le  maniement 
de  tous  les  appareils  de  harnachement. 

2°  ÉCOLES  VÉTÉRINAIRES  STAGIAIRES.  -- 
Conditions  d'admission.—  L'Ecole  d'application  de  cavalerie 
comprend  une  section  d'aides-vétérinaires  stagiaires.  On  sait 
que  le  corps  des  vétérinaires  mihtaires  se  recrute  parmi  les 
vétérinaires  diplômés  (V.  plus  loin  le  §  Ecoles  vétérinaires). 

Avant  d'être  définitivement  admis  dans  l'armée,  ils  sont 
envoyés  en  quaUté  d'aides-vétérinaires  stagiaires  à  l'Ecole 
d'application  de  cavalerie  pour  y  recevoir  pendant  un  an,  à 


—  417 


ÉCOLE 


partir  du  1®^  oct.  de  chaque  année,  des  principes  d'équitation, 
et  être  ainsi  initiés  à  la  pratique  de  la  médecine  vétérinaire 
militaire  et  au  service  réglementaire. 

Le  concours  d'admission  qui  a  lieu  chaque  année  à  Paris 
comprend  :  1°  une  épreuve  écrite;  2°  une  épreuve  orale  et 
un  examen  pratique. 

Nul  ne  peut  être  admis  à  concourir  pour  l'emploi  d'aide- 
vétérinaire  stagiaire  s'il  ne  remplit  les  conditions  suivantes  : 
4"  être  Français  ou  naturalisé;  2^  avoir  obtenu  le  diplôme 
de  vétérinaire  dans  une  des  trois  écoles  vétérinaires  de 
France  ou  être  candidat  à  ce  diplôme  ;  3^  justifier  de  sa 
moralité  ;  4°  réunir  les  qualités  physiques  requises  pour  le 
service  militaire  ;  o°  n'avoir  pas  dépassé  l'âge  de  trente  ans 
dans  l'année  du  concours;  toutefois  une  tolérance  est 
accordée  aux  candidats  ayant  été  militaires;  cette  tolérance 
est  calculée  jusqu'à  concurrence  du  temps  passé  sous  les 
drapeaux  ;  6""  être  célibataire  ou  veuf  sans  enfant  ;  7^  sous- 
crire un  engagement  d'honneur  de  servir  comme  vété- 
rinaire militaire  pendant  six  ans  à  partir  de  l'expiration 
du  stage. 

Les  candidats  qui  sollicitent  l'autorisation  de  concourir 
aux  emplois  d'aide-vétérinaire  stagiaire  doivent  adresser 
leur  demande  au  ministre  de  la  guerre  (bureau  des  re- 
montes), avant  le  20  juin,  délai  de' rigueur,  en  ayant  soin 
d'indiquer  l'école  dans  laquelle  ils  ont  obtenu  leur  diplôme 
ou  auront  terminé  leurs  études  et  le  chef-lieu  de  corps 
d'armée  dans  lequel  ils  désirent  faire  leur  composition 
écrite.  Ils  y  joignent  les  pièces  suivantes  :  1*^  leur  acte  de 
naissance  dûment  légalisé  ;  2^  un  certificat  de  bonnes  vie 
et  mœurs  délivré  par  l'autorité  civile,  ou  l'autorité  mi- 
litaire si  le  candidat  fait  partie  de  l'armée  ;  dans  le  premier 
cas,  cette  pièce  doit  être  visée  par  le  préfet  du  département, 
et  dans  le  second  par  le  chef  de  corps  ;  3°  une  attestation 
des  autorités  ci-dessus  spécifiées  que  le  candidat  est  céhba- 
taire  ou  veuf  sans  enfant;  4<»  un  certificat  d'aptitude  au 
service  mihtaire  délivré  par  un  officier  de  recrutement; 
5^  un  certificat  délivré  par  le  même  service  et  indiquant 
la  situation  du  candidat  au  point  de  vue  militaire;  6°  leur 
diplôme  ou  une  attestation  du  directeur  de  l'Ecole  vétéri- 
naire qu'ils  sont  candidats  à  ce  diplôme;  7°  leurs  titres 
antérieurs  (baccalauréats,  etc.). 

Les  épreuves  comportent  :  1°  une  composition  écrite  sur 
un  sujet  de  pathologie  médicale  ou  chirurgicale,  de  physio- 
logie ou  d'hygiène;  2^  une  épreuve  orale  sur  une  partie 
quelconque  de  la  médecine  vétérinaire  ;  3<*  un  examen  pra- 
tique sur  un  cheval  sain  ou  malade. 

La  composition  écrite  a  lieu  le  13  juil.,  à  Paris,  à  Lyon, 
à  Toulouse,  et,  s'il  y  a  lieu,  dans  d'autres  chefs-lieux  de 
ressorts  vétérinaires  qui  peuvent  être  désignés  par  le  mi- 
nistre pour  les  candidats  déjà  sortis  des  écoles  vétérinaires 
dans  les  années  précédentes. 

Les  candidats  sont  réunis  dans  un  local  désigné  par  l'au- 
torité militaire  sous  la  surveillance  du  vétérinaire  principal, 
directeur  du  ressort,  ou  d'un  vétérinaire  en  premier  de  la 
garnison.  II  est  accordé  quatre  heures  pour  rédiger  la  com- 
position écrite,  sans  livres  ni  notes.  Le  sujet  est  le  même 
pour  tous  les  candidats. 

Les  compositions  écrites  et  les  titres  antérieurs  seront 
appréciés  par  les  vétérinaires  principaux  de  la  section 
technique  de  la  cavalerie,  réunis  en  commission  sous  la 
présidence  d'un  général  désigné  par  le  ministre  de  la 
guerre.  L'appréciation  des  candidats  pour  chacune  des 
épreuves  qu'il  a  à  subir  et  pour  les  titres  antérieurs  est 
exprimée  par  chaque  examinateur  par  un  chiffre  de  0  à  20. 
L'importance  relative  des  diverses  épreuves  dans  le  classe- 
ment est  déterminée  par  les  coefficients  suivants  : 

Composition  écrite,  10;  épreuve  orale,  7;  examen  pra- 
tique, 3;  titres  antérieurs,  10.  Tout  candidat  n'ayant 
pas  obtenu  dans  la  composition  écrite  les  deux  tiers  du 
maximum  des  points  n'est  point  admis  à  subir  les  autres 
épreuves.  Il  en  est  donné  communication  aux  intéressés  le 
l^""  août.  Sont  également  éliminés  du  concours  les  candi- 
dats qui  n'auraient  pas  obtenu  leur  diplôme  aux  examens 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —    XV. 


de  fin  d'études.  L'épreuve  orale  et  l'examen  pratique  com- 
mencent le  6  août,  au  ministère  de  la  guerre,  pour  tous 
les  candidats  admis  à  continuer  le  concours  devant  la  com- 
mission nommée  par  le  ministre.  La  question  orale  est 
tirée  au  sort  par  chacun  des  candidats;  il  est  accordé 
quinze  minutes  de  réflexion,  et  quinze  autres  minutes  pour 
la  traiter  devant  la  commission  et  répondre  à  des  questions 
nicidentes  sur  toutes  les  parties  de  la  médecine  vétérinaire 
se  rapportant  au  sujet  traité.  La  durée  de  l'examen  pra- 
tique est  fixée  à  quinze  minutes  au  plus. 

Après  la  dernière  épreuve,  la  commission  procède,  en 
séance  particulière,  au  classement  des  candidats  par  ordre 
de  mérite.  A  égalité  de  points  dans  le  classement,  la  prio- 
rité est  acquise  au  candidat  qui  a  obtenu  la  supériorité 
dans  l'épreuve  écrite.  Le  nombre  des  points  exigés  pour 
être  classé  admissible  à  l'emploi  d'aide-vétérinaire  sta- 
giaire^ est  fixé  aux  deux  tiers  du  maximum  que  permet 
d'atteindre  la  cote  totalisée  de  tous  les  membres  de  la 
commission,  et  l'admission  a  lieu  d'après  l'ordre  du  clas- 
sement jusqu'à  concurrence  du  nombre  d'emplois  à  pourvoir. 
Après  la  proclamation  du  résultat  du  classement,  les 
candidats  déclarés  admis  sont  invités  à  signer  un  engage- 
ment d'honneur  de  servir  pendant  six  ans  dans  l'armée 
comme  vétérinaires  à  partir  de  l'expiration  du  stage  à 
l'Ecole  de  cavalerie. 

Régime  intérieur.  —  Les  aides-vétérinaires  stagiaires 
sont  classés  à  l'Ecole  d'application  de  cavalerie  d'après  le 
numéro  de  mérite  qu'ils  ont  obtenu  à  l'examen  d'admission. 
Ils  sont,  à  leur  arrivée  à  l'Ecole,  soumis  à  une  contre- 
visite  des  officiers  de  santé,  pour  bien  constater  qu'ils 
réunissent  toutes  les  qualités  physiques  requises  pour  le 
service  militaire.  Pendant  leur  séjour  à  l'Ecole,  ils  sont 
soumis  à  la  discipline  militaire  et  reçoivent  la  solde  affé- 
rente à  leur  emploi,  telle  qu'elle  est  déterminée  par  les 
tarifs  en  vigueur.  Ils  ont  droit,  en  outre,  à  une  indem- 
nité de  première  mise  d'équipement  fixée  à  350  fr.,  et  qui 
leur  est  payée  à  leur  arrivée  à  l'Ecole. 

Examens  de  sortie.  Le  jury  pour  les  examens  de  sortie 
est  composé  du  général  inspecteur  ou  du  commandant  de 
l'Ecole,  président,  du  commandant  en  second  de  l'Ecole 
et  de  trois  vétérinaires  principaux  dont  celui  de  l'Ecole. 
L'examen  comporte  quatre  épreuves  :  1«  une  composition 
écrite,  rapport  à  l'autorité  militaire  sur  une  question  pra- 
tique de  médecine,  de  chirurgie  ou  d'hygiène  vétérinaires; 
2°  un  examen  oral  sur  toutes  les  parties  de  l'enseignement  ; 
3°  un  examen  pratique  consistant  en  exercices  sur  l'exté- 
rieur du  cheval,  la  chirurgie,  l'hygiène  appliquée,  la  maré- 
chalerie  et  les  viandes  de  boucherie  ;  4°  un  examen 
d'équitation.  Les  coefficients  des  diverses  épreuves  sont  : 
composition  écrite,  10;  examen  pratique,  8;  examen 
oral,  4;  équitation,  4;  titres  antérieurs,  2.  Le  nombre 
de  points  exigé  est  fixé  aux  deux  tiers  du  maximum. 
^  Sortie.  —  Les  aides-vétérinaires  stagiaires  qui  ont  subi 
d'une  manière  satisfaisante  l'examen  de  sortie,  sont  nom- 
més aides-vétérinaires  dans  les  corps  de  troupes  à  cheval 
et  reçoivent  une  indemnité  de  première  mise  d'équipement 
de  400  fr.  Ceux  qui  ne  satisfont  pas  à  l'examen  de  sortie 
sont  licenciés,  et,  s'ils  appartiennent  à  l'armée  comme 
soldats,  sont  envoyés  immédiatement  dans  les  régiments 
pour  y  faire  leur  temps  de  service.  Toutefois,  les  aides- 
vétérinaires  stagiaires  qui  n'ont  pas  satisfait  aux  examens 
de  sortie  par  suite  de  maladie  régulièrement  constatée, 
peuvent  être  autorisés  à  faire  un  nouveau  stage. 

3"^  ÉLÈVES-TÉLÉGRAPHISTES.  —  Un  enseigne- 
ment spécial  a  été  organisé  à  Saumur  à  l'effet  de  former  des 
télégraphistes  militaires.  Deux  divisions  d'élèves-télégra- 
phistes [sont  appelées  chaque  année  à  Saumur.  Lapreniière 
est  composée  de  jeunes  soldats,  conscrits  affectés  à  la  cava- 
lerie et  non  encore  exercés  aux  opérations  télégraphiques. 
On  leur  enseigne  le  maniement  de  ces  appareils  pendant 
huit  mois  (du  15  déc.  au  15  juil.);  après  quoi  on  les 
dirige  sur  leurs  régiments.  Au  point  de  vue  de  l'instruc- 
tion militaire,  les  élèves  sont  exercés  à  l'école  du  cavalier  à 

27 


ÉCOLE 


-  418  - 


pied  et  à  cheval,  à  l'école  du  peloton  et  au  service  en  cam- 
pagne. —  L'Ecole  comporte  de  plus  un  cours  spécial  de 
télégraphie  militaire  (formant  la  deuxième  division)  qui 
dure  trois  mois  (du  13  juil.  au  43  oct.)  et  dont  l'objet  est 
de  compléter  l'instruction  des  cavaUers  qui,  avant  leur  in- 
corporation, ont  appris  à  manier  les  appareils  dans  les 
bureaux  de  télégraphe. 

Les  élèves-télégraphistes  de  la  première  division  subissent 
deux  séries  d'examens  :  à  la  fin  de  mars  un  examen  élimi- 
natoire (manipulation  et  lecture  de  la  bande  de  l'appareil 
Morse,  lecture  au  son,  cours  théorique,  équitation,  gym- 
nastique, instruction  militaire  pratique  et  service  en  cam- 
pagne). Ceux  qui  n'y  satisfont  pas  sont  renvoyés  à  leur 
corps.  A  la  fin  du  cours,  la  même  commission  leur  fait 
subir  un  examen  définitif  portant  en  outre  sur  le  réglage 
des  appareils,  la  recherche  des  dérangements  et  les  notions 
élémentaires  sur  la  construction  des  lignes  miUtaires.  — 
Un  fonctionnaire  des  postes  et  télégraphes  assiste  à  cet 
examen  et  rédige  un  rapport  où  il  note  ceux  des  élèves  qui 
seraient  susceptibles  d'être  employés  dans  l'administration 
à  leur  libération  du  service  actif. 

Les  élèves  de  la  seconde  division  dont  l'instruction 
technique  est  déjà  presque  faite  subissent  un  examen  de 
sortie  beaucoup  plus  difficile.  Les  épreuves  portent  sur  la 
théorie  (télégraphie  électrique,  optique  et  militaire) ,  coeffi- 
cient, 20,  et  la  pratique  (appareil  Morse,  20  ;  lecture  au 
son,  40  ;  appareil  à  cadran,  42;  réglage  des  appareils  et 
recherchedes  dérangements,  40  ;  construction  des  lignes,  40; 
mise  en  station  et  manœuvre  des  appareils  optiques,  40; 
équitation,  gymnastique,  etc.,  6),  coefficient,  70,  plus  une 
note  d'ensemble  (conduite,  etc.),  coefficient,  40.  Il  faut 
que  sur  chaque  groupe  d'épreuves  ils  obtiennent  une 
moyenne  de  40.  .,       , 

4^  ÉLÈVES-MARÉCHAUX  FERRANTS,  —  Il  y  a  a 
Saumur  un  cours  de  maréchalerie  qui  dure  environ  un  an.  11 
comprend  l'étude  théorique  ou  pratique  du  manuel  de  maré- 
chalerie et  l'instruction  primaire  du  premier  degré.  Les 
élèves-maréchaux  ferrants  provenant  des  régiments  sont  dé- 
signés pour  suivre  ce  cours.  Au  bout  de  cinq  mois  et  demi,  le 
soldat-élève  peut  obtenir  le  brevet  de  maître  maréchal. 
Renvoyé  au  corps,  il  concourt  pour  l'emploi  de  maître  ma- 
réchal lorsqu'il  se  produit  des  examens.  Pendant  la  durée 
du  cours,  chaque  élève  reçoit  des  notes  dont  les  coefficients 
sont  les  suivants  :  notes  de  forge,  2  ;  notes  de  ferrure  ordi- 
naire, 3  ;  ferrure  anglaise,  2  ;  ferrure  pathologique,  2  ; 
enseignement  général,  2;  conduite,  2  ;  assiduité,  2  ;  apti- 
tude physique,  2  ;  aptitude  intellectuelle,  2. 

Les  examens  de  sortie  passés  devant  un  jury  préside 
par  le  commandant  en  second  et  formé  d'un  capitaine  ins- 
tructeur d'équitation  et  de  deux  vétérinaires,  portent  sur  : 
examen  oral,  2;  forge,  4  ;  ferrure  ordinaire,  3  ;  ferrure 
anglaise,  2  ;  ferrure  pathologique,  2.  Ajoutées  aux  moyennes 
de  l'année,  ces  notes  déterminent  le  classement;  pour 
être  admis,  il  faut  obtenir  la  moitié  du  maximum  plus  un 
point. 

Ecole  supérieure  de  guerre.  —  Destination.  — 
L'Ecole  supérieure  de  guerre,  installée  à  Pans  dans  les 
bâtiments  de  l'Ecole  militaire,  a  été  instituée  par  décret 
du  45  juin  4878  ;  elle  est  une  école  de  hantes  études 
militaires  et  a  pour  objet  en  même  temps  d'assurer  le  recru- 
tement et  l'instruction  des  officiers  du  service  d'état-major. 
Le  programme  des  études  a  été  fixé  par  le  règlement  du 
48  mars  4884,  réorganisé  le  29  oct.  4886. 

Historique.  —  Cette  Ecole  a  succédé  à  PEcole  d'ap- 
plication d'état-major  à  laquelle  elle  se  rattache.  Celle-ci 
avait  été  créée  par  ordonnance  du  40  mars  4848  à  l'ins- 
tigation du  maréchal  Gouvion  Saint-Cyr.  Nous  n'avons  pas 
à^retracer  ici  l'histoire  du  corps  d'état-major  qui  sera 
indiquée  dans  un  article  spécial  (V.  Etat-major).  Bor- 
nons-nous à  rappeler  qu'après  une  suppression  momen- 
tanée il  fallut  reconstituer  une  école  spécialement  destinée 
à  préparer  des  officiers  pour  le  service  d'état-major. 
En  4876  (48  févr.),  on  institua  des  cours  spéciaux  pour 


former  aux  fonctions  d'état-major  des  officiers  de  toutes 
armes;  deux  ans  après,  on  organisa  l'Ecole  supérieure  de 
guerre,  dont  le  programme  absorba  ces  cours  mifitaires 
spéciaux;  les  militaires  admis  en  4876  et  1877  à  les  suivre 
formèrent  les  premières  promotions  de  l'Ecole  nouvelle. 

Conditions  d'admission.  —  L'admission  a  lieu  par  voie 
de  concours  ;  ce  concours  comporte  :  4°  des  épreuves 
écrites  déterminant  l'admissibilité;  i^  des  épreuves  orales  ; 
3<^  une  épreuve  d'équitation.  Sont  admis  au  concours,  les 
capitaines,  lieutenants  et  sous-lieutenants  de  toutes  armes, 
justifiant,  au  34  déc.  de  l'année  du  concours,  de  cinq  ans 
de  service  comme  officiers,  dont  trois  de  service  réel  et 
eff'ectif  dans  les  corps  de  troupe  au  i""'  févr.  de  la  même 
année.  La  limite  d'âge  de  trente-deux  ans  a  été  supprimée 
en  4888.  Les  demandes  d'admission  au  concours  doivent 
être  adressées  au  commandant  du  corps  d'armée,  par  l'in- 
termédiaire du  chef  de  corps  ou  de  service,  et,  pour  les 
officiers  de  l'armée  de  mer  (infanterie  de  marine),  au  mi- 
nistre de  la  marine.  —  Les  gouverneurs  militaires  de  Paris 
et  de  Lyon  et  les  commandants  de  corps  d'armée  adressent 
au  ministre  de  la  guerre  l'état  nominatif  des  officiers  admis 
au  concours  le  40  oct.,  au  plus  tard,  avec  une  appréciation 
sur  chaque  candidat,  au  point  de  vue  de  son  admission  ou 
de  sa  non-admission  au  concours.  Chaque  dossier  devra 
contenir  :  l'état  des  services  de  l'officier  ;  le  relevé,  in 
extenso,  du  registre  du  personnel  de  l'officier,  depuis  le 
commencement  de  sa  carrière  ;  la  feuille  d'inspection  avec 
les  notes  de  ses  chefs  hiérarchiques,  et,  s'il  y  a  lieu,  de 
l'inspecteur  général. 

Les  demandes  réunies,  examinées  et  admises  par  les 
commandants  de  chaque  corps  d'armée,  seront  envoyées 
au  ministère  de  la  guerre  avec  un  bordereau  nominatif 
sur  lequel  ils  portent  :  4*^  toutes  les  demandes  reçues  par 
eux  ;  2°  celles  qu'ils  admettent  et  transmettent  ;  3^  celles 
qu'ils  ont  cru  devoir  rejeter,  avec  motif  du  rejet  ;  4°  des 
observations  personnelles  sur  chaque  candidat  au  point  de 
vue  de  son  admission  au  concours.  L'examen  des  demandes 
est  fait  par  le  comité  consultatif  d'état-major,  et  le  ministre 
prononce  alors  sur  l'admission  définitive  au  concours  et  fait 
connaître  aux  commandants  de  corps  d'armée  les  candidats 
admis  à  y  prendre  part. 

Les  compositions  écrites  sont  faites  au  chef-lieu  des 
corps  d'armée,  où  les  candidats  sont  réunis  dès  la  veille. 
Toutefois  les  officiers  détachés  ou  en  position  régulière 
d'absence  font  leurs  compositions  au  chef-lieu  du  corps 
d'armée  ou  du  gouvernement  dans  lequel  ils  se  trouve- 
ront. —  Les  candidats  d'Algérie  font  leurs  compositions 
écrites  à  Alger  ;  ceux  de  la  division  d'occupation  de 
Tunisie  à  Tunis.  —  Les  officiers  de  l'armée  de  mer 
composent  au  chef-lieu  de  la  préfecture  maritime  dans 
laquelle  ils  sont  régulièrement  stationnés  ou  détachés.  -- 
Les  sujets  de  compositions  sont  les  mêmes  pour  tous  ;  ils 
sont  adressés  par  le  ministre  à  chaque  commandant  de 
corps  d'armée,  ainsi  qu'aux  préfets  maritimes  intéressés, 
sous  double  enveloppe  cachetée.  La  première  est  ouverte 
dès  la  réception  des  sujets  ;  la  deuxième  ne  l'est  qu'en 
présence  des  candidats.  —  Pour  assurer  la  régularité  des 
épreuves,  les  officiers  sont  prévenus  qu'ils  doivent  s'abste- 
nir absolument  de  signer  leurs  feuilles  de  composition  et 
d'y  apporter  d'autres  indications  que  les  suivantes  : 
4^  corps  d'armée,  gouvernement  mihtaire  ou  préfecture 
maritime  ;  2°  centre  de  composition  ;  3°  une  devise  fort 
courte  à  leur  choix.  Chaque  candidat  doit  apporter  une 
devise  unique  pour  toutes  les  compositions.  Sur  une  autre 
feuille  de  papier  Hbre,  ils  inscrivent  :  4^  leur  devise; 
2°  leur  nom,  leurs  prénoms,  grade,  régiment,  corps 
d'armée,  centre  de  composition.  Les  feuilles  portant  ces 
renseignements  sont  enfermées  sous  pli  cacheté  par  le  cbef 
d'état-major  en  présence  des  candidats.  —  Les  épreuves 
écrites  durent  trois  jours  ;  elles  sont  au  nombre  de  quatre  : 
4^  (cinq  heures)  solution  d'une  question  militaire  traitée 
d'après  la  carte  et  se  rattachant  à  une  des  opérations  les 
plus  simples,  sur  les  manœuvres  avec  cadres  ;   2<»  (trois 


-  419 


ECOLE 


heures)  analyse  ou  étude  sommaire  d'une  question  d'orga- 
nisation, d'administration,  de  législation  ou  d'histoire  mi- 
ntaire,  dans  les  limites  du  programme  de  l'examen  oral 
correspondant;  3»  (deux  heures)  traduction  en  allemand, 
avec  dictionnaire,  d'un  morceau  de  prose  française,  pris  de 
préférence  dans  un  auteur  militaire  ;  4<*  (quatre  heures) 
croquis  topographique  à  une  échelle  double  ou  quadruple 
d'une  portion  de  carte,  le  figuré  du  terrain  étant  représenté 
par  des  courbes  horizontales.  L'exécution  de  ce  lever  a  heu 
dans  chaque  garnison.  —  Voici  quels  furent,  pour  le  con- 
cours de  1892,  les  sujets  choisis.  La  question  de  ma- 
nœuvres concernait  à  la  fois  des  mouvements  de  défensive 
et  d'offensive  d'un  détachement  composé  de  trois  bataillons, 
deux  escadrons  et  une  batterie,  en  avant-garde  à  Tonnerre, 
opposé  à  une  colonne  de  quatre  escadrons  et  deux  bataillons 
venant  de  Bar-sur-Seine.  —  La  question  d'histoire  mili- 
taire était  la  campagne  de  1809  en  Allemagne,  avec  exposé 
complet  de  l'état  organique  des  armées  actives  de  la 
France  et  de  l'Autriche  à  cette  époque.  —  L'épreuve  de 
législation  militaire  était  toute  d'actualité  :  les  rengage- 
ments pour  les  sous-officiers  et  les  hommes  de  troupe,  y 
compris  la  nouvelle  loi  du  6  janv.  1892. 

Les  candidats  déclarés  admissibles  à  la  suite  de  cette 
première  série  d'épreuves  sont  ensuite  examinés  à  Paris. 
Les  épreuves  orales  sont  réparties  en  quatre  groupes: 
Organisation  et  histoire  militaires  ;  tactique  d'infanterie  ; 
allemand.  —  Tactique  de  cavalerie  ;  législation  et  admi- 
nistration. —  Artillerie  ;  fortification.  —  Géographie  ; 
topographie.  Les  candidats  peuvent  présenter  à 'la  com- 
mission d'examen  leurs  travaux  militaires  répondant  à 
chaque  matière  de  l'examen.—  L'épreuve  d'équitation  est 
subie  également  à  Paris.  Pour  ces  épreuves  définitives,  la 
commission  d'examen  est  composée  exclusivement  d'offi- 
ciers généraux.  Le  programme  des  connaissances  est 
pubhé  chaque  année  au  Journal  officiel  dans  le  mois  de 
mars  (par  exemple  le  30  mars  1891). 

Les  officiers  se  rendant  à  Paris  pour  y  subir  les  examens 
ont  droit  à  l'indemnité  de  séjour  pour  la  première  quin- 
zaine de  leur  présence  dans  la  capitale.  L'indemnité  de 
résidence  leur  est  acquise  au  delà  de  cette  période,  et  jus- 
qu'à la  fin  de  leur  séjour  à  Paris  (décis.  du  21  avr.  1891). 
^  Régime  intérieur.   —  Les   cours   de   l'Ecole    supé- 
rieure de  guerre  durent  deux  années.  Ils  commencent  le 
1^^  nov.  ils   ont   lieu    dans    les   bâtiments  de  l'Ecole 
militaire,  dont  une  partie  a  été  affectée  à  l'Ecole  supé- 
rieure, au  profit  de  laquelle  on  a  déplacé  un  des  deux 
régiments  de  cuirassiers  casernes  à  Paris.  —  Un  général 
de  division  ou  de  brigade  commande  l'Ecole  supérieure  de 
guerre;  un  colonel  ou  un  lieutenant-colonel  du  service 
d'état-major  est  chargé  de  la  direction  des  études.  —  Un 
conseil  d'instruction  a  été  institué  (20  oct.  1888),  auquel 
a  été  confiée  la  haute  direction  de  l'enseignement.  Il  com- 
prend le  général  commandant  l'Ecole,  un  ou  deux  sous- 
chefs  de  l'état-major  général  ;  quatre  généraux  de  brigade 
(un  de  chaque  arme),  le  commandant  en  second  de  l'Ecole, 
quatre  professeurs  de  l'Ecole,  l'officier  supérieur  secrétaire 
du  corps  d'état-major.  —  Les  officiers  se  logent  au  dehors, 
dans  le  voisinage  de  l'Ecole.  Ils  sont  obligés  d'assister  aux 
cours  et  à  tous  les  exercices  indiqués  au  tableau  de  tra- 
vail. La  présence  est  constatée.  Les  cours  sont  répartis 
sur  deux  années.  Il  y  a  donc  deux  divisions  ou  promotions. 
Chacune  comprend  en  moyenne  72  officiers,  dont  près  des 
deux  tiers  appartiennent  à  l'infanterie.  Chaque  division  est 
partagée  en  groupes  de  12  officiers,  dans  chacun  desquels 
le  plus  ancien  gradé  est  le  chef,  servant  d'intermédiaire 
avec  l'officier  supérieur. 

L'enseignement  de  l'Ecole  supérieure  de  guerre  comprend 
des  cours  obligatoires  et  des  cours  facultatifs.  Ceux-ci 
sont  confiés  soit  à  des  professeurs,  soit  à  des  conférenciers. 
Sauf  pour  les  langues  étrangères,  ce  sont  des  officiers. 

A.  Coiirs^  obligatoires,  1°  Professeurs  :  histoire  mili- 
taire, stratégie  et  tactique  générale;  tactique  appliquée 
d'infanterie  ;  tactique  appliquée  de  cavalerie  ;  tactique  appli- 


quée d'artillerie  et  matériel  d'artillerie  ;  service  d'état- 
major  et  droit  international;  géologie  et  géographie;  topo- 
graphie, administration;  équitation  ;  langue  allemande, 
langue  anglaise,  langue  itahenne.  —  Pour  chacun  de  ces 
cours,  il  y  a  deux  maîtres,  l'offieier  supérieur  professeur 
et  un  professeur  adjoint.  —  2»  Conférenciers  :  mobilisa- 
tion; chemins  de  fer;  hygiène  et  service  de  santé;  télé- 
graphie; géodésie;  sciences  appliquées  à  l'art  militaire. 

B.  Cours  facultatif.  Langue  russe.  La  période  d'été 
est,  pour  chaque  division,  consacrée  à  des  voyages  de 
frontières,  à  des  études  sur  le  terrain,  puis  à  la  partici- 
pation aux  grandes  manœuvres  pour  lesquelles  les  officiers 
de  la  première  division  sont  affectés  à  des  corps  de  troupe, 
et  ceux  de  la  deuxième  division  à  des  états-majors. 

Classement.  Les  listes  de  classement  sont  arrêtées  à 
la  fin  de  chaque  année,  à  la  suite  des  épreuves  suivantes  : 
1«  épreuves  orales  portant  sur  l'ensemble  de  chaque 
cours  ;  2°  épreuves  pratiques,  à  savoir  :  levers  topogra- 
phiques  et  travaux  extérieurs  se  rapportant  à  divers 
cours,  particulièrement  des  applications  des  cours  de  tac- 
tique ;  3"  des  travaux  d'étude  comprenant  en  premier  lieu 
des  questions  traitées  avec  l'aide  de  tous  les  documents 
que  les  officiers  peuvent  avoir  à  leur  disposition,  d'après 
un  programme  donné  et  dans  un  temps  déterminé,  et,  en 
second  heu,  des  rapports  faits  à  l'improviste  sans  le 
secours  d'aucun  document.  Qu'ils  soient  terminés  ou  non, 
les  travaux  doivent  toujours  être  remis  à  l'époque  fixée. 
Tout  travail  d'un  officier  doit  être  fait  entièrement  de  sa 
main  et  signé  de  lui,  à  peine  de  nullité.  Pour  passer  en 
première  division,  il  faut  avoir  obtenu  pour  l'ensemble  des 
travaux  de  l'année  une  moyenne  de  12  sur  20. 

Sortie.  —  A  la  fin  de  la  deuxième  année,  les  listes 
de  classement  sont  arrêtées  d'après  le  résultat  des  travaux 
des  deux  ans  et  des  examens  de  sortie.  Ceux-ci  com- 
prennent :  1°  un  extrait  d'étude  écrit  sur  épreuve  ;  une 
question  de  tactique  générale  traitée  sans  document; 
2<>  une  épreuve  d'équitation  ;  3°  quatre  séries  d'examens 
oraux  devant  les  membres  du  comité  d'état-major  répartis 
en  quatre  sous-commissions.  Les  officiers  de  la  première 
division  (deuxième  année)  qui  ont  satisfait  aux  examens  de 
sortie  reçoivent  le  brevet  d'état-major  et  sont  immédiate- 
ment appelés  à  faire  dans  un  état-major  un  stage  de  deux 
ans,  à  la  suite  duquel  ils  sont  ou  bien  mis  hors  cadre  pour 
être  maintenus  dans  le  service,  ou  bien  rendus  jusqu'à 
nouvel  ordre  à  leur  arme. 

Ecole  militaire  d'infanterie  de  Saint-Maixent. 
—  Destination.— L'Ecole  militaire  de  Saint-Maixent  (Deux- 
Sèvres)  a  été  créée  par  les  décrets  des  4  févr.  1881, 
18  janv.  et  1^^'  déc.  1882  et  réorganisée  par  décret  du 
22  mars  1883.  Elle  a  pour  but  de  compléter  l'instruction 
imlitaire  des  sous-officiers  de  cette  arme  jugés  susceptibles 
d'être  nommés  sous-lieutenants.  Les  sous-officiers  des  sec- 
tions d'infirmiers,  de  commis  et  ouvriers  d'administration, 
de  secrétaires  d'état-major  et  de  recrutement  concourent 
avec  les  sous-officiers  des  corps  de  troupe  d'infanterie  pour 
l'admission  à  l'Ecole  militaire  de  Saint-Maixent.  En  temps 
de  paix,  nul  sous-officier  ne  pourra  être  promu  sous-heu- 
tenant  au  titre  français  s'il  n'a  suivi  avec  succès  les  cours 
de  cette  Ecole.  Indépendamment  des  sous-officiers  de 
l'armée  de  terre  régulièrement  désignés,  l'Ecole  peut  rece- 
voir, sur  la  demande  du  ministre  de  la  marine,  des  sous- 
officiers  des  régiments  d'infanterie  de  marine. 

Historique.  —  La  création  d'écoles  de  sous-officiers 
d'infanterie  fut  décidée  par  le  décret  du  4  déc.  1874.  La 
première  fut  créée  au  camp  d'Avor.  C'est  en  1881  qu'elle 
fut  transférée  à  Saint-Maixent. 

Conditions  d'admission.  —  Chaque  année,  à  l'inspection 
générale,  les  chefs  de  corps  proposent,  pour  être  admis  à 
subir  les  examens  d'admission  à  l'i^cole  militaire  d'infan- 
terie, les  sous-officiers  de  cette  arme  jugés  aptes  à  devenir 
officiers.  Les  sous-officiers  du  cadre  fixe  des  écoles  mili- 
taires sont  proposés  par  les  commandants  de  ces  écoles. 
Pour  être  proposés,  les  sous-officiers  doivent  avoir  deux  ans 


ÉCOLE 


420  — 


de  grade  de  sous-officier  au  31  dec.  de  1  année  du  con- 
cours. Les  sous-officiers  qui  seraient  libérables  pendantla 
durée  de  leur  séjour  à  l'Ecole  devront  souscrire,  avant  d  y 
entrer,  un  nouvel  engagement.  Les  sous-officiers  faisant 
partie  du  corps  d'occupation  du  Tonkin  et  1  Annam  sont 
proposés  par  le  général  commandant  ce  corps,  qui  leur  tait 
faire  les  compositions  et,  après  leur  correction,  dresse  une 
liste  de  classement  et  renvoie  en  France  ceux  qu  il  juge 
capables  de  suivre  avec  fruit  les  cours  de  l  Ecole  d  mtan- 

^"l'est  établi  pour  chaque  sous-officier  un  mémoire  de  pro- 
position sur  lequel  le  mérite  du  candidat  est  successivement 
apprécié  par  le  chef  de  corps  ou  de  service,  le  gênerai  de 
brieade  et  l'inspecteur  général.  Chacun  d'eux  résume  son 
opinion  en  une  note  de  12  à  20.  Le  mémoire  de  proposi- 
tion comprend  le  relevé  des  services,  des  punitions,  les 
notes  particulières  du  chef  de  corps,  le  relevé  des  points 
attribués  au  candidat  pour  les  notes  du  chef  de  corps,  du 
général  de  brigade  et  de  l'inspecteur  général,  ainsi  que  les 
différentes  majorations  auxquelles  il  a  droit  en  raison  de 
ses  services.  Il  est  accompagné  d'un  certificat  d  instruction 
militaire  délivré  par  la  commission  régimentaire. 

Concours  d'admission.  Le  concours  comprend  des  com- 
positions écrites,  des  examens  oraux,  un  examen  d  instruc- 
tion militaire  pratique,  un  examen  d'aptitude  physique.— 
Au  début  de  janvier,  les  candidats  sont  convoques  pour 
subir  les  épreuves  écrites  au  lieu  où  se  trouve  l'état-major 
de  la  division  sur  le  territoire  de  laquelle  ils  vont  stationner. 
Les  sujets  des  compositions  sont  les  mêmes  pour  toute  la 
France;  ils  sont  tirés  du  programme  des  écoles  régimen- 
taires  d'infanterie.  Les  compositions  écrites  comprennent  : 
une  dictée,  une  narration  française  (lettre,  rapport  ou  étude 
historique),  la  résolution  de  problèmes  d'arithmétique  ;  la 
résolution  de  problèmes  de  géométrie;  on  accorde  un  quart 
d'heure  pour  reUre  la  dictée,  quatre  heures  pour  la  com- 
position française,  trois  heures  pour  les  autres.  Les  copies 
sont  corrigées  à  Paris,  le  nom  des  candidats  étant  secret. 
On  dresse  la  liste  d'admissibilité,  et  c'est  seulement  après 
qu'elle  a  été  ratifiée  par  le  ministre  qu'on  recherche  les 
noms  correspondants  aux  numéros  d'ordre  des  copies  clas- 
sées. Il  faut  obtenir  au  moins  10  pour  la  dictée  à  peine 
d'élimination.  .    .      i 

L'examen  oral  est  subi  devant  une  commission  de  quatre 
membres  :  un  colonel  ou  lieutenant-colonel,  président,  et 
trois  chefs  de  bataillon  d'infanterie.  Cette  commission  siège 
d'abord  à  Paris,  puis  se  transporte  successivement  à  Lyon, 
Alger,  Toulouse  et  Nantes.  Les  examens  portent  sur  les 
matières  suivantes  du  programme  des  écoles  régimentaires  : 
io  arithmétique  et  géométrie;  2^  fortification  et  topogra- 
phie; 3°  histoire  de  France;  4"^  géographie  ;  o^  instruction 
militaire  pratique  (première  section  de  l'école  de  compagnie 
et  mouvements  de  la  section  en  ordre  dispersé);  6^  service 
intérieur,  service  en  campagne,  tir;  7^  gymnastique; 
8<*  escrime.  —  Les  examens  sont  publics,  mais  pour  les 
candidats  seulement.  —  Pour  l'examen  d'instruction  mili- 
taire pratique,  il  est  constitué  dans  chaque  centre  une 
compagnie  de  manœuvres  de  soixante-quatre  files;  les  can- 
didats expliquent  et  font  exécuter  comme  instructeurs  un 
ou  plusieurs  mouvements.  Ils  rempUssent  en  outre  succes- 
sivement les  fonctions  de  guides  et  de  chefs  de  section. 

Les  coefficients  sont  fixés  comme  suit  : 
Note  d'ensemble  (conduite,  capacité,  aptitude  au  comman- 
dement)  

Note  du  chef  de  corps 

Note  du  général  de  brigade  . 
Note  de  l'inspecteur  général. 

Compositions 

Dictée 

Narration 

Arithmétique 

Géométrie 


5 

5 

10 


20 


36 


8 
12 


Report 56 

Examens  oraux ^^ 

Arithmétique  et  géométrie 10 

Fortification  et  topographie 10 

Histoire ^12 

Géographie ^12 

Instruction  militaire 30 

Pratique 'l^; 

Service  intérieur,  en  campagne, 

tir 12 

Gymnastique 2 

Escrime ^ 


Total. 


A  reporter. 


56 


130 

En  outre  on  accorde  des  majorations  de  points  :  pour  une 
à  six  années  de  grade  de  sous-officier  excédant  les  deux 
premières  (10  points  par  an)  ;  pour  les  campagnes  (10  p.); 
blessures  ou  citations  (20  p.);  grade  de  sergent-major 
(25  p.)  ;  rengagements  pour  deux  ans  (25  p.)  ou  cinq  ans 
(50  p.);  médaille  militaire  (50  p.);  Légion  d'honneur 
(100  p.). 

Régime  intérieur.  —  Entrée,  Le  ministre  fixe,  chaque 
année,  suivant  les  besoins  du  service,  le  nombre  des 
élèves  à  admettre  à  l'Ecole.  Pendant  les  premières  années 
les  chiffres  ont  varié  entre  350  et  450  ;  ils  se  sont  depuis 
fixés  à  400.  Les  sous-officiers  ainsi  désignés  prennent  la 
dénomination  de  sous-officiers  élèves-officiers;  ils  sont 
remplacés  dans  les  emplois  spéciaux  (adjudant,  sergent- 
major,  sergent  fourrier)  dont  ils  peuvent  être  pourvus 
dans  leur  corps,  et  placés  comme  sergents  dans  une^  com- 
pagnie; ils  peuvent  même  être  hors  cadre  sur  l'ordre 
du  ministre.  Les  sous-officiers  élèves-officiers  reçoivent 
tous  la  tenue,  l'armement  et  l'équipement  des  sergents  de 
l'infanterie  de  ligne,  sauf  des  signes  distincts  détermines 
par  règlement  ministériel.  Les  sous-officiers  élèves-officiers 
doivent  le  salut  aux  officiers  ;  ils  y  ont  droit  de  la  part 
des  sergents-majors,  sergents  fourriers,  sergents,  capo- 
raux et  soldats.  , 

Direction.  —  La  direction  de  l'Ecole  est  confiée  a  un 
colonel  ou  à  un  lieutenant-colonel  d'infanterie.  H  a  sous 
ses  ordres  un  chef  de  bataillon  commandant  en  second. 
L'autorité  du  commandant  de  l'Ecole  s'étend  sur  toutes  les 
parties  du  service,  de  l'instruction  et  de  l'administration. 
Le  commandant  de  l'Ecole  est  sous  les  ordres  du  mmistre 
de  la  guerre.  Le  commandant  en  second  est  charge,  sous 
les  ordres  du  commandant  de  l'Ecole,  de  toutes  les  parties 
du  service  ;  il  remplit  les  fonctions  de  directeur  ^  des 
études.  —  Des  capitaines  instructeurs  sont  chargés  de  1  ins- 
truction théorique  et  pratique,  de  la  tenue  et  de  la  disci- 
pline ;  ils  ont  sous  leurs  ordres  des  Heutenants  instructeurs. 

—  Des  capitaines  professeurs,  aidés  par  des  lieutenants 
professeurs  adjoints,  et  au  besoin  par  des  heutenants  ins- 
tructeurs, pro'fessent  les  cours,  et  sont,  en  outre,  charges 
des  répétitions,  des  interrogations,  de  la  correction  des 
travaux  et  de  l'instruction  pratique  des  cours  qui  leur  sont 
confiés.  Le  capitaine  professeur  du  cours  d'admmistration 
remplit  les  fonctions  de  major.  Un  capitaine  en  second  de 
cavalerie  dirige  les  exercices  d'équitation.  Deux  lieutenants 
remplissent  les  fonctions  de  trésorier  et  d'officier  comptable 
du  matériel.  Un  médecin-major  de  2«  classe  est  charge  du 
service  sanitaire  de  l'Ecole  et  professe  le  cours  d'hygiene. 

—  Un  personnel  secondaire,  composé  de  sous-officiers,  de 
caporaux  et  de  soldats,  est  employé,  soit  à  l'instruction 
militaire  des  élèves,  soit  à  la  tenue  des  écritures  et  aux 
divers  exercices  intérieurs  de  l'Ecole.  Ce  personnel  est  mis 
hors  cadre.  Un  détachement  de  la  5«  compagnie  de  cava- 
hers  de  remonte  est  affecté  au  service  de  l'Ecole.—  L  Eco  e 
est  administrée  par  un  conseil  formé  du  commandant  de 
FEcole,  du  commandant  en  second,  ducapitame  professeur 
d'administration,  d'un  capitaine  instructeur,  du  capitaine 
en  second  de  cavalerie,  du  heutenant  trésorier  et  du  lieute- 
nant comptable. 

Enseignement,— Ld.  durée  des  études  est  d  une  année. 


—  421 


ECOLE 


Les  sous-ofliciers  élèves-officiers  de  l'Ecole  de  Saint- 
Maixent  y  reçoivent  une  instruction  générale  et  une 
instruction  militaire.  On  tient  en  effet  à  leur  donner  la 
culture  intellectuelle  nécessaire  à  l'officier.  L'instruction 
militaire  est  dirigée  de  manière  à  développer  chez  eux 
l'aptitude  professionnelle  nécessaire  à  l'officier  de  compa- 
gnie. Elle  est  donc  théorique  et  pratique.  Les  exercices 
pratiques  sont  :  les  manœuvres  d'infanterie,  le  tir,  la 
manœuvre  des  bouches  à  feu,  l'équitation,  l'escrime,  la 
gymnastique.  —  Les  cours  s'ouvrent  dans  la  seconde 
quinzaine  d'avril  et  durent  jusqu'au  début  du  mois  de 
mars  de  l'année  suivante. 

Sortie.  —  A  la  fin  de  Tannée  scolaire,  c.-à-d.  en  mars, 
les  élèves-officiers  subissent  les  examens  de  sortie  devant 
un  jury  désigné  par  le  ministre.  Le  conseil  d'instruction 
de  l'Ecole  dresse  une  liste  de  classement  par  ordre  de 
mérite,  d'après  les  notes  des  examens  combinés  avec  celles 
de  l'année.  Tous  les  sous-officiers  élèves-officiers  qui  ont 
subi  avec  succès  les  épreuves  de  l'examen  de  sortie  sont 
immédiatement  nommés  sous-lieutenants  d'infanterie.  Le 
rang  d'ancienneté  est  déterminé  par  le  numéro  du  classe- 
ment de  sortie  ;  c'est  également  d'après  celui-ci  que  les 
nouveaux  sous-lieutenants  sont  appelés  à  choisir  le  corps 
auquel  ils  désirent  être  affectés.  —  Ceux  des  élèves  de 
Saint-Maixent  qui  n'ont  pu  satisfaire  aux  épreuves  de 
sortie  sont  renvoyés  dans  un  corps  et  pourvus  du  grade  et 
de  l'emploi  qu'ils  avaient  avant  leur  entrée  à  l'Ecole.  Toute- 
fois, sur  la  proposition  du  conseil  d'instruction,  le  ministre 
de  la  guerre  peut  autoriser  ceux  qui  auraient  été  victimes 
d'une  interruption  forcée  de  travail  de  plus  de  trente  jours, 
à  faire  une  deuxième  année  d'études. 

Ecole  militaire  de  l'artillerie  et  du  génie  à  Ver- 
sailles. —  Destination.  —  L'Ecole  militaire  de  Versailles 
donne  aux  sous-officiers  l'instruction  générale  et  militaire 
nécessaire  pour  qu'ils  puissent  passer  officiers  de  l'artillerie, 
du  génie  ou  du  train  des  équipages.  Cette  Ecole  d'élèves- 
officiers,  fondée  par  décret  du  10  janv.  1884,  est  régie 
par  les  décrets  du  4  nov.  1886  et  du  16  oct.  1888. 

Historique.  —  L'Ecole  des  sous-officiers  élèves-officiers 
de  l'artillerie,  du  génie  et  du  train  des  équipages,  est  installée 
à  Versailles,  rue  Gambetta,  dans  l'Hôtel  de  la  surinten- 
dance, bâti  en  1670,  habité  par  Colbert,  Louvois,  Du- 
bois, où  fut  placé  durant  la  Révolution  française  un  Institut 
militaire  pour  les  enfants  des  invalides. 

Conditions  d'admission.  —  L'admission  a  lieu  au  con- 
cours. Chaque  année,  à  Tinspection  générale,  les  chefs  de 
corps  ou  de  service  peuvent  proposer  pour  subir  les  examens 
les  sous-officiers  des  batteries  ou  compagnies  sous  leurs 
ordres  qui  auront  au  moins  deux  ans  de  grade  au  31  déc. 
de  l'année  courante  et  qu'ils  jugent  aptes  à  devenir  offi- 
ciers. Les  candidats  appartenant  au  cadre  fixe  des  écoles 
militaires  sont  proposés  par  les  commandants  de  ces  écoles. 
Il  est  établi  pour  chacun  de  ces  sous-officiers  un  mémoire 
de  proposition,  lequel  est  annoté  successivement  par  le  chef 
de  corps  ou  de  service,  le  général  de  brigade  et  l'inspec- 
teur général.  Chacun  d'eux  résume  son  opinion  en  une 
note  d'ensemble  (de  0  à  20)  qualifiant  à  la  fois  la  tenue, 
la  conduite,  la  capacité  et  l'aptitude  au  commandement  du 
candidat.  On  y  joint  le  relevé  des  services,  le  relevé  des 
punitions,  l'acte  de  naissance,  l'extrait  du  casier  judiciaire. 
>  Epreuves,  Le  concours  d'admission  est  précédé  d'épreuves 
d'instruction  générale  ayant  un  caractère  éliminatoire.  Vers 
le  milieu  de  décembre,  les  candidats  sont  convoqués  par 
région  de  corps  d'armée  à  l'Ecole  d'artillerie.  Ils  y  font 
les  compositions  écrites  suivantes  :  1°  une  dictée  ;  2°  une 
composition  française  ;  3<*  une  composition  d'histoire  et  de 
géographie  ;  ¥  une  composition  d'arithmétique  ;  5<*  une 
composition  d'algèbre  ;  6"^  une  composition  de  géométrie  ; 
7^^  une  composition  de  trigonométrie  et  de  topographie  ; 
8°  un  dessin  linéaire.  Les  compositions  durent  chacune 
quatre  heures,  sauf  la  dictée.  Les  copies  sont  envoyées  au 
ministre  et  corrigées  par  une  commission  spéciale.  Toute 
note  inférieure  à  14  pour  la  dictée,  à  6  pour  une  autre 


composition,  entraîne  l'exclusion.  A  la  suite  de  cette  correc- 
tion, on  dresse  une  liste  des  candidats  admissibles. 

Le  classement  définitif  a  pour  base  :  1°  les  compositions 
écrites  affectées  d'un  coefficient  d'ensemble  ;  2<>  un  examen 
oral  portant  sur  les  mêmes  matières  que  les  compositions 
écrites  ;  3^  la  valeur  militaire  des  sous-officiers  constatée 
par  leurs  chefs  hiérarchiques  et  par  une  commission  char- 
gée d'examiner  leur  instruction  professionnelle ,  théorique 
et  pratique.  Deux  commissions  spéciales  opérant,  l'une  pour 
l'artillerie  et  l'autre  pour  le  génie,  sont  chargées  de  faire 
subir  les  épreuves  orales  et  les  épreuves  d'instruction  pro- 
fessionnelle. La  première  se  compose  de  six  membres  nom- 
més par  le  ministre  (colonel  ou  lieutenant-colonel,  prési- 
dent, trois  chefs  d'escadron,  deux  capitaines),  la  seconde 
de  trois  membres  (colonel  ou  lieutenant-colonel,  président, 
deux  chefs  de  bataillon).  La  commission  d'examen  pour 
l'artillerie  siège  d'abord  à  Versailles,  puis  se  transporte  à 
Bourges  et  à  Toulouse.  La  commission  du  génie  opère  les 
années  de  millésime  impair  à  Versailles  et  à  Grenoble,  les 
années  de  millésime  pair  à  Arras  et  à  Montpellier.  L'entrée 
des  salles  d'examen  est  interdite  au  public ,  permise  aux 
candidats  et  aux  officiers  en  uniforme.  Les  coefficients  at- 
tribués aux  divers  éléments  d'appréciation  sont  ainsi  fixés  ; 

1°  Artillerie, 
Note  d'ensemble. 
Note  du  chef  de  corps : . .     5 

—  du  général  de  brigade 5  ^  50 

—  de  l'inspecteur  général 10 

Epreuves  d'instruction  générale. 

Compositions  d'admissibilité 20 

Examens  oraux  \  Mathématiques. . .      12  f  40 

{  Histoire  et  géographie 8 

Instruction  professionnelle. 

Manœuvres 20 

Cours  spécial 12  \  40 

Règlements 8 


Total. 


100 


20 


44 


36 


100 


2o  Génie, 
Note  d'ensemble 

Instruction  générale. 

Compositions  d'admissibilité 24 

Examens  oraux 20 

Instruction  professionnelle. 

Manœuvres 12 

Instruction  spéciale 16 

Règlements 8 

Total 

Des  majorations  de  points  sont  accordées  aux  sous-offi- 
ciers qui  sont  dans  un  ou  plusieurs  des  cas  suivants  :  an- 
nées de  grade  excédant  deux,  campagnes,  blessure,  citation, 
emploi  comme  maréchal  des  logis,  années  de  rengagement, 
médaille  militaire,  Légion  d'honneur.  Il  n'est  tenu  compte 
des  points  de  majoration  que  jusqu'à  loO.  Le  classement 
résulte  du  nombre  total  des  points  ;  à  égalité  de  points, 
l'ancienneté  dans  le  grade  de  sous-officier  assure  la  priorité. 

Ces  dispositions  sont  un  peu  modifiées  pour  les  sous- 
officiers  qui  désirent  entrer  dans  la  division  du  train  des 
équipages  militaires.  Ceux  qui  sont  bacheliers  sont  dispen- 
sés de  l'examen.  Pour  les  autres,  il  ne  comprend  à  l'écrit 
qu'une  dictée,  des  compositions  de  français,  d'histoire  et 
géographie,  d'arithmétique  et  de  géométrie  et  topographie. 

Les  sous-officiers  détachés  en  Indo-Chine  subissent  les 
épreuves  devant  une  commission  nommée  par  le  général 
commandant  en  chef.  Ceux  qui  y  obtiennent  le  minimum 
de  points  fixé  pour  l'admission  sont  envoyés  en  France  à 
l'Ecole.  Si  leur  instruction  générale  était  reconnue  trop 
faible,  ils  seraient  reversés  dans  un  corps  de  leur  arme. 

Régime  intérieur.  —  Direction,  Le  commandement  de 
l'Ecole  est  confié  à  un  colonel  ou  lieutenant-colonel  d'artil- 
lerie ;  il  a  sous  ses  ordres  un  chef  de  bataillon  du  génie, 


ÉCOLE 


—  422  — 


commandant  en  second.  L'organisation  est  parallèle  à  celle 
de  V Ecole  d'infanterie  (V.  ci-dessus).  Mais  on  admet  des 
professeurs  civils  à  côté  des  militaires.  On  a  mstitué  un 
conseil  d'instruction,  un  conseil  de  discipline  et  un  conseil 
d'administration. 

Enseignement.  Les  sous-officiers  élèves-officiers  re- 
çoivent à  l'Ecole  une  instruction  générale  et  une  ins- 
truction militaire,  de  manière  à  leur  donner  la  culture 
intellectuelle  indispensable  à  tout  officier  et  à  leur  faire 
acquérir  l'aptitude  nécessaire  pour  bien  remplir  les  fonctious 
d'officier  d'artillerie,  du  génie  ou  du  train  des  équipages. 
Les  cours  durent  onze  mois  ;  ils  s'ouvrent  au  1^'  avr.  de 
chaque  année  et  se  terminent  à  la  fin  de  févr.  de  l'année 
suivante.  —  Les  élèves-officiers  jouissent,  au  dehors,  des 
droits  et  prérogatives  conférés  aux  adjudants  ;  ils  reçoivent 
une  solde  de  2  fr.  par  jour,  à  laquelle  vient  s'ajouter  pour 
les  rengagés  une  indemnité  de  résidence  à  Paris  de  50  cent, 
par  jour.  . 

Sortie.  —  A  la  fin  de  l'année  d'études,  les  sous-omciers 
élèves-officiers  sont  examinés  par  un  jury  composé  ainsi 
qu'il  suit  :  un  général  de  brigade  de  l'artillerie  ou  du  génie, 
un  colonel  ou  lieutenant-colonel  d'artillerie,  un  colonel  ou 
lieutenant-colonel  du  génie,  un  capitaine  d'artillerie  exami- 
nateur, un  capitaine  du  génie  examinateur.  On  classe  par 
ordre  de  mérite  les  officiers  de  chaque  arme.  Tous  les  élèves- 
officiers  qui  ont  satisfait  aux  examens  de  sortie  sont  promus 
sous-lieutenants  de  leur  arme;   leur  rang  de  sortie  ^ est 
déterminé  par  le  numéro  de  classement.  Ceux  qui  n'ont 
pas  satisfait  aux  épreuves  de  sortie  sont  renvoyés  à  leur 
corps  et  pourvus  du  grade  qu'ils  avaient  avant  leur  entrée 
à  l'Ecole.  En  cas  d'interruption  forcée  de  travail  de  plus 
de  trente  jours,  le  ministre  peut  les  autoriser  à  faire  une 
seconde  année  d'études  avec  la  promotion  suivante.  x\.-M.  B. 
Ecole  d'administration  militaire  de  Vincennes. 
—  Destination.  —  Une  Ecole  d'administration  militaire 
a  été  créée  à  Vincennes  pour  former  le  personnel  néces- 
saire au  recrutement  des  officiers  d'administration,  des 
bureaux  de  l'intendance  militaire,  des  subsistances,  des 
hôpitaux,  de  l'habillement  et  du  campement.  Le  décr.  du 
20  mars  1890  a  réglé  en  dernier  lieu  le  fonctionnement 
de  cette  Ecole. 

Conditions  d'admission.  —  L'admission  a  lieu  par  voie 
de  concours  entre  les  sous-officiers  de  l'armée  active. 

Il  faut  n'être  pas  âgé  de  plus  de  vingt-sept  ans  au 
1er  oct.  de  l'année  du  concours  ;  n'être  pas  marié  ou 
être  veuf  sans  enfants  ou  divorcé  sans  enfants  ;  être  ren- 
gagé ou  mis  dans  l'obligation  de  se  rengager  dans  l'année 
qui  précède  son  renvoi  dans  ses  foyers.  Il  faut,  de  plus, 
être  l'objet  d'une  proposition  du  chef  de  corps  ou  de  service 
auquel  ils  appartiennent  et  transmise  par  la  voie  hiérar- 
chique. Il  est  établi  un  état  de  proposition  pour  chaque  can- 
didat ;  cet  état  contient  les  notes  du  chef  de  corps,  de  service 
ou  de  bureau  et  celles  du  sous-intendant  militaire  chargé 
de  la  surveillance  administrative  du  corps.  L'intendant 
militaire  directeur  et  le  gouverneur  militaire  ou  le  général 
commandant  le  corps  d'armée,  émettent  leur  avis  sur  la 
suite  à  donner  à  la  proposition. 

Chaque  état  est  accompagné:  1°  d'une  demande  du 
candidat  ;  2^^  d'une  copie  certifiée  de  l'acte  de  naissance 
du  candidat  (sur  papier  libre)  ;  3*^  du  relevé  de  ses  ser-- 
vices  ;  4*"  du  relevé  des  punitions  qui  lui  auraient  été 
infligées  depuis  son  entrée  au  service  ;  5«  d'une  copie  des 
titres  universitaires,  brevets,  etc.  Ces  pièces  sont  certi- 
fiées par  le  chef  de  corps  ou  de  service.  Les  dossiers  de 
propositions  doivent  parvenir  au  ministre  le  15  mai  de 
chaque  année,  au  plus  tard. 

Les  candidats  admissibles  sont  convoqués  à  Vincennes 
pour  y  subir  les  épreuves  orales,  à  la  suite  desquelles  la  liste 
définitive  de  classement  est  arrêtée.  Le  ministre  fixe,  suivant 
les  besoins  du  service,  le  nombre  d'élèves  à  admettre  à 
l'Ecole.  Les  épreuves  écrites  comprennent  :  1°  une  dictée; 
2°  une  composition  d'histoire  ;  3°  une  composition  d'arith- 
métique. Les  examens  oraux  comprennent  des  questions 


d'histoire,  de  géographie  générale  et  commerciale,  d'arith- 
métique, de  géométrie  et  d'administration  militaire. 

Régime  intérieur.  —  Les  élèves  et  les  hommes  du  cadre 
vivent  en  mess.  Ils  couchent  dans  des  dortoirs.  Ils  portent 
un  uniforme  (capote,  dolman,  pantalon,  képi)  caractérisé 
par  les  étoiles  en  filé  d'or  au  collet,  et  la  soutache  (soie 
rouge  et  argent)  de  4  millim.  de  large,  continuant  le  bord 
supérieur  des  parements.  —  Les  études  durent  un  an  ;  elles 
se  terminent  fin  juin.  Elles  comportent  un  enseignement 
général,  un  enseignement  administratif,  un  enseignement 
militaire.  L'ouverture  des  cours  est  fixée  par  le  ministre 
chaque  année.  La  fermeture  a  lieu  avant  le  l^""  juil.,  ce 
mois  étant  consacré  à  la  revision  des  cours  et  aux  examens 
de  sortie.  L'enseignement  général  donné  aux  sous-officiers 
élèves-officiers  comprend  :  1°  le  français;  2«  des  éléments 
des  sciences  appliquées  et  de  topographie  ;  3°  des  notions 
pratiques    de    botanique.    L'enseignement    administratif 
embrasse  :  les  principes  de  législation,  d'administration  et  de 
comptabilité  militaires  ;  les  principes  élémentaires  de  droit 
administratif  ;  la  comptabilité  commerciale.  Cet  enseigne- 
ment est  à  la  fois  théorique  et  pratique.  Il  est  fait,  dans 
les  principaux  étabhssements  civils  et  militaires,  des  visites 
dont  l'objet  se  rapporte  à  l'enseignement  de  l'Ecole.  L'en- 
seignement  miUtaire   comprend   la   première   partie   de 
l'école  du  soldat  et  le  chap.  i^"^  de  la  première  partie  de 
l'école  de  compagnie  et  des  extraits  des  règlements  sur 
le  service  intérieur  et  le  service  dans  les  places  de  guerre. 
Sortie.  —  En  fin  d'études,  la  commission  spéciale  fait 
subir  aux  élèves  des  examens  consistant  en  épreuves  écrites 
et   orales.  Les  épreuves  écrites  comprennent  :  1°   une 
dictée  ;  2°  une  narration  (rapport  administratif)  ;  3*^  une 
composition  d'administration  distincte  sur  chacun  des  cours 
professés  :  législation,    administration   générale,  subsis- 
tances, hôpitaux,  habillement.  L'examen  oral  comporte  une 
ou  plusieurs  questions  sur  chacune  des  branches  de  l'ensei- 
gnement. C'est  le  directeur  de  l'Ecole  qui  choisit  les  sujets 
de  composition  et  le  questionnaire  pour  l'examen  oral.  Le 
classement  général  des  élèves  a  lieu  d'après  les  données 
suivantes  :  i^  Une  note  d'appréciation  générale  sur  l'édu- 
cation, la  conduite,  le  travail,  les  qualités  physiques,  mo- 
rales  et   intellectuelles.  Cette   note,   discutée   par   une 
commission  composée  du  sous-directeur  et  des  officiers 
d'administration    de  l'Ecole,  est  définitivement  arrêtée, 
par  l'intendant  général,  président  du  jury  d'examen,  sur 
la  proposition  du  directeur.  —  2^^  L'ensemble  des  notes 
i  obtenues  dans  les  diff'érents  cours  pendant  la  session  et 
aux  épreuves  écrites  et  orales  de  fin  d'année,  les  notes  de 
ces  épreuves  comptant  pour  le  même  nombre  de  points  que 
celles  de  toute  l'année.  Les  élèves  sous-officiers  qui  satis- 
font aux  examens  de  sortie  sont  nommés,  en  attendant  leur 
brevet  d'officier,   adjudants-élèves  d'administration  dans 
l'une  des  branches  administratives  de  l'armée  (intendance, 
campement,  habillement,  subsistances). 

Ecoles  de  tir.  —  Les  Ecoles  de  tir  créées  ou  organisées 
par  le  décret  du  9  déc.  1879  sont  de  deux  catégories  : 
r  r  Ecole  normale  de  tir  de  Châlons- sur -Marne; 
2«  les  Ecoles  régionales  de  Châlons- sur -Marne,  du 
Ruchard  et  de  La  Valbonne.  Elles  sont  régies  par  le  décret 
du  18  nov.  1886. 

Historique.  —  Déjà  on  avait  superposé  aux  écoles  régi- 
mentaires  une  école  normale,  puis  des  écoles  régionales 
de  tir.  Celles-ci  figurent  dans  la  loi  organique  du  13  mars 
1875.  Mais  l'organisation  actuelle  est  nouvelle  et  a  pris 
une  importance  exceptionnelle. 

Les  attributions  de  l'Ecole  normale  de  tir  instituée  au 
camp  de  Châlons  sont  les  suivantes  :  1^  EtabKr,  d'après 
les  instructions  de  la  direction  de  l'infanterie,  les  modèles 
des  armes  et  munitions  destinées  à  l'arme  de  l'infanterie  ; 
vérifier  mensuellement  les  produits  de  la  fabrication  cou- 
rante des  atehers  de  chargement  des  cartouches  ;  expéri- 
menter les  armes  fabriquées  par  les  manufactures  et  des- 
tinées à  l'infanterie.—  2^  Expérimenter  avant  leur  adoption 
toutes  les  modifications  aux  armes  de  l'infanterie  proposées 


423  — 


ÉCOLE 


par  les  établissements  producteurs  (manufactures,  cartou- 
cheries, poudreries). —  3<^  Proposer  les  perfectionnements 
à  apporter  aux  armes  et  aux  munitions  en  usage  dans 
l'infanterie. —  4^  Examiner  les  propositions  adressées  à  la 
section  technique  de  l'infanterie  et  relatives  aux  armes, 
aux  munitions,  à  l'instruction  du  tir. —  5°  Déterminer  les 
règles  à  suivre  dans  l'exécution  des  feux;  proposer  à  la 
direction  de  l'infanterie  les  modifications  à  introduire  dans 
les  règlements  des  manœuvres  résultant  de  modifications 
dans  l'armement  ou  les  munitions,  ainsi  que  les  perfec- 
tionnements à  apporter  aux  méthodes  d'instruction  en  ce 
qui  concerne  le  tir. —  6°  Expérimenter  les  armes  en  usage 
dans  les  armées  étrangères.  —  7°  Proposer  les  mesures 
propres  à  tenir  les  Ecoles  régionales  de  tir  et  les  corps  de 
troupe  au  courant  des  progrès  réalisés  à  l'étranger.  — 
8°  Fabriquer  les  armes  destinées  à  être  distribuées  comme 
prix  dans  les  concours  de  l'Ecole  normale  et  des  Ecoles 
régionales  de  tir.  En  raison  de  ces  attributions  multiples, 
l'Ecole  normale  de  tir  comprend  :  d'une  part,  des  ateliers 
pour  la  fabrication  de  l'arme  et  des  cartouches  ;  de  l'autre, 
une  commission  d'expériences. 

L'Ecole  normale  de  tir  forme  pour  les  Ecoles  régionales 
de  tir  des  professeurs  et  des  instructeurs  ;  pour  les  corps 
de  troupe  des  capitaines  de  tir  ayant  pour  mission  de  donner 
à  l'infanterie  une  connaissance  approfondie  des  armes  à  feu 
portatives.  Tous  les  ans,  il  est  ouvert  à  cet  effet  à  l'Ecole 
normale  un  cours  d'une  durée  de  cinq  mois  et  demi,  lequel 
est  suivi  par  des  capitaines  d'infanterie.  L'Ecole  est  dirigée 
par  un  colonel  ou  lieutenant-colonel  d'infanterie  assisté  de 
deux  chefs  de  bataillon,  six  capitaines  d'infanterie  et  deux 
contrôleurs  d'armes.  Il  a  la  haute  main  sur  l'Ecole  régio- 
nale de  tir  du  camp  de  Châlons,  disposant  dans  l'intérêt 
du  service  du  personnel  et  du  matériel  de  cette  Ecole. 

Les  Ecoles  régionales  des  camps  de  Châlons,  du  Ruchard 
et  de  La  Valbonne  sont  destinées  à  former  des  instructeurs 
(lieutenants  ou  sous-lieutenants,  sous-ofliciers  ou  caporaux) 
ayant  pour  mission  de  vulgariser  dans  les  corps  de  troupe 
les  progrès  accomplis  soit  dans  les  méthodes  d'instruction, 
soit  dans  la  fabrication  des  armes  et  munitions  ;  elles  sont 
dirigées  par  un  chef  de  bataillon  assisté  de  sept  officiers. 
La  durée  des  cours  est  de  quatre  mois  pour  les  officiers  et 
de  trois  pour  les  sous-officiers  et  caporaux.  Les  hommes  de 
troupe  des  cadres  fixes  de  ces  écoles  portent  la  tenue  de 
l'infanterie  de  ligne. 

Ecole  de  dessin  du  service  géographique  de 
l'armée.  —  Destination.  —  Au  Service  géographique 
de  l'armée  a  été  annexé,  par  décision  du  29  avr.  1883, 
une  Ecole  de  dessin  ayant  pour  objet  de  former  des  dessi- 
nateurs topographes  et  d'assurer  le  recrutement  du  per- 
sonnel technique  de  cet  étabhssement. 

Conditions  d'admission.  —  Nul  n'est  admis  à  l'Ecole  que 
par  voie  de  concours.  Pour  être  admis  à  concourir,  les 
élèves  doivent  justifier  :  1°  de  la  qualité  de  Français  ; 
2<^  d'un  âge  de  quinze  ans  au  moins,  dix-sept  ans  au  plus, 
le  i^^  janv.  de  l'année  du  concours  ;  3^  d'une  instruction 
primaire  suffisante,  attestée  soit  par  le  certificat  d'études 
primaires,  soit  par  tout  autre  certificat  analogue  obtenu  dans 
les  écoles  de  dessin,  les  ateliers,  les  écoles  d'adultes,  etc. 
Leurs  parents  doivent  faire  la  demande  avant  le  P^  août 
au  directeur  du  service  géographique  de  l'armée. 

Les  pièces  ci-après  désignées  doivent  accompagner  la  de- 
mande :  1°  l'acte  de  naissance  dûment  légalisé;  2°  une 
déclaration  du  père,  de  la  mère  ou  du  tuteur,  s'engageant  à 
pourvoir  aux  besoins  matériels  des  élèves  pendant  les  deux 
années  d'études  ;  3°  un  certificat  de  bonnes  vie  et  mœurs. 
Les  candidats  admis  au  concours  doivent  exécuter  : 
1°  une  page  d'écriture  faite  sous  la  dictée;  T  la  même 
page  recopiée  à  main  posée  ;  3°  une  épreuve  de  dessin 
linéaire,  construction  de  figures  de  géométrie  plane  avec 
la  règle,  l'équerre  et  le  compas  (ils  doivent  apporter  les 
instruments  nécessaires)  ;  4^  un  dessin  d'ornement  ou  de 
figure,  d'après  des  modèles  en  plâtre  ;  5°  une  copie  d'un 
fragment  de  carte  topographique.  Ces  épreuves  de  dessin 


ont  pour  but  de  constater  si  les  élèves  savent  dessiner  et 
s'ils  sont  aptes  au  dessin  spécial  de  topographie.  —  Le 
nombre  annuel  des  admissions  est  très  variable  ;  il  est  de 
5  à  10  élèves  environ. 

Régime  intérieur. —  Le  régime  de  l'Ecole  est  l'externat. 
Des  cours  spéciaux  de  dessin,  de  topographie  et  de  géomé- 
trie, de  lecture  des  cartes  françaises  et  étrangères  sont  faits 
aux  élèves.  Pendant  la  belle  saison,  des  exercices  de  topo- 
graphie sont  organisés  aux  environs  de  Paris  et  complétés 
par  des  levés  réguliers. 

La  durée  normale  des  cours  est  fixée  à  deux  années, 
pendant  lesquelles  les  élèves  n'ont  droit  à  aucune  solde. 
Les  progrès  et  les  aptitudes  des  élèves  sont  constatés 
tous  les  six  mois  par  des  épreuves  qui  sont  subies  devant 
une  commission  composée  de  deux  officiers  et  d'un  dessi- 
nateur principal.  Les  examens  comprennent  une  des  deux 
épreuves  suivantes  :  un  dessin  topographique  (planimètre, 
courbes,  hachures  et  lettres)  ;  un  dessin  d'après  un  relief 
topographique.  Les  notes  de  dessin  et  d'interrogations,  les 
notes  de  conduite  et  d'exactitude  données  aux  élèves  pen- 
dant le  semestre  écoulé,  entreront  en  ligne  de  compte. 
Après  les  épreuves  semestrielles,  les  élèves  sont  classés  et 
reçoivent,  sur  l'avis  du  conseil  de  l'établissement  et  d'après 
leur  rang  de  classement,  des  gratifications  pécuniaires  com- 
prises entre  50  et  200  fr. 

Sortie.  —  Examen  de  sortie.  A  la  fin  de  la  deuxième 
année  d'études,  les  élèves  exécutent  un  dessin  topogra- 
phique de  concours,  et  sont  interrogés  par  la  commission 
sur  toutes  les  matières  enseignées  pendant  leur  séjour  à 
l'Ecole.  Après  les  examens,  la  commission  établit  un  clas- 
sement de  sortie  qui  est  soumis  au  conseil  de  l'établissement 
avec  les  notes  particulières  de  chaque  élève.  Le  conseil  de 
l'étabhssement  désigne  les  élèves  qui  ont  mérité  le  certi- 
ficat d'aptitude,  et  choisit  parmi  ces  derniers,  ceux  qui 
pourront  être  admis  dans  les  ateliers,  à  titre  de  surnumé- 
raires, avec  des  appointements  proportionnels  à  leur  talent 
et  aux  services  qu'ils  sont  susceptibles  de  rendre.  Toutes 
les  places  de  dessinateurs  titulaires  sont  réservées  aux 
anciens  élèves  de  l'Ecole.  Après  deux  années  de  stage,  les 
surnuméraires  peuvent  être  proposés  pour  passer  dans  le 
cadre  des  titulaires,  au  fur  et  à  mesure  des  vacances  qui 
se  produisent  ;  et  leurs  services  comptent,  pour  justifier 
leurs  droits  ultérieurs  à  la  retraite,  à  dater  du  jour  où  ils 
ont  été  nommés  dessinateurs  titulaires. 

l<5ole  centrale  de  pyrotechnie  militaire  de 
Bourges.  —  L'Ecole  de  pyrotechnie,  qui  avait  été  fon- 
dée en  1824  et  qui  était  primitivement  établie  dans  la  place 
de  Metz,  fut  transférée  à  Rourges  par  arrêté  ministériel 
du  2  juin  1870.  On  y  fabrique  les  approvisionnements  de 
guerre  et  on  y  forme  des  praticiens  à  l'emploi  et  à  la  con- 
fection des  artifices  de  guerre.  La  durée  des  cours  est  d'une 
année.  Les  élèves  sont  choisis  parmi  les  maréchaux  de 
logis,  les  brigadiers,  ou  candidats  inscrits  pour  l'un  de  ces 
grades  au  tableau  d'avancement,  appartenant  à  l'artillerie 
et  désignés  par  les  inspecteurs  généraux.  Une  décision 
spéciale  du  ministre  de  la  guerre  peut  réduire  la  durée 
des  cours  à  six  mois.  Le  programme  des  cours  d'artifices 
a  été  réglé  en  dernier  lieu  par  une  décision  ministérielle 
du  llfévr.  1891. 

Ecole  normale  de  gymnastique  et  d'escrime  de 
Joinville.  —  Destination.  —  En  1833  fut  organisée 
dans  la  redoute  de  la  Faisanderie,  près  de  Joinville-le-Pont 
(Seine),  une  école  militaire  de  gymnastique  et  d'escrime 
dont  l'objet  est  de  former  des  instructeurs  de  gymnastique 
et  des  maîtres  d'armes  destinés  à  répandre  dans  les  diffé- 
rents corps  de  troupe  un  mode  d'enseignement  uniforme 
en  ce  qui  concerne  les  principes  et  les  exercices  de  gymnas- 
tique et  d'escrime  et  tout  ce  qui  peut  s'y  rattacher  au 
point  de  vue  de  l'éducation  physique  du  soldat. 

Organisation.  —  Nous  y  consacrerons  quelques  détails 
parce  que  l'Ecole  de  Joinville  est  le  grand  centre  de  l'en- 
seignement de  la  gymnastique  et  même  de  l'escrime.  Elle 
est  régie  par  le  décret  du  30  août  1882.  L'Ecole  comprend 


ECOLE 


—  424 


deux  divisions  d'instruction  :  4*^  la  division  de  gymnas- 
tique, à  laquelle  appartiennent  les  officiers-élèves  divisés  en 
trois  groupes  d'instruction  et  les  élèves  de  la  troupe  répar- 
tis en  deux  compagnies  ;  —  2<>  la  division  d'escrime,  à 
laquelle  appartiennent  les  élèves  de  la  troupe  formant  une 
compagnie. 

Les  cours  de  gymnastique  au  nombre  de  deux  par 
année  durent  cinq  mois  et  demi  chacun  (1^^  févr.-12juil. 
et  l^'^  août-15  janv.).  Le  cours  d'escrime  dure  onze  mois 
et  demi  (l^"^  févr.-45  janv.)  —  Le  cours  de  gymnastique 
est  suivi  :lo  par  30  sous-lieutenants  d'infanterie  âgés  de 
moins  de  vingt-six  ans,  désignés  par  le  ministre  d'après  un 
roulement  particulier  ;  2*^  par  des  caporaux  ou  élèves- 
caporaux  des  corps  de  troupe  d'infanterie  à  raison  d'un 
militaire  par  régiment  d'infanterie,  2  militaires  par  batail- 
lon de  chasseurs  choisis  exclusivement  parmi  ceux  qui 
sont  dans  leur  première  année  de  service  et  présentent  le 
plus  d'aptitude  ;  de  plus  on  envoie  à  Joinville,  selon  les 
convenances  du  service,  des  sous-officiers,  brigadiers  ou 
caporaux  de  l'artillerie  ou  du  génie.  —  Le  cours  d'escrime 
est  suivi  par  100  élèves  désignés  par  les  généraux  com- 
mandant les  corps  d'armée  parmi  les  prévôts  de  toutes 
armes  examinés  et  classés  par  les  jurys  régionaux.  On  a 
soin,  en  raison  de  la  proximité  de  Paris,  de  ne  choisir  que 
des  sujets  d'une  conduite  irréprochable. 

Le  personnel  de  l'Ecole  comprend  un  cadre  fixe  ou  per- 
manent et  un  cadre  mobile.  Les  officiers  appartiennent  au 
cadre  fixe.  Les  moniteurs  de  gymnastique  (cadre  mobile), 
choisis  par  moitié  environ  à  la  fin  de  chaque  cours  de  gym- 
nastique, parmi  les  élèves  les  plus  aptes  aux  fonctions 
d'instructeurs,  sont  conservés  à  l'Ecole  pendant  les  deux 
cours  qui  suivent  leur  entrée  en  fonctions  ;  ceux  qui  font 
preuve  d'aptitudes  exceptionnelles  peuvent  être  conservés 
plus  longtemps.  Les  moniteurs  d'escrime  (cadre  mobile) 
sont  choisis  à  la  fin  de  chaque  cours  parmi  les  prévôts- 
élèves  les  plus  capables  ayant  encore  plus  d'une  année  de 
service  à  faire  ou  manifestant  l'intention  de  rengager.  Les 
chefs  de  salle  d'escrime  (cadre  mobile)  sont  choisis,  à  la 
fin  de  chaque  cours,  parmi  les  moniteurs  d'escrime  les 
plus  capables.  L'Ecole  est  dirigée  par  un  commandant  su- 
bordonné au  général  commandant  la  place  de  Paris.  Il  est 
assisté  d'un  sous-intendant,  de  capitaines  instructeurs  de 
gymnastique  et  d'escrime,  de  lieutenants  instructeurs,  d'un 
officier  trésorier,  d'un  officier  d'armement,  etc. 

L'enseignement  est  donné  suivant  le  programme  ci-après. 
Les  officiers-élèves  sont  divisés  en  trois  groupes  d'instruc- 
tion. Voici  la  liste  des  matières  d'enseignement  et  les 
coefficients  (dont  4/3  pour  la  théorie,  2/3  pour  la  pratique 
en  ce  qui  concerne  la  gymnastique)  :  i""  gymnastique  théo- 
rique et  pratique  comprenant  les  exercices  d'assouplisse- 
ment, 2  points  ;  la  boxe  française,  3  p.  ;  le  bâton  et  la 
canne,  3  p.  ;  la  natation,  2  p.  ;  la  gymnastique  aux  appa- 
reils, 48p.;--  2°  l'escrime  à  l'épée,  4  p.  ;  —  3''  l'équita- 
tion,  3  p.  ;  —  4"^  la  manœuvre  de  la  pompe  à  incendie,  4  p.  ; 
■—  S''  la  manœuvre  de  la  rame  et  la  conduite  d'une  em- 
barcation, 4  p. ;  —  6Me  tir  au  revolver,  ^\>,;—T  la 
physiologie,  l'anatomie  et  l'hygiène  de  l'homme,  2  p.  ;  — 
8""  le*  règlement  des  manœuvres,  4  p.  ;  —  9"*  l'étude  de 
questions  se  rapportant  à  l'éducation  physique  du  sol- 
dat,4p.;  —  40"  conduite,  2  p.  ;  —  44"^  assiduité,  2  p.;  — 
42''  manière  d'être  en  général,  3  p. 

L'instruction  théorique  et  pratique  donnée  aux  élèves 
de  troupe  de  la  division  de  gymnastique  comprend  :  4''  la 
gymnastique  théorique  et  pratique  qui  se  subdivise  en  exer- 
cices d'assouplissement,  2  p.;  boxe,  4p.;  bâton  et  canne,  4  p.; 
natation,  2  p.  ;  gymnastique  aux  appareils,  8p.  ;  —  2'' l'es- 
crime à  l'épée,  2  p.  ;  —  3Ma  manœuvre  de  la  pompe  à 
incendie,  4  p.;  —  4''  la  manœuvre  de  la  rame,  4  p.  ;  — 
5"*  le  tir  à  la  cible,  3  p.  ;  —  6*"  les  manœuvres  de  l'infan- 
terie, 3  p.  —  Les  militaires  de  la  division  d'escrime  sont 
exercés  à  la  pointe,  la  contre-pointe,  la  gymnastique  d'as- 
souplissement et  les  manœuvres.  On  attribue  aux  aptitudes 
comme  professeur  de  pointe,  6  p.  ;  comme  tireur  de 


pointe,  42  p.  ;  professeur  de  contre-pointe,  2  p.  ;  tireur 
de  contre-pointe,  3  p.  ;  aux  exercices  militaires,  1  p.  Pour 
les  deux  divisions,  on  note  la  conduite,  2  p.  ;  la  tenue,  2  p.  ; 
l'apphcation,  2  p.  ;  l'aptitude  comme  instructeur,  4  p. 

Chaque  période  d'instruction  comporte  trois  examens  : 
un  examen  d'entrée,  un  examen  de  mi-session  et  un  exa- 
men de  sortie.  Les  élèves  de  troupe  sont  placés  en  nombre 
égal  par  année  dans  les  compagnies  et  les  sections  d'après 
leur  numéro  de  régiment  ou  de  bataillon.  Ils  sont  ensuite 
répartis  par  rang  de  force  ou  d'aptitude  entre  les  escouades 
ou  les  salles  de  travail  de  chaque  section.  L'examen  de 
sortie  a  lieu  sur  toutes  les  parties  de  l'instruction  théo- 
rique et  pratique  devant  un  jury  composé  du  commandant 
de  l'Ecole,  du  capitaine  instructeur  de  gymnastique  et  du 
plus  ancien  lieutenant  instructeur  pour  les  officiers-élèves, 
d'un  lieutenant  et  de  deux  adjudants  pour  les  élèves  de  la 
troupe.  Les  notes  obtenues  aux  examens  et  multipliées  par 
les  coefficients  indiqués  donnent  une  somme  de  points 
d'après  laquelle  on  établit  le  classement.  A  la  suite  des 
examens  de  sortie,  on  décerne  des  récompenses,  mentions 
honorables  ou  prix  (médailles  de  vermeil,  d'argent,  épin- 
glettes  de  tir).  —  Les  élèves  de  troupe  à  leur  sortie  de 
l'Ecole  reçoivent,  s'ils  en  sont  jugés  dignes,  des  brevets  de 
moniteurs  de  gymnastique  ou  d'escrime  et  sont  dirigés  sur 
leurs  régiments  respectifs.  Quelques-uns  entrent  dans  le 
cadre  de  l'Ecole. 

Ecoles  militaires  préparatoires.  —  Destination. 
—  Il  a  été  institué  six  écoles  militaires  préparatoires  par 
la  loi  du  49  juil.  4884  et  le  décret  du  3  mars  4885. 
Quatre  sont  consacrées  à  l'infanterie,  celles  de  Rambouil- 
let, Montreuil-sur-Mer,    Saint-Hippolyte-du-Fort  et  Les 
Andelys  ;  une  à  la  cavalerie  (Autun)  ;  une  à  l'artillerie  et 
au  génie  (Billom  dans  le  Puy-de-Dôme).  Il  faut  y  ajouter 
l'orphelinat  Hériot  à  La  Boissière  (près  de  Rambouillet), 
pour  460  enfants  de  troupe  orphelins,  qui  sont  élevés 
et  instruits  de  cinq  à  treize  ans.  Ces   écoles  assurent 
aux  enfants  de  troupe  une  instruction  primaire  et  une 
instruction  militaire.  Les  écoles  de  l'infanterie  reçoivent 
les  enfants  de  troupe  inscrits  sur  les  contrôles  des  corps 
d'infanterie  et    des    sections  administratives  ;  l'école  de 
cavalerie  reçoit  les  enfants  de  troupe  de  la  cavalerie  et  des 
compagnies  de   remonte  ;   celle  de  l'artillerie,  les  enfants 
de  troupe  de  l'artillerie,  du  train  des  équipages  militaires 
et  du  génie.  Les  enfants  de  troupe  provenant  de  la  gendar- 
merie et  de  la  marine  et  un  certain  nombre  de  fils  de  mili- 
taires, non  enfants  de  troupe,  sont  admis  dans  ces  écoles. 
Conditions  d'admission.  —  Ne  peuvent  être  admis  dans 
les  écoles  militaires  préparatoires  que  les  fils  de  soldats, 
caporaux  ou  brigadiers,   sous-officiers,  officiers  jusqu'au 
grade  de  capitaine  inclusivement  ou  assimilés,  et  d'officiers 
supérieurs   ou  assimilés  décédés.   Les  fils  de  militaires 
retirés  du  service  ne  sont  aptes  à  concourir  qu]autant  que 
leur  père  est  ou  a  été  en  possession  d'une  pension  de  re- 
traite intégrale  ou  proportionnelle,  d'une  pension  de  ré- 
forme pour  infirmités  ou  blessures,  ou  qu'il  a  contracté  un 
rengagement  de  cinq  ans  au  moins.  Les  fils  de  militaires 
réformés  par  congé  n^  4  et  jouissant  d'une  gratification 
permanente  sont  également  admis  au  bénéfice  de  ces  dispo- 
sitions. Les  fils  des  militaires,  non  enfants  de  troupe,  sont 
admis  dans  les  écoles  aux  mêmes  conditions  que  les  autres 
enfants.  Le  ministre  de  la  guerre  fixe  le  nombre  des  places 
réservé  dans  les  écoles  aux  enfants  de  troupe  de  la  marine. 
Les  conditions  d'admission  pour  ces  enfants  sont  les  mêmes 
que  pour  les  enfants  de  troupe  de  l'armée  de  terre  ;  mais 
ces  enfants  sont  désignés  par  le  ministre  de  la  marine. 

L'admission  des  élèves  n'est  prononcée  que  sur  la  pro- 
duction d'une  déclaration,  signée  par  les  parents  ou  tuteurs, 
spécifiant  :  4**  qu'ils  consentent  à  l'engagement  ultérieur 
de  leur  enfant  dans  les  conditions  stipulées  par  l'art.  5 
de  la  loi  du  49  juil,  4884  ;  2°  qu'ils  ont  pris  connaissance 
de  la  clause  dudit  article  qui  autorise  le  ministre  de  la 
guerre  à  faire  exercer  contre  eux,  ou  sur  la  fortune  per- 
sonnelle de  l'enfant,  le  recouvrement  de  la  moitié  des  frais 


—  425  — 


ÉCOLE 


payés  par  TEtat,  dans  le  cas  où  cet  enfant  serait  retiré 
avant  d'avoir  atteint  Fâge  voulu  pour  contracter  un  enga- 
gement, ou  refuserait  de  s'engager,  ou  serait  renvoyé  de 
l'école  pour  inconduite. 

On  exige  en  outre  de  tous  les  candidats  qu'ils  sachent 
lire,  écrire,  calculer  (les  quatre  règles)  ;  un  certificat  d'ap- 
titude physique  constatant  qu'ils  ne  sont  atteints  de  nulle 
infirmité  les  rendant  impropres  au  service  militaire. 

Régime  intérieur.  —  Chacune  des  écoles  reçoit  500  élèves 
environ,  sur  lesquels  30  au  plus  non  enfants  de  troupe,  mais 
fils  de  militaires.  Ceux-ci  sont  entretenus  aux  frais  de  leurs 
parents.  Les  élèves  doivent  avoir  treize  ans  révolus  et  moins 
de  quatorze  au  i^^  août  de  Tannée  de  leur  admission  ;  ils 
restent  dans  les  écoles  jusqu'au  jour  de  leur  engagement. 
Sortie.  —  Dès  Tâge  minimum  fixé  par  la  loi  de  re- 
crutement, c.-à-d.  à  dix-huit  ans,  les  élèves  des  écoles 
militaires  préparatoires  sont  appelés  à  contracter  un 
engagement  volontaire,  dont  le  terme  est  déterminé  par 
la  date  de  l'expiration  légale  du  service  dans  l'armée  ac- 
tive de  la  classe  à  laquelle  ils  doivent  appartenir  par  leur 
â^^e.  L'élève  engagé  entre  dans  l'armée  active  comme  soldat. 
''Ecoles  régimentaires.  —  Les  écoles  régimentaires 
ont  pour  objet  l'instruction  générale  et  technique  des  sol- 
dats de  toutes  armes.  Leur  personnel  est  emprunté  aux 
cadres  du  régiment.  Leur  place  dans  le  système  mihtaire 
sera  définie  à  l'art.  Instruction  [Armée].  Elles  représentent 
l'équivalent  de  l'école  primaire  dans  l'instruction  publique. 
Leur  organisation  est  réglée  parles  décrets  du  28  déc.  1883 
portant  règlement  du  service  intérieur.  Toutes  disposent  de 
manuels  spéciaux.  ^  . 

Ecoles  régimentaires  d'infanterie.  —  Chaque  régiment 
ou  bataillon  formant  corps  a  deux  écoles  :  l'école  primaire 
de  compagnie  destinée  aux  illettrés  et  obligatoire  jusqu'à 
ce  qu'ils  sachent  lire,  écrire  et  compter;  le  cours  prépara- 
toire fait  aux  sous-officiers,  caporaux  et  soldats  ayant 
une  instruction  primaire  suffisante  ;  ce  cours  est  facultatif. 
—  Dans  chaque  compagnie,  le  capitaine  a  la  direction  et 
la  responsabilité  de  l'école  primaire;  le  sergent-major  est 
spécialement  chargé  de  cet  enseignement  sous  la  surveil- 
lance du  chef  de  peloton.  Le  colonel  détermine  le  temps 
qu'on  y  peut  affecter.  Le  lieutenant-colonel  propose  et  le 
colonel  désigne  pour  le  cours  préparatoire  un  capitaine 
directeur  et  des  officiers  professeurs  du  grade  de  lieutenant 
ou  sous-lieutenant,  de  manière  que  chacun  n'ait  autant  que 
possible  qu'un  cours  ou  deux  au  plus  à  faire.  Ces  officiers 
ne  sont  habituellement  exempts  d'aucun  service.  Le  capi- 
taine directeur  et  les  officiers  professeurs  composent  une 
commission  d'examen  présidée  par  le  lieutenant-colonel. 
La  surveillance  des  écoles  régimentaires  dans  un  régiment 
réuni  appartient  au  lieutenant-colonel  qui  centralise  cette 
partie  du  service.  La  plus  grande  utilité  des  cours  prépa- 
ratoires est  de  préparer  les  sous-officiers  à  entrer  dans 
l'Ecole  d'élèves-officiers  (Saint-Maixent).  Le  budget  d'une 
école  régimentaire  est  de  i  ,000  fr.  (dépenses  scolaires, 
achat  de  livres,  presse  autographique,  etc.).  On  rattache 
aussi  à  l'école  régimentaire  :  1°  l'enseignement  de  la 
gymnastique,  du  tir,  de  la  natation,  des  travaux  de  cam- 
pagne; tous  ces  enseignements  sont  gratuits  et  obliga- 
toires ;  2°  les  écoles  de  tambours  et  de  clairons  (V.  Mu- 
sique militaire);  3*^  l'enseignement  de  l'escrime,  les 
exercices  de  boxe,  de  bâton  et  canne  (1,873  fr.  par  an). 

Ecoles  régimentaires  de  cavalerie.  —  Les  écoles  d'un 
régiment  comprennent  l'école  du  premier  degré,  l'école  du 
second  degré,  le  cours  préparatoire  de  l'Ecole  de  cavalerie, 
l'école  d'escrime,  l'école  de  natation.  — •  L'école  du  pre- 
mier degré  est  l'école  primaire  obligatoire  pour  les  illettrés  ; 
l'école  du  deuxième  degré  destinée  aux  brigadiers  et  élèves- 
brigadiers  désireux  d'entretenir  leur  instruction  est  facul- 
tative. Elle  est  faite  comme  la  précédente  dans  chaque  es- 
cadron sous  la  direction  du  capitaine  commandant.  --  Le 
cours  préparatoire  est  fait  pour  l'ensemble  du  régiment 
sous  la  surveillance  du  lieutenant-colonel  et  sous  la  direc- 
tion du  capitaine  instructeur  qui  a  trois  officiers  pour 


adjoints.  Il  est  facultatif  et  destiné  exclusivement  aux  sous- 
officiers  qui  sont  susceptibles  de  devenir  officiers  soit  dans 
l'armée  active  (Ecole  de  Saumur),  soit  dans  la  réserve.  Il 
comprend  deux  divisions,  chaque  cours  ayant  la  durée 
minimum  d'une  année  scolaire  ;  la  2«  division  (premier 
échelon)  apprend  l'orthographe,  la  géographie,  l'arithmé- 
tique, la  géométrie;  la  1'^  division  (deuxième  échelon) 
revise  les  cours  précédents  et  apprend  de  plus  la  rédaction, 
l'histoire,  la  topographie.  On  passe  de  la  deuxième  à  la 
première  division  après  un  examen.  Chaque  division  a  par 
semaine  trois  séances  d'une  heure  et  demie.  —  L'école 
d'escrime  est  gratuite  et  obligatoire,  dirigée  par  un  officier  ; 
l'enseignement  y  est  donné  par  le  maître  d'escrime  et  deux 
prévôts.  —  L'école  de  natation  est  dirigée  dans  chaque 
escadron  par  le  capitaine  commandant. 

Ecoles  régimentaires  d'artillerie  et  du  train  des  équi- 
pages. —  Les  écoles  du  régiment  comprennent  l'école 
primaire,  le  cours  secondaire  ou  préparatoire,  l'école 
d'escrime  et  l'école  de  natation.  Le  règlement  du  l^»*  sept. 
1888  en  détermine  le  fonctionnement.  Elles  sont  organisées 
dans  chaque  bataillon  d'artillerie  de  forteresse,  régiment 
d'artillerie,  escadron  du  train  des  équipages  ou  compagnie 
formant  corps.  L'organisation  est  analogue  à  celle  des 
écoles  d'infanterie  et  de  cavalerie;  les  cours  préparatoires 
sont  destinés  aux  sous-officiers  candidats  soit  à  l'Ecole  de 
Versailles,  soit  au  grade  de  garde  d'artillerie  ou  de  gardien 
de  batterie.  Les  cours  secondaires  comportent  l'enseigne- 
ment du  français,  de  l'arithmétique,  de  l'algèbre,  de  la 
géométrie,  de  la  géographie  et  du  dessin;  pour  le  train 
des  équipages  et  les  candidats  aux  grades  de  garde  d'artd- 
lerie  ou  de  gardien  de  batterie,  les  cours  d'algèbre  sont 
remplacés  par  des  leçons  d'histoire. 

Ecoles  régimentaires  du  génie.  —  Une  école  du  génie 
est  établie  dans  chacune  des  garnisons  affectées  aux  régi- 
gents  du  génie  pour  l'instruction  spéciale  des  soldats,  bri- 
gadiers, caporaux  et  des  sous-officiers,  ainsi  que  pour  celle 
des  officiers.  Le  colonel  en  a  la  direction  supérieure  ;  sous 
ses  ordres,  elle  est  administrée  par  un  chef  de  bataillon  de 
Fétat-major  du  génie,  avec  le  titre  de  commandant  de 
l'école.  Il  est  secondé  par  deux  capitaines,  trois  professeurs 
civils  nommés  au  concours  (lettres,  dessin,  sciences)  et 
deux  adjoints  du  génie.  On  trouvera  dans  le  règlement  du 
25  juin  1885  des  détails  complets  sur  l'instruction  théorique 
(français,  sciences  mathématiques  et  physiques,  dessin,  for- 
tification et  art  de  l'ingénieur,  géographie  et  cosmographie, 
histoire  de  France).  Les  cours  sont  obUgatoires  pour  les 
soldats  et  sous-officiers  ;  ils  ont  lieu  dans  les  quatre  mois 
d'hiver  (novembre  à  février),  six  fois  par  semaine. 
Aux  officiers,  on  fait  un  cours  de  mines  et  un  cours  d'at- 
taque et  de  défense  des  places  ;  ils  rédigent  annuellement 
un  travail  topographique,  un  mémoire  et  quatre  projets  qui 
sont  examinés  par  le  commandant  de  l'école.  L'instruction 
spéciale  pratique  se  compose  de  cinq  écoles  distinctes  con- 
cernant la  fortification  de  campagne,  la  sape,  les  mines, 
les  ponts,  les  chemins  de  fer.  Tous  les  hommes  du  régi- 
ment les  suivent.  Outre  les  exercices  relatifs  à  la  nomen- 
clature et  encaissage  des  outils,  chargement  et  déchar- 
gement des  voitures  et  chevaux  de  bât,  on  nomme  encore 
trois  autres  écoles  :  d'artifices,  de  levers,  de  télégraphie 
optique.  L'école  pratique  d'artifices  initie  à  la  confection 
d'artifices  usuels  quelques  hommes  du  régiment  ;  les  chefs 
artificiers  se  forment  à  l'Ecole  centrale  de  pyrotechnie  de 
Bourges.  L'école  de  levers  est  suivie  par  tous  les  sous- 
officiers  et  caporaux  ayant  l'aptitude  nécessaire.  L'école 
pratique  de  télégraphie  optique  l'est  par  les  hommes  les 
plus  capables  ou  déjà  instruits  (V.  Génie). 
Ecoles  régimentaires  de  tir  (V.  Tir). 
Ecoles  régimentaires  de  musique,  de  trompettes,  tam- 
bours, CLAIRONS  (V.  Musique  militaire). 

Ecoles  régimentaires  de  gymnastique,  de  natation, 
d'escrime  (V.  ci-dessus  Ecoles  régimentaires  d'infan- 
terie, de  cavalerie,  et  Instruction  [Armée]). 
Ecole  des  travaux  de  campagne.  —  L'Ecole  des  travaux 


ECOLE 


-  426  — 


de  campagne  pour  les  officiers  des  corps  de  troupe  d'infan- 
terie est  répartie  entre  les  quatre  écoles  régimentaires  du 
génie,  où  elle  se  fait  successivement  et  alternativement. 
Chaque  corps  envoie  donc  tous  les  quatre  ans  un  capi- 
taine à  l'Ecole  des  travaux  de  campagne.  Le  personnel 
enseignant  est  désigné  par  le  colonel  du  régiment  du  génie. 
Les  cours  commencent  à  la  fin  de  septembre  et  durent 
quatre  semaines,  y  compris  quatre  jours  employés  à  la  fin 
du  cours  à  la  rédaction  d'un  mémoire  (mise  en  défense 
d'une  position). 

Ecoles  régimexNtaires  d'infanterie  de  marine.  —  Une 
organisation  équivalente  à  celle  des  troupes  de  terre  a  été 
appliquée  à  l'infanterie  de  marine.  Les  écoles  ou  cours  du 
second  degré  ont  une  importance  exceptionnelle,  puisqu'il 
n'y  a  pas  ici  d'école  de  sous-oiTiciers  élèves-officiers  et  qu'ils 
en  tiennent  lieu.  On  y  enseigne  la  grammaire  française 
complète,  l'arithmétique  jusqu'au  système  métrique,  la 
géométrie  jusqu'à  la  mesure  des  surfaces,  l'administration 
militaire  jusqu'à  l'administration  intérieure  des  compagnies, 
la  géographie  générale,  l'histoire  de  France,  les  notions  de 
fortification,  l'étude  et  la  lecture  des  cartes  topographiques. 
Les  sous-officiers  proposés  pour  le  grade  de  sous-Heutenant 
par  les  inspecteurs  généraux  suivent  dans  les  ports  de 
Cherbourg,  Brest,  Rochefort,  Toulon,  un  cours  spécial, 
fait  par  le  professeur  d'hydrographie  du  port  et  portant 
sur  l'arithmétique,  la  géométrie,  la  géographie,  la  partie 
mathématique  de  la  fortification  et  de  la  topographie,  le 
dessin  linéaire  et  topographique  dit  à  vol  d'oiseau.  En 
outre,  le  capitaine  directeur  des  écoles  leur  enseigne  la 
langue  française,  l'histoire  de  France  jusqu'à  nos  jours, 
l'administration  et  la  législation  militaires,  la  fortification 
appliquée,  le  lever  de  plans  et  l'établissement  de  rapports 
militaires,  et  leur  commente  l'ordonnance  sur  le  service  des 
armées  en  campagne.  Ils  doivent  présenter  deux  fois  par 
an  un  travail  topographique  (lever  et  rapport).  Enfin,  ils 
suivent  un  cours  de  langue  allemande. 

Ecole  navale.  — -  Destination.  —  L'Ecole  navale, 
établie  en  rade  de  Brest  et  dépendant  du  ministère  de  la 
marine,  est  destinée  à  former  des  officiers  de  marine. 

Historique.  —  L'origine  de  l'Ecole  navale  actuelle  re- 
monte au  début  du  xix^  siècle,  mais  sous  l'ancien  régime 
il  existait  des  institutions  analogues.  La  première  idée 
remonte  au  règne  de  Louis  XIV  ;  en  môme  temps  que  les 
six  compagnies  de  cadets  destinées  à  former  des  ofiîciers 
pour  l'armée  de  terre,  il  créa,  le  22  juin  1682,  trois  com- 
pagnies de  gardes  de  la  marine  qui  furent  stationnées  à 
Toulon,  Rochefort  et  Brest.  Recrutées  parmi  les  jeunes 
nobles,  elles  leur  donnaient  l'instruction  nécessaire  pour 
devenir  officiers  de  marine.  Le  18  nov.  1716,  on  régularisa 
l'institution  en  réduisant  le  nombre  exagéré  des  gardes  de 
la  marine  ;  ils  étaient  700  ;  on  ne  conserva  dans  chaque 
compagnie  que  80  jeunes  nobles.  En  outre,  on  créa  une 
compagnie  de  gardes  du  pavillon  (au  nombre  de  80), 
recrutée  dans  les  trois  précédentes  ;  les  gardes  du  pavillon 
recevaient  l'instruction  navale  en  servant  près  la  personne 
de  l'amiral  dans  les  ports  et  à  la  mer  et  sur  les  principaux 
vaisseaux  de  guerre.  L'uniforme  de  ces  gardes  de  la  marine 
et  de  ces  gardes  du  pavillon  était  le  même  :  habit  bleu, 
veste,  culotte  et  bas  écarlates;  les  gardes  du  pavillon,  de 
grade  supérieur,  se  distinguaient  par  un  «  bordé  d'or  haut 
d'un  pouce  »  aux  parements  et  aux  poches.  Voici  comment 
était  organisé  l'enseignement.  Pour  l'admission,  on  cons- 
tatait l'instruction,  mais  sans  y  attacher  d'importance  ;  on 
vérifiait  la  noblesse  des  candidats  et  on  accordait  la  pré- 
férence aux  fils  d'officiers  de  la  marine  ou  aux  jeunes  gens 
ayant  déjà  navigué  dans  la  marine  ofiicielle.  Le  roi  choi- 
sissait. Les  gardes-marine  dans  leurs  compagnies  i^cevaient 
un  enseignement  très  soigné  comportant  les  mathématiques, 
l'hydrographie,  le  dessin,  les  constructions  navales,  l'es- 
crime et  la  danse.  Ils  étaient  mis  au  courant  de  la  ma- 
nœuvre et  du  pilotage  par  les  maîtres  canonniers  et  les 
maîtres  d'équipage.  Leurs  études  duraient  en  moyenne 
trois  années  au  bout  desquelles  on  leur  faisait  passer  des 


examens  de  capacité.  S'ils  les  soutenaient  avec  succès,  ils 
étaient  embarqués  avec  le  titre  de  gardes  du  pavillon.  Ils 
faisaient  alors  les  études  que  font  nos  aspirants  sur  le 
vaisseau-école  d'application  ;  les  officiers  les  mettaient  au 
courant,  les  associaient  à  leurs  travaux  ;  ils  faisaient  le 
quart  avec  eux  ;  les  premiers  maîtres  leur  montraient  la 
manœuvre  du  navire,  le  pilotage,  le  maniement  de  l'artillerie, 
complétant  sur  ces  points  l'instruction  commencée  comme 
gardes-marine.  Ils  naviguaient  plusieurs  années  en  qualité 
de  gardes  du  pavillon  avant  d'être  promus  enseignes  de 
vaisseau.  Il  est  aisé  de  se  rendre  compte  que  cet  enseigne- 
ment méthodique  donna  de  bons  résultats.  On  sait  quelle 
était,  sous  le  règne  de  Louis  XVI,  le  mérite  et  la  réputation 
du  corps  de  la  marine  française.  A  côté  de  ces  officiers 
nobles,  on  recrutait,  par  engagement  volontaire,  le  corps 
des  officiers  bleus  qui  recevaient  une  instruction  moins 
étendue;  ils  servaient  quatre  ans  et  demi  comme  volontaires 
(nobles  ou  non)  dans  la  marine  royale,  puis  devenaient 
aptes  à  commander  les  vaisseaux  marchands.  On  leur  con- 
fiait aussi  le  service  des  ports  et  on  les  employait  dans  les 
arsenaux. 

Le  corps  des  officiers  de  la  marine  fut  désorganisé  au 
moment  de  la  Révolution  française,  principalement  par 
l'émigration.  Pour  suppléer  à  la  ruine  des  méthodes  d'ins- 
truction des  officiers,  la  Convention  décida  la  création 
d'écoles  navales  à  Brest  et  à  Toulon.  Ce  décret  ne  fut  pas 
exécuté.  C'est  l'Empire  qui,  en  1810,  organisa  les  écoles 
navales  de  Brest  et  de  Toulon,  la  première  à  bord  du 
Touruille,  la  seconde  à  bord  du  Diiqiiesne.  Ces  écoles, 
qui  n'eurent  jamais  les  300  élèves  attribués  théorique- 
ment à  chacune  et  en  réunirent  à  peine  la  moitié,  qui 
durèrent  seulement  quatre  ou  cinq  années,  n'en  ont  pas 
moins  donné  les  meilleurs  résultats;  de  là  sortirent  nos 
meilleurs  officiers  de  marine.  La  Restauration  licencia  ces 
écoles  et,  sous  le  prétexte  saugrenu  que  le  duc  d'Angou- 
lème  était  grand  amiral  de  France,  on  institua  une  école 
navale  unique  à  Angoulême.  Elle  avait  le  titre  de  Collège 
de  la  marine  et  on  mit  à  sa  disposition  une  grande 
barque  sur  la  Charente.  Au  terme  de  leurs  études,  les 
élèves  concouraient  pour  le  grade  d'élèves  de  deuxième 
classe  et  étaient  embarqués  sur  les  vaisseaux  de  l'Etat.  En 
1827,  sur  la  demande  de  l'amiral  Roussin,  l'Ecole  navale 
de  Brest  fut  rétablie.  Ce  n'était  en  théorie  qu'une  succur- 
sale du  Collège  d'Angoulême,  mais  elle  prit  le  rôle  prépon- 
dérant; en  1829,  on  affecta  le  navire  l'Orion^  dans  la  rade 
de  Brest,  à  l'éducation  pratique  des  futurs  ofiîciers.  Le  Collège 
d'Angoulême,  réduit  au  rôle  d'école  préparatoire,  fut  sup- 
primé quatre  années  plus  tard.  Dans  cette  période  de 
transition,  les  élèves  entraient  à  l'Ecole  navale  de  Brest  à 
la  suite  d'un  examen  qui  leur  conférait  le  titre  d'élève  de 
deuxième  classe;  l'instruction  était  gratuite,  la  nourri- 
ture aux  frais  de  l'Etat  qui  leur  attribuait  une  solde.  Les 
études  duraient  seulement  un  an  ;  les  élèves  sortaient 
comme  ils  étaient  entrés,  avec  le  grade  d'élèves  de  deuxième 
classe;  au  bout  d'un  an,  ils  passaient  élèves  de  première 
classe,  puis  lieutenants  de  frégate  au  fur  et  à  mesure  des 
vacances.  En  1833,  tout  ce  système  fut  refondu  et  l'orga- 
nisation actuelle  remonte  à  cette  époque. 

Le  séjour  et  les  études  à  bord  du  vaisseau-école  {VOrion 
fut  dès  1834  remplacé  par  le  Borda^  et  depuis  lors  on 
a  toujours  gardé  ce  nom  au  bâtiment  qui  servit  de  vaisseau- 
école)  durèrent  deux  années  ;  le  titre  d'élève  de  deuxième 
classe  ne  fut  donné  qu'à  l'expiration  de  ces  études  et  après 
l'examen;  les  élèves  avaient  le  titre  d'aspirant;  la  gratuité 
fut  abolie;  on  exigea  une  pension  de  700  fr.  par  an,  plus 
un  trousseau  de  800  fr.  Au  sortir  du  Borda,  les  aspirants 
passaient  élèves  de  deuxième  classe;  deux  ans  plus  tard, 
élèves  de  première  classe.  Puis  ce  titre  d'élèves  disparut  et 
il  n'y  eut  que  des  aspirants  de  deux  classes. —  En  1864, 
afin  de  suppléer  à  Tinsuffisance  de  l'instruction  pratique 
donnée  sur  le  Borda,  le  ministre  Chasseloup-Laubat  créa 
une  école  d'application  qui  fut  organisée  par  le  capitaine 
de  vaisseau  Dieudonné.  Elle  fut  placée  à  bord  du  Jean- 


427 


Bart.  Auparavant,  les  élèves  sortants  qui  naviguaient 
quatre  années  comme  aspirants  (deux  ans  dans  chaque 
classe)  n'avaient  pas,  pendant  les  deux  années  de  seconde 
classe,  autorité  sur  les  officiers  mariniers  (adjudants  et 
premiers  maîtres).  On  para  à  cet  inconvénient  en  rédui- 
sant à  une  année  le  stage  comme  aspirant  de  deuxième 
classe  et  en  le  faisant  faire  sur  le  vaisseau-école  d'appli- 
cation. Dans  cet  emploi,  le  Jean-Bart  a  été  remplacé  par 
Vïphigénie, 

Conditions  d'admission.  —  Nul  n'est  admis  à  1  Ecole 
navale  que  par  voie  de  concours.  Le  concours  a  lieu  chaque 
année  à  Paris  et  dans  une  douzaine  de  centres  d'examen 
désignés  par  le  ministre  (les  principaux  ports  et  Lyon, 
Nancy,  Toulouse).  Voici  comment  le  règlement  du  7  oct. 
1891  détermine  les  conditions  d'admission.  Le  nombre  des 
admissions  est  fixé  d'avance  par  le  ministre  ;  les  élèves 
démissionnaires  ne  sont  pas  remplacés. 

Inscription.  Les  candidats  doivent  se  faire  inscrire  du 
1^^  au  2o  avr.,  terme  de  rigueur,  à  la  préfecture  du 
département  où  est  établi  le  domicile  de  leur  famille  ou 
de  celui  oii  ils  poursuivent  leurs  études.  Tout  candidat, 
lors  de  son  inscription,  doit  justifier  :  1«  qu'il  est  Fran- 
çais ;  2°  qu'il  a  eu  quatorze  ans  au  moins  et  qu'il  n'a  pas 
accompli  sa  dix-huitième  année  avant  le  1^^  jahv.  de  l'année 
du  concours,  c.-à-d.,  pour  le  concours  de  1892,  que  ja 
date  de  sa  naissance  est  comprise  entre  le  1^^  janv.  1874 
et  le  31  déc.  1877,  inclusivement.  Les  conditions  d'âge 
sont  de  rigueur  ;  il  n'est  accordé  aucune  dispense.^  —  Les 
pièces  à  produire  pour  l'inscription  sont  :  1""  L'acte  de 
naissance  du  candidat,  dûment  légalisé.  —  2°  Un  certi- 
ficat du  maire  de  la  localité  habitée  par  la  famille  consta- 
tant que  le  candidat  est  Français,  ou  bien  qu'il  se  trouve 
dans  une  des  conditions  énoncées   ci-dessus.  —  3"  Un 
certificat  d'un  docteur  en  médecine  ou  en  chirurgie,  dû- 
ment légalisé,  attestant  que  le  candidat  a   eu  la  petite 
vérole  ou  qu'il  a  été  vacciné  ou  inoculé.  —  4""  Une  décla- 
ration écrite  indiquant  celui  ou  ceux  des  centres  de  com- 
position écrite  ou  d'examen  oral  choisis  par  le  candidat  ou 
par  sa  famille.  Ce  choix  une  fois  fait,  aucun  candidat  ne 
sera  autorisé  à  changer  de  centre  d'examen  ou  de  composi- 
tion que  pour  des  motifs  graves,  avec  preuves  à  l'appui  et 
par  décision  du  ministre.  —  5^  Une  déclaration  sur  papier 
timbré  par  laquelle  les  parents,  père,  mère  ou  tuteur,  etc., 
s'engagent  à  payer  au  Trésor  public,  par  trimestre  et 
d'avance,  une  pension  annuelle  de  700  fr.  Cet  engagement 
devient  nul  en  tout  ou  en  partie  en  cas  de  concession  d'une 
bourse  ou  d'une  demi-bourse.  Les  familles  ont  la  faculté 
de  payer  le  prix  de  la  pension  des  élèves  à  la  caisse  du 
Trésor  à  Paris,  ou,  dans  les  départements,  entre  les  mains 
des  receveurs  des  finances  qui  en  délivrent  récépissé.  — 
(r  Un  second  acte  sur  papier  timbré,  portant  engagement 
de  payer  le  trousseau,  les  hvres  et  objets  nécessaires  aux 
études.  Le  prix  de  ces  objets  est  d'environ  1,000  fr., 
pavables  au  trésorier  de  l'Ecole  en  deux  portions  exigibles, 
savoir  :  800  fr.  au  moment  de  l'admission  de  l'élève  et  le 
reste  au  commencement  de  la  seconde  année.  Cet  engage- 
ment devient  nul  en  tout  ou  en  partie  en  cas  de  concession 
d'un  trousseau  ou  d'un  demi-trousseau.  —  7°  S'il  y  a 
lieu,  le  diplôme  de  bacheUer  es  lettres  (première  partie), 
ou  de  bachelier  es  lettres  complet,  ou  le  certificat  d'apti- 
tude au  baccalauréat  de  l'enseignement  secondaire  clas- 
sique (première  partie)  ;  à  défaut,  un  certificat  du  recteur 
d'académie  constatant  que  le  candidat  est  en  possession 
d'un  de  ces  diplômes.  Ces  pièces,  sauf  l'acte  de  naissance, 
le  certificat  médical  et  les  diplômes,  ne  sont  valables  que 
pour  l'année  dont  elles  portent  la  date.  Les  dossiers  d'ins- 
cription ainsi  que  l'état  prescrit  seront  envoyés  au  ministre 
le  25  avr.,  terme  de  rigueur. 

Avant  les  examens,  les  candidats  sont  soumis  à  une 
visite  médicale,  dont  les  conditions  sont  réglées  par  les 
instructions  du  4  août  1879  et  du  23  mars  1888.  La 
commission  comprend  un  officier  supérieur  de  marine,  pré- 
sident ;  un  lieutenant  de  vaisseau  et  deux  médecins  de 


ÉCOLE 

marine  de  1^®  classe  au  moins.  Les  candidats  sont  de  plus 
soumis  aux  épreuves  optométriques  et  daltoniques  ci-après  : 
l'épreuve  optométrique  consiste  dans  la  lecture,  à  une  dis- 
tance de  1  m.  pour  la  vision  monoculaire,  et  à  une  dis- 
tance de  2  m.  pour  la  vision  binoculaire,  dans  la  propor- 
tion de  18  sur  24,  des  lettres  capitales  n°  15,  noires  sur 
fond  blanc,  de  l'échelle  typographique  de  Snellen,  éclairée 
par  une  bougie  placée  à  50  centim.  de  ces  lettres.  —  Re- 
lativement au  daltonisme,  les  candidats  subissent  une 
épreuve  de  nuit  avec  l'appareil  spécial  (chromo-optomètre) 
et  une  épreuve  de  jour  avec  les  éche veaux  de  laine.  Le 
président  de  la  commission  signale  immédiatement  au  mi- 
nistre, par  télégramme,  les  noms  des  candidats  qui,  à 
cause  de  la  faiblesse  de  leur  constitution  physique  ou  de 
l'insuffisance  de  leurs  facultés  visuelles,  n'ont  pas  été 
admis  par  la  commission.  Il  indique  les  motifs  de  cette 
exclusion.  Le  ministre  statue  par  réponse  immédiate  pour 
que,  sans  retard,  il  en  soit  donné  avis  aux  intéressés.  Les 
candidats  reconnus  aptes  à  servir  dans  la  marine  sont 
seuls  admis  à  faire  les  compositions.  Ceux  d'entre  eux  qui 
renoncent  ou  ne  se  présentent  pas  à  l'une  des  épreuves 
sont,  par  cela  seuls,  exclus  du  concours. 

Concours.  Les  épreuves  pour  l'admission  consistent  en 
compositions  et  en  examens  oraux.  La  commission  d'exa- 
men comprend  un  capitaine  de  vaisseau,  président;  deux 
examinateurs  pour  les  lettres  et  deux  examinateurs  pour 
les  sciences.  La  composition  de  dessin  est  corrigée  par  un 
correcteur  spécial.  Les  compositions  ont  lieu  simultané- 
ment dans  les  divers  centres  d'examen,  les  trois  premiers 
jours  du  mois  de  juin  (dimanche  excepté).  Il  n'est  adressé 
aucun  avis  individuel.  Aucun  candidat  n'est  autorisé  à 
composer  à  une  autre  époque  qu'à  celle  qui  a  été  fixée. 
Les  séances  de  compositions  sont  dirigées  et  surveillées  par 
des  officiers  de  la  marine  assistés  de  premiers  maîtres  dé- 
signés à  cet  effet  (un  lieutenant  de  vaisseau  et  un  premier 
maître  par  vingt  candidats).  La  liste  des  candidats  est 
remise  le  premier  jour  aux  officiers  surveillants,  par  les 
préfets  maritimes,  préfets  ou  sous-préfets  des  départements. 
Compositions  écrites.  Pour  les  compositions,  les  can- 
didats sont  appelés  dans  l'ordre  alphabétique  et  placés 
à  la  distance  de  1^50  au  minimum  les  uns  des  autres. 
Le  sujet  de  chaque  composition  n'est  dicté  qu'au  moment 
précis  où  il  doit  être  traité.  Le  temps  de  la  dictée  n'est 
pas  compris  dans  la  durée  attribuée  à  chaque  composition. 
Les  candidats  devront  reproduire  en  tête  de  leurs  feuilles 
de  compositions  le  texte  du  thème  anglais  et  celui  de  la 
composition  française.    Ces  deux  textes  ne  leur  seront 
jamais  communiqués,  mais  l'officier  relira,  à  tout  candidat 
qui  lui  en  fera  la  demande,  telle  ou  telle  partie  desdits 
textes  que  ce  candidat  supposerait  avoir  incomplètement 
ou  inexactement  reproduite.  Il  est  tenu  compte  par  chacun 
des  examinateurs  du  style,  de  l'orthographe  et  de  l'écriture 
dans  l'appréciation  des  compositions.  Les  candidats  ne 
peuvent  avoir,  pendant  les  séances,  aucun  document  écrit, 
aucun  livre,  etc.  ;  ils  sont  tenus  de  faire  le  thème  anglais 
sans  l'aide  du  dictionnaire.  Ils  doivent  se  munir  de  tout 
ce  qui  est  nécessaire  pour  écrire,  dessiner  (encre,  plumes, 
crayons,  fusain,  carton  ou  planche  à  dessin,  etc.).  Pour 
le  calcul  numérique  de  trigonométrie  et  pendant  cette  seule 
séance,  les  candidats  pourront  faire  usage  d'une  table  de 
logarithmes  sous  la  condition  expresse  qu'elle  ne  contienne 
aucune  note  écrite  à  la  main.  Toute  infraction  au  règle- 
ment ou  toute  fraude  dans  l'une  quelconque  des  épreuves 
entraîne  l'exclusion  du  concours.  La  composition  de  dessin 
consiste  dans  la  reproduction  d'un  modèle  d'après  la  ronde 
bosse.  La  composition  de  géométrie  et  géométrie  analytique, 
celle  d'arithmétique  et  algèbre  durent  trois  heures  et  demie; 
celle  de  géométrie  cotée  et  la  composition  française,  deux 
heures  et  demie  ;  celle  du  dessin,  deux  heures  ;  celles  de 
calcul  trigonométrique  et  d'anglais,  une  heure. 

Après  que  ces  compositions  ont  eu  lieu,  les  copies  sont 
envoyées  à  Paris  sous  pli  cacheté.  Elles  sont  corrigées, 
puis  le  travail  d'admissibifité  est  préparé  à  Paris  par  le 


ÉCOLE 


-  428  - 


bureau  de  Tétat-major  de  la  flotte.  Les  examinateurs  et  le 
correcteur  se  réunissent  sous  la  présidence  du  capitaine  de 
vaisseau,  président,  pour  le  classement  des  candidats  auto- 
risés à  subir  les  épreuves  orales.  La  note  donnée  par 
Texaminateur  à  une  composition  est  multipliée  par  le 
coefficient  indiqué  dans  le  tableau  ci-après,  ce  qui  déter- 
mine le  nombre  de  points  afférents  au  candidat  pour  cette 
composition.  Il  est  tenu  compte  aux  bacheliers  es  lettres 
des  points  qui  leur  sont  dus  en  vertu  de  dispositions 
données  plus  bas. 

En  outre,  il  est  attribué  aux  candidats  qui,  après  avoir 
terminé  leur  thème  anglais,  le  traduiraient  ensuite  en 
allemand,  une  note  spéciale  comprise  entre  0  et  20,  sans 
coefficient,  et  s'ajoutant  à  la  note  d'anglais.  Ex.  :  un  can- 
didat a  obtenu  la  note  45  pour  le  thème  anglais  et  12 
pour  le  thème  allemand,  le  nombre  des  points  à  lui  attri- 
buer est  (15  X  4)  +  12  =  72. 

Examens  oraux.  Les  candidats  sont  classés  suivant  le 
nombre  de  points  que  chacun  d'eux  a  obtenus.  La  commis- 
sion fixe,  d'après  ce  classement,  le  nombre  de  points  au- 
dessus  duquel  les  candidats  sont  autorisés  à  se  présenter 
aux  examens  oraux.  Le  président  en  adresse  la  Hste  au 
ministre.  Les  compositions  sont  conservées  au  ministère  ; 
elles  ne  peuvent  être  communiquées  sous  aucun  prétexte. 
Une  liste,  par  centre  d'examen,  et  dans  l'ordre  alphabé- 
tique pour  chaque  centre,  des  candidats  autorisés  à  subir 
les  épreuves  orales,  est  publiée  au  Journal  officiel.  Cette 
liste  indique,  en  outre,  les  dates  d'examen  dans  les  diffé- 
rents centres.  D'après  la  seule  publication  de  cette  liste  au 
Journal  officiel,  les  candidats  doivent  se  rendre  dans 
celui  des  centres  où  ils  ont  demandé  à  être  examinés,  ou 
dans  le  centre  pour  lequel  ils  sont  désignés  au  Journal 
officiel.  Us  s'adressent,  dans  les  ports  mihtaires,  à  la  pré- 
fecture maritime,  et,  dans  les  autres  centres,  à  la  préfec- 
ture ou  à  la  sous-préfecture  du  département,  où  leur  sont 
indiqués  les  locaux  affectés  aux  examens.  Dans  le  cas  où 
le  nombre  des  candidats  admissibles  et  devant  subir  les 
épreuves  orales  dans  un  centre  d'examen  serait  insuffisant 
pour  motiver  le  déplacement  de  la  commission,  le  ministre 
se  réserve  le  droit  de  désigner  aux  candidats  le  centre  où 
ils  devront  se  rendre  pour  être  examinés. 

Les  matières  du  programme  des  examens  oraux  sont 
réparties  entre  les  examinateurs  de  la  manière  suivante  : 
1°  anglais,  histoire  et  géographie  ;  2*^  français  et  latin  ; 
3°  géométrie,  géométrie  cotée,  géométrie  analytique, 
physique  et  chimie  ;  4*^  arithmétique,  algèbre  et  trigonomé- 
trie. Les  examens  oraux  commencent  à  Paris  le  1^^  juillet 
ou  le  2,  si  le  1^^  est  un  dimanche  ;  ils  ont  Ueu  ultérieure- 
ment dans  les  villes  et  suivant  un  ordre  indiqué  d'avance. 
—  L'ordre  alphabétique  des  candidats  détermine  leur  tour 
d'examen.  Le  président  fixe  dans  chaque  ville  les  heures 
des  séances  d'examen  (l'appel  des  candidats  pour  le  pre- 
mier examen  a  toujours  heu  à  sept  heures  du  matin).  Il 
tient  la  main  à  ce  qu'aucune  interrogation  ne  puisse  avoir 
lieu  avant  sept  heures  du  matin,  de  midi  à  une  heure  de 
l'après-midi,  ni  après  six  heures  du  soir.  Dans  le  cours  de 
chaque  séance,  le  président  fait  afficher  la  hste  des  candi- 
dats qui  peuvent  être  interrogés  dans  la  séance  suivante. 
Ceux  d'entre  eux  qui,  sans  motif  valable,  ne  se  présentent 
pas  au  moment  de  l'appel  sont  exclus  du  concours.  Les 
candidats  ne  passent  jamais  plus  de  deux  examens  dans  la 
même  journée.  Les  examens  sont  publics.  Ils  roulent 
exclusivement  sur  les  matières  du  programme.  La  durée 
de  chaque  interrogation  ne  dépasse  ordinairement  pas 
une  heure.  Le  candidat  appose  sa  signature  sur  une  liste 
spéciale. 

L'examinateur  attribue  aux  réponses  des  candidats  un 
numéro  de  mérite  compris  dans  l'échelle  de  0  à  20,  se 
rapportant  aux  diverses  parties  sur  lesquelles  il  les  a 
interrogés  ;  il  inscrit  ce  numéro  sur  un  bulletin  imprimé 
portant  le  nom  du  candidat.  Ce  bulletin,  signé  par  l'exa- 
minateur, est  remis  au  président.  —  Après  la  clôture  des 
examens  dans  chaque  localité,  le  président  de  la  commis- 


sion adresse  au  ministre,  sous  pli  cacheté  et  scellé,  les 
bulletins  individuels,  la  liste  des  candidats  qui  ne  se  sont 
pas  présentés  et  la  liste  de  ceux  qui  se  sont  retirés  avant 
la  fin  des  épreuves.  Il  prépare  le  travail  d'admission.  Le 
concours  terminé,  il  adresse  au  ministre  un  rapport  géné- 
ral et  l'accompagne  des  rapports  particuliers  qui  doivent  lui 
être  remis  par  les  examinateurs. 

Programme  et   coefficients.  La   valeur  relative  de 
chaque  épreuve  est  indiquée  par  le  tableau  ci-après. 


COEl  FICIENTS 


Gcmposit 

Lettres  et  dessin  :  — 

Français 6 

Latin » 

Anglais 4 

Histoire » 

Géographie » 

Dessin  :  reproduction  d'un  modèle 

d'après  la  ronde  bosse 2 

Ti" 

Total  des  lettres.  .  .  . 
Sciences  : 

Arithmétique 

Algèbre  

Trigonométrie  rectiligne.  .  .  . 
Géométrie  :  géométrie  cotée.  . 

Géométrie  analytique 

Physique  et  chimie 


40 


18 


28 


6 

10 
5 

8 

7 
6 

42 


Total  des  sciences. 


60 


Total  général 100 

La  production  du  diplôme  de  bachelier  es  lettres  (com- 
plet ou  première  partie)  ou  du  certificat  d'aptitude  au 
baccalauréat  de  l'enseignement  secondaire  classique  (pre- 
mière partie  des  épreuves)  donne  droit  à  un  avantage  de 
30  points.  La  note  attribuée  à  la  traduction  du  thème  en 
allemand  est  ajoutée  au  total  des  points  de  la  composition 
anglaise,  sans  être  multipliée  par  le  coefficient  attribué  à 
cette  dernière  langue.  A  l'oral,  la  connaissance  de  l'alle- 
mand n'est  pas  prise  en  considération. 

Classement.  Le  classement  des  candidats  est  fait  par 
un  jury  spécial  composé  ainsi  qu'il  suit  :  un  officier  géné- 
ral de  la  marine,  président  ;  le  président  de  la  commission 
d'examen;  un  officier  supérieur  de  la  marine;  les  quatre 
examinateurs  d'admission  ;  un  rédacteur  de  l'administra- 
tion centrale  est  délégué  pour  la  tenue  des  écritures.  —  Le 
bureau  de  l'état-major  de  la  flotte  prépare  le  classement 
provisoire.  Il  met  les  dossiers  à  la  disposition  du  jury. 
Ces  dossiers  sont  vérifiés  et  collationnés  en  séance.  Le  jury 
peut  exclure  de  la  liste  de  classement  les  candidats  qu'une 
grande  disproportion  entre  un  examen  et  la  composition 
correspondante  convaincrait  de  fraude  dans  l'exécution  de 
cette  dernière.  —  Le  classement  est  établi  d'après  le 
nombre  total  de  points  obtenus  par  les  candidats.  Si,  dans 
ce  classement,  plusieurs  candidats  ont  le  même  nombre  de 
points,  le  jury  donne  la  préférence  à  ceux  qui  ont  obtenu 
la  somme  plus  élevée,  pour  :  1°  les  examens  oraux  ;  2°  la 
composition  française  ;  3*^  la  composition  anglaise  ;  4°  les 
compositions  de  mathématiques  ;  5°  le  dessin.  —  Le  pré- 
sident du  jury  adresse  au  ministre  la  hste  de  classement. 
Le  ministre  nomme,  dans  l'ordre  du  classement,  les  élèves 
admis  à  l'Ecole  navale. 

Pensions,  bourses,  trousseaux.  Le  prix  de  la  pension 
est  de  700  fr.  par  an,  celui  du  trousseau  est  de  1,000  fr. 
environ  pour  les  deux  années.  —  Les  élèves  redoublants, 
qui  font  une  troisième  année,  ont  à  payer  une  somme  sup- 
plémentaire, qui  est  fixée  chaque  année  par  le  conseil  d'ad- 
ministration de  l'Ecole.  —  Des  bourses,  demi-bourses, 
trousseaux,  demi-trousseaux  peuvent  être  accordés  aux 
élèves  dont  les  parents  sont  hors  d'état  de  payer  la  pen- 


—  429 


ÉCOLE 


sion.  —  Les  familles  qui  désirent  obtenir  le  dégrèvement 
total  ou  partiel  des  frais  de  la  pension  ou  du  trousseau  doi- 
vent faire  une  demande  énonçant  qu'elles  sollicitent  :  une 
bourse,  une  demi-bourse  ;  une  bourse  avec  trousseau  ou 
demi-trousseau  ;  une  demi-bourse  avec  trousseau  ou  demi- 
trousseau,  ou  enfin  un  trousseau  ou  un  demi-trousseau 
seulement.  Cette  demande,  adressée  au  ministre  de  la 
marine,  sur  papier  libre,  doit  être  remise  au  moment  de 
rinscription,  c.-à-d.  avant  la  25  avr.,  au  préfet  du  dépar- 
ment  où  réside  la  famille,  accompagnée  :  l""  d'un  état  de 
renseignements  détaillés  sur  les  moyens  d'existence,  le 
nombre,  l'âge  et  la  situation  respective  des  enfants,  et  sur 
les  autres  charges  des  parents  ;  2""  d'un  relevé  du  rôle  des 
contributions.  -^  La  demande  et  les  documents  sont  ulté- 
rieurement transmis  au  ministre  de  la  marine  par  les  pré- 
fets des  départements  qui  provoquent  une  délibération  du 
conseil  municipal  du  lieu  de  la  résidence  ordinaire  des  fa- 
milles, la  joignent  au  dossier  et  font  connaître  leur  avis. 

—  Les  bourses,  demi-bourses,  trousseaux  et  demi-trous- 
seaux sont  accordés  par  le  ministre  de  la  marine  sur  la 
proposition  du  conseil  d'instruction  de  l'Ecole  navale  con- 
formément à  la  loi  des  26  janv.,  3  mai  et  5  juin  1850. 

—  Il  peut  être  accordé  en  outre,  par  le  ministre,  sur  la 
proposition  du  même  conseil,  et  en  application  de  la  même 
loi,  une  première  mise  d'équipement  (550  fr.)  aux  élèves 
boursiers  ou  demi-boursiers  de  l'Ecole  navale,  à  l'occasion 
de  leur  nomination  au  grade  d'aspirant  de  deuxième  classe. 
Les  demandes  de  première  mise  d'équipement  adressées 
au  ministre  devront  être  remises  au  préfet  du  département 
du  domicile  de  la  famille,  avant  le  25  avr.  de  l'année  de  la 
sortie  de  l'Ecole  navale.  Les  formalités  à  remplir  et  les 
pièces  à  produire  sont  les  mêmes  que  celles  énoncées  ci- 
dessus,  pour  les  concessions  de  bourses  et  de  trousseaux. 
Les  dossiers  des  demandes  de  première  mise  d'équipe- 
ment sont  ultérieurement  transmis  au  ministre  (lel^*"  juil. 
au  plus  tard)  par  les  préfets  des  départements,  qui  pro- 
voquent une  délibération  du  conseil  municipal  du  lieu  de  la 
résidence  ordinaire  des  familles,  la  joignent  au  dossier  et 
font  connaître  leur  avis.  Les  pièces  produites  à  l'appui  des 
demandes  de  bourses,  ainsi  qu'à  l'appui  des  demandes  de 
première  mise  d'équipement,  ne  sont  valables  que  pour 
l'année  dont  elles  portent  la  date. 

Régime  intérieur.  —  Conditions  générales.  L'Ecole 
navale  est  soumise  au  régime  militaire.  La  durée  des  cours 
est  de  deux  ans.  Le  nombre  des  élèves  est  de  60  à  70  par 
année  ou  division .  —  Les  élèves  peuvent  compter  comme 
service  effectif  pour  la  pension  de  retraite  le  temps  passé 
à  Ecole  navale  à  partir  de  l'âge  de  seize  ans  (loi  du  18 
avr.  1831,  art.  5,  §  2).  Toutefois  ils  ne  sont  pas  consi- 
dérés comme  présents  sous  les  drapeaux  au  point  de  vue 
de  l'accomplissement  des  obligations  inscrites  dans  la  loi 
du  recrutement;  par  suite,  les  élèves  démissionnaires, 
expulsés  de  l'Ecole  par  mesure  de  discipline,  ou  licenciés 
en  raison  de  l'insuffisance  de  leur  instruction  lors  des 
examens  de  fin  d'année,  sont  assujettis  à  toutes  les  obli- 
gations de  la  loi  du  15  juil.  1889.  —  Les  élèves  de  l'Ecole 
navale  ne  sont  obligés  de  contracter  d'engagement  ni  lors 
de  leur  admission,  ni  pendant  le  séjour  qu'ils  font  à  l'Ecole. 
Ceux  qui  le  demandent  peuvent  toutefois  être  autorisés 
à  contracter  un  engagement  dans  les  équipages  de  la  flotte, 
à  partir  de  seize  ans,  tout  en  restant  à  l'Ecole  (loi  du 
22  juil.  1886).  —  L'officier  provenant  de  cette  Ecole,  qui 
vient  à  démissionner,  est  astreint  à  compléter  dans  les 
diverses  catégories  de  l'armée  vingt-cinq  années  de  ser- 
vices, ces  services  étant  calculés  à  partir,  soit  du  jour 
où  l'intéressé  a  été  commissionné  comme  aspirant  de 
2®  classe,  soit  de  celui  où  il  a  été  lié  au  service  comme 
jeune  soldat,  si  la  commission  est  postérieure  à  cette  der- 
nière date,  soit  enfin,  le  cas  échéant,  à  compter  du  jour 
où  il  a  contracté  un  engagement  volontaire.  —  Les  élèves 
sortant  de  l'Ecole  navale  sont  considérés  comme  liés  au 
service  dans  l'armée  active,  à  partir  du  jour  où  ils  reçoi- 
vent leur  brevet  ou  commission  d'aspirants  de  2*^  classe. 


—  L'art.  5  de  la  loi  du  20  avr.  1832  classe  les  aspirants 
de  2^  classe  dans  la  hiérarchie  de  l'armée  navale.  —  Les 
art.  76  et  77  du  code  de  justice  maritime  déclarent  expres- 
sément que  les  aspirants  de  2«  classe  sont  justiciables  des 
conseils  de  guerre.  —  L'art.  30  de  la  loi  du  15  juil.  1889 
vise  ces  jeunes  gens  dans  le  cas  où  ils  viennent  à  quitter 
le  service,  et  détermine  les  obhgations  auxquelles  ils  de- 
meurent astreints. 

Chaque  année,  après  la  clôture  des  cours,  tous  les 
élèves  sont  examinés  et  classés  par  une  commission  que 
préside  le  vice-amiral  commandant  en  chef,  préfet  mari- 
time à  Brest.  Les  élèves  reconnus  incapables  de  suivre 
l'enseignement  de  l'Ecole,  ainsi  que  ceux  qui  ne  satisfont 
pas  aux  examens  de  fin  d'année,  sont  licenciés  et  rendus 
à  leur  famille,  à  l'exception  toutefois  de  ceux  qui  sont 
déjà  liés  au  service  militaire  (V.  ci-dessus). 

Entrée.  L'année  scolaire  commence  le  i^^  oct.  L'élève 
qui  arrive  après  cette  époque  sans  justifier  d'un  motif 
valable  est  soumis  aux  peines  disciplinaires  du  bord  ;  celui 
qui  n'a  pas  rejoint  dans  le  délai  de  quinze  jours  est  consi- 
déré comme  démissionnaire. 

La  lettre  de  nomination  tient  Heu  de  feuille  de  route 
pour  se  rendre  à  Brest  et  confère  aux  élèves  de  l'Ecole 
navale  le  droit  de  voyager  à  prix  réduit  sur  les  voies  fer- 
rées. A  cette  lettre  est  annexé  un  feuillet  contenant  un  cer- 
tain nombre  de  dispositions  auxquelles  les  élèves  sont 
tenus  de  se  conformer.  —  L'offre  de  démission  des  élèves 
de  l'Ecole  navale  doit  être  accompagnée  du  consentement 
de  leur  père  ou  de  leur  tuteur.  —  Le  30  sept,  ou  le 
1^^'  oct.,  dans  la  matinée,  les  élèves  doivent  se  rendre  à 
l'Ecole  des  mécaniciens  de  la  marine  (ancien  établissement 
des  pupilles),  à  Brest,  avec  leur  lettre  d'admission  ;  ils  sont 
soumis  à  une  contre-visite  médicale.  Ainsi  qu'il  a  été  dit, 
le  prix  de  la  pension  est  de  700  fr.  par  an,  payables  par 
trimestre  et  d'avance,  entre  les  mains  des  receveurs  des 
finances  dans  les  départements  ou  à  la  caisse  du  Trésor, 
à  Paris  (soit,  par  trimestre,  175  fr.).De  plus,  chaque  élève 
admis  doit  verser  à  son  arrivée,  au  trésorier  de  l'Ecole,  les 
sommes  ci-après,  savoir  :  1^  s'il  n'a  obtenu  ni  trousseau 
ni  demi-trousseau,  800  fr.  la  première  année  et  200  fr. 
la  deuxième  année  (y  compris  le  prêt);  2°  s'il  est  conces- 
sionnaire d'un  demi-trousseau,  430  fr.  la  première  année 
et  130  fr.  la  deuxième  année  (y  compris  le  prêt)  ;  3*^  s'il 
est  titulaire  d'un  trousseau,  60  fr.  la  première  année  et 
60  fr.  la  deuxième  année,  pour  les  prêts.  Enfin,  chaque 
élève  doit  verser  par  an  une  somme  de  10  fr.,  destinée  à 
constituer  un  fonds  commun  (dégradations,  menues  répa- 
rations, etc.).  Les  parents  doivent  absolument  s'abstenir 
d'intervenir  pour  la  satisfaction  des  besoins  des  élèves  ;  ce 
soin  incombe  à  l'économe  de  l'Ecole,  qui,  le  cas  échéant, 
réclamerait  des  familles  l'argent  nécessaire.  Il  est  interdit 
aux  élèves  des  deux  divisions  de  conserver  de  l'argent  en 
dehors  du  prêt  qui  leur  est  payé  hebdomadairement.  Ils  ne 
doivent  avoir  ni  montre,  ni  bijoux,  ni  valeurs,  et  ne  garder 
aucun  effet  ou  objet  autre  que  ceux  réglementairement  mis 
ou  laissés  à  leur  usage. 

Discipline  intérieure.  La  durée  du  séjour  sur  le  vais- 
seau-école le  Borda  étant  de  deux  ans,  les  élèves  sont  ré- 
partis en  deux  divisions  :  la  première  comprend  les  élèves 
qui  ont  satisfait  à  l'examen  de  la  première  année,  et  la 
seconde  les  nouveaux  admis.  Chaque  division  est  partagée 
en  deux  escouades.  —  Les  élèves  des  deux  divisions  por- 
tent le  même  uniforme.  —  L'entretien  du  trousseau  est  à 
la  charge  des  familles  ;  les  frais  de  blanchissage  sont  à 
la  charge  de  l'administration.  A  la  suite  des  classements 
trimestriels  et  de  fin  d'année,  il  est  accordé,  dans  chaque 
division,  des  distinctions  honorifiques  au  premier  quart  de 
l'effectif  dans  l'ordre  du  classement.  Les  élèves  compris 
dans  le  premier  tiers  des  élèves  d'élite  sont  brigadiers. 

Les  examens  de  fin  d'année  se  passent  :  1"  à  l'ancien 
établissement  des  pupilles  (astronomie,  analyse  et  méca- 
nique, infanterie);  2^  à  la  pharmacie  de  la  marine  (phy- 
I  sique  et  chimie);  3°  à  bord  du  Borda  et  de  ses  annexes 


ECOLE 


-  430  - 


(manœuvre);  après  la  clôture  des  examens,  les  élèves  de  la 
première  division  peuvent  rester  à  bord  jusqu'à  la  fin  de 
Tannée  scolaire  ou  se  rendre  dans  leurs  familles  s'ils  y 
sont  autorisés. 

Les  punitions  qui  peuvent  être  infligées  aux  élèves  sont  : 
la  réprimande  simple  (2  points)  ou  double  (3  points).  Le 
peloton  (3  points  +  2  par  jour)  qui  se  fait  sans  armes, 
dans  la  batterie  basse,  de  neuf  à  dix  heures  du  soir  ;  la 
police  (8  points  +  3  par  jour).  Les  élèves  punis  de  police 
assistent  aux  cours  et  aux  exercices.  Mais  le  reste  du  temps 
ils  sont  enfermés  dans  les  prisons  du  faux-pont  sous  la  sur- 
veillance d'un  factionnaire.  Ils  reçoivent  la  nourriture  des 
matelots.  La  prison  (48  +  6  par  jour)  astreint  l'élève  à 
coucher  sur  un  lit  de  camp  et  le  prive  des  exercices.  Le 
cachot  (56  points  +  40  par  jour)  prive  l'élève  puni  d'as- 
sister aux  cours  et  aux  exercices  ;  on  lui  retire  ses  livres 
d'études  et  on  le  laisse  dans  l'obscurité.  La  détention  à 
V  Amiral,  vieux  ponton  servant  de  prison,  est  la  plus  grave 
punition  avant  l'expulsion  de  l'Ecole.—  Les  peines  graves, 
à  partir  de  la  prison,  entraînent  la  révocation  des  insignes 
des  élèves  gradés.  Tout  élève  qui  s'est  vu  infliger  pendant 
le  mois  plus  de  20  points  de  punitions  est  privé  de  sortie. 
Chaque  trimestre  l'élève  est  interrogé  à  deux  reprises 
difîérentes  ;  la  note  de  la  seconde  interrogation  a  une  va- 
leur double  de  celle  de  la  première,  et  durant  le  troisième 
trimestre  elle  a  une  valeur  triple.  On  ne  se  borne  pas  à 
une  interrogation  orale;  on  examine  les  cahiers  des  élèves. 
Les  notes  sont  données  de  0  à  20.  On  procède  à  un  classe- 
ment général  le  34  déc,  à  un  autre  le  4"^^  avr.;  c'est  le 
conseil  d'instruction  qui  dresse  cette  liste  par  ordre  de  mé- 
rite. A  la  fin  de  chaque  cours  tous  les  élèves  doivent  satis-- 
faire  à  une  interrogation  générale  ;  on  combine  la  note  qui 
en  résulte  avec  celles  des  interrogations  particulières  et  à 
celle  de  l'examen  de  fin  d'année  ;  on  obtient  ainsi  la  note 
générale  de  classement.  Les  examens  de  fin  d'année  ont 
pour  résultat  le  passage  de  première  en  seconde  année  et 
pour  les  élèves  de  seconde  année  la  nomination  au  grade 
d'aspirant  de  deuxième  classe. 

Sortie.—  Les  élèves  de  l'Ecole  navale  retrouvent  à  leur 
sortie  le  grade  d'aspirant  de  deuxième  classe.  Ils  font 
ensuite  une  campagne  à  bord  de  la  frégate-école  d'appli- 
cation après  laquelle  ils  sont  nommés  aspirants  de  pre- 
mière classe  et  commencent  le  service  actif  (V.  Fhégate- 
École). 

Ecole  d'application  du  génie  maritime.  —Desti- 
nation. —  L'Ecole  d'application  du  génie  maritime,  qui  res- 
sortit au  ministère  de  la  marine,  est  installée  à  Paris,  27, 
quai  de  la  Tournelle.  Elle  a  pour  but  de  former  les  ingé- 
nieurs chargés  de  diriger  la  construction  des  vaisseaux  et 
les  travaux  relatifs  à  ce  service,  ainsi  que  ceux  désignés 
pour  le  service  forestier  de  la  marine.  La  loi  du  27  juil. 
4872,  le  décret  du  25  janv.  4782,  l'arrêté  du  4^^  mars 
4876  en  règlent  le  fonctionnement.  Outre  les  futurs  ingé- 
nieurs de  la  marine,  anciens  polytechniciens  auxquels  elle 
donne  une  instruction  préparatoire,  elle  fait  bénéficier  de 
cet  enseignement  un  certain  nombre  d'élèves  libres  qui  à 
leur  sortie  ne  se  placent  pas  dans  les  services  pubhcs. 

Historique.  —  A  l'origine,  les  bâtiments  de  la  flotte  fran- 
çaise étaient  construits  par  des  maîtres  subordonnés  aux 
commissaires  et  à  l'intendant  préposé  à  l'arsenal.  Dans 
chaque  port  les  plans  et  les  devis  étaient  arrêtés  par  un 
conseil.  Enfin  un  inspecteur  visitait  de  temps  à  autre  les 
ports  militaires  pour  veiller  à  l'exécution  des  plans  arrêtés, 
contrôler  les  travaux  et  les  dépenses  et  maintenir  l'har- 
monie entre  l'ensemble  des  efforts.  Il  devait  à  l'occasion 
compléter  l'éducation  des  charpentiers.  Telles  sont  les 
grandes  lignes  de  l'organisation  établie  par  l'ordonnance 
de  4689.  En  4765,  on  forma  le  corps  des  ingénieurs- 
constructeurs;  ce  titre  fut  donné  aux  anciens  maîtres 
charpentiers,  dénommés,  en  4747,  chefs  des  ouvrages  des 
constructions  de  radoub.  L'ordonnance  de  4765  stipulait 
que  des  élèves-ingénieurs  seraient  envoyés  des  ports  à  Paris 
afin  de  recevoir  une  forte  instruction  mathématique  de 


nature  à  leur  servir  dans  leurs  travaux  de  construction. 
En  outre,  on  chargea  les  officiers  de  marine  de  surveiller 
les  constructions  navales  et  les  refontes,  bien  que  les  ingé- 
nieurs-constructeurs eussent  toujours  pour  chef  l'intendant. 
Une  ordonnance  du  27  nov.  4776  mit  à  la  tête  du  service 
des  constructions  navales  et  préposa  aux  ingénieurs  un 
directeur  et  un  sous-directeur  choisis  parmi  les  capitaines 
de  vaisseau.  Enfin,  en  4786,  l'assimilation  fut  complétée 
entre  les  ingénieurs-constructeurs  et  les  officiers  de  ma- 
rine. Les  ports  marchands  furent  chargés  de  désigner 
6  élèves  que  chaque  année  on  envoya  à  Paris  recevoir 
l'instruction  dans  une  école  spéciale.  Après  la  Révolution, 
un  décret  en  date  du 28  sept.  4794  rangeâtes  ingénieurs- 
constructeurs  dans  l'administration  de  la  marine  avec  les 
titres  de  chefs,  sous-chefs  et  aides  de  travaux  de  cons- 
truction. L'administration  civile  de  la  marine  ayant  été 
abolie  par  décret  du  27  sept.  4793,  les  ingénieurs-cons- 
tructeurs reprirent  à  la  fois  leur  ancien  nom  et  leur  auto- 
nomie. En  4794,  se  place  l'institution  de  l'Ecole  centrale 
des  travaux  publics,  la  future  Ecole  polytechnique.  On 
décida  que  le  corps  des  constructeurs  de  vaisseaux  s'y 
recruterait.  Le  directeur  de  l'Ecole  d'application  fut  Sanê. 
Le  corps  des  ingénieurs-constructeurs  fut  réorganisé  par 
un  arrêté  du  Consulat,  en  date  du  7  thermidor  an  VIIl. 
C'est  alors  qu'il  reçut  le  nom  de  génie  maritime  qui  lui 
a  été  conservé  depuis.  L'Ecole  spéciale  d'appHcation  qui 
avait  subsisté  à  Paris  fut  transférée  à  Brest  (arrêté  du 
3  vendémiaire  an  X).  Napoléon  P^  en  établit  une  à  Anvers 
où  il  avait  son  grand  chantier  et  arsenal,  en  vue  de  lut- 
ter contre  l'Angleterre.  L'Ecole  du  génie  maritime  fut  con- 
servée par  la  Restauration.  Une  ordonnance  du  28  mars 
4830  la  transféra  à  Lorient.  Dans  cette  période  elle 
eut  pour  directeur  Reech  qui  donnait  seul  l'instruction 
théorique  et  se  faisait  aider  par  un  ingénieur  du  port  pour 
l'instruction  pratique.  Reech, jugeant  ce  système  insuffisant, 
obtint  queFEcole  du  génie  maritime  fût  ramenée  de  Lorient 
à  Paris  (décret  du  44  avr.  4854).  On  l'installa  au  Dépôt 
des  cartes  et  il  continua  de  la  diriger  pendant  tout  l'Em- 
pire avec  le  grade  de  directeur  des  constructions  navales 
et  l'auxihaire  de  maîtres  éminents.  En  4857,  l'Ecole  fut 
logée  rue  de  Lille,  n^  2,  dans  l'hôtel  cédé  ultérieurement 
à  V Ecole  des  langues  orientales  (V.  ce  paragraphe).  Un 
décret  du  8  févr.  4872  l'exila  de  nouveau  hors  de  Paris, 
cette  fois  à  Cherbourg;  mais  le  décret  du  29  janv.  4882 
l'a  ramenée  à  Paris,  où  elle  est  actuellement,  quai  de  la 
Tournelle,  n^'  27. 

Conditions  d'admission.  —  Les  élèves  du  génie  maritime 
sont  choisis,  d'après  leur  classement,  parmi  les  jeunes  gens 
qui  ont  fait  deux  années  d'études  à  l'Ecole  polytechnique. 
Le  nombre  en  est  déterminé  chaque  année  par  le  ministre 
d'après  les  besoins  du  service.  Dans  les  six  dernières 
années  le  nombre  a  varié  de  40  à  2,  la  moyenne  étant 
de  5  (V.  le  §  Ecole  polytechnique).  —  Les  jeunes  gens, 
nationaux  ou  étrangers,  qui  justifient  auprès  du  directeur 
d'une  instruction  préalable  suffisante,  et  qui  en  obtiennent 
l'autorisation  du  ministre,  sont  admis,  à  titre  d'élèves 
libres,  à  suivre  les  cours  techniques  oraux  portant  sur 
les  matières  suivantes  :  construction  navale,  machines  à 
vapeur,  théorie  du  navire,  résistance  des  matériaux,  tech- 
nologie, mécanique  appliquée,  artillerie  navale,  électricité 
apphquée,  régulation  des  compas.  Les  plans  et  documents 
des  archives  de  l'Ecole  d'application  ne  peuvent  être  com- 
muniqués aux  élèves  Kbres  que  sur  l'autorisation  spéciale 
du  directeur.  Les  connaissances  exigées  des  candidat  aux 
places  d'élèves  libres  et  dont  le  programme  détaillé  a  été 
inséré  au  Bulletiîi  officiel  de  la  marine  (31  déc.  4884), 
pp.  4306  à  4346,  comprennent  les  matières  suivantes  : 
4^  analyse  :  le  calcul  différentiel  et  le  calcul  intégral; 
2°  mécanique  :  la  mécanique  complète  et  un  certain 
nombre  d'applications  aux  machines;  3<>  géométrie  des- 
criptive :  l'étude  des  courbes  et  surfaces  principales,  la 
perspective,  les  projections  cotées  et  des  éléments  de  char- 
pente ;    4°  physique  :  la  chaleur,  la  thermodynamique. 


431 


l'électricité  et  le  magnétisme,  l'optique;  o»^  chimie  : 
les  métalloïdes  et  les  métaux  \  6*^  dessin  graphique  et 
lavis.  Toute  demande  d'admission  doit  être  adressée  au 
ministre  avant  le  l^"^  sept,  de  chaque  année,  et  être  accom- 
pagnée de  l'acte  de  naissance  du  candidat,  ainsi  que  d'un 
certificat  de  bonnes  vie  et  mœurs  délivré  par  l'autorité 
compétente.  Les  épreuves  que  doivent  subir  les  candidats 
ont  lieu  chaque  année  à  Paris,  à  partir  du  1°^  oct.,  devant 
le  directeur  de  l'Ecole,  assisté  des  professeurs.  Chaque  can- 
didat est  directement  avisé  par  le  directeur  du  jour  auquel 
il  doit  se  présenter  à  l'examen.  Ces  épreuves  donnent  lieu 
à  la  rédaction  d'un  procès-verbal  de  classement  par  ordre 
de  mérite  des  candidats  reconnus  admissibles.  C'est  d'après 
ce  classement  que  le  ministre  prononce  les  admissions, 
dans  la  limite  du  nombre  des  places  disponibles  dans  le 
local  de  l'Ecole. 

Sont  réputés  admissibles  et  dispensés  de  l'examen  préa- 
lable :  1»  les  anciens  élèves  de  l'Ecole  polytechnique  dé- 
clarés admissibles  dans  un  service  public  et  porteurs  d'un 
certificat  de  capacité  ;  2*^  les  candidats  étrangers,  officiers 
ou  fonctionnaires  qui  ont  été  présentés  comme  tels  par 
leurs  gouvernements.  Le  niveau  des  connaissances  exigées 
étant  très  élevé  ainsi  que  celui  des  études  de  l'Ecole  du 
génie  maritime,  il  n'y  a  que  fort  peu  d'élèves  libres  en 
dehors  des  anciens  polytechniciens  sortis  dans  un  rang  qui 
ne  leur  a  pas  permis  le  choix,  et  des  étrangers  officielle- 
ment admis. 

Régime  intérieur.  —  La  durée  des  études  à  l'Ecole  d'ap- 
plication du  génie  maritime  est  de  deux  années.  Les  cours 
commencent  au  mois  de  novembre  et  se  terminent  au  20 
juin.  Sur  les  quatre  autres  mois,  trois  sont  pris  par  les 
missions  qui  complètent  l'instruction  pratique. 

Les  élèves  en  titre  ne  sont  pas  internes,  pas  plus  que  les 
élèves  fibres.  Ilsreçoiventun  traitement  annuel  de  i  ,800  fr., 
logent  en  ville  et  se  nourrissent  à  leurs  frais.  Ils  sont  com- 
plètement libres  au  dehors,  mais  doivent  être  présents  à 
l'Ecole  pendant  la  durée  des  cours,  de  huit  heures  et  demie 
à  dix  heures  et  demie  du  matin  et  de  midi  à  cinq  heures  du 
soir.  Leur  assiduité  est  constatée  par  des  appels.  Chaque 
absence  est  notée  ;  il  y  a  une  note  mensuelle  d'assiduité, 
de  tenue  et  de  régularité  dans  le  service,  dont  on  tient  un 
certain  compte  pour  le  classement  de  sortie.  Les  cours 
répartis  en  deux  années  conformément  au  tableau  placé 
plus  loin  sont  les  suivants  :  constructions  navales  ;  machine 
à  vapeur;  théorie  du  navire;  résistance  des  matériaux; 
technologie  ;  mécanique  appliquée  ;  artillerie  navale  ;  élec- 
tricité apphquée;  régulation  des  compas  ;  comptabilité; 
anglais  ;  travaux  graphiques.  On  demande  aux  élèves  comme 
travaux  graphiques  :  4^  un  plan  de  navire  d'après  devis  ; 
2°  un  plan  de  grand  bâtiment  à  vapeur  d'après  devis, 
accompagné  du  tracé  des  lignes  d'eau  hors  bordages  et  de 
tous  les  calculs  de  déplacement  et  de  stabilité  ;  3°  un  plan 
de  navire  à  vapeur  avec  les  principaux  détails  de  la  char- 
pente et  des  installations,  et  accompagné  d'un  plan  de 
voilure  conforme  aux  règlements  en  vigueur  ;  4^  tracé  de 
tous  les  détails  d'une  machine  marine  d'après  les  dessins 
fournis  aux  élèves  ;  exécution  des  dessins  d'ensemble  de 
cette  machine,  d'après  des  dessins  de  détail.  —  On  demande 
également  de  dresser  des  projets  de  navires  et  de  machines 
à  vapeur,  à  savoir  :  1°  tracé  d'un  plan  de  navire  d'après 
des  données  suffisantes  pour  établir  l'exposant  de  charge  ; 
2^  projet  d'une  machine  à  vapeur  appropriée  à  un  navire 
déterminé.  Chacun  de  ces  deux  projets  doit  être  accom- 
pagné d'un  mémoire  justificatif. 

Enfin  pendant  la  période  des  vacances  ils  doivent  éla- 
borer un  travail  de  mission,  portant  sur  l'étude  des  travaux 
de  construction  et  des  ateliers  qui  se  rencontrent  dans  les 
arsenaux  et  établissements  de  la  marine.  —  La  seconde 
mission  comprend  un  séjour  à  Indret,  Elle  est  plus  spécia- 
lement affectée  à  l'étude  des  machines  à  vapeur  et  des 
ateliers  à  métaux. 

Elèves  libres.  Les  élèves  libres  sont  admis  à  participer 
aux  travaux  intérieurs  de  l'Ecole,  mais  seulement  dans  des 


—  ECOLE 

salles  affectées  spécialement  à  leur  usage  et  en  nombre 
Kmité  par  les  places  disponibles.  En  été,  ils  peuvent  être 
autorisés  à  se  rendre,  à  leurs  frais,  dans  un  des  ports  mili- 
taires ,  pour  y  suivre  les  travaux  des  chantiers  et  ateliers, 
mais  ils  n'y  sont  placés  sous  les  ordres  d'aucun  ingénieur. 
La  durée  des  missions  est  d'environ  trois  mois,  du  20  juin 
au  19  sept,  ce  qui  réduit  à  un  mois  la  durée  des  vacances 
complètes.  Ces  missions  sont  dirigées  vers  les  établissements 
du  ministère  de  la  marine. 

Voici  comment  sont  organisées  les  études.  Les  professeurs 
ne  se  bornent  pas  à  un  cours  ;  ils  interrogent  fréquemment 
leurs  élèves  avant  le  début  de  la  leçon  sur  les  matières 
enseignées  dans  les  leçons  précédentes.  De  plus,  chaque  cours 
donne  lieu  à  plusieurs  interrogations  générales.  Celles-ci 
aboutissent  à  des  notes  de  0  à  20,  lesquelles  sont  affichées 
dans  la  salle  des  cours  à  la  fin  de  chaque  semaine.  La 
moyenne  de  ces  notes  est  un  élément  du  classement.  Durant 
la  première  mission  d'été,  les  élèves  se  rendent  dans  les 
ports  et  les  arsenaux  maritimes  où  ils  se  mettent  au  cou- 
rant des  travaux  des  chantiers  et  des  ateliers,  des  essais 
de  bâtiments  et  autres  expériences,  de  la  régulation  des 
compas,  etc.  Ils  doivent  rentrer  à  l'Ecole  dans  la  première 
quinzaine  d'octobre  pour  se  préparer  avant  la  réouverture 
des  cours  aux  examens  de  passage  en  seconde  année. 
Après  la  deuxième  mission  et  les  vacances,  les  élèves 
rentrent  à  l'Ecole  pour  faire  leur  projet  de  machine  et 
préparer  les  examens  de  sortie  qui  commencent  le  1^^  déc. 
Pour  les  missions,  ce  sont  le  directeur  des  constructions 
navales  à  Cherbourg  et  le  directeur  de  l'établissement 
d'Indret  qui  indiquent  le  service  auquel  seront  attachés  les 
élèves  placés  sous  les  ordres  des  ingénieurs  chargés  de 
travaux  en  cours  d'exécution.  On  surveille  l'assiduité  des 
élèves  et  on  leur  assure  toutes  les  facilités  pour  leurs 
études  et  travaux.  D'ailleurs,  avant  leur  départ,  ils  reçoi- 
vent du  directeur  de  l'Ecole  d'application  une  instruction 
détaillée  pour  les  guider  dans  leurs  études.  Ils  rédigent 
un  journal  avec  croquis  et  plans  relatifs  aux  travaux  qu'ils 
ont  suivis  hors  de  l'Ecole.  Ce  journal  et  ses  plans  sont 
visés  par  l'ingénieur  sous  les  ordres  duquel  on  a  placé 
l'élève  et  par  le  directeur  de  l'établissement.  Rentrés  à 
Paris,  les  élèves  achèvent  leur  travail.  Il  est  alors  examiné 
et  reçoit  une  note,  en  tenant  compte  de  la  rédaction  au 
point  de  vue  grammatical  et  littéraire.  Pendant  la  durée  de 
leur^  emploi  ou  mission  en  dehors  de  l'Ecole ,  les  élèves 
reçoivent  pour  frais  de  bureau  les  mêmes  allocations  que  les 
officiers  du  génie  maritime. 

Sortie.  —  Examen,  Après  avoir  terminé  les  études,  les 
élèves  subissent  un  examen  public  sur  les  diverses  parties 
de  l'instruction  qu'ils  ont  reçue.  La  commission  qui  procède 
à  ces  examens  est  présidée  par  un  vice-amiral  et  composée 
de  l'inspecteur  général  du  génie  maritime,  du  directeur  de 
l'Ecole,  d'un  ingénieur  de  première  classe  et  d'un  capitaine 
de  vaisseau.  Les  élèves  sont  classés  d'après  le  résultat  de 
ces  examens  combiné  avec  les  notes  de  l'Ecole.  L'échelle 
de  notation  comprend  les  nombres  de  0  à  20  multipliés  par 
les  coefficients  suivants  : 

Première  année. 

Cours  de  construction  du  navire 10 

—  de  théorie  du  navire 9 

—  d'artillerie  navale ,  .  5 

—  de  régulation  des  compas ,  .  .  .  5 

—  de  technologie  (l""®  et  2^  parties).  .  .  .  ,  3 

—  d'anglais ,   .  3 

Travaux  graphiques 3 

Projet  de  navire 4 

Travaux  de  mission 5 

Assiduité,  tenue  et  régularité  dans  le  service  .  .  1,5 

Deuxième  ajinée. 

Cours  de  technologie  (3®  et  ¥  parties) 5 

—  de  machines  à  vapeur 10 

—  de  résistance  des  matériaux.  ......  8 

—  de  comptabilité. 4 


ÉCOLE  —  4^^^ 

Cours  d'anglais •       ^ 

Travaux  graphiques j 

Projet  de  machine ^ 

Travaux  de  mission •  •  •       ^ 

Assiduité,  tenue  et  régularité  dans  le  service.   .       4,5 

On  remarquera  que  les  travaux  graphiques  et  les  travaux 
démission  n'ont  qu'une  importance  très  secondaire  au  point 
de  vue  du  coefficient.  Les  connaissances  théoriques  relatives 
à  l'art  de  l'ingénieur,  qui  sont  le  plus  haut  cotées,  donnent 
lieu  à  deux  examens  suivant  un  mode  de  répartition  que  le 
directeur  de  l'Ecole  soumet  chaque  année  au  jury.  Les  deux 
examens  sont  séparés  par  un  intervalle  de  dix  jours,  pen- 
dant lesquels  ont  lieu  les  épreuves  sur  la  langue  anglaise 
et  l'examen  des  travaux  graphiques,  dessins  pittoresques, 
projets,  journaux  de  mission.  L'élève  qui  n'a  obtenu  qu'un 
nombre  total  inférieur  à  la  moitié  du  maximum  n'est  pas 
classé.  Toutefois,  il  peut  obtenir  l'autorisation  de  faire  une 
troisième  année.  Les  élèves  classés  sont  nommés  sous-ingé- 
nieurs de  troisième  classe  aux  appointements  de  2,500  fr. 
Ils  suivent  la  carrière  du  génie  maritime  (V.  ce  mot). 

Elèves  libres.  Un  diplôme  est  délivré  à  tout  élève  libre 
ayant  obtenu  une  somme  totale  de  points  égale  au  moins 
à  1,240,  sur  un  maximum  de  1,900.  —  Un  certificat 
d'études  est  délivré  à  tout  élève  libre  ayant  obtenu  une 
somme  de  points  inférieure  à  1,240,  mais  égale  au  moins 
à  990,  sur  un  maximum  de  1,900.  —  La  loi  militaire 
du  15  juil.  1889  accorde  aux  élèves  libres  de  l'Ecole  du 
génie  maritime  la  dispense  conditionnelle  de  deux  ans  de 
service  actif,  à  la  condition  qu'ils  obtiennent  le  diplôme 
avant  l'âge  de  vingt-six  ans.  Les  élèves  hbres  trouvent 
facilement  à  s'employer  dans  l'industrie  privée,  soit  en 
France  soit  à  l'étranger  ;  ils  y  retrouvent  comme  concur- 
rents les  officiers  du  génie  maritime  qui  ont  obtenu  l'au- 
torisation de  servir  dans  l'industrie.  Parmi  les  étrangers, 
leplus  grand  nombre  ont  été  Espagnols  ou  Italiens. 
Ecole  d'administration  de  la  marine  à  Brest. 

—  Destination.  —  L'Ecole  d'administration  de  la  marine, 
fondée  à  Brest,  a  pour  objet  de  former  des  élèves  pour  le 
commissariat  de  la  marine. 

Conditions  d'admission.  —  L'admission  a  lieu  par  voie 
de  concours  annuel.  Les  candidats  doivent  être  âgés  de 
moins  de  vingt-trois  ans  et  pourvus  du  diplôme  de  licencié 
en  droit. 

Régime  intérieur.  —  La  durée  des  cours  est  de 
trois  ans.  Dès  leur  admission,  les  élèves  reçoivent  le  titre 
d'élèves-commissaires,  avec  un  traitement  de  1,818  fr.  par 
an.  Les  élèves  stagiaires  réguUèrement  admis  à  l'Ecole  sont 
admis  au  bénéfice  de  la  dispense  du  service  militaire 
prévue  par  Fart.  23  de  la  loi  du  15  juil.  1889,  sur  la 
production  d'un  certificat  de  présence  à  l'Ecole,  délivré  par 
le  commissaire  général  du  port  de  Brest  et  visé  par  le 
ministre  de  la  marine.  .     . 

Les  élèves  dispensés  du  service  sont  tenus  de  justifier 
annuellement,  du  15  sept,  au  15  oct.,  au  commandant  de 
recrutement  de  la  subdivision  dans  laquelle  ils  ont  pris 
part  au  tirage,  qu'ils  continuent  à  être  toujours  en  cours 
d'études,  en  produisant  le  certificat  délivré  par  le  com- 
missaire général  du  port  de  Brest  et  visé  par  le  ministre 
de  la  marine.  Quant  à  ceux  qui,  à  leur  sortie  de  l'Ecole, 
ne  sont  pas  nommés  élèves-commissaires  ou  aides-com- 
missaires, ils  sont  tenus  d'accomplir  dans  l'armée  active 
les  deux  années  de  service  dont  ils  avaient  été  dispensés. 
Ils  suivent  ensuite  le  sort  de  leur  classe. 

Sortie.  —  Les  élèves  sont  admis  à  concourir  pour  le 
grade  d'aide-commissaire  après  deux  années  de  stage.  Ceux 
qui,  après  deux  concours,  ne  sont  pas  reçus  pour  le  grade 
d'aide-commissaire  sont  rayés  des  cadres. 

Ecoles  élémentaires  des  équipages  de  la  flotte. 

—  Les  écoles  élémentaires  des  équipages  de  la  flotte  sont 
destinées  à  donner  les  éléments  d'instruction  générale  aux 
marins  de  l'Etat.  Elles  correspondent  donc  aux  écoles 
régimentaires.  Créées  par  un  décret  de  la  Convention 
(16  pluviôse  an  II),  elles  ont  été  réorganisées  par  arrêté 


du  25  mai  1870.  L'école  du  premier  degré,  obligatoire 
pour  les  illettrés,  leur  enseigne  la  lecture,  l'écriture  et 
le  calcul  (les  quatre  règles).  L'école  du  second  degré, 
obligatoire  pour  les  mousses  et  novices,  facultative  pour 
les  apprentis  marins  et  quartiers-maîtres,  leur  enseigne  un 
peu  d'histoire,  de  grammaire,  de  géographie  et  d'arithmé- 
tique. L'école  a  lieu  tous  les  jours  à  terre,  trois  fois  par 
semaine  à  bord,  chaque  leçon  durant  deux  heures.  Elle  est 
faite  par  un  instituteur  pourvu  d'un  brevet  de  capacité  ou 
par  un  sergent-major  pourvu  du  brevet  d'instituteur  élé- 
mentaire de  la  flotte.  On  se  prépare  à  ces  fonctions  en 
suivant  le  cours  normal  établi  à  Rochefort. 

Ecoles  des  mécaniciens  des  équipages  de  la 
flotte.  —  Destination.  —  Il  a  été  institué  dans  nos 
principaux  ports  de  guerre  des  écoles  destinées  à  former 
pour  la  flotte  française  des  mécaniciens,  dont  le  rôle  et 
l'importance  augmentent  sans  cesse  dans  la  marine  mo- 
derne. Il  existe  des  écoles  de  mécaniciens  à  Brest  et  à 
Toulon,  nos  plus  grands  ports,  des  écoles  d'apprentis 
mécaniciens  dans  les  cinq  préfectures  maritimes  (Cher- 
bourg, Brest,  Lorient,  Rochefort,  Toulon).  Nous  n'avons 
à  donner  de  détails  que  pour  les  premières  :  les  conditions 
d'admission  sont  les  mêmes  pour  les  autres,  le  minimum 
d'âge  étant  fixé  à  seize  ans  et  la  durée  des  cours  de  deux 
années. 

Enfin,  un  cours  préparatoire  à  l'emploi  d'élève-méca- 
nicien est  institué  auprès  de  chacune  des  deux  grandes 
écoles.  L'admission  a  lieu  au  concours  qui  est  ouvert 
chaque  année  le 'l  5  oct.,  ou  le  16,  si  le  15  est  un  dimanche 
ou  jour  férié.  Les  candidats  doivent  être  âgés  de  seize  ans 
au  moins  et  de  dix-huit  ans  au  plus  au  1^"^  janv.  qui  suit 
la  date  de  l'ouverture  du  concours.  L'inscription  doit  être 
faite,  du  1^"*  sept,  au  1^^  oct.,  à  la  majorité  générale  du 
port  militaire  le  plus  voisin,  par  la  production  des  pièces 
indiquées  pour  l'admission  à  ces  écoles. 

Conditions  d'admission.  —  L'admission  a  lieu  par  voie 
de  concours.  Les  candidats  devront  être  âgés  de  dix-sept  ans 
au  moins  et  de  vingt-quatre  ans  au  plus  le  i^^  oct.  de  l'année 
du  concours,  qui  a  lieu,  dans  le  courant  de  juin  de  chaque 
année,  dans  les  villes  de  Brest,  Bordeaux,  Epinal,  Gre- 
noble, Le  Havre,  Nancy,  Nantes,  Saumur  et  Toulon. 

Les  demandes  d'admission  seront  adressées  directement 
au  ministère  de  la  marine  ou  par  l'intermédiaire  du  préfet 
du  département  de  la  résidence  du  candidat,  dans  le  cou- 
rant d'avril,  et  accompagnées  :  de  l'acte  de  naissance  ;  d'un 
certificat  de  bonnes  vie  et  mœurs  du  maire  du  Heu  de  la 
résidence  de  la  famille,  attestant  que  le  candidat  est 
Français  ;  de  l'extrait  du  casier  judiciaire  ;  d'un  certificat 
d'aptitude  au  service  militaire  dans  les  équipages  de  la 
flotte  (taille  de  1^54  au  moins)  ;  d'un  certificat  du  patron 
chez  lequel  le  candidat  exerce  sa  profession.  Ces  pièces 
devront  être  dûment  légalisées. 

Sont  admis  de  préférence  au  concours  les  élèves  des 
écoles  professionnelles,  ajusteurs,  chaudronniers,  forge- 
rons, serruriers,  etc.  Le  concours  comprend  des  épreuves 
écrites  et  des  épreuves  annuelles.  Les  épreuves  écrites  sont 
une  analyse  logique,  des  questions  d'histoire  et  de  géogra- 
phie, d'arithmétique,  d'algèbre,  de  géométrie,  de  dessin 
linéaire,  de  mécanique.  Les  épreuves  manuelles  consistent 
dans  l'exécution  de  certains  travaux  ou  ouvrages  ressor- 
tissant à  la  profession  que  le  candidat  exerce  et  pour 
laquelle  il  se  destine  plus  spécialement.  Les  candidats 
admis  sont  tenus  de  contracter  un  engagement  volontaire 
de  cinq  ans  dans  les  équipages  de  la  flotte.  La  durée 
des  études  est  de  deux  années,  au  terme  desquelles  les 
élèves  sont  affectés  au  service  des  équipages  de  la  flotte 
en  qualité  de  mécaniciens. 

Ecoles  flottantes.  —  Destination.  —  Les  écoles 
flottantes  ont  été  organisées  afin  de  former  des  apprentis 
marins  pour  les  fonctions  spéciales  de  gabiers,  canonniers, 
pilotes,  etc. 

Organisation.  —  La  première  a  été  installée  à  bord  du 
vaisseau-école  la  Bretagne,  en  rade  de  Brest.  Elle  donne 


—  433 


ECOLE 


aux  apprentis  marins  une  instruction  générale  et  l'habitude 
de  la  discipline  ;  ils  se  familiarisent  avec  la  vie  à  bord  et 
la  manœuvre  d'un  navire.  La  durée  de  la  période  d'in- 
struction générale  est  de  six  mois.  Elle  est  donnée  à  350 
gabiers,  280  canonniers,  180  timoniers,  60  torpilleurs. 
Au  bout  de  ce  temps,  ceux  des  apprentis  qui  sont  jugés 
capables  sont  versés  dans  les  écoles  spéciales  des  gabiers, 
des  pilotes,  des  canonniers,  des  torpilleurs. 

Ecole  des  gabiers.  L'Ecole  des  gabiers  est  installée  à 
bord  de  la  frégate  la  Résolue,  sur  laquelle  on  embarque 
les  apprentis  gabiers  pour  une  croisière  de  quatre  mois 
et  demi,  au  terme  de  laquelle  ils  passent  un  examen  et 
sont  brevetés  gabiers  de  première  ou  deuxième  classe 
(V.  Gabier). 

Ecole  des  pilotes.  Les  apprentis  pilotes  ou  timoniers  se 
perfectionnent  à  bord  de  VElan,  dans  l'Ecole  des  pilotes, 
puis  font  une  sorte  de  stage  sur  l'escadre  d'évolution  avant 
d'être  brevetés  timoniers  de  première  ou  de  deuxième 
classe  (V.  Timonier). 

Ecole  des  canonniers.  L'Ecole  des  canonniers  est  étabie 
en  rade  de  Toulon  sur  la  Couronne  et  quelques  bâtiments 
annexes.  La  durée  des  services  y  est  de  huit  mois  divisés 
en  deux  périodes  de  quatre  mois.  Chaque  année,  trois  promo- 
tions s'y  succèdent.  Chacune  comprend  environ  300  appren- 
tis. On  y  adjoint  une  centaine  de  candidats  au  brevet  de 
canonniers  vétérans.  On  exige  des  candidats  canonniers 
une  taille  de  1°^60,  une  vue  excellente,  l'âge  de  dix-sept 
ans  au  moins,  trente  ans  au  plus.  Ceux  qui  satisfont  à 
l'examen  de  sortie  sont  canonniers  brevetés.  Au  bout  de 
quatre  années,  ils  viennent  faire  un  stage  de  quatre  mois 
pour  passer  canonniers  vétérans.  L'Ecole  reçoit  encore 
des  lieutenants  et  enseignes  de  vaisseau  qui  doivent  y 
passer,  ainsi  que  dans  celles  des  défenses  sous-marines  et 
de  pyrotechnie. 

Ecole  des  torpilleurs  (V.  le  §  Ecole  des  défenses  sous- 
marines  et  Torpille). 

Ecole  des  défenses  sous-marines.—  L'Ecole  des 
défenses  sous-marines  destinée  à  l'instruction  des  officiers 
de  tout  grade  et  des  mécaniciens  qui  veulent  acquérir 
les  connaissances  spéciales  des  torpilleurs,  a  été  maintes 
fois  modifiée  dans  les  dernières  années,  comme  tout  le 
système  des  défenses  sous-marines.  Nous  renverrons  donc 
aux  art.  Torpille  et  Torpilleur,  en  nous  bornant  à 
signaler  l'Ecole  des  défenses  sous-marines  de  Boyardville 
fermée  en  1886,  l'organisation  équivalente  créée  à  Toulon 
et  le  bâtiment-école  des  torpilles  automobiles  le  Japon  (en 
rade  d'Hyères). 

Ecole  des  fusiliers  marins.  —L'Ecole  des  fusiliers 
marins  est  organisée  à  Lo  rient  sous  forme  de  bataillon 
d'instruction.  Elle  forme  des  hommes  pour  les  compagnies 
de  débarquement  des  navires.  Ils  se  recrutent  parmi  les 
conscrits  âgés  de  dix-huit  ans.  Préparés  dans  le  dépôt  d'ins- 
truction, ils  entrent  au  bout  de  quatre  mois  dans  le  ba- 
taillon d'instruction  où  ils  passent  cinq  mois  comme 
apprentis -fusiliers.  Au  bout  de  ce  temps,  on  leur  fait 
subir  un  examen  après  lequel  ils  sont  promus  matelots- 
fusiliers  de  seconde  classe.  Ils  naviguent  six  mois  avant 
de  pouvoir  passer  à  la  première  classe.  —  L'Ecole  de  Lo- 
rient  forme  aussi  des  officiers  mariniers  et  des  quartiers- 
maîtres  au  rôle  d'instructeurs  de  la  mousqueterie  et  leur 
délivre  un  brevet  spécial. 

Ecole  centrale  de  pyrotechnie  maritime  de 
Toulon.  —  Il  a  été  créé  à  Toulon  une  école  centrale  de 
pyrotechnie  maritime,  par  ordonnance  royale  du  18  déc. 
1840.  Cette  école  a  été  réorganisée  récemment  par  le  décr. 
du  21  avr.  1891  ;  elle  reçoit  annuellement  du  régiment 
d'artillerie  de  marine  (portion  centrale  et  portion  secon- 
daire) :  1°  deux  groupes  d'élèves  candidats  sous-chefs  arti- 
ficiers, choisis  parmi  les  brigadiers  ou  candidats  à  ce 
grade,  et  les  maréchaux  des  logis  ayant  une  aptitude  par- 
ticulière pour  le  service  des  artifices  ;  2*^  un  groupe  de 
canonniers,  à  raison  de  quatre  par  batterie  du  régiment 
présent  en  France,  en  qualité  d'élèves-artificiers  qui  sont 
grande  encyclopédie.  — XV. 


destinés  uniquement  au  recrutement  de  la  compagnie 
d'artificiers  ;  ils  doivent  être  passés  à  la  première  classe 
d'instruction.  Le  nombre  des  élèves  des  deux  catégories 
est  déterminé  annuellement  par  le  ministre  de  la  marine, 
d'après  les  besoins  du  service. 

Les  cours  spéciaux  faits  aux  candidats  sous-chefs  et 
chefs  artificiers,  et  aux  élèves-artificiers  d'autre  part,  ont 
une  durée  de  :  pour  les  premiers,  six  mois  ;  pour  les 
seconds,  quatre  mois.  Ces  cours  sont  fixés  aux  l®*"  janv. 
et  l®*"  juil.  de  chaque  année. 

Ecoles  d'hydrographie.  —  Destination.  —  Les 
écoles  d'hydrographie  sont  des  établissements  d'enseigne- 
ment professionnel  ressortissant  au  ministère  de  la  ma- 
rine ;  elles  ont  pour  but  de  faciliter  aux  marins  l'étude 
des  connaissances  scientifiques  nécessaires  pour  l'obtention 
des  brevets  de  capitaine  au  long  cours  et  de  maître  au 
cabotage.  Il  s'en  trouve  dans  les  principales  villes  mari- 
times suivantes  :  Agde,  Bastia,  Bordeaux,  Brest,  Dun- 
kerque,  Granville,  Le  Havre,  Marseille,  Nantes,  Paimpol, 
Saint-Malo.  Il  y  a,  en  outre,  des  écoles  d'hydrographie 
provisoires  à  Saint-Brieuc ,  Lorient,  Rochefort,  Saint- 
Tropez  et  Toulon,  et  une  école  libre  à  Saint-Nazaire.  Elles 
sont  régies  par  les  décrets  du  2  oct.  1880,  du  21  avr.  1882 
et  du  10  déc.  1885. 

Conditions  d'admission.  —  Pour  être  admis  à  suivre 
les  cours  d'une  école  d'hydrographie,  il  faut  être  âgé  de 
treize  ans  au  moins,  savoir  lire  et  écrire,  connaître  les 
quatre  premières  règles  de  l'arithmétique,  produire  un 
certificat  constatant  qu'on  a  eu  la  petite  vérole  ou  qu'on 
a  été  vacciné,  enfin  être  porté  sur  les  registres  de  l'ins- 
cription maritime. 

Régime  intérieur.  —  L'enseignement  est  gratuit.  Le 
régime  des  écoles  d'hydrographie  est  l'externat.  L'ouver- 
ture des  cours  se  fait  deux  mois  après  la  clôture  des 
examens,  qui  ont  lieu  à  des  époques  variant  selon  les 
écoles.  La  durée  des  cours  est  d'une  année;  mais  les 
marins  peuvent  les  suivre  pendant  plusieurs  années. 

Il  y  a  deux  sortes  d'examens  pour  les  brevets  de  capi- 
taine au  long  cours  et  de  maître  au  cabotage  :  un  examen 
pratique  et  un  examen  de  théorie.  Les  candidats  qui 
échouent  à  l'examen  pratique  ne  sont  pas  admis  à  l'examen 
de  théorie.  Pour  être  admis  à  subir  les  examens,  il  faut  être 
Français  ou  naturalisé  Français,  être  âgé  de  vingt-quatre  ans 
accomplis  avant  le  1^^  juil.  de  l'année  de  l'examen,  et 
justifier  de  soixante  mois  de  navigation  effective,  accom- 
plis, depuis  l'âge  de  seize  ans,  sous  pavillon  français.  Sur 
ces  soixante  mois,  les  candidats  au  brevet  de  capitaine  au 
long  cours  doivent  justifier  de  trente  mois  au  moins  de 
navigation  soit  à  bord  d'un  bâtiment  de  l'Etat  ayant  fait 
campagne,  soit  à  bord  d'un  navire  de  commerce  armé  au 
long  cours  ou  au  cabotage. 

Pour  être  admis  à  l'examen  pratique,  les  candidats 
doivent  produire  :  1°  leur  acte  de  naissance,  ou,  pour  les 
candidats  d'origine  étrangère,  la  justification  de  leur  natu- 
ralisation ;  2^  l'état  de  leurs  services  ;  3»  une  attestation 
de  bonne  conduite,  délivrée  par  le  maire  du  lieu  de  leur 
domicile  et  visée  par  le  commissaire  de  l'inscription  mari- 
time ;  ¥  les  certificats  des  capitaines  des  bâtiments  à  bord 
desquels  ils  ont  navigué,  avec  visa  des  commissaires  de 
l'inscription  maritime. 

L'examen  pratique  pour  le  brevet  de  capitaine  au  long 
cours  porte  sur  le  gréement,  la  manœuvre  des  bâtiments  à 
voiles  et  à  vapeur  et  des  embarcations,  le  canonnage  et 
l'usage  des  armes  portatives;  l'éclairage  des  bâtiments 
et  les  règles  internationales  pour'  prévenir  les  abordages, 
l'usage  des  engins  de  sauvetage.  Les  candidats  déclarés 
admissibles  à  l'examen  pratique  reçoivent  un  certificat 
d'aptitude  pratique,  qui  leur  permet  de  se  présenter  pen- 
dant trois  années,  à  partir  de  la  date  dudit  certificat,  à 
l'examen  de  théorie,  lequel  se  compose  d'épreuves  écrites 
et  d'épreuves  orales.  Les  épreuves  écrites  comprennent 
une  composition  française,  permettant,  en  cas  d'incapacité, 
d'exclure  le  candidat  des  autres  épreuves,  deux  séries  de 

28 


ÉCOLE 


-  434  - 


calculs  conformes  aux  types  adoptes  et  une  série  de 
questions  portant  sur  les  connaissances  exigées.  Les 
épreuves  orales  comprennent  :  les  éléments  d  arithmétique 
et  les  notions  élémentaires  d'algèbre,  la  géométrie  élé- 
mentaire, la  trigonométrie  rectiligne  et  la  trigonométrie 
sphérique,  des  notions  élémentaires  d  astronomie,  la  na- 
vigation et  l'usage  des  instruments  nautiques,  des  notions 
éle^mentaires  sur  les  machines  à  vapeur  et  leur  appbcation 
à  la  navigation.  , 

L'examen  pratique  pour  le  brevet  de  maître  au  cabo- 
tage porte  sur  le  gréement,  la  manœuvre  des  bâtiments  a 
voiles  et  à  vapeur  et  des  embarcations,  les  sondes,  la 
connaissance  des  fonds,  le  gisement  des  terres  et  ecueils, 
les  courants  et  les  marées  dans  les  limites  assignées  au 
cabotaee  et  plus  particulièrement  en  ce  qui  concerne  es 
côtes  de  France,  l'éclairage  des  bâtiments  et  les  règles 
internationales  pour  prévenir  les  abordages,  1  usage  des 
ensins  de  sauvetage.  Les  candidats  déclares  admissibles  a 
l'elamen  pratique  reçoivent  un  certificat  d  aptitude  pra- 
tique, qui  leur  permet  de  se  présenter  pendant  trois 
années,  à  partir  de  la  date  dudit  certificat,  à  1  examen  de 
théorie,  lequel  se  compose  d'épreuves  écrites  et  d  épreuves 
orales.  Les  épreuves  écrites  comprennent  une  dictée  et 
deux  séries  de  calculs  conformes  aux  types  adoptes.  Les 
épreuves  orales  portent  sur  les  éléments  d  arithmétique 
pratique,  des  notions  élémentaires  de  géométrie,  des  élé- 
ments de  navigation  pratique,  des  notions  élémentaires  sur 
l'emploi  des  machines  à  vapeur.  r    j         . 

Elèves-hydrographes.  Il  ne  faut  pas  confondre  ces 
écoles  d'hydrographie  avec  ce  qu'on  appelle  parfois  l  Lcoie 
d'hydrographie  de  Paris.  On  sait  que  le  corps  des  mge- 
nieurs  hydrographes  se  recrute  à  l'Ecole  polytechnique.  On 
ne  peut  parler  d'école  puisque  c'est  à  peine  si  on  demande 
un  élève  tous  les  trois  ans.  -  Les  élèves-hydrographes 
font  leur  stage  et  reçoivent  Tinstruction  technique  au  Depot 
des  cartes  de  la  marine,  où  se  trouve  réum  presque  tout 
le  corps.  Au  bout  de  deux  années  d'études,  ils  sont  nommes 
sous-inffénieurs  de  troisième  classe.  En  quahte  d  élevés, 
ils  reçoivent  une  solde  de  4,800  fr.;  celle  des  sous-mge- 
nieurs  est  de  2,539  fr.  à  terre,  3,031  en  mer. 

Ecoles  des  mousses.  —  Destination.  —  H  a  ete 
créé  des  écoles  des  mousses  pour  former  de  futurs  marms. 
La  principale  est  à  Brest  ;  on  peut  citer  encore  celles  de 
Cette  et  de  Marseille.  .    ,    ,  -      ,  a*.. 

Conditions  d'admission.  —  Les  enfants  doivent  être 
âsés  de  quatorze  ans  au  moins  et  de  qumze  ans  au  plus. 
Les  fils  de  marins,  de  militaires  ou  d'ouvriers  marins  et 
militaires  sont  admis  de  préférence  aux  autres  candidats. 
Le  dossier  est  transmis  au  ministre  de  la  marine  pour 
l'école  de  Brest  et  au  préfet  de  Marseille  ou  de  Montpel- 
lier pour  les  deux  autres  écoles  ;  accompagne  :  acte  de 
naissance  de  l'enfant;  certificat  de  bonnes  vie  et  mœurs 
d(4ivré  par  l'autorité  municipale  de  la  résidence  de  la 
famille  et  contenant  l'indication  qu'  «  il  a  été  délivre  pour 
s-rvir  à  l'admission  de  l'école  des  mousses  »  ;  consente- 
ment des  père,  mère  ou  tuteur;  certificat  du  directeur  de 
FétabUssement  ou  de  l'école  dans  laquelle  1  enfant  fait  son 
éducation,  relatant  le  degré  d'instruction  ;  états  des  ser- 
vices du  père  ;  certificat  d'aptitude  délivre  par  un  mé- 
decin de  la  marine,  ou  à  défaut  par  un  médecm  civil, 

dûment  légalisé.  ,     ,     ,    iv    .     *•     j.,.r.A. 

Régime  intérieur.  —  La  durée  de  Fmstruction  donnée 
dans  les  écoles  de  mousses  est  d'environ  deux  années. 
Dans  celle  de  Brest,  on  a  formé  une  division  composée  de 
deux  sections  de  mousses  mécaniciens,  lesquels  doivent 
suivre  pendant  deux  ans  le  cours  des  apprentis  quartiers- 
maîtres.  Leur  nombre  est  fixé  annuellement  par  le  mi- 
nistre ;  ils  sont  désignés  parmi  les  élèves  présents  a 
l'école,  reconnus  capables  et  âgés  de  seize  ans  et  demi  au 

^  ^Sortie.  —  Quand  les  élèves  ont  atteint  leur  seizième 
année,  ils  peuvent  contracter  un  engagement  volontaire 
dans  les  équipages  de  la  flotte  ou  demander  leur  inscrip- 


tion au  rôle  de  l'inscription  maritime  s'ils  sont  dans  des 
conditions  requises. 
Ecole  du  service  de  santé  militaire  de  Lyon.  — 

Destination.  —  L'Ecole  du  service  de  santé  militaire, 
établie  près  la  Faculté  de  médecine  de  Lyon,  a  été  créée  par 
la  loi  du  14  déc.  1888  ;  elle  a  pour  objet  :  1°  d  assurer  le 
recrutement  des  médecins  de  l'armée  active  ;  2°  de  seconder 
les  études  universitaires  des  élèves  de  l'Ecole  du  service  de 
santé  militaire  ;  3«  de  leur  donner  Féducation  militaire 
jusqu'à  leur  passage  à  l'Ecole  d'application  de  médecine  et 
de  pharmacie  militaires  (Val-de-Grâce). 

Historique.  —  Bien  que  l'Ecole  de  Lyon  date  d  hier, 
les  besoins  auxquels  elle  correspond  sont  trop  anciens  pour 
qu'un  enseignement  analogue  n'ait  pas  été  organise  de 
loneue  date.  En  1747,  on  l'institua  dans  les  prmcipaux 
hôpitaux  militaires  où  furent  enseignées  la  médecine,  1  ana- 
tomie,  la  médecine  opératoire,  l'ostéologie,  1  art  des  pan- 
sements et  bandages.  L'ordonnance  de  1772  prévoit  que 
dans  l'hôpital  principal  de  chaque  province,  on  établira 
une  école  d'instruction.  Les  ordonnances  des  i  dec.  17  /o, 
26  févr  1777  et  2  mai  1781  réalisent  ce  plan  qui  tut 
appliqué  à  Strasbourg,  Metz,  Lille,  Toulon  et  Brest.  L  en- 
seisnement  théorique  portait  sur  la  médecine,  la  chirurgie, 
l'anatomie,  la  pharmacie,  la  chimie,  la  botanique.  L  ensei- 
gnement clinique  fonctionna  dans  ces  écoles  et  hôpitaux 
militaires  avant  d'être  porté  dans  les  facultés  de  medecme. 
Les  écoles  du  service  de  la  santé  étaient  donc  très  impor- 
tants sous  le  règne  de  Louis  XYI.  La  durée  des  études 
était  au  minimum'  de  trois  ans,  au  maximum  de  six^  ans. 
Outre  de  nombreux  examens  de  détail,  on  procédait  chaque 
année,  au  mois  de  mai,  à  un  examen  général.  Toutes  les 
places  du  service  étaient  réservées  aux  élèves  qui  avaient 
passé  par  l'amphithéâtre  et  satisfait  aux  examens.  Four  les 
chirurgiens,  l'enseignement  commencé  à  l'école  était  con- 
tinué dans  les  hôpitaux  militaires  par  les  officiers  de  santé 

placés  à  la  tête.  .       ,       ,    ,      j        ^a 

Pendant  la  Révolution  française,  les  écoles  de  santé 
militaires  furent  un  moment  fermées,  mais  peu  de  temps. 
Les  écoles  de    chirurgie  militaires  avaient  subsiste.  La 
Convention  par  une  loi  du  14  frimaire  an  III  (23  nov.  1794) 
fonda  des  écoles  de  santé  à  Paris,  Montpellier  et  Stras- 
bourg dans  le  but  de  former  des  officiers  de  santé  pour  le 
service  des  hôpitaux  militaires,  marins  et  autres.  On  attecta 
à  ces  écoles  les  locaux  des  anciennes  écoles  de  médecine 
et  de  chirurgie  de  Strasbourg  et  Montpelher,  à  Pans  ceux 
de   l'Académie   de  chirurgie    (notre  Ecole  de  medecme 
actuelle)  et  du  couvent  des  Cordeliers  (aujourd  hui  clinique 
et  école  pratique).  Les  besoins  se  développant,  pour  y  taire 
face,  on  créa  des  cours  d'instruction  médicale  dans  les 
hôpitaux  de  Lille,  Metz,  Strasbourg,  Toulon,  et  a  Fans 
au  Val-de-Grâce.  C'est  en  l'an  V  que  ces  cours  se  firent 
régulièrement;  ceux  de  l'hôpital  de  Toulon  furent  bientôt 
affectés  au  département  de  la  marine.  Une  tentative  (arrête 
du  4  thermidor  an  VIII)  pour  en  créer  à  Rennes  n  eut  pas 
de  succès.  Les  cours  portaient  sur  les  matières  suivantes  : 
10  physique  de  l'homme  en  état  de  santé  (anatomie,  phy- 
sioloffie,  hvgiène)  ;  2^  physique  de  Fhomme  malade  (pa- 
thologie, histoire  des  malades,  thérapeutique,  medecme 
opératoire)  ;    3«  histoire  naturelle    des    médicaments  ; 
4«  physique  médicale.  En  outre,  on  donnait  des  cours  et 
exercices  pratiques  relatifs  à  la  clinique  chirurgicale,  a 
la  clinique  médicale,  à  la  préparation  et  à  1  emploi^  des 
médicaments.  On  y  ajoutait  des  leçons  sur   les  règles 
d'après  lesquelles  doit  être  organisé  le  service  de  santé 
dans  les  hôpitaux  militaires  et  à  l'armée.  Au  bout  de 
quelques  années,  ces  écoles  dépérirent,  le  recrutement  ne 
suffisant  pas  aux  besoins  d'une  guerre  presque  mmter- 
rompue.  Le  vide  s'y  fit  et  l'arrêté  du  9  frimaire  an  Xll 
les  supprima.  ,  ^ 

Après  la  chute  de  l'Empire,  on  se  préoccupa  de  reorga- 
'  niser  l'enseignement  médical  du  service  de  santé  mdi|aire. 
On  y  aff'ecta  les  quatre  hôpitaux  militaires  du  Val-de- 
Grâce  (Paris),  de  Lille,  Metz  et  Strasbourg.  L  enseigne- 


—  435 


ÉCOLE 


ment  fut  à  peu  près  le  même  que  celui  que  nous  avons 
indiqué,  le  règlement  du  17  avr.  1816  s'étant  inspiré  de 
celui  du  5  vendémiaire  an  V.  Il  fut  modifié  par  celui  du 
1^^  avr.  1831.  La  durée  des  études  était  de  trois  années  ; 
les  élèves  n'auraient  pas  dû  rester  à  l'hôpital  d'instruction 
plus  que  ce  temps,  à  moins  d'y  avoir  obtenu  de  l'avance- 
ment. En  fait,  on  les  y  laissait  cinq  et  même  sept  années. 
L'ordonnance  du  12  août  1836  marque  un  progrès  notable. 
On  subdivise  l'enseignement  en  deux  parties  :  enseigne- 
ment général  ou  préparatoire  donné  dans  les  écoles  du 
second  degré  ou  écoles  élémentaires  ;  enseignement  tech- 
nique ou  spécial  donné  dans  l'école  du  premier  degré.  Les 
écoles  du  second  degré  furent  les  hôpitaux  militaires 
d'instruction  de  Strasbourg,  Metz  et  Lille  ;  l'école  du  pre- 
mier degré  fut  l'hôpital  de  perfectionnement  du  Val-de-Grâce. 
Le  décret  du  26  avr.  1864  simplifia  ce  système  en  rédui- 
sant à  une  seule  le  nombre  des  écoles  préparatoires.  Celles 
de  Lille  et  de  Metz  furent  supprimées  et  l'enseignement 
préparatoire  de  la  médecine  mihtaire  se  donna  à  Strasbourg. 
La  durée  normale  des  études  à  l'Ecole  de  Strasbourg  était 
de  quatre  années  pour  les  élèves-médecins,  de  trois  années 
pour  les  élèves-pharmaciens.  Au  bout  de  ce  temps,  ils 
venaient  passer  une  année  à  l'Ecole  d'application  du  Val- 
de-Grâce,  d'où  ils  sortaient  comme  stagiaires  avec  le  grade 
d'aide-major  de  deuxième  classe.  Les  catas-trophesde  1870 
déterminèrent  l'abandon  de  ce  système,  auquel  on  esta  peu 
près  revenu  en  1888.  La  perte  de  l'Alsace  eut  pour  consé- 
quence la  suppression  de  l'Ecole  de  Strasbourg  prononcée 
par  le  décret  du  5  oct.  1872. 

On  tenta  d'assurer  le  recrutement  des  médecins  et  phar- 
maciens militaires  par  une  autre  méthode  en  ne  conservant 
qu'une  école  d'application.  Ce  régime  fut  complètement 
établi  par  le  décret  du  15  juin  1880  et  celui  du  1^^  oct. 
1883.  Chaque  année  on  ouvrait  un  concours  parmi  les  étu- 
diants en  médecine  et  en  pharmacie.  Ceux  qui  étaient 
admis  après  les  épreuves  étaient  répartis  entre  les  villes 
ayant  une  faculté  de  médecine  et  une  école  supérieure  de 
pharmacie  ou  une  faculté  mixte,  ou  une  école  de  plein 
exercice  et  de  pharmacie  (Paris,  Lille,  Nancy,  Lyon,  Mar- 
seille, Montpellier,  Toulouse,  Bordeaux,  Nantes,  Rennes, 
Alger).  Les  élèves  du  service  de  santé  militaire  contrac- 
taient un  engagement  décennal  ;  ils  étaient  dirigés  sur  la 
ville  qu'ils  avaient  choisie  ;  ils  y  faisaient  leurs  études 
avec  une  subvention  du  gouvernement,  logeant  en  ville, 
sans  uniforme,  mais  subordonnés  au  médecin-chef  de 
l'hôpital  militaire.  Une  fois  reçus  docteurs  ou  pharmaciens 
de  première  classe,  ils  passaient  à  l'Ecole  d'application  du 
Val-de-Grâce,  laquelle  se  recrutait  aussi  par  un  concours 
ouvert  aux  docteurs  en  médecine  et  aux  pharmaciens 
civils.  Ce  régime  donna  de  mauvais  résultats;  les  élèves, 
disséminés  dans  toute  la  France,  n'avaient  pas  d'esprit  de 
corps  ;  les  garanties  étaient  trop  faibles.  On  s'est  donc  dé- 
cidé à  rétablir  l'Ecole  spéciale  du  service  de  santé  et,  après 
de  vives  compétitions,  on  l'a  placée  à  Lyon. 

Conditions  d'admission.  —  Le  nombre  des  élèves  à 
admettre  est  fixé  chaque  année  parle  ministre  de  la  guerre. 
Nul  n'est  admis  à  l'Ecole  du  service  de  santé  que  par  la 
voie  du  concours.  Peuvent  y  prendre  part  les  étudiants  en 
médecine  ayant  au  moins  quatre  inscriptions  valables  pour 
le  doctorat  et  ayant  subi  avec  succès  le  premier  examen  de 
doctorat.  Ils  doivent  préalablement  justifier  qu'ils  remplis- 
sent les  conditions  suivantes  :  1°  être  Français  ou  natura- 
lisé Français;  2^  avoir  eu,  au  1°^  janv.  de  l'année  du 
concours,  moins  de  vingt-deux  ans;  néanmoins,  les  sous- 
officiers,  caporaux  ou  brigadiers  et  soldats,  qui  auront 
accompli  au  1^^  juil.  six  mois  de  service  réel  et  effectif, 
sont  autorisés  à  concourir,  pourvu  qu'ils  n'aient  pas  dé- 
passé l'âge  de  vingt-cinq  ans  à  cette  même  date,  et  qu  ils 
soient  encore  sous  les  drapeaux  au  moment  du  commence- 
ment des  épreuves;  3'^  après  avoir  été  vacciné  avec  succès, 
ou  avoir  eu  la  petite  vérole  ;  4°  être  robuste,  bien  cons- 
titué, et  n'être  atteint  d'aucune  maladie  ou  infirmité  sus- 
ceptible de  le  rendre  inapte  au  service  militaire  ;  5"  être 


pourvu  du  diplôme  de  bachelier  es  lettres  (1^^  et  2^  par- 
ties) et  de  celui  de  bachelier  es  sciences  complet  ou  res- 
treint pour  la  partie  mathématique,  ainsi  que  de  quatre 
inscriptions  valables  pour  le  doctorat  et  du  premier  examen 
de  doctorat.  Toutes  les  conditions  qui  précèdent  sont  de 
rigueur,  et  aucune  dérogation  ne  pourra  être  autorisée  pour 
quelque  motif  que  ce  soit. 

Les  candidats  qui  remplissent  les  conditions  ci-dessus 
indiquées  devront  se  faire  inscrire  avant  le  4  juil.  au  soir  : 
s'ils  sont  civils,  à  la  préfecture  du  département  où  ils  font 
leurs  études,  et,  s'ils  sont  militaires,  à  la  préfecture  du 
département  dans  lequel  ils  sont  en  garnison.  Nulle  ins- 
cription ne  sera  admise  après  cette  époque,  aucune  liste 
supplémentaire  ne  devant  être  établie. 

La  hsie  sera  close  le  4  juil.  au  soir  ;  elle  sera  adressée 
sans  aucun  délai  au  ministre  de  la  guerre  (7^  direction) , 
qui  fera  parvenir,  en  temps  opportun,  aux  directeurs  de 
service  de  santé  des  corps  d'armée  comprenant  un  centre 
d'examen  d'admissibilité  ou  d'épreuves  définitives,  les 
noms  de  tous  les  candidats  inscrits  qui  auront  choisi 
ce  centre  d'examen.  La  liste  comprenant  ces  noms  sera 
remise  au  médecin-chef  chargé  de  faire  l'appel  des  can- 
didats. 

Les  pièces  à  produire  pour  l'inscription  sont  :  1^  l'acte  de 
naissance  et  celui  du  père  du  candidat,  revêtus  des  forma- 
lités prescrites  par  la  loi  ;  2*^  un  certificat  de  commandant 
de  recrutement  de  la  subdivision  territoriale,  constatant, 
dans  les  mêmes  conditions  que  pour  l'engagement  volon- 
taire, l'aptitude  réelle  au  service  militaire  ;  3^  un  certificat 
du  médecin  militaire  chargé  du  service  du  recrutement, 
constatant  que  le  candidat  a  été  vacciné  avec  succès  ou  a 
eu  la  petite  vérole  ;  4<*  un  certificat  délivré  par  le  com- 
mandant du  bureau  du  recrutement,  indiquant  la  situation 
du  candidat  au  point  de  vue  du  service  militaire  ;  5°  une 
déclaration  écrite,  indiquant  les  centres  de  composition  et 
d'examen  choisis  par  le  candidat  parmi  les  villes  désignées 
ci-dessous,  et  dans  lesquelles  il  devra  se  rendre  aux  dates 
fixées,  sans  attendre  aucun  avertissement  particulier.  Une 
fois  le  choix  fait,  aucun  candidat  ne  sera  autorisé  à 
changer  de  centre  d'examen,  soit  pour  les  épreuves  orales, 
soit  pour  les  épreuves  écrites,  que  pour  des  motifs  graves 
et  par  décision  spéciale  du  ministre  ;  6°  les  diplômes  de 
bachelier  es  lettres  et  es  sciences,  le  certificat  constatant 
que  le  candidat  a  passé  avec  succès  son  premier  examen 
de  doctorat  et  faisant  mention  de  la  note  obtenue,  ainsi 
que  le  relevé  des  inscriptions  ;  toutefois  ces  diplômes,  le 
certificat  d'examen  et  le  relevé  des  inscriptions  seront 
seulement  remis  par  le  candidat  au  président  du  jury  le 
jour  de  l'ouverture  de  l'épreuve  orale  d'admissibilité; 
1^  l'indication  du  domicile  où  lui  sera  adressée,  en  cas 
d'admission,  sa  commission  d'élève  du  service  de  santé  ; 
8°  une  déclaration,  sur  papier  Kbre,  du  père,  de  la  mère, 
du  tuteur  ou  de  l'élève  lui-même,  s'il  est  majeur  ou  jouit 
de  ses  biens,  reconnaissant  qu'il  est  en  mesure  de  payer 
la  pension,  ou,  à  défaut  de  cette  déclaration,  la  remise 
d'une  demande  de  concession  de  bourse,  sur  papier  timbré. 
Les  candidats  présents  sous  les  drapeaux  doivent  fournir 
les  mêmes  pièces,  moins  les  certificats  de  vaccine  et  d'apti- 
tude au  service  militaire;  ils  produisent  en  outre  :  1<^  un 
état  signalétique  et  des  services  ;  2*^  un  certificat  de  bonne 
conduite  ;  3°  un  relevé  des  punitions  ;  4°  une  déclaration 
du  chef  de  corps,  indiquant  que  le  candidat  comptera,  au 
i^'^  juil.  de  l'année  du  concours,  six  mois  de  service  réel 
et  effectif  sous  les  drapeaux.  Cette  condition  n'est  exigée 
que  des  candidats  militaires  ayant  dépassé  la  limite  d'âge 
imposée  aux  candidats  civils. 

Les  candidats  militaires  ne  peuvent  choisir  comme  centre 
de  composition  et  d'examen  oral  que  les  villes  les  plus 
rapprochées  du  lieu  où  ils  sont  en  garnison.  A  l'époque 
de  l'examen,  ils  ont  droit  à  des  permissions  dont  la 
durée  est  calculée  d'après  le  temps  nécessaire  au  voyage  et 
à  l'examen. 
Epreuves.  Le  concours  comporte  deux  séries  d'épreuves  i 


ECOLE 


436  — 


i»  pour  l'admissibilité  ;  2^  pour  l'admission.  Les  épreuves 
d'admissibilité  se  subdivisent  en  deux  groupes  :  écrit  et 
oral.  Les  compositions  écrites  sont:  1^  une  composition 
française  sur  un  sujet  de  philosophie  ou  d'histoire  géné- 
rale de  l'Europe,  tiré  du  programme  ci-dessous';  cette 
composition  a  pour  objet  non  d'imposer  aux  candidats  une 
étude  nouvelle  et  plus  minutieuse  des  questions  dont  la 
connaissance  est  attestée  par  leurs  diplômes  antérieurs, 
mais  de  constater  le  degré  de  leur  culture  générale,  la 
sûreté  de  leur  jugement  et  leur  aptitude  littéraire  ;  2°  une 
composition  écrite  sur  un  sujet  d'histoire  naturelle,  de 
physique  ou  de  chimie  médicales;  3°  une  composition 
écrite  de  langue  étrangère  (allemand  ou  anglais).  Cette 
composition  consistera  en  un  thème  d'une  page  environ  ; 
elle  se  fera  sans  le  secours  d'aucun  livre. 

La  composition  scientifique  se  fait  dans  une  salle  de 
l'hôpital  militaire  ou  de  l'école  (Paris  et  Lyon),  ou  dans 
le  local  désigné  par  le  général  commandant  le  corps 
d'armée,  sur  la  proposition  du  directeur  du  service  de 
santé.  Quatre  heures  sont  accordées  pour  sa  rédaction. 
La  composition  de  langue  étrangère  se  fait  le  même 
jour  dans  le  même  local.  Deux  heures  sont  accordées  pour 
cette  épreuve.  La  composition  d'histoire  ou  de  philosophie 
se  fait  le  lendemain  matin,  dans  le  même  local.  Trois 
heures  sont  accordées' pour  cette  composition.  Les  sujets 
sont  les  mêmes  partout  :  ils  sont  choisis  par  le  jury,  qui  se 
réunit  à  cet  effet  en  commission  spéciale,  au  ministère  de 
la  guerre.  Les  précautions  prises  sont  les  mêmes  que  dans 
les  cas  analogues  pour  assurer  la  surveillance,  le  secret  du 
sujet,  l'anonymat  aux  compositions  pendant  la  correction. 
Les  résultats  de  cette  correction  une  fois  acquis,  on  pro- 
nonce radmissibiUté  du  premier  degré  ;  la  liste  des  can- 
didats qui  l'ont  obtenue  est  publiée  au  Journal  officiel. 
On  procède  alors  à  l'épreuve  orale  d'admissibilité. 

Tous  les  candidats  devront  être  rendus,  la  veille  du  jour 
fixé  pour  ces  examens,  dans  la  ville  qu'ils  auront  choisie, 
et  se  présenter  au  médecin-chef  de  l'hôpital  militaire  ou  des 
salles  militaires  de  l'hospice  mixte  qui  leur  donnera  les 
renseignements  nécessaires  pour  les  examens  du  lendemain. 
Les  examens  oraux  pour  l'admissibiHté  sont  publics  et  passés 
devant  le  jury  réuni  ;  leur  durée  est  de  quinze  minutes  pour 
chaque  candidat.  Les  candidats,  au  moment  de  l'ouverture 
de  la  séance,  remettent  au  président  du  jury,  sous  peine 
d'exclusion  du  concours,  les  différentes  pièces  mentionnées 
ci-dessus.  Ils  sont  interrogés  sur  la  physique  médicale. 
Deux  questions  empruntées  au  programme  sont  tirées  au 
sort  par  chacun  d'eux.  Il  est  mis  dans  l'urne  un  nombre 
de  questions  double  de  celui  des  candidats  ;  la  même  ques- 
tion peut  être  mise  plusieurs  fois  dans  l'urne.  La  note 
obtenue  pour  chacun,  combinée  avec  les  notes  des  compo- 
sitions écrites,  détermine  l'admissibilité.  Les  candidats  dont 
la  somme  de  points  ainsi  obtenue  sera  inférieure  à  une 
limite  déterminée  par  le  jury  sont  éliminés. 

Epreuves  définitives  ou  d'admission.  Le  président  du 
jury  fait  connaître  quels  sont  les  candidats  admis  à  subir 
les  épreuves  définitives.  Elles  ont  lieu  dans  la  même  forme 
que  les  examens  de  l'admissibilité  orale  ;  leur  durée  est  de 
vingt  minutes  pour  chaque  candidat.  Elles  consistent  en 
des  interrogations  sur  l'histoire  naturelle  et  la  chimie 
médicales.  A  la  fin  des  opérations  dans  une  locahté,  le  pré- 
sident du  jury  adresse  au  ministre  le  résultat  de  ces  exa- 
mens. Pour  toutes  les  épreuves  orales,  il  va  de  soi  que  c'est 
le  même  jury  qui  les  fait  subir  dans  les  divers  centres 
d'examen  où  il  se  transporte  successivement  dans  les  mois 
d'août  et  de  septembre. 

Le  jury  est  composé  ainsi  qu'il  suit  :  un  médecin  ins- 
pecteur, président,  désigné  par  le  ministre,  et  deux  médecins 
principaux  ou  majors  de  l''^  classe  désignés  par  le  ministre 
sur  la  proposition  du  comité  technique  de  santé.  Des  pro- 
fesseurs de  lettres  et  de  langues  étrangères  sont  adjoints  au 
jury  pour  la  correction  des  épreuves  de  leur  spécialité.  Le 
président  dirige  les  séances  et  correspond  directement  avec 
le  ministre  (direction  du  service  de  santé). 


L'appréciation  de  la  composition  et  de  chaque  épreuve 
orale  est  exprimée  par  un  chiffre  compris  de  0  à  20.  Les 
notes  sont  multipliées  par  des  coefficients  fixes  ainsi  qu'il 
suit  :  composition  scientifique,  20  ;  composition  française, 
45;  langue  étrangère,  2. 

Examens  oraz^^.  Histoire  naturelle,  10;  physique,  10; 
chimie,  10.  Un  avantage  de  20  points  ne  comptant  que 
pour  le  classement  définitif  est  attribuée  aux  candidats 
pourvus  du  diplôme  de  bachelier  es  sciences  complet. 

Après  la  clôture  des  examens,  le  jury  établit  la  liste  des 
candidats  classés  par  ordre  de  mérite,  d'après  l'ensemble 
des  points  obtenus ,  et  le  président  du  jury  l'adresse,  avec 
les  procès-verbaux  des  séances,  au  ministre,  qui  arrête  la 
liste  des  candidats  nommés  élèves  de  l'Ecole  du  service  de 
santé  militaire. 

Régime  intérieur.  —  Entrée,  Les  jeunes  gens  nommés 
élèves  de  l'Ecole  du  service  de  santé  militaire  reçoivent 
l'avis  individuel  de  leur  admission  par  une  lettre  ministé- 
rielle. Ils  doivent  être  rendus  à  l'Ecole  de  Lyon  au  jour  qui 
leur  est  fixé.  A  leur  arrivée  à  l'Ecole,  les  élèves  seront 
munis  des  pièces  suivantes  : 

1^  La  lettre  de  nomination  d'élève  de  l'Ecole  du  service  de 
santé  militaire.  —  2^  Le  récépissé  du  receveur  central  de 
la  Seine,  d'un  trésorier-payeur  général  ou  d'un  receveur 
particulier  constatant  que  l'élève  a  payé  :  1^  le  prix  du 
trousseau,  fixé  comme  il  est  dit  plus  haut,  ou  du  demi- 
trousseau  s'il  n'en  a  pas  été  dégrevé  ;  2*^  le  prix  du  trimestre 
ou  du  demi-trimestre  de  la  pension,  fixée  à  1,000  fr.  par 
an,  selon  qu'il  est  pensionnaire  ou  qu'il  a  obtenu  une 
demi-bourse.  Les  boursiers  n'ont  à  produire  d'autre  pièce 
justificative  que  l'avis  de  notification  du  dégrèvement  qui 
leur  est  accordé.  —  3°  Une  promesse  légalisée  par  le  maire 
ou  le  sous-préfet,  sous  seing  privé  et  sur  papier  timbré, 
dans  la  forme  indiquée  par  l'art.  1326  du  C.  civ.,  par 
laquelle  son  père,  sa  mère  ou  son  tuteur  s'engagea  verser 
dans  la  caisse  du  receveur  central  de  la  Seine,  ou  d'un 
trésorier-payeur  général,  ou  d'un  receveur  particulier,  par 
trimestre  et  d'avance,  le  montant  de  la  pension  si  l'élève 
est  pensionnaire  ou  de  la  demi-pension  s'il  a  obtenu  une 
demi-bourse.  Cette  promesse  sera  établie  par  l'élève  lui- 
même  s'il  est  majeur  ou  s'il  jouit  de  ses  biens.  —  ¥  Le  nom 
et  l'adresse  des  parents  ou  tuteurs  et  du  correspondant 
choisi  par  la  famille,  et  habitant  la  ville  de  Lyon,  si  toute- 
fois la  famille  n'y  réside  pas  elle-même.  Les  officiers  de 
l'Ecole  ne  pourront  pas  être  les  correspondants  des  élèves, 
à  moins  qu'ils  ne  soient  leurs  parents.  —  5<*  Un  extrait 
du  casier  judiciaire  nécessaire  pour  contracter  l'engagement 
spécial  prévu  par  l'art.  29  delà  loi  du  lo  juil.  1889.  — 
Tout  élève  appelé  à  l'Ecole  et  qui,  sans  raison  dûment 
constatée  ou  sans  autorisation  ministérielle  préalable,  ne 
se  présente  pas  dans  les  délais  fixés  par  sa  lettre  de  con- 
vocation, est  considéré  comme  démissionnaire.  —  D'autre 
part,  l'offre  de  démission  des  candidats  admis  à  l'Ecole  de 
Lyon  devra  être  accompagnée  du  consentement  de  leur  père 
ou  de  leur  tuteur  s'ils  ne  sont  pas  majeurs. 

Tout  élève,  sans  distinction  aucune,  en  entrant  à  l'Ecole, 
dépose  entre  les  mains  du  trésorier  de  l'Ecole  une  somme 
de  150  fr.,  destinée  à  fournir  le  fonds  de  sa  masse  indivi- 
duelle. Si  celle-ci  venait  à  être  épuisée,  un  nouveau  verse- 
ment de  150  fr.  serait  exigible.  Nul  ne  peut  être  admis  à 
l'Ecole  s'il  ne  produit  les  pièces  énumérées  ci-dessus.  Le 
directeur  de  l'Ecole  ajourne  l'admission  de  tout  élève  qui  ne 
se  trouve  pas  dans  les  conditions  prescrites  et  en  rend 
compte  au  ministre. 

Le  prix  de  la  pension  est  de  1,000  fr.  par  an.  Celui  du 
trousseau  est  déterminé  chaque  année  par  le  ministre  de  la 
guerre  (en  1892,  1,030  fr.). 

Les  livres  et  les  instruments  les  plus  nécessaires  aux 
études  des  élèves  leur  sont  fournis  par  l'Etat  et  sont  comptés 
dans  le  prix  du  trousseau.  Les  différents  droits  de  scolarité 
et  d'examen  à  partir  de  l'admission  sont  payés  par  le  mi- 
nistre de  la  guerre,  conformément  aux  règlements  univer- 
sitaires. Toutefois,  en  cas  d'ajournement  à  un  examen,  les 


437 


ÉCOLE 


frais  de  consignation  pour  la  répétition  de  cet  examen  sont 
à  la  charge  de  Félève  ;  les  frais  d'impression  de  la  thèse 
pour  le  doctorat  sont  également  supportés  par  les  élèves. 
Un  second  échec  au  même  examen  entraîne  d'office  le  licen- 
ciement de  l'élève  et  sa  radiation  immédiate  des  contrôles, 
à  moins  qu'il  ne  soit  autorisé  à  redoubler  son  année  ;  cette 
autorisation  ne  pourra  être  accordée  que  si  l'élève  justifie 
régulièrement  avoir  été  empêché  par  une  maladie  de  suivre 
les  cours  pendant  une  période  de  deux  mois,  au  moins,  de 
ladite  année.  Des  bourses  et  des  demi-bourses,  des  trousseaux 
et  des  demi-trousseaux  peuvent  être  accordés  aux  élèves  qui 
ont  préalablement  fait  constater  dans  les  formes  prescrites 
l'insuffisance  des  ressources  de  leur  famille  pour  leur 
entretien  à  l'Ecole.  Il  peut  être  alloué  à  chaque  bour- 
sier ou  demi-boursier  un  trousseau  ou  un  demi-trous- 
seau. Les  élèves  démissionnaires  ou  exclus  de  l'Ecole 
sont  tenus  au  remboursement  des  frais  de  scolarité  et, 
s'ils  ont  été  boursiers,  au  payement  du  montant  des  frais 
de  pension  et  trousseau  avancés  par  l'administration  de 
la  guerre. 

Dès  leur  entrée  à  l'Ecole,  tous  les  élèves,  militaires  ou 
non,  doivent  contracter,  dans  une  des  mairies  de  Lyon, 
l'engagement  prescrit  par  l'art.  29  de  la  loi  du  15  juil. 
4889  et  les  art.  23  et  24  du  décret  du  28  sept.  1891, 
engagement  de  servir  pendant  trois  ans  dans  un  corps  de 
troupe  dans  le  cas  où  ils  n'obtiendraient  pas  le  grade  de 
médecin  aide-major  de  deuxième  classe  ou  si,  l'ayant 
obtenu,  ils  ne  servaient  pas  ensuite  dans  l'armée  active 
durant  six  années. 

Voici  le  texte  de  ce  décret  :  Les  jeunes  gens  nommés  élèves 
de  l'Ecole  du  service  de  santé  militaire  souscrivent  un 
engagement  d'une  durée  de  trois  ans  et  s'obligent  à  servir 
pendant  six  années  dans  l'armée  active  à  partir  de  leur  nomi- 
nation au  grade  de  médecin  aide-major  de  deuxième  classe. 
Cet  engagement  est  souscrit  à  la  mairie  de  l'un  des  arrondis- 
sements de  Lyon.  Le  contractant  n'est  assujetti  à  aucune 
condition  d'âge  autre  que  celles  qui  sont  exigées  pour  l'ad- 
mission à  l'Ecole.  Il  en  justifie  par  la  production  du  certi- 
ficat d'admission.  Il  produit  en  outre  :  [^  l'extrait  de  son 
casier  judiciaire  ;  2<^  un  certificat  d'aptitude  au  service 
militaire.  Ce  certificat  est  délivré  par  le  commandant  du 
bureau  de  recrutement  de  la  subdivision  dans  laquelle  est 
contracté  l'engagement.  Les  engagements  sont  souscrits 
pour  l'une  des  armes  de  l'infanterie,  de  la  cavalerie,  de 
l'artillerie  ou  du  génie.  L'autorité  militaire  désigne,  au 
moment  de  la  mise  en  route,  le  corps  sur  lequel  les  enga- 
gés sont  dirigés  :  i'^  s'ils  n'obtiennent  pas  le  grade  de 
médecin  aide-major  de  deuxième  classe;  2°  si,  une  fois  en 
possession  de  ce  grade,  ils  ne  servent  pas  dans  l'armée  active 
pendant  six  ans  au  moins.  Dans  l'un  et  Fautre  cas,  la 
durée  de  l'engagement  de  trois  ans  souscrit  à  l'entrée  à 
l'Ecole  ne  court  que  du  jour  de  l'incorporation. 

Les  élèves  sont,  à  leur  arrivée  à  l'Ecole,  soumis  à  une 
visite  médicale  ;  ils  ne  sont  définitivement  admis  que  s'ils 
sont  déclarés  aptes  au  service  militaire;  sinon,  ils  sont 
renvoyés  devant  la  commission  spéciale  de  réforme,  qui 
statue.  Les  élèves  sont  soumis,  à  l'Ecole  du  service  de  santé, 
au  régime  militaire.  —  En  même  temps  qu'ils  suivent  les 
cours,  cliniques,  conférences  et  travaux  pratiques  de  la 
Faculté  de  médecine,  ils  reçoivent  à  l'Ecole  un  complément 
d'instruction  scientifique  et  littéraire. 

Personnel.  Le  personnel  de  l'Ecole  du  service  de  santé 
mihtaire  comprend  :  i^  Fétat-major  de  [FEcole,  formé 
d'officiers  du  corps  de  santé  et  d'officiers  d'administration 
des  hôpitaux  ;  tous  ces  officiers  sont  du  cadre  actif; 
2^*  un  petit  état-major. 

L'état-major  de  l'Ecole  comprend  le  personnel  dirigeant 
ou  enseignant  :  1  médecin  inspecteur  ou  médecin  principal 
de  première  classe,  directeur;  1  médecin  principal  ou 
major  de  première  classe,  sous-directeur;  1  médecin-major 
de  première  classe,  major;  6  médecins-majors  de  deuxième 
ou  de  première  classe,  répétiteurs;  5  médecins  aides-majors 
de  première  classe  ou  majors  de  deuxième  classe,  surveil- 


lants des  élèves  ;  1  officier  d'administration  de  première  ou 
de  deuxième  classe  des  hôpitaux,  comptable  du  matériel  et 
trésorier;  1  officier  d'administration  adjoint  de  première 
ou  de  deuxième  classe  des  hôpitaux,  adjoint  à  l'officier 
comptable.  Des  professeurs  civils  peuvent  être  attachés  à 
FEcole  pour  l'enseignement  des  belles-lettres,  arts  et  langues 
étrangères.  Tous  ces  officiers  et  professeurs  sont  nommés  par 
le  ministre  de  la  guerre.  La  direction  est  nommée  par  décret 
sur  sa  proposition.  Le  petit  état-major  comprend  le  per- 
sonnel de  service  sous-ofiiciers  et  soldats. 

Aucun  élève  ne  peut  être  autorisé  à  redoubler  une 
année  d'études,  à  moins  que  des  circonstances  graves  ne 
lui  aient  occasionné  une  suspension  forcée  de  travail,  pen- 
dant plus  de  deux  mois.  Tout  élève  qui  aura  subi  à  un 
même  examen  de  la  Faculté  ou  de  l'Ecole  deux  échecs  succes- 
sifs est  exclu  de  l'Ecole.  Le  conseil  de  disciphne  donne 
son  avis,  le  ministre  décide.  Sauf  le  cas  où  il  en  aurait  été 
renvoyé  pour  indiscipHne  ou  inconduite,  Félève  qui  a 
cessé  de  faire  partie  de  l'Ecole  peut  y  être  admis  de  nou- 
veau, par  voie  de  concours,  s'il  remplit  encore  les  condi- 
tions générales  d'admission. 

Sortie.  —  Lorsque  les  élèves  sont  pourvus  du  diplôme  de 
docteur  en  médecine,  ils  passent  de  droit  à  FEcole  d'appli- 
cation de  médecine  et  de  pharmacie  militaires  (Val-de- 
Grâce)  dont  il  est  question  ci-après.  A  la  fin  de  leur 
stage  à  cette  école,  ils  sont  promus  médecins  aides-majors 
de  deuxième  classe,  et  il  leur  est  attribué  cinq  ans  de 
service. 

Ecole  d'application  de  médecine  et  de  phar- 
macie militaires  du  Val-de-Grâce .  —  Destination. 
--L'Ecole  d'application  de  médecine  et  de  pharmacie 
militaires  placée  à  Paris,  auprès  de  l'hôpital  militaire  du 
Val-de-Grâce  (rue  Saint -Jacques)  est  instituée  pour 
donner  aux  médecins  et  pharmaciens  stagiaires  l'instruc- 
tion professionnelle  militaire  spéciale,  théorique  et  pratique, 
nécessaire  pour  remplir  dans  l'armée  les  obligations  de 
service  qui  incombent  au  corps  de  santé  mihtaire. 

Conditions  d'admission.  —  Le  recrutement  de  FEcole 
du  Val-de-Grâce,  dont  les  promotions  annuelles  sont  de 
60  à  70  élèves,  comporte  des  origines  diverses  :  en  pre- 
mier lieu,  tout  élève  de  FEcole  du  service  de  santé  militaire 
(de  Lyon),  reçu  docteur  en  médecine,  est  admis  de  plein 
droit  à  l'Ecole  d'application  du  Val-de-Grâce. 

En  second  heu,  comme  cette  école  ne  forme  que  des 
médecins,  on  a  conservé  pour  les  pharmaciens  l'ancien 
système  du  décret  de  1880.  C'est  l'objet  du  décret  du 
14  nov.  1891.  Tous  les  ans,  du  1^^'  au  lo  nov.,  on  ouvre 
un  concours  pour  l'admission  aux  emplois  d'élèves  en 
pharmacie  du  service  de  santé  mihtaire,  d'après  un  pro- 
gramme arrêté  par  le  ministre  de  la  guerre.  Sont  admis 
à  concourir  :  i^  les  étudiants  ayant  accomph  au  1^^  nov. 
de  l'année  du  concours  leur  année  de  service  militaire  et 
un  stage  régulier  de  deux  années,  valable  pour  le  grade 
de  pharmacien  de  première  classe  ;  2°  les  étudiants  ayant 
accomph  au  1®^  nov.  de  l'année  du  concours  leur  année  de 
service  militaire  et  possédant  quatre  ou  huit  inscriptions 
valables  pour  le  grade  de  pharmacien  de  1"^^  classe  et  ayant 
satisfait  aux  examens  de  fin  d'année.  Les  autres  conditions 
sont  les  mêmes  que  pour  les  candidats  à  FEcole  de  Lyon. 
Les  épreuves  du  concours  ont  heu  devant  un  jury  unique, 
composé  du  pharmacien  inspecteur,  président;  du  profes- 
seur de  chimie  de  FEcole  d'application  de  médecine  et  de 
pharmacie  militaires  et  d'un  pharmacien  principal  ou  major 
du  gouvernement  militaire  de  Paris.  Les  candidats  recon- 
nus admissibles  et  classés  par  ordre  de  mérite  reçoivent, 
dans  la  proportion  déterminée  par  le  ministre,  une  commis- 
sion d'élèves  en  pharmacie  du  service  de  santé  militaire. 
—  Les  élèves  en  pharmacie  du  service  de  santé  militaire 
contractent  dès  leur  admission  un  engagement  de  servir 
dans  Farinée  active  pendant  six  ans  au  moins,  à  dater  de 
leur  promotion  au  grade  de  pharmacien  aide-major  de 
deuxième  classe.  Ceux  qui  n'obtiendraient  pas  le  grade 
d'aide-major  ou  ceux  qui  ne  réaliseraient  pas  l'engagement 


ECOLE 


—  438  — 


sexennal  sont  tenus  de  rembourser  le  montant  des  frais  de 
scolarité  et  d'indemnité  qui  leur  auront  été  alloués.  — 
Les  élèves  sont  répartis  à  leur  choix  et  suivant  leur  con- 
venance" entre  les  sept  villes  suivantes  :  Bordeaux,  Lille, 
Lyon,  Montpellier,  Nancy,  Paris  et  Toulouse,  qui  pos- 
sèdent une  école  supérieure  de  pharmacie  ou  une  faculté 
mixte  :  ils  sont  attachés  à  l'hôpital  militaire  ou  à  l'hospice 
mixte  sous  les  ordres  et  la  surveillance  du  médecin  en 
chef  et  concourent  à  l'exécution  du  service  pharmaceu- 
tique, autant  que  le  permettent  les  cours  et  les  travaux 
pratiques  qu'ils  sont  tenus  de  suivre.  —  Ces  élèves  ne 
portent  pas  d'uniforme  ;  ils  sont  soumis  à  certaines  règles 
disciplinaires  ayant  pour  but  d'exercer  un  contrôle  fruc- 
tueux sur  leurs  études  et  sur  leur  conduite,  conformément 
aux  dispositions  d'un  règlement  arrêté  par  le  ministre  de 
la  guerre.  —  Il  est  accordé  aux  élèves-pharmaciens,  dès 
leur  nomination,  une  indemnité  annuelle  de  1,000  fr. 
Cette  indemnité  sera  allouée,  au  maximum,  pendant  trois 
ans  aux  élèves  admis  sans  inscriptions,  pendant  deux  ans 
aux  élèves  ayant  quatre  inscriptions,  pendant  un  an  aux 
élèves  ayant  déjà  huit  inscriptions.  —  A  dater  de  l'admis- 
sion à  l'emploi  d'élève  du  service  de  santé  militaire,  les 
frais  universitaires,  réglés  conformément  aux  tarifs  en 
vigueur,  sont  versés  par  l'administration  de  la  guerre  à  la 
caisse  de  l'enseignement  supérieur.  Toutefois,  en  cas 
d'ajournement  à  un  examen,  les  frais  de  consignation 
pour  la  répétition  de  cet  examen  sont  à  la  charge  de 
l'élève.  Un  second  échec  au  même  examen  entraîne  d'office 
le  licenciement  de  l'élève  et  sa  radiation  immédiate  des 
contrôles.  L'autorisation  de  doubler  une  année  d'études 
ne  pourra  être  accordée  que  si  des  circonstances  graves 
ont  occasionné  une  suspension  forcée  de  travail  de  plus 
de  deux  mois.  En  cas  de  démission  ou  de^  Hcenciement, 
l'élève  sera  tenu  au  remboursement  des  frais  de  scolarité 
et  d'indemnité.  —  Tout  élève  reçu  pharmacien  de  première 
classe  passe  de  plein  droit  à  l'Ecole  d'apphcation  de  mé- 
decine et  de  pharmacie  militaires  (Val-de-Grâce)  en  qualité 
de  pharmacien  stagiaire. 

En  troisième  lieu,  tandis  que  des  élèves-médecms  et 
des  élèves-pharmaciens  du  service  de  santé  y  sont  admis 
de  plein  droit,  l'Ecole  d'application  se  recrute  directement. 
Un  concours  a  lieu  tous  les  ans  au  mois  de  décembre 
pour  l'admission  directe  d'un  certain  nombre  de  docteurs 
en  médecine  ou  de  pharmaciens  de  première  classe.  Voici  les 
dispositions  prises  à  ce  sujet  :  les  emplois  de  médecins  et 
de  pharmaciens  stagiaires  à  l'Ecole  d'application  de  méde- 
cine et  de  pharmacie  militaires  sont,  conformément  à  la 
loi  du  44  déc.  1888,  accordés  au  concours.  Les  candidats 
doivent  remplir  les  conditions  ci-après  :  l''  être  nés  ou  natu- 
ralisés Français  ;  2«  avoir  au  moins  vingt-six  ans  au  1^' janv. 
de  l'année  du  concours  ;  3°   avoir  été  reconnus  aptes  à 
servir  activement  dans  l'armée  ;  cette  aptitude  sera  cons- 
tatée par  un  certificat  d'un  médecin  militaire,  du  grade  de 
médecin-major  de  deuxième  classe  au  moins  ;  4«  souscrire 
l'engagement  de  servir,  au  moins  pendant  six  ans,  dans  le 
corps  de  santé  de  l'armée  active,  à  partir  de  leur  promotion 
au  grade  d'aide-major  de  deuxième  classe.  Cet  engagement 
n'est  souscrit  qu'après  l'admission  à  l'Ecole  ;  il  est  con- 
tracté devant  le  maire  de  leur  résidence  dans  les  formes 
des  engagements  militaires. 

Les 'demandes  d'admission  au  concours,  adressées  au 
ministre  de  la  guerre  avant  le  1*^^  déc,  devront  être 
accompagnées  :  1°  acte  de  naissance  revêtu  des  formalités 
légales  ;  2«  diplôme  ou,  à  défaut,  certificat  de  réception 
au  grade  de  docteur  ou  de  pharmacien  de  première 
classe  (cette  pièce  pourra  n'être  produite  que  le  jour 
de  l'ouverture  des  épreuves)  ;  3«  certificat  d'aptitude  au 
service  militaire  ;  4^  certificat  délivré  par  le  commandant 
du  bureau  de  recrutement,  indiquant  la  situation  du  can- 
didat au  point  de  vue  du  service  militaire  ;  5°  indication 
du  domicile  où  il  lui  sera  adressé,  en  cas  d'admission,  sa 
commission  de  stagiaire.  Les  épreuves  sont  arrêtées  pour 
chaque  concours  par  le  ministre  de  la  guerre  et  publiées 


six  mois  à  l'avance  au  Journal  o^d^^*  elles  comprennent 
généralement  :  Pour  les  docteurs  en  médecine  :  1°  une 
composition  écrite  sur  un  sujet  de  pathologie  générale  ; 
2°  examen  de  deux  malades  atteints,  l'un  d'une  affection  médi- 
cale, l'autre  d'une  affection  chirurgicale  ;  3oune  épreuve  de 
médecine  opératoire  précédée  de  la  description  de  la  région 
sur  laquelle  elle  doit  porter  ;  4°  interrogations  sur  l'hy- 
giène. —  Pour  les  pharmaciens  de  première  classe  :  i^  com- 
position écrite  sur  une  question  d'histoire  naturelle  des 
médicaments  ou  de  matière  médicale  ;  2°  interrogations 
sur  la  physique,  la  chimie,  l'histoire  naturelle  et  la  phar- 
macie ;  3^  préparation  d'un  ou  de  plusieurs  médicaments 
inscrits  au  Codex  et  détermination  de  diverses  substances 
(minéraux  usuels,  drogues  simples,  plantes  sèches  ou 
fraîches,  médicaments  composés). 

Régime  intérieur.  —  La  durée  des  études  ou  plus  pré- 
cisément du  stage  à  l'Ecole  du  Val-de-Grâce  est  d'une 
année,  à  partir  du  1^^  janv.  jusqu'au  l«^nov.  Les  diverses 
branches  de  l'enseignement  sont  déterminées  par  les  pro- 
grammes, soumis  à  l'approbation  du  ministre  par  le  direc- 
teur de  l'Ecole.  A  partir  de  leur  nomination,  les  stagiaires 
reçoivent  la  subvention  déterminée  par  les  tarifs  de  solde 
(2,928  fr.  par  an),  et  il  leur  est  attribué  une  indemnité 
de  première  mise  d'équipement.  Ils  sont  soumis,  à  l'inté- 
rieur de  l'Ecole,  à  des  interrogatoires  et  à  des  épreuves 
pratiques,  qui  donnent  lieu  à  des  notes  permettant  d'établir 
tous  les  deux  mois  un  classement  qui  est  transmis  au 
ministre. 

Enseignement.  L'enseignement  que  les  médecins  et 
pharmaciens  stagiaires  reçoivent  à  l'Ecole  d'application  est 
essentiellement  pratique  et  a  surtout  pour  but  de  les  initier 
à  l'exercice  de  l'art  dans  l'armée  par  des  études  chimiques 
et  pharmaceutiques  complémentaires,  ainsi  que  par  des 
notions  d'administration  et  de  législation  miUtaires. 

Le  personnel  de  l'enseignement  comprend  des  profes- 
seurs et  des  professeurs  agrégés,  répartis  comme  il  suit  : 
10  un  professeur  et  un  agrégé  :  maladies  et  épidémies  des 
armées;  2^  un  professeur  et  un  agrégé  :  chirurgie  d'armée 
(blessures  de  guerre)  ;  3«  un  professeur  et  deux  agrégés  : 
anatomie  chirurgicale,  opérations  et  appareils;  4°  un  pro- 
fesseur et  un  agrégé  :  hygiène  militaire  ;  5°  un  professeur 
et  un  agrégé  :  médecine  légale,  législation,  administration 
et  service  de  santé  mihtaire  ;  6*^  un  professeur  et  un 
agrégé  :  chimie  apphquée  aux  expertises  de  l'armée  et 
toxicologie  ;  7°  un  agrégé  chargé  de  cours  :  microbie. 

Les  professeurs  sont  choisis  parmi  les  anciens  agrégés 
ou  les  agrégés  en  exercice.  Ils  sont  nommés  par  le  ministre 
sur  des  hstes  de  trois  candidats,  dressées,  l'une  par  le 
conseil  de  perfectionnement  de  l'Ecole,  l'autre  par  le  co- 
mité consultatif  de  santé.  Ils  doivent  être  du  grade  de 
major  de  première  classe  au  moins  et  de  principal  de  pre- 
mière classe  au  plus.  La  durée  des  fonctions  de  professeur 
ne  peut  excéder  dix  ans. 

Les  professeurs  agrégés  sont  nommés  au  concours.  Les 
majors  de  première  et  de  deuxième  classe  sont  seuls  admis 
à  concourir.  La  durée  des  fonctions  de  professeur  agrégé 
est  fixée  à  cinq  ans. 

Les  concours  pour  l'agrégation  en  médecine  ou  en  chi- 
rurgie au  Val-de-Grâce  comprennent  six  épreuves,  dont 
une  sur  une  question  de  législation,  d'administration  et  de 
service  de  santé  militaire.  Deux  heures  sont  accordées  pour 
cette  épreuve  qui  n'est  pas  éliminatoire  et  à  laquelle  ne 
prennent  part  que  les  candidats  déclarés  admissibles. 

Outre  l'enseignement  destiné  aux  médecins  et  aux  phar- 
maciens stagiaires,  le  ministre  de  la  guerre  a  décidé  qu'à 
partir  du  l*^^  janv.  1889  les  médecins  militaires  de  tous 
erades  peuvent  être  autorisés,  sur  leur  demande,  à  venir 
faire,  à  l'Ecole  du  Val-de-Grâce,  des  études  de  bactériologie. 
Cet  enseignement,  dont  la  durée  est  de  six  semaines,  est 
donné  par  séries,  comprenant  chacune  dix  ou  douze  au- 
diteurs. 

Sortie.  —  Les  examens  de  sortie  sont  passés  devant  un 
jury,  divisé  en  trois  sections  :  un  pour  la  médecine,  un 


-  439  — 


ECOLE 


pour  la  chirurgie,  un  pour  la  pharmacie.  Le  jury  de  chaque 
section  est  composé  d'un  inspecteur,  président,  des  pro- 
fesseurs de  TEcole  et  de  deux  médecins  ou  pharmaciens 
principaux  ou  majors  employés  dans  le  gouvernement  mili- 
taire de  Paris.  Les  membres  du  jury  autres  que  les  pro- 
fesseurs sont  désignés  par  le  ministre,  sur  la  proposition 
du  comité  consultatif  de  santé.  Les  notes  des  examens  de 
sortie,  combinés  avec  les  classements  bimestriels,  per- 
mettent d'établir  le  classement  de  sortie. 

Les  stagiaires  qui  ont  subi  avec  succès  les  épreuves  de 
l'examen  de  sortie  quittent  l'Ecole  avec  le  grade  de  méde- 
cin aide-major  de  deuxième  classe.  L'ancienneté  est  déter- 
minée par  le  numéro  de  classement  de  sortie. 

Tout  stagiaire  qui  n'aura  pas  obtenu  à  l'examen  de 
sortie  la  moyenne  des  points  déterminés  par  le  règlement 
sur  le  service  intérieur  sera,  sur  la  proposition  du  jury, 
désigné  au  ministre  pour  être  licencié  de  l'Ecole,  et  tenu 
au  remboursement  du  montant  des  frais  de  scolarité,  d'in- 
demnité qu'il  aurait  pu  toucher  étant  élève,  et  d'indem- 
nité de  première  mise  d'équipement.  Le  même  rembour- 
sement sera  exigé  des  médecins  ou  pharmaciens  militaires 
qui  quitteraient  plus  tard,  volontairement,  le  service  de 
santé  militaire,  avant  d'avoir  accompH  leur  engagement 
d'honneur. 

Les  élèves  sont  tenus  de  souscrire  un  ^  engagement  de 
servir  pendant  six  ans  dans  le  corps  de  santé  de  l'armée 
active.  Par  conséquent,  ceux  de  ces  élèves  qui  n'obtien- 
draient pas  le  grade  d'aide-major  de  deuxième  classe  ou  qui 
ne  réaliseraient  pas  leur  engagement  sexennal,  seront  in- 
corporés pour  trois  ans  dans  un  régiment,  sans  déduction 
aucune  du  temps  passé  à  l'Ecole.  Ils  confèrent  la  dispense 
à  leurs  frères. 

Ecole  du  service  de  santé  de  la  marine  à  Bor- 
deaux. —  Destination.  — L'Ecole  du  service  de  santé  de 
la  marine  a  été  créée,  et  celles  de  Brest,  Roche  fort  et  Tou- 
lon ont  été  transformées  en  annexes,  par  la  loi  du  10  avr. 
1890  et  le  décret  du  2^2  juil.  1890.  Elle  a  été  placée 
auprès  de  la  Faculté  de  médecine  de  Bordeaux  et  elle  a 
pour  objet  :  1°  d'assurer  le  recrutement  des  médecins  et 
pharmaciens  de  la  marine  et  des  médecins  et  pharmaciens 
des  colonies  ;  2^  de  seconder  les  études  universitaires  des 
élèves  du  service  de  santé  ;  3°  de  donner  à  ces  élèves 
l'éducation  maritime  jusqu'à  leur  nomination  de  médecin 
ou  de  pharmacien  auxiliaire  de  deuxième  classe.  Elle  jouit, 
pour  le  recrutement  du  corps  de  santé  de  la  marine,  d'un 
privilège,  mais  non  d'un  monopole,  car,  en  cas  de 
besoin,  on  peut  admettre  des  candidats  provenant  des 
facultés  civiles. 

Conditions  d'admission.  —  Les  élèves  se  recrutent  par 
voie  de  concours  :  1°  parmi  les  étudiants  ^  médecine  et 
en  pharmacie  provenant  des  écoles  de  médecine  navale  de 
Brest,  Rochefort  et  Toulon;  2^  s'il  y  a  lieu,  parmi  les 
étudiants  en  médecine  et  en  pharmacie  provenant  des 
facultés  civiles. 

Nul  n'est  admis  à  l'Ecole  du  service  de  santé  de  la  ma- 
rine que  par  voie  de  concours.  Le  concours  a  lieu  tous  les 
ans  dans  les  ports  de  Brest,  Rochefort  et  Toulon.  Le  mi- 
nistre de  la  marine  en  détermine  les  conditions  ;^  chaque 
année,  il  en  arrête  le  programme  et  en  fixe  l'époque. 
L'arrêté  du  ministre  est  rendu  pubUc.  Le  jury  du  concours 
d'admission  à  l'Ecole  de  Bordeaux  est  composé  d'un 
directeur  du  service  de  santé,  président  ;  d'un  médecin 
en  chef  ou  principal  ;  d'un  pharmacien  en  chef  ou  prin- 
cipal. Le  président  et  les  membres  du  jury  sont  annuelle- 
ment désignés  par  le  ministre  de  la  marine. 

Nul  ne  peut  être  admis  au  concours  :  1^  s'il  n'est  Fran- 
çais ou  naturalisé  Français  ;  2^  s'il  est  âgé  de  plus  de 
vingt-trois  ans  ou  de  moins  de  dix-huit  ans  au  1®^  janv. 
qui'  suit  la  date  du  concours  ;  3°  s'il  n'a  été  vacciné  avec 
succès  ou  s'il  n'a  eu  la  petite  vérole  ;  4°  s'il  n'est  robuste, 
bien  constitué  et  s'il  n'est  atteint  d'aucune  maladie  ou  in- 
firmité susceptible  de  le  rendre  impropre  au  service  de  la 
marine  ;  5^  s'il  n'a  accompli  une  année  d'études  médicales 


dans  une  des  écoles  de  médecine  navale  de  Brest,  Roche- 
fort et  Toulon,  et  s'il  n'a  subi  avec  succès  le  premier 
examen  du  doctorat  en  médecine.  —  Toutefois,  en  cas 
d'insuffisance  dans  le  nombre  ou  la  valeur  des  candidats 
provenant  de  ces  écoles,  les  étudiants  des  facultés  civiles 
peuvent  être  admis  à  prendre  part  au  concours.  —  Les 
jeunes  gens  qui  se  destinent  à  la  carrière  pharmaceutique 
doivent  justifier,  pour  l'admission  au  concours,  du  diplôme 
de  bachelier  es  sciences  complet  ou  de  bachelier  es 
lettres  ou  de  bachelier  de  l'enseignement  secondaire  spé- 
cial et  du  stage  officinal  de  trois  années  accompli  dans 
une  des  écoles  de  médecine  navale  de  Brest,  Rochefort  ou 
Toulon. 

Les  candidats  doivent  produire  un  certificat  de  bonnes 
vie  et  mœurs,  un  extrait  «  pour  néant  »  du  casier  judi- 
ciaire et,  s'il  y  a  lieu,  l'autorisation  des  parents  ou  des 
tuteurs.  Ils  ont,  de  plus,  à  indiquer  le  port  mifitaire  dans 
lequel  ils  désirent  passer  le  concours  d'admission. 

Chaque  demande  doit  être  en  outre  accompagnée  : 
10  d'une  déclaration,  sur  papier  timbré,  par  laquelle  les 
parents,  père,  mère  ou  tuteur,  s'engagent  à  payer  au  Tré- 
sor public,  par  trimestre  et  d'avance,  une  pension  annuelle 
de  700  fr.  ;  2^  d'un  second  acte  sur  papier  timbré,  portant 
engagement  de  payer  le  trousseau,  les  livres  et  les  objets 
nécessaires  aux  études.  Ces  deux  engagements  deviennent 
nuls  en  tout  ou  en  partie,  en  cas  de  concession  d'une 
bourse  ou  d'une  demi-bourse,  d'un  trousseau  ou  d'un 
demi-trousseau.  Toutes  ces  conditions  sont  de  rigueur  et 
aucune  dérogation  ne  peut  être  autorisée. 

Chaque  année,  à  l'époque  déterminée  par  la  décision 
ministérielle  fixant  le  programme  des  épreuves,  les  candi- 
dats auront  à  demander  leur  inscription  au  ministre  de  la 
marine,  en  fournissant  les  pièces  ci-dessus  mentionnées. 
La  liste  d'inscription  est  close  le  1^"^  juil.  Les  épreuves 
écrites  ont  lieu  du  1®^  au  15  août,  à  une  date  fixée  par  le 
ministre,  dans  les  ports  de  Brest,  de  Rochefort  et  de  Toulon. 
Elles  sont  corrigées  à  Paris  par  le  jury  du  concours  qui 
dresse  les  listes  d'admissibilité  aux  épreuves  orales.  —  Ces 
dernières  ont  lieu  devant  le  même  jury,  qui  se  transporte 
successivement  à  Brest,  à  Rochefort  et  à  Toulon,  du  l^"" 
au  20  sept. 

Les  épreuves  d'admissibihté  se  divisent  en  épreuves 
écrites  et  en  épreuves  orales. 

Epreuves  écrites.  Pour  les  étudiants  en  médecine  pour- 
vus du  premier  examen  de  doctorat  et  pour  les  étudiants 
en  pharmacie  ayant  subi  avec  succès  l'examen  de  validation 
du  stage  officinal  :  1°  une  composition  écrite  sur  un  sujet 
d'histoire  naturelle,  de  physique  ou  de  chimie  médicales  ; 
la  composition  sera  notée  au  double  point  de  vue  des  con- 
naissances scientifiques  et  des  connaissances  litléraires  ; 
2^  une  composition  écrite  de  langue  étrangère  (allemand 
ou  anglais).  Cette  composition  consistera  en  un  thème 
d'une  page  environ  ;  elle  se  fera  sans  le  secours  d'aucun 
livre. 

Epreuves  orales.  Pour  les  mêmes  candidats  :  des  inter- 
rogations sur  la  physique,  l'histoire  naturelle  et  la  chimie 
médicales  (les  interrogations  porteront  sur  deux  de  ces 
matières  seulement  ;  on  n'interrogera  pas  sur  celle  qui 
aura  fait  l'objet  de  la  composition  écrite),  et  sur  l'anatomie 
et  la  petite  chirurgie.  Trois  questions,  empruntées  au  pro- 
gramme détaillé,  seront  tirées  au  sort.  Il  sera  mis  dans 
l'urne  un  nombre  de  questions  double  de  celui  des  candi- 
dats. La  même  question  pourra,  au  besoin,  être  mise  plu- 
sieurs fois  dans  l'urne. 

Compositions  écrites,  La  composition  écrite  sur  un 
sujet  d'histoire  naturelle,  de  physique  ou  de  chimie  médi- 
cales, se  fera  la  première.  Trois  heures  seront  accordées 
pour  sa  rédaction.  La  composition  de  langue  étrangère  se 
fera  le  même  jour.  Deux  heures  sont  accordées  pour  cette 
épreuve.  Les  sujets  sont  les  mêmes  partout  ;  ils  sont  choisis 
par  le  conseil  supérieur  de  santé  de  la  marine,  qui  se 
réunit,  à  cet  effet,  en  comité  secret  au  ministère  de  la  ma- 
rine. Chaque  sujet  est  mis,  par  cette  commission,  dans 


ÉCOLE 


-  440 


une  enveloppe  cachetée  à  la  cire  et  dont  la  suscription 
indique  seulement  la  nature  de  la  composition  et  la  caté- 
gorie de  candidats.  Ces  enveloppes  sont  réunies  dans  une 
deuxième  enveloppe  qui  est  adressée  aux  préfets  maritimes 
des  ports  de  Brest,  Rochefort  et  Toulon,  pour  être  remises 
au  directeur  du  service  de  santé  de  chacun  de  ces  ports  le 
matin  du  jour  fixé  par  le  ministre  pour  l'ouverture  des 
épreuves  écrites.  Le  directeur  désigne,  dans  chaque  port, 
deux  médecins  principaux  ou  de  première  classe  chargés 
de  surveiller  les  candidats  pendant  le  temps  consacré  aux 
compositions  écrites.  Les  enveloppes  sont  décachetées  par 
le  directeur,  en  présence  des  candidats  ;  le  procès-verbal 
de  la  séance  devra  indiquer  que  le  cachet  est  intact.  Les 
candidats  ne  peuvent  se  servir  ni  de  livres,  ni  de  notes. 
Les  compositions  sont  faites  sur  des  feuilles  revêtues  du 
cachet  du  directeur  du  service  de  santé  du  port  militaire 
où  a  lieu  le  concours.  Chaque  candidat  inscrit  en  tète  de  sa 
feuille  son  nom  et  ses  prénoms  et  appose  sa  signature  à 
l'endroit  indiqué,  avant  de  la  remettre  aux  médecins  sur- 
veillants. Ces  derniers  détachent  les  noms  et  prénoms  et 
les  réunissent  dans  une  envelopppe  distincte  qui  est  jointe 
à  Tenveloppe  dans  laquelle  les  compositions  sont  également 
réunies  ;  le  nom  est  remplacé  par  un  numéro  d'ordre  qui 
est  reproduit  sur  la  composition  et  sur  l'en-tête  de  la 
feuille.  Le  tout  est  adressé  le  jour  même,  par  l'intermé- 
diaire du  service  de  santé,  au  ministre  de  la  marine,  qui 
transmet  les  compositions  aux  examinateurs  pour  les  cor- 
riger, mais  conserve  les  enveloppes  contenant  les  en-têtes. 
Les  compositions  sont  cotées  par  les  examinateurs,  qui  éta- 
blissent la  liste  d'admissibilité  par  ordre  de  mérite  et  d'après 
le  nombre  de  points  obtenus.  Le  président  du  jury  l'adresse 
au  ministre.  Les  enveloppes  contenant  les  en-têtes  sont 
alors  ouvertes  et  les  noms  des  candidats  sont  inscrits  sur 
la  liste  générale  à  l'aide  du  numéro  d'ordre  porté  sur  l'en- 
tête imprimé. 

Les  candidats  dont  les  notes  de  composition,  multiphees 
par  leurs  coefficients  respectifs,  formeront,  non  compris 
les  points  obtenus  pour  l'épreuve  facultative  de  langue 
étrangère,  une  somme  inférieure  à  une  limite  fixée  par  le 
jury,  seront  éliminés  avant  l'épreuve  orale.  La  liste  des 
candidats  admissibles  à  la  suite  des  compositions  écrites 
est  immédiatement  adressée  au  Journal  officiel. 

Epreuve  orale.  Les  examens  oraux  sont  publics  et 
passés  dans  les  ports  de  Brest,  de  Rochefort  et  de  Toulon 
devant  le  jury  réuni  ;  leur  durée  est  de  trente  minutes  au 
maximum  pour  chaque  candidat.  La  note  obtenue  par 
chacun  d'eux,  combinée  avec  les  notes  des  compositions 
écrites,  détermine  le  rang  d'admissibilité.  Les  candidats  dont 
la  somme  de  points  ainsi  obtenus  sera  inférieure  à  une 
limite  déterminée  par  le  jury,  seront  éliminés. 

Notes  et  coefficients.  L'appréciation  de  la  composition 
et  de  chaque  épreuve  orale  est  exprimée  par  un  chiffre 
compris  de  0  à  20.  Les  notes  sont  multipliées  par  des 
coefficients  fixés  ainsi  qu'il  suit  : 

Composition  écrite. 

Partie  scientifique ^2 

—     littéraire ^ 

Composition  de  langue  étrangère 4? 

Examens  oraux 

Histoire  naturelle "10 

Physique ^^ 

Chimie 10 

Anatomie  et  petite  chirurgie 40 

Après  la  clôture  de  tous  les  examens,  le  jury  établit  la 
liste  de  tous  les  candidats  classés  par  ordre  de  mérite, 
d'après  l'ensemble  des  points  obtenus,  et  le  président  du 
jury  l'adresse,  avec  les  procès-verbaux  des  séances,  au 
ministre,  qui  arrête  la  liste  des  candidats  nommés  élèves 
de  l'Ecole  du  service  de  santé  de  la  marine.  Ces  nomina- 
tions ont  lieu  dans  la  limite  des  places  disponibles. 

Régime  intérieur.  —  Pension.  Le  prix  de  la  pension 
est  de  700  fr.  par  an  ;  celui  du  trousseau  de  800  fr.  pour 


la  première  année,  de  250  fr.  pour  la  deuxième  année  et 
de  250  fr.  pour  la  troisième  année.  Les  livres,  instruments 
et  objets  nécessaires  aux  études,  sont  compris  dans  le 
trousseau. 

Des  bourses  et  des  demi-bourses,  des  trousseaux  et  des 
demi-trousseaux  peuvent  être  accordés  aux  élèves  qui  ont 
préalablement  fait  constater,  dans  les  formes  prescrites, 
l'insuffisance  des  ressources  de  leur  famille  pour  leur  entre- 
tien à  l'Ecole.  Les  bourses  et  les  demi-bourses,  les  trous- 
seaux et  les  demi-trousseaux  sont  accordés  par  le  ministre 
de  la  marine  sur  la  proposition  du  conseil  d'instruction  de 
l'Ecole.  Les  familles  qui  désirent  obtenir  le  dégrèvement 
total  ou  paftiel  des  frais  de  la  pension  ou  du  trousseau, 
doivent  faire  une  demande  énonçant  qu'elles  sollicitent  : 
une  bourse  ou  une  demi-bourse  ;  une  bourse  avec  trousseau 
ou  demi-trousseau  ;  une  demi-bourse  avec  trousseau  ou 
demi-trousseau,  ou  enfin  un  trousseau  ou  demi-trousseau 
seulement.  Cette  demande,  adressée  au  ministre  delà  ma- 
rine, sur  papier  libre,  doit  être  remise  au  moment  de  l'ins- 
cription, c.-à-d.  avant  le  1^"^  août,  au  préfet  du  départe- 
ment où  réside  la  famille,  accompagnée  :  1^  d'un  état  de 
renseignemdits  détaillés  sur  les  moyens  d'existence,  le 
nombre,  l'âge  et  la  situation  respective  des  enfants,  et  les 
autres  charges  des  parents  ;  2°  d'un  relevé  des  contri- 
butions. Le  préfet  provoque  une  délibération  du  conseil 
municipal  du  lieu  de  résidence  ordinaire  des  familles,  la 
joint  au  dossier  et  fait  connaître  son  avis. 

Les  différents  droits  de  scolarité  et  d'examen  sont  payés 
par  le  ministre  de  la  marine,  conformément  aux  règlements 
universitaires.  Les  élèves  démissionnaires  ou  exclus  de 
l'Ecole  sont  tenus  au  remboursement  des  frais  de  scolarité 
et,  s'ils  ont  été  boursiers,  au  payement  des  frais  de 
pension  et  de  trousseau  avancés  par  l'administration  de  la 
marine. 

Les  élèves  du  service  de  santé  de  la  marine  contractent, 
au  moment  de  leur  entrée  à  l'Ecole,  l'engagement  militaire 
de  trois  ans,  soit  au  titre  de  l'infanterie  de  marine,  soit 
au  titre  des  équipages  de  la  flotte,  et  s'obligent,  par  acte 
administratif,  à  servir  six  années  dans  le  corps  de  santé  de 
la  marine  ou  dans  celui  des  colonies,  à  compter  de  leur 
nomination  de  médecin  ou  de  pharmacien  auxiliaire  de 
2^  classe. 

Aucun  élève  ne  peut  être  autorisé  à  redoubler  une  année 
d'études,  à  moins  que  des  circonstances  graves  ne  lui  aient 
occasionné  une  suspension  forcée  de  travail  pendant  plus 
de  deux  mois.  Tout  élève  qui  aura  subi,  à  un  même  examen 
de  la  Faculté  ou  de  l'Ecole,  deux  échecs  successifs,  sera 
déféré  au  conseil  de  discipline  qui  fera  parvenir  au  ministre 
son  appréciation  sur  le  maintien  ou  le  renvoi  de  l'élève. 
Le  ministre  décidera.  Dans  le  cas  du  maintien  de  l'élèye  à 
l'Ecole,  un  troisième  échec  entraînera  de  droit  son  exclusion. 
Sauf  le  cas  où  il  en  aurait  été  renvoyé  pour  indiscipline 
ou  inconduite,  l'élève  qui  a  cessé  de  faire  partie  de  l'Ecole 
peut  y  être  admis  de  nouveau  par  voie  de  concours,  s'il 
remplit  encore  les  conditions  générales  d'admission. 

Personnel  de  VEcole.  Le  personnel  de  l'Ecole  du  service 
de  santé  de  la  marine  comprend  :  1  directeur  du  service 
de  santé  ou  4  médecin  en  chef,  directeur;  1  médecin  en 
chef  ou  principal,  sous-directeur;  4  médecins  de  l^*'  classe 
et  1  pharmacien  de  l"*®  classe,  répétiteurs;  1  sous-com- 
missaire, trésorier  ;  i  sous-agent  comptable,   économe  ; 

1  commis  de  comptabilité  ;  2  commis  auxiliaires  ;  4  premiers 
maîtres,  surveillants  ;  2  clairons,  dont  un  perruquier  ; 

2  infirmiers  ;  4  agents  du  gardiennage  ;  2  coqs  et  les  agents 
inférieurs  reconnus  nécessaires. 

Les  répétiteurs  sont  chargés  de  faire  aux  élèves  des 
conférences  ou  répétitions,  de  seconder  l'enseignement  de 
la  Faculté  et  de  donner,  suivant  les  ordres  du  directeur, 
l'instruction  spéciale  au  service  de  la  marine.  Quatre  des 
répétiteurs  sont  spécialement  chargés  chacun  d'une  des 
divisions  de  l'Ecole  et  remplissent  vis-à-vis  de  celle-ci  des 
fonctions  analogues  à  celles  des  capitaines  de  compagnie. 

Le  sous-directeur,  les  répétiteurs  et  le  trésorier  sont 


—  441  — 


ECOLE 


nommés  pour  deux  ans  par  le  ministre  de  la  marine.  Cette 
période  peut  être  renouvelée  une  fois.  Le  sous-directeur  et 
les  répétiteurs  promus  au  grade  supérieur,  après  leur 
entrée  en  fonctions,  peuvent  être  maintenus  à  l'Ecole,  avec 
leur  nouveau  grade,  jusqu'à  l'expiration  de  leurs  deux 
années  d'exercice. 

Etudes.  Les  élèves  de  l'Ecole  du  service  de  santé  de  la 
marine,  sur  le  vu  de  leur  lettre  de  nomination,  sont  inscrits 
au  secrétariat  de  la  Faculté  de  médecine.  Ils  suivent  à  la 
la  Faculté  les  cours  cliniques,  conférences  et  exercices  pra- 
tiques afférents  à  leur  année  d'études  et  dans  les  mêmes 
conditions  que  les  étudiants  civils.  Ils  reçoivent,  en  outre, 
par  les  soins  de  l'Ecole,  un  enseignement  spécial  sous  forme 
de  conférences,  répétitions  et  interrogations  se  rapportant 
à  l'enseignement  donné  par  la  Faculté.  Le  directeur  se 
concerte  avec  le  recteur  de  l'Académie  et  le  doyen  de  la 
Faculté  au  sujet  des  heures  des  cours,  conférences  et  exer- 
cices pratiques,  et,  en  général,  de  tout  ce  qui  a  trait  à 
l'enseignement  donné  par  la  Faculté  aux  élèves  de  l'Ecole, 
de  telle  sorte  que  les  obligations  universitaires  et  celles  du 
service  intérieur  de  FEcole  soient  mises  en  parfaite  concor- 
dance et  se  prêtent  un  mutuel  appui.  Les  élèves  subissent, 
devant  la  Faculté,  leurs  examens  probatoires  dans  l'ordre 
et  selon  le  mode  prescrit  par  les  règlements  universitaires, 
avec  cette  seule  différence  que,  dès  qu'ils  ont  pris  leur 
seizième  inscription,  ils  sont  autorisés  à  passer  le  troisième 
examen  de  doctorat,  puis  successivement  le  quatrième,  le 
cinquième  et  la  thèse,  de  telle  sorte  qu'ils  puissent  être 
nommés  médecins  auxiliaires  de  2^  classe  le  1^^  févr.  au 
plus  tard.  A  l'issue  de  chaque  année  scolaire,  les  notes 
obtenues  à  la  Faculté  de  médecine  sont  combinées  avec  les 
notes  données  aux  interrogations  faites  par  les  répétiteurs 
à  l'intérieur  de  l'Ecole  et  avec  celles  qui  se  rapportent  à  la 
conduite  et  à  la  discipline. 

Les  classements  sont  établis  par  le  conseil  d'instruction. 
Ce  conseil  est  composé  des  membres  suivants  :  le  directeur 
de  l'Ecole,  président  ;  le  sous-directeur,  les  cinq  répétiteurs, 
membres.  Le  sous-commissaire,  trésorier,  remplit  les  fonc- 
tions de  secrétaire. 

Il  est  accordé,  dans  chaque  division,  des  distinctions 
honorifiques  à  ceux  des  élèves  qui  sont  classés  dans  le 
premier  quart.  Les  élèves  classés  dans  le  premier  douzième 
de  leur  division  reçoivent  la  dénomination  de  «  brigadiers  »  j 
Ceux  classés  dans  le  restant  du  premier  quart  sont  «  élèves 
d'élite  ».  Le  directeur,  après  avoir  donné  lecture  des  listes 
de  classement,  proclame  les  brigadiers  et  les  élèves  d'élite 
et  leur  remet  des  insignes  qui  consistent  :  pour  les  briga- 
diers, en  deux  ancres  en  or  de  chaque  côté  du  revers  du 
collet  de  la  redingote;  pour  les  élèves  d'élite, en  une  seule 
ancre  de  chaque  côté.  L'Ecole  fait  les  frais  de  ces  insignes. 
Tout  brigadier  ou  élève  d'élite  qui  est  puni  de  prison  perd 
le  droit  de  porter  les  insignes  pendant  trois  mois  ;  s'il  y  a 
un  classement  ^vant  l'expiration  de  ce  temps  et  que  son 
rang  lui  confère  des  insignes,  il  ne  peut  les  prendre  que 
lorsque  trois  mois  sont  écoulés  depuis  la  punition  de  prison. 
Il  en  est  de  même  pour  tout  élève  ayant  été  puni  de  prison 
alors  qu'il  n'avait  pas  d'insignes  et  qui,  au  classement,  est 
dans  le  premier  quart. 

Discipline.  L'Ecole  est  soumise  au  régime  militaire. 
Tous  les  élèves  sont  logés  à  l'Ecole  et  y  prennent  leurs 
repas.  Ils  sont  astreints  à  toutes  les  obligations  de  la  dis- 
cipline militaire.  Le  ministre  règle  les  conditions  dans  les- 
quelles les  sorties  sont  accordées.  Le  directeur  établit  un 
règlement  sur  le  service  intérieur  de  l'Ecole,  qui  est  sou- 
mis à  l'approbation  du  ministre.  Les  élèves  portent  un  uni- 
forme spécial,  dont  la  description  est  déterminée  par  décret. 
Ils  sont  assimilés  aux  aspirants  de  deuxième  classe  de  la 
marine.  Les  élèves  doivent  le  salut  à  tous  les  officiers  et 
fonctionnaires  des  armées  de  terre  et  de  mer,  ainsi  qu'aux 
premiers  maîtres  des  équipages  de  la  flotte  et  assimilés. 
Les  punitions  disciphnaires  à  infliger  aux  élèves  sont  : 
1<^  la  réprimande  prononcée  par  un  officier  répétiteur  ; 
2*^  la  réprimande  prononcée  par  le  sous-directeur;  3°  la 


privation  de  sortie;  4«  la  salle  de  police  pendant  dix  jours 
au  plus;  5«  la  prison  pendant  dix  jours  au  plus;  6<>  le 
renvoi  dans  un  régiment  d'infanterie  de  marine  ou  dans 
une  division  des  équipages  de  la  flotte.  Cette  dernière  puni- 
tion est  prononcée  par  le  ministre  sur  l'avis  motivé  du 
conseil  de  discipline.  .    , 

Le  conseil  de  discipline  est  spécialement  institue  pour 
prononcer  sur  le  compte  des  élèves  qui,  pour  fautes  graves, 
inconduite  ou  paresse  habituelles,  insuffisance  aux  exa- 
mens ou  tout  autre  motif,  se  mettraient  dans  le  cas  d  être 
exclus  de  l'Ecole.  Il  est  composé  de  cinq  membres,  savmr  : 
le  sous -directeur,  président;  trois  officiers  répétiteurs 
désignés  par  le  directeur  de  l'Ecole  ;  le  plus  ancien  de 
grade  des  premiers  maîtres  surveillants.  Les  fonctions  de 
rapporteur  sont  remplies  par  le  sous -commissaire  tré- 
sorier. . 

Les  élèves  démisionnaires  ou  ceux  dont  1  exclusion  aura 
été  ordonnée  par  le  ministre  seront,  conformément  aux  dis- 
positions de  l'art.  29  de  la  loi  du  15  juil.  1889,  diriges  sur 
un  régiment  d'infanterie  de  marine  ou  sur  une  division  des 
équipages  de  la  flotte  pour  y  accomplir  les  trois  années  de 
service  militaire  réglementaires. 

Administration  et  comptabilité.  Sont  au  compte  de  la 
famille  de  chaque  élève  ou  sont  prélevés  sur  le  montant  de 
l'indemnité  de  trousseau  si  l'élève  est  titulaire  d'un  trous- 
seau : 

1«  Les  effets  d'habillement  et  de  petit  équipement  com- 
pris dans  le  tableau  du  trousseau,  ainsi  que  les  hyres, 
instruments,  objets  ou  fournitures  de  bureau  à  délivrer 
réglementairement  à  l'entrée  à  l'Ecole  et  au  fur  et  à  mesure 
des  besoins.  .  , 

2°  La  somme  de  10  fr.  par  an  pour  constituer  un  tonds 
commun  destiné  à  subvenir  à  la  menue  réparation  des  effets, 
à  la  propreté  de  la  chaussure,  à  la  fourniture  de  l'encre  et 
aux  suppléments  à  donner  aux  coiffeurs  et  autres  personnes 
employées  au  service  des  élèves,  etc.  Lorsque  l'élevé  est 
titulaire  d'un  demi-trousseau,  ces  dépenses,  déduction  taite 
du  montant  de  l'indemnité  ou  du  demi-trousseau,  sont  à 
la  charge  de  la  famille. 

Sont  au  compte  de  la  famille,  que  l'élève  soit  ou  non 
titulaire  d'une  indemnité  de  trousseau  :  .   ^ 

3°  Normalement,  la  somme  de  15  fr.  par  an  destinée  à 
former  un  fonds  commun  pour  pourvoir  au  remplacement 
des  objets  et  du  matériel  de  table  dont  l'usure,  le  bris  ou 
la  perte  ne  peut  être  imputé  spécialement  à  un  élève. 

4°  Extraordinairement,  les  grandes  réparations  ou  le 
renouvellement  des  effets  ou  Uvres  et  objets  usés  préma- 
turément, gaspillés  ou  perdus;  les  dégradations  faites  au 
matériel  de  l'Ecole,  les  bris  ou  pertes  d'objets  appartenant 
à  l'Etat  ou  à  la  ville  par  suite  de  négligence  ou  de  mé- 
chanceté. 

Sortie.  —  Lorsque  les  élèves  sont  pourvus  du  diplôme 
de  docteur  en  médecine  ou  du  titre  de  pharmacien  univer- 
sitaire de  première  classe,  ils  sont  nommés,  sur  la  pro- 
position du  directeur  de  l'Ecole,  à  l'emploi  de  médecin 
auxiliaire  ou  de  pharmacien  auxiUaire  de  deuxième  classe. 
Ces  jeunes  gens  sont  ensuite  répartis  dans  les  ports  mili- 
taires pour  y  faire  un  stage  d'une  année  et  y  suivre  des 
cours  d'appUcation  du  1^^  févr.  au  1^'  sept.  —  Le  jour 
oîi  ils  sont  nommés  médecins  ou  pharmaciens  auxihaires 
à^  deuxième  classe,  il  leur  est  attribué  quatre  années  de 
services  à  titre  d'études. 

Les  médecins  et  pharmaciens  auxiliaires  de  deuxième 
classe  sont  employés  à  terre  en  France,  dans  les  hôpitaux  de 
la  marine,  à  la  mer  ou  aux  colonies.  Ils  portent  l'uni- 
forme et  les  insignes  du  grade  de  médecin  ou  de  pharmacien 
titulaire  de  deuxième  classe.  Après  une  année  de  stage,  les 
médecins  et  pharmaciens  auxihaires  de  deuxième  classe  sont 
nommés,  par  décret,  au  grade  de  médecin  ou  de  pharmacien 
titulaire  de  deuxième  classe.  Ils  reçoivent  alors  à  la  mer 
une  solde  de  3,031  fr.  par  an;  à  terre,  2,783  fr.,  y 
compris  l'indemnité  de  logement;  aux  colonies,  5,039  fr. 
Ecoles  annexes  du  service  de  santé  de  la  ma- 


ÉCOLE 


—  442  — 


rine.  —  Destination.  — Les  trois  écoles  annexes  de  méde- 
cine navale  sont  établies  dans  les  ports  militaires  de  Brest, 
Rochefort  et  Toulon.  Elles  ont  pour  objet,:  l''  de  préparer 
au  premier  examen  de  doctorat  les  jeunes  gens  qui  se  des- 
tinent à  la  médecine  navale  et  de  faire  accomplir  par  les 
candidats  à  la  carrière  pharmaceutique  les  trois  années  de 
stage  réglementaires;  2*^  d'initier  les  docteurs  en  méde- 
cine et  les  pharmaciens  universitaires  de  i^^  classe, 
nommés  médecins  et  pharmaciens  auxiliaires  de  2^  classe 
de  la  marine,  aux  connaissances  spécialement  requises 
pour  le  service  du  département. 

Conditions  d'admission.  —  Nul  n'est  admis  dans  une 
des  écoles  annexes  de  Brest,  Rochefort  ou  Toulon,  s'il 
n'est  :  1°  Français  ou  naturalisé  Français;  2°  âgé  de  dix- 
sept  ans  au  moins  au  l^'^  janv.  qui  suit  la  date  de  l'ad- 
mission ;  3°  vacciné  avec  succès  ou  s'il  n'a  eu  la  petite 
vérole  ;  4*^  robuste,  bien  constitué  et  s'il  n'est  atteint  d'au- 
cune maladie  ou  infirmité  susceptible  de  le  rendre  impropre 
au  service  de  la  marine  (les  candidats  devront  présenter 
une  acuité  visuelle  susceptible  d'être  ramenée,  par  des 
verres  correcteurs,  au  moins  à  3/5  pour  l'un  des  yeux  et 
à  2/5  pour  l'autre  ;  dans  tous  les  cas,  la  myopie,  quand 
elle  sera  supérieure  à  4  dioptries,  sera  un  motif  d'exclu- 
sion ;  lors  de  leur  entrée  à  Bordeaux,  les  élèves  qui  pré- 
sentent les  conditions  d'acuité  visuelle  mentionnées  ci- 
dessus  et  sans  correction  seront  seuls  admis  à  contracter 
l'engagement  militaire  au  titre  des  équipages  de  la  flotte  ; 
les  autres  devront  contracter  leur  engagement  au  titre  de 
l'infanterie  de  marine)  ;  5°  pourvu  des  diplômes  des  bac- 
calauréats es  lettres  et  es  sciences  restreint  pour  la  méde- 
cine, et  du  baccalauréat  es  sciences  complet,  ou  du  bacca- 
lauréat es  lettres,  ou  du  baccalauréat  de  l'enseignement 
secondaire  spécial,  pour  la  pharmacie. 

Le  candidat  doit,  en  outre,  produire  un  certificat  de 
bonnes  vie  et  mœurs,  un  extrait,  pour  néant,  du  casier 
judiciaire  et  le  consentement  des  parents  ou  tuteurs.  Les 
admissions  ont  lieu  au  1^"^  nov.  de  chaque  année  par 
décision  ministérielle.  L'effectif  des  élèves  pour  l'ensemble 
des  trois  écoles  de  médecine  navale  est  fixé  chaque  année 
par  le  ministre,  de  la  marine.  Les  candidats  adressent  avant 
le  15  oct.,  au  ministre  de  la  marine,  leur  demande  d'admis- 
sion, accompagnée  des  pièces  exigées.  Lorsque  l'admission 
a  été  prononcée,  l'élève  est  inscrit  sur  une  matricule 
spéciale,  tenue  au  conseil  de  santé.  Le  directeur  du  ser- 
vice de  santé  adresse  au  commissaire  aux  revues  une 
copie  des  inscriptions  et  annotations  portées  sur  cette  ma- 
tricule. 

Régime  intérieur.  —  Les  élèves  en  médecine  admis 
dans  les  trois  écoles  annexes  de  Brest,  Rochefort  et  Toulon 
y  accomplissent  une  année  d'études  médicales.  Les  élèves 
en  pharmacie  admis  dans  les  écoles  annexes  y  accomplis- 
sent les  trois  années  de  stage  réglementaires.  Si  pendant 
la  durée  de  ces  trois  années  ils  se  trouvent  dans  le  cas 
d'être  appelés  sous  les  drapeaux  pour  effectuer  leur  année 
de  service  militaire  actif,  ils  devront  interrompre  leur  stage 
pendant  cette  période. 

Après  avoir  subi,  avec  succès,  avant  le  31  août,  le  pre- 
mier examen  de  doctorat  devant  une  faculté  de  médecine, 
pour  les  étudiants  en  médecine,  et  l'examen  de  validation 
de  stage,  pour  les  étudiants  en  pharmacie,  ils  prennent 
part  au  concours  d'entrée  à  l'Ecole  principale  du  service  de 
santé  de  la  marine. 

Le  régime  est  l'externat.  Les  élèves  des  écoles  annexes 
s'entretiennent  à  leurs  frais  :  ils  logent  et  prennent  leurs 
repas  en  ville  et  ne  portent  pas  d'uniforme.  Ils  ne  contrac- 
tent aucun  engagement.  Les  candidats  ne  doivent  pas  être 
liés  au  service  militaire  ni  susceptibles  d'être  appelés  sous 
les  drapeaux  au  mois  de  novembre  de  l'année  d'admis- 
sion. Ces  élèves  acquittent  les  droits  des  quatre  premières 
inscriptions  et  du  premier  examen  de  doctorat.  Ils  sont 
exonérés  de  tous  frais  universitaires  à  partir  de  leur  entrée 
à  FEcole  principale.  Aucun  élève  ne  peut  être  autorisé  à 
redoubler  une  année  d'études,  à  moins  que  des  circons- 


tances graves  ne  lui  aient  occasionné  une  suspension  forcée 
de  travail  pendant  plus  de  deux  mois,  et  dans  le  cas  où, 
ayant  échoué  au  premier  examen  de  doctorat  ou  au  con- 
cours d'admission  à  Bordeaux,  il  serait  proposé  par  son 
directeur  pour  le  redoublement  de  l'année  d'études. 

Les  élèves  des  écoles  annexes  de  médecine  navale  sont 
passibles  des  punitions  suivantes  :  1°  la  réprimande  par 
le  chef  de  service  ;  2^  la  réprimande  par  le  directeur,  en 
séance  du  conseil  de  santé;  3°  l'exclusion  de  l'école  par 
le  ministre.  Lorsque  le  ministre  prononce  l'exclusion  d'un 
élève,  la  mention  de  cette  exclusion,  avec  l'indication  des 
motifs  qui  l'ont  déterminée,  est  consignée  sur  la  matricule 
des  étudiants  et  portée  à  la  connaissance  des  deux  autres 
écoles  annexes  de  médecine  navale. 

Personnel.  Chaque  école  annexe  de  médecine  navale 
comprend  :  trois  pharmaciens  en  chef,  principaux  ou  de 
1^®  classe,  et  quatre  médecins  principaux  ou  de  1^®  classe, 
professeurs.  Tous  ces  professeurs  sontnommésau  concours. 
—  Chaque  école  est  dirigée  par  le  directeur  du  service  de 
santé  de  la  marine  du  port  militaire  oti  elle  est  située. 
Les  chaires  sont  ainsi  réparties,  dans  chaque  école,  entre 
les  professeurs  :  un  pharmacien  est  chargé  du  cours  de 
physique;  un  pharmacien  est  chargé  du  cours  de  chimie, 
chimie  médicale  et  analyses  usuelles  dans  la  marine  ;  un 
pharmacien,  de  celui  d'histoire  naturelle,  histoire  naturelle 
médicale;  un  médecin  de  1^®  classe  est  chargé  de  la  petite 
chirurgie;  un  médecin  de  \^^  classe,  de  l'anatomie ;  un 
médecin  principal  ou  de  i^^  classe  occupe  la  chaire  de  chi- 
rurgie militaire  et  navale,  et  un  médecin  principal  ou  de 
1^^  classe,  celle  de  pathologie  exotique  et  d'hygiène  navale. 
Ces  deux  derniers  cours  sont  faits  aux  docteurs  en  méde- 
cine nommés  médecins  auxiliaires  de  2^  classe,  pendant 
qu'ils  accomplissent  leur  stage  d'application. 

Etudes.  L'année  scolaire  commence  le  3  nov.  et 
finit  le  31  août.  L'année  scolaire  se  divise  en  deux  semes- 
tres :  l'un,  d'hiver,  s'étend  du  3  nov.  au  31  mars; 
l'autre,  d'été,  du  1^^  avril  au  31  août.  Dans  chaque  école, 
le  directeur  du  service  de  santé  règle,  en  conseil  des  pro- 
fesseurs, la  répartition  des  matières  de  chaque  cours,  de 
manière  que  l'avancement  des  études  médicales  soit  con- 
forme à  l'ordre  de  succession  des  examens  des  facultés.  A 
la  fin  du  semestre,  chaque  professeur  rend  compte  de  son 
enseignement  ;  il  indique  le  nombre  des  leçons  qu'il  a  faites 
et  les  matières  exposées  dans  chaque  séance.  Une  expédi- 
tion de  ce  compte  rendu  est  adressée  au  ministre.  —  A  la 
fin  de  chaque  semestre  d'enseignement,  les  professeurs 
s'assurent,  par  des  interrogations,  du  degré  d'instruction 
et  des  progrès  de  ceux  de  leurs  auditeurs  qui  sont  tenus 
de  suivre  leurs  leçons.  Ils  expriment  leur  appréciation 
sur  chacun  d'eux  par  une  note  qui  varie  de  0  à  20.  Ces 
notes,  accompagnées  de  l'opinion  du  professeur  sur  chaque 
médecin  ou  pharmacien,  sont  remises  au  directeur,  pour 
être  transmises  au  ministre,  avec  l'appréciation  du  préfet 
maritime.  Des  bibhothèques,  des  cabinets  d'histoire  natu- 
relle, des  jardins  botaniques,  des  amphithéâtres  de  dissec- 
tion, des  musées  d'anatomie,  des  laboratoires  d'histologie, 
de  chimie,  des  cabinets  de  physique,  sont  à  la  disposition 
des  élèves,  qui  doivent  verser  au  trésorier  de  la  biblio- 
thèque une  somme  de  50  fr.  destinée  à  l'achat  des  livres. 
Il  est  adressé  trimestriellement  au  ministre  un  état  nominatif 
des  élèves  présents  dans  les  écoles,  avec  indication  des 
notes  sur  la  conduite,  la  discipline,  l'assiduité  au  travail 
de  chacun  d'eux. 

Sortie.  —  Au  terme  de  l'année  ou  des  années  d'études, 
les  élèves-médecins  ou  pharmaciens  concourent  pour  l'Ecole 
de  Bordeaux  dont  les  places  leur  sont  réservées  en  principe 
(V.  ci-dessus). 

Ecole  nationale  supérieure  des  mines.  —  Desti- 
nation. —  L'Ecole  des  mines,  établie  à  Paris,  boulevard 
Saint-Michel,  60,  ressortissant  au  ministère  des  travaux 
pubhcs,  a  pour  but  : 

1»  De  former  des  ingénieurs  destinés  au  recrutement  du 
corps  des  mines  ;  —  2°  de  répandre  dans  le  public  la  con- 


—  448 


ÉCOLE 


naissance  des  sciences  et  des  arts  relatifs  à  l'industrie  mi- 
nérale et,  en  particulier,  de  former  des  praticiens  propres 
à  diriger  des  entreprises  privées  d'exploitation  de  mines  et 
d'usines  minéralurgiques  ;  —  3°  de  réunir  et  de  classer 
tous  les  matériaux  nécessaires  pour  compléter  la  statistique 
minéralogique  des  départements  de  la  France  et  des  colo- 
nies françaises;  —  4<*  de  conserver  un  musée  et  une 
bibliothèque  consacrés  spécialement  à  l'industrie  minérale 
et  de  tenir  les  collections  au  niveau  des  progrès  de  l'indus- 
trie des  mines  et  des  usines,  ainsi  que  des  sciences  qui 
s'y  rapportent  ;  —  5°  enfin  d'exécuter,  soit  pour  les  admi- 
nistrations publiques,  soit  pour  les  particuliers,  les  essais 
et  analyses  qui  peuvent  aider  au  progrès  de  l'industrie 
minérale. 

Elle  reçoit  des  élèves  de  plusieurs  catégories  :  élèves- 
ingénieurs,  élèves  externes,  élèves  étrangers,  audi- 
teurs libres,  —  Les  élèves-ingénieurs  sont  pris  exclusive- 
ment parmi  les  élèves  sortant  de  l'Ecole  polytechnique  et 
entrent  seuls  au  service  de  l'Etat.  Ils  sont  nommés  par 
décret.  —  Les  élèves  externes  sont  préparés  pour  les  posi- 
tions variées  qu'offre  l'industrie  et  surtout  appelés  à. devenir 
ingénieurs  ou  directeurs  d'exploitations  de  mines,  d'usines 
métallurgiques,  de  chemins  de  fer,  de  fabriques  de  produits 
chimiques,  etc.  Leur  admission  a  lieu  par  voie  de  concours, 
à  la  suite  d'examens  subis  devant  une  commission  spéciale. 
—  Les  élèves  étrangers  sont  admis  par  décision  du  ministre, 
sur  la  demande  des  ambassadeurs  ou  chargés  d'affaires  des 
puissances  étrangères,  sous  la  condition  de  subir  un  examen 
de  capacité  devant  la  même  commission.  —  Les  auditeurs 
libres  sont,  sur  leur  demande  personnelle,  appuyée  de 
références  suffisantes,  simplement  autorisés  par  le  directeur 
de  l'Ecole  des  mines  à  en  suivre  les  cours. 

Historique.  —  La  création  de  l'Ecole  des  mines  remonte 
à  1783.  Dès  l'année  4769,  on  l'avait  préparée  en  décidant 
que  les  concessionnaires  des  mines  seraient  désormais  tenus 
de  verser  annuellement  une  somme  variant  entre  800  et 
200  livres  et  affectée  à  l'entretien  d'une  école  des  mineurs. 
En  4776,  le  receveur  de  la  petite  poste  de  Paris  fut  chargé 
de  percevoir  ces  contributions  pour  fonder  l'Ecole  des  mines. 
En  4778,  le  minéralogiste  Sage  fut  chargé  d'un  cours  gra- 
tuit de  minéralogie  et  de  métallurgie  docimasique;  cet 
enseignement  fut  donné  dans  une  salle  de  l'Hôtel  des  mon- 
naies. Les  lettres  patentes  du  44  juin  4778  créaient  bien 
une  école  publique  de  minéralogie,  mais  celle-ci  ne  comporta 
pas  d'autre  chaire.  Vint  ensuite  la  nomination  de  quatre 
inspecteurs  des  mines.  Enfin  l'ordonnance  royale  du  4  9  mars 
4783  organisa  l'Ecole  des  mines.  Il  y  eut  deux  chaires  : 
4°  chimie,  minéralogie  et  docimasie;  2<^  physique  et  art 
de  l'ingénieur;  de  plus,  un  garde  et  un  sous-garde  des 
collections.  Les  candidats  devaient  subir  un  examen 
d'admission  sur  la  géométrie,  le  dessin  et  l'allemand.  La 
durée  des  études  était  fixée  à  trois  ans.  Les  cours  théo- 
riques avaient  Keu  en  hiver.  En  été,  les  élèves  se  fami- 
liarisaient avec  la  pratique;  ils  accompagnaient  les  ins- 
pecteurs dans  leurs  tournées  ou  étaient  attachés  à  une 
exploitation. 

L'Ecole  royale  des  mines  fut  fermée  en  4790,  mais 
bientôt  on  réorganisa  un  enseignement  équivalent.  Le  mérite 
en  revient  au  comité  de  Salut  public.  Il  institua  une 
Agence  des  mines  qui,  sous  un  autre  nom,  reconstituait 
l'Ecole,  avec  plus  de  développement.  Elle  comprenait  3 
membres,  8  inspecteurs,  42  ingénieurs,  40  élèves.  L'en- 
seignement comportait  quatre  cours  :  géographie  physique, 
extraction  des  mines,  docimasie,  métallurgie.  On  y  ajouta 
encore  un  cours  de  cristallographie  confié  à  Haiiy.  Des 
collections  furent  formées.  L'hôtel  de  Mouchy  (293,  rue 
de  l'Université)  fut  affecté  au  nouvel  établissement  (24  mes- 
sidor an  II  [42  juil.  4794]).  Un  arrêté  du  46  fructidor 
(27  sept.  4794)  régla  les  conditions  du  concours  d'admis- 
sion :  on  exigeait  la  connaissance  des  éléments  de  la  géo- 
métrie, de  la  statique,  de  la  physique  générale  et  de  la 
chimie,  de  l'art  des  projections,  de  la  levée  et  du  dessin 
des  plans.  La  grande  loi  d'organisation  du  30  vendémiaire 


an  IV  (22  oct.  4795)  (V.  le  §  Ecole  polytechnique)  res- 
titua le  nom  d'Ecole  des  mines,  et  elle  fit  de  cet  établisse- 
ment une  école  d'application,  subordonnée  au  conseil  des 
mines  et  puisant  ses  élèves  à  l'Ecole  polytechnique.  Leur 
nombre  fut  réduit  à  20.  Mais  on  décida  d'adjoindre  40  élèves 
externes  qui  seraient  destinés  à  devenir  des  chefs  d'éta- 
blissements. Enfin  on  projetait  de  créer  une  école  pratique 
pour  les  travaux  d'exploitation  auprès  d'une  mine  appar- 
tenant à  la  République.  Quelques  années  plus  tard,  le 
premier  consul  prit  dans  ce  sens  une  résolution  désastreuse 
(arrêté  du  23  pluviôse  anX  [42  févr.  4802]).  Il  supprima 
l'école  de  Paris  et  on  lui  substitua  deux  écoles  pratiques 
placées,  l'une  dans  le  dép.  de  la  Sarre,  à  Geislautern  (fer 
et  houille),  l'autre  (plomb,  cuivre,  argent)  à  Pesey,  dans 
le  dép.  du  Mont-Blanc.  Cette  dernière  fut  la  seule  qui 
fonctionna  (à  Moutiers  et  Pesey).  Le  remplacement  de 
récole  d'application  par  une  école  pratique  donna  de 
mauvais  résultats.  L'enseignement  des  mines,  désorga- 
nisé en  4802,  fut  supprimé  en  4844,  les  mines  de  Geis- 
lautern et  de  Pesey  ayant  cessé  de  faire  partie  du  territoire 
français. 

L'Ecole  des  mines  de  Paris  fut  rétablie  par  l'ordonnance 
du  o  sept.  4846,  qui  demeure  la  base  de  son  organisation 
actuelle.  On  avait  voulu  lui  créer  des  succursales  dans  les 
départements,  mais  ce  projet  n'aboutit  pas.  Elle  reprit 
d'abord  possession  de  l'hôtel  de  Mouchy  où  étaient  restés  le 
laboratoire  et  les  collections  et  y  fonctionna  de  4847  à 4  837. 
Elle  fut  alors  transportée  à  l'hôtel  Vendôme,  rue  d'Enfer, 
34.  A  la  suite  du  percement  du  boulevard  Saint-Michel, 
elle  a  été  rebâtie  boulevard  Saint-Michel,  60.  Un  décret  du 
46  sept.  4858  et,  en  dernier  lieu,  celui  du  48  juil.  4890, 
en  règlent  le  régime  actuel. 

Conditions  d'admission.  —  Les  élèves-ingénieurs  sont 
recrutés  parmi  les  élèves  sortants  de  l'Ecole  polytechnique 
à  qui  leur  rang  sur  la  hste  de  classement  permet  de  choisir 
ce  débouché.  Leur  nombre  varie  selon  les  besoins  du  ser- 
vice ;  il  est  de  4  à  2  depuis  quelques  années,  en  moyenne 
de  3.  Nous  avons  dit  qu'ils  sont  nommés  par  décret,  et 
nous  avons  exposé  comment  sont  admis  les  élèves  étrangers 
ou  auditeurs  Ubres.  Nous  n'avons  donc  à  nous  occuper  ici 
que  des  élèves  externes,  qui  doivent  se  présenter  à  un 
concours  d'admission.  Toutefois,  ils  en  sont  dispensés  lors- 
qu'ils ont  justifié,  dans  les  cours  préparatoires  ou  à  l'Ecole 
polytechnique,  des  connaissances  suffisantes. 

Cours  préparatoires.  Les  aspirants  aux  places  d'élèves 
externes  à  l'Ecole  nationale  supérieure  des  mines,  qui  ne 
possèdent  pas  toutes  les  connaissances  nécessaires  pour 
suivre  les  cours  spéciaux  de  l'Ecole,  peuvent  être  admis, 
sous  les  conditions  ci-après  indiquées,  à  suivre  les  cours 
préparatoires  qui  y  sont  institués.  Le  candidat  doit  être 
Français  ou  naturalisé  Français.  Il  doit  être  âgé  de  dix-sept 
ans  au  moins  et  de  vingt  ans  au  plus,  au  l*^"^  janv.  de 
l'année  dans  laquelle  il  se  présente.  Il  peut  donc  avoir 
vingt  ans  révolus,  mais  ne  doit  pas  avoir  eu  vingt  et  un 
ans  le  4^'' janv.  de  l'année  du  concours.  La  limite  d'âge 
est  reportée  à  vingt-cinq  ans  pour  les  candidats  ayant 
accompli  leur  service  dans  l'armée  active. 

La  demande  d'admission  doit  être  adressée  au  ministre 
des  travaux  publics  avant  le  25  août  et  être  accompagnée  : 
4*^  d'une  copie  authentique  de  l'acte  de  naissance  du  can- 
didat, et,  au  besoin,  des  pièces  établissant  sa  qualité  de 
Français  ;  2<>  d'un  certificat  de  bonnes  vie  et  mœurs,  dé- 
livré par  les  autorités  du  lieu  de  son  domicile,  et  dûment 
légaUsé  ;  3^^  d'une  déclaration,  dûment  légaHsée,  d'un  doc- 
teur en  médecine,  constatant  que  le  candidat  a  été  vacciné 
ou  qu'il  a  eu  la  petite  vérole. 

Les  épreuves  pour  l'admission  aux  cours  préparatoires 
comprennent  :  \^  quatre  examens  oraux,  portant  sur  l'arith- 
métique, l'algèbre,  la  géométrie,  la  trigonométrie  rectiligne 
et  la  trigonométrie  sphérique,  la  géométrie  analytique  à 
deux  et  à  trois  dimensions,  la  géométrie  descriptive,  la 
physique  et  la  chimie  des  métalloïdes,  telles  qu'elles  sont 
résumées  dans  les  programmes  arrêtés  par  le  ministre  ; 


ECOLE 


—  444 


^"^  une  dictée  qui  est  jugée  au  point  de  vue  de  l'écriture  et 
de  l'orthographe  ;  3°  un  dessin  d'après  la  bosse. 

Le  jury  d'examen  dresse  un  procès-verbal  constatant  le 
résultat  des  diverses  épreuves  subies  par  les  candidats.  Il 
donne  son  opinion  sur  l'admissibilité  de  chacun  d'eux.  Ce 
procès-verbal,  accompagné  de  l'avis  et  des  propositions  du 
conseil  de  l'Ecole,  est  transmis  au  ministre,  qui  arrête 
définitivement  la  liste  des  élèves  admis  à  suivre  les  cours 
préparatoires. 

L'enseignement  préparatoire  se  compose  de  quatre  cours 
oraux  et  d'exercices  pratiques.  Les  cours  comprennent  : 
1°  les  parties  essentielles  de  l'analyse  infinitésimale,  ainsi 
que  la  géométrie  descriptive  et  ses  applications  ;  2*^  la  mé- 
canique ;  3"  les  parties  de  la  physique  qui  traitent  de  la 
chaleur,  de  la  lumière  et  de  l'électricité  ;  4°  la  chimie  gé- 
nérale. —  Les  exercices  pratiques  consistent  en  dessin 
géométrique,  en  croquis  de  machines  et  en  manipulations 
chimiques. 

Admission  à  F  Ecole,  Les  élèves  qui  ont  été  admis  à 
suivre  les  cours  préparatoires  sont,  à  la  fin  de  ces  cours, 
examinés  sur  toutes  les  parties  de  l'enseignement.  Ceux  qui 
ont  subi  ces  épreuves  d'une  façon  satisfaisante  sont,  sans 
nouvel  examen,  inscrits  en  tête  de  la  Hste  d'admission  aux 
places  d'élèves  externes.  Sont  inscrits  à  la  suite,  dans 
l'ordre  de  leur  rang  de  sortie  de  l'Ecole  polytechnique,  les 
élèves  de  ladite  Ecole  qui  ont  obtenu  à  leur  sortie  un 
nombre  de  points  représentant  une  moyenne  générale  de 
douze  au  moins,  mais  seulement  jusqu'à  concurrence  de 
cinq  places.  Enfin  un  concours  spécial  est  ouvert  pour  l'ad- 
mission aux  places  d'élève  externe  de  l'Ecole  des  mines.  Il 
a  lieu  à  Paris  le  25  sept,  comme  le  concours  pour  l'admis- 
sion aux  cours  préparatoires. 

Tout  candidat  à  titre  d'élève  externe  à  l'enseignement 
spécial  de  l'Ecole  nationale  supérieure  des  mines  doit  être 
Français  ou  naturalisé  Français.  Il  doit  être  âgé  de 
dix-huit  ans  au  moins  et  de  vingt-deux  ans  au  plus  au 
1^^  janv.  de  l'année  dans  laquelle  il  se  présente  au  con- 
cours. Il  peut  donc  avoir  vingt-deux  ans  révolus,  mais  ne 
doit  pas  avoir  eu  vingt-trois  ans  avant  le  1^^  janv.  de 
l'année  du  concours.  La  limite  d'âge  est  reportée  à 
vingt-six  ans  pour  les  candidats  ayant  accompli  leur  ser- 
vice dans  l'armée  active. 

La  demande  d'admission  au  concours  doit  être  adressée 
au  ministre  des  travaux  publics  et  être  accompagnée  : 
i^  d'une  copie  authentique  de  l'acte  de  naissance  du  can- 
didat, et,  au  besoin,  des  pièces  établissant  sa  quaUté  de 
Français  ;  2°  d'un  certificat  de  bonnes  vie  et  mœurs,  déli- 
vré par  les  autorités  du  lieu  de  son  domicile,  et  dûment 
légalisé;  3°  d'une  déclaration,  dûment  légalisée,  d'un 
docteur  en  médecine,  constatant  que  le  candidat  est  vac- 
ciné ou  qu'il  a  eu  la  petite  vérole.  —  Les  élèves  sortant 
de  l'Ecole  polytechnique  sont  dispensés  de  produire  les 
pièces  ci-dessus  désignées  ;  ils  doivent  faire  parvenir  au 
ministre  des  travaux  publics,  avant  les  examens,  un  cer- 
tificat constatant  les  conditions  de  leur  sortie  de  l'Ecole 
polytechnique. 

Les  épreuves  pour  l'admission  aux  cours  spéciaux  com- 
prennent :  i^  quatre  examens  oraux  portant  sur  l'analyse 
infinitésimale,  la  mécanique,  la  géométrie  descriptive  et  ses 
applications,  la  physique  et  la  chimie  générales,  telles 
qu'elles  sont  résumées  dans  les  programmes  arrêtés  parle 
ministre,  qui  répondent  à  l'enseignement  intérieur  des 
cours  préparatoires;  2°  une  dictée,  qui  est  jugée  au  point 
de  vue  de  l'écriture  et  de  l'orthographe  ;  3°  une  épure  de 
géométrie  descriptive  et  un  lavis.  Toutefois  les  élèves  qui 
se  présentent  au  concours  en  sortant  de  l'Ecole  polytech- 
nique ne  sont  interrogés  que  sur  les  parties  du  programme 
qui  sont  exigées  dans  les  examens  de  sortie  de  cette  Ecole. 
Le  jury  d'examen  dresse  un  procès-verbal  constatant  le 
résultat  des  diverses  épreuves  subies  par  les  candidats.  Il 
donne  son  opinion  sur  l'admissibilité  de  chacun  d'eux.  Le 
conseil  de  l'Ecole  dresse  la  liste  générale  des  candidats  et 
la  présente  au  ministre  avec  ses  propositions.  Le  ministre 


arrête  définitivement  la  liste  des  élèves  admis  à  l'Ecole 
nationale  supérieure  des  mines.  Le  nombre  des  élèves  ex- 
ternes admis  chaque  année  varie,  mais  il  est  en  moyenne 
de  20. 

Régime  intérieur.  —  Le  régime  de  l'Ecole  est  l'externat. 
Les  élèves-ingénieurs  ont  seuls  droit  de  porter  le  costume 
du  corps,  ce  qu'ils  ne  font  guère.  A  l'Ecole,  ils  portent  une 
casquette  à  galons  d'or.  Les  élèves  externes  portent  une 
casquette  à  galons  d'argent  avec  deux  petits  marteaux  en 
croix.  L'enseignement  de  l'Ecole  supérieure  des  mines  est 
entièrement  gratuit.  Les  élèves  externes,  les  élèves  étran- 
gers et  les  auditeurs  libres  des  cours  spéciaux  et  des  cours 
préparatoires  doivent  verser  au  secrétariat,  en  entrant  à 
l'Ecole,  une  masse  de  50  fr.,  pour  garantie  de  dégâts.  La 
portion  non  dépensée  de  cette  masse  leur  est  remboursée  à 
leur  sortie  de  l'Ecole.  Les  élèves-ingénieurs  reçoivent  un 
traitement  annuel  de  1,800  fr. 

Les  élèves  doivent  être  présents  à  l'Ecole  de  neuf  à  onze 
heures  et  de  midi  à  quatre  heures.  Les  jours  de  cours  de 
langues  étrangères,  ils  sortent  à  cinq  heures.  La  présence 
est  constatée  par  la  signature  sur  un  registre.  Ils  ne  peu- 
vent s'absenter  sans  autorisation  du  directeur.  Pour  l'as- 
siduité aux  cours  et  exercices  pratiques,  on  attribue  à 
chaque  élève  un  total  de  100  points  par  année  scolaire. 
Chaque  manque  à  l'appel  ou  défaut  de  signature  fait  perdre 
2/5  de  point  et  3/5  si  l'appel  précède  un  cours.  On  ajoute 
les  points  d'assiduité  qui  restent  en  fin  d'année  aux  points 
d'examen  pour  établir  le  classement.  Le  règlement  ajoute 
qu'un  élève  qui  aurait  perdu  plus  de  20  de  ces  points 
ne  pourrait  passer  dans  la  division  supérieure.  Les  salles 
de  dessin  et  les  laboratoires  sont  ouverts  de  huit  heures  et 
demie  du  matin  à  quatre  heures  du  soir;  la  bibliothèque, 
de  neuf  heures  du  matin  à  cinq  heures  du  soir.  L'Ecole  est 
fermée  les  dimanches  et  fêtes. 

L'enseignement  est  commun  aux  diverses  catégories 
d'élèves;  toutefois,  les  élèves  étrangers  ne  peuvent  parti- 
ciper aux  exercices  pratiques  que  dans  la  mesure  du 
nombre  des  places  disponibles  au  laboratoire  et  dans  les 
salles  de  dessin. 

La  durée  des  cours  spéciaux  est  de  trois  ans.  Elle  est 
de  quatre  ans  pour  les  élèves  qui  sont  obligés  de  suivre  les 
cours  préparatoires,  avant  d'entrer  dans  les  cours  spé- 
ciaux; ces  cours  préparatoires,  institués  pour  faciliter 
l'admission  aux  places  d'élèves  externes,  forment  une  pre- 
mière année  d'études.  Les  cours  spéciaux  comprennent  les 
cours  suivants  :  exploitation  des  mines;  métallurgie;  chimie 
analytique  minérale  ;  chimie  industrielle  ;  minéralogie  ; 
paléontologie  ;  géologie  ;  géologie  appliquée  ;  topographie  ; 
machines;  applications  de  l'électricité;  chemins  de  fer; 
constructions  ;  législation  des  mines  ;  économie  indus- 
trielle ;  langue  allemande  ;  langue  anglaise.  —  L'enseigne- 
ment comporte,  outre  ces  cours,  des  exercices  pratiques 
et  des  voyages  d'instruction.  En  première  année,  les  élèves 
doivent  suivre  les  cours  d'exploitation  des  mines  ou  de 
machines,  de  métallurgie,  de  minéralogie,  de  géologie,  de 
docimasie,  de  paléontologie,  de  levers  de  plans.  En  deuxième 
année,  le  cours  de  machines  ou  d'exploitation,  la  deuxième 
partie  des  cours  de  métallurgie  et  de  docimasie,  et  le  cours 
de  géologie.  Le  cours  de  paléontologie  est  facultatif  la 
deuxième*^  année,  mais  celui  de  minéralogie  doit  être  re- 
doublé par  tout  élève  qui  n'a  pas  obtenu  la  note  16  à 
l'examen  de  première  année  sur  cette  science.  En  troisième 
année,  les  élèves  doivent  suivre  les  cours  de  chemins  de 
fer  et  de  constructions,  de  législation  des  mines  et  droit 
administratif,  d'économie  politique,  d'agriculture  et  de 
géologie  technique,  de  fortification  militaire. 

Les  élèves  des  trois  années  doivent  suivre  les  cours 
de  langues  vivantes,  allemand  ou  anglais,  pour  chacun 
desquels  il  existe  deux  divisions,  suivant  le  degré  d'in- 
struction des  élèves  à  leur  entrée  à  l'Ecole.  Les  cours 
et  exercices  scolaires  s'ouvrent  chaque  année  le  premier 
lundi  de  novembre  et  se  ferment  le  15  avril  environ. 
Pendant  la  durée  des  cours,  les  élèves  de  première  et 


445 


ECOLE 


de  deuxième  années  travaillent  alternativement  au  labora- 
toire et  au  dessin,  étudient  les  collections  de  l'Ecole  et 
visitent  les  usines  et  les  ateliers  des  environs  de  Paris. 
Les  élèves  de  première  et  de  seconde  année  ont,  par 
séries  et  alternativement,  place  aux  laboratoires  et  aux 
salles  de  dessin.  Les  'élèves  de  troisième  année  ont  place 
toute  l'année  aux  salles  de  dessin,  et  par  séries  alterna- 
tives dans  les  laboratoires  pour  les  exercices  d'analyse.  Il 
faut  passer  l'examen  au  moins  sur  l'une  des  langues  étran- 
gères. A  la  fin  de  chaque  année  scolaire,  les  élèves-ingé- 
nieurs et  les  élèves  externes  subissent  des  examens  sur 
tous  les  cours  afférents  à  cette  année  d'études.  Les  élèves 
étrangers  déclarent,  au  commencement  de  l'année  scolaire, 
les  cours  qu'ils  désirent  suivre.  A  la  fin  de  l'année,  ils 


ils 


subissent  les  examens  correspondants.  Le  conseil  de  l'Ecole 
apprécie,  d'après  l'ensemble  des  notes  obtenues,  si  l'élève 
étranger  peut  être  maintenu  l'année  suivante  à  l'Ecole.  Les 
auditeurs  libres  ne  sont  admis  ni  aux  exercices  pratiques 
ni  aux  examens.  Ces  examens,  qui  ont  lieu  en  avril  et 
mai,  à  la  fin  des  cours,  sont  subis  pour  chaque  cours  à 
huit  jours  d'intervalle  devant  une  commission  composée  de 
deux  professeurs  et  d'un  inspecteur  des  mines.  A  la  suite 
des  examens  du  mois  de  mai,  les  élèves  de  première  année 
sont  exercés  aux  analyses  chimiques  en  juin  et  au  lever 
des  plans  pendant  le  mois  de  juillet.  Les  notes  accordées  à 
ces  travaux  pratiques  comptent  pour  la  deuxième  année. 
En  avril  ou  mai,  les  élèves  de  première  et  seconde 
années  font  des  excursions  géologiques  sous  la  direction 
d'un  professeur  de  l'Ecole.  En  été,  ils  exécutent  un  voyage 
d'instruction  dans  divers  districts  de  mines  et  d'usines, 
dont  le  choix  est  à  leur  disposition,  mais  pour  lequel  ils 
demandent  des  instructions  au  conseil  des  études.  Ils 
doivent  rédiger  un  journal  de  voyage  qu'ils  remettent  peu 
de  temps  après  l'ouverture  des  cours  de  Tannée  scolaire 
suivante.  Les  élèves-ingénieurs  remettent  en  outre,  à  la 
suite  de  leur  voyage  de  deuxième  année,  qui  doit  être  de 
trois  mois  environ,  deux  mémoires  complets,  accompagnés 
de  dessins  et  croquis  cotés.  Enfin,  les  élèves-ingénieurs 
font  un  dernier  voyage  de  trois  mois  à  la  suite  de  la  troi- 
sième année. 

Les  élèves  de  troisième  année  ont  à  préparer  leur  con- 
cours de  sortie,  qui  se  compose  d'un  projet  d'exploitation 
et  d'un  projet  de  métallurgie,  avec  dessins  d'ensemble  et 
de  détails,  cotés  et  lavés,  mémoire  justificatif  et  devis 
complet.  Les  sujets  de  ces  projets  sont  indiqués  à  la  fin 
de  la  deuxième  année,  afin  que  les  élèves  puissent  faire 
servir  leur  voyage  à  compléter  leurs  connaissances  rela- 
tives au  travail  qu'ils  ont  à  exécuter.  C'est  pour  y  tra- 
vailler à  loisir  qu'ils  ont  la  jouissance  ininterrompue  des 
salles  de  dessin. 

Le  résultat  des  examens  dans  chaque  branche  d'en- 
seignement donne  lieu  à  des  notes  variant  de  0  à  20. 
Les  coefficients  sont  fixés  ainsi  qu'il  suit  :  cours  d'ex- 
ploitation et  machines,  10  ;  cours  de  métallurgie,  9  ; 
cours  de  minéralogie,  7  ;  cours  de  géologie  et  paléonto- 
logie, 7  ;  cours  de  docimasie,  7  ;  cours  de  constructions,  4; 
cours  de  chemins  de  fer,  3  ;  cours  de  législation  des 
mines,  droit  administratif  et  économie  politique,  3  ;  cours 
d'agriculture  et  géologie  technique ,  3  ;  cours  de  forti- 
fication militaire,  2  ;  dessin,  7  ;  mémoires  et  journaux 
de  voyage  :  de  la  deuxième  année,  3  ;  de  la  troisième 
année,  7  ;  après  la  troisième  année,  7  ;  levers  de  plans,  4  ; 
exercices  de  docimasie,  4  ;  projets  de  métallurgie,  4  ; 
projets  d'exploitation,  4;  langue  allemande,  2  ;  langue 
anglaise,  2. 

Pour  les  matières  qui  comprennent  deux  années  d'étude 
et  qui  donnent  lieu  ainsi  à  deux  examens,  on  tient  compte 
des  notes  attribuées  au  premier  examen,  en  ajoutant  à  la 
note  d'examen  de  deuxième  année  les  3/10  de  la  note 
obtenue  l'année  précédente,  et  on  multiplie  le  total  par 
le  coefficient  10/13.  Il  en  est  de  même  pour  l'examen 
minèralogique,  si  l'élève  a  passé  deux  fois  cet  examen. 
A  la  fin  de  chaque  année  on  procède  à  un  classement 


général  par  ordre  de  mérite  en  additionnant  le  total  des 
points. 

Les  élèves  dont  les  notes  auraient  été  jugées  insigni- 
fiantes peuvent,  soit  être  admis  à  redoubler  l'année  d'étude, 
soit  être  exclus  de  l'Ecole. 

Sortie.  —  A  la  sortie  de  l'Ecole,  les  élèves-ingénieurs 
sont  nommés  ingénieurs  ordinaires  de  troisième  classe  au 
corps  des  mines  avec  traitement  de  2,500  fr.  ;  les  élèves 
externes  ou  étrangers  qui  justifient  des  connaissances 
nécessaires  reçoivent  un  diplôme  supérieur  d'ingénieur 
civil  des  mines  ;  à  un  degré  moindre,  ils  peuvent  obtenir 
un  certificat  d'études.  Les  élèves  étrangers  ne  peuvent 
recevoir  que  des  certificats  d'études. 

On  sait  combien  est  grande  la  réputation  du  corps  des 
ingénieurs  des  mines  (V.  Mines).  Quant  aux  élèves  externes 
diplômés,  ils  trouvent  facilement  des  positions  lucratives 
dans  les  exploitations  et  industries  privées. 

Au  point  de  vue  du  service  militaire,  les  élèves  externes 
jouissent  de  la  dispense  conditionnelle  de  deux  ans  de 
service  actif  conférée  par  l'art.  23  de  la  loi  de  1889,  mais 
il  faut  qu'ils  obtiennent  le  diplôme  avant  l'âge  de  vingt- 
six  ans. 

Ecole  des  ponts  et  chaussées.  —  Destination.  — 
L'Ecole  des  ponts  et  chaussées,  établie  à  Paris,  rue  des 
Saints-Pères,  28,  est  destinée  à  former  les  ingénieurs  pour 
le  service  des  ponts  et  chaussées.  Elle  est  placée  sous  l'au- 
torité du  ministre  des  travaux  pubHcs.  Les  élèves  de  l'Ecole 
des  ponts  et  chaussées,  destinés  à  recruter  le  corps  des 
ingénieurs  de  l'Etat,  sont  pris  exclusivement  parmi  les  élèves 
de  l'Ecole  polytechnique.  Indépendamment  des  élèves-ingé- 
nieurs qui  sortent  de  l'Ecole  polytechnique,  l'Ecole  natio- 
nale des  ponts  et  chaussées  reçoit  des  élèves  externes 
français  et  des  élèves  étrangers  admis,  après  concours  et 
par  décision  ministérielle,  à  suivre  les  cours  oraux  et  à 
participer  à  tous  les  travaux  intérieurs  de  l'Ecole.  Ces 
élèves,  après  avoir  satisfait  aux  examens  de  sortie,  reçoi- 
vent un  diplôme  ou  un  certificat  d'études  constatant  le 
degré  de  l'instruction  qu'ils  ont  acquise.  —  L'Ecole  des 
ponts  et  chaussées  est  régie  par  le  décret  du  13  oct.  1851  ; 
les  dernières  prescriptions  relatives  à  son  fonctionnement 
ont  été  édictées  par  le  décret  du  18  juil.  1890  et  l'arrêté 
du  l«^mai  1891. 

Historique.  —  L'historique  de  l'Ecole  des  ponts  et 
chaussées  est  liée  à  celle  du  corps  des  ingénieurs  qui  s'y 
recrutent.  Ce  corps  fut  institué  en  1716,  organisé  en  1720. 
C'est  en  1747,  lorsque  le  surintendant  Trudaine  eut  fait 
décider  qu'on  dresserait  des  plans  exacts  de  toutes  les 
routes  et  chemins  de  France,  que,  pour  former  le  personnel 
nécessaire  à  ce  vaste  travail,  Trudaine  et  Perronet  organi- 
sèrent à  Paris  un  bureau  qui  peu  à  peu  se  transforma  en 
une  école  des  ponts  et  chaussées.  Dès  l'origine,  on  distingua 
dans  ce  bureau  trois  classes  :  les  sous-ingénieurs,  les  élèves, 
enfin  les  auxiliaires;  les  employés  les  plus  instruits 
mettaient  les  autres  au  courant.  C'est  seulement  en  1775 
que  Turgot  institua  officiellement  l'Ecole  des  ponts  et 
chaussées  dont  Perronet  demeura  le  directeur.  Le  nombre 
des  élèves  fut  fixé  à  60,  plus  10  surnuméraires.  On 
conserva  le  principe  de  l'enseignement  mutuel.  Les  élèves 
étaient  divisés  en  trois  classes.  Les  20  plus  instruits  ser- 
vaient de  professeurs  aux  autres.  Ils  étaient  salariés  et 
portaient  l'uniforme.  Les  élèves  suivaient  au  dehors  de 
l'Ecole  des  cours  de  dessin  et  d'architecture.  Pendant 
l'été,  on  les  envoyait  en  mission  participer  à  des  travaux 
de  toute  sorte,  afin  de  recevoir  une  instruction  pratique. 
On  leur  allouait  des  frais  de  voyages.  Ce  système  des 
missions  fonctionne  encore.  Le  niveau  des  études  s'éleva 
progressivement  et  le  corps  d'ingénieurs  sortis  de  cette 
école  était  très  instruit  et  apprécié.  Les  pays  d'Etat  tels 
que  le  Languedoc  et  la  Bretagne  gardèrent  leur  autonomie 
vicinale  et 'recrutaient  séparément  leurs  ingénieurs.  C'est 
seulement  un  décret  du  '19  juin  1792  qui  réunit  leurs 
élèves  à  ceux  de  l'Ecole  des  ponts  et  chaussées.  Celle-ci 
avait  été  maintenue  par  l'Assemblée  nationale.  La  loi  du 


ÉCOLE 


—  446  - 


19  janv.  4791,  refondant  le  corps  des  ponts  et  chaussées,  sti- 
pule qu'il  y  aura  une  école  nationale  des  ponts  et  chaus- 
sées, comprenant  60  élèves  divisés  en  trois  classes  de  20; 
tous  seront  appointés.  Nous  avons  déjà  exposé  dans  l'article 
relatif  à  V  Eco  le  polytechnique  (V.  ce  mot)  que  la  Con- 
vention puisa  dans  ce  personnel  pour  les  besoins  de  la 
défense  nationale  et  mit  les  élèves  des  ponts  et  chaussées 
à  la  disposition  du  ministre  de  la  guerre.  Les  34  plus 
forts  ayant  été  ainsi  requis,  les  élèves-professeurs  dis- 
parurent; l'enseignement  mutuel,  qui  était  le  seul,  ayant 
cessé,  l'Ecole  fut  désorganisée.  Son  directeur,  Lamblardie, 
qui  avait  succédé  à  Perronet,  sur  la  désignation  de  celui-ci, 
eut  une  part  considérable  dans  le  grand  projet  qui  aboutit 
à  la  fondation  de  VEcole  centrale  des  travaux  publics, 
notre  Ecole  polytechnique.  On  avait  d'abord  hésité  à  con- 
server les  anciennes  écoles.  On  finit  par  adopter  ce  parti. 
La  loi  du  30  vendémiaire  an  IV  (22  oct.  1795)  consacra 
le  maintien  de  l'Ecole  des  ponts  et  chaussées  à  titre  d'école 
spéciale  d'application.  On  décida  que  les  élèves,  au  nombre 
de  36,  seraient  tirés  de  l'Ecole  polytechnique.  Lamblar- 
die présida  à  la  réorganisation.  On  prit  des  professeurs 
en  dehors  des  élèves  ;  c'était  le  premier  coup  porté  à  l'en- 
seignement mutuel  qui,  en  1799,  disparut  dans  le  plan 
d'instruction  élaboré  par  Prony.  En  1804  eurent  lieu  des 
changements.  On  revint  au  chiffre  de  60  élèves  dis- 
tribués en  trois  classes  de  20  et  salariés  (700  fr.  la 
première  année,  800  fr.  la  seconde,  900  fr.  la  troisième). 
En  1830,  en  1839,  en  1842,  des  améliorations  furent 
apportées  aux  programmes  et  règlements  intérieurs,  préci- 
sant bien  le  caractère  d'école  d'application. 

CoNDrnoNS  d'admission  .  —  Elèves-ingénieurs .  Les 
élèves  provenant  de  l'Ecole  polytechnique,  les  seuls  véri- 
tables élèves-ingénieurs  de  TEcole  sont  nommés  par  décret. 
Ce  sont  ceux  à  qui  leur  rang  de  sortie  a  permis  le  choix  de 
ce  service.  Leur  nombre  a  beaucoup  varié.  Il  était  d'une 
vingtaine  ;  il  s'est  élevé  à  30  après  le  vote  du  vaste 
programme  des  travaux  publics  de  M.  de  Freycinet.  Depuis 
il  s'est  abaissé  à  8.  Il  y  eut  32  élèves  admis  en  1881, 
27  en  1882,  23  en  1883,  20  en  1884,  18  en  1885  et 
1886,  10  en  1887,  8  en  1888, 1889,  1890  et  1891. 

Elèves  externes  et  élèves  étrangers.  Un  concours  est 
ouvert  annuellement  à  Paris  à  l'effet  de  constater  la  capacité 
des  candidats  qui  se  présentent  pour  être  admis  à  l'Ecole.  Les 
examens  d'admission  s'ouvrent  à  Paris,  à  PEcole  des  ponts 
et  chaussées,  le  25  sept.,  ou  le  26  si  le  25  est  un  dimanche. 
Ils  sont  subis  devant  un  jury  d'examen,  désigné  par  le 
ministre,  sur  la  proposition  du  directeur  de  l'Ecole. 

Les  candidats  nés  en  France  doivent  être  âgés  de  dix-huit 
ans  au  moins  et  de  vingt-cinq  ans  au  plus.  La  limite  d'âge 
est  reportée  à  vingt-sept  ans  en  ce  qui  concerne  les  can- 
didats ayant  accompli  leur  service  dans  l'armée  active. 
Peuvent  "être  admis  par  le  ministre,  sans  limite  d'âge,  à 
se  présenter  au  concours  d'admission  pour  les  cours  spé- 
ciaux les  conducteurs  des  ponts  et  chaussées,  en  activité 
de  service,  qui  justifient  qu'ils  auront  six  années  de  ser- 
vice en  qualité  de  conducteur  au  moment  de  l'examen. 

Les  demandes  d'admission  doivent  être  adressées  sur 
papier  timbré  au  ministre  des  travaux  publics  avant  le 
25  août  et  être  accompagnées  :  \^  d'une  copie  authentique 
de  l'acte  de  naissance  du  candidat,  et  au  besoin  des  pièces 
étabUssant  sa  qualité  de  Français;  2°  d'un  certificat  de 
bonnes  vie  et  mœurs  délivré  par  les  autorités  du  lieu  de 
son  domicile  et  dûment  légalisé  ;  3<^  d'une  déclaration  dû- 
ment légalisée  d'un  docteur  en  médecine,  constatant  que 
le  candidat  a  été  vacciné  ou  qu'il  a  eu  la  petite  vérole.  Les 
demandes  des  candidats  français  doivent  être  visées  par 
les  parents  ou  tuteurs  de  ces  candidats  ou  par  un  corres- 
pondanthabitantParis.  Celles  des  candidats  étrangers  doivent 
être  visées  par  les  représentants  de  leurs  gouvernements 
respectifs  et  transmises  au  ministre  des  travaux  publics 
par  le  ministre  des  affaires  étrangères.  -—  Les  candidats 
étrangers  sont  prévenus  qu'une  habitude  suffisante  de  la 
langue  française  est  exigée  pour  l'admission. 


Les  épreuves  du  concours  consistent  en  compositions 
écrites,  en  exécution  de  dessins  et  en  examens  oraux.  La 
première  épreuve  est  une  composition  écrite  sur  un  ou  plu- 
sieurs sujets  pris  dans  le  programme  des  connaissances 
exigées.  La  seconde  est  l'exécution  d'un  dessin  de  géomé- 
trie descriptive  et  d'un  lavis  d'architecture.  Les  sujets  de 
ces  compositions  sont  arrêtés  par  le  jury.  Sur  le  vu  de  ces 
travaux  préliminaires,  le  jury  décide  s'il  y  a  lieu  d'admettre 
les  candidats  aux  examens  oraux. 

Les  connaissances  exigées  pour  être  admis  à  l'Ecole  des 
ponts  et  chaussées  comprennent  :  l'arithmétique,  la  géo- 
métrie élémentaire,  l'algèbre,  la  trigonométrie  rectiligne, 
la  géométrie  analytique  à  deux  ou  trois  dimensions  ;  des 
notions  de  géométrie  descriptive  avec  application  à  la 
coupe  des  pierres  et  à  la  charpente  ;  des  notions  de  calcul 
différentiel  et  intégral,  de  mécanique,  de  physique  et  de 
chimie,  d'architecture. 

Chaque  candidat  subit  successivement  deux  examens 
oraux  sur  les  matières  du  programme.  Un  délai  de  cinq 
jours  au  moins  est  laissé  entre  ces  deux  examens.  Le  jury 
dresse  un  procès-verbal  constatant  le  résultat  des  diverses 
épreuves  subies  par  les  candidats  ;  il  donne  son  opinion 
sur  l'admissibihté  de  chacun  d'eux.  —  Le  nombre  des  ad- 
missions aux  places  d'élève  externe  ne  peut  dépasser  20. 

L'examen  de  capacité  que  les  candidats  étrangers  ont  à 
subir  pour  être  admis  à  l'Ecole,  conformément  aux  dispo- 
sitions de  l'art.  33  du  décret  du  18  juil.  1890,  comporte 
les  mêmes  épreuves  que  pour  les  candidats  français.  Tou- 
tefois, dans  des  circonstances  exceptionnelles,  et  sur  la 
proposition  du  conseil  de  l'Ecole,  les  candidats  étrangers 
peuvent  être  dispensés,  par  décision  spéciale,  de  tout  ou 
partie  des  épreuves.  Les  élèves  étrangers  n'obtiennent  de 
places  dans  les  salles  d'étude  que  s'il  en  reste  de  dispo- 
nibles. 

Cours  préparatoires.  Pour  assurer  aux  jeunes  gens 
qui  voudraient  être  admis  à  l'Ecole  des  ponts  et  chaussées 
en  qualité  d'élèves  externes  les  moyens  suffisants  de  pré- 
paration à  l'enseignement  de  l'Ecole,  il  a  été  institué,  sur 
l'avis  conforme  du  conseil  de  perfectionnement,  par  le 
ministre  des  travaux  publics,  des  cours  préparatoires, 
dont  l'enseignement  comprend  :  l*'  le  calcul  différentiel,  le 
calcul  intégral  et  la  mécanique  ;  2*^  la  géométrie  descrip- 
tive, la  stéréotomie,  les  éléments  d'architecture,  le  dessin 
linéaire  et  le  lavis  ;  3°  la  physique  et  la  chimie. 

La  durée  de  l'enseignement  préparatoire,  qui  est  gratuit, 
est  d'une  année.  L'époque  de  l'ouverture  des  cours  est 
fixée  au  1^^  nov.  L'admission  aux  cours  préparatoires  est 
prononcée  à  la  suite  d'un  concours  qui  est  subi  devant 
un  jury  d'examen  désigné  par  le  ministre  des  travaux 
publics,  sur  la  proposition  du  directeur  de  l'Ecole.  Les 
examens  ont  lieu  à  Paris,  à  l'Ecole  des  ponts  et  chaussées. 
Ils  commencent  chaque  année  le  25  sept.,  ou  le  26  si  le  25 
est  un  dimanche.  La  liste  des  candidats  autorisés  à  s'y 
présenter  est  arrêtée  par  le  ministre. 

Pour  être  admis  au  concours,  les  candidats  français 
doivent  être  âgés  de  dix-sept  ans  au  moins  et  de  vingt- 
quatre  ans  au  plus;  vingt-six  ans  pour  ceux  qui  ont 
accompli  leur  service  dans  l'armée  active.  Les  formalités 
à  accomplir  sont  les  mômes  que  pour  le  concours  dont  il 
vient  d'être  parlé.  Les  demandes  des  élèves  étrangers  doi- 
vent être  transmises  au  ministre  des  travaux  publics  par 
l'intermédiaire  du  ministre  des  affaires  étrangères.  Ces 
demandes  doivent  avoir  été,  au  préalable,  soumises  par  les 
candidats  à  l'agrément  des  représentants  à  Paris  des  gou- 
vernements intéressés.  —  Peuvent  être  dispensés,  sur  l'avis 
du  conseil  de  l'Ecole,  du  concours  d'admission  aux  cours 
préparatoires,  les  candidats  qui,  ayant  échoué  au  concours 
pour  les  places  d'élèves  externes,  sont  reconnus  pos- 
séder des  connaissances  suffisantes  pour  suivre  les  cours 
préparatoires. 

Le  concours  d'admission  est  divisé  en  deux  parties  : 
un  examen  écrit  et  un  examen  oral,  auquel  sont  seuls 
admis  les  candidats  qui  ont  subi  d'une  manière  satisfaisante 


les  épreuves  écrites.  L'examen  écrit  comprend  :  i°  une 
composition  sur  un  ou  plusieurs  sujets  pris  dans  le  pro- 
gramme ;  2°  l'exécution  d'un  dessin  de  géométrie  descriptive 
et  d'un  lavis  d'architecture.  Les  sujets  de  ces  compositions 
sont  arrêtés  par  le  jury.  —  L'examen  oral  porte  sur  l'en- 
semble des  matières  contenues  dans  le  programme,  qui 
comprend  :  l'arithmétique,  l'algèbre,  la  géométrie  élémen- 
taire et  la  trigonométrie  rectiligne,  la  géométrie  analytique 
à  deux  et  à  trois  dimensions,  la  géométrie  descriptive,  des 
notions  de  physique  et  de  chimie,  de  dessin  linéaire  et  de 
lavis.  Le  jury  d'examen  dresse  un  procès- verbal  constatant 
le  résultat  des  diverses  épreuves  subies  par  les  candidats.  Il 
donne  son  opinion  sur  l'admissibilité  de  chacun  d'eux.  Ce 
procès-verbal,  accompagné  de  l'avis  du  conseil  de  l'Ecole, 
est  transmis  au  ministre,  qui  arrête  définitivement  la  liste 
des  élèves  admis  à  suivre  les  cours  préparatoires.  —  Le 
nombre  des  admissions  aux  cours  préparatoires  ne  peut 
dépasser  quinze. 

A  la  fin  de  chaque  session,  les  élèves  des  cours  prépa- 
ratoires sont  examinés  sur  toutes  les  parties  de  l'ensei- 
gnement. Ceux  qui  ont  satisfait  à  cet  examen  sont  déclarés 
admissibles  aux  cours  d'élèves  externes  et  sont  dispensés, 
sur  l'avis  du  conseil  .de  l'Ecole,  de  l'examen  prescrit  par 
l'arrêté  ministériel  du  44  févr.  1852.  Ils  sont  inscrits  en 
tête  de  la  liste  des  élèves  externes  de  Tannée  suivante. 

Régime  intérieur.  —  L'enseignement  dure  trois  années. 
Il  est  entièrement  gratuit.  Le  régime  de  l'Ecole  est  l'externat. 
Les  cours  et  les  études  de  l'intérieur  de  l'Ecole  commencent 
dans  les  premiers  jours  de  novembre  et  durent  jusqu'au 
31  mai.  L'enseignement  comprend  :  la  construction  des 
routes,  ponts,  chemins  de  fer,  canaux,  ports  maritimes, 
l'amélioration  des  rivières,  l'architecture  civile,  la  méca- 
nique appliquée  (résistance  des  matériaux  et  hydraulique), 
les  machines  à  vapeur,  l'hydraulique  agricole,  les  connais- 
sances géologiques  nécessaires  aux  ingénieurs,  le  droit 
administratif  et  l'économie  politique.  Indépendamment  des 
cours  désignés  ci-dessus,  des  conférences  sont  faites  sur 
le  service  vicinal,  l'assainissement  des  villes,  etc.,  la  pis- 
ciculture, la  télégraphie  électrique,  la  photographie.  —  Les 
travaux  intérieurs  de  l'Ecole  ont  pour  but  d'exercer  les 
élèves  sur  les  objets  suivants  :  i^  travaux  graphiques, 
dessins,  lavis,  rédaction  de  mémoires  et  concours  sur  des 
projets  d'art  ;  2^  manipulation  et  essai  de  matériaux  de 
construction  ;  3°  nivellement  et  lever  de  plans,  lever  de 
machines  et  de  bâtiments. 

Du  l^"^  juin  au  30  oct.,  les  élèves  de  l'Ecole  sont 
envoyés  en  mission  dans  les  départements  et  y  sont  atta- 
chés aux  travaux  en  cours  d'exécution,  pour  s'exercer, 
sous  la  direction  des  chefs  de  service,  à  la  pratique  de  l'art 
de  l'ingénieur.  La  désignation  des  missions  à  donne/  aux 
élèves  est  arrêtée  par  le  ministre,  sur  la  proposition  du 
conseil  de  l'Ecole.  Les  missions  sont  facultatives  pour  les 
élèves  externes. 

L'Ecole  est  dirigée  par  un  inspecteur  de  première  classe 
des  ponts  et  chaussées  qui  a  titre  de  directeur  et  par  un 
inspecteur  général  de  seconde  classe  ou  un  ingénieur  en 
chef  qui  a  titre  d'inspecteur  de  l'Ecole. 

Les  élèves-ingénieurs  reçoivent  un  traitement  de  4,800 
francs  par  an  ;  de  plus,  200  fr.  pour  frais  de  campagne  et 
des  frais  de  voyage  pendant  la  mission  ;  enfin,  pendant  le 
séjour  à  Paris,  une  indemnité  de  50  fr.  par  mois. 

Du  1^^  nov.  au  31  mai,  les  élèves  sont  obligés  de  fré- 
quenter l'Ecole  tous  les  jours,  sauf  les  dimanches  et  jours 
fériés.  L'Ecole  est  ouverte  de  huit  heures  du  matin  à  dix 
heures  du  soir.  Les  élèves  habitent  en  ville;  ils  doivent  se 
trouver  à  l'Ecole  de  huit  heures  trois  quarts  à  dix  heures 
et  demie  du  matin,  puis  de  onze  heures  trois  quarts  à 
cinq  heures  du  soir.  Leur  présence  est  constatée  au  moyen 
d'appels  et  de  feuilles  de  présence.  L'usage  est  de  venir  à 
l'Ecole  en  costume  civil  avec  la  casquette  d'uniforme,  le 
nombre  des  galons  indiquant  le  grade  de  l'élève.  La  cas- 
quette d'uniforme  d'ingénieur  étant  le  signe  distinctif  d'une 
fonction  publique,  les  élèves  externes  ne  peuvent  la  porter 


-  447  -  ÉCOLE 

soit  à  l'intérieur,  soit  à  l'extérieur  de  l'Ecole.  —  Les  puni- 
tions consistent  en  réprimande  particulière,  réprimande  en 
présence  des  camarades,  exclusion  temporaire  des  salles 
d'étude,  exclusion  temporaire  de  l'Ecole,  mise  à  l'ordre, 
censure  par  le  conseil  avec  ou  sans  mise  à  l'ordre,  retard 
d'avancement  de  classe,  exclusion  définitive. 

Les  élèves  sont  divisés  en  trois  classes  selon  l'année  de 
leur  promotion.  Dans  chaque  classe  ils  sont  rangés  par 
ordre  de  mérite.  Il  y  a  des  examens  généraux  sur  tous 
les  cours  permanents  professés  à  l'Ecole.  Les  élèves  sont 
prévenus  à  l'avance  des  époques  fixées  pour  ces  examens. 
Les  notes  prises  par  les  élèves  à  l'amphithéâtre  sont  réunies 
en  cahier  et  mises  plus  tard  sous  les  yeux  du  professeur 
qui  en  tient  compte  pour  la  fixation  des  numéros  de  mé- 
rite à  attribuer  aux  examens.  Le  classement  des  élèves  est 
arrêté  en  conseil  de  l'Ecole  à  la  fin  de  chaque  année  sco- 
laire. Le  rang  de  classement  des  élèves  est  déterminé  :  pour 
le  passage  à  la  deuxième  classe,  par  le  nombre  de  points 
obtenus  dans  la  première  année  ;  pour  le  passage  à  la  pre- 
mière classe,  en  ajoutant  aux  points  obtenus  dans  l'année 
la  moitié  de  ceux  obtenus  dans  l'année  précédente  ;  pour 
la  sortie,  en  ajoutant  aux  points  obtenus  dans  l'année  la 
moitié  des  deux  premières  années,  déduction  faite  des 
points  attribués  aux  langues  dans  le  classement  précédent. 
Les  élèves  externes  et  les  élèves  étrangers  se  fournissent, 
à  leurs  frais,  de  tous  les  objets  nécessaires  pour  les  tra- 
vaux intérieurs  de  l'Ecole  ;  toutefois,  ils  reçoivent  gratui- 
tement le  papier  avec  timbre  pour  les  travaux  graphiques 
et  le  papier  destiné  à  la  rédaction  des  mémoires  et  devis,  etc. 
Il  leur  est  prêté  aussi  gratuitement  les  divers  objets  et 
instruments  que  l'Ecole  met  à  la  disposition  des  élèves-ingé- 
nieurs, et,  comme  ces  derniers,  ils  en  sont  responsables. 
Les  élèves  externes  et  les  élèves  étrangers  sont  soumis  à 
tous  les  règlements  intérieurs  de  l'Ecole.  Ces  élèves  sont, 
comme  les  élèves-ingénieurs,  classés  par  année  d'étude. 
Ils  participent,  pendant  la  durée  de  chaque  session,  aux 
mêmes  études,  leçons,  exercices,  manipulafions,  etc.,  que 
les  élèves-ingénieurs.  Toutefois,  les  compositions  littéraires 
ne  sont  obligatoires  que  pour  les  élèves  français.  Les 
leçons  de  langues  ne  sont  que  facultatives  pour  tous  les 
élèves.  Sur  leur  demande,  ces  élèves  peuvent  obtenir,  dans 
l'intervalle  des  sessions,  l'autorisation  de  visiter  les  tra- 
vaux qui  s'exécutent  sur  les  chantiers  de  l'Etat.  Les  élèves 
externes  et  les  élèves  étrangers  concourent  entre  eux  et  par 
classe.  Le  rang  de  mérite,  dans  chaque  classe,  est  déter- 
miné, comme  pour  les  élèves-ingénieurs,  d'après  les  degrés 
qui  sont  attribués  aux  résultats  des  concours,  des  travaux 
graphiques  et  autres,  des  examens  oraux  et  à  l'assiduité 
aux  cours  et  dans  les  salles  d'étude.  Les  règles  qui  fixent 
le  minimum  obligatoire  pour  que  les  élèves-ingénieurs  puis- 
sent passer  d'une  classe  à  l'autre,  ou  être  déclarés  hors 
concours,  sont  applicables  aux  élèves  externes  et  étrangers. 
Le  classement  est  arrêté  par  le  conseil  de  l'Ecole. 

Auditeurs  libres. ^  Des  auditeurs  libres  peuvent  aussi 
être  simplement  admis,  sur  l'autorisation  du  directeur,  à 
suivre  les  cours  oraux  de  l'Ecole  des  ponts  et  chaussées. 
Les  personnes  qui  ont  obtenu  cette  autorisation,  et  qui  sont 
munies  de  cartes  délivrées  par  le  directeur,  ne  sont  admises 
à  l'Ecole  qu'aux  heures  des  cours.  Elles  doivent  y  être 
rendues  aux  heures  indiquées  par  les  règlements.  La  leçon 
comniencée,  nul  n'y  est  plus  admis.  Des  élèves  peuvent 
ainsi  être  envoyés  par  les  administrations  publiques  à 
l'Ecole  des  ponts  et  chaussées.  Leur  présence  aux  leçons 
est  constatée.  Ces  élèves  peuvent  seuls  être  autorisés  à 
passer  des  examens  et  être  admis,  sur  leur  demande,  dans 
la  bibliothèque  de  l'Ecole.  Les  cours  auxquels  est  admise 
cette  catégorie  d'auditeurs  sont  ceux  :  de  mécanique  appli- 
quée :  l'^  résistance  des  matériaux,  2^  hydraulique;  de 
minéralogie  et  géologie,  d'économie  politique,  d'hydrau- 
lique_  agricole,  de  routes,  de  procédés  généraux  de  cons- 
truction, de  ponts,  de  navigation  intérieure,  de  machines 
à  vapeur,  de  chemins  de  fer,  de  travaux  maritimes,  d'ar- 
chitecture, de  droit  administratif,  de  chimie  appliquée. 


ÉCOLE 


—  448  — 


Sortie.  —  Nous  avons  indiqué  ci-dessus  comment  se 
fait  le  classement  d'après  les  examens  de  sortie.  —  Les 
élèves  ayant  complété  leurs  cours  d'études  sont  nommés 
ingénieurs  ordinaires  de  3®  classe  à  la  fin  de  leur  troisième 
mission.  Les  appointements  sont  de  2,o00  fr.  par  an. 
L'élève  qui,  après  la  première  ou  la  seconde  année  d'études, 
n'est  pas  déclaré  admissible  à  la  classe  supérieure,  ou  qui, 
après  la  troisième  année,  n'est  pas  reconnu  capable  d'être 
placé  dans  le  service  actif,  peut,  sur  la  proposition  du 
conseil  et  par  décision  du  ministre,  être  maintenu  une 
année  de  plus  à  l'Ecole.  Ce  délai  peut  même  être  porté  à 
deux  ans,  en  cas  de  circonstances  graves  et  exception- 
nelles ;  mais,  dans  aucun  cas,  un  élève  ne  reste  sur  les 
cadres  plus  de  cinq  ans. 

Les  élèves  ingénieurs  sortis  de  l'Ecole  des  ponts  et  chaus- 
sées ont  un  privilège  pour  le  recrutement  du  corps  public 
des  ingénieurs  des  ponts  et  chaussées,  mais  ils  n'ont  pas 
de  monopole,  car,  aux  termes  de  la  loi  du  30  nov.  1850, 
un  sixième  des  places  d'ingénieurs  sont  réservées  aux  con- 
ducteurs des  ponts  et  chaussées.  Il  est  vrai  que  cette  pres- 
cription législative  n'a  pas  été  appliquée  strictement; 
l'immense  majorité  des  ingénieurs  sont  des  anciens  poly- 
techniciens qui  ont  passé  par  l'Ecole  d'application.  Un 
diplôme  supérieur  d'élève  de  l'Ecole  des  ponts  et  chaus- 
sées est  délivré  par  le  ministre  à  ceux  des  élèves  externes 
qui  ont  satisfait  aux  conditions  fixées  par  arrêté  ministé- 
riel et  ont  obtenu  au  moins  65  %  du  total  des  points  qui 
peuvent  être  acquis  dans  tout  le  cours  de  l'enseignement 
spécial.  Ceux  qui  ont  simplement  satisfait  aux  conditions 
de  l'arrêté  ministériel,  sans  atteindre  le  chiffre  de  65  «^ 
du  total  des  points,  ne  reçoivent  du  directeur  qu'un  certi- 
ficat d'études.  Les  notes  obtenues  pour  les  examens  et 
les  exercices  sont  inscrites  au  verso  du  diplôme  et  du  certi- 
ficat. Le  diplôme  confère  des  avantages  appréciables  : 
1»  au  point  de  vue  du  service  mihtaire  ;  T^  pour  l'entrée 
dans  le  service  de  la  voirie  parisienne.  L'art.  23  de  la 
loi  du  15  juil.  1889  sur  le  recrutement  de  l'armée  porte 
que  les  jeunes  gens  qui  ont  obtenu  ou  qui  poursuivent  leurs 
études  en  vue  d'obtenir  le  diplôme  supérieur  déUvré  aux 
élèves  externes  par  l'Ecole  des  ponts  et  chaussées,  sont, 
en  temps  de  paix,  après  un  an  de  présence  sous  les  dra- 
peaux, envoyés  en  congé  dans  leurs  foyers,  sur  leur 
demande,  jusqu'à  la  date  de  leur  passage  dans  la  réserve. 
Des  deux  arrêtés  du  préfet  de  la  Seine  (30  juin  1887  et 
1er  ^éc.  1890),  il  résulte  que  les  anciens  élèves  externes 
de  l'Ecole  des  ponts  et  chaussées  (de  même  que  ceux  des 
Ecoles  polytechnique,  centrale  et  des  mines),  pourvus  du 
diplôme  d'ingénieur,  peuvent  être  nommés  conducteurs 
municipaux  de  4^  classe  sans  être  astreints  à  subir  l'exa- 
men réglementaire  prescrit  par  l'arrêté  du  15  avr.  1872, 
s'ils  remplissent  d'ailleurs  les  conditions  de  nationalité, 
d'âge  et  d'aptitude  physique  imposées  par  les  règlements. 
Les^ élèves  étrangers  reçoivent  du  directeur  de  l'Ecole  un 
certificat  d'études  sur  lequel  sont  inscrites  les  notes  par 
eux  obtenues  pour  les  examens  et  exercices  auxquels  ils 
ont  pris  part.  Ceux  d'entre  eux  qui  ont  satisfait  à  toutes 
les  épreuves  dans  les  conditions  exigées  des  élèves  français 
obtiennent  du  ministre,  comme  ces  derniers,  le  diplôme 
supérieur  ci-dessus  défini. 

Ecole  d'application  des  manufactures  de  l'Etat. 
—  Destination.  —  L'Ecole  d'application  des  manufactures 
de  VEtat,  établie  à  Paris,  quai  d'Orsay,  dans  les  bâtiments 
de  la  manufacture  de  tabacs,  a  été  créée  pour  mettre  les 
élèves-ingénieurs  au  courant  des  procédés  de  la  fabrica- 
tion qu'ils  seront  appelés  ensuite  à  diriger.  Ce  service 
public  recrute  ses  ingénieurs  exclusivement  parmi  les 
élèves  sortant  de  l'Ecole  polytechnique. 

Historique.  —  Le  monopole  des  tabacs  a  été  établi  le 
29  déc.  1810  et  organisé  par  décret  du  12  janv.  1811. 
Pour  le  personnel  technique,  on  commença  par  prendre  des 
surnuméraires,  qualifiés  élèves  des  manufactures,  que  les 
employés  mettaient  au  courant  de  la  fabrication.  Cet  ensei- 
gnement pratique  était  excellent.  Mais  on  reconnut  la  néces- 


sité d'y  joindre  un  enseignement  théorique  que  les  rapides 
progrès  des  sciences  rendaient  de  plus  en  plus  nécessaire. 
En  1824,  on  annexa  donc  à  la  manufacture  de  Paris  une 
école.  Nul  ne  put  être  promu  sous-inspecteur  sans  avoir 
suivi  les  cours  et  subi  avec  succès. un  examen  sur  chaque 
matière.  En  1831,  on  décida  que  les  élèves  de  l'Ecole 
polytechnique  seraient  seuls  admis  à  l'Ecole  d'application 
des  manufactures  de  l'Etat;  ils  y  feraient  deux  années 
d'études.  On  donna  aux  cours  une  tournure  différente; 
l'enseignement  théorique  se  donnant  à  l'Ecole  polytechnique, 
il  n'y  eut  plus  à  étudier  que  les  applications  de  la  science. 
En  1861,  on  réorganisa  l'Ecole.  En  1865,  on  annexa  les 
poudres  aux  manufactures  de  l'Etat.  Mais,  en  1878,  on  a 
séparé  V Ecole  d' application  des  poudres  et  salpêtres, 
A  dire  vrai,  le  petit  nombre  des  élèves-ingénieurs  de  ces 
deux  services  ne  permet  guère  de  qualifier  d'école  l'éta- 
blissement où  ils  reçoivent  leur  instruction  pratique. 

Régime  intérieur.  —  Il  n'y  a  pas  de  concours  d'admis- 
sion, les  élèves  venant  de  l'Ecole  polytechnique;  il  y  en  eut, 
dans  les  deux  dernières  années,  4  chaque  fois;  dans  les 
années  précédentes,  les  promotions  ne  comprenaient  qu'un 
élève.  Pour  les  poudres  et  salpêtres,  on  n'a  pas  pris  d'élève- 
ingénieur  de  1886  à  1889,  1  en  1890  et  1  en  1891.  Les 
élevés-ingénieurs  des  manufactures  ont  des  cours  spéciaux 
(chimie  agricole  et  chimie  appliquée  au  tabac  ;  applications 
de  la  chaleur  ;  fabrication  des  tabacs  ;  construction  ;  résis- 
tance des  matériaux  et  machines  ;  administration  et  comp- 
tabilité) ;  ceux  des  poudres  et  salpêtres  sont  placés  au 
Dépôt  central  des  poudres  et  salpêtres.  Ils  dépendent  du 
ministère  de  la  guerre;  ils  suivent  les  cours  de  l'Ecole 
des  mines,  et  les  ingénieurs  de  leur  corps  leur  enseignent 
au  Dépôt  la  technique  du  métier.  —  La  durée  des  cours 
est  de  huit  mois,  de  novembre  à  juillet  ;  puis,  chaque 
année,  pendant  les  vacances,  les  élèves  sont  envoyés  en 
mission  dans  les  manufactures  de  tabacs  et  les  poudreries 
pour  commencer  leur  instruction  pratique  auprès  des  ingé- 
nieurs en  service.  Les  élèves-ingénieurs  reçoivent  un  trai- 
tement de  1,800  fr.,  plus  une  indemnité  pour  les  missions. 
Ils  portent  dans  les  cérémonies  l'uniforme  du  service 
auquel  ils  appartiennent  :  habit  vert  foncé,  avec  petite 
broderie  d'argent  au  collet  et  aux  manches.  — -  L'Ecole 
d'application  'des  manufactures  de  l'Etat  reçoit  aussi, 
comme  élèves,  des  vérificateurs  de  la  culture  des  tabacs, 
qui  suivent  les  cours  et  s'exercent  à  l'analyse  chimique, 
afin  de  se  préparer  pour  les  emplois  supérieurs  du  service 
de  la  culture. 

Sortie.  —  Au  terme  du  cours  d'études,  les  élèves-ingé- 
nieurs subissent  un  examen  sérieux  sur  chacun  des  cours 
qu'ils  ont  suivis.  Le  classement  résultant  de  l'ensemble  de 
ces  examens  détermine  l'ordre  de  nomination  à  leur  nou- 
veau grade.  En  cas  d'insuffisance  à  l'examen  de  sortie,  ils 
redoublent  Tannée  d'école.  Après  avoir  satisfait  aux  exa- 
mens de  sortie  et  justifié  de  l'ensemble  des  connaissances 
indispensables  à  leur  profession,  ils  sont  nommés  sous- 
ingénieurs  et  complètent  leur  éducation  pratique  dans  les 
manufactures  mômes  ;  on  exige  qu'ils  restent  six  ans  dans 
ce  grade  avant  de  passer  ingénieurs. 

Ecole  d'application  des  poudres  et  salpêtres.  — 
Cette  école,  organisée  par  décret  du  25  mars  1878,  n'a 
qu'une  existence  théorique.  Les  conditions  en  ont  été  dé- 
crites dans  le  paragraphe  ci-dessus  (V.  aussi  l'art.  Pou- 
dres et  Salpêtres). 

Ecole  professionnelle  et  supérieure  des  postes 
et  télégraphes.— Destination.— L'Ecole  professionnelle 
supérieure  des  postes  et  télégraphes,  établie  à  Paris,  rue  de 
Grenelle,  n^  103,  a  pour  objet  la  formation  d'un  personnel 
instruit  pour  les  postes  et  télégraphes.  Elle  a  été  fondée  le 
12  juil.  1878  par  M.  Cochery,  ouverte  le  1^^  nov.  1878, 
réorganisée  par  décret  du  29  mars  1888.  Elle  comprend 
deux  sections.  La  première  vise  à  former  le  personnel  su- 
périeur de  l'administration  des  postes  et  télégraphes,  la 
seconde  forme  VEcole  supérieure  de  télégraphie  pour 
le  recrutement  et  l'instruction  personnelle  des  ingénieurs 


—  449  — 


ÉCOLE 


des  télégraphes.  L'arrêté  du  28  juiL  1888  règle  le  fonc- 
tionnement de  l'Ecole  supérieure  des  postes  et  télégraphes. 

PREMIÈRE   SECTION.  —  CONDITIONS  d' ADMISSION.   — 

Nul  n'est  admis  que  par  voie  de  concours.  Ce  concours  est 
ouvert  chaque  année  au  mois  de  juillet.  Pour  concourir,  il 
faut  que  le  candidat  soit  bien  noté,  ait  vingt-cinq  ans  ré- 
volus et  compte  cinq  années  de  service  comme  agent  titu- 
laire de  l'administration  au  1®^  janv.  de  l'année  du  concours. 

Les  épreuves  exigées  des  candidats  consistent  en  compo- 
sitions écrites  et  en  examens  oraux  sur  les  matières  déter- 
minées par  un  arrêté  ministériel.  Les  épreuves  écrites  sont 
faites  le  même  jour  et  à  la  même  heure,  dans  les  villes 
désignées  par  décision  du  directeur  général.  Les  candidats 
déclarés  admissibles  après  la  correction  des  compositions 
écrites  sont  appelés  à  Paris  pour  subir  les  examens  oraux. 
La  connaissance  des  langues  étrangères  est  facultative  ;  il 
en  est  tenu  compte  pour  le  classement. 

Régime  intérieur.  —  La  durée  totale  des  cours  et  exer- 
cices est  de  dix-huit  mois.  L'instruction  professionnelle 
donnée  aux  élèves  de  la  première  section  de  l'Ecole  des 
postes  et  télégraphes  comprend  deux  séries  réparties  sur 
deux  périodes  distinctes.  Dans  la  première,  les  élèves  re- 
çoivent l'enseignement  théorique  ;  dans  la  seconde,  ils  se 
familiarisent  avec  les  détails  du  service.  L'enseignement 
théorique  comporte  sept  cours  :  histoire  des  relations 
sociales  et  des  progrès  scientifiques  ;  droit  administratif  et 
comptabilité  générale  ;  législation  ef  exploitation  postales  ; 
législation  et  exploitation  télégraphiques  ;  sciences  appli- 
quées ;  physique  et  chimie  ;  construction  et  matériel.  Durant 
la  seconde  période,  on  fait  passer  les  élèves  par  les  services 
suivants  :  construction,  surveillance  et  entretien  des  lignes 
aériennes;  construction, surveillance  et  entretien  deshgnes 
spéciales  souterraines,  pneumatiques  et  téléphoniques  ; 
exploitation  de  grands  bureaux  télégraphiques  (lignes 
aériennes  et  souterraines)  et  des  réseaux  téléphoniques  ; 
établissements  et  services  spéciaux  de  la  poste  et  des  télé- 
graphes ;  services  ambulants.  A  la  fin  de  chaque  trimestre 
de  la  période  consacrée  à  l'enseignement  intérieur,  les 
élèves  subissent  des  épreuves  sur  les  matières  enseignées  à 
l'Ecole  et  les  exercices  qui  s'y  rattachent  ;  à  la  fin  de  chaque 
série  de  la  période  d'application,  ils  présentent  un  rapport 
sur  les  travaux  et  études  auxquels  ils  ont  pris  part.  Ceux 
dont  les  épreuves  et  les  rapports  ne  sont  pas  jugés  suffi- 
sants peuvent,  sur  la  proposition  du  directeur  de  l'Ecole, 
n'être  pas  admis  à  subir  les  examens  de  sortie.  Les  notes 
attribuées  pour  les  examens  trimestriels  et  pour  les  rapports 
se  combinent,  pour  le  classement  final,  avec  les  notes  obte- 
nues aux  examens  de  sortie. 

Sortie.  — Les  examens  de  sortie  en  vue  de  l'obtention  du 
brevet  ont  lieu  au  mois  d'avril  de  la  dernière  année  d'études. 
Les  élèves  qui  échouent  aux  examens  de  sortie  peuvent 
être  autorisés  à  se  présenter  de  nouveau  devant  le  jury  de 
l'année  suivante.  Les  agents  brevetés,  s'ils  justifient  de  la 
connaissance  d'une  langue  étrangère,  peuvent  être  chargés, 
en  pays  étrangers,  de  missions  ayant  pour  objet  l'étude 
des  questions  intéressant  le  service  des  postes  et  des  télé- 
graphes. 

Les  élèves  qui  ont  satisfait  aux  examens  de  sortie  reçoi- 
vent un  diplôme  qui  leur  donne  accès  aux  emplois  supé- 
rieurs suivants  :  administrateur,  chef  et  sous-chef  de 
bureau,  commis  principal  à  l'administration  centrale,  direc- 
teur, inspecteur  et  sous-inspecteur  du  service  départemental, 
receveur  de  bureaux  composés  de  première  et  seconde 
classe,  chef  de  centre,  de  dépôt,  de  section,  etc. 

ECOLE  SUPÉRIEURE  DE  TÉLÉGRAPHIE.—  Cm- 
DiTioNS  d'admission.  —  Indépendamment  des  rares  élèves 
de  l'Ecole  polytechnique  classés,  d'après  leur  rang  de  sortie, 
dans  les  télégraphes  (un  seul  dans  les  cinq  dernières  années), 
l'Ecole  reçoit  d'autres  élèves,  qui  y  sont  admis  par  voie  de 
concours,  et  des  auditeurs  libres.  Français  ou  étrangers, 
dûment  autorisés  à  suivre  les  cours  et  conférences.  Le 
concours  a  lieu,  tous  les  deux  ans  seulement,  au  mois 
d'octobre.  Sont  admis  au  concours  :  les  agents  des  postes 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —   XV. 


et  des  télégraphes  comptant  deux  ans  de  services  ;  les 
Ucenciés  es  sciences  ;  les  anciens  élèves  de  l'Ecole  poly- 
technique; les  anciens  élèves  de  l'Ecole  normale  supé- 
rieure ;  les  anciens  élèves  de  l'Ecole  supérieure  des  mines  ; 
les  anciens  élèves  de  l'Ecole  des  ponts  et  chaussées  ;  les 
anciens  élèves  de  l'Ecole  forestière  ;  les  anciens  élèves  de 
l'Ecole  centrale  des  arts  etmanufactures  ayant  satisfait  aux 
examens  de  sortie.  —  Les  candidats  doivent  être  Français  ou 
naturalisés  Français  et  être  âgés  de  vingt  ans  au  moins  et 
de  trente  ans  au  plus  au  1^^  janv.  de  l'année  dans  laquelle 
ils  se  présentent  au  concours. 

La  demande  d'admission  au  concours  doit  être  adressée 
au  directeur  général  des  postes  et  télégraphes  avant  le 
1^^  sept,  de  l'année  du  concours  et  être  accompagnée  (sauf 
pour  les  agents  de  l'administration)  :  4 «d'un  extrait réguher 
de  naissance  du  candidat,  et,  au  besoin,  de  son  acte  de  natu- 
ralisation ;  2°  d'un  certificat  de  bonnes  vie  et  mœurs  délivré 
par  les  autorités  du  lieu  de  son  domicile  et  dûment  légahsé  ; 
3^  d'un  extrait  du  casier  judiciaire  ;  4°  d'une  déclaration 
dûment  légahsée  d'un  docteur  en  médecine,  constatant  que 
le  candidat  est  vacciné  ou  qu'il  a  eu  la  petite  vérole. 
Tout  candidat  doit,  en  outre,  justifier  de  sa  situation  au  point 
de  vue  militaire. 

Les  candidats  subissent  les  examens  à  Paris,  devant  un 
jury  désigné  à  cet  effet.  Les  épreuves  consistent  en:  i^  une 
composition  écrite  sur  la  physique  et  une  composition 
écrite  sur  la  chimie  ;  2<^  un  dessin  graphique  ;  3«  des 
examens  oraux,  qui  portent  sur  les  mathématiques,  le 
calcul  différentiel,  le  calcul  intégral,  la  mécanique,  la  phy- 
sique, la  chimie,  une  langue  vivante  (l'anglais  ou  l'alle- 
mand), conformément  aux  programmes  arrêtés  par  le 
ministre.  Le  jury  détermine  l'ordre  de  mérite  des  candidats 
et  en  adresse  la  liste  au  ministre,  qui  statue  sur  l'admis- 
sion. Le  nombre  des  admissions  varie  selon  les  besoins  du 
service. 

RéCxIme  intérieur.  —  Le  régime  de  l'Ecole  est  l'exter- 
nat. Elle  admet,  à  côté  des  élèves,  des  auditeurs  libres.  Les 
cours  sont  répartis  sur  deux  années  consécutives  et  ont 
lieu  alternativement  tous  les  deux  ans.  Pendant  la  durée 
des  études,  les  élèves  de  l'Ecole  prennent  le  titre  d'élèves- 
ingénieurs  des  télégraphes.  Ils  reçoivent  un  traitement  fixe 
de  1,800  francs.  Les  cours  et  conférences  de  l'Ecole  por- 
tent sur  les  matières  suivantes  :  construction  des  lignes 
télégraphiques  aériennes,  souterraines  et  sous-marines  ; 
mesure  électrique  ;  physique  ;  appareils  télégraphiques  ; 
chimie  appliquée  aux  matières  employées  en  télégraphie  ; 
téléphone  ;  lumière  électrique  ;  transmission  et  distribution 
de  la  force  électrique  ;  vapeur  ;  télégraphie  militaire  ;  appli- 
cations de  l'électricité  dans  les  chemins  de  fer  ;  architec- 
ture et  construction  ;  anglais  ;  allemand.  En  outre,  les 
élèves  se  livrent  à  des  exercices  pratiques  de  manipulations , 
de  mesure  électrique,  de  télégraphie  militaire.  Durant  l'été, 
ils  sont  envoyés  en  mission,  et  il  leur  est  alloué  à  cet  effet 
des  allocations  supplémentaires.  L'objet  de  ces  missions  est 
l'étude  du  service  dans  tel  ou  tel  département,  la  visite 
d'ateliers  de  fabrication  d'instruments  ou  de  matériel  télé- 
graphique. Les  élèves  rédigent  un  journal  descriptif  qu'ils 
remettent  à  leur  retour. 

A  l'Ecole  sont  annexés  un  laboratoire  où  se  font  des 
recherches  demandées  par  l'administration  ;  un  musée  où 
sont  conservés  les  modèles  d'appareils  employés  par  l'ad- 
ministration autrefois  ou  actuellement,  ceux  qui  le  sont  ou 
l'ont  été  à  l'étranger,  enfin  ceux  qui  ont  été  proposés. 

Sortie.  —  Les  élèves-ingénieurs  des  télégraphes  ne  peu- 
vent être  admis  définitivement  dans  le  service  technique  que 
lorsqu'ils  ont  subi  avec  succès  les  examens  de  sortie  de  se- 
conde année.  Ils  entrent  dans  ce  service  au  l'^-^  oct.  de  leur 
deuxième  année  d'études  avec  le  grade  de  sous-ingénieur 
des  télégraphes.  —  Les  auditeurs  libres  peuvent  obtenir  un 
diplôme  ou  un  certificat  spécial  mentionnant  les  cours  sur 
lesquels  ils  ont  subi  un  examen  satisfaisant.       A. -M.  B. 

Ecole  centrale  des  arts  et  manufactures.  —  Des- 
tination. —  L'Ecole  centrale  des  arts  et  manufactures, 

29 


ÉCOLE 


-  450  - 


établie  à  Paris,  rueMontgolfier,  n^  4,  est  spécialement  desti- 
née à  former  des  ingénieurs  pour  toutes  les  branches  de 
Findustrie  et  pour  les  travaux  et  services  publics  dont  la 
direction  n'appartient  pas  nécessairement  aux  ingénieurs 
de  l'Etat.  Les  étrangers  peuvent  y  être  admis  comme  les 
nationaux  et  aux  mêmes  conditions.  L'Ecole  centrale  res- 
sortit au  ministère  du  commerce,  mais  elle  a  une  organisa- 
tion particulière  qui  lui  assure  une  grande  autonomie  (V.  ci- 
dessous).  L'arrêté  ministériel  réglementaire  du  24  mai  1862 
est  la  charte  de  l'Ecole. 

Historique.  —  L'Ecole  centrale  des  arts  et  manutactures 
a  été  créée  par  l'initiative  privée  en  4829.  Son  premier 
prospectus  dit  qu'elle  fut  fondée  avec  l'autorisation  de 
M.  de  Yatimesnil,  ministre  de  l'instruction  publique,  par 
MM.  Lavallée,  directeur,  Benoît,  Dumas,  Olivier  et  Péclet, 
professeurs.  Les  grands  progrès  scientifiques  accomplis  et 
l'essor  de  l'industrie  au  moment  de  la  Restauration  fai- 
saient vivement  sentir  la  nécessité  d'un  corps  d'ingé- 
nieurs civils  rendant  à  l'industrie  privée  les  services  que 
les  élèves  de  l'Ecole  polytechnique  rendaient  à  l'armée  et 
aux  services  publics.  En  4828,  trois  jeunes  savants  prirent 
l'initiative  de  la  création  d'une  école  où  se  formeraient  ces 
ingénieurs  civils,  directeurs  d'usines,  chefs  de  manufac- 
tures, etc.  ;  c'étaient  le  physicien  Péclet,  sorti  de  l'Ecole 
normale,  le  chimiste  Olivier,  élève  de  Monge,  sorti  de  l'Ecole 
polytechnique ,  passionné  pour  la  géométrie  descriptive , 
enfin  le  chimiste  J.-B.  Dumas,  professeur  illustre.  Ils  se 
mirent  d'accord  avec  Lavallée,  qui  fournit  les  capitaux.  Un 
acte  d'association  fut  signé  entre  ces  quatre  hommes  émi- 
nents.  Laissant  à  l'Ecole  polytechnique  les  mathématiques 
supérieures,  aux  écoles  d'arts  et  métiers  l'apprentissage 
professionnel,  on  prit  pour  modèle  l'ancienne  Ecole  cen- 
trale des  travaux  publics  (Ecole  polytechnique)  de  la  Révo- 
lution française,  étudiant  les  sciences  mathématiques  et 
physiques  au  point  de  vue  de  leurs  applications  aux  arts 
industriels,  consacrant  beaucoup  de  temps  aux  travaux 
graphiques  et  aux  manipulations.  On  fit  une  innovation 
féconde  en  faisant  exécuter  aux  élèves  de  nombreux  pro- 
jets, d'après  des  données  réelles,  pour  exciter  à  la  fois  et 
pondérer  l'esprit  d'invention. 

L'Ecole  fut  d'abord  installée  dans  l'hôtel  de  Juigné,  au 
Marais,  à  l'angle  des  rues  des  Coutures-Saint-Gervais  et  de 
Thorigny.  Ce  local,  loué  45,000  fr.,  était  heureusement 
choisi.  L'hôtel,  bâti  en  4626  par  le  financier  Aubert  de 
Villeneuve,  acquis  ensuite  par  le  duc  de  Villeroy,  puis  par 
l'archevêque  de  Paris,  Juigné,  était  assez  vaste  pour  abriter 
les  500  élèves  que  M.  Lavallée  rêvait  d'y  amener  un  jour. 
n  abrita  l'Ecole  centrale  jusqu'en  4884.  —  Des  agrandisse- 
ments l'amenèrent  jusqu'à  la  rue  de  la  Perle  et  presque  à  la 
rue  Yieille-du-Temple.  —  Les  cours  s'ouvrirent  le  3  nov. 
4829.  Aux  trois  professeurs  fut  adjoint  M.  Benoît,  aussitôt 
remplacé  par  CoUadon ,  puis,  en  4830,  par  Coriolis,  qui  traça 
les  cadres  de  l'enseignement  de  la  mécanique  à  l'Ecole. 
L'organisation  était  très  simple.  Le  directeur  était  chargé 
de  l'administration,  de  la  représentation  et  de  la  corres- 
pondance ;  réuni  aux  autres  membres  fondateurs,  il  formait 
le  conseil  supérieur  de  l'Ecole  qui  nommait  les  professeurs, 
répétiteurs,  etc.,  recevait  ou  écartait  les  candidats.  Un 
conseil  des  études  était  formé  du  directeur  et  de  tous  les 
professeurs  ;  il  dressait  les  Hstes  de  classement  après  les 
examens  de  passage  et  les  examens  de  sortie.  La  durée 
des  études,  fixée  d'abord  à  deux  ans,  fut  étendue  à  trois  ans 
dès  4830.  Les  élèves  devaient  avoir  au  moins  quinze  ans 
(à  partir  de  4835,  seize  ans)  le  jour  de  leur  entrée,  mais 
on  eut  soin  de  n'établir  aucune  limite  d'âge  supérieure  et 
on  eut  à  se  féliciter  de  cette  décision  libérale.  L'Ecole  ne 
recevait  que  des  élèves  externes.  On  étabht  pour  l'admis- 
sion, non  pas  un  concours,  mais  des  examens  admettant  sur 
le  même  rang,  sans  en  limiter  le  nombre,  tous  ceux  qui 
étaient  capables  de  recevoir  l'enseignement.  Les  examens 
furent  confiés  en  province  aux  professeurs  de  mathéma- 
tiques spéciales  des  lycées  ;  à  l'étranger,  aux  professeurs 
des  universités.  Le  programme  d'admission  était  celui  de 


l'Ecole  centrale  des  travaux  publics  en  4794.  La  rétribu- 
tion scolaire  fut  fixée  à  700,  puis,  dès  4830 ,  à  800  fr.  par  an. 
Des  chefs  d'études  nommés  par  leurs  camarades  mainte- 
naient l'ordre.  Nulle  autre  peine  disciplinaire  que  la  répri- 
mande ou  l'exclusion.  Les  élèves  étaient  tenus  en  haleine 
par  de  fréquentes  interrogations.  Les  cours  des  travaux 
graphiques  et  la  manipulation  absorbaient  tout  le  temps 
passé  à  l'Ecole.  Rentrés  chez  eux,  les  élèves  avaient  à 
reviser  leurs  notes  et  à  se  préparer  pour  être  toujours  prêts 
à  répondre  aux  interrogations,  enfin  à  exécuter  les  projets 
demandés;  cette  gymnastique  intellectuelle  rendait  toute 
oisiveté  impossible  et  l'externat  n'avait  nul  inconvénient. 
A  l'origine,  il  y  eut  neuf  cours  :  géométrie  descriptive  ; 
physique  ;  mécanique  industrielle  ;  chimie  et  arts  chimiques  ; 
histoire  naturelle  industrielle;  exploitation  des  mines;  art 
de  bâtir;  économie  industrielle  ;  dessin.  La  première  année, 
440  élèves  suivirent  ces  cours  ;  48  avaient  plus  de  vingt  et  un 
ans,  quelques-uns  plus  de  trente  ans  ;  quelques-uns  étaient 
étrangers.  Le  conseil  de  l'Ecole  avait  créé  440  demi-bourses 
pour  les  candidats  sans  fortune.  La  seconde  année  on  pro- 
céda à  l'organisation  définitive,  répartissant  les  cours  entre 
les  trois  années  :  quatre  dans  la  première,  huit  dans  la 
seconde,  dix  dans  la  troisième  ;  la  théorie  des  machines,  la 
construction  des  machines  furent  distinguées  de  la  méca- 
nique ;  la  métallurgie  du  fer  devint  l'objet  de  deux  cours. 
On  subdivisa  l'art  de  bâtir  en  deux  cours  :  architecture 
civile,  grands  travaux  d'art.  On  enseigna  encore  la  géo- 
logie et  minéralogie  et  l'hygiène.  Tous  les  cours  étaient 
obligatoires  pour  tous  les  élèves,  mais  les  dessins  et  mani- 
pulations furent  scindés  en  deux  séries  :  l'une  générale, 
l'autre  spéciale.  Les  élèves  étaient  séparés  en  cinq  sections 
spéciales  :  construction  des  machines  et  arts  mécaniques  ; 
constructions  proprement  dites  et  arts  physiques  ;  chimie 
minérale  et  applications  ;  chimie  organique  et  arts  agri- 
coles ;  exploitation  des  mines  et  métallurgies.  Depuis,  on  a 
réuni  la  troisième  et  la  quatrième  section.  A  leur  sortie, 
seuls  les  élèves  jugés  capables  recevaient  un  diplôme  de 
capacité  avec  indication  détaillée  de  leur  travail  à  l'Ecole. 
Celle-ci  publiait  un  recueil  mensuel  :  Annales  de  l'indus- 
trie française  et  étrangère, 

La  révolution  de  Juillet  amena  une  crise  ;  des  élèves  par- 
tirent ;  la  nouvelle  promotion  fut  peu  nombreuse  ;  le  total 
des  deux  années  ne  dépassa  pas  474  à  la  fin  de  4830;  en  y 
comprenant  la  troisième  promotion  (nov.  4834)  on  n'at- 
teignait pas  le  chitfre  de  200.  Le  choléra  de  4832  aggrava 
la  situation.  Les  professeurs-fondateurs  renoncèrent  à  leur 
premier  traité  et  remirent  à  M.  Lavallée  la  propriété  en- 
tière de  l'Ecole  centrale  avec  toute  la  responsabilité  pécu- 
niaire. On  ne  délivra  en  4832  (premier  examen  de  sortie) 
que  26  diplômes  ou  certificats;  la  promotion  de  4833  ne 
fut  que  de  20  élèves,  celle  de  4834  de  47  seulement.  Ces 
chiffres  se  relevèrent  un  peu  ensuite  ;  la  septième  promo- 
tion (1836-38)  reçut  40  diplômes  ou  certificats.  On  sim- 
pHfia  les  rouages,  un  conseil  remplaça  les  trois  conseils 
primitifs.  Les  cours  subirent  quelques  remaniements.  En 
4840,  on  demanda  aux  élèves  un  travail  de  vacances.  Du- 
rant cette  période,  l'Ecole  centrale  n'ayant  pu^  gagner  les 
sympathies  du  ministère  de  l'instruction  publique,  passa 
sous  la  protection  de  celui  de  l'agriculture  et  du  commerce. 
Celui-ci  obtint  de  la  Chambre  des  députés  la  création  de 
28  bourses  (44  demi-bourses,  44  bourses  entières  et,  de 
plus,  8  pensions  alimentaires  pour  les  plus  pauvres  de  ces 
boursiers).  Ce  nombre  fut  porté  à  40  et  un  grand  nombre 
de  départements  accordèrent  des  subventions  pour  les  élèves. 
Enfin  on  avait  rendu  plus  diflicile  l'entrée  en  la  subor- 
donnant à  un  concours  passé  devant  un  jury  nommé  par 
le  ministre.  Les  progrès  furent  sensibles  de  4840  à  4848; 
le  nombre  des  élèves  et  des  diplômes  fut  double  de  celui 
qu'on  avait  compté  dans  la  période  précédente.  Il  doubla 
de  nouveau  dans  la  période  4850-57.  De  4829  à  4857, 
l'Ecole  centrale  avait  reçu  3,342  élèves  et  déhvré  4,294 
diplômes  ou  certificats.  En  4848,  les  élèves  de  l'Ecole  de- 
mandèrent et  obtinrent  un  uniforme  qui  d'ailleurs  ne  dura 


-  451  - 


ECOLE 


pas.  Cette  année  vit  (4  mars)  la  fondation  de  la  grande 
Société  des  ingénieurs  civils  (V.  cet  art.),  principale- 
ment composée  des  anciens  élèves  de  l'Ecole  centrale.  Le 
cours  de  chemins  de  fer  inauguré  dès  1 834  à  l'Ecole  avait 
beaucoup  fait  pour  le  succès  de  l'Ecole  qui  profitait  large- 
ment des  progrès  rapides  de  l'industrie.  De  1837  à  1840, 
le  nombre  des  élèves  atteint  presque  300.  L'équilibre  finan- 
cier est  enfin  réalisé.  Les  examens  deviennent  plus  difii- 
ciles.  En  1850,  l'Ecole  a  350  élèves;  en  1856,  elle  en  ren- 
ferme 450,  et  il  faut  agrandir  les  bâtnnents  et  élever  de 
nouveaux  amphithéâtres.  Aux  élèves-commissaires,  on  avait 
adjoint  pour  la  surveillance  des  inspecteurs  (capitaines  en 
retraite).  Les  Expositions  universelles  de  Londres  (1851) 
et  de  Paris  (1855)  consacrèrent  définitivement  le  grand 
succès  de  l'Ecole  centrale.  A  ce  moment,  l'avenir  fut  assuré 
par  la  cession  de  l'Ecole  à  l'Etat. 

Le  directeur  et  les  fondateurs  de  l'Ecole  centrale  se  pré- 
occupaient de  ce  qu'elle  deviendrait  après  eux,  d'autant 
que  son  hôtel  ne  lui  appartenait  pas.  Le  développement 
pris  par  leur  œuvre  dépassait  les  limites  d'une  entreprise 
particulière  ;  elle  avait  tout  le  caractère  d'un  grand  établis- 
sement public.  Il  était  désirable  que  l'Etat  l'ajoutât  à  la 
liste  des  centres  d'instruction  qu'il  avait  organisés.  M.  La- 
vallée,  d'accord  avec  MM.  Dumas  et  Péclet,  proposa  donc  de 
céder  gratuitement  l'Ecole  centrale  à  l'Etat  (25  févr.  1855). 
Cette  proposition  était  d'autant  plus  généreuse  que  les  béné- 
fices annuels  de  la  direction  dépassaient  100,000  fr.  Le  con- 
seil des  ministres  accepta  en  principe  à  la  fin  de  1855.  Les 
objections  du  conseil  d'Etat,  fondées  surtout  sur  les  excel- 
lents résultats  obtenus  par  l'initiative  privée,  retardèrent 
la  solution.  Voici  les  chiffres  qui  furent  fournis  au  point  de 
vue  financier.  De  1837  à  1840,  le  nombre  moyen  d'élèves 
était  de  279,  le  produit  net  de  75,000  fr.  par  an;  de  1840 
à  1853,  le  nombre  moyen  d'élèves  était  de  304,  le  produit 
net  annuel  de  65,000  fr.  ;  de  1853  à  1856,  le  nombre 
moyen  d'élèves  était  de  401,  le  produit  net  annuel  de 
89,000  fr.;  en  1855-56,  le  produit  net  dépassait  101 ,000  fr. 
Le  gouvernement  accepta  définitivement  à  la  fin  de  l'année 
1856.  La  convention  fut  signée  entre  le  ministre  du  com- 
merce et  M.  Lavallée  le  dS  av.  1857.  Le  projet  de  loi  rati- 
fiant la  cession  fut  présenté  au  Corps  législatif  le  8  mai  1857; 
voté  par  lui ,  il  fut  ratifié  par  le  Sénat.  La  loi  fut  pro- 
mulguée le  19  juin  suivant.  Par  cette  convention,  M.  Martin- 
Lavallée  et  ses  enfants  cédaient  et  transportaient  à  l'Etat 
la  propriété  de  l'Ecole  centrale  des  arts  et  manufactures  y 
compris  le  mobilier,  le  bail  de  l'hôtel  de  Juigné,  les  cons- 
tructions et  agencements  faits  dans  l'Ecole,  etc.  En  échange, 
l'Etat  servait  à  MM.  Dumas  et  Péclet  une  rente  viagère  de 
4,000  fr.,  à  M"^®  veuve  Olivier  une  rente  de  2,000,  s'en- 
gageait à  la  servir  à  divers  employés  le  jour  où  ils  cesseraient 
leurs  fonctions.  L'art.  2  de  la  loi  stipulait  :  «  Les  produits 
de  l'Ecole  ne  se  confondront  pas  avec  les  recettes  du  Trésor 
et  seront  spécialement  affectés  aux  dépenses  de  l'établisse- 
ment. »  L'Ecole  demeura  rattachée  au  ministère  de  l'agri- 
culture, du  commerce  et  des  travaux  publics. 

Le  gouvernement  conserva  à  l'Ecole  centrale  l'organisa- 
tion et  le  système  d'enseignement  auxquels  elle  devait  sa 
prospérité.  Mais  il  put  opérer  des  améliorations  sensibles. 
La  principale  fut  l'institution  d'un  concours  d'admission 
avec  épreuves  écrites  d'admissibilité  et  épreuves  orales  et 
classement.  La  limite  d'âge  minimum  fut  élevée  à  dix- 
huit  ans.  Les  candidats  passaient  le  concours  à  Paris,  par 
sections,  ce  qui  n'assurait  pas  une  égalité  parfaite,  les  sujets 
de  composition  étant  différents.  En  1862,  on  rédigea  un 
programme  détaillé  ;  depuis  l'origine  le  niveau  des  connais- 
sances exigées  n'avait  cessé  de  s'élever.  En  1867,  on  pro- 
céda à  une  refonte  de  ce  programme  auquel  on  fit  de 
nouvelles  additions.  Le  résultat  de  ces  modifications  fut 
excellent.  Alors  que  dans  la  première  période  il  n'y  avait 
eu  sur  3,342  élèves  entrés  que  1,291  ayant  obtenu  le 
diplôme  de  fin  d'études,  le  nombre  de  fruits  secs  s'élevantà 
2,051  (61  o/o),  dans  la  période  de  1857  à  1877,  sous  la 
direction  de  l'Etat,  il  y  eut,  pour  3,924  entrées,  2,763  sor- 


ties réelles  (avec  diplômes)  et  seulement  1,161  fruits  secs 
(à  peine  30  «/o).  Les  efforts  de  M.  Cauvet,  directeur  des 
études,  ont  beaucoup  contribué  à  ce  résultat.  —  La  cession 
à  l'Etat  entraîna  de  grandes  améliorations  intérieures  ;  on 
put  dédoubler  les  cours  communs  à  la  deuxième  et  à  la  troi- 
sième année.  Le  règlement  de  l'Ecole  centrale  fut  établi 
par  un  arrêté  du  24  mai  1862;  on  rétablit  le  conseil  de 
perfectionnement.  L'autonomie  de  l'Ecole  en  fut  accrue.  En 
1867,  on  évaluait  le  nombre  des  candidats  à  450,  celui 
des  élèves  reçus  à  220,  le  nombre  des  élèves  présents  à 
590.  Ces  chiffres  diminuèrent  après  la  guerre  de  1870,  par 
suite  de  la  réception  d'un  plus  grand  nombre  d'élèves  à 
l'Ecole  polytechnique.  En  1872,  il  n'y  a  que  300  candidats 
pour  plus  de  200  places;  cette  moyenne  se  relève  à  411 
candidats  en  1878.  Il  n'a  cessé  d'augmenter  depuis.  En  1891 , 
on  a  compté  534  candidats  pour  248  admissions.  L'élé- 
vation du  niveau  des  études  résulte  du  fait  que  la  propor- 
tion des  élèves  admis  à  passer  en  seconde  année  s'est  accrue 
sans  cesse  ;  de  même  la  proportion  des  élèves  diplômés  et 
la  note  moyenne  obtenue  par  eux.  De  1859  à  1871,  le 
nombre  moyen  annuel  des  élèves  ayant  échoué  à  l'Ecole 
polytechnique  qui  sont  entrés  à  l'Ecole  centrale  a  été  de 
50,  le  quart  de  chaque  promotion. 

La  Société  amicale  des  anciens  élèves  de  l'Ecole  cen- 
trale, créée  en  1862,  en  reliant  les  promotions  successives, 
en  a  formé  un  faisceau  puissant  ;  s'occupant  des  positions 
vacantes  dans  les  carrières  ouvertes  aux  élèves  de  l'Ecole, 
elle  a  rendu  à  ceux-ci  les  plus  grands  services  ;  elle  a  été 
reconnue  d'utilité  publique  le  14  août  1867. 

Pour  compléter  l'histoire  de  l'Ecole  centrale,  il  nous 
reste  à  parler  de  son  transfert  dans  les  nouveaux  bâtiments 
qui  ont  été  bâtis  pour  elle  à  l'ancien  marché  Saint-Martin, 
dont  la  ville  de  Paris  céda  les  6,300  m.  q.  pour  le  prix 
de  150,000  fr.  environ,  en  subordonnant  la  cession  au 
maintien  de  l'autonomie  financière,  administrative  et  sco- 
laire de  l'Ecole  centrale. 

Conditions  d'admission.  —  Nul  n'est  admis  à  l'Ecole  que 
par  voie  de  concours.  Le  concours  a  lieu  tous  les  ans,  à 
Paris,  et  comprend  deux  sessions  distinctes,  entre  lesquelles 
les  candidats  ont  le  droit  d'opter.  Toutefois,  ceux  qui  auront 
subi  les  épreuves  de  la  première  session  ne  pourront  se 
présentera  la  seconde.  La  première  session,  en  août,  cor- 
respond à  la  cessation  des  classes  dans  les  lycées.  La 
seconde  session,  deux  mois  après,  donne  des  facilités  aux 
préparations  en  retard.  Pour  être  admis  à  concourir,  il 
suffit  d'en  faire  la  demande  par  écrit  avant  le  15  juil.  pour 
la  première  session  et  avant  le  15  sept,  pour  la  deuxième 
session.  Toutefois,  les  candidats  de  l'une  ou  l'autre  session 
qui  aspirent  aux  subventions  de  l'Etat  doivent  toujours 
avoir  envoyé  leur  demande  à  la  préfecture  de  leur  dépar- 
tement avant  le  15  juil.,  ainsi  qu'il  est  dit  précédemment. 
La  demande  d'inscription  pour  le  concours  doit  être  adressée 
au  directeur  de  l'Ecole. 

Les  candidats,  en  se  présentant  au  secrétariat  de  l'Ecole 
au  jour  fixé'par  leur  lettre  de  convocation,  doivent  :  jus- 
tifier qu'ils  ont  eu  dix-sept  ans  accompHs  au  1^^  janv.  de 
l'année  dans  laquelle  ils  se  présentent  au  concours  ;  pro- 
duire un  certificat  de  vaccine  et  un  certificat  de  morahté 
délivré  par  le  chef  de  l'établissement  dans  lequel  ils  ont 
accompli  leur  dernière  année  d'études,  ou,  à  défaut,  par  le 
maire  de  leur  dernière  résidence. 

Le  concours  est  public.  Les  épreuves  consistent  en  com- 
positions écrites  et  en  examens  oraux,  qui  portent  sur  les 
connaissances  ci-après  :  1°  la  langue  française  ;  2°  l'arith- 
métique ;  3°  la  géométrie  élémentaire  ;  4°  l'algèbre  jusqu'à 
la  théorie  générale  des  équations  inclusivement  ;  5^  la  tri- 
gonométrie rectiligne  ;  6^  la  géométrie  analytique  à  deux 
et  à  trois  dimensions  jusqu'aux  notions  générales  sur  les 
surfaces  du  deuxième  degré  inclusivement  ;  7**  la  géométrie 
descriptive  jusqu'aux  surfaces  gauches  exclusivement  ; 
8*^  toute  la  partie  de  la  physique  que  comprend  l'ensei- 
gnement des  lycées,  y  compris  la  chaleur  et  des  notion 
générales  sur  l'optique  et  l'électricité;  9^  en  chimie,  le 


ÉCOLE 


—  452  — 


Généralités  et  les  métalloïdes;  10°  des  notions  d'histoire 
naturelle;  11«  le  dessin  à  main  levée,  le  dessin  au  trait 
et  le  lavis. 

Toutes  les  matières  comprises  dans  le  programme  détaille 
sont  également  obligatoires.  Les  candidats  dont  les  connais- 
sances sur  l'une  quelconque  des  matières  seraient  reconnues 
insuffisantes  ne  pourront  être  admis. 

Les  compositions  écrites  peuvent  s'appliquer  à  toutes 
les  divisions  du  programme  ;  une  rédaction  correcte  et 
méthodique,  ainsi  qu'une  écriture  régulière  et  très  lisible, 
en  est  la  condition  essentielle.  Les  candidats  exécute- 
ront, en  outre,  sous  les  yeux  d'un  surveillant,  une  épure 
de  géométrie  descriptive  et  un  dessin  architectural  renfer- 
mant des  parties  ornementées,  que  le  candidat  doit  pro- 
duire à  une  échelle  réduite,  d'après  un  dessin  modèle.  Une 
partie  déterminée  de  ce  dessin  devra  être  lavée  à  teintes 

plates.  ,    1   1 .     1 

Les  candidats  devront  avoir  une  grande  habitude  du 
dessin  géométrique  de  machine  et  d'architecture,  du  lavis 
et  du  dessin  à  main  levée.  Les  compositions  graphiques 
qu'ils  auront  à  faire  sous  les  yeux  des  inspecteurs  de  l'Ecole 
comprendront  :  1°  une  épure  de  géométrie  descriptive  sur 
un  des  sujets  compris  dans  le  programme  ;  2°  une  feuille 
de  dessin  comprenant  un  exercice  de  dessin  au  trait,  un  de 
lavis  ou  un  de  dessin  à  main  levée.  Ces  dessins  seront  faits 
à  une  échelle  réduite  d'après  un  modèle  donné. 

Les  candidats  présenteront  en  outre  aux  examinateurs  : 
io  une  collection  d'épurés  relatives  aux  questions  spécifiées 
dans  le  programme  de  géométrie  descriptive  et  des  tracés 
des  courbes  du  second  degré  ;  ^'^  une  collection  de  dessins 
d'architecture  et  de  machines,  au  trait  et  au  lavis  ;  3<^  un 
cahier  de  croquis  faits  à  main  levée  d'après  des  dessins 
d'architecture,  de  pièces  de  machines  et  d'appareils  de  phy- 
sique et  de  chimie.  L'Ecole  recommande  d'une  manière 
spéciale  aux  candidats  de  s'attacher,  dans  leurs  études  de 
dessin,  autant  à  la  rapidité  d'exécution  qu'à  l'exactitude 
des  formes  et  à  la  pureté  du  trait. 

Les  épreuves  du  concours  commencent  vers  le  l®'^  août 
pour  la  première  session  et  vers  le  10  oct.  pour  la  deuxième 
session. 

Admission.  Après  la  clôture  du  concours,  la  liste  des 
élèves  admis  sera  définitivement  arrêtée  par  le  ministre, 
sur  la  proposition  du  conseil  de  l'Ecole,  et  publiée  au  Jour- 
nal  officiel.  Le  nombre  des  élèves  admis  chaque  année  est 
de  230  environ.  Tout  candidat  nommé  élève  qui  ne  se  sera 
pas  présenté  au  directeur  au  jour  indiqué  dans  sa  lettre 
d'admission,  sera  considéré  comme  démissionnaire.  — •  Les 
parents  qui  ne  résident  pas  à  Paris  sont  tenus  d'y  avoir  un 
correspondant  qui  puisse  les  représenter  auprès  du  direc- 
teur de  l'Ecole  et  surveiller  la  conduite  de  l'élève  hors  de 
l'étabUsssement. 

Subventions  de  VEtat.  Des  subventions  peuvent  être 
accordées  sur  les  fonds  de  l'Etat  aux  élèves  français  qui  se 
recommandent  à  la  fois  par  l'insuffisance  constatée  des  res- 
sources de  leur  famille  et  par  leur  rang  de  classement,  soit 
à  la  suite  des  examens  d'admission,  soit  après  les  épreuves 
de  passage  d'une  division  dans  la  division  supérieure.  Ces 
subventions  ne  sont  accordées  que  pour  un  an,  mais  elles 
peuvent  être  continuées  ou  même  augmentées  en  faveur  des 
élèves  qui  s'en  rendent  dignes  par  leurs  progrès.  Les  sub- 
ventions sur  les  fonds  de  l'Etat  peuvent  être  cumulées  avec 
les  allocations  accordées  aux  élèves  par  les  départements 
et  les  communes.  Le  montant  de  ces  subventions  est  versé 
à  la  caisse  de  l'Ecole  au  moyen  d'un  mandat  ordonnancé 
au  nom  de  l'agent  comptable,  qui  en  donne  quittance.  Si  la 
somme  des  subventions  obtenues  par  un  élève  dépasse  le 
prix  de  l'enseignement,  le  surplus  lui  est  payé,  à  titre  de 
pension  ahmentaire,  sur  un  mandat  du  directeur. 

Les  candidats  qui  désirent  avoir  part  aux  subventions 
de  l'Etat  doivent  en  faire  la  déclaration  par  écrit  sur 
papier  timbré,  avant  le  15  juil.,  à  la  préfecture  de  leur 
département.  Toute  demande  postérieure  à  cette  date,  de 
quelque  manière  qu'elle  se  présente,  et  quelles  que  soient  les 


causes  du  retard,  sera  irrévocablement  écartée.  Cette 
déclaration  est  accompagnée  d'une  demande  adressée  au 
ministre,  appuyée  de  l'extrait  de  naissance  de  l'élève  et 
d'un  certificat  de  moralité  délivré  par  le  chef  de  l'établis- 
sement dans  lequel  il  a  accompli  sa  dernière  année  d'études, 
ou,  à  défaut,  par  le  maire  de  sa  dernière  résidence.  La 
demande  est  communiquée  par  le  préfet  au  conseil  muni- 
cipal du  domicile  de  la  famille  du  candidat,  afin  que  ce 
conseil  vérifie  si  la  famille  est  dépourvue  des  ressources 
suffisantes  pour  subvenir  à  l'entretien  de  l'élève  à  Paris, 
et  au  payement  total  ou  partiel  du  prix  de  l'enseignement 
pendant  la  durée  des  études.  Le  préfet  transmet  au  ministre, 
avant  le  1^^  oct.,  la  délibération  motivée  du  conseil  muni- 
cipal, avec  les  pièces  justificatives  à  l'appui,  et  il  y  joint 
son  avis  personnel. 

Régime  intérieur.—  L'Ecole  centrale  ne  reçoit  que  d^es 
élèves  externes.  Le  nombre  total  est  d'environ  640  (250 
en  première  année,  200  en  seconde,  190  en  troisième). 
Us  ne  portent  aucun  uniforme  ni  aucun  signe  distinctif  en 
dehors  de  l'Ecole.  La  durée  des  études  est  de  trois  ans. 
Le  prix  de  l'enseignement,  y  compris  les  frais  de  manipu- 
lation et  travaux  pratiques,  "'s'élève  à  900  fr.  en  première 
année,  1,000  fr.  en  seconde  et  en  troisième  année.  En 
outre,  il  est  prélevé,  pour  le  concours  de  sortie  de  troisième 
année,  un  droit  de  100  fr.  Les  frais  que  nécessitent  les 
travaux  graphiques  et  les  fournitures  de  bureau  sont  à  la 
charge  de  l'élève.  Indépendamment  du  prix  de  l'enseigne- 
ment, les  élèves  sont  tenus  de  verser  à  la  caisse  de  l'Ecole, 
au  commencement  de  chaque  année,  et  à  titre  de  dépôt, 
une  somme  de  35  fr.  destinée  à  garantir  le  payement  des 
objets  perdus,  cassés  ou  détériorés  par  leur  faute. ^ 

Les  élèves  arrivent  à  l'Ecole  de  huit  heures  à  huit  heures 
et  demie  du  matin  et  en  sortent  de  quatre  heures  à  quatre 
heures  et  demie.  Ils  ont  une  heure  pour  déjeuner  (de  dix 
heures  à  onze  heures).  On  met  à  leur  disposition  un  réfec- 
toire dont  l'organisation  rappelle  celle  des  buifetsdes  gares 
de  chemins  de  fer.  Deux  fournisseurs  concurrents  auxquels 
l'Etat  prête  le  local  fournissent  la  nourriture  à  prix  réduit. 
L'Ecole  est  administrée  sous  l'autorité  du  ministre  du 
commerce  par  un  directeur.  Le  directeur  est  nommé  parmi 
les  personnes  qui  font  ou  ont  fait  partie  du  conseil  de  per- 
fectionnement de  l'Ecole  centrale.  Il  est  assisté  d'un  sous- 
directeur.  Le  personnel  enseignant  comprend  :  un  directeur 
et  un  sous-directeur  des  études,  des  professeurs  de  sciences 
industrielles  et  de  sciences  générales,  des  maîtres  de  con- 
férence, chefs  de  travaux,  répétiteurs  et  préparateurs.  Le 
directeur  des  études  s'occupe  de  tous  les  détails  des  travaux 
des  élèves  parmi  lesquels  il  maintient  la  discipline  avec 
l'aide  des  inspecteurs. 

Le  conseil  de  VEcole  se  compose  des  professeurs  de 
sciences  industrielles;  les  directeurs  et  sous -directeurs 
peuvent  assister  aux  séances.  Il  prépare  et  étudie  les  mesures 
concernant  la  direction  et  l'amélioration  de  l'enseignement. 
Il  arrête  le  programme  d'admission,  les  programmes  des 
cours  et  des  travaux.  Il  prononce  ou  propose  les  peines 
disciplinaires  à  infliger  aux  élèves.  Il  donne  son  avis  sur 
le  projet  de  budget  présenté  par  le  directeur  de  l'Ecole, 
ainsi  que  sur  les  dépenses  imprévues  (crédits  supplémen- 
taires). Il  délibère  sur  les  comptes  de  gestion  présentés  par 
l'agent  comptable  et  sur  les  inventaires  dressés  par  le 
conservateur  du  matériel.  Il  dresse  les  listes  de  candidats 
à  proposer  au  ministre  pour  les  emplois  dans  le  personnel 
enseignant  ou  le  jury  d'admission.  Il  dresse  la  liste  des 
candidats  qu'il  propose  d'admettre  à  l'Ecole,  celle  des  élèves 
admis  à  passer  d'une  division  à  la  division  supérieure,  celle 
des  élèves  dignes  du  diplôme  ou  du  certificat  de  capacité. 
On  lui  adjoint  neuf  anciens  membres  ou  élèves  diplômés 
(désignés  pour  six  ans  par  le  ministre  sur  la  proposition 
du  directeur  et  avis  du  conseil)  pour  délibérer  sur  la  liste 
des  élèves  présentés  pour  le  diplôme,  sur  les  changements 
à  faire  aux  programmes  ou  au  règlement  de  l'Ecole,  sur  la 
présentation  des  candidats  aux  fonctions  de  professeur. 
Dans  les  délibérations  sur  les  questions  de  personne,  les 


453 


ÉCOLE 


deux  directeurs  et  les  deux  sous-directeurs  votent.  Le 
conseil  de  l'Ecole,  avec  adjonction  des  neuf  membres  ci- 
dessus  désignés,  remplit  les  fonctions  de  conseil  de  per- 
fectionnement. Ces  conseils  se  réunissent  sur  convocation 
du  directeur,  qui  fixe  l'ordre  du  jour.lUn  conseil  d'ordre 
est  formé  des  deux  directeurs  et  d'un  délégué  mensuel  du 
conseil  de  l'Ecole.  Il  statue  sur  les  questions  relatives  à 
la  discipline. 

Les  punitions  qui  peuvent  être  infligées  aux  élèves  sont  : 
i^  la  censure  particulière,  qui  peut  être  prononcée  par  le 
conseil  d'ordre;  2°  la  réprimande,  prononcée  par  le  même 
conseil,  avec  ou  sans  comparution  devant  le  conseil  de 
l'Ecole;  3°  la  réprimande  prononcée  par  le  conseil  de 
l'Ecole,  avec  ou  sans  la  mise  à  l'ordre  de  l'Ecole  ;  4°  le 
renvoi  de  l'Ecole  prononcé  par  le  ministre  sur  la  proposition 
du  conseil  de  TEcole  et  l'avis  du  directeur.  Toute  réprimande 
prononcée  par  le  conseil  de  l'Ecole  est  communiquée  aux 
parents.  On  adresse  à  ceux-ci  ou  aux  correspondants  le 
bulletin  annuel  de  notes  de  l'élève  ;  une  copie  est  adressée 
aux  préfets  et  aux  maires  pour  les  élèves  auxquels  leur 
département  ou  leur  commune  accorde  une  subvention. 

Service  militaire.  La  loi  du  15  juil.  1889  a  accordé 
aux  élèves  de  l'Ecole  centrale  des  avantages  presque  égaux 
à  ceux  accordés  aux  élèves  de  l'Ecole  polytechnique.  Ceux 
des  jeunes  gens  reçus  à  l'Ecole  qui  sont  reconnus  propres 
au  service  militaire  n'y  sont  définitivement  admis  qu'à  la 
condition  de  contracter  un  engagement  volontaire  de  quatre 
ans.  Ils  doivent  contracter  cet  engagement  exclusivement 
dans  l'arme  de  Tartillerie.  Ils  sont  considérés  comme  pré- 
sents sous  les  drapeaux  dans  l'armée  active  pendant  tout 
le  temps  passé  par  eux  dans  ladite  Ecole.  Ils  reçoivent, 
dans  cette  Ecole,  l'instruction  militaire  complète  et  sont  à 
la  disposition  du  ministre  de  la  guerre.  Leurs  engagements 
courent  du  l'''^  oct.  de  l'année  de  l'entrée  à  l'Ecole. 

S'ils  ne  peuvent  satisfaire  aux  examens  de  sortie,  ou 
s'ils  sont  renvoyés  pour  inconduite,  ils  sont  incorporés 
dans  un  corps  de  troupe  pour  y  terminer  le  temps  de  ser- 
vice qui  leur  reste  à  faire.  Les  élèves  de  l'Ecole  centrale 
quittant  l'Ecole  après  avoir  satisfait  aux  examens  de  sortie 
accomplissent  une  année  de  service  dans  un  corps  de 
troupe.  A  la  fin  de  cette  année  de  service,  ils  peuvent  être 
nommés  sous-lieutenants  de  réserve. 

Le  jeune  homme  qui  demande  à  s'engager  se  présente 
devant  un  commandant  de  bureau  de  recrutement.  Cet 
officier  supérieur,  après  s'être  assuré,  avec  l'assistance 
d'un  médecin  militaire,  ou,  à  défaut,  d'un  docteur  en 
médecine  désigné  par  l'autorité  militaire,  que  le  jeune 
homme  n'a  aucune  infirmité  ni  maladie  apparente  ou 
cachée,  qu'il  est  d'une  constitution  saine  et  robuste,  qu'il 
a  la  taille  et  qu'il  réunit  les  conditions  exigées  pour  servir 
dans  le  corps  où  il  désire  entrer,  lui  délivre  un  certificat 
d'aptitude.  Le  chef  du  corps  où  désire  entrer  l'engagé  peut 
également  délivrer  ce  certificat  après  visite  d'un  des 
médecins  placés  sous  ses  ordres. 

Si,  pendant  la  durée  des  études,  un  élève  est  admis  à 
redoubler  une  année  à  l'Ecole,  cette  année  ne  compte  pas 
dans  la  durée  de  l'engagement.  Ces  engagements  sont  con- 
tractés au  moment  de  l'admission  à  l'Ecole.  Il  en  justifie 
par  la  production  du  certificat  d'admission.  Il  produit,  en 
outre  :  1°  l'extrait  de  son  casier  judiciaire  ;  2<>  le  certi- 
ficat d'aptitude  au  service  militaire.  Ce  certificat  est  délivré 
par  le  commandant  du  bureau  de  recrutement  de  la  Seine. 

Les  jeunes  gens  reçus  à  l'Ecole  centrale  des  arts  et 
manufactures,  non  aptes  au  service  militaire  au  moment  de 
l'entrée  à  ladite  Ecole,  y  sont  admis  sans  avoir  à  faire 
preuve  de  conditions  d'aptitudes  physiques  autres  que 
celles  qui  sont  nécessaires  pour  suivre  les  cours  de  l'Ecole. 
L'aptitude  physique  de  ces  jeunes  gens  est  constatée  par 
une  commission  composée  du  directeur  de  l'Ecole,  du 
commandant  de  recrutement  de  la  Seine  et  d'un  médecin 
militaire  désigné  par  le  ministre  de  la  guerre.  Cette  com- 
mission, après  s'être  assurée  que  les  vices  de  confor- 
mation et  les  infirmités  dont  ces  jeunes  gens  sont  atteints, 


ne  sont  pas  de  nature  à  les  mettre  hors  d'état  de  suivre 
les  cours  de  l'Ecole,  désigne  ceux  d'entre  eux  qui  seront 
tenus  de  prendre  part  aux  exercices  militaires.  Les  déci- 
sions de  la  commission  sont  prises  à  la  majorité  des  voix  et 
sont  sans  appel.  —  Tout  élève  non  engagé  qui  est  devenu 
apte  au  service  militaire  peut  souscrire,  pendant  son 
séjour  à  l'Ecole,  soit  avant  sa  comparution  devant  le 
conseil  de  revision,  soit  au  moment  de  cette  comparution, 
un  engagement  de  quatre  ans,  remontant  au  1"^^  oct. 
de  l'année  de  son  entrée  à  l'Ecole.  Il  sera  soumis  aux 
mêmes  obligations  que  les  élèves  de  sa  promotion  engagés 
au  moment  de  leur  admission.  Tout  élève  non  engagé, 
appelé  après  sa  sortie  devant  le  conseil  de  revision  et 
reconnu  apte  au  service  militaire,  ne  sera  tenu  d'accompHr 
qu'une  seule  année  de  service  effectif  dans  les  conditions 
auxquelles  il  aurait  été  soumis  s'il  s'était  engagé  au 
moment  de  son  admission  à  l'Ecole,  pourvu,  toutefois, 
qu'il  ait  satisfait  aux  examens  de  sortie  de  l'Ecole  à 
laquelle  il  a  appartenu. 

Les  frais  du  costume  militaire,  exigé  des  élèves  ayant 
contracté  un  engagement,  sont  entièrement  à  la  charge  des 
familles.  Ce  costume  ne  quitte  pas  l'Ecole  pendant  tout  le 
temps  des  études  ;  il  est  rendu  aux  élèves  à  leur  sortie. 

Enseigîiement.  La  durée  du  cours  d'études  est  de  trois 
années.  La  première  année  est  principalement  consacrée  à 
l'étude  des  sciences  générales  et  de  quelques-unes  de  leurs 
applications  les  plus  élémentaires;  les  deux  autres,  à 
l'étude  des  sciences  appliquées  à  l'industrie.  Pendant  la 
deuxième  et  la  troisième  année,  les  élèves  sont  partagés, 
pour  les  travaux  pratiques,  en  quatre  spécialités  :  cons- 
tructeurs, mécaniciens^  métallurgistes,  chimistes.  Ils 
continuent  néamoins  à  suivre  tous  les  cours  et  à  subir  les 
examens  correspondants.  A  la  fin  de  la  troisième  année 
ont  lieu  les  examens  dans  chaque  spécialité  pour  l'obten- 
tion du  diplôme.  Nul  ne  peut  être  admis  à  passer  à  l'Ecole 
centrale  une  quatrième  année  que  par  une  décision  minis- 
térielle et  après  une  interruption  forcée  de  son  travail.  Un 
élève  qui  quitte  l'Ecole  dans  le  courant  de  la  première  année, 
pour  autre  cause  que  l'exclusion,  peut  y  être  admis  de 
nouveau  en  subissant  les  épreuves  du  concours;  il  peut 
même  être  dispensé  de  celles-ci. 

Pendant  la  première  année,  les  cours  portent  sur  les 
sujets  suivants  :  analyse  et  mécanique  générale  ;  géométrie 
descriptive;  physique  générale;  chimie  générale;  cinéma- 
tique (mouvement  des  machines)  ;  construction  des  ma- 
chines ;  hygiène  et  histoire  naturelle  appliquée  ;  minéralogie 
et  géologie;  architecture;  botanique,  zoologie;  dessin 
industriel;  dessin  d'ensemble.  On  exécute  en  outre  des 
manipulations  de  physique,  de  chimie,  de  stéréotomie,  des 
levers  des  travaux  graphiques,  des  problèmes.  Chaque  élève 
est,  durant  l'année  scolaire,  interrogé  trois  ou  quatre  fois 
par  mois  par  un  répétiteur.  Voici  la  liste  par  cours  de  ces 
interrogations  :  calcul  infinitésimal,  3  examens;  mécanique 
générale,  3  ;  géométrie  descriptive,  5  ;  physique  générale, 
5;  chimie  générale,  6;  minéralogie  et  géologie,  2;  ciné- 
matique, 2  ;  construction  des  machines,  1  ;  botanique  et 
zoologie,  2. 

Outre  ces  examens  particuliers  qui  concourent  aux  clas- 
sements, les  professeurs  eux-mêmes  font  passer  à  la  fin  de 
l'année  un  examen  général,  à  chaque  élève,  sur  la  totalité 
des  cours.  —  Pendant  les  vacances  qui  suivent  la  première 
année  scolaire,  les  élèves  doivent  faire  des  levers  de  bâti- 
ments et  des  levers  de  machines.  Dans  un  mémoire  spécial, 
ils  ont  à  traiter  des  questions  relatives  à  la  résistance  des 
matériaux.  Les  mémoires,  les  croquis  et  les  dessins  au  net 
sont  remis  à  la  rentrée  en  deuxième  année. 

En  deuxième  année,  les  cours  portent  sur  :  mécanique 
apphquée  ;  résistance  des  matériaux  employés  dans  les 
machines  et  dans  les  constructions  ;  construction  et  établis- 
sement des  machines;  chimie  analytique;  chimie  indus- 
trielle minérale;  métallurgie  ;  constructions  civiles  ;  physique 
industrielle;  législation  industrielle  ;  céramique;  teinture; 
art  de  la  verrerie. 


ECOLE 


—  454  - 


On  exécute  de  plus  des  manipulations  de  physique  indus- 
trielle; levers  de  terrains,  jaugeage  d'un  cours  d'eau; 
construction  de  machines  ;  travaux  graphiques  et  projets 
(un  par  mois). 

Les  interrogations  de  la  deuxième  année  sont  réparties 
par  cours  :  mécanique  appliquée,  4;  construction  des 
machines,  4  ;  chimie  analytique,  2  ;  chimie  industrielle,  3  ; 
exploitation  des  mines,  2  ;  architecture,  4  ;  physique  indus- 
trielle, 2. 

Il  y  a  de  plus  des  manipulations  de  chimie  analytique  ; 
manipulations  de  physique  apphquée;  levers  de  terrain; 
jaugeage  des  cours  d'eau  ;  législation  industrielle. 

Pendant  les  vacances  qui  suivent  la  deuxième  année 
scolaire,  les  élèves  doivent  visiter  diverses  usines.  A  leur 
rentrée  en  troisième  année,  ils  ont  à  remettre  :  l""  un 
journal-mémoire  ou  compte  rendu  très  sommaire  des  études 
faites  et  des  usines  ou  exploitations  visitées  ;  2°  un  album 
contenant  les  notes  et  les  croquis  faits  sur  place  ;  3°  des 
dessins  au  net  détaillant  les  objets  remarquables  contenus 
dans^l'album;  4°  un  mémoire  relatif  à  des  questions  de 
mécanique  appliquée. 

En  troisième  année,  les  cours  portent  sur  :  mécanique 
appliquée;  construction  et  établissement  de  machines; 
chimie  industrielle  et  agricole  ;  métallurgie  générale  et 
métallurgie  du  fer  ;  exploitation  des  mines  ;  travaux 
pubhcs  ;  chemins  de  fer. 

Les  projets  sont  divisés  en  deux  séries.  Dans  la  pre- 
mière, on  met  les  questions  les  plus  essentielles  de  tous 
les  cours  :  elle  comprend  quatre  études  différentes  exigées 
de  tous  les  élèves  de  la  division.  La  seconde  série  appar- 
tient entièrement  à  la  spécialité  ;  elle  comprend  trois  projets. 
Les  interrogations  sont  réparties  comme  suit  :  méca- 
nique appliquée,  3;  construction  des  machines,  2;  chimie 
analytique,  4;  chimie  industrielle,  2;    métallurgie,  3; 
exploitation  des  mines,  1  ;  travaux  publics,  3  ;  chemins 
de  fer,  2  ;  machines  à  vapeur,  2  ;  constructions  navales,  1 . 
A  la  fin  des  cours  ont  lieu,  sur  l'ensemble  des  leçons  de 
l'année,  les  examens  généraux.  Le  trait  caractéristique  de 
renseignement  de  l'Ecole  centrale  est  l'entraînement  mé- 
thodique et  continu  par  le  système  des  interrogations.  Un 
bon  élève  doit  travailler  au  moins  trois  heures  par  jour 
hors  de  l'Ecole,  dans  la  soirée,  afin  de  reviser  ses  notes  ; 
non  seulement  il  est  obligé  à  une  grande  assiduité,  mais  il 
est  tenu  constamment  en  haleine  par  la  fréquence  des 
interrogations.  Au  bout  de  la  première  année,  un  cinquième 
des  élèves  reçus  sont  éliminés  pour  le  passage  en  seconde 
année  ;  quelques-uns  encore  restent  en  chemin  à  ce  moment, 
et,  sur  250  élèves  entrés  dans  chaque  promotion,  il  n'y 
en  a  guère  que  la  moitié  (110  à  150,  selon  les  années) 
qui  obtiennent  le  diplôme.  On  dit  donc  qu'il  est  facile 
d'entrer  à  l'Ecole  centrale  et  difficile  de  s'y  maintenir. 
Quant  aux  catégories  d'élèves  classées  par  origine,  on  en 
remarque  de  très  diverses  :  beaucoup  de  candidats  qui  ont 
échoué  à  l'Ecole  polytechnique  ou  qui  ont  dépassé  la  limite 
d'âge  pour  celle-ci  ;  un  certain  nombre  d'anciens  élèves 
des  écoles  d*arts  et  métiers;  ceux-ci  sont  habiles  dessina- 
teurs et  souvent  gagnent  des  rangs  en  seconde  ou  en  troi- 
sième année. 

Il  y  a  entre  les  élèves  une  grande  solidarité.  Ils  ont  une 
caisse  entretenue  par  des  cotisations  mensuelles,  et  em- 
ploient une  partie  des  fonds  au  profit  des  camarades  dont 
on  devine  la  situation  gênée.  Parmi  les  amusements  bruyants 
des  élèves,  il  faut  mentionner  leurs  monômes  dont  le  plus 
connu  les  conduit  à  la  foire  au  pain  d'épice  (place  de  la 
Nation),  et  la  revue  annuelle  où  ils  caricaturent  leurs 
professeurs.  La  suppression  de  celle-ci  donna  lieu,  en 
févr.  1892,  à  des  troubles  et  à  un  bref  licenciement  de 
l'Ecole. 

Sortie.  —  Examen,  Au  commencement  du  mois  de 
juin,  les  cours  et  examens  étant  terminés,  on  distribue  aux 
élèves  sortants  le  projet  de  concours.  Ils  quittent  l'Ecole 
durant  un  mois  pour  le  préparer.  Ils  vont  visiter,  à  cet 
effet,  des  étabhssements  industriels  et  rapportent  des  notes 


et  des  esquisses.  Le  l^^'juil.,  ils  rentrent  à  l'Ecole  et 
exécutent  leur  projet  sur  des  feuilles  timbrées.  Le  jury, 
auquel  sont  soumis  ces  projets,  se  compose  de  quatre  pro- 
fesseurs et  est  présidé  par  le  professeur  de  la  spécialité  à 
laquelle  appartient  l'élève.  Le  projet  de  concours,  accom- 
pagné de  mémoires  et  de  calculs,  est  discuté  contradictoi- 
rement  avec  son  auteur  à  l'examen  oral,  d'une  durée  de 
trois  quarts  d'heure.  Pour  le  classement  définitif,  on  attribue 
3/10  au  chiffre  du  concours,  4/10  aux  notes  de  troisième 
année,  2/10  aux  notes  de  seconde  année,  1/10  aux  notes 
de  première  année.  Il  y  a  quatre  sortes  de  diplômes  :  ingé- 
nieur-mécanicien, constructeur,  w,étallurgiste ,  chi- 
miste. Le  nombre  des  diplômes  n'est  pas  limité;  on  en 
donne  autant  ou  aussi  peu  qu'il  y  a  d'élèves  le  méritant  ; 
sa  valeur  est  donc  absolue  et  non  relative  à  la  force  de 
chaque  promotion.  Les  élèves  qui  n'ont  pu  obtenir  le 
diplôme,  mais  ont  été  jugés  dignes  du  certificat  de  capa- 
cité, peuvent  concourir  une  seconde  fois  pour  le  diplôme 
d'ingénieur  dans  l'une  des  cinq  années  qui  suivent  leur 
sortie  de  l'Ecole. 

La  grande  majorité  des  diplômes  sont  accordés  à  des 
ingénieurs  mécaniciens  et  constructeurs  ;  voici  d'ailleurs 
les  chiffres  pour  l'année  1891  :  mécaniciens,  46  ;  cons- 
tructeurs, 52;  métallurgistes,  17;  chimistes,  2.  A  leur 
sortie,  les  élèves  de  l'Ecole  centrale  trouvent  à  s'employer 
en  France  ou  à  l'étranger,  dans  les  usines,  manufactures, 
mines,  etc.  Leur  Association  amicale  des  anciens  élèves 
leur  est  d'un  grand  secours.  Quelques  carrières  publiques 
leur  sont  ouvertes.  Le  certificat  de  capacité  dispense  de 
l'examen  pour  la  place  d'agent  voyer  cantonal,  le  diplôme 
pour  celle  d'agent  voyer  d'arrondissement.      A. -M.  B. 

Ecoles  nationales  d'arts  et  métiers.  —  Destina- 
tion. —  Les  écoles  nationales  d'arts  et  métiers  sont  au 
nombre  de  trois,  et  étabhes  à  Aix,  Angers,  Châlons-sur- 
Marne  ;  celle  de  Lille,  dont  la  création  fut  décidée  par  la 
loi  du  10  mars  1881,  n'a  pas  été  organisée.  Elles  dépen- 
dent du  ministère  du  commerce,  de  l'industrie  et  des  colo- 
nies, et  ont  pour  objet  de  former  des  ouvriers  capables 
de  devenir  des  chefs  d'atelier  et  des  industriels  versés 
dans  la  pratique  des  arts  mécaniques.  Elles  sont  placées 
sous  l'autorité  du  ministre  du  commerce  et  sous  la  haute 
surveillance  du  préfet  du  département  dans  lequel  chacune 
d'elles  est  étabHe. 

Historique.  —  L'origine  de  nos  écoles  d'arts  et  métiers 
remonte  au  siècle  dernier,  et  leur  création  est  due  à  l'ini- 
tiative privée.  L'honneur  en  revient  au  duc  de  La  Roche- 
foucault-Liancourt.  Ce  grand  seigneur,  qui  fut  un  des 
hommes  les  plus  éclairés  de  son  temps,  avait  établi  sur  son 
domaine  de  Liancourt  une  filature  de  coton.  En  1788,  il 
y  annexa  une  ferme  modèle  et  une  école  ouvrière,  où  il  fit 
instruire  une  vingtaine  d'orphelins.  Les  instructeurs  furent 
tirés  de  son  régiment  de  dragons  :  ce  furent  des  sergents 
et  des  maîtres  ouvriers.  On  appelait  cette  fondation  Ecole 
de  la  Montagne  parce  qu'elle  était  au  sommet  du  domaine. 
Elle  se  développa  si  vite  que,  dès  1791,  elle  comptait  envi- 
ron 100  élèves.  Obligé  de  quitter  la  France  après  la  chute 
de  la  royauté,  le  duc  vit  son  œuvre  subsister.  On  érigea 
Liancourt  en  école  nationale  ;  le  domaine  ne  fut  donc  pas 
vendu  et,  dès  1799,  le  duc,  rentré  en  France,  put  en 
reprendre  possession.  Il  demanda  le  transfert  de  l'école 
au  château  de  Compiègne.  On  l'effectua  ;  mais  cette  insti- 
tution dut  se  plier  comme  les  autres  au  militarisme  alors 
triomphant.  On  la  fusionna  avec  VEcole  de  Popincourt, 
celles  des  Tambours,  des  Enfants  de  la  Patrie  pour  cons- 
tituer le  Prytanée  français.  Le  13  thermidor  an  IX,  on 
divisa  le  Prytanée  en  quatre  collèges  qui  furent  placés  à 
Paris,  Saint-Cyr,  Saint-Germain  et  Compiègne.  Toutefois, 
le  collège  de  Compiègne  conserva  quelque  chose  de  son 
caractère  originel.  On  y  forma  deux  sections  ou  divisions  : 
les  élèves  de  l'une  furent  instruits  et  exercés  dans  les  arts 
mécaniques  ;  ceux  de  l'autre  préparés  au  service  de  la 
marine. 
Dès  l'année  suivante,  une  visite  accidentelle  de  Bonaparte 


—  455  — 


ECOLE 


eut  d'heureuses  conséquences.  Il  décida  par  décret  du 
6  ventôse  an  XI  que  lePrytanée  de  Compiègne  deviendrait 
une  Ecole  cVarts  et  métiers  destinée  à  former  des  sous- 
officiers  pour  l'industrie,  c.-à-d.  des  contremaîtres.  Le 
régime  militaire  subsistait,  mais  la  destination  de  l'Ecole 
devenait  ce  qu'elle  a  été  depuis  lors.  On  répartit  les 
élèves  en  trois  divisions  d'après  leur  âge  :  les  petits  des 
femmes,  jeunes  enfants  dont  l'éducation  était  confiée  aux 
femmes  ;  les  commençants  et  les  artistes,  aux  mains  de 
qui  on  mettait  les  outils.  L'instruction  fut  simultanément 
théorique  et  pratique.  Peu  après,  le  premier  consul  créa 
une  seconde  école  d'arts  et  métiers  dans  l'ancien  collège 
de  Beaupréau,  près  d'Angers,  pour  le  Centre  et  l'Ouest  de 
la  France.  En  1806,  il  eut  envie  du  château  de  Compiègne 
pour  y  tenir  sa  cour,  et  il  transféra  l'Ecole  d'arts  et 
métiers  à  Châlons-sur-Marne,  dans  les  bâtiments  de  l'an- 
cien séminaire  et  du  couvent  de  Toussaint  et  de  la  Doc- 
trine. Sous  la  Restauration,  l'ordonnance  du  31  déc.  1826 
réforma  les  écoles  d'arts  et  métiers  pour  les  ramener  à 
leur  destination  propre  :  former  des  chefs  d'ateliers  et  des 
maîtres  ouvriers.  En  sept.  1832,  on  fit  cesser  le  régime 
militaire,  qui  n'avait  pas  de  raison  d'être.  Dans  la  hiérar- 
chie scolaire,  les  sergents  et  les  caporaux  devinrent  élèves 
chefs  et  élèves  sous-chefs.  Les  galons  furent  supprimés 
ainsi  que  l'uniforme  miUtaire.  On  adopta  le  costume  civil, 
habit  gris  foncé  avec  des  abeilles  au  collet,  chapeau  rond 
avec  cocarde  tricolore  ;  le  mécontentement  fut  très  vif  et 
se  traduisit  à  Châlons  par  des  révoltes, 

A  partir  de  1837,  les  progrès  furent  très  sensibles, 
grâce  à  l'influence  de  Vincent  chargé  d'inspecter  les  écoles. 
Il  orienta  les  études  de  manière  à  préparer  les  élèves  pour 
la  grande  industrie  dont  l'usage  généraUsé  des  machines 
à  vapeur  centuplait  les  forces  et  les  besoins.  Pour  les 
chemins  de  fer,  pour  la  marine,  pour  les  usines  qui  se 
multipliaient,  on  faisait  sans  cesse  appel  aux  écoles  d'arts 
et  métiers  qui  ne  suffisaient  pas  aux  demandes  de  person- 
nel. En  1843,  on  en  créa  une  troisième  à  Aix  (Bouches- 
du-Rhône)  pour  les  départements  du  Midi.  En  même  tenips, 
on  refondit  l'organisation  ;  chaque  école  reçut  300  élèves 
groupés  en  trois  divisions.  L'uniforme  avec  tunique  et  képi 
fut  rendu  aux  élèves  ;  les  programmes  furent  remaniés 
pour  les  mettre  à  la  hauteur  des  nouvelles  applications  de 
la  science.  Depuis  cette  époque,  les  écoles  d'arts  et  métiers 
n'ont  cessé  de  prospérer.  Elles  sont  une  des  institutions 
démocratiques  les  plus  appréciées  en  France  et  à  l'étranger. 

Conditions  d'admission.  —  L'admission  dans  les  écoles 
nationales  d'arts  et  métiers  n'a  lieu  que  par  voie  de  con- 
cours et  conformément  aux  règles  ci-après  déterminées. 
Nul  ne  peut  être  admis  au  concours  s'il  n'est  Français  ,et 
s'il  n'a  préalablement  justifié  qu'il  aura  plus  de  quinze  ans 
et  moins  de  dix-sept  ans  au  1^^  octobre  de  l'année  dans 
laquelle  le  concours  a  lieu.  Cependant  les  candidats  habi- 
tant les  colonies  (Algérie  exceptée)  peuvent  se  présenter 
jusqu'à  ce  qu'ils  aient  dix-huit  ans,  c.-à-d.  un  an  plus 
tard.  Aucune  dispense  d'âge  n'est  accordée.  Les  demandes 
d'admission  au  concours  doivent  être  adressées  par  écrit 
au  préfet  du  département  dans  lequel  la  famille  est  domi- 
ciHée,  avant  le  l"""^  mai  de  chaque  année.  Ces  demandes 
doivent  être  accompagnées  des  pièces  suivantes  :  1  ^  l'acte 
de  naissance  du  candidat;  —  2^  un  certificat  d'un  docteur- 
médecin  assermenté,  constatant  qu'il  est  d'une  bonne  cons- 
titution, et  spécialement  qu'il  n'est  atteint  d'aucune^  affec- 
tion scrofuleuse  ou  maladie  chronique  contagieuse  ;  — 
3«  un  certificat  de  revaccination  constatant  que  cette 
opération  a  été  effectuée  dans  l'année  où  le  concours  a  lieu, 
ou  bien  qu'elle  a  été  pratiquée  avec  succès  depuis  moins 
de  deux  ans;  —  4°  un  certificat  de  bonnes  vie  et  mœurs 
délivré  par  l'autorité  locale,  dûment  légahsé  ;  — ^  5°  l'en- 
gagement pris  par  les  parents  d'acquitter  la  totalité  ou  la 
fraction  de  la  pension  laissée  à  leur  charge,  ainsi  que  le 
prix  du  trousseau  et  la  somme  destinée  à  constituer  et 
entretenir  la  masse  particuUère  de  l'élève. 

Les  candidats  sont  répartis  entre  les  écoles  selon  leur 


département.  Voici   le  tableau  de  la  circonscription  de 
chaque  école  : 

Aix  :  Ain,  Algérie,  Basses-Alpes,  Hautes-Alpes,  Alpes- 
Maritimes,  Ardèche,  Ariège,  Aude,  Aveyron,  Bouches-du- 
Rhône,  Cantal,  Corrèze,  Corse,  Drôme,  Gard,  Haute- 
Garonne,  Gers,  Hérault,  Isère,  Loire,  Haute-Loire,  Lot, 
Lot-et-Garonne,  Lozère,  Puy-de-Dôme,  Pyrénées-  Orien- 
tales, Rhône,  Saône-et-Loire,  Savoie,  Haute-Savoie,  Tarn, 
Tarn-et-Garonne ,  Var,  Vaucluse.  —  Angers  :  Allier,  Cal- 
vados, Charente,  Charente-Inférieure,  Cher,  Côtes-du-Nord, 
Creuse,  Dordogne,  Eure-et-Loir,  Finistère,  Gironde,  Ille- 
et-Vilaine,  Indre,  Indre-et-Loire,  Landes,  Loir-et-Cher, 
Loire-Inférieure,  Loiret,  Maine-et-Loire,  Manche,  Mayenne, 
Morbihan,  Nièvre,  Orne,  Basses-Pyrénées,  Hautes-Pyré- 
nées, Sarthe,  Seine,  Deux-Sèvres,  Vendée,  Vienne,  Haute- 
Vienne.  —  Chatons  :  Aisne,  Ardennes,  Aube,  Côte-d'Or, 
Doubs,  Eure,  Jura,  Marne,  Haute-Marne,  Meurthe-et-Mo- 
selle, Meuse,  Nord,  Oise,  Pas-de-Calais ,  Haute-Saône, 
Seine,  Seine-Inférieure,  Seine-et-Marne,  Seine-et-Oise, 
Somme,  Vosges,  Yonne,  et  arrondissement  de  Belfort. 

Examen.  Les  connaissances  exigées  pour  l'admission 
aux  écoles  sont  :  i^  l'écriture;  2<^  la  grammaire  française 
et  l'orthographe  ;  3°  l'arithmétique  théorique  et  pratique  ; 
4^  la  géométrie  élémentaire  ;  5°  l'algèbre  jusqu'aux  équa- 
tions du  second  degré  exclusivement;  6°  des  notions 
d'histoire  de  France  et  de  géographie,  dans  les  limites  du 
programme  de  l'enseignement  primaire  (cours  supérieur). 
Les  candidats  font,  sous  la  surveillance  d'une  commis- 
sion nommée  à  cet  effet  par  le  préfet  :  1^  une  dictée  avec 
résumé  et  explication  de  mots  et  un  exercice  d'analyse 
grammaticale  et  logique;  2°  une  épure  de  dessin  Hnéaire 
et  un  dessin  d'ornement  à  la  plume  ;  3''  deux  problèmes 
d'arithmétique  et  deux  de  géométrie  ;  4"^  ils  doivent  enfin 
exécuter,  également  sous  les  yeux  de  la  commission,  une 
pièce  de  bois  ou  de  fer  déterminée  par  le  programme  des 
examens.  Les  épreuves  écrites  sont  identiques  pour  les  trois 
écoles.  Elles  ont  lieu  le  même  jour  et  aux  mêmes  heures, 
au  chef-lieu  de  chaque  département.  Toutefois,  et  à  titre 
exceptionnel,  ces  épreuves  peuvent  avoir  lieu  également 
dans  des  chefs-heux  d'arrondissement  désignés  par  arrêté 
ministériel.  Ces  compositions  sont  corrigées  à  Paris  par  le 
jury  d'examen  régional.  Un  arrêté  ministériel  fixe,  chaque 
année,  le  programme  du  concours. 

Les  diverses  épreuves  du  concours  sont  appréciées  par  un 
chiffre  variant  de  0  à  20.  Les  coefficients  afférents  à  chacune 
des  épreuves  sont  fixés  ainsi  qu'il  suit  :  Epreuves  écrites: 
dictée,  2;  analyse  grammaticale  et  logique,  1  ;  écriture,  1; 
problèmes  d'arithmétique,  2  ;  problèmes  de  géométrie,  2  ; 
épure  de  dessin  linéaire,  2;  dessin  d'ornement  à  la  plume, 
1  ;  travail  manuel,  2.  —  Epreuves  orales  :  questions 
d'histoire  et  de  géographie,  1  ;  questions  d'arithmétique  et 
d'algèbre,  4;  questions  de  géométrie,  4.  Total  général  : 
22.  Les  candidats  qui  ont  obtenu  156  points  au  moins 
aux  épreuves  écrites  peuvent  seuls  être  admis  à  subir  les 
épreuves  orales.  Une  commission  spéciale  pour  chaque 
région  est  nommée  par  le  ministre  pour  faire  subir  aux 
candidats  l'examen  définitif.  Cet  examen  est  purement  oral, 
lii  commission  se  transporte  successivement  dans  les  villes 
fixées  par  le  ministre  comme  sièges  d'examen  et  aux 
époques  préalablement  annoncées  par  le  Journal  officiel. 
Les  candidats  admis  au  concours  définitif  sont  prévenus  par 
lettres  individuelles  de  la  date  et  du  lieu  de  l'examen. 

D'après  les  notes  des  épreuves  écrites  et  celles  obtenues 
aux  examens  oraux  par  chaque  candidat,  les  commissions 
régionales  dressent  un  état  définitif  de  classement  et,  sur 
le  vu  de  cet  état,  le  ministre  arrête  la  liste  des  élèves 
admis  à  chacune  des  écoles.  Peuvent  être  admis  à  l'école 
les  candidats  qui  ont  obtenu  pour  l'ensemble  des  épreuves 
au  moins  264  points,  soit  les  trois  cinquièmes  du  maxi- 
mum. Sont  éhmihés  de  plein  droit,  alors  même  que  le  total 
de  leurs  points  serait  supérieur  aux  chiffres  maxima 
ci-dessus,  tous  ceux  qui  n'ont  obtenu  qu'une  note  infé- 
rieure à  8  en  français  ou  à  6  pour  les  autres  matières.  Ces 


ECOLE 


-  456  — 


dispositions  sont  applicables  aux  épreuves  écrites  aussi  bien 
qu'aux  épreuves  orales. 

Sur  le  vu  de  l'état  définitif  de  classement  dressé  par  les 
commissions  régionales,  le  ministre  arrête  la  liste  des  élèves 
admis  à  chacune  des  écoles.  Les  élèves  admis  doivent  être 
rendus  à  l'école  le  45  oct.  Tout  élève  qui  n'y  est  pas  rendu 
à  cette  date  est  considéré  comme  démissionnaire,  sauf  les 
cas  d'excuse  légitime,  qui  sont  soumis  à  l'appréciation  du 
ministre. 

Régime  intérieur.  —  La  durée  des  études  dans  les  écoles 
nationales  d'arts  et  métiers  est  de  trois  ans.  Aucun  élève 
ne  peut  faire  une  quatrième  année  que  dans  la  cas  de  ma- 
ladie ayant  entraîné  une  suspension  de  travail  de  plus  de 
six  semaines  ou  d'une  absence  d'égale  durée  pour  un  motif 
légitime  et  après  avis  favorable  du  conseil  de  l'école. 
Les  élèves  portent  un  uniforme  dont  le  modèle  est  arrêté 
par  le  ministre.  Ils  ne  peuvent  modifier  cet  uniforme  dans 
aucune  de  ses  parties,  même  lorsqu'ils  le  portent  au  dehors 
de  l'école. 

Pension.  Les  écoles  nationales  d'arts  et  métiers  reçoivent 
des  élèves  internes  et  des  élèves  externes.  Le  nombre  des 
élèves  internes  que  chacune  d'elles  peut  recevoir  ne  peut 
dépasser  300.  Le  prix  de  la  pension  est  de  600  fr.  par  an, 
payables  à  une  caisse  publique,  par  quart  (soit  450  fr.),  au 
commencement  de  chaque  trimestre.  Pour  le  premier  terme, 
chaque  élève  admis  doit,  s'il  n'est  pas  boursier,  présenter 
en  entrant  le  récépissé  de  la  somme  versée.  Le  prix  du  trous- 
seau, fixé  à  300  fr.,  doit  être  également  versé  d'avance. 
Une  somme  de  75  fr.  est  versée  en  outre  à  l'entrée  de  chaque 
élève,  pour  sa  masse  d'entretien.  Il  est  également  versé, 
pour  frais  accessoires,  30  fr.,  formant  le  prix  coûtant  d'un 
étui  de  mathématiques,  d'une  règle  à  calcul,  de  deux 
planches  à  dessin  et,  au  besoin,  d'une  caisse-malle,  qui 
sont  fournis  par  l'école. 

Bourses,  Des  bourses  ou  fractions  de  bourses  peuvent 
être  accordées  par  l'Etat  aux  élèves  dont  les  familles  ont 
préalablement  fait  constater  l'insuffisance  de  leurs  res- 
sources. Ces  bourses  ne  sont  accordées  que  pour  une  année 
scolaire.  Dans  certains  cas,  le  trousseau  peut  être  accordé 
gratuitement.  Le  nombre  des  trousseaux  accordés  gratuite- 
ment ne  peut  dépasser  5  °/odes  élèves  admis.  Les  demandes 
de  bourse  sont  adressées  au  ministre.  Elles  sont  déposées 
à  la  préfecture  en  même  temps  que  les  demandes  d'admis- 
sion. Le  préfet  procède,  par  les  moyens  dont  il  dispose,  à 
une  enquête  sur  la  situation  de  la  famille.  Les  pièces  cons- 
tatant le  résultat  de  l'enquête  préfectorale  sont  jointes  aux 
demandes,  pour  être  communiquées  au  conseil  municipal 
du  domicile  de  la  famille  du  candidat.  La  délibération  mo- 
tivée du  conseil  municipal,  avec  toutes  les  pièces  relatives 
à  chaque  demande,  est  ensuite  transmise  au  ministre  par 
le  préfet,  qui  y  joint  son  avis  personnel.  Lorsque,  dans  le 
cours  d'une  année  d'études  et  par  suite  de  circonstances 
imprévues,  la  famille  d'un  élève  se  trouve  hors  d'état  de 
payer  la  pension  à  sa  charge,  le  ministre  peut,  par  une 
décision  spéciale  rendue  sur  l'avis  favorable  du  conseil  de 
l'école  et  du  directeur,  la  dispenser  exceptionnellement  de 
ce  payement.  Les  dégrèvements  ne  seront  accordés  qu'à  la 
fin  de  chaque  semestre. 

Enseignement.  L'enseignement  donné  dans  les  écoles 
nationales  d'arts  et  métiers  est  théorique  et  pratique. 
L'enseignement  théorique,  toujours  dirigé  dans  le  sens  des 
applications,  comprend  :  4°  dans  un  but  d'uniformisation, 
la  revision  très  rapide  des  parties  les  plus  importantes  de 
l'examen  d'entrée;  2**  l'algèbre  jusqu'au  binôme  de  Newton 
et  ses  applications  inclusivement,  et  des  notions  élémen- 
taires sur  les  dérivées  ;  3<*  la  trigonométrie  rectiligne,  des 
notions  très  élémentaires  de  cosmographie,  l'arpentage  et 
le  nivellement  ;  4^  des  notions  élémentaires  de  géométrie 
analytique;  5<>  la  géométrie  descriptive,  les  ombres,  les 
plans  cotés  ainsi  que  des  notions  de  perspective  usuelle, 
de  coupe  de  pierres  et  de  charpente  ;  6*^  la  cinématique 
théorique  et  appliquée  ;  7°  la  mécanique  pure  et  appliquée, 
comprenant  :  la  dynamique,  la  statique,  les  résistances 


passives,  la  résistance  des  matériaux,  l'hydraulique  et  les 
machines  à  vapeur  ;  S^  la  physique  et  ses  applications  in- 
dustrielles ;  9^  la  chimie  et  ses  principales  applications 
industrielles  et  notamment  à  la  métallurgie;  40<*le  dessin, 
et  principalement  le  dessin  industriel  ;  44°  la  technologie, 
étudiée  tout  spécialement  dans  ses  applications  à  la  cons- 
truction des  machines;  42°  l'étude  de  la  langue  française  ; 
43°  l'histoire  :  revision  du  programme  d'admission  avec 
étude  plus  approfondie  de  la  période  moderne  ;  44°  la 
géographie  :  revision  des  programmes  d'admission  avec 
étude  plus  approfondie  de  la  géographie  de  la  France  et  de 
ses  colonies;  45°  la  comptabilité  industrielle  et  des  no- 
tions d'économie  industrielle  ;  46°  l'hygiène  industrielle. 
L'enseignement  pratique  se  donne  dans  des  ateliers  spé- 
ciaux, savoir  :  menuiserie  et  modèles  ;  fonderie  ;  forges  et 
chaudronnerie  ;  ajustage.  Le  nombre  des  ateliers  peut  être 
augmenté.  Les  élèves  sont  répartis,  pendant  la  durée  de 
leurs  études,  entre  les  ateliers,  d'après  les  règles  déter- 
minées par  arrêtés  ministériels.  Ces  règles  sont  rédigées 
de  telle  façon  que,  dans  les  deux  premières  années,  chaque 
élève  passe  au  moins  par  trois  ateliers  et  que,  pendant  la 
dernière  année,  il  soit  attaché  à  celui  qu'il  aura  choisi 
d'après  son  rang  de  classement  et  ses  aptitudes  spéciales 
constatées  par  le"  conseil  de  l'école.  Le  produit  du  travail 
exécuté  dans  les  ateliers  appartient  à  l'Etat.  Les  puni- 
tions qui  peuvent  être  infligées  aux  élèves  sont  :  la  con- 
signe, la  salle  de  police,  la  prison  et  le  renvoi.  Dans  le 
courant  du  mois  de  mars,  il  y  a  un  examen  général  pour 
constater  l'instruction  et  les  propres  des  élèves  pendant  la 
première  moitié  de  l'année  scolaire.  Un  examen  semblable 
a  lieu  à  la  fin  du  second  semestre  ;  il  est  suivi  de  la  dis- 
tribution des  prix  et  récompenses,  ainsi  que  des  promotions 
de  classes. 

Sortie.  —  Des  brevets  sont  délivrés  par  le  ministre  du 
commerce,  de  l'industrie  et  des  colonies  aux  élèves  de 
troisième  année  ayant,  à  la  suite  des  examens  généraux 
de  sortie,  satisfait  d'une  manière  complète  à  toutes  les 
épreuves.  La  notation  allant  de  0  à  20,  sont  considérés 
comme  remplissant  les  conditions  exigées  les  élèves  ayant 
obtenu  une  moyenne  générale  au  moins  égale  à  44 ,  et  au- 
cune moyenne  particulière  inférieure  à  6. 

Les  élèves  dont  la  conduite  aura  été  satisfaisante,  et  qui, 
à  la  suite  des  examens  de  fin  d'études,  n'auraient  pu 
obtenir  le  brevet  à  raison  de  l'insuffisance  d'une  moyenne 
particulière,  pourront  être  autorisés  à  subir,  dans  le  délai 
d'un  an,  une  nouvelle  épreuve  portant  exclusivement  sur 
la  branche  d'enseignement  dans  laquelle  leur  insuffisance 
aura  été  reconnue.  Dans  le  cas  où  ils  subiraient  avec 
succès  cette  nouvelle  épreuve,  le  diplôme  pourra  leur  être 
délivré. 

Ces  brevets  confèrent  à  ceux  qui  les  obtiennent  le  titre 
à'élèves  brevetés  des  Ecoles  nationales  d'arts  et  mé- 
tiers. Ne  sont  reconnus  comme  anciens  élèves  des  écoles 
nationales  d'arts  et  métiers  que  ceux  ayant  obtenu  le 
brevet.  Il  est  décerné  à  ceux  ayant  obtenu  une  moyenne 
générale  au  moins  égale  à  45,  et  aucune  moyenne  parti- 
culière inférieure  à  44,  un  brevet  particulier  et  une  mé- 
daille d'argent  d'après  le  modèle  adopté  par  le  ministre  du 
commerce.  L'élève  sortant  le  premier  de  sa  promotion 
reçoit  la  même  médaille  en  or.  Les  quinze  premiers  élèves 
qui,  dans  le  délai  de  deux  ans  à  partir  de  leur  sortie  de 
l'école,  justifieront  d'une  année  de  travail  manuel  dans 
un  atelier,  pourront  recevoir  une  récompense  de  500  fr. 
Au  point  de  vue  du  service  militaire,  les  élèves  de  ces 
trois  écoles  qui  justifient  avoir  été  compris  dans  les  quatre 
premiers  cinquièmes  de  la  liste  de  mérite  de  ceux  des 
élèves  français  qui  ont  obtenu,  pour  tout  le  cours  de  leur 
scolarité,  65  °/o  au  moins  du  total  des  points  que  l'on  peut 
obtenir  d'après  les  règlements  de  ces  écoles,  sont  admis  au 
bénéfice  de  la  dispense  du  service  militaire  dans  les  condi- 
tions déterminées  par  l'art.  23  de  la  loi  du45juil.  4889. 
Un  bon  nombre  des  anciens  élèves  des  écoles  d'arts  et 
métiers  passent  ensuite  par  l'Ecole  centrale  des  arts  et 


—  457  — 


ÉCOLE 


manufactures,  où  ils  obtiennent  de  réels  succès.  De  plus  en 
plus,  ces  écoles  tendent  à  former  non  des  contremaîtres  et 
des  chefs  d'ateliers,  mais  des  industriels.  Le  principal 
débouché  est  ouvert  aux  mécaniciens  ;  on  calculait  il  y  a  dix 
ans  que  chaque  année  il  sortait  des  écoles  d'arts  et  métiers 
d20  ajusteurs-mécaniciens,  15  menuisiers-modeleurs,  15 
fondeurs,  10  forgerons.  La  supériorité  la  plus  marquée 
des  élèves  tient  à  leurs  connaissances  du  dessin,  et  la  plu- 
part sont  employés  comme  dessinateurs  dans  la  profession 
qu'ils  exercent. 

La  Société  des  anciens  élèves  des  arts  et  métiers,  fondée 
en  1848,  maintient  la  solidarité  entre  les  anciens  élèves  et 
'publie  un  bulletin  oti  sont  insérés  des  mémoires  techniques 
d'une  valeur  réelle.  A.-M.  B. 

Ecole  des  mines  de  Saint-Etienne.— Destination. 
—  L'Ecole  des  mines  de  Saint-Etienne  (Loire),  dépendant 
du  ministre  des  travaux  publics,  est  destinée  à  former  des 
ingénieurs  et  des  directeurs  d'exploitations  de  mines  et 
d'usines  métallurgiques.  Elle  est  régie  par  le  décret  du 
d8juiL'1890. 

Historique.  —  L'Ecole  des  mines  de  Saint-Etienne  fut 
créée  par  une  ordonnance  royale  du  2  août  1816,  afin  de 
remplacer  les  deux  écoles  pratiques  de  Pesey  et  Geislau- 
tern  (V.  ci-dessus  le  §  Ecole  supérieure  des  mines)  et  de 
donner  à  l'exploitation  pratique  des  mines  un  développe- 
ment scientifique.  L'organisation  a  peu  changé,  mais  le 
niveau  des  études  s'est  élevé  beaucoup.  Le  nom  à' Ecole 
des  mineurs  a  été  changé  en  nov.  1882  pour  le  nom 
actuel. 

Conditions  l'admission.  —  L'admission  à  cette  école 
dépend  exclusivement  du  concours.  Le  concours  a  lieu 
chaque  année  à  Saint-Etienne,  le  1^"^  août  (ou  le  2,  si 
le  1^'  est  un  dimanche),  devant  le  directeur  et  les  pro- 
fesseurs constitués  en  jury  d'examen.  Les  candidats  aux 
places  d'élèves  titulaires  de  l'Ecole  de  Saint-Etienne  doi- 
vent être  Français  ou  naturalisés  Français  et  être  âgés 
de  dix-sept  ans  au  moins  et  de  vingt-six  ans  au  plus  le 
l^*"  janv.  de  l'année  dans  laquelle  ils  se  présentent  au  con- 
cours d'admission.  Ils  doivent  adresser  au  directeur  de 
l'Ecole,  avant  le  l""^  juil.,  leur  demande,  accompagnée  :* 
1**  d'une  copie  authentique  de  l'acte  de  naissance  du  can- 
didat et,  au  besoin,  de  pièces  établissant  sa  qualité  de 
Français;  2°  d'un  certificat  de  bonnes  vie  et  mœurs,  déli- 
vré par  les  autorités  du  lieu  de  son  domicile  et  dûment 
légalisé  ;  3^  d'une  déclaration  dûment  légalisée  d'un  doc- 
teur en  médecine,  constatant  que  le  candidat  a  été  vacciné 
ou  qu'il  a  eu  la  petite  vérole. 

Les  élèves  sortant  de  l'Ecole  polytechnique,  qui  se  pré- 
sentent pour  suivre  les  cours  d'application  de  l'Ecole  des 
mines  de  Saint-Etienne,  sont  admis  directement  dans  la 
deuxième  année  d'études,  pourvu  qu'ils  subissent  avec 
succès,  devant  le  directeur  et  les  professeurs  de  l'Ecole, 
quatre  examens  oraux  sur  :  1°  l'analyse  et  la  mécanique 
rationnelle  ;  2^  la  physique  ;  3^  la  chimie  ;  4°  la  géométrie 
descriptive  et  la  stéréotomie,  telles  qu'elles  sont  enseignées 
à  l'Ecole  polytechnique.  —  Les  élèves  étrangers  doivent 
présenter  leur  demande  d'admission  au  ministre  des  tra- 
vaux pubMcs  par  l'intermédiaire  du  ministre  des  affaires 
étrangères,  avant  le  15  oct.  ;  leur  demande  doit  avoir  été, 
au  préalable,  soumise  par  le  candidat  à  l'agrément  du 
représentant  à  Paris  du  gouvernement  intéressé.  Avant  la 
rentrée,  ils  subissent  un  examen  destiné  à  faire  connaître 
s'ils  sont  aptes  à  suivre  les  cours  ;  mais  ils  n'obtiennent 
de  places  dans  les  salles  d'études  et  au  laboratoire  que  s'il 
en  reste  de  disponibles. 

Concours.  Les  épreuves  d'admission  comprennent  : 
10  trois  examens  oraux  portant  sur  l'arithmétique,  l'al- 
gèbre, la  géométrie,  la  trigonométrie  rectiligne,  la  géo- 
métrie analytique  à  deux  ou  trois  dimensions,  la  géométrie 
descriptive,  la  physique  et  chimie,  telles  qu'elles  sont  résu- 
mées dans  les  programmes  arrêtés  par  le  ministre  ;  2<^  une 
composition  d'algèbre  ou  de  géométrie  analytique  ;  3°  une 
composition  de  physique  et  de  chimie  ;  ¥  une  composition 


française,  jugée  au  point  de  vue  de  l'orthographe  et  de  la 
rédaction  ;  5<*  une  épure  de  géométrie  descriptive  ;  6^  un 
dessin  d'imitation  ;  7°  un  calcul  de  trigonométrie.  Le 
ministre  arrête  la  liste  d'admission  et  la  transmet  d'ur- 
gence au  directeur  pour  que  celui-ci  fasse  établir  à  temps 
les  certificats  à  produire  par  les  élèves  à  l'autorité  mili- 
taire, en  conformité  du  règlement  d'administration  publique 
du  23  nov.  1889. 

Régime  intérieur.  —  L'enseignement  est  gratuit.  Tou- 
tefois les  élèves  sont  tenus  de  se  procurer  les  livres  et 
autres  objets  nécessaires  à  leur  instruction.  Les  élèves  ne 
sont  pas  casernes;  mais  tous  les  jours,  les  dimanches  et 
fêtes  exceptés,  ils  restent  à  l'Ecole,  le  matin  de  huit  heures 
à  midi,  et  le  soir  de  deux  heures  et  demie  à  sept  heures. 
Même  au  dehors  de  l'étabhssement,  la  conduite  des  élèves 
est  soumise  à  la  censure  du  directeur  et  des  professeurs. 
Les  élèves  ont  un  uniforme  qui  rappelle  celui  de  l'Ecole 
polytechnique  (sauf  la  couleur  bleue  au  lieu  de  rouge)  ;  ils 
doivent  le  porter  les  dimanches  et  les  jours  d'examens. 
Le  reste  du  temps,  ils  sont  libres  de  prendre  les  vêtements 
qu'ils  veulent,  mais  ils  doivent  avoir  une  casquette  galonnée 
portant  les  emblèmes  de  l'Ecole.  —  Les  cours  de  l'Ecole 
durent  trois  années.  La  première  année  est  spécialement 
consacrée  aux  cours  théoriques  d'analyse  mathématique, 
de  mécanique  rationnelle,  de  physique,  de  chimie,  de  mi- 
néralogie, de  géométrie  descriptive,  de  stéréotomie  et  de 
lever  de  plans.  Les  deux  autres  années  sont  consacrées  aux 
cours  d'apph cation,  savoir  :  machines  et  constructions  ; 
exploitation  des  mines  et  préparation  mécanique,  métal- 
lurgie, docimasie  ;  géologie  ;  chemins  de  fer  ;  législation 
des  mines  ;  comptabilité  et  économie  industrielle. 

L'Ecole  est  dirigée  par  un  directeur,  assisté  d'un  conseil 
de  perfectionnement,  lequel  comprend  :  l'inspecteur  général 
des  mines  de  la  division  ;  le  directeur  de  l'Ecole  (ingénieur 
en  chef)  ;  les  professeurs  ;  l'ingénieur  en  chef  de  l'arron- 
dissement minéralogique;  quatre  anciens  élèves  de  l'Ecole; 
deux  grands  industriels.  Les  exercices  pratiques  auxquels 
les  élèves  sont  exercés  comprennent  les  travaux  de  labo- 
ratoire, le  dessin  au  trait  et  au  lavis,  les  épures  de  géo- 
métrie descriptive  et  de  stéréotomie,  des  croquis  d'organes 
de  machines  et  d'appareils  métallurÊçiques ,  des  projets 
d'exploitation  des  mines,  de  métallurgie  et  de  mécanique, 
des  levers  de  machines,  des  levers  de  plans  superficiels  et 
souterrains,  des  visites  de  mines  et  d'usines.  Le  système 
d'instruction  de  l'Ecole  se  compose  de  deux  parties  :  l'en- 
seignement de  l'Ecole  proprement  dit  ;  des  voyages  d'ins- 
truction. Les  voyages  d'instruction  ont  lieu  après  chacune 
des  deux  dernières  périodes  du  cours  d'application  ;  les 
élèves  sont  tenus  de  remettre  des  rapports  et  des  jour- 
naux de  voyage. 

Les  cours  et  les  études  de  l'intérieur  de  l'Ecole  com- 
mencent vers  le  15  oct.  et  se  terminent  vers  le  15  août. 
Pendant  les  vacances  des  deux  premières  années,  les  élèves 
doivent  parcourir  un  ou  plusieurs  districts  miniers  et  rédiger 
un  rapport  détaillé  sur  les  travaux  visités. —  Les  élèves  de 
la  première  année  s'exercent  aux  manipulations  chimiques, 
étudient  les  collections  minéralogiques,  visitent  les  mines 
du  bassin  de  Saint-Etienne.  —  Les  élèves  de  deuxième  année 
s'exercent  à  l'analyse  chimique  et  au  lever  des  machines  ; 
ils  visitent  les  établissements  métallurgiques  des  environs, 
le  matériel  des  chemins  de  fer  et  les  machines  relatives  à 
l'épuisement  et  au  transport  dans  les  mines  et  à  la  surface  ; 
ils  font  des  projets  de  concours  d'exploitation  des  mines, 
de  mécanique  et  de  métallurgie.  —  A  la  fin  de  la  dernière 
année  scolaire,  ils  font,  dans  le  dép.  de  la  Loire  et  dans 
les  départements  voisins  qui  offrent  le  plus  d'intérêt  sous 
le  rapport  de  l'industrie  minière,  un  voyage  dont  l'itiné- 
raire leur  est  tracé  par  le  conseil  de  l'Ecole,  et  qui  a  pour 
but  de  compléter  leur  instruction  pratique  et  de  les  initier 
à  l'art  d'observer.  Ils  rendent  compte  de  leurs  observa- 
tions dans  des  rapports  et  mémoires  accompagnés  de  dessins 
et  de  croquis  cotés.  —  Indépendamment  des  examens  géné- 
raux, qui  terminent  les  études  de  chaque  division,  les 


ÉCOLE 


—  458 


élèves  subissent,  pendant  l'année  scolaire,  des  examens 
partiels  sur  chacun  des  cours  qu'ils  ont  suivis.  Les  résul- 
tats de  ces  examens,  combinés  avec  ceux  des  examens 
généraux,  servent  à  déterminer  le  mérite  relatif  des  élèves 
et  leur  classement  définitif.  Le  classement  des  élèves  fran- 
çais est  arrêté,  dans  chaque  promotion,  par  le  conseil  de 
l'Ecole,  à  la  fin  de  l'année  scolaire.  Leur  classement  final 
a  lieu  à  la  fin  des  exercices  de  troisième  année.  —  Le 
directeur  de  l'Ecole  peut  autoriser  des  personnes  étran- 
gères à  l'Ecole  à  suivre  les  leçons  de  certains  cours.  Les 
personnes  de  nationalité  étrangère  doivent,  dans  ce  cas, 
faire  apostiller  leur  demande  par  le  représentant  de  leur 
gouvernement  en  France. 

Service  militaire.  Les  élèves  compris  dans  les  quatre 
premiers  cinquièmes  de  la  liste  de  mérite  de  ceux  des 
élèves  français  qui  ont  obtenu,  pour  tout  le  cours  de  leur 
scolarité,  63  °/o  au  moins  du  total  des  points  que  l'on  peut, 
obtenir  d'après  le  règlement  de  l'Ecole,  jouissent  de  la  dis- 
pense conditionnelle  de  deux  années  de  service  militaire  actif 
inscrite  dans  l'art.  23  delà  loi  militaire  du  15  juil.  4889  ; 
il  est  fait  mention  sur  les  diplômes  du  rang  de  classement 
et  du  nombre  des  élèves  français  ayant  obtenu  le  nombre 
de  points  défini  ci-dessus. 

Sortie.  —  Le  ministre  délivre  un  diplôme  supérieur 
d'ancien  élève  de  l'Ecole  des  mines  de  Saint-Etienne,  apte 
à  exercer  les  fonctions  d'ingénieur,  aux  élèves  ayant  satis- 
fait aux  conditions  fixées  par  arrêté  ministériel  et  qui 
ont  obtenu  65  %  au  moins  des  points  de  mérite  qui 
peuvent  être  acquis  durant  tout  le  cours  de  la  scolarité. 
Le  diplôme  remis  à  chaque  élève  fait  connaître  son  rang 
de  sortie  et  le  nombre  total  de  diplômes  supérieurs 
délivrés  dans  l'année.  —  Les  élèves  qui  ont  simplement 
satisfait  aux  conditions  de  l'arrêté  ministériel  ne  reçoi- 
vent du  directeur  qu'un  certificat  d'études,  sur  lequel 
sont  inscrits  le  nombre  des  points  qu'ils  ont  obtenus  et  le 
nombre  total  des  points  de  mérite.  —  Les  élèves  étrangers 
reçoivent  du  directeur  un  certificat  d'études,  sur  lequel 
sont  inscrites  les  notes  obtenues  par  eux  aux  examens. 
Les  élèves  diplômés  sont  recherchés  paroles  directeurs  de 
mines  ou  d'usines  métallurgiques  auxquelles  ils  ont  fourni 
un  grand  nombre  d'ingénieurs  distingués  sans  parler  des 
gardes-mines,  emploi  secondaire  qu'ils  peuvent  remplir.  A 
la  Société  amicale  des  anciens  élèves,  ils  se  prêtent  un 
concours  précieux. 

Ecoles  des  maîtres  ouvriers  mineurs.  —  Desti- 
nation, —  11  existe  deux  écoles  des  maîtres  ouvriers 
mineurs,  celles  d'Alais  (Gard)  et  de  Douai  (Nord),  ressor- 
tissant l'une  et  l'autre  au  ministère  des  travaux  publics, 
et  destinées  à  former  des  contremaîtres  qui  possèdent  à  la 
fois  assez  de  pratique  pour  surveiller  et  guider  le  travail 
des  ouvriers,  assez  de  connaissances  théoriques  pour  bien 
comprendre  et  exécuter  les  ordres  d'tm  directeur  d'exploi- 
tation. 

Historique.  —  L'Ecole  d'Alais  fut  instituée  par  ordon- 
nance du  25  juil.  4845  au  voisinage  des  bassins  houillers 
et  métallurgiques  d'Alais,  la  Grand-Combe,  Bessèges,  etc. 
Celle  de  Douai  a  été  créée  le  27  juil.  4878  auprès  du 
grand  bassin  houiller  du  Nord  et  du  Pas-de-Calais.  Les 
conditions  d'admission  et  l'organisation  intérieure  différant 
sensiblement,  nous  les  exposerons  séparément.  Elles  sont 
réglées  par  un  décret  du  48  juil.  4890. 

4°   ECOLE  D'ALAIS.  —  CONDITIONS   n'ADMISSION.  —  Il 

n'est  reçu  dans  l'Ecole  que  des  ouvriers  mineurs  français 
âgés  de  plus  de  dix-huit  ans,  et  justifiant  par  un  livret  ou 
par  des  certificats  dûment  légalisés  qu'ils  ont  travaillé  pen- 
dant dix-huit  mois  au  moins  dans  les  mines.  Toutefois,  des 
élèves  étrangers  peuvent  être  admis  à  des  conditions  déter- 
minées par  le  ministre  des  travaux  publics.  Pour  être  admis, 
les  candidats  doivent  fournir  la  preuve  qu'ils  sont  de 
"bonne  conduite,  suffisamment  robustes,  et  qu'ils  possèdent 
une  instruction  élémentaire  satisfaisante,  comprenant  la 
lecture,  l'écriture,  l'orthographe,  les  quatre  premières 
règles  de  l'arithmétique,  les  nombres  décimaux  et  le  sys- 


tème métrique.  Ils  ont  à  produire  un  certificat  de  bonnes 
vie  et  mœurs,  et  un  certificat  dûment  légalisé  d'un  médecin 
ou  officier  de  santé,  constatant  qu'ils  ont  été  vaccinés  ou 
qu'ils  ont  eu  la  petite  vérole,  qu'ils  sont  d'une  bonne 
constitution  et  exempts  de  toute  infirmité  permanente  les 
rendant  impropres  au  travail  des  mines.  —  Les  concours 
ont  lieu  dans  le  mois  d'août.  Une  commission  d'exa- 
mens, composée  du  président  du  conseil  d'administra- 
tion, du  directeur  de  l'Ecole  et  des  professeurs,  se  réunit 
en  temps  opportun,  pour  préparer  la  liste  des  admissibles 
et  pour  procéder  aux  examens  d'admission,  de  passage  et 
de  sortie. 

Régime  intérieur.  —  Le  régime  de  l'Ecole  est  l'internat  ; 
l'instruction  des  élèves  est  gratuite;  mais  des  frais  de 
pension  s'élevant  à  400  fr.  sont  payés  par  les  élèves,  par 
leurs  familles,  ou  par  des  bourses.  —  Les  cours  s'ouvrent 
chaque  année  dans  les  premiers  jours  de  novembre.  Les 
élèves  passent  six  mois  à  l'Ecole  et  six  mois  dans  les  mines, 
savoir  :  à  l'Ecole,  les  mois  de  novembre,  décembre,  janvier, 
février,  juin,  juillet;  dans  les  mines,  les  mois  de  mars, 
avril,  mai,  août,  septembre  et  octobre.  Les  deux  années 
d'école  comprennent  quatre  trimestres  pratiques,  pendant 
lesquels  les  élèves  sont  répartis  entre  diverses  mines  de  la 
région,  où  ils  sont  reçus  comme  ouvriers,  soumis  à  l'au- 
torité des  chefs  d'exploitation. 

L'enseignement  théorique  comprend  les  matières  sui- 
vantes :  langue  française,  arithmétique,  géométrie,  phy- 
sique et  chimie,  minéralogie  et  géologie,  mécanique, 
exploitation  des  mines  (procédés  d'entaillement  au  pic  et  à 
la  poudre  ;  boisage  et  muraillement  des  puits  et  galeries  ; 
systèmes  d'exploitation  applicables  à  différents  gisements  ; 
roulage  intérieur  ;  extraction;  précautions  contre  les  incen- 
dies, les  explosions  de  grisou,  les  inondations;  premiers 
soins  à  donner  aux  hommes  en  cas  d'accidents,  etc.).  L'en- 
seignement est  combiné  de  manière  à  permettre  aux  élèves 
de  seconde  année  de  suivre  de  nouveau  les  leçons  d'arithmé- 
tique, de  géométrie  et  d'arpentage  de  la  première  année. 
Les  exercic'es  pratiques  consistent  en  lever  de  plans,  tant 
à  la  surface  que  dans  les  mines,  et  en  travaux  manuels 
dans  les  exploitations  de  mines  situées  dans  un  certain 
rayon  autour  d'Alais.  Pendant  ces  travaux,  les  élèves  sont 
entièrement  assimilés  aux  autres  ouvriers  de  la  mine,  et 
soumis  aux  mêmes  règlements  que  ceux-ci  ;  ils  doivent 
obéir,  comme  eux,  aux  maîtres  mineurs  ou  chefs  de  poste; 
ils  reçoivent  un  salaire  proportionné  à  leur  travail.  Le 
directeur  de  l'Ecole  et  le  répétiteur  visitent  alternativement 
les  chantiers  où  les  élèves  seront  employés  et  leur  donnent 
des  explications  et  instructions  sur  leurs  travaux.  Des 
examens  généraux  ont  lieu  à  la  fin  de  chaque  année,  en 
présence  du  conseil  d'administration  de  l'Ecole.  A  la  suite 
de  ces  examens,  il  est  fait  un  classement  des  élèves  de 
chaque  division.  On  a  égard  pour  ce  classement  :  4^  à  la 
conduite  de  l'élève  pendant  les  leçons  et  pendant  les  exer- 
cices pratiques  ;  2''  au  mérite  des  travaux  graphiques  et 
autres  exécutés  par  lui  pendant  l'année  ;  3^  au  résultat  de 
l'examen  général.  Le  classement  des  élèves  de  première 
année  détermine  ceux  qui  sont  aptes  à  passer  dans  la  divi- 
sion supérieure  ;  ceux  qui,  à  raison  de  l'insuffisance  de 
leurs  connaissances,  sont  appelés  à  redoubler  ;  enfin  ceux 
qui,  par  leur  conduite  ou  leur  incapacité,  ont  encouru 
l'exclusion. 

Service  militaire.  Les  conditions  sont  les  mêmes  que 
pour  l'Ecole  des  mines  de  Saint-Etienne. 

Sortie.  —  Les  diplômes  supérieurs  sont  délivrés  par  le 
ministre  aux  élèves  ayant  obtenu  65  °/o  au  moins  du  total 
des  points  de  mérite  ;  mention  est  faite  sur  le  diplôme  du 
rang  de  classement  et  du  nombre  de  diplômes  délivrés. 
Les  élèves  ayant  obtenu  moins  de  65  «/o,  mais  plus  de 
55  o/o,  reçoivent  un  certificat  d'études  délivré  par  le  préfet. 
Les  trois  premiers  sortants  sont  dispensés  de  l'examen 
pour  entrer  dans  le  corps  des  gardes-mines. 

2<*  ECOLE  DE  DOUAI.  —  Conditions  d'admission.^  — 
L'Ecole  admet  des  ouvriers  âgés  de  plus  de  seize  ans,  et  jus- 


459  - 


ECOLE 


tifiant,  par  un  livret,  qu'ils  ont  déjà  travaillé  dans  les  mines 
pendant  un  temps  qui  sera  au  moins  d'une  année,  et  d'au- 
tant plus  long  que  l'ouvrier  sera  plus  âgé.  L'ouvrier  doit 
fournir  des  témoignages  de  bonne  conduite  et  faire  preuve 
de  capacité  et  d'une  instruction  élémentaire  comprenant  : 
la  lecture,  l'écriture,  les  quatre  règles  de  l'arithmétique  et 
la  connaissance  du  système  légal  des  poids  et  mesures. 
Les  examens  pour  l'admission  à  l'Ecole  sont  faits  par  une 
commission  composée  du  sous-préfet  de  Douai  ou  d'un 
membre  du  conseil  d'arrondissement  désigné  par  le^  sous- 
préfet,  de  l'ingénieur  en  chef  des  mines,  directeur  de  l'Ecole, 
de  deux  directeurs  d'exploitation  de  mines,  désignés,  l'un 
par  le  préfet  du  Nord,  et  l'autre  par  le  préfet  du  Pas-de- 
Calais.  L'admission  est  prononcée  par  le  préfet  du  Nord, 
sur  le  rapport  de  cette  commission. 

Régime  intérieur.  —  Le  régime  de  l'Ecole  est  l'internat. 
Le  prix  de  la  pension  est  fixé  par  le  conseil  d'administra- 
tion. La  direction  de  l'Ecole  et  l'enseignement  des  élèves 
sont  confiés,  sous  la  surveillance  du  conseil  d'administra- 
tion, à  l'ingénieur  en  chef  des  mines  de  l'arrondissement 
de  Douai,  ayant  sous  ses  ordres  deux  répétiteurs  ou  sous- 
maîtres  et  un  surveillant,  salariés  par  l'Etat.  Les  répétiteurs 
ou  sous-maîtres  sont  pris  soit  parmi  les  gardes-mines,  soit 
parmi  les  maîtres  mineurs.  L'enseignement  est  réparti  en 
deux  années  ;  il  a  pour  objet  :  1<*  la  lecture,  l'écriture  et 
l'orthographe  ;  2^  les  mathématiques  élémentaires,  coni- 
prenant  l'arithmétique  et  les  premiers  éléments  de  géo- 
métrie; 3«  le  dessin  linéaire,  le  dessin  des  machines,  l'ar- 
pentage et  le  lever  des  plans  de  mines  ;  4^  des  notions  très 
élémentaires  de  physique,  de  chimie,  de  minéralogie,  de 
géologie  et  d'exploitation  des  mines,  ces  diverses  notions 
étant  présentées  sous  la  forme  la  plus  simple  et  appro- 
priées à  des  hommes  de  la  classe  ouvrière.  Dans  l'inter- 
valle des  leçons,  les  élèves  s'exercent  à  la  pratique  du 
travail  de  la  forge,  de  la  charpente  et  du  charronnage 
d'une  manière  appropriée  à  l'exploitation  des  mines.  Chaque 
année,  à  des  époques  déterminées,  les  leçons  de  l'Ecole 
sont  interrompues,  et  il  est  pris  des  mesures  pour  que 
les  élèves  soient  reçus  dans  des  établissements  de  mines, 
où  ils  travaillent  comme  ouvriers.  Ils  y  sont  accompagnés 
par  les  sous-maîtres  et  par  les  ingénieurs  de  la  mine,  qui 
leur  donnent  des  explications  sur  les  différents  travaux 
auxquels  ils  sont  employés.  Les  élèves  sont  examinés  dans 
le  courant  de  l'année  à  des  époques  déterminées  et,  à  la 
fin  de  l'année,  sur  les  matières  qui  ont  fait  l'objet  de 
leurs  travaux  et  de  leurs  exercices.  A  l'expiration  de  la 
seconde  année,  il  est  délivré  des  diplômes  supérieurs  ou 
des  certificats  de  maîtres  mineurs  à  ceux  des  élèves  qui 
s'en  sont  rendus  dignes  par  leur  instruction  et  leur  bonne 
conduite. 

Service  militaire.  Les  conditions  sont  les  mêmes  que 
pour  les  élèves  de  l'Ecole  des  mines  de  Saint-Etienne. 

Sortie.  —  Les  diplômes  supérieurs  sont  délivrés  aux 
élèves  ayant  obtenu  65  %  au  moins  du  total  des  points  de 
mérite  qui  peuvent  être  obtenus  dans  tout  le  cours  de  la 
scolarité.  Les  élèves  qui  ont  obtenu  moins  de  65  «/o, 
mais  plus  de  55  °/o,  reçoivent  un  certificat  d'études»  — 
Les  diplômes  supérieurs  sont  délivrés  par  le  ministre  des 
travaux  publics,  sur  la  proposition  du  conseil  d'adminis- 
tration de  l'Ecole;  les  certificats  sont  délivrés  de  même 
par  le  préfet  du  Nord. 

Ecole  municipale  de  physique  et  de  chimie 
industrielles.  —  Destination.  —  Une  école  municipale 
de  physique  et  de  chimie  industrielles  a  été  créée  à  Paris 
et  installée  rue  Lhomond,  n°  42,  dans  les  bâtiments  de 
l'ancien  collège  Rollin.  Elle  est  destinée  à  servir  de  com- 
plément aux  écoles  d'enseignement  primaire  supérieur  et  à 
fournir  aux  jeunes  gens  sortant  de  ces  écoles  les  moyens 
d'acquérir  des  connaissances  scientifiques  spéciales  qui  leur 
permettent  d'occuper,  dans  l'industrie  privée,  des  emplois 
d'ingénieurs,  de  chimistes  ou  de  chefs  d'ateliers. 

Conditions  d'admission.  —  Les  élèves  sont  admis  à  la 
suite  de  concours  qui  ont  lieu  chaque  année  à  l'époque  fixée 


par  un  arrêté  préfectoral.  Les  candidats  doivent  se  faire 
inscrire,  dans  les  délais  indiqués,  au  troisième  bureau  de 
la  direction  de  l'enseignement  primaire,  à  la  préfecture  de 
la  Seine,  en  produisant  leur  acte  de  naissance,  constatant 
qu'ils  auront  quatorze  ans  au  moins  et  dix-neuf  ans  au 
plus  au  l''^  oct.  de  l'année  du  concours,  et  un  certificat 
du  maire  de  la  commune  de  leur  origine  constatant  qu'ils 
sont  de  nationalité  française.  Ils  peuvent  également  se 
faire  inscrire  à  l'Ecole. 

Le  concours  comprend  des  épreuves  écrites  et  des 
épreuves  orales.  Les  épreuves  écrites  se  composent  : 
4^  d'une  narration  française  (lettre  ou  simple  récit,  dont 
le  sujet  est  pris,  autant  que  possible,  dans  l'histoire  de 
France)  ;  2»  de  deux  compositions  de  mathématiques,  com- 
prenant, l'une  une  question  théorique  d'arithmétique, 
l'autre  une  question  d'algèbre  et  de  géométrie  plane  ou  de 
géométrie  dans  l'espace  ;  3«  d'une  composition  de  physique  ; 
4«  d'une  composition  de  chimie.  L'ensemble  des  épreuves 
écrites  est  éUminatoire. 

Les  épreuves  orales  comprennent  des  interrogations 
sur  :  1°  les  mathématiques  ;  2°  la  physique  ;  3*^  la  chimie  ; 
les  questions  sont  tirées  au  sort.  Des  programmes  parti- 
culiers sont  arrêtés  sur  chacune  des  matières  de  l'examen, 
tant  aux  épreuves  écrites  qu'aux  épreuves  orales  :  arith- 
métique, algèbre,  géométrie  plane,  géométrie  dans  l'espace, 
éléments  de  géométrie  descriptive  (pesanteur,  chaleur, 
électricité),  chimie. 

L'enseignement  est  gratuit.  Les  élèves  peuvent  obtenir 
une  indemnité  de  50  fr.  par  mois  pendant  les  trois  années 
d'études  réglementaires  passées  à  l'Ecole.  Ils  devront 
adresser,  à  cet  effet,  par  l'intermédiaire  de  leurs  parents 
ou  tenant  lieu,  une  demande  motivée,  sur  laquelle  le  con- 
seil d'administration  est  appelé  à  statuer  après  examen. 

Régime  intérieur.  —  La  durée  du  cours  d'études^  est 
de  trois  années.  Le  nombre  des  élèves  admis  à  l'Ecole 
est  fixé  à  30  pour  chacune  des  trois  divisions  (première, 
deuxième  et  troisième  années).  —Les  mathématiques  et  la 
mécanique  sont  enseignées  à  l'Ecole  en  même  temps  q\ie  la 
physique  et  la  chimie  ;  mais  elles  ne  sont  envisagées  que 
comme  auxiliaires  de  ces  deux  dernières  sciences. 

Pendant  les  trois  premiers  semestres,  les  élèves  d'une 
même  promotion  suivent  en  commun  des  cours  et  des  ma- 
nipulations de  physique,  de  chimie,  de  mathématiques  et 
de  dessin.  A  la  fin  du  troisième  semestre,  ils  sont  partagés 
en  élèves-physiciens,  au  nombre  de  10,  et  élèves-chimistes, 
au  nombre  de  20.  A  partir  de  ce  moment,  si  les  cours 
restent  encore  communs  aux  deux  catégories  d'élèves,  il 
n'en  est  pas  de  même  des  exercices  pratiques.  Les  élèves- 
chimistes  ne  manipulent  plus  que  dans  les  laboratoires  de 
chimie,  et  les  élèves-physiciens  que  dans  ceux  de  physique. 
Les  manipulations  acquièrent,  en  outre,  une  plus  grande 
importance  par  le  temps  qu'on  y  consacre. 

Pour  chaque  promotion,  les  trois  premiers  semestres 
sont  remplis  par  les  études  générales  et  scientifiques.  Les 
applications  techniques  font  l'objet  des  cours  et  exercices 
dans  les  trois  derniers  semestres. 

Les  élèves  entrent  à  l'Ecole  à  huit  heures  et  demie  du 
matin  et  en  sortent  à  six  heures  du  soir  ;  ils  trouvent  une 
cantine  à  l'intérieur  pour  leur  déjeuner.  En  dehors  des 
heures  de  cours  et  d'études,  les  jeunes  gens  sont  constam- 
ment occupés  dans  les  divers  laboratoires,  sous  la  direction 
des  professeurs  et  des  préparateurs.  Les  matières  vues  dans 
chaque  cours  font  l'objet  d'une  interrogation,  pour  chaque 
élève,  de  quinzaine  en  quinzaine.  Le  classement  semestriel 
se  fait  en  combinant,  d'après  une  règle  fixe,  les  notes  des 
examens  semestriels  des  professeurs,  les  notes  des  inter- 
rogations des  préparateurs,  les  notes  des  exercices  pra- 
tiques et  celles  relatives  à  la  bonne  tenue  des  cahiers  et  aux 
devoirs.  Après  chaque  classement  semestriel,  les  élèves 
qui  n'ont  pas  obtenu  une  certaine  moyenne  de  points,  ou 
dont  les  notes  dans  l'une  des  branches  de  l'enseignement 
sont  trop  faibles,  sont  déférés  au  jugement  du  conseil  de 
perfectionnement  et  peuvent  être  éliminés. 


ECOLE 


-  460 


A  la  fin  de  la  troisième  année,  il  est  délivré  des  certi- 
cats  aux^  élèves  qui  ont  subi  les  examens  de  sortie  d'une 
manière  satisfaisante,  et  des  diplômes  aux  élèves  qui  se 
sont  particulièrement  distingués.  Ces  derniers  peuvent  être 
admis  à  travailler  comme  élèves  libres  dans  les  laboratoires, 
de  l'Ecole,  après  l'achèvement  des  trois  années  réglemen- 
taires. 

Ecole  nationale  des  arts  industriels  à  Rou- 
baix.  —  Destination.  —  L'Ecole  nationale  des  arts  indus- 
triels de  Roubaix,  dépendant  du  ministère  de  l'instruction 
publique  et  des  beaux-arts,  a  pour  objet  de  former  des 
artisans  pour  l'industrie  des  tissus  et  de  leur  donner  une 
instruction  à  la  fois  scientifique,  technique  et  artistique. 
Son  programme  d'études,  fort  étendu,  est  approprié  aux 
besoins  de  l'industrie  locale  qui  jouit  d'une  réputation  uni- 
verselle. Il  est  à  la  fois  théorique  et  pratique.  Il  est  inter- 
médiaire entre  celui  des  écoles  des  arts  et  métiers  et  celui 
des  écoles  des  arts  décoratifs. 

Historique.  —  L'importance  industrielle  croissante  de 
Roubaix,  qui  est  devenu  une  des  plus  grandes  villes  de 
France,  grâce  surtout  à  la  fabrication  des  tissus,  a  rendu 
de  bonne  heure  nécessaire  un  enseignement  d'art  indus- 
triel. Cet  enseignement  n'a  pas  d'abord  été  organisé  par 
l'Etat  sur  un  plan  méthodique.  Mais  les  différents  cours 
d'art  appliqué  à  l'industrie  qui,  depuis  fort  longtemps, 
fonctionnaient  à  Roubaix,  ont  été  réorganisés  en  1883  et 
fondus  en  un  seul  établissement,  qui  a  pris  le  titre  d'Ecole 
nationale  des  arts  industriels  de  Roubaix. 

Conditions  d'admission.  —  Les  élèves  qui  n'ont  pas  en- 
core fréquenté  l'Ecole  doivent  être  présentés  à  l'adminis- 
trateur, par  leurs  parents  ou  tuteurs  ;  ils  doivent  se  munir 
de  leur  acte  de  naissance.  Les  étrangers  doivent,  pour  ob- 
tenir leur  inscription,  être  en  possession  d'une  lettre  du 
représentant  de  leur  nation.  Nul  n'est  admis  aux  cours  de 
dessin  s'il  n'est  âgé  de  neuf  ans  révolus  ;  aux  cours  de  tis- 
sage et  de  remettage,  avant  treize  ans  ;  aux  cours  de  phy- 
sique, chimie  et  manipulation,  avant  quatorze  ans  ;  aux  cours 
de  teinture,  avant  quinze  ans.  Un  déléguédu  conseil  supé- 
rieur et  le  professeur  de  teinture  examinent  si  les  aspirants 
aux  cours  de  teinture  possèdent  des  connaissances  suffisantes 
pour  être  admis  à  suivre  utilement  cet  enseignement. 
Tout  élève  qui  désire  être  admis  aux  cours  de  mécanique 
et  d'architecture  doit  préalablement  suivre  les  cours  de 
dessin  linéaire  élémentaire,  de  géométrie  plane,  de  géo- 
métrie dans  l'espace  et  d'algèbre,  à  moins  qu'il  ne  justifie 
de  connaissances  suffisantes.  Nul  élève  n'est  admis  à  suivre 
les  cours  de  peinture  décorative,  de  dessin  supérieur,  de 
dessin  moyen  et  d'architecture,  s'il  ne  fréquente  régulière- 
ment les  cours  d'histoire  de  l'art.  —  L'enseignement  est 
gratuit. 

Ecole  nationale  d'apprentissage  de  Dellys.  — 
Destination.—  L'Ecole  d'apprentissage  créée  en  Algérie, 
à  Dellys,  a  pour  but  de  former  des  ouvriers  habiles.  Fran- 
çais et  indigènes,  pour  les  métiers  qui  emploient  le  fer  et 
le  bois.  Elle  ressortit  au  ministère  du  commerce.  Elle  avait 
été  installée  d'abord  auprès  de  Fort-National,  au  centre  de 
la  Kabylie,oii  l'on  espérait  former  une  école  d'arts  et 
métiers"^  analogue  à  celles  de  France  et  y  former  des  indi- 
gènes, pris  surtout  dans  cette  région,  la  plus  laborieuse  de 
l'Algérie.  Les  anciens  élèves  de  l'Ecole  furent  les  premiers 
à  la  détruire  lors  de  l'insurrection  de  4871.  On  l'a  réor- 
ganisée à  Dellys,  où  elle  végète. 

Conditions  d'admission.  —  L'Ecole  reçoit  les  Français 
ou  les  indigènes  nés  en  Algérie,  âgés  de  plus  de  qua- 
torze ans  et  de  moins  de  dix-sept  au  i^^  oct.  de  l'année 
du  concours.  Ils  adressent  leur  demande  au  préfet  ou  au 
général  commandant  la  division,  selon  que  leur  terri- 
toire est  civil  ou  militaire;  ils  l'accompagnent  d'un  acte 
de  naissance  ou  d'un  acte  de  notoriété  (pour  les  indi- 
gènes) ;  d'un  certificat  médical  de  bonne  constitution,  d'un 
certificat  de  vaccine,  d'un  certificat  de  bonnes  vie  et  mœurs 
délivré  par  l'autorité  municipale.  Ils  doivent  justifier  de  la 
connaissance  de  l'écriture  française,   des  quatre  règles 


d'arithmétique  et  du  système  métrique.  Ils  font  une  dictée 
et  un  problème  d'arithmétique.  Les  élèves  admis  doivent 
être  rendus  à  l'Ecole  de  Dellys  dans  la  première  moitié 
d'octobre. 

Régime  intérieur.  —  Le  régime  est  l'internat.  Il  y  a 
60  internes;  ils  payent  400  fr.  par  an,  de  plus  un 
trousseau  de  200  fr.  et  50  fr.  pour  la  masse  d'entretien 
de  l'élève.  L'Etat,  le  département,  les  communes  ac- 
cordent des  bourses.  Les  élèves  portent  un  uniforme  sem- 
blable à  celui  des  écoles  d'arts  et  métiers.  —  La  durée  des 
études  est  de  trois  années.  Aucun  élève  ne  peut  faire  une 
quatrième  année,  sauf  dans  le  cas  de  maladie  ayant  en- 
traîné une  suspension  de  travail  de  plus  de  six  semaines 
ou  d'absence  d'égale  durée  pour  un  motif  légitime.  — 
L'enseignement  donné  dans  TEcole  est  théorique  et  surtout 
pratique.  L'enseignement  théorique  comprend  :  la  langue 
française,  la  lecture  et  l'écriture,  la  grammaire,  l'histoire 
et  la  géographie,  des  notions  strictement  élémentaires  de 
géométrie,  d'algèbre,  de  physique,  de  chimie,  de  géométrie 
descriptive  et  de  mécanique,  le  dessin,  le  tracé  des  ouvrages 
exécutés  daiis  les  ateliers  et  la  pratique  des  épures  ;  enfin 
la  comptabilité  commerciale.  L'enseignement  pratique, 
correspondant  aux  métiers  qui  emploient  le  fer  et  le  bois, 
se  donne  dans  les  ateliers  annexés  à  l'établissement.  Les 
élèves  sont  répartis  pendant  la  durée  de  leurs  études  dans 
chaque  atelier.  Le  produit  du  travail  exécuté  dans  les 
ateliers  appartient  à  l'Etat.  A  la  fin  de  chaque  année 
scolaire,  le  conseil,  après  des  examens  généraux  passés  par 
les  élèves,  arrête  la  liste  de  leur  classement  dans  chaque 
division  et  propose  les  prix  à  décerner.  Il  désigne  les  élèves 
qui,  en  raison  de  la  faiblesse  de  leurs  notes  ou  de  leur 
mauvaise  conduite,  doivent  être  exclus  de  l'Ecole.  —  Les 
punitions  qui  peuvent  être  infligées  aux  élèves  sont  :  la 
consigne  ou  retenue  ;  la  salle  de  poUce  ;  la  prison  ;  le  renvoi 
de  l'Ecole. 

Le  résumé  semestriel  des  notes  est  envoyé  aux  parents 
ou  aux  correspondants  des  élèves. 

A  leur  sortie,  les  élèves  de  l'Ecole  de  Dellys  peuvent  se 
placer  comme  contremaîtres  dans  la  colonie.  Il  y  aurait 
de  grands  progrès  à  réaliser  pour  que  le  niveau  se  rap- 
prochât de  celui  des  écoles  d'arts  et  métiers  de  Châlons, 
Angers  ou  Aix. 

Ecoles  d'apprentis.  —  Les  écoles  d'apprentis  sont 
destinées  à  donner  aux  apprentis  l'instruction  primaire  élé- 
mentaire, et,  parfois,  supérieure.  La  loi  du  15  mars  1850 
avait  prévu  la  création  d'écoles  primaires  communales  pour 
les  apprentis  de  plus  de  douze  ans.  x\ctuellement,  on  vise 
à  assimiler  les  apprentis  aux  autres  élèves  des  écoles  pri- 
maires. Il  existe  cependant  pour  eux  des  classes  et  même 
des  écoles  spéciales.  Nous  avons  déjà  parlé  des  Ecoles  de 
manufacture  (V.  ce  paragraphe),  organisées  le  plus  effi- 
cacement sur  le  système  du  demi-temps  (V.  ce  mot).  — 
A  l'étranger,  nous  signalerons  :  en  Prusse,  des  écoles  pro- 
fessionnelles pour  les  apprentis  auxquels  on  y  enseigne  le 
dessin,  les  travaux  pratiques,  la  comptabilité,  l'arilhmé- 
tique  et  la  correspondance  commerciale,  la  physique,  la 
chimie,  etc.  En  Ravière,les  écoles  d'apprentis  sont  annexées 
aux  écoles  professionnelles  ou  aux  écoles  primaires.  Dans 
les  autres  pays,  l'obligation  scolaire  imposée  aux  apprentis 
jusqu'à  quatorze,  seize  ou  dix-huit  ans,  ne  comporte  pas 
la  fondation  d'écoles  spéciales. 

Ecoles  d'apprentissage.  —  L'école  d'apprentissage 
a  pour  but  la  formation  d'apprentis  qu'elle  prépare  à  un 
métier  défini  où  ils  puissent,  le  plus  tôt  possible,  gagner 
leur  vie.  M.  SaHcis  a  fort  bien  marqué  (Dict,  de  péda- 
gogie, t.  P^,  196)  en  quoi  elle  diffère  de  l'école  d'ap- 
prentis, de  l'école  professionnelle,  technique,  industrielle, 
réelle ,  etc.  «  U école  professionnelle  se  propose  surtout 
d'augmenter  le  bagage  intellectuel  que  l'école  primaire  a 
pu  fournir,  et  elle  y  parvient  naturellement  en  complétant 
les  programmes  du  premier  enseignement.  Elle  est  destinée 
à  recevoir  les  enfants  de  ces  nombreuses  familles  qui,  sans 
être  riches,  ni  même  aisées,  n'en  sont  pas  réduites  cepen- 


-  461  — 


dant  à  vivre  d'un  salaire  journalier  :  employés,  commer- 
çants, patrons  modestes,  contremaîtres,  etc.  Chacune  de 
ces  familles  vise  pour  ses  enfants  à  une  situation  qui  les 
affranchisse  du  travail  manuel.  —  L'école  d'apprentissage, 
au  contraire,  sans  prétendre  cantonner  dans  le  travail 
manuel  une  partie  de  la  génération  qui  grandit  et  toute  sa 
descendance,  doit  se  proposer  de  donner  à  tous  les  enfants 
qui  vont  demander  leur  vie  au  salaire  journalier  les  moyens 
d'arriver  le  plus  tôt  possible  à  se  suffire.  Elle  est  donc 
différente  en  ce  point  des  classes  ou  écoles  d'apprentis, 
qui  ne  sont  que  l'enseignement  simplement  primaire  donné 
ou  continué  aux  enfants  engagés  dans  un  apprentissage 
quelconque.  Il  y  a  lieu  enfin  et  iî  est  très  facile  de  la  distin- 
guer des  écoles  techniques,  industrielles,  des  arts  et 
métiers,  Realschulen,  dénominations  plus  ou  moins  simi- 
laires de  celles  de  professionnelles,  et  qui,  au  point  de  vue 
de  l'apprentissage,  expriment  un  degré  à  la  fois  supérieur 
et  insuffisant.  —  Si  l'école  d'apprentissage,  sans  restreindre 
les  acquisitions  intellectuelles,  rend  l'ouvrier  non  seulement 
plus  policé,  mais  encore  plus  habile,  plus  épris  de  son  état, 
et  par  conséquent  plus  laborieux,  elle  le  rendra  du  même 
coup  plus  moral,  plus  économe,  moins  indépendant,  et 
ainsi,  en  même  temps  qu'elle  procure  des  avantages  immé- 
diats à  l'énorme  population  des  travailleurs,  elle  augmente, 
à  bref  délai,  le  rendement  économique  dans  tout  le  pays 
et  y  hausse  le  niveau  moral  et  social  par  le  relèvement  des 
ouvriers.  L'école  d'apprentissage  doit  être  une  sorte  d'ins- 
titution, en  quelque  sorte  parallèle  à  l'école  professionnelle, 
mais  destinée  aux  enfants  qui  se  préparent  non  à  une  pro- 
fession, expression  trop  vague,  mais  à  un  métier.  »  Il 
existe  un  certain  nombre  de  ces  écoles  en  France,  particu- 
lièrement à  Paris.  Il  faut  citer  en  première  ligne  les 
écoles  municipales  profession7ielles  de  la  ville  de  Paris 
(V.  ci-dessous  le  paragraphe  spécial)  ;  l'école  d'imprimerie 
organisée  par  M.  Chaix;  celle  des  apprentis  bijoutiers 
fondée  par  le  syndicat;  pour  les  filles,  les  établissements 
de  la  Société  pour  l'enseignement  professionnel  des  femmes, 
les  ouvroirs  (V.  ce  mot),  etc.  Une  mention  spéciale  doit 
être  accordée  aux  fondations  catholiques.  La  plus  considé- 
rable est  un  internat,  celui  de  Saint-Nicolas,  dirigé  à 
Vaugirard  par  les  frères  des  Ecoles  chrétiennes.  Il  com- 
prend près  d'une  vingtaine  d'ateliers,  livrés  chacun  à  un 
fabricant  qui  y  délègue  un  contremaître  et  tire  parti  des 
travaux  exécutés.  Un  autre  internat-école  d'apprentissage, 
a  été  fondée  rue  Oberkampf  par  M.  Lemaire.  Hors  de 
Paris,  on  remarque  les  écoles  du  Creuset,  de  Mulhouse, 
des  chantiers  de  La  Ciotat,  du  Havre,  l'école  municipale 
d'horlogerie  de  Besançon,  etc.  Ce  qui  concerne  l'étranger 
sera  exposé  dans  l'art.  EnseignemeiNt  professionnel  et 

TECHNIQUE. 

Ecoles  manuelles  d'apprentissage.  —  Destination. 
—  Les  écoles  manuelles  d'apprentissage  ont  été  créées 
afin  de  répondre  aux  besoins  que  nous  avons  indiqués  dans 
le  paragraphe  précédent.  La  loi  du  il  déc.  1880  les  a 
reconnues;  elles  sont  régies  en  outre  par  la  loi  du 
30  oct.  1886  et  les  décrets  des  17  mars  et  28  juil.  1888. 
Elles  ressortissent  à  la  fois  au  ministère  de  l'instruction 
publique  et  au  ministère  du  commerce  et  de  l'industrie. 
On  en  distingue  deux  catégories  :  IMes  écoles  manuelles 
d'apprentissage  fondées  par  les  communes,  les  départe- 
ments ou  des  particuliers,  pour  développer  chez  les  jeunes 
gens  qui  se  destinent  aux  professions  manuelles  la  dexté- 
rité nécessaire  et  les  connaissances  techniques.  L'école 
manuelle  d'apprentissage,  qui  a  pour  but  de  développer 
l'aptitude  professionnelle  et  de  compléter  à  un  point  de 
vue  spécial  l'enseignement  de  l'école  primaire  élémentaire, 
ne  peut  recevoir  que  des  enfants  pourvus  du  certificat 
d'études  primaires  ou  âgés  d'au  moins  treize  ans  ;  2°  les 
écoles  publiques  d'enseignement  primaire  supérieur  ou 
complémentaire  dont  le  programme  comprend  des  cours  ou 
des  classes  d'enseignement  professionnel. 

Conditions  d'admission.  —  Nul  ne  peut  y  entrer  avant 
douze  ans  accomplis.  Tout  candidat,  pour  se  faire  inscrire. 


ÉCOLE 


doit  justifier  de  la  possession  du  certificat  d'études  pri- 
maires élémentaires;  à  défaut  de  ce  titre,  il  subit  un 
examen  d'entrée  équivalent,  auquel  il  ne  peut  se  présenter 
qu'à  l'âge  de  treize  ans  révolus  et  en  justifiant  de  l'accom- 
plissement de  l'obligation  scolaire. 

Dans  le  cas  où  le  nombre  des  candidats  est  supérieur  à 
celui  des  places  disponibles  de  l'école,  il  est  ouvert  entre 
eux  un  encours  portant  sur  les  diverses  matières  du  cer- 
tificat d'études  primaires  élémentaires  et  en  outre  sur  le 
travail  manuel. 

Le  programme  d'enseignement  de  ces  écoles,  arrêté 
d  après  un  plan  élaboré  par  les  fondateurs,  doit  être  ap- 
prouvé par  les  ministres  de  l'instruction  publique,  du 
commerce  et  de  l'industrie.  Le  personnel  enseignant  de 
chaque  école  comprend  au  minimum  :  d^  un  professeur  ou 
un  instituteur  adjoint  chargé  de  l'enseignement  des  ma- 
tières du  programme  général;  2«  un  chef  d'atelier  ou 
un  contremaître  préposé  à  l'apprentissage.  L'enseignement 
scientifique  et  technologique  prévu  par  le  programme  spé- 
cial de  chaque  école  peut  être  confié  soit  au  directeur, 
soit  au  personnel  enseignant,  soit  à  des  professeurs  ou 
maîtres  auxiliaires  nommés  ou  délégués  à  cet  effet.  Le 
nombre  et  la  rémunération  des  auxiliaires  sont,  pour  chaque 
école,  déterminés  par  décision  des  deux  ministres,  après 
avis  de  la  commission  de  surveillance  et  de  perfectionne- 
ment, sur  la  proposition  du  conseil  municipal.  Le  préfet, 
SI  l'étabhssement  est  départemental;  le  maire,  si  l'établis- 
sement est  municipal,  fixe,  sur  la  proposition  du  directeur 
et  après  avis  de  la  commission  de  surveillance  et  de  per- 
fectionnement, le  nombre  des  emplois  de  contremaîtres, 
chefs  et  sous-chefs  d'atelier,  ouvriers  instructeurs  et  autres 
préposés  à  l'apprentissage  qu'il  y  a  lieu  de  créer  dans 
l  école.  Le  prétet  ou  le  maire  détermine,  dans  les  mêmes 
conditions,  le  mode  de  rétribution  de  ce  personnel.  Aucun 
internat  ne  peut  y  être  annexé,  sans  l'autorisation  préa- 
lable des  deux  ministres. 

Les  écoles  manuelles  d'apprentissage  et  les  écoles  pri- 
maires supérieures  professionnelles  assurent  aux  élèves  : 
1°  un  complément  d'instruction  primaire;  2°  une  instruc- 
tion professionnelle  préparant  soit  à  l'industrie,  soit  au 
commerce,  ou  comprenant  ces  deux  genres  d'enseigne- 
ment. Elles  sont  soumises  à  l'inspection  de  l'enseignement 
technique,  qui  a  pour  mission  d'étudier  les  besoins  locaux 
au  point  de  vue  de  la  direction  à  donner  à  l'enseignement 
professionnel,  de  se  rendre  compte  de  la  valeur  et  de  l'état 
de  l'outillage  et  des  améliorations  qu'il  y  aurait  lieu  d'y 
apporter,  de  surveiller  les  méthodes,  enfin  de  renseigner 
les  deux  administrations  de  l'instruction  publique  et  du 
commerce,  de  l'industrie  et  des  colonies  sur  tout  ce  qu'il 
serait  utile  de  faire  pour  rendre  l'enseignement  aussi  pra- 
tique et  aussi  profitable  que  possible.  Dans  ces  écoles,  la 
durée  des  études  est  de  trois  ans  au  minimum;  une  qua- 
trième année  peut  être  jugée  nécessaire. 

Ecoles  nationales  mixtes  d'enseignement  pri- 
maire supérieur  et  d'enseignement  professioanel. 
—  Les  écoles  nationales  mixtes  d'enseignement  primaire 
supérieur  et  d'enseignement  professionnel,  prévues  par  la 
n^-  M^  }1.^^\  ^^^^^'  organisées  par  les  décrets  des 
9  juil.  1880,  20  mars  et  26  juil.  1882,  17  mars  1888, 
ressortissent  à  la  fois  au  ministère  de  l'instruction  publique 
et  au  ministère  du  commerce,  de  l'industrie  et  des  colo- 
nies. Elles  répondent  au  besoin  de  créer,  dans  les  centres 
industriels,  des  écoles  professionnelles  spéciales  pour  chaque 
branche  d'industrie,  pouvant  remplacer  ce  qu'était  pour  les 
jeunes  gens  l'apprentissage  d'autrefois.  Des  écoles  de  ce 
genre  ont  été  instituées  à  Vierzon  (Cher),  à  Armentières 
(Nord)  et  à  Voiron  (Isère). 

^  Ces  écoles  sont  créées  par  décrets,  rendus  sur  la  propo- 
sition des  deux  ministres,  qui  règlent  pour  chaque  école  la 
composition  du  conseil  d'administration  ;  les  membres  de 
ce  conseil  sont  nommés  par  arrêté  du  ministre  de  l'instruc- 
tion publique  sur  l'avis  conforme  du  ministre  du  com- 
I  merce,  de  l'industrie  et  des  colonies.  La  nomination  du 


ÉCOLE 


—  462  — 


directeur  et  du  personnel  enseignant  de  tout  ordre  y  est 
faite  par  arrêtés  pris  d'accord  entre  les  deux  ministres. 

Ecoles  de  cuisine.  —  Une  école  professionnelle  de 
cuisine  a  été  créée  à  Paris  par  la  Société  des  caisnners 
français  ;  elle  a  reçu  une  subvention  de  l'Etat  et  s'est  ouverte 
le  20  mars  1891.  Elle  s'occupe  de  ce  qui  concerne  la  cui- 
sine, la  pâtisserie,  la  confiserie,  les  liqueurs,  l'office,  la 
sommellerie,  la  charcuterie,  les  conserves  ahmentaires. 
Elle  est  administrée  par  la  Société  des  cuisiniers  français. 
L'enseignement  comprend  deux  parties  :  enseignement  pour 
les  dames  et  les  jeunes  filles  ;  enseignement  professionnel 
pour  les  élèves  hommes.  L'enseignement  public  comporte 
des  cours  gratuits  d'économie  domestique  et  de  cuisine 
ménagère  et  des  cours  payant  (1  fr.  par  leçon)  d'enseigne- 
ment élémentaire  et  de  cuisine  bourgeoise.  L'enseignement 
professionnel  est  réservé  aux  élèves  et  apprentis  de  toutes 
les  professions  de  l'art  culinaire.  On  décerne  à  la  fin  de 
chaque  année  scolaire  des  médailles  aux  plus  méritants. 
Voici  la  nomenclature  complète  des  cours  et  conférences  : 
hygiène  alimentaire,  chimie  alimentaire,  histoire  générale 
des  sciences  alimentaires,  botanique  alimentaire,  dessin  et 
modelage,  droit  usuel  et  professionnel,  comptabilité  pro- 
fessionnelle, installations  culinaires,  gastronomie  contem- 
poraine. L'enseignement  professionnel  porte  sur  les  matières 
suivantes,  chacune  étudiée  par  un  professeur  ou  prépara- 
teur :  fond  de  cuisine;  entremets;  rôtisserie;  entremets 
froids;  décoration,  moulage  et  modelage;  décoration  artis- 
tique; rédaction  des  menus;  pastillage;  cuisine  anglaise  et 
cosmopolite;  fond  de  pâtisserie  ;  historique  des  spécialités  ; 
inspection  des  décors  et  travaux  en  sucre;  glaces  ;  charcu- 
terie; conserves;  ofllce;  sommellerie. 

Etranger.  —  En  Angleterre  et  aux  Etats-Unis  on  a 
fondé  dans  plusieurs  villes  des  écoles  de  cuisine,  où  des 
ménagères  et  des  jeunes  filles  reçoivent  un  enseignement 
professionnel,  théorique  et  pratique.  La  première  d'Angle- 
terre fut  celle  de  South  Kensington  (en  1873)  :  National 
Training  School  for  Cookery,  sorte  d'école  normale  où 
se  recrute  le  personnel  enseignant  des  écoles  de  cuisinede 
Londres  et  des  autres  villes  anglaises.  Le  cours  dure  cinq 
mois;  l'élève  apprend  successivement:  théorie,  lavage  de 
la  vaisselle  ;  leçons  pratiques  de  cuisine  ouvrière  ;  leçons 
pratiques  de  cuisine  bourgeoise;  chacun  de  ces  enseigne- 
ments est  suivi  de  quinze  jours  d'exercices  pratiques.  Le 
dernier  mois,  l'élève  doit  s'exercer  à  l'enseignement  privé 
et  public.  L'école  de  South  Kensington  déhvre  des  diplômes 
de  professeur  d'art  culinaire  et  des  certificats  d'études.  Des 
classes  de  cuisine  ont  été  annexées  aux  écoles  publiques  de 
filles  de  Londres,  et  21  écoles  de  cuisine  y  ont  été  ouvertes 
en  une  dizaine  d'années.  Les  grandes  villes  d'Angleterre 
ont,  à  partir  de  1875,  suivi  l'exemple  de  Londres.  — Aux 
Etats-Unis,  une  école  de  cuisine  fut  ouverte  à  New-York 
par  miss  Corson  en  1874;  elle  comprit  trois  cours  pour 
enfants,  pour  dames,  pour  cuisinières.  Plusieurs  autres 
villes,  Boston,  Washington,  etc.,  possèdent  des  écoles  de 
cuisine.  ^       ,    . 

Ecoles  d'horlogerie.  —  Destination.  —  Les  écoles 
nationales  d'horlogerie  sont  au  nombre  de  deux  :  celle  de 
Cluses  et  celle  de  Besançon.  B  existe  de  plus  une  école  pro- 
fessionnelle d'horlogerie  à  Paris,  une  école  mumcipale  à 
Anet  (Eure-et-Loir),  etc.  Mieux  que  toute  industrie,  en 
raison  de  son  caractère  scientifique,  l'horlogerie  comporte 
la  préparation  dans  une  école  spéciale  d'ouvriers  et  de  chefs 
d'atelier.  Nous  ne  parlerons  ici  que  des  deux  écoles  natio- 
nales, nous  bornant  à  donner  quelques  renseignements  sur 
l'Ecole  de  Paris. 

Les  écoles  nationales  d'horlogerie  ont  pour  objet  :  rde 
former  des  ouvriers  instruits  et  habiles,  capables  d'exécuter 
en  tout  ou  en  partie  les  appareils  destinés  à  la  mesure  du 
temps  ou  tous  autres  mécanismes  de  précision  appropriés 
aux  usages  des  sciences  et  des  arts;  ^  de  donner  l'ms- 
truction  nécessaire  aux  jeunes  gens  qui  se  destinent  à  de- 
venir, dans  ces  genres  d'industrie,  fabricants  ou  chefs 
d'ateliers* 


Historique.  —  L'Ecole  de  Cluses  fut  fondée  en  1848 
par  le  gouvernement  sarde,  cédée  par  lui  au  gouvernement 
français,  qui  l'institua  à  nouveau  par  le  décret  du  30  nov. 
1883.  Elle  a  été  reconstruite  et  ses  nouveaux  bâtiments 
furent  inaugurés  en  sept.  1886.  Elle  est  régie  par  le  décret 
du  8  févr.  1890.  L'Ecole  de  Besançon  fut  fondée  par  la 
municipalité  de  cette  ville  qui  est  le  grand  centre  de  la 
fabrication  des  montres  en  France.  La  concurrence  de  l'Ecole 
de  Cluses  nuisit  à  son  développement  et  par  contre-coup  à 
l'industrie  locale  dont  les  plaintes  étaient  d'autant  plus 
vives  qu'elles  invoquaient  le  voisinage  de  Cluses  et  de  Ge- 
nève, rivale  étrangère  de  Besançon.  Il  fallut  dix  années 
d'efforts  aux  Bisontins  pour  obtenir  le  décret  du  22  juil. 
1891  érigeant  leur  école  en  école  nationale. 

Conditions  d'admission.—  \\  n'est  reçu  à  l'Ecole  que  des 
élèves  âgés  de  plus  de  quatorze  ans  ;  la  rentrée  des  classes 
ayant  lieu  chaque  année  au  début  de  novembre,  les  candi- 
dats doivent  justifier  qu'ils  auront  au  moins  quatorze  ans 
le  1^'"  dudit  mois.  L'admission  est  prononcée  par  le 
ministre.  Les  demandes  d'admission  doivent  être  adres- 
sées par  écrit  au  préfet  du  département  dans  lequel 
réside  la  famille  du  candidat,  du  1^^  août  au  20  sept. 
Ces  demandes  doivent  être  accompagnées  des  pièces  sui- 
vantes :  1° l'acte  de  naissance  du  candidat;  2°  un  certificat 
de  vaccine  et  de  bonne  constitution  d'un  docteur  assermenté; 
3"^  un  certificat  de  bonnes  vie  et  mœurs  délivré  par  l'autorité 
locale  attestant,  de  plus,  que  le  candidat  jouit  de  la  qualité 
de  Français;  4^  le  certificat  d'études  primaires  ou,  à  dé- 
faut, un  certificat  délivré  par  un  fonctionnaire  de  l'ensei- 
gnement public  justifiant  que  le  candidat  possède  les  con- 
naissances suivantes  :  la  lecture,  une  écriture  lisible  et 
courante,  une  orthographe  à  peu  près  correcte,  l'arithmé- 
tique comprenant  les  quatre  premières  règles,  les  fractions, 
le  système  décimal,  le  système  métrique,  les  règles  de  trois 
simple  et  composée;  5«  l'engagement  par  écrit  pris  par  les 
parents  d'acquitter,  aux  époques  fixées,  la  totalité  ou  la 
fraction  des  frais  d'entretien  laissés  à  leur  charge.  Tout 
élève  qui  ne  serait  pas  présent  à  l'ouverture  des  cours  serait 
considéré  comme  démissionnaire. 

Un  certain  nombre  de  places  est  réservé,  chaque  année, 
pour  les  ouvriers  horlogers  qui  voudraient  se  perfectionner 
dans  une  ou  plusieurs  parties  de  la  fabrication  de  la  montre. 
Ces  ouvriers  sont  reçus  par  le  directeur  qui  doit  préalable- 
ment s'assurer  de  leur  moralité.  La  durée  de  leur  séjour 
dans  les  atehers  de  l'Ecole  est  de  six  mois. 

Bégime  intérieur.—  Le  régime  de  l'Ecole  de  Cluses  est 
l'externat.  Les  élèves  sont  placés  par  leurs  parents  chez 
des  correspondants  domiciliés  dans  la  com.  de  Cluses  et 
agréés  par  l'administration  de  l'Ecole.  Toutefois,  l'admi- 
nistration peut,  sur  la  demande  des  familles,  se  charger 
de  placer  les  jeunes  gens.  Dans  ce  cas,  les  parents  doivent 
verser,  par  trimestre  et  d'avance,  une  pension  annuelle  de 
600  fr.  environ. 

L'Ecole  de  Besançon  possède  un  pensionnat  installé  dans 
les  bâtiments  du  lycée.  Des  bourses  ou  fractions  de  bourse 
d'entretien  peuvent  être  accordées  sur  les  fonds  de  l'Etat 
aux  élèves  dont  les  familles  ont  fait  constater  préalablement 
l'insuffisance  de  leurs  ressources.  Ces  bourses,  données 
pour  une  année  scolaire,  sont  renouvelables.  Un  nombre 
plus  considérable  de  bourses  sont  données  par  les  dépar- 
tements ou  les  communes;  en  1889,  il  y  avait  à  l'Ecole  de 
Cluses  42  bourses  départementales  ou  communales  pour 
une  somme  de  12,396  fr.  et  21  bourses  de  l'Etat  pour  une 
somme  de  3,000  fr.  En  outre,  le  ministre  du  commerce 
décerne  à  un  grand  nombre  d'élèves  des  médailles  d'ar- 
gent, des  livres  et  outils  à  l'usage  de  leur  profession.  — 
Au  point  de  vue  du  service  militaire,  les  horlogers  et  ou- 
vriers horlogers  sont  admis  à  concourir  pour  la  dispense  de 
deux  ans  de  service  actif,  au  titre  des  industries  d'art,  lors 
de  la  formation  de  la  classe  à  laquelle  ils  appartiennent. 
—  L'Ecole  de  Cluses  avait,  en  1889,  130  élèves;  celle  de 
Besançon  en  comptait  beaucoup  moins,  mais  son  érection 
en  école  nationale  lui  vaudra  une  prospérité  certaine.  Les 


—  463  — 


ECOLE 


élèves  sont  soumis  à  la  surveillance  de  l'administration  non 
seulement  dans  l'intérieur  de  l'établissement,  mais  au  dehors 
et  chez  les  correspondants. 

La  durée  des  études  est  de  trois  ans.  L'enseignement  est 
gratuit.  Cet  enseignement  est  à  la  fois  théorique  et  pratique. 
L'enseignement  pratique  comprend  les  méthodes  et  les  opé- 
rations propres  à  donner  aux  élèves  l'habileté  de  main 
nécessaire  dans  une  ou  plusieurs  des  spécialités  de  la  fabri- 
cation de  la  montre.  L'enseignement  théorique  comprend 
les  éléments  de  l'arithmétique,  de  la  géométrie  et  de  la 
mécanique.  Les  élèves  sont,  en  outre,  exercés  au  dessin  des 
pièces  détachées  de  la  montre  et  des  outils  d'horlogerie. 

L'enseignement  est  dirigé  de  telle  sorte  que,  dès  sa 
sortie  de  l'Ecole,  chaque  élève  puisse  se  livrer  dans  l'in- 
dustrie à  l'une  des  spécialités  de  la  fabrication  de  la  montre 
avec  une  suffisante  habileté.  Les  élèves  sont  répartis  par 
le  directeur  dans  les  différents  atehers.  —  Des  examens 
généraux  ont  Ueu  à  la  fin  de  chaque  année,  en  présence  du 
directeur  et  d'un  ou  de  plusieurs  membres  du  conseil  d'ad- 
ministration. A  la  suite  de  ces  examens,  il  est  fait  un  clas- 
sement des  élèves  de  chaque  division.  Les  éléments  de  ce 
classement  sont  :  1°  la  conduite  de  l'élève  pendant  les 
leçons  et  pendant  les  exercices  pratiques  ;  2^  le  mérite  des 
travaux  exécutés  par  lui  pendant  l'année  ;  3°  les  notes  de 
l'examen  général. —  A  la  suite  des  examens  de  fin  d'année, 
on  autorise  les  élèves  à  passer  dans  la  division  supérieure  ou 
on  les  oblige  à  redoubler.  Le  dernier  est  l'examen  de  sortie. 

Sortie.  —  Au  terme  des  études,  il  est  délivré  par  le 
directeur,  après  avis  du  conseil  d'administration,  des  cer- 
tificats d'études  à  ceux  des  élèves  de  seconde  année  qui  en 
sont  jugés  dignes.  Ces  certificats  indiquent  le  degré  d'ha- 
leté de  l'élève  comme  ouvrier  horloger,  avec  mention  de  la 
spécialité  à  laquelle  il  s'est  plus  particulièrement  adonné 
pendant  son  séjour  à  l'Ecole.  Non  seulement  ce  certificat 
est  très  apprécié  dans  les  grandes  maisons  d'horlogerie  de 
Paris,  de  Besançon  et  même  de  Genève,  mais  un  certain 
nombre  d'élèves  sont  admis  parmi  les  ouvriers  mécaniciens 
employés  à  la  construction  des  appareils  télégraphiques  de 
l'Etat.  A.-M.  B. 

Ecole  professionnelle  d'horlogerie  de  Paris.  — 
L'Ecole  de  Paris  a  été  fondée  en  1880  par  la  chambre 
syndicale  de  l'horlogerie,  inaugurée  le  6  mars  1881,  re- 
connue d'utilité  publique  en  1886,  transférée  depuis  rue 
Manin.  Elle  compte  100  élèves  externes  ou  internes.  La 
durée  des  études  est  de  quatre  ans.  Elle  possède  trois  ate- 
liers par  lesquels  les  élèves  passent  avant  de  se  spécialiser  : 
le  premier  est  consacré  à  la  fabrication  des  grosses  pièces 
de  pendules;  le  second  à  la  fabrication  et  au  montage 
complet  de  la  pendule  ;  la  troisième  à  la  fabrication  et  au 
montage  complet  des  montres  et  chronomètres.  Le  soir  ont 
lieu  des  cours  théoriques.  Une  collection  de  modèles  et  une 
bibliothèque  sont  annexées  à  l'Ecole. 

Ecole  nationale  professionnelle  de  Nevers  spé- 
ciale à  la  grosse  chaudronnerie  et  aux  grandes 
constructions  en  fer.  —  Cette  école,  dont  le  titre  indique 
suffisamment  la  destination,  prépare  comme  les  écoles  d'arts 
et  métiers  des  chefs  d'atelier  et  des  contremaîtres.  Mais  elle 
a  un  objectif  beaucoup  plus  spécial  que  ces  écoles,  visant 
seulement  les  constructions  en  fer  (ponts,  viaducs,  halles,  etc.) 
et  la  grosse  chaudronnerie.  Elle  a  été  fondée  par  la  loi  du 
10  mars  1881,  afin  d'indemniser  la  ville  de  Nevers  de  la 
suppression  de  l'ancienne  fonderie  des  canons  delà  marine. 
Les  bâtiments  de  celle-ci  lui  ont  été  affectés. 

Son  régime  intérieur  est  analogue  à  celui  des  écoles 
d'arts  et  métiers.  Le  cours  d'études  est  de  trois  années. 
Les  élèves  sont  internes,  mais  on  admet  aussi  des  externes. 
Le  prix  de  la  pension  est  de  600  fr.  par  an.  L'Etat  entre- 
tient des  bourses  et  des  demi-bourses. 

Ecoles  municipales  professionnelles  de  Paris.— 
La  ville  de  Paris  a  organisé  à  partir  de  1872  plusieurs 
écoles  destinées  à  suppléer  à  la  décadence  de  l'apprentis- 
sage. L'enseignement  technique  donné  dans  ces  écoles 
devrait  former  des  ouvriers  d'élite  pour  les  divers  métiers. 


Le  succès  a  été  inégal;  l'Ecole  Diderot  a  bien  réussi, 
l'Ecole  Estienne  (industrie  du  Hvre)  a  d'abord  échoué. 
Nous  passerons  en  revue  les  principales  créations  de  la 
municipalité  parisienne,  en  donnant  sur  chacune  de  ces 
écoles  des  renseignements  aussi  complets  et  pratiques  que 
possible.  L'enseignement  de  ces  écoles  est  destiné  aux 
jeunes  Parisiens.  Mais  les  enfants  dont  les  familles  sont 
domiciliées  dans  les  communes  de  la  banlieue,  peuvent  être 
admis  dans  les  écoles  professionnelles  de  Paris,  en  raison 
du  rang  pour  eux  obtenu  au  concours,  à  la  condition,  tou- 
tefois, que  les  communes  suburbaines,  auxquelles  appartien- 
dront les  enfants  admis,  s'engagent  à  rembourser,  pour 
chaque  enfant,  une  somme  annuelle  de  200  fr. 

Ecole  Diderot. — Destination.  L'Ecole  Diderot  (60,  bou- 
levard de  la  Villette),  fondée  le  6janv.  1873,  est  destinée 
à  former  des  ouvriers  d'élite  ;  elle  reçoit  des  apprentis 
pour  le  travail  des  métaux  et  du  bois.  Elle  combine  un 
enseignement  général  et  un  enseignement  professionnel. 

Conditions  cTadmissioii.  Aucun  élève  n'est  admis 
avant  l'âge  de  treize  ans  révolus  ni  après  seize  ans.  Les 
candidats  sont  reçus  après  un  examen  qui  a  lieu  à  l'Ecole. 
L'examen  comporte  :  1^  une  dictée;  2°  un  problème 
d'arithmétique  sur  les  règles  de  trois  ;  3«  un  problème  sur 
les  fractions  ou  les  rapports  ;  ¥  un  calcul  de  surface  ou 
de  volume  avec  application  du  système  métrique;  5^  un 
croquis  à  main  levée  et  coté.  —  Les  examens  d'admission 
ont  lieu,  tous  les  ans,  à  la  fin  du  mois  de  juillet.  La  date 
exacte  est  indiquée  par  voie  d'affiches.  Les  inscriptions  des 
candidats  sont  reçues  au  siège  de  l'Ecole,  du  1®^  mai  au 
jour  de  l'examen,  tous  les  jours,  sans  exception,  de  huit 
heures  du  matin  à  quatre  heures  du  soir.  Les  pièces  à 
produire  pour  l'inscription  sont  les  suivantes  :  1<^  le  certi- 
ficat de  revaccination  ;  2°  une  pièce  officielle  établissant 
que  le  père  du  candidat  a  satisfait  à  la  loi  sur  le  recru- 
tement; 3°  le  certificat  d'études  primaires  du  candidat,  s'il 
le  possède  ;  4o  l'extrait  de  naissance  du  candidat. 

Régime  intérieur.  Les  élèves  sont  externes.  Leur 
nombre  est  d'environ  300.  L'enseignement  est  gratuit  ;  les 
élèves  sont  fournis  gratuitement  de  tous  les  moyens  d'études 
et  de  travail.  L'entrée  a  lieu  à  sept  heures  trois  quarts  du 
matin,  pour  les  élèves  de  première  et  de  deuxième  année, 
et  à  six  heures  trois  quarts  pour  ceux  de  troisième  année. 
La  sortie  se  fait  à  six  heures  du  soir  pour  tous  les  élèves. 
Les  élèves  ne  sortent  sous  aucun  prétexte  dans  la  journée. 
Ils  peuvent  prendre  le  repas  de  midi  et  le  goûter  à  la 
cantine  de  l'Ecole,  au  prix  de  50  centimes  par  jour  de 
présence,  en  apportant  leur  boisson.  Des  bourses  de 
déjeuner  sont  accordées  en  grand  nombre  aux  élèves  de 
deuxième  et  troisième  année.  L'élève  qui  manque  aux  cours 
du  matin  n'est  point  admis  aux  exercices  de  l'après-midi. 
Toute  absence  doit  être  autorisée  par  le  directeur.  Les 
absences  non  autorisées  et  non  justifiées  motiveront  une 
punition  ;  si  elles  se  renouvellent  trop  fréquemment,  l'ad- 
ministration, sur  la  proposition  du  directeur,  prononcera 
le  renvoi  de  l'élève.  Les  absences  trop  fréquentes,  même 
justifiées,  peuvent  entraîner  le  redoublement  d'une  année 
de  présence  à  l'Ecole. 

Enseignement.  L'Ecole  comprend  huit  sortes  de  mé- 
tiers :  forge;  tours  sur  métaux  ;  ajustage;  serrurerie; 
mécanique  de  précision  ;  modelage  ;  menuiserie  ;  tours  sur 
bois.  L'enseignement  général  porte  sur  la  langue  française, 
les  mathématiques,  la  chimie,  la  physique,  la  technologie, 
la  mécanique,  l'histoire,  la  géographie,  le  dessin  d'orne- 
ment, le  dessin  industriel,  la  comptabilité. 

La  durée  de  l'apprentissage  est  de  trois  ans.  Pendant  la 
première  année,  les  élèves  passent  successivement  des 
ateliers  du  bois  à  ceux  du  fer,  afin  de  rechercher  prati- 
^[uement  leur  aptitude.  Pendant  les  deux  dernières  années, 
ils  ne  quittent  plus  la  profession  qu'ils  ont  choisie,  d'accord 
avec  leurs  parents,  dans  le  courant  de  leur  première  année, 
et  qui  leur  est  attribuée  au  concours,  s'il  y  a  lieu,  suivant 
le  nombre  de  places  disponibles.  La  journée  comprend 
cinq  heures  et  demie  d'atelier  pour  les  deux  premières 


ECOLE 


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années,  huit  heures  pour  la  troisième  ;  trois  heures  de 
classe  pour  'les  deux  premières  années,  une  heure  et  demie 
pour  la  troisième.  Les  deux  genres  d'exercices  sont  séparés 
par  des  repos  consacrés  aux  repas  et  aux  récréations.  Les 
exercices  militaires  ont  lieu  tous  les  jeudis  pendant  deux 
heures  et  demie. 

Sortie.  Le  certificat  délivré  à  la  suite  d'un  examen 
technique,  manuel  et  théorique,  en  fin  de  troisième  année, 
tient  lieu  de  hvret  d'ouvrier.  La  préfecture  de  police, 
sur  la  présentation  de  ce  certificat,  délivre  aux 
élèves  qui  le  demandent  le  livret  d'ouvrier.  A  leur 
sortie,  les  anciens  élèves  trouvent  facilement  à  s'employer 
dans  les  ateliers  où  ils  entrent  en  quahté  d'ouvriers. 
Sur  l'annuaire  de  la  Société  amicale  des  anciens  élèves, 
nous  relevons  les  chiffres  suivants  :  la  première  promo- 
tion (de  1875)  ne  compte  que  21  anciens  élèves  ;  celle  de 
1880  en  compte  34;  celle  de  1885,  74;  celle  de  1891  en 
compte  102.  L'Ecole  a  formé  une  quinzaine  d'industriels, 
une  trentaine  de  contremaîtres,  une  vingtaine  de  for- 
gerons, plus  de  300  ajusteurs,  près  de  80  modeleurs,  plus 
de  50  menuisiers,  de  70  serruriers,  de  40  précisionnistes, 
de  50  tourneurs,  etc. 

Ecole  Germàin-Pilon.  —  Destination.  L'Ecole  muni- 
cipale de  dessin  pratique  Germain-Pilon  (10,  rue  Sainte-Eli- 
sabeth), fondée  en  1883,  offre  aux  ouvriers  des  principales 
branches  de  l'industrie  artistique  l'enseignement  qui  leur 
est  nécessaire. 

Conditions  d'admission.  Les  élèves  sont  admis  après 
un  examen  qui  a  pour  but  de  constater  s'ils  ont  une 
aptitude  suffisante.  L'examen  comporte  une  épreuve  écrite 
(dictée,  problèmes  d'arithmétique  et  de  géométrie  pratique), 
une  épreuve  orale  et  une  épreuve  graphique  (dessin  géo- 
métrique et  en  perspective  d'un  objet  de  forme  simple). 
Les  examens  ont  lieu  le  premier  dimanche  de  chaque  mois. 
Les  candidats  doivent  avoir  quinze  ans  pour  les  cours  du 
soir,  quatorze  ans  pour  ceux  du  jour  ;  nulle  limite  d'âge 
supérieure.  Il  faut  être  Français,  produire  un  acte  de  nais- 
sance, un  certificat  de  vaccine,  le  certificat  d'études 
primaires. 

Régime  intérieur.  Les  élèves  sont  externes.  L'ensei- 
gnement est  gratuit.  En  outre,  pour  faciliter  la  fréquen- 
tation de  l'Ecole,  des  primes  journalières  de  1  à  2  fr.  peu- 
vent être  accordées  à  partir  de  la  deuxième  année.  Le 
nombre  des  élèves  varie  de  60  à  80.  La  durée  des  études 
est  de  trois  années.  Les  matières  de  l'enseignement  théo- 
rique sont  les  suivantes  :  géométrie  ;  perspective  ;  ana- 
tomie  ;  architecture;  histoire  de  l'art  ;  analyse  des  styles. 
Les  matières  de  l'enseignement  technique  sont  les  sui- 
vantes :  dessin  d'après  les  plâtres  et  d'après  nature; 
modelage  ;  aquarelle  ;  ameublement  ;  composition  déco- 
rative. Les  cours  durent  de  huit  heures  à  onze  heures  du 
matin,  de  une  heure  à  quatre  heures  de  l'après-midi.  Tous 
les  soirs,  de  huit  heures  à  dix  heures,  les  mêmes  profes- 
seurs font  les  mêmes  cours  à  des  élèves  déjà  placés. 
130  élèves  environ  suivent  ces  cours  sans  être  astreints 
à  la  même  régularité  que  les  élèves  des  cours  du  jour. 

Sortie.  A  l'expiration  de  leurs  études,  les  élèves 
entrent  comme  ouvriers  dans  l'une  des  spécialités  sui- 
vantes :  décorateurs  de  théâtre;  tapissiers-décorateurs; 
bronzes  d'art;  serrurerie  d'art  ;  broderies;  orfèvrerie,  cise- 
leurs; graveurs. 

Ecole  Bernard-Pâlissy.  —  Destination.  L'Ecole  mu- 
nicipale Bernard-Palissy  (19,  rue  des  Petits-Hôtels)  vise 
l'application  des  beaux-arts  à  l'industrie.  Elle  a  été  fondée 
en  oct.  1883. 

Conditions  d'admission.  Les  mêmes  que  pour  l'Ecole 
précédente.  L'examen  d'adinission  a  lieu  deux  fois  par  an, 
le  dernier  dimanche  de  septembre  et  le  premier  de  février. 
On  fait  dessiner  aux  candidats  un  objet  en  relief,  à  vue  et 
géométralement. 

Régime  intérieur.  Le  même  que  pour  l'Ecole  précé- 
dente. Le  nombre  des  élèves  est  de  60  ;  aux  cours  du  soir 
il  vient  70  auditeurs.  La  durée  des  études  est  de  trois 


ans  et  plus,  s'il  y  a  lieu.  Les  matières  théoriques  sont  les 
suivantes  :  dessin  à  vue,  dessin  linéaire,  modelage,  pers- 
pective, anatomie  comparée,  histoire  [de  l'art  et  compo- 
sition. Celle  de  l'enseignement  technique  sont  :  la  céra- 
mique, la  sculpture  sur  bois,  pierre  et  marbre,  le  dessin 
sur  étoffe,  lu  peinture  décorative.  Des  ateliers  annexés  à 
l'Ecole  permettent  de  pratiquer  chacun  de  ces  métiers. 

Sortie.  A  l'expiration  des  trois  ou  quatre  années  d'études, 
quelquefois  avant  pour  cause  de  nécessité  matérielle,  les 
élèves  quittent  l'Ecole.  On  étudie  un  projet  de  certificat 
d'études  à  leur  délivrer.  Ils  se  placent  comme  ouvriers 
dans  les  différents  arts  industriels  qu'ils  ont  appris  à 
l'Ecole. 

Ecole  Boulle.  — •  Destination.  L'Ecole  Boulle,  école 
municipale  professionnelle  d'ameublement  (25,  rue  de 
Neuilly),  a  pour  but  de  former  des  ouvriers  habiles  et  mé- 
ritants pour  les  industries  du  meuble,  si  importantes  au 
faubourg  Saint-Antoine.  Ouverte  en  1886,  elle  se  verra 
bientôt  adjoindre  un  nouveau  local  où  l'on  formera  des  ap- 
prentis pour  les  industries  du  métal  (bronze  d'art,  orfèvrerie) 
et  pour  la  gravure. 

Conditions  d'admission.  Il  faut  être  Français,  domi- 
cilié à  Paris  ou  dans  le  dép.  de  la  Seine,  avoir  douze  ans 
et  demi  et  le  certificat  d'études,  celui  de  re vaccination, 
être  reconnu  de  bonne  constitution  par  le  médecin  de 
l'Ecole  Boulle.  11  faut,  en  outre,  subir  un  concours,  le 
nombre  de  places  disponibles  étant  toujours  inférieur  à 
celui  des  demandes  d'admission. 

Régime  intérieur.  Tous  les  élèves  sont  soumis  au 
même  régime,  qui  peut  être  assimilé  à  celui  des  demi-pen- 
sionnaires dans  un  lycée.  Ils  entrent  à  sept  heures  et  demie 
du  matin  (sept  heures  quarante-cinq  en  hiver)  et  partent 
à  six  heures  quinze  du  soir.  Leur  nombre  est  d'environ  200. 
Il  sera  de  380  après  l'adjonction  des  industries  du  métal 
et  de  la  gravure.  L'enseignement  est  gratuit;  les  élèves 
sont  pourvus  gratuitement  de  toutes  les  fournitures.  Tous 
les  élèves  de  Paris  ont  des  bourses  de  déjeuner.  Ceux  de 
la  banheue  portent  leur  manger  ou  payent  le  prix  moyen 
auquel  revient  chaque  jour  la  nourriture  de  l'élève. 

La  durée  des  études  est  de  quatre  années.  Les  matières 
de  l'enseignement  théorique  sont  les  suivantes  :  français, 
histoire,  géographie,  comptabilité,  archéologie,  histoire  de 
l'art;  aquarelle  pour  les  tapissiers;  anatomie  élémentaire 
pour  les  sculpteurs.  Les  matières  de  l'enseignement  tech- 
nique, pour  chacune  desquelles  existent  des  ateliers,  sont 
les  suivantes  :  ébénisterie  ou  menuiserie  et  sièges  ou  sculp- 
ture ou  tapisserie  ou  tournage.  —  Les  ébénistes  apprennent 
un  peu  de  marqueterie.  Tous  les  élèves  suivent  les  cours 
de  modelage,  de  dessin  industriel  et  de  dessin  à  vue. 

Sortie.  Les  élèves  subissent  un  examen  à  la  fin  de  leur 
apprentissage.  Ceux  qui  subissent  cet  examen  avec  succès 
reçoivent  un  diplôme  de  fin  d'apprentissage;  les  autres 
reçoivent  un  simple  certificat  constatant  que  l'enfant  a  fait 
son  apprentissage.  —  Les  élèves  sortis  sont  tous  placés  dans 
l'industrie  où  ils  peuvent  gagner  de  3  à  7  fr.  par  jour, 
un  an  après  leur  sortie  de  l'Ecole. 

Ecole  Estienne.  —  Destination.  L'Ecole  Estienne, 
école  municipale  des  arts  et  industries  du  livre,  a  pour 
objet,  comme  les  précédentes,  la  formation  d'ouvriers 
habiles.  Elle  a  été  fondée  en  1889,  provisoirement  installée 
rue  Vauquelin  dans  l'ancien  collège  Rollin  et  prendra  pos- 
session en  1892-93  des  bâtiments  construits  pour  elle  rue 
de  Gentilly  et  boulevard  d'Italie.  Les  débuts  ont  été  mau- 
vais, mais  on  espère  beaucoup  de  la  réorganisation. 

Conditions  d'admission.  L'admission  a  lieu  par  voie 
de  concours  annuel.  Les  candidats  doivent  remplir  les  con- 
ditions suivantes  :  être  Français  et  domiciliés  à  Paris  ou 
dans  le  dép.  de  la  Seine,  avoir  au  moins  douze  ans  accom- 
phs  et  n'avoir  pas  plus  de  quinze  ans  à  la  date  du  concours  ; 
être  pourvu  du  certificat  d'études  primaires.  Les  pièces  à 
produire  sont  :  le  bulletin  de  naissance,  un  certificat 
d'études  primaires,  un  certificat  de  vaccine  et  le  livret  des 
notes  scolaires.  Le  concours  d'admission  comprend  trois 


465  — 


ÉCOLE 


épreuves  :  une  dictée  ;  deux  problèmes  d'arithmétique  (ap- 
plications simples  des  quatre  opérations  sur  les  nombres 
entiers,  les  nombres  décimaux,  les  fractions  et  le  système 
métrique);  un  dessin  d'après  la  bosse. 

Régime  intérieur.  Le  régime  est  le  même  qu'à  l'Ecole 
Boulle,  sauf  que  les  élèves  entrent  à  huit  heures  du  matin, 
sortent  à  six  heures  du  soir.  La  durée  des  études  est  de 
quatre  années.  L'enseignement  théorique  porte  sur  les 
matières  suivantes  :  langue  française,  histoire,  géographie, 
arithmétique,  histoire  naturelle,  chimie,  physique  et  méca- 
nique, dessin,  modelage,  etc.  L'enseignement  technique 
porte  sur  les  matières  suivantes  :  fonderie  de  caractères, 
typographie,  rehure,  brochage,  dorure,  gravure  sur  bois, 
sur  cuivre  et  sur  pierre,  photographie.  Il  est  donné  dans  les 
ateliers  de  l'Ecole;  ceux-ci  sont  répartis  en  cinq  groupes  : 
école  de  typographie,  école  de  lithographie,  école  de  gravure, 
école  de  rehure  et  papeterie,  école  de  photographie.  L'en- 
seignement est  confié  à  des  professeurs  ouvriers  choisis  au 
concours,  ayant  eu  comme  juges  leurs  pairs  et  une  com- 
mission du  conseil  municipal.  Durant  la  première  année, 
les  élèves  doivent  passer  successivement  par  tous  les  ate- 
liers. Ils  sont  ensuite  répartis  entre  les  spéciahtés,  selon 
les  aptitudes  dont  ils  ont  fait  preuve.  Cette  répartition  est 
faite  par  le  conseil  de  l'Ecole. 

Sortie,  Au  terme  de  leurs  études,  les  élèves  reçoivent 
un  certificat  d'apprentissage  qui  doit  leur  permettre  d'en- 
trer comme  ouvriers  dans  l'un  des  établissements  indus- 
triels du  hvre.  A. -M.  B. 

Ecoles  commerciales.  — •  Destination.—  Les  écoles 
commerciales  ont  pour  objet  de  donner  aux  jeunes  gens  un 
enseignement  spécial  les  préparant  aux  diverses  carrières 
commerciales  et  administratives.  Elles  ressemblent  donc 
fort  aux  écoles  professionnelles  et  primaires  supérieures, 
avec  lesquelles  elles  font  presque  douple  emploi.  La  prin- 
cipale est  celle  qui  a  été  créée  à  Paris  en  1863  et  se  trouve 
avenue  Trudaine,  n°  23.  Nous  en  indiquons  l'organisation. 
Conditions  d'admission.  —  Il  suffît  de  savoir  hre,  écrire 
et  compter.  Des  cours  préparatoires  divisés  en  plusieurs 
sections,  suivant  l'âge  et  la  force  des  élèves,  permettent  de 
recevoir  les  enfants  trop  jeunes  ou  trop  peu  avancés  pour 
suivre  avec  fruit  les  cours  normaux.  Cette  division,  qui 
comprend  les  enfants  de  sept  à  douze  ans,  est  entièrement 
séparée  du  reste  de  l'Ecole  ;  elle  a  son  entrée  particulière 
(rue  Bochard-de-Saron).  Les  élèves  de  la  division  élémen- 
taire peuvent,  sur  la  demande  des  familles,  être  admis  à 
faire  leurs  devoirs  à  l'Ecole,  dans  une  étude  surveillée, 
qui  dure  jusqu'à  six  heures  du  soir,  moyennant  une  rétri- 
bution mensuelle  de  5  fr. 

Régbie  intérieur.  —  L'Ecole  commerciale  ne  reçoit  que 
des  élèves  externes.  Tout  élève  doit  présenter  à  son  entrée: 
1°  son  acte  de  naissance;  2^  un  certificat  de  vaccine; 
3«  un  certificat  de  bonne  conduite,  s'il  a  déjà  été  dans  un 
autre  étabfissement. 

La  rétribution  annuelle  est  de  220  fr.  payables  par 
dixièmes,  d'avance.  Dans  ce  prix  sont  comprises  les  four- 
nitures mensuelles  de  papeterie  accordées  par  l'Ecole.  Le 
payement  des  livres  de  classe  et  du  hvret  de  quinzaine  est 
à  la  charge  des  élèves  et  doit  être  efi'ectué  au  comptant. 
Les  élèves  viennent  à  l'Ecole  à  huit  heures  du  matin  et  la 
quittent  le  soir  à  cinq  heures  moins  un ,  quart.  Ils  sont 
tenus  de  déjeuner  à  l'Ecole,  à  moins  d'être  autorisés  spé- 
cialement à  déjeuner  dans  leur  famille. 

L'enseignement  de  l'Ecole  commerciale  comprend  quatre 
années  d'études.  Il  se  répartit  entre  les  matières  suivantes  : 
langue  française,  mathématiques,  comptabilité,  httérature, 
histoire,  géographie,  droit  usuel  et  commercial,  économie 
politique,  calligraphie,  dessin.  II  est  complété  par  des  con- 
férences littéraires  et  des  conférences  scientifiques.  Toutes 
les  facultés  enseignées  dans  les  diverses  années  sont  obli- 
gatoires pour  tous  les  élèves.  A  la  fin  de  chaque  année 
scolaire,  des  examens  ont  lieu  en  présence  des  membres 
de  la  chambre  de  commerce  délégués  à  cet  effet  par  le  pré- 
sident de  la  chambre. 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —    XV. 


Sortie.  — -  La  chambre  de  commerce  délivre,  à  la  suite  des 
examens  de  fin  d'année,  des  diplômes  et  des  certificats  aux 
élèves  qui,  après  avoir  achevé  leur  quatrième  année,  ont 
fait  preuve  de  connaissances  réelles  sur  l'ensemble  des 
matières  enseignées  à  l'Ecole. 

Ecoles  supérieures  de  commerce. —Généralités. 
—  Les  écoles  supérieures  de  commerce  sont  destinées  à 
former  des  négociants,  des  armateurs,  des  banquiers,  des 
administrateurs,  des  directeurs  et  des  employés  d'établis- 
sements industriels  et  commerciaux.  Elles  dépendent  du 
ministère  du  commerce  et  ont  été  organisées  par  l'Etat 
avec  le  concours  des  chambres  de  commerce  de  nos  prin- 
cipales villes.  Il  en  existe  à  Paris,  à  Bordeaux,  au  Havre, 
à  Lyon  et  à  Marseille.  Elles  sont  régies  par  le  décret  du 
22  juil.  1890.  Nous  exposerons  d'abord  l'organisation  de 
celle  de  Paris;  nous  parlerons  ensuite  des  autres,  en  indi- 
quant ce  qui  est  particulier  à  chacune  d'elles. 

ECOLE  SUPÉRIEURE  DE  COMMERCE  DE  PARIS. 
—•  L'Ecole  de  Paris,  établie  rue  Amelot,  n''i02,  est  placée 
sous  le  patronage  de  la  chambre  de  commerce  de  Paris  et 
sous  la  surveillance  d'un  conseil  de  perfectionnement  pré- 
sidé par  le  ministre  du  commerce  et  de  l'industrie.  Exclu- 
sivement consacrée  aux  études  commerciales  supérieures, 
son  enseignement  convient  spécialement  aux  jeunes  gens 
qui  veulent  suivre  la  carrière  du  commerce,  de  l'adminis- 
tration, des  finances,  etc. 

Conditions  d'admission.  —  L'admission  a  lieu  au  con- 
cours. On  admet  aux  mêmes  conditions  les  candidats  fran- 
çais et  étrangers.  Pour  être  admis  au  concours,  les  candi- 
dats doivent  être  âgés  de  seize  ans  au  moins,  au  1^^  janv. 
de  l'année  du  concours.  La  demande  d'admission  doit  par- 
venir au  directeur  de  l'Ecole,  au  plus  tard,  quinze  jours 
avant  l'ouverture  du  concours,  accompagnée  des  pièces 
ci-après  :  P  acte  de  naissance;  2«  certificat  de  bonnes  vie 
et  mœurs  ;  3^  certificat  du  médecin  constatant  que  le  can- 
didat a  eu  la  petite  vérole  ou  qu'il  a  été  vacciné  avec  succès  ; 
4°  titres  universitaires,  s'il  y  a  lieu.  —  Le  nombre  des 
places  mises  au  concours  est  fixé  chaque  année  par  le 
ministre.  En  1891,  ce  nombre  a  été  de  40,  et  le  concours 
s'ouvrit  le  mardi  6  oct.  Les  épreuves  du  concours  com- 
prennent, pour  l'écrit,  trois  compositions  :  1«  mathéma- 
tiques, questions  d'arithmétique  et  d'algèbre  ;  2^  langue 
française,   rédaction,  orthographe,    écriture  ;   3^  langue 
vivante  (anglais,  allemand  ou  espagnol),  thème,  version. 
Pour  l'oral  :  arithmétique,  algèbre,  géométrie,  physique, 
chimie,  géographie,  histoire,  langue  vivante.  Les  candi- 
dats pourvus  de  l'un  des  diplômes  de  baccalauréat  (ensei- 
gnement secondaire  spécial,  es  lettres,  es  sciences,  ensei- 
gnement secondaire  classique),  bénéficient  de  60  points.  De 
même,  les  candidats  étrangers  pourvus  d'un  diplôme  reconnu 
équivalent. 

Bourses,  Des  boursiers  sont  entretenus  par  l'Etat,  les 
départements,  les  communes  et  les  chambres  de  commerce. 
L'Etat  donne  douze  bourses,  six  par  an.  Elles  sont  données 
d'après  le  rang  de  classement  au  concours  à  des  candidats 
français  qui  ont  joint  à  leur  demande  un  certificat  délivré 
par  le  maire  de  la  commune  où  résident  leurs  parents, 
constatant  la  situation  de  fortune  de  ces  derniers  ;  un 
extrait  du  rôle  des  contributions  dues  par  les  parents  du 
candidat. 

Régime  intérieur.  —  Cette  Ecole  reçoit  des  élèves 
internes  et  des  élèves  demi-pensionnaires  déjeunant  à 
l'Ecole,  âgés  de  quinze  ans  révolus.  Le  prix  de  la  pension  est 
de  2,000  fr.  par  an.  Chaque  élève  interne  paye,  en  outre, 
un  droit  d'entrée  de  30  fr.  pour  l'amortissement  du  maté- 
riel pendant  la  durée  de  son  séjour  à  l'Ecole.  Le  trousseau 
est  à  la  volonté  des  parents.  Le  prix  de  la  demi-pension,  y 
compris  le  déjeuner,  est  fixé  à  1,000  fr.  par  an.  Chaque 
élève  demi-pensionnaire  doit  payer,  en  outre,  un  droit 
d'entrée  de  15  fr.  pour  l'amortissement  du  matériel. 

Le  cours  des  études  est  de  deux  ans.  L'enseignement  est 
arrêté  par  le  ministre  après  avis  du  directeur  de  l'Ecole 
et  de  la  commistion  permanente  du  conseil  de  l'enseigne- 

30 


ÉCOLE 


466  — 


ment  technique.  Il  comprend  :  la  littérature  française, 
l'arithmétique,  l'algèbre,  les  opérations  commerciales  et  de 
banque,  la  comptabilité  commerciale,  théorique  et  pratique, 
l'histoire,  la  géographie,  les  langues  étrangères,  la  chimie, 
la  physique,  le  dessin,  la  sténographie,  la  chimie  appliquée 
à  l'étude  des  marchandises  et  à  la  recherche  des  matières 
falsifiées,  la  comptabiUté  pratique  du  commerce,  de  l'in- 
dustrie, de  la  banque;  arbitrages  et  changes,  mécanique 
appliquée  aux  besoins  du  commerce,  de  l'industrie,  au  ma- 
tériel des  ports,  des  chemins  de  fer  et  des  docks,  la 
technologie  des  principales  industries,  le  droit  commercial 
et  maritime,  l'histoire  littéraire,  les  langues  étrangères, 
l'économie  politique,  etc. 

Service  militaire.  Au  point  de  vue  militaire,  les  élèves 
compris  dans  les  quatre  premiers  cinquièmes  de  la  liste  par 
ordre  de  mérite  des  élèves  français  qui  ont  obtenu  pour 
tout  le  cours  de  leur  scolarité  65  ^^/^  au  moins  du  total 
des  points  que  l'on  peut  obtenir  par  le  règlement  de  l'Ecole, 
sont  admis,  sur  leur  demande,  au  bénéfice  de  la  dispense 
après  une  année  de  service  (art.  23  de  la  loi  du  15  juil. 
4889).  Il  est  fait  mention  sur  le  diplôme  du  rang  de  clas- 
sement et  du  nombre  des  élèves  français. 

Quant  aux  élèves  qui  contractent  un  engagement  volon- 
taire de  trois,  quatre  ou  cinq  ans,  et  qui  désirent  être 
renvoyés  dans  leurs  foyers  après  une  année  de  service,  ils 
doivent  en  faire  la  demande  par  écrit,  avec  pièces  justifi- 
catives à  l'appui,  au  moment  de  la  signature  de  l'acte 
d'engagement  qui  en  fera  mention. 

Les  élèves  dispensés  par  les  conseils  de  re vision,  en  vue 
de  poursuivre  leurs  études,  sont  tenus  de  justifier  annuel- 
lement, du  15  sept,  au  15  oct.,  au  commandant  de  recru- 
tement, qu'ils  continuent  à  être  en  cours  régulier  d'études, 
par  la  production  d'un  certificat  délivré  par  le  directeur  de 
l'Ecole  et  visé  par  le  ministre  du  commerce.  Si,  à  l'âge 
de  vingt-six  ans,  ils  n'ont  pas  obtenu  un  diplôme  de  sortie 
dans  les  conditions  indiquées  plus  haut,  ils  sont  tenus 
d'accomplir  les  deux  années  de  service  dont  ils  avaient  été 
dispensés.  Ils  suivent  ensuite  le  sort  de  leur  classe. 

Sortie.  —  A  la  fin  de  la  seconde  année  a  lieu  un  exa- 
men de  sortie  devant  le  conseil  de  perfectionnement  de 
l'Ecole.  Les  élèves  qui  ont  obtenu  au  moins  65  o/^  du 
total  des  points  que  l'on  peut  obtenir  pendant  tout  le  cours 
de  la  scolarité,  reçoivent  un  diplôme  de  capacité  signé 
du  ministre.  Les  élèves  qui  ont  obtenu  au  moins  50  «/^ 
du  total  des  points  que  l'on  peut  obtenir  pendant  tout  le 
cours  de  la  scolarité,  et  au  moins  60  ^/^  du  total  des 
points  attribués  aux  épreuves  de  l'examen  de  sortie, 
reçoivent  un  certificat  d'études.  Des  diplômes  supérieurs 
ou  des  certificats  d'études  sont  distribués  aux  élèves  étran- 
gers dans  les  mêmes  conditions. 

Débouchés.  L'Ecole  ne  peut  prendre  aucun  engagement, 
quant  à  l'avenir  des  élèves  qui  désirent  trouver  une  position 
à  la  fin  de  leurs  études;  mais  elle  regarde  comme  un 
devoir  de  continuer  toujours  et  partout  son  patronage  à 
ceux  qui  s'en  montrent  dignes,  et  de  seconder  leurs  efibrts 
par  tous  les  moyens  en  sa  puissance.  Ses  relations  étendues 
et  le  concours  cordial  de  l'Union  amicale  des  anciens  élèves 
lui  rendent  presque  toujours  l'accomphssement  de  ce  devoir 
très  facile. 

ECOLE  SUPÉRIEURE  DE  COMMERCE  DE  BOR- 
DEAUX. —  Les  conditions  d'admission,  le  régime  inté- 
rieur, les  avantages  pour  le  service  militaire  sont  les 
mêmes  qu'à  Paris.  En  1891,  il  a  été  admis  50  élèves,  dont 
3  boursiers  de  l'Etat.  La  chambre  de  commerce  de  Bor- 
deaux accorde  aux  deux  élèves  sortis  les  premiers  deux 
bourses  de  voyage,  l'une  de  3,500  pour  les  voyages  hors 
d'Europe,  l'autre  de  2,500  fr.  pour  les  voyages  en  Europe. 
ECOLE  SUPÉRIEURE  DE  COMMERCE  DU  HAVRE. 
^  Cette  école,  appelée  aussi  Ecole  des  hautes  études  com- 
merciales, vise  spécialement  la  formation  d'armateurs  et 
d'hommes  capables  de  développer  nos  relations  commer- 
ciales extérieures.  Les  conditions  d'admission  sont  les 
mêmes  qu'à  Paris.  En  1891,  on  admit  20  élèves,   dont 


1  boursier.  L'Ecole  est  un  externat.  Les  frais  d'études 
sont  de  600  fr.  par  an. 

Les  études  (deux  années)  sont  essentiellement  commer- 
ciales; elles  comprennent,  en  outre,  la  géographie,  l'his- 
toire, la  législation  commerciale,  l'économie  poHtique,  les 
armements  maritimes  et  la  connaissance  de  la  langue  an- 
glaise (obligatoire)  et,  au  choix,  l'espagnole  ou  l'alle- 
mande. Pour  le  diplôme,  le  certificat,  le  service  militaire, 
V.  ce  qui  a  été  dit  de  l'Ecole  supérieure  de  commerce  de 
Paris. 

ECOLE  SUPÉRIEURE  DE  COMMERCE  DE  LYON.  - 
Destination.  —  L'Ecole  supérieure  de  commerce  de  Lyon 
a  été  instituée  dans  le  but  de  former  un  personnel  capable 
de  diriger  des  maisons  de  banque,  de  commerce  ou  d'in- 
dustries diverses,  notamment  celles  des  soieries  ;  elle  com- 
prend deux  sections  distinctes  :  1°  le  tissage;  2«  le  com- 
merce. 

Conditions  d'admission.—  V.  ci-dessus  l' Eco /^  de  Paris, 
En  1891,  le  nombre  des  places  mises  au  concours  était 
de  60,  dont  2  boursiers  de  l'Etat.  L'épreuve  de  langue 
vivante  porte  au  choix  du  candidat  sur  la  langue  anglaise, 
allemande,  espagnole  ou  itaUenne. 

Régime  intérieur.  —  La  durée  des  études  est  de  deux 
ans,  mais  on  a  organisé  dans  la  section  de  commerce  des 
cours  préparatoires  donnant  un  enseignement  élémentaire 
(V.  ci-après  ce  qui  est  dit  des  cours  analogues  de  l'Ecole 
des  hautes  études  commerciales  de  Paris).  Les  frais  d'études 
sont,  dans  la  section  de  commerce:  1^  enseignement 
élémentaire:  internes,  1,800  fr.  ;  demi-pensionnaires, 
665  fr. ;  externes,  310  fr. ;  2«  enseignement  supérieur: 
internes,  2,200  fr.  ;  demi-pensionnaires,  965  fr.  ;  ex- 
ternes, 610  fr.  Dans  la  section  de  tissage  :  internes, 
2,400  fr.  ;  demi-pensionnaires,  1 ,165  fr.  ;  externes,  810  fr. 
Sortie.  —  Mêmes  conditions  et  avantages  qu'à  Paris.  La 
direction  de  l'Ecole  attribue  des  prix  aux  élèves  les  plus 
distingués  et  une  bourse  de  voyage  au  diplômé  le  plus 
méritant. 

ECOLE  SUPÉRIEURE  DE  COMMERCE  DE  MAR- 
SEILLE. —  Destination.  —  Cette  école  a  été  créée  en 
vue  de  former  des  négociants  et  des  employés  capables  de 
diriger  des  maisons  de  commerce  intérieur  ou  d'exportation. 
Conditions  d'admission.  — ■  Les  mêmes  qu'à  l'Ecole  de 
Paris.  En  1891,  il  y  avait  60  places,  dont  4  bourses  de 
l'Etat,  mises  au  concours. 

Régime  intérieur.  —  L'Ecole  est  un  externat.  Les  frais 
d'études  sont  de  400  fr.  pour  la  première  année  et  de 
600  fr.  pour  la  deuxième  année.  Bien  que  le  régime  soit 
l'externat,  l'Ecole  reçoit  des  demi-pensionnaires  à  raison 
de  800  fr.  pour  la  première  année  et  1,000  fr.  pour  la 
deuxième  année. — L'enseignement  porte  sur  la  langue  fran- 
çaise, l'arithmétique,  l'algèbre,  la  géométrie,  la  chimie, 
la  physique,  la  géographie,  la  cosmographie,  les  langues 
vivantes  (anglais ,  obligatoire  pour  tous  les  élèves,  alle- 
mand, arabe,  espagnol,  italien,  grec),  les  sciences  com- 
merciales, la  connaissance  des  marchandises,  la  géographie 
commerciale,  l'économie  politique,  les  armements  mari- 
time, etc. 

Sortie.  —  V.  ce  qui  est  dit  de  l'Ecole  supérieure  de 
commerce  de  Paris.  A.-M.  B. 

Ecole  des  hautes  études  commerciales  de  Paris. 
—  Destination.  —  L'Ecole  des  hautes  études  commerciales, 
étabhe  à  Paris,  boulevard  Malesherbes,  n^  108,  et  rue  de 
Tocqueville,  n«  43,  est  placée  sous  le  patronage  de  la 
chambre  de  commerce  de  Paris.  Elle  ressortit  au  ministère 
du  commerce,  de  l'industrie  et  des  colonies.  Elle  est  des- 
tinée à  couronner,  par  un  enseignement  élevé,  les  études 
faites  dans  les  étabhssements  spéciaux,  et  à  donner  aux 
jeunes  gens  qui  sortent  des  lycées  et  collèges  les  connais- 
sances nécessaires  pour  arriver  promptement  à  la  direction 
des  affaires  de  la  banque,  du  commerce  et  de  l'industrie. 
Elle  forme  aussi  des  agents  consulaires  capables  de  repré- 
senter dignement  la  France  dans  les  relations  du  commerce 
international. 


-  467  — 


ÉCOLE 


Historique.  —  Elle  a  été  fondée  par  la  chambre  de 
commerce  de  Paris  et  inaugurée  en  1881.  Elle  occupe  un 
superbe  édifice,  construit  pour  elle  et  qui  a  coûté  plus  de 
deux  millions  de  francs. 

Conditions  d'admission.  —  L'admission  a  lieu  par  voie 
de  concours,  les  conditions  et  le  programme  étant  les  mêmes 
que  pour  l'Ecole  supérieure  de  commerce  de  Paris  ;  la  date 
est  également  la  même,  vers  le  début  d'octobre.  En  1891, 
le  nombre  des  places  mises  au  concours  était  de  120. 
Outre  les  bourses  de  l'Etat  (4  demi-bourses  et  2  bourses 
entières  en  1891),  le  conseil  municipal  de  Paris,  les  con- 
seils généraux  de  la  Seine,  de  plusieurs  départements,  de  la 
Guadeloupe,  les  chambres  de  commerce  de  Paris,  de  Phi- 
lippeville,  des  communes,  des  sociétés  ou  des  particuliers 
entretiennent  des  boursiers  parmi  les  élèves  reçus  à  l'Ecole. 
Les  bourses  sont  accordées  pour  un  an  et  renouvelables. 
Ecole  préparatoire.  Une  école  préparatoire,  destinée  à 
former  les  élèves  pour  l'admission  à  l'Ecole  des  hautes 
études  commerciales,  a  été  annexée  à  celle-ci.  L'ouverture 
des  cours  préparatoires  a  lieu,  chaque  année,  le  premier 
lundi  du  mois  d'octobre.  Les  candidats  âgés  de  quinze  ans 
y  sont  admis  à  toute  époque  de  l'année,  et  sans  examen 
spécial.  Ils  ont  à  produire  :  1^  un  acte  de  naissance  ; 
2«  un  certificat  de  bonne  conduite  délivré  par  le  chef  du 
dernier  établissement  d'instruction  qu'ils  ont  fréquenté. 
L'Ecole  préparatoire  reçoit  des  externes,  des  demi-pen- 
sionnaires et  des  internes.  Le  prix  de  l'externat  est  de 
1,000  fr.,  celui  du  demi-pensionnat  de  1,300  fr.  et  celui 
de  l'internat  de  2,200  fr. 

Régime  intérieur.  —  L'Ecole  des  hautes  études  com- 
merciales reçoit  des  élèves  internes  et  des  demi-pension- 
naires. Les  étrangers  y  sont  admis  aux  mêmes  conditions 
et  dans  la  même  forme  que  les  nationaux.  Le  prix  du 
demi-pensionnat  est  fixé  à  1,000  fr.,  plus  300  fr.  pour  le 
déjeuner,  qui  est  obligatoire.  Le  prix  de  l'internat  est 
fixé  à  la  somme  de  2,800  fr.  Indépendamment  du  prix  de 
la  pension,  tous  les  élèves  indistinctement,  qu'ils  soient 
boursiers  ou  non,  sont  tenus  de  verser  chaque  année  une 
somme  de  30  fr.  pour  les  internes,  de  15  fr.  pour  les 
demi-pensionnaires,  destinée  à  l'entretien  du  matériel. 
Chaque  élève  interne  a  sa  chambre.  L'ameublement,  le 
chauffage  et  l'éclairage  sont  compris  dans  le  prix  de  la 
pension.  L'Ecole  n'a  pas  d'uniforme.  Le  trousseau  est  à  la 
volonté  des  parents,  sous  certaines  conditions  minimum. 
L'ouverture  annuelle  des  cours  a  lieu  le  premier  lundi  du 
mois  d'octobre.  L'enseignement  comprend  deux  années 
d'études  normales  (première  et  deuxième  années)  ;  les  élèves 
ne  peuvent  passer  de  première  en  deuxième  année  qu'après 
avoir  subi  un  examen  sur  les  matières  enseignées  en 
première  année.  Aucun  élève  n'est  admis  à  entrer  directe- 
ment en  deuxième  année. 

L'enseignement  comprend  les  cours  suivants  :  compta- 
bilité générale  et  bureau  commercial  (5  professeurs); 
mathématiques  appliquées  au  commerce  (2  prof.);  étude 
des  marchandises  (4  prof,);  essai  des  marchandises,  ana- 
lyses et  falsification  (1  prof.)  ;  travaux  chimiques  (1  prof.)  ; 
histoire  du  commerce  (1  prof.);  géographie  commerciale 
(2  prof.);  code  civil,  organisation  judiciaire,  éléments  de 
procédure  civile  (1  prof.)  ;  droit  commercial,  industriel  et 
maritime  (4  prof.)  ;  législation  budgétaire  et  douanière 
(1  prof.)  ;  législations  commerciales  étrangères  (1  prof.)  ; 
économie  politique  (1  prof.);  étude  des  transports  (1  proL); 
outillage  et  matériel  commercial  (1  prof.)  ;  langue  anglaise 
(3  prof.)  ;  langue  allemande  (1  prof.)  ;  langue  espagnole 
(1  prof.)  ;  langue  italienne  (1  prof.)  ;  travaux  calligra- 
phiques (1  prof.).  Les  élèves  sont  fréquemment  interrogés 
sur  les  matières  enseignées  par  leurs  professeurs  et  par 
sept  examinateurs  spéciaux. 

Sortie. —  Mêmes  conditions  pour  le  diplôme,  le  certificat, 
le  service  militaire,  qu'à  l'Ecole  supérieure  de  commerce. 
Débouchés.  Un  décret  du  24  juin  1886  décide  que  les 
élèves  diplômés  de  l'Ecole  peuvent  être  admis  dans  les  con- 
sulats en  qualité  d'élèves-chanceliers.   Les  candidats  à 


l'emploi  de  rédacteur  au  ministère  du  commerce,  de  l'in- 
dustrie et  des  colonies  doivent  posséder  un  diplôme  de 
bachelier  ou  le  diplôme  de  sortie  de  l'Ecole  des  hautes 
études  commerciales.  Les  candidats  munis  du  diplôme  de 
l'Ecole  des  hautes  études  commerciales  peuvent  prendre 
part  aux  concours  pour  les  bourses  de  séjour  à  l'étranger 
fondées  par  le  ministre  du  commerce,  de  l'industrie  et  des 
colonies.  A.-M.  B. 

Ecole  forestière  de  Nancy.  —  Destination.  ■— 
L'Ecole  forestière,  établie  à  Nancy,  a  pour  objet  de  former 
les  jeunes  gens  qui  se  destinent  à  l'administration  des 
forêts.  Elle  ressortit  au  ministère  de  l'agriculture  et  a  le 
caractère  d'une  école  d'application  comparable,  dans  une  cer- 
taine mesure,  à  celles  des  ponts  et  chaussées  ou  de  Saumur. 

Historique.  —  L'Ecole  forestière  fut  créée  par  ordon- 
nance du  26  août  1824,  organisée  par  l'ordonnance  du 
1^^  déc.  1824  et  le  règlement  du  31  janv.  1825,  afin 
de  compléter  la  reconstitution  de  l'administration  des 
forets  (V.   cet  art.)  en  lui  fournissant   une  pépinière 


1839  qu'on  décida  de  caserner  les  élèves.  L'Ecole,  ayant 
été  à  demi  militarisée,  reçut  un  règlement  intérieur  ana- 
logue à  celui  de  l'Ecole  polytechnique.  Elle  lui  a  été  assi- 
milée au  point  de  vue  du  service  militaire.  Les  élèves  étaient 
admis  après  un  concours  spécial  dont  le  programme  était 
à  peu  près  le  même  que  celui  de  l'Ecole  de  Saint-Cyr. 
Mais  depuis  1889  ils  se  recrutentparmi  les  élèves  diplômés 
de  l'Institut  agronomique.  Un  décret  du  12  oct.  1889  a  réglé 
ce  qui  concerne  le  personnel  administratif  et  les  professeurs. 
L'enseignement  a  aussi  été  réorganisé  depuis  lors. 

Conditions  d'admission.  —  Tous  les  élèves  de  l'Ecole 
forestière  se  recrutent  parmi  les  élèves  diplômés  de  l'Ins- 
titut national  agronomique  suivant  le  mode  adopté  à  l'Ecole 
polytechnique  pour  le  recrutement  de  ses  écoles  d'appli- 
cation. Toutefois,  on  admet  une  exception  établie  (par  dé- 
cret du  15  avr.  1873)  en  faveur  des  élèves  sortant  de 
l'Ecole  polytechnique,  lesquels  n'en  profitent  presque  jamais. 
Le  nombre  des  élèves  admis  annuellement  ne  peut  être 
supérieur  à  12,  mais  ce  nombre  peut  ne  pas  être  atteint. 
Les  élèves  devront  avoir  vingt-deux  ans  accomplis  au  1^^  janv. 
de  l'année  de  leur  admission,  sauf  en  ce  qui  concerne  les 
jeunes  gens  ayant  satisfait  à  la  loi  mihtaire,  pour  lesquels 
la  limite  d'âge  est  reculée  du  temps  passé  par  eux  sous 
les  drapeaux.  Avant  leur  démission  définitive,  les  élèves 
sont  examinés  par  le  médecin  de  l'Ecole,  qui  vérifie  s'ils 
n'ont  aucun  vice  de  conformation  ou  aucune  infirmité  qui 
les  mette  hors  d'état  de  suivre  les  cours  de  l'Ecole  ou  qui 
les  rende  impropres  au  service  forestier.  —  Des  jeunes 
gens,  français  ou  étrangers,  peuvent  être  admis  en  qualité 
d'auditeurs  Hbres. 

Régime  intérieur.  —  Le  cours  des  études  est  de  deux 
années,  dix  mois  de  cours  (du  2  nov.  au  2  sept.)  et  deux 
mois  de  vacances.  Le  régime  est  l'internat.  Les  élèves  sont 
relativement  libres.  Après  la  fin  des  cours,  ils  peuvent  sortir 
et  ne  rentrer  qu'à  dix  heures  du  soir  ou,  les  jours  de 
théâtre,  à  la  fin  de  la  représentation.  Ils  logent  à  l'Ecole, 
seuls  ou  deux  par  deux,  sont  servis  à  leurs  frais  par  des 
domestiques  que  désigne  le  directeur.  La  pension  est  de 
1,500  fr.  par  an,  non  compris  les  frais  d'armement  et 
d'équipement,  qui  sont  évalués  à  1,050  fr.  versés  par 
chaque  élève  à  son  entrée.  Il  est  donné  annuellement  dix 
bourses  de  1,500  fr.,  qui  peuvent  être  subdivisées  en 
demi-bourses.  Elles  sont  accordées  aux  élèves  qui  en  font 
la  demande,  après  que  l'insuffisance  de  leur  fortune  a  été 
constatée  dans  les  formes  administratives.  Les  élèves  por- 
tent l'uniforme  et  le  sabre;  le  port  en  est  obfigatoire. 
L'uniforme  est  celui  de  l'officier  d'infanterie,  sauf  les 
couleurs  :  dolman  vert,  pantalon  en  drap  gris  à  double 
bande  verte;  képi  semblable  à  celui  des  polytechniciens 
(argent  au  lieu  d'or),  sabre  des  officiers  de  tirailleurs.  — 
Les  punitions  disciplinaires  sont  :  la  censure,  la  consigne, 


ÉCOLE  •"  ^ 

les  arrêts  simples,  la  mise  à  Tordre  de  l'Ecole,  les  arrêts 
forcés,  Texclusion  temporaire,  l'exclusion  définitive. 

L'Ecole  forestière  est  administrée  par  un  directeur  nomme 
par  décret  sur  la  proposition  du  ministre  de  l'agriculture  ; 
il  est  choisi  parmi  les  conservateurs  des  forêts,  les  inspec- 
teurs ou  les  professeurs  ;  le  directeur  est  assisté  d'un  sous- 
directeur,  d'un  inspecteur  des  études  (choisis  parmi  les  pro- 
fesseurs), d'un  préparateur,  d'un  agent  comptable  et 
d'adjudants  de  surveillance.  —  Le  personnel  enseignant 
comprend  des  professeurs  de  sciences  iorestières,  de  sciences 
naturelles  appliquées  aux  forêts,  de  législation  torestiere, 
de  mathématiques  appliquées,  et  des  chargés  de  cours  de 
sciences  forestières,  de  sciences  appliquées  aux  forets,  de 
mathématiques  appliquées,  d'art  militaire,  de  langue  alle- 
mande. Tous  sont  choisis  parmi  les  agents  forestiers,  excepte 
les  deux  derniers.  Les  élèves  prennent  des  leçons  dequi- 
tation.  ,      ,  -, 

Les  six  premiers  mois  de  l'année  sont  employés  aux 
études  théoriques,  qui  se  terminent  par  un  examen  gêne- 
rai sur  toutes  les  parties  enseignées;  les  mois  de  mai,  juin 
et  juillet  sont  consacrés  aux  applications  et  exercices  pra- 
tiques. Pendant  ces  trois  mois,  les  élèves  font,  sous  la  di- 
rection  des  professeurs,  des  excursions  dans  les  forets  des 
Vosges  et  du  Jura,  de  Fontainebleau  et  de  Compiègne,  pour 
la  démonstration  et  l'application  sur  le  terrain  des  notions 
théoriques  acquises  pendant  la  durée  des  cours. 

La  période  du  15  juil.  au  40  août  est  consacrée  aux 
travaux  préparatoires  à  l'examen  de  fin  d'année  et  à  cet 
examen  même.  A  la  suite  de  l'examen  général  de  clôture 
des  cours,  les  élèves  sont  classés  par  ordre  de  mérite  ;  ce 
n'est  là  qu'un  classement  semestriel. 

A  la  fin  de  l'année  scolaire,  un  jury,  compose  du  di- 
recteur président,  ou  d'un  inspecteur  général  délégué  par 
lui  ;  du  directeur  de  l'Ecole  ou  du  sous-directeur  délègue; 
du  professeur  du  cours  sur  lequel  porte  l'examen,  et  de 
Fun  des  professeurs  adjoints,  procède  aux  examens  de 
passage  et  de  sortie.  Cet  examen,  à  l'égard  des  élèves  sor- 
tants, porte  non  seulement  sur  le  cours  de  seconde  année, 
mais  encore  sur  les  matières  enseignées  en  première  année 
dont  la  revision  est  jugée  nécessaire.  L'examen  de  fin  d'an- 
née terminé,  le  jury  procède  au  classement  définitif. 

Service  militaire.  Les  jeunes  gens  reconnus  propres 
au  service  militaire  ne  sont  définitivement  admis  à  l'Ecole 
qu'après  avoir  souscrit  dans  les  formes  ordinaires  un  enga- 
gement volontaire  de  trois  ans.  Ils  sont  considérés  comme 
présents  sous  les  drapeaux  dans  l'armée  active,  pendant 
tout  le  temps  passé  par  eux  à  l'Ecole,  où  ils  reçoivent 
l'instruction  militaire  complète,  et  sont  à  la  disposition  du 
ministre  de  la  guerre.  Ceux  de  ces  élèves  qui  ne  satisfont 
pas  aux  examens  de  sortie  ou  qui  sont  renvoyés  pour 
inconduite,  sont  incorporés  dans  un  corps  de  troupe  pour 
y  terminer  le  temps  de  service  qui  leur  reste  à  faire.  Quant 
à  ceux  qui  satisfont  à  ces  examens  et  qui  sont  nommés  à 
leur  sortie  de  l'Ecole  gardes  généraux,  ils  reçoivent  un 
brevet  de  sous-Heutenant  de  réserve  et  accomplissent,  en 
cette  qualité,  dans  un  corps  de  troupe,  une  année  de  service 
actif.  S'ils  donnent  leur  démission  d'officier  de  réserve,  ou 
s'ils  quittent  l'administration,  ils  restent  toujours  soumis, 
comme  conséquence  de  l'engagement  volontaire  qu'ils  ont 
dû  contracter  avant  leur  entrée  à  l'Ecole,  à  l'accomphsse- 
ment  d'une  année  de  service  actif.  Ils  suivent  ensuite  le 
sort  de  la  classe  à  laquelle  ils  appartiennent. 

Les  élèves  titulaires,  bien  qu'ayant  contracté  un  enga- 
gement volontaire,  et  quoique  réputés  présents  sous  les 
drapeaux  dans  l'armée  active  pendant  leur  séjour  à  l'Ecole, 
ne  sauraient  procurer  la  dispense  à  leurs  frères.  En ^ effet, 
l'engagement  spécial  que  ces  élèves  ont  souscrit  n'a  d'autre 
but 'que  de  leur  permettre  de  terminer  leurs  études  avant 
d'aller  accomplir  l'année  à  laquelle  se  trouve  en  réalité 
réduite  pour  eux  l'obligation  du  service  d'activité.  Ces 
élèves,  n'entrant  à  l'Ecole  qu'à  vingt-deux  ans  accomplis, 
n'ont  plus  de  justification  à  faire  auprès  des  autorités  civiles 
au  point  de  vue  mihtaire,  ces  justifications  ayant  été  effec- 


tuées par  eux  pendant  leur  séjour  à  l'Institut  agronomique 
(V.  Institut  agronomique). 

Sortie.  —  A  leur  sortie  de  l'Ecole  forestière,  les  élèves 
qui  ont  subi  avec  succès  les  examens  de  fin  de  cours  sont 
envoyés,  avec  le  grade  de  garde  général  stagiaire,  auprès 
d'un  inspecteur  chargé  de  les  initier  à  la  pratique  du  ser- 
vice. Ils  reçoivent  un  traitement  de  1,500  fr.  Après  une 
année  environ  de  stage,  ces  jeunes  gens  sont  nommés 
gardes  généraux  en  pied  et  ont  la  direction  d'un  cantonne- 
ment. Ils  reçoivent  alors  un  traitement  de  2,000  fr.,  au- 
ouel  s'ajoute  sénéralement  une  indemnité  de  tournée  (300 
àSOOfr.       ^  A.-M.  B. 

Ecoles  nationales  d'agriculture.  —  Destination. 
—  Les  écoles  nationales  d'agriculture  ont  pour  but  de 
préparer  des  agriculteurs  éclairés,  des  cultivateurs  prati- 
ciens instruits  et  habiles,  et  des  aides  ruraux  adroits  et 
intelligents.  Elles  ressortissent  au  ministère  de  l'agricul- 
ture. On  en  compte  trois,  établies  à  Grignon  (par  Neauphle- 
le-Château),  en  Seine-et-Oise  ;  à  Montpellier  (Hérault)  et 
à  Grand-Jouan  (par  Nozay),  dans  la  Loire-Inférieure.  Leur 
régime  est  réglé  par  un  arrêté  du  1^^  mai  1891. 

Historique.  —  L'Ecole  de  Grignon  fut  fondée  en  1827 
par  une  société  anonyme  sur  un  domaine  que  lui  fournit 
le  roi  Charles  X.  Elles  devint  établissement  public  en  1848. 
L'Ecole  de  Grand-Jouan  fut  fondée  en  1830  sur  un  défri- 
chement de  landes,  et  une  ferme-école  y  fut  annexée. 
L'Ecole  de  Montpellier  a  remplacé,  en  1872,  celle  de  La 
Saulsaie  (Ain). 

Conditions  d'admission.  —  L'admission  a  lieu  au  con- 
cours. Les  étrangers  peuvent  y  être  admis  aux  mêmes 
titres  et  conditions  que  les  nationaux.  Tout  candidat  doit 
être  âgé  de  seize  ans  accomplis  au  d^^  oct.  de  l'année  d'ad- 
mission et  subir  un  examen.  Aucune  dispense  d'âge  ne 
peut  être  accordée.  Les  auditeurs  fibres  n'ont  pas  d'examen 
à  subir  ;  ils  sont  admis  sur  l'autorisation  du  directeur  de 
l'Ecole  et  moyennant  l'acquittement  d'un  droit  de  oO  fr. 
par  trimestre,  payable  d'avance. 

La  demande  d'admission  doit  être  adressée  au  ministre 
avant  le  l^^sept.;  elle  doit  être  accompagnée  des  pièces 
suivantes,  toutes  légalisées  :  lo  l'acte  de  naissance  du 
candidat;  2«  un  certificat  de  moralité,  délivré  par  le  chef 
de  l'établissement  dans  lequel  le  candidat  a  accompli  sa 
dernière  année  d'études,  ou,  à  défaut,  par  le  maire  de  sa 
dernière  résidence;  3«  un  certificat  de  médecin  attestant 
que  le  candidat  a  été  vacciné  ou  qu'il  a  eu  la  petite  vérole; 
4«  une  obligation  souscrite  sur  papier  timbré  par  ses 
parents,  tuteur  ou  protecteur,  pour  garantir  le  payement, 
par  terme  et  d'avance,  do  sa  pension  pendant  toute  la 
durée  de  son  séjour  à  l'Ecole.  Pour  les  candidats  étran- 
gers, l'obligation  relative  au  payement  de  la  pension  doit 
être  fournie,  à  défaut  de  parents,  par  un  correspondant 
résidant  en  France,  laquelle  obligation  le  constitue  per- 
sonnellement responsable  de  ce  payement.  Les  épreuves 
de  l'examen  ont  lieu,  dans  chaque  école,  au  commence- 
ment d'octobre,  devant  un  jury  nommé  par  le  ministre. 
L'examen  se  compose  d'épreuves  écrites  et  d'épreuves 
orales.  Les  épreuves  écrites  d'admissibilité  comprennent  : 
1°  une  narration;  2«  la  solution  d'un  problème  d'arith- 
métique ou  d'algèbre  et  d'un  problème  de  géométrie.  H 
faut  obtenir  au  moins  la  moitié  du  total  des  points  (40 
sur  80)  pour  être  admissible.  Les  épreuves  orales  portent 
sur  l'arithmétique,  l'algèbre,  la  géométrie,  la  physique,  la 
chimie  et  la  géographie,  d'après  les  programmes  adoptés 
par  le  ministre.  Ces  notes  (60  points  au  maximum),  ajou- 
tées à  celles  des  épreuves  écrites  et  à  celles  qui  résultent 
des  titres  déterminent  le  classement.  Les  candidats  qui 
justifient  du  diplôme  de  bachelier  es  sciences  ou  de  l'en- 
seignement secondaire  spécial  ont  un  avantage  de  13  points. 
On  fait  aussi  des  avantages  aux  bacheliers  es  lettre_s 
(10  p.),  aux  brevetés  de  l'enseignement  primaire  (10  p.), 
aux  diplômés  des  écoles  pratiques  d'agriculture  (15  p.)  ou 
des  fermes-écoles  (10  p.).  Le  cumjil  de  ces  titres  n'est 
admis  que  jusqu'à  concurence  de  23  points. 


—  469  — 


ÉCOLE 


Régime  intérieur.  —  Des  bourses  et  des  demi-bourses, 
exclusivement  attribuées  aux  élèves  internes,  sont  instituées 
par  l'Etat  dans  les  écoles  d'agriculture.  La  moitié  de  ces 
bourses  est  réservée  aux  anciens  apprentis  des  fermes- 
écoles  ou  élèves  d'écoles  pratiques  d'agriculture,  porteurs 
du  certificat  de  capacité  délivré  dans  ces  établissements,  et 
se  donnent  au  concours  et  dès  l'entrée  à  l'Ecole.  Les 
autres,  fractionnables  en  demi-bourses,  sont  attribuées 
aux  jeunes  gens  dont  les  ressources  ou  celles  de  leurs 
familles  sont  insuffisantes  pour  subvenir  au  payement  total 
ou  partiel  du  prix  de  la  pension.  —  La  durée  du  cours 
d'études  est  de  deux  années  et  demie. 

Le  prix  de  la  pension  est  de  4,200  fr.  par  an  pour  les 
élèves  internes  de  l'Ecole  de  Grignon,  de  4,000  fr.  pour 
les  élèves  internes  des  Ecoles  de  Grand-Jouan  et  de  Mont- 
pellier, de  600  fr.  pour  les  demi-pensionnaires,  400  fr. 
pour  les  externes  et  200  fr.  pour  les  auditeurs  libres 
dans  les  trois  écoles.  En  outre,  les  élèves  internes  doivent 
être  munis  d'un  trousseau  en  bon  état,  et  chaque  élève 
interne  ou  externe  doit  se  procurer  à  ses  frais  les  divers 
objets  nécessaires  à  ses  études  et  verser  entre  les  mains 
du  comptable  de  l'Ecole  une  somme  de  30  fr.,  destinée  à 
garantir  le  payement  des  objets  cassés,  détériorés  ou  perdus 
par  sa  faute. 

Les  élèves  internes,  demi-pensionnaires  et  externes 
suivent  toutes  les  leçons  et  participent  à  tous  les  travaux, 
applications  et  exercices  pratiques;  les  auditeurs  libres 
assistent  aux  cours  qui  sont  à  leur  convenance  et  n'ont 
entrée  ni  aux  salles  d'étude,  ni  aux  laboratoires;  ils  peu- 
vent, toutefois,  être  autorisés  à  suivre  les  exercices  pra- 
tiques, moyennant  l'acquittement  d'un  droit  mensuel  et 
spécial  de  25  fr.  Les  étrangers  peuvent  être  admis  dans 
les  écoles  nationales  d'agriculture  en  qualité  d'externes 
ou  d'auditeurs  libres.  A  défaut  de  candidats  nationaux,  les 
places  disponibles  d'internes  et  demi-internes  pourront  être 
attribuées  à  des  élèves  étrangers. 

La  durée  des  études  est  de  deux  années  et  demie.  L'en- 
seignement est  à  la  fois  théorique  et  pratique.  Il  s'adresse 
aux  jeunes  gens  qui  se  destinent  à  l'enseignement  agricole 
et  à  la  gestion  des  domaines  ruraux,  soit  pour  leur  propre 
compte,  soit  pour  autrui.  On  trouvera  ci-après  l'indica- 
tion détaillée  des  matières  sur  lesquelles  il  porte  dans 
chacune  des  trois  écoles.  L'instruction  est  donnée  dans 
des  cours  réguliers  et  des  conférences  ;  en  outre,  des 
applications  et  des  travaux  pratiques  sont  effectués  dans 
les  laboratoires  et  sur  le  domaine  de  l'Ecole.  En  prenant 
part  aux  divers  services  de  l'exploitation,  les  élèves  ont 
ainsi  l'occasion  de  pénétrer  dans  les  détails  de  la  surveil- 
lance, de  l'exécution  et  de  la  direction  des  travaux  de  la 
ferme.  Des  excursions  dans  des  fermes  et  dans  des  usines 
agricoles  ont  lieu  sous  la  direction  des  professeurs  pour 
compléter  l'enseignement  donné  à  l'Ecole. 

Le  travail  et  les  progrès  des  élèves  sont  constatés  :  4°  par 
des  interrogations  hebdomadaires  faites  par  les  répétiteurs 
et  par  l'appréciation  de  tous  les  travaux  et  exercices  pra- 
tiques des  élèves;  2^  par  des  examens  généraux  effectués 
par  les  professeurs  à  la  fin  de  chaque  cours.  Tout  élève 
qui,  à  la  fin  de  l'année,  n'obtient  pas  une  moyenne  suffi- 
sante, ne  peut  passer  dans  la  division  supérieure. 

Enseignement.  Dans  les  trois  écoles  nationales  d'agri- 
culture, l'enseignement,  à  la  fois  théorique  et  pratique,  est 
organisé  sur  des  bases  analogues,  mais  il  comporte  des 
différences  assez  sensibles,  selon  les  chmats,  les  cultures 
et  les  produits  des  régions  où  sont  placées  ces  écoles. 

L'Ecole  de  Grignon,  située  dans  la  France  septentrionale, 
pays  de  grande  culture,  étudia  particulièrement  la  culture 
des  céréales  et  des  plantes  industrielles,  l'élevage,  les  in- 
dustries agricoles  du  Nord. 

L'Ecole' de  Grand-Jouan,  placée  dans  la  France  occiden- 
tale, étudie  la  mise  en  valeur  des  terres  incultes,  les 
prairies  naturelles,  la  culture  pastorale  mixte,  le  colo- 
nage  partiaire,  les  industries  agricoles  de  l'Ouest. 

L'Ecole  de  Montpellier,  située  au  Midi,  dans  la  région 


méditerranéenne,  étudie  spécialement  la  viticulture,  l'ar- 
boriculture (arbres  à  fruits),  le  reboisement,  les  cultures 
favorisées  par  l'irrigation,  la  sériciculture,  la  transhu- 
mance des  troupeaux,  les  industries  agricoles  du  sud  de  la 
France. 

L'enseignement  théorique  porte  dans  les  trois  écoles 
sur  l'agriculture,  la  zoologie  et  zootechnie,  la  physique, 
météorologie,  minéralogie  et  géologie,  la  botanique  et 
la  sylviculture,  le  génie  rural  et  les  constructions  agri- 
coles, la  chimie  et  technologie,  l'économie  et  législation 
rurales,  la  comptabilité  agricole.  L'instruction  pratique 
comporte  :  des  manipulations  de  laboratoire,  analyses  des 
produits  agricoles  de  chaque  région,  des  exercices  de  des- 
sin linéaire,  plans  de  drainage,  dessèchement,  irrigation, 
constructions  agricoles,  bâtiments  ruraux,  etc.;  l'emploi 
des  instruments  et  machines  agricoles  dans  les  princi- 
pales opérations  de  la  culture  ;  les  soins  à  donner  au  bé- 
tail; l'étude  sur  place  des  plantes  utiles  et  nuisibles;  la 
fabrication  du  beurre,  du  sucre,  du  cidre,  du  vin,  de 
l'huile,  la  distillation  des  grains,  l'extraction  de  la  fécule, 
le  rouissage  du  chanvre,  etc.  Chaque  école  possède  un 
champ  d'exercices,  un  champ  d'expériences  et  une  exploi- 
tation rurale  dirigée  d'après  les  méthodes  rationnelles.  On 
fait  successivement  passer  les  élèves  par  toutes  les  par- 
ties de  l'exploitation,  et  on  complète  leur  apprentissage  par 
des  excursions  géologiques,  botaniques,  forestières,  agri- 
coles, technologiques,  que  dirigent  leurs  professeurs  et 
répétiteurs. 

Sortie.  —  A  la  fin  de  leurs  études,  les  élèves  qui  ont 
satisfait  à  toutes  les  épreuves  exigées  par  le  règlement 
reçoivent  le  diplôme  d'Ecole  nationale  d'agriculture. 
Ce  diplôme  est  délivré  par  le  ministre.  Les  élèves  qui,  sans 
avoir  obtenu  de  diplôme,  ont  fait  preuve  cependant  de 
connaissances  suffisantes  et  d'un  travail  régulier,  peuvent 
obtenir  un  certificat  d'études.  Chaque  année,  les  trois 
élèves  sortis  les  premiers  de  leur  promotion,  reçoivent  :  le 
premier,  une  médaille  d'or;  le  deuxième,  une  médaille 
d'argent  ;  le  troisième,  une  médaille  de  bronze.  Aux  termes 
du  décret  du  23  nov.  4889,  rendu  pour  l'exécution  de  la 
loi  du  45  juil.  4889  sur  le  recrutement  de  l'armée,  les 
jeunes  gens  diplômés  des  écoles  nationales  d'agriculture, 
compris  dans  les  quatre  premiers  cinquièmes  de  la  liste  de 
mérite  de  ceux  des  élèves  français  qui  ont  obtenu  pour 
tout  le  cours  de  leur  scolarité  65  ^/^  au  moins  du  total 
des  points  que  l'on  peut  obtenir  d'après  les  règlements 
desdites  écoles,  ne  sont  astreints  en  temps  de  paix  qu'à  un 
an  de  présence  sous  les  drapeaux.  A. -M.  B. 

Ecole  des  haras  du  Pin.  —  Destination.  —  Cette 
école,  qui  ressortit  au  ministère  de  l'agriculture,  est  placée 
sous  le  commandement  du  directeur  du  dépôt  d'étalons  du 
Pin  (Orne).  Elle  a  pour  but  principal  de  former  des  pra- 
ticiens dans  le  dressage  et  l'élevage  des  chevaux. 

Historique.  —  L'Ecole  des  haras  a  été  créée  en  4874 
auprès  du  grand  haras  du  Pin,  institué  sous  Louis  XV.  La 
loi  du  29  mai  4874  a  accordé  à  cette  école  un  privilège 
exclusif  pour  le  recrutement  des  officiers  des  haras. 

Conditions  d'admission.  —  Pour  être  admis  comme  in- 
terne à  l'Ecole  des  haras,  les  candidats  doivent  justifier  de 
la  qualité  de  Français  et  produire  un  diplôme  constatant 
qu'ils  ont  satisfait  aux  examens  de  sortie  de  l'Institut  na- 
tional agronomique  ou  d'une  des  écoles  vétérinaires^  du 
gouvernement.  Ils  doivent  être  âgés,  au  4^^  oct.  de  l'an- 
née d'admission,  de  dix-neuf  ans  au  moins  et  de  vingt- 
cinq  ans  au  plus.  A  la  demande  d'admission  doivent  être 
joints  :  4°  l'acte  de  naissance  du  candidat;  2^  un  certifi- 
cat délivré  par  un  médecin  assermenté  et  attestant  la 
bonne  constitution  et  l'aptitude  physique  du  candidat;  le 
ministre  fait  contrôler,  s'il  le  juge  convenable,  les  décla- 
rations contenues  dans  ce  certificat  par  un  médecin  délégué 
à  cet  eff'et.  Ces  pièces  doivent  être  adressées,  avant  le 
45  sept.,  au  ministre  de  l'agriculture,  qui  statue  sur  les 
admissions.  Le  nombre  des  élèves  admis  varie  de  8  à  42 
par  an. 


ÉCOLE 


-  470  — 


Régime  intérieur.  —  La  durée  des  cours  est  d'une  an- 
née. L'enseignement  est  gratuit.  Les  élèves  jui  portent  le 
titre  d'aspirants  stagiaires  des  haras  reçoivent  une  in- 
demnité annuelle  de  1,500  fr.  ;  ils  sont  logés  à  l'Ecole, 
mais  se  nourrissent  et  s'entretiennent  à  leurs  frais.  — 
L'uniforme  est  très  élégant  :  casquette  en  drap  bleu  na- 
tional, pelisse  en  drap  'pareil  à  brandebourgs,  ^  culotte  en 
drap  bleu  national  avec  bande  écarlate  de  3  centim.  ;  bottes 
molles  et  éperons  ;  criméenne  comme  pardessus. 

Les  élèves  compris  dans  les  quatre  premiers  cinquièmes 
de  la  liste  de  mérite  de  ceux  des  élèves  français  qui  ont 
obtenu,  pour  tout  le  cours  de  la  scolarité,  65  «/^  au  moins 
du  total  des  points  que  l'on  peut  obtenir,  bénéficient  de  la  dis- 
pense du  service  militaire  prévue  par  la  loi  du  15  juil.  1889. 
Elèves  externes.  L'Ecole  des  haras  reçoit  également  des 
élèves  externes  admis  par  le  ministre  à  la  suite  d'un  exa- 
men spécial.  Ceux-ci  doivent  être  Français,  âgés  de  plus  de 
dix-huit  ans  et  moins  de  vingt-cinq  ans  ;  ils  doivent  pro- 
duire leur  acte  de  naissance,  un  certificat  de  vaccine  et  de 
bonne  conduite.  On  n'en  peut  admettre  plus  de  12  par  an. 
Chaque  élève  doit  payer  entre  les  mains  d'un  receveur 
des  finances  la  somme  de  600  fr.  à  titre  de  rétribution 
scolaire  de  l'année.  Ceux  de  ces  élèves  externes  qui  auront 
subi  avec  succès  les  examens  de  fin  d'année  recevront  un 
certificat  d'études.  Celui-ci  ne  leur  confère  aucun  titre 
aux  places  d'officiers  des  haras,  lesquelles  sont  réservées  aux 
élèves  internes.  Les  étrangers  peuvent,  sur  la  présentation 
de  leur  gouvernement,  être  admis  par  décision  ministérielle 
comme  élèves  externes  aux  mêmes  conditions. 

Sortie.  —  Sont  seuls  admissibles  aux  emplois  d'officier 
des  haras  les  élèves  internes  qui  obtiennent  un  diplôme 
attestant  qu'ils  ont  satisfait  aux  examens  de  sortie  de 
l'Ecole.  . 

Les  aspirants  stagiaires  des  haras  qui,  à  leur  sortie  de 
l'Ecole,  ont  obtenu  un  diplôme,  sont  nommés  surveillants 
stagiaires,  au  traitement  annuel  de  1,600  fr.  (V.  Haras). 
Ceux  qui,  par  leurs  notes  et  les  examens  de  fin  de  cours, 
n'auront  pas  fait  preuve  de  connaissances  suffisantes  et 
d'aptitudes  convenables,  seront  renvoyés.  Aucun  élève  ren- 
voyé ne  pourra  être  réintégré  à  l'Ecole. 

Ecoles  nationales  vétérinaires.  —  Destination.  — 
Les  écoles  nationales  vétérinaires  établies  à  Alfort,  à  Lyon 
et  à  Toulouse  ont  pour  objet  l'enseignement  de  l'art  vété- 
rinaire. Elles  admettent  les  étrangers  au  même  titre  que 
les  nationaux. 

Historique.  —  La  première  Ecole  vétérinaire  fut  fondée 
à  Lyon  par  le  célèbre  Bourgelat.  La  notoriété  que  lui  valut 
son  livre  sur  l'hippiatrique  fut  telle  que  la  ville  de  Lyon  le 
chargea  de  diriger  une  école  où  l'on  enseignerait  le  mode 
de  traitement  des  animaux  domestiques.  En  1763,  elle  reçut 
le  titre  à' Ecole  royale  vétérinaire.  Deux  élèves  de  Bour- 
gelat, Chabert  et  Bredin,  fondèrent  en  1766  une  école  vété- 
rinaire à  Alfort.  On  projeta  des  créations  analogues  dans 
d'autres  villes.  Supprimées  en  1793,  les  écoles  vétérinaires 
de  Lyon  et  d'Alfort  furent  réorganisées  en  1795.  La  Con- 
vention, par  un  arrêté  du  1^^  germinal  an  HI,  leur  donna 
une  nouvelle  existence.  L'Ecole  d'Alfort  devint  la  plus  im- 
portante et  fut  illustrée  par  des  maîtres  de  premier  ordre. 
Elle  fut  réorganisée  par  décret  du  5  juin  1813  et  surtout 
par  l'ordonnance  du  l^'"  sept.  1825,  véritable  charte  du 
service  vétérinaire.  Une  troisième  école  fut  établie  à  Tou- 
louse en  1828.  Les  écoles  vétérinaires  sont  régies  actuel- 
lement par  le  décret  du  21  oct.  1881  et  l'arrêté  du 
1«^  mars  1891. 

Conditions  d'admission.  —  L'admission  dans  les  écoles 
vétérinaires  a  lieu  par  voie  de  concours.  Les  épreuves  sont 
subies  au  chef-lieu  de  chaque  département.  Les  jeunes  gens 
qui  ont  obtenu  le  diplôme  délivré  par  l'Institut  agrono- 
mique ou  les  Ecoles  nationales  d'agriculture  sont  dispensés 
du  concours  et  sont  admis  de  droit. Nul  ne  peut  être  admis 
à  concourir  s'il  n'a  préalablement  justifié  qu'il  aura  dix- 
sept  ans  au  moins  et  vingt-cinq  ans  au  plus  au  l'^'^  oct. 
de  l'année  du  concours  et  s'il  n'est  possesseur  de  l'un  des 


trois  diplômes  du  baccalauréat  es  lettres,  es  sciences  com- 
plet ou  de  l'enseignement  secondaire  spécial.  Aucune  dis- 
pense d'âge  ne  peut  être  accordée. 

Les  demandes  d'admission  doivent  indiquer  le  chef-lieu 
du  département  dans  lequel  le  candidat  veut  subir  les 
épreuves  du  concours  et  l'école  dans  laquelle  il  désire  en- 
trer ;  elles  doivent  aussi  mentionner  celle  des  deux  autres 
écoles  qu'il  choisirait  si,  par  suite  de  son  rang  de  classe- 
ment, il  était  primé  par  d'autres  concurrents  pour  toutes 
les  places  disponibles  dans  l'école  qu'il  désigne;  elles  doi- 
vent être  écrites  sur  papier  timbré  et  adressées  au  ministre 
de  l'agriculture,  avant  le  1^^  août,  délai  de  rigueur.  Les 
demandes  doivent  être  accompagnées  des  pièces  sui- 
vantes :  1°  l'acte  de  naissance  du  candidat  dans  la  forme 
légale;  2°  les  diplômes  de  bachelier  es  lettres,  bachelier 
es  sciences  complet,  bachelier  de  l'enseignement  secondaire 
spécial,  dont  le  candidat  est  titulaire,  ou  le  diplôme  délivré 
soit  par  l'Institut  agronomique,  soit  par  les  écoles  natio- 
nales d'agriculture;  3^  un  certificat  de  médecin  attestant 
que  le  candidat  a  eu  la  petite  vérole  ou  a  été  revacciné 
depuis  moins  de  trois  ans  ;  4°  un  certificat  de  moralité  dé- 
livré par  le  chef  de  l'établissement  dans  lequel  le  candidat 
a  accompli  sa  dernière  année  d'études,  ou,  à  défaut,  par  le 
maire  de  sa  dernière  résidence;  5°  une  obligation  sous- 
crite sur  papier  timbré  par  les  parents  du  candidat  pour 
garantir  le  payement  de  sa  pension  pendant  tout  le  temps 
de  son  séjour  à  l'Ecole.  Cette  obhgation  doit  être  produite 
même  lorsqu'une  demande  de  bourse  est  faite  en  faveur  du 
candidat.  Pour  les  candidats  étrangers,  l'obligation  relative 
au  payement  de  la  pension  doit  être  fournie,  à  défaut  de 
parents,  par  un  correspondant  résidant  en  France,  en  son 
propre  nom,  laquelle  le  constitue  personnellement  respon- 
sable de  ce  payement. 

Le  concours  d'admission,  qui  se  passe  au  chef-lieu  de 
chaque  département,  se  compose  uniquement  d'épreuves 
écrites.  H  comprend  :  1°  une  composition  française  ;  2°  la 
solution  d'un  problème  d'arithmétique  ou  d'algèbre  et  d'un 
problème  de  géométrie  ;  3°  une  composition  de  physique  et 
de  chimie  ;  4^  une  composition  d'histoire  naturelle.  —  Le 
nombre  de  places  mises  au  concours  est  fixé  chaque  année 
par  le  ministre.  Trois  septièmes  de  ces  places  sont  affectés 
à  l'Ecole  d'Alfort;  deux  septièmes  de  ces  places  sont 
affectés  à  l'Ecole  de  Lyon  ;  deux  septièmes  de  ces  places 
sont  affectés  à  l'Ecole  de  Toulouse.  —  Les  candidats  admis 
sont  informés  de  leur  admission  par  les  soins  du  ministre 
de  l'agriculture;  ils  doivent  être  rendus  à  l'Ecole  qui  leur 
est  désignée,  le  15  oct.  avant  deux  heures  du  soir. 

Bourses.  Les  bourses  ou  fractions  de  bourses  sont 
accordées  par  le  ministre  de  l'agriculture,  d'après  l'ordre 
de  classement,  aux  élèves  qui  ont  subi  avec  succès^  les 
épreuves  du  concours  ou  les  épreuves  de  passage  d'une 
division  à  la  division  supérieure,  et  dont  les  familles  ont 
préalablement  justifié  de  l'insuffisance  de  leurs  ressources 
pour  subvenir  au  payement  total  ou  partiel  du  prix  de  la 
pension.  Mais  ces  bourses  ne  sont  accordées  que  pour  une 
année  scolaire  ;  elles  ne  sont  maintenues  qu'aux  élèves  qui 
continuent  à  s'en  rendre  dignes  par  leur  conduite  et  leurs 
progrès.  'Elles  peuvent  être  retirées  au  cours  de  l'année 
scolaire  par  mesure  disciplinaire.  Les  demandes  de  bourses 
sont  formées  par  les  parents  des  candidats  ;  elles  doivent 
être  écrites  sur  papier  timbré  et  adressées  au  ministre  de 
l'agriculture.  Elles  sont  soumises  à  une  instruction,  à  l'effet 
de  constater  les  moyens  d'existence  et  les  charges  de 
famille  du  pétitionnaire  ;  elles  sont,  en  outre,  communiquées 
au  conseil  municipal  de  la  résidence  des  parents,  qui  prend, 
à  ce  sujet,  une  délibération  motivée.  Les  demandes  con- 
cernant les  jeunes  gens  qui  aspirent  à  entrer  dans  les 
écoles  doivent  être  adressées  au  ministre  en  même  temps 
que  la  demande  d'admission.  Les  bourses  et  fractions  de 
bourses  étant  accordées  d'après  l'ordre  de  classement,  les 
candidats  admis  en  raison  de  leur  diplôme,  et  qui  soUicitent 
une  bourse,  doivent  subir  les  épreuves  du  concours  d'ad- 
mission. Les  demandes  concernant  les  élèves  déjà  présents 


—  474  — 


ÉCOLE 


à  l'Ecole  doivent  être  adressées  au  ministre  avant  le  l^^mai, 
délai  de  rigueur. 

Boursiers  militaires.  Indépendamment  des  bourses 
ci-dessus,  il  existe  dans  les  écoles  nationales  vétérinaires 
60  bourses  instituées  par  le  département  de  la  guerre  et 
réparties  entre  les  trois  écoles,  à  raison  de  30  pour  Alfort 
et  de  15  pour  chacune  des  écoles  de  Lyon  et  de  Toulouse. 
L'admission  des  boursiers  militaires  donne  lieu  à  un  con- 
cours spécial,  dont  les  conditions  particulières  sont  les 
suivantes  :  un  certificat  délivré  par  le  commandant  d'un 
bureau  de  recrutement,  attestant  qu'il  a  la  taille  de  4^54, 
et  qu'il  réunit  les  qualités  requises  pour  servir  dans  l'arme 
de  la  cavalerie.  —  Une  obligation  souscrite  sur  papier 
timbré  par  les  parents  du  candidat  et  par  laquelle  ils  s'en- 
gagent à  rembourser  les  frais  d'entretien  de  celui-ci,  dans 
le  cas  où  il  perdrait  sa  bourse  par  suite  de  renvoi  ou  de 
démission.  —  Nul  n'est  admis  à  concourir  aux  bourses 
militaires  s'il  n'est  âgé  de  dix-sept  ans  au  moins  avant  le 
4^"^  oct.  de  l'année  du  concours  ou  de  dix-huit  ans  au  plus 
dans  le  courant  de  la  même  année.  —  Les  élèves  boursiers 
militaires,  en  entrant  à  l'Ecole  vétérinaire,  souscrivent  un 
engagement  d'une  durée  de  trois  ans  et  s'engagent  à  servir 
dans  l'armée  active  pendant  six  ans  au  moins  à  dater  de 
leur  nomination  au  grade  d'aide-vétérinaire.  —  Les  bour- 
siers militaires  qui  perdraient  leur  bourse,  par  suite  de 
renvoi,  de  démission  ou  de  toute  autre  cause,  sont  dirigés 
sur  le  corps  pour  lequel  ils  ont  contracté  leur  engagement, 
afin  d'y  accomplir  comme  soldats  leurs  trois  ans  de  service. 

Régime  intérieur.  —  Les  écoles  vétérinaires  reçoivent 
des  élèves  internes,  des  élèves  demi-pensionnaires  et  des 
élèves  externes.  Le  prix  de  la  pension  des  élèves  internes 
est  de  600  fr.  pour  l'année  scolaire.  Les  élèves  demi-pen- 
sionnaires et  les  élèves  externes  acquittent  une  rétribution 
fixée  à  400  fr.  pour  les  demi-pensionnaires  et  à  200  fr. 
pour  les  externes.  Tous  les  élèves,  boursiers  et  payant 
pension,  sont  obligés  de  se  procurer  à  leurs  frais  les  effets 
de  trousseau,  ainsi  que  les  livres  et  les  instruments  néces- 
saires à  leur  instruction. 

Enseignement.  La  durée  des  études  est  de  quatre 
années,  après  lesquelles  les  élèves  qui  sont  reconnus  en 
état  d'exercer  la  médecine  des  animaux  domestiques  re- 
çoivent un  diplôme  de  vétérinaire.  Tout  élève  qui  n'est  pas 
reconnu  capable  de  passer  dans  la  division  supérieure  est 
rayé  des  contrôles.  Toutefois,  le  ministre,  sur  la  proposition 
du  conseil  de  l'Ecole,  peut  accorder  aux  élèves  trop  faibles 
pour  passer  dans  la  division  supérieure  la  faculté  de  recom- 
mencer les  cours  de  l'année  écoulée  ;  mais  cette  faculté  ne 
peut  s'exercer  qu'une  seule  fois  pendant  toute  la  période 
réglementaire  des  études. 

L'enseignement  dans  les  écoles  vétérinaires  comprend  : 
4°  l'anatomie  des  animaux  domestiques  et  l'extérieur  du 
cheval;  2^^  la  physique,  la  chimie,  la  pharmacie  et  la  toxi- 
cologie; 3"  l'histoire  naturelle  et  la  matière  médicale; 
4^  la  physiologie  des  animaux  domestiques,  la  tératologie 
et  la  thérapeutique;  5®  la  pathologie  générale,  la  patho- 
logie médicale  et  chirurgicale,  la  clinique,  le  manuel  opé- 
ratoire et  la  ferrure  ;  6^  la  pathologie  des  maladies  conta- 
gieuses, la  police  sanitaire,  l'inspection  des  viandes  de 
boucherie,  la  médecine  légale  et  la  législation  commerciale 
en  matière  de  vente  d'animaux;  7°  l'hygiène  et  la 
zootechnie.  —  La  valeur  scientifique  du  corps  enseignant  est 
très  grande,  et  un  grand  nombre  de  savants  ont  illustré 
l'Ecole  d' Alfort  et  l'École  de  Lyon. 

Discipline,  Les  élèves  internes  ne  peuvent  quitter  PEcole 
sans  l'autorisation  du  directeur,  qui,  après  s'être  assuré 
qu'ils  ne  sont  plus  détenteurs  d'objets  appartenant  à  l'éta- 
bUssement,  leur  déHvre  un  laissez-passer  pour  la  sortie  de 
leurs  effets.  Les  jeudis,  dimanches  et  jours  de  fête  sont  les 
seuls  jours  de  congé.  —  Les  élèves  demi-pensionnaires 
doivent  être  rendus  à  l'Ecole  le  matin  pour  le  premier 
cours  ou  le  premier  exercice  d'enseignement  et  ne  doivent 
partir  qu'à  l'heure  du  dîner.  Ils  prennent  le  déjeuner  avec 
les  élèves  internes.  Les  élèves  externes  doivent  également 


être  rendus  à  l'Ecole  le  matin  pour  le  premier  cours  ou  le 
premier  exercice  et  ne  partir  qu'à  l'heure  du  dîner;  mais 
ils  sortent  au  moment  du  déjeuner,  pour  lequel  il  leur  est 
accordé  le  même  temps  (récréation  comprise)  qu'aux  élèves 
internes.  —  Les  élèves  demi-pensionnaires  et  les  élèves 
externes  doivent  assister  régulièrement  à  tous  les  exercices 
de  l'enseignement.  En  cas  d'absence  non  motivée,  ils  re- 
çoivent un  avertissement.  Après  le  troisième,  ils  sont  rayés 
des  contrôles  et  cessent  de  faire  partie  de  l'Ecole. —  Il  est 
défendu  aux  élèves  internes  de  sortir  de  l'Ecole  même  aux 
heures  de  récréation,  sans  en  avoir  obtenu  la  permission 
expresse  du  directeur.  Cette  permission  ne  peut  être  mo- 
tivée que  par  des  affaires  assez  urgentes  pour  ne  pouvoir 
être  remises  au  plus  prochain  jour  de  congé.  —  Il  peut 
être  accordé  des  congés  de  quinze  jours  au  plus,  par  le 
directeur  de  l'Ecole,  aux  élèves  que  le  mauvais  état  de  leur 
santé  ou  des  affaires  indispensables  appellent  chez  leurs 
parents. 

Toute  demande  de  prolongation  de  congé  doit  être 
adressée  au  directeur,  qui  la  transmet  au  ministre.  Tout 
élève  qui  ne  rentre  pas  à  l'expiration  de  son  congé  est 
considéré  comme  ayant  abandonné  les  études  vétérinaires  : 
il  est  rayé  des  contrôles  de  l'Ecole  et  ne  peut  y  rentrer 
qu'en  vertu  d'une  décision  du  ministre.  —  En  cas  de  ma- 
ladie, tous  les  soins  nécessaires  sont  donnés  à  l'infirmerie 
aux  élèves  internes.  Si  la  maladie  paraît  devoir  être  grave 
et  de  longue  durée,  l'élève  peut  être  remis  à  sa  famille.  — 
Les  parents  ou  les  correspondants  peuvent  voir  les  élèves 
au  parloir  chaque  jour  de  la  semaine,  mais  de  une  heure 
à  deux  heures  seulement. 

Service  militaire.  Les  élèves  des  écoles  vétérinaires 
qui  ont  obtenu  ou  qui  poursuivent  leurs  études  en  vue  d'ob- 
tenir le  diplôme  de  vétérinaire,  figurent  parmi  les  jeunes 
gens  que  l'art.  23  de  la  loi  militaire  du  43  juîl.  4889  dis- 
pense de  deux  ans  de  service  militaire  actif.  Ceux  qui 
n'auraient  pas  obtenu  le  diplôme  avant  l'âge  de  vingt-six 
ans  doivent  accomplir  les  deux  années  complémentaires  de 
service  actif. 

Sortie.  —  Après  les  quatre  années  d'études,  les  élèves 
reçoivent  le  diplôme  de  vétérinaire  (V.  ce  mot).  On  leur 
ouvre  ainsi  une  carrière  dont  l'importance  augmente  sans 
cesse  avec  les  progrès  des  méthodes  scientifiques  appli- 
quées à  l'agriculture  et  à  l'élevage.  —  Quant  aux  bour- 
siers militaires,  lorsqu'ils  ont  obtenu  le  diplôme  de  vétéri- 
naire, ils  sont  admis  dans  le  cadre  des  aides-vétérinaires 
stagiaires,  après  avoir  satisfait  aux  épreuves  d'un  concours, 
avec  les  autres  vétérinaires  diplômés,  devant  une  com- 
mission spéciale,  et  sont  envoyés  à  l'Ecole  de  cavalerie  pour 
y  accomplir  un  stage  d'une  année.  A  la  fin  du  stage,  et 
après  qu'ils  ont  subi  un  examen  de  sortie,  ils  sont  nommés 
aides- vétérinaires  titulaires  et  attachés  à  des  corps  de  troupes 
à  cheval.  — Ceux  qui  n'obtiendraient  pas  le  grade  d'aide-vé- 
térinaire, ou  qui  ne  réahseraient  pas  l'engagement  sexennal 
sont  incorporés  dans  un  corps  de  troupe  pour  trois  ans, 
sans  déduction  aucune  du  temps  écoulé  depuis  leur  entrée 
à  l'Ecole.  A.-M.  B. 

Ecole  de  sylviculture  des  Barres.  —  Destination. 
—  L'Ecole  de  sylviculture  instituée  au  domaine  des  Barres, 
près  de  Nogent-sur-Vernisson  (Loiret),  a  été  organisée  par 
décret  du  44  janv.  et  arrêté  du  45  janv.  4888.  Elle  a  rem- 
placé l'ancienne  Ecole  primaire  des  forêts^  adjointe  à 
l'Ecole  secondaire  forestière,  qui  occupe  dans  le  service 
forestier  la  place  que  tiennent  dans  l'armée  les  écoles  de 
sous-officiers  élèves-officiers  (Saint-Maixent,  Versailles). 
Nous  indiquerons  donc  successivement  ce  qui  se  rapporte 
à  l'Ecole  pratique  de  sylviculture  et  à  l'Ecole  secondaire 
d'enseignement  forestier  professionnel  et  pratique. 

ECOLE  PRATIQUE.—  Destination.— L'Ecole  pratique 
de  sylviculture  a  pour  but  de  former  des  gardes  particuliers, 
des  régisseurs  agricoles  et  forestiers,  et  de  donner  une 
bonne  instruction  professionnelle  aux  jeunes  gens  qui  se 
destinent  à  ces  sortes  d'emplois. 

Conditions  d'admission.  —  Les  élèves  sont  reçus  après  un 


ÉCOLE 


—  472  — 


examen  qui  a  lieu  tous  les  ans  dans  la  première  quinzaine 
de  juillet  au  chef-lieu  de  la  conservation  dont  dépend  la 
résidence  du  candidat.  Les  pièces  à  fournir  sont  :  la  demande 
du  candidat  ou  des  parents;  l'extrait  de  l'acte  de  naissance  ; 
un  certificat  de  bonne  conduite  ;  un  engagement  soit  du 
père  ou  d'un  répondant,  soit  du  candidat,  s'il  est  majeur, 
d'acquitter  régulièrement  le  prix  de  la  pension.  Pour  être 
admis  à  l'examen,  les  candidats  doivent  avoir  dix-sept  ans 
au  moins,  trente-cinq  ans  au  plus  le  1^^  janv.  de  l'année 
de  leur  admission.  L'examen  d'admission  se  compose  de 
trois  épreuves  écrites  :  une  dictée,  une  composition  d'his- 
toire et  de  géographie  (de  la  France),  une  composition 
d'arithmétique  et  de  géométrie  élémentaire. 

Bourses.  Chaque  année,  l'Etat  attribue  un  certain 
nombre  de  bourses,  entières  ou  fractionnées,  aux  fils 
d'agents  ou  de  préposés  qui  ont  subi  avec  succès  l'examen 
d'admission  et  justifient  de  l'insuffisance  de  leurs  res- 
sources, 

Régime  intérieur.  —  L'Ecole  reçoit  des  élèves  internes 
et  demi-pensionnaires.  Le  prix  de  la  pension  est  de  600  fr. 
par  an  et  celui  de  la  demi-pension  de  300  fr.,  payable 
d'avance  et  par  dixième  en  trois  versements,  en  entrant, 
en  janvier  et  en  avril.  Ces  sommes  sont  destinées  à  assurer 
la  nourriture  et  l'entretien  de  l'élève.  Indépendamment  du 
prix  de  la  pension,  les  élèves  sont  tenus  de  verser,  à  leur 
entrée  dans  l'établissement,  une  somme  de  400  fr.,  des- 
tinée à  garantir  le  payement  de  l'uniforme.  Le  rembour- 
sement ou  la  réparation  des  objets  cassés,  détériorés  ou 
perdus  par  leur  faute.  Les  élèves  sont,  en  outre,  tenus  de 
se  pourvoir,  à  leurs  frais,  des  effets  de  trousseau  et  des 
livres  nécessaires  à  leur  instruction.  L'administration 
fournit  gratuitement,  non  seulement  l'instruction,  mais  le 
logement,  le  chaufiTage,  l'éclairage,  les  soins  médicaux. 

Les  élèves  s'occupent  eux-mêmes  de  leur  ordinaire.  Les 
dépenses  sont  réglées  à  la  fin  du  mois  par  une  commission 
de  4  élèves  dans  chaque  division.  La  durée  des  études 
est  de  deux  ans.  Les  cours  commencent  le  15  oct.  et  sont 
terminés  le  15  août.  L'enseignement  est  à  la  fois  théorique 
et  pratique.  A  cet  effet,  le'temps  des  élèves  est  partagé 
entre  les  travaux  sur  le  terrain,  les  cours  et  leurs  appli- 
cations, d'après  un  emploi  du  temps  réglé,  suivant  la 
saison,  par  le  directeur  de  l'Ecole.  L'enseignement  pra- 
tique comprend  des  travaux  de  culture  et  de  main-d'œuvre 
dans  le  domaine  et  dans  les  pépinières,  des  exercices  au 
laboratoire  et  des  exercices  de  topographie  sur  le  domaine 
et  aux  environs.  Il  est  complété  par  des  excursions  dans  la 
forêt  de  Montargis,  oti  les  élèves  prennent  part  à  toutes  les 
opérations  relatives  aux  coupes.  —  L'enseignement  théo- 
rique comprend  les  matières   suivantes  :  1°  agriculture 
générale  ;  2""  éléments  de  sylviculture  ;  S""  éléments  de  droit 
forestier  et  notions  sur  l'organisation  administrative  en 
France  ;  4^  éléments  de  botanique  forestière  ;  5°  arboricul- 
ture et  viticulture  ;  6«  histoire  et  géographie  ;  T  arithmé- 
tique et  géométrie  élémentaire,  notions  algébriques  ;  8°  topo- 
graphie, dessin  linéaire  ;  9°  langue  française  (rédaction 
d'un  rapport)  ;  10°  physique,  météorologie  et  chimie  appli- 
quées à  l'agriculture  ;  11°  comptabilité  agricole;  12°  exer- 
cices militaires.  —  A  la  fin  de  chaque  année,  les  élèves 
sont  l'objet  d'un  classement  résultant  des  notes  obtenues 
par  eux  dans  les  diverses  épreuves.  Les  élèves  de  première 
année  qui  ont  une  moyenne  générale  inférieure  à  8,  ou 
une  moyenne  inférieure  à  4  dans  une  matière  quelconque, 
sont  obligés  de  redoubler  ou  de  quitter  l'Ecole. 

Sortie.  —  Les  élèves  qui,  à  la  fin  de  leur  deuxième 
année,  ont  obtenu  aux  examens  de  sortie  une  moyenne  gé- 
nérale supérieure  à  10  et  n'ont  en  aucune  matière  une 
moyenne  inférieure  à  5,  reçoivent  un  certificat  délivré  par 
le  ministre.  Quand  ils  ont  vingt-cinq  ans  et  ont  satisfait  à 
la  loi  miUtaire,  ils  peuvent  être  nommés  gardes  forestiers 
domaniaux  de  seconde  classe. 

ECOLE  SECONDAIRE  D'ENSEIGNEMENT  FORES- 
TIER. —  Destination.  —  L'Ecole  secondaire  d'enseigne- 
ment forestier,  qui  est  antérieure  à  l'autre,  est  destinée  à 


faciliter  aux  préposés  l'accès  au  grade  de  garde  général, 
auquel  ils  ne  peuvent  arriver  qu'après  quinze  ans  de  ser- 
vice actif,  à  moins  de  passer  par  cette  école.  Elle  corres- 
pond, avons-nous  dit,  dans  la  hiérarchie,  aux  écoles  mili- 
taires des  sous-officiers  élèves-officiers. 

Conditions  d'admission.  —  Chaque  année,  les  conserva- 
teurs des  forêts  font  connaître  les  préposés  qu'ils  jugent 
aptes  à  devenir  gardes  généraux.  On  ne  peut  comprendre 
dans  ces  listes  de  présentation  que  ceux  qui  ont  trois  ans 
de  service  actif  et  moins  de  trente-cinq  ans  d'âge  ;  deux 
ans  de  service  suffisent  pour  les  élèves  sortis  de  l'Ecole 
pratique  de  sylviculture.  Le  directeur  des  forêts  arrête  la 
liste  des  préposés  admis  au  concours.  Ce  concours  d'ad- 
mission comprend  des  compositions  écrites  d'admissibilité 
(dictée,  composition  française,  composition  de  mathéma- 
tiques, dessin)  ;  des  examens  oraux  (arithmétique,  géomé- 
trie, histoire,  géographie)  et  des  examens  d'instruction 
pratique  (arpentage,  cubage,  notions  administratives).  La 
somme  des  notes  de  ces  diverses  épreuves  détermine  le 
rang  des  candidats  sur  la  liste  de  classement.  On  en  admet 
t)  par  an. 

Régime  intérieur.  —  Le  régime  est  l'internat.  Les  pré- 
posés admis  à  l'Ecole  reçoivent,  s'ils  ne  l'ont  déjà,  le  grade 
de  brigadier.  Ils  conservent  la  tenue,  l'armement  et  l'équi- 
pement des  préposés  forestiers  avec  les  insignes  corres- 
pondant à  leur  grade  et  ils  restent  soumis  aux  mêmes 
obligations  professionnelles  que  dans  le  service  actif.  Il  est 
alloué  aux  préposés  pendant  la  durée  des  cours  et,  en  plus 
de  leur  traitement  et  avantages  réglementaires,  une  indem- 
nité de  séjour  calculée  à  raison  de  50  fr.  par  mois  et,  en 
outre,  une  indemnité  de  route  pour  se  rendre  de  leur  rési- 
dence à  l'Ecole,  ainsi  que  pour  leur  retour.  Les  brigadiers- 
élèves  reçoivent  à  l'Ecole  une  instruction  générale  et  une 
instruction  forestière.  La  première  a  pour  but  de  leur 
donner  la  culture  intellectuelle  indispensable.  L'instruction 
forestière,  qui  est  à  la  fois  théorique  et  pratique,  est  dirigée 
de  façon  à  leur  faire  acquérir  l'aptitude  professionnelle 
nécessaire  pour  bien  remplir  les  fonctions  d'agents. 

La  durée  des  cours  d'études  est  de  deux  ans.  Le  pro- 
gramme de  l'enseignement  est  ainsi  divisé  :  première  année  : 
économie  forestière,  exploitation  et  débit  des  bois,  revision 
des  cours  d'arithmétique,  géométrie,  algèbre  et  trigono- 
métrie, lever  des  plans,  botanique,  droit  (première  partie), 
repeuplements  artificiels,  re vision  de  la  géographie  géné- 
rale. —  Deuxième  année  :  aménagement,  constructions, 
routes,  géologie,  zoologie,  dunes,  reboisement,  droit 
(deuxième  partie),  éléments  de  chimie,  agriculture,  notions 
de  littérature,  géographie  de  la  France.  —  Comme  exer- 
cices pratiques,  les  élèves  font,  sous  la  direction  des  pro- 
fesseurs, des  excursions  de  sylviculture  et  d'aménagement 
dans  les  forêts  de  Montargis  et  d'Orléans;  ils  en  suivent 
les  exploitations  et  y  font  des  études  de  toute  nature. 

A  la  fin  des  cours,  les  brigadiers-élèves  subissent,  devant 
le  directeur  et  les  professeurs  de  l'Ecole  réunis  en  jury, 
sous  la  présidence  du  directeur  de  l'administration  ou  d'un 
inspecteur  général  délégué,  les  examens  de  passage  en  pre- 
mière division  on  de  sortie.  Le  conseil  d'instruction  établit, 
à  la  fin  des  opérations  du  jury,  le  classement  des  élèves 
par  ordre  de  mérite,  d'après  les  résultats  de  ces  examens 
et  les  notes  de  l'année. 

Sortie.  —  Les  élèves  qui  ont  satisfait  aux  examens  de 
sortie  sont  nommés  gardes  généraux.  Ceux  qui  n'ont  pas 
satisfait  aux  examens  de  passage  ou  de  sortie  sont  ren- 
voyés dans  le  service  actif  avec  le  grade  de  brigadier,  ou 
même  replacés  à  celui  qu'ils  avaient  avant  l'entrée  à  l'Ecole. 
Ceux  qui  auraient  été  victimes  d'une  interruption  forcée  de 
travail  de  plus  de  quarante-cinq  jours  peuvent  être  auto- 
risés à  redoubler  une  année  de  cours.  A.-M.  B. 

Ecole  nationale  d'horticulture  de  Versailles. 
—  Destination.  —  L'Ecole  nationale  d'horticulture  de 
Versailles,  établie  au  potager  du  parc  et  dépendant  du  mi- 
nistère de  l'agriculture,  a  pour  objet  de  former  des  jardi- 
niers capables  et  instruits  dans  toutes  les  connaissances 


473  — 


ECOLE 


théoriques  et  pratiques  de  l'art  horticole.  Le  dernier  règle- 
ment est  de  juin  1891. 

Conditions  d'admission.  —  Les  candidats  doivent  être 
âgés  de  seize  ans  au  moins  et  de  vingt-six  ans  au  plus  au 
1^^'^  oct.  de  l'année  de  leur  admission.  Les  demandes  d'ad- 
mission, rédigées  sur  papier  timbré,  doivent  être  adressées 
aux  préfets  des  départements  dans  lesquels  résident  les 
candidats  et  parvenir  le  l^'^  sept,  au  plus  tard,  délai  de 
rigueur.  Toutefois,  pour  les  dép.  de  la  Seine  et  de 
Seine-et-Oise,  ces  demandes  doivent  être  adressées  au 
ministre  de  l'agriculture.  —  Elles  sont  accompagnées  : 
1^  de  l'acte  de  naissance  du  candidat;  2<*  d'un  certificat 
de  moralité  délivré  par  l'autorité  locale;  d'un  certificat 
de  médecin  attestant  la  bonne  constitution  et  l'aptitude 
physique  du  candidat  aux  travaux  des  jardins  ;  4°  des  cer- 
tificats, titres  ou  diplômes  dont  le  candidat  est  possesseur, 
ou  de  copies  certifiées  de  ces  pièces.  Sur  le  vu  de  ces 
pièces,  qui  doivent  être  légalisées,  le  ministre  ou  le  préfet 
autorise,  s'il  y  a  lieu,  le  candidat  à  se  présenter  à  l'exa- 
men et  lui  en  donne  avis. 

Examen,  Les  candidats  subissent  un  examen  d'admis- 
sion, qui  porte  sur  les  matières  suivantes  :  A.  Epreuves 
écrites  :  1°  dictée  d'ortographe,  servant  en  même  temps 
d'épreuve  d'écriture;  2o  questions  d'arithmétique  portant 
sur  les  applications  du  calcul  et  du  système  métrique,  avec 
solution  raisonnée;  3°  une  rédaction  d'un  genre  simple  (ré- 
cit, lettre,  etc.).  —  B.  Epreuves  orales  :  1°  analyse  d'une 
phrase  écrite  au  tableau  noir  ;  2<>  éléments  d'histoire  et  de 
géographie  de  la  France;  3<*  questions  d'application  pra- 
tique sur  le  calcul  et  le  système  métrique.  —  Les  épreuves 
de  cet  examen  ont  lieu  le  15  sept.,  à  la  préfecture  ou  à  la 
sous-préfecture,  devant  un  examinateur  désigné  par  le 
préfet,  ou  au  siège  même  de  l'Ecole  pour  les  candidats  de 
la  Seine  et  de  Seine-et-Oise. 

Les  candidats  qui  ont  subi  ces  épreuves  d'une  manière 
satisfaisante  sont  admis  élèves  titulaires.  Ceux  qui  ont 
obtenu  le  certificat  d'études  primaires  ou  le  certificat  d'ap- 
prentissage d'une  école  pratique  d'agriculture  ou  d'une 
ferme-école  sont  dispensés  de  l'examen  d'admission.  Les 
uns  et  les  autres  doivent  être  rendus  à  l'Ecole  le  1^'  oct., 
date  fixée  pour  l'ouverture  de  l'année  scolaire.  A  leur 
arrivée,  ils  subissent  tous  un  examen  de  classement,  qui 
sert  en  même  temps  pour  l'attribution  des  bourses  de 
l'Etat.  Pour  cet  examen,  il  est  tenu  compte  aux  élèves  des 
connaissances  techniques  qu'ils  peuvent  posséder. 

Régime  intérieur.  —  L'Ecole  ne  reçoit  que  des  élèves 
externes.  L'instruction  y  est  donnée  gratuitement.  La  durée 
des  études  est  de  trois  années.  Des  bourses,  au  nombre  de 
six,  d'une  valeur  de  1,000  fr.,  et  pouvant  être  frac- 
tionnées, sont  accordées,  chaque  année,  au  concours,  aux 
élèves  portés  parmi  les  premiers  sur  la  hste  de  classement. 

Les  demandes  de  bourses  doivent  être  adressées  direc- 
tement au  ministre  avant  le  1^^  sept.,  terme  de  rigueur. 
Celles-ci  ne  sont  données  qu'aux  élèves  qui  ont  justifié  de 
l'insuflisance  de  leurs  ressources  pour  leur  entretien  com- 
plet ou  partiel  à  Versailles.  Les  bourses  peuvent  être 
retirées,  si  les  titulaires  viennent  à  démériter. 

L'Ecole  d'horticulture  admet  également  des  élèves  s'en- 
tretenant  à  leurs  frais,  ainsi  que  ceux  envoyés  par  les 
départements,  les  villes,  les  associations  agricoles  ou  hor- 
ticoles ou  autres  sociétés  savantes,  subventionnés  par  ces 
diverses  administrations.  —  Tous  les  élèves,  boursiers  ou 
non,  sont  soumis  aux  mêmes  études,  aux  mêmes  travaux 
pratiques,  aux  mêmes  examens  et  aux  mêmes  règlements 
intérieurs.  Ils  ne  forment  à  l'Ecole  qu'une  seule  catégorie 
d'élèves  et  sont  astreints  aux  mêmes  obhgations. 

Discipline,  Des  règlements  particuliers  déterminent  les 
heures  de  présence  à  l'Ecole,  l'emploi  du  temps,  l'ordre 
des  travaux  et  les  règles  à  observer  pour  le  maintien  de  la 
discipline  intérieure."  Les  élèves  sont  tenus  de  s'y  sou- 
mettre sous  peine  des  punitions  qui  y  sont  indiquées.  — 
Chaque  année,  les  cours  théoriques  sont  suspendus  pendant 
deux  mois,  du  i^^  août  au  l^^oct.  Pendant  cette  période, 


des  congés  temporaires  peuvent  être  accordés  aux  élèves 
qui  en  font  la  demande  ;  mais  le  directeur  de  l'Ecole  reste 
libre  de  les  limiter  ou  de  les  refuser.  Tout  élève  qui  ne 
rentre  pas  à  l'expiration  de  son  congé  est  considéré  comme 
ayant  abandonné  l'Ecole  ;  il  est  rayé  des  contrôles  et  ne 
peut  rentrer  qu'en  vertu  d'une  décision  du  ministre. 

Enseignement,  L'enseignement  embrasse  les  matières 
suivantes  :  l''  l'arboriculture  fruitière  de  plein  air  et  de 
primeur;  la  pomologie;  2°  l'arboriculture  d'ornement  et 
forestière,  comprenant  la  pépinière  en  général  ;  3°  la  cul- 
ture potagère  de  primeur  et  de  pleine  terre  ;  A^  la  flori- 
culture  de  plein  air  et  de  serre  ;  5°  la  botanique  élémen- 
taire et  descriptive  ;  6^  les  principes  de  l'architecture  des 
jardins  et  des  serres  ;  7°  des  notions  élémentaires  de 
physique,  de  météorologie,  de  chimie,  de  géologie,  de 
minéralogie,  appliquées  à  la  culture  ;  8*^  les  éléments  de 
zoologie  et  d'entomologie  dans  leurs  rapports  avec  l'horti- 
culture et  l'arboriculture;  9° l'arithmétique  et  la  géométrie 
appliquées  aux  besoins  du  jardinage  (mesure  des  surfaces, 
cubages,  lever  de  plans,  nivellement,  etc.)  ;  10°  le  dessin 
linéaire,  le  dessin  de  plantes  et  d'instruments  ;  11°  des 
leçons  de  langue  française  et  de  comptabilité;  12°  des 
leçons  de  langue  anglaise  ;  13°  l'exercice  militaire. 

L'instruction  pratique  est  manuelle  et  raisonnée.  Elle 
s'applique  à  tous  les  travaux  de  jardinage,  quelles  que 
soient  leur  nature  et  leur  durée.  Les  élèves  sont  appelés 
à  fournir  la  main-d'œuvre  nécessaire  à  l'établissement,  et 
tenus  d'exécuter  ces  travaux,  auxquels  une  partie  de  leur 
temps  est  consacrée,  afin  d'acquérir  l'habileté  manuelle 
indispensable.  —  Indépendamment  des  cours  et  des  con- 
férences faits  à  l'Ecole,  des  visites  aux  principaux  établis- 
sements d'horticulture  permettent  de  mettre  sous  les  yeux 
des  élèves  les  meilleurs  exemples  de  la  pratique  horticole 
et  arboricole. 

A  la  fin  de  chaque  année  scolaire,  un  examen  général  a 
lieu  et  sert  à  étabhr  le  classement  des  élèves.  Ceux  d'entre 
eux  qui  sont  reconnus  trop  faibles  pour  passer  à  une  divi- 
sion supérieure  cessent  de  faire  partie  de  l'Ecole. 

Sortie.  —  Les  élèves  qui  ont  satisfait  aux  examens  de 
sortie  reçoivent,  sur  la  proposition  du  jury  d'examen,  un 
certificat  d'études  délivré  par  le  ministre.  En  outre,  les 
élèves  sortis  parmi  les  premiers  peuvent  obtenir,  si  le  degré 
de  leur  instruction  et  leurs  aptitudes  justifient  cette  faveur, 
un  stage  d'une  année  dans  de  grands  établissements  horti- 
coles de  la  France  ou  de  l'étranger.  Une  allocation  de 
1,200  fr.  est  affectée  à  chacun  de  ces  stages,  dont  le 
nombre  ne  peut  être  supérieur  à  deux  par  année.  Toutefois, 
le  stage  n'est  pas  acquis  de  droit  aux  élèves  classés  les 
premiers.  Il  est  accordé  dans  le  cas  seulement  où  les  notes 
des  examens  de  sortie  démontrent  qu'ils  sont  capables  de 
tirer  un  bon  parti  de  ce  complément  d'instruction,  et  de 
préférence  à  ceux  qui  manifestent  des  dispositions  pour 
l'enseignement  et  le  désir  de  s'y  consacrer. 

Ecoles  de  bergers.  —  Destination.  —  Les  écoles  de 
bergers  représentent  le  degré  le  plus  rudimentaire  d'instruc- 
tion. Elles  ont  pour  but  d'initier  les  jeunes  gens  à  la  con- 
duite et  à  la  bonne  gestion  des  troupeaux.  Il  en  existe  deux, 
celle  de  Rambouillet  (Seine-et-Oise),  annexée  à  une  ber- 
gerie nationale,  et  celle  de  Moudjebeur  (Algérie). 

ECOLE  DE  RAMBOUILLET.  —  CONDITIONS  d'admis- 
sioN.  —  Le  candidat  doit  avoir  quinze  ans  accomphs  et 
adresser,  avant  le  10  oct.,  au  ministre  de  l'agriculture,  une 
demande  accompagnée  des  pièces  suivantes  :  1°  son  acte  de 
naissance  ;  2°  un  certificat  constatant  qu'il  a  été  vacciné  ou 
qu'il  a  eu  la  petite  vérole,  qu'il  est  d'une  bonne  constitu- 
tion et  qu'il  n'est  atteint  d'aucune  infirmité  qui  le  rende 
impropre  aux  travaux  des  champs  ;  3°  un  certificat  de 
bonnes  vie  et  mœurs  ;  4°  un  procès-verbal  de  l'examen 
qu'il  a  dû  passer  préalablement  devant  l'instituteur  de  sa 
commune  sur  la  lecture,  l'écriture  et  la  pratique  des  quatre 
premières  règles  de  l'arithmétique  ;  à  ce  procès-verbal  doit 
être  jointe  une  page  écrite  par  le  candidat. 

Régime  intérieur.  —  La  durée  de  l'apprentissage  est 


ECOLE 


—  474  — 


de  deux  ans.  Le  régime  de  l'Ecole  est  l'internat.  La  nour- 
riture et  l'enseignement  sont  gratuits.  L'année  scolaire 
commence  le  1^^  nov. 

Sortie.  —  Au  terme  des  deux  années  d'apprentissage 
les  élèves  subissent  un  examen  de  sortie  et  reçoivent,  s'ils 
en  sont  jugés  dignes,  une  prime  de  200  fr.  (300  fr.  pour 
le  premier)  et  un  certificat  d'aptitude. 

ECOLE  DE  MOUDJEBEUR.  —  Conditions  d'admis- 
sion. —  Le  nombre  des  élèves  à  admettre  chaque  année 
est  fixé  à  25.  Pour  être  admis,  les  candidats  européens 
ou  indigènes  doivent  être  âgés  de  quatorze  ans  au  moins. 
Ils  ont  à  se  présenter,  avant  le  15  oct.,  à  la  direction  de 
l'établissement  ou  à  se  faire  inscrire  aux  préfectures,  sous- 
préfectures,  mairies,  bureaux  de  cercles  ou  d'annexés  de 
l'Algérie,  et  à  produire  :  1^  un  certificat  de  bonne  con- 
duite délivré  par  l'autorité  locale  de  leur  circonscription 
administrative  (maire,  administrateur  de  commune  mixte, 
commandant  supérieur  de  cercle  ou  d'annexé)  ;  2°  un  cer- 
tificat de  médecin  constatant  qu'ils  ont  été  vaccinés  ou 
qu'ils  ont  eu  la  petite  vérole,  qu'ils  sont  d'une  bonne 
constitution  et  qu'ils  ne  sont  atteints  d'aucune  infirmité  qui 
les  rende  impropres  aux  travaux  des  champs. 

Régime  intérieur. —  La  durée  de  l'apprentissage  est  de 
trois  ans.  L'enseignement  est  gratuit  et  essentiellement 
pratique.  Le  régime  de  l'Ecole  est  l'internat.  Les  élèves 
ont  à  fournir  un  trousseau.  L'année  scolaire  commence  le 
d^^  nov. 

Des  jeunes  gens,  âgés  de  seize  ans  au  moins,  et  justifiant 
qu'ils  ont  reçu  une  bonne  instruction  primaire,  peuvent 
obtenir  de  suivre,  à  titre  d'apprentis  ou  de  stagiaires,  les 
opérations  du  domaine  rural  et  l'administration  du  trou- 
peau. L'enseignement  et  le  logement  leur  sont  donnés  gra- 
tuitement. Pour  leur  pension,  ils  ont  à  payer  une  rétribu- 
tion de  600  fr.  par  an,  payable  d'avance  et  par  trimestre, 
à  moins  qu'il  ne  leur  ait  été  fait  remise  totale  ou  partielle 
de  cette  pension. 

Sortie.  —  A  l'expiration  des  trois  années  d'apprentis- 
sage, les  élèves  subissent  un  examen  de  sortie  qui  s'étend 
sur  la  pratique  raisonnée  des  travaux  de  la  ferme  et  sur 
toutes  les  opérations  pratiques  relatives  à  la  conduite  des 
troupeaux.  Un  diplôme  est  délivré  aux  apprentis  qui  en 
sont  jugés  dignes.  A.-M.  B. 

Ecoles  pratiques  d'agriculture.  —  Organisation 
GÉNÉRALE.  — Lcs  écolcs  pratiques  d'agriculturc  ont,  d'après 
la  loi  du  30  juil.  1875,  pour  objet  de  donner,  concurrem- 
ment avec  les  fermes-écoles  (V.  ce  mot),  un  enseignement 
élémentaire  agricole  pratique.  Ce  sont  des  institutions  appar- 
tenant à  des  départements  ou  même  à  des  particuliers  qui 
les  gèrent  à  leurs  risques  et  périls.  Le  gouvernement  ne 
s'occupe  que  de  l'enseignement  dont  il  paye  les  frais  et  sur- 
veille la  bonne  direction.  Les  écoles  se  fondent  après  avis 
du  conseil  général  ;  le  ministre  fait  étudier  le  domaine  et 
crée  l'école  pratique  par  arrêté.  Les  frais  de  premier  éta- 
blissement incombent,  en  général,  au  département. 

Voici  quelles  sont  les  conditions  générales  d'organisation 
des  écoles  pratiques  d'agriculture.  Nous  exposerons  ensuite 
ce  qui  est  particulier  à  chacune  d'elles,  s'il  y  a  lieu. 

Elles  sont  destinées  à  donner  une  bonne  instruction  pro- 
fessionnelle aux  fils  de  cultivateurs,  vignerons,  proprié- 
taires et  fermiers,  et,  en  général,  aux  jeunes  gens  qui  se 
destinent  à  la  carrière  agricole.  Leur  programme  et  leur 
destination  varient  selon  les  départements  (V.  ci-après). 
La  limite  d'âge  supérieure  est  partout  de  dix-huit  ans  pour 
les  élèves  proprement  dits. 

Pour  être  admis  à  ces  écoles,  il  faut  être  pourvu  d'une 
bonne  instruction  primaire.  Les  conditions  d'âge  varient, 
mais  le  plus  généralement,  on  est  reçu  de  treize  à  dix-huit 
ans.  Un  comité  de  surveillance  et  de  perfectionnement  fait 
fonctions  de  jury  d'examen  pour  l'admission  des  élèves. 
L'examen  d'admission  porte  sur  la  langue  française,  l'arith- 
métique et  le  système  métrique,  les  notions  générales  d'his- 
toire et  de  géographie  de  la  France.  Il  est  tenu  compte 
aux  candidats  des  connaissances   en  dessin,  géométrie, 


sciences  physiques,  chimiques  et  naturelles  qui  ne  sont  pas 
exigées  pour  l'examen.  Les  candidats  munis  du  certificat 
d'études  primaires  ou  de  l'enseignement  secondaire  seront 
reçus  de  droit  jusqu'à  concurrence  du  nombre  des  places 
disponibles. 

Les  candidats  adressent  leur  demande  d'inscription  au 
directeur  de  l'école  et  doivent  produire  les  pièces  suivantes  : 
1^  demande  des  parents  ;  2°  extrait  de  l'acte  de  naissance 
du  candidat  ;  3«  certificat  de  vaccine  ;  4°  certificat  de  bonne 
conduite  délivré  par  le  chef  de  rétal3lissement  dans  lequel 
le  candidat  a  accompli  sa  dernière  année  d'études,  ou,  à 
défaut,  par  le  maire  de  sa  dernière  résidence  ;  5°  engage- 
ment du  père  de  famille  ou  du  répondant  d'acquitter  régu- 
lièrement le  prix  de  la  pension;  6<*  enfin  les  certificats 
d'études  dont  le  candidat  peut  être  pourvu.  Les  candidats 
pour  lesquels  une  bourse  est  demandée  doivent  joindre  à 
ces  pièces  une  délibération  du  conseil  municipal  de  la  com- 
mune où  réside  la  famille,  constatant  l'état  de  ses  ressources 
et  de  ses  charges.  Les  candidats  aux  bourses,  quels  que 
soient  les  titres  universitaires  ou  autres  dont  ils  sont  pour- 
vus, doivent  subir  l'examen. 

Les  examens  d'admission  ont  lieu,  d'ordinaire,  chaque 
année,  le  15  sept.,  au  siège  de  l'école. 

La  durée  de  l'enseignement  est  de  deux  ou  trois  ans. 
L'enseignement  est  théorique  et  pratique  ;  il  comporte  les 
matières  suivantes  :  développement  de  l'enseignement  pri- 
maire, rédaction,  lecture,  calcul,  géométrie,  arpentage, 
nivellement,  éléments  d'histoire  naturelle,  de  météorologie, 
de  physique  et  de  chimie,  agriculture,  mécanique  agricole, 
horticulture,  arboriculture,  économie  rurale,  zootechnie, 
comptabilité.  Le  temps  des  élèves  est  réparti  par  moitié 
entre  le  travail  manuel  et  les  leçons. 

Ces  écoles  reçoivent  toutes  des  internes,  pour  lesquels 
elles  sont  plus  spécialement  organisées,  étant  placées,  par 
définition,  à  la  campagne  et,  le  plus  souvent,  assez  loin 
des  centres  de  communication.  Mais  la  plupart  reçoivent 
également  des  demi-pensionnaires  et  des  externes.  Le  prix 
de  pension  sera  indiqué  pour  chaque  école;  naturellement, 
les  internes  fournissent  en  outre  leur  trousseau.  Un  grand 
nombre  de  bourses  sont  instituées  dans  chacune  des  écoles 
pratiques  d'agriculture  par  l'Etat,  les  départements,  les 
communes,  les  comices  agricoles,  etc. 

Les  élèves  qui  ont  satisfait,  pendant  leur  séjour  à  l'école, 
aux  examens  particuliers  et  de  fin  d'études,  reçoivent,  à 
leur  sortie,  un  certificat  d'études  qui,  sous  le  régime  de  la 
loi  de  1872,  leur  donnait  droit  au  bénéfice  du  volontariat 
d'un  an.  11  ne  confère  aucun  avantage  d'après  la  loi  de 
1889,  mais  les  élèves  qui  l'ont  reçu  ont  le  droit  de  con- 
courir pour  les  bourses  instituées  à  l'Institut  agronomique 
et  dans  les  écoles  nationales  d'agriculture  en  faveur  des 
meilleurs  élèves  des  écoles  pratiques. 

Nous  plaçons  ici  la  liste,  par  ordre  alphabétique  de 
département,  des  écoles  pratiques  d'agriculture  en  indiquant 
brièvement  les  conditions  qui  sont  particulières  à  chacune 
d'elles  : 

Alger  :  Rouïba  (par  Alger).  Agriculture  et  Viticulture, 
14  ans  au  moins.  Internes,  600  fr.  ;  de  plus,  élèves  sur- 
numéraires aux  mêmes  conditions  et  stagiaires  libres 
(330  fr.  par  trimestre).  Deux  ans  d'études. 

Allier  :  Turreaux.  Agriculture, 

Bouches-du-Rhône  :  Valabre  {i^slv  G^Lràonne) ,  Agricul- 
ture et  Viticulture.  13  ans  au  moins.  Internes,  400  fr.; 
demi-pensionnaires,  200  fr.  ;  externes,  gratuitement.  Trois 
ans  d'études. 

Côte-d'Or  :  Beaune.  Agriculture  et  Viticulture.  13  ans 
au  moins.  Internes,  500  fr.  ;  demi-pensionnaires,  250  fr.  ; 
externes,  50  fr.  Trois  ans  d'études. 

Eure  :  Le  Neubourg.  Agriculture.  13  ans  au  moins. 
Internes,  500  fr.  ;  demi-pensionnaires,  250  fr.  ;  externes, 
100  fr. 

Finistère  :  Lézardeau  (par  Quimperlé).  Agriculture 
et  Irrigation.  L'Ecole  pratique  d'agriculture  et  d'irriga- 
tion de  Lézardeau  est  destinée  à  donner  une  bonne  instruc- 


-  475 


ÉCOLE  —  ECOLES 


tion  professionnelle  aux  fils  de  cultivateurs,  propriétaires 
ou  fermiers,  et,  en  général,  aux  jeunes  gens  se  préparant 
à  la  carrière  agricole,  ainsi  qu'à  former  des  agents  spéciaux 
pour  les  travaux  d'irrigation  et  de  drainage.  L'examen 
d'admission  a  lieu  à  la  fin  d'octobre  et  porte  sur  l'orthographe, 
l'arithmétique  et  la  géométrie.  La  durée  des  études  est  de 
deux  ans;  toutefois,  les  élèves  qui  recherchent  spécialement 
l'enseignement  de  l'irrigation  et  du  drainage  entrent  immé- 
diatement en  deuxième  année  s'ils  possèdent  le  certificat 
d'instruction  d'une  ferme-école  ou  s'ils  justifient  des  con- 
naissances agricoles  nécessaires.  L'âge  minimum  d'admis- 
sion est  fixé  à  quinze  ans  pour  les  élèves  de  la  première 
année  et  à  seize  ans  pour  ceux  qui  entrent  directement  en 
deuxième  année.  Les  élèves  qui  se  destinent  aux  études 
spéciales  d'irrigation  et  entrent  en^  seconde  année,  sont 
choisis  de  préférence  parmi  les  premiers  des  fermes-écoles, 
sur  la  présentation  d'un  certificat  d'études  et  d'un  certi- 
ficat du  directeur  de  la  ferme-école  d'où  ils  sortent.  Ils 
subissent  en  entrant  un  examen  destiné  à  permettre  leur 
classement  et  à  déterminer  ceux  qui  ont  droit  aux  bourses, 
dans  le  cas  de  candidats  plus  nombreux  que  les  bourses. 
Les  matières  de  l'examen  sont  les  mêmes  que  pour  l'entrée 
en  première  année. 

lUe-et-Vilaine.  Coetlogon,  àTrois-Croix  (près  de  Rennes). 
Ecole  de  Laiterie,  L'Ecole  fondée  le  4févr.  4886,  annexée 
à  la  ferme-école  du  département,  est  la  seule  école  d'agri- 
culture pour  les  femmes;  elle  reçoit  des  jeunes  filles  internes 
de  44  ans  au  moins.  8  bourses  sont  accordées  chaque 
année  par  l'Etat.  Le  prix  de  la  pension  est  de  2o0  fr.  La 
durée  des  études  est  de  six  mois  ;  les  meilleures  élèves 
peuvent  rester  une  année.  L'enseignement  est  théorique  et 
pratique.  L'instruction  théorique  comprend  :  4<>  l'étude  de 
la  vache  laitière,  caractère,  soins,  alimentation,  élevage 
et  engraissement  des  veaux;  2^  l'hygiène  des  étables; 
3°  la  technologie  du  lait,  fabrication  du  beurre  et  du  fro- 
mage, utilisation  des  déchets  de  laiterie  ;  4<'  la  porcherie 
et  la  basse-cour,  élevage  et  engraissement  ;  5^  le  ménage 
de  la  ferme,  les  soins  intérieurs,  la  comptabilité  delaferme 
et  spécialement  de  l'exploitation  laitière.  L'enseignement 
pratique  comprend  les  travaux  de  laiterie,  de  basse-cour  et 
d'horticulture.  Au  terme  des  études  et  après  examen,  on 
délivre  auv  élèves  un  certificat  d'instruction. 

Loiret.  Le  Chesnoy  (près  de  Montargis).  Agriculture. 

Manche.  Coigny.  Agriculture  et  Laiterie, 

Marne  (Haute-).  Saint-Bon  (com.  de  Champcourt,  près 
de  Biaise),  45  ans  au  moins.  Internes,  450  fr.  Deux  ans 
d'études. 

Meurthe-et-Moselle.  Ecole  Mathieu  de  Dombasle,  au 
château  de  Tombelaine,  près  de  Nancy.  Agriculture,  4  5  ans 
au  moins.  Internes,  600  fr.;  externes,  200  fr.  Auditeurs 
libres.  Deux  ans  d'études. 

Meuse.  Les  MERcmNES  (près  de  Vaubecourt).  Agri- 
culture, 

Morbihan.  Le  Grand-Resto  (près  de  Pontivy).  Agri- 
culture, 44  ans  au  moins.  Internes,  350  fr.,  trousseaux 
et  literie  ;  demi-pensionnaires,  200  fr.  ;  externes,  50  fr. 
Deux  ans  d'études. 

Pas-de-Calais.  Berthonval  (près  de  Mont-Saint-Eloy) . 
Agriculture,  43  ans  au  moins.  Internes,  400  fr,;  demi- 
pensionnaires,  200  fr.  ;  externes  50  fr.  Trois  ans  d'études. 

Puy-de-Dôme.  La  Molière  (près  de  Billom).  Agricul- 
ture. 14  ans  au  moins.  Internes,  400  fr.;  externes,  gra- 
tuitement. 

Rhône.  Ecully  (près  de  Lyon).  Agriculture,  Admission 
exclusivement  au  concours.'  44  ans  au  moins.  Internes 
450  fr.  ;  externes,  50  fr.  Trois  ans  d'études. 

Seine-Inférieure.  Aumale.  Agriculture.  43  ans  au  moins. 
Internes,  500  fr.  ;  demi-pensionnaires,  250  fr.  ;  externes, 
50  fr.  Trois  ans  d'études. 

Somme.  Le  Paraclet  (près  de  Boves).  Agriculture, 
43  ans  au  moins.  Internes,  450  fr. 

Haute-Saône.  Saint -Remy  (près  d'Amance).  Agricul- 
ture, 45  ans  au  moins.  Internes,  25  ou  50  fr.  par  mois. 


400  fr.  avec  chambre  particulière.  L'Ecole  vise  autant 
l'éducation  des  futurs  propriétaires  agriculteurs  que  celle 
des  cultivateurs  et  fermiers.  La  durée  des  études  est  de 
deux  ans  et  demi. 

Vaucluse.  Avignon.  Viticulture  et  Irrigation. 

Vendée.  Fontenay-le-Comte.  Agriculture. 

Vosges.  Saulxures-sur-Moselle.  Agriculture  et  Lai- 
terie. 42  ans  au  moins.  Internes,  500  fr,;  demi-pension- 
naires,  250  fr.  ;  externes,  50  fr.  Deux  ans  d'études. 

Yonne.  La  Brosse  (près  ^'kMy.QVVQ).  Agriculture.  44  ans 
au  moins.  Internes,  450  fr.  Trois  ans  d'études.    A.-M.  B. 

BiBL.  :  Le  document  fondamental,  pour  les  écoles  pri- 
maires surtout,  est  le  Dictionnaire  de  pédagogie  de 
Buisson  ;  Paris,  1882  et  1887.  ^       ^     ,       ^   ... 

Pour  l'architecture,  V.  F.  Narjoux,  les  Ecoles  pwbii- 
Ques,  etc.:  Paris,  1879,  in-8,  fig.  ,       ,     ,  .       •     „ 

Pour  rhygiène,  V.  Javal,  Hygiène  des  écoles  primaires. 
Rapport  au  ministre  de  l'instruction  publique  1884.  — 
Drouineau,  Règlement  de  1882  sur  les  constructions 
scolaires. -Lay ET,  art.  Ecoles,  dans  le  Dictionnaire  ency- 
clopédique de  médecine  moderne,  1890.  —  Arinoult,  te 
Groupe  scolaire,  dans  Eléments  d'hygiène. 

Pour  les  écoles  normales,  V.  dans  le  Recueil  des  mono- 
graphies  pédagogiques,  1889,  t.  11,  les  travaux  de  Jacou- 
LET,  Notice  historique  sur  les  Ecoles  normales  dinsti- 
tuteurs  et  d'institutrices,  et  de  Pécaut,  Organisation  et 
administration  matérielles  des  Ecoles  normales.— \ .  aussi 
la  notice  de  Dupuy,  l'Ecole  normale  supérieure. 

Pour  les  grandes  écoles  du  gouvernement,  les  pro- 
grammes sont  publiés  par  Delalain.  —  V.  aussi  statis- 
tique de  l'enseignement  supérieur  de  1868  à  1818;  Fans, 
1879,  in-4,  et  de  1818  à  1888;  Paris,  1889,  in-4  -Mqrtimer 
d'Ocagne,  les  Grandes  Ecoles  de  France;  Pans,  1887.  — 
Andreani,  les  Ecoles  françaises  civiles  et  militaires; 
Paris,  1891.—  Les  principales  écoles  ont  donne  heu  a  aes 
monographies.  -  Foucy,  Histoire  de  l'Ecole  polytech- 
nique.— PiNET,  Histoire  de  l'Ecole  polytechnique  ;  Pans, 
1887.  —  CoMBEROUssE,  Histoirc  de  l'Ecole  centrale  des 
arts  et  manufactures;  Paris,  1879.  -  Eug.  Muntz,  Guide 
de  l'Ecole  nationale  des  beaux-arts;  Pans,  in-8,  tig.    ^ 

ÉCOLE.  Com.  dudép.  de  la  Savoie,  arr.  de  Chambery, 
cant.  du  Châtelard  ;  839  hab. 

ÉCOLES  CHRÉTIENNES  (Frères des) . Leur  institut,  appelé 
aussi  Congrégation  DES  Frères  de  Saint-Yon,  a  été  tonde 
par  Jean-Baptiste  de  La  Salle,  né  à  Reims  en  ^654,  mort 
en  4749,  déclaré  vénérable  par  Grégoire  XYI  (8  mai  '^^^^h 
bienheureux  par  Pie  IX  (Y.  Canonisation,  t.  IX,  p.  82, 
col.  4).  Fils  d'un  conseiller  au  présidial  de  Reims,  J.-B. 
de  La  Salle  était  chanoine  de  l'église  de  cette  ville,  àèsUge 
de  quinze  ans  (4666);  il  ne  reçut  la  prêtrise  qu  en  4578. 11 
commença  par  consacrer  son  activité  aux  enfants  pauvres 
en  sollicitant  et  en  obtenant  des  lettres  patentes  pour  1  éta- 
blissement des  sœurs  de  TEnfant-Jésus  (Y.  Enfant-Jésus 
[Sœurs  de  1'])  fondé  par  Roland,  chanoine  et  théologal  de 
Reims.  Yers  le  même  temps,  il  contribuait  puissamment 
par  ses  conseils,  son  influence  et  ses  sacrifices  personnels 
à  l'ouverture  d'écoles  gratuites  pour  les  garçons,  dans  les 
paroisses  Saint-Maurice  et  Saint- Jacques.  En  4679,  il  se 
voua  entièrement  à  cette  œuvre  ;  pour  la  maintenir  et  la 
développer,  il  s'appliqua  à  recruter  et  à  préparer  des  maî- 
tres selon  ses  vues.  Il  les  réunit  dans  une  maison  particu- 
lière et  constitua  avec  eux  une  sorte  de  communauté  dont 
il  devint  le  directeur  et  le  confesseur.  Mais,  comme  il  pos- 
sédait lui-même  un  riche  canonicat  et  une  grande  fortune, 
ces  maîtres  goûtaient  peu  les  leçons  de  renoncement  et 
d'abandon  à  la  providence  qu'il  s'efforçait  de  leur  incul- 
quer ;  plusieurs  cherchèrent  ailleurs  des  occupations  pro- 
mettant un  avenir  plus  assuré.  Afin  de  les  convaincre  par 
son  exemple,  il  résigna  son  canonicat  en  faveur  d'un  prêtre 
pauvre,  qu'il  préféra  à  son  propre  frère  ;  pendant  la  famine 
de  4684,  il  distribuaaux  pauvres  le  prix  de  tous  ses  biens. 
Devenu  pauvre  lui-même,  il  mendia  publiquement  dans  sa 
ville  natale,  au  grand  chagrin  de  sa  famille.  —  Apres 
Reims,  ce  fut  à  Rethel  et  à  Guise  que  s'ouvrirent  les  pre- 
mières écoles  tenues  par  des  maîtres  formés  par  La  Salle. 
En  4684,  ils  commencèrent  à  faire  des  vœux  de  chasteté, 
de  pauvreté  et  d'obéissance;  ils  adoptèrent  le  costume 
qu'ils  portent  encore  et  prirent  le  nom  de  frères  des 
Ecoles  chrétiennes.  La  Salle  voulait  que  leurs  vœux  ne 
fussent  que  pour  trois  ans  ;  mais,  sur  les  instances  des 


ECOLES 


—  476  — 


frères,  il  consentit  à  des  vœux  perpétuels.  En  1688,  il  vint 
à  Paris,  avec  deux  de  ses  disciples,  et  y  ouvrit  une  école, 
rue  Princesse,  dans  la  paroisse  Saint-Sulpice.  En  1705,  il 
acheta  dans  le  faubourg  Saint-Sever,  à  Rouen,  la  maison 
de  Saint- Yen,  dont  il  fit  le  centre  de  son  institut.  Il  établit 
d'abord  à  Reims,  ensuite  à  Paris,  des  séminaires  de  maîtres 
d'école,  qu'on  peut  considérer  comme  les  premières  écoles 
normales  d'instituteurs;  il  forma  un  noviciat  pour  les  ado- 
lescents et  un  autre  pour  des  jeunes  gens  plus  avancés. 
Enfin,  il  compléta  son  œuvre  en  organisant  des  leçons 
dominicales  pour  les  ouvriers.  —  A  sa  mort,  sa  congré- 
gation possédait  des  écoles  à  Mais,  Avignon,  Roulogne, 
Calais,  Chartres,  Dijon,  Grenoble,  Guise,  Laon,  Marseille, 
Mende,  Moulins,  Paris,  Reims,  Rouen,  Saint-Denis,  Troyes, 
Les  Vans,  Versailles.  Au  début,  elle  avait  rencontré,  en 
divers  endroits, une  vive  opposition,  soit  delà  part  des  su- 
périeurs ecclésiastiques,  en  méfiance  contre  une  institution 
nouvelle  et  d'aspect  singulier,  soit  de  la  part  des  maîtres 
d'école  lésés  par  la  concurrence  d'un  enseignement  gratuit 
et  soutenus  par  les  chantres  des  chapitres  qui  exerçaient 
juridiction  sur  eux  (Y.  Chantre).  Les  meubles  de  ses  mai- 
sons furent  plus  d'une  fois  saisis  pour  fournir  le  payement 
des  amendes  auxquelles  les  frères  avaient  été  condamnés. 

Vers  la  fin  de  sa  vie,  La  Salle  se  démit  de  la  direction 
de  son  institut  ;  il  réunit  les  frères  en  assemblée  générale 
et  leur  fit  adopter  formellement  comme  statuts  les  règles 
que  son  exemple  et  son  autorité  personnelle  avaient  fait 
pratiquer  pendant  près  de  quarante  ans.  Les  dispositions 
caractéristiques  de  ces  statuts  primitifs  sont  :  la  prescrip- 
tion d'une  absolue  gratuité  (art.  1, 17,  25,  27);  l'obliga- 
tion de  l'enseignement  simultané  ;  la  nécessité  de  la  présence 
de  trois  frères  au  moins  en  chaque  maison;  l'interdiction 
d'admettre  des  prêtres  comme  membres  de  la  congrégation  ; 
la  défense  de  recevoir  des  pensionnaires  dans  les  maisons 
d'école  (ch.  xiv);  celle  d'enseigner  le  latin  à  qui  que  ce 
fût,  dans  la  maison  et  au  dehors.  Les  frères  qui  avaient 
appris  la  langue  latine  n'en  devaient  faire  aucun  usage 
dans  la  maison  et  se  comporter  comme  s'ils  ne  le  savaient 
point  (art.  60).  Le  programme  officiel  des  études  compre- 
nait la  lecture  du  français  et  du  latin,  des  livres  et  des 
manuscrits,  l'écriture,  l'histoire  sainte,  les  éléments  de  la 
langue  française,  l'arithmétique  ;  des  exercices  religieux  et 
une  instruction  édifiante  donnée  chaque  jour  pendant  une 
demi-heure  (Statuts  publiés  en  i787),  —  Leur  institut 
fut  approuvé  par  Renoît  XIII,  en  janv.  1725,  six  années 
environ  après  la  mort  de  La  Salle.  En  1770,  le  siège  de 
l'institut  fut  étabh  à  Reims;  quelques  années  plus  tard, 
il  fut  transféré  à  Melun.  En  1789,  la  congrégation  com- 
prenait 1,000  frères  et  possédait  121  maisons.  Elle  fut 
supprimée  par  le  décret  du  18  août  1792,  qui  liquida  les 
pensions  des  frères  d'après  le  nombre  des  années  qu'ils 
avaient  vécu  dans  la  congrégation:  Le  maximum  de  ces 
pensions  était  de  900  livres  (tit.  III,  ch.  ii,  art.  1).  Le 
refus  ou  le  défaut  du  serment  civique  emportait  déchéance 
(tit.  V,  art.  1). 

Les  frères  reparurent  en  1801  ;  dès  1802,  ils  ouvrirent 
des  écoles  à  Lyon,  à  Paris,  à  Saint-Germain-en-Laye,  au 
Gros-Caillou,  à  Toulouse.  Le  gouvernement  autorisa  les 
villes  à  admettre  ces  écoles  et  à  en  faire  supporter  les  frais 
par  les  hospices.  Le  2  sept.  1805,  les  frères  reprirent  leur 
costume.  Le  décret  du  17  mars  1808  légalisa  leur  existence 
et  statua  qu'ils  seraient  brevetés  et  encouragés  par  le  grand 
maître  de  l'Université,  qui  viserait  leurs  statuts  intérieurs, 
les  admettrait  au  serment,  leur  prescrirait  un  habit  et  fe- 
rait surveiller  leurs  écoles  (art.  109).  Leurs  supérieurs 
pouvaient  être  membres  de  l'Université.  L'archevêque  de 
Lyon  obtint  pour  les  frères  l'exemption  du  service  mili- 
taire. Sous  la  Restauration,  le  gouvernement  les  combla  de 
faveurs  et  leur  accorda  une  grande  maison  au  faubourg 
Saint-Martin,  à  Paris.  En  1824,  leur  institut  comptait  en 
France  1,800  frères  et  197  maisons.  Activement  mêlés  à 
la  politique  réactionnaire  et  cléricale  de  la  Restauration, 
ils  reçurent  le  contre-coup  de  la  révolution  de  Juillet. 


Mais  ils  se  relevèrent  bientôt.  Dès  1848,  ils  étaient  déjà 
en  mesure  de  profiter  des  immenses  avanltages  que  devait 
leur  offrir  la  loi  du  15  mars  1850.  Sous  l'Empire  et 
pendant  les  premières  années  de  la  troisième  République, 
leur  institut  prit  un  énorme  développement.  En  1854, 
le  gouvernement  des  écoles  chrétiennes  fut  divisé  en  vingt 
provinces  :  dix  pour  la  France,  l'Algérie  et  les  colonies  ; 
les  dix  autres  pour  l'Allemagne,  la  Relgique,  la  Suisse, 
la  Savoie,  le  Piémont,  les  Etats  de  l'Eglise,  le  Levant, 
le  Canada,  les  Etats-Unis  et  la  Malaisie.  Les  frères  avaient 
dans  ces  vingt  provinces  750  établissements,  1,353  écoles, 
4,-126  classes,  275,000  élèves.  L'institut  comptait  alors 
7,000  membres.  En  1878,  il  en  avait  9,818  répartis 
dans  1,064  écoles  publiques  et  385  écoles  libres.  Il  a 
des  noviciats  à  Castletown  (Irlande),  Vienne  (Autriche), 
Alost  (Relgique) ,  Madrid  (Espagne) ,  Albano  (Italie) , 
Colombo  (île  Ceylan),  El-Riar  (Algérie),  Ramleh  (Egypte, 
près  d'Alexandrie) ,  Saint -Denis  (île  de  la  Réunion), 
Montréal  (Canada),  Baltimore,  New-York,  Saint-Louis, 
San  Francisco  (Etats-Unis),  Quito  (Equateur),  Santiago 
(Chili).  —  La  maison  mère  est  à  Paris,  rue  Oudinot,  27 
(ancienne  rue  Plumet)  ;  elle  a  été  concédée  pour  remplacer 
la  maison  du  faubourg  Saint-Martin  expropriée  à  cause  de 
l'établissement  du  chemin  de  fer  de  Strasbourg.  L'institut 
est  dirigé  dans  son  ensemble  par  un  supérieur  général 
nommé  à  vie  par  un  chapitre  général.  Mais  à  ce  supé- 
rieur est  adjoint  un  conseil  permanent  composé  de  huit 
assistants,  lesquels  sont  aussi  élus  à  vie  par  le  chapitre 
général.  L'administration  proprement  dite  est  confiée  à  un 
procureur.  La  province  de  Savoie  a  conservé  son  siège 
distinct  à  Chambéry  :  31  maisons,  202  frères  (en  1861). 
Cet  institut  est  peut-être,  de  toutes  les  congrégations 
religieuses,  celle  qui  a  payé  la  rançon  du  vœu  de  chasteté 
par'^les  plus  nombreuses  condamnations  pour  attentats 
aux  mœ.urs.  Quelques-unes  de  ces  condamnations,  comme 
celle  du  frère  Léotade  (viol  et  assassinat  de  Cécile  Com- 
bette),  appartiennent  à  l'histoire  des  Causes  célèbres.  Les 
lois  qui  ont  institué  la  laïcité  et  la  gratuité  dans  les  écoles 
pubhques  où  se  donne  l'instruction  primaire  ont  enlevé 
beaucoup  d'écoles  aux  frères.  Mais,  comme  ils  n'exercent 
que  dans  les  villes  ou  des  communes  importantes,  ils  ont 
pu  rassembler  un  grand  nombre  d'élèves  dans  des  établis- 
sements soutenus  par  les  catholiques  dévots  et  par  les 
adversaires  du  régime  républicain.  Ils  compensent,  d'ail- 
leurs, largement  ce  qu'ils  ont  perdu  du  côté  de  l'instruc- 
tion communale,  par  le  développement  toujours  croissant 
de  la  partie  la  plus  moderne  de  leur  œuvre.  Ils  ont  élargi 
considérablement  le  programme  de  leur  enseignement  : 
contrairement  à  leurs  statuts  primitifs,  ils  ont  délaissé 
la  gratuité  et  pris  des  pensionnaires  ;  ils  tiennent  des 
orphelinats ,  des  maisons  d'apprentissage ,  des  fermes- 
écoles  et  même  des  hôtels  garnis,  des  pensionnats  et  des 
demi-pensionnats,  des  établissements  d'instruction  profes- 
sionnelle, industrielle  et  commerciale.  Leurs  maisons  de 
Passy,  de  Saint-Nicolas  et  plusieurs  autres,  dans  nos  dé- 
partements, sont,  en  leur  genre,  des  institutions  de  premier 
ordre.  Par  leur  nombre,  par  leur  organisation,  par  leur 
discipline,  par  l'esprit  d'entreprise  et  de  persévérance  qui 
les  anime,  par  leur  origine  ;  par  les  ressources  qu'ils  pos- 
sèdent déjà  et  qui  s'accroissent  toujours  ;  par  la  valeur 
pratique  de  leurs  méthodes,  dirigées  par  une  expérience 
séculaire  et  appliquées  avec  suite,  du  commencement  à  la 
fin  des  études  (pour  l'examen  critique  de  ces  méthodes, 
V.  Frères  [Pédagogie])  ;  par  la  clientèle  qu'ils  recrutent 
parmi  les  ouvriers,  la  petite  et  même  la  'moyenne  bour- 
geoisie ;  par  les  principes  qu'ils  inculquent  à  leurs  élèves  ; 
par  les  habitudes  de  protection  mutuelle  auxquelles  ils  les 
dressent  ;  par  les  rapports  constants  qu'ils  entretiennent 
avec  eux,  après  leur  sortie  ;  par  les  avantages  qu'ils 
savent  leur  procurer  dans  le  monde  bien  pensant;  par 
leur  zèle  pour  les  patronages  et  les  cercles  d'ouvriers,  ils 
sont  devenus  la  milice  la  plus  puissante  du  parti  clérical  : 
une  puissance  dont  il  serait  insensé  de  méconnaître  les 


—  477  — 


ECOLES  —  ECONOME 


causes  et  les  effets.  —  OEuvr es  principales  de  J.-B.  de  La 
Salle  :  Règles  de  la  bienséance  et  de  la  civilité  chré- 
tienne ;  Conduite  des  écoles  chrétiennes;  les  Douze 
Vertus  d'un  bon  maître. 

Une  congrégation  de  frères  des  Ecoles  chrétiennes 
d'Irlande  a  été  approuvée,  le  5  sept.  4820,  par  le  bref  Ad 
pastoralis  de  Pie  VII.  Ses  statuts  diffèrent  un  peu  de 
ceux  des  Frères  de  J.-B.  de  La  Salle.  Aux  trois  vœux  de 
chasteté,  de  pauvreté  et  d'obéissance,  ils  ajoutent  celui  de 
persévérance  dans  l'institut.  Le  supérieur  n'est  élu  que 
pour  dix  ans.  —  Une  congrégation  de  frères  des  Ecoles 
chrétiennes  de  la  Miséricorde,  dont  la  maison  mère  est  à 
Montebourg  (Manche),  possédait,  en  1861,  15  maisons 
comprenant  98  frères  ;  ils  tenaient  des  écoles  primaires, 
des  pensionnats  et  des  écoles  normales.      E.-H.  Vollet. 

BiBL.  :  Vie  de  J.-B.  de  La  Salle  ;  Rouen,  1733,  2  vol. 
in-4.  —  Garreau,  Vie  de  J.-B.  de  La  Salle  ;  Rouen,  1760, 
in-12.  —  DuROSON,rA5bé  de  La  Salle;  Paris,  1842,  in-8. 

ÉCOLES  CHRÉTIENNES  (ScBurs  des),  dites  sœurs  de  la 
Sainte-Enfance.  35  maisons,  218  sœurs  (recensement 
spécial  de  1861)  ;  maison  centrale,  Versailles. 

ÉCOLES  CHRÉTIENNES   DE  LA  MISÉRICORDE  (SœUrS   dcs). 

82  maisons,  295  sœurs  (recensement  spécial  de  1861). 
Pour  les  frères  du  même  nom,  V.  Ecoles  chrétiennes 
(Frères  des). 

ÉCOLES  chrétiennes  et  charitables  de  l'Enfant-Jésus 
(Parères  et  sœurs  des).  Communautés  d'hommes  et  de  filles 
instituées  par  le  P.  Barré,  minime,  né  à  Amiens  vers  1621, 
mort  à  Paris  en  1681.  Leur  principal  emploi  était  d'ins- 
truire gratuitement  les  enfants  pauvres  :  il  leur  était 
défendu  d'enseigner  au  dehors  et  ne  rien  recevoir  des 
parents  de  leurs  élèves.  Les  frères  et  les  sœurs  appartenant 
à  ces  communautés  ne  faisaient  point  de  vœux,  mais  vivaient 
sous  la  conduite  d'un  supérieur  ou  d'une  supérieure  et  lui 
devaient  obéissance.  Les  frères  avaient  pour  habillement 
une  soutane  et  une  houppelande  avec  des  manches  pen- 
dantes ;  le  tout  d'étoffe  noire  et  grossière.  Cette  institution 
est  antérieure  à  celle  de  J.-B.  de  La  Salle,  qui  en  a  repro- 
duit plusieurs  dispositions.  E.-H.  Vollet. 

BiBL.  :  HÉLYOT  continué  par  Bullot  ,  Histoire  des 
ordres  monastiques.,  religieux  et  militaires.,  et  des  con- 
grégations religieuses  séculières  de  Vun  et  de  Vautre  sexe  ; 
Paris,  1714-1721,  8  vol.  in-8,  fig. 

ÉCOLES  PIES  (Pères  ou  Clercs  réguliers  des)  (V.  Pia- 

RISTES). 

ECO  LIS  NI  EN  S  ES.  Peuplade  d'Aquitaine.  La  civitas 
Ecolismensium  ou  Ecolisnensium  de  la  provincia  aqui- 
tanica  secunda,  mentionnée  pour  la  première  fois  dans  la 
Notice  des  Provinces,  doit  s'être  formée,  vers  le  iv®  siècle 
de  notre  ère,  aux  dépens  du  territoire  des  Santones.\)dJi\?> 
l'ordre  ecclésiastique,  elle  donna  naissance  au  diocèse 
d'AngouIême,  et,  dans  l'ordre  administratif,  à  l'Angoumois 
(pagus  Egolismensium,  Egolminsis  ou  Engolismensis 
(V.  Angoumois  et  Angoulême). 

ÉCOLLEMONT.  Com.  dudép.  de  la  Marne,  arr.  deVitry- 
le-François,  cant.  de  Saint-Remy-en-Bouzement  ;  95  hab. 

ÉCOMAN.  Com.  du  dép.  de  Loir-et-Cher,  arr.  de  Blois, 
cant.  d'Ouzouer-le-M arche;  342  hab. 

ÉCONIMOY.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  la  Sarthe,  arr. 
du  Mans,  sur  le  versant  de  la  ligne  de  faîte  qui  sépare  la 
vallée  de  la  Sarthe  de  celle  du  Loir  ;  3,709  hab.  Stat.  du 
chem.  de  fer  d'Orléans,  ligne  de  Tours  au  Mans.  Fonderie, 
faïencerie,  fabrique  de  tuiles,  briques  et  carreaux;  toiles; 
chaux.  Eglise  moderne  de  style  gothique.  Châteaux  de 
Bézonnais  et  de  Fontenaille. 

ÉCONOME.  I.  Administration  byzantine.  —  Dignitaire 
ecclésiastique  à  Byzance,  chargé  de  la  gestion  des  finances 
de  l'Eglise.  On  connaît  diverses  sortes  d'économe  :  le  grand 
économe,  haut  dignitaire  du  patriarcat,  souvent  directement 
nommé  par  l'empereur  et  qui  avait  twv  ExxXTjataaiixwv 
y.T7J|jLaTwv  T7)v  Tïpovo'.av  ;  au-dessous  de  lui,  les  économes 
de  chaque  église,  par  exemple  de  Sainte-Sophie  et  de  Saint- 
Georges;  le  grand  économe  des  fondations  pieuses  (tcov 
sùaYtov),  chef  suprême  de  l'administration  des  biens  des 


monastères,  et  les  simples  économes  ses  subordonnés  ; 
puis  les  économes  des  métropolitains,  les  vice-économes, 
les  économes  des  monastères,  etc.  On  possède  quelques 
sceaux  peu  nombreux,  mais  fort  intéressants  de  ces  divers 
fonctionnaires.  Ch.  Diehl. 

IL  Administration  civile.  —  On  appelle  de  ce  nom  le 
fonctionnaire  chargé  de  l'administration  financière  d'une 
école  normale,  d'un  lycée.  Dans  les  lycées,  l'économe  s'ap- 
pelait primitivement  un  procureur-gérant  (loi  du  1 1  floréal 
an  X).  Dès  1809,  cet  agent  comptable  prit  le  nom  d'éco- 
nome. Il  est  chargé  seul  sous  sa  responsabilité  d'effectuer 
toutes  les  recettes  et  toutes  les  dépenses  du  lycée,  de 
poursuivre  la  rentrée  de  tous  les  revenus  et  de  toutes 
les  sommes  qui  lui  sont  dues,  ainsi  que  d'acquitter  les 
dépenses  ordonnancées  par  le  proviseur  jusqu'à  concur- 
rence des  crédits  réguUèrement  accordés.  Il  a  la  respon- 
sabihté  du  matériel  et  des  approvisionnements  (décret  du 
31  mars  1862).  L'économe  est  tenu  de  fournir  un  caution- 
nement. Les  comptes  annuels  de  sa  gestion  sont  jugés  par 
la  cour  des  comptes.  Son  service  ne  se  borne  pas  aux 
opérations  de  comptabilité  et  aux  écritures  :  il  doit  discuter 
avec  soin  les  marchés,  .présider  aux  hvraisons  des  fourni- 
tures et  aux  distributions,  surveiller  les  domestiques,  veiller 
à  ce  que  toutes  les  parties  de  la  maison  soient  tenues  dans 
un  état  de  propreté  convenable,  et,  en  évitant  toute  dépense 
et  toute  consommation  inutile,  ne  rien  négliger  de  ce  qui 
peut  contribuer  au  bien-être  des  élèves  (circulaire  du 
10  févr.  1838).  Le  décret  du  26  août  1882  a  réglé  le  trai- 
tement des  économes  des  lycées,  qui  sont  divisés  en  trois 
classes,  les  économes  des  lycées  de  Paris  restant  hors  classe. 
Le  décret  du  10  nov.  1883  a  nommé  aussi  des  économes 
dans  les  lycées  de  jeunes  filles.  De  même,  dans  les  écoles 
normales  d'instituteurs  et  d'institutrices  ont  été  établis  des 
fonctionnaires  spécialement  chargés  du  service  de  l'écono- 
mat. G.  COMPAYRÉ. 

III.  Administration  ecclésiastique.  —  On  appelle  éco- 
nome, dans  le  droit  canon,  une  personne  préposée  à  l'admi- 
nistration de  certains  biens  de  l'Eglise.  Cet  oflîce  paraît  avoir 
été  établi  dès  les  premiers  siècles,  tant  pour  assurer  la 
bonne  administration  et  le  bon  emploi  des  biens  de  l'Eglise 
que  pour  décharger  l'évêque  du  scindes  choses  temporelles 
et  lui  permettre  de  se  consacrer  entièrement  à  son  minis- 
tère spirituel.  Quelques  évêques  s'étant  affranchis  de  cette 
assistance,  qui  comportait  un  certain  contrôle,  le  concile 
de  Chalcédoine  décida  que  toute  église  ayant  un  évêque 
aurait  un  économe  choisi  parmi  son  propre  clergé.  Il 
semble  que  cette  nomination  appartenait  au  clergé  ;  mais, 
en  divers  lieux,  l'évêque  s'en  était  emparé.  Pour  le  cas 
où  le  clergé  ou  l'évêque  aurait  négligé  d'y  procéder,  le 
VII®  concile  œcuménique  l'attribua,  par  dévolution,  à 
l'archevêque  et  au  patriarche.  Cette  discipline  a  presque 
toujours  été  observée  en  Orient;  mais,  dans  l'Eglise  latine, 
les  économes  n'étaient  guère  connus  que  sous  le  nom  d'ar- 
chidiacres ou,  pour  mieux  dire,  c'étaient  les  archidiacres 
qui  faisaient  fonctions  d'économes.  Néanmoins,  sur  cer- 
taines épîtres  de  saint  Grégoire,  Thomassin  observe  que 
les  économes  avaient  le  soin  des  revenus  ;  les  archidiacres, 
celui  des  fonds,  mais  que  les  uns  comme  les  autres  devaient 
rendre  compte  de  leur  administration  à  l'évêque,  lequel 
gardait,  d'ailleurs,  la  disposition  des  oblations  et  des 
dîmes.  —  Le  partage  des  biens  de  l'Eglise  et  leur  répar- 
tition en  bénéfices  (V.  Biens  du  clergé  avant  la  Révolution, 
t.  VI,  pp.  739  et  suiv.)  renversa  l'ordre  ainsi  établi  pour 
la  régie  des  biens  ecclésiastiques  par  le  ministère  des  éco- 
nomes, de  sorte  que  ceux-ci  devinrent  à  peu  près  inutiles 
et  que  leurs  fonctions  furent  restreintes  au  soin  des  revenus 
de  l'évêque  pendant  la  vacance  du  siège.  —  Comme  nos 
rois,  en  vertu  de  la  régale,  jouissaient  des  revenus  des 
évêchés  et  de  certains  bénéfices  vacants,  ils  en  faisaient 
percevoir  les  fruits  par  un  économe  la/ique.  Par  un  édit 
du  mois  de  mai  1578,  Henri  III  érigea,  en  titre  d'offices, 
des  économats  en  chaque  diocèse.  Cette  création  d'offices  fut 
supprimée  par  l'édit  de  Melun  (1580),  puis  rétablie  par 


ÉCONOME  —  ÉCONOMIE 


—  478  — 


un  édit  de  déc.  1691  et  finalement  abolie  par  un  édit  de 
déc.  1714.  Les  fonctions  d'économe  séquestre  furent  dès 
lors  exercées  par  des  personnes  spécialement  commises  par 
le  roi.  Il  y  avait  pour  les  économats  un  bureau  du  conseil, 
où  se  portaient  les  contestations  concernant  la  matière.  — 
Les  bénéfices  ecclésiastiques  ayant  été  supprimés  par  la 
Révolution  et  les  évêques  n'ayant  plus  guère  d'autresmenses 
épiscopales  que  leur  traitement  inscrit  au  budget,  des  dis- 
positions accommodées  au  régime  nouveau  furent  établies 
par  le  décret  du  6  nov.  1813  (tit.  II).  L'art.  34  dit  qu'au 
décès  de  chaque  archevêque  et  évêque  il  sera  nommé,  par 
le  ministre  des  cultes,  un  commissaire  pour  l'administration 
de  la  mense  épiscopale  pendant  la  vacance.  E.-H.  Vollet. 

BiBL.  :  Administration  byzantine.  —  Schlumberger, 
Bibliocjraphie  byzantine,  p.  893. 

Administration  ecclésiastique.  --  Thoaiassin,  An- 
cienne et  Nouvelle  Discipline  de  l Eglise;  Pans,  1678-1679, 
3  vol  in-fol.  —  Durand  de  Maillane,  Dictionnaire  de 
droit  'canonique  et  de  pratique  bénéficiale  ;  Lyon,  1787, 
6  vol.  in-8.  —  André  (d'Avallon)  et  Condis,  Dictionnaire 
de  droit  canonique  ;  Paris,  1888-90,  3  vol.  in-8.      ^ 

ÉCONOWllE  DOMESTIQUE.  L'cxprcssiou  tait  pléonasme, 
puisque  économie  tout  seul  signifie  déjà  administration  de 
la  maison  ;  mais  le  sens  de  ce  mot  s'étant  élargi  jusqu'à 
désigner  en  général  toute  espèce  d'ordre  et  d'arrangement, 
l'économie  domestique,  science  du  bon  ordre  dans  les  inté- 
rêts privés  et  le  gouvernement  de  la  maison,  s'oppose  à 
l'économie  politique,  science  des  lois  qui  régissent  les  inté- 
rêts sociaux.  L'ouvrage  de  Xénophon  qui  a  pour  titre 
VEconomique  ou  VArt  de  bien  ordonner  une  maison, 
est  sans  doute  le  premier  traité  qu'il  y  ait  eu  sur  la  ma- 
tière. Ce  qui  en  fait  le  prix,  ce  sont  surtout  les  considéra- 
tions morales;  et,  de  fait,  les  vertus  domestiques  étant  la 
condition  essentielle  de  la  prospérité  des  maisons,  tout 
économiste  devra  toujours  être  plus  ou  moins  un  morahste, 
tout  traité  d'économie  commencer  ou  finir  par  louer  les 
vertus  ménagères,  qui  font  la  paix  et  la  joie  du  foyer.  Une 
personne  douée  de  ces  vertus,  en  effet,  dihgence,  tempé- 
rance, épargne,  amour  du  travail,  amour  de  l'ordre,  se 
passerait  mieux  de  notions  techniques  qu'une  personne 
munie  de  toutes  les  connaissances  ne  se  passerait  de  ces 
vertus.  Cependant  V économie  est  une  science,  la  science 
des  règles,  soit  rationnelles,  soit  empiriques  qui  font,  toutes 
choses  égales  d'ailleurs,  croître  ou  décroître  l'aisance  et  le 
bonheur  dans  une  famille.  Xénophon  déjà,  Caton  dans  son 
De  Re  riistica,  tous  les  anciens  en  général  qui  ont  écrit 
sur  la  question,  considèrent  une  famille  à  la  campagne,  et 
traitent  de  l'économie  rurale,  voire  de  l'agriculture  tout 
entière  autant  que  de  la  tenue  de  la  maison.  En  effet,  bien 
que  la  vie  moderne,  le  développement  de  l'industrie,  du 
commerce  et  des  fonctions  publiques  ait  multiplié,  dans 
les  grandes  villes  surtout,  les  familles  dont  l'existence  toute 
urbaine  est  sans  rapports  directs  avec  la  terre,  on  ne  con- 
çoit guère,  encore  aujourd'hui,  un  traité  d'économie  domes- 
tique où  Une  serait  pas  question  du  jardin.  Jardin,  basse- 
cour,  laiterie,  tout  ce  qui  fournit  des  ressources  au  ménage 
et  réclame  ses  soins,  relève  de  l'économie  domestique.  Seu- 
lement, selon  les  cas  et  les  besoins,  ce  vaste  sujet  peut 
être  circonscrit  diversement. 

En  l'introduisant  dans  les  programmes  d'études,  ce  qu'on 
a  fait  avec  tant  de  raison  dans  ces  dernières  années,  on  en 
a  écarté  en  général  tous  les  travaux  virils,  qui  relèvent 
plutôt,  soit  de  l'apprentissage,  soit  de  l'enseignement  pro- 
fessionnel. On  s'est  à  peu  près  restreint  à  la  science  du 
ménage  proprement  dit,  à  Tadministration  intérieure,  en 
tant  qu'elle  est  l'œuvre  de  la  femme.  Car  selon  l'expres- 
sion de  Fénelon,  ce  sont  les  femmes  «  qui  ruinent  ou  qui 
soutiennent  les  maisons  »  par  la  façon  dont  «  elles  règlent 
tout  le  détail  des  choses  domestiques  ».  Si  l'homme  le  plus 
souvent,  chargé  des  travaux  du  dehors,  pourvoit  aux  besoins 
de  la  famille,"il  appartient  à  la  femme  d'employer  bien  les 
ressources  procurées  par  son  travail  pour  en  tirer  autant 
d'abondance  et  de  bien-être  qu'il  se  peut.  Aussi,  est-ce 
naturellement  dans  l'instruction  des  filles  que  cette  étude 
a  trouvé  place.  Dans  l'enseignement  primaire,  tant  supérieur 


qu'élémentaire,  elle  n'est  représentée  que^  par  les  travaux 
d'aiguille,  et  l'on  peut  trouver  que  c'est  insuffisant  ;  ce  le 
serait  surtout  s'il  n'y  avait  pas  lieu  de  croire  qu'une  bonne 
partie  des  notions  nécessaires  se  glissent  dans  les  lectures 
et  les  explications,  notamment  dans  les  leçons  de  morale  et 
d'hygiène.  Mais  l'arrêté  du  3  août  188o  institue  expressé- 
ment dans  les  écoles  normales  d'institutrices  renseigne- 
ment de  l'économie  domestique,  à  raison  d'une  heure  par 
semaine  pendant  un  semestre  de  la  deuxième  année,  en  le 
distinguant,  et  de  celui  de  l'hygiène  et  de  celui  des  travaux 
de  couture.  Une  note  prescrit  en  même  temps  que  les 
élèves-maîtresses  soient  autant  que  possible  «  associées  à 
la  tenue  du  ménage  et  à  la  préparation  des  repas  ». 

Déjà  en  1882  (arrêté  du  28  juil.),  on  avait  mis  l'économie 
domestique  à  deux  reprises  parmi  les  matières  de  l'ensei- 
gnement secondaire  des  jeunes  filles,  une  première  fois  en 
troisième  année  sous  forme  de  «  notions  élémentaires  », 
et  de  nouveau  en  cinquième  année,  selon  le  programme 
que  voici  :  Introduction  :  Du  rôle  de  la  femme  dans  la 
famille;  sa  part  dans  l'administration  de  la  maison.  Néces- 
sité de  l'ordre,  de  la  prévoyance,  de  l'éconofnie.  Emploi  du 
temps.  —  De  f  habitation  :  Choix  et  disposition  de  l'ha- 
bitation.—  De  V ameublement  et  des  vêtements:  Entre- 
tien du  mobilier,  des  étoffes  et  du  linge.  Raccommodage. 
Emploi  des  machines  à  coudre.  Lessive  et  repassage.  — 
Des  achats  en  général  :  Provenance  des  principaux  objets 
de  consommation  usuelle  ;  époques  auxquelles  il  convient  de 
faire  les  achats.  —  De  V  alimentation  :  Ordre  et  compo- 
sition des  repas  ;  notions  élémentaires  de  cuisine.  —  Gou- 
vernement de  la  maison  :  Choix  et  surveillance  des  ser- 
viteurs. Choix  et  direction  du  personnel  dans  les  maisons 
nombreuses,  les  exploitations  agricoles  ou  industrielles,  les 
maisons  de  campagne,  etc. —  Comptabilité  du  ménage: 
Budget  des  recettes  et  des  dépenses.  Dépenses  nécessaires. 
Dépenses  inutiles.  Livres  à  tenir.  Epargne,  assurances  sur 
la  vie.  Du  luxe,  ses  dangers.  Du  goût  dans  la  tenue  de  la 
maison.  Dignité  du  foyer  domestique.  —  Cet  excellent  pro- 
gramme a  été  adapté  aux  écoles  normales  d'institutrices, 
mais  en  prenant  un  caractère  plus  positif  encore  et  plus 
précis  et  en  recevant  beaucoup  plus  d'extension.  Ainsi,  pour 
ce  qui  est  du  ménage  même,  une  attention  expresse  est 
donnée  au  chauffage  et  aux  divers  combustibles,  à  l'éclai- 
rage, à  la  cuisson  du  pain,  à  la  pâtisserie,  au  choix  et  au 
som  des  boissons,  à  la  conservation  des  viandes,  des  légumes 
et  des  fruits.  Puis  sous  deux  autres  rubriques,  le  Jardin  et 
la  Ferme^  sont  groupées  les  notions  élémentaires  relatives 
à  la  culture  en  général,  au  jardinage,  aux  arbres  fruitiers, 
aux  fleurs,  au  laitage,  à  l'élevage  des  petits  animaux  domes- 
tiques, aux  soins  de  la  bergerie,  de  la  basse-cour,  de  la 
ruche  et  du  colombier. 

Chacun  de  ces  mots  ayant  sa  place  dans  la  Grande  En- 
cyclopédie, rien  ne  serait  plus  vain  que  de  chercher  à  résu- 
mer ici,  même  de  la  manière  la  plus  sommaire,  tant  de 
choses  développées  dans  tant  d'articles.  Qu'il  nous  suffise 
d'avoir  donné,  avec  une  vue  d'ensemble  du  domaine  de 
l'économie  domestique,  une  idée  de  l'intérêt  qu'elle  offre 
et  de  l'utilité  qu'il  y  a  à  en  faire  un  objet  d'enseignement. 
En  vain  dirait-on  que  la  plupart  de  ces  choses  ne  s'ap- 
prennent bien  que  par  l'usage,  dans  la  famille.  Cela  est 
vrai  dans  les  conditions  idéales;  mais,  en  fait,  la  pratique 
est  défectueuse  dans  un  très  grand  nombre  de  familles  ;  les 
notions  courantes  ont  souvent  besoin  d'être  rectifiées  :  par 
l'enseignement  seul  on  a  chance  d'en  répandre  de  plus  cor- 
rectes, ce  qui  n'est  pas  d'une  médiocre  importance  pour  le 
progrès  non  seulement  du  bien-être  privé,  mais  de  la 
la  fortune  publique.  H.  Marion. 

ÉCONOMIE  POLITIQUE.  Généralités  ET  définition.  — 
L'économie  politique,  ayant  pour  objet  l'étude  des  intérêts 
matériels  de  nos  sociétés,  est  une  branche  de  la  sociologie 
(V.  ce  mot).  Les  écrivains  ne  sont  d'accord  ni  sur  sa  défi- 
nition, ni  sur  l'étendue  et  les  limites  de  son  champ  d'in- 
vestigation, ni  sur  son  caractère  exact.  Elle  est  générale- 
ment considérée  comme  une  science,  étant  entendu  que  le 


-  479  — 


ÉCONOMIE 


mot  science  n'a  pas  ici  le  sens  rigoureux  qu'on  lui  donne 
lorsqu'il  est  question  de  sciences  mathématiques,  physiques 
ou  naturelles  ;  à  côté  de  celles-ci,  les  sciences  morales  et 
politiques,  avec  des  méthodes  de  moindre  précision,  peuvent 
aboutir  à  des  lois  fondées  sur  l'observation,  confirmées  par 
l'expérience.  Toute  cette  partie  philosophique  sera  traitée  aux 
mots  Loi  et  Science.  L'économie  politique  est  donc  l'une  des 
sciences  morales.  Mais  l'est-elle  complètement  et  exclusive- 
ment? On  a  soutenu  qu'elle  avait  au  moins  autant  le  caractère 
d'un  art.  Selon  la  définition  de  Destutt  de  Tracy,  un  art  est  la 
collection  des  maximes  ou  préceptes  pratiques  dont  l'obser- 
vation conduit  à  faire  avec  succès  une  chose  déterminée. 
Presque  toute  science  dans  ses  applications  comprend  un 
art.  La  science  astronomique  est  le  fondement  de  l'art  de 
la  navigation  ;  les  mathématiques  sont  le  fondement  des  arts 
mécaniques  ;  les  sciences  physiques,  de  l'art  médical.  Ce 
qu'on  appelle  les  sciences  politiques  confond  évidemment  un 
art  et  une  science.  La  politique  proprement  dite  est  essentiel- 
lement un  art  (V.  Politique).  L'économie  politique  est-elle 
autre  chose?  a-t-elle  vraiment  un  caractère  suffisamment 
scientifique?  possède-t-elle  des  lois,  indépendantes  de  toute 
application  particulière?  On  l'a  contesté  parfois.  Il  est  cer- 
tain qu'ici  comme  partout  la  pratique  a  devancé  la  théorie. 
Les  gouvernements  d'autrefois  ont  eu  une  politique  écono- 
mique fondée  sur  leur  expérience  personnelle  et  celle  de 
quelques  cas  analogues  ou  bien  encore  sur  des  théories  ou 
des  croyances  auxquelles  ils  voulaient  plier  les  faits.  C'est 
seulement  au  xviii®  siècle  que  les  penseurs,  analysant  mé- 
thodiquement les  problèmes  économiques,  en  ont  dégagé 
un  certain  nombre  de  principes  ;  qu'ils  ont  montré  l'enchaî- 
nement des  faits  économiques  et  constitué  une  sorte  de 
science.  Ce  qui  caractérise  la  science,  c'est,  en  effet,  la 
connaissance  des  rapports  qui  existent  entre  des  phéno- 
mènes et  la  connaissance  des  lois  permanentes  qui  régissent 
ces  rapports.  La  coordination  de  ces  lois  en  un  ensemble 
systématique  qui  en  révèle  l'harmonie,  achève  de  constituer 
la  science  et  de  la  caractériser.  L'historique  que  l'on  trouvera 
ci-dessous  montrera  comment  la  conception  de  la  science 
économique  s'est  peu  à  peu  dégagée  des  travaux  des  philo- 
sophes économistes  du  siècle  dernier.  Mais  aujourd'hui  en- 
core on  n'a  pu  se  mettre  d'accord  sur  une  définition,  non  plus 
d'ailleurs  que  sur  plusieurs  des  théories  fondamentales. 

Adam  Smith  disait  (Introd.  au  livre  IV  de  la  Richesse 
des  nations)  :  «  L'économie  politique,  considérée  comme 
branche  de  la  science  de  l'homme  d'Etat  et  du  législateur, 
se  propose  deux  objets  distincts  :  d'abord  de  fournir  à  la 
nation  un  abondant  revenu  ou  de  larges  moyens  de  subsis- 
tance, ou  plus  exactement  de  mettre  la  nation  en  mesure 
de  se  les  procurer  à  elle-même;  en  second  lieu,  de  pour- 
voir l'Etat  ou  la  communauté  d'un  revenu  suffisant  pour 
rémunérer  les  services  publics.  Elle  a  pour  but  d'enrichir 
à  la  fois  la  nation  et  le  souverain.  »  On  voit  que  le  fon- 
dateur de  l'économie  politique  ne  l'envisage  nullement 
comme  une  science,  au  sens  que  nous  donnons  à  ce  mot, 
mais  au  contraire  comme  une  branche  de  l'art  politique. 
Il  s'en  tenait  à  l'opinion  de  Fécole  d'Aristote,  à  qui  on  a 
emprunté  la  dénomination  :  t]  6ixovo[jLr/.7Î  signifie  l'art 
d'acquérir  et  de  gérer  la  propriété,  et  l'auteur  des  Econo- 
miques distingue  l'économie  royale,  satrapique,  politique 
et  domestique  ;  pour  lui,  par  conséquent,  l'économie  poli- 
tique est  l'ensemble  des  règles  de  la  poUtique  financière 
d'un  Etat  républicain.  C'est  Montchrestien,  sieur  de  Wat- 
teville,  qui  reprit  cette  désignation  en  1615  (V.  ci-dessous) 
et  ce  sont  les  écrivains  français  qui  la  consacrèrent  défini- 
nitivement  et  la  firent  adopter.  Ce  sont  eux  aussi  qui 
émirent  la  prétention  d'ériger  en  science  l'ensemble  des 
règles  relatives  à  la  richesse  publique.  J.-B.  Say  distingue 
expressément  de  la  politique,  science  de  l'organisation  des 
sociétés,  l'économie  politique  qui  enseigne  comment  se 
forment,  se  distribuent  et  se  consomment  les  richesses  qui 
satisfont  aux  besoins  des  sociétés,  attendu  que,  dit-il, 
les  richesses  sont  essentiellement  indépendantes  de  l'orga- 
nisation politique.  Il  va  plus  loin  et  écrit  :  «  L'économie 


politique  est  la  science  qui  traite  des  intérêts  de  la  société; 
sous  quelque  gouvernement  que  vivent  les  nations,  quelque 
climat  qu'elles  habitent,  elles  subsistent,  s'entretiennent 
suivant  des  lois  naturelles  oti  les  faits  se  lient  à  leurs  causes 
et  à  leurs  résultats.  C'est  cet  enchaînement  qui  tient  à  la 
nature  des  choses  que  l'économie  politique  fait  connaître.  » 
Si  ces  affirmations  étaient  strictement  exactes,  l'économie 
poUtique  serait  une  science  bien  distincte.  Mais  il  est  très 
contestable  que  les  conditions  générales  du  travail,   de  la 
production,  de  l'échange  soient  soumises  à  des  règles  inva- 
riables tenant  à  la  nature  même  de  ces  opérations.  Ces 
conditions  varient  avec  l'organisation  sociale,  avec  le  cli- 
mat, facteur  essentiel  de  la  civilisation  ;  il  est  donc  bien 
difficile  de  détacher  l'économie  politique  de  la  sociologie. 
Les  maximes  développées  par  les  économistes  sont  pour  la 
plupart  relatives  à  notre  civilisation  et  à  notre  état  social. 
D'ordinaire,  on  se  contente  de  la  définition  de  J.-B.  Say, 
qu'il  donne  comme  titre  de  son  Traité  cV économie  poli- 
tique^ «  exposition  de  la  manière  dont  se  forment,  se 
distribuent  et  se  consomment  les  richesses  ».   Cette  défi- 
nition a  l'avantage  d'être  claire,  précise,  de  n'impliquer 
nulle  hypothèse.  Rossi  s'en  est  tenu  à  cette  conception  et 
a  proposé  de  substituer  au  terme  vague  d'économie  politique 
celui  de  chrématistique,  science  de  la  richesse.  D'autres 
ont  présenté  des  objections  à  la  définition  de  Say;   ils 
trouvent  que  les  mots  production^  distribution,  consom- 
mation, richesse  ont  ici  un  sens  technique  sur  lequel  on 
s'entend  moins  qu'on  ne  le  croit  et  qui  demeure  inexpliqué 
au  profane.  Cette  définition  leur  paraît  trop  compréhensive 
et  vague,  car  la  production  des  richesses  comprend  tous  les 
arts  industriels,  agricoles  et  manufacturiers  ;  or  l'économie 
politique  s'occupe,  non  pas  du  mécanismé^de  la  production, 
mais  de  la  valeur  des  produits.  On  se  rapprocherait  alors 
de  l'opinion  de  Condillac,  qui  qualifie  la  science  économique 
de  «  philosophie  du  commerce  »  ou  «  science  des  échanges  ». 
Cette  définition,  adoptée  par  H.  Dunning  Mac-Leod,  lui 
parut  la  plus  conforme  aux  idées  modernes.  «  En  même  temps 
qu'elle  satisfait  aux  conditions  d'une  science  physique,  elle 
embrasse   un  ordre  distinct  de  quantités,  quantités  dont 
les  rapports  mutuels  sont  réglés  par  une  idée  ou  conception 
unique,  la  possibilité  d'être  échangés  ;  la  science  a  ainsi 
pour  objet  de  découvrir  les  lois  de  leurs  relations  réci- 
proques en  tant  qu'échangeables  ou  variables.  »  Limitée 
ainsi,  l'économie  politique,  s'appuyant  sur  la  science  finan- 
cière, paraît,  en  effet,  très  scientifique.  Mais  beaucoup 
d'économistes  veulent  en  élargir  le  cadre.  Ils  montrent 
d'abord  que  la  définition  de  J.-B.  Say  semble  confondre 
les  richesses  naturelles  et  les  richesses  industrielles  et 
sociales;  les  biens  que  la  nature  prodigue  à  tous,  par 
exempe  la  lumière,  la  chaleur  solaire,  ne  sont  pas  en  eux- 
mêmes  l'objet  de  notre  étude;  il  faut  distinguer  la  valeur 
en  utilité  de  la  valeur  échangeable,  la  seule  dont  s'occupe 
l'économie  politique.  Celle-ci  n'étudie  pas  les  besoins  de 
l'homme,  mais  le  résultat  de  ces  besoins  dont  chacun  est 
juge  et  qu'il  traduit  par  une  demande  de  tel  ou  tel  produit. 
Après  avoir  développé  ces  vues,  M.  Coquelin  conclut  que 
l'économie   politique   étudie  les  résultats   du  travail   de 
l'homme,  ce  qu'en  langage  technique  on  appelle  l'industrie. 
L'auteur  du  Dictionnaire  d'économie  politique  blâme 
les  économistes  qui  fondent  leur  science  sur  la  définition 
abstraite  de  la  richesse,  se  font  «  un  langage  à  part,  entor- 
tillé, obscur,  nourri  de  distinctions  subtiles  et  d'abstrac- 
tions ».  Mais  lui-même  n'échappe  pas  à  ces  reproches,  car 
ils  tiennent  à  la  nature  même  des  spéculations  des  écono- 
mistes, lesquels  n'étudient  pas  l'ensemble  des  phénomènes 
de  la  production,  de  la  circulation,  de  la  consommation,  mais 
seulement  les  conditions  abstraites  de  ces  phénomènes  ;  ils 
sont  par  là  obligés  d'avoir  leur  langage,  leur  terminologie, 
et  la  complexité  même  des  questions  les  empêche  de  se 
mettre  complètement  d'accord,  même  sur  les  définitions. 
La  conclusion  que  nous  tirerons  de  ces  divergences,  c'est 
qu'en  réalité  l'économie  poHtique  n'est  pas  une  science. 
C'est  un  ensemble  de  connaissances  indiquées  par  l'ana- 


ÉCONOMIE 


—  480  — 


lyse  philosophique  et  l'expérience,  d'où  l'on  induit  des  règles 
relatives  à  la  production  et  aux  échanges  (industrie  et 
commerce),  définissant  leurs  conditions  essentielles,  afin 
de  guider  les  pouvoirs  publics  lorsqu'ils  interviennent  en 
ces  matières.  Beaucoup  de  ces  résultats,  d'une  grande  uti- 
lité pour  les  politiques,  ne  sont  exacts  que  dans  la  phase 
actuelle  de  l'évolution  sociale  et  dans  les  conditions  de  vie 
matérielle,  de  civilisation,  de  climat,  d'organisation  poli- 
tique des  peuples  de  race  européenne.  La  partie  la  mieux 
étudiée,  celle  oii  les  règles  établies  ont  le  plus  le  caractère 
de  lois,  est  la  science  financière,  tout  ce  qui  est  relatif  à 
la  monnaie,  le  plus  abstrait  des  objets  d'échange;  en 
général,  les  considérations  relatives  au  commerce  sont  soli- 
dement établies.  En  revanche,  tout  ce  qui  est  relatif  à  la 
production,  à  la  propriété  est  controversé.  Si  vous  faites 
abstraction  de  la  science  financière,  il  ne  reste  plus  beau- 
coup de  science,  mais  plutôt  de  la  philosophie,  des  théories 
très  controversées  et  une  collection  de  conseils  pratiques. 
L'économie  politique  vous  apparaît  une  doctrine  philoso- 
phique, la  doctrine  d'une  école  qui  de  l'analyse  des  faits 
conclut  aux  avantages  de  la  liberté.  Les  grands  débats 
qu'elle  soutient  et  qui  ont  été  sa  principale  préoccu- 
pation seront  exposés  aux  articles  Libre-Échange  et  So- 
cialisme. 

Les  phénomènes  économiques  ne  sont  pas  susceptibles  de 
mesures  précises  d'évaluations  quantitatives  ;  l'utilisation 
même  des  documents  fournis  par  la  statistique  est  difficile. 
La  complexité  de  ces  faits  défie  les  ressources  des  mathé- 
matiques. Malgré  l'apparence  contraire,  ce  sont  des  faits 
moraux  autant  que  matériels.  L'économie  politique  repose 
sur  la  psychologie.  L'origine  de  la  valeur  est  le  désir,  la 
base  du  crédit  est  la  confiance  ;  valeur  et  crédit  restent 
soumis  à  des  variations  où  la  psychologie  joue  le  rôle 
essentiel,  de  même  dans  tout  ce  qui  concerne  le  luxe,  fac- 
teur dominant  de  la  production  moderne. 

En  somme,  on  réunit,  sous  le  nom  d'économie  politique, 
un  ensemble  de  lois  et  de  faits  sociologiques,  de  règles 
politiques,  de  doctrines  philosophiques.  La  manière  dont 
ces  sciences  ont  été  groupées  et  systématisées  ne  sera 
peut-être  pas  conservée.  Elle  n'en  témoigne  pas  moins  d'un 
puissant  eff'ort  de  la  pensée  humaine,  grâce  auquel  ont  été 
acquises  bien  des  notions  précieuses  et  élucidés  des  pro- 
blèmes dont  les  anciens  gouvernements  soupçonnaient  à 
peine  l'obscurité.  Nous  décrirons  l'histoire  des  doctrines 
économiques,  en  insistant  sur  la  position  actuelle  des  pro- 
blèmes, mais  sans  donner  d'exposé  dogmatique,  en  raison 
du  désaccord  qui  existe  sur  les  points  fondamentaux. 

Histoire.  —  L'histoire  de  l'économie  politique  envisagée 
comme  science  commence  au  xviii^  siècle  ;  c'est  alors  que  des 
théoriciens  illustres  en  établissent  les  principes  fondamen- 
taux et  les  coordonnent  en  un  ensemble  systématique.  Mais 
la  plupart  de  ces  principes  avaient  déjà  été  formulés  par  les 
philosophes  grecs.  Les  analyses  de  Platon,  de  Xénophon, 
d'Aristote  valent  celles  d'Adam  Smith  et  de  J.-B.  Say.  De 
plus,  l'économie  politique,  envisagée  comme  un  art,  fut  pra- 
tiquée par  les  Etats  antiques,  lesquels  furent  très  préoccupés 
de  la  bonne  gestion  de  la  fortune  publique.  Les  expériences 
entreprises  alors  sont  fort  instructives  et  n'ont  pas  peu 
contribué  à  grossir  ce  trésor  de  sagesse  pratique  où  les 
économistes  puisent  pour  étayer  leurs  théories.  Les  diffé- 
rents problèmes  que  soulèvent  la  production,  l'échange, 
l'intervention  du  législateur  dans  ces  domaines,  tous  ces 
problèmes  ont  été  posés  en  Grèce  et  en  Italie,  il  y  a  deux 
mille  ans.  Nous  suivrons  donc  la  méthode  adoptée  par 
Blanqui  dans  sa  classique  Histoire^  de  r Economie  poli- 
tique, et  nous  indiquerons  successivement  les  traits  essen- 
tiels de  la  politique  économique  des  Etats  européens  ou, 
du  moins,  les  idées  directrices  de  cette  politique  écono- 
mique, avant  d'aborder  l'étude  de  la  science  économique 
fondée  au  xviii®  siècle.  Nous  ne  parlerons  pas  ici  des  mo- 
narchies orientales,  parce  que  leur  histoire  se  lie  moins  à 
la  nôtre,  que  les  conditions  sociales  et  économiques  sont 
tout  autres  dans  ces  pays,  presque  tous  voisins  de  la  zone 


tropicale,  surtout  enfin  parce  que  les  faits  les  plus  saillants 
sont  exposés  dans  les  articles  auxquels  nous  renvoyons 
également  pour  tous  les  détails  de  l'histoire  économique 
(V.  Banque,  Capital,  Change,  Commerce,  Concurrence,  Con- 
tributions, Crédit,  Crise,  Dette,  Douane,  Epargne,  Escla- 
vage, Etat,  Exportation,  Finances,  Importations,  Impôt, 
Industrie,  Intérêt,  Libre-Echange,  Luxe,  Monnaie, Paupé- 
risme, Politique,  Propriété,  Rente,  Richesse,  Salaire, 
Société,  Travail,  Usure,  etc.  V.  aussi  Civilisation, 
Classes  sociales,  Collectivisme,  Communisme,  Démographie, 
Socialisme,  etc.). 

L'étude  du  monde  antique  est  fort  instructive.  Ainsi  que 
dit  Blanqui,  «  Sparte,  Athènes,  Rome,  ont  eu  leur  économie 
politique  comme  la  France  et  l'Angleterre  ont  la  leur. 
L'usure,  les  impôts  exagérés,  les  tarifs,  les  fermages  exor- 
bitants, rinsuffisance  des  salaires,  le  paupérisme  ont  affligé 
les  vieilles  sociétés  comme  les  nouvelles,  et  nos  ancêtres 
n'ont  pas  fait  moins  d'efforts  que  nous  pour  se  débarrasser 
de  ces  fléaux.  On  se  tromperait  étrangement  si  l'on  croyait 
qu'ils  n'ont  jamais  réfléchi  aux  difficultés  des  réformes  dont 
ils  sentaient  le  besoin.  Quand  on  étudie  avec  attention  la 
législation  financière  des  Grecs  et  des  Romains,  on  ne  peut 
s'empêcher  de  reconnaître  que  les  plus  graves  questions 
d'économie  politique  ont  de  tout  temps  attiré  l'attention  de 
ces  peuples.  H  suffit  de  voir  avec  quelle  sollicitude  ils 
veillaient  sur  leurs  relations  internationales,  sur  l'état  civil 
des  étrangers,  sur  la  nature  et  les  effets  des  impôts,  sur 
les  encouragements  à  donner  à  l'agriculture  et  sur  le  régime 
de  la  navigation.  »  Dans  le  cadre  assez  restreint  de  la  cité 
antique,  l'expérience  des  gouvernements  fit  adopter  à  plu- 
sieurs une  véritable  doctrine  économique  ;  ils  conformè- 
rent leurs  lois  et  règlements  à  des  théories.  A  cet  égard, 
comme  pour  toute  la  science  politique,  ils  furent  bien  supé- 
rieurs aux  hommes  du  moyen  âge.  Après  les  grandes  décou- 
vertes accomplies  au  xvi«  siècle  et  le  bouleversement  écono- 
mique qui  en  fut  la  conséquence,  on  vit  enfin  les  «  hommes 
d'Etat  et  les  savants  remonter  à  la  cause  première  de  ces 
révolutions,  causes  dont  l'étude  constitue  aujourd'hui  la 
science  économique.  Nos  pères  ont  fait  de  l'économie  poli- 
tique sans  en  connaître  les  principes,  comme  la  plupart  des 
hommes  vivent  sans  être  initiés  aux  phénomènes  physio- 
logiques de  la  vie.  Colbert  seul,  parmi  tous  les  ministres 
auxquels  il  fut  donné  de  rendre  des  édits  en  ces  graves 
matières,  Colbert  seul  paraît  avoir  eu  un  système  comme 
plus  tard  Law  devait  avoir  le  sien,  comme  les  économistes 
du  xviii^  siècle  ont  proclamé  le  leur.  Mais  ces  hautes  intelli- 
gences ne  peuvent  pas  être  considérées  comme  le  foyer 
primitif  d'où  la  science  est  sortie  toute  faite.  Quand  nous 
exposerons  les  idées  de  Platon,  d'Aristote,  de  Xénophon, 
sur  des  questions  si  admirablement  posées  par  Adam  Smith, 
et  si  vivement  controversées  de  nos  jours,  il  sera  difficile 
de  ne  pas  reconnaître  que  ces  génies  antiques  en  ont  entrevu 
l'importance  et  préparé  la  solution.  »  L'étude  de  l'économie 
politique  des  anciens  et  de  leurs  théories  à  ce  sujet  est  donc 
un  excellent  préambule  à  l'étude  de  la  science  économique 
et  de  son  évolution  depuis  un  siècle. 

En  retraçant  l'histoire  des  idées  économiques  qui  se  sont 
succédé  depuis  deux  mille  cinq  cents  ans  dans  les  civiHsa- 
tions  européennes,  il  va  de  soi  que  nous  ne  prétendons  pas 
donner  l'histoire  économique  des  peuples  dont  il  sera  ques- 
tion. On  en  trouvera  les  linéaments  dans  les  articles  Com- 
merce, Esclavage,  Industrie,  Monnaie,  et  dans  un  grand 
nombre  d'articles  spéciaux  auxquels  nous  renvoyons  le 
lecteur.  Cependant,  il  serait  impossible  d'esquisser  l'his- 
toire des  idées  économiques  sans  dire  quelques  mots  de 
l'histoire  économique;  en  effet,  les  idées  se  sont  constam- 
ment modifiées  sous  l'influence  de  changements  dans  la 
situation  matérielle  des  peuples,  de  progrès  de  la  technique 
industrielle,  de  bouleversements  politiques  et  sociaux,  etc. 
D'autre  part,  le  mouvement  philosophique  n'a  cessé  d'in- 
fluer sur  les  théories  économiques.  Mais,  ces  réserves  une 
fois  faites,  nous  nous  bornerons  autant  que  possible  à 
l'exposé  historique  des  idées. 


—  481  - 


ECONOMIE 


Nous  commencerons  cette  histoire  à  l'ancienne  Grèce. 
Au  point  de  vue  économique,  les  monarchies  orientales 
furent   en  général  mieux  réglées  que  les  cités  grecques. 
Mais  c'est  en  Grèce  que  se  produisit  le  développement  de 
la  pensée  abstraite  et  de  la  spéculation  philosophique  inau- 
gurée par  les  écrivains  ioniens  du  vi«  siècle;  ce  sont  les 
philosophes  grecs  qui  nous  ont  fourni  les  rudiments  de  notre 
organisation  et  de  nos  théories  sociales  et  économiques.  La 
puissance  de  leur  génie,  la  netteté  de  leur  analyse,  la  per- 
fection de  leurs  systèmes  politiques,  ont  souvent  fait  illu- 
sion,  et  en  lisant  telle  ou  telle  page  on  croirait  avoir 
affaire  à  une  société  pareille  à  la  nôtre.  11  n'en  est  rien  ; 
les  différences  sont  radicales  entre  les  peuples  de  l'antiquité 
classique  et  les  nôtres.  La  société  gréco-romaine  est  fondée  : 
i^  sur  l'esclavage,  d'où  résulte  une  tendance  à  mépriser  le 
travail,  surtout  le  travail  manufacturier,  regardé  comme 
servile  ;  2°  sur  la  toute-puissance  de  l'Etat.  L'agent  de 
production  est  exclu  non  seulement  de  la  direction  des 
affaires,  mais  le  plus  souvent  de  la  culture  intellectuelle  ; 
le  citoyen  est  considéré,  non  pas  comme  producteur,  mais 
comme  possesseur  de  la  richesse  matérielle.   L'idéal  des 
Grecs  est  d'assurer  à  une  classe  dirigeante  des  loisirs  suffi- 
sants pour  perfectionner  sa  beauté  et  sa  force  physique, 
cultiver  son  intelligence,  l'appliquer  aux  affaires  publiques. 
Les  Doriens  réalisent  une  division  du  travail  social,  aussi 
complète  que  dans  le  régime  des  castes;  à  Sparte,  en  Crète, 
les  descendants  de  la  race  conquérante  se  bornent  à  la  pro- 
fession militaire;  au-dessous  d'eux  est  la  classe  laborieuse 
qu'ils  exploitent.  La  démocratie  athénienne  mit  le  travail 
en  honneur  (V.  Démocratie)  ;  mais  c'est  une  exception,  et 
les  philosophes  athéniens  sont  très  méprisants  pour  les 
travailleurs.  Platon  déclare  que  la  nature  n'a  pas  fait  de 
cordonniers  ni  de  forgerons  ;  de  telles  occupations  sont 
dégradantes,  ceux  qui  les  exercent  sont  de  vils  merce- 
naires, des  gens  sans  nom,  exclus  par  leur  état  même  des 
droits  politiques  ;  dans  sa  cité  idéale,  Platon  ferait  con- 
damner à  un  an  de  prison  le  citoyen  qui  se  serait  avili  par 
le  commerce  en  boutique.  Celui-ci  ne  peut  être  permisqu'aux 
étrangers.  Le  magistrat  tiendra  un  registre  exact  de  leurs 
opérations  et  ne  leur  permettra  de  faire  qu'un  très  petit  béné- 
fice. Xénophon  condamne  aussi  les  arts  manuels  comme  in- 
dignes du  citoyen,  surtout  parce  qu'ils  déforment  le  corps,  ne 
laissent  nul  temps  à  consacrer  à  la  république  ou  aux  amis. 
Ces  théories  nous  semblent  insensées  ;  il  ne  faut  pas  oublier 
qu'elles  sont  une  conséquence  du  principe  de  la  division  du 
travail  poussé  à  l'extrême  ;  il  ne  faut  pas  oubher  non  plus 
que  ce  principe  a  eu  pour  la  civilisation  les  plus  heureuses 
conséquences.  Cette  minorité  de  citoyens  à  peu  près  affran- 
chis des  soucis  de  la  vie  matérielle  a  produit  une  quantité 
de  chefs-d'œuvre  incomparables,  et  nul  système  n'a  donné 
d'aussi  extraordinaires  résultats  dans  l'art,  dans  la  science, 
dans  les  lettres,  dans  toutes  les  branches  de  l'activité  hu- 
maine. On  l'admirera  encore  bien  davantage,  si  l'on  songe 
à  la  faiblesse  numérique  de  la  population  grecque.  L'appli- 
cation radicale  du  principe  de  la  division  du  travail  et  la 
subordination  des  intérêts  individuels  à  l'intérêt  pubhc  ont 
fait  à  la  Grèce  antique  une  place  à  part  dans  l'histoire  de 
l'humanité.  Ajoutons  avec  Sismondi  que  les  Grecs  avaient 
une  morale  très  haute,  lorsqu'ils  reconnaissaient  que  la 
richesse  n'a  de  prix  qu'autant  qu'elle  contribue  au  bonheur 
général  ;  ne  la  considérant  pas  abstraitement  comme  nous, 
ils  ont  souvent  eu  des  idées  plus  justes  que  les  nôtres. 
Leur  économie  politique,  observe  Blanqui  «  était  éminem- 
ment gouvernementale  et  réglementaire.  Leurs  écrivains 
veulent  que  la  loi  se  mêle  de  tout  et  ne  laisse  presque  rien 
à  la  liberté  individuelle  des  citoyens.  La  cité  n'est  pour  eux 
qu'une  vaste  association  où  chaque  habitant  joue  un  rôle 
convenu,  ou  bien  une  grande  machine  dont  il  représente  un 
des  rouages.  »  Celui  qui  va  le  plus  loin  dans  ce  sens  est 
Platon.  Dans  la  classe  supérieure  de  sa  république,  il  éta- 
blit le  communisme  pour  supprimer  tout  intérêt  privé  et 
consacrer  l'homme  tout  entier  au  service  public.  Son  rêve 
est  d'isoler  sa  cité  idéale,  de  la  préserver  du  contact  de 

GRANDE    ENCYCLOPÉDIE.    —    XV. 


l'étranger  ;  il  veut  qu'elle  se  suffise  à  elle-même  et  s'interdise 
tout  commerce  extérieur.  A  côté  de  ces  utopies,  le  philosophe 
nous  étonne  par  la  finesse  de  son  analyse  ;  il  indique  avec 
une  netteté  parfaite  les  avantages  de  la  division  du  travail 
et  de  la  spéciahsation,  la  nécessité  d'une  monnaie,  symbole 
du  contrat  d'échange;  il  explique  comment  l'inégale"^^ distri- 
bution de  la  richesse  est  dangereuse.  «  Qu'est-ce  qui  perd 
les  artisans  ?  — -  L'opulence  et  la  pauvreté.  —  Comment 
cela?  —Le  voici  :  Le  potier  devenu  riche  s'embarrasserait- 
t-il beaucoup  de  son  métier?  —Non.  —Il  deviendra  dejour 
en  jour  plus  fainéant  et  plus  négligent?  —  Sans  doute.— 
Et  par  conséquent  plus  mauvais  potier?  —  Oui.  —  D'un 
autre  côté,  si  la  pauvreté  lui  ôte  les  moyens  de  se  fournir 
d'outils  et  de  tout  ce  qui  est  nécessaire  à  son  art,  son  travail 
en  souffrira  ;  ses  enfants  et  les  ouvriers  qu'il  forme  en  seront 
moins  habiles.  »  Pour  maintenir  l'équilibre  dans  sa  répu- 
blique, Platon  prend  les  plus  grandes  précautions  contre 
un  accroissement  de  la  population  ;  il  tient  à  maintenir 
l'égahté  des  fortunes  et  la  division  de  la  propriété.  Enfin, 
il  veut  que  le  gouvernement  intervienne  sans  cesse,  dans 
le  détail,  pour  maintenir  la  morale  et  le  bon  ordre,  mais 
aussi  pour  assurer  à  la  population  toutes  les  nécessités  et 
tous  les  agréments  de  la  vie. 

Xénophon  est  un  esprit  plus  pratique  que  Platon  ;  c'est 
un  homme  d'action.  Il  s'occupe  surtout  de  l'économie  do- 
mestique; quand  il  parle  de  l'économie  poHtique,  c'est  avec 
un  grand  bon  sens.  Il  a,  comme  ses  contemporains,  une 
prédilection  pour  l'agriculture;  mais  il  reconnaît  l'impor- 
tance de  l'industrie  manufacturière  et  du  commerce.  Il  a 
des  idées  fausses  sur  la  monnaie,  partage  l'erreur  com- 
mune qui  regarde  les  métaux  précieux  comme  étant  la 
richesse  par  excellence  ;  il  avance  même  que  la  grande 
abondance  de  l'argent  n'en  ferait  jamais  baisser  le  prix; 
cependant  il  s'aperçoit  que  l'on  ne  s'appauvrit  pas  lorsqu'on 
exporte  de  la  monnaie  en  échange  d'objets  utiles. 
^  Aristote,  le  plus  puissant  des  théoriciens  politiques  de 
l'antiquité,  a  abordé  les  problèmes  économiques  dans  sa 
Politique.  Il  n'a  pas  ou  presque  pas  l'idée  de  l'évolution 
historique  d'un  phénomène  ou  d'une  loi  sociale  ;  mais,  en 
revanche,  il  sent  bien  l'étroite  cohérence  de  toutes  les  études 
relatives  à  la  société,  des  chapitres  de  la  sociologie  :  éthique, 
politique,  économie.  Quand  il  parle  de  la  richesse,  il  l'en- 
visage, non  comme  une  fin  en  soi,  mais  comme  un  élément 
de  la  vie  de  la  collectivité.  Il  attribue  l'origine  des  sociétés 
aux  besoins  psychologiques  de  la  nature  humaine  plus 
qu'à  des  nécessités  économiques  ;  il  veut  sauvegarder  la 
liberté  et  l'initiative  individuelles,  la  propriété  personnelle  ; 
il  est  partisan  de  l'esclavage.  Il  appHque  à  la  théorie  des 
richesses  le  nom  de  chrématistique .  Cette  partie  de  son 
œuvre  renferme  des  analyses  souvent  citées  :  «  Tout  objet 
de  propriété,  dit-il,  a  deux  usages,  tous  deux  inhérents  à 
l'objet,  avec  une  destination  particulière.  L'un  est  l'usage 
naturel,  l'autre  est  l'usage  artificiel.  Ainsi  l'usage  naturel 
d'une  chaussure  est  de  servir  à  marcher,  son  usage  arti- 
ficiel est  d'être  un  objet  d'échange.  »  Peut-on  mieux  dis- 
tinguer la  valeur  en  usage  de  la  valeur  en  échange?  Ailleurs 
il  explique  nettement  le  rôle  de  la  monnaie,  signe  conven- 
tionnel de  la  valeur,  indique  la  révolution  qui  résulta  de 
son  adoption  et  conclut  en  ces  termes  :  «  On  s'est  accou- 
tumé à  restreindre  l'art  de  la  spéculation  à  la  seule  mon- 
naie ;  on  a  pensé  que  l'unique  fonction  du  spéculateur  était 
d'amasser  des  métaux  précieux,  parce  que  le  résultat  défi- 
nitif de  ses  opérations  est  de  procurer  de  l'or  et  des 
richesses.  Cependant  la  monnaie  ne  serait-elle  pas  un  bien 
imaginaire?  Sa  valeur  est  toute  dans  la  loi.  Où  est  celle 
qu'elle  a  dans  la  nature?  Si  l'opinion  qui  l'admet  dans  la 
circulation  vient  à  changer,  où  est  son  prix  réel  ?  Quel 
besoin  delà  vie  pourrait-elle  soulager?  »  Quand  il  parle 
de  la  production,  Aristote  est  plus  loin  de  nos  idées  ;  il 
serait  disposé  à  regarder  l'agriculture  comme  étant  seule 
directement  productrice,  les  autres  branches  de  l'industrie 
qui  transforment  ou  distribuent  les  produits  n'ajoutant 
rien  de  positif  à  la  richesse  totale  de  la  communauté.  Il 

81 


ÉCONOMIE 


482  — 


çpndamne  le  prêt  à  intérêt,  parce  que  l'argent,  par  sa  propre 
efficacité,  ne  peut  engendrer  de  l'argent.  Il  redoute  un 
accroissement  excessif  de  la  population  de  l'Etat  et  recom- 
mande de  la  limiter  prudemment. 

Les  Romains  ont  tourné  leur  activité  vers  la  guerre  et 
la  politique  ;  leurs  idées  économiques  sont  médiocres  ;  leurs 
philosophes   les  empruntent  aux  Grecs.    Essentiellement 
agriculteurs,  ils  méprisent  h  travail  manufacturier  et  le 
commerce  de  détail.  Ils  furent  victimes  des  lois  écono- 
miques, lorsque  la  substitution  du  travail  servile  au  travail 
libre  et  des  latifundia  aux  petits  champs  ruina  l'Italie  et 
détruisit  la  classe  moyenne  qui  avait  fait  la  force  de  leurs 
armées.  Leurs  écrivains,  constatant  ces  malheurs,  sont 
pleins  d'éloges  pour  l'agriculture,  pour  l'antique  simphcité  ; 
ils  blâment  le  luxe,  cause  de  corruption;  aux  moralistes, 
comme  Cicéron  et  Sénèque,  s'ajoutent  les  écrivains  agri- 
coles   auteurs  de  traités  de  re  rustica,  Caton,  Varron, 
Columelle;  ils  signalent  le   danger  de  la  prédominance  du 
travail  servile  sur  le  travail  libre.  Columelle  est  partisan 
résolu  de  la  petite  culture  contre  la  grande.  Les  juristes 
se  sont  occupés  du  prêt  à   intérêt  et  de  l'usure  que  les 
législateurs  romains  furent  impuissants  à  réprimer.  Les  régle- 
mentations somptuaires  restrictives  du  luxe  furent  égale- 
ment inefficaces.  Les  juristes  ont  bien  compris  la  nature  de  la 
monnaie,  qui  doit  avoir  une  valeur  propre  et  ne  peut  être 
imposée  par  un  acte  de  l'autorité  publique,  ni  modifiée 
arbitrairement.  A  un  autre  point  de  vue,  les  immenses 
accumulations  de  capitaux  amassés  à  Rome  par  la  conquête 
furent  très  nuisibles  aux  pays  conquis  sans  profiter  beau- 
coup aux  conquérants.  Plus  tard  une  circulation  régulière 
s'établit,  la  capitale  drainant  la  monnaie  par  l'impôt  que 
lui  payaient  les  provinces,  mais  la  lui  renvoyant  par  ses 
achats.  Le  résultat  fut  la  démoralisation  complète  de  la 
nopulation  de  Rome,  inactive,  parasite  et  très  pauvre.  La 
paix  romaine  fut  pour  les  vaincus  un  bienfait  immense. 
Le  développement  des  routes  donna  au  commerce  le  plus 
srand  essor.  Le  monde  jouit  d'une  sécurité  inconnue  jus- 
qu'alors. On  connaît  mal  les  causes  de  la  décadence,  de 
l'empire  romain,  si  prospère  au  second  siècle  de  l'ère  chré- 
tienne. On  admet,  au  premier  rang,  parmi  les  causes  de 
ruine,  les  imperfections  sociales  et  économiques.  L'escla- 
vage,' qui  portait  tout  le  poids  de  cette  société,  en  fut 
écrasé  ;  le  système  fiscal,  de  plus  en  plus  onéreux,  devint 
intolérable  au  iv^  et  au  v^  siècle;  enfin  la  grande  crise  du 
lïi^  siècle,  en  supprimant  toute  sécurité,  interrompant  le 
commerce,  avait  détruit  les  capitaux  qui  ne  purent  se  recons- 
tituer   d'autant  que  les  impôts  devenaient  plus  lourds,  la 
guerre  et  les  pillages  continuels.  Plus  la  décadence  s'ag- 
grave, plus  se  multiplient  les  lois  et  les  règlements  écono- 
miques :  la  fixation  d'un  maximum  légal  pour  les  prix  des 
denrées  de  toute  nature  est  un  dés  faits  économiques  les 
plus  remarquables  (V.  Classes  sociale;s  et  Empire  romain). 
Au  point  de  vue  de  la  richesse  matérielle,  comme  au 
point  de  vue  du  développement  intellectuel  et  scientifique, 
le  moyen  âge,  du  V^  au  xiv<^  siècle,  marque  une  période  de 
dépression  profonde.  Le  développement  du  catholicisme  et 
la  reconstitution  d'un  ordre  social  absorbent  l'énergie  des 
penseurs  et  des  hommes  d'action.  Les  théories  économiques 
sont  empruntées  à  la  religion  ou  subordonnées  à  ses  ensei- 
onements.  A  l'époque  féodale,  la  classe  qui  prédomine  est 
rurale  et  militaire;  l'industrie  manufacturière  est  dédai- 
gnée, le  commerce  restreint,  surtout  par  l'insécurité  des 
communications  et  le  déplorable  état  des  routes.  Dans  les 
derniers  siècles  du  moyen  âge,  le  progrès  recommence  avec 
le  développement  de  la  vie  et  la  formation  de  la  bourgeoisie 
urbaine  ;  les  croisades  élargissent  l'horizon,  le  commerce 
augmente.  Les  principes  économiques  sont  ceux  du  chris- 
tianisme qui  les  consigne  dans  le  droit  canonique.  La  vie 
est  envisagée  au  point  de  vue  des  intérêts  spirituels,  non 
matériels.  L'idéal  est  la  communauté  des  biens  ;  la  pro- 
priété personnelle  est  une  institution  nécessaire  en  raison 
de  la  déchéance  de  l'homme  ;  mais,  en  certains  cas,  l'auto- 
rité peut  rétabhr  cette  communauté  primitive.  L'assistance 


est  due  aux  pauvres;  la  cupidité  est  la  source  de  tous  les 
maux  et  doit  être  combattue  énergiquement.  L'agriculture 
et  l'industrie  sont  des  modes  d'acquisition  légitimes  ;  mais 
le  commerce  est  mal  vu  parce  qu'il  s'allie  constamment  à 
la  fraude.  Le  marchand  est  tenu  de  fixer  à  ses  marchan- 
dises un  prix  légitime  {justum  pretium),  non  pas  un  prix 
résultant  de  l'offre  et  de  la  demande.  Il  ne  doit  pas  celer 
les  défauts  de  sa  marchandise  ni  tirer  avantage  de  la  fai- 
blesse de  l'acheteur.  Le  prêt  d'argent  à  intérêt  est  prohibe. 
L'interdiction  de  l'usure  est  la  grande  préoccupation  des 
canonistes.  La  question  de  savoir  si  un  prêt  était  ou  non 
usuraire  est  une  de  celles  qui  se  présentaient  le  plus  sou- 
vent aux  casuistes  ou  aux  tribunaux  de  l'Eglise.  Ces  pres- 
criptions ont  un  caractère  de  moralité  indéniable,  mais  elles 
ont  nui  beaucoup  au  progrès,  dont  l'intérêt  personnel  est 
le  grand  ressort.  Les  progrès  de  l'industrie  exigent  a  la 
fois  une  division  croissante  du  travail  et  l'emploi  de  grands 
capitaux  ;   ceux-ci  étant  indispensables  pour  les  grandes 
entreprises,  il  fallut  éluder  les  lois  sur  l'usure  pour  se  les 
procurer.  Le  prêt  à  intérêt  interdit  aux  chrétiens  devint  la 
spécialité  des  juifs.   Les  interdictions   ne  servirent  qu'à 
rendre  les  emprunts  plus  difficiles  et,  par  suite,  l'intérêt  plus 
onéreux.  L'économie  politique  des  canonistes  était  si  exclu- 
sive que  force  fut  de  faire  des  concessions.  Quand  on  connut 
Aristote,  on  adopta  ses  idées,  les  combinant  avec  celles  du 
christianisme  ;  c'est  ce  que  fait  saint  Thomas  d'Aquin  ou 
l'auteur  du  de  Regimine  principum.  Il  accepte  même 
l'esclavage,  et  cela  au  moment  où  il  disparaît.   L'affran- 
chissement de  la  classe  laborieuse  est  le  fait  essentiel  de 
l'histoire  du  moyen  âge.  On  trouvera  ailleurs  le  récit  de 
cette  révolution  (V.  Classes  sociales  et  Esclavage).  Un 
second  changement,  très  considérable,  fut  la  division  des 
travailleurs  en  patrons  et   ouvriers,   la  formation  d  une 
classe  de  capitalistes  producteurs.  La  solidarité  du  capital 
et  du  travail  se  manifeste,  alors  que  dans  l'antiquité  le  capi- 
taliste est  essentiellement  un  exploiteur  inactif,  enrichi  par 
la  guerre  ou  l'administration.  Rappelons  enfin  l'organi- 
sation des  corporations,  qui,  dans  les  villes,  groupent  et 
régularisent  les  efforts  des  ouvriers  (V.  Corporation).  Non 
seulement  elles  créent  1'  «  esprit  de  corps  »,  assurent  la 
sécurité  au  travailleur,  mais  elles  garantissent  la  qualité 
technique  des  produits. 

Au  xiv^  et  au  xv«  siècle,  le  système  économique  du  moyen 
âge  s'effondre.  L'Eglise,  après  sa  longue  lutte  contre  le 
pouvoir  temporel,  apparaît  incapable  de  gouverner  le 
monde.  Celui-ci  n'est  plus  aussi  exclusivement  livre  aux 
idées  générales  et  abstraites  ;  l'énergie  individuelle  reprend 
le  dessus  et  ses  efforts  irréguliers  bouleversent  la  société. 
Il  se  forme  des  gouvernements  forts  qui  y  remettent  l'ordre. 
Les  classes  laborieuses  croissent  en  importance  ;  la  spécia- 
lisation des  fonctions  est  attestée  par  la  formation  d'armées 
permanentes  soldées  pour  défendre  la  population  qui  tra- 
vaille. Les  manufactures  se  développent  ;  il  est  vrai  que 
les  guerres  effrovables  du  xiv^  et  du  xv^  siècle  enrayent  le 
progrès,  mais  elfes  ne  l'empêchent  pas.  Les  villes  italiennes, 
enrichies  par  le  commerce  (V.  ce  mot),  jettent  les  fonde- 
ments du  crédit  public.  Dans  toute  cette  période,  on  s'occupe 
peu  de  dissertations  économiques,  sauf  pourtant  en  ce  qui 
regarde  les  questions  financières.  On  discute  fréquemment 
les  questions  d'impôts,  au  moment  où  les  gouvernements 
rétablissent  les  taxes  annuelles  et  régulières  qui  avaient 
disparu  avec  l'empire  romain.  La  question  de  la  monnaie 
est  également  examinée  ;  les  erreurs  économiques  des  rois 
qui  croient  pouvoir  l'altérer  et  en  fixer  arbitrairement  la 
valeur  ont  de  désastreuses  conséquences  ;  elles  dessillent 
les  yeux,  et  l'évêque  de  Lisieux,  Nicolas  Oresme  (mort 
en  1382)  donne  une  théorie  de  la  monnaie  à  laquelle  il 
n'y  a  presque  rien  à  ajouter  (TractaMis  de  origine,  natura, 
jure  et  mutationibus  monetarum,  réimprimé  par  \yo- 
lowski,  1864).  Ni  pour  le  fond,  ni  pour  la  forme,  les  éco- 
nomistes modernes -ne  peuvent  dédaigner  cet  économiste. 
Au  xv^  siècle  et  au  xvi%  la  découverte  de  la  route  des 
Indes,  la  découverte  de  l'Amérique,  la  grande  navigation, 


—  483 


ÉCONOMIE 


la  supériorité  assurée  aux  peuples  européens  par  l'usage 
de  la  poudre  à  canon,  la  diffusion  des  idées  résultant  par 
l'imprimerie  et  la  gravure,  la  constitution  de  monarchies 
centralisées  pourvues  d'une  armée  et  d'un  impôt  permanent 
inaugurent  la  période  brillante  de  la  civilisation  moderne, 
civilisation  industrielle.  Toutefois,  il  faut  remarquer  que 
le  plus  grand  mérite  dans  notre  prodigieux  avancement 
économique  revient  à  la  science,  dont  les  applications  mé- 
thodiques ont  changé  la  face  du  monde  :  l'astronomie,  qui 
rendit  possible  la  grande  navigation  ;  la  chimie,  qui  fournit 
les  explosifs  et  rendit  impossible  tout  retour  offensif  de  la 
barbarie,  qui  transforma  l'alimentation,  le  vêtement,  toute 
la  vie  domestique;  les  mathématiques,  qui  préparèrent 
l'essor  des  arts  mécaniques  ;  la  physique,  à  qui  nous  devons 
la  vapeur,  la  télégraphie,  etc.  ;  la  médecine,  qui  doubla  la 
durée  de  la  vie  -humaine  :  tels  furent,  tels  sont  encore 
les  facteurs  prépondérants  ;  ies  hommes  d'Etat,  les  phi- 
losophes n'ont  joué  qu'un  rôle  secondaire.  Les  modifica- 
tions sociales  ont  été  surtout  la  conséquence  de  modifica- 
tions économiques  résultant  des  progrès  de  l'industrie.  Les 
transformations  les  plus  considérables  se  sont  accomplies  à 
partir  de  la  fin  du  xvin«  siècle.  La  période  moderne,  com- 
prenant les  trois  siècles  précédents,  n'a  fait  que  les  pré- 
parer. Elle  n'en  a  pas  moins  eu  une  histoire  économique 
d'autant  plus  intéressante  que  les  gouvernements  centra- 
Hsés  ont  eu  une  politique  économique  et  des  systèmes  qu'ils 
se  sont  efforcés  d'appliquer  dans  l'espoir  de  s'enrichir.  Ces 
spéculations  sont  le  point  de  départ  de  notre  économie  poli- 
tique. 

L'histoire  moderne  est  signalée  par  la  politique  des  gou- 
vernements qui  encouragent  méthodiquement  l'industrie  et 
s'efforcent  de  la  réglementer.  Ils  ne  peuvent  mener  à  bien 
leurs  projets  politiques  et  militaires  que  par  l'organisation 
des  finances  et,  pour  supporter  les  charges  croissantes,  ils 
veulent  augmenter  la  richesse  de  leur  peuple.  L'opinion 
dominante  alors  est  traduite  par  le  système  mercantile.  On 
regardait  la  monnaie,  les  métaux  précieux  comme  étant  la 
richesse  par  excellence  ;  l'objectif  était  donc  de  les  attirer  à 
soi  par  le  commerce  et  de  les  accumuler.  Chaque  pays  devait 
donc  vendre  le  plus  qu'il  pourrait  de  ses  propres  produits  et 
acheter  le  moins  possible  au  dehors,  de  manière  à  recevoir 
la  différence  en  or  ou  en  argent  ;  la  balance  du  commerce 
était  favorable  quand  on  recevait  plus  d'argent  qu'on  n'en 
déboursait.  Cette  doctrine  était  contraire  à  celle  du  moyen 
âge,  oii  la  préoccupation  principale  était  la  crainte  de  man- 
quer de  produits  et  où  chacun  voulait  d'abord  se  réserver 
ceux  de  son  pays,  puis  y  ajouter  ceux  des  autres.  L'une  et 
l'autre  doctrine  sont  restrictives  de  la  liberté  commer- 
ciale et  du  progrès  (V.  Commerce  et  Libre-Echange).  D'ail- 
leurs, le  système  mercantile  tel  que  nous  venons  de  l'exposer 
avec  son  cortège  de  prohibitions  à  l'importation  des  denrées 
étrangères,  à  l'exportation  des  métaux  précieux,  est  une 
conception  théorique  extrême.  En  fait,  les  idées  écono- 
miques du  xvii«  siècle  étaient  plus  complexes.  Roscher 
déclare  qu'on  ne  peut  les  résumer  en  un  axiome,  mais 
mieux  en  une  suite  de  propositions  marquant  des  tendances 
plutôt  que  des  théorèmes  :  importance  excessive  attachée  à 
la  possession  d'un  grand  stock  de  métaux  précieux  ;  pré- 
pondérance accordée  au  commerce  extérieur  sur  le  com- 
merce intérieur,  à  l'industrie  manufacturière  qui  trans- 
forme les  matériaux  sur  celle  qui  les  produit  (agriculture)  ; 
persuasion  que  le  chiffre  élevé  de  la  population  est  l'élé- 
ment essentiel  de  la  puissance  ;  application  de  l'autorité 
publique  et  législative  pour  réaliser  toute  fin  conçue  comme 
désirable.  Il  est  aisé  de  comprendre  comment  ces  idées  se 
formèrent.  Les  découvertes  géographiques  avaient  à  la  fois 
développé  le  commerce  et  accru  dans  d'énormes  propor- 
tions la  masse  des  métaux  précieux.  L'économie  du  temps 
féodal,  fondée  sur  les  fournitures  en  nature,  fait  place  à 
une  nouvelle  économie  où  la  propriété  mobilière  et  la  monnaie 
ont  un  rôle  prépondérant.  On  fut  alors  très  frappé  de  ce 
fait  gue  les  métaux  précieux  étaient  une  richesse  d'un  genre 
particuher,  toujours  employable  et  demandée  en  tout  temps 


et  en  tout  pays,  donnant  la  faculté  d'acquérir  tous  les 
autres  biens.  D'autre  part,  les  besoins  financiers  des  gou- 
vernements centralisés  firent  sentir  le  prix  de  l'industrie  ma- 
nufacturière ;  celle-ci  provoque  des  concentrations  d'hommes 
et  de  capitaux  plus  grandes  que  l'industrie  agricole  ;  elle 
donne  lieu  à  un  commerce  plus  actif  ;  elle  fut  donc  bien 
plus  appréciée  et  favorisée,  d'autant  que  les  produits  manu- 
facturés s'exportaient  particulièrement  aux  colonies  dont 
l'exploitation  semblait  un  des  principaux  revenus  publics 
(V.  Commerce  et  Colonisation).  Les  gouvernements  cher- 
chèrent donc  à  créer  chez  eux  toutes  les  espèces  d'indus- 
tries manufacturières  ;  ils  les  encouragèrent,  mais  aussi  les 
réglementèrent,  afin  de  garantir  la  bonne  quahté  des  pro- 
duits exportés  et  par  là  leur  renom  sur  le  marché  étran- 
ger. L'Etat,  des  corporations  ou  des  compagnies  privilégiées 
furent  chargés  de  ce  contrôle.  On  négocia  des  traités  de 
commerce  avec  la  double  préoccupation  de  s'ouvrir  des 
débouchés  et  de  se  réserver  le  plus  possible  le  marché 
national  ;  quant  aux  colonies,  la  métropole  leur  interdit  de 
commercer  avec  d'autres  qu'avec  elle-même.  On  trouvera 
aux  articles  Commerce,  Industrie  et  Libre-Echange  des  ren- 
seignements plus  détaillés.  Ce  que  nous  disons  ici  permet 
de  constater  que  la  politique  économique  des  nations  mo- 
dernes, celle  particulièrement  pratiquée  au  xvi^  et  au 
XVII®  siècle,  fut  le  résultat  des  circonstances  et  de  l'obser- 
vation plus  que  de  vues  théoriques  préconçues.  Cependant 
on  y  apporta  un  esprit  de  méthode  et  de  système  remar- 
quable, surtout  au  xvii«  siècle. 

Il  est  incontestable  que  ces  idées,  que  nos  économistes 
regardent  comme  arriérées,  ont,  en  leur  temps,  procuré 
les  plus  grands  bénéfices  à  ceux  qui  les  professaient  et  les 
appliquaient.  La  prédilection  pour  l'industrie  manufactu- 
rière et  le  commerce,  l'intervention  active  du  gouverne- 
ment en  leur  faveur,  furent  très  efficaces.  La  terre  étant 
toujours  aux  mains  des  nobles,  les  accroissements  de  la 
richesse  agricole  n'eussent  guère  profité  aux  travailleurs  et, 
d'autre  part,  la  science  était  trop  peu  avancée  pour  les  sti- 
muler; enfin  la  population  des  villes,  plus  instruite,  était 
plus   susceptible   d'une  direction  méthodique.  Les  efforts 
officiels  furent  couronnés  de  succès;  les  manufactures  se 
multiplièrent,  de  grands  progrès  techniques  furent  réalisés, 
les  facilités  croissantes  de  transport  décuplèrent  le  trafic. 
Enfin  l'application  du  système  'mercantile  et  protecteur, 
lorsqu'elle  fut  faite  avec  assez  de  méthode,  eut  les  meil- 
leurs effets.  Elle  permit  aux  nations  de  créer  des  indus- 
tries dont  la  concurrence  étrangère  paralysait  les  débuts, 
de  s'assurer  une  marine  nationale  et  le  profit  de  leur 
propre  commerce.  L'origine  de  la  fortune  économique  de 
l'Angleterre  et  de  la  France  lui  fut  due.  On  s'est  de- 
mandé quel  fut  l'inventeur  de  ce  système.  La  question  ne 
comporte  pas  de  réponse  précise.  Cependant  Charles-Quint 
fut  le  premier  souverain  qui  s'efforça  de  retenir  le  numé- 
raire, de  proscrire  les  marchandises  étrangères,  afin  de  s'en- 
richir en  vendant  sans  acheter  ;  il  fut  aussi  Forganisateur 
de  l'exploitation  coloniale,  facilitée  par  la  traite  des  nègres. 
Les  résultats  pour  l'Espagne  furent  désastreux  ;  mais,  en 
Angleterre,   Henri   VIII  et  Elisabeth  obtiennent,   d'une 
politique  analogue,  de  grands  avantages.  Cependant,  au 
XVII®  siècle,  la  prépondérance  commerciale  appartient  encore 
à   la  Hollande.  Elle  lui  fut  enlevée  par  la  politique  de 
l'Angleterre  et  de  la  France,  nullement  par  le  simple  jeu 
des  lois  économiques.  L'«acte  de  navigation»  d'une  part, 
d'autre   part  les  ordonnances  et  règlements  inspirés  par 
Colbert,  sont  les  applications  du  système  protecteur.  Col- 
bert  en  est  le  plus  illustre  représentant,  à  tel  point  qu'on 
l'appelle  souvent  le  colbertisme.  «  Il  est  le  seul  ministre  qui 
ait  eu  un  système  arrêté,  complet  et  conséquent  dans  toutes 
ses  parties,  et  c'est  l'honneur  éternel  de  son  nom  qu'il  Fait 
fait  triompher  en  dépit  des  obstacles  de  tout  genre  amon- 
celés sous  ses  pas.  Quoique  ce  système  soit  loin  d'être  irré- 
prochable dans  toutes  ses  parties,   il  était  un  progrès 
immense  au  temps  de  son  apparition,  et  nous  n'avons  rien 
eu,  depuis  lors,  qui  puisse  lui  être  comparé  en  fait  d'étendue 


—  484  — 


ÉCONOMIE 

et  de  profondeur.  Son  organisation  semble  avoir  conservé 
quelque  chose  du  respect  qui  s  attache  aux  fondations 
religieuses;  elle  a  fait  secte.  »  (Blanqui,  t.  I,  p.  410). 
Colbert  fut  activement  hostile  à  la  classe  des  rentiers  et  a 
celle  des  hommes  d'office,  qu'il  considérait  comme  des  pa- 
rasites de  l'Etat;  il  réduisait  le  nombre  des  charges,  dont 
un  autre  vice  était  d'immobihser  des  capitaux  considérables 
au  détriment  des  classes  laborieuses.  Il  révisâtes  tarifs 
de  douane  et  en  fit  un  moyen  de  protection  pour  les  ma- 
nufactures nationales  au  lieu  d'une  simple  ressource  fiscale 
qu'elles  étaient  auparavant;  il  en  atténua  les  rigueurs 
par  la  création  d'entrepôts.  Il  encouragea  l  mdustrie,  ré- 
duisant les  droits  d'entrée  sur  les  matières  premières    les 
augmentant  sur  les  objets  manufactures;  il  la  disciplma, 
surveillant  avec  soin  la  qualité  des  prodmts  ;  il  encouragea 
la  marine  par  des  primes.  Il  ne  chercha  nullement  a  créer 
des  monopoles  éternels,  puisqu'il  proclama  la  hberte  du 
commerce  des  colonies.  Son  œuvre  capitale  fut  son  sys- 
tème de  politique  douanière.  La   discipline   qu  il  voulait 
imposer  aux  manufacturiers  devint  fâcheuse,  car  elle  gênait 
l'esprit  d'initiative  et  les  améliorations.  Cependant  le  col- 
bertisme,  dont  le  but  était  d'encourager  l  industrie  natio- 
nale, ^attei^nit  si  bien  que,  dans  toute  1  Europe,  on  1  imita. 
Les  fabriques  se  fondaient,  le  régime  protecteur  assurait 
des  profits  aux  capitaux  qui  s'y  engageaient,  et  ces  profits 
les   multipliaient.  On  se  procurait   ainsi  en  abondance 
l'areent,  forme  tangible  de  la  richesse,  nerf  de  la  guerre. 
On  ^énonce   alors   le  système  mercantde   sous  la  terme 
absolue  que  nous  avons  indiquée  en  premier  lieu  :  le  com- 
merce intérieur  ne  fait  que  déplacer  les  biens,  sans  enri- 
chir la  nation,  puisqu'il  n'y   augmente  pas  la  masse  du 
numéraire  ;  la  vraie  source  de  la  richesse  est  le  commerce 
extérieur,  où  les  transactions  se  soldent  en  argent;  il  tant 
vendre  le  plus  possible,  acheter  le  moms  possible.  Le  sys- 
tème protecteur  favorise  la  création  d'industries  nationales 
susceptibles  d'exporter  et  restreint  les  achats  à  l  étranger 
V.  Commerce,  Libre-Echange  et  Monnaie).  Nous  avons 
dit  combien  ce  système  s'accorde  avec  la   formation  des 
nations  modernes.  Il  y  a  une  réelle  solidarité  entre  les  idées 
de  patriotisme  exclusif  et  de  nationalité  qui  n  ont  cesse  de 
se  répandre  depuis  le  xvn^  siècle  et  les  idées  économiques 
que  nous  exposons.  L'économie  politique  fut  ici  d  accord 
avec  la  politique.  .  i     i-o. 

La  culture  intellectuelle  due  à  la  Renaissance,  la  ditiu- 
sion  des  idées  facilitée  par  l'imprimerie,  devaient  susciter 
des  ouvrages  où  seraient  débattus  par  des  théoriciens  ou 
par  des  écrîvains,  représentant  des  intérêts  contradictoires, 
tous  les  problèmes  économiques.  A  la  fin  du  xvi«  siècle 
commence  une  littérature  économique  dont  l  importance  ira 
sans  cesse  grandissant.  La  première  chose  qui  trappa  les 
théoriciens  fut  le  renchérissement  général  qui  suivit  la 
découverte  des  mines  américaines  (V.  Métaux  et  Monnaie). 
Ce  renchérissement  troubla  profondément  toute  la  vie  éco- 
nomique, et  il  en  résulta  une  crise  d'autant  plus  grave 
que  les  causes  échappaient.  La  principale  était  la  déprécia- 
tion des  métaux  précieux  (signe  de  la  valeur),  conséquence 
fatale  de  leur  plus  grande  abondance  ;  ajoutez  les  nuctua- 
tions  dans  la  valeur  relative  de  l'or  et  de  l'argent.  L  Italie 
souffrait  plus  que  les  autres  pays  ;  elle  restait  en  dehors 
des  nouvelles  routes  commerciales,  et,  de  plus,  était  divisée 
et  dévastée  par  des  guerres  incessantes.  Le  comte  Gasparo 
Scaruffi  publie  en  1582  son  Discorso  sopra  le  monete  e 
délia  vera  proporùone  fra  Voro  e  Vargento,  où  il  pro- 
pose l'adoption  d'une  monnaie  universelle,  de  torme,  de 
composition,  de  valeur  et  de  désignation  identique  d^ans 
tous  les  Etats.  Davanzati  (de  Florence)  publie  en  lp88 
ses  Leùoni  délie  Monete,  —  Plus  compréhensif  était  le 
Français  Jean  Bodin,  dont  les  principaux  ouvrages  sont  : 
Réponses  aux  paradoxes  de  M.  Malestroit  touchant 
renchérissement  de  toutes  choses  et  des  monnaies 
(1568),  Discours  sur  le  rehaussement  et  diminution 
des  monnaies    (1578)  et  surtout  les  Six  Livres  de  la 
République  (1576).  Bodin  a  parfaitement  saisi  les  rap- 


ports entre  la  monnaie  et  la  richesse,  et  dit  que  1  interdic- 
tion d'exporter  les  métaux  précieux  est  absurde.  Dans  son 
traité  politique,  il  défend  la  propriété  individuelle;  i 
approuve  l'intervention  protectrice  du  gouvernement  et 
attache  la  plus  grande  importance  à  la  densité  de  la  popu- 
lation ;  mais  il  soutient  la  hberte  commerciale  et  attirme 
contre  Montaigne  que  ce  qu'une  nation  gagne  n  est  pas 
acquis  nécessairement  au  détriment  dune  autre.  1  déve- 
loppe les  éléments  du  système  mercantde.  -^f  ^^g^^^^^^^^ 
William  Stafford  fait  imprimer  Rriefe  Conceipte  of  Rnglish 
Policy  (1581),  dialogue  spirituel  où  il  reproduit  les  idées 
de  Bodin  et  les  applique  à  son  pays;  il  prêche  la  p  o^^^^^^^ 
tion  de  l'exportation  des  matières  premières  et  de  1  impor- 
tation de  produits  ouvrés.  -  En  Allemagne,  nous  ne  trou- 
vons pas  de  traité  théorique  qui  mérite  d  être  signale  ;  mais, 
dès  1530,  une  guerre  de  pamphlets  entre  la  maison  Ernes- 
tine  et  la  maison  Albertine  de  Saxe  avait  donne  heu  a  des 
publications  d'un  réel  mérite.  Le  duc  George  de  la  ligne 
Ernestine  voulait  changer  le  cours  de  la  monnaie  ;  ses  pa- 
rents de  l'autre  ligne  firent  écrire  contre  Im,  en  langue 
allemande,  un  pamphlet,  Gemeine  Stymmen  von  der 
Milntze;  le  duc  fit  répondre  ;  son  apoogie  contient  les  pre- 
miers aperçus  du  système  mercantde.  La  réplique  des 
Albertins  est  encore  plus  curieuse  par  la  netteté  de  ses 
considérations  sur  le  rôle  de  la  monnaie,  la  nature  du  com- 
merce et  de  la  richesse  publique,  etc. 

Au  xvii^  siècle,  les  théories  se  generahsent  ;  on  discute 
les  problèmes  économiques  dans  toute  leur  étendue  ;  voici 
des  traités  d'ensemble.  En  1613,  celui  du  Calabrais  An- 
tonio Serra  :  Rreve  Trattato  délie  cause  chepossono 
fare  abbondare  H  regni  d'oro  e  d'argento  dove  non 
sono  minière.  Il  développe  le  système  mercantile  et  met 
en  relief  la  supériorité  de  l'industrie  manufacturière  sur 
l'agriculture  comme  source  de  richesse  et  moye^^^  attirer 
à  smle  numéraire  :  il  s'appuie  sur  l'exemple  des  opulen^^ 
cités  industrielles  et  commerçantes  dltaie   Gènes,  Venise, 
Florence,  les  opposant  au  royaume  de  Naples    agricole  et 
pauvre.  Il  indique  aussi  l'importance  des  qualités  morales 
du  peuple  et  celle  d'une  bonne  administration,  conditions 
essentielles  de  l'enrichissement.  -Deux  années  plus  tard, 
Schrestien  de  Watteville  publie  son  Traité  d'économe 
politique  (1615).  Il  a  parfois  été  regarde  comme    onda-- 
feur  delà  science  à  laquelle  il  a  ourm  sa  dénomination 
nédise  l'agriculture,  mais  traite  les  autres  parties  de  son 
sujet  :  malufactures,  navigation,  commerce    finances  pu- 
bliques. Peu  favorable  à  la  liberté  compte  e  du  commer  e 
il  fait  surtout  l'apologie  du  trafic  avec  1  étranger  et  les 
colonies.  L'Anglais  Thomas  Mun  expose  la  théorie   de   la 
balance  du  commerce  dans  En^ftad'.  Trm^^^^^^^ 
reian  Trade  (1664)  ;  il  l'avait  deja  indiquée  dans  A  Dis- 
coiirsiofTrade  from  England  unto  the  East  Indies 
(1621).  Il  invite  l'Etat  à  réglementer  la  production  indus- 
trielle  le  commerce  d'exportation  et  d'importation  de  ma- 
nière à  attirer  chez  lui  l'argent  étranger  ;   il  J"g«  ^^^^^^^^ 
l'interdiction  d'exporter  les  métaux  précieux  en  échange 
de  marchandises  étrangères,  attendu  q^^V     w  an'nn  nT 
formées  et  réexportées,  seront  vendues  plus  f  «MU  on  ne 
les  a  achetées.  Mun  ajoute  qu'd  est  dangereux  da^oir  une 
trop  grande  abondance  de  numéraire  en  circulation    parce 
qu'il  en  résulte  un  renchérissement  des  denrées,  qu  1  de- 
Lt  plus  difficile  de  vendre  au  dehors.  Il  en  conclu^^^a  k 
nécessité  d'un  trésor  d'Etat  où  se  concentrent  les  métaux 
orécieux  Un  autre  théoricien  du  système  mercantile  et  colo- 
STtkr  JosiahChild,  auteur'de  l^ri.^  ^'^^mZ 
concerninq  Trade  and  the  Mer  est  ofMoney  (1658)  et 
Ta  New  mscourseof  Trade ymS).  Il  Propo^e  comme 
modèle  la  Hollande  et  montre  les  immenses  avantages  qui 
résultent  du  bas  loyer  des  capitaux  ;  mais  il  en  conclut  que 
le  gouvernement  doit  l'imposer  en  limitant  le  taux  de  i  in- 
térêt   Il  insiste  sur  les  avantages  d'une  population  nom 
brelse.  Il  accepte  la  doctrine  le  la  balance  du  commerce 
mais  fait  observer  qu'on  ne  peut  vendre  sans  ache  er  ^^^ 
doute  que  l'exportation  des  métaux  précieux  soit  nuisiDie 


—  485  — 


ÉCONOMIE 


en  soi.  Il  est  partisan  du  monopole  du  commerce  colonial 
au  profit  de  la  métropole  et  même  de  compagnies  privilé- 
giées. Il  critique  l'acte  de  navigation,  mais  lui  est  favorable 
en  principe.  Sir  W.  Temple  est  aussi  un  grand  admirateur 
de  la  Hollande  (Observations  upon  the  United  Provinces 
of  the  Netherlands,  4672),  partisan  de  la  balance  du 
commerce  ;  il  a  bien  vu  que  le  travail  est  la  source  de  la 
richesse  {Essay  on  the  Trade  of  Ireland,  4673). 

Les  hommes  d'Etat  du  xvn^  siècle  ont  été  généralement 
acquis  au  système  mercantile  ;  ils  Font  appliqué  avec  plus 
ou  moins  de'^radicaHsme  et  lui  ont  attribué,  non  sans  motif, 
le  développement  de  l'industrie  et  du  commerce,  car  ce  fut 
incontestablement  une  arme  puissante  dans  la  concurrence 
économique  entre  les  diverses  nations.  Mais  en  même  temps 
que  la  protection  prévalait  dans  la  politique,  des  philosophes 
tiraient  de  l'analyse  des  phénomènes  économiques  des  con- 
clusions toutes  différentes.  Ils  démontraient  que  la  richesse 
d'une  nation  n'est  pas  le  résultat  de  l'accumulation  de 
métaux  précieux,  mais  des  ressources  naturelles  et  du  tra- 
vail humain  ;  que  le  commerce  étranger  n'a  pas  de  vertus 
plus  grandes  que  le  commerce  intérieur;  que  l'agriculture 
est  aussi  importante  que  l'industrie  proprement  dite.  On 
insiste  sur  les  inconvénients  de  ce  formidable  appareil  de 
règlements,  de  prohibitions,  de  monopoles,  de  privilèges 
corporatifs  dont  les  gouvernements  ont  encombré  le  champ 
du  travail  ;  on  montre  les  avantages  de  la  liberté.  Tandis 
qu'en  Angleterre  on  se  borne  aux  critiques,  il  se  forme 
en  France  une  école  d'économistes  qui  deviendront  un 
pouvoir  dans  l'Etat  et  qui  se  préoccupent  surtout  des  ques- 
tions sociales,  protestant  contre  un  régime  oppressif  et 
proposant  pour  but  aux  gouvernements  de  procurer  à  la 
population  entière  la  plus  grande  quantité  possible  de  bien- 
être  matériel. 

Les  philosophes  anglais  ne  se  bornent  pas  à  l'étude  de 
l'économie  politique  ;  ils  l'abordent  plutôt  comme  un  cha- 
pitre de  la  sociologie,  dont  Bacon  a  dit  l'importance.  Il  faut 
mentionner  William  Petty  qui  est  un  précurseur  des  grands 
économistes.  Il  distingue  dans  la  population  deux  parties  : 
la  classe  productive  et  la  classe  improductive  ;  la  première 
ne  comprenant  que  les  gens  occupés  du  travail  manuel,  de 
la  production  matérielle  et  directe.  La  mesure  de  la  valeur 
d'un  objet  est  la  quantité  de  travail  nécessaire  pour  le  pro- 
duire; l'unité  est  le  minimum  nécessaire  pour  la  vie  quoti- 
dienne d'un  homme.  La  rente  foncière  est  l'excédent  de  la 
valeur  marchande  des  produits  sur  le  coût  de  la  produc- 
tion. Peu  favorable  à  l'intervention  publique,  il  ne  juge 
nécessaire  à  un  pays  que  la  masse  de  numéraire  affectée 
aux  besoins  de  la  circulation;  il  est  monométalliste ;  enfin 
il  attache  grande  importance  à  l'arithmétique  politique 
c.-à-d.  à  la  statistique,  dont  il  est  un  des  fondateurs.  Sir 
Dudley  North,  auteur  de  Discourses  wpon  Trade  (4  69d  ) ,  est 
le  protagoniste  du  libre-échange.  Il  affirme  que  la  richesse 
existe  indépendamment  des  métaux  précieux,  qu'elle  résulte 
de  l'industrie  humaine  appliquée  à  la  culture  du  sol  ou  au 
travail  manufacturier.  Les  métaux  précieux  ne  sont  qu'un 
élément  de  la  fortune  publique.  Leur  raréfaction  ou  leur 
surabondance  sont  des  phénomènes  qu'il  faut  laisser  se 
régler  librement.  L'exportation  du  surnuméraire  surabon- 
dant est  un  enrichissement,  non  un  appauvrissement,  car 
la  grande  utilité  du  commerce  est  d'échanger  des  super- 
fluités.  Les  nations  sont  vis-à-vis  de  l'humanité  dans  le 
même  rapport  que  les  villes  dans  une  nation,  les  familles 
dans  une  ville  ;  North  en  conclut  que  le  commerce  inté- 
rieur vaut  le  commerce  extérieur.  Le  taux  de  l'intérêt 
dépend,  comme  le  prix  de  toute  marchandise,  du  rapport 
entre  l'offre  et  la  demande.  Tout  commerce,  tout  échange 
est  profitable,  sans  quoi  il  n'aurait  pas  lieu.  Il  faut  laisser 
les  prix  se  fixer  par  le  jeu  naturel  du  négoce,  sans  les 
réglementer.  North  est  le  précurseur  d'Adam  Smith  ;  ses 
vues  sont  analogues,  il  ne  lui  manqua  que  le  génie  systé- 
matique du  grand  économiste  pour  énoncer  en  lois  et  coor- 
donner en  un  ensemble  les  idées  qu'il  avait.  —  Locke  lui 
est  à  cet  égard  très  inférieur.  Ses  Considérations  of  the 


lowering  oflnterest  and  raising  the  value  ofMoney 
(4691)  et  Further  Considérations  (4698)  témoignent 
d'une  certaine  confiance  dans  le  système  mercantile  ;  il  dit 
que  la  richesse  consiste  en  la  possession  d'une  grande 
masse  d'or  et  d'argent  et  qu'un  pays  qui  n'a  pas  de  mines 
ne  les  peut  acquérir  que  par  conquête  ou  commerce.  Il 
accepte  la  théorie  de  la  balance  du  commerce.  Il  n'admet 
pas  l'intervention  législative  pour  régler  le  taux  de  l'intérêt. 

Les  économistes  français  se  font  remarquer  au  début  du 
xviii®  siècle  par  leurs  protestations  contre  le  colbertisme. 
Les  deux  plus  illustres  sont  :  Pierre  Boisguillebert,  auteur 
d'un  Traité  de  la  nature  et  du  commerce  des  grains, 
des  Dissertations  sur  la  nature  des  richesses,  de  l'ar- 
gent et  des  tributs,  et  d'un  Essai  sur  la  rareté  de  Var- 
gent.  Il  insiste  avec  la  plus  grande  énergie  sur  cette  vérité 
que  la  richesse  d'une  nation  ne  consiste  pas  en  métaux 
précieux,  mais  dans  les  objets  de  consommation,  spéciale- 
ment dans  les  produits  agricoles.  Il  invective  cet  «  argent 
criminel  »,  simple  esclave  du  commerce  qui  en  est  devenu 
le  tyran.  Il  condamne  tous  les  règlements  arbitraires  im- 
posés au  commerce  intérieur  et  extérieur,  surtout  ceux 
qui  gênent  le  commerce  des  grains.  Il  affirme  que  la 
richesse  nationale  ne  dépend  pas  du  gouvernement,  mais 
de  lois  économiques  naturelles  qu'on  ne  peut  transgresser 
impunément.  Sous  un  régime  de  liberté,  les  intérêts  des 
différentes  classes  de  la  société  sont  les  mêmes,  et  ceux  des 
individus  coïncident  avec  ceux  de  l'Etat.  Les  nations  sont 
sohdaires  les  unes  des  autres,  comme  les  villes  d'un  même 
pays.  La  grande  différence  entre  les  hommes  est  celle  qui 
sépare  la  classe  laborieuse  qui  travaille  pour  vivre  et  n'y 
parvient  qu'à  peine,  de  la  classe  des  oisifs  qui  jouissent  de 
tout  sans  rien  produire.  Il  faudrait  renverser  les  rôles. 
Les  écrits  de  Boisguillebert  sont  animés  de  ce  grand  souffle 
de  philanthropie  qui  caractérise  les  écrivains  français  du 
xviu^  siècle.  —  Le  même  éloge  s'applique  à  ceux  de  Vauban 
dont  le  principal  ouvrage  est  le  Projet  d'une  Dixme 
royale  (4707).  Il  déplore  la  misère  des  classes  laborieuses 
et  trouve  que  le  gouvernement  doit  assurer  le  bien-être  de 
tous  les  membres  de  la  communauté  ;  les  classes  labo- 
rieuses sont  la  base  de  l'organisation  sociale  ;  la  richesse 
nationale  résulte  du  travail  et  spécialement  de  l'agricul- 
ture ;  l'industrie  a  surtout  besoin  de  liberté.  Comme  Bois- 
guillebert, Vauban  veut  supprimer  les  impôts  indirects, 
les  remplacer  par  un  impôt  sur  le  revenu  ;  il  veut  que  cet 
impôt  unique  soit  égal  pour  tous  ;  la  dîme  royale  com- 
prendra le  dixième  des  produits  agricoles,  le  dixième  des 
revenus  des  industriels  ou  des  commerçants. 

La  détresse  financière  et  l'épuisement  des  forces  produc- 
tives de  la  France,  signalés  par  Vauban  et  Boisguillebert, 
décidèrent  le  régent  à  patronner  une  opération  qui  est  le 
plus  remarquable  exemple  d'une  application  de  théories 
économiques  à  la  politique  ;  nous  voulons  parler  de  l'entre- 
prise de  Law  (V.  ce  nom).  Ce  fameux  spéculateur,  très 
informé  des  mécanismes  du  crédit  public,  qu'il  a  parfaite- 
ment exposés  dans  ses  Considérations  sur  le  numéraire, 
frappé  des  bienfaits  que  l'activité  de  la  circulation  moné- 
taire réalisait  en  Hollande,  convaincu  comme  tant  d'autres 
que  l'abondance  de  la  monnaie  était  une  cause  essentielle, 
de  richesse  par  le  développement  qu'elle  donnait  à  l'indus- 
trie, jugea  que  les  banques  de  circulation  permettaient  de 
suppléer  au  numéraire,  de  décupler  la  somme  de  la  mon- 
naie par  la  puissance  d'un  crédit  garanti  par  l'Etat  et,  par 
suite,  d'activer  le  travail  sous  toutes  ses  formes  en  lui 
fournissant  les  capitaux  à  bon  marché  et  en  multipliant  les 
achats.  Il  voulait  aussi  affranchir  les  travailleurs  du  despo- 
tisme des  prêteurs  d'argent  en  leur  donnant  la  commandite 
du  crédit  de  l'Etat.  «  C'est  au  souverain  à  donner  le  crédit, 
non  à  le  recevoir.  »  Son  disciple,  Dutot,  a  décrit  dans  les 
Réflexions  politiques  sur  les  finances  et  le  commerce 
(4738)  les  heureux  résultats  obtenus  par  la  banque  de  Law, 
résultats  conformes  aux  prévisions  de  l'inventeur.  Il  obtint 
ce  résultat  de  faire  préférer  le  papier-monnaie  au  numé- 
raire par  le  public .  Il  conçut  un  projet  plus  vaste  :  «  Réunir 


ÉCONOMIE 


—  486  — 


en  une  association  commune  tous  les  capitalistes  de  France 
et  leur  faire  mettre  en  commandite  tous  les  éléments  de  la 
richesse  publique  depuis  la  propriété  foncière  jusqu'aux 
éventualités  du  commerce  colonial.  Quelle  plus  belle  hypo- 
thèque que  la  France  !  et  quelle  valeur  une  telle  garantie 
devait  acquérir,  quand  le  crédit  assuré  au  plus  humble 
propriétaire  ouvrirait  une  carrière  illimitée  aux  améliora- 
tions de  toute  espèce  !  »  (Blanqui,  t,  II,  p.  71).  On  verra 
ailleurs  (V.  Banque  et  Law)  comment  les  exigences  du 
gouvernement  et  surtout  la  spéculation  organisée  sur  une 
de  ces  entreprises  coloniales,  dont  le  mirage  n'a  cessé 
d'abuser  nos  compatriotes,  entraîna  la  ruine  du  système  de 
Law  ;  il  acheva  de  se  discréditer  par  les  mesures  les  plus 
tyranniques  et  les  plus  contraires  à  ses  principes.  Mais  il 
n'en  est  pas  moins  certain  que  cette  expérience  économique, 
la  plus  colossale  qui  ait  jamais  été  tentée,  eut  d'heureux  effets 
malgré  la  banqueroute  finale.  Elle  créa  en  France  les  pre- 
mières valeurs  industrielles,  fournissant  un  placement  aux 
petits  capitaux,  un  emploi  à  l'épargne,  diminua  l'intérêt  de 
l'argent  ;  elle  mobilisa  la  propriété  foncière.  Les  projets  les 
plus  audacieux  de  certains  réformateurs  ne  dépassent  pas 
ce  que  Law  réahsa  pendant  deux  ou  trois  ans.  Les  spécu- 
lations de  bourse  qui  détruisirent  son  œuvre  ne  doivent 
pas  en  faire  oublier  la  grandeur.  Au  point  de  vue  qui  nous 
intéresse,  elle  demeure  l'exemple  le  plus  étonnant  et  le  plus 
complet  d'une  pohtique  économique  procédant  uniquement 
d'une  théorie. 

Les  économistes  qui  vinrent  ensuite  développèrent  des 
principes  opposés,  sous  l'influence  d'une  réaction  bien  na- 
turelle. Blanqui  l'explique  en  ces  termes  :  «  De  toutes  les 
valeurs  industrielles  écloses  sous  l'atmosphère  embrasée  du 
«  système  »,  il  ne  restait  plus  rien  que  la  ruine,  la  désola- 
tion et  la  banqueroute.  La  propriété  foncière  seule  n'avait 
pas  péri  dans  cette  tourmente.  Elle  s'était  même  améliorée 
en  changeant  de  mains  et  en  se  subdivisant.  L'importance 
qu'elle  acquérait  ainsi  tout  à  coup  augmenta  considéra- 
blement sa  valeur,  et  bientôt  l'activité  des  esprits  désillu- 
sionnés de  spéculations  se  porta  vers  la  culture  du  sol 
pour  lui  demander  réparation  des  malheurs  du  système. 
On  eût  dit  que  chaque  homme  avait  besoin  de  se  reposer  à 
l'ombre  de  sa  vigne  et  de  son  figuier  des  secousses  et  des 
agitations   de   la  bourse.  Jamais  transition  ne  fut  plus 
brusque.  On  y  procédait  toutefois  au  travers  d'un  monceau 
de  livres.  Il  pleuvait  des  écrits  sur  la  circulation,  sur  le 
crédit,  sur  l'industrie,  sur  la  spéculation,  sur  le  luxe  : 
chacun  voulait  expliquer  la  crise  dont  on  sortait  et  croyait 
avoir  trouvé  pour  sa  consolation  le  mot  de  cette  énigme. 
On  avait  pensé  pendant  quelque  temps  que  l'argent  était  la 
richesse  par  excellence  et  qu'en  multipliant  le  papier  qui 
la  représentait  on  multipliait  la  richesse  elle-même.  Mais 
le  renchérissement  de  toutes  choses  et  la  chute  du  papier 
avaient  dessillé  les  yeux  des  plus  aveugles,  et,  comme  c'est 
l'usage  dans  les  circonstances  semblables,  on  avait  passé 
de  l'engouement  à  l'aversion,  du  fanatisme  à  l'incrédulité. 
Il  n'y  avait  plus  désormais  de  richesse  véritable  que  la 
terre,  et  de  revenus  assurés  que  ceux  qui  émanaient  de  son 
sein.  C'est  de  cette  réaction  qu'est  sorti  le  système  agricole, 
plus  connu  sous  le  nom  des  économistes  ou  de  Quesnay 
qui  en  fut  le  principal  fondateur.  C'est  aussi  le  premier 
système  qui  ait  fait  école  et  qui  se  soit  formulé  avec  une 
précision  dogmatique  assez  rare  dans  les  annales  de  la 
science.  »  Telle  est  la  raison  pour  laquelle  on  le  place  d'or- 
dinaire en  tête  de  l'histoire  de  l'économie  pohtique.  C'est 
à  partir  de  cette  époque  que  celle-ci  se  présente  comme  un 
corps  de  doctrine  homogène. 

Les  chefs  de  la  nouvelle  école  qui  s'intitulaient  les 
économistes^  mais  auxquels  on  applique  le  plus  souvent  le 
nom  de  ptiysiocrates  (inventé  par  Dupont  de  Nemours), 
furent  François  Quesnay  (1694-1774)  et  Jean -Claude- 
Marie  Vincent,  sieur  de  Gournay  (1712-1759).  Stanley 
Jevons  a  voulu  reporter  à  Cantillon,  auteur  d'un  Essai 
sur  la  nature  du  commerce  en  général  (1753),  l'honneur 
d'avoir  été  le  promoteur  des  nouvelles  doctrines.  Mais, 


en  réaHté,  il  convient  de  le  laisser  à  Quesnay.  Nous  ren- 
voyons à  sa  biographie  en  citant  ses  articles  Fermiers  et 
Grains  de  l'Encyclopédie  (1756-57),  ses  Maximes  géîié- 
raies  de  gouvernement  économique  d'un  royaume  agri- 
cole (1758)  et  son  Jableau  économique.   Son  système 
économique  fit  d'autant  plus  d'effet  qu'il  se  présenta  flanqué 
d'une  réforme  financière.  Jusque-là  on  avait  peu  parlé  de 
l'agriculture.   Quesnay    déclara   que  toutes   les  richesses 
provenaient  de  la  terre,  attendu  que  c'était  d'elle  que  les 
hommes  tiraient  leur   ahmentation  et  les  matières  pre- 
mières de  toutes  les  industries.  Le  travail  appliqué  à  la 
terre  produisait  de  quoi  s'alimenter  lui-même,  et,  de  plus, 
un  excédent  qui  s'ajoutait  à  la  masse  des  richesses  exis- 
tantes. Cet  excédent  fut  dénommé  le  produit  net,  La 
faculté  créatrice  fut  refusée  par  Quesnay  aux  autres  indus- 
tries qui  se  bornaient  à  transformer  les  produits  du  sol, 
parce  que,  disait  Quesnay,  leurs  produits  ne  représentaient 
que  l'équivalent  de  la  matière  première,  plus  la  somme  de 
leurs  consommations  durant  le  travail,  de  telle  sorte  que 
le  total  des  richesses  était  le  même  après  qu'avant  ;  il  n'en 
était  autrement  que  dans  le  cas  où  les  maîtres  ou  les  ou- 
vriers avaient  mis  en  réserve,  épargné  ce  qu'ils  auraient 
pu  consommer.  Le  travail  agricole  était  seul  productif;  les 
autres  n'augmentant  pas  le  capital  social,  ne  faisant  qu'en 
modifier  la  forme,  étaient  stériles.  C'était  donc  une  néces- 
sité naturelle  que  les  propriétaires  fonciers  eussent  la  pré- 
pondérance dans  l'Etat.  Recueillant  la  totalité  des  produits, 
ils  en  distribuaient  une  part  aux  non-propriétaires  sous  le 
nom  de  salaire.  Les  économistes  en  concluaient  qu'on  ne 
pouvait  mettre  d'impôts  sur  les  salaires;  il  ne  devait  y 
avoir  qu'un  impôt  unique,  V impôt  territorial^  lequel 
devait  être  levé  sur  les  propriétaires  fonciers  et  déduit 
de  leur  produit  net.  L'intérêt  fondamental  de  l'Etat  était 
de  multiplier  les  produits  agricoles.  Préoccupés  surtout  de 
la  classe  foncière,  les  économistes  voulant  lui  assurer  le 
bon  marché  par  la  concurrence  des  vendeurs,  prêchèrent 
la  liberté  absolue  de  l'industrie  et  du  commerce.  Ils  adop- 
tèrent la  célèbre  maxime  «  Laissez  faire ,  laissez  passer  ». 
Quesnay,  médecin  de  Louis  XV,  était  aimé  du  roi  qui  im- 
prima lui-même  les  épreuves  de  son  Tableau  économique 
avec  l'épigraphe  «  Pauvres   paysans,   pauvre  royaume; 
pauvre  royaume,  pauvre  roi  ».  Cet  ouvrage   indiquait  la 
distribution  du  revenu  territorial  résultant  des  lois  de  la 
production.  Il  avait  l'allure  dogmatique  et  scientifique  d'un 
traité  de  mathématiques.  Son  succès  fut  prodigieux  et  on 
y  vit  le  catéchisme  d'une  science,  d'une  foi  nouvelle.  Les 
Maximes  insistaient  sur  le  rôle  du  gouvernement  et  sur  le 
côté  politique  de  ces  questions.  C'est  là  aussi  que  les  écono- 
mistes remportèrent  les  plus  brillants  succès.  Dénonçant 
sans  relâche  les  abus  des  privilèges  et  mesures  restrictives, 
corporations,  douanes,  corvées,  impôts  mal  assis,  soulevant 
les  problèmes  sociaux  les  plus  graves,  ils  eurent  une  grande 
influence  sur  tous  les  princes  réformateurs  de  la  seconde 
moitié  du  xvm^  siècle,  Joseph  II,  Catherine  de  Russie,  le 
grand-duc  de  Toscane,  etc.  En  France,  à  côté  de  Quesnay 
et  de  Gournay,  de  leurs  élèves,  Mercier-Larivière,  l'abbé 
Bandeau,  il  faut  citer  des  hommes  p'olitiques,  Trudaine, 
Malesherbes,  d'Argenson,  Turgot.  Leur  passion  pour  la 
liberté  commerciale,  leur  hostilité  pour  l'impôt  indirect  se 
sont  perpétuées.  Malgré  l'antagonisme  de  Voltaire  et  de 
Montesquieu,  les  économistes  firent  autant  que  les  philo- 
sophes pour  renouveler  la  société  européenne  et  préparer 
la  Révolution  française.  Ils  étaient  universellement  res- 
pectés, Quesnay  surtout,  à  cause  de  leur  conviction  et  de 
leur  sérieux;  leurs  allures  doctrinaires,  leurs  affirmations 
dogmatiques  faisaient  grand  effet.  Une  foule  d'écrits,  de 
journaux,  répandaient  leurs  idées. 

A  côté  de  (Quesnay,  fils  de  cultivateur  et  panégyriste  de 
l'agriculture,  il  faut  faire  place  à  Gournay,  négociant,  qui 
étudie  particulièrement  les  questions  commerciales;  il  fut 
l'auteur  de  la  formule  «  Laissez  faire,  laissez  passer  »,  com- 
battit les  monopoles  et  les  droits  sur  les  matières  pre- 
mières. Il  a  traduit  Child,  mais  n'a  écrit  que  des  mémoires 


—  487  — 


ECONOMIE 


adressés  aux  ministres.  Ses  idées  sont  exposées  dans  V Eloge 
que  lui  consacra  Turgot .  Il  n'a  pas  admis  le  paradoxe  de 
l'improductivité  de  l'industrie  manufacturière  et  du  com- 
merce. 

Un  de  leurs  premiers  disciples  fut  Victor  Mirabeau 
qui  délaya  en  lourds  volumes  les  théories  de  Quesnay, 
mais  soutint  malgré  son  maître  la  petite  culture  contre  la 
grande.  Outre  fAmi  des  hommes,  traité  sur  la  po- 
pulation (1756),  sa  Théorie  de  Vimpôt  (1760)  et  ses 
Economiques  (1769),  il  a  laissé  une  Philosophie  rurale 
ou  Economie  générale  et  politique  de  V agriculture 
(1763),  exposé  complet  du  système  physiocratique.  Celui 
qui  inventa  ce  nom  de  physiocrates,  par  allusion  à  la 
prééminence  que  l'école  reconnaissait  aux  ressources  na- 
turelles, fut  Dupont  de  Nemours  (1739-1817),  dont  la 
Physiocratie  ou  Constitution  naturelle  du  gouverne- 
ment le  plus  avantageux  au  genre  humain  (1763) 
peut  être  regardée  comme  le  catéchisme  des  économistes. 
Un  autre  de  leurs  principaux  écrivains  fut  Mercier-Lari- 
vière,  auteur  de  l'Ordre  naturel  et  essentiel  des  sociétés 
politiques  (1767).  C'est  contre  lui  que  Voltaire  écrivit 
V Homme  aux  quarante  écus. 

Une  place  éminente  doit  être  réservée  à  Turgot  (1727- 
1781),  qui  mit  en  action  le  programme  des  économistes, 
affranchissant  le  commerce  des  blés,  supprimant  les  cor- 
vées, abolissant  les  corporations  en  proclamant  le  droit 
au  travail.  Il  eut  moins  de  succès  en  voulant  réaliser 
l'impôt  territorial  ou  en  condamnant  les  emprunts.  Il  agit 
avec  la  sereine  confiance  et  la  hardiesse  d'un  croyant. 
Comme  théoricien,  son  œuvre  principale  est  le  Traité  de 
la  formation  et  de  la  distribution  des  richesses  (1766). 
Il  y  expose  admirablement  la  division  du  travail,  le  rôle 
de  la  monnaie,  le  mécanisme  du  commerce,  l'influence  du 
taux  de  l'intérêt  sur  toutes  les  entreprises.  Il  le  compare  à 
une  nappe  d'eau  répandue  sur  un  pays  accidenté  :  «  Il  suffit 
que  l'eau  monte  ou  baisse  d'un  pied  pour  inonder  ou  rendre 
à  la  culture  des  plages  immenses.  C'est  l'abondance  des 
capitaux  qui  anime  toutes  les  entreprises,  et  le  bas  prix  de 
l'argent  est  tout  à  la  fois  l'effet  et  l'indice  de  l'abondance 
des  "capitaux.  »  Turgot  est  le  précurseur  direct  d'Adam 
Smith.  Il  eut  le  mérite  d'avoir  le  premier  appliqué  les  idées 
des  économistes  et  de  les  avoir  ainsi  soumises  par  l'épreuve 
de  la  pratique  au  jugement  de  tous. 

Avant  de  passer  à  un  autre  chapitre  de  cet  historique,  il 
nous  faut  présenter  un  tableau  d'ensemble  de  la  doctrine 
physiocratique,  car  il  serait  injuste  de  ne  la  juger  que  sur 
ses  assertions  les  plus  contestées.  Elle  repose  sur  une 
théorie  politique.  Une  société  est  formée  d'individus  ayant 
des  droits  naturels  égaux,  chacun  ayant  la  connaissance  de 
son  intérêt  particulier  et  étant  naturellement  incliné  à  le 
suivre.  L'union  sociale  résulte  d'un  contrat  virtuel  entre 
eux  ;  elle  limite  la  liberté  naturelle  de  chacun  dans  la  me- 
sure où  elle  serait  incompatible  avec  les  droits  des  autres. 
Le  gouvernement  est  un  mal  nécessaire  ;  il  ne  doit  inter- 
venir que  lorsque  cela  est  indispensable.  Dans  l'ordre  éco- 
nomique, chaque  individu  a  droit  au  produit  qu'il  peut 
acquérir  par  son  travail.  Ce  travail  ne  doit  donc  être  gêné 
en  rien,  et  ses  produits  doivent  être  garantis  au  travail- 
leur; de  là  résulte  la  légitimité  de  la  propriété.  Il  faut  que 
chaque  citoyen  travaille  le  plus  possible.  Donc,  liberté 
absolue  d'échange  et  concurrence  illimitée  sur  le  marché. 
Vient  ensuite  la  théorie  de  la  productivité  agricole  et  du 
produit  net  que  nous  avons  analysée  d'après  Quesnay. 
Remarquons  qu'elle  repose  sur  une  confusion  entre  la  ma- 
tière, l'énergie,  qui  est  fournie  par  la  nature  et  seulement  ' 
transformée  par  l'homme,  et  la  valeur  qui  résulte  précisé- 
ment de  cette  adaptation  à  nos  besoins.  Le  grand  résultat 
obtenu  par  les  physiocrates  fut  la  destruction  du  système 
mercantile,  de  la  faveur  exclusive  pour  l'industrie,  de  la 
réglementation  et  des  privilèges,  en  un  mot  de  la  méthode 
suivie  par  les  gouvernements  européens  depuis  un  ou  deux 
siècles.  Leurs  tendances  individualistes  et  libérales,  leurs 
invocations  du  droit  naturel,  conformes  aux  idées  régnantes, 


à  celles  de  Rousseau  nommément,  eurent  une  grande 
influence  sur  la  Révolution  française.  L'Assemblée  consti- 
tuante fit  quelques  tentatives  pour  réaliser  le  système  phy- 
siocratique. Celui-ci  fut  ensuite  négligé  pour  celui  d'Adam 
Smith. 

En  Italie  se  manifestait  à  la  même  époque  un  mouve- 
ment économique  dû  en  grande  partie  à  l'ascendant  des 
idées  françaises.  Un  de  ses  premiers  auteurs  fut  Bandini 
(1677-1760),  promoteur  des  réformes  en  Toscane.  Antonio 
Broggia  (Tr^^^a^z  dei  tributi  e  délie  monete  e  del  governo* 
politica  delta  società,  1743)  et  GirolamoBelloni  (Disserta- 
zioni  sopra  il  commercio,  1750)  sont  encore  des  adeptes 
de  l'école  mercantile;  de  même  Genovesi  (1712-1769). 
C'est  pour  ce  Napolitain  que  fut  fondée  en  1755  la  pre- 
mière chaire  d'économie  politique  où  cette  science  ait  été 
enseignée.  Une  autre  le  fut  dix  ans  plus  tard  pour  Bec- 
caria  ;  mais  dans  l'intervalle  on  en  avait  établi  une  en 
Suède,  à  Stockholm  (1758).  Genovesi  publia  son  cours, 
Lezioni  di  commercio,  ossia  di  economia  civile  (il 69). 

—  Ferdinando  Galiani  est  aussi  partisan  du  système  mer- 
cantile (Délia  Moneta,  1750)  ;  il  dut  sa  réputation  à  ses 
spirituels  Dialogues  sur  le  commerce  des  blés  (1770), 
où  il  soutient  que  le  meilleur  système  est  de  n'en  avoir 
aucun  ;  il  entra  en  discussion  avec  les  physiocrates,  avec 
Morellet  particulièrement.  Ses  idées  étaient  très  arriérées. 

—  Cesare  Beccaria  (1738-1794)  est  plus  avancé.  Ses  Ele- 
menti  di  economia  pubblica  (1769-1771)  résument  son 
cours.  Il  partage  les  idées  des  physiocrates,  estime  l'agri- 
culture seule  productive,  les  privilèges  et  monopoles  nui- 
sibles ;  mais  il  est  protectionniste  en  matière  de  commerce 
extérieur  et  n'est  pas  acquis  à  la  liberté  du  commerce  des 
céréales.  —  Son  amiPietro  Verri  (1728-1797)  fut  un  des 
administrateurs  de  la  Lombardie,  où  il  eut  occasion  de 
faire  des  réformes.  Il  renoncerait  à  la  réglementation  du 
commerce  intérieur  et  de  l'industrie,  mais  veut  que  le  gou- 
vernement les  protège  contre  la  concurrence  étrangère.  Il 
préfère  la  petite  à  la  grande  culture,  rejette  l'impôt  ter- 
ritorial. Dans  ses  Meditazioni  suW  economica  politica 
(1771),  il  adopte  comme  critérium  «  l'augmentation  de  la 
reproduction  »,  c.-à-d.  des  produits  annuels  du  sol  et  du 
travail  ;  est  bonne  une  mesure  qui  augmente  ce  produit.  — 
Carli  (1720-1795)  montre  la  fausseté  de  la  balance  du 
commerce  (Ragionamenti  sopra  i  bilanci  economici 
délie  nazioni)  ;  il  a  réfuté  la  doctrine  physiocratique  de 
la  productivité  exclusive  de  l'agriculture  en  signalant  la 
nécessité  de  plusieurs  classes  économiques  dans  une  nation, 
et  les  profits  réflexes  que  la  prospérité  manufacturière  vaut 
à  l'agriculture.  —  Vasco  (1733-1796)  blâme  les  corpo- 
rations, la  réglementation  officielle  de  l'industrie,  mais 
voudrait  que  le  gouvernement  assurât  la  division  de  la 
propriété  foncière.  —  Filangieri  (1752-1788)  réclame  la 
liberté  absolue  du  commerce  et  de  l'industrie  et  se  rallie 
aux  opinions  des  physiocrates.  —  Ludovico  Ricci  (1742- 
1799)  dans  son  rapport  Sulla  Riforma  degli  istituti 
pii  délia  città  di  Modena  (1787)  traite  à  fond  la  question 
de  l'assistance  publique  et  met  en  relief  les  dangers  qu'en 
présente  l'abus.  Il  a  des  idées  analogues  à  celles  de  Malthus. 

—  Francesco  Mengotti  se  fait  connaître  par  une  vigoureuse 
attaque  contre  II  Colbertismo  (1791)  et  le  système  pro- 
tectionniste ;  il  fait  ressortir  (Del  Commercio  de'  Romani^ 
1792),  contre  Iluet,  les  différences  radicales  entre  les 
civilisations  antiques  et  modernes.  —  Giammaria  Ortes 
(1713-1790)  rejette  également  les  théories  mercantiles  et 
physiocratiques  ;  il  cherche  son  idéal  dans  l'organisation  du 
moyen  âge,  blâme  le  prêt  à  intérêt.  Il  croit  que  le  chiffre 
de  la  population  est  toujours  proportionnel  à  la  somme  de 
la  richesse  publique.  Tout  ce  que  le  riche  gagne  est  perdu 
par  quelque  pauvre.  Il  est  vain  d'essayer  d'accroître  la 
richesse  publique  ;  on  ne  peut  qu'en  modifier  la  répartition 
(Riflessioni  sulla  popolazione  délie  nazioni  per  rap- 
porta air  economia  politica).  Ortes  admet  que  la  popu- 
lation s'accroîtrait  normalement  suivant  une  progression  géo- 
métrique, mais  que  cet  accroissement  est  limité  par  la  raison. 


ECONOMIE 


—  488 


En  Espagne,  la  liberté  d'exprimer  sa  pensée  était  bien 
moindre  qu'en  France  ;  la  littérature  économique  y  est  bien 
plus  pauvre.  Ustariz  (Teorica  y  Practica  del  Corner cio 
y  Marina^  4724)  pousse  à  leurs  conséquences  extrêmes 
les  théories  mercantiles.  Le  comte  de  Campomanes(1723- 
1802)  prélude  comme  Turgotpar  des  études  économiques 
à  ses  grandes  réformes  ministérielles  et  démontre  que 
l'Espagne  doit  chercher  sa  richesse  dans  son  industrie  na- 
tionale, non  dans  les  mines  d'Amérique. 

En  Allemagne,  on  aborda  les  études  économiques  par  le 
côté  politique  et  juridique.  Pour  préparer  les  candidats  aux 
tribunaux  caméraux  et  conseils  auliques,  on  institua  dans 
les  universités  un  enseignement  dit  caméralistique  sur 
l'administration  et  les  finances,  bref  sur  les  sciences  poli- 
tiques et  économiques.  Les  théoriciens  allemands  furent 
tous  au  xvii^  siècle  partisans  du  système  mercantile  et  de 
la  balance  du  commerce,  Bêcher,  Besold,  Bornitz,  Hor- 
neck,  Klock,  Schrœder,  Seckendorf  ;  jusqu'au  milieu  du 
xvm®  siècle  cet  engouement  se  maintient.  Justi  (-f  l'^'^'l), 
l'auteur  du  premier  traité  allemand  d'économie  politique, 
en  témoigne.  Aux  physiociates  se  rallient  Schlettwein 
(1731-1802),  Manvillon  (1743-1794)  et  le  margrave  de 
Bade,  Karl-Friedrich,  qui  rédige  pour  ses  fils  un  médiocre 
Abrégé  d'économie  politique  (1772).  Theodor  Schmalz 
(1764-1831)  défendra  obstinément  ce  système  contre  celui 
d'Adam  Smith.  Le  plus  illustre  économiste  allemand  du 
xvm®  siècle  est  JustusMœser  (1720-1794),  dont  les  Patrio- 
tische  Phantasien  (1774)  ont  un  renom  littéraire.  Il 
défend  les  corporations,  toute  l'organisation  du  moyen  âge, 
à  laquelle  il  souhaite  de  revenir.  Il  est  surtout  remarquable 
par  sa  verve  caustique  et  les  critiques  qu'il  dirige  contre 
les  théories  en  vogue. 

En  Angleterre,  la  première  moitié  du  xviii^  siècle  ne 
nous  apporte  rien.  Mais  en  1752  et  1753  paraissent  les 
dissertations  économiques  de  Hume  (Political  Discourses 
et  Essays  and  Treatises  on  Several  S2ibjects).Le  philo- 
sophe y  met  ses  qualités  de  penseur  profond  et  subtil, 
d'analyste  perspicace  et  clair.  Il  traite  de  la  monnaie,  de 
l'intérêt  de  l'argent,  du  commerce,  des  finances,  etc.  Il 
réfute  le  système  mercantile,  montre  le  vrai  rôle  de  la 
monnaie  et  l'explique  très  habilement.  Il  analyse  de  même 
le  problème  du  taux  de  l'intérêt,  explique  les  causes  qui 
le  font  hausser  ou  baisser.  Parlant  du  commerce,  il  expose 
comment  les  nations  sont  solidaires  les  unes  des  autres 
par  la  division  territoriale  du  travail  ;  partisan  de  la 
liberté  commerciale,  il  reconnaît  pourtant  les  avantages 
que  peut  présenter  la  politique  protectionniste.  Il  n'admet 
pas  l'impôt  unique  des  physiocrates,  et  critique  les  emprunts 
publics  par  lesquels  nous  nous  déchargeons  d'un  fardeau 
sur  nos  héritiers.  Ce  qui  est  le  plus  intéressant  chez  Hume, 
c'est  en  premier  lieu  son  souci  de  montrer  la  cohérence  entre 
les  données  économiques  et  celles  de  la  politique  et  de  la 
sociologie  ;  en  second  heu,  l'emploi  de  la  méthode  historique, 
qu'il  substitue  à  la  méthode  dogmatique.  Il  a  eu  au  plus 
haut  degré  le  sentiment  de  la  solidarité  de  toutes  les  fonc- 
tions de  la  vie  sociale  et  de  la  relativité  de  chaque  phéno- 
mène à  la  période  d'évolution  à  laquelle  il  correspond.  Il 
témoigne  en  ceci  comme  en  tout  de  la  puissance  et  de  la 
netteté  de  son  esprit  philosophique.  Autant  que  les  écono- 
mistes français,  Hume  fut  le  maître  d'Adam  Smith,  qu'il 
dépasse  singulièrement  par  l'ampleur  de  ses  conceptions. 

Josiah  Tucker  (-|-  1799)  fut  un  apôtre  du  libre-échange. 
Sir  James  Steuart  s'en  tient  au  mercantilisme  {Inquiry 
into  thePrinciples  of  Political  Economy,  1767),  mais 
très  assagi  ;  malgré  la  valeur  de  son  ouvrage,  il  fut  vite 
oublié,  étant  trop  en  dehors  des  idées  libérales  en  vogue. 

Adam  Smith  (1723-1790)  révolutionna  l'économie  poli- 
tique par  ses  immortelles  analyses  qui  furent  la  base 
des  théories  ultérieures.  Il  admet,  comme  les  physiocrates, 
le  principe  de  la  liberté  naturelle,  mais  il  procède  suivant 
une  méthode  toute  différente,  qu'il  tient  de  Hume.  Nous  ren- 
voyons à  sa  biographie  pour  le  détail  de  ses  ouvrages  et 
de  sa  théorie,  rappelant  qu'elle  est  développée  dans  ses 


Piecherches  sur  la  nature  et  sur  les  causes  de  la  richesse 
des  nations  (1776).  En  voici  les  traits  principaux.  C'est 
le  travail  annuel  d'une  nation  qui  est  la  source  d'où  elle 
tire  sa  richesse,  c.-à-d.  les  produits  nécessaires  à  sa 
consommation  et  les  produits  qu'elle  échange  contre  ceux 
qu'ont  créés  les  autres  nations.  La  richesse  provient  donc, 
non  pas  du  sol,  mais  du  travail  humain  ;  c'est  lui  qui  rend 
la  terre  féconde.  La  richesse  consiste  dans  la  valeur  échan- 
geable des  objets,  et  plus  on  possède  ou  produit  d'objets 
échangeables,  plus  on  est  riche.  Le  travail  manufacturier 
est  donc  producteur  au  même  titre  que  le  travail  agricole. 
Les  capitaux  représentent  du  travail  accumulé  ;  ils  ne  peu- 
vent être  créés  que  par  l'épargne.  Ceci  implique  la  réfu- 
tation du  système  mercantile.  Smith  développe  merveilleu- 
sement les  effets  de  la  division  du  travail  ;  il  en  prouve  les 
avantages  d'une  manière  péremptoire.  Il  montre  comment 
les  produits  s'échangent  par  l'intermédiaire  de  la  monnaie  ; 
il  analyse  les  éléments  du  prix  des  marchandises,  les  fonc- 
tions de  la  monnaie.  Il  établit  que  les  prix  résultent  de  la 
loi  de  l'offre  et  de  la  demande.  Toutes  ces  démonstrations 
sont  classiques.  La  théorie  de  la  monnaie  réelle  et  fidu- 
ciaire, des  billets  de  banque,  du  papier-monnaie,  toute  la 
science  du  crédit,  reposent  encore  sur  les  définitions  et  les 
travaux  d'Adam  Smith.  Il  distingue  la  valeur  en  échange 
de  la  valeur  d'usage.  Le  rapport  entre  deux  valeurs 
d'échange  s'exprime  en  une  valeur  conventionnelle,  la 
monnaie  ;  c'est  le  prix.  Dans  le  prix,  il  faut  distinguer  le 
prix  réel,  ou  prix  de  revient,  du  prix  nominal.  Le  prix 
comprend  trois  éléments  :  salaire  du  travail,  profit  de 
l'entrepreneur,  rente  de  la  terre  qui  a  fourni  la  matière 
première.  Smith  explique  comment  s'établissent  le  taux  des 
salaires,  le  taux  des  profits,  la  rente  de  la  terre  (produit 
net  ou  fermage).  La  richesse,  une  fois  créée,  se  divise  en 
deux  parties,  celle  qui  est  consommée,  celle  qui,  mise  en 
réserve,  forme  le  capital  et  va  fournir  un  revenu.  Le 
capital  est  tantôt  engagé,  tantôt  circulant  ;  ici  nous  retrou- 
vons la  question  du  taux  de  l'intérêt.  Le  travail  favorisé 
par  le  capital  dispose  de  toute  sa  puissance.  Smith  affirme 
que  l'intérêt  privé  porte  nécessairement  les  capitalistes  à 
préférer  l'emploi  le  plus  favorable  à  l'industrie  nationale, 
parce  que  ce  sera  aussi  le  plus  avantageux  pour  eux.  Il  est 
donc  partisan  de  la  liberté  illimitée  de  l'industrie  et  de  la 
concurrence.  Quant  aux  impôts,  puisque  toute  forme  de  tra- 
vail est  productive,  que  tout  citoyen  peut  créer  des  valeurs, 
il  doit  à  l'Etat  sa  part  de  contribution,  de  coopération  aux 
charges  publiques.  Adam  Smith,  accordant  toute  l'importance 
au  travail,  a  négligé  le  rôle  de  la  terre  et  des  capitaux  dans 
la  création  des  produits;  il  n'a  pas  tenu  compte  du  travail 
intellectuel  en  bornant  la  qualification  de  richesse  aux  va- 
leurs fixées  dans  des  substances  matérielles  ;  il  n'a  pas  fait 
une  place  suffisante  au  commerce,  ni  bien  analysé  son  rôle 
dans  la  production  générale.  Sa  théorie  est  toute  indivi- 
dualiste et  égoïste  ;  il  néglige  l'altruisme  et  les  passions 
désintéressées  ;  il  est  bien  optimiste  quand  il  affirme  que 
le  bien  de  la  communauté  est  atteint  sûrement  par  le 
libre  jeu  des  cupidités  individuelles  ;  ces  assertions  sont  la 
conséquence  d'idées  à  priori  sur  le  droit  naturel,  la  liberté 
naturelle;  réduisant  tout  au  gain  individuel,  il  distingue 
artificiellement  la  valeur  d'échange  de  la  richesse,  et,  par 
suite,  donne  à  l'économie  politique  un  caractère  abstrait 
et  superficiel;  l'isolant  de  la  biologie  et  de  la  sociologie, 
il  ne  pose  pas  la  question  de  l'utilité  sociale  réelle  ;  c'est 
chose  hasardeuse  de  répudier  toute  intervention  régulatrice 
de  l'Etat;  Smith  supprime  toute  considération  de  but 
moral  de  l'existence;  regardant  la  richesse  comme  fin,  non 
comme  moyen,  il  aboutit  à  un  matérialisme  brutal;  il 
oublie  trop  que  l'homme  est  le  membre  d'une  société,  un 
produit  de  l'histoire,  et  qu'on  ne  peut  l'envisager  isolément 
de  la  phase  d'évolution  sociale  où  il  vit.  Il  s'en  faut  donc 
que  l'œuvre  de  Smith  soit  complète  ;  les  principes  en  ont 
été  contestés  depuis,  surtout  par  ceux  qui  se  placent  au 
point  de  vue  social.  Mais  telle  quelle,  avec  ses  lacunes,  la 
théorie  de  Smith  demeure  le  fondement  de  l'économie  poli- 


tique  classique  ou  orthodoxe  et  le  point  de  départ  obligé 
de  tout  débat  en  ces  matières,  sur  le  rôle  du  capital  et  du 
travail,  de  la  monnaie  et  du  crédit. 

L'individualisme  d'Adam  Smith,  livrant  le  monde  écono- 
mique à  la  concurrence  et  supprimant  toute  intervention 
modératrice  du  gouvernement,  ne  devait-il  pas  nuire  au 
bonheur  social  ou  même  au  bonheur  individuel?  Une  théorie 
de  la  formation  des  richesses  pouvait-elle  être  appliquée 
sans  danger  à  la  politique  ?  Le  problème  fut  posé  sur-le- 
champ.  Smith  écrivait  au  moment  même  où  une  série  de 
découvertes  allait  transformer  l'industrie  par  le  travail  des 
machines.  Sa  doctrine,  essentiellement  industrielle,  en  pro- 
fita, mais  elle  devint  solidaire  des  dangers  créés  par  la 
nouvelle  situation  économique.  La  question  sociale  apparut. 
Le  matérialisme  de  l'économiste  écossais  ne  pouvait  y 
échapper  (V.  Industrie  et  Socialisme).  Le  premier  qui 
l'aborda  fut  un  conservateur,  Thomas-Robert  Malthus 
(17136-1834)  ;  il  apporta  dans  cette  étude  l'implacable 
rigueur  d'analyse  de  son  maître.  L'ouvrage  de  Malthus  (i^z 
Essay  on  the  Principle  of  Population,  as  it  affects  the 
future  improvement  of  Society,  with  Remarks  on  the 
spéculations  of  Mr.  GodwinJIr.  Condorcet  and  other 
Writers,  1 798)  est  dirigé  contre  les  publicistes  français  et  les 
idées  révolutionnaires.  L'argumentation  d'Adam  Smith  avait 
été  généralement  admise;  on  savait  désormais  comment  se 
forment  et  circulent  les  richesses  ;  mais  pourquoi  sont-elles 
si  inégalement  réparties  entre  les  différents  membres  de  la 
société?  Ce  problème  fut  abordé  par  la  Révolution  française 
qui  déclarait  que  TinégaUté  économique  et  les  fléaux  qu'elle 
implique  étaient  le  résultat  d'une  mauvaise  organisation  poli- 
tique. Le  plus  brillant  représentant  en  Angleterre  de  ces 
idées  était  William  Godwin;  il  publia,  en  1793,  Enquiry 
concerning  Political  Justice  et  soutint  que  l'imperfection 
des  institutions  politiques  et  les  vices  des  gouvernements 
étaient  la  cause  du  malheur  social.  Il  y  a  plus  de  richesses 
qu'il  n'en  faudrait  pour  le  bonheur  de  tous  ;  leur  égale 
répartition  assurerait  une  sorte  d'âge  d'or.  Cette  thèse, 
reprise  dans  un  article  de  VE7iquirer  sur  la  prodigalité  et 
l'avarice,  donna  lieu  à  une  vive  discussion  entre  Malthus 
et  son  père  ;  le  premier  rédigea  alors  son  fameux  essai  pour 
réfuter  Condorcet  et  Godwin.  Il  s'efforce  de  prouver  que  le 
mal  social  est  le  résultat  fatal  du  simple  jeu  des  lois  éco- 
nomiques et  qu'il  est  la  condition  du  progrès.  Malthus  pose 
en  principe  que  la  population,  par  le  simple  effet  de  la  repro- 
duction, s'accroîtrait  en  proportion  géométrique;  les  sub- 
sistances indispensables  pour  la  nourrir  ne  s'accroissent  pas 
avec  la  même  rapidité,  mais  seulement  selon  une  progres- 
sion arithmétique.  Les  provisions  seraient  vite  épuisées  si 
les  maladies,  la  misère  ne  rétablissaient  l'équilibre  ;  un  Etat 
oii  tous  jouiraient  du  bien-être  ne  pourrait  durer;  la  mul- 
tiplication des  hommes  n'étant  pas  enrayée,  en  peu  de  temps 
la  masse  des  vivres  deviendrait  insutTisante  ;  la  lutte  pour 
l'existence  s'imposerait  et  ramènerait  aussitôt  l'inégalité  des 
conditions.  Cet  essai  polémique  fut  ensuite  développé  par 
Malthus,  qui  compléta  sa  théorie  en  1803  {Essay  on  the 
Principle  of  Population,  or  a  view  of  its  Past  and 
Présents  Effects  on  Human  Happiness;  with  an  En- 
quiry into  our  prospects  respecting  the  future  removal 
or  mitigation  of  the  evils  which  it  occasions.  L'écono- 
miste a  fait  passer  dans  son  langage  l'inflexibilité  des  lois 
naturelles  qu'il  invoque  :  «  Un  homme,  dit-il,  qui  naît 
dans  un  monde  déjà  occupé,  si  sa  famille  n'a  pas  le  moyen 
de  le  nourrir  ou  si  la  société  n'a  pas  besoin  de  son  travail, 
cet  homme  n'a  pas  le  moindre  droit  à  réclamer  une  portion 
quelconque  de  nourriture,  et  il  est  réellement  de  trop  sur 
la  terre.  Au  grand  banquet  de  la  nature,  il  n'y  a  point  de 
couvert  mis  pour  lui.  La  nature  lui  commande  de  s'en  aller 
et  elle  ne  tarde  pas  à  mettre  elle-même  cet  ordre  à  exécu- 
tion. »  Ce  que  Malthus  dit  de  la  lutte  pour  l'existence 
{struggle  for  life)  est  son  idée  la  plus  géniale  ;  depuis, 
Darwin  en  a  fait  le  facteur  essentiel  de  l'évolution  et  du 
progrès  par  le  mécanisme  de  la  sélection  naturelle.  L'hon- 
neur de  la  théorie  revient  bien  à  Malthus,  d'autant  qu'il 


9  _  ÉCONOMIE 

n'a  hésité  devant  aucune  de  ses  consécjuences.  L'élimina- 
tion des  faibles,  leur  extermination,  lui  semble  logique  ;  il 
ne  recule  pas  devant  l'éloge  de  la  guerre,  des  épidémies, 
des  famines.  Nul  système,  même  celui  des  physiocrates, 
n'a  été  ainsi  poussé  à  ses  extrêmes  résultats.  Malthus 
fait  remonter  tous  les  maux  à  la  surproduction  de  la 
population.  Il  proclame  le  danger  de  la  charité,  des  au- 
mônes privées,  surtout  de  l'assistance  publique.  Ce  sont 
des  encouragements  à  la  paresse;  leur  principal  résultat 
est  de  multiplier  le  nombre  des  misérables,  car  rien  n'est 
prolifère  comme  la  misère.  Les  lois  des  pauvres  et  tous  les 
efforts  faits  en  Angleterre  pour  l'assistance  publique  sont 
des  moyens  d'accroître  artificiellement  la  population,  de 
préparer  des  maux  incalculables  en  troublant  le  jeu  des  lois 
naturelles.  L'économiste  propose  enfin  un  remède,  une  con- 
trainte morale  pour  limiter  l'accroissement.  Il  s'efforce  de 
démontrer  aux  travailleurs  qu'ils  vont  contre  leur  intérêt 
en  multipliant  le  nombre  des  enfants  ;  ils  se  créent  des 
concurrents,  provoquent  la  baisse  des  salaires  en  exagérant 
l'offre  de  travail  en  face  du  capitaHste  demandeur  qui  peut 
les  employer  au  rabais.  La  société  d'autre  part  est  inté- 
ressée à  limiter  la  reproduction  de  l'espèce,  puisqu'il  résulte 
de  son  abus  des  maux  et  des  crimes  sans  nombre.  Malthus 
veut  donc  limiter  les  mariages,  ne  les  admettre  que  lorsque 
l'on  possède  la  provision  nécessaire  à  l'entretien  d'une 
famille.  Il  veut  au  moins  promulguer  une  loi  déclarant  que 
nul  enfant  à  naître  n'aura  plus  droit  à  l'assistance  de  la 
paroisse.  En  somme,  il  dépend  des  parents  d'éviter  la  nais- 
sance d'enfants  trop  nombreux  et,  si  on  leur  indique  bien 
clairement  leur  intérêt,  il  est  probable  qu'ils  le  suivront. 
On  sait  qu'en  effet  le  malthusianisme  a  trouvé  de  nom- 
breux adeptes  et  qu'au  point  de  vue  de  l'intérêt  familial 
ou  même  de  l'intérêt  de  classe,  il  attend  encore  une  réfu- 
tation. L'audacieux  écrivain  a,  plus  que  nul  autre,  affirmé 
la  pré  valence  des  lois  naturelles,  fatales,  sur  les  institu- 
tions humaines  qui  ne  sont  à  ses  yeux  que  des  causes  légères 
et  superficielles,  rien  que  des  plumes  qui  flottent  à  la  sur- 
face. L'exagération  de  ses  idées  fut  réfutée  par  Godwin 
lui-même  et  l'a  souvent  été  depuis,  car  l'accroissement  de 
population  est  pour  une  nation  une  cause  de  puissance  indé- 
niable. Quant  à  la  loi  sur  la  proportion  de  l'accrpissement 
des  vivres  et  de  la  population,  elle  est  arbitraire.  Mais^en 
faisant  la  part  de  l'exagération  du  polémiste,  Malthus  n'en 
reste  pas  moins  un  des  plus  grands  remueurs  d'idées. 

Un  autre  disciple  d'Adam  Smith  allait,  en  développant  par 
la  logique  déductive  certaines  théories  de  son  maître,  achever 
la  construction  de  l'économie  politique  orthodoxe  ;  nous 
parlons  de  David  Ricardo  (1772-1823).  Celui-ci  n'est  plus 
un  observateur  comme  Smith  qui  joint  toujours  l'exemple 
concret  à  l'assertion  théorique.  Ricardo  se  meut  dans  un 
monde  d'abstractions.  Ses  principes  posés,  il  déduit  leurs 
conséquences  et  énonce  ses  conclusions  en  affirmant  dogma- 
tiquement la  vérité.  S'il  prend  des  exemples,  ce  sont  des 
exemples  inventés  pour  les  besoins  de  la  cause  :  il  suppose 
deux  sauvages  traitant  l'un  avec  l'autre.  Il  emploie  cette 
méthode  sans  en  justifier  l'application  aux  faits  écono- 
miques :  c'est  plus  tard  que  Stuart  Mill  présentera  la 
justification.  Mais  cette  méthode,  si  pratiquée  dans  les  écoles 
de  droit,  séduit  par  la  netteté  des  énoncés  et  l'attrait  de 
sa  logique.  Elle  semble  atteindre  à  la  rigueur  des  démons- 
trations mathématiques.  Ricardo,  cependant,  plus  encore 
que  ses  successeurs,  s'en  écarte  par  son  impuissance  à 
définir  les  mots  qu'il  emploie  ;  le  vague  de  sa  phraséologie 
jette  une  grande  confusion  sur  les  discussions.  Il  est  si 
difficile  de  n'employer  les  mots  que  dans  un  sens  technique 
sans  leur  rien  prêter  du  sens  usuel  !  Ces  questions  de  voca- 
bulaire sont,  pour  les  économistes  comme  pour  les  philo- 
sophes, une  cause  perpétuelle  d'erreur.  Le  principal  ouvrage 
de  Ricardo  parut  en  1 81 7  (Principles  of  Political  Economy 
and  Taxation).  Son  objet  est  d'établir  comment  le  pro- 
duit total  doit  se  répartir  entre  le  propriétaire  du  sol,  le 
capitaliste  et  le  travailleur.  Son  principe  fondamental  est 
que  la  valeur  d'échange  de  tout   article  de  consommation 


ECONOMIE 


—  490  — 


dont  la  production  peut  être  accrue  à  volonté,  est  réglée 
sous  un  régime  de  libre  concurrence  par  la  quantité  de 
travail  nécessaire  à  sa  production.  Ce  théorème  et  les 
théories  de  Ricardo  seront  discutés  ailleurs  (V.  Ricardo, 
Rente,  etc.).  L'économiste  soutient  que  le  revenu  est 
étranger  aux  frais  de  la  production.  Les  salaires  varient 
en  raison  inverse  des  profits.  La  hausse  des  salaires 
amène  la  baisse  dans  les  profits,  mais  non  dans  le  prix  des 
denrées;  réciproquement,  la  baisse  des  salaires  amène  la 
hausse  dans  les  protits,  mais  non  la  baisse  dans  les  prix. 
Le  taux  des  salaires  résulte  des  frais  de  production  des 
articles  nécessaires  à  la  consommation.  Quelque  élevé  qu'en 
soit  le  prix,  le  travailleur  en  recevra  toujours  la  quantité 
indispensable  pour  se  nourrir,  lui  et  sa  famille.  D'autre 
part,  la  subsistance  est  surtout  formée  de  produits  bruts,  et 
plus  la  population  s'accroît,  plus  il  faut  avoir  recours  à  des 
terrains  infertiles,  d'abord  négligés.  Les  frais  de  produc- 
tion, et  par  suite  les  salaires,  ont  donc  une  tendance  cons- 
tante à  s'accroître,  et  les  profits  une  tendance  à  baisser  à 
mesure  que  croissent  la  richesse  et  la  population.  Le  profit 
que  fait  un  propriétaire  foncier,  la  rente  que  lui  sert  son 
fermier,  ne  représente  jamais  que  l'excédent,  à  égalité  de 
frais,  du  produit  de  sa  terre  sur  le  produit  des  plus  mau- 
vaises terres  cultivées  dans  le  même  pays.  On  remarquera 
que  Ricardo  fait  tout  dépendre  du  prix  des  subsistances, 
principalement  fournies  par  l'agriculture.  Le  prix  des  objets 
manufacturés  tend  à  baisser  continuellement  à  cause  de  la 
division  croissante  du  travail,  et  le  prix  du  travail  est  dé- 
terminé par  la  quantité  de  subsistance  nécessaire  à  la  vie 
de  l'ouvrier.  Le  prix  des  produits  industriels  dépendrait 
donc  uniquement  de  celui  des  subsistances. 

Les  socialistes  ont  souvent  invoqué  la  loi  d'airain  de 
Ricardo  en  en  accentuant  le  caractère,  le  travailleur  ne 
recevant  pour  salaire  que  la  quantité  du  produit  de  son 
travail  strictement  nécessaire  pour  son  existence.  Les  éco- 
nomistes ont  surtout  discuté  sa  théorie  de  la  rente.  Sur 
plusieurs  points,  Ricardo  a  fait  la  lumière,  notamment  sur 
l'avantage  à  tirer  du  commerce  qui  est  surtout  de  procurer 
à  chaque  nation,  en  échange  d'une  quantité  donnée  de 
travail,  une  quantité  de  subsistances  et  de  denrées  puisées 
ailleurs,  plus  considérable  que  celle  que  leur  procurerait 
directement  ce  travail  (V.  ComxMerce).  Ce  qui  importe  à  la 
nation,  d'après  Ricardo,  c'est  non  pas  le  produit  total  du  sol 
et  du  travail,  mais  le  produit  net,  l'excédent  sur  les  frais  de 
production,  la  rente.  Le  salaire  est  confondu  dans  les  frais 
de  production.  L'industrie  est  envisagée,  comme  par  les 
mercantilistes,  uniquement  dans  ses  rapports  avec  la 
puissance  politique  et  militaire  de  l'Etat;  le  travailleur 
n'est  pas  regardé  comme  un  membre  de  la  société,  mais 
comme  un  instrument  auquel  il  faut  affecter  une  part  du 
produit,  à  peu  près  comme  à  la  subsistance  des  animaux 
domestiques.  Il  n'est  question  que  de  la  richesse,  nullement 
du  bonheur  ou  de  la  condition  morale  des  hommes.  Jamais 
on  ne  vit  mieux  combien  la  science  économique,  limitée  à 
une  théorie  de  la  richesse  est  insuffisante  à  fournir  des 
principes  de  gouvernement.  Elle  néglige  de  parti  pris  les 
facteurs  essentiels  du  problème  social. 

Le  succès  des  théories  de  Ricardo  fut  très  grand  ;  il 
fournissait  une  théorie  aux  manufacturiers  et  aux  capita- 
listes anglais,  de  jour  en  jour  plus  puissants;  les  grands 
services  qu'il  avait  rendus  par  ses  travaux  sur  les  billets  de 
banque  et  la  monnaie  dont  il  fixa  définitivement  les  principes 
créèrent  une  sorte  de  préjugé  en  sa  faveur.  La  combinaison 
de  ses  doctrines  avec  celles  de  Malthus  forma  ce  qu'on 
appela  l'économie  politique  orthodoxe.  Mais  Malthus  n'admit 
jamais  le  système  de  son  émule  et  en  prédit  l'abandon  pour 
des  théories  moins  simples,  mais  plus  conformes  aux  faits. 
On  admet  généralement  aujourd'hui  que  Ricardo  détourna 
les  économistes  de  la  voie  où  les  avait  engagés  Adam  Smith 
en  substituant  à  l'observation  des  conceptions  abstraites, 
la  méthode  déductive  et  des  conclusions  dogmatiques. 

Les  principaux  disciples  de  Ricardo  furent  James  Mill  qui 
rédigea  ses  idées  en  un  système  (Eléments  of  Political 


Economy,  1821);  Mac  Culloch  (1779-1864)  qui  les  vul- 
garisa dans  Edinburgh  Review  et  dans  son  Dictionnaire 
d'économie  politique;  William  Senior  (1790-1864),  pro- 
fesseur d'économie  politique  à  l'université  d'Oxford,  qui 
exagéra  encore  la  méthode  déductive,  n'en  admettant  nulle 
autre;  Robert  Torrens  (1780-1864)  et  Martineau  (1802- 
1876)  qui  sont  plus  éclectiques  et  cherchent  à  conciher 
Malthus  et  Ricardo. —  Le  principal  adversaire  fut  Richard 
Jones  (1790-1855),  qui  critiqua  la  théorie  de  la  rente 
foncière  dans  son  Essay  on  the  Distribution  of  Wealth 
and  on  the  Sources  of  Taxation  (1831);  il  soutint  qu'il 
fallait  distinguer  des  cas  très  différents,  que  les  contrats 
particuliers  résultaient  de  la  coutume  plus  que  de  la  con- 
currence ;  employant  la  méthode  inductive,  il  démolit  pièce 
à  pièce  toute  la  construction  de  Ricardo,  prouve  qu'elle  ne 
s'applique  pas  au  monde  économique  réel  où  les  situations 
sont  bien  autrement  complexes.  Celles  même  de  ces  pro- 
positions qu'il  juge  admissibles  ne  peuvent  être  regardées 
comme  des  lois  actuellement  réalisées,  mais  comme  des 
tendances  ;  il  faut  toujours,  dans  les  phénomènes  écono- 
miques, tenir  grand  compte  du  temps.  L'ouvrage  de  Jones 
passa  presque  inaperçu.  L'économie  politique,  à  laquelle 
l'école  de  Ricardo  donnait  l'allure  et  l'autorité  d'une  science, 
généralisait  son  influence  et  allait  diriger  la  politique  bri- 
tannique ;  elle  réussit  à  abattre  le  système  protecteur  et, 
après  le  succès  obtenu  dans  la  question  du  commerce  des 
céréales,  elle  jouit  d'un  crédit  universel.  Admise  par  les 
hommes  d'afiaires,  elle  est  envisagée  comme  définitivement 
constituée  ;  on  se  croit  sorti  de  la  période  de  polémique  et 
d'élaboration  :  on  affirme  que  les  principales  vérités  écono- 
miques sont  connues  et  indiscutables. 

Stuart  Mill  (1806-1873)  fut  le  rédacteur  du  nouveau 
credo  économique  ;  c'est  dans  son  manuel  que  la  plupart 
des  économistes  postérieurs  viendront  puiser  leur  savoir. 
Il  commença  par  ajouter  quelques  pierres  à  l'édifice  de 
Smith,  Malthus  et  Ricardo.  Dans  ses  Essay  s  on  some 
Unsettled  Questions  of  Political  Economy  (1844),  il 
établit  comme  loi  du  commerce  international  «  l'équation 
de  la  demande  internationale  ».  Quand  deux  pays  échan- 
gent deux  produits  de  consommation,  les  prix  de  chacun 
se  règlent  proportionnellement  à  la  quantité  demandée,  de 
telle  sorte  que  la  quantité  exportée  de  chaque  côté  suffise 
à  payer  la  quantité  importée.  Mill  examine  l'influence  de 
la  consommation  sur  la  production,  les  problèmes  de  Vab- 
sentéisme,  de  la  surproduction  (V.  ces  mots).  Il  atténue 
le  théorème  de  Ricardo  sur  la  proportionnalité  inverse  de 
la  rente  et  du  salaire.  Son  titre  est  d'avoir  donné  un  ma- 
nuel classique,  Principles  of  Political  Economy,  ivith 
someof  their  Applications  to  Social  Philosophy  (1848); 
il  manifeste  l'intention  de  rétablir  la  connexion  entre  l'éco- 
nomie politique  et  la  sociologie,  qui  a  tant  progressé  depuis 
le  XVIII®  siècle.  Il  n'y  réussit  pas.  En  réalité,  il  se  borne  à 
exposer  avec  une  admirable  lucidité  la  théorie  de  Ricardo 
en  y  amalgamant  celle  de  Malthus  et  quelques  nouveautés. 
Le  manuel,  pour  remarquable  qu'il  soit,  n'atteste  pas  un 
progrès  sensible.  L'influence  d'Auguste  Comte,  laquelle 
fut  grande  sur  Stuart  Mill,  ne  suffît  pas  pour  lui  donner 
le  sentiment  historique  qui  lui  manquait  ;  il  est  plus  logi- 
cien que  critique  et  positiviste. 

Le  plus  original  des  disciples  de  Mill  fut  John  Elliott 
Cairnes  (1824-1875),  qu'on  peut  regarder  comme  le  der- 
nier chef  de  l'école  orthodoxe.  Il  en  a  d'abord  examiné  la 
méthode  (Logical  Method  of  Political  Economy^  1857)  ; 
il  s'en  tient  à  la  logique  déductive,  écarte  résolument  l'in- 
duction, n'admet  pas  que  les  vérités  économiques  puissent 
être  jamais  établies  ni  réfutées  par  des  documents  statisti- 
ques ou  expérimentaux.  La  position  prise  par  Stuart  Mill 
et  Cairnes  indique  avec  évidence  que  l'économie  politique 
orthodoxe  où  Ricardo  voyait  une  science  conforme  aux 
réalités  actuelles,  n'est  pas  autre  chose  qu'une  construction 
hypothétique  ;  «  l'homme  économique  »  sur  lequel  elle  opère 
n'est  qu'un  être  de  raison  exclusivement  mù  par  le  désir 
de  la  richesse  ;  la  valeur  des  conclusions  dépend  de  la  con- 


—  49d  — 


ECONOMIE 


formité  de  cette  hypothèse  aux  faits.  Toute  cette  discussion 
sera  indiquée  aux  art.  Socialisme  et  Sociologie.  L'ouvrage 
capital  de  Cairnes  est  Some  Leading  Principles  of  Poli- 
tical  Economy  newly^  Expounded  (1874).  Ce  n'est  pas 
un  traité  complet,  puisqu'il  est  seulement  question  de  la 
valeur  du  travail  et  du  capital,  du  commerce  international. 
Il  s'en  tient  sur  les  points  essentiels  aux  doctrines  de  Ri- 
cardo,  même  sur  la  question  du  salaire.  Il  profite  des  exposés 
de  J.-B.  Say,  insiste  surtout  sur  la  loi  de  l'offre  et  de  la 
demande.  En  somme,  l'ouvrage  de  Cairnes,  très  intéressant 
dans  le  détail,  montre  bien  où  en  est  l'école  anglaise.  Avant 
de  lui  opposer  l'école  historique  qui  procède  d'Auguste 
Comte,  nous  avons  à  parler  des  économistes  français,  amé- 
ricains, allemands,  etc.,  qui  se  rattachent  plus  ou  moins 
directement  au  mouvement  inauguré  par  Adam  Smith. 

L'école  française  a,  en  général,  adopté  les  idées  de 
l'école  anglaise,  mais  en  répudiant  les  exagérations  de 
Ricardo  et  de  ses  disciples.  La  puissance  d'invention  y  est 
moindre,  mais  les  Anglais  eux-mêmes  reconnaissent  que 
pour  l'exposition  les  économistes  français  sont  sans  rivaux. 
C'est  dans  leurs  écrits  qu'il  faut  chercher  le  tableau  de 
l'économie  pohtique  orthodoxe.  Le  premier  de  ces  traités 
est  celui  de  Jean-Baptiste  Say  (1767-1832).  Ce  Iraité 
d'économie  politique  (1 803)  reproduit  les  idées  de  Smith, 
mais  dans  un  arrangement  plus  logique  et  plus  systéma- 
tique. Son  grand  mérite  est  d'avoir  nettement  défini  les 
principes  de  la  nouvelle  science  économique  et  créé  la  no- 
menclature adoptée  ensuite  par  tous  les  économistes. 
«  L'économie  politique  n'est  à  ses  yeux  qu'une  science  qui 
traite  de  la  production  de  la  distribution  et  de  la  consom- 
mation des  richesses.  Les  richesses  se  produisent  au  moyen 
des  trois  grandes  branches,  qui  réunissent  tout  le  travail 
humain  :  l'agriculture,  l'industrie  et  le  commerce.  Les 
capitaux  et  les  fonds  de  terre  sont  les  instruments  princi- 
paux de  la  production  ;  par  l'épargne  et  l'accumulation, 
on  obtient  les  premiers:  la  propriété  garantit  la  hbre  action 
des  autres.  Le  travail  de  l'homme  combiné  avec  celui  delà 
nature  et  des  machines  donne  la  vie  à  tout  cet  ensemble 
de  ressources.  »  La  principale  originalité  de  Say  est  sa 
théorie  des  débouchés.  Il  se  fonda  sur  les  faits  pour  dé- 
montrer que  les  nations  ne  payent  les  produits  qu'avec  des 
produits,  et  qu'empêcher  d'acheter  c'est  empêcher  de 
vendre.  L'univers  entier  est  solidaire  dans  la  bonne  comme 
dans  la  mauvaise  fortune  ;  quand  un  pays  est  riche,  ses  voi- 
sins en  tirent  profit,  soit  à  cause  des  demandes  de  marchan- 
dises qu'il  leur  fait,  soit  à  cause  du  bon  marché  auquel  ils 
peuvent  s'en  procurer  d'autres  sur  ce  marché.  Le  système 
prohibitionniste,  le  système  colonial  ne  peuvent  résister  à 
cette  constatation.  J.-B.  Say  nie  qu'il  puisse  y  avoir  une 
surproduction  générale  ;  ce  ne  peut  être  qu'un  accident 
particulier  à  une  industrie  et  à  un  pays.  Il  a  enfin  aperçu 
l'importance  des  produits  immatériels,  bien  qu'ils  ne  puis- 
sent être  accumulés.  Il  est  passionnément  hostile  à  toute 
intervention  gouvernementale  dans  le  domaine  économique. 
Par  sa  propagande  très  active  et  la  clarté  de  ses  exposés, 
il  a  contribué  plus  que  personne  à  populariser  l'économie 
politique. 

En  face  de  Say,  champion  de  l'école  anglaise,  se  placent 
d'autres  écrivains  qui  en  contestent  les  doctrines  ;  moins 
exclusivement  individuahstes,  ils  se  préoccupent  des  intérêts 
sociaux.  Sismondi  (1773-1842),  dans  ses  Nouveaux  Prin- 
cipes d'économie  politique  ou  de  la  Richesse  dans  ses 
rapports  avec  la  population  (1819),  reproche  aux  dis- 
ciples de  Smith  d'envisager  la  richesse  comme  fin  unique, 
au  lieu  d'en  étudier  l'usage  pour  la  réalisation  du  bonheur 
général.  Il  voudrait  qu'on  cherche  non  seulement  à  s'en- 
richir, mais  surtout  à  réaliser  une  meilleure  répartition  des 
richesses.  Il  reproche  au  système  anglais  d'avoir  cet  effet 
de  rendre  le  riche  plus  riche,  mais  aussi  le  pauvre  plus 
pauvre.  La  concurrence  entre  les  travailleurs  amène  la 
baisse  des  sîïiaires,  tandis  que  les  machines,  payées  par 
le  capital,  diminuent  la  demande  de  travail.  La  somme  des 
richesses  produites  augmente,  mais  sans  accroître  le  revenu 


des  classes  laborieuses,  dont  les  moyens  d'existence  devien- 
nent insuffisants.  L'équihbre  entre  la  population  et  le  revenu 
des  travailleurs  ne  peut  être  maintenu  ou  rétabU  que  selon 
les  théories  malthusiennes.  Pour  l'agriculture,  Sismondi 
préconise  le  système  patriarcal,  le  paysan  propriétaire  cul- 
tivant lui-même  et  limitant  le  nombre  de  ses  enfants  pour 
maintenir  la  situation  sociale  de  sa  famille.  Nul  n'a  signalé 
avec  plus  d'éloquence  les  plaies  de  l'industrialisme.  Son 
pessimisme  a  quelque  chose  de  décourageant,  mais  il  est 
au  moins  aussi  justifié  que  l'optimisme  des  élèves  de  Smith. 
Il  ne  conclut  pas,  il  désirerait  une  intervention  régula- 
trice de  l'Etat,  montrant  que  celui-ci  ne  peut  se  désinté- 
resser du  bien-être  social,  qu'il  a  mission  d'étendre.  Il 
est  un  des  précurseurs  des  socialistes  de  la  chaire.  Il  a 
porté  un  coup  terrible  à  la  doctrine  du  «  laissez  faire  ». 
—  Le  système  industriel  préconisé  par  les  économistes 
anglais  fut  combattu  non  moins  vivement  par  Villeneuve- 
Bargemont  {Economie  politique  chrétienne,  1834),  qui 
voudrait  revenir  aux  institutions  du  moyen  âge,  et  souhaite 
l'intervention  de  l'Etat  pour  donner  l'instruction  technique, 
imposer  l'épargne  aux  travailleurs  et  les  grouper  en  cor- 
porations. 

Charles  Dunoyer  (1786-1862),  dans  son  Traité  d'éco^ 
nomie  sociale  (1821)  et  plus  complètement  dans  la 
Liberté  du  travail  (1845),  établit  que  les  phénomènes 
économiques  sont  inséparables  de  l'ensemble  des  phéno- 
mènes sociaux  ;  l'économie  politique  n'est  qu'un  chapitre 
de  la  sociologie.  Il  en  résulte  que  les  considérations  pure- 
ment économiques  ne  peuvent  suffire  ;  il  faut  tenir  compte 
des  considérations  politiques,  intellectuelles,  morales,  dont 
l'effet  est  très  grand,  ce  que  Dunoyer  prouve  en  examinant 
l'histoire  du  progrès  social.  L'effort  de  production  est 
exercé  soit  sur  des  choses,  soit  sur  des  hommes.  Exercé 
sur  les  choses,  il  comporte  les  industries  extractive, 
voiturière,  manufacturière,  agricole  ;  cette  division  a  été 
acceptée  par  Stuart  Mill  ;  le  grand  commerce  et  la  banque 
sont  classés  à  part,  étant  envisagés,  non  comme  moyen  de 
production,  comme  fonctions  économiques  régulatrices.  Les 
industries  qui  agissent  sur  l'homme  peuvent  améliorer  sa 
nature  physique,  son  imagination  et  ses  sentiments,  son 
intelligence,  sa  valeur  morale.  Le  médecin,  l'artiste,  l'édu- 
cateur, le  prêtre  sont  donc  des  producteurs.  Le  principe 
de  Dunoyer  est  que  le  vrai  objet  d'échange  entre  les  hommes, 
ce  senties  services;  cette  conception  plus  large  embrasse 
aussi  bien  les  objets  matériels  que  les  autres.  Toute  valeur 
résulte  de  l'activité  humaine,  intellectuelle  autant  que  ma- 
nuelle. Les  forces  naturelles  nous  prêtent  un  concours 
gratuit  ;  la  rente  foncière  n'est  qu'une  forme  de  l'intérêt 
du  capital.  Dunoyer  est  radicalement  opposé  à  toute  inter- 
vention législative.  Il  blâme  la  philanthropie  de  Sismondi 
au  nom  de  la  raison.  Les  inégalités  sociales  sont  la  condi- 
tion de  la  division  du  travail,  sans  laquelle  il  n'y  aurait 
pas  de  production  suffisante  pour  faire  face  aux  besoins  de 
la  société.  Si  on  assurait  le  sort  de  tous  les  hommes,  on 
ruinerait  le  principal  motif  d'action  et  par  là  même  de 
vertu. 

Frédéric  Bastiat  (1801-1850)  est  le  plus  brillant  des 
économistes  français  ;  clair  et  superficiel,  il  fut  surtout 
vulgarisateur  et  polémiste.  Dans  ses  Sophismes  écono- 
miques (1845-48)  et  ses  Harmonies  économiques  (1850) 
se  manifeste  un  imperturbable  optimisme.  Il  s'appuie  sur 
une  philosophie  finaliste  assez  naïve,  d'un  caractère  presque 
théologique.  Tous  les  motifs  d'action,  tous  les  intérêts 
coopèrent  à  une  œuvre  collective  de  l'humanité,  tendant  à 
une  perfection  finale  dont  elle  se  rapprochera  indéfiniment. 
Il  développe  l'idée  féconde  du  Dunoyer  que  la  valeur  n'est 
pas  inhérente  aux  objets,  qu'elle  signifie  seulement  un 
rapport  entre  des  «  services  »  que  les  hommes  échangent  ; 
ces  services  mutuels  ont  seuls  une  valeur  et  seuls  peuvent 
réclamer  rétribution.  Bastiat  ajoute  avec  Carey  (V.  ci- 
dessous),  auquel  il  emprunte  beaucoup,  que  la  rente  fon- 
cière est  uniquement  la  rémunération  des  efforts  faits  par 
ceux  qui  ont  mis  le  sol  en  culture  et  lui  ont  incorporé  une 


ECONOMIE 


492  — 


valeur  par  des  améliorations  permanentes.  M.  Paul  Leroy- 
Beaulieu  soutient  encore  cette  opinion  (Essai  sur  la  répar- 
tition des  richesses,  4882).  Mais  Cairnesen  a  fait  justice. 
Ce  n'est  qu'un  argument  de  discussion  opposé  aux  socia- 
listes qui  s'appuyaient  sur  la  théorie  de  Ricardo.  Dans  la 
valeur  d'un  diamant,  pour  combien  entre  l'effort  humain  ? 
L'usage  des  forces  naturelles  est  un  élément  fondamental 
de  la  valeur,  spécialement  quand  il  s'agit  du  sol,  et  Bastiat 
lui-même,  après  l'avoir  exclu,  l'introduit  confusément  dans 
sa  notion  du  service.  Enfin  l'idée  des  harmonies  écono- 
miques qu'il  puise  chez  Carey  a  été  taxée  d'exagération.  La 
solidarité  des  diverses  industries,  du  capital  et  du  travail 
est  certaine,  mais  non  moins  certains  sont  les  antagonismes 
et  les  conflits  ;  le  problème  est  de  les  atténuer. 

Augustin  Cournot  (1801-1877)  tenta  d'appliquer  à 
l'étude  des  questions  économiques  les  méthodes  mathé- 
matiques (Recherches  sur  les  principes  mathématiques 
de  la  théorie  des  richesses,  1838).  Les  formules  et  les  sym- 
boles qu'il  proposa  furent  jugés  trop  imparfaits.  Lui-même  y 
renonça  dans  ses  Principes  de  la  théorie  des  richesses 
(1863).  Non  seulement  la  valeur  des  déductions  reste  subor- 
donnée à  celle  des  hypothèses  d'où  l'on  part,  mais  les  concepts 
fondamentaux  sont,  de  leur  nature,  trop  vagues  pour  se 
prêter  au  raisonnement  mathématique  ;  une  définition  rigou- 
reuse et  une  appréciation  quantitative  du  besoin,  de  l'uti- 
lité, du  désir,  sont  impossibles  ;  il  n'y  a  pas  d'unité  de 
mesure  psychologique  ;  l'unité  de  valeur,  s'appliquant  à 
un  échange  de  services,  n'est  pas  davantage  mesurable. 
Enfin  les  faits  économiques  sont  d'une  complexité  telle  que 
leur  analyse,  avec  celle  des  répercussions  et  réactions  réci- 
proques, écraserait  le  puissant  appareil  des  mathématiques 
modernes.  Il  n'en  reste  pas  moins  vrai  qu'une  certaine 
éducation  mathématique  serait  nécessaire  aux  économistes 
à  qui  la  méthode  rendrait,  pour  certains  cas,  de  grands 
services  et  éviterait  des  erreurs  graves  :  telles  que  de  dire 
que  deux  quantités  varient  en  raison  inverse  l'une  de  l'autre 
lorsque  c'est  la  somme,  et  non  le  produit,  qui  est  constante. 
Qu'est-ce  encore  que  la  quantité  de  travail,  sinon  une 
notion  vague  et  complexe,  renfermant  des  éléments  si  divers 
qu'on  ne  peut,  en  bonne  logique,  se  borner  à  comparer  deux 
quantités  de  travail.  Mais  que  devient  alors  le  système  de 
Ricardo  ?  La  tentative  de  Cournot  est  donc  très  intéressante 
en  ce  qu'elle  a  démontré  l'insuflîsance  de  la  méthode  déduc- 
tive  appliquée  aux  faits  économiques. 

Les  Etats-Unis  de  l'Amérique  du  Nord  ne  comptent 
qu'un  grand  économiste,  mais  de  premier  ordre,  Henry- 
Charles  Carey  (1793-1879),  de  race  irlandaise.  Sur  ce 
terrain  du  Nouveau-Monde,  si  favorable  aux  observations  et 
aux  expériences,  dans  cette  société  nouvelle  qui  se  grandit 
si  vite,  il  devait  se  manifester  des  faits  et  des  tendances 
sensiblement  différents  de  ceux  de  l'Angleterre  et  de  la 
vieille  Europe,  et  il  était  vraisemblable  que  des  théories  en 
seraient  données,  contradictoires  avec  celles  de  l'école  an- 
glaise. Tel  fut  le  rôle  de  Carey.  Avant  lui,  nous  ne  trou- 
vons à  citer  que  Benjamin  Franklin,  qui  inséra  dans  ses 
écrits  des  vues  intéressantes,  affirma  dès  1721  que  le 
travail  était  la  mesure  de  la  valeur,  et  signala,  dès  1751, 
les  dangers  sociaux  de  l'accroissement  indéfini  de  la  popu- 
lation; et  Alexandre  Hamilton  qui,  en  1 791 ,  exposa  com- 
ment un  système  douanier  protecteur  était  indispensable 
pour  permettre  l'établissement  de  l'industrie  manufacturière 
dans  un  pays  neuf.  —  L'ouvrage  capital  de  Carey  est  Prin- 
ciples  of  Social  Science  (1859).  Sa  philosophie  est  opti- 
miste; il  croit  à  l'action  généralement  bienfaisante  des  lois 
économiques.  Il  a  fait  une  critique  victorieuse  des  lois  de 
Malthus,  en  notant  que  l'insuffisance  des  subsistances  est 
le  défaut  des  sociétés  peu  avancées,  où  la  population  est 
clairsemée,  bien  plus  que  de  celles  plus  développées  où  elle 
est  dense.  L'accroissement  de  la  population  et  du  travail 
humain  permet  de  mettre  en  valeur  les  terres  les  plus 
fertiles,  celles  des  vallées  et  des  fonds  alluviaux,  lesquelles 
sont  utilisées  les  dernières  et  reperdues  les  premières  quand 
la  civilisation  décline.  Carey  observe  qu'on  a  confondu  la 


richesse  avec  la  somme  des  valeurs  d'échange  ;  or  la 
richesse  est  la  somme  des  produits  utilisables.  Son  origine 
est  la  nature  qui  fournit  la  matière  et  les  forces  physiques 
si  puissantes  ;  le  travail  humain  ne  fait  que  les  approprier, 
les  adapter  à  son  usage.  La  nature  nous  fournit  son  con- 
cours gratuitement.  La  valeur  résulte  seulement  du  travail. 
Un  produit  vaut  d'autant  plus  que,  dans  sa  production,  la 
part  de  la  nature  a  été  moindre,  la  part  du  travail  plus 
grande  ;  mais  il  accroît  d'autant  moins  notre  richesse  que 
cette  dépense  du  travail  a  été  plus  forte;  il  y  a  donc  anti- 
thèse entre  la  valeur  et  la  richesse.  La  richesse  n'est  que 
la  mesure  du  pouvoir  que  nous  avons  acquis  sur  la  nature  ; 
la  valeur  d'un  objet  exprime  la  résistance  de  la  nature 
surmontée  par  le  travail  nécessité  par  la  production  de  cet 
objet.  Le  résultat  du  progrès  est  d'accroître  la  richesse 
et  de  diminuer  la  valeur.  L'intelligence  et  l'organisation 
sociale  augmentent  notre  puissance  sur  la  nature,  permet- 
tent d'en  tirer  davantage  avec  un  moindre  travail  et  font 
baisser  la  valeur  de  chaque  produit.  Cette  valeur  ne  dépend 
pas  des  frais  de  production  passés,  mais  de  l'effort  néces- 
saire pour  produire  l'objet  à  nouveau  dans  l'état  actuel  de 
la  science  et  de  l'industrie.  Tel  est  le  vrai  rappoM  de  la 
valeur  aux  frais  de  production.  Ricardo  n'en  admettait  un 
que  pour  les  objets  susceptibles  d'être  reproduits  et  mul- 
tipliés indéfiniment,  et  par  conséquent  faisait  une  place  à 
part  à  la  terre  ;  il  admettait  que  les  puissances  productives 
du  sol  avaient  été  monopolisées  par  les  propriétaires 
fonciers  et  que  leur  valeur  croissait  avec  la  demande 
croissante  de  subsistances.  Cette  valeur,  rien  n'en  justifiait 
l'attribution  au  propriétaire.  Carey  réplique  que  la  terre 
n'est  qu'un  instrument  de  production  façonné  par  l'homme, 
qui  doit  sa  valeur  au  travail  qui  y  fut  incorporé  dans  le 
passé,  bien  que  la  mesure  de  cette  valeur  soit  actuellement 
non  pas  le  total  du  travail  ancien  qui  y  fut  affecté,  mais 
seulement  le  travail  nécessaire  dans  les  conditions  actuelles 
pour  réaliser  une  productivité  égale.  Dans  toute  cette  dis- 
cussion, l'économiste  américain  a  le  grand  avantage  de 
parler  en  homme  qui  a  vu  comment  les  choses  se  passent 
quand  l'homme  prend  possession  du  sol  et  l'approprie  à 
ses  commodités.  A  ses  yeux,  le  propriétaire  foncier  est 
un  capitaliste  comme  un  autre.  Ici  se  place  la  réfutation 
de  la  théorie  de  la  rente  foncière.  La  proportion  de  la 
rente  au  produit  total  diminue  avec  le  temps,  comme  les 
autres  formes  du  taux  de  l'intérêt,  mais  la  somme  totale 
de  la  rente  s'accroît.  Le  salaire  du  travailleur  tend  à  aug- 
menter, absolument  d'abord,  et  aussi  proportionnellement 
à  la  valeur  du  produit.  Cette  opinion  optimiste  est  très 
contestable.  Carey  en  conclut  que  les  intérêts  des  différentes 
classes  sociales  sont  en  harmonie.  Il  insiste  sur  la  néces- 
sité, pour  maintenir  l'harmonie,  de  restituer  au  sol  tout 
ce  qu'on  lui  a  pris,  sous  peine  de  l'épuiser.  Il  faut  donc 
que  le  producteur  et  le  consommateur  soient  côte  à  côte. 
Il  y  a  danger  à  exporter  ses  produits  agricoles  en  échange 
de  produits  manufacturés;  c'est  s'appauvrir  en  diminuant 
les  facultés  productrices  du  sol  national.  Carey  est  ainsi 
conduit  à  combattre  le  libre-échange.  De  l'étude  des  tarifs 
douaniers,  il  conclut  que  la  pohtique  protectionniste  est  la 
plus  profitable  ;  elle  empêche  les  intérêts  privés  de  troubler 
l'harmonie  économique  ;  il  est  essentiel  pour  un  pays  de 
posséder  toutes  les  fonctions  économiques  et  de  ne  pas 
laisser  ruiner  une  industrie,  surtout  l'ensemble  de  Tin- 
dustrie  manufacturière,  par  la  concurrence  étrangère; 
lorsqu'elle  a  succombé,  l'agriculture  périclite  bientôt  et  l'on 
est  livré  à  l'exploitation  étrangère.  Carey  combat  avec  une 
extrême  énergie  le  système  anglais  ;  il  s'efforce  de  dé-- 
montrer  que  tous  les  pays  qui  l'ont  subi  en  ont  éprouvé 
les  funestes  effets.  L'intervention  protectrice  de  l'Etat  est 
nécessaire  pour  écarter  les  obstacles  qui  mettent  en  péril 
le  développement  national,  surtout  lorsqu'il  s'agit  de 
nations  jeunes  aux  prises  avec  des  nations  plus  anciennes 
et  plus  munies  de  capitaux.  Nous  reviendrons  sur  ce  débat 
dans  l'article  Libre-Echange  (V.  aussi  Commerce).  Carey 
a  démontré  que,  sans  même  faire  intervenir  les  considéra- 


493  — 


ECONOMIE 


tions  morales,  il  n'y  a  de  solidarité  économique  complète 
qu'entre  les  différents  citoyens,  les  différentes  classes,  les 
différents  intérêts  d'un  même  Etat. 

En  Allemagne,  les  théories  anglaises  furent  généralement 
acceptées  au  début  du  xix^  siècle.  Elles  sont  exposées  par 
Rau  (1792-1870)  dans  Lehrbuch  der  politischen  OEco- 
nomie  (1826-1832),  où  l'auteur  traite  également  de  la 
science  administrative  et  des  finances  publiques.  Wilhelm 
Hermann  (il^^M^'^)  v^^\g<è  Staatswirthschaftliche  JJn- 
tersuchungen  (1832),  où  il  discute  en  homme  du  métier  les 
principes  économiques  ;  il  conteste  que  le  prix  résulte  du 
travail  et  affirme  qu'il  résulte  de  facteurs  complexes.  Von 
Thùnen  (1783-1850),  auteur  d'une  utopie  (Der  isolirte 
Staat  inBeziehimg  aufLandwirthschaftund  National- 
œkonomie,  1826),  analyse  admirablement  ce  qu'on  appelle 
l'économie  rurale,  les  conditions  et  les  modes  de  la  pro- 
duction agricole.  11  croit  que  le  «  salaire  naturel  »  est 
\!œp,  a  représentant  les  frais  de  subsistance  du  travailleur, 

p  représentant  le  produit  de  son  travail.  Il  cherche  à 
prévenir  un  conflit  entre  le  prolétariat  et  la  classe  moyenne. 
—  Storch  (1766-1 825),  précepteur  de  l'empereur  Nicolas, 
a  publié  son  Cours  d'économie  politique  (1815);  il  est 
assez  éclectique,  jugeant  que  les  doctrines  des  économistes 
anglais  et  français  correspondent  à  l'état  de  la  société 
dans  leurs  pays  ;  il  souHgne  l'importance  des  facteurs  imma- 
tériels de  la  prospérité  publique,  la  différence  entre  le 
revenu  public  et  celui  des  individus  [Considérations 
sur  la  nature  du  revenu  national,  ^824,  en  réponse 
à  J.-B.  Say). 

Le  système  d'Adam  Smith  fut  combattu  en  Allemagne 
par  Adam  Mûller  (1779-1829)  et  Friedrich  List  (1798- 
1846).  Mùller  résiste  à  la  nouvelle  école,  parce  qu'elle 
s'en  tient  à  une  conception  mécaniste  et  matériahste  de  la 
société  en  négligeant  l'élément  moral,  pour  lui  dominant. 
Elle  ne  s'occupe  que  de  la  propriété  et  des  intérêts  privés, 
oubliant  qu'un  peuple  est  une  collectivité  solidaire  et  une 
existence  historique.  Les  nations  sont  de  véritables  orga- 
nismes avec  leurs  habitudes  de  vie,  leurs  individualités 
définies  qui  déterminent  leur  évolution  historique.  La  vie 
économique  d'un  peuple  est  une  de  ses  fonctions,  laquelle  doit 
être  d'accord  avec  les  autres,  et  cet  accord  doit  être  effectué 
par  les  soins  de  l'Etat,  organe  de  l'ensemble.  A  côté 
du  capital  matériel  dont  parle  Smith,  les  nations  possèdent 
un  capital  moral,  le  langage  prenant  ici  le  rôle  de  la  mon- 
naie, capital  d'expérience,  de  sagesse,  de  qualités  et  de 
sentiments,  qui  se  transmet  et  s'accroît  d'une  génération  à 
l'autre  et  permet  à  chacune  de  produire  bien  plus  qu'elle 
ne  pourrait  par  ses  seuls  efforts.  Le  système  de  Smith 
est  inoffensif  en  Angleterre  à  cause  de  la  position  insulaire  de 
ce  pays  qui  peut  sauvegarder  son  capital  spirituel  de  lois, 
d'usages,  de  mœurs,  cause  essentielle  de  sa  prospérité  ; 
mais  l'Allemagne  n'a  pas  les  mêmes  immunités  ;  il  faut 
qu'elle  s'attache  à  développer  un  pouvoir  national  et  à 
concentrer  ses  forces  matérielles  et  morales.  Muller  de- 
vance ainsi  l'école  historique.  —  List  n'est  pas  moins 
adversaire  du  cosmopolitisme  et  proteste  contre  le  libre- 
échange  absolu  ;  c'est  aussi  un  nationaliste.  Il  réfute  le 
parallélisme  que  Smith  établissait  entre  l'économie  d'un  indi- 
vidu et  d'une  nation,  jugeant  que  les  intérêts  économiques, 
comme  les  autres,  doivent  être  subordonnés  au  maintien  et 
au  progrès  de  la  collectivité  nationale.  La  vraie  richesse 
n'est  pas  dans  la  somme  des  valeurs  d'échange,  mais  dans 
le  développement  complet  des  forces  productives,  11  faut  que 
chacun  des  grands  pouvoirs,  agriculture,  industrie,  com- 
merce, soit  assuré  de  son  développement  normal,  les  deux 
derniers  surtout.  Une  distinction  s'impose  entre  les  régions 
tropicales  et  les  autres  ;  mais  de  plus,  même  dans  les  pays 
de  la  zone  tempérée,  on  distingue  des  degrés  successifs  de 
développement  :  état  pastoral  ;  état  agricole  ;  état  agricole 
et  manufacturier;  état  agricole,  manufacturier  et  com- 
merçant. Une  nation  débute  par  le  libre-échange,  expor- 
tant les  produits  du  sol,  important  les  objets  manufacturés 


des  pays  plus  riches  et  plus  civihsés  ;  mais  elle  réalise  un 
progrès  lorsqu'elle  se  pourvoit  de  manufactures,  et  pour 
cela  il  faut  qu'elle  protège  leurs  débuts  contre  la  concur- 
rence de  rivaux  étrangers  mieux  outillés;  après  cette 
période  protectionniste,  elle  peut,  sans  danger,  revenir  au 
libre-échange.  L'Allemagne  et  les  Etats-Unis  étaient,  d'après 
List,  à  une  phase  de  développement  où  la  protection  s'im- 
posait. Ce  qu'elles  perdraient  à  ce  moment  en  valeurs 
d'échange,  elles  le  gagneraient  au  décuple  en  accroissant 
leur  puissance  productive. 

Il  est  aisé  de  remarquer  combien  les  écrivains  allemands 
sont  dominés  par  la  préoccupation  nationale  et  conforment 
leurs  théories  à  ce  qu'ils  observent  chez  eux.  Nous  voici 
loin  de  ces  abstractions  où  se  complaisait  Ricardo.  Avant 
de  continuer  et  de  parler  de  l'école  historique  qui  a  suc- 
cédé à  celle  de  Smith,  il  nous  faut  insister  brièvement  sur 
les  tendances  diverses  des  écrivains  selon  leur  origine  na- 
tionale. Les  économistes  italiens  ont  été  philosophes  et 
réformateurs,  philanthropes  et  cosmopolites  depuis  le  xvi<^ 
jusqu'au  xix®  siècle;  ils  n'envisagent  pas  la  richesse 
abstraite,  ils  visent  toujours  le  bien-être  général;  ils 
n'oublient  jamais  l'aspect  politique  ou  moral  des  questions. 
Dans  le  détail,  ils  ont  excellemment  traité  des  institutions 
philanthropiques,  des  monnaies  aussi  et  de  la  liberté  de 
navigation.  Même  Gioja,  propagateur  des  idées  de  Smith 
(Nuovo  Prospetto  délie  Scienze  economiche,  1815-17) 
juge  nécessaire  l'action  gouvernementale  pour  régulariser 
la  vie  économique.  —  En  Espagne,  l'économie  politique 
ne  fut  que  fiscale  ;  ses  nombreux  écrits  expriment  les  idées 
prohibitionnistes  ou  mercantiles,  justifient  le  système  d'ex- 
ploitation des  colonies,  les  monopoles  et  les  privilèges. 
Les  protestations  sont  peu  écoutées  ;  citons  celles  de  Jo- 
vellanos  en  1795.  —  En  France,  l'économie  politique  est 
étudiée  avec  l'ensemble  de  la  science  sociale,  constamment  en 
vue  d'une  application  politique.  Cette  préoccupation  sociale 
fait  l'originalité  de  l'école  française  même  quand  elle  se  rallie 
aux  idées  de  l'école  anglaise.  —  En  Allemagne,  l'esprit  de 
philosophie  politique  domine;  l'économie  politique  n'est 
pas  séparée  de  la  science  administrative  et  financière,  de 
tout  le  complexus  des  sciences  politiques,  y  compris  la 
diplomatie,  la  démographie,  le  droit  constitutionnel.  — 
En  Angleterre,  les  idées  sont  moins  larges,  mais  plus 
nettes  ;  on  ne  se  préoccupe  pas  de  l'organisation  sociale, 
comme  en  France,  politique  comme  en  Allemagne,  huma- 
nitaire comme  en  Italie  ;  on  étudie  la  production  des  ri- 
chesses, avec  l'indifférence  de  l'industrialisme  pour  les 
maux  qui  peuvent  en  résulter.  Suivant  en  logiciens  les 
conséquences  des  principes  posés  par  Smith,  les  économistes 
anglais  ont  la  prétention  de  constituer  une  science  et  non 
pas  seulement  de  rédiger  des  considérations  plus  ou  moins 
suggestives  sur  les  problèmes  économiques  et  sociaux. 
Cette  prétention,  ils  l'ont  presque  fait  accepter,  et  les  dis- 
ciples de  Smith  et  de  Ricardo  forment  aujourd'hui  encore, 
dans  les  principaux  pays,  une  école,  on  pourrait  dire  une 
église,  qui  se  croit  en  possession  de  la  vérité,  l'énonce  en 
axiomes  et  déclare  que  hors  d'elle  il  n'y  a  point  de  salut. 
En  face  des  économistes  orthodoxes  se  place  l'école  histo- 
rique. 

Le  fondateur  de  l'école  historique  est  Auguste  Comte, 
génie  d'une  puissance  égale  et  d'une  étendue  bien  supé- 
rieure à  celui  d'Adam  Smith.  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu 
d'exposer  comment  il  est  le  fondateur  de  la  science  sociale 
dont  il  marqua  la  place,  établit  l'unité,  posa  les  problèmes, 
définit  les  principes  et  la  méthode  (V.  Sociologie).  Il  nous 
suffit  de  rappeler  la  distinction  entre  la  statique  et  la 
dynamique  sociale  ;  la  conception  de  l'évolution  substituée 
à  celle  d'une  société  idéale,  régie  par  des  lois  absolues  et 
vraies  en  soi  ;  l'emploi  de  la  méthode  historique  et  cri- 
tique remplaçant  la  logique  déductive  ;  la  constatation  que 
les  collectivités  sont  dirigées  par  des  conceptions  morales, 
par  une  psychologie  particulière,  différente  des  concep- 
tions et  intérêts  individuels,  des  notions  individuahstes  de 
droit  naturel  ;  l'affirmation  que  le  progrès  s'accompUt  par 


ÉCONOMIE  —  4 

évolution  et  non  par  révolution.  Exposée  dès  1822,  com- 
plètement en  d839  {Philosophie  positive,  t.  IV),  la 
méthode  sociologique  a  renouvelé  les  questions.  L'assimi- 
lation de  la  société  à  un  organisme  a  été  très  sugges- 
tive. L'étude  historique,  la  comparaison  des  phases 
successives  de  l'évolution  sociale,  ont  prouvé  que  c'est  un 
vain  effort  et  une  prétention  outrecuidante  de  vouloir 
déduire  les  lois  sociales  de  quelques  principes  élémentaires 
en  dehors  de  l'observation.  Si  nous  appliquons  ces  consta- 
tations à  notre  sujet  spécial,  nous  concluons  qu'il  est  impos- 
sible d'étudier  le  travail  et  la  vie  économique  d'une  société 
isolément  de  ses  autres  fonctions  ;  il  l'est  encore  bien  plus 
de  demander  à  la  méthode  déductive  le  secret  de  sa  struc- 
ture actuelle  et  de  son  développement.  Il  faut  nous  adresser 
à  la  méthode  historique  et  abandonner  l'illusion  d'une  doc- 
trine économique  vraie  pour  tous  les  temps  et  tous  les  pays. 

Les  démonstrations  d'Auguste  Comte,  combinées  avec 
la  tendance  générale  de  l'école  allemande  de  jurisprudence, 
personnifiée  en  Savigny,  donnèrent  naissance  en  Allemagne 
à  l'école  historique.  Un  système  juridique  n'est  pas  absolu  ; 
il  varie  d'une  société  'à  l'autre,  d'une  période  à  une  autre  ;  il 
est  en  relations  constantes  avec  les  autres  éléments  de  la  vie 
sociale.  Cette  notion  de  relativité  parut  applicable  aux  sys- 
tèmes économiques.  L'initiativeappartintàWilhelmRoscher. 
Dans  la  préface  de  son  omrage  (Grundriss  ilber  die  Staats- 
ivirthschaft  nach  geschichtlicher  Méthode,  1843),  il  fait 
les  déclarations  suivantes  :  il  faut  étudier  ce  que  les  nations 
ont  pensé,  tenté,  réahsé  dans  l'ordre  économique  et  pour- 
quoi elles  l'ont  atteint  ;  un  peuple  n'est  pas  seulement  une 
collection  d'hommes  vivant  aujourd'hui,  et  il  ne  suffit  pas 
d'analyser  les  faits  actuels  ;  tous  les  peuples  doivent  être 
étudiés,  surtout  les  anciens  dont  nous  connaissons  le  déve- 
loppement complet  ;  il  est  naïf  de  louer  ou  blâmer  une 
institution  économique,  car  bien  peu  ont  été  salutaires  ou 
nuisibles  en  soi;  dans  tous  les  cas,  il  faut  montrer  où, 
quand,  comment  elles  furent  bonnes  ou  mauvaises.  — 
Bruno  Hildebrand  (Die  Nationalœkonomie  der  Gegenwart 
und  Zukunft,  1848,  inachevé)  présente  une  critique 
magistrale  des  systèmes  économiques  de  ses  devanciers  et 
contemporains,  et  propose  comme  modèle  aux  économistes 
la  science  du  langage.  —  Knies  {Die  politische  OEkono- 
mievom  Standpunkt  der  historischen  Méthode,  1853) 
publie  enfin  l'exposé  méthodique  et  complet  des  solutions 
proposées  par  la  nouvelle  école.  Nous  en  avons  exposé  les 
principes,  ils  sont  moins  nets  que  dans  le  chef-d'œuvre  de 
Comte.  Knies  critique  également  au  nom  du  principe  de 
relativité  ce  qu'il  appelle  le  perpétualisme  et  le  cosmopo- 
litisme, l'erreur  qui  consiste  à  croire  qu'une  théorie  vaut 
indépendamment  du  milieu  (national)  et  de  la  phase  de 
l'évolution  sociale.  Or,  la  seconde  erreur  est  extrêmement 
grave,  car  il  est  impossible  de  juger  un  fait  social  si  l'on 
ignore  le  sens  et  le  moment  de  l'évolution  où  il  se  place, 
tandis  que  les  différences  de  race  et  de  miheu  sont  secon- 
daires, la  marche  de  l'évolution  étant  sensiblement  la 
même 'partout.  D'autre  part,  certains  adeptes  de  l'école 
historique  ont  été  jusqu'à  contester  l'existence  de  lois  éco- 
nomiques, lesquelles  sont  constatées  en  fait. 

Les  plus  éminents  représentants  de  l'école  historique 
allemande  furent,  outre  Roscher,  Hildebrand  et  Knies,  Lujo 
Brentano,  Adolf  Held,  Erwin  Nasse,  G.  Kries,  Gustav 
Schmoller,  H.  Rœsler,  Albert  Schaefïle,  Hans  von  Scheel, 
Gustav  Schœnberg,  Adolf  Wagner.  Parmi  leurs  ouvrages  très 
nombreux,  nous  citerons  :  de  Roscher,  System  der  Volks- 
wirthschaft  (1880-82,  3<^  éd.),  Geschichte  der  National- 
œkonomik  in  Deutschland  (1874)  et  Ansichten  der 
Volkswirthschaft  vom  g eschicht lichen  Staîidpunkte 
(1878,  3*^  éd.);  de  Knies,  Geldund  Kredit{\S13-19)  ;  de 
Rœsler,  Zur  Kritikder  Lehre  vom  Arbeitslohn  (1861)  ; 
de  Held,  Grundriss  fiif  Vorlesungen  ilber  Nationalœko- 
nomie (1878,  3eéd.);  de  Schœfïle,  Das  gesellschafUiche 
System  dermenschlichenWirthschaft  (4873,  3^  éd.)  et 
Bail  und  Leben  des  sozialen  Kœrpers  (1881 ,  2^ éd.)  ;  de 
Wagner,  Lehrbuch  der  politischen  OEkonomie,  Il  faut 


également  mentionner  les  travaux  historiques  de  Roscher 
et  Duhring,  les  manuels  de  Nasse  et  de  Schœnberg,  l'excel- 
lente préface  mise  par  Scheel  en  tête  d'un  traité  sur  la 
position  actuelle  et  l'objet  de  l'économie  politique  ;  les 
travaux  de  Brentano,  Nasse,  sur  le  monde  ouvrier,  de 
Schseffle,  Held,  Stein  sur  la  science  financière.  Nous  ren- 
voyons aux  kographies  de  chacun  de  ces  auteurs  pour 
le  détail  et  l'exposé  sommaire  de  leurs  idées  particulières 
et  de  leur  part  dans  la  science.  Il  nous  reste  seulement  à 
signaler  ici  leurs  principales  propositions.  Il  faut  tenir 
grand  compte  des  éléments  moraux  (Schmoller,  Schaeffle, 
Kries)  ;  il  y  a  lieu  de  distinguer  trois  sphères  d'action,  celle 
où  dominent  les  intérêts  privés  (économie  privée) ,  celle  où 
prévalent  les  intérêts  collectifs  de  la  société  (économie 
publique)  ;  celle  de  la  charité  ;  même  dans  la  première,  on 
ne  peut  laisser  l'intérêt  privé  sans  frein  ;  dans  la  seconde, 
les  considérations  morales  sont  capitales  ;  dans  la  troisième 
elles  existent  presque  seules.  L'économie  politique  est 
intimement  liée  à  la  science  juridique  (Stein,  Rœsler, 
Wagner)  ;  la  discussion  des  théories  de  droit  naturel,  de  la 
liberté  individuelle  et  delà  propriété  conduit  à  l'admettre. 
Wagner  renverse  la  méthode  de  Smith  et,  conformément  à 
l'ordre  historique,  il  commence  par  étudier  les  conditions  de 
la  vie  économique  dans  la  société,  afin  de  déterminer  la 
sphère  de  la  liberté  économique  de  l'individu.  —  L'Etat 
n'est  pas  seulement  une  institution  pohcière  chargée  du 
maintien  de  l'ordre,  c'est  l'organe  de  la  nation  pour  tout 
ce  qui  ne  peut  être  réalisé  par  l'effort  individuel  ;  toutes 
les  fois  que  l'Etat  peut  seul  atteindre  un  but,  ou  peut 
l'atteindre  plus  facilement,  au  prix  d'un  moindre  effort,  son 
action  est  légitime  et  désirable.  Toute  cette  question  des 
droits  et  devoirs  de  l'Etat  sera  examinée  ailleurs  (V.  Etat). 
Ce  qu'il  faut  seulement  ajouter  ici,  c'est  que  cet  ordre 
d'idées  a  mis  les  économistes  allemands  en  rapport  avec 
les  socialistes.  Leurs  débats  à  ce  sujet  seront  exposés  à 
l'art.  Socialisme.  Les  plus  illustres  d'entre  eux,  comme 
Wagner  et  Schaeffle,  y  ont  consacré  une  grande  partie  de 
leurs  études. 

L'influence  du  socialisme  a  été  très  grande  sur  les  éco- 
nomistes de  la  seconde  moitié  du  xix^  siècle  ;  mais,  pas 
plus  que  la  sociologie,  ce  n'est  ici  le  lieu  d'exposer  cette 
théorie.  Rappelons  qu'elle  est  née  en  France  des  travaux 
de  l'école  saint-simonienne,  qu'elle  a  été  représentée  le 
plus  brillamment  par  Proudhon  et  que  ses  principaux  chefs 
de  file  sont  actuellement  en  Allemagne,  où  les  économistes 
historiques  ont  fait  de  telles  concessions  qu'on  les  désigne 
sous  le  nom  de  socialistes  de  la  chaire.  Au  contraire,  l'école 
orthodoxe  ou  hbérale,  s'en  tenant  à  son  individualisme  et 
à  l'idée  du  droit  naturel,  n'a  cessé  de  protester  contre 
toute  intervention  de  l'Etat  dans  le  domaine  économique. 

En  Italie,  la  lutte  est  très  vive  entre  l'école  orthodoxe  et 
l'école  historique.  Les  principaux  écrivains  de  ce  pays: 
Cessa  (né  en  1820,  auteur  de  Scienza  délie  Finanze, 
1 882, 3^  éd. ,  et  de  Primi  Elementi  di  Economia  politica, 
1878, 4^éd.);  Lampertico (né  en  1833, auteur  d'Eco7^om^a 
dei  popoli  e  degli  stati  1874-1880);  Minghetti  {Eco- 
nomia publica  e  le  sue  attinenze  colla  morale  e  col 
diritto,  1859),  et  Luzzati  se  sont  surtout  préoccupés  des 
questions  monétaires  et  financières.  Il  faut  citer  encore 
V Histoire  de  l'Economie  politique  au  moyen  âge,  de 
Vito  Cusumano  (1876),  et  les  travaux  de  Ricca  Salerno  sur 
les  théories  du  capital,  du  salaire,  de  l'intérêt  (1877-79). 
Cessa  et  une  partie  des  économistes  italiens  sont  éclec- 
tiques et  se  rapprochent  de  l'école  française  ;  les  autres, 
comme  Luzzati,  Lampertico,  Scialoja,  de  l'école  historique 
bien  défendue  par  Schiattarella  {Del  Metodo  in  Economia 
sociale,  1875).  Ils  restent  fidèles  aux  tendances  géné- 
rales de  l'esprit  italien  indiquées  plus  haut. 

En  France,  où  l'on  n'admit  jamais  les  conséquences 
radicales  des  théories  de  Ricardo,  et  où  on  les  tempéra 
toujours  par  un  certain  éclectisme,  l'école  historique  a 
trouvé  peu  d'adeptes  ;  l'école  orthodoxe,  maîtresse  de  l'en- 
seignement, est  très  occupée  de  la  lutte  contre  les  socia- 


-495  - 


ECONOMIE  —  ÉCORCE 


listes,  beaucoup  aussi  contre  les  protectionnistes.  On  peut 
citer  Droz  {(Economie  politique^  1829);  Rossi  (Cours 
d'économie  politique,  4838-1854);  Michel  Chevalier 
(Cours  d'économie  politique,  1845-1850)  ;  Baudrillart 
(les  Rapports  de  la  morale  et  de  l'économie  politique, 
1883,  2«  éd.,  et  Cours  d'éconoinie  politique,  1872, 
3^  éd.);  Garnier,  Courcene-Seneuil(rmrf^'  des  opérations 
de  banque.  Théorie  des  entreprises  industrielles,  1856, 
et  Traité  d'économie  politique).  Ce  dernier  passe  pour 
le  meilleur  manuel,  et  son  auteur  est  le  représentant  le  plus 
qualifié  de  l'école  orthodoxe.  Parmi  les   défenseurs  de 
celle-ci,  il  faut  nommer  Paul  Leroy-Beaulieu.  Les  écrivains 
catholiques  dont  l'idéal  serait  un  retour  au  système  du  moyen 
âge  et  la  subordination  des  intérêts  à  la  morale  ont  eu 
pour  principal  organe,  outre  Villeneuve-Bargemont,  Leplay , 
dont  les  théories  de  socialisme  chrétien  seront  étudiées 
ailleurs  (V.  Leplay  et  Socialisme),  C.  Périn  (les  Doc- 
trines économiques  depuis  un  siècle,  1880)  et  pour 
orateur  le   comte  de  Mun.  Les  travaux  historiques  de 
Batbie,  Clément,  Baudrillart,  Lavergne  sont  très  estimés 
(V.  les  biographies  de  ces  auteurs).  En  somme,  le  principal 
économiste  français  de  l'école  historique  est  un  Belge, 
Laveleye.  11  en  a  développé  les  idées  dans  son  ouvrage  : 
de  la  Propriété  et  de  ses  formes  primitives  (1874). 
Mais,  depuis,  dans  les  Lois  naturelles  et  l'objet  de  V éco- 
nomie politique  (1883),  il  s'en  est  séparé  par  des  asser- 
tions originales,  mais  très  contestées  et  rétrogrades.  Il  nie 
l'existence  de  lois  économiques  réelles,  c-à-d.  indépen- 
dantes du  vouloir  individuel  ;  il  refuse  donc  à  l'économie 
politique  le  caractère  d'une  science  ;  c'est  simplement  un  art. 
En  Angleterre,  bien  que  le  terrain  parût  moins  favo- 
rable, l'école  historique  a  eu  plus  de  succès  qu'en  France. 
Walter  Bagehot,  qui  s'est  illustré  par  ses  travaux  sur  les 
questions  monétaires  et  financières,  a  démontré  (Economie 
Studies,  1880)  que  le   système  de  Ricardo  et  de  Mill 
n'était  vrai  que  dans  des  conditions  très  particulières,  réali- 
sées seulement  en  un  temps  et  dans  un  espace  étroitement 
limités,  où  le  commerce  est  largement  développé  et  orga- 
nisé comme  il  l'est  en  Angleterre  ;  il  croit  que  pour  la 
civilisation  industrielle  moderne  l'économie  politique  ortho- 
doxe reste  exacte  et  applicable,  et  n'admet  pas  que  la  mé- 
thode historique  puisse  jamais  remplacer  cette  partie  de  la 
sociologie  qui  traite  des  richesses  et  qui  lui  semble  devoir 
être  étudiée  à  part.  —  Cliffe  Leslie  fut  en  Angleterre  le 
champion   de   l'école   historique  contre  Mill   et  Cairnes 
(Essays  Moral  and  Political,  1879).  Toynbee  (1852- 
1883)  s'y  rallia  également.  Stanley  Jevons  (1835-1882)  a 
tenté  de  concilier  les  deux  méthodes  et  souhaitait  l'emploi 
des  mathématiques  (77ié?6>r2/  of  Political  Economy,  1879, 
2^  éd.).  La  tendance  nouvelle  qui  se  développe  en  Angle- 
terre, particulièrement  à  Oxford,  paraît  être  de  faire  au 
système  hbéral  ou  orthodoxe  une  place  dans  la  construction 
générale  de  l'école  historique,  en  s'efforçant  d'en  conserver 
comme  vraies,  au  moins  pour  notre  état  social,  les  pro- 
fondes analyses  sur  la  production  et  la  circulation  des 
richesses,  bases  de  la  science  financière.  A.-M.  B. 

BiBL.  :  Les  principaux  ouvrages  originaux  ont  été  cités 
et  analysés  dans  le  cours  de  Tarticle  \  pour  un  complément 
de  détails,  il  faudra  se  reporter  aux  biograptiies  de  leurs 
auteurs;  nous  avons  cité  de  même  les  traités  ou  manuels. 
Citons  encore  ceux  de  Gide  (français),  Fawcett,  Mars- 
hall (anglais),  Scheel  (allemand)  ;  le  Dictionnaire  d'éco- 
nomie politique,  de  CoQUELiN  et  Guillaumin  (1852-53)  et  la 
grande  Collection  des  principaux  économistes,  avec  notices 
de  Daire,  et  Scrittori  classici  Italiani  délia  economia  poli- 
tica^  de  1852  à  ISOd.  1829,  50  vol.—  Pour  la  partie  histori(iue, 
V.  Blanqui,  Histoire  de  l'Economie  politique;  Paris,  1837- 
38.  —  Villeneuve-Bargemont,  Histoire  de  l'Economie 
politique,  Bruxelles,  1839.  —  Kautz,  System  der  Nationa- 
lœkonomie  und  der  Finanzlehre,  1875.  —  Dûhring,  Kri- 
tische  Geschichte  der  N ationalœkonomie  und  des  Sozia- 
lismus,  1871;  3°  éd.,  1879.—  Mac  Culloch,  The  Littérature 
of  Political  Economy,  1845.  — Cossa,  Guido  allô  studio 
délia  economia  politica  ,  1876-87.  —  Moritz  Meyer,  Die 
neuereN ationalœkonomie  in  ihren  Hauptrichtungen,\SS2, 
3«  éd. 

ÉGOPE  (Tech.).  L'écope  est  une  longue  pelle  en  bois 
munie  d'un  manche,  avec  laquelle  les  bateliers  jettent  l'eau 


de  leurs  bateaux.  L'écope  est  préférable  aux  seaux,  mais 
on  ne  peut  l'employer  que  pour  des  épuisements  peu 
importants  et  lorsque  l'eau  n'a  besoin  d'être  élevée  qu'à 
une  faible  hauteur.  La  pelle  hollandaise  n'est  autre  chose 
qu'une  grande  écope  suspendue  par  un  manche  et  au 
moyen  d'une  corde  à  une  chevrette  à  trois  pieds.  Un 
homme  prend  le  bout  du  manche  de  la  pelle,  et,  par  un 
mouvement  d'oscillation,  il  effleure  les  couches  supérieures 
de  la  nappe  d'eau  ;  la  pelle  se  remplit  et  l'eau  est  jetée  à 
une  certaine  distance  par-dessus  les  bords  de  la  fouille  de 
l'enceinte.  Il  résulte  d'expériences  qu'un  homme  peut 
élever  68  lit.  d'eau  à  1  m.  de  hauteur  par  minute  et 
34  lit.  si  la  hauteur  est  de  l'"80,  ce  qui  donne  par  heure 
de  travail  un  effet  utile  moyen  de  3,876  kilogrammètres. 
Marin  donne  5,750  kilogrammètres  quand  l'homme  tra- 
vaille avec  un  seau  léger,  6,000  s'il  travaille  avec  une 
écope  ordinaire,  et  15,000  si  c'est  avec  une  écope  hollan- 
daise. D'où  l'on  voit  que  ce  dernier  instrument  est  très 
avantageux,  et  qu'un  homme  peut  élever  1  m.  c.  d'eau 
à  l'heure  à  1  m.  de  hauteur.  Mais  l'écope  hollandaise, 
comme  les  seaux  et  les  écopes  ordinaires,  ne  peut  être 
employée  avec  avantage  que  dans  les  épuisements  de  peu 
d'importance  et  lorsque  la  hauteur  à  laquelle  on  doit  élever 
l'eau  est  très  petite.  L.  K. 

ÉCOPERCHE  (Constr.).  Longue  perche  appelée  aussi 
échasse  et  qu'on  emploie  pour  échafauder.  L'écoperche  est 
aussi  la  pièce  de  bois  armée  d'une  poulie  et  qui  s'ajoute 
au  bec  d'une  grue  ou.  d'un  engin  à  soulever  les  fardeaux 
pour  lui  donner  plus  de  volée. 

ÉCOQU  EN  EAU  VILLE.  Com.  du  dép.  de  la  Manche, 
arr.  de  Valognes,  cant.  de  Sainte-Mère-Eglise  ;  121  hab. 

ÉC0RÇA6E  (Techn.)  (V.  Ecorcement). 

ÉCORCE.  I.  Botanique.  —  L'écorce,  formée  des 
couches  les  plus  extérieures  des  tiges  et  des  racines,  ren- 
ferme, en  commun  avec  le  bois,  comme  élément  le  plus 
important,  le  tissu  dit  conducteur  ;  c'est  un  tissu  mort  qui 
sert  à  disséminer  les  matières  nutritives  dans  les  diverses 
parties  de  la  plante.  Ce  tissu,  caractéristique  des  Phanéro- 
games et  des  Cryptogames  vasculaires,  manque  totalement 
dansles  Champignons  et  les  Algues  et  n'existe  qu'à  l'état  rudi- 
mentaire  dans  les  Muscinées.  Il  se  compose  de  faisceaux 
libériens,  partie  essentielle  de  l'écorce,  et  de  faisceaux 
ligneux  propres  au  bois.  Par  leur  réunion,  ils  forment 
les  faisceaux  libéro-ligneux  appelés  plus  communément 
fibro-vasculaires.  On  peut  rencontrer  les  faisceaux  libé- 
riens et  ligneux  isolés,  comme  dansles  racines  de  certaines 
Monocotylédones  ;  mais,  en  général,  ils  sont  associés.  Les 
faisceaux  fibro-vasculaires  sont  dits  fermés  lorsqu'ils  ne 
s'accroissent  plus,  c.-à-d.  lorsqu'il  n'y  a  pas  de  cambium 
interposé  entre  les  éléments  libériens  et  ligneux  (Monoco- 
tylédones) ;  ils  sont  dits  ouverts  lorsqu'une  couche  cam- 
bienne  interposée  assure  l'accroissement  des  faisceaux  (Di- 
cotylédones). Les  faisceaux  libériens  forment  la  zone  la  plus 
interne  de  l'écorce,  séparée  du  bois  parla  couche  génératrice 
ou  cambium  ;  outre  le  hber,  l'écorce  renferme  du  paren- 
chyme qui  constitue  l'enveloppe  celluleuse,  enfin  la  couche 
subéreuse  ou  liège  immédiatement  recouverte  par  l'épiderme, 
lorsqu'il  n'a  pas  disparu.  Link  a  appelé  ces  trois  couches 
endophlœum,  mesophlœum  et  epiphlœum.  Rarement, 
l'un  de  ces  trois  éléments  fait  défaut,  mais  leur  disposition 
n'est  pas  toujours  très  régulière,  en  particulier  dans  les 
Acotylédones  ;  elle  est  généralement  régulière  chez  les  Mo- 
nocotylédones et  les  Dicotylédones.  Comme  type  pour  la 
description  des  différentes  parties  de  l'écorce,  nous  choisirons 
la  tige  des  Dicotylédones,  et  nous  décrirons  successivement 
le  liber,  l'enveloppe  cellulaire  et  la  couche  subéreuse. 

1^  Liber.  Le  liber  est  formé  de  parenchyme,  de  fibres 
et  de  tubes  cribreux;  la  consistance  des  tubes  et  du  paren- 
chyme est  faible,  ce  qui  leur  a  fait  donner  le  nom  de  liber 
mou,  par  opposition  aux  fibres  plus  fermes  qui  forment 
le  liber  dur.  Le  parenchyme  se  compose  de  cellules 
propres  et  de  cellules  des  rayons  médullaires.  Les 
cellules  de  ce  parenchyme  sont  généralement   allongées 


ÉCORCE 


496 


dans  le  sens  de  l'axe  et  forment  des  bandes  régu- 
lières entre  les  rayons  médullaires  (bouleau  blanc, 
Sophora  japonica)  ou  bien  sont  isolées  par  petits  groupes 
(hêtre);  elles  renferment  de  l'amidon.  iNsegeli  a  donné  le 
nom  de  cellules  cambiformes  à  des  cellules  prismatiques 
allongées  et  délicates  qui,  souvent,  accompagnent  les  tubes 
cribreux.  Parfois  le  parenchyme  libérien  s'épaissit  en 
vieillissant  et  forme  du  sclérenchyme.  Les  tubes  cribreux 
ou  cellules  grillagées  constituent  l'élément  fondamental 
du  liber  ;  ce  sont  des  cellules  placées  bout  à  bout  et  com- 
muniquant par  les  fines  ouvertures  qui  criblent  leurs  cloi- 
sons de  séparation  ;  ces  perforations  se  ferment  en  au- 
tomne et  se  rouvrent  au  printemps  au  moment  de  la  reprise 
de  la  végétation.  Les  tubes  cribreux  sont  exclusivement 
cellulosiques,  jamais  lignifiés.  Leur  disposition  est  variée 
par  rapport  aux  fibres  libériennes.  Dans  les  Strychnos  et 
les  Silvadora,  le  liber  mou  forme  des  faisceaux  inter- 
xylaires.  Quant  aux  fibres  libériennes,  ce  sont  des  fibres 
fusiformes,  cellulosiques,  comme  les  tubes  cribreux,  et  de 
plus  flexibles  et  tenaces.  Elles  manquent  dans  le  Groseil- 
lier, le  Viburnum  lantana,  le  Phytolacca  dioica,  etc, 
empiètent  sur  le  bois  chez  les  Piper,  Ulex,  Gui,  etc.,  et 
même  peuvent  n'exister  que  dans  le  bois  (Petasites).  Le 
plus  souvent,  les  fibres  libériennes  forment  des  feuillets  en 
couches  minces  ;  il  peut  arriver  que  les  faisceaux  paral- 
lèles restent  séparés  sur  toute  la  longueur  d'un  entre-nœud 
(Vigne)  ou  isolés  (Cornouiller  blanc).  Quoi  qu'il  en  soit, 
l'industrie  utilise  les  propriétés  physiques  des  fibres  libé- 
riennes du  lin,  du  chanvre,  du  china-grass,  delà  ramie,  etc. 

Si*'  Enveloppe  cellulaire.  Ordinairement  homogène,  elle 
peut  cependant,  dans  un  grand  nombre  de  cas,  offrir  deux 
zones  ;  la  zone  interne  qui  entoure  le  liber  est  parenchyma- 
teuse  (parenchyme  cortical)  et  composée  de  cellules  ar- 
rondies ou  polyédriques,  laissant  des  méats  ;  ces  cellules 
renferment  de  la  chlorophylle  dans  la  portion  périphérique, 
de  l'amidon  dans  celle  qui  avoisine  le  liber  ;  elle  est  quel- 
quefois parcourue  par  des  laticifères  ou  par  des  canaux  à 
résine  ou  à  gomme.  La  zone  externe,  protectrice,  est  com- 
posée de  cellules  épaissies,  devenues  réfringentes,  sus- 
ceptibles de  gonfler  par  l'eau  et  de  prendre  un  aspect  de 
cire  ;  c'est  ce  qu'on  appelle  le  collenchyme;  d'autres  fois, 
ces  cellules  deviennent  scléreuses  et  alors  on  les  appelle  en- 
core fibres  libériennes  sous-épidermiques.  Richard  a  donné 
le  nom  de  mésoderme  à  cette  zone  externe. 

30  Couche  subéreuse.  C'est  le  stratum  phlœum  de 
Mohl,  le  suber  des  auteurs,  vulgairement  liège.  Elle 
remplace  l'épiderme  lorsqu'il  vient  à  disparaître.  Elle 
est  formée  de  cellules  tabulaires  disposées  en  files  con- 
centriques et  en  couches  radiales,  sans  méats,  privées  de 
bonne  heure  de  suc  celluleux  et  de  noyaux,  qui  sont  alors 
remplacés  par  des  gaz  ;  la  paroi  cellulosique  des  cellules  se 
transforme  en  subérine,  produit  analogue  à  la  cutine.  Ces 
cellules  forment  un  tissu  imperméable  dont  l'épaisseur 
s'accroît  par  le  cloisonnement  de  l'assise  génératrice  subé- 
reuse o\x  phellogène  ;  celle-ci  peut  dépendre  de  l'épiderme 
(Pomacées,  Salix,  Viburnum  lantana,  etc.),  ou  de 
l'écorce  jeune,  dite  primaire  [Robinia  pseudo-acacia, 
Cytisus  laburnum,  Framboisier,  Groseillier,  Berberis, 
Lycium,  Lonicera,  etc.),  ou  enfin  du  parenchyme  libé- 
rien (Seringat,  Spirœa  opulifolia,  etc.).  Nous  n'insiste- 
rons pas  sur  cette  question.  Bornons-nous  à  dire  que,  en 
se  développant,  le  liège  détermine  la  mortification  et  sou- 
vent la  chute  des  tissus  situés  en  dehors  de  lui,  et  peut 
lui-même  perdre  ses  couches  les  plus  extérieures  qui  sont 
du  reste  remplacées.  On  appelle  quelquefois  rhytidome 
l'ensemble  des  couches  ainsi  mortifiées  ;  le  rhytidome  per- 
siste dans  l'Orme,  tombe  par  écailles  chez  le  Platane  et  par 
fragments  annulaires  chez  le  Cerisier.  L'épaisseur  de  la 
couche  subéreuse  est  considérable  dans  certains  arbres  tels 
que  l'Orme  (Ulmus  suberosa  Ehrh.),  le  Quercus  occi- 
dentalis  F.  Gay  et  le  Quercus  suber ^  L.  ;  c'est  particu- 
lièrement ce  dernier  qui  sert  à  l'extraction  du  liège. 

Extérieurement  à  la  couche  subéreuse  se  trouve  V épidémie 


(V.ce mot). Celui-ci  persiste  dans lesplantes herbacées, mais 
disparait  tôt  ou  tard  chez  les  végétaux  ligneux  par  les  pro- 
grès de  la  couche  subéreuse  pour  être  remplacé  dans  son 
rôle  protecteur  par  le  périderme  ou  zone  de  tissus  subé- 
reux engendrée  par  l'assise  phellogène.  Mohl  réserve  ce  nom 
de  périderme  à  la  couche  la  plus  interne  de  cette  zone, 
formée  de  cellules  tabulaires  épaisses,  de  couleur  foncée. 
C'est  cette  couche,  remarquable  par  sa  cohérence,  qui  sert 
dans  le  bouleau  à  la  confection  de  vases  légers,  de  boîtes, 
de  semelles,  etc.,  et  même,  au  Canada,  de  canots.  L'écorce 
des  arbres  présente  généralement  à  sa  surface  de  légères  pro- 
éminences d'abord  arrondies  ou  lenticulaires,  puis  allongées 
transversalement,  qu'on  appelle  lenticellcs  (V.  ce  mot)  et 
qui,  le  plus  souvent,  offrent  un  stomate  en  leur  miheu. 

L'écorce  ne  se  trouve  pas  d'emblée  constituée  telle  que 
nous  venons  de  la  décrire  ;  c'est  là  sa  structure  secondaire, 
qui  peut  même  manquer  chez  quelques  plantes  annuelles. 
D'autres  fois,  la  structure  secondaire  se  borne  à  l'aug- 
mentation, au  moyen  du  cambium,  des  éléments  con- 
stitutifs de  chacun  des  faisceaux  libéro-ligneux  (Cucurbi- 
tacées.  Aristoloche,  Berberis,  etc.)  ;  dans  ce  cas,  le  vo- 
lume seul  des  faisceaux  augmente,  mais  leur  nombre 
reste  le  même,  de  sorte  que  'la  structure  primaire  paraît 
permanente.  Un  mot  est  nécessaire  pour  caractériser  cette 
structure  primaire  :  l'écorce  du  jeune  végétal  est  recou- 
verte d'un  épiderme  pourvu  de  stomates  et  de  poils  non  ab- 
sorbants, tandis  que  le  même  épiderme  dans  les  racines 
ne  présente  pas  de  stomates  et  porte  des  poils  absorbants, 
du  moins  vers  l'extrémité  des  racines  ;  ces  poils  radicaux 
disparaissent  avec  l'épiderme  en  arrière  et  sont  remplacés 
par  d'autres  sur  les  nouveaux  ramules  ;  elle  est  paren- 
chymateuse  et  formée  de  grandes  cellules  polyédriques  ren- 
fermant souvent  de  la  chlorophylle  ou  de  l'amidon  ;  elle 
renferme  fréquemment  des  cellules  épaissies  de  collen- 
chyme disposées  en  couche  circulaire  continue  chez  les 
Bégonias,  les  Courges,  etc.,  mais  le  plus  souvent  formant 
des  îlots  aux  points  qui  ont  le  plus  besoin  d'être  renforcés 
(angles,  côtes)  chez  les  Labiées,  les  Ombellifères,  etc.  On 
a  donné  le  nom  d'endoderme  à  l'assise  la  plus  interne  de 
l'écorce,  formée  de  cellules  étroitement  unies  munies  sur 
leurs  parois  radiales  de  plissements  lignifiés  qui  engrènent 
avec  les  cellules  voisines  ;  sur  une  coupe  transversale,  ces 
plissements  apparaissent  comme  des  points  noirs  situés  sur 
le  milieu  des  faces  radiales  ;  surtout  marqués  dans  l'écorce 
delà  racine,  ces  plissements  sont  moins  apparents  ailleurs, 
mais  l'endoderme  est  toujours  aisément  reconnaissable  à  la 
quantité  considérable  d'amidon  que  renferment  ses  cellules, 
lors  même  que  tout  le  parenchyme  cortical  en  est  privé.  Chez 
les  Conifères,  l'écorce  primaire  renferme  des  canaux  sécré- 
teurs qui  ne  manquent  que  chez  l'If,  et  parfois  des  cellules 
scléreuses.  En  dedans  de  l'endoderme  existe  une  assise 
dont  les  cellules  alternent  avec  celles  de  l'endoderme  et 
qu'on  appelle  le  péricycle  ;  il  est  simple  ou  composé  selon 
qu'il  est  formé  d'une  assise  de  cellules  (toujours  dans  la 
racine)  ou  de  plusieurs  ;  il  est  même  très  épais  dans  les 
Cucurbitacées  ;  il  est  homogène  ou  hétérogène,  paren- 
chymateux,  fibreux,  ou  à  la  fois  parenchymateux  et  fibreux. 
En  dedans  du  péricycle  sont  disposés  les  faisceaux  conduc- 
teurs ou  libéro-ligneux,  ouverts  chez  les  Dicotylédones, 
fermés  chez  les  Monocotylédones,  disposés  en  cercles  dans 
les  premiers,  très  nombreux  et  irrégulièrement  disposés 
dans  les  seconds,  plus  serrés  dans  ce  cas  à  la  périphérie 
que  vers  le  centre. 

Chez  les  Dicotylédones,  la  structure  secondaire  de  la 
tige  s'étabht  par  le  fonctionnement  de  deux  assises  généra- 
trices, l'une  l'assise  génératrice  libéro-ligneuse  ou  cam- 
bium proprement  dit,  disposée  en  arcs  entre  les  faisceaux 
successifs  et  formant  ainsi  une  assise  cambienne  continue  ; 
elle  assure  la  formation  de  nouveaux  faisceaux  libéro- 
ligneux  dans  l'épaisseur  des  rayons  médullaires  ou  sert  à 
la  multiplication  du  parenchyme  ;  dans  certains  cas,  il  se 
forme  un  anneau  libéro-ligneux  complet.  La  deuxième  as- 
sise génératrice  peut  prendre  naissance  dans  l'épiderme. 


—  497  — 


ECORCE 


l'écorce  ou  le  péricycle  ;  quand  elle  est  d'origine  péri- 
cy clique,  elle  se  cloisonne  seulement  sur  sa  face  interne  et 
produit  un  tissu  parenchymateux  désigné  quelquefois  sous 
le  nom  à'écorce  secondaire.  Mais,  en  général,  elle  se 


Coupe  transversale  d'une  tige  d'Aspidistra  elatior  (^ross. 
15).  —  ep,  épiderme  ;  ec,  écorce  ;  /*,  faisceaux  libéro- 
ligneux;  m,  moelle. 

cloisonne  sur  les  deux  côtés  et  donne  alors  du  parenchyme 
en  dedans,  du  liège  en  dehors.  Nous  avons  vu  plus  haut 
que  la  tige  des  Monocotylédones  offre  une  structure  pri- 
maire permanente,  et  son  épaisseur  ne  varie  pas,  sauf, 
cependant,  dans  le  Dragonnier,  les  Yuccas,  les  Aloès,  etc., 
chez  lesquels  fonctionne  une  assise  génératrice  anormale 


Coupe  transversale  d'une  tige  de  Lupin  (gross.  360).  —  pc 
parenchyme  cortical;  end,  endoderme;  per,  péricycle; 
l^,  liber 'primaire;  P^  liber  secondaire;  c,  cambium;  b^, 
bois  primaire;  5^,  bois  secondaire;  m,  moelle;  c.int.^ 
cambium  interne  (d'après  Hérail). 

constituée  aux  dépens  du  péricycle  et  donnant  naissance  à 
des  cercles  successifs  de  faisceaux  libéro-ligneux.  L'épi- 
derme  est  encroûté  de  sihce  chez  les  Palmiers,  en  parti- 
culier chez  les  Rotangs,  ainsi  que  chez  les  Graminées  ;  le 
plus  souvent,  il  disparaît  et  est  remplacé  par  le  suber. 

Nous  avons  déjà  indiqué  quelques  particularités  relatives 
à  la  racine  ;  d'une  façon  générale,  les  choses  s'y  passent 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —   XV. 


comme  dans  la  tige.  Nous  aurions  encore  à  nous  occuper  des 
Acotylédones  ou  Cryptogames  vasculaires  ;  ce  groupe  de 
végétaux  ne  se  prête  pas  à  des  considérations  générales,  et  on 
reviendra  sur  la  structure  de  leur  écorce  aux  mots  Fougère, 
Lycopodiacées,  Equisétacées,  Muscjnéks  et  Tige.  Enfin  nous 
renvoyons  aux  mots  Liane  et  Tige  pour  la  description  des 
anomalies  de  développement  de  l'écorce  aussi  bien  que  du 
bois  chez  diverses  Dicotylédones.  D^  L.  Hahn. 

II.  Nomenclature.  —  Parmi  les  écorces  employées 
en  médecine  ou  dans  l'industrie,  plusieurs,  comme  l'E. 
de  chêne,  l'E.  de  grenadier,  l'E.  de  quinquina,  l'E.  de 
saule,  etc.,  etc.,  sont  suffisamment  désignées,  quanta  leur 
origine,  par  l'adjonction  du  nom  du  végétal  qui  les  four- 
nit. Mais,  pour  beaucoup  d'autres,  le  nom  n'indique  pas 
l'origine  l3otanique.  Nous  mentionnons  donc  ci-après  les 
plus  importantes,  en  inscrivant,  à  côté,  le  nom  des  plantes 
d'où  elles  proviennent  :  Ecorce  d'alcoruoque,  fournie  par 
les  Bodivichia  virgilioides  H.  B.  K.  et  B.  major  Mart. 
(V.  Bowdichia)  ;  E.  d'Angusture,  fournie  par  le  Galipea 
febrifuga  H.  B.  K.  (V.  Angusture);  E.  d'Angusture 
fausse,  fournie  par  le  Stychnos  nux  vomica  L.  (V.  Vomi- 
quier);  e.  d'Angusture  du  Brésil,  fournie  par  VEsen- 
beckia  febrifuga  Mart.  (V.  Esenbeckia)  ;  E.  astringente, 
E.  de  Barbatimao  ou  E.  du  Brésil,  produite  par  plusieurs 
Légumineuses-Mimosées  (V.  Barbatimao)  ;  E.  de  Bebeeru, 
provenant  du  Nectandra  Rodieri  Schomb.  (V.  Bebeeru); 
E.  de  Cail-Cedra  ou  Quinquina  des  pauvres,  fournie  par 
le  Khaya  senegalensis  Guill.  et  Perr.  (V.  Cail-Cedra)  ; 
E.  de  Cassia  lignea,  produite  par  le  Cinnamomum  Cas- 
sia  Blum.  (V.  Cannelle)  ;  E.  de  Dita,  provenant  de  VAls- 
tonia  scolaris  R.  Br.  (V.  Alstonie)  ;  E.  de  Géoffrée,  pro- 
duite par  plusieurs  Légumineuses-Papilionacées  du  genre 
Andira  (V.  ce  mot)  ;  E.  éleuthérienne,  fournie  par  le  Croton 
elutheria  Benn.  (V.  Casgarille);  E.  Giroflée,  produite 
par  le  Dicypellium  caryophyllatum  Nées,  de  la  famille 
des  Lauracées.  On  l'appelle  également  Cannelle-Giroflée» 
Les  Brésiliens  l'emploient  en  médecine  comme  stimulante 
et  dans  l'économie  domestique  comme  aromatique  ;  E.  de 
Guaranhem,  de  Buranhem  ou  de  Monesia,  produite  au 
Brésil  i^diV  h  Lucuma  glycyphlœa  Mart.,  de  la  famille 
des  Sapotacées  (V.  Monesia)  ;  E.  de  Hoâng-nan,  fournie 
par  le  Stryclmos  Gautheriana  Pierre,  arbuste  grimpant 
de  la  famille  des  Loganiacées,  originaire  des  montagnes 
qui  séparent  l'Annam  du  Laos.  Elle  renferme  de  la  strych- 
nine et  de  la  brucine  ;  on  l'a  vantée  récemment  comme 
remède  des  affections  chroniques  et  rebelles  de  la  peau  ; 
E.  de  jeunesse  et  de  virginité,  produite  par  le  Pithecolobium 
avaremotemo  Mart.  (V.  Barbatimao);  E.  de  Lavola,  attri- 
buée à  Vlllicium  anisatum  L.  (V.  Badianier)  ;  E.  de 
Malabar,  fournie  par  le  Wrightia  antidysenterica  R.  Br., 
de  la  famille  des  Apocynacées.  C'est  un  puissant  astringent, 
très  employé,  aux  Indes  orientales,  contre  les  affections 
diarrhéiques  ;  E.  de  Malambo,  produite  par  le  Croto7i 
Malambo  Karst.,  de  la  famille  des  Euphorbiacées.  Elle  est 
vantée  comme  aromatique-amère  ;  E.  de  Mancône,  fournie 
par  V Erythrophlœum  guineense  Don,  arbre  de  la 
famille  des  Légumineuses-Cœsalpiniées,  qui  croît  sur  la 
côte  de  Mozambique  ;  on  en  extrait  un  alcaloïde  très  véné- 
neux, VErythrophléine  (V.  ce  mot)  ;  E.  de  Margosa,  pro- 
duite, aux  Indes  orientales,  par  le  Melia  indica  Brand. 
(V.  Margosa)  ;  E.  de  Mudar,  fournie  par  le  Calotropis 
procera  R.  Br.,  de  la  famille  des  Apocynacées.  Elle  est 
préconisée,  dans  l'Asie  et  l'Afrique  tropicales,  comme 
tonique  et  diaphorétique  ;  E.  de  Moussenna  ou  de  Mussenna, 
fournie  par  VAlbizzia  anthelmintica  Brong.  (V.  Mous- 
senna) ;  E.  de  Palo-Matras,  la  même  que  l'E.  de  Malambo  ; 
E.  de  Paraguatan,  produite,  au  Pérou,  parle  Condaminea 
tinctoria  DC.  Elle  donne  une  belle  couleur  rouge,  cm 
ployée  dans  la  teinture;  E.  de  Panama,  fournie  par  plu- 
sieurs Rosacées  du  genre  Quillaja,  notamment  les  Q.  sa- 
ponaria  Molin.,  Q.  smegmadermos  DC.  et  Q.  hrasi- 
licnsis  A.  S.  IL  ;  E.  de  Pichurim,  produite  par  ÏOcotea 
cymbarum  H.  B.  K.,  de  la  famille  des  Lauracées  ;  E.  pré- 

32 


ÉCORCE  —  ÉCORCHEURS 


—  498  — 


tieuse  {Casca  pretiosa  des  Brésiliens),  fournie  par  le 
Mespilodaphne  pretiosa  Nées,  de  la  famille  des  Lauracées  ; 
on  en  retire,  par  distillation,  une  essence  qui  a  les  pro- 
priétés de  l'essence  de  cannelle;  E.  de  Rohn,  fournie  par 
le  Swietenia  febrifuga  A.  J.,  de  la  famille  des  Méliacées  ; 
E.  de  Surinam,  produite  par  VAndira  retusa  H.  B.  K. 
(V.  Andira);  e.  de  Winter,  fournie  par  le  Drimtjs 
Winteri  Y ort,  de  la  famille  des  Magnoliacées-Illiciées  ; 
TE.  de  AYinter  du  commerce  est  le  Cinnmnodendron 
corticosum  Miers,  qui  appartient  également  à  la  famille 
des  Magnoliacées.  Ed.  Lef. 

III.  Chimie  industrielle.  —  Ecorces  tannantes. 
Toutes  les  écorces  riches  en  tanin  peuvent  être  utilisées 
pour  la  préparation  des  peaux.  En  Europe,  on  utilise  prin- 
cipalement, dans  la  région  centrale,  l'écorce  des  différentes 
espèces  de  chêne,  du  châtaignier,  de  l'aune;  dans  le  Nord, 
l'écorce  de  bouleau  et  celle  des  arbres  résineux.  Les  pays 
tropicaux  renferment  un  très  grand  nombre  de  végétaux 
qui  servent  au  tannage  des  peaux. 

Ecorces  tinctoriales.  Les  écorces  astringentes  employées 
dans  la  tannerie  peuvent  également  être  employées  dans  la 
teinture  ;  mais  seulement,  en  général,  pour  les  étoôes  gros- 
sières ;  elles  donnent  des  nuances  variant  du  jaune  au  brun 
plus  ou  moins  foncé.  L'écorce  tinctoriale  la  plus  employée 
est  l'écorce  de  quer citron  (V.  ce  mot). 

IV.  Géologie.  —  Ecorce  terrestre  (V.  Terre). 
ÉCORCEL  Com.  du  dép.  de  l'Orne,  arr.  de  Mortagne, 

cant.  de  Laigle;  273  hab. 

ÉCORCEMENT  (Sylvie.)  L'écorcement  se  pratique  sur 
le  chêne  rouvre,  le  chêne  pédoncule,  sur  le  chêne  tauzin 
dans  l'Ouest,  le  chêne  vert  dans  le  Sud-Est,  l'épicéa;  en 
Russie,  sur  le  saule,  le  bouleau,  l'aune.  L'écorce  de  ces 
arbres  est  employée  au  tannage  des  cuirs.  Celle  de  l'aune 
donne  aux  cuirs  "^  une  couleur  foncée  et  peut  servir  à  la 
teinture  des  feutres.  On  écorce  le  chêne-liège,  le  chêne  occi- 
dental pour  leur  liège,  le  tilleul  dont  l'écorce  sert  à  faire 
des  cordes,  des  liens.  L'écorcement  se  fait  :  1^  en  temps 
de  sève  sur  pied  ou  sur  chevalet;  2°  à  la  vapeur.  Dans 
le  premier  cas,  on  ne  peut  écorcer  que  durant  quarjite  jours 
environ,  depuis  les  premiers  jours  de  mai  jusqu'à  la  fin 
de  juin,  plus  ou  moins  tôt,  plus  ou  moins  tard,  selon  les 
années.  Le  chêne  vert  est  couramment  écorcé  sur  pied. 
Avec  une  serpe,  l'ouvrier  enlève  une  étroite  lanière  d'écorce 
le  long  de  la  tige,  et  avec  Vécorçoir  ou  ruscadou,  mor- 
ceau de  bois  taillé  en  biseau,  il  détache  l'écorce  en  canon. 
Le  prix  de  la  façon  est  de  2  fr.  50  à  3fr.  les  iOO  kilogr. 
d'écorce  verte.  Cette  écorce  perd  en  deux  jours  35  à  40  ^jo 
de  son  poids.  On  la  met  en  bottes  qu'on  range  en  piles  sur 
un  terrain  sec.  Le  rendement  moyen  à  l'hectare  est  de 
2,000  kilogr.  Les  prix  varient  del5  à  20  fr.les  100  kilogr. 
secs.  D'après  M.  Muntz  l'écorce  des  taillis  de  chêne  vert 
renferme  42  à  47  7o  de  tanin,  celle  des  taillis  des  chênes 
à  feuilles  caduques  en  contient  7  à  40  °/o.  La  quantité  de 
tanin  contenue  dans  l'écorce  varie  avec  l'âge  des  tiges.  C'est 
aux  environs  de  vingt  ans  qu'elle  en  renferme  le  plus.  Dès 
qu'elle  se  gerce  et  se  crevasse,  sa  richesse  diminue.  Les 
bois  écorces  sont  abattus  durant  l'été  et  souvent  pendant 
l'hiver  suivant,  la  main-d'œuvre  étant  alors  moins  chère. 
De  là,  perte  d'une  année  de  croissance,  perte  à'une  feuille 
et  affaiblissement  des  souches,  qui  ne  reçoivent  pas  les  ma- 
tières nutritives  élaborées  par  les  feuilles.  L'écorcement  sur 
chevalet  est  plus  généralement  appliqué.  Les  tiges  coupées 
et  émondées  sont  couchées  et  fixées  sur  le  chevalet.  L'écorce 
est  ensuite  détachée  comme  il  vient  d'être  dit. 

L'écorcement  à  la  vapeur  présente  ce  grand  avantage 
qu'il  peut  s'exécuter  plusieurs  mois  même  après  la  coupe. 
C'est  en  4864  que  M.  Maître,  de  Châtillon-sur-Seine,  eut  le 
premier  l'idée  d'employer  la  vapeur.  Un  courant  de  vapeur 
d'eau  bouillante  arrivait  dans  des  caisses  fermées  sur  les 
rondins.  Au  bout  d'une  demi-heure  l'écorce  se  détachait 
facilement.  M.  de  Nomaison,  quelques  années  après,  per- 
fectionna ce  procédé.  11  employa  de  la  vapeur  sèche,  un 
appareil  plus  léger,  démontable,  pouvant  se  transporter  en 


forêt.  L'écorce  est  d'aussi  bonne  qualité  que  celle  enlevée 
par  les  autres  procédés.  G.  Boyer. 

ÉCORCES  (Les).  Com.  du   dép.  du  Doubs,  arr.   de 
Montbéhard,  cant.  de  Maîche;  407  hab. 

ÉCORCHAGE  (V.  Charcuterie,  t.  X,  p.  609). 
ÉCORCHÉ  (Beaux-arts).  Reproduction,  en  dimension 
réelle  ou  réduite,  d'un  corps  d'homme  ou  d'animal,  dépouillé 
de  sa  peau,  et  montrant  la  disposition  extérieure  des  muscles. 
L'étude  de  l'écorché  est  des  plus  utiles  à  l'artiste,  et  l'im- 
portance que  lui  ont  toujours  donnée  les  grands  maîtres 
permet  d'affirmer  que,  sans  elle,  un  peintre  est  exposé  à 
commettre  de  nombreuses  incorrections  de  dessin.  Les  meil- 
leurs modèles  d'écorchés  offerts  aux  études  ont  été  exécutés 
par  Houdon  et  Salvage  ;  celui  du  premier  est  dans  l'atti- 
tude d'un  homme  debout,  le  bras  étendu,  celui  du  second 
présente  les  formes  et  l'attitude  du  Gladiateur  combattant, 
Michel-Ange  aussi  a  sculpté  un  très  bel  écorché  ;  mais  sa 
pose  violente,  contorsionnée,  le  rend  peu  propre  à  l'étude 
et  le  fait  considérer  comme  une  de  ces  œuvres  audacieuses 
qu'un  puissant  génie  peut  se  permettre,  mais  qu'il  serait 
plus  que  dangereux  d'imiter.  Les  anciennes  œuvres  de  l'école 
florentine  sont  du  reste  remarquables  par  la  perfection  ana- 
tomique  de  leurs  figures  ;  les  études  sérieuses  que  ces  artistes 
faisaient  d'après  l'écorché  sont  encore  attestées  par  les  écrits 
qu'ils  ont  laissés.  4.a  rénovation  artistique  à  laquelle  David 
a  donné  la  plus  puissante  impulsion  remit  en  honneur  les 
études  anatomiques  dans  l'école  française  ;  on  en  vit  même 
l'exagération  dans  de  nombreuses  figures  peintes  avec  une 
musculature  fouillée  et  redondante  comme  celle  d'un  écorché. 
Ce  fut  probablement  pour  réagir  contre  cet  excès  que  l'un 
des  grands  chefs  d'école  de  l'époque  suivante,  Ingres,  pros- 
crivit de  son  enseignement  les  études  d'écorché,^  comme 
contraires  à  la  sincérité  du  rendu  de  la  nature.  Géricault, 
qui  étudia  les  chevaux  avec  tant  de  passion,  a  laissé  un  bel 
écorché  de  cheval,  et  des  études  analogues  ont  été  faites, 
pour  les  grands  carnassiers,  par  les  sculpteurs  Barye  et 
Rouillard.  Ad.  T. 

ÉCORCHES.  Com.  du  dép.  de  l'Orne,  arr.  d'Argentan, 
cant.  de  Trun;  303  hab. 

ÉCORCHEURS.  Gens  de  guerre  qui,  vers  le  milieu  du 
xv^  siècle,  exercèrent  dans  toute  la  France  un  véritable 
brigandage.  On  pourrait  donner  ce  nom  aux  bandes  de 
mercenaires,   grandes  compagnies,   armagnacs,  routiers, 
qui,  pendant  toute  la  guerre  de  Cent  ans,  commirent  par- 
tout les  plus  horribles  ravages;  mais  il  s'applique  particu- 
lièrement aux  aventuriers  qui,  de  4435  à  4445,  se  signa- 
lèrent par  une  recrudescence  de  déprédations  et  de  férocité. 
Après  le  traité  d'Arras  (20  sept.  4435),  quand  il  fallut 
évacuer  les  places  rendues  au  duc  de  Bourgogne,  les  garni- 
sons de  la  Champagne  licenciées  par  le  connétable  de 
Richement  formèrent  des  bandes  qui  s'associèrent^  bientôt 
avec  d'autres  pour  le  pillage  et  le  butin.  Elles  avaient  des 
chefs  renommés  qui,  pour  la  plupart,  avaient  été  ou  étaient 
encore  au  service  de  Charles  VII,  comme  La  Hire,  Sain- 
trailles,  A.  de  Chabannes,  L.  de  Bueil,  Rod.  de  Villan- 
drando,  etc.  Le  pillage,  la  dévastation,  l'incendie,  le  viol, 
le  meurtre  marquaient  partout  le  passage  des  écorcheurs. 
Après  eux  venaient  encore  les  retondeurs,  ainsi  nommés 
parce  que  «  ils  retondoient  tout  ce  que  les  premiers  avoient 
failly  de  happer  »  (01.  de  La  Marche,  I,  245).  Ni  les 
ordonnances  royales,  ni  la  sévérité,  pourtant  si  redoutée, 
du  connétable,  ne  purent  même  atténuer  le  mal.  La  résis- 
tance des  écorcheurs  fut,  avec  celle  de  la  féodahté,  le  prin- 
cipal obstacle  aux  réformes  militaires  si  ardemment  ré- 
clamées par  les  Etats  généraux  de  4439,  et  la  principale 
cause  de  la  Praguerie  (4440).  Quand  la  trêve  de  Tours 
(20  mai  4444)  suspendit  les  hostilités  entre  la  France  et 
l'Angleterre,  le  péril  devint  encore  plus  menaçant.  Pour 
délivrer  la  France  de  ce  fléau,  Charles  VII  et  le  dauphin 
conduisirent  les  écorcheurs  en  Lorraine  et  en  Alsace,  où 
ils  périrent  en  grand  nombre.  Ces  expéditions  (4444-4445) 
mirent  à   peu   près  fin  à   Vécorcherie.   La  réforme  de 
l'armée  et  la  création  des  compagnies  d'ordonnance  (4445) 


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ÉCORCHEURS  -  ECOSSE 


permirent  ensuite  de  mieux  réprimer  les  excès  des  gens  de 
guerre,  mais  non  de  les  faire  cesser  entièrement.  E.  C. 
BiBL.  :  Les  chroniqueurs  de  Tépoque,  surtout  Ol.  de  La 
Marche,  édit.  de  la  Soc.  de  Fhist.  de  Fr.,  I,  243,  215,  etc. 
—  MoNSTRELET,  id.,  V,  317,  ctc.  —  Th.  Basin,  id.,  I,  56, 
.  102,  etc.  —  J.  CiiARTiER,  édit.  Vallet  de  Viriville,  I, 
217,  etc.  —  Le  Bourgeois  de  Paris^  éd.  A.  Tuetry,  150, 
347,  etc.  —  Martial  d'Auvergne,  les  Vigiles  de  Charles  V/Z, 
édit.  Le  Coustelier;  Paris,  1724,  2  vol.  in-12,  I,  147.  —  La 
Chronique  Martinie7ine,  édit.  gothique  d'Anthoine  Vérard, 
fol.  CCLXXXV,  CCLXXXVI,  —  Vallet  de  Viriville, 
Hist.  de  Charles  V/I,  II,'420  et  suiv.  —  A.  Tuetey,  les  Ecor- 
cheurs  sous  Charles  VII;  Montbéliard,  1874,  in-8.  —  De 
Beaucourt,  Hist.  de  Chartes  YI/,  t.  III,  pp.  13  et  suiv., 
385  et  suiv.,  t.  IV,  ch.  i.  —  J.  Quicherat,  Rodrigo  de 
Villandrando^  121  et  suiv.  —  E.  Cosneau,  le  Connétable 
de  Richemont,  237,  282  et  suiv.,  298,  313  et  suiv.,  341,  351, 
347  et  suiv.  -  Mns.  fr.  5022,  passim;  5054,  fol.  87  ;  fr.  25, 
711,  n»  137,  à  la  Bibl.  nat.;  JJ.  185,  fol.  215  v%  K.  65 
n°  2  X^'^  1482,  fol.  104  ;  Y^  fol.  25,  26,  aux  Arch.  nat. 

ÉCORDAL.  Corn,  du dép.  des  Ardennes,  arr.  de  Vouziers, 
cant.  de  Tourteron  ;  791  hab. 

ECO  R  PAIN.  Com.  du  dép.  de  la  Sarthe,  arr.  et  cant.  de 
Saint-Calais  ;  523  hab. 

ECOS.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  l'Eure,  arr.  des  An- 
delys;  561  hab. 

ECOSSAISE  (Philosophie).  On  a,  pendant  longtemps, 
désigné  chez  nous,  sous  le  nom  d'école  écossaise,  l'école 
inaugurée  au  xviii^  siècle  par  Thomas  Reid,  représentée 
ensuite  par  Dugald  Stewart  et  Th.  Brown,  illustrée  enfin 
par  William  Hamilton.  L'histoire  de  <!ette  école  se  confond 
presque  avec  l'histoire  d'un  problème  ou  plutôt  d'une  am- 
bition spéculative.  Reid,  au  xviii^  siècle,  s'était  proposé 
d'établir  sur  des  fondements  psychologiques  inébranlables 
la  légitimité  de  la  croyance  à  la  réalité  du  monde  sensible  ; 
et  avec  lui,  jusqu'à  William  Hamilton,  la  philosophie  écos- 
saise traversa  une  crise  réaliste.  Il  ne  faut  pas  confondre 
ce  que  l'on  a,  peut-être  assez  improprement,  appelé  «  école 
écossaise  »  avec  la  philosophie  écossaise.  La  première  dure 
à  peu  près  un  siècle,  depuis  l'époque  à  laquelle  Reid  com- 
mence d'écrire  jusqu'à  la  mort  d'Hamilton,  en  1856.  On 
peut  faire  commencer  la  seconde  vers  1710,  et  son  dévelop- 
pement historique  n'est  pas  près  de  prendre  fin.  Il  ne  faut 
pas  croire  non  plus  que  les  traits  dominants  de  la  philo- 
sophie écossaise  ne  se  rencontrent  que  chez  Reid.  Reid  est 
remarquable  comme  psychologue,  ou,  du  moins,  il  a  long- 
temps eu  la  renommée  d'être  le  plus  sage  et  le  plus  exact 
des  observateurs  de  l'àme  humaine.  Mais  Hume  n'est  guère 
moins  exact,  et  il  est,  à  coup  sûr,  plus  avisé.  Reid  tient  la 
métaphysique  en  grande  défiance  ;  Hume  la  tient  pour 
inaccessible,  et  si,  en  Hume,  le  psychologue  est  doublé  d'un 
incomparable  dialecticien,  ce  qui  n'est  certainement  pas  le 
cas  de  Reid,  la  valeur  de  Hume  comme  psychologue  est 
tout  à  fait  hors  de  pair.  La  psychologie  de  Reid  reste  à 
fleur  d'expérience  ou  plutôt  d'observation  ;  il  ne  veut  voir 
que  le  visible  à  l'œil  nu.  Hume  regarde  au  microscope. 
C'est  donc  faire  preuve  d'un  défaut  de  sens  historique  et 
philosophique  tout  ensemble,  que  d'entreprendre,  ainsi  que 
l'a  tenté  Victor  Cousin,  une  histoire  de  la  philosophie 
écossaise,  en  considérant  tous  les  prédécesseurs  de  Reid 
comme  ses  précurseurs  et  en  supprimant  David  Hume. 
Reid,  loin  d'inaugurer  une  période  d'apogée,  pourrait  bien 
inaugurer  une  période  de  décadence.  Certains  l'ont  pensé, 
et  leurs  arguments  portent.  Il  est  évident  que  la  philoso- 
phie de  Reid  est  en  pleine  réaction  sur  celle  de  Hume  ;  il 
l'est  moins  que  Reid  soit  un  philosophe  réactionnaire,  dans 
le  sens  défavorable  attaché  à  l'épithète.  Quoi  que  l'on  puisse 
penser  à  cet  égard,  il  est  permis  de  soutenir  que  Reid  doit 
beaucoup  à  David  Hume,  et  l'on  ne  saurait  trop  insister  sur 
h  i^ârt  â'inÛuence  positive  exercée  par  Hume  sur  Reid.  Il 
est  presque  de  tradition  d'admettre  que  la  dogmatique  de 
Reid  est  sortie  des  excès  de  la  critique  sceptique  de  Hume. 
Elle  en  est  sortie  sans  doute,  mais  mainte  page  des  Essais 
philosophiques  sur  V entendement  humain  pourrait 
servir  de  préface  aux  œuvres  de  Reid  ;  en  effet,  il  n'a  pas 
échappé  à  Hume  que,  si  la  critique  mène  au  scepticisme,  la 
«  nature  »  en  détourne.  Hume  savait  donc  que  la  nature 


est  impérieusement  dogmatique  et  que  sa  philosophie  allait 
à  rencontre  du  sens  commun.  S'il  n'a  pas  été  Reid,  c'est 
qu'il  n'a  pas  voulu  l'être. 

_  De  ce  rapprochement  entre  Hume  et  Reid,  qu'on  ne  peut 
ici  qu'indiquer,  et  de  tout  un  ensemble  de  remarques  con- 
duisant à  des  inductions  analogues,  on  est  autorisé  à  conclure 
qu'il  faut  désormais  ne  plus  séparer  l'histoire  de  l'école 
écossaise  de  celle  de  la  philosophie  écossaise,  ou  du  moins, 
qu'en  se  bornant  à  la  première,  on  expose  simplement 
l'une  de  ses  phases.  De  ce  qui  vient  d'être  dit,  le  lecteur 
peut  aisément  se  rendre  compte  à  l'aide  de  la  Scottish 
Philosophy  du  professeur  James  Mac  Cosh.  Sous  ce  titre, 
en  un  fort  volume,  se  trouvent  réunies  plus  de  cinquante 
études,  consacrées  chacune  à  un  philosophe  écossais.  Shaf- 
tesbury  est  le  premier,  Hamilton  est  le  dernier  de  la  galerie 
à  travers  laquelle  l'auteur  nous  promène,  et  l'on  s'aperçoit 
que,  si  les  doctrines  d'Hamilton,  de  Brown,  de  Stewart  et 
de  Reid  y  sont  très  exactement  et  très  finement  analysées, 
d'autres,  beaucoup  moins  connues,  tiennent  dans  le  livre  à 
peu  près  autant  de  place,  et  elles  en  semblent  dignes.  On 
s'aperçoit  encore  d'autre  chose,  c'est  que,  si  les  philosophes 
écossais  sont  curieux  de  psychologie,  cette  curiosité  ne  se 
suffît  pas  à  elle-même  ;  une  fois  satisfaite,  elle  prépare  ou 
même  commence  la  solution  des  problèmes  de  la  morale  et 
de  la  religion  naturelle.  A  ce  point  de  vue,  Reid  ne  fait 
point  exception.  Mais  la  très  grande  étendue  qu'il  donne 
dans  ses  ouvrages  aux  recherches  de  psychologie  dispose 
le  lecteur  à  oublier  qu'il  était  avant  tout  un  homme  de 
raison  pratique.  Il  a  côtoyé  maintes  fois  le  kantisme  et, 
pour  être  Kant,  le  génie  seul  lui  a  manqué. 

Cette  remarque  n'a  pas  échappé  à  l'un  des  historiens 
français  de  Reid,  Charles  de  Rémusat  {Essais  de  philoso^ 
phie)  ;  elle  s'applique  non  seulement  à  Reid,  mais  à  presque 
tous  les  Ecossais.  Et  cela  explique  pourquoi  l'Ecosse,  qui 
a  été  la  patrie  de  psychologues  observateurs,  tels  que  Reid 
et  Stewart,  de  psychologues  dialecticiens  tels  que  Hume, 
Brown,  Hamilton  et  Stuart  Mill,  est  représentée,  au  mo- 
ment oti  nous  écrivons,  par  des  maîtres  destinés,  semble- 
t-il,  à  une  renommée  moins  éclatante,  mais  dont  les  doc- 
trines ont  fait  subir  à  la  philosophie,  dans  ce  pays,  un 
changement  de  caractère  assez  notable.  Nous  croyons 
cependant  qu'il  n'y  a  pas  eu  métamorphose,  mais  simple 
évolution.  En  ce  moment,  l'Ecosse,  en  dehors  de  l'illustre 
Bain,  n'a  qu'un  psychologue,  M.  Mac  Cosh.  Elle  a  un  logicien 
distingué,  M.  Veitch,  disciple  d'Hamilton,  éditeur  de  ses 
œuvres.  Elle  compte  d'excellents  et  distingués  moralistes, 
et  des  moralistes  qui  savent  être  métaphysiciens.  S'ils  sont 
métaphysiciens,  à  peine  est-il  besoin  de  le  dire,  c'est  en 
vue  de  fonder  une  philosophie  de  la  raison  pratique.  L'his- 
torien du  criticisme  anglais  au  xix^  siècle,  à  supposer  qu'il 
se  rencontre  un  jour,  devra  consacrer  de  nombreux  et  im- 
portants chapitres  aux  successeurs  des  Reid  et  des  Hamilton 
dans  les  universités  d'Ecosse. 

Le  livre  de  M.  Mac  Cosh  est  le  meilleur  guide  à 
suivre  pour  l'histoire  de  la  philosophie  écossaise  jusqu'à 
Hamilton.  Le  livre  de  Victor  Cousin,  la  Philosophie  écos- 
saise, est  excellent  pour  qui  veut  lire  Thomas  Reid  en 
abrégé,  et,  de  même,  on  doit  louer  sans  réserves  les  essais 
consacrés  à  ce  philosophe  par  Charles  de  Rémusat.  Un 
autre  livre,  dû  au  professeur  de  Saint-Andrews,  M.  André 
Seth,  destiné  à  relever  le  crédit  de  Reid  et  à  réclamer  pour 
lui  une  place  voisine  de  celle  que  l'histoire  assigne  à  Kant, 
Scottish  Philosophy,  sera  lu  avec  fruit  par  tous  ceux  qui 
aimeront  à  s'expHquer  comment  le  pays  d'élection  de  la 
psychologie  exacte  et  sagace  est  devenu,  au  moment  où  nous 
écrivons,  le  pays  de  refuge  d'une  métaphysique  religieuse 
animée  d'un  double  esprit  criticiste  et  chrétien.  —  En 
France,  Reid  a  eu  pour  disciples  Royer-Collard.Jouffroy, 
Adolphe  Garnier  (V.  ces  noms).  Lionel  Dauriac. 

ECOSSE.  Généralités.  —  Limites,  superficie.  — 
L'Ecosse  (Scotland)  est  une  des  trois  parties  du  Royaume- 
Uni  de  Grande-Bretagne  et  d'Irlande.  Elle  occupe  la  partie 
septentrionale  de  l'île  de  Grande-Bretagne.  Elle  est  limitée 


ECOSSE 


—  500 


de  trois  côtés  par  la  mer,  à  TE.,  au  N.  et  à  l'O.  ;  au  S., 
elle  confine  à  l'Angleterre.  Elle  comprend,  outre  la  traction 
septentrionale  de  la  Grande-Bretagne,  un  grand  nombre 
d'îles  plus  ou  moins  distantes  du  littoral.  Elle  s  étend  depuis 
54«38Musqu'à58H0^30^aat.N.etde4«6^à8«35Mong.O. 
en  ne  tenant  pas  compte  des  îles.  Le  pomt  le  plus  septen- 
trional est  Dunnet  Head  ;  le  plus  méridional,  le  Mull  de 
Galloway  ;  le  plus  oriental  est  Peterliead  ;  le  plus  occi- 
dental, la  pointe  d'Ardnamuchan.  Mais,  si  l'on  tient  compte 
des  îles,  les  points  extrêmes  se  trouvent  au  N.  par  60^  51  oO 
(Outsack,  dans  les  îles  Shetland), à  l'E.,  par  30M3^  long.  0. 
dans  les  îles  Shetland),  à  l'O.  par  10«  56^  (île  de  Samt- 
Kilda).  Pour  nous  en  tenir  à  ce  que  nous  appellerons  la 
terre  ferme,  en  l'opposant  aux  petites  îles,  l'Ecosse  mesure 
463  kil.  de  Dunnet  Head  au  Mull  de  Galloway  ;  sa  plus 
grande  longueur  du  N.  au  S.,  de  Durness  (comté  de 
Sutherland),  à  Burrow  Head  (comté  de  Wigtown)  serait  de 
437;  sa  plus  grande  largeur,  de  l'E.  à  l'O.,  de  Peter- 
head  (comté  d'Aberdeen)  à  Applecross  (comté  de  Ross), 
serait  de  250  kil.  Sa  plus  petite  largeur  entre  l'estuaire  du 
Forth  et  celui  de  la  Clyde,  de  Grangemouth  (comté  de 
Stirline)  à  Bowling  (comté  de  Dumbarton)  n'est  que  de 
57  kil.  La  forme  de  l'Ecosse  est  extrêmement  irrégulière. 
Elle  est  très  profondément  découpée  par  la  mer  ;  à  première 
vue,  on  y  distingue  trois  tronçons  (sans  parler  des  îles)  ; 
de  la  frontière  méridionale  à  l'étranglement  entre  le  Forth 
et  la  Clyde  ;  depuis  celui-ci  jusqu'à  la  dépression  du  Glen- 
more  entre  les  golfes  de  Moray  et  du  Loch  Linnhe,  distants 
de  415  kil.  ;  enfin  le  tronçon  septentrional.  Si  l'on  fait  abs- 
traction des  archipels  des  Orcades  et  des  Shetland  placés 
au  N.,  les  îles  se  trouvent  presque  toutes  du  côté  occi- 
dental', le  plus  capricieusement  entaillé  par  la  mer.  La 
frontière  orientale  est  formée  par  la  mer  du  Nord,  la  fron- 
tière septentrionale  et  occidentale  par  l'océan  Atlantique  ; 
au  S.-O.  est  le  canal  du  Nord  qui  sépare  l'Ecosse  de  l'Ir- 
lande ;  au  S.  sont  le  golfe  de  Solway,  dépendance  de  la  mer 
d'Irlande,  et  la  frontière  terrestre  qui  sépare  l'Ecosse  de 
r Angleterre.  Cette  frontière  terrestre  est  formée  par  l'en- 
clave de  Berwick,  la  Tweed,  une  ligne  qui  se  dirige  vers 
le  S.  pour  gagner  la  crête  des  monts  Cheviots,  qu'elle  suit 
du  N.-E.  au  S.-O.,  puis  le  ruisseau  de  Kershope  (affluent 
du  Liddell),le  Liddell  (affluent  de  l'Esk),  entin  le  ruisseau 
de  Sark  qui  débouche  dans  les  grèves  du  golfe  de  Solway. 
Cette  ligne  assez  irrégulière  mesure  145  kil.  de  la  mer  du 
Nord  au  golfe  de  Solway  ;  mais,  à  vol  d'oiseau,  la  distance 
n'est  que  de  112  kil.  Le  développement  des  côtes,  en  fai- 
sant abstraction  des  îles,  des  petites  baies  et  anfractuosités 
du  littoral,  est  de  3,540  kil.  L'Ecosse  est  donc  une  contrée 
essentiellement  maritime.  Aucun  point  n'est  distant  de  la 
mer  de  plus  de  120  kil.  ,    ,  ,    ,^  ^  c 

La  superficie  de  l'Ecosse  est  évaluée  (Ordnance  Sur- 
vey  1881)  à  80,435  kil.  q.,  dont  environ  9,600  kil.  q. 
pour  les  îles.  Ce  total  comprend  1,240  kil.  q.  pour  la 
laisse  de  mer  et  1,600  kil.  q.  d'eau  (lacs  et  nvieres)  de 
sorte  que  la  terre  proprement  dite  n'occupe  que  77,400  kil.  q. 

environ.  .        „r  /.  t>  \ 

Géographie  physique  (V.  Grande-Bretagne). 
Géographie  politique.  —  L'Ecosse  est  un  royaume 
réuni  depuis  l'acte  du  16  mars  1707  à  celui  d'Angleterre. 
Elle  est  subdivisée  en  33  comtés.  Elle  envoie  à  la  Chambre 
des  lords  16  pairs  élus  par  l'ensemble  de  la  haute  noblesse 
écossaise  à  chaque  renouvellement  du  Parlement;  à  la 
Chambre  des  communes  72  députés,  dont  39  élus  par  les 
comtés,  31  par  les  bourgs  et  2  par  les  universités.  Au 
moment  de  l'Union,  l'Ecosse  conserva  ses  lois  et  son  admi- 
nistration modelées  sur  celles  de  France  ;  elles  ont  été 
rapprochées  depuis  de  celles  d'Angleterre,  mais  l'Ecosse  a 
aardé  ses  tribunaux.  La  Court  of  Session  (créée  en  15o2) 
répondait  au  parlement  de  Paris;  elle  a  été  modifiée 
depuis;  elle  compte  13  juges  répartis  entre  la  chambre 
intérieure  (8)  et  la  chambre  extérieure  (5).  Les  appels 
doivent  être  portés  à  la  Chambre  des  lords.  Une  haute 
cour  de  justice,  instituée  en  1672  pour  les  afi'aires  crimi- 


nelles, comprend  7  juges  dont  le  lord-justice  général , 
président.  . 

Divisions  politiques  actuelles.  —  La  division  admi- 
nistrative est  le  comté,  mais  les  comtés  sont  groupés  en 
huit  divisions.  De  plus,  on  peut  adopter  d'autres  cadres 
que  ceux  des  comtés  pour  une  série  de  cas  (administration, 
police,  élections,  etc.).  A  la  tête  de  chaque  comté  est  un 
lord-lieutenant  nommé  à  vie  par  la  couronne  ;  il  a  les 
pouvoirs  militaires  et  ceux  d'un  haut  sherifi".  Mais  le  pou- 
voir réel  appartient  à  des  commissaires  qui  règlent  les 
questions  d'impôts,  de  finances,  de  police,  et  aux  sheriffs 
(V.  ce  mot).  Dans  les  bourgs,  les  pouvoirs  de  ces  derniers 
appartiennent  aux  baillis.  On  compte  70  bourgs  royaux, 
dont  4  ont  moins  de  500  habitants  ;  Earlsferry  (comte 
de  Fife)  en  a  286  seulement.  Les  Registrations  Counties, 
comtés  administratifs,  difi'èrent  un  peu  des  anciens  comtés 
historiques  parce  que,  quand  une  paroisse  est  située  sur 
deux  ou  trois  comtés,  elle  est  entièrement  attribuée  à 
celui  où  se  trouve  l'église  paroissiale. 

Mouvement  de  la  population.—  A  la  fin  du  xv«  siècle, 
la  population  de  l'Ecosse  est  évaluée  très  approximative- 
ment à  un  demi-million  d'habitants:  Edimbourg  en  comp- 
tait 20,000,  Perth  9,000,  Aberdeen  et  Dundee  4,000. 
Au  début  du  xviii«  siècle,  la  population  s'élevait  à  un 
million  d'habitants;  en  1755,  on  l'évaluait  à  |,265,000. 
Le  recensement  de  1801  donna  le  chifi^re  de  1,608,420. 
Les  recensements  décennaux  qui  ont  suivi  ont  marqué  un 
progrès  constant;  en  1881,  il  y  avait  3,735,573  hab.; 
en  1886,  on  en  comptait  3,950,000  environ.  Le  tableau 
inséré  ci-contre  indique  la  répartition  par  comtés  et  régions 
de  cette  population.  La  densité  totale  est  relativement 
faible,  guère  plus  du  quart  de  celle  de  l'Angleterre.  Cela 
tient  à  la  grande  étendue  du  territoire  montagneux.  En 
effet,  dans 'les  comtés  du  Nord-Ouest  qui  occupent  près  du 
quart  de  l'Ecosse,  il  y  a  moins  de  9  hab.  par  kilomètre 
carré;  dans  ceux  du  Nord,  la  proportion  n'est  que  de  13. 
Si  l'on  y  ajoute  les  comtés  d'Argyll  et  de  Perth,  on  aura 
une  superficie  totale  de  43,000  kil.  q.,  avec  seulement 
500,000  hab.,  soit  une  moyenne  de  12  par  kdometre  carre. 
D'autre  part,  la  région  montagneuse  du  Sud  n'a  pas 
210,000  hab.  pour  plus  de  8,000  kil.  q.,  soit  26  hab. 
par  kilomètre  carré.  En  revanche,  la  région  dite  du 
Sud-Ouest  avait,  en  1881,  1,385,000  hab.  plus  du 
tiers  de  la  population  de  l'Ecosse,  sur  5,800  kil.  q.,  une 
densité  de  237  hab.  par  kilomètre  carré.  La  plame  de  la 
Clyde  et  du  Forth  (jusqu'au  Tay),  qui  sépare  des  Highlands 
la  rédon  montagneuse  du  Sud,  nourrit  beaucoup  plus  de 
la  moitié  des  Ecossais.  On  y  trouve  sept  des  huit  grandes 

villes  :  Glasgow,  Edimbourg,  Dundee,   Greenock,  Pais- 
ley,  Leith  et  Perth;  la  seule  qui   soit  en  dehors   est 

Aberdeen. 

Voici  quels  sont  les  chiffres  des  recensements  décennaux 

de  ce  siècle  :  ^  ,   , 

1801  1.608.420  hab. 

48ll". 1.805.864    — 

182l! 2.091.621     - 

1831     2.364.386    — 

4841 !*    2.620.484    — 

1851   *    2.888.742    — 

1861     '. 3.062.294    — 

1871*.*    3.360.018    — 

1881.*. 3.735.573    -- 

L'accroissement  de  la  population  fut  général  dans  tous 
les  comtés,  de  1801  à  1841 ,  et  partout  dépassa  1 0  <>/  ,  saut 
dans  les  comtés  d'Argyll,  Perth  et  Sutherland.  Mais,  depuis 
1841  plusieurs  comtés  ruraux  ont  perdu,  surtout  ceux 
des  Highlands.  Ceux  dont  la  population  a  diminué  sont  : 
Sutherland,  Ross  et  Cromarty,  Inverness,  Argyll,  Perth, 
Kinross,  Wigtown.  Dans  un  seul  (Kinross),  elle  est  tombée 
au-dessous  du  chiffre  de  1801.  La  population  msujaire  a 
diminué  de  près  de  5,000  hab.  en  trente  ans  (18ol- 
1881),  la  population  rurale  de  plus  de  125,000  en  vingt 
ans  (1861-1881).  Dans  la  période  1861-1881,  la  popula- 


—  501  — 


ECOSSE 


tion  rurale  du  comté  de  Caithness  est  tombée  de  28,2  ^^9  hab. 
à  24,309;  celui  de  Sutherland  de  21,560  à  18,696;  celui 
de  Ross  et  Cromarty  de  59,447  à  49,882;  celui  d'Inver- 
ness  de  67,355  à  74,439;  celui  d'Argyll  de  60,109  à 


46,081.  Une  des  causes  les  plus  actives  de  la  dépopulation 
des  Highlands  est  que  les  propriétaires  expulsent  les  petits 
fermiers  pour  créer  de  vastes  domaines  de  chasse.  Ceux-ci 
occupaient,  dès  1877,  plus  de  800,000  liect.  (V.  Grande- 


COMTES 


1.  Shetland... 

2.  Orkney 

3.  Caithness  .. 

4.  Sutherland  . 


I.  Northern. 


5.  Ross  et  Cromarty. 

6.  Inverness 


II.  North.  Western. 


7.  Nairn 

8.  Elgln 

9.  Baniï' 

10.  Aberdeen. .. 

11.  Kincardine  . 


m.  North  Eastern. 


12.  Fozfar  (Angus), 

13.  Perth 

14.  Fife  

15.  Kinross  

16.  Clakmannan 


IV.  East  Midland. 


17.  Stirling 

18.  Dumbarton. 

19.  Argyll 

20.  Bute 


V.  West  Midland.. 


21.  Renfrew  . 

22.  Ayr 

23.  Lanark. . . 


VI.  South  Western. 


24.  Linlithgow  (WeslloUian). 

25.  Edinburgh  (Midlolhian). . . 

26.  Haddington  (Easllolhian)  . 

27.  Berwick 

28.  Peebles 

29.  Selkirk.... 


VII.  South  Eastern.. 


3i).  Roxburgh 

31.  Dumfries 

32.  Kirkcudbright. 

33.  Wigtown 


VIII.  Southern.. 


Total.. 


CHEFS-LIEUX 


Lerwick. 
Kirkwall. 
Wick. 
Dornoch. 


Dingwal,  Cromarty. 
Inverness. 


Nairn. 

Elgin. 

Banff. 

Aberdeen. 

Stonehaven. 


Forfar. 

Perth. 

Cupar. 

Kinross. 

Clackmannan. 


Stirling. 
Dumbarton. 
Inverary. 
Rothesay. 


Renfrew . 

Ayr. 

Lanark. 


Linlitligow. 

Edinburgh. 

Haddington. 

Greenlaw. 

Peebles. 

Selkirk. 


Jedburgh. 
Dumfries. 
Kirkcudbright. 
Wigtown . 


SUPERFICIE 


1.428 

973 

1.775 

5.250 


9.ii26 


8.103 
10.584 


18.681 


463 
1.232 

1.659 

5.062 

993 


9.^09 


2.266 

6.544 

1.274 

188 

123 


10.395 


1.158 
625 

8.318 
564 


10.665 


634 
2.922 

2.283 


o 


.839 


311 

937 

701 

1.192 

918 
666 


4.725 


1.722 
2.751 
2.324 
1.257 


8.054 


77.200 


POPULATION 

au 

recensement 

du  4  avr.  1881 


29.705 
32.044 
39.859 
22.376 


123.98^1 


79.467 
86.389 

'1657856' 


8.847 

45.108 

59.783 

269.047 

35.465 


kl8.250 


268.653 

130.282 

172.131 

7.330 

24.025 


602.^21 


106.883 
78.182 
80.761 
17.634 


283.^60 


225.611 
217.630 
942.206 


1.385.^^7 


44,005 
388.836 
38.510 
35.273 
13.688 
26.316 

"5^676^58' 


POPULATION 

calculée 
au  30  juin  1886 


28.758 
32.460 
39.268 
21.911 


122.391 


78.122 
87.575 

165769  f 


9.108 
45.408 
60.262 
280.932 
35.662 


U31.312 


284.116 
131.202 

177.758 

7.039 

25.028 


625.1^3 


52.592 
76.167 
42.290 
38.448 


114.411 

88.977 
81.353 
17.997 


302.138 


242.613 

226.239 

1.032.397 


1.501.2'i9 


45.463 
423.768 
38.918 
34.705 
14.529 
30.733 


588.116 


209.^91 


3.735.573 


55.031 
76.879 
42.398 
38.373 


212.681 


3. 949 -393 


DENSITE 

de  la  population 

Habitants 
par  kil.  carré 


21 
33 
22 
4,3 


134 


9,8 
8,2 


8,9 


19 
37 
36 
53 
36 


44 


118,6 

20 
135 

39 
195 


58 


92 
125 
9,7 
_31 

~26^6  ' 


356 
74 
413 


231 


141 
415 

55 

30 

15 

40 

"iilT 


31 

28 
18 
31 


26 


48 


Bretagne,  §  Géographie  économique).  Cette  diminution 
de  la  population  rurale,  étant  due  non  seulement  à  l'immi- 
gration dans  les  villes,  mais  à  l'émigration  hors  de  l'Ecosse, 
a  eu  ce  résultat  que  l'accroissement  de  la  population  totale 
de  l'Ecosse  s'est  proportionnellement  moins  accrue  de  1841 
à  1881  que  1801  à  1841  ;  dans  la  période  récente,  l'ac- 
croissement a  été  de  42  et  demi  ""/q  ;  il  était  précédemment 
de  63  °/o.  Dans  la  période  1871-1881,  l'accroissement  a 
été  de  11,18  0/^.  Il  a  été  de  37,65  dans  le  comté  de  Sel- 
kirk, quia  passé  de  18,572  hab.  à  25,564;  de  28  7o  dans 
le  comté  de  Dumbarton,  qui  a  passé  de  58,857  hab.  à 
75,333  ;  de  21 ,4  °/o  dans  le  comté  de  Renfrew,  qui  a  passé 
de  216,947  hab.  à  263,374;  de  18,17  «/,  dans  le  comté 
de  Lanark,  qui  a  passé  de  765,339  hab.  à  904,412  ;  de 
18,51  %  dans  le  comté  d'Edimbourg,  qui  a  passé  de 
328,379  hab.  à  389,164.  L'influence  des  grandes  villes 
est  manifeste.  D'autre  part,  les  comtés  suivants  ont  vu 
décroître  le  chiffre  de  leur  population  :  Kinross,  de  7  ^jo  ; 
Shetland,  de  6  %;  Sutherland,  de  3,9  '^/o;  Berwick,  de 


3  0/0  ;  Ross  et  Cromarty,  de  3  «/o;  Caithness,  de  2,8  *^/o; 
Wigtown,  de  0,6  7o;  Kincardine,  de  0,5  7o-  La  popula- 
tion des  villes  était  en  1861  del,616,314hab.;  en  1881, 
de  2,306,852;  —  celle  des  villages  était  en  1861  de 
339,740  hab.;  enl881,  de  447,884;  —celle des  districts 
ruraux  était  en  1861  de  1,106,420  hab.;  en  1881,  de 
980,387.  La  population  des  villes  a  donc  gagné  335,570 
hab.  et  représente  61,75  7o  du  total  au  lieu  de  58,09  «/o, 
tandis  que  celle  Ses  campagnes  a  décru  de  85,099  hab. 
et  ne  représente  plus  que  26,26  7o  du  total  au  lieu  de 
30,39  7o. 

Le  tableau  de  la  page  502  montre  comment  la  popula- 
tion a  varié  dans  les  principales  villes  depuis  le  début  du 
XIX®  siècle. 

Au  point  de  vue  de  la  nationahté,  on  comptait  en 
Ecosse  en  1881  : 

Ecossais 3.397.759 

Irlandais 218.745 

Anglais  et  Gallois 91.823 


ECOSSE 


-  502  - 


Natifs  des  colonies  britanniques . .  12.874 

Sujets  britanniques 7 .  024 

Natifs  des  îles  anglo-normandes .  949 

Etrangers 6.399 

D'autre  part,  on  a  recensé  la  même  année  en  Iriande 

22,328  Ecossais  et  en  Angleterre  253,528  Ecossais  ;  c.-à-d. 

qu'il  y  a  dans  le  Rovaume-Uni  environ  310,000  Anglais  et 


VILLES 

1801 

1821 

1841 

1861 

1881 

Edimbourg  (avec 
Leith)    

81.404 
77.058 
26.992 
27.396 
25.058 
17.190 
16.388 

136.351 
140.432 
43.821 
32.126 
38.102 
21.719 
18.197 

158.961 
261.004 
63.288 
64.269 
48.263 
36.169 
20.407 

201.749 
394.864 
73.805 
90.417 
47.406 
42.098 
25.250 

287.842 
551.415 
105.189 
140.239 
55.638 
66.704 
28.980 

Glasgow 

Aberdeen  

Diindpe 

Greenôck 

Perth 

Iriandais  établis  en  Ecosse  contre  environ  254,000  Ecos- 
sais établis  en  Angleterre  et  en  Iriande.  On  émigré  donc 
plus  de  ces  contrées  vers  l'Ecosse  que  de  l'Ecosse  vers  elles. 
Une  quantité  considérable  d'Ecossais  ont  émigré  hors  du 
Royaume-Uni;  de  1853  à  1885,  il  en  est  parti  568,790. 
Le  mouvement  tend  à  se  développer;  de  1853  à  1855,  il 
émisra  62,514  Ecossais;  de  1856  à  1860,  59,016;  de 
1861  à  1865,  62,461;  de  1866  à  1870,  85,621;  de 
1871  à  1875,  95,055;  de  1876  à  1880,  70,596;  de 
1881  à  1885,  133,527. 

Le  chiffre  des  naissances  fut,  dans  la  période  1861-71, 
de  1,120,791;  dans  la  période  1871-81,  de  1,254,351. 
Celui  des  décès  fut,  dans  la  période  1861-71,  de  706,196  ; 
dans  la  période  de  1871-81,  de  765,468  ;  ce  qui  fait  res- 
sortir un  excédent  de  414,595  naissances  sur  les  décès 
de  1861  à  1871,  et  un  excédent  de  468,833  de  1871  à 
1881.  La  proportion  des  célibataires  était,  pour  le  sexe 
masculin,  de  66,28  «/o  ;  pour  le  sexe  féminin,  de  62,85  «/o  ; 
celle  des  gens  mariés,  de  30,44  «/^  pour  les  hommes, 
28,90  °/o  pour  les  femmes;  celle  des  veufs,  de  3,28  %; 
celle  des  veuves,  de  8,19  °/o.  La  population  se  répartissait 
comme  suit  d'après  ses  occupations  : 

Improductifs 2.128.589 

Industriels 932.653 

Agriculteurs  .    269 .  537 

Commerçants 132 .  126 

Domestiques 176 .  565 

Professions  libérales  . .  96 . 1 03 

On  trouvera  le  complément  de  ces  renseignements  dans 
l'article  Gr\nde-Bretagne,  §  Géographie  économique. 

Au  point  de  vue  de  la  langue  et  de  l'ethnographie,  on 
distin2;ue  deux  groupes  fondamentaux  :  celui  des  Highlands 
ou  Hautes  Terres  et  celui  des  Lowlands,  plaines  et  col- 
lines du  S.  et  de  l'E.  La  population  des  Highlands  parle 
encore  en  grande  majorité  le  gaélique,  dialecte  celtique  ; 
celui-ci  domine  sur  près  de  40,000  kil.  q.  (Sutheriand,  Ross 
et  Cromarty,  Inverness,  lies  Hébrides,   Argyll,   partie 
montagneuse  du  Perthshire),  bien  qu'il  ne  soit  usité  que 
par  231,594  personnes.  Ce  chiffre  montre  combien  est 
faible  la  densité  de  la  population  dans  les  Highlands.  Là, 
le  gaélique  est  encore  la  langue  ecclésiastique,  mais  il  perd 
sans  cesse  du  terrain  devant  l'anglais.  La  population  anglo- 
phone des  Basses  Terres  est  de  sang  très  mélangé;  sur  le 
fond  celtique  se  sont  superposés  des  Angles  et  des  Scan- 
dinaves. Le  produit  de  ces  croisements,  l'Ecossais  du  Sud, 
est  un  homme  de  taille  moyenne,  aux  longues  jambes,  aux 
pommettes  accentuées,  aux  yeux  clairs,  intelligent,  réfléchi 
et  persévérant,  très  attaché  à  sa  patrie,  plus  sociable  que 
l'Anglais  et  d'abord  plus  agréable,  mais  assez  méfiant  et 
très  économe.  Les  Highlanders,  Celtes  à  peu  près  purs,  ont 
perdu  beaucoup  de  leur  originalité,  et  l'on  n'y  reconnaîtrait 
plus  les  héros  des  romans  de  Walter  Scott.  Hs  n'ont  plus 
le  régime  patriarcal  des  clans,  aboli  au  siècle  dernier,  ni  le 
costume  national.  Le  caractère  est  resté  le  même,  vaillant, 


indépendant,  hospitalier,  loyal,  fidèle  à  la  parole  donnée 
et  à  l'attachement  pour  le  chef  de  la  tribu,  mais  très 
superstitieux.  Le  costume  classique  ne  se  retrouve  plus 
guère  :  il  comprenait  une  veste,  un  plaid  ou  tartan  accro- 
ché au-dessus  de  l'épaule  gauche  et  un  bonnet.  Le  modèle 
et  les  couleurs  du  plaid  variaient  selon  les  clans.  Le 
régime  patriarcal  des  clans  fondé  sur  la  coutume  tradi- 
tionnelle fut  attaqué  au  xvii«  siècle  et  détruit  au  xvIIl^ 
L'attachement  des  chefs  des  Highlanders  à  la  cause 
des  Stuarts  amena  leur  ruine.  Les  progrès  de  la  civili- 
sation rendirent  leurs  pillages  intolérables  aux  Lowlan- 
ders,  gens  des  Basses  Terres,  qui  les  pourchassèrent. 
Cromwell  désarma  les  clans  et  leur  imposa  une  vie  paci- 
fique. Fortifiés  par  la  Restauration,  ils  furent  attaqués  après 
l'insurrection  de  1715  (V.  ci-après  le  §  Histoire).  Leur 
mécontentement  se  traduisit  par  l'insurrection  de  1745-46, 
qui  décida  leur  ruine.  On  les  désarma,  on  interdit  le  cos- 
tume national,  on  supprima  le  régime  patriarcal  et  l'auto- 
rité des  chefs  héréditaires. 

Divisions  historiques.  Les  divisions  administratives  ac- 
tuelles de  l'Ecosse,  les  trente-trois  comtés,  ne  correspondent 
qu'imparfaitement  aux  anciennes  divisions  historiques. 
Nous  indiquerons  donc  brièvement  celles-ci  telles  qu'elles 
étaient  établies  au  xvi^  siècle,  et  nous  y  ajouterons  un 
tableau  des  anciens  clans  des  Highlands.  La  distinction 
fondamentale  était  en  Highlands  et  Lowlands,  Hautes  et 
Basses  Terres.  Les  Lowlands  occupaient  le  S.  et  l'E.  de 
l'Ecosse;  les  Highlands,  l'O.  et  le  N.  La  séparation  peut 
être  marquée  par  une  ligne  droite  tirée  à  partir  de  l'es- 
tuaire de  la  Clyde  à  l'O.  de  Dumbarton,  et  dirigée  vers  le 
N.-E.  jusqu'au  voisinage  des  sources  de  l'Esk,  coupant  le 
Forth  près  de  Kippen  (à  l'O.  de  Stirling),  le  Teith,  à  TE. 
de  Callander,  l'Earn,  vers  Criefl,  le  Tay,prèsde  Dunkeld, 
prenant  à  l'O.  de  Blairgowrie  et  d'Alyth.  A  partir  des 
monts  Battack  et  Keen,  cette  hgne  de  démarcation  s'incurve 
vers  le  N.,  coupe  la  Dee  vers  Balmater,  les  sources  du 
Doveran,  la  Spey  vers  Charlestown,  et  vient  aboutir  sur 
le  golfe  de  Moray,  à  l'O.  de  l'embouchure  de  Findhorn. 
Ainsi,  le  N.-O.  du  comté  actuel  de  Dumbarton,  la  moitié 
occidentale  de  celui  de  Stiriing,  celui  de  Perth  moins  la 
lande  orientale,  appartenaient  aux  Highlands  ;  la  frontière 
de  celui  d'Angus  coïncide  à  peu  près  avec  la  ligne  de  démar- 
cation indiquée  ;  l'extrémité  occidentale  du  comté  d' Aber- 
deen, la  moitié  septentrionale  de  ceux  de  Banff  et  d'Elgin 
appartenaient  aux  Highlands,  qui  possédaient  en  entier  les 
territoires  formant  les  comtés  actuels  de  Bute,  Argyll,  In- 
verness, Ross  et  Cromarty,  Nairn  et  Sutheriand  ;  celui  de 
Caithness  en  était  distingué.  —  Au  xvi*^  siècle,  les  divisions 
n'étaient  pas  les  mêmes,  mais  il  y  avait  aussi  une  série  de 
comtés  divisés  entre  les  Highlands  et  les  Lowlands  :  Lennox, 
Menteith,  Strathearn,  Mar,  Moray. 

Voici  quelles  étaient  les  provinces  ou  comtés  de  l'Ecosse 
du  XVI®  siècle,  en  commençant  par  le  S.  anglais.  Nous 
indiquons  la  concordance  avec  les  comtés  actuels.  Gallo- 
way  (Kirkcudbright  est  le  Galloway  oriental,  Wigtown  le 
Galloway  occidental  avec  le  château  de  Kenmure  et  de 
Thrieve  sur  la  Dee).  — -  Ayr,  comté  actuel  où  l'on  distin- 
guait trois  territoires,  Carrick  au  S.,  Kyle  au  centre,  Cun- 
ningham  au  N.  ;  sur  le  littoral,  les  châteaux  de  Turnberry 
et  Dunure,  en  face  l'île  de  Bute,  les  îles  de  Cumbray.  — 
Nithsdale,  bassin  de  la  Nith,  avec  la  ville  de  Dumfries  et 
le  château  de  Drumlonrig  ;  réuni  à  VAnnandale,  bassin 
de  l'Annan,  il  forme  le  comté  actuel  de  Dumfries.  —  Te- 
viotdale,  bassin  du  Teviot,  comté  actuel  de  Roxburgh  ; 
c'était  cette  région  des  Cheviots  où  la  guerre  de  frontière, 
le  brigandage,  étaient  à  l'état  endémique;  outre  les  châteaux 
d'Herïnitage  etdeCessford,  signalons  sur  la  Tweed  l'abbaye 
de  Melrose,  l'abbaye  de  Dryburgh,  le  château  de  Roxburgh. 
Au  S.-O.  du  Teviotdale,  le  Liddesdale,  bassin  du  Lidde, 
formait  un  canton  à  part.  —  Merse  répond  à  notre  comté 
de  Berwick,  avec  les  cant.  occidental  de  Lauderdale  et 
septentrional  de  Lammermoor.  —  Tweeddale,  bassin  supé- 
rieur de  la  Tweed,  avec  le  château  de  Neidpath,  correspond 


Grande  Encyclopédie  _  Tome  X\'. 


ECOSSE 


0  Mér.  de  Greenwnch    \  1 


10 


91 


O.de  Paris 


59 


îîoms  des  Comtes  pai^  Jivjsïons  et  Jem^s  Mivèviahons 

II 


CAITH CaùTine^^ 

ORKIiEY"  (ORCADES)^Mr^^ 

SHETLAND Sheti^^u^. 

SUTH.L SïcÛLÉThind^ 

M 

CEIO (homaz^t^ 

INV. Irtt>er'7ie<s\y 

ROSS  K^s.f 

MI 

jAB AbercZeerv 

BÂ Banff 

EL  G- El^ùiy 

KIN KincardiriG 

"SAL, Wairrv 

CL .Œcukmannany 

FI F;fe 

FOR FoT^ 

Kl. Jmuxfss 

PERTtt Fer-i/f 


ARGYLL  -^^SJ/ii^ 

BU.  Bute. 

DU.  J)iimbarix)ru 

STIR Stùrlin^ 

iffR         A.i/r 

LAN - -Lanarky 

R. R^n/r^&O) 

vmt 

BERWrCKl BercoLcÂ. 

.  EDINBUR&H      ^dinburj^hy 

HA..  -Haddùiffioro 

LIN -    LinZilhx^oto 

PE PeehlÀr 

SEL -  -    SelÀuhAy 

VŒM. 

DUMPRES Mu^y9ie<s' 

KIE\K I&^udèrwihty 

ROX Roccbur^hy 

WIG Wi^^n/ 


'^ 


LFetlar 


I!  SHETL/^NDS  ^,«^^,;  ^^ 

(SHETLAND  l^LANDS)        J»uç^.  ^   *^ 


\ 


^       Buitof  Lewis  S. 


57 


:  l.Foul  1 

V  l.vk/Burra,''.    ^ 


Oui  Skerries 
j^M  Whaliey 

-"    Mamlar|cl 

O»  j  INoss  j 


,  IBressa 


Sumbur^  J*'éad 


/ 


^-^^ 


,  '  StartPpint 
l.Sânda 


I. 


(ORKNEYISLANDSt) 


50 


'^  DunnetH»     -  I  Stroiina:  " 
^'^         '^    -   DuncansbjyHead 

--  Noss  Head 


E 


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ScCjUPGuilion 


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I.Sanderav  .*' 


IThadR-^ 


C) 


ISL4AY 


D 


ofOi 


J.Tory 


SjMaJinH^ 


^ 


^  VILLE  d&pàupde^  100.000 Habvta/vLs's 

®  Ville  ^  5<?.^6>o  ^  wo.ooo 

0  Ville  de'  20.000  àySo.000  •■  / 

O  Viliey  de^  6.000   d  saooo  "  15,^ 

Le<f  norrup  de^  che/à'-fieMOcy  de.  oomùétP  j'orvt  iwub^ni 

Vocabulaire  spécial  el  Abréviations 

B .  Ben 7eV>î  ,  J'ovrurte.t 

L.    Loofv.     LccC'     (oity^Baie/J 

Aher^  _  iTvoer^ Bœor-ey 

Cf..    aien.    J^'at^.-         VaJldey  éù^'oUey 
l\u     .ffY>  .    Fù^tA....l^ondy 
Cra-ié"  Hoo/ve?^        Skeir    Eoiteily 
]^îota,  _     Voïn  aUiS\fiy   Ze^   Vocajf)idcu\ne  de-  Za.y 


Dundalk  B.  - 

1 

MER 

Pt'o^hefla.  ' 


58 


S*Abb's"Head 

IHoty 


I.Rathlin  .^  '  <?  •'^     '^ 

'";  "Mullof  Cantine       ^"iSanda      ^^ 

FairH«'  ,  KJ^IM^" 

'    -n      ^  •<    /  Craitf  > 

1  >^^  /^         h 

;  '      Copsewall  P*^  V  ^^ 

Ft>rt  PatricA^ 


K.  ShieVls 


'l^gr^fT'dy  Loi^Tv 


Osupé/eéocoT^y 


'FiamborougW  H .  i. 


5^ 


R    Ij    a.    N  D  \  E  ^^'^^p'^^<\ 


y"^-iinigy^ 


10 


9 


Echelle    du   2.5oo.ooo^ 


^^«^Je  eu  ïmp.  pa^Erhard.  F^^-^  J8^2 


-  503  - 


ECOSSE 


aux  comtés  actuels  de  Peebles  et  Selkirck,  le  second  ayant 
absorbé  l'Ettrickf  Forest,  les  vallées  de  l'Ettrick  et  du 
Yarrow,  célèbres  dans  les  fastes  militaires  de  l'Ecosse.  — 
Clydesdale,  bassin  de  la  Clyde,  était  une  des  régions  les 
plus  importantes  avec  ses  châteaux  de  Douglas,  Hamilton, 
Bothwell,  la  ville  de  Glasgow.  C'est  à  peu  près  notre  comté 
de  Lanarck.  —  Non  moins  important  était  le  Lothian, 
la  plaine  riveraine  de  l'estuaire  du  Forth,  avec  la  capitale 
Edimbourg,  les  châteaux  de  Blackness,  Niddry,  Craig- 
millar,  Borthwick,  Crichton,  Carberry,  Tantallon,  etc. 
On  y  découpa  trois  comtés,  oriental,  central,  occidental 
(Haddington,  Edimbourg,  Linlithgow).  —  L'ancien  comté 
de  Stirling  ne  comprenait  que  la  partie  orientale  du  comté 
actuel  (plus  Linlithgow)  ;  mais  il  s'étendait  au  N.  du  Forth 
sur  le  canton  qu'on  en  a  détaché  pour  former  le  comté  de 
Clackmarnnan.  —  Le  comté  de  Fife,  entre  Forth  et  Tay,  a 
joué  un  grand  rôle  dans  l'histoire  écossaise  ;  on  en  a  détaché 
celui  de  Kinross.  Les  villes  principales  étaient  Dunfermline 
et  Saint- Andrews  ;  citons  aussi  les  châteaux  de  Leven,  Falk- 
land,  Bambrieck.  —  Le  comté  à'Angus  est  devenu  celui 
de  Forfar  avec  sa  ville  de  Dundee,  ses  châteaux  de  Claver- 
house,  AirJie,  Kinnaird,  etc.  —  Celui  de  Mearns  est  devenu 
Kincardine  (château  de  Dunnottar).  —  Dans  toute  cette 
région  des  Lowlands,  les  cadres  ont  peu  varié  ;  les  comtés 
actuels  répondent  à  peu  près  exactement  aux  anciens.  Il 
n'en  est  plus  de  même  quand  nous  abordons  les  Highlands. 
Le  comté  de  Lennox,  à  cheval  sur  l'estuaire  de  la 
Clyde,  auquel  il  ajoutait  le  bassin  du  lac  Lomond,  a  été 
démembré  entre  les  comtés  de  Renfrew,  de  Dumbarton 
(qui  a  pris  l'O.  du  lac  Lomond)  et  de  Stirling  auquel  on 
a  ajouté  la  bande  entre  ce  lac  et  le  Forth.  Dans  le  Len- 
nox  étaient  les  châteaux  de  Balglass,  Buchanan,  Duckray.  — 
Le  Menteith  s'étendait  au  N.  du  Forth,  sur  les  rives 
du  loch  Katrine  et  du  Teith,  avec  les  châteaux  de  Ichma- 
home.  Donne,  Dunblane;  c'est  aujourd'hui  la  fraction 
méridionale  du  comté  de  Perth.  —  Celui-ci  comprend  en 
outre  les  comtés  de  Strathearn,  de  Breadalbane,  d'Athole, 
sans  parler  des  cant.  de  Rannoch,  Glenshie,  Stormont 
Gowrie,  etc.  —  Le  Strathearn  était  le  bassin  de  l'Earn  avec 
Drummond,  Perth  et  Scone,  —  Le  comté  de  Breadalbane 
appartenait  entièrement  aux  Highlands  ;  c'était  le  bassin 
supérieur  du  Tay,  avec  les  châteaux  de  Lawers,  Finlarig, 
Garth.  —  Le  pays  à'Athole,  au  N.  de  notre  comté  de 
Perth,  embrassait  les  régions  du  lac  Rannoch  et  le  bassin 
moyen  du  Tay.  Sauf  Inverqueich,  il  appartenait  aux  High- 
lands. —  Le  comté  de  Marr  comprenait  le  bassin  supé- 
rieur de  la  Dee  (dont  le  cours  inférieur  le  limitait  au  S.) 
et  celui  du  Don  (cant.  d'Alford)  avec  les  châteaux  d'In- 
verey,  Braemar,  Balmoral,  Kildrummy,  Lesmore,  Balquham. 
Hallforest  et  la  ville  d'Aberdeen;  il  a  été  absorbé  par  le 
comté  d'Aberdeen,  lequel  renferme  en  outre  l'ancien  comté 
de  Buchan  avec  les  cant.  de  Garrioch  (sur  l'Ury)  et  de 
Formartin  (le  long  de  l'Ythan).  —  Ce  comté  de  Buchan 
à  la  pointe  N.-E.  de  l'Ecosse  appartenait  aux  Lowlands, 
à  peu  près  en  entier,  avec  les  châteaux  de  Slains,  Cairn- 
bulg,  Pitsligo,  Findlater,  Huntly.  La  moitié  occidentale  du 
Buchan  a  formé  le  comté  actuel  de  Banff,  lequel  possède 
en  outre  la  vallée  de  F  Avon,  prise  sur  le  pays  de  Marr. 

—  Le  Moray  allait  du  Spey  au  Glass,  en  embrassant  les 
bassins  du  Findhorn,  du  Nairn,  du  loch  Ness.  Sauf  la  bande 
riveraine,  qui  a  formé  le  comté  d'Elgin,  il  appartenait  aux 
Highlands  (comté  de  Nairn  et  N.  de  celui  d'Inverness). 
On  y  peut  signaler  les  districts  de  Aird,  Strathspey, 
Sthrathdearn,  Strathnairn,  Stratheurick,  Glenurqhart,  Glen- 
moriston,  Strathglass,  les  châteaux  d'Urqhart,  Moy,  Grant, 
Dunphail,  la  ville  d'Inverness.  —  Au  centre  de  l'Ecosse,  aux 
sources  du  Spey  et  autour  du  lac  Laggan,  entre  les  pays 
d'Athole,  Moray  et  Lochaber,  était  le  Badenoch  (S.-E.  du 
comté  d'Inverness).  —  Le  comté  de  Ross  était  un  peu  plus 
étendu  au  N.-O.,  un  peu  moins  auS.-O.  qu'il  n'est  actuel- 
lement ;  on  y  distinguait  les  districts  d'Ardross,  Ardmea- 
nach,  Ferindonald,  Strathcarron,  Gairloch,  Lochbroom,etc. 

—  Le  Sutherland  actuel  a  absorbé  l'ancien  Sutherland 


au  S.  et  le  Strathnavern  au  N.,  avec  les  districts  de  la 
côte  occidentale,  Assynt,  Eddrachilles.  —  Le  comté  de 
Caithness  a  gardé  ses  limites  historiques.  —  Sur  la  côte 
occidentale,  où  la  terre  est  déchiquetée  par  les  fiords  et 
lochs,  les  îles  (Hébrides,  Skye,  etc.)  étaient  partagées 
entre  les  clans  ;  nous  en  parlerons  tout  à  l'heure.  La  terre 
ferme  et  les  îles  côtières  se  partageaient  entre  le  Lochaber 
au  N.,  l'Argyll  au  S.  —  Le  Lochaber  répond  au  S.  du 
comté  d'Inverness,  autour  du  Ben  Nevis,  avec  les  châteaux 
d'inverlochy,  Ardgower,  etc.  ;  on  y  peut  rattacher  les  dis- 
tricts de  Knoidart,  Arisaig,  Moidart,  Locheil,  Ardgower, 
Sunart,  Ardnamuchan,  Morvern;  ces  derniers  ont  été  rat- 
tachés au  comté  à'Argyll,  lequel  répond  à  l'ancien  comté 
avec  ses  districts  de  Lorn,  Argyll,  Knapdale,  Corval,  Can- 
tyre  (ou  Kintire),  et  les  îles  avoisinantes.  —  Enfin,  les 
grandes  îles  méridionales  de  Bute  (château  de  Rothesay) 
et  à'Arran  ont  toujours  gardé  leur  autonomie. 

n  nous  faut  maintenant  dire  comment  ces  vallées,  ces 
pâturages  et  ces  îles  des  Higlands  se  partageaient  entre  les 
seigneurs  et  les  clans.  Cette  division  historique  ne  répond 
guère  aux  grands  compartiments  que  nous  venons  d'indi- 
quer, et  naturellement  les  limites  ont  varié  d'une  période 
à  Fautre  selon  la  puissance  relative  des  clans  ;  beaucoup 
ont  péri,  d'autres  se  sont  agrandis  ou  bien  subdivisés.  Le 
tableau  que  nous  en  tracerons  ne  sera  donc  qu'approxima- 
tivement  exact,  même  pour  le  xvi®  siècle. 

L'île  d'Arran  appartenait  aux  Hamilton,  L'île  de  Bute 
aux  Steiuarts  ou  Stuarts,  lesquels  étaient  également  ré- 
pandus à  la  lisière  S.  orientale  des  Higlands.  —  Dans  le 
Lennox,  nous  trouvons  au  S.-O.  du  lac  Lomond  les  Gal- 
braiths,  au  N.  de  ceux-ci  les  Calqiihouns,  puis  les  Mac- 
far  la7ies;  le  long  de  la  mer,  contigus  aux  Galbraiths,  les 
Macaulays  (vers  Hellensburg).  A  FE.  du  lac  Lomond,  les 
Buchanans,  au  N.  de  ceux-ci  les  Mac-Gregors,  entre*  le? 
lacs  Lomond  et  Katrine.  —  Au  N.  du  Forth  et  sur  le  lac 
Katrine,  dans  le  Menteith,  étaient  les  puissants  Grahams, 
bornés  au  N.  par  le  clan  Lauren  Maclarens.  —  Dans  la 
vallée  supérieure  de  FEarn  (Strathearn)  et  sur  le  lacVoil, 
nous  retrouvons  les  Stewarts  au  milieu  desquels  s'enclave 
le  clan  précédent.  AuN.de  l'Earn,  dans  le  Strathearn,  sont 
les  Murrays,  puis  le  comte  de  Gowrie;  sur  le  Tay  moyen 
et  supérieur  (Athole)  encore  les  Stewarts  dont  les  terri- 
toires s'enchevêtrent  avec  ceux  des  Robertsons  et  des  Men- 
zies.  Le  principal  noyau  du  clan  Donachy  ou  Robertsons 
borne  le  lac  Rannoch;  plus  à  l'O.,  entre  les  lacs  Rannoch 
et  Ericht  est  le  centre  des  Menzies.  Au  N.  des  Robertsons 
sont  les  terres  des  comtes  d'Athole  ou  Atholl,  sur  le 
Garry,  auprès  le  petit  clan  des  Mackintoshes  deClentilt; 
sur  l'Ericht  les  Macthomas  et  les  Fergusons;  au  S.,  sur 
la  même  rivière,  les  Spaldings.  A  l'E.  de  cette  vallée, 
confinant  àl'Angus,  le  lord  Ogilvy  d'Airlie.  —A  FO.  du 
comté  de  Mar,  sur  la  Dee  supérieure,  les  Farquharsons 
(Balmoral,  Inverey)  ;  auN.  de  ceux-ci,  aux  sources  du  Don, 
le  comte  de  Himtly.  —  Entre  celui-ci  et  les  Grants, 
maîtres  du  bassin  moyen  du  Spey,  s'intercalent  les  Shaws, 
débris  du  clan  Quhele,  jadis  redoutés.  Aux  sources  du 
Spey,  sur  le  Findhorn  sont  les  descendants  du  clan  rival 
de  Chattan,  les  Macphersons  et  les  Mackintoshes,  les 
premiers  dans  le  Badenoch  oriental,  les  autres  au  N.  et  au 
centre  du  Moray.  Les  terres  du  comté  de  Murray  confi- 
nent à  la  baie  de  Moray  et  au  Findhorn  inférieur.  A  l'O. 
du  lac  Ness,  nous  retrouvons  les  Grants,  encadrés  entre 
les  Frazers  qui  sont  établis  à  FE.  du  Glenmore,  depuis  le 
lac  Lochy  jusqu'à  Inverness  et  dans  le  bassin  du  Beauly  et 
du  Farar.  Sur  le  Glass  sont  les  Chisholms.  —  Le  comté 
de  Ross  est  occupé  par  la  puissante  tribu  des  Mackenzies, 
A  l'O.  du  fiord  de  Gromarty,  autour  de  Fowlis,  sont  les 
Munroes.  Entre  ce  fiord  et  celui  de  Dornoch,  le  clan  An- 
rias,  ou  de  Ross.  Sur  l'autre  rivage,  près  du  loch  Broom, 
la  tribu  de  Glengarry,  également  étaWie  plus  au  S.,  sur  le 
loch  Carron,  en  face  de  l'île  de  Skye.  —  Le  Sutherland 
appartient  aux  Murray  s,  au  N.  desquels  nous  trouvons,  sur 
F  unie,   le  clan  Ciinn  contigu  au  comté  de   Caithness. 


ECOSSE 


—  504 


Dans  le  Strathnavern  est  le  clan  Morgan  ou  des  Mackays. 
—  Nous  voici  parvenus  aux  clans  insulaires,  un  moment 
très  importants.  La  plus  grande  des  Hébrides,  l'île  Lewis, 
est  occupée  par  les  Macleods,  divisés  en  deux  branches: 
au  N.les  Macleods  de  Lewis ^  au  S.ksMadeods  d'IIarris; 
ils  se  sont  établis  aussi  sur  la  terre  ferme  :  dans  le  district 
d'Assynt;  au  loch  Enard;  entre  les  lochs Eive  et  Torridon, 
dans  le  Gairloch;  enfin  au  pied  du  Ben  Scrial,  au  N.  du 
loch  Hourn.  L'île  de  Raasay  et  celle  de  Saint-Rona  sont 
aux  Macleods  (MacgiUiechallum) .  L'O.  de  l'île  de  Skye  est 
aux  mains  des  Macleods  d'Harris.  —  Les  Hébrides  cen- 
trales, North  Uist  et  Soulh  Uist,  appartiennent  au  clan 
Do7iald;  North  Uist  aux  Donalds  du  Nord;  South  Uist 
aux  Macdonalds.  Les  Donalds  du  Nord  ont  aussi  la  pres- 
qu'île septentrionale  de  l'île  de  Skye  et  la  partie  S.-E.  de 
cette  île  avec  les  îles  Rum,  Canna,  Eigg  et  Muck;  nous 
avons  dit  que  le  troisième  tronçon  (occidental)  de  Skye 
était  aux  Macleods;  le  quatrième  (N.-E.,  avec  l'île  Scalpa) 
est  aux  Mackinnons.  Sur  la  terre  ferme,  nous  retrouvons 
les  Macdonalds.  Le  clan  Ranald  Macdonald  s'étend  depuis 
la  mer  jusqu'au  lac  Oich,  sur  le  Moidart  (au  N.  du  lac 
Shiel),  l'Arisaig,  le  Knoidart,  le  glen  Garry.  Au  S.  du  lac 
Shiel  est  le  clan  Machian^  ou  des  Macdonalds  d'Ardna- 
muchan  et  Sunart.Dâns  leBadenoch,  sur  le  Spean,  dans 
le  district  de  Lochaber,  sont  le  clan  Ranald  de  Lochaher 
et  un  peu  au  S.  les  Macdonalds  de  Keppoch,  sur  le  lac 
Treag,  confinant  aux  Macphersons  à  l'E.,  aux  Camerons  à 
rO.  et  au  S.  Enfin  une  dernière  tribu  des  Macdonalds 
habite  le  long  du  loch  Leven,  au  S.  des  Camerons.  Une 
autre  branche  de  cette  grande  tribu,  le  clan  Donald  du 
Sud^  possède  l'île  Islay,  le  S. de  l'île  Jura  et  la  presqu'île 
de  Cantyre.  Aux  limites  du  Cantyre  et  du  Knapdale  est  le 
petit  clan  des  Macallisters .  —  Les  Hébrides  méridionales 
(Eriskay,  Barra,  Mingulay,  etc.)  appartiennent  aux  Mac- 
neils.  —  La  grande  île  Mull  avec  les  îles  voisines  (Tirée, 
Coll,  etc.)  est  au  clan  Gillean.,  ou  des  Macleans,  auxquels 
s'adjoignent  les  Macquaries  (îles  de  Stafifa,  Ulna,  etc.). 
Les  Macleans  s'étendent  entre  les  lochs  Sunart  et  Linnhe 
jusqu'au  loch  Eil,  sur  les  districts  de  Morvern  et  d'Ard- 
gower.  Hs  ont  encore  le  N.  de  l'île  de  Jura  et  les  petites 
îles  de  Luing  et  Scarba.  —  Les  îles  Colonsay  et  Oronsay 
sont  habitées  par  le  clan  Duffy  ou  des  Macfies.  Revenus 
à  la  terre  ferme,  le  S.  du  Glenmore,  le  loch  Eil  et  les 
pentes  du  Ben  Nevis  jusqu'au  loch  Leven,  sont  le  domaine 
du  clan  Cameron,  —  Nous  voici  enfin  parvenus  au  terri- 
toire du  plus  puissant  des  clans  écossais,  celui  de  Campbell, 
auquel  appartiennent  les  comtes  d'Argyll  et  qui  a  fini  par 
s'emparer  de  presque  tous  les  comtés  d'Argyll  et  de  Brea- 
dalbane  en  refoulant  ou  soumettant  d'autres  clans  plus 
faibles.  Hs  s'étendent  depuis  le  lac  Tay  jusqu'à  la  mer 
(firth  of  Lorn)  et  de  l'estuaire  du  Forth  au  loch  Linnhe. 
Le  centre  de  leur  puissance  est  le  loch  Fyne  sur  lequel 
est  leur  capitale  Inverary.  Les  clans  dépossédés  par  eux  ou 
refoulés  sont  :  au  S.  du  loch  Linnhe  les Stewartsd'Appin ; 
au  S.  du  loch  Etive  les  Macdougals  ;  au  N.  d'Inverary  les 
Macnaughtan;  au  N.  du  lac  Awe  le  clan  Gregor  ou  des 
Mac  Gregors  qui,  anciennement,  s'étendait  du  lac  Lomond 
au  loch  Leven  et  au  lac  Laidon,  mais  fut  dépossédé  parles 
Campbells  de  presque  toutes  ses  terres,  particulièrement  du 
district  de  Glenorchy.  Maîtres  des  deux  rives  du  lac  Tay, 
les  Campbells  confinent  aux  Stewarts,  aux  Robertsons,  au 
comté  de  Gowrie.  Dans  la  vallée  ou  glen  Docharl,  qui  aboutit 
au  lac  Tay,  se  sont  maintenus  les  Macnabs.  A. -M.  B. 
Géographie  économique  (V.  Grande-Bretagne). 
Histoire.  —  La  première  période  de  l'histoire  d'Ecosse 
s'étend  depuis  l'expédition  du  Romain  Agricola  dans  le 
nord  de  la  Grande-Bretagne  jusqu'à  l'évacuation  de  l'île 
par  les  Romains.  Sur  les  temps  antérieurs,  on  ne  pos- 
sède aucun  document  écrit  ;  l'anthropologie  et  l'archéo- 
logie seules  jettent  sur  la  préhistoire  de  ces  âges  une 
lumière  douteuse  (cf.  J.  Andersen,  Scotland  in  pagan 
Urnes,  the  Bronze  and  Stone  Ages;  Edimbourg,  4886, 
in-8  ;  W.-F.  Skene,  Celtic  Scotland,  3  vol.  in-8).  Qu'il 


nous  suffise  de  dire  que,  dans  les  îles  écossaises  et  même 
dans  certains  districts  des  Highlands,  ont  persisté  jusqu'à 
nos  jours  des  sociétés  archaïques,  de  très  anciens  procédés 
de  culture  et  de  partage  du  sol,  qui  sont,  sans  doute,  des 
vestiges  d'une  civilisation  bien  antérieure  à  l'ère  chrétienne 
(cf.  G.-L.  Gomme,  The  Village  Commiinity  ;  Londres, 
1890,  in-12,  passim).  Agricola  est  le  premier  Romain  qui 
ait  franchi  la  Solway;  deux  routes,  dont  les  traces  sont 
encore  reconnaissables,  sillonnèrent  le  pays  conquis  :  l'une 
part  de  Carlisle,  passe  par  Dumfries  et  Lanark  pour  aboutir 
au  delà  de  la  Clyde  ;  l'autre  part  de  High  Riechester  en 
Northumberland,  traverse  le  Lothian  et  aboutit  au  Forth, 
à  Cramond.  En  79,  Agricola  campa  dans  les  comtés  actuels 
de  Stirling  et  de  Perth.  H  fit  construire  une  ligne  de  forts 
entre  le  Forth  et  la  Clyde,  remplacée  sous  Antonin  le 
Pieux  par  un  mur  continu,  afin  de  défendre  les  Lowlands 
romanisés  contre  les  incursions  des  Calédoniens  (c'était  le 
nom  générique  que  les  Romains  donnaient  aux  sauvages 
habitants  des  Hautes  Terres).  En  84,  la  bataille  dite  des 
Grampians,  livrée  par  le  chef  calédonien  Galgacus  aux 
environs  de  Blairgowrie,  décida  pour  toujours  que  les 
aigles  ne  dépasseraient  point  le  cours  du  Tay. 

Sous  Adrien,  trois  légions  furent  chargées  de  défendre 
un  mur  construit  d'une  mer  à  l'autre  entre  Newcastle  et 
Carlisle;  c'est  le  fameux  mur  d'Adrien  contre  les  Calédo- 
niens, haut  de  i  6  pieds,  épais  de  6,  protégé  par  une  tranchée 
de  34  pieds  de  large,  long  de  80  milles  anglais.  On  a  dit  avec 
raison  que  ce  mur  d'Adrien  fut  à  la  fois  un  symbole  de  la 
grandeur  de  Rome  et  de  la  valeur  des  Bretons  du  Nord,  que 
Rome  semblait  ainsi  renoncer  à  subjuguer  jamais.  Sous 
Antonin  le  Pieux,  le  général  Lollius  Urbicus  reconquit  tou- 
tefois le  district  compris  entre  le  mur  d'Adrien  et  les  forts 
d'Agricola,  qu'il  relia,  nous  l'avons  déjà  dit,  par  un  second 
mur  (Graham's  dyke).  On  ne  sait  pas  exactement  combien 
de  temps  la  contrée  comprise  entre  les  deux  murs  demeura 
soumise  aux  empereurs  ;  on  y  a  trouvé  peu  de  monnaies 
romaines  postérieures  au  règne  d' Antonin.  Septime  Sévère, 
en  208,  fit  cependant  un  puissant  effort  pour  entamer  les 
Highlands  ;  il  répara  les  brèches  pratiquées  dans  les  murs 
d'Adrien  et  d' Antonin  et  s'avança  jusque  sur  la  Dee,  mais 
il  mourut  à  York  en  214 ,  et  l'entreprise  de  la  conquête  fut 
abandonnée.  Pendant  cent  ans,  l'histoire  est  muette  après 
cela  sur  les  barbares  de  Calédonie,  géants  à  cheveux  rouges, 
dit  Tacite,  tatoués,  armés  de  courtes  épées  et  de  boucliers 
légers,  au  rapport  des  annalistes  de  Sévère.  Au  iv^  siècle, 
apparaissent  les  noms  de  Pietés  (305)  et  de  Scots  (360, 
dans  Ammien  Marcellin)  ;  la  région  enfermée  entre  les 
deux  murs  fut  recouvrée  pour  la  dernière  fois  en  368  par 
un  général  qui  lui  donna,  en  l'honneur  de  l'empereur  ré- 
gnant, le  nom  de  Valentia;  mais,  avant  409,  non  seule- 
ment la  province  intermédiaire  était  reperdue,  mais  les 
garnisons  romaines  s'étaient  rephées  jusque  sur  le  conti- 
nent ;  la  Grande-Bretagne  tout  entière  était  derelicta  a 
Romanis,  abandonnée  par  les  légions. 

Quelle  était,  à  cette  époque,  la  population  de  l'Ecosse? 
Elle  se  composait  de  deux  groupes  :  une  population  au- 
tochtone, réduite  à  Tétat  de  servage,  d'une  autre  race 
que  les  Aryens;  au-dessus  d'elle,  à  l'état  d'aristocratie 
guerrière,  les  conquérants  celtes.  Ceux-ci  étaient  divisés 
eux-mêmes  en  plusieurs  peuplades  :  Bretons  ou  Kymris, 
au  sud,  apparentés  étroitement  aux  Bretons  de  l'Angle- 
terre, Pietés  et  Scots.  Au  vi^  siècle,  les  Pietés,  qui  se 
donnaient  le  nom  de  Cruithne,  occupaient  le  nord  et  le 
centre  des  Highlands;  on  a  une  chronique  des  Pietés, 
en  latin,  du  x^  siècle,  qui  donne  de  longues  généalogies 
royales  ;  c'est  à  peu  près  tout  ce  que  nous  savons  sur 
ce  peuple.  Les  Scots,  à  la  même  date,  étaient  étabhs  à 
Argyll  et  dans  les  îles  ;  ils  étaient  venus  de  l'île  d'Irlande 
qui,  jusqu'au  xiii^  siècle,  a  porté  le  nom  de  Scotia  ma- 
jor. Scots  et  Pietés  d'Ecosse  étaient,  à  cette  époque, 
beaucoup  plus  barbares  que  leurs  frères  d'Irlande  et  du 
pays  de  Galles;  ils  ne  nous  ont  point  laissé,  en  effet, 
de  monuments  juridiques  comparables  au  Senchiis  Mor, 


—  505  — 


ECOSSE 


de  monuments  annalistiques  comparables  aux  Iriades  gal- 
loises (cf.  W.-F.  Skene,  Chronicles  of  the  Picts  and 
Scots  and  other  early  Memorials  of  scottish  history; 
Edimbourg,  1867,  in-8).  Le  christianisme  ne  parvint 
pas  jusqu'à  eux  avant  le  v^  siècle  ;  saint  Ninian,  fils  d'un 
chef  breton  de  Galloway,  fut  le  premier  apôtre  des  Pietés  ; 
il  évangélisa  les  comtés  modernes  de  Stirling,  Perth  et 
Forfar  ;i\  eut  pour  successeurs  Palladms,  Kentigern,  plus 
connu  sous  le  nom  de  Mungo,  saint  Patrick,  Çolumban 
(V.  ces  noms).  Çolumban,  de  naissance  irlandaise,  fonda, 
à  la  fm  du  vi«  siècle,  le  fameux  monastère  d'Iona  (Hy)  et 
acheva  la  conversion  des  Pietés  ;  parmi  ses  disciples, 
Machar  créa  l'église  d'Aberdeen  ;  Cormac,  l'apôtre  des 
Orcades  ;  Drostan,  le  premier  abbé  du  monastère  de  Deer. 
Ces  fondateurs  apportèrent  en  Ecosse  le  christianisme  sous 
la  forme  que  cette  religion  avait  reçue  dans  les  premiers 
pays  celtiques  qui  l'avaient  adoptée,  sous  la  forme  monas- 
tique ;  il  ne  semble  pas  qu'ils  aient  éprouvé  de  sérieuses 
difficultés  à  extirper  les  superstitions  antérieures  (cf.  Dun- 
can  Keith,  A  History  of  Scotland,  civil  and  ecclesias- 
ticaU  from  the  earliest  times  to  the  death  of  David  L  ; 
Edimbourg,  1886,  2  vol.  in-8). 

Après  la  conversion  au  christianisme,  l'événement  le  plus 
important  de  l'histoire  d'Ecosse  est  l'unification  des  diverses 
peuplades  sous  le  sceptre  de  Kenneth  Mac  Alpine.  La  période 
de  deux  siècles  pendant  laquelle  cette  union  fut  préparée  est 
malheureusement  très  obscure.  Les  Angles  de  Northumber- 
land  s'établirent  dans  le  Lothian,  c'est  là  un  fait  certain  et 
capital.  Mona,  File  sacrée  des  Celtes,  devint  l'ile  des  Angles, 
Anglesey.  Les  Celtes  de  Strathcl^jde  et  d'Ecosse  furent 
désormais  séparés  de  leurs  compatriotes  du  pays  de  Galles 
par  l'interposition  d'une  province  anglaise.  Le  roi  germain 
Edwin  étendit  son  royaume  jusqu'au  Forth  et  donna  son 
nom  à  la  future  capitale  de  l'Ecosse  (Edwinsburgh,  Edim- 
bourg). Or,  la  région  écossaise  ainsi  recouverte  par  les 
Angles  de  Northumberland  fut  le  siège  d'un  très  fécond 
mélange  des  deux  races.  Les  Celtes,  déjà  chrétiens,  conver- 
tirent les  Angles  (V.  Cuthbert  [Saint])  et  leur  communi- 
quèrent la  science,  alors  fameuse,  qui  se  transmettait  dans 
leurs  monastères  :  Bède,  Csedmon,  Alcuin  en  ont  bénéficié. 
D'autre  part,  le  Lothian  anglicisé  fut  le  centre  d'où  la 
langue  et  la  civilisation  teutoniques  ont  rayonné  plus  tard 
dans  l'Ecosse  celtique.  Notons  ici  une  importante  différence 
entre  l'Angleterre  et  l'Ecosse  :  en  Angleterre,  l'élément 
germanique  a  supprimé  l'élément  celtique  ;  en  Ecosse,  il 
se  l'est  assimilé.  —  Hors  du  Lothian  anglicisé,  les  Pictes 
furent  les  premiers  à  former,  par  le  groupement  successif 
des  clans,  un  grand  royaume.  Leur  roi,  Angus  Mac  Fergus 
(731-76-1),  exerça  une  suprématie  effective  sur  plus  de  la 
moitié  de  l'Ecosse  actuelle.  On  ignore  comment  cette  domi- 
nation fut  renversée  ;  mais,  au  milieu  du  n.^  siècle,  un 
certain  Kenneth  Mac  Alpine,  roi  des  Scots,  gouvernait  à  la 
fois  les  Pictes  et  les  Scots,  soit  que  les  premiers  aient  été 
subjugués  par  les  seconds,  soit,  ce  qui  est  plus  probable, 
que  Kenneth  fût  à  la  fois  l'héritier  des  lignées  royales  des 
deux  peuples.  Il  n'y  eut  plus  dès  lors  qu'un  royaume 
(royaume  de  Scone,  Alhania,  Scotia)  au  N.  de  la  hgne 
du  Forth  et  de  la  Clyde.  Deux  circonstances  avaient  cer- 
tainement contribué  à  rendre  facile  cette  fusion  des  prin- 
cipautés primitives  en  une  seule  :  IMe  triomphe  de  la 
liturgie  romaine  sur  l'ancienne  liturgie  de  l'Eglise  celtique, 
l'organisation  du  pays  en  diocèses,  l'introduction  de  la  hié- 
rarchie toute  monarchique  de  l'Eglise  romaine  ;  2°  les 
invasions  des  Normands,  qui  firent  sentir  le  besoin  de 
l'union;  les  pirates  norvégiens  ne  s'en  étabhrentpas  moins 
solidement,  du  reste,  dans  les  Hébrides,  dans  les  Shetlands, 
à  Caithness,  à  Sutherland  et  dans  l'ancien  royaume  des 
Angles  de  Northumbrie.  Kenneth  Mac  Alpine  régna  seize 
ans  (844-860)  et  ne  cessa  pas  de  guerroyer  dans  toutes 
les  directions  ;  il  combattit  les  Danois  (qui  s'avancèrent 
cependant  jusqu'à  Dunkeld)  ;  les  Bretons  du  district  de 
Strathclyde  (qui  brûlèrent  Dunblane)  ;  les  gens  du  Lothian, 
chez  qui  il  ne  fit  pas  moins  de  six  invasions.  L'œuvre 


de  ses  descendants  fut  justement  de  continuer  toutes  ^  ces 
guerres,  d'annexer  le  Lothian,  d'annexer  le  district  celtique 
de  Strathclyde,  de  réduire  les  clans  encore  indépendants 
de  l'extrême  Nord  :  Angus,  Mearns,  Moray  ;  de  rejeter  les 
Danois  à  la  mer  et  de  constituer  ainsi  une  Ecosse  unie  et 
libre.  Les  rois  scots  de  la  dynastie  de  Kenneth,  qui  se  sont 
succédé,  non  de  père  en  fils,  mais  suivant  l'ordre  établi 
parla  coutume  celtique  appelée  tanistry  (V.  ce  mot)  furent, 
au  ix^  siècle,  Donald  P^,  Constantin  I^'\  Grig,  Donald  II 
(V.  ces  noms).  Donald  II  fut  remplacé  par  le  plus  grand 
prince  de  cette  lignée,  Constantin  II,  qui  régna  quarante 
ans  (900-940)  ;  Constantin  ne  put,  toutefois,  que  se  tenir 
sur  la  défensive  :  les  Danois  étaient  encore  trop  forts  et 
les  Saxons  de  Wessex,  sous  Edouard  l'Ancien,  étaient  au 
plus  beau  moment  de  leur  expansion  ;  mais  son  fils  Indulf 
chassa  les Northumbriens  d'Edimbourg;  Malcolmll  (1005- 
1034)  gagna  la  bataille  de  Carham  (1018),  qui  dévolut 
pour  toujours  le  Lothian  à  l'Ecosse.  A  sa  mort,  le  royaume 
de  Scone  comprenait,  outre  les  districts  primitifs  des  Pictes 
et  des  Scots,  Angus  et  Mearns,  Fife,  Aberdeen,  le  Lothian. 
AMalcolm  II  succéda  son  petit-fils,  Duncan  (1034-1040), 
et  c'est  ici  que  se  place  la  fameuse  légende  de  Macbeth, 
immortalisée  par  Shakespeare,  d'après  Holinshed.  Macbeth 
(V.  ce  nom)  était  fils  d'un  chef  de  Moray  qui,  par  sa  femme 
Gruoch,  avait  des  prétentions  à  la  couronne  ;  il  assassina 
Duncan,  qui,  par  son  mariage  avec  la  fille  du  Danois  Nor- 
thumbrien  Siward,  avait  manifesté  des  tendances  àTalliance 
de  l'Ecosse  celtique  avec  les  races  germaniques  du  Sud. 
Macbeth,  représentant  du  celtisme  intransigeant,  régna 
seize  ans,  jusqu'en  1057,  non  sans  habileté  ni  vigueur  ; 
il  succomba  cependant  à  la  bataille  de  Lumphanan  in  Mar, 
gagnée  par  le  jeune  Malcolm,  fils  de  Duncan,  et  Tostig, 
son  allié,  comte  saxon  de  Northumberland. 

L'avènement  de  Malcolm  III  Canmore  marque  une  ère 
toute  nouvelle  dans  les  destinées  du  royaume.  La  période 
préparatoire,  qui  s'achève  à  la  mort  de  Macbeth,  avait  été, 
en  somme,  très  utile;  pendant  deux  siècles,  les  Ecossais 
s'étaient  montrés  capables  de  vivre  unis  et  de  se  défendre, 
ce  que  les  Irlandais,  par  exemple,  n'ont  jamais  su  faire.  Mais 
il  y  avait  encore  beaucoup  de  progrès  à  accomplir  ;  il  n'y 
avait  pas  de  lois  écrites,  pas  d'institutions  régulières,  pas 
de  commerce,  pas  d'industrie,  pas  même  de  monnaie. 
L'existence  du  royaume  de  Scone  reposait  tout  entière  sur 
la  fidélité  personnelle  des  chefs  de  clan  au  roi,  leur  suze- 
rain. Dans  la  période  qui  va  s'ouvrir,  les  Anglo-Saxons  du 
Lothian  et  les  Normands  donneront  aux  Ecossais  ce  qui 
leur  manque  encore  ;  ils  introduiront  en  Ecosse  le  régime 
féodal,  la  culture  occidentale,  et  certaines  qualités  viriles 
que  le  Celte  pur  possède  rarement.  «  Le  royaume  celtique 
d'Ecosse  se  civilisa,  à  partir  de  Malcolm  III,  sous  des 
influences  normandes  et  saxonnes,  sans  rien  perdre  de  sa 
vigueur  native.  »  La  prospérité  de  l'Ecosse  indépendante, 
au  xu^  et  au  xiii^  siècle,  fut  la  conséquence  de  cette  heu- 
reuse évolution.  —  Malcolm  Canmore  (1058-1093)  avait 
été  élevé  à  la  cour  d'Edouard  le  Confesseur,  roi  des  Anglo- 
Saxons,  cour  entièrement  soumise  à  l'influence  des  Nor- 
mands de  Neustrie.  Malcolm  n'y  reçut  point  une  éducation 
anglo-saxonne,  mais  bien  une  éducation  anglo-normande, 
fait  capital,  car  il  eut  pour  conséquence  de  faire  passer 
l'Ecosse  du  xi«  et  du  xii^  siècle,  sans  transition,  de  la  civi- 
lisation celtique  à  la  civilisation  du  continent.  Les  institu- 
tions proprement  saxonnes  n'ont  eu  aucune  fortune  chez 
les  Scots,  qui  n'imitèrent  leurs  voisins  d'Angleterre  que 
lorsque  ceux-ci  eurent  été  normannisés.  Cependant,  Malcolm, 
après  la  conquête  de  Guillaume  le  Bâtard,  accueillit  dans 
ses  Etats  l'atheling  saxon  Edgar,  petit-fils  d'Edmond  Côte 
de  Fer,  et,  quand  les  Normands  eurent  atteint  le  Northum- 
berland, il  engagea  contre  eux  une  lutte  inégale;  il  fut 
contraint  de  prêter  hommage  à  Guillaume  le  Conquérant 
et  à  Guillaume  le  Roux.  A  sa  mort,  en  1093,  le  royaume 
était  borné  au  S.  par  la  Tweed,  les  Cheviots  et  la  Solway  ; 
mais  les  borders  étaient  l'objet  de  revendications  contra- 
dictoires :  les  rois   normands  d'Angleterre  avaient  des 


ECOSSE 


—  506  — 


prétentions  sur  le  Lothian,  comme  héritiers  des  Angles  de 
l'ancien  royaume  de  Northumbrie  ;  les  rois  d'Ecosse  récla- 
maient, en  revanche,  le  Cumberland  anglais  en  s'appuyant 
sur  des  conventions  du  temps  d'Edgar.  La  femme  de  Mal- 
colm,  Marguerite,  fille  de  l'atheling  Edouard  et  d'une  prin- 
cesse de  Hongrie,  contribua  beaucoup,  au  xi^  siècle,  à 
adoucir  les  mœurs  rudes  des  montagnards  du  Nord  ;  elle 
restaura,  avec  l'aide  de  l'archevêque  de  Canterbury,  Lan- 
franc,  la  liturgie  romaine  en  Ecosse,  et  fonda  des  établisse- 
ments charitables  ;  surtout  elle  donna  aux  sujets  de  Mal- 
colm  l'idée  et  le  modèle  de  la  sainteté  féminine. 

Le  vieil  esprit  celtique  ne  pouvait  pas,  néanmoins,  dis- 
paraître sans  quelques  protestations  violentes.  Les  Celtes, 
attachés  aux  anciennes  coutumes,  choisirent  pour  roi,  suivant 
la  coutume  traditionnelle  de  la  tanistry,  non  le  fils,  mais  le 
frère  de  Malcolm,  Donald  Bain.  L'héritier  légitime  (légitime 
au  point  de  vue  du  droit  normand),  Edgar,  fils  de  Malcolm 
et  de  Marguerite,  ne  fut  installé  sur  le  trône  qu'après  une 
guerre  acharnée  et  grâce  à  l'appui  d'une  armée  normanno- 
saxonne.  Il  fut,  ainsi  que  son  frère  Alexandre  P'*  (1107- 
d1-24),  un  partisan  résolu  de  l'alliance  et  de  la  culture 
anglo-normandes  ;  il  avait  épousé  une  fille  naturelle  de 
Henri  P»"  Beau-Clerc.  A  l'exemple  de  son  père,  il  appela 
des  ecclésiastiques  de  Canterbury  et  de  Durham  pour  réor- 
ganiser les  cadres  de  l'Eglise  celtique  ;  on  trouve  pour  la 
première  fois,  à  sa  cour,  un  connétable,  un  chanceher,  un 
sheriff  d'Ecosse,  des  comtes,  des  germes  d'institutions  et 
d'étiquette  féodales.  David  P>*  (4124-1153),  élevé  à  la 
cour  de  Henri  P',fut,  dit-on,  encore  mieux  «  dégagé  de  la 
rouille  de  la  barbarie  écossaise  »  ;  il  épousa  une  Saxonne, 
héritière  du  comté  de  Huntingdon,  veuve  d'un  comte  nor- 
mand de  Northampton,  et  s'entoura  de  Normands  ;  il 
administra  même  le  comté  de  Northampton  pendant  la 
minorité  de  son  beau-fils,  et  entra,  à  ce  titre,  dans  d'intimes 
relations  féodales  avec  le  roi  normand  d'Angleterre.  Cela 
n'empêcha  pas,  du  reste,  David  de  maintenir,  comme  son 
frère  Alexandre,  l'indépendance  des  évêchés  écossais  à 
l'égard  des  sièges  métropolitains  d'York  et  de  Canterbury. 
Mais,  comme  baron  anglais,  il  s'immisça  dans  les  affaires 
intérieures  de  l'Angleterre,  prit  le  parti  de  sa  nièce  Mathilde 
contre  Etienne,  après  la  mort  de  Henri  P^  Sa  cour  fut 
entièrement  modelée  sur  celle  du  royaume  voisin  ;  il  eut 
un  justiciarius  ;  il  institua  des  juges  itinérants  ;  ses  chartes 
sont  rédigées  dans  le  style  des  actes  émanés  de  la  chan- 
cellerie anglaise;  il  distribua  force  terres  du  domaine 
royal  sous  réserve  de  charges  féodales,  et  il  confirma  des 
concessions  analogues  consenties  par  plusieurs  de  ses  sujets. 
H  fit  des  édits  fiscaux  et  de  procédure  criminelle  «  avec 
le  conseil  des  grands  du  royaume  »,  à  l'exemple  de  ce  qui 
se  passait  à  Londres  ou  à  Winchester.  L'Ecosse  devint 
même,  sous  le  règne  de  David,  un  Etat  féodal  plus 
régulièrement  féodal  que  l'Angleterre  elle-même,  car,  en 
Angleterre,  le  droit  normand  eut  à  compter  avec  la  per- 
sistance des  coutumes  saxonnes,  qui  ont  laissé  des  traces 
si  profondes  dans  la  common  law  ;  en  Ecosse,  il  fut 
adopté  intégralement;  la  seule  législation  qui  ait  influé  sur 
la  common  law  écossaise,  en  dehors  du  droit  féodal  nor- 
mand, n'est  pas  d'origine  celtique  ;  c'est  le  droit  romain  à 
travers  le  droit  canonique. 

Malcolm  IV,  fils  de  David  (1154-1165),  continua  la 
politique  paternelle  ;  il  suivit  même  Henri  H  Plantagenet 
dans  l'une  de  ses  expéditions  contre  Toulouse  et  lui  céda 
le  Cumberland  ;  c'était  aller  loin  dans  la  voie  de  la  défé- 
rence; on  estima,  en  Ecosse,  que  c'était  aller  trop  loin, 
et  quelques  soulèvements  l'indiquèrent,  mais  les  insurgés 
furent  vaincus  ;  le  pays  de  Moray  (ou  Murray),  entière- 
ment soumis,  fut  partagé  par  Malcolm  entre  des  colons 
normands  et  flamands  ;  ainsi  fut  éteint  le  dernier  foyer 
du  celtisme  (1160).  Guillaume  le  Lion  (1165-1214) 
servit  d'abord  dans  les  armées  de  Henri  II  contre  la 
France,  en  qualité  de  comte  de  Huntingdon,  comme  avait 
fait  son  prédécesseur  ;  mais,  n'ayant  pu  obtenir  la  resti- 
tution du  Cumberland  qui  lui  avait  été  promise,  il  entama 


des  négociations  avec  Louis  VII  de  France.  Ces  négocia- 
tions sont  la  première  manifestation  authentique  de  cette 
alliance  franco-écossaise  qui,  cimentée  par  une  haine  com- 
mune de  l'Angleterre,  a  été  si  solide  pendant  près  de  six 
cents  années.  Dès  lors,  l'Ecosse  s'émancipa  de  la  tutelle 
anglo-normande  ;  c'est  en  France  que  les  Ecossais  iront 
chercher  désormais  la  science  et  la  civilisation  ;  c'est  la 
France  qui  sera  leur  initiatrice  et  leur  suzeraine  intellec- 
tuelle. Les  rapports  de  Guillaume  le  Lion  et  de  Louis  VII 
restèrent  toutefois  stériles.  Au  cours  de  la  rébellion  du 
jeune  Henri  contre  son  père  Henri  II,  Guillaume  le  Lion, 
qui  avait  pris  le  parti  du  rebelle,  fut  fait  prisonnier  à 
Alnwick  par  Ranulf  de  Glanville,  et  interné  à  Falaise,  en 
Normandie.  Le  désastreux  traité  de  Falaise  rendit  la  liberté 
à  Guillaume,  mais  à  condition  de  prêter  hommage  à  la 
couronne  d'Angleterre  pour  l'Ecosse  et  de  renoncer  à  l'in- 
dépendance de  l'Eghse  écossaise  à  l'égard  du  siège  d'York. 
Les  quatre  villes  du  Lothian,  Edimbourg,  Stirfing,  Ber- 
wick,  Roxburgh,  furent  livrées  comme  garantie  aux  Anglo- 
Normands.  Heureusement  pour  Guillaume,  ce  traité  ne 
resta  pas  longtemps  en  vigueur  ;  Henri  II,  vieilli,  n'eut 
pas  la  force  de  veiller  à  ce  qu'il  fût  rigoureusement  exé- 
cuté ;  le  clergé  écossais  put  refuser  impunément  de  payer 
la  dime  saladine,  et,  à  son  avènement  (1189),  Richard 
Cœur  de  Lion  consentit,  moyennant  une  somme  de 
10,000  marcs,  à  abroger  les  conventions  de  Falaise.  Guil- 
laume employa  la  seconde  partie  de  son  règne  à  l'adminis- 
tration pacifique  du  royaume  ;  il  fut  grand  protecteur  des 
villes,  auxquelles  il  donna  des  chartes,  qui  lui  fournirent 
des  subsides  et  acquirent  par  là  certains  droits  (lesquels  se 
transformèrent  plus  tard  en  droits  parlementaires)  à  se 
mêler  des  affaires  publiques.  Presque  toutes  les  chartes 
municipales  d'Ecosse  datent  de  Guillaume  le  Lion;  citons: 
Perth,  Aberdeen,  Inverness,  Dumfries,  Lanark,  Irvine, 
Ayr ,  Forfar ,  Dundee ,  Arbroath ,  Montrose ,  Kintore , 
Banff,  Cullen,  Nairn  (cf.  Ch.  Gross,  The  Gild  Mer- 
chant;  Oxford,  1890,  in-8,  t.  I,  appendice  D).  Mêmes 
tendances  sous  Alexandre  II  (1214-1219).  Alexandre  II 
fut  un  prince  populaire,  nullement  imbu  d'idées  autocra- 
tiques ;  il  s'aUia  aux  barons  anglais  pour  arracher  au  roi 
Jean  la  grande  charte  ;  son  nom  figure  parmi  ceux  des 
signataires  de  ce  document.  Alexandre  chercha  contre  Jean 
un  appui  dans  l'alliance  française  :  il  prêta  hommage  à 
Louis,  fils  de  Philippe-Auguste,  à  Douvres,  lorsque  celui- 
ci  envahit  l'Angleterre  (1216).  La  paix  faite  avec  Henri  III, 
il  s'employa  à  combattre  les  dernières  convulsions  des 
Celtes  et  des  Scandinaves  des  districts  septentrionaux  et 
occidentaux,  et  il  épousa  Marie  de  Couci,  fille  d'une  noble 
maison  française.  Le  fils  né  de  ce  mariage,  Alexandre  III 
(1249-1285),  hérita,  à  l'âge  de  huit  ans,  d'un  royaume 
florissant  et  paisible,  entièrement  féodalisé,  qui  pouvait, 
au  dire  de  Mathieu  de  Paris,  mettre  sur  pied  dix  mille  che- 
vaux et  cent  mille  fantassins.  Il  fut  le  dernier  de  la  lignée 
des  rois  féodaux  de  l'Ecosse,  dont  Malcolm  Canmore  avait 
été  le  premier.  Il  mit  le  comble  aux  services  rendus  par 
cette  dynastie  au  pays  en  réduisant  les  Hébrides  et  l'île  de 
Man,  forteresses  jusque-là  inexpugnables  des  descendants 
des  Scandinaves  du  ix®  siècle.  De  quelle  popularité  les 
noms  des  deux  Alexandre  du  xiii^  siècle  ont  joui  de  leur 
temps  (et  surtout  dans  l'Ecosse  des  âges  suivants),  on 
l'imaginera  aisément  en  comparant  leurs  règnes  heureux 
et  tranquilles  aux  trois  siècles  de  guerres  incessantes,  et 
souvent  malheureuses,  qui  ont  suivi.  Jamais  l'Ecosse  ne 
fut  plus  riche,  plus  unie,  aussi  indépendante.  Des  querelles 
de  succession,  qui  donnèrent  aux  rois  d'Angleterre  l'occa- 
sion de  poser  leur  candidature  au  gouvernement  de  l'Ecosse, 
mirent  fin,  à  la  mort  d'Alexandre  III,  à  cet  âge  d'or.  La 
«  guerre  de  l'indépendance  »  commença  avec  les  tentatives 
d'Edouard  P^  d'Angleterre  pour  faire  subir  à  l'Ecosse  le 
sort  des  principautés  galloises,  et  ne  s'acheva  qu'à  l'avène- 
ment de  la  maison  de  Stuart. 

Alexandre  III  avait  vu  mourir  l'un  après  l'autre  tous 
ses  héritiers  mâles  ;  le  Parlement  écossais  de  1284  re- 


—  507  - 


ECOSSE 


connut,  comme  la  future  reine,  Marguerite,  sa  petite-fille, 
née  du  mariage  de  sa  fille  unique  avec  Eric  de  Norvège. 
Mais  la  Norvégienne  {îhe  Maid  of  Norivay)  mourut,  et  la 
question  de  sa  succession  fut  posée.  Treize  prétendants  se 
trouvèrent  en  présence.    Edouard   P^   d'Angleterre  fut 
choisi  comme  arbitre  ;  mais  il  n'accepta  de  départager  les 
rivaux  qu'à  la  condition  d'être  reconnu  tout  d'abord  comme 
suzerain  du  royaume  ;   entre  Bruce  et  Baliol,  les  deux 
seuls  prétendants  sérieux,  Edouard  (17  nov.  1292)  choisit 
Baliol,  petit-fils  d'une  fille  aînée  de  David  P^  choix  très 
défendable  au  point  de  vue  du  droit  féodal.  Ce  qui  était 
moins  défendable,  c'était  la  prétention  d'Edouard  à  la  suze- 
raineté sur  l'Ecosse  ;  il  s'appuyait  sur  l'histoire  d'Edouard 
l'Ancien,  de  Cnut,  sur  le  traité  de  Falaise,  consenti  par 
Guillaume  le  Lion  ;  il  oubliait  le  traité  par  lequel  Richard 
Cœur  de  Lion  avait  annulé  la  convention  de  Falaise,  et  le 
refus  des  deux  Alexandre  de  revenir  sur  cette  annulation. 
Les  conséquences  du  droit  de  suzeraineté  consenti  par  Ba- 
liol ne  tardèrent  pas  à  se  dessiner.  Sur  un  appel  frivole  du 
fils  du  comte  de  Fifo,  Baliol  fut  cité  à  comparaître  à 
Londres,    comme  justiciable  ;    les  procès  entre  Ecossais 
furent  portés  devant  et  tranchés  par  la  cour  du  roi  d  Angle- 
terre en  dernier  ressort.  Là-dessus,  les  barons  écossais  mirent 
Baliol,  trop  faible,  en  tutelle,  et  envahirent  les  comtés  anglais 
du  Nord,  d'accord  avec  le  roi  de  France  (mars  1296).  Mais 
ils  n'étaient  pas  en  état  de  résister  à  Edouard  :  dès  la  pre- 
mière campagne,  celui-ci  prit  Roxburgh,  Yedburgh,  Edim- 
bourg, Stirling,  Perth,  Scone,  villes  ouvertes,  et  il  trans- 
porta à  Westminster  la  pierre  sacrée  de  Scone,  sur  laquelle 
les  chefs  celtiques  étaient  couronnés  à  leur  avènement. 
Baliol  abdiqua.  Edouard  reçut  et  fit  consigner  sur  les 
Ragman  Rolls  les  hommages  des  nobles  et  des  évêques 
écossais.  Il  appointa  un  gardien,  un  trésorier  et  un  justi- 
cier d'Ecosse.  Il  fit  fortifier  Berwick,  la  capitale  commer- 
ciale  de  l'Ecosse,    désormais  place  anglaise,  clef  des 
Lothians.  Il  semblait  donc  que  c'en  fût  fait  quand  parut  le 
libérateur  populaire  :  Wallace  (V.  ce  nom).  Wallace  était 
le  fils  cadet  d'un  gentilhomme  des  environs  de  Paisley  : 
pour  venger  le  meurtre  de  sa  femme,  il  tua  le  sheriff  d'Ayr 
et  brûla  Lanark,  au  début  de  l'année  1297.  A  la  tête  de 
bandes  de  paysans  (car  les  nobles,  à  quelques  rares  excep- 
tions près,  refusèrent  de  se  joindre  à  cette  jacquerie),  il 
gagna  la  célèbre  bataille  du  pont  de  Stirling  (11  sept.), 
la  première  qui  ait  été  gagnée  par  des  rustres  sur  une 
armée  féodale  régulièrement  équipée.  Wallace  fit  tout  ce 
qu'il  put  pour  utiliser  ce  succès  :  il  écrivit  à  l'étranger  ; 
il  récompensa  ses  partisans  par  des  charges  ;  il  entra  en 
Angleterre  jusqu'à  Hexham.  Mais  Edouard,  mquiet  à  juste 
titre,  se  hâta  de  revenir  en  Flandre  avec  des  troupes  for- 
midables, et  la  bataille  de  Falkirk  (22  juil.  1298)  annula 
l'effet  de  celle  de  Stirling.  La  résistance  continua  néan- 
moins, désespérée,  malgré  les  exhortations  à  la  soumission 
que  Boniface  VIII  envoya  en  1302,  aux  «  rebelles  »  écos- 
sais. Cependant,  après  la  prise  de  Caerlaverock  (1300)  et 
de  Stirling  (24  janv.  1304),  après  que  Wallace  eût  été 
livré  et  exécuté  à  Londres  (23  août  1305),  la  cause  natio- 
nale parut  plus  compromise  que  jamais.  Edouard,  avec  le 
concours  de  dix  représentants  élus  de  l'Ecosse,  rédigea 
une  Ordinatio  pro  stabilitate  terre  Scotie,  analogue 
aux  règlements  déjà  promulgués  par  lui  pour  l'Irlande  et 
le  pays  de  Galles.  Sa  pohtique  «  impériale  »  triomphait.  Il 
nomma  en  Ecosse  des  fonctionnaires  anglais  pour  admi- 
nistrer la  justice  suivant  les  lois  locales,  sauf  recours  au 
roi  à  Westminster.   L'ordonnance  de  1305  n'est  point, 
comme  on  l'a  dit,  un  monument  de  tyrannie  ;  c'est  un  code 
sage,  libéral  et  évidemment  composé  avec  l'intention  de 
gagner  le  peuple  conquis  (cf.  Documents  illustrative  of 
\he  history  of  Scotland  from  the  death  of  the  King 
Alex,  lîL  to  the  accession  ofR.  Bruce,  p.  p.  J.  Stevenson, 
Londres,  1870,  2  vol.  in-8).  —  Il  n'atteignit  pas  toutefois 
le  but,  parce  que  le  but  ne  pouvait  pas  être  atteint.  Le 
patriotisme  écossais,  surexcité  par  la  lutte,  était  trop  incoer- 
cible. Edouard  P^  n'était  pas  encore  mort  que  son  œuvre 


était  compromise,  et  qu'un  émule  de  Wallace  s  élevait  en 
Robert  Bruce.  Bruce,  d'une  très  noble  famille,  alliée  à  la 
maison  royale,  s'était  tenu  à  l'écart  du  mouvement  dirigé 
par  Wallace,  et  avait  même  rendu  des  services  aux  Anglais, 
lors  du  siège  de  Stirling  (1303).  Mais,  en  1305,  il  se  tourna 
ouvertement  contre  ses  alliés  de  la  veille  et  fit  revivre  les 
prétentions  à  la  couronne  qu'il  avait  jadis  présentées  sans 
succès  en  regard  de  celles  de  Baliol.  Le  10  fevr.  130b, 
il  tua  dans  l'église  des  Frères  mineurs  de  Dumfries,  Jean 
le  Rouge  Comyn  de  Badenoch,  neveu  de  Baliol  (de  la 
grande  famille  anglophile  des  Comyn,  très  probablement 
originaire  de  Commines  en  Flandre).  Cet  éclat  marqua  le 
commencement  des  hostilités,  d'autant  que  Bruce  se  fit 
aussitôt  après  couronner  à  Scone  par  l'evêque  de  Samt- 
Andrews.  Battu  d'abord,  le  roi  national  se  réfugia  dans 
l'île  de  Rathlin,  sur  les  côtes  d'Irlande;  mais  toute  l'Ecosse 
était  pour  lui.  Edouard  P^  fit  un  suprênie  effort  pour 
écraser  le  nouveau  Wallace  ;  en  vain  ;  il  mourut  lui- 
même,  en  campagne,  le  7  juin  1307,  et  sa  mort  changea 
la  face  des  choses.  Bruce  sut  pousser  si|  bien  ses  avan- 
tages qu'à  la  fin  de  1313,  deux  villes  seulement  en  Ecosse 
étaient  encore  au  pouvoir  des  Anglais  :  Berwick  et  Stirlmg. 
Le  mémorable  combat  de  Bannockburn  (24  juil.   1314) 
décida  enfin  que  l'Ecosse  serait  libre.  Bruce  régna  encore 
heureusement  quinze   années  après  Bannockburn,  assez 
longtemps  pour  conclure  avec  Edouard  II  le  traité  de  Nor- 
thampton  (avr.  1328)  aux  termes  duquel  l'Ecosse,  «  telle 
qu'elle  était  au  temps  d'Alexandre  IV,  demeurerait  perpé- 
tuellement à  Bruce  et  à  ses  descendants,  libre  de  toute 
subjection,  vassalité  ou  servitude  vis  à-vis  de  la  couronne 
d'Angleterre  ».  Ce  fut  un  prince  militaire,  bon  justicier, 
actif,  libéral,  pieux  ;  il  est  resté  le  héros  légendaire  de  sa 
nation.  —  Son  fils,  David  II  (1329-1370),  ne  lui  ressem- 
blait pas,  et  son  long  règne  revit  des  malheurs  presque 
égaux   à  ceux  qui  avaient  frappé  le  pays  à  la   fin   du 
xiii^  siècle.  Edouard  III  suscita  et  appuya  la  candidature 
d'un  nouveau  Baliol,  chef  de  la  noblesse  anglophile,  et 
l'issue  du  combat  de  Halidon  Hill  (20  juil.  1333)  força 
Bruce  à  se  réfugier  en  France,  où  il  resta  sept  ans.  Pen- 
dant ce  temps,  les  épigones  de  Wallace  et  de  Robert  Bruce 
maintinrent  vaillamment  la  cause  écossaise   :   Moray  of 
Bothwell,  Douglas  of  Liddesdale,  sir  Alexandre  Ramsay  of 
Dalhousie,  etc.  David  ne  revint  du  reste  que  pour  se  faire 
battre  et  prendre  à  Neville's  Cross  (17  oct.  1346).  Sa 
captivité  dura  onze  ans  ;  il  ne  fut  libéré  que  par  le  traite 
de  Berwick  (3  oct.  1357),  moyennant  une  énorme  rançon. 
Mais  il  avait  trouvé  le  séjour  de  la  cour  d'Angleterre  tort 
agréable  ;  comme  le  roi  Jean  de  France,  son  compagnon 
de  captivité  à  Londres,  il  avait  pris  la  passion  des  amuse- 
ments de  Londres  au  point  que,  libre,  il  y  retourna  tous 
les  ans  ;  comme  Baliol,  il  aurait  volontiers  abandonné  son 
royaume  à  Edouard  III  en  échange  d'une  ignominieuse  pen- 
sion.   Mais  les  barons  écossais  ne  souffrirent  pas  cette 
honte;    ils   refusèrent  de  reconnaître   l'héritier  anglais 
(Lionel  de  Clarence)  que  David  désignait  à  leur  choix.  Ils 
profitèrent  même  de  la  faiblesse  du  roi  pour  lui  arracher 
des  garanties  constitutionnelles  et  limiter  la  monarchie.  Le 
Parlement  écossais  de  1367  imposa  à  David  II  une  espèce 
de  grande  charte,  analogue  à  celle  de  Runnymede,  qui 
plaça  la  loi  au-dessus  de  la  volonté  royale.  David,  quoiqu'il 
eût  épousé  plusieurs  de  ses  maîtresses,  mourut  sans  enfants 
(21  févr.  1370),  et  la  couronne  passa  au  premier  des 
Stuarts,  Robert,  petit-fils  de  Bruce  par  sa  fille  Marjory. 

La  période  de  l'histoire  d'Ecosse  qui  s'étend  de  l'avène- 
ment des  Stuarts  à  la  Réforme  est  médiocrement  intéres- 
sante. Les  relations  avec  la  France,  la  diffusion  obscure  des 
doctrines  de  Wicleff  et  de  Huss  dans  ce  pays  d'hommes 
pauvres  et  graves,  enfin  des  tragédies  de  palais,  en  com- 
posent la  trame.  Robert  II  (1370-90)  fut  un  roi  maladif  et 
paresseux,  qui  ne  fit  rien.  Sous  Robert  III  (1390-1406), 
les  premiers  grands  écrivains  de  l'Ecosse  chantèrent  les 
exploits  de  l'âge  de  Bruce  :  Barbour,  Fordun,  Wyntoun  ; 
mais  Robert  III  lui-même,  brave  homme  et  cœur  faible, 


ECOSSE 


-  508  - 


vécut  sur  la  gloire  de  ses  ancêtres.  Son  règne  fut  désolé  par 
des  guerres  privées,  notamment  entre  les  clans  sauvages 
des  Highlands.  Un  frère  cadet  du  roi,  Alexandre,  surnommé 
le   Loup  de  Badenoch,  brûla  impunément  la  cathédrale 
d'Elgin  ;  un  fils  bâtard  de  cet  aventurier  épousa  malgré 
elle  la  comtesse  de  Mar.  Le  fils  aîné  du  roi,  duc  de  Rothe- 
say,  mourut  de  faim  dans  la  prison  où  on  l'avait  enfermé 
à  cause  de  ses  débauches  ;  on  accusa  le  duc  d'Albany,  son 
oncle,  de  l'avoir  assassiné.  Robert,  effrayé,  pour  soustraire 
son  second  fils  Jacques  (James)  au  même  sort,  l'envoya  en 
France,  mais  le  vaisseau  qui  le  transportait  fut  capturé  en 
mer  par  les  Anglais,  et  l'héritier  du  trône  d'Ecosse  resta 
prisonnier  en  Angleterre  pendant  dix-neuf  ans.  Jacques  P^, 
quoique  captif,  fut  néanmoins  proclamé  à  la  mort  de  son 
père  (1406),  mais  la  régence  fut  confiée  à  Albany,  qui  pré- 
para les  voies  à  son  ambition  par  un  gouvernement  pater- 
nel et  par  une  pluie  de  faveurs  répandue  sur  des  grands 
seigneurs  tels  que  les  Douglas  (d'origine  flamande  comme 
les  Comyn),  les  comtes  de  March  et  de  Mar.  Sa  régence  ne 
fut  marquée  par  aucun  événement  ;  à  peine  peut-on  citer 
le  supplice,  à  Perth,  en  1407,  d'un  prêtre  anglais,  James 
Resby,  disciple  de  Wicleff,  le  premier  martyr  pour  la  foi  en 
Ecosse  ;  et  les  victoires  remportées  sur  le  continent  par 
les  régiments  écossais  au  service  du  roi  de  France  :  les 
Douglas,  les  Buchan  (connétable  de  France),  les  Wigtown 
s'illustrèrent  aux  combats  de  Verneuil,  de  Crevant  et  de 
Beaugé.  Albany  étant  mort  en  1419,  sans  autres  héritiers 
qu'un  fils  et  des  petits-fils  incapables,  on  s'arrangea  enfin 
pour  faire  revenir  Jacques  P^  d'exil.  Celui-ci  fut  couronné 
à  Scone  le  21  mai  1423.  C'était  un  homme.  Son  esprit 
était  très  cultivé  ;   il  était  poète,  mais  c'était  en  même 
temps  un  excellent  soldat  et  un  politique  décidé.  Il  comprit 
fort  bien  que  le  mal  dont  souffrait  l'Ecosse  depuis  la  mort 
de  Bruce,  c'était,   en  l'absence  d'un  gouvernement  fort, 
l'anarchie  aristocratique.  Il  résolut,  avec  l'aide  du  clergé 
et  du  peuple,  d'y  porter  remède.  Ses  premiers  actes  furent 
décisifs  :  il  interdit  les  guerres  privées,  fit  dresser  la  liste 
des  biens  de  la  couronne  qui  avaient  été  indûment  aliénés, 
admit  dans  son  conseil  privé  des  gens  de  médiocre  nais- 
sance, à  l'exclusion  des  grands  seigneurs,  fit  juger  et  dé- 
capiter les  descendants  d'Albany.  Il  put  oser  ces  actes 
hardis  parce  qu'il  était  sûr  de  l'appui  du  peuple,  du  clergé 
et  des  puissances  du  continent.  Le  dauphin  de  France  était 
fiancé  à  sa  fille  Marguerite.  Il  entretenait  d'excellentes  re- 
lations avec  les  villes  flamandes,  avec  la  Norvège,  avec  le 
pape.  Il  avait  fait  brûler,  dans  son  zèle  pour  l'orthodoxie, 
un  docteur  bohémien,  disciple  de  Jean  Huss.  En  1426,  il 
établit  la  «  Session  »,  tribunal  royal  pour  les  causes  civiles, 
destiné  à  distribuer  aux  sujets  la  justice  exacte  qu'ils  trou- 
vaient trop  rarement  dans  les  cours  seigneuriales.  11  ne  tint 
pas  moins  de  treize  parlements  en  quatorze  ans,  désireux 
de  corroborer  son  autorité  par  celle  de  la  nation  assem- 
blée ;  car  il  ne  combattait  pas  les  libertés  légitimes,  mais 
bien  la  licence  des  privilégiés.  Il  fit  décider  dans  l'un  de 
ces  parlements  que  les  propriétaires  ruraux  et  les  bourgeois 
seraient  armés.  Grâce  à  la  popularité  qu'il  mérita  de  la 
sorte,  il  fut  le  maître  :  le  lord  des  îles  et  les  autres  chefs 
de  clan  turbulents  des  Highlands  se  mirent  à  sa  merci,  à 
la  suite  d'expéditions  bien  conduites  :  bien  plus,  il  enleva 
à  plusieurs  grands  personnages  des  domaines  qu'ils  déte- 
naient illégalement  et  réunit  de  la  sorte  au  patrimoine 
royal  les  comtés  de  March,  de  Mar,  de  Strathearn.  Cela 
souleva  naturellement  bien  des  haines  ;  la  confiscation  de 
Strathearn  décida  un  seigneur,  lésé  par  cette  mesure,  sir 
Robert  Graham,  non  pas  à  tenter  la  fortune  d'une  rébel- 
lion, mais  à  tendre  au  roi  un  piège  et  à  le  tuer.  Jacques  P' 
fut  assassiné  au  monastère  dominicain  de  Perth  par  Graham 
et  son  clan,  en  févr.  1437.  —  Son  fils  Jacques  II  (1437- 
1460)  n'avait  que  six  ans.  C'a  été  la  fatalité  de  la  dynastie 
des  Stuarts  que  tous  ses  meilleurs  princes  sont  morts 
jeunes  et  que  de  désastreuses  minorités  ont  compromis  leur 
œuvre.   La  minorité  de  Jacques  II  fut  signalée  par  une 
recrudescence  de  ces  guerres  privées,    plaie  des  nations 


celtiques  :  guerre  entre  les  Douglas,  les  Crawfords,  les 
Ross,  les  Livingstones.  Jacques  II  avait  hérité  cependant 
de  l'énergie  paternelle,  de  sa  solHcitude  pour  les  paysans, 
en  faveur  desquels  il  promulgua  plusieurs  statuts,  de  sa 
hardiesse  à  réprimer  les  empiétements  de  la  haute  noblesse. 
Il  n'a  vécu  que  jusqu'à  sa  trentième  année,  ayant  été  tué 
le  3  août  1460  par  l'explosion  accidentelle  d'une  pièce 
d'artillerie  ;  pendant  le  court  espace  de  temps  où  il  gou- 
verna en  personne,  il  a  fait  cependant  de  grandes  choses  : 
il  tua  de  sa  propre  main  le  chef  de  la  puissante  maison  de 
Douglas  et  partagea  les  fiefs  immenses  de  cette  maison  entre 
ses  fidèles  serviteurs,  les  Hamilton  et  les  Buccleuch,  jusque- 
là  gentilshommes  obscurs;  VAct  of  annexation  de  1455 
lui  permit  de  multiplier  les  confiscations,  et  il  en  usa  ;  il 
accueillit  enfin  les  chefs  de  la  Rose  rouge  et  prit  avec  leur 
aide  Roxburgh,  qui  avait  défié  depuis  un  siècle  les  efforts 
de  ses  prédécesseurs.  —  Nouvelle  minorité  sous  Jacques  III 
(1460-1488).  Les  premières  années  en  furent  assez  tran- 
quilles, grâce  à  l'habileté  de  Kennedy,  évêque  de  Saint- 
Andrews,  chef  du   gouvernement  de  la  régence.  Mais, 
Kennedy  disparu,  on  revit  les  factions  se  disputer,  pour 
l'accaparer,  la  personne  du  roi  mineur.  Le  «  justicier  » 
Robert  Boyd   de  Kilmarnock,  s'empara  du  jeune  prince 
(oct.  1466)  et  régna  quelque  temps  sous  son  nom  ;  sa  chute, 
du  reste,  fut  aussi  rapide   que  l'avait  été  son  élévation. 
Jacques,  marié  avec  une  princesse  de  Norvège  qui  apporta 
en  dot  à  l'Ecosse  les  Orcades  et  les  Shetlands,  secoua  le 
joug  et  fit  chasser,  exécuter  ou  ruiner  tous  les  membres 
de  la  famille  des  Boyd,  sous  prétexte  de  trahison  (1469). 
Ce  ne  fut  pas  malheureusement  pour  suivre  les  exemples 
de  son  père  et  de  son  aïeul.  Tout  au  moins,  comme  il  fut 
moins  heureux  qu'eux,   il  passe  généralement  pour  avoir 
été  moins  habile.  De  même  que  son  contemporain  Louis  XI 
de  France,  il  voulut  gouverner  par  de  petites  gens,  des 
créatures  à  lui  :  un  Cochrane  qui,  dit-on,  avait  été  maçon  ; 
un  musicien  anglais  nommé  Roger  ;  un  astrologue  nommé 
Andrews.  La  fortune  insolente  de  ses  favoris  exaspéra  la 
noblesse,  qui  avait  des  chefs  naturels  dans  le  duc  d'Albany 
et  le  comte  de  Mar,  frères  du  roi,  ornés  de  toutes  sortes 
de  qualités  chevaleresques.  Les  intrigues  d'Albany  en  France 
et  en  Angleterre  troublèrent  le  règne  d'un  bout  à  l'autre. 
Les  barons  mêmes  qui  restèrent  attachés  au  roi  contre 
Albany,  lorsque  celui-ci  envahit  l'Ecosse  avec  des  secours 
fournis  par  Edouard  III,  se  mutinèrent  (1483),  et,  à  Lon- 
dres, pendirent  Cochrane  sous  les  yeux  de  son  maître.  En 
1487,  il  y  eut  un  soulèvement  général  de  l'aristocratie  ; 
les  Angus,  les  Argyll,  les  Hepburns  en  furent  les  leaders 
et  conduisirent  la  campagne  au  nom  de  l'héritier  présomptif, 
le   futur  Jacques  IV.   Jacques  III  fut  tué  à  Sauchie,  le 
11  juin  1488,  à  trente-cinq  ans.  On  ne  peut  s'empêcher  de 
croire  qu'il  aurait  pu  mieux  profiter,  pour  régner,  des  dis- 
cordes de  ses  adversaires,  des  querelles  intestines  des  clans, 
des  très  sanglantes  luttes  des  partisans  des  Deux  Roses  qui, 
de  son  temps,  épuisèrent  l'Angleterre.  Il  était  trop  faible, 
avec  une  nature  féminine  et  des  goûts  maladifs  d'artiste. 
Son  triste  règne  est  comme  une  préfiguration  de  celui  de 
Marie  Stuart.  —  Jacques  IV,  âgé  de  seize  ans  à  la  mort 
de  son  père,  réussit  mieux  dans  le  métier  de  roi  ;  il  mé- 
nagea tout  le  monde  et  s'en  trouva  bien  ;  aussi  libéral  que 
Jacques  III  était  avare,  aussi  amoureux  de  la  magnificence 
chevaleresque  que  l'autre  avait  l'âme  simple,  et,  pour  ainsi 
dire,  bourgeoise,  il  séduisit.  Sa  cour  fut  brillante,  luxueuse, 
immorale.  Henri  VII,  qui  recherchait  l'alliance  de  l'Ecosse, 
contrairement  à  la  politique  ancienne  des  Plantagenets, 
lui  donna  en  mariage  sa  fille  Marguerite.  Mais  Jacques  IV 
voulait  une  guerre,  et  une  guerre  anglaise,  pour  gagner 
ses  éperons.  L'Ecosse,  depuis  le  temps  de  Bruce,  s'était 
fait  une  belle  flotte  ;  sur   terre,  elle  pouvait,  disent  les 
chroniqueurs  anglais,  mettre  aisément  cent  mille  hommes 
sur  pied.  L'occasion  se  présenta  peu  de  temps  après  l'avè- 
nement de  Henri  VIII  (1509).  Henri  VIII  avait  vu  d'un 
mauvais  œil  le  mariage  de  sa  sœur  ;  il  refusait  toute  satis- 
faction pour  les  pillages  commis  par  ses  pirates  au  détri- 


-  509  — 


ECOSSE 


ment  du  commerce  écossais.  Jacques  renouvela  la  vieille 
alliance  avec  la  France  et  déclara  la  guerre  (11  août  1513) 
dès  que  Henri  VIII  fut  arrivé  à  Thérouanne  pour  envahir  la 
France.  La  bataille  de  Flodden  (9  sept.)  livrée,  comme 
celles  de  Crécy  et  de  Poitiers  avec  une  témérité  folle  et 
sans  aucune  précaution  stratégiqne,  fut  le  plus  grave 
désastre  qui  eût  encore  frappé  les  armes  écossaises  ; 
douze  mille  Ecossais  et  parmi  eux  le  roi,  son  fils,  l'arche- 
vêque de  Saint-André ws,  deux  évèques,  douze  comtes,  res- 
tèrent parmi  les  morts.  —  Jacques  V,  le  nouveau  roi 
(1513-42),  n'avait  que  dix-huit  mois;  et  la  Réformation 
allait  venir  compliquer  et  envenimer  encore  le  conflit,  inévi- 
table pendant  une  minorité,  des  ambitions  et  des  haines. 

La  Renaissance  et  la  Réforme  remuaient  l'Europe  dans 
ses  profondeurs  à  l'époque  où  Jacques  IV  et  Jacques  V 
régnaient  en  Ecosse.  Ce  royaume  lointain,  si  pauvre  qu'on 
n'en  exportait  que  des  matières  premières,  poissons,  four- 
rures, laines,  et  que  les  vaisseaux  français  et  néerlandais 
devaient  y  apporter  tous  les  produits  manufacturés  sans 
exception  (nous  le  savons  par  les  livres  d'un  notable  com- 
merçant écossais,  André  Halyburton,  établi  à  Middelbourg, 
en  Hollande,  de  1492  à  1503,  qui  nous  ont  été  conservés), 
n'échappa  pas  à  la  contagion.  Elphinstone,  évêque  d'Aber- 
deen,  fonda  sous  Jacques  IV  une  université  dans  sa  ville 
épiscopale  et  y  amena  l'historien  Hector  Roèce.  L'Ecossais 
Buchanan  s'imprégna  à  Paris  de  l'esprit  de  la  réformation 
qu'il  rapporta  dans  son  pays.  Edimbourg  eut  de  bonne 
heure  des  imprimeries  (W.  Chepman,  1507).  Toutefois,  ce 
n'est  que  sous  Marie  Stuart  que  les  nouveautés  se  firent 
jour  avec  éclat.  Le  règne  de  Jacques  V  ressembla  encore  à 
celui  de  ses  prédécesseurs.  D'abord  une  minorité  orageuse, 
des  luttes  atroces  pour  la  régence,  l'anarchie  dans  les 
Highlands,  la  guerre  civile  en  permanence  entre  une  faction 
française,  forte  dans  les  comtés  de  l'Est,  dirigée  par  James 
Beaton,  archevêque  de  Glasgow  et  chancelier,  Arran, 
Lennox,  Cassilis,  et  une  faction  anglaise,  subventionnée 
par  Henri  VIH,  forte  dans  les  comtés  de  l'Ouest,  et  dirigée 
par  Angus,  Crawford,  Glamis  et  la  majorité  des  évèques. 
Jacques  V,  à  l'âge  de  dix-sept  ans,  échappa  à  la  tyrannie 
d' Angus  et  commença  à  gouverner  par  lui-même.  On  revit 
alors  ce  que  l'on  avait  déjà  vu  quatre  fois  :  l'Ecosse,  fati- 
guée de  troubles,  se  jette  dans  les  bras  d'un  roi  jeune,  actif 
et  aimable.  Jacques  V  fit  des  expéditions  heureuses  contre 
les  barons  des  borders  et  des  hautes  terres  :  Argyll  fut 
emprisonné,  Bothwell  décapité  ;  on  confisqua  les  biens  du 
comte  de  Crawford.  La  «  court  de  session  »,  cour  de  jus- 
tice centrale  pour  tout  le  royaume,  institution  si  chère  aux 
Stuarts,  fut  réorganisée  à  Edimbourg  (15  mai  1532).  A 
l'extérieur,  Jacques  V,  conseillé  par  le  cardinal  Beaton,  le 
«  Wolsey  »  de  l'Ecosse,  adhéra  très  étroitement  à  l'alliance 
française,  et,  par  contre-coup,  au  catholicisme  (bien  qu'il  ait 
été  l'ami,  le  protecteur  du  fameux  poète  anticlérical  sir  David 
Lindsay  [V.  ce  nom])  :  il  épousa  en  1537  Madeleine,  fille  de 
François  P^\  et,  après  la  mort  de  celle-ci,  Marie  de  Guise; 
les  barons  catholiques  du  nord  de  l'Angleterre,  persécutés 
par  Henri  VIII,  regardèrent  vers  lui  comme  vers  un  protec- 
teur. Malheureusement,  la  désaffection  de  la  noblesse  était 
venue  avec  les  années.  Jacques  V  se  vit  abandonné  par  ses 
troupes  féodales  dans  une  expédition  le  long  du  border.  Ce 
qui  lui  resta  de  fidèles  éprouva  (25  nov.  1542)  une  défaite 
à  Solway  Moss.  Il  en  mourut  de  chagrin,  accablé  des  malé- 
dictions des  réformés,  déjà  nombreux  dans  le  royaume.  Sa 
fille,  qui  venait  de  naître,  Marie  Stuart,  lui  succéda. 

On  n'attend  pas  que  nous  traitions  ici  avec  l'ampleur 
qu'elle  comporte  l'histoire  des  vingt-cinq  ans  qu'a  duré  le 
règne  tragique  de  Marie  ;  on  la  trouvera  au  mot  Marie 
Stuart,  De  brèves  remarques  sur  le  cours  général  des  évé- 
nements suffiront.  «  La  couronne  est  entrée  dans  la  maison 
de  Stuart  par  une  fille,  avait  dit  Jacques  V  en  apprenant  la 
naissance  de  sa  fille  Marie;  elle  en  sortira  par  une  fille.  » 
A  peine  le  roi  était-il  mort  que  la  main  de  Marie,  encore 
en  nourrice,  devint  le  point  de  mire  de  la  diplomatie  an- 
glaise et  de  la  diplomatie  française.  Henri  VIII  aurait  voulu 


fiancer  l'héritière  d'Ecosse  à  son  fils  Edouard  VI,  mais  le 
patriotisme  écossais  avait  été  trop  violemment  blessé  à 
Solway  Moss  :  la  reine  régente  et  le  cardinal  Beaton  firent 
tout  ce  qui  était  en  leur  pouvoir  pour  réchauffer  les  ran  - 
cunes  du  temps  de  la  guerre  de  l'indépendance;  ils  furent 
aidés  dans  cette  tâche  par  les  cruautés  que  les  Anglais  com- 
mirent, pour  brusquer  les  choses,  dans  les  villes  et  les 
villages  du  Lothian,  où  les  soldats  iconoclastes  du  protec- 
teur Somerset  détruisirent  les  abbayes  illustres  de  Kelso, 
de  Jedburgh,  de  Melrose,  de  Dryburgh,  de  Roxburgh,  du 
Coldingham.  Somerset  fut  vainqueur  à  Pinkie  (18  sept. 
1547)  et  détruisit  Edimbourg.  Tout  espoir  d'union  entre 
les  deux  royaumes  héréditairement  ennemis  fut  ainsi  perdu. 
Les  excès  du  Protecteur  déterminèrent  même  les  Etats 
d'Ecosse  à  consentir  au  mariage  de  Marie  Stuart,  qui  fut 
envoyée  en  France  (1548),  avec  le  fils  aîné  de  Henri  IL  L'al- 
liance française  parut  à  ce  moment  nécessaire  à  tous  les 
patriotes,  tant  catholiques  que  réformés.  —  Les  semences 
de  réforme  avaient  en  effet  commencé  à  lever  à  cette  date. 
Le  prédicant  Georges  Wishart  avait  été  brûlé  comme  cal- 
viniste à  Saint-Andrews  ;  quelques  semaines  après,  le  car- 
dinal Beaton,  défenseur  de  l'orthodoxie,  avait  été  assassiné 
par  des  vengeurs  de  Wishart,  au  nombre  desquels  était 
Knox.  L'archevêque  Hamilton,  successeur  de  Beaton,  publia 
en  1552  un  catéchisme  où  le  nom  du  pape  n'est  pas  pro- 
noncé et  qui  propose  une  sorte  de  transaction  entre  les 
anciennes  et  les  nouvelles  doctrines  ;  il  n'en  fit  pas  moins 
brûler  un  puritain  fanatique,  AdamWallace.  L'Ecosse,  entre 
1550  et  1560,  vacilla  entre  les  deux  confessions  et  fut  le 
théâtre  de  la  plus  active  propagande  :  les  réformés  Harlaw, 
Knox,  Willock,  refoulés  dans  leur  pays  natal  quand  l'avè- 
nement de  Marie  Tudor  les  eût  expulsés  d'Angleterre,  y 
firent  quantité  de  prosélytes,  en  dépit  de  l'habile  et  sage 
régente,  Marie  de  Guise,  et  du  mariage  de  la  reine  avec  le 
dauphin  (4  juil.  1558).  Knox  recruta  des  adhérents  dans 
toutes  les  classes  de  la  société  :  marchands,  ouvriers  et 
seigneurs.  Les  lords  convertis  à  la  réformation  (entre  autres 
Argyll,  Glencairn,  Morton,  Lorne,  Erskine)  formèrent  dès 
le  mois  de  déc.  1557  une  ligue  pour  défendre  la  «  congré- 
gation »  de  Christ.  On  les  appela  les  Lords  de  la  Congré- 
gation. Leur  ligue  est  la  première  en  date  des  covenants 
religieux  en  Ecosse.  Mais  l'archevêque  Hamilton  crut,  sur 
ces  entrefaites,  de  son  devoir  de  sévir;  il  fit  prononcer 
quelques  bannissements  et  brûler  à  Saint-Andrews  un  prêtre 
paroissial  des  environs  de  Montrose,  Walter  Myln,  âgé  de 
quatre-vingt-deux  ans  (8  avr.  1558).  Myln  a  été  le  dernier 
martyr  écossais  du  protestantisme.  Des  pétitions  furent 
incontinent  présentées  à  la  régente,  au  Parlement,  pour 
rendre  légale  la  prédication  en  langue  vulgaire  et  l'exercice 
libre  de  la  religion  de  Genève.  Un  sermon  de  Knox  à 
Perth,  ville  célèbre  pour  son  zèle  calviniste,  qui  enflamma 
la  population  au  point  de  lui  faire  saccager  les  églises 
locales,  mit  le  feu  aux  poudres.  La  régente,  avec  des 
troupes  françaises  et  catholiques,  trouva  entre  elles  et  les 
coupables  les  contingents  des  Lords  de  la  Congrégation. 
Elle  entra,  il  est  vrai,  dans  Perth,  mais  seulement  avec 
la  permission  de  ceux-ci,  et  dut  bientôt  se  replier  vers 
Dunbar,  abandonnant  aux  covenanters  Stirling,  Linlith- 
gow,  Edimbourg.  Elle  ne  cessait  de  réclamer  des  secours 
de  France  tandis  que  ses  adversaires,  réconcihés  avec  l'idée 
d'une  union  avec  l'Angleterre,  depuis  que  la  protestante 
Elisabeth  y  était  reine,  faisaient  appel  à  leurs  coreligion- 
naires anglais.  L'intérêt  d'Elisabeth  était  évidemment  d'ap- 
puyer les  calvinistes  d'Ecosse;  elle  hésita  cependant  : 
Knox,  en  effet,  l'avait  personnellement  offensée  ;  l'Eglise 
angUcane,  si  docile,  ne  l'avait  pas  habituée,  tant  s'en  faut, 
à  la  raideur  du  puritanisme  écossais,  qui  la  choquait  et  qui 
lui  faisait  peur  ;  ajoutez  que  le  jeune  comte  d'Arran,  pro- 
testant, héritier  présomptif  du  trône  après  Marie  Stuart, 
désigné  par  les  Covenanters  pour  épouser  Elisabeth,  lui 
déplut.  Peut-être,  avec  de  la  prudence,  Marie  et  François  II 
auraient-ils  pu  fortifier  ces  répugnances  au  profit  de  leur 
cause  ;  mais,  au  contraire,  ils  multipKèrent  les  provoca- 


ECOSSE  —  ^10 

tions  ;  ils  protestèrent  contre  l'avènement  d'Elisabeth  à  cause 
de  rillégitimité  de  sa  naissance  et  de  son  hérésie  :  Marie 
Stuart,  qui,  par  Marguerite  d'Angleterre,  femme  de  Jac- 
ques IV,  avait  des  droits  certains  à  la  couronne  anglaise, 
plaça  les  armes  royales  d'Angleterre  dans  son  blason.  Le 
ministre  d'Elisabeth,  Cecil,  était,  du  reste,  partisan  déclaré 
de  l'union  avec  les  Lords  de  la  Congrégation  :  un  traité 
d'alliance  offensive  et  défensive  contre  la  France  intervint 
donc  en  janv.  4560  entre  les  réformés  des  deux  royaumes 
insulaires.  Les  Français  au  service  de  la  régente  furent 
assiégés  dans  Leith  par  une  armée  anglo-écossaise.  En  juin, 
Marie  de  Guise  mourut,  et  cet  événement  fut  suivi  d'une 
trêve,  connue  soûs  le  nom  de  traité  d'Edimbourg.  Le 
10  juil.  4560  s'assembla  à  Edimbourg  le  fameux  Parlement 
qui  consomma  la  rupture  de  l'Ecosse  et  de  la  catholicité 
(Re formation  Parliament);  il  vota,  le  48  août,  une 
confession  protestante,  préparée  par  Knox  et  cinq  autres 
pasteurs;  et  l'acte  abolissant  toute  juridiction  de  l'évêque 
de  Rome  dans  le  royaume  fut  voté  le  24  du  même  mois.  Il 
ne  s'agissait  plus  alors  de  permettre  l'exercice  de  la  reli- 
gion réformée  ;  le  Parlement  de  4560  l'imposa,  édictant 
des  pénalités  contre  les  personnes  qui  observeraient  à 
l'avenir  les  rites  romains.  La  hiérarchie  épiscopale  fut 
conservée,  mais  jusqu'à  l'année  suivante  seulement.  Le 
Parlement  de  4564,  après  avoir  rejeté  un  premier  projet 
de  réorganisation  ecclésiastique,  très  radical,  dû  à  Knox,  et 
à  des  amis  (First  Book  of  Discipline)  en  adopta  une  édi- 
tion abrégée  et  revisée  [Second  Book  of  Discipline),  dont 
il  sera  longuement  parlé  au  mot  Presbytérianisme. 

Le  6  dec.  4560,  la  mort  de  François  II  laissa  Marie 
Stuart  veuve,  à  l'âge  de  dix-neuf  ans.  Elle  revint  en  Ecosse. 
Les  circonstances  étaient  tellement  changées  depuis  son 
enfance  qu'elle  eut  de  la  difficulté  à  faire  célébrer  la  messe 
dans  son  palais  d'Holyrood.  Knox  avait  coutume  de  dire 
qu'il  craignait  plus  une  seule  messe  que  vingt  mille  enne- 
mis en  campagne  ;  il  lançait  la  populace  contre  les  chape- 
lains de  la  reme.  Il  eut  du  reste  avec  elle-même  des  en- 
trevues, où  il  lui  reprocha  durement  son  obstination,  son 
mépris  pour  les  prédications  évangéliques,  son  goût  pour 
la  danse  et  d'autres  frivolités.  Appuyé  par  le  frère  bâtard 
de  Marie,  Jacques,  comte  de  Mar  et  de  Murray,  premier 
ministre,  Knox  réussit  même  à  arracher  l'ordre  d'entamer 
de  véritables  persécutions  contre  les  catholiques,  notamment 
contre  l'archevêque  de  Saint-Andrews  pour  avoir  célébré 
la  messe  et  reçu  des  confessions.  Ce  chef  de  la  démocratie 
puritaine  fut  un  moment  le  maître  absolu,  et  il  exerça  le 
pouvoir  avec  la  férocité  des  anciens  juges  d'Israël,  ses  mo- 
dèles. Il  osa  défendre  à  Marie  d'épouser  en  secondes  noces 
un  catholique  et  se  vanta  de  ne  s'être  point  laissé  émouvoir 
par  ses  larmes,  tant  la  royauté  écossaise  était  tombée  en 
tutelle.  On  verra  à  Farticle  Marie  Stuart  et  sous  les  noms 
des  divers  personnages  intéressés,  comment  la  reine  épousa 
à  l'improviste,  son  cousin,  Henri  Stuart,  lord  Darnley,  et 
les  malheurs  qui  s'ensuivirent  :  le  meurtre  de  Rizzio,  le 
meurtre  de  Darnley  (40  fév.  4567)  par  Bothwell,  enfin  le 
remariaae  extraordinaire  de  Marie  avec  le  meurtrier  de  son 
second  époux,  la  fuite  de  Bothwell  attaqué  par  un  parti 
de  lords,  enfin  l'emprisonnement  et  l'abdication  forcée  de 
la  reine  à  Lochleven  Castle.  Le  jeune  roi,  fils  de  Marie  et 
de  Darnley,  fut  couronné  à  Stirling  le  29  juil.  4567. 
L'ex-reine  resta  près  d'un  an  prisonnière  à  Lochleven  ; 
mais,  ayant  réussi  à  s'échapper,  elle  réunit  autour  d'elle 
les  forces  des  lords  catholiques  et  livra  bataille  aux  lords 
protestants  commandés  par  son  frère,  le  régent  Murray. 
Battue  à  Langside,  près  de  Glasgow  (49  mai  4568),  elle 
s'enfuit  en  Angleterre,  comme  jadis  Baliol,  et  se  remit  à 
la  générosité  de  sa  rivale  Elisai3eth.  A  partir  de  ce  jour, 
elle  disparait  de  la  scène  de  l'histoire  d'Ecosse,  quoique  elle 
ait  continué  encore  longtemps  à  entretenir  secrètement,  du 
fond  de  l'exil,  les  espérances  des  catholiques  dans  son  an- 
cien royaume.  —  Quatre  régents  se  succédèrent  rapidement 
en  Ecosse  après  l'expulsion  de  Marie;  tous  quatre  pé- 
rirent d'une  manière  tragique.   Cet  âge  fut  un  âge  de 


sang,  d'anarchie  aristocratique  et  de  querelles  religieuses. 
Le  premier  régent,  Murray,  persécuteur  de  Marie  Stuart, 
et,  comme  il  semble,  l'inventeur  des  fameuses  lettres  de  la 
cassette  (casket  letters),  la  colonne  du  protestantisme,  le 
maître  selon  le.  cœur  de  Knox,  fut  assassiné  le  23  janv. 
4570  à  Linhthgow  par  un  Hamilton.  Le  second,  Lennox, 
père  de  Darnley,  instrument  d'Elisabeth  et  des  Anglais, 
fut  tué  le  3  sept.  4574  à  Stirling  par  un  autre  Hamilton. 
Le  troisième,  Mar,  mourut  le  28  oct.4572,  et  l'on  crut 
qu'il  avait  été  empoisonné.  Le  quatrième,  Morton,  protestant, 
personnage  fort  avare,  enrichi  des  dépouilles  de  l'Eglise 
catholique,  afficha  une  tendance  à  favoriser  l'adoption 
d'une  solution  du  problème  rehgieux  analogue  à  celle  qui 
avait  prévalu  en  Angleterre  :  le  roi,  chef  {head)  de 
l'Eglise  nationale  et  de  la  hiérarchie  épiscopale. ^  Il  se  mit 
ainsi  à  dos  les  presbytériens  rigides,  dirigés,  depuis  la  mort 
de  Knox,  par  Andrew  Melville,  sans  se  reconcilier,  bien 
entendu,  avec  les  catholiques.  Ceux-ci  ne  tenaient  plus  que 
dans  une  seule  place  forte,  le  château  d'Edimbourg  ;  Mor- 
ton, avec  de  l'artillerie  anglaise,  en  eut  raison;  les  der- 
niers fidèles  de  Marie,  Kirkaldy,  Lethington,  furent  exécutés 
à  cette  occasion.  Ce  furent  cependant  les  catholiques  qui 
profitèrent  de  la  désaffection  des  presbytériens  pour  abattre 
le  régent.  Argyll,  Athole,  Erskine,  catholiques  romains, 
s'emparèrent,  suivant  l'usage  des  révolutionnaires  en 
Ecosse,  de  la  personne  du  roi  et  le  proclamèrent  majeur, 
à  l'âge  de  douze  ans.  Morton  céda,  mais  pour  quelques 
temps  seulement,  car  il  fit  empoisonner  Athole  et  revint 
encore  une  fois  au  pouvoir.  Il  en  fut  définitivement  chassé 
par  un  cousin  du  roi,  lord  Stuart  d'Aubigny,  élevé  en 
France,  qui  devint  le  favori  de  Jacques  VI,  séduit  par  le 
charme  de  ses  manières.  D'Aubigny  fut  fait  lord  Lennox, 
chambellan,  gardien  du  château  de  Dumbarton.  Il  fut  bien- 
tôt assez  fort  pour  accuser  ouvertement  Morton,  dans  une 
séance  du  conseil  tenue  à  Holyrood,  de  complicité  dans  le 
meurtre  de  Darnley.  Morton  fut  exécuté  sous  ce  prétexte 
le  2  juin  4584.  —  Le  nouveau  comte,  puis  duc  de  Len- 
nox, régna  sur  l'esprit  de  Jacques  VI  pendant  un  an  et 
demi,  de  déc.  4580  au  mois  d'août  4584.  Bien  qu'il  eût 
adhéré  nominalement  à  la  Réforme,  sa  politique  secrète 
paraît  avoir  tendu  au  rappel  de  Marie  Stuart,  au  rétablis- 
sement du  catholicisme,  à  un  renouvellement  de  l'ancienne 
aUiance  française  et  à  une  guerre  avec  l'Angleterre.  Le 
22  août  4582,  Jacques  VI  étant  en  visite  chez  le  comte  de 
Gowrie,  près  de  Perth,  fut,  en  l'absence  de  Lennox,  cap- 
turé par  les  lords  presbytériens  :  Lennox  s'enfuit  en 
France,  où  il  mourut,  et  la  balance  oscilla  encore  une  fois 
du  côté  des  partisans  du  puritanisme  les  plus  intransigeants  ; 
c'est  ce  qu'on  appela  le  raid  de  Ruthven.  Mais  ce  coup 
d'Etat  n'eut  d'effet  que  pendant  dix  mois.  Le  roi  n'était 
plus  un  enfant  ;  les  presbytériens  le  fatiguaient  ;  il  s'échappa 
de  leurs  mains,  qualifia  de  trahison  lerazt^de  Ruthven,  et 
rappela  auprès  de  lui  le  capitaine  James  Stuart,  qu'il  avait 
fait  comte  d'Arran  et  qui  avait  partagé  le  poids  du^  gou- 
vernement avec  Lennox  en  4584.  Les  lords  presbytériens 
furent  bannis  ;  Melville  se  retira  en  Angleterre.  C'est^  alors 
qu'eut  lieu  l'effort  le  plus  considérable  c[ui  ait  jamais  été 
tenté  pour  faire  triompher  l'épiscopahsme  anglican  en 
Ecosse,  avec  les  cours  ecclésiastiques,  les  synodes,  le  ré- 
gime des  déclarations  de  conformité  imposée  au  clergé,  et 
l'absolutisme  de  la  couronne  tant  au  spirituel  qu'au  tem- 
porel. Ces  projets  devaient  plaire  à  Ehsabeth,  qui,  d'ail- 
leurs, n'avait  qu'une  sympathie  très  médiocre  pour  les 
lords  et  les  prédicants  puritains  réfugiés  chez  elle  depuis 
l'échec  final  du  raid  de  Ruthven.  Toutefois,  comme  Arran 
n'était  pas  non  plus  persona  grata  auprès  d'elle,  elle  se 
laissa  persuader  d'appuyer  un  nouveau  favori  de  Jacques  VI, 
Grey,  qui  renversa  Arran,  fit  rappeler  les  presbytériens 
bannis,  et  amena  son  maître  à  signer  avec  Elisabeth  une 
ligue  «  pour  la  défense  de  la  vraie  religion  »  contre  les 
catholiques,  ligue  ratifiée  par  les  Etats  d^Ecosse  en  juil.  4585. 
L'alliance  de  4585  trancha  définitivement  la  question 
de  savoir  si  l'Ecosse  serait  protestante  et  si  elle  préférait 


—  511  — 


ECOSSE 


l'union  avec  l'Angleterre  à  l'union  avec  la  France.  Elisa- 
beth vieillissait  ;  Jacques  VI  était  son  héritier  présomptif; 
c'en  était  assez  pour  tout  décider.  Pour  satisfaire  Elisabeth, 
non  seulement  Jacques,  à  l'instigation  de  Grey,  pardonna 
aux  exilés  duraiddeRuthven —  Glamis,Angus,Mar,  etc. 
—  mais  il  rendit  leurs  bénéfices  aux  pasteurs  presbyté- 
riens qu'il  en  avait  dépouillés,  et  il  souffrit  presque  sans 
protestation  l'exécution  de  sa  mère  Marie  Stuart,  à  Fothe- 
ringay  (8  févr.  1587).  A  cette  époque,  Jacques,  marié  à 
Anne  de  Danemark,  paraît  avoir  été  assez  disposé  à  renon- 
cer à  ses  convictions  épiscopalistes  ;  un  acte  parlementaire 
de  1587  conféra  à  la  couronne  les  biens  d'église  confisqués, 
à  l'exception  de  ceux  que  les  grands  seigneurs  s'étaient 
appropriés  ;  le  roi,  qui  avait  des  ambitions  littéraires,  ré- 
digea un  Commentaire  de  l'Apocalypse  à  la  manière  des 
puritains.  C'était  le  temps  où  l'archevêque  Adamson  de 
Saint-Andrews  rétractait  publiquement  tout  ce  qu'il  avait 
écrit  dans  sa  vie  contre  le  presbytérianisme.  Le  Parlement 
de  1592  rétablit  l'organisation  ecclésiastique  presbyté- 
rienne conformément  aux  plans  de  Melville  et  de  sir  John 
Maitland,  lord  Thirlestane,  qui  avait  succédé  à  Grey  comme 
favori  personnel  du  roi  ;  tous  les  actes  antérieurs  au  sujet 
des  droits  de  juridiction  des  évêques  furent  rapportés. 

L'histoire  des  onze  années  qui  suivirent  cette  réaction 
presbytérienne  est  extrêmement  confuse.  Ce  sont  toujours 
les  mêmes  acteurs,  engagés  dans  la  même  lutte  avec  des 
succès  alternatifs  :  épiscopaliens,  presbytériens,  catholiques, 
et,  au  milieu  de  cette  anarchie,  le  faible  Jacques  VI  perdu 
dans  des  rêves  de  toute-puissance  qu'il  a  consignés  dans 
son  livre  sur  le  droit  des  couronnes,  Basilicon  Doron. 
L'événement  le  plus  marquant  de  cette  période  fut  (5  août 
1600)  la  conspiration  de  Gowrie,  ourdie  par  les  chefs  de 
la  noblesse  puritaine  en  vue,  sinon  de  tuer,  au  moins  de 
capturer  le  roi.  Cette  conspiration  fut  découverte,  et  cela 
donna  à  Jacques  VI  la  force  et  le  courage  nécessaires  pour 
se  débarrasser  des  presbytériens,  dont  la  tyrannie  lui  était 
devenue  insupportable.  Le  24  mars  1 603  mourut  Elisa- 
beth ;  elle  avait  désigné,  comme  son  successeur  en  Angle- 
terre, son  cousin  le  roi  d'Ecosse,  qui  lui  succéda  sans  dif- 
ficulté. Ainsi  fut  accomplie  pacifiquement  l'union  des  deux 
royaumes  insulaires,  tant  désirée  depuis  des  siècles.  Com- 
bien profitable  elle  devait  être  à  l'Ecosse  !  On  ne  s'en  aper- 
çut pleinement  qu'au  xvni^  siècle  ;  mais  ne  pouvait-on  le 
prévoir  dès  1603  ?  Plus  de  guerres  de  frontières,  le  Lo- 
thian  enfin  tranquille,   de  nouveaux  débouchés  pour  le 
commerce  et  pour  l'activité  de  la  race,  le  pays  pauvre  et 
barbare  ouvert  largement  à  la  civilisation,  à  la  science,  à 
la  littérature,  aux  arts  de  l'Angleterre,  alors  en  pleine  flo- 
raison. Ces  bienfaits  furent  malheureusement  peu  sen- 
sibles d'abord,  et  c'est  ce  qui  exphque  pourquoi  des  années 
se  passèrent  avant  la  pacification  complète  du  royaume  du 
Nord.  —  Jacques  avait  promis  en  1603  de  revenir  visiter 
l'Ecosse  au  moins  tous  les  trois  ans,  mais,  trop  heureux 
d'échanger  la  cour  écossaise,  simple  et  souvent  insolente, 
pour  la  cour  policée  et  servile  des  Tudors,  il  n'y  remit  les 
pieds  que  quatorze  ans  après.  Il  n'en  eut  pas  moins  une 
politique  très  nette  à  l'égard  de  son  pays  d'origine,  qui 
peut  se  résumer  ainsi  :  unir  l'Ecosse  à  l'Angleterre,  non 
pas  seulement  par  la  fusion  des  deux  couronnes  sur  la 
même  tête,  mais  en  unifiant  les  lois,  les  Parlements  et  les 
Eglises  des  deux  royaumes  ;  en  second  lieu,  aider  au 
triomphe,  dans  les  deux  royaumes,  de  l'Eglise  épiscopale,  et 
d'une  solution  du  problème  religieux  intermédiaire  entre 
les  solutions  radicales  en  sens  contraire  de  Rome  et  de  Ge- 
nève. Le  roi  essaya  de  faire  adopter  le  principe  que  les 
post  nati,  c.-à-d.  les  sujets  anglais  ou  écossais  nés  depuis 
le  24  mars  1603,  jouiraient  dans  les  deux  royaumes  des 
droits  de  citoyen.  En  1612,  il  rétablit  officiellement  de 
nouveau  la  hiérarchie  épiscopale  en  Ecosse,  malgré  le  vœu 
de  la  nation  ;  et,  en  1618,  les  «  cinq  articles  de  Perth  » 
furent  promulgués  pour  uniformiser  le  rituel  de  l'Eglise 
épiscopale  en  Ecosse,  et  celui  de  l'Eglise  anglicane.  Jacques 
aurait  bien  voulu  réduire  aussi  le  Parlement  d'Ecosse  à 


la  condition  où  les  Tudors  avaient  réduit  celui  d'Angle- 
terre, pourvu  cependant  de  précédents  bien  plus  formels 
et  d'une  organisation  meilleure.  Il  y  réussit  jusqu'à  un 
certain  point,  mais  son  succès  éphémère  accumula  les  res- 
sentiments qui  devaient  éclater  sous  son  fils  avec  tant 
de  violence.  On  s'accorde  à  louer,  malgré  cela,  une  idée 
qui  fut  très  chère  à  Jacques  VI  :  celle  de  la  colonisation. 
Jacques  VI  chercha  des  débouchés  au  surplus  de  la  popula- 
tion qui,  en  Ecosse,  augmente  très  vite  quand  la  guerre  ne 
décime  pas  les  générations.  Des  gens  du  comté  de  Fife 
furent  encouragés  à  créer  des  «  plantations  »  dans  les  Hé- 
brides. Des  fermiers  écossais  (presbytériens)  colonisèrent 
le  comté  d'Ulster,  en  Irlande.  Enfin  une  «nouvelle  Ecosse  » 
fut  fondée  au  delà  de  l'Atlantique,  par  les  précurseurs  des 
innombrables  pionniers  écossais  qui,  depuis,  ont  défriché 
tant  de  terres  d'outre-mer.  —  Jacques  VI  laissa  (22  mars 
1625),  un  lourd  héritage  à  son  fils  Charles  P^  qui,  pen- 
dant les  douze  premières  années  de  son  règne,  se  contenta 
de  continuer  la  tradition  paternelle,  surtout  en  vue  de  la 
restauration  de  l'autorité  épiscopale  sur  les  sectes  presby- 
tériennes. Conseillé  par  Laud  (V.  ce  nom),  il  agit  avec 
une  extrême  vigueur.  Les  nobles,  la  gentry,  qui  s'étaient 
enrichis  des  dépouilles  de  l'ancienne  Eglise,  furent  mena- 
cés d'avoir  à  restituer  ce  qu'ils  avaient  usurpé  ;  et,  pour 
commencer,  les  dîmes;  Edimbourg  devint  le  siège  d'un 
évêché  nouveau.  Les  cinq  articles  de  Perth  furent  réédic- 
tés. Laud  conseilla  d'imposer  aux  Ecossais  l'usage  du 
Prayer  Book  anglais.  Le  Parlement  de  1633  passa,  sous 
l'œil  et  la  pression  du  roi,  trente  et  un  actes  d'un  carac- 
tère absolutiste  et  menaçants  pour  les  convictions  des  pres- 
bytériens. L'un  d'eux  allait  jusqu'à  investir  le  roi  du  droit 
de  réglementer  le  costume  ecclésiastique  (et  l'on  sait  jus- 
qu'à quel  point  les  passions  furent  excitées  au  xvii^  siècle 
par  la  question  du  «  surplis  »).  Enfin  neuf  évêques  fu- 
rent admis  au  conseil  privé,  et  un  livre  canonique  (fiookof 
Canons)  fut  pubKé  en  1636  à  Aberdeen;  il  contenait  une 
hturgie  épiscopalienne  qui  devait  entrer  en   vigueur  le 
23  juil.  1637,  combinaison  de  cûX^àix  Prayer  Book  avec 
des  additions  empruntées  au  rituel  romain.  Or,  le  23  juil. 
il  y  eut  des  émeutes  à  Edimbourg  ;  il  fallut  suspendre 
l'exécution  des  ordres  du  roi,  auquel  de  nombreuses  péti- 
tions furent  envoyées  de  tous  côtés.  Charles  P*"  s'obstma  ; 
alors  les   lords  Rothes,  Loudon,  Montrose,    le  légiste 
Johnston  de  Warriston,  Alexandre  Henderson,  pasteur,  pré- 
parèrent un  Covenant  qui  fut  signé  le  1^"^  mars  1638,  à 
Greyfriars  Church,  Edimbourg,  par  plus  de  trois  cents 
ministres  de  l'Evangile,  et  une  grande  multitude  de  peuple. 
Des  copies  de  ce  Covenant  furent  répandues  à  profusion, 
et  bien  accueillies  partout,  sauf  à  Saint-Andrews.  Beau- 
coup, dit-on,  les  signèrent  avec  leur  sang.  Le  fanatisme  était 
arrivé  à  un  si  haut  degré  d'intensité,  que  les  concessions  du 
roi,  effrayé  par  l'unanimité  du  mouvement,  ne  servirent  à 
rien.  Les  covenanters  assemblés  à  Glasgow  déposèrent  en 
bloc  tous  les  évêques,  dénoncèrent  les  articles  de  Perth  et 
restaurèrent  le  pur  gouvernement  presbytérien  de  l'Eglise. 
La  guerre  fut  ainsi  déclarée.  Les  presbytériens  entrèrent 
immédiatement  en  campagne  sous  les  ordres  d'un  ancien 
général  de  Gustave- Adolphe,  Alexandre  Leslie.  Charles  P^, 
sans  argent,  temporisa  ;  il  espérait  des  subsides  du  Parle- 
lement  anglais,  qu'il  réunit  à  cette  occasion,  mais  le  Parle- 
ment anglais  avait  tant  de  griefs  de  son  côté  à  présenter,  et  il 
les  présenta  de  telle  manière,  que  le  roi  se  trouva  amené  à 
faire  au  contraire  sa  paix  avec  les  Ecossais,  et  à  recher- 
cher leur  appui  contre  ses  sujets  d'Angleterre.  Un  Parle- 
ment se  réunit  à  Edimbourg  en  août  1641,  où  Charles  P^, 
confirmant  solennellement  les  réformes  décidées  à  l'assem- 
blée de  Glasgow,  consentit  à  toutes  les  limitations  de  la 
prérogative  que  les  presbytériens  réclamaient,  et  à  l'éta- 
blissement d'une  périodicité  triennale  des  Parlements  écos- 
sais. La  guerre  civile  commença  l'année  suivante  en  An- 
gleterre ;   et  les  Ecossais  se  trouvèrent  tout  d'un  coup 
arbitres  entre  le  roi  et  le  Parlement  anglais  rebelle,  solli- 
cités par  les  deux  partis.  Presbytériens,  ils  penchaient, 


ECOSSE 


-  512  - 


comme  il  était  naturel,  vers  la  cause  parlementaire,  et,  à 
l'automne  de  1643  des  commissaires  du  Long  Parlement, 
sous  la  conduite  de  sir  Henry  Vane,  jurèrent  à  Edimbourg 
le  Covenant  écossais.  Mais  contre  l'attente  générale,  les 
troupes  des  covenanters  rendirent  peu  de  services  à  la 
cause  de  la  révolution  ;  elles  se  seraient  fait  battre  à  Mars- 
ton  Moor,  si  les  indépendants  de  Cromwell  n'avaient  pas 
regagné  la  partie.  Les  Highlanders,  traditionnellement  dé- 
voués à  la  maison  de  Stuart,  se  soulevèrent  sous  Montrose 
en  faveur  des  royalistes,  et  Montrose  vainquit  Argyll, 
chef  suprême  des  presbytériens,  à  Inverlochy,  après  avoir 
pris  Perth.  Il  fut  encore  vainqueur  à  Auldearn,  à  Alford, 
à  Kilsyth  ;  il  ne  fut  arrêté  que  par  Leslie  à  Philiphaugh 
(13  sept.  1644).  Si  malheureux  à  la  guerre,  les  presby- 
tériens se  querellèrent  en  outre  avec  les  soldats  de  Crom- 
well et  avec  les  commissaires  anglais  qui  leur  devaient 
400,000  livres  d'arriéré  de  solde;  si  bien  que,  quand 
Charles  P^  eut  été  vaincu  à  Naseby,  il  crut  possible  de 
trouver  un  abri  dans  les  rangs  de  l'armée  de  Leslie,  campée 
à  Newark.  Là,  Henderson  l'exhorta  avant  toutes  choses  à 
accepter  le  Covenant.  Mais  les  commissaires  anglais  ayant, 
sur  ces  entrefaites,  versé  l'arriéré  de  solde,  le  roi  fut  livré. 
Pendant  la  captivité  du  roi  à  l'île  de  Wight,  son  agent  Ha- 
milton  réussit  à  détacher  une  fraction  considérable,  la  plus 
modérée,  du  parti  des  covenanters.  Charles  P^  sanction- 
nerait le  Covenant  ;  liberté  de  conscience  serait  laissée  à 
ceux  qui  n'y  adhéreraient  pas.  Hamilton  envahit  l'Angle- 
terre à  la  tête  de  ces  nouveaux  royalistes,  mais  il  fut  battu 
par  Cromwell  à  Preston  (17  août  1648).  Charles  P^  et 
Hamilton  furent  jugés  et  exécutés  bientôt  après. 

Tandis  que  la  République  était  proclamée  en  Angleterre 
par  le  dictateur  militaire,  les  presbytériens  envers  lesquels 
ce  dictateur  n'avait  jamais  été  tendre,  et  surtout  les  modérés 
attachés  au  principe  de  l'hérédité  monarchique,  procla- 
mèrent Charles  II  en  Ecosse.  Charles  II,  le  9  mai  1650, 
promit  de  respecter  la  constitution  presbytérienne  et  d'ap- 
pliquer les  lois  contre  les  catholiques  ;  à  ce  prix,  il  eut 
une  armée  écossaise.  Mais  cette  armée  fut  dispersée  par 
Cromwell  à  Dunbar  (3  sept.  1650).  Charles  n'en  reçut 
pas  moins  la  couronne  à  Scone(l®^  janv.  1651)  des  mains 
d' Argyll,  le  patron  du  Covenant,  et  le  presbytérianisme  fit 
un  dernier  effort.  L'Angleterre  fut  envahie,  et  les  Ecossais 
royalistes  pénétrèrent  jusqu'à  Worcester  ;  leur  défaite  devant 
cette  ville  consolida  définitivement  Cromwell.  Charles  II 
s'exila  en  France.  Ce  fut  Monk  que  Cromwell  chargea  de 
tenir  l'Ecosse  en  bride.  Monk  y  régna  par  la  terreur,  comme 
en  pays  conquis.  L'administration  fut  enlevée  aux  indigènes 
et  remise  tout  entière  au  conseil  de  Cromwell  siégeant  à 
Londres.  La  «  Court  de  session  »  fut  suspendue  et  remplacée 
par  une  commission  de  justice,  composée  de  quatre  Anglais 
et  de  trois  Ecossais,  qui  jugea  d'après  le  common  law  d'An- 
gleterre. Des  impôts  très  lourds  furent  levés  (environ 
140,000  livres  st.  par  an).  Ce  gouvernement  de  Cromwell 
en  Ecosse,  qui  dura  huit  ans,  fut  très  dur,  mais,  somme 
toute,  bienfaisant  :  on  n'entendit  plus  parler  de  ces  pil- 
leries  seigneuriales  qui  désolaient  le  paysan  depuis  des 
siècles  ;  on  établit  le  libre-échange  avec  l'Angleterre.  La 
bourgeoisie,  la  classe  moyenne,  les  commons  furent  élevés 
aux  dépens  de  la  noblesse.  Cromwell  aurait  voulu  con- 
sommer la  fusion  parfaite  des  deux  Etats  insulaires  :  il  con- 
voqua des  représentants  de  l'Ecosse  à  ses  Parlements  de 
Westminster  :  c'était  un  centralisateur  ;  le  hoïne  rule  lui 
faisait  horreur.  Néanmoins  la  mort  du  Protecteur  fut  sa- 
luée en  Ecosse  comme  une  délivrance  :  Charles  II  restauré 
fut  accueilli  comme  un  libérateur,  destiné  à  rétablir  dans 
tout  leur  éclat  les  privilèges  nationaux.  Mais  une  profonde 
désillusion  attendait,  sous  la  Restauration,  les  presbytériens 
écossais.  Charles  II  ne  les  avait  jamais  aimés  ;  il  n'avait 
supporté  le  joug  de  leurs  prédicants  que  lorsqu'il  avait  eu 
besoin  d'eux.  D'autre  part,  Cromwell  avait  montré  qu'il 
était  possible,  avec  de  l'énergie  et  de  bonnes  troupes,  de 
mater  tous  ces  gens-là  et  de  leur  faire  par-dessus  le  mar- 
ché verser  de  fortes  sommes  au  trésor  public.  Ces  leçons 


du  protectorat  ne  furent  pas  perdues  pour  le  roi.  L'Ecosse 
était  passée,  au  temps  de  Monk  et  de  Cromwell,  à  l'état  de 
province  soumise  ;  elle  ne  retrouva  point  l'indépendance 
au  temps  de  Charles  IL  Et  elle  était  devenue  incapable  de 
la  reconquérir  les  armes  à  la  main,  car  le  presbytéria- 
nisme y  était  désormais  divisé,  les  sectes  s'y  étaient  mul- 
tipliées et  s'y  dévoraient.  Middleton,  le  Monk  du  gou- 
vernement de  la  Restauration,  exerça  impunément  les 
vengeances  de  son  maître.  Argyll  fut  exécuté,  ainsi  que  deux 
autres  personnages  du  parti  presbytérien  exalté,  le  mi- 
nistre Guthrie,  Johnston  de  Warriston.  Un  Parlement  tenu 
en  respect  par  Middleton  abolit  tous  les  actes  passés  de- 
puis 1640,  et  en  même  temps  le  Covenant.  Dès  1662,  le 
régime  épiscopal  fut  réintroduit  en  Ecosse,  et  Charles  II 
trouva  aisément  des  presbytériens  modérés  pour  accepter 
des  titres  d'archevêque  et  d'évêques  ;  les  ministres  intran- 
sigeants furent  privés  de  leurs  bénéfices.  Après  Middle- 
ton, disgracié  à  cause  de  sa  rivalité  avec  Lauderdale,  qui 
remplissait  en  quelque  sorte  à  Londres  les  fonctions  de 
secrétaire  pour  l'Ecosse,  son  successeur,  Rothes,  agit  de 
même.  Le  nouvel  archevêque  de  Saint-Andrews,  Sharp, 
obtint  la  création  d'une  cour  de  haute  commission,  analo- 
gue à  celle  qui  avait  été  si  impopulaire  du  temps  de  Laud 
pour  connaître  des  infractions  aux  lois  ecclésiastiques.  Les 
presbytériens  rigides  souffrirent  des  persécutions  ;  les 
prêches  «  au  désert  »,  dans  les  champs,  furent  interdits. 
Un  soulèvement  des  vieux  convenanters  échoua  ;  Dalziel, 
un  officier  écossais  jadis  au  service  de  la  Russie,  que 
Charles  II  s'était  attaché,  écrasa  les  fanatiques  à  Rullion 
Green,  et  d'atroces  exécutions  suivirent.  Des  garnisons 
d'Anglais  et  de  Highlanders  catholiques  occupaient  toutes 
les  forteresses  ;  l'état  de  siège  était  permanent  ;  on  cal- 
cule que  dix-sept  mille  personnes  furent  frappées  de  pri- 
son ou  d'amende  jusqu'en  1678,  pour  avoir  assisté  à  des 
conventicules  prohibés.  Fut  exilée  à  partir  de  1672  toute 
personne  qui  ferait  baptiser  ses  enfants  par  un  pasteur 
privé  de  son  bénéfice,  ou  qui  s'absenterait  trois  dimanches 
de  suite  de  l'égHse  paroissiale.  Le  roi  ne  convoqua  plus 
de  Parlement  à  partir  de  1674.  Ces  rigueurs  ne  pouvaient 
manquer  d'entraîner  une  réaction  violente.  Le  3  mai  1679 
l'archevêque  Sharp,  qui  avait  déjà  été  l'objet  de  plusieurs 
tentatives  d'assassinat,  fut  tué  par  une  bande  de  covenan- 
ters. Un  certain  Hamilton,  dans  l'Ouest,  groupa  autour  du 
drapeau  du. Covenant  assez  d'hommes  pour  infligera  Lou- 
don  Hill  une  défaite  au  fameux  Graham  de  Claverhouse. 
Mais,  vingt  jours  après,  le  duc  deMonmouth,  fils  naturel  de 
Charles  H,  répara  cet  échec  au  pont  de  Rothwell.  Confis- 
cations, suppHces,  bannissements  en  masse  aux  colonies, 
tels  furent  les  châtiments  infligés  par  Lauderdale  aux 
vaincus.  Le  duc  d'York,  frère  de  Charles  II,  converti  au 
catholicisme,  et  Claverhouse  exercèrent  pendant  plusieurs 
années  une  véritable  inquisition  ;  ce  fut  «'un  âge  de  sang  » 
(Killing  Times)  ;  une  foule  de  presbytériens  de  haute 
naissance  comme  Dalrymple,  président  de  la  Court  of  Ses- 
sion, Argyll,  etc.,  cherchèrent  un  refuge  en  Hollande  ; 
les  membres  de  la  société  secrète  populaire  fondée  par  un 
prédicant  nommé  Cameron,  échappé  au  massacre  de  Roth- 
well Rridge,  furent  appliqués  à  des  tortures  raffinées.  Le 
martyrologe  du  presbytérianisme  pendant  les  années  1680 
à  1685  est  extrêmement  riche.  —  Le  duc  d'York,  on  le  sait, 
devint  roi  d'Angleterre  et  d'Ecosse  après  la  mort  de  son 
frère  Charles  II  sous  le  nom  de  Jacques  II  dans  le  premier 
royaume  et  de  Jacques  VII  dans  le  second.  Fervent  catho- 
lique, il  décida  plusieurs  grands  seigneurs  écossais  à  ren- 
trer dans  le  sein  de  l'Eglise  romaine  :  Perth,  lord  chance- 
Her,  son  frère  Melfort,  le  comte  de  Moray,  etc.  Il  refusa 
de  prêter  le  serment  royal  où  se  trouvait  une  promesse  de 
protection  envers  l'Eglise  établie.  La  terreur  était  si  forte 
que  le  Parlement  de  1685  ne  réclama  point  et  protesta  au 
contraire  de  son  loyaUsmedans  des  termes  d'une  bassesse 
extrême.  Jacques  II  supprima  les  anciens  actes  qui  inter- 
disaient aux  catholiques  l'exercice  de  leur  culte  ;  mais  en 
févr.  1688,  un  presbytérien  nommé  Renwick  fut  encore 


513  - 


ECOSSE 


exécuté  à  Edimbourg  pour  avoir  tenu  un  prêche  aux 
champs.  Quand  Guillaume  d'Orange  eut  renversé  son  beau- 
père  avec  l'aide  et  à  l'instigation  des  Anglais  et  des  Ecos- 
sais réfugiés  en  Hollande,  l'Angleterre  accepta  sans  oppo- 
sition l'avènement  de  Guillaume  III.  Il  n'en  fut  pas  tout  à 
fait  de  même  de  l'Ecosse.  Les  épiscopaliens  restèrent  fidèles 
à  la  maison  de  Stuart,  et  aussi,  naturellement,  les  catho- 
liques, nombreux  dans  les  Highlands  :  ils  formèrent  un 
parti  jacobite  ou  légitimiste,  qui  résista  pendant  cinquante 
ans  à  la  nouvelle  dynastie.  Les  presbytériens,  en  majorité 
dans  les  villes  des  Lowlands,  accueillirent  cordialement,  au 
contraire,  le  régime  qui  accorda  pour  la  première  fois  à 
l'Ecosse  de  sérieuses  garanties  constitutionnelles.  Le  pre- 
mier soulèvement  jacobite  eut  pour  chef  Claverhouse,  devenu 
vicomte  Dundee,  un  nouveau  Montrose  ;  il  défit  à  Killiecrankie 
(29  juil.  1689)  les  troupes  de  Guillaume  III,  mais  il  fut 
tué  dans  le  combat,  et  les  clans  se  débandèrent.  Le  Par- 
lement écossais  reconnut  donc  Guillaume  et  Marie  après 
avoir  voté  un  Claim  of  Right,  identique  au  Bill  of  Rights 
du  Parlement  d'Angleterre.  Le  presbytérianisme  rede- 
vint la  discipline  officielle.  Cependant  le  gouvernement  de 
Guillaume  III  ne  paraît  pas  avoir  été  populaire  en  Ecosse  : 
au  point  de  vue  commercial,  il  sacrifia  trop  souvent  les 
intérêts  de  ce  pays  à  ceux  de  l'Angleterre  proprement 
dite;  en  second  lieu,  le  massacre  célèbre  des  Macdonald, 
à  Glencoe,  par  Campbell,  de  Glenlyon,  approuvé  par  le 
roi  dans  le  but  de  jeter  la  terreur  parmi  les  Highlanders, 
indigna  tout  le  monde  et  convertit  beaucoup  d'indifférents 
au  parti  jacobite. 

Il  était  réservé  à  la  reine  Anne  d'opérer  cette  union 
intime  des  deux  royaumes,  qui  avait  été  le  rêve  de  tant  de 
souverains,  depuis  Edouard  P^  jusqu'à  Cromwell.  Ce  ne 
fut  pas  sans  difficulté.  L'Ecosse  s'était  crue  lésée  par  la  poli- 
tique anglophile  de  Guillaume  ;  elle  paraissait,  au  contraire, 
toute  prête,  au  commencement  du  xviii^  siècle,  à  assumer 
une  attitude  séparatiste.  Il  fallut  toute  l'habileté  de  Queens- 
berry  pour  décider  le  Parlement  écossais  à  désigner,  en 
1705,  31  commissaires  pour  élaborer  de  concert  avec 
31  commissaires  du  Parlement  anglais  un  plan  d'union  des 
deux  royaumes  en  toute  matière  autre  que  l'organisation 
ecclésiastique.  Les  62  délibérèrent  à  Whitehall  du  16  avr. 
au  23  juil.  Ils  décidèrent  sagement  de  laisser  de  côté  les 
lois  civiles  ;  chaque  pays  garderait  les  siennes,  camme  il  gar- 
derait son  Eglise.  Le  traité  d'union  stipula  seulement  :  1^  que 
les  deux  couronnes  ne  seraient  plus  séparées  et  iraient,  après 
la  mort  de  la  reine  Anne,  aux  descendants  hanovriens  de 
l'électrice  Sophie  ;  2^  que  le  libre-échange  régirait  désor- 
mais les  rapports  commerciaux  des  deux  royaumes  ;  3^^  uni- 
fication des  systèmes  d'impôts  et  des  dettes  nationales; 
4°  45  représentants  de  l'Ecosse  seraient  admis  à  la  Chambre 
des  communes,  et  16  pairs  d'Ecosse  (élus)  à  la  Chambre 
des  lords.  Cette  union  était  assurément  avantageuse  aux  deux 
parties  contractantes;  mais  les  Ecossais  de  1705  ne  la  rati- 
fièrent point  avec  enthousiasme  :  l'orgueil  national, la  crainte 
d'une  absorption  prochaine  et  d'autres  raisons  qu'on  ima- 
gine aisément  devaient  l'empêcher  d'être  populaire.  L'Ecosse 
n'en  pouvait  tirer  profit  que  dans  un  avenir  éloigné  (par 
l'augmentation  de  son  industrie  et  de  son  commerce),  et 
elle  perdait  en  attendant  beaucoup  de  choses  qui  lui  étaient 
chères.  Il  y  eut  une  forte  opposition  à  la  ratification  de 
l'acte  d'union,  tant  de  la  part  des  jacobites  que  de  la  part 
des  démocrates  à  demi  républicains  dont  Fletcher  de  Salton 
était  le  leader.  L'acte  d'union  ne  fut  voté  par  le  dernier 
Parlement  écossais  qu'à  une  majorité  de  41  voix  (69  contre 
LIO),  quelle  qu'eût  été  la  pression  ministérielle.  Il  entra 
en  vigueur  le  1^^  mai  1707.  Un  secrétaire  d'Etat  pour 
l'Ecosse  dirigea  dès  lors  (jusqu'en  1746;  charge  ressus- 
citée  en  1885),  de  Londres,  les  affaires  écossaises. 

Les  jacobites,  au  xviii^  siècle,  essayèrent  deux  fois  de 
faire  revivre  au  profit  des  descendants  de  Jacques  II  l'indé- 
pendance de  l'Ecosse.  Les  Highlands  furent  ainsi  une 
Vendée  jacobite.  La  première  rébellion  eut  lieu  en  1715; 
Argyll  l'apaisa  par  sa  facile  victoire  de  Sherilfmuir  sur  le 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —    XV. 


comte  de  Mar.  La  seconde  dirigée  par  le  jeune  prétendant, 
Charles-Edouard,  ressembla  à  un  roman  d'aventures. 
Charles-Edouard,  en  1746,  prit  Edimbourg,  et,  renforcé 
par  quelques  catholiques  anglais,  s'avança  jusqu'à  Derby 
sur  le  chemin  de  Londres.  Il  fut  encore  vainqueur  à  Fal- 
kirk,  mais  la  bataille  de  Culloden  (16  avr.)  détruisit  sa 
fortune.  H  s'enfuit  aux  Hébrides,  puis  en  France.  Après 
Culloden,  les  jacobites  furent  décimés  avec  une  impitoyable 
sévérité.  Les  souvenirs  de  Culloden  et  de  Glencoe  ont 
empêché  bien  longtemps  les  Celtes  des  Highlands  de  se 
réconcilier  avec  la  dynastie  protestante.  Ils  s'y  sont  rési- 
gnés pourtant,  surtout  à  partir  du  moment  où,  sous  Pitt, 
ils  furent  organisés  en  régiments  et  contribuèrent,  aux  Indes 
et  au  temps  de  Napoléon  P"",  à  tant  de  victoires  anglaises. 
—  A  la  fin  du  xvni^  siècle,  le  jacobitisme  n'était  déjà  plus 
qu'une  conviction  littéraire.  D'innombrables  satires  ridi- 
culisèrent alors  ces  lourdes  brutes,  les  Hanovriens,  les  Cove- 
nanters,  en  les  opposant  aux  partisans  élégants  et  héroïques 
du  jeune  Edouard.  Le  légitimisme  finit  en  Ecosse  par  des 
légendes  et  des  chansons. 

Les  craintes  des  patriotes  écossais  à  la  veille  de  l'acte 
d'union  ont-elles  été  justifiées  depuis  deux  siècles?  —  «  On 
a  laissé  de  côté,  disait  Fletcher  de  Salton,  l'organisation 
ecclésiastique  ;  eh  bien,  quand  l'union  sera  faite,  l'Eglise 
presbytérienne  sera  peu  à  peu  atteinte  et  lésée.  »  Cette 
prophétie  s'est  réalisée.  Dans  les  dernières  années  du  règne 
d'Anne,  le  parti  tory  restaura  en  Ecosse,  malgré  les  pro- 
testations des  presbytériens,  le  droit  de  patronage,  et  ac- 
corda la  liberté  de  conscience  et  de  culte  aux  épiscopaliens. 
Cette  question  du  patronage  est  restée  brûlante  pendant  un 
siècle.  Il  est  question  aujourd'hui  de  «  désétablir  »  l'Eglise 
presbytérienne,  du  reste  fort  affaiblie  par  des  sécessions 
répétées.  —  «  La  représentation  de  l'Ecosse  à  Westminster, 
ajoutait-on,  sera  insuffisante.  »  Elle  l'a  été  longtemps,  à 
cause  des  vices  de  la  procédure  électorale  et  du  caractère 
de  l'électorat.  En  ce  siècle,  la  franchise  a  été  fort  étendue; 
la  représentation  du  peuple  écossais  n'est  plus  fictive,  et  les 
représentants  de  l'Ecosse  ont  un  vif  sentiment  de  leur  soli- 
darité :  beaucoup  d'entre  eux  sont  partisans  du  home  rule, 
non  seulement  pour  l'Irlande,  mais  pour  le  pays  de  Galles 
et  pour  leur  patrie.  —  Quant  aux  avantages  à  longue 
échéance  que  l'union  promettait,  ils  ont  été  considérables. 
Le  peuple  écossais,  qui  a  conservé  de  nos  jours  sa  phy- 
sionomie à  part,  son  Eglise,  son  droit  civil,  son  système 
d'instruction  publique  original,  depuis  les  plus  humbles 
écoles  jusqu'aux  universités,  voire  son  dialecte  et  sa  litté- 
rature propres,  a  été  convié  par  l'Angleterre  à  partager 
avec  elle  l'empire  de  domaines  coloniaux  immenses,  de  la 
mer,  de  l'industrie  et  du  commerce.  Toujours  les  pauvres 
montagnards  d'Ecosse,  laborieux  et  actifs,  ont  cherché  à 
l'étranger  des  débouchés  pour  leur  énergie,  comme  mis- 
sionnaires du  christianisme  au  temps  de  Columban,  de  la 
science  au  temps  de  Charlemagne,  comme  soldats  pendant 
la  guerre  de  Cent  ans  :  l'Angleterre  leur  a  ouvert  l'Amé- 
rique, l'Australie,  le  Cap  et  les  Indes.  Aidée  par  les  capi- 
taux et  les  exemples  anglais,  l'Ecosse  elle-même  est  devenue 
riche.  Glasgow  est  une  des  capitales  industrielles  de  la 
Grande-Bretagne  :  la  Clyde  rivalisa  avec  la  Mersey.  L'An- 
gleterre, enfin,  a  fait  profiter  les  poètes  nationaux  de 
l'Ecosse,  Burns,  Walter  Scott  ;   ses  historiens,  Gibbon, 
Burton,  Carlyle  ;    ses  philosophes  et   ses   économistes, 
Adam  Smith,  Thomas  Reid,  etc.,  de  l'audience  dont  sa 
langue  jouit  dans  le  monde.  Quelle  différence  entre  l'Ecosse, 
qui  a  accepté  franchement  un  acte  d'union  honorable, 
et  l'Irlande,  qui,  traitée  en  pays  d'exploitation,  ne  s'est 
débarrassée  de  la  tyrannie  que  pour  vouloir  l'indépen- 
dance, l'indépendance  dans  la  pauvreté  et  peut-être  dans 
l'anarchie.  Ch.-V.  Langlois. 

Eglise  d'Ecosse  (V.  Église  d'Ecosse). 
Littérature  (V.  Angleterre). 
Beaux- Arts  (V.  Angleterre). 
Numismatique.  —  Les  premières  monnaies  nationales 
de  l'Ecosse  ne  remontent  pas  au  delà  du  x^  siècle  de  notre 

33 


ECOSSE  -  ÉCOUEN 


-  514  — 


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ère;  auparavant,  on  peut  dire  que  le  monnayage  écossais, 
s'il 'exista,  se  confond  avec  celui  du  royaume  saxon  de 
Northumberland  ou  avec  celui  qu'on  attribue  aux  rois  des 
îles  Hébrides,  Anegmund  et  Somerled.  Sur  certains  deniers 
très  barbares,  quelques  savants  croient  reconnaître  les  noms 
des  rois  écossais  Malcolm  III  et  Donald  VIII,  mais  ces  attri- 
butions sont  bien  conjecturales;  on  peut  en  dire  presque 
autant  des  deniers  qu'on  classe  à  Alexandre  P^  On  n'arrive 
à  une  certitude  scientifique  qu'avec  les  monnaies  de  David  P"" 
(1 124-11 33)  qui  sont  nombreuses  et  d'une  lecture  indu- 
bitable. Ce  sont  des  deniers  fort  semblables  aux  deniers 
anglais  contemporains.  Au  droit,  on  lit  DAYIT  REX,  autour 
de'la  tète  royale;  au  revers  est  le  nom  de  l'atelier  et  du 
monnayer,  autour  d'une  croix  cantonnée  d'annelets.  Les 
mêmes  types  persistent  sous  les  règnes  postérieurs:  devant 
la  tête  du  roi,  il  y  a  un  sceptre  fleuronné,  et  la  croix  du 
revers  coupe  la  légende  en  quatre  tronçons.  Les  ateliers  qui 
frappent  monnaie  sont  Berwick,  Edimbourg,  Perth  et  Rox- 
burgh.  Alexandre  III  (1249-1283)  est  le  premier  qui  émit, 
outre  le  denier  (penny),  des  oboles  et  des  farthings  (un 
quart  de  denier).     Le    premier  à   son  tour,    David   II 
(1329-1371)  fit  frapper  des  monnaies  d'or,  à  l'imitation 
des  rois  d'Angleterre  :  ce  sont  des  nobles  d'or  à  la  légende 
DAVID  DEI  GRA  •  REX  SGOTORVM  et  représentant  le  roi 
sur  une  salère.  Au  revers,  une  croix  très  ornée,  avec  la 
légende  ÛC  •  A  VTEM  TRANSIENS  P  •  MEDIVM  •  ILLORVM- 
IBAT.  Bientôt,  sous  les  règnes  suivants,  les  espèces  d'or 
se  multiplient;  sous  Robert  II  parait  le  Saint-André  repré- 
sentant le  saint  les  bras  en  croix;  viennent  ensuite  les 
pièces  dénommées  d'après  leurs  types,  le  lion,  le  rider, 
l'unicorne  ou  licorne,  l'écu,  la  pièce  au  chapeau,  le  ryal, 
la  couronne,  le  sceptre,  l'ange,  la  pistole,  le  dollar  à  l'épée, 
le  dollar  au  chardon.  La  monnaie  d'argent  comprend,  à 
partir  du  xiv"^  siècle,  des  gros,  des  demi-gros,  des  deniers, 
des  demi-deniers,  des  oboles  et   des  farthings,  jusqu'au 
règne  de  Marie  (1342-1367).  Le  buste  royal,  au  lieu  d'être 
deVofi^est  souvent  de  face.  Sous  Marie  apparaît  le  teston 
et  le  ryal  avec  leurs  divisions;  la  couronne  d'argent  est 
adoptée  en  1363;  puis  vient  le  marc  d'argent  et  d'autres 
espèces.   Sous   Jacques  VI,  les  pièces  d'argent  sont  très 
nombreuses.  On  distinguait  d'ailleurs  avec  beaucoup  de 
soin  la  monnaie  d'argent  ou  monnaie  blanche  de  la  monnaie 
de  billon  ou  monnaie  noire  :  cette  dernière  n'était  en 
Ecosse,  comme  dans  les  autres  pays,  qu'un  acheminement 
à  la  monnaie  de  cuivre.  La  monnaie  de  cuivre  écossaise 
commence  sous  Jacques  III  (1460-1488)  avec  des  farthings 
de  cuivre  au  type  de  la  croix  de  Saint- André  ;  à  partir  de 
Jacques  VI  (1367-1623),  il  y  a  le  denier  (penny)  et  ses 
multiples  ou  ses  divisions,  le  turner,  le  bawbee,  le  bodle, 
le  atkinson,  le  plack,  le  hardhead.  Jacques  VI,  étant  devenu 
roi  d'Angleterre,  continua  à  faire  frapper  des  monnaies 
écossaises  :  ces  monnaies  sont,  au  point  de  vue  des  types, 
pareilles  à  celles  que  le  même  prince  faisait  frapper  en 
Angleterre.  Mais  ce  qui  les  distingue,  c'est  que  l'écusson 
qui' y  figure  est  écartelé  aux  1   et  4  d'Ecosse,  au  2  de 
France-Angleterre  et  au  3  d'Irlande.  En  1707,  lorsque  les 
deux  royaumes  d'Angleterre  et  d'Ecosse  furent  réunis  en 
une  seule  monarchie,  la  monnaie  écossaise  cessa  d'être 
émise  :  on  la  retira  du  commerce  pour  l'envoyer  au  creuset. 
Guillaume  d'Orange  (1694-1702)  est  le  dernier  prince  qui 
fit  frapper  des  monnaies  écossaises.  E.  Babelon. 

BiBL.  :  GÉOGRAPHIE.  —  SINCLAIR,  Stalistical  View  of 
ScoUand;  Edimbourg,  1794-1796,  21  vol.  ;  abrégé  en  2  vol.; 
Kdimbouro-,  1823.—  Playfair,  Geoçjrapliical  and  btatis- 
iical  Descmptlon  of  Scotland;  Edimbourg,  1819. -Logan, 
The  Scotlisfi  Gael;  Inverness,  1877.—  V.  aussi  le  t.  IV  de 
la  Géograjyhie  universelle  d'Elisée  Reclus,  les  guides  de 
Black,  de  Murray.  ^    ^ 

Histoire.—  Histoires  d'Ecosse  de  Buciianan,  Burton, 
RoBERïSON.  -  John  Mac-Intosch,  The  History  of  Civili- 
83Ltion  in  Scotland;  Aberdeen,  1878-1888,  4  vol.  in-8.—  Duc 
d'ARGYLL,  Scotland  as  it  is  and  as  it  was;  Edimbourg, 
1887  2  vol.  in-8.  —  Œ.-J.-C.  Mackay,  dans  Encyclopedia 
Braan722ca, XXI, 471-520,  et  les  ouvrages  cités  au  cours  de 
l'article.  —  M.  Philippson,  Histoire  du  règne  de  Marie 
Stuart;  Paris,  1890,  in-8,  t.  I,  pp.  1-205.  -  Fr.  Michel,  ?es 
Ecossais  en  France  et  les  Français  en  Ecosse;  Pans,  1858, 


2  vol    in-8.  —  Scottish  Record  Publications.  —  Teulet, 
Relations  de  la  France  et  de  V Espagne  avec  l'Ecosse. 

Numismatique.—  A.  de  Cardounel,  A  umisma^aSco^œ; 
Fdimbourf^,  1786,  in-4.  —  Cochran-Patrick,  Records  of  the 
Coinaqeof  Scotland;  Edimbourg,  1876,  2  vol.  in-4.-  Edw. 
BuRNS,  The  Coinage  of  Scotland;  Edimbourg,  1887,  3  vol. 
in-i.  —  J.-D.  Rob'ertson,  Handbook  to  the  Coinage  of 
Scotland  ;  Londres,  1878,  in-4. 

ECOSSE  (Nouvelle-)  (V.  Nouvelle-Ecosse). 
ECOT.  Com.  du  dép.  du  Doubs,  arr.  de  Montbéliard , 
cant,  de  Pont-de-Roide  ;  394  hab. 

ÉCOT.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Marne,  arr.  de  Chau- 
mont,  cant.  d'Andelot;  187  hab. 

ÉCOTAY-l'Olme.  Com.  du  dép.  de  la  Loire,  arr.  et  cant. 
de  Montbrison;  507  hab. 

ÉCOTS.  Com.  du  dép.  du  Calvados,  arr.  de  Lisieux, 
cant.  de  Saint-Pierre-sur-Dives  ;  193  hab. 

ECO  U  AIL  LES.  Nom  donné  aux  laines  provenant  de 
moutons  abattus,  quelle  qu'en  soit  du  reste  la  provenance . 
ECOUCHARD-Lebrun  (V.  Lebrun). 
ÉCOUCHÉ.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  l'Orne,  arr. 
d'Argentan,  dans  une  plaine  entre  l'Orne,  la  Cance  et 
rUdon;  4,453  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  de  l'Ouest, 
ligne  de  Paris  à  Granville.  Haras;  commerce  important  de 
chevaux,  de  laines  et  de  farines  ;  fabrique  de  tissus  ;  tan- 
nerie; teinturerie;  carrières  de  pierres;  marne.  Eglise 
inachevée,  mélange  de  style  gothique  et  de  la  Renaissance. 
Hospice  dont  la  chapelle  conserve  un  curieux  retable  de 
pierre  sculptée  et  peinte. 

ÉCOUEN  [Iticiniscoa,  Esconium),  Ch.-l.  de  cant.  du 
dép.  de  Seine-et-Oise,  arr.  de  Pontoise;  4,360  hab.  Stat. 
du  chem.  de  fer  de  Paris  à  Beauvais  par  Beaumont.  On 
trouve  Ecouen  mentionné  en  632  sous  le  nom  à'Iticiniscoa 
dans  un  acte  par  lequel  Dagobert  P^  donne  ce  village  à 
l'abbave  de  Saint-Denis.  Au  xi^  siècle,  la  terre  appartenait 
aux  sires  de  Montmorency,  qui  y  firent  sans  doute  élever 
un  château  fort.  Vers  4540,  le  connétable  Anne  de  Mont- 
morency confia  à  l'architecte  célèbre  Jean  Bullant  (V.  ce 
nom)  la  construction  du  château  actuel,  qui  passe  à  juste 
titre  pour  un  des  meilleurs  spécimens  de  l'art  de  la  Renais- 
sance. Bien  que  mutilé  en  4787,  sous  prétexte  de  restau- 
ration, ce  bel  édifice  se  compose  encore  aujourd'hui  de  trois 
corps  de  bâtiment  (il  formait  auparavant  un  quadrilatère), 
dont  le  sty+e  est  fort  remarquable.  On  ne  saurait  mieux  le 
comparer  *qu'aux  parties  des  châteaux  de  Blois,  de  Cham- 
bord  et  de  Chaumont  (Y.  ces  mots)  qui  datent  du  même 
temps.  Comme  dans  ces  deux  derniers,  notamment,  l'ar- 
chitecture militaire  du  moven  âge  se  trahit  encore  par 
l'existence  de  larges  fossés  et  de  tourelles  flanquant  l'édi- 
fice ;  mais  ce  qu'il  y  a  d'un  peu  rude  dans  ce  système  de 
défense,  plus  apparent  que  réel,  est  corrigé  de  la  façon  la 
plus  heureuse  par  l'élégance  des  constructions.  La  façade  qui 
a  disparu  devait  être  charmante;  elle  se  composait  d'un 
avant-corps  s'élevant  à  la  hauteur  de  trois  étages  et  sur- 
monté d'un  attique  dans  l'évidement  duquel  était  la  ^atue 
équestre  d'Anne  de  Montmorency.  Jean  Goujon,  Paul  Ponce, 
Bernard  Palissy  contribuèrent  à  embellir  le  château  ;  les 
Captifs  enchaînés  de  Michel-Ange,  qui  sont  maintenant 
au  Louvre,  s'v  vovaient  jadis  ;  la  chapelle  montre  encore  ses 
mosaïques,  qui  sont  peut-être  l'œuvre  de  Pahssy,  et  les 
peintures  de  ses  voûtes. 

Avec  la  Révolution,  le  château  d'Ecouen  devint  domaine 
national.  On  l'eût  démoli  sans  l'intervention  opportune  de 
l'évêque  Grégoire.  H  fut  tranformé  alors  en  prison  militaire, 
puis  successivement  en  hôpital,  en  prison  politique  et  en 
caserne.  En  4807, Napoléon  P'^  le  choisit  pour  être  l'une  des 
maisons  d'éducation  des  filles  de  légionnaires,  avec  M^^Cam- 
pan  pour  directrice.  En  4844,  le  château  fut  rendu  au 
prince  de  Condé,  et  les  pensionnaires  transférées  à  Saint- 
Denis;  en  4830,  le  prince  le  donnait  au  duc  d'Aumale 
avec  une  rente  de  400,000  fr.,  à  la  charge  d'y  faire  élever 
cent  fils  de  chevaliers  de  Saint-Louis  ayant  servi  dans 
l'armée  de  Condé.  Cette  disposition  fut  annulée  peu  après. 
La  Légion  d'honneur  est  rentrée  en  possession  d'Ecouen 


-  515  - 


ÉCOUEN  —  ÉCOULEMENT 


depuis  1838;  toutefois  les  pensionnaires  n'y  revinrent  qu'au 
mois  de  mai  1851.  L'église,  dédiée  à  saint  Acheul,  est  aussi 
un  remarquable  édifice  de  la  Renaissance,  reconstruit  presque 
entièrement  en  1545  aux  frais  d'Anne  de  Montmorency. 
Jean  Bullant  y  fut  inhumé  le  10  oct.  1578;  malheureu- 
sement la  pierre  tombale  qui  recouvrait  ses  restes  a  disparu, 
et  l'on  ignore  quel  sort  elle  a  subi.    Fernand  Bournon. 

BiBL.  :  L'abbé  Lebeuf,  Histoire  du  diocèse  de  Paris, 
t.  II,  pp.  180-186  de  Téclit.  de  1883.  —  Uabbé  Chevalier, 
curé  d'Ecouen,  Ecouen,  la  paroisse^  le  château^  la  maison 
d'édiicatio7i  ;  Versailles,  1865,  in-18.  —  Bonneville  de 
Marsangy,  M^^  Campan  à  Ecouen  ;  Paris,  1879,  in-8. 
—  V.  aussi  au  t.  VI  des  Archives  de  l'art  français,  pp. 
805-339,  une  dissertation  portant  ce  titre  :  Jean  Bullant, 
architecte  du  connétable  de  Montmorency.  Actes  extraits 
des  registres  de  la  7nairie  d'Ecouen  (1556-1518),  commu- 
îiiqués  par  MM.  Emile  Regnard  et  Jacquin,  avec  une 
notice  de  M.  A.  de  Montaiglon  sur  la  biographie  de  Jean 
Bullant.,  sur  la  bibliographie  de  ses  livres,  sur  la  date  de 
la  construction  du  château  dEcouen,  sur  la  part  que  Jean 
Goujon  peut  y  avoir  eue,  et  sur  la  grotte  rustique  faite 
par  Bernard  Palissy  pour  le  connétable, 

ÉCOUFLANT.  Com.  du  dép.  de  Maine-et-Loire,  arr.  et 
cant.  (N.-E.)  d'Angers,  au  confluent  de  la  Sarthe  et  delà 
Mayenne;  948  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  de  l'Ouest, 
ligne  du  Mans  à  Angers.  Château  d'Eventard,  ancienne 
résidence  des  évoques  d'Angers.  Ruines  de  l'abbaye  cister- 
cienne du  Perray-aiix-Nonnams^  fondée  au  xiii^  siècle. 
Champ  de  courses. 

ÉCOUIS.  Com.  du  dép.  de  l'Eure,  arr.  des  Andelys, 
cant.  de  Fleury-sur-Andelle  ;  880  hab.  C'est  un  marché 
agricole  assez  important.  L'église  paroissiale  est  une  collé- 
giale fondée  (1310)  par  Enguerrand  de  Marigny,  lequel 
y  fut  enseveli.  C'est  un  édifice  intéressant  du  style  gothique. 
Les  fenêtres  sont  terminées  par  des  rosaces  à  quatre  lobes, 
sauf  aux  extrémités,  où  sont  des  rosaces  à  six  lobes.  Les 
deux  clochers  font  grand  effet,  en  raison  de  l'heureuse 
situation  de  l'église.  Le  tombeau  d'Enguerrand  a  été 
détruit,  mais  celui  de  son  frère  Jean  de  Marigny  (statue  en 
marbre  blanc,  sur  tombe  en  marbre  noir)  a  été  conservé. 

ÉCOULEMENT.  I.  Technologie.  —  La  rupture  par 
cisaillement  ou  glissement  des  corps  solides  présente,  avec 
la  rupture  par  extension,  une  différence  notable.  Dans  cette 
dernière,  les  particules  du  corps  rompu,  qui  se  détachent 
de  leurs  voisines,  se  trouvent  en  même  temps  séparées  de 
toutes  les  autres  et  la  rupture  se  traduit  par  une  disjonc- 
tion complète  des  deux  parties.  Dans  la  rupture  par  cisaille- 
ment, au  contraire,  les  particules  de  l'une  des  portions  du 
corps  se  séparent  bien  des  particules  correspondantes  de 
l'autre  partie,  mais  elles  restent,  par  rapport  aux  voisines, 
à  des  distances  comparables,  de  sorte  que  le  soHde  ne  subit 
pas,  tout  d'abord,  une  disjonction  définitive.  Le  phénomène 
offre  quelque  analogie  avec  ce  qui  se  passerait  dans  un 
liquide  :  l'une  des  parties  du  corps  continuant  à  se  déplacer 
par  rapport  à  l'autre  sans  s'en  éloigner,  à  la  manière 
d'une  couche  liquide  qui  s'écoulerait  sur  une  couche  infé- 
rieure. L'effort  n'augmente  plus  avec  le  déplacement  qui, 
une  fois  commencé  sous  un  effort  déterminé,  continue  à 
se  produire  sous  le  même  effort.  Les  phénomènes  d'écou- 
lement des  solides,  étudiés  d'abord  par  Tresca,  se  rat- 
tachent donc  d'une  façon  tout  à  fait  intime  à  ceux  de  rup- 
ture par  cisaillement.  Lorsqu'un  corps  solide,  sous  l'action 
d'une  forte  pression  extérieure,  acquiert  ainsi  des  caractères 
de  plasticité,  de  telle  manière  que  les  particules  qui  le 
constituent  gHssent  les  unes  sur  les  autres  sans  se  séparer, 
l'effort  tangentiel,  sur  chacun  des  points  où  le  glissement 
se  fait  sentir,  est  égal  à  celui  qui  produit  la  rupture  par 
cisaillement.  En  soumettant  à  de  très  fortes  pressions  des 
sohdes  de  diverses  natures  :  matières  plastiques,  telles  que 
les  pâtes  céramiques  ;  matières  pulvérulentes,  comme  les 
grès;  matières  grenues,  telles  que  le  plomb  de  chasse; 
matières  plus  ou  moins  compactes,  comme  le  plomb,  le  fer, 
l'acier,  Tresca  est  arrivé  à  constater  pour  les  solides  forcés 
par  la  pression  à  passer  à  travers  des  ouvertures  prati- 
quées dans  une  enveloppe  rigide,  des  lois  d'écoulement 
pareilles,  comme  nous  le  disions  plus  haut,  à  celles  qui 


régissent  l'écoulement  des  liquides.  Il  a  même  observé  dans 
les  solides  les  phénomènes  de  torsion  et  de  contraction  de 
la  veine,  tels  qu'on  les  remarque  dans  l'écoulement  des 
liquides.  L'auteur  a  tiré  de  ses  expériences  des  consé- 
quences remarquables  concernant  les  phénomènes  géolo- 
giques ;  il  en  a  déduit  aussi  des  applications  intéressantes 
relativement  aux  métaux  étirés  sous  le  laminoir  ou  étendus 
sous  le  marteau.  L.  Knab. 

II.  Physique.  —  Ecoulement  des  gaz.  —  L'écoulement 
des  gaz  est  un  phénomène  dont  les  lois  varient  considérable- 
ment avec  la  nature  du  chemin  que  les  gaz  ont  à  suivre  pour 
s'écouler.  Ainsi,  un  cas  simple  et  très  intéressant  étudié  à 
l'art.  Diffusion  consiste  dans  l'écoulement  à  travers  un  ori- 
fice infiniment  étroit  percé  dans  une  cloison  infiniment  mince. 
Le  passage  des  gaz  à  travers  diverses  substances  poreuses, 
qui  a  reçu  le  nom  de  transpiration  ou  de  diffusion  selon  la 
nature  de  la  substance,  donne  lieu  à  des  résultats  plus 
compliqués,  étudiés  dans  le  même  article.  Nous  ne  nous 
occuperons  ici  que  des  principaux  phénomènes  présentés 
par  l'écoulement  des  gaz  dans  les  tuyaux.  Lorsqu'un  gaz 
s'écoule,  le  vase  qui  le  contient  éprouve  une  réaction  de 
sens  contraire  ;  c'est  ainsi  que  l'écoulement  des  gaz  produit 
dans  la  déflagration  de  la  poudre  donne  à  la  fusée  où  elle 
se  produit  un  mouvement  de  recul  qui  lui  permet  de  s'élever 
dans  les  airs.  Lorsqu'un  gaz  s'écoule  d'un  orifice  d'une  façon 
continue,  il  constitue  une  veine  gazeuse  analogue  à  la  veine 
liquide,  présentant  comme  elle  une  section  contractée  située 
à  une  petite  distance  de  l'embouchure,  puis  des  renflements 
animés  de  mouvements  vibratoires.  Ces  phénomènes  peu- 
vent être  mis  en  évidence  soit  par  l'emploi  de  gaz  colorés, 
l'acide  hypoazotique  par  exemple,  qui  est  d'un  rouge  foncé, 
soit  en  mettant  en  suspension  dans  le  gaz  de  la  poudre  de 
lycopode  très  fine;  la  fumée  du  tabac  peut  aussi  être  em- 
ployée dans  cette  expérience.  Lorsque  l'écoulement  est 
brusque,  plus  ou  moins  analogue  à  une  explosion,  le  gaz 
sort  sous  forme  d'une  couronne,  d'un  tore,  animé  de  mou- 
vements de  translation  et  de  rotation  ;  cet  aspect  se  ren- 
contre constamment  avec  les  bulles  de  phosphure  d'hy- 
drogène qui  s'enflamment  à  l'air  et  quelquefois  dans  la 
vapeur  lancée,  dans  un  air  calme,  par  les  cheminées  des 
locomotives.  On  peut  reproduire  aisément  ce  phénomène 
en  emplissant  sa  bouche  de  fumée  de  tabac,  l'ouvrant  un 
peu  et  en  frappant  légèrement  sur  sa  joue  :  il  sort  alors 
une  bouffée  qui  affecte  souvent  cette  forme  d'anneau. 

L'écoulement  des  gaz  dans  les  tuyaux  présente  des  phé- 
nomènes de  pression  remarquables  :  souvent  la  pression 
exercée  sur  les  parois  de  l'ajutage  est  moindre  non  seule- 
ment que  celle  que  possède  le  gaz  dans  le  réservoir,  mais 
même  que  celle  de  l'atmosphère  dans  le({uel  s'écoule  le  gaz. 
Quand  on  dirige,  d'autre  part,  un  jet  gazeux  sortant  d'une 
lame  plane  contre  une  autre  lame  plane,  celle-ci  éprouve, 
selon  sa  distance  à  l'orifice,  des  répulsions  ou  des  attrac- 
tions :  quand  la  lame  est  placée  très  loin,  il  y  a  répulsion 
faible  ;  cette  répulsion  augmente  quand  la  distance  à  l'orii 
fice  diminue,  conformément  à  ce  que  l'on  pouvait  prévoir; 
mais  ensuite,  pour  une  distance  assez  petite,  la  répulsion 
diminue,  se  change  même  en  une  attraction.  Ce  phénomène 
curieux,  signalé  d'abord  par  Griflith,  a  été  étudié  par  Clé- 
ment Desormes,  qui  a  montré  qu'il  était  dû  à  ce  que,  à  une  cer- 
taine distance  de  l'orifice,  le  gaz  qui  s'écoule  entre  les  deux 
lames  possède  en  certains  points  une  tension  inférieure  à  la 
pression  atmosphérique  ;  l'attraction  observée  a  pour  mesure 
la  différence  entre  l'action  de  l'atmosphère  sur  toute  la  surface 
extérieure  de  la  lame  et  la  résultante  des  pressions  qu'exerce 
le  gaz  qui  s'écoule  sur  la  face  interne  de  la  même  lame. 

Vitesse  cV écoulement.  La  vitesse  d'écoulement  d'un  gaz 
est  l'espace  parcouru  pendant  une  seconde  par  une  molé- 
cule de  gaz  qui  conserverait  pendant  ce  temps  la  vitesse 
(définie  comme  en  mécanique)  qu'elle  possédait  au  moment 
où  elle  franchissait  l'orifice.  Bernouilli  a  appliqué  aux  gaz 

la  formule  v  =  sj^gh  donnée  par  TorricelH  pour  les  liquides, 
formule  dans  laquelle  v  représente  la  vitesse  d'écoulement, 


ÉCOULEMENT  -  ÉCOUVILLON 


—  516 


g  l'accélération  due  à  la  pesanteur  et  h  la  hauteur  d'une 
colonne  de  gaz  de  section  1  dont  le  poids  est  égal  à  la  diffé- 
rence des  pressions  P  —  P^  du  gaz  dans  le  réservoir  et  du 
milieu  où  il  s'écoule.  Cette  formule  devient  : 


:394 


^' 


P8 


a  étant  la  densité  du  gaz  à  la  température  de  l'expérience  ; 
on  déduit  de  là  que  la  vitesse  d'écoulement  de  l'air  dans 
le  vide  est  de  394  m.  par  seconde  et  celle  de  l'hydrogène 
de  1,500  m.  Cette  formule  de  Bernouilli  a  été  vérifiée  ex- 
périmentalement d'une  façon  assez  satisfaisante  pour  des 
différences  de  pression  ne  dépassant  guère  1  m.  d'eau. 
D'Aubuisson,  qui  a  étudié  l'écoulement  des  gaz  à  travers 
les  tuyaux  cylindriques,  a  trouvé  que  la  quantité  Q  de  gaz 
écoulé  était  alors  sensiblement  exprimée  par  la  formule  sui- 
vante :  • 


Q=z2279 


P  est  la  pression  du  gaz  en  colonne  de  mercure,  D  le  dia- 
mètre du  tuyau,  L  sa  longueur  et  (^  le  diamètre  de  l'orifice 
qui  a  laissé  échapper  le  gaz.  On  a  0  =  c?,  et  la  formule  se 
simplifie  un  peu  quand  le  tuyau  est  librement  ouvert  à 
l'air  par  son  extrémité.  L'écoulement  des  gaz  est  accom- 
pagné de  refroidissement  puisqu'il  provient  de  la  détente 
d'un  gaz;  l'abaissement  de  température  peut  être  calculé 
à  l'aide  des  formules  de  la  théorie  mécanique  de  la  chaleur 
(V.  Détente). 

Écoulement  des  liquides.  —  Il  y  lieu  de  distinguer 
plusieurs  cas,  selon  que  l'écoulement  a  lieu  avec  ou  sans 
frottement.  Ecoulement  par  un  orifice  percé  en  mince 
paroi.  On  peut  alors  considérer  comme  nul  le  frottement 
du  liquide  sur  l'épaisseur  de  la  paroi;  la  vitesse  d'écoule- 
ment est  alors  donnée  par  la  loi  suivante  énoncée  par  Torri- 
celli  :  la  vitesse  du  liquide  à  sa  sortie  est  égale  à  celle 
qu'aurait  un  corps  tombant  en  chute  libre  d'une  hauteur 
égale  à  la  distance  du  niveau  du  liquide  à  l'orifice  de  sortie, 
c.-à-d.,  si  l'on  désigne  par  v  cette  vitesse  et  par  h  cette 
hauteur,  on  a  z^  =  sj^.  Mariette  a  vérifié  cette  loi  et 
D.  BernouiUi  en  a  donné  le  premier  la  démonstration  théo- 
rique. Cette  formule  permet  de  résoudre  un  certain  nombre 
de  problèmes  relatifs  à  l'amplitude  des  jets  paraboliques 
qui  s'échappent  de  réservoirs  à  parois  minces,  quand  on 
néghge  la  résistance  de  l'air,  ou  à  la  dépense  d'eau  pendant 
un  temps  donné.  Ainsi,  l'on  peut  calculer  à  l'aide  de  cette 
formule  le  temps  nécessaire  pour  qu'un  vase  cylindrique 
contenant  de  l'eau  à  la  hauteur  h  se  vide.  Ce  temps  est 
égal  à 


-  étant  le  rapport  des  sections  du  vase  et  de  l'orifice.  Ce 

temps  est  le  double  de  celui  qu'il  aurait  fallu  employer 
pour  obtenir  la  même  quantité  d'eau  si  le  niveau  avait  été 
maintenu  au  niveau  constant.  Newton  a  observé  le  premier 
un  phénomène  important  présenté  par  les  veines  d'eau  ;  il 
a  montré  que  la  section  de  la  veine  va  en  diminuant  jus- 
qu'à une  certaine  distance  de  Torifice  qui  peut  égaler  et 
même  dépasser  le  diamètre  de  celui-ci,  et  la  section  con- 
tractée est  en  moyenne  les  deux  tiers  de  l'orifice.  On  a 
d'abord  attribué  ce  phénomène  au  frottement,  mais  on  a 
montré  qu'il  n'en  était  rien  et  qu'il  fallait  plutôt  l'attribuer 
à  la  tension  superficielle,  car,  si  l'on  dispose  une  expé- 
rience de  façon  que  le  jet  traverse  une  atmosphère  conte- 
nant des  vapeur  d'éther  ou  d'alcool  qui  diminuent  beaucoup 
le  tension  superficielle  en  se  dissolvant  en  petite  quantité 
dans  le  jet,  on  augmente  beaucoup  non  la  vitesse  d'écoule- 
ment, mais  la  quantité  d'eau  écoulée,  la  contraction  de  la 
veine  étant  moins  considérable.  Savart  a  montré  en  outre 


que  la  veine,  au  delà  de  la  section  contractée,  allait  en 
s' amincissant  légèrement  par  suite  de  l'accélération  due  à 
la  pesanteur  et  qu'elle  ne  possédait  une  transparence  qui  l'a 
fait  justement  comparer  à  une  tige  de  cristal  que  jusqu'à  une 
certaine  distance  de  l'orifice  ;  au  delà,  la  veine  se  trouble; 
elle  présente  une  série  de  ventres  et  de  nœuds  due  à  ce  que 
la  veine  se  brise  et  se  résout  en  gouttelettes  animées  de 
mouvements  vibratoires  qui  produisent  ces  renflements  et 
ces  nœuds.  Les  sons  musicaux  émis  dans  le  voisinage 
d'une  veine  changent  son  aspect  en  déplaçant  les  ventres. 
On  avait  autrefois  cherché  à  expliquer  la  résolution  de 
la  veine  en  goutelettes  par  l'accélération  de  la  pesanteur, 
mais  cette  cause  n'agit  que  pour  amincir  la  veine,  car  la 
résolution  en  goutte  se  fait  toujours,  que  le  jet  soit  dirigé 
vers  le  haut  ou  vers  le  bas.  Plateau  a  montré  par  ses  ex- 
périences sur  la  capillarité  qu'un  cylindre  liquide  ne  pou- 
vait subsister  dès  que  sa  longueur  atteignait,  par  rapport  à 
son  diamètre,  une  certaine  valeur  ;  il  se  réduit  alors  en 
gouttes  isolées  de  grosseurs  inégales. 

Les  écoulements  de  l'eau  par  des  ajutages,  dans  des 
tuyaux  ou  des  canaux,  sont  très  compliqués.  Quand  l'aju- 
tage est  un  cône  se  rétrécissant  d'une  forme  semblable  à 
la'  contraction  naturelle  de  la  veine,  la  dépense  est  peu 
changée  (diminuée  de  6  ^o  avec  un  cône  de  lo*").  Quand 
l'ajutage  est  cylindrique,  la  dépense  n'est  plus  que  les 
quatre-vingt-deux  centièmes  de  la  dépense  sans  ajutage. 
En  employant  comme  ajutage  un  cône  rétrécissant  suivi 
d'un  cône  divergent,  on  a  pu  tripler  la  dépense  (Yenturi). 
Si,  au  lieu  d'ajutages  toujours  courts  on  emploie  des  tuyaux, 
des  frottements  considérables  prennent  naissance  ;  ainsi, 
dans  un  tuyau  parcouru  par  un  courant  d'eau  d'une  vitesse 
V,  la  pression  n'est  pas  la  même  en  tous  les  points  ;  si  ou 
appelle  d  la  distance  de  deux  points,  S  la  surface,  C  le  pé- 
rimètre de  la  section,  on  a  pour  la  différence  des  pressions 
Pj^  —  P^  en  ces  points  : 

Pi-P,  =  ^(aV  +  èV2), 

a  et  b  étant  des  constantes.  A.  Joânnis. 

III.  Médecine  (V.  Blennorrhagie,  Flueurs  blanches, 
Leucorrhée,  Hémorragie,  Oreille,  etc.). 

BiBL.  :  Technologie.  —  Comptes  rendus  de  l'Académie 
des  sciences,  1861.  —  Mémoire  sur  le  poinçonnage  des  mé- 
taux et  la  déformation  des  corps  solides,  dans  Recueil  des 
savants  étrangers  de  l'Académie  des  scieiices,  1872,  t.  XX.  — 
Flamant,  Résistance  des  matériaux;  Paris,  1886. 

ÉCOURT-Saint-Quentin.  Com.  du  dép.  du  Pas-de-Ca- 
lais, cant.  de  Marquion;  4,890  hab. 

ÉCOUST-Saint-Mein.  Com.  du  dép.  du  Pas-de-Calais, 
arr.  d'Arras,  cant.  de  Croisilles;  779  hab. 

ÉCOUTE  (V.  Voile). 

ÉCOUTÈTE  (en  lat.  sciiltetus).  On  donnait  ce  nom  au 
moyen  âge  dans  les  pays  germaniques  et  spécialement  en 
Flandre  à  un  officier  seigneurial,  chargé  des  attributions 
judiciaires  et  de  police  qui,  en  France,  étaient  dévolues  aux 
prévôts  et  aux  baillis. 

ÉCOUVIEZ.  Com.  du  dép.  de  la  Meuse,  arr.  et  cant. 
de  Montmédy;  303  hab. 

ÉCOUVILLON  (Artill.).  L'écouvillon  est  un  instrument 
servant  à  nettoyer  et  à  graisser  l'âme  d'une  bouche  à  feu. 
Il  se  compose  d'une  hampe  en  bois  portant  à  l'une  de  ses 
extrémités  une  tête  en  paillets  lardés  (pour  le  nettoyage)  ou 
une  brosse  en  soies  de  porc  (pour  le  graissage)  ;  il  est  sou- 
vent terminé  à  l'autre  extrémité  par  une  tête  formant  re- 
fouloir  pour  décharger  la  pièce  s'il  y  a  lieu.  L'écouvillon 
des  canons  de  campagne  est  transporté  sous  l'affût  ;  pour 
écouvillonner  l'âme  de  la  pièce,  on  l'assemble  avec  le  re- 
fouloir.  Avec  les  pièces  se  chargeant  par  la  culasse,  il  n'est 
pas  nécessaire  d'écouvdlonner  pendant  le  tir,  à  moins  qu'on 
n'exécute  le  tir  en  blanc.  Avec  les  pièces  se  chargeant  par 
la  bouche,  cette  opération  se  faisait  après  chaque  coup  ; 
elle  était  indispensable  pour  nettoyer  l'âme  et  assurer  l'ex- 
tinction des  résidus  incandescents  avant  l'introduction  de 


—  M7  — 


ÉCOUVILLON  -  ÉCRAN 


la  nouvelle  charge.  Pour  écouvillonner,  la  lumière  étant 
bouchée  par  le  pointeur,  les  premiers  servants  enfonçaient 
la  brosse  jusqu'au  fond  de  l'âme,  tournaient  l'écouvillon 
trois  fois  dans  un  sens,  trois  fois  dans  l'autre  sens,  puis 
retiraient  l'écouvillon  sans  que  la  lumière  cessât  d'être 
bouchée  (V.  Doigtier). 

ÉCOUVOTTE.  Com.  dudép.  duDoubs,  arr.  de  Baume- 
les-Dames,  cant.  de  Roulans;  67  hab. 

ECO  Y  EUX.  Com.  du  dép.  de  la  Charente-Inférieure, 
arr.  de  Saintes,  cant.  de  Burie;  1,016  hab. 

ECPHANTE  DE  Syracuse,  philosophe  grec,  de  l'école 
pythagoricienne.  Nous  savons  peu  de  chose  sur  ce  phi- 
losophe ;  il  paraît  avoir  vécu  après  Philolaùs,  avoir  été 
contemporain  d'Archytas  de  Tarente  et,  selon  une  conjec- 
ture plausible  de  Boekh,  il  fut  le  disciple  de  cet  Hicétas 
de  Syracuse  qui  eut  le  premier  l'idée  du  mouvement  de  la 
terre  autour  de  son  axe.  Ecphante  modifia  notablement  la 
doctrine  de  Pythagore.  Trouvant  sans  doute  que  les  nombres 
et  les  unités  du  maître  étaient  des  principes  trop  abstraits, 
il  les  remplaça  par  des  atomes  conçus  comme  corporels, 
ayant  pour  attributs  la  grandeur,  la  forme  et  la  force.  Ces 
atomes  ne  tombent  pas  sous  les  sens  ;  ils  sont  séparés  par 
le  vide.  Malgré  ces  analogies  avec  la  philosophie  de  Démo- 
criie,  la  doctrine  d'Ecphante  en  est  fort  différente,  car, 
admirant  l'unité  du  monde,  ce  philosophe  l'expliquait  non 
par  des  causes  mécaniques,  mais  par  l'action  de  la  Provi- 
dence ;  par  là  il  se  rapprochait  d'Anaxagore.  Il  paraît  avoir 
écarté  la  théorie  de  la  pluralité  infinie  des  mondes,  et  il 
admit  avec  Hicétas  le  mouvement  de  la  terre  autour  de 
son  axe.  V.  Brochard. 

ECPHANTIDES,  poète  comique  d'Athènes,  du  vi*^  siècle 
av.  J.-C.  Il  fut  vraisemblablement  le  contemporain  plus 
âgé  de  Cratinos  qui  l'attaqua  dans  ses  comédies.  Il  lui  repro- 
chait de  se  faire  aider  pour  la  composition  de  ses  pièces,  par 
un  esclave  nommé  Chœrilus,  comme  Aristophane  accuse 
Euripide  d'avoir  usé  de  la  collaboration  de  son  esclave  Cé- 
phisophon.  C'est  encore  Cratinos  qui  donnait  à  son  rival  le 
nom  de  KaTuviaç,  l'homme  de  fumée,  probablement  à  cause 
de  l'obscurité  de  son  style.  On  connaît  le  titre  d'une  de  ses 
comédies,  Satupoi,  mais  nous  n'avons  de  lui  qu'un  petit 
nombre  de  fragments  insignifiants  ;  dans  l'un  d'eux  il 
déclare  abandonner  la  comédie  mégarienne,  sans  doute  à 
cause  de  la  grossièreté  de  ces  sortes  de  pièces  (V .  le  scho- 
liaste  d'Aristophane,  Gren.,  V,  151  et  lt82;  Meineke, 
Fragm.  Comicomm  Grœcorum,  1. 1,  pp.  35-38  ;  II,  pp.  12 
et  suiv.).  A.  W. 

ECQUEDECQUES.  Com.  du  dép.  du  Pas-de-Calais, 
arr.  de  Béthune,  cant.  de  Norrent-Fontes ;  454  hab. 

ECQUEMICOURT.  Com.  dudép.  du  Pas-de-Calais,  arr. 
de  Montreuil-sur-Mer,  cant.  de  Champagne-lès-Hesdin  ; 
134  hab. 

ECQUES.  Com.  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  de 
Saint-Omer,  cant.  d'iVire,  sur  un  affluent  de  la  Melde  ; 
1,381  hab.  Source  del'Eaubonne  jaillissant  de  puits  arté- 
siens creusés  au  xvii^  siècle.  Eglise  avec  clocher  roman. 

ECQUETOT.  Com.  du  dép.  de  l'Eure,  arr.  de  Louviers, 
cant.  du  Neubourg;  345  hab. 

ECQUEVILLY.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Oise,  arr.  de 
Versailles,  cant.  de  Meulan  ;  534  hab. 

ECQUEVILLY  (Armand -François  Hennequin,  mar- 
quis d'),  général  français,  né  à  Paris  le  30  sept.  1747, 
mort  à  Paris  le  9  sept.  1830.  Capitaine  du  vautrait,  il  de- 
vint, en  1774,  mestre  de  camp  du  Royal-cavalerie,  et  en 
1788  maréchal  de  camp.  Il  émigra  et  servit  dans  l'armée 
de  Condé,  où  il  exerça  les  fonctions  de  chef  d'état-major.  Il 
accompagna  le  prince  à  Saint-Pétersbourg,  s'établit  ensuite 
en  Hongrie  et  ne  revint  en  France  qu'en  1814.  Lieutenant 
général,  il  fut  nommé  pair  de  France  le  17  août  1815, 
présida  la  commission  qui  jugea  le  général  Gilly  en  1816 
et,  avant  sa  mise  à  la  retraite  (1819),  occupa  les  fonctions 
de  directeur  du  dépôt  de  la  guerre,  d'inspecteur  général  des 
ingénieurs  géographes,  de  président  du  comité  de  la  guerre. 


Il  a  écrit  :  Campagnes  du  corps  sous  les  ordres  du  prince 
de  Condé  (Pans,  18i8,  3  vol.  in-8).  H  avait  reçu  son 
titre  de  marquis  le  15  janv.  1821. 

ÉCRAINIER  (V.  Layetier). 

ECRAINVILLE.  Com.  dudép.  de  la  Seine-Inférieure, 
arr.  du  Havre,  cant.  de  Godervilie;  928  hab. 

ÉCRAIYIMEVILLE.  Com.  du  dép.  du  Calvados,  arr.  de 
Bayeux,  cant.  de  Trévières  ;  438  hab. 

ÉCRAN  (Ameubl.).  Meuble  portatif  qui  se  place  devant 
la  cheminée  pour  garantir  de  l'ardeur  du  feu.  L'usage  des 
écrans  remonte  à  une  date  reculée,  et  les  miniatures  des 
anciens  manuscrits  montrent  des  écrans  d'osier  placés  der- 
rière les  seigneurs  à  table,  en  face  des  cheminées  à  plusieurs 
âtres,  où  brûlaient  des  arbres  entiers  afin  de  réchauffer 
les  salles  immenses  des  châteaux.  L'écran  n'était  alors  qu'un 
ustensile  mobile  qui  ne  se  prêtait  à  aucune  décoration  artis- 
tique. Au  XVII®  siècle,  l'écran  devmtun  objet  de  luxe,  et  de 
portatif  il  devint  permanent.  Les  pieds  et  l'encadrement  en 
furent  délicatement  sculptés,  tandis  que  la  surface  était 
tendue  de  riches  étoffes  brochées  ou  brodées.  L'établissement 
de  la  manufacture  des  Gobelins  développa  le  luxe  des  écrans. 
En  même  temps  que  leurs  montants  étaient  sculptés  par  les 
plus  habiles  ornemanistes,  on  y  encadrait  des  panneaux  de 
tapisserie  dont  les  gracieux  motifs  étaient  dessinés  par 
Berain ,  par  Marot  et  par  Loir.  La  manufacture  de  basse- 
lisse  de  Beauvais  a  exécuté  des  garnitures  d'écran  qui  sont 


Ecran  en  tapisserie,  d'après   Boucher,  monture  en  bois 
sculpté  (xvin"  siècle). 

des  merveilles  de  goût  et  de  travail.  Les  Pastorales  de  Bou- 
cher succédèrent  aux  Arabesques  d'Audran  et  de  Gillot  qui 
avaient  remplacé  les  maîtres  de  l'école  de  Lebrun.  L'art  de 
Louis  XV  s'y  montre  moins  noble  et  moins  élégant  qu'au 
siècle  précédent ,  mais  il  rachète  cette  infériorité  de  style 
par  des  quaUtés  de  fantaisie  et  de  grâce  facile  qui  sont 
restées  sans  rivales.  Il  serait  impossible  d'énumérer  les 
transformations  que  l'ingéniosité  de  nos  artistes  et  de  nos 
ouvriers  avait  fait  subir  à  l'écran  vers  le  milieu  du  xviii«  siècle. 
On  ne  peut  connaître  toutes  les  recherches  du  mobilier  de 
ce  temps  qu'en  parcourant  les  gravures  de  Moreau  le  Jeune 
et  celles  qui  illustrent  les  ouvrages  contemporains.  Ce  ne 
sont  que  des  tables  à  écran,  des  écrans  à  coulisse,  des  écrans 


ÉCRAN  -  ÉCREVISSE 


—  518  — 


de  flambeau  ou  de  candélabre,  et  des  écrans  à  main  dont  il 
existe  de  charmants  modèles  publiés  par  Boucher,  par 
Marinier  et  par  Huquier.  La  sculpture  des  montants  suivait 
également  les  variations  du  goût  ;  après  avoir  été  décorée  de 
rocailles,  elle  prit  un  caractère  plus  régulier  dans  la  der- 
nière partie  du  règne  de  Louis  XV,  et  elle  devint  classique 
sous  le  règne  suivant.  Ranson  fut  alors  chargé  de  dessiner 
des  garnitures  d'écran  qu'il  décorait  de  fleurs  et  d'attributs 
pastoraux.  On  y  joignit  bientôt  des  médaillons  en  camaïeu 
et  des  arabesques  qui  rappelaient  les  peintures  murales 
antiques.  Les  cheminées,  en  diminuant  de  dimensions,  ont 
rendu  moins  nombreux  les  écrans  placés  devant  l'âtre,  mais 
l'usage  des  écrans  à  main  est  général,  et  le  Japon  inonde  les 
marchés  européens  de  ces  ustensiles  peints  sur  soie. 
ÉCRASEMENT.  I.  Construction.  — Ecrasement  des 

MÉTAUX,  DES  PIERRES  (V.  RÉSISTANCE  DES  MATÉRIAUX), 

II.  Chirurgie.  —  L'écrasement  linéaire  est  un  procédé 
de  destruction  des  tissus  qui  a  pour  effet  de  les  sectionner 
par  pression  et  avec  lenteur,  en  prévenant  les  hémorragies. 
L'écraseur  linéaire  de  Chassaignac,  le  ligateur  de  Maison- 
neuve  sont  utihsés  dans  ce  but.  L'écraseur  est  formé  d'une 
chaîne  articulée  qu'on  manœuvre  au  moyen  d'une  crémail- 
lère fixée  sur  une  tige  ou  vis.  Pour  l'appliquer,  on  embrasse 
la  base  d'une  tumeur  ou  des  portions  de  tumeur,  on  passe 
la  chaîne  ou  le  fil  de  fer  autour  d'elles  ;  on  endort  ensuite 
l'opéré  et  l'on  serre,  selon  la  vascularité  de  la  région,  en 
avançant  d'un  cran  ou  d'un  tour  de  vis  toutes  les  dix 
secondes,  toutes  les  minutes  ou  toutes  les  deux  minutes. 
Lorsqu'on  sent  une  résistance  vaincue,  les  organes  sont 
coupés.  Pour  enlever  l'instrument,  on  le  tourne  sur  lui- 
même  jusqu'à  ce  qu'il  se  détache.  Pendant  cette  manœuvre 
d'écrasement,  les  vaisseaux  s'oblitèrent  de  la  façon  suivante  : 
les  tuniques  artérielles  résistent  inégalement  aux  tractions, 
la  couche  interne  et  la  couche  moyenne  se  rompent  d'abord, 
se  rétractent  et  forment  un  bourrelet  qui  oppose  une  pre- 
mière digue  à  la  circulation  ;  la  couche  externe  celluleuse' 
s'étire,  s'effile  comme  un  verre  à  la  lampe  de  l'émailleur, 
et  les  tissus  se  fusionnent  en  véritable  cul-de-sac,  second 
obstacle  à  l'eff'usion  du  sang  (Forgue  et  Reclus).  D'après 
ces  auteurs,  malgré  ses  propriétés  hémostatiques  indiscu- 
tables, les  occasions  de  faire  l'écrasement  linéaire  se  sont 
bien  réduites,  grâce  au  perfectionnement  de  l'arsenal  chi- 
rurgical actuel.  Dans  une  cavité  étroite,  malaisée  à  atteindre, 
s'il  faut  sectionner  un  point  peu  accessible  on  très  vascu- 
laire,  l'écraseur  peut  l'emporter  sur  lethermo,  le  bistouri 
et  les  ciseaux  courbes.  C'est  le  cas  de  certains  polypes  de 
l'utérus,  des  fosses  nasales  ou  de  l'arrière-pharynx. 

D^  A.  COUSTAN. 

ÉCRASEUR  DE  PLATINE.  Instrument  employé  en  calo- 
rimétrie  (V.  ce  mot,  t.  VIII,  p.  974,  fig.  9). 

ÉCREHOU  (Iles).  Ilots  rocheux  situés  dans  la  Manche, 
entre  l'île  de  Jersey  et  la  côte  française  du  Cotentin,  vis-à- 
vis  de  Portbail.  Les  deux  principaux  sont  Marmoutier  et 
Matire.  —  Les  Ecrehou  sont  en  dehors  des  zones  territo- 
riales française  et  anglaise,  que  la  Convention  du  2  août 
4839  limite  à  trois  milles  des  côtes.  Us  sont  donc  neutres. 
On  a  prêté  (notamment  en  1886)  aux  Anglais  le  projet  d'y 
élever  un  fort  ou  simplement  de  les  occuper.  L'intérêt 
principal  serait  d'étendre  au  profit  de  leurs  pêcheurs  les 
limites  de  leur  mer  territoriale  au  détriment  des  pêcheurs 
français.  Les  susceptibilités  éveillées  à  ce  sujet  semblent 
sans  fondement,  la  possession  des  Ecrehou  ne  pouvant  à 
aucun  titre  être  revendiquée  par  l'Angleterre. 

ÉCRÉMAGE  (V.  Beurre,  t.  VI,  p.  546). 

ÉCRENNES  (Les).  Corn,  du  dép.  de  Seine-et-Marne, 
arr.  de  Melun,  cant.  du  Ghâtelet;  300  hab. 

ÉCRETTEVILLE-les-Baons.  Com.  du  dép.  de  la  Seine- 
Inférieure,  arr.  et  cant.  d'Yvetot;  554  hab. 

ÉCRETTEVILLE-sur-Mer.  Com.  du  dép.  de  la  Seine- 
Inférieure,  arr.  d'Yvetot,  cant.  de  Valmont,  à  l'entrée 
d'un  vallon  ouvrant  sur  la  mer;  185  hab.  Vestiges  d'un 
ancien  château  consistant  en  une  enceinte  carrée,  flanquée 


de  tourelles  du  xvi®  siècle  et  entourée  de  douves.  Une 
ancienne  maison  a  conservé  une  jolie  pièce  du  xiii®  siècle 
dite  Salle  de  l'audience  à  laquelle  on  accède  par  un  bel 
escalier  ancien.  La  ferme  du  Catel  a  conservé  des  restes 
de  constructions  romanes. 

ÉCREVISSE.  I.  Zoologie.  —  Nom  français  du  genre 
Astacus  de  Fabricius.  Les  Astacus  sont  le  type  d'une 
famille  de  Crustacés  Décapodes  Macroures,  qui  comprend 
encore,  comme  genres  principaux,  les  Nephrops  et  Homa- 
nis.  Les  Astacus  ont  l'appendice  frontal  triangulaire,  le  • 
dernier  anneau  thoracique  mobile  ;  les  pinces  de  la  pre- 
mière paire  de  pattes  sont  fortement  renflées,  à  surface 
convexe  ;  le  premier  anneau  de  l'abdomen  est  muni,  chez  le 
mâle,  d'appendices  sexuels.  Ce  sont  des  animaux  qui  habitent 
exclusivement  l'eau  douce.  Il  existe  en  Europe  plusieurs 
espèces  d'Ecrevisses  :  A.  fluviatilis  Fabr.  (Ecrev.  à  pieds 
rouges,  la  plus  grosse  et  la  plus  estimée  pour  l'ahmentation) , 
A.pallipes  Lereb.  (E.  à  pieds  blancs),  A.  torrentium  Schr. 
[A.  longicornis  Lereb.),  A .  leptodactylus  Rathke,  etc. Les 
Ecrevisses  recherchent  les  eaux  courantes  et  pures,  dans  les- 
quelles elles  s'abritent  sous  les  racines  des  arbres  et  sous  les 
pierres  ;  elles  ne  sortent  de  leurs  abris  que  pour  chercher 
leur  nourriture  qui  consiste  en  toutes  sortes  d'animaux 
aquatiques.  Crustacés,  Mollusques,  Insectes,  Poissons  ;  elles 
ne  dédaignent  pas  la  chair  des  animaux  morts  et  ne  refusent 
pas  une  nourriture  végétale  :  il  paraît  même  qu'elles  s'accom- 
modent à  merveille  de  ce  dernier  genre  d'aliments  et  que, 
si  on  les  met  à  ce  régime  exclusivement,  leur  chair  devient 
plus  blanche,  plus  ferme  et  d'une  déhcatesse  parfaite. 
L'accouplement  de  ces  animaux  se  fait  vers  la  fin  d'oc- 
tobre ;  le  mâle  et  la  femelle  se  placent  ventre  à  ventre, 
s'enlaçant  étroitement  à  l'aide  de  leurs  pattes  ;  le  sperme, 
contenu  dans  des  spermatophores,  est  fixé  sur  le  sternum 
et  à  la  partie  supérieure  de  l'abdomen  de  la  femelle  ;  c'est 
seulement  du  vingtième  au  vingt-cinquième  jour  que  la 
ponte  s'eff'ectue  et  que  les  spermatozoïdes,  sortant  de  leur 
enveloppe,  peuvent  féconder  les  ovules.  La  femelle  fixe  ses 
œufs  sur  les  fausses  pattes  de  l'abdomen,  par  une  matière 
visqueuse  sécrétée  par  des  glandes  spéciales  ;  ceux  d'entre 
eux  qui  ne  sont  pas  fécondés  n'évoluent  pas  et  se  détruisent  ; 
les  autres  se  développent  très  lentement  et  c'est  seulement 
six  mois  après  la  ponte,  vers  la  mi-mai,  qu'a  lieu  l'éclosion. 
Pendant  toute  sa  portée,  l'Ecrevisse  reste  cachée  dans  un 
trou  étroit  qu'elle  a  creusé  et  dont  elle  ne  sort  que  pour 
prendre  sa  nourriture.  La  jeune  Ecrevisse  mesure  environ 
1  cent,  et  demi  de  longueur  à  sa  naissance  ;  pendant  près 
d'un  mois,  elle  ne  quitte  guère  sa  mère,  sous  l'abdomen 
de  laquelle  elle  se  réfugie  à  la  moindre  alerte.  Par  suite 
de  l'extensibihté  de  sa  carapace,  l'Ecrevisse  ne  peut  grandir 
qu'au  moment  de  chaque  mue  ;  mais,  comme  elle  ne  mue 
qu'une  fois  par  an,  vers  la  mi-juin,  son  accroissement  est 
fort  lent,  à  telle  enseigne  que  les  Ecrevisses  marchandes 
ont  au  moins  neuf  ou  dix  ans  d'âge.  La  durée  de  la  vie  de 
cet  animal  est  d'environ  vingt  ans,  pendant  lesquels  il 
continue  à  s'accroître  —  on  a  dit  qu'il  pouvait  vivre  qua- 
rante et  même  cinquante  ans  :  dans  ce  cas,  l'Ecrevisse 
pourrait  atteindre  le  poids  exceptionnel  de  200  gr.  Les 
plus  belles  Ecrevisses  de  nos  régions,  sinon  les  meilleures, 
sont  celles  de  la  Meuse  et  du  Rhin  ;  l'Yonne  et  la  Nièvre 
en  nourrissent  aussi  de  très  bonnes.  La  chair  de  ces  ani- 
maux est  très  recherchée  parce  que,  convenablement  assai- 
sonnée, elle  est  savoureuse. 

La  pêche  des  Ecrevisses  se  fait  de  diverses  manières  : 
d'abord,  avec  un  filet  que  l'on  suspend  le  soir  au-dessous  d'un 
morceau  de  chair  putréfiée,  ou,  dit-on,  de  viande  arrosée 
d'essence  de  térébenthine  ;  ces  animaux  sont  parfois  attirés 
en  grand  nombre  par  l'appât.  On  met  aussi  quelquefois  de 
la  viande  dans  un  fagot  menu  que  l'on  retire  quand  les 
Ecrevisses  ont  pénétré  de  toutes  [parts  entre  les  branches. 
D'autres  emploient  des  baguettes  fendues  :  on  met  dans  la 
fente  un  appât  et  on  place  le  piège  dans  les  points  où  les 
Crustacés  sont  abondants  :  ils  ne  tardent  pas  à  s'attacher  à 
l'appât  ;  on  retire  alors  les  baguettes  de  l'eau  avec  précaution 


519 


ÉCREVISSE 


et  on  glisse  sous  chacune  d'elles  un  panier.  A  peine  sortie  de 
l'eau,  TEcrevisse  abandonne  le  corps  qu'elle  dévorait  et 
tombe  dans  le  panier;  quelques  pêcheurs,  mettant  à  profit 
le  goût  de  rEcrevisse  pour  le  sel,  se  servent  de  morue  salée 
comme  appât.  On  peut  également  prendre  ces  animaux  à  la 
main  en  fouillant  leurs  retraites.  Ils  se  pèchent  aussi  au 
feu,  et  surtout  à  la  balance,  la  nuit,  enfin  par  des  procédés 
plus  compliqués  que  ceux-ci,  mais  qui  ne  sont  pas  d'un 
emploi  courant. 

Quand  on  veut  conserver  quelque  temps  les  Ecrevisses 
et  qu'on  ne  dispose  pas  d'un  appareil  dans  lequel  l'eau  se 
renouvelle  constamment,  il  faut  se  garder  de  les  placer 
dans  des  herbes  ou  de  la  paille  humide,  mais  les  essuyer 
avec  soin  et  les  placer,  dans  un  filet  ou  dans  un  panier, 
dans  un  endroit  frais  :  elles  peuvent  vivre,  ainsi  pendant 
dix  ou  quinze  jours,  lorsqu'elles  sont  dans  de  bonnes  con- 
ditions d'aération. 

Les  Ecrevisses  sont  attaquées  par  des  ennemis  assez  nom- 
breux ;  en  laissant  de  côté  ceux  qui  s'attaquent  aux  œufs 
(Crevettes  d'eau  douce,  Annélides,  Insectes),  il  faut  signaler 
en  première  ligne  une  production  végétale  appartenant  à 
la  famille  des  Algues  Saprolégniées,  le  Mycosis  astacina, 
formé  par  un  mycélium  qui  envahirait  peu  à  peu  tous  les 
organes  et  déterminerait  la  mort  —  ce  parasite  est  encore 
mal  connu  et  assez  discuté  dans  ses  effets  —  ;  un  Distome 
(D.cirrhigeru7n)sG  rencontre  aussi,  en  certaines  localités, 
enkysté  par  centaines  dans  les  muscles  du  Crustacé  dont  il 
détermine  la  mort  ;  et  enfin,  on  a  également  trouvé,  répan- 
dues en  quantité  énorme  dans  les  tissus  de  cet  animal,  en 
outre  du  Psorospermium  Hseckel  des  productions  très  niai 
connues,  qui  ont  été  rapportées  aux  Grégarines  et  qui  se 
rattachent  peut-être  aux  Saprolégniées  dont  nous  venons  de 
parler.  Beaucoup  moins  nuisibles  sont  les  Dreissena, 
Mollusques  bivalves  qui  s'attachent  parfois  aux  pattes  des 
Ecrevisses  vieilles  ou  malades,  le  Distoma  isostomum 
qui  se  trouve  libre  entre  les  muscles  de  la  queue  ;  deux 
espèces  de  petites  Hirudinées,  longues  de  5  à  40  millim., 
s'observent  souvent  sur  les  branchies,  mais  elles  n'apportent 
point  de  troubles  à  la  santé  de  leur  hôte  :  ce  sont  les  Bran- 
chiobdella  astaci  et  parasitica.  La  mortalité  due  aux 
parasites  et  surtout  l'altération  des  cours  d'eau,  par  le  fait 
de  l'industrie  a  causé,  en  beaucoup  de  pays  d'Europe,  un 
véritable  dépeuplement  des  Ecrevisses,  d'où  les  nombreuses 
tentatives  faites  de  divers  côtés  pour  repeupler  les  eaux  et 
l'extension  qu'a  pris  l'élevage  artificiel  de  ces  animaux, 
surtout  en  Allemagne  :  c'est  de  ce  dernier  pays  qu'arrivent 
la  plupart  des  Ecrevisses  qui  alimentent  le  marché  de  Paris, 
rapport  de  nos  cours  d'eau  pouvant  être  considéré  comme 
à  peu  près  nul. 

La  consommation  de  l'écrevisse  devient  en  effet,  de  plus 
en  plus  considérable  ;  la  consommation  annuelle  pour  Paris 
seulement  atteint  environ  six  milHons  de  pièces,  le  prix  de 
vente  s'élevant  sans  cesse;  voici  quelques  détails  sur  la 
culture  rationnelle  de  l'écrevisse.  Pour  l'écrevisse  à  pieds 
rouges  [et  pour  l'écrevisse  de  la  Meuse,  il  faut  disposer 
d'eaux  calcaires;  l'écrevisse  à  pieds  blancs,  l'écrevisse  des 
fontaines,  peuvent  à  la  rigueur  vivre  dans  des  eaux  sili- 
ceuses, à  condition  que  l'eau  se  renouvelle  fréquemment  ; 
le  fond  de  l'étang  doit  être  composé  de  gravier  et  les  berges 
garnies  de  nombreux  refuges.  Le  peuplement  se  fait  en 
avril,  au  moyen  de  six  reproducteurs  âgés  de  quatre  ans 
par  30  m.  q.  de  vivier  ;  dans  un  vivier  convenablement 
aménagé,  on  peut  pêcher  chaque  année  de  quinze  à  vingt 
ecrevisses  marchandes  par  mètre  carré,  soit  huit  à  dix 
mille  francs  de  valeur  annuelle  par  hectare  d'eau  ;  on 
cultive  généralement  du  cresson  dans  les  viviers  à  écrevisse, 
ce  qui  augmente  les  bénéfices.  L'écrevisse  ayant  des  mœurs 
nocturnes,  la  nourriture  doit  être  principalement  donnée  le 
soir  ;  elle  consiste  en  vers  de  terre,  en  larves  d'insectes, 
en  détritus  de  toute  sorte. 

L'élevage  de  l'Ecrevisse  pratiqué  par  les  Romains  et  dont  la 
tradition,  alternativement  perdue  et  retrouvée  ensuite,  con- 
servée finalement  en  France  par  quelques  communautés 


religieuses  jusqu'à  la  Révolution,  a  été  repris  dans  notre 
pays,  à  Claire  fontaine,  près  de  Rambouillet,  et  surtout  à 
VilHers,  près  de  La  Ferté-Alais,  dans  l'arr.  d'Etampes, 
par  M.  de  Selve  :  cette  dernière  exploitation,  qui  était  des 
plus  florissantes  en  1870,  fut  détruite  à  cette  époque,  de 
fond  en  comble,  par  les  Allemands  ;  elle  n'a  pas  été  relevée 
de  ses  ruines. 

Signalons  enfin  que  certaines  régions  de  la  Russie  d'Eu- 
rope sont  extrêmement  riches  en  Ecrevisses  et  que,  depuis 
quelque  temps,  il  s'est  établi  d'importantes  fabriques  de 
conserves  de  queues  d' ecrevisses,  qui  ont  aujourd'hui  un 
débit  fort  important,  tant  en  Russie  qu'à  l'étranger.  On  a 
beaucoup  écrit  sur  l'Ecrevisse  considérée  à  différents  points 
de  vue,  et  nous  ne  pouvons  mieux  faire  que  renvoyer  le 
lecteur  à  quelques-unes  de  ces  publications  :  Huxley, 
l'Ecrevisse  [Bibliothèque  scientifique  internationale, 
1883)  ;  P.  Carbonnier,  l'Ecrevisse  (Paris,  1869)  ;  Schiem- 
kewitsch,  Caractères  spécifiques  et  distribution  géogra- 
phique du  genre  Astacus  (1887)  ;  Harz,  Die  sogenannte 
Krebspest,  ihre  Ursache  und  Verhiltung  (Vienne,  1887). 

R.  MONIEZ. 

II.  Paléontologie  et  distribution  géographique.^  — 
Les  Ecrevisses  d'eau  douce  ont  eu  des  ancêtres  marins  ; 
d'ailleurs,  à  l'époque  actuelle,  la  famille  des  Astacidœ  (ou 
Astacomorpha)  comprend  encore  les  Homards,  qui  ne  dif- 
fèrent guère  des  Ecrevisses  que  par  leurs  métamorphoses 
compliquées,  et  le  genre  Nephrops,  dont  certaines  espèces 
habitent  les  eaux  douces.  Par  contre,  de  véritables  Ecre- 
visses (genre  Parastacus)  vivent  dans  l'eau  saumâtre,  à 
l'embouchure  des  grandes  rivières  de  rhémisphère  sud.  Les 
genres  fossiles  marins,  Eryma  et  Pseudastacus,  qui  sont 
du  lias  et  du  jurassique  d'Europe,  peuvent  être  considé- 
rés comme  les  ancêtres  communs  de  tous  les  Astacidœ 
(Ecrevisses  et  Homards).  Les  genres  d'eau  douce  Astacus 
et  Cambarus  se  montrent  dans  le  tertiaire  et  peut-être 
même  dans  le  crétacé  d'Europe  et  de  l'Amérique  du  Nord. 
A  l'époque  actuelle,  les  Ecrevisses  ont  une  distribution 
géographique  très  remarquable.  Ce  type  d'eau  douce  ne  se 
trouve  que  dans  les  régions  tempérées  du  globe.  Des  deux 
sous-familles,  les  Astacince  (ou  Potamobiidœ  des  au- 
teurs), sont  propres  à  l'hémisphère  boréal  tandis  que  les 
Parastacinœ  sont  de  l'hémisphère  austral.  Le  genre  Asta- 
eus,  qui  renferme  nos  Ecrevisses  d'Europe,  s'étend  sur  une 
grande  partie  de  la  région  paléarctique,  jusque  dans  l'A- 
mour et  au  Japon.  L'Afrique  et  l'Inde  n'ont  pas  d'Ecre- 
visses,  mais  le  genre  Astacus  se  retrouve  de  l'autre  côté 
du  Pacifique,  sur  le  versant  occidental  des  montagnes  Ro- 
cheuses, de  l'Orégon  à  la  Californie.  La  partie  orientale  de 
la  région  néarctique  (Etats-Unis)  est  habitée  par  le  genre 
Cambarus,  qui  pénètre  dans  la  région  néotropicale,  s'éten- 
dant  des  grands  lacs  au  Guatemala.  Les  Parastacinœ  sont 
surtout  abondants  en  Australie,  où  le  Parastacus  serra- 
tus  du  fleuve  Murray  atteint  la  taille  de  nos  Homards. 
Engœus  vit  en  Tasmanie,  et  Paranephrops  à  la  Nouvelle- 
Zélande  et  aux  îles  Fidji.  Le  genre  Parastacus  se  retrouve 
au  Chili  et  dans  le  S.  du  Brésil.  Enfin,  Astacoïdes  re- 
présente Parastacus  dans  le  S.  de  Madagascar.  La  dis- 
tribution disjointe  de  ce  type,  semblable  à  celle  d'autres 
organismes  d'eau  douce,  est  l'indice  et  la  conséquence  de 
son  origine  ancienne.  '  E.  Trouessart. 

HL  Art  culinaire.  —  Les  ecrevisses  constituent  un 
aliment  fort  apprécié,  très  nourrissant,  mais  peu  digestible 
pour  certains  estomacs.  Elles  font  l'objet  d'un  grand  nombre 
de  préparations.  La  plus  simple  et  la  plus  fréquemment 
employée  consiste  à  préparer  d'abord  un  court-bouillon 
avec  un  morceau  de  beurre,  du  persil  en  branches,  du 
thym,  du  laurier,  un  oignon,  des  carottes,  du  poivre,  du 
sel  et  du  vin  blanc  sec,  ou  à  son  défaut  de  l'eau  et  du 
vinaigre  en  égale  proportion.  Après  avoir  lavé  les  ecrevisses 
dans  plusieurs  eaux,  et  les  avoir  vidées  en  tirant  doucement 
l'écaillé  du  milieu  du  bout  de  la  queue  et  en  détachant 
ainsi  un  petit  boyau  noir  qui,  s'il  n'était  pas  enlevé,  leur 
communiquerait  un  goût  amer,  on  les  plonge  encore  toutes 


ÉCREVISSE  —  ÉCRITOIRE 


—  520  — 


vivantes  dans  le  court-bouillon,  où  on  les  laisse  cuire  pen- 
dant dix  minutes  environ.  On  les  égoutte  et  on  les  main- 
tient chaudes  jusqu'au  moment  de  les  servir.  Comme 
entremets,  on  les  dresse  sur  un  plat  en  forme  pyramidale, 
la  tête  en  haut  ;  on  forme  alors  ce  que  les  praticiens 
appellent  un  buisson.  Les  écre visses  servent  aussi  à  faire 
des  coulis  et  des  potages  excellents  connus  sous  le  nom 
de  bisques  (V.  Coulis  et  Bisque).  S'il  est  nécessaire  de 
les  réchauffer,  on  le  fait  dans  le  court-bouillon  qui  a 
servi  à  leur  cuisson.  On  sait  que  la  cuisson  fait  passer  la 
carapace  de  l'écrevisse  du  brun  au  rouge  ;  ce  phénomène 
tient  à  ce  que  des  deux  pigments  qui  existent  dans  l'épi- 
derme,  l'un  rouge  et  l'autre  bleu,  ce  dernier  se  détruit 
par  la  chaleur  et  il  ne  reste  de  visible  que  le  rouge.  — 
L'estomac  de  l'écrevisse  renferme,  lorsqu'elle  est  sur  le 
point  de  muer,  des  concrétions  pierreuses,  dont  la  médecine 
faisait  autrefois  usage  comme  absorbants  ;  on  les  désignait 
sous  le  nom  à'yeux  d'écrevisses. 

IV.  Astronomie.  --  Constellation  zodiacale  la  plus  diffi- 
cile à  distinguer  à  cause  de  ses  faibles  étoiles,  mais  aussi  la 
plus  boréale.  Elle  est  située  entre  le  Petit  Lion  et  le  Lynx, 
les  Gémeaux,  le  Petit  Chien,  l'Hydre  et  le  Lion.  Sa  plus 
belle  étoile,  a  ou  Sertan,  de  quatrième  grandeur,  a  pour 
coordonnées  moyennes  en  d892  : 

M^S^ 52^ 34%80 ;  P  =:^ 77« 43' 28'^4. 
On  remarque  dans  cette  constellation  un  groupe  d'étoiles 
très  petites  qu'on  nomme  TEtable,  la  Ruche,  la  Nébuleuse 
ou  Prœcepe,  entre  les  deux  quartaires  8  et  y,  qui  sont  les 
Anes  (V.  ce  mot).  Le  nom  d'Ecrevisse  a  probablement  été 
donné  à  cette  constellation  en  raison  de  ce  que  le  mouve- 
ment ascendant  du  soleil  en  déclinaison  s'arrête  au  solstice 
d'été,  et  que  cet  astre  semble  revenir  sur  ses  pas  et  reculer, 
selon  l'opinion  vulgaire,  à  la  manière  de  l'écrevisse.  On 
appelle  aussi  cette  constellation  le  Cancer  (V.  ce  mot). 

L.  Barré. 

V.  Musique  (V.  Canon). 

VI.  Technologie.  —  Nom  d'un  instrument  destiné  à 
saisir  des  fardeaux  ou  à  retirer  du  fond  de  l'eau  des  ma- 
tériaux, des  canons  ou  autres  objets.  Les  dimensions  de 
l'écrevisse  varient  suivant  les  usages  spéciaux  auxquels 
elle  est  destinée.  Dans  son  état  le  plus  général,  elle  a  la 
forme  de  grandes  tenailles,  composées  de  deux  branches 
articulées  en  leur  milieu  sur  un  axe  commun  et  figurant 
assez  bien  un  compas  d'épaisseur.  L'écrevisse  est  employée 
dans  les  forges  pour  porter  du  foyer  à  l'enclume  les  pièces 
rougies  au  feu.  L.  K. 

VIL  Archéologie  (V.  Costume,  t.  XII,  p.  1163). 

ÉCRIENNES.  Com.  du  dép.  de  la  Marne,  arr.  de 
Vitry-le-François,  cant.  de  Thiéblemont  ;  784  hab. 

ÉCRILLE  (Pêche).  On  nomme  ainsi  une  sorte  de  clô- 
ture de  clayonnage  qui  se  place  à  la  décharge  d'un  étang 
pour  empêcher  les  poissons  de  s'échapper. 

ÉCRILLES.  Com.  du  dép.  du  Jura,  arr.  de  Lons-le- 
Saunier,  cant.  d'Orgelet;  109  hab. 

ÉCRIN  (Arch.).  On  donne  ce  nom  à  des  cassettes  et  à 
des  petites  boîtes  dans  lesquelles  on  serre  les  bijoux  ou  les 
objets  précieux.  Les  dimensions  de  l'écrin  primitif  étaient 
moins  réduites  que  de  nos  jours,  et  il  y  en  avait  de  toutes 
les  grandeurs  et  destinés  à  tous  les  usages.  C'étaient  des 
sortes  de  coffres  dont  quelques-uns  étaient  en  bois  sculpté. 
Les  ouvriers  qui  produisaient  cette  fabrication  spéciale 
s'appelaient  des  escriniers.  Au  commencement  ils  avaient 
fait  partie  de  la  corporation  des  menuisiers-huchiers,  mais 
par  la  suite  ils  furent  autorisés  à  former  la  communauté 
spéciale  des  maîtres  layetiers-écrainiers  de  la  ville  et  fau- 
bourg de  Paris.  Ils  avaient  le  privilège  de  fabriquer  les 
huches  de  bois  de  hêtre,  les  écrins  et  layettes  à  gorge  ou 
autrement,  les  ratières,  les  cages,  les  coffres  de  bois 
cloués,  les  boîtes  à  balances,  les  pupitres,  les  écritoires  et 
les  boîtes  d'épinettes.  Les  plus  remarquables  des  écrins  qui 
nous  soient  restés  datent  de  la  Renaissance  et  sont  recou- 
verts en  cuir  gaufré  et  doré.  On  rencontre  quelques  écrins 
du  xiii*^  siècle  et  du  moyen  âge  dans  les  trésors  des  églises, 


où  ils  préservaient  des  objets  précieux.  Il  y  a  également  un 
certain  nombre  de  coffrets  du  xv^  siècle  recouverts  en  cuir 
gravé  et  gaufré  qui  ont  peut-être  servi  primitivement  d'écrins. 
Les  inventaires  du  moyen  âge  joignent  souvent  à  la  descrip- 
tion des  pièces  d'orfèvrerie  celle  des  écrins  qui  les  renfer- 


Ecrin  couvert  en  cuir  gaufré  et  doré    (xvip  siècle), 
au  musée  de    Cluny, 

maient.  Le  terme  d'écrin,  vers  le  xviii®  siècle,  ne  servit  plus 
qu'à  désigner  le  coffret  renfermant  les  bijoux.  Il  a  conservé 
ce  sens  dans  le  langage  moderne,  mais  en  détournant  sou- 
vent le  mot  de  son  application  primitive.  Prenant  le  contenu 
pour  le  contenant,  on  dit  souvent  :  l'écrin  d'une  dame,  pour 
désigner  l'ensemble  des  bijoux  qui  lui  appartiennent  et  qui 
sont  conservés  dans  ce  meuble.  A.  de  Champeaux. 

ÉCRITE  AU  (ArchéoL).  Inscription  tracée  sur  une  plan- 
chette pour  porter  un  avis  à  la  connaissance  du  public.  Dans 
les  temps  primitifs,  les  écriteaux  étaient  nombreux  dans  les 
églises  et  il  y  avait  des  cadres  en  bois  pour  les  recevoir. 
Avant  l'invention  de  l'imprimerie,  c'était  une  sorte  de  journal 
destiné  à  solliciter  les  aumônes  ou  à  rappeler  aux  fidèles  les 
pratiques  de  la  religion.  Ils  remplirent  un  rôle  moralisateur 
considérable  pendant  toute  la  durée  du  moyen  âge ,  et  ils 
ne  cessèrent  d'être  en  usage  que  vers  la  fin  du  xvi^  siècle. 
Une  grande  partie  des  tableaux  et  des  tapisseries  anciennes 
est  accompagnée  de  longues  banderoles  et  de  parchemins 
déroulés  sur  lesquels  sont  inscrites  les  explications  des  sujets 
qui  y  sont  représentés.  On  donnait  aussi  ce  nom  aux  tableaux 
que  les  maîtres  écrivains  suspendaient  à  leurs  portes  pour 
faire  connaître  leur  habileté  calligraphique.     A.  de  Ch. 

ÉCRITOIRE  (Ameubl.).  Ce  mot  servait  à  la  fois  pour 
désigner  l'encrier  portatif  dont  le  scribe  faisait  usage  et  le 
meuble  sur  lequel  il  s'appuyait  pendant  son  travail.  Au 
moyen  âge,  où  la  copie  des  manuscrits  était  très  active,  il 
y  avait  dans  les  couvents  une  chambre  nommée  escriptoire^ 
où  travaillaient  les  calligraphes  et  les  clercs.  Un  grand 
nombre  de  miniatures  représentent  des  moines  ou  des  auteurs 
assis  dans  une  chaire  devant  un  pupitre  carré  ou  circulaire, 
sur  lequel  ils  transcrivent  leurs  ouvrages,  et  qui  est  garni 
de  tous  les  ustensiles  spéciaux.  Les  seigneurs  possédaient 
des  écritoires  en  matières  précieuses,  sortes  de  nécessaires 
qui  les  suivaient  dans  leurs  voyages  et  qui  contenaient  tout 
ce  qu'il  fallait  pour  écrire.  Les  écrivains  et  les  officiers 
ministériels  portaient,  suspendu  à  la  ceinture  de  leurs  robes, 
un  étui  long  où  étaient  renfermés  l'encrier  et  les  plumes. 
Quelques-uns  de  ces  étuis  sont  en  cuir  gaufré  d'un  travail 
très  soigné  ;  l'usage  en  persista  au  Palais  de  justice  jusqu'à 
l'époque  de  la  Révolution.  Ces  ustensiles  étaient  fabriqués 
par  les  gainiers.  —  Le  célèbre  C.-A.  Boulle  créa  des  écri- 
toires dont  les  formes  et  la  décoration  s'harmonisaient 
avec  les  grands  bureaux  incrustés  de  cuivre  et  d'écaillé  qu'il 
fabriquait  pour  la  cour  et  pour  les  grands  financiers  de  son 
temps.  Ce  sont  des  sortes  de  plateaux  supportés  par  quatre 
pieds  recourbés  à  mascarons,  dans  lesquels  sont  évidées 
deux  larges  rainures  pour  les  plumes,  qui  sont  séparées  par 
un  ressaut  à  cases  où  se  trouvent  l'encrier  et  le  poudrier. 


Ballin  et  les  orfèvres  de  Louis  XIV  composaient  des  écri- 
toires  plus  importantes,  supportées  par  des  pieds  à  balustre 
et  dans  lesquelles  le  récipient  à  l'encre  était  entouré  de 
bobèches  à  bougies.  Ils  s'inspiraient,  pour  l'exécution  de  ces 
belles  pièces  disparues  à  la  fonte,  des  modèles  de  Lebrun 
et  de  Bérain.  Le  dessinateur  du  cabinet  de  Louis  XV,Meis- 
sonnier,  a  publié  plusieurs  écritoires  de  style  rocaille,  d'une 
grande  richesse  ;  il  nous  est  parvenu  des  imitations  de  ces 
petits  meubles  en  bronze  ciselé.  Les  orfèvres  Germain  ont 
aussi  exécuté  de  grandes  écritoires  de  vermeil  pour  la  cour 
et  pour  les  souverains  étrangers.  Les  fortunes  plus  modestes 
se  contentaient  d'encriers  moins  dispendieux.  On  en  fabri- 
quait en  plomb  et  surtout  en  faïence  et  en  grès.  Les  poteries 
d'Urbino,  au  xvi^  siècle,  celles  de  Rouen  et  de  Moustiers  au 


Ecritoire  enTfaïence  de  Rouen  (xvip  siècle). 

xvn®  ont  produit  des  écritoires  qui  ont  mérité  d'être  re- 
cueillies dans  nos  musées  et  dans  les  collections  publiques. 
Les  fabriques  de  Nevers  inondèrent  plus  tard  la  France  de 
leurs  encriers  dont  la  forme  et  le  décor  sont  également  infé- 
rieurs. Il  serait  impossible  de  relever  toutes  les  transforma- 
tions que  le  goût  ou  les  besoins  particuliers  de  chaque  époque 
ont  fait  subir  à  ces  ustensiles  d'usage  courant,  dont  la  ma- 
tière et  la  disposition  n'ont  jamais  eu  aucune  fixité.  On  trouve 
dans  certains  inventaires  anciens  la  mention  d'écritoires  en 
forme  de  table  et  disposées  comme  des  pupitres.  Ce  n'étaient 
à  que  des  exceptions  de  définition,  et  ces  meubles  doivent 
rentrer  plus  exactement  dans  la  série  des  tables  à  écrire 
et  des  pupitres.  On  trouvera  également  des  renseignements 
sur  les  divers  genres  d'écritoires  au  mot  Encrier. 

ÉCRITURE.  I.  Ethnographie.  —  L'idée  de  communi- 
quer graphiquement  sa  pensée  à  un  autre,  dans  le  temps 
et  dans  l'espace,  devait  naître  chez  l'homme  dès  l'origine  de 
la  civilisation  ;  mais  que  d'étapes  n'a-t-elle  pas  dû  parcourir 
pour  se  réaliser  dans  ce  système  si  simple  et  si  ingénieux 
que  l'on  appelle  l'écriture  alphabétique  !  Avant  d'inventer 
récriture  phonétique  en  général,  l'homme  a  dû  passer  par 
la  période  de  l'écriture  idéographique,  et  cette  dernière 
écriture  est  déjà  un  progrès  sur  d'autres  moyens  de  figurer 
et  de  communiquer  sa  pensée,  moyens  beaucoup  plus 
simples  que  Ton  peut  appeler  d'une  façon  générale  Viisage 
des  objets  symboliques  et  des  marques  mnémoniques. 
Ces  moyens  primitifs  sont  encore  en  vigueur  aujourd'hui 
chez  beaucoup  de  peuplades  sauvages  ou  mi-civilisées. 

Comme  type  de  l'usage  des  objets  symboliques,  on  peut 
citer  les  messages  des  Malais  de  Sumatra  ;  ils  sont  for- 
més de  paquets  contenant  différents  objets  :  morceaux  de 
sel,  de  poivre,  de  bétel,  etc.,  ayant  respectivement  la  signi- 
fication de  l'amour,  de  la  haine,  de  la  jalousie,  etc.  ;  sui- 
vant la  quantité  et  la  disposition  des  objets  dans  le  paquet, 
le  message  sert  à  exprimer  tel  ou  tel  sentiment.  Dans  le 
même  ordre  d'idée,  on  peut  rappeler  le  fameux  message 
des  rois  scythes  à  Darius,  formé  d'un  oiseau,  d'un  rat, 
d'une  grenouille  et  d'une  flèche.  Ce  système  atteint  sa  per- 
fection dans  les  Wampoums  des  Peaux-Rouges  (série  de 
perles  de  différentes  couleurs  enfilées  sur  des  cordes).  Les 
bâtons-messages  en  usage  chez  les  Mélanésiens,  les  Niam- 
Niam,  les  Achantis,  les  paysans  de  la  Lusace,  de  la  Si- 
lésie,  etc.,  ont  la  même  signification.  C'est  ordinairement 
une  sorte  de  passeport  ou  de  convocation  à  une  assemblée  : 
la  forme  du  bâton,  ainsi  que  les  marques  particuhères  qu'il 
porte,  sont  autant  de  signes  particuliers  pour  faire  connaître 
les  commandements  d'un  chef,  l'ordre  du  jour  de  l'assem- 


_  521  —  ECRITOIRE  —  ÉCRITURE 

blée,  etc.  Les  encoches  que  portent  parfois  ces  bâtons 
forment  le  passage  vers  les  marques  mnémoniques,  que  les 
peuples  les  moins  civiHsés  ont  l'habitude  de  graver  sur  des 
arbres,  sur  des  morceaux  d'écorce  ou  des  pièces  de  bois. 
C'est  le  premier  pas  vers  l'écriture  proprement  dite.  On  a 
trouvé  des  planchettes  en  bois  de  cerf  portant  des  encoches 
dans  les  grottes  sépulcrales  de  la  période  quaternaire  à 
Aurignac  (Dordcgne)  ;  on  en  signale  l'usage  chez  les  an- 
ciens Mongols  (les  planchettes  Khe-mou,  qui  se  sont  trans- 
formées ensuite  en  Paï-tsé  couverts  d'écriture  carrée  en 
caractères  Pagba  ou  Passe-Pa)  et  actuellement  chez  les 
Esquimaux,  les  Iakoutes,  les  Ostiaks,  les  Macusis  de  la 
Guyane,  les  Nègres  de  la  côte 
occidentale  d'Afrique,  les  Lao- 
tiens, les  Mélanésiens,  les  Micro- 
nésiens  et  même  chez  les  Euro- 
péens, à  l'état  de  survivance,  sous 
forme  des  bâtonnets  de  compte  des 
boulangers,  etc.  Le  nom  allemand 
pour  désigner  les  lettres  (Buchs- 
taben)  n'est  qu'un  souvenir  de 
l'usage  des  marques  sur  les  bâ- 
tonnets de  hêtre  chez  les  anciens 
Germains.  Les  planchettes  à  en- 
coches servent  surtout  à  compter. 
Voici,  par  exemple,  la  traduction 
de  ce  que  veut  dire  une  plan- 
chette à  encoches  des  Laotiens 
que  Harmand  a  trouvée  à  l'entrée  ^     |||^      2Q, 

d'un  village  atteint  d'une  épidémie 
de  choléra  (fig.  4)  :  D'ici  douze 
jours  (12),  tout  homme,  qui  osera 
pénétrer  dans  notre  palissade, 
restera  prisonnier  ou  nous  payera 
quatre  buffles  (4)  ou  douze  ticales 
de  rançon  (12).  De  l'autre  côté, 
mais  avec  doute,  le  nombre  des 
hommes,  des  femmes  et  des  en- 
fants du  village. 

Un  instrument  mnémonique 
analogue,  c'est  la  corde  à  nœuds 
que  l'on  rencontre  chez  les  Ostiaks, 
les  Nègres  Angolais  et  Loangos, 
les  Malgaches,  les  Alfourus  de 
Célèbes,  etc.  Suivant  le  nombre 
et  la  couleur  des  cordes,  suivant 
le  nombre  de  nœuds  qu'elles 
portent,  on  se  remémore  les  évé- 
nements, on  établit  les  comptes 
pendant  l'échange,  etc.  Chez  les 
Micronésiens  des  îles  Palaos, 
quand  deux  individus  se  donnent 
un  rendez-vous  à  une  certaine 
date,  ils  fonf,  chacun  sur  une 
corde,  autant  de  nœuds  qu'il 
reste  de  jours  jusqu'à  cette  date  ; 
dénouant  ensuite  chaque  jour  un  nœud  et  arrivant  au  dernier 
juste  le  jour  du  rendez-vous,  ils  se  le  rappellent  forcément. 
Suivant  la  tradition  chinoise,  les  premiers  habitants  des 
bords  du  Hoang-ho,  avant  l'invention  de  l'écriture  pro- 
prement dite,  se  servaient,  eux  aussi,  de  cordelettes  nouées 
à  des  bâtons  comme  instruments  mnémoniques.  On  ratf 
tache  même  à  ces  bâtons  noueux  les  mystérieux  diagrammes 
dont  il  est  traité  dans  le  Yih-King.  D'ailleurs,  notre  usage 
de  mettre  un  nœud  au  mouchoir  pour  se  rappeler  quelque 
chose,  n'est-ce  pas  une  survivance  de  cette  coutume  ?  Le 
moyen  d'exprimer  certains  événements  et  certaines  idées  à 
l'aide  de  nœuds  faits  de  différentes  façons  et  diversement 
disposés  a  été  poussé  au  dernier  degré  de  perfection 
dans  les  Quiposdes  anciens  Péruviens:  ce  sont  des  anneaux 
en  corde  ou  en  bois,  auxquels  sont  attachées,  en  grand 
nombre,  des  cordelettes  de  couleurs  différentes  sur  chacune 
desquelles  se  trouve  deux  ou  plusieurs  nœuds  diversement 


/^ 


Fig.  1.  —  Planchette  à 
encoches  des  Lao- 
tiens. 


ÉCRITURE  -  ^22  - 

façonnés  (fig.  2).  Enfin,  pour  en  terminer  avec  les  moyens 
mnémotechniques,  notons  les  différentes  marques  de  pro- 


2.  —  Quipo  péruvien. 


priété,  de  parenté,  de  tribut  (les  Totems  des  Peaux-Rouges, 
les  Tamgas  des  Kirghis,  etc.),  que  Ton  a  Fhabitude  de 
graver  sur  les  armes,  sur  les  habitations,  sur  les  animaux 


et  même  sur  le  corps  des  hommes  (tatouages  des  Maoris). 
Les  moyens  que  nous  venons  de  signaler  ne  sont  que 
les  précurseurs  de  la  véritable  écriture  ;  cette  dernière 
ne  commence  réellement  qu'avec  les  dessins,  exprimant 
une  suite  d'idées,  avec  la  pictographie.  On  en  trouve  des 
essais  imparfaits  dans  les  dessins  des  Mélanésiens,  repré- 
sentant différents  événements  de  leur  vie,  dans  les  gra- 
vures sur  os  des  Esquimaux,  dans  certains  tableaux 
rupestres  des  Bochimans,  des  Australiens,  ou  bien  dans 
ceux  que  nous  ont  laissés  les  peuplades  inconnues  sur  les 
bords  du  léniséï.  Mais  c'est  chez  les  Indiens  de  l'Amé- 
rique du  Nord  que  la  pictographie  a  pris  le  plus  haut  degré 
de  développement.  On  peut  en  juger  par  l'exemple  ci-dessous 
(fig.  3),  emprunté  à  une  pétition  présentée  par  les  Indiens 
au  président  des  Etats-Unis,  pour  réclamer  la  possession 
de  certains  lacs  situés  dans  le  voisinage  du  lac  Supé- 
rieur. La  figure  n°  4  représente  le  principal  chef  péti- 
tionnaire par  l'image  d'une  grue,  totem  de  son  clan  ;  les 
animaux  qui  suivent  sont  les  totems  de  ses  copétition- 
naires.  Leurs  yeux  sont  tous  reliés  aux  siens,  pour  expri- 
mer l'unité  de  vues,  leur  cœur  au  sien,  pour  exprimer 
l'unité  de  sentiments.  L'œil  de  la  grue,  symbole  du  chef 
principal,  est  en  outre  le  point  de  départ  d'une  ligne  qui 
se  dirige  vers  le  président  et  d'une  autre  qui  va  rejoindre 
les  lacs.  Dans  d'autres  inscriptions,  le  symbolisme  des 
figures  est  poussé  beaucoup  plus  loin.  Les  signes,  non 
encore  déchiffrés  des  «  bois  parlants  »  en  usage  chez  les 
Polynésiens  de  l'île  de  Pâques  (fig.  4)  se  rapprochent  de  la 


Fig.  3.  —  Pictographie  des  Indiens  Peaux-Rouges. 


pictographie  américaine,  tout  en  offrant  en  même  temps 
des  signes  symboliques  pour  le  chant. 

C'est  aussi  d'une  pareille  pictographie  un  peu  perfectionnée 
qu'est  issue  l'écriture  figurative  en  hiéroglyphes  des  Mexi- 
cains duplateau  d'Anahuac  et  celle  de  leurs  voisins,  les  Maya 


Fig.  4.  —  Signes  des  «  bois  parlants  »  des  Polynésiens. 

de  la  presqu'île  de  Yucatan  (fîg.  5).  Cette  écriture  consti- 
tue un  pas  en  avant  en  ce  que  certaines  figures  ont  une 
valeur  phonétique  en  même  temps  qu'une  signification 
réelle.  La  meilleure  preuve  est  fournie  par  la  transcription 
des  deux  premiers  mots  du  Pater  en  hiéroglyphes  mexicains 
(fig.  6).  C'est  le  système  du  rébus.  La  valeur  phonétique 
des  hiéroglyphes  égyptiens  a  été  déduite  à  peu  près  de  la 
même  façon  d'après  le  son  du  langage  parlé  désignant 
l'objet  figuré.  On  peut  poursuivre  la  transformation  des 
figures  d'objets  en  signes  conventionnels  de  plus  en  plus 
simplifiés,  c.-à-d.  en  représentations  ou  peintures  des  sons, 


dans  l'écriture  cunéiforme  (V.  ce  mot)  des  Assyriens 
aussi  bien  que  dans  les  écritures  égyptienne  et  chinoise, 
comme  on  le  voit  sur  les  fig.  7  et  8.  Dans  la  fig.  7 
la  première  ligne  représente  les  hiéroglyphes  anciens  et  la 
deuxième  les  caractères  modernes  pour  le  chinois;  dans 
la  fig.  8  la  première  colonne  montre  les  hiéroglyphes  et 
la  seconde  les  caractères  hiératiques  des  Egyptiens,  qui  en 
sont  dérivés.  Souvent  ces  caractères  simplifiés  ont  gardé  néan- 
moins leur  signification  première,  et  l'association  de  ces 
figures  avec  les  signes  purement  phonétiques  constitue  tout 
le  secret  de  l'écriture  chinoise  ;  les  deux  cent  quatorze  «  clefs  » 
ou  idéogrammes  représentant  les  catégories  d'objets  ou  sym- 
bolisant des  idées  générales,  joints  à  un  millier  de  signes  pho- 
nétiques, suffisent  pour  attribuer,  par  leurs  combinaisons, 
un  sens  exact  à  des  séries  des  hiéroglyphes  homophones  consti- 
tuant les  quarante-quatre  mille  quatre  cent  quarante-neuf 
caractères  de  l'écriture  chinoise.  Ainsi,  le  mot  ou  la  syllabe 
pa  signifie  bananier,  char  de  guerre,  cicatrice,  cri,  etc. 
Pour  distinguer  ces  diverses  acceptions  du  mot,  il  faut 
joindre  au  signe  phonétique  pa  (dérivé  d'un  mot  dont  le 
sens  propre  est  oblitéré  depuis  longtemps)  la  clef  des  plantes 
ou  celle  du  fer,  des  maladies,  de  la  bouche,  suivant  le  sens 


que  Ton  veut  lui  donner.  La  structure  monosyllabique  du 
chinois  se  prête  à  merveille  à  cette  écriture  hiéroglyphique, 
et  réciproquement  ce  système  graphique,  si  bien  élaboré 
de  très  bonne  heure  dans  tous  ses  détails,  a  peut-être 
empêché  la  langue  chinoise  d'évoluer  vers  le  polysyllabisme. 


O         O 


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3 


_  523  —  ECRITURE 

religion  et  aux  progrès  de  la  civilisation  de  ces  peuples. 
Ainsi  tout  le  monde  musulman  adopte  l'écriture  arabe  ; 
les  bouddhistes  du  Nord,  sans  distinction  de  race,  ont  en 
grande  estime  les  «  saints  »  caractères  tibétains,  tandis  que 
ceux  du  Sud  vénèrent  l'écriture  pâli.  Les  alphabets  mon- 
gol et  mandjou  sont  les  restes  de  l'influence  ouïgoure 
et  du  nestorianisme  qui  a  importé  de  l'écriture  syriaque  en 
Asie  centrale,  comme  l'alphabet  javanais  est  le  reste  de  la 


0 


OQO  OO 
ooo  oo  o 


o  ooooo 


sQ 


Fig.  5.  —  Signes  du  calendrier  mexicain 

Les  caractères  chinois  n'ont  été  adoptés  que  par  un  seul 
peuple  à  langue  agglutinative,  les  Japonais,  qui  d'ailleurs 
ont  inventé  à  côté  une  autre  écriture  (Kata-Kana)^  sylla- 


j,a 


Le       jiotc      êe 


Fig.  6.  —  Pafer  no^tQV  en  hiéroglyphes  mexicains. 

bique  celle-là,  sans  compter  l'écriture  courante  (Hina- 
Kana),  Les  Egyptiens,  parlant  une  langue  à  flexion,  ont 
dû  quitter,  au  contraire,  de  bonne  heure,  l'écriture  hié- 

Sûleil      LuRÇ    Moiikpe      Mre      Qien 

ÂRdcii    o  |)  ^  $  ^ 

0    ^    0)  7l^  ;^ 


'odernç 


Aurore  foret 

Ancien..  Q  %    % 

Modem,  e  ]Q  y^  yj? 


Fig.  7.  - 


•  Dérivation  des  caractères  chinois  des  hiéro- 
glyphes anciens. 


roglyphique  pour  passer  à  l'écriture  phonétique  des  carac- 
tères hiératiques  et  démotiques.  C'est  de  cette  écriture  que 
dérive  l'alphabet  dit  phénicien,  le  prototype  de  la  plupart 
des  alphabets  de  la  terre  (V.  Alphabet).  La  propagation 
des  différentes  écritures  anciennes  et  modernes  et  leur 
adoption  par  différents  peuples  sont  étroitement  liées  à  la 


Fig.  8. 


Dérivation  des  caractères  hiératiques  égyptiens 
des  hiéroglyphes. 


domination  civilisatrice  des  Hindous  à  Java.  Avecl'expan- 
sion  qu'a  prise  la  colonisation  européenne,  les  caractères 
de  l'alphabet  latin  s'imposent  de  plus  en  plus  ;  en  Europe 
même,  ils  tendent  à  reléguer  au  deuxième  plan  les  autres 
caractères  (gothiques,  cyrilliques,  etc.).  En  même  temps,  il 
surgit  de  nouveaux  modes  d'écriture ,  l'alphabet  télégra- 
phique, la  sténographie,  les  signes  du  phonographe,  pré- 
curseurs d'une  écriture  de  l'avenir,  universelle,  interna- 
tionale, simple  et  rapide.  J.  Deniker. 

II.  Histoire.  —  Les  recherches  modernes  ont  conduit 
à  observer,  dans  l'histoire  de  l'écriture,  comme  on  a  déjà 
pu  le  constater  en  lisant  le  paragraphe  précédent,  une 
évolution  analogue  à  celle  de  l'histoire  des  langues.  Le 
besoin  de  fixer  la  pensée,  pour  la  transmettre  à  d'autres  ou 
pour  conserver  le  souvenir  de  certains  faits,  a  donné  nais- 
sance à  l'écriture  sur  un  grand  nombre  de  points  du  globe. 
A  une  époque  de  civilisation  peu  avancée  a  correspondu 
une  forme  primitive  d'écriture  qui  consiste  soit  en  signes 
conventionnels  et  purement  mnémoniques,  soit  dans  la 
représentation  plus  ou  moins  grossière  et  abrégée  des  objets 
dont  on  voulait  rappeler  le  souvenir  (V.  Pictographie). 
Ces  procédés  ont  été  plus  ou  moins  variés,  perfectionnés 
et  compliqués  ;  ils  n'en  représentent  pas  moins  une  ten- 
tative encore  fort  imparfaite  et  fort  insuffisante  de  fixer  la 
pensée,  condamnée  à  n'exprimer  ainsi  que  des  idées  simples 
et  des  faits  concrets.  Aussi  ne  se  sont-ils  conservés  que  dans 
les  pays  d'une  civilisation  rudimentaire  ;  partout  ailleurs, 
ils  ont  dû,  ou  bien  se  transformer,  ou  bien  céder  la  place 
à  des  systèmes  plus  perfectionnés. 

Un  pas  important  fut  fait  par  les  écritures  qui,  d'images 
plus  ou  moins  incertaines  ou  simplement  figuratives,  ont 
passé  à  un  système  dans  lequel  les  signes  figuratifs  ont 
acquis,  avec  une  fixité  et  une  régularité  conventionnelles, 
une  indépendance  plus  grande  de  l'objet  figuré,  dans  lequel, 
enfin,  aux  représentations  des  objets  réels,  se  sont  ajoutés 
des  symboles  propres  à  rendre  les  idées  abstraites  ;  c'est  ce 
que  l'on  nomme  ndéographisme  (V.  ce  mot),  apte  déjà  à 
exprimer  un  nombre  d'idées  beaucoup  plus  considérable 
que  les  systèmes  primitifs,  et  corrélatif,  par  conséquent,  à 
un  état  de  civilisation  notablement  plus  avancé.  Observons 
que,  jusqu'ici,  l'écriture  demeure  totalement  indépendante 
du  langage.  Mais  les  idéogrammes,  qui  d'abord  n'avaient  été 
que  la  fi'guration  ou  le  symbole  des  objets  ou  des  idées, 
devaient,  par  la  force  même  des  choses,  en  arriver  à 
exprimer  des  sons,  et,  par  là,  l'écriture  devait  se  lier  inti- 
mement aux  langues.  A  l'idéographisme  devait  à  la  longue 
se  substituer  naturellement  le  phonétisme.  Voici  comment 


ECRITURE 


524  - 


cette  révolution,  capitale  dans  Thistoirede  l'écriture,  a  dû 
s'accomplir.  Lorsqu'on  voulait  exprimer  par  le  langage  les 
idées  exprimées  par  des  images  ou  des  symboles,  ou,  en 
d'autres  termes,  lire  les  idéogrammes,  on  les  traduisait 
tout  naturellement  par  les  mots  attachés  dans  le  langage  à 
l'expression  de  ces  mêmes  idées.  A  la  longue,  les  signes 
figuratifs  en  arrivaient  à  éveiller  dans  l'esprit,  d'abord  les 
deux  idées  associées  de  la  chose  et  de  son  expression  dans 
le  langage  parlé.  Puis,  la  notion  de  l'idée  s'afFaiblissant, 
d'autant  plus  que  les  images  conventionnelles  étaient  plus 
abrégées  et  partant  plus  altérées,  d'autant  plus  surtout  que 
les  symboles  y  étaient  plus  multipliés  et  plus  complexes, 
que  les  rapports  des  représentations  avec  les  idées  à  noter 
étaient  plus  éloignés  et  plus  fictifs,  les  signes  en  vinrent 
à  ne  plus  rappeler  à  l'esprit  la  chose  même,  mais  seulement 
le  son  du  mot  par  lequel  elle  était  exprimée.  Le  passage 
de  l'idéographisme  au  phonétisme  s'est  donc  fait  par  un 
système  très  analogue  à  celui  du  rébus.  C'est  ainsi  qu'il  est 
arrivé  que  les  idéogrammes,  transformés  en  hiéroglyphes 
(V.  ce  mot)  en  sont  venus  à  exprimer  plusieurs  mots, 
divers  par  le  sens,  mais  semblables  par  le  son. 

Quatre  systèmes  d'écritures  hiéroglyphiques  sont  connus 
dans  l'ancien  monde  :  l'écriture  chinoise,  l'écriture  cunéi- 
forme, les  hiéroglyphes  égyptiens,  et  les  hiéroglyphes  hit- 
tites, récemment  découverts  et  encore  imparfaitement 
déchiffrés  (V.  Hittites).  Dans  une  langue  comme  le  chinois, 
où  les  mots  n'ont  qu'une  seule  syllabe,  le  phonétisme  pro- 
duisait naturellement  une  écriture  où  chaque  signe  repré- 
sentait à  la  fois  une  syllabe  et  un  mot  (V.  Chine,  t.  XI, 
p.  112).  Mais  dans  les  langues  où  les  mots  peuvent 
être  polysyllabiques,  le  phonétisme  ne  permettait  point 
d'isoler  les  syllabes  et  de  les  représenter  par  des  signes 
fixes  et  invariables.  Il  n'est  pas  très  facile  de  se  rendre 
compte  de  la  manière  dont  il  arriva  que  certains  caractères 
furent  choisis  pour  représenter  non  plus  toutes  les  syl- 
labes composant  le  mot  dont  ils  étaient  l'image,  mais  seu- 
lement l'une  de  ces  syllabes  et  ordinairement  la  première. 
Mais  au  point  de  civilisation  que  suppose  la  transition  de 
l'idéographisme  au  phonétisme,  peut-être  n'est-il  pas  témé- 
raire de  conjecturer  que  l'ingéniosité  et  le  travail  réfléchi 
d'hommes  de  génie  et  de  savants  ont  pu  avoir  une  action 
sur  cette  transformation  de  l'écriture.  Quoi  qu'il  en  soit,  les 
Chaldéens  et  les  Egyptiens  ont  ainsi  transformé  leurs  idéo- 
grammes primitifs  en  syllabaires.  On  comprendra  que  les 
anciennes  représentations  figurées,  du  moment  qu'elles 
n'avaient  plus  la  valeur  d'idéogrammes,  devaient  rapide- 
ment s'altérer  et  se  transformer  en  s'éloignant  toujours 
davantage  de  leur  forme  primitive.  Cela  arriva  en  efiet  : 
les  signes  se  simplifièrent,  devinrent  peu  à  peu,  en  quelque 
sorte,  plus  maniables;  ils  s'adaptèrent  à  la  fois  aux  ins- 
truments qui  servaient  à  les  écrire  et  aux  matières  sur 
lesquelles  on  les  traçait,  en  un  mot,  comme  le  dit  très 
justement  M.  Berger,  ils  ont  subi  la  loi  du  moindre  effort, 
commune  à  toutes  les  transformations  de  l'industrie 
humaine.  C'est  ainsi  que  les  très  anciens  idéogrammes  chal- 
déens sont  devenus  les  caractères  semblables  à  des  paquets 
de  clous,  qui  ont  donné  leur  nom  aux  écritures  cunéiformes, 
et  que  les  hiéroglyphes  égyptiens,  tout  en  se  maintenant 
pour  les  inscriptions  décoratives,  se  sont  peu  à  peu  défi- 
gurés lorsqu'on  écrivit  au  calame,  et  ont  produit  l'écriture 
dite  hiératique^  qui  se  simplifia  plus  tard  encore  et  devint 
entre  la  xvi®  et  la  xv®  dynastie,  l'écriture  populaire  ou 
démotique. 

Les  écritures  ainsi  développées  et  perfectionnées  consti- 
tuaient un  progrès  déjà  considérable  ;  aussi  devaient-elles 
nécessairement  se  propager  au  delà  des  frontières  des 
peuples  chez  lesquels  elles  s'étaient  formées,  et  remplacer 
des  écritures  plus  imparfaites  en  s'adaptant  à  des  langues 
différentes  de  celles  qui  leur  avaient  donné  naissance.  C'est 
ainsi  que  les  Japonais  empruntèrent  aux  Chinois  les  élé- 
ments de  leur  écriture  (V .  Japon)  ,  et  que  l'écriture  cunéiforme 
des  Chaldéens  fut  adoptée  par  les  Assyriens,  d'où  elle 
se  propagea  ensuite  en  Arménie,  en  Médie,  en  Susiane, 


en  Perse,  où  elle  subit  des  transformations  fécondes,  et 
jusque  dans  l'île  de  Chypre,  où  elle  fut  employée  à  écrire 
un  dialecte  grec  (V.  Cunéiformes  [Inscriptions],  t.  XIÏI, 
p.  618,  et  Chypre,  t.  XI,  p.  338). 

L'écriture  égyptienne  devait  avoir  une  fortune  plus 
extraordinaire  encore.  Mais,  avant  de  l'indiquer,  il  convient 
de  faire  observer  que,  même  sous  la  forme  hiéroglyphique 
et  à  une  époque  fort  ancienne,  elle  avait  atteint  un  degré 
de  plus  que  les  autres  écritures  dans  la  voie  du  perfection- 
nement. Non  seulement,  en  effet,  elle  avait  donné  à  ses  idéo- 
grammes une  valeur  syllabique,  mais  dans  cette  voie  du 
développement  phonétique,  elle  ne  s'était  point  arrêtée  à  la 
syllabe,  elle  en  avait  décomposé  les  éléments  et  en  avait  isolé 
la  lettre.  Plus  de  trois  raille  ans  avant  notre  ère,  les  Egyp- 
tiens avaient  senti  le  besoin  de  dégager  par  l'écriture  un 
certain  nombre  d'articulations  et  ils  l'avaient  fait  en  attri- 
buant à  certains  signes  figuratifs  la  valeur  de  la  première 
articulation  formée  en  prononçant  le  mot  auquel  chacun  de 
ces  signes  correspondait  dans  leur  langue.  Ils  avaient,  de 
la  sorte,  créé  un  certain  nombre  de  véritables  lettres. 
L'écriture  égyptiennne  était  devenue  de  la  sorte  à  la  fois 
idéographique,  syllabique  et  alphabétique.  Quelques  mois 
d'un  emploi  général  continuaient  à  être  exprimés  par  des 
signes  purement  idéographiques  et,  d'autre  part,  des 
idéogrammes  en  assez  grand  nombre,  sans  valeur  phoné- 
tique, placés  après  les  mots,  servaient  à  en  déterminer  le 
sens.  La  plupart  des  mots  eux-mêmes  étaient  exprimés  par 
des  combinaisons  de  signes  syllabiques  et  alphabétiques. 
Cette  combinaison  de  l'idéographisme  et  du  phonétisme 
avait  fait  de  l'écriture  égyptienne  un  instrument  très 
compliqué,  mais  en  même  temps  très  savant  et  très  riche. 
Elle  lui  donnait  une  supériorité  très  marquée  sur  toutes  les 
autres  écritures  du  monde  ancien  ;  mais,  si  sa  richesse'Ja  ren- 
dait propre  à  exprimer  un  grand  nombre  d'articulations,  sa 
complication  empêchait  qu'elle  fût  facilement  assimilable. 

La  simplification  nécessaire  à  la  propagation  de  l'écriture, 
et  qui  devait  en  constituer  le  dernier  perfectionnement,  fut 
l'œuvre  d'un  peuple  que  le  commerce  mettait  en  relation 
constante  avec  les  Egyptiens.  La  science  moderne  a  com- 
plètement confirmé  sur  ce  point  les  traditions  de  l'antiquité 
classique.  Les  Phéniciens,  guidés  en  cela  par  le  besoin 
pratique  et  les  nécessités  de  leur  commerce,  en  arrivèrent 
à  débarrasser  l'écriture  qu'ils  empruntèrent  aux  Egyptiens 
des  idéogrammes  et  des  signes  syllabiques  qui  l'encom- 
braient, pour  n'en  retenir  que  vingt-deux  caractères,  cor- 
respondant à  des  articulations  simples,  soit  vingt-deux 
consonnes;  leur  langue,  qui  laissait  les  voyelles  assez 
indistinctes,  les  avait  prédisposés  à  décomposer  ainsi  la 
syllabe  sans  en  préciser  le  vocalisme.  L'alphabet  était  créé; 
les  éléments  primordiaux  de  la  parole  avaient  été  isolés  et 
représentés  par  des  signes  ;  et,  comme  ces  éléments  sont 
sensiblement  les  mêmes  chez  tous  les  peuples,  ces  signes 
pouvaient,  avec  quelques  modifications,  s'appliquer  à  toutes 
les  langues.  C'est  une  question  encore  controversée  de 
savoir  si  les  caractères  de  l'alphabet  phénicien  ont  été 
empruntés  directement  aux  signes  hiéroglyphiques  ou  aux 
caractères  de  l'écriture  hiératique.  Quoi  qu'il  en  soit, 
l'invention  des  Phéniciens  fut  portée,  grâce  à  leurs  relations 
commerciales  dans  toutes  les  parties  du  monde  antique  et 
se  propagea  de  proche  en  proche,  d'une  part  dans  tout  le 
bassin  de  la  Méditerranée  et  jusque  dans  le  N.  de  l'Eu- 
rope, principalement  par  l'intermédiaire  des  Grecs,  d'autre 
part  dans  le  monde  sémitique  et  chez  les  Indiens,  par 
l'influence  des  Araméens,  si  bien  que  les  alphabets  du 
monde  entier  ont  pour  origine  la  merveilleuse  invention  des 
Phéniciens  (V.  Phénicien  et  Alphabet). 

Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  d'expliquer  comment  l'alphabet 
grec  est  sorti  de  l'alphabet  phénicien  ;  il  sufiîra  d'indiquer 
en  quelques  mots  que,  pour  l'approprier  à  leur  génie  propre, 
les  Grecs  en  ont,  à  la  longue,  changé  la  direction,  qu'ils 
en  ont  redressé  et  régularisé  les  caractères,  mais  surtout 
que,  pour  l'adapter  à  leur  langue  sonore,  ils  en  ont,  par 
une  véritable  et  nouvelle  création,  tiré  les  voyelles,  choisis- 


sant  pour  cela  des  caractères  représentant  des  gutturales 
et  des  semi-voyelles  dont  ils  n'avaient  pas  besoin. 

Ainsi  transformé  et  porté  ainsi  à  un  haut  degré  de  per- 
fection, l'alphabet  grec  se  propagea  avec  la  civilisation 
hellénique  :  les  alphabets  phrygien,  lycien  et  dorien  en 
sont  des  dérivés.  On  a  cru  longtemps  que  les  Etrusques 
avaient  directement  emprunté  leur  alphabet  aux  Phéniciens, 
mais  les  recherches  nouvelles  tendent  à  prouver  qu'ils  l'ont, 
eux  aussi,  reçu  des  Grecs  (V.  Etrusque).  Dans  tous  les 
cas,  l'écriture  étrusque  a  donné  naissance  aux  autres  al- 
phabets italiotes,  à  ceux  du  centre  de  l'Italie  :  ombrien^ 
osque^  sabellique^  comme  à  ceux  du  Nord  :  euganéen^ 
salasse^  rhétique  (V.  ces  mots).  La  question  est  plus 
controversée  en  ce  qui  touche  l'origine  de  l'alphabet  latin. 
On  a  admis  longtemps,  et  beaucoup  de  savants  admettent 
encore,  que  les  Romains  ont  emprunté  leur  alphabet  aux 
Grecs  du  S.  de  l'Italie  et  de  la  Sicile,  et  que  les  caractères 
de  l'alphabet  latin  dérivent  de  ceux  de  l'alphabet  éolo- 
dorien  usité  dans  ces  colonies.  L'histoire  semble  confirmer 
sur  ce  point  les  données  fournies  par  la  comparaison  et 
l'analyse  des  inscriptions;  néanmoins,  M.  Michel  Bréal 
croit  pouvoir  démontrer  que  la  dérivation  du  grec  ne  s'est 
faite  là  encore  que  par  l'intermédiaire  de  l'étrusque. 

Nous  n'avons  pas  à  faire  ici  l'histoire  du  développement 
et  des  transformations  de  l'écriture  latine,  qui  est  du  res- 
sort, pour  les  inscriptions,  de  Vépigraphie  (V.  ce  mot),  et 
pour  les  manuscrits,  de  la  paléographie  (V.  ce  mot). 
L'alphabet  latin  a  continué  à  se  transformer  et  à  subir  de 
lentes  modifications,  amenées  pour  la  plupart  par  la  tendance 
constante  à  simplifier  les  caractères  et  à  les  tracer  d'un 
seul  trait.  C'est  lui  qui  a  donné  naissance  aux  écritures 
usitées  de  nos  jours  chez  les  peuples  de  races  latine  et  ger- 
manique :  on  peut,  en  se  reportant  aux  articles  consacrés  à 
chaque  lettre  de  l'alphabet  dans  la  présente  Encyclopédie, 
se  rendre  compte  d'une  part  de  leur  dérivation  et  d'autre 
part  des  transformations  qu'elles  ont  subies  jusqu'à  nos 
jours. 

D'autres  écritures  du  bassin  de  la  Méditerranée  et  du 
monde  occidental  doivent  encore  se  rattacher  à  l'alphabet 
phénicien,  les  unes  directement,  les  autres  par  l'intermé- 
diaire des  Grecs.  Après  l'établissement  du  christianisme 
sur  les  bords  du  Nil,  les  descendants  des  anciens  Egyptiens, 
les  Coptes,|adaptèrent  à  leur  langue  l'alphabet  grec,  auquel 
ils  joignirent  quelques  lettres  empruntées  à  l'alphabet  dé- 
motique (V.  Egypte).  Au  ix®  siècle,  l'apôtre  du  monde 
slave,  Cyrille,  tira  de  l'alphabet  grec  un  alphabet  nouveau, 
mêlé  d'éléments  hébreux  et  syriaques,  l'alphabet  slavon^ 
qui  se  répandit  dans  les  pays  slaves  (Russie,  Serbie,  Bul- 
garie) et  qui  a  donné  naissance  à  l'alphabet  civil  des  Russes 
(V.  Cyrille  [Saint]).  Auparavant  déjà, certains  peuples  de 
race  slave,  et  notamment  les  Serbes,  se  servaient  d'un 
autre  alphabet  dit  glagolithique  (V.  ce  mot),  que  certains 
auteurs  disent  tiré  des  lettres  minuscules  de  l'alphabet 
grec,  que  d'autres  prétendent  rattacher  aux  runes.  Les 
runes  elles-mêmes  (V.  ce  mot),  qui  furent  l'écriture  des 
peuples  de  l'Europe  septentrionale,  se  rattachent  certaine- 
ment à  l'alphabet  phénicien  ;  mais  on  n'a  pas  déterminé 
encore  avec  certitude  comment  elles  se  sont  formées  ;  les 
uns  les  prétendent  dérivées  directement  de  l'écriture  des 
Phéniciens;  d'autres,  au  contraire,  les  croient  en  rapport 
de  filiation  avec  les  alphabets  grec  ou  lathi.  A  cette  influence, 
il  faut  ajouter  celle  d'une  autre  écriture  beaucoup  plus 
rudimentaire,  celle  de  l'ancienne  écriture  de  l'Irlande  ou 
écriture  ogamique  (V.  ce  mot).  A  leur  tour,  les  runes 
combinées  avec  les  lettres  onciales  donnèrent  naissance  à 
l'ancienne  écriture  gothique  (V.  ce  mot),  créée  au  iv^ siècle 
par  l'évêque  Ulphilas.  En  Espagne,  on  rencontre  aussi,  à 
l'époque  ancienne,  un  alphabet  particulier,  apparenté  cer- 
tainement à  l'alphabet  phénicien,  l'alphabet  ibérique  (V. 
ce  mot),  mais  il  est  imparfaitement  classé,  et  on  n'a  pas 
réussi  encore  à  en  déterminer  avec  certitude  la  filiation. 

On  voit  quelle  a  été  la  force  d'expansion  de  l'alphabet 
phénicien  dans  l'Europe  occidentale.  Nous  allons  voir  qu'elle 


525  —  ÉCRITURE 

n'a  pas  été  moins  grande  dans  le  monde  oriental.  Chez  les 
peuples  sémitiques  qui  ne  conçoivent  pas  la  voyelle  indé- 
pendante de  la  consonne,  l'alphabet  phénicien  n'avait  be- 
soin, pour  être  employé,  d'aucune  adaptation  à  la  langue  ; 
aussi  son  histoire  n'y  est-elle  marquée  que  par  des  modi- 
fications, mais  souvent  assez  profondes,  dans  les  formes 
des  caractères.  Sans  parler  des  transformations  que  subit 
l'écriture  phénicienne  pour  aboutir  à  la  forme  cursive  de 
l'époque  romaine,  connue  sous  le  nom  de  néo-punique , 
c'est  elle  qui  a  donné  naissance  à  l'ancienne  écriture  hé- 
braïque (V.  ce  mot)  dont  s'est  détaché  comme  un  rameau 
isolé  l'alphabet  samaritain  (V.  ce  mot).  Mais  les  princi- 
paux propagateurs  de  l'alphabet  en  Asie  furent  les  Ara- 
méens  ou  Syriens  (V.  Aram).  Après  avoir  transformé 
l'écriture  phénicienne  en  une  écriture  cursive,  ils  l'impor- 
tèrent en  Perse,  oti  elle  se  substitua  à  l'ancienne  écriture 
cunéiforme,  en  Arabie  et  jusqu'en  Egypte.  A  la  longue, 
l'alphabet  araméen  fut  adopté  par  tous  les  peuples  semi- 
tiques.  V hébreu  carrée  qui  s'est  substitué  vers  le  v®  siècle 
av.  J.-C.  à  l'ancienne  écriture  hébraïque,  est  un  dérivé  non 
de  celle-ci,  mais  de  l'écriture  araméenne;  il  s'est  transformé 
plus  tard  à  son  tour  en  une  écriture  cursive  qui  est  Vhé- 
breu  rabbinique.  Il  en  est  de  même  de  l'écriture  palmy- 
rénienne  ou  écriture  usitée  à  Palmyre,  à  l'époque  où  cette 
ville  de  Syrie  fut  un  centre  de  civilisation,  c.-à-d.  aux 
trois  premiers  siècles  de  notre  ère  (V.  Palmyre);  de  même 
de  l'écriture  nabatéenne ,  dont  les  inscriptions  [de  la 
vallée  d'El-Hedjr  nous  ont  conservé  de  nombreux  spécimens 
datant  de  l'époque  des  Hérodes  (V.  Nabatéen);  de  même 
encore,  mais  par  l'intermédiaire  du  palmyrénien,  de  l'écri- 
ture syriaque  ou  estranghelo  (V.  ce  mot)  telle  qu'on  la 
trouve  dans  quelques  rares  inscriptions  du  i^^  siècle,  mais 
surtout  dans  les  manuscrits  si  nombreux  depuis  le  com- 
mencement du  V®  siècle  de  notre  ère;  de  même  enfin,  sous 
l'influence  syriaque,  de  l'écriture  arabe,  dont  quelques 
spécimens  de  l'époque  préislamique  montrent  comment  se 
sont  formées,  d'une  part  la  belle  écriture  monumentale 
connue  sous  le  nom  de  koûfique  et  d'autre  part  l'écriture 
courante  ou  naskhi  restée  en  usage  jusqu'à  nos  jours  et 
dont  la  diffusion  est  due  en  grande  partie  à  ce  qu'elle  a  été 
l'écriture  du  Coran  et  a  été  ainsi  imposée  à  tous  les  peuples 
qui  ont  adopté  l'islamisme.  Cette  écriture  a  elle-même  donné 
naissance  aux  écritures  du  Maghreb  (Y.  Arabe,  t.  III, 
p.  487,  et  les  mots  Koûfique  et  Naskhi).  Notons  ici  que 
les  ressources  de  l'alphabet  phénicien  ont  été  chez  les 
peuples  sémitiques  augmentées  par  la  création  de  signes 
complémentaires  destinés  à  exprimer  les  voyelles  dont  les 
Phéniciens  ne  paraissent  pas  avoir  jamais  senti  le  besoin. 
Après  avoir  tenté  de  noter  les  voyelles,  comme  l'avaient 
fait  les  Grecs,  à  l'aide  de  certaines  lettres  de  l'alphabet, 
gutturales  ou  semi-voyelles,  les  Sémites  s'arrêtèrent  à  un 
système  artificiel,  d'origine  savante,  consistant  à  préciser 
le  vocalisme  par  l'emploi  de  points  ou  de  traits  ajoutés  aux 
consonnes  ;  ce  système  semble  avoir  pris  naissance  dans 
l'écriture  syriaque;  il  s'est  développé  chez  les  Hébreux,  où 
on  le  rencontre  au  x«  siècle,  dans  les  plus  anciens  manus- 
crits de  la  Bible,  et  a  passé  avec  quelques  modifications 
dans  l'écriture  arabe.  D'autres  écritures  du  monde  sémi- 
tique ,  les  écritures  sabéemies  (V.  Saba)  ,  Vhimyarite 
(V.  ce  mot)  dont  de  nombreuses  inscriptions  ont  été  dé- 
couvertes dans  l'Yemen,  le  ghe%  et  Vamharique,  les  deux 
formes  de  l'écriture  des  Ethiopiens  (V.  Ethiopie)  et  les 
écritures  safaïtiques  (V.  Safa)  proviennent  certainement 
aussi  de  l'alphabet  phénicien,  mais  on  n'a  pas  encore  dé- 
terminé exactement  par  quelle  voie.  Peut-être  faut-il  encore 
rattacher  à  l'alphabet  phénicien,  par  l'intermédiaire  de 
l'éthiopien,  l'écriture  ly bique  ou  berbère  usitée  par  les 
anciennes  populations  de  la  Numidie  et  de  la  Maurétanie  et 
dont  on  trouve  en  Kabylie  de  nombreuses  inscriptions. 
Dans  tous  les  cas,  cette  écriture  a  été  la  forme  primitive 
de  l'écriture  tefinagh  ou  écriture  sacrée  des  Touaregs 
(V.  ce  mot). 
Il  nous  faut  maintenant  revenir  à  l'autre  extrémité  du 


ÉCRITURE 


—  526  — 


monde  oriental  pour  suivre  en  Asie  la  diffusion  de  l'alpha- 
bet, toujours  par  l'intermédiaire  de  l'écriture  araméenne. 
C'est  à  l'époque  perse  que  de  cette  écriture  est  née  l'écri- 
ture indienne  (V.  l'art.  Alphabet  indien,  t.  II,  p.  49!2)  et 
l'écriture  indo-bactrienne  qui  ont  produit  à  travers  de 
nombreuses  transformations  l'écriture  moderne  du  sanscrit 
classique  qui  porte  le  nom  de  devanâgari.  La  propagande 
bouddhique  a  répandu  cette  écriture  dans  une  grande  partie 
de  l'Asie  et  jusqu'en  Corée.  Bien  que  leur  classification  soit 
encore  imparfaite,  il  est  clair  cependant  que  tous  les  alpha- 
bets modernes  de  l'Inde  dérivent  de  l'écriture  sanscrite  et 
il  en  est  de  même  de  ceux  de  la  plupart  des  pays  soumis 
à  l'influence  de  la  civilisation  hindoue  ;  citons  l'écriture 
du  Tibet  qui,  importée  en  Chine  au  xiii^  siècle  de  notre 
ère,  y  a  donné  naissance  à  l'écriture  alphabétique  connue 
sous  le  nom  de  Pa'-sse-pa;  les  écritures  sacrées  de  la 
Birmanie  et  du  Cambodge,  l'écriture  singhalaise,  les  écri- 
tures de  Java  et  de  la  Malaisie,  et  enfin  l'écriture  coréenne, 
qui  aurait  à  son  tour  donné  naissance  à  une  écriture 
alphabétique  usitée  au  Japon  et  à  laquelle  les  Japonais  au- 
raient substitué  plus  tard  l'écriture  chinoise. 

A  l'écriture  araméenne  encore  se  rattachent  l'écriture 
des  livres  sacrés  de  Vb^an,  ou  zend,  et  l'écriture  pehlvi 
qui  toutes  deux  se  sont  fixées  à  l'époque  perse. 

Cette  revue,  nécessairement  fort  rapide,  de  l'histoire  de 
l'écriture  permet  de  se  rendre  compte  de  son  évolution  ; 
elle  suffit  à  montrer  comment  les  perfectionnements  de  l'écri- 
ture ont  suivi  les  progrès  de  la  civilisation,  comment  les 
écritures  perfectionnées  ont  peu  à  peu  supplanté  les  sys- 
tèmes primitifs,  et  comment  enfin  la  merveilleuse  invention 
des  Phéniciens,  l'alphabet,  a  fini  par  prévaloir  dans  le  monde 
civilisé  presque  tout  entier.  Aujourd'hui,  les  écritures  en 
usage  se  peuvent  réduire  à  quelques  types  principaux.  Ce 
sont  :  l'écriture  chinoise,  qui  s'est  perpétuée  à  l'écart  de 
toute  influence  occidentale,  l'écriture  arabe,  employée  par 
tous  les  peuples  soumis  à  l'islamisme  en  Asie  et  en  Afrique, 
les  écritures  indiennes,  l'écriture  grecque,  l'écriture  russe, 
l'écriture  allemande,  et  enfin  l'écriture  latine,  adoptée  par 
une  grande  partie  des  nations  de  l'Europe  et  par  tous  les 
peuples  civilisés  de  l'Amérique  et  de  l'Australie.     A.  G. 

Ecriture  en  lettres  d'or.  —  L'art  d'écrire  en  lettres 
d'or  ou  d'argent  a  préoccupé  beaucoup  les  scribes  de  l'an- 
tiquité et  du  moyen  âge.  Il  n'y  a  pas  moins  de  quinze  ou 
seize  formules  sur  ce  sujet,  dans  le  papyrus  égyptien  de 
Leyde,  et  il  a  été  traité  aussi  à  plusieurs  reprises  dans  les 
manuscrits  de  nos  bibliothèques  ;  Montfaucon  et  Fabricius 
ont  aussi  publié  plusieurs  recettes  tirées  de  ces  derniers. 
Rappelons-en  brièvement  quelques-unes.  —  Feuilles  d'or 
broyées  avec  de  la  gomme.  Ce  procédé  figure  encore  de 
nos  jours  dans  le  Manuel  Roret  (1832,  t.  II,  p.  136  ; 
[triturer  une  feuille  d'or  avec  du  miel  et  de  la  gomme, 
jusqu'à  pulvérisation, etc.].— •  Or  amalgamé  et  gomme.— 
Amalgame  d'or.  —  Dans  une  autre  recette,  on  prépare 
d'abord  un  alliage  d'or  et  de  plomb,  auquel  on  fait  subir 
certaines  préparations. —  Dans  les  recettes  précédentes,  l'or 
forme  le  fond  du  principe  colorant.  Mais  on  employait  aussi 
des  succédanés  pour  écrire  en  couleur  d'or,  sans  or  :  par 
exemple,  un  mélange  intime  de  soufre  natif,  d'alun  et  de 
rouille,  et  délayés  dans  du  vin;  —  et  encore  :  litharge 
couleur  d'or  ;  safran  et  bile  de  tortue.  —  Cuivre  rendu 
semblable  à  l'or  par  un  enduit  de  cumin.  —  Fleur  de  car- 
thame  et  bile  de  tortue  ou  de  veau.  —  D'autres  recettes 
suivantes  reposent  sur  l'emploi  de  l'orpiment  (arsenic  des 
anciens),  parfois  avec  addition  de  safran.  —  Dans  une 
autre  préparation  plus  compliquée,  l'orpiment,  la  chélidoine, 
la  bile  de  tortue  et  le  safran  sont  associés,  suivant  une 
recette  composite.  L'orpiment  apparaît  ici  comme  matière 
employée  pour  sa  couleur  propre,  et  non  comme  colorant 
des  métaux,  emploi  qu'il  a  pris  plus  tard.  —  On  trouve 
encore  une  recette  pour  écrire  en  lettres  d'asèm  (alliage 
d'argent  et  d'or),  au  moyen  de  la  couperose,  du  soufre  et 
du  vinaigre,  c.-à-d.  sans  or  ni  argent  ;  —  et  une  recette 
pour  écrire  en  lettres  d'argent,  avec  de  la  litharge  délayée 


dans  la  fiente  de  colombe  et  du  vinaigre.  —  Il  existe  au- 
jourd'hui des  recettes  analogues  dans  le  Manuel  Roret 
(1832,  t.  II,  p.  140  )  :  «  Etain  pulvérisé  et  gélatine,  on 
forme  un  enduit,  on  poht  au  brunissoir  ;  on  ajoute  une 
couche  de  vernis  à  l'huile  ou  à  la  gomme  laque,  ce  qui 
fournit  une  couleur  blanche  ou  dorée,  sur  bois,  sur  cuir, 
fer,  etc.  »  —  Si  j'ai  donné  quelques  détails  sur  ces  recettes 
pour  écrire  des  lettres  d'or  ou  d'argent,  c'est  en  raison 
de  l'importance  qu'elles  présentaient  avant  l'invention  de 
rimprimerie.  M.  B. 

III.  Pédagogie.  —  Tous  les  pédagogues  sont  una- 
nimes pour  reconnaître  que  l'enfant  doit  être  exercé  à 
écrire  dès  son  entrée  à  l'école  et  qu'il  ne  faut  pas  attendre 
pour  cela  qu'il  soit  en  état  de  lire  couramment.  «  La 
lecture  et  l'écriture,  dit  M.  Gréard,  sont  nécessairement 
le  fond  de  l'enseignement  élémentaire.  »  De  plus  en  plus 
on  comprend  la  vérité  de  cet  axiome  pédagogique  :  «  Des- 
sin, écriture  et  lecture  s'appellent  et  se  soutiennent.  »  Il 
n'y  a  pas,  à  proprement  parler,  de  méthodes  distinctes 
pour  l'enseignement  de  l'écriture  :  il  y  a  seulement  des 
procédés  divers. Les  principaux  sentie  calque,  Vimitation 
des  modèles,  les  cahiers  préparés.  Le  calque  et  l'emploi 
des  transparents  ont  été  longtemps  en  usage,  mais  on  a 
généralement  renoncé  à  ce  procédé  trop  mécanique.  Les 
cahiers  préparés,  où  l'enfant  n'a  d'abord  qu'à  calquer, 
mais  où  les  lignes  d'écriture  deviennent  de  plus  en  plus 
rares  à  mesure  qu'on  avance,  sont  la  méthode  qui  con- 
vient le  mieux  à  l'enfant  qui  commence  à  écrire.  Ce 
système  est  la  combinaison  du  calque  et  de  l'imitation.  Il 
doit  être  admis,  au  début,  à  condition  qu'on  ne  prolonge 
pas  plus  qu'il  ne  faut  cet  exercice  mécanique  et  trop  com- 
mode. L'élève  doit  être  le  plus  tôt  possible  exercé  à 
imiter  librement  des  modèles.  Il  y  a,  d'ailleurs,  diffé- 
rentes façons  de  lui  présenter  ces  modèles,  soit  en  les  lui 
offrant  écrits  sur  le  papier,  soit  en  traçant  les  caractères 
et  les  mots  au  tableau  noir,  ce  qui,  entre  autres  avan- 
tages, a  celui  de  favoriser  l'enseignement  collectif.  Une 
autre  différence  dans  l'enseignement  de  l'écriture  provient 
de  la  préférence  accordée  tantôt  à  l'emploi  de  l'ardoise  et 
du  crayon,  tantôt  à  celui  du  papier  et  de  la  plume.  Pesta- 
lozzi,  qui  subordonnait  l'écriture  au  dessin,  a  vivement 
recommandé  l'usage  de  l'ardoise,  pour  cette  raison  que 
l'enfant  manie  le  crayon  plus  aisément  que  la  plume  et 
aussi  parce  que  sur  l'ardoise  il  efface  rapidement  ses 
fautes.  D'autres  pédagogues,  en  revanche,  ont  fait  remar- 
quer que  l'ardoise,  «"le  papier  du  pauvre  »,  n'est  qu'un 
expédient  et,  qu'en  outre,  l'usage  de  l'ardoise  rend  la 
main  lourde  et  contracte  les  doigts.  Une  autre  distinction 
dérive  encore  du  choix  que  l'on  fait  entre  diverses  formes 
d'écriture,  les  uns  recommandant  l'écriture  cursive  ou 
anglaise,  les  autres  l'écriture  française,  mélange  de  la 
bâtarde  et  de  la  coulée.  M.  Buisson,  dans  son  Rapport 
sur  r Exposition  de  Vienne,  en  1873,  constatait  déjà 
qu'  «  il  y  a  partout  réaction  contre  l'abus  de  l'anglaise  ». 
Les  programmes  officiels  français  n'exigent  plus  aujour- 
d'hui que  la  cursive,  la  bâtarde  et  la  ronde.  Nous  n'avons 
pas  à  insister  sur  tous  les  détails  pratiques  de  l'enseigne- 
ment de  l'écriture,  sur  les  précautions  que  l'on  prend 
pour  assurer  la  bonne  position  du  corps,  du  bras,  de  la 
main,  la  bonne  tenue  de  la  plume.  Quoiqu'elle  n'attache 
pas  la  même  importance  qu'autrefois  au  mérite  d'une  belle 
écriture,  la  pédagogie  actuelle  a  multiplié  les  recomman- 
dations et  les  conseils  sur  les  moyens  de  rendre  plus  facile 
et  en  même  temps  moins  machinale  l'acquisition  de  cette 
connaissance  instrumentale.  Elle  appelle  l'attention  sur 
les  nombreux  cas  de  déviation  de  la  taille,  sur  les  défor- 
mations scolaires  qui  peuvent  provenir  de  mauvais  prin- 
cipes appUqaés  à  l'enseignement  de  l'écriture.  Elle  prescrit 
au  maître  de  ne  plus  se  contenter  de  mettre  un  cahier 
et  une  plume  aux  mains  des  élèves,  en  les  laissant  faire, 
mais  d'intervenir  constamment  dans  le  travail  des  enfants  ; 
de  descendre  de  sa  chaire  après  avoir  donné  sa  leçon  au 
.  tableau  noir  ;  de  circuler  de  banc  en  banc  pour  suivre  de 


-  mi  — 


ECRITURE  —  ECROU 


près  les  exercices  des  élèves,  pour  corriger  les  fautes, 
pour  redresser  les  lettres  mal  faites.  Elle  demande  qu'on 
renonce  au  vain  luxe  calligraphique,  aux  puérils  chefs- 
d'œuvre  de  l'écriture,  aux  traits  de  plume  qui  ne  visent 
qu"^  l'ornement.  Elle  veut,  non  qu'on  fasse,  comme  autre- 
fois dans  les  écoles  des  frères,  de  parfaits  calligraphes, 
mais  qu'on  mette  simplement  les  enfants  à  même  d'écrire 
couramment  et  lisiblement.  Elle  exige,  avec  le  programme 
officiel,  que  l'écriture  en  gros  soit  le  plus  tôt  possible 
remplacée  par  l'écriture  moyenne,  une  écriture  expédiée, 
courante,  répondant  aux  besoins  de  la  vie  pratique.  Une 
autre  prescription  des  règlements  otficiels,  c'est  que  le 
temps  consacré  aux  exercices  d'écriture  proprement  dite 
se  réduise  graduellement,  les  divers  devoirs  dictés  ou 
rédigés  pouvant  en  tenir  lieu.  Enfin,  c'est  avec  raison 
qu'on  rappelle  que  la  leçon  d'écriture  elle-même  peut 
devenir  un  exercice  de  jugement,  si  l'instituteur  a  soin 
d'appeler  l'attention  des  élèves  sur  le  sens  des  mots  qu'ils 
copient,  sur  la  signification  morale  des  phrases  qu'ils 
écrivent.  Sans  aller  jusqu'à  dire  avec  certains  maîtres 
d'écriture,  dont  les  exagérations  rappellent  celles  du 
maître  à  danser  du  Bourgeois  Gentilhomme,  que 
l'étude  de  la  calligraphie  «  doit  cultiver  le  sentiment  du 
beau  et  du  bien  »,  qu'  «  elle  peut  développer  le  sentiment 
artistique  et,  par  conséquent,  exercer  une  influence  salu- 
taire sur  le  sentiment  moral  »,  nous  croyons  qu'il  est 
possible  d'introduire  un  peu  d'intelligence  jusque  dans  les 
exercices  d'écriture  et,  par  le  choix  des  modèles  tout  au 
moins,  qui  ne  saurait  être  indifférent,  agir  déjà  sur 
l'esprit  et  le  cœur  des  élèves.  G.  Compayré. 

IV.  Cryptographie.  —  Ecriture  secrète  (V.  Crypto- 
graphie) . 

BiBL.  :  Ethnographie.  --  R.  André,  Ethnographische 
Paralleen  und  Vergeiche  ;  Stuttgard,  1878,  in-8,  p.  184.  — 
Du  môme,  Neue  Folge;  Leipzig,  1889,  pp.  56  et  74. 

Histoire.— On  trouvera  la  bibliographie  spéciale  à  cha- 
cune des  écritures  dont  il  a  été  parlé  ci-dessus  à  la  suite  des 
articles  auxquels  il  a  été  renvoyé;  nous  ne  pouvons  indi- 
quer ici  que  les  ouvraires  généraux  où  est  traité  l'ensemble 
de  la  question.  —  G.  Maspéro,  les  Ecritures  du  monde 
oriental,  à  la  fin  de  son  Histoire  ancienne  des  peuples  de 
l'Orient.  —  Fr.  Lenormant,  Essai  sur  la  propagation  de 
Valphahet  phénicien  dans  V ancien  monde;  Pans,  1874,  t.  I 
et  l^e  part,  du  t.  II  (seuls  parus),  in-8.—  Ph.  Berger,  His- 
toire de  l'écriture  dans  Vantiquité;  Paris,  1891,  in-8. 

ÉCRITURES  saintes  (Hist.  relig.)  (V.  Bible  et  Nou- 
veau Testament). 

ÉCRIVAIN.  I.  Mœurs  et  coutumes.  —  Ecrivain 
PUBLIC.  —  Pour  l'histoire  de  la  profession  d'écrivain, 
V.  les  art.  Scribe  et  Manuscrit.  La  corporation  des  écri- 
vains et  enlumineurs  se  confondit  pendant  tout  le  moyen 
âge  avec  celle  des  libraires  (V.  ce  mot).  Elle  n'eut 
d'existence  séparée  qu'à  dater  du  xvi^  siècle.  Pour  la 
question  de  l'authenticité  et  des  vérifications  de  l'écriture, 
constamment  discutée  en  matière  juridique  et  financière, 
V.  Expert  et  Faux.  C'est  également  là  qu'on  trouvera 
riiistoire  de  la  corporation  des  experts-écrivains  ou 
maîtres  écrivains  formée  en  4570,  et  des  privilèges  qui 
lui  furent  accordés  pour  l'enseignement  de  l'écriture  aussi 
bien  que  pour  les  vérifications.  Nous  ne  parlerons  ici  que 
des  écrivains  publics,  ({m 'èQmQiXtxii  au  service  des  illet- 
trés pour  rédiger  leurs  lettres  ;  ils  subsistent  tant  bien  que 
mal  dans  les  grandes  villes,  rédigeant,  outre  les  correspon- 
dances, les  pétitions,  demandes  d'emploi,  etc.,  adressées 
aux  administrations  ou  aux  gens  influents.  La  lithogra- 
phie leur  a  enlevé  la  copie  des  lettres  de  faire  part,  de 
mariage,  de  décès,  etc.  Ils  sont  à  l'occasion  employés 
comme  copistes,  mais  c'est  plutôt  une  classe  à  part  et  plus 
instruite  qui  fait  la  besogne  de  copiste,  surtout  dans  les 
bibliothèques  et  archives  et  même  pour  les  pièces  juridi- 
ques. Il  en  sera  parlé  au  mot  Scribe. 

II.  Entomologie  (V.  yVnoxus). 

ÉCROMAGNY.  Com.  du  dép.  delà  Haute-Saône,  arr. 
de  Lure,  cant.  de  Melisey  ;  373  hab. 

ÉCROSNES.  Com.  du  dép.  d'Eure-et-»Loir,  arr.  de 
Chartres,  cant.  de  Maintenon;  704  hab. 


Fig.  1  et2.- 


-  Ecrou  à  six  pans  et  écrou 
à  chapeau. 


ÉCROU.  I.  Technologie.  —  Pièce  de  fer  découpée  ou 
forgée  qui  est  percée  d'un  trou  cylindrique  à  l'intérieur 
duquel  règne,  en  hélice,  une  partie  saillante,  à  section  carrée 
ou  rectangulaire  et  à  laquelle  on  donne  le  nom  de  filet.  Ce 
trou  reçoit  une  vis  dont  le  filet,  aussi  en  hélice,  s'engage 
exactement  dans  les  cannelures  formées  par  le  filet  de  l'écrou . 
Tantôt  c'est  la  vis  qui  pénètre  dans  l'écrou,  en  avançant 
dans  le  sens  de  son  axe  et  en  tournant  autour  de  cet  axe, 
tantôt  c'est,  au  contraire,  la  vis  qui  est  fixe  et  l'écrou  qui  est 
mobile.  Extérieurement,  l'écrou  est  limité  par  des  pans  ou 
faces  planes  au  nombre  de  quatre  ou  de  six  par  exemple, 
en  forme  de  carré  ou  d'hexagone  régulier,  qui  permettent 
de  le  saisir  dans  la  mâchoire  d'une  clef  quand  on  veut  le 
tourner  pour  le  serrer.  Les  écrous  reçoivent  des  dénomi- 
nations diverses  suivant  leur  mode  de  construction  ;  nous 
signalerons  particulièrement  l'écrou  carré,  destiné,  dans  la 
construction,  le  charronnage,  la  carrosserie,  etc.,  au  ser- 
rage des  boulons  nécessaires  à  l'assemblage  des  bois  entre 
eux  ou  avec  le  fer  ;  l'écrou  à  six  pans  (fig.  1),  utilisé,  dans 
la  construction  métallique  et  en  mécanique,  au  serrage  des 
boulons  (V.  Bou- 
lon, t.  VII,  p. 
699  )  ;  l'écrou  à 
chapeau  (fig.  2), 
qui  porte  à  l'une 
de  ses  bases  une 
sorte  de  rondelle, 
formant  chapeau, 
obtenue  à  la  forge 
et  servant  à  limi- 
ter le  jeu  latéral 
des  boulons  d'ar- 
ticulation; l'écrou 
d'essieu  qui  se  fait 
carré  et  particu- 
lièrement à  six 
pans,  il  offre 

cette  particularité  que  l'écrou  de  la  fusée  de  droite  est  taraudé 
à  droite,  et  celui  de  gauche  taraudé  à  gauche,  afin  que  les 
coins  tournant  dans  le  sens  de  l'avancement  ne  puissent 
desserrer  cet  écrou  employé  spécialement  pour  les  grosses 
voitures  de  transport  ;  l'écrou  borgne,  dont  le  trou  taraudé 
est  arrêté  à  l'intérieur  de  la  pièce  et  n'est  pas  débouché  ; 
l'écrou  à  oreilles 
(fig. 3)  qui  porte 
deux  petits  ap- 
pendices en 
forme  d'oreilles, 
destinés  à  facili- 
ter le  serrage  à 
la  main  ;  l'écrou 
à  molette  (fig. 
4);  l'écrou  rond 
à  encoches  ou 
entailles  (fig. 5); 
l'écrou  trapézoï- 
dal, etc.  Dans 
l'industrie  des 
pompes,  le  bou- 
lon et  son  écrou 

se  font  en  bronze.  Les  écrous  différentiels  comprennent 
deux  pièces,  dont  l'une  est  un  écrou  ordinaire  vissé  sur  la 
partie  extérieure  d 'un  second  écrou  vissé  lui-même  sur  un 
boulon  taraudé.  Cette  combinaison  de  mouvement  est  ap- 
pliquée sur  certains  appareils  de  précision. 

Les  écrous  que  l'on  rencontre  continuellement  dans  l'in- 
dustrie ne  sont  que  de  deux  formes,  et  ils  ont  leurs  dimen- 
sions déterminées  par  celles  des  boulons  correspondants  : 
les  écrous  à  six  pans  en  forme  d'hexagone  régulier,  dont  la 
hauteur  est  égale  au  diamètre  du  boulon ,  le  diamètre  du 
cercle  circonscrit  à  l'hexagone  étant  égal  à  deux  fois  la 
hauteur  ;  les  écrous  carrés,  dont  la  hauteur  est  égale^  an 
diamètre  du  boulon  correspondant,  et  la  largeur  du  côté  du 


Fig.  3  et  4.  - 


■  Ecrou  à  oreilles  et  écrou 
à  molette. 


ÉCROU  -  ÉCROUISSAGE 


—  528  - 


Fig.  5.  —  Ecrou 
à  entailles. 


carré  égale  à  deux  fois  la  hauteur.  L'extension  toujours 
croissante  qu'a  prise  ces  dernières  années  l'emploi  du  bou- 
lon a  amené  une  transformation  de  l'outillage.  On  a  dis- 
posé des  machines  spéciales  qui  permettent  de  les  fabriquer 
mécaniquement  d'une  manière  beaucoup  plus  rapide  et  plus 
économique  que  par  le  travail  à  la  main.  Nous  décrirons 
sommairement  les  deux  modes  de  fabrication.  Pour  forger 
une  série  d'écrous  du  même  type  dans  le  travail  à  la  mam, 
l'ouvrier  prend  une  barre  de  fer  de  section  rectangulaire, 
dont  la  largeur  fournira  la  hauteur  de  Técrou  et  l'épaisseur 
donnera  la  quantité  de  métal  nécessaire  pour  former  l'écrou 
par  enroulement  de  la  tige.  La  barre,  chauffée  sur  1  une 
des  extrémités,  est  enroulée  au- 
tour d'un  axe  dont  le  diamètre 
représente  le  trou  du  taraudage 
de  l'écrou,  puis  coupée  et  soudée. 
Lorsque  le  soudage  est  suffisant, 
le  forgeron  comprime  la  rondelle 
ainsi  obtenue  dans  une  matrice 
présentant  trois  côtés  de  l'hexa- 
gone de  l'écrou  ;  il  obtient  ainsi 
deux  pans,  fait  faire  un  sixième 
de  tour  environ,  refoule  le  métal 
dans  la  matrice,  obtient  ainsi  les 
deux  pans  suivants,  et  enfin  les  deux  derniers  par  une 
troisième  et  semblable  opération.  Ilpare  ensuite  son  écrou 
et  vérifie  s'il  est  du  calibre  voulu.  La  barre,  pendant  ce 
travail,  est  réchauffée  pour  procéder  à  un  nouveau  for- 
geage.  L'opération  exige  de  la  part  de  l'ouvrier  de  l'habi- 
leté' et  une  attention  soutenue. 

La  machine  à  forger  les  écrous  remplace  avantageusement 
le  forgeage  à  la  main,  tant  au  point  de  vue  de  la  bonne 
exécution  que  de  la  rapidité  de  fabrication.  Nous  donnerons 
le  principe  de  ces  machines,  généralement  assez  comphquées. 
La  machine  comprend  une  cisaille  verticale  servant  de 
matrice,  placée  à  l'avant  du  bâti  et  qui  est  destinée  à 
ébaucher  la  forme  de  l'écrou  à  l'extrémité  de  la  barre 
chauffée  que  l'ouvrier  présente  perpendiculairement  au  bâti 
dans  un  logement  spécial  destiné  à  la  recevoir.  La  cisaille 
est  commandée  par  une  came  calée  sur  l'arbre  moteur;  elle 
exécute  un  va-et-vient  pour  chaque  tour  de  rotation  de  cet 
arbre,  et  dans  son  mouvement  descendant  elle  vient  appuyer 
sur  l'extrémité  de  la  barre  en  la  refoulant  dans  la  matrice 
et  lui  donne  la  forme  d'un  écrou  plein  retenu  par  un  seul 
pan.  L'ébauche  ainsi  formée  est  détachée  par  deux  pomçons 
horizontaux  placés  en  avant  du  bâti,  de  part  et  d'autre  de 
la  cisaille  et  commandés  eux-mêmes  par  des  cames  calées 
sur  des  arbres  tournants,  qui  viennent  les  refouler  sur  1  ecrou 
en  temps  convenable.  Chacun  de  ces  poinçons,  de  forme 
hexagonale,  est  traversé  lui-même  par  un  poinçon  central 
de  forme  ronde,  destiné  à  enlever  la  débouchure  de  l'écrou. 
Ce  second  poinçon,  indépendant  des  premiers,  est  commandé 
lui-même  par  une  barre  spéciale  calée  sur  le  même  arbre. 
Les  trois  arbres  moteurs  portant  les  cames  sont  rattachés 
entre  eux  par  des  roues  d'engrenage,  qui  conservent  ainsi 
la  dépendance  nécessaire  de  leurs  mouvements.  Le  poinçon 
hexasonal  de  droite  saisit  le  premier  l'ébauche  une  fois 
formée  ;  il  la  détache  de  la  barre  et  la  fait  pénétrer  dans  la 
matrice  du  porte-outil,  tandis  que  le  poinçon  rond  qui  était 
en  retraite  à  l'intérieur  est  repoussé  lui-même  par  la  came 
directrice  et  vient  refouler  le  métal  de  l'écrou.  Il  s  arrête 
lorsqu'il  fait  une  saillie  de  5  millim.  sur  le  poinçon  hexa- 
gonal et  le  poinçon  rond  de  gauche  avance  lui-même  à  une 
distance  de  5  miUim.  de  celui  de  droite.  Le  pomçon  hexa- 
gonal de  gauche  qui  n'a  pas  encore  été  actionné  par  la 
came  est  repoussé  par  le  refoulement  du  métal  jusqu  à 
faire  équilibre  à  un  système  de  ressorts  Belleville  à  ron- 
delles, dont  la  tige,  articulée  sur  un  levier,  oscille  autour 
de  l'une  de  ses  extrémités,  tandis  que  la  butée  se  produit 
sur  une  vis  placée  sur  l'autre  extrémité  de  ce  levier.  Lorsque 
les  deux  poinçons  ronds  sont  à  5  centim.  l'un  de  l'autre, 
celui  de  droite,  dont  le  coulisseau  est  dégagé  de  sa  came, 
est  repoussé  par  celui  de  gauche,  qui  avance  en  découpant 


la  débouchure  comprise  entre  les  deux  poinçons  et  la  loge 
dans  le  poinçon  hexagonal  de  gauche,  qui  est  resté  un  ins- 
tant stationnaire.  Celui-ci  recule  alors  sous  l'action  de  la 
came  en  entraînant  le  poinçon  rond  par  suite  de  la  pré- 
sence de  la  débouchure.  Pendant  ce  mouvement,  le  poinçon 
hexagonal  de  gauche  pousse  l'écrou  terminé  en  dehors  de 
la  matrice  et  en  avant  de  la  cisaille,  où  un  chasseur,  com- 
mandé par  un  bossage  fixé  latéralement  sur  la  roue  du 
milieu,  vient  le  rejeter  définitivement.  Lorsque  cet  écrou  est 
tombé,  la  came  qui  commande  le  poinçon  rond  de  droite 
chasse  la  débouchure  placée  dans  le  poinçon  hexagonal  du 
même  côté,  et  une  came  de  ramenage  ramène  ce  poinçon  à 
sa  position  initiale  pour  une  nouvelle  opération.  Les  écrous 
en  sortant  de  la  machine  à  forger,  ont  des  faces  planes  avec 
des  arêtes  vives  qu'il  faut  ébarber  à  la  machine  ;  on  n'a 
plus  qu'à  tarauder  les  écrous  à  l'aide  de  machines  spéciales 
(V.  Taraudage).  La  machine  à  forger,  qui  fait  quarante- 
cinq  tours  par  minute,  permet  d'obtenir  vingt  écrous  à  la 
minute,  soit,  en  tenant  compte  des  pertes  de  temps,  huit 
mille  écrous  par  jour.  L.  Knab.^ 

Droit  criminel.  —  L'écrou  est  un  acte  ou  procès- 
verbal  constatant  qu'un  individu  en  état  d'arrestation  a 
été  remis  au  gardien  d'une  prison,  et  faisant  mention  du 
jour  et  de  la  cause  de  l'emprisonnement.  Cet  acte  est  con- 
signé sur  le  registre  à  ce  destiné,  dit  registre  des  empri- 
sonnements ou  registre  d'écrou,  que  sont  tenus  d'avoir 
les  gardiens  des  maisons  d'arrêt,  des  maisons  de  justice  et 
des  prisons.  Le  registre  d'écrou  est  signé  et  parafé,  à  toutes 
pages,  par  le  juge  d'instruction,  pour  les  maisons  d'arrêt  ; 
par  le  président  de  la  cour  d'assises,  ou,  en  son  absence, 
par  le  président  du  tribunal  de  première  instance,  pour  les 
maisons  de  justice  ;  par  le  préfet-,  pour  les  prisons  pour 
peines(C.  instr.  crim.,  art.  607).  L'écrou  est  dressé,  quelle 
que  soit  la  cause  de  l'emprisonnement.  Il  a  pour  but  de 
donner  décharge  du  prisonnier  aux  officiers  publics  qui  ont 
fait  ou  ont  ordonné  la  capture  et  d'en  charger  le  gardien 
de  la  prison  ;  l'écrou  est  aussi  appelé  acte  de  remise  :  tout 
exécuteur  de  mandat  d'arrêt,  d'ordonnance  de  prise  de 
corps,  d'arrêt  ou  de  jugement  de  condamnation,  est  tenu, 
avant  de  remettre  au  gardien  la  personne  qu'il  conduit, 
de  faire  inscrire  sur  le  registre  l'acte  dont  il  est  porteur  ; 
l'acte  de  remise  est  écrit  devant  lui  ;  le  tout  est  signé  tant 
par  lui  que  par  le  gardien  ;  le  gardien  lui  en  remet  une  co- 
pie signée  de  lui,  pour  sa  décharge  (C.  instr.  crim.,  art. 
608).  Sur  le  registre  d'écrou,  en  marge  de  l'acte  de  re- 
mise, est  mentionnée  la  date  de  la  sortie  du  prisonnier, 
ainsi  que  l'ordonnance,  l'arrêt  ou  le  jugement  en  vertu 
duquel  elle  a  heu  (C.  instr.  crim.,  art.  610).  Aujourd'hui 
l'écrou  n'a  plus  d'application  qu'en  matière  criminelle; 
mais,  avant  la  loi  du  22  juil.  1867  abolitive  de  la  contrainte 
par  corps  en  matière  civile  et  commerciale,  il  intervenait 
également  comme  suite  d'une  arrestation  pour  dettes.  Les 
formes  de  l'écrou  d'un  prisonnier  pour  dettes  étaient  ré- 
glées par  l'art.  789  du  C.  de  procéd.  civ.     Louis  iVNDRÉ. 

ÉCROU  ELLES.  Nom  vulgaire  delà  scrofule  (V.  ce 
mot).  Les  rois  de  France  possédaient  le  don  de  guérir 
les  écrouelles  par  le  simple  toucher  ;  la  cérémonie  du 
toucher  du  roi  remonte  aux  premiers  siècles  de  la  mo- 
narchie française;  déjà  Clovis,  après  son  sacre,  jouit  de 
cette  prérogative,  dont  Louis  le  Gros  usa  fréquemment  ; 
Guibert,  de  Nogent,  en  fait  foi.  Depuis  saint  Louis,  le 
toucher  des  scrofules  fut  une  cérémonie  purement  reli- 
gieuse, qui  s'est  continuée  jusqu'à  Louis  XVI  et^  qu'on 
a  essayé  de  faire  revivre  sous  la  Restauration  ;  habituelle- 
ment le  Roi  Très-Chrétien  touchait  les  malades  aux  quatre 
grandes  fêtes  de  l'année  :  Pâques,  Pentecôte,  la  Toussaint 
et  Noël  ;  on  accourait  de  toute  l'Europe  à  la  cérémonie. 
N'oublions  pas  que  les  rois  d'Espagne  et  d'Angleterre  ont 
disputé  aux  rois  de  France  cette  précieuse  prérogative.  Des 
savants  éminents,  tels  que  Du  Laurens,  Du  Val,  etc.,  ont 
parlé  de  cette  coutume  superstitieuse  avec  la  foi  la  plus 
absolue.  D'  L-  Hn. 

ÉCROUISSAGE  (Indust.).  Chaque  fois  que  l'on  travaille 


—  529  — 


un  métal  à  une  température  inférieure  à  celle  où  ses  mo- 
lécules peuvent  reprendre  leur  équilibre,  celui-ci  subit  un 
changement  d'état  qui  le  rend  plus  aigre,  plus  élastique 
et  cassant  :  on  dit  qu'il  estécroui.  Il  ne  faut  pas  confondre 
cette  action  avec  celle  du  forgeage,  qui  modifie  simplement 
la  forme  à  une  température  où  le  métal  est  plus  ou  moins 
pâteux,  tandis  que  l'écrouissage  a  lieu  lorsqu'on  le  soumet 
à  des  opérations  dépassant  à  la  fois  et  sa  limite  d'élasti- 
cité et  la  température  où  il  pourrait  la  reprendre,  comme 
dans  l'étirage,  le  laminage,  la  traction,  flexion,  torsion  et 
la  compression  à  froid.  L'écrouissage,  en  resserrant  les  mo- 
lécules du  métal,  augmente  sa  densité,  lui  donne  plus 
de  nerf,  de  dureté  et  une  texture  fibreuse  plus  résistante, 
surtout  pour  le  fer.  On  détruit  cet  efîet  de  l'écrouissage  par 
le  recuit,  opération  consistant  à  réchauffer  le  métal  à  une 
température  où  cette  propriété  permanente  ne  peut  plus 
préexister.  L'étirage  à  froid  du  fil  de  fer  exige  qu'on  le 
recuise  de  temps  en  temps,  car  le  métal  s'écrouit,  devient 
aigre  et  finirait  par  se  briser  à  la  traction.  Le  recuit  à  l'abri 
de  l'air,  en  lui  rendant  sa  douceur  et  sa  malléabilité  primi- 
tives, permet  de  nouveaux  passages  à  la  filière. 

ÉCROUVES.  Com.  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle,  arr. 
et  çant.  (N.)  deTouI;  1,747  hab. 

ÉCRU.  Les  matières  textiles,  quel  que  soit  leur  état, 
brutes,  filées  ou  tissées,  sont  dites  écrues  lorsqu'elles  con- 
servent leur  couleur  naturelle  sans  avoir  subi  de  blanchi- 
ment ou  de  teinture. 

ÉCRUAGE  (Chim.  indust.).  On  donne  le  nom  d'écruage 
aux  opérations  qui  ont  pour  but  de  donner  aux  lins  la  cou- 
leur gris  jaunâtre  dite  teinte  écrue.  Quand  les  lins  sont  de 
bonne  qualité,  que  leur  rouissage  a  bien  réussi,  l'écruage 
ou  blanc  à  fleur  nécessite  deux  fortes  lessives,  qui  portent 
plus  particulièrement  le  nom  d'«écruage  ».  Ces  lessives  sont 
suivies  de  lavages  à  chaud  avec  de  l'eau  alcaline,  puis  le 
lin  est  passé  en  bains  décolorants  et  en  bains  acides,  inter- 
calés de  lavages  jusqu'à  ce  que  la  fibre  ait  la  teinte  voulue  ; 
l'opération  est  terminée  par  un  vitriolage.  Pour  les  lins  de 
mauvaise  qualité,  mal  rouis,  chaque  traitement  alcalin  est 
suivi  d'un  traitement  acide.  Les  fils  simplement  essorés, 
légèrement  acides,  sont  ensuite  passés  en  bain  décolorant. 
Deux  vitriolages  sont  parfois  nécessaires.     Ch.  Girard. 

ECTACODON  (Paléont.)  (V.  Coryphodon). 

ECTHESIS  ou  Exposition  de  la  foi.  Consultation  théo- 
logique rédigée  par  le  patriarche  de  Constantinople  Sergius 
et  publiée  en  638  par  HéracHus,  sous  forme  de  décret 
impérial,  pour  mettre  un  terme  à  la  querelle  du  monothé- 
hsme  { V.  Monothélites,  Héraclius)  .  En  proposant  aux  deux 
partis  une  formule  de  conciliation,  Héraclius  espérait  réta- 
blir l'unité  dans  l'Empire,  et  dans  ce  but  il  tenta  d'imposer 
par  la  force  l'ecthesis  à  l'approbation  des  pontifes  romains; 
mais  l'opposition  des  papes  Séverin  et  Jean  IV  ruina  les 
espérances  de  l'empereur;  et  son  successeur  Constant  II, 
en  promulguant  le  type,  se  décida  à  abroger  l'ecthesis  (649) . 

ECTHYMA  (PathoL).  On  désigne,  en  pathologie,  sous  le 
nom  d'ecthyma  une  affection  cutanée,  constituée  par  des 
lésions  pustuleuses,  arrondies,  plus  ou  moins  larges,  évo- 
luant sur  une  base  enflammée,  se  recouvrant  de  croûtes 
foncées  et  laissant  souvent  à  leur  suite  des  taches  violacées 
ou  même  de  véritables  cicatrices.  L'ecthyma  s'observe 
surtout  chez  les  sujets  afi'aiblis  par  l'âge,  la  maladie  ou  de 
fâcheuses  conditions  hygiéniques.  L'alcoolisme,  l'albumi- 
nurie, le  diabète,  l'arthritisme,  le  Ivmphatisme,  la  fièvre 
typhoïde,  la  scarlatine,  la  rougeole  "et  principalement  la 
variole,  doivent  être  rangés  au  nombre  des  causes  prédis- 
posantes. L'affection  se  rencontre  souvent  chez  les  enfants 
soumis  à  un  allaitement  défectueux  ou  atteints  de  troubles 
gastro-mtestmaux.  Elle  n'est  pas  rare  dans  les  prisons,  les 
asiles,  dans  les  quartiers  pauvres  des  grandes  villes,  par- 
tout où  la  nourriture  est  malsaine,  l'air  insufiîsant,  le  tra- 
vail excessif.  On  voit  l'ecthyma  naître  avec  la  facilité  la 
plus  grande  sous  l'influence  de  la  malpropreté.  La  phti- 
riase  etla  gale  jouent  un  rôle  considérable  dans  l'étiologie 
de  l affection.  Les   frôlements,  les  grattages   répétés, 'le 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —    XV. 


ÉCROUISSAGE  -  ECTINOSOMA 


décubitus  prolongé,  les  contacts  irritants,  favorisent  aussi 
le  développement  de  l'éruption.  D'après  Bazin,  le  type  de 
la  pustule  ecthymateuse  se  trouve  réahsé  par  la  lésion  que 
produit  sur  les  téguments  l'application  du  tartre  stibié.  Le 
même  auteur  signale  la  fréquence  de  l'ecthyma  chez  les 
artisans  qui  manient  des  substances  acres  ou  irritantes, 
des  produits  métalliques,  etc.,  chez  les  épiciers,  cuisi-^ 
niers,  maçons,  teinturiers,  apprêteurs  de  couleurs,  niégis- 
siers,  criniers,  tanneurs,  fondeurs,  mineurs,  etc.  (ecthyma 
professionnel).  Les  recherches  de  M.  E.Vidal  ont  démontré 
que,  par  inoculation,  le  liquide  des  pustules  peut  facilement 
et  indéfiniment  reproduire  des  lésions  de  même  nature,  non 
seulement  sur  la  peau  du  malade,  mais  encore  sur  celle 
de  toute  personne  saine. 

Symptômes,  Pronostic,  La  lésion  n'est  tout  d'abord 
qu'un  point  rouge  prurigineux.  Celui-ci  se  transforme 
rapidement  en  papule,  puis  en  une  petite  vésicule.  En  même 
temps,  la  zone  inflammatoire  s'élargit  ;  une  auréole  rou- 
geâtre  et  dure,  sensible  à  la  pression,  circonscrit  la  vésicule 
qui  s'acumine  et  se  trouble.  Dès  le  troisième  ou  quatrième 
jour,  la  lésion  est  franchement  pustuleuse  ;  peu  à  peu  sa 
surface  s'élargit,  s'aplatit  et  se  transforme  en  une  croûte 
jaunâtre  plus  ou  moins  mêlée  de  sang.  L'affection  a  une 
marche  rapide  ;  chaque  élément  évolue  en  une  dizaine  de 
jours  au  plus.  Lorsque  la  croûte  tombe,  elle  ne  met  ordi- 
nairement à  nu  qu'une  surface  excoriée  qui  mérite  à  peine 
le  nom  d'ulcération.  Mais  sur  les  organismes  débilités,  chez 
les  nouveau-nés,  les  vieillards,  chez  tous  les  malades 
cachectiques,  on  voit  quelquefois  se  produire  un  processus 
destructif  d'une  réelle  gravité  et  pouvant  même  aboutir  au 
sphacèle.  Si  chaque  pustule,  considérée  en  elle-même,  dure 
seulement  quelques  jours,  il  faut  toutefois  reconnaître  que 
l'affection,  dans  son  ensemble,  peut  persister  autant  que  la 
cause  qui  l'a  fait  naître  ;  et  les  poussées  éruptives  se  pro- 
longent d'autant  mieux  que  l'ecthyma,  nous  l'avons  vu, 
est  auto-inoculable.  L'affection  peut  à  la  rigueur  se  montrer 
sur  tous  les  points  des  téguments;  mais  les  épaules,  le 
dos  et  principalement  les  membres  doivent  être  considérés 
comme  les  sièges  d'élection.  La  poussée  d'ecthyma  se  fait 
en  général  sans  déterminer  de  réaction  fébrile.  Le  pronostic 
de  l'ecthyma,  en  tant  que  lésion  locale,  est  toujours  favo- 
rable. Quelques  semaines  suffisent  à  amener  la  guérison  des 
pustules,  lorsque  le  traitement  est  judicieusement  institué 
et  régulièrement  suivi. 

Traitement,  Le  premier  devoir  du  médecin,  dans  le 
traitement  de  l'ecthyma,  est  de  s'attaquer  aux  causes  de 
l'éruption.  La  connaissance  d'une  prédisposition  interne 
accidentelle  ou  diathésique  fixera,  s'il  y  a  lieu,  la  conduite 
à  tenir  dans  le  choix  d'une  médication  générale.  Les  causes 
extérieures  (pediculi,  acares,  applications  irritantes,  etc.)- 
seront  immédiatement  supprimées.  Ce  premier  point  acquis, 
chaque  élément  éruptif  devra  être  antiseptisé  avec  soin. 
Pour  atteindre  ce  but,  on  fera  tomber  toutes  les  croûtes 
en  se  servant  de  bains,  de  cataplasmes,  d'enveloppement 
par  le  caoutchouc,  puis  chaque  plaie  sera  lavée  avec  une 
solution  boriquée,  phéniquée  ou  sublimée.  Enfin,  pour 
éviter  les  inoculations  secondaires,  qui  font  si  souvent 
traîner  en  longueur  les  poussées  d'ecthyma,  chaque  lésion 
sera  exactement  recouverte  par  une  rondelle  d'emplâtre  qui 
pourra  joindre,  par  surcroît,  à  sa  propriété  isolante  une 
action  à  la  fois  antiseptique  et  siccative.       A.  Pignot. 

ECTI N  OSO  M  A  (ZooL).  Genre  de  Crustacés  Copépodes'na- 
geurs  de  la  famille  des  Harpactides,  établi  par  Bœck  en  1 864. 
Le  corps  chez  ces  animaux  est  grêle,  la  XeiQ  petite,  soudée 
avec  le  premier  segment  thoracique,  les  antennes  antérieures 
sont  très  courtes  et  portent  des  soies  nombreuses;  les 
postérieures  sont  fortes,  à  trois  articles,  avec  une  branche 
secondaire  bi  ou  triarticulée  ;  les  mandibules  sont  grêles, 
profondément  fendues  à  la  pointe;  la  première  paire  de 
pattes-mâchoires  est  pourvue  de  deux  crochets  terminaux 
puissants;  la  deuxième  est  grêle,  son  second  article  est  le 
plus  long;  il  existe  quatre  paires  de  pattes  natatoires,  bira- 
mées,  chaque  branche  formée  de  trois  articles  presque  égaux; 

34 


ÉCTINOSOMA  -  ECTROPION 


-  530 


la  cinquième  paire  est  formée  de  deux  lames  sétifères.  Les 
mâles  ne  sont  pas  connus  chez  la  plupart  des  espèces.  Poppe 
a  fait  connaître  celuidel'E.  curticome,  et  de  Guerne  celui  de 
VE.  Atlanticum.  Mer  du  Nord,  Atlantique,  Méditerranée. 
ECTOCARPÉES  (Bot.).  Tribu  d'Algues,  de  Tordre  des 
Phéophycées  et  de  la  famille  des  Phéosporées,  à  thalle  fila- 
menteux articulé,  monosiphoné,  de  coloration  foncée,  fiU- 
forme.  Double  fructification  sur  la  même  plante  ou  deux 
plantes  différentes.  Sporanges  globuleux  ou  ovales,  sessiles 
ou  pédicellés.  Cette  tribu  comprend  les  genres  Ectocar- 
pus,  Desmaretia,  Arthrocladia,  Mesogœla,  Myriactis, 
Elachistea,  Castagnea,  Liebmannia,  H.  F. 

ECTOCARPUS  (Bot.).  Genre  d'Algues  Ectocarpées,  à 
fronde  filiforme, rameuse,  à  filaments  tous  semblables,  tantôt 
opposés,  ou  verticillés,  ou  alternes  ;  zoosporanges  déve- 
loppés aux  dépens  de  certaines  cellules  du  thalle  qui  se 
cloisonnent.  Dans  les  logettes  se  forment  des  gamètes  à 
deux  cils  qui,  mis  en  liberté,  se  fixent  et  se  réunissent  deux 
à  deux  pour  former  un  œuf  qui  développe  ensuite  un  nou- 
veau thalle.  H.  F. 

ECTOCION  ou  HCTOCIUIVl  (Paléont.)  (V.  Brontothêre 
et  Lambdotherium). 

ECTOCYNODON  (Paléont.).  Cope  a  décrit  sous  ce  nom 
un  Reptile  du  terrain  permien  du  Texas,  caractérisé  par  le 
crâne  court  et  large,  l'orbite  grande,  les  dents  du  type 
rhizodonte,  comprimées,  à  bord  tranchant,  la  dent  située 
entre  le  niveau  de  l'orbite  et  la  narine  plus  forte  que  les 
autres  ;  la  symphyse  mandibulaire  est  ligamenteuse.  Le 
type  du  genre  est  E.  ordmatus,  E.  Sauvage. 

DiDL.  :  Proc.  Amer.  Philos.  Soc,  1878,  t.  ^vVII. 
ECTOGANUS  (V.  Calamodon  etliLLonoNTE). 
ECT0PA6ES  (Tératol.)  (V.  Monstre  double). 
ECTOPARASITES  (Zool.).  On  désigne  ainsi  les  para- 
sites, animaux  ou  végétaux,  qui  vivent  à  la  surface  du 
corps  ou  qui,  venus  directement  du  dehors,  se  sont  enfon- 
cés plus  ou  moins  profondément  dans  le  tégument.  En  ce 
qui  concerne  les  animaux,  les  ectopara sites  appartiennent 
à  des  groupes  très  divers  :  sans  parler  des  Bactéries  ou  des 
Champignons,  on  peut  ranger  dans  cette  catégorie  toute 
une  série  d'Insectes,  d'Acariens,  de  Crustacés,  de  Vers  et 
de  Protozoaires  ;  les  uns  sont  de  vrais  parasites,  les  autres 
sont  plutôt  des  commensaux  (V.  Parasite).  R.  Bl. 

ECTOPIE  (Tératol.).  Les  anomalies  de  situation  recon- 
naissant pour  cause  une  perturbation  du  développement  em- 
bryonnaire sont  d'importance  fort  variable.  Entre  les  i7iver- 
sions  splanchniques  portant  sur  la  totalité  des  viscères 
thoraciques  ou  abdominaux,  ou  sur  les  deux  à  la  fois 
(V.  Inversion,  Hétérotaxie)  et  les  simples  variations  ana- 
tomiques  telles  qu'une  déviation  de  direction  modifiant  le 
trajet  des  troncs  vasculaires  ou  nerveux  de  moyen  calibre, 
l'insertion  vicieuse  d'une  dent,  etc.,  viennent  se  placer  les 
ectopies  proprement  dites.  Ce  nom  est  habituellement 
réservé,  en  efîèt,  au  déplacement  ou  au  changement  de 
rapports  d'un  organe  isolé  ou  d'un  petit  nombre  d'organes 
voisins.  La  plupart  de  ces  anomalies  s'expliquent  par  un 
arrêt  de  développement.  Dans  un  premier  groupe,  les  or- 
ganes se  trouvent  hernies  par  suite  de  l'aplasie  d'une  por- 
tion plus  ou  moins  notable  de  la  paroi  de  l'une  des  grandes 
cavités  du  corps.  Comme  exemples  les  plus  communs,  nous 
citerons  l'ectopie  du  cœur  qui  vient  battre  sous  la  peau,  ou 
même  faire  entièrement  saillie  en  dehors  de  la  poitrine 
lorsque  le  sternum  est  largement  fissuré  ou  qu'il  fait 
défaut  avec  la  partie  avoisinante  des  côtes;  les  hernies 
ombilicales  [exomphale),  Vexstrophie  de  la  vessie,  toutes 
anomaUes  dont  les  degrés  plus  avancés  confinent  à  l'éven- 
tration  (V.  Célosomie,  Exstrophie,  etc.).  D'autre  part,  les 
viscères  thoraciques  peuvent  empiéter  sur  l'abdomen,  ou 
réciproquement,  lorsque  le  diaphragme  est  incomplètement 
formé.  On  doit  ranger  sous  le  môme  chef  les  hernies  des 
centres  nerveux  ou  de  leurs  enveloppes  à  travers  des  défec- 
tuosités de  la  boîte  crânienne  ou  du  rachis,  constituant  les 
■différentes  formes  de  Vencéphalocèle  (V.  la  description  des 


monstres  exencèphaliens  au  mot  Anencéphalie;  V.  aussi 
Spina  bifida). 

Une  deuxième  catégorie  comprend  les  organes  ayant  à 
subir  un  déplacement  au  cours  du  développement  normal 
et  n'accomplissant  leur  migration  que  d  une  façon  impar- 
faite. De  là  la  position  anormale  du  cœur  lorsqu'il  reste 
dans  la  région  cervicale  au  lieu  de  descendre  dans  le  thorax  ; 
celle  des  reins  ou  des  glandes  génitales,  principalement  des 
testicules,  qui  demeurent  fixés  dans  l'abdomen  ou  dans  le 
trajet  inguinal,  au  lieu  d'aller  se  loger  dans  les  bourses 
(cryptorchidie)  (V.  les  articles  relatifs  aux  différents  or- 
ganes). Au  lieu  de  suivre  le  mouvement  de  rotation  qui  lui 
donne  sa  position  transversale,  l'estomac  conserve  parfois  la 
direction  verticale  qu'il  affecte  chez  le  jeune  embryon,  etc. 
On  a  signalé  enfin  certaines  ectopies  que  l'embryologie  est 
impuissante  à  expliquer  jusqu'à  ce  jour  :  fusion  des  deux 
poumons  dans  la  cavité  pleurale  gauche,  le  cœur  étant  placé 
à  droite  ;  ectopie  lombaire  du  cœur,  etc.  G.  Herrmann. 
ECTOPROCTES  (Zool.).  Nitsche  a  réuni  sous  ce  nom, 
formé  par  opposition  à  Endoproctes,  tous  les  Bryozoaires 
dont  l'orifice  anal  est  situé  on  dehors  du  lophophore.  Le 
lophophore  et  les  tentacules  sont  rétractiles  dans  une 
gaine.  Ils  comprennent  la  plupart  des  Bryozoaires  et  se 
divisent  en  deux  ordres,  suivant  que  le  lophophore  est 
circulaire,  Gymnolœmes,  ou  en  fer  à  cheval,  Phylacto- 
lœmes  (V,  ces  mots).  ^L.  Cabry. 

ECTOT-l'Auber.  Com.  du  dép.  de  la  Seine-Inféricure, 
arr.  d'Yvetot,  cant.  d'Yerville,  417  hab. 

ECTOT-les-Baons.  Com.  du  dép.  de  la  Seine-Infé- 
rieure, arr.  d'Yvetot,  cant.  de  Yerville;  317  hab. 
ECTRODACTYLIE  (V.  Doigt). 
ECTROMÉLIE  (Tératol.).    Anomalie  consistant   dans 
Farrêt  de  développement  plus  ou  moins  complet  d'un  ou  de 
plusieurs  membres.  I.-G.  Saint-Hilaire  a  groupé  artificielle- 
ment en  trois  genres  les  monstres  de  la  famille  des  Ectro- 
méUens  :  1°  genre  Phocomèle,  membres   réduits  aux 
mains  ou  aux  pieds  qui  semblent  s'insérer  directement  sur 
le  tronc  ;  2°  genre  Hémimèle,  membres  thoraciques  ou  abdo- 
minaux très  incomplets,  terminés  en  moignon,  doigts  nuls 
ou  rudimentaires  ;  3°  genre  Ectromèle,  membres  à  peu  près 
nuls.  Quant  aux  simples  malformations  des  doigts  ou  des 
orteils,  cet  auteur  les  range  parmi  les  hémitéries,  genre 
Ectrodactyle.  On  conçoit  qu'il  soit  très  difficile  d'assigner 
des  caractères  généraux  à  une  monstruosité  se  prêtant  à 
des  combinaisons  aussi  multiples  que  Fectromélie.  Les  indi- 
vidus des  deux  premiers  genres  sont  généralement  viables,  et 
l'on  peut  observer  parfois  sur  eux  de  curieux  exemples  de 
suppléance  :  c'est  ainsi  qu'on  voit  des  hémimèles,  privés  de 
leurs  membres  supérieurs,  arriver  à  exécuter  avec  leurs 
pieds  les  ouvrages  les  plus  délicats,  devenir  même  peintres 
ou  musiciens.  Dans  le  genre  ectromèle,  il  y  a  souvent  arrêt 
de  développement  des  organes  génitaux  ;  quant  aux  malfor- 
mations concomitantes  des  centres  nerveux,  on  ne  sait 
encore  si  elles  sont  la  cause  de  Fectromélie  ou  si  elles  en 
sont  une  conséquence.  L'influence  de  l'hérédité  a  été  cons- 
tatée dans  un  certain  nombre  de  cas,  notamment  chez  les 
mammifères  où  l'on  trouve  parfois  des  ectroméiiens  en 
même  temps  que  des  petits  bien  conformés,  dans  plusieurs 
portées  successives.  Pour  la  pathogénie  de  cette  anomalie, 
on  a  mis  en  cause  principalement  la  compression  exercée  par 
les  enveloppes  fœtales.  C'est  à  tort  que  quelques  auteurs 
ont  confondu  Fectromélie  avec  les  cas  ^'amputation  con- 
génitale^ dont  elle  est  absolument  distincte. 

ECTROPION  (Pathol.).  Ce  mot  désigne  le  renversement 
de  la  paupière  en  dehors.  De  cette  éversion,  il  résulte  que 
la  portion  de  muqueuse  conjonctivale  correspondante  est 
en  contact  permanent  avec  l'air  libre,  et  que  le  bord  cihaire 
se  trouve  éloigné  du  globe  de  l'œil.  Cette  disposition  mala- 
dive n'atteint  ordinairement  que  l'une  des  paupières.  Fin- 
férieure,  se  montre  à  des  degrés  différents  et  a  des  causes 
multiples.  La  trame  même  de  la  paupière  est  comprise  entre 
deux  plans,  le  plan  conjonctival  et  le  plan  cutané.  Ce  sont 
presque  toujours  les  modifications  survenues  dans  l'un  de 


-  531  - 


ECTROPION  -.  ECU 


ces  deux  plans  qui  amènent  l'eetropion.  Du  côté  de  la  con- 
jonctive, les  inflammations  chroniques,  telles  que  le  tra- 
chome, les  infiltrations  prolongées  de  cette  membrane  (ché- 
mosis),  son  épaississement  sarcomateux  donnent  lieu  à  une 
augmentation  de  volume,  qui  se  traduit  finalement  par 
une  éversion  plus  ou  moins  limitée,  tendant  à  progresser 
chaque  jour,  par  suite  de  la  déviation  du  point  lacrymal, 
de  la  non-absorption  des  larmes  et  de  leur  écoulement  au 
dehors.  L'origine  dans  ce  cas  est  nettement  conjonctivale. 
La  plupart  du  temps  elle  est  cutanée.  Le  renversement  de 
la  paupière  dépend  alors  des  excoriations  de  la  peau  et  des 
rétractions  consécutives.  Par  conséquent,  nous  devons 
mettre  en  première  ligne  les  brûlures  et  les  morsures  ; 
toutes  les  plaies  en  général,  aussi  bien  celles  qui  résultent 
de  phlegmons  ou  d'abcès  pustuleux,  que  celles  qui  succèdent 
à  la  carie  du  rebord  orbitaire  ;  toutes  finissent  par  amener 
des  cicatrices  rétractiles  ou  adhérentes  qui  attirent  le  rebord 
palpébral.  Une  troisième  cause  de  l'eetropion  réside  dans 
le  plan  musculaire  de  la  paupière.  Chez  les  vieillards,  le 
muscle  orbiculaire  perd  de  sa  force,  il  se  paralyse  quel- 
quefois, et  la  paupière  est  déjetée  en  dehors  par  suite  de 
la  prédominance  des  autres  muscles.  Il  est  rare  qu'on  ait 
affaire  à  un  véritable  ectropion  dans  les  cas  d'exophtalmie 
ou  de  tumeurs  de  l'orbite. 
^Sijmptômes.  Le  point  lacrymal  étant  dévié,  et  les  larmes 
n'étant  plus  absorbées,  le  premier  signe  est  un  épiphora 
plus  ou  moins  abondant.  Il  suffit  dans  quelques  cas,  pour 
remédier  à  un  ectropion  sénile  non  cicatriciel,  de  fendre  le 
point  lacrymal  et  de  rétablir  le  trajet  des  larmes  par  le 
cathétérisme.  Pour  peu  que  la  maladie  soit  ancienne,  la 
conjonctive,  sans  cesse  irritée  par  le  contact  de  l'air,  s'épais- 
sit, devient  granuleuse  et  revêt  les  caractères  de  l'épi- 
derme,  tandis  que  la  peau  constamment  lubréfiée  s'excorie 
et  se  rétracte  encore  davantage.  Par  le  fait  de  l'occlusion 
incomplète  des  paupières,  l'œil  est  protégé  d'une  manière 
insuffisante,  et  il  arrive  souvent  que  la  cornée  s'enflamme, 
ne  fût-ce  que  par  le  contact  des  poussières  ou  la  pénétra- 
tion des  corps  étrangers. 

Traitement,  Le  traitement  de  cette  difformité  est  entiè- 
rement chirurgical.  Je  n'indiquerai  par  les  différents  pro- 
cédés de  mobilisation  et  de  remise  en  place  delà  paupière. 
Ils  sont  innombrables.  Chaque  chirurgien  a  le  sien  (V.  Blé- 
phâroplastie).  Le  plus  usuel  consiste  à  faire  l'excision 
d'un  lambeau  triangulaire  de  la  peau,  après  l'incision  de  la 
commissure  externe  des  paupières  et  l'avivement  des  bords 
palpébraux.  On  décolle  finement  la  peau  avec  le  bistouri; 
au  voisinage  de  l'excision,  on  réunit  d'abord  la  plaie  verti- 
cale, puis  ensuite  celle  de  la  commissure  externe,  par  des 
points  de  suture.  Le  chirurgien  anglais  Adams  taillait  un 
large  lambeau  dans  toute  réj)aisseur  de  la  paupière,  et  il  rap- 
prochait à  l'aide  d'une  suture  entortillée  les  lèvres  de  la  plaie. 
Le  professeur  Richet  a  imaginé  un  procédé  qui  consiste  dans 
une  incision  curviligne  parallèle  au  bord  palpébral,  située  à 
2  ou  3  milhm.  de  ce  bord.  Cette  incision  préliminaire  sert 
uniquement  cà  libérer  la  paupière  et  à  permettre  de  pratiquer 
facilement  l'occlusion  palpébrale.  Une  deuxième  incision  est 
faite  à  1  centim.  plus  bas,  dans  le  même  sens  ;  la  peau 
est  soigneusement  disséquée,  divisée  par  un  coup  de  ciseaux, 
et  les  deux  lambeaux  ainsi  formés  sont  remontés  en  haut, 
suturés  à  la  paupière  et  réunis  entre  eux.  Cette  opération  se 
complète  par  une  petite  partie  de  substance  triangulaire, 
dont  les  lèvres  sont  rapprochées  par  des  nouveaux  points 
de  suture.  D^  Ad.  Piéghaud. 

BiRL.  :  Fricke,  Blepharoplastih.  —  Wartiion  Jones, 
Adams,  Rigaud,  AiUoplastie.  —  Démée,  Aiitoplastie.  — 
MiRAULT  (d'Angers) ,  Cruveilhier,  Ectropion,  etc. 

ECTYPE  (Sculpt.).  Relief  obtenu  au  moyen  d'un  moule 
en  creux.  On  applique  ce  terme  à  la  reproduction  d'une  mé- 
daiUe,  au  moulage  d'une  inscription  antique,  etc. 

ECU.  I.  Archéologie.  —  On  donne  ce  nom  au  bouclier 
porté  par  l'homme  d'armes  pendant  le  moyen  âge,  par  oppo- 
sition au  bouclier  rond  dont  se  couvraient  les  gens  de  pied. 
Il  est  ordinairement  en  forme  d'amande,  un  peu  courbe,  avec 


Fig.  1.  —  Face  interne  d'un 
écu  laissant  voir  les 
énarmes,  composées  de 
deux  courroies  en  sau- 
toir et  d'une  courroie  ver- 
ticale pour  passer  le  bras. 
La  main  saisissait  les 
courroies  croisées  en- 
semble ou  séparément. 


le  chef  coupé  plus  ou  moins  carrément  et  la  partie  infé- 
rieure taillée  en  pointe  plus  ou  moins  prononcée.  Une 
courroie  sert  à  le  suspendre  au    cou  :  c'est  la   guige  ; 
d'autres  à  y  passer  le  bras  et  à  l'empoigner  :  ce  sont  les 
énarmes.  Le  champ  de  l'écu  est  sa  surface  extérieure,  sur 
laquelle  sont  peintes  des  armoiries  ou  des  aires  de  cou- 
leurs tranchées  qui  sont  les  reconnaissances,  car  elles  ser- 
vaient   à    faire   reconnaître 
l'homme  d'armes  dans  la  mê- 
lée. Son  chef  est  la  partie 
supérieure,  sa  pointe  la  région 
inférieure.  Sa  face  interne  est 
ordinairement  matelassée 
pour  que  le  bras  ne  souffre 
pas  des  chocs.  L'écu  ne  porte 
la  bosse  centrale  ou  umbo 
qu'aux  époques  anciennes,  au 
xii«   siècle;    il   était    alors 
haut  de  quatre  pieds  et  plus , 
de  forme  très  allongée,  fait 
de  planches  de  bois  soigneu- 
sement assemblées,  collées, 
recouvertes  d'un  épais  enduit, 
sorte  de  ciment  très  dur  sur 
lequel  on  marouflait  même  de 
la  peau.  Les  contours  étaient 
affermis  par  des  orles  de  mé- 
tal ;  des  dispositions  des  énar- 
mes, au  nombre  de  quatre, 
réparties  par  groupes  de  demx, 
il  résulte  qu'on  pouvait  le 
tenir  vertical  ou  horizontal. 
L'umbo,  très  saillant,  était 
une  calotte  de  fer  en  forme 
de  demi-coquille   d'œuf.  — 
Souvent,  quand  les  hommes 
d'armes  combattaient  à  pied, 
ils  fichaient  la  pointe  de  l'écu  en  terre,  formant  ainsi  un 
front  de  bataille  abrité,  fraisé  de  fers  de  lance.  Déjà,  sur 
la  tapisserie  de  Bayeux,  les  Normands  sont  figurés  armés 
de  ces  grands  écus  dont  sont  dérivés  les  pavois  des  gens 
de  pied.  Vers  la  fin  du  xii*^  siècle,  les  dimensions  de  l'écu 
diminuent,   et    il   est    représenté    comme   un    triangle 
presque  équilatéral  ;  ses  énarmes  sont  fournies  par  les 
prolongements  des  courroies  de  guige  rivées  au   champ 
intérieur.  Pour    combattre   à  clieval,    l'homme   d'armes 
gardait  l'écu  pendu  au  col  par  la  guige  et  l'empoignait 
I)ar  les  énarmes  ;  c'est    ce  qu'on  appelait  enchanteler 
l'écu,    ou   porter   l'écu    en   chantel    (ou   cantel).    Au 
xiv«  siècle  la  forme  de  l'écu  varie  un  peu;  ses  bords,  à 
partir  du  chef,  restent  parallèles  dans  la  {)remière  moitié 
de  leur  longueur  ;  sa  hauteur  ne  dépasse  guère  cinquante 
centim.,  sa  courbure  est  moyenne,  mais  va  en  s'exagé- 
rant  à  la  fin  du  siècle,  disposition  tendant  à  faire  passer 
les  coups  d'estoc  sur  son  champ  convexe.  En  môme  temps 
que  ses  bords  tendent  pour  ainsi  dire  à  se  rejoindre  et  à 
lui  donner  la  forme  d'un  demi-cylindre,  une  courbure  con- 
cave se  creuse  en  son  champ,  reportant  la  pointe  en  avant, 
et  celle-ci  devient  de  plus  en  plus  mousse.  Les  énarmes 
disparaissent  ;  seule  la  guige  fixe  l'écu  au-dessus  de  la 
saignée,  sous  l'épaule,  laissant  ainsi  la  main  gauche  libre 
de  manier  les  rênes.  Ainsi  se  firent  ces  modifications  qui 
changèrent  au  xv''  siècle  l'écu  en  farge,  puis  en  manteau 
d'armes,  pièces  destinées  à  garantir  l'épaule  et  le  côté 
gauches  que  la  position  du  cavalier  chargeant  exposait 
davantage  aux  coups. 

L'écu  était  un  insigne  de  noblesse,  la  personnification 
même  de  l'homme  d'armes  qui  le  portait.  Il  joue  un  grand 
rôle  dans  la  cérémonie  des  tournois  et  des  pas  d'armes, 
et,  dans  les  combats  entre  vilains,  on  donnait  à  ceux-ci  des 
écus,  mais  dont  la  pointe  était  à  la  place  du  chef.  Frapper 
ou  renverser  l'écu  d'un  chevalier  était  considéré  comme 
une  provocation  ou  un  outrage.         Maurice  Maindron* 


ECU 


532 


II   Numismatique.— Monnaie  d'origine  française  qui 
avait' pour  signe  distinctif  un  écu  sur  l'une  de  ses  faces. 
Ecu  d'or.  —  Le  nom  d'écu  s'est  appliqué  d'abord  à  des 
monnaies  d'or,  puis  à  des  monnaies  d'argent.  Vers  la  fin  de 
son  règne,  saint  Louis  créa  le  denier  dï)r  a Jecu  (tig.  i), 
dont  Yoici  la  description  :  +  LVDOVICS  :  DE   :  GRACIA  : 
FRANCOR   REX.  Ecu  semé  de  fleurs  de  lis  dans  une 
rosaœ   Br+ XPC-VINCIT-XPC-REGNAT-XPC-i™^^ 
Croix  feuillue,  cantonnée  de  quatre  fleurs  de  lis.  Cette 
pièce  est  d'or  pur,  à  24  carats  ;  elle  était  taillée  à  raison 
de  58  au  marc  :  elle  aurait  donc  dû  peser  4^r21.  L  exem- 
plaire du  cabinet  de  France  ne  pèse  toutefois  que  4-  Uo. 
L'écu  d'or  est  la  seule  pièce  de  ce  métal  qu  ait  fait  Irapper 
saint  Louis.  M.  de  Marchéville  a  récemment  prouvé  que 
l'agneld'or  qu'on  attribue  généralement  à  saint  Louis  est 
postérieur  à  ce  prince  (Revue  numismatique,  18«y,  p.  1)^ 
L'écu  d'or  fut  abandonné  après  saint  Louis  pour  ne^ reap- 
paraître que  sous  Philippe  de  Valois.  En  janv.  133/,  aux 
parisis  d'or  fin  de  34  3/5  au  marc,  ayant  cours  pour  1  livre 
5  sous,  on  substitua  des  deniers  à  l'écu  d'or  fin,  de  o4  au 
marc  et  courant  pour  1  livre.  Le  type  de  celte  monnaie 
était  tout  différent  du  type  adopté  par  saint  Louis  ;  c  était, 
au  droit,  le  roi  assis  sur  un  siège  gothique,  tenant  une 
épée  de  la  main  droite,  la  gauche  appuyée  sur  1  ecu  de 
France;  au  revers,  une  croix  feuillue  dans  une  rosace  qua- 
drilobée  (V.  Hoff'mann,  Monnaies  royales,  pi.  XVI,  n«  3). 
Le  13  juin  1346,  une  ordonnance  régla  le  cours  de  qua- 
torze espèces  d'or  d'ancienne  fabrication  laissées  dans  la 


petit  écu  à  la  couronne,  d'or  fin  et  de  96  au  marc,  valant 
15  sols  tournois.  Le  10  mai  1417,  fut  ordonnée  la  frappe 
de  moutons  d'or  à  23  carats  et  96  au  marc,  valant  20  sous 


Fig.  2. 


circulation,  et,  le  2  oct.,  on  les  décria  pour  leur  substituer 
une  pièce  nouvelle,  le  denier  d'or  à  la  chaise,  qui  était  taille 
sur  le  pied  de  52  au  marc  et  valait  une  livre.  En  janv. 
1348  il  fut  remplacé  par  un  nouveau  denier  à  l'écu  n'ayant 
plus  que  23  carats  de  loi,  de  54  au  marc  et  courant  pour 
18  sols  9  deniers.  Le  23  août  1348,  le  titre  de  cette  pièce 
fut  abaissé  à  22  carats  3/4  ;  le  11  mars,  à  22  carats,  et 
le  6  mai,  à  21  carats  ;  malgré  cette  diminution  de  titre, 
son  cours  fut  successivement  fixé  à  18  sols  9  demers,  à 
1  livre,  à  1  livre  5  sols,  pour  revenir  à  18  sols  9  deniers 
le  12  avr.  1350.  ^    ^ 

Sous  le  roi  Jean,  les  aff"aiblissements  de  la  monnaie 
furent   fréquents  et  désordonnés,  à  ce  point  qu'on  a  pu 
dire  que  les  assignats  ne  furent  pas  plus  désastreux  pour 
la  France.  Le  tvpe  du  denier  à  l'écu  resta  le  même  que 
sous  PhiHppe  de'Valois.  Du  mois  d'août  1350  à  la  fin  de 
1354,  on  frappa  des  deniers  d'or  à  l'écu  de  54  au  marc, 
mais  leur  titre  fut  abaissé  successivement  de  24  carats  a 
18  carats  (22  sept.  1351).  Pendant  cette  même  période,  le 
cours  varia  entre  1  livre  5  sous  tournois  et  12  sous  6  de- 
niers. Le  denier  d'or  à  l'écu  fut  remplacéle  17  janv.  13do 
par  le  denier  d'or  à  l'agnel,  qui  était  au  titre  de  24  carats, 
mais  à  la  taille  de  52  au  marc.  Cependant,  le  denier  d  or 
à  l'écu  demeura  dans  la  circulation  ;  le  22  août  loo8,  son 
cours  fut  fixé  à  1  livre  tournois.   On  ne  frappa  point  de 
denier  à  l'écu  sous  Charles  V.  Une  nouvelle  pièce  dor 
apparut  sous  Charles  VI,  l'écu  à  la  couronne  (fig.  3),  crée 
par  ordonnance  du  11  mars  1384,  d'or  fin,  de  60  au  marc, 
ayant  cours  pour  22  sous  6  deniers  tournois.  Cette  pièce 
tire  son  nom  de  l'écu  aux  trois  fleurs  de  lis  timbré  d  une 
couronne,  gravé  sur  Tune  de  ses  faces.  La  taille  fut  bien- 
tôt modifiée  et  portée  successivement  à  61  1/3  au  marc 
(28  févr.  1387),  62  (29  juil.  1394),  64  (2  nov.  1411). 
Une  ordonnance  du  3  juil.  1413  prescrivit  la  frappe  d  un 


Fig.  3. 


tournois.  La  fabrication  des  écus  fut  interrompue.  Une 
ordonnance  du  7  mars  1418,  qui,  probablement,  n  a  pas 
été  exécutée,  prescrivit  la  frappe  d'écus  à  la  couronne  a 
23  carats,  63  au  marc,  valant  50  sous  tournois. 

Une  ordonnance  du  7  mars  1418  fixa  le  titre  de  1  ecu  a 

23  carats,  sa  taille  à  67  au  marc  et  sa  valeur  a  30  sous 
tournois.  L'ordonnance  du  19  déc.  1420  re  eva  le  titre  a 

24  carats,  abaissa  la  taille  à  m  et  rétablit  1  ancien  cours 
de  22  sous  6  deniers  tournois.  On  a  des  écus  a  la  couronne 
du  dauphin  Charles  frappés  de  1418  à  1422.  L  ecu  heaume 
et  le  demi-écu  heaume,  créés  par  ordonnance  du  J  nov. 
1417,  sont  ainsi  appelés  parce  que  leur  type  est    ecu  de 
France  timbré  d'un  heaume  couronne  (Hoflmann,  pi.  aav, 
n«^  5  et  6).  Sous  le  règne  de  Charles  ^'H,  1  ecu  à  la  cou- 
ronne varia  incessamment  comme  titre  (entre  24  et  Ib  ca- 
rats), comme  poids  (entre  72  et  64  au  marc)  ;  son  cours 
varia  peu  :  il  fut  presque  constamment  de  25  sous  tour- 
nois; il  s'abaissa  cependant  à  1  livre  et,  à  la  fin  du  règne, 
se  releva  à  27  sous  6  deniers.  Nous  ne  saurions  donner 
ici  le  tableau  de  ces  variations,  qu'on  trouvera  dans  1  ^n- 
nuaire  de  la  Société  française  de  numismatique  (!«//, 
t  V,  pp.  143  et  suiv.,  v°  les  Ecus  a  la  couronne  ^^v 
F.   de  Saulcy).  L'écu  à  la  couronne  de  Charles  Vil  est 
reconnaissable  à  ce  que  l'écu  est  accosté  soit  de  deux  tleurs 
de  lis  couronnées  (Hoffmann,  pi.  XXXI,  n°  2  ,  soit  de 
deux  petites  couronnes  {ihid.,  n°  3).  On  appelle  ecu  au 
briquet  l'écu  à  la  couronne  qui  présente  au  revers  une 
croix  feuillue  cantonnée  de  deux  petites  couronnes  et  de 
deux  briquets.  Charles  VII  fit  frapper   des  demi-ecus. 
Louis  XI  fit  continuer  la  fabrication  des  écus  à  la  couronne 
au  même  type  que  ceux  de  son  père.  De  1461   a  14/4, 
Fécu  à  la  couronne  était  au  titre  de  23  1/8  carats,  a  la 
taille  de  72  au  marc  ;  son  cours  fut  fixé  successivement  a 
1  livre  7  sous  6  deniers,  1  livre  8  sous  4  demers  1  livre 
10  sous  3  deniers  et  1  livre  12  sous  1  denier.  En  nov. 
1475  Louis  XI  créa  l'écu  au  soleil  ou  écu  sol,  qui  était  un 
écu  à  la  couronne  présentant  au-dessus  de  |aj:ouronne 
l'image  d'un  petit  soleil  (Hoff'mann,  pi.  XXXVl,  n   i). 
L'écu  au  soleil  était  taillé  à  raison  de  70  au  marc  et  eut 
cours  d'abord  pour  1  livre  13  sols  tournois.  Loms  XI  emit 
aussi  des  demi-écus  à  la  couronne  et  au  soleil.  La  trappe 
des  écus  et  demi-écus  au  soleil  continua  sous  Charles  Vlii, 
Louis  Xn,  François  P^  i    ^    *         ^r.+ 

Les  écus  de  Charles  VÏÏI  frappés  pour  la  Bretagne  ont 
l'écu  de  France  accosté  de  deux  hermines  couronnées  (Hott- 
mann,  pi.  XXXVÏH,  n°  7)  ;  ceux  qui  sont  frappes  pour  le 
Dauphiné  ont  le  champ  écartelé  de  France  et  de  Dauphine 
{ibid,,  n^  8).  Le  cours  des  écus  d'or  resta  fixe,  sous  le 
règne  de  Charles  VIH  jusqu'au  31  juil.^  148  ^  ou  il  tut 
polté  de  33  sols  tournois  à  36  sols  3  deniers.  On  conserve 
au  Cabinet  des  médailles  de  Paris  un  triple  écu  dor  qui 
n'est  probablement  qu'un  essai  monétaire.  Des  ecus  ont  ete 
émis  en  ItaUe  au  nom  de  Charles  VIH.  Sur  les  ecus  de  Pise, 
le  roi  de  France  porte  le  titre  de  Pisanorum  liberator 
(Hoffmann,  pi.  XL,  n«  47).  A  Naples,  le  mênie  roi  fit 
frapper  des  écus  et  doubles  écus  où  il  prend  le  titre  de 
Rex  Francorum  etSicilie;  mais,  sur  ces  monnaies,  i  ecu 


—  533 


ECU 


qui  orne  le  droit  est  toujours  celui  de  France.  Louis  XII 
ne  fit  fabriquer  d'autres  monnaies  d'or  que  des  écus  et 
demi-écus  au  soleil  et  au  porc-épic  ;  les  uns  et  les  autres 
étaient  de  môme  titre  et  même  poids  que  les  écus  d'or  au 
soleil  du  règne  précédent,  c.-à-d.  de  70  au  marc  et  à 
23  1/8  carats.  Le  cours  fut  porté  de  36  sols  à  36  sols 
3  deniers.  On  ne  commença  les  écus  au  porc-épic  que  le 
19  nov.  1510.  Cette  monnaie  tirait  son  nom  des  porcs- 
épics  qui  accostaient  Fécu  (Hoffmann,  pi.  XLIII,  n°  6). 
Louis  XII  frappa  à  Asti,  dont  il  était  seigneur,  des  mon- 
naies d'or  qui  portaient  l'écu  de  France,  mais  qui  s'appelaient 
ducats  (V.  ce  mot)  ;  il  en  est  de  même  des  monnaies  d'or 
de  Naples  et  de  Milan,  au  nom  de  Louis  XII  ;  des  écus  au 
soleil  furent  frappés  à  Gênes,  sur  lesquels  Louis  XII  s'in- 
titule Francorum  rex  et  Janue  diix  (Hoffmann,  pL  LI, 
n«  104). 

Sous  François  P^',  on  ne  fabriqua  en  France,  comme 
monnaie  d'or,  que  des  écus  et  demi-écus  au  soleil  ;  leur 
titre,  leur  poids,  leur  valeur  varia.  Les  premiers  écus  d'or 
furent  de  mêmes  titre  et  poids  que  ceux  du  règne  précédent  ; 
l'an  1519,  on  diminua  le  titre  d'un  quart  de  carat,  et  le 
poids  fut  affaibli  d'un  grain  trois  quarts  ;  on  les  distingua 
des  premiers  en  plaçant  deux  F  aux  côtés  de  l'écu  (Hoff- 
mann, pi.  LIV,  no  H)  ;  en  1558,  le  titre  fut  affaibli  de 
3  carats;  depuis  le  18  août  1519  jusqu'en  1539,  les  écus 
d'or  furent  au  titre  de  23  carats  et  à  la  taille  de  71  1/6  au 
marc.  Ce  titre  et  ce  poids  durèrent  presque  pendant  tout 
le  règne  de  François  P^"  et  pendant  tout  celui  de  Henri  II. 
Quant  au  cours,  il  fut  d'abord  fixé  à  2  livres  tournois, 
puis  fut  porté,  en  1533,  à  2  livres  5  sols.  Les  diverses 
émissions  furent  distinguées  par  de  petits  signes  qui  don- 
nèrent lieu  à  des  appellations  populaires.  On  appela  écus 
d'or  à  la  croisette  ceux  qui  ont  au  revers  une  petite  croix 
carrée  à  la  place  delà  croix  fleurdelisée  (Hoffmann,  pi.  LIV, 
n^  12),  et  écus  à  la  salamandre  ceux  oti  l'écu  du  droit  est 
accosté  de  deux  salamandres  (Hoffmann,  pi.  LV,  n°  26). 
Un  certain  nombre  de  pièces  d'or  au  nom  de  François  P'' 
et  portant  d'un  côté  une  tête,  de  l'autre  un  écu,  sont,  non 
pas  des  écus  d'or,  mais  des  essais  sur  or  de  monnaies  d'ar- 
gent (testons).  François  P'^  a  émis  des  écus  d'or  à  Milan. 
Henri  II,  outre  les  écus  et  demi-écus  d'or,  fit  fabriquer  des 
quarts  d'écu.  Une  nouvelle  pièce  d'or  parut  :   le  double 
écu,  qui  fut  appelé  henri  (V.  ce  nom)  et  au  droit  duquel 
était  gravé  le  portrait  du  roi.  Sous  Charles  IX,  on  fit  des 
écus  d'or  toujours  au  même  type  de  l'écu  couronné,  au 
droit,  et  de  la  croix  fleurdelisée,  au  revers,  mais  dont  le 
poids  fut  diminué  d'un  grain  ;  le  cours  fut  porté  à  50  sols 
en  1561,  puis  à  54  sols  en  1573.  Les  écus  d'or  frappés 
pour  le  Dauphiné  portaient,  comme  sous  les  règnes  précé- 
dents, un  écu  écartelé  de  France  et  de  Dauphiné.  Sous  le 
règne  de  Henri  III,  on  fit  des  doubles  écus  d'or,  des  écus 
d'or  et  des  demi-écus  d'or.  Le  22  sept.  1574,  le  cours  de 
l'écu  fut  fixé  à  58  sols  et,  en  1575,  à  60  sols.  Mais  le 
peuple  poussa  le  prix  de  l'écu  jusqu'à  68  sols.  Pour  arrê- 
ter ce  désordre,  la  cour  des  monnaies  présenta  au  roi  et 
aux  Etats  généraux  de  Blois  des  remontrances  sur  le  règle- 
ment de  la  monnaie.  Un  édit  conforme  fut  rendu  au  mois 
de  sept.  1577,  publié  et  enregistré  au  Parlement  les  13  et 
i8  nov.  suivants,  et  en  la  cour  des  monnaies,  le  20  du 
même  mois.  Cet  édit  fixait  le  prix  des  écus  à  60  sols  ;  de 
plus,  le  compte  par  sols  et  livres  fut  aboli  et  remplacé  par 
le  compte  à  écu  ;  le  compte  à  sol  était  une  des  causes  du 
surhaussement  des  espèces,  parce  que  les  débiteurs  s'effor- 
çaient de  mettre  celles-ci  au  plus  haut  prix  possible  pour 
en  donner  le  moins  possible  ;  si  l'écii  valait  3  livres,  il  n'en 
fallait  que  trente-trois  et  un  tiers  pour  faire  100  livres, 
au  lieu  que,  s'il  ne  valait  que  50  sous,  il  en  fallait  quarante 
pour  faire  la  même  somme.  En  1590,  Charles  X,  cardinal 
de  Bourbon,  fit  frapper  des  écus  et  demi-écus  où  il  prenait 
le  titre  de  roi  de  France.  Depuis  la  mort  de  Henri  III  jus- 
qu'en 1594,  le  peuple  fit  hausser  le  cours  des  monnaies  et 
donna  à  l'écu  d'or  une  valeur  de  64  sols.  En  1594,  le  roi 
fit  défense  d'exposer  l'écu  ni  de  le  recevoir  pour  plus  de 


60  sols.  L'an  1602,  le  compte  à  écu  fut  aboli  et  le  compte 
à  livre  rétabli.  L'écu  d'or  fut  mis  à  3  livres  5  sols.  Henri  IV 
fit  frapper  des  doubles  écus,  des  écus  et  des  demi-écus.  La 
croix  du  revers  affecte  sur  ces  espèces  des  formes  diffé- 
rentes suivant  les  émissions  ;  on  appelle  écu  aux  quatre  H 
celui  où  les  branches  de  cette  croix  sont  formées  de  quatre 
H  fleurdelisés,  disposés  autour  d'un  centre  quadrilobé. 
Louis  XIII  fit  fabriquer  des  écus  et  demi-écus  du  même 
titre  et  du  même  poids  que  ceux  de  son  prédécesseur.  Le 
cours  fut  porté  à  3  livres  15  sols  par  ordonnance  du  5  déc. 
1614. 

En  févr.  1630,  on  permit  par  provision  que  l'écu  d'or 
s'exposât  pour  4  livres  3  sols,  et,  en  juil.  1633,  pour 
4  livres  6  sols.  Le  5  mars  1636,  un  édit  fixa  le  cours 
de  l'écu  d'or  à  4  livres  14  sols  ;  mais,  le  28  juin  suivant, 
on  dut  l'augmenter  de  10  sols.  L'écu  et  le  demi-écu  d'or 
continuèrent  d'être  frappés  sous  le  règne  de  Louis  XIV, 
toujours  au  même  type  et  au  même  titre  jusqu'en  1656. 
Après  cette  date,  on  ne  fabriqua  plus  d'écus  d'or.  Mais  cette 
monnaie  continua  d'avoir  cours  pendant  quelques  années 
encore.  Par  déclaration  du  4  avr.  1652,  le  prix  de  l'écu  d'or 
fut  fixé  à  5  livres  14  sols.  Puis  son  cours  fut  porté  en  mars 
1653  à  6  Hvres  4  sols  ;  en  juin  1653,  à  5  livres  19  sols  ; 
puis  diminué,  en  septembre,  à  5  livres  14  sols  ;  en  dé- 
cembre, à  5  livres  9  sols  ;  en  avr.  1654,  à  5  livres  4  sols. 
Mais  ce  rabais  ayant  provoqué  le  transport  des  monnaies 
hors  du  royaume,  le  1^^  janv.  1666,  on  remit  l'écu  d'or 
au  prix  de  5  livres  11  sols  6  deniers.  L'édit  sur  les  mon- 
naies du  mois  de  déc.  1689  fixa  le  cours  de  l'écu  à  6  livres; 
mais  jusqu'au  31  avr.  1690  seulement  ;  ce  terme  passé, 
l'écu  ne  devait  plus  avoir  cours  et  ne  serait  plus  payé  dans 
les  hôtels  des  monnaies.  Cependant,  nous  voyons  que  le 
terme  fut  prorogé,  car  un  arrêt  du  conseil  du  20  mai 
1692  fixait  le  prix  de  l'écu  d'or  à  5  livres  16  sols  6  deniers. 
Ce  cours  resta  le  même  jusqu'à  l'arrêt  du  16  juin  1693, 
qui  est  le  dernier  qui  mentionne  l'écu  d'or. 

Le  type  de  l'écu  a  été  très  répandu,  et  de  nombreuses 
pièces  d'or  ont  été  frappées  par  les  seigneurs  français  et  les 
souverains  étrangers  à  l'imitation  de  l'écu  français.  Des 
écus  d'or  ont  été  frappés  en  Bretagne,  par  les  ducs  Fran- 
çois pr  (1442-1450),  François  II  (1458-1488);  en  Aqui- 
taine, par  Edouard  III,  roi  d'Ani^leterre  ;  en  Béarn,  par 
Gaston  de  Foix  (1436-1472),  François-Phœbus  (1472- 
1482);  en  Navarre,  par  Henri  d'Albret  (1518-1555), 
Antoine  de  Bourbon  et  Jeanne  d'Albret  (1556-1572)  ;  à 
Avignon,  par  divers  papes,  et  spécialement  par  Paul  III, 
en  1535  ;  en  Flandre,  par  Philippe  le  Hardi  et  Philippe  le 
Bon  ;  à  Cambrai,  par  l'archevêque  Maximilien  de  Berghes 
(1556-1570),  etc. 

Ecu  d'argent.  —  On  donne  le  nom  de  quart  d'écu  à  une 
pièce  d'argent  frappée,  pour  la  première  fois,  par  le  roi 
Henri  III,  en  oct.  1580.  Cette  pièce  valait  le  quart  de  l'écu 
d'or,  d'où  son  nom.  Elle  était  au  titre  de  11  deniers  d'ar- 


gent fi.n,  à  la  taille  de  25  1/5  au  marc  et  avait  cours  pour 
15  sols.  Voici  la  description  de  cette  pièce  :  HENBICVS* 
HPDEPG-FR-ET-POL-REX.  Ecu  de  France,  timbré  de  la 
couronne  royale,  accosté  des  lettres  numérales  II II  (c.-à-d.  4)  ; 
en  bas,  G,  lettre  indiquant  l'atelier  de  Poitiers.  iV4-  SIT* 
NOMEiN-DOMINPBENED-1587.  Croix  fleurdehsée  (fig.  4). 
On  frappa  en  même  temps  des  demi-quarts  d'écu,  d'un 


ECU 


-  534  — 


Fig. 


module  plus  petit,  et  où  l'ccu  est  accosté  des  lettres  numé- 
rales VllI.  La  fabrication  de  ces  espèces  fut  continuée  sous 
Henri  IV,  Louis  XIII  et  Louis  XIV.  Bien  qu'un  assez  grand 
nombre  de  pièces  d'argent  portent,  en  France  et  à  l'étran- 
ger, depuis  le  xw^  siècle,  un  écu  dans  le  champ,  on 
réserve  le  nom  d'écu  à  la  pièce  dont  la  fabrication  fut 
ordonnée  par  Louis  XIII,  le  23  déc.  1641.  Cette  pièce  est 
aussi  désignée  par  les  noms  de  louis  d'argent  et  écu  blanc. 
Elle  était  au  titre  de  11  deniers  et  à  la  taille  de  8  pièces 
11/12  au  marc.  Elle  eut  cours  pour  60  sols.  Voici  sa  des- 
cription :  LVDOVICVS-XIII-D-C-FR-ET-NAV-REX.  Buste 
du  roilauré  adroite.  iV  SIT'NOMEN-DOMINLBENEDICTVM- 
1641.  Ecu  de  France  couronné  ;  au-dessous,  la  lettre  indi- 
quant l'atelier  mo- 
nétaire (fig.  5).  On 
fit  aussi  des  écu  s  de 
30  sols,  15  sols  et 

5  sols.  Le  cours 
des  écus  varia.  En 
mars  1653,  la  va- 
leur de  l'écu  blanc 
fut  portée  à  3  livres 
10  sols  ;  elle  fut 
ramenée  à  3  livres 
enavr.l654.L'édit 
de  déc.  1689  pres- 
crivit la  fabrication 
d'écus  d'argent  au 
titre  de  11  deniers 
et  à  la  taille  de  9  au 
marc,  ayant  cours 

pour  66  sols,  en  d'autres  termes  3  livres  6  sols  ;  les  demi- 
écus  et  quarts  étaient  à  proportion  ;  les  écus  et  demi-écus 
devaient  avoir  sur  la  tranche  la  légende  Domine  salvum  fac 
regem.  Le  cours  des  écus  varia  sans  cesse  au  xviii®  siècle, 
mais  de  1689  à  n09  il  ne  s'éleva  jamais  plus  haut  que  3  livres 
16  sols.  Le  type  fut  modifié  à  chaque  émission.  C'est  ainsi 
qu'on  distingue  l'écu  du  Parlement  (avec  le  Saint-Esprit 
portant  la  sainte  Ampoule  au-dessus  de  la  tête  du  roi), 
l'écu  aux  colliers  (avec  les  colliers  des  ordres  autour  de 
l'écu),  l'écu  de  Flandre  dit  carambole  (avec  l'écu  de  France 
écartelé  de  Bourgogne  ancien  et  moderne),  l'écu  aux  huit  L, 
de  1689  (où  l'écu  est  remplacé  par  huit  L  disposées  en 
croix).  Par  édit  de  mai  1709,  il  fut  ordonné  une  nouvelle 
fabrication  d'écus  de  8  au  marc,  appelés  écus  aux  couronnes 
à  cause  des  trois  couronnes  qui  ornaient  le  champ  du  revers 
et  y  remplaçaient  l'écu;  ils  eurent  cours  pour  5  livres.  En 
1713  (30  sept.),  ces  écus  furent  réduits  à  4  Uvres  17  sols 

6  deniers.  Le  cours  de  l'écu  fut  afi'aibh  peu  à  peu  et  tomba, 

au  l''^  août  1714,  à  3  livres  10  sols.  Louis  XV  ordonna 

par  édit  de  déc.  1715  la  fabrication  d'écus  de  8  au  marc 

qui  eurent  cours  pour  4  livres.  Ce  furent  les  vertugadins, 

au  revers  desquels  est  gravé  un  écu  de  France,  de  forme 

ronde,  timbré  d'une  couronne.  Un  édit  du  mois  de  mai  1718 

ordonna  une  refonte  générale  des  espèces  et  une  fabrication 

d'écus  à  la  taille  de  10  au  marc,  qui  eurent  cours  pour 

6  livres.  Ce  fut  l'écu  dit  de  Navarre,  parce  que  l'écu  du 

revers  est  écartelé  de  France  et  de  Navarre.  Le  cours  de 

l'écu  fut  soumis  à  des  variations  incessantes  sous  le  règne 

de  Louis  XV.  Le  type  changea  également.  On  distingue 

l'écu  de  France,  l'écu  aux  huit  L,  l'écu  aux  lauriers,  l'écu 

au  bandeau,  l'écu  de  six  livres.  Des  divisions  de  l'écu,  demis, 

tiers, sixièmes,  huitièmes,  douzièmes,  seizièmes,  etc.,  furent 

émises  à  plusieurs  reprises.  De  1726  jusqu'à  sa  disparition, 

Fécu  valut  6  livres.  On  désigne  sous  le  nom  d'écu  de 

Calonne  une  pièce  d'argent  frappée  en  1786  portant  au 

droit  le  buste  lauré  du  roi,  tourné  à  gauche,  et  au  revers 

deux  L  formées  de  palmes,  affrontés  et  enlacés,  timbrés 

d'une  couronne  royale.  En  1792,  fut  frappé  l'écu   dit 

comtitiitionneU  dont  voici  la  description  :  LOUIS  XVI 

ROI  DES  FRANÇAIS.  Buste  du  roi  à  gauche  ;  au-dessous, 

1792.  n  RÈGNE  DE  LA  LOI.  Un  géiîie  ailé,  nu,  debout, 

tourné  à  droite,  écrivant  sur  une  table  le  mot  CONSTITU- 


TION; à  l'exergue,  L'AN  IV  DE  LA  LIBERTÉ.  Le  dernier 
écu  frappé  fut  l'écu  dit  républicain  ayant  pour  type  le 
génie  de  la  France,  comme  au  revers  de  l'écu  constitu- 
tionnel, et  au  revers,  la  valeur  de  la  pièce  au  milieu  d'une 
couronne  de  chêne,  avec  la  légende  RilPUBLIQUE  FRAN- 
ÇAISE, et  à  l'exergue,  L'AN  II.  Sur  la  tranche,  LIBERTÉ, 
EGALITE  séparés  par  le  bonnet  phrygien,  le  niveau  et 
divers  ornements.  L'adoption  du  système  décimal  fit 
remplacer  l'écu  par  la  pièce  de  5  fr.  ;  mais  le  nom  d'écu 
resta  longtemps  à  cette  pièce,  qu'on  appelait  vulgairement 
écu  de  5  fr.  L'écu  de  6  livres  et  ses  fractions  conti- 
nuèrent de  circuler  jusqu'à  la  promulgation  de  la  loi  du 
14  juin  1829  qui  en  ordonna  la  démonétisation.  —  On 

désigne  aujourd'hui 
vulgairement  par  le 
mot  écu  une  somme 
de  3  fr. 

Nous  ne  saurions 
donner  ici  l'indica- 
tion de  toutes  les 
pièces  d'argent 
étrangères  des 
xvni^  et  xix^  siècles 
désignées  en  France 
sous  le  nom  d'écus. 
On  en  trouvera  la 
liste  dans  le  Traité 
des  monnaies  d'or 
et  d'argent  qui 
circulent  chez  les 
différents  peu- 
ples, par  Bonneville  (Paris,  1806,  in-fol.). 

Actuellement,  les  pièces  appelées  écus  sont  :  Bolivie, 
l'écu  d'or,  du  poids  de  4^^388,  au  titre  de  901  mill. 
valant  4  piastres  1/4,  soit  22  fr.  95  ;  le  demi-écu  du 
poids  de  2s'-194,  valant  2  piastres  1/8,  soit  11  fr.  47.  — 
Chili,  l'escudo  ou  pièce  de  2  pesos,  du  poids  de  3&'^050, 
au  titre  de  900  mill.,  valant  9  fr.  45.  —  Espagne,  la 
pièce  d'or  de  4  escudos,  du  poids  de  3^^355,  valant 
10  fr.  40,  celle  de  2  escudos,  du  poids  de  lg^'677, 
valant  5  fr.  20,  toutes  deux  au  titre  de  900  millièmes  ; 
l'escudo  d'argent,  du  poids  de  12^^980,  au  titre  de  900 
milHèmes,  valant  10  réaux  ou  2  fr.  60.  —  Etats  pon- 
tificaux (anciennes  monnaies),  les  pièces  d'or  de  10  scudi, 
5  scudi  et  2  scudi  1/2,  pesant  respectivement  178^336, 
8g^668  et4g''334,  au  titre  de  900  mill.,  valant  53  fr.  60, 
26  fr.  80  et  13  fr.  40;  le  scudi,  pesant  18^33,  valant 
5  fr.  36;  en  argent,  les  scudi  de  100,  50  et  20  bajocci 
au  même  titre  que  les  pièces  d'or  pesant  respectivement 
268^835,  13^^417  et  5^^  367,  valant  5  fr.  36,  2  fr.  65, 
1  fr.  08  ;  les  scudi  de  10  et  5  bajocci,  du  poids  de  2-^683 
et  1S'-341,  au  titre  de  800  mill.,  valant  0  fr.  59  et  0  fr.  26. 
—  ISaples  et  Deux-Siciles  (anciennes  monnaies) .  En  argent, 
l'écu  de  12  carlins,  pesant  278''  619  et  valant  5  fr.  10  ; 
l'écu  de  18  carlins  pesant  228^810,  valant  4  fr.  25,  ces 
deux  pièces  au  titre  de  833  mill.  M.  Prou. 

IIL  Art  héraldique.  —  Fond  sur  lequel  sont  repré- 
sentées les  figures  héraldiques  composant  un  blason,  terme 
générique  des  armoiries  d'un  chevalier,  d'une  famille,  d'une 
nation  :  Vécu  de  France.  11  symbolise  le  bouclier,  la  cotte 
d'armes,  la  bannière  ;  aussi  sa  forme  n'est-elle  pas  identique 
à  tous  les  temps  et  dans  toutes  les  nations.  L'écu  français 
eut  d'abord  la  forme  exacte  du  bouclier,  et  les  hérauts 
d'armes  lui  assignèrent  celle  qui  est  encore  en  usage  de  nos 
jours  (V.  Blason),  mais  on  en  vit  de  triangulaires  et  de 
carrés.  Ces  derniers  se  nomment  des  écus  en  bannière.  L'écu 
d'une  fille  non  mariée  a  la  forme  d'un  losange  ou  d'un 
ovale  ;  celui  d'une  femme  mariée  est  placé  à  côté  de  celui 
de  son  époux  (lorsqu'on  regarde  deux  écus  ainsi  accolés, 
celui  de  dextre  est  celui  du  mari,  celui  de  senestre  celui  de 
la  femme)  ;  une  seule  couronne  les  surmonte,  celle  du  mari. 
Deux  écus  d'Etats  réunis  sous  la  même  souveraineté  sont 
aussi  accolés  et  surmontés  de  la  couronne  du  souverain  : 


^  535  - 


ECU  -  ECUBIER 


tels  les  écus  de  France  et  de  Navarre.  Les  écus  étrangers 
se  reconnaissent  à  leur  forme  particulière,  aux  angles  du 
chef  prolongés  en  pointe  (fig.  6).  Les  anciens  écus  alle- 
mands ont  la  forme  représentée  fig.  7  ;  toutefois,  les  mo- 
dernes ont  la  même  forme  que  les  écus  français.  Les  écus 


Fig.  6. 


Fig.  7. 


italiens  sont  souvent  représentés  comme  dans  la  fig.  8. 
Les  écus  de  la  Russie  du  Nord  et  surtout  de  la  Pologne, 
ont  d'ordinaire  la  forme  donnée  dans  la  fig.  9.  Le  blason 
en  usage  dans  la  Confédération  helvétique  est  représenté 


Fis.  8. 


Fig.  9, 


fig.  40;  Técu  espagnol  et  l'écu  portugais  ressemblent  à 
l'écu  français,  avec  cette  différence  qu'il  est  rond  dans  le 
bas  (fig.  11).  On  rencontre  aussi  sous  cette  forme  l'an- 
cien écu  flamand.  Tous  les  écus  d'une  nation  ne  sont  pas 


Fig.  10. 


Fig.  11. 


semblables  à  ceux  ci-dessus  désignés,  mais  tous  ceux  qui 
ont  la  forme  décrite  appartiennent  aux  Etats  indiqués.  On 
voit  aussi  en  France,  comme  ailleurs,  des  écus  penchés 
à  droite  ou  à  gauche.  Cette  posture  n'a  aucune  significa- 
tion; elle  est  due  généralement  à  des  exigences  décora- 
tives, quand  il  s'agit  d'orner  un  dessus  de  porte,  un 
cadre,  etc.  Il  reste,  après  avoir  constaté  la  provenance  par 
la  forme,  à  la  deviner  par  quelques  autres  indices  :  beau- 
coup de  blasons  français  sont  d'azur  (bleu)  à  l'imitation 
de  celui  du  souverain,  de  même  que  nombre  d'écus  bretons 
sont  d'hermine,  parce  que  les  ducs  de  Bretagne  portaient 
d'hermine.  Au  contraire,  les  fonds  de  gueules  (rouges) 
dénotent  des  écus  de  Bourgogne.  Beaucoup  de  croix  meu- 
blent les  écus  français  en  souvenir  des  croisades  ;  beau- 
coup de  tours  et  de  châteaux  sur  les  écus  de  Guyenne,  de 
Gascogne.  Sur  ceux  de  Picardie,,  nombre  de  lions  et  de 
léopards  ;  sur  ceux  du  Dauphine  des  chefs,  etc.  Les  écus 
anglais  sont  beaucoup  plus  chargés  que  ceux  de  France, 
beaucoup  de  partitions  et  de  pièces  les  meublent,  de  même 
que  les  écus  espagnols  et  portugais.  Chacun  d'eux  est  une 
véritable  carte  d'échantillons;  à  côté  de  pièces  honorables, 
on  y  voit  des  objets  d'un  usage  journalier,  puis  des  lions, 
des  fleurs,  des  coquilles.  Les  écus  hollandais  sont  fré- 
quemment de  sinople  (verts),  symbole  du  sol  couvert  de 
prairies,  les  fasces  ondées  ;  les  pals  sont  très  employés  ;  ils 


représentent  les  rivières  et  les  canaux.  Les  écus  suédois 
sont  aussi  couverts  de  fasces,  de  bandes  ondées,  des  ins- 
truments de  pêche  ou  de  chasse,  occupations  des  nobles. 
L'écu  itahen  exprime  souvent  par  sa  composition  le  nom  de 
son  possesseur,  les  armes  parlantes  y  sont  très  répandues. 
L'usage  est  de  placer  l'écu  dans  un  cartouche.  La  plupart 
des  écus  danois  sont  diaprés  ;  les  écus  polonais  sont  presque 
tous  de  gueules  ;  les  écus  russes  sont  fertiles  en  figures 
d'animaux,  de  chasse  et  de  guerre  ;  le  gueules  étant  la 
couleur  caractéristique  des  premiers  habitants  de  la  Suisse, 
il  se  retrouve  sur  beaucoup  d'écus  de  la  Confédération. 
L'écu  représenté  sur  un  blason  change  de  nom  et  devient 
un  bouclier  qu'on  appelle  targe.  C'est  un  symbole  de  la 
noblesse  militaire.  H.  Gourdon  de  Genouillac. 

IV.  Ordres.  —  Ordre  de  l'Ecu  d'or.  —  Créé  en  France 
le  l^^janv.  1369,  par  Louis  II  dit  le  Bon,  duc  de  Bourbon, 
dans  le  dessein  de  récompenser,  lors  d'une  assemblée  qui 
se  tint  à  Moulins,  les  principaux  gentilshommes  de  sa  cour 
qui  lui  avaient  donné  des  preuves  d'aftection  et  de  dévoue- 
ment. Les  chevaliers  portaient  comme  signe  distinctif  un 
écu  d'or  à  la  bande  d'azur  chargée  du  mot  allen  allen. 
L'ordre  fut  réuni  à  celui  de  Notre-Dame-du-Chardon  peu 
de  temps  après  1403.  H.  Gourdon  de  Genouillac. 

V.  Astronomie.  —  Ecu  de  Sobieski.  —  On  nomme 
ainsi  une  constellation  placée  par  Hévélius  dans  l'hémis- 
phère austral  entre  Antinous,  le  Sagittaire,  le  Serpent,  le 
Serpentaire,  le  Taureau  royal  de  Poniatowski  et  l'Aigle. 

BiBL.  :  Archéologie.  —  Viollet-le-Duc,  Dictionnaire 
du  mobilier  français^  t.  V,  p.  340,  art.  Ecu.  —  Wendelin 
Bœheim,  Handbuch  der  Waffenkunde  ;  Leipzig,  1890, 
in-4.  —  H.  DE  CuRzoN,  la  Règle  du  Temple^dans  la  Société 
de  l'histoire  de  France;  Paris,  1886.  —  Antoine  de  La 
Salle,  Traité  des  tournois.  —  La  Curne  de  Sainte- 
Palaye,  Mémoires  sur  l'ancienne  chevalerie  ;  Paris,  1779- 
1780,  3  vol.  in-12.  —  Le  Père  Ménétrier,  Traité  des 
tournois^  etc.  ;  Lyon,  1669,  in-4.  —  Meyrick,  History 
of  ancients  armours  ;  Londres,  1830,  3  vol.  in-4,  atlas 
paru  en  1854.  —  Hefner-Alteneck,  Costumes  du  moyen 
âge  chrétien;  Mannheim,  1840-54.—  Hewit,  Ancients 
Armours  and  weapons  ;  Londres,  1859,  3  vol.  in-8.  — 
Specht,  Gesicht  der  Waffen;  Leipzig,  4  vol.  in-8.  — 
Marc  VuLSON  de  La  Colombière,  le  Vrai  Théâtre  d'/ion- 
neur  ;  Paris,  1648,  2  vol.  in-fol.  —  Et  les  traités  sur  les 
tournois  :  les  Tournois  du  roi  René  ;  Paris,  1889,  in-4.  — 
Les  Tournois  de  Chauvency,  décrits  par  Breton;  Valen- 
ciennes,  1835,  in-8.  —  L'Epervier  d'or  (description  des 
joutes  et  tournois  à  Lille)  ;  Paris,  1839,  in-8.  —  Le  Pas 
d'armes  de  la  bergère.  Cérémonies  des  gages  de  bataille 
(dans  la  collection  Crapelet).  —  Olivier  de  La  Marche, 
Traité  des  tournois;  Paris,  1870,  in-8.  •—  Godefroy,  Céré- 
monial français;  Paris,  1649,  in-5.  —  Maurice Maindron, 
les  Armes  ;  Paris,  1890,  in-8  (Bibliothèque  de  TEnseigne- 
ment  des  Beaux-Arts).  —  Demay,  le  Costume  d'après  les 
sceaux.,  1885,  in-8. 

Numismatique.  — Le  Blanc,  Traité  historique  des  mon- 
noies  de  France  ;  Paris,  1690,  in-4.  —  Prix  des  monnoies 
de  France;  Nantes,  1732,  in-4.  —  Abot  de  Bazinghem, 
Traité  des  monnaies.,  Paris,  1764,  in-4.  —  Hoffmann,  les 
Monnaies  royales  de  France;  Paris,  1878,  in-fol.  —  De 
Saulcy,  les  Ecus  d'or  à  la  couronne.,  dans  Annuaire  de  la 
Soc.  de  num..,  t.  V,  p.  143.  — R.  Vallentin,  les  Ecus  d'or 
avignonais  du  pape  Paid  III  ;  Paris,  1890,  in-8  (extrait  de 
l'Annuaire  de  la  Soc.  de  num.). 

ECUADOR  (V.  Equateur  [République  de  1']). 

ÉCUANTEUR  (Carross.).  Inclinaison  des  raies  sur  le" 
moyeu  d'une  roue  (V.  Carrosserie,  t.  IX,  p.  556). 

ÉCUBIER  (Mar.).  Les  écubiers  sont  des  trous  horizon- 
taux et  ronds  pratiqués  sur  l'avant  dans  les  joues  du  navire, 
pour  livrer  passage  aux  câbles  et  aux  chaînes  attachés  aux 
ancres.  Ils  sont  situés  à  gauche  et  à  droite  de  l'étrave  ; 
leurs  axes  sont  parallèles  à  la  quille  ;  ils  s'alignent  sur 
les  seuillets  de  sabords  des  batteries.  Leur  nombre  varie  sui- 
vant la  force  et  le  type  du  bâtiment.  Ils  sont  garnis  de 
manchons  munis  d'oreilles  épaisses,  en  fonte  de  fer,  qui 
protègent  les  vaigres  et  le  bordé,  c.-à-d.  les  deux  côtés  de 
la  muraille  du  navire  contre  le  frottement  des  chaînes. 
Chaque  écubier  est  entouré  d'un  encadrement  qui  dépasse, 
par  l'épaisseur  des  tringles,  le  dehors  de  l'oreille  exté- 
rieure du  manchon  :  cet  encadrement  reçoit  un  mantelet 
de  fermeture.  Un  chemin  de  fer  destiné  à  facihter  la  course 
des  câbles,  chaînes,  ainsi  que  l'action  de  linguet  qui  a  pour 


ÉCUBIER  —  ÉCURAGE 


—  536 


but  de  les  arrêter  à  volonté,  s'y  prolonge  quelquefois  jus- 
qu'au dehors  de  l'écubier.  On  donne  aussi  le  nom  d'écu- 
biers  aux  ouvertures  pratiquées  sur  le  pont  et  garnies  d'un 
manchon  de  fer  qui  servent  de  passage  aux  chaînes  qu'on 
haie  de  l'intérieur  du  navire. 

ECU  BLE.  Com.  du  dép.  d'Eure-et-Loir,  arr.  de  Dreux, 
cant.  de  Châteauneuf-en-Thimerais  ;  400  hab. 

ECU BLENS.  Village  de  Suisse,  cant.  de  Vaud,  à  8  kil.  à 
rO.  de  Lausanne  ;  640  hab.  Ce  village,  qui  est  fort  ancien 
—  on  le  trouve  mentionné  déjà  en  969  —  était  le  siège 
d'une  ancienne  famille  féodale  qui  remonte  au  xii"^  siècle 
et  a  joué  un  certain  rôle  dans  l'histoire  de  l'évêché  de  Lau- 
sanne. La  famille  d'Ecublens  s'est  éteinte  vers  la  fin  du 
XV®  siècle.  E.  K. 

ECU  El  L.  Com.  du  dép.  de  la  Marne,  arr.  de  Reims, 
cant.  de  Ville-en-Tardenois  ;  302  hab. 

ECU  El  LIÉ.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  l'Indre,  arr.  de 
Châteauroux;  1,939  hab. 

ÉCUELIN.  Com.  du  dép.  du  Nord,  arr.  d'Avesnes,  cant. 
de  Berlaimont  ;  445  hab. 

ECU  ELLE.  L  Archéologie.  —  Vase  de  métal,  de  faïence 
ou  de  bois,  à  deux  oreilles,  dont  on  se  sert  pour  prendre 
du  bouillon  ou  pour  manger  la  soupe.  L'écuelle  est  de  tous 
les  temps,  et  son  usage  est  général.  La  matière  seule  dont 
elle  est  formée  varie  suivant  les  classes  auxquelles  elle  est 
destinée.  Dans  les  palais  et  les  châteaux,  elle  était  d'or  et 
d'argent  ;  dans  les  maisons  bourgeoises,  de  métal  commun 
ou  de  faïence,  tandis  que  le  pauvre  et  le  paysan  se  conten- 
taient d'écuelles  de  bois.  De  nos  jours,  l'usage  de  l'écuelle 
a  été  remplacé  par  celui  des  assiettes  ;  à  peine  en  trouve- 
t-on  de  rares  spécimens  dans  les  provinces  reculées.  Pen- 
dant le  moyen  âge,  l'écuelle  (escuelle)  était  un  des  meubles 
essentiels  du  service  de  la  table.  Celles  que  possédaient 
les  souverains  de  la  race  des  Valois  sont  détruites  pour 
la  plupart;  mais  on  conserve  dans  nos  musées  et  dans 
nos  collections  particulières  des  pièces  datant  des  xvi®  et 
xvn®  siècles,  que  la  richesse  de  leur  matière  et  la  finesse  de 
leur  exécution  condamnait  à  n'être  jamais  que  des  orne- 
ments de  buffet  d'apparat.  On  possède  également  des 
écuelles  en  émail  peint  que  le  talent  de  Léonard  Limosin 
et  des  artistes  de  Limoges  ont  transformées  en  chefs- 
d'œuvre  de  l'art.  Il  entrait  dans  les  habitudes  anciennes 
d'offrir,  aux  femmes  accouchées,  la  soupe  dans  une  écuelle 
à  oreilles  et  à  couvercle  placée  sur  une  assiette.  Les  faïen- 
ciers de  l'Italie,  et  plus  tard  ceux  de  Rouen,  se  plurent  à 
revêtir  ces  humbles  vases  de  leurs  peintures  les  plus  har- 
monieuses. La  mode  des  écuelles  d'accouchées,  exécutées  en 
argent  ciselé  ou  en  étain  gravé,  persista  en  France  jusqu'à 
la  fin  du  xviii®  siècle. 

II.  Botanique.  —  Ecuelle  d'eau  (V.  Hydrocotyle)  . 
ÉCUELLE  (Scutella).  Com.  du  dép.  de  la  Haute- 
Saône,  arr.  de  Gray,  cant.  d'Autrey;  173  hab.  Tuilerie. 
Entre  le  bois  de  la  Gravotte  et  le  village,  voie  antique, 
autour  de  laquelle  on  a  trouvé  des  tuiles,  des  monnaies, 
des  objets  en  bronze  et  des  morceaux  de  sculpture  remon- 
tant à  répoque  romaine.  Les  bénédictins  de  l'abbaye  de 
Montiéramey  avaient  fondé  au  xii®  siècle  à  Ecuelle  un 
prieuré  qu'ils  transférèrent  à  Morey  au  xvii^.  Les  derniers 
seigneurs  d'Ecuelle  furent  M.  de  Lacoré  et  M^«  de  Lorges. 
ÉCUELLES  (Scovella,  Scutella).  Com.  du  dép.  de 
Saône-et-Loire,  arr.  de  Chalon-sur-Saône,  cant.  de  Verdun- 
sur-le-Doubs,  sur  la  Saône;  665  hab.  L'abside  de  l'église 
est  du  XV®  siècle.  Le  château,  dont  les  quatre  tours  remon- 
tent au  moyen  âge,  mais  dont  la  façade  a  été  décorée  de 
médaillons  de  la  Renaissance,  a  appartenu  à  Anne  de  La 
Tour  et  à  Philippe  Lebel  au  xvii®  siècle,  et  aux  de  Tessey 
au  XVIII®.  Au  hameau  de  Molaise,  il  y  avait  avant  la  Ré- 
volution une  importante  abbaye  de  femmes  de  l'ordre  de 
Cîteaux.  L-x. 

ÉCUELLES.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Marne,  arr.  de 
Fontainebleau,  cant.  de  Moret;  334  hab. 

ÉCUILLÉ.  Com.  du  dép.  de  Maine-et-Loire,  arr.  d'An- 


gers, cant.  de  Tiercé,  à  la  source  de  la  Suine;  586  hab. 
Source  minérale.  Sur  le  territoire  de  cette  commune  est  le 
château  de  Plessis-Bourré,  qui  doit  son  nom  au  ministre  de 
Louis  XI,  Jean  Bourré,  dont  il  fut  la  propriété.  Le  château 
actuel,  entouré  de  larges  douves,  date  de  la  seconde  moitié 
du  XV®  siècle;  c'est  un  quadrilatère  presque  régulier  dont 
les  côtés  ont  de  60  à  70  m.  et  dont  chaque  angle  est  pro- 
tégé par  une  tour  engagée.  Celle  du  S-E.,  plus  forte  que 
les  autres,  constituait  le  donjon.  La  salle  des  gardes  a 
conservé  un  curieux  plafond  de  bois  dont  les  peintures,  qui 
datent  du  xv®  siècle,  représentent  des  proverbes  en  action 
accompagnés  de  légenc^es  en  vers. 

ECU  IRES.  Com.  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  et  cant. 
de  Montreuil-sur-Mer  ;  600  hab. 

ÉCUISSES.  Com.  du  dép.  de  Saône-et-Loire,  arr.  de 
Chalon-sur-Saône,  cant.  de  Buxy,  près  le  canal  du  Centre; 
1,724  hab.  Carrières,  moulin,  fours  à  chaux,  tuilerie,  bri- 
queterie, huilerie.  Ancien  château  de  la  Motte. 

ÉCULLEVILLE.  Com.  du  dép.  delà  Manche,  arr.  de 
Cherbourg,  cant.  de  Beaumont-Hague  ;  102  hab. 

ÉCULLY.  Com.  du  dép.  du  Rhône,  arr.  de  Lyon,  cant. 
de  Limonest,  sur  une  colline  dominant  le  faubourg  de  Vaise; 
3,336  hab.  Pépinières.  Ateliers  de  construction  de  matériel 
de  chemins  de  fer.  Fontaine  pétrifiante. 

ÉCUME.  I.  Minéralogie.  —  Ecume  de  mer.  —  Va- 
riété de  magnésite,  silicate  hydraté  de  magnésie.  Ce  minéral 
doit  son  nom  à  sa  faible  dureté  (2,5)  et  à  sa  faible  densité 
(1,2  à  1,6)  jointes  à  une  grande  porosité.  Il  est  blanc  ou 
jaunâtre,  happe  à  la  langue,  est  doux  au  toucher  et  sus- 
ceptible de  prendre  le  poli.  On  le  trouve  en  Asie  Mineure, 
en  Grèce,  etc.,  en  rognons  à  cassure  terreuse.  L'écume  de 
mer  est  employée  dans  l'industrie  pour  la  fabrication  des 
pipes.  Au  chalumeau,  cette  substance  s'arrondit,  noircit, 
puis  blanchit  en  fondant  sur  les  bords  en  émail  blanc.  Dans 
le  tube  fermé,  elle  donne  de  l'eau.  Attaquée  par  l'acide 
chlorhydrique.  A.  Lacroix. 

II.  Chimie  industrielle.  —  Ecume  de  défécation 
(V.  Sucre). 

III.  Métallurgie.  — ■  Dans  la  fonte  des  métaux,  on 
appelle  écume  les  parties  impures  du  métal  qui  remontent  à 
la  surface  et  se  trouvent  en  contact  avec  l'air.  Avant  la 
coulée  d'une  statue,  on  enlève  cette  partie,  au  moment  de 
verser  le  liquide  dans  le  moule,  à  l'aide  d'un  ringard. 

IV.  Botanique.  —  Ecume  printannière  (V.  Aphro- 
phore). 

ÉCURAGE.  Les  produits  employés  pour  l'écurage  ou  le 
récurage  du  cuivre,  du  fer  et,  en  général,  des  ustensiles  de 
cuisine  sont  très  nombreux.  Sans  compter  les  feuillages  ou 
herbes  à  sucs  acides,  très  employés  dans  les  campagnes , 
on  peut  les  diviser  en  deux  classes  :  les  compositions  acides 
dissolvant  les  oxydes  et  les  sulfures  formés  à  la  surface  du 
métal,  et  celles  à  base  de  corps  gras  qui  ont  pour  but  de 
détacher,  de  détruire  l'adhérence  de  ces  oxydes  et  du  métal. 

Compositions  acides.  Un  des  produits  les  plus  em- 
ployés est  l'acide  oxalique,  qu'on  appelle  communément 
dans  le  commerce  «  acide  de  sucre  »,  ou  le  bioxalate  de 
potasse,  plus  connu  sous  le  nom  de  sel  d'oseille,  en  solu- 
tion dans  l'eau  à  raison  de  3  <^/o.  On  les  additionne  sou- 
vent d'acide  chlorhydrique  ou  sulfurique,  d'alun  et  de  terre 
pourrie  ou  de  tripoli.  Voici  une  composition  que  l'on  ren- 
contre assez  souvent  dans  le  commerce  :  eau,  1,000  gr.  ; 
acide  oxalique,  10  gr.  ;  acide  sulfurique,  lOgr.,  ou  acide 
chlorhydrique,  15  gr.  ;  a^un,  20  gr.  L'acide  oxalique  entre 
dans  presque  toutes  les  compositions  de  ce  genre  à  cause 
de  la  facilité  avec  laquelle  il  se  combine  aux  oxydes  et  de 
la  solubilité  des  sels  formés. 

Compositions  grasses.  Celles-ci  sont  de  beaucoup  les 
plus  nombreuses  ;  presque  toutes  les  matières  grasses  ont 
été  employées,  les  huiles  végétales  aussi  bien  que  les 
graisses,  animales  ou  minérales,  soit  seules  soit  mélangées 
entre  elles.  Elles  sont  toujours  additionnées  d'une  matière 
pulvérulente  qui  a  pour  action  de  faciliter  le  départ  des 


537  — 


ÉCURAGE  —  ÉCUREUIL 


oxydes  et  surtout  de  polir  la  surface  métallique  nettoyée  ; 
quelques-unes  contiennent  même  un  acide  dissous  ou  émul- 
sionné  dans  la  matière  grasse.  Nous  ne  donnerons  pas  leur 
composition  ;  elle  est  peu  intéressante,  les  proportions  entre 
les  différents  éléments  n'influant  pas  sensiblement  sur  le 
résultat  final.  Nous  nous  contenterons  de  citer  les  corps  les 
plus  employés.  En  première  ligne  arrive  l'oxyde  de  fer, 
désigné  sous  le  nom  de  colcotar  ou  rouge  d'Angleterre, 
puis  le  tripoli  qui  est  parfois  simplement  délayé  dans  l'eau, 
la  terre  pourrie,  la  terre  d'infusoires,  le  blanc  d'Espagne 
et  certains  grès  à  grains  excessivement  fins.  On  vend  enfin 
dans  le  commerce  un  mélange  de  caoutchouc  ou  de  gutta- 
percha  et  de  rouge  d'Angleterre  pour  nettoyer  les  objets 
en  cuivre,  laiton  et  acier.  Ch.  Girard. 

ECU  RAS.  Com.  du  dép.  de  la  Charente,  arr.  d'Angou- 
léme,  cant.  de  Montbron;  1,641  hab. 

ECU  RAT.  Com.  du  dép.  de  la  Charente-Inférieure,  arr. 
et  cant.  (S.)  de  Saintes;  326  hab.  On  y  a  trouvé  des 
tombelles  et  monuments  celtiques,  et  on  y  remarque 
l'église  romane  de  Saint-Pierre-ès-liens. 

BiDL.  :  R.-P.  Lesson,  Fastes  historiques  du  dép.  de  la 
Charente-Inférieure  ;  Rochefort,  1842-1845,  II,  p.  52.  —Du 
même.  Lettres  historiques  sur  la  Saintonge  et  l'Aunis  ; 
La  Rochelle,  1840,  pp.  52  et  suiv. 

ECUREUIL(Scmrws).  I.  Zoologie.  —  Genre  de  Mammi- 
fères de  l'ordre  des  Rongeurs,  devenu  le  type  d'une  nom- 
breuse famille  {Sciuridœ)  qui  présente  les  caractères 
suivants  :  molaires  au  nombre  de  quatre  paires  à  chaque 
mâchoire  et  souvent  de  cinq  paires  à  la  supérieure  ;  sur  ce 
chiffre  il  y  a  une  ou  deux  prémolaires  en  haut  suivant  les 
espèces  et  toujours  une  seule  en  bas.  Ces  dents  sont  radi- 
culées  et  à  couronne  tuberculeuse,  au  moins  dans  le  jeune 
âge.  Crâne  muni  d'apophyses  postorbitaires  bien  dévelop- 
pées ;  trou  sous-orbitaire  petit,  ordinairement  situé  en  avant 
de  l'arcade  zygomatique  ;  le  palais  est  large,  Msse.  La  queue 
est  cylindrique,  poilue.  Les  clavicules  sont  bien  dévelop- 
pées ;  tous  les  animaux  de  cette  famille  se  servent  de  leurs 
pattes  antérieures  comme  de  mains.  —  Les  Sciuridés  se 
subdivisent  en  deux  sous-familles  :  Sciurinœ  ou  Ecureuils 
proprement  dits,  qui  renferment  les  formes  arboricoles; 
Arctomyinœ  ou  Marmottes  (V.  ce  mot),  qui  sont  des 
Ecureuils  à  formes  plus  lourdes,  à  mœurs  terricoles,  ayant 
les  pattes  conformées  pour  fouir  et  non  pour  grimper.  — 
Les  véritables  Ecureuils  se  reconnaissent  à  leurs  incisives 
comprimées,  leurs  formes  légères  et  leur  queue  longue. 
Ils  sont  cosmopolites,  à  l'exception  de  la  région  austra- 
lienne, et  leurs  nombreuses  espèces  ont  été  réparties 
entre  les  genres  Pteromys,  Eupetaurus,  Sciurus,  Rhei- 
throsciurus,  Rhinosciurus,  Xerus  et  Tamias.  La  taille 
varie  de  celle  d'un  Lièvre  ou  d'une  Marmotte  à  celle  d'une 
Souris.  ^       . 

Les  Pteromys  (Cuv.)  ou  Ecureuils-volants,  dont  le 
genre  Sciuropterus  (F.  Cuv.)  ou  Polatouche,  qui  com- 
prend les  plus  petites  espèces,  constitue  tout  au  plus  un 
sous-genre  (Alston),  se  distinguent  des  autres  Ecureuils 
par  le  prolongement  de  la  peau  des  flancs  qui  enveloppe 
les  quatre  membres  jusqu'aux  pieds,  formant  ainsi  une  sorte 
de  parachute  que  l'animal  déploie  à  volonté  ;  la  queue  est 
longue,  touffue.  Les  molaires  ont  ordinairement  leur  cou- 
ronne usée  de  très  bonne  heure,  mais  chez  quelques 
espèces  (sous-genre  Sciuropterus)  cette  couronne  reste  tu- 
berculeuse toute  la  vie.  Il  y  a  deux  prémolaires  supérieures, 
dont  la  première  est  rudimentaire.  —  Une  espèce  de  ce 
genre  vit  dans  le  N.  de  l'Europe  :  c'est  le  Polatouche 
(Sciuropterus  volans)  que  l'on  trouve  dans  les  forêts  de 
la  Volhynie  (Pologne  russe),  et  de  là  vers  le  N.  jusqu'en 
Laponie  et  dans  la  plus  grande  partie  de  la  Sibérie.  C'est 
un  gracieux  animal,  un  peu  plus  petit  que  notre  Ecureud 
d'Europe,  à  pelage  doux  et  fin,  d'un  gris  cendré  dessus, 
blanc  dessous  avec  la  queue  touffue  et  distique,  c.-à-d. 
ayant  les  poils  disposés  comme  les  barbes  d'une  plume.  Il 
vit  sur  les  arbres,  se  nourrissant  de  graines  et  de  fruits; 
mais,  comme  il  est  nocturne,  ce  n'est  guère  que  le  soir 
qu'il  se  met  en  mouvement.  Il  déploie  alors  une  très  grande 


agilité,  se  servant  du  parachute  que  lui  fournit  la  mem- 
brane de  ses  flancs  pour  sauter  d'un  arbre  à  l'autre  avec 
une  légèreté  comparable  à  celle  d'un  oiseau  :  c^est  ce  qui 
lui  a  valu  le  nom  à' Ecureuil-volant.  Ce  prétendu  vol  n'est 
qu'une  sorte  de  glissade,  dans  laquelle  l'animal  utilise  la 
résistance  de  l'air  et  atténue  l'action  de  la  pesanteur  de 
manière  à  rendre  ses  sauts  moins  obliques  et  à  les  rap- 
procher de  la  ligne  horizontale.  L'Assapan  de  Sibérie,  con- 
fondu à  tort  avec  le  S,  volucella,  ne  diffère  pas  du  Pola- 
touche que  le  5.  momoga  remplace  au  Japon,  et  le 
S.  volucella  dans  toute  l'Amérique  du  Nord.On  trouve  aussi 
des  Polatouches  dans  les  régions  montagneuses  et  boisées 
de  la  zone  intertropicale  :  tels  sont  les  5.  sagittaei  S.  ge- 
nibarbis  de  Java,  S.  spadiceus.  S,  Horsfieldiy  S,  mela- 
notis  et  S.  pulverulentus  de  Cochinchine  ;  plus  au  N.^  on 
trouve  dans  le  Yunnan,  le  Népaul  et  le  S.  de  la  Chine, 
les  5.  alboniger  et  5.  Pearsonii, 

Les  Pteromys  sont  des  Polatouches  de  plus  grande  taille 
et  à  molaires  plus  rapidement  usées  et  dépourvues  de 
tubercules,  ce  qui  semble  indiquer  une  nourriture  plus 
dure  et  moins  choisie  que  celle  des  précédents,  bien  qu'elle 
consiste  également  en  fruits  et  en  jeunes  pousses  que  ces 
animaux  cherchent  sur  les  arbres.  On  a  constaté  qu'ils 
s'engourdissent  pendant  l'hiver.  Tous  sont  nocturnes,  et  les 


Fig.  1.  —  Pteromys   alborufus. 

espèces,  assez  nombreuses,  sont  propres  au  continent  asia- 
tique et  aux  îles  qui  en  dépendent.  Elles  sont  généralement 
parées  de  couleurs  vives  et  tranchées,  mais  sujettes  à  varier, 
suivant  l'âge,  les  localités  et  les  saisons  comme  celles  de 
tous  les  Ecureuils.  Le  Pétauriste  {Pt.  petaurista)  ou 
Taguan  de  Ruffon  est  marron  foncé  tiqueté  de  blanc.  Il 
habite  l'Inde  continentale  et  Ceylan.  Jerdon  dit  avoir  vu 
un  de  ces  animaux  franchir  d'un  seul  élan,  grâce  à  son 
parachute,  une  distance  de  plus  de  50  m.  Le  Pt.  magni- 
ficus  d'Hodgson  est  marron  dessus,  roux  vif  dessous,  avec 
la  face  et  la  queue  de  cette  même  couleur  et  celle-ci  ter- 
minée de  noir.  Il  est  des  monts  Himalaya.  C'est  aussi  la 
patrie  du  Pt.  albiventer  qui  s'étend  jusqu'au  Cachemire 
et  duP^.  fimbriatus.  LePt.  fuscocapillus  est  du  S.  de 
l'Hindoustan  (monts  Nilgherries)  et  de  Ceylan.  Plus  à  PE. 
on  trouve,  dans  la  Malaisie,  les  Pt.  elegans,  Pt.  nitidus 
(Desmarest),  Pt.  phœomelas  et  Pt.  tephr  orne  las  (àe  Java, 
Sumatra,  Bornéo  et  Malacca).  Le  Pt.pectoralis  est  de  l'île 
de  Formose  et  le  Pt.  leucogenys  du  Japon.  Au  N.  des 
monts  Himalaya,  le  genre  est  aussi  représenté,  en  Chine 
par  le  Pt,  xanthipes,  au  Tibet  par  les  Pt,  melanopterus 


ECUREUIL 


-  538 


eialborufus  (Milne  Edwards).  Ce  dernier  atteint  une  assez 
grande  taille,  comme  le  montrent  les  beaux  exemplaires 
rapportés  récemment  par  Bonvalot  et  le  prince  d'Orléans 
de  leur  voyage  dans  l'Asie  centrale.  Le  pelage  est  marron 
avec  une  grande  tache  rousse  sur  le  milieu  du  dos,  le  des- 
sous et  la  tête  variés  de  blanc  et  la  queue  noire.  Le  genre 
Eupetaiirus  (Thomas)  a  pour  type  une  espèce  du  Cache- 
mire [E.  cinereus)  qui  se  distingue  de  tous  les  Sciuridœ 
par  ses  dents  molaires  très  élevées  et  semblables  à  celles 
des  Hystricomorpha, 

Le  genre  Ecureuil  {Sciurus)  proprement  dit  comprend 
toutes' les  espèces  dépourvues  de  parachute,  à  habitudes 
franchement  arboricoles,  à  formes  légères  et  élancées,  à 
queue  généralement  longue  et  touffue,  en  panache,  à  oreilles 
bien  développées,  souvent  terminées  par  un  pinceau  ou 
touffe  de  poils.  Il  n'y  a  pas  d'abajoues.  La  première  pré- 
molaire supérieure  est  tantôt  présente  et  bien  développée, 
tantôt  rudimentaire  ou  nulle,  suivant  les  espèces.  La  taille 
varie  depuis  celle  du  Lièvre  jusqu'à  celle  d'une  Souris.  Le 
nombre  des  espèces  de  ce  genre,  presque  cosmopolite  (plus 
de  soixante-quinze  d'Europe,  d'Asie,  d'Afrique  et  des  deux 
Amériques)  a  encore  été  exagéré  par  les  auteurs  qui  ont 
fondé  de  nombreuses  espèces  nominales  sur  des  variations 
de  saisons  et  d'âge.  On  peut  se  faire  une  idée  des  pre- 
mières d'après  les  changements  qui  s'opèrent  chez  notre 
Ecureuil  d'Europe  qui,  roux  en  été,  devient  d'un  gris  foncé 
en  hiver.  Ce  changement  est  surtout  manifeste  dans  la 
variété  de  cette  espèce  propre  au  N.  de  la  Russie  et  de  la 
Sibéri  e  et  désignée  sous  le  nom  de  Petit-Gins,  Une  autre 
variété  propre'à  nos  montagnes  d'Europe  (Sciurus  alpi- 
nus  F.  Cuv.)  est  presque  noire  avec  des  tiquetures  jau- 
nâtres. —  Chez  certaines  espèces  propres  au  S.  de  l'Asie 
et  à  la  Malaisie,  on  constate  des  variations  de  pelage  plus 
considérables  encore,  comparables  à  celles  que  l'on  con- 
naît chez  les  Oiseaux  et  constituant  un  véritable  pelage  de 
noces.  C'est  ainsi  que  le  mâle  du  Sciurus  caniceps  (Cray) 
de  Cochinchine,  ordinairement  de  couleur  grise,  prend  en 
décembre  une  robe  d'un  bel  orangé  vif  (Se,  erythrœus 
Desm.),  quelquefois  entièrement  noire  (Se.  Germani)^  qu'il 
garde  jusqu'en  mars,  c.-à-d.  pendant  toute  la  saison  des 
noces.  Une  autre  espèce  encore  plus  variable,  le  Se,  Pre- 


Fig.  2.  —  Sciurus  Prevostii  (de  la  Malaisie). 

vostii  (Desmarest),  qui  s'étend  de  l'Indo-Chine  à  Célèbes 
à  travers  toute  la  Malaisie,  est  remarquable  par  les  bandes 
de  couleur  tranchées  (ordinairement  une  ligne  noire  au- 
dessous  d'une  ligne  blanche)  que  présentent  les  flancs,  et 
ses  teintes  sont  si  variables  qu'on  trouve  difficilement  deux 
individus  absolument  semblables.  D'après  Andersen,  ces 
bandes  constituent  une  livrée  de  passage  entre  la  livrée  du 
jeune  et  le  pelage  de  l'adulte.  Le  jeune  est  d'abord  gris 
avec  le  ventre  roux  ou  blanc  ;  à  mesure  qu'il  devient  adulte, 
le  gris  du  dos  passe  au  noir  en  commençant  par  la  ligne 
médiane  et  envahissant  peu  à  peu  les  flancs,  et  le  ventre 
passe  au  roux  bai.  Les  lignes  latérales  plus  ou  moins  larges 
que  portent  beaucoup  d'individus  sont  des  restes  de  la 
livrée  du  jeune  âge  :  l'adulte  (décrit  sous  le  nom  de  Se. 
atricapillus)  est  noir  dessus,  marron  dessous,  sans  bandes 
latérales,  ou  même  entièrement  noir  {Se,  pluto).  Un  grand 


nombre  d'espèces  nominales  ne  sont  fondées  que  sur  ces 
livrées  de  passage,  que  des  variations  locales  viennent 
encore  compliquer.  —  On  a  essayé  de  subdiviser  le  genre 
Sciurus  d'après  les  caractères  dentaires  et  la  distribu- 
tion géographique  :  mais  ces  coupes  n'étant  pas  toujours 
naturelles,  nous  ne  tiendrons  compte  ici  que  de  l'ordre 
géographique ,  les  espèces  eurasiatiques ,  africaines  ou 
américaines  ayant  chacune  un  faciès  particulier  (teintes  du 
pelage,  etc.)  qui  permet  de  reconnaître  à  première  vue 
leur  patrie  d'origine.  Tous  d'ailleurs  ont,  à  peu  de  choses 
près,  les  mêmes  mœurs  que  notre  Ecureuil  d'Europe. 

L'Ecureuil  commun  ou  d'Europe  (Sciurus  communis) 
est  la  seule  espèce  qui  habite  notre  pays.  Il  est  de  taille 
moyenne  (2  décim.  de  long  et  à  peu  près  autant  pour  la 
queue),  avec  les  oreilles  terminées  par  une  longue  touffe 
de  poils  (pinceau),  et  la  queue  touffue,  relevée  en  panache. 
Comme  nous  l'avons  dit,  son  pelage  d'été  est  d'un  roux  bai 
brillant,  blanc  en  dessous  ;  celui  d'hiver  est  plus  ou  moins 
mêlé  de  gris  avec  le  bout  de  la  queue  brun  foncé,  et  dans 
les  montagnes  (Alpes,  Pyrénées)  on  trouve  une  variété 
(Se,  alpinus)  de  couleur  brun  foncé  tiquetée  de  jaune 
avec  le  dessous  blanc.  Ce  n'est  que  dans  les  pays  du  Nord 
que  cette  fourrure  prend,  en  hiver,  cette  belle  teinte  grise 
uniforme,  tranchant  avec  le  blanc  du  ventre,  qu'on  appelle 
petit-gris.  L'espèce  s'étend  à  travers  tout  le  N.  de  l'Asie, 
jusqu'aux  environs  de  Pékin,  en  Chine,  et  les  individus 
provenant  de  cette  localité  ont  la  même  teinte  d'un  brun 
foncé  qui  caractérise  l'Ecureuil  alpin.  On  trouve  d'ailleurs 
tous  les  intermédiaires.  La  même  espèce  vit  aussi  dans  le 
N.  du  Japon.  On  rencontre,  même  en  France,  des  Ecu- 
reuils noirs,  gris  perle  et  même  entièrement  blancs  (albi- 
nisme). —  L'Ecureuil  habite  de  préférence  les  grandes 
forêts  de  pins,  où  iL passe  facilement  d'un^arbre  à  l'autre 
en  sautant  de  branche  en  branche  avec  une  agilité  extrême. 
Il  se  nourrit  de  fruits  tels  que  glands,  famés,  noix  et 
noisettes,  de  semences  et  de  bourgeons  de  pins  et  de  sa- 
pins, quelquefois  d'œufs  d'oiseaux.  Il  construit  son  nid  à 
la  cime  d'un  arbre  élevé  ;  ce  nid,  formé  de  bûchettes  en- 
trelacées, est  un  abri  couvert,  de  forme  ronde  et  garni  de 
mousse.  Un  couple  a  souvent  plusieurs  de  ces  nids.  En 
outre  l'Ecureuil  fait  de  petits  magasins  où  il  amasse  des 
fruits  et  des  graines  pour  l'hiver  et  les  jours  de  pluie  ou 
de  vent,  qu'il  redoute  beaucoup,  et  pendant  lesquels  il  ne 
quitte  pas  sa  demeure.  En  tout  temps  il  y  dort 'une  bonne 
partie  de  la  journée.  Ses  ongles  pointus  et  recourbés  lui 
permettent  d'escalader  les  arbres  les  plus  élevés,  et  tous 
ses  mouvements  sont  vifs  et  gracieux  ;  même  à  terre  il 
court  avec  rapidité.  Sa  voix  est  un  petit  murmure  qui 
indique  la  satisfaction  et  se  change  en  un  sifflement  aigu 
quand  il  est  effrayé  ou  poursuivi.  Son  principal  ennemi, 
après  l'homme,  est  la  Martre  quia  comme  lui  des  habitudes 
arboricoles. 

La  reproduction  commence  en  mars  ;  les  mâles  se  battent 
pour  la  possession  des  femelles.  La  gestation  est  de  quatre 
semaines  et  chaque  portée  de  trois  à  sept  petits.  La  femelle 
choisit  pour  mettre  bas  l'un  des  nids,  ou  de  préférence  le 
creux  d'un  tronc  d'arbre,  qu'elle  garnit  mollement.  Les 
petits  n'ouvrent  les  yeux  qu'au  bout  de  neuf  jours  :1a  mère 
veille  sur  eux  et  les  transporte,  quand  elle  est  inquiétée, 
d'un  nid  à  l'autre.  En  juin,  il  y  a  d'ordinaire  une  seconde 
portée  moins  nombreuse  et  la  mère  veille  alors  sur  les 
petits  des  deux  portées,  car  on  rencontre  des  bandes  de 
douze  à  quinze  individus.  —  L'Ecureuil  est  incontestable- 
ment un  animal  nuisible  dans  les  grandes  forêts,  où  il  se 
multiplie  beaucoup,  détruisant  les  bourgeons  et  les  jeunes 
pousses  des  pins  et  des  sapins,  saccageant  le  nid  des  oiseaux 
insectivores.  Malgré  sa  petite  taille,  sa  chair  est  assez 
bonne  pour  qu'on  le  considère  comme  un  gibier,  et  sa  peau 
n'est  pas  sans  valeur,  bien  que  celle  des  Ecureuils  du  Nord 
soit  seule  recherchée  comme  fourrure. 

L'Asie,  en  y  comprenant  la  Malaisie,  peut  être  consi- 
dérée comme  la  véritable  patrie  des  Ecureuils,  car  elle 
possède  à  elle  seule  plus  d'espèces  que  l'Europe,  l'Afrique 


—  539  — 


ÉCUREUIL 


et  TAmérique  ensemble.  En  outre,  c'est  là  que  l'on  trouve 
à  la  fois  les  plus  grandes  et  les  plus  petites  espèces.  L'Eu- 
rope n'a  qu'une  seule  espèce,  l'Amérique  dix,  l'Afrique 
seize,  tandis  que  l'Asie  possède  plus  de  trente  véritables 
Ecureuils.  Le  nombre  et  la  variété  de  ces  animaux  aug- 
mente en  allant  du  N.  au  S.,  et  c'est  dans  les  grandes  îles 
de  Sumatra  et  Bornéo  qu'ils  sont  le  plus  nombreux.  On 
n'en  trouve  plus  à  l'E.  de  Célèbes,  mais  le  Japon  en  pos- 
sède au  moins  deux  espèces.  —  Un  premier  groupe  {Eos- 
ciurus  Trt.)  comprend  de  grandes  espèces,  deux  ou  trois 
fois  plus  grosses  que  l'Ecureuil  commun,  à  queue  très 
touffue,  plus  longue  que  le  corps,  parées,  comme  tous  les 
Ecureuils  asiatiques,  de  couleurs  vives  et  tranchées.  Tous 
habitent  les  forêts  montagneuses  de  la  région  orientale. 
Tel  est  l'EcuREuiL  du  Malabar  (Sciurus  indiens  ou 
maximus)  qui  habite  l'Inde  (monts  Ghats  et  Tarai).  Il 
est  d'un  brun  marron  pourpré  dessus,  fauve  orange  des- 
sous, avec  la  queue  unicolore,  d'un  brun  presque  noir.  Les 
oreilles  sont  terminées  par  une  longue  touffe  de  poils  mar- 
ron. —  Des  espèces  très  voisines  sont  :  les  Se,  giganteus, 
de  l'Himalaya,  de  la  Cochinchine  et  de  Bornéo  ;  Se.  bico- 
lor  de  Sumatra  et  Java  ;  Se.  albiceps  de  l'Indo-Chme  et 
des  trois  grandes  îles  malaises  avec  Malacca  :  ce  dernier 
n'a  pas  de  pinceaux  aux  oreilles,  et  le  ventre  est  souvent 
blanc  et  non  fauve  doré.  Une  espèce  plus  différente  est  le 
Se.  zeylanieus  de  Ceylan,  qui  a  deux  prémolaires  supé- 
rieures bien  développées  (tandis  que  les  autres  grandes 
espèces  n'en  ont  qu'une);  la  queue  est  d'un  blanc  pur,  et 
les  oreilles  portent  un  pinceau. 

Les  espèces  dg  la  taille  de  rEcureuil  commun  ou  un  peu 
plus  grandes  sont  nombreuses  en  Asie.  Leur  queue  dé- 
passe rarement  la  longueur  du  corps  ou  est  plus  courte. 
La  plupart  ont  deux  prémolaires  supérieures.  Notre  Seiu- 
Tus  vulgaris  est  l'espèce  qui  remonte  le  plus  vers  le  N.  ; 
sa  limite  méridionale  s'étend  du  Caucase  au  Japon  à  travers 
le  Tibet  et  le  N.  de  la  Chine.  Dans  le  S.  du  Japon,  il  est 
remplacé  par  le  Se.  lis,  qui  se  trouve  près  de  Yeddo.  En 
Asie  Mineure  et  même  déjà  dans  le  S.  de  la  Russie  et  de 
là  dans  le  N.  de  l'Arabie  et  la  Perse,  on  trouve  le  Se.  sy- 
riaeus  qui  est  d'un  fauve  pâle.  Le  Se.  Alstoni,  de  Bor- 
néo, a  de  longs  pinceaux  blancs  aux  oreilles.  Le  Se.  hip- 
purus,  de  Malacca,  Sumatra  et  Bornéo,  a  la  queue  si 
touffue  qu'on  lui  a  donné  le  nom  à'Eeureuil  ci  queue  de 
cheval.  Les  Se.  erythrœus,  Se.  lokriah,  Se.  lokroïdes, 
Se.  Permji,   Se,  Davidianus  (celui-ci  muni  d'abajoues 

rudimentaires  qui 
indiquent  un  pas- 
sage aux  TamM^), 
Se.  eanieeps, 
Se.  atrodor salis, 
Se.  quinques- 
triatus  (remar- 
quable par  son 
ventre  rayé). 
Se.  eastaneoven- 
tris,  Se.  pygery- 
thruSfSc.Diardi, 
Se.  tenuis ,  Se. 
Jeniinki,  Se.  mu- 
rinus,  Se.  ruhri- 
venter,  Se.  Rosen- 
bergii,  Se.  Steeri, 
Se.  Prevostii, 
Se.  plantani,  Se. 
mierotis,  etc., 
s'étendent  du  Tibet 
à  travers  le  centre 
et  le  S.  de  la 
Chine  et  toute  l'Indo-Chine  jusqu'aux  îles  malaises  et 
aux  Philippines.  C'est  dans  ce  groupe  que  l'on  observe 
les  curieux  changements  de  pelage  que  nous  avons  décrits 
plus  haut  sous  le  nom  de  pelage  de  noees  et  de  Im^ée  de 
passage.  —  Un  petit  groupe  à  part  (Nannoseiurus  Trt.) 


Fig.  3.  —  Sciurus  WMteheadi. 


comprend  quatre  très  petites  espèces,  dont  la  taille  dépasse 
peu  celle  delà  Souris  :  Se.  exilis,  le  plus  petit  de  tous, 
est  de  Malacca,  Sumatra  et  Bornéo  ;  Se.  sorieinus  (ou 
melanotis)  est  de  Sumatra,  Banka,  Bornéo  et  Java; 
Se.  eoneinnus  (Thomas)  est  des  Philippines;  enfin 
Se.  Wliiteheadi  (Thomas),  dont  les  oreilles  portent  de 
longs  pinceaux  blancs,  est  des  montagnes  du  N.  de  Bornéo, 

Un  groupe  à  part  {Funambulus  Lesson)  comprend  les 
espèces  asiatiques  dont  le  dos  est  rayé  (à  tous  les  âges) 
comme  chez  les  Tamias.  Elles  ont  généralement  deux 
prémolaires  supérieures.  Tels  sont  :  Se.  insignis,  de  la 
Malaisie  et  du  S.  de  la  Chine  ;  Se.  sublineatus,  du  S.  de 
l'Inde  et  de  Ceylan  ;  Se.  Berdmorei,  de  l'Indo-Chine  ; 
Se.  tristriatus,  qui  ^es  monts  Himalaya  s'étend  jusqu'à 
Ceylan  à  travers  l'Hindoustan  ;  Se.  palmarim,  du  Ben- 
gale et  de  Ceylan  ;  enfin.  Se.  maclellandii,  qui  s'étend 
du  Tibet  à  Formose  et  vers  le  S.  jusqu'à  Siam.  —  Pour 
en  finir  avec  les  Ecureuils  asiatiques,  il  nous  reste  à 
signaler  deux  espèces  dont  les  caractères  sont  assez  tran- 
chés pour  qu'on  en  ait  fait  deux  genres  à  part. 

Le  Genre  Rhinosciurus  (Gray)  se  distingue  des  précé- 
dents par  son  museau  pointu  comme  celui  des  Tupaias  :  le 


Rhinosciurus  laticaudatus  (de  Bornéo). 


crâne  est  allongé,  comprimé,  et  il  y  a  deux  prémolaires 
supérieures.  La  queue  est  plus  courte  que  le  corps,  touffue 
seulement  à  son  extrémité.  L'unique  espèce  (Rh.  laticau- 
datus ou  tu- 
paoïdes)  est  de 
taille  moyenne,  et 
le  pelage,  de  teinte 
variable,  est  brun 
plus  ou  moins 
foncé  dessus, blanc 
ou  fauve  dessous, 
avec  la  queue  an- 
nelée.  Cet  Ecu- 
reuil habite  Ma- 
lacca et  Bornéo. — 
Plus  remarquable 
encore  est  le  genre 
Rheithrosciu- 
Rus  (Gray)  qui  n'a 
qu'une  seule  pré- 
molaire supé- 
rieure. Les  inci- 
sives sont  sillon- 
nées de  sept  à  dix 
lignes  longitudi- 
nales, ce  qui  est 
exceptionnel  chez  les  Ecureuils,  et  les  molaires  ont  une 
couronne  très  simple  :  le  Rh.7naerotis  est  un  Ecureuil  do 
la  plus  forte  taille,  à  queue  très  touffue,  à  oreilles  munies 
d'un  long  pinceau.  Son  pelage  est  d'un  gris  plus  ou  moins 
foncé,  relevé  sur  les  flancs  par  des  bandes  alternativement 
blanches  et  noires.  H  habite  Bornéo. 

Les  Ecureuils  africains  {Helioseiurus  Trt.)  se  distin- 
guent de  leurs  congénères  par  leurs  teintes  tirant  tantôt  sur 


Fis.  5. 


Rheithrosciurus   macrotis. 


ECUREUIL 


—  540  — 


l'olivâtre  ou  le  vert,  tantôt  sur  Tisabelle,  teinte  qui  est 
l'uniforme  des  animaux  du  désert.  En  outre,  ce  pelage  est 
plus  court,  peu  fourni,  souvent  sec  et  raide.  Les  oreilles 
n'ont  jamais  de  pinceaux,  et  la  queue,  généralement  cylin- 
drique, est  moins  touffue  que  celle  des  Ecureuils  asiatiques. 
Plusieurs  ont  les  incisives  supérieures  sillonnées.  On  peut 
les  grouper  de  la  manière  suivante  :  1**  Ecureuils  sans 
raies  dorsales  ou  n'ayant  qu'une  très  petite  raie  sur  chaque 
flanc  :  Sciurus  Stangeri,  de  l'Afrique  0.  (Gabon)  ; 
Se.  Ebii,  de  la  Côte  d'Or  ;  Se.  Auhini,  de  Libéria  et  de  la 
Côte  d'Or;  Se.  rufobraehiahis,  de  Libéria,  du  Gabon  et 
d'Angola  ;  Se.  palliatus,  de  l'Afrique  E.  (Galla,  Zanzi- 
bar, Mozambique,  Natal);  Se.  mutabilis,  du  Mozambique; 
Se.  punetatus,  de  l'Afrique  0.  (Achantis,  Gabon,  etc.); 
Se.  annulatus,  du  Sénégal  et  de  là  jusqu'en  Abyssinie 
à  travers  le  Soudan  ;  Se.  eepapi,  du  Zanzibar  et  de  là  jus- 
qu'au Cap;  Se.  poensis,  de  l'Afrique  0.  (Gabon,  Libéria), 
et  Se.  minutus,  ce  dernier  très  petit  (42  centim.  avec  la 
queue  qui  n'a  que  5  centim.),  des  montagnes  du  Kendo, 
dans  l'intérieur  de  l'Afrique  0.;  2^  Ecureuils  avec  deux 
raies  sur  chaque  flanc  :  Se.  pyrropus,  du  Sénégal,  du 
Gabon  et  de  toute  l'Afrique  0.;  Se.  eongieus,  du  Congo, 
d'Angola  et  de  là  jusqu'au  Mozambique  et  à  Mombaça; 
3°  Ecureuils  avec  des  raies  nombreuses  sur  le  dos  et  les 
flancs  (Tamias  africains  :  Funiseiurus  Trt.)  ;  le  pelage  est 
doux:  une  seule  espèce.  Se.  lemniseatus,  des  Cameroons, 
du  Gabon  et  d'Angola;  4°  Ecureuils  rayés  à  pelage  sec  et 
dur  (sous-genre  Spermoseiurus  hesson);  une  seule  espèce, 
l'EcuREUiL  BARBARESQUE  (Se.  getu.lus),  quï  habite  le  Maroc 
et  une  partie  de  l'Algérie.  Par  son  pelage  à  poils  aplatis, 
épineux,  cette  espèce  se  rapproche  plus  qu'aucune  autre  des 
Eeureuils  terrestres  (genre  Xerus)  dont  nous  parlerons 
bientôt. 

Les  Ecureuils  américains  diffèrent  moins  des  Ecureuils 
asiatiques  et  européens  que  les  Ecureuils  d'Afrique.  Comme 
les  premiers,  ils  présentent  de  grandes  variations  de  pelage 
qui  paraissent  dues  surtout  à  leur  répartition  sur  une  vaste 
étendue  de  pays  (du  cercle  arctique  à  l'équateur)  et  de 
l'influence  des  différents  climats  sur  une  même  espèce,  ré- 
pandue souvent,  du  N.  au  S.,  sur  tout  le  continent  nord- 
américain.  Le  nombre  des  prémolaires  supérieures  paraît 
moins  constant  que  chez  les  Ecureuils  asiatiques,  la  pre- 
mière étant  probablement  caduque.  Il  en  est  de  même  du 
pinceau  des  oreilles,  qui  est  présent  ou  fait  défaut,  dans  une 
même  espèce,  suivant  les  localités  ou  les  saisons.  L'Ecu- 
reuil GRIS  DE  LA  Caroline  (Se.  Carolinensis)  est  l'espèce 
la  plus  anciennement  connue  :  elle  s'étend  du  Canada  au 
Guatemala  et  au  Honduras;  le  Se.  Hudsoniiis  est  l'espèce 
qui  s'étend  le  plus  au  N. ,  atteignant  la  limite  septentrionale 
des  forêts  et,  de  là,  vers  le  S.  jusqu'au  Mexique  ;  le 
Se.  fossor  est  de  l'Orégon  et  de  la  Californie  ;  le  Capis- 
trate  ou  CoQUALLiN  de  Buffon  (Se.  niger)  est  des  Etats- 
Unis,  s'étendant  à  l'O.  jusqu'à  l'indiana  et  au  S.  jusqu'au 
Texas  ;  le  Se.  alberti  est  du  Colorado,  de  l'Arizona  et 
du  N.  du  Mexique  ;  le  Se,  variegatus,  delà  Californie  et 
du  Mexique,  s'étend  à  travers  l'isthme  jusqu'à  l'Equateur  ; 
le  Se.  stramineus  est  de  l'Equateur  et  du  Pérou  ;  le 
Se.  variabilis  s'étend  de  Costa-Rica  jusqu'au  Brésil,  en 
Bolivie  et  dans  le  N.  du  Chili  ;  c'est  l'espèce  la  plus  méri- 
dionale du  groupe;  le  Se.  ehrysuros  se  trouve  du  Mexique 
à  la  Nouvelle-Grenade  et  à  la  Colombie  ;  le  Guerlinguet 
(Se.  œstuans),  du  Nicaragua  au  Pérou  et  à  la  Bolivie  à 
travers  la  Colombie,  les  Guyanes  et  le  Brésil.  —  D'après 
Jentink  (1883),  il  faudrait  rapporter,  à  l'une  ou  l'autre  de 
ces  dix  espèces,  toutes  les  espèces  nominales  décrites  par 
les  naturalistes  américains.  Alston,  dans  sa  Biologia  een- 
trali-Americana  (1882),  admet  neuf  espèces  dans  l'Amé- 
rique centrale,  les  S.  arizonensis,  S.  griseoflavus, 
S.  hypopyrrhas  et  S.  Deppei  étant  considérés  comme 
espèces  distinctes  des  précédents.  J.-A.  Allen  et  Merriam 
ont  aussi  décrit  récemment  (1889-1890)  de  nouvelles 
espèces  telles  que  Se.  Alstoni,  du  Mexique  (nom  préoc- 
cupé par  une  espèce  ,de  Bornéo  nommée  par  Anderson  et 


que  nous  proposons  de  changer  en  Se.  Alleni),  Se.  Fre- 
monti  de  Californie  et  des  montagnes  Rocheuses,  etc. 

Les  Tamias  (Tamias,  Illiger)  sont^  des  Ecureuils  à 
mœurs  terrestres,  à  queue  moins  fournie  que  celle  des  pré- 
cédents, à  oreilles  plus  courtes  et  sans  pinceau.  Le  nombre 
des  prémolaires  varie  suivant  les  espèces,  et  les  molaires 
ont  des  tubercules  assez  saillants.  Ils  ont  des  abajoues.  Ils 
forment  le  passage  des  Ecureuils  aux  Spermophiles  et  aux 
Cynomys  (V.  Marmotte).  Les  Tamias  habitent  le  N.  des 
deux  continents  et  renferment  la  seule  espèce  du  groupe 
qui  soit  commune  à  l'Asie  et  à  l' Amérique  :  c'est  I'Egureuil 
suisse  (Tamias  asiatieus),  qui  vit  dans  les  forêts  du  N.  de 
l'Europe  (Suède,  Laponie),  de  la  Sibérie,  du  Japon  et  de 
l'Amérique  du  Nord.  Il  est  plus  petit  que  l'Ecureuil  com- 
mun, roux  avec  cinq  lignes  noires  sur  le  dos.  Il  vit  plus 
souvent  à  terre  que  sur  les  arbres,  se  creuse  un  terrier  à 
deux  ouvertures  et  muni  de  chambres  latérales  où  il 
amasse  des  provisions  d'hiver  consistant  surtout  en  graines. 
Toutes  les  autres  espèces  sont  propres  à  l'Amérique  du 


^^Ài'^.o.^M' 


Fig.  6.  —  Tamias  striatus  (de  rAmérique  du  Nord). 


Nord.  Tels  sont  les  T.  striatus  (ou  americanus)  qui  n'a 
qu'une  seule  prémolaire  supérieure,  tandis  que  le  précédent 
en  a  deux,  et  qui  remplace  celui-ci  sur  le  versant  atlan- 
tique des  montagnes  Rocheuses  ;  T.  Harrisi  et  T.  latera- 
lis,  de  CaUfornie  et  d'Arizona;  T.einereieollis  (Allen), 
de  Californie;  T.  leucurus  (Merriam),  du  même  pays,  et 
plusieurs  autres  formes  des  territoires  de  l'Est  récemment 
décrites  par  ce  dernier. 

Le  genre  Xerus  (Ehremberg)  comprend  des  Ecureuils 
terrestres  africains  à  pelage  clairsemé,  dur  et  épineux,  à 
oreilles  très  courtes  ou  presque  nulles,  à  ongles  longs,  peu 
recourbées,  avec  le  doigt  médian  dépassant  les  autres.  Les 
poils  sont  aplatis,  pointus;  le  ventre  est  presque  nu.  Ce 
sont  des  animaux  essentiellement  fouisseurs  qui  se  creu- 
sent un  terrier  entre  les  racines  des  arbres  dans  les  ré- 
gions sablonneuses  de  l'Afrique.  La  couleur  de  leur  pelage 
est  celle  du  désert,  c.-à-d.  le  fauve  Isabelle,  mais  varie 
cependant  dans  d'étroites  limites.  Jentink  réduit  le  nombre 
des  espèces  à  trois  qui  se  répartissent  en  deux  groupes. 
Dans  le  premier,  qui  a  deux  espèces,  l'oreille  externe  est 
encore  représentée  par  des  replis  qui  ressemblent  à  ceux 


Fig.  7.  —  Xerus  rutilus  (d' Abyssinie 


de  l'oreille  humaine.  Tel  est  le  Xerus  rutilus,  qui  n'a 
qu'une  seule  prémolaire  supérieure,  les  incisives  teintées 
d'orange  et  vit  en  Abyssinie,  dans  le  pays  des  Somalis,  et 
de  là  jusqu'au  Sénégal  et  au  Gabon,  à  travers  tout  le  Sou- 
dan. En  Abyssinie,  on  le  trouve  jusqu'à  une  hauteur  de 
4,oOO  pieds.  Le  X.  erythropus  en  diffère  par  une  bande 
blanche  latérale  et  une  très  petite  molaire  supérieure 
de  plus.  Il  habite  l'Afrique  0.,  du  Sénégal  au  Loango,  et 
de  là  à  travers  rx\frique  centrale  jusqu'à  l'Abyssinic  et  au 
Zanzibar.  —  Le  X.  eapensis,  type  et  unique  espèce  du 
second  groupe,  n'a  plus  trace  de  conque  auditive  et  pré- 
sente aussi  une  bande  blanche  latérale;  il  n'a  qu'une 


u\  — 


ÉCUREUIL  —  ECUSSON 


prémolaire  supérieure.  Cette  espèce  habite  la  colonie  du 
Cap,  notamment  les  Sneenbergen  et  le  pays  des  Nama- 
„yQJs^  E.  Trouessart. 

IL  Paléontologie.  —  Le  type  de  l'Ecureuil  se  montre 
dès  le  début  de  l'époque  tertiaire.  Les  genres  fossiles  Co- 
lonomys,  Taxymys  et  Tillomys  de  Marsh  sont  de  l'éocène 
du  Wyomming  (Amérique  du  Nord) .  Les  genres  Allo^nys 
(Marsh)  et  Meniscomys  (Cope),  du  miocène  de  l'Orégon, 
se  rapprochent,  par  leurs  dents,  àesPteromys.  En  Europe, 
notamment  en  France,  on  trouve  de  véritables  Ecureuils 
dans  les  couches  oligocènes  (Sciurus  fossilis  ou  Ecureuil 
desplâtrièresàe  Cuvier,  Se,  CayluxU  Se.  Dubius,  etc., 
des  Phosphorites  du  Quercy,  et  les  genres  Sciurodon, 
Seiuroïdes  peu  différents  du  Seiurus  proprement  dit). 
Dans  le  miocène  d'Europe,  on  trouve  Sciurus  sansanien- 
sis,  Pseudosciurus  suevicus,  etc.,  et  des  espèces  du  genre 
Sciurus  dans  le  miocène  des  Etats-Unis.  Enfin  les  espèces 
pliocènes  et  quaternaires  d'Europe,  d'Asie  et  de  l'Amérique 
du  Nord  diffèrent  peu  de  celles  qui  vivent  encore  dans  les 
mêmes  pays.  L'absence  de  ce  type  dans  le  tertiaire  de 
l'Amérique  du  Sud  prouve  que  les  Ecureuils  sont  origi- 
naires des  forêts  de  l'hémisphère  boréal,  comme  leur  dis- 
tribution géographique  actuelle  semble  bien  l'indiquer. 

E.  Trouessart. 

BiBL.  :  Zoologie  et  Paléontologie.—  Outre  les  traités 
erénéraux  de  Mammalogie,  consultez  :  E.  Trouessart, 
Cataloque  des  Mammifères,  II,  Rongeurs,  dans  Bull 
Soc.  d'Etudes  scient.  d'Angers,  1880,  p.  63  -  Du  même. 
Revision  du  genre  Ecureuil,  dans  le  Naturaliste,  l««U, 
p  90._  A.  M.-Edwards,  Note  sur  l'Ecureuil  ferrugineux, 
dans  Bull  Soc.  PMiom.,  1877,  p.  16.  —  Du  môme,  lîe- 
cherches  sur  les  Mammifères,  1868-1872.  —  H.  Schlegel, 
Note  sur  les  Ecureuils  à  ventre  rouge  et  flancs  rayés  de 
l'archipel  Indien,  dans  Nederl  Tijds.  Dierkunde,  1864.  — 
J  -A.  Allen,  Synonymie  List  of  the  American  Sciuri, 
dans  Bull,  geol  and  geog.  Survey,  1878  -  E.-R.  Alston, 
Biologia  centrali-Americana,  Mammalia,  1880.  —  Huet, 
Recherches  sur  les  Ecureuils  africains,  dans  Nouv.  Arch. 
du  Muséum,  1880.  —  F.-A.  Jentink,  Monograph  of  the 
African  Squirrels,  dans  Notes  from  the  Leyden  Museurn, 
1882  —  Du  môme,  List  of  spécimens  ofthe  genus  Sciurus 
in  the  Leyden  Muséum,  dans  Notes,  1883.  —  Anderson, 
Zooloqical  and  Anatom.  Researches  from  Yunnan,  1878. 

—  V  aussi,  de  divers  auteurs  :  Proc.  Zool  Soc.  London 
de  1878  à  1890.—  Allen,  Bull  Amer.  Mus.  NatHisl,  1889. 

—  Merriam,  Contrib.  to  the  N or th- American  Fauna,  dans 
U.  S.  Dept.  of  Agricult,  1890.  —  Schlosser,  Die  Nœger 
des  Europœisch.  Tertisers,  dans  Palœontographta,  1887, 
t.  XXXI,  p.  323. 

ÉCUREY.  Com.  du  dép.  de  la  Meuse,  arr.  de  Mont- 
médy,  cant.  de  Damvillers;  505  hab. 

ECURIE.  I.  Economie  rurale  (V.  Bâtiments  ruraux, 

V,  p.  778). 

II.  Histoire.  —  Ecuries  du  roi.  —  Sous  l'ancienne 
monarchie,  le  roi  avait  la  grande  et  la  petite  écurie. 
Celle-ci  comprenait  les  chevaux,  voitures,  pages  et  valets 
de  pied  dont  il  se  servait  constamment,  ainsi  que  les  litières 
et  chaises.  La  livrée  des  ducs  était  à  peu  près  semblable. 
Le  personnel  de  la  grande  écurie  comprenait  :  le  grand 
écuyer,  un  premier  écuyer  de  la  grande  écurie,  trois  écuyers 
ordinaires,  trois  écuyers  cavalcadours,  cinquante  pages, 
quarante-deux  valets*^  de  pied,  quarante  palefreniers,  cin- 
quante aides,  un  corps  de  musique,  le  roi  et  les  hérauts 
d'armes,  des  médecins,  chirurgiens,  aumôniers,  etc.,  etc. 
Magnifiquement  réorganisée   en  1666,  la  grande  écurie 
renfermait  plus  de  deux  cents  chevaux  de  manège.  A  la  fin 
du  règne  de  Louis  XIV,  près  de  cent  coureurs  anglais  à 
courte  queue  dont  le  roi  se  servait  pour  la  promenade  ou 
pour  la  chasse.  —  La  petite  écurie  avait  dix-neuf  écuyers, 
vingt  pages,  etc.,  commandés  par  le  premier  écuyer.  Les 
pages  de  la  grande  et  de  la  petite  écurie  devaient,  pour 
être  admis,  faire  preuve  de  six  degrés  de  noblesse  héré- 
ditaire. —  Les  bâtiments  des  deux  écuries  avaient  été 
construits  par  Mansard  de  1679  à  1685  en  face  du  château 
de  Versailles.  La  grande  écurie  renfermait  des  selleries 
splendides  et  un  manège  utilisés  parfois  pour  des  carrousels 
ou  des  représentations  théâtrales.  Tout  cheval  venant  à 
Paris  devait  être  présenté,  d'après  les  règlements  du  14  avr. 
1613  et  du  14  févr.  1724,  aux  écuries  du  roi,  et  l'on  retenait 


ceux  qui  pouvaient  convenir.  En  1663,Colbert  réorganisa 
le  haras  du  roi  à  Saint-Léger  près  de  Rambouillet ,  trans- 
féré au  Pin  en  1715.  L.  Delavaud. 

BiBL.  :  Dussieux,  le  Château  de  Versailles,  t.  II,  p.  160. 
—  Etat  de  la  France,  1698,  t.  I«s  p.  539.  —  Saint-Simon, 
Mémoires,  éd.  de  M.  de  Boislile,  t.  VI,  p.  396.  —  Le  P. 
Anselme,  t.  VIII.  —  Guyot,  Traité  des  Droits  annexés  à 
chaque  dignité,  1780,  t.  I. 

ÉCURIE.  Com.  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  et  cant. 
(N.)  d'Arras;  295  hab. 

ÉCURY-le-Repos.  Com.  du  dép.  de  la  Marne,  arr.  de 
Châlons-sur-Marne,  cant.  de  Vertus;  131  hab. 

ÉCURY-suR-CooLE.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  la  Marne, 
arr.  de  Châlons-sur-Marne  ;  339  hab.  Stat.  du  cliem.  de 
fer  de  l'Est,  sur  la  ligne  de  Châlons  à  Troyes.  Carrière 
de  craie,  huileries,  moulins.  Relie  église  romane,  avec 
flèche  du  xiii^  siècle.  Une  galerie  souterraine,  creusée  dans 
le  tuf  crayeux,  règne  tout  le  long  du  village,  du  côté 
oriental. 

ÉCUSSON.  L  Généralités.—  Cartouche  destiné  à  re- 
cevoir des  armoiries  ou  une  inscription.  La  forme  de 
l'écusson  rappelle  le  plus  souvent  celle  de  l'écu  armorié. 
Il  est  placé  habituellement  sur  le  fronton  ou  dans  la  partie 
centrale  de  l'édifice  dont  il  complète  la  décoration.  L'écusson 
est  souvent  confondu  avec  l'écu  armorié,  et  on  les  plaçait, 
au  moyen  âge,  aussi  bien  sur  les  murailles  et  sur  les  pla- 
fonds intérieurs  des  châteaux,  que  sur  les  meubles  et  les 
ustensiles,  et  même  sur  les  vêtements  des  chevaliers  et  des 
dames  nobles.  Les  peintres  étaient  chargés  de  les  repré- 
senter sur  les  miniatures  des  manuscrits  et  sur  les  torches 
qui  étaient  portées  dans  les  cérémonies  funèbres.  Le  fron- 
tispice des  volumes  imprimés  montre  fréquemment  l'écus- 
son des  personnages  auxquels  l'ouvrage  est  dédié  ou  celui 
des  imprimeurs  ou  des  hbraires  qui  ont  mis  l'ouvrage  dans 
la  circulation.  De  nos  jours,  des  écussons  de  métal  doré 
servent  encore  à  indiquer  les  études  des  notaires  et  des 
huissiers.  A.  de  Champeaux. 

IL  Art  héraldique.  —  Petit  écu,  considéré  comme  une 
pièce  héraldique  meublant  un  blason  ;  il  est  généralement 
posé  en  abîme.  La  famille  M usaroy 
porte  de  gueules,  à  un  écusson 
d'argent.  Il  peut  être  en  nombre. 
C'est  souvent  une  concession  ;  on 
le  voit  aussi  placé  sur  le  tout, 
c.-à-d.  au  miUeu  d'une  écartelure. 
C'est  à  tort  qu'on  emploie  vulgai- 
rement le  mot  écusson  pour  écu; 
l'écu,  c'est  le  blason,  et  l'écusson 
est  une  figure  représentée  seule  ou 
en  nombre  sur  l'écu  ;  il  peut  être 
lui-même  chargé  et  accompagné 
d'autres  figures.  Nous  donnons  ci-dessus  un  blason  écarlelé 
de  gueules  et  d'argent,s\ir\Q  tout  un  écusson  d'argent, 
à  la  barre  d'azur,  H.  Gourdon  de  Genouillac. 

m.  Armurerie.  —  C'est  le  point  massif  de  la  garde 
d'une  épée  représentant  son  centre  et  par  où  passe  la  soie. 
De  chaque  côté  naissent  les  branches  de  la  croix,  croisil- 
lons ou  quillons.  L'écusson  est  ainsi  nommé  parce  que  sa 
région  inférieure  est  le  plus  souvent  abattue  en  pointe, 
tandis  que  son  plan  supérieur  est  horizontal  et  ses  côtés 
parallèles,  ce  qui  lui  donne  la  forme  d'un  écu.  Le  trou 
carré  qui  le  traverse  de  haut  en  bas  et  par  où  passe  la  soie 
de  la  lame,  s'évase  inférieuremont  en  un  évidement  qui 
divise  la  pointe  en  deux  portions  symétriques  qui  s'appli- 
quent sur  la  lame  et  la  serrent  entre  elles,  disposition  très 
marquée  dans  les  sabres  turcs.  Là,  les  pointes  de  l'écus- 
son sont  dégagées  et  viennent  serrer  la  chape  du  fourreau, 
tandis  que  supérieurement  l'écusson  présente  deux  pointes 
semblables  qui  embrassent  la  fusée  (V.  Sabre  et  Epée). 

Maurice  Maindron. 
IV.  Entomologie.  —  Chez  les  Insectes,  Fécusson  (scutel- 
lum)  est  cette  pièce,  de  forme  et  de  grandeur  très  varia- 
bles, qui  s'avance  plus  ou  moins  entre  la  base  des  ailes 
supérieures.  Parfois, réduit  à  un  point  presque  imperceptible. 


ÉCUSSON  -  ÉCUYER 


-  542  - 


comme  dans  les  Copris,  l'écusson  peut,  dans  certains  cas, 
se  développer  tellement,  qu'il  recouvre  l'abdomen  tout 
entier  ;  c'est  ce  qui  arrive  notamment  chez  les  Hémiptères- 
Hétéroptères,  du  groupe  des  Scutellérides.  Sa  forme  la 
plus  générale  est  celle  d'un  triangle  ;  mais  il  peut  être  aussi 
rond,  carré,  cordiforme,  arrondi  au  sommet,  échancré  ou 
fourchu  en  arrière  et  être  pourvu  d'appendices  variés 
(épines,  cornes,  etc.),  qui  fournissent  d'utiles  caractères 
spécifiques.  l^d.  Lef. 

V.  Arboriculture  (V.  Greffe). 

YI.  Pharmacie.  —  On  donne  le  nom  à'écussons  à  des 
préparations  pour  usage  externe,  qu'on  étend  en  couches 
minces  sur  divers  tissus,  de  la  toile,  du  sparadrap,  de  la 
peau,  de  la  baudruche,  etc.  On  les  désigne  vulgairement 
sous  le  nom  à' emplâtres.  Leur  forme,  qui  est  très  variée, 
est  ordinairement  fixée  par  le  médecin.  On  les  prépare 
avec  des  onguents,  des  résines,  des  électuaires,  des  pom- 
mades, etc.,  la  masse  devant  être  assez  consistante  pour  ne 
pas  se  liquéfier  à  la  chaleur  du  corps.  Pour  confectionner 
un  éeusson,  on  découpe  dans  une  feuille  de  papier  un  moule 
dont  l'intérieur  représente  exactement  la  grandeur  du  médi- 
cament. Ce  moule  étant  disposé  sur  une  peau  ou  sur  du 
sparadrap,  par  exemple,  on  étend  dans  l'intérieur,  en 
couche  mince,  la  masse  emplastique,  soit avecle doigt,  soit 
avec  un  fer  légèrement  chauffé;  on  lisse  la  surface,  on 
enlève  le  moule  et  on  ajuste  le  pourtour.  Les  électuaires, 
les  onguents,  les  extraits,  etc.,  qui  ont  naturellement  une 
consistance  molle  ou  qui  peuvent  être  amenés  à  cet  état 
par  l'eau  chaude  ou  la  chaleur  de  la  main,  sont  simplement 
étendus  dans  le  moule  avec  une  spatule  ;  on  lisse  la  surface 
avec  un  peu  d'eau  ou  avec  une  lampe  à  alcool.  Parfois  on 
recouvre  la  surface  d'une  poudre  médicamenteuse.  Il  faut 
alors  ramollir  la  surface  à  une  douce  chaleur  ou  au  moyen 
d'un  peu  d'alcool,  afin  d'obtenir  une  adhérence  suffisante. 
On  se  sert  aussi  de  teintures  et  de  divers  solutés  médica- 
mentaux.  C'est  ainsi  que  \)0\iv  camphrer  un  vésicatoire,  on 
dissout  le  camphre  dans  un  peu  d'éther  et  on  étend  le  liquide 
uniformément  à  la  surface  :  le  véhicule  s'évapore  rapidement 
et  laisse  le  camphre  en  couche  mince  sur  le  médicament. 
Enfin,  quelquefois,  le  médecin  prescrit  d'entourer  l'écusson 
d'une  bande  de  diachylon  gommé,  afin  de  donner  plus  de 
fixité  au  médicament  et  Tempêcher  de  s'étendre  au  delà  de 
la  limite  qui  lui  a  été  tracée.  Ed.  Bourgoin. 

ÉCUTIGNY.  Com.  du  dép.  de  la  Côte-d'Or,  arr.  de 
Beaune,  cant.  de  Bligny-sur-Ouche  ;  209  hab. 

ÉCUVILLY.  Com.  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de  Compiègne, 
€ant.  de  Massigny;  292  hab. 

ÉCUYER.  Ce  titre  a  eu,  dans  l'ancienne  société  fran- 
çaise, deux  acceptions  principales,  dont  l'une  dérive  de 
l'autre  :  1°  dans  son  sens  primitif,  c'était  la  quaUté  portée 
par  le  jeune  noble,  pendant  la  durée  du  service  qu'il  faisait 
auprès  du  seigneur  féodal  qui  l'élevait  et  le  préparait  à  la 
chevalerie  ;  2^  dans  son  sens  dérivé,  c'était  la  qualifi- 
cation ordinaire  de  la  simple  noblesse,  par  opposition  à 
la  noblesse  de  chevalerie  et  à  la  noblesse  titrée. 

l»  Le  mot  écuyer,  qui  apparaît  dans  la  langue  française 
au  xi«  siècle  sous  la  forme  esquier  (Chanson  de  Roland), 
plus  tard  escuier,  venait  du  latin  scutarkim  ou  scutife- 
rum  et  désignait  étymologiquement  l'homme  qui  porte  le 
bouclier  ou  l'ecu  (scutum).  Il  est  à  remarquer  que  l'époque 
où  ce  mot  entre  en  usage  est  précisément  celle  où  le  bou- 
cher rond  et  bombé,  dont  se  servaient  les  Francs,  prit,  en 
devenant  plus  long,  plus  lourd  et  pointu  à  sa  partie  infé- 
rieure, la  forme  nouvelle  qui  reçut  le  nom  à'écu  (V.  ce 
mot).  Les  ciievaliers,  dont  c'était  la  principale  arme 
défensive,  faisaient  porter  leur  écu,  avant  et  après  le 
combat,  par  des  gens  de  leur  suite,  que  l'on  nomma  pour 
cette  raison  scutiferi,  escuiers.  Ainsi,  comme  le  mot,  la 
fonction  qu'il  désigne  date  de  l'époque  féodale.  Par  consé- 
quent, il  n'y  alieu'de  faire  aucun  rapprochement  historique, 
comme  on  l'a  quelquefois  tenté,  entre  les  écuyers  du  moyen 
âge  et  les  scutarii  ou  scutiferi  de  l'empire  romain.  Ceux- 
ci  étaient  des  soldats  de  police  organisés  en  corps  régu- 


liers par  Constantin  pour  la  garde  du  palais  impérial  et 
qui  avaient  pour  signe  distinctif  d'être  armés  du  bouclier 
carré  usité  dans  V armée  romaine  {Y,  ce  mot),  tandis  que 
les  écuyers  étaient  atteichés  iiiaividuellement  au  service 
des  chevaliers,  et  ne  tiraient  pômt  leur  nom  d'une  arme 
défensive  qui  leur  fût  propre,  mais  de  la  fonction  qu'ils 
exerçaient  auprès  de  ces  chevaUers  en  portant  leurs  armes 
et  spécialement  leur  écu. 

Les_  écuyers  paraissent  avoir  été  d'abord  des  gens  de 
condition  inférieure,  confondus  avec  les  garçons  ou  valets 
d'armée  que  l'on  chargeait  des  ouvrages  vulgaires  et  des 
charrois.  Mais,  à  partir  du  xii^  siècle,  ils  furent  toujours 
pris  parmi  les  jeunes  nobles.  A  cette  époque,  tout  fils  de 
gentilhomme  était  envoyé  dès  l'enfance  par  son  père  à  la 
cour  d'un  baron  voisin  ;  il  y  restait  en  qualité  de  damoi- 
seau [domicellus)  ou  de  valet  [vassaletus),  jusqu'à  ce 
qu'il  fût  en  âge  de  devenir  chevalier,  recevant  l'éducation 
qui  convenait  à  sa  naissance,  et  remplissant  auprès  du  baron 
divers  offices  domestiques,  tels  que  l'habiller,  le  servir 
à  table,  faire  à  ses  hôtes  les  honneurs  du  château.  Vers 
l'âge  de  douze  ans,  il  était  attaché  au  service  personnel 
d'un  chevalier,  dont  il  devenait  l'écuyer.  Ce  nouveau  titre 
ne  le  dispensait  pas  des  fonctions  domestiques,  qu'il  conti- 
nuait à  exercer  au  château  avec  les  autres  damoiseaux  ; 
mais,  en  outre,  il  était  chargé  du  soin  de  l'écurie  et  du 
dressage  des  chevaux  ;  il  accompagnait  le  chevalier  à  la 
chasse  et  au  tournoi  et  s'exerçait  sous  sa  direction  au 
maniement  des  armes  ;  il  le  suivait  à  la  guerre,  portant 
ses  armes,  conduisant  «  à  destre  »  son  cheval  de  bataille 
ou  destrier,  se  tenant  près  de  lui  dans  la  mêlée  pour  le 
secourir  au  besoin  et  garder  ses  prisonniers.  —  Le  service 
d'écuyer  durait  ordinairement  de  cinq  à  sept  années, 
c.-à-d.  jusque  vers  l'âge  de  dix-huit  ans  :  le  jeune  noble  était 
alors  admis  aux  épreuves  solennelles  qui  précédaient  l'en- 
trée dans  la  chevalerie  (V.  ce  mot).  Toutefois,  il  n'y  avait 
pas  de  règle  fixe  à  cet  égard,  et  il  n'était  point  rare  qu'un 
écuyer  fût  armé  chevalier  avant  cet  âge,  ou  qu'il  prolon- 
geât au  contraire  son  service  au  delà  de  ce  terme  ;  depuis 
le  XIII®  siècle,  la  tendance  fut  même  de  reculer  jusqu'à 
vingt  et  un  ans  l'âge  où  il  devenait  chevalier. 

La  vie  des  écuyers  était  généralement  rude  et  laborieuse, 
et  leur  condition  en  tous  points  inférieure  à  celle  des  che- 
valiers. Dans  les  premiers  temps  de  la  féodalité,  les  armes 
distinctivcs  de  la  chevalerie,  l'épée,  la  lance,  le  heaume, 
le  haubert  et  la  cotte  armoriée  leur  étaient  absolument 
interdites  :  ils  ne  pouvaient  se  revêtir  que  d'un  gambeson, 
d'un  plastron  d'acier  et  d'un  chapeau  de  fer.  Mais  peu  à 
peu  cette  rigueur  s'adoucit  :  on  leur  permit  au  xiii*^  siècle 
de  porter  l'épée,  et  dès  lors,  avant  d'être  admis  au  rang 
d'écuyer,  le  damoiseau  dut  être  présenté  à  l'autel  par  son 
père  et  sa  mère  pour  recevoir  cette  arme  des  mains  d'un 
prêtre,  suivant  les  usages  que  l'Eglise  avait  établis.  Plus 
tard,  les  autres  armes  leur  furent  également  permises  ;  au 
xiv^  siècle,  ils  furent  admis  à  combattre  avec  les  cheva- 
liers dans  les  tournois  et  ne  se  distinguèrent  plus  d'eux 
que  par  leurs  éperons  qui  étaient  d'argent,  tandis  que  ceux 
des  chevaliers  étaient  d'or.  Ils  ne  pouvaient  porter  ni 
velours,  ni  drap  d'écarlate,  ni  fourrures  de  vair  ou  d'her 
mine,  vêtements  réservés  aux  chevaliers.  Dans  les  rela- 
tions de  la  vie  civile,  même  infériorité  :  ils  ne  pouvaient 
prendre^  que  le  titre  de  damoiseau  ou  donzel,  jamais  celui 
de  messire  ;  leur  femme  n'était  point  dame,  mais  damoi- 
selle  ;  dans  les  actes,  leurs  noms  ne  devaient  figurer 
qu'après  celui  des  chevahers.  En  justice,  ils  n'étaient  point 
leurs  pairs,  et  ne  pouvaient  réclamer  contre  eux  ni  le  duel 
ni  les  gages  de  bataille  ;  toutefois,  en  cas  d'injure  faite  à 
un  écuyer  par  un  chevalier,  quelques  coutumes  autorisaient 
le  duel  à  conditions  égales,  c.-à-d.  à  pied,  sans  autres 
armes  que  l'épée  et  l'écu. 

Lorsque  la  chevalerie  tomba  en  décadence,  au  xiv®  et 
au  XV®  siècle,  les  fonctions  d'écuyer  changèrent  de  carac- 
tère. Elles  cessèrent  peu  à  peu  d'être  une  préparation  à  la 
vie  de  chevalier,  pour  devenir  de  plus  en  plus  un  ser- 


—  S43  — 


ECUYER 


vice  domestique,  ennobli  par  la  condition  sociale  du  maître 
et  du   serviteur.   Comme  les  chevaliers  désertaient  les 
champs  de  bataille,  les  écuyers  ne  s'exerçaient  plus  au 
métier  des  armes  que  pour  prendre  part  aux  tournois,  ou 
pour  courir  les  aventures  à  la  suite  de  quelque  chevalier 
errant;  le  plus  souvent  leur  vie  s'écoulait  au   château, 
dans  Texercice  de  fonctions  de  plus  en  plus  spécialisées. 
Tout  seigneur  de  quelque  importance  avait  de  nombreux 
écuyers,  entre  lesquels  étaient  répartis,  à  tour  de  rôle  ou 
d'une  manière  permanente,  les  divers  offices  précédemment 
énumérés.  C'est  ainsi  qu'on  distinguait  Vécuyer  de  corps 
ou  écuyer  d'honneur^  attaché  au  service  personnel  du 
seigneur  ou  de  la  dame,  les  accompagnant  partout,  portant 
au  tournoi  et  à  l'armée  la  bannière  de  son  maître  ;  Vécuyer 
de  la  chambre  ou  chambellan,  à  qui  était  spécialement 
confié  le  soin  de  la  vaisselle  d'or  et  d'argent  ;  Y  écuyer 
tranchant^  qui  découpait  les  viandes  et  veillait  au  service 
de  la  table  ;  Vécuyer  d'échansonnerie;  Vécuyer  de  panne- 
terie;  Vécuyer  d'écurie^  qui  dressait  les  chevaux  ;  Vécuyer 
servant,  qui  faisait  fonction  de  valet  de  chambre,   etc. 
Pour  expliquer  comment  ces  fonctions,  dont  quelques-unes 
avaient  le  caractère  de  la  plus  basse  domesticité,  avaient 
été  confiées  à  des  écuyers,  on  a  supposé  que  primitivement 
elles  étaient  exercées  par  des  valets  d'ordre  inférieur  dont 
les  titres  (scurarii^  scutellarii,  escariï)^  dérivés  des  mots 
scuria  (écurie),  scutellce  (vaisselle),  esca  (nourriture), 
auraient,  par  leur  assonance  avec  le  mot  escuier,  rendu 
possible  la  confusion.  Cette  hypothèse  gratuite,  qui  soulève 
de  graves  objections  philologiques,  est  tout  à  fait  inutile  : 
la  notion  d'écuyer,  telle  qu'elle  était  entendue  dans  les 
premiers  temps  de  la  féodalité,  contenait  en  germe  tous  ces 
services,  les  plus  vulgaires  aussi  bien  que  les  plus  nobles. 
—  De  même  que  les  maisons  seigneuriales,  la  cour  du  roi 
de  France  entretenait  un  grand  nombre  d'écuyers,  chargés 
des  fonctions  les  plus  variées,  sous  l'autorité  du  grand 
écuyer  (V.  ci-dessous)  et  de  quelques  autres  officiers 
(V.EcumE  DU  ROI,  Maison  du  roi). 

2^  Le  titre  d'écuyer,  à  l'époque  féodale,  impliquait, 
comme  on  vient  de  le  voir,  deux  conditions  :  la  première, 
que  celui  qui  le  portait  était  noble  ;  la  seconde,  qu'il  rem- 
plissait auprès  d'un  chevalier  certaines  fonctions  subal- 
ternes. Suivant  que  l'on  s'attacha  de  préférence  à  l'idée  de 
noblesse  ou  à  celle  de  domesticité,  on  en  vint  à  donner  à 
ce  titre  deux  sens  assez  différents  de  son  acception  primi- 
tive. On  appela  écuyers,  tantôt  des  gens  qui  exerçaient  dans 
une  maison  des  fonctions  domestiques,  alors  même  qu'ils 
n'étaient  pas  de  condition  noble  ;  tantôt  des  nobles  qui 
n'avaient  point  reçu  la  chevalerie,  alors  même  qu'ils  n'étaient 
attachés  au  service  d'aucun  autre  gentilhomme. 

Le  premier  sens  ne  se  rencontre  que  d'une  manière 
exceptionnelle,  dans  quelques  textes  du  xiii®,  du  xiv^  et 
du  xv^  siècle,  relatifs  à  des  maisons  ecclésiastiques,  où  le 
titre  d'écuyers  (escuerii^  escuderii)  était  donné  aux  gens 
de  service  (cf.  valet,  vassaletus:  d'abord  jeune  noble,  fils 
d'un  vassal;  puis  serviteur). 

Au  contraire,  le  second  sens  se  générahsa  au  point  de 
devenir,  à  partir  du  xvi*^  siècle,  le  sens  principal  du  mot 
écuyer.  Dès  le  xni®  siècle,  beaucoup  de  nobles,  arrivés  à 
l'âge  de  la  majorité,  s'abstenaient  d'entrer  dans  la  cheva- 
lerie, parce  qu'ils  n'étaient  point  assez  riches  pour  faire 
les  dépenses  et  mener  le  train  de  vie  qu'elle  exigeait.  En 
droit  féodal,  tout  suzerain,  ayant  intérêt  à  être  servi  par 
le  plus  grand  nombre  possible  de  chevaliers,  pouvait  for- 
cer ses  vassaux  à  recevoir  la  chevalerie,  lorsqu'ils  avaient 
atteint  l'âge  requis  et  que  leur  fief  donnait  un  revenu  suf- 
fisant pour  leur  permettre  de  vivre  honorablement.  Le  roi 
de  France  eut  le  même  intérêt,  tant  que  les  chevaliers 
firent  la  })rincipale  force  des  armées  royales,  et  un  man- 
dement de  Philippe  le  Bel,  en  1293,  punissait  d'une 
amende  l'écuyer  qui  ne  s'était  pas  fait  armer  chevalier  à 
vingt-quatre  ans  accomplis.  Mais  les  nobles  qui  étaient 
trop  pauvres  pour  qu'on  pût  exiger  d'eux  cette  dé- 
pense, gardaient  toute  leur  vie  le  rang  et  le  titre  d'écuyer  : 


écuyers  simples,  s'ils  étaient  fils  d'un  simple  bachelier, 
écuyers  bannerets^  s'ils  descendaient  d'un  chevalier  à 
bannière.  Ils  suivaient  à  l'armée  leur  suzerain,  non  plus 
comme  gens  attachés  à  son  service,  mais  comme  vassaux 
d'ordre  inférieur.  Ils  combattaient  avec  les  mêmes  armes 
que  les  chevaliers,  dont  ils  ne  se  distinguaient  que  par 
leurs  éperons  :  mais  ils  devaient  leur  céder  le  pas,  n'ayant 
le  droit  de  marcher  qu'avant  les  sergents,  les  arbalétriers 
et  les  autres  roturiers.  Leur  dépense  en  temps  de  guerre, 
et  par  conséquent  leur  solde,  était  ordinairement  évaluée  à 
la  moitié  de  celle  des  chevaliers  :  5  sous  par  jour  sous 
Philippe  m  (1283)  et  sous  Philippe  le  Bel  (1294)  ;  7  sous 
à  l'époque  de  Philippe  VI  (133o)  et  de  Jean  II   (1351)  ; 
20  sous  à  la  fin  du  xiv*^  siècle.  Le  nombre  des  gentils- 
hommes qui  ne  recevaient  pas  la  chevalerie  augmenta  au 
XIV®  et  au  XV®  siècle,  à  mesure  que  la  vie  chevaleresque, 
détournée  de  son  idéal  primitif,  devenait  plus  fastueuse  et 
plus  frivole.  D'autre  part,  il  arriva  que  des  seigneurs 
inféodaient  des  terres  peu  importantes  sous  la  charge  que 
le  détenteur  leur  devrait  le  service  mihtaire  dans  les  mêmes 
conditions  qu'un  écuyer  (feodascutiferorum),  et  alors  le 
vassal  tenu  de  cette  obligation  prenait  le  titre  d'écuyer, 
bien  qu'il   n'en  ait  jamais  rempli  la  fonction.  Enfin  les 
possesseurs  d'autres  fiefs  inférieurs,  tels  que  des  vavasso- 
ries  ou  des  sergenteries,  qui  devaient  à  leur  suzerain  un 
service  militaire  de  même  ordre,  furent  souvent  désignés 
pour  cette  raison  sous  la  dénomination  générale  d'écuyers. 
—  Il  résulta  de  ces  diverses  circonstances  qu'au  xvi®  siècle 
ce  titre  remplaça  dans  l'usage  celui  de  noble  homme 
ou  noble  personne,'  dont  on  se  servait  jusque-là  pour  dési- 
gner communément  les  gentilshommes  qui  n'avaient  pas 
reçu  la  chevalerie  et  les  détenteurs  de  fiefs  nobles  d'ordre 
inférieur.  Le  mot  est  pris  en  ce  sens  dans  l'ordonnance  de 
Blois  (1579)  et  dans  les  édits  du  mois  d'août  1583  et  du 
mois  de  mars  1600;  et,  lorsque  les  feudistes  de  cette 
époque  arrêtèrent  les  cadres  de  la  hiérarchie  nobiliaire, 
ils  distinguèrent  trois  catégories  de  gentilshommes  :  en 
premier  lieu  les  seigneurs  titrés  (ducs,  princes,  marquis, 
comtes,  vicomtes  ou  barons)  ;  en  deuxième  lieu  les  cheva- 
liers (châtelains  et  possesseurs  de  fiefs  de  haubert),  en  troi- 
sième heu  les  écuyers,  qui  comprenaient  tout  le  reste  de 
la  noblesse,  aussi  bien  les  gentilshommes  de  robe,  de  ville 
ou  d'office  que  les  gentilshommes  d'épée   (cf.  en  Angle- 
terre le  titre  d'esquire  devenu  synonyme  de  gentleman) . 
Il  faut  bien  remarquer  que  ce  nouveau  sens  du  mot  écuyer, 
quelque  général  qu'il  fût, ne  détruisit  pas  l'ancien,  qui  sub- 
sistait dans  les  maisons  seigneuriales  et  à  la  cour  de  France  ; 
mais  lorsqu'on  voulait  parler  de  la  fonction  d'écuyer,  on 
faisait  suivre  ce  titre  du  nom  spécial  de  l'office  qui  le  carac- 
térisait :  écuyer  de  corps,  de  chambre,  d'écurie,  etc. , 
tandis  qu'on  l'employait  d'une  manière  absolue  (X...,  écuyer) 
pour  désigner  le  gentilhomme  de  simple  noblesse  par  oppo- 
sition au  chevalier  et  au  seigneur  titré. 

La  quahté  d'écuyer  était  héréditaire,  à  la  différence  de 
celle  de  chevalier,  qui  ne  fut  jamais  transmissible,  sauf 
dans  quelques  cas  exceptionnels  (ord.  de  1629),  à  moins 
de  concession  expresse  du  roi  :  en  règle  générale,  le  fils 
d'un  chevalier  naissait  écuyer  et  gardait  cette  quahté  jus- 
qu'à ce  qu'il  eût  reçu  les  lettres  royales  qui  lui  conféraient 
le  titre  de  chevaher.  La  qualité  d'écuyer  pouvait  s'acquérir 
non  seulement  par  la  naissance,  mais  aussi  par  concession 
gracieuse  du  roi,  par  achat  d'une  terre  noble  ou  d'un 
office  auquel  ce  titre  était  attaché  :  ainsi  les  gardes  du 
corps  du  roi,  les  commissaires  et  contrôleurs  des  guerres 
avaient  le  droit  de  prendre  la  qualification  d'écuyers.  On 
perdait  ce  titre  par  les  causes  qui  entraînaient  déchéance 
ou  suspension  de  la  noblesse  (V.  ce  mot).  Divers  édits 
et  règlements  eurent  pour  objet  de  maintenir  la  distinction 
sociale  qui  séparait  les  écuyers  des  chevaliers  d'une  part 
et  des  roturiers  de  l'autre  :  notamment  une  déclaration 
de  janv.  1624  frappa  d'une  amende  de  2,000  hvres  tous 
1  ceux  qui  usurperaient  le  titre  d'écuyer  ;  et  un  arrêt  du 
I    règlement   du    13   août    1663  interdit,   sous  peine  de 


ÉGUYER  —  ECZÉMA 


544 


1 ,500  livres  d'amende,  à  quiconque  n'était  pas  noble  de 
prendre  le  titre  d'écuyer,  et  à  tout  écuyer  de  prendre  le 
titre  de  messire,  qui  ne  convenait  qu'aux  chevaliers. 

Ch.    MORTET. 

Grand  et  premier  écuyers.  —  Fonctionnaires  de  la  cour 
sous  l'ancienne  monarchie.  Le  maître  de  l'écurie  du  roi 
hérita  des  fonctions  originelles  et  des  prérogatives  du  con- 
nétable et  des  maréchaux  au  fur  et  à  mesure  du  déve- 
loppement de  l'importance  de  ces  officiers,  et  en  raison  de 
leur  spécialisation  dans  un  rôle  particulièrement  militaire  ; 
il  veillait  à  l'administration  de  l'écurie  du  roi  ;  il  portait 
l'épée  royale  dans  le  fourreau  aux  entrées  solennelles  et 
autres  cérémonies  ;  pour  marque  de  sa  dignité,  il  la  mettait 
de  même,  avec  le  baudrier,  de  chaque  côté  de  l'écu  de 
ses  armes  ;  le  connétable  qui  a  cessé  d'avoir  la  Garde  de 
l'épée  du  roi  à  une  époque  indéterminée,  et  qui  de  fonc- 
tionnaire de  la  maison  du  roi,  est  devenu  un  haut  digni- 
taire de  l'Etat  et  le  chef  de  l'armée,  portait  l'épée  au 
sacre  du  roi,  et  la  mettait,  nue,  de  chaque  côté  de  ses 
armes.  Le  P.  Anselme  donne  (t.  VllI)  une  longue  liste 
des  maîtres  de  l'écurie  du  roi  depuis  4294  ;  cette  charge 
fut  occupée  à  partir  du  xv^  siècle  par  les  plus  grands 
seigneurs,  avec  le  titre  de  premier  ou  de  grand  écuyer  ; 
les  charges  de  premier  et  de  grand  écuyers  furent  dis- 
tinctes à  partir  du  xvii«  siècle.  Voici  quels  furent  les 
grands  écuyers  de  1470  à  4789:  Alain  de  Goyon  (4470), 
Pierre  d'Urfé  (4483),  Galéus  de  Saint-Séverin  (4505), 
Jacques  de  Gourdon  de  Genouillac  (4524),  Claude  de 
Gouffier  (4546),  Léon  de  Chabot  (4570),  le  duc  d'Elbeuf 
(1597),  Roze  de  Saint-Lary,  duc  de  Bellegarde  (1605), 
César-Auguste  de  Saint-Lary,  marquis  de  Termes  (4647); 
le  duc  de  Bellegarde,  de  nouveau  (1624);  Henri  Coëffier  de 
Ruzé,  marquis  de  Cinq-Mars  (4639-1642);  Henri  de  Lor- 
raine, comte  d'Harcourt  (1643);  son  fils  Louis,  comte 
d'Armagnac  (1666);  son  fils  Charles,  prince  de  Lorraine 
(1718);  son  frère  Louis,  comte  de  Brionne  (1751);  son  fils 
Charles,  prince  de  Lambesc  (1761). 

Le  grand  écuyer,  qu'on  appelait  d'ordinaire  «  Monsieur 
le  grand  »,  était  un  des  sept  grands  officiers  de  la  couronne 
depuis  1617.  Les  droits  et  prérogatives  de  sa  charge  furent 
fixés  en  dernier  lieu  par  les  règlements  du  22  oct.  4745, 
du  6  janv.  4747,  du  23  mai  4723  et  du  46  févr.  4724.  H 
avait  la  haute  main  sur  la  grande  écurie  ;  il  ordonnait  des 
dépenses,  pourvoyait  aux  charges,  recevait  les  serments. 
Ses  appointements  étaient  de  3,600  livres  seulement,  mais 
il  percevait  de  nombreux  droits  sur  les  entrées  et  charges, 
prestation  de  serment,  etc.  A  la  mort  du  roi,  tous  les  che- 
vaux des  écuries  et  les  harnais  lui  revenaient  de  droit.  C'est 
lui  qui  réglait  les  duels  et  qui  disposait  des  fonds  ordonnés 
pour  les  sacres,  les  couronnements,  etc.  Aux  entrées  so- 
lennelles, il  marchait  devant  le  roi.  Il  avait  séance 
aux  lits  de  justice  aux  pieds  du  roi.  Les  haras  dépendaient 
de  lui.  C'est  encore  de  lui  que  relevaient  les  pages  et  le 
juge  d'armes,  les  chevaucheurs  et  courriers  de  cabinet, 
le  héraut  d'armes,  etc.  —  Le  premier  écuyer,  chef  de 
la  petite  écurie,  était  indépendant  du  grand  écuyer.  Cette 
charge  lui  donnait  des  relations  fréquentes  avec  le  roi, 
qu'il  accompagnait  en  carrosse  ou  à  cheval.  H  avait 
3,000  livres  d'appointement  ;  à  la  mort  du  roi,  la  dépouille 
de  la  petite  écurie  lui  appartenait.  Les  titulaires  de  cette 
charge  furent  :  François  de  Baradat  (4625),le  duc  Claude 
de  Saint-Simon  (4627);  Henri  de  Beringhen  (4645);  son 
fils  Jacques,  marquis  de  Beringhen  (4692);  son  fils 
Jacques  (4723);  son  fils  Henri-Camille  (4723);  le  duc  de 
Coigny  (1774).  — Sous  Napoléon  P%  le  grand  écuyer  était 
grand  officier  de  la  couronne  ;  cette  charge  fut  exercée  par 
le  général  de  Caulaincourt,  duc  de  Yicence,  en  1808,  qui 
avait  sous  ses  ordres  un  premier  écuyer,  un  écuyer  caval- 
cadour,  etc.  Louis  XVIH  et  Charles  X  ne  pourvurent  pas  à 
la  charge  de  grand  écuyer  :  les  fonctions  en  furent  remplies 
par  le  duc  de  Polignac,  premier  écuyer,  ayant  sous  ses 
ordres  un  écuyer  commandant,  des  écuyers  cavalcadours,  des 
écuyers  chefs  de  manège,  des  écuyers  de  manège,  des  écuyers 


ordinaires,  des  élèves  écuyers,  des  pages,  un  inspecteur- 
contrôleur,  un  secrétaire  général,  etc.  Louis-Philippe  n'eut 
qu'un  écuyer  commandant.  Napoléon  HI  créa  grand  écuyer 
le  maréchal  de  Saint-Arnaud  (1852-1854),  puis,  après 
une  vacance  de  neuf  ans,  le  général  Fleury.       L.  Del. 

Ecuyer  tranchant.  —  On  donnait  ce  nom  en  France, 
sous  l'ancienne  monarchie,  à  des  officiers  de  la  couronne. 
Le  premier  écuyer  tranchant,  ou  simplement  premier- 
tranchant,  avait,  depuis  le  xiv^  siècle  au  moins,  la  garde 
de  l'étendard  royal  ou  cornette  blanche  et  marchait,  à 
l'armée,  derrière  le  roi.  Ses  fonctions  se  conservèrent 
jusqu'au  cœur  du  xvii®  siècle. 

BiBL.  :  LoYSEAu,  Traité  des  ordres  et  simples  dignités  ; 
1610,  chap.  IV.  —  De  La  Roque,  Traité  de  la  noblesse, 
1734.  — La  Curnede  Sainte-Palaye,  Mémoires  sur  l'an- 
cienne chevalerie,  Vib9,  t.  I.—  Gvyot,  Répertoire  de  juris- 
prudence, 1784,  v°  Ecuyer,  Noblesse.  —  Ducange,  Glossa- 
rium  médise  et  infimœ  latinitatis,  éd.  Didot,1840,  v^»  Armi- 
ger,  Escuerius,  Scutifer,  Scutarius.  —  Boutaric,  les 
Institutions  militaires  de  la  France,  1863.  —  A.  de 
Barthélémy,  De  la  Qualification  d'écuyer,  dans  Revue 
nobiliaire,  2«  série,  1865,  t.  I,  p.  33.  —  L.  Gautier,  la 
Chevalerie,  2^  éd.,  1890,  p.  196. 

ECZÉMA  (PathoL).  L'eczéma,  type  populaire  des  affec- 
tions cutanées,  est  moins  en  réalité  une  dermatose  auto- 
nome et  distincte  qu'un  syndrome  éruptif  pouvant  être  réaUsé 
dans  des  conditions  très  diverses.  Bazin  a  défini  l'eczéma  : 
«  Une  affection  de  la  peau  caractérisée  à  sa  période  d'état 
par  l'existence  de  vésicules  petites,  acuminées,  agglomérées 
sur  une  surface  plus  ou  moins  étendue,  et  contenant  un 
liquide  séreux  et  transparent,  vésicules  qui  s'affaissent 
lorsque  le  liquide  qu'elles  contiennent  est  résorbé,  mais 
qui  le  plus  souvent  se  rompent  après  vingt-quatre  ou  qua- 
rante-huit heures  d'existence,  et  auxquelles  succèdent 
l'exhalation  et  la  sécrétion  d'un  liquide  séreux  et  trans- 
parent qui  se  concrète  en  lamelles  plus  ou  moins  épaisses, 
et  ensuite  une  simple  exfoliation  épidermique.  »  Ainsi 
défini,  l'eczéma  se  distingue  cliniquement  de  l'herpès,  dont 
les  vésicules  plus  volumineuses  persistent  pendant  un  temps 
plus  long  ;  des  sudamina,  de  la  miliaire  et  de  la  varicelle, 
affections  qui  occupent  toute  la  surface  du  corps  et  dont 
l'élément  vésiculeux  ne  disparaît  pas  aussi  rapidement  que 
celui  de  l'eczéma  ;  du  pemphigus,  constitué  par  des  pous- 
sées successives  de  bulles  ;  de  l'impétigo,  enfin,  dont  les 
éléments  groupés,  il  est  vrai,  sont  pustuleux  et  non  vési- 
culeux. Mais  la  définition  longtemps  classique  de  Bazhi  ne 
peut  être  acceptée  comme  complète,  puisqu'elle  n'indique 
ni  la  pathogénie,  ni  le  critérium  anatomique  de  l'affection; 
d'ailleurs,  même  à  ne  considérer  que  le  point  de  vue^  cli- 
nique, elle  a  le  tort  de  faire  une  part  trop  grande  à  l'état 
vésiculeux  et  de  ne  pas  assez  indiquer  que  l'eczéma  est, 
au  premier  chef,  une  dermite  polymorphe.  Pendant  long- 
temps on  a  divisé  l'eczéma,  au  point  de  vue  étiologique, 
en  deux  grandes  catégories  :  l'eczéma  de  cause  externe  et 
l'eczéma  de  cause  interne.  Le  premier  était  dû  soit  à  l'ac- 
tion de  parasites  (pedieuh,  acares,  microphytes,  etc.),  soit 
à  des  agents  irritants  (pressions,  frottements,  grattages  ; 
contact  des  sueurs  ou  de  l'urine  ;  cantharides,  croton, 
moutarde,  thapsia,  térébenthine,  arnica,  mercure,  chaux, 
potasse,  etc.  ;  influence  chimique  des  rayons  électriques 
ou  solaires,  etc.).  On  pouvait  adjoindre  à  cette  classe  les 
eczémas  dits  pathogénétiques,  c.-à-d.  résultant  de  l'inges- 
tion de  certaines  substances  alimentaires  ou  médicamen- 
teuses qui  s'éliminent  par  les  glandes  de  la  peau.  Quant  à 
l'eczéma  de  cause  interne,  il  était  le  symptôme  d'un  état 
névropathique  ou  d'une  maladie  constitutionnelle  telle  que 
la  scrofule  ou  l'arthritis. 

Cette  manière  éclectique  de  comprendre  la  pathogénie 
de  l'eczéma  avait  au  moins  le  mérite  de  la  simplicité  et  fut 
longtemps  acceptée  ;  aujourd'hui  elle  ne  satisfait  plus  per- 
sonne, et  elle  a  contre  elle  les  deux  grands  courants  qui 
partagent  actuellement  les  dermatologistes.  L'école  aUe- 
mande  considère  avant  tout  l'eczéma  comme  une  lésion 
locale.  Hébra  et  ses  disciples  professent  qu'il  est  toujours 
possible  de  déterminer  artificiellement  sur  un  point  quel- 


conque  de  la  peau  et  sur  le  premier  individu  venu  toutes 
les  variétés  de  l'eczéma;  ils  ne  reconnaissent  à  aucune 
dyscrasie  le  pouvoir  d'engendrer  directement  l'affection  ; 
tout  au  plus  admettent-ils  que  certains  états  morbides  déter- 
minent, par  altération  secondaire  des  tissus,  une  irritabilité 
des  téguments  et  que  ceux-ci  peuvent  alors  devenir  le  siège 
d'eczéma  sous  l'influence  de  telle  ou  telle  cause  extérieure. 
Pour  l'école  française,  au  contraire,  l'eczéma  résulte  avant 
tout  d'une  prédisposition  personnelle.  Le  rôle  capital  que 
les  auteurs  allemands  prêtent  à  l'irritation  locale,  les  der- 
matologistes  français  l'attribuent  à  l'état  général,  à  l'apti- 
tude morbide  du  sujet.  N'est  pas  eczémateux  qui  veut.  Il 
existe  une  série  d'affections  qualifiées  ajuste  titre  d'eczémas 
qui  défient  toute  reproduction  expérimentale.  La  provoca- 
tion externe  locale,  quand  elle  existe,  n'est  que  peu  de 
chose,  si  une  cause  d'ordre  plus  élevé  n'intervient.  Les 
applications  irritantes  pourront  faire  surgir  une  éruption 
plus  ou  moins  eczématoïde  ;  mais  la  lésion  ainsi  produite 
s'atténuera  rapidement  si  la  cause  disparaît  et  si  le  terrain 
n'est  pas  spécialement  propice  :  il  y  aura  épidermite  ou 
dermite,  il  n'y  aura  pas  eczéma.  Pour  que  l'affection,  telle 
que  nous  la  concevons,  se  réalise,  il  faut  véritablement  le 
concours  d'un  vice  interne,  constitutionnel  ou  autre.  Pro- 
voqué ou  non  par  des  irritations  venues  du  dehors, 
l'eczéma,  dit  M.  Besnier,  comporte  toujours  au  nombre  de 
ses  facteurs,  qui  sont  multiples,  une  condition  individuelle 
avec  prédisposition  héréditaire  ou  acquise.  L'eczéma  est 
certainement  la  plus  commune  des  dermatoses;  d'après  une 
statistique  de  l'hôpital  Saint-Louis,  il  entre  environ  pour 
un  tiers  dans  le  total  des  affections  cutanées. 

Symptomatologie.  L'affection  se  présente  sous  la  forme 
aiguë  ou  chronique.  Dans  la  forme  la  plus  commune  de 
l'eczéma  aigu,  le  malade,  sans  prodromes  généraux  mani- 
festes, éprouve,  dans  une  région  donnée,  une  sensation  de 
prurit,  de  cuisson  qui,  chez  les  arthritiques,  est  souvent 
très  marquée.  Puis  la  région  se  couvre  d'une  teinte  éry- 
thémateuse  variant  du  rose  pâle  au  rouge  sombre  et  se 
tuméfie  plus  ou  moins  selon  la  laxité  des  tissus.  Elle  devient 
bientôt  le  siège  de  papules  minuscules  et  d'une  nuée  de 
vésicules  miliaires  remplies  d'une  sérosité  alcaline,  citrine, 
transparente  et  légèrement  gommeuse  qui  n'est  autre  que 
du  sérum  sanguin  (Kaposi).  L'exsudation  peut  être  assez 
intense  pour  produire  de  véritables  bulles  (E.  phlycté- 
noïdé)  ;  mais  elle  reste  parfois  si  faible  que  les  vésicules 
demeurent  imperceptibles  et  peuvent  même  manquer  tota- 
lement par  places  (E.  sec).  Lorsque  la  vésicule  eczéma- 
teuse se  remplit  de  leucocytes  sans  que  ses  parois  éclatent, 
la  lésion  élémentaire  devient  une  vésico-pustule  (E,  im- 
pétigineux).  Dans  certains  cas,  surtout  aux  membres 
inférieurs  et  chez  les  sujets  variqueux,  le  liquide  exsudé 
renferme,  en  proportions  notables,  des  globules  rouges  qui 
prêtent  aux  vésicules  et  aux  bulles  une  coloration  légère- 
ment sanguinolente.  L'état  vésiculeux  n'a  qu'une  existence 
éphémère.  Les  vésicules  se  rompent,  et  le  liquide  concrète 
se  mélange  aux  débris  de  l'épiderme  altéré  pour  former 
des  croûtes  jaunâtres  plus  ou  moins  épaisses  et  plus  ou 
moins  adhérentes.  La  surface  laissée  à  vif  est  rouge,  poin- 
tillée,  chaude,  humide,  suintante,  mal  limitée  ;  ses  bords, 
irréguliers  et  diffus,  se  perdent  peu  à  peu  dans  les  régions 
restées  saines.  Le  suintement  qui  constitue  l'apogée  de 
l'évolution  morbide  mérite  bien  à  l'eczéma  la  dénomination 
d'inflammation  catarrhale  de  la  peau  qui  lui  est  donnée  par 
quelques  auteurs.  Sa  durée  est  très  variable.  Lorsqu'il 
s'arrête,  les  croûtes  se  dessèchent,  s'émiettent  et  dispa- 
raissent, montrant  à  leur  place  une  pellicule  épidermique 
lisse,  luisante,  très  mince,  non  viable,  qui  ne  tarde  pas  à 
se  flétrir  et  est  elle-même  remplacée  par  une  série  suc- 
cessive d'épidermes  transitoires  et,  pour  ainsi  dire,  d'essai, 
s'en  allant  à  leur  tour  en  squames  et  en  poussière  (E.  squa- 
meux), jusqu'à  ce  que  la  kératinisation  se  refasse  dans  les 
cellules  cornées.  La  peau  reprend  alors  sa  souplesse  et  sa 
coloration  habituelles,  et  il  ne  reste  bientôt  plus  trace  de 
la  poussée  eczémateuse.  Ces  états  divers  du  processus  mor- 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —   XV. 


^^^  —  ECZÉMA 

bide  ne  sont  rigoureusement  successifs  que  si  l'on  consi- 
dère un  point  donné  de  l'éruption  ;  mais  on  les  trouve  le 
plus  souvent  confondus  si  l'on  étudie  l'affection  dans  l'en- 
semble de  ses  manifestations  :  souvent,  chez  un  même 
sujet,  les  vésicules  se  montrent  à  peine  sur  un  point  que 
déjà,  dans  une  région  voisine,  la  réparation  de  l'épiderme 
est  achevée. 

L'étendue  de  l'éruption  varie  dans  des  limites  énormes  ; 
elle  peut  n'intéresser  que  quelques  millimètres  de  la  surface 
tégumentaire  ou  l'envahir  presque  en  entier.  Dans  ce  der- 
nier cas,  l'inflammation  cutanée  est  violente,  les  symptômes 
généraux  s'accentuent  et  se  rapprochent  assez  de  ceux 
des  fièvres  éruptives  {E.  mbrum).  Le  plus  souvent 
l'eczéma  se  présente  sous  l'aspect  de  placards  irréguliers, 
de  dimensions  variables  et  très  imparfaitement  limités; 
dans  d'autres  formes,  on  voit  les  vésicules  rester  dissémi- 
nées çà  et  là  (E,  sparsiim),  on  s'assembler  en  petits  groupes 
discoïdes  et  nettement  circonscrits  (E.  nummulaire),  La 
forme  chronique  de  l'eczéma  peut  se  montrer  d'emblée  ou 
survenir  à  la  suite  d'une  ou  plusieurs  poussées  aiguës.  Les 
lésions  fondamentales  de  l'eczéma  chronique  ne  sont  autres 
que  celles  de  l'eczéma  aigu  ;  seule  l'évolution  diffère.  La 
peau  ^  perd  sa  souplesse  et  sa  coloration  normales  ;  elle 
s'épaissit,  s'infiltre,  parfois  même  se  fissure  et  se  gerce  ; 
les  régions  malades  d'une  teinte  rouge  violacé,  et  fortement 
prurigineuses,  se  recouvrent  de  lamelles  et  de  squames  qui 
se  renouvellent  indéfiniment.  On  peut  ainsi,  pendant  des 
semaines  et  des  mois,  constater  simultanément  toutes  les 
phases  et  toutes  les  variétés  possibles  du  mal  :  ici  dévelop- 
pement ou  exacerbation,  plus  loin  régression  ou  rémission 
de  l'éruption.  M.  Quinquaud  a  signalé  comme  fait  excep- 
tionnel, à  la  suite  de  l'eczéma  chronique,  la  transformation 
ichtyosoïde  de  certains  territoires  cutanés.  Quelle  que  soit 
son  ancienneté,  l'eczéma  chronique  peut  toujours  revenir  à 
l'état  aigu  sous  des  influences  locales  ou  générales. 
MM.  Besnier  et  Brocq  ont  attiré  l'attention  sur  ce  fait  que, 
chez  les  eczémateux,  les  poussées  aiguës  ont  souvent  pour 
point  de  départ  une  plaque  chronique  solitaire  dont  la  vita- 
lité vient  à  se  réveiller  :  d'où  l'indication  formelle  de  ne 
jamais  abandonner  à  elles-mêmes  les  plaques  isolées,  et  en 
apparence  négligeables,  d'eczéma  chronique.  Certaines  loca- 
lisations de  l'affection  offrent  un  intérêt  très  réel,  tant  au 
point  de  vue  de  leur  aspect  et  de  leur  marche  qu'à  celui 
du  traitement.  Tels  sont  les  eczémas  du  cuir  chevelu,  de 
la  barbe,  des  narines,  du  mamelon,  des  parties  génitales, 
des  mains  et  des  pieds;  mais  nous  ne  pouvons  en  donner 
ici  une  description  même  succincte.  Les  ongles  peuvent  être 
le  siège  d'eczéma,  avec  ou  sans  lésion  concomitante  des 
doigts.  Primitif  ou  secondaire,  l'eczéma  unguéal  se  présente 
sous  deux  formes  bien  distinctes  :  tantôt  l'ongle  se  racor- 
nit, se  décolle  et  tombe  en  laissant  à  nu  une  surface  épaissie, 
enflammée,  érodée  et  suintante  {forme  périonyxiqué)  ; 
tantôt  l'inflammation  matricielle  fait  totalement  défaut  et 
l'on  voit  simplement  l'ongle,  dégénéré,  athrepsié,  se  ternir, 
se  strier  et  se  déformer  peu  à  peu  jusqu'à  ce  qu'il  s'exfolie 
et  s'effrite. 

L'eczéma  des  muqueuses,  dont  l'existence  n'est  pas  dis- 
cutable aujourd'hui,  résulte  le  plus  souvent  de  la  propa- 
gation d'un  eczéma  cutané.  Il  peut  à  la  rigueur  se  produire 
spontanément,  mais  on  trouve  alors,  presque  toujours  sur 
la  peau  ou  le  cuir  chevelu,  la  coexistence  d'une  lésion  de 
même  nature.  Toutes  les  muqueuses  ne  sont  pas  aptes  à 
produire  l'eczéma  :  l'affection  ne  se  développe  jamais  que 
sur  celles  qui  ont  avec  la  peau  la  plus  grande  analogie  de 
structure  (conjonctives,  muqueuses  des  narines  et  des  fosses 
nasales,  des  lèvres,  de  la  bouche,  de  la  langue  ;  muqueuses 
giando-préputiale,  vulvaire,  vaginale,  anale  ;  muqueuse  du 
col  utérin.  Nous  avons  indiqué  plus  haut  le  rôle  considé- 
rable joué  par  la  constitution  du  malade  dans  l'apparition 
de  l'affection.  Ce  rôle  n'est  pas  moindre  dans  la  physionomie 
revêtue  par  les  poussées  eczémateuses.  Chez  les  sujets  lym- 
phatiques, la  réaction  inflamn/atoire  se  fait  vivement  sentir, 
les  ganglions  s'engorgent,  le  suintement  est  considérable 

35 


ECZÉMA  —  EDDA 


-  546  - 


et  produit  ces  croûtes  mellifornies  qui  constituent  la  variété 
dite  impétigineuse.  Chez  les  arthritiques,  les  poussées 
fluxionnaires  sont  souvent  rapides  et  intenses  et  récidivent 
très  facilement.  Dans  les  périodes  régressives,  il  est  assez 
commun  d'observer  chez  eux  les  variétés  cannelées  et  cra- 

^^Aucun  âge  n'est  à  l'abri  de  l'eczéma.  On  connaît  chez 
le  nouveau-né  trois  formes  de  l'affection  (croûtes  de  lait)  : 
l'eczéma  nerveux  de  dentition,  l'eczéma  strumeux  et  1  eczéma 
séborrhéique  de  Unna  (V.  Séborrhée).  Dans  la  seconde 
enfance,  la  forme  impétigineuse  prédomine.  L  adolescence 
et  la  jeunesse  semblent  plus  particulièrement  exposées  aux 
poussées  consestives,  rapides,  mais  récidivantes  :  1  eczéma 
svmptomatique  de  l'arthritisme  et  de  la  goutte  se  montre 
principalement  à  l'âge  mûr.  C'est  surtout  à  cette  époque  de 
la  vie  qu'il  est  possible  de  voir  des  alternances  curieuses 
se  produire  entre  la  manifestation  cutanée  et  certaines 
manifestations  viscérales  du  côté  des  poumons,  des  rems, 
du  cœur,  de  l'encéphale,  etc.  (Brocq,  Gaucher,  Thibierge) . 
Les  eczémas  répétés  peuvent  aboutir  chez  le  viei  lard  a 
l'état  décrit  par  Bazin  sous  le  nom  d'herpétide  exfoliatrice 
maligne  ;  mais  il  est  plus  commun  de  voir  les  progrès 
de  l'âge  amener  dans  l'affection  une  sorte  d  atténuation, 
d'affaissement  qui  n'est  pas  sans  rapport  avec  l'altération 
régressive  de  la  peau.  Chez  la  femme,  la  période  des  règles 
etla  ménopause  sont  assez  souvent  l'occasion  d'éruptions 
eczémateuses  plus  ou  moins  accentuées.  D'après  Brocq, 
certains  érysipèles  menstruels  ne  sont  que  des  eczémas. 

Unna  (de  Hambourg)  a  décrit  récemment  un  eczéma 
séborrhéique,  pour  l'histoire  duquel  nous  renvoyons  au 
mot  Séborrhée.  Veczéma  marginé  de  Hebra  est  carac- 
térisé par  des  cercles  ou  segments  de  cercle  de  dimensions 
très  variables,  circonscrits  à  leur  périphérie  par  une  rangée 
de  papules  rouges,  de  vésicules  et  de  croutelles,  présentant 
une  aire  foncée,  ordinairement  excoriée  et  se  développant 
excentriquement  autour  d'une  papule  centrale  (Kaposi). 
Cette  création  de  l'école  viennoise  ne  représente  pas  une 
affection  univoque  ;  pour  les  plus  autorisés  des  dermatolo- 
eistes  français,  elle  n'est  qu'un  mode  éruptif,  quune 
manière  d'être  possible  de  plusieurs  causes  très  distinctes: 
tricophytie,  pityriasis  versicolore,  erythrasma,  etc. 

Pronostic.  Sauf  aux  âges  extrêmes,  l'eczéma  est  toujours 
d'un  pronostic  favorable,  quant  à  la  vie  du  malade.  Mais 
même  dans  les  cas  les  plus  bénins  en  apparence,  le  médecin 
devra  garder  la  plus  grande  réserve  sur  les  questions  de 
durée,  d'extension  et  de  récidive.  C'est  que,  en  effet,  la 
marche  de  l'affection,  ainsi  que  nous  venons  de  le  voir,  est 
soumise  avant  tout  à  l'état  général  et  à  la  constitution  du 
sujet.  Vouloir  condenser  dans  une  formule  unique^ le  pro- 
nostic général  des  affections  eczémateuses  serait  s  exposer 
sans  excuse  à  de  fâcheux  mécomptes.  . 

Traitement.  Il  y  a  dans  l'eczéma  deux  éléments  a  soi- 
cner  :  la  lésion  et  la  maladie.  D'oii  la  nécessité  d'un  trai- 
tement à  la  fois  local  et  général.  Nous  ne  pouvons  entrer 
à  cette  place  dans  de  longs  développements  sur  les  innom- 
brables procédés  mis  en  œuvre  pour  guérir  l'eczéma.  Nous 
dirons  simplement  que,  dans  la  forme  aiguë,  le  médecin  doit 
se  garder  avant  tout  des  remèdes  trop  énergiques.  Une 
médication  violente  transforme  souvent  en  une  affection 
étendue  et  rebelle  ce  qui  n'était  au  début  qu'un  eczéma 
lé^er.  Les  applications  émollientes  et  adoucissantes  se- 
ront conseillées  de  préférence,  surtout  au  début  du  mal, 
lorsque  Tinflammation  est  vive  et  le  suintement  abondant. 
Plus  tard,  si  la  lésion  persiste,  on  arrivera  graduellement 
aux  préparations  plus  actives.  Quand  l'eczéma  est  nette- 
ment chronique,  les  topiques    résolutifs  ou   substitutifs 
peuvent  être  employés  de  préférence,  mais  non  sans  pru- 
dence et  sans  choix,  surtout  chez  les  vieux  arthritiques 
et  chez  les  sujets  atteints  de  troubles  viscéraux  graves. 
Quelque  important  que  soit  le  traitement  local,  il  ne  pourra 
le  plus  souvent  réussir  qu'avec  le  concours  de  l'hygiène  et 
d'une  médication  interne  s'adressant  à  la  maladie  générale, 
cause  première  de  l'éruption.  On  conçoit  d'ailleurs  qu'il 


n'existe  point,  à  proprement  parler,  de  remède  spécifique 
contre  l'eczéma.  Il  n'y  a  pas,  dit  M.  Besnier,  de  traitement 
général  de  l'eczéma  ;  il  n'y  a  que  des  eczémateux  qu'il  faut 
traiter  non  seulement  selon  l'espèce  particulière  d'eczéma 
dont  ils  souffrent,  mais  encore  selon  leur  état  diathésique, 
selon  les  conditions  d'organes  et  de  fondions  qu'ils  pré- 
sentent. D''  PiGNOT. 

EDA* (Ile).  L'une  des  îles  Orcades,  au  N.  de  l'Archipel, 
entre  Westra,  Rowsa  et  Strousa  ;  bon  mouillage  du  Calf 
Sound;  800  hab,  environ  (V.  Orcades). 

EDAM.  Ville  des  Pays-Bas,  prov.  de  Hollande  septen- 
trionale, arr.  de  Hoorn,  près  d'Amsterdam,  sur  le  Zuy- 
derzée;  dans  la  baie  de  l'Y,  par  52°  30' 46^''  de  lat.  N.et 
22»  42'  43''  de  long.  E;  4,000  hab.  Port  de  mer  (cons- 
tructions de  navire),  raffinerie  de  sel,  fonderie  d'huile  de 
baleine,  commerce  de  bois  et  de  fromage  ;  grandes  foires 
aux  fromages.  Cathédrale  avec  de  beaux  vitraux.  En  4825, 
les  digues  d'Edam  furent  rompues  par  la  mer,  ce  qui 
causa  de  grands  désastres.  M.  d'E. 

EDAM.  Ile  de  la  Malaisie  (archipel  de  la  Sonde),  près  de 
la  côte  N.  de  Java,  à  24  kd.  N.  de  Batavia  ;  circonfé- 
rence de  3  kil.  Elle  est  couverte  de  bois. 

ÉDAPHODON  (Paléont.).  Buckland  a  établi  ce  genre 
pour  des  Chimérides  des  terrains  tertiaires  inférieurs  d'An- 
gleterre caractérisés  par  les  maxillaires  supérieurs  munis 
de  trois  tubercules,  deux  situés  au  bord  interne  de  l'os, 
l'autre,  plus  long  et  étroit,  au  bord  externe  ;  au  maxil- 
laire inférieur  se  trouvent  un  large  tubercule  plat,  qui 
occupe  presque  toute  sa  surface  interne,  et  deux  petits 
tubercules,  placés  obliquement  sur  le  bord  dentaire  ;  l'in- 
termaxillaire  est  concave  en  dedans,  convexe  en  dehors. 
BiBL.  :  Agassiz,  Poissons  fossiles,  t.  III,  p.  351. 
ÉDAPHOSAURE  (Paléont.).  Cope  a  établi  ce  genre  pour 
un  Batracien  du  terrain  permien  du  Texas,  allié  aux  Pan- 
tylus.  Les  dents  de  la  mandibule  et  du  maxillaire  sont 
subconiques,  subégales  ;  la  partie  postérieure  du  mandibu- 
laire  est  étendue  et  porte  de  nombreuses  dents  serrées  ;^le 
ptérygoïde  et  probablement  l'expansion  interne  de  l'os 
malaire  sont  armés  de  dents  nombreuses  et  serrées  ;  le  con- 
dyle  occipital  n'est  pas  divisé.  Le  type  du  genre  est  E.  po- 
qonias,  E.  Sauvage. 

BiBL.  :  Cope,  Américain  Philosophical  Society,  1882. 
EDAR.  Ville  de  l'Inde,  dans  le  Goudjerat,  ch.-l.  d'une 
principauté  de  la  confédération  du  Mahikanta  (V.   ce 
nom),  au  S.  des  monts  Doungars;  la  ville  a  1,000  hab., 
la  principauté  220,000  environ. 

EDBAÏ,  ETBAH  ou  ETBAYE.  Massif  montagneux  delà 
Nubie  orientale  qui  s'étend  jusque  dans  la  mer  Rouge,  oii  il 
a  donné  son  nom  au  cap  dit  Elbea  (altération  de  Edbaï)  qui 
se  trouve  par  22»  2'  de  lat.  N.  Ce  massif  contenait  des 
mines  d'or  célèbres  que  les  pharaons  d'Egypte  avaient 
exploitées.  La  ville  maritime  d'Aïdab  paraît  également 
avoir  été  ainsi  dénommée  d'après  une  forme  altérée  du 
nom  de  ce  massif  montagneux. 

EDDA  (Aïeule).  Recueil  de  traités  en  prose  islandaise, 
composé  au  commencement  du  xiii^-  siècle  par  l'historien 
Snorré  Sturluson  (f  1241).  H  comprend:  l^  Gylfagin- 
ning  ou  fascination  de  Gylfé,  sorte  de  catéchisme  de  la 
mythologie  Scandinave,  avec  les  Récits  de  Bragé,  ainsi 
qu'un  Prologue  et  un  Epilogue  où  l'auteur  s'efforce  de 
concilier  les  traditions  sur  les  émigrés  troyens  avec  celles 
des  anciens  peuples  établis  en  Scandinavie  ;  2°  Skalds-- 
kaparmdl  ou  Skalda,  traité  de  la  diction  poétique  (péri- 
phrases, métaphores,  épithètes,  synonymes,  etc.),  avec  de 
nombreux  exemples  tirés  des  chants  des  Skalds  ;  3°  Hat- 
tataU  métrique  avec  des  exemples  des  diverses  espèces  de 
vers  et  de  strophes  composés  par  Snorré.  Ces  traités  sont 
accompagnés  de  pièces  généralement  bien  différentes,  dans 
les  plus  anciens  manuscrits  qui  les  contiennent,  mais  ce  sont 
les  seuls  auxquels  on  ait  donné  le  nom  d'Edda  au  moyen  âge. 
Comme  ce  recueil  renfermait  aussi  des  vers  et  même  des 
poèmes  entiers,  le  savant  évêque  Brynjulf  Sveinsson  appela 
de  même  un  autre  recueil  qu'il  attribuait  à  Ssemund  Sig- 


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EDDA  —  EDELINCK 


fùsson  (f  1133)  et  qui  se  compose  de  poèmes  mythiques, 
éthiques  et  héroïques,  accompagnés  de  courtes  explications 
en  prose.  Saemund  ayant  vécu  une  centaine  d'années 
avant  Snorré,  cette  Edda  fut  appelée  ancienne  ou  poé- 
tique par  opposition  à  la  nouvelle  ou  prosaïque.  Ces 
chants,  composés  dans  le  mètre  archaïque  {fornyrdalag) 
oii  ses  variétés  sont,  dans  leur  simplicité  grandiose,  du 
nombre  des  plus  beaux  de  la  vieille  littérature  norraine. 
Quoiqu'ils  aient  été  transcrits,  remaniés  ou  tout  au  moins 
rajeunis  par  des  chrétiens,  leur  caractère  est  essentielle- 
ment païen  et  les  sujets  historiques  remontent  jusqu'au 
m®  siècle  de  notre  ère.  Comme  la  plupart  des  poésies  po- 
pulaires, ils  sont  anonymes.  L'ensemble  n'est  conservé  que 
dans  un  seul  manuscrit  du  xiii®  siècle,  le  fameux  Codex 
regius  ou  de  la  bibliothèque  royale  de  Copenhague,  mais 
quelques  fragments  ou  des  morceaux  de  même  genre,  qui 
se  trouvent  dans  VEdda  de  Snorré  ou  ailleurs  leur  ont  été 
adjoints  dans  différentes  éditions.  Ils  peuvent  être  ainsi 
classés:  1°  chants  mythiques  :  Vœluspd,  Vegtamskvida 
ou  Rêves  de  Baldr,  Thrymskvida^  Eymiskvida^  Loka- 
senna  ou  OEgisdrekka ,  Hdrbardsljod,  Skirnisfœr , 
Vafthrudnismdl,  Grimnismdl,  Alvissmdl  ;  2^  poème 
éthique  :  Hdvamdl;  3°  poèmes  généalogiques  :  Rigsmdl, 
Hyndluljod  ;  ¥  chants  légendaires  :  Helgakvida  Hjœr- 
vardssonar,  Helgakvida  Hundingsbana  (I  et  II),  5m- 
fjœtlalok,  Sigurdarkvida  Fdfnisbana  (l,II,  III),  Fdfni- 
smdU  Sigrdrifumdl,  Gudrunarkvida  (I,  II,  III),  Helreid 
Brynhildar,  Drap  Niflunga,  Oddrunargrdt,  Atlakvida, 
AtlamdU  Gudrunarfiv it,  Ramdismdl.  Les  poèmes  my- 
thiques analogues  sont  :  Grottasœng^  Grogaldr^  Fjœls- 
vinnsmdl,  Hrafnagaldr  Odins,  Darradarljod  et  So- 
larljod.  Beauvois. 

BiBL.  :  Ancienne  Edda.  —  Codex  regius^  reproduction 
phototypique  ;  Copenhague,  1891.  ■—  Edda  Ssemundar  hins 
froda^  edit.  arnama,Q:néenne  avec  trad.  et  comment,  en 
latin;  Copenhague,  1787-1828,  3  vol.  in-4.  —  Texte  édité  par 
Rask  et  Afzelius  ;  Stockholm,  1818,  in-8  ;  —  par  P.-A. 
MuNCH  ;  Christiania,  1847,  in-8  ;  —  par  Th.  Mœbius  ; 
Leipzig,  1860,  in-12  ;  —  par  S.  Bugge  ;  Christiania,  1867, 
in-8  -,  —  par  Svend  Grundtvig  ;  Copenhague,  1868  ;  2«  édit., 
1874  ;  —  par  Gudbrand  Vigfusson  et  F.  y.  Powell, 
dans  le  t.  I  de  Corpus  poeticum  boréale,  avec  trad.  an- 
glaise :  Londres,  1883;  —par  B.  SiJMONS,av.trad.  allem,; 
Halle,  1888,    in-8;  —  par  Finn   Jonsson;  Halle,  1888-89, 

2  vol.  in-8.  —  Traduit  en  danois:  par  Finn  Magnusën; 
Copenhague,  1821-1823,  4  vol.  in-8  ;  —  par  V.-B.  Hjort, 
ibid.,  1865  ;  —  par  G.-H.  Mœller,  ihid.^  1871  ;  —  par 
A.  Gjessing  ;  (^hristianssand,  1862.  —  En  suédois ,  par 
Afzelius;  Stockholm,  1818;  —  par  P.-A.  GŒDEGKE,z6id., 
1877.  —  En  allemand,  par  K.  Simrock  ;  Stuttgart,  1861  ; 
8«  édit.,  1882;  —  par  W.  Jordan  ;  Francfort-sur-le-Main, 
1889.—  En  français,  par  Mii«  R.  du  Puget;  Paris,  1844; 
2o  édit.,  1865.  —  En  anglais,  par  B.  Thorpe  ;  Londres, 
1865,  in-12. 

Nouvelle  Edda. —Edda  Islandorum,  édit.  par  Resen, 
avec  trad.  lat.  de  M.  Olavii;  Copenhague,  1665,  in-4.  — 
Snori^a  Edda^  édit.  par  Rask  ;  Stockholm,  1818,  in-8.  — 
Edda  Snorra  Sturly,sonar,  éd.  par  Sveinbjœrn  Egilsson; 
Reykjavik,  1848,  in-8  ;  par  la  commission  arnama- 
gnéenne,  1848, 1. 1  ;  1852,  t.  II;  Copenhague,  1880-1887,  t.  III, 

3  vol.  in-8,  avec  trad.  latine  ;  —  par  Th.  Jonsson,  ibid.,  1875. 
Pour   les  éditions  et   traductions   partielles    des    deux 

Eddas,  les  vocabulaires  et  les  commentaires  dont  elles 
ont  été  l'objet,  V.  les  deux  catalogues  de  Mœbius  ;  Leip- 
zig, 1856  et  1880,  in-8,  et  les  bibliographies  périodiques  ou 
annuelles  publiées  dans  Germanïa,  dans  Skyrslur  de  la 
Société  de  littérature  islandaise  et  dans  Arfeiu  for  nordisk 
Filologi, 

EDDIS  (E.-U.),  peintre  anglais  du.  xix®  siècle.  Ses 
tableaux  se  distinguent  par  une  belle  ordonnance  et  un 
coloris  harmonieux.  On  cite  une  Ruth  et  Noémi  et  de 
beaux  portraits. 

EDDYSTONE.  Récif  de  la  côte  méridionale  d'Angleterre, 
dans  la  Manche,  au  large  du  comté  de  Cornouailles,  à 
22  kil.  S.-O.  de  Plymouth,  par  50M0'49''  lat.  N.  et 
6^36^3^^  long.  O.Le  rocher  à  fleur  d'eau  est  long  de  183  m.  ; 
il  se  prolonge  sous  la  mer  de  142  m.  vers  le  S.,  115  à  l'E. 
et  274  au  N.-E;  à  l'O.,  on  trouve  au  pied  même  20  m.  de 
fond.  A  marée  haute,  la  mer  recouvre  tout  le  rocher  ;  bien 
que  d'un  gneiss  très  dur,  il  est  rongé  par  les  vagues  qui  dé- 
ferlent à  60  m.  de  haut.  La  fréquence  des  naufrages  fit 
décider  en  1696  l'érection  d'un  phare  à  Eddystone  ;  achevé 


en  1700  par  Winstanley,  il  fut  emporté  par  les  flots,  dès 
1 703,  avec  l'architecte.  On  en  reconstruisit  un  autre  de  1706 
à  1709,  en  bois  comme  le  premier,  mais  avec  des  fonda- 
tions en  pierre;  il  avait  30  m.  de  haut;  il  brûla  en  1755. 
Dès  l'année  suivante,  Smeaton  le  rebâtit  (1756-1759)  dans 
des  conditions  de  solidité  très  admirées  des  ingénieurs,  sur 
le  modèle  d'un  tronc  de  chêne.  Il  était  bâti  en  blocs  d'oo- 
lithe  de  Portland  et  de  granit  du  poids  de  deux  tonnes, 
avait  85  pieds  de  haut,  263  de  diamètre  à  la  base  et  15  au 
haut  ;  le  feu  était  à  72  pieds  de  haut  et  visible  à  une  dis- 
tance de  21  kil.  Le  rocher  ayant  été  rongé  en  dessous  par 
la  mer,  on  rebâtit  à  37  m.  plus  loin  un  nouveau  phare 
(1879-1882)  qui  remplaça  celui  de  Smeaton  et  dont  le  feu 
a  une  portée  de  27  kil.  (V.  Phare). 

EDÉBALI,  savant  cheik,  célèbre  par  sa  sagesse  et  son 
érudition  et  particulièrement  par  le  rôle  qu'il  a  joué  dans 
la  vie  du  fondateur  de  l'empire  ottoman.  Il  était  natif 
d'Adana,  ville  de  laKarmanie,  et  après  avoir  fait  ses  études 
en  Syrie,  il  venait  s'établir  à  ïtbourouni,  village  voisin 
d'Eskichehr,  pour  enseigner  la  foi  et  les  lois  de  l'islamisme 
aux  Turcs.  Sa  réputation  d'un  sage  et  grand  savant  se  ré- 
pandait bientôt  et  même  le  prince  Othman,  fils  d'Ertog- 
lirul,  allait  souvent  le  visiter  et  le  consulter.  Mais  ce  n'était 
pas  seulement  la  sagesse  du  cheik  qui  attira  le  jeune  prince. 
Edébali  était  père  d'une  fille,  Malkhatoun  (femme-trésor), 
dont  la  beauté  enchanta  tellement  Othman,  qu'il  la  demanda 
pour  épouse  à  son  père.  Cependant  celui-ci,  vu  la  diffé- 
rence entre  la  condition  du  jeune  prince  et  celle  de  sa  fille, 
la  lui  refusa,  et  ce  ne  fut  que  grâce  à  un  hasard  heureux 
qu'Othman  atteignit  son  but.  Othman,  passant  une  fois  la 
nuit  chez  le  cheik,  eut  un  songe  étrange  qu'il  raconta,  à 
son  réveil,  au  cheik.  Celui-ci  croyant  reconnaître  dans  ce 
songe  une  prédiction  de  la  grandeur  future  d'Othman,  réuni 
avec  sa  fille,  céda  enfin  et  accorda  sa  fille  au  prince.  Elle 
fut  la  mère  d'Ourkhan,  second  sultan  ottoman.        J.  I. 

BiBL.  :  J.  DE  Hammer,  Histoire  de  l'Empire  ottoman^ 
trad.  par  J.-J.  Hellert,  1835,  t.  I.  —  A.  de  Lamartine,  HiS" 
toire  de  la  Turquie^  1854,  t.  I. 

E  D  E  L  (Terre  d') .  Ancien  nom  de  la  côte  occidentale  d'Aus- 
tralie, entre  26°  et  31°  lat.  N.  C'était  celui  du  navigateur 
hollandais  qui  en  prit  connaissance  le  premier  (1619). 

EDELCRANTZ  (Abraham-Niklas)  (V.  Clewberg). 

E  D  E  L  F  E  LT  (Albert-Gustaf-Aris  tides) ,  peintre  finlandais , 
né  à  Kiala,  près  de  Borgâ,  le  21  juil.  1854,  où  son  père 
était  directeur  en  chef  des  travaux  publics.  Il  hérita  des 
goûts  artistiques  de  ce  dernier,  et  il  était  encore  étudiant  à 
l'université  de  Helsingfors  (1871-72)  qu'il  commençait  déjà 
d'exposer  des  copies,  des  portraits  et  même  des  tableaux 
de  genre,  ce  qui  lui  valut  une  subvention  de  l'Etat  pour 
aller  étudier  à  Anvers  (1873).  De  là  il  vint  en  France 
(1874),  011  il  travailla  dans  l'atelier  de  Gérôme.  Il  retourne 
chaque  année  dans  sa  patrie,  et  il  a  voyagé  en  Italie  (1876 
et  1886),  en  Espagne  (1881),  en  Angleterre  (1884),  mais 
c'est  à  Paris  qu'il  réside  d'ordinaire.  Il  a  fourni  des  des- 
sins à  divers  journaux  illustrés  de  Paris,  de  New- York,  de 
Copenhague  ;  on  lui  doit  aussi  des  pastels  et  des  aquarelles, 
mais  ce  sont  ses  peintures  qui  ont  fondé  sa  réputation.  Le 
coloris  en  est  moelleux,  la  touche  vive  et  sûre,  le  dessin 
élégant.  Il  faut  se  borner  à  citer  parmi  ses  œuvres  mul- 
tiples quelques-uns  de  ses  tableaux  :  la  Reine  Blanche 
(1877)  ;  le  Duc  Charles  (IX)  devant  le  cadavre  de  Clas 
Fleming  (1878)  ;  le  Village  en  feu;  Convoi  d'enfant 
(1880)  ;  Deux  Amis;  Office  religieux  dans  les  récifs  du 
Nyland  (1882),  acheté  pour  le  musée  du  Luxembourg; 
la  Grand' Maman  de  dix  ans;  Sur  mer  (1884)  ;  Portrait 
de  Pasteur  (1886),  le  Samedi  soir;  Au  Jardin  du 
Luxembourg  ;  les  Lingères;  Horace  et  Lydie,     B-s. 

EDELFORSITE  (Miner.).  Syn.  OEdelforsite.  Silicate  de 
chaux  trouvé  à  OEdelforss  en  Smâland  (Suède).  Il  se  trouve 
en  masses  fibreuses  ou  compactes,  blanches  ou  grisâtres. 
Dureté,  5.5  ;  densité,  2,5.  Soluble  dans  les  acides  en 
faisant  gelée.  Fusible  au  chalumeau.  A.  Lacroix. 

EDELINCK  (Gérard),  célèbre  graveur  français,  d'origine 


EDELINCK  —  EDEN 


—  548  — 


flamande,  né  à  Anvers  vers  1640,  mort  à  Paris  le  2  avr. 
1707.  Fils  de  Bernard  Edelinck,  tailleur  d'habits,  il  eut 
pour  premier  maître  Corneille  Galle  le  Jeune,  le  moins  habile 
des  artistes  de  cette  famille.  A  cette  date,  la  haute  renommée 
de  la  gravure  flamande  était  déjà  presque  éteinte  et  celle 
de  l'école  française  venait  de  commencer  à  briller.  Edelinck 
vint  donc,  en  1666,  à  Paris,  où  son  frère  Jean  l'avait  déjà 
précédé.  Il  y  trouva  l'appui  et  l'amitié  de  son  ancien  con- 
disciple, Nicolas  Pitau,  graveur  d'un  grand  talent,  mort  pré- 
maturément. Celui-ci  refit  en  quelque  sorte  l'éducation  artis- 
tique de  son  compatriote,  et  l'on  constate,  en  effet,  de  sérieux 
progrès  dans  l'estampe  Jésus  et  la  Samaritaine  qu'Ede- 
linck  a  gravée  en  1670  d'après  Philippe  de  Champaigne.  Cet 
illustre  peintre  le  prit  à  son  tour  en  affection  et  lui  confia 
des  tableaux  à  graver  ;  au  surplus,  en  ardent  janséniste  qu'il 
était,  il  exerça  sur  lui  une  puissante  influence  morale  qui 
se  reflète  dans  la  vie  entière  d'Edelinck.  Notre  jeune  artiste 
fut  heureux  en  tout,  et  partout  il  trouva  des  sympathies. 
François  de  Poilly  le  fit  travailler  chez  lui,  Nanteuil  l'attira 
ensuite  dans  son  atelier  et  lui  fit  même  épouser  sa  nièce, 
Madeleine  Regnesson  (1^^  mai  1672).  Le  tout-puissant 
Le  Brun  le  recommanda  à  Colbert,  qui  lui  fit  graver,  pour 
la  thèse  de  son  fils,  le  futur  archevêque  de  Rouen,  la 
Sainte  Famille,  dite  de  François  P^  Ce  fut  la  première 
interprétation  d'un  tableau  de  Raphaël  digne  de  ce  peintre, 
et  cette  estampe  classa  Edelinck  parmi  les  maîtres  de  la 
gravure.  Dans  la  Tente  de  Darius,  d'après  Le  Brun,  il  sut 
faire  ressortir  toutes  les  qualités  du  modèle  et  en  atténuer 
les  défauts.  Dès  lors,  il  fut  chargé  de  graver  toute  une 
série  de  tableaux  de  ce  peintre,  entre  autres  la  Madeleine 
repentante  qui  passe  pour  être  le  portrait  de  W^^  de  la 
Yallière.  NaturaUsé  par  lettres  du  25  oct.  1675,  il  entra 
à  l'Académie  royale  de  peinture  le  6  mars  1677  et,  le  jour 
de  sa  réception,  il  reçut  le  titre  de  conseiller  de  l'Académie, 
faveur  sans  précédent.  Le  roi  le  nomma  son  premier  gra- 
veur et  lui  accorda  un  logement  aux  Gobelins,  où  il  dirigea 
jusqu'à  sa  mort  la  petite  «  académie  étabhe  pour  l'instruc- 
tion des  artistes-tapissiers  ».  Le  pape  le  fit  plus  tard 
chevalier  romain,  Edelinck  méritait  tous  ces  honneurs  par 
les  hautes  qualités  de  son  art  et  la  rare  souplesse  de  son 
talent.  Graveur  d'histoire  incomparable  (cette  partie  de 
son  œuvre  compte  environ  cent  quarante  pièces),  il  égala 
presque  Nanteuil  comme  portraitiste.  Le  plus  remarquable 
de  ses  portraits  est  celui  de  Philippe  de  Champaigne,  chef- 
d'œuvre  de  l'art  et  qui  rend  on  ne  peut  mieux  la  dignité  et 
le  calme  philosophique  de  ce  grand  artiste.  Parmi  les  deux 
cents  autres  effigies,  une  place  d'honneur  est  due  à  celles  de 
Ch.  Le  Brun,  d'après  Largillière  ;  du  sculpteur  Desjardins, 
d'après  Rigaud;  de  l'abbé  Claude  de  Sainte -Marthe, 
d'après  Jouvenet  ;  du  ministre  protestant  NathanaëlDilger, 
La  grande  suoériorité  d'Edelinck  comme  graveur  consiste 
en  ce  qu'il  n'eut  recours  qu'au  burin  seul,  mais  qu'il  mania 
avec  une  aisance  sans  égale,  sachant  en  varier  le  style  et 
le  procédé  seion  les  caractères  du  modèle.  Dessinateur 
accompli,  il  fut  le  premier  à  donner  de  la  couleur  à  ses 
estampes,  et  la  réunion  exceptionnelle  de  tant  de  qualités 
diverses  font  de  lui  le  plus  complet  des  graveurs,  comme 
M.  le  vicomte  Delaborde  l'a  démontré  dans  sa  brillante 
monographie.  S'il  n'a  formé  aucun  élève  direct  d'une  valeur 
réelle,  il  fut  l'instituteur  de  tous  les  maîtres  qui  vinrent 
après  lui.  G.  Pawlowski. 

BiBL.  :  Mémoires  sur  la  vie  et  les  ouvrages  des  membres 
de  l'Académie  royale  de  peinture  et  de  sculpture,  1854, 
t.  II.  — Mariette,  Abecedario,  t.  IL—  Robert-Dumesnil, 
le  Peintre-Graveur  français,  t.  VII  et  XI.  —  Jal,  Diction, 
critique  d'hist.  et  de  biogr.  —  A.  Firt.iin-Didot^  les  Gra- 
veurs de  portraits  en  France.  1. 1.  —  G.  Duplessis,  His- 
toire de  la  gravure.—  V*»  H.  Delaborde,  Gérard  Edelinck, 
1886,  in-4,  avec  34  grav. 

EDELINCK  (Jean),  graveur  français,  né  à  Anvers  vers 
1643,  mort  à  Paris  le  14  mai  1680.  Frère  du  précédent  et 
élève  comme  lui  de  Corneille  Galle,  il  vint  s'établir  à  Paris 
avant  1666.  Il  montra  du  talent  dans  quelques  vignettes 
de  son  invention  et  dans  des  frontispices  ingénieusement 
agencés.  Ses  estampes,  telles  que  :  la  Sainte  Vierge  mon- 


trant la  tunique  de  son  fils,  d'après  J.-B.  de  Champaigne  ; 
Apollon  servi  par  les  Nymphes,  d'après  le  groupe  de 
Girardon,  cinq  planches  faisant  partie  de  la  suite  intitulée 
la  Grotte  de  Versailles;  plusieurs  portraits,  entre  autres 
celui  de  Nicolas  Sanson,  géographe,  attestent  qu'il  eût 
conquis  une  place  distinguée  parmi  les  burimstes  de  l'époque 
sans  sa  mort  prématurée.  Il  eut  le  titre  de  graveur  du  roi. 

EDELINCK  (Gaspard-François),  graveur  au  burm,né  à 
Anvers  vers  1644,  mort  à  Paris  le  21  mai  1722.  Elève  de 
son  frère  Gérard,  il  fit  preuve  d'un  talent  réel,  au  point 
que  certaines  de  ses  planches  ont  été  attribuées  au  maître, 
telles  que  les  portraits  du  comédien  Poisson  et  du  chanoine 
Feuillet.  On  lui  doit  encore  ceux  de  Langer  on  de  Maule- 
vrier,  abbé  général  de  Saint -Antoine,  et  du  cardinal 
Ximenès.  Son  œuvre  n'est  pas  encore  reconstitué  et  les 
iconographes  le  passent  généralement  sous  silence. 

EDELINCK  (Nicolas -Etienne),  graveur,  né  à  Pans  le 
9  avr.  1681,  mort  à  Paris  le  11  mai  1767.  Fils  et  élève 
de  Gérard,  il  travailla  également  dans  l'atelier  d'Amling, 
à  Munich,  puis  séjourna  longtemps  à  Venise  et  à  Rome. 
Mariette  constate  qu'une  grande  indolence  Tempècha  d  exer- 
cer avec  succès  un  art  pour  lequel  il  avait  d'heureuses  dispo- 
sitions. Sa  meilleure  œuvre  est  une  Sainte  Vierge^  tenant 
r  Enfant  Jésus  endormi,  d'après  un  tableau  attribué  au  Cor- 
rège,  estampe  datée  1708.  On  lui  doit  un  certain  nombre 
de  portraits,  généralement  peu  connus,  entre  autres  ceux  de 
Raphaël,  de  Malebranche,  du  peintre  Poerson,  d'Houdart 
de  La  Motte,  de  Saint-Evremond,  de  M*^^  de  Sévigné, 
de  Philippe  d'Orléans,  régent,  et  celui  de  son  père, 
Gérard  Edelinck,  d'après  Tortebat.  G.  P-i.    ^ 

EDELMANN  (Jean-Frédéric),  compositeur  français,  ne 
à  Strasbourg  le  6  mai  1749,  mort  à  Paris,  sur  l'échafaud, 
le  17  juil.  1794.  Il  se  produisit  d'abord  comme  pianiste, 
publia  de  nombreuses  sonates  pour  son  instrument,  puis  fit 
exécuter  au  concert  spirituel  un  oratorio,  Esther ,  et  une 
cantate,  la  Bergère  lyrique.  En  1782,  il  donna  à  l'Opéra 
le  Feu,  un  acte,  et  Ariane  dans  Vile  de  Naxos,  un  acte, 
son  meilleur  ouvrage,  qui  obtint  un  grand  succès.  Pen- 
dant la  Révolution,  il  retourna  à  Strasbourg,  s'y  mêla  aux 
événements  politiques,  fut  amené  devant  le  tribunal  révo- 
lutionnaire à  Paris,  condamné  à  mort  et  exécuté  avec  son 
frère,  qui  était  facteur  d'instruments  à  Strasbourg.  Edel- 
mann  avait  été  le  maître  de  Méhul.  . 

EDELSHEIM  (Ludwig,  baron  von),  homme  politique 
allemand,  né  à  Karlsruhe  le  24  oct.  1823,  mort  le  23  fevr. 
1872.  Il  entra  au  service  de  la  Hesse-Darmstadt,  puis  du 
grand-duché  de  Bade  (1861)  qu'il  représenta  à  Vienne;  il 
fut  président  d'un  ministère  progressiste  (oct.  1865),  décida 
en  1866  le  grand-duc  à  faire  la  guerre  à  la  Prusse  et  dut 
se  retirer  le  23  juil.  1866.  Il  rentra  dans  la  vie  privée. 

EDELSHEIM-Gyulai  (Leopold-Wilhelm,  baron  d'),  gé- 
néral autrichien,  né  à  Carlsruhe  le  10  mai  1826,  frère  du 
précédent.  Adopté  en  1860  par  son  cousin  le  comte  Gyulai, 
il  en  ajouta  le  nom  au  sien.  Il  entra  au  service  de  1  Au- 
triche dans  la  cavalerie,  combattit  en  Italie  et  en  Hongrie 
(1848-49),  était  colonel  de  hussards  dans  la  campagne  de 
1859  ;  il  commandait  une  division  de  cavalerie  légère  dans 
la  campagne  de  Bohême  (1866).  Il  fut  chargé  de  reorga- 
niser la  cavalerie  avec  le  titre  d'inspecteur. 

EDELWEISS  (V.  Gnaphalium). 

EDEN  ou  jardin  d'Eden,  c.-à-d.  de  délices.  C  est  le  nom 
donné  au  jardin  ou  parc  où  la  Bible  place  le  premier  couple 
humain  (V. Chute  [Histoire  religieuse],  t.  XI,  p.  331). 

EDEN.  Fleuve  d'Angleterre,  comtés  de  Westmoreland 
et  Cumberland  (V.  ces  mots).  Il  coule  vers  le  N.-N.-O. 
entre  les  monts  Cumbriens  et  la  chaîne  Pennme,  arrose 
Appleby,  Kirkoswald,  Carlisle,  et  débouche  dans  le  golte 
de  Solway  après  un  cours  de  113  kil.  Sa  vallée  est  pitto- 
resque, n  reçoit  à  droite  le  Croglin  et  l'Irthmg,  à  gauche 
l'Eamont  et  le  Caldew.  C'est  le  principal  cours  d  eau  de 
cette  région.  Ses  pêcheries  de  saumon  sont  renommées. --- 
11  y  a  en  Ecosse  un  fleuve  côtier  du  même  nom,  long  de 
30  kil.  qui  traverse  le  comté  de  Fife,  de  l'O.  et  lE.,  et 


—  549  — 


EDEN 


arrose  Cupar.  En  outre,  un  affluent  de  gauche  de  la  Tweed 
porte  le  même  nom. 

ÉDEN-Théàtre.  C'est  à  l'imitation  d'un  théâtre  nouvel- 
lement construit  sous  ce  nom  à  Bruxelles  et  dont  les  pre- 
miers succès  avaient  été  brillants,  qu'on  eut  l'idée  d'élever 
à  Paris,  rue  Boudreau,  à  deux  pas  de  l'Opéra,  un  établis- 
sement luxueux  du  même  genre,  consacré  surtout  au  grand 
ballet    scénique.  Les  directeurs  de   l'entreprise   étaient 
MM.  Plunkett,  Cantin  et  Ernest  Bertrand,  qui  inaugurèrent 
le  nouveau  théâtre,  le  7  janv.  4883,  par  la  première 
représentation  d'un  grand  ballet  italien,  Excelsior,  de 
M.  Manzotti,  musique  de  M.  Marenco.  Le  genre  était  abso- 
lument neuf  pour  les  spectateurs  français  ;  l'ouvrage  était 
monté  avec  une  somptuosité  extraordinaire;  le  succès  fut 
énorme,  et  tout  Paris  voulut  voir  Excelsior,  Malheureu- 
sement, les  frais  étaient  tels  qu'ils  ne  pouvaient  même  être 
couverts  par  l'abondance  des  recettes.  A  Excelsior  suc- 
céda un  autre  ballet  du  même  genre,  Sieba,  mais  moins 
heureux.  Les  difficultés  commencèrent  ;  la  première  direc- 
tion passa  la  main  à  M.  Paul  Clèves,  qui  eut  bientôt  pour 
successeur  M.  Plunkett,  seul.  On  vit  tour  à  tour  plusieurs 
grands  ballets,  la  Cour  d'amour^  Messalina^  Speranza, 
Djemmah,  où  se  firent  remarquer  plusieurs  excellentes 
danseuses  :  M^^^^  Cornalba,  Zucchi,  Laus,  Saracco,  Carmen, 
Rivolta.  Un  autre  ballet  italien,  Brahma^  puis  Viviane^ 
entremêlés  ou  accompagnés  de  petites  pantomimes  moins 
importantes  :  Folie  parisienne,  un  Théâtre  au  Japon, 
la  Phalène,  la  Fille  mal  gardée,  le  Roman  comique, 
Pierrot  en  voyage,  etc.,  ne  purent  maintenir  la  première 
vogue  du  théâtre,  qui  dut  fermer  ses  portes.  C'est  alors 
que  M.  Lamoureux  loua  la  salle  pour  la  transformer  en 
un  théâtre  lyrique  consacré  surtout  à  Wagner,  et  qu'il  y 
donna,  le  3  mai  1887,  la  première  représentation  de 
Lohengrin,  Des  troubles  extérieurs  ayant  arrêté  net  cette 
nouvelle  exploitation,  le  théâtre  reprit  son  genre  primitif 
avec  un  nouveau  ballet  italien,  Rolla,  sous  la  direction  de 
M.  Comy.  M.  Bertrand,  ayant  succédé  à  ce  dernier,  eut 
l'idée  d'introduire  l'opérette  et  la  féerie  à  l'Eden,  et  y 
donna  des  reprises  de  la  Fille  de  Madame  Angot,  du 
Pied  de  mouton  et  du  Petit  Duc,  après  quoi  il  monta, 
sans  aucun  succès,  une  grande  opérette  de  M.  Ch.  Lecocq, 
Ali-Baba,  dont  la  fortune  avait  pourtant  été  grande  à 
Bruxelles.  On  vit  ensuite  encore  un  ballet  italien,  Armida, 
puis  une  revue  de  MM.  Blondeau  et  Monréal,  Paris  après 
l'Exposition;  mais  rien  de  tout  cela  n'était  heureux,  et 
le  théâtre  cessa  de  nouveau  ses  représentations.  C'est  à  ce 
moment  que  M.  Verdhurt,  ancien  directeur  du  théâtre  de 
Rouen,  voulut  à  son  tour  y  établir  un  théâtre  lyrique,  et 
offrit  au  pubhc  un  fort  bel  opéra  de  M.  Saint-Saëns, 
Samson  et  Dalila,  encore  inconnu  à  Paris  et  joué  par 
M^^^  Bloch,  MM.  Talazac  et  Bouhy,  et  la  reprise  de  la 
Jolie  Fille  de  Perth',  de  Bizet,  avec  M^^^  Caroline  Méze- 
ray,  MM.  Engel,  Boyer  et  Isnardon.  Mais  M.  Verdhurt 
était  sans  ressources  aucunes,  et,  malgré  la  faveur  avec 
laquelle  son  entreprise  fut  accueillie,  elle  ne  put  se  sou- 
tenir au  delà  de  quelques  représentations.  Depuis  lors, 
TEden-Théâtre  végète  misérablement,  et  c'est  à  peine  si  le 
public  connaît  encore  l'existence  de  cette  salle  superbe, 
assez  mal  aménagée,  mais  dont  on  pourrait  faire  un  ma- 
gnifique théâtre.  Arthur  Pougin. 

EDEN  (Richard),  écrivain  anglais,  né  dans  le  comté 
d'Hereford  vers  1521,  mort  en  1576.  Il  est  connu  par 
diverses  traductions,  entre  autres  :  la  Cosmographie  de 
Munster  (1553)  ;  le  de  Natura  magnetis  de  Taisner 
(1574)  ;  le  Voyage  de  Ludovico  Barthema  aux  Indes 
(1577)  et  surtout  par  un  recueil  de  relations  de  voyages 
fort  intéressantes,  publié  sous  le  titre  :  The  Décades  of 
the  newe  worlde  or  West  India  (1555).  Chassé  d'An- 
gleterre pour  hérésie,  il  était  entré,  en  1562,  au  service 
du  vidame  de  Chartres,  Jean  de  Ferrières.  En  1573,  il 
revint  à  Londres  après  avoir  échappé,  non  sans  peine,  aux 
massacres  de  la  Saint-Barthélémy. 

EDEN  (William),  premier  lord  Auckland  (V.  ce  nom). 


EDEN  (Morton),  premier  baron  Henley,  diplomate  an- 
glais, né  le  8  juil.  1752,  mort  le  6  déc.  1830.  Aussitôt 
après  avoir  terminé  ses  études  à  Oxford,  il  entra  dans  la 
diplomatie,  fut  ministre  plénipotentiaire  à  la  cour  de  Ba- 
vière, ministre  à  la  diète  de  Ratisbonne  (1776),  envoyé 
extraordinaire  à  Copenhague  (1779),  à  Dresde  (1782),  mi- 
nistre plénipotentiaire  à  la  cour  de  Saxe-Gotha  (1791), 
puis  à  la  cour  de  Berlin  la  même  année.  En  1793^  il  était 
nommé  ambassadeur  à  Vienne  et,  en  1794,  ambassadeur 
extraordinaire  à  Madrid.  Mais  il  fut  rappelé  presque  aus- 
sitôt à  Vienne,  où  il  demeura  jusqu'en  i  799.  En  nov.  1799, 
il  se  retira  de  la  carrière  et  reçu  le  titre  de  baron  Henley. 
C'était  un  savant,  et  il  fit  partie  de  la  Société  royale.  — 
Son  fils,  Robert  Eden,  second  baron  Henley,  né  en  1789, 
mort  à  Londres  le  1^^"  févr.  1841,  inscrit  au  barreau  de 
Londres  en  1814,  maître  à  la  chancellerie  (1826-1840), 
représenta  Fowey  à  la  Chambre  des  communes  de  1827  à 
1830  et  entra  à  la  Chambre  des  lords  à  la  mort  de  son  père. 
Il  a  publié  divers  ouvrages  :  Décisions  oflord  Northing- 
ton  in  the  court  of  chancery  (1823,  2  vol.);  Memoir 
ofthe  life  of  Robert  Henley,  earl  of  Northington  (1 831  )  ; 
A  Practical  Treatise  on  the  bankrupt  Law  (1825)  ;  A 
Digest  of  the  bankrupt  Law  (1832)  ;  A  Plan  for  a  new 
arrangement  and  increase  in  number  of  the  diocèses 
of  Englaîid  and  Wales  (1834).  R.  S. 

EDEN  (Sir  Frederick  Morton),  économiste  anglais,  né 
en  1766,  mort  à  Londres  le  14  nov.  1809.  Il  fit  ses  études 
et  prit  ses  grades  à  Oxford.  Il  consacra  sa  vie  entière  à 
des  travaux  économiques.  Il  fut  un  des  fondateurs  et  un 
des  présidents  de  la  Compagnie  d'assurances  le  Globe, 
Nous  citerons  de  lui  :  The  State  of  the  poor,  or  an  his- 
tory  of  the  labouriîig  classes  in  England  (Londres, 
3  vol.  in-4)  ;  Porto  Bello  or  a  plan  for  the  improve- 
ment  of  the  Port  and  city  of  London  (Londres,  1798)  ; 
An  Estimate  ofthe  number  of  the  inhabitants  in  Great 
Britain  and  Ireland  (Londres,  1800)  ;  Observations  on 
friendly  societies  for  the  maintenance  of  the  indus- 
trions  classes  during  sickness,  infirmity,  old  âge  and 
other  exigencies  {Lonàv^^,  1801)  ;  Eight  Letters  on  the 
peace  and  on  commerce  and  manufactures  of  Great 
Britain  (1802)  ;  Address  on  the  maritime  rights  of 
Great  Britain  (1807);  The  Vision  (1820). 

EDEN  (George),  homme  d'Etat  anglais,  né  à  Eden  Farm 
(comté  de  Kent)  le  25  août  1784,  mort  à  La  Grange 
(Hampshire)  le  \^^'  janv.  1849,  fils  de  lord  Auckland 
(V.  ce  nom).  Après  avoir  fait  ses  études  à  Oxford,  il  fut 
inscrit  au  barreau  de  Londres  en  1809,  et  le  dO  mars 
1810,  il  succédait  à  son  frère  comme  représentant  de  Wood- 
stock  à  la  Chambre  des  communes  où  il  siégea  jusqu'en 
1812.  Réélu  par  le  même  bourg  en  1813,  il  hérita  du  titre 
et  des  prérogatives  de  son  père  le  28  mai  1814  et  entra 
alors  à  la  Chambre  des  lords.  Membre  influent  du  parti 
whig,  il  reçut  dans  le  cabinet  Grey  (1830)  le  portefeuille 
du  commerce,  et  succéda  à  sir  James  Graham,  en  1834, 
comme  premier  lord  de  l'amirauté.  Tombé  avec  lord  Mel- 
bourne en  déc.  1834,  il  reprit  ces  fonctions  d'avril  à  sept. 
1835.  A  ce  moment,  il  fut  nommé  gouverneur  général  de 
l'Inde.  Ce  fut  sous  son  administration  et  grâce  à  ses  menées 
que  s'ouvrit  la  campagne  contre  les  Afghans,  qui  débuta 
par  son  manifeste  du  1®^  oct.  1838,  enlevant  le  trône  à 
Dost  Mohammed.  Les  premiers  succès  de  cette  campagne 
excitèrent  en  Angleterre  le  plus  vif  enthousiasme.  Auckland 
fut  créé,  le  21  déc.  1839,  lord  Eden  of  Norwood  et  comte 
d'Auckland.  Mais  survinrent  les  désastres  de  1841,  cau- 
sés en  grande  partie  par  son  imprévoyance.  Auckland  fut 
rappelé.  En  1846,  il  redevint  premier  lord  de  l'amirauté 
dans  le  cabinet  de  John  Russell.  —  Ses  titres  passèrent  à 
son  frère,  Robert-John  Eden,  né  le  10  juil.  1799,  mort 
le  25  avr.  1870,  chapelain  de  Guillaume  IV  (1831-4837), 
puis  de  la  reine  Victoria  (1837-1847),  évêque  de  Sodor 
etMan  (1847),  évêque  de  Bath  et  Wells  (1854).  Le  troi- 
sième baron  Auckland  a  écrit  Charges  of  the  Bishop  of 
Bath  and  Wells  (1855-1861,  2  vol.)   et  édité  le  Jour- 


EDEN  —  ÉDENTES 


—  550  — 


nal  et  la  Correspondance  de  William  lord  Auckland 
(1860).  R.  S. 

EDEN  (Emily),  femme  auteur  anglaise,  née  à  Westmins- 
ter le  3  mars  1797,  morte  près  de  Richmond  le  5  août 
4869.  Elle  accompagna  aux  Indes  son  frère  George,  deuxième 
baron  Auckland  (1835-1842)  et,  de  retour  en  Angleterre, 
écrivit  le  récit  de  son  séjour  :  Portraits  of  P copie  and 
Princes  of  India  (Londres,  1844)  et  Up  the  Coimtry 
(i  866) .  Citons  encore  d'elle  deux  romans  qui  obtinrent  un 
succès  énorme  :  The  Semi-detached  Bouse  (Londres, 
1859);  The  Semi-attached  Couple  (iMO),  et  une  traduc- 
tion de  Marion  Delorme  en  vers  blancs.  Son  salon,  à 
Londres,  était  fréquenté  par  les  personnalités  littéraires  et 
politiques  les  plus  considérables. 

EDEN  (Charles-Page),  écrivain  anglais,  né  à  Bristol  en 
1807,  mort  le  14  déc.  1885.  Il  entra  dans  les  ordres, 
devint  vicaire  d'Aberford  en  1850  et  fut  pourvu  du  cano- 
nicat  de  Riccall  en  1870.  Il  a  donné  un  certain  nombre 
d'éditions  d'ouvrages  de  théologie,  considérées  comme 
excellentes,  publié  les  OEuvres  de  Jeremy  Taylor  (10  vol. 
in-8)  et  imprimé  ses  Sermons  preached  at  St,  Mary's 
in  Oxford  (1855). 

EDEN  (Sir  Ashley),  troisième  lord  Auckland,  adminis- 
trateur anglais,  né  à  Hertingfordbury  le  13  nov.  1831, 
mort  le  9  juil.  1887.  Il  occupa,  à  partir  de  1852,  divers 
emplois  dans  l'administration  de  l'Inde,  devint,  en  1860, 
secrétaire  du  gouvernement  du  Bengale,  signa  en  1861  un 
heureux  traité  avec  le  rajah  de  Sikkim,  mais  échoua  dans 
une  mission  semblable  auprès  du  rajah  du  Bouthan,  échec 
qui  amena  la  guerre  entre  l'Angleterre  et  cet  Etat.  En  1871 , 
Eden  fut  nommé  gouverneur  de  la  Birmanie  anglaise,  où  il 
réalisa  d'habiles  réformes  administratives.  Il  succéda,  en 
1877,  à  sir  Richard  Temple  dans  le  gouvernement  du  Ben- 
gale où  il  se  signala.  En  1882,  il  fut  nommé  secrétaire  au 
conseil  d'Etat. 

ED  EN ATE S.  Peuple  celtique  des  Alpes,  qu'on  n'a  pas 
encore  pu  localiser  d'une  manière  certaine.  Il  n'est  connu 
que  par  l'inscription  du  Trophée  des  Alpes,  rapportée  par 
Pline  l'Ancien  (H.  nat.,  III,  xxiv,  4).  Certains  savants  le 
rapprochent  des  Adanates,  dont  le  nom  est  inscrit  sur  l'arc 
de  Suse,  tandis  que  d'autres,  comme  Honoré  Bouche, 
d'Anville  et  plus  tard  M.  Deloye,  cherchent  la  cité  des 
Edenates  à  Seyne,  ch.-l.  de  cant.  de  l'arr.  de  Digne 
(Basses-Alpes).  L.  W. 

BiBL.  :  Honoré  Bouche,  Histoire  de  Provence^  I,  104- 
105  ;  268.  —  D'Anville,  Notice  de  la  Gaule  ancienne^  pp. 
293-294.  —  Jacopo  Durandi,  Il  Piemonte  cispadano  an- 
tico;  Turin,  pp.  24-25.  —  Augustin  Deloye,  Des  Edenates 
et  des  monnaies  de  la  ville  de  Seyne  en  Provence^  dans 
Bibl.  de  l'Ecole  des  chartes,  V,  pp.  393-412,  2«  série. 

EDENDALE.  Village  du  Natal,  à  quelques  kil.  S.-O. 
de  Pieter-Maritzburg,  centre  principal  de  la  propagande 
d'éducation  dirigée  par  les  missionnaires  wesleyens. 

EDEN  KO  BEN.  Ville  d'Allemagne,  roy.  de  Bavière,  Pa- 
latinat  rhénan,  près  de  Landau  ;  4,900  hab.  Eaux  sulfu- 
reuses ;  vin  réputé.  Villa  de  Ludwigshœhe  et  ruines  de 
l'abbaye  d'Heilsbrûck, 

ÉDENTÉS.  I.  Zoologie.  —  On  désigne  sous  ce  nom,  et 
quelquefois  sous  le  nom  latin  de  Bruta,  un  ordre  ou  plutôt 
un  groupe  supérieur  (sous-classe)  des  Mammifères  placen- 
taires qui  comprend  des  animaux  de  formes  et  d'habitudes 
très  diverses,  mais  présentant  en  commun  les  caractères 
suivants  :  mammifères  terrestres  homodontes^  c.-à-d.  à 
dents  toutes  semblables,  sans  racine  et  sans  revêtement 
d'émail,  n'ayant  jamais  d'incisives  aussi  bien  en  haut  qu'en 
bas;  pattes  terminées  par  des  doigts  libres  dont  la  dernière 
phalange  -est  enveloppée  d'un  ongle  généralement  très  épais 
et  très'fort,  plus  semblable  à  un  sabot  qu'à  un  ongle  véri- 
table. Ce  dernier  caractère  place  les  Edentés  entre  les  On- 
guiculés et  les  Ongulés.  L'absence  des  incisives,  qui  leur 
a  valu  le  nom  à' Edentés,  est  constante,  bien  que  chez  cer- 
tains Tatous  (Dasypus  sexcinctus)  la  première  paire  de 
dents  de  la  mâchoire  supérieure,  d'ailleurs  semblable  aux 
autres,  soit  implantée  dans  l'os  intermaxillaire  qui  porte 


habituellement  les  incisives.  De  même,  il  n'y  a  pas  de 
canines,  bien  que  dans  le  genre  Cholœpus  (V.  Bradype) 
la  première  paire  de  dents  en  haut  et  en  bas  soit  forte  et 
pointue  comme  une  canine.  Toutes  les  dents,  considérées 
par  conséquent  comme  des  molaires,  ont  une  constitution 
uniforme  :  elles  sont  sans  racine,  ouvertes  par  leur  base 
et  à  pulpe  persistante  :  l'émail  manque  toujours  (saut 
dans  quelques  formes  fossiles),  mais  il  y  a  une  couche 
épaisse  de  cément  qui  recouvre  l'ivoire  ou  dentine  et 
pénètre  même  quelquefois  entre  les  prismes  dont  est  for- 
mée la  dent  (Oryctérope).  Les  Edentés  sont  pour  la  plupart 
Monophyodontes  (sauf  les  genres  Tatusia  et  Oryctero- 
pus),  c.-à-d.  qu'il  n'y  a  pas  de  dents  de  remplacement  et 
que  la  dentition  dite  de  lait  n'existe  pas.  Même  chez  ceux 
qui  présentent  deux  dentitions,  le  remplacement  se  fait  sui- 
vant un  mode  plus  semblable  à  celui  des  Beptiles  qu'à  celui 
des  Mammifères  supérieurs.  Dans  plusieurs  types  {MyrTne- 
cophaga,  Manis),  les  dents  font  complètement  défaut. 
Les  Edentés  se  distinguent  des  autres  Mammifères  pla- 
centaires par  diverses  particularités  anatomiques.  Leur 
cerveau  est  assez  variable,  mais  généralement  lisse  ou  cou- 
vert de  circonvolutions  peu  compliquées,  indiquant  une 
intelligence  très  faible.  Tous  ont  l'apophyse  coracoïde  de 
l'omoplate  très  développée  et  sont  pourvus  d'une  clavicule, 
bien  que  les  ongles  énormes  dont  la  dernière  phalange  est 
enveloppée  comme  d'un  dé  ne  leur  permettent  guère  de  se 
servir  du  membre  antérieur  en  guise  de  main.  Ce  ne  sont 
donc  pas  de  véritables  Onguiculés,  bien  qu'on  les  place 
généralement  dans  ce  groupe.  Le  bassin,  d'une  forme  par- 
ticulière, comprend  un  nombre  de  vertèbres  plus  considé- 
rable que  celui  des  autres  Mammifères.  Les  organes  de  la 
reproduction  sont  aussi  très  différents  :  chez  les  Pares- 


Type  d'Edentés  (Oryctérope  du  Cap). 

seux  {Cholœpus  [V.  Bradype]),  le  pénis  du  mâle,  peu 
visible  extérieurement  même  à  l'époque  du  rut,  est  très 
peu  développé,  en  forme  de  clitoris,  et  le  vagin  de  la 
femelle  est  divisé  en  deux  parties  latérales  par  une  cloison 
médiane.  Chez  les  Tatous  (Dasypus),  le  pénis  est  plus 
développé  bien  que  dépourvu  de  gland  et  de  bulbe,  et  les 
testicules  restent  en  tout  temps  renfermés  dans  l'abdomen 
comme  chez  les  précédents.  Le  vagin  est  simple.  Enfin 
chez  les  Pangolins  (Manis),  le  pénis  est  bien  développé  et 
les  testicules  descendent  dans  le  canal  inguinal.  Le  vagin 
est  simple  et  l'utérus  bicorne,  comme  chez  les  autres 
Mammifères  placentaires.  La  forme  des  membranes  foetales 
paraît  très  variable  suivant  les  genres  :  chez  les  Bradypes 
(Cholœpus)  le  placenta  est  décidu,  discoïde  ou  formant 
plusieurs  lobes  réunis  en  forme  de  cloche  ;  chez  les  Pan- 
golins (Manis),  cet  organe  est  diffus  comme  chez  la  plu- 
part des  Ongulés  ;  enfin,  chez  les  Oryctéropes,  le  placenta 
est  zonaire  comme  chez  les  Carnivores.  Les  téguments  ont 
une  organisation  très  variable  suivant  les  groupes  :  cou- 
verts de  poils  généralement  grossiers,  secs  et  durs  chez  les 
Paresseux  (Bradypidœ),  les  Fourmiliers  (Myrmecopha- 
gidœ)  et  les  Oryctéropes  (Orycteropidœ),  ils  sont  revêtus 
d'écaillés  imbriquées,  formées  par  la  soudure  des  poils, 
chez  les  Pangolins  (Manidœ),ei  de  plaques  ossifiées,  dispo- 


sées  par  bandes  articulées  et  en  forme  de  damier,  chez  les 
Tditous  (Dasypidœ), 

Les  mœurs  et  le  régime  ne  sont  pas  moins  variables  : 
les  Paresseux  et  les  petites  espèces  de  Fourmiliers  vivent 
sur  les  arbres  ;  tous  les  autres  ont  des  habitudes  presque  ex- 
clusivement terrestres.  Les  Paresseux  se  nourrissent  exclu- 
sivement de  matières  végétales  ;  les  Tatous  sont  omnivores, 
se  nourrissant  indifféremment  de  fruits,  de  racines  et  de 
matières  animales  en  décomposition,  notamment  de  ca- 
davres ;  enfin,  les  Fourmihers,  les  Pangolins  et  les  Oryc- 
téropes  sont  insectivores,  faisant  leur  nourriture  à  peu  près 
exclusive  des  fourmis,  qui  abondent  dans  leur  patrie 
d'origine. 

La  distribution  géographique  des  Edentés  est  fort  re- 
marquable. On  peut  dire,  d'une  façon  générale,  que  tous 
habitent,  à  l'époque  actuelle,  V hémisphère  austral.  Les 
Bradypidœ,  Myrmecophagidœ  et  Dasypidce,  c.-à-d.  le 


551  —  EDENTES 

plus  grand  nombre  d'entre  eux,  sont  propres  à  la  région 
néotropicale  (Amérique  centrale  et  méridionale)  ;  les  Ma- 
nidœ  et  les  Orycteropidœ  habitent,  sur  l'ancien  conti- 
nent, la  région  orientale  (Asie  méridionale,  Malaisie  et 
Afrique  au'S.  du  Sahara).  Les  Edentés  placentaires  font 
défaut  à  la  région  australienne,  mais  y  sont  représentés  par 
les  Monotrèmes  {y .  ce  mot),  qui  sont  de  véritables  Edentés 
aplacentaires.  Tout  ce  qui  est  relatif  à  la  classification  et  à 
la  phylogénie  des  Edentés  sera  exposé  ci-dessous,  §  Pa- 
léontologie (V.  aussi  Bradype,  Fourmilier,  Oryctérope, 
Pangolin,  Tatou). 

IL  Paléontologie.  —  Le  groupe  des  Edentés  est  un 
groupe  en  voie  d'extinction  et  qui  a  été  représenté,  à 
répoque  tertiaire,  par  des  formes  beaucoup  plus  nom- 
breuses et  variées  dont  plusieurs  étaient  de  tadle  colossale. 
Tels  sont  les  Megatheridœ  (Gravigrades),  qui,  par  leurs 
caractères,  se  rattachent  au  type  des  Bradypes,  et  les  Glyp- 


Bradypodidse. 


Tableau  phylogénétique  des  Edentés. 
Myrmecophagidse. 


Dasypodidse. 


Orycteropidse. 


Nomarthra  (primitifs) 


todontidœ  qui  appartiennent  à  celui  des  Tatous  (V.  Glyp- 
todon,  Megatherium).  Le  nombre  des  espèces  connues  à 
l'état  fossile  est  bien  supérieur  à  celui  des  espèces  encore 
vivantes.  Ainsi  qu'on  devait  s'y  attendre,  d'après  la  dis- 
tribution géographique  actuelle  de  cet  ordre,  c'est  dans 
l'Amérique  du  Sud  que  se  montrent  les  premiers  Edentés. 
Déjà  dans  l'éocène  le  plus  ancien  de  laPatagonie,  Ameghino 
signale  le  genre  Dasypus  ou  un  genre  voisin,  et  une  es- 
pèce indéterminée  du  groupe  des  Mégathères.  Bientôt 
après,  dans  le  santacruzien,  ou  éocène  inférieur,  les 
Edentés  sont  représentés  par  des  types  nombreux  apparte- 
nant aux  Megatheridœ,  aux  Glyptodontidœ,  aux  Dasy- 
podidœ  et,  ce  qui  est  plus  intéressant,  aux  Orycteropidœ 
(genre  Scotœops)  actuellement  confinés  sur  l'ancien  conti- 
nent. Des  groupes  désignés  par  Ameghino  sous  le  nom  de 
Pleiodonta  (Entelops)  et  de  Peltatoïdea  (Stegotherium) 
n'ont  déjà  plus  de  représentants  à  l'époque  suivante  (pata- 
gonien  ou  oligocène),  et  les  Orycteropidœ  ont  déjà  émi- 
gré vers  d'autres  contrées.  Mais  les  Mégathères  et  les 
Glypto doutes  n'atteignent  leur  entier  développement  qu'aux 
époques  miocène  et  phocène  dans  l'Amérique  du  Sud.  Plu- 
sieurs de  leurs  espèces  avaient  une  taille  comparable  à  celle 
des  Rhinocéros  et  des  Eléphants,  et  ces  Edentés  gigan- 
tesques ont  été  contemporains  de  l'homme  primitif  améri- 
cain et  ne  se  sont  éteintes  que  vers  le  milieu  de  la  période 
quaternaire.  Sur  l'ancien  continent,  les  Edentés  n'appa- 
raissent qu'assez  tard  dans  le  miocène.  En  Europe,  on  trouve 
des  Mammifères  fossiles  de  grande  taille  qui  se  rapprochent 
beaucoup,  notamment  par  la  forme  de  leurs  membres,  des 
Edentés;  mais  les  découvertes  récentes  semblent  prouver 
que  ces  Mammifères  éteints,  désignés  sous  les  noms  d'Ancy- 
lotheriîim^  Macrotherium,  etc.  (V.  ces  mots),  n'étaient 


EDENTATA' 

ou 

BRUTA 


pas  de  véritables  Edentés  par  leur  dentition  et  appartenaient 

en  réalité  à  un  type  d'Ongulés  très  modifiés  (V.  Chalico- 

therium),  intermédiaire  aux  Ongulés  et  aux  Edentés.  Ceci 

nous  met  sur  la  voie  de  l'origine  des  Edentés  que  l'on  doit 

considérer  comme  des  Ongulés  dégénérés,  ayant  perdu  leurs 

dents  par  défaut  d'usage,  cette  spécialisation  ayant  eu  Heu 

de  très  bonne  heure  (dès  l'époque  éocène). 

Flower  a  proposé  de  subdiviser  les  Edentés  en  quatre 

sous-ordres  comme  l'indique  le  tableau   suivant  qui  tient 

compte  à  la  fois  des  formes  fossiles  et  des  formes  actuelles  : 

'  (  Bradypodidse. 

1  S.-O.  i.  Pilosa <  Megatheridae. 

(  Myrmecophagidœ. 

{    -    9   ToRirATÀ  s  Dasypodidœ. 

i    -    I.  LoRicATA I  Glyptodontidse. 

f    —    3.  Squamata  ....     Manidœ. 
\    —    4.  Tubulidentata.     Orycteropidse. 
De  son  côté,  FI.  Ameghino,  après  avoir  étudié  les  formes 
fossiles  sud-américaines,  les  a  classées  de  la  manière  sui- 
vante : 

/l.  Pleiodonta.  —  Entelopsidœ, 
"^    Anicanodonta.  —  a.  Vermihnguia  :  Orycteropidœ, 
Phororhacosidœ,  —  b,  Gravigrada  :  Megatheridœ , 
Orthotheridœ ,    Megalonycidœ ,    Lestodontidœ  ^ 
Scelidotheridœ,  Mylodontidœ, 
HicANODONTA.  —  a,  Glyptodoutia  :  Glyptodontidœ, 
Hoplophoridœ,   Dxdicuridœ,  —  b.  Dasypoda  : 
Chlamydotheridœ  ^   Praopidœ,    Dasypidœ.    — 
c,  Peltatoïdea:  Stegotheridœ, 
Enfin  Cope,  dans  un  mémoire  sur  les  Edentés  nord-amé- 
ricains, qui  descendent  tous,  de  la  façon  la  plus  évidente, 


ÉDENTÉS  —  EDESSE 


-  552  — 


w  f 


des  Edentés  sud-américains  par  suite  d'une  migration  \ers 
le  Nord,  divise  les  Edentés  de  la  façon  suivante  : 

1.  NoMARTHRA.  —  Articulation  des  vertèbres  dor- 
sales avec  les  vertèbres  lombaires  normale  :  Oryc- 
teropidœ^  Manidœ, 

2.  Xenarthra.  —  Articulation  des  vertèbres  dor- 
sales avec  les  vertèbres  lombaires  se  faisant  par 
l'épisphène  et  les  zygantrapophyses  (Flower)  qui 
portent  des  surfaces  articulaires  :  Bradypodidœ, 
Megatheridœ,  Myrmecophagidœ,  Dasypodidce, 
Glyptodontidœ, 

Les  rapports  pbylogénétiques  de  ces  différents  groupes 
sont  indiqués  dans  le  tableau  de  la  page  précédente. 

E.  Trouessart. 
BiBL.  :  Flower,  On  the  Mutual  Affinities  of  ihe  Eden- 
tata,  dans  Proc.  Zool.  Soc.  Lond.,  1882,  p.  358.  —  Ameghino, 
Los  Mamiferos  fosiles  de  la  Republ.  Argentina.,  1889.  — 
CoPE,  The  Edentata  of  North-America,  dans  The  Ame- 
rican Naturalist,  1889,  p.  657. 

EDER.  Rivière  d'Allemagne,  affluent  de  la  Fulda,  qui 
descend  du  Westerwald,  arrose  la  Westphalie,  la  Hesse- 
Nassau,  la  principauté  de  Waldeck.  Elle  a  d35  kil.  de 
long.  Aux  xv^  et  xvi®  siècles,  on  exploita  ses  sables  auri- 
fères, et  le  comte  Philippe  II,  les  landgraves  de  Hesse, 
Charles  et  Frédéric  II  frappèrent  en  1480,  1677  et  1777 
des  ducats  de  VEder, 

EDER  (Joseph-Karl),  historien  hongrois,  né  à  Kronstadt 
le  21  janv.  1760,  mort  à  Hermannstadt  le  11  janv.  1810. 
Il  a  réuni  beaucoup  de  manuscrits  (conservés  au  musée 
de  Budapest)  et  publié  trois  ouvrages  principaux  en  latin  : 
Supplex  libellus  Valachorum  Transilvaniœ  (Klausen- 
bourg,  1791);  De  Initiis  juribusque  primœvis  Saxo- 
niim  Transilvaniœ  (Yienne,  1792),  et  Scrivtores  rerum 
transilvanarum  (Hermannstadt,  1797-1800,  4  vol.). 

EDER  (Joseph-Maria),  chimiste  autrichien,  néàKrems 
le  6  mars  1855,  professeur  à  l'Ecole  d'arts  et  métiers  de 
Vienne  ;  il  a  publié  des  travaux  estimés  sur  la  photographie 
au  moyen  des  sels  de  chrome,  du  bromure  et  du  chlorure 
d'argent,  et  un  manuel  Ausfuhrliches  Handbuch  der 
Photographie  (Halle,  1882-1885,  2  livr.). 

E  D  E  R I .  Oasis  de  Tripolitaine  (Fezzan) ,  à  environ  250  kil . 
N.-O.  de  Mourzouk,  dans  la  vallée  desséchée  appelée  Ech- 
Chiati,  sur  une  haute  butte,  avec  une  muraille  assez  forte 
pour  enceinte;  800  hab.  environ.  Elle  a  été  visitée,  en 
1850,  par  Richardson,  Barth  et  Overweg,  et  en  1876  par 
E.  von  Bary.  E.  Cat. 

ÉDERN.  Com.  dudép.  du  Finistère,  arr.  de  Châteaulin, 
cant.  de  Pleyben;  2,293  hab.  Eglise  de  la  Renaissance, 
du  XVI®  siècle,  avec  beaux  vitraux  et  statue  du  saint  repré- 
senté sur  un  cerf;  menhirs  et  tombelles. 

ÉDESSE.  Capitale  de  la  Macédoine.  Son  ancien  nom 
était  Mgdd.  Située  à  l'O.  de  Thessalonique,  JEgse-Edesse 
était  la  résidence  des  rois  de  Macédoine,  puis,  quand  la  ca- 
pitale fut  transférée  à  Pella,  elle  resta  nécropole  royale. 
Pyrrhus  pilla  la  ville  en  287  av.  J.-C.  Après  la  conquête 
romaine,  elle  devint  nobilis  urbs.  Il  existe  des  monnaies 
impériales  frappées  depuis  Auguste  jusqu'à  Gallien  avec  la 
légende  EAESHAIQN.  A  l'époque  byzantine,  elle  avait 
pris  le  nom  slave  {voda^  eau,  à  cause  de  ses  sources)  de 
Bodena,  qui  est  resté  dans  le  nom  moderne  Vodena,  C'était 
une  place  importante.  E.  Drouin. 

ÉDESSE  (mod.  Or  fa).  I.  Histoire  et  Géographie.  — 
Ancienne  ville  du  N.  de  la  Mésopotamie,  sise  sur  le  Scir- 
tos  ou  Dâïçan,  petite  rivière  tributaire  du  Balikh,  lequel  se 
jette  dans  l'Euphrate,  et  au  pied  d'une  colline  (le  Torâ-d- 
Ourhoï  des  écrivains  syriaques),  sur  laquelle  se  sont 
élevés,  à  l'époque  chrétienne,  de  nombreux  monastères.  La 
ville  existait  probablement  au  temps  des  campagnes  des  rois 
d'Assyrie,  mais  on  n'a  pu  encore  l'identifier  avec  une  des 
nombreuses  villes  dont  Assurbanipal  nous  a  laissé  la  liste. 
Le  nom  asiatique  d'Edesse  est  Osroé^  tiré  sans  doute  du 
nom  du  satrape  Osroès  (forme  arménienne  de  Khosroès), 
qui  avait  gouverné  la  contrée  de  VOsroène,  C'est  cette 
dernière  forme,  en  grec  'Oaporjvri,  devenue  'Op^orjvTi,  quia 


donné  naissance  au  syriaque  Ourhoï,  arménien  Ourhâï, 
arabe  Er-Roha  (d'où,  par  changement  de  h  en  /",  le  nom 
moderne  Or  fa).  Dans  la  ville  même  étaient  des  sources 
auxquelles  les  Grecs  donnèrent  le  nom  de  xaXXippoT[  (d'où 
on  a  voulu  faire  venir  à  tort  le  mot  d'Orrhoène)  et  qui  sont 
restées  célèbres  jusqu'à  nos  jours.  Quant  au  nom  d'Edesse, 
nous  savons  par  Appien  et  Etienne  de  Byzance  qu'il  fut 
donné  par  Séleucus  Nicator  lorsqu'il  reconstruisit  la  ville, 
en  303  av.  J.-C,  en  souvenir  de  la  capitale  de  la  Macé- 
doine (V.  l'art,  précédent),  et  la  peupla,  ainsi  que  Nisibe  et 
plusieurs  autres  villes,  de  vétérans  de  son  armée  (d'où  le 
nom  de  Mygdonie,  prononciation  macédonienne  du  mot 
Macedonia  donné  à  la  contrée).  Un  peu  plus  tard,  sous 
Antiochus  IV,  cette  même  ville  fut  appelée  Antiochia  près 
Kallirrhoëj  ainsi  que  l'attestent  des  monnaies  portant 
cette  légende. 

En  dehors  de  quelques  rares  renseignements  que  l'on 
trouve  dans  les  auteurs  classiques,  on  ne  connaît  l'histoire 
d'Edesse  que  par  les  chroniques  syriaques,  telles  que  la 
Chronique  anonyme  d'Edesse,  rédigée  vers  540  de  notre 
ère,  et  la  Chronique  de  Denis  de  Tell-Mahrê,  composée 
vers  776  sur  des  documents  anciens,  et,  pour  la  période 
chrétienne,  par  les  auteurs  arméniens,  qu'il  ne  faut  toute- 
fois consulter  qu'avec  réserve.  C'est  par  ces  documents 
que  nous  savons  que,  vers  l'an  136  av.  J.-C,  Edesse  se- 
coua le  joug  arménien.  Son  premier  roi  fut  Ariou  (défiguré 
par  Denis  en  Orhaï  pour  en  faire  un  éponyme)  ;  on  trou- 
vera, à  la  fin  de  l'article,  la  liste  des  souverains,  qui 
ont  gouverné  le  petit  royaume  d'Osroène  pendant  près  de 
quatre  siècles.  Sauf  quelques-uns  d'origine  iranienne  (Par- 
thes  ou  Arméniens),  la  plupart  de  ces  souverains  étaient 
d'origine  nabatéenne  ou  arabe.  Pline  appelle  du  reste  ce 
royaume    celui    des   Arabes   Aroei,  Arabiam  Arœon 
dictam  regionem.  Il  s'étendait  à  l'O.  et  au  N.  juscju'à 
l'Euphrate,  qui  le  séparait  de  la  Comagène,  et  à  l'E.  jus- 
qu'au Tigre,  qui  le  séparait  de  l'Adiabène  ;  il  comprenait 
des  villes  importantes  et  connues,  comme  Carrhes,  Nisibe 
(pendant  quelque  temps),  Saroug,  Zeugma  sur  l'Euphrate 
(où  était  le  passage  des  caravanes,  mod.  Biredjek),  Rhe- 
saena,  Singara  et  même  Tigranocerte,  Samosate  et  Mé- 
litène.  A  l'époque  des  conquêtes  de  Lucullus,  de  Pompée 
et  de  Crassus  en  Arménie,  les  rois  d'Edesse  eurent  la  pru- 
dence de  se  faire  les  alliés  des  Romains.  Plutarque  et  Dion 
Cassius  sont  pleins  de  détails  intéressants  sur  quelques- 
uns  de  ces  rois  de  l'Osroène,  notamment  sur  Abgar  II 
Ariamnès  qui,  tout  en  trahissant  Crassus  pour  le  livrer 
aux  Parthes,  parvint  à  sauvegarder  son  indépendance. 
D'après  une  légende  syriaque,  ce  fut  sous  Abgar  V  Ou- 
kâma  (13-50  de  J.-C),  que  le  christianisme  aurait  été 
prêché  à  Edesse  par  Thaddée  ou  Addaï,  disciple  du  Christ  ; 
on  croyait  même  que  Jésus  avait  écrit  une  lettre  au  roi 
d'Edesse.  Il  a  été  expliqué  au  mot  Abgar  que  cette  légende 
avait  pris  naissance  au  m®  ou  iv^  siècle  et  que  le  christia- 
nisme n'avait  été  introduit  dans  l'Osroène  que  sous  Ab- 
gar VIII,  vers  l'an  200.  Tous  les  récits  de  persécution  qui 
se  trouvent  dans  la  Doctrine  d' Addaï,  les  Actes  de 
Char  bit,  deBarsamia,  et  de  Habib,  et  qui  placent  différents 
martyrs  sous  Trajan  en  104,  se  réfèrent  en  réalité  à  des 
événements  du  iv®  siècle,  ainsi  que  l'a  montré  M.  R.  Duval. 
Vers  Pan  50,  un  roi  d'Adiabène,  Sanatrouk,  s'empara 
de  Nisibe,  dont  il  fit  sa  résidence,  et  d'Edesse,  mais  en  109 
la  dynastie  indigène  reprend  le  pouvoir  en  la  personne 
d' Abgar  VII  qui  fut,  il  est  vrai,  dépossédé  par  Trajan  en  116. 
Après  une  occupation  de  quelques  années  par  les  armées 
romaines  et  deux  princes  étrangers,  la  royauté  légitime 
fut  rétablie  en  123,  avec  Manu  VII,  frère  d'Abgar.  A  partir 
de  cette  époque,  nous  possédons  des  monnaies  frappées 
par  les  rois  d'Edesse  avec  l'effigie  de  l'empereur  au  revers, 
ce  qui  permet  de  faire  une  classification  (V.  ci-dessous, 
§  Numismatique).  On  sait  qu'Adrien  abandonna  toutes  les 
conquêtes  de  Trajan  au  delà  de  l'Euphrate,  mais  ses  succes- 
seurs continuèrent  à  exercer  les  droits  de  haute  suzeraineté 
sur  tous  les  petits  Etats  du  N.  et  du  S.  de  la  Mésopotamie 


—  553  — 


EDESSE 


En  216,  Caracalla  s'empara  définitivement  d'Edesse,  et  le 
royaume  d'Osroène  fut  réduit  en  province  romaine.  Il 
existe  cependant  des  monnaies  au  nom  d'un  Abgar  avec  la 
tête  et  la  légende  de  Gordien  III  qui  laisseraient  supposer 
que  ce  royaume  fut  rétabli  un  moment  vers  242.  A  cette 
époque,  c.-à-d.  vers  le  milieu  du  ni^  siècle,  le  christia- 
nisme avait  fait  de  rapides  progrès  à  Edesse,  qui  devint 
peu  à  peu  le  centre  d'une  culture  intellectuelle  rayonnant 
dans  tout  l'Orient.  Les  Chaldéo-Persans  chrétiens,  chassés 
de  la  Perse  par  les  Sassanides,  se  réfugièrent  à  Edesse  et 
contribuèrent  ainsi  à  donner  de  l'éclat  à  son  académie.  On 
y  fit  sans  doute  à  ce  moment  la  version  syriaque  de  l'Ecri- 
ture dite  pechito.  Mais  les  querelles  religieuses,  la  lutte 
des  orthodoxes  et  des  nestoriens  divisèrent  la  ville  au 
v^  siècle  et  amenèrent  la  rupture  entre  les  deux  sectes.  Il 
se  forma  alors  deux  écoles  :  à  Edesse  restèrent  les  ortho- 
doxes (plus  tard  jacobites  et  monophysites),et  les  nestoriens 
se  retirèrent  à  Nisibe,  qui  devint  à  son  tour  le  centre  lit- 
téraire de  toute  la  société  chaldéo-persane.  On  a  conservé 
la  liste  de  la  plupart  des  évêques,  docteurs  et  grammairiens 
qui  ont  illustré  les  deux  académies,  jacobite  et  nestorienne. 
C'est  à  la  suite  de  cette  séparation  que  le  syriaque  se  divisa 
en  deux  langues  littéraires  :  celle  d'Edesse  ou  jacobite, 
usitée  dans  le  N.  de  la  Mésopotamie,  en  Syrie  et  en  Pales- 
tine, et  le  dialecte  de  Nisibe  ou  nestorien,  employé  en  Adia- 
bène,  dans  le  Khorassan,  l'Asie  centrale  et  tous  les  pays  où 


Inscription  collective  en  mémoire  des  diacres  Elias,  Abra- 
ham et  Jean,  de  Tan  494  de  J.-C,  trouvée  dans  la  grotte 
de  Nimroud  Dagh,  près  du  château  d'Edesse,  par  Sachau 
en  1879,  en  caractères  estranghelo-édesséniens. 

pénétrèrent  les  missionnaires  nestoriens.  Mais  le  syriaque 
édessénien  resta  partout  la  langue  ecclésiastique  et  litté- 
raire ;  c'est  celle  des  grands  écrivains  de  la  littérature 
syriaque  comme  Jacques  de  Nisibe,  saint  Ephrem  (f  380)  ; 
Jacques  d'Edesse  (f  709)  ;  Théophile  d'Edesse  (f  791)  ; 
et  le  grammairien-historien  Bar-Hebraeus  (f  1282). 

Pendant  le  moyen  âge,  Edesse  fut  très  éprouvée  par  les 
guerres  entre  les  empereurs  byzantins  et  les  Sassanides. 


Prise  une  première  fois  par  les  Arabes  en  640,  elle  retomba 
au  pouvoir  des  Grecs.  Sous  la  première  croisade,  elle  de- 
vint le  siège  d'une  principauté  franque,  érigée  en  faveur 
de  Baudoin,  frère  de  Godefroy  de  Bouillon  ;  lorsque  celui-ci 
devint  roi  de  Jérusalejn,  il  laissa  la  principauté  d'Edesse  à 
son  cousin  Baudoin  II  (1100).  Celui-ci  devint  roi  à  son 
tour  (1118),  fut  remplacé  par  son  cousin  Joscelin  de  Cour- 
tenay  (mort  en  1131).  Sous  son  successeur  Joscelin  II,  les 
Turcs  assiégèrent  Edesse,  en  1144,  la  prirent  d'assaut  et 
la  livrèrent  au  pillage.  Ce  fut  la  fin  de  la  principauté 
franque.  La  prise  d'Edesse  par  les  Turcs  causa  en  Europe 
une  profonde  émotion  et  détermina  la  seconde  croisade. 
Edesse  fut  ensuite  successivement  incendiée  et  ravagée  en 
1148,  en  1234  et  en  1400  par  les  différents  souverains 
atabeks,  mongols  et  turcs  qui  se  sont  succédé  en  Mésopo- 
tamie. Elle  fait  partie  aujourd'hui  de  l'empire  turc  sous 
le  nom  d'Orfa  et  dépend  du  vilayet  d'Haleb;  la  ville 
a  environ  56,000  hab.,  dont  un  tiers  de  chrétiens  et 
de  juifs  ;  le  reste  est  musulman.  En  dehors  des  mosquées, 
il  existe  quelques  monuments,  anciens  couvents,  églises, 
et  les  établissements  modernes  où  sont  logées  les  mis- 
sions catholiques  et  protestantes  (américaines).  Edesse  a 
été  visitée  à  plusieurs  reprises  par  de  savants  voyageurs 
et,  en  dernier  lieu,  en  1879,  par  le  professeur  Sachau, 
de  Berlin,  qui  y  a  trouvé  des  inscriptions  en  grec  et  en 
syriaque  des  ii®,  iii^  et  v®  siècles,  notamment  l'inscription 
d'Amathchemech,  princesse  de  la  famille  de  Manu,  datée 
de  163,  une  de  la  reine  Chalmath,  fille  de  Manu  IX,  de 
l'an  206,  et  une  inscription  funéraire  de  l'an  494. 

Voici  la  liste  des  souverains  d'Edesse,  d'après  le  dernier 
travail  de  von  Gutschmid  :  Ariou,  136  av.  J.-C.  —  Abdu 
barMazûr,127.— PhradastbarGebarù,  120.—  BakrùP% 
115.  —  BakrùII,  112.  — Manu  P',  94.—  Abgar  P^  92. 

—  Abgar  II  Ariamnès,  68.  —  Domination  parthe,  53-52. 

—  Manu  II  Alaha,  52.  —  Pacore,  34.  —  Abgar  III,  29. 

—  Abgar  IV,  26.  —  Manu  III,  23.  —  Abgar  V  Oukâma, 
4  av.  J.-C.  à  7  après.  —  Manu  IV,  7  à  13.  —  Abgar  V 
(restauré),  13  à  50.  —  Manu  V,  50,  —  Manu  VI,  57.  — 
Abgar  VI,  71.  —  Sanatrouk,  91-109.  —  Abgar  VII,  109. 

—  Domination  romaine,  116.  —  Djalûd  et  Phratamâspat, 
118-123.  —  Manu  VII,  123.  —  Manu  VIII,  139.  — 
Vâïl,  163.  —  Abgar  VIII,  165.  —  Manu  VIII  (restauré), 
167.  —  Abgar  IX,  le  Grand,  179.  —  Abgar  X,  214- 
216.-2^  royaume  d'Edesse  :  Manu  IX,  216  (de  nom). 

—  Abgar  XI,  242-244.  E.  Drouin. 
II.  Numismatique.  —  Sous  Antiochus  IV,  roi  de  Syrie 

(175-164  av.  J.-C),  la  ville  d'Edesse,  à  cause  de  la  colonie 
d'Antiochéens  qui  vinrent  s'y  établir,  prit  le  nom  d'Antioche 
près  Kallirrhoé  :  c'est  ainsi  que  l'appellent  quelques  rares 
monnaies  de  bronze  qu'elle  frappa  à  l'efligie  d' Antiochus  IV. 
Après  la  mort  de  ce  prince,  Edesse  reprit  son  ancien  nom 
qu'elle  ne  quitta  plus  :  elle  cessa  d'ailleurs  aussi  de  frapper 
monnaie  à  l'effigie  des  princes  syriens.  Plus  tard,  les 
rois  d'Edesse  eux-mêmes  ne  frappèrent  pas  monnaie  tout 
d'abord  :  les  Parthes,  leurs  suzerains,  ne  leur  octroyèrent 
ce  droit  que  tardivement.  Les  premières  pièces  jusqu'ici 
connues  des  rois  d'Edesse  sont  de  petits  bronzes  qui  ont 
des  légendes  araméennes  en  écriture  estranghelo.  Ces 
légendes  nous  fournissent  les  noms  d'un  Manu ,  qui  doit 
être  le  contemporain  de  Trajan  et  d'Adrien,  et  de  Vâïl 
qui,  vers  163-164,  fut  soutenu  parles  Parthes  contre  les 
Romains.  Après  le  rétablissement  de  l'influence  romaine 
en  Osroène,  les  rois  de  ce  petit  pays  bénéficièrent  du 
privilège  de  frapper  des  deniers  d'argent  et  des  monnaies 
de  bronze.  Ces  pièces,  à  légendes  grecques,  portent  sur  une 
face  le  nom  et  l'effigie  de  l'empereur  romain  régnant  et  de 
l'autre  le  nom  du  dynaste  osroénien,  Manu  ou  Abgar, 
autour  de  son  effigie  caractérisée  par  une  haute  tiare  arrondie 
en  son  sommet.  Dans  la  légende  monétaire,  le  roi  d'Edesse 
s'intitule  souvent  (ï)IAOPQMAIOS,  ami  des  Romains, 
Le  dernier  prince  qui  frappa  monnaie  est  Abgar,  contem- 
porain de  Gordien  III  le  Pieux.  A  l'époque  de  Domitien  et 
de  Marc-Aurèle,  l'atelier  d'Edesse  émit,  en  même  temps 


ÈDESSE  —  EDGAR 


—  S54  - 


que  les  monnaies  royales,  des  deniers  romains  à  l'effigie 
de  l'empereur,  mais  sans  nom  d'atelier  et  sans  le  nom  ou 
l'effigie  du  roi  d'Edesse  :  les  légendes  grecques  de  ces 
espèces  commémorent  les  victoires  des  Romains  sur  les 
Parthes.  Enfin,  depuis  Caracalla  jusqu'à  Trajan  Dèce, 
Edesse  fit  frapper  en  abondance,  à  l'effigie  des  empereurs 
romains,  des  monnaies  de  bronze  municipales,  c.-à-d. 
indépendantes  du  monnayage  royal,  sur  lesquelles  on  lit 
simplement  l'ethnique  EAESSHNQN,  ou  bien  sur  les- 
quelles la  ville  prend,  en  l'honneur  de  Macrin,  le  nom  de 
colonie  macrinienne,  métropole  de  la  Mésopotamie. 

BiBL.  :  Histoire  et  Géographie.  —  Outre  les  ouvrages 
déjà  cités  sous  les  mots  Abgar,  Aram,  on  peut  encore 
mentionner  :  A.  von  Gutschmid,  Kônigreich  Osroëne^ 
1887,  in-4.  —G.  Bonet-Maury,  la  Légende  d'Abgar  et  de 
Thaddée^  1887.  —  Tixerond,  les  Origines  de  VEglise 
d'Edesse^  1888.— Martin,  les  Origines  de  l'Eglise  d'Edesse 
et  des  Eglises  syriennes^  1889.  —  Dashian,  Zur  Abgar- 
Sage,  1890.  —  R.  Duval,  Mémoire  sur  Edesse,  dans  le 
Journ.  asiat.,  1891-1892, 

EDESTOSAURUS  (V.  Pythonomorphes). 

EDESTUS  (Paléont.).  Trantschold  a  désigné  sous  ce 
nom,  en  1879,  des  épines  de  poissons  trouvées  dans  le  ter- 
rain carbonifère  de  Moscou;  ces  aiguillons  de  nageoires 


sont  libres,  garnies  des  dents  non  sillonnées  et  soudées  avec 
la  carène  de  l'aiguillon. 

EDEY EN.  Pluriel  du  mot  berbère  edehi,  employé  parles 
Touareg  pour  désigner  les  régions  de  grandes  dunes.  Il 
est  appliqué  particulièrement  à  cette  partie  du  Sahara  qui 
s'étend  à  l'E.  de  Temassinim  jusqu'au  Fezzan,  suf  une 
largeur  qui  varie  de  30  à  200  kil.  C'est  une  des  parties  les 
plus  désolées  du  désert. 

EDFOU  (Archéol.  égypt.).  Cette  ville  de  la  Haute- 
Egypte  avait  pour  nom  antique  Teb,  et,  en  égyptien  mo- 
derne ou  copte,  Atbô^  d'où  Edtbu  ;  c'est  la  même  ville 
qu'Apollinopolis  Magna.  A  Edfou,  s'élevait  un  temple  con- 
sidérable, dont  le  déblaiement  est  dû  aux  soins  de  notre 
savant  et  regretté  compatriote  Mariette  Pacha.  Les  ins- 
criptions d'une  chapelle  en  granit  placée  dans  le  sanctuaire, 
et  le  sanctuaire  étant  toujours  le  noyau  primitif  de  ces 
édifices,  permettent  d'attribuer  la  fondation  de  ce  temple 
à  Nekhtaneb  II  (xxx®  dynastie),  mais  l'ensemble  du  monu- 
ment est  ptolémaïque.  Deux  pylônes  gigantesques,  séparés 
par  une  énorme  porte,  annoncent  l'entrée  du  temple;  à 
l'extérieur,  de  larges  rainures,  réservées  dans  le  plan  incliné 
des  murailles,  étaient  destinées  à  recevoir  des  mâts.  La 


Temple  d'Edfou. 


porte  donne  accès  dans  une  grande  cour  entourée  d'une 
galerie  couverte  qui  n'en  occupe  que  trois  côtés;  elle 
s'arrête  devant  la  façade  du  pronaos,  oti  l'on  entre  par 
une  grande  porte  centrale.  Le  pronaos  est  soutenu  par 
dix-huit  grandes  colonnes  couvertes  de  sculptures  comme 
toutes  les  autres  parties  de  l'édifice.  A  l'intérieur,  à  droite 
delà  porte  d'entrée,  un  petit  édicule,  appliqué  contre  le 
deuxième  entre-colonnement  de  la  façade,  était  la  biblio- 
thèque du  temple;  ^l'autre  côté,  un  autre,  tout  sem- 
blable, était  destine  à  recevoir  les  vases  socrés  et  les 
instruments  du  culte.  Vient  ensuite,  et  toujours  dans  le 
grand  axe  de  l'édifice,  une  salle  moins  élevée  que  le  pro- 
naos, couverte  par  d'énormes  dalles  et  supportée  par  douze 
colonnes;  puis  on  trd|ive  une  salle  encore  assez  large, 
mais  moins  profonde.  E|e  est  suivie  d'une  troisième  salle 
à  peu  près  semblable,  m^  maintenant  entièrement  décou- 
verte et  qui  précède  le  %inctuaire  contenant  la  chapelle 
monolithe  dont  il  a  été  pfrlé  plus  haut.  Les  trois  salles 
qui  viennent  d'être  mentionnées  donnent  accès  dans  un 
certain  nombre  de  chapellesV-couloirs,  cachettes  sombres, 
escaliers  conduisant  aux  terrasses,  etc.  Les  parois  latérales 
de  la  cour  sont  prolongées  de  manière  à  former  un  couloir 
qui  règne  tout  autour  du  monument  ;  on  pouvait  y  entrer 
du  pronaos  et  des  salles  suivantes  par  des  portes  de  côté. 
Les  parois  très  élevées  de  ce  couloir  ne  sont  pas  moins 
richement  décorées  que  les  autres  parties  de  cette  admi- 
rable construction,  qui  donne  une  idée  très  complète  de 
ce  qu'était  un  temple  égyptien.  Les  innombrables  textes 
qu'elle  contient  nous  offrent  une  mine  abondante  de  ren- 
seignements sur  la  religion  et  aussi  sur  la  division  topo- 
graphique de  l'Egypte.  On  y  trouve  un  véritable  plan  du 
temple,  décrit  en  style  poétique,  sous  forme  de  dialogue 
entre  le  dieu  et  le  roi.  Le  roi  offre  à  Horus  l'édifice  qu'il 


vient  de  construire  ;  le  dieu  témoigne  sa  satisfaction,  et  le 
roi  commence  ensuite  la  description  du  temple.  Nous  pou- 
vons ainsi  connaître  l'usage  de  chaque  partie,  de  chaque 
chambre  intérieure,  et  nous  trouvons  en  même  temps  des 
renseignements  précieux  sur  les  mesures  égyptiennes,  car 
les  dimensions  sont  partout  indiquées  et  il  est  facile,  sur 
place,  de  les  réduire  en  mètres.  Les  inscriptions  nous  ap- 
prennent que  ce  magnifique  édifice  représente  un  travail 
de  quatre-vingt-quatorze  années.  Paul  Pierret. 

EDGAR  (John),  théologien  et  philanthrope  irlandais,  né 
à  Ballykine  en  1798,  mort  à  Belfast  en  4866,  où  il  avait 
succédé  à  son  père  comme  professeur  de  théologie.  11 
s'occupa  très  activement  des  questions  de  tempérance,  de 
protection  de  l'enfance  et  de  la  femme,  et  fut  un  des  fon- 
dateurs de  la  Religions  Book  and  Tract  Society.  Ses 
principaux  écrits  ont  été  réunis  en  un  volume,  sous  le  titre 
de  Select  Works  of  John  Edgar.  B.-H.  G. 

EDGAR  (John-George),  publiciste  anglais,  né  en  1834, 
mort  le  22  avr.  1864.  D'abord  employé  de  commerce,  il 
voyagea  aux  Indes  pour  affaires  et  abandonna  bientôt  un 
métier  qui  lui  déplaisait.  Il  débuta  dans  les  lettres  par  Boy- 
hood  of  great  men  (Londres,  1853)  et  un  autre  ouvrage 
de  même  nature,  Footprints  of  famous  men  (Londres, 
1853),  et  écrivit  un  grand  nombre  de  volumes  pour  les 
enfants  (romans  historiques  et  biographies).  11  donna  encore 
des  articles  politiques  à  la  presse  conservatrice  de  Londres. 

EDGAR  LE  Pacifique,  roi  d'Angleterre,  né  en  944, 
mort  en  975,  Fils  d'Edmond  le  Magnifique,  il  fut  proba- 
blement élevé  à  la  cour  de  son  oncle  Eadred.  A  l'avène- 
ment de  son  frère  aîné  Edwy,  en  957,  il  lui  fut  opposé 
par  un  parti  d'insurgés.  A  la  mort  de  son  rival,  en  959, 
il  fut  seul  roi  de  Wessex,  de  Mercie  et  de  Northumbrie. 
Son  règne  fut  pacifique  et  heureux,  grâce  à  la  sagesse  de 


-  555  - 


EDGAR  —  EDGEWORTH 


son  ministre,  saint  Dunstan,  archevêque  de  Canterbiiry.il 
entretint  d'excellentes  relations  avec  les  colonies  danoises 
de  Northumbrie,  au  grand  scandale  des  Saxons  de  la  vieille 
roche,  et  prétendit  le  premier  ne  faire  aucune  différence 
entre  ses  sujets  «  anglais,  danois  et  bretons  ».  Oswald, 
qu'il  tit  nommer  en  972  archevêque  d'York,  était  un  Da- 
nois d'origine.  Oswald  et  Dunstan  prirent  part  côte  à  côte 
au  couronnement  solennel  du  roi  à  Bath,  le  44  mai  973, 
dont  la  Vita  5^  Oswaldi  nous  a  conservé  une  descrip- 
tion minutieuse,  —  sorte  d'intronisation  d'Edgard  comme 
«  empereur  »  de  toutes  les  nations  de  la  Grande-Bretagne, 
unies  sous  son  sceptre.  Edgar  s'intitule  dans  ses  chartes 
Albionis  imperator  Augustiis.  Les  princes  du  pays  de 
Galles,  d'Ecosse  et  de  l'Irlande  danoise  reconnaissaient  sa 
suprématie.  Hors  des  îles,  le  nom  du  roi  d'Angleterre  était 
connu,  et  l'on  vit  ses  ambassadeurs  à  la  cour  des  deux 
premiers  Othon.  Edgar  était  jeune,  beau,  vigoureux,  à 
l'époque  du  couronnement  de  Bath.  La  gloire  de  son 
rè^ne  fit  une  profonde  impression  sur  ses  contemporains, 
et  toute  une  littérature  épique  et  lyrique  s'est  formée  autour 
de  son  nom.  Les  moines  chroniqueurs  le  vantent  comme 
protecteur  de  l'Eglise  et  promoteur  de  l'institution  monas- 
tique, à  l'exception  du  vieux  chroniqueur  saxon  de  Peterbo- 
rough  qui  déplore  «  ses  faiblesses  pour  les  étrangers  ».  Mais 
la  tradition  populaire  lui  est  moins  favorable  ;  elle  le  repré- 
sente comme  cruel  et  exceptionnellement  luxurieux.  Le  fait 
est  qu'il  punissait  très  sévèrement  les  atteintes  à  son  autorité; 
l'île  de  Thanet,  en  968,  fut  entièrement  ravagée  par  ses 
ordres  à  la  suite  d'une  rébeUion.  Quant  à  ses  débauches 
précoces,  elles  ont  donné  lieu  à  mille  légendes.  Edgar 
fut  toutefois  surnommé  le  Pacifique  parce  que  la  paix 
qu'il  maintint  est  encore  le  trait  de  son  règne  qui  trappa 
le  plus  les  hommes  de  son  temps.  Il  mourut  à  trente-deux 
ans  et  fut  enterré  à  Glastonbury.  En  4052,  l'abbé^  de  ce 
monastère  imagina  d'exposer  ses  restes  dans  un  reliquaire 
à  la  vénération  des  fidèles  de  Glastonbury  ;  il  paraît  que  ces 
pseudo-reliques  firent  des  miracles.  Ch.-V.  L. 

EDGCUMBE  (Sir  Richard),  homme  d'Etat  anglais,  mort 
le  8  sept.  4489.  Après  avoir  représenté  Tavistock  au  Par- 
lement en  4467,  il  leva  des  troupes  pour  soutenir  la  cause 
de  Buckingham,  fut  mis  en  jugement  pour  cet  acte  de 
rébellion  et  réussit  à  échapper  à  toutes  les  poursuites. 
Il  combattit  ensuite  à  Bosworth  avec  Henry  Tudor,  qui 
l'avait  pris  en  amitié,  fut  nommé  contrôleur  de  la  maison 
du  roi,  chambellan  de  l'échiquier,  membre  du  conseil  privé. 
'  Sheriff  de  Devonshire  en  4487,  il  prit  part  à  la  bataille  de 
Stoke  et  fut  chargé  de  négocier  un  armistice  avec  l'Ecosse. 
D  accomplit  une  autre  ambassade  en  Irlande  en  4488,  fut 
envoyé  en  Bretagne  auprès  de  la  duchesse  Anne  et  conclut 
un  arrangement  avec  elle,  puis  auprès  de  Charles  VHI  en 
4489.  C'est  au  cours  de  cette  mission  qu'il  mourut  à  Mor- 
laix.  —  Son 'fils,  Piers  Edgcumbe,  sheriff  de  Devonshire 
en  4493-94  et  4497,  organisa  l'expédition  de  4543  en 
France.  Il  mourut  le  44  août  4539.  —  Son  fils,  Richard, 
né  en  4499,  mort  le  4^'^  févr.  4562,  sheriff  de  Devonshire 
en  4543  et  4544,  commissaire  de  recrutement  en  4557, 
leva  des  troupes  en  Cornouailles.  Ce  fut  un  esprit  cultivé 
et  il  s'occupa  d'astrologie  avec  passion.  —  Le  premier 
baron  Edgcumbe,  Richard,  descendant  de  la  même  famille, 
né  en  4680,  mort  le  22  nov.  4758,  fit  de  fortes  études 
classiques  à  Cambridge,  où  il  publia  d'élégantes  pièces  de 
vers  latins.  Représentant  de  Cornouailles  au  Parlement  en 
4704,  de  Saint-Germans  en  4702,  il  fut  élu  par  Plympton 
la  même  année  et  réélu  par  cette  circonscription  jusqu'à 
son  élévation  à  la  pairie.  Lord  de  la  trésorerie  en  4746  et 
en  4720,  vice-trésorier,  payeur  général  en  4724,  créé 
baron  [en  4742,  il  fut  encore  nommé  chancelier  du  duché 
de  Lancastre  en  4743.  Il  leva  un  régiment  contre  les 
rebelles  en  4745  et  devint  garde  des  forêts  royales  en 
4758.  —  Son  fils,  Richard,  né  en  1746,  mort  en  4764, 
eut  une  certaine  renommée  littéraire  et  artistique  (V.  ci- 
après).  —  Son  frère,  George,  né  le  3  mars  4724,  mort  le 
4  févr.  4795,  entra  dans  la  marine  et  se  distingua  dans  les 


croisières  de  4745  à  4748,  échappa  habilement  aux  Fran- 
çais à  Minorque  en  4756,  se  distingua  au  combat  du  cap 
Mola,  à  la  prise  de  Louisbourg  et  à  la  bataille  de  la  baie 
de  Quiberon  (4759).  H  continua  à  servir  sous  Hawke  et 
Boscawen  jusqu'en  4764  et  fut  promu  contre-amiral  le 
24  oct.  4762.  H  commanda  en  chef  à  Plymouth  de  4766  à 
4770  et  devint  amiral  en  4778.  Créé  le  47  févr.  4784 
vicomte  Mount  Edgcumbe,  en  4789  comte  de  Mount 
Edgcumbe,  il  occupa  d'importantes  situations  officielles, 
entre  autres  celle  de  vice-trésorier  d'Irlande.  —  Son  fils, 
Richard,  né  le  43  sept.  4764,  mort  à  Richmond  le 
26  sept.  4839,  représenta  Fowey  au  Parlement  de  4786 
à  4795,  entra  au  conseil  privé  en  4808,  et  se  distingua 
surtout  par  ses  goûts  artistiques.  H  a  écrit  :  Musical  Rémi- 
niscences ofan  old  amateur  (4827,  plus.  éd.).  —  Son 
fils,  Ernest- Augustus,  né  en  4797,  mort  en  4864,  est 
l'auteur  d'un  volume  assez  intéressant  :  Extracts  from 
Journals  kept  during  the  révolutions  at  Rome  and 
Palermo  (4849;  2^  éd.,  4850).  R.  S. 

EDGCUMBE  (Richard),  poète  anglais,  né  en  4746, 
mort  le  40  mai  4764,  fils  du  premier  baron  Edgcumbe 
(V.  ci-dessus).  Entré  dans  l'armée,  il  quitta  le  service  peu 
après  avoir  obtenu  le  grade  de  major  général.  Elu  membre 
du  Parlement  par  le  bourg  de  Lostwithiel  en  4747,  il  le 
représenta  jusqu'en  4754,  fut  alors  élu  par  Penryn  et,  en 
4755,  fut  nommé  lord  de  l'amirauté.  En  4756,  il  deyint 
contrôleur  de  la  maison  du  roi  et  membre  du  conseil  privé. 
Le  même  année,  il  héritait  de  la  pairie  de  son  père  et  était 
nommé  lord  lieutenant  et  custos  rotulorum  du  comté  de 
Cornouailles.  Extrêmement  spirituel,  Edgcumbe  a  écrit  des 
poésies  dont  il  ne  reste  que  peu  de  chose  et  sur  lesquelles 
il  ne  faudrait  pas  le  juger  :  The  Fable  ofthe  Ass,  Nightin- 
gale  and  Kidet  une  Ode  to  Health.  H  avait  aussi  beau- 
coup de  goût  pour  les  arts,  dessinait  agréablement  et  fut  un 
des  premiers  à  apprécier  le  talent  de  Reynolds.     R.  S. 

EDGEWORTH  (Richard-Lovell),  inventeur  et  écrivain 
anglais,  né  à  Bath  le  43  mai  4744,  mort  le  43  juin  4847. 
Une  jeunesse  assez  irrégulière,  des  travaux  de  mécanique  : 
inventions  d'un  système  télégraphique,  de  voitures  à  voile, 
de  vélocipèdes,  de  machines  à  arpenter,  etc.,  des  voyages 
sur  le  continent,  où  il  essaya  de  changer  le  cours  du  Rhône 
et  montra  à  J.-J.  Rousseau  son  fils,  qu'il  élevait  suivant  les 
principes  de  VEmile,  quatre  mariages,  des  travaux  agri- 
coles dans  ses  domaines  d'Irlande,  une  part  active  prise  à  la 
défense  organisée  en  ce  pays  contre  les  menaces  d'invasion 
française  (4797-4798),  tel  est  le  résumé  de  la  vie  de  cet 
homme  énergique  et  exubérant.  Au  milieu  de  tant  d'oc- 
cupations diverses,  il  trouvait  du  temps  pour  les  travaux 
littéraires,  et  sa  fille.  Maria  Edgeworth,  eut  en  lui,  au 
début  de  sa  carrière  d'écrivain,  un  collaborateur  zélé. 
Parmi  les  ouvrages  qu'il  publia  seul,  les  plus  curieux  sont 
sa  lettre  à  lord  Claremont  sur  le  Tellographe  et  la  dé- 
fense de  l'Irlande  (4797)  et  son  Essai  sur  les  routes  et 
les  chemins  de  fer  (4847).  B.-H.  G. 

EDGEWORTH  (Maria),  femme  de  lettres  anglaise,  née 
à  Black  Bourton  (Oxfordshire)  le  4^^  janv.  4767,  morte  à 
Edgeworthstown  le  22  mai  4849.  Fille  du  précédent,  elle 
débuta  en  4798  par  un  roman  de  mœurs  irlandaises,  Castle 
Rackrent,  le  meilleur  de  ses  livres,  où  elle  déploie  de 
grandes  qualités  d'humour  et  d'observation.  Comme  toutes 
les  œuvres  remarquables,  Castle  Rackrent  vit  naître  quan- 
tité d'imitations,  et  à  Maria  Edgeworth  la  littérature  de  la 
Grande-Bretagne  doit  l'invasion  de  tous  ces  romanciers  et 
surtout  ces  romancières,  qui  se  sont  mis  à  dépeindre  dans 
de  longs  fatras  ennuyeux  et  puérils  les  mœurs  particulières 
du  pays  de  Galles,  de  l'Irlande  et  de  l'Ecosse.  Avec  une 
fécondité  toute  féminine,  rachetée  d'ailleurs  par  un  réel 
talent,  miss  Edgeworth  publia  d'année  en  année  des  histoires 
morales,  populaires,  des  traités  d'éducation,  des  contes,  des 
romans.  Ses  livres  pour  enfants  sous  les  titres  de  Parent's 
Assistant  et  Early  Lessons,  obtinrent  un  légitime  succès 
et  ont  été  imités  et  traduits  à  l'étranger.  Entre  ses  romans, 
il  faut  citer,  par  ordre  chronologique,  Relinda  (4804), 


EDGEWORTH  —  EDILE 


—  556  — 


Leonora  (1806),  Patro7iage  (1814),  tableau  des  folies  et 
des  vices  des  classes  aristocratiques;  Harrington  (1817), 
plaidoyer  en  faveur  des  juifs;  Ormond  (1817).  Le  style 
de  miss  Edgeworth  est  simple,  nerveux ,  tout  en  restant 
élégant,  et,  ce  qui  est  rare  chez  les  femmes,  sans  afféterie. 
Son  père,  il  est  vrai,  corrigeait  et  émondait  ses  écrits,  ce 
qui  fit  supposer  à  tort  qu'ils  collaboraient  ensemble.  Elle 
est  douée  d'une  grande  imagination  et  sait  attacher  le  lec- 
teur par  un  plan  bien  coordonné  et  un  intérêt  constamment 
soutenu.  Ses  œuvres  complètes  publiées  à  Londres  en  1 825, 
(14  vol.)  furent  suivies  d'autres  éditions  en  1832,  1848, 
1857.  Presque  toutes  ont  été  traduites  en  français.  Elle  a 
aussi  complété  et  publié  l'autobiographie  de  son  père  {Me- 
moirs,  1820,  2  vol.).  Hector  France. 

EDGEWORTH  de  Firmont  (Henry-Essex),  confesseur 
de  Louis  XVI,  né  à  Edgeworthtown  (Irlande)  en  1745, 
mort  à  Mittau  le  22  mai  1807.  Descendant  par  sa  mère 
de  l'archevêque  Ussher,  fils  d'un  clergyman  anglais  con- 
verti au  catholicisme,  il  fut  élevé  au  collège  des  jésuites  de 
Toulouse,  et  entra  au  séminaire  des  missions  étrangères  à 
Paris.  Quand  les  tantes  du  roi  quittèrent,  en  févr.  1791, 
la  France  pour  Rome,  elles  emmenèrent  avec  elles  Madier, 
chapelain  de  M^^  Elisabeth,  et  Edgeworth  remplaça  Madier. 
Il  assista  Louis  XVI  le  jour  de  sa  mort,  et  cet  acte  de  cou- 
rage l'a  rendu  célèbre.  La  légende  royaliste  veut  qu'il  ait 
dit,  au  moment  oîi  le  couteau  tomba  :  «  Fils  de  saint  Louis, 
montez  au  ciel  »  ;  mais  il  est  prouvé  que  cette  phrase 
fameuse  a  été  inventée  par  Lacretelle  (cf.  Louis  Combes, 
Episodes  et  curiosités  révolutionnaires  ;  Paris,  s.,  d., 
in-16,  pp.  101-111).  L'abbé  Edgeworth  a  déclaré  lui-même 
qu'il  n'avait  aucun  souvenir  de  l'avoir  prononcée.  Après 
l'exécution  du  roi,  son  confesseur  quitta  la  France,  mais 
accepta  le  titre  de  chapelain  de  Louis  XVIII,  pendant  les 
séjours  de  ce  prince  à  Blankenberg  et  à  Mittau  ;  puis,  ayant 
été  ruiné,  une  pension  de  Pitt.  Il  mourut  de  fièvres  contrac- 
tées au  chevet  de  prisonniers  français.  Ses  Mémoires^ 
recueillis  par  C.  Sneyd  Edgeworth,  ont  été  trad.  en  franc. 
(Paris,  1815),  de  même  que  ses  Lettres  écrites  à  ses 
amis  depuis   1777  (Paris,  18i8).  Ch.-V.  L. 

EDGEWORTHIA  (Bot.).  Genre  de  Thyméléacées,  établi 
par  Meissner  pour  le  Daphne  papyrifera  Reinw.,  dont 
l'écorce  sert,  au  Japon,  à  fabriquer  un  papier  d'excellente 
qualité.  On  le  cultive  en  Europe,  dans  les  serres  froides.  Le 
genre  se  distingue  des  Daphne  (V.  ce  mot)  par  les  fleurs 
tétramères  et  par  le  style  cylindracé,  longuement  linéaire 
à  son  extrémité  stigmatifère.  Ed.  Lef. 

ED6IVE,  EDWIGE  ou  OGIVE,  reine  de  France,  fille  du 
roi  anglo-saxon  Edouard  l'Ancien;  elle  épousa,  en  919, 
le  roi  Charles  III  le  Simple,  se  retira  en  Angleterre  pendant 
la  captivité  de  son  marL1923),  puis,  en  951,  elle  épousa 
le  comte  de  Troyes,  J|Mftt  II  de  Vermandois.  On  ignore 
la  date  de  sa  mort.^^# 

EDGREN  (Anna-Cfearlotta-Gustava  Leffler),  auteur 
drama|^que  et  romancière  suédoise,  née  le  1®'  oct.  1849. 
Le  jugé  G.-E.  Edgren,  qui  lui  donna  (1872)  le  nom  sous 
lequel  elle  est  le  plus  connue  comme  écrivain,  ayant  fait 
prononcer  le  divorce  (12  févr.  1889),  elle  épousa  en  1890 
le  duc  di  Cajanello.  Après  avoir  débuté  dans  la  littérature 
par  un  recueil  de  nouvelles.  Par  hasard  (1869),  elle  fit 
jouer  plusieurs  pièces  de  théâtre  :  V Actrice  (1873)  ;  Sous 
la  férule  (1876)  ;  le  Pasteur  adjoint  (1876)  ;  le  Lutin 
(1880)  ;  les  Vraies  Femmes  (Î883)  ;  rA7ige  sauveur 
(1883),  toutes  imprimées  en  1883  et  dont  quelques-unes 
eurent  beaucoup  de  succès,  et  plus  tard  :  Comment  on 
fait  le  bien  (1885)  ;  Lutte  pour  le  bonheur  (1887), 
deux  drames  parallèles.  Ses  cinq  recueils  de  Scènes  de  la 
vie  (1882-1890)  contiennent  quelques-unes  des  meilleures 
nouvelles  de  la  littérature  suédoise.  Elle  sait  esquisser 
d'une  main  légère,  mais  sûre,  les  situations  qu'elle  observe 
avec  perspicacité.  Au  reste,  ces  qualités  n'ont  pas  seules 
contribué  à  attirer  sur  ses  écrits  l'attention  publique  déjà 
éveillée  par  ses  tendances  socialistes  et  ses  théories  sur 
l'émancipation  de  la  femme.  Beâuvois. 


EDHEM  Pacha,  homme  d'Etat  ottoman,  né  de  parents 
grecs  dans  l'île  de  Chios,  en  1820  ou  en  1823.  Amené  en 
France  par  Amédée  Jaubert  dès  1831,  il  y  fit  de  sérieuses 
études,  s'appliqua  surtout  à  bien  connaître  l'exploitation 
des  mines,  voyagea  pour  son  instruction  en  Suisse  et  en 
Allemagne  et,  rentré  en  Turquie,  devint  capitaine  d'état- 
major.  D'importants  travaux  topographiques  lui  valurent 
de  bonne  heure  le  grade  de  colonel.  Membre  du  conseil 
des  mines,  il  fut,  en  1849,  pris  comme  aide  de  camp  par 
le  sultan  Abdul-Medjid,  qui  le  prit  en  grande  affection, 
réleva  au  rang  de  général  de  division  et  le  mit  à  la  tête 
de  sa  maison  militaire.  Disgracié  un  moment  en  1856,  il 
fut  fort  peu  après  nommé  ministre  des  affaires  étrangères, 
mais  perdit  sa  place  Tannée  suivante.  Sous  Abdul-Azziz, 
il  fit  partie  de  divers  ministères  et  tint  notamment  deux 
fois  le  portefeuille  des  travaux  publics.  Ambassadeur  à 
Berlin  en  1875,  il  fut,  à  la  fin  de  1876,  un  des  repré- 
sentants de  la  Porte  à  la  conférence  de  Constantinople. 
Après  la  chute  de  Midhat  Pacha,  il  occupa  (févr.  1877), 
dans  les  circonstances  les  plus  diflîciies,  le  grand  vizirat 
qu'il  dut  résigner  après  le  triomphe  de  la  Russie  sur 
les  armes  turques  (févr.  1878).  Depuis,  il  a  été  quelque 
temps  ambassadeur  à  Vienne.  A.  Debidour. 

EDI6A  ou  EDI  G  El,  khan  de  Crimée,  fondateur  du  kha- 
nat  de  cette  province.  Il  ravagea  la  Lithuanie,  assiégea 
Moscou  (1408)  et  pilla  Kiev  en  1416. 

EDIGER,  prince  sibérien  du  xvi®  siècle.  Il  demanda  la 
protection  d'Ivan  III  et  promit  de  lui  envoyer  un  tribut  de 
trente  mille  fourrures.  Il  fut  tué  en  1563  par  Koutchoum, 
prince  des  Kirghizes. 

EDIGER  Mahmet,  prince  héritier  de  Kazan,  devint  tsar 
de  Kazan  vers  le  milieu  du  xvi®  siècle.  Après  la  prise  de 
cette  ville  par  Ivan  le  Terrible  (1552),  il  se  fit  chrétien  et 
épousa  une  Koutousov.  Il  servit  dans  l'armée  russe  contre 
la  Crimée  (1555),  contre  les  Lithuaniens  et  contre 
Kourbsky  (1564).  L.  L. 

ÉDILE.  Les  édiles,  en  latin  œdiles,  sont  des  magistrats 
romains  chargés  de  la  police  des  rues,  de  la  surveillance 
des  constructions  publiques  et  privées  (œdes  :  d'oii,  selon 
toute  vraisemblance,  l'origine  de  leur  nom).  Ils  furent  ins- 
titués, suivant  la  tradition,  en  494  av.,  J.-C,  en  même 
temps  que  les  tribuns  de  la  plèbes  au  nombre  de  deux  (on 
disait  duoviri  œdiles),  choisis  parmi  les  plébéiens,  ils  ne 
furent  pendant  longtemps  que  les  auxiliaires  des  tribuns  : 
ils  tenaient  près  d'eux  la  même  place  que  les  questeurs  près 
des  consuls.  Ils  étaient  nommés  pour  un  an,  étaient  sacro- 
saints  comme  les  tribuns.  Les  deux  fonctions  sont  d'ail- 
leurs étroitement  unies  au  début  :  les  édiles  exécutent, 
dans  les  procès,  les  sentences  prononcées  par  les  tribuns  ; 
ils  peuvent  infliger  des  amendes,  saisir  des  gages.  Ils  sur- 
veillentles  archives  de  la  plèbe,  sous  la  haute  direction  des 
tribuns  (elles  étaient  renfermées  dans  le  temple  de  Cérès). 
Peu  à  peu,  on  leur  confia  le  soin  de  la  voirie  et  de  la  police 
municipale  ;  en  463,  on  les  voit  prendre  en  main  l'admi- 
nistration intérieure  de  Rome,  au  moment  d'une  grande 
peste.  En  428,  on  les  voit  même  s'occuper  des  détails  du 
culte  et  de  la  police  religieuse.  En  366,  sur  le  modèle  des 
édiles  plébéiens,  on  créa  deux  édiles  patriciens,  œdiles 
curiales.  En  44,  Jules  César  institua  deux  nouveaux 
édiles,  les  œdiles  ceriales.  Il  y  eut  dès  lors  six  édiles, 
dont  deux  seulement  patriciens.  Le  mode  de  nomination 
des  édiles  (dans  l'assemblée  par  tribus  et  pour  un  an)  ne 
fut  pas  changé,  mais  leurs  fonctions  se  modifièrent  légè- 
rement. Ils  furent  exclusivement  chargés  de  ce  que  nous 
appellerions  aujourd'hui  la  police  municipale  :  surveillance 
des  marchés,  des  poids  et  mesures  ;  approvisionnement  de 
Rome  {cura  annonce)  ;  nettoyage,  entretien  des  rues  de 
Rome  et  des  édifices  publics  ;  police  des  rues,  des  établis- 
sements publics,  des  mœurs  ;  direction  des  jeux  publics  et 
privés  ;  exécution  des  lois  somptuaires  ;  arrestation  des 
malfaiteurs.  Ils  ont  par  suite  un  certain  pouvoir  judiciaire  ; 
ils  peuvent  infliger  des  contraventions,  exproprier  pour 
cause  d'utilité  publique,  mettre  des  biens  sous  séquestre  et 


-  5o7  — 


EDILE  —  EDIMBOURG 


sans  doute  aussi  ils  sont  juges  de  paix  en  matière  civile  et 
commerciale,  et  juges  correctionnels  en  matière  de  police. 
C'est  à  l'aide  des  édits  rendus  par  les  édiles  qu'on  a  pu 
rédiger  une  sorte  de  code  de  commerce  (edictum  œdih- 
tium).  Sous  l'Empire,  les  édiles  se  virent  enlever  succes- 
sivement leurs  différentes  attributions,  qui  passèrent  aux 
préteurs,  aux  questeurs  et  surtout  aux  fonctionnaires  im- 
périaux, comme  le  préfet  de  la  ville.  Il  ne  leur  resta  que 
la  police  des  rues  et  des  marchés,  et  il  est  même  probable 
que,  dès  le  second  siècle,  l'édilité  n'est  plus  qu'une  magis- 
trature honorifique.  Elle  est,  à  ce  moment,  dans  hcursiis 
honorum,  supérieure  à  la  questure,  inférieure  à  la  pré- 
ture  :  elle  est,  dans  les  derniers  siècles  de  son  existence, 
placée  sur  le  même  pied  que  le  tribunat.  Elle  disparaît  vers 
la  fin  du  iii^  siècle,  et  ce  qui  lui  restait  de  compétence  a 
dû  passer  aux  mains  des  tribuns.  —  Il  y  avait  dans  les  muni- 
cipes  ou  les  colonies  des  édiles,  duumviri  ou  guatuorviri 
œdiles,  qui  avaient  les  mêmes  attributions  que  les  édiles 
romains.  C.  Jullian. 

BiBL.  :  Outre  les  manuels  de  Mommsen  et  de  Bouché- 
Leclerq,  consulter  Labatut,  les  Ediles  et  les  mœurs; 
Paris,  1867. 

EDIMBOURG.  Ville.  ~  I.  Géographie.  —Edimbourg 
(Edinburgh)  est  la  capitale  de  l'Ecosse  et  du  comté  d'Edim- 
bourg ou  de  Midlothian;  1,680  hect.  ;  228,357  hab.  en 
4884  ;  296,444  en  y  comprenant  Leith  et  Granton  qui  lui 
servent  de  ports.  Elle  est  située  par  55°  57^  lat.  N.  et  5^ 
23^  long.  G.,  dans  une  position  extrêmement  pittoresque,  au 
pied  des  collines  dePentlands.  Elle  s'étend  sur  la  rive  droite 
d'une  petite  rivière  qui  débouche  dans  l'estuaire  du  Forth, 
le  Water  of  Leith,  à  l'E.  de  celle-ci,  au  S.  du  golfe,  au 
N.  des  hauteurs  qui  dominent  le  Lothian.  Toute  cette  région 
côtière  du  Lothian  est  très  accidentée,  sillonnée  de  col- 
lines. Edimbourg  occupe  trois  de  ces  collines  orientées  de 
l'E.  à  rO.  et  les  vallées  qui  les  séparent.  Toute  la  ville 
est  dominée  par  les  hauteurs  basaltiques  à'Arthurs  Seat 
(251  m.)  ;  la  colline  méridionale  part  de  la  pente  escarpée 
des  Salisbury  Crags  ;  la  colline  centrale  est  celle  du  Châ- 
teau (447  m.)  ;  la  colline  septentrionale  s'appelle  Calton 
mil  (407  m.).  Les  rues  basses  sont  à  30  m.  d'alt.,  les 
rues  hautes  à  80  m.,  les  pentes  très  raides.  La  sombre 
masse  du  Château  est  le  trait  caractéristique  de  la  ville.  Les 
collines  sont  reUées  les  unes  aux  autres  par  des  ponts  qui 
enjambent  les  vallées  intermédiaires.  On  distingue  la  Vieille- 
Ville  qui  est  placée  au  S.  de  la  Ville-Neuve  qui  s'est  déve- 
loppée au  N.  ;  entre  les  deux  passe  le  chemin  de  fer  ;  au 
N.-E.  est  le  port  de  Leith.  Telles  sont  les  trois  principales 
parties  de  l'agglomération  urbaine  d'Edimbourg.  Nous  dé- 
crirons successivement  les  deux  premières,  renvoyant  pour 
Leith  à  l'article  consacré  à  cette  ville. 

La  Vieille- Ville  occupe  la  colline  centrale,  depuis  le  Châ- 
teau jusqu'au  palais  d'Holyrood,  qui  en  est  distant  de 
4,600  m.  ;  ses  rues  s'étendent  au  midi  jusqu'au  parc  des 
Meadoivs  (prairies)  au  delà  duquel  sont  la  promenade  des 
Links,  les  faubourgs  de  Newington,  Merchiston,  Mor- 
ningside  ;  à  l'E.  la  vieille  ville  atteint  le  pied  des  pentes 
d'Arthurs  Seat.  L'ancien  Edimbourg  a  conservé  sa  phy- 
sionomie historique  et  demeure  une  des  villes  les  plus 
intéressantes  d'Europe,  avec  ses  hautes  maisons  de  dix 
et  douze  étages,  ses  ruelles  étroites  {close)  et  ses  rues  à 
peine  plus  larges  (wynd),  mais  accessibles  aux  voitures. 
Contrairement  aux  habitudes  anglaises,  chaque  maison  est 
divisée  entre  plusieurs  familles,  dont  chacune  a  un  étage 
(flat),  La  principale  rue  est  celle  qui  mène  sur  la  colline 
centrale,  de  l'esplanade  du  Château  au  palais  d'Holyrood 
(High  Street,  Cano7igaté)  ;  des  deux  côtés  s'embranchent 
les  rues  et  ruelles  ;  dans  la  partie  orientale,  entre  la  voie 
centrale  de  Canongate,  il  y  a  des  deux  côtés  deux  autres 
rues  parallèles  limitant  ce  quartier  {ISorth  Bach  of  Ca- 
nongate et  South  Bach  of  Canongate),  Sur  l'artère  cen- 
trale, on  remarque  la  cathédrale  (Saint-Giles),  le  palais  du 
Parlement,  la  maison  de  Knox,  etc.  Au  pied  de  la  colline  de 
la  Vieille- Ville,  du  côté  du  S.,  est  la  vallée  qui  séparait 


celle-ci  des  anciens  faubourgs  qu'elle  a  absorbés.  Au  fond 
sont  le  marché  aux  herbes  (Grassmarket)  et  Cowgate  (qui 
se  prolonge  par  South  Bach  of  Canongate).  Puis  nous  re- 
montons sur  la  colline  méridionale.  Celle-ci  est  réunie  au 
noyau  central  et  à  la  rue  Haute  [High  Street)  par  deux 
viaducs  :  George  IV  Bridge,  construit  en  4825-4836  et 
South  Bridge,  construit  en  4785-4788.  Celui  de  South 
Bridge,  qui  est  le  premier  en  date,  se  prolonge  du  N. 
(North  Bridge)  et  forme  ainsi  une  voie  perpendiculaire  à 
la  rue  Haute.  C'est  autour  de  cette  rue,  qui  prend  au  S.  le 
nom  de  Nicolson  Street^  que  sont  les  principaux  édifices  de 
la  ville  méridionale,  l'Université,  le  Muséum  des  arts  et 
métiers  ;  l'hôpital  Heriot  est  plus  à  l'O.,  entre  Grassmarket 
et  la  rue  Lauriston  qui  le  sépare  de  l'Hospice  royal  (Boyal 
Infirmary).  Le  quartier  méridional  fut  jadis  celui  de  la 
noblesse  et  des  riches.  Il  a  été  depuis  la  fin  du  xviii®  siècle 
abandonné  pour  la  nouvelle  ville,  de  sorte  que  l'ancien 
Edimbourg  renferme  les  éléments  pauvres  de  la  population. 
Le  noyau  historique  de  la  cité  n'a  plus  ses  maisons  nobi- 
liaires ou  royales  ;  il  a  perdu  sa  prison,  la  fameuse  Tol- 
booth^  le  «  cœur  de  Midlothian  »,  comme  on  l'appelait  iro- 
niquement. Mais  il  a  conservé  son  aspect  romantique,  et  les 
travaux  exécutés  depuis  un  demi-siècle,  tout  en  détruisant 
maint  édifice  cher  aux  archéologues,  ont  respecté  la  physio- 
nomie générale  de  la  vieille  ville. 

La  Ville-Neuve,  au  N.  de  l'ancienne,  présente  avec  celle- 
ci  un  contraste  frappant  ;  au  lieu  de  ces  rues  et  ruelles  en 
pente,  distribuées  irrégulièrement  autour  du  Château  et  au 
pied  des  rochers  escarpés  de  Salisbury  Crags  et  d'Arthurs 
Seat,  une  ville  moderne,  avec  ses  alignements  géométriques, 
ses  larges  voies  se  coupant  à  angle  droit,  ses  squares  ver- 
doyants. Rien  n'y  manque,  pas  même  le  ridicule  d'une 
reproduction  de  l'Acropole  d'Athènes  sur  la  colline  de 
Calton.  Une  ligne  de  démarcation  est  tracée  entre  ces 
deux  parties  par  le  chemin  de  fer.  Jadis  la  séparation  était 
encore  plus  tranchée.  Au  N.  du  Château  se  trouvait  un 
grand  étang  (loch  North),  dont  les  eaux  baignaient  les 
pentes  de  Calton  Hill.  C'est  au  delà  de  cet  étang  qu'on  com- 
mença en  4767  la  Ville-Neuve.  En  4846,  on  dessécha 
l'étang,  qui  fut  transformé  en  un  jardin  (Princes  Gardens) , 
puis  on  y  traça  le  chemin  de  fer.  Au  milieu  de  ce  jardin, 
on  a  établi  un  remblai,  large  de  50  m.,  long  de  295  m. 
(the  Mound),  formé  avec  les  matériaux  excavés  des  fon- 
dations des  maisons  de  la  rue  du  Prince;  il  a  été  régularisé 
lorsqu'on  y  éleva  les  palais  qui  le  surmontent  actuellement, 
et  relie  la  vieille  et  la  nouvelle  cité;  plus  à  l'E.,  les  com- 
munications sont  complétées  par  le  viaduc  ou  pont  de 
Waverley,  surplombant  la  gare  centrale  et  par  le  viaduc 
du  Nord  (iVor^/i  Bridge),  qui  prolonge  le  viaduc  du  S. 
et  rejoint  la  rue  Haute.  Sur  jle  Mound  sont  deux  édifices 
modernes  (Royal  Institution  et  National  Gallery)  édifiés, 
le  premier  de  4823  à  1836,  le  secoSl*  4850  à  4854. 
Au  N.  de  Princes  Gardens  s'allonge  un  beau  boulevard 
rectiligne  (Princes  Street)  qui  aboutit  au  viaduc  septen- 
trional et  à  l'éminence  de  Calton  Hill,  au  pied  de  laquelle 
est  la  plaine  verdoyante  de  Waterloo.  Ce  boulevard  est  le 
centre  de  la  ville  actuelle  et  la  région  la  plus  élégante  ;  le 
long  s'élèvent  la  Poste,  le  palais  des  Archives,  le  monument 
de  Walter  Scott,  baldaquin  de  style  gothique,  recouvrant 
la  statue,  œuvre  de  Steell,  les  statues  de  Wellington,  John 
Wilson,  AUan  Ramsay,  Livingstone.  Au  N.  se  trouve  la 
Ville-Neuve,  dont  les  maisons  monumentales  sont  bâties  en 
pierre  de  Craigleith.  Le  premier  quartier  de  la  Ville-Neuve 
forme  un  long  rectangle  déUmité  par  Princes  Street  au  S., 
Queens  Street  au  N.  ;  au  milieu  est  la  place  Saint-André 
(Saint-Andrew  Square),  avec  la  colonne  de  lord  Mel- 
ville  et  plusieurs  banques,  les  plus  affairées  de  la  ville.  La 
rue  Saint-George  relie  la  place  Saint-André  à  la  place  Char- 
lotte plus  à  rO.,  sur  laquelle  est  l'église  Saint-George. 
Dans  la  rue  Saint-George,  on  remarque  les  monuments  de 
Pitt,  Chalmers  et  George  IV  ;  sur  la  place  Charlotte,  celui 
du  prince  Albert.  AuN.  de  Queens  Street  est  un  jardin 
(Queens  Garden),Sin  delà  duquel  on  a  construit  les  maisons 


EDIMBOURG  -  '^S8  - 

les  plus  aristocratiques  et  les  plus  somptueuses  d'Edim- 
bourg; une  place  octogone  (Moray  Place),  confinant  à  la 
rivière  de  Leith,  est  la  plus  belle  de  ce  quartier.  Un  pont, 
long  de  136  m.,  élevé  de  63  m.  au-dessus  du  fond  de  la 


vallée,  le  pont  de  Stock  Bridge,  conduit  au  faubourg  de 
Dean,  sur  la  rive  gauche  du  Water  of  Leith,  Au  pied 
jaillit  une  source  minérale.  Sur  la  rive  droite,  entre  la 
rivière  et  le  chemin  de  fer,  la  ville  s'étend  vers  Haymarket, 


PLAN      D' É  D  I  IVI  BOURG 


ÉCHELLE   DU    4U.U00" 


Albert  Dock  (Dock  Albert). 
Archives. 


A.  D. 

Ar.  XXI  v^iii  Y  V..C. 

C.  E,  Corn  Exchange  (Bourse  des  blés). 

Ed.  D.  Edinburgh  Dock  (Dock  d'Edimbourg). 

E.  0.  D.  East  old  Dock  (ancien  Dock  de  FEst). 

M.  The  Mound. 

N.  North  Bridge. 

P,  Poste, 


P.  P. 
Pr. 


Parc  public. 
Prison. 


S.  'W.  M.  W.  Scott  Monument  (Monument  de  W.Scott), 

St.  Station. 

T.  C.  Throne  Church  (Eglise  du  Trône), 

Y.  D.  Victoria  Dock  (Dock  Victoria), 

W,  Waverley  Bridge. 

W.  0,  D.  West  old  Dock  (ancien  Dock  de  FOuest). 


Leith,  bien  que  formant  une  ville  distincte,  un  bourg 
parlementaire  avec  ses  magistrats  municipaux,  tend  à  se 
confondre  avec  Edimbourg,  chacune  des  villes  rapprochant 
ses  maisons  de  l'autre  ;  une  large  chaussée  les  met  en  rela- 
tions (Leith  walk)  sans  parler  des  autres  routes  ^  et  du 
chemin  de  fer  qui  passe  entre  les  deux  villes.  La  cité  mari- 


time se  prolonge  le  long  de  la  mer  à  PO.,  par  d'autres 
agglomérations,  Annfield,  Newhaven,  Irinity,  Granton 
(V.  Leith). 

A  l'extrémité  orientale  de  la  nouvelle  ville  culmine  la 
colline  de  Calton.  On  l'a  comparée  à  l'Acropole  d'Athènes, 
et  cette  comparaison  flattant  l'amour-propre  écossais,  on  a 


—  589 


EDIMBOURG 


tenté  de  reproduire  sur  le  sommet  les  merveilles  de  l'art 
grec.  On  aédifié  unParthénon,  monument  national,  com- 
mémoratit  de  la  bataille  de  Waterloo  ;  mais  on  n'a  pas  eu 
de  quoi  l'achever  ;  on  a  édifié  en  l'honneur  de  Dugald  Ste- 
wart  une  copie  du  monument  choragique  ;  à  côté,  on  a 
mis  la  colonne  de  Nelson,  haute  de  37  m.,  une  statue  de 
Playfair  ;  au  pied  de  la  colonne,  un  temple  rond  consacré  à 
Robert  Burns. 

Edimbourg  renferme  un  très  grand  nombre  de  monu- 
ments anciens  ou  récents.  Les  plus  remarquables  ne  sont 
pas  les  édifices  religieux  dont  peu  méritent  une  mention, 
bien  qu'il  y  en  ait  442.  De  ces  églises,  la  moitié  sont 
presbytériennes  :  31  appartiennent  à  l'Eglise  d'Ecosse, 
40  à  l'Eglise  libre  (V.  Eglise),  50  à  des  sectes  protes- 
tantes diverses,  16  à  l'Eglise  épiscopale,  3  à  l'Eglise  ca- 
tholique. La  plus  intéressante  est  Saint-Giles,  ancienne 
église  collégiale  et  cathédrale  de  la  capitale.  Elle  possède 
une  tour  de  47  m.  en  style  gothique,  un  chœur  du  xv®  siècle 


avec  chaire  en  pierre  et  stalles  en  bois,  mais  elle  a  été 
abîmée  par  les  remaniements  modernes.  On  y  voit  les 
tombes  du  régent  Murray,  du  marquis  de  Montrose,  de 
Napier.  Citons  encore  l'église  du  Trône  (1637-4663)  et  la 
cathédrale  édifiée  pour  les  épiscopaux  à  l'instigation  de  miss 
Walker  de  Coates  et  Drumsheugh;  les  plans  furent  établis 
par  Gilbert  Scott  et  l'église  commencée  en  1874.  Elle  est 
dans  le  style  ogival  du  xiv^  siècle  ;  la  plus  haute  de  ses 
tours  a  84  m.  d'alt.  Les  autres  églises,  sans  avoir  de  mérite 
particulier,  ont  cet  avantage  que  leurs  dômes,  leurs  flèches, 
leurs  tours  contribuent  à  l'aspect  |)ittoresque  d'Edimbourg. 
Les  églises  profanes  sont  plus  importantes.  En  premier 
lieu,  il  faut  nommer  le  Château;  il  occupe,  au  sommet 
de  la  colline,  une  superficie  de  deux  hectares  et  demi;  une 
esplanade,  l'ancienne  place  de  justice,  aujourd'hui  place 
d'exercices,  le  sépare  de  la  ville.  Il  a  succédé  à  un  fort 
romain  (V.  ci-dessous  le  §  Histoire),  Il  renferme  actuel- 
lement des  constructions  de  dates  fort  différentes.  La  cha- 


Château  d'Edimbourg  (d'après  une  photographie). 


pelle  Sainte-Marguerite  (Saint-Margaret)  remonterait 
au  xi®  siècle  et  serait  une  fondation  de  l'épouse  de  Malcolm 
Canmore;  en  tout  cas,  elle  existait  au  temps  de  David  P^. 
Les  autres  bâtiments  ne  sont  pas  antérieurs  au  xvi*^  siècle. 
Deux  ailes  subsistent  du  vieux  palais  royal,  en  haut  du 
rocher,  du  côté  méridional;  c'est  dans  ces  appartements 
que  logeait  la  régente  Marie  de  Guise,  avec  sa  fille  Marie 
Stuart,  et  on  montre  encore  la  chambre  où  naquit  Jacques  II 
(Jacques  P^  d'Angleterre).  Auprès  est  la  chambre  royale 
{Crown  Room)  où  sont  conservés  les  insignes  de  la  cou- 
ronne d'Ecosse  (the  Honours  of  Scotland),  les  joyaux 
restitués  à  la  mort  du  cardinal  d'York,  dernier  des  Stuarts, 
l'épée  offerte  à  Jacques  IV  par  le  pape  Jules  II  ;  non  loin 
est  la  prison  d'Etat  où  furent  massacrés  les  partisans  des 
Stuarts.  L'arsenal,  construit  à  l'époque  moderne  sur  le  côté 
0.  du  rocher,  renferme  des  armes  pour  30,000  hommes, 
outre  une  belle  collection  des  temps  anciens  et  un  canon 
géant  fondu  à  Mous  en  l'an  1476,  la  Mons  Meg,  souvent 
mentionnée  dans  l'histoire  locale.  Le  Château  a  encore  des 
casernes  pour  2,000  hommes  et  des  batteries,  notamment 
la  batterie  d'Argyll,  au  S.  de  la  chapelle  Sainte-Margue- 
rite, où  figurait  la  Mons  Meg;  mais  ces  défenses  n'ont 
qu'une  valeur  historique. 


Le  palais  aHolyroocl,  l'ancienne  résidence  des  rois 
d'Ecosse,  était  primitivement  une  abbaye  d'augustins,  fondée 
par  David  P^  en  1128;  le  vaisseau  de  l'église  abbatiale, 
en  ruine,  renferme  encore  quelques  débris  de  l'édifice 
original,  au  N.-E.  du  palais.  Celui-ci  a  été  en  grande  partie 
restauré  en  1850,  et  il  subsiste  peu  de  chose  de  celui  des 
Stuarts  du  xvi"^  siècle.  Gontigus  à  l'église  ruinée,  sont  les 
anciens  appartements  de  Marie  Stuart  et  la  chambre  où 
fut  égorgé  Rizzio  ;  c'est  ce  qui  reste  du  palais  de  Jacçjues  IV 
et  Jacques  V.  L'abbaye  formait  alors  un  ensemble  irrégu- 
Her  dans  lequel  la  tour  actuelle  du  N.-O.  était  reliée  par 
un  cloître  à  l'édifice  principal.  Mais  elle  fut  brûlée  par  les 
Anglais  du  comte  de  Hertford  en  1344  et  1547.  On  re- 
construisit un  véritable  palais  qui  fut  incendié  par  accident 
en  1630,  tandis  que  les  soldats  de  Cromwell  l'occupaient. 
Le  Protecteur  le  fit  rebâtir,  mais  le  nouveau  palais  ne  fut 
achevé  qu'au  temps  de  Charles  II,  sur  les  plans  de  William 
Bruce  de  Kinross,  par  Robert  Mylne  auquel  on  doit  la 
belle  cour  entourée  d'une  colonnade.  La  plus  belle_  salle 
est  une  galerie  de  30  m,  consacrée  aux  tableaux  historiques. 
On  y  voit  les  106  portraits  de  rois  mythiques  de  l'Ecosse, 
descendants  présumés  de  Fergus  P';  un  triptyque  de  1484 
avec  les  portraits  de  Jacques  III  et  de  sa  femme  Margue- 


EDIMBOURG 


—  560  — 


rite  ;  c'est  dans  cette  galerie  que  le  prétendant  Charles- 
Edouard  tint  sa  cour  en  4745;  c'est  là  qu'ont  lieu  les 
élections  des  pairs  écossais.  Le  château  d'Holyrood  fut  la 
résidence  du  dernier  des  Bourbons  de  France  ;  le  comte 
d'Artois  y  résida  avec  sa  suite  d'émigrés  jusqu'en  août 
4799.  Il  y  revint  sous  le  nom  de  Charles  X,  après  la  révo- 
lution de  4830.  Le  prince  Albert  a  décoré  le  palais  avec 
une  élégante  fontaine  copiée  sur  celle  du  palais  de  Linlithgow. 

Lepalaisdu  Parlement  (Parliament  House)  est  le  troi- 
sième des  grands  monuments  historiques  de  la  capitale. 
Il  a  été  bâti  de  4632  à  4640.  Le  Parlement  écossais  s'y 
réunit  jusqu'à  sa  suppression,  après  l'union  de  4707.  Il 
est  encore  le  siège  de  la  plus  haute  juridiction  écossaise 
(V.  Ecosse).  La  grande  salle  des  séances  de  l'ancien  Par- 
lement, remarquable  par  ses  belles  boiseries  de  chêne, 
sert  de  vestibule  ou  salle  des  pas  perdus.  Elle  a  43  m.  de 
long  et  43  m.  de  large.  Autour  on  a  construit  des  annexes 
modernes,  salle  des  tribunaux,  bibliothèques,  etc.  Des  deux 
bibliothèques  (Advocates  Library  et  Signets  Library)  la 
première  est  importante;  elle  renferme  près  de  300,000  vol.  ; 
fondée  en  4682  par  sir  George  Mackenzie,  elle  est  une 
des  cinq  bibliothèques  anglaises  auxquelles  on  attribue  le 
dépôt  légal.  C'est  une  sorte  de  bibliothèque  nationale.  La 
seconde  (60,000  vol.),  a  un  caractère  professionnel  ;  les 
avocats  et  notaires  continuent  de  l'enrichir.  — A  l'extrémité 
orientale  de  la  rue  du  Prince,  est  le  palais  des  Archives 
(Register  Office)  surmonté  d'une  coupole  de  45  m.  C'est 
une  institution  annexe  de  la  cour  suprême  et,  comme  telle, 
parfaitement  organisée  et  rendant  les  plus  grands  services 
pour  tout  ce  qui  concerne  les  titres,  actes  de  l'état  civil, 
et  aussi  les  renseignements  démographiques  et  statistiques, 
sans  parler  des  pièces  proprement  historiques.  —  En  face 
est  la  Poste,  bâtie  en  4864  dans  le  style  italien. 

Les  deux  édifices  modernes  qui  bordent  le  Mound,  au 
centre  des  jardins  du  Prince,  sont  consacrés  à  la  culture 
intellectuelle  et  esthétique.  Royal  Institution  est  en  style 
dorique.  National  Gallery  en  style  ionique.  Royal  Insti- 
tution fut  construit  par  sir  Jones  Steell,  de  4823  à  4836. 
Il  abrite  un  musée  d'antiquités  nationales,  une  galerie  de 
sculpture  et  les  locaux  de  la  Société  royale  et  de  la  Société 
des  antiquaires  d'Ecosse.  Celle-ci  fut  fondée  en  1780  chez 
le  comte  de  Buchan  et  sur-le-champ  constitua  son  musée; 
les  grands  seigneurs  écossais  y  prirent  une  part  active  et, 
après  un  grand  nombre  de  déménagements,  on  jugea  indis- 
pensable la  possesion  d'un  monument  spécial  pour  contenir 
les  collections  archéologiques;  on  obtint  en  4849,  du  gou- 
vernement, une  partie  de  celui  de  Royal  Institution,  d'abord 
atfecté  à  l'Académie  royale  des  artistes.  Le  musée  archéolo- 
gique est  très  riche;  la  Société  publie  des  Archœlogica 
Scotica.  La  Société  royale  (Académie  des  sciences,  sur  le 
modèle  de  celle  de  Londres)  est  logée  dans  le  même  édifice 
avec  sa  bibliothèque.  —  L'Académie  royale  de  peinture, 
sculpture  et  architecture,  fondée  en  4826,  fut  dotée  en 
4850  d'un  palais  à  elle  (achevé  en  4854)  qui  supprima 
les  bâtisses  provisoires  de  VEarthen  Mound  et  compléta 
assez  heureusement  le  coup  d'oeil  offert  par  cette  région  de 
la  ville,  au  pied  du  Château  et  de  la  Vieille- Ville.  L'Aca- 
démie des  beaux-arts  y  tient  ses  expositions  annuelles  et 
y  a  placé  un  musée  de  peinturp  et  de  sculpture. 

V  Université  d'Edimbourg  remonte  au  règne  de  Jac- 
ques VI  ;  elle  a  été  réorganisée  en  4858  par  un  acte  qui 
l'a  mise  sous  le  patronage  et  le  contrôle  de  la  munici- 
palité (V.  ci-dessous  le  §  Université),  Le  véritable  fon- 
dateur ne  fut  pas  le  roi  dont  elle  garde  le  nom  {Collège 
of  King  James)  ;  cet  honneur  revient  à  des  citoyens  de 
la  ville,  WilUam  et  Clément  Little  et  James  Lawson.  L'édi- 
fice actuel,  qui  tient  l'emplacement  de  l'ancienne  église 
collégiale  de  Saint-Mary  in  the  Field  ou  de  Kirk  of 
Field,  fut  construit  de  4789  à  4827  sur  les  plans  de 
Robert  Adam  et  de  W.-H.  Playfair  autour  d'une  cour 
quadrangulaire  ;  on  admire  le  portique  orné  de  colonnes 
doriques.  Au  S.-O.  fut  édifié  récemment  (4878)  un  nouvel 
institut  destiné  à  la  faculté  de  médecine.  De  celle-ci  dé- 


pend l'hospice  royal  (Royal  Infirmary)  précédemment  situé 
à  l'E.  de  l'Université,  puis  reconstruit  sur  un  plan  plus  vaste 
au  N.  des  Meadows.  Un  jardin  botanique  est  également 
adjoint  à  l'Université  ;  il  a  été  fondé  en  4670,  occupe  une 
dizaine  d'hectares  au  N.  de  la  ville,  à  gauche  de  la  rivière 
de  Leith,  près  d'Inverleith,  Il  possède  un  aquarium  et  un 
observatoire  magnétique.  Un  observatoire  astronomique 
s'élève  au  sommet  de  Calton  Hill  dont  il  complète  la  déco- 
ration. A  rO.  des  bâtiments  de  l'Université  est  logée  une 
autre  institution  annexe,  le  Muséum  (Muséum  of  science 
and  art),  bâti  en  4864.  C'est  un  grand  édifice  en  style 
gothique  vénitien,  analogue  au  musée  anglais  de  Kensing- 
ton.  Auprès  de  collections  scientifiques  très  complètes,  il 
renferme  des  échantillons  de  tous  les  produits  du  travail 
humain  :  c'est  donc  à  la  fois  un  musée  scientifique  et  un 
musée  des  arts  industriels.  On  peut  encore  rattacher  à 
l'Université  le  collège  des  chirurgiens  établi  au  voisinage 
(Nicolson  Street)  qui  remonte  au  début  du  xvi«  siècle.  En 
revanche,  le  collège  des  médecins  (privilège  de  4681),  logé 
dans  Queens  Street,  ne  prend  pas  part  à  l'œuvre  éducatrice 
de  l'Université.  —  Celle-ci  est  prospère  et  c'est  le  princi- 
pal établissement  d'enseignement  supérieur  de  l'Ecosse  ; 
elle  comptait,  en  4884,  46  professeurs  et  plus  de  3,000  élè- 
ves. Sur  son  organisation,  V.  ci-dessous,  §  Université. 

Le  nouveau  collège  (New  Collège)  est  un  des  édifices 
caractéristiques  d'Edimbourg.  Il  est  situé  au  N.  du  Mound, 
auprès  du  palais  de  National  Gallery,  sur  un  point  très 
élevé  et  bien  en  vue,  où  était  jadis  le  palais  de  Marie  de 
Guise.  Il  a  été  construit  il  y  a  une  quarantaine  d'années 
en  style  flamboyant  ;  à  l'angle  N.-E.  est  l'église  flanquée 
de  trois  tours.  Le  nouveau  collège  a  été  fondé  par  l'Eglise 
libre,  après  le  schisme  de  4843  ;  primitivement,  il  devait 
être  une  sorte  d'université  ;  ce  n'est  qu'une  faculté  de 
théologie  ;  dans  la  grande  salle  se  tiennent  les  assemblées 
générales  qui  forment  la  cour  suprême  de  TEglise  libre.  — 
Sur  la  terrasse  du  Château  est  une  institution  rivale,  celle 
de  l'Eglise  presbytérienne  unie,  établie  à  la  place  d'un 
théâtre  (New  Edinburgh  Théâtre). —  On  peut  encore  citer 
comme  établissement  d'enseignement  supérieur  la  Philoso- 
phical  Institution  (Queens  Street)  et  VEdinburgh  Lite- 
rary  Institute  (South  clerk  Street)  dont  les  conférences 
sont  très  suivies. 

Les  écoles  d'enseignement  secondaire  ou  primaire  sont 
nombreuses.  La  plus  illustre  est  High  School  fondée  au 
début  du  xvi*^  siècle  (1549)  ;  elle  fut  longtemps  installée 
dans  l'antique  couvent  de  Black-Friars  ;  en  4825,  on  l'a 
transportée  au  pied  de  Calton  Hill.  L'éducation  moderne 
scientifique  et  professionnelle  y  est  associée  à  l'éducation 
classique.  V Académie,  fondée  en  4824,  est  une  autre 
école  secondaire  classique.  On  cite  encore  à  Edimbourg 

3  séminaires  théologiques,  3  écoles  normales,  2  collèges 
de  jeunes  filles  et  dames,  2  écoles  vétérinaires,  4  école 
dentaire,  4   école  de  pharmacie,  des  écoles  de  dessin, 

4  école  d'arts  industriels  (Watt  Institution),  l'Académie 
de  Merchiston  établie  dans  la  tour  de  Napier,  etc.  — 
Il  y  faut  ajouter  les  fondations  charitables  dans  lesquelles 
les  fondateurs  ont  associé  l'idée  d'éducation  à  celle  d'assis- 
tance. Tel  est  l'hospice  Heriot,  fondé  par  testament  de 
George  Heriot,  orfèvre  du  roi  Jacques  VI  (4624)  en  faveur 
des  orphelins  d'Edimbourg.  C'est  un  bel  édifice  quadran- 
gulaire, bâti  sur  la  colline  méridionale  au  lieu  dit  High 
Rigs,  entre  Grassmarket  et  les  Meadows,  beau  type  de  l'ar- 
chitecture de  transition  du  début  du  xvi®  siècle.  On  y 
entretient  480  orphelins,  qui  sont  ensuite  placés  en  appren- 
tissage ou  bien  envoyés  à  l'Université  durant  quatre  années. 
Sur  le  même  modèle  furent  créés  successivement  les  hos- 
pices George  Watson,  John  Watson,  Donaldson,  Stewart  ; 
enfin,  on  adapta  à  la  même  fin  les  hospices  des  marchands 
(Mer chant  Maiden  et  Trades  Maiden  Hospital)  pour 
les  fils  et  filles  de  bourgeois  et  commerçants.  L'hospice 
Heriot  possédant  les  terrains  sur  lesquels  on  éleva  la  ville 
neuve,  ses  revenus  devinrent  tels  qu'on  les  affecta  à  la 
création  d'une  série  de  nouvelles  écoles  primaires,  si  bien 


561  — 


EDIMBOURG 


qu'il  y  a  actuellement  à  Edimbourg  une  vingtaine  de  ces 
fondations  assurant  l'éducation  et,  au  besoin,  l'entretien 
à  4,400  enfants  des  deux  sexes.  L'hospice  George  Watson, 
fusionné  avec  celui  des  Marchands,  est  devenu  une  école 
secondaire.  De  même  Fettes  Collège,  fondé  sur  le  modèle 
de  l'hospice  Heriot.  Au  point  de  vue  architectural,  il  faut 
signaler  l'hospice  Donaldson  et  le  collège  Fettes  (au  N.  de 
la  ville). 

Les  fondations  hospitalières  proprement  dites  sont  éga- 
lement très  développées.  Sans  parler  du  grand  hôpital 
(Royal  Infirmary,  600  lits),  nous  mentionnerons  l'hospice 
de  la  Trinité,  l'hospice  Chalmers,  au-dessus  de  Meadows, 
l'hospice  des  convalescents  près  de  Corstorphine,  l'hospice 
des  enfants,  celui  des  incurables,  la  Maternité,  l'asile 
d'aliénés  (840  malades)  dans  le  faubourg  de  Morningside, 
l'asile  des  aveugles,  etc.  —  Les  prisons  sont  groupées  au 
pied  de  la  terrasse  méridionale  de  Calton  Hill,  entre  Canon- 
gate  et  la  place  Waterloo  ;  dominées  par  la  maison  du 
gouverneur,  elles  offrent  un  peu  l'aspect  d'un  château  féodal. 

Ainsi  qu'on  a  pu  en  juger,  l'activité  intellectuelle  est 
considérable  dans  la  capitale  de  l'Ecosse.  A  toutes  les  ins- 
titutions officielles  que  nous  avons  énumérées,  il  convient 
d'ajouter  plusieurs  sociétés  importantes  :  celle  d'agriculture 
(Highland  and  Agricultural  Society  of  Scotla?id),  la 
Société  géologique,  la  Société  météorologique,  diverses 
sociétés  médicales,  la  Société  d'astronomie,  la  Société  de 
géographie,  la  Société  de  phrénologie,  etc.  Les  grandes 
revues  d'Edimbourg  comptent  parmi  les  premières  d'Europe 
(Edinburgh  Review  et  Blackwoods  Magazine).  La  ville 
possède  deux  théâtres,  plusieurs  salles  de  concert,  un 
jardin  d'hiver.  La  population  adore  h  danse  {go If).  Cepen- 
dant elle  observe  strictement  le  sabbat.  —  Edimbourg  est 
le  centre  de  la  vie  reHgieuse  de  l'Ecosse.  A  l'époque  où  on 
imposa  l'épiscopat,  la  capitale  fut  un  évêché  et  l'église 
Saint-Giles  devint  cathédrale.  Aujourd'hui,  c'est  à  Edim- 
bourg que  se  tient  annuellement  au  mois  de  mai  la  grande 
assemblée  générale  de  l'Eglise  d'Ecosse  ;  le  représentant  de 
la  reine  s'établit  au  palais  d'Holyrood  ;  il  se  rend  à  High 
Church,  puis  sur  la  colline  du  Château  pour  y  présider  ; 
la  municipalité  lui  présente  solennellement  les  clefs  de  la 
ville:  les  réceptions  et  banquets  officiels  rendent  au  palais 
quelque  chose  de  son  ancienne  splendeur.  L'Eglise  libre  et 
l'Eglise  presbytérienne  unie  tiennent  leurs  synodes  au  même 
moment,  de  sorte  que  le  mois  de  mai  est  celui  où  Edimbourg 
redevient  tout  à  fait  capitale  de  l'Ecosse. 

L'administration  de  la  ville  appartient  à  un  conseil  mu- 
nicipal composé  d'un  lord-prévôt,  de  6  baillis  {bailies), 
d'un  représentant  des  huit  corporations  (dean  of  giiild), 
d'un  délégué  des  commerçants  (convener  of  Trades)  et 
de  32  conseillers.  Le  lord-prévôt  est  aussi  sheriff  de 
Leith.  Canongate  a  conservé  son  conseil  municipal  dis- 
tinct, sous  la  direction  du  lord-prévôt.  La  ville  est  bien 
pourvue  d'eau  (22  millions  de  litres  par  jour)  par  un 
aqueduc  construit  en  4  849  et  amenant  les  eaux  des  vallées 
méridionales  où  des  réservoirs  les  emmagasinent.  Elle  est 
bien  pavée,  bien  éclairée  et  ses  odeurs  ne  lui  mériteraient 
plus  le  sobriquet  à'Old  Reekie.  —  La  population  s'accroît 
rapidement;  de  136,294  hab.  en  1831,  elle  a  passé  en 
1881  à  228,537  (V.  Ecosse).  Cependant  Edimbourg  n'est 
pas  du  tout  une  cité  industrielle.  Sa  situation  n'est  pas 
comparable  à  cet  égard  à  celles  de  Glasgow  et  de  Dundee. 
Elle  n'a  de  manufactures  et  de  commerce  que  ce  qui  est 
nécessaire  à  toute  grande  ville  ;  on  ne  pourrait  guère  nom- 
mer comme  industries  locales  florissantes  que  la  brasserie, 
l'imprimerie,  la  librairie.  C'est  essentiellement  une  capitale; 
elle  doit  sa  prospérité  à  ses  tribunaux,  à  ses  écoles,  à  ses 
établissements  d'assistance  publique.  Mais  il  est  remar- 
quable qu'écoles  et  hospices  sont  dus  à  l'initiative  de  ses 
citoyens,  lesquels  ont  été  les  artisans  principaux  de  la 
fortune  de  leur  ville  natale. 

Histoire.  —  Le  rocher  du  Château,  masse  basaltique 
abrupte  qui  émerge  du  sol  sablonneux  de  la  plaine,  dut 
attirer  de  bonne  heure  l'attention;    facile  à  mettre  en 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —   XV. 


défense,  il  fut  le  noyau  d'Edimbourg.  Il  y  eut  probablement 
là  un  fort  romain  ;  la  convergence  des  ruines  romaines 
l'indique;  mais  on  rejette  l'hypothèse  de  Camden  qui  l'iden- 
tifiait avec  Alata  Castra,  le  STpài:o:^£8ov  HispcoTov  de 
Ptolémée.  Plus  tard,  ce  fut  un  lieu  fortifié  du  royaume  des 
Pietés;  on  a  voulu  l'identifier  avec  la  colline  d'Agned, 
théâtre  d'une  victoire  d'Arthur.  Le  rocher  du  Château  por- 
tait le  Magh  Dun  (Maiden  Castle)  au  pied  duquel  se 
forma  un  hameau.  On  admet  que  la  paroisse  de  Saint- 
Cuthbert  fut  la  première  de  la  ville.  Le  nom  actuel  vien- 
drait du  roi  Edwin  de  Northumbrie  (616-633),  lequel 
aurait  occupé  le  Château  et  appuyé  sur  Edwins-burgh  (la 
forteresse  d'Edwin)  la  domination  des  Angles  sur  les  rives 
du  Forth.  Cette  tradition  est  douteuse,  et  durant  des  siècles 
toute  cette  région  de  la  Tweed  et  Forth  fut  disputée  entre 
les  Anglo-Saxons,  les  Danois  et  les  Pietés  (V.  Ecosse 
[Histoire]).  Edimbourg  n'était  qu'un  fort  de  la  frontière. 
Sous  le  règne  de  Malcolm  Canmore,  on  y  construisit  un 
palais  royal  où  la  pieuse  reine  Marguerite,  petite-nièce 
d'Edouard  le  Confesseur,  mourut  en  1093.  Les  fils  de 
Malcolm  et  de  Marguerite  (Continuèrent  d'y  habiter,  et  la 
ville  grandit  rapidement  dans  les  premières  années  du 
xii^  siècle.  L'église  Saint-Gilles  fut  fondée  par  Alexandre  P"^ 
vers  1110;  le  Château  fortifié  de  nouveau  par  David  P'', 
dont  le  donjon  ne  fut  détruit  qu'en  1572.  C'est  aussi 
David  l^^  qui  fonda  l'abbaye  de  Holyrood,  où  les  rois 
d'Ecosse  vinrent  souvent,  de  même  qu'à  leur  château.  Le 
bourg  de  Canongate  s'accrut,  grâce  à  ce  voisinage  de  l'ab- 
baye. Néanmoins,  Edimbourg  était  toujours  regardé  comme 
une  place  frontière  ;  les  souverains  y  venaient  de  temps  à 
autre.  En  1215,  on  y  rassembla  un  parlement.  Le  véritable 
essor  de  la  ville  date  du  xv^  siècle,  lorsque  les  Stuarts  en 
firent  leur  capitale  et  y  fixèrent  leur  résidence.  C'est  alors 
que  la  cité  du  Château  absorba  les  bourgs  et  villages  voisins 
de  Calton,  Portsburgh,  Saint-Cuthbert,  Montries  Hill, 
Broughton,  Canonmills,  Sillvermills,  Deanhaugh,  compris 
dans  la  Vieille-Ville.  Déjà,  pourtant,  Edimbourg  était  regardé 
comme  un  des  quatre  principaux  bourgs  d'Ecosse  ^avec 
Stirling,  Roxburgh  et  Berwick,  et  la  réunion  de  leurs 
coutumes  formait,  en  matière  commerciale,  le  premier 
corps  de  la  législation  écossaise.  Cependant,  jusqu'en  1450, 
la  ville  ne  dépassait  pas  la  région  du  Château  et  de  la  rue 
Haute.  C'est  à  cette  date  qu'une  enceinte  commune  y 
réunit  les  bourgs  voisins  et  constitua  la  Vieille- Ville.  Ainsi 
abritée,  elle  se  développa  rapidement.  Après  l'assassinat  de 
Jacques  P^  (d436)  à  Perth,  on  avait  transféré  la  capitale  et 
la  cour  des  rives  du  Tay  à  celles  du  Forth.  Jacques  ÏI  fut 
couronné  à  Holyrood  et  non  à  Scone,  et  le  jeune  roi,  avec  sa 
mère,  s'installa  dans  le  Château.  De  ses  quatorze  parlements, 
huit  furent  tenus  à  Edimbourg,  où  son  père  n'en  avait 
assemblé  qu'un  sur  treize.  Jacques  III,  bien  qu'il  préférât 
la  résidence  de  StirHng,  tint  ses  parlements  à  Edimbourg. 
Il  lui  conserva  les  privilèges,  concédés  par  Jacques  II, 
qui  l'avait,  en  1452,  placé  en  tête  des  bourgs  royaux.  H  en 
ajouta  de  nouveaux  ;  la  Charte  d'or  (Golden  Charter)  de 
1482  conféra  au  prévôt  et  à  la  municipalité  l'office  héré- 
ditaire de  sheriff' avec  des  pouvoirs  judiciaires  et  financiers 
étendus.  Ces  privilèges  furent  confirmés  et  accrus  par 
la  suite,  en  dernier  lieu  dans  la  charte  de  1603,  con- 
cédée par  Jacques  VI.  Après  le  désastre  de  Flodden,  les 
bourgeois  construisirent  à  la  hâte  une  seconde  enceinte 
comprenant  Cowgate  et  la  coUine  méridionale  (Grey  Friars 
et  l'hospice  Heriot),  mais  Canongate,  dépendant  de  l'abbaye 
de  Holyrood,  resta  encore  en  dehors.  C'est  pour  entasser 
la  population  chaque  jour  plus  dense  à  l'intérieur  de  cette 
enceinte  que  furent  élevées  ces  maisons  à  dix  étages  qui 
font  d'Edimbourg  une  ville  si  diff'érente  des  villes  anglaises. 
La  Vieille- Ville,  formée  de  la  réunion  d'Edimbourg  et  de 
Canongate,  conserva  jusqu'à  la  fin  du  xviii^  siècle  l'aspect 
de  cité  du  moyen  âge,  sans  autres  rues  carrossables  que  la 
rue  Haute  et  Cowgate.  Elle  devint  le  rendez-vous  de  la 
noblesse  écossaise  et  de  tout  le  monde  officiel,  et  prit  le 
caractère  qu'elle  a  conservé.  Il  est  vrai  que  les  avantages 

36 


EDIMBOURG 


—  562  - 


du  rang  de  capitale  n'allaient  pas  sans  inconvénients  corré- 
latifs. Devenue  le  rempart  de  la  nationalité  écossaise,  elle 
connut  plus  que  par  le  passé  les  maux  de  la  guerre.  Ce 
qu'avait  épargné  l'incendie  de  1330  fut  détruit,  en  1544, 
par  les  Anglais  du  comte  de  Hertford.  Ils  revinrent  trois 
ans  après.  Le  Château,  Holyrood  et  Saint-Gilles  furent  les 
seuls  monuments  qui  survécurent  à  ces  dévastations.  La  cita- 
delle résista  même  après  la  prise  delà  ville  ;  si  Cromwell  la 
prit,  elle  tint  en  échec  les  jacobites.  Mais,  dès  cette  époque, 
la  principale  gloire  d'Edimbourg  fut  due  à  l'intelligence  ; 
ce  fut  la  métropole  intellectuelle  de  l'Ecosse.  C'est  là  qu'en 
1507  fut  établie  la  première  imprimerie  du  royaume.  A  la 
cour  de  Jacques  II  brillèrent  les  poètes  Dumbar,  Walter 
Kennedy,  Gawin-Douglas  ;  c'est  à  Greenside,  au  N.  de 
Calton  llill,  que  sir  David  Lindsay  fit  jouer  sa  Satire  of 
the  Three  Estâtes,  Au  xvi^  siècle,  il  faut  nommer  Knox, 
Buchanan,  Alexander  Montgomery;  au  xvii%  Drummond 
de  Hawthornden;  au  xviii%  Allan  Ramsay,  Smollet,  Fer- 
gusson  et  Burns.  Enfin,  à  la  fin  du  xviii^  siècle  et  au 
commencement  du  xix^,  une  pléiade  d'hommes  célèbres  : 
les  deux  Monros,  Cullen,  Black,  Playfair,  Dugald  Stewart, 
Leslie,  professèrent  à  l'Université;  Hume,  Adam  Smith, 
Kobertson,  Henry  Mackensie  les  surpassèrent  ;  autour  de 
Walter  Scott,  le  romancier  et  poète  national,  on  peut  citer 
Wilson,  Brougham,  Jeffrey,  Cockburn,  Chalmers,  puis 
Carlyle  qui  s'efforcent  de  justifier  le  surnom  d'Athènes 
moderne.  Autour  de  la  cour  suprême  se  groupent  des 
jurisconsultes  renommés  ;  l'école  de  médecine  peut  citer 
des  savants  connus  dans  toute  l'Europe.  Les  noms  de 
Nasmyth,  Wilkie,  Mac  Culloch,  Watson  Gordon,  Haryey, 
Drummond,  sont  presque  aussi  connus  que  ceux  des  litté- 
rateurs. Edimbourg,  qui  n'avait  que  20,000  hab.  en  1678, 
en  comptait  le  double  en  1722,  le  quadruple  en  1801. 

Comté.  —  Comté  d'Ecosse,  appelé  aussi  Midlothian  ; 
situé  au  S.  du  golfe  ou  estuaire  du  Forth,  borné  auN.-O. 
par  le   comté  de  Linlithgow  (Westlothian),  au  S.-O.  par 
celui  de  Lanark,  au  S.  par  ceux  de  Peebles  et  de  Selkirk , 
à  l'E.  par  ceux  de  Roxburgh,  Berwick  et  Haddington.  Il 
mesure  937  kil.  q.  et  comptait,  en  1881,  388,836  hab., 
soit  415  par  kil.  q.  Le  sol  en  est  extrêmement  accidenté  ; 
les  Pentland  Hills,  qui  occupent  la  zone  méridionale, 
s 'avançant  jusqu'à  8  kil.  de  la  mer,  ont  une  altitude  de  3 
à  400  m.  ;  les  sommets  les  plus  élevés  sont  de  Scald  Law 
(579  m.),  le  Carnethie  (577  m.),  le  Cairn  Hill  oriental  et 
occidental  (562  m.),  le  West  Kip  (551  m.).  Ils  sont  de 
forme  arrondie  et  revêtus  d'herbe  ou  de  bruyère.  A  l'angle 
S.-E.  du  comté  sont  les  Morfoot  Hills,  prolongement  des 
collines  de  Lammermoor,  dont  le  point  culminant  est  le 
Blackhope  Scar  (651  m.).  On  peut  citer  encore  les  éminen- 
ces  isolées  de  Blackford  au  S.  d'Edimbourg,  Arthurs  Seat  à 
l'E.,  Corstorphine  à  l'O.  Toutes  les  eaux  du  comté  vont  à 
la  mer  du  Nord,  presque  toutes  par  l'estuaire  du  Forth  ; 
"  au  S.-E.  le  Gala  en  conduit  un  peu  à  la  Tweed.  Le  prin- 
cipal de  ces  fleuves  côtiers,  dont  aucun  n'est  navigable,  est 
l'Esk,  formé  par  la  jonction  de  deux  rivières,  dont  l'une 
(méridionale)  vient  du  Blackhope  Scar,  reçoit  le  Redside, 
le  Middleton  Burns  et  arrose  l'abbaye  de   Newbattle  ; 
l'autre  (septentrionale)  descend  des  Pentlands  par  une  val- 
lée pittoresque  où  sont  Roslin,  Lasswade,  Eskbank  ;  l'Esk 
ainsi  constitué  arrose  Dalkeith.  Les  autres  fleuves  côtiers 
sont  le  Braid  Burn,  qui  débouche  à  Portobello;  le  AVater  of 
Leith,  qui  baigne  Balerno,  Currie,  Juniper  Green,  Colinton, 
Edimbourg  et  Leith;  l'Almond,  venu  du  comté  de  Lanark, 
dont  un  affluent  de  droite ,  le  Breich  Water,  forme  la 
limite  entre  les  comtés  d'Edimbourg  et  de  Linlithgow.  Le 
seul  lac  est  celui  de  Duddington  près  d'Edimbourg.  —  La 
géologie  du  comté   a  été   étudiée  par  des  savants  connus 
(llutton.  Hall,  Jamieson,  Cunningham,  Hugh  Miller,  Fle- 
ming, etc.)  ;  il  eu  sera  question  à  l'art.  Grande-Bretagne, 
de  même  que  du  climat.  —  Au  point  de  vue  de  l'agricul- 
ture, les  Pentland  Hills  sont  la  seule  région  peu  fertile. 
En  1884,  il  y  avait  39  ^/o  de  la  superficie  en  champs, 
21  7(3  en  prairies,  5  ^[^  en  bois.  On  comptait  plus  de 


20,000  bœufs  et  de  166,000  moutons.  On  tire  du  sol  de 
7  à  800,000  tonnes  de  charbon  (vallée  de  l'Esk),  260,000 
tonnes  d'huile  minérale,  25,000  de  fer  (vallée  de  l'Esk 
septentrional);  les  carrières  de  Craigleith,  Craigmillar,Barn- 
ton  Mount  fournissent  de  bonne  pierre.  Les  trois  quarts  de  la 
population  étant  concentrés  à  Edimbourg  et  Leith,  l'indus- 
trie et  le  commerce  ont  une  certaine  importance  :  imprimerie 
et  librairie,  brasserie,  verrerie,  savonnerie,  etc.  —  Les  prin- 
cipales villes  sont  Edimbourg,  Leith,  Dalkeith,  Musselburgh, 
Portobello.  Compris  dans  la  province  romaine  de  Valetitia, 
puis  dans  le  royaume  de  Northumbrie,  ce  comté  renferme 
encore  des  domaines  féodaux,  les  châteaux  de  Borthwick  et 
de  Craigmillar,  la  chapelle  de  Roslin.  A. -M.  B. 

Université  d'Edimbourg.— L'université  d'Edimbourg 
est  sortie  d'un  petit  collège  (the  town's  collège)  qui  fut 
fondé  en  1583  par  le  conseil  de  ville  d'Edimbourg.  Ce  col- 
lège posséda  dès  l'origine  le  droit  de  conférer  des  degrés, 
privilège  qui  lui  fut  confirmé  par  acte  du  Parlement  de 
1621.  Peu  à  peu,  le  collège  municipal,  ou,  comme  on  l'ap- 
pelait aussi,  le  collège  de  Jacques  VI,  assuma  le  nom  et  la 
dignité  d'  «  Université  d'Edimbourg  »,  mais  l'institution 
demeura  sous  le  contrôle  immédiat  et  le  patronage  du  con- 
seil municipal  d'Edimbourg  jusqu'en  1858,  date  de  VUni- 
versities  (Scotland)  Act,  qui  conféra  de  nouvelles  constitu- 
tions autonomes  à  tous  les  étabHssements  d'enseignement 
supérieur  de  l'Ecosse.  —  L'université  d'Edimbourg  est  une 
corporation  composée  d'un  chanceHer,  d'un  recteur,  d'un 
principal,  de  professeurs,  de  gradués  enregistrés  et  d'étu- 
diants immatriculés.  De  1858  à  1890,  le  gouvernement  en 
a  été  exercé  par  le  Senatus  academicus,  sous  réserve  du 
contrôle  de   VUniversity  Court.  Depuis  VUniversities 
(Scotland)  Act  de  1889,  VUniversity  Court  est  devenue 
une  corporation  perpétuelle,  pourvue  d'un  sceau;  elle  ad- 
ministre les  revenus  et  les  biens  de  l'université.  Quant  au 
Senatus  academicus,  il  surveille  et  régente  l'enseigne- 
ment et  la  discipline.  Le  nombre  des  étudiants  immatriculés 
s'élevait  à  1,336  en  1858;  il  a  été  de  3,551  en  1889.  Le 
chancelier  est  élu  à  vie  par  le  General  Council;  il  est  le 
chef  de  l'université  ;  il  désigne  le  vice-chancelier.  Le  recteur 
(auj.  M.  Goschen)  est  élu  tous  les  trois  ans  par  les  étu- 
diants immatriculés.  VUniversity  Court  comprend  :  le 
recteur,  président,  le  principal,  le  lord  prévôt  d'Edim- 
bourg, un  assesseur  nommé  par  le  chancelier,  un  asses- 
seur nommé  par  le  recteur,  un  assesseur  nommé  par  le 
lord  prévôt,  quatre  assesseurs  élus  par  le  General  Coun- 
cil, quatre  autres  élus  par  le  Senatus  academicus,  quatre 
représentants  (au  plus)  des  collèges  afTdiés.  En  1858,  le 
patronage  des  dix-sept  chaires  de  l'université  fut  enlevé  au 
conseil  municipal  d'Edimbourg  et  transféré  à  sept  cura- 
tors,  désignés  trois  parl'University  Court  et  quatre  par  le 
conseil  municipal;  les  curators  sont  élus  pour  trois  ans. 
Le  principal  est  élu  à  vie.  par  le  collège  des  curators;  il 
demeure  dans  le  collège  dont  il  est  le  chef  et  préside  le 
Senatus  academicus,  constitué  lui-même  par  le  corps 
des  professeurs.  Il  y  a  quatre  facultés  :  arts,  théologie, 
droit   et  médecine.  On  appelle  enfin  General   Council 
l'assemblée,  présidée  par  le  chancelier,  des  membres  de 
VUniversity  Court,  des  professeurs,  des  gradués,  etc. 
(6,622  membres  au  1^^"  janv.  1891).  Le  General  Council 
de  l'université  d'Edimbourg,  d'accord  avec  celui  de  l'uni- 
versité de  Saint- Andrews,  élit  un  représentant  à  la  Chambre 
des  communes.  Les  bâtiments  de  l'université  (South  Bridge 
Street)  ont  été  élevés  sur  les  plans  de  Robert  Adam  à  la 
fin  du  XVIII''  siècle  et  au  commencement  du  xix^.  La  biblio- 
thèque universitaire  possède  177,000  volumes  et  3,00j)  ma- 
nuscrits. —  Le  budget  annuel  des  dépenses  est  de  15,922 
livres  sterling.  Le  principal  reçoit  1,000  livres;  les  chaires 
des  quatre  facultés  coûtent  10,280  livres  :  la  mieux  rému- 
nérée est  celle  de  critique  biblique  (630  l.)  ;  la  moins  payée 
est  celle  de  grec  (238  L).  Le  capital  en  la  possession  de 
l'université  (à  cause  de  legs,  donations,  etc.,)  monte  à 
plus  de  442,000  livres;  son  revenu  total  à  40,983  livres. 
—  Consulter,  pour  les  règlements  intérieurs  des  facultés. 


-  563  — 


EDIMBOURG  —  EDISON 


les  programmes  et  les  statistiques  qui  ne  peuvent  être 
indiquées  ici,  The  Edinburgh  University  Calendar  (offi- 
ciel) publié  chaque  année  par  l'imprimeur  de  l'Université, 
James  Thir.  Ch.-V.  Langlois. 

BiBL.  :  Ville.  —  Maitland,  History  of  Edinburgh^  1753.— 
Arnot,  History  o f  Edinburgh^  11S9.—.R.  Chambers,  Tradi- 
tions of  Edinburgh,  1824.  — D.  WiLSON,  M emorials  of  Edin- 
burgh in  the  Olden  Time,  1846-48.  —  Du  même,  Réminis- 
cences of  old  Edinburgh^  1878,  2  vol.  —  Anderson,  His- 
tory of  Edinburgh^  1856.  —  Dalzel,  History  of  the  Uni- 
versity of  Edinburgh^  1862, 2  vol.  —  H.  Miller,  Edinburgh 
and  its  neighbourhood;  1870,  4^  éd.  Tous  ces  ouvrages 
ont  été  édités  à  Edimbourg. 

Université  d'Edimbourg.  —  A  roccasion  du  troisième 
centenaire  de  la  fondation  du  collège  d'Edimbourg,  de 
grandes  fêtes  ont  été  célébrées  en  1884  ;  elles  ont  donné 
lieu  à  de  nombreux  écrits,  en  toutes  langues,  sur  l'his- 
toire de  rUniversité.  V.  surtout  W.  Hole,  Quasi  Cur- 
sores,  portraites  of  the  high  officers  and  professors  of 
the  University  of  Edinburgh  al  its  trecentenry  festival; 
Edimbourg,  1884,  in-4. 

EDIMBOURG  (Alfred-Ernest-Albert,  duc  d'),  second  fils 
de  la  reine  Victoria,  né  à  Windsor  le  6  avr.  1844.  Il  acheva 
ses  études  à  Genève,  entra  ensuite  dans  la  marine  et  devint 
vice-amiral  en  nov.  1882,  commanda  l'escadre  de  la  Médi- 
terranée en  1886  et,  promu  amiral  en  1887,  devint  en  1890 
commandant  en  chef  de  la  marine  à  Devonport.  Son  titre 
de  duc  d'Edimbourg  lui  a  été  conféré  le  24  mai  1866.  Il 
a  épousé,  le  23  janv.  1874,  la  grande-duchesse  de  Russie, 
Marie  Alexandrovna. 

EDINA.  Village  d'Afrique,  sur  la  côte  de  Guinée,  Etat 
de  Libéria,  à  l'embouchure  du  Saint-John,  en  face  de  Grand- 
Bassa  (ou  Buchanan).  C'est  là  que  l'on  croit  retrouver  l'em- 
placement de  Petit-Dieppe,  établissement  fundé  vers  1354 
par  deux  navires  dieppois.  Buchanan  et  Edina  réunis  for- 
ment un  groupe  de  population  de  5,000  hab. 

EDIS  (Robert-William),  architecte  anglais,  né  à  Hun- 
tingdon  en  1839.  Architecte  de  talent,  il  présida  à  deux 
reprises  l'Association  des  architectes  et  devint  membre  de 
l'Institut  royal  des  architectes  anglais  en  1832  et  de  la 
Société  des  antiquaires  en  1870.  Il  fut  aide  de  camp  de  lord 
Bury  durant  la  guerre  franco-allemande  de  1870-71  et  se 
trouvait  à  Paris  pendant  la  dernière  période  de  la  Commune. 
On  lui  doit  un  grand  nombre  de  publications  sur  l'archi- 
tecture et  l'hygiène  de  l'habitation,  une  étude  sur  the 
Fireproof  materials  (1871),  etc.  11  a  construit  d'importants 
bâtiments  tant  en  Angleterre  qu'en  Amérique. 

EDISON  (Thomas-Xi va),  physicien  américain,  né  à  Milan 
(Ohio)  le  11  févr.  1847.  L'histoire  de  la  première  moitié 
de  sa  vie  semble  un  de  ces  contes  intitulés  :  «  L'odyssée 
d'un  petit  savant  ».  Son  père,  de  grands  parents  hollan- 
dais, avait  été  sans  succès  tailleur,  potier,  pépiniériste, 
grènetier,  et  exerçait  en  dernier  lieu  à  Port  Huron  (Michi- 
gan),  où  il  s'était  établi  en  1854,  la  modeste  profession 
de  brocanteur.  C'est  dans  une  humble  arrière-boutique  que 
Thomas  reçut  de  sa  mère,-  ancienne  institutrice,  des  notions 
fort  rudimentaires  de  calcul,  de  littérature  et  de  dessin. 
Sa  vive  et  curieuse  intelligence  lui  faisait,  il  est  vrai, 
dévorer  avidement  de  la  première  à  la  dernière  ligne  tous 
les  livres  d'histoire  et  de  science  que  le  hasard  mettait  à 
sa  disposition;  mais  ces  lectures,  entreprises  sans  méthode 
et  poursuivies  sans  but,  lui  profitaient  médiocrement,  et 
lorsque,  en  1859,  son  père,  incapable  de  le  nourrir  plus 
longtemps,  le  fit  embaucher  comme  train-boy  (homme 
d'équipe)  sur  le  Grand  Trunk  Railway  of  Canada  and 
Central  Michigan,  le  futur  geôlier  de  la  parole  (qui  ne 
devait  jamais  fréquenter  une  école)  possédait  une  instruc- 
tion très  ordinaire  pour  un  garçon  de  douze  ans.  Il  partit 
avec  quelques  dollars  en  poche.  Le  propriétaire  du  bufiet 
lui  ouvrit  un  petit  crédit,  et  il  s'occupa,  entre  les  stations, 
de  colporter  d'un  bout  à  l'autre  du  train  des  journaux,  des 
pâtisseries,  des  sirops  et  des  cigares.  En  moins  d'un  an, 
il  gagna  à  ce  commerce  plusieurs  milliers  de  francs,  qu'il 
fut  fier  de  remettre  à  ses  parents.  Il  s'était  d'ailleurs 
bientôt  adjoint  deux  ou  trois  gamins,  «  ses  commis  »,  qu'il 
chargeait  de  placer  la  marchandise,  tandis  que  lui-même, 
enfermé  dans  le  fourgon,  pouvait  s'adonner  sans  trêve  à 


sa  passion  pour  la  lecture.  Un  jour  qu'à  Détroit,  pendant 
un  arrêt,  il  vit  vendre  un  vieux  matériel  d'imprimerie,  il 
l'acheta,  se  mit  en  rapport  avec  une  agence  de  renseigne- 
ments, qui  lui  promit  des  télégrammes  de  station  en  station, 
et  fonda  The  Grand  Railroad  Trunk  Herald,  devenu 
ensuite  The  Weekly  Herald,  journal  d'informations  et  de 
réclames  rédigé,  composé,  tiré  et  plié  par  lui  seul  pendant 
la  marche  du  train  et  vendu  aux  voyageurs,  au  numéro 
d'abord,  puis  par  abonnement  (8  cents  par  mois!).  Les 
nouvelles  en  étaient  on  ne  peut  plus  fraîches,  le  succès 
fut  grand  et  le  Times  en  parla  alors  avec  éloges.  Thomas 
n'avait  pas  treize  ans  !  Vers  le  même  temps,  une  traduction 
du  Traité  d'analyse  qualitative  de  Fresenius  lui  ayant 
inspiré  le  goût  de  la  chimie,  il  installa,  toujours  dans  son 
fourgon,  une  espèce  de  petit  laboratoire.  Malheureusement, 
un  flacon  de  phosphore  renversé  mit  un  jour  le  feu  au 
plancher,  et  le  chef  de  train,  furieux,  fit  passer  par  dessus 
bord  cornues,  produits  chimiques,  presse,  livres,  et  admi- 
nistra une  correction  au  jeune  préparateur.  Enhardi  par 
son  premier  succès  de  presse,  Thomas  créa  alors  à  Port 
Huron  une  nouvelle  feuille  plus  sédentaire,  qui  justifiait 
son  titre  de  Paul  Pry  (Paul  l'indiscret)  par  toutes  sortes  de 
critiques  et  de  révélations  plus  ou  moins  diffamatoires.  Un 
des  malmenés  se  fâcha,  saisit  par  le  fond  de  la  culotte  le 
rédacteur  en  chef  de  quatorze  ans  et  le  jeta  dans  le  bassin 
du  port.  Notre  héros  savait  nager.  Mais  ces  mésaventures 
le  dégoûtèrent  du  métier  de  journaliste  aussi  bien  que  de 
celui  de  train-boy.  Il  avait  tâté  de  beaucoup  d'autres,  de 
celui  de  cordonnier  par  exemple  ;  ce  fut  cependant  une 
circonstance  fortuite  qui  lui  ouvrit  sa  véritable  voie.  Un 
chef  de  gare,  dont  il  avait  courageusement  sauvé  le  baby 
au  péril  de  sa  propre  vie,  lui  avait  enseigné  pendant  des 
arrêts  du  train  la  manœuvre  et  le  vocabulaire  du  télé- 
graphe. Il  s'était  souvent  ingénié  depuis  à  improviser 
divers  petits  appareils  électriques  et,  comme  il  avait  fini 
par  acquérir  à  ces  amusements  d'assez  sérieuses  con- 
naissances en  mécanique  et  en  physique,  il  pensa  à  en 
tirer  parti  et  obtint  facilement  une  place  dans  les  bureaux 
du  télégraphe  de  Port  Huron  (1862).  Habile  opérateur,  il 
fut  un  détestable  employé.  Toujours  occupé  à  des  travaux 
étrangers,  jamais  à  son  poste,  il  se  vit  imposer,  pour  assu* 
rer  sa  présence,  la  transmission  du  mot  «  six  »  toutes  les 
demi-heures.  Il  imagina  aussitôt  un  appareil  à  déclenchement 
accomphssant  automatiquement  cette  tâche.  C'était  en  1864. 
La  même  année,  il  conçut  et  indiqua  un  moyen  pratique  pour 
faire  passer  simultanément  deux  dépêches  télégraphiques 
en  sens  inverses  sur  le  même  fil  ;  on  ne  connaissait  pas 
encore  les  récents  essais  des  physiciens  allemands  et  sué- 
dois, et  on  haussa  les  épaules.  On  l'avait  successivement 
envoyé  à  Stratford,  à  Adrian,  à  Indianapolis,  à  Cincinnati, 
à  Memphis.  Bans  cette  dernière  ville,  il  voulut  étabHr  une 
communication  télégraphique  entre  deux  trains  en  marche; 
ayant  mal  pris  ses  dispositions,  il  occasionna  une  ren- 
contre. Cette  fois,  on  le  remercia  tout  à  fait  (1868).  Il  se 
rendit  alors  à  Boston,  où  diverses  sociétés  et  fabriques 
l'employèrent.  Il  y  poursuivit  d'importantes  recherches  sur 
les  appareils  vibratoires  et  y  ouvrit,  en  1869,  un  premier 
atelier  pour  la  réalisation  de  ses  inventions.  En  1870,  il 
vint  à  New- York.  Des  études  et  des  expériences  très  dis- 
pendieuses et  assez  peu  heureuses  l'avaient  réduit  au 
dénuement  le  plus  complet;  mais  il  ne  tarda  pas  à  être 
attaché,  en  qualité  d'ingénieur  électricien,  d'abord  à  la 
Laws  Gold  Reporting  Co,,  agence  télégraphique  financière 
dont  il  avait  habilement  et  prestement  réparé  un  indicateur 
automatique  du  cours  des  valeurs,  puis  à  la  Gold  and 
Stock  Co,  et  à  la  Western  Union  Telegraph  Co,  Sa 
fortune  était  faite.  Ces  deux  dernières  sociétés,  qui  lui 
avaient  acheté  dès  le  premier  jour,  moyennant  une  rente 
annuelle  de  6,000  dollars,  le  droit  d'appliquer  son  système 
duplex,  lui  assurèrent  en  commun,  outre  un  fixe  consi- 
dérable, l'acquisition,  à  des  prix  déterminés  par  arbitre, 
du  plus  grand  nombre  de  ses  inventions.  Elles  lui  firent 
d'autre  part  construire  à  Newark,  près  de  New- York,  un 


EDISON  —  EDIT 


—  564  — 


atelier  qu'il  dirigea  pendant  six  années  et  où  il  occupa 
jusqu'à  trois  cents  ouvriers.  Il  le  quitta  en  1876,  pour 
pouvoir  consacrer  plus  de  temps  aux  recherches  et  à  l'étude, 
et  fonda,  quelques  milles  plus  loin,  à  Orange  (New-Jersey), 
sur  la  ligne  de  Pennsylvanie,  le  laboratoire  désormais  his- 
torique de  Menlo  Park,  où,  secondé  par  un  nombreux  et 
savant  état-major  de  chimistes,  de  physiciens,  de  mécani- 
ciens et  de  mathématiciens,  il  devait  réaliser  coup  sur  coup 
tant  de  découvertes.  Le  bâtiment  avait  son  rez-de-chaussée 
occupé  par  les  machines,  les  bureaux  et  la  bibliothèque  ; 
le  premier  étage  était  pris  tout  entier  par  le  cabinet  de 
travail  du  maître.  Il  y  a  quelques  années,  ce  local 
étant  devenu  insuffisant,  il  a  élevé  à  peu  de  distance  un 
nouvel  établissement  formant,  avec  ses  deux  mille  ou- 
vriers, une  grande  cité  industrielle.  Lui-même  habite 
non  loin  de  là  le  coquet  chalet  de  Leweln  qui,  con- 
struit presque  entièrement  en  bois,  n'est  somptueux  que 
pour  le  pays  et  où,  naturellement,  tout  marche  à  l'élec- 
tricité. D'autres  usines  lui  appartiennent  encore  en  pleine 
propriété  ou  pour  partie  :  à  Newdjeasin,  à  New-York,  à 
Brooklyn,  à  Philadelphie,  à  Chicago,  etc.  En  4886,  V Edi- 
son Electric  Illuminating  Co.  possédait,  aux  Etats-Unis 
seuls,  près  de  150  stations  centrales  et  alimentait  plus  de 
125,000  lampes.  La  Compagnie  continentale  Edison, 
société  fondée  à  Paris  en  1881,  a,  d'autre  part,  le  mono- 
pole de  l'exploitation  en  Europe  de  ses  brevets  relatifs  à 
l'éclairage  électrique  ;  son  capital,  de  3,500,000  fr.  d'abord, 
a  été  porté  à  10  millions  de  francs  en  1889,  et  elle  pos- 
sède, entre  autres,  les  atehers  de  fabrication d'ivry  (Seine), 
les  usines  du  faubourg  Montmartre,  de  l'avenue  Trudaine 
et  du  Palais-Royal  à  Paris.  Bien  qu'il  dépense  sans  compter 
pour  ses  recherches  et  ses  expériences,  l'ancien  camelot 
du  Gra7îd  Trunk  Railroad  a  aujourd'hui  une  fortune 
personnelle  de  plusieurs  millions  de  dollars.  Il  s'est  marié 
deux  fois  :  en  1873,  à  une  de  ses  ouvrières  de  Newark; 
en  1887,  à  la  fille  d'un  riche  négociant  de  l'Ohio,  miss  Miller 
d'Akron.  De  haute  taille,  les  épaules  larges,  le  visage  pâle 
et  imberbe,  les  cheveux  blonds  et  longs,  l'œil  bleu  et  pro- 
fond, l'air  un  peu  distrait,  grand  conteur  et  musicien  pas- 
sionné, le  «  sorcier  de  Menlo  Park  »,  comme  l'appellent  ses 
compatriotes,  est  aussi  modeste  qu'affable.  Les  Parisiens 
lui  ont  fait  une  chaleureuse  réception  lors  de  sa  visite  à 
l'Exposition  universelle  de  1889. 

Telles  sont,  rapidement  esquissées,  les  plus  notables 
étapes  de  la  vie  romanesque  de  cet  homme  extraordinaire 
qui,  parti  de  la  plus  humble  origine  et  grandi  dans  les 
conditions  les  plus  défavorables,  excite  aujourd'hui  la  curio- 
sité et  l'étonnement  du  monde  entier  autant  par  le  carac- 
tère merveilleux  que  par  la  multiplicité  de  ses  inventions. 
Il  en  compte  déjà  plus  de  six  cents,  et  il  est  âgé  de  qua- 
rante-cinq ans  à  peine  (1892).  Certaines  ne  constituent 
à  la  vérité  que  des  perfectionnements;  mais  d'autres,  abso- 
lument originales,  lui  sont  exclusivement  personnelles. 
Nous  nous  contenterons  de  citer,  en  renvoyant  d'ailleurs 
pour  les  détails  aux  articles  spéciaux  :  un  répétiteur  auto- 
matique (1863);  le  télégraphe  duplex  (\S64^),  dont  la 
priorité  d'invention  semble  revenir  à  Gintl  (1853),  mais 
qu'il  a  imaginé  de  son  côté  et  considérablement  amélioré  ; 
la  plume  électrique  ;  le  télégraphe  quadruplex,  qui  est 
une  combinaison  des  systèmes  duplex  et  diplex  et  qu'il  a 
réaUsé  pratiquement  en  1874  ;  le  phonoplex  ou  way- 
duplex;  un  télégraphe  automatique,  qu'à  la  demande  du 
gouvernement  anglais  il  vint,  en  1873,  expérimenter  avec 
un  plein  succès  entre  Londres  et  Liverpool  ;  un  appareil 
typo-télégraphique,  qui  figurait  à  l'exposition  d'électricité 
de  Paris  de  1881  ;  le  téléphone  à  courant  électrique  ou 
micro-téléphone  (1877),  qui  constituait  un  progrès  capital 
sur  le  téléphone,  jusque-là  sans  utilité  pratique,  de  Graham 
Bell  :  il  avait  d'abord  simplement  adapté  à  ce  dernier  son 
transmetteur  à  pastille  de  charbon,  puis  il  en  avait  rem- 
placé le  récepteur  lui-même  par  son  nouvel  électromoto- 
graphe  ;  le  phonographe,  «  la  plus  remarquable,  la  plus 
incontestable  et  la  moins  contestée  de   ses  inventions  », 


qui  date  de  1877,  mais  qui  n'a  reçu  sa  dernière  forme 
qu'en  1888,  et  dont  la  combinaison  avec  le  transmetteur 
à  charbon  et  l'électromotographe  a  récemment  donné  nais- 
sance à  la  téléphonographie  ;  le  relais  à  pression  ;  le 
mégaphone  (1878);  l'aérophone  (1878);  un  rhéostat  à 
charbon;  \ harmonie  engine ;  une  encre  à  impressions 
multiples;  le  phonomètre;  le  microtasimètre,  thermoscope 
d'une  très  grande  sensibilité  ;  le  «  compteur  de  courant  » 
galvanoplastique,  enregistrant  la  consommation  d'électricité 
au  moyen  d'un  dépôt  de  cuivre;  le  voltamètre  sonore;  la 
subdivision  de  la  lumière  électrique,  réalisée  pour  la  pre- 
mière fois  dans  son  usine  centrale  d'électricité  de  New-York 
dont  les  plans  figuraient  à  l'exposition  de  Paris  de  1881  ; 
la  lampe  électrique  incandescente,  dont  il  n'a  pas  imaginé 
le  principe,  mais  qu'il  a  rendue  pratiquement  utilisable  en 
produisant  un  vide  plus  parfait  par  la  substitution  de  la 
pompe  de  Sprengel  à  la  machine  pneumatique  et  en  obte- 
nant, par  l'emploi  de  filaments  de  bambou  du  Japon  car- 
bonisés, des  fils  susceptibles  de  brûler  huit  cents  heures; 
une  machine  dynamo-électrique  à  courant  continu  d'une 
grande  puissance  (celles  de  l'usine  de  New-York  peuvent 
alimenter  chacune  1,200  lampes  de  16  bougies);  un  sépa- 
rateur magnétique  du  minerai  de  fer  à  fonctionnement 
continu  et  automatique;  la  poupée  ou  baby  phonographique, 
dont  le  corps  en  étain  renferme  un  phonographe  rudimen- 
taire  et  minuscule  et  qui  peut  réciter  de  petits  contes, 
chanter,  etc.  ;  une  machine  dynamo-pyromagnétique  pour 
la  production  directe  de  l'électricité  par  le  combustible 
(1887).  Il  travaille  actuellement  à  un  bateau-volant  et  à 
l'achèvement  d'un  «  téléphote  »  devant  permettre  la  vision 
à  la  distance  de  plusieurs  kilomètres  d'une  personne  sous- 
traite aux  regards  directs.  On  lui  prête  enfin  l'intention  de 
chercher  à  emmagasiner  les  forces  développées  par  le  mou- 
vement des  vagues  de  la  mer  et  à  transporter  à  Bufialo, 
à  l'aide  d'un  câble  immergé,  l'énergie  développée  par  une 
habile  utilisation  des  chutes  du  Niagara.  Partisan  de  l'em- 
ploi exclusif  de  courants  continus  pour  les  distributions 
souterraines  d'électricité  dans  les  villes,  il  a,  dans  plusieurs 
articles  de  revues,  exprimé  la  conviction  que  les  courants 
alternatifs  à  haute  tension  ainsi  canalisés  présentent  les 
plus  graves  dangers  pour  la  sécurité  publique.  —  Villiers 
de  risle-Adam  a  fait  d 'Edison  le  principal  personnage  d'un 
de  ses  derniers  romans  :  VÈve  future,      Léon  Sagnet. 

BiBL.  :  J.-B.  Mac-Clure,  Edison  and  hîs  inventions; 
Chicago,  1879,  in-8.  —  Prescott,  The  Speahing  Téléphone, 
electric  light,  etc.  ;  New-York,  1879.  —  Marie  Colombier, 
Voyage  de  Sarah  Bernhardt  en  Amérique;  Paris,  1881, 
in-12.  — La  Lumière  Edison;  Paris,  1882,  in-8.  — Ed.  Ligne- 
REUx,  Edison  et  le  Phonographe  ;  Paris,  1882.  —  Gaston 
TissANDiER,  Th.- A.  Edison,  dans  la  Nature  du  31  août 
1889.—  Exposition  universelle  de  1889,  Notice  sur  la  Com- 
pagnie continentale  Edison;  Paris,  1889,  in-4.  — Le  Figaro 
des  10,  12,  16  et  27  août  1889.  —  Em.  Durer,  Edison,  sa 
vie,  ses  œuvres;  Paris,  1889,  in-8.  —  Louis  Figuier,  le 
Roman  d'Edison,  dans  la  Lecture  des  25  août  et  10  sept. 
1890.  _  G.  DuMONT,  Dictionnaire  d'Electricité;  Pans, 
1889,  in-4  (aux  différents  mots  cités). 

EDISTO.  Fleuve  des  Etats-Unis,  Etat  de  la  Caroline  du 
Sud.  Il  prend  sa  source  près  de  Brancheville,  sur  un  pla- 
teau qui  s'étend  à  l'E.  des  monts  Appalaches  entre  les 
fleuves  Cougarec  et  Savannah.  L'Edisto  est  navigable  pen- 
dant 150  kil.  et  se  jette  dans  l'océan  Atlantique  en  deux 
branches  qui  forment  entre  elles  l'île  Edisto. 

ÉDIT.  I.  Antiquité  romaine.  —  Les  édits  {edicta) 
sont  des  communications  adressées  au  public  qui,  d'après 
l'étymologie  {ex  dicere),  ont  d'abord  été  orales  et  qui, 
dans  le  sens  postérieur  du  mot,  sont  en  outre  publiées  par 
voie  d'affiches.  Dans  cette  acceptation  large,  les  édits 
pourraient  venir  de  n'importe  qui,  même  de  particuliers, 
et  il  n'est  pas  impossible  de  relever  des  textes  en  ce  sens. 
Mais  sans  avoir  peut-être  un  caractère  absolument  di fiè- 
rent, ils  prennent  naturellement  une  toute  autre  portée  sous 
le  rapport  des  conséquences  juridiques  quand  ils  émanent 
d'autorités  qui  recourent  à  cette  voie  pour  adresser  au 
peuple  ou  à  des  citoyens  isolés,  soit  des  ordres,  soit  des 
notifications,  soit  de  simples  avis,  par  exemple  pour  con- 


—  565  — 


EDIT 


voquer  les  citoyens  à  des  comices  ou  à  des  conciones,  pour 
faire  des  citations  de  procédure,  pour  annoncer  des  fêtes 
mobiles,  pour  faire  connaître  aux  intéressés  en  entrant  en 
charge  les  principes  qu'ils  comptent  suivre  dans  leur  admi- 
nistration, dans  la  confection  du  cens  pour  les  censeurs, 
dans  l'administration  de  la  justice  pour  les  préteurs,  les  gou- 
verneurs, les  édiles  curules.  C'est  à  ce  point  de  vue  qu'on 
se  place  pour  parler  du  jus  edicendi  de  certaines  autorités 
ou  pour  énumérer  les  édits  qui  nous  ont  été  transmis. 

Les  autorités  que  l'on  cite  comme  investies  du  jus  edi- 
cendi sont  :  d'abord  les  magistrats  supérieurs  du  peuple 
et  de  la  plèbe,  consuls,  gouverneurs,  préteurs,  tribuns  ; 
puis  certains  magistrats  moins  élevés,  ainsi  les  édiles 
curules  et  plus  étroitement  les  censeurs  ;  enfin  certains 
prêtres,  non  seulement  le  grand  pontife,  mais  d'autres  en- 
core que  des  inscriptions  récemment  découvertes  montrent 
avoir  exercé  ce  droit  plus  largement  qu'on  ne  le  soupçon- 
nait. Les  édits  de  ces  diverses  autorités  étaient  d'abord  lus 
à  haute  voix  ;  mais  ils  étaient  en  outre  en  général  affichés 
dans  un  endroit  public  plus  ou  moins  nettement  déterminé, 
pendant  un  délai  qui  dépendait  de  leur  but,  mais  qui  ne 
pouvait  en  principe  guère  excéder  la  durée  des  pouvoirs  de 
celui  qui  les  avait  rendus. 

Il  nous  a  été  transmis  quelques  édits  de  magistrats  ou 
de  prêtres  que  l'on  trouve  rassemblés  dans  les  recueils 
spéciaux  et  auxquels  sont  même  venus  tout  récemment 
s  ajouter  les  assez  nombreux  édits  sacerdotaux  auxquels 
nous  avons  déjà  fait  allusion,  édits  relatifs  aux  jeux  sécu- 
laires du  temps  d'Auguste  et  de  Sévère,  découverts  à  Rome 
en  1890  et  publiés  par  M.  Mommsen  à  la  fin  de  1891. 
Mais,  à  côté  de  ces  édits  particuliers  qui  nous  ont  été  con- 
servés textuellement,  il  y  a  d'autres  édits,  infiniment  plus 
précieux  pour  le  droit  et  l'histoire  qui,  s'ils  ne  nous  sont 
pas  parvenus  directement,  sont  aujourd'hui  connus  par 
une  quantité  d'informations  en  permettant  une  restitu- 
tion d'ensemble.  Ce  sont  les  édits  qui  étaient  rendus 
par  les  magistrats  judiciaires,  préteurs  urbains  et  péré- 
grins  à  Rome  et  gouverneurs  en  province  ayant  à  côté 
d'eux  pour  la  juridiction  des  marchés  les  édiles  curules  à 
Rome  et  les  questeurs  dans  les  provinces  du  Sénat,  et  qui, 
après  être  devenus  progressivement  un  corps  de  législa- 
tion complet,  ont  reçu  une  codification  définitive  sous 
Adrien  (117-138),  par  les  soins  du  jurisconsulte  Salvius 
Julien.  La  manière  dont  l'édit  prétorien  a  peu  à  peu  jux- 
taposé une  législation  nouvelle  à  la  législation  civile  a  déjà 
été  expliquée  à  l'art.  Droit  prétorien.  Il  ne  nous  reste  ici 
qu'à  signaler  les  divers  éléments  dont  il  se  compose.  L'étude 
de  ces  éléments  soulèverait  deux  questions  :  l'examen  de 
leur  antiquité  respective,  ou  l'étude  de  la  formation  pro- 
gressive de  redit,  et  la  détermination  de  leur  disposition 
finale  ou  la  restitution  de  l'édit  de  Juhen.  Mais  la  seconde 
des  deux  questions  est  seule  résolue.  La  première,  qui  serait 
pour  l'histoire  générale  du  droit  du  plus  haut  intérêt,  a  été 
jusqu'à  ce  jour  à  peu  près  complètement  négHgée.  Le  seul 
travail  moderne  qui  lui  soit  directement  consacré  est  une 
courte  dissertation  de  M.  Dernburg  où  il  s'est  efforcé  de 
découvrir  dans  les  dispositions  de  l'édit  des  diversités  de 
rédaction  qui  permettraient  un  classement  chronologique  et 
où  il  a  proposé  dans  ce  sens  deux  critériums  qui  ont  été  con- 
testés par  certains,  admis  par  d'autres, mais  qui  ne  seraient 
en  tout  cas  qu'un  des  éléments  de  solution.  Tous  les  autres 
matériaux  juridiques,  historiques  et  philologiques  qui  exis- 
tent en  assez  grand  nombre  et  dont  certains  même  ont  déjà 
été  utilisés  pour  des  recherches  spéciales,  mais  qu'un  grou- 
pement d'ensemble  pourrait  seul  permettre  d'apprécier 
correctement,  attendent  encore  une  mise  en  œuvre  systé- 
matique. Tout  ce  que  nous  pouvons  dire  ici,  c'est  qu'à  peu 
près  tous  les  éléments  de  l'édit  y  avaient  déjà  pris  place  au 
début  de  l'Empire  et  qu'à  part  quelques  magistrats  excep- 
tionnellement actifs  et  compétents  tels  que^Cassius  Longinus, 
consul  en  l'an  30,  et  Julien  lui-même,  les  préteurs  du  Prin- 
cipat  n'y  changèrent  plus  rien  que  sur  l'ordre  du  Sénat  ou 
de  l'empereur.  —  Quant  à  la  rédaction  de  Julien,  qui  ne 


paraît  avoir  différé  qu'assez  peu  de  l'édit  antérieur  —  car 
elle  garde  encore,  aussi  bien  dans  sa  structure  générale 
que  dans  ses  détails,  tous  les  traits  d'une  formation  cou- 
tumière  faite  au  jour  le  jour  —  elle  nous  est  au  contraire 
parfaitement  connue,  surtout  depuis  la  publication  de 
l'ouvrage  magistral  de  Lenel  qui,  principalement  à  l'aide 
des  fragments  de  commentaires  de  l'édit,  est  arrivé  non 
seulement  à  rétablir  l'ordre  et  les  divisions  de  l'édit  de 
Julien,  mais  à  retrouver  des  quantités  d'édits  et  de  formules 
dissimulés  et  défigurés  dans  les  compilations  de  Justinien. 
L'édit  du  préteur  comprenait  :  d'une  part,  quatre  parties 
principales  contenant  des  édits  et  des  formules  d'actions  et 
relatives,  avec  beaucoup  d'interversions  et  de  digressions, 
la  première  à  l'introduction  de  l'instance  jusqu'à  la  litis 
contestation  la  quatrième  à  l'exécution  depuis  la  senten- 
tia^  la  deuxième  et  la  troisième  aux  divers  moyens  prin- 
cipaux répartis ,  suivant  un  critérium  découvert  par 
M.  Lenel  et  depuis  généralement  admis,  en  moyens  rentrant 
ou  dans  la  juris  clictio  ou  dans  Yimperium  des  magis- 
trats ;  d'autre  part,  un  appendice  ou  plutôt  trois  appen- 
dices renfermant  les  formules  des  interdits,  des  exceptions 
et  des  stipulations  prétoriennes.  Et  symétriquement,  l'édit 
des  édiles,  également  codifié  par  Julien,  comprenait  une 
partie  principale  contenant  des  édits  et  des  formules  d'ac- 
tions et  un  appendice  donnant  la  formule  de  la  stipulatio 
duplœ.  Maintenant,  outre  cette  division  du  fond  qui  ne  se 
manifestait  probablement  pas  extérieurement,  l'édit  préto- 
rien était  divisé  matériellement  en  un  certain  nombre  de 
titres  désignés  par  des  rubriques  et  peut-être  numérotés. 
Ensuite  chaque  titre  était  à  son  tour  ordinairement  subdi- 
visé en  plusieurs  sections  distinguées,  semble-t-il,  par  des 
rubriques.  Enfin,  que  le  titre  fût  ou  non  divisé  en  plusieurs 
paragraphes,  il  contenait  :  dans  les  trois  appendices  à  peu 
près  exclusivement  des  formules  ;  dans  le  corps  de  l'édit 
des  édits  et  des  formules  d'actions,  des  édits  quand  le  pré- 
teur promettait  de  faire  quelque  chose,  que  ce  fût  de  donner 
une  action  prétorienne  ou  un  autre  moyen,  des  formules 
quand  le  moyen  auquel  se  référait  la  rubrique  était  une 
action  civile  ou  prétorienne.  Et,  par  suite,  on  peut  rencon- 
trer sous  une  rubrique  soit  des  formules  sans  édits,  comme 
dans  les  appendices  pour  les  interdits,  les  exceptions  et 
les  stipulations  et  dans  le  corps  de  l'édit  pour  les  actions 
civiles  —  que  le  préteur  n'a  pas  à  promettre,  suivant  une 
doctrine  de  M.  Wlassak  qu'ont  singulièrement  confirmée 
les  recherches  postérieures  sur  l'édit,  —  soit  des  édits  sans 
formules,  quand,  dans  le  corps  de  l'édit,  le  préteur  promet 
autre  chose  qu'une  action,  —  une  bonorum  possessio,  un 
moyen  dont  la  formule  est  dans  l'un  des  appendices,  — 
soit  enfin  à  la  fois  des  édits  et  des  formules  quand  le  préteur 
promet  à  titre  abstrait  une  action  prétorienne  et  en  donne 
en  même  temps  la  formule  concrète.  P.-F.  Girard. 

Edit  du  prince  (V.  Constitutions  impériales,  t.  XII, 
p.  635). 

II.  Histoire.  —  Le  terme  edictum  fut  conservé  au 
moyen  âge  et  appliqué  aux  actes  législatifs  émanés  des  rois 
que  l'on  a  pris  l'habitude  d'appeler  plus  ordinairement 
capitulaires  (V.  ce  mot).  Cependant  certaines  de  ces  lois 
sont  communément  nommées  édits;  ce  sont  par  exemple 
celles  qui  émanent  des  rois  lombards;  quelques-unes  aussi 
de  celles  des  monarques  francs;  par  exemple  l'édit  de 
Pistes,  qui  est  un  capitulaire  promulgué  par  Charles  le 
Chauve  en  863.  Les  souverains  de  la  France  ayant  à  peu 
près  cessé,  depuis  la  fin  du  ix«  siècle,  de  promulguer 
des  lois  générales,  le  mot  édit,  quoiqu'il  soit  demeuré 
encore  en  usage  dans  les  formules  et  qu'il  ait  été  fréquem- 
ment appliqué  aux  actes  émanés  des  rois,  n'est  cepen- 
dant pas  employé  pour  désigner  ces  documents  dans  le 
langage  scientifique.  On  lui  préfère  les  termes  de  préceptes, 
privilèges,  etc.  Lorsque  les  monarques  capétiens  exercèrent 
de  nouveau  depuis  Louis  VII  et  Philippe-Auguste  le  pouvoir 
législatif,  ils  désignèrent  parfois  encore  leurs  actes  par  le 
mot  edictum,  mais  l'usage  s'est  établi  de  les  nommer 
plutôt  des  ordonnances  (V.  ce  mot).  Au  xvi«  siècle  seule- 


ÉDIT  —  ÉDITION 


-  566  — 


ment  on  distingua  entre  redit  et  Tordonnance.  Ce  dernier 
terme  fut  appliqué  aux  lois  générales  contenant  un  assez 
grand  nombre  de  dispositions  sur  des  matières  différentes 
et  en  particulier  sur  l'administration  de  la  justice,  rendues 
le  plus  souvent  ensuite  de  remontrances  des  Etats  ;  l'édit 
au  contraire  était  ordinairement  un  acte  législatif  qui  ne 
réglait  qu'une  seule  matière.  Les  édits  royaux  étaient  géné- 
ralement expédiés  par  la  grande  chancellerie  en  forme  do 
grandes  lettres  patentes,  c.-à-d.  qu'ils  sont  adressés  «  à 
tous  présents  et  à  venir  »,  datés  de  l'année  et  du  mois, 
sans  indication  de  quantième,  et  scellés  du  grand  sceau 
de  cire  verte.  Il  y  a  eu  toutefois  des  exceptions.  Les 
édits,  rendus  sous  cette  forme,  ont  constitué  essentiellement 
avec  les  ordonnances,  les  lois  de  l'Etat  pendant  toute  la  durée 
de  l'ancienne  monarchie.  On  les  désignait  généralement  sous 
le  nom  de  la  ville  où  ils  avaient  été  rendus  :  édits  d'Am- 
boise,  de  Chàteaubriant,  de  Nantes,  etc.  On  trouvera  des 
renseignements  sur  les  plus  célèbres  do  ces  édits  aux  noms 
des  localités  par  les({uell{;s  ils  sont  désignés.  A.  G. 
CiiAMimi':  Di-;  l'Edit  (V.  Ciiamuuk,  t.  X,  p.  379). 
Eorrs  uklatifs  aux  protestants.  —  La  plupart  de  ces 
édits  sont  indiqués  et  résumés  au  mot  Nantes  (Edit  de). 

Bihl.  :  Antiquiti':  uomaink.  —  V.  principalement  sur  le 
jus  edicendU  Mommsen,  Droit  public  romain^  1892,  I,  pp. 
230-238,  2"  éd.  fr.  —  Les  principaux  édits  qui  nous  ont  été 
transmis  directement  sont  reproduits  ou  énumérés  dans 
Bruns,  Fontes  juris  RomanL  1887,  pp.  215-221, 5"  éd.  donnée 
par  Mommsen  et  Girard,  Textes  de  droit  romain^  1890, 
pp.  141-145.  —  Les  édits  relatifs  aux  jeux  séculaires  ont 
été  publiés  et  commentés,  Monumenti  antiqui  publicati  per 
cura  délia  R.  A  cademia  dei  lincei^  1891,  pp  .602-672.—  L'éi  ude 
de  M.  Dernburg  sur  la  date  des  dispositions  de  l'édit  se 
trouve  dans  les  Festgabe  fur  Heffter,  1873,  pp.,  93  et  suiv. 
Cf.  Karlowa,  Rômisctie  Rechtsgeschichte^  1885,  I,  p.  467, 
n»  4,  et  Krueger,  Geschicfite  der  Quellen  des  rômischen 
Rechts,  1888,  p.  37,  n»  28,  et  en  général  pp.  30-39.  —  Pour 
redit  de  Julien,  l'ouvrage  de  M.  Lenel,  jDas  Edictum  per- 
peiuum,  1883,  a  rendu  à  peu  près  inutiles  tous  les  ouvrages 
antérieurs,  saut'  peut-être,  pour  certaines  indications  his- 
toriques, celui  de  Rudorff,  De  luris  dictione  edictum, 
1809. —  Pour  la  littérature  plus  récente,  on  peut  notamment 
consulter  Gi.asson,  Etude  sur  Gaius^  1885,  pp.  271-302, 
2«  éd.;  Kaui.owa,  op.  cit.^  pp.  ()28-61l:  Krueger,  op.  cit., 
pp.  84-92.  et  les  tableaux  Ht>mnuuroH  do  l'édit  donnéH  dans 
Girard,  i'e.Yics,  pp.  115-145.  et  par  M.  Lenel  lui-même  dans 
Bruns,  op.  cit.,  pp.  188-214,  ot  Palingoncsia  iuris  civiUs^ 
1889,  t.  H,  pp.  1247-125G. 

ÉDITEU  R.  Ce  mot  a  aujourd'hui  une  signification  double. 
A  l'origine  et  pendant  plusieurs  siècles,  il  désignait  exclu- 
sivement un  érudit,  un  savant  ou  un  simple  lettré  qui 
publiait  une  œuvre  quelconque  d'autrui,  soit  pour  la  faire 
connaître  lorsqu'elle  était  inédite,  soit  pour  on  donner  un 
texte  meilleur  ou  un  commentaire  nouveau,  quand  elle  était 
déjà  connue. 

Vers  la  fin  du  xvii°  siècle,  on  a  appliqué  le  môme  quali- 
ficatif à  tout  libraire  (V.  ce  mot)  qui  imprimait  ou  faisait 
imprimer  des  livres  pour  son  compte  ou  pour  celui  des 
auteurs.  Toutefois,  il  ne  fut  adopté  officiellement  que  dans 
notre  siècle.  Dans  cette  dernière  acception,  ce  mot  s'ap- 
plique non  seulement  à  des  libraires,  mais  aussi  à  des 
sociétés  savantes  ou  à  de  simples  particuliers  publiant  des 
livres,  et  encore  à  ceux  qui  mettent  dans  le  commerce  soit 
dos  estampes,  soit  dos  pièces  do  musique,  soit  dos  cartes 
géographiques,  ctc,  —  Sous  la  Restauration,  il  fut  introduit 
mémo  dans  lo  journalisme  par  la  loi  do  1819  sur  la  presse, 
loi  qui  exigea  pour  chaque  publication  périodique  la  dési- 
gnation d'un  «  éditeur  responsable.  »  chargé  Je  répondre 
légalement  de  tout  ce  qui  s'y  imprimait  (V.  Ivresse).  Aujour- 
d'hui, cette  responsabilité  incombe  au  gérant  (Y.  ce  mot), 
dont  le  nom  doit  figurer  sur  chaque  numéro  d'un  journal 
ou  d'une  revue.  G.  P-i. 

EDITH  (Sainte),  née  en  961,  morte  en  984  (fête  le 
16  sept.).  Elle  était  fille  ^naturelle  du  roi  de  Northumbrie, 
Edgar,  et  de  Wullrith,  plus  tard  sainte  Wulfrith,  abbesso 
de  Wilton,  à  laquelle  le  roi  avait  fait  violence.  Elevée  dans 
lo  monastère  de  sa  mère,  elle  prit  le  voile  à  quinze  ans, 
refusa  plusieurs  riches  abbayes  et  même  la  couronne  qu'on 
lui  ollrit  après  l'assassinat  d'Edouard,  son  frère  (978). 
Diinstaii  (V.  ce  nom)  assista  à  ses  derniers  moments  et 


lui  fit  élever  un  monument  somptueux.  Le  biographe 
d'Edith,  un  moine  du  nom  de  Goscellin,  qui  vivait  au 
XI®  siècle,  et  dont  l'ouvrage  a  été  édité  par  Surius  (Vîtes 
Sanci.  ;  Cologne,  \  570)  et  dans  les  Acta  Sanctorum^^îmiQ 
l'inépuisable  et  humble  charité  de  son  héroïne.     F.-H.  K. 

EDITH  (en  anglo-saxon  Eadgytk)^  reine  d'Angleterre, 
morte  en  4075.  Elle  était  fille  de  Godwin,  comte  de  Wes- 
sex,  fut  élevée  à  l'abbaye  de  Wilton  et  épousa  en  1045  le 
roi  Edouard  le  Contesseur  qui,  par  piété,  s'abstint  de  toute 
relation  conjugale  avec  elle.  La  légende  la  représente  comme 
très  belle,  très  pieuse  et  très  libérale  ;  mais  des  documents 
irréfragables  la  montrent  violente,  avide  et  sans  scrupules, 
comme  tous  les  membres  de  la  famille  du  comte  Godwin. 
En  1051,  la  disgrâce  de  Godwin  entraîna  l'exil  de  sa  fille 
dans  un  monastère;  elle  revint  en  faveur  avec  lui  en 
1052.  Dans  les  querelles  de  ses  frères  Tostig  et  Ilarold, 
elle  prit  le  parti  du  féroce  Tostig,  dont  Edouard  dut  cepen- 
dant ordonner  le  bannissement.  Après  la  mort  d'Edouard  lo 
Confesseur,  elle  se  retira  dans  sa  cité  de  Winchester,  fai- 
sant (les  vœux  pour  la  réussite  'do  l'expédition  do  Tostig 
contre  ilarold,  dont  elle  fut  peut-être  1  inspiratrice  et  qui 
éciioua.  Quand,  après  la  bataille  d'IIastings,  Guillaume  lo 
Conquérant  fit  demander  le  tribut  aux  gens  de  Winchester, 
il  n'éprouva  aucune  résistance;  en  récompense,  Edith  no 
fut  jamais  molestée  par  les  Normands.  Sur  son  lit  de  mort, 
elle  éprouva  le  besoin  de  nier  solennellement  les  désordres 
et  les  débauches  dont  le  bruit  public  l'accusait  (V,  une 
curieuse  anecdote  sur  le  baiser  qu'elle  donna  un  jour, 
suivant  l'habitude  anglaise,  à  l'abbé  Gervinus  de  Saint-Ri- 
quier,  dans  le  Chronicon  Centulense,  IV,  22).   Ch.-Y.  L. 

ÉDITION.  Parallèlement  à  celui  d'éditeur,  ce  mot  aune 
acception  double.  Tout  d'abord  il  s'applique  à  la  publi- 
cation par  quelqu'un  d'une  oeuvre  d'autrui,  inédite  ou  non, 
qui,  dans  ce  cas,  est  le  plus  souvent  accompagnée  d'un 
commentaire,  de  notes  et  éclaircissements.  —  Une  édition 
s'appelle  «  diplomatique  »  lorsqu'elle  reproduit  un  texte 
manuscrit,  tel  qu'il  est,  sans  aucune,  modification  ;  aujour- 
d'hui on  a  recours,  dans  ce  but,  à  des  procédés  de  repro- 
duction héliograpbi(iuo  pour  assurer  la  fidélité  matériollo 
du  texte  et  en  faire  connaître  le  caractère  paléographiquo. 
—  Une  édition  est  dite  «  critique  »  lorsqu'elle  se  propose  do 
fixer  ou  de  restituer  môme  hypothétiquement  un  texte  plus 
ou  moins  altéré  ou  tronqué,  soit  par  la  faute  des  copistes 
successifs  à  travers  les  âges,  ce  qui  a  généralement  lieu 
pour  des  œuvres  antérieures  à  l'invention. de  l'imprimerie, 
soit  par  la  négligence  des  typographes,  ou  bien  du  fait  des 
exigences  extérieures  du  moment,  lorsqu'il  s'agit  des 
œuvres  déjà  propagées  par  la  typographie.  La  valeur  d'une 
édition  critique  dépend  de  la  science  ot  du  talent  de  son 
éditeur,  et  les  règles  pour  l'établissement  d'un  texte  ont 
déjà  été  exposées  ici  (V.  Critique  de  textes,  t.  XII,  p.  410). 

Le  même  mot  signifie  aussi  l'impression  d'un  livre  ou 
l'ensemble  des  exemplaires  d'une  publication,  c.-à^d.  la 
matérialité  du  fait.  Dans  la  pratique,  on  désigne  l'édition 
d'un  livre  publié  en  dehors  de  la  participation  de  son 
auteur,  tantôt  par  le  nom  de  son  éditeur  intellectuel  (par 
oxomplo,  les  Mémoires  do  Saint-Simon,  édition  (Jhéruel,  ou 
édition  do  Doislille),  tantôt  sous  celui  do  son  éditeur  coin- 
mercial  (par  exemple  Aristoto,  édition  Didot  ;  Buffon,  édi« 
tion  Garnier,  etc.).  .       ^ 

Une  première  édition  est  appelée  en  bibliographie  édi- 
tion princepSy  lorsqu'il  s'agit  d'une  œuvre  de  l  antiquité 
classique  ;  on  emploie  le  terme  d'édition  ofiginale  pour 
des  productions  des  littératures  modernes.  Les  unes  et  les 
autres  ont  joué  et  jouent  encore  un  rôle  important  çn 
bibliophilie,  en  raison  surtout  de  leur  rareté.  Quelquefois 
aussi  elles  ont  une  grande  importance  philologique  ou  litté- 
raire, attendu  que  telle  édition  «  princeps  »  reproduit  le  texte 
d'un  manuscrit  aujourd'hui  disparu  et  en  tient  lieu,  tandis 
que  telle  édition  «  originale  »  d'une  œuvre  nous  la  donne 
dans  son  état  primitif,  avant  les  modifications  ou  les 
transformations  que  l'auteur  a  pu  lui  faire  subir  ultérieu- 
rement. ! 


-  .^07 


EDITION  —  EDMOND 


,  Au  point  (lo  viio  do  la  bibliographie,  uno  édition  n'est 
réellement  nouvelle  que  si  elle  est  le  produit  d'une  impres- 
sion nouvelle;  quand  bien  même  elle  n'apporterait  aucun 
changement  au  texte  de  la  précédente  et  n'en  offrirait 
qu'une  réimpression  pure  et  simple.  Cependant,  déjà  au 
XVII®  siècle,  les  libraires,  pour  faire  écouler  plus  aisément 
les  exemplaires  non  vendus  d'un  livre  et  leur  redonner 
l'attrait  de  la  nouveauté,  en  renouvelaient  simplement  le 
litre,  avec  la  mention  que  c'était  une  édition  nouvelle.  Cette 
supercherie  devint  à  la  longue  uno  habitude  constante.  De 
nos  jours,  il  s'est  introduit  en  France  une  pratique  plus 
abusive  encore  à  cet  égard.  Afin  de  créer  autour  d'un  livre 
une  renommée  factice  de  succès  et  d'allécher  ainsi  le 
public,  certains  éditeurs  changent  le  titre  à  chaque  mille 
d'exemplaires  (souvent  même  à  chaque  cinq  cents  ou  même 
moins),  pour  y  ajouter  la  mention  mensongère  do  2®,  3°, 
4®,  etc.,  édition.  Quelquefois  même,  une  dixième  prétendue 
édition  est  lancée  dans  le  commerce  avant  qu'on  ait  touché 
à  la  seconde,  et  il  ne  manque  pas  de  gens  qui  s'y  laissent 
prendre..  Dans  certains  pays  étrangers,  on  a  riionnôteté 
d'avertir  le  public  compétent,  dans  des  bulletins  pério- 
diques de  la  librairie,  que  telle  édition,  qualifiée  de  nou- 
velle, n*est  qu'une  réimpression  de  la  précédente  ou  bien 
n'a  de  nouveau  que  le  titre  avec  le  millésime  du  jour.  On 
sait  alors  à  quoi  s'en  tenir.  G.  Pawlowski. 

EDKINS  (John),  sinologue  anglais  et  missionnaire  de  la 
«  London  Missionary  Society  ».  Envoyé  en  Chine,  il  arriva 
le  2  sept.  1848  à  Chang-hai,  qu'il  quitta  en  1860  pour 
habiter  successivement Tche-fou,  Tien-tsin  etPeking  (1863). 
Depuis  1880,  il  est  attaché  aux  douanes  impériales  chi- 
noises et  réside  à  Chang-haï.  Outre  un  grand  nombre 
d'ouvrages  en  chinois,  ce  savant  a  donné  :  Grammar  of 
CoLloquial  Chinese,as  exhibited  in  the  Shang-haï 
/)ia/^c^  (Chang-haï,  1853,  in-8  [réimpr.]);  Grammar  of 
the  Chinese  Colloquial  Langtiage  commonly  called  the 
Mandarin  Dialect  (Chang-hai,' 1857,  in-8  [réimpr.]); 
Chine' s  Place  in  Philology  (Londres,  1871,  in-8),  ou- 
vrage de  philologie  comparée  qui  a  soulevé  de  nombreuses 
'Controverses  lors  de  son  apparition;  l\eligio7i  in  China 
(Londres, 4878,  in-8,  plusieurs  éditions;  la  première  est 
de  1859);  de  nombreux  mémoires  dans  les  journaux  de  la 
Société  asiatique  de  Chang-haï,  de  la  Société  orientale  de 
Peking,  etc.,  dont  le  dernier,  The  Effect  of  Nomad  Life  on 
the  Growth  of  Language^  a  été  lu  récemment  au  Congrès 
des  orientalistes  de  Londres  (1891).  11.  G. 

BiBL.  :  H.  CoRDiER,  Bibl.  sinica. 

EDKÔ.  Lac  d'Egj^pte,  dans  le  delta  du  Nil,  d'une  forme 
triangulaire,  340  kil.  q.  de  superficie,  compris  entre  le 
canal  Mahmoudièh  au  S.  et  la  branche  de  Rosette  à  TE.  Il 
communique  avec  la  mer  par  un  passage  ouvert  au  N.-O. 
sur  la  baie  d'Aboukir.  Ijî  lac,  très  poissonneux  il  y  a  encore 
un  siècle,  paraît  se  dessécher  graduellement  et  se  transfor- 
mer en  marécage. 

EDLUND  (Erik),  physicien  suédois,  né  à  Nériko  le 
14  mars  1810,  mort  'd  Waxiiolm,  près  de  Stockholm,  en 
1888.  Il  était  professeur  de  sciences  physif|uos  à  l'Acadé- 
mie royale  des  sciences  de  Suède.  Les  principaux  mémoires 
qu'il  a  publiés  sont  relatifs  à  l'électricité.  Dans  ses  recher- 
ches sur  le  phénomène  de  Peltier,  sur  la  force  électro- 
motrice de  l'arc  voltaïque,  sur  la  polarisation  électrique,  sur 
la  dilatation  électrique,  sur  la  force  électromotricc  produite 
par  l'écoulement  d'un  liquide,  il  s'est  montré  physicien  dis- 
tingué. La  télégraphie  a  été  aussi  l'objet  de  ses  études  ;  il 
'  a  montré  en  particulier,  l'un  des  premiers,  dès  1855,  qu'on 
pouvait  transmettre  simultanément,  mais  en  sens  inverses, 
deux  dépêches  télégraphiques  sur  le  même  fil.  Au  point  de 
vue  théorique,  l'une  des  plus  intéressantes  recherches 
d'jEdlund  se  rapporte  à  ce  qu'il  a  appelé  l'induction  unipo- 
laire; il  explique  par  cette  théorie  l'origine  de  l'électricité 
atmosphérique  qui  serait  un  phénomène  d'induction  magné- 
tique produit  par  la  rotation  de  la  terre  et  des  couches  supé- 
rieures do  l'atmosphère.  L'air  tend  h.  prendre  une  charge 
positive  dans  les  régions  supérieures,  la  terre  une  charge 


négative.  L'air,  qui  est  pou  conducteur  i\  la  surface  du  sol, 
sort  do  diélectrique  ;  au  contraire,  l'air  d(5S  couches  supé- 
rieures, à  une  pression  beaucoup  plus  faible,  est  beaucoup 
meilleur  conducteur;  c'est  dans  ces  couches  que  se  pro- 
duisent des  courants  électriques  qui  conduisent  l'électricité 
vers  les  pôles.^  Dans  les  régions  cquatoriales,  la  résistance 
à  la  recombinaison  du  fluide  des  couches  supérieures  de  l'air 
et  de  celui  de  la  terre  est  maximum;  aussi  ces  recombinai- 
sons se  font  sous  forme  de  décharges  disruptivcs  et  don- 
nent lieu  aux  terribles  orages  de  ces  régions.  Dans  les 
régions  polaires,  c'est  l'inverse,  la  recombinaison  est  facile  : 
les  orages  sont  très  rares;  mais  les  aurores  boréales,  qui  no 
sont  autres  que  les  phénomènes  lumineux  produits  par 
cette  recombinaison,  sont  au  contraire  très  fréquentes. 
Cette  théorie  d'Edlund  est  très  ingénieuse  ;  c'est  en  outre 
lapreniière  théorie  vraiment  scientifique  faite  pour  expliquer 
l'origine  et  ^  les  modes  d'action  de  rélcctricitô  atmosphé- 
rique. Aussi  a-t-elle  valu  ii  son  auteur  le  prix  Bordin  dé- 
cerné par  l'Académie  des  sciences  do  Paris  en  1887. 

EDMOND  .(en  anglo-saxon  Eadmund),  roi  d'Est- 
Anglie,  saint  et  martyr,  né  à  Nuremberg  (Saxe)  en  841, 
mort  en  870.  Il  fut  adopté  en  854  par  Offa,  roi  d'Est- 
Anglie,  et  à  la  mort  de  ce  prince,  décédé  au  retour  d'un 
pèlerinage  au  Saint-Sépulcre,  en  855,  il  fut  couronné,  à 
i'ûge  de  quinze  ans.  C'était  le  temps  des  plus  formidables 
invasions  des  Danois.  Après  la  malheureuse  bataille  de 
Thetford,  Edmond,  ayant  refusé  de  s'enfuir  et  d'abjurer,  fut 
martyrisé  par  les  hommes  du  Nord.  Ses  restes  furent 
d'abord  ensevelis  à  Iloxne  ;  comme  ils  firent  des  miracles, 
on  les  transporta  dans  un  magnifique  reliquaire  à  Pabbaye 
de  Bury,  qui  fut  enrichie  plus  tard  par  le  Danois  chrétien 
Cnut.  L'arbre  auquel,  suivant  la  tradition,  saint  Edmond 
avait  été  attaché  par  les  païens  qui  le  criblèrent  de  flèches, 
dans  lo  parc  do  lloxne,  a  été  abattu  en  1849.  On  y  a  re- 
trouvé des  pointes  de  flèche.  Ch.-V.  L.     . 

EDMOND,  roi  des  Anglo-Saxons,  né  vers  922,  mort  en 
040.  A  la  mort  d'Athelstan,  lo  27  oct.  940,  il  devint  roi 
et  essaya  immédiatement  do  réduire  les  pays  danois  du 
Nord,  {|ui  avaient  choisi  Olaf,  Normand  d'Irlande,  pour 
leur  roi.  La  campagne  fut  indécise,  et,  par  lo  traité  qui 
intervint,  Edmond  dut  se  contenter,  comme  jadis  Alfred, 
de  la  contrée  située  au  S.  de  Watling  Street,  sous  réserve- 
d'une  vassalité  nominale  des  chefs  du  Nord  envers  la  cou. 
ronne  saxonne.  En  941,  Edmond  paraît  avoir  été  plus  heu 
roux,  mais  on  manque  de  détails.  Il  s'occupait  en  même 
temps  de  défendre  son  neveu  Louis  contre  les  entreprises 
du  duc  Hugues  de  Erance.  A  l'intérieur,  il  fut  un  patron 
zélé  du  clergé,  ci  U  Dimstan  (V.  ce  nom)  abbé  du  (ilas- 
tonbury.  11  fut  assassiné  à  Pucklcchurch  dans  le  Glouces- 
tershire  par  un  seigneur  appelé  Liofa.         Ch.-V.  L. 

EDMOND,  surnommé Ironside  ou  Côte-de-Fer,  roi  des 
Anglo-Saxons,  né  vers  981,  mort  en  1016.  Fils  d'Etlielred, 
il  épouse  en  1015,  malgré  la  volonté  do  son  père,  Eadgyth, 
de  la  famille  d'un  comte  danois  banni.  Il  se  rendit  cepen- 
dant fameux  par  sa  lutte  opiniâtre  contre  les  Danois  do 
Cnut.  Choisi  comme  roi  h  la  inoi't  d'I'^îhelrcd  par  les  par- 
tisans do  rindépendanco  anglo-saxonne,  avec  iiiie  armée  où 
les  Bretons  ou  Gallois  étaient  nombreux,  il  battit  Cnut  à 
Selwood  (en  Somerset),  puis  àSherston  (Wilts).  On  trouve 
un  récit  épique  de  la  bataille  sanglante  do  Sherston  dans 
lo  ch.  X  do  la  Knytlinga  Saga.  Mais  la  fortune  l'aban- 
donna à  Ashington  (Essex).  Toutefois,  par  la  convention 
qui  intervint,  l'Angleterre  fut  partagée  entre  Edmond  et 
Cnut,  et  lo  royaume  entier  fut  promis  au  dernier  survi- 
vant. Edmond  mourut  quelques  jours  après,  probable- 
ment assassiné.  D'après  Guillaume  de  Malmesbury,  deux 
chambellans  ferreum  'uncum  Eadmiindo,  ad  natara 
requisita  sedenti,  in  locis  posterioribus  adegerunt. 
La  culpabilité  de  Cnut  n'est  pas  prouvée,  mais  celle  do 
Eadric,  comte  de  Mercie  et  beau-frère  d'Edmond,  est  très 
probable.  Ch.-V.  L. 

EDMOND  ou  EDMUND  (Saint),  archevêque  de  Canter- 
bury,  ne  en  1190,  mort  en  1240.  Il  fit  ses  études  en  partie 


EDMOND  —  EDOCEPHALE 


—  568  — 


à  Paris,  en  partie  à  Oxford,  oiiil  contribua  à  faire  connaître 
les  œuvres  d'Aristote.  Son  talent  oratoire  le  fit  désigner 
comme  l'un  des  prédicateurs  de  la  sixième  croisade  (1227). 
Quelques  années  plus  tard,  il  fut  nommé  primat  d'Angleterre 
et  occupa  le  siège  de  Canterbury  (1233).  Ses  revendications 
politiques  lui  firent  encourir  l'hostilité  du  roi  Henri  III,  qui 
sut  détacher  de  lui  son  protecteur,  le  pape  Innocent  III. 
Edmond  présida  plusieurs  assemblées  politiques  et  ecclé- 
siastiques dans  lesquelles  il  revendiquait  contre  la  couronne 
le  maintien  de  la  grande  charte  et  l'exclusion  des  étrangers 
de  toutes  les  fonctions  publiques.  Ne  se  croyant  pas  en 
sécurité  en  Angleterre,  Edmond  se  réfugia  en  France,  près 
de  Blanche  de  Castille  (1240).  Il  mourut  peu  de  temps 
après  son  arrivée  dans  ce  pays.  Il  fut  canonisé  par  Inno- 
cent IV  en  1249.  G.  Q. 

EDMOND  (Charles)  (V.  Charles-Edmond). 

EDMONDES  (Sir  Thomas),  diplomate  anglais,  né  à 
Plymouth  vers  1563,  mort  le  20  sept.  1639.  Grâce  à  la 
protection  de  sir  Francis  Walsingham,  il  entra  dans  le 
service  diplomatique  et  débuta  comme  agent  auprès 
de  Henri  IV  à  Paris  en  1592.  Nommé,  en  1596,  secrétaire 
de  la  reine,  il  revint  en  Angleterre,  remplit  diverses 
missions  à  Paris  en  1597  et  1598,  et  en  déc.  de  cette 
dernière  année  fut  chargé  d'organiser  entre  les  envoyés 
anglais  et  l'archiduc  Albert  une  conférence  qui  eut  lieu  à 
Boulogne  et  qui  ne  put  aboutir.  Il  obtint  alors  un  emploi 
de  secrétaire  au  conseil  privé.  En  1601,  il  revint  encore 
en  France  pour  tenter  de  négocier  une  alliance  entre 
Henri  IV  et  l'Angleterre  contre  l'Espagne.  Membre  du  Par- 
lement pour  Liskeard  le  29  sept.  1601,  pour  Wilton  en 
1604,  il  occupa  le  poste  d'ambassadeur  à  Bruxelles  du 

18  août  1604  à  1609.  En  1610,  après  avoir  essayé  de 
conclure  une  alliance  défensive  avec  la  France,  il  fut 
chargé,  en  quaUté  d'ambassadeur,  de  faire  une  enquête  sur 
les  conséquences  possibles  de  l'assassinat  de  Henri  IV.  H 
fut  ensuite  fort  occupé  à  négocier  un  mariage  entre  le  prince 
Henry  et  la  sœur  de  Louis  XIII,  puis  entre  le  prince 
Charles  et  cette  princesse,  et  assista  à  la  conférence  de 
Loudun  entre  les  protestants  et  le  gouvernement  français 
(1616).  Nommé  contrôleur  de  la  maison  de  Jacques  P^,  le 
20  déc.  1616,  il  accompHt  une  nouvelle  ambassade  en 
France  en  1617,  devint  trésorier  de  la  maison  royale  le 

19  janv.  1618,  fut  élu  membre  du  Parlement  en  1620  à  la 
fois  par  Dorchester  et  Bewdley,  en  1624  par  Chichtsster, 
par  Oxford  en  1625  et  1626,  par  Penryn  en  d628  et  sou- 
tint avec  zèle,  à  la  Chambre  des  communes,  la  poHtique 
de  Charles  P^\  Il  fut  encore  envoyé  comme  ambassadeur 
à  Paris  en  1629  pour  ratifier  un  traité  de  paix  entre  la 
France  et  l'Angleterre.  Il  rentra  ensuite  dans  la  vie  privée. 
Il  jouit  de  son  temps,  comme  diplomate,  d'une  renommée 
considérable.  Sa  correspondance  existe  au  British  Mu- 
séum (Stowe  mss.  707,  12  vol.  in-fol.)  ;  une  partie  a  été 
imprimée  dans  VHistorical  View  of  the  négociations  bet- 
ween  the  courts  of  England^  France  and  Brussels  de 
Thomas  Birch  (Londres,  1749),  dans  les  Memoirs  of 
queen  Elizabeth  (Londres,  1754)  et  autres  publications 
historiques.  R.  S. 

EDMOND  SON  (Joseph),  peintre  d'armoiries  et  généalo- 
giste anglais,  mort  à  Londres  le  17  févr.  1786.  En  peignant 
des  armes  sur  des  panneaux  de  voitures,  Edmondson  prit  le 
goût  de  la  science  du  blason  et  se  fit  recevoir  de  la  Society 
of  Antiquaries  ;  il  obtint  peu  après  un  grade  dans  le  Collège 
des  hérauts  d'armes  (1764),  sans  pour  cela  cesser  son 
métier  de  peintre,  que  son  fils  continua  après  sa  mort.  Il  a 
laissé  plusieurs  ouvrages,  dont  les  deux  plus  importants  sont 
une  nouvelle  édition,  corrigée  et  augmentée,  du  Barona- 
gium  Genealogicum  de  sir  William  Segar,  en  6  vol.  in- 
fol.  (1764),  et  A  Complète  Body  of  Heraldry  (1780, 
2  vol.  m-fol.).  B.-H.  G. 

EDMONDSON  (George),  éducateur  anglais,  né  à  Lan- 
caster  le  8  sept.  1798,  mort  le  15  mai  1863.  Elevé  par 
ses^  parents  dans  les  convictions  de  la  secte  des  quakers, 
le  jeune  Edmondson  accompagna  Wheeler  en  Russie  en 


1817.  Il  revint  en  Angleterre  pour  se  marier,  mais  il 
retourna  bientôt  à  Okta,  près  de  Saint-Pétersbourg,  où  il 
rendit,  avec  un  désintéressement  bien  rare,  de  grands 
services  à  l'agriculture  en  desséchant  des  marais  et  défri- 
chant des  terres  incultes.  La  seconde  partie  de  sa  vie  fut 
consacrée  à  l'enseignement.  Il  reprit,  après  un  ou  deux 
essais  ailleurs,  l'école  de  Queenvood  Hall,  dans  le  Hamp- 
shire,  qui  avait  été  fondée  par  les  disciples  de  Robert 
Owen,  et  en  fit  une  institution  modèle,  où  il  formait  les 
jeunes  gens  à  l'agriculture  et  aux  différents  métiers,  tout 
en  leur  donnant  une  solide  instruction.  Archer  Hirst, 
Frankland,  Tyndall  enseignèrent  dans  son  école  ;  Henry 
Fawcett  en  sortit.  Sa  femme,  fille  d'un  maître  d'école  des 
environs  de  SheflQeld,  nommé  Singleton,  fut  sa  collabora- 
trice assidue  et  contribua  largement  à  ses  succès. 

EDMONDSTON  (Laurence),  naturaliste  écossais,  né  à 
Lerwick,  dans  les  îles  Shetlands,  en  1795,  mort  en  1879. 
Frère  puîné  d'Arthur  Edmonston,  qui  a  laissé  d'intéres- 
sants écrits  sur  leurs  lies  natales,  Laurence  s'engagea 
d'abord  dans  le  commerce  ;  mais,  cédant  à  ses  goûts  scien- 
tifiques, il  étudia  la  médecine  et  s'établit  à  Unst,  la  plus 
septentrionale  des  Shetlands.  Linguiste  éminent,  très  versé 
dans  tous  les  dialectes  Scandinaves,  il  étudiait  avec  passion 
les  vieilles  légendes  norses  ;  mais  on  lui  doit  surtout  des 
découvertes  et  des  observations  importantes  en  minéralo- 
gie et  en  ornithologie.  Il  a  publié  beaucoup  d'articles  et  de 
brochures,  parmi  lesquelles  nous  ne  citerons  que  Observa- 
tions on  the  Distinctions,  History,  and  Hunting  of 
Seals  in  the  Shetland  Islands  (1837).  —  Ses  trois  fils 
ont  hérité  de  son  goût  pour  les  sciences  naturelles,  et  sa 
fille,  Jessie-Margaret,  mariée  à  un  naturaliste  distingué, 
Mr.  Henry-L.  Saxby,  auteur  de  The  Birds  of  Shetland, 
a  publié  plusieurs  volumes  de  vers  et  de  récits  inspirés 
par  les  légendes  Scandinaves.  B.-H.  G. 

EDMONSTON E  (Robert),  peintre  anglais,  né  à  Kelso 
en  1794,  mort  à  Kelso  le  21  sept.  1834.  Après  avoir  été 
apprenti  horloger,  il  alla  étudier  le  dessin  à  Edimbourg, 
puis  à  Londres,  où  on  le  trouve  en  1819  fréquentant  l'ate- 
lier de  Harlow  et  élève  de  l'Académie  royale.  Après  un 
voyage  de  deux  ans  en  Italie,  il  revint  à  Londres,  où  il  fit 
de  nombreux  portraits  et  surtout  des  portraits  d'enfants, 
de  1824  à  1829.  En  1830,  il  exposa  son  tableau  le  plus 
important,  J^w/2^5  Italiens  jouant  aux  cartes,  et  repartit 
l'année  suivante'par  l'Italie,  où  il  fut  atteint  de  fièvres  palu- 
déennes, dont  les  suites  l'emportèrent  une  fois  qu'il  fut 
revenu  dans  son  pays  natal. 

EDMONSTONE  (Sir  Archibald),  voyageur  et  écrivain 
anglais,  né  à  Londres  le  12  mars  1795,  mort  à  Londres 
le  13  mars  1871.  Un  voyage  qu'il  fit  en  Egypte  en  1819 
lui  fournit  le  sujet  de  son  plus  important  ouvrage,  A 
Journey  to  Two  of  Oases  of  the  Upper  Egypt  (1822). 
Il  a  laissé,  en  outre,  des  vers  religieux,  deux  ou  trois  tra- 
gédies, et  d'autres  écrits  déjà  oubliés.  B.-H.  G. 

EDMONTON.  Faubourg  de  Londres,  dans  le  Middlesex, 
à  13  kil.  du  pont  de  Londres  (V.  Londres). 

EDMUNDS  (George),  homme  politique  américain,  né  à 
Richmond  le  1^^  févr.  d828.  Membre  de  la  Chambre  de 
l'Etat  de  Vermont  de  1854  à  1859  et  président  de  cette 
assemblée  pendant  trois  ans,  il  entra  au  Sénat  en  1861  et 
en  devint  également  président.  Envoyé  au  Sénat  des  Etats- 
Unis  en  1866  en  remplacement  de  Foote,  il  devint  un  des 
leaders  républicains  de  cette  assemblée,  et  il  a  même  re- 
cueilli un  certain  nombre  de  voix  pour  la  présidence  de 
l'Union  aux  élections  de  1880  et  d884. 

ÉDOCÉPHALE  (Tératol.).  Monstre  unitaire  présentant 
concurremment  les  anomalies  delà  cyclopie,  del'astomie  et  de 
la  synotie  (troisième  genre  des  Otocéphadiens  de  I.-G.  Saint- 
Hilaire).  L'édocéphale  a  un  œil,  ou  du  moins  un  orbite  médian 
et  unique,  surmonté  d'une  trompe;  les  mâchoires  sont  très 
atrophiées,  et  à  la  place  de  la  bouche  absente  se  voient  les 
deux  oreilles,  rapprochées  ou  réunies  sous  la  tête.  Cette 
monstruosité,  fort  rare  chez  l'homme,  est  plus  commune  chez 
les  mammifères  domestiques  (V.  Cyclopie  et  Synotie). 


—  569  — 


EDOM  —  EDOUARD 


EDOM,  EDOMITES  (V.  Idumée). 

ÉDON.  Corn,  du  dép.  de  la  Charente,  arr.  d'Angoulême, 
cant.  de  Villebois-la-Valette  ;  612  hab. 

ÉDON  ES  (Géogr.  anc).  Peuple  de  Trace,  annexé  à  la 
Macédoine  par  Philippe  II;  il  occupait  le  pays  entre  le 
Strymon  e1  le  Nestus  où  se  trouvaient  les  villes  d'Eion, 
Amphipolis,  Philippes,  Daton,  Drabescus,  Neapolis. 

EDOUARD  l'Ancien,  roi  des  Anglo-Saxons,  mort  en 
924,  fils  d'Alfred.  Il  se  distingua  aux  côtés  de  son  père 
dans  les  guerres  contre  les  Danois,  et  reçut  dès  898,  bien 
qu'aucune  partie  du  royaume  paternel  ne  lui  fut  alors  spé- 
cialement attribuée,  le  titre  de  roi.  C'est  en  901  qu'il  fut 
choisi  par  le  luitan  pour  succéder  à  son  père  mort,  en  dépit 
des  efforts  d'un  fils  d'Ethelred,  son  c§mpétiteur,  nommé 
iEthelwald.  Cet  ^Ethelwald  troubla  jusqu'à  sa  mort,  en  905, 
le  règne  d'Edouard,  avec  l'appui  des  Danois.  Mais  la  guerre 
contre  les  Danois  ne  fut  pas  arrêtée  par  la  disparition  du 
prétendant;  elle  se  réveilla  en  910  (victoire  de  Tetten- 
hall),  en  911  (bataille  de  Wodensfield).  A  la  mort  de 
l'ealdorman  de  Mercie,  son  beau-frère,  Edouard  détacha 
de  la  Mercie,  pour  l'annexer  au  royaume  proprement  dit  des 
Saxons,  les  districts  de  Londres  et  d'Oxford.  En  915,  nou- 
velles invasions  des  Normands,  venus,  cette  fois,  des  côtes 
de  Bretagne,  qui  s'attaquèrent  au  pays  de  Galles  ;  Edouard 
les  rejeta  en  Irlande.  La  chronologie  de  la  fin  du  règne  est 
très  confuse.  On  entrevoit  que  le  roi,  toujours  victorieux, 
réduisit  successivement  plusieurs  des  Five  Boroughs  da- 
nois :  Nottingham,  Derby,  Leicester,  et  réunit  la  Mercie  au 
royaume  des  Saxons  à  la  mort  de  sa  sœura4^thelfled,  veuve 
de  l'ealdorman  régional.  Que  le  roi  d'Ecosse  l'ait  choisi  à 
cette  époque  comme  patron,  c'est  ce  qu'on  lit  à  l'année  924, 
dans  la  chronique  anglo-saxonne  de  Winchester,  mais  on  a 
eu  bien  tort  de  voir  dans  cet  épisode,  peut-être  apocryphe 
et  interpolé,  la  première  trace  historique  de  la  supré- 
matie de  la  couronne  d'Angleterre  sur  celle  d'Ecosse.  Les 
«  lois  »  du  temps  d'Edouard  l'Ancien  attestent  les  progrès 
que  fit  sous  son  règne  prospère  la  prérogative  royale,  dégagée 
par  la  victoire  des  entraves  du  compagnonnage  germanique. 
De  sa  concubine  Ecgwyn,  ce  roi  avait  eu  un  fils  qui  lui 
succéda.  L'une  de  ses  filles,  Edwige^  épousa,  en  919, 
le  roi  franc  Charles  le  Simple;  une  autre,  Edith ^  le  futur 
empereur  Othon,  en  930. 

EDOUARD  LE  Martyr,  roi  des  Anglo-Saxons,  né  vers 
963,  mort  le  18  mars  978.  Il  devint  roi  en  975  à  la  mort  de 
son  père  Edgar  (Y,  ce  nom)  et  fut  assassiné  par  les  partisans 
d'une  faction  rivale.  Son  tombeau  à  Shaftesbury  fit  des  mi- 
racles. Dès  1001 ,  on  y  allait  en  pèlerinage. 

EDOUARD  LE  Confesseur,  roi  d'Angleterre,  né  à  Islip 
(Oxfordshire)  vers  1004,  mort  le  5  janv.  1066.  Fils  du  roi 
Ethelred  et  d'Emma,  fille  de  Richard  sans  Peur,  duc  de  Nor- 
mandie, il  fut  élevé  au  monastère  d'Ely.  Quand  Emma,  chas- 
sée pour  les  succès  du  roi  danois  Sweyn,  fut  obhgée,  en 
1013,  d'aller  chercher  un  refuge  en  Normandie,  auprès  de 
son  frère,  elle  emmena  son  fils,  qui  continua  son  éducation 
à  la  cour  ducale  de  Rouen.  Vers  la  fin  du  règne  de  Cnut, 
le  duc  Robert  essaya  de  rétablir  l'exilé  sur  son  trône,  mais 
la  tempête  dispersa  la  flotte  d'invasion  qu'il  avait  réunie  à 
Fécamp.  Edouard  ne  retourna  en  Angleterre,  pour  y  régner, 
qu'en  1042,  à  la  mort  de  son  demi-frère  Harth  Cnut, 
accompagné  d'une  suite  de  personnages  normands  et  fran- 
çais. Il  fut  couronné  à  Winchester  le  3  avr.  1043.  Il  devait 
en  grande  partie  son  élévation  au  comte  Godwin  de  Wessex  ; 
il  épousa  sa  fille  Edith  en  1045  :  l'Angleterre  fut  partagée 
entre  les  trois  grands  comtes,  chefs  du  parti  qui  avait 
préparé  la  restauration  du  représentant  de  la  vieille  dynas- 
tie :  Godwin  (Wessex),  Leofric  (Mercie),  Siward  (Northum- 
brie).  C'était  un  homme  de  moyenne  taille,  avec  la  barbe 
et  les  cheveux  tout  blancs  dès  l'adolescence,  un  albinos;  de 
manières  simples,  tempérant,  dévot,  charitable,  mais  colé- 
rique et  trop  peu  soucieux  de  ses  devoirs  royaux.  Il  était 
très  faible  et  se  laissa  toujours  diriger,  notamment  par  des 
favoris  originaires  du  continent,  camarades  de  son  long 
exil,  qu'il  accabla  de  pensions,  de  charges  palatines  et  de 


dignités  ecclésiastiques.  On  dit  (mais  ce  fait  n'est  pas  signalé 
par  les  contemporains  ;  on  ne  l'a  tenu  communément  pour 
certain  qu'au  xu®  siècle)  qu'il  ne  se  prévalut  jamais  de 
ses  droits  conjugaux  dans  ses  rapports  avec  sa  femme  bien 
qu'il  l'ait  faite  tori  <^/i^sco7i5oda.  Peut-être  était-il  impuis- 
sant aussi  bien  physiquement  que  moralement.  On  raconte 
de  lui,  en  son  âge  mur,  des  traits  d'une  extrême  puérilité. 
La  discorde  ne  tarda  pas  à  éclater  entre  le  faiseur  de  rois 
anglo-saxon  Godwin  et  le  principal  des  favoris  étrangers 
du  nouveau  roi,  Robert,  abbé  de  Jumièges  en  Normandie, 
évêque  de  Londres  dès  1044.  En  oct.  1050,  mourut  l'ar- 
chevêque saxon  de  Ganter bury  ;  Alfric,  un  parent  de  God- 
win, canoniquement  élu  à  ce  siège,  fut  rejeté  par  le  roi, 
décidé  à  élever  Robert  de  Jumièges  au  rang  primatial.  En 
1051,  autre  incident  :  les  gens  de  Douvres,  molestés  par 
les  domestiques  d'un  seigneur  du  continent,  Eustace  de  Bou- 
logne, beau-père  du  roi,  les  battirent;  et,  quoi  qu'ils  puis- 
sent invoquer  la  légitime  défense,  Edouard  enjoignit  à  God- 
win (qui  avait  Douvres  dans  sa  circonscription)  de  les 
châtier.  Godwin  refusa,  et,  dans  le  ivitan  qui  fut  tenu  à 
l'occasion  de  cette  désobéissance,  il  fut  abandonné  par  les 
comtes  Leofric  et  Siward,  qui  embrassèrent  la  cause  du  roi  ; 
Godwin  et  son  fils  Harold  se  virent  refuser  même  un  sauf- 
conduit;  ils  durent  s'enfuir  ;  l'archevêque  Robert  persuada 
à  Edouard,  sinon  de  divorcer,  au  moins  de  saisir  les  biens  de 
sa  femme,  fille  de  Godwin,  et  de  l'enfermer  dans  un  couvent. 
Les  Normands  furent  alors  les  maîtres  absolus  à  la  cour 
d'Angleterre  ;  Guillaume,  duc  de  Normandie,  vint  dans  l'île 
faire  une  visite  à  son  cousin,  et  put  se  croire  chez  lui,  tant 
il  rencontra  de  compatriotes.  Il  est  probable  que  le  faible 
Edouard  lui  promit  en  cette  occasion  de  faciliter  un  jour 
par  tous  les  moyens  en  son  pouvoir  les  prétentions  encore 
cachées  de  Guillaume  à  la  couronne  d'Angleterre.  Mais  la 
fortune  changea  bientôt.  Godwin  et  son  fils  Harold  débar- 
quèrent en  1052  à  Southw^ark  près  de  Londres,  à  l'impro- 
viste,  et  le  roi  capturé  dut  leur  accorder  leur  pardon.  A 
cette  nouvelle,  les  favoris  normands  s'empressèrent  de  pas- 
ser sur  le  continent.  Edouard  tomba  dès  lors  dans  l'escla- 
vage de  Godwin,  de  la  reine,  rappelée  de  son  monastère, 
de  Stigand,  évêque  de  Winchester  depuis  1047,  à  qui  God- 
win donna,  au  mépris  de  toutes  les  règles  canoniques,  le 
siège  de  Canterbury  dont  le  titulaire,  Robert  de  Jumièges, 
avait  pris  la  fuite.  Godwin,  à  la  vérité,  mourut  en  1053, 
mais  son  fils  Harold  lui  succéda  dans  son  comté  et  dans  sa 
toute-puissance.  Cependant  le  frère  d'Harold,  Tostig,  homme 
violent  et  brutal,  avait  pris  sur  le  roi  une  grande  influence 
personnelle  depuis  le  départ  des  Normands  ;  il  était  égale- 
ment préféré  à  Harold  par  la  reine,  leur  sœur.  Il  réussit  en 
1055,  à  la  mort  de  Siward,  à  se  faire  attribuer  le  grand 
comté  de  Northumberland.  Edouard  chassait  avec  Tostig, 
en  oct.  1065,  dans  les  forêts  voisines  de  Wilton  quand 
Harold,  qui  avait  passé  les  dix  dernières  années  en  guerres 
sanglantes  et  heureuses  contre  les  Gallois,  lui  apporta  la 
nouvelle  d'une  rébellion  formidable  du  Northumberland. 
Les  Northumbriens  avaient  été  fort  choqués  d'être  négligés 
par  Tostig,  qui  les  faisait  gouverner  par  procureur;  et 
l'absence  du  maître  les  avait  encouragés  à  le  rejeter.  Ils 
avaient  choisi  Morkère,  fils  du  comte  de  Mercie,  et  vou- 
laient l'imposer  à  la  place  de  Tostig  à  l'agrément  du  roi. 
Or,  Harold  avait  épousé  la  sœur  de  ce  Morkère,  et,  comme 
il  n'était  point  en  excellentes  relations  avec  Tostig,  celui-ci 
l'accusa  formellement  à  l'assemblée  de  Britford,  près  de 
Salisbury,  d'avoir  fomenté  la  rebelHon  contre  lui.  Harold 
se  purgea  de  cette  accusation  par  serment,  mais  il  refusa 
de  marcher  avec  les  siens  contre  les  révoltés  de  Northum- 
brie.  Tostig  dut  quitter  l'Angleterre.  Cette  dernière  humi- 
liation brisa  la  santé  d'Edouard.  Depuis  1051,  il  n'avait 
cessé  de  s'occuper  de  la  construction  d'une  grande  abbaye 
à  Thorney,  près  de  la  porte  0.  de  Londres  (West-Mins- 
ter)  et  d'une  église  en  style  normand.  Cette  église,  d'une 
architecture  jusque-là  inconnue  dans  l'île,  fut  inaugurée 
solennellement  le  28  déc.  1065;  mais  le  roi  ne  put  assis- 
ter à  la  cérémonie  ;  il  était  ce  jour-là  couché  sur  son  lit  de 


EDOUARD 


—  570  - 


mort.  Son  tombeau,  à  Westminster,  fit  aussitôt  des  mi- 
racles. Guillaume  le  Conquérant,  qui  se  prétendit  toujours 
l'héritier  légitime  du  Confesseur,  encouragea  la  dévotion 
à  sa  mémoire.  Mais  la  canonisation  officielle  ne  fut  pro- 
noncée qu'en  4161  par  le  pape  Alexandre  III.  Henri  III 
Plantagenet  avait  une  dévotion  spéciale  pour  Edouard,  à 
qui  il  ressemblait  sur  plus  d'un  point  ;  c'est  ce  qui  le  dé- 
termina à  choisir  le  Confesseur  comme  patron  de  son  fils 
aîné,  Edouard  P^  (V.  ce  nom).  —  On  appelle  «  lois 
d'Edouard  le  Confesseur  »  le  résumé  des  déclarations  faites 
sous  serment  sur  le  droit  ancien  du  pays  par  des  jurys  de 
douze  témoins  réunis  dans  chaque  comté  en  1070.  A  cette 
date,  le  Conquérant  normand  promit  à  ses  sujets  saxons 
de  les  laisser  vivre  selon  la  «  loi  d'Edouard  »,  c.-à-d. 
d'après  leurs  vieilles  coutumes  nationales.  Ainsi  Cnut  avait 
jadis  promis  aux  Saxons  assujettis  de  les  laisser  vivre  sui- 
vant les  «  lois  »  d'Edgar. 

BiBL.  :  E.-A.  Freeman,  History  of  the  norman  Con- 
quest,  t.  II. 

EDOUARD  1^^,  roi  d'Angleterre,  fds  aîné  de  Henri  lïl  et 
d'Eléonore  de  Provence,  né  à  Westminster  le  1 7  ou  18  juin 
1239,  mort  à  Burgh,  près  de  Carlisle,  le  7  juil.  1307.  Il 
fut  élevé  à  Windsor,  sous  la  direction  de  Hugh  Gififard. 
En  1252,  Henri  III  lui  donna  en  apanage  le  duché  de  Gas- 
cogne. Craignant  que  les  Gascons,  peu  dociles,  ne  trou- 
vassent de  l'appui  en  Castille,  Henri  négocia,  pour  son  fils, 
dès  1254,  un  mariage  avec  Eléonore,  sœur  d'Alfonse  X. 
Le  mariage  eut  lieu  en  octobre,  au  monastère  de  las  Huel- 
gas  ;  Henri  donna  en  dot  aux  époux,  avec  la  Gascogne, 
l'Irlande,  le  pays  de  Galles,  Bristol,  Stam for d  et  Grantham. 
Le  prince  avait  alors  un  goût  décidé  pour  les  exercices 
violents  et  chevaleresques,  tels  que  les  tournois.  On  se  sou- 
vint longtemps  de  ses  prouesses  au  tournoi  de  Blythe  (4  juin 
1256).  L'administration  de  ses  vastes  domaines,  il  l'aban- 
donnait à  son  entourage,  composé  d'étrangers  sans  scru- 
pules. Son  règne  futur  s'annonçait  mal;  fils  d'un  père 
francisé  et  d'une  mère  provençale,  il  n'avait  rien  d'anglais. 
Les  Gallois  furent  les  premiers  à  protester  contre  les  exac- 
tions de  ses  agents  ;  Llewellyn,  fils  de  GrufFydd,  envahit 
ses  marches  et  fit  une  alliance  avec  les  barons  écossais  ; 
or  Edouard  n'avait  pas  d'argent  pour  résister  ;  il  fut  obligé 
d'en  emprunter,  en  engageant  ses  biens  à  son  oncle  avide, 
Guilhem  de  Valence.  Cette  malheureuse  affaire  de  Galles 
contribua  fort  à  porter  au  paroxysme  le  mécontentement 
des  barons  anglais,  qui  firent  jurer  à  Henri  III  et  à  son  fils 
les  fameuses  provisions  d'Oxford  (V.  Henri  III,  Oxford). 
Edouard,  se  retournant  contre  son  père,  fit  même  quelque 
temps  des  avances  à  Simon  de  Montfort.En  1262  et  1263, 
il  parcourut  la  Bourgogne  et  la  France,  toujours  assidu  aux 
tournois,  tantôt  vainqueur,  tantôt  battu.  Mais,  en  1264, 
eut  lieu,  entre  les  partisans  de  la  couronne  et  ceux  de 
Simon  de  Montfort,  leader  du  parti  des  barons,  le  décisif 
combat  de  Lewes.  Edouard  mit  en  fuite  les  troupes  de 
Londres  qui  lui  étaient  opposées  ;  malheureusement,  il 
s'attarda  à  les  poursuivre  ;  quand  il  revint,  sa  journée  était 
perdue.  D'abord  enfermé  à  Kenilworth,  il  réussit  à  s'échap- 
per des  mains  du  comte  de  Leicester  et  trouva  un  appui 
chez  les  Mortimer,  chefs  des  marches  galloises.  Il  recruta 
une  nouvelle,  armée  et  gagna  la  bataille  d'Evesham  où  Simon 
de  Leicester  fut  tué  :  succès  suivi  de  beaucoup  d'autres, 
moins  importants,  sur  les  tenants  obstinés  de  la  révolution 
manquée,  à  Axholm,  à  Winchelsea,  à  Kenilworth.  Encore 
en  1267,  Edouard  fut  occupé  à  comprimer  par  la  force  une 
rébellion  des  comtés  du  Nord  et  à  réduire  les  barons  réfu- 
giés dans  une  citadelle  sise  au  milieu  des  marais  inabor- 
dables d'Ely.  Le  24  janv.  1268,  en  accomplissement  d'un 
vœu  qu'il  avait  fait,  il  se  croisa:  il  devait  faire  partie  de 
l'expédition  organisée  par  saint  Louis  contre  Tunis;  mais, 
quand  il  arriva  à  Aigues-Mortes,  Louis  IX  et  les  Français 
en  étaient  déjà  partis  ;  quand  il  arriva  à  Tunis,  Louis  IX 
était  mort  et  les  croisés  de  France  avaient  fait  la  paix  avec 
le  sultan  des  infidèles.  Il  refusa  d'imiter  cette  conduite  et 
cingla  avec  ses  treize  vaisseaux  vers  Saint-Jean-d'Acre,  où 


il  débarqua  en  mai  1271.  Il  n'avait  guère  qu'un  millier 
d'hommes  avec  lui  ;  il  fit  cependant  de  grandes  prouesses. 
Il  releva  la  ville  d'Acre,  qui  était  ruinée,  prit  Nazareth, 
gagna  le  combat  d'Haifa  et  s'avança  jusqu'à  Château- 
Pèlerin.  Cependant,  ses  succès  ne  pouvaient  avoir  de  résultat 
sérieux;  le  17  juin  1272,  il  fut  victime  d'une  tentative 
d'assassinat  par  un  musulman  fanatique  qui  lui  donna  un 
coup  de  couteau  dans  le  bras;  fatigué,  ses  troupes  déci- 
mées, il  conclut  une  trêve  de  dix  ans  avec  le  sultan  et 
partit  le  15  août.  En  Sicile,  il  apprit  la  mort  de  son  père, 
qui  le  faisait  roi  d'Angleterre,  celle  de  son  oncle  Bichard, 
celle  de  Jean,  son  fils  aîné.  C'était  alors  un  homme  vigou- 
reux, un  soldat,  mais,  en  même  temps,  un  organisateur 
expérimenté,  «  législateur  par  instinct  ».  Son  règne  marque 
une  ère  nouvelle  dans  l'histoire  constitutionnelle  de  l'An- 
gleterre au  moyen  âge. 

Edouard,  sachant  que  son  royaume  était  en  bonnes  mains, 
sagement   gouverné  par  les  régents  Walter,  archevêque 
d'York,  Boger  Mortimer,  Bobert  Burnell,  mit  plus  de  deux 
ans  à  revenir  de  Sicile  en  Angleterre.  Il  passa  par  l'Italie, 
où  il  eut  une  entrevue,  à  Orvieto,  avec  le  pape  Grégoire  X; 
traversa  les  Alpes  au  mont  Cenis  ;  près  de  Lyon,  il  fut  invité 
par  le  comte  de  Chalon  à  un  tournoi  qui  dégénéra  en  mêlée 
sanglante  et  qu'on  a  appelé,  pour  cette  raison,  «  la  petite 
bataille  de  Chalon».  A  Paris,  le  roi  prêta  hommage  à  Phi- 
lippe III  pour  la  Gascogne  et  se  rendit  dans  cette  province  où 
Gaston  de  Béarn,  qui  s'était  révolté,  le  tint  en  échec  pendant 
un  an.  Il  ne  débarqua  à  Douvres  que  le  2  août  1274  et  fut 
couronné  à  Westminster,  avec  la  reine  Eléonore.  Il  s'appliqua 
aussitôt  à  la  politique  intérieure,  avec  l'aide  de  Burnell, 
qu'il  fit  chancelier,  du  trésorier  John  Kirkby  et  de  son 
conseiller   François  Accurse,  fils  du  fameux  légiste  de 
Bologne,  qu'il  avait  emmené  dTtalie.  Dès  1274,  une  en- 
quête fut  ordonnée  sur  les  droits  des  seigneurs  féodaux. 
En  1275  fut  passé  le  «  Premier  Statut  de  Westminster  », 
qui  réédite  plusieurs  clauses  de  la  Grande  Charte,  fixe  le 
montant  des  charges  féodales,  des  aides  et  des  reliefs.  Des 
mesures  de  pardon  furent  prises  en  1276  en  faveur  des 
«  déshérités  »  du  règne  précédent  et  l'on  se  prépara  à  la 
guerre  inévitable  contre  les  Gallois;  au  Parlement  d'oc- 
tobre furent  passés  les  statuts  de  Bigamis  et  Rageman, 
L'année  suivante,  Llewellyn  fit  sa  soumission  au  château 
neuf,  bâti  par  les  ordres  d'Edouard,  à  Bhuddlan,  sous 
condition  d'hommage  et  de  tribut.  En  1278,  le  statut  de 
Gloucester  amenda  l'organisation  des  juridictions  territo- 
riales, et,  en  vertu  de  ce  statut,  Edouard  lança  des  ordres 
de  quo  ivarranto  pour  obliger  les  seigneurs  à  fournir  le 
titre  {warrant)  sur  lequel  ils   s'appuyaient  pour  exercer 
leur  juridiction  ;  au  mois  de  novembre,  il  fit  arrêter  tous 
les  juifs  de   son  royaume  et  en  fit  pendre  deux  cent 
soixante-sept  à  Londres,  comme  usuriers,  en  avr.  1279. 
La  mort  de  la  reine  mère,  à  qui  appartenait  le  comté  de 
Ponthieu,  obligea  Edouard  et  sa  femme  à  aller  en  France 
en  1279.  Le  11  mai,  il  prêta  hommage  à  Philippe  IH  pour 
cette  province  et  renonça  définitivement,  en  cette  occasion, 
à  toute  prétention  sur  la  Normandie.  A  la  place  de  Kild- 
warby,  démissionnaire,  il  aurait  voulu  placer  sur  le  siège 
archiépiscopal  de  Canterbury  son  ami  et  ministre  Bobert 
Burnell,  mais  le  pape  Nicolas  III  préféra  John  Peckham. 
Cet  archevêque  ne  tarda  pas  à  offenser  le  roi  en  prescri- 
vant d'afficher  à  la  porte  de  chaque  église  paroissiale  un 
exemplaire  de  la  Grande  Charte  ;  c'est  pour  répondre  à  ce 
procédé    qu'Edouard  fit   voter    au   Parlement   de    1279 
le  statut  De  religiosis  ou  de  «  mainmorte  »,    où   se 
trouvent  développées  les  précautions  de  l'une  des  Provisions 
de  1259  contre  l'accroissement  indéfini  des  biens  d'Egfise. 
—  Pendant  qu'Edouard  célébrait  à   Devizes  la  fête  de 
Pâques  1282,  il  apprit  que  Llewellyn  et  son  frère  David, 
qu'il  avait  comblé  de  faveurs,  avaient  repris  traîtreusement 
les  armes.  La  campagne,  dirigée  par  Edouard,  de  Bhuddlan 
comme  quartier  général,  fut  d'abord  malheureuse;  mais 
Llewellyn  fut  tué  le  10  déc.  à  Badnor,  et  cet  événement 
rétablit  les  affaires.  Un  pont  fut  commencé  pour  joindre 


-  574  - 


EDOUARD 


Anglesey  à  la  terre,  et  plusieurs  châteaux  bâtis  sur  le  mo- 
dèle de  ceux  de  Rhuddlan  et  de  Flint,  par  exemple  à  Aber- 
conway.  Les  Gallois  livrèrent  au  vainqueur  la  couronne 
d'Arthur  et  leur  chef  David  qui  fut  condamné  à  la  peine 
capitale  par  une  assemblée  de  ses  pairs  à  Shrewsbury. 
Quelques  jours  après,  à  Acton  Burnell,  Edouard  publia 
une  ordonnance,  le  Statut  d' Acton  Burnell,  célèbre  dans 
l'histoire  de  la  législation  commerciale  anglaise.  De  1284 
date  le  «  Statute  of  Wales  »  qui  imposa  au  pays  de  Galles 
conquis  les  cadres  de  l'administration  anglaise  et  le  droit 
criminel  anglais.  En  1285,  Edouard  fut  convoqué,  comme 
duc  d'Aquitaine,  par  Philippe  III,  pour  prendre  part  à  la  croi- 
sade d'Aragon  (V.  Philippe  III);  il  employa,  pour  ne  point 
s'y  rendre,  une  procédure  dilatoire,  qui  réussit,  et  cette 
année  1285  est  précisément  celle  où  son  activité  législative 
fut  le  plus  notable.  Il  édicta  au  Parlement  d'été  tenu  à 
Westminster  le  second  statut  de  Westminster,  qui  est  un 
véritable  code,  et  il  limita  étroitement  la  juridiction  ecclé- 
siastique par  le  fameux  writ  Circumpecte  agatis.  Le 
Statut  de  Winchester,  promulgué  au  Parlement  d'octobre, 
fit  revivre  et  développa  les  anciennes  lois  relatives  à  l'orga- 
nisation de  la  police  en  vue  du  maintien  de  la  paix  publique. 

Après  la  mort  de  Phihppe  III,  Edouard  annonça  son 
intention  de  se  rendre  sur  le  continent.  Français  et  Ara- 
gonais  se  disputaient  alors  la  Sicile.  Dès  1282,  Charles 
d'Anjou  et  Pierre  d'Aragon  avaient  choisi  le  roi  d'Angleterre 
comme  arbitre  du  combat  qu'ils  se  proposaient  d'engager 
à  Bordeaux,  en  champ  clos,  l'un  contre  l'autre.  En  1286, 
les  fils  de  Charles  d'Anjou,  Philippe  IV,  les  nobles  de  Pro- 
vence, invoquaient  son  intervention  pour  régler  leurs  diffé- 
rends. Il  fut  d'abord  à  Amiens,  où  il  prêta  hommage  pour  ses 
possessions  continentales.  A  Bordeaux,  il  présida  une  sorte 
de  congrès  diplomatique  auquel  prirent  part  les  représen- 
tants des  rois  d'Aragon,  de  France,  de  Castille  et  de  Ma- 
jorque et  deux  légats  du  pape.  Une  trêve  y  fut  arrangée, 
le  25  juil.,  entre  la  France  et  l'Aragon.  En  1287,  Edouard 
demeura  en  Aquitaine,  se  croisa  et  expulsa  les  juifs  du  duché. 
En  1288,  il  travailla  à  la  délivrance  de  Charles  le  Boiteux 
et  lui  prêta  des  sommes  considérables  pour  sa  rançon,  en 
même  temps  qu'il  faisait  présenter  au  pape  Nicolas  IV 
l'expression  des  sentiments  qu'il  éprouvait  à  voir  un  pape 
exciter  la  guerre  entre  chrétiens,  alors  que  les  infidèles  triom- 
phaient en  Syrie.  Ayant  appris  qu'enfin  on  se  lassait  en 
Anglelerre  de  sa  longue  absence,  il  y  revint  au  mois  d'août 
et  eut  aussitôt  à  redresser  les  iniquités  commises  par  plusieurs 
juges  de  la  couronne,  qui  furent  punis.  Il  visita  sa  mère,  qui 
avait  pris  le  voile  à  Amesbury  et  s'acquitta  de  divers  pèleri- 
nages aux  tombeaux  des  saints  Thomas,  Edmond,  etc. 
C'était  en  effet  un  homme  très  pieux,  de  goûts  ecclésias- 
tiques, quoique  viril  et  sagement  incrédule  à  l'égard  des  su- 
perstitions populaires.  Le  Parlement  de  1289  fut  marqué 
par  la  promulgation  du  statut  Quia  emptores  qui  interdit 
les  sous-inféodations,  et  par  un  statut  pour  l'expulsion  des 
juifs.  La  mort  de  la  reine,  arrivée  à  Harby  (Nottinghamshire) , 
le  28  nov.,  attrista  beaucoup  Edouard,  qui  se  retira,  pour 
y  passer  plusieurs  mois  dans  la  retraite,  au  couvent  des  Bons- 
Hommes  d'Ashridge.  En  mai  1291,  il  eut  à  s'occuper  de  la 
succession  d'Ecosse  :  Alexandre  III  d'Ecosse  était  mort  en 
1286,  laissant  comme  héritière  Marguerite  de  Norvège,  qui 
fut  fiancée  en  1288  à  Edouard,  fils  d'Edouard  P^,  avec  dis- 
pense du  pape  et  approbation  de  la  noblesse  écossaise.  Les 
Etats  d'Ecosse,  réunis  à  Brigham,  près  de  Roxburgh,  le 
10  mars  1290,  manifestèrent  publiquement  leur  satisfaction, 
sous  réserve  des  droits  et  des  lois  du  royaume.  Là-dessus, 
Edouard  avait  envoyé  en  Ecosse,  comme  gouverneur,  son 
fidèle  Antony  Bek,  évêque  de  Durham.  Mais  Marguerite  mou- 
rut dans  la  traversée  de  Norvège  aux  Orcades,  et  il  n'y  avait 
pas  moins  de  treize  compétiteurs  à  sa  succession.  Edouard 
fit  d'abord  reconnaître  par  tous  les  compétiteurs  son  droit 
de  suzeraineté  sur  la  couronne  d'Ecosse  ;  il  désigna  ensuite 
Baliol{\,  ce  nom)  comme  le  roi  légitime  (17  nov.  1292). 

Sur  ces  entrefaites  commença  la  guerre  avec  la  France. 
Les  hostilités  étaient  continuelles  entre  les  marins  des  Cinq- 


Ports  et  ceux  des  côtes  de  Normandie  ;  elles  prirent,  en  1293, 
de  très  graves  proportions  ;  de  même,  les  frontières  de  l'Aqui- 
taine étaient  le  théâtre  de  conflits  perpétuels  entre  les  sujets 
des  rois  de  France  et  d'Angleterre.  Philippe  cita  Edouard 
à  comparaître  devant  le  Parlement  de  Paris,  comme  duc 
d'Aquitaine,  et  saisit  le  duché,  faute  de  comparution.  La 
guerre  fut  ainsi  déclarée.  Edouard,  toutefois,  n'y  prit  pas 
part  en  personne,  étant  retenu  par  une  insurrection  des 
Gallois  sous  Madoc,  fils  de  Llewellyn,  qui  l'obhgea  à  taxer 
le  clergé  à  la  moitié  de  ses  revenus  pendant  un  an.  Cette 
guerre  de  Galles  l'occupa  jusqu'au  mois  de  mai  1295.  Pour 
la  guerre  de  France,  il  en  remit  le  soin  à  John  of  Saint- 
John,  son  sénéchal  en  Aquitaine,  et  à  ses  alliés,  le  comte 
de  Bar,  les  princes  des  Pays-Bas  et  le  roi  des  Romains, 
Adolphe  de  Nassau.  Les  Français,  cependant,  faisaient 
souvent  des  descentes  sur  les  côtes  anglaises  de  la  Manche. 
Un  certain  chevalier  nommé  Turberville  fut  persuadé, 
dit-on,  de  livrer  à  Philippe  les  Cinq-Ports.  Mythe  fut 
attaquée,  Douvres  fut  brûlée.  L'Ecosse  remuait.  Edouard 
convoqua  dans  ces  circonstances  critiques,  pour  nov.  1295, 
un  Parlement  qui  différa  des  précédents  en  ce  que,  dans  les 
writs  de  convocation  envoyés  aux  évêques,  fut  insérée 
})Our  la  première  fois  la  clause  Prœmunientes  qui  leur 
enjoignait  d'amener  au  Parlement  des  représentants  du 
clergé  inférieur  de  leurs  diocèses.  Le  Parlement  de  1295 
fut  le  type  normal  des  Parlements  à  venir,  car  il  fut  com- 
posé des  représentants  des  comtés,  des  villes,  du  clergé  et 
des  barons.  Il  vota  des  subsides  ;  mais,  ces  subsides,  Edouard 
ne  put  pas  encore  les  employer  contre  la  France.  Ce  furent 
les  affaires  d'Ecosse  qui  absorbèrent  son  activité. — Macduff, 
comte  de  Fife,  ayant  appelé  d'une  décision  de  Baliol  au  roi 
d'Angleterre,  celui-ci,  comme  suzerain,  fit  citer  à  sa  cour 
le  roi  d'Ecosse,  qui  comparut.  Les  nobles  écossais  furent 
peu  satisfaits  de  cette  conduite  et,  en  vue  de  profiter  des 
embarras  de  leurs  voisins,  entamèrent  des  négociations 
avec  Philippe  de  France.  Dès  mars  1296,  ils  ravagèrent  le 
Cumberland  et  tentèrent  un  coup  de  main  sur  Carlisle. 
Edouard  ne  fut  pas  pris  au  dépourvu  ;  deux  armées  enva- 
hirent PEcosse;  Berwick  fut  prise,  et  ses  habitants  furent 
massacrés;  Dunbar,  Roxburgh,  Jedburgh  tombèrent,  ainsi 
qu'Edimbourg  et  Stirling.  Le  10  juil.,  à  Montrose,  BaUol 
remit  son  royaume  entre  les  mains  d'Edouard,  à  qui  vingt 
semaines  avaient  suffi  pour  faire  la  conquête  du  pays  tout 
entier.  Le  28  août  fut  tenu  le  Parlement  de  Berwick  où  le 
clergé,  les  barons  et  la  noblesse  d'Ecosse  jurèrent  fidélité  à 
leur  nouveau  maître.  Le  roi  institua  des  officiers  pour 
l'Ecosse  et  retourna  en  Angleterre  tenir  (en  novembre)  son 
parlement  anglais  à  Bury-Saint-Edmond. —  Là,  le  clergé, 
par  l'organe  de  l'archevêque  Winchelsey,  fit  savoir  qu'il 
lui  était  impossible  d'accorder  quelque  aide  pécuniaire  que 
ce  fût,  à  cause  de  la  bulle  Clericis  laicos,  récemment 
lancée  par  le  pape  Boniface  VIII.  Cette  déclaration,  le 
clergé  la  renouvela  encore,  après  de  longues  délibérations, 
le  20  janv.  1297,  à  l'exception  des  prélats  de  la  province 
d'York,  qui  cédèrent.  La  colère  du  roi  en  présence  de 
l'obstination  de  la  province  du  Sud  fut  extrême,  d'autant 
qu'il  apprit  à  cette  époque  quelques  revers  de  ses  armes  en 
Gascogne.  Il  convoqua  donc,  à  Salisbury,  en  février,  les 
lords,  pour  les  prier  individuellement  de  l'accompagner 
outre-mer.  Tous  refusèrent,  et,  au  premier  rang,  Humphrey 
Bohun,  comte  d'Hereford,  connétable,  et  Roger  Bigod, 
comte  de  Norfolk,  maréchal  du  royaume.  Les  deux  comtes 
prirent  même  la  campagne  avec  quinze  cents  hommes  et 
empêchèrent  les  sheriffs  de  réunir  des  provisions  de 
guerre  dans  leurs  ressorts.  Edouard  vit  bien  qu'il  fallait 
pher  :  il  se  réconcilia  avec  l'archevêque  de  Canterbury  ; 
il  promit  de  salarier  ceux  de  ses  tenanciers  qui  l'accompa- 
gneraient en  Flandre  ;  il  promit  de  confirmer  la  Grande 
Charte  et  la  Charte  des  forêts  ;  il  fit  une  sorte  de  discours 
au  peuple  d'une  plate-iorme  élevée  devant  Westminster  Hall 
(14  juil.).  —  En  Flandre,  ses  soldats  se  querellèrent  avec 
les  Gantois  dès  le  début  de  la  campagne  et  c'est  à  Gand 
qu'Edouard  dut  (5  nov.),  en  exécution  de  ses  promesses. 


EDOUARD 


572  — 


confirmer  les  chartes  anglaises,  non  sans  d'importantes  addi- 
tions ;  il  s'engagea,  par  ces  additions,  à  ne  plus  lever  de 
taxes  arbitraires  sans  le  consentement  des  Etats  du  royaume 
assemblés.  Les  articles  additionnels  sont  rédigés  sous  deux 
formes,  l'une  en  français,  l'autre  en  latin,  beaucoup  plus 
précise,  sous  le  titre  de  De  Tallagio  no7i  concedendo. 
Cette  dernière  n'est  pas  originale,  mais  elle  a  acquis  l'au- 
torité d'un  statut,  bien  qu'elle  n'ait  été  en  son  temps  qu'une 
traduction  et  une  paraphrase,  depuis  qu'elle  a  été  citée 
officiellement  dans  le  préambule  de  la  Pétition  des  droits 
de  1628.  Edouard  ne  fit  rien  en  Flandre  et,  par  les  soins 
de  Boniface  VIII,  une  trêve  de  deux  ans  fut  signée  entre 
la  France  et  l'Angleterre;  Edouard,  de  plus,  épousa  Mar- 
guerite, sœur  du  roi  de  France;  son  fils  et  héritier  fut  en- 
gagé à  Isabelle,  fille  de  Philippe  le  Bel.  Le  mariage  du  roi 
avec  Marguerite  eut  Heu  à  Canterbury  le  10  sept.  1299  et 
la  trêve,  prorogée  plusieurs  fois,  fut  transformée  en  paix 
définitive  le  20  mai  1303.  La  Gascogne  fut  rendue  au 
Plantagenet,  mais  il  abandonna  en  revanche  son  allié,  le 
comte  de  Flandre,  à  la  vengeance  du  Capétien. 

En  Ecosse,  le  feu  couvait  sous  la  cendre.  Wallace  infligea 
une  désastreuse  défaite  aux  Anglais  le  11  sept.  1297,  au  pont 
de  StirHng.  En  1298,  cet  échec  fut  vengé,  il  est  vrai,  par 
une  victoire  personnelle  d'Edouard  à  Falkirk;  mais,  aban- 
donné par  Norfolk  et  Hereford,  mécontents  du  lot  qui  leur 
avait  été  assigné  dans  le  partage  des  biens  des  Ecossais 
rebelles,  le  roi  fut  obHgé  de  quitter  le  pays  en  1299,  avec 
la  crainte  qu'une  nouvelle  insurrection  ne  le  forçât  prochai- 
nement à  y  retourner.  Il  dut  confirmer  plusieurs  fois  en- 
core les  Chartes  avec  des  additions  {Articuli  super  cartas 
de  1300);  mais,  à  chaque  saison  favorable,  il  faisait,  grâce 
à  l'argent  que  les  confirmations  lui  procuraient,  des  che- 
vauchées en  Ecosse.  Celle  de  1300  fut  signalée  par  le 
fameux  siège  du  château  de  Caerlaverock,  défendu  pendant 
quelque  temps  contre  toute  l'armée  anglaise  par  soixante 
hommes  seulement;  le  30  oct.,  il  conclut  avec  les  Ecossais 
une  trêve  jusqu'à  la  Pentecôte.  —  A  partir  de  1302,  tou- 
tefois, il  se  trouva  plus  à  l'aise  ;  jusque-là,  l'opposition 
constitutionnelle  acharnée  des  barons,  dirigés  par  Hereford 
et  Norfolk,  le  pape  Boniface  et  le  roi  de  France,  l'avaient 
gêné  de  diverses  manières  dans  ses  entreprises  sur  l'Ecosse. 
Or  Hereford  mourut  et  son  fils  épousa  une  fille  du  roi  ;  en 
second  lieu,  Edouard  réussit  à  brouiller  l'aristocratie  laïque 
avec  l'aristocratie  ecclésiastique,  et  il  cessa  d'avoir  à  les 
craindre.  Philippe  de  France,  acharné  contre  les  Flamands, 
consentit,  nous  l'avons  vu,  à  la  paix  d'Amiens  qui  restitua 
la  Gascogne  aux  Anglais  ;  enfin  Boniface,  désireux  de  se 
faire  des  alliés  dans  sa  lutte  contre  Philippe,  abandonna, 
pour  se  concilier  Edouard,  la  cause,  qu'il  avait  défendue 
jusque-là  avec  zèle,  de  l'indépendance  écossaise.  Dès  lors, 
Edouard  agit.  Le  24  févr.  1303,  Comyn  avait  gagné  la 
bataille  de  Roslin  sur  l'armée  anglaise  commandée  par  sir 
John  Segrave.  Il  fut  contraint,  au  premier  choc  du  roi  d'An- 
gleterre', de  faire  amende  honorable,  à  Dunfermline.  Stirling, 
seule,  résistait  encore  en  1 304  ;  cette  ville  fut  prise  le  24  juil. , 
après  un  siège  héroïque.  Wallace  fut  livré  l'année  suivante 
et  exécuté  à  Londres  comme  traître.— De  retour  à  Londres, 
le  roi,  informé  de  certaines  atteintes  à  la  paix  publique 
qui  s'étaient  produites  durant  son  absence,  promulgua  un 
statut  (avr.  1305),  dit  de  Trailbaston,  pour  la  punition 
de  ces  crimes.  —  Cette  année-là,  un  noble  gascon,  Ber- 
trand de  Goth,  fidèle  ami  d'Edouard  P^  fut  élevé  à  la  pa- 
pauté sous  le  nom  de  Clément  V.  Le  roi  lui  envoya  aussitôt 
des  ambassadeurs  pour  traiter  avec  lui  «  d'une  certaine 
matière  qui  lui  tenait  fort  à  cœur  »  ;  il  s'agissait  des  pro- 
messes qui  lui  avaient  été  arrachées  au  sujet  des  chartes. 
Ses  sujets  n'avaient-ils  pas  abusé  de  ses  embarras  pour 
empiéter  sur  les  droits  les  plus  légitimes  de  la  couronne  ? 
Clément  V  s'empressa  de  le  délier  en  effet  des  engagements 
par  serment  qu'il  avait  pris  en  1297.  Il  défendit  en  outre 
à  tous  ecclésiastiques  de  l'excommunier  sans  l'assentiment 
du  siège  pontifical;  c'était  désarmer  totalement  l'Eglise 
d'Angleterre  et  particulièrement  son  chef,  Winchelsey,  qui 


Pavait  dirigée  dans  sa  résistance  à  la  fiscalité  royale. 
Edouard  détestait  Winchelsey;  il  obtint ,  en  1306,  la 
suspension  de  ce  personnage,  qui  fut  obligé  de  quitter 
l'Angleterre.  —  L'Ecosse  remuait  encore;  la  rébellion  de 
Robert  Bruce  est  de  1306.  Le  22  mai,  jour  de  la  Pentecôte, 
à  Londres,  Edouard  ¥""  célébra  une  fête  splendide  :  il 
investit  son  fils  Edouard  du  duché  d'Aquitaine,  le  fit  che- 
valier et  promit  de  partir  pour  la  croisade  aussitôt  après 
avoir  fait  justice  de  Robert  Bruce.  Bruce  vit  bientôt  ses 
adhérents  se  disperser,  et  s'exila  en  Irlande;  des  châtiments 
terribles  frappèrent  les  siens,  car  le  roi  était  malade,  aigri, 
furieux  de  voir  l'œuvre  de  sa  vie  s'écrouler  toujours,  quand 
il  avait  des  raisons  de  la  croire  solide.  Avant  de  mourir,  il 
avait  fait  promettre  à  son  fils  d'envoyer  son  cœur  en  Terre 
sainte,  avec  une  escorte  de  cent  chevaliers,  et  de  ne  pas 
enterrer  son  corps  avant  d'avoir  définitivement  réduit 
l'Ecosse,  n  fut  néanmoins  enterré  dès  le  27  oct.,  à  West- 
minster Abbey.  De  sa  première  femme,  Eléonore  de  Castille, 
il  eut  quatre  fils  et  neuf  filles.  De  sa  seconde  femme,  Mar- 
guerite, il  eut  deux  fils  (Thomas  de  Norfolk,  Edmond  de  Kent) 
et  une  fille.  —  On  annonce  comme  devant"  paraître  prochai- 
nement dans  la  collection  dite  Tivelve  english  statesmen 
une  monographie  sur  le  règne  d'Edouard  P^.     Ch.-V.  L. 

EDOUARD  11  DE  Caernarvon  (1284-1327),  roi  d'An- 
gleterre, quatrième  fils  d'Edouard  P^  et  d'Eléonore  de 
Castille,  né  à  Caernarvon  le  25  avr.  1284,  assassiné  à 
Berkeley  Castle  le  21  sept.  1327.  Il  devint  héritier  pré- 
somptif peu  de  mois  après  sa  naissance,  par  la  mort  de 
ses  aînés.  En  1297,  il  fut  régent  (nominal)  pendant  Pab- 
sence  de  son  père  en  Flandre,  et  dut  rééditer  le  10  oct.,  en 
présence  de  l'agitation  des  barons,  la  Confirmatio  car- 
tarum.  Dès  1299,  des  négociations  furent  engagées  entre 
la  France  et  l'Angleterre  au  sujet  d'un  mariage  à  interve- 
nir entre  Edouard  et  Isabelle,  fille  de  Philippe  le  Bel,  roi 
de  France,  mais  le  projet  n'aboutit  que  le  20  mai  1303, 
date  à  laquelle  eut  lieu,  à  Paris,  la  célébration  officielle  de 
cette  union.  Le  7  févr.  1301,  Edouard  avait  été  créé 
prince  de  Galles,  mesure  qui  fut  accueilHe  avec  enthou- 
siasme par  les  Gallois.  A  partir  de  1302,  il  accompagna 
toujours  son  père  dans  ses  campagnes  contre  les  Ecossais. 
Il  semble  que  dès  cette  époque  il  ait  montré  du  penchant 
pour  les  amusements  frivoles  et  grossiers,  pour  les  excen- 
tricités à  l'anglaise.  Il  perdait  beaucoup  d'argent  au  jeu, 
se  faisait  accompagner  partout  par  un  lion  et  par  des  mu- 
siciens génois  ;  il  fut  obligé  de  payer  des  dommages 
intérêts  à  un  fou  qu'il  avait,  pour  rire,  cruellement  mal- 
traité. Un  de  ses  compagnons,  d'origine  gasconne,  Pierre 
de  Gaveston,  avait  déjà  acquis  sur  son  esprit  un  funeste 
ascendant,  ainsi  que  son  précepteur  Walter  Reynolds.  En 
juin  1305,  ayant  empiété  sur  les  chasses  del'évêqueLangton, 
trésorier  du  royaume,  il  répondit  par  des  insultes  aux  re- 
montrances de  l'offensé  ;  cette  frasque  lui  valut  un  exil 
de  six  mois  loin  de  la  cour  paternelle.  Cependant,  au  mo- 
ment de  la  révolte  de  l'Ecosse,  Edouard  I«^,  qui  sentait  ses 
forces  diminuer,  fit  un  nouvel  effort  pour  rendre  son  fils 
digne  de  lui  succéder.  A  Pâques  1306,  le  prince  de  Galles 
reçut  la  Gascogne  en  apanage  ;  à  la  Pentecôte,  il  fut  fait 
chevalier  avec  trois  cents  autres  jeunes  nobles  et  reçut  le 
commandement  de  l'avant-ggirde  contre  les  Ecossais.  Le 
7  juil.  1307,  la  mort  de  son  père  le  fit  roi. 

C'était  alors  un  homme  de  fort  belle  mine,  comme 
Edouard  P^,  et  d'une  force  physique  exceptionnelle,  bien  que 
d'un  tempérament  mou.  Il  n'aima  pas  la  guerre.  Sa  volonté 
était  des  plus  faibles.  Il  buvait  beaucoup.  H  avait  les  goûts 
de  la  canaille  et  la  fréquentait  volontiers.  H  excellait,  paraît- 
il,  aux  arts  mécaniques  ;  il  était  bon  forgeron  et  bon  terras- 
sier, remarquable  athlète,  excellent  coureur,  homme  de 
cheval  par-dessus  tout.  Il  avait  une  espèce  d'écurie  de 
courses,  de  haras,  à  Ditchling  en  Sussex.  Il  était  très  fier 
de  ses  meutes  de  chiens  gallois  et  de  leurs  sauvages  piqueurs, 
venus  de  ses  montagnes  natales.  On  dit  qu'en  outre  il 
aimait  la  musique,  et  que  Walter  Reynolds  gagna  sa  faveur 
par  son  habileté  in  ludis  theatralibus*  Avec  cela  fort 


573  — 


EDOUARD 


ignorant  (il  ne  savait  pas  le  latin),  amoureux  de  la  pompe 
extérieure,  bavard,  sans  dignité,  toujours  accroché  à  quelque 
favori  dont  il  était  le  jouet.  Son  premier  acte,  comme  roi, 
fut  d'élever  Pierre  de  Gaveston  à  la  pairie,  sous  le  titre  de 
comte  de  Cornouailles,  malgré  la  désapprobation  des  barons. 
Puis  il  renvoya  brutalement  les  ministres  de  son  père, 
non  sans  se  venger  particulièrement  de  Langton,  qu'il  fit 
dépouiller  et  enfermer  à  la  Tour.  Le  successeur  de  Lang- 
ton à  la  trésorerie  fut  Walter  Reynolds.  Gaveston  fut  ré- 
gent du  royaume,  pendant  le  voyage  du  roi  en  France,  oti 
Edouard  se  rendit  pour  prêter  hommage  comme  duc  d'Aqui- 
taine et  épouser  brillamment  sa  femme  Isabelle.  Le  cou- 
ronnement d'Edouard  et  d'Isabelle  eut  lieu  à  Westminster 
le  25  févr.  4308.  Mais  déjà  la  nation  était  indignée  de 
l'amour  du  roi  pour  Gaveston  ;  quand  le  grand  conseil  se 
réunit  le  10  avr.,  il  exigea  l'expulsion  de  ce  parvenu  d'une 
manière  si  énergique  qu'il  fallut  céder.  Edouard  se  consola 
en  faisant  l'exilé  vice-roi  d'Irlande  et  en  commençant  im- 
médiatement à  intriguer  pour  sa  restauration.  Gaveston 
était  en  effet  de  retour  dès  juil.  1309  :  le  roi  avait  accepté, 
pour  l'obtenir,  plusieurs  remontrances  du  Parlement  et 
gagné  individuellement  par  des  dons  les  principaux  barons. 
Cependant  Lancastre  donna  le  signal  d'une  opposition  ou- 
verte ;  d'accord  avec  les  comtes  de  Lincoln ,  Warwick, 
Oxford  et  Arundel,  il  refusa  de  paraître  au  conseil  convo- 
qué à  York  en  octobre.  C'est  en  vain  qu'Edouard  chercha 
à  échapper  à  des  difficultés  qu'il  prévoyait  en  prolongeant 
la  session  et  en  tenant  sa  cour  à  Noël,  dans  son  château 
favori  de  Langley  ;  ses  barons  lui  imposèrent,  en  mars 
1310,  le  concours  de  trente  et  un  «  lords  ordonnateurs  »  ; 
il  essaya  de  s'y  soustraire  en  prétextant  une  expédition  sur 
les  frontières  de  l'Ecosse.  Quand,  en  1311,  les  lords  or- 
donnateurs lui  présentèrent  leurs  cahiers,  il  n'y  vit  qu'une 
chose  :  la  destitution  de  Gaveston  ;  mais,  s'il  ne  cédait  pas, 
c'était  la  guerre  civile  :  Gaveston  s'en  fut  en  Flandre.  En 
févr.  1312,  toutefois,  le  tenace  Gascon  était  de  retour,  et 
la  guerre  commença.  Lancastre  et  Pembroke  prirent  Gaves- 
ton dans  Scarborough  en  lui  promettant  la  vie  sauve  ;  mais 
Warwick  le  fit  exécuter,  contre  la  foi  jurée,  à  Black- 
low  Hill,  le  19  juin.  Le  roi  ne  put  qu'assurer  à  son  «  frère 
Pierre  »  la  plus  honorable  sépulture  à  Langley  où  il  fonda 
un  couvent  de  moines  noirs.—  Cet  excès  de  violence  ramena, 
du  reste,  des  partisans  à  Edouard  IL  Warenne,  Hugues  le 
Despenser  formèrent  dès  lors  un  parti  pour  s'opposer  aux 
entreprises  de  Lancastre  sous  la  prérogative  royale.  En  mai 
1313,  ce  fut  le  vieil  ami  du  roi,  Reynolds,  qui  succéda  à 
Winch elsey  comme  archevêque  de  Canterbury.  Les  «  trois 
comtes  »  se  réconcilièrent  avec  la  couronne  en  1313.  Des 
querelles  qui  avaient  troublé  la  première  partie  du  règne,  il 
semblait,  à  cette  date,  que  rien  ne  restât. 

L'année  1314  fut  marquée  par  une  grande  bataille  en 
Ecosse.  Bruce  reprit  aux  Anglais  Edimbourg,  Roxburgh, 
Stirling.  Edouard  tenta  la  fortune  dans  un  combat  décisif, 
à  Bannockburn  (23  juin)  et  fut  vaincu.  Cette  défaite  le 
rejeta  pieds  et  poings  Ués  sous  la  coupe  de  Lancastre  et  des 
barons,  qui  le  mirent  en  tutelle,  reformant  sa  maison,  chas- 
sant son  nouveau  conseiller  Despencer,  le  réduisant  à  une 
maigre  pension  de  10  livres  sterhng  par  jour.  Mais  Lancastre  • 
ne  se  montra  pas  plus  digne  qu'Edouard  du  pouvoir.  L'Ir- 
lande fut  envahie  par  Bruce;  les  Gallois  se  révoltèrent;  les 
Ecossais  s'avancèrent  jusqu'à  Furness  ;  la  famine  qui  désola 
l'Angleterre  en  l'année  1316  fut  la  plus  cruelle  du  moyen 
âge.  Le  roi  reprit  quelque  confiance  et  quelque  autorité  à 
la  suite  des  échecs  du  leader  de  ses  adversaires,  bien 
qu'au  parlement  d'York  (oct.  1318),  il  ait  été  encore 
obligé  de  feindre  une  réconciliation  avec  Lancastre.  Sa 
passion  se  portait  maintenant  sur  Hugh  de  Despenser,  l'un 
des  trois  cohéritiers,  par  sa  femme,  de  la  maison  de  Glou- 
cester.  Une  guerre  privée  éclata,  en  1321,  dans  les  marches 
galloises  entre  les  trois  cohéritiers.  Despenser,  Audley  et 
Amory.  Edouard  prit  ouvertement  le  parti  du  premier;  les 
barons,  conduits  par  Lancastre,  Pembroke  et  Badlesmere, 
celui  des  autres.   Sur  ces  entrefaites,   lady  Badlesmere 


ayant  fait  fermer  les  portes  de  son  château  de  Leeds  pour 
ne  pas  recevoir  la  reine  Isabelle  qui  se  rendait  à  Canterbury, 
le  roi  se  servit  de  cet  incident  pour  secouer  le  joug  des 
barons.  Il  prit  et  rasa  le  château  de  Leeds  ;  il  profita  de  ce 
succès  pour  marcher  sur  le  pays  de  Galles,  où  il  reçut  la 
soumission  des  Mortimer  ;  Roger  d'Amory  fut  pris  ;  Lan- 
castre lui-même  s'enfuit,  mais  fut  capturé  à  Boroughbridge 
(Yorkshire),  sommairementjugéàPontefract,  et  décapité.  Le 
triomphe  d'Edouard  et  des  Despenser  fut  complété  par  la 
pendaison  de  Badlesmere  et  la  condamnation  de  Mortimer 
et  d'Audley  à  la  prison  perpétuelle.  Le  2  mai  1322  se 
réunit  le  Parlement  d'York,  qui  effaça  les  dernières  traces 
des  «  Ordinances  »  imposées  à  la  couronne  après  Bannock- 
burn. La  tenue  de  ce  parlement  royaliste  fut  suivie  d'une 
nouvelle  expédition  contre  l'Ecosse  et  d'une  trêve  de  treize 
ans  avec  ce  pays.  —  De  1322  à  1326,  Edouard  régna  à 
peu  près  tranquillement,  sous  l'ascendant  des  Despenser 
(V.  ce  nom).  Mais  la  reine  Isabelle  parut  alors  sur  la  scène, 
comme  ennemie  furieuse  du  jeune  Despenser,  qui  l'avait 
fait  mettre  en  surveillance  et  en  quelque  sorte  en  tutelle  le 
28  sept.  1324.  Roger  Mortimer  s'enfuit  vers  le  même  temps 
de  la  Tour  et  se  réfugia  en  France.  Or  Charles  IV,  frère 
d'Isabelle,  régnait  alors  en  ce  pays  ;  il  avait  maintes  fois 
réclamé,  depuis  son  avènement  (1322),  l'hommage'd'Edouard 
pour  l'Aquitaine  et  le  Ponthieu  ;  il  menaçait  de  déclarer  la 
guerre  au  roi  d'Angleterre  si  cet  hommage  ne  lui  était  pas 
prêté.  Le  9  mars  1325,  Edouard  eut  l'imprudence  de  dé- 
pêcher sa  femme  à  Paris  pour  faire  prendre  patience  au 
roi  son  frère  ;  il  eut  l'imprudence  plus  grande  encore  d'en- 
voyer son  fils  aîné  et  héritier,  Edouard,  rejoindre  sa  mère 
en  France  (12  sept.),  à  charge  de  rendre  hommage  à 
Charles  IV,  en  son  lieu  et  place,  pour  l'Aquitaine.  Quand 
l'hommage  eût  été  dûment  prêté  à  Vincennes  (fin  de  sept. 
1325),  Edouard  II  pria  sa  femme  et  son  fils  de  le  rejoindre, 
mais  ceux-ci  refusèrent  de  repasser  la  mer  tant  que  les 
Despenser  resteraient  en  faveur.  Prières,  menaces,  lettres 
des  évêques  assemblés,  rien  n'agit  sur  Isabelle,  qui  avait 
trouvé  un  conseiller  (et  un  amant)  dans  l'exilé  Roger  Mor- 
timer. Le  comte  de  Hainaut,  dont  la  fille  était  fiancée  au 
jeune  Edouard  d'Aquitaine,  était  du  complot  de  la  reine. 
Isabelle,  du  reste,  prit  bientôt  l'offensive.  Le  24  sept.  1326, 
elle  débarqua  à  Orwell  (Suffolk)  avec  les  exilés  du  parti 
des  barons.  Edouard  II  était  à  Londres  ;  il  s'enfuit  dans  les 
possessions  galloises  des  Despenser,  mais  le  vieux  Despen- 
ser fut  pris  et  exécuté  à  Bristol.  Le  26  oct.,  le  duc  d'Aqui- 
taine (Edouard  III,  fils  d'Edouard  II)  lança,  comme  «  gardien 
du  royaume  »  une  proclamation  montrant  clairement  que 
les  conjurés  de  Paris  avaient  d'autres  visées  encore  que  de 
chasser  les  Despenser  ou  de  venger  la  mort  de  Lancastre. 
Le  roi  fut  pris  le.  16  nov.,  près  de  Llantrissaint.  Le  7  janv. 
1327,  le  Parlement  de  Westminster,  à  la  requête  du  chan- 
celier Adam  d'Orlton,  élut  roi  le  duc  d'Aquitaine  ;  Edouard  II 
était  déposé;  il  fut  enfermé  à  Kenilworth.  Mais  le  gouver- 
nement d'Isabelle  et  de  Mortimer  ne  pouvait  lui  laisser  la 
vie  ;  il  n'était  pas  assez  fort  pour  être  généreux.  Le  mal- 
heureux fils  d'Edouard  P^  fut  traîné  de  château  en  château 
par  ses  deux  atroces  geôhers,  Thomas  de  Gournay  et  John 
Maltravers.  A  Berkeley,  sa  dernière  résidence,  on  essaya 
de  le  faire  mourir  de  faim,  de  froid  ;  on  le  fit  loger  au- 
dessus  d'un  charnier  pour  le  faire  mourir  de  maladie;  mais 
sa  robuste  constitution  résistait  à  tout  ;  il  fut  enfin  tué 
dans  son  lit  le  21  sept,  par  un  procédé  épouvantable  (em- 
palé avec  une  broche  de  cuisine).  Il  fut  enterré  à  Glou- 
cester  ;  son  tombeau  est  l'un  des  chefs-d'œuvre  de  la  sculp- 
ture du  moyen  âge.  Comme  Thomas  de  Lancastre,  il  fut,  à 
cause  de  sa  fin  tragique,  bientôt  canonisé  par  la  supersti- 
tion populaire.  Les  Gallois,  qui  aimaient  en  lui  leur  premier 
«  prince  de  Galles  »,  ont  conservé  nombre  de  chansons  sur 
ses  malheurs.  Beaucoup  de  gens  restèrent  persuadés  que 
le  roi  martyr  n'était  pas  mort  à  Berkeley  ;  on  croyait  en- 
core au  milieu  du  xiv®  siècle  qu'il  s'était  échappé  et  avait 
fini  ermite  en  Lombardie,  après  de  romanesques  aventures 
en  Irlande,  dans  les  Pays-Bas  et  en  France. 


EDOUARD  —  ^'74  — 

BiBL.  :  Le  rév.  C.-H.  Hartshorne  a  publié  Fitinéraire 
d'Edouard  II  dans  Collectanea  Archeologica ,  I,  113-44 
{British  Archeological  Association).  —  Cf.  S. -A.  Moore, 
Documents  relating  to  the  death  and  burial  of  Edward  11^ 
dans  Archœoloqia,  I,  215-226.  —  Archseological  Journal, 
XVII,  297-310. -Archceoio.r/ia,  XXVI,  318-45- XX  VIII,  246-54. 
—  Stubbs,  Chronicles  o'f  the  reigns  of  Edward  I  and 
Edward II,  Rolls  séries.— Lettre  deMhnueldeFiesque  sur 
les  dernières  années  dEdouard  II,  publ.  par  M.  A.  Ger- 
main, dans  Mém.  de  la  Soc.  arch.  de  Montpellier,  1877. 

EDOUARD  III,  roi  d'Angleterre,  né  à  Windsor  le  13  nov. 
4312,  mort  à  Sheeenle  21  juin  1377.  Fils  aîné  d'Edouard  II 
et  d'Isabelle  de  France,  il  fut  pourvu  dès  sa  naissance  des 
comtés  de  Chester  et  de  Flint,  mais  ne  porta  jamais  le  titre 
de  prince  de  Galles.  Son  précepteur  fut  Richard  de  Bury, 
évêque  de  Durham,  le  fameux  bibliophile.  Pour  ne  pas 
avoir  à  prêter  hommage  personnellement  à  Charles  IV,  son 
père  lui  transporta  en  sept.  1323  le  Ponthieu  et  l'Aqui- 
taine. Accompagné  de  sa  mère,  il  partit  pour  la  France  à 
cette  date,  prêta  l'hommage  au  roi  de  France,  et  se  rendit 
à  la  cour  du  comte  de  Hainaut,  dont  sa  fille  Philippa  lui  fut 
fiancée.  On  a  vu  au  mot  Edouard  II  comment  sa  mère  et 
Mortimer  l'entraînèrent  'dans  leur  expédition  contre  son 
père,  et  comment  par  la  déposition  d'Edouard  II  il  devint 
roi(janv.  1327).  Le  pouvoir  réel  demeura  toutefois  pen- 
dant près  de  quatre  années  après  l'avènement  aux  mains 
d'Isabelle  et  de  Mortimer.  Pendant  ce  temps-là,  le  jeune 
roi  fit  (1327)  une  expédition  médiocrement  honorable  sur 
les  frontières  d'Ecosse  et  épousa  Philippa  de  Hainaut,  à 
York  (24janv.  1328).  Il  envoya  aussi  des  ambassadeurs 
à  Paris,  à  la  mort  de  Charles  IV,  pour  réclamer  le  trône 
de  France,  comme  héritier,  par  sa  mère  Isabelle,  de  Phi- 
lippe le  Bel  ;  mais  le  trône  fut  adjugé  à  Philippe  de  Valois, 
fils  d'un  puîné  de  Philippe  le  Bel.  Il  était  admis  que  les 
femmes  n'avaient  pas  de  droit  au  trône  de  France  ;  eus- 
sent-elles eu  le  droit  d'en  transmettre,  celui  d'Edouard 
aurait  encore  été  primé  par  celui  de  Charles  d'Evreux,  fils 
d'une  autre  fille  de  Philippe  le  Bel,  Jeanne  de  Navarre. 
Cependant  le  règne  du  favori,  Mortimer,  paraissait  intolé- 
rable à  bien  des  gens.  Lancastre,  chef  du  parti  des  lords 
«  ordonnateurs  »  pendant  le  règne  précédent,  organisa,  le 
2janv.  1329,  une  conspiration  des  barons  pour  mettre  fin 
à  la  domination  scélérate  des  assassins  d'Edouard  II,  mais 
l'archevêque  de  Canterbury  s'interposa  cette  fois  entre  les 
deux  partis.  Cependant  Edouard  III  devenait  un  homme  ; 
en  juin  1329,  il  prêta  solennellement  hommage,  à  Amiens, 
à  Phihppe  VI,  non  sans  réserver  ses  droits  à  la  couronne 
de  Franee  ;  et  un  fils,  qui  fut  le  prince  Noir,  lui  naquit. 
Isabelle  et  Mortimer  ayant  mis  le  comble  à  leur  tyrannie 
en  faisant  juger  et  exécuter  arbitrairement  Edmond  de 
Woostock,  oncle  du  roi,  sous  prétexte  qu'il  répandait  le 
bruit  que  Edouard  II  n'était  pas  mort,  Edouard  III  saisit 
Mortimer  à  l'improviste,  pendant  la  nuit,  dans  le  château 
de  Nottingham,  et  le  fit  pendre  sommairement  (29  nov.) . 
Une  pension  fut  allouée  à  la  reine  mère  Isabelle,  qui  reçut 
comme  résidence  Castlerismg  en  Norfolk,  oii  le  roi  alla 
chaque  année,  jusqu'à  sa  mort,  lui  faire  une  visite  de  cé- 
rémonie. 

Quand,  parla  chute  de  Mortimer,  Edouard  III  devint  roi 
en  fait  comme  de  nom,  il  avait  dix-huit  ans  ;  il  était  de 
belle  prestance,  fort,  actif,  grand  chasseur.  Il  parlait  cou- 
ramment le  français  et  l'anglais,  comprenait  l'allemand.  Il 
avait  les  qualités  chevaleresques,  mais  il  était  dur,  et, 
dans  sa  vie  privée,  il  fut,  à  la  fin  de  sa  carrière,  immoral. 
Comme  roi,  il  eut  l'ambition  d'un  conquérant,  mais  pas 
de  principes  fixes  en  matière  de  politique  intérieure.  Il 
considérait  la  royauté  comme  son  patrimoine,  point  du 
tout  comme  un  office  public.  Quoique  son  règne  ait  été 
fort  glorieux,  il  ne  fut  pas  aimé  du  peuple,  qui  souffrit 
de  son  luxe  extravagant.  Le  commerce  anglais  fit,  pendant 
les  cinquante  années  qu'il  présida  aux  destinées  nationales, 
de  remarquables  progrès.  L'organisation  du  Parlement  se 
compliqua;  la  Chambre  des  communes  et  celle  des  lords  se 
formèrent  aux  dépens  de  la  masse  primitivement  homo- 
gène. De  grands  changements  sociaux  furent  amenés  par 


la  «  grande  peste  ».  Mais  Edouard IIÏ  n'a  fait  qu'assister  à 
ces  événements  considérables;  il  n'y  contribua  pas,  et, 
dans  le  présent  article,  on  ne  s'occupera  que  de  sa  bio- 
graphie personnelle.  —  Edouard,  à  la  chute  de  Mortimer, 
choisit  comme  ministre  deux  anciens  membres  du  parti  de 
Lancastre  :  l'archevêque  Melton  qu'il  fit  trésorier,  et  l'évèque 
Strafford  qui  fut  chancelier.  Deux  exilés  qui  vinrent  cher- 
cher asile  à  sa  cour  le  lancèrent  bientôt  dans  les  aventures. 
Le  premier,  Baliol,  était  candidat  au  trône  d'Ecosse,  et 
promettait,  s'il  l'obtenait,  de  prêter  bommage-lige  à  la 
couronne  d'Angleterre.  Edouard  gagna,  le  20  juil.  1333, 
la  grande  bataille  de  Berwick  ;  Baliol  redevint  roi  d'Ecosse 
et  abandonna  aux  Anglais  tout  l'ancien  district  de  Lothian. 
Le  second  était  Robert  d'Artois,  chassé  de  France  à  cause 
de  ses  querelles  avec  Philippe  VI,  qui  ne  cessa  point  d'ex- 
citer son  hôte  contre  les  Français.  Le  roi  de  France,  d'ail- 
leurs, fournissait  aux  Ecossais  hostiles  à  Baliol  des  secours 
de  toute  nature.  Les  années  1334-1336  furent  employées 
à  de  continuelles  campagnes  en  Ecosse  et  à  des  prépara- 
tifs contre  la  France,  grâce  à  des  subsides  libéralement 
votés  par  le  Parlement  ;  des  intrigues  furent  nouées  diplo- 
matiquement avec  Jacques  d'Artevelde,  qui  dirigeait  les 
grosses  villes  flamandes,  avec  le  duc  de  Brabant,  avec  le 
margrave  de  Juliers,  avec  les  comtes  de  Gueldre  et  de  Hai- 
naut. Edouard  fit  un  traité  pour  louage  de  troupes  avec 
l'empereur  Louis  de  Bavière  et  essaya  de  se  faire  nommer 
vicaire  impérial.  Sans  que  la  guerre  fût  encore  déclarée, 
les  hostilités  avaient  commencé  entre  la  France  et  l'Angle- 
terre, dans  la  Manche,  sur  les  frontières  d'Aquitaine.  Les 
Français  brûlèrent  Portsmouth,  ravagèrent  Guernesey  et 
Jersey  ;  devant  Southampton,  ils  capturèrent  les  meilleures 
«  cogues  »  royales  d'Angleterre.  De  son  côté,  Edouard 
fit  le  siège  de  Cambrai  et  pilla  le  Vermandois.  C'est  pen- 
dant son  séjour  à  Anvers  que  sur  les  conseils  d'Artevelde 
il  prit  pour  la  première  fois  ouvertement  le  titre  de  roi  de 
France  (les  villes  flamandes,  au  sentiment  d'Artevelde,  lui 
obéiraient  plus  aisément  si,  en  lui  obéissant,  elles  pou- 
vaient dire  qu'elles  obéissaient  au  roi  de  France,  leur  sei- 
gneur naturel).  Le  26  janv.  1340,  à  Bruxelles,  Edouard 
fit  écarteler  pour  la  première  fois  ses  armes  des  lis  de 
France  posés  à  côté  des  léopards  d'Angleterre.  Le  24  févr. 
il  gagna  sur  les  Français  et  leurs  alliés  une  grande  bataille 
navale  à  Sluys,  mais  échoua  au  siège  de  Tournai,  tandis 
que  Robert  d'Artois  était  vaincu  à  Saint-Omer  et  qu'en 
Ecosse,  Baliol  faiblissait.  Ces  contre-temps  irritèrent  vive- 
ment Edouard,  qui  revint  brusquement  des  Pays-Bas  à 
Londres,  où  il  destitua  son  chancelier,  son  trésorier  et 
divers  officiers  de  justice,  qui  l'avaient  laissé  manquer 
d'argent.  Il  choisit  pour  chancelier,  le  14  déc,  sir  Robert 
Bourchier,  le  premier  laïque  à  qui  ait  été  confié  le  grand 
sceau,  et  entama  une  violente  campagne  de  libelles  contre 
Strafford,  archevêque  de  Canterbury,  qui  avait  prêché  contre 
les  taxes,  et  qui,  étant  chancelier,  avai«t  fait  échouer  le 
siège  de  Tournai  par  des  retards  dans  l'expédition  des 
fonds.  Il  profita  de  sa  présence  dans  l'île  pour  se  montrer 
de  nouveau  en  Ecosse,  en  cette  année  1341.  C'est  alors 
qu'il  serait  tombé  amoureux  de  la  comtesse  de  Salisbury  et 
-qu'il l'aurait  violée  parce  qu'elle  lui  résistait.  Cette  même 
année,  l'empereur  Louis  de  Bavière,  qui  l'avait  fait  son 
vicaire  impérial  en  Flandre,  lui  enleva  ce  titre  et  s'allia  avec 
la  France.  Ainsi  tous  les  efforts  qu'Edouard  avait  faits 
pour  pénétrer  en  France  par  la  Flandre  et  avec  l'appui 
des  Allemands  et  des  Flamands  avaient  échoué.  Il  cher- 
chait une  autre  voie  d'invasion.  Elle  s'offrit  à  lui.  Jean 
de  Montfort,  qui  disputait  le  duché  de  Bretagne  à  Charles 
de  Blois,  vint  lui  offrir  la  suzeraineté  de  la  Bretagne  s'il 
voulait  l'aider.  Le  20  mars  1342,  le  roi  d'Angleterre  en- 
voya une  armée  en  Bretagne  sous  sir  Walter  Manny  et 
débarqua  lui-même  à  Brest  en  octobi^e.  Il  resta  dans  la 
péninsule,  sans  faire  de  besogne  bien  utile,  jusqu'à  la 
trêve  conclue  près  de  Vannes  le  19  janv.  1343.  Les  années 
1343  et  1344  furent  employées  à  de  nouveaux  préparatifs 
contre  la  France,  et  Edouard  tint  en  janv.  1344,  à  Wind- 


—  575  — 


EDOUARD 


sor,  la  fameuse  «  Table  ronde  »  à  rimitation  du  légendaire 
Arthur.  C'est  à  cette  occasion  que  la  tour  ronde  de  Wind- 
sor fut  construite.  Le  20  mai  1345,  la  guerre  fat  déclarée 
à  l'occasion  de  prétendues  violations  des  trêves  commises 
par  les  gens  de  Philippe  VI  en  Bretagne,  en  Aquitaine  et 
ailleurs.  Elle  commença  pour  le  roi  d'Angleterre  sous  de 
tristes  auspices  ;  son  allié,  Jacques  d'Artevelde,  qui  tra- 
vaillait à  soulever  en  sa  faveur  les  villes  flamandes,  fut  as- 
sassiné à  Gand  ;  les  banquiers  florentins  de  la  couronne, 
les  Bardi  et  les  Peruzzi  de  Florence,  firent  faillite  à  cause 
des  avances  imprudentes  qu'ils  avaient  consenties  à 
Edouard.  Malgré  cela,  à  l'été  de  1346,  il  aborda  à  La 
Hogue  avec  une  petite  armée,  tandis  que  les  forces  fran- 
çaises étaient  engagées  du  côté  de  l'Aquitaine.  Le  26  juil. 
il  était  à  Caen.  Son  projet  était  de  rejoindre  les  Flamands 
à  travers  la  France  du  Nord  et  de  tout  ravager  sur  sa 
route.  Il  ne  put  prendre  Rouen,  les  ponts  ayant  été  coupés  ; 
et  il  ne  réussit  même  à  passer  la  Seine  qu'à  Poissy,  le 
13  août.  Pendant  ce  temps,  Philippe  VI  avait  réuni  des 
troupes,  et  se  mit  à  la  poursuite  des  envahisseurs.  Le 
choc  eut  lieu  à  Crécy  en  Ponthièu  (26  août)  ;  il  fut  dé- 
sastreux pour  l'armée  de  France  qui  laissa  sur  le  champ  de 
bataille  un  nombre  de  cadavres  égal  à  celui  des  combat- 
tants de  l'armée  anglaise,  et,  parmi  ces  cadavres,  ceux  du 
roi  de  Bohême,  du  duc  de  Lorraine,  des  comtes  d'Alençon, 
d'Harcourt,  de  Flandre,  de  Blois,  d'Aumale,  de  Nevers 
et  de  quatre-vingts  bannerets.  Le  28,  sans  se  reposer, 
Edouard  III  met  le  siège  devant  Calais,  nid  de  pirates  qui 
avaient  fait  beaucoup  de  mal  jusque-là  au  commerce  an- 
glais et  flamand.  Les  Ecossais  étaient  simultanément  battus 
à  Nevill's  Cross  (Durham),  et  le  roi  David,  rival  de  BaHol, 
fait  prisonnier,  était  enfermé  à  la  Tour  de  Londres.  En 
1347,  le  comte  de  Derby  se  rendit  maître  de  toute  l'Aqui- 
taine, et,  en  Bretagne,  Charles  de  Blois  fut  fait  prison- 
nier. Le  siège  de  Calais  fut  long,  mais  Philippe  VI  essaya 
en  vain  de  débloquer  la  place  ;  elle  se  rendit  à  discrétion 
le  2  août  1347  ;  tous  les  habitants  en  furent  chassés  et 
remplacés  par  des  colons  anglais.  Edouard  conclut  ensuite 
une  trêve  (28  sept.)  et  alla  jouir  de  son  triomphe  en  An- 
gleterre. Ce  furent  des  fêtes  prodigieuses,  à  Bury,  à 
Eltham,  d'un  luxe  insensé,  alimenté  par  les  dépouilles  de 
la  France,  Le  23  avr.  1349,  fut  fondé  l'ordre  fameux  de  la 
Jarretière.  Au  milieu  de  ces  réjouissances  tomba  la  peste 
noire,  compliquée  d'épizootie  et  de  famine,  qui  resta  endé- 
mique en  Angleterre  jusqu'en  1357.  Ce  n'est  pas  exagérer 
que  de  dire  que  la  population  fut  largement  diminuée  de 
moitié.  Les  gages  doublèrent  à  cause  de  la  rareté  de  la 
main-d'œuvre  ;  et  pour  empêcher  cette  naturelle  évolution 
économique  fut  édicté  le  9  févr.  1351  le  fameux  «  Statut 
des  laboureurs  »  qui  ramenait  légalement  les  salaires  au 
taux  usuel  avant  la  peste,  dans  l'intérêt  des  employeurs. 
Le  même  parlement  de  févr.  1351  édicta  le  statut  des 
Proviseurs  (V.  ce  mot),  et  celui  de  1353  l'acte  non  moins 
célèbre  dit  de  Prœmunire^  dirigé,  comme  le  précédent, 
contre  les  abus  de  l'autorité  pontificale  en  Angleterre. 

La  paix  avec  la  France  n'était  que  provisoire  et  continuel- 
lement troublée  par  des  hostilités  irrégulières.  En  1351, 
Guines  fut  Hvrée  à  Edouard  par  la  garnison.  C'est  dans  cette 
ville  qu'eurent  lieu,  en  1353,  sous  la  médiation  d'Inno- 
cent IV,  des  négociations  en  vue  de  la  paix  :  les  préten- 
tions d'Edouard  n'étaient  pas  minces  ;  il  demandait  en 
échange  d'une  renonciation  à  ses  droits  sur  la  couronne 
de  France  la  Normandie,  l'Aquitaine  et  le  Ponthièu  en  pleine 
souveraineté,  sans  compter  les  conquêtes  en  Bretagne  et  en 
Flandre,  avec  la  suzeraineté  de  la  Flandre.  Sur  ces  entre- 
faites, Charles  de  Navarre,  qui  possédait  plusieurs  villes 
fortes  de  Normandie,  se  brouilla  avec  le  roi  de  France  et 
s'entendit  avec  les  Anglais  pour  leur  faciliter  une  invasion 
décisive  ;  mais  son  alliance  n'était  pas  sûre  :  tandis  que  le 
prince  Noir  cinglait  vers  l'Aquitaine,  Edouard  se  rendit  à 
Calais  (août  1355)  où  il  conduisit  des  troupes  mercenaires 
de  Brabançons  au  pillage  des  frontières.  Il  fut  toutefois  rap- 
pelé bientôt  par  la  nouvelle  que  les  Ecossais  s'étaient  em- 


parés de  Berwick.  Le  20  déc,  Baliol  abdiqua  en  sa  faveur 
à  Roxburgh,  et  Edouard  ravagea  le  Lothian  pendant  l'hiver 
de  1355-56  sans  succès  marqué.  La  bataille  de  Poitiers, 
gagnée  par  le  prince  Noir,  fut  naturellement  accueillie  en 
Angleterre  avec  une  grande  joie  ;  le  roi  de  France,  pri- 
sonnier, entra  à  Londres  le  24  mai  1357,  où  David,  roi 
d'Ecosse,  était  déjà  enfermé.  Il  s'agissait  de  profiter  des 
malheurs  des  deux  rois  pour  conclure  avec  eux  des  traités 
favorables.  Le  premier  traité  fut  passé  à  Londres,  le  3  oct. 
1357,  avec  David  d'Ecosse  qui  s'engagea  à  payer  une  ran- 
çon de  100,000  livres.  Avec  le  roi  de  France,  la  paix  ne 
fut  conclue  qu'en  mars  1359  :  Jean  céderait  à  Edouard, 
en  pleine  souveraineté,  tout  le  S.-O.  de  la  France  depuis 
le  Poitou  jusqu'à  la  Gascogne  avec  Calais,  Guines  et  le 
Ponthièu,  et  se  rachèterait  lui-même  pour  4  millions  de 
couronnes,  à  condition  qu'Edouard  renoncerait  aux  pro- 
vinces situées  au  N.  de  la  Loire.  Mais  les  Etats  généraux 
de  France  refusèrent  de  ratifier  ce  fait  honteux,  et  la  guerre 
recommença.  Edouard  vint  mettre  le  siège  devant  Reims 
avec  le  dessein  de  s'y  faire  couronner  de  la  couronne  des 
Capétiens  ;  obligé  de  lever  ce  siège  le  11  janv.  1360,  il 
passa  en  Bourgogne,  où  il  prit  Tonnerre,  menaça  Paris  de 
son  camp  de  Montlhéry,  mais,  n'ayant  pu  décider  le  régent 
à  lui  livrer  bataille,  il  se  replia  sur  la  Bretagne  avec  f  in- 
tention d'y  faire  reposer  ses  gens  et  d'en  repartir  la  sai- 
son suivante  pour  une  nouvelle  campagne.  Cependant  les 
marins  normands  avaient  pillé  Winchelsea  (15  mars  1360). 
Edouard  consentit  à  traiter  à  Brétigny,  près  de  Chartres. 
Les  plénipotentiaires  des  deux  partis  signèrent,  le  vendredi 
8  mai  1360,  une  trêve  qui  devait  durer  jusqu'à  la  Saint- 
Michel  de  l'année  suivante,  et  le  traité  proprement  dit 
de  Brétigny  qui  fut  ratifié  à  Calais  par  les  deux  rois  et 
par  leurs  fils  amés  le  24  oct.  (V.  E.  Cosneau,  les  Grands 
Traités  de  la  guerre  de  Cent  ans;  Paris,  1889,  p.  36, 
in-8).  L'Aquitaine,  Calais,  Guines  et  le  Ponthièu  étaient 
cédés  à  l'Angleterre  ;  Edouard  renonçait  aux  Flandres  et 
aux  provinces  au  N.  de  la  Loire.  La  question  de  la  suc- 
cession de  Bretagne  restait  pendante,  mais  les  deux  rois 
s'engageaient  à  ne  plus  se  brouiller  au  sujet  des  querelles 
des  compétiteurs. 

Le  roi,  désormais  tranquille,  ne  songea  plus  qu*à  se 
livrer  aux  plaisirs  ;  son  indolence  et  ses  débauches  étaient 
déjà  le  sujet  de  chansons  populaires  ;  il  se  laissa  aller 
hbrement  à  ses  goûts.  On  le  pria  d'Espagne,  de  Chypre 
et  d'Arménie,  d'entreprendre  une  croisade  ;  il  refusa  à 
cause  de  son  âge  ;  il  se  débarrassa  des  soucis  qu'en- 
traînait la  possession  de  l'Aquitaine  en  faisant  de  cette 
province  un  apanage  pour  son  fils  ;  il  s'abstint  de  réunir 
régulièrement  les  Parlements.  On  remarque  cependant  que 
le  Parlement  de  1362  fut  le  premier  qui  obtint  que,  à  cause 
de  l'ignorance  générale  de  la  langue  française,  les  plaidoi- 
ries auraient  lieu  désormais  en  anglais,  et  que  les  arrêts 
seraient  rédigés  en  latin.  En  1363"^  le  chancelier  ouvrit  la 
session  du  Parlement  par  un  discours  en  anglais.  L'au- 
tomne de  1363  vit  de  grandes  fêtes  à  la  cour  d'Angleterre, 
où  Edouard  réunit  jusqu'à  quatre  rois  :  V^aldemar  IV  de 
Danemark  et  le  roi  Pierre  de  Chypre,  venu  pour  l'exhorter 
à  la  croisade;  les  rois  de  France  et  d'Ecosse  ramenés 
à  Londres  pour  traiter  des  questions  litigieuses  rela- 
tives à  leurs  rançons.  Jean  de  France  avait  fort  regretté 
les  plaisirs  de  sa  captivité  à  la  cour  d'Edouard  III  ;  il  y 
revint  très  volontiers  et  y  mourut  (dans  le  palais  de  Savoy) 
le  8  avr.  1364.  La  victoire,  pendant  ce  temps,  restait 
fidèle  aux  armes  anglaises  :  Chandos  et  Calveley  détrui- 
sirent à  Auray  l'armée  de  Charles  de  Blois,  le  prétendant 
français  au  duché  de  Bretagne,  qui  fut  tué.  En  politique, 
Edouard  était  moins  heureux  :  il  avait  formé  le  projet 
d'unir  son  fils  Edmond  de  Cambridge  à  Marguerite,  héri- 
tière de  Flandre,  et  veuve  de  Philippe  de  Rouvre,  duc  de 
Bourgogne;  mais  il  avait  besoin  d'une  dispense  cano- 
nique. Charles  V  s'arrangea  pour  faire  refuser  cette  dis- 
pense par  le  pape  Urbain  V,  et  fit  épouser  l'héritière  à  son 
propre  frère  Philippe.  Le  prince  Noir  fut  encore  vainqueur, 


EDOUARD 


576  — 


à  Navarette,   des  grandes   compagnies  amenées  par  Du 
GuescUn  au  secours  de  Henri  de  Transtamare,  candidat  au 
trône  de  Castille  ;  mais  ce  fut  le  dernier  triomphe.  La  paix 
avait  mis  sur  le  pavé  une  foule  de  mercenaires  anglais  et 
gascons.  Après  la  campagne  de  Castille,  le  prince  Noir,  pour 
en  débarrasser  l'Aquitaine,  leur  persuada  d'aller  chercher 
leur  vie  sur  le  territoire  français.  Charles  V  trouva  dans 
ce  procédé  un  commode  casas  helli.  Il  s'était  sagement 
préparé  depuis  Brétigny  à  une  guerre  de   revanche  ;  il 
s'était  assuré  des  intelligences  en  Guyenne  ;  le  sire  d'Al- 
bret  et  le  comte  d'Armagnac  appelèrent  à  sa  cour  de  la 
conduite  du  prince  Noir,  comme  si  le  traité  de  Brétigny 
n'avait  pas  cédé  en  toute  souveraineté  l'Aquitaine  aux  An- 
glais; il  reçut  cet  appel  (janv.  4369),  et  la  guerre  fut  ainsi 
déclarée  de  nouveau.  Edouard  reprit  aussitôt  le  nom  et 
les  armes  de  roi  de  France.  Mais  il  avait  vieilli;  son  fils 
aîné  était  atteint  d'une  maladie  mortelle  ;  les  opérations 
furent  médiocrememt  menées  du  côté  des  Anglais  ;  elles  se 
bornèrent  à  des  razzias,  vengées  du  reste  par  les  marins 
français  qui  incendièrent  Portsmouth.  Le  15  août  1369 
mourut  la  reine  Philippa  de  Hainaut;  Edouard  l'avait  alors 
remplacée  déjà  par  une  de  ses  suivantes,  Alice  Perrers,qui, 
après  la  mort  de  Philippa,  prit  sur  l'esprit  du  vieillard  le 
plus  funeste  ascendant.  L'année  1370  se  passa  en  escar- 
mouches :  les  Anglais  perdirent  du  terrain  au  Midi  ;  les 
bandes  de  sir  Robert  Knolles  furent  refoulées  en  Bretagne  ; 
le  prince  Noir  reprit  Limoges.  En  1372,  le  mariage  d'un 
fils  du  roi,  Lancastre,  avec  l'héritière  de  Pierre  le  Cruel, 
tué  en  1369,  et  les  prétentions  de  celui-ci  au  trône  de  Cas- 
tille, amenèrent  Henri  de  Transtamare  à  se  déclarer  nette- 
ment pour  la  France.  Le  comte  de  Pembroke,  en  essayant 
de  débloquer  La  Rochelle  avec  une  grosse  flotte  de  renfort, 
fut  battu  par  des  vaisseaux  espagnols  et  fut  pris  en  même 
temps  que  l'argent  et  les  renforts  qu'il  apportait  en  Aqui- 
taine. Cette  bataille  navale  livra  aux  Français  Poitiers 
et  La  Rochelle,  le  Poitou,  la  Saintonge,  l'Angoumois.  Cet 
échec  et  les  désordres  de  la  cour  mécontentèrent  grande- 
ment la  nation,  qui  s'exprima  sévèrement  à  ce  sujet  par 
l'organe  des  communes.  Edouard  n'en  garda  pas  moins  une 
confiance  entière  en  son  fils  Jean  de  Gand,  duc  de  Lancastre, 
le  chef  de  la  méprisable  clique  de  courtisans  qui,  d'accord 
avec  Ahce  Perrers,  gaspillait  les  ressources  du  royaume. 
Le  12  juin  1373,  Lancastre,  investi  du  titre  de  capitaine 
général  en  France,  parut  avec  une  grande  armée  à  Calais, 
et  traversa  toute  la  France  de  Calais  à  Bordeaux  en  pillant, 
mais  sans  livrer  bataille,  si  bien  que  son  expédition  fut 
inutile;  il  laissa  sur  son  chemin  la  fleur  de  la  chevalerie,  qui 
périt  de  faim,  de  maladie  ou  sous  les  coups  des  maraudeurs. 
Quand  Lancastre  revint  en  Angleterre  (avr.  1374), 
deux  villes  seulement  dans  toute  l'Aquitaine,  Bayonne  et 
Bordeaux,  tenaient  encore  pour  les  Anglais.  Le  27  juin 
1375,  une  trêve  d'un  an  fut  conclue  à  Bruges  sous  la  mé- 
diation du  pape  entre  l'Angleterre  d'une  part,  la  France 
et  la  Castille  de  l'autre,  trêve  qui  fut  tacitement  renou- 
velée d'année  en  année  jusqu'à  la  fin  du  règne.  Alice  Per- 
rers devenait  chaque  jour  plus  insolente;  le  8  août  1373, 
elle  s'était  fait  donner  les  joyaux  de  la  défunte  reine  Phi- 
lippa ;  elle  se  mêlait  des  choses  de  la  justice.  L'impopu- 
larité personnelle  de  la  favorite  et  de  son  allié  Jean  de 
Gand  se  fit  jour  au  «  Bon  Parlement  »  de  1373.  Le 
speaker  des  communes  à  ce  Parlement,  Pierre  de  La  Mare, 
d'accord  avec  l'évêque  de  Winchester  et  le  prince  de  Galles, 
alors  mourant,  s'étendit  audacieusement  sur  les  abus  de 
l'administration  du  royaume  et  sur  les  maux  causés  par  les 
favoris.  H  accusa  nommément  lord  Latimer,  chambellan  du 
roi,  etLyons,  un  de  ses  agents  financiers,  de  malversations. 
Les  biens  de  ces  personnages  furent  en  conséquence  con- 
fisqués, et  Alice  Perrers  fut  bannie.  La  mort  du  prince  de 
Galles,  leur  protecteur,  ne  diminua  pas  la  hardiesse  des 
communes  ;  elles  demandèrent  à  voir  Richard,  l'héritier  du 
trône,  le  principal  obstacle  désormais  à  l'ambition  de  Jean 
de  Gand  ;  elles  voulurent  imposer  à  la  couronne  un  conseil 
de  lords  élu  et  la  périodicité  annuelle  des  Parlements.  Mal- 


heureusement, dès  que  le  «  Bon  Parlement  »  fut  dissous 
(9  juil.),  Lancastre  reprit  tout  son  pouvoir  ;  Alice  Perrers 
fut  rappelée.  Pierre  de  La  Mare  et  l'évêque  de  Winchester 
furent  emprisonnés.  Edouard,  dans  son  testament  daté  du 
7  oct.,  désigna  Latimer  et  Lancastre  comme  ses  exécuteurs 
testamentaires.  Le  Parlement  de  1377,  élu  sous  l'influence 
de  Lancastre,  désormais  allié  au  parti  anticlérical  de  Wi- 
cleff  {y,  ce  nom),  abolit  tous  les  actes  de  celui  de  1376. 
Edouard  HI  mourut  abandonné  d'Ahce  Perrers  et  de  toute 
sa  cour.  Il  fut  enterré  à  Westminster,  près  de  la  reine 
Philippa,  qui  lui  avait  donné  douze  enfants. 

BiBL.  :  J.  Barnes,  Li/'e  of  Edward  III,  1688.  —  Longman, 
Life  and  times  of  Edward  III;  Londres,  1869, 2  vol.  in-8. 

EDOUARD  lY,  roi  d'Angleterre,  né  à  Rouen  le  28  avr. 
1442,  mort  le  9  avr.  1483.  H  était  fils  de  Richard,  duc 
d'York,  et  descendant  direct  d'Edouard  III  par  ses  aïeux 
Lionel  de  Clarence  (troisième  fils  d'Edouard  III)  et  Edmond 
d'York  (cinquième  fils),  dont  les  droits  à  la  couronne  avaient 
été  primés  par  ceux  des  descendants  de  Jean  de  Gand  (le 
quatrième  fils),  rois  d'Angleterre,  depuis  Henri  IV,  sous  le 
nom  de  dynastie  de  Lancastre.  Edouard  porta  d'abord  le 
titre  de  comte  de  March.  En  1459,  avec  les  comtes  de 
Salisbury  et  de  Warwick,  il  défendit  très  heureusement 
Calais  sous  le  drapeau  de  la  Rose  blanche.  Les  trois  comtes 
traversèrent  la  mer  en  juin  1460,  entrèrent  triomphale- 
ment dans  Londres,  battirent  l'armée  de  Henri  VI  à  Nor- 
thampton,  et  firent  prisonnier  le  malheureux  roi.  Richard 
d'York  revint  aussitôt  d'Irlande  et  afficha  ouvertement  ses 
prétentions  à  la  couronne.  Il  finit  par  consentir  à  un  com- 
promis. Henri  VI  resterait  roi  jusqu'à  la  fin  de  sa  vie; 
mais  ce  serait  la  lignée  d'York  qui  lui  succéderait  au  pré- 
judice de  son  fils.  C'est  à  quoi  la  femme  d'Henri,  Margue- 
rite d'Anjou,  ne  voulut  pas  consentir.  A  la  tête  d'une 
armée  de  rudes  gentilshommes  des  comtés  du  Nord,  elle 
vainquit  et  tua  en  décembre  le  duc  d'York  à  Wakefield. 
Edouard,  qui  était  alors  à  Gloucester,  ne  fut  pas  abattu 
par  ce  désastre  ;  il  le  répara  à  demi  par  une  victoire  sur 
Jasper  Tudor  à  Mortimer's  Cross  (2  fév.  1461).  H  s'établit 
ensuite  à  Londres,  ville  toute  dévouée  à  la  Rose  blanche, 
d'où,  après  la  seconde  bataille,  de  Saint- Albans,  Margue- 
rite d'Anjou  avait  réussi  à  enlever  Henri  VI.  Il  y  fut  pro- 
clamé roi  sous  le  nom  d'Edouard  IV,  le  3  mars.  A  la  san- 
glante bataille  de  Towton,  les  Lancastriens  furent  vaincus  ; 
on  dit  que  les  deux  armées  laissèrent  vingt-huit  mille 
hommes  sur  la  neige  du  champ  de  bataille  ;  Henri  et  Mar- 
guerite durent  s'enfuir  en  Ecosse.  Le  28  juin  eut  heu  la 
cérémonie  solennelle  du  couronnement  d'Edouard  IV,  con- 
soUdé,  entouré  de  ses  deux  frères  Clarence  et  Gloucester. 
Cependant  Marguerite,  infatigable,  avait  trouvé  des  aUiés 
dans  les  ennemis  héréditaires  de  l'Angleterre,  Français  et 
Ecossais  ;  Edouard,  de  son  côté,  épuisé  par  de  juvéniles 
débauches,  n'était  pas  assez  vigilant.  Les  comtés  du  Nord 
étaient  toujours  des  foyers  d'intrigues  où  les  nobles  atta- 
chés à  la  Rose  rouge,  les  lords  Somerset,  Ross,  Hungerford, 
entretenaient  la  rébellion.  Les  lords  furent  complètement 
vaincus,  à  la  vérité,  par  lord  Montagne,  en  1464,  à  Hed- 
gley  Moor  et  à  Hexham.  Mais  ces  victoires  ne  tranchèrent 
point  les  racines  de  l'opposition  lancastrienne. 

A  cette  époque,  Edouard  IV  était  devenu  fort  amoureux 
d'une  certaine  Elisabeth  Woodville,  fille  de  Richard  Wood- 
ville,  lord  Hivers,  et  de  sa  femme,  mariée  en  premières  noces 
au  duc  de  Bedford,  frère  de  Henri  V.  EUsabeth  elle-même 
était  veuve  de  sir  John  Grey  de  Groby.  Le  roi  l'épousa 
secrètement  à  Grafton,  bien  qu'on  lui  proposât  en  ce  temps 
là  même  l'aUiance  d'Isabelle  de  Castille  et  de  Bonne  de 
Savoie.  Ce  dernier  mariage  avait  été  soigneusement  pré- 
paré par  l'un  des  principaux  conseillers  de  la  Rose  blanche, 
Warwick;  quand,  à  la  Saint-Michel,  Edouard  annonça  offi- 
ciellement à  Reading  qu'il  était  marié,  le  dépit  de  Warwick 
et  d'une  bonne  partie  de  la  noblesse  yorkiste  fut  sans 
bornes  ;  il  fut  encore  accru  par  la  pluie  d'honneurs  et  de 
largesses  qui  ne  tarda  pas  à  tomber  sur  la  tête  de  tous  les 
membres  de  la  famille  (lancastrienne  d'origine)  des  Wood- 


—  577 


EDOUARD 


ville.  Toutefois  Edouard  IV  n'eut  pas  à  se  repentir  immé- 
diatement de  son  imprudence.  La  fortune  travaillait  pour 
lui.  Henri  VI  fut  pris  en  juin  1465  dans  le  Lancashire 
et  fut  enfermé  à  la  Tour  de  Londres.  Le  jeune  roi  se  crut 
assez  fort  pour  se  séparer  complètement  de  Warwick  ; 
il  rejeta  dédaigneusement  Falliance  française  à  laquelle 
Warwick  avait  apporté  tous  ses  soins  diplomatiques  ;  il 
rechercha  celle  de  la  maison  de  Bourgogne  ;  il  retira  les 
sceaux  à  l'archevêque  d'York,  frère  de  Warwick  ;  il  annonça 
l'intention  de  faire  revivre  les  vieilles  prétentions  de  ses 
ancêtres  sur  la  couronne  de  France  ;  il  maria  sa  sœur  Mar- 
guerite à  Charles  le  Téméraire.  C'était  plus  que  le  «  fai- 
seur de  rois  »  n'en  pouvait  supporter  ;  il  commença,  pour 
se  venger,  à  détacher  d'Edouard  IV  son  frère  Clarence, 
personnage  sans  scrupules,  à  qui  il  fit  épouser  l'héritière 
de  la  maison  de  Warwick.  L'archevêque  d'York  suscita 
sous  main  dans  le  Nord  l'insurrection  de  Robin  de  Redes- 
dale,  victorieux  des  troupes  galloises  de  la  Rose  blanche  à 
Edgcote  (46  juil.  1469);  lord  Rivers  et  son  fils  John  Wood- 
ville  furent  décapités  à  Coventry  après  cette  affaire  d'Edg- 
cote.  Ils  organisèrent  un  autre  soulèvement  en  faveur  des 
Lancastre  dans  le  Lincolnshire  sous  la  conduite  de  sir 
Robert  Welles  ;  mais,  quand  ce  soulèvement  eut  été  ré- 
primé à  la  journée  de  Losecoatfield,  on  y  reconnut  leur 
main  ;  ils  durent  s'enfuir  d'abord  dans  le  Nord,  puis  en 
France. 

A  la  cour  du  roi  de  France,  à  Angers,  se  rencontrèrent 
donc  en  1470,  Warwick,  Clarence,  Marguerite  d'Anjou  et 
le  fils  de  celle-ci,  Edouard.  Tous  étaient  des  adversaires 
prononcés  d'Edouard  IV,  mais  ils  étaient  aussi  adversaires 
les  uns  des  autres.  Louis  XI  réussit  cependant  à  les  recon- 
cilier pour  l'œuvre  commune  à  accomplir.  Marguerite  d'An- 
jou elle-même  fut  persuadée  de  pardonner  à  Warwick,  qu'elle 
considérait  comme  l'auteur  de  tous  ses  malheurs,  et  de 
fiancer  son  fils  à  la  seconde  fille  du  faiseur  de  rois,  à  con- 
dition que  Henri  VI  serait  rétabli.  Sur  des  vaisseaux  du 
roi  de  France,  Warwick  et  les  Lancastriens  abordèrent 
en  Angleterre  :  Edouard  comptait  pour  le  défendre  sur 
l'armée  levée  par  lord  Montague,  frère  de  Warwick; 
celle-ci  cria  :  «  Vive  le  roi  Henri  !  »  Edouard  IV  fut  heu- 
reux de  trouver  à  Lynn  un  vaisseau  pour  le  transporter 
en  Hollande.  —  Henri  VI  fut  tiré  de  sa  prison  et  proclamé 
roi  une  fois  de  plus.  —  Charles  le  Téméraire,  l'ennemi  de 
Warwick,  beau-frère  d'Edouard,  ne  pouvait  cependant  le 
laisser  sans  secours  ;  il  lui  fournit  secrètement  les  moyens 
de  retourner  en  Angleterre  avec  douze  mille  combattants. 
Cette  armée  débarqua  à  Ravenspur  le  14  mars  1471,  à 
l'endroit  même  où  Henri  IV  avait  jadis  débarqué.  Comme 
la  province  tenait  pour  Lancastre,  Edouard  faisait  crier  à 
ses  soldats  :  «  Vive  le  roi  Henri  !  »  et  prétendait  n'être  re- 
venu que  pour  réclamer  son  duché  d'York.  Mais,  arrivé  à 
Nottingham,  en  pays  ami,  il  réassuma  le  titre  royal,  et 
entra  en  campagne  contre  Warwick,  du  parti  duquef  il  dé- 
tacha d'abord  par  de  belles  promesses  l'incapable  Clarence. 
Le  11  avr.,il  entra  à  Londres,  où  l'archevêque  d'York  lui 
livra,  pour  obtenir  sa  grâce,  la  personne  de  Henri  VI.  C'est 
à  Barnet  qu'il  rencontra  l'armée  lancastrienne,  commandée 
par  Warwick,  Exeter,  Montague  et  Oxford.  Le  premier  et  le 
troisième  restèrent  sur  le  champ  de  bataille,  qui  demeura 
à  la  Rose  blanche.  Nouvelle  bataille  le  4  mai  à  Tewkes- 
bury;  Marguerite  d'Anjou  y  fut  prise;  son  fils  fut  assas- 
siné après  le  combat,  ainsi  que  le  duc  de  Somerset,  au  mé- 
pris de  toutes  les  lois  de  la  guerre  et  de  la  foi  jurée.  Le 
21  mai,  Henri  VI  mourut  à  Londres,  d'une  manière  sans 
doute  tragique.  Le  26  mai,  la  capitulation  du  bâtard  Fal- 
conbridge  dans  Sandwich  aboht  les  dernières  espérances 
du  parti  lancastrien.  Aussi  bien,  la  descendance  de  Jean  de 
Gand  était  désormais  éteinte  ;  elle  n'était  plus  représentée 
qu'indirectement  par  Henri  Tudor ,  comte  de  Richmond,  dont 
les  ancêtres,  les  Beaufort,  étaient  de  légitimité  douteuse. 
Edouard  IV,  débarrassé  désormais  de  toute  compétition 
en  Angleterre,  songea  à  faire  revivre  ses  prétentions  sur 
la  couronne  de  France,  avec  l'alliance  du  duc  de  Bour- 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —    XV. 


gogne.  Il  leva  à  cet  effet  de  nombreuses  contributions,  de 
1472  à  1474,  taxes  soi-disant  volontaires,  connues  sous 
le  nom  ironique  de  henevolences.  Quand  tout  fut  prêt,  il 
passa  la  mer  avec  une  armée  magnifique,  et  s'installa  à 
Calais  ;  une  armée  pareille  devait  se  rendre  au  secours  du 
duc  de  Bretagne.  Mais  Louis  XI  réussit  à  persuader  aux 
Anglais  qu'ils  allaient  combattre  moins  pour  eux-mêmes 
que  pour  le  Bourguignon,  lequel,  à  ce  moment,  venait 
justement  de  gaspiller  ses  forces  au  siège  de  Neuss.  Avant 
qu'un  seul  coup  de  canon  eût  été  tiré,  un  traité  intervint 
stipulant  une  paix  de  sept  ans.  Louis  devait  payer  à 
Edouard  une  pension  annuelle  de  75,000  couronnes.  Le 
dauphin  devait  épouser  la  fille  aînée  d'Edouard,  Elisabeth, 
dès  qu'elle  serait  d'âge.  Ce  fut  la  paix  de  Picquigny 
(29  août)  peu  glorieuse  pour  l'un  et  l'autre  des  contrac- 
tants. Charles  le  Téméraire  mourut  devant  Nancy  le  5  janv. 
1477,  ne  laissant  qu'une  héritière,  Marie.  Clarence  pré- 
tendit à  sa  main,  et  raviva  ainsi  la  vieille  jalousie  de  son 
frère  Edouard,  qui  s'efforça  de  le  faire  échouer  ;  Clarence 
en  fut  indigné,  ne  s'en  cacha  pas  et  fut  envoyé  à  la  Tour  ; 
il  fut  accusé  devant  le  Parlement  (1478),  condamné  et 
exécuté  secrètement  ;  le  bruit  courut  qu'on  l'avait  noyé 
dans  un  tonneau  de  malvoisie.  —  Edouard  était  devenu, 
au  temps  où  la  mort  de  Clarence  le  laissa  autocrate  absolu, 
très  corpulent,  paresseux,  pacifique.  L'héritière  du  Témé- 
raire, Marie,  l'implora  vainement  contre  Louis  XI,  qui  lui 
enleva  la  Picardie.  Il  tenait  à  la  pension  de  France  et  au 
mariage  conclu  à  Picquigny.  Mais  il  n'en  fut  que  plus  fu- 
rieux quand  il  apprit  le  traité  d'Arras  (23  déc.  1482)  entre 
Louis  XI  et  Maximilien  d'Autriche,  veuf  de  Marie.  Le  dau- 
phin, en  vertu  de  ce  traité,  devait  épouser,  non  plus  la  fille 
d'Edouard  IV,  mais  celle  de  Maximilien,  Marguerite,  à  qui 
l'Artois  et  une  partie  de  la  Bourgogne  seraient  attribuées 
en  dot.  Le  roi  d'Angleterre,  qui  venait  précisément  (en 
mai  1482)  d'entreprendre  contre  le  roi  d'Ecosse  une  expé- 
dition facile,  demanda  de  nouveaux  subsides  ;  il  parlait  de 
recommencer  la  campagne  contre  les  Français,  quand  il 
mourut.  —  Edouard  IV  était  un  homme  très  vigoureux, 
brave,  populaire,  résolu  à  l'occasion,  et  vert-gaîant.  Ses 
bonnes  fortunes  auprès  des  bourgeoises  de  Londres  étaient 
célèbres,  et  ne  contribuèrent  pas  peu,  dit-on,  à  confirmer 
la  fidélité  des  maris  à  la  dynastie  d'York.  —  De  sa  femme 
il  eut  dix  enfants,  dont  sept  lui  survécurent  (deux  fils  et 
cinq  filles). 

EDOUARD  Y,  roi  d'Angleterre,  né  à  Westminster  le  2 
ou  le  3  nov.  1470,  mort  en  1483, fils  aîné  du  précédent,  eut 
pour  précepteur  l'évêque  Alcock.  Il  n'avait  que  treize  ans 
quand  de  prince  de  Galles  il  devint  roi.  Son  court  règne  fut 
rempli  par  les  querelles  de  son  oncle  paternel,  Richard  de 
Gloucester,  et  de  sa  famille  maternelle,  les  Woodville.  Ri- 
chard de  Gloucester  eut  le  dessus  et  ne  tarda  pas  à  songer 
à  se  substituer  à  son  neveu  (V.  Richard  III).  Le  22  juin 
1483,  le  D"^  Shaw,  frère  du  lord-maire  de  Londres,  prêcha 
à  la  Croix  de  Saint-Paul  contre  la  légitimité  des  enfants  nés 
d'Elisabeth  Woodville,  et  proposa  de  reconnaître  comme  roi 
véritable  le  duc  de  Gloucester.  Une  députation  des  lords  et 
des  communes,  escortée  des  principaux  bourgeois  de  Londres, 
alla  le  25  juin  supplier  Richard  d'accepter  la  couronne,  qu'il 
ne  refusa  pas.  Ainsi  cessa  de  régner  Edouard  V,  qui  fut 
bientôt  tué  par  ordre  de  Richard  III,  à  la  Tour,  avec  son 
frère,  le  duc  d'York.  Des  documents  réunis  par  sir  Thomas 
More,  il  résulte  que  Richard  III,  peu  après  son  couronne- 
ment, dépêcha  un  messager  nommé  John  Green  à  sir  Ro- 
bert Brackenbury,  connétable  de  la  Tour,  le  priant  de 
mettre  les  deux  princes  à  mort.  Brackenbury  refusa,  et 
reçut  peu  après  l'ordre  de  remettre  pour  une  nuit  ses  pou- 
voirs à  sir  James  Tyrell.  Un  valet  de  Tyrell,  Dighton,  et 
un  geôlier  nommé  Miles  Forest  auraient  pénétré  dans  la 
chambre  des  enfants  d'Edouard  et  les  auraient  étouffés 
sous  des  oreillers.  On  aurait  enterré  les  deux  cadavres  sous 
une  marche  d'escalier.  Sous  Charles  II,  on  retrouva  en 
effet  deux  squelettes  d'enfant  au  pied  d'un  escalier  de  la 
White  Tower.  Toutefois,  on  ne  saurait  encore  affirmer  avec 

37 


EDOUARD 


-  578 


certitude  comment  sont  morts  les  fils  d'Edouard  IV,  ni  à 
quelle  date  ils  sont  morts. 

EDOUARD  VI,  roi  d'Angleterre,  ne  le  12  oct.  1537, mort 
le  6  iuil.  1533,  fils  de  Henri  VIII  et  de  sa  troisième  femme, 
Jane  Seymour.  Holbein  fit  son  portrait  à  l'âge  d'un  an  ainsi 
que  celui  de  sa  nourrice,  «  mother  Jak  ».  Il  fut  élevé  par  des 
femmes  jusqu'à  l'âge  de  six  ans,  etpassa  ensuite  aux  mams 
du  D^  Richard  Cox,  d'Ascham,  de  sir  John  Cheke  et  de 
sir  Anthony  Cooke.  A  l'âge  de  huit  ans,  il  écrivait  déjà  en 
latin  à  son  parrain  l'archevêque  Cranmer.  Le  British  Mu- 
séum et  la  bibliothèque  Rodléienne  d'Oxford^  conservent 
trois  de  ses  cahiers  d'exercices  scolaires  datés  de  1548- 
1530.  A  l'âge  de  treize  ans,  il  avait  lu  toute  V Ethique 
d'Aristote  et  traduisait  en  grec  des  opuscules  de  Cicéron.Il 
parlait  français  et  jouait  du  luth  ;  il  s'intéressait  à  l'astro- 
nomie, et,  en  1551,  écrivit  pour  la  défense  de  cette  science. 
n  était  d'un  naturel  très  studieux  ;  on  le  considérait  una- 
nimement comme  un  petit  prodige  de  science.  Son  cama- 
rade le  plus  cher  était  Barnaby  Fitzpatrick,  héritier  de 
Barnaby,  lord  of  Upper  Ossory,  avec  qui  il  a  entretenu  plus 
tard  une  correspondance  imprimée  par  Horace  Walpole  en 
4772.  —  A  son  avènement,  il  avait  neuf  ans  (21  janv. 
1547).  Son  oncle  maternel,  Hertford,  fut  protecteur  du 
royaume  et  se  fit  attribuer  le  duché  de  Somerset  ;  le  frère 
d'Hertford,  sir  Thomas  Seymour,  devint  amiral  et  lord  Sey- 
mour of  Sudeley.  Ces  personnages  étaient  fort  attachés  au 
parti  de  la  réforme  religieuse;  le  jeune  Edouard  VI parta- 
geait leurs  sympathies  à  cet  égard  ;  dès  juin  1548,  il  s'abs- 
tint de  faire  aucune  offrande  suivant  le  rite  catholique  à 
l'offertoire  des  dimanches.  Ridley  et  surtout  Hugh  Latimer 
étaient  ses  prédicateurs  favoris  ;  mais  il  entendait  avec 
plaisir  jusqu'à  des  prédicants  puritains  comme  Hooper  et 
John  Knox.  Edouard  VI  promettait  à  l'Angleterre  un  roi 
puritain  ;  les  réformés  de  toute  l'Europe  étaient  enthou- 
siasmés de  sa  piété  précoce.  Le  15  mai  1550,  Martin  Bu- 
cer  écrivait  :  «  H  n'y  a  pas  d'étude  qui  passionne  autant 
le  roi  que  celles  des  saintes  écritures.  Il  en  lit  dix  chapitres 
par  jour  avec  la  plus  grande  attention.  »  En  avr.  1551, 
Calvin  lui  envoya  une  longue  lettre  de  louange  et  d'exhor- 
tation. C'était  le  nouveau  Josias.  Mais  la  dévotion  savante 
et  fervente  n'allait  pas  de  pair  chez  Edouard  avec  la  simple 
bonté   naturelle.  Sauf  Fitzpatrick,  il  parait  n'avoir  aimé 
personne.  Il  avait  dès  son  enfance  quelque  chose  de  la  sé- 
cheresse et  de  la  dureté  d'Henri  Vliï.  Il  n'avait  que  de 
l'indifférence  pour  son  oncle,  le  protecteur  Somerset.  Tan- 
dis que  Somerset  dirigeait  en  1547  une  expédition  contre 
l'Ecosse,  son  frère,  lord  Seymour,  essaya  traîtreusement 
de  le  perdre  dans  l'esprit  du  roi.  H  lui  représenta  un  jour 
que  le  protecteur  se  faisait  vieux.  —  «  Sans  doute,  repar- 
tit Edouard,  il  vaudrait  mieux  qu'il  fût  mort.  »  Mais  lord 
Seymour  ayant  été  décrété  de  haute  trahison  au  retour  de 
Somerset,  Edouard  donna  avec  une  égale  froideur  son  con- 
sentement à'i'exécution  du  coupable.  En  oct.  1549,1e  con- 
seil, à  l'instigation  de  Dudley,  se  révolta  contre  le  protec- 
teur qui  s'em^essa  de  transporter  le  roi  d'Hampton  Court, 
oîi  l'on  aurait  pu  le  lui  enlever,  à  Windsor.  Là-dessus,  il 
fut  accusé  d'avoir  inquiété  Edouard  sans  raison,  et  d'avoir 
compromis  sa  santé  par  un  voyage  précipité.  Celui-ci,  qui 
avait  en  effet  souffert  d'un  rhume,  consentit  à  l'éloignement 
de  Somerset,  et  nota,  en  ces  termes,  sur  le  journal  personnel 
qu'il  tenait  depuis  son  avènement,  lestantes  qui  avaient  mé- 
rité à  son  oncle  cette  disgrâce  :  «  Ambition,  vanité,  avidité. . .  ; 
il  a  voulu  tout  faire  de  sa  propre  autorité.  »  Le  pouvoir 
passa  aux  mains  du  comte  de  Warwick,  qui  ne  changea 
rien  du  reste  à  la  politique  religieuse  de  son  prédécessj3ur. 
Somerset,  à  la  vérité,  fut  rappelé  à  la  cour  en  févr.  1550, 
mais  il  n'y  eut  plus  de  prestige,  et,  dès  le  16  oct.  1551, 
Warwick,  devenu  duc  de  Northumberiand,  trouva  moyen 
de  le  faire  envoyer  à  la  Tour,  puis  à  l'ôchafaud  :  «  Le  duc 
de  Somerset,  note  tranquillement  le  roi  dans  son  journal, 
a  eu  la  tète  coupée  le  22  janv.  à  Tower  Hill.  »  Cependant 
le  jeune  roi  se  roidissait  de  plus  en  plus  dans  un  protes- 
tantisme intransigeant.  H  n'était  pas  d'avis  de  laisser  sa 


sœur  Marie  (Tudor)  avoir  une  chapelle  catholique.  Sa  santé, 
du  reste,  fut  profondémentatteinteenl552  par  une  attaque 
de  petite  vérole  ;  son  journal  s'arrête  au  mois  de  novembre 
de  cette  année.  L'un  de  ses  derniers  actes  fut  de  donner  le 
palais  royal  de  Bridewel  à  la  «  corporation  »  de  la  ville^de 
Londres  pour  y  établir  un  «  workhouse  ».  En  juin  1553, 
son  état  parut  désespéré;  Northumberiand,  qui  dominait 
entièrement  son  esprit,  résolut  de  lui  faire  signer  un  testa- 
ment politique  en  faveur  de  sa  belle-fille,  lady  Jane  Grey 
(V.  Dudley),  au  détriment  de  Marie  Tudor  et  d'Elisabeth, 
n  y  réussit.  Le  roi  s'éteignit  le  6  juii.  en  répétant  une 
prière  de  sa  composition.  Il  fut  enterré  dans  la  chapelle 
d'Henri  VH,  àWhitehall.  —  Au  physique,  Edouard  VI  était 
un  enfant  mahngre,  pâle,  avec  des  yeux  gris,  faibles  et  un 
air  calme.  On  a  de  lui  d'innombrables  portraits  qui  le  re- 
présentent à  tous  les  âges  ;  beaucoup  ont  été  gravés.  — ■ 
Son  «  Journal  »  autographe  est  conservé  à  Londres,  au 
British  Muséum,  sous  la  cote  Nero,  C.  X.  Cf.  J.-G.  Ni- 
chols,  Literarij  Remains  of  Edward  F/(Roxburgh  Club, 
1875).  Ch.-V.L.    ^ 

EDOUARD,  prince  de  Galles,  dit  le  prince  Noir,  ne 
à  Woodstock  le  15  juin  1330,  mort  à  Westminster  le 
8  juil.  1376.  Fils  aîné  d'Edouard  HI  et  de  Phdippa  de 
Hamaut,  il  fut  élevé  par  le  Dr.  Walter  Buriey,  de  Merton 
Collège,  Oxford,  sous  le  nom  de  comte  de  Chester,  duc  de 
Cornouailles.  En  1343,  il  fut  créé  prince  de  Galles,  et, 
le  11  juil.  1345,  il  fut  de  l'expédition  que  le  roi  son  père 
commença  par  le  débarquement  de  ses  troupes  à  La  Hogue. 
n  commandait  l'aile  droite  à  Crécy,  et,  suivant  l'expres- 
sion d'Edouard  HI,  «  gagna  ses  éperons  »  ce  jour-là.  On 
dit  communément  que  le  prince  de  Galles  fut  appelé  des 
lors  «  prince  Noir  »  à  cause  de  l'armure  noire  qu'il  por- 
tait à  Crécy;  mais  le  nom  de  «  prince  Noir  »  ne  se  trouve 
point  dans  les  textes  antérieurs  à  la  fin  du  xv^  siècle. 
On  dit  aussi  qu'il  emprunta  les  plumes  d'autruche  qui 
ornent  les  armes  des  princes  de  Galles  et  la  devise  Ich 
dien  au  roi  de  Bohême,  tué  à  Crécy.  Mais  plusieurs  érudits 
anglais,  combattant  cette  opinion,  font  d'abord  observer  que 
le  cimier  de  Jean  de  Bohême  portait  deux  ailes  de  vautour, 
semées  de  feuilles  de  tilleul  argent,  et  non  pas  une  plume 
d'autruche  ;  ils  établissent  ensuite  que  les  plumes  d] autruche 
sur  écusson  noir  appartenaient  à  la  reine  Philippa,  soit 
comme  armoirie  de  famille,  soit  comme  armes  adoptées  en 
vertu  de  sa  souveraineté  sur  le  territoire  d'Ostrevant;  c'est 
donc  aux  armes  de  sa  mère  que  le  prince  Noir  aurait 
emprunté  les  plumes  d'autruche.  Quoi  qu'il  en  soit,  après 
la  prise  de  Calais,  le  prince  Edouard  retourna  en  Angleterre 
(12  oct.  1347).  En  août  1350,  il  se  distingua  dans  un 
combat  naval  dans  la  Manche,  contre  une  galiote  castil- 
lane. En  1354,  il  réprima  des  troubles  dans  ses  domaines 
du  Cheshire  et  veilla  à  ce  que  les  juges  itinérants  y  tins- 
sent leurs  assises  en  paix.  Quand  le  roi  résojut  de  recom- 
mencer les  hostilités  contre  la  France,  en  1355,  il  ordonna 
au  prince  d'agir  en  Aquitaine,  tandis  que  Lancastre  opé- 
rerait en  Bretagne  et  lui-même  en  Normandie.  Le  lOjuil. 
il  appointa  son  lieutenant  en  Gascogne  avec  pleins^  pou- 
voirs. La  première  campagne  du  prince  Noir  en  Aquitaine 
ne  fut  guère  qu'une  maraude  ;  il  pilla  les  comtés  d'Arma- 
gnac, d'Astarac,  de  Comminges,  presque  sans  résistance. 
Montgiscar  fut  brûlé  avec  tous  ses  habitants.  Les  villes  de 
Carcassonne,  Narbonne,  Avignon  et  Castelnaudary  furent 
ravagées  par  les  avides  Gascons  de  son  armée.  L'expédi- 
tion dura  deux  mois;  il  ne  fut  pas  Uvré  de  bataille,  mais  la 
France  n'en  souffrit  pas  moins  un  très  grave  préjudice.  En 
juil.  1356,  il  forma  le  projet  hardi  de  traverser  la  France 
de  part  en  part  pour  rejoindre  son  père  en  Normandie.  H 
franchit  la  Dordogne  à  Bergerac  le  4  août  et  désola  tout 
sur  sa  route  jusqu'à  Bourges,  dont  il  brûla  les  faubourgs; 
mais  la  ville  même  résista,  ainsi. que  celle  d'Issoudun.  H 
prit  Vierzon.  Là,  il  apprit  qu'il  lui  serait  impossible  de 
percer  jusqu'à  la  Bretagne  ou  jusqu'à  la  Normandie,  et  il 
résolut  de  retourner  à  Bordeaux  par  le  Poitou.  Romoran- 
tin  ne  résista  que  trois  jours.  Mais  le  roi  de  France  avait 


579  — 


réuni  une  grosse  armée  pour  lui  couper  la  retraite.  C'est 
près  de  Poitiers,  probablement  à  la  Cardinerie,  commune 
de  Beauvoir,  qu'eut  lieu  le  19  sept,  la  fameuse  bataille  de 
Poitiers  où,  malgré  Finfériorité  numérique,  la  stratégie 
l'emporta  d'une  façon  si  signalée  sur  la  témérité.  Les  Fran- 
çais perdirent  onze  mille  hommes,  et,  parmi  leurs  deux  mille 
prisonniers,  les  Anglais  eurent,  outre  le  roi  de  France  en 
personne  et  son  fils  Philippe,  cent  chevaliers  bannerets. 
De  retour  à  Bordeaux  le  2  oct.,  le  prince  Noir  y  resta  jus- 
qu'en avr.  1357,  date  à  laquelle  il  partit  pour  l'Angle- 
terre avec  ses  principales  prises. 

Son  entrée  triomphale  à  Londres,  aux  côtés  du  roi  Jean, 
eut  lieu  le  24  mai.  En  oct.  1359,  il  repartit  avec  son  père 
pour  une  nouvelle  expédition  sur  le  continent.  A  la  fin  de 
cette  campagne,  il  eut  grande  part  aux  négociations  qui 
amenèrent  la  conclusion  du  traité  de  Brétigny.  Le  10  oct, 
1361,  il  épousa  sa  cousine  Jeanne,  comtesse  de  Kent,  fille 
d'Edmond  de  Woodstock,  fils  cadet  d'Edouard  P^  et  déjà 
veuve  de  sir  Thomas  Holland.  Le  19  juil.  1362,  Edouard  III 
lui  fit  don  de  toutes  ses  possessions  d'Aquitaine  et  de 
Gascogne,  constituées  en  principauté.  Il  passa  la  fin  de 
l'année  à  recevoir  les  hommages  de  ses  nouveaux  vassaux 
dans  des  cours  magnifiques  tenues  à  Bordeaux,  à  Angou- 
lême,  à  Périgueux,  à  Agen,  à  Niort,  à  Poitiers.  11  appointa 
Chandos  connétable  de  Guyenne.  Un  luxe  exagéré  et  la 
faveur  exclusive  témoignée  par  le  prince  à  ses  compatriotes 
d'outre-Manche  ne  tardèrent  pas  cependant  à  susciter  du 
mécontentement.  Les  seigneurs  d'Albret  et  de  Foix,  pour  ne 
citer  que  ceux-là,  étaient  Français  de  cœur;  Charles  V  les 
encourageait  ;  la  position  du  prince  ne  fut  pas  d'abord  fort 
agréable.  Mais  la  guerre  avait  recommencé  en  Bretagne  ; 
Edouard  permit  à  Chandos  de  lever  des  troupes  et  d'aller 
soutenir  le  parti  de  Montfort  ;  c'est  Chandos  qui  gagna  la 
bataille  d'Auray.  En  1365,  Du  Gueschn,  à  la  tête  d'un  cer- 
tain nombre  de  grandes  compagnies,  força  le  roi  Pierre  de 
Castille  à  quitter  son   royaume   et  mit  en  sa  place  le 
bâtard  Henri  de  Transtamare.  L'exilé,  qui  était  un  allié 
d'Edouard  III,  chercha  un  refuge  dans  les  possessions  du 
prince  Noir.  Celui-ci,  par  horreur  chevaleresque  pour  l'usur- 
pation d'un  bâtard,  séduit  d'ailleurs  par  les  promesses  du 
roi  détrôné,  prêta  à  Pierre  des  sommes  considérables  et 
leva  une  grosse  armée.  Il  quitta  Bordeaux  dans  les  premiers 
jours  de  fèvr.  1366  et  marcha  sur  Pampelune,  par  Saint- 
Jean-Pied-de-Port,  car  le  roi  Charles  de  Navarre  lui  avait 
accordé,  moyennant  finance,  libre  passage  sur  ses  terres. 
Les  compagnies  au  service  de  Henri  de  Transtamare  étaient 
en  grande  partie  commandées  par  des  aventuriers  anglais, 
comme  Hugh  de  Calveley,  ou  gascons.  Elles  passèrent  dès 
le  début  des  hostilités  du  côté  du  prince  d'Aquitaine.  La 
bataille  de  Navarrette,  en  avril,  fut  aisément  gagnée  par 
les  Anglo-Gascons  sur  les  dernières  troupes  du  bâtard.  Les 
vainqueurs  prirent  leurs  quartiers  de  printemps  près  de 
Burgos,  attendant  l'argent  promis.  Mais  Pierre  n'avait  pas 
l'intention  de  s'acquitter.  H  s'était  engagé  à  livrer  la  Bis- 
caye jusqu'à  parfait  payement  de  ses  dettes  ;  il  refusa  sous 
prétexte  que  les  Biscayens  ne  consentiraient  point  à  servir 
d'otages.  L'armée  anglaise  souffrit  terriblement  de  la  cha- 
leur à  Valladolid  au  cours  des  négociations  ;  elle  fondit  au 
soleil  d'Espagne.  Pendant  ce  temps,  Henri  de  Transtamare 
avait  franchi  les  Pyrénées  et  ravageait Bagnèr es.  Le  prince 
Edouard  revint  lui-même  à  Bordeaux,  escorté  de  ses  mer- 
cenaires, mécontents,  non  payés,  qui  se  mirent  à  piller  le 
pays  ;  Charles  V  ne  manqua  pas  d'exploiter  en  cette  occa- 
sion les  mécontentements  de  la  noblesse  d'Aquitaine  :  le 
seigneur  d'Albret,  qui  avait  épousé  Marguerite  de  Bourbon, 
sœur  de  la  reine  de  France,  et  le  comte  d'Armagnac,  fu- 
rent entièrement  gagnés  à  la  cause  française.  Quandle  prince, 
malgré  l'avis  de  Chandos,  résolut  d'imposer  un  fouace  de 
dix  sous  pour  cinq  ans,  Albret,  Périgord,  Armagnac  et  Com- 
minges  appelèrent  au  roi  de  France  comme  à  leur  suzerain 
supérieur.  Charles  en  profita  pour  citer  Edouard  à  compa- 
raître devant  le  Parlement  de   Paris,  garni  des  pairs  de 
France,  pour  y  être  jugé.  Le  prince  répondit  en  emprison- 


EDOUARD 


nant  les  porteurs  de  la  citation,  ce  qui  était  déclarer  la 
guerre.  Mais  il  ne  s'était  jamais  remis  depuis  son  séjour  en 
Castille,  où  le  bruit  courait  que  Pierre  lui  avait  fait  absor- 
ber un  poison  lent.  Il  était  si  faible  qu'il  ne  pouvait  plus 
chevaucher.  En  avr.  1369,  il  n'en  commença  pas  moins 
les  hostilités,  aidé  des  comtes  de  Cambridge  et  de  Pem- 
broke  et  du  partisan  sir  Robert  Knolles,  que  son  père  lui 
avait  envoyés.  La  désaffection  de  la  Gascogne  était  pro- 
fonde ;  Chandos  mourut  le  I^^  janv.  1370  ;  Jean  de  Gand 
intriguait  contre  le  prince  son  frère  à  la  cour  même 
d'Angleterre;  deux  armées  françaises  se  préparaient  à 
envahir  l'une  la  Guyenne,  l'autre  le  Limousin.  Cette  der- 
nière, cominandée  par  le  duc  de  Berry,  prit  Limoges  grâce 
à  une  trahison  de  l'évêque.  Le  prince  Noir  jura  de  venger 
ce  désastre,  et,  après  un  mois  de  siège,  il  reprit  effecti- 
vement la  ville  où  plusieurs  milliers  de  personnes  furent 
massacrées.  Après  le  sac  de  Limoges,  Edouard  retourna  à 
son  quartier  général,  Cognac;  mais  il  dut  bientôt  renoncer 
à  tout  espoir  de  conduire  en  personne  la  défense  du  duché  ; 
il  était  très  bas;  son  fils  aîné  venait  de  mourir;  les  méde- 
cins lui  conseillèrent  l'air  natal.  Il  débarqua  en  Angle- 
terre en  janv.  1371,  ruiné  de  toutes  les  manières  ;  le  5  oct. 
il  donna  sa  démission  de  prince  d'Aquitaine,  alléguant 
comme  motif  l'insuffisance  des  revenus  de  la  principauté. 
A  l'époque  de  la  réunion  du  «  Bon  Parlement  »  (avr.  1376), 
il  était  communément  regardé  comme  le  chef  de  l'opposi- 
tion constitutionnelle  (si  forte  dans  les  Communes)  contre 
les  abus  de  l'administration  royale.  Il  était  d'accord  avec 
William  de  Wykeham  pour  lutter  contre  l'influence  de  la 
petite  cour  qui  s'était  groupée  autour  de  Jean  de  Gand,  et 
qui  devait  être  si  funeste  à  son  fils  Richard  IL  II  fit  une 
fin  édifiante.  Son  tombeau  est  encore  aujourd'hui,  intact, 
dans  la  cathédrale  de  Canterbury.        Çh.-V.  Langlois. 

BiBL.  :  CoLLiNS,  Life  ofE.,  prince  ofWales.  —  G.-P.-R 
James,  History  of  the  life  of  Edw.,  the  Black  Prince,  1822. 
—  Le  Prince  Noir,  poème  du  héraut  Chandos,  publié  par 
Fi\  Michel.  —  L.  Creighton,  Life  of  Edw.  the  Black 
Prince;  Londres,  1890,  in-16.  —  M.  Fabbé  Moisant  prépare 
un  livre  sur  le  Prince  Noir  en  Aquitaine. 

EDOUARD  (Duarte),  onzième  roi  de  Portugal,  né  à  Viseu 
le  30  oct.  1391,  mort  à  Tomar  le  9  sept.  1438.  Fils  aîné 
de  l'illustre  Jean  P^  fondateur  d'une  nouvelle  dynastie,  et 
de  Philippa  de  Lancastre,  modèle  de  toutes  les  vertus 
féminines,  il  hérita  des  hautes  qualités  de  ses  parents.  Il 
était  brave,  éloquent,  instruit,  noble  de  cœur,  et  il  ne  lui 
manqua  pour  devenir  à  son  tour  un  grand  roi  qu'un  peu  de 
bonheur  et  plus  de  fermeté  de  caractère.  Son  règne  de  cinq 
années  ne  fut  marqué  que  par  des  catastrophes.  A  son 
avènement  (1433),  le  Portugal  jouissait  d'une  paix  profonde 
et  d'une  grande  prospérité.  L'esprit  aventureux  des  infants 
Henrique  et  Fernando,  frères  du  roi,  l'entraîna,  malgré 
lui,  à  consentir  à  une  expédition  contre  Tanger  (1437). 
Entreprise  sans  réflexion,  avec  des  forces  insuffisantes, 
elle  aboutit  à  une  défaite  complète,  et  l'infant  Fernando 
fut  retenu  en  otage  jusqu'à  la  reddition  de  Ceuta,  conquise 
sous  le  règne  précédent.  C'est  lui  qui  fut  immortalisé  par 
Calderon  sous  le  nom  de  «  Prince  constant  ».  La  peste  qui 
envahit  le  Portugal  empêcha  de  le  délivrer,  et  le  roi  lui- 
même  en  fut  victime.  Celui-ci  avait  été  le  promoteur  de 
l'unification  des  lois  du  royaume,  réforme  qui  ne  fut  accom- 
plie que  sous  le  règne  de  son  fils.  Ce  fut  encore  un  phi- 
losophe et  un  écrivain  de  valeur.  Son  ouvrage  principal, 
0  Leal  Conselheiro,  expose  ses  vues  sur  les  règles  de  la 
vie  et  celles  du  gouvernement,  en  partie  d'après  ses  pro- 
pres expériences  et  méditations;  la  politique  s'y  fonde  avec 
la  morale  pratique,  dictée  par  un  cœur  pur  et  un  jugement 
droit.  Un  autre  ouvrage  important,  0  Liuro  da  enssy- 
nança  de  bem  cavalgar,  est  le  fruit  de  sa  passion  pour 
le  dressage  des  chevaux,  art  dans  lequel  il  n'eut  pas  de  . 
rival.  L'un  et  l'autre  ont  été  publiés  ensemble  à  deux 
reprises  d'après  le  précieux  manuscrit  de  la  Bibliothèque 
nationale  de  Paris  (Paris,  1842,  gr.  in-4,  et  Lisbonne, 
1843).  On  doit  encore  au  roi  Edouard  de  nombreux  mé- 
moires sur  des  sujets  divers  ;  quelques-uns  ont  été  édités 


580 


EDOUARD  -  ÉDRISITES 

par  Sousa,  Provas,  1. 1.  Partout  il  se  montre  écrivain  facile, 
substantiel  et  d'une  grande  clarté. 

De  son  mariage  avec  Eléonore  d'Aragon  (V.  ce  nom), 
il  eut  six  enfants  :  Alphonse  F,  qui  lui  succéda  ;^jr- 
nand,  duc  de  Viseu,  connétable  de  Portugal  ;  Philippe 
mort  jeune;  Eléonore,  mariée  à  l'empereur  Frédéric  111, 
Jeanne,  épouse  de  Henri  IV,  roi  de  CastiUe;  et  Catherine, 

inortej^une.  ,         ,  "^^l^TVulrte 

Rnu  •  Ru  Y  DE  Pin  A,  Cronica  do  senhor  rey  D.  Duarie, 
danfi;-  CoUecçào  de  livras  inédites  dehrst  Portug  ^nU 
par  J.  Correa  da  Serra;  Lisbonne,  1790,  t.  1.  -  ^J^^""]^ 
KuNES  DE  Leâo,  Cronica  del  reyD  Dufvte ;Lish.mO 
N.  DE  La  Clède,  Hist.  gén.  de  Portugal  ;  Pans,  1735,  Z  ^  oi. 
in-4  —  Ferd.  Denis,  Hist.  de  Portugal. 

EDOUARD  (Albert- Jules),  peintre  français  contempo- 
rain, né  à  Caen  en  1845.  Elève  de  Cornu,  Léon  Cogniet, 
Gérôme  et  Delaunay,  cet  artiste  peint  simultanément  le 
portrait  et  Fhistoire.  Depuis  son  début  au  Salon  de  4«b«, 
où  il  exposa  une  Idylle,  on  peut  citer  comme  les  {meilleures 
de  ses  toiles  :  Caligula  et  le  Cordonnier  (S.  I88i),  la 
Reine  Khiomara  apportant  à  son  époux  la  tête  au 
centurion  qui  Vavà  violée  (S.  1884)  ;  Briseis  et  m 
Compagnes  pleurant  sur  le  corps  de  Patrocle  (^-^1  ^«^^) ; 
Ses  dernières  œuvres  sont  des  portraits  (b.  imi).  Le 
talent  de  cet  artiste  est  correct,  sa  composition  bien  pon- 
dérée, mais  l'ensemble  est  froid,  sans  origmalite  et  sans 
vigueur.  .  ,, 

EDOUGH.  Massif  montagneux  d'Algérie,  dans  le  dep. 
de  Constantine.  Il  s'étend  sur  le  bord  de  la  mer,  du  cap  de 
Fer  à  l'O.  jusque  près  de  Bône  à  l'E.,  et  court  dans  la 
direction  de  l'O.  au  S.-E.en  projetant  quelques  contreforts 
sur  le  bord  des  flots.  Sa  partie  culminante,  qui  s  eleve  a 
l'horizon  0.  de  Bône,  atteint  1,008  m.  au  village  de 
Buseaud.  L'Edough  a  de  magnifiques  forêts  de  chenes-lieges 
des  sources  et  cascades,  et  présente  un  aspect  des  plus  pit- 
toresques. -  Un  hameau  de  100  Européens,  siège  de  la 
Société  anonyme  des  lièges  de  l'Edough,  porte  le  nom 
à'Edough  et  forme  une  annexe  de  la  commune  de  plein 
exercice  de  Bugeaud.  Ej  ^^^' . 

EDRED,  roi  des  Anglo-Saxons,  mort  en  9Db,  choisi 
en  946  pour  succéder  à  son  frère  Edmond,  dont  les  deux 
fils  n'étaient  pas  en  âge  de  régner.  Lui-même  était  tort 
ieune,  toujours  malade,  et  le  gouvernementsous  son  règne 
fut  exercé  par  sa  mère  Eadgifre,  par  son  mimstre  saint 
Dunstan.  Il  eut  cependant  à  combattre  plusieurs  rebellions 
des  ^ens  de  Northumbrie  (947,  952),  et  il  fut  oblige  de 
reconnaître  aux  Danois  de  ce  pays  une  certaine  indépen- 
dance sous  le  comte  qu'il  leur  donna,  Oswuff.  Il  mourut  a 
Frome  (Somersetshire)  sans  postérité,  et  i ut  enterre  a 
Winchester.  ^,     ^^''^  '  ^' 

ÉDREDON  (Mob.).  Duvet  chaud  et  léger  qm  couvre 
l'estomac  de  l'eider,  canard  habitant  les  mers  glaciales,  et 
avec  lequel  on  remplit  un  grand  sac  de  soie  ou  de  coton 
pour  servir  de  couvre-pied.  Par  extension,  on  a  donne  le 
nom  d'édredon  à  cet  objet  de  literie.  Toutefois  le  duvet 
étant  d'un  prix  élevé,  n'entre  qu'en  petites  quantités  dans 
la  fabrication  des  édredons  ;  on  le  mélange  avec  de  la  plume 
d'oie  et  de  canard,  et  même  le  plus  souvent  ces  dernières 
seules  sont  employées  (V.  Duvet).  L-  K. 

EDREM I  D.  Ville  de  la  Turquie  d'Asie,  sandjak  de  Karasi, 
à  12  kil  au  N.-E.  de  l'ancienne  Adramyttium,  en  face 
de  Mytilène,  dans  la  plaine  qui  domine  les  ramifications 
de  rida  :  8,000  hab.  Le  port  est  aujourd'hui  envase. 

ÉDRIOPHTHALWIES.  I.  Zoologie.  —  Division  impor- 
tante des  Crustacés  Malacostracés  dénommée  par  Leach  et 
synonyme  de  Arthrostracés.  Les  animaux  qui  la  tonnent 
ont  les  yeux  latéraux  sessiles,  ce  qui  les  met  en  opposition 
avec  les  Crustacés  Thoracostracés  dont  la  plupart  ont  les 
yeux  pédoncules;  ils  ont  d'ordinaire  sept  anneaux  thora- 
ciques  séparés,  et  non  plus  réunis  sous  une  carapace,  plus 
rarement  six  anneaux  ou  moins  encore,  avec  un  nombre 
correspondant  de  paires  de  pattes.  Les  Edriophthalmes  com-- 
prennent  les  deux  ordres  des  Amphipodes,  sous  lequel 
rentrent  les  Lœmodipodes,  et  des  Isopodes.     R.  Moniez. 


IL  Paléontologie  (V.  Amphipodes,  Isopodes  et  Crus- 
tacés [Paléont.]). 

EDRIS  ECHZ-CHAFIY  (V.  Chafiy). 
EDRISI  (AbouAbd  Allah  Mohammed Ibn  Ahmed,  connu 
sous  le  nom  de  Ach-chérif  al-),  descendant  du  fondateur 
de  la  dynastie  marocaine  des  Edrisites,  né  à  Ceuta  en 
1099,  mort  vers  1180.  Il  vint  étudier  à  Cordoue,  où  il 
s'adonna  principalement  à  l'étude  de  l'astronomie,  de  la 
géographie  et  de  la  médecine.  Il  se  mit  ensuite  à  voyager, 
visita  le  S.  de  Tltalie,  la  Grèce,  l'Asie  Mineure,  le  Maroc, 
le  Portugal  et  même,  dit-on,  les  côtes  de  France  et  d'An- 
deterre.  Etant  venu  en  Sicile,  il  fut  retenu  par  Roger  II, 
roi  normand  des  Deux-Siciles,  qui  le  combla  de  ses  faveurs. 
Suivant  le  désir  de  ce  prince,  Edrisi  grava  sur  un  plani- 
sphère (daïra)  d'argent  la  forme  de  la  terre  tdle  qu  on  la 
supposait  alors,  divisée  en  sept  climats  parallèles,  le  pre- 
mier commençant  vers  l'équateur  et  le  septième  comprenant 
les  pays  de  l'extrême  Nord  et  limité  par  l'océan  Ténébreux. 
Il  écrivit  ensuite,  pour  l'intelligence  de  ce  planisphère,  un 
traité  qu'il  intitula  Nozhat  Al  Mochtâq  fi  Ikhtirâq  al 
Afâq  (récréation  de  celui  qui  désire  parcourir  les  horizons). 
Cet  ouvrage,  divisé  d'après  l'ordre  des  sept  climats,  chaque 
climat  comprenant  à  son  tour  dix  sections,  est  le  traité 
Lvéoeraphique  le  plus  complet  que  les  Arabes  nous  aient 
laissé.  L'exactitude  avec  laquelle  Edrisi  indique  les  mesures 
itinéraires  et  l'intérêt  des  détails  qu'il  rapporte  font  de 
cette  œuvre  un  document  précieux  pour  la  géographie  du 
commencement  du  moyen  âge.  Des  exemplaires  manuscrits 
de  l'ouvrage  se  trouvent  dans  les  bibliothèques  de  Pans  et 
d'Oxford.  Un  abrégé  en  arabe  imprimé  à  Rome  en  1592  a 
été  traduit  en  latin  sous  le  titre  de  Geographia  Nubiensis 
(Paris,  1619).  Plusieurs  parties  ont  été  pubhées  séparément  : 
Edrisli  Africa,  par  Hartmann  (Gœttingue,  1796)  ;  Edrisu 
Hisvania,  par  le  même(Marbourg,  1803)  ;  Descripciôn  de 
Espana,  par  Gonde  (Madrid,  1799).  A.  Jaubert  en  a  donne 
une  traduction  française  complète  :  Géographie  dLdrisi 
(Paris  1836-1840,  2  vol.).  Enfin  une  excellente  édition  de 
la  partie  concernant  l'Espagne  et  l'Afrique  a  été  publiée  par 
Dozy  et  de  Gœje  :  Edrisi,  Description  dej Espagne  et 
de  rAfrique,  avec  trad.  franc,  et  notes  (Leyde,  18bb). 
Non  moins  remarquables  sont  :  Saavedra,  La  Geogratia 
de  Espana  (Madrid,  1881)  ;  Amari  et  Schiaparelli,  L  Italia 
(Rome,  1883);   Gildemeister,  Palaestina  und  Syria 
Bonn,  1885).  L-  Leriche. 

BiBL.  -.Reinaud,  Géographie  d'Ahoulféda,  1. 1,  p.  cm. 
ÉDRISITES    ou  IDRISITES.   Cette  dynastie  musul- 
mane, qui  régna  de  788  à  985  sur  le  Maghreb  extrême  et 
sur  une  partie  du  Maghreb  moyen,  fut  fondée  Pf  Edris, 
fils  d'Abdallah,  fils  de  Hasen  III,  fils  de  Hasen  II,  fils  de 
Hasen  es-Sibt,  fils  de  Fatime,  femme  d'Ali  et  fille  du  pro- 
phète. Vaincu  à  la  bataille  d'Elfakkh(786),  où  il  avait  pris 
parti  pour  son  neveu  Hoseïn  contre  le  khalife  abbasside 
El-Mehdi,  Edris  s'enfuit  en  Egypte.  Après  être  demeure 
environ  deux   ans  au  Caire  en  compagnie  de    son  hdele 
afiranchi  Rached,  il  dut,  pour  éviter  la  colère  du  khali  e, 
fuir  dans  le  Maghreb  et  vint  s'établir  à  Oulili,  petite  ville 
située  dans  la  montagne  de  Zerhoun,  tout  près  de  Mequmez. 
Rien  accueiUi  en  sa  qualité  de  descendant  du  prophète, 
Edris  prit  bien  vite  un  grand  ascendant  sur  les  tribus 
berbères  au  milieu  desquelles  il  vivait,  et  en  788  il  se  ht 
proclamer  souverain  des  peuplades  qui  entouraient  Uuhli. 
Peu  à  peu  il  agrandit  ses  Etats  en  s'avançant  vers  le  b. 
jusqu'à  Tedlaet  vers  l'E.  jusqu'à  Tlemcen,  qui  se  rendit  a 
lui.  En  même  temps  il  contraignait  les  populations  chré- 
tiennes et  juives  qu'il  rencontrait  sur  sa  route  à  embras- 
ser l'islamisme,  et  semblait  devoir  soumettre  à  son  autorité 
tous  les  Berbers,  lorsqu'il  fut  empoisonné  par  un  émissaire 
du  khalife  iïaroun  er-Rachid,  en  783.  Edris  n  ayant  point 
laissé  d'enfant,  sa  mort  allait  mettre  fin  à  la  dynastie  qu  il 
avait  voulu   fonder,   lorsque  Rached  obtint  des  Berbers 
qu'ils  reconnaîtraient  comme  successeur   de   son  maître 
l'enfant  qu'une  concubine  de  ce  dernier  devait  mettre  au 
monde  deux  mois  après.  Cet  enfant,  auquel  on  donna  le  nom 


d'Edris  le  Jeune  ou  Edris  II,  succéda  donc  à  son  père,  mais 
il  ne  reçut  le  serment  de  fidélité  qu'en  80  4  à  Fâge  de  onze 
ans.  Durant  sa  minorité,  Rached  exerça  le  pouvoir  jusqu'en 
802,  époque  à  laquelle  il  fut  assassiné  par  un  agent  des 
Aghlabites  ;  il  fut  remplacé  dans  sa  tutelle  par  Abou-Kha- 
led  Yezid.  Un  corps  dévoué  de  cinq  cents  guerriers  arabes, 
qui  vinrent  se  ranger  sous  la  bannière  d'Edris  II,  permit 
à  ce  prince  d'étendre  ses  conquêtes  et  de  n'avoir  plus  à 
redouter  les  détections  des  Berbers,  qui  étaient  poussés  à  la 
révolte  par  les  Aghlabites.  Il  put  alors  faire  périr  impu- 
nément Ishaq  ben  Mahmoud,  le  chef  des  Aureba,  qui  avait 
donné  asile  à  son  père,  et  dont  l'influence  pouvait  faire 
échec  à  la  sienne  ;  enfin  pour  mieux  affirmer  qu'il  n'enten- 
dait pas  rester  dans  la  dépendance  des  tribus  qui  avaient 
confié  l'autorité  à  son  père,  il  abandonna  Oulili  pour  aller 
établir  sa  capitale  dans  la  ville  de  Fez,  qu'il  fonda  en  807. 
Edris  II  lutta  d'abord  avec  succès  contre  les  Aghlabites, 
et  étendit  la  frontière  de  ses  Etats  à  l'E.  jusqu'aux  rives  du 
Chélif,  mais  la  versatilité  des  Berbers,  qui  se  laissaient  vo- 
lontiers corrompre  par  ses  ennemis,  l'empêcha  de  pousser 
ses  conquêtes  plus  loin.  Mohammed  succéda  à  son  père 
Edris  II  en  828.  Sur  les  conseils  pernicieux  de  sa  grand'- 
mère  Kenza,  Mohammed  partagea  son  empire  avec  sept  de 
ses  frères.  Cette  mesure  impoUtique  amena  bientôt  des 
guerres  civiles  qui  furent,  il  est  vrai,  réprimées,  mais  qui 
jettèrent  dans  le  nouvel  empire,  les  germes  d'une  déca- 
dence prochaine.  Néanmoins  Ali,  qui  succéda  à  son  père 
Mohammed  en  836,  et  Yahia  P^  qui  succéda  à  son  frère 
Ali  en  848,  administrèrent  sagement  leur  royaume  ;  ils 
agrandirent  leurs  Etats  et  leur  assurèrent  une  prospérité 
plus  grande  encore  que  celle  dont  ils  avaient  joui  jus- 
qu'alors. En  859,  sous  le  règne  de  Yahia  P^  on  construisit 
à  Fez  la  célèbre  mosquée  dite  d'Elqarouïn,  et  la  capitale 
édrisite,  grâce  aux  embellissements  dont  elle  fut  l'objet, 
prit  rang  parmi  les  grandes  cités  du  Maghreb.  La  conduite 
scandaleuse  de  Yahia  II,  fils  et  successeur  de  Yahia  P^ 
occasionna  une  révolte  qui  lui  fit  perdre  la  couronne  ; 
son  cousin  Ali  II,  qui  lui  succéda,  fut  également  chassé  de 
Fez  et  remplacé  par  son  cousin  Yahia  III.  Malgré  le  gou- 
vernement paisible  de  Yahia  III,  qui  cependant  mourut 
assassiné  en  904,  la  dynastie  édrisite  ne  put  parvenir 
à  rétablir  son  prestige  affaibli  par  les  tristes  règnes  de 
Yahia  II  et  d'Ali  II.  Après  avoir  exercé  le  pouvoir  sans  trop 
de  difficultés  jusqu'en  917,  Yahia  IV  fut  attaqué  par  Mes- 
sala,  le  caïd  du  chiite  Obeïd-Allah  qui  gouvernait  à  Qai- 
rouan.  Assiégé  dans  Fez,  sa  capitale,  Yahia  IV  dut  bientôt 
se  rendre  et  se  reconnaître  vassal  d'Obeïd-Allah.  A  cette 
condition,  il  conserva  ses  Etats  pendant  quatre  ans  encore, 
mais  en  921  il  fut  arrêté,  chargé  de  chaînes  et  exilé  à 
Asila.  L'empire  édrisite  fut  alors  livré  par  Messala  à 
Rihan  Elketami,  qui  s'établit  à  Fez  et  gouverna  le  pays  du- 
rant près  de  deux  ans.  El-Hasen,  surnommé  El-Haddjam, 
essaya  de  rétablir  en  sa  personne  la  dynastie  édrisite,  et 
en  922  il  chassa  Rihan  de  Fez,  Cette  tentative  heureuse 
au  début  ne  tarda  guère  à  échouer.  Mousa,  fils  d'Abou'lafia, 
émir  miknacien,  attaqua  El-IIasen,  le  vainquit  et  s'empara 
de  Fez  (92o).  Désormais  les  Edrisites  ne  devaient  plus 
posséder  que  leRif  et  le  pays  de  Ghomara  ;  cependant  l'un 
d'eux,  Kennoun,  réussit  à  étendre  son  autorité  sur  une  autre 
partie  du  Maghreb.  Mais  ni  son  premier  fils  Abou'l-Aïch 
Ahmed  qui  se  plaça  sous  la  suzeraineté  des  Omeyyades 
d'Espagne,  ni  son  second  fils  El-Hasen  qui  succéda  à  son 
frère  en  954  n'avaient  la  valeur  nécessaire  pour  s'imposer 
aux  Berbers  et  lutter  contre  les  khalifes  d'Espagne.  Après 
avoir  d'abord  abdiqué  en  974,  El-Hasen  reprit  le  pouvoir 
sur  les  quelques  villes  qui  avaient  reconnu  son  autorité  ; 
deux  ans  après,  en  985,  il  mourait  et  avec  lui  s'éteignait 
pour  toujours  la  dynastie  édrisite  qui,  en  réalité,  avait  cessé 
d'exister  dès  l'année  917.  0.  Houdas. 

BiBL  •  A.  Beaumier,  Roudh  el-Kartas  ;  Pans,  1860. 
—  De  Slane,  Histoire  des  Berbères;  Alger,  1854.  — 
E.  Mercier,  Histoire  de  l'Afrique  septentrionale  ;  Pans, 
1888-1891,  3  vol.  .  .  .    „,,        • 

ÉDUCATION,  n  ne  sera  question  ici  que  de  1  éducation 


_  581  —  EDRISITES  —  ÉDUCATION 

humaine,  car  le  mot  a  un  sens  beaucoup  plus  large  ;  il 
désigne  toute  action,  même  involontaire,  qui  dirige  le 
développement  d'un  être  vivant  vers  sa  fin  naturelle  ou  le 
modifie  en  vue  d'une  fin  qu'on  lui  assigne.  EUminant  la  part 
do  l'hérédité,  celle  du  million  et  de  toutes  les  influences 
inconscientes,  il  faut  d'abord  restreindre  le  mot  à  l'action 
intentionnelle  et  méthodique  d'un  être  sur  le  développe- 
ment d'un  autre.  On  peut  ainsi  à  la  rigueur  dire  que  l'oi- 
seau fait  l'éducation  de  ses  petits  en  leur  apprenant  à 
voler,  et,  plus  exactement,  que  le  dresseur  fait  l'éducation 
du  cheval,  le  chasseur  celle  du  chien  d'arrêt.  Mais  le  seul 
éducateur,  au  sens  propre,  c'est  l'homme,  parce  que  seul 
il  se  représente  nettement  l'avenir  et  combine  des  moyens 
pour  le  préparer  ;  et  de  même  la  seule  éducation  digne  de 
ce  nom  est  celle  de  l'homme.  Elle  comprend  tout  le  tra- 
vail réparti  jadis  entre  la  nourrice,  le  gouverneur  et  les 
maîtres,  selon  ce  passage  de  Varron  :  educit  obstetrix, 
educat  nutrix,  instituit  pœdagogus,  docet  magister; 
c.-à-d.  tout  l'ensemble  des  soins  et  des  opérations  inten- 
tionnelles par  lesquels  on  conduit  le  développement  de 
l'enfant  pour  en  faire  un  homme  :  «  C'est  l'art  de  former 
les  hommes  »,  dit  Rousseau,  art  dont  la  première  règle 
est  d'ailleurs  de  tenir  compte  de  V éducation  des  choses, 
comme  l'appelle  le  même  écrivain,  c.-à-d.  des  influences 
sociales  et  même  physiques  plus  ou  moins  indépendantes 
de  notre  volonté.  Car  un  homme  est  formé  par  tout  ce 
qu'il  éprouve  depuis  le  berceau...  et  même  avant.  S'il  faut 
en  croire,  en  effet,  M.  de  Frarières,  après  Malebranche,  il 
y  aurait,  moralement  même,  une  «  éducation  antérieure» 
ou  intra-utérine,  une  influence  de  l'état  mental  de  la  mère 
pendant  la  gestation  sur  les  prédispositions  morales  et  in- 
tellectuelles des  enfants.  Mais  l'éducation  proprement  dite 
est  essentiellement  œuvre  de  volonté  et  de  raison,  et  toutes 
ces  actions  inconscientes  ne  l'intéressent  que  dans  la  mesure 
où  la  volonté  peut  ou  s'emparer  d'elles  ou  s'y  soustraire. 

D'autre  part,  un  être  doué  comme  l'homme  de  volonté 
et  de  raison  a  seul  besoin  d'éducation.  La_  nature  se 
charge  de  pourvoir  au  développement  de  l'animal  comme 
tel.  Une  intervention  n'a  de  raison  d'être  que  lorsque  la 
nature  toute  seule  ne  mènerait  pas  sûrement  ni  le  mieux 
possible  l'être  dont  il  s'agit  à  sa  destination  :  tel  est  le  cas 
pour  l'homme  seul,  dit  Kant,  das  einzige  Geschôpf  das 
erzogen  werden  muss,  parce  que,  seul  des  animaux,  il  ne 
saurait  accomplir  sa  destinée  par  son  simple  développement 
naturel  sans  le  secours  de  son  semblable  adulte  et  cultivé. 
Physiquement  même,  avant  d'être  en  état  de  subsister  et 
de  se  mouvoir  sans  danger  au  milieu  des  forces  naturelles, 
il  a  besoin  de  soins  infiniment  plus  longs  et  plus  délicats 
que  n'importe  quel  autre  animal.  Mentalement  et  morale- 
ment, la  culture  doit  chez  lui  suppléer,  compléter,  corri- 
ger les  instincts  ;  car  sa  destination  est  de  faire  prédomi- 
ner en  lui  l'humanité  sur  l'animalité,  de  devenir  au  sens 
fort  une  personne,  ce  qui  n'a  lieu  que  par  l'éducation,  la 
nature  livrée  à  elle-même  développant  plutôt  l'animalité. 
Ce  n'est  pas  à  dire  que  l'éducation  elle-même  ne  doive 
pas  suivre  la  nature,  comme  Rousseau  l'a  établi.  On  n'agit 
sur  la  nature  qu'en  lui  obéissant.  La  connaissance  des  lois 
de  la  vie  tant  psychique  que  physiologique  est  la  base  né- 
cessaire de  la  science  de  l'éducation,  de  toute  action  ra- 
tionnelle exercée  sur  le  développement  humain.  Kant  va 
bien,  à  la  suite  de  Rousseau,  jusqu'à  accorder  que  tous 
les  penchants  naturels  sont  bons  en  eux-mêmes  ;  mais  c'est 
à  condition  de  se  développer  avec  proportion.  Ils  ont  besoin 
d'être  soumis  à  une  règle.  L'animal  reçoit  de  la  nature  sa 
règle  toute  faite  et  inviolable;  l'homme  doit  se  faire  la 
sienne  et,  en  attendant,  la  recevoir  d'un  autre  homme.  Né 
pour  la  raison,  il  n'est  rien  que  par  elle.  L'absence  de  règles 
étant  pour  lui  la  source  de  tout  mal,  «  l'éducation  est  la 
source  de  tout  bien...  La  discipline  empêche  seule  l'ani- 
malité et  la  sauvagerie  d'étouffer  en  nous  l'humanité.  » 

On  le  voit,  la  notion  même  d'éducation  implique  celle 
d'un  idéal,  d'une  perfection  supérieure  à  la  nature  simple- 
ment donnée.  C'est  ce  qu'expriment  diversement  toutes  les 


ÉDUCATION 


582  — 


définitions.  «  L'éducation,  dit  J.  Stuart  Mill,  embrasse  tout 
ce  que  nous  faisons  nous-mêmes  et  tout  ce  que  les  autres 
font  pour  nous,  en  vue  de  nous  élever  plus  près  de  la  per- 
fection de  notre  nature.  »  Et  ailleurs  :  «  C'est  la  culture 
que  chaque  génération  donne  exprès  à  ceux  qui  doivent  lui 
succéder,  afin  de  les  rendre  aptes  à  conserver  au  moins, 
à  accroître  s'il  se  peut  les  progrès  de  tous  genres  accomplis 
jusqu'à  eux.  »  —  «  Elever  un  enfant,  dit  M»^^  Necker 
de  Saussure,  c'est  le  mettre  en  état  de  remplir  un  jour  le 
mieux  possible  la  destination  de  sa  vie.  »  Pour  Stein,  le 
but  de  l'éducation  est  «  le  développement  harmonieux  de 
toutes  les  facultés  de  l'homme...  Elle  doit  déployer  toutes 
les  puissances  de  l'âme,  exciter  et  aUmenter  tous  les  prin- 
cipes de  vie,  en  évitant  toute  culture  exclusive,  en  s'ap- 
pliquant  à  mettre  en  œuvre  toutes  les  tendances  qui  font 
la  force  et  la  valeur  des  hommes.  »  Pour  Herbert  Spencer, 
elle  doit  «  préparer  à  la  vie  complète  ».  Autant  de  ma- 
nières de  dire  avec  Kant  que  l'éducation  a  pour  objet  de 
«  développer  dans  l'homme  toute  la  perfection  que  sa  na- 
ture comporte  ».  —  Il  suit  de  là  que  la  fin  de  l'éducation 
est  dans  l'enfant  lui-même  et  non  hors  de  lui  ;  cette  fin, 
c'est  le  bien  supérieur  de  l'enfant,  non  la  satisfaction  per- 
sonnelle des  parents  et  des  maîtres.  En  ce  sens,  l'abnéga- 
tion est  littéralement  le  premier  devoir  de  l'éducateur.  Ce 
n'est  pas  à  dire,  bien  entendu,  qu'il  faille  laisser  l'enfant 
se  prendre  lui-même  pour  fin  :  le  respect  des  autres  et  de 
leurs  droits,  l'esprit  de  sacrifice  même,  font  partie  au  pre- 
mier chef  des  qualités  à  développer  en  lui  ;  mais  c'est  pour 
son  bien  même  avant  tout,  c'est  pour  accroître  sa  valeur 
d'homme  qu'il  faut  l'habituer  au  respect.  En  le  corrigeant 
dans  une  autre  intention,  en  le  mettant  au  pas,  par  exemple, 
avec  humeur,  pour  nous  défendre  contre  ses  empiétements, 
nous  pouvons  user  d'un  droit  et  faire  encore  œuvre  utile 
socialement  ;  nous  ne  faisons  pas  œuvre  sereine  d'éduca- 
teurs. Cette  vue  domine  toute  la  théorie  des  punitions,  et 
aussi  celle  des  récompenses. 

A  la  perfection  individuelle  ainsi  donnée  pour  fin  su- 
prême à  l'éducation  se  rattachent  toutes  les  fins  secon- 
daires. Le  bonheur,  par  exemple,  tant  de  la  société  que  de 
l'individu,  ne  peut  manquer  d'être  aussi  grand  que  pos- 
sible si  la  valeur  de  tous  est  tout  ce  qu'elle  peut  être. 
Mais  la  réciproque  n'est  pas  vraie  ;  aussi  est-il  imprudent 
de  dire  avec  James  Mill  que  «  le  but  de  l'éducation  est  de 
faire  de  l'individu  autant  que  possible  un  instrument  de 
bonheur  pour  lui-même  et  pour  les  autres  ».  D'abord  le  mot 
instrument  sonne  faux  :  il  s'agit  de  faire  une  'personne^ 
et  non,  selon  le  mot  de  Guizot  «  un  outil  humain». Puis, 
il  n'est  pas  vrai  que  l'éducation  doive  se  proposer  avant 
tout  le  bonheur.  Le  bonheur,  chacun  l'entend  à  sa  guise 
et  le  prend  où  il  le  trouve.  Il  n'y  a  donc  là  ni  principe 
fixe,  ni  garantie.  Le  bonheur  doit  venir  par  surcroît  si 
l'éducation  est  bonne  ;  mais  elle  n'est  bonne  que  si  elle 
apprend  à  trouver  le  bonheur  où  il  convient,  voire  à  s'en 
passer  au  besoin,  non  à  tout  subordonner  à  sa  recherche. 

Une  autre  conséquence  de  la  définition  adoptée,  est  de 
faire  apparaître  l'éducation  comme  une  œuvre  infinie.  Elle 
commence  au  berceau  et  nul  ne  peut  dire  quand  elle  finit  ; 
car  l'idéal  recule  à  mesure  qu'on  avance.  Ni  notre  carac- 
tère ne  cesse  d'être  plastique,  ni  notre  esprit  de  pouvoir 
acquérir,  à  l'âge  où  l'on  sort  de  la  sujétion  des  parents  et 
des  maîtres.  L'éducation,  qui  est  censée  prendre  fin  alors, 
continue  donc;  elle  continue  aussi  longtemps  que  nous 
sommes  perfectibles  ;  elle  change  seulement  de  mains,  de- 
vient l'œuvre  de  tous  ceux  dont  la  volonté  et  l'exemple 
ont  prise  sur  nous,  l'œuvre  du  mari,  pour  la  femme, 
l'œuvre  de  la  femme,  pour  le  mari  ;  elle  devient  surtout 
l'œuvre  propre  de  chacun,  puisque  chacun  est  responsable 
de  soi  et  tenu  d'achever  son  développement  lui-même.  De 
là  pour  les  maîtres  et  les  parents  une  indication  capitale, 
un  critérium  infaillible  de  l'éducation.  La  meilleure  est 
celle  qui  met  le  mieux  l'enfant  en  état  de  se  gouverner 
lui-même  et  en  goût  de  continuer  seul  son  perfectionne- 
ment-. «  Apprendre  à  l'homme  à  s'élever  lui-même  lorsque 


d'autres  auront  cessé  de  l'élever  »,  c'est  là  le  but  suprême, 
suivant  Guizot.  Tout  bon  éducateur  aspire  à  se  rendre  inu- 
tile, non  en  formant  des  machines,  mais  des  personnes 
guidées  par  le  sentiment  ferme  de  leur  responsabilité, 
l'amour  et  la  claire  vue  d'un  idéal.  C'est  la  condamnation 
absolue  de  toute  éducation  servile  et  mécanique,  de  tous 
les  moyens  bas,  comme  les  coups,  l'espionnage,  la  déla- 
tion, l'excès  des  menaces  et  des  promesses.  Il  n'y  a  de  bon 
en  éducation  que  ce  qui  élève.  Il  ne  s'agit  pas  de  faire  des 
manequins  dociles,  d'élégants  automates,  mais  des  hommes. 
Et  la  perfection  de  l'homme  n'est  pas  de  faire  ceci  ou  cela 
sous  une  volonté  extérieure,  c'est  d'agir  librement  à  ses 
risques  et  périls,  de  vouloir  le  bien  et  d'aspirer  au  mieux. 
A  ce  point  de  vue,  tel  enfant  qui  passe  pour  très  bien 
élevé  l'est  fort  mal,  ou  plutôt  ne  l'est  pas  du  tout 
(V.  Discipline). 

Enfin  l'éducation  déborde  la  vie  individuelle  ;  elle  fait, 
avec  l'hérédité,  le  lien  des  générations  successives  ;  elle 
est  l'affaire  de  toute  l'espèce.  «  Pour  faire  de  grandes  choses, 
a  dit  Vauvenargues,  il  faut  vivre  comme  si  l'on  ne  devait 
jamais  mourir.  »  L'individu  meurt,  mais  il  se  survit  dans 
ses  enfants  :  l'espèce  subsiste.  Par  l'éducation,  chaque  gé- 
nération épargne  à  la  suivante,  autant  que  possible,  un 
apprentissage  hasardeux  et  lui  lègue,  accru  de  ce  qu'elle  a 
pu  y  ajouter,  le  patrimoine  reçu  des  ancêtres.  Il  y  a  sans 
doute  dans  la  nature  et  dans  l'hérédité  des  limites  aux 
acquisitions  et  aux  perfectionnements  possibles  ;  mais  l'hé- 
rédité elle-même  peut,  comme  l'habitude,  être  un  agent  de 
transformation  aussi  bien  que  de  conservation  ;  et  par  l'ac- 
cumulation des  petits  effets,  les  suites  d'une  éducation  vont 
à  l'infini.  Car  l'homme  élève  l'homme;  bien  élevé, il  l'élève 
bien  à  son  tour.  Et  il  n'y  a  aucune  contradiction  à  se 
soucier  ainsi  de  l'avenir  de  l'espèce  humaine  et  de  ses 
progrès  possibles,  après  avoir  assigné  pour  objet  à  l'édu- 
cation le  perfectionnement  de  chaque  enfant.  Car,  si  le  but 
est  de  faire  réahser  à  l'homme  toute  la  perfection  que  sa 
nature  comporte,  cela  s'entend  évidemment  de  l'homme  en 
général  et  non  pas  seulement  de  l'individu  ;  mais,  pour  tra- 
vailler au  progrès  général,  il  n'y  a  qu'un  moyen  et  qui  est 
d'ailleurs  infaillible,  c'est  d'améliorer  les  individus.  En 
plaisir,  en  bonheur  même,  le  gain  d'un  particulier  peut 
constituer  une  perte  pour  d'autres;  mais,  en  perfection, 
l'individu  ne  peut  rien  gagner  que  l'humanité  n'en  profite. 
Comment  concevoir  d'ailleurs  un  homme  vraiment  bon, 
qui  se  contente  de  sa  perfection  pour  ainsi  dire  solitaire, 
s'y  enferme  et  s'y  endorme,  sans  souci  d'accroître  le  bien 
des  autres  ?  L'homme  est  un  être  essentiellement  sociable. 
Sa  destination  comme  individu  coïncide  et  concorde  avec 
celle  des  groupes  naturels  dont  il  fait  partie,  famille,  na- 
tion, humanité  ;  et  le  seul  moyen  pour  lui  de  ne  pas  man- 
quer sa  fin  personnelle  est  de  travailler  au  bien  collectif. 
C'est  ce  qu'il  faut  répondre  à  l'objection  spécieuse  et  su- 
perficielle qu'on  élève  parfois,  au  nom  de  la  patrie,  par 
exemple,  contre  notre  conception  de  l'éducation  comme 
accordant  trop  à  l'individu  pris  pour  centre.  L'individu 
n'est  rien  par  lui  seul,  et  il  le  sent  d'autant  mieux  qu'il  vaut 
plus.  Il  ne  s'épanouit  que  dans  la  famille,  laquelle  ne 
subsiste  et  ne  prospère  que  dans  la  nation  ;  et  c'est  du 
concert  des  nations,  à  la  fois  indépendantes  et  unies,  que 
sera  fait  à  son  tour  le  bien  de  l'humanité.  Chacun  doit  se 
subordonner,  se  sacrifier  au  besoin  à  ces  collectivités  dont 
il  fait  partie;  et  il  appartient  à  l'éducation  de  nous 
apprendre  à  les  servir  toutes  en  concifiant  ce  qu'on  doit  à 
chacune.  Mais  le  sacrifice  n'a  de  prix  que  s'il  est  conscient 
et  libre;  la  première  condition  pour  se  dévouer  utilement, 
c'est  d'être  quelqu'un  et  de  valoir  quelque  chose.  Nous 
avions  donc  raison  de  dire  qu'il  faut  avant  tout  élever 
l'enfant  pour  lui-même,  développer  l'individu  comme  tel 
de  façon  à  lui  donner  toute  sa  valeur  d'homme  :  en  dehors 
de  là  il  n'y  a  que  dressage  ;  mais  l'élever  pour  lui-même, 
en  ce  sens  supérieur,  c'est  l'élever  en  même  temps  pour  la 
famille,  la  nation  et  l'humanité  ;  c'est  l'élever  non  seule- 
ment pour  le  présent,  mais  pour  l'avenir,  non  seulement 


—  583  — 


ÉDUCATION  -  EDWARDES 


pour  qu'il  joue  son  rôle  d'homme  dans  le  monde  tel  qu'il 
est  aujourd'hui,  mais  pour  qu'il  contribue,  s'il  se  peut,  à 
laisser  le  monde  un  peu  meilleur.  L'éducation  vraiment 
digne  de  ce  nom,  même  quand  elle  arme  et  prépare  l'en- 
fant pour  les  rudes  luttes  de  la  vie  actuelle,  ne  doit  jamais 
cesser  d'avoir  en  vue,  selon  la  belle  parole  de  Kant,  «  la 
perspective  d'une  humanité  meilleure  et  plus  heureuse  ». 

Les  fins  de  l'éducation  ainsi  fixées,  ses  grandes  divisions 
en  découlent.  Il  faut  d'abord  distinguer  de  Y  éducation 
générale,  la  seule  dont  il  s'agisse,  Y  éducation  profes- 
sionnelle,({vi  ne  peut  venir  qu'après  et  quifprend  autant 
de  formes  qu'il  y  a  de  catégories  de  métiers  ou  de  fonctions 
demandant  une  préparation  technique  :  celle-ci  n'est  pas 
non  plus  à  dédaigner,  mais  elle  est  moins  de  l'ordre  de 
l'éducation  que  de  celui  de  l'apprentissage.  Le  mot  de 
Montaigne,  qu'il  faut  apprendre  aux  enfants  ce  qu'ils  doi- 
vent faire  étant  hommes,  n'est  juste  que  si  on  le  prend 
dans  un  sens  très  large  et  très  élevé.  Sans  doute  pour 
déterminer  le  mode  précis  et  le  degré  d'éducation,  surtout 
le  mode  et  le  degré  de  culture  qu'il  faut  donner  à  un  en- 
fant, il  convient  d'avoir  égard  à  sa  condition  et  à  sa  vie 
probables.  Mais,  comme  le  dit  Rousseau,  nous  ne  sommes 
plus  au  temps  où  le  fils  était  obligé  d'embrasser  l'état  de 
son  père;  et,  si  les  rangs  demeurent,  les  hommes  en  chan- 
gent sans  cesse.  Au  contraire,  «  leur  vocation  commune 
est  l'état  d'hommes,  et  quiconque  est  bien  élevé  pour 
celui-là  ne  peut  mal  remplir  ceux  qui  s'y  rapportent.  Qu'on 
destine  mon  élève  à  l'épée,  à  l'église,  au  barreau...  la  na- 
ture avant  tout  l'appelle  à  la  vie  humaine.  Vivre  est  le  mé- 
tier que  je  lui  veux  apprendre.  En  sortant  de  mes  mains, 
il  ne  sera  ni  magistrat,  ni  soldat,  ni  prêtre  ;  il  sera  pre- 
mièrement homme;  tout  ce  au'un  homme  doit  être,  il 
saura  l'être  au  besoin...  ;  et  la  fortune  aura  beau  le  faire 
changer  de  place,  il  sera  toujours  à  la  sienne.  »  Sans  faire 
fi  de  Futilité,  il  faut  donc  dire  résolument  qu'elle  ne  doit 
venir  qu'en  seconde  ligne  dans  l'éducation,  parce  qu'on 
n'élève  pas  l'enfant  à  la  vie  complète,  si  on  a  en  vue  d'abord 
le  métier.  L'éducation  proprement  dite  est  générale  par 
définition,  et  libérale,  puisqu'elle  doit  former  l'homme 
tout  entier,  et  l'homme  libre. 

Elle  se  divise  en  autant  de  parties  qu'il  y  a  d^élé- 
ments  essentiels  dans  la  nature  humaine  :  Y  éducation 
physique  préside  au  développement  du  corps,  assure 
l'épanouissement  des  énergies  vitales,  support  et  base 
de  tous  les  autres.  Car  «  ni  ange  ni  bête  »,  si  l'homme 
est  plus  qu'un  simple  animal,  il  est  un  animal  premiè- 
rement, et,  pour  accompHr  sa  destinée  en  ce  monde,  il 
faut  qu'il  commence,  selon  le  mot  d'H.  Spencer,  par  être 
«  un  bon  animal  ».  Parallèlement  doit  se  faire  Y  édu- 
cation intellectuelle  et  morale,  qui  dirige  le  développe- 
ment psychique,  et  qui  repose  sur  la  connaissance  des 
lois  de  la  vie  mentale,  comme  l'éducation  physique  sur 
celle  des  lois  de  la  vie  organique.  Il  faut  y  distinguer  l'édu- 
cation morale  proprement  dite,  qui  forme  le  caractère, 
c.-à-d.  la  volonté  et  le  cœur,  et  l'éducation  intellectuelle 
qui  façonne  l'esprit.  Cette  dernière  comprend  Y  instruction, 
mais  n'y  est  pas  simplement  identique,  car  autre  chose  est 
instruire  l'esprit,  c.-à-d.  le  munir  de  connaissances  qui 
peuvent  le  remplir  sans  le  nourrir  et  n'ajoutent  pas  toutes 
également  à  sa  qualité,  —  autre  chose  est  le  fortifier,  l'as- 
soupHr  et  l'affiner  par  l'exercice,  en  visant  à  lui  donner, 
indépendamment  de  tel  et  tel  savoir,  tout  ce  qu'il  com- 
porte de  vigueur  et  d'ouverture,  de  netteté,  de  justesse  et 
de  précision.  On  pourrait  encore  nommer  à  part  Yéduca- 
tion  esthétique,  qui  forme  le  goût,  apprend  à  discerner 
et  à  sentir  la  beauté.  Mais  les  divisions  deviennent  factices 
si  on  les  multiplie.  Mieux  vaut  dire  et  redire  que  tout  se 
tient  dans  l'éducation,  que  toutes  les  parties  en  sont  so- 
hdaires,  que  l'unité  en  est  la  qualité  maîtresse,  puisqu'elle 
doit  développer  l'homme  harmonieusement  et  que  l'unité 
seule,  l'accord  avec  soi-même  fait  la  beauté  d'une  vie, 
comme  la  valeur  d'un  caractère. 

Sans  quitter  les  généralités  les  plus  hautes,  que  n'y  au- 


rait-il pas  à  dire  sur  Y  éducation  civique,  sur  Y  éducation 
religieuse,  etc.,  c.-à-d.  sur  le  développement  à  donner  à 
certains  sentiments,  exaltés  outre  mesure  par  les  uns, 
comprimés  ou  faussés  systématiquement  par  les  autres  ! 
La  place  nous  ferait  défaut  môme  pour  indiquer  tous  les 
problèmes  généraux,  à  plus  forte  raison  pour  descendre 
ici  dans  l'infini  détail  des  questions,  des  discussions,  des 
théories  auxquelles  donne  lieu  l'éducation.  On  les  trouvera 
exposées  chacune  à  leur  place  (V.  par  exemple  les  articles 
Caractère,  Discipline,  Ecole,  Enseignement,  Pédagogie). 
Sous  cette  dernière  rubrique  viendra  naturellement  la 
question  de  savoir  dans  quelle  mesure  il  y  a  une  «  science 
de  réducation  »  et  en  quoi  elle  consiste.  C'est  sous  ce 
titre,  on  le  sait,  qu'a  été  institué  chez  nous  récemment 
un  enseignement  public  de  la  philosophie  de  l'éducation. 
Remonter  aux  principes  d'une  part,  dégager  d'autre  part 
de  l'histoire  des  doctrines  et  des  institutions,  puis  de  l'ex- 
périence des  nations  diverses  les  règles  fondamentales  de 
l'éducation  ;  chercher  enfin  l'application  de  ces  principes 
et  de  ces  règles  à  nos  conditions  sociales  et  à  nos  mœurs, 
—  c'était  évidemment  un  des  grands  besoins  de  notre 
temps,  une  des  fonctions  de  l'enseignement  supérieur  dans 
notre  démocratie,  au  moment  oùTéducation  nationale,  sous 
toutes  ses  formes  et  à  tous  ses  degrés,  prenait  le  premier 
rang  parmi  les  préoccupations  publiques.  —  On  ne  trou- 
vera coordonnés  et  condensés  que  dans  les  ouvrages  spé- 
ciaux (et  dans  aucun  sans  doute  d'une  manière  complète 
ni  qui  satisfasse  absolument)  les  éléments  d'une  doctrine 
qui,  par  définition,  touche  à  tout,  emprunte  à  toutes  les 
sciences,  engage  tous  les  intérêts,  confine  à  la  fois  à  la 
plus  haute  philosophie  et  à  la  plus  humble  pratique,  enfin 
a  pour  elle  seule  ses  encyclopédies.  H.  Marion. 

BiBL,  :  Les  ouvrages  qui  traitent  de  Téducation  sont 
innombrables  en  France  et  à  l'étranger  :  la  liste  en  rem- 
plirait un  volume  de  la  Grande  Encyclopédie.  Les  plus 
importants  en  français  sont  analysés  dans  G.  Compayre, 
Hist.  critique  des  doctrines  de  Véducat.  en  France;  on  en 
trouvera  aussi  Findication  dans  Buisson,  Dictionnaire  de 
Pédagogie,  art.  Education.  Un  répertoire  excellent  parmi 
les  plus  récents  est  :  O.  Gré ard,  Education  et  Instruction; 
Paris,  1887-1889,  4  vol.  in-12.  En  Allemagne,  la  littérature 
pédagogique  est  plus  riche  encore,  ce  qui  ne  veut  pas  dire 
plus  intéressante,  ni  plus  originale.  Tout  le  medleur  en 
est  inspiré  par  VEmile  de  Rousseau.  Après  le  traite  de 
Kant,  il  faut  surtout  mentionner  les  Discours  de  Fictite  à 
la  nation  allemande.  En  Angleterre,  citons  les  ouvrages 
de  Herb.  Spencer,  Education  intellectual,  moral  andptiy- 
sical;  Londres,  1860,  in-8,  et  d'A.  Bain,  Education  as  a 
science,  1878,  in-8,  tous  deux  trad.  en  français.  En  Amé- 
rique, M.  Stanley  Hall  a  donné  Hints  Towards  a  sélect 
and  descriptive  Bibliography  of  Education;  Boston, _188b, 
in-12-  et  M  W.  H.  Payne,  Contributions  to  the  science 
or  Education  ;  New-York,  1886,  in-12.  Partout  enfin  abon- 
dent et  se  multiplient  de  jour  en  jour  les  publications  pé- 
riodiques spécialement  consacrées  aux  choses  de  1  édu- 
cation. V.  PÉDAGOGIE. 

ÉDUCATION  chrétienne  (Sœurs  de  F).  Neuf  maisons, 
cent  trente-sept  sœurs  (recensement  spécial  de  1861); 
maison  centrale  à  Argentan  (Orne). 

ÉDUENS  (V,  iEnui). 

ÉDUTS  (Les).  Com.  du  dép.  de  la  Charente-Inférieure, 
arr.  de  Saint-Jean-d'Angely,  cant.  d'Aulnay;  118  hab. 

EDWARDES  (Sir  Herbert-Benjamin),  officier  anglais,  né 
à  Frodesley  (Shropshire)  le  12  nov.  1819,  mort  à  Londres 
le  23  déc.  1868.  Entré  comme  cadet  en  1841  dans  l'in- 
fanterie du  Bengale,  il  occupa  ses  loisirs  à  l'étude  des 
dialectes  de  l'Inde  et  à  la  publication  dans  la  Delhi  Gazette 
d'articles  qui  furent  remarqués  (Letters  ofBrahminee  Bull 
in  India  to  his  cousin  John  in  England).  Il  entra  bientôt 
dans  l'état-major  de  sir  Hugh  Gough  et  prit  part  avec  lui 
aux  sanglants  combats  de  Moudkee  et  de  Sobraon.  Il  fut 
ensuite  attaché  à  Henry  Lawrence,  travailla  à  la  réforme 
de  l'administration  civile  et  gagna  une  grande  influence  sur 
les  indigènes.  En  1843,  il  réprima  presque  seul  et  sans 
autre  aide  que  celle  de  tribus  alliées  une  sérieuse  rébel- 
lion, gagnant  les  batailles  de  Kineyri  (18  juin)  et  de 
Sadusam  (3  juil.),  et  prenant  une  part  prépondérante  au 
siège  de  Multan.  Edwardes  fut  récompensé  de  ces  services 
par  le  brevet  de  major,  Tordre  du  Bain  et  une  médaille  d'or 


EDWARDES  -  EDWARDS 


—  584  — 


de  la  Compagnie  des  Indes.  Il  revint  en  1850  en  Angleterre, 
où  il  reçut  un  accueil  enthousiaste  et  publia  A  Year  on 
the  Punjab  Frontier  (Londres,  1850),  récit  de  ses  aven- 
tures. Il  retourna  en  1851  aux  Indes,  où  il  occupa  le  poste 
de  vice-commissaire  du  district  de  Djalandar  (Jalundhur). 
En  1853,  il  passa  en  même  qualité  à  Hazara,  puis  à 
Péichavèr  (Peschawer),  où  il  fut  chargé  de  négocier  un 
traité  avec  Dost  Mohammed,  et,  lors  de  la  grande  révolte 
de  1856,  réussit  à  maintenir  les  Afghans  dans  la  stricte 
neutralité.  Mais  il  s'était  tellement  surmené  qu'il  réclama 
son  rappel  en  1859.  Après  deux  années  passées  en  An- 
gleterre, il  fut  nommé  commissaire  d'Ambala  (Umballa), 
mais  il  dut  revenir  en  Europe  en  1865,  emportant  la 
renommée  d'un  administrateur  hors  ligne.  Il  fut  promu 
major-général  et  passa  les  trois  dernières  années  de  sa  vie 
fort  occupé  des  querelles  religieuses  suscitées  par  la  ques- 
tion du  ritualisme  dans  l'Eglise  anglicane.  R.  S. 

BiBL.  :  Memorials  of  the  Life  and  Letters  of  Major  gêne- 
rai sir  H.  Edv^ardes  ;  Londres,  1886.  —  Bosworth  Smith, 
Life  of  John  Lawrence.  —  Edwardes  et  Merivale,  Life 
of  Henry  Lawrence.  —  H.-G.  Këene,  Life  of  Edwardes, 
dansLeslie  Stephen,  t.  XVII. 

EDWARDS  (Richard),  poète  et  dramaturge  anglais,  né 
dans  le  Somers  et  vers  1523,  mort  à  Londres  le  31  oct.  1566. 
Il  étudia  à  l'université  d'Oxford  et  abandonna  le  barreau 
auquel  on  le  destinait  pour  s'occuper  de  musique.  Il  prit 
des  leçons  de  George  Etheridge,  devint  gentleman  de  la 
chapelle  royale  et  maître  des  enfants  de  la  chapelle.  En 
1564,  il  leur  fit  jouer  à  Richmond,  devant  Elisabeth,  une 
pièce  de  son  cru.  Deux  ans  après,  il  suivit  la  reine  dans 
son  voyage  à  Oxford  et  donna  en  son  honneur,  dans  un  des 
collèges  de  l'Université,  Palamon  and  Arcyte,  première 
tragédie  anglaise  sur  un  sujet  antique,  qui  excita  l'admira- 
tion générale.  Cette  pièce,  pas  plus  que  la  précédente,  ne 
nous  est  parvenue.  La  seule  qui  existe,  et  plusieurs  fois 
réimprimée,  parut  en  1571  sous  le  titre  The  Excellent 
Comédie  of  two  the  moste  fait  h  fui  lest  Freendes,  Da- 
mon  and  Pithias,  tragi-comédie  dont  Beaumont  et  Flet- 
cher  reprirent  et  développèrent  l'idée  plus  tard  dans  The 
Two  noble  Kinsmen,  Ses  poésies,  Eglogues,  Epi- 
grammes,  Sonnets,  Chansons,  non  dépourvues  de  grâce, 
étaient  fort  admirées  par  ses  contemporains  ;  aussi  Thomas 
Twine  appelait-il  Richard  Edwards  «  la  fleur  de  notre 
royaume,  le  phénix  de  notre  âge  ».  Il  eut  l'heureuse  idée 
de  réunir  sous  le  titre  Paradise  of  Dainty  Devices  les 
meilleures  poésies  de  son  temps,  ce  qui  sauva  beaucoup 
d'œuvres  charmantes  de  la  destruction.  Mais  il  oublia 
d'assurer  le  même  sort  aux  siennes,  car,  outre  ses  deux 
premières  pièces,  quantités  de  petites  histoires  comiques 
écrites  par  lui  ont  été  perdues.  Hector  France. 

EDWARDS  (Thomas),  poète  anglais  de  la  fin  du  xvi^  siè- 
cle. Il  est  l'auteur  de  deux  jolis  poèmes  :  Cephalus  and 
Procris  et  Narcissus,  publiés  en  un  volume  par  John 
Wolfe  en  1595,  et  dont  on  ne  connaît  qu'un  exemplaire, 
découvert  dans  la  bibliothèque  de  la  cathédrale  de  Peter- 
borough  en  1878.  Ce  Th.  Edwards  est  probablement  le 
même  que  l'auteur  de  cinquante-cinq  hexamètres  latins  sur 
les  villes  d'Italie,  qu'on  trouve  dans  le  Parvum  Theatrum 
Urbium  d'Adrianus  Romanus  (Francfort,  1595).  On  ne 
sait  d'ailleurs  rien  sur  sa  vie.  B.-H.  G. 

EDWARDS  (Thomas),  théologien  anglais,  né  en  1599, 
mort  le  24  août  1647.  Fougueux  puritain,  Edwards  fut  sou- 
vent persécuté  pour  ses  sermons  et  pour  ses  écrits,  dont  rien 
ne  saurait  dépasser  la  violence.  Celui  qui  eut  le  plus  de 
retentissement  est  intitulé  Gangrœna  ou  Catalogue  et  expo- 
sition de  nombreuses  erreurs,  hérésies,  propositions  blas- 
phématoires et  pratiques  pernicieuses  des  sectaires  de  ce 
temps;  la  première  partie,  publiée  en  1646,  fut  suivie  de 
deux  autres.  L'année  suivante,  l'intolérant  polémiste  jugea 
nécessaire  à  sa  sûreté  de  se  réfugier  en  Hollande  ;  mais  il 
mourut  de  la  fièvre  peu  après  y  être  arrivé. 

EDWARDS  (Charles),  écrivain  gallois,  mort  en  1691. 
Après  avoir  été  fellow  de  Jésus  Collège  (Oxford),  il  reçut 
un  bénéfice  en  1653  dans  le  pays  de  Galles,  mais,  après 


l'avènement  de  Charles  II,  il  fut  dépouillé.  Abandonné  (on 
ne  sait  pourquoi)  par  sa  femme  et  par  ses  enfants,  il  re- 
tourna à  Oxford  en  1666  et  se  consacra  dès  lors  tout  en- 
tier à  la  littérature  galloise.  Il  publia  en  1671  son  livre  le 
plus  connu,  H  ânes  y  Ffydd  Ddiffuant,  sorte  de  concor- 
dance des  œuvres  des  anciens  bardes  et  des  préceptes  du 
christianisme,  qui  a  eu  sept  éditions  (la  dernière  à  Carmar- 
then,  en  1856).  Il  semble  qu'à  la  fin  de  sa  vie  il  ait  été 
libraire.  Sa  curieuse  autobiographie,  intitulée  AnAfflicted 
Man's  testimony  concerning  his  troubles,  parut  en  1691, 
quelques  mois,  on  le  suppose,  avant  sa  mort.     Ch.-V.  L. 

EDWARDS  (John),  théologien  anglais,  né  à  Hertfordle 
26  févr.  1637,  mort  le  16  avr.  1716.  Il  prit  ses  grades  à 
Cambridge,  fut  ordonné  diacre  en  1661,  et  prêcha  avec 
grand  succès  à  l'église  de  la  Trinité  de  Cambridge.  Lectu- 
rer  à  Bury  S.  Edmunds  après  1664,  il  fut  obligé  de  se 
démettre,  à  cause  de  ses  opinions  calvinistes,  et  fit  alors  du 
droit.  Il  redevint  pasteur  à  la  paroisse  du  Saint-Sé- 
pulcre de  Cambridge,  puis  fut  nommé,  en  1683,  vicaire 
de  Saint-Pierre  à  Colchester,  situation  qu'il  abandonna  en 
1686  pour  se  livrer  entièrement  à  l'étude.  Il  a  écrit  un 
grand  nombre  d'ouvrages  et  acquis  une  renommée  consi- 
dérable dans  sa  sphère  spéciale.  Nous  citerons  seulement 
de  lui  :  Cometomantia  (i6M-,  in-4)  ;  A  Démonstration 
of  the  existence  and  Providence  ofGod  (1690,  in-8)  ; 
Some  Thoughts  concerning  the  several  causes  and  oc- 
casions of  atheism  (Londres,  1695,  in-4)  ;  Socinianism 
unmasked  (1696,  in-8);  The  Socinian  Creed  (1697, 
in-8);  Brie f  Remarks  on  Mr.  Whiston's  new  theory  of 
earth  (1697,  in-8);  ^oXu7co^/.'.Xo;  Socpia,  a  compleat 
history  of  ail  dispensations  and  methods  of  Religion 
(1699,  2  vol.  in-8)  ;  A  Free  Discourse  concerning  truth 
and  error  especially  in  matters  of  Religion  (1701, 
in-8)  ;  The  Arminian  Doctrines  condemned  by  the  Holy 
Scripture  (1711,  in-8);  Theologia  reformata  (1113, 
2voL  in-fol.),etc.  R.  S. 

EDWARDS  (Thomas),  écrivain  anglais,  né  en  1699, 
mort  le  3  janv.  1757.  Il  est  surtout  connu  par  sa  polé- 
mique avec  Warburton,  l'éditeur  de  Shakespeare,  dont  il 
avait  relevé  les  grotesques  audaces  dans  un  volume  intitulé 
The  Canons  of  criticism,  and  aglossary,  being  a  sup- 
plément to  sir  Warhurton's  édition  of  Shakspear 
(Londres,  1747  ;  7«  éd.,  1765).  On  a  d'Edwards  un  cer- 
tain nombre  de  Sonnets  et  une  volumineuse  correspondance 
avec  les  principaux  littérateurs  de  l'époque,  notamment 
Richardson. 

EDWARDS  (Jonathan),  théologien  anglais,  né  dans  le 
Connecticut  en  1703,  mort  en  1758.  Après  avoir  rempli, 
pendant  deux  ans,  les  fonctions  de  pasteur  dans  une  com- 
munauté congréganiste  à  New-York,  il  passa  quelque  temps 
au  collège  de  Y  aie  en  qualité  de  répétiteur  et  fut  appelé, 
en  1726,  à  Northampton  comme  suffragant  de  son  grand- 
père.  Il  y  resta  pendant  vingt-quatre  ans,  occupé  des  de- 
voirs du  ministère  sacré  et  de  l'étude  des  questions  théolo- 
giques ou  philosophiques.  En  1750,  à  la  suite  d'un  désaccord 
avec  les  membres  de  son  église  sur  les  conditions  de  l'ad- 
mission des  fidèles  à  la  table  sainte,  il  se  fit  missionnaire 
chez  les  Indiens.  A  son  retour,  en  1757,  il  fut  nommé 
président  du  collège  de  New-Jersey.  Il  conserva  cette  dignité 
jusqu'à  sa  mort.  Le  principal  ouvrage  d'Edwards  confine  à 
la  fois  à  la  théologie  et  à  la  philosophie,  An  Inquiry  in-- 
to  that  modem  prevailing  notion  of  that  freedom  of 
will  which  is  supposed  to  be  essential  to  moral  agency 
(1754).  C'est  un  exposé  des  idées  calvinistes  sur  la  ques- 
tion de  la  Hberté,  d'un  raisonnement  serré  et  d'un  style 
clair.  Naturellement  l'argumentation  d'Edwards  est  entiè- 
rement dirigée  contre  le  libre  arbitre.  V  History  of  Rédemp- 
tion parut  en  1778,  vingt  ans  après  sa  mort.      G.  Q. 

EDWARDS  (William),  ingénieur  et  prédicateur  anglais, 
né  à  Eglwysilaw  (comté  de  Glamorgan)  en  1719,  mort 
à  Eglwysilaw  en  1789.  Ayant  appris  la  construction  à 
Cardiff,  ville  où  il  fit  élever  plusieurs  usines,  William 
Edwards  revint  dans  son  pays  natal  vers  1744,  époque  où 


—  585  — 


EDWARDS 


il  essaya  d'édifier  un  pont  en  pierre  sur  le  Taff.Ce  premier 
pont  ayant  été  emporté  par  les  eaux  deux  ans  après  son 
achèvement,  Edwards  le  reconstruisit  en  métal  et  d'une 
seule  arche  de  140  pieds  de  portée;  après  un  nouvel  acci- 
dent ainsi  que  d'importantes  modifications  dans  sa  struc- 
ture, ce  pont  fut  achevé  en  1755  et  passa  alors  pour  le 
plus  remarquable  ouvrage  de  ce  genre  existant  dans  le, 
monde  entier.  A  la  suite  de  ce  succès,  Edwards  fut  appelé 
à  construire,  dans  le  S.  du  pays  de  Galles,  plusieurs  ponts, 
dont  il  arriva  à  réduire  notablement  la  flèche  des  arcs  et 
la  masse  des  piles,  en  conservant  cependant  toujours  à  la 
maçonnerie  de  ces  dernières  un  caractère  archaïque.  Ayant 
été  ordonné  ministre  de  la  secte  des  Indépendants ,  Wil- 
liam Edwards  prononça,  dans  les  dernières  années  de  sa 
vie,  de  nombreux  sermons,  tous  en  langue  gaélique  et  qui 
excitèrent  un  grand  enthousiasme.  —  David  Edwards,  se- 
cond fils  et  élève  de  William,  fit  construire  les  ponts  de 
Landélo  sur  le  Towy  et  de  Newport  sur  le  Usk.  Ch.  Lucas. 
EDWARDS  (Edward),  peintre  et  graveur  anglais,  né 
à  Londres  le  7  mars  1738,  mort  à  Londres  le  19  déc. 
1806.  Il  était  fils  d'un  ébéniste,  dont  il  commença  par 
apprendre  le  métier.  Mais  son  père  lui  fit  donner  des  leçons 
de  dessin,  et,  en  1759,  on  le  trouve  étudiant  la  peinture 
dans  la  galerie  du  duc  de  Richmond.  En  1773,  il  devint 
membre  de  la  Royal  Academy.  Parmi  ses  principaux 
tableaux  on  cite  :  Bacchus  et  Ariane  ;  une  Partie  de 
chasse  dans  laquelle  il  a  placé  les  portraits  du  duc  de 
Beaufort  et  de  ses  fils,  etc. 

EDWARDS  (Bryan),  marchand  et  historien  anglais,  né 
à  Westburv  (Wiltshire)  le  21  mai  1743,  mort  à  Sou- 
thampton  le  15  ou  16  juil.  1800.  Ayant  hérité  d'un  oncle 
fort  riche,  colon  à  la  Jamaïque,  il  prit  une  grande  part  à  la 
pohtique  locale  dans  cette  colonie.  Il  revint  une  première 
fois  en  Angleterre  en  4782  pour  disputer  à  un  protégé 
du  duc  de  Richmond  le  bourg  pourri  de  Chichester,  et,  en 
1792,  pour  s'étabUr  définitivement  dans  l'île  comme  ban- 
quier, à  Southampton.  Elu  membre  de  la  Chambre  des 
communes  en  1796  pour  le  bourg  cornouaillais  de  Gram- 
pound,  il  parla  en  faveur  du  maintien  de  l'esclavage.  Il  est 
surtout  connu,  comme  historien,  par  son  History  of  the 
british  coloniesin  the  West  J?iciz^s (1793).  La  cinquième 
édition  de  cet  ouvrage  est  de  1819.  Edwards  a  publié 
aussi  en  1797  une  Histoire  de  la  colonie  française  de 
Saint-Domingue  qui  l'entraîna  dans  d'assez  vives  polé- 
miques avec  des  Français,  M.  Venault  de  Charmilly  par 
exemple.  On  dit  aussi  qu'il  aida  Mungo  Park  à  rédiger  le 
récit  de  ses  expéditions  en  Afrique.  Ch.-V.  L. 

EDWARDS  (Arthur),  archéologue  anglais,  mort  à  Lon- 
dres le  22  juin  1743.  Membre  de  la  Société  des  antiquaires 
en  1725,  il  fut  le  collaborateur  assidu  de  lord  Winchelsea 
et  du  D^'  Stukeley  (V.  ces  noms).  Il  est  connu  aussi  par 
le  legs  important  (175,000  fr.)  qu'il  fit  à  la  Cotton  Li- 
brary,  11  appartenait  à  l'armée  et  parvint  au  grade  de 
major  des  horse  guards, 

EDWARDS  (John),  poète  gallois,  appelé  par  ses  com- 
patriotes SioN  Ceiriog,  né  à  Crogen  Wladys  en  1747,  mort 
en  1792.  Il  fut,  avec  Owen  Jones  (Myfyr)  et  Robert 
Hughes  (Robin  Ddu  o  Fon),  un  des  trois  fondateurs  de  la 
Venedotian  Society,  en  l'honneur  de  laquelle  il  composa 
une  ode,  et  dont  il  fut  tour  à  tour  secrétaire  et  président. 
EDWARDS  (John),  poète  irlandais,  né  en  1751,  mort 
en  1832.  On  a  de  lui,  entre  autres  ouvrages  en  vers,  une 
tragédie,  Abradates  andPanthea  (1808),  et  un  poème, 
The  Patriot  Soldiers.  Il  était  heutenant-colonel  de  dra- 
gons dans  l'armée  volontaire  d'Irlande.  Son  livre,  Inter- 
ests  of  Ireland  (1815)  peut  encore  être  consulté  avec 
fruit.  B.-H.  G. 

EDWARDS  (George),  médecin  et  publiciste  anglais,  né 
en  1752,  mort  à  Londres  le  17  févr.  1823.  Il  a  laissé  un 
grand  nombre  d'écrits  politiques  où  il  expose  des  idées  de 
réformes  sociales  et  des  plans  de  bonheur  universel  qui 
font  plus  d'honneur  à  son  cœur  qu'à  sa  raison.  On  a  de 
lui,  en  français,  une  Adresse  aux  Citoyens  français  sur 


la  Nouvelle  Constitution,  et  Idées  pour  former  une 
Nouvelle  Constitution  et  pour  assurer  la  prospérité 
et  le  bonheur  de  la  France  et  d'autres  nations 
(Paris,  1793). 

EDWARDS  (James),  libraire  et  bibliographe  anglais,  ne 
en  1757,  mort  à  Harrow  le  2  janv.  1816.  Un  grand 
nombre  de  bibliothèques  célèbres  furent  vendues  par  ses 
soins  ;  citons  seulement  celles  de  Pinelli,  de  Venise,  de 
Salichetti,  de  Rome,  de  Meyzien,  de  Paris  et  de  la  duchesse 
de  Portland.  Les  catalogues  d'Edwards  sont  encore  aujour- 
d'hui précieux  pour  les  bibliographes.  Il  était  l'ami  de 
Dibdin,  qui  le  peint  sous  le  nom  de  Rinaldo.  Il  se  retira 
des  affaires  vers  1804,  et  eut  pour  successeur  Robert  Har- 
ding  Evans.  B.-H.  G. 

EDWARDS  (Sydenham-Teak),  peintre  anglais,  né  vers 
1768,  mort  le  8  févr.  1819.  Il  a  dessiné  pour  des  ouvrages 
sur  l'histoire  naturelle,  et  a  collaboré  au  Botariical  Maga- 
zine et  au  Cynographia  Britannica,  puis  s]est  surtout 
consacré  au  Botanical  Register,  fondé  par  lui. 

EDWARDS  (William-Frédéric),  médecin  et  philosophe, 
né  à  la  Jamaïque  en  1777,  mort  à  Versailles  le  23  juil. 
1842.  Reçu  docteur  à  Paris  en  1815,  il  se  livra  à  des 
travaux  de  physiologie  qu'il  présenta  à  l'Académie  des 
sciences  et  qui  furent  plusieurs  fois  récompensés.  Les  plus 
importants  de  ces  travaux  sont  réunis  dans  de  r Influence 
des  agents  physiques  sur  la  vie  (Paris,  1824,  in-8). 
Citons  encore  :  des  Caractères  physiologiques  des  races 
humaines  (Paris,  1829,  in-8)  ;  Recherches  sur  les 
langues  celtiques  (Paris,  1844,  in-8).  Edwards^  était 
membre  de  l'Académie  de  médecine  et  de  l'Académie  des 
sciences  morales  et  poHtiques.  D^  L.  Hn. 

EDWARDS  (Henri-Milne),  célèbre  zoologiste  français, 
frère  du  précédent,  né  à  Bruges  le  23  oct.  1800,  mort  à 
Paris  le  29  juil.  1885.  Reçu  docteur  en  médecine  à  Paris 
en  1823,  il  se  livra  quelque  temps  à  la  pratique  et  publia 
plusieurs  ouvrages  de  vulgarisation  médicale,  puis  par  ses 
Recherches  anatomiques   sur    les    Crustacés   (Paris, 
1828)  inaugura  sa  carrière  de  naturaHste.  En  1838,  il 
succéda  à  Cuvier  à  l'Académie  des  sciences,  puis  en  1841 
obtint  la  chaire  d'entomologie  du  Muséum,  en  1843  celle 
d'entomologie  et  de  physiologie  comparées  à  la  Faculté  des 
sciences;  en  1862,  il  succéda  au  Muséum  à  Geoffroy 
Saint-Hilaire  dans  la  chaire  de  zoologie  et  fut  nommé,  en 
1864,  directeur  de  cet  établissement.  En  1854,  il  fut  élu 
membre  associé  libre  de  l'Académie  de  médecine  ;  en  1861, 
il  obtint  la  croix  de  commandeur  de  la  Légion  d'honneur. 
—  Henri-Milne  Edwards  dirigea,  depuis  1837,  la  partie 
zoologique  des   Annales  des  sciences  naturelles,  qui 
renferment  une  foule  de  mémoires  de  lui.  Parmi  ses  ou- 
vrages les  plus  importants,  nous  nous  bornerons  à  signa- 
ler :  Eléments  de  zoologie,  ou  Leçons  sur  l'anatomie, 
la  physiologie,  la  classification,  etc.,  des  animaux 
(Paris,  1834-35,  en  4  part,  in-8  ;  nouv.  éd.  sous  fe  titre: 
Cours  élémentaire  de  zoologie,  1851,  in-12,  fig.); 
Histoire  naturelle  des  Crustacés,  etc.  (Paris,  1837-41, 
3  vol.  in-8,  av.  pi.)  ;  Histoire  naturelle  des  Coralliaires 
ou  Polypes  proprement  dits  (Paris,  1858-60,  3  vol. 
in-8,  av.  pi.)  ;  Recherches  pour  servir  a  l'histoire  des 
Mammifères  (Paris,  1868-74,  2  vol.  in-4,  texte  et  atlas)  ; 
il  rédigea  avec  Deshayes  Y  Histoire  naturelle  des  ani- 
maux sans  vertèbres  deLamarck  (Paris,  1836-45, 11  vol. 
in-8).  Son  ouvrage  le  plus  considérable,  ses  Leçons  sur 
la  physiologie  et  Vanatomie  comparées  de  l'homme 
et  des  animaux  (Paris,  1855-1884,  14  vol.  in-8),  n'a 
été  terminé  que  peu  avant  sa  mort.  —  Milne  Edwards  le 
premier  a  nettement  exprimé  le  principe  de  la  division  du 
travail  physiologique  et  montré  que  cette  division  devait 
être  le  critérium  du  degré  de  perfection  de  chaque  espèce  et 
du  rang  qu'elle  doit  occuper  dans  l'échelle  des  êtres.  Dans 
son  hitroduction  à  la  zoologie  générale  (1853),  il  expose 
ses  idées  sur  le  plan  du  monde  animé  et  sur  la  création  des 
êtres  ;  il  rejette  comme  trop  hypothétique  les  doctrines  mo- 
dernes de  l'évolution  et  du  transformisme.     D"^  L.  Hn. 


EDWARDS 


—  586  — 


BiBL.  :  Berthelot,  Eloge  de  Milne  Edwards,  dans  Ac. 
des  sciences^  déc.  1891. 

EDWARDS  (Lewis),  théologien  et  publiciste  gallois,  né 
en  4809,  mort  en  4887.  Il  appartenait  à  la  secte  des  mé- 
thodistes calvinistes,  peu  nombreux  dans  son  pays.  Il  créa 
et  dirigea  Bala  Collège  pendant  cinquante  ans.  La  plus  im- 
portante des  revues  écrites  en  gallois,  Y  Traethodydd  ou 
Tfie  Essayiste  fut  fondée  par  lui,  et  il  y  inséra  de  remar- 
quables études  sur  différents  sujets  littéraires  et  philoso- 
phiques qui  ont  été  réunies  en  deux  volumes  in-8  (4867). 
Il  est  aussi  le  fondateur  d'une  feuille  populaire,  intitulée 
Geiniogwerth  (le  Journal  à  deux  sous).  B.-H.  G. 

EDWARDS  (Edward),  publiciste  et  bibliographe  anglais, 
né  en  4842,  mort  en  4886.  Un  écrit  de  lui  sur  le  Britisfi 
Muséum  lui  valut  d'être  désigné,  avec  John-Winter  Jones, 
Thomas  Watts  et  Serjeant  Parry,  pour  établir,  sous  la 
direction  de  Panizzi,  les  bases  du  catalogue  de  la  grande 
bibliothèque  londonienne.  Il  avait  auparavant  travaillé, 
pour  les  propriétaires  du  procédé  Collas  en  Angleterre,  à 
un  grand  ouvrage  sur  les  sceaux  anglais  et  sur  les  mé- 
dailles frappées  en  France  pendant  le  premier  Empire. 
Nommé,  en  4850,  bibliothécaire  de  la  première  Free  Li- 
brary^  qui  venait  d'être  fondée  à  Manchester,  il  ne  s'en- 
tendit pas  longtemps  avec  les  directeurs  et  donna  sa  démis- 
sion en  d858.  Il  fut  occupé  pendant  quelques  années  à 
cataloguer  la  bibHothèque  de  Queen's  Collège,  à  Oxford,  et 
passa  le  reste  de  sa  vie  à  Niton,  dans  l'Ile  de  Wight,  pour- 
suivant jusqu'à  la  fin  ses  études  bibliographiques.  On  lui 
doit  des  travaux  d'une  grande  valeur,  tels  que  Memoirs  of 
Libraries  (4859)  avec  son  complément  :  Libraries  and 
their  Founders  (4865);  une  biographie  de  sir  Walter 
Raleigh  (4865,  2  vol.)  ;  Chapters  on  the  Biographical 
History  ofthe  French  Academy  (4864),  et  Lives  ofthe 
Founders  ofthe  British  Museujn  (4870).     B.-H.  G. 

EDWARDS  (Henry-Sutherland),  publiciste  et  littérateur 
anglais  contemporain,  né  à  Londres  en  4828.  Envoyé  comme 
correspondant  d'un  journal  au  couronnement  de  l'empereur 
Alexandre  II,  il  fit  un  long  séjour  en  Russie  et  publia 
The  Russians  at  home  (Londres,  4858  ;  nouv.  éd.,  4879). 
Il  y  retourna,  en  qualité  de  correspondant  du  Times,  à 
l'époque  de  l'émancipation  des  serfs,  puis  assista  à  toutes 
les  péripéties  de  l'insurrection  polonaise  de  4863,  dont  il 
a  écrit  une  intéressante  histoire  intime  :  Private  History 
of  a  Polish  insurrection  (1865,  2  vol.).  Pendant  la 
guerre  de  4870-4874,  il  suivit  toutes  les  opérations  mili- 
taires dans  les  camps  allemands  et  en  publia  une  relation 
critique  sous  le  titre  de  The  Germans  in  France  (4874). 
A  l'occasion  de  la  guerre  russo-turque,  il  exposa  ses  vues 
sur  la  question  d'Orient  dans  The  Slavonian  Provinces  of 
Turkey  (4876).  Grand  connaisseur  en  musique,  il  publia 
sur  ce  sujet  plusieurs  ouvrages  de  mérite  :  History  ofthe 
Opéra  (4862,  2  vol.);  Life  of  Rossini  (4869);  Rossini 
and  his  school  (4884);  The  Lyrical  Brama;  essays  on 
subjects,  composers  and  exécutants  of  the  modem 
opéra  (4884,  2  vol.).  Il  s'était  encore  fait  connaître  comme 
romancier  par  les  ouvrasjes  suivants  :  The  Three  Louisas 
(1866,  3  vol.);  The  Governor's  daughter  {iS6S,  2  vol.); 
Matvina (i SU, 3 \ol).  G.  P-i, 

EDWARDS  (Amélia  Blandford),  romancière  anglaise  et 
égyptologue  distinguée,  née  à  Londres  en  4834.  Elle  dé- 
buta très  jeune  dans  les  revues  et  les  journaux,  et  son  pre- 
mier roman,  My  Brother's  Wife,  paru  en  4855,  obtint 
du  succès  et  fut  suivi  d'une  douzaine  d'autres,  dont  voici 
les  titres  :  Hand  and  Glove  (4859)  ;  Barbara  History 
(4864)  ;  Half  a  Miltion  of  Money  (4865)  ;  Bebenham's 
Voiv  (4869)  ;  In  the  Bays  of  my  Youth  (4873)  ;  Mon- 
sieur Maurice  (4873)  ;  Lord  Brackenbury  (4880).  En 
4865,  elle  publia  un  volume  de  Ballades^  puis  en  4873  et 
4877  deux  livres  de  voyages,  Untrodden  Peaks  and  Un- 
frequented  Valleys  et  A  Ihousand  Miles  up  the  Nile. 
Miss  AméUa  Edwards  mena  une  existence  fort  active  ;  en 
4889,  elle  faisait  dans  les  grandes  villes  des  Etats-Unis 
une  série  de  conférences  sur  la  terre  des  pharaons.  Elle 


fut  une  des  fondatrices  de  la  Société  d'exploration  égyp- 
tienne (Egypt  Exploration  Fund)  et  écrivit  de  nom- 
breux et  intéressants  articles  sur  ce  sujet  au  journal  The 
Academy  et  à  VEncyclopedia  Britannica.  Elle  est,  en 
outre,  membre  de  la  Biblical  Archeological  Society,  de 
la  Society  for  the  Promotion  of  Hellenic  Stndies,  et 
vice-présidente  de  la  Bristol  and  West  England  Natio- 
nal Society  for  Women's  Suffrage.  La  plupart  de  ses 
livres  comptent  plusieurs  éditions  et  ont  été  traduits  en 
français,  en  allemand  et  en  russe.  Hector  France. 

EDWARDS  (Alphonse  Milne-),  naturaliste  français  con- 
temporain, fils  de  Henri-Milne  Edwards,  né  à  Paris  le 
43  oct.  4835.  Docteur  en  médecine  de  la  faculté  de  Paris 
en  4860,  docteur  es  sciences  en  4864,  il  fut  nommé  aide- 
naturahste  au  Muséum  d'histoire  naturelle  en  4862,  agrégé 
de  l'Ecole  supérieure  de  pharmacie  en  4864,  professeur 
titulaire  de  zoologie  à  ladite  Ecole  en  4865,  directeur  ad- 
joint du  laboratoire  de  zoologie  de  l'Ecole  des  hautes  études 
en  4869,  et  directeur  en  4880,  professeur  de  zoologie  au 
Muséum  d'histoire  naturelle  en  4876,  membre  de  l'Institut 
en  4879,  membre  de  l'Académie  de  médecine  en  4885, 
et  enfin  directeur  du  Muséum  d'histoire  naturelle  en  4  892. 
Ses  premiers  travaux  se  rapportent  à  la  physiologie  médi- 
cale, ainsi  :  Influence  de  la  proportion  de  phosphate  de 
chaux  contenu  dans  les  alimeîits  sur  la  formation  du 
cal  (4856)  ;  Etudes  chimiques  et  physiologiques  sur  les 
os  (4860),  etc.  M.  Alph.  Milne-Edwards  a  publié  depuis 
une  longue  suite  d'ouvrages  et  de  mémoires  consacrés  à 
l'anatomie  des  mammifères,  à  la  zoologie  en  général  et  à 
la  paléontologie.  Nous  citerons  les  principaux  :  Recherches 
anatomiques,  zoologiques  et  paléontologiques  sur  la  fa- 
mille des  chevrotains  (4868)  ;  Observations  sur  quelques 
points  de  V embryologie  des  lémuriens  (4874)  ;  V\e- 
cherches  pour  servir  a  l'histoire  des  mammifères  {iÈ6S)  ; 
Recherches  anatomiques  et  paléontologiques  pour  ser- 
vir à  l'histoire  des  oiseaux  fossiles  de  la  France 
(4866-74).  L'exploration  des  grandes  profondeurs  de  la 
mer,  en  ce  qui  concerne  leur  population  zoologique,  a  été 
l'objet  de  plusieurs  missions  dirigées  par  M.  Alph.  Milne- 
Edwards  de  4880  à  4883,  missions  dans  lesquelles  il  a  pu 
explorer  le  golfe  de  Gascogne  et  l'océan  Atlantique  jus- 
qu'au Sénégal,  la  Corse,  etc.  Des  animaux  variés  ont  été 
capturés  jusqu'à  5,000  m.  et  des  centaines  de  formes  nou- 
velles sont  venues  s'intercaler  entre  des  types  que  l'on 
supposait  fort  distincts.  L'auteur  a  déjà  fait  connaître 
entre  autres  les  modifications  des  organes  des  sens  que 
présentent  les  animaux  des  grandes  profondeurs.  Ajoutons 
que  ces  campagnes  de  dragages  sont  en  cours  de  publi- 
tion  sous  le  titre  de  Expéditions  scientifiques  du  «  Tra- 
vailleur »  et  du  «  Talisman  ».  D^  A.  Bureau. 

EDWARDS  (Miss  Matilda-Barbara  Betham),  femme  de 
lettres  anglaise,  née  à  Westerfield  (Suffolk)  en  4836. 
Elle  a  fourni  aux  journaux  et  magazines  anglais  un  grand 
nombre  de  romans  qui  ont  eu  un  succès  considérable  et 
dont  quelques-uns  ont  été  traduits  en  plusieurs  langues. 
Nous  citerons  parmi  les  plus  connus  :  The  White  House  by 
the  Sea,  John  and  /,  Boctor  Jacob,  Kitty,  Love  and 
Mirage,  etc.  Dans  d'autres  genres,  elle  a  publié  :  A  Winter 
with  the  Swallows  in  Algeria,  A  Year  in  Western 
France,  The  Roof  of  France,  des  Poems  et  une  édition 
des  Voyages  en  France  d'Arthur  Young  (Londres,  4889). 

EDWARDS  (F.),  journaliste  français  contemporain,  né 
à  Constantinople  le  40  juil.  ^1856.  Fils  d'un  riche  financier 
anglais  établi  en  Orient  et  d'une  mère  française,  il  a  fait 
ses  études  à  Paris,  au  lycée  Bonaparte,  et  entra  au  Figaro, 
en  4876,  pour  y  inaugurer  le  grand  reportage  à  la  façon 
américaine.  En  4879,  il  passa  au  Gaulois  comme  reporter 
en  chef  et  fut  ensuite,  pendant  plus  de  deux  ans,  secrétaire 
de  la  rédaction  du  Clairon,  dirigé  par  M.  Cornély.  Après 
avoir  fondé  un  journal  anglais  d'informations,  The  Morning 
News,  il  a  créé,  en  4884,  sur  le  même  type,  le  Matin, 
qui  a  conquis  de  suite  une  place  importante,  en  raison  de 
l'originalité  de  sa  conception  et  surtout  à  cause  de  ses 


—  587  — 


EDWARDS  —  EECKHOUT 


articles  de  fond  rédigés  à  tour  de  rôle  par  des  journalistes 
appartenant  à  tous  les  partis  politiques,  tels  que  MM.  Jules 
Simon,  Cornély,  Paul  de  Cassagnac,  Jules  Vallès,  John 
Lemoine,  Emm.  Arène,  A.  Ranc,  H.  Maret,  J.  Delafosse, 
Ch.  Laurent  et  le  chroniqueur  Aurélien  Scholl.     G.  P-i. 

EDWARSIA.  I.  Zoologie.  —  (Edwarsia  Qmtveî^ges). 
Genre  de  Zoanthaires  constitué  par  de  petites  Actinies  à  seize 
tentacules.  Leur  corps,  plus  ou  moins  claviforme,  plus  gros 
en  arrière  qu'en  avant,  présente  huit  sillons  longitudinaux 
séparés  par  huit  arêtes  sur  lesquelles  se  voit  une  rangée 
de  petites  épines  ;  il  est  divisé  en  trois  régions.  Le  segment 
antérieur,  sorte  de  petite  tête,  a  des  téguments  délicats  et 
porte  les  tentacules.  Le  moyen,  ou  tronc,  est  protégé  par 
une  enveloppe  de  nature  chitinoïde.  Enfin ,  la  région  pos- 
térieure, ou  vésicule  terminale,  est  plus  renflée,  trans- 
parente et  rétractile  ;  elle  est  dépourvue  de  pore.  La  larve 
est  le  calliphobe  Busch.  —  Il  y  a  trois  espèces  :  VE.  Cla- 
paredii  (Vmo-.)  Andr.  présente  des  tentacules  de  1  centim. 
de  long,  tachetés  ;  la  tête,  jaune-rouge,  montre  huit  points 
blancs  jaunâtres  et  des  sillons  vers  son  extrémité  posté- 
rieure ;  le  corps,  qui  peut  atteindre  6  centim.,  est  d'un 
jaune  sale,  et  la  vésicule  postérieure  est  très  déhcate.  Cette 
espèce  se  trouve  dans  la  Méditerranée,  dans  le  sable,  le 
creux  des  rochers,  sur  les  zostères,  etc.    J.  Kunstler. 

II.  Botanique.  —  Genre  de  Légumineuses-Papilio- 
nacées,  établi  par  Salisbury  pour  certaines  espèces  de 
Sophora  (V.  ce  mot)  qui  ont  l'étendard  plus  court  que 
la  carène  et  les  gousses  parcourues  par  quatre  ailes  longi- 
tudinales. VE.  grandiflora  Salisb.  (Sophora  tetraptera 
Willd.)  est  un  arbuste  de  la  Nouvelle-Zélande  que  l'on 
cultive  fréquemment  dans  les  orangeries  pour  ses  belles  et 
grandes  fleurs  jaunes,  disposées  en  grappes  pendantes. 

EDWIN,  roi  de  Northumbrie,  né  vers  585,  mort  en  633. 
Fils  de  OElla,  roi  de  Deira,  il  fut  chassé  de  ses  Etats  pendant 
son  enfance  par  le  roi  de  Bernicie  et  trouva  un  refuge  chez 
le  roi  de  Mercie,  puis  chez  celui  d'Est  Anglie,  Radwald, 
qui  refusa  de  le  livrer  aux  Berniciens,  et,  à  la  suite  de  vic- 
toires décisives  sur  ceux-ci,  lui  restitua  même  son  royaume. 
Edwin  réunit  le  Deira  à  la  Bernicie  sous  son  sceptre,  avec 
York  comme  capitale.  Il  s'étendit  ensuite  dans  toutes  les 
directions  ;  il  s'annexa  l'Ecosse  jusqu'à  Edimbourg  ;  il  en- 
leva aux  Bretons  le  West  Riding  de  Yorkshire  ;  après  la 
mort  de  Radwald,  il  exerça  sa  souveraineté  sur  l'Est  An- 
glie. En  625,  il  épousa  Aethelborh,  fille  d'Aethelbert,  le 
premier  roi  chrétien  de  Kent.  La  reine  amena  à  sa  suite  à 
la  cour  d'York  des  missionnaires  chrétiens,  entre  autres 
Paulinus,  évêque.  Edwin  promit  de  se  convertir  à  la  reli- 
gion du  Christ  si  celui-ci  lui  donnait  la  victoire  dans  sa 
guerre  contre  le  roi  des  Saxons  de  l'Ouest.  Il  fut  vainqueur 
et  devint  ainsi  souverain  de  toute  l'Angleterre,  le  Kent 
excepté,  où  régnait  son  beau-père  :  Bède  le  compte,  dans 
sa  Chronique,  comme  le  cinquième  des  princes  (qu'il  appelle 
Bretwalda)  qui  ont  exercé  une  suprématie  effective  sur 
tous  les  autres  rois  de  l'île.  Il  reçut  le  baptême  des  mains 
de  Paulinus,  le  premier  archevêque  d'York,  et  fit  détruire, 
avec  l'assentiment  de  son  luitan,  les  temples  des  anciens 
dieux.  L'empire  d'Edwin  se  convertit  presque  tout  entier 
(sauf  la  Bernicie)  à  son  exemple.  Mais  le  roi  païen  de  Mer- 
cie, Penda,  se  posa  en  champion  des  vieilles  divinités  per- 
sécutées :  la  grande  bataille  d'Heathfield  (près  de  Doncaster) 
fut  désastreuse  pour  les  chrétiens.  Edwin  fut  tué  avec  son 
fils  aîné;  son  empire  fut  dissous;  le  christianisme  disparut 
pour  longtemps  du  royaume  du  Nord  (42oct.  633).  Le  roi 
martyr,  dont  Bède  le  Vénérable  fait  le  plus  grand  éloge, 
est  honoré  par  l'Eglise  le  4  oct.  (V.  les  Acta  sanctorum 
des  Bollandistes,  VP  vol.  d'oct.,  p.  108).        Ch.-V.  L. 

EDWIN  (Sir  Ilumphrey),  lord-maire  de  Londres,  né  à 
Ilereforden  4642,  mort  le  14  déc.  1707.  Riche  marchand 
de  laine,  il  fut  nommé  alderman  de  la  Tour  le  11  oct. 
1687  et  la  même  année  sherifl*  du  Glamorganshire.  En 
1688,  il  devenait  sheriff  de  Londres  et  Middlesex  ;  en  1689, 
commissaire  de  l'excise,  et  était  élu  lord-maire  le  30  sept. 
1697.  Il  présida,  en  cette  qualité,  à  la  magnifique  entrée 


de  Guillaume  III  de  retour  en  Angleterre  après  le  traité  de 
Ryswick.  D'opinions  non  conformistes,  Edwin  eut  de  reten- 
tissants démêlés  avec  l'Eglise  d'Angleterre,  et  ces  querelles 
donnèrent  Heu  à  une  infinité  de  pamphlets  où  se  distin- 
guèrent Swift  (Taie  ofa  Tub)  et  de  Foe  (An  Enquirij  into 
the  occasional  conformity  of  Dissenters  in  cases  of 
prefermcnt,  etc.).  R«  S. 

EDWY,  roi  des  Anglo-Saxons,  mort  en  955.  Il  succéda 
à  son  oncle  Edred  (V.  ce  nom)  à  1  âge  de  quinze  ans  en- 
viron, en  955.  On  le  surnomma  le  Beau.  Le  jour  de  son 
couronnement,  il  quitta  la  salle  du  banquet  pour  aller  avec 
des  femmes  :  il  fallut  que  saint  Dunstan  le  ramenât  près 
de  ses  hôtes  en  le  tirant  par  l'oreille.  A  l'instigation  de 
l'une  des  femmes  en  question,  Dunstan  fut  banni  et  Edwy 
épousa  une  certaine  Aelfgifu.  Le  gouvernement  alla  à  la 
dérive.  Il  y  eut  en  957  une  insurrection  de  la  Mercie 
et  de  la  Northumbrie  qui  se  termina  par  un  compromis. 
Edwy  dut  se  séparer  de  sa  femme  et  se  contenter  du  pays 
situé  au  S.  de  la  Tamise;  le  Nord  fut  régi  désormais  par 
Edgar,  frère  cadet  du  roi.  Celui-ci  mourut  le  9  oct.  959, 
sans  enfants,  et  fut  enterré  à  Winchester.  Les  chroniqueurs 
monastiques  du  parti  de  Dunstan  ont  naturellenent  maltraité 
sa  mémoire;  mais  Henry  de  Huntingdon,  qui  est  souvent 
l'écho  d'anciennes  traditions  populaires  saxonnes,  parle  de 
lui  avec  attendrissement.  Ch.-V.  L. 

EDZARD  (Esdras),hébraïsant  allemand,  né  à  Hambourg 
le  26  juin  1629,  mort  le  2  janv.  1708.  H  acquit  à  Leip- 
zig, à  Bâle  et  à  Strasbourg,  entre  les  années  1647  et 
1655,  une  grande  connaissance  de  l'hébreu  et  d'autres 
langues  orientales.  Sa  fortune  lui  permit  de  vivre  indé- 
pendant à  Hambourg  ;  il  y  enseignait  d'une  manière  toute 
privée  l'hébreu,  et  un  grand  nombre  d'étudiants  séjour- 
nèrent à  Hambourg  uniquement  pour  le  fréquenter.  Au 
dernier  tiers  du  xvii®  siècle,  la  plupart  des  chaires  de 
langues  orientales  étaient  occupées  par  des  élèves  d'Edzard. 
De  là  sa  renommée  ;  il  n'a  publié  que  quelques  opuscules 
de  controverse  ;  il  considérait  comme  le  but  de  sa  vie  la 
conversion  des  Juifs.  F. -H.  K. 

BiBL.  :  C.-W.  Gleiss,  Esdr.  Edzard  ;  Hambourg,  1871, 

2o  éd.  —  D'-  H.  RiNN,  Der  Hamburger  Judenfreund  Esdr. 

Edzard,  dans  Nathanaël  ;  Karlsrulie,  1886,  pp.  05  et  suiv. 

EECKE.  Com.  du  dép.  du  Nord,  arr.  de  Hazebrouck, 

cant.  de  Steenvoorde;  1,'172  hab. 

EECKEREN.  Com.  de  Belgique,  prov.  et  arr.  d'Anvers  ; 
5,000  hab.  Stat.  du  ch.  de  fer  d'Anvers  à  Rotterdam. 
Fabriques  de  chicorée;  tanneries,  moulins  à  huile  et  à 
farine.  Le  30  juin  1703,  le  maréchal  de  Boufflers  défit  à 
Eeckeren  une  armée  hollandaise  commandée  par  le  général 
Obdam . 

EECKHOUT  (Gerbrand  Van  den),  peintre  et  graveur 
hollandais,  né  à  Amsterdam  le  19  août  1621,  mort  le 
22  sept.  1674.  Pour  les  admirateurs  passionnés  des  élé- 
gances itahennes,  Van  den  Eeckhout  est  un  maître  dont 
l'idéal  indulgent  a  fait  trop  bon  accueil  aux  formes  vulgaires 
et  qui  ne  s'est  pas  suffisamment  défendu  contre  l'invasion 
de  la  laideur  ;  mais  pour  ceux  qui  tiennent  compte  de  l'his- 
toire et  qui  acceptent  le  génie  hollandais,  ce  peintre,  au 
pinceau  résolu,  aux  colorations  chaleureuses,  sera  toujours 
un  des  meilleures  élèves  de  Rembrandt,  un  de  ceux  qui  ont  i 
le  mieux  appliqué  ses  méthodes.  Fils  d'un  orfèvre  d'Ams- 
terdam, il  entra  jeune  dans  l'atelier  de  Rembrandt,  et  il  fut 
toujours  fidèle  aux  leçons  de  son  maître.  Il  lui  emprunte  sa 
manière  de  peindre  et  sa  façon  de  penser  ;  il  lui  prend  non 
seulement  sa  couleur,  mais  ses  types  et  le  bizarre  orienta- 
lisme de  ses  costumes,  quand  il  raconte  des  scènes  bibliques, 
sorte  de  sujets  qu'il  a  traités  avec  une  véritable  prédilec- 
tion. Van  den  Eeckhout  a  peint  aussi  des  portraits,  dans 
lesquels  le  sentiment  moral  n'est  pas  creusé  très  profond 
et  qui  ne  donnent  que  l'aspect  physique  du  personnage, 
mais  où  l'exécution,  la  force  du  pinceau  et  la  manière 
d'éclairer  les  chairs  révèlent  un  artiste  tellement  conquis 
par  Rembrandt  qu'il  va  jusqu'à  abdiquer  sa  personnalité. 
Van  den  Eeckhout  a  fait  de  grands  tableaux,  parfois  un 


EECKHOUT  —  EËTION 


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peu  lâchés  et  sans  style,  et  aussi  de  petites  peintures  oh 
la  forme  est  étudiée  de  plus  près  et  où  les  tètes  sont  sou- 
vent touchées  avec  esprit.  Volontiers  ses  colorations  sont 
brunes  ou  fauves  ;  elles  s'enveloppent  de  lumières  am- 
brées et  se  relèvent  cà  et  là  de  beaux  rouges  rompus  et  ra- 
battus au  bénéfice  de  l'harmonie  générale.  Les  tableaux  de 
Van  den  Eeckhout  ne  sont  pas  rares,  et  nous  en  rencontrons 
dans  presque  tous  les  musées.  Le  Louvre  ])0SSQàe  Anne  con- 
sacrant son  fils  au  Seigneur  ;  on  voit  de  Van  den  Eeckhout 
à  Amsterdam  la  Femme  adultère,  qui  appartient  à  sa  ma- 
nière la  plus  soignée,  et  un  Chasseur  au  repos;  à  La  Haye, 
r Adoration  des  Mages;  à  Rotterdam,  Ruth  et  Booz 
(1655),  Balaam,  un  portrait  d'enfant  (contesté  parBur- 
ger);  Berlin  expose  une  Présentation  de  Jésus  au  temple 
et  un  Mercure  tuant  Argus  (4666);  Munich  a  Jésus 
parmi  les  docteurs  (1662),  Abraham  chassant  Agar, 
Isaac  bénissant  Jacob.  L'Ermitage  est  plus  riche  encore  : 
nous  y  trouvons  Crésus  montrant  ses  trésors,  Quatre 
Enfants  dans  un  parc  (iQli),  le  Savant,  les  Deux  Offi- 
ciers (1655)  et  la  Famille  de  Darius  (1662),  curieux 
tableaux  où  l'on  voit,  comme  dans  la  Continence  de  Sci- 
pion  du  musée  de  Lille  (1679),  quelle  conception  Van  den 
Eeckhout  s'était  faite  de  l'antiquité.  Dans  ces  compositions 
à  base  historique,  le  dédain  de  la  couleur  locale  et  du 
costume  est  poussé  jusqu'à  l'impertinence.  De  loin,  les 
peintures  de  Van  den  Eeckhout  font  illusion  :  on  croirait 
voir  des  Rembrandt;  mais,  quand  on  les  examine  avec  plus 
d'attention,  on  s'aperçoit  bien  vite  qu'il  y  manque  l'émo- 
tion personnelle,  le  sentiment  et  le  mystère  que  le  grand 
maître  a  seul  connus.  P.  Mantz. 

BiBL.  :  W.  BuRGER,  les  Musées  de  la  Hollande,  1858- 
1860.  —  VosMAER,  Rembrandt,  sa  vie  et  ses  œuvres,  1877. 
—  Havard,  Peinture  hollandaise,  1882. 

EECKHOUT  (Jacques-Joseph),  peintre  flamand,  né  à 
Anvers  en  1793,  mort  à  Paris  en  1861.  Artiste  d'une 
école  en  pleine  décadence,  Eeckhout  se  forma  à  l'Académie 
d'Anvers.  En  1831,  il  s'établit  à  La  Haye  et  plus  tard  il 
fut  nommé  directeur  de  l'Académie  de  cette  ville  où  l'on 
avait  oublié  Tart  de  peindre  (1839).  Revenu  en  Belgique 
en  1844,  il  habita  Mahnes  et  Bruxelles.  En  1859,  il  se 
fixa  à  Paris.  Il  peignait  le  portrait,  le  genre,  le  tableau  à 
costumes.  On  voit  de  lui  au  musée  de  Gand  le  Jeu  d'échecs 
qui  remporta  le  prix  au  concours  de  1823,  et  à  Amsterdam 
le  Mariage  de  Jacqueline  de  Bavière,  signé  et  daté  1839. 
Eeckhout  a  vécu  dans  un  moment  douloureux  pour  l'école 
flamande  et  sa  peinture  sans  caractère  se  ressent  de  l'heure 
néfaste  où  elle  a  été  faite.  P.  M. 

BiBL.  :  SuNAERT,  CataloQue  du  musée  de  Gand,  1870. 

EECLOO.  Ville  de  Belgique,  ch.-l.  d'arr.  de  la  Flandre 
orientale,  sur  la  Lieve;  11,600  hab.  Stat.  du  ch.  de  fer  de 
Bruges  à  Gand.  Fabriques  de  tissus  et  de  toiles,  amidon- 
neries,  distilleries,  commerce  agricole  très  important.  Les 
armoiries  d'Eecloo  sont  :  d'argent  à  un  rinceau  de 
chêne  de  sinople  glandé  de  7nême  et  posé  en  orle 
autour  de  Vécusson  de  Flandre.  Eecloo  a  donné  le  jour 
au  célèbre  poète  flamand  Ch,  Ledeganck. 

EEKHOUD  (Georges),  littérateur  belge,  né  à  Anvers  en 
1854.  Il  débuta  comme  critique  littéraire  au  Précurseur 
d'Anvers,  puis  à  V Etoile  belge  et  publia  dès  1877  un 
recueil  de  poésies.  Myrtes  et  Cyprès;  vinrent  ensuite  les 
Zigzags  poétiques  elles  Pittoresques  (187 9). Ces  œuvres 
brillent  par  la  couleur  et  le  souffle,  mais  on  y  remarque  un 
excès  de  néologisme  et  des  négligences  de  style  fort  re- 
grettables. Eekhoud  a  fait  preuve  d'un  réel  talent  d'obser- 
vation et  de  description  dans  ses  romans  Kees  Doorik  et 
les  Kermesses  (1884),  études  sur  les  mœurs  des  campagnes 
flamandes,  et  dans  la  Nouvelle  Carthage,  tableau  peu  flatté 
de  l'Anvers  bourgeois  et  enrichi.  Tandis  que  la  plupart 
des  auteurs  belges  s'évertuent  à  imiter  servilement  les  ro- 
manciers français,  Eekhoud  a  su  rester  vraiment  original 
et  personnel. 

EELKAMA  (Eelke-J elles),  peintre  hollandais,  né  à  Leu- 
warden  le  8  juil.  1788,  mort  le  27  nov.  1839.  Devenu 
sourd  et  muet  à  la  suite  d'une  maladie,  il  entra  à  sept  ans 


à  l'école  des  sourds-muets  de  Groningue,  puis  reçut  des 
leçons  de  dessin  du  peintre  G.  de  San,  et  obtint  du  roi  de 
Hollande,  qui  l'avait  remarqué  dans  une  visite  à  l'Institut 
des  sourds  et  muets,  une  pension  pour  aller  continuer  ses 
études  à  Paris.  Il  y  resta  quatre  ans,  visita  la  Suisse  et  le 
N.  de  l'Italie,  séjourna  à  Turin  et  revint  se  fixer  à 
Leuwarden,  où  il  a  laissé  des  paysages  et  des  tableaux 
de  fleurs. 

EEM.  Rivière  navigable  des  Pays-Bas,  prov.  d'Utrecht. 
Elle  est  formée  de  plusieurs  ruisseaux  et  se  jette  non  loin 
de  Naarden,  dans  le  Zuyderzée. 

EEN  DRAC  HT.  Bras  de  l'Escaut,  entre  lesprov.  de  Zélande 
et  Brabant  septentrional. 

EEN  EN  S  (Alexis-Michel),  général  et  historien  belge,  né 
à  Bruxelles  en  1805,  mort  à  Schaerbeek  en  1883.  Il  entra 
comme  oflîcier  d'artillerie  dans  l'armée  hollandaise,  se  rallia 
au  gouvernement  belge  en  1831,  se  distingua  à  la  bataille 
de  Louvain  et  contribua  puissamment  à  faire  échouer  les 
complots  orangistes  ourdis  par  plusieurs  chefs  de  l'armée. 
Il  parcourut  rapidement  tous  les  grades  et  devint  lieutenant 
général  aide  de  camp  du  roi.  Elu  en  1847  représentant  de 
Bruxelles,  il  siégea  dans  les  rangs  de  la  gauche  et  se  dis- 
tingua par  la  haute  compétence  dont  il  fit  preuve  dans  la 
discussion  des  questions  militaires.  Admis  à  la  retraite  en 
1870,Eenens  consacra  ses  loisirs  à  la  rédaction  d'un  grand 
ouvrage  intitulé  les  Conspirations  militaires  de  18SI. 
Il  voulait,  disait-il,  laver  le  stigmate  de  honte  que  les  évé- 
nements des  premiers  mois  de  1831  et  la  défaite  du  mois 
d'août  de  la  même  année  avaient  imprimé  à  la  nation  belge. 
Les  faits  sont  exposés  avec  sincérité  et  conscience,  mais 
les  jugements  manquent  peut-être  d'équité.  L'auteur  ne 
fait  pas  assez  la  part  des  circonstances,  de  l'état  troublé 
de  la  société  belge  en  1830,  de  la  difficulté  avec  laquelle 
beaucoup  d'officiers  honnêtes  pouvaient  alors  discerner  la 
vraie  voie  à  suivre.  D'autre  part,  son  livre  avait  le  grand 
tort  de  réveiller  des  souvenirs  douloureux  qui,  pour  la 
masse  indifférente,  se  perdaient  dans  la  nuit  de  l'oubli,  et 
de  jeter  ainsi,  aux  quatre  vents  de  la  publicité,  la  défaveur 
sur  des  noms  très  honorablement  portés  aujourd'hui  par 
les  fils  des  personnages  incriminés.  Les  Conspirations 
militaires  de  iSSJ  donnèrent  lieu  à  une  polémique  des 
plus  violentes,  tant  en  Hollande  qu'en  Belgique,  et  le  roi 
des  Belges,  fort  mécontent  de  tout  ce  bruit,  révoqua  Eenens 
de  ses  fonctions  d'aide  de  camp.  On  trouvera  la  nomencla- 
ture de  tous  les  mémoires  publiés  à  cette  occasion  dans  de 
Koninck,  Bibliographie  nationale,  t.  Il,  pp.  4-5.     E.  H. 

EERENS  (Dominique -Jacques  de),  homme  de  guerre 
hollandais,  né  à  Alkmaar  le  17  mars  1781,  mort  à  Bui- 
tenzorg  le  30  mai  1840.  Il  s'engagea  de  bonne  heure  dans 
l'armée,  prit  part  aux  campagnes  de  1800  et  1801  et  fut 
nommé  lieutenant  sur  le  champ  de  bataille.  Plus  tard,  il 
devint  aide  de  camp  du  roi  Louis  et  suivit  Napoléon  dans 
les  campagnes  de  Prusse,  d'Espagne,  de  Russie  et  de 
France.  En  1814,  il  était  colonel  d'état-major;  il  rentra 
alors  dans  l'armée  du  royaume  des  Pays-Bas  et  devint  lieu- 
tenant général.  Le  roi  Guillaume  l'appela  en  1834  au  poste 
de  gouverneur  général  des  Indes  :  de  Eerens  rendit  les  ser- 
vices les  plus  signalés  ;  il  fit  régner  l'ordre  le  plus  parfait 
dans  l'administration  et  les  finances,  maintint  les  princes 
vassaux  dans  le  devoir,  aplanit  très  habilement  des  litiges 
pendants  avec  l'Angleterre,  enfin,  il  créa  de  nombreuses 
écoles,  fit  dresser  les  premières  bonnes  cartes  de  Java  et 
favorisa  de  tout  son  pouvoir  l'étude  des  sciences  naturelles 
en  subventionnant  des  explorateurs  distingués.      E.  H. 

EETION  (Mythol.).  Ce  nom  a  été  porté  par  plusieurs 
personnages  légendaires  de  la  Grèce  ancienne.  Le  plus 
connu  est  le  roi  de  Thébé  en  CiUcie,  tué  par  Achille  avec 
ses  sept  fils  dans  une  des  expéditions,  qui  préludèrent  au 
siège  de  Troie.  Il  était  le  père  d'Andromaque,  femme 
d'Hector,  d'où  le  nom  d'Eetione  que  porte  quelquefois 
cette  dernière  ;  sa  femme,  ravie  par  Achille,  fut  délivrée 
moyennant  une  forte  rançon,  mais  périt  sous  les  coups 
d'Artémis.  Parmi  le  butin  remporté  de  Thébé  par  Achille 


figuraient  un  énorme  disque  en  airain  qui  fut  donné  en  prix 
aux  jeux  funèbres  en  l'honneur  de  Patrocle,  le  cheval 
Pedasus  dont  parle  également  Homère,  et  une  lyre  d'ar- 
gent. Achille  honora  son  ennemi  vaincu  en  le  brûlant  avec 
toutes  ses  armes  et  en  lui  élevant  de  ses  mains  un  tom- 
beau. J.-A.  H. 

EFAT.  Ile  de  la  côte  0.  d'Afrique,  dans  le  golfe  d'Aden; 
elle  fut  vendue  en  1858  aux  Anglais  par  le  sultan  de 
Zeila.  On  y  a  signalé  des  gisements  de  guano.  Elle  est 
inhabitée. 

EFAT  (Ile)  (V.  Nouvelles-Hébrides). 
EFEN  bl  et  non  Effendi  comme  on  a  coutume  de  l'écrire. 
Mot  turc  qui  signifie  maître^  seigneur  et  est  corrompu 
du  grec  âuOsvrr]?.  Il  s'emploie  comme  titre  après  un  nom 
de  personne,  mais  seulement  quand  il  s'applique  à  un 
fonctionnaire  civil,  les  titres  à'agha  et  de  bey  étant  spé- 
cialement réservés  aux  fonctionnaires  militaires.  Le  plus 
souvent  ce  mot  sert  à  désigner  les  gens  de  lettres  et  les 
magistrats. 

EFERDING.  Ville  d'Autriche, prov.  de  Haute-Autriche, 
près  de  Wels,  dans  la  vallée  du  Danube;  2,409  hab.  Belle 
éghse  gothique  du  xv®  siècle,  avec  tombeaux  des  familles 
Schaumburg  et  Starhemberg.  Château  des  Starhemberg. 
Ancien  hôtel  de  ville.  C'est  une  vieille  ville  dont  il  est 
question  dans  les  Niebeluîigen, 

EFFACÉ  (Dessin).  Ligne  ou  modelé  auquel  Tartiste  a 
renoncé  et  qu'il  a  enlevé  à  l'aide  d'un  procédé  quelconque. 
On  lui  donne  quelquefois  encore  le  nom  caractéristique  de 
repentir.  Souvent  aussi  l'effacement  d'un  dessin  est  pro- 
duit par  son  ancienneté  même,  le  peu  de  sohdité  du  fusain 
ou  du  crayon  qui  a  servi  à  l'exécuter. 

EFFANAGE  DU  blé  (Agric).  Cette  opération,  encore  dé- 
signée sous  le  nom  à'épamprement,  consiste  à  couper  ou 
à  enlever,  en  avril  ou  en  mai,  alors  que  l'épi  n'est  pas  en- 
core sorti,  les  extrémités  des  feuilles  ou  fanes  des  céréales 
dont  la  végétation  est  trop  exhubérante  et  qui,  de  ce  fait, 
seraient  exposées  à  la  verse  (V.  ce  mot).  L'effanage  peut 
être  appliqué  à  toutes  les  céréales,  mais  c'est  surtout  sur 
les  blés  qu'on  le  pratique  le  plus  habituellement.  Par  cette 
opération,  la  vitaUté  de  la  plante  se  trouve  ralentie  et  le  but 
poursuivi  est  atteint,  si  l'opération  a  été  bien  conduite. 
On  l'exécute  de  deux  manières  :   d'abord  avec  la  dent 
des  moutons,  puis  à  l'aide  d'un  instrument  tranchant.  En 
faisant  passer  les  moutons  au  sortir  de  l'hiver  sur  les  blés 
trop  forts,  on  retarde  la  végétation,  on  évite  la  verse,  on 
favorise  le  tallage  et,  de  plus,  le  sol  se  trouve  affermi  par 
le  piétinement  des  animaux  et  engraissé  par  leurs  déjec- 
tions. Néanmoins,  on  préfère  appliquer  aujourd'hui  les 
instruments  tranchants,  faux  ou  faucille,  qu'on  dirige  plus 
facilement.  Avec  la  faux,  qui  est  de  beaucoup  le  moyen  le 
plus  expéditif,  l'ouvrier  déplace  la  poignée  de  celle-ci  en  la 
rapprochant  de  la  lame  de  manière  à  équilibrer  l'instrument 
à  la  hauteur  voulue,  après  quoi  il  fauche  franchement  en 
inclinant  un  tant  soit  peu  le  tranchant  de  la  lame  vers  le 
haut.  Un  faucheur  peut  exécuter  ainsi  45  à  50  ares  par 
jour.  Mais  il  est  de  première  importance  de  ne  pas  effaner 
trop  tard  et  surtout  de  ne  pas  couper  trop  haut,  autrement 
toute  la  récolte  serait  compromise.  Lorsque  les  tiges  ont 
environ  le  tiers  de  leur  développement,  c.-à-d.  lorsque 
le  germe,  encore  renfermé  dans  la  partie  inférieure  de  la 
tige,  se  trouve  à  15  ou  18  centim.  de  terre  :  en  coupant 
à  4  ou  5  centim.  au-dessus,  on  ne  court  aucun  risque.  L'ef- 
fanage, tout  en  empêchant  la  verse,  a  en  outre  l'avantage 
de  supprimer  les  seigles  et  les  orges  qui  peuvent  se  trouver 
dans  le  champ  de  blé  et  qui  ont  déjà  épié  au  moment   où 
on  le  pratique  ;  de  plus,  la  suppression  des  fanes  supé- 
rieures permet  aux  tiges  de  se  développer  plus  rapidement 
et  de  mieux  profiter  de  l'air  et  de  la  lumière  ;  la  récolte 
en  profite  comme  quantité  et  comme  quahté.  —  Les  effa- 
nines  ou  fanes  supérieures,  mises  en  tas,  peuvent  être 
données  comme  nourriture  au  bétail;  elles  constituent  même 
un  excellent  fourrage  vert.  Alb.  Larbalétrier. 

EFFECTIF  MILITAIRE.  C'est  le  nombre  de  mihtaires 


—  589  —  EETION  —  EFFET 

de  tous  grades  composant  un  corps  de  troupes.  On  distingue  : 
1<*  l'effectif  complet  qui  est  fixé  par  la  loi  pour  le  pied  de 
paix  et  pour  le  pied  de  guerre  ;  2^  l'effectif  moyen  annuel 
qui  est  fixé  tous  les  ans  par  la  loi  du  budget  ;  3°  l'effectif 
total  journalier  comprenant  pour  chaque  corps  les  présents 
et  les  absents  ;  4°  l'effectif  présent  qui  se  compose  de  tous 
les  hommes  disponibles  pour  le  service  et  prêts  à  marcher. 
La  loi  du  13  mars  d875  a  fixé  l'effectif  des  régiments  et 
corps  de  chaque  arme  ;  mais  d'assez  nombreuses  modifica- 
tions lui  ont  été  successivement  apportées,  notamment  en 
ce  qui  concerne  l'infanterie,  l'artillerie  et  le  génie. 

EFFERVESCENCE  (Chim.).  Phénomène  physique  qui 
consiste  dans  un  dégagement  gazeux  plus  ou  moins  tumul- 
tueux. Tel  est  le  cas  d'un  acide  qu'on  verse  sur  les  pierres 
calcaires,  de  certaines  eaux  qui  bouillonnent  en  arrivant 
au  contact  de  l'air,  par  suite  d'un  dégagement  de  gaz  car- 
bonique, retenu  jusque-là  en  dissolution  par  la  pression. 
L'effervescence  peut  être  due  à  d'autres  gaz  que  l'acide  car- 
bonique :  on  l'observa  parfois  dans  la  préparation  du  chlo- 
roforme, lorsqu'il  se  produit  un  vif  dégagement  d'oxygène  ; 
dans  certaines  fermentations,  par  exemple  lorsque  les  sucs 
sucrés  dégagent  brusquement  des  vapeurs  nitreuses,  etc. 
EFFET.  I.  Philosophie  (V.  Cause). 
II.  Mécanique.  —  I.  Effet  d'une  force. —  Quelle  que 
soit  l'idée  métaphysique  adoptée  au  sujet  de  la  nature  des 
forces,  leur  étude  se  réduit,  dans  le  domaine  de  la  mécanique, 
à  celle  de  leurs  effets  qui,  seuls,  nous  sont  directement 
connus.  Le  cas  le  plus  simple  est  celui  d'un  corps  de  dimen- 
sions négligeables  (point  matériel),  entièrement  libre  dans 
l'espace  et  soumis  à  l'action  d'une  force  unique.  Si  la  force 
n'existait  pas,  le  point  matériel  devrait,  en  vertu  du  prin- 
cipe de  l'inertie,  rester  perpétuellement  en  repos  ou  se 
mouvoir  avec  une  vitesse  rectiligne  et  uniforme.  V effet  de 
la  force  se  traduit  par  une  modification  de  cet  état  de  repos 
ou  de  mouvement.  Soient  v  et  v-i-dv  les  grandeurs  géo- 
métriques qui  représentent  les  vitesses  au  bout  des  temps  t 
et  t-j-  dt,  La  grandeur  dv  qui,  composée  avec  v^  donne 
v-h  dv^  est,  par  définition,  la  vitesse  acquise  élémen- 
taire pendant  le  temps  dt;  c'est  elle  qu'on  prend  pour 
mesure  de  l'effet  de  la  force  pendant  le  même  temps.  La 

dv 
grandeur  géométrique  -rr  est  V accélération  totale  due  à 

la  force.  Ceci  posé,  on  admet  que  l'effet  d'une  même  force 
agissant  pendant  le  même  temps  dt  sur  un  même  point  ma- 
tériel est  indépendant  de  l'état  de  repos  ou  de  mouvement 
et  se  traduit  toujours  par  la  même  vitesse  acquise  élémen- 
taire dv  :  c'est  ce  que  l'on  appelle  le  principe  de  Vindé- 
pendance  des  effets  d'une  force  et  du  mouvement  an- 
térieurement acquis.  Considérons  maintenant  plusieurs 
forces  agissant  simultanément  sur  un  même  point  matériel. 
Chacune  d'elles,  agissant  isolément,  produirait  dans  le 
temps  dt  une  vitesse  élémentaire  dv.  On  admet  que,  dans 
l'action  simultanée,  la  vitesse  acquise  élémentaire  est  la 
résultante  géométrique  de  toutes  ces  vitesses  partielles  : 
c'est  le  principe  de  r indépendance  des  effets  des  forces 
agissant  simultanément  sur  un  point  matériel.  Ces 
deux  principes,  joints  à  celui  de  l'inertie  et  à  celui  de  l'éga- 
lité entre  l'action  et  la  réaction,  forment  les  quatre  postu- 
lata  de  la  mécanique  rationnelle. 

II.  Effet  utile. — Dans  une  machine  quelconque, le  travail 
moteur  est  égal  au  travail  résistant,  mais  celui-ci  est  ab- 
sorbé en  partie  par  les  résistances  passives  de  toute  nature 
(frottements,  chocs, etc.).  Le  reste  constitue  le  travail  utile. 
Le  rapport  entre  le  travail  utile  et  le  travail  résistant  me- 
sure Veffet  utile  de  la  machine.  L'effet  utile  porte  aussi 
le  nom  de  rendement  (V.  ce  mot).  L.  Lecornu. 

III.  Effet  de  billard  (V.  Billard). 

III.  Physique.  —  Effet  Peltier  (V.  Phénomène  de 
Peltier). 

Effet  Thomson  (V.  Phénomène  de  Thomson). 

IV.  Jurisprudence.  —  Effet  rétroactif  (V.  Loi). 

V.  Peinture.  —  Impression  donnée  aux  yeux  et  à 


EFFET  -  EFFETS 


590  - 


l'esprit  par  l'ensemble  des  lignes,  des  formes,  et  surtout  du 
clair-obscur  et  du  coloris,  dans  un  tableau.  Cette  impres- 
sion, acceptée  d'une  façon  presque  inconsciente  par  le 
spectateur,  l'artiste  doit  aisément  en  comprendre  et  en 
faire  jouer  tous  les  éléments  divers.  Ce  terme  s'emploie  le 
plus  généralement,  dans  une  acception  plus  restreinte,  pour 
désigner  le  jeu  du  clair-obscur  dans  une  composition  ;  c'est 
dans  ce  sens  ([u' on  dit  mettre  un  dessin  à  l'effet.  Le  Cara- 
vage,  Valentin,  et  par-dessus  tous  Ribera  et  Rembrandt  ont 
produit  des  tableaux  saisissants  d'effet.  Certains  artistes, 
épris  de  cette  manière  de  composer,  se  sont  adonnés  d'une 
manière  exclusive  aux  effets  de  nuit  éclairés  parla  lune,  aux 
effets  de  lumière  factice,  etc.  Mais  indépendamment  de  cette 
acception,  la  plus  fréquemment  employée,  il  en  est  d'autres 
qui  doivent  être  précisées.  Un  dessin  peut  avoir  un  effet  très 
puissant,  dans  un  éclairage  calme  et  diffus,  lorsque  les 
contours  sont  indiqués  avec  fermeté  et  simplicité;  cette 
impression,  que  donnent  souvent  les  anciennes  fresques, 
se  retrouve  plus  particulièrement  dan^  les  travaux  de  Michel- 
Ange.  L'effet  dans  le  coloris  consiste  à  grouper  les  tons 
selon  la  loi  des  complémentaires,  à  les  soutenir  les  uns  par 
les  autres,  ou  à  les  faire  contraster  en  oppositions  violentes  ; 
les  ouvrages  d'Eug.  Delacroix,  et  particulièrement  le  plafond 
de  la  galerie  d'Apollon  au  Louvre,  offrent  de  remarquables 
exemples  de  cette  conception  artistique.     ^         Ad.  T. 

VI.  Musique.  —  Le  mot  effet  a,  musicalement,  deux 
sens  principaux  :  un  sens  esthétique,  lorsque  le  terme 
s'applique  à  des  passages  écrits  en  vue  de  produire  une 
vive  impression  sur  l'auditeur  (effet  vocal,  effet  instrumen- 
tal, effets  de  rythme,  de  sonorité,  de  timbres,  etc.),  et  un 
sens  technique,  relatif  à  la  différence  qu'il  y  a  souvent 
entre  la  réalité  des  sons  écrits  et  la  notation  employée  pour 
les  écrire.  Par  exemple,  la  partie  de  contrebasse  est  géné- 
ralement écrite  une  octave  au-dessus  de  sa  hauteur  vraie  : 
on  dit  alors  que  l'effet  réel  ou  simplement  l'effet  est  une 
octave  plus  bas.  Les  instruments  Iranspositeurs,  tels  que 
le  cor  anglais,  les  clarinettes  autres  que  la  clarinette  en 
ut,  les  cors  et  trompettes  qui  ne  sont  point  non  plus  dans 
ce  ton,  et  la  plupart  des  instruments  de  musique  militaire, 
supposent  un  eff'et  différent  de  la  note  écrite .  Si  un  mor- 
ceau est  écrit  dans  le  ton  de  mi  bémol,  la  partie  de  clari- 
nette en  si  bémol  sera  écrite  sur  une  portée  munie  d'un 
bémol  unique,  c-à-d.  paraîtra  écrite  en  fa,  et  l'effet  sera 
réellement  un  ton  plus  bas  que  les  notes  marquées.  Dans 
le  cor  anglais,  l'effet  est  plus  grave  d'une  quinte  que  la 
note  écrite.  Alfred  Ernst. 

EFFETS.  I.  Administration  militaire  (V.  Habille- 
ment, Equipement). 

ÎI.  Droit  civil.  —  Effets  mobiliers.  —  Les  biens  se 
distinguent  en  meubles  et  en  immeubles  ;  les  meubles  comme 
les  immeubles  sont  ou  corporels  ou  incorporels  (V.  Bien).  Ce 
sont  les  seules  expressions  juridiques  employées  pour  dé- 
signer ces  deux  catégories  de  biens  qui  aient  de  la  précision. 
En  ce  qui  concerne  les  biens  meubles,  corporels  ou  incor- 
porels, on  fait  souvent  usage  dans  le  langage  courant, 
pour  spécifier  certaines  espèces  ou  catégories  de  meubles, 
d'expressions  équivalentes  dont  la  valeur  juridique,  quand 
on  les  rencontre  dans  les  actes,  n'est  pas  toujours  facile  à 
déterminer.  Telle  est  entre  autres  celle  (T effets  mobiliers. 
Le  législateur  de  1804  avait  espéré  prévenir  toutes  les 
difficultés  qui  s'étaient  présentées  dans  Tancien  droit  en 
en  déterminant  le  sens  légal.  L'art.  535  du  C.  civ.  porte  : 
L'expression  biens  meubles,  celle  de  mobilier  ou  d'effets 
mobiliers  comprennent  généralement  tout  ce  qui  est  censé 
meuble...;  en  d'autres  termes  ces  mots  comprennent  tout 
ce  qui  n'est  pas  immeuble  par  nature  ou  par  destination. 
Cette  idée  de  définir  législativement  le  sens  des  mots  mo- 
bilier et  effets  mobiliers  n'était  pas  heureuse  ;  elle  était, 
de  plus,  dangereuse,  car  elle  n'est  pas  d'accord  avec  le  lan- 
gage usuel  qui  lui-même  attache  à  ces  mots  une  valeur 
variable.  Quoi  qu'il  en  soit  d'ailleurs  de  ce  que  ces  mots 
offrent  de  sens  vague  à  l'esprit,  il  est  au  moins  certain, 
comme  le  dit  Laurent,  que  dans  le  langage  usuel  on  n'en- 


tend pas  par  là  l'argent  comptant,  bien  moins  encore  les 
créances,  rentes,  obligations  et  actions.  Le  rédacteur 
de  l'art.  535  n'a  pas  réfléchi  qu'en  pareil  cas  l'accep- 
tion en  usage  ici  ou  là  primerait  fatalement  l'acception 
contraire  qui  froisse  la  notion  commune  des  mots,  et 
que  les  personnes  qui  auraient  à  les  employer  leur  conser- 
veraient instinctivement  une  valeur  différente  de  celle  que 
la  loi  a  voulu  leur  donner.  Interpréter  les  actes  d'après  la 
définition  légale  serait  donc,  en  pareille  occurence,  fausser  la 
volonté  des  parties  ;  aussi  enseigne-t-on  généralement  que 
les  tribunaux  saisis  de  difficultés  élevées  sur  l'étendue  d'une 
disposition  relative  à  du  mobilier  ou  à  des  effets  mobi- 
liers, doivent  s'attacher  plutôt  à  rechercher  quelle  a  dû  être 
la  véritable  intention  des  parties,  qu'à  la  définition  légale. 
C'est  plus  particulièrement  en  matière  de  libéralités  testa- 
mentaires que  les  cas  douteux  se  présentent.  Pour  en  citer 
quelques  exemples,  la  jurisprudence  a  décidé  :  que  le  mot 
meubles  précédant  effets  mobiliers  n'a  été  employé  qu'en 
vue  de  restreindre  le  sens  général  et  absolu  que  l'art.  535 
donne  à  ces  dernières  expressions  ;  que  le  legs  de  tous  les 
meubles  et  effets  mobiliers,  or,  argent  monnayé,  provi- 
sions et  denrées,  peut,  par  une  interprétation  de  la  volonté 
résultant  de  la  combinaison  des  dispositions  d'un  testa- 
ment, être  considéré  comme  excluant  les  rentes  consti- 
tuées ;  que  le  legs  de  tous  les  effets  mobiliers  généralement 
quelconques  que  le  testateur  laissera  dans  sa  maison,  ne 
comprend  pas  les  titres  de  créances  ou  valeurs  industrielles, 
ni  les  rentes  ou  fermages.  C'est  donc  seulement  lorsqu'il 
n'y  a  pas  de  preuve  de  l'intention  contraire  du  testateur 
que  l'on  devra  décider  que  les  mots  meubles  et  effets  mobi- 
liers comprennent  tout  ce  qui  est  censé  meuble  aux  termes 
de  l'art.  535  du  C.  civ. 

Le  législateur  a  employé  l'expression  effets  mobiliers  dans 
diverses  autres  circonstances  où  il  lui  a  donné  le  même  sens 
général  (art.  948)  ;  il  en  est  d'autres  où  l'on  pouvait  se 
demander  s'il  avait  lui-même  voulu  être  aussi  compréhensif 
qu'il  l'avait  été  dans  l'art.  535  ;  c'est  le  cas,  notamment, 
de  l'art.  2102,  §  4,  qui  confère  un  privilège  au  vendeur 
d'effets  mobiliers  non  payés  sur  le  prix  de  ces  mêmes 
objets.  Il  ne  s'agissait  plus  ici  d'interpréter  un  contrat 
d'après  l'intention  présumable  des  parties,  mais  la  vo- 
lonté même  du  législateur.  L'opinion  généralement  admise 
aujourd'hui  est  que  l'expression  en  question  a  le  même 
sens  dans  l'art.  2102  que  dans  l'art.  535,  et  qu'il  faut  y 
comprendre  les  choses  incorporelles,  créances,  actions, 
obligations,  cessions  d'offices.  Il  eût  en  eff'et  été  au  moins 
bizarre  que  le  législateur,  qui  avait  pris  le  soin  de  fixer  le 
sens  des  mots  (?^t'^cSmo/?i/i(?r5  par  une  disposition  expresse, 
lui  eût  attribué  une  valeur  restrictive  dans  une  des  cir- 
constances où  il  avait  eu  occasion  de  les  employer. 
La  raison  de  douter  est  que,  lorsqu'il  s'occupe  de  la  vente 
des  effets  mobiliers,  il  fait  une  distinction,  en  ce  qui  con- 
cerne la  délivrance  des  effets  mobiliers,  entre  les  effets 
mobiliers  proprement  dits  et  les  droits  incorporels.  En  effet, 
la  propriété  des  effets  mobiliers  se  transfère  par  le  seul 
effet  des  conventions  aussi  bien  que  celle  des  immeubles. 
Mais  la  vente  des  effets  mobiliers  comporte  une  formalité 
complémentaire,  la  délivrance  ou  tradition  qui  est  effec- 
tive, manuelle  en  quelque  sorte,  quand  elle  s'applique  aux 
meubles,  tandis  qu'elle  n'est  que  fictive  pour  les  immeubles. 
Le  vendeur  est  obligé  de  délivrer  la  chose  à  l'acheteur 
(C.  civ.,  art.  1603).  Cette  délivrance  est  le  transport  de 
la  chose  en  sa  puissance  et  possession  ;  elle  s'effectue,  pour 
les  effets  mobiliers,  ou  par  la  tradition  réelle,  ou  par  la 
remise  des  clefs  des  bâtiments  qui  la  contiennent,  ou  même 
par  le  seul  consentement  des  parties,  si  le  transport  ne 
peut  pas  s'en  faire  au  moment  de  la  vente,  ou  si  l'acheteur 
les  avait  déjà  en  son  pouvoir  à  un  autre  titre.  S'il  s'agit 
de  droits  incorporels,  la  tradition  se  fait  par  la  remise  des 
titres  ou  par  l'usage  qu'en  fait  l'acquéreur  du  consentement 
du  vendeur  (art.  1606  et  1607).  La  délivrance  s'effectue 
au  lieu  où  la  chose  se  trouve  au  moment  de  la  vente,  à 
moins  que  le  vendeur  ne  soit  obligé  de  la  livrer  au  demi- 


—  o91  — 


EFFETS 


cile  de  l'acheteur,  ou  d'un  tiers  désigné,  ou  en  tout  autre 
endroit  déterminé.  La  délivrance  a  pour  but  de  mettre 
l'acheteur  à  même  de  prendre  possession,  de  se  saisir  de  la 
chose  ;  les  frais  en  sont  à  la  charge  du  vendeur.  Mais,  cela 
fait,  il  reste  encore  quelque  chose  à  accomplir  pour  l'acqué- 
reur, c'est  la  prise  de  possession  de  l'effet  mobilier  dont  il 
est  désormais  propriétaire  ;  elle  est  à  sa  disposition  ;  il  faut 
qu'il  s'en  saisisse,  qu'il  V enlève,  qu'il  la  retire.  En  ce  qui 
touche  cet  acte  terminal  de  la  vente,  la  différence  que  nous 
venons  de  constater  pour  la  délivrance  entre  les  effets  mo- 
biliers et  les  droits  incorporels  se  retrouve  dans  le  mode 
de  prise  de  possession  par  l'acquéreur.  Pour  les  effets  mo- 
biliers, l'appréhension  est  matérielle,  manuelle,  en  quelque 
sorte,  si  les  effets  sont  sur  place.  S'il  s'agit  de  marchan- 
dises à  transporter  d'une  place  à  une  autre,  la  livraison 
se  fait  soit  au  point  de  départ,  soit  au  point  d'arrivée  et,  si 
l'on  emploie  un  intermédiaire  pour  effectuer  le  transport, 
cet  intermédiaire,  ce  voitiirier^  suivant  la  qualifica- 
tion juridique  sous  laquelle  on  désigne  tous  les  entrepre- 
neurs de  transports,  est  l'agent,  le  représentant  du  vendeur 
ou  de  l'acheteur  suivant  que  la  délivrance  est  faite  au  point 
de  départ  ou  au  point  d'arrivée,  ou  qu'à  l'inverse  le  reti- 
rement  doit  avoir  lieu  à  l'un  ou  à  l'autre  de  ces  points;  c'est 
à  lui,  suivant  les  mêmes  distinctions,  que  les  frais  de  trans- 
port sont  payés  par  l'acheteur  ou  le  vendeur.  —  Pour  les 
créances  autres  que  celles  consistant  en  valeurs  au  porteur, 
l'acquéreur  n'est  valablement  saisi,  à  regard  des  tiers, 
que  par  la  signification  au  débiteur  cédé,  s'il  s'agit  de 
créances  sur  particuliers,  ou  par  la  constatation  sur  les 
registres  du  débiteur,  s'il  s'agit  de  titres  nominatifs,  rentes 
sur  l'Etat  français  ou  étranger,  actions  ou  obligations  de 
villes,  grandes  compagnies  ou  sociétés  industrielles  ou  com- 
merciales. Tant  que  ces  formalités  ne  sont  pas  remplies, 
les  tiers,  aussi  bien  que  les  débiteurs  cédés,  ignorent  léga- 
lement, et  souvent  en  fait,  la  cession,  et  tout  ce  qu'ils  ont 
fait  à  rencontre  du  cédant  ou  de  concert  avec  lui  est  va- 
lable et  ne  peut  être  critiqué  par  l'acquéreur,  qui  n'a, 
contre  son  vendeur,  en  cas  d'éviction,  qu'une  action  en  res- 
titution du  prix,  s'il  a  payé,  ou  en  dommages-intérêts. 

La  preuve  de  la  vente  des  effets  mobiliers  se  fait  par  les 
mêmes  moyens  que  celle  de  tous  les  contrats  (V.  ce  mot). 
Celle  des  marchandises  entre  commerçants  se  fait  en  outre  : 
par  le  bordereau  de  l'agent  de  change  ou  du  courtier  ;  par 
la  facture  acceptée  ;  par  la  correspondance  ;  par  les  hvres 
de  commerce  (G.  de  com.,  art.  109).  Les  possesseurs 
d'effets  mobiliers  jouissent  en  principe  d'un  avantage  par- 
ticulier, celui  de  la  possession  même,  qui  les  dispense  de 
toute  preuve,  en  principe  du  moins  :  «  En  fait  de  meubles 
possession  vaut  titre  »,  dit  l'art.  2279  du  G.  civ.  ;  néan- 
moins celui  qui  a  perdu  ou  à  qui  il  a  été  volé  une  chose 
peut  la  revendiquer  pendant  trois  ans,  à  compter  du  jour 
de  la  perte  ou  du  vol,  contre  celui  dans  les  mains  duquel 
il  la  trouve.  »  V.  encore  les  art.  du  G.  civ,  suivants  : 
715,  716,  717,  948,  1713,  1874,  1875,  1917,  1918  et 
suiv.,  1949  et  suiv.,  1961  et  suiv.,2072,  et  les  mots  Ac- 
cession, Dépôt,  Donation,  Gage,  Magasins  généraux, 
MoNT-DE-PiÉTÉ.  Les  cftcts  mobilicrs  corporels  peuvent 
devenir  immeubles  par  destination  dans  les  conditions  déter- 
minées par  les  art.  517  et  suiv.  du  G.  civ.  (V.  Immeuble). 

E.  Dramard. 

Effets  PUBLICS.  —  Anciennement,  on  appelait  effets  pu-- 
blics  tout  contrat  de  rente,  tout  titre  de  créance  dont  le  roi 
avait  autorisé  la  création,  en  réservant  le  nom  d'effets 
royaux  aux  titres  qui  devaient  être  acquittés  directement 
par  le  roi,  soit  au  Trésor  royal,  soit  dans  d'autres  caisses 
lui  appartenant.  Gette  distinction  des  effets  publics  dans 
l'ensemble  des  valeurs  mobilières  se  fait  encore  d'une  façon 
analogue,  et  l'on  considère  comme  tels  tous  les  titres  qui, 
directement  ou  indirectement,  ont  demandé  l'intervention 
de  l'Etat.  Les  effets  publics  comprennent  ainsi  :  les  rentes 
sur  l'Etat  français  ou  les  Etats  étrangers,  les  titres  émis 
par  les  départements,  les  villes,  les  bons  du  Trésor  qui 
représentent  la  dette  flottante,  les  actions  et  obligations  des 


compagnies  de  chemins  de  fer,  les  actions  et  obligations  des 
sociétés  anonymes  créées  avec  l'autorisation  de  l'Etat.  Les 
agents  de  change  ayant  le  privilège  de  faire  seuls  les  né- 
gociations des  effets  publics  et  autres  susceptibles  d'être 
cotés ,  cette  séparation  des  valeurs  mobilières  en  deux 
catégories  distinctes  n'avait  pour  eux  aucune  importance  ; 
elle  n'avait  d'utilité  qu'au  point  de  vue  pénal,  les  art.  421 
et  422  réprimant  les  paris  à  la  hausse  et  à  la  baisse  sur  les 
effets  publics;  l'exception  de  jeu  (art.  1965  du  G.  civ.) 
était  applicable  aux  opérations  sur  effets  publics,  mais 
elle  était  généralement  appliquée  de  même  aux  autres  opé- 
rations de  bourse  rentrant  dans  la  catégorie  des  jeux  de 
bourse.  Mais,  depuis  la  loi  du  28  mars  1885,  qui  a  reconnu 
la  légalité  des  marchés  à  terme,  la  distinction  des  valeurs 
mobilières  en  effets  pubUcs  et  en  effets  non  publics  n'^a 
plus  aucune  raison  d'être.  G.  François. 

IIL  Droit  commercial.  —  Effets  de  commerce.  — 
On  réunit  sous  ce  nom  les  divers  titres  transmissibles  par 
endossement  et  qui  résultent  en  général  d'actes  de  com- 
merce :  lettres  de  change,  mandats,  billets  à  ordre,  chèques, 
et  même  warrants;  mais  il  est  à  remarquer  que,  sauf  pour 
la  lettre  de  change,  les  obligations  qui  en  dérivent  ne  sont 
pas  nécessairement  commerciales,  et  ce  notamment  pour 
les  billets  à  ordre  et  les  chèques  ;  il  serait  plus  exact 
d'appeler  ces  titres  effets  de  circulation,  si  ce  terme  n'avait 
pas  déjà  une  signification  particuKère  (V.  ci-dessous 
§  Effets  de  complaisance).  On  trouvera  aux  mots  Ghange 
(Lettre  de).  Mandat,  etc.,   tous  les  détails  nécessaires. 

Effets  de  complaisance.  —  On  désigne  ainsi ,  et  quel- 
quefois sous  le  nom  de  valeurs  ou  effets  de  circulation, 
des  lettres  de  change,  mandats  ou  billets  à  ordre,  ne  re- 
posant sur  aucune  opération  réelle,  acceptés  quelquefois 
par  complaisance  et  plus  souvent  par  complicité,  et  dont 
les  fonds  sont  faits  à  l'échéance  par  le  tireur  ou  bénéfi- 
ciaire, au  moyen  de  la  négociation  d'un  renouvellement  du 
même  genre.  Lorsque  les  effets  de  complaisance  ne  sont 
échangés  qu'entre  deux  personnes,  il  est  facile  à  un  ban- 
quier de  s'apercevoir  de  la  fraude  ;  mais  si,  comme  cela 
arrive  le  plus  souvent,  l'échange  se  fait  entre  un  certain 
nombre  de  négociants  se  prêtant  mutuellement  leur  signa- 
ture, ce  n'est  guère  que  le  jour  oii  l'un  d'eux  suspend  ses 
payements  que  la  fraude  peut  se  découvrir.  Il  existe  en 
fait  des  agences  où  s'opèrent  de  semblables  échanges  de 
signatures  (V.  un  jugement  du  tribunal  de  la  Seine  du 
18  juil.  1876),  et  où  des  négociants  gênés  arrivent  ainsi, 
pour  quelque  temps,  à  retrouver  un  peu  de  crédit.  Ges 
manœuvres  peuvent  donner  lieu  à  des  poursuites  pour 
escroquerie;  mais  en  général  les  tribunaux  se  montrent 
trop  indulgents  pour  ces  procédés,  qui  constituent  réelle- 
ment un  abus  de  confiance  de  la  part  de  celui  qui  les  em- 
ploie. Sous  l'empire  du  code  de  1807,  si  les  signatures  de 
crédit  et  de  circulation  données  par  le  failli  excédaient  le 
triple  de  son  actif,  il  devait  obligatoirement  être  pour- 
suivi comme  banqueroutier  ;  d'après  le  projet  adopté  par 
la  Ghambre  des  députés  (25  mars  1835),  l'emploi  des  va- 
leurs de  complaisance  suffisait  pour  que  le  failli  fût  con- 
sidéré comme  banqueroutier,  mais  la  Ghambre  des  pairs 
(10  mai  1837)  en  fit  un  cas  de  banqueroute  facultatif. 
Actuellement,  l'usage  des  valeurs  de  crédit  et  de  circula- 
tion fait  par  un  commerçant  failli,  pendant  une  assez 
longue  période,  rentre  dans  les  cas  prévus  par  l'art.  585, 
§  3  du  G.  de  comm.  (Nancy,  16  mai  1882),  et  suffit  pour 
faire  déclarer  la  banqueroute  simple  ;  mais  ces  dispositions 
ne  sont  que  très  rarement  appliquées.         G.  François. 

IV.  Fiscalité.  —  Les  effets  négociables  de  toute 
nature,  sauf  les  chèques  (V.  ce  mot),  sont  passibles  du 
timbre  proportionnel.  Gette  taxe,  dont  l'introduction 
remonte  à  la  loi  organique  du  13  brumaire  an  VU,  est 
graduée  à  raison  de  la  somme  portée  dans  l'effet.  Sa  quo- 
tité, fixée  à  5  cent.  %  par  la  loi  du  5  juin  1850,  a  été 
doublée  par  la  loi  du  23  août  1871,  et  triplée  par  celle 
du  19  févr.  1874.  Depuis  le  1^^  mai  1879,  le  tarif  est 
revenu  au  taux  primitif  de  5  cent.  7o  (loi  du  22  déc.  1878). 


EFFETS 


—  592  — 


Le  droit  de  5  cent.  %  s'applique  :  aux  lettres  de  change, 
billets  à  ordre  ou  au  porteur,  traites  et  tous  autres  effets 
négociables  ou  de  commerce  ;  aux  billets  simples  et  obli- 
gations non  négociables  ne  contenant  pas  un  engagement 
synallagmatique  ;  aux  billets,  obligations,  délégations  et 
mandats  non  négociables,  servant  à  procurer  une  remise 
de  fonds  de  place  à  place  ;  aux  warrants  des  magasins  géné- 
raux, endossés  séparément  des  récépissés ,  et  aux  effets 
négociables  venant  de  l'étranger  ou  des  colonies  dans 
lesquelles  le  timbre  n'aurait  pas  encore  été  établi.  Le 
tarif  de  5  cent.  %  est  gradué  de  100  fr.  en  100  fr., 
sans  fraction  (loi  du  29  juil.  1881).  Ainsi,  un  effet  de 
250  fr.  est  considéré,  pour  l'application  de  l'impôt,  comme 
étant  de  300  fr.,  et  supporte,  par  conséquent,  une  taxe  de 
15  cent. 
Les  effets  négociables  et  billets  passibles  du  droit  de 

5  cent,  ^/o  peuvent  être  timbrés  de  quatre  manières  diffé- 
rentes :  1^  par  l'emploi  d'un  coupon  de  papier  timbré  de  la 
débite  ;  2^  par  le  timbrage  à  l'extraordinaire  ;  3°  par  l'ap- 
position de  timbres  mobiles  ;  4«  par  le  visa  pour  timbre. 
Les  papiers  timbrés  de  la  débite  sont  mis  à  la  disposition  du 
public  dans  les  bureaux  de  l'enregistrement  et  les  distribu- 
tions auxiliaires  de  papier  timbré.  Ces  coupons  ne  sont 
gradués  de  100  fr.  en  100  fr.  que  jusqu'à  1,000  fr.  A 
partir  de  ce  chiffre,  la  graduation  va  de  1,000  fr.  en 
1,000  fr.  Si  donc  on  voulait  souscrire  sur  un  coupon  de  la 
débite  un  effet  de  1,100  fr.,  il  faudrait  appliquer  sur  le 
coupon  timbré  à  l'avance  pour  1,000  fr.,  un  timbre  mo- 
bile supplémentaire  de  5  cent.  Ajoutons  que  les  bu- 
reaux de  timbre  ne  débitent  pas  de  papier  timbré  pour  les 
effets  de  plus  de  20,000  fr.  Les  billets  supérieurs  à  cette 
somme  peuvent  toutefois  être  écrits  sur  un  coupon  de 
20,000  fr.,  visé  pour  supplément  de  timbre  ou  revêtu  de 
timbres  mobiles  supplémentaires. 

Le  timbrage  à  l'extraordinaire  des  papiers  à  vignette 
en  blanc  n'a  lieu  qu'à  Paris,  dans  les  bureaux  de  l'atelier 
général.  Les  commerçants  qui  veulent  faire  timbrer  leurs 
formules  de  lettres  de  change  doivent  les  déposer  au 
bureau  de  l'enregistrement  de  leur  résidence  et  verser, 
en  même  temps,  le  montant  des  droits.  Les  vignettes 
sont  transmises  à  l'atelier  général  et  réexpédiées  après  le 
timbrage,  à  la  personne  intéressée,  par  l'intermédiaire 
du  receveur.  Les  négociants  qui  ne  jugent  pas  à  propos 
d'acheter  du  papier  timbré  de  la  débite  ou  de  recourir  au 
timbrage  à  l'extraordinaire,  peuvent  acquitter  le  droit  de 
timbre  au  moyen  de  timbres  mobiles,  qu'ils  apposent 
eux-mêmes  sur  leurs  effets.  Ces  timbres  sont  mis  en  vente 
dans  les  bureaux  d'enregistrement  et  dans  un  grand 
nombre  de  débits  de  tabac.  Ils  doivent  être  collés  au 
recto  de  l'effet,  au  moment  même  de  sa  rédaction,  à  côté 
de  la  signature  du  souscripteur  et  oblitéré  immédiate- 
ment par  celui-ci.  L'oblitération  résulte  de  l'inscription, 
sur  le  timbre  mobile,  à  l'encre  noire,  du  lieu  et  de  la  date 
où  elle  est  effectuée  et  de  la  signature  du  souscripteur.  Le 
timbre  mobile  peut  être  annulé  aussi,  au  moyen  d'une  griffe 
à  encre  grasse  noire,  faisant  connaître  le  nom  et  la  raison 
sociale,  le  lieu  et  la  date  de  l'oblitération.  L'empreinte  de 
cette  griffe  doit  être  déposée  au  bureau  d'enregistrement 
de  la  résidence  du  négociant  qui  veut  en  faire  usage.  — 
Quant  au  visa  pour  timbre,  qui  est  donné  par  les  receveurs 
d'enregistrement,  il  est  surtout  employé  pour  acquitter  le 
droit  de  timbre  des  effets  venant  de  l'étranger  et  les  sup- 
pléments de  taxe  pour  les  billets  de  plus  de  20,000  fr., 
créés  sur  les  coupons  de  la  débite.  Le  souscripteur,  l'ac- 
cepteur, le  bénéficiaire  ou  premier  endosseur  d'un  effet 
négociable  non  timbré  encourent  chacun  une  amende  de 

6  °/o  du  montant  de  l'effet.  Si  la  contravention  résulte  de 
l'emploi  d'un  timbre  insuffisant,  l'amende  n'est  calculée  que 
sur  la  différence.  Sont  considérés  comme  non  timbrés  les 
effets  de  commerce  revêtus  d'un  timbre  mobile  ayant  déjà 
servi  ou  incomplètement  oblitéré.  Les  amendes  et  le  droit 
de  timbre  sont  dus  soUdairement  par  les  contrevenants 
et  doivent  être  avancés  par  le  porteur  de  l'effet.  Les  mai- 


sons de  banque  qui  encaissent  un  effet  de  commerce 
non  timbré  deviennent  passibles  d'une  amende  de  6  *^/o. 
La  loi  du  5  juin  1850  a  corroboré  ces  sanctions  pé- 
nales par  une  sanction  civile,  en  décidant  que  le  porteur 
d'un  effet  négociable  non  timbré  n'a  d'action  que  contre 
le  souscripteur  ou  le  tireur  (et  contre  l'accepteur,  en  cas 
d'acceptation). 

Indépendamment  des  effets  de  commerce  proprement  dits, 
la  loi  fiscale  assujettit  à  des  droits  de  timbre  spéciaux,  les 
billets  de  la  Banque  de  France  (lois  des  30  juin  1840  et 
13  juin  1878),  les  obligations  et  lettres  de  gage  du  Crédit 
foncier  (lois  des  8  juil.  1852  et  30  mars  1872)  et  les  obli- 
gations négociables  des  sociétés,  compagnies,  villes,  dépar- 
tements et  établissements  publics  (lois  des  5  juin  1850, 
23  juin  J857,  29  juin  1872).  Pour  les  billets  de  banque, 
le  droit  de  timbre  est  perçu  chaque  année,  au  taux  de 
50  cent,  ^^loo  sur  la  moyenne  des  billets  au  porteur  ou  à 
ordre  en  circulation  pendant  l'année  précédente.  Toute- 
fois, le  tarif  de  50  cent,  ^^joo  ne  porte  que  sur  la  quotité 
des  billets  correspondant  à  l'escompte,  aux  avances  et 
autres  opérations  productives.  L'ensemble  des  billets  émis 
par  la  Banque  en  représentation  de  dépôts  de  numéraire 
bénéficie  du  tarif  réduit  de  20  cent.  ""^o.  Les  obliga- 
tions et  lettres  de  gage  du  Crédit  foncier  de  France  sont 
assimilées  aux  effets  de  commerce  ordinaires,  quant  à 
la  quotité  du  droit  de  timbre  et,  par  suite,  sont  passibles 
du  droit  de  5  cent.  °/o.  Mais,  à  la  différence  des  simples 
particuliers,  le  Crédit  foncier  est  admis  à  se  libérer  de 
cette  taxe,  par  voie  d'abonnement  annuel,  à  raison  de 
5  cent.  °°/oo  du  montant  des  lettres  de  gage  et  obliga- 
tions en  circulation.  —  Quant  aux  obligations  négociables 
des  sociétés,  communes,  départements  et  établissements 
publics,  elles  sont  frappées  d'un  droit  de  timbre  de  1  % 
du  montant  du  titre.  Le  législateur,  estimant  que  le  paye- 
ment immédiat  de  cet  impôt  pourrait  nuire,  dans  cer- 
taines circonstances,  au  succès  d'une  entreprise,  a  auto- 
risé les  sociétés  et  autres  collectivités  à  s'affranchir  de 
cette  obligation,  en  contractant  avec  l'Etat  un  abonnement 
annuel  pour  toute  la  durée  des  titres.  Cet  abonnement, 
dont  le  taux  est  de  6  cent,  '^/o  du  montant  des  titres  émis, 
est  réglé,  par  trimestre,  au  bureau  de  l'enregistrement  du 
siège  social.  Les  titres  admis  à  l'abonnement  sont  revêtus 
d'un  timbre  spécial  dont  la  légende  est  :  obligation-abonne- 
ment. Cette  taxe  d'abonnement  est  acquittée,  en  ce  qui 
concerne  les  sociétés,  villes  et  établissements  publics  étran- 
gers dont  les  titres  circulent  ou  sont  cotés  en  France, 
d'après  une  quotité  imposable  fixée  par  le  ministre,  sur 
l'avis  d'une  commission  spéciale. 

C'est  seulement  en  cas  de  protêt  que  les  effets  de  com- 
merce sont  assujettis  à  l'enregistrement.  Ce  droit  est  de 
50  cent.  °/o  du  montant  de  l'effet  (62  cent,  et  demi  % 
avec  les  décimes) .  Les  lettres  de  gage  du  Crédit  foncier 
doivent  être  enregistrées  au  droit  fixe  de  15  cent.,  en 
même  temps  que  f  acte  de  prêt  en  représentation  duquel 
elles  sont  émises.  Enfin,  les  obligations  négociables  des 
sociétés  et  compagnies  de  toute  nature,  des  départements, 
communes  et  établissements  publics  supportent  une  taxe 
proportionnelle  de  transmission  (lois  des  23  juin  1857  et 
16  sept.  1871).  Ce  droit,  qui  frappe  la  circulation  des 
titres,  comporte  deux  quotités.  Pour  les  obligations  nomi- 
natives, dont  la  cession  s'opère  par  un  transfert  sur  les 
registres  de  la  société,  le  droit  est  perçu  à  chaque  trans- 
fert, au  taux  de  50  cent.  %.  Pour  les  obhgations  au 
porteur  et  pour  les  titres  nominatifs  cessibles  autrement 
que  par  voie  de  transfert,  le  droit  de  50  cent.  %  est 
converti  en  une  taxe  annuelle  et  obfigatoire  de  20  cent.  % 
du  capital  des  obligations.  Le  droit  de  50  cent.  ^/oCt  la  taxe 
d'abonnement  dont  il  s'agit  sont  versés,  chaque  trimestre, 
par  la  société  ou  l'établissement  public,  dans  les  caisses 
de  l'administration  de  l'enregistrement. 

Les  effets  de  commerce,  billets  et  obhgations  négociables 
de  toute  nature  ont,  en  1889,  procuré  au  budget  les 
recettes  ci-après  : 


—  593 


4<^  Timbre  proportionnel 14.392.547  fr. 

2<^  Droit  de  timbre  des  obligations  fran- 
çaises et  étrangères  négociées  à  la 
Bourse 44.940.436  — 

3<*  Droit  d'enregistrement  des  billets  à 

ordre,  lettres  de  change,  etc 3.154.782  — 

4®  Droit  d'enregistrement  des  lettres  de 

gage  du  Crédit  foncier » 

5°  Droit  de  transmission  des  obligations 

cotées  à  la  Bourse 25.667.604  — 

Ensemble 58.455.366  fr. 

Emmanuel  Besson. 

BiBL.  :  Droit  CIVIL.  —Effets  mobiliers.  Tous  les  traités 
et  commentaires  généraux  du  code  civil.  —  Malapert, 
Essai  sur  la  distinction  des  biens;  Paris,  1846,  in-8. 

EFFEUILLAGE  (Arboric).  Par  cette  opération  on  enlève 
les  feuilles  qui  recouvrent  les  fruits.  Elle  a  pour  but  de 
hâter  leur  maturation  et  de  les  colorer  en  les  aérant  et  les 
soumettant^  à  l'action  directe  du  soleil.  Elle  les  préserve 
encore  de  l'excès  d'humidité  lorsque  les  rameaux  traînent 
sur  le  sol.  Il  faut  se  garder  de  la  pousser  trop  loin  et  de 
l'exécuter  trop  tôt  :  le  but  serait  manqué  et,  ce  qui  est  plus 
grave,  les  fruits,  mal  nourris,  resteraient  petits,  durs,  sans 
saveur  agréable.  On  pratique  l'effeuillage  lorsque  les  fruits 
ont  acquis  les  trois  quarts  environ  de  leur  développement 
complet.  Q^  g^ 

EFFIAT.  Com.  du  dép.  du  Puy-de-Dôme,  arr.  de  Riom, 
cant.  d'Aigueperse  ;  4,384  hab.  —  Les  environs  d'Effiat 
furent  pillés  en  4432  par  Rodrigue  de  Villandrando.  En 
4557,  la  seigneurie  d'Effiat  fut  achetée  par  Gilbert  Coëffier, 
trésorier  général  des  finances  de  Dauphiné,  Savoie  et 
Piémont,  et  resta  dans  sa  descendance  jusqu'à  la  mort 
d'Antoine  Coëffier-Ruzé,  dernier  marquis  d'Effiat,  en  4719. 
Acheté  alors  par  Law,  elle  fut,  après  son  renvoi,  vendue  à 
la  famille  de  Rehès  de  Sampigny  d'Issancourt  qui  la  pos- 
sédait encore  en  4789.  —  L'église  a  été  reconstruite  sous 
Louis  Xm  par  le  maréchal  d'Effiat,  père  de  Cinq-Mars 
(V.  ce  nom),  qui  fit  bâtir  également  le  château  et  un  col- 
lège d'oratoriens,  tranformé  en  4776  en  une  école  militaire 
d'où  sortit  Desaix.  L.  F. 

EFFIAT  (Antoine  Coëffier,  marquis  d'),  maréchal  de 
France,  surintendant  des  finances,  né  en4584,mortàLuzell- 
stem,  en  Lorraine,  le  27  juil.  4632.  Il  resta  orpheHn  de 
bonne  heure  et  reçut  une  grande  partie  des  biens  de  son  oncle 
maternel,  Martin  Ruzé  de  Beaulieu,  à  condition  qu'il  adop- 
terait le  nom  et  les  armes  des  Ruzé.  Il  se  distingua  à  la  fois 
comme  diplomate,  homme  de  guerre  et  administrateur. 
D'abord  réformateur  général  des  mines  et  minières  de 
France,  il  attira  l'attention  du  cardinal  de  Richelieu.  En 
1616,  il  fut  nommé  premier  écuyer  de  la  s^rande  écurie,  et, 
l'année  suivante,  capitaine  des  chevau-Iégers  de  la  garde  du 
roi  ;  il  servit  en  qualité  de  maréchal  de  camp  au  siège  de 
La  Rochelle,  et  fut  fait  en  4625  chevalier  des  Ordres. 
Ambassadeur  à  Londres  en  d624,  ce  fut  lui  qui  négocia  le 
mariage  d'Henriette  de  France  avec  Charles  P^  Devenu 
peu  après  surintendant  des  finances,  il  présenta  en  4626 
aux  Notables  l'état  des  finances  du  royaume,  et  put  réduire 
le  taux  de  l'mtérèt  du  denier  40  au  denier  48.  Grand 
maître  de  l'artillerie  par  commission  en  4629,  il  fut  choisi 
par  Louis  XIII,  en  4630,  pour  commander  dans  le  Pié- 
mont, et  se  fit  remarquer  à  Veillane,  à  Carignan,  à  la 
prise  de  Saluées.  Maréchal  de  France  en  4634 ,  if  commanda 
l  armée  d'Alsace,  mais  il  succomba  à  une  fièvre  inflamma- 
toire au  moment  où,  commençant  la  campagne,  il  marchait 
sur  l  électorat  de  Trêves.  Il  était  gouverneur  du  Bourbon- 
nais, de  l'Auvergne  et  de  l'Anjou.  Il  reste  de  lui  plu- 
sieurs écrits  :  l'Etat  des  affaires  des  finances  (4626)  ; 
Discours  sur  son  ambassade   en  Angleterre;    Lettres 
du  marquis  d'Effiat  sur  les  finances  ;   les  Heureux 
Progrès  des  armées  de  Louis  XHI  en  Piémont  (4632)  ; 
/I^Q^r^i-  ^^^^^^^^^^  ^^s  dernières  guerres  d'Italie 
(4  532)  ;  divers  Mémoires  et  recueils  de  lettres  manuscrites. 
BiBL.  :  Le  Père  Anselme,  Histoire  des  grands  officiers. 
GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    ■—   XV. 


EFFETS  —  EFFIGIE 


EFFIAT  (Antoine  RuzÉ,  marquis  d'),  petit-fils  du  précé- 
dent, fils  de  Martin  Ruzé,  marquis  d'Effiat,  et  d'Isabelle 
d  Escoubleau  de  Sourdis,  né  en  4638,  mort  le  3  juin  4749 
Il  fut  premier  écuyer  de  Monsieur,  puis  du  Régent.  A  la 
mort  de  Madame,  duchesse  d'Orléans,  on  le  soupçonna  d'avoir 
administré  du  poison  à  la  duchesse;  mais  l'accusation  n'eut 
pas  de^suites.  En  4668,  Louis  XIV  le  promut  chevalier  du 
bamt-Esprit,  et  le  duc  d'Orléans  le  fit  entrer  au  conseil  de 
régence.  Il  soutint,  avec  Villeroi  et  Besons,  les  doctrines 
du  gallicanisme  en  4747,  et,  l'année  suivante,  se  signala 
par  son  opposition  au  traité  de  la  quadruple  alliance. 

^^^'^'i  Q?  Père  Anselme,  Histoire  des  grands  officiers. 
—  Saint-Simon,  Mémoires,  t.  III  et  XIV. 

EFFIAT  (Benolt-Jean-Gabriel-Armand  Ruzé,  comte  d'), 
homme  politique  français,  né  à  Tours  le  6  sept.  4780 
mort  au  château  de  Chezelles  (Indre-et-Loire)  le  7  sept' 
4870.  Il  émigra  sous  la  Révolution  et,  rentré  en  France  à 
la  Restauration,  fut  élu  conseiller  général  d'Indre-et- 
Loire  et  maire  de  Chinon.  Le  9  mai  4822,  il  devint  député 
d'Indre-et-Loire,  siégea  à  l'extrême  droite  et  fut  réélu  le 
25  févr.  4824.  Le  5  nov.  4827  il  était  créé  pair  de  France. 
En  4830,  il  n'adhéra  pas  au  gouvernement  de  Juillet  et 
rentra  dans  la  vie  privée. 

^  EFFIGIE.  On  entend  par  effigie,  en  numismatique,  une 
tête  ou  un  buste  fait  pour  donner  les  traits  d'un  per- 
sonnage. Les  plus  anciennes  monnaies  perses,  connues 
sous  le  nom  de  dariques,  montrent  déjà  la  figure   du 
grand  roi  ;  mais  comme  le  corps  tout  entier  est  figuré  sur 
ces  pièces,  on  ne  saurait  y  voir  une  véritable  effigie.  Vers 
380  avant  J.-C,  on  voit  paraître  dans  les  provinces  occiden- 
tales de  l'Asie  Mineure  de  belles  monnaies  de  travail  grec 
qui  portent  une  tête  barbue,  couverte  de  la  tiare  perse  et 
dans  laquelle  il  faut  certainement  reconnaître  un  portrait 
de  satrape.  Toutefois,  on  s'est  demandé  s'il  ne  s'agissait 
pas  d'un  type  général  de  satrape  plutôt  que  de  véritables 
portraits  destinés  à  représenter  chaque  prince  ou  gouver- 
neur. Le  premier  portrait  indiscutable  est  celui  d'Alexandre 
le  Grand  que  Ptolémée  Soter  fit  mettre  sur  la  monnaie 
qu'il  frappa  comme  régent;  Lysimaque,  de  son  côté,  émet 
des  monnaies  nombreuses  avec  la  tête  du  conquérant  déifié, 
portant  le  diadème  et  les  cornes  d'Ammon  qui  rappellent 
son  origine  divine.  A  partir  de  cette  époque,  aux  têtes  de 
divinités  qui  avaient  jusqu'alors  tenu  la  plus  grande  place 
dans  la  numismatique,  on  vit  succéder  des  séVies  de  por- 
traits tels  que  ceux  des  Séleucides,  des  Ptolémées  et  des 
rois  de  Bactriane  et  de  Macédoine  dont  la  valeur  est  grande 
au  double  point  de  vue  de  l'art  et  de  l'iconographie.  Les 
anciens  rois  grecs  ne  mettaient  pas  leur  tête  sur  les  mon- 
naies; Alexandre  lui-même  s'était  borné  à  donner  ses  traits 
à  la  tête  d'Hercule  que  l'on  voit  sur  des  tétradrachmes.  Le 
droit  d'effigie  devint  un  honneur  qui  rapprochait  de  la  divi- 
nité ;  c'est  pourquoi  la  monnaie  porte  souvent  la  tête  d'un 
prince  mort.  Ainsi  le  portrait  d'Alexandre  se  voit  sur  les 
tétradrachmes  de  Lysimaque,  et  celui  de  Séleucus  sur  les 
pièces  de  Philétaire,  tandis  que  ce  dernier  prince,  après 
sa  mort,  est  honoré  de  la  même  façon  par  Attale  P^',  roi  de 
Pergame.  En  Egypte,  Ptolémée  11  Philadelphe  et  Arsinoé  II 
mettent  sur  leurs  belles  monnaies  leurs  portraits  accolés  et, 
au  revers,  ceux  de  Ptolémée  P^  Soter  et  de  Bérénice  P^. 
Le  droit  d'effigie  ne  semble  pas  avoir  été  soumis  à  des 
règles  bien  établies,  car  on  voit  des  reines  ou  des  prin- 
cesses figurées  tantôt  seules,  tantôt  avec  leur  époux  ou  leur 
frère.  A  Syracuse,  la  reine  Philistis,  sur  laquelle  on  sait 
peu  de  chose,  met  sur  de  nombreuses  pièces  d'argent  son 
portrait  et  son  nom  seuls.  Sur  les  monnaies  des  villes, 
l'effigie  d'un  prince  est  une  marque  de  respect  et  de  sou- 
mission que  les  cités  sont  heureuses  de  montrer:  c'est 
ainsi  que  plusieurs  villes  de  la  Phénicie  et  de  la  Grèce  pla- 
cent sur  leurs  espèces  la  tête  d'un  roi  de  Syrie,  etSmyrne 
accorde  le  même  honneur  à  Mithridate. 

A  Rome,  les  portraits  ne  firent  leur  apparition  que  fort 
tard,  ce  qu'explique  facilement  la  constitution  démocra- 
tique de  cet  Etat.  L'année  même  de  la  mort  de  César,  le 

38 


EFFIGIE  —  EFFLUVE 

Sénat  ordonna  de  mettre  sa  tête  sur  les  monnaies  (44  av. 
J  -C).  Après  le  meurtre  du  dictateur,  les  généraux  reçu- 
rent ou  prirent  le  droit  de  placer  leur  effigie  sur  les  mon- 
naies qu'ils  frappaient;  c'est  ainsi  que  nous  avons  les  têtes 
de  Brutus,  de  Labienus,  de  Domitius  Ahenobarbus,  etc.  Du 
reste   certains  proconsuls  reçurent  le  droit  d'effigie  moné- 
taire •'  ainsi,  Africanus  Fabius  Maximus,  proconsul  d'Afrique, 
et  P.   Sittius,   gouverneur  de  Cirta,  et  encore   Marcus 
Annius  Afrinus,   gouverneur  de  Galatie.   Sous  l'empire 
romain,  la  tête  du  souverain  devient  le  type  principal  de 
la  monnaie.  Mais  on  trouve  aussi  d'autres  portraits  qui 
sont  ceux  de  princes  et  de  princesses  de  la  famille  impé- 
riale Les  villes  grecques  émettent  un  nombreux  numéraire 
sur  lequel  paraissent  les  têtes  de  l'empereur  et  des  mem- 
bres de  sa  famille.  Quelquefois,  comme  sur  les  monnaies 
grecques  criées  plus  haut,  on  voit  paraître  un  personnage 
mort  :  c'est  ce  qui  arrive  pour  le  père  de  Trajan,  pour 
Aususte,  pour  Tibère  et  pour  un  certain  nombre  d'empe- 
reurs dont  on  possède  des  monnaies  dites  de  restitution. 
L'effisie  présente  un  grand  intérêt   iconographique  jus- 
qu'au iv«  siècle;  à  partir  de  cette  époque,  l'art  devient  de 
plus  en  plus  incapable  de  produire  des  portraits  véritables. 
Dans  certaines  contrées,  on  continue  à  mettre  sur  les  mon- 
naies un  buste  qui  représente  le  souverain,  mais  qui  est  le 
plus  souvent  informe;  c*est  le  cas  des  monnaies  mérovin- 
giennes. Après  avoir  été  reprise  par  Charlemagne  et  Louis 
le  Débonnaire,  l'effigie  disparut  complètement  des  mon- 
naies carolingiennes,  tandis  qu'à  la  même  époque,  les 
Byzantins,  loin  d'abandonner  la  représentation  du  souve- 
rain, mettent  quelquefois  plusieurs  figures  sur  la  même 
pièce  :  un  exemple  curieux  entre  tous  est  celui  du  sou 
d'or  portant  les  bustes  de  Théophile,  de  Théodora  sa  femme, 
de  Thécla,  d'Anna  et  d'Anastasia,  leurs  filles.  Les  mon- 
naies françaises  présentent  un  certain  nombre  défigures  à 
pied  et  à  cheval  qu'on  ne  peut  considérer  comme  de  véri- 
tables effigies  royales.  Sous  l'influence  de  la  Renaissance 
italienne,  ^certaines  monnaies  de  Louis  XIÏ  reçoivent  une 
tête  comme  type  principal  et  prennent  le  nom^  de  testons. 
Cette  innovation  amena  une  réforme  dans  l'organisation 
monétaire.  Henri  II  créa,  en  1547,  l'office  de  graveur  géné- 
ral des  monnaies  de  France  en  faveur  de  Marc  Bechot  qui 
fut  chargé  de  fournir  des  coins  dont  la  perfection  devait 
empêcher  les  contrefaçons.  Cette  réforme  ne  fut  pas  suffi- 
sante et  on  se  vit  obligé  de  créer  un  contrôleur  gênerai 
des  effigies  qui  fut  le  célèbre  sculpteur  Germain  Pilon, 
pourvu  par  lettres  patentes  de  Charles  IX,  en  date  du 
29  oct.  4572,  afin   de  veiller  à  ce  que  l'effigie  du  roi 
fût  bien  représentée  sur  toutes  les  monnaies.  Gervais 
Pilon  succéda  à  son  père  en  1593  et  fut  suivi  par  Phihppe 
Danfrie  le  Jeune  (1596),  Jean  Pilon,  second  fils  de  Ger- 
main (1604),  Guillaume  Dupré  (1604),  Abraham  Dupre 
(1639)  et  Jean  Warin  qui  fut  le  dernier  contrôleur  géné- 
ral des  effigies  (1648-1672).  ..,,,,       , 
L'effigie  est  naturellement  le  type  principal  de  la  plupart 
des  monnaies  modernes.  Les  pièces  des  Etats-Unis  nous 
fournissent  quelques  remarques  curieuses.  Un  projet  de  loi 
avait  proposé  de  mettre  la  tête  de  Washington  sur  la  mon- 
naie mais,  après  les  réclamations  des  ultra-démocrates,  on 
adopta  une  tête  idéale  de  la  Liberté  (loi  du  2  avr.  1792). 
On  fit  d'abord  quelques  pièces  avec  le  portrait  de  Washington 
dans  sa  jeunesse,  puis  la  femme  du  président  servit  de  modèle 
pour  la  tète  de  la  Liberté.  De  1796  à  1838,  les  graveurs 
reproduisirent  dans  cette  tête  les  traits    de  l'Indienne 
Pocahontas,  puis  ceux  de  M""^  Madison,  femme  du  président 
(1808)  etceuxdeM°^^Patterson,  femme  du  directeur  général 
de  la  monnaie  (1816-1838).          J. -Adrien  Blanchet. 

Des  effigies  plus  complètes  que  celles  des  médailles, 
de  véritables  bustes  (V.  ce. mot)  ou  statues,  en  cire  ou  en 
bois,  furent  parfois  employées  dans  des  cérémonies  publiques. 
Dans  la  Rome  ancienne,  les  bustes  des  ancêtres  peints  au 
naturel  et  ornés  de  barbes  postiches,  figuraient  toujours 
aux  cortèges  funèbres  des  membres  de  familles  patri- 
ciennes. En  France,  la  coutume  subsista  jusqu'au  xvii^  siècle 


594  — 


d'exposer  en  effigie,  sur  un  lit  de  parade,  les  rois  et  divers 
grands  personnages,  pendant  le  mois  qui  suivait  leur  décès. 
Il  faut  rappeler  enfin  que,  dans  notre  législation  criminelle, 
l'incarcération  et  l'exécution  en  effigie,  stigmate  infamant 
dont  on  chargeait  le  nom  du  criminel  qui  s'était  soustrait 
à  l'action  des  lois,  avaient  pris  naissance  au  xii®  siècle  et 
se  conservèrent  jusqu'au  xvii®.  Ad.  T. 

BiBL.  :  F.  Lenormant,  la  Monnaie  clans  l'antiquité,  t.  II, 
pp.  168  etsuiv.  —  Imhoof-Blumer  Portrâtkôpfe  auf  anti- 
ken  Mûnzen,  1865.  —  Mommsen,  Blacas,  de  Witte,  His- 
toire de  la  monnaie  romaine,  t.  III,  p.  2.—  Waddington, 
Mélanges  de  numismatique,  1867,  p.  133.  —  E.  Babelon, 
Revue  numismatique,  1887,  p.  109.  —  A.  Barre,  Graveurs 
généraux  et  particuliers  des  monnaies  de  France,  1867.  — 
Alex.  Vattemare,  Collection  de  monnaies  et  médailles 
de  l'Amérique  du  Nord,  1861,  p.  25. 

EFFILÉ  (Tissage).  Les  petites  serviettes  sont  souvent 
entourées  d'une  sorte  de  frange,  appelée  effilé,  qui  est  pro- 
duite en  disposant,  lors  du  tissage,  à  droite  et  à  gauche  de 
la  chaîne  qui  formera  le  fond  de  l'étofiTe,  et  à  des  distances 
égales  à  la  longueur  des  effilés  que  l'on  veut  produire, 
quelques  fils  qui  lient  et  retiennent  la  trame  à  chacun  de 
ses  passages  à  travers  l'étoffe;  en  coupant  ensuite  ces  fils, 
les  franges  sont  immédiatement  formées.  Pour  celles  qui 
terminent  la  serviette  à  ses  extrémités,  il  suffit  de  faire 
avancer  la  chaîne  sans  tisser  de  la  quantité  voulue.  On 
donne  également  le  nom  d'effilés  à  des  passementeries  gar- 
nies de  franges. 

EFFILOCHAGE  (Papeterie)  (V.  Défilâge). 
EFFINCOURT.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Marne,  arr. 
de  \Yassy,  cant.  de  Poissons;  207  hab. 

EFFLORESCENCE  (Chim.).  Sorte  dépoussière  blanche 
ou  jaunâtre,  formée  de  petits  groupes  disposés  en  chou-fleur 
qu'on  rencontre  tantôt  sur  le  sol  ou  sur  les  murs  salpêtres, 
tantôt  sur  certains  sels  qu'on  nomme,  pour  cette  raison, 
sels  efflorescents  ;  tels  sont  le  carbonate  de  soude,  le  sulfate 
de  fer,  etc.  Cet  efîet  est  dû  à  l'évaporation  d'une  partie  ou 
de  la  tolaUté  de  l'eau  de  cristallisation  de  ces  sels.  Par 
suite  de  ce  phénomène,  la  matière  diminue  de  poids ,  perd 
sa  transparence,  se  désagrège  et  tombe  en  poussière  plus 
ou  moins  lentement.  Pour  empêcher  un  sel  de  cette  nature 
de  s'effleurir,  il  suffit  de  le  placer  dans  un  miheu  saturé 
d'humidité ,  dans  un  vase  fermé  contenant  un  peu  d'eau. 
On  donne  aussi  le  nom  d'efflorescence  au  phénomène  lui- 
même  du  passage  d'un  corps  sohde  à  l'état  pulvérulent, 
par  suite  d'un  dégagement  de  son  eau  de  cristallisation. 
L'efflorescence  est  l'inverse  de  la  déliquescence. 

EFFLUVE.  I.  Médecine.  —  Autrefois,  on  désignait  sous 
ce  nom  les  émanations  de  nature  animale  ou  végétale, 
quelles  qu'elles  fussent.  Aujourd'hui,  il  sert  exclusivement 
à  désigner  les  émanations  qui  se  dégagent  des  terrains 
marécageux,  c.-à-d.  une  variété  d'émanations  miasmatiques 
(V.  Miasme). 

II.  Physique.  —  L'effluve  est  un  mode  particulier  de  de- 
charge  électrique  ;  on  l'obtient  toutes  les  fois  qu'un  corps 
électrisé  possède  sur  sa  surface  des  régions  où  le  rayon  de 
courbure  est  très  petit,  par  exemple  lorsqu'il  présente  des 
pointes  ou  des  arêtes  ;  un  fil  fin  peut  facilement  donner 
naissance  à  des  effluves.  Un  autre  cas,  beaucoup  plus  em- 
ployé dans  la  pratique,  consiste  dans  l'emploi  de  corps 
conducteurs  en  regard,  chargés  à  des  potentiels  très  diffé- 
rents et  séparés  par  des  substances  diélectriques  de  résis- 
tance électrique  assez  forte  pour  s'opposer  au  passage  de 
l'étincelle  proprement  dite.  Il  y  a  lieu  d'étudier  dans 
l'effluve  les  actions  qu'elle  produit  et  qui  sont  d'ordre  calo- 
rifique et  d'ordre  chimique,  la  dépendance  possible  de  ces 
deux  ordres  de  phénomènes,  enfin  l'énergie  mise  en  jeu. 
Nous  ne  nous  occuperons  pas  ici  des  phénomènes  chimiques 
produits  par  l'effluve.  Les  phénomènes  calorifiques  peuvent 
se  calculer  par  les  procédés  ordinaires  qui  servent^  à  la  me- 
sure de  la  chaleur  dégagée  par  les  courants,  si  l'on  con- 
naît la  différence  de  potentiel  des  deux  armatures  et  le 
débit  de  l'électricité.  Ce  dernier  se  mesure  à  l'aide  d'un 
galvanomètre  introduit  dans  le  circuit  qui  relie  au  sol  l'une 
des  armatures  ;  les  potentiels  ou  plutôt  le  plus  souvent 


—  595  — 


EFFLUVE  —  EFFORT 


le  potentiel  de  l'autre  armature  est  déterminé  à  l'aide  d'un 
électromètre.  Mais  si  l'on  fait  passer  dans  l'appareil  à 
effluve  un  gaz  capable  d'éprouver  une  réaction  chimique,  la 
chaleur  correspondante  viendra  augmenter  ou  diminuer 
d'autant,  suivant  que  la  réaction  est  exothermique  ou  endo- 
thermique,  la  chaleur  dégagée  par  l'effluve.  Ainsi  dans  une 
expérience  de  MM,  Bichat  etGuntz,  ces  savants  ont  trouvé 
en  opérant  sur  l'oxygène  se  transformant  en  ozone,  une 
chaleur  dégagée  totale  égale  à  IGQ^'^^S  ;  en  calculant,  d'après 
le  poids  de  l'ozone  formé  et  la  chaleur  de  formation  de  l'ozone, 
la  quantité  de  chaleur  qui  avait  disparu,  ils  ont  trouvé  0,64. 
D'autre  part,  les  mesures  fournies  par  l'électromètre  et  le 
galvanomètre  montraient  que  le  débit  électrique  de  cette  expé- 
rience correspondait  à  un  nombre  de  calories  égal  à  469,95, 
nombre  qui  est  à  très  peu  près  la  somme  des  deux  précé- 
dents. Si  au  lieu  d'une  formation  endothermique  on  avait 
considéré  une  réaction  exothermique,  le  dernier  nombre 
aurait  été  la  différence  des  deux  premiers.  On  pourra  donc, 
dans  tous  les  cas,  calculer  le  phénomène  thermique  de  l'ef- 
fluve, connaissant  d'une  part  la  différence  de  potentiel  qui 
le  produit,  le  débit,  et  d'autre  parties  données  chimiques, 
c.-à-d.  la  quantité  de  substance  nouvelle  produite  et  la  quan- 
tité de  chaleur  qui  correspond  à  sa  formation.  L'énergie 
mise  en  jeu  dans  un  phénomène  d'effluve  est  proportionnelle 
à  la  quantité  de  chaleur  produite  dans  ce  phénomène  quand 
on  la  calcule  à  l'aide  des  données  électriques,  sans  tenir 
compte  des  réactions  qui  peuvent  se  passer.  Ainsi  dans  l'expé- 
rience citée  plus  haut  i69<'^i95  était  la  chaleur  électrique  en 
petites  calories  ;  l'énergie  correspondante  évaluée  en  ergs 
était  égale  à  169,95  X  425  X 10^ =7222875000.  Véner- 
gie  utile  de  l'effluve  est  celle  qui,  dans  le  cas  d'une  réaction 
endothermique  comme  la  précédente,  sert  à  transformer  le 
corps.  Dans  l'exemple  cité  plus  haut,  le  rapport  de  l'éner- 
gie utile  à  l'énergie  dépensée  étant  très  faible,  il  n'atteignait 
pas  ~5 ,  mais  dans  une  expérience  faite  à  —  20°,  en  em- 
ployant un  appareil  à  effluve  de  M.  Berthelot,  et  avec  un 
courant  d'oxygène  très  rapide,  MM.  Bichat  et  Guntz  ont 
obtenu  pour  ce  rapport,  c.-à-d.  pour  rendement,  les  nombres 
0,934  et  0,996  dans  deux  expériences.  Quand  on  se  place 
dans  ces  conditions,  c.-à-d.  pour  des  rendements  voisins 
de  l'unité,  on  trouve  que  la  quantité  de  substance  formée 
par  l'effluve,  la  quantité  d'ozone  par  exemple,  est  pro- 
portionnelle au  carré  de  la  différence  de  potentiel  des  arma- 
tures. A.  JOANNIS. 

III.  Chimie  (V.  Energie  [Chimie],  ^Réactions  électro- 
chifitioues^ . 

EFFONDREMENT  (Géol.).  Les  effondrements  étant 
intimement  liés  aux  actions  chimiques  exercées  par^  les 
eaux  d'infiltration  dans  leur  circulation  souterraine, 
V.  Caverne,  Eboulement,  Rivière  souterraine. 

EF FORCEMENT.  Ordre  par  lequel  un  suzerain  or- 
donnait à  un  des  vassaux  d'aller  compléter  la  cour  féodale 
d'un  autre  qui  est  son  égal  ou  son  inférieur  en  dignité. 
En  principe,  lorsqu'un  seigneur  n'avait  pas  un  nombre 
suffisant  d'hommes  pour  tenir  sa  cour,  les  causes  étaient 
dévolues  au  suzerain.  Pour  éviter  cela,  on  admettait,  dans 
certaines  coutumes,  notamment  dans  les  assises  de  Jéru- 
salem, que  le  seigneur  pouvait,  dans  ce  cas,  demander  au 
suzerain  de  lui  fournir  des  hommes  qu'il  s'engageait  à  ré- 
tribuer. D'après  le  droit  féodal,  une  cour  ne  devant  se  com- 
poser que  de  pairs,  les  seigneurs,  placés  à  un  degré  supé- 
rieur de  la  hiérarchie,  n'étaient  pas  obligés  de  s'y  rendre 
puisque  aucune  foi  ni  obligation  de  service  ne  les  engageaient 
vis-à-vis  du  seigneur  de  la  cour.  Il  fallait  que  le  suzerain 
intervînt  pour  les  y  contraindre.  On  disait  qu'il  les  donnait 
au  seigneur  de  la  cour  en  efforcement.  Efforcer  une  cour, 
c'était  la  compléter.  J.  Declareuil. 

EFFORT.  I.  Mathématiques.  —  Le  mot  effort  est  em- 
ployé, dans  la  théorie  de  l'élasticité,  pour  désigner  l'action 
d'un  ensemble  des  forces  agissant  d'une  manière  déter- 
minée sur  une  partie  d'un  corps  solide.  Ex.  :  effort  de  trac- 
tion, effort  de  compression,  effort  de  flexion,  effort  tran- 
chant, etc.  L.  Lecornu. 


II.  Physiologie.  —  L'effort  consiste  dans  la  contrac- 
tion musculaire  intense  de  plusieurs  groupes  musculaires, 
ayant  pour  but  de  vaincre  une  résistance  extérieure 
ou  d'accomplir  une  fonction.  Ce  qui  caractérise  l'effort, 
c'est  l'intensité  de  la  contraction  et  la  simultanéité  de 
la  contraction  d'un  certain  nombre  de  muscles.  Il  est  in- 
dispensable, en  effet,  pour  obtenir  une  certaine  force,  qu'un 
certain  nombre  des  points  d'attache  des  muscles  soient 
fixés.  Or  le  point  d'appui  essentiel  est  constitué  par  la 
cage  thoracique.  Tout  effort  est  donc  précédé  de  la  con- 
traction de  tous  les  muscles  inspirateurs.  L'air  ayant 
pénétré  dans  les  poumons,  la  glotte  se  ferme,  les  muscles 
expirateurs  se  contractant  immobilisent  tout  le  squelette  de 
la  cage  thoracique  et  c'est  alors  seulement  que  les  groupes 
musculaires  spéciaux  entrent  en  jeu  pour  produire  l'effort 
voulu.  Il  résulte  de  ce  fait  que  l'occlusion  de  la  glotte  est 
un  des  éléments  importants  de  l'effort,  important  mais  non 
rigoureusement  nécessaire  au  moins  pour  les  efforts  d'une 
intensité  moyenne.  On  a  vu  en  effet  que  les  hommes  et  les 
animaux  pourvus  d'une  canule  trachéale  pouvaient  encore 
faire  certains  efforts,  mais  ces  derniers  sont  toujours  moins 
énergiques  et  surtout  moins  soutenus.  Une  autre  théorie 
a  été  émise  pour  expliquer  l'immobilisation  de  la  cage 
thoracique  qui  précède  toujours  l'effort  :  par  suite  de 
l'arrêt  des  échanges  respiratoires,  il  se  produit  une  accu- 
mulation d'acide  carbonique  dans  le  sang,  d'où  augmen- 
tation d'excitabilité  des  centres  moteurs  spinaux  et  bul- 
baires et  par  suite  incitations  plus  énergiques  envoyées 
aux  groupes  musculaires.  Cette  explication  bio-chimique 
ne  nous  parait  pas  aussi  plausible  que  la  théorie  purement 
mécanique  des  points  d'appui  immobilisés.  Un  certain  nombre 
d'actes  physiologiques  s'accompagnent  souvent  d'effort  :  tels 
la  défécation  dans  les  conditions  ordinaires,  l'accouchement 
dans  lequel  l'effort  atteint  son  maximum  d'intensité. 

L'effort  peut  être  volontaire,  comme  lorsqu'il  s'agit  de 
soulever  un  pesant  fardeau,  de  pousser  un  cri  puissant;  il 
est  au  contraire  involontaire  et  d'acte  réflexe  dans  les  dou- 
leurs de  Taccouchement,  dans  les  vomissements.  La  com- 
pression violente  de  l'air  thoracique  ou  des  viscères  abdo- 
minaux dans  l'effort  peut  quelquefois  produire  des  accidents 
de  nature  diverse.  Dans  l'effort  fait  pour  se  moucher,  l'air 
comprimé  pénètre  par  la  trompe  d'Eustache  dans  l'oreille 
moyenne,  tend  la  membrane  du  tympan  qui  bombe  en 
dehors ,  et  il  en  résulte  une  certaine  surdité  momentanée, 
à  laquelle  on  remédie  facilement  en  avalant  de  la  salive  et 
en  faisant  par  suite  tomber  la  pression  dans  la  trompe.  Les 
organes  comprimés  dans  la  cavité  abdominale  font  quelque- 
fois saillie  par  les  points  de  moindre  résistance  des  parois, 
d'où  l'apparition  de  hernie.  Cette  cause  est  si  commune 
qu'on  emploie  vulgairement  les  mots  d'effort  et  de  hernie 
comme  synonymes.  La  compression  de  l'air  thoracique  reten- 
tit également  sur  le  cœur  et  les  gros  vaisseaux.  Le  cœur 
gauche  envoie  tout  son  sang  à  la  périphérie,  la  tension 
augmente  et  on  s'explique  ainsi  les  hémorragies  cérébrales^ 
les  ruptures  des  vaisseaux  constatées  à  la  suite  d'un  vio- 
lent effort.  D''  P.  Langlois. 

III.  Art  vétérinaire.  —  On  désigne,  par  effort,  dans  le 
langage  vétérinaire  usuel,  un  certain  nombre  de  maladies 
causées  par  des  actions  violentes.  C'est  ainsi  qu'on  dit  :  effort 
de  reins,  effort  d'épaule,  effort  de  hanche,  effort  de  jarret, 
effort  de  boulet.  L'effort  d'épaule  constitue  l'écart  ;  l'effort  de 
hanche  constitue  l'allonge  ;  l'effort  de  boulet  constitue  l'en- 
torse du  boulet,  c.-à-d.  de  l'articulation  métacarpe  ou  mé- 
tatarso-phalangienne.  L'effort  de  boulet  est  le  résultat  du 
travail  exagéré,  de  la  course  excessive,  d'un  faux  pas, 
d'une  chute,  d'un  coup  violent  ;  l'effort  peut  se  produire  et 
sur  les  ligaments  latéraux  de  la  jointure,  et  sur  ses  liga- 
ments postérieurs,  suspenseur  du  boulet,  tendons  des 
fléchisseurs  des  phalanges.  L'effort  de  boulet  varie  dans 
sa  gravité  comme  dans  la  lésion  des  parties  intéressées; 
tantôt  il  y  a  dilacération  du  tissu  cellulaire,  tantôt  dila-» 
cération  ou  rupture  partielle  des  tendons  et  des  muscles 
dont  ils  procèdent,  des  ligaments  articulaires,  avec  ou  sans 


EFFORT  —  EFFRAYE 


—  596  — 


déplacement  des  os  et  de  leurs  abouts  articulaires.  La  dou- 
leur et  la  boiterie  sont  les  premiers  symptômes  de  Teffort 
de  boulet,  boiterie  variable  dans  son  mode  d'expression 
depuis  Tappui  diminué  sur  le  membre  souffrant  jusqu'à 
l'appui  complètement  nul.  Quelques  heures  après  l'appa- 
rition de  ces  premiers  symptômes,  l'articulation  forcée 
devient  le  siège  d'un  engorgement  œdémateux,  chaud  et 
douloureux,  causé  par  l'infiltration  dans  les  mailles  du 
tissu  cellulaire  de  la  sérosité  inflammatoire  et  du  sang 
extravasé.  Puis  les  membranes  synoviales  articulaires  et 
tendineuses  deviennent  à  leur  tour  le  siège  d'une  hyper- 
sécrétion morbide,  hypersécrétion  se  dessinant  à  l'extérieur 
par  des  tumeurs  saillantes  sur  les  parois  du  boulet  au- 
dessus  et  au-dessous  des  sésamoïdes.  L'effort  de  boulet, 
conséquence  d'une  entorse  légère,  se  guérit  par  les  douches 
d'eau  froide,  des  bandages  astringents  et  des  frictions  vési- 
cantes;  s'il  résulte  d'une  entorse  grave,  il  devient  dès  lors 
une  affection  des  plus  redoutables  et  le  plus  souvent  diffi- 
cile à  guérir.  La  première  indication  est  de  laisser  l'animal 
à  un  repos  absolu.  On  appliquera  ensuite  sur  la  région 
malade  un  vésicatoire  énergique;  le  vésicatoire  agit  comme 
révulsif  et  comme  moyen  de  contention.  S'il  ne  suffit  pas 
pour  faire  cesser  la  boiterie,  il  faut  recourir  à  la  cautéri- 
sation, soit  en  raies,  soit  en  pointes.  L.  Garnier. 

IV.  Philosophie.  —  Le  sentiment  de  l'eff'ort  joue  un 
grand  rôle  non  seulement  en  psychologie,  mais  en  métaphy- 
sique, depuis  que  Maine  de  Biran  a  placé  là  l'origme  de 
l'idée  de  cause,  dont  on  connaît  l'importance  peut-être 
sans  égale  dans  la  philosophie  tout  entière  (V.  Cause).  Avec 
Maine  de  Biran,  le  sens  commun  voit  généralement  dans 
l'eff'ort  la  manifestation  par  excellence  de  l'énergie  volon- 
taire, par  suite  le  type  même  de  l'activité  spontanée,  en 
tant  du  moins  qu'elle  rencontre  des  résistances  dans  l'inertie 
ou  dans  l'action  contraire  des  choses  environnantes.  Mais 
de  nos  jours,  l'analyse  psycho-physiologique  tend  à  réduire 
le  sentiment  de  l'effort  aux  seules  sensations  passives 
qui,  en  effet,  y  entrent  comme  composantes  :  sensations 
de  contraction  musculaire,  d'occlusion  de  la  glotte,  de 
la  respiration  suspendue,  de  la  circulation  modifiée,  etc. 
(V.  ci-dessus  §  Physiologie),  si  bien  que  ce  qui  se  passe 
communément  pour  la  conscience  vive  de  notre  activité 
libre  ne  serait  au  contraire  que  le  sentiment  confus 
de  l'impression  que  font  sur  notre  cerveau  des  change- 
ments mécaniques  survenus  dans  nos  autres  organes.  Cette 
vue  originale  a  été  exposée  surtout,  et  avec  beaucoup  de 
force,  par  M.  William  James,  et,  depuis  ses  études  sur 
ce  sujet  (V.  la  Critique  philosophique,  1880-1881),  la 
«  psychologie  de  l'effort  »  a  donné  lieu  de  toutes  parts  à  des 
recherches  et  à  des  spéculations  de  valeur  d'ailleurs  fort 
inégale.  . 

Il  y  a  certainement  une  large  part  de  vente  dans  cette 
analyse.  Il  est  incontestable,  par  exemple,  que  tels  senti- 
ments qu'on  pourrait  croire  d'origine  purement  psychique, 
comme  la  colère,  sont  ampHfiés  dans  une  proportion  sin- 
gulière, sinon  exclusivement  produits,  par  les  mêmes  trou- 
bles organiques  qui  les  manifestent  au  dehors.  On  croit 
que  la  Vougeur,  l'agitation,  le  trépignement  sont  seule- 
ment des  signes  de  la  colère  ;  c'en  sont  des  causes  en  même 
temps  que  des  signes  ;  ce  sont  au  moins  des  facteurs  de  ce 
sentiment  si  complexe. 

Cependant,  jusqu'à  plus  ample  informé,  j'incline  à  croire 
que  ce  sont  des  facteurs  seulement,  et  même  des  facteurs 
secondaires  ;  que  la  colère,  en  son  essence  et  dans  son  prin- 
cipe, est  avant  tout  un  trouble  psychique,  c.-à-d.  produit 
dans  la  sphère  des  idées,  ou,  physiologiquement  parlant, 
dans  les  centres,  organes  de  l'idéation.  De  même,  et  à  plus 
forte  raison  pour  l'effort.  Il  faut  admettre  sans  hésiter  que 
le  sentiment  que  nous  en  avons  est  accru,  décuplé  peut- 
être,  centuplé,  si  Ton  veut,  par  tout  l'ensemble  des  faits 
psycho-physiologiques  qui  constituent  ou  accompagnent 
l'effort  musculaire,  lequel  est  de  beaucoup  le  plus  ordinaire 
et  le  plus  facilement  observable.  Mais,  d'abord,  il  y  a  des 
efforts  de  volonté  qui  sont  et  restent  tout  intérieurs  :  ceux- 


là  échappent  à  la  théorie,  semble-t-il,  ou  du  moins  n'y 
rentrent  que  d'une  manière  assez  hypothétique,  si  l'on 
admet,  comme  équivalents  des  phénomènes  de  contraction 
musculaire  et  autres  concomitants,  je  ne  sais  quelle 
tension  cérébrale  et  des  modifications  de  la  circulation 
encéphalique  qui  accompagnent,  je  le  crois,  l'effort  pure- 
ment mental,  mais  que  personne  pourtant  n'a  pu  encore 
observer  scientifiquement  dans  leurs  rapports  avec  lui.  Et 
d'autre  part,  dans  l'effort  musculaire  lui-même,  il  faudra 
toujours,  croyons-nous,  distinguer  des  impressions  orga- 
niques multiples  dont  est  faite  pour  une  grande  part  en 
effet  la  sensation  complexe  de  l'effort,  mais  qui  sont  con- 
sécutives plutôt  qu'essentielles  au  nisus  psychique,  le  sen- 
timent initial  de  ce  nisus,  sentiment  simple,  indescrip- 
tible comme  tout  ce  qui  nous  est  le  plus  intime,  et  qui 
est  précisément  le  sentiment  même  de  l'effort  dans  ce  qu'il 
a  d'irréductible.  Car  personne  ne  confondra  jamais  avec 
l'effort,  qui  par  définition  vient  de  nous,  quelque  ensemble 
que  ce  soit  de  sensations  respiratoires,  contractiles  et 
autres,  produites  en  nous  mécaniquement  ou  à  titre  de 
réflexes,  et  purement  subies  de  notre  part.  Or,  tant  qu'on 
n'aura  pas  effacé  la  différence  profonde  qui  sépare  dans  la 
conscience  le  sentiment  de  la  passivité  de  celui  de  l'action 
spontanée ,  il  restera  quelque  chose ,  tout  le  principal 
même  restera  de  l'analyse  de  Maine  de  Biran,  et  par  con- 
séquent, de  ce  qui  s'en  déduit  touchant  notre  notion  de  la 
causalité  et  son  application  aux  problèmes  de  philosophie 
générale.  Ce  n'est  pas  à  dire,  tant  s'en  faut,  que  ces  spé- 
culations échappent  à  la  critique;  mais  il  n'est  pas  exact 
qu'elles  soient  ruinées,  dès  à  présent,  par  la  psychologie 
de  l'effort.  H.  Marion. 

EFFRACTION  (V.  Vol). 

EFFRAYE  (Ornith.).  Les  Effrayes  ou  Effraies  (Strix) 
méritent  de  constituer,  dans  le  sous-ordre  de  Rapaces  noc- 
turnes (V.  Rapace  et  Oiseau  de  proie),  une  famille  dis- 
tincte, celle  des  Strigidés.  Elles  se  distinguent,  en  effet,  des 
Hibous,  des  Chouettes  ordinaires  et  des  Chats- Huants 
(V.  ces  mots),  à  la  fois  par  certaines  particularités  ostéo- 
logiques  et  par  divers  caractères  extérieurs,  tels  que  l'ab- 
sence d'aigrettes,  la  réunion  des  disques  faciaux  au-dessus 


Effraye  commune. 

du  bec,  la  dénudation  des  doigts,  la  présence  des  denticu- 
lations  sur  le  bord  interne  du  doigt  médian,  et  les  teintes 
claires  du  plumage  qui  est,  sur  les  parties  intérieures  du 
corps,  d'un  blanc  pur  ou  légèrement  jaunâtre  avec  des 
flammèches  plus  ou  moins  distinctes,  et  sur  les  parties  su- 
périeures d'un  jaune  roussàtre,  tacheté  et  vermiculé  de 
noir,  de  brun,  de  gris  et  de  blanc.  Les  mêmes  caractères 
et  le  même  système  de  coloration  s'observent  chez  l'Effraye 
commune  {Sirix  flammea  L.),qui  est  presque  cosmopo- 
lite, chez  l'Effraye  blanche  (Strix  candida  L.)  de  l'Asie 
méridionale,  chez  l'Effraye  du  Cap  {Strix  capensis  Smith), 
chez  l'Effraye  de  la  Nouvelle-Hollande  {Strix  novœ-hol- 


597  — 


EFFRAYE  —  ÉGALITÉ 


landiœ  Steph.),  etc.  Ces  différentes  espèces  ne  peuvent 
être  distinguées  les  unes  des  autres  que  grâce  à  des  modi- 
fications dans  la  taille,  dans  les  proportions  des  diverses 
parties  du  corps  et  dans  les  nuances  du  plumage. 

L'Effraye  commune  présente  du  reste,  elle-même,  d'une 
contrée  à  l'autre,  de  légères  variations  auxquelles  certains 
ornithologistes  ont  attribué  à  tort  une  trop  grande  valeur. 
Cette  espèce,  de  taille  assez  forte,  mesurant  à  l'âge  adulte 
environ  36  centim .  de  long,  est  plus  répandue  dans  notre  pays 
qu'on  ne  le  croit  généralement,  mais  passe  souvent  inaper- 
çue en  raison  de  ses  habitudes  nocturnes.  Pendant  la  jour- 
née elle  se  tient  cachée  dans  les  clochers,  dans  les  vieilles 
tours  ou  dans  les  greniers  et  ne  sort  qu'à  la  nuit  close 
pour  donner  la  chasse  aux  Mulots,  aux  Campagnols  et  aux 
Souris.  En  volant  au-dessus  des  campagnes  endormies, 
l'Effraye  pousse  de  temps  en  temps  un  cri  désagréable,  et 
au  printemps  elle  fait  entendre  des  sortes  de  gémissements 
que  beaucoup  de  gens  s'obstinent  encore  à  considérer 
comme  un  funeste  présage,  comme  un  signal  de  mort. 
Aussi  l'Effraye  partage-t-elle  la  réprobation  dont  sont 
l'objet  les  Hibous  et  les  Chouettes  et  est-elle  généralement 
persécutée  au  lieu  d'être  protégée  comme  elle  mériterait  de 
l'être  en  raison  des  services  qu'elle  rend  à  l'agriculture.  — 
Comme  tous  les  oiseaux  de  nuit,  l'Effraye  pond  des  œufs 
d'un  blanc  pur.  Elle  élève  avec  beaucoup  de  sollicitude  ses 
petits,  qui  sont  couverts  d'un  duvet  blanc.  E.  Oustalet. 
BiBL.  :  Daubenton,  PL  enl  de  Buffon,  1770,  t.  I,  pi. 
440.  —  J.  GouLD,  Birds  of  Europa,  1838,  pi.  36;  Birds  of 
Australie,  pi.  28,  29  et  31.  —  Degland  et  Gerbe,  Ornith. 
europ.,  1867,  t.  I,  p.  133,  2«  édit. 

EFFRY.  Com.  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de  Vervins, 
cant.  de  Hirson;  343  hab. 

EFFUSION  (Loi  de  l')  (Phys.)  (V.  Diffusion). 
EFRAÏM  LE  Bonn  (fils  de  Jacob),  écrivain  et  liturgiste 
juif,  né  en  1123.  Il  avait  treize  ans  lors  de  la  deuxième 
croisade  qui,  comme  la  première,  avant  tout  se  dirigea 
contre  les  juifs.  Il  fut  témoin  oculaire  de  toutes  les 
cruautés  et  persécutions  dont  ses  malheureux  coréhgion- 
naires  étaient  les  victimes  et  auxquelles  lui-même  n'échappa 
pas.  Dans  les  dernières  années  de  sa  vie,  il  composa  une 
relation  concise  de  ces  calamités  et  d'autres  qui  avaient 
frappé  les  juifs  en  la  continuant  jusqu'à  l'an  1196;  ce 
martyrologe,  qui  a  été  publié  pour  la  première  fois  par 
M.  M.  Wiener  comme  appendice  à  la  traduction  alle- 
mande de  VEmek  ha-Bakha  de  Joseph  Kohen  (Leipzig, 
18o8),  représente  une  source  très  précieuse  pour  l'histoire 
des  juifs  au  xii*^  siècle.  Ses  poésies,  dont  deux  sont  com- 
posées en  langue  araméenne,  sont  d'un  caractère  élégiaque 
et  pleines  d'allusions  aux  tristes  événements  de  son  temps. 
Il  est  aussi  auteur  d'un  commentaire  sur  quelques  parties 
du  Mahzor  (cycle  des  prières  pour  les  fêtes)  qui  s'est 
conservé  en  partie  dans  un  manuscrit  d'Oxford  (catalogue 
Neubauer  n^  1317),  et  d'un  autre  sur  Aboth. 

BiBL.  :  Literaturblatt  des  Orients^  1845,  n"  47.  —  Zunz, 
Syna.goga.le  Poésie;  Berlin,  1858.  —  Du  môme,  Literatur- 
geschictite der synagogalen Poésie ;BerVm,lSQb. —  L.  Lands- 
HUTH,  Amude  ha-Aboda,  onomasticon  auctorum  hymno- 
rum  hebrœoriim;  Berlin,  1857. 

EFREMOV.  Ville  de  Russie,  ch.-l.  de  district  du  gou- 
vernement de  Toula;  7,402  hab. 

EGA.  Nom  de  plusieurs  villes  de  l'antiquité  (V.  Mgje). 
EGA.  Rivière  d'Espagne,  formée  par  la  réunion  de  plu- 
sieurs ruisseaux  dans  la  province  d'Alava,  court  d'abord 
du  N.  au  S.,  puis  de  l'O.  à  l'E.,  entre  dans  la  Navarre  par 
le  défilé  de  Arquijas,  passe  à  Éstella  et  va  se  jeter  dans 
l'Ebre.  L'Ega  reçoit  sur  ses  deux  rives  des  ruisseaux  très 
nombreux,  mais  de  peu  d'importance  ;  lui-même  n'est  guère 
qu'un  torrent  qui  roule  l'hiver  d'énormes  masses  d'eau, 
mais  est  presque  à  sec  pendant  l'été.  E.  Cat. 

ÉGADES  (Iles)  (V.  agates). 

ÉGAGROPHILES  (ZooL).  On  désigne  sous  ce  nom  des 
concrétions  que  l'on  trouve  dans  le  canal  digestif  des  Mam- 
mifères ruminants  et  qui  sont  essentiellement  formées  des 
poils  que  l'animal  avale  en  se  léchant  et  que  les  mouve- 
ments de  l'estomac  rassemblent  sous  forme  de  boules  feu- 


trées. Ces  boules  sont  aussi  désignées  sous  le  nom  de 
bézoards  d'Allemagne.  Outre  les  poils,  on  y  trouve  sou- 
vent des  débris  de  végétaux  et  des  substances  calcaires. 
Lorsque  ces  pelotes  sont  anciennes,  leur  surface  s'use  et 
se  polit  par  le  frottement  au  point  de  ressembler  à  de  vé- 
ritables calculs.  Ces  concrétions,  par  leur  volume,  peuvent 
quelquefois  causer  des  accidents  en  obstruant  l'intestin,  et 
même  causer  la  mort  de  l'animal  (V.  Rézoard).  E.  Trt. 
EGAI.  Dépression  de  l'Afrique  centrale  par  laquelle  se 
continue  vers  le  N.-O.  la  longue  et  large  vallée  du  Fêdé, 
ou  Bahr  el  Ghazâl,  ancien  lit  d'un  puissant  tributaire  du 
Tchad.  L'humidité  du  sous-sol  y  entretient  des  pâturages 
renommés,  dont  les  peuplades  pastorales  du  Kanem  et  du 
Bodelé  se  disputent  la  possession.  Nachtigal  a  visité  l'Egaï 
en  1871. 

ÉGALES  (Méthode  des  racines)  (V.  Racine). 
EGA  LITÉ.  I.  Mathématiques.— L'égalité  a  souvent  besoin 
d'être  définie  ;  elle  ne  saurait  l'être  d'une  façon  générale, 
mais  elle  peut  et  doit  l'être  ordinairement  dans  chaque  cas 
particulier  ;  ainsi,  en  géométrie,  on  dit  que  deux  figures  sont 
égales  quand  elles  sont  susceptibles  de  coïncider  ou  de  se 
décomposer  en  parties  susceptibles  de  coïncider  chacune  à 
chacune.  Deux  temps  sont  égaux  quand  ils  sont  la  durée 
de  phénomènes  identiques,  etc.  On  exprime  que  deux 
nombres  sont  égaux,  c.-à-d.  mesurent  des  quantités  égales 
en  les  séparant  par  le  signe  =:.  Lorsque  dans  une  égalité 
on  a  néghgé  certains  multiples  de  quantités  connues,  on 
remplace  le  signe  =:  par  =  ;  elle  porte  alors  les  noms  de 
congruence,  équivalence  (V.  ces  mots  et  Equation, 
Identité).  H.  Laurent. 

IL  Astronomie.  —  On  employait  beaucoup  dans  le  système 
de  Ptoléméeles  cercles  d'égalité  ouéqiiants  (V.  ce  mot). 

III.  Sociologie.  —  Dans  l'organisation  sociale,  et  parti- 
culièrement en  ce  qui   concerne  les  droits  poHtiques  et 
privés,  l'égalité  suppose  l'appHcation  des  mêmes  règles  à 
tous  les  citoyens  sans  exception  ;  droits  et  devoirs  sont  les 
mêmes  pour  tous,  et  la  loi  est  la  même  sans  distinction. 
L'égalité  est  le  principe  fondamental  des  démocraties  mo- 
dernes, et  c'est  le  seul  qu'elles  aient  à  peu  près  réahsé. 
Nous  renvoyons   pour  les  détails   aux  art.  Classes  so- 
ciales, Constitution,    Démocratie,   Etat,    Société,  etc. 
La  déclaration  des  droits  de  l'homme  et  du  citoyen,  inspirée 
des  idées  philosophiques  sur  le  droit  naturel,  affirme  dans 
son  premier  article  :  «  Les  hommes  naissent  et  demeurent 
libres  et  égaux  en  droits.  »  Une  série  d'autres  constitutions 
affirment  expressément  l'égalité  des  citoyens  devant  la  loi 
(Prusse,  Bavière,  Saxe,  Italie,  Grèce,  etc.).  On  remarquera 
que  cette  formule  est  moins  compréhensive  que  celle  votée 
par  l'Assemblée  constituante.  En  fait,  celle-ci  est  plus 
philosophique  que  réelle,  et  il  y  a  lieu  de  distinguer  trois 
points  de  vue  selon  qu'il  s'agit  de  l'égalité  dans  les  droits 
privés,  de  l'égalité  politique,  de  l'égalité  sociale.  L'égalité 
devant  la  loi  en  matière  privée  a  été  presque  complètement 
réalisée  dans  l'Europe  et  l'Amérique  modernes.   C'est  le 
grand  progrès  accompli  depuis  l'eff'ondrement  du  système 
féodal,  lequel  reposait  essentiellement  sur  l'inégahté  des 
droits  et  des  devoirs  (V.  Classes  sociales.  Etat,  etc.). 
Dans  l'Etat  moderne,  chaque  homme,  quel  qu'il  soit,  est 
envisagé  comme  un  individu  dans  ses  rapports  avec  d'autres 
individus,  et  ceux-ci  sont  réglés  sans  tenir  compte  de  la 
qualité  personnelle.  On  fait  même  très  peu  de  distinction 
entre  les  nationaux  et  les  étrangers.  Tel  est  le  résultat  d^ 
la  Révolution  française.  Le  principe  de  l'égalité  des  droits 
naturels,  qu'elle  proclamait,  a  prévalu.  Même  le  souverain 
et  l'Etat,  dans  les  aff'aires  de  droit  privé,  sont  traités 
comme  les  autres  individualités  sans  privilège.  Cette  égalité 
n'est  pas  absolue,  toutefois.  Elle  comporte  des  restrictions 
fondées  sur  le  sexe  et  sur  l'âge,  sur  l'état  de  santé  et     - 
d'équilibre  moral  des  individus  ;  ni  les  femmes,  ni  les  mi- 
neurs n'ont  l'égalité  de  droits;  les  aliénés,  les  interdits, 
les  condamnés  en  sont  privés.  D'autre  part,  il  subsiste  dans 
certains  pays  des  privilèges  spéciaux  pour  le  souverain  et 
sa  famille,  notamment  en  ce  qui  touche  le  mariage  et  les 


ÉGALITÉ  -  ÉGAULT 


-  598- 


unions  morganatiques.  D'ailleurs,  cette  condition  parti- 
culière de  la  famille  souveraine  est  plutôt  restrictive 
des  droits  individuels  de  ses  membres.  Ajoutons  que  1  éga- 
lité devant  la  loi  n'est  réelle  qu'en  droit.  En  fait,  les  com- 
plications de  la  procédure  et  les  délais  qu  elle  impose 
rendent  très  souvent  impossible  au  pauvre  lusage  de  cet 
appareil  compliqué,  et,  dans  les  pays  les  plus  avances  il 
subsiste,  au  profit  des  riches  et  des  puissants,  une  inégalité 
très  marquée.  Toutefois,  c'est  un  progrès  immense  que 
d'avoir  inscrit  l'égalité  dans  la  loi,  si  l'on  songe  que  1  an- 
tiquité reposait  sur  Vesclavage  (V.  ce  mot)  et  que,  jusqu  a 
la  fin  du  siècle  dernier  en  France,  jusqu'à  il  y  a  un  vingtaine 
d'années  dans  de  grands  pays  européens,  les  droits  indivi- 
duels privés  variaient  d'une  classe  à  l'autre  (Y.  Classes  so- 
ciales). Il  subsiste  quelques  traces  de  cette  inégalité  dans 
le  réeime  de  la  propriété  en  Allemagne,  en  Angleterre,  etc. 
Malgré  toutes  ces  restrictions,  notre  civilisation  est  fondée 
sur  l'éaalité  des  droits  civils. 

L'égalité  politique  est  moins  réalisée  ;  si  1  on  excepte  les 
républiques  fondées  sur  le  suff'rage  universel,  on  trouve  des 
droits  prépondérants  constitués,  soit  au  bénéfice  d  un  sou- 
verain héréditaire,  soit  au  profit  d'une  aristocratie  de  cen- 
sitaires. Dans  des  pays  très  libres,  comme  les  Etats  Scan- 
dinaves, les  droits  électoraux  ne  sont  pas  égaux  entre  les 
individus  ;  ils  sont  encore  exercés  par  des  groupes  sociaux, 
par  des  classes;  ailleurs  (Angleterre,  Belgique,  Italie)  les 
pauvres  en  sont  destitués.  Même  en  France,  le  jury  est 
recruté  exclusivement  dans  une  minorité  et  ne  représente 
que  l'opinion  de  la  classe  capitaliste.  L'égahté,  au  point  de 
Yue  des  charges,  n'est  pas  complète;  les  très  grosses  for- 
tunes échappent  aux  exigences  du  fisc.  Pour  le  service 
militaire  en  France,  l'égalité  complète  ne  date  que  de  la 
loi  de  1889,  le  privilège  du  remplacement  ayant  jusqu  alors 
en  partie  survécu  dans  l'institution  du  volontariat  d  un  an. 
Depuis  1889,  il  n'y  a  plus  d'avantage  fait  qu'à  l'instruction 
et  l'on  peut  admettre  que  le  système  des  bourses  permet 
aux  pauvres  comme  aux  riches  de  recevoir  l'instruction  ; 
par  là  il  constitue  un  élément  essentiel  de  l'égalité  démo- 

^^  Si^nous  arrivons  à  l'égalité  sociale,  nous  constatons 
qu'elle  n'existe  à  peu  près  nulle  part  ;  je  ne  dis  pas  seule- 
ment l'éealité  de  fortune,  ni  même  l'égalité  de  rémuné- 
ration pour  des  efforts  égaux,  mais  simplement  cette  égalité 
qui  fasse  que  le  riche  et  le  pauvre,  le  noble  et  le  plébéien 
soient  considérés  seulement  en  raison  de  leur  mérite  indi- 
viduel. Malgré  les  progrès  faits  par  le  sentiment  démo- 
cratique nous  sommes  encore  loin  de  cet  idéal.  Dans  un 
échange  de  services  celui  qui  donne  l'argent  se  juge  supé- 
rieur en  dienité  à  celui  à  qui  il  le  remet.  11  faut  aller  dans 
les  pays  de  vieille  démocratie  rurale,  comme  la  Norvège 
et  quelques  cantons  suisses,  pour  voir  le  salarié  se  consi- 
dérer comme  l'égal  de  celui  qui  paye,  et  le  traiter  comme 
tel  sans  lui  marquer  cette  déférence  instinctive  qui,  dans 
nos  mœurs,  paraît  presque  due  à  ce  qu'on  appelle  une 
situation  sociale  plus  élevée.  La  jeune  démocratie  des 
Etats-Unis  est  aussi  à  peu  près  égalitaire;  n'ayant  pas 
d'aristocratie  héréditaire,  voyant  la  fortune  se  modifier 
sans  cesse  par  l'action  de  l'énergie  individuelle,  elle  n  a 
pas  nos  préjugés  sur  les  rangs  sociaux.  Rappelons  enfin, 
pour  conclure,  que  l'école  socialiste,  chaque  jour  plus 
puissante,  prétend  établir  entre  les  hommes,  non  seulement 
résalité  dans  la  hiérarchie  sociale,  mais  l'égalité  réelle  : 
de  chacun  selon  ses  moyens,  à  chacun  selon  ses  besoins 
(V.  Collectivisme).  .,,      ,  i-^o 

E6AN  (Pierce),  pubhciste  anglais,  ne  à  Londres  en  177!2, 
mort  à  Londres  le  3  août  1849.  11  se  fit  une  grande  noto- 
riété en  écrivant  dans  les  journaux  les  comptes  rendus  du 
sport  et  fonda  en  1818  une  revue  spéciale,  Boxiana,  qui 
parut  jusqu'en  \  824,  et  en  1 821  un  recueil  mensuel  illustré, 
Life  in  London,  qui  obtint  un  succès  colossal.  Les  per- 
sonnages excentriques  Jerry,  Tom  et  Bob  Logic  qu'il  pro- 
mena à  travers  les  mille  spectacles  de  Londres  devinrent 
populaires.  Une  légion  d'imitateurs  et  de  plagiaires  surgirent, 


entre  autres  Real  Life  in  London  et  Life  in  Paris,  et  1  on 
produisit  à  la  scène  les  aventures  de  Tom,  de  Jerry  et  de 
Losic.  Dégoûté  à  la  fin  de  ces  plagiats,  Egan  écrivit  : 
Finish  tothe  adventures  of  Tom,  Jerry  and  Logic  m 
their  pursuits  through  Life  in  and  out  London 
(Londres,  1828).  Ses  autres  œuvres,  presque  toutes  humo 
ristiques,  sont  nombreuses.  Nous  citerons  :  The  Mistress  of 
Boyalty  (Londres,  1814);  The  Life  and  extraordinary 
Adventures  of  S.  D.  Hayward,  denominated  the  mo- 
dem Macheath  (1822)  ;  The  Life  of  an  actor  (1824)  ; 
Anecdotes  of  the  turf,  the  chase,  the  ring  and  the  stage 
(1827)  ;  Walks  through  Bath  (1828)  ;  The  Show  folks 
(1831)  ;  Mattews's  comic  annual  (1831)  ;  Book  of 
sports  and  Mirror  of  Life  (1832)  ;  The  Pilgrims  ofthe 
Thames  in  search  of  the  national  (mS),  La  plupart 
de  ces  ouvrages  sont  fort  bien  illustrés.  R.  ^» 

EGAN  (Pierce),  romancier  anglais,  né  à  Londres  en 
1814,  mort  à  Londres  le  6  juil.  1880,  fils  du  précédent. 
Dessinateur  et  graveur  de  talent,  il  illustra  notamment 
les  Pilgrims  of  the  Thames  de  son  père  et  une  série 
de  ses  propres  romans.  Sa  production  est  considérable  :  il 
fut  le  fournisseur  attitré  et  très  lu  des  feuilletons  de 
Vlllustrated  London  News,  du  Home  Circle,  du  London 
Journal,  etc.  Nous  citerons  de  lui  :  Wat  Tyler  (1841, 
3  vol.)  ;  Adam  Bell,  Clym  o'  the  Cleugh,  and  William 
ofCloudeslie  (1842)  ;  The  Waits  (1857);  Clifton  Grey 
(1857);  Flower  ofthe  Flock  (1857)  ;  The  Make  m  the 
grass  (1858)  ;  Love  me  leave  me  not  (1860)  ;  ThePoor 
Girl  (1863)  ;  Eve  or  the  Angel  of  innocence  (1807)  ; 
The  Blue  eyed  ivitch  (1869)  ;  Ever  my  queen  (187^)] 
Two  Young  Ecarts  (1876)  ;  Loved  in  secret  (l^'^)  î  ^ 
Shadow  on  the  future  (1880).  R-  p». 

E6AS  (Annequin  de),  architecte  et  sculpteur  d  origine 
flamande  et  dont  le  véritable  nom  est  Hantje  Vander 
Eycke7iAUut,àeU^9  kU9^,maestromayor  àestr&yaux 

de  la  cathédrale  de  Tolède  et,  en  cette  qualité,  il  dirigea,  vers 
la  fin  du  xv^  siècle,  la  construction  de  la  superbe  façade  dite 
des  Lions,  aidé  de  son  appareilleur  Juan  Fernandez  de 
Liena  et  probablement  de  son  fils  Henrique.  P.  L. 

EGAS  (Henrique),  architecte  et  sculpteur,  fils  du  pré- 
cédent et  plus  habituellement  désigné  dans  les  documents 
espagnols  par  le  surnom  de  maître  Henrique.  A  la  mort 
de  son  père,  le  chapitre  de  la  cathédrale  de  Tolède  1  appela 
à  lui  succéder  dans  son  emploi  de  maestro  mayor  qu  il 
conserva  jusqu'en  1534,  date  que  l'on  suppose  être  celle 
de  sa  mort.  En  1480,  il  dirigeait  déjà  la  construction,  à 
Valladolid,  du  grand  collège  de  Santa  Cruz,  fondé  par  le 
cardinal  Pedro  Gonzalez  de  Mendoza,  et,  en  1504,  il  édifiait 
l'hôpital  des  Enfants  trouvés,  à  Tolède,  fondé  par  le  naerne 
cardinal,  dont  il  éleva  le  tombeau  dans  la  cathédrale.  11  lut 
chargé,  également  en  1504,  de  tracer  les  plans  du  grand 
hôpital  de  Santiago  en  GaUce,  fondé  par  les  «  rois  catho- 
liques». En  1519,  il  faisait  modifier  la  coupole  de  la  cha- 
pelle mozarabe  à  la  cathédrale  de  Tolède.  11  fut  consulte 
au  sujet  des  travaux  de  la  coupole  de  la  cathédrale  de 
Séville  (4512  et  1515),  de  la  cathédrale  de  Salamanque 
(1529  et  1534),  de  celles  de  la  Seu  à  Saragosse  (1505),de 
Malaga  (1528)  et  de  Ségovie.  —  Henrique  Egas  laissa 
quatre  enfants,  dont  l'un,  nommé  comme  son  père  Hen- 
rique, fut  architecte;  un  autre,  Diego,  fut  sculpteur  et 
décora  avec  Melchor  de  Salmeron  la  chapelle  de  los  Reyes 
nuevos  (1531  et  suiv.);  Pedro,  le  troisième,  fut  peintre 
et  travailla  à  décorer  la  cathédrale  de  Tolède.  Il  avait  marie 
sa  fille,  Maria,  au  célèbre  architecte  Alonso  de  Covar- 
rubias 


BiiiL.  :  Zarco  DEL  Valle,  Documentos  inedif os;  Madrid, 
1870.  —  Laguno  y  Amirola,  Noticias  de  los  Arquitectos 
y  Arquitectura  de  Espana;  Madrid,  1829. 

ÉGAT.  Corn,  du  dép.  des  Pyrénées-Orientales,  arr.  de 
Prades,  cant.  de  Saillagousse  ;  120  hab. 

EGAIES  (Géogr.  anc.)  (V.  ^Egates). 

ÉGAULT  DES  NoÈs  (Pierre-Marie-Thomas),  ingénieur 
français,  né  à  Dinan  le  16  juin  1787,  mort  à  Moulms  le 


-  599  - 


ÉGAULT  -  EGEDE 


22  janv.  1839.11  appartenait  au  corps  des  ponts  et  chaus- 
sées et  a  donné  son  nom  à  un  niveau  à  bulle  d'air  qui 
constituait  un  grand  progrès  à  Fépoque  (1806)  de  son 
invention;  on  se  sert  encore  couramment  du  niveau 
d'Egault.  Egault  a  été  chargé  en  1805  delà  distribution 
des  eaux  de  l'Ourcq  dans  Paris.  Il  a  publié  en  1814  un 
grand  mémoire  sur  les  inondations  de  la  Seine  à  Paris,  tra- 
vail important  que  l'on  consulte  encore.  M.-C.  L. 

EGBA.  Peuple  nègre  de  la  Guinée  orientale,  delà  famille 
des  Nagos.  Leur  pays  s'étend  au  S.  de  l'Yorouba,  entre 
le  Dahomey  àl'O.  et  le  Bénin  à  l'E.  LesEgbas,  d'un  carac- 
tère plus  sociable  que  les  Dahoméens  et  les  Minas,  étaient 
particulièrement  recherchés  par  les  négriers  pour  le  recru- 
tement de  l'esclavage  du  Brésil  et  de  Cuba  ;  Abéokouta  est 
leur  capitale  actuelle  (à  75  kil.  à  vol  d'oiseau  de  Lagos). 
Les  Egbas  sont  adonnés  au  fétichisme  ;  mais  leur  fétichisme 
n'a  rien  de  farouche.  Leur  constitution,  plus  complexe  que 
celle  de  la  plupart  des  tribus  nègres,  est  un  mélange  de 
coutumes  indigènes  et  de  principes  inspirés  par  les  mis- 
sionnaires anglais.  Les  Egbas  passent  pour  les  meilleurs 
agriculteurs  des  deux  Guinées. 

E6BERT  (Eambercth,  Eggberht,  Hechbertus),  arche- 
vêque d'York  dès  732  ou  734,  mort  en  766  ou  767.  Il 
appartenait  à  la  famille  des  rois  de  Northumbrie  ;  son  frère 
fut  roi  en  738.  Après  avoir  reçu  sa  première  éducation 
dans  un  monastère  de  son  pays,  il  était  allé  à  Rome  et  y 
avait  été  ordonné  diacre  ;  en  735,  il  reçut  le  pallium,  de 
Grégoire  III.  Il  fonda  et  dirigea  l'école  cathédrale  d'York 
et  la  dota  d'une  bibliothèque.  Les  étudiants  y  affluèrent 
bientôt  de  tous  les  pays  de  l'Europe.  Alcuin  y  fut  son  dis- 
ciple, puis  professeur  et  directeur.  —  (ouvres  :  Pontifi- 
cale^ imprimé  d'après  un  manuscrit  de  notre  Bibliothèque 
nationale,  provenant  de  l'église  d'Evreux.  Martène  {DeAn- 
tiquis  Ecclesiœ  ritibus;  Rouen,  1700,  4  vol.  in-fol.)  en 
a  reproduit  des  extraits.  Succintus  dialogus  Ecclesias- 
ticœ  institutionis^  traité,  par  demandes  et  par  réponses, 
sur  divers  points  de  discipline  ecclésiastique  (Dublin,  1664). 
Escarpsum  de  Canonibus  Catholicorum  Patrum,  vel 
Pœnitentiale  ad  remedium  animarum,  imprimé  dans 
la  Veterum  Scriptorum  et  monumentorum,..  amplis- 
sima  collectio  de  Martène  et  Durand  (Paris,  1724-1733, 
9  vol.  in-fol.).  On  a  attribué  à  Egbert  des  Excerptiones^ 
extraits  des  Pères  et  des  canons  de  l'Eglise  ;  mais  Wasser- 
schleben(Z)i>  irische  Canonensammlung  ;  Giessen,  1874) 
a  démontré  que  cet  ouvrage  ne  provient  pas  d'Egbert, 
parce  qu'il  contient  des  extraits  des  capitulaires  de  Charle- 
magne.  E.-H.  Vollet. 

BiBL.  :  Cave,  Historia  litteraria  scriptorum  ecclesiasti- 
corum  ;  Oxford,  1740-1743,  2  vol.  in-fol.  —  Wasserschle- 
BEN,  Die  Bussordnungen  der  abendlândischer  Kirche; 
Halle,  1851,  in-8.  —  J.  Brice,  dans  le  Dictionary  of  Chris- 
tian biography  de  W.  Smith  et  H.  Wace  ;  Londres,  1877- 
1887,  4  vol.  in-8. 

EGBERT  LE  Grand,  roi  des  Saxons,  mort  en  839.  Il 
passa  sa  jeunesse  dans  l'exil,  à  la  cour  de  Charlemagne, 
refuge  des  bannis  des  divers  pays  anglo-saxons.  Il  y  arriva 
probablement  en  789  et  y  resta  treize  ans.  Il  retourna  en 
Angleterre  en  802  et  fut  accepté  par  les  Saxons  de  l'Ouest 
comme  roi.  Les  commencements  de  son  règne  sont  obs- 
curs :  il  livra  bataille,  en  824,  aux  Gallois  de  Cornouailles 
et  aux  gens  de  la  Mercie,  qu'il  vainquit  près  de  Winchester. 
A  la  suite  de  cette  victoire,  il  conquit  le  Kent,  sur  lequel  il 
avait  des  droits,  puis  la  Mercie  (828).  En  829,  il  marcha 
contre  les  Northumbriens,  qui  se  soumirent  à  lui  sans 
combat.  La  Chronique  anglo-saxonne  note  qu'en  cette 
année  829  Egbert  devint  le  huitième  Bretwalda,  c.-à-d. 
le  huitième  suzerain  général  de  tous  les  royaumes  anglo- 
saxons  de  l'île.  Ce  n'est  pas  qu'Egbert  ait  détruit  les 
royautés  locales  ;  on  n'avait  pas  l'idée  en  ce  temps-là  de 
l'unité  territoriale  ;  mais  il  a  exercé  dans  toute  l'Angleterre 
une  espèce  d'autorité  impériale.  La  fin  de  la  vie  d'Egbert 
fut  attristée,  comme  celle  de  Charlemagne,  par  les  inva- 
sions normandes.  En  834,  les  pirates  Scandinaves  enva- 
hirent ses  domaines  et  pillèrent  l'île  de  Sheppey.  L'année 


suivante,  Egbert  fut  battu  par  eux  à  Charmouth  (Dorset- 
shire).  En  837,  une  grande  flotte  de  Normands  d'Irlande 
envahit  le  Wessex  par  la  Cornouailles  avec  l'appui  des  Cor- 
nouaillais.  La  bataille  fut  livrée  à  Hengestdune  et  fut  pour 
Egbert  une  victoire  complète.  Le  roi  mourut  en  paix  et  eut 
pour  successeur  son  fils  Ethelwulf.  Ch.-V.  L. 

EGEDE  (Hans),  premier  missionnaire  des  Esquimaux, 
né  le  31  janv.  1686  à  Senjen  (Norvège),  mort  à  Stubbek- 
jôbing  (Falster)  le  5  nov.  1758.  Vers  1707,  il  était  pas- 
teur luthérien  à  Vaagen  (Lofoten),  quand  il  entendit  parler 
des  Esquimaux  à  peine  connus  alors  ;  de  vieilles  chroniques 
qu'il  étudia  à  ce  propos  lui  révélèrent  l'ancienne  colonisa- 
tion norvégienne  du  Groenland  ;  il  confondit  les  anciens  et 
les  nouveaux  habitants  et  prit  la  résolution  d'aller  faire 
revivre  le  christianisme  au  Groenland.  Aucune  objection  ne 
l'arrêta;  il  surmonta  tous  les  obstacles  ;  en  1721,  il  réus- 
sit à  former  à  Bergen  une  société  grœnlandaise  à  laquelle 
le  roi  Frédéric  IV,  qui  s'intéressait  au  projet,  accorda  des 
privilèges.  Egede  partit  le  3  mai  1721  avec  quarante-cinq 
personnes.  Ils  débarquèrent  dans  une  baie  qu'il  nomma 
Godthaab  (Bonne-Espérance).  Il  dépensa  des  trésors  de 
patience  et  d'amour  pour  apprivoiser  les  Esquimaux,  et, 
avec  le  secours  de  ses  propres  enfants,  finit  par  apprendre 
leur  langue.  Les  colons  ne  donnèrent  guère  moins  de  peine 
à  Egede  que  les  naturels,  surtout  quand,  en  1728,  il  arriva 
une  cargaison  de  forçats,  La  même  année  la  «  Société 
grœnlandaise  »  liquida  ses  affaires  ;  le  bateau  annuel  de 
1731  apporta  au  Groenland  la  nouvelle  de  la  mort  de  Fré- 
déric IV  et  la  suppression  de  toute  l'entreprise.  Les  colons 
se  rembarquèrent  pour  l'Europe  et  Egede  resta  seul.  Une 
épidémie  de  variole  importée  par  un  Esquimau  qui  avait  été 
en  Danemark  dépeupla  les  environs  de  Godthaab  en  1734. 
Egede  vit  mourir  sa  femme  Gertrude  Rask,  sa  fidèle  com- 
pagne; en  1736,  il  se  décida  à  retourner  en  Europe.  Il 
dirigea  le  séminaire  grœnlandais  à  Copenhague,  et  fut 
nommé,  en  1740,  surintendant  de  l'Eglise  grœnlandaise. 
En  1747,  il  se  retira  sur  l'île  de  Falster,  où  il  mourut. 
Il  avait  publié  :  Beretning  am  den  Grônlandske  Mis- 
sion (Copenhague,  1738)  et  Detgamle  Grônlands  nye 
Perillu  stration  (ibid.,  1741).      F.-Herm.  Krijger. 

BiBL.:  Grônlands  historiske  Mindesmœrker;  Copenhague, 
1883,  l'-"  partie.  —  N. -M.  Petersen,  H.  Egfedes  Lei;nei  ; 
Copenhague,  1849.  —  Fenger,  Bidrag  til  H.  Egedes  og  den 
Grônl.  Missions  Historié  1121-1160;  Copenhague,  1879.  — 
KocH,  Kirkehist.  Samling  ;  Copenhague,  1886. 

EGEDE  (Paul),  fils  du  précédent,  né  en  1708,  mort  à 
Copenhague  en  1789.  Son  père  l'envoya  faire  ses  études 
théologiques  à  Copenhague  en  1721  ;  puis  il  fut  l'aide  et 
le  successeur  de  son  père  au  Grœnlandde  1734  à  1740. 
On  a  de  lui  plusieurs  travaux  linguistiques,  en  particulier 
un  Dictionnaire  grœnlandais-danois-latin(Copenhai^uG, 
1750),  une  Grammaire  grœnlandaise  (Copenhague, 
1760)  ;  il  compléta  la  traduction  du  Nouveau  Testament  que 
son  père  avait  commencée  et  la  publia  en  1766,  ainsi  que 
quelques  autres  traductions  en  grœnlandais.  Après  la  mort 
de  son  père,  il  fut  nommé  surintendant  de  l'Eglise  grœn- 
landaise, avec  le  titre  d'évêque.  —  Son  fils,  Hans-E.- 
Saabye  Egede,  fut  également  missionnaire  au  Grœnland 
de  1770  à  1778.  F.-H.  K. 

EGEDE  (Christian-Thestrup),  explorateur  danois,  né 
le  14  nov.  1761,mortle  17  oct.  1803.  Petit-fils  du  précé- 
dent, il  prit  part,  en  qualité  de  sous-Heutenant  de  marine 
(1782)  à  l'expédition  de  P.  de  Lœvenœrn  sur  les  côtes 
orientales  du  Grœnland,  que  son  chef  ne  put  attendre  ; 
chargé  de  la  continuer  avec  le  yacht  Nye-Prœve,  monté 
par  neuf  hommes  (1786-87),  il  put,  malgré  les  glaces  qui 
obstruaient  le  détroit  de  Danemark,  se  rapprocher  assez 
du  littoral  pour  en  donner  des  vues  exactes  de  65°  à 
66"^  W  de  lat.  N.  Sa  relation  a  paru  sous  le  titre  de,  : 
Rejsebeskrivelse  til  OEstergrœnlands  Opdagelse  (Co- 
penhague, 1789  ;  2^  édit.,  1796).  Devenu  lieutenant  en 
premier  (1789),  il  se  distingua  au  combat  naval  dans  la 
rade  de  Copenhague  en  1801  et  fut  nommé  capitaine  la 
même  année.  Beauvois. 


EGEDESMINDE  —  EGERTON 


—  600  — 


EGEDESMINDE.  Etablissement  danois  de  la  côte  du 
Grœnland,  dans  une  île  de  la  baie  Disco  ;  il  fut  fondé  en 
4759,  par  Hans  Egede,  fils  de  Paul  (V.  ce  mot).  C'est  un 
groupe  de  quatre  villages  avec  une  population  d'un  millier 
d'âmes.  On  recueille  le  duvet  de  l'eider  dans  les  îles 
voisines. 

EGÉE.  Ancien  nom  de  la  mer  de  V Archipel  (V.  ce  mot). 
Suivant  certains  auteurs,  la  mer  Egée  aurait  tiré  son  nom 
du  roi  Egée,  père  de  Thésée,  qui  s'y  était  précipité.  D'après 
Strabon,  ce  nom  viendrait  de  la  ville  d'JEga,  dans  l'île  d'Eu- 
bée  ;  d'autres  écrivains  grecs  le  font  venir  de  aiysç,  chèvres, 
c.-à-d.  «  vagues  bondissantes  ». 
EGÉE,  roi  d'Athènes  (V.  Thésée). 
EGELN.  Ville  d'Allemagne,  royaume  de  Prusse,  district 
de  Magdebourg;  5,000  hab.  On  y  fabrique  du  sucre  et 
une  bière  renommée  (Egelei),  C'est  une  ancienne  sei- 
gneurie annexée  au  Brandebourg  en  1659.  Aux  environs 
est  le  couvent  de  femmes  de  Marienstuhl,  fondé  en  1262. 
EGENOLFF  (Christian),  imprimeur,  libraire  et  graveur 
allemand,  né  à  Hadamar  (Nassau)  le  26  juil.  1502, 
mort  à  Francfort-sur-le-Main  le  9  févr.  1555.  Il  fit  ses 
humanités  à  Mayence ,  y  apprit  l'art  typographique  et 
s'établit  à  Strasbourg  en  1529;  mais,  dès  le  début  de 
l'année  1531,  il  transporta  son  imprimerie  à  Francfort  et 
fut  le  premier  typographe  de  cette  cité.  Il  édita  nombre 
d'ouvrages  illustrés,  notamment  avec  gravures  sur  bois 
des  célèbres  Hans  Sebald  Beham  et  Virgil  Solis.  Son  éta- 
blissement ne  subsista  que  jusqu'à  la  mort  de  sa  veuve 
en  1577. 

BiBL.  :  H.  Grotefend,  Christian  Egenolff;  Francfort, 
1881,  gr.  in-4,  fig. 

EGER  (tchèque  Ohré).  Rivière  de  Bohème,  affluent  de 
gauche  de  l'Elbe.  L'Eger  prend  sa  source  en  Bavière,  dans 
le  Fichtelgebirge,  à  720  m.  d'alt.,  près  du  Schneeberg; 
il  serpente  sur  un  haut  plateau,  arrose  Weissenstadt  et 
Rœslau,  reçoit  le  Rœslau,  puis  il  descend  en  Bohême  par 
une  gorge  très  encaissée,  près  de  Hohenberg.  A  partir  de 
la  ville  d'Eger,  la  pente  s'adoucit  ;  la  rivière  coule  dans 
VEgerland,  bassin  encaissé  entre  le  Bœhmerwald  et  ses 
contreforts  (Teplergebirge)  et  l'Erzgebirge  ;  ce  bassin,  large 
de  15  à  22  kil.,  est  un  ancien  lac  rempli  de  terrains  ter- 
tiaires, entre  les  schistes  cristallins  et  les  roches  érup- 
tives  (granit,  etc.)  qui  forment  la  Bohême  occidentale  et 
septentrionale  ;  dans  la  région  moyenne,  vers  Kaaden,  les 
roches  volcaniques  se  sont  épanchées,  le  terrain  tertiaire 
reparaît  ensuite  jusque  vers  Laun  où  l'Eger  entre  dans  le 
crétacé.  Le  bassin  de  l'Eger  forme  une  région  nettement 
délimitée.  La  rivière  y  arrose  Eger,  Kœnigsburg,  Falkenau, 
Elbogen,  Karlsbad,  Klosterle,  Kaaden;  d'Elbogen  à 
Kaaden,  son  cours  est  gêné  par  des  rochers  ;  elle  s'infléchit 
au  N.-E.  pour  contourner  le  Hengsberg  ;  elle  passe  ensuite 
à  Saatz,  Laun,  Lebochowitz,  Budin,  puis  tourne  au  N., 
baigne  Theresienstadt  et  se  jette  dans  l'Elbe  en  aval  de 
cette  ville  et  en  face  de  Leitmerilz,  à  128  m.  d'alt.  Son 
cours  est  de  310  kil.  ;  la  direction  générale  est  vers  l'E.  ; 
les  eaux  ont  une  teinte  d'ocre  ;  les  rochers  et  les  rapides 
de  son  lit  ne  permettent  que  le  flottage.  Les  principaux 
affluents  sont  à  droite  le  Tepl,  l'Au,  à  gauche  la  Zwodau, 
le  Rœhlau.  La  vallée  de  l'Eger  jusqu'à  Laun  est  habitée  par 
des  Allemands  ;  ceux-ci  ont,  surtout  autour  d'Eger,  con- 
servé les  mœurs  et  le  costume  d'autrefois. 

EGER.  Rivière  du  Wurttemberg  et  de  la  Bavière,  affluent 
de  la  Wœrnitz,  qui  arrose  Nœrdlingen;  elle  a  52  kil. 
de  long. 

EGER  (tchèque  Cheb),  Ville  de  Bohême,  sur  la  rive 
droite  de  VEger  (V.  ci-dessus),  à  410  m.  d'alt.;  17,148  hab. 
C'est  un  centre  commercial  important  ;  elle  a  (juelques 
scieries,  brasseries,  filatures,  tissages,  cordonneries,  etc. 
Elle  n'a  conservé  que  des  ruines  de  son  château  où  furent 
égorgés  les  amis  de  Wallenstein  (Terzky,  Illo,  Kinsky, 
Neumann),  les  murs  de  la  grande  salle,  la  tour  noire^  la 
chapelle  gothique  avec  substructions  romanes.  De  ses  cinq 
églises,  il  faut  citer  l'église  paroissiale  avec  ses  deux  tours  ; 


on  remarque  encore  des  couvents  de  dominicains  (fondé 
en  1276),  de  franciscains  (fondé  en  1256),  la  maison  de 
ville  (qui  date  de  1600)  où  fut  assassiné  Wallenstein, 
l'hôtel  de  ville  qui  date  de  1728,  etc.  L'importance  straté- 
gique d'Eger,  due  à  sa  situation  à  l'angle  N.-O.  de  la 
Bohême,  entre  la  Bavière  et  la  Saxe,  est  encore  accrue  par 
ce  fait  que  c'est  un  centre  de  croisement  de  voies  ferrées 
qui  se  dirigent  vers  Vienne  au  S.-E.,  Prague  à  l'E.,  Dresde 
au  N.-E.,  Leipzig  au  N.,  la  vallée  du  Main  à  l'O.,  Ratis- 
bonne  et  Munich  au  S.  —  On  ignore  l'origine  de  la  ville;  elle 
appartint  aux  margraves  du  Nordgau  qui  y  résidèrent.  Ils 
la  transmirent  à  Frédéric  Barberousse  (1149)  qui  en  fit 
une  ville  impériale  (1179).  Elle  fut  conquise  par  Ottocar  II, 
reperdue  par  la  Bohême,  mais  acquise  de  nouveau  en  1322, 
les  empereurs  l'ayant  donnée  en  gage.  C'est  là  qu'en  1432 
fut  négociée  une  transaction  entre  les  hussites  et  les  délé- 
gués du  concile  de  Bâle.  Pendant  la  guerre  de  Trente  ans, 
les  Suédois  l'occupèrent  deux  fois  (1631, 1647);  Wallen- 
stein y  fut  tué  le  25  févr.  1634.  Les  Français  la  prirent 
le  19  avr.  1742,  l'évacuèrent  l'année  suivante.  Elle  fut 
démantelée  en  1809. 

BiBL.  :  Gradl,  Die  Chroniken  der  Stadt  Eger  ;  Eger, 
1885.  —  Drivok,  JElteve  Geschichte  des  deutchen  Reich- 
stadt  Eger  ;  Leipzig,  1874.—  Grueber,  Die  Kaiserburg  zu 
Eger;  Prague,  1864. 

EGER.  Ville  de  Hongrie  (V.  Erlau). 

EGER!  (Unter-)  ou  /EGERl.  Grand  village  de  Suisse, 
cant.  de  Zug  ;  2,378  hab.  Cette  localité,  qui  est  située  à 
l'extrémité  N.-O.  du  petit  lac  d'^Egeri,  sur  le  torrent  de  la 
Lorze,  a  formé  pendant  longtemps  une  république  démo- 
cratique indépendante  et  était  entrée  dans  l'alliance  conclue 
par  les  trois  cantons  primitifs,  Uri,  Schwytz  et  Unterwal- 
den,  avant  le  cant.  de  Zug  lui-même. 

ÉGÉRIE.  1.  Mythologie.  —  Nom  d'une  nymphe,  adorée 
à  Rome  et  dans  leLatium.  Elle  habitait  d'abord  une  source 
située  aux  portes  mêmes  de  Rome,  entre  les  voies  Latine  et 
Appienne.  C'était  elle,  disait-on,  qui  avait  inspiré  au  roi 
Numa  sa  législation  religieuse  ;  et  Numa  parlait  volontiers, 
d'après  Tite-Live,  de  ses  colloques  nocturnes  avec  la  nymphe 
Egérie.  Après  la  mort  de  Numa,  elle  se  retira  dans  le  La- 
tium,  à  Aricie,  où  elle  donna  naissance  à  une  autre  source. 
Ovide  a  raconté  sa  légende  en  vers  touchants.  En  réalité, 
Egérie  paraît  avoir  été  dans  l'ancienne  religion  latine  une 
divinité  locale,  adorée  également  à  Aricie  et  à  Rome,  et  à 
laquelle  on  attribuait  d'aider  les  femmes  dans  leur  déli- 
vrance; jus(jue  dans  les  derniers  temps  de  Rome,  les 
femmes  enceintes  avaient  coutume  de  lui  sacrifier.     C.  J. 

II.  Astronomie.  —  Nom  du  13®  astéroïde  (V.  ce  mot). 

BiBL.:  Preller,  Rœmische  mythologie,  t.  Il,  p.  129,2«éd. 

EGERTON.  Duc  de  Bridgewater  (V.  ce  nom). 

EGERTON  (Sir  Thomas),  baron  Ellesmere,  vicomte 
Brackley,  homme  d'Etat  anglais,  né  vers  1540,  mort  le 
15  mars  1617.  Fils  naturel  de  sir  Richard  Egerton  de 
Ridley,  il  entra  en  1556  à  la  Chambre  des  communes  pour 
Oxford,  se  fit  inscrire  au  barreau  de  Londres  en  1572  et 
acquit  une  grande  renommée  d'avocat.  Soliciter  gênerai  le 
26  juin  1581,  attorney  gênerai  le  2  juin  1592,  il  fut  nommé 
en  1593  chambellan  de  Chester.  Devenu  maître  des  rôles 
en  1594,  il  fut  promu  lord  keeper  en  1596,  en  remplace- 
ment de  sir  John  Puckering,  et  entra  au  conseil  privé.  Très 
en  faveur  auprès  d'Elisabeth,  il  usa  de  son  influence  pour 
protéger  Francis  Bacon.  Il  joua  un  rôle  prépondérant  dans 
le  jugement  du  comte  d'Essex  (1601),  avec  lequel  il  avait 
été  fort  lié.  Egerton  continua  à  se  maintenir  en  faveur  à 
la  cour  de  Jacques  P*".  Il  reçut  le  grand  sceau  le  19  juil. 
1603,  avec  le  titre  de  baron  Ellesmere,  et  eut  part  aux 
affaires  les  plus  importantes.  Il  fut  notamment  un  des  pro- 
moteurs de  l'acte  d'union  entre  l'Ecosse  et  l'Angleterre 
(1606-1607)  et  conseilla  l'emprisonnement  de  Whitelocke 
à  la  Tour  (1613).  Créé  vicomte  Brackley  le  7  nov.  1616,  il 
supplia  le  roi  de  le  relever  de  ses  fonctions  de  lord  chance- 
lier à  cause  de  sa  mauvaise  santé.  Jacques  l^^  ne  voulut 
y  consentir  que  douze  jours  avant  sa  mort  (3  mars  1617). 


—  Son  fils  John  fut  alors  créé  comte  de  Bridgewater 
(V.  ce  nom).  I^-  S. 

BiBL.  :  F.-H.  Egerton,  Life  of  sir  Thomas  Egerton; 
Londres,  1793.  —  Egerton  Papers,  publ.  par  la  Camden 
Society,  1840. 

EGERTON  (Francis  Leveson-Gower-),  comte (I'Elles- 

MERE  (V.  ElLESMERe). 

EGERTONIA  (Paléont.).  Cocchi  a  établi  ce  genre  pour 
des  plaques  dentaires  de  poissons  voisins^  des  Labres  ;  il 
n'existe  qu'une  plaque  pharyngienne  supérieure,  armée  de 
dents  égales  ou  presque  égales  aux  dents  latérales  ;  la 
plaque  pharyngienne  inférieure  porte  au  bord  des  dents 
arrondies.  Le  type  du  genre  est  E,  isodonta  du  terrain 
tertiaire  inférieur  de  Tîle  de  Sheppey.  E.  Sauvage. 
BiBL.  :  Cocchi,  Monografîa  dei  Pharyngodopelidœ,  1866. 
E66A.  Ville  du  Soudan  occidental,  sur  la  rive  droite  du 
Niger,  à  110  kil.  en  amont  du  confluent  delà  Binoué  et  à 
576  kil.  de  l'embouchure  du  Niger;  Egga  s'élève  au  milieu 
de  marécages,  sur  la  berge  occidentale  du  fleuve.  Egga 
occupe,  avec  ses  maisons,  ses  magasins  et  ses  appontements, 
une  longueur  de  3  kil.  Le  mouvement  des  barques  y  est 
très  actif;  les  navires  anglais  remontentjusque-là.  Les  deux 
principaux  objets  de  commerce  sont  l'ivoire  et  les  coton- 
nades bleues  appelées  guinées,  fabriquées  par  les  métiers 
indigènes.  Egga  a  été  comprise,  par  la  convention  anglo- 
française  du  5  août  1890,  dans  la  sphère  d'action  de  la 
Compagnie  anglaise  du  Niger. 

EGGEBAS.  Poids  de  21^^44,  usité  en  Guinée. 
EGGEBI.  Ville  du  Soudan  occidental  (Etat  de  Sokoto). 
La  population  est  adonnée  à  l'agriculture  et  à  l'élève  du 
bétail.  La  principale  industrie  consiste  dans  l'ornementa- 
tion des  calebasses,  décorées  de  fines  gravures  représentant 
des  animaux  domestiques. 

EGGELING  (Jules),  sanscritiste  allemand,  né  dans  le 
duché  d'Anhalt  en  1842.  Après  avoir  fait  ses  études  à 
Breslau  et  à  Berlin,  il  se  rendit  à  l'Angleterre  et  s'établit  à 
Londres,  où  il  fut  d'abord  nommé  bibliothécaire  de  la  Royal 
Asiatic  Society,  et  plus  tard  professeur  de  sanscrit  à  l'Uni- 
versity  Collège.  En  1875,  il  fut  appelé  àl'université  d'Edim- 
bourg'pour  la  chaire  du  sanscrit  et  de  linguistique  11  est 
surtout  connu  parla  publication  d'une  série  de  textes, 
parmi  lesquels  les  plus  remarquables  sont  :  le  Kâtantra 
avec  le  commentaire  de  Durgasinha  (Calcutta,  1874-78); 
Tanaratnamafiodadhi  de  Vardhamâna  (Londres,  1879- 
80)  ;  The  Gatapatha-Brâhmana,  translated  according 
the  text  of  the  Mâdhyandina  School  (Oxford,  1882).  Il  a 
aussi  rédigé  en  collaboration  avec  M.  Cowell  de  Cambridge 
le  catalogue  des  manuscrits  sanscrits  et  bouddhistes,  ap- 
partenant à  la  Royal  Asiatic  Society  (1871). 

EG6ER  (Emile),  philologue  français,  né  à  Paris  le 
18  juil.  1813,  mort  à  Paris  le  1^'  sept.  1885,  d'une  fa- 
mille originaire  de  la  Carinthie.  Elève  de  l'Ecole  normale, 
agrégé  de  grammaire  en  1834,  docteur  es  lettres  en  1837, 
il  professa  au  collège  Saint-Louis,  au  lycée  Charlemagne  ; 
devint  maître  de  conférences  à  l'Ecole  normale  (1839)  ;  en 
1840,  il  fut  nommé  au  concours  agrégé  près  la  Faculté  des 
lettres  et  devint  professeur  suppléant  de  littérature  grecque 
à  la  Faculté  des  lettres  de  Paris.  A  partir  de  1855,  il  fut 
titulaire  de  cette  chaire  qu'il  conserva  jusqu'à  sa  mort.  Il 
fut  élu  en  1854  à  l'Académie  des  inscriptions.  Ses  publi- 
cations sont  extrêmement  nombreuses.  Une  édition  de 
Varron  [DeLingua  Mina;  Paris,  1837,in-8),de  Longin 
(Paris,  1837,  in-16),  de Festus  et Verrius Flaccus  (Paris, 
1839),  correctes,  mais  sans  originalité.  Il  se  fit  connaître 
par  son  Examen  critique  des  historiens  anciens  de  la 
vie  et  du  règne  d'Auguste  qui  obtint  un  prix  académique 
en  1839  et  fut  publié  en  1844  (Paris,  in-8)  ;  puis  il  donna 
Latini  sermonis  vetustioris  reliquiœ  selectœ  (Paris, 
1843,  in-8)  ;  Recherches  sur  les  Augustales (V&r'is,  1844, 
in-8).  Il  aborda  ensuite  la  littérature  grecque  où  il  se  spé- 
cialisa de  plus  en  plus  :  Méthode  pour  étudier  V accen- 
tuation grecque  (avec  Galusky;  Paris,  1844,  in-12); 
Epigraphices  grœcœ  specimina  selecta  in  usum  prœ- 


601  -  EGERTON  -  EGGER 

lectionum  academicarum  (Paris,  1844,  in-8)  ;  Aperçu 
sur  les  origines  de  la  littérature  grecque  (Paris,  1846, 
in-8)  ;  Essai  sur  rhistoire  de  la  critique  chez  les  Grecs, 
suivi  de  la  Poétique  d'Aristote  et  d'extraits  de  ses  pro- 
blèmes (Paris,  1850,  in-8);  cet  ouvrage  est  peut-être  le 
plus  intéressant  et  celui  qui  a  conservé  le  plus  sa  valeur  ; 
les  Notions  élémentaires  de  grammaire  comparée  pour 
servir  à  l'étude  des  trois  langues  classiques  (Paris, 
1852,  in-12  ;  8^  éd.,  1880),  eurent  un  très  vif  succès  et 
classèrent  définitivement  M.  Egger  en  tête  des  philologues 
français  de  son  temps.  Il  fit  paraître  ensuite  Apollonius 
Dyscole,  essai  sur  l'histoire  des  théories  grammaticales 
dans  r antiquité  (?aocis,  1854,  in-8)  ;  une  série  de  mémoires 
lus  en  séances  publiques  de  l'Institut  :  de  l'Etude  de  la 
langue  latine  chez  les  Grecs  de  l'antiquité  (Paris,  1855, 
in-8)  ;  Considérations  historiques  sur  les  traités  inter- 
nationaux chez  les  Grecs  et  les  Romains  (1856,  publié 
en  1866,  in-8)  ;  Observations  historiques  sur  la  fonc- 
tion de  secrétaire  des  princes  chez  les  anciens  (1858); 
S'il  y  a  eu  chez  les  Athéniens  de  véritables  avocats 
(1860)  ;  de  la  Langue  et  de  la  nationalité  grecque?»; 
Réflexions  sur  quelques  documents  historiques  du 
temps  de  la  prise  de  Constantinople  par  les  Turcs 
(1864).  En  même  temps,  il  publiait  des  recueils  de  Mémoires 
de  littérature  ancienne  (Paris,  1862,  in-8)  ;  Mémoires 
d'histoire  ancienne  et  de  philologie  (Paris,  1863,  in-8)  ; 
des  Observations  sur  un  procédé  de  dérivation  très 
fréquent  dans  la  langue  française  (Paris,  1864,  in-8)  ; 
le  Recueil  des  papyrus  grecs  du  Louvre,  avec  Brunet  de 
Presle  (Paris,  1866)  ;  le  Papier  dans  l'antiquité  et  dans 
les  temps  modernes  (Paris,  1867,  in-18),  et  enfin  son 
grand  ouvrage  resté  classique  :  l'Hellénisme  en  France, 
leçons  sur  l'influence  des  études  grecques  dans  le  dévelop- 
pement de  la  langue  et  de  la  littérature  françaises  (Paris, 
1869,  2  vol.  in-8).  Il  faudrait  ajouter  à  cette  liste  ses 
articles  du  Journal  de  l'Instruction  publique,  de  la  Re- 
vue des  Deux  Mondes,  de  la  Revue  archéologique,  de 
l'Enseignement  public,  de  la  No2ivelle  Revue  encyclo- 
pédique, de  la  Revue  française,  de  l'Encyclopédie  du 
xix«  siècle,  de  la  Nouvelle  Biographie  générale  de  Didot, 
du  Dictionnaire  des  sciences  philosophiques,  etc.,  dans 
lesquels  il  vulgarisait  les  résultats  obtenus  par  les  autres 
érudits  et  par  lui-même.  Ses  dernières  publications  furent  : 
un  Ménage  d'autrefois,  étude  de  morale  et  d'écono- 
mie domestique  (?9iris,  1867,  in-18)  ;  les  Derniers  Jours 
de  l'éloquence  athénienne (?ms,  1868,  in-8);  l'Egypte 
moderne  et  l'Egypte  ancienne  (Paris,  1868,  in-8); 
Etude  d'histoire  ancienne;  les  projets  de  réforme  sociale 
dans  l'antiquité  (Paris,  1868,  in-8)  ;  de  l'Histoire  et 
du  bon  usage  de  la  langue  française  (Paris,  1868,  in-8); 
Observations  sur  l'Erotnos  (Paris,  1871,  in-8)  ;  Notice 
sur  un  papyrus  gréco-égyptien  inédit  (appartenant  à  la 
bibliothèque  de  l'université  d'Athènes  (Paris,  1873,  in-8)  ; 
Observations  sur  le  genre  de  drame  appelé  satyrique 
(Paris,  1873, in-8);  un  Sénatus-Consulte  romain  contre 
les  industriels  (Paris,  1873,  in-8)  ;  les  Substantifs 
verbaux  formés  par  l'apocope  de  IHnfinitif  (Paris, 
1875)  ;  des  Documents  qui  ont  servi  aux  anciens 
historiens  grecs  (Paris,  1875,  in-8)  ;  Observations  et 
réflexions  sur  le  développement  de  r intelligence  et  du 
langage  chez  les  enfants  (Paris,  1879,  in-8)  ;  Histoire 
du  livre  (Paris,  1880,  in-8)  ;  la  Tradition  et  les  ré- 
formes dans  l'enseignement  universitaire  {^2x\s>,  1883, 
in-8).  Cette  énumération  suffit  à  montrer  l'activité  intel- 
lectuelle d'Egger  et  l'étendue  de  sa  science.  Bien  que  ce 
n'ait  pas  été  un  grand  philologue  original,  il  mérite 
d'être  placé  haut.  Ce  fut  un  érudit  sagace,  profondément 
consciencieux  ;  son  savoir  fut  parfois  de  seconde  main, 
mais  son  esprit  critique  fut  rarement  en  défaut,  et  il  avait 
des  connaissances  presque  encyclopédiques.  On  ne  peut 
d'ailleurs  le  juger  seulement  sur  ses  ouvrages.  Ce  fut  un 
professeur  remarquable  ;  il  réagit  contre  les  tendances  trop 
littéraires  et  superficielles  des  professeurs  d'  «  éloquence  » 


EGGER  —  EGGERS 


—  602 


classique  et  fut  le  rénovateur  des  études  philologiques  en 
France.  Estimé  et  aimé  de  tous  ceux  qui  l'approchaient,  il 
exerça  une  influence  considérable. 

EGGER  (Victor-Emile),  philosophe  français,  né  à  Paris 
le  44  févr.  1848,  fils  du  précédent  et  petit-fils  de  l'hellé- 
niste F.-D.  Dehèque.  Il  fit  ses  études  aux  lycées  Saint- 
Louis  et  Charlemagne  et  fut  élève  de  l'Ecole  normale  supé- 
rieure (4867-4870).  Chargé  de  cours  au  lycée  de  Bastia 
(4874),  puis  agrégé  de  philosophie  (4872),  il  a  été  pro- 
fesseur au  lycée  d'Angers  (1872-77)  et  maître  de  confé- 
rences à  la  faculté  de  Bordeaux  (4877-82)  ;  il  est  profes- 
seur à  la  faculté  de  Nancy  depuis  mai  4882.  Comme 
ouvrages,  il  n'a  publié  que  ses  thèses  de  doctorat  :  de 
Fontibus  Diogenis  Laertii  (Paris,  4881,  in-8),  et  la 
Parole  intérieure  {ihid.,  4884,  in-8).  Mais  il  a  collaboré 
à  la  Revue  des  Deux  Mondes  (la  Physiologie  cérébrale 
et  la  psychologie^  4^^  nov.  4877),  à  la  Revue  philoso- 
phique [les  Illusions  visuelles,  188S  et  4886),  à  la 
Revue  scientifique  [la  Vision  des  monuments  élevés, 
44  déc.  4889),  aux  Annales  de  la  faculté  des  lettres  de 
Bordeaux  {la  Certitude  scientifique,  4879  ;  la  Nais- 
sance des  habitudes,  4880  ;  VOEU  et  l'Oreille,  4886), 
à  la  Critique  philosophique  (Intelligence  et  conscience; 
Vesprit  est  irréductible  à  l'âme,  4885  ;  le  Sommeil, 
la  certitude  et  la  mémoire,  4888),  à  la  Revue  inter- 
nationale de  renseignement  (Science  ancienne  et 
science  moderne,  4890).  Il  a  aussi  donné  de  nom- 
breux articles  dans  le  Dictionnaire  usuel  des  sciences 
médicales  (1885),  dans  la  Gazette  hebdomadaire  de 
médecine  (4884-89)  et  les  articles  Expérience,  Expé- 
rimentation et  InducUon  dans  le  Dictionnaire  ency- 
clopédique des  sciences  médicales  (4888-89).  Psy- 
chologue avant  tout,  M.  V.  Egger  est  partisan  d'une 
psychologie  pure,  indépendante  à  la  fois  de  la  physiologie 
et  de  la  métaphysique.  Il  a  contribué  à  l'avancement  de 
cette  science  surtout  par  une  théorie  du  signe,  une  théorie 
de  l'habitude,  une  théorie  de  la  perception  externe  et  de 
la  reconnaissance,  développées  dans  ses  cours  et  dans  sa 
Parole  intérieure.  En  philosophie  générale,  sa  méthode 
est  la  méthode  psychologique;  sa  doctrine,  inspirée  du 
criticisme  de  M.  Renouvier,  est  un  phénoménisme  décidé, 
mais  dégagé  de  tout  déterminisme  et  à  tendance  franche- 
ment spiritualiste.  H.  M. 

EGGERS  (Bartholomeo),  sculpteur  hollandais,  né  à 
Amsterdam  auxvii^  siècle.  Des  œuvres  d'Eggers  dans  son 
pays  natal,  on  ne  connaît  que  le  beau  tombeau  des  princes  de 
Wassenaer-Obdam.A  Berlin,  outre  les  statues  des  princes 
de  la  maison  des  Hohenzollern,  on  cite  :  les  empereurs /usfi- 
nien,  Constantin,  Charlemagne  et  Rodolph  II,  diverses 
cariatides  et  figures  décoratives. 

EGGERS  (Jakob,  baron  d'),  militaire  suédois,  né  Dorpat 
le  25  déc.  4704,  mort  à  Danzig  le  42  janv.  4773.  B  fut 
emmené  par  les  Russes  en  captivité  à  Arkhangel  avec  sa 
mère  et  dut  son  instruction  militaire  à  des  prisonniers  sué- 
dois. Libéré  en  4722,  il  entra  dans  l'armée  suédoise,  s'oc- 
cupa surtout  de  fortification.  Il  vint  en  France  en  4728, 
servit  Stanislas  Leczynski  de  4733  à  1735,  et  défendit 
Danzig.  Il  passa  au  service  de  la  Hesse  et  fortifia  Rhein- 
fels  (1735),  puis  de  la  Saxe  avec  le  grade  de  capitaine, 
voyagea  dans  l'Europe  méridionale,  fit  les  campagnes  de 
4744  avec  les  Saxons,  4743  avec  les  Suédois  contre  les 
Russes,  rentra  en  4744  dans  l'armée  saxonne,  prit  part  en 
4747  avec  les  Français  au  siège  de  Berg-op-Zoom,  dont  il 
publia  une  relation,  Journal  du  siège  de  Bergopzoom 
(Leipzig,  4750),  fut  le  précepteur  militaire  des  princes 
Xavier  et  Charles  de  Saxe,  rédigea  Neues  Kriegs,  Ingé- 
nieur, Artillerie,  See  und  Flotten  Lexicon  (Dresde, 
4757,  2  vol.),  fut  promu  colonel  et  élevé  à  la  noblesse  par 
le  roi  de  Suède  (4749),  et  appelé  par  le  roi  de  Pologne 
électeur  de  Saxe  à  commander  la  place  de  Danzig  avec  le 
titre  de  général  (4758). 

BiBL.;  H. -K.   Eggers,   Geschichte   des    Geschlechts 
Eggers;P\œn,  1879. 


EGGERS  (Heinrich-Petervon),  écrivain  holsteino-danois, 
né  à  Segeberg  le  29  déc.  4754,  mort  à  Copenhague  le 
49  mars  4836.  Après  avoir  été  employé  à  la  chancellerie 
allemande  (4776-4794),  il  entra  dans  les  postes  et  fut 
directeur  de  celle  du  Danemark  à  Hambourg  (4808-4846). 
Son  remarquable  mémoire  sur  la  situation  de  l'Eystribygd 
ou  colonie  orientale  du  Groenland  fut  couronné  par  la 
Société  d'économie  rurale  et  inséré  dans  le  t.  IV  de  ses 
Skrifter  (Copenhague,  4794,  in-8).  Il  y  démontre  avec 
beaucoup  d'érudition  et  de  perspicacité  que  les  épithètes 
d'oriental  et  d'occidental  ne  doivent  pas  être  prises  dans  un 
sens  absolu  par  rapport  à  l'ensemble  du  Grœnland,  mais 
s'appliquent  Tune  et  l'autre  à  la] côte  occidentale  seule  dont 
la  partie  méridionale  est  plus  à  l'E.  que  la  partie  septen- 
trionale. En  se  plaçant  à  Gards,  l'ancien  chef-lieu  civil  et 
ecclésiastique,  l'Eystribygd  et  le  Vestribygd  se  trouvent  en 
efi'et,  celui-là  à  l'E.,  celui-ci  à  l'O.  Beauvois. 

EGGERS  (Christian-Ulrich-Detlev,  baron  d'),  écono- 
miste et  écrivain  holsteino-danois,  frère  du  précédent,  né 
à  Itzeho  le  44  mai  4758,  mort  à  Kiel  le  24  nov.  4843. 
Après  avoir  étudié  à  Kiel  et  aux  universités  allemandes, 
il  fut  professeur  de  droit  à  celle  de  Copenhague  (4785).  Il 
publia  ses  leçons  en  danois  et  en  allemand  (4785-86)  et, 
même  après  avoir  été  dispensé  de  faire  des  cours  (1789), 
il  continua  de  traiter  de  ces  matières  dans  de  nombreux 
ouvrages,  entre  autres  :  sur  l'Histoire  de  la  liberté  de 
la  presse  en  Danemark  (4794)  ;  Institutiones  juris 
civitatis  publici  et  gentium  universalis  (4  796)  ;  Lehr- 
buch  des  Natur  und  Privatrechts  und  gemeinen 
preussischen  Rechts  (Berlin,  4797,  3  vol.)  ;  Gesetzbuch 
filr  Schleswig  und  Holstein  (Kiel,  1808).  Membre  d'une 
commission  islandaise,  il  publia  :  Beschreibung  von  Is- 
land  (4786,  t.  I),  et  Schilderung  der  gegenwœrtigen 
Verfassung  von  Island  (Altona,  4786).  Il  prit  part  au 
congrès  de  Rastadt  (4797-98)  comme  conseiller  de  léga- 
tion, devint  député  au  collège  des  finances  (4800),  puis 
à  la  chancellerie  allemande  (4802),  enfin  président  à  Kiel 
(4843).  Le  gouvernement  autrichien  le  consulta  sur  des 
questions  législatives  (4805)  et  le  nomma  baron  de  l'Em- 
pire (4806).  Parmi  les  soixante-dix  volumes  dus  à  ce 
fécond  écrivain,  il  faut  encore  citer  :  Denkwûrdigkeiten 
der  franzœsichen  Révolution  (Copenhague,  4794-4804, 
6  vol.)  ;  Denkivilrdigkeiten  ans  dem  Lebendes  Staats- 
minister  P.  A,  Grafen  von  Bernstorf  (ibid.,  4800  ; 
en  franc.,  4804)  ;  Memoiren  ilber  die  dœnischen  Fi- 
nanzen  (Hambourg,  4800-4804,  2  vol.)  ;  Bemerkungen 
auf  einer  Reise  durch  das  sûdliche  Deutschland,  den 
Elsazund  die  Schweiz  (Copenhague,  4804-4805,  t.  I- 
VI;  Brunswick,  4809,  t.  VII-VIII)  ;  Ueber  den  neuen 
franzœsischen  Erbadel  (Hambourg,  4808)  ;  Reise  durch 
Franken,  Baiern,  OEsterreich,  Preussen  und  Sachsen 
(Leipzig,  4810,  4  vol.).  —  Son  frère,  Friedrich-Ludwig 
von  Eggers,  né  à  Glûckstadt  le  5  juin  4763,  mort  le 
26  oct.  4812,  fut  auditeur  (4787),  archiviste  (4794)  et 
conseiller  (4797)  à  la  cour  d'appel  de  Gottorp.  Avec 
Brockdorff,  il  publia  Corpus  statutorum  Slesvicensium 
(4794-4842,  3  vol.).  Beauvois. 

BiBL.  :  H.-K.  Eggers,  Geschichte  des  Geschlechts  Eq- 
gers,  1879-1887,  2  vol. 

EGGERS  (Johann-Karl),  peintre  d'histoire  allemand,  né 
àNeustrelitzen4790,  mort  en  4863.  H  étudia  avec  Matthseis 
à  Dresde,  puis  séjourna  à  Rome,  où  il  exécuta  des  fresques 
au  Braccio  nuovo  du  Vatican.  On  a  de  lui  une  Vénus  en- 
dormie (4849)  ;  le  Christ  avec  Marthe  et  Marie,  etc.  Il 
laissa  aussi  des  portraits,  entre  autres  celui  du  Grand-Duc 
de  Mecklembourg-Strelitz  au  palais  du  roi  à  Berlin. 

EGGERS  (Friedrich),  écrivain  d'art  allemand,  né  à 
Rostock  le  27  nov.  4819,  mort  à  Berlin  le  44  août  4872. 
Rédacteur  du  Kunstblatt  et  professeur  d'histoire  de  Part 
à  l'Académie  des  beaux-arts  de  Berlin,  il  a  rédigé  une 
biographie  de  Ranch  achevée  par  son  frère,  ^ar/ Eggers 
(Berlin,  4873-4881,  3  vol.)  et  des  Poésies  également  en 
collaboration  avec  son  frère  (Breslau,  4874  et  4875;  les 


—  603  — 


EGGERS  —  EGGS 


dernières  en  dialecte  mecklembourgeois  sous  le  titre  Trem- 

EGGERS  (Heinrich-Franz-Alexander,  baron  von),  voya- 
geur et  botaniste  danois,  né  à  Slesvig  le  4  déc.  1844. 
11  servit  dans  la  guerre  contre  TAllemagne  (4864),  ensuite 
dans  Tarmée  de  l'empereur  Maximilien  (1865),  fut  fait 
prisonnier  à  Oaxaca  (1866)  et  fit  à  travers  le  Mexique 
des  excursions  qu'il  a  décrites  dans  Erindringer  fra 
Mexico  (Copenhague,  1869)  et  dans  le  recueil  Fra  aile 
Lande  (1867).  Rentré  dans  l'armée  danoise  comme  sous- 
lieutenant  (1868),  il  fut  envoyé  dans  les  Antilles,  devint 
capitaine  (1878)  et  obtint  sa  retraite  en  188o.  Il  a  rap- 
porté de  ses  voyages  de  riches  collections  botaniques  et  des 
matériaux  pour  un  grand  nombre  d'articles  dans  des 
revues  danoises,  allemandes,  américaines,  françaises.  B-s. 
EGGERT  (Franz-Xaver),  peintre  de  vitraux  allemand, 
né  à  Hochstsedt  sur  le  Danube  en  1802,  mort  à  Munich  le 
14  oct.  1876.  Formé  à  Augsbourg  et  Munich  à  l'Académie 
royale  de  peinture  sur  verre',  il  a  publié  de  nombreux  cahiers 
de  plans  de  décoration,  travaillé  pour  la  cathédrale  de  Co- 
logne, l'église  de  l'Au  (Munich)  et  fourni  celles  des  cathé- 
drales de  Bâle,  de  Constance,  etc.,  exécutées  dans  la  maison 
fondée  par  lui  en  1851. 

EGGERT    Ôlâfsson   (en  danois   Olafsen  ;   en  latin 
Egerhardus  Olavius),  poète  et  voyageur  islandais,  né  à 
Svefney  le  l^'^  déc.  1726.  Il  périt  le  30  mai  1768  avec  toute 
sa  famille  et  une  partie  de  ses  collections  et  de  ses  manus- 
crits, en  traversant  le  Breidifjœrd,  à  l'O.  de  l'Islande, 
pour  s'établir  dans  une  nouvelle  demeure.  Après  avoir 
terminé  ses  études  à  l'université  de  Copenhague,  il  fut 
chargé,  avec  son  compatriote  Bjarné  Pâlsson  (Povelsen), 
d'étudier  la  statistique,  Téconomie  rurale  et  l'histoire  na- 
turelle de   l'Islande.  Les  importants   résuUats  de  leur 
voyage,  qui  dura  de  1757  à  1759,  sont  consignés  dans 
Rejse  iyjennem  Island  (Sorœ,  1772,  2  vol.  in-4  ;  en 
allemand  par  Geuss  ;  Copenhague,  1772-74,  2  vol.  m-4  ; 
en  français  par  Gauthier  de  Lapeyronie  ;  Pans,  1802, 
5  vol.  in-8  avec  atlas).  Il  devint  vice-président  des  assises 
du  S.  et  de  l'E.  de  l'Islande.  Il  publia  en  latin  :  Enar- 
rationes  historicœ  de  Islandiœ  natura  et  construc- 
tione  (Copenhague,  1749,  in-8);  De  Ortu  et  progressu 
super stitionis  circa  ignem  Islandiœ  subterraneum 
(ibid.,  1751),  et  des  poésies  de  circonstance;  en  islandais, 
des  géorgiques  qui  font  encore  les  délices  des  paysans  de 
l'île  (Bunadarbâlk  ;  Hrappsey,  1783,  in-8  ;  en  vers 
danois  par  Finn  Magnusen  dans  Skandinavisk  Muséum, 
1803,  t.  I,  pp.  17f-210),  réunies  avec  d'autres  poésies 
dans  ses  Kvœdi  (Copenhague,  1831)  (Notice  sur  lui  par 
Bjœrn  Haldorsson;  Hrappsey,  1784).  Beauvois. 

EGGESTEYN  ou  Ecksteyn  (Heinrich),  imprimeur  stras- 
bourgeois  du  xv^  s.  Maître  es  arts  et  en  philosophie,  il  fut 
reçu  bourgeois  de  Strasbourg  en  1442  et  devint  chancelier 
épiscopal.  Vers  1460,  il  établit  dans  cette  ville  une  typo- 
graphie rivale  de  celle  de  Jean  Menhelin,  et  ne  fut  nulle- 
ment son  associé  comme  certains  l'ont  prétendu.  Ses  nom- 
breuses impressions  les  plus  anciennes,  parmi  lesquelles 
figurent  deux  précieuses  Bibles  latines  et  une  allemande, 
ne  portent  aucune  indication  de  lieu,  de  date  et  de  nom, 
et  ne  lui  ont  été  restitués  qu'en  raison  des  caractères 
employés  spécialement  par  ce  typographe.  Il  ne  se  nomma 
pour  la  première  fois  que  dans  son  édition  du  Decretum 
Gratiani  (1471,in-fol.)  qui  est  en  même  temps  le  premier 
livre  imprimé  à  Strasbourg  avec  date.  Son  nom  figure 
encore  dans  le  colophon  des  Constitutiones  de  Clément  V 
(1471)  et  dans  les  Institutiones  de  Justinien  (1472),  et 
il  disparaît  ensuite  des  annales  de  la  typographie.  G.P-i. 
EGGIS  (Etienne),  poète  suisse,  né  à  Fribourg  le  25  oct. 
1830,  mort  à  Berhn  le  13  févr.  1867.  Neveu  par  alliance 
de  M.  de  Sénancour,  l'auteur  à'Obermann,  Eggis  s'éprit 
tout  jeune  d'une  véritable  passion  pour  la  Httérature.  Pré- 
cepteur chez  un  comte  bavarois,  il  abandonna  son  poste 
pour  mener  en  Allemagne  la  vie  de  l'étudiant  errant.  Il  prit 
goût  à  la  vie  de  bohème  et  la  continua  jusqu'à  la  fin  de  ses 


jours,  d'abord  à  Paris,  où  il  vécut  quelques  années  et  pubha  . 
ses  vers,  puis  à  Berlin,  où  il  végéta  péniblement  et  mou- 
rut de  phtisie,  peut-être  de  misère.  Arsène  Houssaye  et 
Maxime  Du  Camp  furent  de  ses  amis  et  lui  ont  consacré  des 
pages  intéressantes.  Jules  Janin  remarqua  celui  qu'il  appe- 
lait avec  justesse  «  un  poète  gallo-allemand  ».  Il  fit  l'éloge 
des  deux  recueils  qu'il  fit  paraître  :  En  causant  avec  la 
lune  (1850);  Voyages  au  pays  du  cœur  (1852).  Eggis 
est  un  vrai  romantique,  un  Petrus  Borel  suisse,  comme  on 
l'a  appelé.  C'est  un  des  seuls  représentants  de  la  poésie 
allemande  en  langue  française  :  il  chante  les  clairs  de  lune, 
les  sérénades,  les  buveurs  mélancoliques,  et  ne  manque  m 
de  charme  ni  de  style.  M.  Philippe  Godet  a  réuni  ses  meil- 
leures œuvres  dans  un  volume  précédé  d'une  notice  fort 
attachante  (Neuchàtel,  1886).  E.  K. 

EGGMUHL  ou  ECKNIUHL  Village  de  Bavière,  prov.  de 
Bavière-Inférieure,  sur  les  bords  de  la  Grande-Laber,  au 
S.  de  Ratisbonne  ;  120  hab.  Château.  Il  est  célèbre  parce 
qu'il  a  donné  son  nom  à  la  bataille  livrée  le  22  avr.  1809 
entre  les  Français  et  les  Autrichiens.  Cette  bataille  acheva 
la  défaite  de  l'armée  autrichienne  qui  avait  envahi  la  Bavière. 
L'aile  gauche  des  Autrichiens  avait  été  vaincue  à  Abensberg 
le  19  avr.,  coupée  du  corps  principal  et  refoulée  au  delà  de 
la  Petite-Laber,  sur  la  route  de  Landshut.  Le  21  avr.,  son 
chef  Hiller  fut  attaqué  par  Napoléon  et  pris  à  revers  par 
Masséna  qui  le  rejetèrent  sur  la  rive  droite  de  l'Isar  en  lui 
infligeant  de  grandes  pertes.  Pendant  ce  temps,  l'archiduc 
Charles,  s'avançant  plus  auN.,  avait  occupé  Ratisbonne  le 
20  avr.  et  fait  sa  jonction  avec  Kolowrat.  Il  avait  réuni 
quatre  corps  d'armée  (Rosenberg,  Hohenzollern,  Kolowrat, 
Liechtenstein)  et  s'était  porté  à  Eggmùhl,  d'où  il  menaçait 
le  flanc  de  l'armée   française  et  pouvait   la  couper  de 
Donauwerth.  Davout,  chargé  de  le  contenir,  y  réussit  pen- 
dant la  journée  du  21  avr.  Le  lendemain,  Napoléon,  chargeant 
Bessières  de  poursuivre  Hiller,  se  porta  au  N.  par  la  route 
de  Landshut  à  Ratisbonne  avec  les  corps  de  Lannes  et  de 
Masséna,  les  Wurtembergeois  de  Vandamme,  les  divisions 
de  cuirassiers  Nansouty  et  Saint-Sulpice.  Le  pont  d'Eggmuhl 
était  la  clef  de  la  position.  Davout  obligea  Rosenberg  à  se 
replier  ;  Lannes  et  les  Wurtembergeois  attaquèrent  Eggmuhl 
qui  fut  vaillamment  défendu;  la  division  Morand  passa  la 
Laber,  la  cavalerie  (Nansouty  et  Saint-Sulpice)  chargea 
l'infanterie  autrichienne,  tandis  que  les  Bavarois  enlevaient 
une  batterie  de  seize  pièces.  Davout  emporta  les  redoutes 
d'Unterlaichling  appuyé  par  la  division  Friant.  Malgré  la 
perte  des  bords  de  la  rivière,  les  Autrichiens  se  défendaient 
sur  les  hauteurs  qui  la  dominaient.  Le  corps  de  Rosenberg 
supportait  le  principal  eff'ort.  L'archiduc  Charles  ne  voulut 
pas  engager  ses  réserves  de  crainte  de  faire  détruire  toute 
son  armée.  H  donna  l'ordre  de  la  retraite  sur  Ratisbonne. 
Rosenberg  se  retira  par  les  bois  de  Santing  et  Eglofsheim. 
Mais,  lorsque  les  Français  furent  maîtres  des  hauteurs,  le 
danger  devint  grand.  L'archiduc  Charles  jugea  nécessaire 
de  sacrifier  sa  cavalerie.  Il  la  massa  devant  Eglofsheim  et 
une  sanglante  mêlée  s'ensuivit.  Les  cuirassiers  français  1  em- 
portèrent et  sabrèrent  ensuite  deux  carrés  de  grenadiers 
hongrois.  On  s'arrêta  alors,  d'épuisement.  Les  Français 
avaient  fait  une  marche  de  plus  de  douze  lieues  pour  arriver 
au  champ  de  bataille.  L'archiduc  Charles  évacua  Ratisbonne 
pendant  la  nuit  et  se  retira  en  Bohême.  L'armée  autrichienne 
avait  durant  ces  quatre  journées  perdu  25,000  hommes 
tués  ou  pris,  une  centaine  de  canons,  douze  drapeaux, 
une  partie  de  ses  bagages.  Elle  avait  dû  laisser  hbre  la 
route  de  Vienne.  Davout,  qui  s'était  particulièrement  dis- 
tingué, fut  créé  par  l'empereur  jç?nn(?^  d'EckmûhL  ^ 

EGGS  (Jean-Ignace),  antiquaire  suisse,  né  à  Rheinfeld 
en  1618,  mort  à  Lauff'enbourg  le  l^'-févr.  1702.  H  servit 
comme  aumônier  à  bord  d'un  vaisseau  vénitien  et  alla 
comme  capucin  en  mission  dans  le  Levant.  Durant  ses 
voyages,  il  recueillit  soigneusement  toutes  les  antiquités 
qu'il  rencontra  en  Asie  Mineure  et  en  Terre  sainte,  ou  il 
accompagna  le  comte  Octave  de  La  Tour  et  Taxis.  A  son 
retour  en  Suisse,  il  donna  ses  antiquités  à  divers  musées, 


EGGS  -  EGIL 


-«  604 


et,  tout  en  s'occupant  de  la  conversion  des  protestants,  il 
publia  la  relation  de  son  voyage  sous  le  nom  d'Ignace  de 
Rheinfeld,  avec  le  titre  suivant  :  Relation  du  voyage  de 
Jérusalem  et  description  de  toutes  les  missions  apos- 
toliques de  l'Ordre  des  capucins  (Fribourg  en  Brisgau, 
\QQQ,  in-4). 

EGHAM.  Village  d'Angleterre,  comté  de  Surrey,  sur  la 
Tamise,  en  aval  de  Staines;  2,500  hab.  Asile  de  conva- 
lescents, collège  de  femmes.  Auprès  sont  l'école  d'ingé- 
nieurs indiens  (Coopers  Hill)  et  la  prairie  de  Runnimead 
où  le  roi  Jean  signa  la  Grande  Charte  en  4215. 

EGHIN  (Turquie  d'Asie)  (V.  Akin). 

É6HISHÉ  ou  ÉLISE  (latinisé  en  £/i5fiPW5),  historien 
et  théologien  arménien,  mort  à  Rhechtounikh  vers  480. 
Disciple  de  Sahaq  et  de  Mesrop,  il  accompagna  comme  se- 
crétaire le  prince  Vartan  dans  sa  malheureuse  campagne 
contre  les  Perses.  Il  fut  ensuite  nommé  évéque  d'Amatou- 
liek.  Son  principal  ouvrage,  qui  lui  assigne  une  place  d'hon- 
neur à  côté  de  Moïse  de  Khorèn,  est  une  Histoire  des 
guerres  de  Vartan  ;  il  raconte  comme  témoin  oculaire,  et 
en  se  servant  de  documents  officiels  aujourd'hui  perdus, 
les  persécutions  du  christianisme  par  les  Perses  et  les 
guerres  qui  en  résultèrent.  Cet  ouvrage  fut  d'abord  im- 
primé à  Constantinople  en  1764,  puis  plusieurs  fois  à 
Venise  ;  la  meilleure  de  ces  éditions  est  celle  de  1852.  Il  a 
été  traduit  en  plusieurs  langues,  en  français  par  Cabaradji 
(Paris,  1844).  Les  écrits  théologiques  d'Eghishé  ont  moins 
d'intérêt  ;  une  édition  de  ses  OEuvres  complètes  a  été  im- 
primée à  Venise  en  1838.  F. -H.  K. 

EGHRIS  (V.  Egris). 

ÉGIALÉEou  >€GIALÉE.  I.  Géographie  ancienne.  — 
Nom  ancien  de  la  côte  septentrionale  du  Peloponèse,  qui 
devint  VAckaïe,  lorsque  les  Achéens  y  eurent  remplacé  les 
Ioniens  (V.  Achaïe). 

II.  Mythologie.  -—  Fille  d'Adraste  ou  de  ses  fils  Mgh- 
leus  et  d'Amphithea,  d'où,  chez  les  poètes,  son  surnom 
à'Adrestiné,  Femme  de  Diomède,  roi  d'Argos,  elle  resta 
fidèle  longtemps  à  son  époux  lorsqu'il  partit  pour  Troie. 
Mais  Aphrodite,  pour  se  venger  de  la  blessure  que  lui  avait 
faite  Diomède,  jeta  l'égarement  dans  l'esprit  d'Egialée  ; 
celle-ci  trompa  Diomède  avec  plusieurs  jeunes  Argiens  et 
attenta  même  à  sa  vie  après  son  retour.  Le  héros  fut 
obligé  de  se  réfugier  en  Hespérie.  La  légende  ne  dit  rien 
sur  la  fin  de  l'infidèle.  J.-A.  Hild. 

EG I B  L  Nom  d'un  chef  de  tribu  dans  l'ancienne  Babylone. 
Les  habitants  de  cette  grande  cité  étaient  divisés,  en  dehors 
des  étrangers  et  des  esclaves,  en  castes  d'un  très  grand 
nombre.  Ces  castes  ou  tribus  étaient  ou  des  corps  de  mé- 
tiers de  toute  nature,  ou  bien  c'étaient  des  tribus  qui  se 
distinguaient  par  le  nom  d'un  ancêtre.  Les  familles  qui  se 
dénommaient  ainsi  d'un  nom  de  personne  s'élèvent  dans 
les  documents  babyloniens  à  plusieurs  centaines  ;  ils  sem- 
blent avoir  formé  l'élite  de  la  société  babylonienne,  avec 
les  castes  des  prêtres  et  des  juges.  L'ancêtre  s'appelle  en 
assyrien  Banû,  générateur,  et  le  descendant  de  ce  per- 
sonnage patronymique  se  nomme  Mar  BanU^  fils  d'an- 
cêtre, un  hidalgo^  un  ingenors. 

Parmi  les  différents  noms  d'ancêtres  se  distingue  celui 
à'Egibi;  à  la  famille  qui  dérive  de  cet  aïeul,  appartient 
toute  une  série  de  riches  négociants  qui,  depuis  Nabopo- 
lassar  jusqu'à  Artaxerxès,  vendaient,  achetaient  des  im- 
meubles, des  produits  agricoles,  des  esclaves,  prêtaient  de 
l'argent  sur  intérêts  avec  ou  sans  gages.  On  connaît  sur- 
tout la  filiation  de  Nabu-zir-ukin  (vers  600  av.  J.-C); 
de  Sula  (jusqu'à  582);  de  Nabu-akhê-iddin  (jusqu'à 
543);  à'Itti-Morduk-balat  (jusqu'à  521);  de  Marduk- 
nazir-abal  (jusqu'à  486)  ;  de  Nidintabel,  sous  Xerxès. 
Ces  six  générations  semblent  avoir  conservé  leurs  richesses 
pendant  plus  d'un  siècle  et  demi  ;  à  côté  de  cela  il  y  a  des 
descendants  à'Egibi,  qui  ne  sont  rien  moins  que  fortunés, 
puisque  quelques-uns  ont  été  soumis  à  des  saisies. 

Le  nom  à'Egibi,  tout  individuel  qu'il  soit,  semble  être  le 
dérivé  d'un  pluriel,  et  représente  une  collectivité.  Le  nom 


d'Egibi  doit  signifier  «  les  presseurs  de  vin  »  et  a  des  ana- 
logies avec  d'autres  ancêtres  personnifiés,  tels  que  Dabibi 
«  les  plaignants,  les  avocats  »  ;  Mandidi^  «  les  arpenteurs  ». 

Un  savant  allemand  qui  s'occupe  d'assyriologie,  M.  De- 
ll tsch,  a  voulu  exciter  l'attention  du  grand  pubhc,  en 
parlant  de  la  maison  de  banque  Egibi  à  Babylone,  et  flatter 
l'antisémitisme  en  assurant  que  cette  maison  de  banque 
était  un  établissement  israélite.  Il  y  eut  donc  déjà  des 
banquiers  israéUtes  à  Babylone?  car  Egibi  serait  la  forme 
babylonienne  de  Jacob.  Mais  le  nom  est  plus  ancien  que 
Jacob  qui,  d'ailleurs,  se  nomme  dans  les  textes  cunéiformes 
YaqUbu  et  Yuqûbu,  Le  nom  à'Egibi  est  babylonien  et 
nullement  juif.  J.  0. 

ÉGIDE.  Nom  donné  par  Homère  soit  au  bouclier  de 
Zeus,  soit  à  un  emblème  analogue,  manteau  ou  cuirasse, 
d'Apollon  et  d'Athéna,  qui  le  tiennent  de  Zeus  lui-même. 
L'égide  est  le  symbole  de  la  nuée  d'orage,  sombre  et  ter- 
rible, que  sillonnent  les  éclairs  et  qui  verse  les  torrents  de 
pluie.  Dans  l'épopée  homérique,  lorsque  Zeus,  appelé 
aiy^o'/^o;  (qui  porte  l'égide),  saisit  cet  attribut  pour  mani- 
fester sa  colère,  le  mont  Ida  se  couvre  de  nuages  et  la 
foudre  retentit.  Il  se  confond  dans  l'imagination  populaire, 
peut-être  en  vertu  d'un  simple  rapprochement  de  mots  à 
consonance  identique  (al'Ç,  chèvre,  et  àïÇ,  mouvement 
violent,  d'où  aiaaw,  s'élancer),  avec  la  peau  d'une  chèvre 
que  la  divinité  roule  autour  du  bras  gauche  en  guise  de 
bouclier  ou  dont  elle  se  couvre  la  poitrine  comme  d'une 
cuirasse.  Zeus  s'en  est  servi  pour  la  première  fois  dans  la 
lutte  contre  les  Titans  et  les  Géants  ;  Athéna  et  Apollon  la 
portent  sur  les  champs  de  bataille.  Elle  est  l'œuvre  d'Hé- 
phaistos,  qui  l'a  garnie  tout  à  l'entour  de  glands  d'or  étin- 
celants  ;  au  centre  est  fixée  la  tête  terrible  de  la  Gorgone 
(V.  ce  nom) .  Les  artistes  lui  ont  donné  la  forme  d'une  cui- 
rasse, le  plus  souvent  imbriquée,  dont  le  gorgoneïon  est 
l'ornement  principal  et  qui  est  fixée  sur  la  poitrine  par 
des  nœuds  figurant  des  serpents,  comme  on  peut  voir  au 
mot  Athéna  (Athéna  de  Velletri  et  Athéna  Parthénos).  Les 
mythographes  en  ont  fait  la  peau  d'un  monstre  fabuleux 
tué  par  cette  dernière  divinité  et  aussi  la  peau  de  la  chèvre 
Amalthée,  nourrice  de  Zeus.  J.-A.  Hild. 

EGIDIO  Antonini,  connu  sous  le  nom  de  Gilles  de 
Viterbe,  évêque,  prédicateur  et  écrivain,  né  à  Viterbe, 
mort  à  Rome  en  1532.  Il  paraît  avoir  été  un  des  prédica- 
teurs les  plus  éloquents  de  son  temps.  [Général  des  ermites 
de  Saint-Augustin,  depuis  1507,  il  fut  nommé  patriarche 
in  partibus  de  Constantinople  et  évêque  de  Viterbe,  ou- 
vrit, en  1512,  le  concile  de  Latran,  et  fut  chargé  par  le 
pape  de  missions  en  Allemagne  (1 5 1 7)  et  en  Espagne  (1518). 
Outre  quelques  commentaires  sacrés,  Egidio  a  écrit  de 
petites  poésies  ;  il  rivalisait  dans  ce  genre  avec  P.  Bembo 
(V.  ce  nom),  mais  fut  loin  de  l'égaler. 

EGIDIUS  (V.  .Egidius). 

EGIDIUS  CoLONNA  (V.  Colonna). 

EGIL  ou  EIGIL  Skallagrimsson,  célèbre  skald  islan- 
dais, né  vers  900,  mort  vers  980.  Issu  d'une  famille  nor- 
végienne, les  Myramen,  que  l'hostilité  de  Harald  Hârfagr 
avait  forcés  d'émigrer  et  qui  étaient  aussi  remarquables 
par  leurs  talents  poétiques  que  par  leur  force,  leur  lai- 
deur ou  leur  beauté,  il  partit  tout  jeune  avec  son  frère 
Thôrôlf  pour  faire  la  course  dans  la  Baltique  et  la  mer  du 
Nord.  Ils  firent  des  descentes  en  Courlande,  en  Skanie,  où 
ils  brûlèrent  Lund,  en  Jutland,  en  Frise,  en  Flandre,  puis 
ils  se  mirent  au  service  du  roi  d'Angleterre  iEthelstân 
(925)  qui  les  fit  ondoyer  et  les  plaça  à  la  tête  des  cor- 
saires qui  se  battirent  à  Weondune  (Vinheide).  Egil  com- 
posa en  l'honneur  de  ce  monarque  une  drapa  dont  il  ne 
reste  qu'une  strophe  et  le  refrain.  Rentré  en  Islande 
(927)  après  douze  ans  d'absence,  il  en  repartit  (933)  pour 
recueillir  en  Norvège  un  héritage  échu  à  sa  femme,  tua 
son  beau-frère,  qui  lui  refusait  sa  part,  se  vengea  du  roi 
Eirik  Blodœxe  et  de  la  reine  Gunnhilde,  qui  avaient  pris 
parti  contre  lui,  en  faisant  égorger  leur  fils  Rœgnvald 
(934)  ;  mais,  deux  ans  plus  tard,  naufragé  sur  le  littoral 


605 


EGIL  —  ÉGINE 


du  Northumberland,  il  tomba  en  leur  pouvoir  et  ne  put 
sauver  sa  vie  qu'en  déclamant  vingt  magnifiques  couplets  de 
facture  à  la  gloire  d'Eirik,  en  partie  conservés  et  appelés 
Hœfudlausn  ou  «  rançon  de  la  tète  »,  traduits  et  expli- 
qués en  suédois  par  Per  Sœrensson  (Lund,  1868,  in-8), 
mais  si  obscurs  même  pour  les  plus  savants  Islandais  que 
Bjœrn  Jonsson  de  Skardsâ  passa  toute  une  année  à  les 
commenter  (1634).  Après  avoir  gagné  beaucoup  de  ri- 
chesses comme  vainqueur  dans  deux  combats  singuliers, 
il  s'établit  (938)  dans  son  domaine  de  Borge,  dans  la 
partie  S.-O.  de  l'Islande.  Mais  les  intérêts  qu'il  avait 
en  Norvège  le  rappelèrent  (950)  dans  ce  pays,  où  régnait 
alors  le  frère  et  vainqueur  d'Eirik  Blodœxe,  Hâkon  le  Bon, 
qui  lui  en  voulait  d'avoir  tué  son  neveu  et  qui  lui  par- 
donna pour  s'être  acquitté  avec  succès  d'une  périlleuse 
mission  dans  le  Vsermland  (95i).  Les  courses  qu'il  fit 
dans  le  pays  des  Frisons  furent  ses  dernières  aventures  à 
l'étranger.  Retiré  dans  son  domaine  de  Borge,  où  il  menait 
un  grand  train  de  vie,  il  vécut  désormais  en  paix,  tantôt 
contant  ses  prouesses  à  son  ami  le  poète  Einar  Skâlaglam, 
tantôt  composant  des  drapas  sur  la  perte  de  son  fils  {So- 
nartorrek,  960)  ou  à  la  louange  de  son  ami  Arinbjœrn 
{Annbjarnar drapa,  975,  traduite  et  expliquée  en  sué- 
dois par  Bjœrlin,  1864),  ou  bien  sur  le  bouclier  de  Hâkon- 
jarl  {Skjaldar  drdpa,  910^  eiBerudrdpa,  975).  Mais  il 
vécut  trop  longtemps  ;  plus  qu'octogénaire,  aveugle,  privé 
de  ceux  qu'il  avait  aimés  et  de  la  vigueur  extraordinaire 
dont  il  avait  abusé,  il  devint  le  jouet  des  jeunes  ;  pour  se 
venger,  à  la  veille  de  sa  mort,  il  cacha  tout  l'or  et  les  objets 
précieux  qu'il  avait  rapportés  de  ses  courses.  Ce  qui  reste 
de  ses  poèmes  se  trouve  soit  dans  la  véridique  saga  dont 
il  est  le  héros,  VEigla^  qui  comprend  beaucoup  d'autres 
fragments  de  ses  chants,  soit  à  la  suite  du  texte  dans  les 
éditions  de  1809,  1856  et  1886-88.  Beauvois. 

BiBL.  :  Eigils  saga  Skalla-grimssonar  ;  Hrappsey,  1782, 
in-4.  —  Eg'ils  saga,  édit.  arna-magnéenne  avec  trad. 
latine  et  commentaire  ;  Copenhague,  1809,  in-4.  —  Sagan 
af  Agli  Skallagrimssyni^  édit.  par  Jôn  Thôrkelsson  ; 
Reykjavik,  1855,  in-8.  —  Ègils  saga,  édit.  par  Finn  Jôns- 
TON,  avec  commentaire  -,  Copenhague,  1886-88,  in-8. —  Tra- 
ductions danoises  par  T.  N.,  1738  ;  — par  N.-M.  Petersen, 
1839;  2°  éd.,  1862  \  par  Lefolti  et  Sv.  Grundtvig,  1867;  — 
suédoise,  par  Baath  ;  Stockholm,  1886  ;  —  allemande, 
par  Ferd.  Kuhll  ;  Vienne,  1887.  —  Commentaires  par 
Magnus  Grimsson,  dans  Safn  til  sœgu  Islands^  t.  II  ;  — 
par  E.  Jessen,  dans  Historische  Zeitsschrift  de  Sybel, 
t.  XIV  ;  —  par  Finn  Jônsson,  dans  Kritiske  Studier  ; 
Copenhague,  1884. 

E6ILSS0N  (Sveinbjœrn),  savant  islandais,  né  à  Gull- 
bringa  (Islande)  le  24  févr.  1791,  mort  à  Reykjawik  le 
17  août  1852.  Il  fut  un  des  fondateurs  de  la  Société  litté- 
raire d'Islande  (Islenzka  Bôkmentafélag,  1816)  et  de  la 
Société  des  antiquaires  du  Nord  (Nordisk  Oldokrift  Sels- 
kab,  1825);  il  prit  part,  avec  Rask,  Petersen,  Rafn,  etc.,  à 
la  publication  des  historiens  islandais  (Fornmanna  Sôgur; 
Copenhague,  1825-1837;  trad.  en  latin,  Scripta  historica 
Islandorum;  Copenhague,  1828-1846),  publia  la  nouvelle 
Edda  (1848-1849)  et  un  grand  nombre  d'articles  ou  de 
dissertations  philologiques  et  archéologiques.  Enfin  il  pré- 
para un  dictionnaire,  édité  après  sa  mort  par  la  Société 
des  antiquaires  du  Nord,  Lexicon  poeticum  antiquce 
linguœ  septentrionalis  (Copenhague,  1855-1860).  On  a 
réuni  ses  écrits  en  trois  volumes  publiés  à  Reykjawik 
(1855-1856).  Dans  le  second,  John  Arnason  a  inséré  la 
biographie  de  l'auteur. 

ÉGINE  (Astron.).  Nom  du  91®  astéroïde  (V.  ce  mot). 

ÉGl  N  E  (Aly^va).  I.  Géographie.  —  Ile  des  côtes  orien- 
tales de  la  Grèce,  dans  le  golfe  d'Egine  (ancien  golfe  Saro- 
nique),  entre  les  côtes  de  l'Argolide,  de  la  Mégaride  et  de 
l'Attique.  Elle  appartient  aujourd'hui  au  nome  d'Attique 
et  Béotie,  dont  elle  forme  une  éparchie;  elle  a  86  kil.  q. 
de  superficie;  6,000  hab.  Sa  forme  est  celle  d'un  trapé- 
zoïde  ayant  sa  grande  base  au  N.,  la  petite  au  S.  Au  centre 
s'élève  une  montagne  de  forme  conique,  le  mont  Saint- 
Elie  (534  m.),  le  Panhellenius  des  anciens;  avec  ses  con- 
treforts, il  occupe  toute  la  partie  méridionale  de  l'île,  tandis 


que  l'Ouest  forme  une  plaine  bien  cultivée  et  fertile  ;  il  y  a 
une  assez  haute  colline  au  N.-E.  (190  m.  d'altitude).  Egine 
est  entourée  de  rochers  et  d'écueils  qui  rendent  difficile 
l'approche  de  ses  rivages.  Le  côté  occidental  est  le  seul 
accessible  aux  navires.  Elle  est  entièrement  déboisée  et  n'a 
presque  pas  d'eaux  courantes.  Le  sol  calcaire  produit  de 
l'orge,  du  vin,  des  amandes,  de  l'huile,  des  figues.  On  en 
retire  une  excellente  argile  à  potier,  et,  auN.,  des  pierres 
de  taille.  Dans  le  golfe  et  l'île  d'Egine,  la  pêche  des 
éponges  est  très  pratiquée.  —  Le  chef-lieu  est  la  ville 
d'Egine  (3,000  hab.).  Il  possède  une  rade  ouverte  et  les 
deux  ports  artificiels  des  anciens,  celui  du  S.  restauré  par 
Capo  d'Istria. 

Dans  l'antiquité,  la  principale  ville  qui  portait  le  même 
nom  que  l'île  était  située  dans  la  plaine  nord-occidentale. 
Elle  a  été  décrite  par  Pausanias  et  les  ruines  en  sont  encore 
visibles.  L'édifice  principal  était  VMaceium,  enclos  con- 
sacré à  Eaque  (V.  ce  nom).  Près  de  la  mer  était  un  vaste 
théâtre;  la  ville  possédait  aussi  un  stade  et  plusieurs 
temples.  Elle  avait  deux  ports,  le  principal  près  du  temple 
d'Aphrodite,  le  second,  appelé  «  port  secret  »,  près  du 
théâtre.  Les  ruines  qui  sont  encore  visibles  consistent  en 
substructions  de  murailles,  en  blocs  épars  et  en  tombeaux. 
Près  du  rivage  sont  deux  colonnes  doriques  ;  non  loin,  au 
S.,  un  port  ovale  fermé  par  deux  môles  et  jadis  défendu 
par  deux  tours  :  l'entrée  en  est  très  étroite  ;  un  peu  plus 
loin,  au  S.,  un  second  port  ovale  d'une  amplitude  double, 
également  fermé  par  deux  môles  de  5  à  6  m.  d'épaisseur. 
Les  remparts  de  la  cité  sont  encore  apparents  du  côté  de  la 
terre.  Ils  ont  environ  3  m.  d'épaisseur.  On  y  discerne  trois 
portes  principales.  —  Sur  la  colline  du  N.-E.  de  Tîle  sont 
les  ruines  du  fameux  temple  d'Egine.  On  l'a  d'abord  con- 
fondu avec  le  temple  de  Zeus  Panhellenius,  mais  Stackel- 
berg  a  fait  admettre  que  celui-ci  se  dressait  au  sommet  de 
la  montagne  du  S.  de  l'île  (c'était  un  autel  entouré  d'une 
muraille  semi-circulaire  et  remplacé  depuis  par  la  chapelle 
de  Saint-Elie)  ;  le  temple  de  la  colline  du  N.-E.  était  con- 
sacré à  Athéna.  Il  était  situé  dans  une  très  belle  position, 
dominant  la  mer,  en  face  de  la  côte  de  l'Attique.  Une  partie 
des  colonnes,  d'ordre  dorique,  sont  encore  debout.  Les 
belles  sculptures  du  tympan  ont  été  exhumées  en  1811 
et  transportées  au  musée  de  Munich  (V.  le  §  Histoire  de 
Vart),  M.  Garnier  a  donné  une  remarquable  restauration 
de  ce  temple  en  rétablissant  la  décoration  polychrome.  — 
A  l'intérieur  de  l'île,  à  une  lieue  environ  de  la  cité  d'Egine, 
était  la  ville  d'CEa,  peut-être  la  première  capitale  de  l'île. 
On  discute  au  sujet  de  sa  position,  que  quelques-uns  fixent 
à  Paleœ  Khora,  la  capitale  moderne.  On  ignore  l'empla- 
cement des  temples  d'Alphsea,  d'Héraklès,  mentionnées 
par  Pausanias  et  Xénophon. 

IL  Histoire.  —  Cette  petite  île  a  joué  un  grand  rôle 
dans  l'histoire  de  l'ancienne  Grèce.  Elle  fut  le  siège  d'une 
cité  florissante  dont  les  artistes  ont  conquis  un  renom  im- 
périssable. Les  origines  de  cette  cité  remontent  au  delà  de 
la  période  historique.  On  raconte  que  l'île,  s'appelait  d'abord 
OEnone  ou  OEnopia^  nom  qui  se  rapproche  de  celui  de  la 
ville  d'OEa.  Elle  aurait  emprunté  le  nom  d'Egine  à  une  fille 
du  fleuve  Asopus,  amante  de  Zeus,  par  qui  elle  fut  trans- 
portée dans  cette  île  et  où  elle  enfanta  Eaque,  né  des  œu- 
vres du  dieu  (V.  Eaque).  Une  autre  légende,  combinée 
ultérieurement  avec  celle-ci,  portait  que  l'île,  d'abord  dé- 
serte, fut  peuplée  par  des  fourmis  que  Zeus  changea  en 
hommes,  créant  ainsi  le  peuple  des  Myrmidons  sur  lequel 
régna  Eaque.  On  a  supposé  que  ces  légendes  font  allusion 
à  une  colonisation  d'Eoine  par  des  gens  de  Phlionte  (vallée 
de  l'Asopus)  et  de  Phtia,  en  Thessalie,  pays  des  Myrmi- 
dons. Le  héros  national,  patron  de  l'île,  était  Eaque.  Mais 
la  famille  des  Eacides  ne  s'y  fixa  pas,  puisque  l'on  faisait 
régner  son  fils  Pelée  à  Phtia,  et  son  autre  fils  Télamon 
à  Salamine.  La  population  de  l'époque  homérique,  de  race 
achéenne,  fut  submergée  plus  tard  par  des  Doriens  venus 
d'Epidaure,  lesquels  imposèrent  leur  dialecte  et  leurs  cou- 
tumes. 


ÉGINE 


—  606  — 


Au  viii^  siècle  encore,  Egine  dépendait  d'Epidaure  et  fut 
soumise  avec  elle  au  tyran  Phidon.  A  cette  époque  remonte 
l'origine  de  la  monnaie  (V.  ci-après  le  §  Numismatique), 
La  situation  insulaire  d'Egine  et  l'activité  de  ses  habitants 
lui  assurèrent  un  grand  développement  durant  la  période 
de  la  colonisation  (V.  ce  mot)  ;  elle  devint  une  des  places 
commerciales  les  plus  riches  de  la  Méditerranée.  Les  Egi- 
nètes  s'affranchirent  alors  de  l'autorité  d'Epidaure  (vers 
550  av.  J.-C);  afin  d'assurer  leur  autonomie  et  de  pro- 
téger leurs  navires  marchands,  ils  équipèrent  de  nombreuses 
galères,  furent  presque  les  maîtres  de  la  mer  Egée.  Ils 
commerçaient  non  seulement  avec  le  Péloponèse  et  les 
rivages  de  la  mer  Egée,  mais  avec  le  Pont,  la  Crète  d'où 
ils. tiraient  du  blé,  et  Tltalie.  Ils  envoyèrent  des  colons  en 
Crète  (à  Cydonie)  et  jusqu'en  Ombrie  ;  ils  avaient  un  comp- 
toir à  Naucratis,  en  Egypte.  Le  gouvernement,  qui  était 
aristocratique,  comme  dans  les  autres  cités  doriennes, 
paraît  s'être  montré  assez  sage.  L'apogée  de  la  prospérité 
d'Egine  se  place  vers  la  fin  du  vi«  siècle,  dans  la  période 
qui  précède  immédiatement  les  guerres  médiques.  Aristote 
nous  dit  qu'elle  possédait  plus  de  400,000  esclaves  :  ceci 
supposerait  une  population  totale  de  plus  d'un  demi-milhon 
d'âmes.  Comme  on  s'étonne  de  la  voir  concentrée  sur  un 
si  petit  espace,  on  a  supposé  que  ce  chiffre  d'esclaves 
s'applique  à  ceux  que  les  citoyens  d'Egine  possédaient  dans 
l'île  et  dans  leurs  comptoirs  du  dehors.  Egine  fut  sup- 
plantée par  Athènes,  qu'elle  avait  devancée  pour  l'art 
comme  pour  le  commerce.  Lorsque  l'Etat  athénien  se  fut 
constitué  et  se  tourna  vers  la  mer,  il  rencontra  la  concur- 
rence des  Eginètes,  et  un  conflit  devint  inévitable.  Situées 
dans  le  même  golfe,  à  cinq  lieues  de  distance,  les  deux  cités 
ne  pouvaient  guère  vivre  en  paix,  d'autant  que  l'une  était 
dorienne  et  aristocratique,  tandis  que,  dans  l'autre,  la 
race  ionienne  organisait  la  démocratie.  Leur  proximité  était 
telle  que  la  sécurité  de  chacune  exigeait  la  ruine  de  sa 
voisine.  La  guerre  éclata  en  505  av.  J.-C.  Les  Thébains, 
aux  prises  avec  les  Athéniens,  obtinrent  l'alliance  des  Egi- 
nètes. Ceux-ci  commencèrent  les  hostilités  sans  déclaration 
préalable  et  dévastèrent  les  côtes  de  l'Attique  ;  la  lutte  se 
prolongea  pendant  un  quart  de  siècle,  jusqu'à  la  seconde 
guerre  médique.  Lorsque  Darius  fit  demander  la  terre  et 
l'eau  aux  cités  grecques,  Egine,  comme  Thèbes,  se  soumit. 
Les  Athéniens  portèrent  plainte  à  Sparte,  cité  directrice 
de  l'Hellade,  exposant  les  dangers  que  créait  le  «  mé- 
disme  »  de  leurs  adversaires.  Pour  les  mettre  à  l'abri,  au 
moment  de  la  première  guerre  médique,  les  rois  de  Sparte 
Cléomène  et  Léotychide  vinrent  à  Egine,  où  ils  compri- 
mèrent le  parti  médique,  se  saisirent  d'otages  qu'ils 
remirent  aux  Athéniens  pour  les  garantir  contre  une 
attaque  éventuelle  des  Eginètes.  Plus  tard,  ceux-ci,  après 
la  mort  de  Cléomène,  réclamèrent  leurs  otages,  qu'Athènes 
refusa  de  rendre  à  Léotychide.  Une  conspiration  démocra- 
tique fut  fomentée  par  les  Athéniens.  Elle  était  dirigée 
par  Nicodrome.  Les  conjurés  furent  découverts  :^  700 
furent  pris  et  mis  à  mort  ;  un  d'eux  s'était  réfugié  à  l'autel 
de  Déméter  Thesmophore  ;  n'osant  l'en  arracher,  on  lui 
coupa  les  mains,  puis  on  le  tua.  Nicodrome  et  une  partie 
des  démocrates  s'étaient  réfugiés  en  Attique  :  on  les  étabht 
à  Sunium,  d'où  ils  harcelèrent  leurs  compatriotes.  Au 
moment  de  la  seconde  guerre  médique,  une  réconciliation 
fut  imposée  à  Athènes  et  Egine.  Mais  celle-ci  n'en  fut  pas 
moins  victime  de  cette  guerre. 

Les  Athéniens,  obligés  de  devenir  une  puissance  mari- 
time, avaient  mis  à  flot  un  nombre  de  navires  qui  leur 
assurait  la  prépondérance.  Contre  les  Perses,  les  Eginètes 
envoyèrent  80  galères  ;  mais,  bien  qu'on  leur  ait  décerné 
le  prix  de  la  vaillance  à  Salamine,  leur  rôle  ne  fut  pas 
comparable  à  celui  des  Athéniens.  Ceux-ci  l'emportèrent 
décidément.  En  460,  la  guerre  reprit  ;  malgré  l'alliance 
de  Corinthe,  Egine  eut  le  dessous.  Après  la  défaite  de 
Kekryphaleia,  sa  flotte  fut  détruite  dans  une  grande  bataille 
navale  où  70  vaisseaux  furent  perdus  ;  la  cité,  assiégée, 
succomba  après  une  énergique  résistance  (456).  Egine  fut 


annexée  aux  possessions  athéniennes.  Périclês,  qui  l'appe- 
lait «  la  taie  (sur  l'œil)  du  Pirée  »,  n'était  pas  encore 
satisfait.  Au  début  de  la  guerre  du  Péloponèse,  pour 
éviter  une  insurrection  qui  eût  pu  reconstituer  en  face 
d'eux  un  centre  ennemi  si  dangereux,  les  Athéniens  dé- 
portèrent en  masse  la  population  de  l'île  et  la  remplacèrent 
par  des  colons  athéniens.  Les  Eginètes  se  retirèrent  à 
Thyrea,  sur  les  côtes  de  Laconie.  Ils  furent  réintégrés 
dans  leur  patrie  par  Lysandre,  après  la  bataille  d'^Egos- 
Potamoi.  Instruits  par  l'expérience,  ils  voulaient  vivre  en 
paix  ;  les  Spartiates  les  forcèrent  de  guerroyer  contre  leurs 
rivaux.  Ils  engagèrent  une  guerre  d'escarmouches  qui  fut 
très  désagréable  aux  Athéniens  dont  les  corsaires  d'Egine 
gênaient  les  navires.  Le  débarquement  de  Chabrias  dans 
l'île,  la  surprise  et  le  pillage  du  Pirée  par  Téleutias,  furent 
les  principaux  épisodes  de  cette  lutte,  qui  contribua  fort  à 
décider  les  Athéniens  à  l'acceptation  du  traité  d'Antal- 
cidas  (387).  —  Jamais  Egine  ne  recouvra  son  ancienne 
puissance.  Elle  tomba  successivement  aux  mains  des  Ma- 
cédoniens, des  Etoliens,  d'Attale,  roi  de  Pergame,  et  enfin 
des  Romains. 

IIL  Histoire  de  l'art.  — Ecole  d'Egine.  —On  désigne 
ainsi  une  des  plus  grandes  écoles  de  sculpture  de  la  Grèce 
antique.  Le  mouvement  artistique  qu'elle  représente  corres- 
pond surtout  à  la  fin  du  vi®  siècle  avant  notre  ère  :  il  s'ar- 
rête peu  après  les  guerres  médiques,  dans  le  premier  tiers 
du  V®  siècle,  après  la  conquête  de  l'île  d'Egine  par  les 
Athéniens.  Le  style  de  l'école  se  rattache  par  certains  côtés 
aux  traditions  de  l'archaïsme  dorien  :  on  y  retrouve  les 
qualités  et  les  défauts  de  la  plastique  péloponésienne,  la 
sohdité  de  la  construction,  la  sobriété  et  la  précision  presque 
géométrique  du  modelé,  mais  aussi  l'uniformité  des  types, 
la  raideur  de  l'exécution,  le  manque  d'expression  dans  les 
visages.  Les  œuvres  de  l'école  d'Egine  ont  toutes  sur  les 
lèvres  ce  sourire  insignifiant  et  béat  que  l'on  a  pour  cette 
raison  qualifié  d'éginétique.  Mais,  si  engagée  qu'elle  soit 
encore  dans  les  conventions  de  l'archaïsme,  l'école  marque 
un  effort  notable  vers  l'imitation  de  la  nature  vivante  et  la 
vérité  du  rendu  anatomique.  On  connaît  quelques-uns  des 
artistes  qui  l'ont  illustrée,  Smilis,  Callon,  Glaukias,  Anaxa- 
goras,  Callitélès,  Simon,  Synnoon,  Ptolichos,  Aristonoos, 
Serambos,  Theopropos,  Ouatas.  A  l'école  d'Egine  appar- 
tient un  ensemble  de  statues  fort  important  qui  provient 
des  ruines  du  temple  d'Athéna,  découvertes  à  Egine  en  4  8 1 4 . 
Ces  statues,  qui  sont  aujourd'hui  à  la  Glyptothèque  de 
Munich  et  dont  on  peut  voir  les  moulages  à  l'Ecole  des 
beaux-arts  à  Paris,  décoraient  les  frontons  de  l'édifice. 
Elles  se  rapportent  à  l'histoire  légendaire  des  héros  de  l'île  : 
Télamon,  dont  un  des  frontons  représentait  le  combat  sin- 
gulier avec  Heraklès,  Ajax  et  Teucer,  fils  de  Télamon,  que 
l'autre  fronton  montrait  luttant  contre  les  Troyens  pour 
défendre  le  corps  de  Patrocle.  J.  M. 

IV.  Numismatique.  —  Primitivement,  les  populations 
de  la  Grèce,  comme  celles  du  monde  entier,  échangeaient 
dans  la  circulation  commerciale  des  lingots  de  métal  précieux 
qui  étaient  acceptés  pour  leur  valeur  pondérale  intrinsèque. 
L'île  d'Egine  fut  la  première  des  contrées  de  l'Europe  qui 
adopta  l'usage  de  la  monnaie  proprement  dite  :  ses  pièces 
primitives  ont  encore  la  forme  de  pastilles  ovoïdes  et  len- 
ticulaires, portant  sur  une  face  l'image  d'une  tortue  de  mer 
et,  sur  Eautre  face,  un  carré  creux  partagé  en  cinq  com- 
partiments par  des  Hgnes  en  relief.  Ces  monnaies  d'argent, 
qui  remontent  environ  à  l'an  700  avant  notre  ère,  sont- 
elles  plus  anciennes  que  les  premières  pièces  d'or  et  d'elec- 
trum  des  rois  de  Lydie  ?  Les  témoignages  des  anciens  sont 
contradictoires  sur  ce  point  :  pour  les  uns,  les  plus  anciennes 
sont  celles  que  Phidon,  roi  d'Argos,  fit  frapper  au  type  de 
la  tortue,  dans  l'île  d'Egine,  dont  il  était  le  maître;  pour 
d'autres,  notamment  Hérodote,  c'est  aux  rois  de  Lydie  que 
revient  l'honneur  d'avoir  inventé  la  monnaie.  Aujourd'hui, 
la  question  est  encore  controversée  :  nous  penchons  per- 
sonnellement en  faveur  de  l'antériorité  ^es  monnaies  d'or 
et  d'electrum  d'Asie  Mineure  (V.  Monnaie).  Il  existe  d'ail- 


607  — 


EGINE  —  EGINHARD 


leurs  de  très  rares  monnaies  d'electrum  au  type  éginétique 
de  la  tortue  de  mer,  qui  prouvent  que  ce  sont  les  marchands 
phéniciens  ou  ioniens  qui  introduisirent  le  statère  d'elec- 
trum asiatique  dans  l'île  d'Egine  :  Phidon  inaugura  dans 
l'île  la  monnaie  d'argent,  en  copiant  ces  pièces  d'electrum 
aussi  bien  pour  le  type  que  pour  le  système  métrique.^ 

Les  plus  anciennes  monnaies  d'argent  d'Egine  pèsent 
environ  13s''T0,  poids  qui  n'est  qu'une  dégradation  légère 
de  l'étalon  phénicien  d'argent,  usité  dans  un  grand  nombre 
des  villes  de  la  côte  d'Asie  Mineure.  Un  peu  plus  tard,  c.-à-d. 
vers  l'an  600,  le  poids  des  monnaies  d'Egine  s'étant  gra- 
duellement et  lentement  affaiblie  devient  fixe  avec  un  étalon 
de  i2^''60.  Les  divisions  de  la  monnaie  d'Egine  présentent 
alors  l'échelle  suivante  : 

Statère 12,60  gr. 

Drachme 6,30  — 

Triobole 3,45  — 

Diobole 2,40  — 

Trihémiobole 4,57  — 

Obole 4,05  — 

Hémiobole 0,52  — 

Tétartémorion 0,26  — 

Tel  est  le  système  éginétique  ;  il  se  répandit  rapidement 
dans  la  plupart  des  contrées  grecques,  et  d'après  lui 
furent  frappées  les  monnaies  de  nombreuses  villes  du  Pélo- 
ponèse,  des  colonies  chalcidiennes  de  l'Italie  et  de  la  Sicile, 
de  la  Crète,  des  Cyclades  et  même  de  certaines  villes  d'Asie 
Mineure,  comme  Téos  et  peut-être  Cymé.  L'étalon  éginé- 
tique fut  un  des  plus  usités  dans  le  monnayage  de  la  Grèce 
jusqu'au  iv^  siècle.  A  l'origine  même  il  dominait  exclusive- 
ment :  c'est  d'après  lui  qu'à  Athènes  on  mesura  le  poids 
des  métaux  précieux  et  qu'on  tailla  les  monnaies  jusqu'à  la 
réforme  de  Solon  (V.  Athènes). 

Quant  aux  monnaies  de  l'île  d'Egine,  elles  étaient  popu- 
laires dans  la  circulation  commerciale  sous  le  nom  de 
tortues  (x£)^tjSvai),  à  cause  de  leur  type  constant,  aussi 
uniforme  que  celui  des  monnaies  d'Athènes.  L'image  de  la 
tortue,  pourtant,  se  transforme  graduellement  au  fur  et  à 
mesure  des  progrès  de  l'art.  A  partir  de  l'an  404,  date  de 


Monnaie  archaïque  d'Egine  (argent). 


l'émancipation  des  Eginètes  par  rapporta  Athènes,  la  tortue 
est  particulièrement  bien  gravée,  avec  tous  les  détails  de 
sa  carapace  ;  au  revers,  les  pièces  portent,  dans  les  compar- 
timents du  carré  creux,  un  dauphin  avec  les  lettres  AI  FI 
(vr]Twv).  A  partir  d'Alexandre,  le  monnayage  d'Egine  est 
tout  différent  ;  la  tortue  et  le  dauphin  n'y  paraissent  plus 
qu'à  l'état  de  symboles  accessoires;  les  types  principaux 
pour  les  pièces  "d'argent  sont  ceux  mêmes  des  monnaies 
d'Alexandre.  Les  pièces  de  bronze  de  la  même  période  ont 
des  types  varies.  Sous  l'empire  romain,  Egine  a  encore  un 
monnayage  de  bronze  avec  la  légende  AIFEINHTpN, 
qui  ne  va  pas  au  delà  de  la  famille  des  Sévère.  Parmi  les 
types  de  revers  de  ces  monnaies  impériales,  nous  citerons 
celui  qui  représente  le  plan,  à  vol  d'oiseau,  du  port  d'Egine 
et  du  temple  d'Aphrodite  qui  le  dominait.    E.  Babelon. 

BiHL.  :  GÉOGRAPHIE  ET  HISTOIRE.  Outre  les  géographies 
et  histoires  générales  de  la  Grèce,  V.  Mûller.  JEgineti- 
corum  liber  ;  Berlin,  1817.  —  About,  Mémoire  sur  Vile 
d'Egine^  dans  Arch.  des  missions  scientifiques,  3  articles. 

Histoire  DE  l'art.  — Owerbegk^  Geschichte  d.  gr.  Plas- 
tik.  —  Beulé,  Histoire  de  l'art  grec  avant  Périclès.— Mur- 
RAY,  History  of  greek  sculpture  from  the  earliest  times 
do-wn  the  âge  of'Pheidias.  —  Collignon,  Manuel  d'ar- 
chéologie grecque.  —  Brunn,  Beschreibung  der  Glyp- 
tothek  (Munich). 

Numismatique.  —  Barclay  Head,  Historia  numorum, 
pp.  331  et  suiv. 


ÉGINHARDou  El N H ARD,  historien  de  l'époque  caro- 
lingienne, né  de  parents  nobles,  à  Maingau,  dans  le  bassin 
du  Main,  vers  770.  Il  fut  élevé  au  célèbre  monastère  de 
Fulda,  avec  lequel  il  resta  toujours  en  relations  et  qui  était 
alors  un  des  centres  les  plus  actifs  de  la  civilisation  chré- 
tienne dans  la  France  orientale.  Les  aptitudes  qu'il  y 
montra  étaient  telles  que  l'abbé  Baugulf  l'envoya  à  la  cour 
de  Charlemagne,  entre  791  et  796,  afin  qu'il  y  pût  com- 
pléter son  éducation  dans  le  commerce  des  hommes  ins- 
truits qui  y  étaient  réunis.  Il  y  compta  bientôt  parmi  les 
beaux  esprits  de  l'Ecole  palatine  et  y  gagna  de  nombreux 
amis  ;  si  on  y  raillait  sans  aigreur  sa  petite  taille  qui  lui 
fit  donner  le  surnom  de  Nardulus  (diminutif  de  Nardus, 
Einhardus),  on  estimait  beaucoup  son  savoir  et  son  carac- 
tère. Théodulf  d'Orléans,  dans  un  de  ses  poèmes,  disait  de 
lui  :  «  Le  Nardulus  qui  court  çà  et  là  à  petits  pas  comme 
une  fourmi  loge  une  grande  âme  dans  un  petit  corps.  » 
Il  était  poète,  prosateur  ;  il  était  aussi  architecte,  d'où  le 
surnom  de  Béséleel  sous  lequel  on  le  désignait  à  l'Ecole 
palatine.  Il  prit  part  aux  travaux  de  construction  du  palais 
impérial  d'Aix-la-Chapelle.  Charlemagne  lui  témoigna  une 
grande  confiance  qu'attestent  plusieurs  faits  :  en  806,  il 
l'envoya  en  mission  auprès  du  pape  pour  obtenir  de  celui- 
ci  l'approbation  du  partage  éventuel  de  l'empire  entre  ses 
fils;  en  813,  ce  fut  en  partie  d'après  ses  conseils,  paraît- 
il,  qu'il  couronna  empereur  son  fils  Louis.  Après  la  mort 
de  Charlemagne,  Eginhard  conserva  la  faveur  de  son  suc- 
cesseur. En  815,   par  exemple,  Louis  le  Pieux  donnait 
à  Eginhard  et  à  sa  femme  Imraa,  la  terre  de  Michelstadt. 
Ce  fut  là  qu'il  songea  d'abord  à  élever  un  monastère,  en 
827,  lorsqu'il  se  fut  procuré  des  reliques  des  saints  Mar- 
cellin  et  Pierre,  mais  une  vision  le  fit  changer  d'avis  et 
l'église  destinée  à  contenir  ces  reliques  fut  construite  à 
Miihlheim-sur-le-Main,  qui  prit  le  nom  de  Seligenstadt.  Au 
milieu  des  luttes  qui  agitèrent  alors  l'empire  carolingien, 
Eginhard,  par  la   modération  de  son  caractère,  s'efforça 
toujours  de  ramener  la  concorde.  Louis  le  Pieux  l'avait, 
en  817,  donné  comme  conseiller  à  son  fils  Lothaire;  plus 
tard,  Eginhard  travailla  à  réconcilier  le  père  et  le  fils.  Ces 
dissensions  l'affligeaient  ;  il  se  retira  peu  à  peu  de  la  cour, 
n'y  apparaissant  plus  que  de  temps  à  autre.  En  830,  il 
s'étabht  à  Seligenstadt.  En  836,  la  mort  de  sa  femme 
Imma,  qui  était  peut-être  la  sœur  de  l'évêque  de  Worms, 
Bernard,  lui  causa  une  profonde  douleur;  il  mourut  lui- 
même  le  14  mars  840.  On  a  de  lui  des  œuvres  nom- 
breuses ;   la  plus  célèbre  est  sa  Vie  de  Charlemagne* 
L'influence  de  la  littérature  romaine,  si  sensible  dans  toutes 
les   œuvres   de  la   littérature   carolingienne,  y   domine, 
Eginhard  imite  le  plan  et  le  style  de  Suétone  dans  ses  Vies 
des  Césars;  il  lui  emprunte  jusqu'à  l'ordonnance  des  récits, 
jusqu'à  des  expressions.  De  là  une  trop  grande  absence 
d'originalité;  Eginhard  ne  donne  évidemment  qu'une  image 
aff'aiblie  et  latinisée  à  l'excès  de  son  héros.  Il  déclare  lui- 
même  qu'il  n'a  pas  voulu  composer  une  histoire  complète 
du  grand  empereur  et  que  son  but  a  été  surtout  d'indiquer 
les  traits  principaux  du  caractère  de  Charlemagne  et  de  son 
gouvernement.  On  a  même  pu  relever  dans  cette  courte 
biographie  des  erreurs  de  dates  et  de  faits  graves  et  nom- 
breuses. Malgré  tout,  on  ne  trouve  nulle  part  ailleurs  un 
tableau  plus  complet  de  la  cour  de  Charlemagne.  Eginhard 
écrivit  cet  ouvrage  peu  de  temps  après  la  mort  de  l'em- 
pereur ;  on  le  trouve  déjà  mentionné  en  820  ;  le  succès 
en  fut  grand  et  durable;  aujourd'hui  encore  on  connaît 
plus  de  soixante  manuscrits  de  la  Vie  de  Charlemagne, 
Une  autre  œuvre  historique  lui  a  longtemps  été  attribuée 
sans  discussion  :  il  s'agit  d'un  remaniement  des  Annales 
de  Lorsch  qui  comprendra  période  de  741  à  829.  On  les 
appelait  les  Annales  d'Eginhard  ;  aucune  source   n'est 
plus  importante  pour  le  règne  de  Charlemagne  et  pour  la 
première  partie  de   celui  de   Louis  le   Pieux.    Aujour- 
d'hui, on  s'accorde  en  général  pour  y  reconnaître  l'œuvre 
d'un  personnage  qui  a  vécu  à  la  cour  ;  quelques  critiques 
veulent  même  y  voir  une  véritable  chronique  officielle,  des 


ÉGINHARD  —  ÉGLETONS 


608 


annales  royales  (Reichsannalen) ,  mais  Tattribution  à 
Eginhard  a  été  fort  contestée.  Depuis  trente  ans  environ, 
en  Allemagne,  les  dissertations  relatives  à  cet  ouvrage  se 
sont  multipliées  :  quelques-uns  des  plus  illustres  historiens 
modernes  au  delà  du  Rhin,  Ranke,  Giesebrecht,  Sybel  ont 
pris  part  à  ce  débat.  Il  n'est  pas  possible  de  donner  ici 
une  analyse  de  cette  polémique,  ni  des  arguments  qui  ont 
été  échangés  de  part  et  d'autre.  L'ancienne  opinion  trouve 
encore  de  savants  défenseurs  :  ainsi,  en  1882,  M.  Mani- 
tius,  après  un  long  examen  du  style  de  la  Vie  de  Char- 
lemagne  et  des  Annales,  déclarait  que  les  Grandes 
Annales  de  Lorsch  de  796  à  829,  les  Annales  de  Fulda 
de  714  à  794,  les  Annales  dites  à' Eginhard  étaient 
Tœuvre  d'Eginhard.  On  s'abstiendra  ici  de  toute  conclusion, 
et  on  se  contentera  d'indiquer  que  les  anciennes  affirma- 
tions ne  doivent  plus  tout  au  moins  être  acceptées  avec  la 
même  confiance.  D'autres  écrits  d'une  valeur  historique 
moindre  sont  certainement  d'Eginhard.  Dans  la  Transla- 
tion des  reliques  des  saints  Marcellin  et  Pierre,  il  a 
raconté  la  passion  de  ces  martyrs  sous  Dioclétien,  com- 
ment il  se  procura  leurs  reliques,  comment  il  les  transféra 
à  Seligenstadt,  quels  miracles  s'accomplirent  grâce  à  elles  : 
c'est  m  document  curieux  pour  l'histoire  des  croyances 
et  des  pratiques  religieuses  de  ce  temps.  Les  Lettres 
d'Eginhard  donnent  aussi  d'intéressants  détails  sur  la 
société  à  cette  époque.  G.  Bayet. 

BiBL.  :  Histoire  littéraire  de  la  France.  —  Frese  ,  de 
Einhardi  vita  et  scriptis  ,  1845.  —  Watteinbach,  Deut- 
schlands  Geschichtsquellen,  1885,  5«  éd.,  t.  I,  pp.  169  et 
suiv.  —  Ebert,  Histoire  de  la  littérature  latine  au 
moyen  âge^  trad.  Aymeric  et  Condamin,  1884,  t.  Il,  pp.  105 
et  suiv.  —  Bâcha,  Etude  biographique  sur  Eginhard; 
Liôire,  1888.  —  Principales  éditions  :  Œuvres  complètes 
d'Emnhard,  avec  trad.  fr.  par  Teulet,  dans  les  publica- 
tions de  la  Société  de  Vhistoire  de  France,  1840-1843,  2  vol. 

—  Pertz,  Monumenta  Germ.  historica,  Script.,  1. 1  et  H; 
Einharti  epistolœ  et  Vita  Caroli,  dans  les  Monumenta 
Carolina  de  Jaffé  ;  Vita  Caroli,  éd.   Wattenbach,  1876. 

—  Principaux  travaux  critiques  sur  les  écrits  d'Eginhard  : 
Ranke,  Zur  Kritik  frânkisch-deutscher  Reichsannalisten, 
dans  les  Abhandlungen  der  Berliner  Akademie,  1854.  — 
Waitz,  Zu  den  Lorscher  undEinhards  Annalen,  dans  les 
Goettingische  Nachrichten,  1857.  —  Simson,  de  Statu 
Quœstionis,  sintne  Einhardi  necne  sint  quos  et  scribunt 
annales  imperii,  1860.  —  Giesebrecht,  Die  frankischen 
Kôniqsannalen  und  ihr  Ursprung,  dans  le  Mûnchner 
Hist.Jahrbuch,  1864.  —  Monod,  Revue  critique,  1873.  — 
Ebrard,  Reichsannalen  und  ihre  Umarbeitung,  dans 
les  Forschungen  zur  deutsche  Geschichte ,  t.  XIII.  — 
Dûnzelmann,  Beitrage  zur  Kritik  der  karolingischen 
Annalen,  dans  le  Neues  Archiv  der  Gesellschaft  fur 
altère  deutsche  Geschichtshunde,t.  II.  —  Sybel,  Die  karo- 
lingischen Annaten,  dans  VHistorische  Zeitschrift,  1880.  — 
Bernays,  Zur  Kritik  der  karolingischen  Annalen.  — 
Manitius,  Einharts  Werke  und  ihr  Stil,  dans  le  Neues 
Archiv.,  1882,  etc.  —  Cette  liste,  fort  incomplète,  prouve 
avec  quelle  ardeur  érudite  cette  question  a  été  discutée. 

EGI NTON  (Francis),  peintre  sur  verre,  né  à  Birmingham 
en  4737,  mort  à  Birmingham  le  25  mars  1805.  Il  a  fait 
des  vitraux  remarquables  par  l'intensité  de  leur  coloris, 
mais  exécutés  trop  souvent  avec  la  préoccupation  d'arriver 
à  l'effet  d'un  tableau.  On  cite  parmi  les  principaux  :  une 
Résurrection  d'après  Schwartz,  dans  le  Magdalen  Collège, 
à  Oxford,  huit  vitraux  avec  portraits  d'évêques  dans  la 
chapelle  du  même  collège,  etc.  F.  Courboin. 

EGI  PAN  (V.  JEgipan). 

EGISTHE  (Myth.  gr.).  L'un  des  Pélopides,  né  de 
l'union  incestueuse  de  Thyesteet  de  sa  propre  fille  Pélopia. 
Exposé  après  sa  naissance,  élevé  par  des  bergers,  son 
oncle  Atrée  l'adopta.  Sa  mère  ayant  découvert  l'inceste 
s'était  suicidée.  Atrée  voulut  faire  tuer  par  Egisthe  son 
pèreThyeste;  mais  Egisthe  égorgea  son  oncle  tandis  qu'il 
sacrifiait  à  l'autel  ;  puis  Thyeste  et  Egisthe  devinrent  rois 
de  Mycènes.  Il  est  malaisé  de  fixer  l'origine  de  ces  légendes 
compliquées  que  nous  transmet  Hygin  ;  notons  seulement 
qu'Homère  les  ignore.  Ce  qu'il  raconte  est  suffisamment 
tragique.  Egisthe,  cousin  d'Agamemnon  (fils  d'Atrée) ,  pro- 
fite de  l'absence  de  celui-ci  pour  séduire  sa  femme  Clytem- 
nestre.  Revenu  de  Troie,  l'époux  trompé  est  égorgé.  Egisthe 
règne  alors  sur  Mycènes  sept  ou  huit  années  jusqu'à  ce 


qu'Oreste  venge  son  père.  D'après  Homère,  le  meurtrier 
d'Agamemnon  serait  Egisthe.  Les  poètes  tragique  donnent 
le  principal  rôle  à  Clytemnestre  (V.  Agamemnon  et  Oreste). 

EGIUM  ou  >€61UM.  Ville  de  la  Grèce  ancienne  (auj. 
Vostitza).  Elle  fut  une  des  douze  villes  qui  se  parta- 
geaient le  territoire  de  l'Achaïe.  Dans  le  catalogue  des 
vaisseaux,  Homère  nous  dit  qu'elle  dépendait  du  royaume 
d'Agamemnon  ;  elle  était  formée  par  la  réunion  de  sept  ou 
huit  dèmes,  comme  la  plupart  des  localités  du  Péloponèse 
mentionnées  par  Homère.  Par  l'adjonction  des  territoires 
d'i^ga  et  d'Hélice,  détruites  par  un  tremblement  de  terre, 
Egium  devint  un  centre  de  population  assez  considérable. 
Lors  de  la  Ligue  achéenne,  cette  ville  fut  le  siège  des  assem- 
blées générales  de  la  nation.  D'après  la  tradition,  Jupiter 
y  naquit,  et  la  chèvre  Amalthée  l'y  nourrit  de  son  lait. 
BiBL.  :  Homère,  Iliade,  II,  574.  —  Strabon,  VIII,  7.  — 
TiTE  LivE,  XXXVIII,  30.  —  Pausanias,  VII,  23-24. 

EGIZIO  (Matteo,  comte),  littérateur  et  savant  italien,  né 
à  Naples  le  23  janv.  1674,  mort  le  40  mai  1745.  Après 
avoir  rempli  diverses  fonctions  dans  l'administration,  il 
entra  dans  la  diplomatie,  où  il  se  distingua;  Louis  XV  l'es- 
timait particulièrement.  Ayant  donné  sa  démission,  il  se 
consacra  entièrement  à  l'érudition  et  fut  nommé  bibliothé- 
caire royal.  Ses  écrits  sont  d'une  médiocre  érudition. 

ÉGLANTIER  (Bot.).  Nom  donné  indistinctement  à  plu- 
sieurs rosiers  sauvages,  notamment  au  Rosa  caniîia  L.  et 
au  R,  eglanteria  L.  (V.  Rosier). 

ÉGLÉ.  I.  Mythologie.  —  Personnification  de  l'éclat 
lumineux  ou  du  ciel  ou  de  la  mer.  L'étendue  et  la  variété 
de  ce  mot  explique  qu'il  soit  devenu  l'appellation  d'un 
grand  nombre  de  figures  divines,  nymphes  et  héroïnes, 
d'ailleurs  sans  importance.  La  plus  connue  est  la  fille  de 
Panopeus,  qui  triompha  de  l'amour  d'Ariane  dans  le  cœur 
de  Thésée.  J.-A.  H. 

IL  Astronomie.  —  Nom  du  96®  astéroïde  (V.  ce  mot). 

III.  Paléontologie  (V.  ^Eglina). 

EGLE  (Joseph  von),  architecte  allemand,  né  à  Dellmen- 
singen  (Wurttemberg)  en  1818.  Elève  de  l'Ecole  polytechni- 
que de  Vienne  et  de  l'Académie  de  Berlin,  il  s'est  signalé  par 
ses  constructions  religieuses  ou  civiles,  notamment  par  la 
construction  de  l'église  catholique  de  Stuttgart,  de  la  nou- 
velle Ecole  polytechnique  dans  la  même  ville,  ainsi  que  par 
beaucoup  d'autres  édifices.  Il  devint,  en  1852,  professeur 
à  l'Ecole  polytechnique  de  Stuttgart. 

ÉGLEFIN  (V.  Égrefin). 

ÉGLENY.  Com.  du  dép.  de  l'Yonne,  arr.  d'Auxerre, 
cant.  de  Toucy  ;  598  hab. 

EGLESTON  (Thomas),  minéralogiste  américain,  né  à 
New-York  le  9  déc.  1832.  Il  a  été  élève  de  l'Ecole  des 
mines  de  Paris  (1860).  H  a  fondé  aux  Etats-Unis,  en  1864, 
une  école  analogue,  dont  il  occupe,  depuis  cette  époque, 
la  chaire  de  minéralogie  et  de  métallurgie.  Il  est  membre 
de  l'Académie  des  sciences  de  New- York.  Il  s'est  acquis  la 
réputation  d'un  savant  naturaliste,  d'un  habile  chimiste  et 
d'un  ingénieur  distingué.  Outre  une  centaine  d'intéressants 
mémoires  insérés  dans  divers  recueils  et  revues  scienti- 
fiques, il  a  publié  :  Tables  for  the  détermination  of 
minerais  (New-York,  1867)  ;  Metallurgical  Tables  (^eyf- 
York,  1868  et  1869,  2  vol.)  ;  Tables  of  weights,  mea- 
sures  and  coins  ofthe  United  States  and  France  (New- 
York,  1868)  ;  Lectures  on  mineralogy  (New-York, 
1871)  ;  The  Metallurgy  ofgold,  silver  and  mercuryin 
the  United  States  (New-York,  1887).  L.  S. 

ÉGLETONS  (De  Glotone,  deGlotonibus),  chef-lieu  de 
cant.  du  dép.  de  la  Corrèze,  arr.  de  Tulle,  sur  le  chemin 
de  fer  de  Brive  à  Ussel;  1,890  hab.  Entouré  de  murailles 
au  moyen  âge,  Egletons  appartenait  aux  seigneurs  de  Ven- 
tadour,  et  c'est  là  que  siégea  de  1578  à  1612  la  sénéchaus- 
sée que  le  comté  de  Ventadour,  érigé  en  duché,  avait  obte- 
nue du  roi.  L'égHse,  qui  a  un  curieux  porche,  appartient  à 
la  période  de  transition,  fin  du  xii®  ou  commencement 
du  XIII®  siècle.  Elle  possède  quelques  reliquaires  émaillés 
du  XIII®  siècle. 


609 


ÉGLETONS  —  ÉGLISE 


BiBL.:  René  Fage,  Excursions  limousines,  2«  série  :De 
Tulle  à  Ussel  et  Eygurande,  1880. 

EGLI  (Raphaël),  théologien  suisse,  né  à  Frauenfeld  en 
1559,  mort  à  Marbourg  le  20  août  1622.  Après  avoir  étu- 
dié à  Coire,  Bàle  et  Genève,  il  vint  se  fixer  à  Zurich  en 
1583,  et  s'y  fit  vite  un  nom  comme  prédicateur  et  profes- 
seur de  théologie.  Mêlé  plus  ou  moins  directement  à  une 
affaire  d'alchimie,  il  dut  quitter  Zurich  en  1605  et  fut 
choisi  par  le  landgrave  de  Hesse  pour  professer  la  théologie 
à  Marbourg,  oii  il  passa  le  reste  de  sa  vie.  Outre  ses  écrits 
théologiques,  il  a  laissé  des  chants  religieux.      E.  K. 

EGLI  (Jean-Henri),  musicien  suisse,  né  à  Seegreben 
(Zurich)  le  4  mars  n42,  mort  à  Zurich  en  1810.  Il  ne 
commença  qu'à  quinze  ans  l'étude  de  la  musique  avec  le 
pasteur  de  Wetzikon.  Bientôt  il  fut  employé  comme  musi- 
cien dans  les  églises,  et  dès  lors  sa  vie  entière  fut  consacrée 
au  développement  de  l'art  dans  son  pays.  Il  passe  pour  un 
des  meilleurs  compositeurs  suisses,  surtout  dans  le  domaine 
du  chant  rehgieux.  On  a  de  lui  beaucoup  de  cantiques  sur 
des  paroles  de  Klopstock,  de  Cramer,  de  Lavater,  des  chan- 
sons populaires,  les  odes  sacrées  de  Gellert  avec  mélodies 
chorales  et  un  grand  nombre  d'autres  œuvres  musicales, 
parues  à  Zurich  de  1775  à  1807. Quelques-unes  ont  eu  jus- 
qu'à sept  éditions.  E.  K. 

EGLI  ( Johann- Jakob),  géographe  suisse,  né  à  Laufsen 
(Zurich)  le  17  mai  1825,  professeur  à  l'université  et  à  l'école 
polytechnique  de  Zurich.  Il  a  publié  entre  autres  :  Neue  Erd- 
kunde  (SaLÏnt-GsàU  1881,  6«  éd.);  Neue  Schweizer- 
kunde(S3iini-G3i\UiSS3,l^éà,);NeueHa7idelsgeographie 
(Leipzig,  1882,  3^  éd.),  et  surtout  Nomina  geographica 
Versuch  einer  allgemeinen  geographischen  Onoma- 
tologie  {Leipzig,  1870-1872),  dont  il  a  été  détaché  un 
lexique  étymologique  de  géographie  (1880);  il  a  donné 
encore  Gesch,  der  geographischen  Namenkunde  (Leip- 
zig, 1886). 

EGLI  (Emile),  théologien  et  historien  suisse  né  à  Flaach 
(Zurich)  le  9  janv.1848,  pasteur  à  Metmenstetten  et  actuel- 
lement (1892)  professeur  libre  d'histoire  ecclésiastique  à 
l'université  de  Zurich.  Outre  les  Origines  du  Nouveau  Tes- 
tament (1874),  on  lui  doit  de  nombreux  travaux  sur  la 
réformation  à  Zurich  :  Bataille  de  Rappel,  Adversaires 
de  la  Réforme  zurichoise,  etc. 

ÉGLIGNY.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Marne,  arr.  de 
Provins,  cant.  de  Donnemarie;  4i3  hab.  Sur  le  territoire 
de  la  commune,  au  lieu  dit  la  Pêcherie,  subsistent  quelques 
vestiges  d'un  château  fort. 

EGLINTON  (Comtes  d')  (V.  Montgomerie  et  Seton). 
EGLI  SA  U.  Petite  ville  de  Suisse,  cant.  de  Zurich,  sur 
le  Rhin,  à  25  kil.  au  N.  de  la  ville  de  Zurich  ;  1,326  hab. 
Les  environs  de  cette  ville  ont  été  le  théâtre  de  nombreux 
combats  entre  les  Français,  les  Russes  et  les  Autrichiens 
en  1797.  Château  historique. 

ÉGLISE.  1.  Architecture.  —  Le  mot  église  signifie  as- 
semblée, et  comme  ce  mot  fut  employé  par  les  premiers  chré- 
tiens pour  désigner  leurs  réunions  le  plus  souvent  secrètes  et 
aussi  les  confréries  ou  groupes  religieux  qu'ils  organisèrent 
dans  les  différentes  parties  de  l'empire  romain  pendant  les 
trois  premiers  siècles  de  notre  ère,  au  temps  des  persécutions, 
ce  mot  prévalut  plus  tard  pour  désigner  les  édifices  qu'ils  cons- 
truisirent sur  un  plan  spécial  en  vue  de  célébrer  en  commun 
et  au  grand  jour  les  mystères  de  leur  religion.  Le  sens  de 
ce  mot  église  indique  déjà  la  grande  différence  qui  dut 
exister,  même  à  l'origine,  entre  les  temples  consacrés  par 
les  Grecs  et  les  Romains  à  leurs  divinités  et  les  églises  que 
les  chrétiens  élevèrent  à  leur  Dieu.  En  effet,  dans  l'anti- 
quité, les  prêtres  et  ceux  qui  participaient  aux  cérémonies 
religieuses  pouvaient  seuls  entrer  dans  les  temples,  lesquels 
n'étaient^  à  proprement  parler,  que  la  maison  de  la  divi- 
nité représentée  par  sa  statue  et  où  l'on  gardait  les  plus 
riches  des  offrandes  qui  lui  étaient  apportées,  tandis  que, 
dès  l'ère  nouvelle,  tous  les  fidèles,  même  avant  le  baptême 
qui  les  faisait  chrétiens,  pouvaient  et  devaient  se  réunir  dans 
les  églises  et  y  accomplir  certains  offices  communs.  De  là 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.   —   XV. 


le  nombre  et  l'étendue  des  églises  dans  les  grands  centres 
de  population.  De  cette  participation  plus  ou  moins  grande 
des  ministres  du  culte  et  des  assistants  aux  cérémonies 
ainsi  que  de  la  nature  même  de  ces  cérémonies  et  du  sym- 
bolisme particulier  à  la  nouvelle  religion,  découlèrent  les 
dispositions  intérieures  et  les  formes  extérieures  des  éghses, 
lesquelles  devinrent  beaucoup  plus  compliquées  que  celles 
des  temples  grecs  ou  romains.  Ce  ne  fut  cependant  pas 
immédiatement  après  que  Constantin  eut,  par  l'édit  de 
Milan  en  313,  proclamé  le  christianisme  religion  de  l'Empire, 
que  les  lieux  d'assemblée  des  chrétiens  prirent  le  nom 
d'églises  ;  car,  parmi  les  premiers  fidèles,  si  ceux  qui 
vivaient  dans  les  cités,  dissimulés  au  milieu  de  la  société 
civile,  se  réunissaient  dans  des  catacombes,  comme  à  Rome, 
ou  dans  des  locaux  écartés  et  dont  rien  ne  trahissait  la 
destination,  comme  dans  nombre  de  villes  de  l'Empire,  et 
si  ceux  qui  vivaient  dans  la  solitude  où  ils  habitaient  des 
cellules,  comme  les  plus  anciens  religieux  des  déserts  de  la 
Thébaïde,  se  construisaient,  à  proximité  de  leurs  cellules, 
une  cellule  plus  grande  où  ils  se  rendaient  à  certaines  heu- 
res pour  prier  en  commun,  d'où  le  nom  d'oratoire  appli- 
qué à  ce  premier  sanctuaire  des  moines,  quand  les  chrétiens 
purent  pratiquer  librement  leur  religion,  ils  ne  manquèrent 
pas  d'aller  au  plus  pressé  et  d'approprier  aux  besoins  de 
leur  culte  les  édifices,  si  nombreux  et  en  partie  abandonnés 
par  suite  de  la  dépopulation  considérable,  qui,  sous  le  nom 
de  basiliques  (V.  ce  mot),  servaient,  près  des  forums  des 
villes,  à  rendre  la  justice,  et  les  chrétiens  conservèrent  leur 
ancienne  dénomination  à  ces  édifices  auxquels  ils  donnèrent 
ainsi  une  destination  nouvelle. 

La  basilique  romaine  se  prêtait  au  reste  à  merveille  aux 
données  du  culte  chrétien  primitif,  ce  qui  explique,  la  tra- 
dition aidant,  comme,  malgré  d'importantes  modifications, 
ses  principales  dispositions  se  perpétuèrent  dans  les  édifices 
chrétiens,  qui  furent  érigés  par  la  suite.  L'église  devant 
représenter  la  barque  de  saint  Pierre,  l'ancien  pêcheur, 
l'avenue  centrale  de  la  basilique  fut  appelée  nef,  et  cette 
nef  fut  divisée  en  plusieurs  parties  à  l'aide  de  balustrades 
basses  de  bois,  de  pierre  ou  de  marbre  ;  dans  la  partie 
près  de  l'entrée,  délimitée  parfois  dans  les  grandes  basi- 
liques par  une  colonnade  parallèle  à  la  façade,  se  tenaient 
les  catéchumènes  n'ayant  pas  encore  reçu  le  baptême,  et  les 
pénitents  retranchés  provisoirement  de  la  communauté, 
lesquels  ne  pouvaient,  les  uns  et  les  autres,  assister  à  tout 
le  sacrifice,  tandis  que,  dans  la  partie  milieu,  se  réunis- 
saient ceux  appartenant  à  la  communion  des  fidèles,  et  que, 
plus  en  avant,  était  le  chœur  occupé  par  tout  le  personnel 
des  serviteurs  de  l'église,  ceux  qui  n'étaient  pas  ordonnés, 
tels  que  les  diacres,  pour  lesquels  étaient  disposés  des 
ambons  ou  pupitres  destinés  à  la  lecture  de  TEpître  et  de 
l'Evangile,  les  chantres,  les  instrumentistes,  etc.  ;  enfin, 
au  haut  bout  de  la  nef,  au  milieu  du  chalcidique  ou  tran- 
sept (V.  ce  mot),  lequel  formait  aveclanefunTqui,  pour 
les  chrétiens  primitifs,  figurait  la  croix,  fut  placé  l'autel  et 
derrière  cet  autel,  dans  f  hémicycle  ou  abside  (V.  ce  mot), 
sur  le  banc  circulaire  où  siégeaient  autrefois  le  préteur  et 
ses  assistants,  étaient  assis  les  prêtres  ordonnés,  à  droite 
et  à  gauche  de  l'évêque  ou  de  son  délégué.  Ce  dernier  occu- 
pait, au  milieu  de  ce  banc,  un  siège  plus  élevé,  chaire  ou 
cathedra,  lequel  donna  plus  tard  son  nom  à  l'église  cathé- 
drale, la  principale  église  d'un  épiscopat  ou  d'un  archiépis- 
copat.  Dans  les  avenues  latérales,    nefs  latérales,  basses 
nefs  ou  bas  côtés,  se  groupait  l'assistance,  laquelle,  dans 
les  temps  primitifs  plus  rapprochés  du  judaïsme,  observait 
la  séparation  des  sexes,  les  hommes  occupant  la  droite  et 
les  femmes  la  gauche  de  la  nef  centrale.  Mais  autant  les 
Grecs  et  les  Romains  élevaient  les  façades  de  leurs  temples 
presque  sur  la  voie  publique,  autant  les  chrétiens  s'effor- 
cèrent, à  l'origine  et  même  assez  avant  dans  le  moyen  âge, 
d'isoler  leurs  églises  de  cette  voie  publique,  et,  dans  ce  but, 
ils  les  faisaient  précéder  d'une  cour  carrée  entourée  de 
portiques,  dont  un  plus  large  juxtaposé  à  la  façade  de 
l'éghse  et,  dans  cette  cour  comme  plus  tard  dans  les  mos- 

39 


ÉGLISE 


-  610  - 


quées  arabes,  une  fontaine  servait  aux  ablutions.  La  basi- 
lique de  Saint-Clément,  à  Rome,  reconstruite  dans  la  pre- 
mière moitié  du  ix^  siècle,  et  surtout  Tancienne  basilique  de 
Saint-Pierre,  dans  la  même  ville,  et  dont  le  plan  nous  a  été 

conservé  par 
Fontana(fig.i), 
donne  bien 
ridée  de  ce  que 
pouvait  être  une 
grande  basi- 
lique chrétienne 
de  Tère  latine, 
vaste  édifice  au 
corps  principal 
duquel  s'ajou- 
taient des  tours 
pour  les  cloches 
qui  appelaient 
les  fidèles  ;  des 
absidioles  ou  pe- 
tites absides,  à 
l'extrémité  des 
nefs  latérales, 
pour  recevoir 
des  autels  consa- 
crés à  des  mar- 
tyrs dont  ces 
autels  recou- 
vraient le  tom- 
beau ou  des 
reliques;  des 
pièces  à  usage 
de  sacristie,  de 
trésor,  de  biblio- 
thèque, d'école, 
de  salle  syno- 
dale et  même, 
autour  d'un 
cloître,  des  habi- 
tations pour  les 
prêtres  et  les 
clercs,  des  lo- 
gettes  pour  les 
pénitents,  etc. 
Après  tant  de 
siècles,  pendant 


Fif^.  1.  —  Plan  de  l'ancienne  basilique 
de  Saint-Pierre,  à  Rome  (d'après  Fon- 
tana). 


édifices  des  premiers  siècles  du  christianisme  triomphant,  le 
mausolée  de  Sainte-Constance,  à  Rome,  l'église  de  Samte- 
Sophie,  à  Constantinople,  et  l'église  primitive  de  Saint- 
Marc,  à  Venise,  tous  édifices  construits  du  iv«  au  x«  siècle, 
servirent  de  types  à  des  églises  bien  différentes  comme  plan 
des  basiliques  romaines  et  dans  lesquelles  des  modifications 
profondes,  comme  dispositions  intérieures,  comme  construc- 
tion et  comme  aspect  extérieur,  découlèrent  du  rôle  domi- 
nant qu'y  joua  la  coupole  (V.  aux  mots  Architecture  chré- 
tienne PRIMITIVE  et  Architecture  byzantine,  la  description 
de  ces  trois  édifices).  Cependant,  dans  l'érection  de  1  église 
du  Saint-Sépulcre,  à  Jérusalem,  église  comprenant  juxta- 
posés un  mausolée  de  forme  circulaire  et  une  basilique  rec- 
taneulaire,  on  vit  au  iv«  siècle,  réunis  en  un  seul  édifice, 
les  deux  types  qui  devaient,  pendant  plus  de  quinze  siècles, 
servir  de  modèles  à  l'architecture  du  monde  entier. 

Nous  ne  suivrons  pas,  dans  leurs  développements  suc- 
cessifs, ces  deux  formes  principales  des  églises  et,  tout  en 
constatant qu'àtoutes  lesépoques  et  dans  toutes  les  régions, 
furent  érigées,  dans  les  campagnes,  des  églises  de  peu 
d'importance  consistant  en  une  seule  salle,  parfois  ronde, 
polygonale  ou  carrée,  mais  le  plus  souvent  rectangulaire, 
nous  renverrons  aux  art.  spéciaux  Abside,  Bas  Côtés,  Cha- 
pelle, Chœur,  Clocher,  Narthex,  Nef, Porche,  Sacristie, 
Transept,  etc.,  pour  tout  ce  qui  concerne  les  diverses  par- 
ties des  églises  ;  aux  art.  Architecture  romane,  gothique, 
DE  LA  Renaissance  et  des  Temps  modernes,  pour  tout  ce 
qui  est  de  leur  style,  et  à  de  nombreux  articles  de  cons- 
truction, de  décoration  ou  d'ameublement,  pour  tout  ce  qui 


lesquels,  dans  presque  tous  les  pays  de  l'Europe,  les  grandes 
basiliques  et  les  cathédrales  ont  été  incendiées  par  accident, 
dévastées  par  les  guerres  civiles  et  religieuses  et  enfin  par- 
fois reconstruites  de  fond  en  comble,  on  peut  cependant, 
dans  quelques  villes  d'Italie,  d'Allemagne  ou  d'Angleterre, 
plus  encore  qu'en  France,  se  faire  une  idée  exacte,  par  ce 
qu'il  en  subsiste,  de  l'ensemble  des  bâtiments  qui  entou- 
raient les  grandes  églises  du  moyen  âge  et  qui  formaient 
comme  une  petite  ville  sainte  dominée  par  la  masse  impo- 
sante de  l'église  et  les  silhouettes  élancées  de  ses  clochers. 
Mais  un  autre  type,  commun  à  la  fois  à  l'Occident  et  à 
l'Orient,  vint  apporter  un  nouvel  élément  des  plus  impor- 
tants dans  la  composition  du  plan  ainsi  que  dans  la  cons- 
truction et  par  suite  dans  la  forme  extérieure  des  églises. 
Les  chrétiens,  tout  en  s'appropriant,  pour  célébrer  les  céré- 
monies de  leur  culte,  les  basiliques  romaines  au  plan  rec- 
tangulaire et  à  la  couverture  à  deux  versants,  voulurent 
cependant,  dès  le  iv^  siècle  de  notre  ère,  créer  des  édifices 
distincts  et  sur  des  plans  difiërents  du  plan  des  basiliques, 
et  ces  édifices,  mausolées,  baptistères,  oratoires,  utilisés 
aussi  comme  églises,  affectèrent  en  plan  des  formes  rondes, 
carrées  ou  polygonales,  pendant  que,  pour  leur  couverture, 
il  était  fait  appel  à  la  coupole  (V.  ce  mot),  cet  élément 
connu  de  toute  antiquité,  dont  le  Panthéon  d' Agrippa,  à 
Rome,  offrait  un  type  qui  n'a  pas  été  surpassé,  mais  dont 
les  architectes  chrétiens  devaient,  surtout  en  Orient,  mul- 
tiplier les  exemples  et  aussi  modifier  la  structure.  Parmi  ces 


Fig.  2.  —  Pian  de  la  cathédrale  d'Angoulême, 


se  rapporte  à  leur  structure,  à  leur  aspect  extérieur  et 
intérieur,  ainsi  qu'à  leur  aménagement,  nous  bornant  seule- 
ment à  reproduire  ici  quelques  exemples,  pris  entre  mille, 
de  plans  d'églises  intéressantes  par  leur  forme  et  par 
leur  importance,  églises  dont  les  façades  ou  des  vues 
extérieures  sont  données  aux  noms  des  villes  qui  les  ont 
vu  élever. 


—  611  — 


ÉGLISE 


La  cathédrale  d^Angoulême  (V.  au  mot  Angoulême,  t.  II, 
p.  44  68,  une  vue  de  cette  cathédrale)  est  un  édifice  de  l'archi- 
tecture romane  datant  du  xii®  siècle  et  construit  à  l'exemple 
de  l'église  Saint-Front  de  Périgueux,  elle-même  imitée  au 
x^  siècle  de  l'église  Saint-Marc  de  Venise.  Cette  cathédrale 
était  composée  à  l'origine  (V.  fig.  2  le  plan  de  la  cathédrale 
d'Angoulême)  d'une  seule  nef  à  quatre  travées,  ayant  ses  con- 
treforts légèrement  saillants  à  l'intérieur  et  surmontées  de 
coupoles  dont  la  dernière  s'élevait  à  l'intersection  de  la  nef 
et  des  deux  bras  du  transept.  Cette  nef  était  prolongée  au 
delà  du  transept  par  une  abside  circulaire  avec  quatre 
petites  chapelles  rayonnantes  ;  mais,  au  miHeu  du  xii®  siècle, 
au  moment  de  la  reconstruction  ou  de  l'agrandissement  des 
principales  cathédrales  chrétiennes,  on  ajouta,  dans  cette 
église,  aux  deux  bras  du  transept,  des  tours  dont,  seule, 
celle  du  nord  existe  aujourd'hui.  Des  colonnes  engagées 
furent  aussi  incrustées,  à  l'intérieur  de  la  nef,  dans  les 
pieds-droits  recevant  les  retombées  des  arcs  portant  les 
coupoles,  et  la  façade  fut  reconstruite  et  ornementée  de 

sculptures.  Cependant, 
malgré  ces  modifica- 
tions, la  cathédrale 
d'Angoulême  a  conservé 
les  grandes  lignes  de  son 
plan  primitif  et  de  sa 
construction  première: 
une  seule  nef  couverte 
à  l'aide  de  coupoles, 
réunissant  ainsi  les  dis- 
positions de  la  basilique 
romaine  à  la  couverture 
en  coupole  des  édifices 
du  premier  âge  du  chris- 
tianisme. 

Datant  à  peu  près  de 
la  même  époque,  la  ca- 
thédrale de  Worms 
(  Hesse  -  Darmstadt  )    a 
trois  nefs  qui  aboutis- 
sent à  un  transept,  ce 
qui  donne  à  l'ensemble 
du  plan  (fig.  3)  la  forme 
d'une  croix  latine  ;  mais 
cette  église  a,  particu- 
larité   assez    rare, 
deux  chœurs,  dont  l'un, 
à  l'orient,  se  termine  à 
l'extérieur  par  une  par- 
tie carrée  masquant  l'hé- 
micycle intérieur,  et 
dont  l'autre,   à  l'occi- 
dent, à  la  place  habi- 
tuelle du  grand  portail 
des  cathédrales,  est  de 
forme   polygonale.  En 
outre,  les  nefs  sont  cou- 
vertes  par  des  voûtes 
d'arêtes  sans  arcs  dou- 
bleaux  et  la  coupole  qui 
surmonte  la  croisée  du 
transept  est  octogonale  et,  comme  dans  certaines  églises 
byzantines,  repose  en  partie  sur  des  niches  voûtées  en  quart 
de  cercle  qui  rachètent  le  passage  de  plan  carré  à  l'octogone. 
C'est  aussi  au  milieu  du  xii«  siècle  qu'il  faut  faire  re- 
monter la  construction  de  la  cathédrale  de  Noyon  ou  tout 
au  moins  du  chœur  et  du  transept  (les  parties  les  plus 
anciennes),  dont  les  deux  bras  (V.  fig.  4  le  plan  de  cette 
cathédrale)  sont  demi-circulaires,  probablement,  ditM.Vitet 
(Monographie  de  l'église  Notre-Dame  de  Noyon;  Paris, 
4845),  «  pour  complaire  aux  souvenirs  et  aux  prédilec- 
tions des  chanoines  »  ;  car  la  vieille  église  que  l'on  rempla- 
çait avait  probablement,  comme  sa  sœur  la  cathédrale  de 
Tournai  (autrefois  suffragante  du  diocèse  de  Noyon),  des 


Fig.  3.  . 


■  Plan  de  la  cathédrale 
de  Worms. 


bras  de  transept  ainsi  arrondis  suivant  un  ancien  type 
byzantin  qui  s'est  perpétué  dans  plusieurs  églises  de  Cologne 
et  des  bords  du  Rhin.  Dans  la  cathédrale  de  Noyon,  comme 
dans  l'église  abbatiale  de  Saint-Denis,  qui  lui  est  de  fort  peu 
antérieure  et  qui  semble  lui  avoir  servi  de  type,  le  chœur 


Fig.  4.  —  Plan  de  la  cathédrale  de  Noyon. 

est  accompagné  de  cinq  chapelles  circulaires  et  de  quatre 
chapelles  carrées  que  l'on  retrouve  dans  le  plan  de  nombre 
d'autres  grandes  cathédrales,  ainsi  que  la  galerie  voûtée 
qui  surmonte  les  collatéraux  au  premier  étage;  enfin  les 
arcs  doubleaux  et  les  arcs  ogives  des  voûtes,  ces  derniers 
peut-être  remaniés  postérieurement,  et  le  système  des 
contreforts  font  pressentir  la  grande  époque  de  l'art  go- 
thique ou  ogival  dont  la  cathédrale  de  Reims  montre  le  plus 
complet  épanouissement. 

La  cathédrale  de  Reims,  qui  fut  commencée  en  4242, 
est,  dit  M.  Corroyer  (U Architecture  gothique;  Paris, 
4892),  «  la  superbe  expression  des  inventions  antérieures 
des  constructeurs  de  l'Aquitaine  et  de  l'Anjou  réunies  à 
celles  des  architectes  de  l'Ile-de-France.  Elle  est  la  mani- 
festation la  plus  complète  de  leurs  efforts  persévérants  pour 
établir  un  système  de  construction  qui  a  comme  principe 
de  maintenir  en  équilibre  un  édifice  dont  les  poussées  des 
voûtes,  sur  croisée  d'ogives  (V.  ce  mot),  sont  contrebutées 
par  des  arcs-boutants  extérieurs.  »  Quelles  que  soient  les 
critiques  méritées  que  l'on  puisse  faire  à  un  pareil  système 
de  construction,  le  plan  si  bien  étudié,  malgré  quelques 
hésitations  ou  retouches,  de  la  cathédrale  de  Reims,  œuvre 
de  Robert  de  Coucy,  frappe  par  les  masses  puissantes  de 
son  périmètre  et  la  légèreté  de  ses  points  d'appui  intérieurs 
ainsi  que  parla  disposition  logique  de  ses  contreforts  (V.  ce 
plan,  fig.  È),  Et  M.  Corroyer  ajoute  :  «  Ce  qu'il  faut  admirer 
sans  réserve  à  Reims,  c'est  la  magnifique  ordonnance  de 
sa  façade  occidentale  (V.  cette  façade  au  mot  Champagne, 
t.  X,  p.  433)  et  la  parfaite  convenance  de  l'ornementation, 


ÉGLISE 


—  612  — 


étudiée  et  appliquée  avec  autant  de  sobriété  que  de  justesse, 
qui  fait  de  la  statuaire,  des  chapiteaux,  des  frises,  des  cro- 
chets et  des  fleurons  autant  d'exemples  de  l'art  décoratif 
du  moyen  âge.  » 

Afin  de  donner  une  idée  de  ce  qu'aurait  pu  être  une  ca- 
thédrale française  de  cette  époque,  complètement  conçue  et 
achevée  dans  les  données  de  composition  et  dans  le  style 
architectural  de  la  cathédrale  de  Reims,  Viollet-le-Duc  a 


Fig.  5.  —  Plan  de  la  cathédrale  de  Reims. 

I  une  vue  cavalière  que  nous  réduisons  (fig.  6)  et 
qui  montre  bien  l'importance  relative  du  grand  portail  ou 
portail  occidental,  avec  ses  deux  hautes  flèches  reliées  à  la 
base  par  une  galerie,  et  des  portails  du  transept  avec  leurs 
flèches  de  moindre  hauteur  et  aussi  de  la  tour  centrale  sur 
la  partie  carrée  de  laquelle  viennent  se  buter  les  combles 
de  la  nef  et  du  transept  et  que  surmonte  un  clocher  accom- 
pagné de  clochetons.  Quoique  due  tout  entière  à  l'imagina- 
tion de  cet  artiste,  archéologue  sans  rival  dans  l'étude  de 
l'architecture  religieuse  du  moyen  âge,  cette  composition 
fait  concevoir  la  masse  imposante  et  élégante  à  la  fois  d'une 
cathédrale  française  qui  aurait  été  conçue  et  achevée  au 
XIII®  siècle,  sans  les  défaillances  et  aussi  les  incendies  qui 
en  entravèrent  souvent  la  construction. 


Il  est  cependant  une  cathédrale,  sinon  française,  du  moins 
française  d'inspiration,  remontant  au  milieu  du  xiii®  siècle, 


Fig 


6.  —  Vue  cavalière  d'une  cathédrale  du  xiii*  siècle 
(d'après  Viollet-le-Duc). 


et  dont  notre  époque  contemporaine  a  vu  terminer  l'œuvre 
architecturale  d'une  parfaite  régularité  et  d'une  remarquable 


Fig.  7,  __  Plan  de  la  cathédrale  de  Cologne. 


exécution  de  détail.  La  cathédrale  de  Cologne  (V.  Cologne, 
t.  XI,  p.  995),  dont  le  plan  (fig.  7)  est  imité  du  plan  de  la 
cathédrale  d'Amiens  et  du  plan  resté  inachevé  de  la  cathe- 


—  613  — 


ÉGLISE 


drale  de  Beauvais,  a  été  complètement  tenninée  de  nos  jours 
d'après  les  projets  primitifs  du  xiii®  siècle,  dit-on,  mais, 
dans  tous  les  cas,  suivant  une  conception  originale  respectée 
dans  ses  grandes  lignes  et  dont  l'achèvement  fait  grand 
honneur  à  la  persévérance  et  au  patriotisme  de  l'Alle- 
magne. 

A  côté  de  cette  influence,  surtout  française,  qui  se  fit 
sentir  si  longtemps  dans  la  composition,  la  construction  et 
la  décoration  des  grandes  églises  à  plusieurs  nefs  du  moyen 
âge,  il  ne  faut  pas  croire  que  la  forme  circulaire,  celle  que 
Ton  disait  inspirée  de  la  rotonde  du  Saint -Sépulcre  de 
Jérusalem,  fut  tout  à  fait  abandonnée  :  loin  de  là,  on 
construisit  toujours ,  dans  tous  les  pays  de  la  chrétienté , 
Allemagne,  Autriche,  Pays-Bas,  Angleterre,  Suède,  Dane- 
mark, Espagne,  Portugal,  Italie  et  aussi  en  France,  surtout 
à  partir  des'croisades,  des  égHses  circulaires  et  polygonales, 


Fig.  8.—  Plan  de  l'église  du  Temple,  à  Londres 
(d'après  Britton). 

quelquefois  accompagnées  d'absides,  de  nefs  ou  de  porches, 
et  dont  un  curieux  exemple,  remontant  pour  la  partie  cir- 
culaire à  la  fin  du  xii^  siècle  et  existant  encore  de  nos  jours, 
est  fourni  par  l'église  du  Temple,  à  Londres,  église  dont  le 
nom  même  rappelle  les  chevaliers  templiers,  ses  fondateurs. 
Le  plan  de  cet  édifice  (fig.  8)  se  compose  de  deux  parties 
bien  distincte^  communiquant  l'une  avec  l'autre  :  la  rotonde, 
de  beaucoup  la  plus  ancienne,  et  un  vaisseau  ajouté  posté- 
rieurement et  du  style  ordinaire  des  églises  gothiques. 
Edifice  de  transition  du  style  anglo-normand  au  style  ogival, 
la  rotonde  montre  l'emploi  simultané  de  l'arc  plein  cintre, 
d'arcatures  formées  d'arcs  entrelacés  et  de  l'arc  ogival  : 
aussi  est-elle  une  page  curieuse  de  l'architecture  religieuse 
anglaise  du  moyen  âge. 

Mais,  malgré  le  grand  enthousiasme  excité  chez  les  na- 
tions du  N.  de  l'Europe  par  les  grandes  cathédrales  de 
style  ogival  et  par  leurs  admirables  sculptures  faisant  si 


bien  corps  avec  les  lignes  de  leur  architecture  et  en  aug- 
mentant l'effet  monumental,  l'Italie  et  surtout  la  ville  de 
Rome,  siège  de  la  papauté,  n'avait  jamais  cessé,  malgré  les 
guerres  continuelles  qui  désolèrent  ce  pays  pendant  tout  le 


Fig.  9.  —  Plan  du  Panthéon,  à  Paris. 

moyen  âge,  de  conserver  un  certain  culte  des  édifices  an- 
tiques, et  se  mit  à  chercher,  aussi  bien  dans  leurs  ruines 
que  dans  les  constructions  byzantines  de  l'empire  grec, 
dans  les  salles  des  thermes  romains  comme  à  Sainte-Sophie 
de  Constantmople  ou  au  Saint -Sépulcre  de  Jérusalem,  la 


Fig.  10.  —  Plan  de  l'église  Saint-Paul,  à  Malmo  (Suède). 

solution  du  problème  que  présentait  aux  architectes  chré- 
tiens la  nécessité  de  réunir  les  fidèles  autour  ou  tout  au 
moins  en  vue  d'un  autel  principal  dont  la  position  serait 
accusée  extérieurement  par  une  masse  architecturale  impo- 
sante. Aussi,  pendant  que,  dans  le  N.  de  l'Europe,  les 
maîtres  d'œuvres  du  xvi®  siècle  s'efforçaient  de  décorer 
d'ordres  classiques  des  églises  dans  la  construction  desquelles 
entraient,  comme  dans  l'église  Saint -Eustache  de  Paris, 


EGLISE 


—  614 


les  éléments  de  l'architecture  ogivale,  la  coupole  reprenait 
faveur  dans  l'Italie  centrale  et,  après  Buschetto  et  la  cathé- 
drale de  Pise  au  xii®  siècle  et  Brunelleschi  et  Sainte-Marie- 
des-Fleurs  de  Florence  au  commencement  du  xv«  siècle, 
Michel-Ange  élevait,  à  Saint-Pierre  de  Rome,  au  xvi®  siècle, 
le  dôme  du  Panthéon  d'Agrippa  au-dessus  du  centre  de  la 
croix  grecque  que  Bramante  avait  donnée  pour  plan  primitif 
à  cette  basilique  suprême  du  catholicisme.  L'influence 
exercée  dans  le  monde  entier  par  ce  retour  aux  traditions 
classiques  et  par  leur  application  aux  églises  chrétiennes 
fut  des  plus  considérables  et  dure  encore.  Toutes  les  grandes 
villes  métropolitaines  voulurent  posséder  un  ou  plusieurs 
sanctuaires  dans  lesquels  des  ordres  antiques  décorèrent  des 
nefs  et  les  bras  d'un  transept  dont  la  croisée  fut  surmontée 
d'une  coupole,  et,  entre  autres  exemples,  Paris  put  s'en- 
orgueillir, à  la  fin  du  dernier  siècle,  de  la  nouvelle  égUse 
Sainte-Geneviève,  aujourd'hui  le  Panthéon.  Le  plan  de  cet 
édifice  (fig.  9)  figure  exactement  une  croix  grecque  pré- 
cédée d'un  vaste  portique  et  au  centre  de  laquelle  s'élève, 
sur  un  tambour  monumental,  une  triple  coupole  dont  l'une, 
inférieure  et  hémisphérique,  tronquée  à  son  sommet,  laisse 
voir  les  peintures  décorant  une  seconde  coupole  ovoïde  que 
recouvre  une  troisième  coupole,  également  ovoïde,  portant 
la  couverture  (V.  au  mot  Coupole,  t.  XIII,  p.  69,  une  coupe 
de  la  partie  supérieure  du  dôme  des  Invalides  de  Paris,  dont 
la  construction  précéda  et  inspira  celle  du  dôme  du  Pan- 
théon). 

Laissant  de  côté,  dans  cette  étude,  les  édifices  consacrés 
spécialement  au  rite  grec,  lesquels  ont  conservé  les  traditions 
de  l'empire  byzantin  au  milieu  duquel  ce  rite  a  pris  nais- 
sance et  s'est  développé,  nous  avons  bien  peu  de  choses  à 
dire  des  églises  protestantes  au  point  de  vue  de  leur  forme 
architecturale.  Partout,  dans  tous  les  pays  où  a  dominé  la 
Réforme  et  dans  ceux  où  elle  s'est  partagé  avec  le  cathoUcisme 
la  majorité  des  chrétiens,  d'anciennes  éghses  catholiques  ont 
été  affectées  à  la  religion  nouvelle  et,  de  nos  jours,  suivant 
les  nationalités  et  aussi  la  différence  des  confessions  et  des 
sectes  protestantes,  les  architectes  s'inspirent,  dans  la  cons- 
truction des  églises  qui  leur  sont  destinées,  de  tel  ou  tel 
style  d'architecture,  se  bornant  le  plus  souvent  à  suppri- 
mer les  chapelles  qui  sont  sans  destination  dans  le  culte 
protestant,  à  modifier  l'importance,  la  nature  et  la  place 
du  mobilier  fixe  et  surtout  à  donner  à  leurs  œuvres  une 
extrême  sobriété  dans  la  décoration  extérieure  et  intérieure. 
Cependant,  une  tentative  qui  mérite  d'être  signalée  est 
faite  actuellement  en  Suède  par  un  architecte  de  talent, 
M.  Langlet,  auteur  de  nombreuses  églises  protestantes, 
afin  de  donner  à  ces  églises  une  forme  en  rapport  avec  les 
nécessités  du  protestantisme  (V.  fig.  40  le  plan  de  l'église 
Saint-Paul,  à  Malmo).  Cet  architecte  cherche,  autant  que  pos- 
sible, dans  le  plan  des  églises  qu'il  élève  et  à  défaut  d'une 
forme  absolument  circulaire,  une  forme  polygonale  ou  de  croix 
grecque,  aux  angles  coupés  et  aux  bras  très  courts.  Cette 
forme,  qui  concentre  bien  l'auditoire  auprès  du  pasteur  et 
qui,  de  plus,  met  ce  dernier  presque  en  vue  de  tous,  rap- 
pelle assez  bien  l'unité  de  l'église  et  l'égalité  des  fidèles. 
En  outre,  il  est  facile,  avec  un  tel  plan,  de  faire  converger 
les  différents  pans  de  la  couverture  vers  le  cintre  au- 
dessus  duquel  une  lanterne  vitrée  éclaire  l'égHse  par  le 
haut  et  supporte  un  petit  campanile  recevant  une  cloche. 
Les  angles  de  la  croix  grecque  ou  du  polygone  réguher 
sont  rachetés  par  les  escaHers  des  tribunes  et  de  petites 
sacristies  ou  dépôts  de  mobilier  et  de  livres,  pendant  que 
le  vestibule  d'entrée,  avec,  au-dessus,  la  tribune  d'orgue, 
fait  face  à  l'emplacement  de  l'autel  et  de  la  chaire.  On  ne 
saurait  nier  qu'il  y  a  là  une  tentative  tout  au  moins  digne 
d'attention  et  essayant  de  faire  revivre,  à  notre  époque,  et 
dans  les  églises  protestantes,  les  sentiments  d'égalité  et  les 
formes  d'architecture  qui  imprimaient  leur  caractère  aux 
édifices  consacrés,  à  l'origine  du  christianisme,  à  abriter 
les  premières  assemblées  des  fidèles. 

Par  rapport  aux  dispositions  de  leur  plan,  les  églises  sont 
dites  simples,  si  elles  n'ont  que  la  nef  et  le  chœur  sans 


bas  côtés;  a  bas  côtés  et  à  doubles  bas  côtés ^  suivant 
qu'elles  ont  la  nef  principale  accompagnée  d'un  ou  de  deux 
rangs  de  promenoirs  ou  de  galeries,  souvent  de  deux  étages 
de  hauteur  et  avec  ou  sans  chapelles  latérales  ;  —  quelques 
églises  même,  appartenant  à  des  ordres  mendiants,  n'ont 
qu'un  bas  côté  accolé  à  la  nef  principale  ou  encore  l'éghse 
est  divisée  en  deux  nefs  presque  égales.  On  dit  encore  que 
l'église  est  en  forme  de  croix  grecque^  de  croix  latine  ou 
de  croix  de  Lorraine^  suivant  les  dimensions  égales  ou 
différentes  des  bras  de  la  croix  ou  le  double  transept  for- 
mant une  croix  archiépiscopale  appelée  aussi  croix  de 
Lorraine.  Enfin  une  église  est  dite  orientée,  lorsque  l'axe 
de  la  nef  ou  du  diamètre  de  sa  partie  circulaire  passant  par 
la  porte  principale  et  par  le  maître-autel,  suit  la  direction 
de  l'occident  à  l'orient,  direction  parfois  infléchie  vers  la 
gauche,  en  souvenir,  croit-on,  de  l'inclinaison  de  la  tête 
du  Christ  sur  la  croix.  Charles  Lucas. 

II.  Droit  ecclésiastique  et  Liturgie.  —  Ce  mot  dé- 
signe ici  l'édifice  dans  lequel  les  fidèles  se  réunissent  pour 
la  célébration  normale  du  culte  catholique.  —  Les  églises 
portent  différents  titres  suivant  leur  destination.  Le  nom 
appartient  essentiellement  à  l'église  cathédrale^  c.-à-d. 
affectée  au  siège  de  l'évêque.  Cette  église  est  aussi  appelée 
matrice^  parce  qu'elle  est  censée  avoir  produit  toutes  les 
autres  églises  du  diocèse,  lesquelles  sont  dites  ses  filiales. 
Cependant,  dans  un  sens  plus  étendu,  on  donne  le  titre 
de  matrices  à  toutes  les  églises  qui  en  ont  d'autres  sous 
leur  dépendance  ;  on  le  donne  même  à  toutes  les  églises 
baptismales,  c.-à-d.  à  toutes  les  églises  qui  possèdent  des 
fonts  baptismaux  :  dicitur  matrix  quia  générât  per 
baptismum.  Parmi  les  églises  cathédrales,  les  espèces  sont 
caractérisées  par  les  mots   patriarchale,  primatiale^ 
archiépiscopale  ou  métropolitaine,  épiscopale.  Viennent 
ensuite  les  églises  collégiales^  desservies  par  un  chapitre 
ou  collège  de  chanoines  autres  que  ceux  de  la  cathédrale 
(V.  Chanoine).  Les  églises  de  paroisse  desservies  par  un 
curé  s'appellent  paroissiales.  Les  églises  de  communautés 
qui  font  office  de  paroisses,  sont  dites  conventuelles  ; 
celles  qui  sont  le  siège  d'un  abbé  ou  d'un  prieur,  abba- 
tiales ou  priorales.  Pour  les  lieux  de  culte  d'un  ordre 
inférieur,  Y.  Chapelle,  t.  X,  p.  557,  col.  2.  A  ces  divers  titres 
correspondent  des  droits  sacerdotaux,  des  droits   litur- 
giques, des  droits  lucratifs,  des  préséances  et  des  honneurs 
minutieusement  énumérés  par  les  canonistes.  Il  n'y  a  plus 
en  France  d'éghses  collégiales  ni  d'églises  conventuelles 
proprement  dites.  —  A  ces  anciennes  distinctions  la  poli- 
tique des  papes  a  ajouté  une  hiérarchie  nouvelle,  en  attri- 
buant à  quelques  églises  le  titre  de  basilique,  aujourd'hui 
fort  prisé  par  le  clergé  ultramontain  et  comportant  cer- 
tains insignes  et  certains  privilèges.  Dans  les  basiliques 
majeures,  appelées  aussi  patriar châles  ou  sacrosaintes, 
le  maître-autel  est  dit  autel  papal,  parce  que  le  pape  seul 
peut  y  célébrer.  Les  basiliques  mineures  possèdent  pré- 
séance sur  toutes  les  autres  églises,  à  l'exception  des 
cathédrales.  Elles  se  classent  entre  elles  selon  l'ancienneté 
de  la  concession,  sans  tenir  compte  du  qualificatif  perin- 
signis  donné  à  quelques-unes.  Le  qualificatif  insignis  est 
concédé  à  certaines  collégiales.  Les  privilèges  des  basiliques 
mineures,  les  seules  qu'on  trouve  en  France,  résultent 
des  deux  décrets  de  la  Sacrée  Congrégation  des  Rites  du 
22  mai  1817  et  du  27  août  1836.  Le  premier  est  la  pré- 
séance, dont  il  vient  d'être  parlé  et  qui  vaut  même  en 
dehors  du  diocèse.  Leur  insigne  le  plus  important  est  le 
pavillon,  immense  parasol,  dont  l'armature  est  recouverte 
de  bandes  alternativement  rouges  et  jaunes.  Ces  couleurs, 
qui  sont  celles  du  gouvernement  pontifical,  attestent  une 
sujétion  plus  immédiate  au  pape.  Le  pavillon  est  porté,  en 
tête  de  toutes  les  processions,  par  un  employé  de  l'église, 
vêtu  d'une  grande  robe  ou  sac  de  toile  blanche,  lié  à  la 
taille  par  un  cordon  blanc  ou  une  lanière  de  cuir.  Le  second 
insigne  est  la  clochette,  appareil  d'une  structure  et  d'une 
ornementation  compliquées,  qui  dans  les  processions  pré- 
cède toujours  le  pavillon.  Elle  est  portée  et  tintée  par  un 


-  615  - 


ÉGLISE 


homme  vêtu  comme  le  porteur  du  pavillon.  Le  pavillon  et 
la  clochette  appartiennent  de  droit  à  toutes  les  basiliques 
mineures.  Le  troisième  insigne  ne  peut  être  porté  que  là 
où  il  existe  un  chapitre.  C'est  la  cappa  canoniale,  qu'il 
faut  distinguer  de  la  cappa  épiscopale.  —  Depuis  1805 
jusqu'en  1886,  trente-quatre  églises  de  France  ont  été 
décorées  du  titre  de  basiliques  mineures.  Parmi  elles, 
Notre-Dame  de  Paris  (1805)  ;  Notre-Dame  du  Sacré-Cœur 
d'Issoudun,  l'égHse  paroissiale  de  Paray-le-Monial,  Notre- 
Dame  de  Lourdes  et  Notre-Dame  de  la  Salette. 

Des  documents  très  anciens  mentionnent  l'autorisation 
de  l'évêque  comme  nécessaire  à  la  construction  des  églises. 
Notre  droit  civil-ecclésiastique  en  reconnaît  encore  la 
nécessité  (Articles  organiques,  44,  77).  Suivant  le  Ponti- 
fical romain  et  le  droit  canon,  le  plan  de  l'église  étant 
tracé,  l'évêque  fait  planter  une  croix  au  lieu  où  doit  être 
l'autel  ;  puis  il  bénit  la  première  pierre  et  les  fondements, 
avec  des  prières  qui  font  mention  de  Jésus-Christ,  la  pierre 
angulaire,  et  des  mystères  signifiés  par  la  construction 
matérielle.  —  Lorsque  l'édifice  est  achevé  ou  assez  avancé 
pour  qu'il  soit  possible  d'y  célébrer  l'office  divin,  l'évêque 
en  annonce  la  dédicace  ou  consécration  par  un  mande- 
ment ordonnant  un  jeûne  préparatoire.  La  dédicace  d'une 
éghse  est  la  plus  longue  et  la  plus  compliquée  de  toutes  les 
cérémonies  ecclésiastiques.  La  veille  on  jeûne  et  on  chante 
des  vigiles  devant  les  reliques  qui  doivent  être  mises  sur 
l'autel  ou  dedans,  mais  qui  sont  provisoirement  déposées 
dans  une  église  voisine  ou  dans  une  tente  disposée  à  cet 
effet.  Le  matin,  l'évêque  entre  dans  la  nouvelle  église, 
où  sont  peintes  douze  croix,  chacune  surmontée  d'un 
cierge.  Quand  les  cierges  sont  allumés,  il  sort,  ne  laissant 
à  l'intérieur  qu'un  seul  diacre.  Il  va  prier  au  lieu  où  sont 
les  reliques,  et  il  revient .  faire  des  aspersions  autour 
de  l'église  ;  quand  il  se  présente  devant  la  porte,  il  la 
trouve  fermée  ;  il  la  frappe  avec  sa  crosse  pastorale,  mais 
elle  ne  s'ouvre  pas.  Seconde  procession  autour  des  murs 
avec  aspersion  :  deuxième  coup  frappé  à  la  porte,  qui  reste 
toujours  fermée.  Après  une  troisième  aspersion  des  murs, 
l'évêque  frappe  encore  la  porte;  enfin,  il  y  fait  une  croix 
en  disant  :  Ecce  Crucis  signum,  fugiant  phantasmata 
cuncta;  la  porte  s'ouvre.  La  cérémonie  se  continue  dans 
l'intérieur  avec  des  chants  et  des  actes  symboliques  ana- 
logues aux  précédents.  L'évêque  trace  avec  sa  crosse,  sur 
la  cendre  dont  le  pavé  a  été  légèrement  couvert,  une  croix 
figurant  la  lettre  X.  Sur  les  branches  de  cette  croix  il 
forme  l'alphabet  grec  et  l'alphabet  romain.  Puis,  il  bénit 
un  mélange  d'eau,  de  sel,  de  vin  et  de  cendre,  matières 
essentiellement  purificatrices  et  figures,  prétend-on,  d'un 
Dieu-homme,  mort  et  ressuscité  ;  il  en  fait  aspersion  sur 
les  murs  et  sur  l'autel.  (}uand  il  a  commencé  la  consécra- 
tion de  l'autel  avec  l'eau,  l'huile  des  catéchumènes  et  le 
saint  chrême,  on  va  chercher  les  reliques  au  lieu  où  elles 
sont  déposées,  et  on  les  apporte  processionnellement  dans 
la  nouvelle  église.  La  consécration  de  l'autel  est  ^  achevée 
par  une  effusion  d'huile  sainte  ;  et  on  termine  la  cérémonie 
en  faisant  des  onctions  sur  les  douze  croix  et  sur  les 
murs,  et  en  brûlant  cinq  grains  d'encens  sur  l'autel,  pen- 
dant qu'on  chante  :  Ascendit  fumus  aromatum  in  cons- 
pectu  Domini,  de  manu  angeli.  Le  rite  de  la  consé- 
cration est  attribué  au  pape  Sylvestre,  qui  en  fit,  dit-on, 
la  première  cérémonie  sur  l'église  du  Sauveur,  bâtie  par 
Constantin,  en  son  palais  de  Latran.  D'après  des  conciles 
de  Carthage,  d'Epaone,  d'Agde,  de  Paris,  de  Mayence  et 
une  épître  du  pape  Félix  IV  (526-530),  on  ne  peut  célé- 
brer la  messe  et  offrir  les  sacrifices  au  Seigneur  que  dans 
les  lieux  et  sur  les  autels  consacrés  par  l'évêque.  —  Néan- 
moins, dans  Pusage,  on  se  contente  souvent  de  bénir  une 
église,  sans  la  consacrer.  Les  chapelles  ne  reçoivent  ordi- 
nairement qu'une  simple  bénédiction.  La  bénédiction  des 
églises  et  des  chapelles,  n'étant  point  attachée  au  caractère 
épiscopal,  peut  être  commise  à  un  grand  vicaire,  à  un  curé 
ou  à  tout  autre  prêtre.  —  Plusieurs  docteurs  estiment  que 
l'entrée  dans  une  église  consacrée  remet,  comme  l'aspersion 


d'eau  bénite,  les  péchés  véniels.  D'après  saint  Thomas, 
il  y  a  vraiment  une  vertu  divine  dans  ce  lieu,  car  Celui 
qui  a  son  habitation  dans  le  ciel  le  visite  et  le  protège 
(Summa  theologica,  p.  Ill,  q.  88,  art.  3).  Parmi  les 
inscriptions  gravées  sur  la  façade  on  lit  fréquemment  : 
Domus  Dei,  porta  cœli.  La  visite  des  églises  est  d'ail- 
leurs puissamment  incitée  par  le  nombre  des  indulgences 
et  faveurs  spirituelles  qui  y  sont  affectées.  —  Pour  la  pro- 
priété et  l'entretien  des  églises,  V.  Commune,  t.  XII,  p.  129, 
col.  1.  et  p.  134,  col.  2  ;  Domaine  public  et  Fabrique. 

E.-H.    VOLLET. 

III.  Théologie.  —  Le  mot  église  ne  se  trouve  que 
dans  deux  passages  des  Evangiles.  Dans  le  premier 
(S.  Matthieu,  xvi,  18-19),  il  désigne  un  édifice  spiri- 
tuel que  Jésus-Christ  doit  bâtir  et  contre  lequel  les  puis- 
sances de  l'enfer  ne  prévaudront  point.  A  cette  déclaration 
sont  adjointes  la  promesse  des  clefs  du  royaume  de  Dieu 
et  la  délégation  d'un  pouvoir  de  lier  et  de  délier  s'éten- 
dant  dans  les  cieux  comme  sur  la  terre.  Dans  le  second 
passage  (5.  Matthieu,  xvni,  17-18),  il  s'agit  d'une  assem- 
blée locale  investie  d'un  droit  de  juridiction  sanctionné 
par  la  réprobation  et  l'exclusion  de  ceux  qui  refusent 
d'écouter  cette  assemblée.  D'autres  textes,  sans  produire 
le  nom,  paraissent  ne  pouvoir  se  rapporter  qu'à  l'Eglise. 
En  effet,  ils  contiennent  la  formule  d'une  commission 
qui  ne  pouvait  être  rempHe  que  par  l'œuvre  de  nom- 
breuses générations  humaines  et  la  promesse  d'une  assis- 
tance continuée  jusqu'à  la  fin  du  monde  :  «  Toute  puis- 
sance m'est  donnée  dans  le  ciel  et  sur  la  terre.  Allez 
donc  et  instruisez  les  nations,  les  baptisant  au  nom  du  , 
Père,  du  Fils  et  du  Saint-Esprit  ;  leur  apprenant  à  garder 
tout  ce  que  je  vous  ai  commandé.  Et  voici,  je  suis  toujours 
avec  vous  jusqu'à  la  fin  du  monde  (S.  Matthieu,  xxviii, 
19-20).  Allez  par  tout  le  monde  et  prêchez  l'Evangile  à 
toute  créature.  Celui  qui  croira  et  sera  baptisé  sera  sauvé; 
mais  celui  qui  ne  croira  point  sera  condamné  (5.  Marc, 
xvi,  16-17).  »  —  Dans  les  Actes  des  Apôtres,  les 
Epîtrès  et  V Apocalypse,  le  mot  est  employé  avec  trois 
acceptions  différentes.  Il  désigne  tantôt  un  fait  local  et 
momentané,  c.-à-d.  l'assemblée  des  personnes  se  trouvant 
réunies  dans  un  même  endroit,  à  un  instant  donné  ;  tantôt 
la  totalité  des  fidèles  habitant  la  même  ville  ;  enfin,  dans 
un  sens  mystique,  l'universalité  des  croyants,  quel  que 
soit  le  lieu  de  leur  habitation. 

Chez  les  Grecs,  le  mot  'Exx).Y]afa  désignaitliabituelle- 
ment  une  assemblée  délibérante.  Les  chrétiens,  qui  com- 
mencèrent à  l'adopter,  de  préférence  au  mot  synagogue, 
lorsque  leur  séparation  d'avec  les  juif  s  devint  plus  pronon- 
cée, y  ajoutaient  parfois  un  déterminatif,  pour  en  indiquer 
la  valeur  nouvelle  et  essentiellement  religieuse  ;  ils  disaient 
l'Eglise  de  Dieu  ou  l'Eglise  du  Christ  (I,  Cor,  xv,  9  ; 
Ach  i/?.,  XX,  28).  En  ce  sens,  l'Eglise  était  la  commu- 
nauté ou  l'universaUté  de  tous  ceux  qui  avaient  été  appelés 
et  étaient  parvenus  au  salut  par  Jésus-Christ  (Act.  Ap., 
II,  47).  Suivant  saint  Paul,  tous  les  fidèles  forment 
ensemble  un  seul  peuple,  le  peuple  particulier  du  Christ 
(Tite,  II,  15).  Chez  ce  peuple-là,  il  n'y  a  plus  ni  juif,^  ni 
Grec,  ni  esclave,  ni  homme,  ni  femme.  Tous  ne  sont  qu'un 
en  Jésus-Christ  (Galates,  m,  28).  Le  baptême  a  fait  d'eux 
un  seul  corps  en  Christ  (I,  Cor.,  xii,  13  ;  Rom,,  xii,  5), 
un  corps  dont  Christ  est  la  tête  (Ephés.,  iv,  15  ;  V,  23). 
Des  fonctions  diverses  ont  été  assignées  aux  divers  membres 
de  ce  corps  (I,  Cor.,  xii,  4-31;  Rom.,  xii,  4-8)  ;  mais 
dans  la  diversité  des  ministères,  il  n'y  a  qu'un  seul  Sei- 
gneur (I,  Cor.,  xii,  5),  et  dans  la  diversité  des  opérations, 
un  même  Dieu  qui  opère  toutes  choses  en  tous  (5).  L'es- 
prit qui  se  manifeste  dans  chacun  lui  est  donné  pour 
Futilité  commune  (7).  Les  membres  qui  paraissent  les  plus 
faibles  sont  les  plus  nécessaires  (22).  Le  même  apôtre 
caractérise  l'unité  de  l'Eglise  par  ces  mots  :  un  seul  corps 
et  un  seul  esprit,  une  seule  espérance,  un  seul  baptême, 
un  seul  Dieu  et  père  de  tous,  qui  est  au-dessus  de  tous, 
parmi  tous  et  en  tous.  La  grâce  est  donnée  à  chacun  selon 


EGLISE 


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la  mesure  du  don  de  Christ  (Ephés.,  iv,  4-7).  Tous  les 
fidèles  doivent  s'efforcer  de  conserver  Tunité  de  l'esprit 
par  le  lien  de  la  paix  (3).  Le  symbole  de  leur  union  et  le 
gage  de  la  Nouvelle  Alliance,  scellée   avec  le  sang  du 
Christ,  c'était  la  Sainte-Cène,  le  souper   du  Seigneur, 
repas  commun  auquel  tous  les  fidèles  venaient  prendre 
part  et  à  la  fin  duquel  le  pain,  après  avoir  été  rompu, 
était  distribué  entre  tous  et  le  calice  présenté  à   tous 
(I,  Cor,,  XI,  20-34;  x,  16-17).  —  Avec  Vunité,  la 
sainteté.  En  la  plupart  de  ses  épîtres,  Paul  appelle  ceux 
à  qui  il  les  adresse  :  bien-aimés  de  Dieu,  saints  en  Jésus- 
Christ,  appelés.  Pierre  écrit  aux  frères  dispersés  :  vous 
êtes  la  race  élue,  sacrificateurs  et  rois,  la  nation  sainte, 
le  peuple  acquis,  le  peuple  de  Dieu  (U  Pierre,  ii,  9-10). 
Les  réalités  constatées  par  les  documents  apostoliques 
ne  répondent  que  de  fort  loin  à  ces  affirmations  d'unité  et 
de  sainteté.  Il  est  vrai  que  l'Eglise  primitive  était  indemne 
des  spéculations  métaphysiques  que  l'histoire  montre  pro- 
duisant ordinairement  tant  de  confusions  et  parfois  des 
dissensions  si  haineuses.  Toute  la  théologie  consistait  alors 
dans  cette  déclaration  :  Jésus  de  Nazareth  est  le  Messie, 
le  Christ.  Tous  les  fidèles  croyaient  à  sa  résurrection  et 
attendaient  son  retour.  Même  accord  vraisemblablement 
sur  ce  que  VEpître  aux  Hébreux  appelle  le  fondement  : 
la  repentance,  la  foi  en  Dieu,  la  doctrine  du  baptême,  l'im- 
position des  mains,  la  résurrection  des  morts  et  le  juge- 
ment éternel  (vi,  1-2).  Mais,  d'autre  part,  nous  avons  montré 
(au  mot  Christianisme,  t.  XI,  pp.  273  et  suiy.)  quelle 
diversité  de  croyance  et  de  pratique  se  produisait  sur  des 
points  de  la  plus  haute  importance,  tels  que  la  nécessité 
de  la  circoncision  et  l'observance  de  la  loi  mosaïque  ;  quelles 
différences  et  quels  différends  cette  diversité  déterminait 
parmi  les  premiers  fidèles  ;  le  caractère  défectueux  de  la 
décision  arrêtée,  au  nom  du  Saint-Esprit,  par  la  confé- 
rence de  Jérusalem,  pour  établir  l'accord  sur  ces  points  : 
décision  dont  l'effet  ne  dura  que  pour  ce  qu'elle  tolérait, 
mais  nullement  pour  ce  qu'elle  prohibait,  et  qui  laissa 
subsister  le  conflit  entre  les  partis  contemporains.  Nulle 
autorité  centrale  vraiment  dirigeante  :  d'un  côté,  les  douze 
apôtres,  vénérés  par  les  judaïsants,  mais  qui  semblent 
inconscients  de  la  nécessité  et  des  conditions  de  l'évan- 
gélisation  du  monde  païen,  et  qui  se  laissent  devancer 
par  d'autres  dans  l'initiative  de  cette  œuvre  ;  parmi  ces 
apôtres,  Pierre  qui  parle  et  agit  comme  s'il  ignorait  com- 
plètement la  suprématie  que  ceux  qui  s'appelleront  ses 
successeurs,  prétendront  exercer  en  son  nom,  plusieurs 
siècles  après.  En  face  des  douze,  un  treizième  apôtre  qui, 
à  leur  insu,  avait  reçu  l'imposition  des  mains  de  quelques 
docteurs  et  prophètes  d'Antioche,  Paul,  proclamait  l'indé- 
pendance absolue  de  son  ministère,  et,  à  l'occasion,  n'hé- 
sitait point  à  censurer  Pierre  publiquement.  —  Les  faits 
que  révèle  une  lecture  quelque  peu  attentive  des  docu- 
ments   apostoliques   ne  permettent  aucune  illusion  sur 
la  sainteté  spécifique  attribuée  par  la  légende  aux  chré- 
tiens de  l'Eglise  primitive.  En    ce  qui  concerne  parti- 
culièrement les  communautés  recrutées  parmi  les  païens 
et  qui  n'avaient  point  reçu  du  judaïsme  une  éducation  pré- 
paratoire, cette  légende  n'est  évidemment  que  l'effet  du 
mirage  qui  montre  l'âge  d'or  au  début  de  toutes  les  sociétés 
humaines,  et  fait  oublier  que  tout  ce  qui  doit  se  développer 
sur  la  terre  est  soumis  aux  lois  du  progrès  et  subit  des 
commencements  difficiles.  Il  est  infiniment  plus  facile  d'in- 
duire au  martyre  des  païens  convertis,  que  de  les  mener  à 
la  sainteté,  et  même  de  les  tenir  soumis  aux  inspirations 
de  la  charité  ou  aux  lois  de  la  chasteté  et  de  la  moralité 
chrétiennes.  L*indice  de  cette  difficulté  résulte  de  la  nature 
des  recommandations  et  des  reproches  adressés  par  les 
apôtres  aux  églises  et  des  méfaits  visés  en  ces  recomman- 
dations et  ces  reproches.  Ainsi  dans  l'église  favorite  de 
saint  Paul,  V Eglise  de  Dieu  qui  était  à  Corinthe,  l'église 
de  ceux  qui  avaient  été  sanctifiés  et  appelés,  lorsque  les 
chrétiens  s'assemblaient  pour  célébrer  le  souper  du  Sei- 
gneur, chacun  se  hâtait  de  manger  ce  qu'il  avait  apporté 


pour  son  propre  repas,  de  sorte  que  les  uns  restaient  avec 
leur  faim,  tandis  que  les  autres  étaient  rassasiés  (I,  Cor., 
XI,  18-21).  En  cette  même  éghse,  un  chrétien  entrete- 
nait la  femme  de  son  père,  notoirement  et  sans  encourir 
aucune  mesure  manifestant  l'affliction  ou  la  réprobation 
des  autres  (v,  1-6).  Il  fallut  une  sommation  indignée  de 
saint  Paul  pour  contraindre  les  Corinthiens  à  punir  ce 
scandale  par  l'exclusion  du  coupable. 

Aux  mots  EvÊQUE,  Hiérarchie  ecclésïastioue  on  trou- 
vera des  indications  sur  l'origine,  la  formation  et  l'orga- 
nisation des  ministères  et  des  charges,  l'introduction  d'un 
sacerdoce  et  d'un  clergé  dans  les  églises.  Parallèlement  à 
ces  institutions  se  produisit  l'idée  de  catholicité  (V.  ce 
mot),  dont  le  développement  fut  stimulé  par  la  lutte  contre 
les  hérésies.  Dès  le  commencement  et  malgré  les  diversités 
que  nous  avons  mentionnées  précédemment,  les  chrétiens 
avaient  considéré  comme  une  chose  essentielle  de  sentir 
qu'ils  formaient  une  unité  resserrée  par  les  liens  d*une 
même  foi,  d'une  même  espérance  et  d'un  même  amour. 
Mais  cette  unité  était  purement  spirituelle,  les  relations 
qui  devaient  rattacher  les  diverses  communautés,  les  unes 
avec  les  autres,  n'étant  point  encore  réglementées  et 
n'étant  entretenues  que  par  des  individus.  Aux  sectes  qui 
s'efforçaient  d'altérer  la  foi,  tout  en  se  prétendant  chré- 
tiennes, les  communautés  orthodoxes  opposèrent  l'unité 
d'une  entité  imposante,  qu'elles  appelèrent  V Eglise  catho- 
lique, c.-à-d.  universelle.  En  conséquence,  elles  s'appli- 
quèrent à  donner  à  l'unité  interne  et  spirituelle  qui  cons- 
tituait cette  église  une  forme  extérieure  et  visible,  non 
seulement  en  la  faisant  ressortir  de  l'accord  dans  la  doc- 
trine ou  dans  les  formules,  ou  des  similitudes  d'organisa- 
tion et  d'usage  chez  les  diverses  communautés,  mais  aussi 
en  la  consolidant  par  une  union  plus  intime  et  mieux 
réglementée  des  communautés  entre  elles.  —  Le  déve- 
loppement de  la  catholicité  produisit  l'institution  d'une 
Règle  de  foi  générale  (Kavwv  x^ç  (xIt^^eIolç,  Régula  fidei), 
résumant  l'ensemble  des  doctrines  essentielles  au  christia- 
nisme. Celte  règle,  destinée  à  assurer  Vunité  dogma- 
tique, consistait,  non  dans  un  formulaire  officiellement 
rédigé,  mais  dans  toute  une  série  d'articles  que  chacun 
était  libre  d'exprimer  comme  il  l'entendait,  à  la  condition 
de  ne  point  altérer  le  fond.  Il  ne  faut  point  la  confondre 
avec  le  Symbole,  courte  confession  de  foi  qui  devait  être 
faite  par  ceux  que  l'on  baptisait.  Le  symbole  était  une 
formule,  mais  cette  formule  différait  dans  les  diverses  com- 
munautés, chacune  y  ajoutant  les  articles  qu'elle  croyait 
devoir  faire  ressortir,  à  cause  des  conditions  particulières 
dans  lesquelles  elle  était  placée,  surtout  à  cause  du  voisi- 
nage de  certains  partis  hérétiques.  La  règle  de  la  foi  n'était 
point  tirée  de  l'interprétation  des  Saintes  Ecritures,  car 
les  livres  du  Nouveau  Testament  n'étant  point  encore  ras- 
semblés, n'étaient  répandus  que  isolément.  Elle  était 
empruntée  à  la  tradition  apostolique,  c.-à-d.  à  ce  qui 
s'était  propagé,  sous  ce  nom,  dans  les  communautés  chré- 
tiennes. En  cas  de  doute  ou  de  contestation,  on  s'adressait 
ordinairement  aux  églises  apostoliques,  c.-à-d.  aux  églises 
dont  le  siège  avait  été  ou  était  censé  avoir  été  occupé  par 
les  apôtres  (Jérusalem,  Antioche,  Alexandrie,  Rome, 
Ephèse),  et  qui,  pour  cette  raison,  semblaient  avoir  été 
constituées  dépositaires  et  gardiennes  de  leur  doctrine. 

ïrenée  (120  ?  -  202  ?)  désigne  l'Eglise  catholique  comme 
le  vase  dans  lequel  les  apôtres  ont  déposé  la  vérité  et 
comme  la  porte  de  la  vie  (Adversus  hœreses,  1.  III,  c.  iv). 
Tertullien  (160? -245  2)  écrit  que  l'Eglise  est  le  corps 
mystique  des  trois  personnes  divines  (De  baptismo,  v)  ; 
il  la  compare  déjà  à  l'arche  de  Noë  (viii).  Cette  comparai- 
son fut  reprise  et  développée  par  Cyprien  (200?  -258), 
qui  en  appliqua  les  conséquences  non  seulement  aux  païens 
et  aux  hérétiques,  mais  aux  schismatiques,  et  identifia 
l'Eglise  avec  la  hiérarchie  dont  l'épiscopat  était  devenu 
le  sommet  :  «  Que  personne  ne  trompe  les  fidèles  et  n'al- 
tère la  vérité.  L'épiscopat  est  un  et  chaque  évêque  en  pos- 
sède solidairement  une  partie.  De  même,  l'Eglise  est  une, 


et  elle  se  répand,  par  sa  técondité,  en  plusieurs  personnes  : 
comme  il  y  a  plusieurs  rayons  de  soleil,  mais  il  n'y  a 
qu'une  lumière;  comme  un  arbre  a  plusieurs  branches, 
mais  n'a  qu'un  tronc  et  qu'une  racine...  C'est  elle  qui 
nous  fait  naître,  nous  nourrit  de  son  lait  et  nous  anime 
de  son  esprit.  L'épouse  de  Jésus-Christ  ne  peut  être  cor- 
rompue, car  elle  est  chaste  et  incorruptible.  Elle  ne  con- 
naît qu'une  maison  et  n'a  qu*une  seule  couche,  qu'elle 
garde  pure  et  inviolable...  Quiconque  se  sépare  de  l'Eglise 
et  s'unit  à  une  adultère  (c.-à-d.  à  une  église  autre  que 
celle  où  Cyprien  était  évêque)  n'a  point  de  part  aux  pro- 
messes qui  lui  ont  été  faites.  Celui  qui  abandonne  l'Eglise 
de  Jésus-Christ  ne  recevra  jamais  les  récompenses  de 
Jésus-Christ.  C'est  un  étranger,  un  profane,  un  ennemi. 
Celui-là  ne  peut  avoir  Dieu  pour  père,  qui  n'a  point 
l'Eglise  pour  mère.  Il  est  tout  aussi  impossible  de  se  sauver 
hors  de  l'Eglise,  qu'au  temps  de  Noë  de  se  sauver  hors  de 
l'arche...  Le  schisme  est  un  crime  si  énocme,  que  la  mort 
ne  le  saurait  expier.  Celui-là  ne  peut  être  martyr  qui  n'est 
point  dans  l'Eglise...  Un  schismatique  qui  est  tué  hors  de 
l'Eglise  ne  peut  avoir  part  aux  récompenses  de  l'Eglise... 
11  faut  fuir  un  homme  qui  est  séparé  de  l'Eglise,  quel  qu'il 
soit,  c.-à-d.  quand  même  il  aurait  confessé  sa  foi  devant  la 
menace  du  supplice  ou  dans  les  tourments  (De  unitate 
Ecclesiœ).  Enfin  Cyprien  aperçoit  et  signale  dans  les 
schismes  sévissant  de  son  temps  le  signe  de  la  fin  prochaine 
du  monde  ;  en  conséquence,  il  exhorte  les  chrétiens  à 
veiller,  fidèles  et  unis,  en  attendant  l'avènement  imprévu 
de  leur  suprême  pasteur. 

Dès  le  temps  de  ïertullien,  on  faisait  déjà  mention  de 
l'Eglise  dans  le  baptême  (Z)^  baptismo,  V)  ;  mais  les  sym- 
boles ecclésiastiques,  alors  en  usage,  ne  le  mentionnaient 
qu'à  l'occasion  des  grâces  dont  elle  est  l'instrument  ou  des 
vérités  dont  elle  est  la  messagère  :  ù'edo  remissionem 
peccatorum  et  vitam  eternam  per  sanctam  Ecclesiam 
(Cyprien,  Epist,,  70  et  76,  éd.  Baluze).  Plus  tard,  on  fit 
de  la  foi  à  l  Eglise  l'objet  d'un  article  spécial  :  Credo  sanc- 
tam Ecclesiam.  Il  est  vraisemblable  que  l'insertion  de 
cet  article  dans  le  Credo  fut  déterminée  par  les  nécessités 
de  la  controverse  di\ec  les  novatiens  (V.  ce  mot). Ceux-ci, 
s'élevant  contre  les  communautés  catholiques  à  cause  de 
la  tolérance  ou  plutôt  de  la  complicité  qu'ils  leur  repro- 
chaient à  l'égard  des  apostats  et  des  pécheurs  manifestes, 
prétendaient  que  ces  communautés  ne  pouvaient  représenter 
l'Eglise,  dont  le  caractère  distinctif  est  la  sainteté.  Les  ca- 
tholiques, inaugurant  un  procédé  qu'ils  ont  fréquemment 
renouvelé  depuis  et  qui  fait  partie  de  leur  tradition,  écar- 
tèrent les  arguments  de  fait  par  une  distinction  subtile  et 
une  affirmation  superbe  ;  ils  proclamèrent  comme  article 
de  foi  que  l'Eglise  est  sainte,  substantiellement  sainte,  et 
ils  exphquèrentque  sa  sainteté,  reposant  sur  son  institution, 
sa  base  et  son  essence,  est  indépendante  de  l'indignité  per- 
sonnelle de  ses  membres  et  de  ses  ministres.  —  Dans  plu- 
sieurs symboles,  fut  ajouté  ensuite  le  mot  unam,  dirigé 
contre  les  sectes  hérétiques  qui  prétendaient  pareillement 
former  de  véritables  églises.  —  Enfin,  au  iv®  siècle,  on 
inséra  le  mot  catholicam,  auquel  on  attacha  l'idée  que 
l'Eglise  catholique,  précédemment  définie,  renferme  tous  les 
vrais  chrétiens  ;  qu'on  n'est  chrétien  qu'à  la  condition  de 
lui  appartenir  et  que  en  dehors  d'elle  il  n'y  a  ni  christia- 
nisme, ni  vérité,  ni  salut.  —  Pour«n  quatrième  caractère, 
adjoint  à  la  sainteté,  à  Vunité  et  à  la  catholicité,  V.  Apos- 
TOLICITÉ  (t.  III,  *p.  374). 

Le  besoin  d'union  qui  provoqua  l'élaboration  des  dogmes 
de  l'unité  et  de  la  catholicité  et  l'introduction  dans  l'Eglise 
d'une  hiérarchie  de  plus  en  plus  puissante,  résultait,  non 
seulement  de  la  nécessité  d'écarter  les  divisions  et  les 
causes  d'afî'aiblissement  amenées  par  les  hérésies  et  les 
schismes,  mais  aussi  de  la  situation  des  chrétiens  dans  le 
monde  païen.  Au  milieu  de  ce  monde,  dont  ils  haïssaient  la 
religion  et  les  mœurs,  dont  ils  répudiaient  le  passé  et  dont 
ils  menaçaient  l'avenir,  l'Eglise  leur  apparaissait  comme 
l'arche  de  Noé,  hors  de  laquelle  tous  les  hommes  devaient 


—  617  —  ÉGLISE 

périr.  En  outre,  suspects  eux-mêmes  et  parfois  persécutés, 
ils  formaient  parmi  les  païens  une  société  étrangère,  sinon 
une  armée  ennemie,  qui  ne  pouvait  subsister  qu'en  accep- 
tant la  direction  d'une  autorité  énergique  et  en  se  soumet- 
tant à  une  discipline  sévère.  Lorsque  cette  contrainte  morale 
fut  rendue  inutile  par  la  victoire  du  christianisme,  elle  fut 
remplacée  par  l'action  des  lois  impériales  qui  ne  recon- 
nurent qu'aux  catholiques  seuls  la  qualité  de  chrétiens  et 
sévirent  contre  les  dissidents.  Dès  lors,  quand  il  surgit  des 
divergences  périlleuses,  on  fit  décréter  la  catholicité  de  la 
doctrine  et  de  la  discipline  sur  les  points  débattus  par  des 
conciles  œcuméniques,  qui  devinrent  les  cours  suprêmes  de 
TEglise  tout  entière  et  se  trouvèrent  investis  de  Vinfail- 
libilité  (V.  ce  mot).  La  foi  à  cette  infaillibilité  ne  fut  point 
définie  d'abord  et  imposée  par  un  canon,  mais  elle  provint 
de  la  nature  des  choses.  La  conférence  de  Jérusalem  avait 
parlé  au  nom  du  Saint-Esprit  (Act.  Ap,,  xv,  28).  Par 
suite,  tous  les  conciles  furent  censés  être  placés  sous  une 
direction  spéciale  du  Saint-Esprit.  Les  décisions  des  con- 
ciles œcuméniques  ne  pouvant  être  réformées  par  aucune 
autre  autorité,  il  était  inadmissible  qu'elles  pussent  con- 
sacrer des  erreurs  sur  la  foi  ou  sur  les  mœurs  :  on  les 
attribua  à  une  inspiration  plénière  du  Saint-Esprit  ;  tandis 
que,  en  réalité,  elles  dépendaient  en  grande  partie  des  pa- 
triarches, auxquels  les  autres  évêques  étaient  habitués  à 
obéir,  et  que,  parfois  même,  elles  étaient  déterminées  par 
les  impulsions  des  empereurs. 

Nous  avons  déjà  dit  que  saint  Paul  considérait  la  sainte 
cène  comme  le  symbole  du  lien  qui  doit  unir  les  chrétiens 
avec  le  Christ  et  les  unir  entre  eux.  Cette  idée  prévalut 
dans  l'Eglise  primitive.  Le  pain  et  le  vin  étaient  envoyés 
aux  absents,  parfois  même  par  une  communauté  à  une  autre, 
en  témoignage  de  communion  fraternelle.  Exclure  quel- 
qu'une delà  sainte  cène,  c'était  l'exclure  de  la  communion 
de  l'Eglise.  D'après  un  usage  qui  prit  naissance  au  ii®  siècle, 
les  parents  des  chrétiens  décédés,  pour  exprimer  la  per- 
suasion que  ceux-ci  continuaient  à  participer  à  cette  com- 
munion, offraient  en  leur  nom  et  comme  s'ils  étaient  en- 
core présents,  des  oblations  qu'on  apportait  comme  celles 
des  vivants,  avant  la  célébration  de  la  cène,  et  leurs 
noms  étaient  prononcés  dans  la  prière  faite  en  cette  occa- 
sion, ainsi  que  les  noms  de  ceux  qui  assistaient  réellement 
à  la  cérémonie  (V.  Diptyque).  Le  développement  de  cette 
croyance  aboutit  vers  le  vi^  siècle  au  dogme  de  h  commu- 
nion des  saints  (V.  ce  mot)  et  finalement  à  la  division  de 
l'Eglise  en  deux  parties  :  l'Eghse  triompfiaîite,  composée 
de  ceux  qui,  après  avoir  vaincu  le  monde,  la  chair  et  le  dé- 
mon, sont  délivrés  des  épreuves  et  des  misères  de  la  vie  ter- 
restre et  jouissent  delà  béatitude  éternelle  ;  l'Eglise  mili- 
tante, formée  par  les  fidèles  vivant  encore  sur  la  terre  : 
elle  est  ainsi  appelée,  parce  qu'elle  soutient  une  guerre 
perpétuelle  contre  le  monde,  la  chair  et  Satan  (Catéchisme 
du  concile  de  Trente) .  A  ces  deux  parties  une  doctrine 
plus  moderne  encore  a  ajouté  l'Eglise  souffrante,  compre- 
nant les  âmes  du  purgatoire. 

La  scolastique  ajouta  peu  à  la  doctrine  sur  l'Eglise,  les 
spéculations  sur  ce  sujet  étant  devenues  inutiles  et  surtout 
fort  dangereuses.  Ce  qui  pouvait  être  dit  de  meilleur  ou 
de  plus  spécieux  sur  ce  sujet  avait  été  formulé  dès  les  cinq 
premiers  siècles,  dans  la  lutte  contre  les  hérésies  et  les 
schismes.  D'autre  part,  à  l'époque  où  la  scolastique  floris- 
sait,  ceux  qui  prétendaient  représenter  l'Eglise  imposaient 
leur  autorité  avec  une  force  irrésistible.  Toute  apparence 
de  contradiction,  peut-être  même  tout  examen,  eût  semblé 
une  tentative  de  rébellion  ;  et  dans  ce  cas  la  réfutation 
était  confiée  non  aux  docteurs,  mais  aux  bourreaux.  Pour 
que  la  doctrine  dominante  fût  examinée  et  discutée  avec  la 
liberté  nécessaire,  il  fallut  une  révolution  provoquée  par 
les  infidélités  et  les  abus  reprochés  à  l'EgHse  romaine.  — 
Aux  mots  Apostolicité  et  Catholicité,  nous  avons  résumé 
les  arguments  par  lesquels  les  protestants  estiment  démon- 
trer que  l'éghse  qui  a  le  moins  de  droits  aux  titres  d'apos 
tohque  et  de  catholique  est  précisément  celle  qui  se  les 


ÉGLISE 


-  618 


arroge,  par  privilège  exclusif.  Contre  la  sainteté  d'une 
église  qui  compte  des  chefs  suprêmes  tels  que  les  papes 
Benoît  IX  et  Alexandre  Vl,  ils  invoquent  le  témoignage  de 
l'histoire  attestant  l'indignité  scandaleuse  d'un  grand 
nombre  de  ses  dignitaires,  la  violence  et  l'iniquité  des  pro- 
cédés employés  par  elle  pour  établir  et  maintenir  sa  domi- 
nation. A  son  unité  ils  opposent  les  diversités  des  anciennes 
communautés  chrétiennes,  la  liste  des  schismes  irréduc- 
tibles et  le  développement  toujours  croissant  des  églises 
dissidentes  ;  à  son  infaillibilité,  l'incertitude  oii  elle  était 
avant  4870,  sur  l'organe  de  cette  infaillibilité,  les  contra- 
dictions des  décisions  des  papes  entre  elles,  leurs  contra- 
dictions avec  l'Ecriture  sainte  et  les  dogmes  de  leur 
église,  et  même  les  contradictions  de  plusieurs  de  ces 
dogmes  avec  la  Bible  ;  à  son  antiquité,  les  nouveautés 
de  ses  doctrines,  de  ses  institutions,  de  ses  ordonnances  et 
même  de  ses  sacrements.  —  Enfin  et  comme  base  de 
leur  argumentation,  ils  signalent  une  équivoque,  une  con- 
fusion entre  deux  choses  essentiellement  distinctes,  quoique 
désignées  par  le  même  nom  :  confusion  de  l'église  mys- 
tique, dont  le  Christ  est  le  chef  permanent  et  incom- 
mutable,  de  l'Eglise  qui  est  le  corps  du  Christ  et  dont 
tous  les  vrais  fidèles  sont  les  mem-bres,  composée  de 
tous  ceux  qui  sont  parvenus,  parviennent  ou  parviendront 
au  salut,  avec  les  communautés  établies  pour  préparer  et 
édifier  cette  Eglise,  c.-à-d.  pour  annoncer  l'évangile,  ad- 
ministrer les  sacrements,  rassembler,  instruire  et  diriger 
les  chrétiens.  L'Eglise  mystique  étant  composée  de  tous 
ceux  qui  sont  ou  seront  sauvés,  il  est  incontestable  que  en 
dehors  d'elle  il  n'y  a  point  de  salut;  ne  comprenant  que 
des  âmes  qui  sont  parvenues  ou  qui  parviendront  à  la  sain- 
teté, elle  mérite  indubitablement  le  titre  de  sainte;  pa- 
reillement, celui  de  catholique,  puisqu'elle  renferme  la 
«  grande  multitude  que  personne  ne  peut  compter  de  toute 
nation  et  de  toute  tribu,  de  tout  peuple  et  de  toute  langue, 
qui  doit  se  tenir  devant  le  trône  et  devant  l'Agneau  (Apo- 
calypse, VII,  9).  Elle  est  une,  puisqu'il  ne  pourrait  y  avoir 
deux  églises  réunissant  ces  caractères.  Mais  cette  Eghse-là 
est  invisible.  Dieu  seul  en  connaît  les  membres.  A  pro- 
prement parler,  il  n'y  a  point  une  Eglise  visible  pour  les 
hommes  sur  la  terre.  Ce  qu'on  appelle  ainsi  n'est  qu'une 
somme  ou  une  fédération  d'unités  distinctes,  comme  étaient, 
au  premier  âge,  les  églises  de  Jérusalem,  d'Antioche, 
d'Ephèse,  de  Smyrne,  de  Pergame,  de  Rome,  de  Corinthe, 
de  Thessalonique,  etc.,  unies  par  la  foi  en  Jésus-Christ, 
le  baptême  et  la  cène,  mais  différenciées  par  des  diver- 
gences sur  des  points  importants  et  par  leurs  préférences 
pour  Pierre  ou  pour  Paul  ou  pour  Jacques.  Non  seulement 
plusieurs  de  ces  églises  différaient  entre  elles  à  l'origine  ; 
mais  siècle  par  siècle,  chacune  d'elles  a  différé  sensiblement 
d'elle-même,  à  ce  point  que,  bien  avant  le  xv®  siècle,  il  eût 
été  impossible  de  trouver  en  Occident  une  église  repro- 
duisant l'image  quelque  peu  ressemblante  d'une  église  pri- 
mitive. A  ces  différences  correspondent  des  altérations  plus 
ou  moins  profondes  du  type  originel,  quant  à  la  doctrine, 
quant  au  culte  et  quant  à  l'organisation.  Quelques-unes  de 
ces  altérations  peuvent  être  acceptées  comme  des  disposi- 
tions d'ordre  local  ou  comme  de  simples  modifications  jus- 
tifiées par  les  lois  du  développement.  D'autres,  au  contraire, 
affectent  la  substance  même  du  christianisme  et  ont  fait 
perdre  aux  églises  qui  les  ont  commises  le  caractère  chré- 
tien. Quand  il  s'agit  de  décider  si  une  église  possède  ce  ca- 
ractère, tout  le  débat  doit  être  ramené  à  ces  deux  questions 
principales  :  Cette  éghse  annonce-t-elle  purement  tout 
l'évangile,  sans  addition  et  sans  retranchement  ?  Admi- 
nistre-t-elle  les  sacrements  fidèlement,  suivant  l'esprit  et  la 
forme  essentielle  de  leur  institution  ?  Si  oui,  elle  est  une 
église  véritable,  quelles  que  soient  les  particularités  acces- 
soires; si  non,  elle  est  une  fausse  église,  quelles  que 
soient  ses  prétentions  pour  le  reste.  —  Pour  le  droit  que 
les  protestants  dénient  à  toute  église  de  décréter  des  ar- 
ticles de  foi  et  des  commandements,  V.  Commandements  de 
l'Eglise  et  Foi.  E.-H,  Vollet. 


IV.  Sociologie  (V.  Classe  et  Etat). 

V.  Musique  (V.  Musique  religieuse). 

BiBL.  :  Architecture.  Dict.  de  VAcadémie  des  Beaux- 
Arts  ;  Paris,  1868,  t.  II,  in-8,  fig.  —  Viollet-le-Duc, 
Dict.  de  l'Architecture  ;  Paris,  in-8,  fig.  --  Congrès  inter' 
national  des  architectes  de  1818;  Paris,  1881,  in-8,  flg. 
—  Ch.  Lucas,  les  Eglises  circulaires  d'Angleterre  ;"Parïs, 
1882,  in-8,  fig.  —  Àlph.  Gosset,  l'Evolution  des  églises 
chrétiennes,  dans  la  Revue  générale  de  VArchitecture  ; 
Paris,  t.  XLIII,  fig.,  in-8.  —  Ed.  Corroyer,  l'Architecture 
romane,  l'Architectwe  gothique;  Paris,  in-8,  fig. 

ÉGLISE  (Etats  de  1')  (V.  Etats  de  l'Eglise). 

ÉGLISES  apostoliques  (V.  ci-dessus  §  Théologie), 

ÉGLISE  catholique  romaine.  Le  premier  document 
qui  mentionne  d'une  manière  précise  l'Église  de  Rome  est 
l'épître  adressée,  vers  l'an  58,  par  saint  Paul,  aux  chré- 
tiens de  cette  ville.  Il  leur  dit  qu'il  souhaite  fort  de  trouver 
une  occasion  de  les  aller  voir,  pour  leur  faire  part  de 
quelque  don  spirituel,  afin  qu'ils  soient  affermis  (i,  8-11). 
Il  est  vraisemblable  que  ces  chrétiens  étaient  judaïsants 
et  qu'ils  furent  médiocrement  reconnaissants  des  éloges 
de  Paul  et  du  dessein  qu'il  avait  «  d'aller  cueillir  quelque 
fruit  parmi  eux,  comme  parmi  les  autres  nations  (43)  ». 
Lorsque  l'apôtre  fut  amené  prisonnier  à  Rome,  ils  le  lais- 
sèrent sans  assistance  et  sans  consolation  (I,  Colossiens, 
IV,  11  ;  II,  Timothée,  iv,16).  Il  y  serait  resté  dans  l'indi- 
gence, si  les  Philippiens  ne  lui  avaient  envoyé  des  secours 
(Philippiens,  ii,  25;  iv,  18).  —  On  ne  possède  aucun 
renseignement  certain  sur  la  fondation  de  cette  Eglise.  La 
légende  catholique  l'attribue  à  l'apôtre  Pierre,  qui  serait 
allé  une  première  fois  à  Rome,  vers  42  ou  43,  puis  y  serait 
retourné  et  enfin  y  aurait  été  martyrisé,  vers  65  ou  66, 
Il  est  impossible  de  trouver  dans  le  Nouveau  Testament  le 
moindre  texte  indiquant  ces  faits,  qu'il  serait  d'ailleurs 
fort  difficile  de  concilier  avec  l'attitude  de  Paul  en  son 
épître  aux  Romains  et  le  projet  qu'elle  annonce,  et  avec 
les  renseignements  qu'il  donne  en  d'autres  épîtres  sur  sa 
propre  captivité.  Le  silence  de  ces  dernières  épîtres  à  l'égard 
de  Pierre  serait  inexpHcable  ou  injurieux,  si  Pierre  avait 
gouverné  l'Eglise  de  Rome  au  temps  où  elles  ont  été  écrites. 
De  même,  le  silence  des  Actes  des  Apôtres  (xxviii,  15,  31) 
racontant  l'arrivée  à  Rome  de  Paul,  prisonnier,  et  sa  pré- 
dication en  cette  ville.  Il  n'est  point  absolument  improbable 
que  Pierre  soit  mort  à  Rome;  mais  les  motifs  que  nous 
venons  d'indiquer  et  plusieurs  autres  nous  semblent  écarter 
l'hypothèse  de  la  fondation  de  l'Eglise  de  Rome  par  cet 
apôtre,  et  celle  d'un  pontificat  ayant  duré  vingt -deux  ou 
vingt-cinq  années  (V.  Pierre  [Saint],  apôtre).  Du  reste, 
l'histoire  de  ces  commencements  est  fort  obscure  ;  à  ce 
point  qu'il  est  impossible  de  constater  avec  certitude  les 
noms  et  d'établir  la  succession  des  premiers  évêques.  Non 
seulement  elle  est  obscure,  mais  elle  est  à  peu  près  nulle  ; 
pendant  la  plus  grande  partie  des  deux  premiers  siècles, 
elle  ne  présente  guère  que  des  listes  de  noms.  Reaucoup 
de  ces  noms  sont  d'origine  grecque  ou  orientale  et  con- 
courent avec  d'autres  indices  à  démontrer  que,  pendant 
plusieurs  siècles,  cette  Eghse  contint  une  forte  proportion 
d'éléments  étrangers,  les  Romains  étant  restés  longtemps 
attachés  au  culte  de  leurs  dieux  et  de  leurs  empereurs, 
qu'ils  identifiaient  avec  la  gloire  et  la  prospérité  de  l'Em- 
pire. La  première  évangélisation  de  l'Occident,  notamment 
de  la  Gaule,  fut,  pour  la  plus  grande  part,  entreprise  par 
des  chrétiens  venus  d'Orient  et  opérée  sur  des  immigrés 
originaires  des  mêmes  contrées.  La  population  indigène  des 
villes  ne  se  convertit  que  lentement  ;  plus  lentement  encore 
celle  de  la  campagne.  De  là,  le  mot  paganisme. 

Pendant  les  premiers  siècles,  non  seulement  le  nombre 
des  chrétiens  de  langue  latine  était  faible,  en  comparaison 
de  l'Eglise  grecque,  mais  l'Eglise  latine  ne  formait  guère, 
quant  à  l'activité  intellectuelle,  qu'une  dépendance  de 
l'Eglise  grecque.  Ne  possédant  point  encore  de  littérature  à 
eUe,  elle  se  rattachait  à  celle  du  christianisme  oriental.  C'est 
en  grec  qu'ont  écrit  les  plus  anciens  auteurs  de  l'Occident, 
tels  que  Clément  de  Rome  et  Irénée.  TertulUen  lui-même 
avait  rédigé  plusieurs  ouvrages  en  grec  ;  en  sorte  que  cette 


-  619 


ÉGLISE 


langue,  dans  laquelle  les  apôtres  avaient  déjà  exprimé  les 
idées  chrétiennes,  fut  longtemps  considérée,  même  dans 
l'Eglise  occidentale,  comme  le  seul  organe  qui  put  les 
rendre  d'une  manière  satisfaisante.  Plus  tard,  tous  les 
conciles  œcuméniques  jusqu'en  869  furent  assemblés  dans 
la  partie  orientale  de  l'Empire  et  rédigèrent  leurs  canons 
en  grec.  De  là,  le  grand  nombre  de  mots  provenant  de 
cette  langue,  introduits  et  conservés  dans  le  vocabulaire 
ecclésiastique.  —  Ce  n'était  point  seulement  la  définition 
des  dogmes  qui  se  faisait  en  Orient,  c'était  aussi  leur  éla- 
boration. A  cet  égard,  il  convient  de  noter  ici  une  diffé- 
rence essentielle  entre  le  caractère  de  la  théologie  ou  le 
tempérament  des  théologiens  dans  les  deux  Eglises.  Tandis 
que  les  théologiens  grecs,  notamment  les  alexandrins,  pé- 
nétrés consciemment  ou  inconsciemment  de  philosophie,  se 
livrent  aux  spéculations  les  plus  téméraires  sur  les  objets 
de  la  métaphysique  religieuse,  les  théologiens  latins  ré- 
prouvent la  philosophie,  comme  la  mère  des  hérésies,  et  se 
gardent  contre  les  hardiesses  de  la  pensée  ;  ils  acceptent 
comme  inviolables  toutes  les  doctrines  transmises  par  la 
tradition  ou  énoncées  par  les  conciles,  et  ils  se  contentent 
de  les  expliquer  et  de  les  défendre.  Quand  ils  se  permettent 
un  effort  original,  ils  le  font  porter  sur  des  sujets  pratiques 
et  positifs  :  apologétique,  culte,  sacrements,   moyens  de 
salut,   morale,    discipline,    gouvernement   ecclésiastique. 
C'est  en  Afrique,  par  Tertullien,  Cyprien  et  Augustin,  que 
le  latin  a  été  adapté  à  la  théologie.   L'œuvre  de  ces  écri- 
vains, même  celle  d'Augustin,  le  plus  aventureux,  présente 
le  caractère  que  nous  venons  d'indiquer  ;  pareillement,  celles 
de  Jérôme  et  de  Grégoire  le  Grand.  Cette  tendance  persista 
lorsque  l'Eglise  latine,  séparée  de  l'Eglise  grecque,  se  mit 
à  confectionner  des  dogmes,  à  son  tour. 

Dès  la  fin  du  ii^  siècle,  on  trouve  en  Occident  la  recon- 
naissance d'une  certaine  supériorité  de  l'Eglise  de  Rome. 
Irénée  préconise  «  la  tradition  et  la  foi  prêchée  à  tous  dans 
l'Eglise  romaine,  cette  EgUse  si  grande,  si  ancienne,  si 
connue  de  tous,  que  les  glorieux  apôtres  saint  Pierre  et 
saint  Paul  ont  fondée  et  établie  ;  tradition  qui  est  venue 

jusqu'à  nous  par  la  succession  des  évoques Il  faut  qu'à 

cette  Eglise,  à  cause  de  son  éminente  supériorité,  se  con- 
forme toute  autre  Eglise,  c.-à-d.  les  fidèles  qui  sont  de 
toutes  parts  ;  parce  que  la  tradition  des  apôtres  y  a  tou- 
jours été  observée  par  ceux  qui  y  viennent  de  tous  côtés.  » 
Dans  la  controverse  avec  les  protestants,  les  théologiens 
cathoUques  nous  semblent  avoir  tiré  de  ce  témoignage  des 
conséquences  excessives.  Il  ne  faut  ni  en  amoindrir  ni  en 
exagérer  la  valeur,  mais  en  bien  lire  le  texte.  La  supério- 
rité reconnue  par  Irénée  à  l'EgUse  de  Rome  ne  résulte  ni 
de  la  primauté  de  Pierre,  ni  d'un  droit  de  lier  et  de  délier 
attribué  aux  évêques  de  Rome,  en  qualité  de  successeurs 
de  cet  apôtre,  mais  du  fait  que  cette  Eglise,  ayant  été, 
suivant  lui,  fondée  par  Pierre  et  par  Paul,  a  reçu  l'ensei- 
gnement de  ces  deux  apôtres,  qu'elle  en  a  été  cons- 
tituée dépositaire  et  qu'elle  en  est  restée  fidèle  gardienne. 
Il  s'agit  ici  de  transmission,  de  tradition,  nullement  de 
décision  ou  de  juridiction.  Cette  interprétation  est  confirmée 
par  la  conduite  d'Irénée  lui-même  à  l'occasion  de  faits  se 
rapportant  aux  diversités  qui  persistaient  encore  dans 
les  Eglises.  Victor,  évêque  de  Rome,  voulait  rompre  la  com- 
munion avec  les  Eglises  d'Orient  qui,  suivant  la  coutume 
ancienne,  célébraient  la  fête  de  Pâques  un  autre  jour 
que  l'Eglise  de  Rome.  Irénée  intervint  et  amena  Victor  à 
renoncer  à  son  dessein. 

Suivant  les  copies  les  plus  récentes  (suspectes  d'interpo- 
lation) de  ses  lettres,  saint  Cyprien  aurait  écrit  que  l'unité 
sacerdotale  provient  de  la  chaire  de  Pierre  et  de  l'Eglise 
principale  (Epist.  LX,  ad  Cornelium).  Mais  dans  le  texte 
incontesté  de  son  traité  Sur  l'Unité  de  l'Eglise,  il  affirme 
la  complète  égalité  de  tous  les  apôtres,  pari  consortio 
prœditi  et  honoris  et  potestatis  ;  il  professe  que  l'épis- 
copat  est  un  et  indivisible,  et  que  chaque  évêque  en  possède 
solidairement  une  portion.  Il  sut  défendre,  avec  énergie  et 
avec  succès,  l'égalité  épiscopale.  Il  considérait  comme  nul 


le  baptême  administré  par  des  hérétiques.  Au  contraire, 
Etienne,  évêque  de  Rome,  le  déclarait  valable,  prétendant 
énoncer  la  tradition  [nil  innovetur).  Dans  ce  conflit,  les 
EgUses  de  l'Asie  Mineure,  dont  l'opinion  fut  exprimée  par 
saint  Firmillien,  évêque  de  Césarée  en  Cappadoce,  attestè- 
rent que  la  doctrine  de  Cyprien  était  conforme  à  la  vérité 
et  à  la  coutume.  Elle  fut  solennellement  adoptée  par  un 
concile  de  Carthage  (2o6) .  Dans  une  allocution  adressée  à  . 
ce  concile,  Cyprien,  réprouvant  les  prétentions  et  les  pro- 
cédés de  l'évêque  de  Rome,  disait  :  Il  n'y  a  parmi  nous 
aucun  évêque  s 'établissant  l'évêque  des  autres  évêques,  et 
réduisant  par  une  terreur  tyrannique  ses  collègues  à  la 
nécessité  de  lui  obéir.  Chaque  évêque  jouit  de  son  propre 
arbitre,  pro  licentia  libertatis  et  potestatis,  tanquam 
judicari  ab  alis  non  possit,  cum  nec  ipsepossit  alterum 
'judicare  (V.   Carthage  [Conciles  de],  t.  IX,  p.   640, 
col.  2).  —  Dans  la  querelle  des  deux  Denys  (V.  Denys, 
pape,  et  Denys,  évêque  d'Alexandrie)  ces  évêques  discu- 
tent, sur  le  pied  d'une  parfaite  égalité.  Au  iv®  siècle  et  au 
commencement  du  v^,  les  évêques  de  Rome,  écrivant  à 
d'autres  évêques,  prenaient  encore  et  tout  simplement  le 
titre  d'évêque  de  la  ville  ou  d'évêque  de  l'Eglise  de  Rome. 
Parmi  les  causes  qui  ont  concouru  à  l'extension  de  l'au- 
torité des  évêques  de  Rome,  la  première,  suivant  nous,  est 
ce  fait,  attesté  par  l'histoire  des  premiers  siècles,  que  l'im- 
portance des  évêques  était  généralement  proportionnée  à 
l'importance  de  la  ville  où  leur  siège  était  placé.  La  seconde 
appartient  au  même  ordre  de  faits,  et  résulte  de  l'établis- 
sement et  du  développement,  avec  ou  sans  ce  nom,  du 
régime  métropolitain  (V.  Métropole).  Le  VP  canon  du  con- 
cile de  Nicée  (325)  constate  que  le  pouvoir  de  l'évêque  de 
Rome  s'exerçait  déjà  sur  les  régions  sub urticaires,  et  il 
reconnaît  à  l'évêque  d'Alexandrie  un  pouvoir  analogue  sur 
l'Egypte,  la  Lybie  et  la  Pentapole.  Il  ajoute  que  les  droits 
et  les  privilèges  de  l'Eglise  d'Antioche  et  des  autres  Eglises 
seront  pareillement  conservés.  Les  régions  suburbicaires 
comprenaient  la  Campanie,  la  Toscane  avec  l'Ombrie,  le 
Picenum,  la  Sicile,  la  Calabre  avec  l'ApuHe,  la  Lucanie 
avec  le  Rrutium,  le  Sammium,  la  Sardaigne,  la  Corse,  la 
Valérie  ;  elles  ne  s'étendaient  pas  au  delà  du  golfe  de 
Spezia,  au   N.,  et  de  l'embouchure  du  Rubicon,  à  l'E., 
laissant  en  dehors  Aquilée,  Ravenne  et  Milan.  Telle  était 
aussi  la  circonscription  de  ce  qui  fut  appelé  le  Synode 
romain.  Le  texte  grec  du  VI®  canon  de  Nicée  ne  men- 
tionne nullement  la  primauté  du  siège  de  Rome;  mais  une 
copie  latine  portait  cette  addition  :  V Eglise  romaine  a 
toujours  eu  la  primauté.  L'interpolation  tut  signalée  au 
concile  de  Chalcédoine,  lors  de  la  lecture  du  texte,  à  la 
confusion  des  légats  romains  (Mansi,  Sacrosancta  con- 
cilia, t.  XX,  p.  168). 

Aux  causes  précédemment  indiquées  il  convient  d'ajouter, 
d'une  part,  la  propagation,  la  consolidation  de  la  légende 
de  Pierre  et  l'emploi  hardi  qu'en  firent  les  évêques  de 
Rome  ;  d'autre  part,  le  besoin  instinctif,  dès  que  le  chris- 
tianisme fut  devenu  la  rehgion  de  l'Etat,  de  faire  refléter 
dans  l'EgUse  l'image  de  l'Empire.  Dans  ces  conditions,  le 
siège  de  Rome  se  trouvait  naturellement  désigné  pour 
l'honneur  suprême.  Le  principe  de  l'appel  à  Rome,  en 
faveur  des  évêques,  même  contre  les  synodes  provinciaux, 
fut  admis  par  le  concile  de  Sardique  (347)  ;  mais  les  orien- 
taux ont  toujours  protesté  contre  ce  concile,  auquel  ils 
avaient  refusé  d'assister  (V.  Arianisme,  t.  III,  p.  892,  col.  2). 
L'Eglise  d'Afrique  réprouva  longtemps  et  énergiquement 
ce  qu'elle  nommait  les  appellations  d'outre-mer  (V.  Car- 
thage, concile  de  449,  t.  IX,  p.  611).  Persistant  dans  la  doc- 
trine de  Cyprien,  elle  décida  qu'aucun  primat  quelconque 
ne  pourrait  être  appelé  prince  des  prêtres,  ni  souverain 
pontife.  —  Le  canon  III  du  concile  œcuménique  de  Cons- 
tantinople  (381)  statua  que  l'éghse  de  cette  ville  aurait  la 
préséance  d'honneur,  xà  7rp£a6£Ta  t^ç  Ttfxyjç,  après  l'Eglise 
de  Rome.  En  résumé,  les  quatre  premiers  siècles  s'écou- 
lèrent sans  que  la  suprématie  effective  de  Rome  fût 
positivement  reconnue.  Saint  Jérôme  lui-même,  exposant  la 


ÉGLISE 


—  620  — 


nécessité  d'une  autorité  centrale  et^unigue,  la  montre  dans 
le  chef  de  chaque  subdivision  de  l'organisme  ecclésiastique, 
évéque,  archidiacre,  archiprêtre  ;  mais  il  ne  parle  point  de 
l'évêque  de  Rome  et  n'ose  point  l'indiquer  comme  le  chef 
de  l'Eglise  entière  (Ad  Rusticum),  TertuUien,  Cyprien, 
Lactance,  avaient  ignoré  les  droits  particuliers  de  l'évêque 
de  Rome  ;  ils  ne  parlent  jamais  d'un  droit  supérieur  c[ui 
lui  aurait  appartenu  en  matière  de  doctrine.  Chez  les  prin- 
cipaux écrivains  de  l'EgHse  grecque,  Eusèbe,  Athanase, 
Basile  le  Grand,  les  deux  Grégoire,  les  deux  Cyrille,  on  ne 
peut  trouver  un  seul  mot  sur  ces  privilèges  ;  non  plus 
chez  les  Latins  Hilaire,  Pacien,  Zenon,  Lucifer,  Sulpice, 
Ambroise.  Dans  sa  controverse  avec  les  donatistes,  Augustin 
se  tait  sur  la  nécessité  de  la  communion  avec  Rome  comme 
centre  de  l'unité,  argument  qui  aurait  été  d'une  valeur 
décisive.  Aucun  des  Pères  du  iv«  et  du  v^  siècle,  traitant 
exégétiquement  les  passages  de  l'Evangile  relatifs  à  Pierre 
(S.  Matthieu,  xvi,  18  ;  S.  Jean,  xxi,  18),  n'en  fait 
l'application  aux  évêques  de  Rome,  comme  successeurs  de 
Pierre. 

Dès  le  commencement  du  v®  siècle.  Innocent  I«'  s'ap- 
pliqua à  revendiquer  et  à  exercer  l'autorité  qu'il  préten- 
dait lui  appartenir,  à  titre  de  successeur  de  saint  Pierre. 
Il  fut  imité  par  ses  successeurs  et  dépassé  par  Léon  le 
Grand  (440-461).  Le  concile  œcuménique  de  Chalcé- 
doine  (451)  rappela  aux  évêques  de  Rome  que  leur  siège 
devait  la  préséance  qui^lui  avait  été  précédemment  reconnue 
à  la  situation  politique^  de  la  ville.  En  son  XXVÏII^  canon, 
il  déclara  que  «  le  Très-Saint  Siège  de  la  nouvelle  Rome 
(Constantinople)  devait  jouir  des  mêmes  privilèges  que 
celui  de  l'ancienne  Rome...  La  ville  honorée  de  la  couronne 
et  du  Sénat,  qui  jouit  des  mêmes  honneurs  que  l'ancienne 
Rome,  doit  être  glorifiée  dans  les  affaires  de  l'Eglise  autant 
qu'elle,  étant  la  première  après  elle.  »  (V.  Chalcédoine  [Con- 
ciles de],  t.  X,  p.  228).  Suivant  les  instructions  qu'ils  avaient 
reçues,  les  légats  protestèrent  à  Chalcédoine.  Léon  déclara 
ce  canon  nul  et  le  cassa.  Ses  successeurs  persistèrent  dans 
cette  opposition.  Néanmoins,  la  décision  du  concile,  qui 
conformait  la  condition  de  l'Eghse  à  celle  de  l'Empire  et 
qui  appliquait  aux  mêmes  situations  la  même  règle,  reçut 
son  entier  efiet.  Elle  a  déterminé  depuis  lors  le  régime  de 
l'Eglise  d'Orient,  en  même  temps  que  sa  conduite  et  sa 
doctrine  à  l'égard  des  prérogatives  de  Rome.  L'obstination 
des  papes'à  n'en  point'^' tenir  compte  fut  la  cause  originelle, 
la  cause  profonde  du  schisme  d'Orient  (V.  ce  mot). 

En  455,  Léon  le  Grand  obtint  de  Valentinien  III,  empe- 
reur d'Occident,  un  édit  qui  soumettait  absolument  à 
l'évêque  de  Rome  tous  les  évêques  de  son^Empire.  Cet  édit 
est  motivé  sur  le  canon  du  concile  de  Sardique  précédem- 
ment mentionné,  sur  l'importance  politique^de  Rome  et 
surtout  sur  les  prérogatives  de  saint  Pierre,  argument  favori 
de  Léon  ;  il  ordonne  aux  officiers  impériaux  de  con- 
traindre les  évêques  à  l'obéissance.  Mais  ces  officiers  auraient 
été  fort  empêchés,  s'ils  avaient  voulu  prêter  main-forte 
aux  prétentions  du  siège  romain.  L'empire  d'Occident  était 
disloqué  ;  les  Vandales  occupaient  l'Afrique,  les  Baléares, 
la  Sicile,  la  Corse,  la  Sardaigne  et  saccageaient  Rome  ;  les 
Wisigoths  tenaient  l'Espagne  et  le  midi  de  la  Gaule;  auprès 
d'eux,  les  Burgondes.  Tous  ces  conquérants  étaient  ariens. 
Les  Francs,  qui  se  trouvaient  dans  les  provinces  du  Nord, 
étaient  encore  païens.  La  Bretagne  était  abandonnée  depuis 
près  de  cinquante  ans.  D'ailleurs,  les  chrétiens  bretons^se 
considéraient  comme  absolument  indépendants  de  Rome. 
Ils  montrèrent  cette  indépendance  lorsque  Grégoire  P' 
envoya  chez  eux  des  missionnaires  pour  convertir  les 
Anglo-Saxons.  —  L'organisation  normale  des  Eghses  de 
ces  contrées  était  ce  que  nous  appellerons  l'organisation 
métropolitaine-synodale,  commune,  en  ses  traits  princi- 
paux, à  toutes  les  Eglises  de  la  chrétienté  ;  diversifiée,  en 
des  particularités  accessoires,  par  des  coutumes  locales.  Ses 
divisions  avaient  été  adaptées  à  celles  de  l'Empire.  Au  chef- 
lieu  de  chaque  province,  un  évêque,  qui  était  le  président 
des  autres  ;  lorsque  l'un  d'eux  mourait,  il  convoquait  les 


évêques  du  voisinage  pour  la  consécration  de  son  succes- 
seur ;  il  certifiait  aux  autres  Eglises  de  la  catholicité  la 
validité  de  l'élection  et  de  la  consécration,  et,  au  besoin, 
les  défendait  contre  les  contestants,  ce  qui  aboutit  au  droit 
de  confirmation.  Le  canon  IX  du  concile  d'Antioche,  tout 
en  réservant  les  droits  de  chaque  évêque  pour  les  matières 
concernant  exclusivement  son  diocèse,  exige  dans  toutes 
les  assemblées  délibérant  sur  des  questions  d'intérêt  géné- 
ral la  présence  du  métropolitain.  Celui-ci  présidait  les 
conciles  qui  devaient  se  tenir  deux  fois  par  an  pour  statuer 
sur  les  accusations  portées  contre  les  évêques,  et  sur  les 
appels  de  leurs  décisions  ;  il  veillait  à  l'exécution  des  réso- 
lutions. Lorsque  la  nécessité  en  apparaissait,  les  évêques  de 
plusieurs  provinces  et  même  tous  ceux  d'une  même  contrée 
se  réunissaient  en  des  conciles  que  dirigeait  l'un  de  leurs 
métropolitains.  Chaque  région  avait  certaines  ordonnances 
et  certains  usages  particuliers,  non  seulement  pour  l'admi- 
nistration et  la  discipline,  mais  aussi  pour  le  culte  et  la 
liturgie  (V.  Canon,  t.  IX,  p.  57,  col.  2).  Toutes,  d'ailleurs, 
professaient  un  religieux  attachement  à  la  tradition  catho- 
lique et  acceptaient  les  définitions  doctrinales  des  conciles 
œcuméniques. 

Ce  régime,  qui  suffisait  au  gouvernement  des  Eglises, 
ne  faisait  aucune  part  à  la  juridiction  des  évêques  de 
Rome.  Cependant  Hilaire,  successeur  de  Léon  (461-467), 
adressa  aux  évêques  de  la  Gaule  une  lettre  dans  laquelle  il 
exprimait  des  prétentions  impliquant  une  autorité,  non 
seulement  universelle,  mais  immédiate  (Thiel,  Rom,  pont. 
Epist.,  I,  141-146).  Les  évêques  de  Rome  avaient  déjà 
pour  eux  le  prestige  qui  entourait  le  nom  de  leur  ville, 
encore  plus  grand,  peut-être,  aux  yeux  des  barbares  qu'aux 
yeux  des  populations  latinisées  ;  la  recrudescence  du  senti- 
ment romain  et  cathoHque,  stimulé  par  le  ressentiment 
contre  les  conquérants  ariens  ;  la  succession  de  saint  Pierre, 
alors  généralement  admise  ;  par  conséquent,  le  caractère 
apostolique,  que  leur  siège  possédait  seul  en  Occident.  Ce 
titre  incontesté  leur  valait  d'être  consultés  sur  les  questions 
qui  ne  pouvaient  être  bien  résolues  qu'en  connaissance 
exacte  de  la  doctrine  et  de  la  coutume  apostoliques.  Leurs 
réponses  ont  reçu  le  nom  de  décrétâtes  (V.  ce  mot).  La 
plus  ancienne  ne  remonte  pas  au  delà  de  la  dernière  partie 
du  IV®  siècle.  A  ce  propos,  on  a  remarqué  que  les  évêques 
romains  des  quatre  premiers  siècles,  dont  les  successeurs 
se  prétendent  les  organes  suprêmes  et  infaillibles  du 
dogme,  ont  laissé  passer  les  nombreuses  occasions  que  leur 
offraient  les  hérésies  de  leur  temps,  sans  promulguer 
aucune  décision  définissant  la  foi  de  l'Eglise.  —  En  Orient, 
les  métropolitains  étaient  confirmés  et  consacrés  par  les 
exarques  ou  les  patriarches  ;  en  Occident,  ils  étaient  consa- 
crés par  les  autres  évêques  de  leur  province.  Lorsque  Rome 
voulut  exercer  le  pouvoir  patriarcal  sur  tout  l'Occident,  elle 
émit  la  prétention  de  sanctionner  la  nomination  des  métro- 
politains par  la  remise  du  pallium  (V.  ce  mot).  Dès  le 
VI®  siècle,  un  pape  (nous  donnerons  désormais  ce  titre  aux 
évêques  de  Rome,  quoiqu'il  semble  que  ce  fût  seulement  à 
la  fin  du  VI®  siècle  qu'il  leur  fut  attribué  exclusivement 
en  Occident  avec  la  signification  de  pater  patrum),  un 
pape  avait  envoyé  le  pallium  à  l'évêque  d  Arles  comme 
insigne  de  la  qualité  qu'il  lui  attribuait  de  vicaire  perpé- 
tuel du  saint-siège  dans  la  Gaule.  Grégoire  le  Grand  fit 
de  même  à  l'égard  de  certains  autres  métropolitains. 
Néanmoins  ceux-ci  n'étaient  point  obligés  d'attendre  le 
pallium  pour  exercer  leurs  fonctions.  Ce  fut  seulement 
au  concile  de  Francfort  (742)  que  Boniface,  légat  de 
Zacharie,  obtint  une  décision  obligeant  les  métropolitains 
à  solliciter  le  pallium  et  à  obéir  aux  ordres  légitimes  du 
pape.  Cette  exigence  fournit  plus  tard  l'occasion  d'imposer 
aux  métropolitains  une  promesse  d'obéissance,  que  Gré- 
goire VII  transforma  en  un  serment  formel  de  vassalité 
dont  les  termes  furent  empruntés  au  droit  féodal  séculier. 
Elle  devint  aussi  une  source  féconde  de  revenus  :  au 
XV®  siècle,  les  métropolitains  allemands  payaient  vingt 
mille  florins  pour  la  réception  du  pallium. 


Au  nom  de  Boniface  (V.  ce  nom),  apôtre  de  la  Ger- 
manie, que  nous  venons  de  mentionner,  doit  se  rattacher 
l'indication  de  deux  causes  qui  ont  puissamment  contribué 
à  développer  la  domination  des  papes  :  la  conversion  des 
peuples  restés  païens,  par  des  missionnaires  envoyés  de  Rome 
ou  s'y  rattachant,  et  l'alliance  de  la  papauté  avec  les  Caro- 
lingiens. Les  Eglises  formées  en  Germanie  par  Boniface  et 
ses  compagnons  avaient  été  organisées  en  vue  de  la  sou- 
mission au  siège  de  Rome.  Il  en  avait  été  de  même  de 
celles  qui  avaient  été  précédemment  fondées  chez  les  Anglo- 
Saxons  par  Augustin.  En  conquérant  une  partie  de  la  Ger- 
manie au  christianisme,  Boniface,  comme  on  l'a  dit,  avait 
travaillé  à  la  fois  pour  les  princes  austrasiens  et  pour 
l'Eglise  romaine.  D'autre  part,  ce  fut  Boniface  que  Zacharie 
chargea  de  sacrer  Pépin  roi  de  France.  La  réciprocité,  la 
communauté  d'intérêts  qui  devaient  unir  les  papes  et  les 
Carohngiens,  et  les  résultats  de  leur  alliance  relativement 
à  l'Eglise  et  à  l'Empire  sont  des  faits  trop  connus  pour  qu'il 
soit  nécessaire  de  les  exposer  ici.  Pour  deux  épisodes  fort 
instructifs  de  cette  histoire  et  qui  consistent  en  deux  faux 
célèbres  :  la  Lettre  de  saint  Pierre  aux  Francs  et  h  Dona- 
tion de  Constantin^  nous  renvoyons  au  dernier  de  ces  mots. 
— Pour  une  falsification  plus  célèbre  encore,  nous  renvoyons 
pareillement  aux  mots  Canon,  t.  IX,  pp.  62,63,  et  Décré- 
TALE,  t.  XIII,  pp.  1094,  i095.  Ce  n'est  point  sans  raison  que 
les  théologiens  et  les  canonistes  gallicans  ont  attribué  aux 
Fausses  Décrétâtes  l'origine  d'un  changement  profond, 
quelques-uns  même  disent  d'une  révolution,  dans  la  discipline 
et  le  gouvernement  des  Eglises  d'Occident.  Non  seulement 
elles  ajoutaient  à  la  primauté  des  papes  la  juridiction  univer- 
selle et  soumettaient  à  leur  arbitre  les  métropolitains  et  les 
conciles  particuliers,  mais  elles  montraient  le  siège  de  Rome 
possédant  et  exerçant,  dès  le  commencement  de  TEgHse,  les 
prérogatives  qu'elles  lui  adjugeaient  frauduleusement.  Les 
papes  étaient  restés  étrangers  à  la  fabrication  des  Fausses 
Décrétâtes^  mais  ils  s'empressèrent  d'en  profiter.  Dès  864, 
Nicolas  I^^  s'en  servit,  à  l'occasion  de  l'appel  de  Rothade, 
évêque  de  Soissons,  contre  Hincmar,  archevêque  de  Reims, 
pour  établir  qu'aucun  concile  ne  pouvait  se  réunir  sans 
l'assentiment  du  pape  :  innovation  manifeste,  car  les  nom- 
breux conciles  tenus  en  Gaule  et  en  France  depuis  le 
IV®  siècle  avaient  été  convoqués  sans  qu'on  se  fût  adressé 
à  Rome.  On  dit  même  que  Nicolas  prétendit  que  les  origi- 
naux des  Fausses  Décrétâtes  se  trouvaient  dans  les 
archives  romaines.  —  Jean  VIII  obtint  de  Charles  le  Chauve 
l'acceptation  des  canons  d'un  concile  tenu  à  Ravenne(877), 
décidant  que  désormais  l'investiture  des  métropolitains 
serait  soumise  à  l'approbation  pontificale. 

Après  avoir  amoindri  l'autorité  et  la  juridiction  des 
métropolitains,  les  papes  s'emparèrent  d'une  partie  de  la 
juridiction  de  tous  les  évêques  indistinctement,  en  s'appro- 
priant  certains  de  leurs  justiciables  et  certaines  de  leurs 
causes.  On  trouvera  aux  mots  Cas  réservés,  Causes 
MAJEURES,  Exemptions,  l'indication  des  faits  relatifs  à  cette 
entreprise.  A  part  quelques  cas  peu  importants,  intéressant 
spécialement  les  églises  d'Italie  ou  de  Germanie  directe- 
ment soumises  au  siège  de  Rome,  la  première  des  exemp- 
tions fut  établie  en  faveur  de  la  congrégation  de  Cluny 
(V.  Appellations  ecclésiastiques,  t.  III,  p.  417).  Des  pri- 
vilèges analogues  furent  accordés  successivement  à  toutes 
les  congrégations  ou  ordres  quelque  peu  considérables,  et 
même  à  des  chapitres  de  cathédrale.  Us  finirent  par 
s'étendre  sur  presque  tout  le  clergé  régulier,  dont  ils  firent 
une  milice  dévodée  aux  papes  et  qui  les  aida  puissamment 
dans  leurs  entreprises  contre  la  simonie  et  le  concubinage 
des  prêtres,  contre  les  princes  et  l'Empire,  contre  les 
évêques  et  les  Eglises  nationales.  —  De  1049  à  10o2, 
Léon  IX  présida  six  conciles  en  France,  en  Allemagne  et 
en  Italie.  L'un  d'eux,  tenu  à  Reims  (1049)  malgré  l'op- 
position du  roi  Henri  P^,  déclara  que  l'évêque  de  Rome 
est  le  primat  apostolique  de  l'Eghse  universelle.  Léon 
déposa  quelques  prélats  coupables  de  simonie  et  excom- 
munia ceux  qui  s'étaient  abstenus  d'assister  au  concile.  — 


—  621  —  ÉGLISE 

Sous  son  successeur,  Victor  II,  s'accompHt  définitivement, 
par  excommunication  réciproque  (1054),  le  schisme 
d'Orient  (V.  ce  mot).  En  conséquence,  l'Eglise  orientale 
resta  étrangère  aux  grands  conciles  du  moyen  âge,  tenus 
depuis  1123,  et  que  la  plupart  des  historiens  classent 
parmi  les  conciles  œcuméniques  (V.  Latran,  Lyon,  Vienne 
[Conciles  de].  Ces  assemblées  ne  furent  en  réalité  que  des 
conciles  généraux  de  l'Eglise  latine.  D'ailleurs,  leur  carac- 
tère diffère  profondément  de  celui  des  anciens  conciles 
œcuméniques.  Les  papes  s'en  servent  pour  associer  les 
Eglises  à  leur  cause  ;  mais  ils  les  convoquent  seuls  et  les 
réduisent  au  rôle  d'assemblées  consultatives.  Les  décisions 
sont  préparées  et  prises  par  eux  ;  le  concile  les  écoute,  et 
elles  sont  publiées,  sacro  approbante  concilio. 

D'après  les  idées  exprimées  par  Grégoire  VII  dans  ses 
lettres  et  résumées  dans  les  propositions  du  Dictatus 
Gregorii,  l'Eglise  romaine  n'a  jamais  erré  dans  le  passé; 
jamais  elle  n'errera  dans  l'avenir.  Le  pontife  romain, 
canoniquement  consacré,  devient  saint  par  le  mérite  de 
l'apôtre  Pierre,  dont  il  est  le  successeur.  Lui  seul  peut 
être  appelé  le  pontife  universel.  Il  ne  peut  être  jugé  par 
personne,  mais  il  juge  tous  les  autres,  et  nul  ne  peut 
appeler  de  sa  sentence.  Selon  la  nécessité  des  temps,  il 
peut  faire  des  lois  sur  l'organisation  ecclésiastique.  Il  peut 
déposer  et  transférer  tous  les  évêques  ;  lui  seul  le  peut. 
Ses  légats  ont  la  préséance  dans  les  conciles.  Aucun  con- 
cile n'est  œcuménique  s'il  n'est  convoqué  par  lui.  Celui 
qui  est  investi  de  ces  pouvoirs  dans  l'ordre  spirituel  doit, 
à  plus  forte  raison,  les  exercer  dans  le  domaine  temporel; 
il  peut  déposer  les  empereurs  et  les  rois,  et  délier  de  leur 
serment  de  fidélité  les  sujets  des  princes  qu'il  a  condamnés. 
—  Cette  doctrine  fut  juridiquement  hbellée  et  amplifiée 
par  Anselme  de  Lucques,  Bonizon  et  d'autres  canonistes 
grégoriens  de  ce  temps-là,  reproduisant  les  falsifications 
et  les  erreurs  de  fait  déjà  indiquées  et  en  ajoutant  d'autres. 
Gratien  les  dépassa  ;  il  écrit  que  «  la  sacrosainte  EgHse 
romaine  communique  le  droit  et  l'autorité  aux  canons, 
mais  qu'elle  n'est  point  liée  par  eux...  Ita  ergo  auctori- 
tatem  sacris  canonibus  prœstat,  ut  se  ipsam  non  sub- 
jiciat  eis.  Quand  les  papes  y  obéissent,  ils  font  comme 
Jésus,  qui  obéissait  à  la  loi,  tout  en  étant  et  en  restant  le 
maître  de  la  loi.  Nonnunquam  vero,  seu  jubendo,  seu 
definiendo^  seu  aliter  agendo,  se  decretorum  dominos 
et  conditores  ostendunt  (Causa  XXV ^  quœst.  i,  c,  11, 
12,  16).  On  sait  quelle  autorité  Gratien  exerçait.  Par  les 
soins  de  la  cour  de  Rome,  son  livre  devint  bientôt  le  code 
et  le  traité  juridique  de  l'Occident.  Toute  la  législation  des 
décrétâtes  de  1159  à  1320  est  édifiée  sur  \e  Decretum» 
Il  en  est  de  même  de  la  dogmatique  de  Thomas  d'Aquin 
sur  les  sujets  correspondants.  Du  reste,  toute  la  dogma- 
tique scolastique,  concernant  la  constitution  de  l'Eglise,  se 
soumettait  entièrement  à  la  jurisprudence.  —  Il  avait  suffi 
à  Grégoire  VII  et  à  Alexandre  III  d'être  appelés  vicaires 
de  saint  Pierre^  Innocent  III  dédaigna  d'être  le  vicaire  d'un 
simple  homme  :  il  se  qualifia  de  vicaire  de  Dieu  ou  de 
Jésus-Christ,  De  ce  titre,  des  glossateurs  déduisirent  que 
ce  que  fait  le  pape  est  fait  par  Dieu  lui-même.  Il  peut 
changer  la  nature  des  choses,  en  appliquant  aux  unes  les 
propriétés  substantielles  des  autres,  par  exemple,  changer 
l'injustice  en  justice.  Ce  qui  est  condamnable  de  la  part 
des  autres  hommes  ne  l'est  plus  si  l'auteur  est  le  pape  : 
«  En  cour  de  Rome,  il  n'y  a  point  de  simonie.  »  Il  a  le 
droit  de  donner  toute  espèce  de  dispenses  (V.  ce  mot)  ;  il 
peut  même  en  accorder  pour  des  infractions  futures.  — 
Dépassant  encore  Grégoire  VII  sur  un  autre  point,  Inno- 
cent III  posa  en  principe  que,  le  pape  seul  ayant  la  plé- 
nitude de  la  puissance^  tous  les  évêques  ne  sont  institués 
que  pour  expédier,  en  qualité  d'aides  ou  d'assistants,  la 
portion  des  affaires  qu'il  veut  bien  leur  confier.  Cette  pré- 
tention, qui  correspond  au  titre  &' évêque  universel^  abaisse 
tous  les  évêques  au  niveau  de  simples  serviteurs,  auxquels 
le  pape  communique  telle  portion  de  son  autorité  qu'il  juge 
convenable  ;  ils  ne  peuvent  pas  même  résigner  leurs  fonc- 


EGLISE 


-  6n 


lions  sans  être  déliés  par  lui  des  liens  qui  les  attachent  à 
leur  église.  Jean  XXII  en  vint  même  à  formuler  la  règle 
que  la  nomination  à  révêché  vacant  appartient  au  pape. 
Anciennement,  un  évêque  pouvait  se  démettre  de  son  office 
lorsque  sa  conscience  le  lui  conseillait  ;  cette  résignation 
avait  lieu  ordinairement  dans  les  conciles  provinciaux. 

Après  s'être  emparé  de  tout  le  spirituel  de  l'Eglise,  les 
papes  entreprirent  de  s'approprier  le  temporel  des  églises. 
Ils  avaient  commencé  par  pousser  au  partage  de  leurs 
biens  en  favorisant  la  constitution  distincte  des  bénéfices, 
puis  ils  en  envahirent  subrepticement  la  collation;  enfin, 
ils  s'en  déclarèrent  les  maîtres,  ainsi  que  de  tous  domaines 
ecclésiastiques  (V.  Biens  du  clergé  avant  la  Révolution, 
t.  VI,  p.  740  ;  Collation  des  bénéfices,  t.  XI,  p.  933  ; 
Dévolut,  Dévolution,  Indult,  Mois  du  pape,  Taxes).  Pour 
d'autres  mesures  fiscales,  V.  Annates,  Denier  de  Saint- 
Pierre,  Décimes,  Dispenses,  Indulgences.  Le  clergé  des 
Eglises  nationales  se  montra  plus  sensible  à  la  diminution 
de  ses  avantages  temporels  qu'à  celle  de  ses  prérogatives 
spirituelles.  En  plusieurs  pays,  notamment  en  France,  il 
sentit  le  besoin  de  s'associer  à  la  résistance  des  princes, 
menacés  ou  frappés  par  les  papes  dans  les  droits  de  leur 
souveraineté  temporelle  ou  dans  ceux  dont  ils  avaient 
acquis  la  possession  sur  les  choses  ou  les  affaires  de  leurs 
égHses.  Déjà,  les  empereurs  avaient  pu  réunir  des  conciles 
condamnant  et  déposant  le  pape  ;  ils  avaient  trouvé,  même 
dans  les  ordres  monastiques,  des  théologiens  pour  réfuter 
les  prétentions  de  Rome.  Cette  résistance  prit  un  caractère 
désisif  dans  la  lutte  entre  Philippe  le  Bel  et  Boniface  VIII 
(V.  ce  nom).  Ce  pape,  qui  avait  entrepris  d'appliquer,  en 
leurs  dernières  conséquences,  les  maximes  proclamées  à 
Rome  et  de  couronner  l'œuvre  de  Grégoire  VII  et  d'Inno- 
cent m,  en  imposant  à  tous  les  princes  chrétiens  sa  sou- 
veraineté absolue,  tant  dans  l'ordre  temporel  que  dans 
Tordre  spirituel,  fut  vaincu  ;  et  l'insuccès  de  ses  efforts, 
pour  porter  la  papauté  au  sommet  de  la  puissance,  la  pré- 
cipita dans  une  décadence  dont  elle  ne  s'est  jamais  relevée 
complètement.  Le  pontificat  qui  succéda  au  sien  ne  dura 
que  neuf  mois.  Il  y  eut  ensuite  un  interrègne  de  plus  de 
huit  mois  ;  puis  le  siège  apostolique  fut  transféré  en  France, 
où  il  resta  pendant  ces  soixante-huit  années  (1309-1377), 
qui  ont  été  appelées  la  Captivité  de  Bahilone  et  qui 
aboutirent  au  grand  schisme  d'Occident  :  4378-1429 
(V.  ce  mot). 

Le  schisme  de  la  papauté  obUgea  l'Eglise  à  chercher  un 
tribunal  supérieur,  qui  pût  juger  les  papes  rivaux. 
On  le  trouva  dans  le  concile  général,  juridiction  déjà 
réclamée  au  xiv®  siècle,  par  Philippe  le  Bel,  Louis  de 
Bavière  et  les  franciscains  rigides,  dans  leurs  conflits  avec 
Rome.  Un  concile,  convoqué  par  les  cardinaux  des  deux 
papes,  se  réunit  à  Pise  en  1409.  Il  s'y  trouva  vingt-deux 
cardinaux,  plus  de  deux  cents  archevêques  et  évêques 
assistant  en  personne  ou  représentés,  près  de  trois  cents 
abbés  et  prieurs,  les  généraux  des  ordres  mendiants,  les 
supérieurs  des  autres  congrégations  monastiques,  les  grands 
maîtres  des  ordres  chevaleresques,  les  députés  d'une  cen- 
taine de  chapitres  et  ceux  des  universités  françaises,  an- 
glaises, allemandes,  italiennes;  plus  de  trois  cents  docteurs 
en  théologie  ou  en  droit  canon,  les  ambassadeurs  des  rois 
et  des  princes.  Grégoire  XII  et  Benoît  XIII,  invités  à  com- 
paraître, protestèrent  et  s'abstinrent.  Le  concile,  stimulé 
par  un  mémoire  amplement  motivé  de  Gerson,D^  auferi- 
bilitate  papœ  ab  Ecclesia,  les  déposa  comme  hérétiques 
et  schismatiques,  coupables  de  crime  de  parjure,  scanda- 
lisant l'Eglise  de  Dieu  par  leur  obstination  manifeste 
.  (V.  Pise  [Concile  de]).  Alexandre  V  fut  élu  pour  les  rem- 
placer et  reconnu  par  les  Eglises  de  France,  d'Angleterre, 
d'Allemagne,  de  Portugal,  de  Bohême,  de  Hongrie,  de 
Pologne,  des  royaumes  du  Nord,  de  la  plus  grande  partie 
de  ritalie,  et  même  par  TEglise  de  Rome,  qui  reçut  comme 
légitime  Jean  XXIII,  son  successeur  immédiat. 

Cependant,  les  papes  déposés  conservaient  des  partisans, 
et,  d'autre  part,  Jean  XXIII  scandalisait  la  chrétienté  par 


ses  vices  et  s'aliénait  ses  adhérents  par  ses  exactions. 
L'Université  de  Paris,  l'empereur  Sigismond  et  la  grande 
majorité  des  catholiques  réclamèrent,  avec  une  insistance 
menaçante,  la  convocation  d'un  second  concile  général,  pour 
abolir  définitivement  le  schisme  et  pour  réformer  l'Eglise 
dans  son  chef  et  dans  ses  membres.  Jean  XXIII  se  résigna 
à  le  convoquer  à  Constance  (1414-1418).  Dès  sa  IV®  ses- 
sion (20  mars  1415)  ce  concile  décréta  qu'étant  un  «  con- 
cile général,  légitimement  assemblé  au  nom  du  Saint- 
Esprit,  il  représentait  l'Eglise  militante,  qui  a  reçu 
immédiatement  de  Jésus-Christ  une  puissance  à  laquelle 
toute  personne,  de  quelque  état  et  de  quelque  dignité  que 
ce  fût,  même  papale,  était  obligée  d'obéir  en  tout  ce  qui 
appartenait  à  la  foi,  à  l'extirpation  du  schisme  et  à  la 
réformation  de  l'Eglise  dans  son  chef  et  dans  ses  membres  ». 
Dans  sa  X®  session  (14  mai),  il  déclara  Jean  XXIII  con- 
tumax,  atteint  et  convaincu  de  soixante-dix  chefs  d'accu- 
sation, et  le  suspendit  de  toutes  ses  fonctions  de  pape  et 
de  toute  administration,  tant  spirituelle  que  temporelle. 
Dans  la  XIP  session  (29  mai),  ce  pape  fut  formellement 
déposé  «  comme  notoirement  simoniaque,  dissipateur  des 
droits  et  des  biens  de  l'Eglise  romaine  etdes  autres  Eglises, 
ayant  mal  administré  le  temporel  et  le  spirituel,  scandalisé 
le  peuple  chrétien  par  ses  mœurs  déréglées,  et  persévéré 
dans  cette  mauvaise  conduite,  de  manière  à  se  montrer 
incorrigible  ».  Il  fut  condamné  à  être  enfermé  sous  la  garde 
de  l'empereur  aussi  longtemps  que  le  concile  le  jugerait 
convenable.  Le  4  juil.  1415,  fut  reçue  et  approuvée  la 
renonciation  de  Grégoire  XII, présentée  par  son  mandataire, 
Charles  de  Malatesta,  seigneur  de  Rimini,  en  des  formes 
qui  revendiquaient  la  légitimité  antérieure  des  fonctions 
qu'il  abdiquait.  Le  concile  mit  cet  ex-pape  au  nombre  des 
cardinaux.  Benoît  XIII,  s'obstinant  à  résister,  fut  condamné 
dans  la  XXXVII®  session  (26  juil.  1417)  comme  parjure, 
ayant  scandalisé  l'EgUse  universelle,  fauteur  de  schisme  et 
de  division,  indigne  de  tout  titre;  en  conséquence,  déposé 
et  dégradé  de  tous  ses  offices  et  dignités.  Dans  la 
XXXIX®  session  (9  oct.  1417),  cinq  décrets.  Le  premier 
sur  la  nécessité  de  tenir  tous  les  dix  ans  des  conciles  pour 
prévenir  les  hérésies  et  les  schismes.  Le  second  regarde  les 
schismes  :  il  ordonne  que,  lorsqu'il  y  aura  deux  contendants 
à  la  papauté,  le  concile  se  tienne  l'année  suivante,  et  que 
les  contendants  soient  suspens  de  toute  administration  dès 
que  le  concile  sera  commencé.  La  troisième  règle  la  pro- 
fession de  foi  qui  devra  faire  le  pape  élu,  en  présence  des 
électeurs.  Dans  cette  profession  étaient  les  huit  premiers 
conciles  œcuméniques  :  Nicée,  Constantinople,  Ephèse, 
Chalcédoine,  Constantinople,  Constantinople,  Nicée,  Cons- 
tantinople; en  outre,  les  conciles  latins  de  Latran,  Lyon 
et  Vienne.  Le  quatrième  décret  défend  la  translation  des 
évêques  sans  une  extrême  nécessité,  et  prescrit  que  le  pape 
n'en  fasse  aucune  que  du  conseil  des  cardinaux  et  à  la 
plurahté  des  voix.  —  Dans  laXL®session  (30  oct.  1417), 
il  fut  décidé  que  le  nouveau  pape  ferait,  d'accord  avec  le 
comité,  une  réforme  sur  dix-huit  articles,  dont  le  trei- 
zième concerne  les  cas  dans  lesquels  on  peut  corriger  un 
pape  et  le  déposer  et  comment.  Pour  les  autres,  V. 
Constance  (Concile  de),  t.  XII,  p.  564.  Les  réformations 
ainsi  projetées  ne  furent  arrêtées  que  sur  quelques  articles  : 
exemptions,  dispenses,  simonie.  Pour  d'autres,  le  pape  fit 
des  concordats  particuliers,  mais  presque  identiques,  avec 
les  Français,  les  Anglais  et  les  Allemands.  —  Après  avoir 
délivré  l'Eglise  de  ses  trois  papes,  le  concile  avait  décrété 
la  nomination  d'un  autre,  qui  serait,  pour  cette  fois,  élu 
dans  un  conclave  comprenant  les  cardinaux  avec  adjonction 
de  six  prélats  ou  ecclésiastiques  de  chaque  nation  (fran- 
çaise, anglaise,  italienne,  allemande,  espagnole).  Le  4nov., 
Otto  Colonna  fut  élu  et  prit  le  nom  de  Martin  V.  Avant  de 
le  couronner,  il  fallut  le  sacrer  prêtre,  puis  évêque.  Entre 
la  XLII®  et  la  XLIIP  session,  il  publia  une  bulle  portant 
que  celui  qui  sera  suspect  d'hérésie,  devra  jurer  (ju'il  reçoit 
tous  les  conciles  généraux  et  en  particulier  celui  de  Cons- 
tance, représentant  l'Eglise  universelle,  et  que  tout  ce  que 


623  - 


EGLISE 


le  concile  a  approuvé  et  condamné  doit  être  approuvé  et 
condamné  par  tous  les  fidèles  (Labbe,  Sacrosancta  Con- 
cilia, t.  XII,  p.  258). 

Dans  la  XLIV®  session  de  Constance,  Martin  V  avait  fait 
lire  une  bulle  dans  laquelle,  pour  satisfaire  à  un  des  dé- 
crets précités,  il  désignait,  avec-le  consentement  des  pères, 
la  ville  de  Pavie  pour  la  tenue  du  prochain  concile,  cinq 
ans  après.  Ce  concile,  ouvert  à  Pavie,  fut  transféré  à 
Sienne,  à  cause  d'une  peste.  Il  eut  peu  d'assistants.  Les 
dangers  dont  l'Eglise  était  menacée  par  les  hussites  déci- 
dèrent Martin  V  à  convoquer  un  concile  général  pour  le 
mois  de  mars  1431 ,  dans  la  ville  de  Bâle.  Ce  pape  mourut 
avant  l'ouverture.  Son  successeur,  Eugène  IV,  élu  le  3  mars, 
jura  d'entreprendre  avec  le  concile  la  réforme  «  de  la  cour 
de  Rome  dans  son  chef  et  dans  ses  membres  »,  ainsi  que 
celle  «  de  l'Eglise,  quanta  la  foi,  la  vie  et  les  mœurs  ». 
La  première  session  générale  eut  lieu  le  14  déc.  1431. 
Dans  la  seconde  (15  févr.  1432),  le  concile  confirma  et 
renouvela  les  décrets  de  Constance  sur  la  convocation  et  la 
suprématie  des  conciles  généraux.  Il  les  dépassa  bientôt 
et  considérablement,  entreprenant  d'exercer  la  souverai- 
neté ecclésiastique  dans  toute  son  étendue  et  s'immisçant 
même  dans  le  gouvernement  des  possessions  du  pape.  Fina- 
lement (25  juin  1439),  il  déposa  Eugène  ÏV  et  élut  un 
antipape  (Félix  V),  qui  reçut  l'adhésion  empressée  de  la 
plupart  des  universités,  mais  qui  ne  fut  reconnu  que  par 
la  Savoie,  les  rois  d'Aragon  et  de  Hongrie,  les  ducs  de 
Bavière  et  d'Autriche  et  la  Confédération  suisse.  L'histoire 
de  ce  long  concile  (1431-1449),  qui  est  celle  d'un  conflit 
presque  incessant  avec  la  papauté,  tantôt  sourd,  tantôt 
éclatant,  est  résumée  au  mot  Bâle.  —  Avant  la  déposition 
d'Eugène  IV,  l'Eglise  et  le  royaume  de  France  avaient 
accuedli  avec  grande  faveur  les  décrets  du  concile.  Les  vingt- 
trois  articles  de  la  Pragmatique  sanction  de  Bourges  (V.  ce 
mot),  édictée  le  7  juil.  1438,  enregistrée  le  13  juil.  1349 
n'en  sont  guère  que  la  reproduction,  intégrale  pour  la 
plupart,  accommodée  pour  quelques  autres,  aux  temps, 
mœurs  et  personnes  du  royaume,  mais  avec  déclaration 
expresse  que  ces  modifications  n'avaient  point  pour  objet 
de  mettre  en  doute  la  puissance  du  concile.  Principales 
dispositions  :  I.  Les   conciles  généraux  seront    célébrés 
tous  les  dix  ans.  Le  pape,  de  l'avis  du  concile  finissant, 
désignera  le  lieu  de  l'autre  concile,  lequel  ne  pourra  être 
changé  que  pour  de  graves  raisons,  et  par  le  conseil  des 
cardinaux...  Cette  sainte  assemblée  tient  sa  puissance  im- 
médiatement de  Jésus-Christ.  Toute  personne,  même  de 
dignité  papale,  y  est  soumise...  Tous  doivent  y  obéir,  même 
le  pape,  qui  est  punissable,  s'il  y  contrevient...  Le  con- 
cile ne  peut  être  dissous,  ni  transféré,  ni  prorogé,  par  per- 
sonne, pas  même  par  le  pape,  sans  le  consentement  des 
pères.  II.  Il  sera  pourvu  aux  dignités  des  églises  cathé- 
drales, collégiales  et  monastiques,  par  voie  d'élection  ;  le 
pape,  au  jour  de  son  exaltation,  jurera  d'observer  ce  dé- 
cret... m.  Toutes  réserves  de  bénéfices,  tant  générales  que 
particulières,  sont  abolies  (sauf  quelques  exceptions  spéci- 
fiées dans  la  Pragmatique).  IV.  Les  expectatives  faisant 
souhaiter  la  mort  d'autrui  et  donnant  lieu  à  une  infinité  de 
procès,  les  papes  n'en  accorderont  plus  dans  la  suite  (sauf 
certaines  exceptions  spécifiées).  V.  Toutes  les  causes  ecclé- 
siastiques des  provinces  à  quatre  journées  de  Rome  seront 
terminées  dans  le  lieu  même,  hors  les  causes  majeures  et 
des  églises  qui  dépendent  immédiatement  du  Saint-Siège. 
Dans  les  appels,  on  gardera  l'ordre  des  tribunaux  ;  jamais 
on  n'appellera  au  pape,  sans  passer  auparavant  par  le  tri- 
bunal intermédiaire.  IX.  On  n'exigera  plus  rien,  soit  en 
cour    de  Rome,  soit  ailleurs,  pour  la  confirmation  des 
élections,  ni  pour  toute  autre  disposition  en  matière  de 
bénéfices,  d'ordres,  de  bénédictions,  de  droits  de  pal- 
lium;  et  cela  sous  quelque  prétexte  que  ce  soit,  de  bulles, 
de  sceau,  d'annates,  de  menus  services,  de  premiers  fruits 
et  de  déports.  On  se  contentera  de  donner  un  salaire  con- 
venable aux  scribes,  secrétaires  et  copistes  des  expéditions. 
Si  quelqu'un  contrevient  à  ce  décret,  il  sera  soumis  aux 


peines  portées  contre  les  simoniaques.  Si  le  pape  venait  à 
scandaliser  l'Eglise  en  se  permettant  quelque  chose  contre 
cette  ordonnance,  il  faudra  le  déférer  au  concile  général. 
XXIU.  Conclusion  de  l'Eglise  gallicane  pour  la  réception 
des  décrets  de  Bâle,  avec  les  modifications  apportées.  Les 
évêques  prient  le  roi  d'accepter  tout  ce  corps  de  discipline, 
de  le  faire  publier  dans  son  royaume  et  d'obliger  les  ofli- 
ciers  de  son  parlement  et  des  autres  tribunaux  à  s'y  con- 
former ponctuellement. 

Les  décrets  reproduits  parla  Pragmatique,  à  l'exception 
de  deux,  les  plus  modérés  (De  collationibus  et  De  causis), 
édictés  après  la  rupture  définitive,  avaient  été  implicite- 
ment approuvés  par  Eugène  IV,  en  conséquence  d'un  accord 
qu'il  avait  fait  avec  le  concile.  Mais  en  réalité,  ils  renver- 
saient l'édifice  élevé  par  la  papauté  avec  tant  de  hardiesse, 
d'habileté  et  de  persévérance.  Ruinant  tout  leur  système 
gouvernemental  et  financier,  ils  ne  laissaient  guère  aux 
papes  qu'une  primauté  subordonnée  et  une  juridiction  loin- 
taine et  gratuite.  Ils  laissaient  aussi  fort  peu  de  chose  aux 
princes.  Les  papes  et  les  princes  s'entendirent  pour  re- 
prendre et  partager  ensemble  ce  que  l'œuvre  de  Bâle  avait 
rendu  à  l'Eglise  et  aux  Eglises  (V.  Concordat,  Election, 
Etat,  §  Etat  et  Eglise,  Pragmatique-sanction).  Néanmoins, 
plusieurs  Eglises,  notamment  celle  de  France,  restèrent 
longtemps  attachées  fermement  aux  maximes  fondamentales 
énoncées  à  Constance,  dans  le  décret  relatif  à  la  suprématie 
des  conciles  généraux  (V.  Déclaration  du  clergé.  Gallica- 
nisme). —  D'autre  part,  les  exactions  des  papes,  la  récla- 
mation faite  par  eux  aux  Anglais  de  trente-trois  années 
arriérées  du  tribut  auquel  ils  prétendaient  sur  leur  pays, 
l'ébranlement  occasionné  par  le  schisme,  et  vraisemblable- 
ment aussi,  les  mœurs  du  clergé,  les  abus  entachant  cer- 
taines institutions,  certaines  doctrines  et  certaines  pra- 
tiques, avaient  provoqué  des  soulèvements  de  pensée  et  de 
conscience,  des  prédications  et  des  écrits  attaquant  non 
seulement  la  papauté,  mais  toute  la  conduite  et  toute  la 
hiérarchie  de  l'Eglise,  et  réclamant  le  retour  au  christia- 
nisme primitif,  dans  la  doctrine,  la  constitution  et  le  culte. 
Ces  premiers  mouvements  furent  violemment  réprimés.  Le 
concile  de  Constance  ordonna  de  brûler  les  écrits  et  les 
ossements  déterrés  de  Wiclef,  et  lui-même  fit  brûler  Jean 
Huss  et  Jérôme  de  Prague  ;  les  lollards  furent  exterminés 
en  Angleterre  et  les  hussites  comprimés  en  Bohême.  Mais 
les  aventures  politiques  des  papes,  et  des  pontificats  tels 
que  celui  d'Alexandre  VI,  ne  pouvaient  relever  le  prestige 
de  l'Eglise,  dont  la  plus  haute  représentation  était  la  pa- 
pauté. Précisément  au  moment  où  Léon  X  venait  de  con- 
clure avec  François  P^  le  concordat  qui  les  débarrassait  de 
la  Pragmatique  sanction,  la  protestation  de  Luther  contre 
le  trafic  des  indulgences  émises  par  le  pape  commença  une 
révolution  qui  devait  enlever  à  l'Eglise  catholique  romaine 
plusieurs  contrées  de  l'Europe  et  peupler  d'adversaires  les 
meilleures  parties  du  monde  nouvellement  découvertes 
(V.  Protestantisme,  Réformation). 

Vers  le  même  temps,  se  formait  un  ordre  nouveau,  qui 
devint  bientôt  une  puissance  dans  le  monde  et  dans  l'Eglise 
et  qui  contribua  singulièrement  à  arrêter  les  progrès  du 
protestantisme,  la  Société  de  Jésus,  vouée  à  la  proclama- 
tion de  l'infaillibilité  et  au  service  de  la  souveraineté  absolue 
du  pape.  Le  succès  définitif  de  cette  partie  de  son  œuvre 
se  fit  longtemps  attendre.  Le  concile  de  Trente  n'arrêta 
aucun  canon  décisif  sur  l'autorité  suprême  dans  l'Eglise, 
le  pape  et  les  prélats  devant  s'unir  pour  résister  à  l'en- 
nemi commun  et  écarter  toutes  les  questions  qui  pouvaient 
les  diviser.  En  France,  les  rois,  le  clergé  et  les  parlements 
persistèrent  à  affirmer  et  à  défendre  contre  les  papes  les 
libertés  de  l'Eglise  gallicane.  Leurs  maximes  prévalurent 
dans  toutes  les  monarchies  appartenant  à  la  maison  de 
Bourbon;  elles  furent  dépassées  en  Allemagne  (V.  Ems 
[Ponctations  de],  Fébronianisme,  Joséphisme),  en  Toscane, 
à  Venise  et  en  Portugal.  L'ordre  des  jésuites  fut  supprimé 
par  le  pape  lui-même.  A  la  fin  du  xviii®  siècle,  la  cause  de 
,  la  suprématie  plénière  de  la  papauté  semblait  perdue.  Elle 


ÉGLISE 


—  624  — 


fut  sauvée  par  les  changements  que  la  Révolution  amena 
en  France  et  en  plusieurs  autres  contrées  dans  le  régime 
des  églises.  Dépouillé  de  la  totalité  ou  de  la  plus  grande 
partie  de  ses  biens,  exclu  de  la  participation  directe  aux 
affaires  publiques,  le  clergé  n'avait  plus  à  défendre  les 
droits  de  l'Etat  ou  son  propre  patrimoine  contre  les  entre- 
prise de  Rome.D'ailleurs,  en  perdant  les  assemblées  où  ses 
députés  se  réunissaient  périodiquement,  il  avait  perdu  son 
centre,  sa  cohésion,  sa  représentation,  en  quelque  sorte, 
une  partie  de  sa  taille.  Il  se  trouvait  composé  de  fonction- 
naires plus  ou  moins  isolés,  salariés  sur  le  budget  et  recru- 
tés d'ordinaire  dans  des  familles  fort  humbles.  Dans  ces 
conditions,  il  était  naturellement  induit  à  chercher  le 
prestige  du  lointain,  à  tirer  du  dehors  le  lustre  qui  lui  fai- 
sait défaut  au  dedans  et  à  demander  à  l'Eglise  de  Rome  ce 
qui  manquait  à  l'Eglise  de  sa  nation.  D'autre  part,  entouré 
de  sceptiques  ou  d'adversaires,  il  devenait  dangereux  pour 
lui  de  prolonger  l'incertitude  ou  de  continuer  le  débat  sur 
la  question  de  l'autorité  suprême  ;  et,  puisqu'il  fallait  opter, 
il  était  expédient  de  se  rallier  à  la  doctrine  du  plus  obstmé, 
laquelle,  d'ailleurs,  rehausse  l'Eglise,  dans  son  représen- 
tant le  plus  en  vue. 

Le  48  juil.  1870  fut  décrétée,  dans  le  concile  du 
Vatican,  la  constitution  Pastor  JEternus^  qui  consacre 
toutes  les  prétentions  de  la  papauté.  En  voici,  littérale- 
ment extraites,  les  principales  dispositions  :  «  Tous  les 
fidèles  sont  obligés  de  croire  que  le  Saint-Siège  Aposto- 
lique et  le  Pontife  romain  ont  la  primauté  sur  le  monde 
entier  ;  que  le  même  Pontife  romain  est  le  successeur  du 
bienheureux  Pierre,  prince  des  Apôtres,  le  vrai  Vicaire  de 
Jésus-Christ,  le  chefde  toute  l'Eglise,  le  père  et  le  docteur 
de  tous  les  chrétiens,  et  qu'à  lui  a  été  confié,  par  Notre- 
Seigneur  Jésus-Christ,  le  plein  pouvoir  de  paître,  de  régir 
et  de  gouverner  l'Eglise  universelle...  —  L'Eglise  ro- 
maine, par  une  disposition  divine,  a  la  principauté  de 
pouvoir  ordinaire  sur  toutes  les  autres  Eglises.  Ce  pouvoir  de 
juridiction  du  Pontife  romain,  pouvoir  vraiment  épiscopal, 
estimmédiat.  Les  pasteurs  et  les  fidèles,  chacun  et  tous,  quels 
que  soient  leur  rite  et  leur  dignité,  lui  sont  assujettis  par  le 
devoir  de  la  subordination  hiérarchique  et  d'une  vraie  obéis- 
sance, non  seulement  dans  les  choses  qui  concernent  la 
foi  et  les  mœurs,  mais  aussi  dans  celles  qui  appartiennent  à 
la  discipline  et  au  gouvernement  de  l'Eghse  répandue  dans 
l'univers...  —  De  ce  pouvoir  suprême  du  Pontife  romain 
de  gouverner  l'Eglise  universelle  résulte  pour  lui  le  droit 
de  communiquer  librement,  dans  l'exercice  de  sa  charge, 
avec  les  pasteurs  et  les  troupeaux  de  l'Eglise...  En  consé- 
quence, sont  condamnées  et  réprouvées  les  maximes  de 
ceux  qui  prétendent  que  cette  communication  du  chef  su- 
prême avec  les  pasteurs  et  les  troupeaux  peut  être  légiti- 
mement empêchée  ou  qui  la  tout  dépendre  du  pouvoir 
séculier...  —  Le  Pontife  romain  est  le  juge  suprême 
des  fidèles  :  on  peut  recourir  à  son  jugement  dans  toutes 
les  causes  qui  sont  de  la  compétence  ecclésiastique.  Au 
contraire,  le  jugement  du  siège  apostolique,  au-dessus 
duquel  il  n'y  a  point  d'autorité,  ne  peut  être  réformé  par 
personne  ;  il  n'est  permis  à  personne  de  juger  son  juge- 
ment. Ceux-là  donc  dévient  du  droit  chemin  de  la  vérité, 
qui  affirment  qu'il  est  permis  d'appeler  des  jugements  des 
Souverains  Pontifes  au  Concile  œcuménique,  comme  à  une 
autorité  supérieure  au  Pontife  romain...  —  Le  Pon- 
tife romain,  lorsqu'il  parle  ex  cathedra^  c.-à-d.  lorsque 
remplissant  la  charge  de  pasteur  et  de  docteur  de  tous  les 
chrétiens,  en  vertu  de  sa  suprême  autorité  apostolique,  il 
définit  qu'une  doctrine  sur  la  foi  ou  les  mœurs  doit  être 
crue  par  l'Eglise  universelle,  jouit  pleinement,  par  l'assis- 
tance qui  lui  a  été  promise  dans  la  personne  du  bienheu- 
reux Pierre,  de  cette  infaillibilité  dont  le  divin  Rédempteur 
a  voulu  que  son  Eglise  fût  pourvue  en  définissant  la  doc- 
trine touchant  la  foi  et  les  mœurs.  Par  conséquent,  de 
telles  définitions  du  Pontife  romain  sont  irréformables  d'elles- 
mêmes,  et  non  en  vertu  du  consentement  de  l'Eglise.  Que 
si  quelqu'un,    ce  qu'à  Dieu  ne  plaise,   avait  la  témé- 


rité de  contredire  cette  définition,  qu'il  soit  anathème.  » 
—  Ces  décisions  transforment  en  hérésies  posthumes  les 
affirmations  de  beaucoup  de  docteurs  longtemps  vénérés, 
et  en  hérésie  permanente  la  doctrine  de  toute  l'Eglise 
orientale-orthodoxe.  Il  est  vraisemblable  qu'elles  ont  élevé 
entre  cette  Eglise  et  l'Eglise  latine  une  barrière  infran- 
chissable. —  Aux  mots  Câthéchèse,  t.  IX,  p.  822,  col.  2  ; 
Liturgie,  on  trouvera  des  indications  sur  ce  qui  a  été 
fait  et  s'achève  pour  compléter  l'unité  par  l'uniformité  et 
remplacer  les  catéchismes  diocésains  et  le  rit  local  par  un 
catéchisme  unique  et  le  rit  romain. 

D'après  les  statistiques  les  plus  récentes,  mais  encore 
plus  ou  moins  conjecturales,  la  totalité  des  chrétiens  serait 
ainsi  répartie  :  Catholiques  romains  ou  unis  à  l'Eglise  de 
Rome,  217,000,000;  Protestants,  429,000,000;  Orien- 
taux schismatiques,  420,000,000;  Abyssins  monophy- 
sites,  4,000,000  ;  Arméniens  grégoriens  (monophysites), 
2,000,000;  Coptes  monophysites,  450,000;  Nestoriens 
non  réunis,  400,000.  Le  développement  rapide  des  nations 
protestantes  et  de  l'empire  russe  modifie  fort  sensiblement, 
d'année  en  année,  les  proportions  réciproques  de  ces 
diverses  parties  de  la  chrétienté.  —  Cette  notice,  étant 
principalement  affectée  à  l'histoire  de  la  formation  et  de 
la  constitution  spécifique  de  l'Eglise  catholique  romaine, 
omet  plusieurs  choses  qu'on  cherche  parfois  au  nom  de 
cette  Eglise.  On  en  trouvera  la  plupart  dans  les  notices 
suivantes  :  Canon  (Droit),  Cardinal,  Célibat,  Chasteté 
(Vœu  de).  Dogme,  Election,  Etat,  §  Etat  et  Eglise^ 
EvÊQUE,  Gallicanisme,  Hérésie,  Hiérarchie,  Infaillibi- 
lité, Liberté  de  conscience.  Liberté  des  cultes,  Liturgie, 
Ordres  religieux.  Pape,  Persécution,  Protestantisme, 
§  Protestantisme  et  Catholicisme^  Réformation,  Sacre- 
ment ,  Syllabus  ,  Synodes  ,  Ultramontanisme  ,  Vatican 
(Concile  du).  —  Pour  la  bibliographie^  V.  les  notices 
qui  viennent  d'être  indiquées  et  toutes  celles  auxquelles 
des  renvois  sont  faits  dans  le  présent  article,  et  Histoire 
ecclésiastique  E.-H.  Vollet. 

ÉGLISE  d'Afrique.  On  comprend  sous  ce  titre  l'Eglise 
de  l'Afrique  proprie  dicta  ^  suivant  le  terme  romain 
(V.  Afrique,  1. 1,  p.  752).  L'importance  et  le  caractère  de 
cette  province  ecclésiastique  ont  été  indiqués  à  l'art.  Car- 
thage  (t.  IX,  p.  640).  Il  s'agit  de  tracer  ici  le  cadre  his- 
torique général  qui  embrasse  les  principaux  épisodes  des  an- 
nales de  l'Eghse  africaine.  Les  renvois  aux  articles  spéciaux 
seront  faits  à  leur  place.  —  Les  origines  du  christianisme 
dans  l'Afrique  romaine  sont  obscures  ;  mais,  en  l'absence 
de  documents,  des  conjectures  sérieuses  élèvent  à  un  haut 
degré  de  probabilité  l'opinion  qui  fait  passer  le  christianisme 
de  Rome  à  Carthage.  Les  débuts  de  ce  mouvement  remon- 
tent peut-être  au  dernier  tiers  du  i^^  siècle.  Les  pre- 
miers documents  historiques  sur  le  christianisme  africain 
sont  des  Actes  de  martyrs  :  des  chrétiens  de  Scili 
(V.  ce  mot)  furent  exécutés  à  Carthage  en  180  ;  d'autres 
périrent  vers  la  même  époque  à  Madaure,  en  Numidie.  Peu 
après,  les  écrits  de  Tertullien  (V.  ce  nom)  jettent  une 
vive  lumière  sur  le  caractère,  la  force  numérique  et  la 
puissance  du  christianisme  africain  aux  environs  de  l'an 
200.  La  réaction  connue  sous  le  nom  de  montanisme 
(V.  ce  mot),  qui  protestait  au  nom  de  l'enthousiasme  pri- 
mitif contre  la  réglementation  administrative  de  l'Eglise 
chrétienne,  commençait  à  se  faire  sentir  alors  en  Afrique 
(V.  Perpétue  [Sainte]).  Tertullien  prit  lui-même  parti  pour 
les  montanistes  vers  206.  On  peut  juger  de  l'étendue  de 
l'Eglise  vers  220,  en  notant  qu'un  concile  réuni  alors  à  Car- 
thage par  A grippinus  comptait  soixante-dix  évêques  présents. 
—  Deuxième  période.  La  génération  qui  vécut  en  Afrique 
entre  220  et  250,  put  librement  professer  et  propager  le 
christianisme;  mais,  en  250,  l'édit  de  Dèce  déchaîna  la 
persécution  (V.  ce  mot)  contre  les  chrétiens  africains.  Les 
défections  furent  nombreuses  ;  les  difficultés  causées  par 
la  réadmission  des  renégats  donnèrent  naissance  au  schisme 
de  Felicissimus  (V.  ce  nom  et  l'art.  No vatiens).  Les  écrits 
de  saint  Cyprien  (V.  ce  nom,  t.  XIH,  p.  709),  en  parti- 


625 


culier  ses  lettres,  dessinent  clairement  la  situation  ecclé- 
siastique durant  Fépiscopat  de  ce  prélat  (248-258).  Au 
concile  assemblé  àCarthage  en  256,  on  vit  quatre-vingt- 
sept  évoques,  dont  environ  cinquante  de  l'Afrique  procon- 
sulaire, une  trentaine  de  la  Numidie  et  quelques-uns  de  la 
Maurétanie.  Après  cela,  quarante  années  de  paix  agran- 
dirent l'ère  géographique  du  christianisme  en  Afrique  et 
affaiblirent  son  énergie  spirituelle.  Les  édits  de  Diocîétien 
(303)  furent  exécutés  avec  une  certaine  mollesse  en  Afrique 
et  pendant  deux  ans  seulement.  Cependant  le  trouble  créé 
par  cette  persécution  fut  suivi  d'un  schisme  dont  l'origine 
est  caractéristique  et  dont  le  développement  fut  décisif 
pour  l'histoire  ultérieure  de  l'Afrique  chrétienne  (V.  Dona- 
TisME,  t.  XIV,  pp.  901-903).  Les  péripéties  de  cette  lutte 
ecclésiastique  occupent  plus  d'un  siècle  ;  et  il  se  fit,  pen- 
dant ces  querelles,  une  polarisation  de  plus  en  plus  visible  de 
deux  éléments  hostiles,  celui  des  indigènes  et  celui  des  immi- 
grés. La  personnalité  de  saint  Augustin  (V.  ce  nom,  t.  IV, 
p.  663),  évêque  d'Hippone  de  395  à  430,  marque  l'apogée 
du  christianisme  en  Afrique.  La  conférence  de  441  réunit 
à  Carthage  deux  cent  quatre-vingt-six  évêques  oificiels  et 
deux  cent  soixante-dix-neuf  évêques  donatistes.  Toutefois, 
on  découvre  aisément  dans  ces  rivalités  des  germes  de  ma- 
ladie qui  préparent  l'affaiblissement  et  la  disparition  de 
l'Eglise  africaine  au  vn^  siècle  (V.  encore  Mmucius  F. ,  Arnobe 
[t.  III,  p.  1071],  P.  Orose).  —  Troisième  période.  Saint 
Augustin  mourut  (430)  pendant  que  les  Vandales  assié- 
geaient Hippone.  L'irruption  de  ces  Germains,  qui  avaient 
accepté  le  christianisme  sous  sa  forme  arienne  (V.  Arianisme, 
t.  III,  p.  894)  introduit  comme  une  sorte  de  grande  paren- 
thèse dans  l'histoire  africaine.  Dès  leur  entrée  en  Afrique 
(429),  ces  chrétiens  ariens  persécutèrent  les  chrétiens  catho- 
liques au  même  titre  que  les  donatistes,  sauf  ceux  d'entre 
ces  derniers  qui,  avec  le  gros  de  la  population  indigène,  firent 
cause  commune  avec  les  envahisseurs.  Victor  de  Vite  (V.  ce 
nom)  raconte  l'histoire  de  cette  période  en  témoin  oculaire. 
Les  règnes  de  Genserich  (mort  en  477)  et  de  Hunerich  (mort 
en  486)  ne  furent  qu'une  longue  et  cruelle  persécution. 
Une  grande  conférence  convoquée  par  le  roi  à  Carthage  en 
484  réunit  quatre  cent  soixante  et  un  évêques,  dont  quatre- 
vingts  périrent  pendant  la  conférence,  par  suite  des  sévices 
qu'on  leur  fit  subir  ;  quarante-six  furent  exilés  en  Corse, 
plus  de  trois  cents  chassés  dans  le  désert,  vingt-huit  réus- 
sirent à  échapper  à  leurs  persécuteurs  et  à  se  réfugier 
sur  les  côtes  septentrionales  de  la  Méditerranée.  Comme 
il  y  avait  alors  seize  sièges  vacants,  on  voit  que  le  nombre 
des  diocèses  africains  était  de  quatre  cent  soixante-dix-sept. 
La  victoire  que  le  général  de  Justinien,  Bélisaire  (V.  ce 
nom),  remporta  à  Tricaméron,  en  533,  mit  fin  à  la  domi- 
nation des  Vandales.  Un  synode  composé  de  deux  cent  dix- 
sept  évêques,  sous  la  présidence  de  l'archevêque  Reparatus 
de  Carthage,  réorganisa,  en  535,  l'Eglise  catholique.  Les 
rébelhons  incessantes  des  Berbers,  les  troubles  politiques, 
les  subtilités  théologiques  de  Constantinople  compliquées 
encore  par  des  intrigues  de  cour  ne  permirent  pas  à  l'Eglise 
d'Afrique  de  se  raffermir.  La  Johannide  de  Corippus  (V.  ce 
nom,  t.  XII,  p.  972)  peut  donner  une  idée  de  ce  que  fut 
la  prétendue  restauration  byzantine  en  Afrique.  Quand 
l'Islam,  jeune  et  enthousiaste,  apparut  à  l'horizon,  le  sort 
de  l'Eglise  d'Afrique  était  facile  à  prévoir.  Le  patrice  Gré- 
goire, qui  s'était  rendu  indépendant  de  Byzance,  fut  vaincu 
en  648  dans  la  Tripolitaine,  par  Abdalla-ibn-Sâd  ;  en  670, 
Sidi  Okba  courut  jusqu'à  l'Atlantique,  puis  fonda  Kairouan, 
la  future  ville  sainte  ;  la  destruction  de  ce  qui  restait  de 
Carthage,  en  699,  fut  le  signal  du  départ  vers  l'Europe 
des  immigrés  cathohques  qui  étaient  encore  en  Afrique.  Le 
christianisme  des  indigènes  s'éteignit  assez  rapidement  et 
sans  qu'il  y  eût  besoin  de   persécutions  (V.   encore  Ful- 
GENGE  de  Ruspe,  Fulgenge  Ferrand,  Fagundus  d'Hermiane, 
Liber ATus  de  Carthage).  F.-H.Kruger. 

BiBL.  :  Im.  ScHELSTRATE,  Ecclesia  Africana,  sub  pynmatu 

Carthaginiensi  ;  Paris,  1679.  —  M.   Leydecker,  Historia 

eccl.  Afric.  illusirata;    Utrecht,  1690.  —  I.-A.    Sanchez, 

Historia  eccl.  A /"rie.;  Madrid,  1784.  — A.  Morcelli,  A/*rica 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.  —  XV. 


EGLISE 

christiana;  Brescia,  1816,  3  vol.  in-4.  —  F.  Mûnter  Pri^ 
mordia  eccles.  Afric;  fcopenhague,  1829,  in-4.  -  J -B 
tiossi, UeChristianis  titulis  Car thaginiensibus,  dans  Svi- 
cilegium  Solesmense  ;  Paris,  1858,  éd.  D.  Pitra,  t  IV  p  497 
-  Menden,  Nordafrik.  Kirche;  Mûnstereifel,  1876. 

^  ÉGLISE  GRECQUE  ou  orientale-orthodoxe.  Cette  Eglise 
n  est  autre  que  l'ancienne  Eglise  chrétienne  d'Orient,  sé- 
parée définitivement  de  l'Eglise  romaine,  à  la  suite  des 
asathèmes  lancés  par  le  pape  Léon  IX  contre  Michel  Ceru- 
larius,  patriarche  de  Constantinople  (16  juil.  1054).  Elle 
comprend  les  débris  des  anciens  patriarchats  de  Byzance, 
d'Antioche,  d'Alexandrie  et  de  Jérusalem,  soumis  à  la  do- 
mination turque  ;  et  d'elle,  comme  métropole,  sont  issues  les 
églises  orthodoxes  de  Grèce,  deBulgarie,  de  Roumanie  et  de 
Serbie,  de  Géorgie  et  de  Russie,  ainsi  que  les  Raitzen,  ou 
Grecs  orthodoxes  de  l'Autriche-Hongrie. 

Caractères  distingtifs.—  1°  En  dogmatique,  Aristote 
avait  déjà  remarqué  qu'autant  l'Oriental  se  plaît  à  la  «  méta- 
physique, autant  les  Occidentaux  se  plaisent  à  la  morale». 
En  effet,  ce  qui  distingue  de  prime  abord  l'Eglise  orientale  de 
l'Eglise  romaine,  c'est  une  tendance  spéculative  très  forte, 
le  goût  des  subtihtés  dialectiques  et  des  discussions  théolo- 
giques :  toutes  les  grandes  controverses  dogmatiques  sont 
nées  chez  les  Grecs.  Seulement,  tandis  qu'en  Occident 
l'évolution  dogmatique  s'est  poursuivie  à  travers  la  sco- 
lastique  du  moyen  âge  et  dure  encore,  en  Orient  la  vie 
des  dogmes  s'est  pour  ainsi  dire  figée  à  la  fin  du  vn«  siècle, 
après  la  controverse  monothélite.  Le  symbole  de  la  foi 
orthodoxe,  que  professent  encore  aujourd'hui  Grecs  et 
Russes,  fut  complètement  achevé  par  le  concile  de  Nicée 
et  par  le  premier  concile  de  Constantinople.  De  là,  dans  la 
doctrine  des  chrétiens  d'Orient  quelque  chose  de  plus  an- 
tique et  de  plus  stable  que  dans  celle  des  Latins  et  qui  la 
rapproche  des  temps  apostoliques.  C'est  ainsi  que  les  Grecs 
orthodoxes  admettent  que  le  Saint-Esprit  procède,  par  un 
acte  éternel,  du  Père  {a  Pâtre),  seul  principe  de  la  Trinité, 
mais  rejettent  le  Filioque  ajouté  au  Credo  des  La- 
tins par  le  synode  de  Tolède  (589).  De  même,  ils  adorent 
la  vierge  Marie,  en  qualité  de  mère  de  Dieu  (Osoto/.o?), 
vierge  avant,  pendant  et  après  la  naissance  du  Christ, 
mais  rejettent  le  dogme  de  l'immaculée  conception  ;  ils 
enseignent  que  l'homme  doit  concourir  à  son  salut  par  les 
bonnes  œuvres,  mais  nient  les  mérites  surérogatoires  des 
saints,  et  par  suite  les  indulgences.  Enfin,  ils  croient  qu'en 
attendant  le  jugement  dernier,  les  âmes  qui  n'ont  pas  en- 
couru, à  la  mort,  la  damnation,  demeurent  dans  une  sorte 
de  stage  d'épreuves  où  nous  pouvons  leur  venir  en  aide 
par  nos  prières,  nos  bonnes  œuvres  et  la  célébration  de 
l'eucharistie,  mais  ils  repoussent  le  purgatoire  et  la  pré- 
destination. 

2^  En  discipline  et  organisation.  En  fait  d'organisation 
et  de  discipline,  l'Eglise  orientale  ne  diffère  pas  moins  de 
l'Eglise  romaine.  Dans  celle-ci,  le  gouvernement  a  revêtu 
la  forme  d'une  monarchie  absolue  depuis  que  l'évêque  de 
Ronie  a  été  déclaré  supérieur  au  concile  général,  autocrate 
et  infaillible.  Chez  les  Grecs,  au  contraire,  l'autorité  su- 
prême réside  toujours  dans  le  concile  œcuménique  ;  chaque 
évêque  prend  part  au  gouvernement  général  de  l'Eglise  ; 
chaque  Eglise  nationale  est  autocéphale,  c.-à-d.  se  gou- 
verne elle-même  par  le  moyen  de  ses  évêques  et  d'un 
exarque  ou  d'un  métropolitain,  réunis  en  concile.  A  la  tête 
de  l'Eglise  orientale,  au  lieu  d'un  pape  unique  et  infaillible, 
se  trouvent  les  quatre  patriarches  de  Constantinople, 
d'Antioche,  d'Alexandrie  et  de  Jérusalem,  qui  ont  conservé 
chacun  sa  juridiction  et  qui,  réunis  en  synode,  sous  la 
présidence  du  premier,  décident  en  dernier  ressort  toutes 
les  affaires  d'intérêt  général  et  de  justice. 

La  discipline  de  l'Eglise  grecque  a  aussi  un  caractère 
plus  paternel  ;  elle  est  plus  semblable  à  celle  des  apôtres, 
sauf  sur  l'article  des  jeûnes,  qui  sont  plus  rigoureux  que  chez 
les  Latins.  Le  mariage  est  autorisé  et  même  général  dans  le 
clergé  séculier,  mais  les  deuxièmes  noces  sont  interdites  ; 
les  moines  d'Orient,  soumis  à  la  règle  de  Saint-Basile, 
ont  conservé  le  caractère  laïque  et  les'allures  indépendantes 

40 


ÉGLISE 


-  6^6  — 


qu'ils  avaient  dans  les  premiers  temps  :  ce  sont  les  caloyers  ; 
la  minorité  seule  reçoit  l'ordination,  d'où  le  nom  de  hiéro- 
nomaques;  c'est  parmi  ces  derniers  que  se  recrutent  les 
évoques  et  les  archimandrites.  Les  Grecs  reconnaissent 
quatre-vingt-cinq  canons  disciplinaires,  proclamés  aposto- 
liques par  le  concile  in  Trullo,  dit  Qidnisexte,  tandis  que 
les  Latins  n'en  admettent  que  cinquante  (V.  Canon). 

30  Liturgie  et  rites  du  culte.  Les  Grecs  sont  encore 
plus  conservateurs  en  fait  de  rites  qu'en  matière  ^  de 
dosmes.  Leur  liturgie,  comme  dans  l'Eglise  des  premiers 
siècles,  se  divise  en  trois  parties  :  liturgie  préparatoire, 
liturgie  des  catéchumènes,  liturgie  des  fidèles,  et  renferme 
beaucoup  de  formules  de  prières  et  des  hymmes  qui  re- 
montent à  saint  Basile,  à  saint  Jean  Chrysostome  et  plus 
haut  encore.  La  liturgie,  ainsi  que  la  lecture  de  la  Bible, 
doit  être  dite  à  haute  voix  etdansune  langue  intelligible  de 
tous,  c.-à-d.  en  langue  nationale.  Les  fidèles,  à  l'église,  se 
tiennent  debout,  sauf  à  la  Pentecôte,  où  l'on  s'agenouille  ; 
les  hommes  sont  séparés  des  femmes  par  un  treillis,  et  la 
musique  instrumentale  est  interdite.  Quant  aux  sacrements, 
ils  en  ont  sept  comme  les  Latins,  mais  les  administrent 
suivant  des  rites  sensiblement  différents.  C'est  ainsi  qu'ils 
donnent  le  baptême  par  triple  immersion  et,  aussitôt  après, 
la  confirmation.  Ils  célèbrent  l'eucharistie,  dans  laquelle 
ils  voient  d'ailleurs  une  transsubstantiation,  sous  les  deux 
espèces,  se  serventde  pain  avec  levain  (prosphores),  la  dis- 
tribuent aux  enfants  ;  donc  plus  de  catéchumènes  m  de 
première  communion.  C'est  seulement  sur  le  chapitre  des 
fêtes  et  des  images  que  les  Orientaux  se  sont  montrés 
novateurs  :  ils  ont  ajouté  aux  grandes  fêtes  fondamentales 
une  quantité  de  fêtes  en  l'honneur  de  la  Vierge  et  des 
saints  ;  tout  en  proscrivant  les  représentations  en  relief  des 
saints  (sculptures  ou  bas-reliefs),  ils  vénèrent  les  images 
peintes  et  célèbrent  une  grande  fête  :  la  Panégyrie  de 
rOr^/ioctoi^  en  l'honneur  du  triomphe  du  culte  des  images 
au  septième  concile  général,  à  Nicée (787).  Enfin, par  suite 
du  déclin  des  études  théologiques  dans  le  clergé  et  de  la  vie 
religieuse  chez  les  laïques,  la  grande  masse  des  chrétiens 
orthodoxes  en  est  venue  à  attacher  aux  formules  litur- 
giques et  aux  gestes  de  l'officiant  une  importance  telle  que 
la  foi  dégénère  souvent  en  croyance  magique  et  l'adora- 
tion en  ritualisme  machinal. 

Historique.  —  L'histoire  de  l'Eglise  grecque  pendant 
les  huit  premiers  siècles  peut  se  ramener  à  celle  des  grands 
conciles  œcuméniques,  qui  se  tinrent  sans  exception  en 
Orient.  Il  faut  seulement  signaler  ici  le  fait  que,  outre  les 
sept  conciles  généraux  reconnus  par  les  Latins  jusqu'à 
787,  les  Grecs  admettent  l'autorité  du  concile  in  Trullo 
dit  Qui7iisexte,  réuni  par  Justinien  II  pour  compléter 
l'œuvre  des  cinquième  et  sixième  œcuméniques  tenus   à 
Constantinople  et  qui  avaient  négligé  d'édicterla  disciphne. 
Ces  conciles  eurent  d'ailleurs  pour  effet  de  démembrer 
successivement  le  grand  corps   de  l'Eglise  d'Orient,  _  en 
produisant  une  série  de  schismes.  Ainsi,  le  concile  de  Nicee 
fut  suivi  du  schisme  des  ariens,  celui  d'Ephèseet  de  Chal- 
cédoine  causèrent  l'émigration  des  nestoriens  et  des  Armé- 
niens  (451).    Enfin,  le  schisme   des   monophysites  (ou 
iacobites),  celui  des  monothélètes  et  celui  des  iconoclastes 
furent  déterminés  par  les  décrets   des   deuxième  (553) 
et  troisième  (660)  conciles  de  Constantinople  et  par  le 
deuxième  concile  de  Nicée   (787).  Tandis   que  l'Eglise 
orientale  se  déchirait  ainsi  de  ses  propres  mains,  les  Arabes 
accouraient  à  cheval,  animés  par  une  foi  nouvelle  et  ardente, 
et,  levant  l'étendard  vert  du  prophète  Mohammed,  ils  lui 
arrachaient  ses  plus  belles  provinces,  celles  qui  avaient  été 
le  berceau  même  de  l'Eglise:  la  Syrie  et  la  Palestine  (635- 
38)  ;  l'Egypte  (638-49),  Rhodes  et  Chypre  et,  traversant 
toute  l'Asie  Mineure,  ils    s'avançaient  jusqu'à   Byzance 
(668-718).  Cependant  l'Europe  chrétienne,   indignée  de 
voir  le  Saint-Sépulcre  aux  mains  des  infidèles,   se  levait, 
à  la  voix  de  Pierre  l'Ermite  et  de  saint  Bernard,  et,  orga- 
nisant les  croisades,  se  ruait  contre  l'Orient.  Mais  le 
patriarche  de  Constantinople,  au  lieu  de  se  prêter  à  un 


accommodement,  rompit  irrévocablement  avec  Rome  (1054), 
et  les  croisés  latins,  au  lieu  de  venir  en  aide  aux  Eglises 
grecques,  exploitaient  les  égHses  ou  les  couvents  byzantins, 
persécutaient  le  clergé  orthodoxe  et  finissaient  même  par 
s'emparer  de  Constantinople  et  y  fonder  l'empire  latm 
(1024-1261).  Les  croisades  n'eurent  pour  effet  que  de 
suspendre  pendant  deux  siècles  l'invasion  des  Turcs  Seld- 
joucides.En  1326,  ils  reprirent  de  plus  belle  leur  marche 
en  avant,  envahirent  la  Macédoine  et  la  Thrace  (prise 
d'Andrinople  :  4361),  achevèrent  la  conquête  de  l'Asie 
Mineure,  de  la  Bosnie  et  de  la  Serbie,  et,  enfin,  prirent 
Constantinople  (1453).  Depuis  cette  époque,  l'Eglise  grecque 
d'Orient  a  végété  sous  la  domination  ottomane,  conservant 
certains  privilèges,  mais  soumise  à  tous  les  caprices  du 
sultan. 

Or,  tandis  que  le  tronc  même  de  l'Eglise  orientale  était 
sapé  par  les  coups  de  l'Islam,  les  missionnaires  byzantins 
convertissaient  au  christianisme  un  certain  nombre  de  races 
jeunes  et  vaillantes,  qui  allaient  former  comme  de  vigou- 
reux rejetons.  C'est  ainsi  que  se  dressèrent  les  Eglises  de 
Géorgie  (ou  Ibérie  dép.  332),  de  Bulgarie  et  de  Serbie 
(ix^  siècle),  de  Russie  (988).  D'autre  part,  dans  notre 
siècle,  l'affranchissement  de  quelques  nations  du  joug  otto- 
man a  amené  la  constitution  d'Eglises  orthodoxes  aatocé- 
phales  telles  que  :  l'Eglise  hellénique  (1833);  l'Eghse 
roumaine,  l'Eglise  du  Monténégro;  l'Eglise  bulgare  (1870)  ; 
cette  dernière  a  été  déclarée  schismatique  par  le  synode  de 
Constantinople  en  1872.  —  D'autre  part,  les  papes  ont 
réussi  à  rallier  à  l'Eglise  romaine  quelques  branches  de 
l'EgHse  orientale;  par  exemple  les  Maronites  (1182  et 
1445),  les  Grecs-Unis  de  la  Russie  blanche  et  de  la  Lithua- 
nie  (1596)  et  les  Arméniens-Unis  (fin  du  xvii^  siècle)  qui 
possèdent  le  couvent  célèbre  fondé  par  Mekhitar  à  Venise 
(1717).  Les  branches  réunies  à  Rome  ne  comptent  guère 
qu'une  population  de  5,000,000  d'âmes. 

On  peut  évaluer  le  total  des  personnes  se  rattachant  à 
l'Eglise  grecque  à  environ  120  millions,  dont  la  grande 
majorité  habitent  l'Europe  orientale  ;  plus  des  quatre  cin- 
quièmes appartiennent  à  l'Eglise  russe  (V.  Russie). 

G.  Bonet-Maury. 

BiBL.  :  M,  Le  Quien,  Oriens  christianus;  Paris,  1730-40 
3  vol. in-fol.  —  J . -E .  Assem ANi,De Catholicis  seu patriarchis 
Chaldseomm  et  Nestorianorum  ;  Rome,  1775,  5  vol.  in-fol.  -- 
J.-M.NEALE,Hisiory  ofthe  EasternChurch ;Londr es A8b0, 
2  vol.  in-8.  —  F.  Micklosigh  et  J.  Muller,  Acta  et  diplo- 
mata  grseca  Medii  JEvi  ;  Vienne,  1860  et  suiv.,  3  vol. 
ar  in-8  (en  cours).— A.-P.  Stanley,  Lectures  on  the  History 
ofthe  Eastern  Church  ;  Londres,1873,  in-8.  —  J.  Moshakis, 
art.  Eglise  grecque,  clans  l'Encyclopédie  des  Sciences 
religieuses  de  Liciitenberger.  —  ŒcOiNOMOs,  Histoire  de 
l'Eglise  de  Grèce;  Athènes,  1864.  -  Philarèthe  (de 
Tcherniiïoff),  Histoire  de  l'Eglise  russe;  Moscou,  1860 
(traduit  "en  allemand  par  le  D-^  Blumenthal,  Leipzig,  1862, 
imité  en  français  par  Boissard,  Paris,  1867).  —  W.  CtAss, 
Symholik  der  griechischen  Kirche  ;  Leipzig,  1872.  -7 
A.  Leroy-Beaulieu,  VEmpire  des  Tsars,  t.  111,  la  Reli- 
gion, Paris,  1889,  in-8. 

ÉGLISE  COPTE.  L'Eglise  copte  est  un  débris  de  l'ancien 
Orient  chrétien  ;  elle  est  isolée  depuis  l'invasion  musul- 
mane et  est  intéressante,  non  à  cause  de  son  énergie  ac- 
tuelle, mais  à  cause  de  ses  origines  et  de  l'antiquité  des 
coutumes  qu'elle  a  maintenues.  —  On  estime  les  membres 
de  l'Eglise  copte  à  environ  150,000.  Ils  ne  forment  pas 
une  population  compacte  :  la  communauté  la  plus  nom- 
breuse est  celle  du  Caire  ;  elle  compte  environ  10,000 
chrétiens;  les  autres  communautés  sont  dispersées  sur 
toute  l'Egypte  ;  elles  sont  plus  denses  qu'ailleurs  dans  le 
Fayoûm.  Le  clergé  copte  a  pour  chef  unique  et  indépen- 
dant un  patriarche  qui  réside  au  Caire,  mais  continue  à 
porter  le  titre  historique  de  métropolitain  d'Alexandrie; 
il  est  considéré  par  les  Coptes  comme  le  successeur  de 
saint  Marc,  missionnaire  et  premier  évêque  d'Alexan- 
drie. Il  peut  être  désigné  par  son  prédécesseur  ;  à  défaut 
de  cela,  il  est  élu  par  les  évêques,  le  clergé  et  quelques 
laïques  ;  et  si  ce  collège  ne  réussit  pas  à  s'entendre,  on  a 
recours  au  sort.  De  toute  façon,  le  candidat  est  pris  parmi 
les  moines  du  couvent  de  Saint-Antoine.  On  n'exige  pas  du 


627  — 


EGLISE 


candidat  une  grande  science  ;  des  secrétaires  particuliers 
sont  chargés  de  la  correspondance  du  patriarcat.  Il  n'est 
pas  nécessaire  non  plus  que  le  futur  patriarche  soit  dans 
les  ordres  ;  une  fois  élu  ou  désigné,  le  candidat,  s'il  est 
laïque,  est  ordonné  diacre  un  jour,  prêtre  le  lendemain  et 
archiprétre  le  jour  suivant  ;  alors  seulement  on  procède  à 
sa  consécration  de  patriarche. 

La  juridiction  du  chef  de  l'Eglise  copte  s'étend  à  V Eglise 
éthiopienne  (V.  ci-dessous),  dont  il  consacre  le  métropolitain 
ou  «  abonna  ».  Les  évêques,  actuellement  au  nombre  de 
douze,  ne  peuvent  avancer  au  rang  de  patriarche.  Ils  sont 
entièrement  dépendants  de  celui-ci,  approuvés  et  consacrés 
par  lui.  Ce  sont  toujours  d'anciens  moines,  quoique  les 
canons  coptes  exigent  seulement  que  l'évêque  soit  veuf  ou 
non  marié.  Le  clergé  inférieur  se  compose  d'archiprêtres, 
de  prêtres  et  de  diacres.  Pour  être  ordonné  diacre,  on  peut 
être  marié  en  premières  noces  ou  non  marié  ;  une  fois  dans 
les  ordres,  on  ne  peut  plus  se  marier.  Les  prêtres  sont 
choisis  parmi  les  diacres  âgés  d'au  moins  trente-trois  ans  ; 
leur  culture  littéraire  est  d'habitude  peu  développée  ;  la 
plupart  savent  lire  la  liturgie  copte,  mais  peu  d'entre  eux 
comprennent  la  langue  copte  ;  ils  ne  reçoivent  aucun  traite- 
ment fixe  et  se  trouvent  souvent  réduits  à  des  expédients 
indignes  de  leur  ministère.  Les  moines  et  les  nonnes  sont 
très  nombreux  dans  l'Eglise  copte  ;  on  sait  que  l'Egypte 
fut  le  berceau  du  monachisme.  Le  moine  copte  ne  s'occupe 
ni  de  science  théologique  ni  d'oeuvres  de  charité  ;  sa  vie 
doit  être  purement  contemplative  ;  tout  au  plus  cultive-t-il 
un  carré  de  terre  et  tend-il  la  main  pour  mendier.  Les 
nonnes  sont  presque  toutes  de  pauvres  femmes,  veuves  pour 
la  plupart. 

Les  églises  sont  d'assez  chétives  constructions,  sauf  au 
Caire,  où  l'église  Sainte-Marie  est  très  remarquable,  et  à 
Alexandrie,  qui  possède  une  église  neuve  depuis  4871.  Dans 
l'intérieur  de  l'église,  on  distingue  surtout,  à  l'extrémité 
orientale,  le  «  heykal  »  ou  sanctuaire,  avec  l'autel,  le  tout 
séparé  du  reste  de  l'église  par  une  cloison.  Dans  la  nef 
principale,  un  autre  compartiment  treillissé  est  réservé  aux 
femmes.  Il  n'y  a  point  de  statues  dans  les  églises,  mais 
les  murs  sont  ornés  de  peintures.  Les  fidèles  restent  debout 
pendant  le  culte,  sauf  lorsqu'ils  se  prosternent  ;  comme  le 
service  est  généralement  très  long,  on  s'appuie  souvent  sur 
une  sorte  de  béquille  spéciale  pour  éviter  la  trop  grande 
fatigue.  L'assemblée  prend  une  part  assez  considérable  au 
culte  par  ses  répons,  qui  sont  un  indice  de  l'antiquité  de  la 
liturgie.  En  effet,  la  liturgie  copte  est  du  type  de  celle  dite 
de  Saint-Marc,  l'antique  liturgie  alexandrine,  la  plus  inté- 
ressante de  l'ancienne  EgHse  orientale  (V.  Liturgie).  Les 
prières  sont  en  langue  copte,  la  lecture  de  l'épitre  et  de 
l'évangile  en  copte  est  généralement  accompagnée  d'une 
traduction  arabe,  la  seule  langue  comprise  aujourd'hui.  — 
Le  texte  de  la  Bible  copte,  dans  les  trois  dialectes  connus, 
est  un  élément  assez  important  pour  la  critique  du  texte 
original  soit  de  l'Ancien,  soit  du  Nouveau  Testament,  vu 
que  les  versions  coptes  du  Nouveau  Testament,  par  exemple, 
sont  antérieures  aux  plus  anciens  manuscrits  grecs  que  l'on 
possède  ;  mais  la  collation  des  manuscrits  coptes  de  la  Bible 
est  encore  fort  peu  avancée. 

Chaque  service  à  l'église  se  termine  par  l'eucharistie, 
sans  toutefois  que  les  fidèles  participent  toujours  au  sacre- 
ment; lorsqu'ils  le  font,  les  hommes  s'avancent  vers  le 
«  heykal  »  (sanctuaire)  et  reçoivent  la  communion  sous 
les  deux  espèces,  tandis  que  les  femmes  restent  à  leur  place, 
où  le  prêtre  leur  apporte  le  pain  aspergé  de  vin.  On  croit 
à  la  transsubstantiation,  et  on  ne  conserve  jamais  l'eucha- 
ristie. Le  baptême  est  administré  par  trois  immersions, 
aux  garçons  quarante  jours,  aux  filles  quatre-vingts  jours 
après  leur  naissance.  L'immersion  est  précédée  d'onctions 
compliquées  et  nombreuses  de  saint  chrême  et  d'une  huile 
bénite  pour  les  exorcismes.  Aussitôt  après  le  baptême, 
l'enfant  est  confirmé  et  reçoit  la  communion  sous  forme 
d'une  goutte  de  vin  consacré.  Il  est  à  remarquer  que  les 
Coptes  pratiquent  la  circoncision,  mais  non  comme  une 


cérémonie  religieuse  ;  cette  coutume  leur  vient  des  anciens 
Egyptiens,  leurs  ancêtres.  La  confession  est  exigée  de  qui- 
conque veut  communier  et  a  dépassé  vingt-cinq  ans  ;  avant 
cet  âge,  on  est  considéré  comme  mineur  et  innocent,  à  moins 
que  l'on  ne  soit  marié  ;  le  mariage  émancipe  et  rend  la  con- 
fession obligatoire.  —  Les  chrétiens  coptes  sont  grands 
observateurs  du  jeûne  ;  ils  font  quatre  carêmes  stricts  dans 
l'année  ;  mais,  même  en  carême,  on  ne  jeûne  jamais  les 
samedis,  non  plus  que  les  dimanches.  —  Le  mariage  est 
précédé  des  fiançailles  pour  lesquelles  un  prêtre  se  trans- 
porte au  domicile  des  parents  de  l'un  des  futurs  époux  afin 
de  s'enquérir  sur  les  empêchements  canoniques  et  de  réci- 
ter ensuite  quelques  oraisons  sur  les  fiancés.  La  cérémonie 
du  mariage  s'accomplit  à  l'église  ;  les  époux  y  sont  couron- 
nés et  couverts  d'un  voile  blanc  ;  la  communion  termine 
le  service.  Les  canons  coptes  n'autorisent  le  divorce  qu'en 
cas  d'adultère  ;  mais,  en  partie  sous  l'influence  des  mœurs 
musulmanes,  le  patriarche  ou  les  évêques  usent  assez  fré- 
quemment du  droit  d'accorder  le  divorce  et  l'autorisation 
de  contracter  un  nouveau  mariage.  —  Ce  qui  est  devenu 
l'extrême-onction  dans  l'Eglise  romaine  est  connu  dans 
l'Eghse  copte  sous  le  nom  de  sainte  onction  et  se  rap- 
proche beaucoup  du  précepte  contenu  dans  VEpître  de  saint 
Jacques  (v,  44).  Le  prêtre  n'est  jamais  seul  pour  admi- 
nistrer cette  onction,  et  elle  est  donnée  non  seulement  aux 
malades,  mais  aux  pécheurs  et  aux  affligés.  Le  chrétien 
copte  prie  beaucoup  :  sept  fois  par  jour,  il  récite  des  prières  ; 
l'office  du  clergé  est  plus  long  que  celui  des  laïques,  et  à 
mesure  que  l'on  monte  dans  la  hiérarchie,  l'office  s'al- 
longe ;  il  est  le  même  tous  les  jours.  —  En  somme,  on 
remarque  dans  l'organisation  et  dans  le  culte  de  l'Eglise 
copte  un  formalisme  touffu,  funeste  à  la  vie  religieuse,  et 
un  conservatisme  tenace,  extrêmement  intéressant  pour 
l'archéologue. 

Quant  à  la  doctrine,  l'Eglise  copte  prétend  professer  la 
foi  chrétienne  telle  qu'elle  a  été  exprimée  avant  le  concile 
de  Chalcédoine,  en  454 .  En  réaUté,  le  clergé  copte,  sans 
parler  des  laïques,  est  très  ignorant  en  matière  de  dogme 
et  se  contente  d'anathématiser  toutes  les  communautés 
chrétiennes  autres  que  celles  qui  sont  demeurées  fidèles  au 
monophysisme  (V.  ce  mot).  Cela  nécessite  quelques  mots 
sur  les  origines  de  l'Eglise  copte,  aussi  intéressantes  pour 
l'histoire  de  l'Orient  chrétien  que  les  rites  ecclésiastiques 
coptes  le  sont  pour  l'archéologie  chrétienne.  Deux  causes 
ont  contribué  à  la  formation  de  l'Eglise  copte  :  la  situation 
politique  du  siège  patriarcal  d'Alexandrie  et  la  curieuse 
évolution  du  christianisme  en  Egypte  entre  le  m®  et  la  fin 
du  V®  siècle.  Le  patriarche  d'Alexandrie,  de  même  que 
l'évêque  de  Rome,  fier  de  sa  longue  possession,  considérait 
le  patriarche  de  la  jeune  capitale  de  Byzance  comme  un 
parvenu  dont  l'autorité  provenait  et  dépendait  en  quelque 
sorte  d'un  accident  pohtique.  Comme  le  souverain  de 
Byzance  soutenait  son  patriarche,  l'antipathie  du  métro- 
politain d'iVlexandrie  s'étendit  peu  à  peu  au  gouvernement 
central  de  l'Empire.  Ce  n'est  que  quand  l'évêque  de  Byzance 
était  mal  en  cour  que  le  patriarche  alexandrin  se  mettait 
d'accord  avec  l'empereur  pour  renverser  son  rival  de  la 
capitale.  L'exemple  le  plus  connu  de  cette  combinaison 
insolite  est  fourni  par  l'histoire  de  Chrysostome.  D'autre 
part,  Alexandrie  qui,  entre  le  n^  et  le  m®  siècle,  avait 
entendu  les  Pantenus,  les  Clément,  les  Oripène  et  avait 
été  le  foyer  le  plus  brillant  de  la  philosophie  chrétienne, 
vit,  vers  la  fin  du  iii^  siècle,  descendre  des  déserts  et  de 
la  haute  Egypte  un  monachisme  exalté,  fanatique,  ignorant 
et  barbare  ;  c'était  la  forme  nationale  égyptienne  du  chris- 
tianisme en  réaction  contre  le  christianisme  alexandrin, 
plus  grec  qu'égyptien.  Cent  ans  plus  tard,  les  patriarches 
d'Alexandrie,  que  leur  politique  d'opposition  contre  Byzance 
obligeait  à  chercher  un  point  d'appui  en  Egypte,  firent  cause 
commune  avec  les  moines  de  la  Thébaïde.  Le  patriarche 
Théophile  détruit  le  Sérapéion  et  fulmine  contre  les 
origénistes  en  391  ;  en  415,  sous  Cyrille,  son  neveu  et  suc- 
cesseur, Hypatie  est  assassinée.  La  scission  s'opérait  ainsi 


ÉGLISE  —  628  — 

entre  la  pensée  grecque  et  le  siège  patriarcal  d'Alexandrie, 
là  même  où,  deux  siècles  auparavant,  s'était  consommée 
l'union  entre  l'hellénisme  et  le  christianisme.  Il  suffit  alors 
d'une  divergence  doctrinale  pour  transformer  cette  scis- 
sion en  un  schisme  dont  la  conséquence  est  incarnée  jus- 
qu'à nos  jours  dans  l'Eglise  copte.  Pour  les  développements, 
V.  Chalcédoine  (Concile  de),  Ephèse  (Concile  de),  Dios- 
coRE  (t.  XIV,  p.  620),  Melkite,  Monophysisme,  Eutychès, 
Protère. 

L'histoire  de  l'Eglise  copte,  à  partir  du  vii^  siècle,  tient 
tout  entière  dans  le  cadre  de  l'histoire  du  régime  arabe  et 
turc  en  Egypte.  On  peut  dire  que,  depuis  le  milieu  du 
v^  siècle,  l'Eghse  chrétienne  d'Egypte  n'a  plus  pensé  ;  elle 
n'a  plus  guère  agi  non  plus  ;  elle  a  vécu  ou  plutôt  végété 
sous  les  vexations  et  les  persécutions  de  l'Islam,  marquées 
parfois  par  de  terribles  massacres  ;  elle  a  subi  sous  ce 
régime  une  lente  et  constante  décroissance  jusqu'à  nos 
jours.  F--H-  K. 

BiBL.  :  Eus.  Renaudot,  Hisioria  patriarch.  alex-jaco- 
bitarum;  Paris,  1703,  in-4.  —  Du  môme,  LUurgiarum 
orient,  collectio  ;  Paris,  1715  ;  2«  éd.  à  Francfort,  1847.  — 
Choix  de  lettres  édifiantes  ;  Paris,  1824,  2«  éd.,  t.  V,  pp. 
216-339.  —  Makrizi,  Histoire  des  Coptes,  texte  arabe  et  al- 
lemand par  Wûstenfeld  ;  Gœttingue,  1845,  in-4  —  But- 
ler, The  Ancient  Churches  of  Egijpt  ;  Oxford,  1885,2  vol. 
in-8.  —  E.  Amélineau,  Monuments  pour  servir  à  l  histoire 
de  VEgypte  chrétienne  aux  iv^  et  v  siècles,  dans  les  Mé- 
moires de  la  mission  archéologique  française  au  Caire; 
Paris  1888  t.  IV,  in-4.  —  Du  même.  Monuments  pour  ser- 
vir à  Vhistoire  de  l'Egypte  chrétienne  au  iv«  siècle,  dans 
les  Annales  du  musée  Guimet;  Pans,  1889,  t.  XVII,  m-4. 

ÉGLISE  éthiopienne.  Cette  Eglise  dépend  entièrement 
de  V Eglise  copte  (V.  ci-dessus).  Son  chef,  V abonna  (notre 
père),  qui  réside  à  Gondar,  est  non  seulement  nommé  et 
investi  par  le  patriarche  d'Alexandrie,  mais  depuis  le 
xiv^  siècle  aucun  Abyssin  n'a  revêtu  cette  dignité  ;  on  ne  la 
confère  qu'à  un  Copte  (Y.  ci-dessous).  Les  pouvoirs  de 
l'abouna  sont  très  étendus  :  seul  il  ordonne  les  prêtres  et 
les  diacres  ;  seul  aussi  il  peut  sacrer  le  roi  ;  parfois  l'in- 
succès de  ce  dernier  a  pour  cause  le  mauvais  vouloir  du 
chef  de  l'Eglise  éthiopienne.  Pour  être  ordonné  diacre,  il 
suffit  de  savoir  lire  le  gheez,  l'ancien  éthiopien,  qui  est 
resté  la  langue  liturgique.  Le  prêtre  doit  en  outre  savoir 
réciter  la  confession  de  foi  du  concile  de  Nicée  et  connaître 
les  rites;  il  paye  pour  son  ordination  deux  morceaux ^de 
sel,  ancienne  monnaie  courante  du  pays.  Les  diacres,  s'ils 
ne  sont  déjà  mariés,  se  marient  généralement  avant  de 
demander  la  prêtrise;  ordonnés  prêtres,  ils  ne  peuvent  ni 
se  marier,  ni  se  remarier,  le  cas  échéant.  Jusque  vers  le 
xv«  siècle,  il  y  avait  eu  des  évêques;  il  n'y  en  a  plus  aujour- 
d'hui. Les  qômôs  sont  des  sortes  d'archiprêtres,  chefs  du 
clergé  paroissial.  Valaka,  attaché  d'office  à  presque  toutes 
les  églises  abyssiniennes,  est  un  laïque  incarnant  en  quelque 
sorte  le  conseil  de  fabrique.  Les  debtera  sont  des  scribes. 
Le  clergé  régulier,  fort  nombreux,  est  gouverné  par  Vetch'égê 
qui  doit  obéissance  à  l'abouna,  mais  dont  l'autorité  est  con- 
sidérable. Il  est  d'office  prieur  du  couvent  de  Debra-Libanos, 
dans  le  Choa,  fondé  par  Tekla-Haïmânot  (V.  ci-dessous)  au 
xiii^  siècle.  Les  couvents  les  plus  importants  sont,  outre  ce 
dernier,  ceux  de  Debra-Dammo,  où  plus  de  trois  cents 
moines  vivent  en  cénobites  dans  des  cases  séparées,  puis 
ceux  d'Axoum,  d'Abba-Garîma,  de  Waddoubba  et  de  Saint- 
Etienne.  Les  moines  et  les  nonnes  s'occupent  quelquefois 
de  l'instruction  de  la  jeunesse.  -—  Les  églises  extrêmement 
nombreuses  et  généralement  situées  sur  une  hauteur  et 
ombragées  d'arbres,  sont  le  plus  souvent  de  forme  circu- 
laire, couvertes  d'un  toit  de  chaume  conique  et  construites 
sans  aucun  art.  Elles  ont  des  portes  sur  les  quatre  points 
cardinaux.  Elles  sont  entourées  d'un  parvis,  oii  se  tiennent 
les  laïques.  L'intérieur,  décoré  de  vives  images  sans  goût, 
représentant  la  Vierge,  les  saints  et  parfois  le  diable,  est 
divisé  en  deux  parties  :  le  saint  et  le  très  saint  où  même  les 
diacres  ne  pénètrent  pas  ;  c'est  là  que  se  trouve  une  sorte 
d'arche  (tabot).  Le  culte  consiste  en  lectures  liturgiques  et 
en  litanies  psalmodiées;  le  tout  en  gheez,  que  le  peuple  ne 
comprend  point,  que  la  plupart  des  prêtres  lisent  seulement 


sans  l'entendre.  La  circoncision,  pratiquée  le  huitième  jour, 
précède  le  baptême,  qui  est  administré  aux  garçons  le  qua- 
rantième jour,  aux  filles  le  quatre-vingtième  ;  en  souvenir 
du  baptême,  tout  Abyssin  porte  autour  du  cou  un  cordon  de 
soie  bleue  (mateb)  qui  le  distingue  des  non-chrétiens. 
L'onction  du  saint  chrême  et  la  communion  sous  les  deux 
espèces  suit  immédiatement  le  baptême  ;  le  prêtre  célèbre 
la  communion  tous  les  jours  ;  les  fidèles  l'obtiennent  sur  leur 
demande  ;  le  pain  est  ordinairement  levé  sauf  durant  la 
semaine  sainte.  La  transsubstantiation  n'est  pas  formulée.  La 
bénédiction  nuptiale  n'est  pas  indispensable  pour  que  le 
mariage  soit  légalement  contracté.  Le  baptême  et  la  com- 
munion sont  donc  apparemment  les  deux  seuls  sacrements 
de  l'Eglise  éthiopienne,  bien  que  le  mot  mister  par  lequel 
on  les  désigne,  signifie  aussi  les  dogmes  fondamentaux, 
surtout  la  doctrine  monophysite  sur  la  personne  du  Christ 
(V.  Monophysisme).  Le  clergé  et  les  scribes,  dépourvus  de 
toute  culture  scientifique  ou  théologique,  discutent  passion- 
nément sur  la  double  ou  triple  naissance  de  Jésus-Christ. 
Les  partisans  de  la  double  naissance  se  contentent  d'affirmer 
la  génération  éternelle  du  Fils  et  l'incarnation  ;  c'est  la 
doctrine  officielle,  strictement  monophysite.  Les  adversaires 
y  ajoutent  ce  qu'ils  nomment  une  troisième  naissance ,  la 
communication  du  Saint-Esprit  au  Christ  lors  du  baptême. 
Ces  disputes  ont  été  très  vives  sous  le  règne  de  Théodoros 
et  sont  un  élément  des  guerres  du  négus  Jean  contre  le 
Choa.  Une  autre  controverse  sur  le  titre  de  «  mère  de 
Dieu  »  accordé  à  la  Vierge  est  la  conséquence  de  la  précé- 
dente. Le  canon  des  saintes  Ecritures  s'appelle  semanya 
ahâdon,  c.-à-d.  quatre-vingt-un  ;  il  se  compose,  en  efiet, 
de  quatre-vingt-un  Uvres  comprenant  ceux  de  l'Ancien 
Testament,  ceux  du  Nouveau  ainsi  que  les  Apocryphes, 
sauf  les  Macchabées.  On  accorde  presque  la  même  autorité 
à  la  didaskalia,  un  recueil  de  constitutions  apostoliques  et 
au  haïmânota-abou  (foi  des  pères),  autre  recueil  formé 
d'extraits  des  canons  antichalcédoniens  et  des  pères  grecs, 
ainsi  qu'au  fetha-nagoust  ou  code  des  rois.  Outre  le  diman- 
che, on  célèbre  le  sabbat  et  environ  cent  quatre-vingts  jours 
de  fête,  dont  plusieurs  sont  des  jours  de  jeûne.  Comme  dans 
l'Eghse  copte,  le  jeûne  est,  d'ailleurs,  le  grand  moyen  pour 
s'assurer  la  rémission  des  péchés  ;  on  y  doit  joindre  sou- 
vent les  aumônes  et  parfois  les  retraites  spirituelles.  Les 
prêtres  se  chargent  contre  remboursement  d'accompHr  ces 
expiations  (pour  les  Falacha  et  les  Kamantes,  V.  ces 
noms). 

L'introduction  du  christianisme  en  Abyssinie  remonte 
au  commencement  du  iv^  siècle.  Les  traditions  qui  font 
remonter  plus  haut  le  christianisme  éthiopien  ou  qui  font 
régner  le  judaïsme  en  Abyssinie  avant  l'adoption  du  chris- 
tianisme, sont  légendaires.  Frumence  (V.  ce  nom)  et 
Edesius,  deux  chrétiens  de  la  côte  phénicienne,  firent  nau- 
frage sur  la  côte  africaine  de  la  mer  Rouge,  furent  conduits 
à  la  cour  d'Axoum,  vers  330,  et  devinrent  les  instruments 
de  la  conversion  du  roi  et  d'une  partie  du  peuple.  Frumence 
se  fit  ensuite  ordonner  prêtre  et  sacrer  éyêque  par  Atha- 
nase,  patriarche  d'Alexandrie,  d'où  provient  jusqu'à  nos 
jours  la  dépendance  de  l'Eghse  éthiopienne  à  l'égard  de 
l'Eglise  copte.  Avec  cette  dernière,  les  Abyssins  embrassèrent 
le  monophysisme  (V.  Eglise  copte)  qui  paraît  avoir  été  pro- 
pagé dans  les  montagnes  de  l'Ethiopie  surtout  par  neuf 
moines  vénérés  depuis  comme  des  saints.  Ce  sont  Aragawi, 
Pantaléon,  Garîma,  Alef,  Çahma,  Aftsê,  Imata,  Lykanos  et 
Goubha,  qui  tiennent  une  grande  place  dans  les  légendes 
abyssiniennes.  Le  premier  est  considéré  comme  celui  qui 
introduisit  le  monachisme  en  Ethiopie.  Un  de  ses  successeurs 
qui  fut  en  même  temps  abonna^  c.-à-d.  métropolitain  de 
l'Eghse  éthiopienne,  et  qui  joue  un  rôle  considérable  dans 
rhi'stoire  politique  de  l'Abyssinie,  devint  au  xiv^  siècle  le 
réformateur  des  couvents  abyssiniens  ;  c'est  Tekla  Haï- 
mânot.  Il  y  avait  encore  de  son  temps  des  districts  païens 
qu'il  convertit  au  christianisme.  Il  n'avait  d'ailleurs  qu'une 
faible  confiance  dans  le  clergé  éthiopien,  et,  désespérant  de 
le  voir  jamais  capable  de  se  diriger  lui-même,  il  fixa  la  règle, 


629  - 


EGLISE 


encore  en  vigueur,  que  l'abouna  doit  être  un  Copte.  —  Au 
commencement  du  x\i^  siècle,  des  relations  s'établirent,  par 
l'intermédiaire  d'un  Arménien  du  nom  de  Mathieu,  entre 
le  Portugal  et  l'Abyssinie,  affaiblie  alors  par  les  musulmans 
et  menacée  par  les  Galla.  De  cette  façon,  des  jésuites 
portugais  partirent,  en  1555,  de  Rome  pour  l'Abyssinie. 
Leurs  efforts  et  ceux  de  leurs  successeurs,  surtout  de  Pedro 
Paez  (mort  en  4623),  pour  soumettre  l'Eglise  éthiopienne 
à  Rome,  sont  intimement  mêlés  à  l'histoire  pohtique  de  cette 
époque  :  en  1626,  avec  l'arrivée  du  jésuite  Alph.  Mendez, 
sacré  patriarche  d'Abyssinie  à  Lisbonne  en  4624,  l'entre- 
prise sembla  un  instant  devoir  être  couronnée  de  succès  ; 
mais  dès  4632,  sous  Fasilidas  (Basilidès),  l'ancienne  Eglise 
nationale  fut  rétablie,  et  les  jésuites  durent  quitter  le  pays  en 
4633.  Le  premier  abonna  qui  monta,  après  ces  événements, 
d'Alexandrie  en  Abyssinie,  futaccompagné  par  un  Allemand, 
Pierre  Heyling  (V.  ce  nom),  qui  séjourna  quelque  temps 
dans  le  pays.  Puis  les  relations  furent  de  nouveau  inter- 
rompues assez  longtemps.  De  4808  à  4848,  un  moine 
éthiopien,  Abi-Roukh,  arrivé  à  Alexandrie  avec  le  voyageur 
/.  Bruce  (V.  ce  nom),  traduisit  à  la  requête  du  consul  de 
France,  Asselin,  toute  la  Bible  en  langue  amharique,  c.-à-d. 
en  éthiopien  vulgaire.  Ce  fut  pour  la  Société  anglicane  de 
mission  l'occasion  d'envoyer  vers  4830  le  missionnaire 
Gobât  (V.  ce  nom)  en  Abyssinie.  En  4856,  d'autres  mis- 
sionnaires protestants,  envoyés  par  la  Chrischona  (près 
Bâle),  se  fixèrent  dans  le  pays.  Vers  4864,  Théodoros  les 
mit  en  prison,  où  ils  furent  bientôt  rejoints  par  l'ambassa- 
deur anglais,  ce  qui  devint  la  cause  de  la  campagne  contre 
Théodoros  en  4868.  Dès  4839,  les  lazaristes  avaient  éga- 
lement pénétré  en  Abyssinie ,  parmi  eux  Mgr  de  Jacobis, 
nommé  patriarche  en  4849.  Son  cinquième  successeur  est 
actuellement  Mgr  Crouzet,  dont  les  prêtres  ont  souvent 
servi  d'intermédiaires  dans  les  récentes  affaires  entre  les 
Italiens  et  les  Négous.  F.-H.  K. 

BiBL.  :  LuDOLF,  Historiœ  selhiopicx  lib.  IV  ;  Francfort, 
1681,  in-fol.  —  Du  môme,  Commentarius  ad  hist.  œthiop., 
ibid.,  1691.  —  Veyssier  la  Croze,  Hist.  du  christianisme 
d'Ethiopie...  ;  La  Haye,  1739.  —  Flad,  Zwôlf  Jahre  in 
Abessinien  ;  Basel;  1869- 

ÉGLISE  ARMÉNIENNE.  Il  ost  indispeusablo,  pour  com- 
prendre la  situation  religieuse  actuelle  des  Arméniens,  de 
rappeler  brièvement  l'origine  du  christianisme  parmi  eux, 
et  les  faits  décisifs  de  son  histoire  en  Arménie.  Les  rap- 
ports d'Abgar,  roi  d'Edesse,  et  sa  correspondance  avec  le 
Christ  appartiennent  à  la  légende  (V.  Abgar,  1. 1,  p.  88)  ; 
mais  il  pourrait  bien  y  avoir  un  noyau  historique  dans  la 
légende  tissée  autour  des  noms  de  Thaddée  et  d'Addée. 
Quoi  qu'il  en  soit,  l'histoire  chrétienne  de  l'Arménie  ne 
commence  qu'au  iv^  siècle.  C'est  Grégoire  V Illumina-- 
teur  (V.  ce  nom),  mort  en  334,  qui  propagea  dans  sa  pa- 
trie, sous  le  règne  de  Tiridate  (Terdat)  III,  le  christianisme 
qu'il  avait  accepté  lui-même  en  Cappadoce  ;  il  fut  du  reste 
ordonné  évêque  par  Léonce  de  Césarée.  Il  s'ensuit  que  le 
christianisme  arménien  est  d'origine  grecque.  Dès  366,  ce- 
pendant, le  synode  arménien  de  Vagharchabat  rompit  le 
lien  avec  le  diocèse  de  Césarée  en  décidant  que  le  patriarche 
d'Arménie  serait  désormais  nommé  par  les  évêques  armé- 
niens. On  sait  que  la  littérature  arménienne  est  toute  chré- 
tienne (V.  Arménie,  t.  III,  p.  4048)  ;  elle  remonte  à  Mes- 
rop  (V.  ce  nom)  et  à  son  contemporain,  le  patriarche  Sahaq 
(Isaac).  Ces  mêmes  hommes  réglèrent  le  culte  au  synode 
de  426.  Puis,  dans  la  seconde  moitié  du  v^  siècle,  l'Eglise 
syrienne,  surtout  par  l'école  d'Edesse,  exerça  une  influence 
considérable  sur  l'Arménie  christianisée.  A  cette  époque 
appartiennent  également  les  premières  méprises  qui  finirent 
par  faire  de  l'Eglise  arménienne  une  Eghse  monophysite. 
Des  élèves  de  Sahaq  et  de  Mesrop,  envoyés  par  leurs 
maîtres  en  Occident  pour  s'y  familiariser  avec  la  culture 
hellénique,  rapportèrent  en  Arménie  les  décisions  du  con- 
cile d'Ephèse  de  434  ;  elles  furent  acceptées  et  sanction- 
nées dès  432  par  le  synode  d'Achtichat  ;  trois  ans  plus  tard 
les  écrits  de  Théodore  de  Mopsueste  et  de  Diodore  de  Tarse 
furent  formellement  condamnés.  Mais,  pendant  que  le  qua- 


trième concile  œcuménique  délibérait  à  Chalcédoine  (454), 
l'Arménie  luttait  pour  sa  foi  contre  les  Perses;  elle  n'ob- 
tint que  des  rapports  contradictoires  sur  ce  concile.  Par 
contre,  vers  le  dernier  quart  du  v®  siècle,  alors  qu'il  y  avait 
comme  une  détente  politique  en  Arménie,  on  y  reçut  Vhé- 
noticon  (V.  ce  mot)  de  l'empereur  Zenon  (482)  ;  cet  acte 
ne  mentionne  que  les  trois  premiers  conciles  œcuméniques. 
Le  katholikos  (patriarche)  Babkên  convoqua  un  synode  à 
Vagharchabad  en  494  :  l'hénoticon  fut  adopté  et  les  déci- 
sions du  concile  de  Chalcédoine,  que  l'on  interprétait  faus- 
sement du  reste,  furent  rejetées.  Ainsi  l'Eglise  arménienne 
accepta  lemonophysisme  (V.  ce  mot)  sans  se  rendre  exac- 
tement compte  de  ce  qu'elle  faisait.  —  L'histoire  des 
querelles  dogmatiques  et  des  nombreuses  variations  qui 
suivirent  peut  être  passée  sous  silence  ici  :  une  série  de 
métropolitains  entament,  à  partir  du  xii«  siècle,  des  négo- 
ciations avec  Ryzance  ou  avec  Rome.  Des  dominicains,  en- 
voyés par  Jean  XXII,  arrivèrent  en  Arménie  vers  4348. 
C'est  par  eux  que  le  vartabet  (docteur)  Jean  de  Kherrni 
fut  gagné  à  l'union  avec  Rome,  et  devint  le  fondateur  d'une 
branche  arménienne  de  dominicains  qu'il  appela  les  «  Unis- 
seurs  ».  L'union  proclamée  au  concile  de  Florence  (4439) 
ne  fut  qu'une  formalité  ;  elle  ne  comprend  que  les  Armé- 
niens dispersés  et  une  partie  de  l'Arménie  occidentale.  Ces 
Arméniens  unis  professent  le  dogme  de  Rome  et  sont  sou- 
mis au  pape,  mais  ils  conservent  leurs  rites  ;  ils  forment 
la  partie  la  plus  cultivée  de  la  nation  ;  il  en  existe  des 
communautés  au  Liban,  en  Perse,  en  Russie,  en  Pologne, 
en  Galicie,  en  Itahe  et  à  Marseille  (V.  Mékhitar,  Has- 
souN  [Mgr],  Koupélian).  Quant  aux  Arméniens  grégoriens 
ou  non-unis,  quahfiés  de  schismatiques  par  Rome,  leur 
centre  religieux  est  depuis  4444  la  ville  d'Etchmiadzin 
près  d'Erivan  ;  c'est  là  que  réside  le  katholikos  le  plus 
respecté  ;  mais  il  y  en  a  aussi  un  à  Aghthamar  sur  le  lac 
Van,  et  un  troisième  à  Sis  en  Cilicie,  qui  ont  parfois  des 
velléités  d'indépendance.  Le  patriarche  arménien  de  Jéru- 
salem jouit  d'une  certaine  autonomie  depuis  que  le  sultan 
lui  a  accordé  en  4344  le  titre  de  patriarche  et  de  malik 
en-neçâra  (chef  des  chrétiens).  Enfin,  il  y  a  un  patriarche 
arménien  à  Constantinople,  dont  l'office  est  surtout  de  re- 
présenter auprès  de  la  Porte  les  intérêts  des  Arméniens 
appartenant  à  l'empire  ottoman.  Cet  office  devint  la  cause 
de  conflits  qui  durent  encore  et  où  se  mêle  de  plus  en  plus 
l'antagonisme  de  la  Russie  et  de  la  Turquie  dans  l'Asie 
antérieure.  Le  clergé  arménien  travaille  depuis  longtemps 
à  réduire  le  pouvoir  du  patriarche  de  Constantinople  et 
surtout  à  soumettre  son  autorité  à  celle  du  katholikos 
d'Etchmiadzin  qui  est  dans  l'Arménie  russe. 

Voici  maintenant  l'organisation  ecclésiastique  des  Armé- 
niens grégoriens.  Le  katholikos  ou  métropolitain  d'Etch- 
miadzin est  soit  désigné  par  son  prédécesseur,  soit  élu  par 
les  évêques  présents  dans  la  ville.  Il  nomme  ou  du  moins 
investit  tous  les  évêques  qui  d'habitude  sont  pris  dans  le 
clergé  noir,  c.-à-d.  parmi  les  moines.  Ceux-ci  se  distin- 
guent du  clergé  blanc  ou  séculier,  qui  est  marié,  mais  en 
premières  noces  seulement.  La  culture  théologique  est  à 
peu  près  nulle  ;  la  préparation  au  ministère  consiste  plu- 
tôt en  exercices  ascétiques  ;  cependant  il  faut  que  le  prêtre 
sache  lire  le  missel  en  arménien  littéral.  Avant  l'ordina- 
tion, il  passe  quarante  jours  dans  l'église.  Durant  le  festin 
qui  termine  cette  retraite,  la  femme  du  prêtre  demeure 
assise  sur  un  escabeau  les  yeux  bandés,  les  oreilles  bou- 
chées, la  bouche  fermée,  pour  marquer  la  retenue  qu'elle 
doit  avoir  à  l'égard  des  fonctions  de  son  mari.  Les  varta- 
bed  ou  docteurs  tiennent  un  rang  intermédiaire  entre  le 
clergé  noir  et  le  clergé  blanc  ;  ils  sont  très  honorés  ;  leur 
science  est  variable  suivant  les  cas,  mais  toujours  purement 
traditionnelle.  En  général,  le  clergé  arménien  est  pauvre; 
son  revenu  consiste  dans  les  aumônes  qu'il  reçoit  et 
dans  les  cadeaux  qu'on  lui  fait  pour  les  cérémonies  reli- 
gieuses qu'il  accomplit.  Les  ressources  du  métropolitain 
proviennent  du  saint  chrême,  qu'il  bénit  tous  les  sept  ans 
à  Etchmiadzin,  et  dont  la  distribution  dans  toutes  les  pa- 


EGLISE 


630  — 


roisses  provoque  de  riches  cadeaux.  --  Les  églises  sont 
orientées;  la  coutume  est  de  se  déchausser  en  entrant.^ Le 
sanctuaire  est  séparé  de  la  nef  par  un  grand  rideau.  L'au- 
tel est  de  pierre,  simple  et  sans  reliques.  L'Eglise  armé- 
nienne reconnaît  sept  sacrements.  Le  baptême  est  admi- 
nistré à  l'enfant  le  huitième  jour  par  une  triple  immersion 
complète  après  l'onction  d'huile  bénite.  La  confirmation 
suit  aussitôt,  ainsi  que  l'administration  de  la  communion. 
Pour  cette  dernière,  on  emploie  du  pain  levé  et  du  \in 
pur.  Le  prêtre  qui  dit  la  messe  passe  la  nuit  précédente 
dans  l'égHse.  Une  sorte  d'extrême-onction  est  administrée 
aux  prêtres  seulement  et  immédiatement  après  leur  mort. 
Le  culte  de  la  Vierge  et  des  saints  est  assez  développé.  Les 
fêtes  sont  nombreuses,  toujours  précédées  d'un  ou  de  plu- 
sieurs jours  de  jeûnes.  F.-H.  K. 

BiBL  •  Clém.  Galanus,  Historia  armena  ecclesiastica 
etvolitica  ;  Cologne,  1686,  in-fol.  —  G.  deSerpos,  Corn- 
pendio  storico  di  memorie  cronologiche  concernenti  La 
reliqione  e  La  morale  délia  nazione  Armena;  Venise, 
1786,  3  vol.  in-8.  —  Hamachod,  Chronological  Succession 
of  Armen.  Patriarchs;  Londres,  1865.  —  S.-C.  Malan,  T/ie 
Life  and  times  ofS.  Gregory;  Londres,  1868.  —  Du  même, 
The  Divine  Liturgy  of  the  Armenian  Church  ;  Londres, 
1870.  —  M.  Ormanian,  le  Vatican  et  les  Arméniens; 
Rome,  1873. 

ÉGLISE  LUTHÉRIENNE.  Ou  appelle  ainsi  l'Eglise  issue  de 
la  réforme  de  Luther,  et  qui  s'est  constituée  le  jour  où 
elle  a  formulé  sa  foi  et  ses  principes  dans  la  confession 
d'Augsbourg.  Elle  doit  son  nom  à  ses  adversaires.^  Les 
luthériens  s'appelèrent  longtemps  «  protestants  »  ou  «  éyan- 
géliques  »,  en  opposition  aux  réformés  aussi  bien  qu'aux 
catholiques  ;  mais  ils  finirent  par  adopter  le  nom  de  luthé- 
riens que  leur  donnaient  leurs  ennemis,  pour  affirmer  leur 
fidélité  à  la  foi  et  aux  principes  de  leur  Eglise.  Née  au 
xvi^  siècle  dans  la  Saxe  électorale,  l'Eglise  luthérienne  s'est 
répandue  dans  la  majeure  partie  de  l'Empire  germanique, 
puis  dans  le  Danemark,  la  Norvège,  la  Suède,  les  pro- 
vinces baltiques,  la  Finlande  ;  elle  a  pénétré  en  Pologne, 
en  France  par  l'Alsace  et  l'ancien  comté  de  Montbéhard  ; 
dans  notre  siècle,  enfin,  elle  a  fait  de  grands  progrès  aux 
Etats-Unis,  grâce  à  l'immigration  de  nombreux  luthériens 
d'Europe.  L'Église  luthérienne  doit  son  caractère  particulier 
au  réformateur  qui  Ta  marquée  de  son  empreinte.  Luther 
n'a  jamais  voulu  fonder  une  Eglise  nouvelle,  indépendante 
de  l'Eglise  catholique,  mais  uniquement  réformer  celle-ci, 
dont  il  prétendait  être  l'enfant  le  plus  dévoué  et  le  plus 
fidèle  ;  il  ne  pensait  s'attaquer  qu'à  des  abus,  à  des  inno- 
vations qui,  dans  le  cours  des  siècles,  auraient  déformé 
l'Eglise  des  apôtres.  C'est  l'Ecriture  sainte  qui  servit  de 
règle  à  sa  réforme.  Tout  ce  qui  lui  paraissait  manifestement 
contraire   à  l'Ecriture,  il  le  rejetait  ;  tout  ce  qui,  par 
contre,  n'était  pas  en  opposition  avec  elle,  il  le  conservait. 
Tandis  que  les  zwingliens  et  les  calvinistes  faisaient  table 
rase  pour  reconstruire  l'Eglise  apostolique  d'après  l'Ecri- 
ture, en  brisant  avec  toute  tradition,  Luther  admettait  le 
développement  historique  de  l'Eghse.  Pour  lui,  il  ne  s'agis- 
sait  pas  de  tout  renouveler,  comme  si,  depuis  le  temps  des 
apôtres,  l'Eglise  avait  cessé  d'exister,  de  vivre  et  de  se  déve- 
lopper, mais  de  remettre  l'Evangile  en  honneur,  en  le  déga- 
geant des  superfétations  qui  le  défiguraient.  Aussi  Luther 
lut-il  essentiellement  conservateur  ;  il  conserva  bien  des 
choses  de  l'EgUse  cathohque,  que  les  réformés  puritains 
considéraient  comme  des  abominations  du  papisme,  tels 
que  le  crucifix,  le  signe  de  la  croix,  l'autel,  les  images,  les 
chants  liturgiques,  etc.  11  se  gardait  bien  de  proscrire  Fart 
du  culte  :  «  Je  ne  suis  pas  d'avis,  disait-il,  que  l'Evangile 
doive  proscrire  et  anéantir  les  arts,  comme  le  veulent 
quelques  spiritualistes  à  outrance  ;  je  voudrais,  au  con- 
traire, voir  tous  les  arts,  en  particulier  la  musique,  au 
service  de  celui  qui  les  a  créés  et  qui  nous  les  a  donnés.  » 
Aussi  les  confessions  de  foi  de  l'Eglise  luthérienne  n'avaient- 
elles  pas  d'autre  but  que  de  montrer  et  de  prouver  que 
l'on  ne  fondait  pas  une  Eglise  nouvelle  ;  on  y  cite  les  Pères 
tout  autant  que  l'Ecriture,  on  y  montre  que  l'enseignement 
des  docteurs  luthériens  est  l'enseignement  authentique  de 


l'Eglise  catholique,  apostolique  et  romaine.  Aussi  en  appe- 
lait-on, à  toute  occasion,  à  un  concile  œcuménique  libre  ; 
on  ne  perdait  pas  l'espoir  de  convaincre  Rome  même  ;  de 
là  ces  nombreux  colloques  et  essais  de  conciliation,  qui  se 
continuèrent  encore  après  la  mort  de  Luther.   On  ne  re- 
nonça à  cet  espoir  que  lorsque  le  concile  de  Trente  eut 
sanctionné  officiellement  tous  les  abus  et  toutes  les  erreurs. 
Pour  les  luthériens,    c'était   l'Eglise  de  Rome  qui  faisait 
défection  ;  désormais,  c'est  l'Eglise  luthérienne  qui  est  la 
vraie  Eglise  catholique,    apostolique.  Et  en  effet,  elle  a 
gardé  un  certain  caractère  de  catholicité  ;  elle  n'a  jamais 
voulu  être  une  Eglise  nationale,  comme  les  Eglises  réformées 
dont  les  confessions  de  foi  s'appellent  gallicana,  belgica, 
anglica,  scoticana,  etc.  Dans  tous  les  pays  où  elle  a  pé- 
nétré, l'Eglise  luthérienne  a  les  mêmes  confessions  de  foi, 
soit  le  livre  de  la  concorde  tout  entier,  soit  seulement  la 
confession  d'Augsbourg  invariata  et  le  petit  catéchisme 
de  Luther  (V.  Confessions  de  foi  protestantes).  Quant  à 
son  organisation,   sa  constitution,  il  faut  remonter  aux 
origines  pour  la  bien  comprendre.  Luther  avait  voulu,  dans 
les   commencements,  donner  à  l'Eglise  une  organisation 
démocratique  ;  il  rêvait  une  sorte  de  république  religieuse 
où  fût  appliqué  de  la  manière  la  plus  complète  le  sacerdoce 
universel,   où   chaque  fidèle  fût  «  prêtre  et  roi  ».  Mais 
quand  il  eût  vu  le  peuple  de  plus  près,  il  abandonna  ses 
illusions;  ce  peuple  n'était  pas  mûr  pour  la  liberté  ;  il 
était  grossier,  ignorant,  abusant  de  la  liberté  évangélique 
pour  se  livrer  sans  contrainte  à  tous  ses  instincts  grossiers  ; 
Luther  le  trouva  tout  à  fait  incapable  de  se  gouverner  soi- 
même.  Par  contre,  il  eut  affaire  à  des  princes  de  grand 
mérite  et  d'une  vraie  piété,  tels  que  Frédéric  le  Sage,  Jean 
le  Constant  et  autres.  11  se  résigna  donc,  bien  que  sans 
enthousiasme,  à  faire  son  œuvre  par  eux.  Aussi  les  princes 
eurent-ils  une  grande  autorité  dans  l'Eglise  ;  ils  présen- 
taient et  signaient  les  confessions  de  foi  avec  les  pasteurs 
et  les  docteurs  et  conduisaient  le  mouvement  de  la  Réforme. 
Mais  la  conséquence  en  fut  une  sorte  de  césaropapisme, 
en  vertu  duquel,  dans  la  plupart  des  pays  d'Allemagne,  le 
souverain  était  aussi  le  summus  episcopus.  Plus  d'un  a 
abusé  de  son  pouvoir  pour  appliquer  le  principe  si  fréquem- 
ment pratiqué  aux  xvi«  et  xvii^  siècles  :  Cujus  regio, 
illius  religio,  et  changer  l'Eglise  luthérienne  de  son  pays 
en  EgHse  réformée,  ou  pour  imposer  V Union  (V.  ce  mot), 
qui  était  aussi  un  anéantissement  de  l'Eglise  luthérienne. 
Bien  que  l'on  considérât  les  questions  d'organisation  comme 
secondaires  et  libres,  c'est  le  système  épiscopal  qui  pré- 
valut généralement  dans  l'Eglise  luthérienne,  soit  que, 
comme  en  Suède,  Danemark,  Finlande,  etc.,  on  conservât 
des   archevêques  et  des  évêques,  soit  qu'on  nommât  ces 
dignitaires  prélats,  surintendants  ou  inspecteurs. 

On  compte  aujourd'hui  environ  trente  millions  de  luthé- 
riens. En  Allemagne,  l'Union  a  été  introduite  dans  divers 
pays,  notamment\lans  la  Prusse  qui,  dans  l'origine,  était 
luthérienne;  mais,  dans  tous  ces  pays,  il  se  forma  des  com- 
munautés luthériennes  séparées  (V.  Vieux  Luthériens)  ; 
par  contre,  l'Eglise  luthérienne  s'est  maintenue  jusqu'à  ce 
jour  dans  le  Hanovre,  la  Saxe,  le  Slesvig,  la  Bavière,  les 
deux  Mecklembourg,  le  Wurttemberg,  etc.  Dans  le  Dane- 
mark, l'Islande,  la  Suède  et  la  Norvège,  sauf  une  ving- 
taine de  mille  dissidents,  toute  la  population  est  luthérienne. 
En  Russie  (en  y  comprenant  la  Finlande,  qui  est  entière- 
rement  luthérienne),  il  y  a  environ  4  millions  de  luthé- 
riens. Dans  les  Pays-Bas,  il  n'y  en  a  que  70,000,  en  face 
de  2  millions  de  réformés  et  de  plus  de  1  million  de  catho- 
liques. En  Autriche-Hongrie,  on  compte  1,365,835  luthé- 
riens (252,327  en  Autriche,  4,113,508  en  Hongrie),  en 
face  de  2,143,178  réformés.  Ces  deux  Eglises  ont  une 
autorité  supérieure  commune,  le  consistoire  de  Vienne, 
dont  récemment  encore  le  président  devait  être  un  laïque 
catholique.  En  France,  l'Eglise  luthérienne  a  été  très 
réduite  par  la  perte  de  l'Alsace.  H  ne  lui  reste  plus  que 
les  deux  circonscriptions  synodales  ou  inspections  de  Mont- 
béhard et  de  Paris  (cette  dernière  comprend  Lyon,  Nice 


—  631  — 


ÉGLISE 


et  l'Algérie)  comptant  environ  80,000  fidèles  et  une  cen- 
taine de  pasteurs  titulaires  et  auxiliaires.  C'est  aux  Etats- 
Unis  que  l'Eglise  luthérienne  a  fait  le  plus  de  progrès.  Elle 
compte  7,948  paroisses  avec  4,692  pasteurs;  ce  qiu  la 
caractérise,  c'est  qu'elle  est  comme  une  image  de  l'Eglise 
luthérienne  tout  entière  ;  la  doctrine  luthérienne  y  est 
prêchée  en  quatorze  langues  différentes  :  en  allemand, 
norvégien,  suédois,  danois,  islandais,  anglais,  finnois,  let- 
ton, wende,  polonais,  czèque,  slavon,  magyare  et  français. 
Cependant  les  trois  quarts  des  paroisses  sont  allemandes  ; 
4,438  sont  norvégiennes,  582  suédoises.  Il  s'y  publie  cm- 
quante  et  un  journaux  luthériens  allemands  et  quarante- 
huit  anglais.  Les  luthériens  des  Etats-Unis  se  sont  groupés 
en  synodes  ou  Councils,  dont  quelques-uns  sont  d'un 
grand  rigorisme  doctrinal  (par  exemple  le  synode  de  Mis- 
souri), mais  en  même  temps  d'une  grande  activité  mission- 
naire. L'Eglise  luthérienne  s'est  montrée  moins  entrepre- 
nante, moins  hardie  que  les  Eglises  réformées,  mais  elle 
s'est  distinguée  par  la  science  de  ses  théologiens,  et  c'est 
elle  qui  a  produit  les  ouvrages  ascétiques  les  plus  popu- 
laires, comme  aussi  elle  a  excellé  dans  la  poésie  et  la  mu- 
sique religieuse.  Ch.  Pfender. 

ÉGLISE  ANGLICANE  ÉPiscopALE.  Communion  religieuse  qui 
occupe  une  position  intermédiaire  entre  le  catholicisme  et  le 
protestantisme.  Elle  s'intitule,  en  Angleterre,  Chiirch  of 
England;  en  Irlande,  Church  of  Ireland;  enEœsse,  où 
l'Eglise  nationale  est  presbytérienne,  Scottish  [Episcopal) 
Church;  aux  Etats-Unis,  Protestant  episcopal  Church 
ou  American  hranch  ofthe  Church  Catholic.  —  L'Eglise 
anglicane  a  été  fondée  par  Henri  VIII  quand  ce  prince,  à 
l'occasion  de  son  divorce  d'avec  Catherine  d'Aragon,  se 
brouilla  avec  la  cour  de  Rome,  dont  il  avait  d'abord  sol- 
licité et  obtenu  le  titre  de  «  défenseur  de  la  foi  ».  L'an- 
glicanisme ne  consista  d'abord  qu'à  substituer  le  roi  au 
pape  comme  chef  de  l'Eglise  d'Angleterre.  L'hérésie,  luthé- 
rienne, calviniste  ou  wiclefiste,  qui  avait  poussé  de  profondes 
racines  en  Angleterre,  fut  persécutée  par  Henri  VHI  avant 
comme  après  la  rupture  avec  Rome.  L'anglicanisme  eut 
pour  raison  d'être  et  comme  moyen  du  succès,  à  l'origine, 
une  vaste  spoliation  des  monastères  et  des  biens  ecclésias- 
tiques. H  fut  adopté  et  maintenu  par  les  classes  qui  s'enri- 
chirent, au  xvi^  siècle,  des  dépouilles  de  l'Eglise  catho- 
lique du  moyen  âge.  L'Eglise  anglicane  est  toujours  restée, 
en  effet,  celle  des  classes  moyennes  et  supérieures  de 
l'Angleterre  monarchique  ;  elle  a  toujours  approprié  son 
enseignement  au  goût  de  ces  classes;  de  là,  son  loyalisme, 
son  respect  pour  l'ordre  établi  et  le  décorum,  sa  haine 
du  mysticisme,  la   médiocrité  de  sa  théologie,  qui  est 
toute  morale.  L'anglicanisme  n'a  point  produit  de  livres 
comparables  à  ceux  des  catholiques  Thomas  a  Kempis  ou 
François  de  Sales,  ni  au  Pilgrim's  Progress  du  puritain 
Bunyan.  Son  Book  of  Common  prayer,  le  plus  beau 
livre  liturgique  peul-être  qui  existe  en  langue  vulgaire, 
est  traduit  et  composé  d'anciennes  hymnes  du  moyen  âge, 
et  beaucoup  de  ceux  qui  s'en  servent  ne  le  conservent 
qu'à  regret.  L'Eglise  anglicane,  en  résumé,  est  une  cons- 
truction artificielle  des  Tudors,  dont  les  seuls  principes 
vivants  sont  le  loyalisme  monarchique,  et,  de  nos  jours,  le 
prestige  de  la  tradition.  Partout  ailleurs  qu'en  Angleterre, 
où  les  institutions,  même  peu  viables  en  principe,  durent 
quand  elles  sont  établies,  quitte  à  se  transformer  et  à 
s'adapter  à  de  nouveaux  modes  d'existence,  l'étàbUssement 
anglican  se  serait  décomposé  de  bonne  heure  ;  la  moitié  de 
ses  fidèles  serait  retournée  au  catholicisme  romain,  dont 
l'anglicanisme  a  gardé  la  hiérarchie  et  presque  tous  les 
dogmes  ;  l'autre  moitié  l'aurait  abandonné  pour  le  protes- 
tantisme proprement  dit.  Cette  évolution  naturelle  n'a  pas 
eu  lieu,  ou,  du  moins,  elle  ne  s'est  produite  que  sur  une 
très  faible  échelle.  L'Eglise  anglicane  a  subsisté  depuis 
trois  siècles  et  demi  à  côté  des  confessions  rivales,  et  elle  a 
même  poussé  des  rejetons  vigoureux  dans  les  pays  nou- 
veaux (Etats-Unis,  Cap,  Australie,  etc.),  oti  les  conquêtes 
de  la  race  anglo-saxonne  l'ont  portée.  Assurément,  le 


conflit  entre  les  deux  factions  qui  s'y  trouvèrent,  dès  le 
début,  en  présence  :  l'élément  conservateur,  traditionna- 
liste,  sacerdotal,  et  l'élément  réformateur,  bibliciste,  puri- 
tain, n'a  pu  manquer  de  s'engager  ;  mais  ce  conflit  s'est 
engagé  dans  le  sein  même  de  l'Eglise,  où  des  partis  se 
sont  créés,  assez  différents  pour  ne  conclure  que  des  com- 
promis fragiles,  pas  assez  intransigeants  cependant  pour 
recourir  à  l'extrémité  d'un  schisme.  L'histoire  de  l'Eglise 
angUcane  au  xvi^  et  au  xvii«  siècle  se  compose  de  l'histoire 
des  combats  violents  que  s'y  Uvrèrent  les  conservateurs 
et  les  réformateurs,  en  vue  de  s'expulser  réciproquement. 
Henri  VHI,  Elisabeth  et  les  premiers  Stuarts  (V.  Laud) 
appuyèrent  de  tout  leur  pouvoir  les  conservateurs  et  persé- 
cutèrent les  radicaux  presque  aussi  durement  que  les  catho- 
liques romains.  La  Révolution  de  1649  fut  une  revanche 
pour  le  parti  à  tendances  calvinistes  ;  mais  la  restauration 
de  Charles  H  destitua  deux  mille  clergymen  anglicans 
qui  refusèrent,  en  1662,  de  souscrire  à  VActe  d'unifor- 
mité. Les  dénominations  de  high  church  et  de  low 
church  furent,  vers  cette  époque,  appliquées  respective- 
ment aux  traditionnalistes  et  aux  réformés.  Guillaume  III 
favorisa  les  plus  modérés  des  low  churchmen,  (\m  avaient 
du  penchant  pour  les  idées  arminiennes  et  sociniennes,  et 
qui  étaient  appelés  «  latitudinaires  »,  tels  que  Tillotson, 
Gilbert  Burnet,  etc.  Sous  la  reine  Anne,  les  deux  tendances 
se  trouvèrent  en  concurrence  acharnée.  Les  «  latitudi- 
naires »,  ou,  comme  on  commençait  à  les  nommer,  broad 
churchmen,  également  éloignés  des  exagérations  préla- 
tistes  et  puritaines,  revinrent  au  pouvoir  sous  les  Georges, 
au  grand  dépit  du  clergé  rural,  très  généralement  high 
church.  Aussi  bien,  le  règne  de  George  P"^  fut  marqué 
par  un  refroidissement  général  du  zèle  ;  le  scepticisme  fit 
des  adeptes  ;  une  école,  dirigée  par  Collins  et  Tindal, 
exprima  ouvertement  ses  doutes  au  sujet  des  révélations 
et  des  miracles  {English  Deists)  ;  c'est  contre  cette  école 
que  J.  Butler,  évêque  de  Durham,  écrivit  son  fameux 
livre,  Analogy  of  religion  (1736).  En  même  temps, 
dans  le  peuple,  la  grossièreté  des  mœurs  devint  très 
choquante. 

C'est  alors  que  l'Eglise  engourdie  fut  réveillée  par  l'en- 
thousiasme du  fameux  fondateur  du  méthodisme,  John 
Wesley  (V.  ce  nom).  Le  réveil  méthodiste  réagit  sur 
l'Eglise  établie,  y  ranima  la  vie  chrétienne  dans  le  sens 
puritain,  bien  que  ses  promoteurs  en  aient  été  de 
bonne  heure  écartés.  Le  «  mouvement  évangéUque  »  fut, 
au  sein  de  l'anglicanisme,  comme  un  contre-coup  du  mou- 
vement non  conformiste  de  John  Wesley.  On  doit  aux 
évangéliques,  gens  étroits,  mais  pieux  et  foncièrement  mo- 
raux^ la  suppression  d'un  grand  nombre  d'abus  sociaux,  la 
création  d'une  foule  d'institutions  de  bienfaisance  et  d'en- 
treprises de  mission  à  l'intérieur  et  au  dehors.  Les  pre- 
miers «  évangéliques  »  furent  Toplady,  auteur  de  l'hymne 
Rock  of  âges  ;  Grimshaw,  vicaire  d'Haworth  ;  Berridge, 
vicaire  d'Everton.  Les  plus  fameux  sont  :  W.  Romaine, 
qui  se  retira  de  la  société  dite  Lady^  Huntingdon's  Con- 
nexion, en  1781,  quand  elle  manifesta  du  penchant  au 
non-conformisme,  en  même  temps  que  H.  Venu,  vicaire 
d'Huddersfield,  auteur  du  Complète  Duty  of  man  ;  John 
Newton  (1725-1807),  l'ancien  marchand  d'esclaves; 
Thomas  Scott  (1747-1821),  commentateur  de  la  Bible; 
J.  Milne  (mort  en  1797),  auteur  d'une  histoire  ecclésias- 
tique ;  parmi  les  laïques  de  cette  tendance,  il  faut  citer  : 
W.  Cowper,  le  poète,  et  W.  Wilberforce,  l'ami  de  Pitt. 
Les  évangéliques  fondèrent  la  London  Missionary  So- 
ciety (1795),  la  Church  Missionary  Society  (1799),  la 
Religions  Tract  Society  (1799)  et  la  Bible  Society 
(1802).  L'établissement  des  «  écoles  du  dimanche  »  (Sun- 
day  schools)  fut  une  des  conséquences  du  mouvement 
évangélique;  la  Sunday  school  Society  date  de  1785. 
—  Au  commencement  du  xix«  siècle,  les  évangéliques 
formaient  la  partie  du  clergé  anglican  où  la  vie  spirituelle 
était  le  plus  active,  mais  ils  n'étaient  ni  très  nombreux  ni 
très  influents,  malgré  la  notoriété  de  quelques-uns  de  leurs 


ÉGLISE 


—  632  — 


chefs  :  Charles  Siméon  (de  Cambridge),  mort  en  d  836  ; 
Ch.-J.  Blomfield,  évêquede  Londres  de  1828  à  4836.  Les 
vieux  préjugés  de  la  high  church  régnaient  toujours  ;  la  plu- 
part des  clergymen  étaient  des  nobles  ou  des  fils  de  nobles, 
entrés  dans  l'Eglise  sans  vocation,  indifférents  aux  devoirs 
de  leur  profession,  scandaleusement  mondains.  Le  poète 
Crabbe  a  esquissé  en  ces  termes  le  portrait  de  la  grande 
majorité  des  clergymen  campagnards  sous  George  III  : 

A  jovial  youth,  who  thinks  his  sunday  task 

As  much  as  God  or  man  can  fairly  ask; 

The  rest  he  gives  to  loves  and  labours  light, 

To  fields  the  morning  and  to  feasts  the  night  ; 

None  better  skilled  the  noisy  pack  to  guide, 

To  urge  their  chase,  to  cheér  them  or  to  chide. 

A  sportsman  keen,  he  shoots  through  half  the  day 

And,  skilled  at  whist,  dévotes  the  night  to  play. 

Entre  ces  high  churchmen  pharisaïques  et  les  «  évangé- 
liques  »,  enfermés  dans  un  dogmatisme  sec  et  déplaisant, 
recommandables  à  cause  de  leur  zèle  pratique,  mais  sans 
portée  intellectuelle,  il  y  avait  place,  vers  1830,  au  mo- 
ment où  triomphait  l'école  littéraire  dite  romantique,  pour 
une  réaction  dans  le  sens  mystique  et  catholique.  Oriel 
Collège,  à  Oxford,  devint  le  centre,  à  cette  époque,  d'un 
intéressant  mouvement  théologique  ;  on  remarquait  parmi 
ses  fellows  John  Keble  (1792-1866),  le  poète  discret  et 
gracieux  qui  écrivit  le  Christian  Yea  ;  E.-D.  Pusey 
(1808-1882),  professeur  d'hébreu,  homme  prudent,  savant 
et  riche  ;  J.-H.  Newman,  depuis  cardinal  de  l'Eglise  ro- 
maine. Ces  jeunes  ecclésiastiques  anglicans  se  réunirent 
pour  publier  en  commun  des  pamphlets  (tracts)  «  sur 
l'Eglise,  le  ministère  et  les  sacrements  ».  Nourris  de  la 
lecture  des  Pères  de  l'Eglise,  ils  entreprirent  de  restaurer 
des  coutumes  et  des  croyances  qui  étaient  tombées  en 
désuétude  dans  la  communion  anglicane.  «  Ils  vénéraient 
l'antiquité  catholique,  et,  s'ils  rejetaient  l'absolutisme 
papal  comme  une  excroissance  du  système,  ils  n'éprou- 
vaient que  de  la  sympathie  pour  l'orthodoxie  orientale.  Ils 
reniaient,  en  revanche,  toute  compromission  avec  la  réforme 
calviniste,  hérétique  à  leurs  yeux.»  (Chaponnière.)  Cesidées, 
ils  les  exposèrent,  à  partir  de  1833,  dans  leurs  fameux 
Tracts  for  the  Times,  La  masse  des  fidèles  ne  fut  que  super- 
ficiellement remuée  par  cette  agitation  puséiste,  dont  elle 
était  incapable  de  goûter  les  raffinements  esthétiques  ;  mais 
le  vieux  parti  high  church,  une  partie  de  l'aristocratie, 
toute  l'Eglise  épiscopale  d'Ecosse,  en  contact  avec  les 
formes  les  plus  prosaïques  de  la  croyance  calviniste,  se 
précipitèrent  dans  la  doctrine  nouvelle.  Le  mouvement 
puséiste  fut  un  réveil  de  la  haute  EgHse  comme  le  mouve- 
ment évangélique  avait  été  un  réveil  de  la  basse.  Il  devint 
puissant  vers  1837  et  fut  propagé  par  des  hommes  comme 
II.-J.  Rose,  W.-F.  Hook,  H.  Phillpotts,  évèque  d'Exeter 
(1831-69).  Le  «  mouvement  puséiste,  tractarien  ou 
d'Oxford  »  (car  toutes  ces  expressions  sont  synonymes)  «  fit 
refleurir  l'intelligence  de  l'antiquité  chrétienne  et  de  l'art 
religieux  ;  il  ranima  dans  la  partie  du  clergé  et  du  trou- 
peau qui  avait  échappé  à  l'influence  méthodiste,  l'ardeur 
pour  les  œuvres  de  piété  et  de  charité  ;  il  provoqua  l'érec- 
tion d'un  grand  nombre  d'églises  et  de  chapelles  »  (Cha- 
ponnière). Quelques-uns  de  ses  adeptes  allèrent  très  loin 
dans  la  voie  archaïque  où  ils  s'étaient  engagés  ;  Newman 
et  plus  de  cinq  cents  ecclésiastiques  anglicans  se  conver- 
tirent, à  partir  de  1837,  au  cathoHcisme  romain.  Mais 
cette  défection  ne  mit  pas  en  péril  le  puséisme  qui,  grâce  à 
l'habileté  du  0"^  Pusey,  arriva  à  compter  dans  ses  rangs 
la  majorité  du  clergé  anglican.  On  donna  aux  puséistes 
le  nom  de  ritualistes,  à  cause  de  leur  goût  pour  les  rites 
sensibles,  et  quoique  leurs  chefs  eussent  toujours  attaché 
beaucoup  plus  d'importance  à  leurs  revendications  dog- 
matiques qu'à  la  restauration  de  l'ancien  rituel.  Le  juge- 
ment dans  l'affaire  Bennett,  à  la  cour  des  Arches  (1870), 
a  autorisé  l'enseignement  des  doctrines  caractéristiques 
de  la  high  church  puséiste  dans  les  églises  de  la  com- 
munion anglicane.  Les  évangéliques  avaient  obtenu  une 
autorisation  analogue  pour  leurs  doctrines  particulières  en 


1847  (jugement  Gorham).  Quant  aux  continuateurs  mo- 
dernes des  latitudinaires  du  xviu^  siècle,  des  Tillotson  et 
des  Burnet,  les  broad  churchmen,  ils  se  sont  fait  recon- 
naître également  une  place  au  soleil.  Ils  représentent  la 
tendance  libérale,  critique,  rationaliste;  ils  admettent 
ridée  du  progrès  doctrinal  ;  quelques-uns  d'entre  eux  vont 
jusqu'à  rejeter  totalement  la  notion  du  surnaturel.  Ils  ont 
en  ce  siècle  des  leaders  comme  F.-D.  Maurice  (mort  en 
1872),  F.  Robertson  de  Brighton,  Charles  Kingsley,  rec- 
teur d'Eversley,  poète  et  romancier  (mort  en  1875),  le 
doyen  Stanley  de  Westminster,  M.  Mathew  Arnold.  L'un 
d'eux,  le  D^  Rowland  Williams,  vice-principal  de  Saint- 
David  Collège,  Lampeter,  fut  traduit  devant  le  conseil 
privé,  sous  l'inculpation  d'Iiérésie,  en  1861  ;  il  fut  acquitté. 
Ce  jugement  et  ceux  qui  furent  rendus  dans  les  affaires 
Gorham  et  Bennett  ont  placé  sur  le  même  pied  de  tolé- 
rance les  doctrines  si  opposées  des  broad  churchmen,  des 
évangéliques  et  des  puséistes.  «  L'Eglise  épiscopale  tend 
donc  à  n'être  plus  qu'un  faisceau  de  sectes.  Quelques 
penseurs  distingués  n'en  soutiennent  pas  moins,  avec  une 
sorte  de  ferveur  passionnée,  que  le  caractère  composite  et 
complexe  de  l'anglicanisme  est,  en  réaUté,  sa  force,  sa 
richesse  et  sa  gloire.  »  (Chaponnière.) 

Est-ce  donc  l'anarchie  doctrinale  et  liturgique  qui  règne 
dans  l'Eghse  anglicane  de  nos  jours  ?  On  le  croirait,  en  ce 
qui  touche  le  rituel,  à  jeter  les  yeux  sur  des  statistiques 
comme  celle-ci.  Il  y  a  à  Londres  environ  850  églises  an- 
ghcanes  ;  dans  390,  la  communion  est  célébrée  une  fois 
par  semaine,  chaque  jour  dans  40.  Il  y  a  des  services 
tous  les  jours  dans  140,  le  dimanche  seulement  dans  138. 
Il  y  a  une  maîtrise  vêtue  de  surphs  dans  350  ;  le  chant 
grégorien  est  en  usage  dans  115  ;  les  places  sont  gratuites 
dans  250  ;  il  y  a  un  offertoire  par  semaine  dans  450  ;  on 
prêche  en  surplis  dans  460.  On  se  sert  d'encens  dans  14, 
de  cierges  allumés  dans  58,  de  cierges  non  allumés  dans 
41.  Le  célébrant,  au  moment  de  la  communion,  se  tourne 
vers  l'orient  dans  180  éghses.  La  fête  de  la  Dédicace  est 
observée  dans  150  ;  120  sont  ouvertes  tous  les  jours  aux 
personnes  qui  veulent  y  faire  des  prières  particulières.  Au 
point  de  vue  doctrinal,  nous  avons  déjà  vu  que  trois  sectes 
au  moins  s'abritent  fraternellement  sous  le  toit  anglican. 
Ne  confond-on  pas  sous  le  nom  d'angUcans  ces  puséistes 
si  amoureux  d'étoles  brodées  et  de  vitraux,  «  qui  parlent 
plus  souvent  de  l'Eglise  que  du  Seigneur  »,  qui  croient  au 
purgatoire,  à  la  régénération  par  le  baptême,  recomman- 
dent la  confession  auriculaire  et  la  commémoration  des 
saints,  et,  d'autre  part,  les  latitudinaires  extrêmes,  à 
peine  chrétiens,  qui  se  servent  des  termes  ordinaires  de  la 
théologie  dans  un  sens  ésotérique,  qui  parlent  de  la  «  vie 
divine  du  Christ  »  sans  se  prononcer  par  là  sur  la  question 
de  la  divinité  du  Christ.  Si  le  D'^  Pusey  était  anglican, 
M.  Mattliew  Arnold  l'était  aussi;  or,  le  premier  croyait  à  la 
continuité  de  la  tradition  apostohque,  à  l'efficacité  des  sacre- 
ments et  même  à  la  présence  réelle,  tandis  que  le  second 
considérait  l'EgHse  anghcane  comme  «  une  société  natio- 
nale pour  la  diffusion  de  la  bonté  »,  un  conservatoire  de 
bonnes  manières,  d'humanité,  de  culture,  de  raffinement  re- 
ligieux, toutes  choses  mises  en  péril,  à  son  avis,  par  le  zèle 
aveugle  des  non-conformistes.  L'Eglise  anglicane  a  toute- 
fois un  symbole,  les  Trente-neuf  articles,  et  un  livre  litur- 
gique, le  Book  of  Common  prayer.  Mais  ni  ce  symbole, 
ni  ce  livre  ne  sont  des  instruments  efficaces  d'uniformité. 
L'Eglise  épiscopale  des  Etats-Unis  a  fait  subir  aux  Trente- 
neuf  articles  des  changements  conçus  dans  le  sens  protes- 
tant. En  Ecosse,  le  Prayer  Book,  quoique  déjà  suffisam- 
ment imprégné  de  la  tradition  catholique,  a  été  retouché 
dans  un  esprit  puséiste  ;  en  revanche,  il  a  été  revisé  dans 
un  esprit  calviniste  en  Irlande  (pays  où  les  épiscopalistes 
sont  en  contact  avec  le  catholicisme  romain)  et  aux  Etats- 
Unis,  où  l'on  en  a  supprimé  complètement  le  symbole 
d'iVthanase.  D'ailleurs,  comme  le  remarque  en  bons  termes 
M.  Chaponnière,  «  étant  donné  qu'aucun  des  partis  qui 
coexistent  dans  l'Eglise  ne  peut  souscrire  à  l'ensemble  de 


—  633  — 


EGLISE 


ses  professions  de  foi  sans  éluder  le  sens  naturel  de  telle 
ou  telle  de  leurs  déclarations,  cet  engagement  de  fidélité 
n'est  interprété  littéralement  par  personne  ».  Les  formu- 
laires anglicans  sont  devenus  assez  élastiques  pour  pouvoir 
être  souscrits,  sous  bénéfice  de  quelques  réserves  men- 
tales, par  les  high^  low  et  broad  churchmen.  Si  l'on 
veut  déterminer  de  nos  jours  précisément  les  contours  de 
la  dogmatique  anglicane  en  général,  ce  n'est  pas  aux 
Trente-neuf  articles  qu'il  faut  recourir,  c'est  au  corps  de  la 
jurisprudence  accumulée  depuis  le  commencement  du  siècle 
par  les  cours  ecclésiastiques  et  le  Conseil  privé  à  l'occasion 
des  procès  intentés,  à  propos  de  questions  doctrinales,  à 
des  clergymen  ou  à  des  évêques.  Or  la  jurisprudence  est 
susceptible  de  changer  ;  les  contours  de  la  dogmatique  an- 
glicane ont  donc  cessé  d'être  rigides.  En  fait,  elle  admet 
toutes  les  opinions,  à  l'exception  des  plus  radicales  ;  en- 
core celles-ci  ont-elles  chance  d'être  admises  un  jour.  Le 
rév.  Gorham  ne  croyait  pas  à  la  régénération  par  le  bap- 
tême et  refusait  en  conséquence  de  lire  les  paroles  du 
rituel  :  Puis  donc  que  cet  enfant  est  régénéré  ;  il  a  été 
jugé  qu'il  pouvait  croire  ou  ne  pas  croire  à  la  régénéra- 
tion, mais  que,  en  tout  cas,  il  devait  prononcer  les  paroles. 
Le  ministre  Bennett  croyait  à  la  présence  réelle  dans  l'Eu- 
charistie ;  il  a  été  jugé  que  cette  croyance  était  permise, 
pourvu  qu'on  n'adhérât  pas  ouvertement  au  catholicisme 
romain.  Les  auteurs  du  livre  Essays  and  reviews  ne 
croyaient  pas  à  l'éternité  des  châtiments,  à  l'imputation  des 
mérites  du  Christ,  à  l'inspiration  des  livres  saints  ;  il  a 
été  jugé  que  des  ministres  avaient  le  droit  de  professer  ces 
opinions  sans  perdre  leurs  bénéfices,  pourvu  qu'on  ne  niât 
pas  ouvertement  l'idée  du  salut  par  la  médiation  du  fils  de 
Dieu.  De  même  en  ce  qui  concerne  la  liturgie.  Les  pu- 
séistes  ont  essayé  de  réintroduire  subrepticement  la  plu- 
part des  coutumes  catholiques  :  le  surplis,  l'étole,  la  mitre 
dorée,  la  crosse,  les  chantres,  les  jeûnes,  les  retraites,  les 
exercices  spirituels.  «  Jadis,  dit  le  D^  Ince,  professeur  de 
théologie  à  Oxford,  on  disputait  dans  les  écoles  sur  la 
prédestination,  la  rédemption,  la  grâce;  il  n'est  plus  ques- 
tion aujourd'hui  que  d'encens,  de  cierges,  de  pain  sans 
levain  et  de  vestiaire.  »  Les  évangéliques  ont  essayé  d'en- 
rayer les  innovations  puséistes  ;  ils  l'ont  fait  non  seule- 
ment en  lançant  dans  la  circulation  des  ballades  comme 
celle  où  une  vieille  paroissienne,  choquée  des  nouveautés 
introduites  par  un  jeune  vicaire  ritualiste,  déclare  que 
les  vitraux  sont  sans  doute  très  beaux,  mais  qu'elle  re- 
grette tout  de  même  le  temps,  où,  à  travers  la  vitre  trans- 
parente des  fenêtres,  elle  pouvait  voir  le  ciel  bleu  et  les 
roses  grimpantes  ;  ils  Font  fait  aussi  en  traduisant  les  mi- 
nistres trop  suspects  de  faiblesse  pour  les  rites  papistes 
devant  les  cours  ecclésiastiques  (procès  Tooth,  Ridsdale, 
Purchas,  etc.).  Les  jugements  prononcés  ont  mis  à  l'index 
un  certain  nombre  de  rites  comme  trop  évidemment  imités 
des  rites  catholiques,  mais  les  ritualistes  se  sont  hâtés  de 
généraliser  tous  les  usages  qui  n'ont  pas  été  expressément 
condamnés  et  ils  n'ont  pas  hésité  à  conserver  môme  ceux-ci 
en  les  altérant  un  peu.  En  vain,  la  Chambre  des  lords 
est-elle  intervenue  à  plusieurs  reprises,  la  Convocation,  où 
siègent  les  représentants  du  bas  clergé,  s'est  toujours 
opposée  à  des  mesures  législatives  propres  à  faire  échec  aux 
progrès  du  ritualisme. 

Tout  cela  n'empêche  pas  que  l'Eglise  anglicane  ne 
soit  très  prospère,  très  riche,  et  continuellement  en  voie 
d'enrichissement.  Pendant  les  cinquante  dernières  années, 
plus  de  trois  mille  paroisses  nouvelles  ont  été  créées  en 
Angleterre,  sous  les  Peel's  Church  Building  Acts.  Huit 
nouveaux  évêchés  ont  été  établis  :  à  Ripon,  Manchester, 
Saint-Albans ,  Truro,  Newcastle,  Liverpool,  Southwell, 
Wakefield.  Outre-mer,  quantité  de  diocèses  ont  surgi  ;  si 
bien  qu'en  1878,  un  synode  pananglican  a  réuni  à  Londres 
jusqu'à  quatre-vingt-quinze  évêques  de  la  communion;  le 
nombre  des  pères  a  été  encore  plus  considérable  au  synode 
de  1888.  Enfin,  des  réformes  ont  amélioré  grandement  l'or- 
ganisation matérielle  de  l'Eglise. 


L'Eglise  anglicane  a  succédé  sans  révolution  au  xvi®  siècle 
à  TEglise  catholique  d'Angleterre  ;  elle  garde  donc  beau- 
coup de  traits  de  ressemblance  avec  l'ancienne  Eglise  du 
moyen  âge  à  laquelle  elle  a  succédé.  Le  pape,  à  la  vérité, 
a  été  remplacé  comme  «  chef  suprême  »  par  le  roi  qui 
exerce  par  l'intermédiaire  de  son  Parlement,  de  son  con- 
seil privé  et  de  son  ministère,  l'autorité  en  dernier  ressort 
sur  le  corps  ecclésiastique.  Mais  tous  les  membres  du  clergé 
anglican  revendiquent  le  bénéfice  de  la  succession  aposto- 
lique; le  caractère  sacerdotal  est  très  fortement  imprimé 
en  eux  ;  ils  se  divisent,  comme  les  membres  du  clergé 
cathohque,  en  diacres,  prêtres  et  évêques.  L'éducation 
du  clergé  se  fait  dans  les  universités  (Oxford,  Cambridge, 
Durham,  DubKn),  ou  dans  les  collèges  tels  que  celui  de 
Lampeter  (pays  de  Galles)  ou  de  Glenalmond  (près  de 
Perth,  Ecosse).  Or,  on  sait  que,  jusqu'à  une  époque  tout  à 
fait  récente,  les  études  ont  été  très  faibles  dans  ces  grands 
séminaires  du  clergé  anglican,  les  universités  anglaises.  Ce 
clergé  a  donc  été  longtemps  très  ignorant,  surtout  en  théo- 
logie, mais  il  se  flattait  par  compensation  d'être  exclusi- 
vement composé  de  ^m^/<?m^w,c.-à-d.  de  gens  bien  élevés  : 
«  Il  faut,  disait-on,  qu'il  y  ait  au  moins  un  gentlemen  dans 
chaque  village  :  le  vicaire,  »  Effectivement,  les  clergymen 
anglicans  ont  été  longtemps  recrutés  dans  la  classe  riche, 
et^ils  avaient  généralement  cette  correction,  cette  dignité 
que  donnent  l'usage  du  monde  et  la  possession  héréditaire 
d'une  large  aisance.  A  la  tête  du  clergé  sont  en  Angleterre, 
les  deux  archevêques  deCanterbury  et  d'York,  les  évêques 
de  Londres,  Winchester,  Durham,  Bangor,  Bath  and  Wells, 
Carlisle,  Chester,  Chichester,  Gloucester,  Hereford,  Lich- 
field,  Liverpool  (1880),  Llandaff,  Newcastle  (1882),  Nor- 
wich,  Oxford,  Peterborough ,  Rochester,  Saint-Albans 
(1877),  Saint-Asaph,  Saint-Davids,  Southwell  (1884), 
Truro  (1877),  Worcester,  Lincoln,  Ripon,  Manchester, 
Wakefield.  Là  plupart  de  ces  prélats  jouissent  de  con- 
sidérables privilèges  civils  et  de  revenus  magnifiques.  Ils 
sont  choisis  par  le  premier  ministre  de  la  couronne  parmi 
les  individualités  à  la  fois  les  plus  distinguées  et  les 
plus  modérées  (cf.  cependant  le  procès  récent  [1890]  de 
l'évêque  de  Lincoln,  accusé  de  ritualisme),  de  l'une  ou 
l'autre  des  trois  grandes  écoles  théologiques.  Les  évêques 
de  Londres,  Winchester  et  Durham,  siègent  ex  officio  à  la 
Chambre  des  lords  ;  les  autres  évêques  n'y  prennent  place 
qu'à  leur  tour,  quand,  par  suite  d'extinctions  dans  le  corps 
épiscopal,  ils  figurent  parmi  les  vingt  et  un  plus  anciens 
évêques  du  royaume.  En  Amérique,  les  évêques  sont  élus 
par  le  synode  diocésain.  Les  archidiacres  de  chaque  diocèse 
sont  appointés  par  l'évêque  et  exercent,  chacun  dans  leur 
circonscription,  une  autorité  subordonnée  à  la  sienne  ;  ce 
sont  les  hommes  d'affaires  du  diocèse,  qu'ils  visitent  chaque 
année  pour  vérifier  l'état  matériel  des  l3âtiments  ecclésias- 
tiques, etc.,  assistés  de  deux  church  wardens,  l'un  repré- 
sentant du  clergyman  dont  l'église  est  inspectée,  l'autre  élu 
par  la  congrégation.  L'archidiacre  est,  comme  au  moyen  âge, 
«  l'œil  de  l'évêque  ».  Il  est  généralement  en  possession  d'un 
canonicat  dans  l'éghse  cathédrale.  Les  chanoines  de  l'église 
cathédrale  forment  un  chapitre  gouverné  par  un  doyen  (dean) . 
Le  dean,  qualifié  de  very  révérend,  le  premier  personnage 
du  diocèse  après  l'évêque,  est  choisi  par  la  couronne,  sauf 
dans  le  pays  de  Galles,  où  il  l'est  par  l'évêque  ;  il  touche 
de  25,000  à  50,000  fr.  par  an.  Les  chanoines,  qui  tou- 
chent de  12,500  à  25,000  fr.,  sont  appointés  à  ces  siné- 
cures, soit  par  la  couronne,  soit  par  l'évêque,  en  récompense 
(théoriquement,  mais  la  théorie  est  fréquemment  mise  en 
pratique)  d'éminents  services.  L'évêque  n'a  pas  d'autorité 
sur  le  corps  capitulaire  de  la  cathédrale,  à  l'exception  d'un 
droit  nominal  d'inspection.  L'évêque  ne  peut  même  prêcher 
dans  la  cathédrale  que  sur  l'invitation  expresse  des  doyen  et 
chapitre.  Les  chanoines  résident  à  tour  de  rôle  près  de  leur 
cathédrale  pendant  une  période  de  trois  mois  ;  c'est  la  seule 
obligation  à  laquelle  ils  soient  astreints.  —  Les  dignités  de 
doyen,  de  chanoine  et  d'archidiacre  ont  été  supprimées 
chez  les  anglicans  des  Etats-Unis.  —  Le  doyen  rural  n'a 


ÉGLISE 


-  634  — 


rien  de  commun  avec  le  doyen  de  la  cathédrale  ;  il  dépend 
étroitement  de  Févêque  ;  son  office  et  ses  droits  sont  de 
pure  courtoisie  ;  il  réunit  parfois  les  curés  de  son  doyenné, 
mais  il  n'a  pas  le  droit  de  les  forcer  à  faire  acte  de  pré- 
sence; il  y  a  environ  six  cents  doyennés  ruraux  en  Angle- 
terre. —  Au  premier  rang  du  clergé  paroissial  se  trouvent 
les  recteurs,  auxquels  seuls  appartient  le  titre  très  honorable 
de  «  parson  »  (quia personam  ecclcsiœ  gerunt).  Recteurs, 
vicaires  et  curés  perpétuels  sont  également  des  bénéficiés 
(inciimbents)  ;  ils  ne  diffèrent  que  par  le  salaire.  Les  rec- 
teurs perçoivent  tous  les  revenus  des  manses  paroissiales, 
tandis  que  les  vicaires  n'en  touchent  qu'une  partie,  aban- 
donnant le  reste  à  Vimpropriator  ou  patron,  évêque,  cor- 
poration ou  personnage  laïque,  par  suite  d'inféodations  des 
dîmes  qui  remontent  au  xiii^  siècle.  Quant  aux  curés  per- 
pétuels (perpétuai  curâtes),  ils  datent  de  la  Restauration. 
Les  prêtres  ayant  charge  d'àmes  étaient  souvent  réduits  à 
la  misère  par  des  recteurs  non  résidents  qui  gardaient  le 
revenu  des  cures  et  ne  laissaient  à  leurs  suppléants  qu'une 
misérable  portion  congrue.  Aux  suppléants  furent  attri- 
buées, dès  lors,  pour  remédiera  cet  abus,  la  dignité  de  curé 
perpétuel,  et  une  rente  fixe,  annuelle,  assise  sur  les  do- 
maines rectoraux.  Il  y  a  une  vingtaine  d'années  que  le 
titre  de  curé  perpétuel  est  tombé  en  désuétude  ;  les  curés 
sont  confondus  aujourd'hui  avec  les  vicaires.  C'est  à  la 
pauvreté  relative  de  cet  ordre  de  bénéficiés  que  l'EgUse  an- 
glicane est  redevable  de  l'institution  connue  sous  le  nom 
de  Queen  Anne' s  Bounty.  Il  parut  au  commencement  du 
xviii^  siècle  que  les  salaires  des  curés  perpétuels  étaient 
si  faibles  que  la  gêne  de  ces  fonctionnaires  déshonorait 
l'établissement.  La  reine  Anne,  en  conséquence,  proposa  au 
Parlement  de  consacrer  certains  revenus  de  la  couronne  à 
l'amélioration  perpétuelle  du  sort  des  curés.  Les  adminis- 
trateurs de  la  Queen's  Anne  Bounty  prêtent  encore  au- 
jourd'hui fréquemment  de  grosses  sommes  aux  clergymen 
dans  l'embarras,  notamment  en  vue  de  réparations  aux 
églises  et  aux  presbytères.  —  Pour  la  nomination  des  béné- 
ficiés, le  système  du  patronage  existe  encore.  Pour  qu'un 
ecclésiastique  soit  pourvu  d'un  bénéfice,  il  faut  qu'il  soit 
présenté  ^2iV  le  patron,  dont  le  droit  de  vocation  (aclvoivson) 
est  une  propriété  qui  se  vend,  s'achète  et  se  transmet  par 
héritage  ;  admis  par  l'évêque  ;  institué  par  le  même, 
après  la  prestation  du  serment  d'obéissance  canonique  ; 
m5^ât//^'(inducted)  par  l'archidiacre.  En  Irlande,  en  Ecosse, 
aux  colonies  et  aux  Etats-Unis,  ce  sont  les  assemblées  de 
paroisses  qui  font  la  présentation  des  candidats.  Tous  les 
abus  que  le  système  de  patronage  entraînait  dans  l'Eglise 
catholique  du  moyen  âge  (simonie,  népotisme,  favoritisme, 
avec  les  conséquences  :  nomination  de  pasteurs  mondains 
et  indignes),  le  même  système  les  a  produits,  naturelle- 
ment, dans  l'Eglise  anglicane.  Le  progrès  des  mœurs  a 
rendu  les  scandales  plus  rares,  mais  il  y  en  a  encore  ;  on 
propose,  pour  les  empêcher,  de  faciliter  le  veto  de  l'évêque 
et  d'en  attribuer  un  aux  paroissiens,  jusqu'ici  nullement 
consultés.  Le  cumul  des  bénéfices  et  la  non-résidence  sont 
d'autres  abus  du  moyen  âge,  dont  l'Eglise  anglicane  n'a 
été  purgée  que  par  un  acte  de  4838;  les  bénéficiers  sont 
aujourd'hui  forcés  de  résider  et  de  rétribuer  convenable- 
ment les  auxihaires  qu'ils  se  donnent,  s'ils  ne  veulent  rien 
faire.  —  D'oti  viennent  les  revenus  pécuniaires  attachés 
aux  bénéfices  des  cures  ?  Ce  n'est  pas  l'Etat  qui  les  four- 
nit. L'Eglise  anglicane,  la  plus  riche  du  monde,  coûte 
très  peu  au  budget  anglais  ;  mais  elle  tient  de  la  loi  le  droit 
de  percevoir  des  taxes  pour  son  entretien,  entre  autres  la 
dîme,  convertie  depuis  1833  en  redevance  pécuniaire.  On 
estime  le  revenu  fixe  des  biens  de  l'Eglise  d'Angleterre  à 
plus  de  quatre  millions  de  livres  sterling,  dont  le  quart 
étant  tombé  dans  l'appropriation  privée  est  perçu  par  des 
laïques.  Près  de  six  millions  de  livres  sont  en  outre  four- 
nies annuellement  par  des  contributions  volontaires. 

L'Eglise  épiscopale  d'Irlande  a  été,  comme  on  dit, 
«  désétablie  »,  séparée  d'avec  l'Etat  en  4868,  mais  elle 
n'y  a  pas  perdu,  chaque  bénéficier  ayant  reçu  à  titre  de 


compensation  une  rente  viagère  égale  au  traitement  qu'il 
avait,  ou  bien  un  capital  correspondant.  Les  intéressés  ont 
préféré  le  capital  et  l'ont  versé  à  la  caisse  centrale  de 
l'Eglise  épiscopale  (libre)  d'Irlande,  qui  leur  a,  à  son  tour, 
servi  une  rente  convenable,  mais  qui  s'est  constitué  ainsi 
une  fortune  durable.  La  question  du  désétablissement  et 
du  disendoivment  de  l'Eghse  épiscopale  du  pays  de  Galles 
est  à  l'ordre  du  jour.  —  La  générosité  des  fidèles  angli- 
cans est  d'ailleurs  sollicitée  par  un  très  grand  nombre 
d'œuvres  dont  quelques-unes  ont  une  réputation  méritée 
par  des  services  positifs,  comme  la  S.  F.  P.  C.  K.  (Society 
for  promoting  Christian  Knowledge^  fondée  en  1698), 
la  Society  for  the  propagation  of  the  Gospel  in  foreign 
parts ^  fondée  en  1701,  la  Church  Missionary  Society. 

L'Eglise  anglicane  d'Angleterre  est  trop  étroitement  liée 
à  l'Etat  pour  pouvoir  jouir  d'une  large  autonomie.  Les  an- 
ciennes assemblées  politiques  du  clergé  anglais,  les  Convo- 
cations d'York  et  de  Canterbury,  divisées  en  deux  chambres, 
à  l'instar  du  Parlement  :  une  chambre  haute  et  une  chambre 
basse,  furent  tenues  régulièrement  jusqu'au  xvin®  siècle. 
Mais  le  gouvernement,  qui  avait  essayé  de  se  servir  d'elles 
pour  certaines  réformes  ecclésiastiques  qui  lui  tenaient  à 
cœur,  les  trouva  trop  indépendantes  à  son  gré  (surtout  les 
chambres  basses)  et  prit  l'habitude  de  les  proroger  indéfi- 
niment. Le  Parlement  seul  fut  désormais  consulté  au  sujet 
de  la  législation  ecclésiastique.  Ce  n'est  qu'en  1854  que, 
grâce  aux  efforts  et  au  tact  de  l'évêçjue  d'Oxford,  S.  Wil- 
îSerforce  (1805-1873),  les  Convocations  furent  de  nouveau 
autorisées  à  délibérer  quelques  jours  chaque  année.  Leurs 
décisions  ne  sont  toutefois  considérées  que  commode  simples 
avis.  Les  puséistes  voudraient  bien  faire  revenir,  entre 
autres  vieilleries,  les  anciens  synodes  diocésains,  à  la  place 
des  conférences  officieuses  qui  sont  réunies  aujourd'hui 
dans  la  plupart  des  diocèses. —  Hors  d'Angleterre,  le  pou- 
voir législatif  de  l'Eglise  épiscopale  réside  dans  le  Synode 
général^  composé  de  deux  chambres  :  archevêques  et 
évêques  dans  l'une,  délégués  du  bas  clergé  et  du  corps  des 
laïques  dans  l'autre. 

Le  tribunal  suprême  de  l'Eglise  d'Angleterre  est  celui 
du  souverain  qui  a  délégué  ses  pouvoirs,  depuis  1832,  au 
comité  judiciaire  du  conseil  privé.  Ainsi  le  dernier  mot,  en 
matière  de  juridiction  ecclésiastique,  appartient  à  des 
laïques.  Mais  l'Eglise  n'en  a  pas  moins  conservé  des  tribu- 
naux de  première  instance  et  d'appel  qui  lui  sont  propres. 
La  fusion  des  deux  cours  archiépiscopales  de  Canterbury 
et  d'York  a  constitué  en  1875  la  Cour  métropolitaine, 
dite  Cour  des  Arches  parce  que  le  tribunal  de  l'arche- 
vêque de  Canterbury  siégeait  jadis  à  Londres,  en  l'église 
de  Bow  (Sancta-Maria  deArcubus).  11  y  a  dans  chaque 
diocèse  une  cour  consistoriale  présidée  par  le  chancelier 
de  l'évêque  ;  des  cours  archidiaconales  présidées  par  Voffi- 
cial  de  l'archidiacre. 

Le  bizarre  édifice  de  Henri  VIII  est-il  destiné  à  durer 
longtemps  encore  ?  L'avenir  le  dira.  On  peut  constater 
seulement  que  les  puséistes  et  les  broad  churchmen  y 
sont  fort  attachés  et  ne  paraissent  pas  près  de  l'aban- 
donner. L'Eglise  anglicane  est  trop  richement  dotée  pour 
que  ses  membres  en  veuillent,  de  gaieté  de  cœur,  compro- 
mettre l'existence  en  se  montrant  intolérants  à  l'égard  les 
uns  des  autres.  Ils  ne  retrouveraient  point  ces  beaux  ca- 
nonicats  qui  font  de  si  nobles  loisirs  à  tant  d'esprits  déli- 
cats, portés  aux  spéculations  morales  ou  théologiques.  Le 
danger  qui  menace  l'Eglise  anglicane  n'est  donc  pas  interne. 
C'est  l'esprit  révolutionnaire,  anticlérical,  du  dehors.  N'a- 
t-on  pas  déjà  parlé  de  «  nationaliser  »  les  biens  de  la 
Church  of  Éngland  et  de  donner  les  canonicats  près  des 
splendides  cathédrales  du  moyen  âge  comme  récompense  et 
comme  retraite  aux  grands  savants,  aux  grands  écrivains, 
aux  grands  artistes?  A  vrai  dire,  une  telle  extrémité  n'est 
pas  à  redouter;  on  en  est  très  loin.  Mais  la  question  du 
«  désétablissement  »,  de  la  suppression  des  dîmes  est  déjà 
brûlante  ;  elle  figure  dans  le  programme  des  grands  partis 
politiques.  L'anglicanisme  abrite  des  abus  colossaux,  qui 


635 


ne  peuvent  manquer  d'offenser  l'Angleterre  démocratique, 
nouvelle,  qui  point  à  l'horizon.  Ch.-V.  L. 

BiBL.  :  Histoires  ecclésiastiques  de  V Angleterre,  par 
Collier,  J.  Grant,  K.-F.  Stœudlin,  Carwitiien,  Stou- 
GHTON,  Perry  et  DixoN.  — G.  BuRNET,  Aîi  Exposition  of 
the  XXXIX  articles;  Oxford,  1845,  in-8.  —  Cxjrteis,  Dis- 
sent in  ils  relation  to  the  Churchof  England;  Londres, 
1876,  in-8.  —  Blunt  et  Phillimore,  The  Book  of  Church 
law;  Londres,  1876,  in-8.  —A.  Weir  et  W.  Dalrymple- 
Maclagan,  The  Church  and  the  âge  ;  Londres,  1870-72, 
2  voL  in-8.  —  WiLBERFORCE,  Hist.  of  the  protestant  episc. 
Church  in  America^  1856.  —  Chaponnière,  dans  VEiicy- 
clopédie  des  sciences  religieuses  de  M.  Lichtenberger. 

ÉGLISE  d'Ecosse.  Les  écrits  de  Luther  pénétrèrent  en 
Ecosse  vers  1525.  Les  principes  de  la  Réforme  y  furent 
activement  propagés  par  le  jeune  Patrick  Ilamilton,  de  la 
famille  des  comtes  d'Arran,  qui  mourut  sur  le  bûcher,  en 
d52T,  à  peine  âgé  de  vingt-quatre  ans.  Par  des  mesures 
d'une  rigueur  extrême,  le  cardinal  Beaton  s'efforça  d'en- 
traver les  progrès  du  protestantisme.  Mais  l'exécution  de 
Wishart  (4546)  mit  le  comble  à  l'exaspération  populaire. 
Le  cardinal  périt  lui-même  assassiné  peu  de  temps  après. 
Dans  les  années  qui  suivirent,  la  lutte  fut  ardente  entre  les 
réformateurs  soutenus  par  le  peuple  et  la  noblesse  d'une 
part,  et  l'Eglise  défendue  parla  couronne,  de  l'autre.  C'est 
dans  ces  conjonctures  que  parut  sur  la  scène  John  Knox,  le 
véritable  organisateur  du  parti  protestant  en  Ecosse.  A  son 
instigation,  les  membres  de  la  noblesse  protestante  forment 
une  ligue  puissante  sous  le  nom  de  The  Lords  of  the  con- 
grégation. Ils  dominent  bientôt  tout  le  pays.  Aussi,  quand 
le  Parlement  se  réunit  en  1560,  un  de  ses  premiers  actes 
fut-il  d'interdire  l'exercice  de  la  religion  catholique.  Le 
17  juil.,  une  confession  de  foi  [Confessio  Scotica)  repro- 
duisant les  principales  doctrines  de  V Institution  chrétiemie 
de  Calvin  et  rédigée  en  grande  partie  par  Knox,  fut  solen- 
nellement adoptée.  Quelques  mois  plus  tard,  la  première 
assemblée  générale  de  l'Eglise  se  réunit  (décembre)   et 
s'occupe  de  la  rédaction  du  Livre  de  discipline.  On  y  traite 
toutes  les  questions  relatives  à  l'organisation  dos  congré- 
gations individuelles.  Le  Second  Livre  de  discipline  parut 
seulement  à  l'assemblée  générale  de  l'Eglise  de  1578.  Il 
complète  le  premier  et  a  surtout  pour  objet  de  régler  les 
rapports  des  congrégations  avec  les  cours   ecclésiastiques 
supérieures.  Le  point  de  départ  du  système  presbytérien 
qui  prévaut  en  Ecosse  est  l'administration  de  l'Eglise  par 
des  ministres  et  des  anciens  nommés  par  les  fidèles.  Toutes 
les  questions  pendantes  ressortissent  à  quatre  tribunaux 
ou  cours  ecclésiastiques  :  1^  le  conseil  presbytéral  ou  kirk- 
session;  2«  le  consistoire  ou  presbytery;  3°  le  synode 
provincial  ;  4«  l'assemblée  générale.  Chaque  cour  est  pré- 
sidée par  un  modérateur  éîu  par  ses  collègues.  Les  minis- 
tres sont  éligibles.  On  peut  appeler  des  sentences  de  ces 
tribunaux  à  l'assemblée  générale,  dont  les  décisions  sont 
irrévocables. 

Dans  la  seconde  moitié  du  xvi^  siècle,  la  cause  protes- 
tante, défendue  par  Knox  sous  Marie  Stuart  et  par  André 
Melville  sous  Jacques  VI,  ne  cesse  de  gagner  du  terrain. 
A  la  mort  de  Marie  Stuart  (1586),  l'Angleterre  et  l'Ecosse, 
longtemps  ennemies,  se  rapprochent  dans  la  poursuite 
d'un  but  commun  :  l'étabUssement  du  protestantisme  chez 
elles.  Telle  était  la  situation  de  ces  deux  pays  quand  Jac- 
ques VI  monta  sur  le  trône  d'Angleterre  (1603).^  Tout  sem- 
blait annoncer  l'avènement  d'une  ère  de  paix  intérieure. 
Mais  les  Stuarts,  mal  conseillés  par  Laud,  en  imposant 
l'usage  de  la  liturgie  anglicane  aux  protestants  d'Ecosse, 
s'ahènent  l'affection  de  leurs  sujets.  Les  presbytériens  se 
révoltent  contre  le  parti  des  prélats.  Ils  s'engagent  par  le 
Solemn  leagiie  and  Covenant  (1638)  à  exterminer  leurs 
adversaires  et  contribuent,  avec  les  parlementaires  d'Angle- 
terre, à  l'établissement  de  la  répubhque  et  du  protectorat 
de  Cromwell.  Leur  triomphe  est  le  triomphe  de  leur  Eghse. 
Ils  complètent  son  organisation  en  abolissant  le  droit  que 
s'arrogent  les  seigneurs  de  nommer  les  titulaires  aux  fonc- 
tions pastorales.  Renchérissant  sur  les  doctrines  de  la  con- 
fession de  foi  de  Knox,  ils  adoptent  la  confession  plus  rigide 


ÉGLISE 

de  Westminster  (1647).  Mais  à  la  restauration  des  Stuarts, 
en  1660,  l'épiscopat  fut  réintégré  dans  tous  ses  privilèges. 
Pendant  vingt-huit  ans,  sous  les  règnes  de  Charles  II  et  de 
Jacques  II,  les  presbytériens  furent  persécutés  sans  merci. 
Aussi  accueillirent-ils  avec  enthousiasme  la  révolution  qui 
renversa  ce  dernier.  Un  des  premiers  actes  du  Parlement 
qui  appela  Guillaume  III  d'Orange  à  monter  sur  le  trône 
d'Angleterre  fut  de  ratifier  l'établissement  du  presbytéria- 
nisme en  Ecosse  (1690).  Pour  cette  histoire,  V.  Ecosse. 
Les  attaques  venant  du  dehors  ne  tardèrent  pas  à  être 
remplacées  par  des  luttes  incessantes  entre  les  congrégations 
et  les  seigneurs,  au  sujet  du  patronage.  Tant  que  régna 
Guillaume  III,  les  églises  n'eurent  pas  à  soufi^rir  de  1  m- 
triision  (c'est  ainsi  qu'on  désignait  la  prétention  des  sei- 
gneurs de  nommer  les  titulaires  aux  chaires  vacantes)  et 
s'administrèrent  elles-mêmes.  Mais,  quand  le  traité  d'union 
entre   l'Angleterre  et   l'Ecosse  fut  définitivement  signé 
(1707),  le  patronage  qui  était  tombé  en  désuétude  fut  re- 
mis en  honneur.  C'était  un  moyen  pour  la  couronne  de  se 
conciher  les  sympathies  de  la  noblesse  écossaise.  Quelques 
années  plus  tard,  en  1712,  quand  le  parti  tory,  représenté 
par  Haiiey  et  Bolingbroke,  arriva  au  pouvoir,  on  se  hâta 
de  confirmer  les  privilèges  accordés  aux  seigneurs.  L'Eglise 
d'Ecosse  se  trouva  dès  lors  divisée  en  deux  camps  :  1°  les 
mod^m^^5,  partisans  de  la  soumission  à  tout  prix,  quelque 
peu  indifférents  sur  les  questions  de  doctrine,  disposés  à 
faire  de  l'Eglise  une  institution  de  l'Etat;  2°  les  évangéy 
tiques,  presbytériens  convaincus,  conservateurs  des  tradi- 
tions primitives,  hostiles  à  Vintrusion  sous  toutes  ses 
formes.  Telle  était  la  situation  intérieure  de  l'Eghse  au 
xviii®  siècle.  L'organisation  presbytérienne  était  ouvertement 
foulée  aux  pieds.  Aussi,  devant  la  violation  de  leurs  droits, 
vit-on  de  nombreux  fidèles  quitter  l'Eghse  à  différentes 
époques  et  fonder  des  congrégations  nouvelles  avec  des 
pasteurs  de  leur  choix.  La  première  en  date  de  ces  commu- 
nautés dissidentes  fut  créée  par  Ebenezer  Erskme,  pasteur 
de  Stiriing  (1733)  et  fut  désignée  sous  le  nom  de  Asso- 
date  Synod.  Les  séparatistes  (seceders) ,  m^({ueh  se  joi- 
gnirent trois  autres  pasteurs,  Wilson,  Moncrieff,  Fisher, 
attaquèrent  l'Eglise  au  double  point  de  vue  doctrinal  et  dis- 
ciplinaire. Leur  exemple  fut  imité  par  d'autres.  En  1761, 
un  groupe  important  de  fidèles  suivit  le  pasteur  Thomas 
Gillespie  révoqué  par  l'assemblée  générale  pour  avoir  refusé 
d'installer  un  titulaire  imposé  à  une  congrégation  en  vertu 
du  patronage.  Ce  parti  forma  le  Presbytery  of  relief  ou 
Eglise  de  la  déhvrance.  Malgré  la  division  de  ïAssociate 
Synod,  en  1747,  en  burghers  et  antiburghers  sur  la 
question  de  la  prestation  du  serment  en  matière  politique, 
les  deux  puissantes  communautés  dissidentes  fondées  par 
Erskine  et  Gillespie  eurent,  pendant  de  longues  années, 
une  existence  très  prospère.  Une  foi  commune  et  une  situa- 
tion semblable  vis-à-vis  de  l'Eglise  d'Ecosse  devaient  opérer 
tôt  ou  tard  entre  elles  un  rapprochement.  En  1847,  elles 
se  constituèrent  en  un  seul  corps  sous  le  nom  de  Sy7iod  of 
united  original  seceders  ou  Eglise  presbytérienne  unie. 
Cependant,  FEglise  d'Ecosse  continuait  à  subir  le  système 
des  intrusions.  Les  plaintes  des  congrégations  devinrent  de 
jour  en  jour  plus  nombreuses  et  plus  pressantes.  L'assem- 
blée générale  des  Eghses  se  vit  forcée,  en  1834,  d'accorder 
aux  fidèles  le  droit  de  veto  contre  l'installation  de  tout 
pasteur  n'ayant  pas  leur  confiance.  Mais  le  conflit  ayant  été 
porté  devant  les  tribunaux,  ceux-ci  se  déclarèrent  contre 
les  congrégations  en  faveur  des  patrons.  Cette  décision  pro- 
voqua une  indignation  générale.  Thomas  Chalmers,  prési- 
dent de  l'assemblée,  se  mit  à  la  tête  des  mécontents.  Il  se 
sépara  de  l'Eglise  établie  d'Ecosse  avec  quatre  cent  soixante- 
dix  pasteurs  (18  mars  1843)  et  fonda  VEglise  libre.  A  partir 
de  ce  moment,  l'Eghse  d'Ecosse  ne  comprend  plus  que  la 
minorité  des  habitants  de  ce  pays.—  Son  union  avec  1  Etat 
lui  a  été  fatale.  En  1874,  l'abolition  du  patronage  a  consacre 
le  triomphe  du  parti  évangélique.  Ainsi,  dans  cette  longue 
lutte  entre  les  congrégations  et  les  patrons,  la  victoire  est 
restée  aux  congrégations.  G,  de  La  Quesnerie. 


ÉGLISE 


—  636  - 


BiBL.  :  John  Knox,  Histoire  de  la  Réforme  en  Ecosse^ 
1572.  —  Marc  Wilks  ,  Précis  de  Vhistoire  de  l'Eglise 
d'Ecosse,  1844.  — W.  Hanna,  Memoirs  of  Chalmers  by  his 
son-in-law^  1849-1852.  —  Merle  d'Aubigné,  Trois  Siècles 
de  lutte  en  Ecosse^  1850. 

ÉGLISE  MÉTHODISTE.  En  1729,  deux  jeunes  théologiens 
protestants  d'Oxford,  deux  frères,  John  et  Charles  We'sley, 
fondèrent,  avec  une  trentaine  d'étudiants,  une  société  dont 
le  but  était  d'appliquer  à  la  \ie  quotidienne  les  préceptes 
de  l'Evangile.  Leurs  mœurs  ascétiques  et  la  régularité  qu'ils 
apportaient  à  l'accomplissement  de  nombreux  exercices  de 
piété  valurent  à  ces  nouveaux  réformateurs  l'appellation 
dédaigneuse  de  méthodistes.  Cette  société  fut  le  point  de 
départ  du  réveil  de  la  conscience  religieuse  en  Angleterre 
au  xviii^  siècle.  Elle  recruta  bientôt  de  fervents  adhérents, 
parmi  lesquels  George  Whitefield  (1732)  se  signala  par  son 
zèle  et  un  grand  talent  d'orateur.  Avec  John  Wesley,  le 
véritable  organisateur  de  l'œuvre,  il  entreprit  de  faire 
pénétrer  la  lumière  de  l'Evangile  dans  toutes  les  classes 
de  la  société,  même  les  plus  déshéritées.  La  parole  ardente 
de  ces  deux  apôtres  trouva  un  écho  dans  toute  l'Angleterre 
et  au  delà  des  mers,  dans  les  colonies  de  l'Amérique.  En 
1735,  Wesley  partit  pour  la  Géorgie  et  Whitefield  l'y  re- 
joignit bientôt.  Après  quelques  années,  ils  quittent  cette 
colonie,  en  y  laissant  les  promesses  d'une  abondante  récolte 
spirituelle,  et  reviennent  en  Europe,  Wesley  en  1738  et 
Whitefield  en  1739.  —  Ce  voyage  fut  pour  le  développe- 
ment de  Wesley  d'une  importance  capitale.  Membre  de 
l'Eglise  anglicane,  il  en  avait  jusque-là  accepté  sans  dis- 
cussion les  dogmes  et  la  discipline.  Mais  les  expériences  de 
l'apostolat,  et  sans  doute  aussi  l'influence  qu'eut  sur  lui  la 
notion  mystique  de  la  foi  de  quelques  émigrants  moraves 
dont  il  fit  la  rencontre  dans  ses  voyages,  l'amenèrent  à 
attacher  toujours  plus  de  valeur  à  l'idée" de  la  régénération 
intérieure,  à  la  conscience  de  Dieu  dans  le  cœur  de  l'homme. 
Dès  son  retour,  il  se  mit  en  rapport  avec  Bohler,  le  pasteur 
de  la  communauté  morave  de  Londres.  Celui-ci  le  confirma 
dans  sa  nouvelle  manière  de  voir.  Les  circonstances  sem- 
blaient d'ailleurs  favoriser  un  rapprochement  entre  les 
méthodistes  et  les  moraves.  Au  début  de  leur  œuvre,  Wesley 
et  Whitefield  avaient,  il  est  vrai,  trouvé  dans  les  membres 
du  clergé  anglican  des  auxiliaires  pleins  de  bonne  volonté. 
Mais,  devant  les  succès  toujours  croissants  de  leur  prédica- 
tion, ces  sentiments  s'étaient  peu  à  peu  transformés  en  une 
hostilité  plus  ou  moins  déguisée.  Les  ministres  refusaient 
quelquefois  de  leur  prêter  leurs  églises.  De  là,  la  nécessité 
pour  Wesley  et  pour  Whitefield  "de  se  contenter  d'abord 
des  salles  de  réunion  des  moraves  et  bientôt  après  (1739) 
d'inaugurer  à  Kingswood,  près  de  Bristol,  et  à  Moorfield,  près 
de  Londres,  des  prédications  en  plein  air  devant  des  foules 
comprenant,  d'après  des  témoins  dignes  de  foi,  jusqu'à 
trente  mille  personnes.  Malgré  l'opposition  de  plus  en  plus 
ouverte  del'Eghse  anghcane,  Wesley  ne  rompit  point  avec 
elle.  L'alliance  qu'il  avait  contractée  avec  les  frères  moraves 
n'eut,  au  contraire,  qu'une  durée  éphémère.  Il  se  sépara 
d'eux  au  bout  d'une  année.  Homme  d'action  avant  tout,  le 
(juiétisme  mystique  des  disciples  de  Zinzendorff  pouvait 
former  un  élément  de  sa  foi,  mais  ne  pouvait  être  toute  sa 
foi.  La  doctrine  exagérée  du  repos  en  Dieu  fut  son  principal 
grief  contre  les  frères  moraves,  auxquels  il  reprochait  aussi 
leur  antinomisme.  C'est  à  ce  moment  critique  (1739)  que 
Wesley  entreprit  de  donner  une  organisation  indépendante 
aux  sociétés  locales  d'où  sortirent  plus  tard  les  églises  mé- 
thodistes. Mais  à  peine  son  plan  recevait-il  un  commence- 
ment d'exécution  que  l'union  spirituelle  qui  avait  jusque-là 
existé  entre  lui  et  Whitefield  cessait  subitement.  En  1741, 
la  question  du  péché  et  de  la  grâce  divisa  les  méthodistes 
en  deux  camps.  Wesley  adopta  la  solution  large  d'Armi- 
nius,  condamnée  par  le  synode  de  Dordrecht  en  1618  ; 
Whitefield  se  fit  le  défenseur  des  doctrines  calvinistes.  Ce 
schisme  fit  de  Wesley  le  chef  incontesté  des  méthodistes. 
Mais  ce  titre,  il  le  mérite  surtout  par  le  travail  d'organi- 
sation dont  nous  venons  de  parler. 

Ce  fut  en  1743  que  parurent,  au  nom  des  deux  frères 


John  et  Charles  Wesley,  les  règles  des  sociétés  unies. 
Les  fidèles  sont  considérés  à  la  fois  collectivement  et  indi- 
viduellement. Leur  ensemble  forme  la  société.  Celle-ci 
est  elle-même  composée  de  classes  comprenant  des  subdivi- 
sions désignées  sous  le  nom  de  circuits.  A  la  tête  des 
classes  sont  des  présidents  laïcs,  leaders  ou  assistants^ 
qui  entretiennent  le  zèle  des  fidèles  et  dirigent  le  culte, 
sauf  l'administration  des  sacrements,  la  communion  no- 
tamment. Ces  présidents  ont  des  subordonnés  ou  helpers. 
Dans  ce  cadre,  on  trouve  encore  des  bands  où  entrent  les 
hommes  et  les  femmes,  séparés  en  mariés  et  célibataires. 
Les  membres  de  ces  diverses  catégories  sont  individuelle- 
ment l'objet  de  visites  à  domicile  et,  quand  les  circonstances 
l'exigent,  de  secours  matériels.  Chaque  société  a  un  conseil 
de  discipline  formé  par  l'assemblée  des  leaders.  En  même 
temps,  Wesley  institue  un  ordre  de  prédicateurs  chargés 
de  visiter  les  sociétés  et  d'en  fonder  de  nouvelles,  sans 
qu'ils  aient  le  droit  de  rester  plus  de  trois  ans  dans  le 
même  poste.  Ces  prédicateurs  remplissent  les  fonctions  pas- 
torales, à  l'exclusion  de  l'administration  des  sacrements  que 
les  frères  Wesley  se  réservèrent  dès  le  début  dans  toutes 
les  sociétés.  Les  fidèles  pouvaient  toutefois  prendre  la 
communion  des  mains  des  pasteurs  anglicans  quand,  pour 
des  raisons  de  distance  ou  toute  autre  cause,  les  frères 
Wesley  n'avaient  pu  se  rendre  à  leur  réunion.  Mais,  devant 
le  refus  assez  fréquent  de  l'autorité  ecclésiastique  d'admettre 
les  méthodistes  à  la  table  sainte  de  l'Eglise  paroissiale, 
Wesley  se  vit  forcé  d'investir  ses  pasteurs  de  tous  les  pou- 
voirs sacerdotaux.  A  partir  de  ce  moment,  on  peut  parler 
d'Eglises  méthodistes,  puisque  les  réunions  primitives  ont 
rompu  les  derniers  liens  qui  les  rattachaient  à  l'Eglise 
anglicane.  Enfin, l'organisation  du  méthodisme  se  complète 
par  l'institution  de  conférences  annuelles  (1744).  Ces 
conférences  sont  composées  de  cent  prédicateurs  nommés 
directement  par  Wesley  (^/i(?  légal  hundred)  pour  discuter 
les  questions  d'intérêt  général.  Tant  que  vécut  Wesley,  les 
décisions  de  l'assemblée  furent  subordonnées  à  son  appro- 
bation personnelle.  Mais  à  sa  mort  (1791),  la  conférence, 
qui  nomme  elle-même  ses  membres  quand  des  vides  se  pro- 
duisent dans  son  sein,  se  trouva  investie  de  l'autorité  su- 
prême sur  toutes  les  sociétés.  Elle  délègue,  dans  certains 
cas,  ses  pouvoirs  à  des  comités  locaux. 

L'Amérique  était  trop  loin  pour  que  l'action  spirituelle  et 
sacerdotale  de  Wesley  s'y  exerçât  directement.  Les  fidèles 
des  colonies  étaient  par  conséquent  souvent  exposés  à  ne 
pouvoir  prendre  la  communion,  d'autant  plus  que  l'Eglise 
anglicane,  en  ces  années  où  on  luttait  pour  conquérir  l'in- 
dépendance politique,  n'avait  pas  leurs  sympathies.  Wesley, 
dans  ces  circonstances,  ordonna  un  évêque,  le  docteur 
Coke,  auquel  il  confia  l'autorité  spirituelle  sur  les  sociétés 
wesléyennes  du  nouveau  monde.  C'est  ce  Coke,  assisté 
d'Asbury,  qui  fonda  l'Eglise  méthodiste  épiscopale  d'Amé- 
rique (1784).  Elle  est  actuellement  très  florissante.  Les 
détails  de  l'organisation  intérieure  de  cette  EgHse  sont  con- 
formes à  ceux  que  nous  avons  donnés  plus  haut.  C'est  en 
Amérique  que  les  Réveils  religieux  (Revivais)^  chers  au 
méthodisme,  ont  pris  tout  leur  développement.  La  célébra- 
tion des  Love  Feasts  ou  agapes  fraternelles,  renouvelée 
des  pratiques  de  l'Eghse  primitive,  aboutit  à  l'institution 
des  cafnp-meetings.  Les  fidèles,  campés  en  grandes  masses 
dans  un  endroit  retiré,  forêt  ou  lande  déserte, poursuivent 
quelquefois  pendant  plusieurs  jours  leurs  exercices  religieux , 
sans  aucune  interruption.  Le  chant  des  cantiques  et  les 
prières  succèdent  aux  exhortations  et  aux  appels  à  la 
repentance.  La  confession  publique  des  péchés,  au  milieu 
des  larmes  des  assistants,  et  les  cris  enthousiastes  quand  le 
pécheur  rentre  en  grâce  sont  des  phénomènes  fréquents  dans 
ces  immenses  assemblées.  (Juoique  les  méthodistes  en  Amé- 
rique soient  restés,  pour  la  plupart,  fidèles  aux  institutions 
épiscopales,  on  rencontre  dans  ce  pays  des  méthodistes 
congrégationalistes  repoussant  la  centralisation  ecclésias- 
tique. —  En  Ecosse,  l'Eglise  méthodiste  fut  organisée, 
en  1785,  par  Wesley.  Pour  les  mêmes  raisons  que  nous 


637  - 


EGLISE  —  EGLOMISÉ 


avons  exposées  plus  haut  en  parlant  de  l'Amérique,  il  fut 
obligé  de  confier  à  ses  prédicateurs  l'administration  des 
sacrements.  La  même  nécessité  d'étendre  les  pouvoirs  des 
prédicateurs  s'imposa  ailleurs  encore.  Peu  à  peu,  ce  qui 
était  l'exception,  du  moins  en  Angleterre,  est  devenue  la 
règle  partout.  Les  prédicateurs  sont  aujourd'hui  de  véri- 
tables ministres  remplissant  toutes  les  fonctions  sacerdo- 
tales. —  Au  point  de  vue  doctrinal,  il  convient  d'ajouter 
que  la  théologie  wesléyenne  est  essentiellement  évangélique. 
Si  elle  insiste  sur  le  péché  originel,  elle  repousse  les  doc- 
trines extrêmes  de  Calvin  sur  la  prédestination  et  la 
grâce.  La  justification  par  la  foi,  la  rédemption  générale 
par  l'expiation  de  Jésus-Christ,  mort  pour  tous  les  hommes, 
le  témoignage  du  Saint-Esprit  dans  la  conscience,  consti- 
tuent le  fond  de  l'enseignement  de  Wesley.  Il  aimait  à  le 
résumer  en  cette  formule  :  A  présent^  free  and  full  sal- 
vation  (un  salut  immédiat,  libre  et  complet).  —  Statis- 
tique d'après  le  Wesley  an  Methodist  Calendar  pour  4891  : 
Grande-Bretagne  et  missions,  non  compris  le  Canada  : 
Méthodistes  wesléyens  :  3,517  ministres,  760,098  mem- 
bres ;  Méthodistes  de  la  Nouvelle  Connexion  :  202  ministres, 
35,775  membres;  Chrétiens  de  la  Bible  :  271  ministres, 
32,335  membres;  Méthodistes  primitifs  :  1,049  mi- 
nistres, 193,658  membres  ;  Eglises  méthodistes  hbres 
unies  :  417  ministres,  85,461  membres;  Méthodistes 
indépendants  :  335  ministres,  6,666  membres;  Union 
wesléyenne  réformée  :  19  ministres,  8,096  membres.  Total 
pour  la  Grande-Bretagne:  5,810  ministres,  1,122,089 
membres.  —  Etats-Unis  et  missions  :  Eglises  épiscopales  : 
27,938 ministres,  4,572,177  membres;  Eglises  non  épis- 
copales :  4,072  ministres,  201,264  membres.  Total  pour 
les  Etats-Unis:  32,010  ministres,  4,773,441  membres. 
Canada:  1,588  ministres,  227,034  membres.  —  Total 
pour  toutes  les  branches  du  méthodisme  :  39,408  ministres, 
6,122,564  membres.  Comme  il  a  été  dit  au  mot  Baptisme, 
les  Eglises  méthodistes  étant  des  Eglises  de  professants, 
il  convient  de  quadrupler  au  moins  le  nombre  des  membres, 
pour  évaluer  celui  des  adhérents  :  ce  qui  donnerait  ici  en- 
viron 25,000,000.  G.  DE  La  Quesnerie. 

BiBL.  :  Smith,  Histoire  du  méthodisme  ;  Londres,  1857- 
1862.—  Bangs,  Histoire  du  m,éthodisme  américain;  New- 
York,  1839-1841.  —  Ch.  DE  RÉMUSAT,  Wesley  et  le  Métho- 
disme, dans  Revue  des  Deux  Mondes,  15  janv.  1870.  — 
Math.  Lelièvre,  John  Wesley:  Paris,  1891. 

ÉGLISES  BAPTisTES  (V.  Baptisme). 
ÉGLISE  CONSTITUTIONNELLE  (V.  El  AT,  §  Etat  et  Eglise, 
et  Election). 

ÉGLISE  (Petite)  (V.  Etat,  §  Etat  et  Eglise). 

ÉGLISE  GALLICANE  (V.  FrANCE  ECCLÉSIASTIQUE  Ct  GALLI- 
CANISME). 

ÉGLISES  PROTESTANTES  (V.  Eglise  [Théologic],  Eglise 
ANGLICANE,  Eglise  d'Ecosse,  Eglise  luthérienne.  Eglise 
MÉTHODISTE,  Baptisme  ct  PROTESTANTISME,  §  Organisation 
des  églises  protestantes). 

ÉGLISES  RÉFORMÉES  (V.  Protestantisme,  §  Organisa- 
tion des  églises  protestantes). 

ÉGLISE  presbytérienne  (V.  Protestantisme,  §  Orga- 
nisation des  églises  protestantes,  et  Presbytéria- 
nisme). 

ÉGLISE  catholique  et  apostolique  (V.  Irvingiens). 

ÉGLISE-Aux-Bois  (L').  Coin,  du  dép.  de  la  Corrèze, 
arr.  de  Tulle,  cant.  de  Treignac;  522  hab. 

Église-Neuve.  Com.  du  dép.  de  la  Dordogne,  arr.  de 
Périgueux,  cant.  de  Vergt;  310  hab. 

ÉGLISE-Neuve-d'Entraigues.  Com.  du  dép.  du  Puy- 
de-Dôme,  arr.  d'Issoire,  cant.  de  Besse;  2,493  hab. 
Armurerie,  fromages. 

EGLISE-Neuve-des-Liards.  Com.  du  dép.  du  Puy-de- 
Dôme,  arr.  d'Issoire,  cant.  de  Sauxillanges ;  562  hab. 
Eglise  du  xii^  siècle,  clocher  du  xiv^. 

ÉGLISE-Neuve-d'Issag.  Com.  du  dép.  de  la  Dordogne, 
arr.  de  Bergerac,  cant.  de  Villamblard  ;  362  hab. 


ÉGLISE-Neuve-près-Billom.  Com.  du  dép.  du  Puy- 
de-Dôme,  arr.  de  Clermont-Ferrand,  cant.  de  Billom; 
d,5d3  hab. 

ÉGLISES-d'Argenteuil  (Les).  Com.  du  dép.  de  la 
Charente-Inférieure,  arr.  et  cant.  de  Saint- Jean-d'An- 
gely;  757  hab. 

EGLISIA  (Malac).  Genre  de  Mollusques  Gastéropodes, 
de  l'ordre  des  Prosobranches-Pectinibranches,  étabh  par 
J.-E.  Grayen  1840  pour  une  coquille  turriculée,  dépourvue 
d'ombihc,  à  tours  nombreux,  renflés,  arrondis,  striés 
transversalement  et  séparés  par  une  suture  profonde  ;  ou- 
verture arrondie,  petite;  bord  interne  aplati,  épaissi,  an- 
guleux, mais  non  réfléchi  en  avant.  Un  opercule  corné  ; 
spiral  à  tours  de  spire  peu  nombreux  et  à  nucléus 
presque  central.  Type  :  Eglisia  spirata  Sowerby.  Les 
Eglisies  vivent  dans  l'océan  Atlantique  et  dans  l'océan  Pa- 
cifique ;  on  les  trouve  à  une  certaine  profondeur  sur  les  côtes 
d'Europe,  d'Afrique  ;  sur  celles  du  Japon,  etc.      J.  Mab. 

EGLISOLLES.  Com.  du  dép.  du  Puy-de-Dôme,  arr. 
d'Ambert,  cant.  de  Viverols;  1,097  hab. 

ÉGLISOTTES-et-Chalaure  (Les).  Com.  du  dép.  de 
la  Gironde,  arr.  de  Libourne,  cant.  de  Contras,  au  pied 
des  collines  de  la  Double,  sur  la  Dronne,  où  tombe  le  Cha- 
laure;  1,221  hab.  Stat.  du  cliem.  de  fer  d'Angoulême 
à  Bordeaux.  Papeterie  de  Mont  four  at,  sur  la  Dronne; 
fabrique  de  toiles  peintes;  vins  de  Brande-Bergère ; 
vignobles. 

EGLOFF  (Louise),  femme  poète  suisse,  née  à  Baden 
(Argovie)  en  1803,  morte  le  3  janv.  1834.  Devenue 
aveugle  quelques  semaines  après  sa  naissance,  ses  parents 
la  placèrent  à  l'Institut  des  aveugles  de  Zurich.  On  a  d'elle 
un  recueil  de  Poésies  publiées  en  1823  :  d'un  style  élé- 
gant et  facile,  d'une  inspiration  élevée,  ce  sont  des  poésies 
intimes  toutes  de  grâce  et  de  charme. 

EGLOFS.  Village  de  Wurttemberg,  cercle  du  Danube, 
près  de  la  frontière  bavaroise.  Château.  C'est  l'ancien  siège 
d'un  comté  (Megelolves,  puis  Meglof)  vendu  en  1243  à  l'em- 
pereur Frédéric  IL  Rodolphe  de  Habsbourg  lui  accorda  l'im- 
médiateté.  Plus  tard,  Eglofs  appartint  aux  comtes  d'Avens- 
berg-Traun,  fut  acheté  par  le  prince  Windischgrsetz  en 
1804,  annexé  au  Wurttemberg  en  1810. 

ÉGLOGUE.  Ce  mot  vient  du  grec  exXoyrj.  Il  désignait 
primitivement  toute  espèce  d'extrait,  de  fragment  littéraire. 
11  fut  employé  ensuite  pour  nommer  toute  espèce  de  petit 
poème.  Ainsi  Pline  le  Jeune,  envoyant  ses  hendécassyllabes 
à  un  ami  (ép.  IV,  14),  lui  dit:  «  Donne-leur  le  nom  que 
tu  voudras,  épigrammes,  idylles,  éclogues  ou  petits  poèmes 
(poematia).  »  Les  satires  et  les  épîtres  d'Horace  sont  de 
même  appelées  eclogœ  par  Suétone,  dans  la  vie  de  ce  poète, 
et  par  Porphyrion  (ép.  I,  7, 1).  Cicéron  appelle  Eclogarii 
des  extraits  choisis  d'un  livre  {Ad  Att.,  XVI,  2),  et  Ausone 
donne  le  titre  d'Eclogarium  à  un  recueil  de  poésies.  Enfin 
le  mot  ecloga  désignait  en  particulier  les  petits  poèmes 
pastoraux  de  Virgile  et  de  Calpurnius  ;  c'est  par  là  qu'il  est 
devenu  chez  nous  synonyme  d'idylle  (V.  Bucoliques).  A.  W. 

ÉGLOMISÉ.  On  appelle  églomiser,  revêtir  une  plaque 
de  verre  de  peintures  et  de  dorures  qui,  par  transpa- 
rence, semblent  être  un  émail  (Darcel,  Catalogue  des 
émaux  du  Louvre).  Tel  est,  en  effet,  le  sens  attribué 
de  nos  jours  à  cette  expression  par  les  rédacteurs  de  Cata- 
logues, qui  se  sont  empressés  de  l'appliquer  à  toute  une  série 
de  pièces  de  verre  du  xvi'^  siècle,  décorées  de  peintures  sur 
fond  doré  à  froid  et  généralement  d'origine  vénitienne. 
Mais  ce  terme  est  loin  d'avoir  une  origine  aussi  ancienne. 
L'habileté  de  Glomy,  peintre,  restaurateur  de  tableaux, 
estimateur  ou  simplement  encadreur  au  xviii^  siècle,  nous 
ne  savons  lequel,  lui  donna  naissance.  Glomisé,  qui  devint 
plus  tard  églomisé,  se  dit  tout  d'abord  d'un  dessin  collé 
en  plein  sur  carte  forte,  grise  ou  bleutée,  encadré  de  filets 
noirs,  tracés  à  l'encre  de  Chine,  avec  accompagnement 
parfois  d'un  filet  blanc  et  toujours  d'un  filet  de  papier  doré 
étroit  (Montaiglon).  Glomy  dut  prendre  à  ce  moment  pour 


ÉGLOMISÉ  -  EGMONT 


—  638  - 


modèle  une  des  montures  de  Mariette,  qui  encadrait  ses 
dessins  d'une  décoration  toujours  différente.  Mariette  avait 
emprunté  cette  manière  à  Vasari,  qui,  lui,  montait  ses 
dessins  sur  carton  blanc  et  leur  faisait  de  sa  main  un 
entourage  très  décoratif.  Plus  tard,  églomisé  désigna  cer- 
tains petits  fixés  du  xviii^  siècle,  sortis  probablement  de 
l'atelier  de  l'encadreur  réputé;  et  c'est  ainsi  que,  dans 
l'argot  des  curieux  du  siècle  passé,  les  modernes  érudits, 
sans  se  préoccuper  de  ses  origines,  ont  découvert  cette 
expression  qu'ils  ont  appliquée  à  des  pièces  d'une  facture 
toute  différente  et  beaucoup  plus  ancienne  que  celles  dési- 
gnées dans  le  principe  par  le  mot  églomisé.  F.  de  Mély. 
'    ÉGLY  (L').  Rivière  de  France  (V.  Agly  [L'J). 

ÉGLY.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Oise,  arr.  deCorbeil, 
cant.  d'Arpajon;  353  hab. 

EGWIOND  AAN  Zee.  Village  des  Pays-Bas,  prov.  de  Hol- 
lande, arr.  et  à  l'O,  d'Alkmaar,  sur  la  mer  du  Nord; 
4  ,^200  hab.  Phare.  Non  loin  de  là  s'élevait  autrefois  l'abbaye 
des  bénédictins  et  le  château  qui  a  donné  le  nom  à  la  célèbre 
famille  des  comtes  d'Egmond.  L'abbaye  fut  détruite  en 
4572  par  les  réformés,  le  château  le  fut  par  les  Espagnols. 
En  4799,  combat  entre  les  Russes  et  les  Français. 

EGMONT  (Iles).  Groupes  d'Iles  coralliaires  de  l'archipel 
des  Chagos  (V.  ce  mot);  cocotiers,  huile  de  palme 
(25,000  litres  par  an). 

EGMONT  (Mont)  ou  Pukehaupapa.  Volcan  éteint  de  la 
Nouvelle-Irlande,  au  S.-O.  de  l'île  du  Nord,  prov.  de 
Taranaki;  il  a  2,524  m.  de  haut  et  domine  un  cap  riverain 
du  détroit  de  Cook. 

EGMONT  Bay.  Baie  et  bourg  du  Canada,  sur  la  côte 
méridionale  de  l'île  du  Prince-Edouard  (V.  ce  mot); 
mouillage  médiocre. 

EGMONT  ou  EGMOND  (D')  (selon  l'orthographe  hol- 
landaise). L'une  des  plus  puissantes  et  des  plus  illustres 
familles  des  Pays-Bas,  qui  tire  son  nom  du  château,  bourg 
et  seigneurie  d'Egmond  (V.  ci-dessus)  dans  la  Nord-Hol- 
lande. Elle  est  authentiquement  connue  depuis  lexii®  siècle. 
Jean  II  d'Egmont  (mort  en  4452),  surnommé  «  aux  son- 
nettes »,  grand  guerrier,  qui  jouissait  d'une  autorité  souve- 
raine dans  ses  possessions,  eut  deux  fils  :  Arnould  et 
Guillaume.  L'aîné  devint  duc  de  Gueldre  et  comte  de 
Zutphen  (4423)  du  chef  de  son  aïeule  maternelle,  Jeanne 
de  Juliers,  fille  du  duc  de  Juliers  et  de  Marie,  duchesse  de 
Gueldre.  Il  fut  le  père  à' Adolphe  et  l'aïeul  de  Charles 
(V.  ci-dessous),  qui  ne  laissa  pas  de  postérité.  La  sœur 
de  celui-ci,  Philippote,  épousa  René  II,  duc  de  Lorraine.  — 
Guillaume,  l'auteur  de  la  branche  cadette,  eut  pour  fils 
aîné  Jean  lll,  qui  devint  stathouder  de  Hollande  en  4483 
et  obtint  en  4486  l'érection  de  sa  terre  d'Egmont  en  comté. 
L'un  des  fils  de  celui-ci,  Jean  IV,  épousa  Françoise  de 
Luxembourg,  en  faveur  de  laquelle  le  comté  de  Gavre  fut 
érigé  en  principauté  en  4540.  Leur  second  fils  fut  le  célèbre 
Lamoral  (V.  ci-dessous),  dont  la  sœur  Marguerite,  épouse 
de  Nicolas  de  Lorraine-Vaudemont,  fut  la  mère  de  Louise 
de  Lorraine,  femme  de  Henri  HI,  roi  de  France.  La  descen- 
dance mâle  des  comtes  d'Egmont,  princes  de  Gavre,  s'étei- 
gnit en  la  personne  de  Procope-François,  mort  en  4707, 
et  son  nom  et  ses  titres  furent  dévolus  à  son  neveu,  fils  de 
sa  sœur  et  de  Nicolas  Pignatelli  (V.  ce  nom),  duc  de  Bi- 
saccia.  —  La  branche  des  comtes  de  Buren,  formée  au 
xY®  siècle  par  Frédéric  d'Egmont,  second  fils  de  Guillaume 
et  père  lui-même  de  Florent  (V.  ci-dessous),  qui  fut  l'aïeul 
maternel  du  comte  de  Bornes,  décapité  en  4568,  était  déjà 
éteinte  depuis  4548.  G.  P-i. 

EGMONT  (Charles  d'),  duc  de  Gueldre,  né^à  Gavre 
le  9  nov.  4467,  mort  à  Arnhem  le  25  juin  4538.  Fils 
d'Adolphe  d'Egmont  qui  avait  dû  céder  la  Gueldre  à  Charles 
le  Téméraire,  il  passa  sa  vie  à  tenter  de  reconquérir  l'hé- 
ritage paternel.  Constamment  soutenu  parles  rois  de  France, 
il  lutta  successivement  contre  Phihppe  le  Beau  et  contre 
Charles-()uint.  En  4528,  le  traité  de  Gorcum  lui  rendit  la 
Gueldre,  mais  il  dut  reconnaître  la  suzeraineté  de  l'empe- 
reur qui  devenait  son  héritier  à  défaut  de  postérité  légitime. 


Mais,  en  4537,  d'Egmont  notifia  aux  Etats  de  Gueldre  son 
intention  d'assurer  sa  succession  au  roi  de  France  et  il 
demanda  que  le  serment  de  fidélité  fût  prêté  immédiatement 
à  François  P^  Ce  fut  le  signal  d'une  guerre  civile  dans 
laquelle  Charles  eut  le  dessous.  La  convention  de  Nimègue 
déclara  héritier  de  la  Gueldre  Guillaume  de  Clèves^  qui  dut 
bientôt  se  soumettre  à  Charles-Quint.  E.  H. 

BiDL.  :  A.  riEiXNE,  Histoire durègne de  Charles-Quint  dans 
les  Pays-Bas;  Bruxelles,  1858-1860, 10  vol.  in-8.  —  I.  Juste, 
Charles-Quint  et  Marguerite  d'Autriche;  Bruxelles,  1858, 
in-8. 

EGMONT  (Florent  d'),  comte  de  Buren,  né  en  4469,  mort 
à  Buren  le  14  oct.  4539.  H  fut  appelé  au  conseil  de  Philippe 
le  Beau,  créé  chevalier  de  la  Toison  d'or  en  4505  et  envoyé 
en  Frise  comme  stathouder  en  4545.  H  y  réprima  la  révolte 
fomentée  par  son  parent  Charles  d'Egmont  (V.  ci-dessus)  et 
devint  en  4522  capitaine  général  des  bandes  d'ordonnance. 
Il  fit,  en  cette  qualité,  la  campagne  de  Picardie,  prit  Doullens 
et  Hesdin  et  s'avança  jusqu'à  onze  lieues  de  Paris.     E.  H. 

EGiVîONT  (Maximilien  d'),  comte  de  Buren,  fils  du  précé- 
dent, né  en  4  500,  mort  à  Bruxelles  le  22  déc.  4548.  H  prit 
une  part  brillante  aux  guerres  de  Charles-Quint  contre  la 
France  et,  en  4546,  sauva  Charles-Quint,  pressé  par  les 
luthériens  d'Allemagne,  en  lui  amenant  à  Ingolstadt  un  corps 
de  quinze  mille  hommes.  H  s'empara  de  Darmstadt  et  de 
Francfort  et  reçut  en  récompense  de  sa  valeur  le  collier  de  la 
Toison  d'or.  La  branche  des  comtes  d'Egmont-Buren  s'étei- 
gnit avec  lui.  —  Sa  fille  unique,  An7ie  d'Egmont,  devint  la 
femme  de  Guillaume  le  Taciturne.  E.  H. 

BiBL.  :  J.  ScHELTEMA,  IdL  Néerlaude  politique  (en  hol- 
landais); Amsterdam,  1826,  6  vol.  in-8.  —  A.  Henné,  His- 
toire du  règne  de  C  harles  -  Quint  dans  les  Pays-Bas; 
Bruxelles,  1858-1860, 10  vol.  in-8. 

EGMONT  (Lamoral,  comte  d'),  prince  de  Gavre,  fils 
de  Jean  IV,  né  au  château  de  La  Hamaide  (Hainaut) 
le  48  nov.  4522,  exécuté  à  Bruxelles  le  5  juin  4568.  Chef 
d'une  des  plus  riches  familles  des  Pays-Bas,  d'Egmont  fit 
ses  premières  armes  en  Afrique,  sous  les  ordres  de  Charles- 
Quint  et  se  signala  ensuite  dans  les  guerres  contre  Fran- 
çois I«^  Sa  bravoure  fut  récompensée,  dès  4546,  par  le 
commandement  d'une  compagnie  des  bandes  d'ordonnance 
et  par  le  collier  de  la  Toison  d'or.  En  4554,  il  fut  chargé 
par  l'empereur  de  négocier  le  mariage  de  l'infant  Philippe 
avec  Marie  Tudor.  La  guerre  avec  la  France  ayant  recom- 
mencé en  4557,  le  comte  d'Egmont  se  couvrit  de  gloire  à 
Saint-Quentin  et  à  Gravelines.  Il  fut  alors  nommé  capitaine 
général  de  la  Flandre  et  membre  du  conseil  d'Etat.  Ce 
conseil,  chargé  d'assister  Marguerite  de  Parme  dans  le  gou- 
vernement des  Pays-Bas,  était  composé  de  Granvelle, 
Viglius  et  Berlaimont  (V.  ces  noms),  trois  personnages 
aveuglément  soumis  à  Philippe  H,  et,  d'autre  part,  de 
d'Egmont  et  du  prince  d'Orange  qui  représentaient  la  no- 
blesse belge  et  les  aspirations  nationales.  Les  trois  pre- 
miers formaient  un  comité  secret  ou  consulte,  investi  par 
le  roi  de  l'autorité  effective.  Dès  que  d'Egmont  eut  deviné 
l'existence  de  ce  pouvoir  occulte,  il  envoya  sa  démission  à 
Philippe  H,  ne  voulant  pas,  disait-il,  avoir  à  répondre  de 
ce  qui  se  faisait  sans  lui.  Le  roi  refusa  cette  démission  et 
promit  qu'aucune  affaire  ne  serait  désormais  traitée  si  ce 
n'est  de  l'avis  de  tout  le  conseil.  Bientôt  de  graves  dissi- 
dences se  produisirent  :  le  roi  voulait  lever  en  Flandre  des 
troupes  pour  aider  Charles  IX  à  combattre  les  huguenots; 
le  prince  d'Orange  et  d'Egmont  demandèrent  que  la  ques- 
tion fût  soumise  aux  Etats  généraux  ;  mais  Granvelle  et 
Marguerite  de  Parme  étaient  d'accord  pour  refuser  tout 
recours  à  cette  dangereuse  expression  de  la  volonté  natio- 
nale. Alors  d'Egmont  envoya  au  roi  une  requête  dans 
laquelle  il  attribuait  le  mécontentement  du  pays  à  Poutre- 
cuidance  du  cardinal  et  à  l'influence  excessive  qu'il  exer- 
çait sur  la  gouvernante  ;  il  demandait  donc  son  éloignement, 
ajoutant  qu'il  se  retirerait  du  service  jusqu'au  jour  où  une 
politique  plus  sage  et  plus  tolérante  serait  inaugurée  parla 
cour  d'Espagne."  On  peut  croire  que  Philippe  s'était  laissé 
convaincre,  car  il  donna  à  Granvelle  l'ordre  de  quitter  les 
Pays-Bas.  L'année  suivante  (4565),  le  comte  se  rendit  à 


—  639  — 


EGMONT 


Madrid  pour  faire  un  suprême  appel  à  la  sagesse  du  roi  et 
lui  faire  comprendre  la  nécessité  d'accorder  des  concessions 
et  de  se  rendre  à  Bruxelles  sans  être  accompagné  d'Espa- 
gnols. Philippe  l'écouta  d'un  air  bienveillant  et  lui  promit 
d'examiner  avec  maturité  les  plaintes  de  la  nation.  Aussi 
d'Egmont  rapporta-t-il  de  son  voyage  une  grande  confiance 
dans  les  intentions  royales;  mais  bientôt  arrivèrent  des 
dépêches  prescrivant  d'exécuter  les  édits  avec  plus  de 
rigueur  que  jamais.  La  révolution  ne  devait  pas  tarder  à 
éclater.  D'Egmont  n'y  prit  aucune  part  et  voulut  môme 
détourner  ses  amis  de  s'associer  au  Compromis  des  nobles. 
'Il  craignait  que  les  Français  ne  profitassent  delà  situation 
des  esprits  pour  s'emparer  des  villes  frontières.  Il  conseilla 
à  la  gouvernante  d'adopter  des  mesures  de  transaction  ; 
mais  la  duchesse,  constatant  que  les  excès  des  iconoclastes 
avaient  provoqué  une  réaction,  maintint  l'exécution  des 
placards  et  exigea  de  tous  les  officiers  un  nouveau  serment 
de  fidélité.  Le  Taciturne  forma  alors  une  ligue  pour  em- 
pêcher l'entrée  des  troupes  espagnoles  dans  les  Pays-Bas  ; 
si  d'Egmont  s'y  était  joint,  il  aurait  pu,  grâce  à  l'immense 
popularité  dont  il  jouissait,  soulever  le  pays  et  arrêter  les 
excès  de  la  vengeance  royale,  dont  il  devait  être  la  première 
victime;  mais  il  s'y  refusa  obstinément.  Au  mois  de 
juil.  1567,  le  duc  d'Albe  arriva  en  Belgique.  Deux  mois 
plus  tard,  d'Egmont  était  arrêté  avec  le  comte  de  Hornes, 
mis  au  secret  dans  la  citadelle  de  Gand  et,  au  mépris  des 
privilèges  de  la  Toison  d'or,  traduit  devant  le  conseil  des 
troubles.  Il  était  accusé  d'avoir  favorisé  les  ennemis  de  la 
religion  catholique  et  médité  le  renversement  du  roi.  Il 
protesta  de  son  innocence  et  démontra  qu'il  avait  loyale- 
ment accompli  ses  devoirs  de  vassal  et  de  conseiller.  Il  n'en 
fut  pas  moins  condamné  à  mort  et  exécuté  sur  la  grand'- 
place  de  Bruxelles,  en  même  temps  que  le  comte  de  Hornes. 
La  ville  de  Bruxelles  a  élevé  une  statue  aux  deux  nobles 
victimes  du  despotisme  étranger.  E.  H. 

BiBL.  :  Les  historiens  du  règne  de  Philippe  IL  —  L  Juste, 
le  Comte  d'Egmont  et  le  comte  de  Hornes,  d'après  des 
documents  authentiques  et  inédits;  Bruxelles,  1862,  in-8. 
—  De  Bavay,  Procès  du  comte  d'Egmont  et  pièces  justifi- 
catives ;  Bruxelles,  1853,  in-8. 

EGMONT  (Phihppe  d'),  fds  du  précédent,  né  à  Bruxelles 
en  1558,  tué  à  Ivry  le  14  mars  1590.  Après  la  mort  de 
son  père,  il  devint  colonel  d'un  régiment  wallon  et  défendit 
vaillamment  Anvers  en  1576  contrôles  Espagnols  mutinés. 
Pendant  le  gouvernement  de  don  Juan,  il  demeura  fidèle  à 
la  cause  nationale,  mais  il  accepta  plus  tard  les  propositions 
de  Farnèse  et  tenta  même,  mais  sans  succès,  de  reprendre 
Bruxelles  pour  le  compte  du  roi  d'Espagne.  Après  cet  acte 
de  trahison,  il  lutta  ouvertement  contre  l'armée  des  Etats- 
Généraux  et  fut  fait  prisonnier  à  Ninove  en  1580.  Après 
cinq  ans  de  captivité,  il  fut  échangé  et  reçut  de  Philippe  II 
le  collier  de  la  Toison  d'or  et  le  poste  de  gouverneur  de 
l'Artois.  En  1590,  d'Egmont  reçut  l'ordre  de  se  porter 
avec  un  corps  espagnol  au  secours  de  Mayenne  ;  il  fut  tué 
en  conduisant  une  charge  de  cavalerie  à  la  bataille  d'Ivry. 
Il  avait  épousé  la  comtesse  Marie  de  Hornes  et  n'eut 
point  de  postérité.  E.  H. 

Bibl.  :  Kervyn  de  Volkaersbeke  et  Diegerick,  Docu- 
ments historiques  inédits  concernant  Vhistoire  des  troubles 
aux  Pays-Bas;  Gand,  1850,  in-8.  —  Gachard,  Correspon- 
dance d'Alexandre  Farnèse  avec  Philippe  II;  Bruxelles, 
ip-4,  —  A.  Henné  et  A.  Wauters,  Histoire  de  la  ville 
de  Bruxelles;  Bruxelles,  1815,  3  vol.  in-8. 

EGMONT  (JoostVan)  ou  JUSTUS  Verus  d'Egmont, 
peintre  hollandais-flamand,  né  à  Leyde  en  1602,  mort  à 
Anvers  le  8  janv.  1674.  La  biographie  de  ce  maître,  qui  a 
longtemps  travaillé  en  France,  présente  plusieurs  problèmes 
dont  la  solution  est  douteuse  encore.  Il  a  été  certainement 
confondu  avec  des  peintres  qui  portaient  le  même  nom  et 
qui  appartenaient  sans  doute  à  la  même  famille.  Ne  tenons 
compte  que  des  certitudes  :  parmi  ces  homonymes,  le  seul 
qui  importe  à  l'histoire,  c'est  Joost  Van  Egmontquià  Paris 
se  faisait  appeler  Juste  et  dont  Tallemant  des  Réaux  et  les 
poètes  du  temps  ont  parlé  plusieurs  fois.  Dès  sa  jeunesse, 
il  est  fixé  à  Anvers.  En  1615,  il  entre  dans  Fatelier  de 


Kaspar  Van  den  Iloecke.  Il  obéit  à  la  mode  flamande  :  il 
part  pour  l'Italie  (1618).  A  son  retour,  Juste  d'Egmont 
se  tourna  du  côté  du  soleil  qui  illuminait  alors  l'école;  il 
fréquenta  chez  Rubens,  dont  il  devint  le  collaborateur  dé- 
voué. Ses  relations  avec  le  grand  maître  sont  attestées  par 
un  curieux  document.  Le  19  août  1628,  Rubens  veut  dé- 
livrer un  certificat  en  faveur  de  Deodat  del  Mont  qui  a  été 
son  camarade  en  Italie  :  la  pièce  doit  être  signée  par  un 
témoin  ;  Rubens  appelle  l'élève  qu'il  a  ce  jour-là  sous  la 
main,  et  cet  élève  est  Juste  d'Egmont,  qui  appose  sa  signa- 
ture sur  le  certificat  attendu.  Quelque  temps  après.  Juste 
est  à  Paris  ;  il  a  rejoint  le  groupe  de  ses  compatriotes,  et 
un  document  de  1633  nous  apprend  qu'il  était  alors  «  mar- 
guillier  »  de  la  nation  flamande.  L'acte  lui  donne  déjà  le 
titre  de  peintre  du  roi,  et  l'appelle  Justin.  Par  deux  fois, 
en  1636  et  en  1638,  il  est  parrain  à  Saint-Sulpice,  et  il  est 
désigné  sur  les  registres  paroissiaux  comme  peintre  de  la 
chambre.  Juste  d'Egmont  peignait  alors  des  portraits,  et 
c'est  en  quaUté  de  portraitiste  que  Tallemant  des  Réaux  le 
môle  à  diverses  aventures.  Ses  œuvres  étaient  recherchées 
dans  le  grand  monde.  En  1646,  Scudéry  l'introduit  dans 
son  Cabinet  et  célèbre  en  vers  d'une  parfaite  platitude 
son  portrait  de  la  duchesse  d'Aiguillon.  Il  avait  connu  Si- 
mon Vouet  et  paraît  avoir  été  associé  à  ses  travaux.  On 
raconte,  sans  preuves,  il  est  vrai,  qu'il  l'aida  dans  l'exé- 
cution de  ses  modèles  de  tapisseries.  Quoi  qu'il  en  soit, 
Juste  prit  part  aux  conférences  préliminaires  qui  abou- 
tirent en  1648  à  la  création  de  l'Académie  royale  de  pein- 
ture. Il  fut  au  nombre  des  fondateurs,  et  son  nom  figure 
parmi  les  douze  membres  qui  prirent  le  titre  d'anciens. 
Il  s'acquitta  de  tous  ses  devoirs  envers  la  compagnie  à  qui 
il  donna  le  portrait  de  Gaston  d'Orléans.  En  1651,  nous 
le  voyons  signer  le  contrat  de  jonction  qui  devait  rétablir 
la  paix  entre  la  corporation  des  maîtres  et  l'Académie 
royale.  Comme  portraitiste,  il  n'échappa  point  aux  ennuis 
auxquels  sont  exposés  ses  pareils.  Les  Archives  de  l'art 
français  ont  publié  des  renseignements  sur  un  procès 
qu'il  dut  intenter  en  1654  à  une  certaine  M"^®  Duverger, 
dont  il  avait  fait  le  portrait  et  qui  refusait  de  le  payer. 
Mais,  en  cette  même  année  1654,  on  le  revit  à  Anvers,  et 
l'on  suppose  que  ce  fut  vers  cette  époque  qu'il  peignit  le 
portrait  de  la  reine  Christiiie  représentée  en  Pallas,  dont 
Paul  Pontius  nous  a  conservé  la  gravure.  On  sait  par  une 
date  authentique  inscrite  au  revers  d'une  de  ses  peintures 
qu'en  1655  il  était  à  Bruxelles.  On  doute  qu'il  soit  re- 
venu à  Paris  :  il  faut  cependant  le  reconnaître  dans  le 
«  M.  Juste  le  père  »  qui  en  1673  prend  part  à  l'exposition 
académique  où  il  montre  les  portraits  de  M.  et  de  M^^  Fer- 
seval  et  celui  de  M.  Perse  val  leur  fils. 

Cette  biographie  de  Juste  d'Egmont  paraissant  provi- 
soirement étabHe,  car  un  document  nouveau  peut  être  dé- 
couvert demain,  nous  ne  savons  trop  quelle  place  doit  être 
donnée  aux  artistes  du  même  nom  dont  l'existence  nous 
est  révélée  par  des  actes  indiscutables.  Les  mots  em- 
ployés par  l'iicadémie  royale  «  M.  Juste  le  père  »  démon- 
trent qu'il  a  eu  au  moins  un  fils.  Les  notes  relevées  par 
Jal  dans  les  registres  des  paroisses  mettent  en  scène  un 
Constant  ou  Constantin  d'Egmont  qui,  en  1654,  est  par- 
rain à  Saint-Roch.  Il  se  marie  à  Saint-Etienne-du-Mont 
le  29  nov.  1656,  et  l'acte  le  dit  natif  d'Anvers  et  lui 
donne  le  titre  d'écuyer,  mais  Constantin  d'Egmont  était 
peintre,  car  lors  du  baptême  de  ses  filles  jumelles,  le 
13  sept.  1667,  il  est  quahfié  de  peintre  ordinaire  du  roi 
et  de  gentilhomme  de  sa  chambre.  D'autre  part,  la  Revue 
de  Vart  français  mus  raconte  comment,  en  1668,  Cons- 
tantin-Juste d'Egmont,  poursuivi  à  la  requête  d'une  créan- 
cière de  méchante  humeur,  fut  enfermé  à  la  Conciergerie 
et  relâché  quelques  jours  après.  Le  25  janv.  1672,  il  assista 
à  l'enterrement  de  son  frère  Théodore  qui,  lui  aussi,  était 
peintre.  Enfin,  nous  avons  la  date  de  son  décès.  Il  mourut 
le  29  janv.  1679.  L'acte  le  désigne  comme  peintre  ordi- 
naire du  roi  et  de  M""*  le  duc  d'Orléans.  Il  ne  fut  pas  de 
l'Académie. 


EGMONT  -  EGNATIUS 


—  640  - 


Pour  en  revenir  à  Juste  d'Egmont  le  père,  le  seul  dont 
la  critique  puisse  s'occuper  quant  à  présent,  il  a  été  véri- 
tablement célèbre  sous  Louis  XIII  et  pendant  le  commen- 
cement du  règne  de  Louis  XIV.  Les  vers  de  Scudéry  ne 
sont  pas  significatifs,  mais  l'abbé  Cotiu  lui  consacre  dans 
ses  Œuvres  galantes  une  phrase  qui  donne  la  note  du 
temps.  «  Qui  a  jamais  cru,  écrit-il,  en  voyant  les  tableaux 
de  Titien  et  du  Corrège,  un  portrait  de  Juste  et  de  Cham- 
paigne,  que  ces  miracles  de  la  peinture  ne  fussent  qu'un 
pur  effet  du  hasard  ?  »  Ajoutons  que  la  renommée  de  Juste 
d'Egmont  s'était  répandue  jusqu'en  Italie.  Dans  le  Micro- 
cosmo  délia  pittura  publié  en  1657,  Scannelli  mentionne 
avec  éloge  Giusto^pittore  oltramontano,  ne  ritratti  stra- 
ordinario.  Cette  réputation  durait  encore  au  xvin«  siècle  : 
«  Personne,  dit  Mariette,  n'estoit  plus  capable  de  bien 
peindre  une  teste.  J'en  ai  vu  qui  sont  dignes  de  Van  Dyck, 
tant  elles  sont  peintes  avec  fraîcheur.  »  Cette  appréciation 
est  d'une  importance  capitale  pour  reconnaître  et  recons- 
tituer l'œuvre  de  Juste  d'Egmont.  Elle  prouve  que  l'artiste 
avait  conservé  le  caractère  flamand  et  qu'il  était  resté 
l'élève  de  Rubens.  Ses  peintures  sont  extrêmement  rares. 
On  ne  peut  guère  citer  de  lui  que  les  portraits  de  Louis  XI V 
et  de  Maine-Thérèse  du  musée  de  La  Haye,  un  grand  ta- 
*  bleau  (1663)  chez  le  baron  Borrekens  à  Anvers,  et  au 
musée  de  Vienne  deux  portraits  de  Philippe  IV  et  celui  de 
ï Rvchiàuc  Léopold-Guillaume,  cuirassé  et  appuyé  sur 
un  lion,  figure  dont  J.-A.  Wauters  signale  le  «  grand  air 
et  la  belle  tenue  ».  A  ces  œuvres,  il  faut  ajouter  deux  por- 
traits de  femme  conservés  en  Suède  (collection  Ohrman,  à 
Vingâker;  collection  de  M""®  Barkman,  à  Stockholm).  Ce 
dernier  portrait,  qui  est  encore  sur  sa  toile  vierge,  porte 
au  revers  l'inscription  Jiistus  Verus  d'Egmont  fc.  A^. 
i  65  5  ^Bruxelles,  Il  doit  exister  ailleurs  d'autres  peintures 
de  Juste,  mais  elles  ont  été  débaptisées  et  les  amateurs  ne 
les  reconnaissent  plus.  En  raison  du  moment  historique 
où  il  a  vécu.  Juste  d'Egmont  a  dû  faire  des  dessins  aux 
crayons  de  couleur  comme  son  contemporain  Daniel  Du- 
moustier.  Nous  ne  connaissons  pas  ces  dessins,  mais  nous 
en  soupçonnons  l'existence  et  nous  les  cherchons.  Notre 
attention  a  été  appelée  sur  ce  point  par  l'abbé  Cotin  qui, 
dans  ses  Œuvres  galantes  (1663),  introduit  un  sixain 
adressé  à  Juste  et  intitulé:  Sur  un  crayon  pour  S.A.R. 
La  reconstitution  de  l'œuvre  du  maître  exige  évidemment 
de  nouvelles  investigations  :  il  faudra  dans  cette  recherche 
se  souvenir  que  l'artiste  appartient  à  l'école  d'Anvers. 
Etudions  les  Rubens  suspects  :  il  y  a  peut-être  là  de  vé- 
ritables Juste  d'Egmont.  Paul  Mantz. 

BiBL.  :  Jal,  Dictionnaire  de  biographie,  1867.  —  Nou- 
velles Archives  de  l'art  français^  1872.  —  Catalogue  du 
musée  d'Anvers.  —  Granberg,  Collections  privées  de  la 
Suède;  Stockholm,  1886.  —  Revue  de  l'art  français,  1890. 

EGMONT  (Sophie-Jeanne-Armande-Elisabeth-Septima- 
nie  DE  ViGNEROT  DU  Plessis-Richelieu,  comtesse  d'),  fille 
du  maréchal  de  Richelieu  et  d'Elisabeth-Sophie  de  Lor- 
raine, de  la  branche  des  comtes  d'Harcourt,  princes  de 
Guise,  née  à  Montpellier  le  1^^  mars  1740,  morte  à  Braisne 
le  14  oct.  1773.  Son  enfance  se  passa  à  Montpellier, 
résidence  de  son  père,  d'où,  en  1747,  elle  passa  sous  l'au- 
torité de  sa  tante.  M™®  de  Richelieu,  abbesse  des  béné- 
dictines du  Trésor,  près  de  Vernon,  et  reçut  d'elle  une  bril- 
lante et  solide  éducation.  La  duchesse  douairière  d'Aiguillon 
présida  ensuite  à  l'éducation  mondaine  de  M^^®  de  Richeheu, 
qui,  le  18  août  1750,  fut  pour  la  première  fois  présentée 
à  la  cour,  et  habita  tantôt  l'hôtel  d'Aiguillon ,  tantôt  les 
châteaux  de  Rueil  et  de  Véretz.  Le  10  févr.  1756,  sans 
avoir  été  consultée  par  son  père,  elle  fut  mariée  à  Casimir, 
marquis  de  Pignatelli,  duc  de  Bisaccia,  comte  d'Egmont,  veuf 
de  Blanche  de  Saint-  Séverin,  et  âgé  alors  de  vingt-neuf  ans. 
Vers  1760,  elle  ouvrit,  dans  son  hôtel  de  la  rue  Louis-le- 
Grand,  voisin  de  celui  de  Richelieu,  et  aussi  chez  le  maré- 
chal, un  salon  très  choisi  où  l'on  remarquait,  parmi  les 
diplomates,  le  comte  de  Mercy,  lord  Stormont,  le  baron  de 
Gleichen,  le  comte  de  Creutz,  le  marquis  de  Castromonte, 
le  comte  de  Fuentès  ;  parmi  les  artistes  et  les  littérateurs, 


Roshn  (qui  fit  son  portrait),  J.  Vernet,  Le  Moyne  (auteur 
d'un  buste  d'elle),  Chardin,  Hall,  Grétry,  Monsigny,  J.-J. 
Rousseau,  Rulhière  surtout,  qu'elle  introduisit  auprès  du 
duc  de  Choiseul,  du  baron  de  Breteuil  qui  l'emmena  avec 
lui  en  Russie.  Hostile  aux  réformes  du  chancelier  Maupeou, 
elle  se  distingua  alors,  avec  son  amie  la  comtesse  de 
Brionne,  par  la  vivacité  de  son  opposition.  Mise  en  rapport 
de  très  bonne  heure,  par  le  comte  de  Creutz,  avec  Gus- 
tave III,  alors  qu'il  était  encore  prince  royal,  elle  l'encou- 
ragea et  l'aida,  pendant  son  voyage  à  Paris,  en  1771, 
dans  ses  démarches  pour  obtenir  l'appui  de  la  France 
dans  les  projets  qu'il  méditait  en  Suède.  Une  affection  très 
vive,  et  qui  paraît  avoir  été  pure,  naquit  entre  le  prince 
et  la  jeune  comtesse.  Nous  lui  devons  une  correspondance 
qui  a  été  en  partie  publiée  par  M.  Geffroy  et  la  comtesse 
d'Armaillé.  Peu  sympathique  aux  encyclopédistes,  elle  avait 
patronné  Palissot  et  sa  comédie  des  Philosophes  (1760)  qui 
souleva  tant  d'orages.  Atteinte  de  consomption,  elle  s'étei- 
gnit au  château  de  Braines,  où  elle  passait  ordinairement 
ses  étés.  E.  Asse. 

BiBL.  :  Comtesse  cI'Armaillé,  la  Comtesse  d'Egmont; 
Paris,  1890,  in-12.  —  Geffroy,  Gustave  III  et  la  cour  de 
France;  Paris,  1867,  2  vol.  in-12;  et  dans  Notices  et  Ex- 
traits sur  les  ms.  des  Biblioth.  suédoises  ;  Paris,  1856,  in-8, 
pp.  456,  465.—  Marmontel,  Mém.,  édit.  Tourneux  ;  Paris, 
1891,  II,  107.  —  C.  Roussel,  le  Comte  de  Gisors  ;  Paris, 
1868.  —  Rulhière,  Œuvres.  —  Du  môme.  Anecdotes  sur 
Richelieu, éd.  E.  Asse;  Paris,  1890,  p.  62.  —  Bachaumont, 
Mém.,  IV,  266  ;  VII,  72;  XIII,  61;  XXIV,  304. 

EGNACH.  Bourg  de  Suisse,  cant.  de  Thurgovie,  sur  le 
lac  de  Constance.  Vignobles  renommés.  Grand  commerce 
de  poires,  prunes,  etc. 

EGNATIUS.  Nom  d'une  famille  originaire  du  Samnium 
(gens  Egnatia)  ;  elle  vivait  d'abord  à  Teanum.  Après  la 
guerre  sociale ,  les  membres  de  cette  famille  se  transpor- 
tèrent à  Rome.  Voici  les  plus  connus  d'entre  eux  : 

Egnatius  (Gellius),  chef  samnite,  prit  part  à  la  guerre 
des  Samnites  contre  Rome,  en  288  ;  il  réussit  à  soulever 
les  Etrusques  contre  les  Romains  ;  mais,  dans  une  première 
rencontre,  il  fut  battu  par  les  consuls  Appius  Claudius  et 
Volumnius.  Dans  une  nouvelle  campagne  (295) ,  il  poussa 
les  Ombriens  à  faire  défection  et  les  Gaulois  à  entrer  dans 
la  ligne  samnite  ;  la  Campanie  fut  dévastée,  mais  le  consul 
Volumnius  parvint  à  chasser  les  rebelles  de  cette  province. 
Néanmoins  Egnatius  forma  une  nouvelle  confédération,  où 
entrèrent  les  quatre  peuples  déjà  cités.  Une  légion  romaine 
fut  battue  près  de  Clusium.  Egnatius  fut  tué  dans  la  bataille 
de  Sentinum. 

Egnatius  (Marins),  chef  samnite,  fut,  dans  la  guerre 
suscitée  contre  les  Romains  par  les  Marses,  un  des  généraux 
les  plus  habiles  de  la  confédération  italienne  (90  av.  J.-C). 
Il  surprit  Venafrum,  place  forte  de  la  Campanie,  et  en 
massacra  la  garnison  romaine,  grâce  à  la  complicité  des 
habitants.  Peu  de  temps  après,  il  surprit  le  consul  L.  César 
dans  les  défilés  du  mont  Massique,  et  lui  fit  subir  des  pertes 
sérieuses.  Au  passage  du  Vulturne,  Egnatius  battit  l'arrière- 
garde  de  l'armée  romaine  qui  marchait  sur  Teanum.  En 
l'année  89,  il  força  le  préteur  Cosconius  à  lever  le  siège  de 
Venouse,  mais  il  fut  lui-même  vaincu  et  tué  sur  les  bords  de 
l'Aufide.  Sa  défaite  livra  aux  Romains  presque  toute  l'Apulie. 
Le  préteur  de  Teanum,  battu  de  verges,  en  123,  devant  les 
habitants  de  cette  ville,  était  peut-être  le  père  d'Egnatius. 

Egnatius  (Caius)  vivait  à  Rome  dans  le  premier  siècle 
avant  notre  ère.  Il  prit  part  à  la  vie  politique,  fut  admis 
dans  le  Sénat,  mais  les  censeurs  l'en  expulsèrent,  à  cause 
de  la  mauvaise  réputation  qui  s'était  attachée  à  sa  personne. 

Egnatius.,  fils  du  précédent,  fut  sénateur  ainsi  que  son 
père,  et  conserva  son  rang  lorsque  celui-ci  eut  été  chassé 
du  Sénat.  Son  père  le  déshérita. 

Egnatius^  peut-être  le  fils  du  précédent,  fut  un  des  lieu- 
tenants de  Crassus  dans  la  guerre  contre  les  Parthes.  Il  prit 
part  à  la  bataille  où  périt  Crassus,  en  53  av.  J.-C,  et  par- 
vint à  échapper  aux  ennemis.  Appien  raconte  que,  pendant 
les  proscriptions  de  l'an  43,  qui  suivirent  le  second  trium- 
virat, deux  Egnatius,  le  père  et  le  fils,  furent  égorgés. 


—  641  — 


EGNATIUS  —  ÉGOUT 


Egnatius,  poète  romain  de  la  première  partie  du  premier 
siècle  av.  J.-G.  Sa  vie  ne  nous  est  pas  connue.  Macrobe  cite 
deux  passages  de  cet  écrivain,  qui  avait  composé  un  poème 
«  sur  la  nature  des  choses  ».  G.  Ganiayre. 

EGNAZ10*(Giovanni-Battista  Gipelli,  dit),  savant  ita- 
lien, né  à  Venise  en  1473,  mort  le  4  juil.  1553.  Disciple 
d'Ange  Politien  et  ami  de  Léon  X,  il  professa  les  belles- 
lettres  à  Venise,  avec  un  certain  éclat,  même  en  un  temps 
où  les  érudits  étaient  si  nombreux  et  si  distingués;  mais  de 
cette  science  il  reste  peu  de  chose,  et  ses  ouvrages  n'en 
donnent  qu'une  faible  idée  ;  ce  sont  :  De  Cœsaribus 
libri  m  a  didatore  Cœsare  ad  Constantinum  Palœo- 
logum  hinc  a  Carolo  M.  ad  Maximiliammi  Cœsarem 
{Venise,  iM 6);  Racemationes,  dansGruter,  Lampassive 
Fax  artium  liberalium,  hoc  est  thésaurus  criticus,  etc. 
(Francfort,  1602-1612,  6  vol.  in-8,  et  Florence,  1737- 
1747,  3  vol.  in-fol.).  Egnazio  avait  un  caractère  d'une 
extrême  violence,  et,  tout  ecclésiastique  qu'il  était,  il  n'en 
donna  pas  moins,  un  jour,  au  milieu  d'une  discussion,  un 
grand  coup  d'épée  dans  le  ventre  à  un  interlocuteur  qui  le 
censurait  trop  vivement  à  son  gré.  R.  G. 

BiBL.  :  Fabricius,  Bibliographia  antiquaria  sive  Intro- 
ductio  in  notitiam  scriptorormn  qui  antiquitates  hebraicas^ 
grœcas ,  romanas  et  christianas  scriptis  illustrariint  ; 
Hambourg,  1713,  in-4.  —  David  Clément,  Bibliothèque 
curieuse,  historique  et  critique,  des  livres  difficiles  à  trou- 
ver ;  Gôttingue,  1750-1760,  9  vol.  in-4. 
ÉGOBOLE  (V.  /Egobole). 
ÉGOCÈRE  (V.  yEcocÈRE,  Antilope). 
ÉGOHINE  (Hortic).  Scie  à  lame  étroite  que  l'on  manie 
d'une  seule  main  et  destinée  à  couper  les  grosses  branches 
des  arbres  fruitiers.  Pour  que  le  jeu  en  soit  facile,  il  im- 
porte que  le  bord  denté  soit  plus  épais  que  le  bord  opposé. 
ÉGOISM  E  (Psychol.  et  morale).  L'égoïsme  est  une  habi- 
tude de  la  volonté  individuelle  qui  dans  toutes  ses  démarches 
ne  se  propose  plus  d'autre  fin  que  ses  propres  intérêts. 
L'égoïsme  ne  doit  pas  se  confondre  avec  l'amour-propre. 
L'amour-propre,  très  bien  analysé  par  Jouffroy  (Premiers 
Mélanges),  n'est  autre  chose  que  l'inclination  naturelle 
par  laquelle  l'homme  est  porté  à  s'aimer  lui-même.  En  soi 
une  telle  inclination  n'a  rien  de  blâmable,  pourvu  qu'elle 
soit  contenue  dans  de  justes  bornes.  Chaque  individu,  en 
effet,  a  sa  raison  d'existence,  et  il  n'y  a  rien  que  de  raison- 
nable à  ce  que  l'individu  lui-même  adhère  à  la  raison  qui 
légitime  son  être.  Mais  l'amour-propre  est  subtil  et  envahis- 
sant de  sa  nature.  Larochefoucauld  (Maximes)  et  la  plu- 
part des  moralistes  ont  très  bien  montré  comment  il  pous- 
sait l'homme  à  sortir  de  la  raison,  à  se  voir  en  toutes  choses 
et  à  se  chercher  partout,  c.-à-d.  à  devenir  égoïste.  Ainsi 
l'amour-propre  est  la  tendance  naturelle  dont  l'égoïsme  est 
une  exagération.  L'amour-propre  peut  être  contenu  dans 
des  limites  raisonnables  ;  l'égoïsme  est  toujours  déraison- 
nable et  vicieux.  Et  comment  pourrait-il  en  être  autrement 
puisque  la  raison  consiste  à  agir  conformément  à  la  loi, 
c.-à-d.  selon  des  fins  impersonnelles  et  universelles,  et  que 
l'égoïste  au  contraire  n'agit  qu'en  vue  de  ses  fins  person- 
nelles et  singulières  ?  —  Il  ne  serait  pas  juste  de  confondre 
l'égoïsme  avec  ce  que  quelques  contemporains  appellent 
Végotisme  (Maurice  Barrés,  Un  Homme  libre;  Paris, 
1889,  in-18)  et  qui  consiste  dans  la  culture  attentive  des 
diverses  facultés  du  moi  et  dans  la  jouissance  des  senti- 
ments raffinés  qui  résultent  de  cette  culture.  La  première 
partie  ou  la  culture  du  moi,  loin  d'être  égoïste,  est  au 
contraire  le  résultat  d'un  noble  souci  de  la  perfection  ; 
mais  la  seconde  partie,  qui  n'est  qu'une  sorte  de  dilettan- 
tisme psychologique  et  moral,  ne  peut  guère  se  défendre  du 
reproche  d'égoïsme.  G.  Fonsegrive. 

EGOPHONIE  (Méd.).  Laënnec  a  désigné  sous  ce  nom 
une  modification  de  la  voix  thoracique  caractérisée  par  un 
chevrotement  particulier  qui  rappelle  le  bêlement  d'une 
chèvre  ou  mieux  le  son  produit  quand  on  parle  dans  l'ori- 
fice d'un  mirliton.  Le  plus  souvent,  le  chevrotement  accom- 
pagne la  voix  et  se  lie  à  l'articulation  même  des  mots  ;  s'il 
est  associé  à  la  bronchophonie,  il  constitue  la  broncho- 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.  —  XV. 


égophonie,  caractérisée  par  la  voix  de  polichinelle  ou  par 
un  timbre  qui  rappelle  la  voix  passant  par  un  roseau  fêlé 
ou  celle  produite  en  parlant  avec  un  jeton  entre  les  dents 
et  les  lèvres.  Le  siège  d'élection  de  l'égophonie  est  au 
niveau  de  l'angle  inférieur  de  l'omoplate  et  dans  une  zone 
de  quelques  travers  de  doigt  en  dedans  et  en  dehors  ;  elle 
est  généralement  limitée  à  un  côté.  Elle  est  la  plus' fré- 
quente dans  la  pleurésie  aiguë  avec  épanchement  et  se 
manifeste  en  général  du  troisième  au  cinquième  jour  ;  si 
l'épanchement  prend  de  grandes  proportions  et  dilate  mani- 
festement la  poitiujie,  l'égophonie  disparaît.  Elle  se  ren- 
contre parfois  aussi  dans  V hydrothorax  double  qui  accom- 
pagne l'anasarque  et  certaines  affections  cachectiques  ;  elle 
est  alors  bilatérale  et  coïncide  avec  un  souffle  tubaire  très 
doux.  La  broncho-égophonie  se  remarque  surtout  dans 
la  pleur o-pneumonie.  —  D'après  Laonnec,  l'égophonie 
vraie  n'existe  pas  en  l'absence  d'épanchement  liquide  dans 
la  plèvre  ;  cette  opinion,  très  controversée  depuis,  paraît 
cependant  la  seule  exacte.  Les  théories  les  plus  disparates  ont 
été  produites  pour  expliquer  l'égophonie  ;  nous  n'y  insiste- 
rons pas  ;  pour  H.  Barth  l'égophonie  est  le  résultat  des  vibra- 
tions indépendantes  d'une  lame  de  poumon  détendue  en  raison 
de  la  diminution  du  vide  pleural,  mais  cependant  perméable 
à  l'air,  et  en  contact  avec  une  couche  de  liquide  mobile  qui 
laisse  à  ces  vibrations  toute  leur  amplitude.     D^  L.  Hn. 

EGOR,  EGORII.  Forme  russe  de  Georgii,  Georges.  Il 
désigne  dans  la  poésie  populaire  saint  Georges  le  Victorieux. 
Il  est  le  héros  de  nom  breux  poèmes  et  de  nombreuses  légendes 
EGORIEVSK.  Ville  de  Russie  d'Europe,  chef-lieu  de 
district  du  gouvernement  de  Riazan;  5,100  hab.  Elle  pos- 
sède des  fabriques  importantes  ;  le  district  d'Egorievsk  est 
couvert  en  partie  de  lacs  et  de  forêts  ;  il  est  très  pauvre  en 
céréales. 

EGORLYK  ou  JAGERLYK.  Rivière  de  Russie,  affluent 
du  Manych  (rive  droite).  On  distingue  le  grand  et  le  petit 
Egorlyk  qui  sépare  le  gouvernement  de  Stavropol  du  ter- 
ritoire des  Cosaques  du  Don. 

EGOROV  (Alexis-Egorovitch),  peintre  russe,  né  en  1776, 
mort  en  1851.  Il  fit  son  éducation  artistique  à  Moscou  et 
en  Italie.  L'un  de  ses  meilleurs  tableaux  est  la  Flagel- 
lation du  Sauveur. 

ÉGOTiSME  (V.  Egoïsme). 

ÉGOUT.  I.  Travaux  publics.  —  On  donne  le  nom 
d'égout  à  tout  conduit  établi  dans  le  sol  et  destiné  à  l'écoule- 
ment des  eaux  nuisibles  ou  usées.  Primitivement,  leségouts 
n'étaient  autre  chose  que  des  rigoles  en  terre,  de  simples 
fossés,  qu'on  a  été  amené  peu  à  peu  à  revêtir  de  matériaux 
résistants  et  à  recouvrir  d'une  voûte  :  souvent  de  petits 
cours  d'eau  ont  été  transformés  ainsi  par  un  usage  constant 
en  véritables  égoiits.  Les  égouts  qu'on  établit  aujourd'hui 
sont  des  conduits  souterrains,  fermés,  en  matériaux  résis- 
tants. Si  la  quantité  d'eau  à  écouler  est  faible,  on  em- 
ploiera le  plus  souvent  de  simples  tuyaux  en  poterie  ou 
mieux  en  grès  vernissé,  parfois  en  béton  de  ciment 
moulé,  ou  de  petits  conduits  en  maçonnerie  à  section  cir- 
culaire. S'il  s'agit  de  volumes  d'eau  plus  considérables,  la 
section  augmente  et  il  faut  nécessairement  recourir  à  la 
maçonnerie  de  moellons  ou  de  briques,  mais  en  conser- 
vant toujours  les  formes  arrondies  qui  facilitent  l'écoule- 
ment, évitent  les  dépôts  et  proscrivent  absolument  les 
liieds-droits  verticaux  et  les  radiers  plats  en  usage  autrefois 
et  dont  on  a  reconnu  les  graves  inconvénients:  On  s'attache 
à  éviter  les  angles  rentrants,  à  obtenir  des  surfaces  lisses 
au  moyen  A' enduits,  de  jointoiements  soignés,  ou  par 
l'emploi  de  blocs  de  grès  vernissé.  Souvent,  pour  faciliter 
la  surveillance  et  le  curage,  on  veut  avoir  des  égouts  visi- 
tables  :  ce  sont  alors  des  sortes  de  galeries  souterraines, 
auxquelles  la  forme  ovoïde  convient  particulièrement  et 
qui  doivent  recevoir  une  hauteur  minima  de  i™80,  afin 
qu'un  homme  y  puisse  circuler  debout.  Ces  galeries  peu- 
vent alors  rendre  bien  des  services  accessoires  ;  c'est  ainsi 
qu'à  Paris  on  y  a  placé  les  conduites  d'eau,  les  fils  télé- 
graphiques et  téléphoniques,  les  tubes  pneumatiques  de  la 

41 


EGOUT 


-  642  - 


poste,  les  canalisations  de  distribution  de  la  force  mo- 
trice, etc.  Et,  afin  d'y  faciliter  à  la  fois  l'écoulement  des 
eaux  et  la  circulation  des  ouvriers,  on  est  conduit  à  y  dis- 
poser, à  côté  d'une  cunette  (V.  ce  mot)  formant  lit  mineur 
pour  les  eaux  ordinaires,  une  ou  deux  banquettes  que 
recouvrent  ordinairement  les  eaux  d'orage.  Le  plus  souvent 
les  égouts  reçoivent  les  eaux  pluviales  et  les  eaux  ména- 
gères. Depuis  quelque  temps,  l'usage  s'est  introduit  d'y 
déverser  aussi  les  eaux  vannes  et  les  matières  de  vidange, 
en  pratiquant  ainsi  le  tout  à  F é goût.  Certains  ingénieurs 
préconisent  au  contraire  le  dédoublement  des  égouts  et 
veulent  qu'on  établisse  deux  réseaux  de  conduits  distincts, 
l'un  pour  les  vidanges  et  les  eaux  ménagères,  l'autre 
pour  les  eaux  de  pluie  seules  :  c'est  le  separate  System. 
Dans  une  ville,  les  égouts  forment  un  ensemble  auquel 
on  donne  le  nom  de  réseau.  Ils  aboutissent  à  des  con- 
duits principaux,  de  plus  grande  dimension,  qui  consti- 
tuent les  collecteurs.  Ces  collecteurs,  qui  réunissent  toutes 
les  eaux  amenées  par  leurs  affluents,  conduisent  ensuite  ces 
eaux  vers  les  points  choisis  comme  débouchés^  soit  sur 
la  rive  d'un  fleuve  ou  d'un  lac,  soit  dans  un  port 
ou  sur  le  rivage  de  la  mer,  soit  en  tête  d'un  système  de 
rigoles  d'irrigation,  soit  même  dans  le  puisard  d'une  usine 
élévatoire  où  les  eaux  sont  pompées  pour  être  refoulées  à 
distance.  Ils  sont,  le  plus  souvent,  munis  de  déversoirs 
par  oii  s'échappent,  en  certains  points  du  parcours,  les 
eaux  pluviales  surabondantes,  lors  des  averses  exception- 
nelles. Les  égouts  comportent  de  nombreux  ouvrages  acces- 
soires, parmi  lesquels  il  convient  de  citer  :  les  bouches,  qui 
reçoivent  les  eaux  de  la  rue,  les  orifices  de  diverse  forme, 
munis  ou  non  de  grilles,  par  où  s'y  déversent  les  eaux  des 
cours,  etc.  ;  les  branchements,  qui  relient  ces  bouches, 
ces  orifices,  ainsi  que  les  tuyaux  de  chute  des  maisons  au 
corps  de  l'égout  ;  les  regards  ou  cheminées  de  descente 
ou  d'inspection,  généralement  fermés  par  des  plaques  mo- 
biles en  fonte  et  munis  d'échelles  fixes  en  fer  ;  les  siphons 
ou  intercepteurs  hydrauliques,  placés  au  pied  des  tuyaux  de 
chute  et  qui  ont  le  double  objet  d'arrêter  les  corps  sohdes 
jetés  dans  ces  tuyaux  et  d'empêcher  le  reflux  des  gaz 
d'égout  dans  l'intérieur  des  habitations  ;  les  paniers  à 
sable  ou  à  ordures  placés  sous  les  bouches  et  qui  retiennent 
les  corps  soHdes  qu'on  y  projette  ou  qui  sont  entraînés  par 
les  eaux,  etc.,  etc. 

Le  curage  des  égouts  est  tantôt  automatique,  tantôt 
pratiqué  de  main  d'homme.  Le  premier  cas  se  rencontre 
dans  les  réseaux  de  conduits  de  petite  section,  qui  coulent 
souvent  à  gueule  bée  et  où  les  eaux  se  mettant  en  pression 
produisent  des  chasses  de  temps  à  autre  ;  on  en  améliore 
le  fonctionnement  en  disposant  des  appareils  spéciaux  qui 
y  déterminent  périodiquement  des  chasses,  aUmentées  soit 
par  les  eaux  sales  elles-mêmes,  soit  par  des  eaux  propres 
empruntées  à  la  distribution.  Le  second  mode  est  le  seul 
applicable  aux  galeries  de  grande  dimension  et  à  faible 
pente  ;  il  comporte  l'emploi  d'outils  appropriés,  balais, 
rabots  en  bois,  etc.,  et  il  est  grandement  facilité  par  des 
retenues  d'eau  réalisées  au  moyen  de  barrages  mobiles 
ou  par  des  chasses  périodiques,  comme  dans  le  cas  précé- 
dent. Dans  les  très  grands  égouts,  on  est  amené  à  employer 
des  engins  spéciaux,  comme  le  ivagon-vanne  et  le  bateau- 
vanne  dans  les  collecteurs  de  Paris,  qui  circulent  sous  la 
poussée  de  l'eau  et  chassent  devant  eux  les  sables  amon- 
celés sur  le  radier.  Il  est  à  recommander  d'assurer  une 
parfaite  ventilation  des  égouts  :  c'est  le  moyen  d'y  em- 
pêcher la  fermentation  putride  des  matières  organiques  et 
le  développement  des  odeurs  fétides,  d'y  permettre  la  res- 
piration des  personnes  obligées  d'y  séjourner.  Cette  venti- 
lation se  produit  naturellement  le  plus  souvent  par  les 
bouches  de  la  rue,  les  tuyaux  de  chute  des  maisons  ou  par 
des  cheminées  et  des  prises  d'air  spéciales.  Quelquefois 
aussi  on  a  eu  recours  à  des  moyens  artificiels,  tels  que 
foyers  aspiratoires,  ventilateurs  mécaniques,  etc.,  mais  ces 
procédés  ne  se  sont  pas  généralisés. 

Les  eaux  d'égout  sont,  en  général,  opaques,  d'un  gris 


sale.  Par  le  repos,  les  matières  solides  s'en  séparent  et 
forment  un  dépôt  au-dessus  duquel  reste  un  liquide,  de 
couleur  blonde  le  plus  souvent,  très  chargé  encore  d'impu- 
retés de  toute  nature  et  qui  contient  notamment  beaucoup 
de  produits  azotés.  La  composition  des  eaux  d'égout  ^^i 
nécessairement  variable  d'une  localité  à  l'autre,  suivant  les 
quantités  d'eau  distribuées,  la  nature  des  industries,  etc. 
Elles  sont  moins  chargées  au  moment  des  grandes  pluies 
qu'en  temps  sec,  dans  les  villes  où  les  matières  fécales  ne 
sont  pas  reçues  à  l'égout  que  dans  celles  où  cette  pratique 
est  admise,  mais  toujours  elles  contiennent  en  proportion 
notable  des  substances  azotées,  de  l'acide  phosphorique,  de 
la  chaux,  des  alcalis,  du  sable,  de  la  terre,  des  détritus 
animaux  et  végétaux,  etc.  «  Elites  constituent,  a  dit  M.  de 
Freycinef,  la  plus  puissante  et  la  plus  générale  de  toutes 
les  causes  de  souillure  »,  car  «  elles  réunissent  dans  leur 
sein  toutes  les  impuretés  que  l'activité  humaine  peut  enfan- 
ter, depuis  les  rebuts  de  la  fabrique  jusqu'à  ceux  de  l'habi- 
tation. »  Il  est  évident  que  de  pareilles  eaux,  lorsqu'elles 
sont  exposées  à  la  fermentation,  deviennent  bien  vite  un 
danger  pour  la  salubrité,  et  l'on  conçoit  qu'une  des  grandes 
préoccupations  de  l'hygiène  urbaine  soit  de  les  éloigner  au 
plus  vite  de  tout  centre  d'agglomération.  On  les  conduit 
d'ordinaire  aux  nappes  superficielles  les  plus  voisines.  Les 
petites  rivières  qui  reçoivent  ces  apports  en  quantité  un 
peu  considérable  sont  iiientôt  absolument  contaminées  :  on 
sait  dans  quel  état  les  eaux  d'égout  ont  mis  la  Bièvre  à 
Paris,  la  Senne  à  Bruxelles,  la  Vesle  à  Reims,  l'Espierre 
à  Roubaix,  l'Irwell  à  Manchester,  etc.  ;  l'eau  des  fleuves 
elle-même  est  gravement  altérée  de  la  sorte,  ainsi  qu'on 
l'a  constaté  pour  la  Tamise  à  Londres,  la  Seine  à  Paris,  la 
Sprée  à  Berlin  ;  plus  d'un  port  maritime  est  infecté  par  les 
eaux  d'égout,  et  l'envoi  à  la  mer  n'aboutit  le  plus  souvent 
qu'à  la  contamination  progressive  du  littoral. 

D'autre  part,  en  raison  précisément  de  la  grande  quan- 
tité des  matières  organiques  qu'elles  renferment,  les  eaux 
d'égout  sont  un  engrais  précieux  :  si  les  substances  ferti- 
lisantes y  sont  très  diluées,  par  contre  la  diffusion  peut 
en  être  obtenue  aisément  et  régulièrement  par  voie  d'zm- 
gation.  Aussi,  dans  tous  les  temps  et  dans  tous  les  pays, 
ont-elles  reçu,  quand  les  circonstances  locales  s'y  prêtaient, 
une  utilisation  agricole  :  sans  remonter  à  l'antique  Jéru- 
salem, il  convient  de  citer  la  huerta  de  Valence,  les  mar- 
cites  de  Milan,  les  prairies  de  Craigentinny  près  d'Edim- 
bourg, comme  des  exemples  célèbres  de  l'emploi  agricole 
des  eaux  d'égout.  Depuis  que  les  hygiénistes  ont  préconisé 
l'irrigation  agricole  comme  un  précieux  moyen  d'épura- 
tion des  eaux  d'égout,  des  applications  remarquables  de 
ce  procédé  ont  été  faites  par  diverses  villes  anglaises,  puis 
en  France  à  GenneviUiers  près  de  Paris,  à  Reims,  à  Mon- 
télimar,  en  Allemagne  à  Berlin,  Breslau,  Danzig,  etc., 
tandis  qu'ailleurs  on  tentait,  mais  sans  obtenir  le  même 
succès,  de  réaliser  l'opération  par  des  procédés  chimiques 
multiples  et  variés.  Parfois  on  a  combiné  les  deux  systèmes, 
et  en  Angleterre,  notamment,  on  fait  souvent  subir  aux 
eaux  d'égout  une  préparation  spéciale  avant  l'épandage 
sur  les  champs  :  tantôt  c'est  une  décantation  qui  les  débar- 
rasse des  matières  solides  inertes,  tantôt  on  y  additionne 
des  substances  chimiques  qui  ont  pour  objet  de  précipiter 
les  éléments  inutiles  pour  la  culture.        G.  Bechmann. 

II.  Agriculture.  —  Emploi  des  eaux  d'égout.  —  L'uti- 
lisation des  eaux  d'égout  constitue  une  question  de  la  plus 
haute  importance,  au  double  point  de  vue  de  l'hygiène  pu- 
bhque  et  de  la  fertilisation  des  terres,  ou  plutôt  de  la  mise 
en  valeur  des  principes  utiles  que  ces  eaux  renferment.  Si 
la  solution  de  cette  question  n'est  pas  encore  absolument 
résolue  au  point  de  vue  pratique,  on  peut  néanmoins  affir- 
mer, suivant  la  juste  remarque  de  M.  Romain,  que  le  prin- 
cipe de  cette  solution  est  assez  nettement  posé,  pour  qu'il 
n'y  ait  plus  qu'à  se  préoccuper  des  moyens  matériels  de  la 
réalisation,  et  l'on  peut  espérer  voir  bientôt  les  cités  do- 
tées d'une  installation  avantageuse  à  tous  les  points  de 
vue.  Il  n'est  pas  besoin  d'insister  beaucoup  pour  établir 


—  643  — 


ÉGOUT 


l'importance  de  cette  grande  opération  :  débarrasser  les 
centres  peuplés  des  masses  d'eau  plus  ou  moins  chargées 
d'impuretés  qui  se  ramassent  à  la  surface  du  sol,  et  qui 
atteignent  jusqu'à  600  et  700,000  m.  c.  par  jour  à  Lon- 
dres par  exemple,  et  400,000  à  Paris.  Cet  enlèvement  doit 
être  aussi  prompt  que  possible,  et  c'est  à  cela  que  servent 
les  égouts.  Mais  que  faire  ensuite  de  cette  masse  d'impu- 
retés? L'envoyer  dans  une  rivière  voisine  qui  la  conduira 
à  la  mer  semblerait  au  premier  abord  la  solution  la  plus 
simple.  L'infection  de  la  Seine,  de  la  Tamise  sont  des 
faits  trop  connus  de  tous  pour  qu'il  soit  besoin  de  réfuter 
cette  solution.  Substituer  à  cette  rivière  une  canalisation 
spéciale,  close,  ayant  la  même  destination?  Ici  intervien- 
nent des  questions  de  dépenses  telles  qu'on  ne  peut  les 
omettre.  Ainsi  de  Paris  à  la  mer,  outre  les  difficultés  pro- 
venant de  la  faiblesse  de  pente,  on  évalue  la  dépense  à 
100  millions  de  francs.  Et  encore,  comme  le  fait  remar- 
quer M.  Durand-Claye,  qui  peut  nous  garantir  de  ne  pas 
rencontrer  au  débouché  de  ce  canal  les  mêmes  inconvé- 
nients qu'au  débouché  des  collecteurs  dans  les  rivières, 
inconvénients  accrus  encore  par  la  différence  entre  le  mou- 
vement continu  d'une  rivière  et  celui  intermittent  par  le 
flux  et  le  reflux  de  la  mer.  En  outre,  cette  évacuation  des 
eaux  d'égout  vers  la  mer  laisse  perdre  tous  les  principes 
fertilisants  qu'elles  renferment  et  dont  l'agriculture ,  quoi 
qu'on  en  ait  dit,  peut  tirer  un  si  utile  profit.  Voyons  donc 
tout  d'abord  la  composition  de  ces  eaux  et  examinons  si 
celles-ci  valent  la  peine  qu'on  les  utilise. 

Composition  chimique  des  eaux  d'égout.  —  Cette  com- 
position, on  le  comprend  sans  peine,  est  très  variable  ; 
néanmoins  toujours  elle  montre  des  matines  minérales  et 
surtout  des  matières  organiques  ;  en  première  ligne  nous 
y  voyons  figurer  l'azote,  qui  s'y  trouve  surtout  sous  forme 
organique  et  ammoniacale  ;  en  outre,  il  y  a  de  l'acide  phos- 
phorique  et  de  la  potasse.  La  moyenne  de  dix-huit  années 
d'observations,  sur  les  produits  du  collecteur  de  Clichy, 
conduit  à  admettre  comme  composition  moyenne  par  m.  c,  : 

Matières  organiques  j  ^ ^^^^  S'.Sl  \  O'^^^ 

Acide  phosphorique 0,017  \ 

Potasse 0,081  / 

Chaux 0,331      1,733 

Résidu  insoluble  dans  les  acides 0,704  \ 

Produits  divers 0,630  / 

2,548 


Les  analyses  faites  par  MM.  Hervé-Mangon  et  Léon  Du- 
rand-Claye assignent  aux  eaux  de  Tégout  de  Saint-Denis 
une  composition  un  peu  différente  : 


Matières  organiques 


l',%18 


1,943 


Azote . 0,140 

Autres  matières.  1,378 

Acide  phosphorique 0,040 

Potasse 0,089 

Soude 0,214 

Matières  minérales  diverses 1,600  ) 

"M6Î 

Dans  les  eaux  d'égout  de  Londres,  Vœlcker  a  trouvé  : 

Matières  organiques 0,428,  contenant  : 

Ammoniaque 0,099 

Matières  minérales 0,856,  contenant  : 

Acide  phosphorique ...     0,014 

Potasse 0,043 

Matières  inertes 0,799 

1,284 

D'après  M.  A.  Muller,  la  composition  des  eaux  d'égout 
serait  : 

.       ,  .  kg 

Azote  organique 0,010 

—    ammoniacal 0,090 

Potasse 0,040 

Acide  phosphorique 0,040 

Magnésie 0,017 

Carbonate  de  chaux 0,150 


0,347 

Comme  on  le  voit,  les  résultats  trouvés  sont  très  dissem- 
blables et  la  teneur  en  principes  fertilisants  est  en  général 
assez  faible,  mais  il  convient  de  faire  remarquer  que  ces 
chiffres  s'appliquent  à  un  mètre  cube;  aussi,  pour  se  faire 
une  idée  exacte  de  la  valeur  des  eaux  d'égout,  faut-il  com- 
biner les  chiffres  résultant  des  analyses  avec  ceux  prove- 
nant des  jaugeages  ;  en  ce  qui  concerne  les  eaux  d'égout  de 
Paris,  le  grand  nombre  des  uns  et  des  autres  permet,  à  ce 
point  de  vue,  une  précision  indiscutable.  On  obtient  alors 
pour  les  deux  collecteurs  de  Chchy  et  de  Saint-Denis,  les 
résultats  contenus  dans  le  tableau  ci-dessous. 

Rien  qu'en  ce  qui  concerne  l'azote  :  6,996,000  kilogr. 
Ce  n'est  pas  une  quantité  négligeable,  loin  de  là,  car  en  ne 
l'évaluant  qu'au  prix  de  1  fr.  le  kilogr.  qui  est  un  mini- 


COLLECTEURS 


De  Clichy  (par  mètre  cube) 

De  Saint-Denis  (par  mètre  cube) 

De  Clichy  (débit  par  an  :  116.000.000  m.  c.) 

De  Saint-Denis  (débit  par  an  :  16.000.000  m.  c.) 

Total  général 


MATIERES    ORGANIQUES 

Azote 


0?041 
0.140 

4.756.000 
2.240.000 


6.996.000 


kff 

0:815 

1.518 


94.540.000 

24.288.000 


118.8 


1.000 


Acide 
phosphorique 


MATIERES   MINERALES 

Potasse 


0^017 
0.040 


1.972.000 
640.000 


2.612.000 


0!031 
0.089 

3.596.000 
1.424.000 


5.020.000 


Matières 
totales 


ï^733 
1.943 


201.028.000 
31.088.000 


232.116.000 


mum,  on  a  de  ce  fait  pour  les  égouts  de  Paris  une  valeur 
de  6,996,000  fr.  On  voit  donc,  et  c'est  là  que  nous  vou- 
lions en  venir,  l'importance  capitale  qu'il  y  a  de  détourner 
les  eaux  d'égout  des  rivières  qu'elles  infectent  et  d'utiliser 
les  matières  qu'elles  charrient  au  profit  de  l'agriculture. 
Comme  dit  Victor  Hugo  :  «  Une  grande  ville  est  le  plus 
puissant  des  stercoraires...  Il  n'est  aucun  guano  compa- 
rable en  fertilité  aux  détritus  d'une  capitale.  ^  Employer  la 
ville  à  fumer  la  plaine,  ce  serait  une  réussite  certaine... 
Si  notre  or  est  fumier,  en  revanche  notre  fumier  est  or. 
Que  fait-on  de  cet  or-fumier?  On  le  balaye  à  l'abîme.  A 
cette  négligence,  deux  résultats  :  la  terre  appauvrie  et  l'air 


empesté.  La  faim  sortant  du  sillon  et  la  maladie  sortant 
du  fleuve.  » 

Altérabilité  des  eaux  d'égout.  —  Les  eaux  d'égout, 
chargées  de  matières  si  diverses,  sont  éminemment  alté- 
rables et  putrescibles  ;  c'est  par  millions  que  les  bactéries 
s'y  comptent  au  centimètre  cube.  On  peut  admettre  que  : 
4°  la  quantité  d'azote  organique  croît  brusquement  en  aval 
des  débouchés  des  collecteurs  et  va  ensuite  en  diminuant 
graduellement  par  suite  des  combustions  de  la  matière 
organique  ;  2°  l'oxygène  dissous  dans  Peau  suit  une  marche 
inverse  ;  il  diminue  brusquement  en  aval  des  collecteurs  et 
revient  peu  à  peu  à  son  niveau  normal  quand  l'action  des 


EGOUT 


—  644  — 


ferments  commence  à  se  ralentir,  ainsi  qu'il  résulte  des 
recherches  de  M.  Duclaux.  Les  produits  de  désagrégation 
de  la  matière  organique  varient  suivant  que  le  milieu  est 
oxygéné  ou  dépourvu  d'oxygène.  Si  l'oxygène  fait  défaut, 
les  microbes  anaérobies  se  développent  et  produisent  des 
réductions  qui  donnent  naissance  à  une  véritable  putréfac- 
tion. Il  y  a  production  d'ammoniaque  et  de  sulfures,  et  le 
fleuve  et  les  environs  sont  infestés.  Si  l'eau  est  aérée,  il  se 
produit  une  véritable  combustion  ;  les  matières  azotées  se 
nitrifient,  les  matières  carbonées  disparaissent,  les  eaux 
s'épurent.  Mais,  en  présence  de  la  grande  altérabilité  de  ces 
résidus  et  de  la  mauvaise  odeur  qu'ils  répandent,  on  a  dû 
chercher  des  procédés  pour  épurer  les  eaux  d'égout.  Les 
systèmes  proposés  sont  excessivement  nombreux  ;  mais  ils 
se  rattachent  tous  à  trois  types  bien  distincts  :  1"  épuration 
par  filtrage  et  décantation,  moyens  mécaniques  ;  2«  épuration 
chimique,  précipitation;  S'^  épuration  parle  sol,  irrigation. 
4«  Epuration  par  filtrage  et  décantation.  Ce  sys- 
tème, employé  en  Angleterre  dans  un  grand  nombre  de 
villes,  est  loin  de  donner  les  résultats  qu'on  est  en  droit 
d'exiger  :  il  consiste  à  amener  les  eaux  dans  des  bassins, 
de  telle  sorte  que  la  vitesse  du  courant  ne  dépasse  pas  7  à 
Smillim.  par  seconde.  Les  matières  les  plus  lourdes,  dit 
à  ce  sujet  M.  F.  Bertrand,  se  déposent  au  fond  des  bassins 
d'où  elles  doivent  être  extraites,  puis  égouttées  ;  les  ma- 
tières les  plus  légères  sont  en  partie  retenues  par  un  filtre 
grossier  que  les  eaux  sont  obligées  de  traverser.  On  obtient 
ainsi  un  engrais  d'une  faible  valeur  et  dont  la  vente  est 
excessivement  difficile  ;  et  de  plus,  l'épuration  est  telle- 
ment incomplète  que  l'infection  des  rivières  n'est  que  re- 
tardée. Enfin  les  fosses  de  décantation  sont  souvent  elles- 
mêmes  un  foyer  d'émanations  malsaines.  Ce  procédé  a  été 
appliqué  à  Birmingham  où  un  bassin  de  410  m.  de  long 
sur  30  m.  de  large  et2"^10  de  profondeur,  divisé  en  trois 
compartiments,  recevait  chaque  jour  55,000  m.  c.  d'eau 
d'égout   provenant  de  250,000  hab.  Des  filtres  établis 
sur  le  passage  du  liquide  ont  dû  être  abandonnés.  Le  dé- 
pôt solide,  qui  atteignait  60  tonnes  par  jour,  était  offert 
gratuitement  aux  cultivateurs.  Le  résultat,  désastreux  au 
point  de  vue  économique,  n'est  guère  meilleur  au  point  de 
vue  hygiénique.  Des  procédés  très  voisins  ont  été  appliqués 
à  Plymouth,  à  Blackburn,  à  Rugby,  etc.  ;  dans  ces  deux 
dernières  villes  on  a  dû  y  renoncer.  A  Ashby-de-la-Zouch, 
les  résultats  sont  un  peu  moins  mauvais,  mais  la  perte 
moyenne  annuelle  est  encore  de  200  fr.,  et  cela  pour  une 
ville  de  4,000  hab. 

2°  Epuration  chimique.  Les  procédés  chimiques  sont 
également  très  nombreux;  ils  consistent  dans  l'emploi  de 
substances  ou  réactifs,  dont  l'action  est  de  coaguler  les 
matières  en  suspension  et  les  matières  dissoutes  et  d'en 
faciliter  ainsi  le  dépôt.  Ordinairement,  on  ajoute  en  même 
temps  que  le  réactif  chimique  une  matière  poreuse  telle 
que  du  charbon  ou  de  l'argile,  etc.,  destinée  à  compléter 
son  action.  Les  principaux  agents  qu'on  a  proposés  ou  em- 
ployés sont  :  la  chaux,  le  sulfate  d'alumine,  le  perchlorure 
de  fer,  etc.  La  chaux  a  été  employée  en  Angleterre,  no- 
tamment à  Tohenham;  on  a  dû  y  renoncer.  A  Leicester, 
ville  de  70,000  hab.,  on  a  aussi  obtenu  un  engrais  assez 
actif,  mais  d'un  prix  trop  élevé;  deux  ans  après  on  y  re- 
nonçait. A  Coventry,  à  Cheltenham  et  même  à  Londres  on 
a  fait  des  essais  du  même  genre;  partout  l'opération  est 
mauvaise  au  point  de  vue  économique  ;  d'ailleurs,  le  pro- 
cédé est  imparfait,  car  avec  la  chaux  l'eau  est  chaulée 
mais  non  épurée.  En  étudiant  à  ce  point  de  vue  les  eaux 
de  Reims,  M.  Hervé-Mangon  a  trouvé  que  la  chaux  diminue 
au  plus  la  masse  des  impuretés  de  52  «/o  ;  en  outre,  ces 
eaux  entrent  facilement  en  fermentation.  Le  chlorure  de 
chaux  proposé  par  M.  Letheby  a  donné  les  mêmes  résul- 
tats. Le  sulfate  d'alumine,  essayé  à  Londres  en  1852,  en 
mélange  avec  le  sulfate  de  zinc  et  le  charbon,  n'a  pas 
donné  de  résultats  meilleurs.  Le  sulfate  d'alumine,  essayé 
à  Paris  dès  1866,  a  un  peu  mieux  réussi;  néanmoins  la 
purification  était  encore  très  incomplète,  car  après  l'opé- 


ration l'eau  renfermait  encore  0*^021  d'azote,  0^240  de 
matières  organiques  et  0^^724  de  matières  minérales  par 
mètre  cube.  Le  perchlorure  de  fer,  essayé  en  Angleterre 
vers  1860  par  Hoffmann  et  Franckland,  n'a  pas  mieux 
réussi;  les  eaux  ainsi  épurées  fermentaient  au  bout  d'une 
huitaine  de  jours. 

Voici  l'analyse  de  produits  obtenus  par  ces  actions  chi- 
miques; elles  sont  dues  au  D"^  Vœlcker  :  le  n«  1  provient 
de  la  précipitation  faite  avec  la  chaux  et  le  perchlorure  de 
fer  ;  le  n**  2  est  un  précipité  obtenu  avec  le  sulfate  d'alu- 
mine ;  enfin  le  n°  3  a  été  obtenu  en  traitant  les  eaux 
d'égout  par  de  l'alun,  du  sang  et  de  l'argile: 

N"  1  N"  2  N"  3 

Eau  60.83   47.36   57.20 

Azote..; 0.41        0.69        0.31 

Acide  phosphorique.       0.30        0.80        0.35 

Potasse... 0.30        0.20        0.39 

Carbonate  de  chaux.       8.18        7.30        5.60 

En  résumé,  aucun  procédé  chimique  ne  parvient  à  épurer 
les  eaux  d'égout;  ils  les  clarifient  tout  au  plus.  Aussi  sont-ils 
complètement  abandonnés  aujourd'hui,  au  triple  point  de 
vue  du  résultat  final,  des  difficultés  pratiques  et  de  la  va- 
leur minime  des  produits  obtenus. 

3»  Epuration  par  le  sol.  Emploi  agricole  des  eaux 
d'égout.  Nous  arrivons  ici  aux  procédés  les  plus  pratiques 
à  tous  les  points  de  vue.  Dans  ce  système,  on  a  eu  re- 
cours, lors  des  expériences,  à  l'action  du  sol  naturelle- 
ment ou  artificiellement  perméable,  combinée  avec  la  végé- 
tation pour  obtenir  un  double  résultat  :  1°  la  purification 
absolue  de  ces  eaux  qui,  prises  à  la  sortie  des  égouts,  sont 
employées  à  irriguer  convenablement  des  emplacements 
particuliers,  pour  ressortir  de  ce  filtre  naturel  complète- 
ment débarrassées  de  toutes  leurs  impuretés,  et  plus  pro- 
pres à  la  consommation  que  les  eaux  de  la  plupart  des  ri- 
vières ordinaires  ;    2^  l'utilisation  de  toutes  les  matières 
retenues  pour  déterminer  la  fertilité  d'un   sol  pauvre, 
impropre  auparavant  à  la  culture  et  devenu  désormais  un 
jardin  maraîcher  de  premier  ordre.  Voici  d'après  M.  Ro- 
main, ingénieur  des  mines,  le  principe  de  ce  système  : 
les  eaux  versées  sur  un  terrain  perméable  se  filtrent  com- 
plètement dans  leur  passage  à  travers  les  couches  superfi- 
cielles, les  matières  organiques  se  divisent  dans  les  cou- 
ches du  sous-sol,  et  là,  sous  l'influence  de  l'oxygène  et 
des  multitudes  de  microgermes,  se  nitrifient.  Ces  faits  re- 
marquables ont  été  établis  par  MM.  Schlœsing  et  Mùntz. 
Ils  ont  montré  expérimentalement   qu'un  gramme  d'eau 
d'égout  à  l'état  naturel  renferme  20,000  microgermes, 
1  gr.  d'eau  de  Seine  pris  à  Bercy  1,400,  àClichy  3,200, 
1  gr.  d'eau  de  la  Vanne  62,  alors  que  les  eaux  d'égout  à 
leur  sortie  des  drains  de  Gennevilhers  où  elles  sont  aussi 
épurées  n'en  contiennent  plus  que  12.  L'eau  de  Gennevil- 
liers  est  donc  plus  pure  que  la  plus  belle  eau  potable  de  la 
Vanne  qu'on  boit  à  Paris.  Ces  résultats  si  considérables 
obtenus  par  la  persévérance  des  ingénieurs,  tant  en  France 
qu'en  Angleterre  et  en  Allemagne,  n'ont  cependant  pas  été 
acquis  sans  une  lutte  pénible  contre  les  préjugés.  Et  pour- 
tant il  n'y  a  qu'à  voir  ce  qu'on  a  obtenu  à  Gennevilhers  ; 
aussi  Berlin,  Danzig,  Breslau,  Bruxelles  et  plus  de  cent 
trente  villes  anglaises  appliquent  aujourd'hui  ce  système. 

Emploi  des  eaux  d'égout  à  Gennevilliers.  —  Les  eaux 
prises  dans  le  collecteur  d'Asnières  sont  aspirées  au  dé- 
bouché de  cet  égout  par  deux  puissantes  machines  qui  les 
refoulent  par  des  conduites  fermées  passant  sur  le  pont  de 
Chchy  et  gagnant  la  presqu'île  ;  celles  du  collecteur  de 
Saint-Ouen  y  descendent  par  la  seule  action  de  la  pesan- 
teur. Toutes  ces  eaux  sont  ensuite  dirigées  sur  les  divers 
points  de  la  plaine  par  des  conduites  fermées  en  maçonnerie, 
munies  de  bouches  d'arrosage,  lesquelles  versent  l'eau 
dans  des  rigoles  secondaires  à  ciel  ouvert,  qui  suivent  les 
chemins  à  un  niveau  un  peu  supérieur  à  celui  des  terres 
cultivées.  Ces  bouches  d'arrosage  sont  au  sommet  d'un 
tuyau  formant  ventouse  avec  déversoir  limitant  la  pression 


—  6i5  — 


EGOUT 


dans  les  conduites  en  maçonnerie  en  cas  d'excès  de  débit 
ou  de  charge.  Le  tuyau-ventouse  porte  un  flotteur  avec  un 
petit  drapeau  indiquant  de  loin  aux  ouvriers  chargés  du  ser- 
vice des  irrigations  les  variations  de  charge,  et  par  suite 
le  débit,  pour  les  guider.  On  fait  ensuite  circuler  ces  eaux 
dans  des  rigoles  séparées  les  unes  des  autres  par  des  ados 
plus  ou  moins  larges,  sur  lesquels  on  cultive  les  végétaux. 
Le  travail  des  ados  et  des  rigoles  peut  être  fait  à  la  char- 
rue, ce  qui  le  simplifie  considérablement.  A  GenneviUiers, 
l'usage  de  l'eau  est  libre;  aucun  propriétaire  n'est  obligé 
d'en  prendre  ;  chacun  peut  en  consommer  autant  qu'il  lui 
plaît  et  l'appliquer  à  la  culture  qu'il  juge  convenable.  La 
nature  de  la  culture  est  assez  variable.  Voici,  sinon  une 
règle  absolue,  au  moins  un  usage  assez  suivi  à  Gennevil- 
hers.  Le  chou  est  la  plante  qui  réussit  le  mieux  et  cela 
plusieurs  années  de  suite;  cette  plante  n'en  fournit  pas 
moins  par  an  un  million  de  tètes  pesant  5  kilogr.  en 
moyenne  chacun  ;  les  carottes,  les  céleris,  les  artichauts 
s'adjoignent  à  la  culture  du  chou.  L'eau  est  distribuée  sur 
un  même  emplacement,  d'une  façon  intermittente,  tous  les 
trois  ou  quatre  jours,  à  raison  de  50,000  m.  c.  environ 
par  an  et  par  hectare  ;  il  résulte  de  ce  mode  d'emploi  que 
les  terres  sont  humectées  sans  être  détrempées.  Une  com- 
mission s'est  spécialement  occupée  de  l'influence  de  l'emploi 
de  ces  eaux  sur  la  culture.  Elle  a  conclu  :  4°  à  l'abon- 
dance des  produits  obtenus  par  ce  procédé  ;  le  rendement 
comparé  s'élève  du  simple  au  triple  et  même  au  quintuple  ; 
2°  la  culture  des  arbres  fruitiers  et  des  pépinières  offrent 
des  résultats  de  même  nature  ;  3^  l'industrie  horticole  pré- 
sente un  succès  complet,  notamment  en  ce  qui  concerne  les 


feuilles  et  les  tiges  ;  4<*  la  qualité  des  produits  égale  celle 
de  la  culture  ordinaire  et  lui  devient  même  supérieure  ; 
5°  l'emploi  des  eaux  d'égout  a  rendu  possible  la  mise  en 
culture  de  terres  absolument  improductives  autrefois  ;  il  a 
élevé  le  rendement  et  par  suite  la  valeur  de  ces  terres  au 
niveau  de  celui  des  terres  restées  jusqu'ici  le  centre  de  la 
production  de  même  nature. 

Ces  documents  laissent  prévoir  que  l'emploi  des  eaux 
d'égout  dans  la  presqu'île  de  GenneviUiers  a  dû  être 
accueilli  avec  empressement  par  les  cultivateurs,  et  prendre 
tous  les  jours  une  plus  grande  extension  :  les  chiffres  qui 
suivent,  relevé  officiel  des  terrains  irrigués,  en  sont  la 
preuve  :  en  1870,  on  a  irrigué  21  hect.  avec  640,000  m.  c. 
d'eau  ;  en  1872,  51  hect.  avec  4,765,000  m.  c.  d'eau;  en 
4874,  445  hect.  avec  7,078,000  m.  c.  d'eau;  en  4876, 
295  hect.  avec  40,660,000  m.  c.  d'eau;  en  4878, 
379  hect.  avec  4  4 ,756,000m.  c.  d'eau  ;  en  4880, 422  hect. 
avec  45,000,000  m.  c.  d'eau;  en  4884,  500  hect.  avec 
49,000,000  m.  c.  d'eau. 

La  valeur  des  terrains  a  augmenté  en  proportion.  Ainsi 
la  valeur  locative  de  ces  terres  sablonneuses  qui  était, 
avant  les  irrigations,  de  90  à  450  fr.  l'hectare,  s'élève  au- 
jourd'hui à  450  et  500  fr.  dans  le  périmètre  arrosé.  La 
valeur  foncière  est  de  40,000  à  42,000  fr.  l'hectare.  Il 
convient  de  faire  remarquer  que  la  porosité  du  sol  de 
GenneviUiers  n'a  pas  subi  de  modifications  depuis  que  les 
irrigations  à  l'eau  d'égout  y  ont  été  pratiquées.  En  com- 
parant des  échantUlons  de  terres  irriguées  depuis  sept  ans 
et  d'autres  non  irriguées,  M.  Schlœsing  a  trouvé  les  ré- 
sultats suivants,  pour  400  kilogr.  de  terre  : 


Surface  du  sol 

A  0'n50  de  profondeur. 
A  1  m.  de  profondeur. 


TERRAIN    LIMONEUX 


IRRIGUE 

Carbone     Azote 


kg 
2.20 
0.83 
0.61 


kg 
0.23 
0.11 
0.10 


NON    IRRIGUÉ 

Carbone     Azote 


kg 
1.90 
0.57 


kg 
0.19 
0.07 
0.06 


Surface  du  sol 

A  O^'ôO  de  profondeur., 
A  l'nôO  de  profondeur. , 


TERRAIN    GRAVELEUX 


Carbone 


1.63 
0.32 

0.04 


Azote 


kg 

0.150 
0.035 
0.006 


NON    IRRIGUÉ 
Carbone     Azote 


kg 

1.250 
O.ir.O 
0.022 


kg 

0.100 
0.027 
0.004 


Comme  on  peut  le  voir  par  ces  chiffres,  l'apport  des 
eaux  d'égout  a  enrichi  le  sol  en  principes  carbonés  et  azo- 
tés, et  cet  enrichissement  doit  être  attribué  en  majeure 
partie  aux  matières  tenues  en  suspension.  A  Berhn,  l'uti- 
lisation des  eaux  d'égout  se  fait  de  la  même  manière;  la 
municipalité  a  acheté  deux  domaines  présentant  une  super- 
ficie totale  de  1,506  hect.  Les  terrains  y  sont  consacrés  à 
la  culture  courante  et  au  patinage. 

Système  du  «  tout  à  l'égout  ».  —  Ce  système,  qui  a  sou- 
levé beaucoup  de  controverses,  consiste  en  ceci  :  y  a-t-il 
avantage,  dans  les  grandes  villes  comme  Paris,  à  déverser 
dans  les  égouts  les  déjections  humaines  à  mesure  de  leur 
production,  supprimant  ainsi  les  fosses  et  leurs  inconvé- 
nients? Ce  système  du  «  tout  à  l'égout  »  est  vivement  com- 
battu au  point  de  vue  de  l'hygiène  même  des  villes,  par 
des  hommes  autorisés  qui  signalent  les  dangers  suivants  : 
i^  infection  de  l'air  à  la  suite  des  dégagements  de  gaz  fé- 
tides, tels  que  l'hydrogène  sulfuré  et  l'ammoniaque,  se  ré- 
pandant par  les  bouches  d'égout  ouvertes  sur  les  voies 
publiques,  dégagements  d'autant  plus  à  redouter,  font 
remarquer  MM.  Mûntz  et  A.-C.  Girard,  que  les  égouts 
ayant  moins  de  pente  laissent  déposer  et  s'accumuler  des 
vases  et  des  boues,  et  que  le  niveau  des  eaux,  subissant 
des  alternatives  de  hausse  et  de  baisse,  laisse  à  découvert 
sur  les  parois  des  matières  fermentescibles  ;  2°  infiltration 
des  eaux  dans  le  sous-sol,  par  suite  de  la  non-étanchéité  ou 
de  l'usure  des  parois  de  l'égout.  Ce  système  ne  saurait 
donc  être  appliqué  que  si  les  égouts  sont  placés  dans  des 
conditions  parfaites  d'imperméabilité  et  d'obturation,  si 
leur  pente  est  suffisante,  si  le  déversement  d'eau  est  assez 
considérable  pour  diluer  les  matières  fécales,  et  le  lavage 


des  égouts  fréquemment  répété,  enfin,  si  les  eaux  chargées 
d'excréments  peuvent  être  répandues  sur  de  grandes  surfaces 
capables  de  les  épurer.  Les  eaux  d'égout  sont  déjà  assez 
malsaines  et  assez  nauséabondes  pour  qu'il  n'y  ait  aucun 
besoin  de  les  surcharger  encore  de  matières  fécales.  D'ail- 
leurs, ces  dernières,  dans  toutes  les  villes  bien  administrées, 
peuvent  être  avantageusement  recueillies  et  transportées  au 
loin  sans  que  l'hygiène  publique  en  souffre.  C'est  pour- 
quoi le  système  du  «  tout  à  l'égout  »  n'est  pas  recom- 
mandable  ;  il  coûterait  très  cher,  beaucoup  trop  cher  même 
en  proportion  des  services,' bien  problématiques  d'ailleurs, 
qu'il  rendrait.  "  Albert  Larbalétrier. 

III.  Droit  civiL  —  Egout  des  toits.  —  Cette  expres- 
sion désigne  soit  les  eaux  pluviales  recueillies  par  le  toit 
d'un  bâtiment,  soit  les  conduites  qui  les  amènent  de  ce  toit 
jusqu'au  sol,  soit,  mais  plus  rarement,  l'emplacement  même 
sur  lequel  elles  tombent.  D'après  l'art.  681  du  C.  civ., 
«  tout  propriétaire  doit  établir  ses  toits  de  manière  que  les 
eaux  pluviales  s'écoulent  sur  son  terrain  ou  sur  la  voie 
publique  ;  il  ne  peut  les  faire  verser  sur  le  fonds  de  son 
voisin  ».  Cette  prescription  de  l'art.  681  est  une  conséquence 
du  principe  posé  par  l'art.  640  d'après  lequel  les  fonds 
inférieurs  ne  sont  assujettis  envers  ceux  qui  sont  plus  élevés 
qu'à  recevoir  les  eaux  qui  en  découlent  naturellement  sans 
que  la  main  de  l'homme  y  ait  contribué,  et  d'après  lequel 
aussi  le  propriétaire  inférieur  ne  peut  rien  faire  qui  aggrave 
la  servitude  du  fonds  inférieur.  —  Le  seul  moyen  pour  le 
propriétaire  de  se  conformer  à  l'art.  681  consiste  à  élever 
son  bâtiment  non  pas  à  la  limite  exacte  de  sa  propriété, 
mais  en  retrait  de  quelque  distance,  de  façon  que  l'eau  tom- 
bant naturellement  du  toit  tombe  encore  sur  son  terrain  : 


ÉGOUT  -  ÉGRENAGE 


—  646  — 


il  est  donc  d'usage  de  laisser  une  bande  de  terre  entre 
le  parement  extérieur  du  mur  et  Théritage  contigu  :  la  lar- 
geur de  cette  bande  de  terrain  n'est  fixée  par  aucun  texte, 
mais  on  a  l'habitude  de  la  porter  au  double  de  l'avance- 
ment du  toit  ou  à  3  pieds,  c.-à-d.  1  m.  —  Remarquons 
que  le  propriétaire  du  bâtiment  ne  saurait  faire  avancer 
son  toit  sur  l'héritage  voisin,  sauf  à  en  conduire  les  eaux, 
par  un  tuyau  coudé,  sur  son  propre  terrain,  car  d'après 
l'art.  552  le  propriétaire  du  fonds  voisin,  étant  proprié- 
taire du  «  dessus  et  du  dessous  »  est  en  droit  de  s'oppo- 
ser à  ce  qu'une  construction  quelconque  s'avance  au-dessus 
de  son  terrain,  un  pareil  agencement  constituant  pour  lui 
une  servitude.  Notons  encore  que,  d'après  la  jurisprudence 
la  plus  récente,  l'art.  681  précité  n'établit  pas  au  profit 
du  propriétaire  du  toit  une  prescription  légale  de  propriété 
de  la  partie  du  terrain  que  couvre  la  saillie  de  son  toit  et 
sur  laquelle  se  déversent  les  eaux  pluviales.  Il  n'établit 
qu'une  simple  présomption  abandonnée  à  l'appréciation  des 
juges  et  qui  peut  être  combattue  par  des  preuves  ou  pré- 
somptions contraires.  En  résumé,  la  disposition  de  l'art.  681 
s'oppose  simplement  à  ce  que  les  eaux  pluviales  tombent 
directement  du  haut  du  toit  sur  le  fonds  du  voism  :  le  pro- 
priétaire doit  les  recevoir  sur  son  terrain,  mais  il  n'est  pas 
tenu  à  davantage,  et,  à  partir  du  moment  où  elles  ont  tou- 
ché terre,  il  a  le  droit  de  les  laisser  couler  naturellement, 
suivant  la  pente  du  terrain,  et,  si  cette  pente  les  conduit 
chez  le  voisin,  celui-ci  doit  les  recevoir,  par  application  de 
l'art.  640,  sans  pouvoir  les  repousser. 

Ù' ailleurs,  le  propriétaire  d'un  bâtiment  peut  acquérir  le 
droit  de  laisser  tomber  directement  l'eau  du  haut  de  son 
toit  sur  le  fonds  du  voisin  :  il  jouit  dans  ce  cas  de  la  ser- 
vitude d'égout  ou  stillicide.  Cette  servitude  se  manifestant 
soit  par  l'avancement  du  toit,  soit  par  des  tuyaux^  ou  gar- 
gouilles, et  s'exerçant  indépendamment  du  fait  de  l'homme, 
est  une  servitude  continue  et  apparente  (V.  art.  688)  et 
peut  s'acquérir  par  prescription  ou  par  destination  du 
père  de  famille  ou  par  convention  :  elle  ne  doit  pas,  quel 
que  soit  son  mode  d'acquisition,  être  aggravée  par  le  pro- 
priétaire du  fonds  dominant.  Disons  enfin,  en  terminant, 
que  si  l'art.  681  permet  au  propriétaire  de  déverser  les 
eaux  pluviales  sur  la  voie  publique,  ce  n'est  qu'à  la  condition 
de  se  conformer  aux  règlements  de  police  et  de  voirie,  et 
notamment  à  ceux  qui  exigent  que  les  eaux  soient  amenées 
jusqu'au  sol  par  des  conduites  et  ne  tombent  pas  du  haut 
du  toit  par  des  gargouilles,  au  préjudice  des  passants  et 
de  la  voie  publique  elle-même.  F.  Girodon. 

BiBL.  :  Agriculture.  —  J.-A.  Barral  et  Sagnier,  Dic- 
tionnaire d'aqriculture  ;  Paris,  1890,  t.  H.  —  O.  J-ami, 
incUonnaire^de  Vindustrie;  Paris,  1884,  t.  IV.  -Enquête 
de  la  commission  d'assainissement  de  Pans,  publiée  par 
la  Préfecture  de  la  Seine.  —  Mûntz  et  A.  Girard,  les 
Enqrais  ;  Paris,  1888,  t.  I.  —  Duclaux,  Chimie  biologique; 
Paris,  1882. 

ÉGOUTIER.  Les  égoutiers  de  la  ville  de  Paris  sont  au 
nombre  d'environ  850.  Ils  se  divisent  en  130  chefs  can- 
tonnier s-égoutiers,  400  cantonniers-égoutiers,  200  auxi- 
liaires et  120  stagiaires.  Les  cantonniers-égoutiers  ont  un 
salaire  de  130  à  138  fr.  par  mois,  les  auxiliaires  4  fr.  80 
par  jour  et  les  stagiaires  4  fr.  pour  dix  heures  de  travail. 
La  Ville  leur  fournit  des  bottes  hautes  et  solides  qui  sont 
renouvelées  tous  les  six  mois.  Au  bout  de  six  mois  de  ser- 
vice, les  bottes  rentrent  aux  magasins  généraux  de  la  Ville, 
qui  les  vend  à  la  criée  à  peu  près  120  à  125  fr.  le  cent. 
Les  tiges  servent  à  faire  des  chaussures  de  luxe;  les  pieds 
deviennent  des  galoches  fabriquées  surtout  à  Méru.  Les 
égoutiers  sont  répartis  en  brigades  volantes  qui  sont  diri- 
gées selon  les  besoins  du  service. 

É6RAIN0IRE  (Archéol.).  Petites  cages  dans  lesquelles 
les  oiseliers  étaient  tenus  de  garder  les  oiseaux  de  sexe 
différent  qu'ils  mettaient  en  vente.  Les  mâles  chanteurs 
devaient  être  placés  dans  des  cages  hautes  et  les  femelles 
dans  des  cages  basses  dites  égrainoires,  afin  d'empêcher  la 
vente  abusive  des  femelles,  en  les  donnant  pour  des  mâles 
dont  le  prix  était  plus  élevé. 


ÉGRAPPAGE  (Vitic).  Opération  vinicole  qui  consiste  à 
séparer  les  grains  de  raisin  de  la  rafle,  dans  des  propor- 
tions déterminées  ou  complètement  suivant  la  nature  des 
vins  et  les  conditions  de  la  maturité  des  fruits.  Elle  a  pour 
but  de  corriger  certains  défauts  et  d'augmenter  la  finesse 
des  vins  (V.  Vinification).  P-  V. 

ÈGRE  (L').  Rivière  de  France  (V.  Aigre  [L']). 

ÉGREFIN  ou  ÉGLEFIN  (ïchtyoL).  Nom  vulgaire  d'une 
espèce  de  Morue  (Gadus),  le  Gadiis  œglefinus  (V.  Morue). 

ÉGREMONT  (Baron  et  comte  d')  (V.  Wyndham). 

ÉGRENAGE. -L  Agriculture.  —  L'égrenage  consiste  à 
séparer  les  graines  des  plantes  cultivées  des  enveloppes  qui 
les  recouvrent.  Néanmoins,  cette  expression  est  plutôt  réser- 
vée maintenant  à  l'action  de  séparer  les  grains  de  maïs  de 
la  partie  centrale  de  l'épi  ou  rafle,  à  laquelle  ils  sont  adhé- 
rents. Pour  les  autres  céréales,  la  séparation  du  grain  se 
fait  par  le  dépicage  et  le  battage  (V.  ces  mots) .  Dans  le  Midi, 
on  emploie  plusieurs  systèmes  d'égrenoirs  à  mais.  Un  des  plus 
répandus  consiste  en  deux  disques  en  fonte,  dont  la  surface 
est  couverte  de  petites  aspérités;  les  épis  sont  engagés 
dans  une  sorte  de  goulotte  en  fer  dont  la  partie  inférieure 
est  fortement  pressée  contre  le  disque  par  un  ressort 
d'acier  que  l'on  règle  à  volonté  au  moyen  d'une  vis.  L'épi 
se  trouve  donc  comprimé  sur  le  disque,  et  en  même  temps, 
par  leur  mouvement  de  rotation,  les  aspérités  détachent  les 
grains  de  maïs  qui  tombent  avec  les  rafles  sur  un  plan 
inchné  et  de  là  dans  un  tarare,  où  ils  subissent  un  premier 
nettoyage.  Un  arbre  avec  manivelle  et  deux  volants  donne 


Egrenoir  de  maïs. 

le  mouvement  au  plateau  par  l'intermédiaire  d'un  pignon. 
Dans  les  égrenoirs  de  graines  fourragères,  le  batteur 
affecte  la  forme  d'un  tronc  de  cône  muni  de  battes  en 
fer  lisses  ou  cannetons.  Le  batteur  est  renfermé  dans  un 
contre-batteur  de  même  forme  en  tôle  perforée;  l'écarte- 
ment  peut  être  réglé  au  moyen  d'une  vis  qui  rapproche 
plus  ou  moins  du  contre-batteur  l'extrémité  étroite  du  bat- 
teur. Les  graines  de  trèfle  et  de  luzerne  sont  séparées  des 
bourres  par  le  passage  entre  le  batteur  et  le  contre-batteur  ; 
elles  tombent  à  l'autre  extrémité  de  l'appareil  ainsi  que 
les  bourres  sur  un  crible  et  de  là  s'engagent  dans  un  ven- 
tilateur qui  achève  le  nettoyage.  A.  Larbalétrier. 

IL  Filature.  —  Opération  par  laquelle  on  sépare 
les  fibres  du  coton  des  graines  auxquelles  elles  sont  plus 
ou  moins  adhérentes  suivant  les  variétés  des  cotonniers  qui 
les  ont  produites.  Cette  opération  se  fait  mécaniquement 
sur  les  lieux  de  production;  l'appareil  le  plus  simple,  et 
qui  ménage  le  mieux  les  fibres,  se  compose  simplement  de 
deux  rouleaux  en  bois  de  3  à  5  centim.  de  diamètre  et  envi- 
ron 35  centim.  de  longueur,  appuyés  l'un  sur  l'autre  et 
que  l'ouvrier  fait  tourner  au  moyen  d'une  manivelle  en 
même  temps  qu'il  leur  présente  le  coton  ;  il  a  été  trans- 
formé en  une  véritable  machine  par  la  maison  Platt  par 


—  647  — 


ÉGRENAGE  -  EGUILAZ 


l'adjonction  d'une  table  sur  laquelle  on  répand  le  coton, 
de  cylindres  à  dents  et  de  fourches  transporteuses  facilitant 
le  travail  et  permettant  d'obtenir  environ  75  à  80  kilogr. 
de  coton  égrené  par  jour.  En  Egypte  et  plusieurs  autres 
pays,  on  fait  usage  d'égreneuses  à  lames  de  scie  [saw-gin) 
composées  d'une  trémie  dans  laquelle  on  jette  le  coton  et 
où  pénètrent,  entre  les  barreaux  d'une  grille,  des  sortes  de 
lames  de  scies  circulaires  disposées  les  unes  à  côté  des 
autres  sur  un  tambour;  les  dents  dont  ces  lames  sont 
armées  arrachent  et  entraînent  les  fibres  tandis  que  les 
graines  sont  retenues  par  la  grille.  Une  machine  armée 
d'environ  quatre-vingt-dix  lames  peut  fournir  environ 
800  kilogr.  de  fibres  par  jour.  Différents  autres  types 
d'égreneuses,  notamment  celui  de  Mac  Carthy,  sont  encore 
d'un  usage  plus  ou  moins  fréquent. 

EGRESSY  (Gabriel),  acteur  hongrois,  né  à  Laszlofalu 
en  1807,  mort  à  Pest  le  30  juil.  1866.  Après  diverses  aven- 
tures, il  devint,  en  1837,  l'étoile  du  nouveau  théâtre  national 
en  langue  magyare.  Un  séjour  à  Vienne,  un  autre  séjour 
qu'il  fit  à  Paris  en  1843  le  perfectionnèrent  dans  son  art. 
Il  joua  un  rôle  politique  pendant  la  guerre  de  1849  et 
fut  obligé  de  s'enfuir  en  Turquie,  puis  il  reparut  sur 
les  planches  et  ne  les  quitta  plus.  Il  excellait  également 
dans  la  comédie  et  la  tragédie,  notamment  dans  les  rôles 
de  Shakespeare.  Il  écrivit  en  langue  hongroise  des  études 
shakespeariennes  et  un  Manuel  de  l'art  dramatique 
(1866).  —  Son  fils,  Akusius  Egressy,  l'a  continué  sur  la 
scène.  —  Son  frère.  Benjamin  Egressy,  né  en  1813, 
mort  le  19  juil.  1851,  a  aussi  été  acteur;  mais  la  vraie 
gloire  qu'il  a  conquise  en  sa  courte  existence  est  celle  du 
musicien  populaire.  Ses  mélodies ,  d'un  rythme  essentiel- 
lement national,  sont  répandues  aujourd'hui  dans  toute 
l'Europe. 

ÉGREVILLE.  Com.dudép.  de  Seine-et-Marne,  arr.de 
Fontainebleau,  cant.  de  Lorrez-le-Bocage ;  1,738  hab. 
Stat.  des  chem.  de  fer  départementaux  (ligne  de  Montereau 
à  Souppes).  Château  du  xvi®  siècle. 

EGRILIA  (Gens).  Famille  romaine,  connue  surtout  par 
des  inscriptions  d'Ostie.  Elle  compta  parmi  ses  membres  : 
i.  Egrilius  Plarianus,  consul  suffect  sous  les  Flaviens; 
Q.  Egrilius  Plarianus,  légat  propréteur  d'Afrique  sous 
les  Antonins.  G.  L.-G. 

ÉGRILLON  (Pêche).  Pour  empêcher  les  poissons  de 
s'échapper  d'un  étang,  tout  en  permettant  à  l'eau  de  passer, 
on  place  à  la  décharge  une  sorte  de  grille  formée  de  pieux 
fichés  et  liés  ensemble. 

E6 RI  PO.  Nom  moderne  àeChalcis  (Y,  cemotetEuBÉE). 
ECRIS  on  EGHRIS.  Plaine  d'Algérie,  dép.  d'Oran,  au 
S.  de  Mascara,  à  une  ait.  moyenne  de  500  m.;  elle  est 
particulièrement  fertile  en  céréales  et  en  vignes.  Les  Fran- 
çais, surtout  des  habitants  de  Mascara,  y  ont,  depuis  une 
trentaine  d'années,  établi  de  grandes  fermes  très  prospères. 
Les  villages  européens,  créés  dans  cette  plaine  qui  appar- 
tenait jadis  aux  Hachem,  la  puissante  tribu  d'Abd-el- 
Kader,  sont  :  Palikao,  Maoussa,  Froha,  Thiersuille, 
Tizi,  Cacher  ou,  E.  Cat. 

ÉG RISÉE.  L'égrisée  est  de  la  poudre  de  diamant  obte- 
nue en  usant  l'un  contre  l'autre  deux  diamants  bruts  co- 
lorés ou  tachés,  rendus  impropres  à  la  taille  et  appelés  dia- 
mants de  nature.  Ces  diamants  sont  solidement  enchâssés 
dans  des  manches  en  bois  et  frottés  pointe  contre  pointe 
à  la  main  ou  à  la  machine.  La  poudre  qui  résulte  de  cette 
opération  vaut  environ  60,000  fr.  le  kilogr.  et  est  soi- 
gneusement recueillie  dans  une  petite  boîte  appelée  égri- 
soir,  placée  sous  les  mains  de  l'ouvrier.  L'égrisée  vient 
plus  spécialement  d'Amsterdam  où  depuis  longtemps  s'est 
concentrée  l'industrie  de  la  taille  du  diamant.  On  l'em- 
ploie surtout  pour  tailler  et  polir  les  pierres  précieuses 
très  dures,  diamant,  rubis,  saphir,  grenat,  etc. 

ÉGRISELLES-LE-BocAGE.  Com.  du  dép.  de  l'Yonne, 
arr.  et  cant.  de  Sens;  1,182  hab. 

ÉGRUGEOIRE  (Archéol.).  Petit  mortier  de  bois  dans 


lequel  on  égruge  le  sel  de  cuisine  au  moyen  d'un  pilon 
rond.  On  appelait  aussi  égrugeoire  une  râpe  sur  laquelle 
on  frottait  des  substances  culinaires. 

ÉGRY.  Com.  du  dép.  du  Loiret,  arr.  de  Pithiviers,  cant. 
de  Beaune-la-Rolande  ;  579  hab.    ^ 

EGUAL  (Maria),  marquise  de  Castelfort,  née  le  6janv. 
1698,  morte  le  23  avr.  1735.  Mariée  au  marquis  de 
Castelfort,  elle  vécut  à  Valence.  Elle  est  célèbre  par  son 
savoir  et  son  talent  pour  la  poésie.  Son  salon  était  très 
fréquenté  par  les  gens  de  lettres,  et  c'est  chez  elle  que  fut 
représentée  la  comédie  de  Salazar  y  Terres,  Tambien  se 
ama  en  et  abismo^  pour  laquelle  elle  fit  une  Loa,  On  di- 
sait que  de  son  vivant  elle  avait  une  pleine  malle  de  poé- 
sies, mais  que  par  scrupule  religieux  pendant  une  maladie 
elle  les  brûla.  Cependant  ses  amis  en  recueillirent  un  cer- 
tain nombre  en  3  vol.  que  possédait  son  neveu,  en  1749.  On 
ne  sait  trop  ce  qu'ils  soht  devenus.  Alberto  de  La  Barrera 
attribue  à  Maria  Egual  deux  comédies  également  inédites  : 
Los  Prodigios  de  Thesalia  et  Triunfos  de  amor  en  et 
aire^  cette  dernière  avec  musique.  E.  Cat. 

ÉGUENIGUE.  Com.  du  territoire  de  Belfort,  cant.  de 
Fontaine;  210  hab. 

EGUIA  (Francisco-Ramon  de),  général  et  homme  d'Etat 
espagnol,  né  à  Durango  (Navarre)  en  1750,  mort  à  Ma- 
drid en  1827.  Il  se  distingua  dans  la  guerre  de  l'Indépen- 
dance et  commanda  sous  Elio  une  division  de  l'armée  de 
Valence.  En  mai  1814,  il  marcha  sur  Madrid  pour  exécuter 
le  décret  qui  abolissait  la  constitution  de  1812  et  fut  nommé 
pour  cela  capitaine  général  de  la  Nouvelle-Castille  ;  peu 
après,  il  devint  ministre  de  la  guerre  dans  le  cabinet  pré- 
sidé par  le  duc  de  San  Carlos  et  fut  un  des  plus  violents 
royalistes.  Remplacé  au  ministère  par  Ballesteros,  il  alla 
comme  capitaine  général  dans  la  province  de  Grenade  et 
remplit  les  prisons  de  constitutionnels.  Le  triomphe  de 
ceux-ci,  en  1820,  le  força  de  fuir  en  Franxîe  où  il  s'occupa 
de  recruter  des  partisans  pour  V armée  de  la  foi,  et  d'où 
il  dirigea  la  guerre  civile  en  Navarre  ;  en  moins  de  deux 
années,  il  dépensa,  dit-on,  22  millions,  et  quand  l'armée  de 
Moncey  entra  en  Espagne  pour  rétablir  le  pouvoir  absolu,  il 
mit  à  sa  disposition  des  bandes  nombreuses  qui  formaient 
presque  une  armée.  Il  redevint  aussitôt  capitaine  général  de 
la  Nouvelle-Castille  (1823)  ;  mais  son  rôle  pohtique  jusqu'à 
sa  mort  fut  assez  effacé.  E.  Cat. 

EGUiARA  Y  Eguren  (Juan-José),  théologien,  prédica- 
teur et  bibliographe  hispano-mexicain,  né  à  Mexico  en 
1706,  mort  le  29  janv.  1763.  Il  fut  professeur  de  théo- 
logie et  chancelier  de  l'université  de  cette  ville,  qualifica- 
teur du  saint-office,  chapelain  en  chef  des  capucines. 
Appelé  au  siège  épiscopal  du  Yucatan  (1751),  il  le  refusa 
pour  continuer  ses  travaux  littéraires.  Il  publia  cinq  pané- 
gyriques (1729-1757),  deux  oraisons  funèbres  (1755- 
1760),  trois  conférences  théologiques  (1725, 1729,  1747); 
Dissertationes  Mexicanœ  ad  scholasticam  spectantes 
theologiam  (1745,  in-fol.)  et  laissa  en  manuscrit  la  ma- 
tière de  deux  autres  volumes,  ainsi  que  vingt  tomes  de 
sermons,  deux  d'opuscules  latins  sur  les  belles-lettres,  etc. 
Mais  son  ouvrage  le  plus  précieux  pour  nous  est  une 
Bibliotheca  Mexicana  sive  eruditorum  historia  viro- 
rum,  rangée  par  ordre  de  prénoms  (Mexico,  1755,  1. 1, 
A-C,  in-4).  La  continuation  jusqu'à  la  lettre  J  est  inédite, 
mais  Beristain  en  a  tiré  parti.  Son  oraison  funèbre  en  latin 
a  été  écrite  par  P.-R.  Arizpe (Mexico,  1763,  in-4).    B-s. 

EGUILAZ  (Luis),  poète  dramatique  espagnol,  né  à  San 
Lucar  de  Barrameda  (Andalousie)  vers  1833,  mort  à 
Madrid  en  1876.  Venu  à  Madrid  en  1852,  il  ne  cessa  de 
fournir  à  la  scène  des  drames  et  des  comédies,  et  il  fut,  à 
cet  égard,  l'un  des  auteurs  les  plus  féconds.  Les  person- 
nages de  ces  drames  sont  tous  empruntés  à  l'histoire 
nationale  ;  la  conception  en  est  vigoureuse,  mais  la  struc- 
ture en  est  trop,  uniforme  et  le  lyrisme  y  déborde  telle- 
ment que  la  versification,  peu  flexible  du  poète,  a  de  la 
peine  à  obéir  à  sa  pensée.  Les  meilleurs  de  ses  drames  sont  : 
Las  Querellas  del  Rey  Sabio,  Lope  de  Rueda,  La  Vida 


EGUILAZ  ~  EGYPTE 


—  648  - 


de  Juan  Soldado,  El  Patriarca  del  Turia.  Il  est  de 
beaucoup  supérieur  dans  la  comédie,  où  l'action  est  plus 
naturelle,  les  caractères  mieux  tracés,  la  forme  plus  sobre 
et  plus  correcte.  On  doit  citer  à  cet  égard  ses  Los  Sol- 
dados  de  plomo  et  surtout  La  Cruz  del  matrimonio, 
qui  est  son  chef-d'œuvre  et  fut  inséré  comme  tel  dans  la 
Bibliothèque  espagnole  de  Brockhaus  (Leipzig,  1868). 
Sa  dernière  pièce,  El  Salto  del  Pasiego,  a  été  publiée 
après  sa  mort  (Madrid,  1878).  G.  Pawlowski. 

BiBL.  :  G.  Calvo-Asensio,  El  Teatro  hispano-lusitano 
en  el  siglo  xix;  Madrid,  1875,  in-8. 

É6UILLE  (L').  Corn,  du  dép.  de  la  Charente-Inférieure, 
arr.de  Marennes,  cant.  de  Royan,  sur  la  Seudre;  748  hab. 
Syndicat  maritime  ;  bureau  de  douanes  ;  ruines  d'un  châ- 
teau féodal  ;  église  romane. 

É6U1LLES.  Com.  du  dép.  des  Bouches-du-Rhône,  arr.  et 
cant.  (S.)  d'Aix,  dans  la  chaîne  d'<£guilles,  détachée  de  la 
chaîne  Sainte-Victoire,  au  S.  de  la  vallée  de  la  Touloubre; 
946  hab.  Amandes,  huiles  et  plâtres.  Ancien  château  du 
marquis  de  Boyer  d'Eguilles,  protégé  de  Bachaumont  et 
compagnon  de  Charles-Edouard  en  Ecosse. 

ÉGUILLES  (A.-J.-B.  de  Boyer  d')  (V.  Argens  [Mar- 
quis d']). 

ÉGUILLEY.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Saône,  arr.  de 
Vesoul,  cant.  de  Rioz  ;  75  hab. 

É6UILLY.  Com.  du  dép.  de  l'Aube,  arr.  de  Bar-sur- 
Seine,  cant.  d'Essoyes;  257  hab. 

ÉGUILLY.  Com.  du  dép.  de  laCôte-d'Or,  arr.  de  Beaune, 
cant.  de  Pouilly-en-Auxois  ;  135  hab. 

ECU  IS H  El  NI  (Egenesheim,  817,  en  allemand  Egis- 
keim).  Com.  de  la  Haute-Alsace,  arr.  de  Colmar,cant.  de 
Winzenheim  ;  1,676  hab.  Stat.  sur  la  hgne  de  chem.  de  fer 
de  Strasbourg  à  Bâle.  Vins  blancs  estimés.  Eglise  mo- 
derne avec  une  tour  carrée  et  un  curieux  portail  de  l'époque 
romane  :  fontaine  avec  la  statue  moderne  de  Léon  IX.  La 
commune,  primitivement  station  préhistorique  (V.  Alsace, 
t.  II,  p.  514),  doit  son  origine  au  château  des  comtes 
d'Eguisheim,  qui,  suivant  M.  Kraus,  date  du  xi®  siècle.  De 
ce  vieux  manoir  il  existe  encore  le  mur  d'enceinte,  octogone 
régulier  de  32^^50  de  diamètre,  au  milieu  duquel  Stumpf, 
évêque  de  Strasbourg,  fit  construire,  en  1890,  une  cha- 
pelle dédiée  à  Léon  IX,  parce  que  c'est  là  qu'une  tradition 
fait  naître   le  célèbre   pape  alsacien  (V.  Dabo).  Quand 
la  puissante  famille  des  comtes  d'Eguisheim  se  fut  éteinte, 
en  1144,  avec  Udalrich,  la  petite  ville  devint  successive- 
ment la  possession  des  comtes  de  Ferrette,  de  la  maison 
d'Autriche,  et  à  partir  de  1648  de  la  France.  Eguisheim, 
entourée  de  murs  au  xiii«  siècle,  fut  assiégée  en  1298  par 
l'empereur  Adolphe  de  Nassau  et  dévastée  en  1444  par  les 
Armagnacs.  —  A  2  kil.  au  S.  d'Eguisheim  se  trouvent  les 
ruines  de  Marbach,  célèbre  abbaye  de  moines  augustins, 
fondée  en  1094  et  détruite  en  1632  par  les  Suédois.  — 
A  3  kil.  au  S.-O.,  s'élèvent  sur  un  immense  rocher,  d'une 
ait.  de  598  m.,  les  ruines  des  trois  châteaux  d'Eguisheim 
(dreiExen),  hauts  de  40  à  45  m.  et  autrefois  entourés 
d'une  enceinte  commune.  Probablement  élevés  par  le  comte 
Hugues  IV,  père  du  pape  Léon  IX,  ils  furent  en  partie  dé- 
truits par  les  Mulhousois  en  1466  pendant  la  guerre  des 
six  oboles.  —  Eguisheim  est  la  patrie  de  Stumpf,  évêque 
de  Strasbourg,  mort  en  1890.  —  Les  armes  de  l'ancienne 
ville  portaient  diapré  de  gueules  a  un  saint  Pierre  de 
carnation  sur  une  terrasse  de  sinople  habillé  d'argent, 
le  manteau  d'or,  qui  tient  de  sa  main  droite  une  clef  de 
sable  et  de  sa  gauche  un  livre  fermé  de  même.  L.  Will. 
BiBL.  :  ScHOEPFLiN,  Als.  UL,  passim.  —  Grandidier, 
Œuvres  hist.  ined.,I,  399-400;  pièces  justif.,  55,  59,  64  ;  V, 
378.   —   ScHWEiGiiAEUSER    et    GoLBERY,  Aiit.  d'Ats.,   I, 
pp.  47  et   suiv.  —  Krieg  von  Hochfelden,  Militiirarchi- 
tehtur,  93,  184,  289.  —  Bul.  de  la  Soc.  pour  la  cons.  des 
mon.  hist.  d'Als.,  l"^  série,  IV  ;  2«  série,  I,  II,  III,  passim. 

—  Dexen,  Où  est  né  le  pajpe  Léon  IX  ?  Strasbourg,  1884. 

—  J.-B.  Meyer,  Eguisheim.,  Doc.  pour  servir  à  l'hist.  de 
cette  commune,  clans  Rev.d'Als.,  2«  série,  I,  pp.  407-422.  — 
X.  Kraus,  Kunst  imd  Alterthum  in  Els.  Lothr.;  Stras- 

'  bourg,  1884,  II,  pp.  64-76. 


E6USQUIZA  (Rogelio),  peintre  espagnol  du  xix^  siècle, 
né  à  Santander.  Elève  de  l'Ecole  des  beaux-arts.  En  1859, 
il  exposait  à  Santander  une  Viei^ge  au  rosaire;  en  1866, 
à  Madrid,  il  envoyait  deux  compositions  :  la  Discussion 
entre  D.  Quichotte  et  le  curé  et  Michel- Ange  devant  le 
cadavre  de  Vittoria  Colonna.  En  1868,  au  Salon  des 
Champs-Elysées,  il  exposa  son  Charles-Quint  au  couvent 
de  Saint-Yuste,  qui  a  été  reproduit  par  la  gravure.  Cet 
artiste  a  figuré  également  à  l'Exposition  universelle  de  1878 
avec  deux  sujets  de  genre  :  Un  Concert  de  famille^  le 
Maître  d'armes  et  un  portrait  de  dame.  P.  L. 

É6UZ0N.  Ch.-L-  de  cant.  du  dép.  de  l'Indre,  arr.  de 
La  Châtre,  près  de  la  Creuse  ;  1  fi^6  hab.  Stat.  (à  2  kil.  1/2 
du  bourg)  du  ch.  de  fer  d'Orléans,  ligne  de  Paris  à  Limoges. 
Pyrites  ferrugineuses  ;  plombagine  ;  châtaignes  ;  vestiges 
d'un  château  féodal. 

EGYPTE.  AI'yutctoç  des  Grecs,  d'où  Mgyptus  des 
Latins  ;  dans  les  langues  sémitiques  :  matsor,  mitsraïm. 
(hébr.);  Mouçouri  (assyr.);  Mesour,  Masr  (arab.)  ;  entre 
autres  noms  usités  en  égyptien  antique,  celui  de  Kern  (le 
Cham  biblique)  =  la  terre  noire,  d'où  le  kopte  Kemi.  Lais- 
sons de  côté  les  savantes  dissertations  auxquelles  ont 
donné  lieu  les  différents  noms  de  l'Egypte  ;  disons  toute- 
fois que  le  nom  grec,  origine  de  celui  qui  est  passé  dans 
toutes  les  langues  de  l'Europe,  a  été  rattaché  par  quelques 
égyptologues  à  la  forme  Ha-ka-ptah,  un  des  noms  de 
Memphis,  et  a  été  expliqué  par  Pictet  au  moyen  des 
racines  indo-européennes  ai  (avi,  ovis)  et  gup  (garder), 
dont  le  composé,  signifiant  pasteur,  berger,  apphqué  par 
ironie  au  vautour  (  alyoTrioç  ) ,  l'aurait  été  aussi  aux 
Egyptiens  à  l'époque  lointaine  où  les  pasteurs  firent  irrup- 
tion dans  la  vallée  du  Nil,  événement  dont  le  souvenir 
se  trouverait  également  conservé  dans  le  mythe  d'^gyp- 
tos,  que  son  père  Belos,  roi  de  Babylone,  envoie  con- 
quérir l'Arabie. 

Géographie  physique.  —  L'Egypte  n'est,  à  propre- 
ment parler,  que  la  partie  de  la  vallée  du  Nil  comprise 
entre  la  cataracte  de  Syène  (24°  5^  2^'')  et  Tembouchure 
du  fleuve  (31°  30').  Etroite  et  directe  jusqu'à  Edfou  (25<^), 
elle  serpente  et  s'élargit  jusqu'au  coude  de  Denderah, 
puis,  s'élargissant  encore,  elle  décrit  à  l'O.  une  courbe 
majestueuse  et  reprend  sa  direction  vers  le  N.,  où 
elle  s'étale  bientôt  en  un  vaste  delta  formé  par  la  bifur- 
cation des  eaux.  Sa  plus  grande  longueur,  dans  le  sens 
du  méridien,  du  cap  Bourlos  à  l'île  de  Philae,  est  de 
788  kil  ;  mais,  en  suivant  les  contours  du  fleuve,  elle 
devient  d'un  peu  plus  de  1,200  kil.  Sa  largeur,  réduite 
par  endroits  au  lit  même  du  Nil  (Cilcileh),  atteint,  en 
s'éloignant  de  plus  en  plus  delà  cataracte,  5  kil.  (Edfou), 
de  10  à  15  (Thèbes,  Girgeh,  Siout),  25  (Manfalout,  Béni 
Souef)  ;  son  plus  grand  développement,  600  kil.,  est  me- 
suré par  le  cordon  de  dunes  qui  cerne  le  littoral  du  Delta. 
La  position  méridienne  de  l'Egypte  est  comprise  entre  les 
27°  et  31°  de  long.  E.  (de  Paris).  Le  territoire  de  la  vice- 
royauté  de  l'Egypte  s'étend  à  l'E.  jusqu'à  la  mer  Bouge  ; 
à  rO.,  il  n'a  pas  de  limites  précises,  et  on  comprend  ordi- 
nairement dans  ce  territoire  toute  la  partie  du  Sahara 
dite  désert  de  Libye,  dans  laquelle  se  trouvent  les  oasis 
dépendant  du  gouvernement  égyptien;  au  S.,  sa  fron- 
tière a  changé  suivant  l'état  politique  ;  la  révolte  du  mahdi 
lui  a  enlevé  presque  toute  la  Nubie.  L'Egypte  peut  être 
divisée  ainsi  : 

Ar  n  '   j    Ml  ^  Basse-Eeypte  (avec  les  lacs).        21 .  650  k.  q. 
Vallée  du  N.l  |  H^mg.E|rpt; \        11 .600  - 

Isthme  de  Suez 27  — 

Désert  de  Libye  (avec  les  Oasis),  désert 
arabique  et  autres  parties  non  habitées.      606 .  723  — 

Egypte  proprement  dite,  s'étendant  de  la 

Méditerranée  à  MHV  de  lat.  N 640.000k.  q. 

Partie  de  la  Nubie  conservée  par  l'Egypte.      400 .  000  —  ? 

Total 1.040. 000  k.q.? 


GiYuide  Encyclop^tii^— Tome  W 


EGYPTE 


28 Est  (le  Cî^eenwich 


?^it 


36 


E.stdePaiis2|G 


3  4- 


32 


E        D 


k^:..-_^_-..-^---^.-.- 4^^-:^ 


JaiYayè 


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,  ^,,  ;  ^    LKrAlRK  Cl  ALEXAXDKIi:.  i 

/                 "^             /                 I     (§)  \}\\i^<<,  (ù' pfic'f' de   'Jox)Oo/ir(bit'<in^,y.\ 

®  \'ill6.S      de  6.000  à  20.oon     //      //             | 

o  VV/Zf*»^       (lu  d<ufiïpu.f  de  a.ooo        »             \ 

•  ^  ^■'?/  •  (Pud^s-)   .\(/i^dne.fJ  -^_-—  ^/^  'f-î/^'  /vV ' 

Lùmle  d/A'ù//  Li/ndi!  là^  J^z-ov'" 

\o('<ibnlnipe 

cl   Abréviations 


32 


0^       OoIPe      Jîat^iout^ 


</o/W,..svy  ;^^;^<^^.,,       ^7^7,'/. ,^7.    i 


7sf. 


7;    ^ci,,^0     r     s 


30 


'y^y, 


Oasis  ÉaTrxhièh 


fToal       ^'^.vV 


24 


^JTorMofte] 


ê 


Aiii    -      iion^^ce  . 

.Uiaba  ^U/aba.  ^  Mo/d('<' ■  ^ 

Baïu^  FtvAUJO  . 

Oiurç^  f'-'^l  ,  Orœnl  . 

J)éih Chuz?en{  . 

IJ/,  D/cU.l, ûehel  .     Mml  . 

(7/11x7^6  ^      Ouest.  ; 

Kahuf  ,QaIaa' /^rffr'C^rf  .  \ 

J{a.rr\Çci.f/\dh/deauy/J?irnm.,(/pceyr'.    i 

Jiom Hnidru/^  "\ 

Miif^  'i^yn'a</nc  ,ihdd .  \ 

Mecùnxi      ViUf.  I 

ji'lijnjè/j  Par  H  .  ,  ! 

Ouadi -     VadeA'  .Rnuirt .  \ 

Oued   ^  EixdèrHi  -  i  ^q 

y? . Ba.T      .--  Ti'te.  SomrnM.  Ca/i .  ;|| 

Tell  Cofhrie.  A 

Lcsdie/lr-lieK'K?  de  pr^ondioeid:  de  jl 

cjoicoer/wj'atf  so/d  A'oi//igri('',v.  I| 

Xe.ï-nom<9  aricierur,  £(/i/plj^/ié',  Orex^i' ,  !  | 

de .  sont  eyitt  -c»  prir^endvèses .  !| 


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S  Mohammed 


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/^'.ïT/^^  e^Jjnp.pa^^Jfia^'A ^^i^  /^<^^ 


—  649 


EGYPTE 


De  cette  superficie,  la  vallée  du  Nil,  le  Fayoum,  le  Delta 
et  les  oasis  sont  seuls  cultivables  ;  ils  représentent  une 
superficie  totale  de  27,687  kil.  q.  qui,  déduction  faite 
des  parties  incultes,  se  réduit  à  environ        24 .  000  k.  q. 

Les  anciennes  possessions  de  l'Egypte, 
avant  la  révolte  du  mahdi ,  comprenaient 
environ  1,850,000  kil.  q.,  savoir  : 

Partie  de  la  Nubie 600,000 ?\ 

Kordofan  et  désert  environ-  J 

nant...  ...........   ^oo,mt_sm.om.q. 

Dar  Fôr  et  désert  environ-  i 

nant 400,000?] 

Région  de  l'Equateur 650,000?/ 

Après  avoir  franchi  à  100  m.  d'alt.  la  chaîne  de  granit 
qui  obstrue  son  lit  par  de  nombreux  îlots,  le  Nil  coule 
sans  obstacle  jusqu'à  la  Méditerranée,  d'abord  sur  un  fond 
gréyeux,  puis  calcaire  à  partir  d'El  Kab  et  avec  une  pente 
moyenne  de  11  centim.  par  kilomètre  jusqu'à  la  pointe  du 
Delta,  où  elle  s'abaisse  à  moins  de  4  centim.  La  hauteur  de 
ses  berges  s'accentue  du  N.  au  S.  Mesurant  à  peine  2  m. 
au-dessus  des  basses  eaux  dans  la  partie  moyenne  du  Delta, 
elles  atteignent  5  à  6  m.  au  Caire  et  10  à  12  dans  la 
Haute-Egypte,  ce  qui  exige  une  crue  minima  de  13  m.  au 
mekyas  d'Assouan  et  de  8  à  9  m.  au  mekyas  du  Caire 
pour  que  l'inondation  soit  jugée  suffisante  (pour  la  crue  et 
l'exhaussement  progressif  du  lit  du  fleuve,  V.  Nil).  La 
largeur  du  fleuve  est  évaluée  à  1,200  m.  dans  la  Haute  et 
la  Moyenne-Egypte  et  à  600  m.  dans  le  Delta.  A  la  hauteur 
de  Farchout,  il  se  divise  en  deux  bras  parallèles  dont  cha- 
cun longe  l'une  des  chaînes  qui  forment  la  vallée.  Le  bras 
de  rO.,  étroit  et  irrégulier,  resterait  à  sec  la  plus  grande 
partie  de  l'année  sans  les  nombreuses  prises  d'eau  qu'il  fait 
au  fleuve  proprement  dit,  et  dont  les  plus  importantes  sont 
celles  de  Mechteh,  d'Echarabyeh,  de  Mangabatte  (au  N. 
de  Siout)  et  la  double  dérivation  qui  s'opère  au  coude 
formé  par  la  croupe  supérieure  du  gebel  Abou  Foda.  Jus- 
qu'à ce  point,  le  bras  de  l'O.  porte  le  nom  de  Bahr  Souha- 
gieh  ;  il  reçoit  dès  lors  celui  de  Bahr  Youssef  qu'il  con- 
serve jusqu'à  la  plaine  de  Gizeh,  au-dessus  de  laquelle  il 
rejoint  le  Delta.  Primitivement,  il  semble  avoir  détaché  à 
gauche  un  affluent  qui  longeait  la  vallée  des  lacs  de  Natron 
et  se  jetait  dans  la  mer  à  quelques  lieues  à  l'O.  du  lac 
Mareotis.  Le  lit  de  cet  affluent,  très  hypothétique,  car  il 
n'a  révélé  à  l'examen  aucune  trace  de  dépôt  limoneux, 
forme  encore  une  dépression  connue  sous  le  nom  de  Bahr 
Bêla  Ma  (le  fleuve  sans  eau).  Le  rôle  du  Bahr  Youssef  est 
à  peu  près  nul  en  tant  que  route  navigable  ;  il  n'en  est  pas 
de  même  au  point  de  vue  de  l'irrigation.  C'est  lui  qui 
dérive  sur  les  portions  les  plus  larges  de  la  vallée  et  pen- 
dant une  grande  partie  de  l'année  une  masse  d'eau  que  le 
courant  du  fleuve  entraînerait  à  la  mer  ;  c'est  lui  aussi  qui 
porte  la  vie  et  la  fertilité  dans  le  Fayoum. 

Le  Fayoum  est,  avec  le  Delta,  la  seule  partie  de  l'Egypte 
qui  soit  en  dehors  de  la  vallée.  C'est  une  enclave  de 
l'Egypte  dans  le  désert  libyque.  Sa  configuration  est  celle 
d'un  bassin  elliptique  muré  par  une  ceinture  de  hauteurs 
et  dont  le  grand  axe,  dirigé  du  N.-E.  au  S.-O.,  mesure 
50  kil.  Le  fond  de  ce  bassiu  n'est  pas  uni,  mais  s'étage 
trois  fois  de  l'O.  à  l'E.  La  région  orientale  est  à  8  m.  au- 
dessus  du  niveau  du  Nil,  pris  à  Béni  Souef  ;  celle  du  N.-O. 
est  au  niveau  du  fleuve;  enfin,  la  plus  occidentale  est 
occupée  par  le  Birket  el  Keroun  dont  le  niveau  descend  à 
18  m.  au-dessous.  On  ne  saurait  se  représenter  ce  vaste 
réservoir  d'eau  saumâtre  par  une  plus  juste  image  que  celle 
qui  est  contenue  dans  son  nom,  le  lac  de  la  Corne.  C'est, 
en  effet,  une  longue  nappe  d'eau  qui  baigne,  sur  une 
étendue  de  plus  de  40  kil.,  la  muraille  occidentale  du 
cirque,  étroite  en  son  milieu,  encore  plus  étroite  à  ses 
deux  extrémités  qui  s'amincissent  et  se  recourbent  en 
forme  de  corne.  Le  Birket  reçoit,  au  moment  de  l'inon- 
dation, le  trop-plein  des  eaux  que  le  Bahr  Youssef  déverse 
dans  le  Fayoum  par  une  sorte  de  porte  percée  dans  la 
chaîne  libyque.  Un  bras^de  la  rivière,  réglé  en  ce  point 


par  une  digue,  y  pénètre  jusqu'au  cœur  de  l  immense  oasis 
et  s'y  ramifie  en  mille  petits  canaux  qui  font  du  l^ayoum 
la  région  la  plus  arrosée  de  toute  l'Egypte.  Sa  conhgu- 
ration  particulière  et  sa  fertilité  vantée  par  les  voyageurs 
grecs  la  désignèrent,  dès  la  plus  haute  antiquité,  aux 
grandes  entreprises  agricoles  des  pharaons.  On  attribue  à 
Menés  l'établissement  de  la  digue  de  Kocheichah,  a  quel- 
ques Heuesau  N.  de  la  prise  d'eau  d'IUahoun;  c  était  pré- 
destiner le  Fayoum  à  devenir  le  grand  réservoir  du  NU. 
Mais  l'exécution  définitive  d'un  plan  aussi  grandiose  n  eut 
lieu  que  sous  Amenemhat  HI,  auteur  du  labyrinthe  et  du 
lac  Mœris  qu'on  a  longtemps  confondu  avec  le  Birket  el 
Keroun.  Au  milieu  de  ce  lac  naturel  s'élève,  en  effet,  une 
île,  Geziret  el  Keroun,  où  l'on  a  voulu  voir  l  espace  libre 
dominé  par  les  deux  pyramides  dont  parle  Diodore  (1, 52). 
Un  examen  attentif  a  fait  rejeter  cette  identification  par 
Linant,  qui,  cherchant  plus  à  l'E.  l'emplacement  du  Mœris, 
crut  le  trouver  dans  les  restes  encore  importants  d  une 
erande  di^ue  enveloppant  la  terrasse  supérieure  du  l^ayoum 
et  répondant  ainsi  à  la  nécessité  de  tenir  élevées  les  eaux 
du  re^servoir  afin  d'en  régler  le  débit.  Les  deux  pyramides 
de  Biahmou,  à  une  lieue  au  N.  de  Medmet  el  Fayoum, 
répondraient,  dans  l'hypothèse  de  Linant,  à  la  description 
de  Diodore.  D'autres  hypothèses  également  ingénieuses  ont 
été  opposées  à  celle  de  Linant;  nous  aurons  à  les  examiner 
au  mot  MœRis.  ,      ,  r.  u 

C'est  à  12  kil.  au  N.-O.  du  Caire,  au  Batn  el  Baqarah, 
que  le  Nil  proprement  dit,  divisant  son  cours,  commence 
à  se  frayer,  à  travers  les  terrains  d'alluvion  et  les  lagunes 
qui  forment  son  delta,  une  double  route  vers  la  mer  telle 
de  l'O.  serpente  sur  un  parcours  de  près  de  «U  kU.,  au 
pied  des  derniers  contreforts  de  la  chaîne  libyque,  puis  se 
diri£?e  vers  le  N.,  où  elle  se  jette  dans  la  mer  par  un  étroit 
passade  entre  le  lac  d'Edkou  et  le  lac  Bourlos,  prolonge  a 
travers  le  promontoire  sablonneux  où  s  eleve  Bosette. 
L'autre,  au  contraire,  se  dirige  d'abord  vers  le  N.  sur  un 
parcours  de  plus  de  120  kil,  avant  d'obliquer  franchement 
vers  la  mer,  qu'elle  atteint  à  hauteur  du  vieux  Damiete, 
sur  le  bord  du  lac  Menzaleh.  Ces  deux  bouches  de  Rosette 
et  de  Damiette  correspondent  aux  anciennes  bouches  bol- 
bitique  et  phatmtique.  Cette  dernière  seule  avait  de  1  im- 
portance à  l'époque  de  Strabon  qui,  toutefois,  ne  lui  donne 
rang  qu'après  les  bouches  canopique  et  pelusiaque.  La 
configuration  du  Delta  s'est  tellement  transformée  dans 
l'intervalle  de  ces  dix-neuf  siècles,  que  la  célèbre  bouche 
canopique  n'est  plus  qu'une  échancrure  au   N.  du  lac 
d'Aboukir.  On  en  peut  dire  autant  des  bouches  sebennytique 
au  N.,  tanitique  et  pelusiaque  à  l'E.  Leur  emplacement 
n'est  reconnaissable  qu'à  une  découpure  de  la  cote.  Quant 
à  la  bouche  mendésienne,  dont  l'emplacement  est  a  cher- 
cher sur  le  cordon  littoral  qui  barre  le  lac  Menzaleh,  elle 
est  aujourd'hui  fermée.  Néanmoins,  le  ht  des  anciennes 
branches  de  l'embouchure  du  Nil  peut  encore  être  reconnu 
çà  et  là  parmi  les  nombreux  canaux  qui  s  enchevêtrent 
dans  le  Delta.  Une  partie  de  la  bouche  canopique  se  re- 
trouve dans  le  Mahmoudieh  ;  le  Bahr  Chibm  et    e  Bahr 
Sakra  coulent  manifestement  dans  la  direction  de  1  an- 
cienne branche  sebennytique  ;  enfin,  le  Bahr  Moezz,  qui 
passe  à  Zagazig,  rejoignait  autrefois  la  mer  par  la  bouche 
pelusiaque.  Nous  venons  de  dire  que  le  Delta  est  une  con- 
quête du  Nil  sur  la  mer;  nous  en  avons  non  seulement  a 
preuve  dans  les  fréquentes  modifications  subies  par  le 
cours  du  fleuve  et  le  colmatage  progressif  qui  en  est  ré- 
sulté, mais  aussi  dans  les  grands  lacs  détaches  de  la  Médi- 
terranée par  la  soudure  d'un  chapelet  d'îlots,  ainsi  trans- 
formé en  cette  longue  chaîne  de  dunes  qui  borde  la  base 
du  Delta.  Ces  lacs,  qui  occupent  une  superficie  à  peu  près 
ésale  au  quart  de  la  Basse-Egypte  sont,  de  1 0.  a  l  L.  :  le 
lac  Mariout,  le  lac  d'Aboukir,  le  lac  d'Edkou,  le  lac  Bour- 
los et  le  lac  Menzaleh.  Le  lac  Mariout,  ancien  Mareotis 
(80,000  hect.),  était  encore,  au  xvi^  siècle,  une  véritable 
nappe  d'eau  douce  alimentée  par  plusieurs  canaux.  Mais, 
peu  à  peu  asséché  par  la  négligence  des  Mamelouks,  " 


EGYPTE 


—  650 


n'était  plus  qu'une  plaine  marécageuse  lors  de  l'expédition 
française.  Le  4  avr.  1801,  l'armée  anglaise  rompit  la  digue 
du  lac  d'Aboukir,  qui  lui  déversa  ses  eaux  salées  et  sub- 
mergea quarante  villages.  Méhémet-Ali  rétablit  la  digue  et 
fit  du  Mariout  une  sorte  de  déversoir  où  le  Mahmoudieh 
s'épanche  au  moment  de  l'inondation.  Le  lac  d'Aboukir, 
appelé  aussi  lac  Maadyeh,  offre  une  superficie  de  14,000 
hect.  Celle  du  lac  d'Edkou,  compris  entre  le  précédent  et 
la  branche  de  Rosette,  est  de  34,000  hect.  Le  lac  Bour- 
los,  le  plus  septentrional,  couvre  de  ses  eaux  et  de  ses 
marécages  une  surface  de  112,000  hect.  et  communique 
avec  la  mer  par  l'ancienne  bouche  sébenny tique.  Cette  vaste 
étendue  d'eau  est  dépassée  par  celle  du  Menzaleh  (ancien 
Taniticus),  qui  va  actuellement  de  la  branche  de  Damiette 
au  canal  de  Suez  et  offre  ainsi  une  superficie  de  plus  de 
150,000  hect.  Il  ne  communique  plus  avec  la  mer  par  la 
bouche  de  Dibeh  (ancienne  bouche  mendésienne),  aujour- 
d'hui fermée,  mais  par  l'étroit  passage  de  Gemileh. 

C'est  l'isthme  de  Suez  qui  forme  à  l'E.  la  Hmite  natu- 
relle de  la  Basse-Egypte.  Sa  longueur  est  de  140  kil. 
Elle  était  autrefois  beaucoup  moindre,  car  le  niveau  moyen 
de  cette  plaine  basse,  où  viennent  se  confondre  insensible- 
ment les  dernières  pentes  de  la  chaîne  arabique  d'Egypte 
et  de  la  terrasse  du  gebel  et  Tih,  est  inférieur  à  celui  des 
deux  mers.  Il  est  donc  très  vraisemblable  qu'à  une  époque 
encore  indéterminée,  l'isthme  n'était  formé  que  par  la 
petite  chaîne  de  collines  qui  entoure  le  lac  Timsah,  la 
Méditerranée  rejoignant  alors  le  lac  Ballah,  distant  du 
Menzaleh  de  moins  de  4  kil.,  et  le  golfe  de  Suez  se  pro- 
longeant jusqu'aux  lacs  Amers,  c.-à-d.  à  10  kil.  au  N. 
du  boyau  qui  le  termine  et  qui  est  en  regard  de  l'ap- 
pendice formant  la  partie  inférieure  de  ces  lacs.  Cet 
accroissement  aux  dépens  de  la  mer  Rouge,  constaté  par 
la  comparaison  de  la  mesure  actuelle  du  Casios  à  Hé- 
roopolis  (140  kil.)  avec  celle  qu'en  donne  Hérodote 
(1 ,000  stades  :=  1 00  kil.)  et  par  l'examen  des  bords  des  lacs 
Amers  (degré  de  salure  du  sol,  amoncellement  d'anciens 
coquillages)  est  très  postérieur  à  l'exhaussement  qui  s'est 
produit  au  N.  de  l'isthme.  Car  il  ne  faut  pas  oublier  que 
le  Menzaleh  est  d'origine  récente  et  résulte  de  l'état  d'aban- 
don dans  lequel  étaient  tombées  les  trois  branches  orien- 
tales du  Nil  à  l'époque  romaine.  L'intervalle  compris  entre 
l'ancienne  branche  pélusiaque  et  le  cordon  des  trois  lacs 
(Amer,  Timsah  et  Ballah)  est  formé  par  les  dernières  ter- 
rasses du  système  de  plateaux  qui  porte  le  nom  de  gebel 
Attakah  et  qui  n'est  lui-même  que  l'extrémité  septentrionale 
de  la  grande  chaîne  arabique.  A  hauteur  du  lac  Timsah 
(30°  33^  lat.),  cette  région  est  traversée  par  une  vallée 
transversale  qui  relie  son  bassin  au  Delta.  On  sait  que  cette 
vallée,  qui  porte  aujourd'hui  le  nom  d'Ouadi  Toumilat, 
a  été  identifiée  avec  l'ancienne  terre  de  Goshen,  concédée 
par  un  des  pharaons  hycsos  aux  tribus  israéhtes.  Elle  est 
arrosée  aujourd'hui  par  le  canal  d'eau  douce  qui  va  du 
Caire  à  Suez  ;  elle  l'était  donc  dès  avant  l'époque  de  Séti  et 
de  Ramsès  II,  qu'on  considère  comme  les  premiers  auteurs 
du  canal  navigable  du  Nil  à  la  mer  Rouge  par  Bubaste 
et  les  lacs  Amers  (les  Fontes  amari  de  PHne). 

Les  deux  grands  déserts  qui  bordent  la  vallée  du  Nil 
sont  de  larges  plateaux  montagneux  dont  la  configuration 
prête  à  plusieurs  remarques.  Le  désert  arabique,  qui  dresse 
le  long  du  fleuve  ses  hautes  falaises,  continue  à  s'élever 
jusqu'à  la  rive  occidentale  de  la  mer  Rouge,  où  il  se  des- 
sine par  une  longue  chaîne  ou,  plus  exactement,  une  série 
de  chaînes  montagneuses  dont  les  nœuds  les  plus  impor- 
tants sont,  entre  le  30°  et  le  25°  de  lat.,  après  le  gebel 
Takah  ou  Attakah,  le  G.  Abou  Araga,  le  G.  Qolzim,  le 
G.  Gharib,  à  la  latitude  de  Tôr,  le  G.  ez  Zeit,  le  G. 
Dokhan  (Mons  porphyrites),  le  G.  Oum  Delpha  et  le  G. 
Zebara  (Mons  smaragdus).  Le  désert  libyque  s'abaisse 
rapidement,  au  contraire,  en  s'éloignant  du  Nil,  en  sorte 
que  l'Egypte  présente  une  double  pente  du  S.  au  N.  et  de 
l'E.  à  l'O.  Les  plateaux  montagneux  du  désert  arabique 
sont  coupés  de  longues  entailles  transversales  qui  relient 


la  vallée  à  la  mer  Rouge.  De  tout  temps  séjour  des  tribus 
bédouines  menaçantes  pour  la  sécurité  des  villes,  ces  oua- 
dis  attirèrent  de  bonne  heure  l'attention  des  pharaons  et 
ne  tardèrent  pas  à  leur  révéler  ces  magnifiques  carrières 
de  granit  et  de  porphyre  (0.  Hammamat,  G.  Dokhan  et 
G.  Fatirah),  qui  furent  exploitées  jusqu'à  l'époque  romaine. 
Ils  leur  révélèrent  aussi  les  routes  les  plus  directes  du  Nil 
à  la  mer  Rouge.  Ces  routes  sont,  pour  ne  citer  que  les 
principales  :  celles  d'Assouan  et  de  Daraou  qui  se  croisent 
pour  conduire  à  l'ancien  port  de  Bérénice  et  à  la  boucle  de 
Baïouda,  que  le  Nil  forme  dans  la  Haute-Nubie  entre  sa 
quatrième  et  sa  cinquième  cataracte  ;  la  route  obhque  de 
Coptos  à  Bérénice,  mentionnée  par  Strabon,  Pline  et  l'Iti- 
néraire d'Antonin  comme  la  plus  suivie  depuis  le  forage 
des  citernes  entrepris  par  les  soins  de  Ptolémée  Phila- 
delphe;  les  routes  d'Apollinopolis  Parva(Kous),  de  Coptos 
à  Leucos-Limen  (Qoceïr)  et  de  Kaïnopolis  (Keneh)  à  Myos 
Hormos.  Le  golfe  de  Suez  et  les  carrières  des  monts  Por- 
phyrites  communiquent  avec  la  Moyenne-Egypte  par  l'ouadi 
es  Siout,  l'O.  Tarfeh  et  les  diverses  routes  des  couvents 
de  Saint- Antoine  et  de  Saint-Paul,  qui  s'ouvrent  en  regard 
de  Béni  Souef  et  de  Atfieh.  Citons  en  dernier  lieu  la  grande 
vallée  de  l'Egarement  (Ouadi  et  Tih),  la  route  des  pèlerins 
qui  longent  les  deux  versants  de  l'Attakah. 

Le  désert  libyque  présente  le  même  aspect  que  le  Sahara, 
dont  il  n'est  que  le  prolongement.  C'est  un  vaste  bassin 
sablonneux,  soulevé  par  places  et  sillonné  d'un  réseau 
de  monticules  calcaires.  L'une  des  vallées  ainsi  formées 
court  parallèlement  du  Nil  pendant  près  de  400  kil.  et 
abrite  quatre  grandes  oasis  échelonnées  à  trois  jours  de 
marche  et  à  une  distance  à  peu  près  semblable  des  villes 
d'Egypte  qui  leur  correspondent.  Ce  sont  :  la  grande  Oasis 
(150  kil.  de  long,  sur  20  de  large),  portant  également  les 
noms  d'oasis  de  Thèbes  et  d'El  Khargeh  (on  s'y  rend  d'As- 
souan et  de  Thèbes  ;  mais  la  route  la  plus  directe  est  celle 
qui  part  de  Girgeh)  ;  les  oasis  de  Dakhleh  et  de  Farafreh 
et  la  petite  Oasis  où  se  trouve  une  source  d'eaux  thermales, 
et  qui  a  ses  têtes  de  routes  à  Abou  Girgeh  et  à  Medinet 
el  Fayoum.  Enfin,  à  neuf  journées  de  marche  au  N.-O  de 
cette  dernière,  dans  une  vallée  qui  court  de  l'E.  à  l'O., 
s'enfonce  l'oasis  d'Ammon  ou  de  Siouah,  célèbre  par  ses 
oracles.  Elle  ne  présente  qu'un  faible  développement  (10  kil. 
sur  6)  et  appartient  au  moins  autant  à  la  Cyrénaïque  qu'à 
l'Egypte,  dont  elle  est  distante  d'environ  quinze  jours  de 
marche. 

Le  sol  primitif  de  l'Egypte  est  exclusivement  composé  des 
minéraux  que  renferment  les  deux  chaînes  de  sa  vallée.  Le 
banc  granitique  d'Assouan  offre  surtout  les  variétés  con- 
nues sous  le  nom  de  syénites,  dont  la  plus  remarquable, 
la  syénite  rose,  a  fourni  aux  anciens  Egyptiens  la  matière 
de  leurs  sarcophages  et  de  leurs  chapelles,  de  leurs  obé- 
lisques et  de  tous  les  monolithes  employés  dans  la  cons- 
truction ou  la  décoration  des  temples.  On  y  trouve  égale- 
ment des  filons  de  porphyre,  de  serpentine,  de  gneiss,  de 
feldspath  compact,  d'amphiboUte  et  d'autres  roches  pri- 
mitives. Le  basalte  noir  et  vert,  qui  est  commun  dans  les 
environs  d'Assouan  et  les  montagnes  de  la  mer  Rouge,  a 
été  aussi  une  des  matières  les  plus  recherchées  des  anciens 
constructeurs.  Un  peu  au  N.  d'Assouan,  la  formation 
granitique  est  recouverte  d'argile  et  de  poudingues  quartzeux 
sur  lesquels  reposent  d'épaisses  couches  de  grès.  Ces  grès, 
dont  se  compose  tout  le  système  de  collines  qui  borde  la 
vallée  jusqu'à  quelques  kil.  au  nord  d'Esné,  se  ramènent 
à  trois  espèces  :  le  grès  ferrugineux  nuancé  de  veines  rou- 
geàtres,  le  grès  siliceux  légèrement  gris  et  employé  dans 
la  préparation  des  ciments,  enfin  le  grès  rose  ou  grès  mo- 
numental, qui  ne  diffère  pas  beaucoup  de  nos  grès  à  bâtir 
et  dont  le  grain  un  peu  gros,  jugé  par  les  Egyptiens 
d'un  emploi  peu  propre  à  la  sculpture,  a  été  presque  exclu- 
sivement réservé  à  la  construction.  C'est  ce  grès,  d'un  ton 
tirant  sur  le  jaune,  qui  a  fourni  les  matériaux  des  plus 
grands  temples  de  l'Egypte  ;  Karnaq,  Louqsor,  Medinet 
Abou,  Edfou,  Denderah,  Philse,  etc.  Aux  basses  collines  de 


—  651  — 


EGYPTE 


grès  succèdent  les  hautes  terrasses  de  calcaire,  dontrextrême 
finesse,  susceptible  d'un  certain  poli,  nous  a  \alu  ces  déli- 
cates sculptures  qui  ornent  les  anciens  hypogées.  En  dehors 
des  nombreux  édifices  excavés,  quelques  temples  ont  été 
construits  de  blocs  calcaires  rapportés  (Déir  el  Bahari  et 
Abydos),  qui  figurent  parmi  les  plus  beaux  spécimens  de 
l'architecture  égyptienne.  Les  carrières  de  Tourah  (chaîne 
arab.,  29°  55^  lat.),  très  activement  exploitées  pendant  la 
durée  du  premier  empire  memphite,  sont  celles  qui  donnent 
la  pierre  la  plus  nette  et  la  plus  compacte.  Les  pharaons 
de  la  IV^  dynastie  l'avaient  employée  dans  le  revêtement 
des  pyramides.  C'est  dans  les  vallées  transversales  parmi 
les  atterrissements  formés  par  les  courants,  que  l'on  trouve 
surtout  ces  couches  de  poudingues  et  de  psammites  friables, 
qui  contiennent  de  gros  blocs  roulés  de  porphyres  et  de 
brèches  vertes,  le  jaspe,  l'agathe,  l'onyx  et  un  grand  nombre 
de  pierres  dures  opaques  ou  transparentes,  entre  autres 
cette  espèce  de  jade,  connue  dans  l'antiquité  sous  le  nom 
de  basanite.  L'albâtre  d'Egypte,  l'une  des  matières  les  plus 
recherchées  des  anciens  et  qui,  travaillée  au  tour,  nous  a 
donné  ces  innombrables  séries  de  vases  employés  à  tous 
les  usages  de  la  vie  civile  et  rehgieuse,  provient  de  deux 
importantes  carrières,  dont  l'une  se  trouve  sur  la  route  des 
couvents  de  Saint-Antoine  et  de  Saint-Paul,  et  l'autre  à 
quelques  heures  de  Béni  Souef.    Mentionnons  aussi  les 
mines  d'émeraude  des  montagnes  de  l'ancienne  Troglo- 
dytique,  sur  les  bords  de  la  mer  Rouge,  et  qui  semblent 
n'avoir  été  exploitées  d'une  manière  suivie  qu'au  temps 
des  Ptolémées  et  de  la  domination  romaine,  ainsi  que  les 
anciens  gisements  de  fossiles  végétaux  et  animaux  des  en- 
virons du  Caire,  de  l'Ouadi  et  Tih,  où  Ton  rencontre  de 
véritables  forêts  pétrifiées,  et  de  la  vallée  des  Rois,  en  face 
de  Thèbes,  d'oti  proviennent  ces  remarquables  coquilles 
connues  sous  le  nom  d'ammonites.  En  ce  qui  concerne 
les  métaux,  il  faut  reporter  sur  l'Arabie  et  le  Soudan 
une  grande  partie  des  richesses  que  les  auteurs  anciens 
attribuaient  à  l'Egypte.  On  n'y  connaît  aujourd'hui  aucune 
mine  d'or  ou  d'argent.  C'est  tout  au  plus   si  l'on  peut 
admettre  l'existence  du  cuivre  et  du  plomb,  dont  quelques 
voyageurs  ont  signalé  la  trace  aux  environs  de  Siout  et  au 
mont  Baram,  à  quelques  Ueues  d'Assouan.  Les  substances 
minérales  dont  le  sol  de  l'Egypte  est  le  plus  riche  sont  les 
substances  salines  :  le  natron  qui  se  récolte  en  quantité 
l'onsidérable  dans  la  vallée  de  ce  nom,  sur  les  bords  des 
lacs  du  Delta,   dans  le  Fayoum  et  jusqu'aux  environs 
d'Esné  ;  le  sel  gemme  que  l'on  recueille  dans  le  terrain  cal- 
caire formant  le  lit  du  Birket  el  Keroun,  et  l'alun  dont 
les  nombreuses  mines,  exploitées  depuis  le  gouvernement 
de  Méhémet-Ali,  sont  plus  que  suffisantes  pour  faire  de 
cette  matière  un  article  d'exportation.  Citons,  en  dernier 
lieu,  les  mines  de  soufre  du  gebel  Kabrit,  dans  la  vallée 
des  Emeraudes,  les  sources  de  pétrole  du  G.  ez  Zeit,  sur 
le  promontoire  qui  se  détache  à  l'entrée  du  golfe  de  Suez 
et  quelques  carrières  de  gypse  connues  pour  ne  donner 
que  d'assez  mauvais  plâtre. 

Climat.  Météorologie.  —  Les  anciens  Egyptiens  dis- 
tinguaient trois  saisons,  en  se  basant  sur  des  observations 
d'ordre  purement  agricole;  les  Egyptiens  modernes  ont 
adopté  la  même  division.  Ces  trois  périodes  sont  :  chetoui 
(l'hiver)  ;  seji  (l'été)  ;  nili  (l'inondation).  Les  observations 
auxquelles  donne  lieu  le  climat  de  l'Egypte,  justifient 
pleinement  cette  division.  Du  15  nov.  au  15  mars  est  la 
période  la  plus  douce  et  la  plus  saine,  celle  à  laquelle  on 
donne  par  extension  le  nom  d'hiver.  En  réalité,  l'hiver  ne 
dure  que  deux  mois  en  Egypte.  La  température  y  varie 
de  -|^  6^^  à  -f-  18^  Ce  n'est  qu'à  plus  de  dix  ans  d'inter- 
valle et  dans  le  froid  aigu  de  la  nuit  qu'on  a  pu  constater 
un  abaissement  jusqu'à  zéro  et  au-dessous.  La  neige  et  le 
givre  sont,  comme  on  l'a  souvent  dit,  choses  tout  à  fait 
inconnues  des  Egyptiens.  Les  mois  extrêmes  de  cette  saison, 
novembre  et  février,  correspondent  assez  exactement  par 
leur  température  à  nos  mois  de  septembre  et  de  mai.  Du 
15  mars  au  15  juil.,  première  période  de  chaleur,  très  sup- 


portable à  cause  du  degré  de  siccité  de  l'atmosphère,  tem- 
pérée jusqu'au  15  avr.  dans  la  Basse-Egypte,  mais  déjà 
très  élevée  et  constante  dans  la  partie  de  la  vallée  en 
amont  de  Siout,  notamment  entre  Louqsor  et  Assouan,  où 
le  thermomètre  accuse  de  35«  à  40<>  centigr.  Du  15  juil. 
au  15  nov.,  deuxième  période  de  chaleur,  beaucoup  moins 
supportable  surtout  en  septembre  à  cause  du  degré  d'hu- 
midité de  l'air  saturé  par  les  vapeurs  que  dégagent  les 
immenses  nappes  stagnantes  qui  recouvrent  le  sol.   La 
difiTérence  de  température  entre  la  région  du  Delta  et  la 
Haute-Egypte  devient  alors  insignifiante.  Le  thermomètre 
se  maintient  partout  au-dessus  de  38°  et  peut  atteindre  en 
août  et  septembre  45<^  et  même  48^  C'est  la  période  la 
plus  pénible  pour  les  étrangers,  car  les  nuits  jusqu'alors 
très  fraîches  ne  le  sont  plus  assez  pour  être  réparatrices. 
Le  régime  des  vents  est  très  régulier.  Voici  ce  qu'en 
dit  Volney  :  Lorsque  le  soleil  se  rapproche  de  nos  zones, 
les  vents  qui  se  tenaient  dans  la  partie  de  TE.  passent  aux 
rumbs  du  N.  et  s'y  fixent.    Pendant  juin,  ils  soufflent 
constamment  N.  et  N.-O.  Ils  continuent,  en  juillet,  de 
souffler  N.,  variant  du  N.-O.  au  N.-E.  Sur  la  fin  de  juil- 
let et  la  moitié  de  septembre,  ils  se  fixent  N.  pur,  et  ils 
sont  modérés,  plus  vifs  le  jour  et  plus  calmes  la  nuit.  Vers 
la  fin  de  septembre,  lorsque  le  soleil  repasse  la  ligne,  les 
vents  reviennent  vers  l'E.,  et,  sans  y  être  fixés,  ils  en 
soufflent  plus  que  d'un  autre  rumb,  le  N.  seul  excepté. 
A   mesure  que  le  soleil   passe   à   l'autre  tropique,  les 
vents  deviennent  plus  variables,  plus  tumultueux;  leurs 
régions  les  plus  constantes  sont  le  N.,  le  N.-O  et  l'O. 
Ils  s'y  maintiennent  jusqu'en  février.  Vers  la  fin  de  ce 
mois  et  jusqu'à  la  mi-mai,  ils  tournent  au  S.,  oscillant 
entre  le  S.-E.  et  le  S.-O.  Ce  sont  ces  vents  du  S.  que 
les  Arabes  appellent  semoum  (poison)  et  khamsin  (cin- 
quante) parce  qu'ils  sont  d'une  chaleur  étouff'ante  et  qu'ils 
ne  se  manifestent  que  pendant  une  période  qui  ne  dépasse 
guère  cinquante  jours.  Les  voyageurs  ont  souvent  décrit  le 
lemoum  :  obscurcissement  du  ciel,  rougeur  du  soleil,  tour- 
billons de  sable  aveuglants,  etc.  Ce  phénomène  serait  in- 
supportable s'il  se  prolongeait  ;  mais  il  est  très  intermit- 
tent et  ne  dure  jamais  plus  de  quelques  heures,  pendant 
lesquelles  la  vie  extérieure  est  entièrement  suspendue. 

Il  faut  n'avoir  visité  l'Egypte  qu'après  le  mois  d'avril 
pour  supposer  que  les  pluies  y  sont  inconnues.  C'est  assu- 
rément un  des  pays  où  elles  sont  le  plus  rares  ;  elles  n'en 
sont  pas  moins  une  des  caractéristiques  de  l'hiver.  En  effet, 
pendant  et  même  un  peu  au  delà  des  deux  termes  de  cette 
saison,  de  fréquentes  ondées  s'abattent  sur  le  littoral  et 
ont  vite  fait  de  transformer  en  marécages  le  sol  naturel 
des  villes.  Le  Caire  est  bien  connu  pour  être  impraticable 
aux  piétons  après  ces  fortes  averses  qui  se  renouvellent  de 
quinze  à  vingt  fois  dans  la  saison.  Moitié  moindres  dans  la 
Moyenne-Egypte,  elles  n'apparaissent  qu'à  de  plus  grands 
intervalles  (une  ou  deux  fois  l'an)  entre  Louqsor  et  Assouan. 
Il  n'est  pas  tombé  une  seule  goutte  d'eau  dans  cette  der- 
nière ville  en  1889.  Les  habitants  de  Suez  prétendent  que 
le  percement  du  canal  n'a  pas  été  sans  exercer  une  cer- 
taine influence  sur  les  conditions  climatériques  de  leur 
région  ;  mais  cette  opinion  ne  repose  sur  aucune  observa- 
tion rigoureuse.  Elle  n'est  que  la  reproduction  de  la  croyance 
erronée  que  les  plantations  de  Méhémet-Ali  avaient  aug- 
menté la  fréquence  et  la  durée  des  pluies  dans  une  grande 
partie  de  l'Egypte.  On  n'eut  qu'à  comparer  les  tables  mé- 
téorologiques dressées  pendant  l'occupation  française  avec 
celles  qui  le  furent  quarante  ans  plus  tard  pour  détruire  ce 
préjugé.  La  véritable  pluie  de  la  Haute-Egypte  et  du  désert 
c'est,  on  peut  bien  le  dire,  la  rosée.  Elle  y  tombe  avec  assez 
d'abondance  pendant  les  mois  d'hiver  pour  fertiliser  les 
terrains  sablonneux  et  permettre  à  l'Arabe  nomade  de  semer 
et  de  récolter  son  blé.  —  Un  dernier  phénomène  très  remar- 
qué en  Egypte,  c'est  le  mirage.  Nous  savons,  depuis  les 
explications  de  Monge,  de  Wollaston  et  de  Biot,  qu'il  ré- 
sulte de  l'action  qu'exercent  sur  le  sol  rafraîchi  les  basses 
couches  d'air  brusquement  échauffées.  La  terre  paraît  alors 


EGYPTE 


—  652  — 


terminée  par  une  vaste  étendue  d'eau  d'où  émergent  des  îles. 
Cette  sorte  de  lac  qui  recule  au  fur  et  à  mesure  qu'on 
s'avance  et  qui  se  déplace  avec  l'horizon,  reflète  l'image 
des  objets  voisins  comme  le  ferait  un  lac  véritable.  On  n'a 
pas  oublié  les  cruelles  déceptions  que  le  mirage  fit  subir 
aux  soldats  de  Bonaparte  torturés  par  la  soif  dans  l'émou- 
vante traversée  du  désert  d'Alexandrie  au  Caire. 

Régime  des  eaux.  —  Productions  du  sol.  «  L'Egypte 
est  un  présent  du  Nil.  »  Rien  n'exprime  mieux  que 
cette  réflexion  d'Hérodote  la  dépendance  absolue  dans 
laquelle  se  trouve  l'Egypte  par  rapport  à  son  fleuve.  Si  le 
Fellah  pouvait  jamais  l'oublier,  il  suffirait  d'une  faible  crue 
comme  celle  de  1890  pour  le  lui  rappeler.  Le  Nil  trop  bas, 
c'est  la  famine  et  la  ruine.  «  Aussi  en  aucun  pays,  a  pu  dire 
Napoléon,  l'administration  n'a  autant  d'influence  sur  la 
prospérité  publique.  Si  l'administration  est  bonne,  les  ca- 
naux sont  bien  creusés,  bien  entretenus,  les  règlements 
pour  l'irrigation  sont  exécutés  avec  justice,  l'inondation 
est  plus  étendue.  Si  l'administration  est  mauvaise,  vicieuse 
ou  faible,  les  canaux  sont  obstrués  de  vase,  les  digues  mal 
entretenues,  les  règlements  de  l'irrigation  transgressés. 


Nilométre. 

les  principes  du  système  d'inondation  contrariés  par  la 
sédition  et  les  intérêts  particuliers  des  individus  ou  des 
localités.  »  C'est  assez  faire  entendre  que  les  Egyptiens  ne 
le  laissent  pas  déborder  comme  nos  fleuves  dans  les  crues 
subites  qui  suivent  de  longues  pluies,  mais  le  dirigent  dans 
l'intérieur  des  terres  au  moyen  de  canaux  irrigateurs.  Ces 
canaux  sont  creusés  jusqu'au  pied  des  deux  chaînes  de  la 
vallée  et  se  prolongent  parallèlement  au  désert.  De  dis- 
tance en  distance,  ils  sont  barrés  de  digues.  Au  commen- 
cement de  la  crue,  on  abat  successivement  ces  obstacles  de 
façon  à  régler  l'inondation.  Les  eaux  se  déversent  ainsi  de 
bassin  en  bassin  et  sont  rendues  au  Nil  après  y  avoir 
séjourné  le  temps  nécessaire.  Il  faut  se  représenter  l'Egypte 
au  plus  fort  de  l'inondation  comme  un  ensemble  d'étangs 
mitoyens  de  plus  en  plus  élevés  en  raison  de  leur  éloigne- 
ment  du  Nil,  et  séparés  les  uns  des  autres  par  de  hauts 
talus.  Les  digues  sont,  en  dehors  des  villes  et  des  villages, 
les  seules  terres  praticables. 

Leur  entretien  autant  que  celui  des  principaux  barrages 
est  de  la  plus  haute  importance.  L'ouverture  de  ces  der- 
niers exige  surtout  une  très  grande  prévoyance,  afin  que 


les  riverains  du  fleuve  ne  reçoivent  pas  au  delà  de  leur 
besoin  le  volume  d'eau  nécessaire  aux  terres  éloignées,  et 
que  celles-ci  ne  deviennent  pas  charakyeh,  ou  privées 
d'eau.  Toutes  ces  opérations  sont  subordonnées  à  l'exacte 
connaissance  du  niveau  des  eaux,  qui  est  donnée  par  le 
nilométre.  On  entend  par  là  une  espèce  de  puits  gradué  qui 
communique  avec  le  fleuve  et  permet  de  noter  la  hausse 
et  la  baisse  des  eaux  comme  les  échelles  étabhes  sur  les 
piles  des  ponts  modernes.  Ces  nilomètres  ou  meqyas^  comme 
les  appellent  les  Arabes,  sont  une  vieille  invention  des 
Egyptiens,  bien  qu'il  n'en  existe  d'autres  traces  que  celles  de 
l'ancien  meqyas  d'Eléphantine,  qui  paraît  être  ptolémaique. 
Le  nilométre  qui  donne  la  cote  officielle  du  Caire  est  actuel- 
lement celui  de  la  petite  île  de  Raôudah.  Sa  fondation 
remonte  au  kahfe  omeyyade  Soleyman  (an  97  hég.)  ;  il  a 
subi  depuis  de  nombreuses  transformations.  Il  consiste  en 
une  colonne  de  marbre  blanc  élevée  au  centre  d'un  puits 
rectangulaire  ouvert  au  Nil  par  une  bouche  pratiquée  à  sa 
base.  La  colonne  est  graduée  en  46  coudées.  La  coudée 
égyptienne  (540  millim.)  se  subdivise  en  six  palmes  de 
quatre  doigts.  Les  crues  moyennes  sont  de  13  à  d4  coudées; 
les  bonnes  crues  de  1 6  et  1 7  :  au-dessus  de  ce  nombre,  il  n'y 
a  que  des  crues  dangereuses.  Le  service  de  l'irrigation  a 
établi  en  ces  dernières  années  un  grand  nombre  d'échelles 
nilométriques  sur  tout  le  parcours  du  Nil.  D'Assouari  à 
Siout,  on  n'en  compte  pas  moins  de  vingt-huit.  C'est  à 
peu  près  à  la  mi-juin  que  commence  la  crue  (V.  Nil)  ;  elle 
atteint  le  milieu  de  l'échelle  vers  le  15  août.  La  vidange 
{sarf)  des  bassins  d'irrigation  a  généralement  lieu  vers  la 
fin  de  septembre  pour  ceux  qui  sont  compris  entre  Assouan 
et  Sohag,  courant  d'octobre  pour  la  moudirieh  de  Siout. 
A  la  fin  de  ce  mois,  on  coupe  la  digue  de  Kocheïchah  pour 
les  bassins  échelonnés  au  N.  de  Beyrouth.  Il  a  été  prouvé 
en  1889  que  la  coupure  des  bassins  de  la  Haute-Egypte 
pendant  leâ  hautes  eaux  n'influe  pas  sensiblement  sur  la 
crue  dans  le  Delta. 

Les  semailles  suivent  le  retrait  des  eaux,  et  la  végéta- 
tion est  alors  si  active  que  là  même  oîi  il  n'existe  pour 
ainsi  dire  pas  un  atome  de  terre  végétale,  le  seul  contact 
des  eaux  suffit  à  féconder  le  sol.  Indépendamment  de  l'inon- 
dation, un  des  agents  les  plus  puissants  de  cette  féconda- 
tion, c'est  la  filtration  due  à  la  pression  que  le  fleuve  exerce 


sur  ses  rives  et  d'autant  plus  énergique  que  le  volume  des 
eaux  est  plus  considérable.  Au  moment  de  la  crue  cette 
filtration  s'exerce  des  rives  aux  confins  de  la  vallée  ;  quand 
les  bassins  se  vident,  elle  redescend  vers  le  lit  du  fleuve. 
Il  va  sans  dire  aussi  qu'elle  est  entretenue  par  les  canaux 
qu'alimentent  le  Nil  et  la  vidange  des  bassins.  L'utilisation 
de  ces  filtrations  sous-jacentes,  ainsi  que  la  nécessité  d'éle- 
ver les  eaux  du  fleuve  au  moment  de  l'étiage,  a  provoqué 
de  bonne  heure  en  Egypte  l'invention  d'appareils  élévatoires. 
Ces  appareils,  qui  suppléent  à  l'insuffisance  ou  à  l'absence 
de  la  crue,  et  qui  sont  par  conséquent  d'un  emploi  à  peu 
près  constant  et  général  dans  toute  la  vallée,  ^onild, sakieh 


—  653  — 


EGYPTE 


et  le  chadouf,  La  sakieh  consiste  en  un  chapelet  de  pots 
en  terre,  plongeant  successivement  dans  Teau  au  moyen  d'un 
treuil.  Ce  treuil  est  mis  en  mouvement  par  un  manège  auquel 
est  attelé  un  bœuf  ou  un  chameau.  Le  chadoufesi  beaucoup 
plus  simple:  une  longue  antenne  en  bois  flexible,  alourdie 
à  son  extrémité  inférieure  d'un  contrepoids  en  terre, 
retient  suspendu,  au  moyen  d'une  perche  légère,  un  panier 


Chadouf. 

de  cuir  ou  d'osier.  Cet  appareil,  qui  bascule  sur  une  tra- 
verse horizontale,  fonctionne  à  la  main.  Les  sakiehs  et  les 
chadoufs  s'étagent  en  gradins,  des  bords  de  l'eau  au  terrain 
où  est  creusé  le  canal  à  rempHr.  Le  chadouf  élève  à  une 
hauteur  de  3  m.  près  de  50  litres  d'eau  par  minute  ;  dans  le 
même  temps  la  sakieh  en  élève  au  double  près  de  300  litres, 
et  suffit  à  l'irrigation  de  quelques  feddans.  A  ces  appareils 
indigènes,  il  faut  joindre  les  machines  élévatoires  importées 
d'Europe  et  au  moyen  desquelles  s'alimentent  les  grands 
canaux  sefi  ou  artères  régionales  qui  servent  à  l'irriga- 
tion des  cultures  du  même  nom.  On  distingue  en  effet  quatre 
genres  de  cultures  en  Egypte  :  i^  les  cultures  el-baiadi 
qui  se  font  sur  les  terres  inondées  par  la  crue  ;  2°  les  cul- 
tures el-chetoui  (ou  d'hiver),  qui  ont  lieu  à  la  même  époque, 
mais  sur  les  terres  qui,  n'étant  que  peu  ou  point  inondées 
par  le  Nil,  réclament  un  arrosement  artificiel  ;  3°  les  cul- 
tures el-sefi  ou  cultures  d'été  ;  elles  suivent  immédiate- 
ment les  précédentes  et  tombent  par  conséquent  au  moment 
des  plus  basses  eaux;  4°  les  cultures  el-demiri  (basses 
terres)  et  el-nabari  (hautes  terres)  viennent  ensuite,  con- 
cordent par  conséquent  avec  le  commencement  de  la  crue 
et  n'exigent  pas  un  arrosage  aussi  suivi  que  celui  des  cul- 
tures sefi. 

Ces  différentes  cultures  produisent  le  blé,  l'orge,  le 
dourah,  le  maïs,  le  riz,  la  canne  à  sucre,  le  trèfle,  le 
fenu  grec,  la  gesse,  les  pois,  les  lentilles,  les  fèves,  les 
lupins,  les  pois  chiches,  les  haricots,  un  grand  nombre 


Charrue  égyptienne. 

de  plantes  potagères,  presque  toutes  les  cucurbitacées,  les 
plantes  à  graines  oléifères,  le  colza,  l'arachide,  le  ricin,  le 
sésame,  les  plantes  textiles,  le  chanvre,  le  coton  et  le  lin, 
les  plantes  tinctoriales,  le  carthame,  la  garance,  l'indigo,  etc. 
Les  procédés  de  culture  du  blé  varient  suivant  les  localités. 


On  le  sème,  dans  la  Haute-Egypte,  aussitôt  après  la  re- 
traite des  eaux,  c.-à-d.  en  octobre.  La  terre  à  ensemencer, 
que  le  Fellah  n'atteint  souvent  qu'après  une  traversée  en 
radeau,  est  encore  à  l'état  de  marécage.  Le  semeur  s'y 
embourbe  jusqu'aux  genoux  et  sème  son  grain  à  la  volée. 
Quelques  jours  après,  dès  que  le  sol  commence  à  reprendre 
consistance,  on  laboure  pour  enterrer  la  semence.  La 
charrue  égyptienne,  souvent  décrite,  est  un  assemblage  de 
deux  pièces  de  bois,  sous  un  angle  qui  peut  s'ouvrir  ou  se 
fermer  au  moyen  d'une  cheville.  La  pièce  la  plus  longue 
sert  de  timon;  un  joug  transversal  lui  est  adapté,  auquel 
on  attelle  une  couple  de  bœufs.  La  pièce  la  plus  courte  est 
légèrement  recourbée  :  un  soc  de  fer  en  forme  de  bêche  y 
est  emmanché.  Il  s'enfonce  en  terre  à  la  pesée  qui  s'exerce 
à  l'aide  d'une  troisième  pièce  verticale  également  emman- 
chée au  timon.  Cet  instrument  si  simple  n'est  autre  que 
celui  dont  se  servaient  les  anciens  Fellahs,  ainsi  qu*on  en 
peut  juger  par  les  tableaux  de  la  vie  des  champs  repré- 
sentés dans  les  tombes.  Dans  la  Basse-Egypte,  l'ensemen- 
cement est  précédé  d'un  premier  labour.'  Chaque  feddan 
reçoit  un  demi-ardeb  et  en  rend  ordinairement  de  4 
à  7.  Les  meilleures  terres  en  rendent  8  dans  la  Haute- 
Egypte  ;  les  plus  mauvaises  3  ou  4  dans  le  Delta. 
La  moisson  a  lieu  de  fin  mars  à  mai,  ce  dernier  mois  dans 
la  Basse-Egypte,  où  les  semailles  sont  également  plus  tar- 
dives. Les  blés  sont  arrachés  à  la  main  et  transportés  en 
petites  gerbes  sur  l'aire  voisine,  où  on  les  délie.  On  les 
étend  ensuite  en  couches  légères  pour  les  hacher  à  l'aide 


m^ 


Noreg. 


d'une  machine  appelée  noreg  ou  nourag.  Cette  machine 
se  compose  de  deux  ou  trois  cylindres  agencés  à  un  châs- 
sis auquel  on  attelle  des  bœ^ufs.  Dans  certaines  localités, 
on  se  contente  de  faire  fouler  le  blé  par  du  bétail  et  notam- 
ment des  chèvres.  Le  blé  ainsi  haché  ou  foulé,  on  le  vanne 
en  le  frappant  à  grands  coups  de  fourche.  La  paille,  pro- 
jetée en  l'air,  se  sépare  d'avec  le  grain,  qu'on  passe  en 
dernier  lieu  dans  le  crible.  L'orge  se  traite  de  la  même 
manière  que  le  blé;  il  constitue  la  principale  culture  baiadi. 
Le  dourah  ou  blé  de  Turquie  fait  le  principal  aliment  du 
Fellah  :  on  le  sème  à  époques  différentes,  fin  mai  et  fin 
août.  Il  appartient  donc  aux  cultures  sefi  et  nabari  et 
s'arrose  au  moyen  d'un  damier  de  petites  rigoles  alimentées 
par  le  chadouf.  Le  dourah  sefi  n'exige  pas  moins  de 
cent  jours  d'ouvrage  par  feddan.  Le  rendement  du  dourah 
atteint  240  pour  4,  sans  compter  la  valeur  de  la  paille. 
Le  riz  n'est  cultivé  que  dans  le  voisinage  des  lacs  du 
Delta,  où  le  peu  de  différence  entre  les  hautes  et  basses 
eaux  favorise  l'irrigation.  On  le  sème  en  avril  après  l'avoir 
amolU  et  gonflé  dans  un  bain.  Le  sol  à  ensemencer  est 
inondé  au  préalable,  puis  labouré  par  deux  fois.  La  récolte 
a  lieu  au  mois  de  novembre  ;  elle  se  fait  à  la  faucille.  Le  dé- 
piquage du  riz  ne  diffère  pas  de  celui  de  l'orge  et  du  blé. 
On  l'expose  ensuite  au  soleil  pendant  dix  ou  quinze  jours; 
on  le  décortique  au  moyen  d'un  appareil  à  pilons  mis 
en  mouvement  par  un  manège.  Ces  moulins  à  blanchir  le 
riz  portent  le  nom  de  oud  s'ils  ont  deux  pilons  et  dayreh 
s'ils  en  ont  quatre.  A  Damiette,  le  dayreh  blanchit  un 
ardeb  et  demi  par  jour  ;  le  oud  moitié  moins.  La  produc- 
tion du  riz  est  de  18  pour  1.  La  canne  à  sucre  est  cultivée 
dans  une  grande  partie  de  la  Haute  et  de  la  Moyenne-Egypte, 
et  principalement  dans  les  provinces  de  Keneh,  de  Girgeh 
et  de  Minieh.  La  plantation  a  lieu  en  mars  et  en  avril,  la 


EGYPTE 


6U  — 


coupe  en  octobre  pour  la  consommation  en  vert  et  fin  jan- 
vier pour  la  fabrication  du  sucre.  La  culture  des  légumi- 
neuses dure  de  novembre  à  mars  et  se  fait  de  préférence 
sur  les  terres  inondées  ;  elle  rentre  conséquemment  dans 
le  genre  baiadi.  La  culture  sefi  par  excellence  est  celle 
du  coton.  Le  coton  indigène  était  de  qualité  inférieure. 
L'ensemencement  du  coton  indien,  essayé  avec  succès  en 
4821  par  Jumel,  n'a  cessé  de  s'étendre  jusqu'à  ce  jour. 
Les  terrains  indiqués  pour  cette  culture  doivent  être 
protégés  de  l'inondation  par  des  digues  et  arrosés  très 
modérément  avec  le  chadouf  ou  la  sakyeh.  Le  plant  dure 
de  deux  à  quatre  ans.  Il  y  a  actuellement  une  propen- 
sion à  restreindre  cette  culture,  dont  la  prospérité  n'a  dû 
son  succès  qu'à  la  disparition  des  cotons  américains  des 
marchés  de  l'Europe  pendant  la  guerre  de  Sécession.  La 
culture  de  l'indigo  (sefi)  clôt  la  série  des  principales  pro- 
ductions de  l'Egypte.  Son  amélioration  date  du  gouverne- 
ment de  Méhémet-Ali.  Il  n'existe  en  Egypte  d'autres 
forêts  que  celles  de  dattiers,  et  l'on  ne  donne  que  par 
extension  ce  nom  aux  bois  de  Myt  Rayneh  et  d'Assouan.  Le 
dattier  est  en  effet  l'arbre  qui  forme  les  groupes  les  plus 
compacts  dans  toute  la  vallée  du  Nil,  oii  il  croit  sur  les 
hautes  terres  à  la  limite  du  désert  et  jusque  dans  les 
oasis.  On  en  distingue  vingt-quatre  espèces.  Les  meilleures 
dattes  sont  celles  d'Assouan  et  des  oasis.  Elles  y  commen- 
cent à  mûrir  vers  la  fin  de  juin  et  tardent  jusqu'à  la  fin 
de  juillet  dans  la  Basse-Egypte.  La  récolte  s'en  .fait  tou- 
jours avant  la  pleine  maturité.  Les  Arabes  mettent  le  dat- 
tier au  premier  rang  des  bienfaits  de  Dieu  et  vantent  ses 
nombreux  services,  car  tout  est  bon  dans  cet  arbre  béni  : 
le  fruit,  qui  se  partage  avec  le  dourah  l'alimentation  du 
Fellah  et  du  Bédouin  ;  les  feuilles,  dont  on  fait  des  nattes 
et  des  corbeilles  ;  les  fibres  du  tronc  et  des  grappes  qu'on 
tisse  ou  qu'on  tresse  en  cordes  de  toute  espèce  ;  le  tronc  et 
les  branches  qui  constituent  toute  la  charpente  des  maisons 
indigènes,  tout  en  est  utilisé,  jusqu'aux  pistils  des  fleurs 
dont  les  filaments  tiennent  lieu  d'épongés  et  les  noyaux 
qu'on  brûle  ou  qu'on  donne  aux  chameaux.  Les  arbres 
indigènes  sont  avec  le  palmier-dattier,  le  palmier-doum, 
dont  le  tronc  lisse  et  dur  se  ramifie  en  deux  branches  et 
dont  le  fruit,  également  ligneux,  constitue  une  assez  maigre 
nourriture  ;  le  sycomore,  qui  produit  des  figues  sans  saveur, 
mais  surtout  utile  par  son  bois  dur  et  incorruptible  et  son 
feuillage  vert  et  touffu  en  toute  saison  ;  l'acacia  lebekh^ 
qui  rivalise  de  puissance  et  de  beauté  avec  le  sycomore  et 
que  l'on  a  planté  à  profusion  dans  toutes  les  villes  ;  le 
gommier,  acacia  rabougri,  qui  n'est  productif  que  dans  la 
région  du  tropique  ;  quelques  variétés  de  mimosas  odorants, 
le'tamarix,  l'olivier  et  le  nopal  ou  cactus;  quelques  arbris- 
seaux :  le  myrte,  le  henné  dont  les  feuilles  broyées  four- 
nissent une  pâte  tinctoriale  employée  dès  les  temps  anciens  ; 
le  rosier,  transplanté  à  la  même  époque,  s'il  n'est  pas 
indigène.  La  liste  des  arbres  transplantés  serait  lon- 
gue :  pres'que  toutes  les  essences  asiatiques  et  quelques- 
unes  de  l'Europe  l'ont  été  avec  plein  succès.  Les  plus 
répandues  sont  l'oranger,  le  citronnier,  le  grenadier  et  le 
jujubier.  La  vigne  existait  en  Egypte  dès  une  très  haute 
antiquité.  On  en  voit  les  pampres  très  exactement  repré- 
sentées dans  les  peintures  des  tombes  thébaines  :  on  sait 
aussi  par  les  écrivains  classiques  qu'elle  était  un  des  produits 
les  plus  estimés  par  la  qualité  de  ses  vins.  Elle  prospéra 
jusqu'à  la  conquête  musulmane,  qui  lui  porta  le  coup  fatal 
avec  la  prohibition  absolue  édictée  dans  le  Coran.  Méhémet- 
Ali  a  tenté  de  la  restaurer  en  accHmatant  toutes  les 
espèces  européennes.  Ces  essais  ont  parfaitement  réussi 
dans  le  Delta;  mais,  depuis  lors,  ils  ont  été  très  négHgés. 
Des  deux  plantes  qui  symbolisaient  en  quelque  sorte  l'an- 
cienne Egypte,  le  papyrus  et  le  lotus,  la  première  a  com- 
plètement disparu,  la  seconde  est  encore  représentée  par 
quelques  espèces  de  nymphéas. 

Faune.  —  La  similitude  reconnue  entre  la  plupart  des 
mammifères  et  des  reptiles  qui  peuplent  l'Egypte  et  ceux 
qui  peuplent  la  Barbarie,  semble  désigner  cette  partie  de 


l'Afrique  septentrionale  comme  leur  habitat.  Quant  aux 
oiseaux,  si  quelques-uns  y  sont  sédentaires,  on  sait  que  le 
plus  grand  nombre  n'y  ont  qu'un  point  d'attache  ou  de  tran- 
sition dans  les  migrations  annuelles.  Parmi  les  mammifères, 
les  animaux  domestiques  indigènes  ou  acclimatés  de  longue 
date  sont  :  le  cheval,  l'âne,  le  mulet,  le  chameau  à  une 
bosse,  qui  sert  de  bête  de  somme  et  de  course  (hagi  ou 
dromadaire),  le  bœuf,  le  buffle,  qui  ne  figure  pas  plus  que 
le  chameau  sur  les  anciens  monuments,  le  mouton,  la 
chèvre,  le  chien  et  le  chat  ;  les  animaux  sauvages  sont  : 
le  loup,  le  renard,  le  chacal,  l'hyène,  le  sanglier,  la  gazelle, 
le  hérisson,  la  marte,  la  mangouste,  le  lynx,  la  gerboise, 
diverses  espèces  de  rats  et  le  lièvre  ;  le  lion  et  les  grands 
félins,  l'éléphant  et  l'hippopotame,  n'ont  laissé  d'autres 
traces  de  leur  séjour  en  Egypte  que  celles  que  nous  a 
conservées  l'ancienne  religion.  Les  oiseaux  domestiques  sont  : 
la  poule,  la  poule  d'Inde,  le  pigeon  et  l'oie  ;  autrement 
nombreux  sont  les  oiseaux  sauvages,  d'abord  les  rapaces  : 
trois  espèces  de  vautours,  sept  espèces  de  faucons,  quatre 
espèces  d'aigles,  trois  espèces  d'aigles  pêcheurs,  l'épervier, 
l'oiseau  le  plus  commun,  le  milan  et  la  buse  ;  un  grand 
nombre  d'oiseaux  nocturnes  :  l'orfraie ,  le  grand-duc, 
diverses  espèces  de  chouettes,  la  chauve-souris,  dont  au- 
cun pays  ne  présente  une  plus  grande  variété  ;  presque  tous 
les  passereaux  connus  en  Europe  ;  quelques  grimpeurs, 
parmi  lesquels  le  coucou,  de  nombreux  gallinacés,  les 
gangas,  la  caille  et  la  tourterelle,  et  une  série  d'échassiers 
telle  qu'il  faut  renoncer  à  l'énumérer. 

Parmi  les  reptiles,  il  faut  citer  le  crocodile,  de  plus  en 
plus  rare  dans  les  eaux  égyptiennes  depuis  que  le  Nil  est 
sillonné  de  bateaux  à  vapeur  ;  la  trionyx  ou  tortue  du  Nil 
qu'on  trouve  encore  dans  les  environs  de  la  cataracte  d'As- 
souan ;  l'ouaran  ou  monitor,  lézard  de  plus  d'un  mètre  de 
long,  qui  dénonce  par  son  sifflement  la  présence  du  croco- 
dile; le  stellion,  l'agame,  le  gecko,  le  caméléon, le  lézard; 
quelques  batraciens,  parmi  lesquels  la  rainette,  une  grande 
variété  de  serpents  et  des  plus  venimeux,  tels  que  les 
cythales  des  pyramides,  le  céraste  ou  vipère  à  cornes  d'au- 
tant plus  dangereux  que  sa  couleur  ne  tranche  pas  sur  celle 
du  sable,  et  l'aspic  de  Cléopàtre  (najah),  magnifique  ser- 
pent de  5  pieds  de  long  qui  se  plaît  dans  les  terrains  humides 
et  se  dresse  en  gonflant  ses  joues  quand  il  est  attaqué.  Les 
couleuvres  sont  plus  nombreuses  que  les  serpents  veni- 
meux. On  en  compte  quatre  espèces,  très  répandues  dans 
les  campagnes  et  dans  les  villes,  où  elles  sont  protégées 
par  la  superstition  populaire.  —  Les  insectes  de  l'Egypte 
n'offrent  pas  de  séries  aussi  variées  qu'on  est  tenté  de  le 
croire  :  les  plus  communs  sont  les  scarabées,  les  mouches 
et  les  moustiques,  qui,  plus  que  les  sauterelles,  les  arach- 
nides et  les  scorpions,  sont  la  plaie  du  pays.  —  Le  Nil 
compte  plus  de  cinquante  espèces  de  poissons,  parmi  les- 
quelles il  faut  citer  :  le  mormyre  oxyrrhinque,  mentionné 
par  son  rôle  dans  le  mythe  osirien,  poisson  remarquable 
par  son  museau  allongé  en  forme  de  l3ec;  le  mochokus  nilo- 
ticus,  de  petite  taille,  redouté  des  pêcheurs  à  cause  de  ses 
épines,  le  silure  électrique  ou  raad  (tonnerre).  Je  tétraodon 
qui  se  gonfle  comme  un  ballon  et  lance  avec  force  un  jet 
d'eau,  poisson  très  commun  au  moment  de  l'inondation, 
où  les  enfants  des  Fellahs  s'en  emparent  facilement 
quand  les  eaux  se  retirent  ;  le  bichir  polyptère,  qui  est 
aussi  une  des  curiosités  du  Nil.  «  Il  tient  des  serpents, 
dit  Geoffroy  Saint-Hilaire,  par  son  port,  sa  forme  allongée 
et  la  nature  de  ses  téguments  ;  des  cétacés  en  ce  qu'il 
est  pourvu  d'évents  et  d'ouvertures  dans  le  crâne,  par 
où  s'échappe  l'eau  qui  a  été  portée  sur  les  branchies, 
et  des  quadrupèdes  par  des  extrémités  analogues  aux 
leurs,  les  nageoires  ventrales  et  pectorales  étant  placées 
à  la  suite  de  prolongations  charnues.  »  Ce  poisson  est 
assez  rare  ;  on  le  pêche  au  moment  des  basses  eaux  ;  sa 
chair  est  savoureuse,  et  sa  peau,  que  le  couteau  ne  peut  en- 
tamer, est  employée  par  le  Fellah  en  guise  d'étui.Le  pois- 
son dont  on  se  nourrit  le  plus  est  le  bayad,  qui  atteint 
facilement  d  m.  de  long  et  qu'on  débite  sur'^Ies  marchés  en 


—  655  — 


EGYPTE 


grosses  tranches.  —  Comparée  à  la  faune  de  Tancienne 
Egypte,  telle  qu'elle  nous  est  donnée  par  les  monuments,  la 
faune  actuelle  n'en  diffère  que  par  l'absence  du  lion,  du 
chien  hyènoïde,  de  l'hippopotame,  de  l'oryctérope  et  de 
l'ibis  sacré  et  par  la  présence  du  chameau,  du  buffle  et  de 
la  poule,  introduits  en  Egypte  par  les  Arabes.  Le  chat  n'ap- 
paraît pas  sur  les  monuments  avant  le  premier  empire  thé- 
bain,  et  le  cheval  avant  le  nouvel  empire. 

Population.  Races.  —  Il  n'y  a  pas  eu  en  Egypte  de 
recensement  de  la  population  depuis  1882.  C'est  le  chiffre* 
de  ce  recensement  (6,818,000  hab.  pour  la  Basse,  lafïaute- 
Egypte,  l'Isthme  et  les  Oasis)  qui  sert  couramment  de  base 
à'toutes  les  statistiques  officielles  de  l'Egypte,  comme  siles 
graves  circonstances  qui  se  produisirent  depuis  cette  date 
avaient  été  sans  exercer  la  moindre  influence  sur  la  popu- 
lation de  l'Egypte.  Nous  voulons  parler  des  insurrections 
d'Arabi  et  du  Soudan,  du  choléra  et  des  changements  dus  à 
l'occupation  anglaise  (licenciement  d'un  grand  nombre  d'em- 
ployés turcs  et  levantins  ainsi  poussés  à  émigrer,  aug- 
mentation du  nombre  des  Européens,  etc.).  On  n'a  pas  oublié 
non  plus  les  résultats  d'enquêtes  spéciales,  l'une  du  recru- 
tement, qui  amena  la  découverte  de  42,307  non  inscrits 
sur  les  registres  des  naissances  (ce  chiffre  élevé  pour  les 
seuls  districts  de  Kous,  de  Farchout  et  de  Keneh)  ;  l'autre 
du  service  sanitaire  de  Garbieh  qui,  en  1880,  trouva 
8,000  enfants  non  enregistrés  dans  cette  province.  Il  ré- 
sulte de  ceci  que  le  total  du  recensement  officiel  ne  doit  être 
accepté  qu'avec  beaucoup  de  réserves  et  seulement  pour 
donner  une  idée  approximative  de  la  densité  de  la  popula- 
tion, laquelle  étant  ainsi  de  178  hab.  par  kil.  q.,  est  supé- 
rieure à  celle  de  presque  tous  les  Etats  d'Europe.  Elle  se 
compose  d'Egyptiens  proprement  dits,  Masri^  de  Barbarins, 
de  Bédouins,  de  Turcs,  de  Juifs,  de  Levantins  et  enfin  d'étran- 
gers musulmans  et  européens.  Les  Egyptiens  proprement 
dits,  qui  forment  le  fond  de  cette  population  si  bigarrée,  se 
subdivisent  en  Fellahs  et  Coptes.  C'est  à  tort  qu'on  donne 
aux  premiers  le  nom  d'Arabes  ;  ils  sont  dans  toute  la  force 
du  terme  les  descendants  des  habitants  primitifs  de  l'Egypte. 
Il  suffit,  comme  on  l'a  souvent  fait,  de  les  comparer  avec 
les  images  de  leurs  ancêtres  pour  se  convaincre  de  l'iden- 
tité de  race.  C'est  des  deux  parts  la  même  forme  de  crâne 
légèrement  dolichocéphale,  le  même  visage  au  front  bas,  aux 
yeux  très  fendus  et  très  ouverts,  aux  joues  pleines,  à  la 
bouche  épaisse  et  souriante,  la  même  carrure  d'épaules,  le 
mêmeçort  et  la  même  taille.  Quel  voyageur  n'a  fait  la  re- 
marque que  les  extrémités  plates  et  carrées  du  Fellah  reliées 
par  des  attaches  fines  à  des  membres  fortement  musclés 
mais  un  peu  gros,  sont  autant  de  caractères  propres  à  de 
nombreuses  statues  antiques,  plus  fidèles  qu'on  ne  se  l'ima- 
gine communément.  Le  croisement  qui  s'est  opéré  à  la  suite 
de  l'invasion  arabe  n'a  pas  exercé  plus  d'influence  sur  la 
race  indigène  que  les  invasions  qui  l'ont  précédée  ou  suivie  : 
la  race  indigène  a,  par  une  lente  absorption,  toujours  re- 
pris le  dessus  :  ce  qui  a  été  dit  des  Fellahs  s'applique  pareil- 
lement aux  Coptes.  Il  n'existe  d'autre  distinction  entre  eux 
que  des  distinctions  sociales.  Les  premiers  se  sont  conver- 
tis à  l'islamisme,  les  seconds  lui  sont  restés  rebelles,  et 
c'est  ainsi  qu'en  conservant  leur  nom  {Kopti,  de  Aiguptos) 
et  leur  culte  (le  christianisme,  qui  était  la  rehgion  natio- 
nale avant  la  conquête  arabe),  ils  se  sont  eux-mêmes  con- 
damnés comme  les  Juifs  et  les  Parsis  à  ne  former  qu'une 
minorité  opprimée  et  dégradée  par  le  mépris  des  musul- 
mans. C'est  là  surtout  ce  qui  explique  la  persistance  de  cer- 
tains traits  qui  leur  sont  particuliers  et  qui  résultent,  comme 
pour  les  Juifs,  d'un  même  genre  de  vie  et  d'union  trop  fré- 
quemment renouvelées  entre  mêmes  familles.  Les  petites 
communautés  coptes  fixées  depuis  plusieurs  siècles  dans 
certaines  villes  ne  sont,  à  vrai  dire,  elles-mêmes  qu'autant 
de  familles,  dont  quelques  membres  sont  des  fonctionnaires, 
quelques  autres  de  riches  commerçants,  un  plus  grand 
nombre  de  petits  marchands,  de  simples  sarraf  ou  même 
des  domestiques.  Les  Fellahs  et  les  Coptes  ne  présentent  pas 
de  grandes  différences  au  point  de  vue  physique,  bien  qu'on 


ait  prétendu  que  ces  derniers  ont  été  plus  mélangés  d'élé- 
ments étrangers.  Les  observations  relatives  à  la  couleur  de 
leur  teint  sont  aussi  de  piètres  arguments  pour  trancher 
la  question  de  race.  Chez  le  Fellah,  a-t-on  dit,  la  peau  devient . 
de  plus  en  plus  foncée  à  mesure  que  l'on  remonte  au  S.  ; 
pâle  chez  les  Alexandrins,  jaunâtre  dans  la  Moyenne-Egypte, 
brune  dans  le  Saïd,  elle  est  presque  noire  aux  confins  de 
la  Nubie,  tandis  que  le  Copte  a  toujours  le  teint  mat  et 
pâle  du  Levantin.  La  vérité  est  que  les  Coptes  d'Akmin  et 
deLouqsorsont  aussi  hauts  en  couleur  que  les  Fellahs  du  Saïd 
et  qu'en  tout  cas  ceux  des  classes  aisées  ne  doivent  leur 
blancheur  qu'à  une  vie  renfermée  et  ne  diffèrent  pas  à  cet 
égard  des  Egyptiens  de  race  pure  appartenant  à  de  vieilles 
familles  de  négociants  ou  d'oulémas  dont  la  vie  s'écoule  à 
l'ombre  des  bazars  et  des  mosquées. 

L'Egyptienne  est  bien  conformée  et  justifie  jusqu'à  vingt 
ans  l'admiration  des  étrangers.  De  taille  moyenne  et  bien 
prise,  fine  d'attaches,  noble  et  gracieuse  de  port  et  de  dé- 
marche, elle  doit  surtout  sa  beauté  à  un  ensemble  de  qua- 
Ktés  physiques  entretenues  par  l'activité  de  sa  vie  et  la 
liberté  de  sa  mise.  Mais,  après  quelques  années  de  mariage, 
ses  traits  s'étirent,  son  teint  perd  toute  sa  fleur,  sa  poitrine 
tombe  et  il  ne  lui  reste  d'autre  ressource  que  le  fard,  dont 
elle  fait  un  emploi  qui  ne  s'arrête  ni  à  la  dernière  misère, 
ni  à  l'extrême  vieillesse. 

Les  Barbarins  ou  Barabrah  (pluriel  du  mot  Berberi)  oc- 
cupent les  petits  villages  voisins  de  la  première  cataracte 
où  ils  ont  émigré  de  la  Nubie,  leur  véritable  patrie.  Ils  se 
distinguent  des  Egyptiens  par  des  traits  plus  fins,  une 
peau  plus  semblable  par  sa  couleur  à  celle  des  nègres  du 
Soudan.  Tenus  par  les  Egyptiens  au  dernier  degré  de  l'échelle 
sociale,  exclus  avec  mépris  de  la  conscription  et  des  emplois 
les  plus  minimes,  ils  ne  sont  astreints  qu'à  l'impôt.  Le  Fel- 
lah est  surtout  agriculteur;  le  Barbarin  est  marinier.  Pen- 
dant que  sa  femme  vaque  aux  travaux  des  champs  et  de  la 
maison,  il  rame  sur  les  grandes  daabiehs  de  transport  qui 
font  le  transit  de  la  première  à  la  deuxième  cataracte.il  n'est 
pas  de  meilleur  pilote  pour  diriger  une  barque  au  milieu 
des  brisants.  Les  derniers  événements  du  Soudan  et  la  sus- 
pension du  droit  de  navigation  sur  le  Nil  nubien  poussent 
de  plus  en  plus  les  Barbarins  à  chercher  leur  vie  dans  les 
grandes  villes.  Mais  ceux  qui  savent  quelques  mots  d'arabe 
arrivent,  grâce  à  une  réputation  d'honnêteté  surfaite  et 
surtout  à  leur  bonne  tenue  et  à  leur  intellige!ice,  à  sup- 
planter sans  peine  les  Fellahs  dans  tous  les  emplois  de  la 
domesticité.  Les  Bédouins,  qui  seuls  ont  conservé  purs  le 
sang  et  les  mœurs  arabes,  habitent  les  terres  voisines  du 
désert,  qu'ils  traversent  sans  cesse,  allant  d'une  oasis  à 
l'autre.  C'est  à  tort  qu'on  les  appelle  nomades  et  surtout 
qu'on  étend  à  tous  cette  dénomination.  Les  moins  séden- 
taires ont  toujours  un  point  d'attache,  la  terre  qu'ils  cul- 
tivent ou  font  cultiver,  où  restent  fixées  leurs  tentes  et  où 
paissent  leurs  troupeaux.  Ces  tribus,  tout  en  gardant  les 
vieilles  mœurs  bédouines,  n'écument  plus  le  désert  comme 
par  le  passé  et  se  résignent  à  vivre  de  l'élève  du  bétail,  de 
la  culture  et  du  trafic  des  produits  de  leurs  petites  indus- 
tries. Mais  le  plus  grand  nombre  ont  depuis  Méhémet-Ali 
résolument  accepté  la  vie  et  la  condition  des  Fellahs.  La 
plupart  des  villages  de  la  Moyenne-Egypte  et  notamment  de 
la  rive  droite  du  Nil,  ne  sont  peuplés  que  de  ces  Arabes, 
qui  descendent  des  tribus  turbulentes  dont  Jomard  (Des- 
cription de  l'Egypte^  t.  I)  nous  a  laissé  un  si  vivant 
tableau.  C'est  tout  au  plus  si  d'une  année  à  l'autre  un 
crime  retentissant  ou  le  pillage  d'une  esbeh  réveille  le  sou- 
venir de  leur  ancien  brigandage.  Le  désert  arabique  abrite 
encore  dans  le  voisinage  de  l'Attakah  une  tribu  arabe  tout 
à  fait  réfractaire  à  la  vie  poHcée  :  c'est  la  féroce  tribu  des 
Haoutàt,  que  les  autres  tribus  bédouines  désignent  elles- 
mêmes  du  nom  de  Haraîni,  «  brigands  ».  Plus  au  S.,  dans 
le  vaste  territoire  qui  forme  l'ancienne  Troglodytique,  se 
trouvent  les  Ababdeh  et  les  Bicharis  qui,  pas  plus  que  les 
Barabrah,  ne  sont  apparentés  avec  les  Arabes  ou  avec  les 
Fellahs.  Fixées  depuis  longtemps  dans  ces  déserts,  ces 


EGYPTE 


6m  — 


tribus  sont  celles  que  les  voyageurs  grecs  désignaient  du  nom 
de  Blemmyes  et  de  Troglodytes.  Leur  accoutrement,  leur 
langage  et  leurs  mœurs  leur  donnent  une  physionomie  tout 
à  fait  à  part.  La  population  étrangère  des  villes  est  essen- 
tiellement mobile  :  l'élément  oriental  se  compose  de  10  à 
42,000  Turcs,  d'un  plus  grand  nombre  encore  de  Levan- 
tins et  de  6  ou  7,000  Juifs.  11  va  sans  dire  que  cette  po- 
pulation se  compose  d'individus  appartenant  à  toutes  les 
classes  sociales;  les  Turcs  eux-mêmes  n'y  sont  pas  tous 
beys  ou  pachas  ;  mais  la  plupart  sont  chawich  (gardes  et 
courriers)  dans  les  ministères  ou  petits  marchands  ou  cafe- 
tiers. La  population  européenne  est  évaluée  par  le  recen- 
sement de  1882  de  la  manière  suivante  :  Grecs,  37,300; 
Italiens,  18,600;  Français,  15,716  ;  Anglais,  6,118;  Aus- 
tro-Hongrois, 8,000;  Allemands,  950;  diverses  nationa- 
lités, 2,959. 

Lâ  société.  Mœurs  et  coutumes.  —  L  organisation 
sociale  des  musulmans  d'Egypte  repose  sur  le  principe  de 
l'égalité  de  tous  ses  membres.  Elle  n'admet  en  droit  ni 
aristocratie,  ni  esclaves.  Ce  qui  constitue  une  aristocratie, 
c'est  la  transmissibilité  des  immunités.  En  Egypte  comme 
en  Turquie,  elles  sont  essentiellement  viagères.  Les  titres 
de  bey  et  de  pacha,  les  seuls  qui  semblent  impliquer  une 
idée  analogue  aux  nôtres,  sont  des  honneurs  que  le  sultan 
confère  à  une  personne,  jamais  à  une  famille.  Pas  plus  que 
les  décorations  et  les  fonctions,  on  ne  peut  les  transmettre 
par  héritage.  L'esclavage  est  légalement  aboli,  mais  ne  le 
sera  en  fait  que  le  jour  où  les  mœurs  musulmanes  se 
seront  entièrement  affranchies  des  préjugés  du  harem. 
C'est  en  effet  le  harem  plus  encore  que  les  travaux  des 
champs  qui  absorbe  la  plupart  des  esclaves  achetés  en 
Egypte  et  qui  est  la  barrière  à  laquelle  se  heurtent  les 
tentatives  des  puissances  européennes  pour  l'exécution  des 
décisions  arrêtées  en  congrès.  Au  reste,  il  faut  se  bien 
garder  de  comparer  l'esclavage  en  pays  musulman  à  ce 
qu'il  était  en  Amérique.  Consacré,  mais  aussi  tempéré  par 
la  foi  religieuse,  il  diffère  à  peine  de  la  dépendance  dans 
laquelle  le' Fellah  libre,  mais  ne  possédant  rien,  se  trouve 
vis-à-vis  de  son  chef  ou  de  son  patron.  La  polygamie,  cette 
autre  anomalie  de  la  vie  orientale,  est,  comme  l'esclavage, 
autorisée  et  réglée  par  le  Coran,  qui  sauvegarde  par  des 
prescriptions  très  nettes  les  droits  de  la  femme.  Il  s'en 
faut,  d'ailleurs,  qu'en  Egypte  elle  atteigne  les  mêmes  pro- 
portions qu'à  Constantinople  ;  car,  outre  la  difficulté  de  sub- 
venir aux  frais  considérables  qu'entraîne  la  pluralité  des 
harems,  il  est  facile  de  constater  dans  la  haute  et  la 
moyenne  société  égyptienne  une  tendance  marquée  à  se 
rapprocher  en  cela  des  mœurs  européennes.  Quant  à  la  basse 
classe,  elle  élude  les  lourdes  charges  de  la  polygamie  en 
usant  du  droit  de  répudiation  et  de  divorce  qui  s'accorde 
avec  une  surprenante  facilité.  La  seule  formalité  à  remplir 
consiste  à  restituer  la  dotation  de  la  femme,  c.-à-d.  un 
méchant  mobilier  et  quelques  guinées. 

L'influence  de  l'Europe  se  fait  de  plus  en  plus  sentir  en 
Egypte  dans  l'éducation  et  l'instruction  des  enfants,  dans 
la  mise  extérieure,  dans  l'aménagement  et  l'ameublement 
des  maisons,  dans  la  façon  de  recevoir  ses  hôtes,  le  choix 
des  aliments,  la  manière  de  les  manger,  etc.  Cette  lente 
révolution  des  mœurs  s'opère  surtout  dans  le  monde  admi- 
nistratif et  politique  en  contact  perpétuel  avec  l'élément 
européen.  La  société  reUgieuse,  les  commerçants  et  le 
peuple  restent  fidèles  aux  vieilles  habitudes  qui  leur  pa- 
raissent, à  tort  ou  à  raison  selon  les  cas,  faire  corps  avec 
la  loi  du  prophète.  Le  costume  indigène  n'est  porté,  à  pro- 
prement parler,  que  par  le  Fellah  :  il  se  compose  d'une 
sorte  de  calotte  en  feutre  ou  en  cotonnade  qui  épouse  exac- 
tement la  forme  du  crâne  et  d'un  long  sarrau  teint  en 
indigo.  Le  Fellah  le  complète  d'une  chemise  et  d'un  caleçon 
en  coton  blanc,  d'un  gilet  rayé  de  couleurs  vives  et  de 
babouches  terminées  en  pointe,  empruntés  originairement, 
avec  le  turban,  la  galabieh  et  le  caftan,  aux  Arabes,  aux 
Persans  et  aux  Turcs.  Ces  derniers  vêtements  constituent 
la  mise  de  la  classe  moyenne  et  des  oulémas.  Ceux-ci  ne  se 


distinguent  en  rien  des  laïques.  Les  seules  distinctions 
observées  dans  la  mise  orientale  résident  dans  la  couleur 
du  turban.  Les  soi-disant  descendants  du  prophète  le 
portent  vert  et  les  Coptes  brun  ou  noir.  Les  Egyptiens 
vêtus  à  l'européenne  ont  néanmoins  conservé  le  tarl30uch. 
Les  fonctionnaires  portent,  quel  que  soit  leur  rang  hiérar- 
chique, une  sorte  de  redingote  noire  à  collet  noir  qui 
s'appelle  la  stambouline  et  dont  le  port  est  aussi  de  rigueur 
pour  les  Européens  au  service  du  khédive. 

L'habitation  du  Fellah  moderne  ne  diffère  pas  de  celle 
du  Fellah  de  l'antiquité.  C'est  toujours  la  maison  en  brique 
crue  ou  en  pisé,  formée  de  la  réunion  de  petites  chambres 
très  basses  et  mal  éclairées  autour  d'une  ou  de  plusieurs 
cours.  Telle  nous  la  voyons  dessinée  sur  les  parois  des 
tombes  ou  bien  réduite  aux  proportions  d'un  ex-voto,  telle 
nous  la  retrouvons  dans  les  faubourgs  et  villages,  meublée  de 
quelques  coffres,  de  nattes  d'alfa,  et  fournie  d'une  grossière 
vaisselle  en  bois  ou  en  terre  qui  n'est  aussi  que  la  repro- 
duction inconsciente  des  ustensiles  les  plus  anciens.  Le 
Fellah  n'y  pose  que  pour  dormir  ;  il  part  dès  l'aurore  pour 
le  chadouf  ou  la  charrue  et  ne  reparaît  que  le  soir.  La 
femme  est  l'âme  de  la  maison.  Elle  y  vaque  aux  petits  soins 
du  ménage,  au  milieu  de  ses  vieux  parents,  de  sa  mar- 
maille bruyante  et  de  son  bétail.  C'est  elle  qui  cuit  les 
aliments,  fait  le  pain  de  dourah,  coud  de  gros  points  le 
linge  de  coton  dont  s'habille  toute  sa  maisonnée.  Le  plus 
souvent  accroupie  dans  un  coin  de  la  cour,  elle  ne  craint 
pas,  comme  la  citadine,  d'affronter  les  regards  du  passant. 
Son  yabrah  de  cotonnade  bleue  franchement  rejeté  en 
arrière  ne  cache  que  sa  chevelure  finement  tressée  et  lui- 
sante d'huile  de  ricin.  On  distingue  sans  peine  le  maquillage 
au  kohol  de  ses  sourcils  et  de  ses  cils,  le  tatouage  à  l'in- 
digo de  son  front  et  de  son  menton,  sa  robe  d'indienne 
serrée  au-dessous  des  seins,  les  colliers  et  les  bracelets  d'or 
mal  soudés  et  travaillés  au  repoussé,  et  la  verroterie  de  Venise 
qui  complètent  sa  parure.  Elle  n'est  jamais  si  belle  que 
lorsqu'elle  s'avance  d'un  pas  assuré,  son  amphore  posée 
sur  la  tête  et  maintenue  d'un  geste  gracieux.  La  femme  de 
condition  aisée  reste  toujours  pour  l'étranger  une  sorte  de 
créature  mystérieuse  dont  les  formes  disparaissent  dans  un 
ample  yabrah  de  soie  noire  qui  l'enveloppe  comme  un  sac. 
Un  voile  étroit  et  long,  noir  ou  blanc,  uni  ou  brodé, 
attaché  au-dessus  des  oreilles  et  retombant  jusqu'aux  pieds 
ne  laisse  paraître  que  les  yeux  rendus  plus  vifs  par  le 
contraste  et  surtout  par  un  ingénieux  maquillage.  Pour 
cette  femme,  il  est  aussi  du  meilleur  ton  de  cacher  dans 
les  pHs  de  son  voile  ses  doigts  barbouillés  de  henné.  Sous 
cet  accoutrement,  on  a  peine  à  reconnaître  les  dames  de 
leurs  servantes  qui  les  accompagnent  dans  les  rares 
courses  qu'elles  font  à  pied.  Les  princesses  et  les  dames 
de  haut  rang  sont  vêtues  à  la  turque. 

L'Egyptien  est  surtout  homme  de  loisirs;  ouvrier  ou 
paysan,  il  a  de  la  peine  à  se  mettre  en  train.  Le  bâton 
auquel  on  attribue  tant  de  prodiges  n'a  plus  grande  action 
sur  son  échine  endurante.  Marchand,  il  ne  se  donne  aucune 
peine  pour  écouler  ses  denrées,  ne  poursuivant  jamais,  mais 
attendant  la  fortune;  fonctionnaire  ou  commis,  il  se  sur- 
mène encore  moins,  n'étant  retenu  que  le  matin  à  ses 
affaires.  Passé  une  heure  de  l'après-midi,  la  vie  publique 
et  administrative  s'arrête.  Chacun  regagne  ses  appartements 
ou  son  harem.  Les  rues  deviennent  bientôt  désertes  jusqu'à 
quatre  ou  cinq  heures,  selon  la  saison.  Pendant  cette  inter- 
ruption de  la  vie,  semblable  à  celle  de  la  nuit,  les  visites 
sont  messéantes .  C'est  seulement  une  heure  avant  le  maghreb 
que  l'animation  reprend,  que  les  relations  mondaines,  la 
promenade  recommencent.  C'est  alors  le  moment  propice 
pour  admirer  les  grandes  villes  d'Egypte  dans  tout  leur  éclat 
et  toute  l'intensité  de  leur  vie.  L'Egyptien  est  très  sociable  : 
il  aime  les  longues  visites  où  l'on  n'échange  que  d'intermi- 
nables politesses,  les  festins  qui  se  donnent  en  toute  occa- 
sion, les  rencontres  à  la  promenade,  au  bain,  les  réjouis- 
sances publiques.  On  le  voit  accompagné  d'amis  dans  toutes 
les  foules,  sur  le  passage  du  mahmil  pour  assister  au  départ 


et  au  retour  du  Tapis,  aux  abords  du  palais  khédivialle  jour 
du  Courbam  Baïram,  à  la  cérémonie  de  l'ouverture  du 
Khalig,  à  la  foire  du  Mouled  en  Nebi  (de  la  naissance  du 
prophète).  Tout  est  pour  lui  prétexte  à  fêtes  :  le  Sham  el 
Nessim,  l'anniversaire  de  tous  les  saints  vénérés  dans  les 
divers  quartiers  des  grandes  villes,  le  Ramadan,  les  ma- 
riages, la  circoncision  et  jusqu'aux  enterrements.  Il  aime 
la  musique  et  s'attarde  à  écouter,  plongé  dans  une  douce 
extase,  les  improvisations  qu'accompagnent  sur  la  cithare 
et  le  tambourin  des  chanteurs  à  la  voix  dolente  et  nasillarde. 
Dans  aucun  pays,  la  musique  n'est  aussi  étroitement  asso- 
ciée à  toutes  les  manifestations  de  la  vie  populaire.  Elle 
a  sa  place,  non  la  moindre,  en  toutes  les  cérémonies  pro- 
cessionnelles et,  survivance  des  mœurs  antiques,  elle  est 
l'accompagnement  indispensable  de  tous  les  mouvements 
d'ensemble,  de  toutes  les  manœuvres.  S'agit-il  de  traîner 
un  fardeau,  de  monter  la  vergue  ou  simplement  de  laver  le 
pont  d'un  bateau,  une  flûte  et  un  tambourin  sont  toujours 
là  pour  rythmer  la  cadence.  L'Egyptien  goûte  aussi  très 
vivement  les  romans  poétiques  que  des  conteurs,  formant 
une  sorte  de  corporation,  rapsodient  la  nuit,  aux  portes 
des  cafés.  La  danse  est  le  plaisir  des  adolescents.  Elle  ne 
ressemble  en  rien  à  ce  qu'on  voit  chez  nous  ;  elle  consiste 
simplement  en  une  marche  expressive  et  mimée.  La  gravité 
des  hommes  mûrs  ne  s'accommode  que  du  rôle  de  specta- 
teurs, mais  elle  ne  se  déplaît  pas  aux  danses  lascives  des 
aimées.  Ces  aimées  ne  sont  plus  les  célèbres  danseuses  du 
temps  jadis  qui  ne  se  prodiguaient  que  chez  les  sultans  et 
les  pachas,  mais  de  vulgaires  baladines  formant  une  sorte 
de  caste  ou  plus  exactement  appartenant  à  celle  qui 
fournit  l'Egypte  de  montreurs  de  singes  et  de  psylles.  Elles 
vont  de  fête  en  fête,  mais  résident  d'ordinaire  en  quelques 
villes  de  la  Haute-Egypte,  notamment  à  Esné,  où  leur 
corporation  fut  réléguée  par  Abbas  Pacha.  G.  B. 

Géographie  politique  et  économique.  —  Gouver- 
nement. —  L'Egypte  forme  une  vice-royauté  vassale  de 
l'empire  ottoman.  Les  rapports  politiques  de  l'Egypte  avec 
la  Porte  ont  été  réglés  par  les  traités  de  1840  et  1841, 
ainsi  que  par  le  hatti-chérif  du  18  févr.  et  le  firman  du 
1^"^  juin  1841,  concédant  à  la  famille  de  Méhémet-AU 
le  gouvernement  héréditaire,  transmissible  à  l'aîné  de 
la  famille ,  selon  la  loi  musulmane.  La  transmissibiKté 
de  père  en  fils,  par  dérogation  à  cette  loi,  a  été  concédée 
au  grand-père  du  vice-roi  actuel  (Abbas  Pacha,  1892)  par 
un  iradé  du  12  moharrem  1283  (17  mai  1866),  en  échange 
d'une  augmentation  d'un  tiers  du  tribut  annuel.  Ce  prince 
obtint  également,  par  un  firman  de  juin  1867,  la  substi- 
tution du  titre  de  khédive  (seigneur)  au  titre  de  pacha  ou 
vice-roi  que  les  puissances  étrangères  lui  donnaient  dans 
les  actes  diplomatiques.  Le  même  firman,  conservant  au 
sultan  le  droit  d'investiture,  reconnaissait  au  khédive  le 
droit  de  rendre  la  justice,  de  percevoir  les  impôts,  de  battre 
monnaie  (au  nom  du  sultan),  de  lever  des  troupes  n'excé- 
dant pas  dix-huit  mille  hommes,  sauf  le  cas  de  force  ma- 
jeure, ou,  plus  exactement,  les  besoins  de  la  SuWime-Porte, 
qui  se  réservait  le  droit  de  faire  appel  aux  contingents 
égyptiens  ;  d'avoir  une  flotte  limitée,  sauf  autorisation  spé- 
ciale; de  conférer,  dans  le  civil  et  le  militaire,  jusqu'au 
grade  de  bey  ou  colonel.  A  ces  pouvoirs,  le  firman  de  juin 
1873  ajouta  celui  de  conclure  des  traités  de  commerce  et 
de  percevoir  des  droits  de  douane.  Le  firman  d'investiture 
du  prince  Tewfik  (14  août  1879)  a,  de  nouveau,  précisé 
les  droits  et  les  obligations  du  gouvernement  khédivial  en  des 
termes  qui  ne  permettent  aucun  doute  sur  les  prétentions 
de  la  Porte  à  ne  pas  laisser  dénaturer  sa  suzeraineté.  Les 
impôts  devront  être  levés  au  nom  du  sultan;  les  Egyptiens, 
ses  sujets,  ne  devront  pas  être  opprimés  ;  si  le  khédive  a 
toute  faculté  d'établir  des  règlements  intérieurs,  il  ne 
pourra,  en  revanche,  contracter  ou  renouveler  de  conven- 
tions avec  l'extérieur  sans  porter  atteinte  aux  traités  poU- 
tiques  du  gouvernement  impérial,  ni  à  ses  droits  de  sou- 
veraineté. Ces  conventions  devront  être  communiquées  à  la 
Sublime-Porte  après  leur  promulgation.  De  plus,  le  khédive 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE,    —    XV. 


—  657  —  EGYPTE 

ne  pourra  contracter  d'emprunts  que  pour  le  règlement  de 
la  situation  financière  antérieure  et  d'accord  avec  les  fon- 
dés de  pouvoir  des  créanciers  (V.  Question  d'Orient, 
§  Affaires  d'Egypte)^  ne  devra  abandonner  aucun  des  pri- 
vilèges accordés  à  l'Egypte,  ni  de  son  territoire,  seul  droit 
émanant  de  la  prérogative  impériale,  payera  le  tribut  annuel 
fixé  à  750,000  livres  turques,  frappera,  comme  par  le  passé, 
monnaie  au  nom  du  sultan,  enfin,  en  ce  qui  concerne 
l'organisation  militaire  (effectif  et  hiérarchie),  devra  se 
conformer  aux  termes  des  anciens  traités.  Notons  aussi 
une  clause  relative  à  l'interdiction  d'élever  des  forteresses 
bli*ndées . 

Le  gouvernement  du  khédive  était,  jusqu'à  l'immixtion 
de  l'Europe,  un  gouvernement  absolu  dans  toute  la  force 
du  terme,  malgré  l'apparence  constitutionnelle  que  lui  don- 
naient deux  assemblées,  l'une  composée  de  délégués  cen- 
sément élus  par  les  provinces  {meglis  chora-en-nouab)  ; 
l'autre,  le  conseil  privé  {meglis  khossoussi),  de  sept  mem- 
bres nommés  par  décret  ;  l'une  et  l'autre  n'ayant,  au  fond, 
que  des  attributions  purement  consultatives.  La  chambre 
élue  ne  s'est  affranchie  de  cet  état  de  subordination,  vrai- 
ment trop  consenti  par  les  mœurs  orientales  pour  être  cho- 
quant, qu'à  la  faveur  des  troubles  provoqués  par  les 
désordres  d'ismaïl.  Elle  n'en  resta  pas  moins,  en  cette 
circonstance,  un  instrument  aux  mains  d'ismaïl,  préoccupé 
d'abriter  ses  décisions  derrière  un  simulacre  de  consulta- 
tion du  pays,  comme,  deux  ans  plus  tard,  aux  mains  d'Arabi. 
Actuellement,  le  conseil  législatif,  le  seul  qui  subsiste  de 
la  constitution  de  1866,  se  compose  d'un  président,  de 
deux  vice-présidents,  de  douze  membres  permanents  (dont 
le  grand  cadi  et  le  patriarche  grec)  et  de  seize  membres 
élus,  un  par  Le  Caire,  un  par  Alexandrie,  le  reste  par 
chacune  des  moudiriat  ou  provinces.  Il  délibère  sur 
les  affaires  intérieures  du  pays  ainsi  que  sur  les  projets 
que  le  gouvernement  croit  devoir  lui  soumettre.  Le  résul- 
tat de  ses  déHbérations  est  soumis  à  l'approbation  du 
khédive. 

Le  khédive  Tewfik  était,  en  quelque  sorte,  résigné  au  rôle 
de  souverain  constitutionnel,  abdiquant  la  plus  grande  par- 
tie de  ses  pouvoirs  aux  mains  de  son  conseil  des  ministres, 
dont  il  se  bornait  à  contresigner  les  décisions  sous  forme 
de  décret.  Ce  conseil  est  composé  des  secrétaires  d'Etat 
préposés  aux  sept  départements  de  l'administration  égyp- 
tienne et  assistés  dans  leurs  délibérations  de  deux  conseil- 
lers, l'un  financier,  l'autre  judiciaire,  exerçant,  en  fait, 
l'un  et  l'autre,  le  contrôle  au  nom  de  la  nation  occupante, 
bien  que  nommés  par  le  khédive  et  assimilés  comme  tels 
aux  fonctionnaires  égyptiens.  Un  troisième  fonctionnaire, 
le  directeur  général  de  la  sûreté,  a  été  momentanément 
admis  à  prendre  part  aux  délibérations  du  conseil. 

Administration.  —  Les  sept  départements  de  l'adminis- 
tration sont  :  les  affaires  étrangères,  l'intérieur,  les  tra- 
vaux publics,  les  finances,  la  justice,  la  guerre  et  l'ins- 
truction publique.  Le  ministère  des  affaires  étrangères  se 
compose  d'un  ministre,  d'un  sous-secrétaire  d'Etat,  d'un 
directeur  des  bureaux,  d'un  maître  des  cérémonies  et  de 
six  secrétaires  ou  sous-secrétaires  ayant  le  titre  de  bey 
(en  tout  5  fonctionnaires  européens).  Le  ministère  des 
finances  ayant  à  sa  tête  un  ministre,  un  sous-secrétaire 
d'Etat  et  un  conseiller  financier  (anglais),  comprend  avec 
le  cabinet  du  conseiller  financier  les  services  suivants  :  1°  la 
direction  du  secrétariat  (service  central,  économat  central, 
caisse  centrale,  bureau  de  traduction,  imprimerie  natio- 
nale); la  direction  de  la  correspondance  arabe,  le  service  et 
la  perception  des  contributions  indirectes,  l'inspection  des 
finances  ;  tous  ces  services  forment  une  sorte  de  direction 
générale,  désignée  sous  la  rubrique  de  secrétariat  général  ; 
2°  la  comptabilité  générale  de  l'Etat  dirigée  par  un  con- 
trôleur et  subdivisée  en  secrétariat,  trésorerie,  comptabilité 
centrale,  comptabilité  des  travaux  publics,  comptabilité  du 
Soudan  et  pensions  ;  3<^  les  contributions  directes  avec  un 
contrôleur,  deux  sous-directeurs  et  un  directeur  des  im- 
meubles libres  de  l'Etat  (en  tout  29  fonctionnaires  euro- 

42 


EGYPTE  —  658 

péens  dont  7  anglais).  Par  suite  de  la  suppression  des 
Daïrah  Baladieh  du  Caire  et  d'Alexandrie,  le  service  et 
la  perception  des  contributions  indirectes  ont  été  rattachés 
aux  gouvernorats  de  ces  deux  villes  à  partir  du  1^^  janv. 
1892.  L'intérieur  (ministre  et  sous-secrétaire  d'Etat) 
comprend  :  1°  l'administration  centrale  ;  2<>  la  divi- 
sion de  la  sécurité  publique  ;  3°  l'inspectorat  général  des 
prisons  ;  4<*  le  service  de  la  répression  de  la  traite; 
5°  l'administration  des  services  sanitaires  et  d'hygiène  pu- 
Mique  (24  fonctionnaires  européens  dont  12  anglais). 
Les  travaux  publics  (ministre ,  sous-secrétaire  d'Etat, 
secrétaire  général)  comprennent  :  1^  l'administration  cen- 
trale :  service  administratif  et  service  technique  ;  2°  la 
direction  générale  des  villes  et  bâtiments  ;  3^  l'inspection 
générale  des  irrigations  divisée  en  cinq  cercles  ;  4<^  la  direc- 
tion générale  des  musées  et  des  fouilles  (52  fonctionnaires 
européens  dont  17  anglais).  La  justice  (ministre  et  sous- 
secrétaire  d'Etat)  est  divisée  en  deux  directions,  la  direc- 
tion européenne  et  la  direction  indigène  (5  fonctionnaires 
européens).  La  guerre  comprend,  avec  le  cabinet  du  mi- 
nistre et  du  sous-secrétaire  d'Etat,  l'état-major  général 
dirigé  par  le  sirdar,  le  service  de  l'adjudant  général,  celui 
du  recrutement,  la  cour  martiale  permanente,  l'intendance 
générale  et  le  service  médical  (12  officiers  généraux  ou  su- 
périeurs anglais  sur  un  total  de  18,  sans  compter  le  com- 
mandement des  troupes;  V.  §  Armée),  L'instruction  pu- 
blique, représentée  par  un  certain  nombre  d'établissements 
suffisamment  organisés,  est  administrée  par  un  ministre 
assisté  de  six  hauts  fonctionnaires,  dont  trois  européens. 
Le  contentieux  de  l'Etat  est  divisé  en  quatre  directions, 
dont  une  à  Alexandrie  et  auxquelles  sont  préposés  quatre 
conseillers  khédiviaux  (15  fonctionnaires  européens).  A 
ces  grands  services  administratifs,  il  faut  joindre  l'admi- 
nistration générale  des  ua/c/"  (absolument  fermée  aux  Euro- 
péens) chargée  d'administrer  les  biens  de  mainmorte 
consistant  en  dotations  pieuses  affectées  aux  mosquées  et 
jouant  dans  l'affectation  d'une  partie  de  ces  revenus  le  rôle 
d'un  véritable  ministère  des  cultes.  Un  comité  de  conser- 
vation des  monuments  de  l'art  arabe  rattaché  aux  vakf 
comprend  parmi  ses  membres  un  certain  nombre  de  nota- 
bilités étrangères  à  la  religion  musulmane. 

Administrations  affectées  au  service  de  la  dette. 
Ce  sont  'A^h  commission  de  la  caisse  de  la  dette  publique, 
composée  de  six  commissaires  délégués  par  l'Allemagne, 
FAutriche,  la  France,  la  Grande-Bretagne,  l'Italie  et  la 
Russie  ;  2^^  l'administration  des  domaines  de  l'Etat,  dirigée 
par  trois  commissaires  délégués  par  la  France,  l'Angleterre 
et  l'Egypte  ;  3»  l'administration  des  chemins  de  fer,  des 
télégraphes  et  du  port  d'Alexandrie  :  trois  commissaires 
(Angleterre,  France,  Egypte)  ;  4^  l'administration  de  la 
Daïrah  Sanieh  :  un  directeur  général  indigène,  deux  con- 
trôleurs généraux  (France,  Angleterre).  Ces  trois  adminis- 
trations comportent,  indépendamment  du  service  central, 
un  nombreux  personnel  d'ingénieurs-constructeurs,  méca- 
niciens ou  agronomes,  d'inspecteurs  de  toute  sorte,  d'agents 
émargeurs,  etc. 

Divisions  politiques  actuelles.  —  En  1875,  la  conquête 
du  Soudan  avait  porté  l'étendue  du  territoire  khédivial  à 
2,850,000  kil.  q.  ;  l'insurrection  mahdiste,  victorieuse 
malgré  l'héroïsme  des  troupes  des  généraux  Hicks,  Baker 
et  Graham  a  ramené  l'Egypte  non  pas  précisément  à  ses 
frontières  naturelles,  mais  à  la  partie  de  la  vallée  du  Nil 
comprise  entre  l'embouchure  du  fleuve  et  la  deuxième 
cataracte,  c.-à-d.  formée  par  l'Egypte  proprement  dite  et 
la  Basse-Nubie. 

Les  deux  grandes  divisions  de  l'Egypte  sont  :  la  Basse- 
Egypte  (Beherah)  et  la  Haute-Egypte  (Saïd).  Chacune  de 
ces  parties  est  divisée  en  sept  provinces  (moudiriat, 
plur.  de  moudirieh). 

Basse-Egypte  :  Kalioubieh,  ch.-l.  Benha  el  Asal;  Char- 
kieh,  ch.-i.  Zagazig;  Dakhalieh,  ch.-l.  Mansourah  ;  Ghar- 
bieh,  ch.-l.  Tantah;  Menoufieh,  ch.-l.  Chibin  el  Kom  ; 
Beherah,  ch.-l.  Damanhour;  Gizeh,  ch.-l.  Gizeh. 


Haute-Egypte  :  Béni  Souef,  ch.-l.  Béni  Souef  ;  Fayoum, 
ch.-l.  Medinet  el  Fayoum  ;  Minieh,  ch.-l.  Minieh  ;  Siout, 
ch.-l.  Siout  ;  Girgeh,  ch.-l.  Sohag  ;  Keneh,  ch.-l.  Keneh  ; 
Frontière,  ch.-l.  Esné  et  Ouadi  Halfa. 

Les  moudiriat  sont  administrées  par  des  préfets  ou 
moiidir  résidant  dans  le  chef-lieu  et  subdivisées  en  dis- 
tricts (marakez  ou  aksâm,  plur.  de  markaz  et  kesm). 
Le  sous-préfet  ou  chef  de  district  porte  le  nom  de  ma- 
mour,  personnage  résidant  dans  le  bandar  ou  grand 
marché  de  la  province. 

Les  autres  subdivisions  de  la  moudirieh  sont  :  la  nahieh 
(plur.  nawahi),  ville  ou  village  possédant  une  circonscrip- 
tion territoriale  analogue  à  celle  de  nos  cantons  ;  Vezbeh 
(plur.  'é'^a/?),  village  généralement  formé  par  des  groupes 
d'habitations  d'ouvriers  agricoles  ;  la  nazleh  (plur.  nozal), 
village  de  nomades  ou  primitivement  habité  par  des  no- 
mades; la  khelweh  (plur.  kheliuat)  formée  originairement 
comme  lieu  de  retraite  par  des  personnes  pieuses,  etc. 

Le  Caire,  Alexandrie,  Souakin,  Rosette,  Damiette, 
Suez,  le  canal  de  Suez,  Kosséir  et  El  Arisch  forment  des 
gouvernorats  (inoafzas)  indépendants  des  moudiriat  et 
administrés  par  un  mohafiz  ou  gouverneur.  Le  nombre  des 
villes,  villages  et  bourgades  est  de  13,115. 

Moudiriat  :  1°  Kalioubieh  (271,391  hab.).  Superfi- 
cie :  217,198  fedd.  (9i2'^'ï422).  Productions  :  cotons, 
céréales ,  oranges  et  citrons.  Ch.-l.  Benha  el  Asal 
(11,796  hab.).  Villes  principales  ou  chefs-lieux  de  district: 
Kalioub,  Touk  el  Melek,  Chibin  el  Kanater. 

2^  Charkieh  (464,655  hab.).  Superficie:  558,061  fedd. 
(2,344^^*^319).  Productions:  cotons,  céréales.  Industrie  : 
égrenage  du  coton,  moulins  et  presses  à  sucre.  Ch.-l.  : 
Zagazig  (19,815  hab.).  Tribunal  indigène.  Villes  princi- 
pales :  Belbeis,  Min  el  Kom,  El  Arine,  El  Ibrahimieh,  El 
Sawaleh. 

3° Dakhalieh  (586,033  hab.).  Superficie:  573,975  fedd. 
(2,411  kil.  q.).  Productions:  coton,  céréales.  Industrie  : 
égrenage,  presses  et  moulins,  tissus  et  broderies.  Ch.-l. 
Mansourah  (30,439  hab.).  Tribunal  mixte .  Villes  princi- 
pales :  Soumbellaouin,  Mit  Samannoud,  Mit  Ghamr,  Fares- 
koî^    DpkPT*nps 

4«Gharbieh(929,4881iab.). Superficie:  1,443,103  fedd. 
(6,062^^^483).  Productions  :  coton,  céréales,  fourrages, 
légumineuses.  Industrie  :  égrenage  et  presses.  Ch.-l.  Tan- 
tah (33,750  hab.),  renommée  par  ses  foires.  Mosquée  de 
Saïd  Ahmed  el  Bedaoui  très  importante.  Tribunal  indi^ 
gène.  Villes  principales  :  Kafr  es  Saïat,  Mehellet  el  Kebir, 
Samanhoud,  Baltim,  Chirbin,  Dessouk,  El  Ga'farieh,  Kafr 
el  Cheik,  Ziftah,  Nabaroh. 

5«  Menoufieh  (646,000  hab.).  Superficie  :  398,921  fedd. 
(I,665''î795).  Productions  :  cotons,  céréales.  Peu  d'in- 
dustrie. Ch.-l.  Chibin  el  Kom  (16,337  hab.)  ;  Menouf, 
Achmoun,  Birkel  el  Sab,  Tala. 

6*^  Beherah  (398,860  hab.).  Superficie;  574,563  fedd. 
(2,413^^^768).  Productions  :  cotons,  graines  oléagineuses, 
riz,  céréales,  canne  à  sucre,  salines  et  natron .  Industrie  : 
égrenage  de  coton  et  tissus  variés.  Ch.-l.  Damanhour 
(19,626  hab.)  ;  Afieh,  Abou  llommos,  Choubrah  Kbit,  El 
Dehngat,  El  Neghilah. 

7«  Gizeh  (283,080  hab.).  Superficie  :  227,661  fedd. 
(956^*î365). Productions  :  fourrages,  légumineuses,  céréales, 
bois  important  de  palmiers.  Ch.-l.  Gizeh  (13,339  hab.)  ; 
Gheziret  Embabeh,  Kafr  el  Dessami,  El  Aïat. 

8°  Béni  Souef (219,570 hab.). Superficie: 290,628 fedd. 
(1,220^^^879).  Productions  :  céréales  et  coton.  Ch.-l.  Béni 
Souef  (11, 07()  hab.).  Tribunal  indigène.  Deba  el  Kobra, 
Zaouiet  el  Masloub. 

9«  Fayoum  (228,709  hab.).  Superficie  :  303,985  fedd. 
(1 ,276^1989).  Productions  :  céréales,  légumineuses,  graines 
oléagineuses.  Industrie  :  égrenage,  décorticage,  parfume- 
rie, vannerie.  Ch.-l.  Medinet  el  Fayoum  (27,996  hab.). 
Marchés  importants  :  Sannourès,  Tobhar. 

10"  Minieh  (315,818  hab.).  Superficie  :  476,021  fedd. 
(1 ,999'^î683).  Productions  :  coton,  céréales,  cannes  à  sucre. 


-  659 


EGYPTE 


Industrie  :  sucreries  très  importantes  de  la  Daïrah  Sanieh, 
moulins  et  presses,  tissus  de  laine.  Ch.-l.  Minieh 
(17,145  hab.).  Villes  principales  :  Aba'l  Warf,  El  Fechn, 
Ma'saret  Samalout. 

110  siout  (562,137  hab.).  Superficie:  517,658  fedd. 
(2,174^^1593).  Productions  :  coton,  céréales.  Industries  : 
sellerie  et  cordonnerie  indigène  très  renommées  ;  industrie 
de  l'ébène  et  de  l'ivoire,  tfssus,  céramique  décorative  très 
répandue  en  Egypte.  Ch.-l.  Siout  ou  Asiout  (31,575  hab.). 
Siège  de  la  division  de  police  de  la  Haute-Egypte  et  d'un 
tribunal  indigène.  Tète  de  ligne  méridionale  du  chemin  de 
fer.  Port  important  sur  le  Nil.  Villes  principales:  Abnoub, 
Aboutig,  Déirout,  Sadafa,  Mallawi,  Manfalout,  Rodah. 

12^  Girgeh  (521,413  hab.).  Superficie  :  401,978  fedd. 
(1,688  kil.  q.).  Productions  :  céréales.  Ch.-l.  Soliag 
(11,718  hab.).  Villes  principales  :  Girgeh  (belles mosquées, 
ancien  ch.-l.),  Tama,  Tahta,  Bardis,  Akhmim  (moulins, 
tissus  de  coton  pour  tentures),  Menchyeh,  Bellianeh. 

13oKeneh  (406,860  hab,).  Superficie  :  385,631  fedd. 
(1,409^^93).  Productions  :  coton,  céréales.  Industrie  :  fa- 
briques de  sucres,  tissus,  gargoulettes.  Ch.-l.  Keneh 
(17,485  hab.).  Tribunal  indigène,  commerce  important 
avec  Le  Caire  et  les  ports  de  la  mer  Rouge  ;  un  des  anciens 
marchés  d'esclaves.  Villes  principales  :  Dechna,  Farchout, 
Louqsor  (anc.  Thèbes). 

Jusqu'à  ces  dernières  années,  la  moudirieh  la  plus  méri- 
dionale était  celle  d'Esné,  avec  Esné  pour  chef-lieu,  et 
s'étendait  jusqu'à  Assouan.  Elle  a  été  d'abord  démembrée 
et  rattachée  partie  à  la  moudirieh  de  Keneh,  partie  au  com- 
mandement de  la  frontière,  puis  rattachée  tout  entière  à 
ce  commandement  y  compris  le  district  d'Edfou  détaché  de 
la  moudirieh  de  Keneh. 

Commandement  de  la  frontière.  Il  s'étend  depuis 
Sarras,  à  environ  20  kil.  au  S.  de  Ouadi  Halfa,  jusqu'à 
Herment,  c.-à-d.  englobe  la  moitié  de  la  vallée  du  Nil 
égyptien.  Villes  principales  :  Esné  (10,500  hab.),  fabri- 
ques de  sucres  de  la  Daïrah  Sanieh  ;  Salmieh  ;^  Edfou,  grand 
temple;  Assouan  ou  mieux  Açoûân  (l'ancienne  Syène), 
6,000  hab.,  bois  de  palmiers,  port  important  sur  le  Nil, 
chantier  de  carénage,  garnison,  petit  chemin  de  fer  pour 
le  transit  de  la  cataracte.  Les  îles  principales  de  la  pre- 
mière cataracte  sont  :  Geziret  Assouan  (l'ancienne  Elé- 
phantine),  ruines,  petit  village;  Sehaïl,  rochers  couverts 
d'inscriptions;  Philœ,  ancien  sanctuaire  d'Isis,  très  célèbre 
à  l'époque  des  Ptolémées  et  des  empereurs,  temples  admi- 
rablement conservés  ;  Begheh,  ruines,  village  barbarin. 
Les  principales  villes  comprises  entre  la  première  et  la 
deuxième  cataracte,  qui  ne  sont,  à  vrai  dire,  que  des 
villages  nubiens  sans  autre  intérêt  que  les  antiquités,  sont 
Kalabcheh,  l'ancien  Talmis  ;  Dakkeh,  l'ancien  Pselchis  ; 
Korosko,  sur  la  rive  droite  du  Nil,  clef  d'une  des  plus 
importantes  routes  du  Soudan,  à  sept  jours  d'Abou  Ahmed, 
garnison,  petite  colonie  grecque  ;  Derr,  Abou  Simbel  ou 
Isamboul,  deux  grands  temples  creusés  dans  le  roc,  très 
célèbres;  Ouadi  Halfa  (3,450  hab.),  prend  chaque  année 
de  l'importance  depuis  que  le  miralaï,  commandant  la 
défense,  y  a  établi  son  quartier  général.  La  plus  forte 
garnison  de  l'Egypte  après  celle  du  Caire.  Forts  avancés 
reliés  au  camp  retranché  par  un  chemin  de  fer.  Les  oasis 
de  El  Farafrah  (ch.-l.  El  Farafrah)  et  de  Waliat  el 
Baharieh  (ch.-l.  Kasr)  dépendent  du  Fayoum;  Wahat  el 
Daklah  (ch.-l.  Kasr)  et  Wahat  el  Khargeh  (ch.-l.  El  Khar- 
geh)  dépendent  d' Asiout. 

Religion.  —  La  religion  d'Etat  est  l'islamisme.  L'auto- 
rité suprême  du  sultan;  héritier  du  khalifat,  est  plutôt 
nominale  que  réelle.  Les  véritables  détenteurs  de  l'autorité 
religieuse  sont  les  oulémas  ou  docteurs  qui,  à  raison  du 
double  caractère  de  leur  mission  civile  et  religieuse,  se 
divisent  en  imans  (prêtres)  et  en  cadis  (juges).  Les  imams 
sont  cheiks  (chargés  de  la  prédication)  ou  khatibs  (chargés 
de  la  prière  le  vendredi).  Une  autre  classe  d'imams,  tout  à 
fait  distincte  du  corps  des  oulémas,  vaque  aux  soins  maté- 
riels du  culte  et  notamment  aux  cérémonies  relatives  aux 


mariages  et  aux  enterrements.  Ces  imams  ne  perçoivent  que 
de  très  faibles  salaires  et  exercent  généralement  en  dehors 
du  culte  une  profession  ou  un  métier.  A  la  mosquée,  ils  font 
fonctions  de  muezzins,  c.-à-d.  annoncent  cinq  fois  par  jour 
la  prière  à  la  porte  ou  sur  la  plate-forme  du  minaret,  font 
fonctions  de  kaïms  en  veillant  à  l'ordre  intérieur  et  à  la 
propreté  du  sanctuaire.  L'Egypte,  comme  tous  les  Etats  mu- 
sulmans, possède  aussi  des  tekkés  ou  couvents  de  derviches. 
A  côté  de  l'islamisme,  l'exercice  de  toutes  les  religions  est 
entièrement  libre.  On  peut  même  dire  qu'il  n'est  pas  de  pays 
où  elles  soient  plus  complètement  représentées.  L'Eglise 
grecque  et  ses  trois  fractions,  l'Eglise  arménienne ,  les  six 
groupes  formant  l'Eglise  latine  (Latins,  Grecs-Unis,  Syriens, 
Maronites,  Arméniens-Unis,  Coptes-Unis),  toutes  les  formes 
du  protestantisme,  les  Coptes  et  les  Israélites,  ont  des  cha- 
pelles ou  des  couvents  dans  tout  le  pays.  G.  B. 

Justice,  —  Il  existe  plusieurs  ordres  de  juridiction  : 
tribunaux  indigènes,  mixtes  et  consulaires.  On  sait  que* 
les  musulmans  n'établissent  aucune  distinction  entre  la 
loi  civile  et  la  loi  religieuse,  cette  dernière  étant  pour  eux 
le  fondement  de  toute  législation  (V.  Droit  musulman, 
t.  XIV,  p.  1105).  Leur  code  c'est  le  Coran,  ou  plus  exac- 
tement la  Cheriat  qui  comprend,  outre  le  Coran,  la  Sonna 
(tradition),  VEgmah-y-Ummet  (accord  de  la  nation)  et 
le  Kyas  (jurisprudence).  Il  est  donc  logique  que  leurs 
juges  soient,  comme  nous  l'avons  dit,  des  ministres  de  la 
religion.  Ces  ministres  ou  cadis,  qui  appartiennent  au  corps 
des  oulémas,  rendent  la  justice  en  matière  civile  et  reli- 
gieuse. Chaque  village  d'une  certaine  importance  possède 
un  cadi,  sorte  de  juge  de  paix  payé  par  les  parties.  Ces 
cadis,  ainsi  que  le  grand  cadi  du  Caire,  ou  cheik-ul- 
islam,  primitivement  chef  suprême  de  la  justice  mais  ne 
connaissant  actuellement  que  des  délits  religieux,  sont  un 
reste  de  l'ancienne  justice  qui  tend  à  être  de  plus  en  plus 
absorbée  par  la  nouvelle  organisation  judiciaire.  Les  tri- 
bunaux religieux  ou  mehkemehs  n'ont  actuellement  de 
compétence  que  pour  les  causes  relatives  au  statut  per- 
sonnel. Ils  fonctionnent  dans  tous  les  chefs-lieux  de  mou- 
dirieh et  des  villes  de  gouvernorat.  Ils  sont  présidés  par 
des  cadis,  c.-à-d.  par  des  magistrats  portant  le  même  titre 
et  recrutés  de  la  même  manière  que  les  cadis  des  villages. 
Le  grand  cadi,  envoyé  tous  les  ans  de  Constantinople,  a  son 
mehkemeh  au  Caire.  Son  assesseur  porte  le  titre  de  7îaïb.  Les 
nouveaux  tribunaux  indigènes  constituent  une  organisation  à 
deux  degrés  :  les  tribunaux  de  première  instance  au  nombre 
de  huit  (LeCaire,  Alexandrie,  Zagazig,  Benha  el  Asal,  Tan- 
tah,  Siout,  Béni  Souef  et  Keneh)  et  une  cour  d'appel  unique 
au  Caire.  Ils  connaissent  des  affaires  criminelles,  civiles  et 
commerciales  entre  indigènes  seulement.  Les  étrangers  ont 
été  admis  à  remplir  les  diverses  magistratures. 

Les  tribunaux  indigènes  sont  d'abord  les  tribunaux  reli- 
gieux, qui,  d'une  manière  générale,  connaissent  des  ques- 
tions de  statut  personnel  et  de  prepriété  :  les  mehkemehs 
«  chéfi  »  (juridiction  des  cadis  ;  —  le  grand  cadi  est 
nommé  par  le  cheik-ul-islam  de  Constantinople)  ;  le  meg- 
liss-el-Hasbey  (conseil  des  tutelles);  le  beit-el-mal 
(administration  des  successions);  ces  diverses  juridictions 
ne  sont  compétentes  qu'à  l'égard  des  musulmans  ;  en  ce 
qui  concerne  les  catholiques  coptes  ou  grecs  et  les  Juifs, 
leurs  patriarches  ou  leurs  rabbins  remplacent  ces  divers 
tribunaux.  A  côté  figurent  les  juridictions  qualifiées  parfois 
de  juridictions  de  statut  réel  et  qui  sont  actuellement  les 
juridictions  indigènes  de  droit  commun  ;  ce  sont  pour  une 
partie  du  pays  (Haute-Egypte)  le  Megliss-el-Hetmi,  qui 
remonte  au  milieu  du  siècle  et  qui  comporte  trois  degrés  : 
première  instance,  appel  et  revision  ;  pour  une  autre  partie 
(Basse-Egypte)  les  tribunaux  institués  en  1881  et  réorga- 
nisés par  décret  du  14  juin  1883,  qui  ressortissent  à  une 
cour  d'appel,  siégeant  au  Caire,  et  qui  sont  composés  de 
magistrats  indigènes  ou  européens  désignés  par  le  khédive. 
Il  existe  enfin  des  tribunaux  indigènes  de  justice  sommaire 
et  de  conciliation  institués  par  décret  du  9  févr.  1887  et 
réorganisés  par  décret  du  2  nov.  1890. 


EGYPTE 


—  660  — 


Les  tribunaux  mixtes  ou  de  la  réforme  ont  été  institués 
en  1875  (28  juin);  ils  devaient  disparaître  après  un  délai 
de  cinq  années  qui  a  été  l'objet  de  prorogations  succes- 
sives, la  dernière  en  date  du  31  janv.  1889,  également 
pour  cinq  années  ;  ils  ressortissent  à  la  cour  d'appel  mixte 
d'Alexandrie  et  sont  composés  de  magistrats  indigènes  et 
étrangers,  désignés  par  le  khédive,  mais  ces  derniers  avec 
l'approbation  de  leurs  gouvernements  respectifs  ;  les  ma- 
gistrats français  sont  désignés  par  le  ministre  de  la  jus- 
tice en  France  (arrangement  du  10  nov.  1874).  Il  y  a 
trois  tribunaux  de  première  instance  (Le  Caire,  Alexandrie, 
Mansourali),  plus  une  délégation  judiciaire  à  Port-Saïd  et 
la  cour  d'appel  unique  d'Alexandrie.  Ils  sont  compétents 
entre  étrangers  et  indigènes  ou  entre  étrangers  de  natio- 
nalité différente,  mais  seulement  pour  les  matières  qui 
leur  sont  expressément  attribuées  par  le  règlement  d'or- 
ganisation de  1875;  la  pratique  tend  d'ailleurs  à  étendre 
leur  compétence.  Enfin  les  juridictions  consulaires  (V.  Ca- 
pitulations) sont  compétentes  en  matière  de  statut  per- 
sonnel et  pour  les  litiges  intéressant  exclusivement  leurs 
nationaux  respectifs  ;  ce  sont  simplement  des  juridictions 
de  première  instance  ;  l'appel  est  porté  devant  un  tribunal 
de  la  métropole  ;  en  France,  devant  la  cour  d'Aix. 

Législation.  —  La  législation  en  Egypte  est  encore  en 
voie  de  formation  ;  les  lois  les  plus  importantes  y  sont 
l'objet  de  modifications  incessantes.  Aussi  les  indications 
qui  vont  suivre  seront-elles  forcément  incomplètes  ;  de  plus, 
elles  peuvent  très  rapidement  cesser  d'être  exactes. 

Le  khédive  réunit  dans  ses  mains  le  pouvoir  législatif 
et  le  pouvoir  exécutif  ;  il  est  assisté  de  corps  délibérants, 
organisés  par  le  décret  du  1^^  mai  1883  (loi  organique 
d'Egypte),  recrutés  par  voie  d'élection,  du  moins  en  partie, 
conformément  au  décret  du  1^^  mai  1883  (loi  électorale)  : 
il  y  a  des  conseils  provinciaux,  un  conseil  législatif,  com- 
posé des  ministres  ou  de  leurs  représentants  .et  des  per- 
sonnes qu'ils  désignent  pour  les  assister;  enfin,  une  assem- 
blée générale,  composée  des  membres  du  conseil  législatif 
et  des  délégués  des  provinces. 

Chaque  ordre  de  tribunaux  applique  une  législation 
différente.  Les  tribunaux  consulaires  appliquent  les  lois  de 
leur  Etat  ;  les  juridictions  religieuses  (chrétiennes,  coptes 
ou  grecques  et  juives)  conservent  leurs  lois  propres  ;  le 
Coran  et  ses  dispositions  complémentaires  (c'est  la  loi 
musulmane  du  rite  hanéflte)  sont  appliqués  par  les  juri- 
dictions religieuses  musulmanes  ;  les  tribunaux  mixtes 
appliquent  les  codes  promulgués  le  16  sept.  1875,  qui  ont 
subi  ultérieurement  certaines  modifications  de  détail;  enfin, 
les  tribunaux  indigènes,  autres  que  les  tribunaux  reli- 
gieux, ont  été  également  dotés  de  codes  :  le  code  civil  date 
du  28  oct.  1883  ;  le  code  de  commerce,  du  13  nov.  1883  ; 
le  code  de  procédure  civile  et  commerciale,  du  23  du  même 
mois  ;  il  faut  y  joindre  la  loi  des  patentes  du  9  janv.  1890. 
Les  tribunaux  mixtes  ont  un  code  pénal  et  un  code 
d'instruction  criminelle  du  16  sept.  1875;  les  tribunaux 
indigènes,  du  13  nov.  1883.  La  réorganisation  du  service 
de  la  police  a  eu  lieu  par  décret  du  31  déc.  1883.  La 
presse  et  l'imprimerie  sont  régies  par  un  décret  du 
26  nov.  1881  ;  c'est  le  régime  de  l'autorisation  préalable 
et  de  la  suspension  par  voie  administrative.  L'armée  est 
recrutée  et  composée  conformément  aux  décrets  du  26  mars 
1885,  des  12  juin  et  13  oct.  1889.         L.  Le  Sueur. 

Etat  de  la  propriété.  —  Conditions  des  terres  et 
impôts.  En  Egypte  comme  dans  toute  l'étendue  des  pays 
musulmans,  les  terres  sont  divisées  en  terre  ochouri  (ou 
décimales)  et  terres  kharadji  (ou  tributaires).  Les  terres 
ochouri  sont  les  terres  arabes,  les  terres  kharadji  toutes 
celles  qui  sont  devenues  musulmanes  par  droit  de  conquête 
ou  autrement.  Une  terre  kharadji  peut  cependant  être  créée 
ochouri  par  le  conquérant,  dans  certaines  circonstances. 
Mais  c*est  seulement  après  Méhémet-Ah  que  cette  distinc- 
tion a  pu  s'appliquer.  Auparavant  toutes  les  terres  égyp- 
tiennes étaient  kharadji,  et  c'est  à  la  suite  de  divers  décrets, 
de  concessions  faites  aux  officiers  et  serviteurs  des  vice- 


rois,  d'abandons  consentis  d'une  partie  des  droits  souverains 
que  les  terres  ochouri  sont  apparues.  Outre  ces  grandes 
divisions  de  la  propriété,  on  remarque  les  subdivisions 
suivantes. 

1^  Terres  atarieh  ou  mulk,  c.-à-d.  appartenant  en 
toute  propriété  à  leurs  possesseurs  ;  2<*  terres  mazrouf\ 
c.-à-d.  adjugées  jadis  par  soumission  cachetée  ;  ces  terres 
sont  restées  en  la  possession  des  adjudicataires  moyennant 
un  prix  de  location  annuelle  devenu  par  la  suite  un  impôt; 
3<^  terres  ayant  payé  la  moukabalah  ;  4°  terres  n'ayant  pas 
payé  la  moukabalah.  Les  terres  qui  ont  payé  en  tout  ou 
partie  la  moukabalah  appartiennent  en  toute  propriété  à 
leurs  détenteurs.  Les  terres  kharadji  qui  n'ont  rien  versé 
ne  sont  données  qu'en  usufruit  à  leur  détenteur;  elles 
appartiennent  toujours  à  l'Etat.  En  cas  d'expropriation  pour 
cause  d'utilité  publique,  l'Etat  n'est  tenu  ni  au  rembour- 
sement du  prix  de  la  terre  expropriée,  ni  à  une  compensa- 
tion quelconque.  En  cas  d'expropriation  totale,  toutefois,  il 
doit  donner  à  l'occupant  une  terre  suffisante  pour  le  nour- 
rir, lui  et  sa  famille.  Au  cas  où  un  usufruitier  laisserait 
sans  culture  une  terre  kharadji,  il  perdrait  son  droit  à 
l'usufruit.  Les  étrangers  non  musulmans  peuvent  acquérir 
des  propriétés  en  Egypte  à  la  condition  de  se  soumettre 
aux  lois  et  règlements  qui  régissent  la  propriété  musul- 
mane et  d'acquitter  les  impôts.  Cette  faculté  ne  leur  a  été 
concédée  que  depuis  1864. 

C'est  le  gouvernement  qui  est  le  plus  gros  propriétaire 
foncier  de  l'Egypte.  Il  y  a  présentement  deux  espèces  de 
domaines  d'Etat  séparément  administrés  :  l'^  les  domaines 
cédés  par  la  famille  d'Ismaïl  (426,000  feddans)  affectés  à 
l'emprunt  Rothschild  ;  les  domaines  des  Daïra  Sanieh  et 
Khassah  déclarés  propriétés  de  l'Etat  par  la  loi  de  liqui- 
dation en  1 880  (485,000  feddans).  L'Etat  possède  en  outre 
de  nombreuses  terres  libres  qu'il  concède  ou  vend  suivant 
leur  qualité  ou  leur  position.  Les  terres  concédées  sont 
divisées  en  trois  grandes  catégories  et  sont  exemptées 
d'impôts  pour  une  période  de  cinq,  sept  ou  dix  ans.  Vient 
ensuite  un  certain  nombre  de  grands  propriétaires  ;  puis  la 
terre  est  divisée  en  une  infinité  de  parcelles  étroites  n'ayant 
parfois  que  quelques  mètres  de  largeur. 

Comme  les  terres,  les  impôts  sont  ochouri  ou  kharadji. 
L'impôt  ochouri  correspond  assez  bien  à  la  dîme.  Jadis  il 
était  payé  en  nature  ;  et  même  on  revient  encore  aujour- 
d'hui à  la  perception  en  nature  lorsque  les  circonstances 
sont  défavorables.  Les  impôts  kharadji  sont  fixés  d'après 
une  classification  compliquée  qui  comprend  un  nombre  exces- 
sif de  subdivisions  (50  dans  certaines  provinces).  On  conçoit 
que  les  terres  ochouri  sont  dans  ce  système  infiniment  moins 
taxées  que  les  terres  kharadji.  Nous  empruntons  à  M.  Chélu 
(V.  la  bibliographie)  le  tableau  de  la  page  suivante. 

Outre  ces  deux  grands  impôts  existent  des  impôts 
spéciaux  :  les  terres  mazrouf  réparties  en  plus  de  80  caté- 
gories payent  environ  506  fr.  par  feddan  dans  la  première 
et  4  piastres  15/40  dans  la  dernière.  Toutes  les  terres 
arrosées  par  le  canal  Ibrahimieh  sont  soumises  à  une  taxe 
supplémentaire  d'arrosage  qui  varie,  suivant  la  nature  des 
cultures,  de  5  à  10  piastres  par  feddan.  Il  y  a  encore  un 
impôt  sur  les  plantations  de  tabac  qui  revient  à  777  fr.  75 
environ  par  feddan  ;  un  impôt  sur  les  dattiers  de  2  piastres 
et  demie  par  arbre.  En  somme,  les  impôts  qui  frappent  la 
terre  égyptienne  sont  si  lourds  que  le  possesseur  du  sol  peut 
être  considéré  comme  un  fermier  de  l'Etat  plutôt  que  comme 
un  contribuable.  Tels  sont  les  impôts  fonciers.  Les  autres 
contributions  sont  :  l'impôt  sur  les  propriétés  bâties,  l'im- 
pôt professionnel,  l'impôt  sur  les  moutons  et  les  chèvres, 
l'impôt  sur  les  voitures  et  pressoirs,  enfin  les  contributions 
indirectes. 

La  contribution  foncière  sur  la  propriété  bâtie,  établie 
en  Egypte  par  le  décret  du  13  mars  1884,  est  un  impôt  de 
quotité  basé  sur  le  revenu  net  des  immeubles.  Cet  impôt 
frappe  tous  les  bâtiments,  quelle  que  soit  leur  nature  ou 
leur  affectation,  ainsi  que  les  jardins  qui  y  sont  annexés; 
mais,  aux  termes  de  l'art.  27  du  décret,  il  n'est  applicable 


—  661 


EGYPTE 


que  dans  41  villes  nominativement  désignées.  La  quotité  de 
la  taxe  est  fixée  au  douzième  du  revenu  brut  des  immeubles 
uniformément  réduit  de  10  %.  Indépendamment  des  excep- 
tions stipulées  en  faveur  des  bâtiments  affectés  à  un  service 
public,  à  Texercice  du  culte  et  des  œuvres  de  bienfai- 


sance, etc.,  le  décret  exonère  de  l'impôt  les  cabanes  non 
productives  de  revenu  ainsi  que  les  maisons  dont  la  valeur 
louable  n'excède  pas  5  livres  (129  fr.  60)  à  condition,  en 
ce  qui  concerne  ces  demeures,  qu'elles  soient  habitées  par 
le  propriétaire  ou  par  l'usufruitier.  Enfin  les  propriétés 


Impôts  par  feddan,  en  piastres  égyptiennes. 


TERRES    OCHOURI 


Delta  et  Mou- 
dirieh,  Gizeh . 


Supérieures. .. 
Moyennes 


Inférieures.. 


Supérieures.. 

Saïd {  Moyennes  . , . 

Inférieures.. . 


l^-e  cl. 
2e  - 

,  1-  cl, 

I    2e     — 
I    Ire  cl 

!  2«  — 

l-e    cl. 

2«    — 

1-  cl. 

2e     — 

l-e   cl. 
2e    — 


Ayant  payé 

la 

Moukabalab 


99.30 
85.05 

66.20 
49.35 

3.3.10 
16.25 

66.20 

58.08 

49.35 
41.22 

24.37 
16.25 


N'ayant  pas 

payé  la 
Moukabalab 


108.03 


74.33 


33.10 


74.33 


58.1 


33.10 


Depuis  1880  les  1,648,908  feddans  ciui  composent  les  superficies 
ochouri  ont  été  frappés,  par  décret,  d'une  surtaxe  de  150.000  livres 
égypt.,  réparties  au  prorata  des  impôts  primitifs. 


TERRES    KHARADJI 


Delta  . 


Maximum., 
Minimum  . 

Maximum. 
Minimum  . , 


T.  ^  Maximum., 

Fayoïim Minimum., 


Gizeh . 


174.21 
32.03 

166.33 
30.32 

133.05 
64.06 

154.00 
14.00 

Pour  le  Delta  l'impôt kharadji  atteint  son 
maximum  le  plus  élevé  dans  la  province 
Dakhalieh  et  dans  la  Gharbieh  son  mi- 
nimum le  plus  bas.  Dans  le  Saïd,  Mineh 
et  Esné  payent,  la  première  le  kharadji 
le  plus  fort,  la  seconde  l'impôt  le  plus 
faible. 


Saïd  . 


Maximum. 
Minimum  . 


demeurées  inoccupées  pendant  un  semestre  au  moins  ont 
droit  à  l'exemption  d'impôt  pendant  la  durée  de  la  vacance. 

Le  revenu  des  immeubles  est  évalué  d'après  les  faits 
existant  au  jour  où  se  produit  cette  évaluation.  On  y  com- 
prend la  valeur  locative  du  sol  ;  mais,  lorsqu'il  s'agit  de 
l'estimation  d'un  établissement  industriel,  la  valeur  de 
l'outillage  n'entre  pas  en  considération.  Les  propriétaires 
d'immeubles  nouvellement  construits  doivent  en  faire  chaque 
année  la  déclaration  sous  peine  d'encourir  le  double  droit. 
Les  évaluations  restent  invariables  pendant  une  période  de 
huit  ans,  sauf  dans  le  cas  de  modifications  survenues  dans 
la  consistance  de  la  propriété.  Ces  modifications  peuvent 
donner  lieu,  soit  à  la  demande  du  contribuable,  soit  à  la 
requête  de  l'administration,  à  une  nouvelle  évaluation  de 
l'immeuble.  Les  évaluations  sont  faites  par  des  commis- 
sions spéciales  composées  de  4  délégués  du  gouvernement 
et  de  3  membres  tirés  au  sort  sur  une  liste  de  12  proprié- 
taires élus  par  les  contribuables.  Ces  commissions  se  trans- 
portent sur  les  lieux,  visitent  et  évaluent  les  immeubles  et 
consignent  les  résultats  de  leurs  opérations  sur  des  états 
qui  sont  affichés  aux  sièges  de  perception.  Les  intéressés 
ont  droit  de  faire  appel  de  la  décision  prise  à  leur  égard 
devant  un  conseil  de  revision  composé  d'un  délégué  du 
gouvernement  et  de  6  membres  désignés  par  le  sort  et  pris 
parmi  les  12  propriétaires  élus  par  les  contribuables.  Cet 
impôt  produisait,  en  1889,  3,401,948  fr.,  le  nombre  des 
propriétés  imposées  était  de  105,553,  et  le  revenu  impo- 
sable de  45,357,408  fr. 

L'impôt  professionnel,  joint  à  celui  des  taxes  urbaines, 
est  porté  au  budget  de  1892  pour  185,000  livres  égyp- 
tiennes. L'impôt  sur  les  moutons  et  les  chèvres  rapportait 
en  1888  environ  200,000  fr.,  les  voitures  et  pressoirs  à 
la  même  date  environ  60,000  fr.  Quant  aux  contributions 
indirectes,  elles  se  subdivisent  ainsi  :  douanes  (1,400,000 
livres  en  1892)  ;  octrois  (190,000)  ;  pêcheries  (85,000)  ; 
droits  de  navigation  (75,000)  ;  sel  et  natron  (233,000)  ; 
timbre  et  enregistrement  (environ  2,550,000  fr.).    R.  S. 

Travaux  publics.  —  C'est  à  Méhémet-Ali  que  revient 
l'honneur  d'avoir  rouvert  en  Egypte  l'ère  des  grands  tra- 
vaux, close  depuis  longtemps  par  le  stérile  despotisme  des 
Mamelouks.  On  sait  toute  l'admiration  que  ce  prince  avait 
vouée  à  Bonaparte  et  à  l'œuvre  de  la  commission  d'Egypte. 
Il  appela  à  lui  les  continuateurs  de  cette  grande  œuvre,  les 


Linant  et  les  Mougel,  s'inspira  de  leurs  conseils  et  leur 
confia  l'exécution  de  projets  grandioses,  comme  s'il  avait 
été  jaloux  de  surpasser  la  gloire  des  pharaons.  Une  sorte  de 
préjugé  l'empêcha  d'exécuter  le  projet  du  percement  de 
risthme,  dont  il  avait  compris  toute  l'importance,  mais 
qu'il  considérait  comme  pouvant  être  nuisible  à  l'indépen- 
dance de  l'Egypte  et  partant  à  ses  intérêts  dynastiques.  Il 
semble  que  les  derniers  événements  lui  aient  donné  raison. 
Reconnaissons  toutefois  que,  si  l'Egypte  recouvre  un  jour 
son  indépendance,  elle  le  devra  à  l'impérieuse  nécessité  pour 
l'Europe  de  faire  respecter  la  neutralité  du  canal.  L'agri- 
culture étant  la  source  de  la  richesse  de  l'Egypte,  la  plus 
grande  préoccupation  de  Méhémet-Ali  fut  l'irrigation.  Il  fit 
endiguer  le  Nil,  multiplier  les  canaux  dans  le  Saïd,  trans- 
former le  système  d'irrigation  du  Delta,  reconstruire  la  digue 
d'Aboukir  détruite  en  1799  par  l'armée  anglo-turque,  celles 
de  Kocheïchah,  de  Tamiah,  du  Bahr  Bêla  Ma,  élever  le  grand 
barrage  du  Bahr  Chibin,  entreprendre  celui  du  Nil,  œuvre 
colossale  qui  avait  pour  but  de  maîtriser  le  plus  puissant 
des  fleuves  à  son  embouchure,  afin  d'élever  ou  d'abaisser  à 
volonté  le  niveau  de  ses  eaux.  Les  chiffres  suivants  feront 
comprendre  mieux  que  toute  espèce  de  commentaire  l'im- 
portance de  l'œuvre  de  Méhémet-Ah  de  1834  à  1840  : 
travaux  de  canalisation,  104,356,667  m.  c;  ouvrages  de 
maçonnerie,  2,814,140  m.  c.  Cet  hommage  rendu  à  Méhé- 
met-Ali, examinons  rapidement  les  grands  travaux  d'utilité 
publique  menés  à  terme  aujourd'hui  : 

Irrigation  en  Haute-Egypte  (Saïd).  —  Trois  modes  : 
10  le  plus  répandu  est  l'irrigation  par  bassins,  appKqué 
à  1,400,000  feddans;  2°  le  mode  employé  pour  les 
terres  hautes  est  ce  qu'on  appelle  la  canalisation  sayalleh  ; 
3^  celui  qui  est  actuellement  employé  pour  l'irrigation  de 
la  région  du  canal  Ibrahimieh,  c.-à-d.  de  Siout  à  Béni 
Souef,  est  le  système  d'irrigation  sefi  au  moyen  de  canaux 
dérivés  du  Nil  ;  il  est  aussi  appliqué  dans  la  plus  grande 
partie  du  Fayoum  ;  total  des  terres  irriguées  par  ce  sys- 
tème :  290,000  feddans. 

Irrigation  par  bassins.  C'est  le  procédé  traditionnel  par 
excellence,  appliqué  jusqu'en  1837  à  toute  l'Egypte,  au- 
jourd'hui affecté  seulement  à  la  plus  grande  partie  du 
Saïd.  Vingt-six  groupes  autonomes  de  bassins,  treize  sur 
chaque  rive  du  fleuve.  Les  bassins  dont  la  réunion  cons- 
titue chacun  de  ces  groupes  ou  systèmes,  hod  de  leur  nom 


EGYPTE  —  < 

arabe,  sont  formés  au  moyen  de  digues  transversales, 
salibeh,  qui  vont  du  fleuve  au  désert.  D'autres  digues, 
tarad,  viennent  arrêter  les  bassins  en  coupant  les  salibelis 
parallèlement  au  fleuve,  encaissé  lui-même  par  la  surélé- 
vation de  ses  berges.  Cet  endiguement  du  Nil  n'a  pas  pour 
fonction  d'empêcher  son  débordement,  nous  dit  M.  Chélu 
dans  le  savant  ouvrage  (V.  la  bibliographie)  auquel  nous 
empruntons  tous  ces  détails  techniques,  mais  de  contenir 
l'eau  prise  en  amont  le  temps  nécessaire  à  l'irrigation.  Les 
bassins  sont,  comme  nous  l'avons  déjà  dit,  disposés  en  ter- 
rasses et  de  telle  sorte  qu'il  y  ait  une  différence  progressive 
de  niveau  entre  deux  bassins  consécutifs.  Les  hods  peuvent 
enfin,  dans  les  parties  hautes,  se  subdiviser  en  bassins 
secondaires  empruntant  l'eau  aux  hods  voisins ,  au  moyen 
d'une  brèche  ou  d'une  canalisation  spéciale  intermédiaire 
(comme  hauteur  de  plafond)  entre  l'étiage  et  la  surface  des 
terres  à  irriguer.  Ces  canaux,  du  type  nilU  ne  sont  par 
conséquent  en  eau  qu'à  l'époque  de  l'inondation. 

L'emplissage  des  hods  a  lieu  dans  la  seconde  partie  du 
mois  d'août,  après  la  récolte  du  dourah,  laissée  sur  pied 
jusqu'à  ce  moment.  Le  Nil,  qui  charrie  des  eaux  rouges 
depuis  quelques  jours  déjà,  ainsi  laissé  à  lui-même,  va  porter 
les  prémices  de  l'inondation  au  Delta,  qui  ne  tarderait  pas 
à  courir  le  risque  d'être  submergé  si  remplissage  simultané 
de  tous  les  systèmes  du  Saïd  n'amenait  immédiatement  une 
décroissance  rapide  de  niveau.  Le  signal  de  la  rupture  des 
digues  est  donné  d'Assouan,  d'après  la  cote  du  nilomètre. 
H  faut  pour  cela  qu'il  marque  44  pics.  L'emplissage  des 
hods  se  fait  soit  par  simple  brèche  dans  le  talus,  soit  par 
ouverture  de  ponts-barrages  en  maçonnerie.  On  commence 
par  submerger  les  bassins  les  plus   au  N.   de  chaque 
groupe  autonome,  et  l'on  continue  de  proche  en  proche  en 
veillant  à  ce  que  la  différence  de  niveau  des  eaux  reste 
sensiblement  supérieure  à  un  mètre  d'un  bassin  au  bassin 
adjacent.  La  crue  terminée,  on  continue  l'inondation  en 
procédant  inversement  (du  S.  au  N.),  c.-à-d.  qu'on  dis- 
tribue en  aval  ce  qu'on  a  repris  en  amont.  Les  terrains 
ainsi  détrempés  pendant  une  quarantaine  de  jours,  le  sarf 
ou  vidange  s'opère  méthodiquement  de  façon  à  ne  pas  dé- 
tériorer les  digues,  ni  endommager  les  bassins  ensemencés 
d'aval.  Nous  empruntons  au  livre  de  M.  Chélu,  en  le  sim- 
plifiant, le  tableau  des  groupes  autonomes  de  bassins  du 
Saïd  : 


à  la  surface  du  sol  à 


1  m.  X  80    _ 


22,827  m.  de  leur 


PROVINCES 

SUPERFICIE 

en  feddans 

des   bassins 

rive  gauche 

SUPERFICIE 

en  feddans 

des  bassins 

rive  droite 

gsné 

59.079 
19.958 
103.132 
254.526 
255.324 
234.718 
190.719 
129.324 

24.220 

127!702 
49.137 
70.517 

47!616 

Esné  et  Keneh 

Keneh  .    . . 

Girffeh    

Siout 

Rpni    Souef 

Gizeh 

Total 

1.246.780 

319.192 

Irrigation  sayalleh.  Le  système  d'irrigation  des  sahels 
ou  terres  hautes  qui  longent  le  Nil  sur  une  largeur  de  près 
de  3  kil.,  comporte  une  canalisation  spéciale  dite  sayalleh^ 
dont  la  partie  inférieure  à  son  point  de  départ  s'élève 
progressivement  en  s'éloignant  du  Nil  et  n'élève  l'eau  à 
hauteur  des  sahels  qu'après  un  long  parcours  :  «  La  déclivité 
du  Nil,  dit  M.  Chélu,  étant  de  0°"075  et  celle  des  sayallehs 
de  0"^040  par  kilomètre,  le  plan  d'eau  dans  les  canaux 
s'élève  d'autant  de  fois  0^^035  par  rapport  au  niveau  cor- 
respondant du  fleuve  qu'il  s'éloigne  de  kilomètres  de  son 
point  de  dérivation.  D'autre  part,  le  développement  du  Nil 
étant  à  l'alignement  presque  toujours  direct  des  canaux  dans 
le  rapport  de  100  à  80,  si  le  niveau  des  terres  à  arroser 
est  de  4  m.  supérieur  à  la  cote  du  Nil  ou  du  canal  au  point 
de  départ  de  la  sayalleh,  les  eaux  dérivées  se  répandront 


0""03oX  iOO" 
point  d'élévation.  Les  sayallehs  passent  toujours  en  siphon 
au-dessous  des  grands  canaux  d'inondation  qu'elles  ren- 
contrent sur  leurs  parcours.  »  ,    •    - 

Inondation  par  canaux.  Ce  procédé  substitue  sous 
Méhémet-Ali  à  l'irrigation  par  bassins  pour  toute  la  région 
de  l'Ibrahimieh,  de  Siout  à  Béni  Souef,  sur  une  étendue  de 
180,000  feddans  et  la  plus  grande  partie  du  Fayoum,  est 
le  procédé  décrit  plus  haut  sous  le  nom  de  sefi.  Il  permet 
d'arroser  toute  l'année  et  d'obtenir  des  cultures  mtensiyes 
comme  celles  de  la  canne  à  sucre  et  du  coton,  au  lieu 
d'une  récolte  unique  de  céréales.  Dans  ce  mode  d'irriga- 
tion, la  quantité  d'eau  que  doit  recevoir  un  feddan  de  terre 
cultivable  en  vingt-quatre  heures  est,  selon  M.  Chélu,  la 
suivante  :  canne  à  sucre,  de  33  à  36  m.  cubes  ;  coton,  de 
25  à  28  ;  rizières,  de  35  à  40  ;  céréales,  de  46  à  20. 

Le  Fayoum  emprunte  l'eau  de  sa  canalisation  au  Bahr 
Yousseuf  que  l'Ibrahimieh  permet  de  maintenir  en  eau  toute 
l'année.  Le  Bahr  Yousseuf  alimente  soixante-dix-neuf  canaux 
qui,  à  leur  tour,  alimentent  cent  seize  ramifications  secon- 
daires. Son  débit,  dont  les  habitants  du  Fayoum  faisaient 
un  véritable  abus  au  détriment  du  reste  de  l'Egypte  et  en 
s'exposant  eux-mêmes  à  des  inondations  désastreuses,  a 
été  régularisé  de  manière  à  donner  :  en  avril,  ^2  millions 
de  m.'c.  ;  en  juillet,  3  millions  ;  en  octobre,  o  millions. 
Ajoutons  que  les  234,285  feddans  de  terres  cultivées  dans 
le  Fayoum  sont  ainsi  répartis  :  culture  nili,  420,285  fed- 
dans ;   culture  sefi,  52,300  ;  culture  chetoui,  58,700. 
Irrigation  en  Basse -Egypte  (Beherâh).  —  Son  système 
d'irrigation  a  été  modifié  à  la  même  époque  et  de  la  même 
manière  que  celui  du  Fayoum.  Aux  bassins  ont  été  sub- 
stitués des  canaux  sefi,  creusés  pour  la  plupart  dans  le  lit 
des  anciens  canaux  nili  qui  desservaient  ces  bassins.  «  Ces 
canaux  sefi,  dit  M.  Chélu,  ont  une  pente  de  0"^04,  infé- 
rieure de  0^03  à  0^04  à  celle  du  Nil  et  à  la  pente  naturelle 
du  sol,  de  sorte  que  leur  plafond  qui,  à  la  prise,  est  de  8°»50 
au-dessous  du  niveau  des  terres,  se  rapproche  sensiblement 
de  celui  des  terrains  de  l'extrémité  N.  du  Delta,  et  leur  plan 
d'eau  s'élève  par  rapport  à  celui  du  Nil,  au  fur  et  à  mesure 
qu'ils  s'éloignent  de  leur  point  de  départ.  »  Ces  canaux 
donnent  une  longueur  totale  de  7,200  kil.  à  laquelle  il 
convient  d'ajouter  4,000  kil.  de  canaux  nih  dérivés  du  Nil. 
Le  barrage  commencé  par  Mougel  en  4843  serait,  s  il 
était  terminé,  le  plus  grand  ouvrage  hydraulique  du  monde. 
Il  est  destiné  à  relever  de  4  m.  à  4«^50  le  plan  d  eau  du 
Nil  en  amont  et  aménagé  de  manière  à  laisser  passer  trois 
artères  d'irrigation  pour  assurer  et  régler  la  part  du  Delta. 
Il  se  compose  de  deux  barrages,  l'un  de  522^20  de  lon- 
gueur sur  la  branche  de  Damiette,  l'autre  de  452^30  sur 
la  branche  de  Rosette,  réunis  l'un  et  l'autre  par  un  quai 
circulaire.  Chacun  d'eux  est  muni  de  deux  écluses.  Dans 
l'état  actuel,  la  retenue  d'eau  obtenue  en  amont  n'atteint 
que  2  m.,  en  sorte  que  le  barrage  n'agit,  à  vrai  dire,  que 
comme  répartiteur  des  basses  eaux  dans  les  deux  bouches 
du  Nil,  qui  se  les  partageaient  très  inégalement  (le  bras  de 
Rosette  étant  alimenté  au  détriment  de  Damiette).  Ajoutons 
que  des  affouillements  s'étant  déjà,  depuis  plusieurs  années, 
produits  dans  son  radier,  26  milHons  ont  été  affectés  par 
la  conférence  de  Londres  à  sa  réparation,  confiée  à  des 
ingénieurs  anglais.  Ces  derniers  travaux  ne  semblent  pas 
avoir  donné  tous  les  résultats  espérés. 

La  corvée  est  une  obligation  inhérente  à  la  nature  du 
pays.  C'est,  en  réalité,  le  véritable  service  militaire  de 
l'Egypte.  L'inondation  est,  en  effet,  une  force  qui  peut 
exiger  la  mobiUsation  immédiate  de  plusieurs  milliers  de 
bras  dont  l'effort  devra  être  dirigé  par  une  volonté  unique. 
Indépendamment  de  l'action  à  opposer  aux  débordements 
causés  par  des  ruptures  accidentelles  et  qui  sont  fré- 
quents à  cause  du  nombre  incalculable  des  digues,  il  y 
a  l'obUgation  annuelle  de  refaire  pendant  la  saison  de 
l'étiage  le  profil  des  canaux  déformé  par  les  alluvions.  La 
moindre  négligence  à  cet  égard  se  solde  par  une  importante 


663  - 


ECxYPTE 


moins-value  dans  le  rendement.  On  en  a  eu  la  preuve  après 
la  néfaste  année  de  1885.,  pendant  laquelle  les  travaux 
d'entretien  avaient  été  suspendus.  L'importance  du  secours 
exigé  de  la  corvée  ne  saurait  être  mieux  attestée  que  par 
les  chiffres  suivants.  Pour  conserver  les  profils  des  canaux, 
il  est  nécessaire,  nous  dit  M.  Chélu,  d'enlever  à  la  main, 
chaque  année,  de  20  à  25  millions  de  mètres  cubes  d'allu- 
vions  dans  les  canaux  à  sec  et  d'en  draguer  2  millions 
dans  les  canaux  conservés  en  eau.  Néanmoins,  les  incon- 
vénients de  cette  mesure,  qui  ne  pesait  que  sur  la  classe 
la  moins  intéressée  à  la  prospérité  du  pays,  amenèrent 
Ismaïl  à  en  décréter  la  suppression  en  échange  d'un 
impôt  encore  plus  impopulaire,  car  l'impôt  venait  s'ajouter 
à  la  corvée  conservée  de  fait,  quoique  supprimée  en 
droit,  comme  il  arrive  toujours  en  Egypte.  Aussi  fut- 
elle  rétablie  en  d  879  et  étendue  graduellement  à  tous  les 
contribuables  en  proportion  de  l'importance  de  leurs  pro- 
priétés. Le  corollaire  de  cette  mesure  fut,  bien  entendu, 
l'exemption  personnelle,  comme  chez  nous  pour  la  presta- 
tion, au  moyen  du  remplacement.  En  1889,  on  en  est 
revenu  à  une  suppression  partielle,  grâce  à  l'affectation 
spéciale  de  6,500  livres  égyptiennes  au  budget  des  tra- 
vaux publics,  somme  à  laquelle  venait  s'ajouter  le  produit 
du  rachat  tarifé  par  un  règlement.  La  suppression  totale 
est  aujourd'hui  un  fait  accompli.  Les  ressources  du  gouver- 
nement égyptien  affectées  à  cette  suppression  sont,  d'une 
part,  un  crédit  de  400,000  livres  égyptiennes  (ancien 
crédit  de  250,000  livres  transformé),  d'autre  part,  une 
somme  de  910,000  livres  à  départir  en  plusieurs  années. 

L'irrigation  soulève  en  Egypte  d'autres  problèmes  que 
celui  de  la  corvée.  La  conception  d'un  vaste  système  fai- 
sant de  l'Etat  le  maître  et  le  répartiteur  de  la  masse  des 
eaux  exigeait  la  création  d'une  législation  spéciale  ayant 
pour  objet  l'amélioration  du  mode  de  distribution  en  même 
temps  que  la  fixation  des  garanties  contre  tout  ce  qui 
serait  de  nature  à  l'entraver  et  à  troubler  l'équihbre  vital 
du  pays.  Cette  législation  a  été  promulguée  le  12  avr. 
1890  dans  un  règlement  qui  ne  compte  pas  moins  de  qua- 
rante articles  dont  l'énoncé  ne  saurait  trouver  place  ici. 
Ajoutons  qu'une  révolution  est  sur  le  point  de  s'opérer 
dans  le  mode  d'irrigation  d'une  grande  partie  de  la  Haute- 
Egypte. 

Voies  de  communication.  —  En  dehors  des  grandes 
artères  d'irrigation  navigables ,  qui  présentent  un  par- 
cours de  plus  de  3,000  kil.,  l'Egypte  ne  possède  pas  de 
routes  dignes  de  ce  nom.  Néanmoins,  les  communications 
y  sont  de  la  plus  grande  facilité  à  cause  de  la  nature  du 
sol.  Au  moment  de  l'inondation,  il  n'existe,  en  dehors  des 
villes,  d'autre  chemin  sur  la  terre  ferme  que  les  chaussées 
et  les  digues.  Pour  ce  qui  concerne  le  canal  maritime  de 
Suez,  V.  Suez  (Isthme  et  canal  de).  Jusqu'en  1882, 
l'Egypte  possédait  plus  de  14,000  kil.  de  lignes  télégra- 
phiques. Depuis  les  événements  dont  le  Soudan  a  été  le 
théâtre,  le  fil  qui  se  reliait  à  Khartoum  et  El  Obéid  a  été 
coupé  dans  ses  communications  avec  l'Egypte  qui  a  actuel- 
lement sa  station  la  plus  méridionale  au  fort  de  Khor 
Moussa  (2  milles  au  S.  de  Ouadi  Halfa). 

Chemins  de  fer.  A  l'avènement  d'Ismaïl,  l'Egypte  pos- 
sédait 394  kil.  de  voie  ferrée,  portés  à  1,771  kil.  à  la 
fin  de  1873,  augmentés  de  161  kil.  en  1874  et  1875. 
Aujourd'hui,  cette  longueur  excède  2,000  kil.  Les  lignes 
actuellement  en  exploitation  sont  : 

10  D'Alexandrie  au  Caire  par  Benha  el  Asal,  Tantah 
et  Damanhour  ;  2«  de  Benha  à  Zagazig  (Alexandrie-Suez); 
3<>  de  Zagazig  à  Suez  ;  4^  de  Galioub  à  Mansourah  ;  5o  de 
•  Chibin  el  Kom  à  Damiette  par  Tantah,  Mahallet  el  Kebir  et 
Talka  ;  6«  de  Damanhour  à  Ziftah  par  Dessouk  et  Mahallet 
Rokh  ;  7°  d'Alexandrie  à  Rosette  ;  8°  d'Alexandrie  à 
Ramleh  ;  9<>  de  Tell  el  Baroud  à  Boulaq  Dakrour  (Alexan- 
drie-Haute-Ei^ypte  ;  10°  du  Caire  à  Hélouan  ;  11°  du  Caire 
à  Merg  ;  12«  de  Boulaq  Dakrour  à  Siout  ;  13°  de  El 
Ouasta  au  Fayoum.  En  outre,  petits  chemins  de  fer  d'As- 
souan  à  Chellal  et  de  Ouadi  Halfa  à  Sarras. 


Ports.  Navigation.  Alexandrie,  Rosette,  Damiette  et 
Port-Saïd  sur  la  Méditerranée  ;  Raz  el  Ech,  El  Kantarah, 
Ismaïliah,  Serapeum,  Chalouf-et-Terraba  sur  le  canal  de 
Suez  ;  Suez,  (ioséir,  Souakin  sur  la  côte  occidentale  de 
la  mer  Rouge.  L'Egypte  est  chargée  aussi  par  la  Porte  de 
la  surveillance  du  port  de  Tôr  (presqu'île  du  Sinaï)  et  de 
Djeddah  (Hedjaz).  Le  nombre  de  bâtiments  entrés  dans  le 
port  d'Alexandrie  en  grande  navigation  a  été  de  3,182  en 
1889  ;  la  moyenne  annuelle  est  de  3,243.  Si  on  y  ajoute 
la  moyenne  générale  d'entrée  des  autres  ports  de  l'Egypte, 
on  arrive  à  un  chiffre  total  de  6,073  navires.  Les  embar- 
cations en  usage  pour  la  navigation  sur  le  Nil  et  les  canaux 
et  qui  ne  diffèrent  pas  beaucoup  des  bateaux  usités  dans 
l'antiquité  sont  les  suivantes  :  la  germ,  à  deux  mâts, 
jaugeant  de  800  à  2,000  ardebs  ;  les  mâdil  ou  kyas,  de 
même  forme,  mais  de  dimensions  moindres  ;  le  maach  ou 
chaland  ;  la  dahabieh  et  le  ghareb,  à  deux  mâts  avec  un 
corps  de  cabines  e\  l'arrière. 

Budget.  —  Le  budget  général  pour  l'exercice  1892 
était  ainsi  établi  en  livres  égyptiennes  (la  livre  égytienne 
vaut  25  fr.  92). 

Recettes 

Contributions  directes 5 .  255 .  000 

—          indirectes 2.070.000 

Revenus  des  administrations  de  recettes ...  1 .  984 .  000 

Recettes  des  services  administratifs 527 .  000 

Location  et  produit  des  propriétés  du  gou- 
vernement   80 . 000 

Recettes  du  gouvernorat  de  Souakin 16.000 

Retenues  sur  les  traitements  du  personnel .  55 ,  000 

Economies  de  la  conversion  de  la  dette  et 

de  la  Daïra  Sanieh 30.000 

10.007.000 
Dépenses 

Liste  civile  et  maison  du  khédive 268 .  547 

Administration  et  perception 1 .  822 .  400 

Administration  des  recettes 1 .035. 666 

Sécurité  publique 707 .  399 

Gouvernorat  de  Souakin 119 .  900 

Pensions 420.000 

Tribut  et  dette  publique 4.680.088 

Dépenses  imprévues 46 .  000 

Suppression  de  la  corvée 250.000 

9.350.000 
Excédent  des  recettes 657 .  000 

Dette  publique.  —  Un  décret  du  7  mai  1876  décidait 
l'unification  des  dettes  diverses  contractées  par  voies  d'em- 
prunts de  1862  à  4873,  et  se  montant  à  54,793,150  liv. 
st.,  avec  un  capital  nominal  de  59,000,000  liv.^  st., 
et  intérêt  de  7  °/o  amortissable  dans  un  délai  de 
soixante-cinq  ans  par  tirages  trimestriels.  La  loi  de  liqui- 
dation (17  juil.  1880)  a  réduit  l'intérêt  à  4  °/o.  En  même 
temps,  émission  de  nouveaux  titres  pour  i  ,958,402  liv.  st. 
Le  31  déc.  1889,  le  capital  nominal  de  la  dette  unifiée  se 
trouvait  être  de  55,988,920  liv.  st.  avec  une  dotation  d'in- 
térêt de  2,239,557  liv.  st.  Un  décret  du  20  nov.  d876 
créa  de  plus  pour  17  millions  de  liv.  st.  d'obligations  pri- 
vilégiées à  5  <>/o  payées  à  l'aide  des  revenus^  des  chemins 
de  fer,  des  télégraphes  et  du  port  d'Alexandrie.  Une  nou- 
velle émission  d'obligations  privilégiées  pour  5,743,800  liv. 
st.  a  été  autorisée  par  la  loi  de  liquidation.  Le  taux  de 
l'intérêt  de  la  privilégiée  a  été  converti  en  1889  en  3  1/2  «/q. 
Une  des  conséquences  de  cette  conversion  a  été  l'élévation  du 
capital  nominal  à  31  millions  de  liv.  st.  La  dette  générale 
Daïrah  rés^lée  par  Vemprunt  Daïrah  Sanieh  du  7  mai 
1876,  étaif  à  l'origine  de  9,512,900  liv.  st.  nominales.  A 
la  fin  de  1890,  le  capital  nominal  se  trouvait  réduit  par  suite 
d'amortissement  et  de  conversion  à  7,299,360  liv.  st.  La 
dette  domaniale  résulte  de  l'emprunt  autorisé  par  décret 
du  26  oct.  1878,  garanti  par  la  cession  des  propriétés 
immobilières  de  la  famille  khédiviale  à  MM.de  Rothschild 


EGYPTE 


du  — 


de  Londres.  Son  capital  nominal  de  8,500,000  liv.  st.  s'est 
abaissé,  par  suite  de  Tamortissement,  à  5,080,820;  inté- 
rêts, 5  °/o.  Les  deux  derniers  emprunts  contractés  par  le 
gouvernement  égyptien  sont  :  l'emprunt  garanti  3  ^/q  (décret 
du  28  juil.  1885)  par  le  payement  des  indemnités  d'Alexan- 
drie et  les  irrigations,  descendu  de  9,424,000  liv.  st. 
nominales  à  9,069,400  par  amortissement  et  l'emprunt 
4  1/2  o/o  (décret  du  3  avr.  1888  pour  contribuer  à  la  con- 
version de  la  privilégiée)  amorti  complètement  le  1 5  juin  1 890. 
Industrie.  —  Les  produits  minéraux  exploités  en  Egypte 
sont  :  le  natron,  le  nitre  et  le  sel  marin.  C'est  dans  la  pro- 
vince de  Beherah  que  s'exploite  le  natron  pour  près  de 
8  millions  de  kilogr.  par  an.  Les  8  nitreries  du  gouver- 
nement produisent  annuellement  environ  650,000  kilogr. 
de  nitre  brut,  et  les  12  salines,  158,000  kectol.  de  sel. 
Les  industries  chimiques  exploitées  en  Egypte  sont  :  la 
teinturerie,  la  fabrication  de  l'amidon,  des  essences,  de  la 
bougie,  etc.  Les  industries  textiles  sont  les  fabriques  de 
laine,  les  filatures  de  lin  et  de  coton,  les  tissus  de  laine, 
de  coton  et  de  soie,  pour  l'ameublement,  la  literie  et  le 
vêtement.  L'industrie  des  métaux  est  représentée  par  de 
nombreux  ateliers  de  fonderie,  de  forges,  de  ferblanterie, 
de  chaudronnerie.  La  sellerie,  la  cordonnerie,  l'ébénis- 
terie  et  la  céramique  prospèrent  dans  les  grandes  villes  du 
Delta  et  du  Saïd.  La  fabrication  du  sucre"  est  devenue  une 
des  principales  industries  de  l'Egypte.  Elle  est  représentée 
par  22  fabriques  dont  10  appartiennent  à  la  Daïrah  Sanieh  ; 
elles  peuvent  produire  ensemble  146,000  tonnes  de  sucre. 
Nous  avons  cité  le  coton  parmi  les  industries  textiles  ;  mais 
la  principale  industrie  cotonnière  en  Egypte  est  celle  de 
l'égrenage.  Les  domaines  de  l'Etat  égyptien  possèdent 
7  usines  d'égrenage  mettant  en  œuvre  163  métiers.  Les 
usines  ont  reçu,  en  1885,  332,130  kantars  de  coton  brut, 
et  ont  livré  100,290  kantars  de  coton  égrené.  Citons  aussi 
la  décortication  du  riz  qui  occupe  un  grand  nombre  d'ate- 
liers à  Damiette,  et  notamment  la  grande  usine  de  Kafr  el 
Battikh,  le  pressage  des  graines  oléagineuses,  l'éclosion 
artificielle  des  œufs  avec  600  fours  produisant  chacun  une 
couvée  annuelle  de  plus  de  10,000  poulets,  l'élevage  des 
autruches,  etc.  Mais  la  principale  industrie  de  l'Egypte,  c'est 
son  agriculture.  Son  exportation  annuelle  consistant  princi- 
palement en  produits  agricoles  se  chiffre  de  la  façon  suivante  : 
sucre  et  mélasse,  1 ,600,000  kantars  ;  coton,  1  million  ;  blé, 
3  minions  d'ardebs;  maïs,  3  millions;  orge,  2  millions; 
fèves,  2  millions;  lentilles,  2  millions.  En  1889^,  Vexpoj^- 
tation  était  de  310  millions  de  francs,  dont  305  millions 
pour  Alexandrie.  De  ces  exportations,  huit  dixièmes  vont  en 
Angleterre,  un  dixième  en  France,  le  dernier  dixième  se 
répartit  sur  le  reste  de  l'Europe,  notamment  la  Turquie, 
la  Russie  et  la  Grèce.  V importation  a  atteint  182  mil- 
lions et  demi  la  même  année,  dont  4  dixèmes  de  prove- 
nance anglaise,  2  dixièmes  du  Levant,  1  dixième  de 
France,  etc. 

Poids  et  mesures.  —  La  coudée  beledi,  base  du 
système  métrique  égyptien,  n'est  pas  l'ancienne  coudée 
royale  d'époque  pharaonique,  mais  la  coudée  mesurant 
2  pieds  romains,  introduite  en  Egypte  au  iv®  siècle  de 
notre  ère.  L'ardeb  (mesure  de  capacité),  cube  de  la  cou- 
dée ordinaire,  date  également  de  l'époque  romaine  ;  le  dir- 
ham (poids)  n'est  pas  moins  ancien.  La  kassabah,  mesure 
agraire,  remonte  au  temps  des  pharaons,  mais  a  varié  selon 
les  temps. 

Mesures  de  longueur.  Coudée  ou  dira  beledi  :=  0™582  ; 
pic  ou  coudée  du  Nil,  dira  nili  =  0"^524  ;  coudée  turque, 
dira  stambouli  =z  0"^68;  coudée  pour  les  étoffes,  dira 
hendâzi-  =:  O'^OS  ;  coudée  à  bâtir  z=  0°^75  ;  kassabah 
=:  3°^55;  bah  (3  coudées)  =  1"'74;  chibr  (grand  em- 
pan) :=  0«^19;  fitr  (petit  empan)  =  0^^16. 

Mesures  de  superficie.  Kassabah  :=  12'"'i60;  feddan 
r=  4,200^^^83. 

Mesures  de  capacité.  Ardeb  (cube  de  la  coudée  ordi- 
naire) =z  1971^*74  :  ouebeh  (1/6  ardeb)  z=  32i"96  ;  kélé 
(1/2  ouebeh)  =  iQ^HS;  roubeh  (1/2  kélé)  =  8^^*24; 


meloueh  (1/2  roubeh)  =  4^^*12;  koddah  (1/2  meloueh) 
z=  2ii^06.  Pour  la  Haute-Egypte,  l'ardeb  de  197i"74 
comprend  :  6  ouebeh,  8  mid,  24  roubeh. 

Poids.  Kantar  (100  rotolis  ou  36  okes)  =  44^^493; 
oke  (400  dirhams)  :==  1^^-236;  rotoH  (144  dirhams) 
=  0^-444;  ardeb  de  blé  —  133^^s637  ^  ardeb  de  len- 
tilles :==  151  kilogr.  ;  ardeb  de  riz  =  185  kilogr. 

Monnaies.  L'unité  monétaire  est  la  piastre^  monnaie 
d'argent  pesant  ls^35  et  valant,  à  un  millime  près,  26  cen- 
times de  notre  monnaie.  —  Les  monnaies  d'or  égyp- 
tiennes sont  :  la  livre  ou  guinée  =  100  piastres  (25  fr.  92); 
la  1/2  livre  =  50  piastres  (12  fr.  96);  le  d/4  de  livre 
=  25  piastres  (6  fr.  48).  —  Les  monnaies  d'argent  sont  : 
le  talari  =  20  piastres  (5  fr.  18);  le  1/2  talari  =z 
10  piastres  (2  fr.  59);  le  1/4  de  talari  =:  5  piastres 
(i  fr.  30)  ;  la  piastre  (0  fr.  26).  —  Les  monnaies  de  billon 
sont  :  la  1/2  piastre  (nickel)  r=  0  fr.  13. 

Division  du  temps.  —  Le  khédive  Ismaïl  a  introduit 
l'usage  du  calendrier  grégorien  en  Egypte  depuis  le  1^"^  janv. 
1876.  Le  calendrier  musulman  a  été  exclusivement  réservé 
à  la  religion;  il  sert  toujours  à  déterminer  les  fêtes.  De 
même  les  Coptes  ont  conservé  pour  leurs  fêtes  leur  calen- 
drier basé  sur  la  division  de  l'année  en  douze  mois  de 
trente  jours  et  de  cinq  jours  intercalaires,  et  partant  de 
l'ère  des  martyrs  (Dioctétien). 

Instruction  publique.  —  C'est  à  Méhémet-Ali  que 
l'Egypte  est  redevable  d'un  commencement  de  réorganisa- 
tion de  l'enseignement  pubhc  exécuté  avec  le  concours  de 
Jomard.  L'ancien  membre  de  la  commission  d'Egypte  con- 
sentit en  effet  à  diriger  à  Paris  une  mission  de  jeunes 
Egyptiens,  Turcs  et  Arméniens,  qu'il  partagea  entre  les  diffé- 
rents lycées  et  écoles  supérieures.  Cette  mission  devint  le 
premier  noyau  de  l'élément  éclairé  qui  depuis  lors  n'a  jamais 
manqué  à  l'Egypte.  C'est  également  deMéhémet-AHque  date 
la  création  d'écoles  spéciales  et  d'un  ministère  de  l'instruc- 
tion publique  en  Egypte.  En  1840,  il  y  avait  en  tout 
9,000  élèves,  logés,  nourris,  vêtus  et  même  payés.  Les 
élèves  de  l'enseignement  primaire  recevaient  une  prime 
mensuelle  variant  de  5  à  15  piastres;  ceux  de  l'enseigne- 
ment préparatoire  ou  secondaire  de  20  à  35  piastres, 
selon  la  classe ,  enfin  ceux  des  écoles  spéciales  de  40  à 
70  piastres  (la  piastre  =r  26  cent.).  Entrente  ans,  le  nombre 
des  enfants  recevant  l'enseignement  primaire  était  arrivé 
à  90,000  (statistique  de  1873);  en  1875,  il  atteignait 
111,803  avec  4,800  écoles  et  près  de  6,000  maîtres.  Ac- 
tuellement, l'enseignement  supérieur  et  spécial  comprend  : 
l'école  de  médecine  et  de  pharmacie,  l'école  de  droit, 
l'école  polytechnique,  l'école  des  arts  et  métiers,  l'école 
d'agriculture,  l'école  de  Dar  el  Oloum  (école  normale 
arabe).  L'enseignement  secondaire  :  l'école  normale  et  lycée 
Tewfik  et  l'école  Khedivieh.  L'enseignement  primaire  est 
très  répandu  :  il  n'est  pas  de  ville  si  petite  qu'elle  n'ait  une 
ou  deux  écoles  :  on  y  apprend  à  lire,  à  écrire  et  à  compter, 
ainsi  que  les  idées  fondamentales  du  Coran.  Dans  les  grandes 
villes,  l'enseignement  est  complété  par  celui  de  l'histoire 
et  des  langues  vivantes. 

Les  établissements  scientifiques  de  l'Egypte  sont  :  le 
musée  de  Gizeh,  ancien  musée  de  Boulaq;  l'institut  égyp- 
tien ;  la  société  khédiviale  de  géographie  et  la  bibliothèque 
khédiviale  qui  renferme  plus  de  40,000  volumes.  La 
France  entretient  aussi  en  Egypte  un  institut  d'archéo- 
logie orientale  fondé  en  1881  par  l'heureuse  initiative  de 
mM.  X.  Charmes  et  G.  Maspero. 

Armée.  Marine.  —  Les  sujets  égyptiens  sont  tous  as- 
treints à  la  conscription  avec  faculté  de  se  hbérer  par  voie 
de  rachat.  La  taxe  de  rachat  est  progressive.  Fixée  à 
20  livres  égyptiennes  (520  fr.)  avant  le  tirage  au  sort,  elle 
atteint  100  livres  (2,600  fr.)  après  l'examen  du  conseil  de 
revision.  La  durée  du  service  est  de  quatre  ans  dans  l'ar- 
mée active  et  de  quatre  ans  dans  le  corps  de  police  militaire 
au  service  des  moudiriat  et  par  conséquent  ressortissant 
du  ministère  de  l'intérieur. 

L'état-major  de  l'armée  égyptienne,  à  l'exception  du 


—  6m  — 


EGYPTE 


directeur  de  l'école  militaire  et  du  directeur  du  génie  et  des 
arsenaux,  ayant  l'un  et  l'autre  le  grade  liwa  (général  de 
brigade)  qui  sont  français,  se  compose  d'officiers  anglais  et 
indigènes.  Les  officiers  anglais  n'y  peuvent  descendre  dans 
la  hiérarchie  au-dessous  du  grade  de  bimbachi  (major).  Les 

Tableau  des  forces  militaires  de  V Egypte 


État-major  général  (quartier  géné- 
ral)  

District  de  Tétat-major 

Intendance 

Police  nailitaire  de  l'état-major 

Police  militaire 

Cavalerie 

Artillerie  :  Etat-major 

1  batterie  volante 

1      —        à  chameaux.. 

1      —        à  mulets 

3      —       de  place 

Corps  d'infanterie  montée  à  cha- 
meaux (Caire) 

Corps  d'infant,  montée  (frontière).. 
Infanterie  :  8  bataillons  arabes 

5         —         soudanais  . 

1  —         dépôt 

Service  médical 

—       vétérinaire 

Ecole  militaire 

Premières  et  deuxièmes  troupes... 

Troupe  de  cavalerie 

Compagnie  de  discipline 

Forts  du  Hedjaz 

Poudres 

Surnuméraires 


Totaux . 


65 

24 

36 

4 

» 

35 

5 

5 

5 

4 

21 

7 

7 

136 

130 

20 

50 

5 

9 

2 

1 

2 

3 

4 


37 

36 

39 

48 

46 

738 

3 

13-2 

109 

109 

477 

145 
145 

5.204 

2.665 

605 

142 

16 

76 

78 

23 

118 

55 


587 


12.047    667 


postes  supérieurs  occupés  par  eux  sont  les  suivants  :  4  sir- 
dar  (chef  d'état-major  général),  1  adjudant  général  ayant 
grade  de  liwa  (général  de  brigade),  1  commandant  de  la 
frontière  et  i  gouverneur  militaire  de  Souakin  ayant  l'un 
et  l'autre  le  grade  de  liwa,  1  directeur  du  service  médical 
et  1  intendant  général  avec  le  même  grade  ;  total  :  6  offi- 
ciers généraux  sur  un  ensemble  de  10  ;  3  miralaï  (colo- 
nels), le  commandant  de  la  brigade  du  Caire,  le  commandant 
en  deuxième  de  la  frontière,  le  trésorier  de  l'armée,  sur  un 
ensemble  de  4;  15  kaïmakam  ou  lieutenants-colonels  sur  22. 
Comme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  l'armée  égyptienne  est 
organisée  à  la  turque  :  les  grades  sont  turcs,  et  la  langue 
du  commandement  est  la  langue  turque.  La  marine  de 
guerre  égyptienne  n'existe  que  de  nom  :  les  débris  de  l'an- 
cienne marine  d'ismaïl,  qu'on  voit  dans  le  port  d'Alexandrie, 
ne  sont  plus  depuis  longtemps  en  armement.  Les  seuls  ba- 
teaux en  service  actif  sont  des  canonnières  d'un  très  faible 
tirant  d'eau  et  armées  de  mitrailleuses  Gattling  pour  con- 
courir aux  opérations  militaires  à  la  frontière  Sud  et  dont 
le  port  d'attache  est  Ouadi  Halfa.  Le  corps  d'occupation 
britannique  se  compose  d'effectifs  variables  se  montant  à 
environ  trois  mille  hommes.  Il  est  commandé  par  un  major 
général  qui  a  son  quartier  général  au  Caire.  Ces  troupes 
sont  réparties  entre  cette  dernière  ville  et  Alexandrie. 

Affaires  étrangères.  —  L'Egypte  n'a  pas  d'autres 
représentants  accrédités  auprès  des  puissances  que  les  am- 
bassadeurs ou  chargés  d'affaires  de  la  Sublime-Porte.  Les 
nations  représentées  auprès  du  khédive  par  des  agents  di- 
plomatiques sont  les  suivantes  :  Allemagne  (agence  et  con- 
sulat général);  Autriche-Hongrie  (z(^.);  Belgique  (zcL)  ; 
Brésil  (consulat  général  à  Alexandrie)  ;  Danemark  (id.)  ; 
Espagne  (consulat  général)  ;  Etats-Unis  d'Amérique  (agence 
et  consulat  général)  ;  France  (id,)  ;  Grande-Bretagne  (id.)  ; 
Grèce  et  Alexandrie  (id.)  ;  Haïti  (consulat);  Italie  (agence 
et  consulat  général)  ;  Maroc  (consulat)  ;  Pays-Bas  (agence 
et  consulat  général)  ;  Perse  (id.)  ;  Portugal  (consulat  gé- 
néral à  Alexandrie)  ;  Russie  (agence  et  consulat  général)  ; 


Suède  et  Norvège  (consulat  général).  Mentionnons  égale- 
ment la  mission  extraordinaire  impériale  ottomane  com- 
posée d'un  haut  commissaire  impérial,  de  trois  secrétaires 
et  de  quatre  aides  de  camp.  Les  grandes  villes,  peuplées 
d'importantes  colonies  étrangères  comme  Le  Caire,  Alexan- 
drie, Suez,  Ismaïlia,  Port-Saïd,  sont  pourvues  de  consulats 
ou  vice-consulats  des  grandes  puissances  représentées  diplo- 
matiquement ;  les  autres  villes,  d'agents  consulaires  indi- 
gènes, communs  pour  la  plupart  à  deux  ou  trois  puissances. 
Ainsi  l'agent  consulaire  de  Louqsor  représente  la  France  et 
l'Autriche.  La  colonie  étrangère  comprend  91,286  rési- 
dents, ainsi  répartis  :  Allemands,  948  ;  Américains,  183; 
Anglais,  6,118;  Austro-Hongrois,  8,022;  Belges,  637; 
Danois,  149;  Espagnols,  589;  Français,  15,716;  Hel- 
lènes, 37,301  ;  Hollandais,  221;  Italiens,  18,665;  Per- 
sans, 1,553;  Portugais,  36;  Russes,  533;  Principautés 
danubiennes,  323;  Suédois,  15  ;  Suisses,  412.  Les  nations 
de  l'Europe  étaient  représentées,  en  1886,  dans  les  admi- 
nistrations de  l'Etat  égyptien,  par  1,662  fonctionnaires, 
dont  319  Français.  G.  B. 

Géographie  médicale.  —  La  pathologie  égyptienne 
se  rapproche  beaucoup  de  celle  de  la  zone  torride.  C'est 
d'abord  l'anémie  qui,  chez  l'Européen,  est  une  conséquence 
de  la  suractivité  fonctionnelle  de  la  peau  et  de  la  dépression 
des  fonctions  digestives,  ainsi  que  de  l'intoxication  palustre  ; 
cette  dernière  cause,  ajoutée  à  l'insuffisance  de  l'alimenta- 
tion et  à  l'action  d'un  parasite,  l'ankylostome  duodénal 
(V.  Anrylostome),  produit  les  mêmes  effets  chez  les  indi- 
gènes. En  somme,  le  quart  de  la  population  est  atteint 
d'anémie.  —  La  malaria  fait  ses  ravages  principalement  dans 
la  campagne  du  Delta  et  au  Fayoum  et  s'étend  jusqu'aux 
oasis.  Les  dysenteries  et  les  hépatites  aiguës  sont  égale- 
ment fréquentes,  et  leur  gravité  augmente  en  remontant  le 
Nil,  c.-à-d.  avec  Paccroissement  de  la  température  ;  les 
diarrhées  chroniques,  consécutives  ou  non  à  la  dysenterie, 
sont  très  fréquentes  ;  les  hypertrophies  du  foie  sont  très 
répandues.  Dans  les  diarrhées  avec  ulcérations  intestinales, 
on  rencontre  dans  l'intestin  deux  espèces  de  protozoaires  pa- 
rasites, ÏAmœba colietVA.  intestinalis  (V.  Amibe). Outre 
ces  caractères,  un  autre  encore,  très  important,  la  fré- 
quence et  la  prédominance  des  pyrexies  accompagnées  de 
phénomènes  bilieux,  rappelle  la  pathologie  des  pays  chauds. 
C'est  en  Egypte  qu'a  été  observée  pour  la  première  fois  la 
fièvre  typhoïde  bilieuse,  qui  n'est  que  la  forme  grave  de  la 
fièvre  à  rechutes  (Griesinger);  la  fièvre  typhoïde  ordinaire  est 
assez  répandue  en  Egypte  comme  dans  toute  la  région  mé- 
diterranéenne ;  le  typhus  exanthématique  est  rare.  --  Long- 
temps le  Delta  a  été  considéré  comme  l'un  des  principaux 
foyers  de  la  peste  ;  depuis  1845,  la  maladie  y  a  disparu  à 
peu  près  complètement,  après  y  avoir  régné  pendant  toute 
l'ère  chrétienne  et  peut-être  avant  elle.  De  531  à  580,  la 
fameuse  peste  de  Justinien  y  pénétra  par  Péluse  ;  au  xiv^  siècle, 
l'Egypte  perdit  plus  du  tiers  de  ses  habitants  par  la  mort 
noiVe  venue  de  l'Inde.  Les  autres  épidémies  relevées  ont  été 
nombreuses  depuis  1564  jusqu'en  1842.  Aujourd'hui,  la 
peste  semble  reléguée  en  Asie.  Mais  l'Egypte  est  la  porte 
d'entrée  pour  l'Europe  d'un  autre  fléau,  le  choléra,  dont 
elle  n'est  cependant  pas  le  foyer.  Après  avoir  été  visitée 
par  le  choléra  dans  les  diverses  épidémies  qui  envahirent 
l'Europe  depuis  1831,  elle  fut  épargnée  de  1865  à  1883  ; 
malheureusement,  les  Anglais,  ayant  acquis  la  prépondé- 
rance politique  en  Egypte  en  1882,  ne  firent  plus  observer 
rigoureusement  les  mesures  quarantenaires  qui  préservaient 
ce  pays  et  l'Europe  depuis  dix-huit  ans,  et  accordèrent  une 
tolérance  toute  spéciale  à  leurs  navires  venant  de  l'Inde.  En 
1883,  le  choléra  éclata  à  Damiette,  puis  se  propagea  à 
Alexandrie  et  au  Caire  ;  depuis  lors  le  choléra  n'a  plus  été 
signalé  en  Egypte.  —  La  dengue  fait  quelquefois  aussi  son 
apparition  en"  Egypte,  mais  sous  une  forme  atténuée  qui 
rappelle  plus  ou  moins  la  grippe  ;  du  reste  celle-ci  s'y  est  plu- 
sieurs fois  montrée  épidémiquement.  —  Les  fièvres  éruptiyes 
font  aujourd'hui  moins  de  ravages  en  Egypte  qu'autrefois  ; 
la  variole  recule  devant  la  vaccine  ;  la  rougeole  y  règne 


EGYPTE 


-  666  - 


souvent  épidémiquement  sur  toutes  les  races;  la  scarlatine  est 
rare  ;  les  oreillons  y  prennent  une  grande  extension.  —  La 
diphtérie  paraît  n'atteindre  que  les  enfants  d'origine  cauca- 
sique.  —  Parmi  les  affections  de  poitrine,  la  plus  fréquente  et 
la  plus  meurtrière  est  la  bronchite  ;  la  phtisie  pulmonaire 
est  assez  fréquente,  la  pneumonie  et  la  pleurésie  sont  rares. 
Le  rhumatisme  est  la  maladie  la  plus  fréquente  dans  le 
désert  et  le  long  du  haut  Nil,  oii  un  froid  humide  et  glacial 
succède  la  nuit  à  la  chaleur  torride  du  jour  ;  en  revanche 
les  maladies  du  cœur  sont  très  rares.  La  goutte  ne  s'ob- 
serve guère.  Les  lithiases  biliaire  et  urinaire  se  rencon- 
trent bien  plus  souvent  chez  les  Fellahs  que  chez  les  nègres. 
L'hématurie  chyleuse,  produite  par  la  bilharzie,  est  fré- 
quente. —  On  a  peu  de  renseignements  sur  la  fréquence  des 
affections  psychiques  ;  beaucoup  d'Egyptiens  se  livrent  au 
haschischisme  qui  remplace  pour  eux  l'alcoolisme.  Les 
autres  affections  nerveuses,  tétanos  infantile,  hystérie,  épi- 
lepsie,  sont  fréquentes.  —  Peu  de  pays  comptent  autant  de 
borgnes  et  d'aveugles  que  l'Egypte  ;  c'est  que  les  affections 
oculaires  y  sont  nombreuses;  la  vivacité  de  la  lumière,  les 
poussières  fines  et  salées,  la  syphilis  et  la  scrofulose,  qui 
sont  fréquentes,  en  sont  autant  de  causes  ;  de  plus,  il  existe 
une  ophtalmie  purulente  contagieuse  qu'on  a  souvent  con- 
sidérée comme  spéciale  à  l'Egypte.  —  Parmi  les  maladies  de 
peau,  signalons  le  Lichen  tropicus  ou  bourbouilles,  qui 
tourmente  les  blancs  dans  tous  les  pays  chauds,  puis  l'érup- 
tion rubéolique  connue  sous  le  nom  de  boutons  du  Nil,  par- 
fois suivie  de  furoncles  et  d'anthrax,  également  plus  fré- 
quente chez  les  Européens  que  chez  les  Arabes,  nulle  chez 
les  Nubiens  et  les  nègres  ;  le  bouton  d'Alep  ou  clou  de 
Biskra  est  plus  sérieux  ;  la  lèpre  des  Grecs  se  montre  quel- 
quefois encore  dans  la  partie  méridionale  de  l'Egypte  sur 
les  nègres  et  les  Arabes;  l'éléphantiasis des  Arabes,  com- 
mun dans  le  Delta,  affecte  également  de  préférence  les 
hommes  de  race  colorée.  Signalons  en  outre  les  ulcérations 
phagédéniques  (plaie  de  l'Yémen)  et,  parmi  les  parasites, 
outre  l'amibe,  Pankylostome  et  la  bilharzie,  le  dragonneau 
ou  ver  de  Médine.  D^  L.  Hahn. 

Egypte  ancienne .  —  Le  livre  X  de  la  Genèse 
donne  Misraïm  pour  frère  à  Kouch  et  Chanaan.  A  l'époque 
où  remonte  ce  document,  l'Egypte  et  l'Ethiopie  avaient 
mêmes  mœurs,  même  civilisation  et  pouvaient  sembler 
deux  nations  sœurs .  Les  Grecs  renchérirent  encore  sur  ce 
point  de  vue  en  supposant  que  les  habitants  primitifs  de 
l'Egypte  n'étaient  autres  que  des  colons  éthiopiens.  C'est 
l'hypothèse  inverse  qu'ils  auraient  dû  faire  :  nous  savons 
aujourd'hui  que  les  colons  ont  remonté  et  non  descendu  le 
Nil  et  que  la  civilisation  éthiopienne  n'était  qu'une  impor- 
tation égyptienne  d'époque  relativement  récente  par  rap- 
port aux  temps  éloignés  où  l'Egypte  sortit  de  la  barbarie. 
Si  la  parenté  est  problématique  entre  Kouch  et  Misraïm, 
il  n'en  est  pas  de  même  entre  Misraïm  et  Chanaan.  Les 
savants  modernes,  se  fondant  sur  les  caractères  ethnogra- 
phiques et  sur  certaines  analogies  linguistiques,  s'accordent 
à  rattacher  les  anciens  Egyptiens  à  la  grande  famille  de 
peuples  qui  occupaient  l'Asie  antérieure  et  l'Arabie,  Les  uns 
les  font  émigrer  dans  la  vallée  du  Nil  par  le  détroit  de 
Babel  Mandeb,  les  autres  par  l'isthme  de  Suez.  Quant  à 
eux,  ils  se  considéraient  comme  les  premiers  habitants  de 
la  vallée  ou  du  moins  comme  les  premiers  hommes  qui  la 
reçurent  en  partage,  car  ils  croyaient  qu'elle  avait  d'abord 
été  habitée  par  des  dieux.  Ils  ne  reconnaissaient,  à  vrai 
dire,  ce  titre  qu'aux  rois  qui  régnèrent  pendant  la  période 
préhistorique.  Leurs  sujets  étaient  ces  Chesou-Hor  (servi- 
teurs d'Horus),  que  les  Egyptiens  vénéraient  comme  les 
plus  pieux  des  hommes  et  comme  les  fondateurs  des  villes 
et  des  temples.  Ce  sont  ces  générations  antéhistoriques  qui 
conquirent  patiemment  le  sol  sur  les  marécages,  fertili- 
sèrent de  véritables  déserts,  s'essayèrent  les  premiers  à 
ce  système  savant  d'irrigation  au  moyen  de  canaux  et  de 
digues  qui  est  resté  en  usage  jusqu'à  nos  jours.  Ce  sont 
elles  aussi  qui  formèrent  les  premiers  groupes  de  petits 
Etats  indépendants,  origine  des  circonscriptions  adminis- 


tratives que  les  Grecs  appelèrent  nomes.  Ces  petits  Etats  se 
composaient  des  villes,  dont  la  principale  {noiit)  était  le 
siège  d'un  gouvernement  civil  et  militaire  et  d'un  culte 
spécial  ;  de  terres  cultivées  (oiiou)  et  de  marais  {pehoii).  Ils 
étaient  désignés  d'un  nom  formé  avec  l'emblème  du  dieu  local. 
Les  chefs  héréditaires  de  ces  Etats  s'appelaient  hiqou.  Cette 
vaste   fédération,  fondée  sur  le  respect  des  droits  réci- 
proques,   ne  pouvait  durer  longtemps.  Des  querelles  de 
voisinage  suscitèrent  des  guerres  d'où  sortirent,  avec  un 
nouveau   groupement   des  forces  vives  de  l'Egypte,  plu- 
sieurs royaumes  bientôt  réduits  à  deux  :  celui  du  Nord  et 
celui  du  '^Sud.  Ces  deux  grands  Etats  furent,  pendant  la 
plus  grande  partie  de  la  période  historique,  réunis  sous  un 
même  sceptre.  Le  roi  portait  le  titre  de  souten  khab,  roi 
de  la  Haute  et  de  la  Basse-Egypte,  de  nib  taoui,  roi  des 
deux  pays  et  aussi  de  se  M,  fils  du  Soleil.  Le  principal 
emblème    de   la  royauté  était    un   cartouche,  sorte  de 
limbe   dans  lequel  on  inscrivait  le  nom  royal.   Dès  la 
V^  dynastie,  les  rois  firent  précéder  leur  nom  de  famille 
d'un  nom  d'intronisation.  L'ensemble  de  ces  noms,  joints 
à  une  devise  inscrite  sur  une  sorte  de  pavois,  constitue  ce 
que  les  égyptologues  appellent  le  protocole.  Le  protocole 
royal   s'écrivait  intégralement   de  cette  manière  :  i'^  le 
pavois  portant  la  devise  et  surmonté  de  l'épervier  d'Horus  ; 
2°  une  phrase  exaltant  les  vertus  ou  la  puissance  du 
souverain  et  commençant  par  l'expression  maître  du  vau- 
tour et  de  l'urœus  (autrement  dit  de  la  Haute  et  de  la 
Basse-Egypte)  ;  3<>  le  titre  de  souten  khab,  suivi  du  premier 
cartouche  (nom  d'intronisation)  ;  4°  le  titre  de  fils  du  soleil, 
suivi  du  deuxième  cartouche  (nom  de  famille)  ;  5°  l'épithète 
divine  par  excellence  :  vivificateur  éternel.  Le  protocole 
ne  pouvait  manquer  d'exercer  la  sagacité  des  égyptologues. 
Ils  se  sont  appliqués  à  démontrer  que  ces  titres  avaient 
une  signification  qui  dépassait  la   portée  d'une   simple 
hyperbole  et  l'ont  cherchée  dans  la  conception  qu'on  se 
faisait  en  Egypte  des  rapports  du  roi  avec  les  dieux.  C'est 
ainsi  que  M.  Maspéro,  reprenant  et  développant  la  distinc- 
tion établie  par  Erman  entre  les  titres  solaires  et  les  titres 
d'Horus  ou  d'épervier  et  appliquant  les  uns  à  la  personne 
même  du  roi,  et  les  autres  à  son  double  (V.  ci-après,  p.  674) , 
a  pu  poser  l'équation  suivante  :  1°  l'épervier  sur  le  pavois 
représentant  l'âme  du  soleil  sur  la  tombe  =  nom  du  double 
royal  survivant  dans  l'autre  monde,  c.-à-d.  du  pharaon 
complètement  divinisé  ;  —  2°  l'épervier  sur  le  collier  d'or 
=  nom  du  double  royal,  émanation  directe  de  la  divinité, 
incarné  dans  la  personne  royale  dès  sa  naissance;  —  3^  le 
premier  cartouche  précédé  du  titre  de  souten  khab  =  nom 
que  prenait  le  roi  en  montant  sur  le  trône,  c.-à-d.  en  rece- 
vant l'investiture  du  dieu  ;  —  4°  le  deuxième  cartouche  pré- 
cédé du  titre  de  fils  du  Soleil  =:  nom  de  famille  du  roi,  le 
seul  qu'il  aurait  porté,  moins  le  cartouche  et  le  titre,  s'il 
n'était  pas  arrivé  au  trône.  —  De  sorte  que,    si    l'on 
retourne  la  progression,  on  a  dans  l'ordre  même  où  se 
présentent  les  noms  royaux  le  cursus  honorum  résumé 
d'un  pharaon  depuis  sa  naissance  jusqu'à  sa  plus  complète 
divination.  Le  roi  était  aussi  appelé  le  dieu  bon  et  la 
grande  maison  {peraa).  Cette  dernière  dénomination,  la 
plus  populaire  en  Egypte,  devenue  pharo  dans  la  trans- 
cription hébraïque  de  la  Bible  est  restée  courante  dans  les 
langues  modernes.  H  s'en  faut  que  les  pharaons  aient  tou- 
jours pu  transmettre  intacte  à  leurs  successeurs  la  double 
royauté  fondée   sur  le  droit   divin.  La  fin  de   chaque 
dynastie  et  souvent  toute  la  durée  d'une  dynastie  étaient 
marquées  par  la  rupture  du  lien  de  vassalité  des  Etats  les 
plus  éloignés  du  pouvoir  central.   Les   chefs  héréditaires 
(hiqou  ou  ropatou)  de  ces  principautés  révoltées  usurpaient 
alors  le  cartouche.  Quand  ils  étaient  assez  puissants  pour 
soumettre  les  autres  principautés,  ils  devenaient  les  véri- 
tables rois  de  l'Egypte,  prenaient  le  titre  de  souten  et  éri- 
geaient leur  ville  en  capitale  du  royaume.  Au  temps  de 
leur  plus  grande  puissance,  les  pharaons  substituèrent  aux 
princes  héréditaires  de  véritables  fonctionnaires  (mer  nout 
djât)  ou  nomarques,  choisis  tantôt  parmi  les  courtisans. 


—  667 


EGYPTE 


tantôt  parmi  les  vieilles  familles  féodales.   Ces  préfets 
avaient  les  pouvoirs  les  plus  étendus  :  ils  étaient  les  chefs 
civils  et  militaires  de  leurs  circonscriptions  ;  ils  levaient 
les  impôts  pour  le  compte  du  roi  et  dirigeaient,  à  sa  réqui- 
sition, les  opérations  du  recrutement,  de  l'armement  et  de 
l'instruction  des  troupes.  Celles-ci  étaient  commandées,  en 
temps  de  guerre,  par  un  état-major  composé  d'officiers 
des   archers   et  d'officiers  des  chars,  placés  directement 
sous  les  ordres  du  roi.  Ces  officiers  étaient  en  temps  de 
paix  pourvus  de  fonctions  civiles  et  religieuses.  Ils  pou- 
vaient recevoir,  après  une  heureuse  campagne,  des  dota- 
tions en  terres,  des  biens  de  toute  sorte  et  la  décoration 
du  collier  de  la  vaillance.  L'impôt  était  prélevé  en  na- 
ture et  d'après  une  estimation   de  la   richesse  foncière 
établie  par  les  scribes  du  cadastre.  Il  était  emmagasiné 
dans  de  vastes  greniers  auxquels  étaient  préposés  des  fonc- 
tionnaires spéciaux.  Le  bétail  provenant  de  la  dîme  était 
dirigé  sur  les  pâturages  du  roi.  Les  biens  de  la  double 
couronne  avaient  pris  une  telle  extension,  qu'on  ne  pouvait 
les  administrer  sans  un  véritable  peuple  de  fonctionnaires, 
les  uns  purement  locaux  sous  les  ordres  du  préfet,  les 
autres  rattachés  au  pouvoir  central  et  chargés  de  l'ins- 
pection et  du  contrôle.  Ces  nombreux  fonctionnaires  for- 
maient avec  le  sacerdoce  et  les  chefs  militaires  une  vaste 
caste,  celle  des  scribes.  Elle  comportait  une  importante 
hiérarchie  ;  car  il  y  avait  loin  du  scribe  modeste  qui  enre- 
gistrait les  résultats  d'une  pesée  ou  le  fret  d'une  barque 
au  grand  scribe  de  la  double  Maison  blanche,  qui  était,  en 
quelque  sorte,  le  ministre  des  finances.  Elle  absorbait  ainsi 
tout  l'élément  cultivé  de  la  société  égyptienne  ;  au  delà  de 
son  degré  le  plus  humble,  commençaient  les  corporations 
ouvrières,  dont  l'organisation  également  hiérarchique  nous 
échappe  encore  en  tous  ses  détails.  Le  Fellah  des  villes  et 
des. champs  occupe  le  dernier  degré  de  l'échelle.  C'est  lui 
qui,  sous  le  bâton  du  contremaître,  élève  les  digues, 
traîne  les  fardeaux  et  travaille  humblement  à  la  prospérité 
et  à  la  gloire  de  l'Egypte.  Pendant  longtemps  c'est  lui  qui, 
refoulant  les  nègres,  les  Libyens  et  les  Asiatiques,  a  élargi 
les  limites  de  la  double  terre.  Plus  tard,  les  pharaons  em- 
ployèrent des  mercenaires  qui  finirent  par  constituer  en 
Egypte  cette  caste  des  guerriers  dont  parlent  les  historiens 
grecs. 

Le  nombre  des  nomes  ou  préfectures  varie,  selon  les 
temps  et  selon  les  sources,  de  36  à  44.  La  liste  en  était 
souvent  dressée  sur  les  murailles  des  temples  où  nous  les 
voyons  encore  sous  la  forme  symbolique  de  personnages 
venant  faire  au  roi  l'offrande  des  biens  de  la  terre.  Ces 
personnages  disposés  en  longue  procession  sur  le  soubas- 
sement des  murs  ont  toujours  la  tête  surmontée  de  l'em- 
blème divin  qui  leur  sert  de  nom.  La  plupart  ont  pu  être 
identifiés  sûrement.  Ceux  des  nomes  de  la  Haute-Egypte 
ne  laissent  place  à  aucun  doute.  A  la  frontière  de  la  Nu- 
bie ou  Tokensit  s'étendait  le  nome  du  même  nom  avec 
l'île  d'Abou  (Eléphantine)  pour  chef-lieu.  Au  temps  de  la 
domination  romaine,  elle  céda  ce  rang  à  Noubit  (Ombos). 
Syène  de  son  nom  égyptien  Souanou  (Assouan)  s'élevait 
sur  la  rive  droite  en  face  d'Eléphantine,  célèbre  dans  l'an- 
tiquité à  cause  de  ses  carrières  et  du  fameux  puits  que  le 
soleil  éclairait  verticalement  le  jour  du  solstice  d'été.  Le 
nome  se  terminait  au  S.  par  les  deux  îles  saintes  de 
Senem  (Bigeh)  et  d'Ilak  (Philae),  lieux  de  pèlerinages  pen- 
dant toute  l'antiquité.  Le  temple  d'Isis  à  Philse  resta  le 
dernier  sanctuaire  du  paganisme  en  Egypte.  Au  N.  de 
ce  nome  était  celui  de  Tes  Hor  (Apollonites)  avec  Debo 
(Apollinospolis  Magna)  pour  chef-lieu.  Cette  ville,  la  moderne 
Edfou,  avait  au  temps  des  Ptolémées  assez  d'importance 
pour  être  dotée  par  ces  princes  d'un  grand  et  magnifique 
temple  élevé  sur  l'emplacement  de  l'ancien  sanctuaire  du 
dieu  Horhoud.  A  27  kil.  au  S.  de  Deb  s'élevait  Khennou 
(Cilcilis)  célèbre  par  ses  carrières  de  grès  exploitées  dès  le 
temps  de  la  XII®  dynastie  et  son  école  où  l'on  formait  dès 
la  même  époque  au  métier  de  scribes  les  jeunes  gens  de 
bonne  famille  venus  de  tous  les  points  de  l'Egypte.  Puis 


c'étaient  le  nome  de  Ten  (Latopolites)  et  celui  d'Ouas 
(Phatyrites).  Le  chef-lieu  du  premier  fut  d'abord  Nekheb 
(Eilethya)  puis  Sni  (Latopolis).  Nekheb,  aujourd'hui  El 
Kab,  était  une  ville  très  ancienne.  Son  nom  est  resté  dans 
les  textes  reUgieux  un  des  noms  symboliques  de  la  Haute- 
Egypte.  Au  temps  des  Hycsos,  elle  fut  le  dernier  boule- 
vard de  la  résistance.  C'est  dans  une  des  grottes  de  sa 
nécropole  que  se  trouve  le  tombeau  d'Ahmos,  chef  des 
nautonniers,  dont  la  grande  inscription  est  un  des  docu- 
ments les  plus  intéressants  pour  l'histoire  de  la  libération 
de  l'Egypte.  Ahmos,  en  eff"et,  prit  part  à  la  bataille  d'Ava- 
ris,  qui  consomma  la  défaite  des  Hycsos.  Le  nome  d'Ouas 
avait  pour  chef-lieu  Apit  ou  Tapit,  la  Thèbes  des  Grecs 
(Diospolis  Magna),  capitale  de  l'empire  sous  neuf  dynas- 
ties. Son  histoire  est  en  quelque  sorte  celle  de  l'Egypte. 
Grande  et  forte  lorsque  ses  rois  étendent  leurs  conquêtes 
depuis  la  cinquième  cataracte  du  Nil  jusqu'à  l'Euphrate, 
elle  est  tour  à  tour  prise  et  pillée  par  tous  les  envahisseurs 
de  l'Egypte,  Ethiopiens,  Assyriens  et  Perses.  Mais  ce  fut  un 
cataclysme   qui  lui  porta  le  dernier  coup.  A  moitié  dé- 
truite par  un  tremblement  de  terre  en  l'an  27  av.  J.-C, 
elle  n'offre  plus  aujourd'hui  que  les  ruines  imposantes, 
disséminées  dans  les  villages  de  Karnaq  et  de  Louqsor  (rive 
droite),  de  Medinet  Habou,  Gournah,  Déir  el  Bahari  (rive 
gauche).  A  l'époque  romaine,  le  chef-lieu  du  nome  avait 
été  transporté  à  On  du  Sud  (Hermonthis).  Au  N.    du 
nome  Phatyrite,  on  entrait  dans  les  nomes  Coptites  (Horoui) 
et  Tentyrites.  Le  premier  sur  la  rive  droite  avait  pour 
chef-lieu  Coubti(Coptos),  la  moderne  Koft,  qui  paraît  avoir 
balancé,  au  début  delà  XP dynastie, l'influence  de  Thèbes, 
et  qui  lui  succéda  sous  les  Ptolémées,  comme  capitale  com- 
merciale de  la  Haute-Egypte.  Elle  fut  alors  et  resta  pen- 
dant toute  l'époque  romaine  le   grand  entrepôt  des  mar- 
chandises de  l'Inde.  Le  second,  sur  la  rive  gauche,  avait 
pour  chef-lieu  Tentarer(Tentyris),  la  moderne  Denderah, 
consacrée  dès  les  temps  les  plus  anciens  à  la  déesse  Hathor. 
Son  grand  temple,  qui  fait  l'admiration  des  voyageurs, 
n'est  qu'une  reconstruction  d'époque  romaine.  Le  nome 
de  Haskek  (Diospolites)  venait  ensuite  avec  Hou  (Diospo- 
lis Parva),  la  moderne  Hâou.  Le  nome  Thinites,  qui  s'éten- 
dait sur  les  deux  rives,  comme  le  précédent,  fut  le  berceau 
de  la  monarchie.  Sa  première  capitale,  Thinis,  aujourd'hui 
Kôm  es  Soultan  selon  les  uns,  et  Bellianeh  selon  d'autres, 
céda  le  pas  dès  une  haute  antiquité  à  Aboudou  (Abydos), 
la  ville  sacrée  qui  se  vantait  de  posséder  le  tombeau  d'Osi- 
ris  et  qui  fut  remplacée  à  son  tour  par  Psoï  (Ptolémaïs). 
«  Les  nomes  de  l'Egypte-Moyenne,  entre  Abydos  et  Mem- 
phis,  dit  M.  Maspéro,  sans  avoir  jamais  obtenu  une  pré- 
pondérance marquée,  ont  pesé  d'un  grand  poids  dans  les 
destinées  du  pays.  Remplis  d'une  population  nombreuse, 
couverts  de  places  fortes  situées  avantageusement  sur  les 
différents  bras  du  Nil,  ils  pouvaient  couper  à  volonté  les 
communications  entre  Thèbes  et  Memphis  et  arrêter  long- 
temps la  marche  des  armées.  »  Le  premier  d'entre  eux,  le 
nome  de  Khemi  (Panopolites),  avait  pour  chef-lieu  Apou 
(Khemmis),  appelée  aussi  Panopolis  pour   les  Grecs  qui 
avaient  identifié  son  dieu  ithyphallique,  Khem,  avec  Pan. 
Un  autre  nom  du  dieu  était  Min,  lequel,  fondu  avec  le 
premier,  a  donné  à  la  ville  son  nom  moderne  d'Akhmin. 
Venaient  ensuite  le  nom  de  Douf  (Antaeopolites)  dont  le 
chef-lieu  Toukaou  (Antgeopolis)  s'élevait   sur  l'emplace- 
ment de  la  moderne  Gaou  el  Kebir  (rive  droite)  et  le  nome 
de  Baar  (Hypselites)  avec  Chachotpi  (Nesl  et  Chetoub)  sur 
la  rive  opposée.  On  entrait  alors  dans  le  lotef  supérieur 
(Lycopolites),même  rive,  qui  avait  pour  chef-lieu  Lycopohs 
Siout)  où  l'on  adorait  le  chacal  Anubis  comme  dieu  des 
morts,  puis  dans  le  lotef  inférieur,  chef-lieu  Kousit  (Cusae), 
la   moderne  Qossyeh.  Ce  nome  se  fondit  avec  les  deux 
voisins  à  l'époque  gréco-romaine.  L'un  d'eux,  le  nome  de 
Ounou  (Hermopolites)  avait  pour  chef-lieu  Kmounou  (Her- 
mopolis),  aujourd'hui  Achmouneïn.  Il  tirait  son  nom  de 
son  dieu  principal  (Thot,  Hermès).  Sur  l'autre  rive  du 
Nil,  Aménophis  IV  avait  élevé  la  ville  dont  les  ruines  se 


EGYPTE 


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retrouvent  à  côté  de  Tell  el  Amarna.  Le  Mehi  avait  pour 
chef-lieu  Hbennou  (Théodosiopolis),  ville  obscure  et  qui  a 
laissé  moins  de  souvenirs  que  Nowrous  (Khom  el  Ahmar) 
où  l'on  voit  encore  des  tombes  de  l'ancien  empire,  et  sur- 
tout que  Panoubt  (Speos  Artemidos)  dont  la  nécropole 
forme  une  série  de  grottes  réparties  entre  cette  localité  et 
Béni  Hassan.  Ces  tombes  qui  sont  celles  de  princes  de  la 
XIP  dynastie  nous  ont  conservé  les  documents  les  plus 
précieux  sur  la  vie  et  les  mœurs  de  la  féodalité  à  l'époque 
du  premier  empire  thébain.  Les  plus  anciennes  villes  du 
nome  étaient  Monaït  Khoufou,  fondée  par  Khoufou  (Chéops), 
sur  l'emplacement  de  la  moderne  Minieh.  Sur  la  rive 
droite  les  deux  nomes  de  Pa,  chef-lieu  Haibonou,  et  de  Ma- 
ton (Aphrodites),  chef-lieu  Panibtepahe  (AphroditopoHs), 
la  moderne  Atfieh,  faisaient  face  au  nome  de  Ouabou 
(Oxyrrhinchites),  chef-lieu  Pamadjit  (OxyrrhinchosPemsje), 
aujourd'hui  Behneceh,  au  Nouhit  supérieur  (Heracleopo- 
lites),  chef-lieu  Hakhnensou  (Heracleopolis  Magna),  aujour- 
d'hui Hnassieh,  et  au  Nouhit  inférieur,  chef-lieu  Miritoum, 
aujourd'hui  Meïdoum.  Le  Fayoum,  qui  était  attaché  au 
premier,  forma  à  son  tour  un  nome  nouveau,  l'Arsinoites, 
avec  Chedou  (Crocodilopolis)  pour  chef-lieu.  Toute  cette 
partie  de  l'Egypte  comprise  entre  Lycopolis  etMitoum  semble 
avoir  eu  la  prépondérance  pendant  près  d'un  siècle,  alors 
que  les  dynasties  memphites  étaient  déchues  de  leur  an- 
cienne grandeur  et  que  les  princes  de  Thèbes  n'avaient  pas 
encore  fait  parler  d'eux.  La  Basse-Egypte  commençait  au 
nome  de  Anbouhaït  (Memphites),  dont  le  chef-heu  Mannoouir 
(Memphis),  appelé  aussi  Hakaphtah,  a  donné  son  nom  à 
l'Egypte.  Son  histoire  comme  celle  de  Thèbes,  sa  rivale,  est 
intimement  liée  à  celle  de  l'Egypte.  Puissante  et  prospère 
au  temps  où  ses  rois  régnaient  sur  toute  la  vallée,  puis 
délaissée  pendant  de  longs  siècles,  elle  reprit  une  partie  de 
son  importance  au  vi^  siècle  avant  J.-C.  et  ne  déclina  tout 
à  fait  qu'à  l'époque  romaine.  Ses  ruines  couvrent  encore 
aujourd'hui  la  vaste  plaine  comprise  entre  Bedrecheïn  et 
Mitrayneh.  Sa  nécropole,  encore  plus  grande  que  celle  de 
Thèbes,  comprend  la  série  de  pyramides  qui  s'étend 
d'Abou  Roach  à  Dachour.  L'identification  des  nomes  du 
Delta  est  loin  de  présenter  le  même  degré  de  certitude  que 
celle  des  provinces  de  la  Haute  et  de  la  Moyenne-Egypte. 
Nous  pouvons  cependant  citer  les  nomes  Létopoliteet  Hélio- 
polite,  l'un  à  gauche,  l'autre  à  droite  de  la  pointe  méri- 
dionale du  Delta.  Le  premier  avait  pour  chef-lieu  Sokhmit 
(Létopolis),  le  second.  On  du  Nord  (Héliopolis)  moins  im- 
portante par  sa  population  ou  son  rôle  politique  que  par 
son  collège  de  prêtres,  fondateur  d'un  système  théologique 
qui. exerça  la  plus  grande  influence  sur  la  religion  de  l'em- 
pire. Sa  célébrité  était  telle  dans  le  monde  ancien  que 
les  Grecs  s'imaginaient  qu'il  avait  été  l'école  où  s'étaient 
formés  leurs  plus  grands  philosophes.  Les  nomes  Saïtes, 
chef-lieu  Sais,  sur  la  rive  droite  de  la  branche  canopique, 
Phteneotes  ou  Am  inférieur,  chef-lieu  Boulo  (Ouadijt), 
jouirent  dès  la  plus  haute  antiquité  d'une  certaine  impor- 
tance. Le  culte  de  Neit,  à  Sais,  qui  eut  surtout  sa  vogue 
sous  les  rois  de  la  XX VP  dynastie,  remontait  à  l'ancien 
empire  ;  quant  à  Bouto,  elle  n'a  pu,  comme  Nekhab,  sym- 
boliser le  N.  de  l'Egypte  que  grâce  à  une  prépondé- 
rance politique  ou  religieuse  dont  l'histoire  n'a  pourtant 
conservé  aucune  autre  trace.  A  défaut  des  nomes  on  a  re- 
trouvé l'emplacement  d'un  grand  nombre  de  villes  dont  les 
principales  sont  Khsôou  (Xois),  aujourd'hui  Sakhra,  sur 
l'ancienne  branche  sébennytique,  Panibdidou  (Mendès),  au 
S.-O.  du  lacMenzaleh,  Thebnoutir  (Sebennytos),  aujour- 
d'hui Samanhoud,  sur  la  branche  de  Damiette;  Pa  Bast 
(Bubastis),  aujourd'hui  Tell  Basta,  au  S.  de  Zagazig,  et 
Tanis,  aujourd'hui  San,  où  Mariette  a  mis  au  jour  les  cu- 
rieux monuments  qui  nous  font  remonter  au  temps  de  la 
domination  des  Hycsos. 

Religion.  —  Aucun  peuple  n'a  eu  autant  de  dieux  que 
les  Egyptiens.  Chaque  tribu,  chaque  petit  Etat  et  plus  tard 
chaque  nome  eut  les  siens.  Ce  n'étaient  à  l'origine  que  les 
personnifications  des  forces  ou  des  principaux  aspects  de 


la  nature,  le  ciel,  les  astres,  les  phénomènes  célestes,  le 
Nil,  la  terre  productrice,   un  grand  nombre  d'animaux, 
des  arbres,   des  minéraux,  etc.   La  croyance  populaire 
attribuait  même  certaines  vertus  à  des  objets  fabriqués.  A 
la  longue,  ce  grossier  fétichisme  s'épura.  Les  théologiens 
distinguèrent  entre  les  divinités  primordiales  et  les  génies 
secondaires  qui  restèrent  toujours  l'objet  de  la  superstition 
du  peuple.  Les  dieux  proprement  dits  ne  réussirent  pas  néan- 
moins à  s'affranchir  complètement  des  éléments  grossiers 
qui  les  constituaient  à  l'origine  et  qui  restèrent  leur  mode 
d'expression.  Des  dieux  cosmiques  comme  Sowek,  Thot, 
Chnoum,  Ptah,   etc.,  ne  purent  jamais  se  dégager  des 
formes  du  crocodile,  du  singe  ou  de  l'ibis,  du  bélier  et  du 
bœuf  avec  lesquels  ils  ne  faisaient  qu'un  au  début,  et  qui 
demeurèrent  leur  vivant  symbole  ;  à  plus  forte  raison  les 
dieux  qui  ne  pouvaient  avoir  d'autre  signification  que  celles 
qui  était  contenue  dans  leur  forme  animale.  Les  Egyptiens 
ne  concevaient  donc  pas  les  dieux  autrement  conformés 
que  leurs  créatures  :  ils  leur  attribuaient  un  corps,  une  ou 
plusieurs  âmes  comme  à  l'homme,  des  besoins,  des  pas- 
sions, en  un  mot  la  vie.  Ils  naissaient  et  mouraient,  se 
mariaient  et  s'engendraient,  se  haïssaient  et  se  faisaient 
la  guerre  comme  les  hommes.  Il  est  vrai  qu'ils  ne  mou- 
raient jamais  complètement  ;  mais  cela  ne  leur  constituait 
pas  une  immunité,  car  l'homme  avait  le  même  droit  à  la 
résurrection  et  l'obtenait  par  l'accomplissement  de  certaines 
formantes  dont  les  dieux  ne  pouvaient  non  plus  s'abstenir. 
On  ne  saurait  nier  pourtant  que  les  textes  de  l'époque 
thébaine  nous  mettent  en  présence  de  conceptions  reli- 
gieuses d'un  ordre  assez  élevé  :  Amon,  par  exemple,  y 
reçoit  les  titres  de  dieu  un,  unique^  de  maître  de  l'éternité 
ni  plus  ni  moins  que  le  Jahouèh  des  Juifs.  Mais  ces  con- 
ceptions,   d'ailleurs  spéciales  aux  théologiens,  laissèrent 
coexister  les  croyances  primitives,  de  la  même  manière 
que  la  création  de  l'écriture  cursive  laissa  subsister  l'an- 
cienne écriture  hiéroglyphique,  sur  laquelle  elle  était  un 
sérieux  progrès.  Le  trait  dominant  du  caractère  égyptien 
a  été  de  tout  temps  un  conservatisme  absolu  :  rien  ne  s'est 
transformé  en  Egypte,  tout  s'est  superposé.  C'est  ainsi 
qu'on  retrouve  intacte,  aux  derniers  moments  du  paga- 
nisme, la  cosmogonie  imaginée  dès  avant  la  période  histo- 
rique par  les  prêtres  d'Héliopolis.  Selon  cette  doctrine, 
rien  à  l'origine  n'existait  avant  le  Nouit,  l'océan  primordial. 
Le  premier  dieu  qui  en  sortit,  Toum  ou  Atoum,  engendra 
de  lui-même  un  premier  couple  divin.  Chou  et  Tafnout,  qui 
sépara  le  ciel  d'avec  la  terre .  Comment  se  fit  cette  opéra- 
tion, c'est  ce  que  nous  montrent  les  nombreuses  répliques 
d'un  tableau  devenu  très  populaire  en  Egypte.  La  déesse- 
ciel  Nout  tient  embrassé  le  dieu-terre  Sib  couché  de  tout 
son  long  sous  elle.  Chou,  qui  jouait  seul  ce  rôle  dans  la 
forme  primitive  du  mythe,  se  ghsse  entre  les  deux  corps, 
et  soulève,  d'abord  agenouillé,  puis  dressé,  la  déesse-ciel 
qu'il  supporte  indéfiniment,  et  dont  les  bras  et  les  jambes 
pendantes  restent  en  contact  par  leurs  extrémités  avec 
le  dieu  Sib.  Chou  représentait  ainsi  l'air,  c.-à-d.  l'élément 
intermédiaire.  Le  monde  ainsi  formé  s'éclaire  subitement  : 
le  soleil  parait  hors  du  lotus  qui  émerge  de  l'Océan,  et 
accomplit  sa  première  course,  vivifiant  tout  sur  sa  route. 
Suit  la  naissance  d'Osiris,  le  premier  homme,  fils  de  Sib 
et  de  Nout.  Osiris,  comme  l'Adam  biblique,  a  une  com- 
pagne, Isis,  et  de  plus  un  frère,  Sit,  qui  représente  le  mal, 
comme  lui-même  représente  le  bien.  Sit  fait  la  guerre  à 
son  frère,  le  tue  et  le  met  en  pièces.  Mais  Isis  rassemble 
les  morceaux  épars  dans  toute  l'Egypte  et  aidée  de  sa  sœur 
Nephthys  les  embaume.  De  son  époux  ainsi  rendu  à  une 
vie  qui  n'est  plus  la  vie  terrestre,  elle  conçoit  un  fils 
(Horus)  qui  deviendra  le  vengeur  de  son  père  et  mettra  à 
mort  son  meurtrier  Sit.  Ce  mythe  de  la  création  ainsi 
accomplie  en  plusieurs  actes  (création  de  l'élément  actif 
qui  sépare  le  ciel  d'avec  la  terre,   création  du  monde, 
création  de  la  vie  et  de  la  mort)  n'est  pas  seulement  l'une 
des  plus  vieilles  théories  de  la  science,  c'est  aussi  le  pre- 
mier indice  que  nous  ayons  de  la  concentration  en  un  seul 


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EGYPTE 


culte  de  divinités  d'origines  diverses,  source  du  syncré- 
tisme qui  nous  apparaît  déjà  en  toute  sa  complexité  dans 
les  textes  les  plus  anciens.  Neuf  des  dieux  de  cette  légende, 
ainsi  groupés  en  ennéade,  Toum,  Chou,  Tafnout,  Sib, 
Nout,  Osiris,  Isis,  Sit,  Nephthys,  avaient  une  existence 
indépendante  avant  de  former  ensemble  un  cycle.  Chou, 
Sib,  Nout  étaient,  à  vrai  dire,  des  dieux  élémentaires 
communs  à  la  plupart  des  tribus  qui  émigrèrent  dans  la 
vallée  du  Nil  ;  de  même  Isis  qui  du  hmon  fertile  devint  la 
divinité  mère  par  excellence  ;  mais  Osiris  et  Sit  étaient  des 
divinités  locales ,  Osiris  de  Mendès,  Sit  de  certaines  tribus 
du  Delta.  Toum,  Tafnout  et  Nephthys  appartiennent  à 
une  classe  de  divinités  tout  autre  ;  elles  ne  proviennent 
pas  d'un  fond  populaire,  mais  ont  été  formées  artificielle- 
ment pour  les  besoins  de  la  cause.  Il  y  avait  ainsi  en 
Egypte  trois  sortes  de  dieux  :  les  dieux  élémentaires  com- 
muns à  toute  l'Egypte  et  dont  un  petit  nombre,  Isis  et 
Hor,  par  exemple,  ont  été  adoptés  par  certains  nomes  et 
ont  eu  à  ce  titre  des  temples  spéciaux  et  un  culte,  les  dieux 
locaux  dont  Tun  (Osiris)  a  eu  le  sort  inverse  en  devenant 
une  divinité  nationale,  et,  en  dernier  lieu,  les  dieux  fac- 
tices dont  les  théologiens  ont  rempli  la  mythologie.  L'en- 
néade  héliopohtaine  paraît  s'être  substituée  de  bonne  heure 
à  la  plupart  des  systèmes  élaborés  dans  les  autres  écoles. 
On  se  contenta  le  plus  souvent  de  changer  le  dieu  primor- 
dial par  le  dieu  principal  de  la  localité,  homme  ou  femme, 
car  chaque  centre  religieux  n'adorait  pas  nécessairement 
un  dieu  masculin.  Sais  mettait  en  première  ligne  la  déesse 
Nit ,  Denderah  la  déesse  Hathor,  les  îles  de  la  première 
cataracte  les  déesses  Anouqit  et  Satit,  Philse  la  déesse 
Isis,  etc.  Certains  sanctuaires  éliminèrent  Sit,  le  dieu 
maudit,  au  profit  d'Hor,  fils  d'Osiris,  lequel,  bien  avant 
de  jouer  un  rôle  dans  la  légende  de  la  Passion  égyptienne, 
fut  un  dieu-ciel,  puis  un  dieu-soleil.  Il  y  eut  aussi  des 
ennéades  qui  comptèrent  dix,  douze  dieux  et  au  delà  ;  mais 
les  dieux  supplémentaires  ne  comptaient  que  pour  un  avec 
les  dieux  essentiels  de  l'ennéade  dont  ils  étaient  les 
parèdres.  L'école  d'Héliopolis  ne  s'en  tint  pas  à  une 
ennéade  unique;  elle  s'efforça  de  grouper  de  la  même 
manière  les  principaux  dieux  de  l'Egypte  et  de  les  rat- 
tacher ainsi  à  un  vaste  système  d'explication  de  l'Univers. 
Le  premier  cycle  ou  grande  neuvaine  renfermait  les  divi- 
nités créatrices,  le  cycle  suivant  ou  petite  neuvaine  fut 
destiné  à  représenter  l'organisation  et  la  marche  du 
monde  une  fois  créé.  Nous  n'en  connaissons  pas  la  compo- 
sition primitive,  mais  les  exemples  qui  nous  sont  fournis 
par  Thèbes  et  Philse  s'accordent  à  y  incorporer  les  dieux 
Hor,  Anubis,  Sotp,  Harmachis,  Thot,  les  déesses  Hathor 
et  Maït.  Les  théologiens  ne  s'arrêtèrent  pas  en  si  beau  che- 
min. Une  troisième  neuvaine  comprit  des  dieux  du  troisième 
degré  et  ainsi  de  suite.  Une  école  sacerdotale  célèbre,  celle 
d'Hermopolis,  fut  réfractaire  à  l'ennéade  héliopolitaine  et 
lui  en  opposa  une  formée  par  le  doublement  des  quatre 
dieux-singes  que  le  grand  dieu  de  Kmounou,  Thot,  avait 
préposés  aux  quatre  points  cardinaux.  Cette  ennéade  se  com- 
posa donc  de  Thot  comme  dieu  primordial  et  des  quatre 
couples  Nounou  et  Nounit,  Hchou  et  Hchit,  Kakou  et  Ka- 
kit,  Nenou  et  Nenit. 

^  La  combinaison  par  trois  ou  triade,  qu'on  a  longtemps 
considérée  comme  la  base  de  l'ennéade,  semble  avoir  eu 
son  point  de  départ  dans  la  tendance  qu'avaient  les 
anciens  Egyptiens  à  ramener  toutes  leurs  conceptions 
religieuses  à  l'imitation  uniforme  des  choses  humaines.  La 
triade  se  composait  d'un  dieu  père,  d'une  déesse  mère  et 
d'un  dieu  fils.  Conception  populaire  à  l'origine,  elle  ne 
tarda  pas  à  être  adoptée  par  les  théologiens,  qui  se  ser- 
virent des  unions  divines  comme  on  fait  des  mariages 
politiques  pour  fondre  des  intérêts  de  culte  quand  les  cir- 
constances l'exigeaient.  C'est  ainsi  que  Ptah  de  Memphis 
épousa  Sekhet  de  Létopolis  et  adopta  son  fils  Nowre- 
Toum,  né  sans  doute  d'un  premier  mariage  de  la  déesse 
avec  Toum  d'Héliopolis,  et  qu'Amon,  dieu  de  Thèbes,  fut 
transformé  en  père  de  Menton  et  à  ce  titre  le  supplanta 


comme  dieu  de  la  Thébaïde,  lorsque  Thèbes,  desimpie  bour- 
gade qu'elle  était,  devint  la  capitale  du  double  royaume. 
L'une  des  plus  anciennes  triades  était  celle  que  compo- 
saient Osiris,  Isis  et  Horus  :  elle  fat  en  tout  cas  la  plus  ré- 
pandue. La  triade  la  plus  artificielle  est  à  coup  sûr,  comme 
l'a  remarqué  M.  Maspéro,  celle  de  Sit  à  qui  l'on  donnait 
pour  épouse  et  pour  fils  Nepththys  et  Anubis,  divinités  qui 
lui  étaient  hostiles  en  tant  qu'alhées  d'Osiris.  La  triade  oc- 
cupa bientôt,  à  côté  de  l'ennéade,  un  eplace  importante  dans 
la  rehgion  égyptienne  ;  on  peut  même  dire  que,  dès  la  se- 
conde période  thébaine,  elle  occupa  la  première.  Dès  lors, 
il  s'en  forma  de  toutes  sortes  par  addition  d'un  dieu  à  la 
déesse  locale  quand  celle-ci  avait  un  fils  ou  de  deux  dieux 
dans  le  cas  contraire,  par  la  création  de  déesses  au  moyen 
d'un  petit  artifice  philologique  :  Amonit,  d'Amon,  Raît,  de 
Rà,  etc.  A  l'époque  ptolémaïque  on  ne  tint  plus  aucun  compte 
du  type  père,  mère,  fils,  qui  était  le  principe  même  de  la 
triade  et  l'on  admit  toutes  les  combinaisons  quelles  qu'elles 
fussent  :  Osiris,  Haroëris,  Harpechroud;  Osiris,  Isis, 
Nephthys,  Khnoum,  Satit  et  Anouqit  ;  Isis,  Nephthys  et 
Selqit,  etc. 

L'intluence  exercée  par  l'école  d'Héliopolis  sur  les 
croyances  de  l'Egypte  ne  s'est  pas  seulement  manifestée 
pas  la  diffusion  de  sa  cosmogonie  et  de  son  ennéade,  mais 
aussi  par  la  prépondérance  à  laquelle  arriva  son  dieu 
solaire  dans  tous  les  sanctuaires  de  l'Egypte.  Il  semble  en 
effet  que  Râ  soit  devenu  le  dieu  égyptien  par  excellence. 
Tous  les  dieux  chefs  d'ennéades  se  transformèrent  à  son 
exemple  en  soleils  ;  ceux  même  dont  le  caractère  originel 
s'était  le  moins  effacé  comme  Chnoum,  qui  était  un  dieu  Nil, 
comme  Ptah,  qui  était  un  dieu  Terre,  etc.  Amon  lui-même 
ne  put  faire  accepter  sa  prépondérance  à  l'époque  de  l'hé- 
gémonie thébaine  qu'en  se  confondant  avec  Râ.  Le  nom  du 
dieu  d'Héliopolis  entra  en  composition  avec  un  grand  nombre 
de  noms  divins  :  Amon-Râ,  Knoum-Râ,  Sewek-Râ,  etc.  Râ 
ayant  le  titre  de  père  de  tous  les  dieux,  ses  imitateurs 
l'usurpèrent.  Celui  de  fils  de  Râ  fut  pris  de  la  même  façon 
par  les  pharaons,  dès  les  premiers  temps  de  la  monarchie. 
L'identification  de  toutes  les  divinités  locales  avec  le  soleil 
est  un  fait  capital  dans  l'histoire  des  religions  de  l'Egypte. 
Elle  contenait  en  germe  ce  monothéisme  imparfait  que 
quelques  savants  considèrent  comme  l'essence  du  paganisme 
égyptien.  Le  procès  de  cette  doctrine  a  été  fait  avec  une 
haute  autorité  par  M.  Maspéro  dans  la  Revue  de  lliistoire 
des  religions^  de  1880  à  1889. 

Le  culte  rendu  aux  dieux  donne  encore  plus  que  la  mytho- 
logie la  mesure  du  degré  de  grossièreté  qui  les  carac- 
térise. Le  temple  est  la  demeure  où  ils  résident  en  corps  et 
en  esprit.  Ce  n'était  à  l'origine  qu'une  chambre  où  le  fé- 
tiche dressé  sur  son  socle  recevait  l'adoration  des  fidèles, 
ou  encore  une  sorte  d'étable  précédée  d'un  enclos  où  s'ébat- 
tait l'animal  divin.  Les  purifications,  les  offrandes  dont  on 
le  nourrissait,  les  sorties  solennelles  qu'on  lui  faisait  faire 
furent  à  l'origine  et  restèrent  toujours  les  éléments  essen- 
tiels du  culte.  Diverses  causes  contribuèrent  de  bonne  heure 
à  la  transformation  du  temple  :  1®  l'association  des  pa- 
rèdres au  culte  de  la  divinité  principale  ;  2<^  l'accroisse- 
ment prodigieux  des  offrandes  pour  les  dieux  dont  le 
pouvoir  s'étendait  au  delà  des  limites  du  nome;  3**  la  dévo- 
tion des  souverains  qui  n'était  pas  exempte  d'une  arrière- 
pensée  politique  et  qui  leur  suggéra  le  dessein  de  ces 
constructions  splendides  destinées  à  rendre  plus  sensible 
l'importance  de  leur  dieu  régional.  La  chapelle  primitive  s'ac- 
crut de  chapelles  pour  les  dieux  parèdres,  de  nombreuses 
chambres  pour  les  accessoires  du  culte,  les  purifications, 
le  sacrifice,  l'installation  du  sacerdoce.  On  jugea  aussi  à 
propos  de  dérober  à  la  vue  de  la  foule  les  sorties  les  plus 
fréquentes  du  dieu;  d'où  ces  cours  à  portiques  clos  de 
hautes  murailles.  A  l'état  rudimentaire,  ces  dispositions 
étaient  rigoureusement  contenues  dans  un  massif  bâti  sur 
plan  rectangulaire,  avec  des  murs  de  même  hauteur.  Mais 
les  accroissements  successifs  que  reçurent  ces  édifices 
leur  firent  bientôt  franchir  ces  limites.  Les  portiques  et 


EGYPTE 


670 


les  vestibules  érigés  par  les  rois  en  souvenir  de  leurs  vic- 
toires prirent  des  proportions  telles  que  le  sanctuaire  ne 
devint  au  moins  en  apparence  qu'un  accessoire  du  temple. 
Il  disparaissait  derrière  ces  superbes  annexes  qu'une  règle 
absolue  plaçait  toujours  en  avant  des  constructions  plus 
anciennes.  Le  tvpe  primitif  du  temple  fit  donc  place  à  un 
type  nouveau  que  les  pharaons  de  la  XIX«  dynastie  prirent 
pour  modèle.  Il  se  composait  du  temenos,  auquel  on  accé- 
dait par  un  long  dromos  bordé  de  sphinx,  d'un  nombre 
variable  de  portiques  avec  propylées,  du  pronaos  ou  salle 
hvpostyle  et  du  secos.  Inaccessible  aux  dévots,  mystérieux 
par  sa  profondeur  et  son  obscurité,  le  secos  ou  sanctuaire 
était  formé  par  une  chapelle  centrale  autour  de  laquelle  se 
groupaient  plus  ou  moins  régulièrement  d'autres  chapelles 
ainsi  que  les  chambres  d'un  caractère  trop  sacré  pour  prendre 
jour  sur  les  portiques.  Ce  qui  contribua  à  la  consécration  de 
ces  dispositions,  ce  fut  l'assimilation  de  tous  les  dieux  au  dieu 
d'Héliopolis.  Sous  Tinfluence  de  ce  mysticisme,  le  temple 
devint  la  maison  du  soleil,  c-à-d.  l'univers.  Le  culte  se 
modifia  dans  le  même  sens.  Le  dieu  se  recueillait  au  fond 
de  sa  chapelle  comme  l'astre  perdu  derrière  l'horizon  ; 
comme  lui,  il  se  levait  dans  sa  barque  et  apparaissait  dans 
la  salle  hypostyle  construite  à  l'image  du  monde  visible  : 
son  plafond  constellé  figurait  le  ciel,  les  papyrus  et  les  lotus 
qui  ornaient  sa  base  et  qui  alternaient  avec  les  images  des 
nomes  et  des  dieux  Nils  rappelaient  le  monde  terrestre  ; 
l'espace  intermédiaire  représentait  la  région  de  l'air  acces- 
sible aux  seuls  dieux  et  au  pharaon  divinisé.  Le  dernier 
propylône  qui  était  aussi  le  plus  élevé  correspondait  pareil- 
lement au  zénith,  au  point  culminant  d'où  le  soleil  redes- 
cend lentement  pour  se  perdre  derrière  l'horizon.  C'est  là 
que  la  barque  divine  portée  par  les  naophores  resplendis- 
sait entre  les  deux  obélisques  et  répandait  sa  lumière  et  sa 
doire  sur  la  foule  des  fidèles,  pour  reprendre  bientôt  comme 
le  soleil  sa  route  vers  la  demeure  mystérieuse,  au  fond  de 
l'adytum.  Certains  temples  possédaient  aussi  dans  une  de 
leurs  vastes  cours  un  petit  lac  où  l'on  faisait  accomplir  à 
la  barque  sacrée  la  traversée  mystique  du  Nil  céleste. 

En  tant  que  soleil,  le  dieu  n'en  était  pas  moins  soumis 
à  toutes  les  nécessités  inhérentes  à  la  condition  humaine. 
Il  lui  fallait  des  vêtements,  des  parfums,  des  aliments.  11 
avait  sa  garde-robe,  ses  officines  et  ses  cuisines,  ses  gre- 
niers, son  bétail  et  ses  pâturages,  ses  pêcheries,  etc.  Il  ne 
se  contentait  pas  de  l'impôt  que  lui  payait  la  piété  de  ses 
adorateurs  ;  des  biens  immenses  en  Egypte  et  au  dehors 
lui  assuraient  d'importants  revenus.  Il  avait  sa  part  aux 
dépouilles  des  vaincus  et  se  partageait  avec  le  pharaon 
tous  les  avantages  d'une  prépotence  purement  terrestre. 
Quoique  dieu  lui-même,  ce  dernier  lui  devait  la  plus 
entière  soumission  et  l'honorait  d'un  culte  en  règle  en 
échange  d'une  protection  toute  spéciale.  Les  nombreuses 
scènes  qui  illustrent  les  temples  nous  initient  clairement 
aux  rapports  du  dieu  et  du  pharaon.  Parfois  nous  les 
voyons  assis  côte  à  côte  sur  un  pied  de  quasi-égalité  ;  mais 
le  plus  souvent  le  dieu  trône  seul,  et  reçoit  de  son  fils 
bien-aimé  Voiïrânàe  du  vin,  de  l'eau,  du  lait,  des  deux 
couronnes,  du  sistre,  du  collier  menât,  des  pams  sa- 
crés, etc.  Nous  voyons  le  roi  lui-même  chasser  au  lasso 
les  quatre  bœufs  du  sacrifice,  qu'il  accomplira  intégra- 
lement comme  un  simple  ofliciant.  Ces  scènes  strictement 
liturgiques  ornent  l'intérieur  des  chapelles,  des  chambres 
et  de  la  salle  hypostyle.  Les  scènes  réservées  à  l'extérieur 
sont  d'une  autre  nature.  Elles  nous  représentent  le  pha- 
raon partant  pour   la   guerre,  rencontrant  et   battant 
l'ennemi,  puis  rentrant  triomphalement  sur  son  char  avec 
les  chefs  des  vaincus  qui  seront  en  dernier  lieu  sacrifiés 
devant  le  trône  divin.  Dans  tous  ces  actes,  ritualistiques 
ou  militaires,  le  pharaon  s'astreint  à  une  mise  en  scène 
et  un  costume  réglé  par  le  cérémonial.  Ici  il  porte  la 
couronne  du  Sud,  là  celle  du  Nord,  ailleurs,  le  pschent 
ou  le  klaft,  selon  les  cas,  le  diadème  atef,  le  casque, 
ou  la  tête  nue.  Des  légendes  hiéroglyphiques  qui  accom- 
pagnent ces  scènes  nombreuses  ne  nous  passent  aucun 


détail  :  elles  nous  donnent  les  noms  et  les  titres  des  per- 
sonnages, les  noms  des  chevaux  ;  elles  reproduisent  jus- 
qu'aux paroles  jetées  au  milieu  de  l'action,  les  ordres,  le 
dialogue  engagé  entre  le  roi  et  ses  officiers.  Ainsi  le  temple, 
avec  la  chronique  détaillée  des  campagnes  royales,  les 
listes  de  peuples  vaincus  et  des  tributs  payés  aux 
dieux,  le  texte  des  prières  et  des  actions  de  grâces,  les 
tableaux  des  fêtes  périodiques,  les  formulaires  de  l'offrande 
et  du  sacrifice,  le  détail  des  cérémonies,  constitue  à  lui 
seul  le  répertoire  le  plus  important  pour  l'étude  de  la  vie 
publique  et  religieuse  de  l'Egypte.  A  l'époque  ptolémaïque, 
il  subit  diverses  modifications.  Les  cours  plus  ou  moins 
nombreuses  de  l'ancien  temple  se  réduisaient  à  une  cour 
unique  entourée  de  portiques  que  Strabon  (dont  nous  res- 
pectons la  nomenclature)  appelle  ptères  ;  les  colonnades 
des  diverses  salles  du  secos  se  localisent  dans  le  pronaos 
ou  salle  hypostyle  toujours  en  avant  et  toujours  plus  élevée 
que  le  naos  proprement  dit  ;  les  chapelles  et  autres  dispo- 
sitions intérieures  de  cette  dernière  partie  se  groupent 
symétriquement  par  rapport  à  la  chapelle  principale  rede- 
venue ce  qu'elle  devait  être,  c.-à-d.  le  noyau  du  secos. 
Toutes  les  représentations  relatives  aux  campagnes  royales 
n'intéressant  plus  directement  le  culte  disparaissent  et 
laissent  le  champ  libre  à  la  mythologie  et  aux  scènes 
purement  liturgiques.  De  même  la  géographie  antique  four- 
nie par  les  listes  de  peuples  vaincus  cède  la  place  à  la  géo- 
graphie égyptienne,  soit  à  propos  des  guerres  mythiques 
d'Osiris  et  de  Bit,  soit  à  propos  des  redevances  dont  le 
dieu  était  honoré  de  la  part  des  différents  nomes.  Quant 
au  roi  lagide  et  plus  tard  au  césar,  il  se  substitue  pure- 
ment et  simplement  au  pharaon,  dont  il  prend  les  costumes, 
les  attributs  et  le  cartouche. 

Nous  savions  par  les  auteurs  anciens  la  place  que 
tenaient  les  croyances  relatives  à  la  vie  future  dans  les 
préoccupations  des  Egyptiens.  L'étude  des  textes  et  des 
monuments  a  confirmé  cette  manière  de  voir.  Chaque  nome 
avait  à  côté  de  son  dieu  des  vivants  un  dieu  des  morts  : 
Osiris  régnait  dans  la  nécropole  de  Didou  (Busiris)  et  de 
Panibdidou  (Mendès)  ;  Sokari,  dans  celle  de  Memphis  ;  la 
déesse  Miritskro  dans  celle  de  Thèbes  ;  les  morts  du  nome 
Thinites  obéissaient  à  Khontamenti,  ceux  du  Lycopolites  à 
Anubis.  Les  croyances  locales  relatives  à  la  vie  d'outre- 
tombe  eurent  le  même  sort  que  les  conceptions  purement 
mythologiques  :  elles  se  fondirent  de  bonne  heure,  et 
chaque  nécropole,  tout  en  conservant  son  dieu  primitif,  se 
mit  en  devoir  d'honorer  les  dieux  des  morts  des  nomes 
voisins  et  progressivement  tous  les  dieux  des  morts.  L'un 
d'eux  cependant  ne  tarda  pas  à  primer  tous  les  autres.  Dès 
les  temps  historiques,  Osiris  nous  apparaît  en  effet  comme 
la  divinité  funéraire  par  excellence.  Son  domaine  primitif 
se  trouvait  dans  les  lagunes  du  lac  Menzaleh.  C'était  là  que 
les  Mendésiens  d'avant  les  rois  plaçaient  le  Sokhit  lalou 
(le  champs  des  fèves),  refuge  des  âmes.  «  Les  champs 
d'Ialou,  dit  M.  Maspéro,  suivirent  la  même  fortune  que  les 
îles  bienheureuses  des  Grecs  ;  ils  se  déplacèrent  à  mesure 
qu'on  connut  mieux  la  géographie  de  l'Egypte  et  des  con- 
trées environnantes.  Ils  partirent  naturellement  vers  le 
N.-E.  dans  la  direction  qu'indiquait  leur  situation  primi- 
tive. Plusieurs  traits  du  mythe  d'Osiris  montrent  cju'une  .de 
leurs  premières  étapes  fut  sur  la  côte  de  Phénicie.  C'est 
en  Phénicie,  à  Byblos,  que  le  courant  emporta  le  corps  du 
dieu,  qu'Isis  se  réfugia,  qu'abordait  chaque  année  la  tète 
en  papyrus  jetée  dans  le  fleuve  par  les  prêtres  d'Egypte.  Je 
ne  sais  si  de  Phénicie  les  champs  d'Ialou  ne  passèrent 
point  sur  la  côte  plus  lointaine  d'Asie  Mineure;  le  certain, 
c'est  qu'ils  quittèrent  bientôt  la  terre  pour  s'élever  au  ciel. 
Il  y  prirent  place  au  N.-E.,  comme  il  résulte  du  témoi- 
gnage du  Livre  des  Morts,  dans  le  voisinage  de  la  Grande 
Ourse  et  des  constellations  boréales.  »  Ce  qui  fit  la  fortune 
d'Osiris  comme  principal  dieu  des  morts,  ce  fut  l'immense 
popularité  dont  il  jouissait  dans  toute  l'Egypte  autant  que 
type  idéal  du  premier  homme  né  de  la  terre  et  du  ciel. 
Dès  lors  il  ne  tarda  pas  à  être  associé  ou  identifié  aux 


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EGYPTE 


autres  dieux  des  morts  de  la  même  manière  que  Râ,  le 
Soleil,  aux  dieux  primordiaux  des  Vivants.  C'est  ainsi 
que  Sokari  devint  Sokar-Osiris,  que  Khontamenti  devint 
Khontamentit-Osiris,  etc.,  et  cela  sans  tenir  aucun  compte 
des  divergences  qui  existaient  entre  les  caractères  originels 
de  ces  ditférents  dieux  ainsi  qu'entre  les  diverses  concep- 
tions du  monde  infernal  auquel  ils  étaient  préposés.  L'en- 
fer de  Sokari  ne  ressemblait  en  rien  à  celui  d'Osiris  : 
celui-ci,  nous  l'avons  dit,  était  un  archipel  d'îlots  ver- 
doyants perdu  dans  les  lagunes  orientales  du  Delta  ;  celui- 
là  comprenait  les  cavernes  ou  les  longs  couloirs  creusés 
dans  la  chaîne  libyque  à  la  lisière  occidentale  de  la  nécro- 
pole memphite.  Pour  les  Abydéniens,  l'enfer  ou  Douaou 
n'était  pas  une  localité,  mais  une  grande  division  de  luni- 
vers.  Cette  croyance  s'imposa  de  bonne  heure  à  toute 
l'Egypte  et  contribua  vraisemblablement  à  la  bizarre  con- 
ception que  les  Egyptiens  se  faisaient  du  monde  dont  nous 
avons  exposé  plus  haut  la  création.  Ils  lui  supposaient  la 
forme  d'une  immense  boîte  ovale  orientée  par  ses  deux 
extrémités  vers    le  N.  et  le  S.  Ea    partie   supérieure 
était  formée  par  le  ciel,  voûte  d'airain  oti  étaient  suspen- 
dues les  lampes  fixes  (akhimou  ourdou)  et  les  lampes 
errantes  (akhimou  sekhou)  ;  le  fond  était  formé  par  la  terre 
dont  l'Egypte  était  le  milieu  ;  quant  aux  parois,  qui  sou- 
tenaient la  voûte  céleste,  c'était  la  double  chaîne  de  mon- 
tagnes qui  encaisse  la  vallée.  «  Le  soleil,  nous  explique 
M.  Maspéro,  circulait  le  long  des  parois  de  la  boîte  sur 
un  cours  d'eau  qui,  semblable  au  fleuve  Océan  des  Grecs, 
enveloppait  complètement  notre  terre  et  la  séparait  du  ciel. 
Le  lit  dans  lequel  il  coulait  et  les  régions  qui  l'avoisinaient 
formaient  autour  des  remparts  du  monde  comme  une  ban- 
quette placée  presque  immédiatement  sous  le  ciel  étoile. 
Elle  était  bordée  dans  toute  la  moitié  N.  de  l'ellipse  par 
une  chaîne  ininterrompue  de  montagnes  abruptes  qui  nais- 
saient à  l'O.,  à  la  hauteur  d'Abydos,  s'élevaient  rapide- 
ment et  devenaient  bientôt  si  hautes  qu'elles  s'interposaient 
comme  un  écran  entre  notre  terre  et  le  fleuve,  puis  se  ter- 
minaient à  l'E.  au  pic  de  Bakhou.  Le  pays  qui  s'étendait 
derrière  elles  était  le  Douaout^  la  région  des  âmes...  A 
partir  du  pic  de  Bakhou,  la  chaîne  s'efiaçait,  et  un  large 
plateau  lui  succédait,  qui  courait  d'abord  de  l'E.  ou  S. 
puis  du  S.  à  rO.  Du  soir  au  matin,  le  soleil  traversait 
le  Douaout,  et  la  hauteur  des  montagnes  empêchait  sa 
lumière  d'arriver  jusqu'à  nous  :  notre  terre  était  plongée 
dans  la  nuit.  Du  matin  au  soir,  il  parcourait  le  plateau 
de  la  partie  méridionale  ;  ses  rayons  n'étaient  plus  arrêtés 
par  aucun  obstacle  et  se  répandaient  librement  ;  notre 
terre  était  en  pleine  lumière  et  jouissait  du  jour.  »  Dans 
la  théorie  abydénienne,  le  soleil,  une  fois  franchi  le  terri- 
toire de  la  Fente,  échancrure  de  la  montagne  libyque 
qui  passait  pour  l'entrée  des  Enfers,  devenait  à  la  fois  un 
soleil  mort  et  le  dieu  des  morts,  et,  comme  tel,  était  iden- 
tifié avec  Osiris.  Cette  assimilation  eut  pour  conséquence 
l'assimilation  inverse  d'Osiris  avec  le  soleil  et  de  même 
que  le  soleil  apparent  absorba  à  la  longue  tous  les  dieux 
des  vivants,  le  soleil  invisible  modifia  si  complètement  le 
caractère  primitif  des  dieux  d'outre-tombe  qu'à  un  moment 
donné  on  ne  distingua  plus  entre  le  soleil  et  Osiris. 

Quoi  qu'il  en  soit,  c'est  toujours  le  point  de  vue  osirien 
qui  domine  dans  les  pratiques  funéraires  qui  suivent  immé- 
diatement la  mort.  A  peine  en  efl'et  a-t-il  rendu  le  dernier 
souffle,  que  l'Egyptien  passe  à  l'état  d'Osiris.  On  procède  à 
son  égard  comme  Isis  à  celui  de  son  époux;  on  l'embaume 
selon  un  rite  qui  reproduisait  purement  et  simplement  la 
cérémonie  de  l'embaumement  d'Osiris  ;  on  enferme  la  momie 
dans  un  cercueil  taillé  à  l'image  de  ce  dieu  et,  à  partir  de 
ce  moment,  le  service  funèbre  n'est  plus  que  la  représen- 
tation d'un  mystère  à  plusieurs  personnages  et  qui  pourrait 
s'intituler  la  résurrection  d'Osiris.  Le  transfert  de  la 
momie  à  la  nécropole,  par  terre  ou  par  eau,  qui  en  est  le 
prologue,  devient  fictivement  le  voyage  à  Abydos,  au  tom- 
beau d'Osiris.  Les  cérémonies  de  l'ouverture  de  la  bouche 
et  des  yeux  et  de  la  reconstitution  successive  de  tous  les 


organes  et  de  tous  les  membres  au  moyen  de  formules  que 
récitent  alternativement  divers  personnages  au  seuil  de  la 
tombe,  ainsi  que  le  sacrifice  funéraire  par  lequel  se  ter- 
minent les  démonstrations  en  l'honneur  du  mort,  sont  autant 
de  scènes  décalquées  sur  les  scènes  les  plus  typiques  et  les 
plus  populaires  de  la  passion  d'Osiris,  telle  que  la  tradition 
l'avait  fixée.  Une  fois  la  momie  dans  son  caveau,  commen- 
cent pour  l'Egyptien  les  croyances  les  plus  diverses  au  sujet 
de  sa  destinée.  La  sagesse  des  prêtres  qui  les  avait  re- 
cueiUies  avait  essayé  de  les  conciher  en  établissant  autant 
de  distinctions  dans  les  conditions  et  la  nature  de  l'âme 
qu'il  y  avait  de  systèmes  dans  ces  croyances.  C'est  ainsi 
qu'un  Thébain  contemporain  de  Ramsès  II  admettait  pour 
la  solution  du  mystérieux  problème  de  la  survie  toutes  les 
solutions  naïves  qui,  depuis  les  temps  les  plus  anciens, 
s'étaient  en  quelque  sorte  amassées  dans  l'esprit  du  peuple. 
Il  croyait  d'abord  à  l'existence  d'un  reflet  (qa)  de  sa  forme 
corporelle,  pouvant  à  son  gré  se  confondre  avec  sa  momie 
ou  s'en  détacher.  Ce  double  conservait  tous  les  besoins 
et  tous  les  appétits  de  la  terre.  Il  lui  fallait  de  la  nourri- 
ture, des  vêtements,  des  parfums,  des  serviteurs,  en  un 
mot  de  quoi  continuer  sans  aucun  changement  son  premier 
train  de  vie.  Négligé  et  abandonné  à  lui-même,  le  double 
était  condamné  à  la  dernière  des  misères  :  il  errait  la  nuit 
au  milieu  des  chemins,  cherchant  sa  vie  dans  les  immon- 
dices, et  venait  troubler  de  ses  menaces  les  survivants 
égoïstes  qui  l'avaient  oublié.  La  piété  envers  le  double 
consistait  donc  à  joindre  d'abord  à  la  momie  et  dans  son 
propre  caveau,  un  mobilier  complet  et  tous  les  objets  d'uti- 
lité ou  de  luxe  que  le  double  pouvait  souhaiter,  puis  à 
déposer  à  sa  portée,  dans  la  chapelle  de  la  tombe  où  il 
était  censé  avoir  accès,  les  aliments  nécessaires  à  sa  vie  de 
chaque  jour.  C'était  un  impôt  très  lourd  sur  l'héritage  : 
on  l'éluda  par  la  vertu  des  formules  magiques,  et  c'est 
ainsi  que  des  troupeaux  de  bétail,  des  champs  d'orge  re- 
présentés sur  les  murs  de  la  chapelle  et  des  simulacres  en 
pierre  ou  en  carton  de  mets  de  toute  sorte,  souvent  même 
la  simple  énumération  des  offrandes  dont  on  voulait  lui 
assurer  l'éternelle  jouissance,  pouvaient  à  l'appel  du  mort 
proféré  d'une  certaine  manière  devenir  autant  de  réalités. 
Tout  dépendait  donc  du  mort  ou  de  sa  capacité  en  tant  que 
ma-kheroii,  c.-à-d.  juste  de  ton.  Une  formule  prononcée 
sur  un  ton  faux  restait  sans  ejQfet.  Il  est  vrai  qu'il  n'était 
pas  plus  malaisé  de  transformer  le  mort  en  ma-kherou 
que  de  lui  rendre  l'usage  des  yeux  ou  de  la  bouche.  Le 
même  Thébain,  qui  croyait  à  l'existence  du  double,  n'en 
croyait  pas  moins  à  l'existence  d'une  âme  plus  spirituelle 
et  qui,  pendant  que  le  double  se  morfondait  dans  le  caveau, 
poursuivait  une  destinée  bien  autrement  aventureuse  dans 
le  Douaou.  Le  Douaou,  ou  enfer  des  Egyptiens,  était,  nous 
l'avons  dit,  la  région  des  douze  heures  de  nuit.  C'était  une 
sorte  de  vallée  divisée  en  douze  territoires  et  reproduisant 
plus  ou  moins  l'aspect  des  parties  correspondantes  du  Nil. 
Plongé  dans  l'obscurité  pendant  le  jour,  cet  enfer  s'illumi- 
nait chaque  nuit  au  passage  du  soleil,  sauf  pourtant  les 
régions  souterraines  qui  correspondaient  à  la  nécropole  de 
Memphis,  dont  Sokari  était   le   dieu  souterrain.  Toutes 
ces  régions  étaient  peuplées  de  génies  plus  étranges  les 
les  uns  que  les  autres  et  qui  appréhendaient  l'âme  à  toutes 
portes  et  à  tous  les  passages  ;  mais  le  même  genre  de 
formule  et  le  même  pouvoir  qui  assuraient  la  vie  du  double 
assuraient  le  voyage  de  l'âme  jusqu'au  nome  de  la  sixième 
heure,  où  siégeait  Osiris  entouré  de  ses  quarante-deux 
assesseurs.  C'est  alors  qu'avait  lieu  le  jugement  de  l'âme 
ou  psychostasie.  Le  cœur,   pesé  par  les  dieux  Hor  et 
Anubis,  dictait,  selon  qu'il  était  déclaré  lourd  ou  léger,  une 
sentence  sans  appel  au  dieu  Thot  dont  la  croyance  populaire 
avait  fait  un  greffier  pour  la  circonstance.  En  même  temps, 
l'âme  récitait  la  confession  négative  conservée  dans  le  Livre 
des  Morts  :  «...  Je  n'ai  commis  aucune  fraude  contre  les 
hommes  !  Je  n'ai  pas  tourmenté  la  veuve  !  Je  n'ai  pas  menti 
dans  le  tribunal  !  Je  ne  connais  pas  la  mauvaise  foi  !  Je 
n'ai  fait  aucune  chose  défendue  !  Je  n'ai  pas  fait  exécuter 


EGYPTE 


672  — 


à  un  chef  de  travailleurs,  chaque  jour,  plus  de  travaux 
qu'il  n'en  devait  faire!...  Je  n'ai  pas  été  négligent!  Je  n'ai 
pas  été  oisif!  Je  n'ai  pas  faibli!  Je  n'ai  pas  défailli!  Je 
n'ai  pas  fait  ce  qui  était  abominable  aux  dieux  !  Je  n'ai  pas 
desservi  l'esclave  auprès  de  son  maître  !  Je  n'ai  pas  affamé  ! 
Je  n'ai  pas  fait  pleurer  !  Je  n'ai  point  tué  !  Je  n'ai  pas 
ordonné  le  meurtre  par  trahison  !  Je  n'ai  commis  de  fraude 
envers  personne  !  Je  n'ai  point  détourné  les  pains  des 
temples  î  Je  n'ai  point  distrait  les  gâteaux  d'offrande  des 
dieux  !  Je  n'ai  pas  enlevé  les  provisions  ou  les  bandelettes 
des  morts  !  Je  n'ai  point  fait  de  gains  frauduleux  !  Je  n'ai 
pas  altéré  les  mesures  de  grain  !  Je  n'ai  pas  fraudé  d'un 
doigt  sur  une  parure  !  Je  n'ai  pas  usurpé  dans  les  champs  ! . . . 
Je  n'ai  pas  faussé  l'équiHbre  de  la  balance  !  Je  n'ai  pas 
enlevé  le  lait  de  la  bouche  des  nourrissons  !  Je  n'ai  point 
chassé  les  bestiaux  sacrés  sur  leurs  herbages  !  Je  n'ai  pas 
pris  au  filet  les  oiseaux  divins  !  Je  n'ai  pas  péché  les  pois- 
sons sacrés  dans  leurs  étangs  !  Je  n'ai  pas  repoussé  l'eau 
en  sa  saison  !  Je  n'ai  pas  coupé  un  bras  d'eau  sur  son 
passage  !  Je  n'ai  pas  éteint  le  feu  sacré  en  son  heure  !  Je 
n'ai  pas  violé  la  neuvaine  des  dieux  dans  des  offrandes 
choisies  !  Je  n'ai  pas  repoussé  les  bœufs  des  propriétés 
divines  !  Je  n'ai  pas  repoussé  de  dieu  dans  sa  procession  ! 
Je  suis  pur  !  Je  suis  pur!  Je  suis  pur  !  »  Reconnue  impure, 
l'âme  est  impitoyablement  chassée  et  souffre  tous  les  maux 
avant  l'anéantissement  final  ;  pure,  elle  pénètre  dans  la 
région  de  la  septième  heure  oti  commencent  les  champs 
d'Ialou,  ce  paradis  bizarre  où  les  âmes  ne  paraissent  pas 
jouir  d'une  félicité  diflerente  du  bonheur  terrestre,  c.-à-d. 
d'un  bonheur  acheté  par  le  travail.  Elles  sont  tenues,  en 
effet,  de  labourer  la  terre,  labourage,  il  est  vrai,  tout  mys- 
tique et  dont  elles  se  débarrassent  sur  une  foule  de  servi- 
teurs dont  elles  sont  accompagnées.  Ces  serviteurs  ne  sont 
autres  que  ces  figures  de  faïence  représentant  un  Osiris 
armé  d'un  lioyau,  dont  nos  musées  regorgent,  et  qui  étaient 
déposés  dans  la  tombe  par  centaines.  Au  delà  des  jardins 
d'Ialou  et  du  paradis  vraiment  terrestre,  il  y  avait  encore 
place  pour  la  croyance  à  une  immortalité  éthérée  ;  l'âme, 
alors  plongée  dans  la  béatitude  infinie,  faisait  partie  à 
tout  jamais  du  cortège  solaire  ou  se  mêlait  à  la  foule  des 
divinités  célestes  chargées  de  la  conservation  des  astres. 
Il  est  aujourd'hui  prouvé  que  le  caractère  moral  de  ces 
doctrines  pour  ce  qui  touche  à  l'idée  de  rémunération  et 
d'expiation  est  relativement  récent  :  on  n'en  trouve  aucune 
trace  dans  les  monuments  antérieurs  au  deuxième  empire 
thébain.  Il  laissa  néanmoins  subsister  l'ancienne  croyance 
à  un  pouvoir  magique  qui  faisait  du  défunt  un  être  assez 
puissant  pour  n'avoir  rien  à  attendre  d'un  dieu  d'amour  et 
de  justice.  Nous  croyons  avoir  donné  une  idée  suffisante 
du  caractère  contradictoire  de  ces  diverses  doctrines  pour 
nous  dispenser  de  toucher  aux  autres  conceptions  plus  ou 
moins  enfantines  dont  nous  trouvons  la  trace  dans  les  écrits 
funéraires.  Deux  mots  seulement  sur  ces  écrits.  La  croyance 
au  pouvoir  magique  avait  de  bonne  heure  suggéré  aux 
hommes  de  l'art  l'idée  de  composer  de  petits  formulaires  à 
l'usage  du  mort.  Ces  petits  livres,  qui  avaient  pour  but  de  lui 
procurer  des  armes  contre  les  mauvais  génies  de  la  tombe 
et  toutes  les  ressources  indispensables  à  sa  conservation, 
eurent  la  même  fortune  que  les  croyances  qui  les  avaient 
inspirées  :  on  les  réunit  en  un  seul  livre  dont  on  fit  le  prin- 
cipal viatique  du  mort.  Cette  énorme  compilation,  qui  porte 
le  titre  de  Permhrou,  est  celle  que  les  savants  modernes 
appellent  Rituel  ou  Livre  des  Morts  (V.  ce  mot).  Elle  ne 
comprend  pas  moins  de  cent  soixante-cinq  chapitres.  On  en 
plaçait  une  copie  plus  ou  moins  complète  sur  papyrus  auprès 
de  la  momie  ;  on  en  copiait  de  longs  extraits  sur  les  parois 
du  couloir  qui  mettait  la  chapelle  funéraire  en  communica- 
tion avec  le  puits  et  sur  celles  du  sarcophage.  On  ne  se 
borna  pas  à  cette  seule  compilation.  Les  prêtres  de  certains 
centres  crurent  faire  œuvre  de  critique  en  faisant  un  choix 
dans  ces  fatras  et  en  l'accompagnant  de  longs  développe- 
ments conformes  aux  doctrines  enseignées  dans  leurs  écoles. 
C'est  à  des  travaux  de  ce  genre  que  nous  devons  le  Livre 


de  l'Amidouaou  et  le  Livre  des  Portes,  manuels  de  géogra- 
phie infernale  rédigés  par  les  prêtres  de  Thèbes  pour  guider 
le  mort  à  la  suite  du  soleil  dans  les  régions  des  ténèbres. 
Ces  sortes  de  livres  concouraient  également  à  la  décoration 
de  la  tombe.  La  bibliothèque  funéraire  comprenait  aussi 
des  traités  spéciaux  tels  que  le  Pdtuel  de  F  embaumement 
et  le  Livre  de  V ouverture  de  la  bouche  qu'on  ne  se 
bornait  pas  à  consulter  pour  la  stricte  exécution  des  pra- 
tiques funéraires,  mais  qu'on  reproduisait  aussi,  à  l'occasion, 
sur  les  murs  de  la  chapelle  ou  du  couloir.  C'est  ainsi  que 
la  tombe,  avec  ses  décorations  murales  se  rapportant  soit 
à  la  vie  du  double  calquée  sur  la  vie  terrestre,  soit  à  la  vie 
de  l'âme,  le  tout  accompagné  de  longs  textes  biographiques 
ou  religieux,  avec  ses  offrandes  et  son  mobilier,  avec  ses 
momies  et  ses  papyrus,  a  contribué,  beaucoup  plus  que  le 
temple  lui-même,  à  la  résurrection  de  l'ancienne  Egypte. 
Langue.  —  Le  rapprochement  de  l'égyptien  avec  les  lan- 
gues sémitiques  n'est  pas  ce  qu'on  pourrait  appeler  une 
nouveauté  scientifique:  il  date  du  siècle  dernier,  c.-à-d.  des 
débuts  des  études  coptes.  On  fut  alors  vivement  frappé  des 
analogies  que  présentent  certaines  classes  de  mots  et  cer- 
taines formes  en  hébreu  et  en  copte.  A  ces  analogies  on  ne 
manqua  pas  d'opposer  les  différences  essentielles  qu'accu- 
sent les  deux  vocabulaires.  Ces  deux  points  de  vue  n'ont 
cessé  depuis  lors  de  trouver  des  partisans,  les  égyptologues 
inclinant  le  plus  généralement  vers  la  parenté,  les  sémiti- 
sants  versant  dans  l'opinion  opposée.  Les  ressemblances  de 
l'égyptien  avec  les  langues  sémitiques  sont,  de  l'aveu  de  tous, 
indéniables,  et  toute  la  question  consiste  à  chercher  la  véri- 
table cause  de  ces  ressemblances.  Tiennent-elles  à  la  nature 
même  de  l'esprit  humain,  susceptible  de  produire  des  résul- 
tats identiques  dans  des  conditions  identiques  ?  Tiennent- 
elles  à  des  raisons  beaucoup  plus  contingentes  ?  Si,  pour  ne 
prendre  qu'un  exemple,  le  pronom  affectait  les  mêmes  formes 
dans  toutes  les  langues,  ou  des  formes  susceptibles  d'être 
ramenées  à  un  type  unique,  alors  vraiment  la  question  se 
poserait  d'une  sorte  de  raison  philosophique  ;  mais  ce  n'est 
pas  le  cas.  Nous  savons  au  contraire  que  chaque  race  a  sa 
philosophie  spéciale  du  langage.  Nous  sommes  donc  rame- 
nés à  demander  la  solution  du  problème  à  l'ethnographie 
ou  à  l'histoire.  Rien  dans  le  premier  de  ces  points  de  vue 
ne  s'oppose  au  rattachement  de  l'égyptien  avec  les  langues 
sémitiques  parlées  par  une  race  avec  laquelle  celle  des  habi- 
tants de  la  vallée  du  Nil  présente  la  plus  grande  affinité. 
La  plupart  des  savants  n'éprouvent  aujourd'hui  aucune 
répugnance  à  accepter  la  théorie  de  Benfey,  d'après  laquelle 
la  famille  sémitique  devait  se  diviser  en  deux  branches  :  la 
branche  asiatique,  avec  toutes  les  ramifications  dites  sémi- 
tiques d'un  côté  de  l'isthme  de  Suez,  et  de  l'autre  côté  la 
branche  africaine  avec  les  rameaux  copte,  berbère,  toua- 
reg, etc.,  car  quelques-unes  des  analogies  que  l'égyptien  offre 
avec  l'hébreu  se  retrouvent  dans  certaines  langues  du  N.  de 
l'Afrique.  Le  certain  c'est  que  le  rédacteur  du  livre  X  de 
la  Genèse  n'hésite  pas  à  faire  des  Chananéens  (que  nous 
savons  avoir  parlé  des  idiomes  étroitement  apparentés  à 
rhébreu)  les  frères  des  Egyptiens.  On  a  bien  dit,  pour  tran- 
cher la  difficulté,  que  Chanaan  avait  été  exclu  systémati- 
quement de  la  descendance  de  Sem,  à  cause  de  l'horreur 
qu'il  inspirait  aux  Juifs.  Comment  se  fait-il  que  le  rédacteur 
ne  se  soit  pas  servi  du  même  procédé  à  l'égard  d'Assour  ? 
Nous  pensons  que  l'origine  de  cette  classification  n'est  pas 
aussi  arbitraire,  et  que  la  division  des  races,  telle  qu'on  la 
concevait  alors,  sans  avoir  une  valeur  absolue  au  point  de 
vue  ethnographique,  reposait  sur  les  souvenirs  plus  ou 
moins  altérés  qu'on  avait  conservés  des  diverses  migrations. 
On  devait  être  porté  à  considérer  comme  appartenant  à  la 
même  race  les  masses  de  tribus  d'origine  quelquefois  très 
diverses  qui  venaient  occuper  d'un  seul  bloc  tout  un  pays, 
comme  par  exemple  les  Hétéens  et  les  Amorrhéens,  et  in- 
versement comme  appartenant  à  des  races  différentes,  des 
tribus  peut-être  de  même  origine,  mais  ayant  contracté  des 
habitudes  différentes  au  cours  d'une  longue  période  de  sépa- 
ration, ou  ayant  fait  leur  migration  en  des  époques  ou  par 


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EGYPTE 


des  voies  différentes.  Quoi  qu'il  en  soitje  témoignage  de  la  Ge- 
nèse prouve  surtout  une  chose,  c'est  que  l'auteur  du  livre  X, 
qui  n'était  pas  sans  avoir  fréquenté  les  Egyptiens  et  les 
Chananéens,  n'éprouvait  aucune  répugnance  à  les  faire  des- 
cendre d'un  même  ancêtre.  Ce  n'est  peut-être  pas  un  argu- 
ment d'un  grand  poids  au  point  de  vue  ethnographique, 
mais  d'un  peu  plus  de  valeur  au  point  de  vue  historique.  Et, 
en  effet,  nous  pensons  que  la  solution  est  à  chercher  de  ce 
côté,  c.-à.-d.  en  remontant  beaucoup  moins  haut  qu'au 
berceau  primitif  des  deux  races,  où  d'ailleurs,  scientifique- 
ment parlant,  nous  ne  pouvons  atteindre.  Par  le  point  de 
vue  historique,  nous  n'entendons  parler  que  de  la  méthode, 
quoique  l'application  en  soit  faite  ici  à  une  époque  antérieure 
à  l'histoire.  C'est  en  effet  bien  avant  que  l'histoire  ne  s'ouvre 
sur  les  premières  dynasties,  au  temps  où  les  Egyptiens 
vivaient  côte  à  côte  avec  les  Chananéens,  loin  delà  vallée  du 
Nil,  que  leur  langage  encore  en  pleine  voie  de  formation, 
incertain  comme  le  sont  les  idiomes  des  peuples  barbares 
qui  ne  connaissent  pas  l'écriture,  reçut  l'empreinte  du  lan- 
gage plus  net  et  plus  ferme  (on  sait  que  c'est  la  caractéris- 
tique des  langues  sémitiques) ,  qui  était  alors  dominant  dans 
la  plus  grande  partie  de  l'Asie  antérieure.  De  "cette  époque 
daterait  pour  les  futurs  habitants  de  la  vallée  du  Nil  et  dans 
des  proportions  variables  pour  les  autres  populations  du  N. 
de  l'Afrique  l'adoption  de  certains  procédés  grammaticaux 
tels  que  les  pronoms  isolés  et  suffixes,  quelques  désinences 
du  genre  et  du  nombre,  la  formation  d'un  des  temps  du 
verbe,  ainsi  que  certaines  habitudes  phonétiques  telles  que 
l'assimilation  des  consonnes  et  l'instabilité  de  la  voyelle 
rendant  possibles  ces  bizarres  formes  de  pluriel  brisé  ou 
interne  dont  nous  avons  lieu  de  croire  à  l'existence  en 
égyptien.  Ces  emprunts  nous  ramèneraient  à  l'époque  loin- 
taine où  les  Egyptiens  reçurent  certains  éléments  religieux 
(la  déesse  flathor,  peut-être  le  dieu  Sit,  assez  vraisem- 
blablement la  valeur  symbolique  des  nombres,  etc.)  dont 
le  caractère  asiatique  n'est  guère  contestable,  bien  que  ces 
éléments  présentent  dans  les  plus  anciens  textes  un  haut 
degré  d'homogénéité  avec  le  reste  des  croyances  de  l'Egypte. 
Quelle  que  soit  la  prétention  des  savants  modernes  à  bien 
connaître  les  peuples  anciens  de  l'Egypte  et  de  Chanaan, 
il  est  plus  que  probable  que  le  rédacteur  du  livre  X  les  con- 
naissait mieux  que  nous,  surtout  les  Chananéens,  et  avait 
de  nombreuses  raisons  (raisons  tout  extérieures,  bien  en- 
tendu) qui  nous  échappent  aujourd'hui,  de  croire  à  leur 
parenté,  sans  avoir  pour  cela  conservé,  hypothèse  qui  serait 
absurde,  des  souvenirs  remontant  aussi  loin  que  quarante 
ou  cinquante  siècles. 

La  langue  des  anciens  Egyptiens  nous  est  parvenue  sous 
toutes  les  formes  par  lesquelles  elle  a  évolué,  et  on  peut 
suivre  le  caractère  de  cette  évolution  depuis  le  premier  em- 
pire memphite  jusqu'à  l'invasion  arabe.  Les  textes  des  pyra- 
mides diffèrent  assez  sensiblement  de  ceux  d'époque  thé- 
haine  tant  par  le  vocabulaire  que  par  la  grammaire  dont 
les  transformations  ont  lieu  en  sens  inverse.  Le  vocabulaire, 
en  effet,  semble  s'appauvrir  en  s'approchant  de  l'époque 
classique  tandis  que  les  formes  grammaticales  se  multi- 
plient. On  a  donné  le  nom  de  classiques  aux  textes  contem- 
porains du  deuxième  empire  thébain,  parce  que  la  langue 
qu'ils  nous  offrent  est  arrivée  à  sa  pleine  maturité  :  les 
rapports  de  la  pensée  y  sont  finement  nuancés  par  une 
syntaxe  à  peu  près  constante  ;  certaines  beautés  y  sont  déjà 
devenues  conventionnelles  ;  l'orthographe  y  est  pleine  et  tout 
à  fait  conforme  au  génie  pléonastique  de  l'écriture.  Malgré 
son  caractère  de  fixité,  on  y  voit  déjà  apparaître  les  germes 
des  changements  qui  constitueront  les  deux  dernières  pé- 
riodes de  la  langue  égyptienne  qui  sont  représentées  par  le 
nouvel  égyptien  et  par  le  copte. 

Le  substantif  se  présente  en  ancien  égyptien  tantôt  sous 
la  forme  radicale  simple,  tantôt  modifiée  par  un  redouble- 
ment, par  l'addition  de  certains  éléments  ou  le  changement 
de  la  voyelle  intérieure.  C'est  surtout  le  copte  qui  nous 
offre  la  plus  grande  variété  des  formes  que  le  radical  était 
susceptible  de  prendre  avec  la  valeur  nominale  ;  ces  élé- 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —   XV 


ments  étaient  soit  des  suffixes  comme  t,  ^,  /*,  5,  ^,  ti,  /^, 
out^  etc.,  soit  des  préfixes  comme  an,  en^  ref  (celui  qui 
fait)  et  sa  (l'homme)  pour  former  des  agents,  le  privatif  a^, 
le  relatif  ment  pour  former  des  noms  abstraits,  etc.  Il  n'y 
a  pas  de  flexion  du  cas  en  égyptien  ;  le  nominatif  était  quel- 
quefois marqué  par  un  exposant.  Le  genre  est  caractérisé 
soit  par  l'article,  soit  par  le  déterminatif,  soit  par  une 
désinence  spéciale  (féminin).  Le  genre  neutre  n'existe  pas 
dans  les  substantifs.  Le  nombre  est  nettement  caractérisé  : 
1°  par  une  désinence  spéciale  ;  2°  par  l'addition  de  II  ou 
de  III  ;  3<»  par  la  répétition  de  l'objet  doublé  ou  triplé 
selon  qu'on  voudrait  imprimer  le  duel  ou  le  pluriel.  Le  duel 
n'existe  pas  en  copte. 

L'article  défini,  rare  aux  plus  anciennes  époques,  devient 
d'un  usage  assez  fréquent  à  l'époque  thébaine,  encore  plus 
fréquent  à  l'époque  ptolémaïque  et  obligatoire  en  copte. 
L'article  démonstratif  formé  des  mêmes  racines  que  le  pré- 
cédent différait  dans  l'ancienne  langue  et  le  copte  en  ce 
qu'il  suivait  le  nom  dans  la  première  et  le  précédait  dans  la 
seconde.  L'adjectif  ne  se  distingue  pas  en  égyptien  antique 
du  nom  :  nefer,  bon  et  beau  (de  beau).  En  copte,  il  est 
susceptible  de  s'ajouter  un  affixe  :  nane-f^  bon,  nane-s^ 
bonne.  Dans  l'une  et  l'autre  langue  il  s'accorde  en  genre 
et  en  nombre  avec  son  sujet.  Le  comparatif  s'exprimait  à 
l'aide  d'une  préposition,  le  superlatif  à  l'aide  d'un  adverbe 
ou  d'une  périphrase.  L'égyptien  est  riche  en  pronoms  :  il  pos- 
sède d'abord  des  affixes  pronominaux  s'attachant  au  nom,  au 
verbe  et  aux  particules.  A  la  suite  des  noms,  ces  affixes 
jouent  le  rôle  d'adjectif  possessif  ;  à  la  suite  du  verbe,  ils 
jouent  le  rôle  de  sujet  ou  de  régime.  Ces  affixes  pronominaux 
formaient  à  leur  tour,  en  s'accolant  à  l'article,  des  adjectifs 
possessifs,  et  à  certaines  particules  relatives,  des  pronoms 
personnels.  Certains  substantifs  localisant  l'action  ou  le 
sentiment  pouvaient  aussi  remplir  ce  rôle  de  support  et 
donner  lieu  à  des  périphrases  de  ce  genre  :  haouk^  ta  per- 
sonne (toi)  ;  tejif^  sa  tête  (lui)  ;  khatsen,  leur  ventre,  hati 
sen^  leur  cœur  (eux)  ;  les  substantifs  les  plus  fréquemment 
employés  dans  ce  cas  sont  ro,  la  bouche  :  ro-i  ou  ro-a,  ma 
bouche  (moi),  ro-k^  la  bouche  (toi),  etc.;  tôt,  main,  tot-f^ 
sa  main  (lui),  etc.  Ces  particules  substantives  sont  d'un 
usage  très  fréquent  dans  le  démotique  et  le  copte.  L'égyp- 
tien avait  aussi  à  son  service  des  particules  pour  exprimer 
la  relation,  l'interrogation,  la  négation  et  l'affirmation;  la 
copule  n'y  apparaît  que  très  tard. 

La  conjugaison  ne  nous  présente  qu'un  seul  mode  per- 
sonnel, l'indicatif,  et  que  deux  temps,  le  présent  et  le  pré- 
térit. Mais  ces  temps  sont  susceptibles  de  prendre  des 
formes  très  diverses.  En  effet,  ils  peuvent  tantôt  se  conju- 
guer sou^  la  forme  simple,  tantôt  à  l'aide  d'auxiliaires 
renforcés  ou  non  de  diverses  prépositions.  Ces  auxiliaires 
sont  au  nombre  de  dix  dans  l'ancien  égyptien  :  au,  tUn 
pu,  un,  khoper,  ha,  ar,  du,  rta,  iri  ;  la  plupart  de  ces 
particules  sont  plus  ou  moins  tombées  en  désuétude  dans  le 
démotique,  qui  s'est  servi  de  préférence  des  trois  premières, 
au,  tu,  pu.  On  les  retrouve  également  en  copte.  Le  copte, 
dont  la  conjugaison  est  beaucoup  plus  avancée  que  celle  de 
l'ancienne  et  la  nouvelle  langue,  a  des  nuances  pour  rendre 
l'imparfait  et  le  plus-que-parfait.  C'est  la  tournure  générale 
de  la  phrase  qui  le  plus  souvent  permet  de  distinguer  le 
temps  futur,  les  modes  subjonctifs  et  optatifs  et  la  voix 
passive. 

Ecriture.  —  L'écriture  égyptienne  était  à  la  fois  idéo- 
graphique et  phonétique.  Les  mots  pouvaient  être  repré- 
sentés soit  par  les  images  des  idées  exprimées,  soit  par 
la  notation  des  sons.  Les  idéogrammes  donnaient  tantôt 
la  peinture  de  l'objet  même,  tantôt  d'une  de  ses  parties, 
tantôt  d'un  objet  suffisant  à  éveiller  par  métaphore  l'idée  à 
exprimer.  Les  signes  phonétiques  étaient  de  deux  sortes  : 
les  uns  exprimaient  des  sons  complexes  (syllabes  et  diph- 
thongues),les  autres  des  sons  simples  (voyelles  et  consonnes). 
Tous  ces  procédés  pouvaient  être  employés  simultanément  ; 
ainsi  le  mot  mos  (enfanter)  s'écrivait  :  l'^  avec  un  signe  ayant 
à  lui  seul  la  valeur  mos  (syllabique),  2°  avec  un  signe 

43 


EGYPTE 


674  — 


ayant  la  valeur  5  (alphabétique)  ;  3°  avec  un  signe  repré-  " 
sentant  une  femme  accouchant  (idéographique).  Si  le  pro- 
cédé idéographique  se  suffisait  à  lui-même,  il  n'en  était  pas 
de  même  du  phonétique.  Tout  mot  écrit  au  moyen  de  signes 
alphabétiques  ou  syllabiques  était  accompagné  d'un  idéo- 
gramme auquel  les  égyptologues  ont  donné  le  nom  de  dé- 
terminatif.  Il  va  sans  dire  que,  dans  bien  des  cas,  les 
déterminatifs  étaient  abusifs  et  n'avaient  qu'un  rapport 
très  éloigné  avec  l'idée  exprimée.  Dans  l'écriture  hiéro- 
glyphique, tous  ces  signes,  quels  qu'ils  fussent,  consistaient 
en  images.  Ainsi  la  bouche  ne  servait  pas  seulement  à 
exprimer  l'idée  de  bouche,  mais  la  syllabe  ro  et  la  lettre  r; 
la  main,  l'idée  de  la  main  et  la  lettre  d;  dans  l'écriture 
hiératique  ou  cursive,  aucun  de  ces  signes,  quels  qu'ils 
fussent,  ne  consistaient  en  images,  mais  en  caractères  con- 
ventionnels dérivés  des  images  de  l'écriture  hiéroglyphique. 
L'écriture  hiératique  n'était  en  somme  qu'une  déformation 
tachy graphique  de  la  première.  Les  Egyptiens  ne  s'en  tin- 
rent pas  là  ;  une  nouvelle  écriture  cursive  (démotique  ou 
populaire)  se  forma  par  l'abréviation  de  l'hiératique,  mar- 
quant sur  celle-ci  un  progrès,  mais  portant  toujours  avec 
elle  la  marque  de  son  origine.  Jamais,  en  efîet,  l'écriture 
démotique,  même  aux  temps  les  plus  récents  (époque 
romaine),  ne  sut  s'affranchir  d'une  multitude  de  traits  de- 
venus abusifs  pour  une  langue  où  Forthographe  ne  corres- 
pondait plus  à  la  prononciation.  L'écriture  hiéroglyphique 
s'écrivait  de  droite  à  gauche,  de  gauche  à  droite,  en  colonnes 
régulières  et  en  colonnes  rétrogrades,  la  dernière  étant 
la'première  et  inversement;  l'hiératique  et  le  démotique 
s'écrivaient  toujours  de  droite  à  gauche.  On  ne  possède  aucun 
document  hiératique  de  l'ancien  empire  memphite  ni  aucun 
texte  démotique  antérieur  au  viii®  siècle  (le  plus  ancien 
est  le  contrat  démotique  du  Louvre  du  Bocchoris)»  Vers  le 
vi*'  siècle  de  notre  ère,  l'écriture  démotique  commença  à 
tomber  en  désuétude,  et,  sous  l'influence  des  Grecs,  qui 
n'avaient  cessé  de  gagner  du  terrain  depuis  la  conquête 
d'Alexandre  et  qui  occupaient  une  grande  partie  des  places 
dans  l'administration  romaine,  l'alphabet  grec  fut  employé 
par  les  Egyptiens  eux-mêmes  pour  transcrire  leur  propre 
langue.  Mais  les  24  lettres  de  l'alphabet  grec  ne  suffisant 
pas  à  exprimer  tous  les  sons  de  l'égyptien,  les  coptes  ou 
jacobites  y  ajoutèrent  les  7  lettres  suivantes  empruntées 
à  l'alphabet  démotique  :  schei  (sch),  fei  (f),  khei  (kh), 
hori  (h),  djandia  (dj  et  s]),scima  (s  fort)  et  dei  (di  et  ti). 
Matériaux  du  scribe.  Les  anciens  Egyptiens  écrivaient 
au  calame  sur  des  tessons  de  vase  (ostraca),  sur  parchemin, 
et  principalement  sur  une  sorte  de  papier  formé  de  papyrus, 
dont  l'usage  se  répandit  d'Egypte  dans  tout  l'empire  ro- 
main. La  fabrication  en  était  assez  longue  et  son  prix  de 
revient  assez  élevé  ;  aussi  les  scribes  n'en  usaient-ils  le 
plus  généralement  que  pour  la  mise  au  net.  Ils  se  servaient 
pour  leurs  brouillons,  ainsi  que  pour  les  pièces  les  plus 
courantes,  notes,  quittances,  lettres  d'avis,  etc.,  d'ostraca 
ou  du  verso  d'anciens  papyrus  (manuscrits  opisthographes). 
Tout  l'attirail  du  scribe  était  réuni  dans  une  sorte  de  pa- 
lette longue,  avec  de  petites  cases  pour  les  pastilles  de 
couleur  et  une  rainure  pour  les  calâmes  et  les  pinceaux. 
D'intéressants  spécimens  de  ces  palettes  se  trouvent  dans 
les  principaux  musées  d'antiquités  égyptiennes. 

Lettres.  Sciences.  —  La  sûreté  des  méthodes  scienti- 
fiques employées  par  les  successeurs  de  ChampoUion  et  la 
variété  des  documents  découverts  dans  la  deuxième  moitié 
de  ce  siècle  nous  permet  de  nous  faire  une  assez  juste 
idée  de  la  littérature  des  anciens  scribes  autant  par  la 
diversité  des  genres  alors  en  honneur  que  par  la  qualité 
des  œuvres  qui  nous  sont  parvenues. 

Des  principaux  genres  littéraires,  il  n'en  est  qu'un  dont 
nous  ne  puissions  citer  un  seul  spécimen  :  c'est  le  théâtre. 
Le  cérémonial  funéraire  comportait,  nous  l'avons  déjà  dit, 
des  parties  mimées  et  dialoguées  ayant  un  caractère  scénique 
assez  prononcé.  De  là  au  drame  il  n'y  a  qu'un  pas.  Les 
Egyptiens  Font-ils  franchi?  C'est  ce  dont  malheureusement 
nous  n'avons  pas  la  preuve.  Nous  savons,  en  revanche, 


qu'ils  ont  cultivé  la  poésie  épique,  lyrique  et  satirique,  le 
roman  et  plus  particulièrement  le  conte  populaire,  erotique 
et  fantastique.  Les  petits  traités  de  morale  jouissaient  aussi 
d'une  certaine  vogue  :  deux  d'entre  eux,  trouvés  dans  une  des 
plus  anciennes  tombes  thébaines,  étaient  datés  de  l'ancien 
empire.  Les  traités  s'occupaient  beaucoup  moins  de  la 
morale  proprement  dite  que  des  règles  du  savoir-vivre  et  du 
respect  à  rendre  aux  grands.  Le  sentiment  de  la  hiérarchie 
était  poussé  si  loin  chez  eux  qu'ils  en  avaient  rédigé  des 
manuels,  témoin  Fétrange  papyrus  Hood-Wilbour  qui  nous 
indique  les  degrés  compris  entre  le  dieu  et  le  cordonnier 
du  roi.  Si  Fépigraphie  prolixe  des  temples  et  des  tombeaux 
nous  manquait,  nous  saurions  néanmoins  par  quelques 
papyrus  et  par  Manéthon  comment  ils  écrivaient  l'histoire. 
Les  archives  royales  regorgeaient  de  récits  de  règne,  de 
relations  de  campagnes  et  d'événements  relatifs  à  la  vie 
publique.  Ces  documents  étaient  de  nature  à  provoquer  la 
rédaction  d'une  histoire  suivie  de  l'Egypte.  L'œuvre  grecque 
de  Manéthon  suppose  forcément  de  nombreux  écrits  de  ce 
genre  en  langue  égyptienne.  L'histoire  telle  que  la  com- 
prenaient les'anciens  Egyptiens  ne  sort  pas  du  sec  procédé 
des  annales.  Il  y  avait  trop  de  dieux  et  de  prêtres  pour  que 
la  théologie  n'ait  pas  été  très  florissante  en  Egypte.  Elle 
tient  une  grande  place  dans  l'héritage  Httéraire  de  cette  vieille 
civilisation  ;  nous  la  souhaiterions  parfois  moins  obscure. 
Le  plaisir  d'écrire  pour  écrire  était  tel  chez  eux  que  le 
genre  épistolaire  faisait  l'objet  d'une  étude  spéciale  et  qu'on 
s'y  adonnait,  comme  nos  pères  s'adonnaient  à  la  tragédie. 
Le  British  Muséum  contient  une  riche  collection  de  lettres 
à  destinations  tout  à  fait  fictives. 

La  magie  jouait  un  grand  rôle  dans  la  vie  des  anciens 
Egyptiens  ;  elle  était  étroitement  associée  à  leurs  pratiques 
religieuses  et  funéraires  ;  elle  formait  le  fond  de  leur  mé- 
decine. Les  maladies  étaient  pour  eux  des  troubles  causés 
par  des  esprits  malins  dont  on  ne  venait  à  bout  qu'à  l'aide 
de  sortilèges.  On  pourrait  en  somme  se  demander  quels 
étaient  les  actes  de  la  vie  qu'ils  pouvaient  accomplir  sans 
avoir  à  faire  au  préalable  quelque  incantation  pour  en 
assurer  la  réussite.  A  d'autres  égards,  ils  ne  manquaient 
pas  pourtant,  ainsi  que  nous  l'allons  voir,  d'une  certaine 
justesse  d'esprit. 

L'observation  de  certains  phénomènes  célestes  en  relation 
avec  le  retour  des  saisons  mit  ces  agriculteurs  sur  la 
voie  des  premières  découvertes  astronomiques.  Ils  remar- 
quèrent, par  exemple,  la  concordance  qui  existe  entre  le 
lever  héliaque  de  Sirius  et  le  commencement  de  la  crue  du 
Nil.  Les  levers  d'étoiles,  la  marche  du  soleil,  la  rétrogra- 
dation de  la  lune,  voilà  ce  qui  les  intéressait  par-dessus 
tout,  voilà  ce  qu'ils  étudiaient  à  l'aide  de  repères  pris 
tantôt  dans  le  ciel,  tantôt  sur  la  terre.  Pour  cela,  nul  besoin 
d'instrument,  la  pureté  de  Fatmosphère  leur  en  tenait  lieu. 
Mais  ce  n'est  pas  avec  la  pureté  de  l'atmosphère  qu'on 
mesure  des  angles,  et  cette  importante  partie  de  la  science, 
celle,  à  vrai  dire,  avec  laquelle  la  science  commence,  leur 
fit  totalement  défaut.  Ils  connurent  en  revanche  la  mesure 
des  temps,  partie  non  moins  essentielle  de  l'astronomie,  et 
arrivèrent  à  déduire  exactement  la  durée  des  révolutions 
planétaires,  bien  entendu  pour  les  seuls  astres  visibles  à 
l'œil  nu.  Quelques  savants  vont  jusqu'à  prétendre  qu'ils 
auraient  pu  donner  une  explication  satisfaisante  du  mou- 
vement diurne  et  que  leur  connaissance  des  quatre  phases 
cardinales  de  la  course  du  soleil  lés  avait  incontestable- 
ment mis  sur  la  voie  de  la  découverte  de  l'obliquité  de 
l'écliptique.  Cela  est  fort  douteux.  Rien  parmi  les  docu- 
ments d'origine  proprement  égyptienne  ne  nous  autorise  à 
leur  prêter  une  pareille  hauteur  de  vues  ;  il  ne  faut  pas 
partir  du  fait  que  les  savants  grecs  d'Alexandrie  furent 
plus  ou  moins  en  rapport  avec  les  prêtres  d'Héliopolis,  pour 
mettre  au  compte  des  vieilles  doctrines  de  l'Egypte,  la 
science  des  Eratosthène  et  des  Hipparque.  Les  ancêtres  de 
Fastronomie  grecque,  ce  sont  jusqu'à  un  certain  point  les 
mages  chaldéens,  non  les  prêtres  du  collège  héliopolitain. 
Bien  loin  de  progresser,  l'astronomie  resta  en  quelque  sorte 


675  — 


EGYPTE 


enlisée  dans  la  routine  la  plus  empirique  ;  elle  ne  se  dis- 
tingua pas  de  l'astrologie.  La  physi(|ue  puérile  des  cosmo- 
gonies  d'Héliopolis  ou  d'Hermopolis,  reflet  exact,  si  l'on 
veut,  des  croyances  populaires,  mais  qui  tint  une  grande 
place  dans  les  spéculations  des  théologiens,  serait  la  chose 
du  monde  la  plus  inexplicable  avec  l'hypothèse  de  la 
connaissance  de  la  rondeur  de  la  terre,  de  la  véritable 
nature  du  ciel,  etc.,  surtout  si  l'on  accorde  que  les  astro- 
nomes et  les  théologiens  formaient  une  seule  et  même 
corporation.  Or  il  n  est  personne  pour  admettre  qu'il  y 
ait  eu  en  Egypte  une  science  libre  opposée  à  la  science 
des  prêtres,  et  bien  loin  que  les  quelques  résultats  obtenus 
par  des  siècles  et  des  siècles  d'observations  patientes 
aient  pu  réagir  sur  les  théories  enfantines  du  monde  que 
nous  voyons  dans  les  mythes  cosmogoniques,  c'est  cette 
physique  de  sauvage  consistant  dans  la  ferme  croyance 
que  le  ciel  était  une  voûte  d'airain,  les  astres  de  simples 
lampes  entretenues  par  des  génies,  et  la  terre  une  île 
ronde  ou  rectangulaire,  suspendue  on  ne  sait  comment 
avec  son  océan,  qui  fut  le  principal  obstacle  aux  progrès 
de  l'astronomie.  Une  autre  cause  de  l'immobilité  de  cette 
branche  de  la  science  en  particulier  et  de  toutes  les  autres 
branches  en  général,  ce  fut  l'absence  de  spéculation  désin- 
téressée. Rien  de  semblable  à  ce  qui  se  passa  dans  le  monde 
grec,  même  au  temps  où  la  philosophie  divaguait  sur  les 
origines  des  choses  ;  chaque  science  était  pour  l'Egypte  non 
un  corps  de  doctrine,  mais  un  ensemble  de  recettes  à  sui- 
vre en  vue  d'un  but  bien  déterminé.  Que  demandaient-ils  à 
l'astronomie  ?  De  déterminer  simplement  la  périodicité  de 
certains  retours  auxquels  étaient  liées  les  fêtes  religieuses. 
Le  résultat  le  plus  clair  des  recherches  faites  dans  cette  voie 
ce  fut  le  calendrier. 

Les  deux  principales  écoles  astronomiques  étaient  les 
collèges  d'Héliopolis  et  d'Hermonthis.  Leur  fondation  re- 
montait aux  époques  les  plus  lointaines  de  l'histoire,  peut- 
être  même  à  celle  qui  précéda  l'étabhssement  de  la  monar- 
chie. Quoiqu'il  en  soit,  les  monuments  de  la  V^  et  de  la 
VP  dynastie  nous  mettent  déjà  en  présence  de  données 
astronomiques  ne  différant  pas  sensiblement  de  celles  que 
nous  trouverons  dans  les  textes  des  plus  bas  temps.  Le 
ciel  y  est  déjà  divisé  en  quatre  parties,  que  le  soleil  par- 
court en  cercle.  La  marche  de  la  lune,  ainsi  que  l'a  remar- 
qué M.  Brugsch,  y  est  exprimée  par  un  verbe  d'un  sens 
tout  différent  ;  elle  y  est  dite  celle  qui  court  à  travers . 
Nous  y  trouvons  de  plus  la  mention,  plus  tard  si  fréquente, 
de  deux  sortes  d'étoiles  :  les  akhimou  sekou  et  les  akhimou 
ouroudou  (les  étoiles  du  N.  et  les  étoiles  du  S.,  selon 
Brugsch;  les  planètes  et  les  fixes,  selon  Maspéro).  Il  est 
aussi  question  de  Sirius  (Sopd),  d'Orion  (Sahou),  de  la 
Grande  Ourse  (Maskait,  la  cuisse),  de  Saturne  (Kapet)  et 
de  Vénus  qu'on  avait  dédoublée  en  étoile  du  matin  et  en  étoile 
du  soir.  Indépendamment  de  sa  division  en  quatre  parties, 
le  ciel  était  déjà  considéré  comme  composé  de  36  régions 
correspondant  aux  36  nomes  terrestres,  auxquelles  étaient 
préposés  les  36  décans.  Les  inscriptions  du  nouvel  empire 
et  de  l'époque  ptolémaïque  confirment,  en  les  développant, 
toutes  ces  idées.  A  partir  de  l'époque  romaine,  apparaît  un 
nouvel  élément,  le  Zodiaque,  emprunt  de  l'astrologie  gréco- 
romaine  qui  semble  elle-même  l'avoir  reçu  de  Chaldée. 

Le  soleil,  Râ  d'une  manière  générale,  prenait  aussi  le 
nom  de  Toum,  avant  son  apparition  et  après  son  coucher, 
et  à' Harmachouti  en  son  midi  ;  il  accomplissait,  tantôt  dans 
sa  barque  Mati,  tantôt  dans  sa  barque  Sekti,  les  quatre 
phases  cardinales  de  son  évolution  annuelle  et  les  douze 
étapes  de  sa  navigation  diurne.  OEil  droit  du  macrocosme 
(dont  la  lune  était  l'œil  gauche),  épervier  planant  dans 
l'espace,  enfant,  adolescent  ou  vieillard  selon  qu'on  l'en- 
visageait à  l'aube,  au  zénith  ou  au  crépuscule,  il  semble 
avoir  toujours  une  individualité  distincte  de  sa  forme  visible, 
le  disque,  de  même  4a  lune  (Aah,  lah,  Thot,  Khonsou) 
et  les  cinq  planètes,  Jupiter  (Hor  Shetaou),  Saturne  (Hor 
Ka  Pet),  Mars  (Hortesher,  Harmachouti),  Mercure  (Sewek), 
Vénus  (Sebzabennou  Osiri,  Douaounoutri).  Les  noms  portés 


par  chacun  de  ces  astres  n'étaient  pas  simplement  une 
désignation  conventionnelle,  mais  les  noms  des  dieux  dont 
ils  étaient  le  signe  visible. 

La  liste  la  plus  longue  d'étoiles  fixes  que  nous  ont 
laissée  les  anciens  Egyptiens  est  celle  des  36  décans,  pour 
lesquels  les  textes  astronomiques  des  différentes  époques 
nous  donnent  de  nombreuses  variantes.  Le  cadre  de  cet  article 
s'opposant  à  de  longues  comparaisons,  nous  nous  bornerons 
à  donner  ici  le  tableau  des  36  décans  à  l'époque  grecque, 
avec  les  transcriptions  que  nous  a  conservées  Salmasius. 
Nous  empruntons,  sauf  quelques  modifications  orthogra- 
phiques, ce  tableau  à  VEgyptologie  de  M.  H.  Brugsch. 


SIGNES 

NOMS 

1 

ÉPOQUES 

du 

des 

du 

Zodiaque. 

DÉCANS 

Calendrier. 

Ecrevisse . . 

Sopdi,  SwÔ^ç. 

1/i   — 19juil. 

—  .... 

Sit,  S{t. 

11/1    :=:29    — 

— 

Knoumi,  Kvou(j.{ç. 

21/1   =  8  août. 

Lion 

Kharknoumi,  Xapxvoujjit'ç. 

1/2  =18  - 

—  .... 

Hadzat.  'Httît. 

11  2  =28  — 

—  .... 

Phoudzat,  <ï>ouTrÎT. 

21/2  =   7  sept. 

Vierge .... 

Toum,  TwfjL. 

1/3  =17   - 

—  . .. . 

Oushtabkat,Ou£at£p>'.a)TL 

11/3   =i27   — 

—  . . . . 

Apsot,  'Acpocrd. 

21/3  =    7  oct. 

Balance. . . 

Sovkhos,  Éouyojç. 

1/4  =17  — 

— 

Tepchont,  Tr^Tiiovi:, 

11/4  =27  - 

—  .... 

Khonthar,  Xovràp. 

21/4  =  6  nov. 

Scorpion . . 

Soptekhenou,  Htti^vs. 

1/5  =16  - 

—  .... 

Seshmou,  Ssap-s. 

11/5  z=26  — 

—  .... 

Siseshmou,  Ilia£a[Jis. 

21/5  =  6  déc. 

Sagittaire. . 

Herabouô,  Trjouco. 

1/6  =16   - 

—  .... 

Seshmou,  Il£a(jL8. 

11/6  =26   — 

—  .... 

Konimou,  Kovt[ji.£. 

21/6  =  Sjanv. 

Capricorne. 

Smati,  II[j.aT. 

1/7  =15  — 

—  .... 

Srôt,  Spo3. 

11/7  =25  — 

^ . . . 

Sisrôt,  Siapcj. 

21/7   =  4févr. 

Verseau. . . 

Tapkhou,  Tiz-q-zy. 

1/8   =14  — 

—  .... 

Khou,  Xû. 

11/8  =24  — 

— 

Tapebiou,  TTirjGtou. 

21/8  =  6  mars. 

Poissons . . 

Biou,  Blo'j. 

1/9  =16  — 

—  .... 

Khontakar,  Kovtaps. 

H/9  =26  — 

—  .... 

Tapebiou,  T7ci6{ou. 

21/9  =  5  avr. 

Bélier 

»             » 

1/10=15  — 

—  .... 

Khontaker,  Xoviaxps. 

11/10  =  25  — 

— 

Sikat,  Six£T. 

21/10=  5  mai. 

Taureau .  . 

Kaou,  Xaou. 

1/11  =,15   — 

— 

Herât,  'Epw. 

11/11=25  — 

— 

Remenhar,  T£[Ji£vaap£. 

21/11=  4  juin. 

Gémeaux . . 

Tesouk,  ©oaoXx. 

1/12  =  14  — 

—  .... 

Ouar,  Ouapi. 

11/12  =  24  — 

— 

Phouhor,  iouop. 

21/12=  4  juil. 

(S 

suivent  les  5  jours  épagor 

aènes.) 

Les  peintures  des  anciens  tombeaux,  ainsi  que  les  repré- 
sentations zodiacales  de  basse  époque,  nous  font  connaître 
en  outre  quelques  désignations  des  constellations,  telles 
que  V Hippopotame  femelle,  la  plus  boréale  de  toutes  (par 
conséquent  la  Petite  Ourse),  la  Cuisse  (le  Chariot),  VHorus 
combattant,  un  Homme  debout,  le  Guerrier  frappant 
de  la  lance,  VEpervier,  le  Grand  Singe,  la  Déesse 
Selqit,  de  Lion,  le  Crocodile  et  autres  dont  l'identifica- 
tion présente  des  difficultés  presque  insurmontables. 

Ajoutons  que  les  résultats  des  recherches  astronomiques 
formaient  une  série  de  recueils  qui  avait  sa  place  dans 
les  archives  des  temples  avec  les  livres  religieux  et  les 
calendriers.  Aucun  de  ces  recueils  ne  nous  est  parvenu 
intégralement  ;  mais  les  tombeaux  et  les  temples,  prin- 
cipalement ceux  d'époque  gréco-romaine,  nous  en  ont 
conservé  les  extraits.  C'étaient,  par  exemple,  des  traités  de 


EGYPTE 


—  676  — 


la  Révolutio7i  du  Soleil  et  de  la  Lune,  de  la  Marche  des 
astres,  des  Conjonctions  du  disque  solaire,  etc.^ 

Aussi  haut  que  nous  remonlons  dans  son  passé  histo- 
rique, nous  voyons  l'Egypte  en  possession  d'une  division 
rationnelle  du  temps.  Elle  a  une  année  de  365  jours  formée 
de  12  mois  de  30  jours  et  de  5  jours  supplémentaires  ;  ce 
qui  suppose  une  année  primitive  de  360  jours.  Un  mythe 
recueilli  par  les  Grecs  confirme  cette  supposition.  «  Rhea 
ayant  eu  avec  Saturne  un  commerce  secret,  le  Soleil  en  fut 
informé  et  prononça  contre  elle  cette  incantation  :  Qu'elle 
n'accouche  ni  pendant  la  durée  d'un  mois,  ni  pendant  la 
durée  d'une  année  !  Mais  Hermès,  qui  était  épris  de  la 
déesse  et  qui  en  avait  reçu  des  faveurs,  joua  aux  dés  avec 
la  Lune  et  lui  gagna  la  soixante-douzième  partie  de  chacun 
de  ses  jours.  Il  en  fit  cinq  jours,  qu'il  ajouta  aux  trois  cent 
soixante.  »  (De  Isis.  et  Osir,,  §  42.) 

Cette  année  était  divisée  en  trois  saisons  fondées  sur 
des  observations  d'ordre  exclusivement  agricole.  Ces  trois 
saisons,  qui  persistèrent  en  Egypte  au  delà  de  l'époque  où 
prévalurent  les  idées  grecques,  étaient  :  \°  la  saison  Shâ 
(du  commencement)  qui  correspondait  à  l'inondation  ;  2°  la 
saison  Pro  (des  semailles)  qui  répondait  à  l'hiver  ;  3^  la 
saison  Shemou  (de  la  récolte)  au  printemps  et  à  l'été.  Ces 
trois  saisons  étaient  d'égale  longueur  et  comptaient  chacune 
quatre  mois.  Les  mois  se  subdivisaient  en  trois  décades  ou 
dizaines  de  jours  ;  le  jour,  d'un  lever  de  soleil  à  l'autre, 
en  vingt-quatre  heures  (12  X  2),  comptées,  la  première 
douzaine,  du  lever  du  soleil  ;  la  seconde,  du  crépuscule. 
Que  les  Egyptiens  aient  dénommé  chacun  des  mois  de 
l'année  et  des  jours  de  la  décade,  c'est  ce  qui  ressort  des 
noms  des  douze  mois  coptes  en  usage  au  temps  d'Hérodote 
et  du  fait  que  les  heures  elles-mêmes  portaient  un  nom 
spécial  ;  mais,  en  dehors  du  nom  des  saisons,  le  temps 
n'avait  pas  d'autre  expression  graphique  que  celle  du 
nombre  indiquant  l'ordre  du  mois  par  rapport  à  la  saison, 
et  du  jour  par  rapport  au  mois.  Le  quantième  s'écrivait 
ainsi  :  l'an  IH  (du  roi  N),  mois  Hl  de  la  saison  pro,  jour  H. 
Les  noms  conservés  par  le  calendrier  copte  sont  les 
suivants  : 

1°  Thôout, 

2^  Paophi, 

30  Athôr, 

40  Choiak, 

10  Tôbi, 
I  2°  Mechir, 
I  3<^  Phamenôth, 

^"^  Pharmouti, 
'  1«  Pachôn, 

2«  Paôni, 

3«  Epèp, 
.  4°  Mesuré, 


Saison  Shâ  (inondation).^ 


Saison  Pro  (semailles)... 


Saison  Shemou  (récolte). 


grec  Ôojo'iô. 

—  aG6p. 

—  TU6{. 

cpa[j.£v6w. 

cpap[j.ouOi. 

TuaUvi. 
Itz'.oI, 
[xsaopTj. 


L'année  sothiaque  ayant  son  point  de  départ  le  jour  du 
lever  héliaque  de  Sothis  (Sirius),  le  l^'-thot  correspondait 
dans  le  cas  d'une  année  normale  au  19  juil.,  mais  la  dif- 
férence de  cette  année  (à  laquelle  on  a  également  donné  le 
nom  d'année  vague)  avec  l'année  tropique  se  trouvant  être  de 
6  heures,  il  en  résultait  un  retard  d'un  jour  (4X6  heures) 
de  la  première  sur  la  seconde  tous  les  quatre  ans.  Il  fallait 
donc  1461  ans  de  365  jours  pour  que  le  retard  fût  exacte- 
ment d'une  année  et  que  le  1  «''  thot  retombât  le  jour  du  lever 
de  Sirius.  «  Les  prêtres,  dit  M.  Maspéro,  célébraient^  le 
lever  de  l'astre  par  des  fêtes  solennelles  dont  l'origine 
devait  remonter  plus  haut  que  les  rois  de  la  P«  dynastie, 
au  temps  des  Shosou-Hor,  et  donnaient  le  nom  de  pé- 
riode sothiaque  à  la  période  de  1460-1461  qui  ramenait 
celte  coïncidence  merveilleuse.  »  Ce  fut  seulement  sous 
Ptolémée  Evergète  P''  que,  grâce  à  l'addition  d'un  sixième 
jour  intercalaire  à  la  fin  de'chaque  période  de  quatre  ans, 
l'accord  fut  rétabli  entre  l'année  civile  et  l'année  tropique 
(décret  de  Canope).  H  n'est  pas  inutile  de  faire  observer 
ici  que  le  calendrier  ainsi  réformé  présentait  le  même  défaut 
que  le  calendrier  julien  établi  plus  tard  sur  le  même  prin- 


cipe par  les  soins  de  Sosigène  d'Alexandrie.  Les  six  heures 
supplémentaires  qu'on  supposait  nécessaires  pour  rétablir 
l'équilibre  entre  l'année  astronomique  et  l'année  vague 
excédaient  de  11  minutes  la  durée  d'une  révolution  solaire, 
si  bien  que  l'écart  entre  les  deux  années  redevenait  d'un 
jour  après  cent  trente  et  un  ans.  On  sait  que  c'est  le  pape 
Grégoire  XHI  qui  remédia  à  cet  inconvénient  par  la  sup- 
pression de  trois  bissextes  par  période  de  quatre  siècles. 
Ce  qui  a  été  dit  de  l'astronomie  s'applique  exactement 
aux  sciences  mathématiques.  Les  anciens  Egyptiens  s'en 
sont  tenus  aux  résultats  les  plus  élémentaires.  Il  ne  nous 
est  jusqu'à  présent  parvenu  qu'un  seul  écrit  mathématique, 
le  papyrus  Rhind  du  British  Muséum,  texte  assurément 
très  obscur,  mais  qui,  dans  ses  parties  intelligibles,  ne 
révèle  rien  de  nature  à  poser  son  auteur  en  précurseur  des 
Euclide  et  des  Archimède.  H  est  certain  que  la  construction 
des  pyramides  et  des  temples  suppose  une  longue  pratique 
de  la  géométrie,  mais  c'était  une  géométrie  très  élémen- 
taire et  très  routinière.  La  stéréotomie  de  toutes  ces  cons- 
tructions est  des  plus  bornées  ;  il  n'est  pour  ainsi  dire  pas 
une  seule  combinaison  qui  ait  exigé  une  épure  préalable.  Le 
système  des  plans  inclinés  pour  l'élévation  des  matériaux, 
employé  depuis  les  temps  immémoriaux  jusqu'au  siècle  où 
vivait  Pline,  suffit  à  nous  prouver  que  les  Egyptiens  n'abor- 
dèrent jamais  résolument  les  problèmes  de  la  mécanique. 
Leur  arithmétique  partait  d'un  excellent  principe;  elle  était 
décimale;  mais  elle  fut  entravée  par  son  insuffisance  gra- 
phique. Faute  d'avoir  imaginé  un  chiffre  pour  chacune  des 
neuf  unités,  le  tracé  des  nombres,  compliqué  par  lui-même, 
compliqua  les  opérations.  Pour  écrire  un  nombre,  ils  écri- 
vaient autant  de  fois  le  signe  des  unités,  des  dizaines,  des 
centaines,  des  mille,  etc.,  qu'il  y  avait  d'unités,  de  dizaines, 
de  centaines,  de  mille,  etc.  On  trouve,  il  est  vrai,  dans 
les  textes  les  plus  récents  des  signes  spéciaux  pour  les 
nombres  5,  7,  8,  9,  mais  toujours  isolés  et  n'entrant  jamais 
en  composition.  Leur  système  de  fraction  était  aussi  des 
plus  primitifs  ;  il  n'admettait  que  des  fractions  ayant  l'unité 
pour  numérateur,  éludant  l'expression  si  simple  d'une  quan- 

6  11 

tité  comme  j^  par  l'expression  plus  compliquée  ^  +  îq  ' 

La  seule  exception  qu'on  connaisse  à  cet  usage  nous  est 

2 
fournie  par  la  fraction  ^ .  On  conçoit  qu'avec  une  pareille 

arithmétique  ils  aient  été  obligés  d'avoir  fréquemment 
recours  à  des  tables  présentant  des  opérations  toutes  faites. 
C'est  précisément  une  de  ces  tables  que  nous  révèlent  une 
des  parties  les  mieux  déchiffrées  du  papyrus  Rhind  et 
d'autres  documents  de  basse  époque,  grecs  et  coptes. 

Georges  Bénédite. 

Droit  égyptien.  —  Le  droit  égyptien  nous  est  connu 
principalement  par  toute  une  série  de  contrats  remontant 
jusqu'au  règne  de  Bocchoris,  ce  roi  que  Diodore  de  Sicile 
nous  désigne  avec  raison  comme  l'auteur  du  code  égyptien 
des  contrats.  C'est  un  droit  d'une  physionomie  toute  par- 
ticulière, qui,  par  beaucoup  de  points,  se  rapproche  infini- 
ment plus  de  nos  droits  modernes  que  la  plupart  des  autres 
droits,  à  nous  connus,  de  l'antiquité,  même  très  posté- 
rieurs en  date.  Il  serait  impossible  d'en  donner  en  quelques 
lignes  une  idée  complète.  Bornons-nous  à  dire  seulement  : 
que  la  situation  de  la  femme  y  était  très  avantageuse  ; 
que  le  père,  au  lieu  d'être  un  despote,  comme  le  pater 
familias  romain,  n'y  avait  que  les  pouvoirs  restreints 
d'un  tuteur  agissant  dans  l'intérêt  de  tous  ;  que  de  son 
côté  le  mari  n'avait  nul  pouvoir  sur  sa  femme  ;  que  l'es- 
clave même  y  possédait  encore,  dans  une  certaine  limite, 
une  personnalité  civile,  des  liens  de  famille  et  un  recours 
possible  contre  les  abus  trop  criants  du  pouvoir  du  maître. 

Les  contrats  étaient  entourés  de  toutes  les  garanties  pos- 
sibles d'authenticité.  Pour  les  rendre  encore  plus  limpides, 
on  leur  donnait  toujours  la  forme  unilatérale  d'une  sorte 
de  discours  où  l'on  faisait  parler  celui  ou  ceux  qui  s'obh- 
geaient  ou  abandonnaient  quelque  droit  ou  se  dessaisissaient 


—  677  — 


EGYPTE 


de  quelque  bien  en  faveur  d'une  autre  personne.  Cette 
forme  unilatérale  était  obtenue,  dans  certains  contrats  pour 
le  fond  synallagmatiques,  par  des  procédés  juridiques  bien 
calculés  et  devenus  les  règles  d'un  droit  très  savant.  Quand 
il  s'agissait  par  exemple  de  vendre  un  bien  immobilier,  il 
était  de  principe  que  le  prix  convenu  fût  toujours  censé 
payé  d'avance,  de  telle  sorte  que  l'acheteur  n'avait  aucune 
obligation  à  ce  titre  envers  le  vendeur,  et  que  celui-ci  seul, 
dans  l'acte  où  il  cédait  ainsi  son  bien,  avait  à  fournir  en 
même  temps  à  l'acheteur  toutes  les  garanties  que  la  loi 
exigeait  d'une  façon  formelle.  S'il  arrivait  que  l'acheteur, 
dans  la  réalité,  des  choses,  n'eût  pas  eu  en  mains  l'argent 
nécessaire  pour  payer  d'abord  le  prix  de  la  vente,  le  ven- 
deur qui  lui  faisait  crédit  était  censé  lui  prêter  la  somme 
et  on  faisait  intervenir  à  cette  occasion  un  acte  de  créance 
absolument  distinct  de  l'acte  de  vente,  mais  qui  pouvait 
comporter  sur  le  bien  dont  il  s'agissait  soit  une  hypothèque, 
soit  même,  pour  tenir  lieu  de  notre  privilège  actuel  du 
vendeur,  une  vente  conditionnelle  à  terme,  en  sens  con- 
traire, pour  le  cas  oii  la  somme  due  ne  serait  pas  payée  à 
l'échéance. 

Dans  ces  contrats,  dressés  par  un  notaire,  pourvus  de  la 
signature  de  témoins  très  nombreux,  enregistrés  de  diverses 
manières  suivant  les  époques  et  qui,  en  dernier  lieu  —  outre 
les  enregistrements  relatifs  au  payement  des  droits  de  mu- 
tation, outre  les  indications  prises  sur  les  registres  du 
cadastre  tenus  par  les  koniogramnaates  —  devaient,  sous 
peine  de  nullité,  être  reproduits  en  entier  sur  les  registres 
de  transcription  au  Ypacpiov  (on  dirait  aujourd'hui  au 
greffe),  on  arrivait,  par  des  moyens  non  moins  juridique- 
ment habiles  et  sous  des  formes  beaucoup  plus  simples,  à 
réaliser  des  opérations  non  moins  compliquées  que  celles 
qui  se  font  dans  nos  contrats  notariaux  d'aujourd'hui.  Nous 
ne  parlons  en  ce  moment  que  de  la  période  dite  classique 
du  droit  égyptien.  Mais  dans  les  périodes  antérieures  qui 
se  succédèrent  depuis  Bocchoris  jusqu'à  la  constitution  dé- 
finitive de  ce  droit  classique  sous  les  dernières  dynasties 
nationales,  le  droit  égyptien,  malgré  les  changements  qu'y 
avaient  apportés  d' abord  les  rois  éthiopiens ,  puis  Amasis ,  etc . , 
avait  toujours  conservé  l'aspect  si  remarquablement  original 
et  si  élevé  de  principes  que  dès  la  rédaction  de  son  code  Boc- 
choris lui  avait  donné.  Aussi  était-il  très  admiré  par  les 
anciens,  suivant  lesquels  les  plus  grands  législateurs  grecs 
étaient  allés  chercher  d'abord  leurs  inspirations  en  Egypte. 

Sa  supériorité  réelle,  incontestable,  le  fit  conserver  sous 
toute  une  série  de  dominations  étrangères.  Le  papyrus 
grec  V^^  de  Turin  nous  le  montre  constituant  encore  la  loi 
du  pays  sous  les  Lagides,  moins  de  cent  vingt  ans  avant 
notre  ère.  Les  contrats  démotiques  de  l'époque  romaine 
nous  le  font  voir  en  vigueur  encore  sous  les  césars,  et  on 
en  retrouve  certains  principes  fondamentaux,  certaines 
appHcations  traditionnelles  passées  en  coutumes,  non  seu- 
lement jusque  dans  les  contrats  grecs  ou  coptes  de  l'époque 
byzantine,  mais  jusque  dans  les  contrats  coptes  ou  arabes 
de  l'époque  musulmane. 

Tout  récemment,  d'après  les  renseignements  fournis  par 
le  moudir  d'Assouan  dans  les  provinces  du  haut  Nil,  la 
société  familiale  se  conservait  après  la  mort  du  père  entre 
ses  enfants,  sous  la  direction  d'un  aîné  administrant  les 
biens  communs,  en  qualité  de  gérant,  sans  en  avoir  d'ail- 
leurs une  part  plus  grande  que  ses  frères.  Cette  particu- 
larité si  curieuse  du  plus  ancien  droit  égyptien  se  main- 
tenait encore  en  usage.  Sur  la  demande  du  moudir  en 
question,  le  droit  traditionnel  a  été  maintenu  dans  la  pro- 
vince frontière  qu'il  dirige,  et  les  nouveaux  tribunaux  n'y 
ont  pas  été  installés  comme  dans  le  reste  de  l'Egypte  ;  on 
sait  en  efi'et  qu'on  a  récemment  rédigé,  à  l'imitation  de  notre 
code  civil,  un  nouveau  code  égyptien  publié  en  français 
et  dont  l'application  est  surveillée  par  des  tribunaux  à  la 
moderne;  tandis  que  ie  droit  sacré  musulman,  sur  les  ques- 
tions prévues  par  le  Coran,  se  pratique  encore  comme  dans 
tout  le  monde  musulman.  Nous  ne  pouvons  entrer  ici  dans 
de  plus  grands  détails  ;  mais  nous  renverrons  pour  l'étude 


du  droit  égyptien  à  nos  volumes  sur  VEtat  des  persoimes^ 
sur  les  obligations  en  droit  égyptien  comparé  aux 
autres  doits  de  C antiquité ^  parus  depuis  plusieurs  années, 
et  à  nos  volumes  sur  VEtat  des  biens,  actuellement  sous 
presse.  E.  Bevillout. 

Histoire  de  l'Egypte  dans  l'antiquité.  —  Les  trente 
et  une  dynasties  de  l'histoire  de  Manéthon  ont  été  groupées 
par  les  modernes  en  quatre  grandes  périodes  :  d^  ancien 
empire  ou  période  memphite  (F^-X«  dynastie)  ;  ^'^  moyen 
empire  ou  première  période  thébaine  (XP-XVII^  dynastie)  ; 
3^  nouvel  empire  ou  deuxième  période  thébaine  (XVIIÏ^- 
XX^  dynastie)  ;  4^  période  saïte  (XXP  dynastie,  conquête 
perse). 

Origines  :  établissement  de  la  monarchie.  Ancien 
empire.  L'histoire  ne  commence,  à  vrai  dire,  qu'avec  le  der- 
nier roi  de  la  IIP  dynastie,  Snewrou,  auquel  se  rapporte 
le  plus  ancien  des  documents  originaux.  Cet  ancêtre  des 
monuments  historiques  de  l'Egypte  consiste  en  un  bas-relief 
gravé  à  l'entrée  d'une  galerie  de  mines  dans  le  Ouadi 
Magharah  (presqu'île  du  Sinaï).  Il  nous  représente  le  pha- 
raon immolant  au  dieu  Horus  un  prisonnier  de  guerre  avec 
la  légende  :  le  roi  du  Sud  et  du  Nord,  seigneur  du 
Vautour  et  de  rUrœus,  maître  de  la  vérité,  Vépervier 
d'or,  Snewrou,  écrase  les  montagnards.  Les  termes  de 
cette  formule  qui  ne  diffèrent  pas  du  protocole  consacré 
en  pareil  cas  dans  les  inscriptions  analogues  des  époques 
postérieures  ;  l'aspect  du  monument,  son  emplacement  à 
l'entrée  d'une  mine  de  cuivre  en  plein  désert,  à  sept  ou 
huit  jours  de  Memphis,  sont  autant  de  preuves  qu'au  temps 
des  premières  dynasties  memphites,  l'Egypte  était  arrivée 
à  un  degré  de  civilisation  trop  avancé  pour  ne  pas  sup- 
poser, avant  l'établissement  de  la  monarchie,  une  très 
longue  période  au  cours  de  laquelle  les  habitants  de  la 
vallée  seraient  non  seulement  passés  de  la  barbarie  à  la  vie 
policée,  mais  encore  arrivés  à  une  grande  pratique  des 
principaux  éléments  constitutifs  de  la  civilisation  égyptienne. 
Les  Egyptiens  comblaient  ce  gouffre  d'un  passé  fécond, 
mais  sans  tradition,  au  moyen  de  dynasties  divines.  Les 
sources  indigènes  auxquelles  avait  puisé  Manéthon  faisaient 
au  moins  mention  de  deux  de  ces  dynasties  suivies  d'une 
troisième  dynastie  de  héros.  M.  Maspéro  a  récemment 
prouvé  que  ces  trois  dynasties  correspondaient  aux  trois 
ennéades  divines  selon  le  système  d'Héliopolis,  avec  quel- 
ques modifications  provenant  de  l'adaptation  des  trois 
ennéades  à  la  théologie  memphite,  et,  cela  va  sans  dire,  de 
l'identification  des  dieux  de  l'Egypte  à  ceux  du  panthéon 
grec.  Le  thème  plus  ou  moins  déformé  de  la  cosmogonie 
héliopolitaine,  le  mythe  d'Osiris,  les  guerres  d'Horus  et  de 
Set  avaient  permis  de  placer  en  regard  de  ces  noms  divins 
un  ensemble  de  récits  légendaires  qui  variaient  de  pro- 
vince à  province.  Avec  Menés  (Mini)  de  Thinis,  nous  sor- 
tons de  la  mythologie  sans  pourtant  qu'aucun  document 
original  mentionne  ce  prince  et  ses  successeurs.  Les  pha- 
raons de  Thèbes,  deux  mille  ans  plus  tard,  honorèrent  en 
lui  un  ancêtre  dont  ils  croyaient  perpétuer  la  race,  esti- 
mant que  la  monarchie  ne  pourrait  durer  qu'autant  que 
durerait  la  descendance  de  celui  qui  l'avait  fondée  sur  les 
ruines  du  pouvoir  sacerdotal.  La  tradition  populaire,  de 
son  côté,  lui  attribuait  l'une  des  œuvres  les  plus  colossales 
accomphes  en  Egypte,  la  création  de  la  grande  digue  de 
Kocheïchah  qui  assurait  la  fertilité  du  Fayoum  en  même 
temps  qu'elle  réglait  l'irrigation  du  Delta,  jusqu'alors  noyé 
dans  les  marécages.  On  se  plaisait  pareillement  à  faire 
remonter  au  règne  des  Thinites  l'établissement  de  certains 
cultes  comme  ceux  d'Hapis,  de  Mnevis  et  du  bouc  mendé- 
sien  (roi  Kakeou),  la  législation  qui  assurait  le  droit  de 
succession  aux  femmes  de  sang  royal  (roi  Binnoutri),  jus- 
qu'à des  traités  de  médecine  (roi  Teta),  etc.  Les  premiers 
memphites  (IIP  dynastie)  n'offrent  pas  au  sujet  des  faits 
une  plus  grande  consistance  que  les  Thinites  ;  ils  n'existent 
qu'à  l'étal  de  noms.  Mais  avec  les  successeurs  de  Snew- 
rou (IV®  dynastie),  nous  entrons  dans  le  domaine  de  l'his- 
toire authentique. 


EGYPTE 


678 


C'est  l'époque  de  Khoufou,  le  Chéops  des  Grecs,  de  Kha- 
fra  (Khephren)  et  de  Menkera  (Mykerinos).  Peu  de  faits 
militaires  :  quelques  guerres  avec  les  tribues  bédouines  de 
l'Est,  mais  tous  les  caractères  d'une  civilisation   brillante 
poursuivant  son  développement  en  plaine  paix.  «  Des  villes 
sont  fondées,  dit  Mariette,  de  grandes  fermes  enrichissent 
les  campagnes.  On  y  élève  des  milliers  de  têtes  de  bétail. 
Des  antilopes,  des  cigognes,  des  oies  sauvages  y  sont  gar- 
dées en  domesticité.  Des  moissons  abondantes  et  soignées 
couvrent  le  sol.  Une  architecture  élégante  embellit  les  habi- 
tations. Là,  le  maître  de  la  maison  vit  aimé  et  respecté 
des  siens  ;  il  cultive  les  fleurs  ;  des  jeux,  des  danses  sont 
exécutées  devant  lui.  Il  chasse  ;  il  pêche  dans  les  nom- 
breux canaux  dont  la   contrée  est  sillonnée.  De  grandes 
barques  aux  voiles  carrées  flottent  pour  lui  sur  le  Nil,  ins- 
truments d'un  commerce  sans  doute  très  actif.  Partout 
l'Egypte  nous  apparaît  alors  dans  l'épanouissement  d'une 
jeunesse  vigoureuse  et  pleine  de  sève.  »  Cette  peinture  de 
l'Egypte  sous  les  rois  de  la  IV^  dynastie  n'a  rien  de  con- 
jectural ;  elle  n'est  pas  l'œuvre  de  l'historien  moderne, 
mais  des  contemporains.  Nous  la  voyons  s'étaler  encore 
avec  une  netteté  incomparable  sur  les  parois  des  tombes  de 
Gizeh  et  de  Saqqarah.  «  Ces  tombes  formaient  à  l'O.  de 
Memphis,  sur  un  vaste  plateau  de  la  chaîne  libyque,  une 
importante  nécropole  d'une  superficie  plus  grande  que  celle 
de  la  ville  des  vivants.  Au  N.  de  cette  nécropole,  un  roi 
demeuré  inconnu,  mais  qu'il  faut  peut-être  reporter  aux 
temps  antérieurs  à  Mini,  avait  fait  tailler  dans  le  roc  un 
sphinx  énorme,  symbole  d'Harmachis,  le  soleil  levant. 
Plus  tard  un  temple  d'albâtre  et  de  granit,  le  seul  spéci- 
men que  nous  possédions  de  l'architecture  monumentale  de 
l'ancien  empire,  fut  construit  à  quelque  distance  de  l'image 
du  dieu;  d'autres  temples, aujourd'hui  détruits,  s'élevèrent 
çà  et  là  et  firent  du  plateau  entier  comme  un  vaste  sanc- 
tuaire consacré  aux  divinités  funéraires.  »  (Maspéro.)  C'est 
là,  dans  le  voisinage  du  sphinx,  sur  le  rebord  du  plateau, 
que  Khoufou,  Khafra  et  Menkera  bâtirent  leurs  pyramides 
(V.  ce  mot).  La  tradition  grecque  nous  représente  les  deux 
premiers  comme  des  rois  impies  qui  fermèrent  les  temples 
pendant   toute  la  durée  de  leur  règne,  afin  qu'aucune 
préoccupation,  pas  même  celle  des  dieux,  ne  vînt  détourner 
le  peuple  de  la  corvée  à  laquelle  il  avait  été  astreint  pour 
l'érection  des  deux  colosses.  La  science  moderne  a  fait 
justice  de  cette  accusation  assez  étrange  contre  des  rois  de 
droit  divin,  qui  se  considéraient  non  seulement  comme  les 
ministres  des  volontés  divines,  mais  même  comme  les  propres 
fils  des  dieux .  La  V*^  dynastie,  également  memphite  (et  non 
éléphantine  comme  l'a  dit  par  confusion  l'un  des  copistes 
de  Manéthon),  se  rattache  sans  secousse  à  la  précédente  dont 
elle  n'est,  à  vrai  dire,  que  la  continuation.  De  nombreux 
monuments  d'un  style  aussi  achevé  que  ceux  de  la  IV®  dy- 
nastie témoignent  de  la    prospérité  de  l'Egypte,  qui  n'a 
guère  à  se  défendre  que  contre  les  incursions  de  quelques 
tribus  nomades.  L'exploitation  des  mines  du  Ouadi  Ma- 
gharah  continue  de  plus  belle,  ainsi  que  le  prouvent  des 
stèles  au  nom  de  An  Ousornirâ  et  de  Tatkara.  La  pyra- 
mide d'Ounas,  le  dernier  roi,  se  trouve  à  Saqqarah  dans 
le  groupe  des  pyramides  de  la  VP  dynastie  ;    elle  a  été 
ouverte  par  M.  Maspéro,  le  23  févr.  4881.  Teti,  succes- 
seur d'Ounas,  inaugure  la  VP  dynastie,  originaire  d'Elé- 
phantine.  Nous  ne  savons   que  peu  de  choses  de  ce  roi, 
ainsi  que  d'un  certain  Ati,  connu  seulement  par  une  ins- 
cription de  sa  première  année  et  qu'on  place  soit  avant  soit 
après  Teti.  Il  n'en  est  pas  de  même  de  Pepi  V^^  Merirâ, 
dont  le  règne  de  près  de  dix-huit  ans  marque  une  des 
grandes  époques  de  la  puissance  égyptienne.  A  Tanis,  à 
El  Kab,  dans  la  vallée  d'Hammamat,  à  Assouan,  au  Sinaï, 
on  trouve  un  peu  partout  les  traces  de  sa  prodigieuse 
activité.  Secondé  par  son  ministre  Ouni,  il  étend  sa  puis- 
sance à  l'E .  jusqu'aux  déserts  de  la  Syrie  méridionale,  au 
S.  sur  les  tribus  noires  de  la  Haute-Nubie.  Le  document 
capital  pour  l'histoire  de  son  règne  est  la  longue  inscrip- 
tion du  tombeau  d'Ouni,  son  ministre,  découverte  à  Aby- 


dos  par  Mariette  et  transportée  par  lui  au  musée  du  Caire. 

Cet  Ouni,  qui  avait  eu  accès  aux  honneurs  sous  le  règne 
de  Teti,  devint  sous  Pepi  une  sorte  de  grand  chancelier 
cumulant  une  foule  de  hauts  emplois  et  dirigeant  les  affaires 
du  royaume  a\ec  l'aide  d'un  seul  assesseur.  Il  avait  été 
chargé  de  l'insigne  mission  de  choisir  à  Tourah  le  bloc  de 
calcaire  destiné  à  abriter  la  momie  royale,  puis,  à  l'occa- 
sion d'une  grande  guerre  soutenue  contre  les  Syriens  et 
les  hommes  du  désert,  investi  du  haut  commandement. 
Son  armée,  recrutée  parmi  les  tribus  nègres,  fit  d'abord 
cinq  campagnes  contre  les  Herichaou  ;  puis,  les  barbares 
s'étant  de  nouveau  soulevés  malgré  leurs  défaites,  Ouni 
dut  prendre  la  mer  pour  les  poursuivre  jusque  dans  les 
extrémités  reculées  de  leur  pays.  Tant  de  victoires  valurent 
à  Ouni  l'honneur  suprême  de  conserver  ses  sandales  dans 
le  palais.  Le  roi  Merenra,  fils  et  successeur  de  Pepi,  lui 
conféra  de  nouvelles  charges.  Il  l'envoya  en  outre,  comme 
avait  fait  son  père,  à  la  recherche  de  son  sarcophage  et 
des  matériaux  nécessaires  à  l'érection  de  sa  pyramide. 
Le  règne  de  Merenra  fut  pacifique  et  vraisemblablement 
de  courte  durée.  La  momie  de  ce  prince,  recueillie  en 
1881  dans  sa  pyramide,  porte  encore  la  tresse  des  ado- 
lescents. Noferkara,  second  fils  de  la  reine  Mirira-Anchnas, 
succéda  à  son  frère  aîné.  Si  l'on  en  croit  Manéthon,  son 
règne  aurait  été  de  cent  ans.  Après  cette  suite  continue  de 
quatre  pharaons,  les  monuments  se  taisent,  et  c'est  Héro- 
dote et  Manéthon  qui  terminent  l'histoire  de  la  VP  dynas- 
tie par  un  Metesouphis  et  une  Nitocris  plus  qu'à  demi- 
légendaires.  Le  nom  de  Nitaqrit  a  été  retrouvé  dans  un 
fragment  du  papyrus  de  Turin.  De  plus,  le  remaniement 
constaté  dans  la  pyramide  de  Menkera,  où  fut  aussi  trouvée 
une  seconde  chambre,  confirme  l'assertion  de  Manéthon  que 
cette  reine  y  aurait  été  ensevelie.  Les  pyramides  des  rois 
de  la  VP  dynastie  forment  le  groupe  le  plus  important  de 
la  nécropole  de  Saqqarah.  Attaqué  par  Mariette  quelques 
mois  avant  sa  mort,  il  n'a  livré  ses  secrets  qu'à  M.  Maspéro 
qui  de  1880  à  1881  a  pu  reconnaître  et  relever  successi- 
vement les  tombes  de  Merenra,  de  Pepi  P"^,  de  Noferkara 
(Pepi  II),  de  Teti,  ainsi  que  celle  d'Ounas  de  la  V®  dynastie. 
Les  couloirs  et  les  chambres  de  ces  pyramides  portent 
gravés  de  nombreux  textes  religieux.  De  ce  que  les  mas- 
tabahs  ou  tombes  de  simples  particuliers  et  les  pyramides 
de  Gizeh  ne  contenaient  aucune  allusion  à  la  vie  de  l'âme, 
on  s'était  trop  pressé  de  conclure  que  les  doctrines  mys- 
tiques relatives  à  la  vie  d'outre-tombe,  telles  qu'on  les 
connaissait  par  le  Livre  des  Morts,  étaient  l'œuvre  de 
théologiens  d'époques  postérieures.  Les  pyramides  de  la 
V®  et  de  la  VP  dynastie  ont  répondu  à  cette  théorie. 

Pour  les  quatre  dynasties  suivantes,  il  y  a  désaccord 
dans  les  sources.  Le  papyrus  de  Turin  ne  semble  mentionner 
entre  la  VP  et  la  XIP  dynastie  que  23  rois  divisés  en 
deux  dynasties,  tandis  que  Manéthon  en  compte  4  (2  mem- 
phites  et  2  héracléopolitaines).  La  VHP  dynastie  (mem- 
phite) n'aurait  duré  que  70  jours  selon  une  des  versions 
manéthoniennes  et  73  ans  selon  l'autre  ;  la  VHP  dynas- 
tie (memphite),  146  ans  et  100  ans.  Le  désaccord  n'est 
pas  moins  grand  en  ce  qui  concerne  le  nombre  des  rois  qui, 
pour  la  VIΫ  dynastie,  est  tantôt  de  70,  tantôt  de  5,  et  le 
singulier,  c'est  que  les  70  rois  appartiennent  non  à  la 
version  de  75  ans,  mais  de  70  jours.  Quant  à  la  VHP  dy- 
nastie, elle  aurait  été  de  27  rois.  Ces  divergences  mon- 
trent qu'a-ucune  tradition  n'était  parfaitement  étabUe, 
sans  doute  du  fait  des  compétitions  qui  mirent  plusieurs 
familles  en  présence,  en  sorte  que  la  légitimité  était  partout 
et  nulle  part.  Il  en  résulte  en  tous  cas  que  la  puissance 
memphite  dut  passer  par  une  crise  d'où  elle  sortit  si  affai- 
blie que  la  suzeraineté  fut  confisquée  par  un  Etat  vassal 
de  la  Moyenne-Egypte.  L'histoire  des  deux  dynasties  héra- 
cléopolitaines (IX®  et  X®)  est  encore  à  écrire.  Longtemps 
considérée  comme  un  simple  problème  de  chronologie, 
dont  la  donnée  d'ailleurs  n'était  fournie  que  par  les  abré- 
viateurs  de  Manéthon  et  le  chronographe  Eratosthêne,  elle 
a  été  remise  à  l'ordre  du  jour  par  la  découverte  de  nou- 


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EGYPTE 


veaux  documents  et  surtout  par  l'étude  d'anciens  jus- 
qu'alors attribués  à  d'autres  époques.  Il  ressort  jusqu'à 
présent  de  l'examen  de  tous  ces  fragments  que  la  maison 
princière  d'Heracléopolis  (Hues,  aujourd'hui  Henassieh) 
commença  à  prendre  de  l'importance  pendant  les  règnes 
des  derniers  rois  memphites  et,  à  la  faveur  de  guerres 
contre  les  principautés  du  Sud,  arriva,  par  l'extension 
donnée  à  ses  domaines,  à  supplanter  définitivement  les 
princes  du  Nord.  Que  cette  souveraineté  ait  pu  s'étendre 
pendant  plusieurs  siècles  à  toute  l'Egypte,  c'est  ce  dont 
nous  n'avons  pour  l'instant  nulle  preuve  ;  toujours  est-il 
que,  pendant  cette  période,  les  princes  de  Hnes  étaient  de 
beaucoup  les  plus  puissants,  qu'ils  firent  reconnaître  leur 
suzeraineté  à  ceux  de  Siout,  et  étendirent  leur  sphère 
d'action  jusqu'aux  côtes  de  la  mer  Rouge. 

Moyen  empire.  Jusqu'à  l'avènement  des  dynasties  héra- 
cléopohtaines,  les  nomes  du  Sud  n'avaient  joué  qu'un  rôle 
effacé;  les  inscriptions  des  tombeaux  de  Siout  nous  les 
montrent  sortant  de  la  tranquille  obscurité  où  ils  vivaient 
pour  entrer  en  lutte  avec  leurs  voisins  du  Nord  et  essayer 
de  reprendre  à  leur  compte  l'hégémonie  (qui  avait  sans 
doute  reçu  plus  d'une  atteinte)  des  princes  de  Hnes  sur  le 
reste  de  l'Egypte.  Le  plus  ancien  des  princes  connus  de 
cette  XI^  dynastie  qui  posa  les  premières  assises  de  la 
puissance  thébaine,  Entouf  P^,  n'était  qu'un  ropa  (seigneur 
héréditaire).  Son  fils  Mentouhotep  P^  et  ses  successeurs 
s'enhardirent  à  prendre  le  cartouche,  sans  pourtant  s'im- 
poser comme  suzerains  à  la  Basse-Egypte  restée  soumise  à 
l'ancienne  métropole.  On  s'accorde  néanmoins  à  reconnaître 
qu'après  dix  règnes  dont  la  durée  est  encore  indéterminée, 
un  des  rois  de  Thèbes,  Nibkheroura  Mentouhotep  (IV)  fut 
assez  heureux  pour  justifier  son  titre  de  roi  des  deux  pays 
par  une  conquête  effective  qui  se  borna  vraisemblablement 
à  l'Egypte  proprement  dite,  car  on  ne  trouve  trace  de  la 
puissance  thébaine  à  pareille  époque  ni  au  delà  des  rochers 
de  la  première  cataracte,  ni  dans  la  presqu'île  du  Sinaï,  dont 
les  mines  étaient  abandonnées.  En  revanche,  ces  princes, 
à  l'exemple  des  rois  héracléopolitains,  donnèrent  leurs  soins 
aux  carrières  de  la  vallée  d'Hammamat  et  cherchèrent, 
peut-être  les  premiers,  par  la  fondation  d'un  port  voisin 
de  l'emplacement  de  la  moderne  ftocéir,  un  débouché  sur 
la  mer  Rouge,  La  nécropole  de  la  XP  dynastie  est  située 
au  N.  de  k  grande  nécropole  thébaine  (rive  gauche),  à 
Drah  Abou'l  Negah,  c.-à-d.  près  du  point  où  débouche  le 
défilé  de  Bab  el  Molouk  (vallée  des  Rois). 

La  XIP  dynastie  est  celle  des  Amenemhat  et  des  Ousir- 
tasen,  par  conséquent  l'une  des  plus  importantes.  Elle  nous 
intéresse  à  plusieurs  égards.  Elle  a  d'abord  l'inappréciable 
avantage  d'être  la  mieux  connue  de  toutes  les  dynasties 
égyptiennes.  Ses  huit  souverains  se  font  suite  sans  interrup- 
tion. Sans  doute,  sa  durée  varie  selon  les  diverses  sources; 
mais  il  est  à  remarquer  que  le  total  des  années  de  règne 
donné  par  les  monuments  (181  ans)  est  à  peu  près  la 
moyenne  entre  le  chiffre  de  Manéthon  (160)  et  celui  du 
canon  de  Turin  (213).  Une  des  particularités  de  cette  dy- 
nastie est  la  précaution,  renouvelée  presque  à  chaque  règne, 
que  prennent  les  pharaons,  après  un  exercice  plus  ou  moins 
long  du  pouvoir,  d'associer  leurs  successeurs  au  trône  avec 
la  jouissance  de  toutes  les  prérogatives  royales.  C'est  ainsi 
qu 'Amenemhat  P^,  fondateur  de  la  dynastie,  partagea, 
après  quarante-deux  ans  de  règne,  le  pouvoir  avec  son  fils 
Ousirtasen  P^,  lequel,  après  trente-deux  ans  de  règne, 
rendit  la  pareille  à  son  fils,  Amenemhat  II.  Amenemhat  II 
ne  fit  pas  autrement  à  l'égard  d'Ousirtasen  II  et,  après 
interruption,  Amenemhat  lîl  reprit  la  coutume  en  faveur 
d'AmenemhatIV.  Ce  système  de  gouvernement  n'avait  pas 
seulement  l'avantage  de  mettre  le  trône  à  l'abri  des  com- 
pétitions ;  il  avait  celui  d'intéresser  plus  vivement  chaque 
prince  à  l'œuvre  de  son  prédécesseur.  Le  bénéfice  qu'en 
retira  l'Egypte  fut  immense  :  à  aucune  autre  époque,  elle 
n'eut  un  meilleur  gouvernement,  ni  une  plus  réelle  pros- 
périté. Les  pharaons  de  la  XIP  dynastie  furent  des  con- 
quérants à  la  manière  de  Pepi  P^.  Ils  se  préoccupèrent 


avant  tout  d'assurer  à  l'Egypte  la  protection  de  ses  fron- 
tières de  l'E.  et  de  l'O.,  sans  cesse  menacées  par  les 
Bédouins  du  Sinaï  et  de  Libye.  Ils  reprirent  l'exploitation 
de  l'ancien  district  de  Magharah,  ouvrirent  même  de  nou- 
velles mines  sur  le  haut  plateau  de  Sarbùt  el  Khadem.  Ils 
attachèrent  surtout  un  grand  prix  à  la  possession  complète 
du  cours  du  Nil  proprement  dit  et  s'en  rendirent  maîtres 
après  d'heureuses  campagnes  dirigées  contre  les  tribus 
éthiopiennes  et  les  tribus  noires.  Ils  jugèrent  prudent, 
néanmoins,  de  ne  pas  étendre  trop  au  S.  leurs  occupations 
et  firent  de  Semneh,  à  une  journée  en  avant  de  la  deuxième 
cataracte,  leur  poste-frontière.  On  y  voit  encore  les  restes 
imposants  de  la  forteresse  élevée  par  Ousirtasen  III.  C'est 
surtout  comme  ingénieurs-agriculteurs  que  ces  pharaons 
sont  restés  célèbres.  Ils  donnèrent  en  effet  tous  leurs  soins  à 
l'agriculture  en  multipliant  les  bassins  et  les  canaux,  en 
redressant  les  berges  du  fleuve,  en  appliquant,  en  un  mot, 
les  procédés  les  plus  rationnels  à  l'irrigation,  dont  ils 
eurent  une  très  haute  conception.  La  construction  du  grand 
réservoir  ou  lac  Mœris  (V.  ce  mot),  par  Amenemhat III,  a 
été  (si  le  récit  d'Hérodote  ne  repose  pas  sur  un  malentendu) 
une  œuvre  qui,  même  à  notre  époque,  n'a  pas  été  dépassée 
et  dont  les  bassins  projetés  de  Kalabcheh  et  de  Cilcileh 
ne  seront  guère  que  Limitation.  Le  temple  que  ce  même 
roi  construisit  à  l'entrée  de  Fayoum  et  connu  sous  le  nom 
de  Labyrinthe  (V.  ce  mot)  faisait,  dans  l'antiquité,  l'éton- 
nement  des  voyageurs.  Hérodote  le  déclarait  supérieur  aux 
pyramides,  dont  une  seule  pourtant,  disait-il,  dépasse  de 
beaucoup  les  plus  grandes  constructions  grecques.  «  A  côté 
de  ces  entreprises  gigantesques,  dit  M.  Maspéro,  les  travaux 
exécutés  par  Amenemhat  III  lui-même  n'offrent  que  peu 
d'intérêt.  A  Thèbes,  Amenemhat  et  Ousirtasen  P''  embellirent 
de  leurs  offrandes  le  grand  temple  d'Amon.  Dans  la  ville 
sainte  d'Abydos,  Ousirtasen  P**  restaura  le  temple  d'Osiris. 
A  Memphis,  Amenemhat  III  édifia  les  propylées  au  N.  du 
temple  de  Ptah.  A  Tanis,  Amenemhat  P''  fonda,  en  l'hon- 
neur des  divinités  de  Memphis,  un  temple  que  ses  succes- 
seurs agrandirent  à  l'envi.  Fakous,  Héliopolis,  Hakhninsou, 
Zorit,  Edfou  et  d'autres  localités  moins  importantes  ne 
furent  pas  négligées.  »  Aucun  monument  ne  nous  laisse 
une  plus  juste  vue  d'ensemble  de  l'état  de  l'Egypte  à  cette 
époque  que  les  tombes  de  Béni  Hassan.  Elles  nous  font  con- 
naître les  noms,  l'histoire  et  la  situation  politique  d'une 
famille  de  princes  héréditaires,  les  princes  de  Mihi,  qui,  si  les 
circonstances  s'y  étaient  prêtées,  auraient  pu  devenir  rois 
d'Egypte  de  la  même  manière  que  les  princes  de  Hnes  ou  de 
Thèbes.  Ils  durent  se  résigner  à  ne  devenir  que  grands  digni- 
taires de  la  cour  de  Thèbes  et  administrer  leurs  Etats  comme 
préfets  héréditaires  du  pharaon.  Ces  mêmes  tombeaux  sont 
une  mine  très  riche  (fe  renseignements  sur  la  vie  agricole  et 
les  industries  de  l'Egypte  à  cette  époque.  L'un  d'entre  eux 
(tombeau  de  Knoumhotep)  nous  montre  également  une 
famille  d'émigrants  asiatiques  amenée  devant  le  gouverneur 
de  la  province  de  Mihi.  Ainsi,  plus  d'un  siècle  avant  l'invasion 
des  Hycsos,  des  familles  sémitiques  ou  chananéennes  pou- 
vaient non  seulement,  commele  raconte  la  légende  d'Abraham, 
pénétrer  hbrementen  Egypte,  dont  la  frontière  n'était  fermée 
qu'aux  bandes  agressives,  mais  remonter  la  vallée  jusqu'à 
la  province  de  Mihi  (moudirieh  actuelle  de  Minieh).  Le 
papyrus  de  Berlin  n°  1  nous  apprend  que  les  Egyptiens 
pouvaient  trouver  le  même  accueil  auprès  des  tribus  sémites 
du  désert.  Le  héros  de  ce  conte  populaire,  dont  la  scène  se 
passe  au  temps  des  deux  premiers  rois  de  la  XIP  dynastie, 
obligé  de  prendre  la  fuite  dans  les  vallées  du  Sinaï,  ren- 
contre un  Bédouin  qui  l'amène,  d'étape  en  étape,  jusqu'au 
pays  des  Edomites.  Le  grand  cheik  de  la  tribu  le  nomme 
commandant  de  ses  troupes,  etc.  (pour  plus  de  détails  sur 
la  donnée  de  ce  conte,  V.  Sinouhit).  Ce  joli  conte  n'est  pas 
d'ailleurs  le  seul  spécimen  de  la  littérature  égyptienne  à 
l'époque  la  plus  florissante  du  premier  empire  thébain.  Les 
papyrus  du  Musée  britannique  nous  ont  conservé  un  hymne 
au  Nil  souvent  cité,  le  petit  traité  de  morale  rédigé  par 
Amenemhat  P''  à  l'usage  de  son  fils  Ousirtasen,  ainsi  qu'une 


EGYPTE 


—  680 


sorte  de  satire  rythmée  de  tous  les  métiers  manuels,  cen- 
sément écrite  par  un  vieux  scribe  à  son  fils  étudiant  au 
séminaire  de  Cilcilis. 

La  XIII®  dynastie,  thébaine  comme  les  deux  précédentes, 
fait  par  son  incertitude  le  plus  grand  contraste  avec  la  XII°. 
Manéthon  lui  attribue  une  durée  de  453  ans  et  60  rois, 
mais  sans  nous  donner  aucun  nom.  11  la  fait  suivre  d'une 
dynastie  de  Xoïs  avec  76  rois  (sans  autre  désignation)  pour 
une  durée  de  484  ans.  Un  important  fragment  du  papyrus 
de  Turin  place  précisément  après  la  XII®  une  série  de  130 
à  130  prénoms  ou  surnoms  d'intronisation  dont  quelques- 
uns  seulement  sont  accompagnés  de  noms  de  famille. 
La  moindre  des  difficultés  que  présente  une  pareille  liste 
consiste  à  déterminer  le  point  de  séparation  des  deux 
dynasties.  Le  résultat  le  plus  clair  des  plus  ingénieuses 
tentatives  a  été  d'attribuer  à  la  XIII®  dynastie  les  cartouches 
de  Sowekhotep  et  de  Nowréhotep,  mentionnés  d'ailleurs 
sur  de  nombreux  monuments  figurés  dont  quelques-uns 
ont  été  d'un  grand  secours  pour  le  classement.  Le  lieu 
où  ils  ont  été  trouvés  n'a  pas  été  moins  significatif.  Il  a 
permis  de  réfuter  Fassertion  que  l'invasion  des  Hycsos 
avait  eu  lieu  sous  la  XIII®  dynastie.  C'est  en  eifet  San, 
la  future  capitale  des  Hycsos,  l'ile  d'Argo,  près  de  Don- 
golah,  Semneh,  indépendamment  de  Thèbes  et  d'Abydos 
qui  nous  ont  fourni  la  majeure  partie  de  ces  monuments. 
Comment  concilier  une  activité  dont  le  rayon  s'étend  de  Tanis 
à  Dongolah  avec  une  invasion  étrangère  ?  La  quahté  des 
monuments  n'y  contredit  pas  moins.  Ce  sont,  pour  ne  citer 
que  les  principaux  :  le  colosse  de  Sowekhotep  III,  prove- 
nant des  fouilles  de  Drovetti  dans  la  Basse-Egypte  (Louvre, 
A,  16)  ;  une  statue  demi-grandeur  du  même  en  granit  gris 
(id.,  A,  17)  ;  le  sphinx  de  granit  rose,  portant  indûment 
le  cartouche  de  Ramsès  II  (id.,  A,  21)  ;  la  statue  de  Sowe- 
kemsaw,  provenant  d'Abydos  (mus.  Gizeh).  Tant  que  des 
fouilles  fructueuses  n'auront  pas  arraché  son  secret  à  la 
bourgade  minuscule  (Sakhra)  qui  fut  l'ancienne  Xoïs,  la 
XIY®  dynastie  restera  pour  nous  lettre  morte.  Son  avène- 
ment, comme  le  remarque  M.  Maspéro,  fut  en  partie  le 
résultat  de  l'importance  que  prirent  les  villes  du  Delta 
sous  les  princes  de  la  XIII®  dynastie.  —  Monument  :  au 
musée  de  Gizeh,  petit  groupe  de  calcaire  représentant  le 
roi  Menkaoura  Nahit  en  adoration  devant  le  dieu  Mîn  de 
Coptos. 

C'est  après  cette  longue  et  obscure  dynastie  xoïte  que  les 
abréviateurs  de  Manéthon  placent  l'invasion  des  Hycsos. 
Le  Delta  afi'aibli  tombe  sans  l'ombre  de  résistance.  Le  chef 
de  ces  pasteurs.  Salâtes  ou  Saïtès,  éht  Memphis  pour  capi- 
tale, transforme  Avaris,  à  la  frontière  orientale  du  Delta, 
en  un  vaste  camp  retranché,  puis  une  fois  en  garde  contre  les 
incursions  de  tribus  congénères,  attirées  par  l'appât  du 
butin,  se  tourne  contre  le  Sud,  dont  les  Etats  menacés  se 
rallient  aux  princes  de  Thèbes.  Il  meurt  avant  de  les  avoir 
réduits.  Son  règne  avait  été  de  dix-neuf  ans.  Ses  succes- 
seurs, Bnôn,  Apachnas,  Apophis  et  lannas,  ne  sont  pas  plus 
heureux.  Mais  deux  siècles  de  résistance  opiniâtre  finissent 
pas  user  Thèbes,  qui  succombe  à  son  tour  et  les  Hycsos 
sont  maîtres  de  toute  l'Egypte.  Cette  victoire  définitive  fut 
l'œuvre  d'Assès,  successeur  de  lannas,  et  avec  qui  prend 
fin  la  P«  dynastie  étrangère.  Elle  avait  duré  environ 
deux  siècles  et  demi.  La  II®  dynastie  hycsos  (XVI®)  règne 
sans  partage,  au  dire  de  Manéthon,  pendant  près  de 
cinq  cents  ans. 

Après  une  si  longue  période,  les  Pasteurs  trouvent  encore 
le  moyen  de  fournir  une  III®  dynastie  de  43  rois  pour 
151  ans  de  règne,  au  terme  desquels  ils  sont  battus  et 
refoulés  dans  Avaris  par  un  prince  thébain  que  Josèphe 
appelle  Misphragmuthosis.  Son  fils  Thoutmosis  les  laisse 
après  un  long  règne  évacuer  pacifiquement  l'Egypte.  Nous 
avons  une  autre  version  non  moins  romanesque,  mais 
*  de  source  indigène.  Le  papyrus  Sallier  I®^  du  Musée  bri- 
tannique met  en  présence  Apopi  et  le  roi  thébain  Sqe- 
nenrâ  I®^.  Il  s'agit  de  savoir  lequel  des  deux  adorera  le 
dieu  de  l'autre;  sera-ce  Apopi  qui  se  convertira  à  Amon- 


Rà  ou  Sqenenrâ  au  dieu  Soutekh?  Tout  dépendra  d'une 
sorte  d'énigme  que  le  chef  hycsos  fait  poser  au  chef  thébain. 
Ce  roman  populaire  laisse  au  moins  entrevoir  que  la  reprise 
de  la  guerre  pour  l'indépendance  eut  un  motif  religieux, 
en  tout  cas  qu'elle  est  à  placer  à  l'époque  de  Sqenenrâ  I®^\ 
Les  noms  de  quelques-uns  des  princes  de  cette  XVII®  dynastie 
thébaine  qui  délivra  l'Egypte  nous  sont  depuis  longtemps 
connus  par  les  monuments.  La  cachette  de  Déir  el  Bahari 
nous  a  même  livré  le  cercueil  et  la  momie  de  l'un  d'entre 
eux,  Sqenenrâ  III.  Pour  ce  qui  est  des  rois  pasteurs, 
nous  n'avons  d'autre  documents  originaux  que  les  monu- 
ments trouvés  par  Mariette  à  San,  et  portant  le  cartouche 
d'un  Apopi.  Mais  le  document  plus  important  pour  cette 
époque  est  l'inscription  du  tombeau  d'Ahmos,  fils  d'Abna, 
à  El  Kab.  Ce  personnage,  né  sous  Sqenenrâ  III,  nous 
raconte  toutes  ses  campagnes  et  la  part  qu'il  prit  au  siège 
d'Avaris,  sous  le  roi  Ahmos  et  la  poursuite  des  Hycsos 
jusqu'en  Asie.  —  Principaux  monuments  :  au  musée  de 
Gizeh,  deux  sphinx  et  un  groupe  de  deux  dieux  Nils, 
avec  le  nom  d'Aakenenrâ  Apopi,  provenant  des  familles  de 
Tanis  ;  le  buste  royal  ou  sacerdotal  de  Mit  Farès  (Fayoum) 
qui  présente  les  mêmes  caractères  que  les  monuments  de 
Tanis.  M.  Naville  a  trouvé  récemment  d'autres  monuments 
de  la  môme  époque.  Aucune  trace  de  construction  des 
princes  thébains  ;  bijoux  au  nom  de  Kamos,  d'Aahhotep, 
d'Ahmos. 

Nouvel  Empire,  Une  dynastie  glorieuse  entre  toutes, 
c'est  la  XVIII®.  Fondée  par  Ahmos  I®^  (Amosis),  le  libé- 
rateur de  l'Egypte,  elle  marque  sa  place  dans  l'histoire  par 
une  série  de  conquêtes  qui  assurent,  pour  près  de  quatre 
siècles,  la  prépondérance  des  pharaons.  L'inscription  du 
tombeau  d'Ahmos,  fils  d'Abna,  commandant  de  la  flottille, 
nous  apprend  que  le  roi,  son  homonyme,  poursuivit  les 
Hycsos  jusqu'à  Sharouhana  (peut-être  Sharouken  de  Si- 
méon) ,  leur  infligea  l'an  VI  de  son  règne  une  sanglante 
défaite,  et  qu'après  la  prise  de  Sharouhana,  il  tourna  ses 
armes  vers  la  frontière  Sud.  Sa  campagne  dans  le  Khontnefer 
fit  rentrer  dans  l'obéissance  une  partie  des  anciennes  po- 
pulations tributaires  du  haut  Nil.  Favorisé  par  ses  vic- 
toires, Ahmos  P^  s'appliqua  à  remettre  en  vigueur  les  tra- 
ditions délaissées  pendant  de  longs  règnes  :  il  partagea  son 
activité  entre  la  guerre  qui  lui  fournit  d'importantes  res- 
sources et  l'embeUissement  de  sa  capitale  qui  les  absorba. 
Il  ne  borna  pas  ses  soins  à  Thèbes  et  au  sanctuaire  d'Ahmos  : 
le  temple  de  Ptah  à  Memphis  en  eut  sa  très  grande  part. 
Ahmos  tenait  ses  droits  au  trône  de  Nofertari,  sa  femme, 
fille  du  roi  Kamos  et  de  la  reine  Aahhotep.  11  en  eut  un  fils, 
Amenhotep  I®""  (Amenopliis),  qui  lui  succéda.  Amenhotep 
épousa  sa  sœur  Aahhotep  II,  conformément  à  un  usage  qui 
se  perpétua  en  Egypte  jusqu'à  l'introduction  du  christia- 
nisme. La  mort  de  son  père  ne  le  mit  pas  en  pleine  possession 
du  trône  :  il  dut  le  partager  avec  la  reine  mère  Nofertari 
qui  incarnait  à  un  trop  haut  degré  la  légitimité  pour  perdre 
ses  droits  par  le  veuvage.  Au  point  d-e  vue  militaire,  le 
règne  d' Amenhotep  fut  fécond  en  beaux  résultats.  La 
Haute-Nubie,  maintenue  dans  le  devoir,  devint  une  colonie 
si  prospère  qu'on  ne  distinguait  plus  entre  les  territoires 
au  N.  et  les  territoires  au  S.  de  la  première  cataracte.  Les 
richesses  agricoles  du  Dongolah  furent  exploitées  par  des 
colons  qui  trouvèrent  alors  dans  le  pays  de  Koush  une  sé- 
curité égale  à  celle  des  provinces  de  l'Egypte  proprement 
dite.  Thoutmos  I®%  fils  et  successeur  d'Amenotep,  contribua 
à  cette  sécurité  en  se  montrant  sur  le  haut  Nil  comme  son 
prédécesseur.  Une  inscription  gravée  sur  les  rochers  de  la 
troisième  cataracte  marque  les  traces  de  son  passage. 
Thoutmos  avait  d'ailleurs  mieux  à  faire  qu'à  batailler  contre 
les  nègres.  Depuis  le  temps  des  Pasteurs,  l'Asie  s'était 
affirmée  comme  la  source  des  plus  grands  dangers  que 
pouvait  courir  l'Egypte.  Thoutmos  prit  les  devants.  A  peine 
couronné,  il  envahit  le  pays  des  Chanaanites,  et  fit  pour  la 
première  fois  sentir  le  poids  des  armes  égyptiennes  aux 
Rotenou,  peuplade  sémitique  maîtresse  des  territoires  com- 
pris entre  le  Liban  et  le  désert  de  Syrie.  Une  stèle  élevée 


L'EXPOSITION   UNIVERSELLE 

DE      1883 

GRAND    OUVRAGE    ILLUSTRÉ    HISTORIQUE,     ENCYCLOPÉDIQUE     ET    DESCRIPTIF 

PUBLIÉ  SOUS  LE  PATRONAGE  DE 

M.  LE  MINISTRE  DU  COMMERCE,  DE  L'INDUSTRIE  ET  DES  COLONIES 

COMMISSAIRE   GÉNÉRAL   DE   L'EXPOSITION 
AVEC    LE    CONCOURS    ET    LA    COLLABORATION    DE    MM. 


ARÈNE  (Emmanuel),  homme  de  lettres,  député. 

BAÏHAUT,  #,  ingénieur  des  Mines,  député,  ancien  Mi- 
nistre des  Travaux  publics. 

BANGE  (Le  colonel  de),  O.  #. 

BAPST  (Germain),  >^,  critique  d'art. 

BECHMANN,  O.  ^,  ingénieur  en  chef  des  Ponts  et 
Chaussées,  chargé  du  service  des  eaux  à  l'Exposition 
Universelle  de  1889. 

BOUVARD,  O.  ^^,  architecte  de  la  Ville  de  Paris,  archi- 
tecte de  TExposition  Universelle  de  1889. 

BROUARDEL,  C.  f^,  doyen  de  la  Faculté  de  Médecine, 
président  du  Comité  consultatif  d'hygiène. 

CHARTON,  O.  >^,  ingénieur  en  chef  adjoint  à  l'Exposition 
Universelle  de  1889. 

GHRISTOPHLE  (Albert),  O.  >t^,  député,  ancien  ministre, 
gouverneur  du  Crédit  foncier  de  France. 

CLARETIE  (Jules),  O.  ^,  membre  de  l'Académie  fran- 
çaise, président  de  la  Société  des  Gens  de  Lettres. 

COUSTÉ,  O.  ^ts  président  de  la  Chambre  de  Commerce 
de  Paris. 

DARCEL,  0.  #,  directeur  du  Musée  de  Cluny. 

DUTERT,  O.  >^,  architecte  du  Gouvernement,  ancien 
directeur  au  Ministère,  architecte  de  l'Exposition  Uni- 
verselle de  1889. 

EIFFEL  (Gustave),  O.  ^^,  ingénieur. 

FLAMMARION  (Camille),  t^,  astronome. 

FONTAINE  (Hippolyte),  O.  #-,  président  de  la  Société 
Internationale  des  Électriciens. 

FORMIGÉ,  O.  ^,  architecte  de  la  Ville  de  Paris,  archi- 
tecte de  l'Exposition  Universelle  de  1889. 

FOUCHER  de  CAREIL  (Le  comte  A.),  O.  #,  sénateur, 
ancien  ambassadeur. 

FOUQUIER  (Henry),  O.  >^,  député,  homme  de  lettres. 

GIRARD  de  RIALLE,  4^,  ministre  plénipotentiaire, 
directeur  de  la  Division  des  Archives  au  Ministère  des 
Affaires  étrangères. 

GOUNOD  (Charles),  G.  O.  ^,  compositeur  de  musique, 
membre  de  l'Institut. 

GRÉARD,  G.  O.  ^^,  membre  de  l'Académie  française  et 
de  l'Académie  des  sciences  morales,  vice-recteur  de 
TAcadémie  de  Paris,  membre  du  Conseil  de  la  Légion 
d'honneur. 


HENRIQUE  (Louis),  0.  >;^,  Commissaire  Général  de  l'Expo- 
sition Coloniale. 

HERBETTE,  C.  >%,  directeur  do  l'administration  péni- 
tentiaire, conseiller  d'Etat. 

JACQUEMARD,  O.  >t<,  inspecteur  général  de  l'enseigne- 
ment technique  au  Ministère  du  Commerce. 

KAEMPFEN,  O.  t^^  directeur  des  musées  nationaux  et 
de  l'Ecole  du  Louvre. 

KRAFFT  (Hugues),  >f^,  critique  d'art. 

LACAN,  >;<,  avocat,  secrétaire  adjoint  de  la  Compagnie 
du  Chemin  do  îqv  du  Nord. 

LAFSNESTRE,  #,  conservateur  au  Musée  du  Louvre. 

LA  POMMERAYE  (Henri  de),  #.  homme  de  lettres, 
président  do  l'Association  polytechnique. 

LAUSSEDAT  (Le  colonel),  G.  ^}^^  directeur  du  Conser- 
vatoire des  Arts  et  Métiers. 

LAUTH,  O.  >f^,  administrateur  honoraire  do  la  Manufac- 
ture nationale  de  porcelaine  do  Sèv-^res. 

LOCKROY  (Edouard)j  député,  ancien  ministre,  ancien 
Commissaii'o  Général  de  l'Exposition  Universelle  de  1889. 

MÉZIÈRES,  0.  #<,  membre  de  l'Académie  française,  député. 

MONOD,  O.  ^^,   directeur  de  l'Assistance  et  de  l'Hygiène 

publiques,  conseiller  d'Etat. 

MOUCHEZ  (Le  contre -amiral),  C.  >^,  membre  de  Thistitut, 
directeur  do  l'Observatoire  do  Paris. 

MUZET  (Alexis),  ^<,  conseiller  municipal  de  Paris,  pr ')- 
sident  du  Syndicat  général    des  Chambres  syndicales. 

PASSY  (Frédéric),  #,  membre  de  l'Institut. 

PREVET,  0.  f^,  député,  président  do  l'Union  nationale  des 
Chambres  syndicales,  ancien  Commissaire  Général  à 
l'Exposition  de  Barcelone. 

PROUST  (Antonin)j  député,  ancien  ministre.  Commissaire 
spécial  des  l^eaux-Arts  à  l'Exposition  Universelle  de  1889. 

SARCEY  (Francisque),  homme  do  lettres. 

SÉDILLE  (Paul),  O.  #^,  architecte  du  Gouvernement, 
chef  du  service  des  installations  à  l'Exposition  Univer- 
selle. 

SIMON  (Jules),  >7^,  mombr'o  de  l'Académie  française,  secré- 
taire per'pétuel  de  l'Académie  des  sciences  morales  et 
politiques,  sénateur,  ancien  ministre. 

STRAUSS  (Paul),  publiciste,  conseiller  municipal  de  Paris. 

TISSANDÏER  (Gaston),  >^,  aéronaute  et  publiciste,  direc- 
teur du  journal  La  Nature. 


A^oîr   a.11   dojs^   le   plan    gi'éuLéï-a.l    et   le    somii^a^îa-e    de    l'Oiivjfuge. 


L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


.>mC^X^^xMJt> — 


La  ]ibrairie  E.  Dentu  met  en  vente  le  premier  volume  du  bel  ouvrage  l'Expositio7i 
Universelle  de  1889,  par  E.  Monod,  publié  sous  le  patronage  de  M.  le  Ministre  du  Commerce. 

Les  éminents  collaborateurs  groupés  autour  de  cette  œuvre  vraiment  nationale  lui  assurent 
Taccueil  le  plus  favorable  près  du  public  qui  a  assisté  aux  ietes  mémorables  de  1889. 

Toutes  les  grandes  conceptions  du  génie  humain  ont  trouvé  leur  place  dans  ce  livre 
merveilleux.  Cette  superbe  encyclopédie  des  gloires  du  xix"  siècle  restera  pour  les  généra- 
tions futures  l'expression  véritable  de  nos  progrès  et  de  nos  espérances. 

{Petit  Journal  du  20  Octobre  1890.) 

L'importance  capitale  de  l'Exposition  Universelle  de  1889  et  les  conséquences  considérables  découlant 
de  son  prodigieux  succès  sont,  à  l'heure  actuelle,  pleinement  appréciées  et  universellement  reconnues. 

Au  point  de  vue  politique,  l'Exposition  a  été  l'affirmation  calme  et  magistrale,  incontestable  et 
incontestée,  du  relèvement  complet  et  absolu  de  la  France,  de  sa  force^  de  sa  richesse,  de  son  génie 
pacifique  et  créateur. 

Au  point  de  vue  commercial  et  industriel,  économique  et  pratique,  l'Exposition  restera,  pendant 
de  longues  années,  l'événement  capital  et  dominant  de  la  fin  de  notre  siècle. 

Œuvre  de  vulgarisation  et  de  paix,  l'Exposition  a  exercé  et  exercera  longtemps  encore  son  action 
puissante  sur  la  marche  économique  et  générale  des  événements  actuels. 

Dans  ces  conditions,  nous  avons  pensé  —  et  beaucoup  d'excellents  esprits  ont  pensé  avec  nous  — 
qu'il  importait  d'en  fixer  le  souvenir,  les  avantages  et  les  résultats  par  un  monument  durable  et  définitif. 
Telle  est  l'œuvre  que  nous  offrons  au  public. 

Ce  qu'il  importe  surtout  de  remarquer  et  ce  que  nous  voulons  bien  établir,  c'est  que  cette  publication 
n'est  nullement  un  travail  d'actualité,  dont  l'intérêt,  l'utilité  et  le  charme  soient  intimement  et  exclusi- 
vement liés  à  la  date  de  la  grande  manifestation  qui  lui  a  donné  naissance. 

L'Exposition  a  suscité  un  certain  nombre  de  publications;  mais  les  unes,  ne  s'attachant  qu'à  une 
seule  des  divisions  de  cette  grande  œuvre,  forment  des  écrits  spéciaux,  utiles  à  consulter,  mais  sans 
intérêt  au  point  de  vue  général;  et  les  autres,  n'ayant  vu  dans  l'Exposition  qu'un  prétexte  à  réclames 
industrielles  ou  commerciales  plus  ou  moins  habilement  déguiséeS;  constituent  des  recueils  aussi  com- 
plètement dépourvus  d'intérêt  que  de  valeur. 

En  outre,  toutes  ces  publications  ont  cherché  leurs  succès  dans  un  seul  élément  :  l'actualité.  Bien  au 

contraire  —  nous  ne  saurions  trop  le  répéter — le  but  poursuivi  par  nous  est  absolument  différent,  et 

notre  ouvrage,  véritable  encyclopédie  du  siècle^  véritable  inventaire  intellectuel  de  notre  époque,  présente 

une  utilité  et  un  intérêt  dus  à  la  multiplicité  et  à  l'importance  des  sujets  traités,  utilité  et  intérêt  bien 

'indépendants,  comme  on  le  voit,  de  la  question  d'actualité. 

Nous  sommes  ainsi  arrivés  à  donner,  dans  un  ouvrage  complet  de  tous  points,  non  pas  seulement 
l'histoire  et  la  description  entière  de  l'Exposition,  mais  encore,  et  surtout,  l'étude  approfondie,  encyclopé- 
dique, de  toutes  les  questions,  de  tous  les  faits,  de  tous  les  problèmes  agités  et  résolus  à  cette  occasion. 

Le  plan  même  de  notre  ouvrage,  que  nous  reproduisons  ci-contre,  montre  dans  quelle  mesure  nous 
avons  satisfait  à  ces  exigences. 

La  publication  se  compose  de  trois  grands  volumes  et  un  superbe  album  au  cours  desquels 
toutes  les  divisions  de  l'Exposition  sont  décrites,  étudiées  et  expliquées,  en  même  temps  que  les 
questions  multiples  se  rattachant  à  chacune  de  ces  divisions. 

La  liste  de  nos  collaborateurs  suffit  à  déterminer  le  caractère  et  la  portée  de  notre  ouvrage,  et  nous 
pensons  inutile  d'insister  sur  la  valeur  intellectuelle,  scientifique  et  littéraire  d'une  publication  due  à  la 
collaboration  d'hommes  éminents,  d'une  notoriété  universelle  et  d'une  autorité  absolue,  parmi  lesquels  il 
nous  suffira  de  citer  MM.  Jules  Simon,  Ed.  Lockroy,  Jules  Claretie,  Antonin  Proust,  Henry 
FouQuiER,  Colonel  Laussedat,  Gaston  Tissandier,  etc.,  etc. 

L'illustration,  dont  le  rôle  est  des  plus  importants  pour  une  aaivre  comme  la  nôtre,  a  eu  également 
tous  nos  soins,  et  plus  de  1,200  gravures  dues  à  nos  meilleurs  artistes  complètent  le  texte. 

L'album*  comprenant  plus  de  80  planches  hors  texte  contient  les  vues  et  monuments  de 
l'Exposition  que  leur  dimension  ne  nous  eût  pas  permis  d'intercaler  dans  le  texte  de  l'ouvrage, 
ainsi  que  les  reproductions  des  principales  œuvres  d'art  qui  ont  fait  l'admiration  du  public. 

La  confection  matérielle  de  la  publication  et  les  soins  à  apporter  à  une  édition  de  cette  valeur 
exigeaient  le  choix  d'un  éditeur  avantageusement  connu  et  justement  apprécié;  à  cet  égard  le  nom  seul 
de  la  Maison  E.  DENTU,  chargée  de  cet  important  travail,  est  le  sûr  garant  d'une  édition  entièrement 
satisfaisante  à  tous  égards. 


Toutefois,  une  œuvre  de  cette  nature  ne  doit  pas  être  seulement  intéressante  et  d'une  exécution  irré- 
prochable :  elle  doit,  avant  toute  chose,  être  rigoureusement  complète  et  absolument  exacte. 

A  ce  point  de  vue  spécial,  notre  ouvrage,  publié  liïoiiss  le  haut  patronage  de  II.  le  llinii^tre 
du  Commeree,  de  l^Iudu§itft»îe  et  des  Coloiiiei^,  Couiuiisisaire  C^éuéral  de  l'Expo- 
sition^ présente  toutes  les  garanties  possibles  et  voulues,  et  peut  être  recherché  aussi  bien  des  simples 
curieux  que  des  hommes  d'étude  et  des  érudits. 

Disons,  en  terminant,  qu'un  tel  ouvrage  peut,  avec  profit,  se  trouver  entre  toutes  les  mains.  Livre 
de  bibliothèque  et  livre  documentaire  et  d'étude,  il  est  comme  l'Exposition  elle-même,  dont  il  est  la 
consécration  définitive,  intéressant  et  fructueux  pour  tous. 

Voulant,  avant  tout,  faire  œuvre  de  patriotisme  et  de  vulgarisation,  nous  avons  pris  grand  soin, 
par  le  prix  et  les  conditions  de  souscription,  de  rendre  l'acquisition  de  cet  ouvrage  possible  et  facile  à  tous. 

Paris,  3  Octobre  1891 . 


CONDITIONS    DE    LA    SOUSCRIPTION 


L'ouvrage  complet  coiTiprend  trois  splendîcles  volumes  grand  in-8'^  colombier  (format  du  présent 
prospectus)  de  plus  de  Iî50  pages  chacun,  illustrés  d'environ  l/^OO  gravures,  et  un  magnifique 
album  même  format,  contenant  plus  de  ^O  compositions  gravées  hors  texte;  le  tout  avec  riche 
cartonnage  d'amateur,  tète  dorée,  tranches  ébarbées  et  fers  spéciaux. 

L'ouvrage,  album  compris,  est  entièrement  paru  et  peut  être  livré  immédiatement  ;  son  prix 
est  de  100  francs  payables,  au  gré  de  l'acheteur,  soit  en  quatre  payements  mensuels  de  ^5  francs 
chaque,  soit  vingt-cinq  francs  à  la  livraison  de  l'ouvrage  et  le  solde   ÏO  francs  par  mois. 

//  sera  fait  un  escompte  de  JLO  Vo  aux  souscripteurs  qui  payeront  comptant  en  une  seule  fois,  soit  OO  francs 
en  souscrivant. 

N.  B.  —  Prière  de  remplir  le  bulletin  de  souscription  ci-dessous  et  de  l'adresser  à  M.  E.  DENTU, 

3,  Place  de  Valois,  à  Paris. 


BULLETIN    DE    SOUSCRIPTION 


Je,  soussigné,   déclare  souscrire  à  exemplaire     de  l'Exposition   Universelle   de   1889, 

ouvrage  en  trois  volumes  et  un  cdbum,  publié  sous  le  patronage  de  M.  le  Ministre  du  Commerce,  de 
l'Industrie  et  des  Colonies,  Commissaire  Général  de  l'Exposition,  au  prix  de  ±00  francs,  payables ^^K' 

En  quBXvQ  payements  mensuels  de  2b  francs  chaciue ; 

Vingt-cinq /ra/zcs  à  la  récepjtion  de  V Ouvrage  et  le  solde  ±0  francs  par  mois, 

M  (^^ >^ le i891 . 

(Signature.) 


Prière  de  détacher  le  présent  bulletin  et  de  l'adresser  à  M.  E.  DENTU,  3,  Place  de  Valois,  à  Paris. 


(1)  E^fï'acer  le  mode  de  payement  que  l'on  ne  désire  pas. 

(2)  Indiquer  très  eosactement  :  Noms,  profession  ou  fonction  et  adresse  complète. 

"V-oîr    a.11   dois   lo   pla^ix   général   et   lo    s^omma^ii^e    d.e    1'Oiivra.ge. 


L'EXPOSITION  UNIVERSELLE  DE  T889 


—i. — ''usQ^x^ofeSâîv.cv-'*:^ — *- 


T^la^ix    Oéixéï*î^l    et    SoiixMmîre    do    FOiiA^r^tge 


Préface  par  M.  Ed.  Lockroy,  ancien  Ministre  du  Coaimerce, 

COMAIISSAIRE    GÉNÉRAL    DE    l'ExPOSITION. 

Historique  de  l'Exposition.  —  Histoire  des  Expositions.  — 
Organisation  des  Services. 

Le  plan  de  l'Exposition.  —  Description  générale  et  grandes 
divisions  :  Champ  de  Mars,  Trocadôro,  Quai  d'Orsay,  Espla- 
nade des  Invalides.  —  Travaux  divers.  —  Parcs  et  Jardins.  • — 
Service  des  Eaux.  —  Éclairage  électrique.  —  Les  Fontaines 
lumineuses.  —  Service  mécanique.  —  Service  des  Installations. 

—  Exposition  des  habitations  humaines. 

Les  Grandes  Constructions  métalliques  a  l'Exposition. 

La  Tour  de  300  mètp.es. 

Palais  des  Expositions  Diverses  et  Dôme  Central. 

Palais  des  Machines. 

Palais  des  Beaux-Arts  et  Palais  des  Arts  libéraux. 

Autour  de  l'Exposition.  —  L'I^^xposition  pittoresque. 

Histoire  rétrospective  do  Travail  et  des  Sciences  anthro- 
pologiques. —  Anthropologie.  —  Aits  libéraux.  —  Exposition 
théâtrale.  —  Arts  et  Métiers"— Exposition  de  l'Histoire  mihtaire 
de  la  France.  —  Histoire  des  moyens  de  transports. 

Exposition  des  Ministères. 

Ministère  du  Commerce.  —  Statistique  générale.  —  Commerce 
intérieur.  —  Commerce  extérieur.  —  Commerce  international 
en  Orient  et  en  Extrême-Orient.  —  Enseignement  technique. 

—  Postes  et  Télégraphes. 

Ministère  de  la  Justice.  —  Légion  d'Honneur.   —   Imprimerie 

nationale. 
Ministère  des  Finances.  —  Contributions  directes  et  Cadastre. 

—  Ex})osition  des  Tabacs. 

Ministère  de  l'Intérieur.  —  Statistique  financière  des  Com- 
munes. —  Service  vicinal.   —  Service  de  la  Carte  de  France. 

—  Assistance  et  Hygiène  publiques. —  Exposition  pénitentiaire. 

—  Les  Archives  du  Ministère. 

Ministère  de  la  ^Marine.  —  Exposition  d'ensemble.  —  Les 
Magasins  de  l'État.  —  Le  Ser\ice  hydrographique.  —  Expo- 
sition de  pisciculture  et  d'ostréiculture.  —  Le  laboratoire 
central  de  la  Marine. 

Ministère  de  l'Instruction  publique  et  des  Beaux-Arts.  — 
Enseignement  primaire  et  secondaire.  —  Fhiseignement  supé- 
rieur. —  Géographie  et  Cartographie.  —  Les  Manufactures 
nationales.  —  Les  Gobelms.  —  La  Manufacture  de  Beau  vais. 

—  L'Atelier  de  Mosaïque.  —  La  Manufacture  de  Sèvres.  — 
Le  Bureau  des  Longitudes. —  Les  Archives. —  Les  Bibliothèques 
publiques.  —  Documents  divers.  —  Les  Sociétés  savantes.  — 
Voyages  et  missions. 

Ministère  de  l'Agriculture.  • —  Service  central.  —  Enseigne- 
ment agricole.  —  Institut  agronomique.  —  Ecoles  nationales 
ou  pratiques  d'Agriculture.  —  Ecoles  vétérinaires.  —  Chaires 
d'Agriculture.  —  Écoles  primaires  d'Agriculture.  —  Ouvrages 
spéciaux. —  Spécimens,  Collections.  —  Service  des  Haras.— 
L'Hydraulique  agricole.  —  Exposition  des  F^aux  et  Forêts. 

Ministère  des  Travaux  publics.  —  École  nationale  des_  Ponts 
et  Chaussées.  —  École  nationale  des  Mines.  —  Navigation 
intérieure.  —  Travaux  maritimes.  —  Ponts  et  viaducs.  —  Carte 
géologique.  —  Nivellement  général. 

L'Enseignement  a  l'Exposition  —  L'Architecture  scolaire.  — 
Les  travaux  manuels  dans  les  Écoles  de  garçons.  —  Les  travaux 
manuels  dans  les  Écoles  de  filles.  —  L'Enseignement  secon- 
daire des  jeunes  filles.  —  L'Exposition  scolaire. 

Exposition  de  la  Ville  de  Paris  et  du  département  de  la  Seine. 

Les  Beaux-Arts  a  l'Exposition.  —  Le  Commissariat  spécial 
des  Beaux-Arts.  —  L'Exposition  de  Peinture.  —  La  Sculpture. 

—  L'Architecture.  —  Enseignement  des  Arts  du  dessin.  — 
Exposition  rétrospective  de  l'Art  français  au  Trocadéro.  — 
Les  Auditions  musicales. 

TO^yCE     II 

L'Exposition  militaire  de  1889.  —  Considérations  générales.  — 
Participation  du  Département  de  la  Guerre.  —  Participation 
du  Département  de  la  Marine. —  Installations  industrielles  de 
la  classe  LXVI.  —  Exposition  mihtaire  rétrospective. 

Exposition  d'Economie  sociale.  —  Rémunération  du  travail.  — 
Participation  aux  bénéfices.  —  Associations  coopératives.  — 
Syndicats  professionnels.  —  Apprentissage.  —  Enfants  niora- 
lement  abandonnés. —  Sociétés  de  secours  mutuels.  —  Caisses 
de  retraites  et  rentes  viagères.  —  Assurances.  —  Épargne.  — 
Habitations  ouvrières.  —  Hygiène  sociale.  —  Institutions  patro- 
nales. —  Grande  et  petite  culture.  —  Grande  et  petite  industrie. 

Exposition  coloniale.  —  Introduction.  —  Historique  et  orga- 
nisation. —  Description  générale.  —  La  Réunion.  — Inde  fran- 
çaise. —  Mayotte  et  Comores.  —  N<->ssi-Bé.  —  Obock.  — 
Sénégal  et  Soudan  français.  —  Gabon-Congo.  —  Côte  de  Guinée. 
—  Nouvelle-Calédonie  et  Nouvelles-Hébrides.  —  Tahiti. —  La 
Martinique.  —  Saint-Pierre  et  Miquelon.  —  La  Guadeloupe.  — 
La  Guyane.  —  Madagascar.  —  La  Cochinchine.  —  Le  Cam- 
bodge. —  L^Annam.  —  Le  Tonkin.  —  La  Serre  coloniale.  — 
LTnstruction  publique  dans  les  Colonies.  —  Les  Indigènes  à 
l'Exposition.  —  Études  anthropologiques.  —  Les  troupes  colo- 
niales.—  Les  Sénégalais.  —  Conséquences  morales  et  pohtiques 
de  l'Exposition  coloniale. 


L'Algérie  a  l'Exposition.  —  L'Art  en  Algérie.  -^  L'Ensei- 
gnement. —  L'industrie  algérienne.  —  Les  forêts.  —  L'agri- 
culture et  la  viticulture  en  Algérie. 

La  Tunisie.  — Travaux  publics.  —  Agriculture.  —  Industrie.  — 
Enseignement  public. 

Madagascar.  —  Produits  d'exportation.  —  Objets  de  curiosité. 

Les  Congrès  :  CoMMEncE  et  Industrie  :  Enseignement  technique, 
commercial  et  industriel.  —  Intervention  des  pouvoirs  publics 
dans  le  prix  des  denrées.  —  La  propriété  industrielle.  —  Les 
sociétés  par  actions.  —  Les  accidents  du  travail.  —  Commerce 
et  industrie. 

L'Enseignement.  —  Enseignement  primaire.  — ^Enseignement 
supérieur  et  secondaire.  —  Les  exercices  physiques. 

Économie  sociale.  —  La  participation  aux  bénéfices.  —  Les 
Sociétés  coopératives.  —  Intervention  des  pouvoirs  publics 
dans  le  contrat  du  travail.   —   Les  habitations  à  bon  marché. 

—  Les   cercles  populaires.    —   Le    repos    hebdomadaire.   — 
Congrès  international  de  la  paix. 

MÉDECINE  et  Psychologie.  —  Médecine  légale.  —  Hygiène  et 
démographie.  —  Psychologie  physiologique.  — ^.Anthropologie 
criminelle.  —  Questions  relatives  à  l'alcoolisme. 

Assistance.  —  Assistance  publi(iue.  —  Assistance  en  temps  de 
guerre.  —  Amélioration  du  sort  des  aveugles. 

Les  Traditions  populaires  :  Mœurs  et  Coutumes.  —  Littéra- 
tures et  Poésies  populaire^;. 

Agricultitre  et  questions  agricoles. 

Architecture  et  Génie  civil.  —  Congrès  international  des 
Archiiectes.  —  Les  procédés  de  construction. 

Propriété  artistique  et  littéraire.  —  La  propriété  artistique. 

—  La  Société  des  Gens  de  lettres. 

GÉOGRAPHIE  ET  COLONISATION.  —  Scienccs  géographiques.  — 
Questions  coloniales. 

Hygiène  et  Assistance  publiques. 

ÉruDE  analytique  et  descriptive  des  groupes  et  classes.  — 
Considérations  générales  et  classification. 

Les  Arts  libéraux  (matériel  et  procédés).  —  Imprimerie  et 
librairie.  —  Papeterie,  reliure,  matériel  des  arts  de  la  peinture 
et  du  dessin.  —  Application  usuelle  des  arts  de  la  plastique 
et  du  dessin.  ■ —  Epreuves  et  appareils  photographiques.  — 
Cartes  et  appareils  de  géographie  et  de  cosmographie.  — 
Topographie.  —  Plans  et  dessins  du  génie  civil  et  des  travaux 
publics.  —  Les  instruments  de  musique.  —  Médecine  et 
chirurgie.  —  Médecine  vétérinaire  et  comparée.  —  Les 
instruments  de  précision. 

ALBUîii:   :    Voir   page    2. 

TOnVCE     III 

Les  sections  étrangèp.es. 

Les  Etats-Unis  a  l'Exposition. 

Sections  étrangères  diverses.  —  Afrique  du  Sud  et  île  de 
Saint-Domingue.  —  Cap  de  Bonne-Espérance.  —  Répubhque 
Sud-Africaine.  —  République  d'Haïti.  —  République  Domi- 
nicaine. 

L'Amérique  du  Nord.  —  Colombie.  —  République  mexicaine. 

Amérique  centrale.  —  Costa-Rica.  —  Guatemala.  —  Honduras. 
Nicaragua.  —  San- Salvador. 

xVmérique  du  Sud.  —  Pvépublique  Argentine.  —  Bolivie.  —  Chili. 
Paraguay.  —  Pérou.  —  Uruguay.  —  Venezuela. 

La  section  asiatique.  —  Chine.  —  Japon.  —  Perse.  —  Royaume 
de  Siam. 

Les  sections  orientales.  —  Egypte.  —  Maroc.  —  La  Rue  du 
Caire. 

L'Europe  a  l'Exposition.  —  Autriche-FIongrie.  —  Belgique.  — 
F^spagne.  —  Finlande.  —  Grande-Bretagne  et  Colonies.  — 
Grèce.  —  Italie.  —  Monaco.  —  Norvège.  —  Hollande  et 
Colonies. —  Portugal. —  Roumanie. —  Russie. —  Saint-Marin. 

—  Suède.  —  Serbie.  —  Suisse. 

Le  Mobilier  et  les  industries  accessoires.  —  Ameublement. 

—  Tapis  et  tapisseries.  —  Céramique.  —  Vitraux.  --  Appareils 
et  procédés  de  chauffage  et  d'éclairage.  —  Horlogerie. 

Navigation  et  chemins  de  fer.  —  Matériel  de  navigation  et 
sauvetage.  —  Appareils  auxiliaires  de  la  navigation.  —  Histo- 
rique des  chemins  de  fer  et  leur  situation  actuelle.  —  Matériel 
des  chemins  de  fer. 

Machines  et  appareils  de  la  mécanique  générale. 

Produits  de  l'exploitation  des  mines  et  de  la  métallurgie. 

Matériel  et  procédés  des  usines  agricoles  et  des  industries 
alimentaires. 

Exploitations  métallurgiques  et  forestières. 

Les  tissus  a  l'Exposition. —  Matériel  et  procédés  de  la  couture 
et  de  la  confection  des  vêtements.  —  Vlatériel  et  procédés  de 
la  hlature  et  de  la  corderie.  -—  Matériel  et  procédés  du  tissage. 

—  Soies  et  tissus  de  soies.  —  La  fabrication  de  la  toile. 
Les  industries  de  luxe. 

Machines-outils  et  machines  diverses. 

Matériel  et  procédés  des  industries  chimiques.  —  Cuirs  et 
peaux.  —  Matériel  des  arts  chimiques,  de  la  pharmacie  et  de 
la  tannerie.  —  Matériel  et  procédés  de  la  papeterie ,  des 
teintures  et  des  impressions. 

Matériel  et   procédés  du   génie  civil,  des  travaux  publics 

ET  DE    l'architecture. 

Exploitations  agricoles,  viticulture,  alimentation. 


Paris.  —  Imp.  Patji DiTPOîn!  (CL)  103.10.91 


—  68i  — 


EGYPTE 


sur  les  bords  de  TEuphrate  montre  qu'à  la  défaite  des 
Rotenou,  il  ajouta  celle  des  tribus  du  Naharina  (Méso- 
potamie euphrato-orontienne).  Son  fils  et  successeur, 
Thoutmos  II,  ne  paraît  pas  lui  avoir  longtemps  survécu. 
La  mort  de  ce  prince  rendit  le  pouvoir  à  la  reine 
Hatshepsou,  sa  sœur  et  épouse.  Fille  de  la  reine  Ahmes, 
Hatshepsou  avait,  en  effet,  déjà  fait  l'apprentissage  de 
la  puissance  royale  du  vivant  d'Amenophis,  qui  l'avait 
associée  au  trône  :  à  la  mort  de  Thoutmos  II,  elle 
l'assuma,  en  qualité  de  régente,  c.-à-d.  en  attendant  la 
majorité  de  Thoutmos  III,  fils  du  roi  précédent  et  de  sa 
concubine  Isis. 

Le  nom  de  cette  régente,  dont  la  tradition  classique  n'a 
pas  conservé  le  souvenir,  est  pourtant  un  des  plus  grands 
noms  de  l'histoire  d'Egypte;  car,  si  jamais  l'esprit  d'entre- 
prise s'est  manifesté  en  ces  temps  lointains  dans  un  but 
essentiellement  pacifique,  c'est  seulement  lors  du  gouver- 
nement de  la  reine  Hatshepsou.  Non  contente  de  reprendre 
l'exploitation  des  districts  miniers  du  Sinai  délaissés  depuis 
la  XII^  dynastie,  elle  expédia  une  flotte  dans  le  To-Nouter 
(le  pays  des  Somalis)  à  la  recherche  des  produits  naturels 
que  la  renommée  plaçait  dans  ces  régions  reculées.  «  Les 
Egyptiens,  descendus  à  terre,  dressèrent  une  tente  dans 
laquelle  ils  entassèrent  leurs  pacotilles  pour  les  échanger 
contre  les  produits  du  pays.  Les  indigènes  appartenaient  à 
la  même  race  que  les  Koushites  de  l'Arabie  méridionale  et 
de  la  Nubie.  Us  étaient  grands,  élancés,  d'une  couleur  qui 
varie  entre  le  rouge  brique  et  le  brun  presque  noir...  Les 
principales  conditions  du  marché  se  réglèrent  probablement 
dans  un  banquet,  où  l'on  servit  aux  barbares  toutes  les 
délicatesses  de  la  cuisine  égyptienne.  Les  envoyés  reçurent 
d'eux  entre  autres  objets  précieux  trente-deux  arbrisseaux 
à  parfums,  disposés  dans  des  paniers  avec  des  mottes  de 
terre.   Hatshepsou  les  fit  planter  par  la  suite  dans  ses 
jardins  de  Thèbes  :  c'est,  je  crois,  le  premier  essai  connu 
d'acclimatation.  »  (Maspéro.)  Hatshepsou  paraît  avoir  exercé 
le  pouvoir  jusqu'en  l'anXX  du  règne  officiel  de  Thoutmos  III; 
toujours  est-il  que  dès  l'an  XXI,  ce  dernier  règne  seul.  A 
peine  débarrassédecettelonguetutelle,ils'efforçad'abohrles 
traces  d'un  passé  humiliant  pour  son  orgueil,  en  s'acharnant 
avec  une  rage  iconoclastique  contre  la  mémoire  de  la  reine. 
Ce  tempérament  d'une  énergie  brutale  le  prédestinait  à  de- 
venir, dans  le  domaine  de  la  guerre,  le  personnage  capital 
de  l'histoire  d'Egypte.  Les  trente-cinq  ans  que  dura  son 
règne  depuis  la  mort  d'Hatshepsou  furent  marqués  par 
tant  d'expéditions  militaires  qu'on  pourrait  se  demander 
non  combien  d'années  mais  de  mois  l'Egypte  put  jouir  de 
la  paix,  si  l'on  ne  savait  par  avance  que  la  guerre,  telle  que 
la  pratiquaient  les  chefs  des  grands  empires  orientaux, 
n'était  le  plus  souvent  qu'une  promenade  armée  organisée 
à  travers  des  pays  dont  la  capitulation  était  assurée.  Ces 
expéditions,  qui  n'avaient  d'autre  but  que  d'ajouter  aux 
revenus  des  pharaons  l'énorme  impôt  que  des  voisins  trop 
faibles  payaient  pour  acheter  la  paix,  ne  devaient  guère 
durer  qu'une   saison    et  n'absorbaient   pas   de   contin- 
gents assez  forts  pour  que  l'agriculture  s'en  ressentît.  Les 
moindres  guerres  civiles  ou  féodales  au  dedans  exerçaient 
plus  lourdement  leur  action  sur  la  vie  régulière  que  trente 
ans  de  campagnes  au  dehors,  qui  accumulaient  dans  la 
nation  victorieuse  un  butin  énorme  d'esclaves  et  de  denrées 
de  toute  sorte.  De  l'an  XXIV  à  l'an  XXVIII,  Thoutmos  par- 
court quatre  fois  la  Syrie  et  la  Phénicie.  La  défaite  des 
Rotenou  à  Mageddo  (an  XXIII)  après  une  bataille  insigni- 
fiante, lui  donna  immédiatement  la  mesure  de  sa  supériorité. 
Dès  lors  rien  ne  l'arrêta.  L'an  XXIX,  il  pousse   jusqu'à 
l'Euphrate,  pille  Tounipou  et  Karkemish.  Il  revenait  chargé 
de  butin  de  cette  expédition  lointaine,  lorsque  la  richesse 
du  pays  de  Djahi  (la  Phénicie  septentrionale)  le  détourna 
de  l'Egypte.  «  L'abondance  fut  si  grande  au  camp  du  vain- 
queur, que  les  soldats  purent  se  gorger  d'huile  d'olive 
chaque  jour,  luxe  qu'ils  ne  se  donnaient  en  Egypte  qu'aux 
jours  de  fête.  »  (Maspéro.)  Les  campagnes  de  l'an  XXX  et 
"XXXI  mirent  à  la  merci  des  pharaons  Qadesh,  Symira, 


Arad,  Arrotou,  celle  de  l'an  XXIII  ramena  Thoutmos  devant 
les  Khiti  du  Naharina;  c'est  au  retour  de  cette  expédition 
qu'il  s'empara  de  Nii,  ville  de  la  Syrie  septentrionale  qu'on 
a  confondue  avec  Ninive.  D'autres  noms  de  villes  ou  de  peu- 
ples de  la  même  région  ont  été  ainsi  identifiés  à  plaisir  avec 
des  villes  ou  des  nations  reculées,    et  l'on  a  longtemps 
cru  pouvoir  dire  avec  Mariette  que  l'empire  s'étendait  alors 
depuis   l'Abyssinie  et  le  Soudan  jusqu'à  l'Irak  Arabi,  le 
Kurdistan  et  l'Arménie.  En  réalité,  toutes  les  guerres  de 
Thoutmos,  depuis  la  campagne  de  l'an  XXII  jusqu'à  celle 
de  l'an  XLII,  ont  eu  pour  théâtre,  en  Asie  occidentale,  la 
région  comprise  entre  le  Taurus,  l'Euphrate  et  la  lisière 
du  désert  de  Syrie  ;  sur  mer,  les  îles  les  plus  voisines  de 
l'Egypte,  Chypre  et  la  Crète.  Au  S., il  dut,  à  l'exemple  de 
ses  prédécesseurs,  pousser  beaucoup  plus  loin  et  asseoir  sa 
puissance  sur  la  plus  grande  partie  du  bassin  du  Nil.  Son 
fils  Amenhotep  II  et  son  petit-fils  Thoutmos  IV  suivirent 
son  exemple  et  tinrent  en  haleine  les  bataillons  de  l'Egypte 
par  des  expéditions  répétées.  Sous  Amenhotep  HI,  la  su- 
zeraineté de  l'Egypte  sur  les  petits  Etats  asiatiques  se  trou- 
vait tellement  consolidée,  qu'il  n'y  eut  guère  plus  de  résis- 
tance de  la  part  des  princes  vassaux.  Les  relations  pacifiques 
se  multiplièrent,   provoquant  l'action  d'influences  diverses 
et  favorisant,  par  le  voyage,  le  commerce,  la  diffusion  des 
langues,  le  développement  des  deux  civihsations.  Le  règne 
d' Amenhotep  IV  (Khounaton)  nous  offre  le  curieux  spectacle 
des  plus  anciennes  luttes  du  sacerdoce  et  de  l'empire  :  un 
pharaon  provoquant  un  schisme  pour  anéantir  la  puissance 
du  grand  prêtre  d'Amon.  Le  dieu  de  Thèbes,  Amon,  avait 
profité  de  la  fortune  de  la  maison  royale  ;  de  simple  divinité 
locale,  il  était  parvenu  à  la  suprématie  de  l'Olympe  égyp- 
tien. Son  grand  prêtre  n'avait  pas  eu  la  plus  maigre  part 
à  cet  avancement,  qui  se  traduisait  non  seulement  par  un 
grand  accroissement  d'influence  religieuse,  mais  surtout 
par  l'extension  d'une  sorte  de  pouvoir  temporel  qui  s'exer- 
çait dans  l'administration  des  domaines  du  temple.  Amon 
n'avait  pu  s'affirmer  comme  le  principal  dieu  sans  devenir 
en  même  temps  le  principal  propriétaire  foncier  de  l'Egypte. 
Parmi  les  antiques  sanctuaires  qui  perdirent  le  plus  au 
triomphe  de  ce  parvenu,  celui  d' Héliopolis,  qui  avait  doté 
l'Egypte  de  son  système  religieux,  était  au  premier  rang. 
Amenhotep  l'associa  assez  ingénieusement  à  sa  rancune.  Il 
lui  emprunta,  comme  machine  de  guerre,  une  forme  secon- 
daire de  son  dieu  soleil,  opposa  cette  divinité  jusqu'alors 
assez  effacée, i^oTZ  (le  disque),  au  dieu  de  Thèbes,  lui  cons- 
titua d'importants  domaines  dans  la  Moyenne-Egypte  et  fit 
de  sa  métropole,  Khounaton  (actuellement  Tell  el  Amarna), 
la  capitale  de  l'empire.  Mais  la  puissance  d'Amon  était  trop 
solidement  assise  pour  être  ébranlée  par  un  dieu  secon- 
daire, et  Aton  ne  survécut  pas  longtemps  à  son  champion. 
Déjà  l'un  des  successeurs  d'Amenhotep  IV,  Ai,  qui  était 
son  gendre,  avait  jugé  prudent  de  rentrer  dans  les  bonnes 
grâces  du  dieu  thébain,sans  pourtant  tout  à  fait  abandonner 
son  rival  ;  mais,  après  une  période  de  troubles  dont  nous 
ne  pouvons  mesurer  la  durée,  Haremhebi,  sans  doute  soutenu 
par  le  sacerdoce  thébain,  se  fit  l'instrument  de  la  réaction  et 
assura  la  solidité  du  trône  en  exerçant  contre  Aton  les  repré- 
sailles d'Amon.  H  ne  fut  pas  seul  à  recueillir  le  fruit  de  son 
habileté.  La  suprématie  resta  à  Thèbes  pour  près  de  trois 
siècles.  Sous  la  XIX^  dynastie,  l'Egypte,  sans  rien  perdre  de 
sa  force  vitale,  ne  fut  plus  comme  par  le  passé  l'arbitre  du 
sort  de  ses  voisins  d'Asie.  Une  puissance  rivale,  celle  des 
Khiti  ou  Hittim,  qui  jusqu'alors  n'avait  songé  qu'à  se  défendre 
contrôles  invasions  des  conquérants  de  la  XVIIP  dynastie, 
avait  profité  de  l'affaibhssement  momentané  de  l'Egypte  après 
la  mort  d'Amenophis  IV  pour  secouer  le  joug  des  pharaons 
et  substituer  sa  propre  suzeraineté  sur  les  Etats  syro-phé- 
niciens  à  celle  de  l'Egypte.  L'histoire  des  guerres  égypto- 
hittites  est  le  fait  le  plus  saillant  de  cette  nouvelle  période. 
Une  première  campagne  se  termina  par  un  traité  conclu 
entre  Sapaloul  et  Ramsès  P^  Une  seconde  campagne  mit 
aux  prises  leurs  successeurs  Morousar  et  Seti  P^.  Mais 
Seti,  qui  était  très  facilement  venu  à  bout  des  Shasou,des 


EGYPTE 


—  682  — 


Libnanou  et  autres  populations  de  la  Syrie  méridionale, 
rencontra  de  la  part  des  Hittites  une  résistance  tout  à  fait 
imprévue.  C'est  qu'il  n'avait  plus  affaire  aux  Khiti  qu'avaient 
battus  et  razziés  Thoutmos  IV,  mais  à  une  nation  puissante 
faisant  non  seulement  la  loi  chez  elle,  c.-à-d.  dans  leNaha- 
rina,  mais  encore  dans  la  plus  grande  partie  de  l'Asie 
Mineure,  la  Cilicie,  la  Lycie,  la  Mysie.  Ilion  et  Pedasos 
étaient  ses  tributaires  et  formaient  avec  elle  une  sorte  de 
fédération  militaire  assez  forte  pour  se  faire  respecter, 
et  même  en  mesure  de  s'organiser  pour  la  conquête.  SetiP^ 
jugea  prudent  de  mettre  fin  à  des  victoires  incertaines  par 
un  bon  traité  qui  fixait  à  l'Oronte  la  démarcation  des  deux 
zones  d'influence.  «  Restreinte  à  la  Syrie  du  Sud  et  à  la 
Phénicie,  l'autorité  des  pharaons,  dit  M.  Maspéro,  gagna 
en  solidité  ce  qu'elle  perdait  en  extension.  Il  semble  que 
Seti  P^,  au  lieu  d'exiger  simplement  le  tribut,  imposa  à 
chacun  des  peuples  vaincus  des  gouverneurs  de  race  égyp- 
tienne et  mit  des  garnisons  permanentes  dans  quelques 
places,  comme  Gaza  et  Magidi.  »  Ce  n'est  pas  de  là  que 
devait  venir  le  danger.  Les  peuples  de  l'Asie  Mineure  qui 
savaient  par  leurs  relations  avec  les  Khiti  quelle  riche  proie 
devait  être  l'Egypte,  tentèrent  une  invasion  par  mer  favo- 
risée par  les  Libyens,  mais  ils  furent  battus  par  Ramsès  II 
(le  Sésostris  des  Grecs),  que  son  père  Seti  avait,  sur  ses 
vieux  jours,  associé  à  l'empire.  Au  nombre  de  ces  peuplades 
se  trouvaient  des  Shardanes  ou  Sardinens,  ses  prisonniers, 
qu'il  incorpora  dans  sa  garde.  Jusqu'alors  l'armée  égyptienne 
n'avait  emprunté  son  élément  étranger  qu'aux  peuplades 
nègres  du  haut  Nil  ;  Ramsès  préluda  ainsi  à  l'organisation 
des  troupes  mercenaires  qui  supplanta,  dans  la  suite,  l'armée 
nationale.  Toutes  ces  guerres  de  Ramsès  II  s'effacent  devant 
sa  fameuse  campagne  de  l'an  V,  célébrée  par  une  sorte 
d'épopée  qu'un  poète  aux  gages  du  roi,  Pentaour,  composa 
pour  la  circonstance.  Cette  longue  pièce,  gravée  en  entier 
et  en  abrégé  sur  plusieurs  temples,  nous  est  également 
parvenue  par  des  copies  manuscrites.  Moteur,  fils  de  Mo- 
rousar,  avait  été  fidèle  aux  engagements  pris  par  son  père, 
mais  son  frère  et  successeur,  Khitisar,  n'imita  pas  son 
exemple.  Les  peuples  de  l'Asie  Mineure  ne  demandaient 
qu'à  marcher  contre  l'Egypte  ;  il  se  mit  à  la  tête  de  la  coa- 
lition, et  «  l'on  vit  des  bandes  troyennes  traverser  la  pénin- 
sule dans  toute  sa  longueur  et  venir  camper  en  pleine  vallée 
de  l'Oronte,  à  trois  cents  lieues  de  leur  patrie.  »  L'armée 
égyptienne  n'offrait  pas  un  moins  singuher  mélange. 
«  Elle  renfermait,  remarque  M.  Maspéro,  à  côté  des 
Egyptiens  de  race  pure,  des  Libyens,  des  Mashouasha  de 
Libye,  des  Maziou,  des  Shardana,  débris  de  l'invasion  re- 
poussée victorieusement  quelques  années  auparavant.  »  Ce 
fut  à  Shabtouna,  petite  bourgade  syrienne,  située  un  peu 
au  S.-O.  de  Qadesch,  que  les  deux  armées  se  rejoignirent. 
Celle  de  Ramsès  y  fut  surprise  par  l'ennemi,  qui  avait  mis 
les  Rédouins  de  l'endroit  dans  son  jeu.  Deux  de  ces  Bédouins 
vinrent  faire  un  faux  rapport  au  pharaon  et  l'attirèrent, 
lui  et  toute  son  escorte,  dans  un  guet-apens  dont  il  ne  se 
tira  que  par  des  prodiges  de  valeur.  La  victoire  lui  resta 
finalement  et  Khitisar  demanda  la  paix.  Mais  la  guerre  ainsi 
rallumée  en  pays  chananéen  ne  prit  pas  fin  de  sitôt. 
Fomentée  par  le  roi  de  Khiti,  elle  dura  jusqu'à  ce  que  les 
deux  puissances  également  fatiguées  éprouvèrent  sponta- 
nément le  besoin  d'une  paix  définitive.  Elle  fut  signée 
l'an  XXI  de  Ramsès.  Le  texte  du  traité  nous  a  été  fort 
heureusement  conservé,  grâce  à  la  coutume  épigraphique 
d'alors,  qui  faisait  des  murailles  des  temples  de  véritables 
archives.  L'alliance  qui  garantissait  les  nombreuses  clauses 
de  cet  acte  fut  quelque  temps  après  consolidée  par  un  mariage 
politique.  Ramsès  épousa  la  fille  aînée  de  Khitisar  et  en- 
tretint des  rapports  d'amitié  avec  son  beau-père  qui  se 
décida  à  faire  le  voyage  d'Egypte.  Une  stèle  commémorative 
fut  gravée  en  l'honneur  de  cet  heureux  événement  qui  fait 
le  plus  singulier  contraste  avec  les  épithètes  injurieuses 
que  les  princes  de  pays  étrangers  ne  manquaient  alors  jamais 
de  se  décerner  dans  les  actes  de  chancellerie.  Les  quarante- 
six  années  de  paix  qui  s'écoulèrent  entre  la  fin  des  hosti- 


lités et  la  mort  de  Ramsès  furent  suivies  d'une  période  de 
troubles  qui  fit  perdre  à  l'Egypte  le  fruit  de  ses  dernières 
conquêtes.  Un  des  résultats  du  long  règne  de  Ramsès  avait 
été  d'user  de  son  vivant  toute  une  série  d'héritiers  pré- 
somptifs et  d'élever  au  trône  un  prince  déjà  vieux,  Me- 
nephtah,  son  treizième  fils.  L'an  V  de  son  règne,  le  Delta 
eut  à  subir  une  nouvelle  invasion  des  peuples  de  l'Asie 
Mineure.  Aux  Tyrrhéniens,  aux  Shardanes  et  aux  Syriens 
que  Ramsès  avait  déjà  défaits  s'étaient  joints  des  tribus 
nouvelles,  les  Akaiousha  (Achéens)  et  les  Shakalousha 
(Sicules).  Ils  avaient  débarqué  chez  leurs  alliés  de  Libye 
et  s'étaient  avancés  jusqu'à  Prosopis.  La  vaillance  des 
troupes  de  Menepthah  qu'un  songe  empêcha  d'assister  à  la 
bataille  conjura  le  danger.  Les  «  peuples  de  la  mer  »  furent 
battus  et  l'Egypte  délivrée  d'une  invasion  qui,  si  elle  s'était 
produite  vingt  ans  plus  tard,  auraient  pu  singulièrement 
changer  la  face  des  choses.  Le  peu  de  monuments  de  toute 
nature  qui  nous  sont  parvenus  de  cette  époque  nous  montrent 
en  effet  l'Egypte  gouvernée  par  des  princes  sans  autorité  qui 
laissent  usurper  presque  toute  l'étendue  de  leurs  pouvoirs 
par  des  vice-rois  ou  des  ministres.  Des  collatéraux,  au  mépris 
de  la  loi  d'hérédité,  s'intercalent  entre  le  règne  d'un  père 
(Menephtah)  et  de  son  fils  (Seti  II).  L'autorité  éphémère 
de  ces  princes  s'étendait-elle  au  moins  sur  toute  l'Egypte? 
C'est  fort  douteux.  En  tous  cas,  la  Syrie,  délivrée  par  ses 
garnisons  égyptiennes, rappelées  en  toute  hâte  par  Menepthah, 
s'est  affranchie  du  tribut  ;  les  nombreux  prisonniers  attelés 
à  des  lourdes  besognes  dans  les  chantiers  royaux  repren- 
nent, sans  être  inquiétés,  le  chemin  de  leurs  pays  et  c'est 
dans  ces  départs  en  masse,  que  l'autorité  militaire  était 
impuissante  à  prévenir,  que  fut  compris  l'exode  des  tribus 
Israélites  dans  le  désert  montagneux  du  Sinaï.  L'usurpa- 
tion d'un  chef  syrien,  «  Arisou  qui  fut  chef  parmi  les  princes 
des  nomes  et  força  le  pays  entier  à  prêter  hommage  devant 
lui  »,  mit  fin  à  la  XLV  dynastie. 

La  XX®  dynastie  va  nous  faire  assister  à  la  ruine  de 
la  puissance  thébaine.  Sans  doute  Ramsès  III,  fils  de 
Nekthseti,  qui  avait  renversé  l'usurpateur  Arisou  et  rétabli 
avec  la  légitimité  la  paix  en  Egypte,  fut  un  roi  glorieux. 
A  l'exemple  des  grands  pharaons  de  la  XVIII®  et  de  la 
XIX®  dynastie,  et  surtout  de  Sésostris,  qu'il  s'était  donné 
comme  modèle,  il  avait  fait  plus  que  conjurer  les  dangers 
dont  le  Delta  fut  menacé  du  fait  des  Libyens  et  des  confé- 
dérés d'Asie  Mineure.  Après  avoir  repoussé  une  première 
invasion  des  Shasou  du  désert  arabique,  deux  invasions 
libyennes  et,  dans  l'intervalle,  une  troisième  attaque  des 
Tyrrhéniens,  des  Shakalash  et  des  Danaens,  ralliés  au  prince 
du  Khiti,  venus  par  terre  et  par  mer  jusqu'à  Raphia,  il 
avait  restauré  la  suzeraineté  des  pharaons  sur  la  Syrie, 
concédé  des  territoires  aux  Mashouasha  à  l'O.  et  aux 
Pelishti  à  l'E.  de  la  frontière  égyptienne,  et  intéressé  ainsi 
à  la  prospérité  du  pays  des  tribus  turbulentes  qui,  dès 
lors,  combattirent  dans  les  rangs  de  ses  légions  ;  il  avait 
repris  l'exploitation  des  mines  du  Sinaï,  et,  comme  la  reine 
Hatshepsou,  envoyé  ses  flottes  jusqu'aux  rives  lointaines  du 
Pount  et  du  To-Nouter.  Mais,  victorieux  au  dehors,  il  n'avait 
pu  faire  disparaître  au  dedans  les  germes  de  décomposition 
qui,  depuis  plus  d'un  siècle,  travaillaient  profondément 
l'Egypte.  Au  milieu  du  désarroi  général,  résultat  de  plu- 
sieurs siècles  de  guerres  qui  avaient  modifié  par  le  mélange 
des  races  les  caractères  et  les  mœurs,  une  seule  puissance 
était  restée  debout  et,  à  la  faveur  des  circonstances,  en 
était  venue  d'empiétements  en  empiétements  à  balancer 
l'autorité  royale  ;  c'était  le  haut  clergé  de  Thèbes.  Déjà  le 
premier  prophète  d'Amon,  Nekhtou,  s'était  élevé  à  une 
sorte  de  souveraineté  spirituelle  à  côté  de  Ramsès  IV  et 
de  ses  successeurs  éphémères  ;  son  fils  Amenhotep  n'en 
laissa  rien  perdre.  Quand  le  onzième  et  dernier  des  Ramses- 
sides  mourut,  le  grand  prêtre  Hrihor,  successeur  d'Amen- 
hotep  qui  s'était,  du  vivant  du  roi,  fait  décerner  le  titre 
princier  de  vice-roi  d'Ethiopie,  prétendit  à  la  royauté,  et, 
fort  de  son  union  avec  la  reine  Nodjemit,  usurpa  le  car- 
touche, tout  en  conservant  comme  nom  d'intronisation  le 


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EGYPTE 


titre  sacerdotal.  Le  roi-prêtre  Hribor-Siamon  ne  semble 
pas  avoir  joui  longtemps  de  la  pleine  souveraineté  sur  toute 
l'Egypte.  Le  Delta  qu'il  avait  favorisé  lui-même,  à  l'exemple 
des  rois  de  la  XIX*^  dynastie,  lui  suscita  un  concurrent, 
Nsibindid  (le  Mendès  de  Manéthon)  qui  l'emporta  et 
installa  sur  le  trône  de  Tanis,  élevée  au  rang  de  capitale,  la 
XXP  dynastie. 

Enumérer  les  monuments  construits  par  les  rois  du 
second  empire  thébain  serait  (à  quelques  temples  près  bâtis 
par  les  Ptolémées  et  les  empereurs  romains)  passer  en 
revue  tous  les  temples  de  l'Egypte.  Le  nouvel  empire  est, 
en  effet,  la  période  de  construction  par  excellence,  ou  plus 
exactement  de  reconstruction.  Les  premiers  pharaons  de 
la  XVIIP  dynastie  donnèrent  le  signal  en  restaurant  les 
édifices  qui  avaient  le  plus  souffert  pendant  la  guerre  de 
l'indépendance.  A  partir  de  Thoutmos  P^,  les  rois  ne  se 
contentent  plus  à  si  peu  de  frais  :  la  vallée  du  Nil  se  trans- 
forme depuis  la  mer  jusqu'au  gebel  Barkal  en  un  immense 
chantier  oii  les  bras  sont  comptés  par  milHers.  Grâce,  en 
effet,  aux  populations  entières  que  ces  pharaons  transpor- 
tent de  tous  les  pays  vaincus  en  Egypte,  des  temples  de 
proportions  inusitées  jusqu'alors  s'élèvent  et  couvrent  de 
règne  en  règne  des  espaces  de  plus  en  plus  grands,  chaque 
pharaon  ajoutant  à  l'œuvre  de  son  prédécesseur  ;  des  obé- 
lisques, des  statues  colossales  se  dressent;  des  avenues 
de  sphinx  sillonnent  de  vastes  plaines,  si  vastes  que  le 
voyageur  émerveillé  en  retrouve  encore  les  traces  loin  du 
périmètre  des  villes.  A  Napata,  à  Soleb,  à  Semneh,  à 
Ouadi  Halfa,  à  Abou  Simbel,  en  plus  de  vingt  villes,  au- 
jourd'hui bourgades  à  peu  près  désertes  de  la  Basse-Nubie, 
à  Eléphantine,  à  Syène,  à  Ombos,  à  El  Kab,  à  Esné,  à 
Erment,  à  Thèbes  surtout,  oti  l'activité  ne  se  ralentit  que 
sous  les  rois  hérétiques,  et  de  Thèbes  jusqu'à  Memphis,  de 
Memphis  jusqu'aux  bouches  du  Nil,  dès  que  la  politique 
asiatique  de  Kamsès  II  eût  rendu  au  Delta  et  même  accru 
l'importance  qu'il  avait  avec  les  rois  memphites,  l'Egypte 
se  couvrit  de  temples,  de  forteresses,  d'arsenaux,  de  ma- 
gasins, pour  recevoir  l'impôt,  de  belles  villas  ;  les  hautes 
falaises  de  calcaires  qui  bordent  le  Nil  se  creusèrent  pour 
abriter  trente  générations  de  morts  en  luxueuses  syringes 
où  l'art  le  plus  consommé  nous  révèle  aujourd'hui  comme 
par  enchantement  les  merveilles  de  cette  extraordinaire 
civilisation. 

Période  saïte.  Il  s'opère  alors  un  grand  changement  : 
une  Egypte  nouvelle  s'élève  sur  les  ruines  de  la  vieille 
Egypte  des  rois  thébains.  «  Le  centre  de  gravité,  observe 
M.  Maspéro,  qui,  après  la  chute  du  premier  empire,  était 
descendu  au  S.,  vers  Thèbes,  par  la  conquête  de  l'Ethiopie 
et  le  développement  de  la  puissance  égyptienne  dans  le  Sou- 
dan, remonta  peu  à  peu  vers  le  N.  et  oscilla  quelque  temps 
entre  les  différentes  villes  du  Delta.  Tanis,  Bubaste,  Sais  se 
disputèrent  le  pouvoir  avec  des  chances  à  peu  près  égales  et 
l'exercèrent  tour  à  tour,  sans  jamais  approcher  de  la  splen- 
deur de  Thèbes  ni  produire  aucune  dynastie  comparable  aux 
dynasties  des  rois  thébains.  »  Les  grands  prêtres  d'Amon 
jugèrent  prudent  de  ne  pas  contester  la  suzeraineté  des  rois 
tanites  moyennant  une  reconnaissance  de  leurs  droits.  C'est 
ainsi  qu'ils  restèrent  en  possession  du  grand  fief  de  Thèbes, 
comprenant  alors  toute  la  Haute  et  une  partie  de  la  Moyenne- 
Egypte.  De  même  ils  recherchèrent  la  main  des  prin- 
cesses de  la  nouvelle  maison  royale,  mêlant  ainsi  par  des 
unions  calculées  en  vue  de  leur  prestige  le  sang  des  parvenus 
de  Tanis  au  sang  des  Ramsès  déchus.  On  vit  le  grand  prêtre 
Pinodjem  P^,  petit-fils  d'Hrihor  et  de  la  reine  Nodjemit 
(ancienne  maison  royale  de  Thèbes),  épouser  la  princesse 
Makarâ,  fille  dé  Psioukhannout  P^  de  Tanis  (Psousennès),  et 
son  petit-fils  Pinodjem  II  s'enorgueillir  du  titre  de  fils  de 
Psioukhannout  bien  que,  d'un  autre  lit,  il  n'eût  pas  une  seule 
goutte  de  sang  tanite.  On  vit  pareillement  Pinodjem  P^  joindre 
à  son  titre  sacerdotal  le  titre  consenti  de  roi,  et  le  roi  Psiou- 
khannout, son  beau-frère  et  son  suzerain,  s'intituler  comme 
lui  premier  prophète  d'Amon.  Tout  cela  ne  dénote-t-il  pas 
une  parfaite  entente  entre  les  deux  familles  qui  s'étaient 


élevées  sur  les  débris  de  l'antique  maison  des  Ramsessides? 
Pendant  les  cent  cinquante  ans  environ  que  régnèrent  les 
sept  rois  tanites,  l'Egypte  conserva  une  apparence  de  force. 
Les  temps  étaient  trop  récents  où  ses  armées  conquérantes 
parcouraient  les  chemins  de  l'Asie.  Le  roi  d'Israël,  Salo- 
mon,  et  le  roi  des  Iduméens,  Hadad,  se  ménageaient  l'amitié 
du  pharaon  (peut-être  Psioukhannout  II)  en  épousant  ses 
filles.  Le  Delta  devenait  de  plus  le  grand  marché  où  s'appro- 
visionnaient par  l'entremise  des  Phéniciens  les  peuples  de 
l'Asie  occidentale  et  de  l'archipel.  Une  certaine  activité 
régnait  sur  les  chantiers  de  constructions  :  pendant  que  les 
grands  prêtres  d'Amon  faisaient  des  efforts  pour  arrêter 
leur  vieille  capitale  sur  la  rapide  pente  de  la  décadence,  les 
rois  de  Tanis  concentraient  les  leurs  sur  la  nouvelle  et 
mettaient  la  dernière  main  à  l'exécution  des  plans  de 

En  se  renouvelant,  l'Egypte  des  rois  du  Nord  restait 
pourtant  plus  que  jamais  ce  qu'elle  avait  toujours  été,  c.-à-d. 
un  pays  politiquement  travaillé  par  des  forces  contraires 
s'équihbrant  plus  ou  moins  et  se  remplaçant  l'une  par 
l'autre  dans  un  rapide  jeu  de  bascule.  Une  famille  est  à 
peine  usée  qu'une  autre  est  toute  prête  à  recueiUir  sa  suc- 
cession. Quelle  circonstance  provoqua  la  chute  des  Tanites? 
Nous  l'ignorons.  Toujours  est-il  qu'une  famille  libyenne, 
fixée  depuis  plus  d'un  siècle  à  Bubaste  après  avoir  vu 
grandir  de  génération  en  génération  son  influence  avec  l'im- 
portance chaque  jour  croissante  des  colonies  Ubyennes,  se 
trouva  prête  à  recueillir  l'héritage  des  Tanites.  Déjà,  du 
vivant  de  Psousennès  II,  Sheshonq,  alors  générahssime, 
préparait  les  voies  à  son  ambition  en  plaçant  son  fils 
Aoupouti  sur  le  siège  pontifical  d'Amon.  C'était  faire  preuve 
d'une  grande  prévoyance.  Les  pharaons  de  sa  famille  l'imi- 
tèrent et  purent  maintenir  intacte  leur  hégémonie  au  S.  de 
l'Egypte  en  déléguant  un  de  leurs  fils  à  la  suprême  dignité 
sacerdotale  jusqu'alors  héréditaire.  Ils  ne  firent  guère  en 
cela  que  revenir  à  la  coutume  royale  qui  donnait  en  apa- 
nage au  prince  héritier  le  gouvernement  du  pays  de  Koush. 
Au  reste,  à  l'époque  où  nous  sommes,  le  pays  de  Koush 
relevait  directement  du  gouvernement  sacerdotal  de  Thèbes. 
Les  Bubastites  étaient  trop  préoccupés  d'atténuer  le  sou- 
venir de  leur  origine  étrangère  pour  dédaigner  la  formalité 
du  mariage  avec  des  princesses  de  sang  ramsesside. 

Comme  tous  les  fondateurs  de  dynasties,  Sheshonq  P' 
déploya  la  plus  grande  activité.  Il  intervint  dans  les  affaires 
de  Judée,  pilla  Jérusalem  et  envahit  le  royaume  du  Nord. 
«  La  comparaison  de  sa  liste  (gravée  à  Karnak)  avec  celle 
de  Thoutmos  III,  dit  M.  Maspéro,  montre  combien  était 
profond  l'affaiblissement  de  TEgypte,  même  victorieuse, 
sous  la  XXIP  dynastie.  Il  n'est  plus  question  ni  de  Gar- 
gamish,  ni  de  Qodshou  (Qadesh),  ni  de  Damas,  ni  des  villes 
du  Naharanna.  Magidi  est  le  point  le  plus  septentrional  où 
Sheshonq  soit  parvenu.  »  Sa  suzeraineté  sur  la  Palestine  ne 
ànv'i  qu'autant  que  lui.  Ses  successeurs  eurent  trop  à  faire 
à  l'intérieur  pour  se  donner  le  luxe  d'envoyer  des  armées 
au  dehors.  Une  féodalité  nouvelle  avait  progressivement 
remplacé  l'ancienne.  Quoique  issue  de  la  famille  royale, 
qui  s'était  égrenée  sur  tout  le  pays,  absorbant  les  petits  gou- 
vernements comme  elle  avait  absorbé  le  grand,  cette  féodalité 
n'était  ni  moins  ambitieuse  ni  moins  turbulente  que  la  pre- 
mière, et  l'Egypte  n'eut  pendant  tout  le  règne  des  Bubastites 
qu'une  ombre  de  stabilité.  Du  moins  ces  princes  en  profi- 
tèrent-ils pour  laisser  par  des  monuments  le  souvenir  de  leur 
règne.  Bubaste,  Tanis  et  Memphis  en  eurent  la  meilleure 
part  ;  Thèbes  ne  fut  pas  complètement  oubHée.  Une  cour  im- 
mense ornée  d'un  double  portique  vint  s'ajouter  en  avant  des 
constructions  grandioses  de  Seii  P""  et  de  Ramsès  IL  C'est 
au  temps  des  Bubastites  que  fut  prise  la  singuhère  précau- 
tion à  laquelle  nous  sommes  redevables  de  l'importante 
trouvaille  de  Déir  el  Bahari.  Le  danger  que  courait  alors 
les  momies  royales  exposées,  dans  le  relâchement  général 
de  l'autorité,  aux  convoitises  du  petit  personnel  des  nécro- 
poles, inspira  la  pensée  de  les  retirer  de  leurs  tombes  et  de 
les  déposer  dans  une  chapelle  attenante  à  la  tombe  d'Ame- 


EGYPTE  —  i 

nophis  P'  où  Ton  pouvait  concentrer  la  surveillance.  Pour 
plus  de  commodité,  le  grand  prêtre  Aoupouti  les  fit,  après 
un  certain  temps,  transporter  dans  son  tombeau  de  famille, 
où  M.  Maspéro  les  a  retrouvées  en  1881,  entassées  pêle- 
mêle  avec  celles  des  grands  prêtres.  Au  nombre  de  ces 
momies  se  trouvaient  celles  du  roi  Sqenenrâ  III  de  la 
XVII®  dynastie  ;  des  rois  Ahmos  P"" ,  Aménophis  l^^ , 
Thoutmos  II,  Thoutmos  III,  Seti  I«%  Ramsès  PS  Ramsès  II, 
Ramsès  III,  des  reines  Nofertari,  Aahhotep,  Nodjemit, 
Makarâ  et  Isimkheb,  les  grands  prêtres  Hrihor  et  Pinod- 
jem  III.  Elles  sont  aujourd'hui  au  musée  de  Gizeh. 

A  la  faveur  des  désordres  qui  troublèrent  les  règnes  des 
derniers  Bubastites,  une  maison  de  Tanis  était  arrivée  à 
prendre  assez  d'importance  pour  imposer,  à  la  mort  de 
Sheshonq  IV,  sa  suzeraineté  sur  les  petites  principautés, 
suzeraineté  d'ailleurs  précaire  et  qui  ne  paraît  pas  avoir 
duré  plus  d'un  demi-siècle.  La  XXIV®  dynastie,  qui  vient 
ensuite,  n'eut  pas  une  plus  brillante  fortune.  Ce  n'était,  à 
vrai  dire,  qu'une  première  tentative  des  princes  saïtes  qui 
n'aspiraient  qu'à  avoir  leur  siècle  de  puissance  et  de  grandeur 
comme  les  Tanites  et  les  Bubastites.  Mais  l'audace  sans 
frein  de  Tafnekht  compromit  en  partie  le  succès  de  son 
entreprise.  Après  s'être  emparé  par  la  force  de  toute  la 
région  occidentale  du  Delta,  il  remontait  le  cours  du  Nil, 
quand  il  se  heurta,  au  N.  d'Abydos,  à  la  flotte  du  roi 
éthiopien  Piankhi-Mîamoun,  venu  au  secours  des  petits 
souverains  locaux.  L'assistance  de  Piankhi  n'était  pas  abso- 
lument désintéressée.  On  se  rappelle  que  les  Bubastites 
avaient  dépossédé  les  grands  prêtres  d'Amon  pour  consti- 
tuer un  apanage  à  l'un  de  leurs  fils.  Exilés  de  Thèbes,  les 
descendants  des  Hrihor  et  des  Pinodjem  s'étaient  retirés 
dans  la  partie  la  plus  méridionale  de  leur  ancien  royaume, 
entre  la  deuxième  et  la  quatrième  cataracte  où  la  civilisa- 
tion égyptienne  n'avait  cessé  de  pénétrer  depuis  les  rois  de 
la  XIP  dynastie.  C'est  ainsi  que  le  roi-prêtre  Piankhi  atten- 
dait depuis  près  de  vingt  ans  dans  Napata,  sa  capitale,  une 
occasion  d'intervenir  en  Egypte  et  de  reconquérir  le  domaine 
de  ses  pères.  L'appel  des  princes  le  trouva  prêt.  De  vic- 
toires en  victoires  il  arriva  jusqu'à  Memphis,  dont  il  s'em- 
para par  surprise,  se  fit  reconnaître  roi  par  les  prêtres 
d'Héliopolis,  les  princes  de  Bubaste  disposés  à  tout  accep- 
ter par  la  crainte  des  représailles,  enfin  par  tous  les  petits 
souverains  du  Delta.  Tafnekht  capitula  comme  les  autres  et 
dut  s'estimer  très  heureux  de  conserver  sa  petite  principauté 
saïte  ;  mais  son  fils  et  successeur  Bokenranf  expia  plus  cruel- 
lement les  erreurs  de  son  ambition.  Après  une  guerre  mal- 
heureuse, il  tomba  aux  mains  de  Shabaka  (Sabacon),  roi 
d'Ethiopie,  et  fut  brûlé  vif  dans  Sais,  sa  capitale.  Sa  défaite 
et  sa  mort  livrèrent  l'Egypte  entière  aux  Ethiopiens.  Que 
Sabacon  ait  réalisé  le  type  du  bon  souverain  oriental  ;  qu'il 
ait  été,  comme  le  veut  la  tradition,  le  législateur  modèle, 
cela  n'a  rien  d'invraisemblable  ;  toujours  est-il  que  c'est  de 
son  règne  qu'il  faut  dater  l'événement  le  plus  fécond  en  con- 
séquences néfastes  pour  l'Egypte,  l'entrée  de  ce  pays  dans  la 
ligue  des  Etats  de  la  Palestine  et  de  la  Syrie  contre  les  Assy- 
riens. Battu  à  Raphia  par  le  roi  Sargon,  Sabacon,  qui  n'avait 
dû  son  salut  qu'à  la  fuite,  trouva  sans  doute,  en  rentrant 
sur  les  bords  du  Nil,  que  sa  malheureuse  intervention  avait 
singulièrement  compromis  ses  droits  suzerains.  Un  prêtre 
saïte,  Stephinatès,  s'était  proclamé  roi  des  deux  pays  ; 
mais  il  fut  à  son  tour  dépossédé  par  Taharqa,  roi  d'Ethiopie, 
qui  reprit  à  son  compte  le  duel  avec  l'Assyrie.  Taharqa  joua 
de  malheur.  Battu  par  Assaraddon,  il  s'enfuit  jusqu'à 
Napata,  abandonnant  Memphis  et  Thèbes,  qui  furent  pillés 
par  l'ennemi.  Ce  que  perdaient  les  Ethiopiens  devait  pro- 
fiter aux  Saïtes,  leurs  adversaires.  Neko  P'',  second  succes- 
seur de  Stephinatès,  fut  investi  chef  de  la  ligue  des  princes 
par  Assaraddon  qui  l'appuya  d'un  corps  d'occupation.  Trois 
ans  après,  Taharqa,  à  la  fausse  nouvelle  de  la  mort  du 
roi  de  Ninive,  leva  une  armée  et  reprit  Memphis  sur  les 
garnisaires  d'Assaraddon  ;  mais,  battu  et  poursuivi  par 
Assourbanipal,  son  successeur,  il  dut  s'enfuir  de  Thèbes, 
son  refuge,  et  provoqua  ainsi  la  seconde  entrée  des  sol- 


dats assyriens  dans  la  ville  d'Amon.  La  troisième  cam- 
pagne de  Taharqa  fut  favorisée  par  les  petits  princes,  y 
compris  Neko  de  Sais,  qui  avait  finit  par  reconnaître  que 
l'Ethiopien  était  pour  le  moins  aussi  dangereux  que  le  Nini- 
vite.  Assourbanipal  eut  le  bon  esprit  de  ne  pas  s'en  forma- 
liser. Après  une  nouvelle  victoire,  il  remit  en  liberté  ses 
otages  et  replaça  généreusement  Neko  sur  son  trône.  Il  ne 
devait  pas  en  jouir  longtemps;  Ourdamani,  beau -fils  et 
successeur  de  Taharqa,  s'empara  de  lui  et  le  mit  à  mort, 
mais  il  fut  défait  à  son  tour  par  l'armée  d 'Assourbanipal, 
mis  en  fuite  et  poursuivi  jusqu'à  Thèbes  qui  vit,  pour  la 
troisième  fois,  les  bataillons  ninivites.  Assourbanipal  réta- 
bUt  les  princes  avec  le  corps  d'occupation,  mais  donna  cette 
fois  la  préséance  à  Paqrour,  prince  de  Pisoupti.  Après  une 
nouvelle  et  dernière  invasion  éthiopienne  conduite  par  To- 
nouatamon,successeurd'Ourdamani,  et  qui  bouleversa  l'or- 
ganisation d' Assourbanipal,  le  Saïte  Psamitik,  fils  de  Neko, 
entre  en  scène  et  achève  ce  que  l'Ethiopien  avait  commencé. 
Aidé  de  bandes  ioniennes  et  cariennes,  il  bat  les  princes 
confédérés  à  Momemphis  et  dépouille  Paqrour  de  ses  droits 
suzerains.  Son  mariage  avec  la  princesse  Shapenap,  mère 
de  Sabacon,  vint  donner  à  son  usurpation  le  vernis  de 
la  légitimité  auxquels  les  Egyptiens  étaient  si  puérilement 
attachés.  Sous  la  XXVP  dynastie,  le  déclin  de  l'Egypte 
s'illumina  d'un  magnifique  rayonnement.  Animés  d'un 
grand  sens  politique,  [les  princes  de  Sais,  qu'une  énergie 
patiente  et  tenace  avait  enfin  rendus  maîtres  de  toute 
l'Egypte,  poussèrent  l'amour  du  progrès  bien  au  delà  des 
limites  que  lui  assignait  l'esprit  routinier  d'alors.  Ils  ren- 
dirent aux  travaux  publics  une  impulsion  qu'on  ne  peut 
comparer  qu'à  celle  des  grands  pharaons  thébains.  Ils  répa- 
rèrent et  agrandirent  les  temples,  patronnèrent  les  arts, 
firent  éclore  notamment  cette  brillante  école  de  sculpteurs 
sur  roche  dure  et  de  fondeurs  qui  prirent  pour  modèles  les 
œuvres  des  vieux  artistes  men)phites,  et  parfois  les  imi- 
tèrent si  bien  que  les  modernes  s'y  sont  trompés.  Ils  ne 
se  préoccupèrent  pas  moins  des  grands  travaux  utilitaires 
(reprise  de  l'exploitation  des  carrières  de  Tourah,  de  la 
vallée  d'Hammamat  et  de  Syène  ;  réfection  du  canal  des 
deux  mers,  ensablé  depuis  près  de  trois  siècles)  et  rom- 
pirent avec  l'orgueilleux  traditionnisme  sacerdotal  pour 
étendre  expérimentalement  leurs  connaissances.  Rien  de 
plus  caractéristique  à  ce  point  de  vue  que  ce  périple  complet 
de  l'Afrique  exécuté  par  les  matelots  phéniciens  de  la  flotte 
par  ordre  de  Neko  II.  Mais,  à  coup  sûr,  l'acte  le  plus 
hardi  de  la  politique  saïte  fut  de  rompre  avec  le  préjugé 
national  contre  les  étrangers.  Sans  doute,  depuis  les  guerres 
du  nouvel  empire,  ce  préjugé  s'était  singuUèrement  atténué 
envers  les  races  de  l'Asie,  mais,  comme  l'observe  M.  Mas- 
péro, il  était  resté  entier  à  l'égard  des  Grecs.  Ce  sont  pré- 
cisément les  Grecs,  et  les  Grecs  de  toute  origine,  de  l'Asie 
Mineure  et  des  Iles,  de  l'Hellade  ou  de  Cyrène,  qui  furent 
non  seulement  l'objet  de  la  plus  grande  tolérance,  mais 
purent  encore  se  vanter  d'avoir  joui  d'un  meilleur  traite- 
ment que  les  indigènes  eux-mêmes.  Pour  se  faire  une  petite 
idée  de  la  situation  des  Grecs  en  Egypte  au  temps  des 
Saïtes,  il  suffit  de  se  représenter  celle  des  colons  français 
sous  le  règne  de  Méhémet-Ali.  Psammetik  III  leur  accorda 
une  première  concession  sur  les  territoires  riverains  du 
bras  pélusiaque  (Ioniens  et  Cariens)  et  du  bras  bolbitique 
(Milésiens)  et  les  incorpora  avec  la  haute  paye  dans  sa 
garde  du  corps,  ce  qui  provoqua  la  fameuse  sécession  des 
240,000  automoles.  Neko  II  et  Apriès  (Ouahabrâ)  leur 
confirmèrent  ces  diff'érents  privilèges.  Enfin,  Amasis,  qui 
avait  été  porté  au  pouvoir  par  le  parti  nationaliste,  ne  fut 
pas  plus  tôt  roi,  qu'il  renchérit  sur  la  politique  philhellène 
de  ses  prédécesseurs.  Il  épousa  une  femme  grecque  de 
Cyrène,  Ladiké.  Aucune  cité  grecque  ne  fit  en  vain  appel 
à  sa  générosité.  Il  transféra  dans  la  capitale  de  l'empire, 
à  Memphis,  la  colonie  des  riverains  de  la  Pélusiaque; 
puis,  comme  de  nouveaux  colons,  attirés  par  le  bon 
renom  de  son  hospitaUté,  affluaient  de  divers  points  de 
I  la  Grèce,  il  leur  concéda  sur  les  bords  de  la  Canopique  un 


—  685  — 


EGYPTE 


territoire  où  ils  bâtirent  la  ville  entièrement  grecque  de 
Naucratis  (actuellement  En  Nabireh).  Sous  son  règne, 
les  Grecs,  qui  jouissaient  d'un  régime  analogue  à  celui  des 
Capitulations,  ne  tardèrent  pas  à  se  sentir  les  coudées 
franches.  Malgré  le  préjugé  populaire  des  indigènes,  ils 
voyageaient  dans  tout  le  pays  et  fondèrent  de  nouveaux 
établissements  dans  quelques  villes  (par  ex.  Abydos)  et 
dans  la  grande  oasis. 

Les  Saïtes  étaient  trop  ambitieux  pour  ne  pas  prendre 
part  aux  guerres  qui  suivirent  l'effondrement  de  Ninive  et 
qui  provoquèrent  celui  de  Babylone.  Psammetik  II  s'était 
borné  à  conquérir  le  pays  des  Philistins;  Neko  II,  plus  hardi, 
poussa  jusqu'à  l'Euphrate  et  fier  de  sa  facile  victoire  sur  le 
roi  de  Judée,  Josias,  envoya  pompeusement  sa  cuirasse  au 
temple  d'Apollon  Didyméen.  Mais,  trois  ans  plus  tard,  il 
éprouva  l'inconstance  de  la  fortune  quand,  battu  par  Nabu- 
chodonosor  sur  le  théâtre  de  son  ancienne  victoire  et  pour- 
suivi jusqu'à  Péluse,  il  dut  se  soumettre  pour  arrêter 
le  Babylonien  à  sa  frontière.  Il  ne  fut  vengé  que  trente 
ans  après.  La  flotte  d'Apriès,  montée  par  des  équipages 
grecs,  battit  les  galères  phéniciennes  de  Nabuchodonosor 
devant  Sidon,  victoire  qui  valut  à  l'Egypte  la  possession  de 
la  Syrie.  Sous  Amasis,  Babylone  passe  du  rôle  d'adversaire 
à  celui  d'alliée.  C'est  qu'il  s'agit  de  se  défendre  contre  Cyrus, 
l'ennemi  commun.  La  défaite  désastreuse  de  Crésus  se  pro- 
duisit assez  tôt  pour  arrêter  Amasis  dans  ses  projets  avan- 
tureux  (546).  Mais  vingt  ans  plus  tard,  son  successeur, 
Psammetik  III  (Psamenite)  ne  put  arrêter  Cambyse  victorieux, 
qui  le  déposa  et  le  remplaça  par  le  satrape  Aryandès  (525). 

La  politique  de  Cambyse,  assez  conciliante  au  début,  ne 
tarda  pas  à  tourner  à  la  plus  terrible  des  persécutions. 
Son  successeur,  Darius,  s'efforça  vainement  d'en  atténuer 
le  souvenir.  Il  eut  beau  se  faire  le  continuateur  de  l'œuvre 
des  rois  saïtes,  reprendre  leur  vaste  programme  en  vue 
de  développer  la  prospérité  industrielle  et  commerciale  de 
l'Egypte  devenue  le  principal  entrepôt  du  trafic  de  la  mer 
Rouge  et  de  la  mer  des  Indes  avec  la  Méditerranée,  il  ne 
réussit  pas  à  étouffer  chez  elle  les  regrets  de  son  indépen- 
dance. Pendant  les  quatre-vingts  ans  que  dura  la  domination 
perse  jusqu'à  la  victoire  d'Amyrtée,  les  satrapes  de  Darius, 
de  Xerxès  et  d'Artaxerxès  s'épuisèrent  à  réprimer  d'inces- 
santes révoltes  que  soutenaient  les  armes  et  les  vaisseaux 
d'vVthcnes.  Le  Saïte  Kabbisha  et  le  Libyen  Inaros  furent, 
avec  le  premier  Amyrtée,  les  héros  de  ces  luttes  patrio- 
tiques où  la  fortune  de  l'Egypte  passa  par  des  alternatives 
de  victoire  (Papremis ,  Memphis)  et  de  défaite  (Proso- 
pitis).  Des  mains  d'Amyrtée,  le  sceptre  de  la  nation  déli- 
vrée passa  à  celles  de  Noferit  de  Mondes.  Sparte  venait  de 
sortir  victorieuse  et  puissante  de  la  guerre  du  Peloponèse  ; 
Noferit  rechercha  son  alliance,  mais  la  plus  sûre  garantie 
que  l'Egypte  ait  eu  de  sa  liberté,  sous  les  rois  mendésiens, 
ce  furent  les  difficultés  que  créa  au  grand  roi  la  révolte 
de  la  province  d'Asie  Mineure  et  de  Chypre.  On  le  vit 
bien  quand,  après  la  paix  d'Antalcidas,  Artaxerxès  envoya 
contre  la  Syrie  et  l'Egypte  Pharnabaze  à  la  tète  d'une 
armée  formidable.  A  la  faveur  des  troubles  suscités  par 
les  compétitions  des  petits  princes  héréditaires,  une  famille 
de  Sebennytos  (XXX«  dynastie)  s'était  emparée  du  pou- 
voir; Nectanèbe  et  son  successeur  Taho  se  préparèrent  à 
recevoir  le  choc.  Bien  mieux,  ce  dernier  résolut  d'ouvrir 
les  hostilités  en  marchant  sur  la  Syrie  au-devant  de  l'armée 
perse.  Il  avait  avec  lui  les  meilleurs  généraux  de  la  Grèce, 
Chabrias  d'Athènes,  et  le  vieux  capitaine  Spartiate  Agésilas. 
Mais  toutes  les  combinaisons  qu'il  adopta  pour  assurer  ses 
chances  se  retournèrent  contre  lui.  En  prenant  le  com- 
mandement supérieur  des  troupes,  il  dut  laisser  à  Memphis 
un  régent  qui,  bien  loin  de  lui  conserver  son  trône,  le  lui  fit 
perdre  à  la  première  occasion  au  profit  de  son  propre  fils, 
Nectanèbe  11.  En  rentrant  de  Syrie,  où  il  combattait  sous 
Taho,  le  nouveau  pharaon  eut  d'abord  à  réprimer  une  révolte 
fomentée  par  un  prince  de  Mondes.  Il  triompha  de  ce  pre- 
mier obstacle.  La  fortune  lui  sourit  aussi  dans  la  première 
rencontre  qu'il  eut  aux  portes  de  l'Egypte  avec  l'armée 


d'Artaxerxès  III  Okhos.  Mais  il  fut  moins  heureux  dans 
la  seconde.  Les  mercenaires  du  grand  roi  vinrent ,  cette 
fois,  à  bout  de  ses  mercenaires.  Lacratès  s'empara  de 
Péluse,  Mentor  de  Bubaste,  et  Nectanèbe  II,  éperdu, 
prit,  comme  tous  les  rois  fugitifs,  le  chemin  de  l'Ethiopie. 
Il  fut  le  dernier  pharaon.  Avec  lui  prit  fin  l'indépendance 
de  l'Egypte.  Redevenue  province  de  l'empire  des  Achémé- 
nides,  l'Egypte  partagea  sa  destinée  et  passa,  après  la  bataille 
d'Issos  (330),  sous  la  domination  d'Alexandre  le  Grand. 

Précédé  par  sa  renommée,  Alexandre  fut  accueilli  en 
Egypte  comme  un  libérateur.  Les  fâcheux  souvenirs  lais- 
sés par  les  cruautés  de  Cambyse  et  d'Ochos  lui  dictaient 
en  quelque  sorte  sa  ligne  de  conduite  :  il  montra  autant 
de  respect  que  les  Perses  avaient  montré  de  mépris  pour 
les  croyances  et  les  coutumes  du  pays.  Il  se  posa  en  pro- 
tecteur de  la  religion,  et  le  parti  sacerdotal  se  déclara  hau- 
tement pour  lui.  Il  apporta  même  la  plus  grande  affecta- 
tion à  prendre  l'avis  des  oracles  et  alla  consulter  en  grande 
pompe  celui  de  l'oasis  d'Ammon.  Il  ne  montra  pas  moins  de 
clairvoyance  en  comprenant  le  rôle  central  que  l'Egypte 
était  appelée  à  jouer  par  suite  de  l'agrandissement  de  la 
carte  commerciale  du  monde  et  fonda  la  belle  et  puissante 
cité  maritime  à  laquelle  il  donna  son  nom.  Après  sa  mort, 
l'Egypte  échut  en  partage  à  son  lieutenant  Ptolémée,  fils  de 
Lagos. 

Ptolémée  prit  le  gouvernement  à  titre  de  satrape  à 
l'exemple  des  autres  généraux  d'Alexandre.  Il  fut  d'abord 
servi  par  la  mauvaise  fortune  de  son  rival  Perdiccas,  qui 
échoua  devant  Péluse.  La  troisième  année  de  son  gouver- 
nement il  avait,  par  des  campagnes  heureuses,  réuni  à 
l'Egypte,  Cyrène,  la  Syrie,  la  Cœlésyrie  et  la  Phénicie. 
L'éloignement  de  sa  province  aurait  pu  le  tenir  à  l'écart 
des  guerres  qui  divisèrent  les  diadoques  ;  il  n'en  fut  rien. 
C'est  ainsi  que,  en  315,  nous  le  voyons  s'associer  aux  projets 
de  Cassandre,  de  Lysimaque  et  de  Séleucus  contre  l'ambition 
d'Antigone.  L'année  suivante,  il  réprime  les  velléités  d'indé- 
pendance que  manifestent  Chypre  et  Cyrène  et  engage  une 
nouvelle  campagne  en  Syrie  contre  Démétrius,  fils  d'Anti- 
gone. Il  le  bat  à  Gaza,  puis,  battu  à  son  tour  dans  la  per- 
sonne de  son  sous-Ueutenant  Celles  qui  n'avait  pu  empê- 
cher la  jonction  d'Antigone  et  de  Démétrius,  il  évacue  la 
Syrie.  Le  pacte  de  désintéressement  conclu  en  311  entre 
les  quatre  généraux  ayant  été  rompu  par  la  mauvaise  foi 
d'Antigone,  qui  mettait  des  garnisons  dans  les  villes 
grecques  après  avoir  adhéré  à  la  reconnaissance  de  leur 
liberté,  la  guerre  éclate  de  nouveau,  mettant  aux  prises  les 
troupes  des  alliés  et  d'Antigone  un  peu  partout,  sur  l'Helles- 
pont,  en  Cilicie  où  Léonès,  Keutenant  de  Ptolémée,  fut 
vaincu,  sur  la  côte  occidentale  de  l'Asie  Mineure,  dans  l'Ar- 
chipel, en  Grèce  où  la  flotte  de  Ptolémée  s'empare  coup  sur 
coup  de  Sicyone,  de  Corinthe  et  de  Mégare.  L'année  307 
fut  favorable  aux  armées  d'Antigone.  Après  s'être  emparé 
d'Athènes,  Démétrius  cingla  vers  Chypre,  où  il  détruisit 
la  flotte  de  Ptolémée,  mais,  l'année  suivante,  le  père  et  le 
fils  échouèrent  dans  leur  attaque  combinée  contre  Péluse. 
Antigone  se  tourna  alors  contre  Rhodes  qui  résista  grâce 
aux  secours  des  trois  confédérés.  Mais  Ptolémée,  toujours 
habile,  après  l'avoir  soutenue  dansrsa  résistance,  lui  donna 
le  conseil  de  traiter  avec  Antigone.  Les  Rhodiens  se  trou- 
vèrent si  bien  de  ses  bons  offices  et  de  ses  conseils  qu'ils 
lui  décernèrent  les  honneurs  divins  avec  le  titre  de  Soter. 
Une  nouvelle  ligue  se  forma  bientôt  contre  Antigone  ;  aux 
trois  confédérés  se  joignit  Séleucus.  La  journée  d'Ipsus, 
fatale  à  Antigone,  ne  mit  pas  fin  aux  rivalités.  Le  partage 
de  ses  dépouilles  divisa  les  vainqueurs  en  deux  camps  et 
donna  lieu  à  de  nouvelles  guerres,  au  cours  desquelles 
Ptolémée  fut  assez  heureux  pour  reprendre  Chypre  et 
Cyrène, 

Ptolémée  se  montra  en  Egypte  scrupuleux  observa- 
teur de  la  légalité  :  les  monuments  portant  les  cartou- 
ches de  Philippe  Arrhidée  et  d'Alexandre  JEgos  en  font 
foi.  Ce  n'est  qu'en  305  qu'il  se  décida  à  prendre  la  cou- 
ronne et  les  titres  royaux  et  fit  frapper  monnaie  en  son 


EGYPTE 


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nom,  mais  en  datant  ses  années  de  règne  d'après  la  durée 
totale  de  son  gouvernement.  L'an  39  de  ce  comput,  il 
associa  à  son  trône  Ptolémée,  le  fils  qu'il  avait  eu  de 
Bérénice  sa  première  femme.  Son  règne  n'a  pas  laissé  que  des 
souvenirs  militaires  :  c'estàSoter,  en  effet,  qu'il  faut  faire 
honneur  des  rapides  progrès  que  fit  la  nouvelle  capitale. 
Il  construisit  le  phare,  dans  l'ile  de  Pharos  qu'il  relia  au 
port,  fonda  l'école  et  la  bibliothèque  d'Alexandrie,  attira 
les  plus  illustres  des  savants  et  des  artistes  grecs.  Le 
Musœon,  son  palais,  était  une  véritable  académie.  Il  se 
montra,  en  un  mot,  fidèle  exécuteur  des  magnifiques  pro- 
jets d'Alexandre. 

Son  fils  et  successeur,  Philadelphe,  né  à  Cos  pendant 
l'expédition  de  308  dans  les  Cyclades  où  Bérénice  l'avait 
suivi,  eut  pour  précepteurs  Straton  et  Philétas.  Le  règne 
de  ce  prince  s'en  ressentit  heureusement.  Sans  prendre  à 
la  lettre  les  louanges  dithyrambiques  de  Théocrite,  on 
peut  dire  néanmoins  que,  pendant  les  trente-huit  ans  de 
règne  de  Philadelphe,  l'Egypte  fut  très  prospère.  Alexan- 
drie, devenue  de  plus  en  plus  la  capitale  intellectuelle  du 
monde  grec,  redoubla  d'éclat  et  de  grandeur;  le  phare  fut 
achevé,  la  bibliothèque  transportée  du  Bruchium  dans  le 
magnifique  palais  du  Serapeum ,  la  Version  des  Septante 
commencée.  D'autres  traductions  paraissent  aussi  avoir 
été  entreprises  à  la  même  époque,  notamment  celle  d'une 
histoire  d'Egypte  par  Manéthon.  L'intérêt  porté  aux 
questions  économiques  et  commerciales  ne  fut  pas  moins 
grand.  Pour  créer  de  nombreux  débouchés  aux  produits  des 
industries  locales,  on  explore  la  côte  orientale  et  l'intérieur 
de  l'Afrique  (voyages  de  Timosthène  et  d'Aristocréon)  ;  le 
canal  du  Nil  à  la  mer,  repris  par  Neko  et  par  Darius,  est 
continué  ;  des  flottes  partent  d'Arsinoé  (non  loin  de  Suez) 
dans  la  direction  de  la  mer  des  Indes  et  du  golfe  Per- 
sique.  Cette  révolution  opérée  par  les  idées  grecques  ne  porte 
néanmoins  aucune  atteinte  aux  croyances  de  l'Egypte.  A 
l'exemple  des  pharaons,  Philadelphe  affecte  des  revenus  aux 
temples,  contribue  à  leur  embeUissement  et  même  les  recons- 
truit (Isis  de  Philœ).  Ses  guerres  avec  son  frère  Magas, 
l'instigateur  de  la  révolte  de  Cyrène  et  Antiochus  se  termi- 
nèrent à  son  avantage.  Il  engagea  ce  dernier  à  répudier  Lao- 
dice  pour  épouser  sa  fille  Bérénice. 

Son  fils  Evergète  lui  succéda  en  Ml.  Le  premier  acte  de 
ce  prince  fut  l'expédition  de  Syrie  qu'il  entreprit  pour 
venger  sa  sœur  Bérénice,  que  Laodice  venait  de  faire  assas- 
sine'r  peu  de  temps  après  la  mort  d'Antiochus.  Il  parcourut 
en  vainqueur  toute  l'étendue  de  l'empire  séleucide,  et  rap- 
porta triomphalement  en  Egypte  les  statues  divines  et  les 
trésors  des  temples  enlevés  par  Cambyse.  Quelques  années 
après  (240),  Séleucus  II,  roi  de  Syrie,  se  crut  assez  fort 
pour  envahir  l'Egypte.  Une  seconde  expédition  d'Evergète 
le  contraignit  à  la  fuite.  Mais  s'étant  réconcilié  avec  son 
frère  Antiochus  Hierax,  que  le  roi  d'Egypte  avait  favorisé 
à  ses  dépens,  celui-ci  jugea  expédient  de  conclure  une 
trêve  de  dix  ans.  De  nouveaux  démêlés  s'élevèrent  entre  les 
deux  frères  et  favorisèrent  les  desseins  d'Evergète,  qui  put 
se  Hvrer  en  toute  sécurité  à  l'administration  intérieure  de 
l'Egypte.  Il  éleva  un  temple  à  Canope,  continua  celui  de 
Pselchis  (Dakkeh)  fondé  par  le  roi  d'Ethiopie,  Ergamène, 
ainsi  que  ceux  de  Philse  et  d'Esné.  Son  nom  ainsi  que 
celui  de  sa  femme  et  sœur,  la  reine  Bérénice,  se  lisent  éga- 
lement sur  plusieurs  monuments  de  Thèbes.  Ce  fut  cette 
reine  qui,  pendant  la  campagne  d'Asie,  consacra  à  Vénus  sa 
chevelure  pour  l'heureux  retour  de  son  époux.  On  sait  que 
l'astronome  Conon  de  Samos,  pour  donner  une  explication 
flatteuse  de  sa  disparition,  publia  qu'elle  brillait  au  ciel 
sous  la  forme  d  une  constellation. 

Philopator,  fils  d'Evergète,  souilla  son  règne  du  sang  de 
son  frère  Magas,  de  sa  mère  Bérénice  et  de  son  hôte, 
Cléomène,  le  roi  fugitif  de  Sparte,  que  son  père  avait 
accueilli.  Il  commit  tous  ces  crimes  à  l'instigation  de  son 
ministre  Sosibios,  qui  n'avait  trouvé  rien  de  mieux,  pour 
conserver  son  ascendant,  que  de  flatter  ses  plus  honteux 
penchants.  Le  surnom  de  Philopator,  dont  il  jugea  prudent 


de  s'affubler,  ne  donna  pas  le  change  à  l'opinion  publique, 
qui  s'obstina  à  le  rendre  responsable  de  la  mort  de  son 
père.  L'histoire  miUtaire  de  son  règne  est  remplie  par  ses 
guerres  avec  Antiochus  le  Grand.  Après  deux  malheureuses 
campagnes,  il  défit  à  Baphia  (216)  son  redoutable  adver- 
saire qui  prit  la  fuite  et  se  résigna  à  un  traité  onéreux. 
Philopator  reprit  possession  des  villes  de  Palestine  et  de 
Syrie  conquises  par  ses-  prédécesseurs.  Il  lui  restait  un 
crime  à  commettre  :  le  meurtre  de  sa  femme,  Arsinoé. 
Peu  de  temps  avant  sa  mort,  il  la  sacrifia  à  sa  passion 
pour  Agathoclée.  Ses  forfaits  ne  le  détournèrent  pas,  néan- 
moins, "de  la  politique  prudente  des  Ptolémées  à  l'égard  du 
parti  clérical  :  il  le  combla  comme  avaient  fait  ses  pères 
et  attacha  son  nom  à  de  nombreuses  constructions  ou  res- 
taurations à  Akhmîm,  à  Thèbes,  à  Edfou,  à  Philœ,  à  Dak- 
keh, etc. 

Son  fils  Epiphane  n'avait  que  cinq  ans  quand  il  fut 
appelé  à  régner.  Trois  régents  se  succédèrent  pendant 
sa  minorité  ':  Agathoclès,  Tlepolemos  et  Aristomène.  Le 
peuple,  lassé  du  premier,  se  révolta  et  arracha  au  jeune 
roi  sa  condamnation  ;  le  second  perdit  également  la  vie  en 
perdant  le  pouvoir.  Les  troubles  qui  éclatèrent  en  Egypte 
pendant  la  minorité  d'Epiphane  incitèrent  Antiochus  à 
reprendre  les  hostilités.  Battus  par  Scopas,  général  de  Pto- 
lémée, il  ne  tarda  pas  à  prendre  sa  revanche  et  fit  rentrer 
sous  sa  domination  les  villes  de  Cilicie,  de  Lycie,  de  Syrie 
et  de  Palestine  qui  avaient  des  garnisons  égyptiennes.  Les 
affaires  d'Europe  le  déterminèrent  néanmoins  à  ne  pas 
abuser  de  sa  victoire  et  il  scella  la  paix  de  la  main  de  sa 
fille  Cléopâtre,  qu'Epiphane  épousa.  Cette  princesse  apporta 
comme  dot  la  province  de  Syrie.  Epiphane  se  montra  par 
ses  cruautés  le  digne  fils  de  son  père  ;  il  n'épargna  ni  les 
révoltés  de  Lycopolis  qu'il  fit  mettre  à  mort,  ni  Scopas, 
son  général,  qu'il  abandonna  à  la  rancune  d'Aristomène, 
ni  même  ce  dernier,  dont  la  tutelle  lui  pesait  et  qu'il  con- 
damna à  prendre  la  ciguë.  Il  n'eut  pas  lui-même  une 
meilleure  fin  :  il  mourut  empoisonné  pendant  les  prépa- 
ratifs d'une  expédition  contre  le  successeur  d'Antiochus, 
après  vingt-quatre  ans  de  règne.  Thèbes,  Esné,  Edfou,  Om- 
bos,  Pliilœ,  eurent  part  à  ses  largesses.  Ses  cartouches  se 
répètent  sur  leurs  monuments.  Ajoutons  que  c'est  en  l'hon- 
neur d'Epiphane  que  les  prêtres  réunis  à  Memphis  rendirent 
le  fameux  décret  bilingue,  trouvé  à  Rosette  et  qui  a  été  la 
base  du  déchiffrement. 

Philométor  n'avait  que  cinq  ans  quand  il  succéda  à  son 
père.  Pendant  sa  minorité,  la  régence  fut  d'abord  exercée 
par  sa  mère,  Cléopâtre,  puis,  simultanément,  par  Lénéos 
et  Euléos.  La  possession  de  la  Cœlésyrie,  de  la  Phénicie 
et  de  la  Judée  mit  encore  aux  prises  les  armées  lagide  et 
séleucide.  L'appui  moral  de  Rome  que  sa  guerre  avec  Persée 
empêchait  d'agir  plus  efficacement,  ne  put  empêcher  An- 
tiochus de  reconquérir  les  provinces  abandonnées  par  son 
grand-père.  Il  entra  en  Egypte,  surprit  Philométor  dans 
Memphis  et  marcha  sur  Alexandrie,  où  le  jeune  frère  du 
roi  venait  d'être  proclamé  sous  le  nom  d'Evergète  IL  Une 
révolte  des  Juifs  l'oWigea  à  lever  le  siège,  mais,  avant  de 
quitter  l'Egypte,  il  eut  soin  de  remettre  lui-même  Memphis 
aux  mains  de  Philométor,  avec  l'espoir  que  la  revendication 
de  son  trône  mettrait  ce  dernier  en  guerre  avec  son  frère. 
Au  contraire,  la  crainte  qu'il  leur  inspirait  les  unit  dans  un 
commun  effort.  Mais  il  ne  fallut  pas  moins  d'une  nouvelle 
intervention  de  l'ambassadeur  romain,  PopiliusLenas,  pour 
l'obliger  à  évacuer  l'Egypte  qu'il  avait  de  nouveau  en- 
vahie (168).  Toutefois,  l'espoir  d'Antiochus^  ne  fut  pas 
complètement  déçu  :  le  partage  de  l'empire  mit  aux  prises 
les  deux  frères.  Evergète  ne  voulait  pas  se  contenter  de 
Cyrène  et  de  la  Libye  ;  Philométor  refusait  de  se  rendre 
aux  ordres  du  sénat  romain,  qui  lui  enjoignait  d'y  ajouter 
Cypre.  Ils  finirent  par  tomber  d'accord  au  prix  de  la  con- 
cession de  quelques  villes  cypriotes,  et  la  fin  du  règne  de 
Philométor  ne  fut  troublée  par  d'autres  guerres  que  celle 
qu'il  fit  pour  soutenir  les  prétentions  d'Alexandre  Bala 
contre  Démétrius,  puis  celles  de  Démétrius  contre  Alexandre 


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EGYPTE 


Bala.  Heureux  dans  ses  entreprises,  il  assura  chaque  fois 
le  succès  de  son  allié. 

Evergète  II  (Physcon),  qui  n'attendait  que  sa  mort 
pour  prendre  possession  du  trône  d'Egypte,  commença 
par  faire  exécuter  son  neveu  Eupator,  que  Cléopâtre  avait 
fait  proclamer  roi.  Il  faut  dire  qu'il  n'était  arrivé  à  ses 
fins  qu'en  épousant  la  veuve  de  son  frère  et  en  s 'attri- 
buant la  régence.  Une  insurrection,  causée  par  la  haine 
et  le  dégoût  qu'il  inspirait,  l'obligea  à  se  réfugier  à 
Cypre  avec  sa  seconde  femme,  Cléopâtre  II,  fille  de  la  pre- 
mière. Mais  la  victoire  que  remporta  son  parti  lui  rendit 
le  pouvoir  et  Cléopâtre  dut,  à  son  tour,  chercher  refuge  à 
la  cour  de  Démétrius  Nicator. 

Soter  II  ou  Lathyre  (117-84)  fut  en  quelque  sorte  imposé 
par  les  Alexandrins.  Sa  mère,  Cléopâtre  II,  qui  favorisait 
son  frère  Alexandre,  après  des  années  d'hostihté  sourde, 
le  fit  faussement  convaincre  de  tentatives  parricides  et  exiler 
en  qualité  de  gouverneur  à  Cypre  (106)  et  fit  couronner 
son  frère.  Alexandre  lui  marqua  quelques  années  plus  tard 
sa  reconnaissance  en  la  faisant  assassiner.  Cet  acte  mons- 
trueux et  beaucoup  d'autres,  comme  la  violaijon  du  tombeau 
d'Alexandre  le  Grand,  réussirent  si  bien  à  lui  aliéner  l'affec- 
tion des  Alexandrins  qu'il  dut  fuir  à  son  tour,  chassé  par 
une  émeute,  et  abandonner  le  trône  à  l'exilé  de  Cypre.  Le 
retour  de  Lathyre  ne  rencontra  pas  le  même  accueil  dans 
toute  l'Egypte  :  Thèbes  refusa  de  le  reconnaître.  Il  se  mit  en 
route  contre  l'ancienne  capitale,  s'en  empara  et  la  livra  à 
toutes  les  horreurs  de  la  guerre.  Son  règne  s'acheva  paisi- 
blement en  81. 

Le  meurtre  de  sa  fille,  Bérénice,  par  Alexandre  II,  fils 
de  Ptolémée  Alexandre  P^,  et  d'Alexandre  II  par  le  peuple 
indigné,  amena  au  pouvoir  son  fils  naturel,  Ptolémée  Aulète 
(81-52).  Aulète,  qui  avait  tout  à  craindre  des  Romains, 
dont  il  remplaçait  le  protégé,  par  le  libre  choix  du  peuple 
d'Alexandrie,  ne  tarda  pas  à  devenir  à  son  tour  leur  client. 
Chassé  d'Alexandrie  par  ce  même  peuple  indigné  de  ce 
qu'il  s'était  laissé  prendre  l'île  de  Cypre,  il  dut  se  réfugier 
à  Rome  et  y  solliciter  par  toutes  sortes  de  bassesses  les 
secours  nécessaires  à  la  reprise  de  son  pouvoir.  Pompée, 
alors  consul,  lui  donna  des  lettres  pour  Gabinius,  gou- 
verneur de  Syrie,  qu'il  acheva  de  gagner  avec  des  présents. 
C'est  ainsi  qu'il  put  rentrer  en  55  à  Alexandrie,  accom- 
pagné d'une  légion,  et  s'y  maintenir  avec  une  garde  de 
soldats  gaulois  que  lui  laissa  Gabinius.  En  vertu  de  son 
testament,  dont  Pompée  avait  été  constitué  dépositaire, 
Aulète  eut  pour  successeurs  son  fils  Ptolémée  (Neos  Dyo- 
nysios),  âgé  de  treize  ans,  et  sa  fille  Cléopâtre,  qui  en  avait 
dix-sept.  Les  secours  que  cette  dernière  envoya  à  Pompée 
pendant  sa  guerre  contre  J.  César,  la  firent  chasser 
d'Alexandrie  où  elle  ne  rentra  que  rappelée  par  César  après 
sa  victoire.  L'ingérence  des  Romains  dans  les  affaires  des 
Ptolémées  ne  tarda  pas  à  blesser  les  Alexandrins,  excités, 
d'ailleurs,  par  l'eunuque  Pothin,  Théodote  et  Achillas, 
ministres  du  jeune  Ptolémée,  qui  l'entretenaient  dans 
une  perpétuelle  aversion  de  sa  sœur.  Une  armée  de 
22,000  hommes,  commandée  par  Achillas,  marcha  sur 
Alexandrie.  César  s'enferma  dans  le  Bruchion  avec  Cléo- 
pâtre qu'il  refusa  de  livrer  au  peuple  en  délire  et  soutint 
un  siège  qui  ne  prit  fin  qu'à  l'arrivée  des  renforts  envoyés 
par  Domitius  Calvinus.  Ptolémée  s'était  constitué  son  pri- 
sonnier. Victorieux,  César  consentit  à  le  délivrer,  estimant 
que  le  groupement  de  toutes  les  forces  autour  du  roi,  loin 
de  lui  créer  de  nouvelles  difficultés,  lui  permettrait  de 
s'emparer  de  l'Egypte  par  une  victoire  décisive.  Et,  en 
effet,  à  peine  rendu  à  la  liberté,  Ptolémée  prit  le  comman- 
dement de  son  armée,  essuya  une  première  défaite  en 
essayant  d'arrêter  au  passage  Mithridate  de  Pergame  qui  se 
portait  au  secours  de  César,  puis  fut  battu  et  perdit  la  vie 
dans  une  seconde  rencontre  avec  les  troupes  de  ce  dernier 
(47).  Fidèle  exécuteur  du  testament  d'Aulète,  César  n'usa 
pas  de  sa  victoire  pour  s'emparer  de  l'Egypte,  mais  appela 
le  jeune  frère  de  Ptolémée  à  régner  conjointement  avec 
Cléopâtre.  Celle-ci  resta  d'ailleurs  après  comme  avant  la 


véritable  souveraine  du  pays.  La  mort  de  son  second  mari, 
empoisonné  après  un  très  court  règne,  ne  changea  donc 
rien  à  la  situation.  Elle  se  résigna  à  régner  dans  la  dépen- 
dance de  Rome,  dont  les  légions  restaient  en  permanence 
en  Egypte.  César  assassiné,  elle  prit  parti  pour  les  trium- 
virs et  obtint  la  reconnaissance  de  son  fils  Césarion  comme 
roi.  On  sait  comment  elle  s'empara  de  l'esprit  d'Antoine 
qui  l'avait  mandée  à  Tarse  pour  s'expliquer  sur  son  attitude 
pendant  la  guerre  civile.  Elle  sut  se  servir  habilement  de 
lui  pour  étendre  les  possessions  de  l'Egypte  :  c'est  ainsi 
qu'elle  se  fit  donner  toute  la  région  orientale  du  bassin 
de  la  Méditerranée,  la  Phénicie,  la  Syrie,  une  partie  de  la 
Cilicie,  Chypre,  l'Arabie  des  Nabatéens,  en  somme,  la  plu- 
part des  pays  en  relations  commerciales  avec  Alexandrie. 
Antoine  ayant  répudié,  pour  l'épouser,  sa  femme  Octavie, 
sœur  de  son  collègue  Octave,  celui-ci  le  fit  accuser  devant 
le  Sénat  d'avoir  démembré  l'Empire  et  destituer.  La  guerre 
fut  déclarée  à  Cléopâtre.  La  bataille  navale  d'Actium, 
perdue  par  Antoine,  suivie  bientôt  de  l'invasion  de  l'Egypte 
par  les  légions  d'Octave,  mit  à  néant  les  desseins  gran- 
dioses de  Cléopâtre.  Après  la  prise  d'Alexandrie,  leur 
dernier  refuge,  Antoine  et  Cléopâtre  se  donnèrent  la  mort, 
le  premier  pour  ne  pas  tomber  vivant  aux  mains  de  son 
rival,  la  dernière  après  avoir  vainement  essayé  ses  charmes 
sur  Octave,  et  pour  échapper  à  l'humiliation  d'être  exhibée 
vivante  à  son  triomphe  (30).  L'Egypte  fut  réduite  en  pro- 
vince romaine. 

Une  légende  assez  consolante  pour  l'amour-propre  du 
peuple  vaincu  faisait  naître  Alexandre  d'Olympias  et  du  roi 
sorcier  Nectanébo  réfugié  en  Macédoine.  Soter  étant  consi- 
déré comme  fils  de  Philippe,  il  en  résultait  que  les  Lagides 
avaient  tous  les  droits  possibles  à  la  double  couronne.  Ce 
rôle  de  pharaon  que  leur  prêtait  l'imagination  populaire, 
ils  le  jouèrent,  il  faut  bien  le  dire,  avec  un  art  consommé. 
Ils  en  prirent  le  costume  parce  qu'il  symbolisait  la  toute- 
puissance  royale,  et,  comme  le  roi  d'Egypte  devait  être 
dieu,  ils  se  firent  du  même  coup  adorer;  ne  se  refusant 
pas  d'ailleurs  à  prendre  part  eux-mêmes  au  culte  rendu 
aux  dieux  et  aux  anciens  rois  du  pays,  en  leur  qualité  de 
chefs  de  la  rehgion.  Est-il  besoin  de  dire  qu'ils  conser- 
vèrent scrupuleusement  toutes  les  cérémonies  et  tous  les 
usages  relatifs  à  la  royauté  :  panégyries  annuelles,  asso- 
ciation du  prince  héritier  au  trône  paternel,  mariages  entre 
frères  et  sœurs,  pratique  funéraire  de  l'embaumement,  etc. 
Mais  ils  ne  s'en  tinrent  pas  à  ce  formalisme.  Leur  poUtique 
extérieure  fut  celle  des  pharaons.  Sans  doute,  ils  laissèrent 
subsister  en  toute  indépendance  le  royaume  d'Ethiopie 
dont  les  pharaons,  depuis  Pepi  jusqu'à  Ramsès  III,  s'étaient 
efforcés  de  faire  une  province  égyptienne  ;  mais  c'est 
qu'avec  les  migrations  successives,  le  royaume  de  Napata 
s'était  civilisé  à  l'égal  de  l'Egypte,  et,  s'il  ne  pouvait  plus 
prétendre  renouveler  les  exploits  des  Piankhi,  des  Sabacon, 
et  de  Taharqa,  il  avait  au  moins  la  prétention  de  n'être  pas 
traité  en  quantité  négligeable.  Ce  fut  surtout  du  côté  de 
l'Asie  et  de  la  Libye  que  s'orienta  la  poHtique  des  La- 
gides :  l'histoire  de  leur  dynastie  est  remplie  d'un  bout  à 
l'autre  de  leurs  démêlés  et  de  leurs  guerres  avec  celle  des 
Séleucides;  en  cela  ils  furent,  consciemment  ou  non,  les 
vrais  continuateurs  des  grands  pharaons  thébains,  qui  ne 
purent  supporter  une  puissance  rivale  entre  le  Nil  et 
l'Euphrate.  Mais  là  où  ils  les  surpassèrent,  ce  fut  dans 
la  politique  commerciale.  Ils  réussirent  à  se  faire  les 
premiers  clients  des  Arabes  en  leur  offrant,  comme  le 
remarque  G.  Lumbroso,  une  route  moins  dispendieuse  e  t 
moins  longue  que  celle  de  la  Phénicie  et  de  la  Syrie,  et  la 
possibilité  de  se  débarrasser  le  plus  rapidement  et  aux  meil- 
leures conditions  de  leurs  marchandises,  et  cela  en  mettant 
la  main  sur  les  territoires  voisins  de  la  Syrie  et  de  la 
Palestine,  en  multipUant  les  points  de  relâche  sur  le  lit- 
toral de  la  mer  Rouge,  en  rétablissant  le  canal  de  l'isthme 
de  manière  à  diriger  tout  le  courant  indo-arabique  sur 
Alexandrie.  Malheureusement,  les  navigateurs,  astreints  à 
ne  jamais  perdre  de  vue  les  côtes,  mettaient  des  années  à 


EGYPTE 


688  — 


faire  le  cercle  des  échelles  de  la  mer  Rouge  et  de  la  mer 
des  Indes,  et  le  commerce  par  caravane  était  encore  plus 
rapide  et  plus  actif  que  le  commerce  maritime.  Ce  fut  seu- 
lement à  la  fin  de  la  dynastie  lagide,  sous  le  règne  d' A u- 
lète  (72)  qu'un  marin  du  nom  d'Hippalos  constata  1  exis- 
tence de  la  mousson  et  comprit  l'importance  du  parti  qu'on 
pouvait  tirer  de  la  périodicité  de  ce  vent  soufflant  la  moitié 
de  l'année  de  l'O.  à  l'E.,  et  de  l'E.  à  l'O.  l'autre  moitié,  pour 
navi^uer  en  pleine  mer.  Il  va  sans  dire  que  cette  colossale 
exteiition  des  relations  commerciales  de  l'Egypte  se  fit 
pour  le  plus  grand  profit  des  Grecs  qui  y  résidaient.  Aussi 
bien  avait-elle  été  leur  œuvre  exclusive.  Toutefois,  pour 
ce  qui  est  du  commerce  avec  les  Indes,  il  faut  bien  recon- 
naître qu'ils  n'arrivèrent  jamais  à  supplanter  les  Arabes, 
mais  ils  prirent  le  sage  parti  de  les  accepter  comme  inter- 
médiaires, trop  heureux  de  réserver  le  monopole  des 
transactions  entre  la  mer  Rouge  et  la  Méditerranée.  Ces 
transactions  s'opéraient  alors  sur  un  immense  reseau 
comprenant  la  Troglody tique,  l'Ethiopie,  les  oasis  du  dé- 
sert libyque,  la  Marmarique,  la  Cyrénaïque,  l'Afrique  (avec 
le  sens  restreint  qu'avait  alors  ce  nom,  applique  au  httoral 
occidental  de  la  Syrte),  Carthage,  Marseille,  T Italie,  la 
Sicile  la  péninsule  et  l'archipel  helléniques,  la  Crète, 
Rhodes  et  Chypre,  la  CiUcie,  Tyr,  Ptolémaïs,  Joppé,  As- 
pîîloîi    etc 

La'  constitution  et  l'administration  de  l'Egypte  sous  les 
Lagides  furent  un  très  habile  compromis  entre  l'organisa- 
tion indigène  primitive  et  la  conception  cosmopolite  que 
pouvait  se  faire  d'un  Etat  monarchique  une  hgnée  de 
princes  profondément  imbue  des  idées  d'Alexandre.  Autour 
du  roi  se  trouvait  groupée  une  hiérarchie  nobiliaire,  à  la 
fois  égyptienne,  persane  et  macédonienne  :  les  parents  du 
roi  (auYY£V£Tç),les  gardes  du  corps  {àpx^<3MiL<x-:o^^ùl(x^Aii^ei 
aa)[j.aiocpaa>t£ç),les  amis  (cpaoi),les  envoyés (siaaYYSÀeiç) 
et  les  parents  catèques  (auYï^vcTç  xàxoixoi).  A  ces  titres 
nobiliaires,  qui  étaient  à  l'origine  les  désignations  de  véri- 
tables fonctions,  s'ajoutaient  certains  titres  mihtaires  de- 
venus purement  honorifiques.  C'était  dans  cette  noblesse 
que  se  recrutaient  les  hauts  fonctionnaires  du  palais, 
Vépitrope,  ou  régent,  personnage  dont  l'autorité  balançait 
quelquefois  la  puissance  royale, le  garde  du  sceau  qui  était 
aussi  directeur  du  musée  et,  en  sa  qualité  de  prêtre 
d'Alexandre  et  des  Ptolémées,  le  chef  du  cierge  grec  et  indi- 
gène ;  les  archypérètes  ou  payeurs  généraux  des  troupes 
macédoniennes,  l'archicynège  ou  grand  veneur,  l'arche- 
deatre  ou  principal  majordome.  Au  point  de  vue  adminis- 
tratif, l'Egypte  restait,  à  l'exception  des  communautés 
grecques  d'Alexandrie,  de  Ptolémaïs  et  deNaucratis,  divisée 
en  nomes  qui  se  subdivisaient  en  cités  (xoS^xai)  et  terri- 
toires cultivés  (xoTuoi).  Le  nome  était  administré  par  un 
nomarque  ou  stratège  (charge  devenue  civile  de  militaire 
qu'elle  était  à  l'origine)  qui  avait  en  sous-ordre  un  épis- 
tate  du  nome,  autorité  essentiellement  judiciaire;  la  cite 
par  Vépistate  de  la  cité,  sorte  de  gouverneur-juge,^  et  les 
territoires  cultivés  par  un  toparque  assisté  d'un  épime- 
lète.  Le  stratège  avait  sous  ses  ordres  un  interprète,  un 
agoranome  ou  intendant  des  marchés,  des  ingénieurs 
chargés  du  service  technique  de  l'irrigation  et  des  autres  tra- 
vaux publics,  des  laocrites  ou  juges  de  paix,  et  enfin  les 
nombreux  cheiks  de  tous  les  villages  du  nome  (Ttpsa'oiixspoi) . 

Postérieurement,  l'administration  provinciale  de  l'Egypte 
fut  divisée  en  trois  épistratégies  ou  vice-royautés  :  la  Rasse- 
Eoypte,  l'Heptanomide  ou  Moyenne-Egypte,  et  la  Haute- 
E^ypte  avec  HéUopolis,  Memphis  et  Ptolémaïs  pour  chefs- 
lieux,  mais  sans  préjudice  des  nomes,  passés  au  degré  de 
subdivision.  Cette  complication  du  rouage  administratif 
porta  aussi  sur  les  nomes  qui  se  subdivisèrent  en  topar- 
chies.  Alexandrie,  capitale  de  l'Egypte  en  même  temps  que 
cité  grecque,  c.-à-d.  divisée  en  phyles  et  en  dèmes,  avait  le 
privilège  de  posséder  une  administration  centrale  et  une 
administration  locale.  En  tant  que  municipalité,  elle  avait 
une  (BouXtI  ou  conseil  élu.  Elle  était  le  siège  d'un  exégete, 
d'un  hypomnématographe,  d'un  archidicaste  ou  président  de 


la  cour  d'appel  (les  30  juges  royaux  :  10  pour  Memphis, 
40  pour  Thèbes,  10  pour  Héliopolis),  d'un  stratège  de 
nuit,  d'un  alabarque  ou  directeur  des  contributions,  du 
diœcète  ou  ministre  des  finances,  de  l'hypodioecète  et  des 
autres  hauts  fonctionnaires  de  l'administration  des  finances, 
l'économe  et  le  basilicogrammate  desquels  dépendaient  tous 
les  comogrammates  et  topogrammates  de  l'Egypte.  Ptolé- 
maïs, fondée  par  Soter  sur  l'emplacement  de  Psoï  (aujour- 
d'hui Menschieh)  venait  par  rang  d'importance  après  Alexan- 
drie :  son  organisation  était  entièrement  grecque.  Naucratis, 
l'ancienne  colonie  milésienne,  avait  des  timouques  et  un 
hellenion.  Les  décrets  de  Rosette  et  de  Canope  divisent 
les  temples  de  l'Egypte  en  trois  classesselon  leur  importance. 
Chaque  temple  élait  desservi  par  une  corporation  de  prêtres 
composée  de  plusieurs  cpuXai,  dirigée  par  des  phylarques. 
Chaque  temple  avait  un  conseil  de  vingt  à  vingt-cinq  prêtres  re- 
nouvelable chaque  année  etchargéde  régler  toutesles  afl'aires 
intérieures  et  extérieures  du  temple.  La  hiérarchie  sacer- 
dotale, telle  qu'elle  nous  est  donnée  par  les  mêmes  décrets, 
comprenait  les  grands  prêtres  (ipx^epeXç)  qui  pouvaient 
être  grecs,  les  prophètes,  les  hiérotolistes,  les  ptérophores 
et  les  hiérogrammates.  L'organisation  militaire  des  Lagides 
présente  le  même  caractère  de  complexité  qui  se  retrouve 
alors  dans  toutes  les  institutions  de  l'Egypte.  Elle  comprend 
les  diadoques,  troupe  d'élite  macédonienne  casernée  autour 
du  palais,  les  catèques  ou  territoriaux  qui  composaient  les 
colonies  militaires.  On  donnait  souvent  le  nom  ô-'épigones 
aux  catèques  nés  dans  le  pays,  c.-à-d.  fils  des  premiers 
colons,  vétérans  qui  s'établirent  après  les  conquêtes.  Ces 
colons  étaient  de  toutes  races.  L'armée  active  se  composait 
de  mercenaires  (Çsvoi  et  ^laôocpdpot)  et  de  troupes  indi- 
gènes (l-^yfyjpioi). 

Les  empereurs  romains  conservèrent  en  grande  partie 
l'œuvre  des  Ptolémées.  L'Egypte  resta  jusqu'à  l'époque 
de  Dioclétien  divisée  en  épistratégies,  nomes,  topar- 
chies,  etc.  L'épistratège  était  un  fonctionnaire  romain 
ayant  des  pouvoirs  civils  et  miUtaires.  Le  stratège  ou  no- 
marque demeura  ce  qu'en  avaient  fait  les  Ptolémées  en  lui  en- 
levant ses  attributions  militaires,  un  magistrat  doublé  d'un 
percepteur;  la  charge  était  triennale  et  faisait  partie  de 
celles  dont  l'exercice  était  confié  aux  indigènes  grecs  ou 
égyptiens.  Les  villes  grecques,  indépendantes  des  épistraté- 
gies, gardèrent  leur  autonomie.  Toutefois,  Auguste  rem- 
plaça le  conseil  élu  d'Alexandrie  par  une  administration 
dont  le  chef  portait  le  ûireàejuridicus  Alexandriœ,  Ce 
juridicus  ne  dépendait  que  de  l'empereur.  Quant  aux  an- 
ciennes fonctions  d'archidicaste,  d'exégète,  d'hypomnéma- 
tographe  et  de  stratège  de  nuit,  elles  furent  respectées  par 
la  réforme  d'Auguste.  Ajoutons  enfin  que  les  cultes  natio- 
naux ne  reçurent  aucune  entrave . 

Ainsi  organisée  avec  sa  population  quasi  cosmopolite  de 
7,800,000  habitants,  dont  un  miUion  de  Juifs,  son  admi- 
nistration à  trois  couches  (égypto-gréco-romaine)  qui  se 
servait  du  grec  comme  langue  officielle,  son  activité  reli- 
gieuse que  le  mouvement  philosophique  n'avait  nullement 
contrariée,  l'Egypte  faisait  partie  de  ce  qu'on  appelait  les 
provinces  impériales,  c.-à-d.  de  celles  qui  avaient  été 
affranchies  du  contrôle  et  de  la  juridiction  du  Sénat  et 
qu'Auguste  s'était  réservées  vu  leur  importance  pour  la 
sécurité  et  la  stabilité  de  l'Empire.  Elle  forma  même  une 
catégorie  à  part  dans  la  catégorie  des  provinces  impériales 
et  fut  classée  proprement  comme' bien  privé  de  l'empereur 
(l'Bio;  XoYoç).  C'est  ainsi  que  les  domaines  royaux  devin- 
rent domaines  d'Auguste  et  les  impôts  ses  revenus.  Il  fut 
interdit  aux  sénateurs  et  smx  équités  illustres  d'y  i^ênètver 
et  inversement  aux  Egyptiens  qui  avaient  reçu  le  droit  de 
cité  romaine  d'exercer  des  fonctions  pouvant  donner  accès 
au  Sénat.  Sous  Caracalla,  les  citoyens  d'Alexandrie  purent 
être  admis  au  Sénat;  les  Egyptiens  des  nomes  ne  le  purent 
jamais.  Le  représentant  de  l'empereur  était  pris  parmi  les 
chevaUers.  Il  avait  le  titre  de  prœfectus  JEgypti  ou 
Augustalis,  comme  on  l'appela  plus  tard,  était  vis-à-vis  de 
l'empereur  dans  la  condition  d'un  intendant  (procurator) 


689  - 


EGYPTE 


et  vis-à-vis  des  Egyptiens  dans  celle  d'un  vice-roi.  Muni 
des  pleins  pouvoirs  civils  et  du  haut  commandement  mili- 
taire, mais  sans  les  faisceaux,  il  nommait  à  tous  les  emplois, 
sauf  ceux  que  s'était  réservés  l'empereur;  il  percevait 
l'impôt,  mais  ne  pouvait  l'établir  de  lui-même.  L'armée 
d'occupation  se  composa  de  trois  légions  sous  Auguste,  de 
deux  sous  Tibère,  d'une,  accompagnée  de  corps  auxiliaires, 
à  partir  de  Trajan.  Le  commandement  en  fut  confié  à  des 
chevaliers  (prœfectus  castorum).  La  réorganisation  de 
Dioclétien  plaça  l'Egypte  dans  le  diocèse  d'Orient.  Ce  diocèse 
comprenait  cinq  provinces  :  4°  yEgyptus  Jovia  (la  Basse- 
Egypte),  à  rO.  du  Nil;  2<^  i^gyp^tus  Herculia,  plus  tard 
Augustammica  ;  3°  Thebaïs;  ¥  Libya  inferior;  5*^  Libya 
superior  (Cyrénaïque).  Plus  tard,  une  sixième  province  fut 
ajoutée  par  une  coupure  de  l'Augustammique  à  l'Arcadia 
(du  nom  d'Arcadius,  le  premier  empereur  d'Orient). 
^  Nous  ne  pouvons  donner  ici  qu'une  chronologie  très  suc- 
cincte des  principaux  faits  historiques  de  l'Egypte  romaine 
et  chrétienne  (an  30  av.  J.-C.-640  apr.  J.-C).  Auguste  : 
Révolte  de  quelques  villes  de  la  Haute-Egypte,  dont  f  hèbes, 
réprimée  par  Cornélius  Gallus,  le  premier  préfet  ;.  révolte 
d'Alexandrie  à  cause  de  l'impôt,  réprimée  par  Petronius,  suc- 
cesseur de  C.  Gallus  ;  expédition  en  Arabie,  d'iElius  Gallus, 
lieutenant  de  Petronius.  La  frontière  méridionale  ayant  été 
dégarnie  par  la  mobilisation  du  corps  de  C.  Gallus,  la  reine 
d'Ethiopie,  Candace,  en  profita  pour  s'introduire  en  Egypte 
et  ravager  la  Thébaïde.  Elle  fut  repoussée  jusqu'à  Napata, 
sa  capitale,  par  Petronius,  demanda  à  traiter  et  envoya  des 
ambassadeurs  à  Auguste,  qui  leur  accorda  l'exemption  du 
tribut  imposé  par  son  préfet.  Aucun  fait  d'importance  sous 
Tibère  ;  c'est  lui  qui  écrivit  au  préfet  d'Egypte,  ^milius 
Aulus,  trop  zélé  dans  son  rôle  de  procurator,  qu'il  voulait 
bien  tondre  les  brebis,  mais  non  les  égorger.  Sous  Cali- 
gula,  l'esprit  turbulent  des  Juifs  leur  aliéna  le  préfet  Avi- 
tius  Placcus,  qui  les  persécuta  sans  merci.  Sous  Claude,  ils 
attaquèrent  les  Alexandrins  pour  revendiquer  les  privilèges 
qui  leur  avaient  été  enlevés,  entre  autres  celui  d'avoir  à 
leur  tête  un  ethnarque  de  leur  nation.  L'empereur  leur 
donna  raison.  Le  fait  le  plus  saillant  du  règne  de  Néron 
est  l'expédition  qu'il  envoya  à  la  découverte"^  des  sources 
du  Nil.  Le  préfet  Tibère  Alexandre  reconnut  Galba  et 
Othon  ;  mais,  pressentant  l'avènement  de  Vespasien,  alors 
en  Syrie,  il  n'en  fit  pas  autant  à  l'égard  de  Vitellius.  Sous 
Vespasien,  les  querelles  des  Juifs  avec  les  Grecs  et  la 
préfecture  redoublèrent.  L'empereur  donna  l'ordre  d'abattre 
le  temple  bâti  par  Onias.  Il  ne  le  fut  complètement  que 
deux  ans  après  (73),  lorsque  tout  moyen  de  répression  fut 
épuisé.  Les  trois  règnes  suivants  (Titus,  Domitien,  Nerva) 
sont  muets  sur  le  chapitre  de  la  politique  ;  mais  c'est  à 
ce  moment  que  se  place  un  fait  capital  dans  l'histoire  du 
christianisme,  la  fondation  de  l'église  d'Alexandrie  par 
saint  Marc. 

L'avant-dernière  année  du  règne  de  Trajan  (H 6),  les 
Juifs  de  Cyrène  se  soulèvent  contre  les  Grecs  et  les 
Romains  et  mettent  en  fuite  M.  Rutilius  Lupus,  parti 
d'Alexandrie  pour  comprimer  la  révolte.  L'empereur  envoie 
alors  Martius  Turbo  pour  lui  porter  secours  et  pacifier  le 
Delta,  où  s'était  propagée  l'insurrection.  Le  calme  ne  re- 
vint complètement  que  sous  Adrien.  Il  ne  fut  pas  de  longue 
durée.  Les  perturbateurs  furent  cette  fois  des  Egyptiens. 
La  querelle  fut  vive  :  il  s'agissait  d'un  Hapis.  Adrien 
visita  l'Egypte  avec  l'impératrice  Sabine  ;  il  fit  restaurer 
la  tombe  de  Pompée  ;  il  alla  voir  et  entendre  la  statue  de 
Memnon  (V.  ce  mot).  Son  favori  Antinous  s'étant  noyé 
dans  le  Nil,  il  le  plaça  au  rang  des  dieux  et  bâtit  en  son 
honneur  la  ville  d'Antinoë.  Sous  les  derniers  Antonins  se 
place  la  dévastatit)n  de  l'Egypte  par  les  bandes  armées 
d'Isidore.  Avidius  Cassius  sauva  Alexandrie  et  extermina 
les  rebelles.  Il  était  simple  légat.  Déçu  dans  son  ambition 
lorsque  Marc  Aurèle  confia  la  préfecture  à  Flavitius  Calvi- 
tius,  il  se  révolta  et  se  fit  proclamer  empereur  par  les 
légions  de  Syrie.  Son  usurpation  lui  coûta  la  vie  ainsi 
qu'à  son  fils.   Passons  sur  Commode  et  ses  successeurs. 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —    XV. 


Les  empereurs  syriens  se  signalèrent  par  leurs  persécu- 
tions contre  les  chrétiens.  C'est  au  temps  de  Septime 
Sévère  que  vivait  le  célèbre  Origène  dont  le  père,  Léonide, 
fut  une  des  principales  victimes  du  préfet  Lœtus  et  qui 
remplit  l'Egypte  de  ses  controverses  avec  le  patriarche  Démé- 
trius.  Caracalla  n'étabht  pas  de  distinction  religieuse  dans 
ses  cruautés:  les  chrétiens,  les  juifs,  les  païens  eux-mêmes 
en  eurent  leur  part.  Il  livra  Alexandrie  aux  fureurs  de  la 
soldatesque  pour  se  venger  des  railleries  des  Alexandrins. 
L'agitation  religieuse  et  les  sanglants  désordres  qui  mar- 
quèrent les  règnes  précédents  ainsi  que  ceux  de  Macrien  et 
d'Héliogabale  firent  place  sous  Alexandre  Sévère  à  une 
bienfaisante  accalmie.  L'Egypte  put  respirer  ;  les  lettres 
et  les  arts  se  mirent  à  refleurir  comme  par  enchantement. 
Sous  les  règnes  éphémères  de  Maximin  et  de  ses  six 
successeurs,  les  persécutions  contre  les  chrétiens  conti- 
nuèrent sans  relâche  ;  elles  atteignirent  leur  comble  sous 
l'empereur  Decius  (250).  Son  préfet  Sabinus  se  montra 
d'une  telle  cruauté  qu'en  quelques  mois  les  déserts  du 
Sinaï  et  de  la  Thébaïde  se  peuplèrent  d'anachorètes.  La 
violence  était  alors  tellement  entrée  dans  les  mœurs  qu'une 
fois  les  persécutions  arrêtées,  les  chrétiens  livrés  à  eux- 
mêmes  s'abandonnèrent  à  toutes  les  fureurs  des  contro- 
verses théologiques  (hérésie  de  Sabellius).  A  ces  querelles 
succédèrent  (car  les  Alexandrins  ne  pouvaient  se  passer 
de  tumultes)  les  troubles  causés  par  la  rivalité  de  Macrien  et 
du  préfet  Emilien.  Emilien  se  fit  proclamer  empereur  par  la 
foule  et  la  soldatesque  ;  son  exemple  fut  suivi  par  d'autres 
ambitieux  ;  on  put  même  voir  autant  de  candidats  à  l'Empire 
que  de  quartiers  dans  Alexandrie.  Toutefois  Emilien  l'em- 
porta sur  ses  coprétendants.  Il  put,  grâce  aux  embarras  où 
était  l'empereur  Gallien,  jouir  deux  ans  du  pouvoir  ;  mais 
le  légat  Théodote,  envoyé  avec  une  armée,  le  défit  en  plu- 
sieurs rencontres  et  le  fit  étrangler  dans  sa  prison.  Théodote 
fut  à  son  tour  expulsé  par  le  parti  de  Macrien  qui  usurpa 
la  pourpre.  Il  s'associa  au  trône  ses  deux  fils,  Macrien  et 
Quietus.  Comme  celle  d'Emilien,  son  autorité  ne  dura  que 
deux  ans.  Il  fut  vaincu  et  tué  avec  son  fils  Macrien  en 
Illyrie,  où  il  avait  eu  l'audace  de  marcher  contre  Gallien. 
Quant  à  Quietus,  qui  était  resté  en  Egypte,  le  prince 
arabe  Odenat,  époux  de  la  fameuse  Zénobie,  se  chargea  de 
l'évincer.  Ce  ne  fut  pas  Odenat,  mort  assassiné,  mais  la  reine 
de  Palmyre  qui  s'empara  de  l'Egypte  alors  lasse  du  joug 
des  Romains,  mais  incapable  de  d'éfendre  sa  liberté.  Aidée 
de  l'Egyptien  Timagène,  elle  triompha  de  Zabdas  qui  com- 
mandait le  parti  des  indépendants  et  entra  dans  Alexandrie, 
mais  en  fut  chassée  par  Probatus  qui  restaura  la  domina- 
tion impériale.  Timagène  étant  revenu  à  la  charge  avec  des 
renforts,  Probatus  fut  battu  et  Zénobie  reprit  pour  trois  ans 
possession  de  l'Egypte.  Ce  fut  Probus,  général  de  l'em- 
pereur Aurélien,  qui  l'en  chassa.  Il  n'en  avait  pas  fini  avec 
les  usurpateurs.  En  273,  un  négociant  d'Alexandrie,  enrichi 
dans  le  commerce  des  papyrus,  Firmus,  qui  avait  appar- 
tenu au  parti  palmyrénien,  se  souleva  à  son  tour  et,  aidé 
des  Arabes  et  des  Blemmyes  avec  lesquels  il  entretenait 
des  rapports  commerciaux,  devint  maître  de  l'Egypte  et 
prit  la  pourpre.  Probus  lui  infligea  trois  défaites,  le  fit 
prisonnier  et  le  livra  à  ses  licteurs.  Après  le  règne  court 
et  insignifiant  de  Tacite  et  de  Florien,  Probus  lui-même 
arriva  à  l'Empire;  l'usurpation  de  Saturninus,  son  préfet, 
qu'il  croyait  d'une  fidélité  éprouvée,  l'obligea  à  intervenir 
une  troisième  fois  en  Egypte.  Coptos  et  Ptolémaïs  avaient 
pris  une  grande  part  au  mouvement  insurrectionnel;  elles 
furent  sévèrement  châtiées.  La  poursuite  et  l'expulsion 
des  Blemmyes,  qui  avaient  envahi  la  Thébaïde  à  la  faveur 
de  ces  désordres,  achevèrent  de  pacifier  l'Egypte.  Mais  la 
paix  ne  fut  pas  de  longue  durée.  Le  coup  d'Etat  d'Achilleas 
exigea  quelques  années  plus  tard  l'intervention  de  l'empe- 
reur Dioclétien.  L'histoire  a  conservé  le  souvenir  des  ré- 
pressions terribles  de  cet  empereur,  qui  s'était  déjà  signalé 
dès  le  début  de  son  règne  comme  un  des  plus  fervents 
persécuteurs  du  christianisme.  La  plupart  des  villes  qui 
avaient  tenu  pour  Achilleas  furent  livrées  à  toutes  les 


EGYPTE 


—  690  - 


horreurs  de  la  guerre,  Alexandrie  en  première  ligne.  Dio- 
clétien  avait  donné  l'ordre  qu'on  n'arrêtât  le  massacre  que 
lorsque  les  flots  de  sang  baigneraient  les  genoux  de  son 
cheval.  Après  avoir  reconquis  l'Egypte  sur  son  préfet  ré- 
volté, Dioclétien  en  fut  encore  réduit  à  la  reconquérir  sur 
les  Blemmyes.  Désireux  de  s'éviter  une  campagne  pénible, 
il  obtint  l'évacuation  des  provinces  par  leurs  bandes  en  leur 
offrant  un  tribut  avec  un  traité  aux  termes  duquel  ils  s  enga- 
gèrent à  faire  la  police  du  haut  Nil.  Nous  n'avons  pas  ici  à 
Sous  occuper  des  dispositions  que  prit  Dioclétien  au  sujet  de 
l'Empire,  du  partage  qu'il  en  fit  d'abord  avec  Maximilien 
Hercule,  puis  avec  Constance  Chlore  et  Maximilien  Galère. 
Nous  avons  déjà  fait  allusion  à  sa  réorganisation  adminis- 
trative à  propos  de  l'incorporation  de  la  provmce  d  Egypte 
dans  le  diocèse  d'Orient.  . 

Avec  Constantin  s'ouvre  une  ère  nouvelle.  Le  christia- 
nisme est  devenu  en  Egypte,  comme  dans  le  reste  de  1  Em- 
pire la  religion  de  l'Etat;  l'autorité  des  gouverneurs  ou 
praesides  s'efface  devant  celle  des  patriarches.  Les  contro- 
verses théologiques  passent  au  premier  plan  et  la  question 
reUffieuse  absorbe  les  forces  vives  du  pays.  Celle  de  1  aria- 
nisme,  qui  divisa  la  chrétienté  pendant  plus  de  deux  siècles, 
remplit  tout  le  règne  de  Constantin.  On  sait  que  cet  empe- 
reur, d'abord  défavorable  à  la  doctrine  d'Arien,  lors  du 
patriarcat  d'Alexandre  qui  fit  condamner  l'hérésiarque  par 
le  concile  de  Nicée  (325),  s'y  rallia  complètement  au  temps 
d'Athanase  que  de  graves  accusations  perdirent  dans  son 
esprit  On  le  représentait  comme  s'étant  opposé  au  trans- 
port des  blés  d'Egypte  dans  la  nouvelle  capitale  de  l'Empire. 
A  l'exemple  de  son  père,  l'empereur  Constance  qui  avait  eu 
l'Orient  en  partage,  embrassa  l'arianisme.  De  là  source  de 
conflits  avec  l'Eglise  orthodoxe.  Le  patriarche  Athanase, 
délivré  par  Constantin  le  Jeune  de  l'interdit  qui  pesait  sur 
lui  était  rentré  à  Alexandrie  aux  acclamations  de  ses  par- 
tisans. Mais  de  nouvelles  accusations  au  sujet  des  distribu- 
tions de  blé  (privilège  qui  était  passé  de  la  préfecture  au 
patriarcat)  provoquèrent  sa  condamnation  par  le  concile  de 
341  et  sa  destitution  par  l'empereur.  Son  successeur, 
Gréeoire  de  Cappadoce,  dut  céder  devant  les  démonstrations 
de  ses  partisans  qui  en  étaient  venus  aux  mams  avec  les 
léffions  et  surtout  devant  les  injonctions  de  Constant  qui 
réenait  à  Rome.  Constance  ne  voulut  pas  braver  les  menaces 
de  son  père  et  consentit  à  la  réinstallation  d'Athanase. 
Réexpulsé  après  la  mort  de  Constant  et  remplacé  par 
George,  puis  rentré  dans  Alexandrie  sous  Julien,  après  le 
meurtre  de  George,  Athanase  s'aliéna  par  son  fanatisme  et 
ses  violences  l'empereur  païen,  et  dut  reprendre  la  fuite  pour 
reparaître  triomphalement  sous  Julien.  Enfin  l'empereur 
Valens,  sous  le  règne  duquel  il  mourut  (373)  prit  son 
parti  de  le  tolérer,  autant  à  cause  de  son  grand  âge  que 
de  sa  popularité.  Le  patriarche  Pierre,  son  successeur,  tut 
dépouillé  par  Valens  au  profit  de  l'arien  Lucien;  mais 
Théodore  expulsa  Lucien  et  le  rétablit.  Le  règne  de  Valens 
fut  marqué  par  des  persécutions  dirigées  contre  les  moines, 
le  monachisme  étant  alors  la  plaie  de  l'Egypte;  celui  de 
Théodose  par  des  persécutions  dirigées  contre  les  ariens  qui 
furent  dépossédés  du  patriarcat  et  des  églises,  et  contre 
les  païens  dont  les  temples  furent  fermés  par  1  edit  de  sm. 
Le  patriarche  Théophile,  chargé  de  l'exécution  du  décret, 
s'acquitta  de  cette  tâche  avec  un  zèle  implacable.  Un  grand 
nombre  de  temples  furent  détruits;  ceux  qui  restèrent 
debout  furent  convertis  en  églises.  Ces  mesures  portèrent 
un  rude  coup  au  paganisme,  qui  n'eut  d'autre  refuge  que 
les  sociétés  secrètes  ou  la  Nubie,  au  delà  du  commilitiiim, 
c.-à-d.  au  S.  d'ibrim.  Le  temple  d'Isis,  à  Philse,  fut  aussi 
conservé  en  vertu  d'une  tolérance  spéciale. 

A  la  mort  de  Théodose  (39o),  la  scission  complète  entre 
les  deux  empires  d'Orient  et  d'Occident  eut  pour  résultat  de 
rattacher  l'Egvpte  à  Byzance.  La  condition  de  l'Egypte  n  en 
fut  pas  meilleure.  Aux  maux  que  lui  avait  fait  éprouver 
l'irruption  des  barbares  à  l'O.  et  à  l'E.  du  delta  (les  Ma- 
ziques,  les  Austuriens,  les  Arabes)  vinrent  se  joindre  les 
désordres  intérieurs  causés  par  le  mauvais  état  des  finances 


et  les  exactions  du  fisc.  En  même  temps,  le  fanatisme  de 
Théophile,  après  s'être  exercé  contre  les  ariens  et  les  païens, 
se  donna  carrière  contre  ses  propres  partisans  ;  il  déclara  la 
guerre  aux  moines  et  aux  évêques,  mais,  comme  ceux-ci  lui 
résistèrent,  il  en  vint  tout  de  suite  aux  sçrands  moyens  et 
expédia  contre  eux  des  bandes  armées  qui  prirent  d'assaut 
les  cellules  et  massacrèrent  les  anachorètes.  Son  neveu  et 
successeur  Cyrille  rivahsa  avec  lui  d'intrigues  et  de  vio- 
lence. Les  trente  ans  que  dura  son  patriarcat  furent  rem- 
plis de  ses  attaques  contre  les  juifs,  contre  les  noyatiens, 
contre  le  préfet  Oreste,  contre  Hypathie  qu'il  fit  ignomi- 
nieusement massacrer  par  ses  moines,  enfin  contre  Nestorius, 
patriarche  de  Byzance.  Son  successeur,  Dioscore,  prit  une 
grande  part  à  l'un  des  événements  religieux  les  plus  con- 
sidérables, à  la  propagande  de  l'hérésie  monophysite  qui 
ne  devait  pas  tarder  à  détrôner  complètement  le  catholi- 
cisme en  Egypte.  Il  avait  pris  la  défense  d'Eutychès  devant 
le  concile  d'Ephèse  et  employé  tous  les  moyens  pour  obtenir 
son  absolution.  Condamné  par  le  concile  de  Chalcédoine  que 
provoqua  l'empereur  Marcien  en  451 ,  il  ne  se  crut  tenu  à 
aucune  espèce  de  ménagement  et  commença  dès  lors,  en 
faveur  de  l'hérésie  monophysite,  une  campagne  acharnée 
qui  se  traduisit  par  la  conversion  de  l'Egypte  entière.  Puis, 
pour  répondre  au  décret  de  Marcien  qui  interdisait  en  Egypte 
tout  concile  ou  toute  discussion  concernant  le  dogme, 
il  fit  arrêter  les  blés  à  destination  de  Constantinople  et  jeta 
sur  la  Palestine  et  la  Syrie  de  véritables  bandes  de  mis-- 
sionnaires.  Sans  l'énergique  résistance  de  Marcien,  qui 
envoya  une  garnison  en  Egypte,  expulsa  Dioscore  et  affama 
Alexandrie  en  détournant  les  convois  de  blé  par  la  branche 
pélusiaque,  le  schisme  desdeux  Eglises  étaitunfait  accomph. 
A  la  même  époque  se  placent  deux  incursions  des  Blemmyes, 
repoussées,  l'une  par  le  chambellan  de  l'empereur,  Maximi- 
Hen,  l'autre  par  le  préfet  Florus.  Sous  le  règne  de  Léon  (457- 
474),  les  eutychéens  d'Alexandrie  se  soulèvent,  égorgent 
le  patriarche  melkite  Proterius  et  portent  au  patriarcat  le 
moine  Thimothée  Aïlouros,chef  de  la  sédition.  L'empereur 
répondit  à  cette  manœuvre  révolutionnaire  en  envoyant 
comme  patriarche  un  certain  Thimothée  surnommé  Salofa- 
kiolos,  avec  une  bonne  garnison  pour  l'appuyer.  Tant  que 
régna  Zenon,  les  eutychéens,  domptés,  en  furent  réduits  à 
attendre  les  événements,  mais  sa  mort  fut  le  signal  des 
désordres.  Les  querelles  que  provoqua  sa  succession  et 
qui  durèrent  trois  ans,  favorisèrent  tour  à  tour  les  melkites 
et  les  eutychéens,  selon  que  Zenon  l'emporta  sur  Baziliscjue 
ou  Bazilisque  sur  Zenon.  En  477,  Zenon  ayant  été  vain- 
queur de  son  rival,  Ailouros,  qui  avait  pu  reprendre  sous 
le  gouvernement  de  Bazilisque  possession  de  son  patriarcat, 
fut  chassé  et  réduit  à  s'empoisonner.  Le  peuple  lui  donna 
comme   remplaçant    un    des    meurtriers    de   Proterius, 
Pierre  Mongos  (le  Bègue),  mais  le  préfet  rétablit  Salofa- 
kiolos  et  Mongos  dut  attendre  sa  mort  pour  rentrer  en  pos- 
session du  patriarcat,  cette  fois  avec  l'investiture  de  Zenon 
et  contre  le  gré  du  peuple,  qui  avait  abandonné  Mongos 
pour  un  certain  Talaïa.  Si  Mongos  fut  dans  cette  circons- 
tance le  candidat  de  Zenon,  c'est  qu'il  avait  abjuré  l'euty- 
chéisme.  Il  ne  lui  en  coûta  pas  davantage  de  redevenir 
eutychéen  sous  l'empereur  Anastase,  dont  le  règne  vit  la 
doctrine  monophysite  s'implanter  d'une  manière  définitive 
en  Egypte.  Ce  résultat  ne  se  produisit  pas  sans  de  vives 
résistances  du  parti  melkite,  qui  était  pourtant,  il  faut 
bien  le   dire,  sorti  très  affaibli   de   la   crise   religieuse 
suscitée  par  l'édit  de  Zenon.  Mais  ces  résistances  ne  purent 
empêcher  l'eutychéen  Nikeoclès  de  succéder  à  Mongos,  m 
Dioscore  II  de  succéder  à  Nikeoclès.  Si  à  ces  causes  de 
troubles  on  ajoute  l'effroyable  rigorisme  du  fisc  qui  exi- 
geait du  numéraire  où  l'on  pouvait  s'acquitter  en  nature, 
les  honteuses  concussions  des  préfets  et  de  leurs  acolytes, 
la  famine  et  la  peste,  on  aura  une  idée  de  l'Egypte  au 
temps  de  l'empereur  Anastase  (491-518).  Sous  le  règne 
de  son  successeur,  Justin  P^  (518-527),  Alexandrie  fut 
en  proie  aux  désordres  provoqués  par  les  polémiques  des 
deux  eutychéens  Juhen  et  Sévère.  Sous  celui  de  Justinien, 


-  69d  - 


EGYPTE 


le  sanctuaire  de  Philse,  dernier  reste  du  paganisme,  fut 
fermé  et  pillé  par  Narsès  que  l'empereur  avait  envoyé  contre 
les  Blemmyes.  L'Egypte  ne  sortit  pas  du  régime  de  fiscalité 
effrénée  ni  des  troubles  religieux.  Il  suffisait  que  l'empereur 
intronisât  un  nouveau  patriarche  pour  que  le  peuple  lui 
opposât  un  rival  ;  d'où  querelles  sanglantes  dans  les  rues 
d'Alexandrie  entre  les  partisans  de  l'un  et  les  partisans  de 
l'autre.  La  garnison  avait  fini  par  n'avoir  plus  d'autre  raison 
d'être  que  d'assurer  la  perception  de  l'impôt  et  d'appuyer 
le  patriai'che  qui  avait  la  confiance  de  l'empereur  en  le 
débarrassant  de  son  concurrent.  C'est  ainsi  que  les  soldats 
de  Narsès  expulsèrent  Gainas  que  le  peuple  avait  opposé  à 
Théodore,  créature  de  l'impératrice  Théodora.  Mais  Théo- 
dore ne  put  se  maintenir,  et  Justinien  lui  donna  comme 
remplaçant  le  moine  orthodoxe  Paul  de  Tanis  avec  des 
droits  presque  iUimités.  Il  est  vrai  qu'il  le  rappela  plus 
tard  et  l'envoya  en  exil  pour  avoir  conspiré  quelques  années 
plus  tard  (551). 

Justinien  poussa  le  mépris  de  l'Egypte  jusqu'à  lui 
envoyer  comme  patriarche  un  capitaine  de  sa  garde,  Apolli- 
naire, qui  fit  militairement  son  entrée  à  Alexandrie  avec 
un  corps  de  troupe,  et  n'apparut  vêtu  des  ornements  pon- 
tificaux qu'à  l'église  où  le  peuple  l'avait  suivi,  et  par  un 
véritable  coup  de  théâtre.  Cette  sorte  de  mascarade  se  ter- 
mina dans  le  sang.  De  l'avènement  de  Justin  II  jusqu'à  la 
mort  de  Phocas  (565-610)  nous  n'avons  à  enregistrer  que 
des  luttes  sanglantes  entre  les  melkites  et  lesjacobites,  les 
cruautés  sans  nombre  des  empereurs  soucieux,  semble- 
rait-il, de  creuser  de  plus  en  plus  le  fossé  qui  séparait 
l'Egypte  de  Byzance,  Phocas  poussant  même  l'imprévoyance 
jusqu'à  édicter  l'exclusion  des  Egyptiens  de  toutes  les 
places  de  l'Etat  et  de  la  province.  Les  juifs  n'échappent 
pas  à  ces  persécutions  ;  mais  ce  sont  surtout  les  jacobites 
que  poursuit  la  haine  implacable  de  Phocas.  C'est  tout  au 
plus  si  dans  cette  terrible  période  l'Egypte  peut  jouir  de 
quatre  ans  de  repos  sous  le  règne  trop  court  de  Tibère  IL 
A  la  faveur  de  ce  calme,  les  différentes  sectes  de  l'euty- 
chéisme  se  fondirent  en  une  seule  secte  en  acceptant  le 
corps  de  doctrine  qu'avait  coordonné  le  moine  Jacobus 
Baradeos.  Dès  lors,  il  n'y  eut  plus  en  Egypte  que  des  jaco- 
bites et  des  melkites.  Sous  le  règne  d'IIéraclius,  ce  gouver- 
neur d'Afrique  qui  avait  détrôné  et  mis  à  mort  l'usurpa- 
teur Phocas,^  l'Egypte  subit  deux  invasions  :  la  première 
(615)  du  roi  de  Perse,  déjà  maître  d'une  grande  partie  de 
l'Orient,  et  que  les  juifs  et  les  jacobites,  fatigués  de  l'oppres- 
sion byzantine,  reçurent  comme  un  libérateur,  la  seconde 
(639)  d'Amrou,  heutenant  dukhahfe  Omar.  Avec  la  compli- 
cité de  Mokoukos  (ou  Makaukas),  préfet  de  k  Moyenne- 
.  Egypte  et  chef  du  parti  jacobite,  il  entra  dans  Memphis, 
s'empara  de  la  forteresse  de  Babylone  et  marcha  sur 
Alexandrie,  où  l'élément  melkite  (c-à-d.  les  Grecs)  opposa  la 
plus  opiniâtre  résistance.  Enfin  après  quatorze  mois  de 
siège,  lasse  de  n'avoir  reçu  aucun  secours  de  Byzance,  où 
s'agitaient  les  compétiteurs  à  la  succession  d'Héraclius, 
Alexandrie  se  rendit  (22  déc.  640),  et  l'Egypte,  heureuse 
des  garanties  que  lui  offrait  le  vainqueur,  échangea  avec 
empressement  le  joug  cruel  et  lourd  des  empereurs  de 
Byzance  contre  celui  des  sectateurs  triomphants  de  Maho- 
met. La  domination  romaine  (y  compris  celle  du  Bas-Empire) 
avait  été  de  426  ans  ;  celle  des  successions  d'Arcadius  de 
244  ans.  Georges  Bénédite. 

Egypte  musulmane.  —  Dès  628,  le  prophète  Moham- 
med, dans  sa  naïveté  d'apôtre  heureux,  avait  pensé  pouvoir 
traiter  d'égal  à  égal  avec  les  rois  de  la  terre,  ainsi  qu'il 
appelait  les  potentats  voisins  de  sa  péninsule.  Chacun  d'eux 
avait  été  sommé  par  lui  de  choisir  entre  la  guerre  et  l'is- 
lam. Ces  démarches  étranges  et  hardies  à  la  fois  n'obtin- 
rent pas  le  succès  que  le  prophète  des  Arabes  en  attendait. 
Seul  le  moqauqis  d'Egypte  (préfet  indigène),  Djoreïdj,  fils 
de^  Mînâ,  montra  des  dispositions  amicales;  il  envoya 
même  des  présents  consistant  en  un  mulet,  un  âne  et 
une  femme,  Marie  la  Copte,  que  Mohammed  s'empressa 
d'épouser.  Quelques  années  plus  tard,  sous  le  règne  d'Omar 


ibn  el-Khattâb,  deuxième  calife  (639-644),  les  musulmans 
devaient  trouver  en  lui  un  utile  allié.  L'empire  sassanide 
de  Perse  venait  de  tomber  sous  leurs  coups  ;  la  Syrie  tout 
entière  était  occupée  militairement.  Restait  l'Egypte,  prin- 
cipal objet  de  leur  convoitise.  Cette  province  faisait' partie 
de  l'empire  romain  et  obéissait  alors  à  Héraclius,  treizième 
successeur  d'Arcadius.  Sa  population,  véritable  mosaïque 
de  nations  et  de  races,  était  formée  de  deux  éléments  abso- 
lument distincts,  vivant  juxtaposés,  mais  nullement  mêlés, 
de  deux  castes  politiques  et  ethnographiques  :  les  gouver- 
nants et  les  gouvernés,  les  melkites  et  les  jacobites.  Les 
premiers  étaient  les  Grecs  affluant  de  Byzance,  tous  revê- 
tus d'emplois  et  de  fonctions  militaires  ou  administratives, 
exacteurs  impitoyables,  colons  insolents,  presque  tous 
appartenant  à  la  religion  orthodoxe.  Les  seconds  compre- 
naient les  descendants  des  anciens  maîtres  du  sol,  les  Coptes 
ou  Egyptiens,  race  d'agriculteurs  et  d'artisans,  craintive, 
paisible,  faite  au  joug  depuis  plusieurs  siècles;  ils  avaient 
généralement  embrassé  l'hérésie  d'Eutvchès  ou  des  mono- 
physites,  propagée  dans  la  vallée  du  Nif  par  Jacob  Baradée, 
mort  évêque  d'Edesse  en  578.  Tout  s'opposait  donc  à  une 
fusion  entre  ces  deux  populations  d'un  même  pays  :  les 
haines  de  race,  l'inimitié  du  vaincu  à  l'égard  du  vainqueur 
et  aussi  les  divergences  religieuses  de  deux  partis  égale- 
ment fanatiques.  De  là  de  perpétuelles  luttes  intestines,  de 
réciproques  excommunications,  qu'entretenaient  la  tyrannie 
des  agents  impériaux  et  l'exaspération  des  indigènes.  Tel 
est  le  singulier  spectacle  qu'offrait  l'Egypte  en  639,  lorsque 
Amribn  El- As  (V.  ce  nom),  l'un  des"^plus  brillants  géné- 
raux de  l'armée  de  Syrie,  envahit  la  contrée  par  El  Arîch, 
Faramâ  (Péluse)  et  Menf  (Memphis).  Alexandrie  était  la 
capitale  grecque  de  l'Egypte,  Menf,  la  capitale  copte.  La 
marche  des  musulmans  fut  une  promenade  militaire  :  les 
Grecs  n'étaient  pas  en  état  de  tenir  la  campagne,  et, 
d'autre  part,  la  population  copte  accueillait  Amr  en  libéra- 
teur. Saisissant  avec  empressement  cette  occasion  inespérée 
de  rompre  avec  Alexandrie  et  son  gouvernement,  le  mo- 
qauqis de  Menf  conclut  avec  Amr  un  traité  par  lequel  les 
Coptes  promettaient  aux  musulmans  une  soumission  en- 
tière. En  échange,  Amr  leur  assurait  la  liberté  religieuse, 
la  sûreté  personnelle,  l'inviolabilité  des  biens,  une  justice 
exacte  et  impartiale.  Les  vexations  arbitraires  et  exhor- 
bitantes  des  préposés  impériaux  furent  remplacées  par  la 
redevance  fixe  et  annuelle  d'un  dinar  par  tête.  Les  clauses 
de  ce  traité  parurent  si  favorables  que  toute  la  population 
des  provinces  se  mit  sous  la  protection  des  Arabes.  Cepen- 
dant l'élément  grec  de  la  population  refusa  de  se  soumettre 
et  se  réfugia  à  Alexandrie  ou  se  retrancha  dans  la  forte- 
resse de  Babylone,  située  sur  la  rive  droite  du  Nil,  un  peu 
au  N.  de  Menf.  Amr  attaqua  cette  forteresse  qui  fit  peu 
de  résistance,  grâce  aux  intrigues  du  moqauqis.  Maître  de 
la  partie  la  plus  considérable  de  l'Egypte,  Amr  marcha  sur 
Alexandrie,  dont  la  prise  pouvait  seïil  lui  assurer  la  pos- 
session du  pays.  Bien  qu'abandonnés  à  leurs  propres  res- 
sources, les  Alexandrins  tinrent  quatorze  mois  contre  les 
assauts  réitérés  des  Arabes,  dans  l'un  desquels  Amr  lui- 
même  fut  fait  prisonnier.  Une  ruse  le  fit  relâcher.  Les 
Grecs  vaincus  gagnèrent  Constantinople  sur  leurs  vaisseaux. 
Amr  avait  perdu  dans  ce  siège  vingt-trois  mille  hommes 
(22  déc.  640).  Selon  une  tradition  peu  authentique,  le  ca- 
life Omar  lui  aurait  donné  l'ordre  de  faire  brûler  ce  qui 
restait  de  manuscrits  dans  les  bibliothèques  d'Alexandrie* 
L'Egypte  subjuguée,  Amr  songea  à  organiser  sa  conquête, 
tandis  que  ses  lieutenants  poussaient  leurs  armes  victo- 
rieuses jusqu'au  pays  de  Barqa  (Cyrénaïque)  et  jusqu'en 
Nubie.  Il  construisit  une  capitale  militaire,  FostcUMisr(Y,  ce 
mot),  avec  une  mosquée  cathédrale  encore  existante  ;  il  y 
établit  sa  résidence,  y  forma  divers  établissements  et  s'ef- 
força de  mettre  en  pratique  un  système  de  sage  et  prudente 
administration.  Tous  les  habitants  furent  soumis  à  une  capi- 
tation  uniforme;  les  anciens  nilomètres  furent  réparés,  de 
nouveaux  furent  construits;  l'ancien  canal  de  Qolzoum,qui 
joignait  le  Nil  à  la  mer  Rouge,  fut  restauré;  d'autres  grands 


EGYPTE 


—  692  — 


travaux  furent  entrepris  et  en  quelque  temps  l'Egypte  se 
trouva  entièrement  régénérée.  L'impôt  avait  rapporté  pen- 
dant la  première  année  de  la  conquête  un  million  de  dinars  ; 
douze  ans  plus  tard  il  produisait  quatorze  millions.  En 
644,  le  premier  soin  d'Oçmân  ibn  Affàn,  successeur  du  calife 
Omar,  fut  de  destituer  Amr  au  profit  de  son  frère  de  lait, 
Abd  AUâh  ibn  Saïd.  Le  nouveau  gouverneur  augmenta  de 
suite  les  impôts  modérés  que  son  prédécesseur  avait  ins- 
titués. Il  conserva  néanmoins  son  poste  jusqu'à  la  mort  du 
calife  (655).  Le  vieil  Amr  ne  fut  remis  en  possession 
de  son  gouvernement  que  sous  Moâwiya,  premier  calife 
omeyyade,  qui  lui  devait  son  élévation  au  trône.  Malheureu- 
sement il  mourut  deux  ans  après  (663).  Dès  lors,  les  Coptes 
purent  se  croire  revenus  aux  pires  jours  de  la  domination 
romaine.  Le  gouvernement  de  l'Egypte  fut  confié  jusqu'à 
l'avènement  des  Abbâsides  (750)  à  une  série  de  créatures 
avides  ou  incapables  qui  mirent  en  coupe  réglée  la  plus 
belle  province  de  l'empire  des  califes.  Aux  actes  d'intolé- 
rance et  de  despotisme  des  âmil,  aux  incarcérations,  aux 
amendes,  aux  confiscations,  au  pillage  des  églises  et  des 
monastères,  aux  massacres,  les  Egyptiens  répondirent  par 
d'inutiles  révoltes  aussitôt  étouôëes    dans  le   sang.  Ils 
jouirent  toutefois  d'un  repos  relatif,  et  le  pays  recouvra  un 
instant  sa  prospérité  sous   l'administration  bienfaisante 
d'Abd  el-Azîz,  frère  du  calife  Abd  el-Malik,  de  685  à  705. 
Quarante-cinq  ans  plus  tard,  l'Egypte  saluait  avec  enthou- 
siasme l'usurpation  d'Aboù'l  Abbàs  le  Sanguinaire,  qui 
venait  de  vaincre  Merwân  II  dans  les  plaines  d'Arbelles  et 
de  fonder  la  dynastie  des  Abbâsides  sur  les  débris  de  celle 
des  Omeyyades  (750).  Merwân  chercha  vainement  un  re- 
fuge sur  les  bords  du  Nil  ;  il  fut  tué  par  trahison  quelques 
mois  après  sa  défaite.  Dans  la  crainte  que  la  jouissance 
d'une  autorité  aussi  lointaine  n'inspirât  à  leurs  délégués 
des  idées  d'indépendance  et  d'usurpation,  les  chefs  de  l'is- 
lam eurent  plus  soin  que  jamais  de  changer  souvent  les 
titulaires.  Malgré  ces  fréquentes  mutations,  l'Egypte,  heu- 
reuse sous  le  nouveau  régime,  resta  tranquille  et  soumise. 
Depuis  la  conquête  du  pays  par  Amr  ibn  el-As  jusqu'à 
l'apparition  d'Ahmed  ibn  Toùloùn  sur  la  scène  politique, 
c.-à-d.  en  l'espace  de  deux  cent  vin^t-huit  ans,  il  n'y  eut 
pas  moins  de  cent  quatorze  nominations  de  gouverneurs, 
dont  cinq  sous  les  califes  légitimes,  trente  et  une  sous  les 
Omeyyades  et  soixante-dix-huit  sous  les  Abbâsides  ;  quel- 
ques-uns de  ces  proconsuls  étaient  restés  quinze  jours  en 
place,  d'autres  avaient  dû  résigner  leurs  fonctions  à  deux 
et  trois  reprises. 

Toûloimides  (868-905).  Pendant  la  dernière  période, 
qui  fut  une  époque  d'intrigues  et  de  conspirations  perma- 
nentes à  la  cour  de  Baghdâd,  il  arriva  rarement  que  les 
personnages  influents  nommés  au  gouvernement  des  pro- 
vinces, se  déterminassent  à  quitter  la  métropole  pour  aller 
résider  dans  leurs  gouvernements.  Ils  les  faisaient  admi- 
nistrer en  leur  nom  par  des  lieutenants  qui  étaient  leurs 
hommes-liges.  L'administration  de  l'Egypte  était  ainsi 
partagée  entre  plusieurs  vice-gouverneurs,  les  uns  com- 
mandant à  Postât,  d'autres  à  Alexandrie,  à  Syoùt  ou  à 
Assouân.  Le  pouvoir  n'y  était  pas  concentré  dans  les  mêmes 
mains,  mais,  dans  chacune  de  ces  préfectures,  l'armée  avait 
un  chef  particulier,  tandis  qu'un  autre  fonctionnaire  était 
chargé  de  l'administration  civile  et  de  la  levée  des  impôts. 
En  868,  le  gouverneur  de  l'Egypte,  Bakbak,  avait  fait 
choix  d'un  nommé  Ahmed  ibn  Toùloùn  pour  son  lieute- 
nant militaire  à  Postât,  confiant  l'administration  civile  et 
financière  à  un  autre  agent  ;  puis  il  était  retourné  à  la 
cour,  en  Iraq.  Ahmed  était  fils  d'un  esclave  affranchi 
originaire  du  Turkestan,  qui  avait  su  obtenir  d'El-Màmoùn 
et  de  ses  successeurs  plusieurs  emplois  honorables.  Lui- 
même  avait  hérité  de  la  faveur  dont  avait  joui  son  père 
(f  853).  Homme  supérieur  et  d'une  éducation  distinguée, 
il  devint  bientôt  assez  puissant  dans  Postât  pour  rendre 
son  autorité  égale  à  celle  d'un  gouverneur  en  titre  et  pour 
soumettre  par  les  armes  ceux  de  ses  collègues  qui  préten- 
daient conserver  dans  les  différentes  préfectures  de  l'Egypte 


leur  indépendance  vis-à-vis  de  lui.    En  872,  il   obtenait 
du    calife  le  titre  de  gouverneur  et,  dès  lors,  investi  de 
toute   l'administration  politique  et  financière,  de  tous  les 
pouvoirs  civils  et  militaires  de  l'Egypte,  il  agit  en  souve- 
rain maître,  tout  en  se  reconnaissant  le  vassal  d'El-Motamid. 
Le  palais  des  anciens  gouverneurs  lui  étant  devenu  insuf- 
fisant par  suite  de  l'expansion  de  sa  maison,  de  ses  arme- 
ments et  de  ses  richesses,  il  construisit  à  l'E.  de  Postât 
la  cité  militaire  à'El-Qatâï  (les  fiefs),  avec  un  hôpital,  une 
citadelle,  un  palais  et  la  splendide  mosquée  qui  porte  son 
nom  ;  en  outre,  il  répara  le  phare  d'Alexandrie,  le  nilo- 
mètre  de  Rauda,  les  canaux  de  la  Basse-Egypte,  fonda  la 
ville  de  Rachîd  (Rosette);  enfin  il  réduisit  de  100,000  dinars 
les  impôts  vexatoires  de  ses  prédécesseurs.  En  877,  il 
s'empara  de  la  Syrie   dans  une  seule  campagne  :  c'était 
rompre  ouvertement  avec  le  calife,  ou  plutôt  avec  le  gérant 
de  l'empire,  El-Mouwaffaq,  qui  tenait  son  frère  El-Motamid 
dans  une  étroite  tutelle.  Lorsqu'il  mourut,  après  un  règne 
de  dix-huit  ans  (884),  son  fils  Khomâroùyah  recueillit  sans 
conteste  son  vaste  héritage.  Dès  lors,  la  souveraineté  des 
califes  de  Baghdâd  sur  l'Egypte  n'est  plus  que  nominale  et 
ne  consiste  qu'en  un  droit  d'investiture  et  un  tribut  annuel 
de  3  millions,  rarement  payé.  Au  demeurant,  les  relations 
entre  vassal  et  suzerain  étaient  des  plus  amicales,  et  c'est 
pour  cimenter  ces  relations  que  Khomâroùyah  fit  épouser 
au  calife  sa  propre  fille,  Qatr  en-Nadâ  (Goutte  de  Rosée), 
qui  reçut  en  dot  un  million  de  dinars  et  dont  les  noces 
furent  célébrées  avec  un  luxe  inusité.  Véritable  monarque, 
Khomâroùyah  dépassa  son  père  en  faste  et  en  munificence. 
Les  historiographes  arabes  décrivent   avec  admiration  les 
merveilles  contenues  dans  le  palais  d'El-Qatâï,  les  statues 
représentant   le  prince  et  ses  femmes,  les  jardins,  les  vo- 
lières, la  ménagerie,  un  lac  tout  de  mercure,  etc.  C'est  de 
tout  l'éclat  de  la  richesse  et  de  la  puissance  que  brilla  le 
règne  des  deux  premiers  Toùloùnides.  Sous  leur  gouver- 
nement très  populaire,  l'Egypte  eut  pour  la  première  fois 
une  force  et  une  existence  spéciales  ;  elle  fut  dotée  d  une 
marine  respectable,  son  revenu  fut  porté  à  300  millions  de 
pièces  d'or,    l'agriculture   fut   encouragée,  les  arts,  les 
sciences  et  les  lettres  furent  aussi  en  faveur  qu'à  la  cour  de 
Baghdâd. Mais  avec  Khomâroùy a,  assassiné  en  895,  s'anéan- 
tit la  splendeur  de  cette  dynastie,  qui  semblait  cependa|t 
fermement  assise  et  qui  ne  dura  pas  plus  de  trente-sept  an^. 
La  faiblesse  et  l'inexpérience  des  deux  fils  de  ce  prince,  trop 
jeunes  pour  régner,  une  incursion  des  Carmathes  et  surtout 
l'insubordination  des  émirs  d'Egypte  et  de  Syrie,  pous- 
sèrent le  calife  El-Moktafî  à  profiler  des  circonstances 
pour  faire  rentrer  ces  deux  provinces  sous  son  autorité  im- 
médiate (905).  ,     .^       ,^  .       ^^ 
L'Egypte  releva  de  nouveau  des  Abbâsides.  Mais  cette 
reprise  de  possession  fut  précaire  et  de  bien  courte  durée  ; 
elle  contribua  à  exciter  les  convoitises  d'un  antagoniste 
dont  le  parti,  depuis  un  demi-siècle,  révolutionnait  le  monde 
musulman  et  sapait  sourdement  la  puissance  décrépite  de 
la  maison  d'Abbâs.  Je  veux  parler  du  soi-disant  mahdî 
Obeid  Allah,  fondateur  de  la  dynastie  fameuse  des  Pâti- 
mites  qui  devait  rompre  avec  le  califat  orthodoxe  de  Baghdâd 
par  un  schisme  éclatant,  à  la  fois  politique  et  rehgieux. 
Cet  Obeid  Allah  se  vantait  d'être  issu  de  Pâtima,  fille  du 
Prophète  et  femme  d'Alî  ibn  Abi  Tâlib.  Mais  on  sait  au- 
jourd'hui ce  qu'il  faut  penser  de  cette  prétention.  Il  était 
en  réalité  le  petit-fils  de  l'oculiste  persan  Abd  Allah  ibn 
Meïmoùn,  sous  la  direction  duquel  s'était  formée,  vers  870, 
une  vaste  société  secrète  se  disant  ismâïlienne  (chyïte)  et 
n'ayant  d'autre  but  que  la  ruine  de  l'islamisme  officiel 
et  de  la  dynastie  abbâside.  De  là  sortirent  les  sectes  re- 
doutables des  Carmathes,  des  Druzes  et  des  Assassins 
(V.  ces  mots).  Investi  du  pontificat  Ismaïlien,  Obeid  Allah 
passa  en  902  de  Syrie  en  Afrique  oii  l'attendait  une  armée 
de  partisans  recrutés  par  ses  dâï  ou  missionnaires.  En 
908,  grâce  à  de  faciles  conquêtes,  son  empire  embrassait 
une  partie  du  Maroc  actuel,  l'Ifrikîya  (Afrique  proprement 
dite),  la  Cyrénaïque  et  la  Tripolitaine,  sans  compter  la 


—  693- 


ÉGYPTE 


Sicile,  Malte,  la  Sardaigne  et  les  Baléares.  Les  Aghlâbites 
étaient  à  peine  chassés  de  Qaïrouân,  les  Idrîsites  trem- 
blaient encore  dans  Fez,  que  déjà  le  regard  du  mahdî 
se  tournait  vers  l'Orient,  vers  l'Egypte.  Trois  armées 
d'invasion  pénétrèrent  simultanément  dans  le  Delta;  mais 
elles  furent  victorieusement  repoussées  par  les  troupes 
abbàsides  (912).  Une  seconde  expédition  lui  valut  la  pos- 
session définitive  du  Fayoùm  et  d'Alexandrie.  Entre  temps, 
comme  il  lui  fallait  une  capitale  neuve,  il  avait  fondé  El-Mah- 
dîya;  comme  il  lui  fallait  un  titre,  à  défaut  d'aïeux,  il 
s'était  fait  proclamer  calife,  s'attribuant  les  droits  exclu- 
sifs de  la  légitimité,  à  l'égal,  d'ailleurs,  des  califes  de  Cor- 
doue  et  de  Baghdâd. 

Ikhchîdites  (935-969).  En  934,  son  fils,  El-Qâim, 
lui  succéda  dans  sa  puissance  comme  dans  ses  grands  des- 
seins. Aux  précédentes  conquêtes  il  ajouta  le  Saïd,  malgré 
les  préparatifs  de  défense  et  les  efforts  du  gouverneur  de 
l'Egypte,  général  brave  et  habile,  Aboù  Bekr  Mohammed 
ibn  Toghdj,  dont  le  père  avait  été  un  des  principaux  émirs 
des  princes  Toùloùnides.  Les  Abbàsides  ne  possédaient 
donc  plus  en  Afrique  que  la  vallée  inférieure  du  Nil  ;  ils 
étaient  à  la  veille  de  se  voir  enlever  pour  toujours  ce  lam- 
beau d'une  province  qui  avait  constitué  le  plus  beau  fleu- 
ron de  leur  couronne.  Dès  l'année  935,  sous  le  califat  de 
l'efféminé  Er-Râdi  Billâh,  Mohammed  ibn  Toghdj,  témoin 
de  l'anarchie  profonde  qui  régnait  d'une  extrémité  à  l'autre 
de  l'empire,  ne  comptant  plus  d'ailleurs  que  sur  lui- 
même  et  sur  le  peuple  égyptien  pour  préserver  le  pays 
contre  une  nouvelle  tentative  du  dehors,  arbora  le  drapeau 
de  l'indépendance  et  força  le  chef  de  l'islam  à  reconnaître 
son  usurpation.  Il  prit  le  titre  d'El-lkhchid  qui  éi2iii  celui 
des  rois  du  Ferghânah  (Sogdiane)  dont  il  disait  descendre  et 
transmit  à  ses  fils  un  pouvoir  héréditaire  que  brisa,  trente- 
quatre  ans  plus  tard  le  Fâtimite  El-Mouïzz  li-Dîn  Allah.  En 
effet,  l'avènement  d'Ahmed,  petit-fils  de  El-Ikhchîd,  à  l'âge 
de  onze  ans  et  dans  un  temps  de  peste,  de  famine  et  de 
guerre,  ayant  été  le  signal  de  graves  désordres,  les  émirs, 
soucieux  de  mettre  un  terme  à  la  période  de  dure  misère 
que  traversait  l'Egypte,  résolurent  de  recourir  à  l'inter- 
vention d'un  prince  étranger.  Ils  appelèrent  El-Mouïzz, 
arrière-petit-fils  du  mahdî  Obeïd  AUâh.  Celui-ci  ne  fit  pas 
attendre  longtemps  sa  réponse.  Il  rassembla  une  armée 
d'élite  et  la  lança  vers  l'Est  sous  le  commandement  suprême 
du  Grec  Djauhar  qu'il  chargea  de  prendre  possession  de  la 
Basse-Egypte  en  son  nom  et  de  fonder  sur  les  bords  du 
grand  fleuve  une  capitale  capable  de  rivaliser  avec  la  Bagh- 
dâd abbâside.  En  juin  969,  Djauhar  campait  sous  les  murs 
de  Fostât;  une  victoire  décisive  remportée  sur  les  partisans 
des  Ikhchîdites  lui  en  ouvrait  les  portes.  La  khotba  {Sal- 
vum  fac)  fut  aussitôt  récitée  par  Djauhar  au  nom  des  Fâ- 
timites,  acte  solennel  qui  consacrait  l'avènement  de  la 
nouvelle  dynastie. 

Fâtimites  (969-ii7i).  Sans  perdre  de  temps,  Djauhar 
se  mit  en  devoir  d'achever  se  mission.  A  l'endroit  même 
où  les  troupes  maghrébines  avaient  dressé  leurs  tentes, 
c.-à-d.  un  peu  au  au  N.  d'El-Qatâï  et  à  une  certaine  dis- 
tance du  Nil,  les  assises  d'une  nouvelle  capitale  furent 
jetées,  chaque  corps  d'armée  fondant  un  quartier  auquel  il 
donna  son  nom  ou  celui  de  son  chef.  Lorsque,  trois  ans 
après  (973), le  camp  fut  devenu  ville  (la  ville  victorieuse, 
El-Qâhira),  que  la  célèbre  mosquée  El-Azhar  et  l'immense 
palais  construit  pour  le  calife  (93,495  m.  q.  de  superficie) 
furent  complètement  terminés,  El-Mouïzz  quitta  El-Mahdîya 
avec  sa  cour,  son  harem  et  ses  volumineux  trésors  et  trans- 
porta au  Caire  le  siège  du  califat  (V.  Caire).  Le  rêve  du 
mahdî  se  trouvait  enfin  réalisé  :  El-Mahdîya,  dans  sa  pen- 
sée, n'avait  été  qu'un  abri  provisoire.  Dans  l'intervalle, 
Djauhar  avait  réorganisé  et  dégrevé  l'Egypte  ;  il  avait 
conquis  la  Syrie  en  moins  de  temps  qu'il  n'en  faut  pour  la 
parcourir,  rattachant  à  l'Egypte  cette  province  qui  ne 
devait  cesser  d'en  faire  politiquement  partie  que  de  nos 
jours.  L'Egypte  avait  souffert  des  dernières  guerres  :  El- 
Mouïzz  et  son  successeur  El-Azîz  réussirent  à  lui  rendre 


la  prospérité  d'autrefois.  A  partir  de  cette  époque,  les 
Fâtimites  soutinrent  avec  avantage  la  lutte  spirituelle 
engagée  de  longue  date  avec  les  califes  orthodoxes  de 
Baghdâd.  Leur  profession  de  foi,  prononcée  du  haut  des 
chaires  dans  toutes  les  mosquées  de  l'Afrique,  de  la  Syrie 
et  de  l'Arabie,  gravée  sur  leurs  monnaies,  brodée  sur  leurs 
étendards  blancs,  fut  :  Il  n'y  a  d'autre  dieu  qu'Allah, 
Mohammed  est  l'envoyé  d'Allah,  Alî  le  chéri  d'AUâh! 
(Là  ilâha  illâ'  llâh  wa-Mohammad  rasoûl  Allah  wa 
Ali  walî  'llâhi).  Avec  le  sixième  caHfe  de  cette  famille, 
El-Hâkim  (996-4020),  qui  fut  bien  le  prince  le  plus  étrange 
de  son  temps,  l'ismâïlisme  prit  de  suite  un  développement 
original  et  fort  éloigné  de  l'esprit  qui  avait  animé  la  secte 
à  ses  débuts.  Tour  à  tour  musulman  bigot,  ou  athée  effréné, 
il  en  vint  à  croire,  sur  la  foi  de  deux  sectaires  étrangers, 
Daràzî  et  Hamza,  qu'il  était  l'incarnation  de  la  divinité. 
El-Hâkim  prétendit  forcer  l'Egypte  à  lui  rendre  les  hon- 
neurs divins.  Cette  conduite  provoqua  au  Caire  un  soulè- 
vement qui  dura  trois  jours  :  le  calife,  par  représailles, 
mit  le  feu  à  la  ville.  Cependant,  toute  une  égHse  se  forma 
autour  de  ce  dieu  de  chair,  et,  quand  il  disparut  subitement 
trois  ans  après  son  apothéose,  probablement  assassiné,  ses 
fidèles  annoncèrent  qu'il  reparaîtrait  dans  son  humanité  au 
jour  de  la  résurrection.  Le  culte  d'El-Hâkim  ne  survécut 
guère  à  son  dieu  en  Egypte,  mais  il  a  subsisté  jusqu'à  nos 
jours  dans  les  montagnes  de  Syrie  :  Darâzî  et  Hamza  y 
ont  laissé  des  disciples  qui,  sous  le  nom  du  premier,  les 
Druzes,  attendent  encore  le  retour  d'El-Hâkim,  homme  et 
dieu.  Le  règne  d'El-Mostansir,  qui  ne  dura  pas  moins  de 
cinquante-huit  ans (1036-94),  marque  l'apogée  delà  dynas- 
tie, mais  cet  apogée  fut  suivi  d'un  désastreux  lendemain. 
El-Mostansir  fut  au  moment  de  rétablir  le  califat  univer- 
sel. Moyennant  des  subsides  en  hommes  et  en  argent,  un 
émir  mécontent,  Afslàn  el-Basâsirî,  général  des  troupes  au 
service  des  Abbàsides,  se  chargea  de  chasser  de  Baghdâd 
le  calife  El-Qâïm,  et  de  le  contraindre  à  renoncer  à  ses 
droits  à  l'imamat  en  faveur  des  Fâtimites.  L'autorité 
d'El-Mostansir  fut  ainsi  reconnue  jusque  dans  le  Khora- 
sân.  El-Qâïm,  affolé,  se  jeta  dans  les  bras  du  Seldjoûqide 
Toghrul  Bey  qui  mit  fin  à  cette  tentative  révolution- 
naire en  rétablissant  lui-même  dix  mois  après  son  suzerain 
sur  le  trône.  Il  est  vrai  qu'il  tint  à  assumer  sur  lui  et  sur 
sa  descendance  toutes  les  responsabilités  du  pouvoir  tem- 
porel (1055).  El-Mostansir  en  fut  pour  ses  frais.  En  Egypte, 
la  situation  se  compliquait  pour  lui  en  raison  de  sa  faiblesse 
et  du  mauvais  gouvernement  de  son  premier  ministre,  El- 
Yâzoùrî.  Une  querelle  entre  un  mercenaire  turc  et  un  soldat 
de  la  milice  nègre  du  calife  alluma  pour  quatre  ans  la 
guerre  civile.  La  victoire  finit  par  rester  à  Nasr  ed-Daula, 
chef  des  Turcs.  Mais,  alors,  l'insolence  et  les  exigences  de 
ceux-ci  ne  connurent  plus  de  bornes;  ils  vendirent  à 
l'encan  les  richesses  accumulées  par  les  Fâtimites,  pillè- 
rent leurs  palais,  brûlèrent  leurs  bibliothèques  et  s'arro- 
gèrent l'autorité  tout  entière.  El-Mostansir,  réduit  au 
dernier  dénuement,  allait  être  déposé,  quand  l'émir  de 
Syrie,  Bedr  el-Djamâlî  (V.  ce  nom) ,  secrètement  appelé  avec 
ses  troupes,  déhvra  l'Egypte  des  factieux  par  un  massacre 
général.  Bedr,  devenu  premier  ministre  et  générahssime 
d'El-Mostansir,  administra  ensuite  l'Egype  pendant  vingt 
ans  en  maître  absolu,  mais  éclairé;  il  y  rétablit  la  paix,  le 
travail  et  l'abondance  absents  depuis  quarante  années. 
Tous  deux  moururent  en  1094  ;  à  cette  date,  les  revenus 
publics  avaient  monté  de  42  millions  à  46  millions  et  demi. 
En  1068,  la  dynastie  des  Zeïrites,  qui  gouvernait  l'Afrique 
fâtimite  depuis  972,  s'était  déclarée  indépendante.  La  Syrie 
allait  bientôt  se  morceler  à  la  suite  des  invasions  franques. 
Châhinchâh  el-Afdal,  fils  et  successeur  de  Bedr  au  vizirat, 
eut  en  effet  à  guerroyer  contre  les  Ortoqides  et  les  Francs 
de  la  première  croisade  qui  lui  prirent  Jérusalem  (1099), 
Les  progrès  des  chrétiens  en  Syrie  et  en  Mésopotamie 
furent  d'ailleurs  singulièrement  favorisés  par  la  rivalité 
entre  les  différents  princes  seldjoùqides  et  par  le  schisme 
qui  divisait  Abbàsides  et  Fâtimites.  Quant  à  l'Egypte, 


EGYPTE 


694  — 


défendue  qu'elle  était  par  ses  déserts  de  l'Est,  elle  resta  pour 
le  moment  en  dehors  de  la  lutte.  Ce  ne  fut  qu'en  4117, 
sous  le  calife  El-Amir,  que  Baudouin  I®^  fit  à  l'improviste 
une  pointe  sur  Faramâ,  qu'il  mit  à  feu  et  à  sang.  Mais  la 
mort  le  surprit  près  d'El-Arîch  et  l'Egypte  fut  pour  cette 
fois  épargnée.  Après  El-Amir,  poignardé  en  1430  par  un 
émissaire  du  Vieux  de  la  Montagne  qui  commençait  à  faire 
trembler  les  monarques  de  l'Orient,  la  décadence  des 
Fâtimites  s'accentue  d'année  en  année.  Les  quatre  derniers 
califes  (1130-1171),  réduits  à  la  nullité,  renfermés  dans 
le  harem  où  ils  se  livrent  à  de  petites  intrigues  entre 
leurs  femmes  et  leurs  mignons,  abandonnent  toute  l'au- 
torité à  leurs  vizirs,  qui  s'arrogent,  du  reste,  avec  la  plé- 
nitude du  pouvoir,  le  titre  de  malik^  roi.  Ces  ministres- 
rois  ont  nom  Roudwân,  Ibn  Sallâr,  Abbâs  qui  tue  le  calife 
Ez-Zàfir  pour  venger  son  fils  du  déshonneur,  Talâï,  son 
fils  Rouzzîk,  Chàwar,  Dirghâm,  Chîrkoûh,  enfin  Salâh  ed- 
Din  (Saladin).  En  cette  dernière  période,  l'Egypte  est  ensan- 
glantée par  les  discordes  de  ces  émirs  turbulents  et  ambi- 
tieux qui  se  disputent  le  gouvernement,  mais  ne  savent  ni 
conserver  Ascalon,  prise  par  les  croisés,  ni  empêcher  les 
Normands  de  Sicile  de  brûler  Tinnis  et  de  menacer  Alexan- 
drie (1153).  En  1163,  sous  El-Adhid,  dernier  prince  de 
cette  dynastie  moribonde,  Châwar,  supplanté  par  Dirgham, 
sollicita  le  concours  de  l'atâbek  de  Syrie,  Noûr  ed-Din,  fils 
de  Zenguî.  Celui-ci,  heureux  de  pouvoir  s'immiscer  dans 
les  affaires  d'Egypte,  envoya  une  armée  commandée  par 
Chîrkoûh  ibn  Châdî,  un  des  principaux  émirs  de  sa  cour, 
qui  emmena  avec  lui  son  neveu  Yoûsouf  Salàh  ed-Din  ibn 
Ayyoûb.  Saladin  marchait  sans  le  savoir  à  la  conquête  d'un 
trône.  Mais  bientôt  Châwar,  rétabli  par  les  armes  des 
Syriens,  se  brouilla  avec  ses  protecteurs.  Pour  s'en  mieux 
débarrasser,  il  appela  à  son  aide  Amaury,  roi  de  Jéru- 
salem, qui  avait  autant  d'intérêt  que  l'atâbek  à  s'emparer 
de  l'Egypte.  Aussi  ce  pays  devint-il,  de  1164  à  1169,  le 
théâtre  d'une  guerre  acharnée.  Amaury,  après  avoir  ravagé 
le  Delta,  fut  bien  vite  aux  portes  du  Caire,  qu'il  espérait 
prendre  et  piller,  pour  se  le  faire  racheter  ensuite  à  prix 
d'or.  Ce  fut  le  tour  du  calife  de  réclamer  l'aide  de  Chîrkoûh 
contre  son  vizir  et  contre  les  Francs.  Ceux-ci  sont  battus  et 
chassés  d'Egypte,  Châwar  est  assassiné  et  le  généralissime 
de  Noûr  ed-Dîn  est  mis  à  sa  place.  Mais  il  meurt  peu  de 
mois  après  (1169),  léguant  son  pouvoir  à  son  neveu  Sa- 
ladin, qui  relègue  El-Adhid  au  tond  de  son  harem,  proclame 
sa  déchéance  et  substitue  à  son  nom,  dans  la  khotba,  celui 
du  calife  abbâside.  Sur  ces  entrefaites,  El-Adhid,  malade 
depuis  longtemps,  meurt  (1171)  se  croyant  toujours  calife; 
Saladin  ne  lui  donne  pas  de  successeur,  mais  gouverne  au 
nom  de  l'atâbek  de  Syrie.  Ainsi  s'éteignit,  entre  les  mains 
d'un  soldat  kurde,  cette  dynastie  fâtimite  qu'un  sectaire 
ambitieux  avait  fondée  deux  siècles  et  demi  auparavant. 

Ayyoûbites  (ii7i-i250).  Toutefois,  ce  ne  fut  pas  sans 
une  vive  opposition  que  le  nouveau  régime  fut  accepté  par 
les  populations  indigènes  sincèrement  attachées  à  la  secte 
d'Alî.  Le  parti  dynastique  comptait  de  nombreux  défen- 
seurs, et  en  1173  une  formidable  conspiration  éclata  pour 
chasser  Saladin  et  rétablir  le  califat  en  la  personne  de 
l'imâm  El-Mostasim,  cousin  d'El-Adhid.  Conduite  par  le 
poète  Ourâra,  cette  conspiration  réunissait  les  Francs,  les 
Assassins  ou  Ismaïliens,  les  nègres  de  la  Haute-Egypte  et 
tous  les  partisans  des  Fâtimites.  Les  Francs  furent  battus 
et  chassés  ;  la  conspiration  formée  au  Caire  fut  étouffée  ; 
quant  aux  Ismaïliens,  ils  avaient  tenté  deux  fois  d'assassiner 
Saladin;  celui-ci  ne  pouvant  les  atteindre  jugera  meilleur 
de  s'aUier  avec  leur  chef  Sinân  (1177).  Dès  lors,  la  réac- 
tion fut  réduite  à  l'impuissance,  et  Saladin  s'appliqua  par 
tous  les  moyens  possibles  à  déraciner  dans  le  pays  les 
principes  du  chyïsme  :  c'est  ainsi  qu'il  détruisit  les  anciennes 
académies  fâtimites  pour  les  remplacer  par  des  collèges 
selon  le  rite  orthodoxe  de  l'imâm  Châfy.  Daus  le  même 
temps,  l'atâbek  Noûr  ed-Dîn,  qui  commençait  à  prendre 
ombrage  de  la  trop  grande  puissance  de  son  lieutenant, 
meurt  (1174).  Sous  prétexte  de  sauvegarder  les  intérêts 


de  son  héritier  au  trône,  Saladin  occupe  la  Syrie  militai- 
rement, puis,  levant  le  masque,  il  se  déclare  indépendant 
tant  en  Egypte  qu'en  Syrie  après  avoir  battu  et  chassé 
le  fils  de  Noûr  ed-Din  et  tous  ses  compétiteurs  (1176).  Les 
croisés  deviennent  alors  ses  ennemis  directs  et  personnels. 
Ils  ne  lui  laissent  pas  le  loisir  d'administrer  par  lui-même 
l'Egypte  où  il  ne  fait  que  deux  courtes  apparitions.  Saladin 
en  confie  le  gouvernement  à  son  lieutenant,  le  légendaire 
Bahâ  ed-Dîn  Qarâqoûck  (l'Oiseau  noir),  qui  s'acquitte  de 
sa  tâche  avec  fidélité  et  intelhgence,  réglant  les  impôts, 
rétablissant  les  canaux  d'inondation,  les  digues  et  les 
chemins,  entourant  Le  Caire  d'une  nouvelle  enceinte  et 
commençant  la  construction  du  château  de  la  Montagne  où 
les  maîtres  de  l'Egypte  habiteront  jusqu'au  milieu  de  ce 
siècle.  La  révolution  opérée  par  Saladin  avait  eu  une  portée 
immense  :  elle  avait  aggravé  la  situation  des  colonies  chré- 
tiennes en  Orient  et  fait  cesser,  au  point  de  vue  pohtique, 
le  grand  schisme  qui  partageait  l'Eglise  musulmane  :  il 
n'y  aura  plus  désormais  qu'un  chef  spirituel,  qui  sera 
sunnite,  c.-à-d.  orthodoxe.  A  la  mort  de  Saladin  (1193), 
ses  fils,  frères,  oncles,  neveux  et  cousins,  toute  la  descen- 
dance d'Ayyoùb,  en  un  mot,  s'apprêtèrent  à  se  partager 
son  vaste  empire.  L'Egypte  échut  à  son  fils  El-Malik  el- 
Azîz  (1193-98).  Mais  bientôt,  d'alliées  qu'elles  étaient,  les 
différentes  branches  de    la  famille  ayyoûbite  devinrent 
ennemies.  El-Adil,  frère  de  Saladin  et  prince  de  Karak, 
s'empara  de  la  sultanie  du  Caire  (1200)  et  réunit  bientôt 
sous  sa  domination  les  apanages  de  ses  neveux.  Cet  homme 
énergique  et  audacieux  tint  en  échec  les  chrétiens  des 
quatrième,  cinquième  et  sixième  croisades  qui  comptaient 
sur  la  division  des  Ayyoûbites.  Son  fils  El-Kâmil  (1218-38) 
ne  put  empêcher  les  Francs  de  remonter  le  Nil  et  de  s'ou- 
vrir, après  un  combat  à  El-Mansoûra,  le  chemin  du  Caire. 
Vainement  il  proposa  un  arrangement  aux  chefs  croisés. 
Enfin,  il  reçut  du   renfort  des  princes  syriens  de  sa 
famille.  Un  mouvement  tournant,  opéré  par  les  musulmans 
qui  rompirent  les  digues  des  canaux  et  livrèrent  l'armée 
chrétienne  au  fléau  de  l'inondation,  obligea  les  croisés  à 
implorer  la  paix  et  à  rendre  Damiette  sans  compensation  : 
l'Egypte    fut   évacuée  (1221).   En   1240,  Es-Sâlih,  fils 
d'El-Kâmil,  tua  El-Adil  II,  son  propre  frère,  et  usurpa  le 
pouvoir.  Son  règne,  comme  celui  de  ses  prédécesseurs, 
offrit  le  triste  spectacle  de  luttes  fratricides,  mêlées  au  duel 
engagé  depuis  cent  cinquante  ans  entre  musulmans  et  chré- 
tiens. Pour  la  septième  fois,  l'Europe  chrétienne  vint  fondre 
en  armes  sur  l'islamisme.  A  la  tête  de  cette  croisade  mar- 
chaient saint  Louis  et  l'élite  de  la  chevalerie  française. 
Tout  d'abord  Damiette,  clef  de  l'Egypte,  est  prise.  L'armée 
sarrasine  vient  prendre  position  devant  El-Mansoûra,  lorsque 
Es-Sâlih  succombe  à  une  maladie  ;  il  venait  de  créer,  pour 
la  ruine  de  sa  dynastie,  la  garde  prétorienne  (halqa)  des 
Mamloûks,  esclaves  turcs  achetés  à  prix  d'argent.  Sa  mort 
est  tenue  secrète  jusqu'après  l'arrivée  de  son  fils  El-Moaz- 
zam  Toûrân  Chah  qui  guerroie  en  Syrie.  Le  6  avr.  1250, 
un  combat  meurtrier  est  livré  devant  El-Mansoûra  que  les 
Francs  mettent  à  sac.  Mais  la  marche  en  avant  de  l'ennemi 
est  arrêtée  par  les  Mamloûks  qui  coupent  ses  commu- 
nications avec  Damiette.  Poursuivis,  harcelés,  décimés,  les 
Francs  battent  en  retraite  sur  Fâriskoûr  où  saint  Louis, 
après  une  lutte  héroïque,  est  capturé  avec  les  princes  et 
les  barons  de  France  survivants.  Le  4  mai,  Toûrân  Chah, 
qui  s'était  vite  aliéné  l'esprit  de  ses  troupes  par  des  rigueurs 
intempestives,  meurt  sous  les  yeux  des  prisonniers  francs, 
assassiné  par  Baïbars  el-Boundoukdâri,  l'un  des  princi- 
paux émirs  mamloûks.  L'Egypte,  ou  plutôt  les  Mamloûks, 
n'avait  plus  de  maître  :  Chadjarat  ed-Dourr,  mère  du 
sultan  massacré,  se  chargea  de  leur  en  donner  un  :  elle  se 
fit  proclamer  reine,   événement  unique    dans  les  fastes 
musulmans,  et  choisit   pour  atâbek  (tuteur)  Izz  ed-Dîn 
Aïbek,  comme  elle  Turc  de  naissance  et  ancien  esclave, 
qui  était  son  amant  et  qu'elle  épousa.  Mais  bientôt  le 
parti  des  Mamloûks  conservateurs  força  le  nouyeau  sultan 
à  s'associer  au  pouvoir  un  descendant  de  Saladin,  le  jeune 


—  6^5  - 


EGYPTE 


El-Achraf  Moùsâ,  arrière-petit-fils  du  sultan  El-Kâmil  avec 
qui  prit  fin,  quatre  ans  après  (1254),  la  glorieuse  dynastie 
des  Ayyoùbites  d'Egypte.  Dans  l'intervalle,  saint  Louis 
s'était  retiré  en  Syrie  avec  ses  troupes  après  avoir  rendu 
Damiette  pour  sa  rançon  et  payé  six  millions  pour  celle  des 
prisonniers  chrétiens  (V.  Croisade). 

Mamloûks  turkomans  bahrites  {i 3 5 4-i 3 8 2),  Ahvs 
commença  effectivement  le  règne  des  sultans  mamloûks 
qui  comprend  deux  périodes  d'une  durée  presque  égale, 
correspondant  à  deux  dynasties  d'origine  différente.  Les 
nouveaux  maîtres  de  l'Egypte,  ceux  de  la  première  dynas- 
tie, étaient  des  Turcs  originaires  du  Kiptchak.  Ils  avaient 
été  introduits  en  Egypte  vers  1227,  au  nombre  de  12,000, 
à  l'époque  oti  Tchinguiz  Khân  lançait  ses  hordes  mogholes 
à  travers  l'Asie  et  l'Europe  orientale.  Ce  fut  cette  expé- 
dition qui  causa  la  création  des  Mamloûks.  Les  Tatars 
avaient  ramené  avec  eux  une  foule  de  jeunes  gens  des  deux 
sexes  :  leurs  camps,  leurs  marchés  regorgeaient  d'esclaves. 
Les  sultans  d'Egypte  virent  là  une  bonne  occasion  de  se 
procurer  sur-le-champ  des  troupes  solides  et  nombreuses 
dont  les  cadres  continuèrent  toujours  à  se  remplir  par  la 
même  voie  de  sélection  et  d'achat.  Cette  milice  devint 
bientôt  si  puissante  en  Egypte  qu'elle  finit  par  supplanter 
ses  maîtres  dans  les  circonstances  que  l'on  sait.  La  dynastie 
des  Mamloûks  turkomans  ou  bahrites  (ainsi  nommés  parce 
que  leurs  casernements  s'étendaient  le  long  du  Nil,  ^/  Bahr) 
n'a  guère  que  trois  sultans  célèbres  :  Ez-Zâhir  Baïbars, 
El-Mansoûr  Qalâwoûn  et  le  fils  de  celui-ci,  En-Nâsir 
Mohammed.  En  1258,  Baghdâd  tombait  au  pouvoir  d'Hoû- 
lâgoû,  petit-fils  de  Tchinguiz  Khân,  et  le  califat  abbâside 
était  détruit.  Ce  fut  Baïbars  (1260-77),  le  meurtrier  de 
Toûrân  Chah,  qui  recueillit  les  membres  de  la  famille 
abbâside  échappés  au  fer  des  Moghols  et  fit  revivre  au 
Caire,  en  eux  et  dans  leur  race,  le  califat  orthodoxe  qui 
s'y  perpétua  jusqu'en  1517  sous  le  patronage  des  sultans 
d'Egypte.  Qalâwoûn  (1279-90),  surnommé  El-Alfî  pour 
avoir  été  jadis  acheté  mille  dinars,  s(»it  douze  à  quinze  • 
mille  francs,  repoussa  une  invasion  d'Abaka  Khân,  conclut 
un  traité  d'alliance  avec  Alphonse  III  d'Aragon  et  fonda  une 
foule  d'étabUssements  utiles  ;  il  fut  la  tige  d'une  suite  de 
quinze  rois  dont  la  succession  fut  peu  interrompue  jusqu'au 
renversement  de  sa  dynastie  par  les  Mamloûks  bourdjites. 
En-Nâsir  occupa  le  trône  à  trois  reprises  différentes  ;  son 
règne  (1293,  1299-1341)  fut  le  plus  long,  l'un  des  plus 
paisibles  et  des  plus  bienfaisants  qu'aient  vu  les  popula- 
tions égyptiennes.  Mais  après  lui,  ses  fils  ou  petits-fils, 
devenus  le  jouet  des  émirs  mamloûks,  fournirent  des  règnes 
éphémères,  sans  éclat,  et  préparèrent  en  moins  d'un  demi- 
siècle  le  renversement  de  leur  dynastie.  Les  Ayyoùbites 
avaient  commis  une  grave  faute  en  s'entourant  d'une  garde 
prétorienne  ;  Qalâwoûn,  qui  était  lui-même  un  Mamloûk 
de  cette  garde,  ne  sut  profiter  de  l'expérience  le  jour  où, 
voulant  donner  un  contrepoids  à  la  prépondérance  de  ses 
congénères  devenus  ses  sujets,  il  créa  un  nouveau  corps  de 
soldats  esclaves,  non  plus  d'origine  turkomane  cette  fois, 
mais  circassienne.  La  halqa  des  sultans  bahrites,  chargée 
surtout  de  la  défense  des  forteresses,  des  bourdj,  d'où  son 
nom  de  bourdjite,  fut  d'abord  un  appui  et  une  force,  puis 
devint  un  embarras  ,et  un  péril  ;  après  avoir  consohdé  le 
trône,  elle  en  vint  à  l'usurper  avec  Ez-Zâhir  Barqoûq 
(1382-88)  qui  fut  le  premier  des  sultans  circassiens. 

Mamloûks  circassiens  bourdjites  (iS82-i5i7)*  Du 
reste,  cette  seconde  dynastie  de  princes  mamloûks  ne  fit 
guère  que  continuer  celle  des  Turkomans.  Ce  fut  toujours 
la  même  marche  et  la  même  pohtique  ;  toujours  des  émirs 
turbulents  qui  se  disputaient  le  pouvoir  à  chaque  vacance 
et  en  créaient  le  plus  souvent  possible  par  des  voies  anar- 
chiques  et  violentes.  Barqoûq  eut  au  moins  cette  gloire 
qu'il  sauva  l'Egypte  de  l'invasion  d'un  nouveau  conquérant 
moghol  plus  terrible  que  le  premier,  Timoûr  Leng,  qui 
remplissait  alors  l'Asie  tout  entière  du  bruit  de  ses  exploits. 
En  1412,  à  la  suite  d'un  coup  d'Etat  que  rien  n'eût  pu 
faire  prévoir  après  un  siècle  et  demi  d'effacement,  le  trente- 


huitième  calife  abbâside,  El-Mostaïn  Billâh,  se  trouva 
investi  des  pouvoirs  temporel  et  spirituel  comme  aux  plus 
beaux  jours  de  la  papauté  musulmane.  En  réalité,  il  n'était 
qu'un  aveugle  instrument  entre  les  mains  du  plus  ambi- 
tieux des  émirs  mamloûks,  Cheikh  Mahmoûdî,  qui,  en  cette 
affaire,  n'avait  prétendu  travailler  que  pour  lui-même. 
Moins  d'un  an  après  son  triomphe,  le  trop  confiant  El- 
Mostaïn  était  détrôné,  puis  exilé  par  son  protecteur,  lequel 
se  contenta  de  régner  temporellement,  du  reste  en  prince 
accompli,  sous  le  nom  célèbre  d'El-Mouayyad  (1412-1421). 
El-Achraf  Bars  Bây,  après  lui,  fit  l'Egypte  heureuse  au 
dedans  et  glorieuse  à  l'extérieur  (1422-1437).  Le  pieux 
sultan  Qâït  Bây  parvint  à  se  maintenir  vingt-huit  ans  sur 
un  trône  que  menaçait  déjà  la  puissance  ottomane  ;  celle- 
ci  commençait  à  prévaloir  sur  l'influence  moghole.  Par  une 
générosité  fatale,  Qâït  Bây  donna  asile  au  prince  Djem  (Zi- 
zim),  compétiteur  de  Bajazet  II,  ce  qui  attira  sur  lui  des 
haines  funestes  dans  l'avenir  (1467-1495).  Au  reste,  maints 
signes  extérieurs  indiquaient  clairement  que  la  dynastie 
circassienne  et  la  fortune  de  l'Egypte  étaient  à  la  veille  de 
s'abîmer  dans  une  commune  catastrophe.  L'Egypte  était 
lasse  de  la  domination  rarement  supportable  des  sultans 
mamloûks,  grâce  auxquels,  cependant,  elle  avait  atteint  le 
plus  haut  degré  de  la  civilisation  orientale.  Cette  aristo- 
cratie guerrière,  composée  d'esclaves  achetés  sur  les  mar- 
chés, n'avait  pas  de  racine  dans  le  pays  qu'elle  exploitait 
plutôt  qu'elle  ne  le  gouvernait.  Elle  était  également  dé- 
testée des  Coptes,  des  Grecs  et  des  Arabes  qui  formaient 
la  population  de  l'Egypte.  En  outre,  la  prospérité  commer- 
ciale du  pays  venait  d'être  profondément  ébranlée  par  la 
découverte  de  la  route  du  cap  de  Bonne-Espérance  (1498). 
Alexandrie,  comme  Venise,  se  trouva  déshéritée  du  com- 
merce de  l'Inde  et  de  la  Chine  au  profit  des  pays  occiden- 
taux de  l'Europe.  En  1504,  le  doge  et  le  sultan  s'unirent 
par  une  aUiance  contre  les  Portugais.  Ce  fut  peine  inutile  ; 
les  Portugais  étaient  déjà  maîtres  de  l'Inde.  L'anarchie  inté- 
rieure et  la  ruine  du  commerce  maritime  préparèrent 
l'œuvre  de  la  conquête  turque.  A  l'automne  de  1516, 
Sélim  II,  successeur  de  Bajazet,  envahissait  la  Syrie.  Le 
sultan  Qânsoûh  IV  El-Ghoûrî,  malgré  ses  quatre-vingts  ans, 
marcha  au-devant  des  Turcs.  Il  fut  vaincu  et  tué,  près  d'Alep, 
malgré  la  valeur  désespérée  des  Mamloûks.  La  victoire  de 
Gaza  donna  à  Séhm  l'entrée  de  l'Egypte,  celle  de  Reïdâ- 
nîya  lui  ouvrit  les  portes  du  Caire  (22  janv.  1517).  Toù- 
mân  Bây,  élu  sultan  d'Egypte  par  les  Mamloûks,  y  rentra 
secrètement  et  extermina  le  corps  d'occupation.  SéUm  fut 
obligé  de  reprendre  la  ville  rue  par  rue,  maison  par  mai- 
son. Mais  Le  Caire  fut  puni  de  sa  révolte  par  le  massacre 
de  50,000  hab.  Toumân  Bây  opposa  une  résistance 
héroïque,  mais  vaine.  Trahi  par  un  Arabe,  il  fut  livré  à 
Sélim  qui  le  fit  pendre  au  Caire  sous  l'arcade  de  la  porte 
Zowaïleh  (13  avr.). 

Domination  ottomane  (ioil-iSOù).  Sélim  II  réunit 
ainsi  dans  ses  mains  le  pouvoir  temporel  des  sultans  et  le 
pouvoir  spirituel  des  califes  en  s'emparant  d'El-Motawakkil, 
cinquante-cinquième  et  dernier  cahfe  abbâside.  Les  villes 
saintes,  La  Mekke  et  Médine,  enchaînées  au  sort  de  l'Egypte, 
passèrent  avec  ce  pays  sous  le  joug  ottoman.  La  province 
d'Egypte  fut  confiée  à  un  pacha,  surveillé  lui-même  et  con- 
trôlé par  deux  autres  pouvoirs  collatéraux  :  les  aghds  et 
les  anciens  beys  mamloûks.  Les  premiers,  au  nombre  de 
six,  puis  de  sept,  formèrent  le  conseil  obligé  du  pacha, 
qu'ils  devaient  surveiller  et,  au  besoin,  dénoncer  à  Cons- 
tantinople  ;  ils  avaient  sous  leurs  ordres  les  six  corps  mi- 
litaires ou  odjâk  chargés  de  la  défense,  de  la  police  et  de 
la  perception  des  impôts.  Les  beys,  au  nombre  de  douze, 
rééligibles  tous  les  ans,  furent  chargés  des  douze  gouver- 
nements de  l'Egypte.  Les  bases  de  cette  organisation  furent 
tant  soit  peu  modifiées  par  Soliman  P^  qui  donna  à  l'ad- 
ministration de  l'Egypte  la  forme  compliquée  qu'elle  con- 
serva jusqu'à  Mohammed-Ali.  Cette  organisation  fut  si 
bien  équiUbrée  pour  la  stabiUté  de  la  possession,  mais  non 
pour  le  bien-être  du  pays,  que,  malgré  les  distances,  mal- 


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gré  une  suite  non  interrompue  de  conspirations,  l'Egypte 
resta  pendant  près  de  trois  siècles  vassale  de  la  Porte.  Il 
serait  long  et  fastidieux  de  suivre  cette  nomenclature  de 
pachas  (on  en  compte  cent  seize  de  4517  à  1766), 
hommes  sans  importance  pour  la  plupart,  agents  de  la 
Porte,  tantôt  obéis,  tantôt  méconnus,  tenanciers  d'une  ferme 
politique,  qui  ne  travaillèrent  qu'à  s'enrichir  et  à  mériter 
le  lacet  de  soie.  Au  xviii^  siècle,  avec  l'affaiblissement  de 
l'empire,  la  dignité  de  pacha  d'Egypte,  accordée  au  plus 
offrant,  ne  cessa  de  s'avilir  davantage.  A  la  fin,  le  pacha 
ottoman  n'eut  plus  qu'un  rôle  fictif  et  dépendit  entière- 
ment du  cheikh  el-balad  ou  chef  des  beys  mamloûks,  qui 
devint  roi  effectif.  A  côté  de  ces  gouverneurs  sans  gloire 
figurèrent  bientôt  ces  beys  héréditaires  qui  en  savaient 
acquérir.  Ismâïl  Bey,  Doù'l  Fikâr,  Ibrahim  Kiahvâ,  Roud- 
wân,  Khalîl  Bey  et  surtout  Alî  Bey  el-Kébîr  (1763-1772). 
Rêvant  l'indépendance  de  TEgypte,  Alî  Bey  osa  braver  la 
Porte,  lui  désobéit,  la  combattit  et  la  vainquit  ;  le  pre- 
mier il  osa  battre  monnaie  à  son  coin  et  se  faire  nommer 
par  le  chérîf  de  La  Mekke  sultan-roi  de  l'Egypte.  En  cette 
qualité,  il  rechercha  des  alliances  européennes,  s'adressant 
aux  Vénitiens  par  l'intermédiaire  de  l'Italien  Rosetti,  et 
aux  Russes  par  le  canal  de  l'Arménien  Yâqoùb  qui  fit  des 
ouvertures  à  l'amiral  Orloff.  Sous  son  règne  l'Egypte  fut 
réorganisée,  pacifiée,  prospère.  Mais  la  trahison  entraîna, 
avec  des  révoltes,  la  défaite  d'Ali  Bey  qui,  fait  prisonnier 
sur  le  champ  de  bataille,  mourut  au  Caire  de  ses  blessures. 
Ibrâhîm  et  Moùrâd,  auxquels  l'expédition  française  donna 
tant  de  relief,  ne  surent  qu'attirer  les  colères  de  la  France 
républicaine  par  les  avanies  intolérables  qu'ils  firent  subir 
aux  nationaux.  En  effet,  dans  le  courant  de  l'année  1795, 
Magallon,  notre  consul  au  Caire,  adressa  au  Directoire  une 
série  de  pétitions  qui  concluaient  à  la  conquête  de  l'Egypte, 
projet  déjà  mis  en  avant  par  Leibniz  en  1672,  puis  sous 
Louis  XV  par  Choiseul.  Au  retour  de  Campo-Formio  (oct. 
1797)  Bonaparte  prit  connaissance  de  ces  pétitions.  Poussé 
par  l'ambition  et  la  gloire,  l'horreur  de  l'inaction,  la  crainte 
des  haines  secrètes  du  gouvernement,  Bonaparte  fit  décré- 
ter l'expédition  d'Egypte.  Le  Directoire,  de  son  côté, 
n'était  pas  fâché  de  se^  débarrasser  d'un  homme  dont  la  ré- 
putation l'écrasait.  Le  prétexte  politique  fut  de  frapper 
l'Angleterre  dans  l'Inde.  Le  moment  toutefois  était  mal 
choisi  ;  mais,  en  cette  circonstance,  les  véritables  intérêts 
du  pays  ne  furent  pas  consultés. 

Expédition  française  (mai  lldS-sept,  iSOi).  Le 
Directoire  abandonna  à  Bonaparte  des  pouvoirs  discrétion- 
naires pour  préparer  dans  le  plus  grand  secret  la  conquête 
et  la  colonisation  de  l'Egypte.  L'armée  expéditionnaire, 
forte  de  36,000  hommes^dont  2,500  cavaliers,  presque 
tous  soldats  de  l'armée  d'Italie,  et  de  10,000  marins, 
s'embarqua  à  Toulon  (19  mai).  La  flotte  se  composait  de 
30  vaisseaux  ou  frégates,  72  corvettes  et  400  transports. 
Bonaparte  emmenait,  outre  les  généraux  Berthier,  Lannes, 
Marmont,  Murât,  Kléber,  Desaix,  Reynier,  Menou,  un  corps 
auxiliaire  de  cent  vingt-deux  savants  et  artistes  tels  que 
Monge,  Berthollet,  Larrey,  Desgenettes,  Geoffroy  Saint- 
Hilaire,  Denon,  Marcel,  qui  devaient  l'aider  «  dans  la 
tâche  laborieuse  de  faire  oublier  parles  bienfaits  de  la  paix 
les  misères  de  la  conquête  ».  L'amiral  Brueys  avait  sous 
ses  ordres  Gantheaume,  Villeneuve,  Decrès.  Le  10  juin, 
Malte  fut  prise  après  un  simulacre  de  défense;  le  2  juil., 
le  débarquement  avait  lieu  à  l'anse  du  Marabout,  à  4  heues 
d'Alexandrie,  qui  était  aussitôt  enlevée  d'assaut  après  un 
combat  violent.  Bonaparte  y  laissa  Kléber  avec  3,000  hommes 
et  marcha  de  suite  sur  Le  Caire.  Les  troupes,  après  une 
marche  très  pénible  par  le  désert  de  Damanhoûr,  attei- 
gnirent (10  juil.)  Rahmânîyeh,  où  elles  opérèrent  leur 
jonction  avec  la  flottille  du  Nil,  chargée  des  convois.  La 
première  rencontre  eut  lieu  à  Chébreïs  (13  juil.)  :  Moûrâd, 
à  la  tête  de  1 ,200  Mamloûks  et  500  Arabes  fut  repoussé 
avec  pertes.  Le  21  était  livrée  la  fameuse  bataille  d'Em- 
bâbeh  ou  des  Pyramides  (V.  ce  mot).  Moùrad  fut  aussitôt 
poussé  dans  la  Haute-Egypte  par  Desaix;  Ibrahim  s'enfuit 


du  côté  de  la  Syrie,  et  les  Français,  ayant  franchi  le 
fleuve,  firent  leur  entrée  au  Caire  (22-25  juil.).  Bonaparte 
déclara  aux  habitants  qu'il  venait  comme  allié  de  la  Porte 
ottomane  pour  les  délivrer  de  la  domination  des  Mamloûks. 
Il  donna  un  gouvernement  municipal  à  la  ville,  respecta 
les  propriétés,  les  mœurs,  la  religion  des  habitants,  établit 
des  manufactures,  entoura  Le  Caire  d'une  ceinture  de  forts 
et  bientôt  fonda  Vlnstitut  d'Egypte,  instrument  actif  de 
colonisation  formé  par  l'élite  des  savants,  des  ingénieurs  et 
des  artistes  français.  On  commençait  à  avoir  l'espoir  de 
faire  un  établissement  durable  dans  ce  pays,  lorsqu'un 
irréparable  désastre  vint  ruiner  tout  l'avenir  de  l'expédition. 
La  flotte  française,  poursuivie  depuis  deux  mois  par  les 
Anglais,  n'ayant  pu  entrer  dans  le  port  d'Alexandrie,  fut 
surprise  et  détruite  par  l'escadre  de  Nelson  dans  la  rade 
d'Aboukir;  Brueys  était  tué  (1^"^  août  1798).  Ce  fut  l'un 
des  événements  qui  ont  le  plus  influé  sur  les  destinées  du 
monde.  Si  la  plupart  des  habitants  n'avaient  qu'à  se  louer 
de  la  domination  française,  il  s'en  fallait  que  le  clergé  mon- 
trât de  l'enthousiasme  à  l'égard  des  infidèles.  Une  mesure 
fiscale  du  maladroit  Poussielgue  ajouta  aux  griefs  des  me- 
neurs, et,  le  21  oct.,  une  msurrection  terrible  éclata  au  Caire 
dans  laquelle  périrent  300  Français  et  qui  ne  fut  apaisée 
qu'après  une  bataille  de  deux  jours.  Pendant  ce  temps,  Desaix 
avec  4,000  hommes  et  les  généraux  Davout,  Belliard  etFriant 
finissait  par  rejeter  Moûrâd  en  Nubie.  Le  3  mars  1799, 
Belliard  atteignait  Philœ  ;  le  29  mai,  Desaix  occupait  le 
port  de  Qoseïr,  sur  la  mer  Rouge.  Vers  la  même  époque, 
deux  armées  turques  se  rassemblaient  à  Rhodes  et  à  Damas 
pour  chasser  les  Français  de  l'Egypte.  Bonaparte,  qui 
savait  que  la  possession  de  la  Syrie  est  indispensable  à  qui 
veut  conserver  l'Egypte,  fit  ses  préparatifs  de  campagne. 
Le  10  févr.,  il  partait,  à  la  tête  de  13,000  hommes,  dans 
la  direction  d'El-Arîch,  traversait  le  désert,  entrait  dans 
Gaza  et  arrivait  le  7  mars  devant  Jaffa,  qu'il  prenait  d'assaut 
le  13.  On  sait  que,  embarrassé  de  ses  prisonniers,  il  les  fit 
fusiller.  De  là,  il  marcha  sur  Saint- Jean -d'Acre  qui, 
vigoureusement  défendue  par  le  pacha  Djezzâr,  Sydney 
Smith,  commandant  delà  croisière  anglaise,  et  deux  émigrés 
français,  repoussa  deux  assauts  (20  mars).  Pendant  ce 
temps,  l'armée  de  Damas  s'avançait  sur  le  Jourdain.  Kléber, 
avec  2,000  hommes,  marcha  à  sa  rencontre  et  fut  enveloppé 
près  du  mont  Thabor  par  12,000  cavaliers  et  autant  de 
fantassins.  Bonaparte  arriva  à  temps  avec  3,000  hommes 
pour  mettre  l'immense  cohue  des  barbares  en  déroute 
(16  avr.).  On  retourna  devant  Saint-Jean-d'Acre  ;  mais, 
menacé  par  l'armée  de  Rhodes,  Bonaparte  en  dut  lever  le 
siège  après  quatorze  assauts  et  deux  mois  d'inutiles  efforts. 
Il  fallait  renoncer  à  la  conquête  de  la  Syrie,  partant  à  tout 
espoir  de  succès  ultérieur.  L'armée  revint  au  Caire  sans 
obstacle,  mais  diminuée  de  4,000  hommes  et  découragée 
(21  mai).  Bientôt  après,  l'armée  de  Rhodes,  forte  de 
18,000  hommes,  abordait  dans  la  presqu'île  d'Aboukir  et 
s'y  retranchait.  A  cette  nouvelle,  le  général  en  chef  accou- 
rut du  Caire  avec  6,000  hommes;  le  25  juil.,  l'armée 
turque  était  détruite  et,  par  cette  victoire,  la  possession  de 
l'Egypte  sembla  assurée  aux  Français.  Le  22  août  suivant, 
Bonaparte  quittait  secrètement  l'Egypte  avec  Lannes,  Duroc, 
Bessières,  Marmont,  Berthier,  Monge  et  Berthollet  ;  il  venait 
d'apprendre  par  les  journaux  que  lui  avait  envoyés  l'amiral 
anglais  les  récents  désastres  et  l'anarchie  de  la  France. 
Auréolé  maintenant  d'une  gloire  fabuleuse,  il  se  laissa 
entraîner  par  le  souci  de  sa  fortune  politique;  il  partit, 
abandonnant  le  commandement  de  l'armée  à  Kléber  avec 
des  instructions  qui  l'autorisaient  à  évacuer  l'Egypte 
(22  août). 

Ce  départ  fut  regardé  par  l'armée  tout  entière  comme 
comme  une  désertion.  Kléber  exhala  son  indignation  dans 
une  lettre  au  Directoire.  Privée  de  marine  et  de  renforts,  sans 
défense  du  côté  delà  Syrie,  menacée  de  plus  parles  forces 
considérables  et  renouvelables  des  Anglais  et  des  Turcs, 
réduite  enfin  à  15,000  combattants  disponibles,  l'armée 
française  était  démoralisée  et  craignait  de  ne  pouvoir  se 


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maintenir  longtemps  sur  cette  terre  éloignée.  Alors  Kléber, 
cédant  aux  clameurs  de  ses  soldats,  aux  mauvais  conseils 
de  Reynier,  entama  des  négociations  a\ecla  Porte  et  Sydney 
Smith  et  signa  la  convention  d'El-Arîch  (24  janv.  1800). 
L'armée  française  devait  rendre  les  forteresses  et  évacuer 
le  pays  avec  tous  les  honneurs  de  la  guerre  pour  être  trans- 
portée en  France  sur  des  vaisseaux  anglais.  Le  mouvement 
d'évacuation  était  commencé  lorsque,  par  une  perfidie 
insigne,  l'amiral  Keith  avertit  Kléber  que  le  cabinet  britan- 
nique ne  pouvait  reconnaître  la  convention  d'El-Arîch,  à 
moins  que  l'armée  ne  se  rendit  à  discrétion  (20  mars). 
Indigné,  Kléber  rompt  aussitôt  la  convention.  Avec  40,000 
hommes,  il  marche  contre  l'armée  du  grand  vizir  forte  de 
80,000  Turcs,  la  met  en  pleine  déroute  à  Matarîyeh  (Hélio- 
polis, 24  mars),  puis,  revenant  au  Caire  où  Ibrâhîm  Bey 
était  rentré  en  son  absence,  il  bombarde  la  ville  révoltée  et 
la  soumet  après  une  bataille  de  dix  jours.  Les  Français 
reprirent  leurs  positions;  Moûrâd  Bey  traita  avec  eux  et  s'en 
alla  gouverner  l'Egypte  comme  tributaire  :  l'Egypte  était 
reconquise.  Le  courage  revenait  aux  troupes  et  les  projets 
de  colonisation  étaient  repris  avec  une  ardeur  toute  nouvelle, 
lorsqu'un  nouveau  malheur  vint  décider  pour  toujours  du 
sort  de  l'expédition  :  le  14  juin  1800,  Kléber  tombait 
frappé  à  mort  par  un  Syrien  fanatisé.  Le  général  Menou 
lui  succéda,  non  par  l'ordre  de  mérite,  mais  par  le  droit 
de  l'âge.  La  colonie  affaiblie  jouit  encore  de  six  mois  de  paix 
intérieure. 

Au  commencement  de  l'année  1801,  30,000  Anglais, 
sous  les  ordres  du  général  Abercrombie,  débarquent  à 
Aboukir.  Le  21  mars,  Menou  est  écrasé  à  Canope,  par  la 
faute  de  Reynier,  qui  reste  immobile  avec  sa  division;  il  se 
retire  à  Alexandrie,  mais  y  reste  bloqué,  Hutchinson  ayant 
rompu  les  digues  qui  séparent  la  mer  du  lac  Mareotis, 
alors  desséché  depuis  deux  siècles.  Son  lieutenant,  Belliard, 
enveloppé  avec  8,000  hommes  dans  Le  Caire  par  o 0,000 
Turcs  ou  Anglais,  se  décide  à  capituler  sur  les  bases  de  la 
convention  d'El-Arîch  (25juin).  Il  évacue  la  ville  avec  tous 
les  honneurs  de  la  guerre  et  embarque  ses  troupes  sur  des 
vaisseaux  anglais.  Menou,  assiégé  dans  Alexandrie,  se  rend 
le  2  sept.,  aux  mêmes  conditions  que  Belhard.  Dans  le 
courant  du  même  mois,  l'évacuation  complète  de  l'Egypte 
était  consommée.  Telle  fut  cette  brillante,  mais  fragile  con- 
quête, cette  expédition  manquée  au  point  de  vue  politique, 
féconde  malgré  tout  en  heureux  résultats.  «  La  France,  dit 
M.  Ebers,  dut  renoncer  à  la  possession  de  l'Egypte;  mais 
son  influence  y  est  restée  toute-puissante.  Si  la  culture 
européenne  a  conquis  sur  les  bords  du  Nil,  plus  vive 
qu'en  aucun  autre  pays  de  l'Orient,  les  hautes  régions 
de  la  société  et  commence  même  à  détourner  le  peuple  de 
mainte  coutume  ancienne,  les  Français  en  ont  le  mérite  ; 
c'est  l'œuvre  en  partie  des  règlements  qu'ils  avaient  intro- 
duits sous  Bonaparte,  en  partie  de  l'amabilité  propre  à 
leur  race  et  grâce  à  laquelle  ils  surent  gagner  le  cœur 
des  gouvernants.  »  (L'Egypte,  trad.  de  M.  Maspéro,  t.  I, 
p.  5.) 

Vice-rois  (i805'i892).  Le  départ  des  Français  laissa 
TEgypte  au  pouvoir  des  Turcs,  des  Anglais  et  des  Mam- 
loûks.  Ceux-ci,  réunis  sous  leurs  deux  principaux  beys, 
Oçmân  Bardîsî  et  Mohammed  el-Alfî  remportèrent  sur  le 
gouverneur  turc  Khosreu  Pacha  une  victoire  complète. 
Ce  dernier  imputa  sa  défaite  à  l'absence  d'un  commandant 
de  1,000  Albanais,  et  l'appela  auprès  de  lui  dans  le  dessein 
de  le  mettre  à  mort.  Ce  chef  nommé  Mohammed-Ali  (il  était 
né  en  1769  à  Kavala,  port  de  Macédoine),  prévenu  à 
temps,  s'allia  aux  Mamloûks  et  leur  ouvrit  les  portes  du 
Caire  ;  puis,  se  mettant  à  la  solde  de  Bardîsî,  il  marcha 
contre  Khosreu  et  le  fit  prisonnier  (1803).  S'élevant  peu 
à  peu  jusqu'au  premier  rang  en  face  des  beys,  ses  rivaux, 
il  renversa  bientôt  Khosreu,  puis  Khourchïd,  gouverneurs 
turcs,  et  finit,  grâce  à  son  audace,  à  sa  popularité,  à  la 
division  entre  Turcs  et  Mamloûks  dont  il  sut  profiter,  par  se 
faire  élire  pacha  du  Caire  et  gouverneur  de  l'Egypte  (1805). 
La  Porte  sanctionna  cette  usurpation  sous  la  condition  d'un 


tribut  de  7  millions.  Le  nouveau  pacha  réunit  une  forte 
armée,  rétablit  l'ordre  dans  le  pays  et  se  mit  ouvertement 
à  appuyer  la  politique  française.  En  effet,  les  Anglais,  de 
concert  avec  les  Mamloûks,  ayant  tenté  de  s'emparer  du 
pays,  le  général  Fraser  qui  tenait  Alexandrie  fut  repoussé 
(sept.  1807)  ;  quant  aux  Mamloûks,  dont  la  rapacité  et  la 
turbulence  ne  cessaient  de  troubler  l'Egypte,  Mohammed- 
Ali  résolut  de  les  anéantir.  Le  1^^  mars  1811,  il  les  faisait 
exterminer  au  nombre  de  480  dans  un  guet-apens  à  la 
Citadelle.  Ceux  restés  en  province,  plus  de  600  en  tout, 
furent  égorgés  sur  son  ordre.  Son  pouvoir  était  désormais 
affermi.  Aussitôt  après  cet  horrible  massacre,  le  pacha 
pressa  l'expédition  d'Arabie  contre  les  sectaires  wahhâbites, 
expédition  commandée  par  la  Porte  qui  ne  voyait  pas  sans 
inquiétude  grandir  ce  vassal  redoutable.  Cette  guerre,  que 
conduisirent  ses  fils  Toûsoûn  et  Ibrâhîm,  se  termina  au  bout 
de  sept  ans  par  la  conquête  du  Hidjâz  et  la  délivrance  des 
lieux  saints.  En  1822,  la  Nubie,  le  Sennâr  et  le  Kordofân 
lui  étaient  conquis  par  son  troisième  fils  Ismâïl  et  son  gendre 
le  defterdâr  Ahmed-Bey  ;  Khartoûm  était  fondée  au  con- 
fluent des  deux  Nils.  En  1824,  le  sultan  Mahmoud  ayant 
imploré  contre  la  Grèce  révoltée  le  secours  de  son  puissant 
vassal,  celui-ci  envoya  Ibrâhîm  Pacha  avec  26,000  hommes. 
La  flotte  turco-égyptienne  fut  écrasée  à  Navarin  (20  oct. 
1827)  et  Ibrâhîm  dut  évacuer  la  Morée  (1828).  Pour  prix 
de  ses  services,  Mohammed-AU  réclama  le  gouvernement  de 
Syrie;  Mahmoud  refusa.  Ibrâhîm  envahit  la  Syrie,  puis 
r Anatolie  et  battit  deux  généraux  turcs  à  Homs  et  à  Konyeh 
(1832);  Constantinople  était  menacée.  La  Russie  et  la 
France  intervinrent  et  imposèrent  aux  belligérants  la  con- 
vention de  Kutâhyeh  (14  mai  1833)  qui  laissait  au  pacha 
d'Egypte  la  Syrie  tout  entière.  En  1839,  la  Porte,  à  l'ins- 
tigation de  l'Angleterre,  reprit  les  hostilités  :  Ibrâhîm  écrasa 
de  nouveau  les  Turcs  à  Nezîb  (24  juin),  mais  il  fut  forcé 
d'évacuer  la  Syrie  devant  les  troupes  anglaises  qui  lui  enle- 
vèrent Beyroût  et  Acre.  La  France  conseilla  à  Mohammed- 
Ali  de  céder  et  le  sultan  Abd  ul-Madjid  finit  par  lui  assu- 
rer la  possession  héréditaire  de  l'Egypte,  en  vertu  d'un 
hatti-chérif  et  d'un  traité  ratifié  par  les  grandes  puis- 
sances (1841).  Sept  ans  plus  tard,  l'ancien  chef  de  mihce 
albanaise,  le  fondateur  de  la  dynastie  actuellement  régnante, 
tombé  en  enfance,  abdiquait  le  pouvoir  entre  les  mains  de 
son  fils  Ibrâhîm.  Celui-ci,  atteint  lui-même  d'une  grave 
maladie  inflammatoire,  mourait  le  10  nov.  1843  après  un 
règne  de  six  semaines. 

On  peut  dire  de  Mohammed- Ali  qu'il  ressuscita  l'Egypte. 
En  même  temps  qu'il  poursuivait  ses  guerres  et  ses  con^ 
quêtes,  il  appliqua  tous  ses  soins  à  l'organisation  et  à 
l'exploitation  de  ce  beau  pays.  Il  avait  été  initié  dans  sa 
jeunesse  aux  spéculations  de  l'Occident  par  un  négociant 
de  Marseille  ;  plus  tard,  il  fut  encouragé  et  conseillé  par 
les  consuls  français  Mathieu  de  Lesseps  et  Drovetti.  Ses 
sympathies  étaient  depuis  longtemps  acquises  à  la  France, 
et  c'est  à  la  France  qu'il  demanda  des  instructeurs,  des 
marins,  des  ingénieurs,  des  constructeurs,  des  mécani- 
ciens, des  chimistes,  des  médecins.  Les  noms  de  Selve, 
Besson,  Varin,  de  Cerizy,  Clôt,  Linant  de  Bellefonds, 
Ch.  Lambert,  Bruneau,  Mougel,  sont  intimement  liés  à 
l'histoire  de  son  règne.  La  digue  d' Aboukir  fut  restaurée 
en  1816,  et  en  1819  fut  creusé  le  canal  Mahmoûdîyeh.  Dès 
1822,  il  envoya  de  jeunes  Egyptiens  à  Paris  pour  s'ins- 
truire dans  les  sciences  et  dans  les  lettres  ;  il  donna  une 
grande  extension  à  la  culture  du  coton  et  créa  des  filatures, 
des  raffineries,  etc.,  dans  tous  les  chefs-lieux  de  province. 
Mais  de  ces  usines  élevées  à  grands  frais,  en  masse,  avec  une 
rapidité  inconsidérée,  la  plupart  tombèrent  faute  d'entretien, 
de  débouchés  et  de  qualité  suffisante  des  produits.  En 
outre,  pouropérer  ce  bouleversement  civilisateur,  le  vice-roi 
écrasa  les  Fellahs  de  corvées  et  d'impôts,  et  les  déposséda; 
toutes  les  propriétés  passèrent  entre  ses  mains;  il  réserva 
pour  l'Etat  tout  commerce  extérieur  et  exerça  le  plus 
rigoureux  des  monopoles.  Cette  situation  ne  fit  que  s'aggra- 
ver sous  Abbâs  Pacha,  fils  de  Toûsoûn,  successeur  d'Ibrâhîm, 


EGYPTE 


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qui,  docile  à  la  voix  de  l'Angleterre,  compromit  l'œuvre 
de  régénération  commencée  (25  nov.  1848-44  juil.  1854). 
Mais  Saïd  Pacha,  quatrième  fils  de  Mohammed- Ali,  qui 
avait  quelque  chose  de  l'intelligence  hardie  et  civilisatrice 
de  son  père,  avec  une  instruction  européenne  très  étendue 
et  infiniment  d'esprit,  poursuivit  les  réformes  et  les  éten- 
dit. En  deux  ans,  il  abolit  le  trafic  des  esclaves,  supprima 
les  douanes  intérieures  ainsi  que  les  monopoles,  rendit 
aux  Fellahs  la  liberté  individuelle  et  le  droit  de  propriété, 
éteignit  les  anciennes  dettes  de  l'Etat.  C'est  lui  qui  acheva 
le  barrage  du  Nil,  autorisa  M.  de  Lesseps,  son  ami  d'en- 
fance, à  percer  le  canal  de  Suez,  et  qui  le  premier  créa  la 
Liste  civile.  Le  5  janv.  1856,  Saïd  Pacha  donnait  à  M.  de 
Lesseps  l'acte  de  concession  du  canal  de  Suez.  En  nov.  1858, 
il  souscrivait  pour  176,602  actions  delà  Compagnie  du  canal 
de  Suez  au  nom  du  gouvernement  égyptien.  En  avr.  1859 
avait  lieu  le  commencement  effectif  des  travaux,  malgré  les 
attaques  de  l'Angleterre  qui  longtemps  sembla  croire  à  un 
retour  de  la  vieille  politique  de  Bonaparte.  Ismâïl  Pacha, 
fils  d'Ibrâhîm,  succéda  à  Saïd  le  18  janv.  1863.  Sous  le 
règne  de  ce  prince,  les  institutions  nouvelles  furent  main- 
tenues, les  travaux  continués,  les  études  scientifiques  en- 
couragées. En  octobre  de  la  même  année,  le  musée  égyptien 
créé  par  le  Français  Mariette,  à  Boùlâq,  fut  solennellement 
inauguré.  En  1866,  le  vice-roi  obtint  du  sultan  le  droit 
d'hérédité  pour  ses  fils  et  l'abolition  de  l'ordre  de  primo- 
géniture  pour  les  branches  collatérales,  et  l'année  suivante 
(juin  1867),  il  reçut  officiellement  le  titre  de  khédive, 
titre  qui,  dans  la  hiérarchie  ottomane,  vient  immédiatement 
après  celui  de  sultan  et  se  place  avant  celui  de  vizir.  Au 
mois  de  novembre  de  la  même  année,  le  canal  de  Suez  fut 
achevé  et  solennellement  inauguré  sous  la  présidence  de 
M.  de  Lesseps  et  en  présence  des  notabilités  de  tous  les 
pays  du  monde.  De  1871  à  1876,  l'Egypte,  par  Samuel 
Baker,  puis  le  colonel  Gordon,  étendit  sa  domination  sur 
le  haut  Nil,  dans  le  Dârfoùr,  le  Kordofân,  le  Feïzoghloù, 
sur  la  mer  Rouge,  jusqu'aux  frontières  de  l'Abyssinie, 
des  grands  lacs  intérieurs  et  des  territoires  somalis: 
1,965,560  kil.  q.  peuplés  de  10,800,000  hab.  Mais  le 
khédive,  en  dix  ans  de  règne,  avait  emprunté  à  des  condi- 
tions onéreuses  2  milliards  et  demi.  Ce  prince  dissipateur 
et  orientalement  voluptueux  avait  espéré  par  ses  largesses 
et  le  faste  inouï  de  son  hospitalité,  conquérir  une  indépen- 
dance absolue  vis-à-vis  de  la  Porte.  Il  ne  réussit  qu'à 
vider  le  Trésor  et  à  rendre  imminente  la  banqueroute  de 
l'Egypte.  On  dut  recourir  aux  mesures  les  plus  sérieuses. 
Le  2  mai  1876  parut  un  décret  instituant  en  Egypte  une 
caisse  d'amortissement  ou  caisse  de  la  dette  publique;  le 7, 
un  décret  d'unification  de  cette  dette  ;  le  11,  un  décret  sur  : 
1"  l'installation  d'un  conseil  suprême  et  ses  attributions, 
T  la  formation  du  budget  de  l'Etat,  3°  la  composition  et 
l'organisation  des  sections  du  conseil  suprême  du  Trésor. 
Le  18  nov.  nouveau  décret  sur  :  1"  la  séparation  de  la  Daïra 
(domaine  privé)  du  khédive  d'avec  la  dette  publique,  2^  le 
rétablissement  de  la  Mouqâbala  (impôt  compensateur), 
3°  la  nomination  de  deux  contrôleurs  généraux,  l'un  Fran- 
Içais,  l'autre  Anglais.  Ismâïl  Pacha  se  voyait  forcé  d'accepter 
l'intervention  européenne  dans  la  gestion  des  finances  de 
l'Egypte.  Deux  ministres  étrangers,  M.  Rivers  Wilson, 
Anglais,  et  M.  de  Blignières,  Français,  entrèrent  dans  le 
cabinet  égyptien  (1879).  En  même  temps  les  propriétés 
khédiviales  et  princières  étaient  abandonnées  à  l'Etat,  qui 
offrit  à  MM.  Rothschild  de  Londres  de  leur  confier  tous 
ces  biens,  en  garantie  d'un  emprunt  de  8  millions  et  demi 
de  livres  sterling,  plus  de  200  millions  de  francs.  Des 
conflits  ne  tardèrent  pas  à  s'élever  sur  le  service  de  la 
dette  ;  le  khédive  refusa  de  se  soumettre  au  contrôle  et  des- 
titua les  deux  Européens.  La  France  et  l'Andeterre  exigèrent 
de  la  Porte  la  déposition  d'Ismâïl.  Elle  fut  accordée  par 
le  sultan  et  le  pouvoir  transmis  le  26  juin  1879  à  Tewfîk 
Pacha,  fils  d'Ismâïl,  sous  le  contrôle  anglo-français  pour 
tout  ce  qui  concernait  les  finances  égyptiennes. 
Alors  éclata,  en  4881,  une  émeute  militaire  suscitée 


par  un  soi-disant  parti  national,  qui  entendait  supprimer 
le  contrôle.  Le  9  sept.,  4,000  hommes  de  la  garnison  du 
Caire  assiégèrent  le  khédive  dans  son  palais,  demandant  la 
destitution  du  cabinet,  l'augmentation  de  l'armée,  une 
assemblée  de  notables,  etc.  Le  cabinet  fut  renversé  et 
le  parti  national  appelé  au  pouvoir.  A  la  suite  de  nou- 
veaux troubles,  le  colonel  Arabî  fut  nommé  ministre  de  la 
guerre  (4  janv.  1882).  La  chute  de  Chérif  Pacha  donna 
lieu  à  la  formation  du  ministère  Mahmoud  Baroûdî 
(2  févr.)  qui  proposa  la  déposition  de  Tewfik  (10  mai); 
les  consuls  généraux  de  France  et  d'Angleterre  exigèrent 
l'éloignement  d' Arabî  et  il  fut  entendu  qu'une  conférence 
européenne  se  tiendrait  à  Constantinople  pour  le  règlement 
des  affaires  égyptiennes  (31  mai).  Sur  ces  entrefaites,  une 
émeute  éclata  à  Alexandrie  ;  un  grand  nombre  d'Européens 
furent  massacrés  ou  blessés,  sous  les  yeux  du  khédive  im- 
puissant et  des  flottes  française  et  anglaise  immobiles 
(11  juin).  Un  mois  après,  l'amiral  français  Conrad,  sur 
l'ordre  de  son  gouvernement,  quittait  les  eaux  d'Alexandrie, 
emportant  avec  son  pavillon  notre  prestige  en  Egypte, 
et  le  lendemain  (11  juil.)  l'amiral  anglais  Seymour  bom- 
bardait la  ville.  Arabî  entama  des  négociations  pour  gagner 
du  temps,  et  tandis  qu'il  se  retirait  avec  ses  troupes  à 
Kafr  ed  Douâr,  il  fit  ouvrir  les  portes  du  bagne.  Les  forçats 
pillèrent  la  ville  et  l'incendièrent  (V.  Alexandrie).  A  Paris, 
la  Chambre  ayant  refusé  les  crédits  demandés  pour  parer 
aux  événements,  il  en  résulta  une  crise  ministérielle  qui 
se  termina  par  la  chute  du  ministère  Freycinet  et  l'arrivée 
au  pouvoir  du  cabinet  Duclerc  (7  août).  Quant  à  la  Sublime- 
Porte  qui  devait  envoyer  5  ou  6,000  hommes,  il  lui  fut  im- 
posé de  si  ridicules  conditions  de  débarquement  sur  son 
propre  territoire,  que  sa  dignité  de  puissance  suzeraine 
l'obligea  à  s'abstenir,  ainsi  que  les  Anglais  y  comptaient. 
Dans  le  même  temps,  le  khédive  déclarait  Arabî  rebelle  et 
autorisait  l'amiral  Seymour  à  occuper  la  ligne  du  canal  de 
Suez  et  à  combattre  la  révolte.  Le  20  août,  35,000  Anglais, 
sous  le  commandement  de  sir  Garnet  Wolseley,  débar- 
quaient à  Port-Saïd,  battaient  les  troupes  d'Arabi  à  Qassâsin 
(28  août)  et  les  mettaient  en  pleine  déroute,  après  une 
fusillade  de  cinq  minutes  dans  la  plaine  de  Tell  el-Kébir 
(13  sept.)  Le  lendemain,  l'avant-garde  anglaise  s'embar- 
quait sur  le  chemin  de  fer  et  arrivait  tranquillement  au 
Caire.  On  a  attribué  tout  le  mérite  de  cette  facile  victoire 
à  la  cavalerie  de  Saint-Georges,  par  allusion  à  l'effigie 
des  livres  sterling,  avec  quoi  elle  aurait  été  achetée  au 
préalable.  Toujours  est-il  qu'Arabî  et  ses  complices  se 
rendirent,  passèrent  devant  une  cour  martiale,  furent 
condamnés  à  mort  après  un  semblant  de  procès  et  que 
le  khédive,  docile  jusqu'au  bout  au  secret  verdict  de  l'An- 
gleterre, commua  la  peine  en  celle  de  l'exil  perpétuel.  A 
la  suite  de  cette  tragi-comédie,  le  contrôle  anglo-français 
fut  supprimé  (44  janv.  4883);  malgré  les  réclamations  de 
la  Porte,  et  grâce  à  la  politique  d'abandon  de  la  France, 
l'Angleterre  disposa  sans  rivale  des  destinées  de  l'Egypte. 
Elle  annonça  le  projet  de  réformer  l'administration  de  la 
dette  égyptienne,  d'établir  des  impôts  communs  aux  indi- 
gènes et  aux  Européens,  de  prolonger  les  pouvoirs  des  tribu- 
naux mixtes  pour  permettre  de  méditer  à  loisir  une  réforme 
judiciaire,  de  réorganiser  l'armée,  de  créer  une  gendarmerie, 
d'abolir  le  contrôle  moyennant  la  nomination  par  le  khédive 
d'un  conseiller  européen  (anglais),  de  doter  le  pays  d'une 
constitution  plus  ou  moins  représentative,  enfin  d'abolir 
l'esclavage.  Lord  Dufferin,  malgré  son  titre  d'ambassadeur 
auprès  de  la  Sublime-Porte,  fut  chargé  d'étudier  sur  place 
tous  ces  projets  et  d'en  assurer  l'exécution. 

Jusque-là,  à  cause  de  l'éloignement  et  des  graves  préoccupa- 
tions du  moment,  le  cabinet  britannique  n'avait  porté  qu'une 
attention  distraite  sur  le  mouvement  insurrectionnel  dont 
les  provinces  du  haut  Nil  étaient  le  théâtre.  En  effet,  par 
une  coïncidence  étrange  qui  a  fait  croire  à  une  vaste  cons- 
piration du  panislamisme,  dans  le  même  temps  que  s'était 
révélé  le  parti  national,  tout  le  Soudan  égyptien  s'était 
soulevé  à  la  voix  d'un  nouveau  mahdî,  Mohammed-Ahmed, 


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EGYPTE 


né  à  Dongola  vers  1843.  Cet  illuminé,  s'attribuant  la  mis- 
sion divine  de  réformer  l'islam,  puis  passant  de  la  prédi- 
cation aux  actes,  avait  tout  à  coup  proclamé  la  guerre 
sainte  (août  1881).  Quatre  mois  après,  7,000  hommes 
envoyés  par  Réouf  Pacha,  gouverneur  de  Khartoum,  étaient 
attaqués  par  50,000  insurgés  et  exterminés  (décembre).  Le 
17  janv.  1 882,  El-Obeïd  tombait  dans  les  mains  du  mahdî,  qui 
anéantissait  successivement  trois  nouveaux  détachements, 
puis  se  portait  sur  Khartoum  (juillet).  Alors  avaient  lieu 
les  massacres  d'Alexandrie.  Entre  Arabî,  maître  de  la  Basse- 
Egypte,  et  Mohammed-Ahmed,  maître  du  Soudan,  le  khédive 
semblait  perdu.  Le  gouvernement  de  la  reine  comprit  qu'il 
se  devait  à  son  protégé  :  il  confia  à  Hicks  Pacha,  ancien 
colonel  de  l'armée  des  Indes,  le  soin  de  rétablir  l'ordre  au 
Soudan.  Hicks  s'embarqua  pour  Souâkin  en  décembre  avec 
42  officiers  européens  et  10,000  Fellahs  enrôlés  à  prix 
d'or.  On  était  depuis  dix  mois  sans  nouvelles  de  l'expédi- 
tion, et  les  troupes  anglaises  se  préparaient  à  évacuer 
l'Egypte,  sauf  3,000  hommes  laissés  à  Alexandrie  lors- 
qu'on apprit  avec  stupeur  que  Hicks  avait  été  massacré 
avec  toute  son  armée  dans  un  défilé  inconnu  du  Kordofân, 
Hahsgate,  et  qu'un  renfort  de  500  hommes  envoyé  à  sa 
rencontre  avait  subi  le  même  sort  à  Tokar,  près  de  Souâkin 
(3-6  nov.  1883).  Ce  désastre  inattendu  humiliait  tant  soit 
peu  le  prestige  de  l'Angleterre  ;  mais  il  venait  fort  à  pro- 
pos permettre  au  cabinet  de  Londres  de  contremander  le 
mouvement  d'évacuation  sans  paraître  faillir  aux  protesta- 
tions libérales  dont  lord  Duiferin  s'était  fait  l'interprète. 
Au  surplus,  l'opinion  publique  en  Egypte  contraignit  l'An- 
gleterre à  intervenir  directement.  Des  colonnes  expédition- 
naires tirées  d'abord  du  corps  d'occupation,  puis  de  l'armée 
des  Indes,  furent  coup  sur  coup  dirigées  vers  le  Soudan, 
soit  par  la  voie  du  Nil,  soit  par  Souâkin  et  Berber.  Mais, 
dans  ces  contrées  sauvages,  les  Anglais  devaient  subir  de 
terribles  échecs.  Les  désastres  succédèrent  aux  désastres 
deux  années  durant,  chaque  victoire  équivalant  à  une  dé- 
faite. Dès  le  5  févr.  1884,  Baker  Pacha  est  anéanti  à  Trin- 
kitat;  le  29  févr.  à  Tebb,  puis  le  27  mars  à  Tamânîyeh, 
Graham  est  vainqueur  d'Oçmân  Degna,  mais  il  sort 
décimé  de  cette  lutte  inégale  ;  en  avril,  Gordon  tente  vai- 
nement une  sortie  sur  Halfîyeh  pour  dégager  la  route  du 
Nord;  le  16  janv.  1885,  Stewart  écrase  les  Soudanais  aux 
puits  d'Aboù  Kléa,  mais  il  est  blessé  à  mort;  le  28,  sir 
Wilson  est  repoussé  devant  Khartoum  qui  a  été  livré  au 
mahdî  par  le  gouverneur  égyptien  et  où  l'héroïque  Gordon 
vient  d'être  massacré  avec  une  partie  de  la  population.  Dès 
lors,  la  campagne  est  perdue,  le  sort  de  d  0,000  hommes 
compromis.  Sir  Wolseley  se  porte  sur  Berber,  résolu 
à  s'en  emparer  coûte  que  coûte,  afin  d'ouvrir  par  Souâkin 
des  communications  avec  l'Angleterre  et  d'y  attendre  du 
renfort  (février)  ;  Earle,  dans  cette  marche,  est  vainqueur 
entre  Derbikân  et  Doulka,  mais  il  est  tué;  enfin,  le 
20  mars,  Graham,  parti  de  Souâkin  au  secours  de  l'armée, 
livre  près  de  Tamaï  deux  combats  qui  ne  laissent  plus  d'es- 
poir sur  cette  tentative  téméraire.  Wolseley  reprend  la 
route  du  Caire  avec  les  débris  de  sa  vaillante  armée,  re- 
nonçant à  lutter  contre  un  climat  meurtrier  et  un  fanatisme 
religieux  qui  transforme  en  fauves  ceux  qui  en  sont  pos- 
sédés. A  la  suite  de  cette  campagne  néfaste,  le  cabinet  Glad- 
stone dut  se  résigner  à  l'humiliante  évacuation  du  Soudan  : 
il  reporta  les  frontières  de  l'Egypte  à  Wadî  Halfâ.  De  ses 
immenses  possessions  du  Soudan,  l'Egypte  ne  conserva  que 
Souâkin  où  fut  placée  une  garnison  de  300  hommes  sous  le 
commandement  du  major  Kitchner,  puis  du  général  Grenfell. 
Encore  cette  cité,  ruinée  aujourd'hui  et  toute  déchue,  restâ- 
t-elle longtemps  bloquée  par  les  bandes  d'Oçmân  Degna. 
A  l'heure  actuelle,  le  Soudan  tout  entier  obéit  à  l'émir 
Abd  el-Alâ,  successeur  temporel  de  Mohammed-Ahmed, 
qui  est  mort  depuis  tantôt  quatre  ans  ;  la  pacification  s'y 
opère  d'elle-même,  l'âme  de  la  révolte  n'étant  plus  là  et 
l'indépendance  paraissant  pour  longtemps  conquise.  Com- 
bien de  temps  ces  contrées  barbares  resteront-elles  fermées 
à  l'Europe?  Un  mahdî,  un  propllète  peut  seul  le  dire.  En 


attendant,  c'est  pour  la  civilisation  du  Soudan  égyptien 
un  recul  d'un  demi-siècle.  Par  contre,  à  500  lieues  de  là, 
l'Angleterre  poursuit  tranquillement  son  œuvre  «  civilisa- 
trice »  en  réduisant  l'Egypte  à  l'état  de  vassale,  en  faisant 
du  khédive  un  fantôme,  en  s'attirant  par  une  série  de  me- 
sures inutiles  et  gratuites  l'hostilité  invincible  de  tout  ce 
qui  compte  dans  le  pays.  Maintenant  que  l'ordre  le  plus 
parfait  règne  en  Egypte,  que  l'état  des  finances  est  pros- 
père, que  les  administrations  fonctionnent  régulièrement, 
rien  ne  justifie  plus  aux  yeux  de  l'Europe  un  protectorat 
arbitraire  qui,  en  se  prolongeant  davantage,  ressemblerait 
à  une  prise  de  possession,  à  une  usurpation.  Il  est  temps 
sans  doute  de  rendre  l'Egypte  aux  Egyptiens.  Ceux-ci  n'ont 
pas  oublié  les  paroles  que  prononçait  M.  Gladstone  à  la 
Chambre  des  communes,  le  5  mars  1883  :  «  Nous  sommes 
en  Egypte,  non  comme  maîtres,  mais  comme  amis  et  con- 
seillers du  gouvernement  égyptien  ;  pour  plusieurs  objets 
que  nous  nous  sommes  proposés,  d'autres  nations  ont  en 
Egypte  des  intérêts  et  des  droits  aussi  définis  et  aussi 
incontestables  que  les  nôtres.  Le  gouvernement  ne  recon- 
naît pas  à  notre  pays,  dans  cette  aff'aire,  des  intérêts 
égoïstes  et  particuliers,  séparés  des  intérêts  généraux  des 
nations  civilisées  et  qui  doivent  être  poursuivis  d'une  façon 
égoïste  et  étroite.  »  Mais  l'événement  d'hier  ne  semble  pas 
de  nature  à  rendre  de  sitôt  son  indépendance  à  l'Egypte  : 
les  dernières  nouvelles  nous  annoncent  la  mort  du  khédive 
Tewfîk  et  l'avènement  de  son  fils  aîné,  âgé  de  dix-huit  ans, 
S.  A.  Abbâs  n  (7  janv.  1892).  Paul  Ravaisse. 

Numismatique.  —  Les  Egyptiens  de  l'époque  pha- 
raonique ne  connaissaient  pas  l'usage  de  la  monnaie.  Ils 
échangeaient,  dans  leurs  opérations  commerciales,  des 
hngots  de  métaux  précieux,  généralement  forgés  en  forme 
d'anneaux,  qu'ils  appelaient  outens.  Des  peintures  égyp- 
tiennes représentent  des  personnages  occupés  à  peser  des 
anneaux  de  ce  genre  qui  ont  été  livrés  en  payement  de  mar- 
chandises. Pareil  usage  régnait  chez  les  Assyriens,  les 
Hébreux  et  les  autres  anciens  peuples  de  l'Orient.  Les  Perses 
introduisirent  en  Egypte  l'usage  de  la  monnaie.  Le  satrape 
d'Egypte  sous  Darius  P^  et  Xerxès,  Aryandès,  fut  mis  à 
mort,  raconte  Hérodote,  pour  avoir  fabriqué  des  monnaies 
de  meilleur  aloi  que  celles  du  grand  roi  lui-même.  Malgré 
ce  témoignage  précis,  on  n'a  pas  encore  retrouvé  les  mon- 
naies du  satrape  Aryandès,  et  l'on  peut  croire  qu'elles  ne 
se  distinguaient  pas,  par  les  types,  des  monnaies  que  le  roi 
de  Perse  faisait  frapper  dans  les  diverses  satrapies  de  son 
empire.  Les  monnaies  d'argent  frappées  en  Egypte  par 
l'eunuque  Bagoas,  en  345,  sous  Artaxerxès  Ochus,  sont 
déterminées  depuis  peu  :  elles  sont  remarquables  en  ce 
qu'elles  représentent  sur  une  de  leurs  faces  un  Egyptien, 
en  costume  national,  suivant  le  char  du  Roi  des  rois  :  les 
plus  grandes  de  ces  pièces  sont  des  doubles  sicles  qui  pèsent 
jusqu'à  28s'^40. 

Après  la  mort  d'Alexandre  le  Grand,  Ptolémée,  gouver- 
neur de  l'Egypte  au  nom  de  Philippe  Arrhidée  et  du  jeune 
Alexandre  IV,  fit  frapper  des  monnaies  au  nom  et  au  type 
du  conquérant  défunt.  Ce  sont,  notamment,  de  magnifiques 
tétradrachmes  qui  portent,  au  droit,  la  tête  idéalisée 
d'Alexandre  avec  les  cornes  d'Ammon  et  coiffée  de  la  dé- 
pouille d'une  tête  d'éléphant.  Au  revers,  on  voit  Zens  assis 
tenant  l'aigle  et  le  sceptre,  ou  bien  Athéna  Alkis  debout, 
brandissant  le  foudre  et  se  couvrant  de  son  bouclier.  Sur  la 
plupart  de  ces  remarquables  pièces,  on  lit  le  nom  d'Alexandre 
au  génitif;  mais  quelques-unes  portent  AAESAN- 
APËION  nTOAEMAIOT,  c.-à-d.  Alexandreion  de 
Ptolémée,  ce  mot  Alexandreion  étant  le  nom  donné  à  cette 
espèce  de  monnaie.  —  Devenu  roi,  Ptolémée  P'  Soter  fil 
frapper  des  monnaies  qui  portent  d'un  côté  son  effigie,  et 
de  l'autre  l'aigle  sur  un  foudre,  avec  la  légende  BASI- 
AEQS  nTOAEMAIOT.  Ces  types  se  perpétuèrent, 
en  concurrence  avec  quelques  autres,  sur  la  monnaie 
des  Lagides  jusqu'à  l'établissement  de  la  domination  ro- 
maine, sans  qu'il  soit  possible  de  répartir  ces  pièces  entre 
les  différents  princes  qui  les  ont  fait  frapper.  Il  en  est  de 


EGYPTE 


—  700  — 


même  des  monnaies  de  bronze  de  tous  modules  qui  portent 
au  droit  la  tête  de  Zeus  Aramon,  et  au  revers,  la  même 


Monnaie  d'or  de  Ptolémée  !«'■  Soter,  roi  d'Egypte. 

légende  impersonnelle  autour  de  l'aigle  debout   sur  un 
foudre.  Ces  pièces  égyptiennes  sont  peut-être  les  plus  com- 
munes de  la  numismatique  grecque,  tant  a  été  abondante 
leur  émission.  Les 
plus    grandes   sont 
d'énormes  disques 
de  bronze  qui  pèsent 
jusqu'à  80  gr.  avec 
un    diamètre   de 
45  millim. 

Parmi  les  autres 
types  de  la  série  des 
monnaies  des  rois 
lagides,  il  faut  citer 
les  grandes  pièces 
d'or  avec  la  lé- 
gende AAEA<Ï>QN 
6EDN  représen- 
tant d'un  côté  les  têtes 

de  Ptolémée  II  Philadelphe  et  d'Arsinoé  II,  et  de  l'autre  les 
têtes  déifiées  de  Ptolémée  Soter  et  de  Bérénice  P«.  D'autres 
pièces  d'or,  qui  font  la  joie  des  collectionneurs,  représen- 
tent les  effigies  des  rois  et  reines  d'Egypte  jusqu'à  Pto- 
lémée V  Epîphane,  époque  où  le  monnayage  de  l'or  disparaît 
dans  la  série  égyptienne.  Les  monnaies  d'argent  de  ces 


Monnaie  de  bronze  de  l'Egypte  sous  les  Lagides  (demi-grandeur). 


Monnaie  d'or  d'Arsinoé  Philopator,  reine  d'Egypte. 

mêmes  princes  ne  sont  pas  moins  remarquables  que  les 
monnaies  d'or.  On  en  cite  qui  ont  des  dimensions  inusitées, 
par  exemple  un  octodrachme  de  Bérénice  II  qui  a  un  mo- 
dule de  35  millim.  et  pèse  près  de  35  gr.  La  plupart  de 
ces  magnifiques  pièces  d'or  et  d'argent  ont,  au  revers,  la 
corne  ou  la  double  corne  d'abondance,  type  qui,  avec  l'aigle 
ou  le  double  aigle,  est  exclusif  sur  les  monnaies  de  la  dy- 
nastie, jusqu'à  Cléopâtre  VII  qui,  sur  ses  monnaies  d'argent 
et  de  bronze,  associe  l'effigie  de  Marc-Antoine  à  la  sienne. 
On  a  découvert  en  1886  une  petite  monnaie  de  bronze 
portant,  à  côté  de  la  tête  d'Aphrodite,  la  légende  NAT, 
qui  parait  désigner  la  ville  de  Naucratis.  Mais,  à  cette  excep- 
tion près,  on  peut  dire  que  la  seule  ville  d'Egypte  dont  le 
nom  paraisse  sur  les  monnaies  est  Alexandrie.  La  série 
numismatique  de  cette  puissante  ville  consiste  en  pièces  de 
bas  argent  et  de  bronze,  épaisses,  d'aspect  rugueux  et 
souvent  grossier,  qui  ont  été  frappées  en  quantités  énormes, 
à  l'effigie  des  empereurs  romains,  depuis  Auguste  jusqu'à 
l'usurpateur  romain  Domitius  Domitianus  en  l'an  296  de 
notre  ère.  Cette  suite  renferme  quelques  noms  d'usurpa- 
teurs qui  n'ont  pas  régné  à  Rome,  mais  seulement  en 
Orient.  Ce  qui  la  rend  surtout  intéressante  pour  les  histo- 
riens et  les  archéologues,  c'est  que  toutes  les  pièces  portent 


des  dates,  secours  précieux  pour  la  chronologie;  c'est, 
en  outre,  que  les  types  du  revers  sont  extrêmement  variés 
et  se  trouvent  exphqués  par  la  légende  qui  les  accompagne. 
Les  principales  divinités  représentées,  souvent  avec  leurs 
noms,  sont  Cronos,  Zeus,  Héra,  Apollon,  Isis,  Sérapis, 
Artémis,  Athéna,  Ares,  Déméter,  Perséphone,  Poséidon, 
Héraclès,  Dionysos,  Hermès,  Hélios,  Séléné,  les  Dioscures, 
Triptolème,  Harpocrate,  Asclépios  et  Hygie,  Tyché,  Niké, 
Eos,  Orphée,  Anubis,  Persée  et  Andromède,  Orphée, 
Paris,  l'Océan,  le  Nil,  Rome,  Alexandrie,  le  Peuple, 
l'Arménie,  Antinous,  la  Paix,  l'Equité,  l'Espérance,  la 
Liberté,  les  Bonœ  nuptiœ,  l'Abondance,  la  Concorde,  la 
Providence,  la  Monnaie,  la  tête  d'Isis  sur  un  vase  cano- 
pique,  etc.  En  outre,  la  plupart  de  ces  divinités  y 
figurent  en  action  dans  les  principales  phases  de  leurs 
mythes.  Nous  y  voyons,  par  exemple,  Apollon  Didyméen 

entre  les  deux  Némé- 
sis  ;  Déméter  accom- 
pagnée des  Dioscures, 
Anubis  avec  ses  di- 
vers attributs;  les  di- 
vers exploits  d'Héra- 
clès contre  le  lion 
néméen,  l'hydre  de 
Lerne,  le  sanglier 
d'Erymanthe,les  éta- 
bles  d'Augias,  les 
bœufs  de  Géryon,  le 
taureau  crétois,  les 
oiseaux  de  Stym- 
phale,  le  jardin  des 
Hespérides,  le  cen- 
taure Chiron,  Cerbère,  Antée,  la  reine  des  Amazones,  le 
monstre  anguipède  Echidna,  etc.  Nous  voyons  des  types  as- 
tronomiques, tels  que  le  Phénix  avec  l'inscription  AI QN, 
le  Zodiaque,  Jupiter  ou  Vénus  dans  le  signe  du  Taureau, 
le  soleil  dans  le  signe  du  Lion, Vénus  dans  la  Balance  ou 
dans  les  Gémeaux,  Mars  dans  le  Scorpion,  Saturne  dans  le 


Monnaie  en  bronze  d'Alexandrie,  de  l'an  onzième  de 
l'empereur  Adrien. 

Capricorne  ou  dans  le  Verseau,  etc.  :  ces  types  astrono- 
miques ont  tous  été  frappés  dans  la  huitième  année  du 
règne  d'Antonin  le  Pieux.  Les  animaux  qui  vivent  sur  les 
bords  du  Nil,  le  serpent,  le  crocodile,  l'hippopotame,  le 
rhinocéros,  l'ibis,  l'aigle,  ou  divers  attributs  symboliques 
des  dieux  égyptiens,  forment  aussi  des  types  intéressants 
et  variés  dans  la  numismatique  alexandrine. 

Une  autre  suite  monétaire  égyptienne  non  moins  inté- 
ressante que  la  précédente,  mais  peu  nombreuse,  est  cons- 
tituée par  les  monnaies  des  nomes.  Il  existe  en  effet 
des  pièces  de  bronze 
frappées  sous  l'empire 
romain,  sur  lesquelles  se 
trouvent  inscrits  les  noms 
des  différents  nomes  ou 
divisions  administratives 
de  TEgypte,  et  ces  noms 
sont  accompagnés  d'une 
représentation  de  la  divinité  spécialement  adorée  dans  cha- 
cune de  ces  petites  provinces.  Ces  pièces  paraissent  avoir 
été  toutes  frappées  à  Alexandrie  pendant  une  période  de 
cinquante-quatre  ans,  mais  à  plusieurs  intervalles  ;  on  en 
a  de  la  onzième  année  de  Domitien,  de  la  douzième  jusqu'à 


Monnaie  en  bronze  du  nome 
égyptien  Cynopolite. 


701  — 


EGYPTE 


la  seizième  année  de  Trajan,  de  la  onzième  d'Adrien  et 
de  la  huitième  d'Antonin  le  Pieux.  Ces  monnaies  sont 
du  plus  haut  intérêt  pour  la  géographie  et  l'histoire  des 
eultes  locaux  en  Egypte  sous  les  Romains.    E.  Bàbelon. 

Histoire  de  l'art  (V.  Art,  Art  décoratif,  Architec- 
ture, Peinture,  Sculpture). 

BiBL.  :  GÉOGRAPHIE  PKYSIQVE.  — Descviption  de  l'Egypte, 
1809-1822,  10  vol.  in-foL,  10  atlas  gr.  in-fol.  --  Iaylor, 
VEqvpte;  Paris,  1858,  in-L  -  Du  Camp  Egypte,  Nubie, 
Palestine  et  Syrie  ;  Paris,  1852,  in-fol.  -  Ampère,  Voyage 
en  Egypte  et  en  Nubie,  1808,  in-8  -  Combes,  Voyage  en 
Fauvte  1846  2  vol.  in-8.  —  Vaujany,  Description  de 
VEfypie,  1883,  in-12.  -  Ebers,  VEgypte,  1879-80  2  vol.  m-4 

-  Hervé,  VÈqypte,  1883,  in-12.  -  Rhône,  VEgypte  à 
petites  journées^  \S1^  in-8.  -  Bruce,  VEgypte  et  la  mer 
Sowge,  1880,  in-8.  -  Ganeval,  Egfypfe,  notes  eUtineraires, 
1882,  in-12.  -  HUGONNET,  En  Egypte,  1883,  in-12.  -  Barth, 
En  Egypte,  1883,  in-12.-  Ch.  Bi.A^c,Voyagede  laHaïUe- 
Eqypte,\m,  in-8.-CHELU,  Egypte,  Nubie,  Soudan,  1891, 
^/^^.8  -  VoLNEY,  Voyage  en  Syrie  et  en  Egypte,  1787, 
f'voL  -  Mémoires  su?  l'Egypte,  1800,  4  vol. -D  en  on, 
Voyage  en  Egypte,  1802,  in-4  et  atlas  in-fol.- Schnepp, 
Du  Climat  de  VEgypte;  Pàvis,  1862,  gr.  in-8.-  Pruner, 
MgypI^ns  N aturgeschichte  und  Anthropologie  ;  Munich 
1848  -  R.  HartmInn,  Naturgeschichtliche  Shizze  derNil- 
LnndPr-  Berlin,  1866.  —  Fraas,  Aus  dem  Oneni  ;  Stutt- 
LarrÏ867  -  BioEKER,  Guide  de  l'Egypte,  1877.  -  Meyer, 
ÏÏuidede  VEgypte;  Lèipzig,.1881  -  Ripaud,  TabJ^^^^^^^ 
l'Egypte  et  de  la  Nubie;  Pans,  1^30,  m-8.  -  I^ussegger, 
Rei^e  in  Eaypten,  Nubien  und  Ost  Sudan  ;  Stuttgart, 
1843,'"  8.  r.^^LouR,  l'Egypte;  Paris,  1871  in-8.  -  Muhl- 
BACH,  Reisebriefe  ausTEgypten;  I^na,  1871,  2  vol.  m-8.  - 
Werner,  NilsSketches;  Londres,  l^^^.  ^n-fol.  -  Zi  tel, 
Briefe  aus  der  Libyschen  Wuste  ;  Munich  1875,  m-12.  - 
Edwards,  A  Thousand  Miles  up  the  iViZe;  Londres,  1877. 

cTrtes.  -  D'Anville,  Carte  d'Egypte,  1765  -  Jacotin, 
Carte  topographique  de  l'Egypte;  Pans,  ^f  ff^^^^^^;,- 
Réduction  de  la  môme  en  3  feuilles,  1818.  --  Lapie,  Gane, 
1828,!2  feuilles.  -  Linant  de  Bellefonds,  Carte  hydrogr., 
1854-67,  5  feuilles.  -  Kiepert,  Atlas  géog.  et  ethnog.  de 
l'Egypte;  Berlin,  1859-60.  —  Desbuissons,  Basse-Egypte, 
1882,  1  feuille.  —  Bianconi,  Carte  commerciale  de  l  Egypte, 
1887',  in-4.  ^  ^ 

GÉOGRAPHIE    POLITIQUE  ET  ÉCONOMIQUE.    --   ClOT   BeY, 

Aperçu  général  sur  VEgypte  /,  J'ans,  1840,  2  vol  in-8.  - 
cfarles  î:dmond,  VEgypte  à  l'Exposition  de  ^8 61;  V ans 
1867,  gr.  in-8.  -  Guillemin,  VEgypte  acfuefie,_1867    m-8. 

-  É.  GouiN,  l'Egypte  au  xix"  siècle;  Pans  1846-48, 
in-8  -B.  Saint-Hilaire,  Lettres  sur  VEgypte,  185b,  in-8. 

-  Billard,  les  Mœurs  et  le  gouvernement  de  lEgypte, 
1867  in-12.-  Gatteschi,  Une  Nouvelle  Organisation  judi- 
ciaire en  Egypte,  1868,  in-8.  -  J.  Horn,  Du  progrés  eco- 
nZiqTee7&te,imin-S.-TiMM^^^^^ 

judiciaire  en  Egypte  et  les  capitulations,  18  ib,  m.8.—  Del- 
c^ievIlerie,  l'Egypte  agricole,  industrielle,  commerciale 
e  artistique,  187^9,  in-8.  -  Paponot,1  Egypte  son  avenir 
aorlcole  et  /^nancier,  1884,  in-8.  -  Histoire  financière  de 
Wglpfe  depuis  Saïd-Pàcha,mS  in -S  -  Grillon 
VEgypte  contemporaine  et  les  intérêts  français,  1885,  in-8. 
-Les  Créanciers  du  Khédive  et  la,  reforme  judiciaire  en 
Egypte;  Paris,  1874,  in-8.  -S.  Lokman  el  Hakim,  les 
mie  Pertuis  des  finances  du  khédive  ^^^^es  banques  en 
Eqijpte,  1873,  in-8.  -  Faucon,  ta  Ruine  de  lEgypte,  1873, 
in-8  -'tedÈsco,  De  la  Situation  monétaire  en  Egypte, 
1858  in-4.  -  L'Egypte  et  VEurope  par  un  ancien  juge 
rni°e  1882-84,  2  voL  in-8.  -  Giffard,  les  Français  en 
fSc  1883  in-12.  -  Gellion-Danglar,  Lettres  sur 
VEqupie  contemporaine,  1876,  in-12. -YacoubARTiN  Bey, 
ta  Propriété  foncière  en  Egypte  1885,  gr-  in-8.  -  Delche- 
valerie.  Forces  productives  de  lEgypte,  18 <9,  in-8.  •- 
Genevois,  ta  Vérité  sur  les  finances  égyptiennes,  1S1%, 
in-8  -  Lane,  Manners  and  Customs  ofthemoderns  Egyp- 
tians;  Londres,  1871,  2  vol.  -  KREMER^gypten,Forsc- 
hungen  uber  Land  und  Volk;  Leipzig,  1862,  2  vol  - 
Stephan,  Das  heutifye^Egypten, -Leipzig,  1872.  -  Luitke, 
JEgyptens  neue  Zeit;  Leipzig,  1873.  _  Klunzinger,  Bitder 
ausOberâqypten  ;  Stuttgart,  1877.  -  Amici,  Essai  de  sta- 
ti^timip  Générale  de  VEqypte  ;  Le  Caire,  1879,  2  vol.  — 
cfâE^f sîoriafistca  e%ltica  delVEgitto  dalle  prime 
memorii  de  suoi  abitanti  al  m2  ;  Florence,  ,1862,  3  vol. 
-  Malortie,  Egypt,  native  rulers,  and  foreign  interfe- 
rence  ,•  Londres,'^18'83.  -  Bayle  Saint-John,  Vitale  life 
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tifici  sulV  Egitto  e  sue  adiacenze  ;  Lucques,  1864-65,  2  \oi. 
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Alexandrie,  1867,  2  vol.  in-8.  -  De  Regny  Bey,  Statis- 
tique de  VEgypte,  1870  et  suiv.  -  Linant  de  Bellefonds, 
Mémoires  sur  les  principaux  travaux  d  iitilitepubli(iue 
exécutés  en  Egypte  jusqu'à  nos  jours;  P^jis,  1872-73  in-8, 
et  atlas.  —  Barrois,  VIrrigation  en  Egypte;  Pans,  1888.  - 
De  Léon,  The  Khédive' s  Egypt;  Londres,  1877  in-8  - 
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gression de  la  dette  égyptienne  ;  Boulaq,  1689.  —  kon- 


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1883.  —  Wallace,  Egypt  and  the  Egyptian  question;  Lon- 
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Documents  officiels.  —  Sir  Edgard  Vincent,  MemO' 
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Note  on  the  proposed  monetary  law;  Le  Caire,  1885. — 
Financial  Proposais  ;  Le  Caire,  1885.  —  Egyptian  Balance- 
Sheet,  december,  31,  188^  ;  Le  Caire,  1885.  —  Report  on 
the  Year  188^  ;  Le  Caire,  1885.  —  Report  on  the  finances 
of  Egypt,  1885, 1886  and  1881.  —  Cave,  Rapport  sur  les 
finances  égyptiennes,  dans  VEconomiste  français  du 
8  avr.  1876.  —  Boinet  Bey,  Essai  de  statistique  agricole; 
Le  Caire,  1888-89.  —  Recensement  général  de  VEgypte  ;  Le 
Caire,  1885.  —  Reports  by  sir  H.  Drummond  Wolf  on 
the  administration  of  Egypt  ;  Londres,  1887.  —  Reports 
by  Mr.  Villiers  Stuart  respecting  reorganisation  of  Egypt; 
Londres,  1883.  —  Report  on  the  Egyptian  provinces  of 
the  Soudan  red  Sea  and  Equator;  Londres,  1884.  —  Re- 
ports on  the  State  of  Egypt  and  the  progress  of  adminis- 
trative reforms  ;  Londres,  1885.  —  Reports  of  sir  Evelyn 
Baring  on  the  finances  of  Egypt  ;  Londres,  1888-1891.  — 
Statement  of  the  revenue  andexpediture  o  f  Egypt,  together 
with  a  list  of  the  Egyptian  Bonds  and  the  charges  for  their 
services  ;  Londres)  1885.  —  Livres  Bleus  anglais.  —  Livre 
Jaune  français  sur  les  affaires  d'Egypte,  1884,  etc.,    etc. 

—  Consulter  aussi  au  point  de  vue  bibliograhipue  :  Jolo- 
wicz,  Bibliotheca  TEgyptiaca  ;  Leipzig,  1858,  supplém. 
1861,  et  les  collections  du  Journal  officiel  égyptien,  du 
Bosphore  égyptien  et  du  Phare  d'Alexandrie. 

Histoire  ancienne.  —  Mariette  Bey,  Aperçu  de  l'his- 
toire d'Egypte  ;  Paris,  1864,  in-8.  —  E.  de  Rougé,  Confé- 
rence sur  la  religion  des  anciens  Egyptiens  ;  Paris,  1869, 
in-8.  —  îvIariette  Bey,  Choix  de  monuments  et  de  des- 
sins ;  Paris,  1856,  in-4.  —  Du  môme,  Denderah;  Paris, 
1873-1875,  5  vol.  in-fol.  — Pierret,  Dictionnaire  d'archéolo- 
gie égyptienne,  1875,  in-12.  — Champollion-Figeac,  VEgypte 
ancienne,  1840,  in-8.  —  Maspéro,  Une  Enquête  judiciaire 
à  Thèbes.  au  temps  de  la  XX*^  dynastie;  Paris,  1872,  in-4. 

—  Du  même,  Essai  sur  l'inscription  du  temple  d'Abydos, 
1869,  in-4.—  De  Saulcy,  Etude  sur  la  série  des  rois  inscrits 
à  la  salle  des  ancêtres  de  Thouthmès  III,  1863,  in-8.  —  De 
Rougé,  Etude  sur  une  stèle  égyptienne,  1859,  gr.  in-8.  — 
Pierret,  Etudes,  1874,  in-4.—  Thonissen,  Etudes  sur  l'or- 
ganisation judiciaire,  les  lois  pénales  et  la  procédure  cri- 
minelle de  VEgypte  ancienne,  1868,  in-8.  —  Mariette  Bey, 
Fouilles  exécutées  en  Egypte,  1867,  in-fol.  —  Maspéro,  Du 
Genre  épistolaire  chez  tes  anciens  Egyptiens,  1872,  in-8. 

—  Du  môme,  t7n  Gouverneur  de  Thèbes  au  début  de  la 
XII^  dynastie,  1875,  in-8.  —  Prisse  d'Avennes,  Histoire 
de  Vart  égyptien,  1868,  in-fol.  —  Chabas,  Une  Inscription 
historique  du  règne  de  Seti  /«%  1856,  in-4.  —  De  Rougé, 
Inscription  historique  du  roi  Pianchi  Meriamoum,  1863, 
in-s.  —  Chabas,  les  Inscriptions  des  mines  d'or,  1862,  in-4. 

—  Mariette  Bey,  Itinéraire  de  la  Haute-Egypte,  1872, 
in-12.  — Mariette  Bey,  Karnak,  1875,  in-4,  et  atlas  in-fol. 

—  Champollion,  Lettres  écrites  d'Er/j/pte,  1867,  in-8.—  Ma- 
riette, les  Listes  géographiques  des  pylônes  de  Karnak, 
1875,  in-4.  —  Oppert,  Mémoires  sur  les  rapports  deVEgypte 
et  de  l'Assyrie  dans  Vantiquité,  1869,  in-4.  —  Champollion, 
Monuments  de  VEgygte  et  de  la  Nubie,  1835-45,  4  vol.  in- 
foi  —  Champollion  et  Rougé,  Monuments  de  VEgypte 
et  de  la  Nubie;  1835-1872,  in-4.  —  Brugsch,  Monuments 
de  VEgypte,  1857,  in-fol.  —  Mariette,  Monuments  divers^ 
1872,  in-fol.  —  Prisse  d'Avennes,  Monuments  égyptiens, 
1847  in-fol.  —  C.  Leemans,  Monuments  égyptiens  du 
musée  de  Leyde,  1852,  in-fol.  —  Lenormant,  Musée  des 
antiquités  égyptiennes,  1835,  in-fol.  —  Chabas,  les  Pas- 
teurs en  Egypte,  1868,  in-4.  —  Du  môme.  Recherches  pour 
servir  à  Vhistoire  de  la  XIX°  dynastie,  1873,  in-4.  —  Pier- 
ret, Recueil  d'inscriptions  inédites  du  musée  égyptien 
du  Louvre,  1874-,  in-4.—  Brugsch,  Recueil  de  monuments 
égyptiens,  1859-63,  3  vol.  in-4.  —  Rougé,  Rituel  funéraire 
des  anciens  Egyptiens,  1861,  in-fol.  —  Mariette,  te  Sera- 
peumde  Mem^phis,  1866,  in-fol.  —  Du  môme,  Une  Visite  au 
musée  de  Boulaq,  1869,  in-12.  —  Maspéro,  Guide  du 
visiteur  au  musée  de  Boulaq,  1884,  in-12.  —  Mariette, 
Abydos,  1880,  in-fol.  —  Révillout,  Cours  à  l'Ecole  du 
Louvre.  —  Mariette,  Deir  el  Bahari,  1877,  in-4,  et  atlas. 

—  Pierret,  Essai  sur  la  mythologie  égyptienne,  1879, 
in-8.  —  Etudes  égyptologiques,  1876  et  suiv.,  in-4.—  Pier- 


RiETTE  et  Maspéro,  ta  Mastaba  de  Vancien  empire,  1882- 
86,  in-4.  —  Robiou,  Mémoire  sur  Véconomie  politique, 
l'administration  et  la  législation  de  VEgypte  au  temps  des 
Laqides,  1876,  in-8.  —  Ledrain,  les  Monuments  égyptiens 
de  la  Bibliothèque  nationale,  1880,  in-12.  —  Pierret,  te 
Panthéon  égyptien,  1881,  in-8.  —  Rhoné,  Résumé  chrono- 
logique de  Vhistoire  d'Egypte,  1878,  in-8.  —  Rosellini, 
Monumenti  delV  Egito  e  délia  Nubia,  3  vol.  -  Lepsius, 
Denkmaler  aus  ^gypten  und  ^thiopen  ;  Berlin,  1849-59, 
Il  Yol  —  Wilkinson,  The  Manners  and  customs  of  the 
ancient  Egyptians  ;  Londres,  1878,  3  vol.  —  Perrot,  His- 


EGYPTE  --  EHRENBERG 


-  702  - 


toire  de  l'art  dans  V antiquité  ;  Paris,  1882,  t.  I.  —  Dûmi- 
CHEN,    Geschichte  des  alten  JEgyptens;   Berlin,  1878-82, 

3  fasc.  —  WiEDEMANN,  JEgtjptische  Geschichte  ;  Gotlia, 
1883.  —  LuMBROso,  l'Egitto  al  tempo  dei  Greci  e  dei  Ro- 
mani ;  Turin,  1882.  —  Erman,  JEgypten  und  âgyptisches 
Leben  iin  Alterthum;  Tubingue,  1885-87,  2  vol.—  Mas- 
pÉRO,  Histoire  de  l'art  égyptien^  1889.  —  Brugsh,  JEgyp^ 
tologie  ;  Leipzig,  1889.  —  Bunsen,  JEgyptens  Stelle  in  der 
Weltgeschichte;  Hambourg,  1845-56,  5  vol.  in-8. 

Egypte  musulmane.  —  Quatremère,  Mémoires  histo- 
riques et  géographiques  sur  l'Egypte;  Paris,  1811.  — 
Hamont,  l'Egypte  sous  Mehemet-Ali;  Paris,  1843.  —  F. 
Wûstenfeld,  Geschichte  der  Copten;  Gôttingue,  1845.— 
Quatremère,  Histoire  des  sultans  Mamelouks  ;  Paris, 
1845.  —  J.-J-  Marcel,  A.  Ryme,  etc.,  l'Egypte  {Univers 
pittoresque);  Paris,  1848.  —  Maqrîzî,  Kitâb  el-Khitat; 
Boùlâq,  1270  de  i'Hég.  (1853j.  —  Abou'l  Mahâsin,  Nou- 
djoûm  ez-Zâhira,  éd.  JuynboU  et  Matthes;  Leyde,  1855.  — 
G.  Weil,  Geschichte  des  Abassidenchalifats  in  Egypten; 
Suttiïart,  1860-61.  —  P.  Merruau,  l  Egypte  conterriporaine 
de  18^0  à  1851;  Paris,  1869.—  Aboû  Châma,  Kitàh  er- 
Raudateïn;  Caire,  1287  de  FHég.  (1870).  —  Wûstenfeld, 
Die  Stalthalter  von  Aegypten;  Gôttingue,  1875-76.  —  Du 
même,  Die  Géographie  un  Verwaltung  von  Aegypten; 
ibid.,  1879.  —  Djabartî,  Adjâïb  el-Açâr;  Boalâq,  1297  de 
I'Hég.  (1880).  —  Wûstenfeld,  Geschichte  der  Fatimiden- 
Chalifen;  Gôttingue,  1881.  —  Soyoùtî,  Housn  el-Mouhâ- 
dara;  Caire,  1299  de  I'Hég.  (1882).  —  B.  Girard,  VEgypte 
en  1882;  Paris,  1883.  —  Colonel  Hennebert,  les  Anglais 
en  Egypte,  V Angleterre  et  le  Mahdî;  Paris,  1884.  —  Ali 
Pacha  Moubârek,  Kitâb  el-Khitat  et-Tewfihîya  el-Dja- 
dlda;  Boùlâq,  1306  de  I'Hég.  (1888).  —  E.  Plauchut, 
l'Egypte  et  l'Occupation  anglaise  ;  Paris^   1889. 

Expédition  d'Egypte.  —  Berthier,  Relation  des  cam- 
pagnes du  général  Bonaparte  en  Egypte  et  en  Syrie; 
Paris,  an  VII,  in-8.  —  Mémoires  sur  l'Egypte  publiés  pen- 
dant les  campagnes  du  général  Bonaparte;  Paris,  an  IX, 

4  vol.  in-8.  —  Pièces  diverses  et  correspondance  relatives 
aux  opérations  de  l'armée  française  en  Orient;  Paris, 
an  IX,  in-8.  —  Campagnes  d'Egypte  et  de  Syrie  fmém. 
dictés  à  Sainte-Hélène  et  publ.  par  les  fils  du  général  Ber- 
trand) ;  Paris,  1847,  2  vol.  in-8.  —  Mémoires  pour  servir  à 
l'histoire  de  France  sous  le  règne  de  Napoléon,  écrits  à 
Sainte-Hélène  par  les  généraux  qui  ont  partagé  sa  cap- 
tivité^ t.  IV  et  V.  —  Expédition  d'Egypte  et  de  Syrie  ; 
Paris,  1830,  9  vol.  in-8,  2  éd.  —  Galland,  Tableau  de 
VEgypte  pendant  le  séjour  de  l'armée  française  ;  Paris, 
1804,  2  vol.  in-8.  —  Conquêtes  des  Français  en  Egypte  ; 
Paris,  an  VII,  in-8.  —  Miot,  Mémoires  pour  servir  à 
l'histoire  des  expéditions  d'Egypte  et  de  Syrie  ;  Paris, 
1804,  in-8.  —  Ader,  Histoire  de  l'expédition  d'Egypte  et 
de  Syrie  ;  Paris,  1826.  —  Raybaud,  Histoire  scientifique 
et  militaire  de  l'expédition  française  en  Egypte  ;  Paris, 
1830-1836,  9  vol.  —  Scheidawind,  Geschichte  der  Expé- 
dition der  Franzosen  nach  /Egypten;  Deux-Ponts,  1830, 
3  vol.  —  BouLAY  de  La  Meurtre,  le  Directoire  et 
l'Expédition  d'Egypte  ;  Paris,  1885,  in-12.  —  La  Décade 
égyptienne  ;  Le  Caire,  ans  VII  et  VIII,  3  vol.  in-4.  — 
Le  Courrier  de  VEgypte  ;  Le  Caire,  ans  VII  à  IX,  in-4. 

Numismatique.  —  F.  Feuardent,  Numismastique  de 
VEgypte  ancienne^  1870,  in-8.  —  Du  même,  Monnaies  de 
VEgypte  sous  la  domination  romaine,  1873,  in-8. —  A.  de 
Longpérier,  Œuvres^  t.  III,  pp.  311  et  suiv.  — R.  Stuart- 
PooLÉ,  The  Ptolemies  {Catalogue  des  monnaies  du 
Musée  britannique).  —  B.  Haed,  Historia  num,orum, 
pp.  711  à  724. 

ÉGYPTIEN  (Ordre)  (V.  Ordre). 

ÉGYPTIENNE  (Typogr .  ) .  Genre  de  caractères  gras  dont  on 
se  sert  pour  les  titres,  les  sous-titres,  les  divisions  des  cha- 
pitres, etc.  Voici  un  exemple  d'égyptiennes  grandes  capitales 
et  bas  de  casse  :  GRANDE  ENCYCLOPÉDIE,  Paris.  On  a 
parfois  imprimé  des  ouvrages  entiers  en  égyptiennes. 

EHINGEN-AN-DER-Dox\Au.  Ville  d'Allemagne,  roy.  de 
Wurttemberg,  cercle  du  Danube,  au  S.  de  l'Albe,  sur  la 
S'mieche,  près  du  Danube;  4,000  liab.  Horlogerie,  bras- 
serie, etc. 

EHLERT  (Louis),  pianiste,  compositeur  et  critique  mu- 
sical allemand,  né  à  Kœnigsberg  le  43  janv.  4825,  mort 
à  Wiesbaden  le  4  janv.  4884.  Il  fut  élève  du  Conservatoire 
de  Leipzig,  où  il  travailla  sous  la  direction  de  Finck.  Ses 
compositions  principales  sont  des  symphonies,  surtout  la 
Symphonie  du  printemps,  une  Sonate  romantique 
assez  connue,  une  autre  sonate  pour  piano,  un  allegro 
concertant  pour  piano,  violon  et  violoncelle,  des  liecler, 
des  ouvertures,  etc.  Sa  musique,  surtout  ses  pièces  de 
piano,  révèlent  la  très  grande  influence  de  Schumann. 
Comme  écrivain,  Ehlert  a  donné  de  nombreux  articles  dans 
la  Nouvelle  Gazette  musicale  de  Berlin,  mais  il  s'est 
acquis  une  réputation  d'esprit  et  d'ingéniosité  critique  par 


la  publication  d'un  petit  volume  intitulé  Briefe  ûber  Musik 
an  eine  Freundin  (Berlin,  4850;  3«  édit.,  4879;  trad. 
en  franc,  par  J.  Grenier,  4878).  On  lui  doit  encore  : 
Rômische  Tage  (4867)  et  Ans  der  Tonwelt,  Essays 
(1877-84,  2  vol.).  En  4874,  de  concert  avec  Tausig, 
Ehlert  a  fondé  à  Berlin  un  cours  supérieur  de  musique  pour 
le  piano.  A.  Ernst. 

EHN  (L').  Rivière  de  la  Basse-Alsace.  Elle  a  sa  source 
au  N.-O.  du  mont  Sainte-Odile,  alimente  plusieurs  scieries 
et  les  différents  établissements  métallurgiques  de  Klingen- 
thal,  traverse  la  ville  d'Obernai  iOberehnfieim),  prend  le 
nom  d'Ergers  {Argen%a,  834)  dans  son  cours  inférieur  et 
se  jette  dans  l'Ill  près  de  Geispolsheim . 

EHNIN6EN  (Wurttemberg)  (V.  Eningen). 

EHNINGER  (John-Welton),  peintre,  né  à  New-York  en 
4827.  Ehninger  reçut  ses  premières  leçons  au  «  Colombia 
Collège  »,  et,  en  4847,  vint  à  Paris  où  il  étudia  pendant  deux 
ans  chez  Couture.  Il  alla  ensuite  à  Dusseldorf.  On  cite  de 
lui  :  le  portrait  de  Pierre  Stuyvesant  (4850),  les  illustra- 
tions de  Miles  Standish  deLongfellow  (4858),  etc. 

EHOUD  (V.  Aod). 

EH  RANG.  Bourg  d'Allemagne,  roy.  de  Prusse,  district 
de  Trêves  (province  rhénane)  \  2,200  hab.  Etablissements 
métallurgiques  de  Quint. 

EHRENBERG.  Ancienne  forteresse  de  la  frontière  sep- 
tentrionale du  Tirol,  commandant  le  défilé  d' Ehrenberg ,  par 
lequel  on  passe  de  Fussen  à  la  vallée  supérieure  de  l'Inn.  Le 
fort  fut  enlevé  par  Maurice  de  Saxe-Weimar  le  49  mai  4552, 
et  c'est  à  la  suite  de  ce  coup  de  main  qu'il  faillit  prendre 
Charles-Quint  à  Innsbruck.  En  4634,  Bernard  de  Saxe- 
Weimar  y  échoua  ;  les  Bavarois  le  prirent  en  4703  ;  il  fut 
rasé  à  la  fin  du  xvni^  siècle. 

EHRENBERG  (Friedrich),  théologien  allemand  évan- 
gélique,  né  à  Elberfeld  le  6  déc.  4776,  mort  à  Berlin  le 
8  déc.  4852.  H  fut  prédicateur  à  Plettenberg  (1798), 
Iserlohn  (4803),  Berlin  (4806)  et  devint  prédicateur  de  la 
cour  de  Prusse  (4834).  Il  s'est  surtout  occupé  des  femmes 
et  a  publié  entre  autres  :  Weiblicher  Sinn  und  lueibli- 
ches  Leben  (Berlin,  4809  ;  ¥  éd.,  4864,  2  vol.)  ;  Reden 
an  Gebildete  aus  dem  iveiblichen  Geschlecht  (Elberfeld, 
4804  ;  5«  éd.,  Iserlohn,  4853)  ;  Andachtsbuch  fur  Gebil- 
dete des  iveiblichen  GesMechts  (Leipzig,  1846,  2  vol.: 
7«  éd.,  4856). 

EHRENBERG  (Christian-Gottfried),  naturaliste  et  mi- 
crographe allemand,  né  à  Delitsch  le  49  avr.  4795,  mort 
à  Berlin  le  27  juin  4876.  Il  étudia  à  Leipzig  et  à  Berlin 
et,  ses  études  terminées,  fut  envoyé  à  Kônigsberg  pour 
suppléer  le  botaniste  Schweigger.  Il  fut  chargé  en  4820 
d'accompagner  le  général  de  Minutoli  dans  une  mission 
en  Egypte  ;  ses  neuf  compagnons  périrent  successivement 
et  il  revint  seul,  en  4825,  rapportant  quatre-vingt  mille 
échantillons  de  plantes  ou  d'animaux.  En  4827,  il  devint 
membre  de  l'Académie  des  sciences  de  Berlin  et  professeur 
extraordinaire  de  médecine  à  l'Université;  en  4829,  de 
Humboldt  se  l'adjoignit  pour  une  exploration  de  l'Oural, 
de  la  Sibérie  et  de  l'Altaï.  Nommé  professeur  ordinaire  de 
médecine  à  Berlin  en  1839,  il  devint  en  4842  secrétaire 
perpétuel  de  l'Académie  des  sciences.  De  4828  à  4836, 
Ehrenberg  pubha  une  série  d'ouvrages  relatifs  à  son 
voyage  en  Egypte  et  sur  le  littoral  de  la  mer  Rouge.  Depuis 
lors,  il  porta  son  attention  en  particulier  sur  les  animal- 
cules microscopiques  ;  de  là,  depuis  4830,  une  série 
d'ouvrages  sur  les  infusoires,  dont  le  plus  important  a 
pour  titre  Die  Infusionsthierchen  als  vollkommene 
Organismen,  etc.  (Leipzig,  4838,  pi.);  il  étendit  ses 
recherches  aux  terrains  et  aux  roches  et  en  trouva  un 
grand  nombre  formés  de  carapaces  siliceuses  ou  calcaires 
d'infusoires,  de  spicules  de  spongiaires,  etc.  ;  parmi  les 
nombreux  ouvrages  qu'il  a  publiés  sur  ce  sujet  depuis 
4837,  le  plus  remarquable  est  Mikrogeologische  Stu^ 
dien  (Leipzig,  4854-76,  pL).  Enfin,  il  a  étudié  également 
les  poussières  aériennes  et,  entre  autres,  a  mis  au  jour 
Uebersicht  der  seit  i847  fortges,  Untersuch.  ûber  das 


703  - 


EHRENBERG  --  EHRENSTRÂLE 


von  der  Atmosphâre  unsichtbar getragene  reiche  orga- 
nisclie  Leben  (Berlin,  1871-72).  Ehrenberg  est  le  premier 
qui  démontra  que  la  phosphorescence  de  la  mer  est  due  à 
la  présence  d'animalcules,  Das  Leuchten  des  Meeres 
(Berlin,  1834).  Ces  études  sur  les  animaux  inférieurs  ont 
puissamment  contribué  à  faire  mieux  connaître  l'ancien 
embranchement  des  zoophytes.  D^  L.  Hn. 

EHRENBERGER,  écrivain  tchèque, né  aux  environs  de 
Chrudim  en  1815,  mort  à  Prague  en  1882.11  devint  prêtre 
en  1841  et  se  fit  remarquer  par  son  talent  de  prédicateur  ; 
il  a  publié  des  nouvelles  et  des  études  historiques  dans  la 
Revue  du  musée  de  Prague.  Ses  œuvres  complètes  fort 
nombreuses  ont  été  réunies  à  Prague  en  1875-76.  C'est 
l'un  des  écrivains  les  plus  populaires  de  la  littérature 
tchèque  au  xix®  siècle.  L.  L. 

EH  RENBRElTSTElN.Villed'Allemagne,roy.  de  Prusse, 
district  de  Coblentz  (province  rhénane),  sur  la  rive  droite 
du  Rhin,  en  face  de  l'embouchure  de  la  Moselle  et  de  la 
ville  de  Coblentz,  au  pied  d'un  rocher  (1 75  m.  au-dessus  du 
niveau  de  la  mer)  qui  porte  la  forteresse  d'Ehrenbreitstein. 
La  population  de  la  ville  est  exclusivement  militaire.  Deux 
ponts  la  relient  à  Coblentz  (V.  ce  mot).  Le  rocher  domine 
le  Rhin  de  118  m.  ;  il  est  coupé  abruptement  au  S.  et  au 
S.-O.  et  entouré  d'ouvrages  puissants,  un  triple  étage  de 
casemates  et  batteries  ;  au  S.  est  le  fort  à'Asterstein  sur 
une  colline  voisine.  Ehrenbreitstein  fut  fortifié  par  l'em- 
pereur romain  Julien,  occupé  par  la  famille  Erembert,  acquis 
en  1153  par  l'archevêque  Hiblin  de  Trêves  qui  en  accrut 
les  fortifications  (1153).  Elles  furent  renouvelées  par  ses 
successeurs  vers  1280  et  en  1481.  Les  Français  occupèrent 
Ehrenbreitstein  de  1631  à  1637,  les  Autrichiens  de  1637 
à  1650,  Les  fortifications  furent  rebâties  en  1672.  Les 
Français  en  furent  maîtres  de  1749  à  1762,  les  attaquèrent 
en  1688,  1795,  1796,  1797  ;  ils  s'en  emparèrent  en 
janv.  1799  et  les  démantelèrent.  La  Prusse  fortifia  de 
nouveau  cette  position  (18i6-26),  une  des  plus  impor- 
tantes de  l'Allemagne  ;  en  1856,  fut  bâtie  la  tour 
Louise  à  rO. 

EHRENFELD.  Ville  d'Allemagne,  roy.  de  Prusse,  dis- 
trict de  Cologne;  14,886  hab.  (en  1880)  ;  c'est  un  fau- 
bourg manufacturier  de  Coloene  qui  grandit  rapidement. 

EHRENFEUCHTER  (Friedrich-August-Eduard),  théo- 
logien allemand,  né  à  Leopoldshaven,  près  de  Karlsruhe,  en 
1814,  mort  à  Gôttingue  le  20  mars  1878.  Il  fut  professeur 
de  théologie  à  Gôttingue  depuis  1845,  et  enseigna  surtout 
la  théologie  pratique.  Ses  principaux  ouvrages  furent  : 
Théorie  des  christlichen  Kultus  (Hambourg,  1840)  ; 
Geschichte  des  Katechismus  (Gôttingue,  1857)  ;  Bie 
praktische  Théologie  (Gôttingue,  1859);  Christenthum 
und  moderne  Weltanschauung  (1876).  C.  P. 

EHRENFRIEDERSDORF.  Ville  d'Allemagne,  roy.  de 
Saxe,  cercle  de  Zwickau,  dans  l'Erzgebirge  (près  du  Grei- 
fenstein)  ;  4,000  hab.  ;  les  mines  sont  presque  aban- 
données ;  la  passementerie  et  la  cordonnerie  sont  floris- 
santes. Eglise  de  l'an  1300. 

EHRENGRANAT  (Claes-Adam) ,  hippologiste  suédois,  né 
à  Stockholm  le  4  nov.  1781,  mort  le  21  févr.  1842.  Ecuyer 
de  Charles  XIII  (1814),  directeur  du  haras  de  Flyinge 
(1814-1837)  et  écuyer  de  la  cour  (1829),  il  passe  pour 
avoir  été  le  meilleur  maître  d'équitation  en  Suède.  Ses 
ouvrages  sur  la  matière  sont  fort  estimés  ;  les  principaux 
sont  :  les  Mouveme7its  du  cheval  (Lund,  1818,  in-fol.); 
l'Ecole  d'équitation  (1836).  B-s. 

EH  R  EN  H  El  M  (Fredrik-Vilhelm,  baron  von),  homme 
d'Etat  et  physicien  suédois,  né  à  Broby  (Sœdermanland) 
le  29  juin  1753,  mort  à  Stockholm  le  2  août  1828.  Il  fut 
chargé  d'affaires  à  Dresde  (1787),  à  Copenhague  (1790), 
ministre  des  affaires  étrangères  (1797),  président  de  la 
chancellerie  (1801).  Ces  hautes  fonctions,  qui  d'ailleurs 
lui  donnaient  peu  d'influence  sous  un  monarque  capricieux 
comme  Gustave  IV,  ne  l'enrichirent  pas  et,  après  la  révo- 
lution de  1809,  il  se  retira  dans  un  petit  domaine  en 
Smâland.  Ses  rapports  brillent  par  le  style  et  ses  écrits 


scientifiques  par  la  clarté.  Le  plus  étendu  de  ceux-ci  est  le 
Recueil  de  physique  générale  (Stockholm,  1822).  Il 
pubha  Tessin  et  Tessiniana,  biographie  et  anecdotes 
tirées  des  manuscrits  du  célèbre  riksrâd.  B-s. 

EHRENSTRAHL  (David  Klœker,  anobU  en  1674  sous 
le  nom  de  Kloecker  von),  célèbre  peintre  suédois,  né  à 
Hambourg  le  23  sept.  1629,  mort  à  Stockholm  le  23  oct. 
1698.  Entré  comme  copiste  à  la  chancellerie  suédoise 
(1646),  il  assista  à  la  conclusion  des  traités  de  West- 
phahe  (1648).  Il  s'exerçait  dès  lors  à  la  peinture  qu'il 
alla  étudier  à  Amsterdam  sous  Juriaen  Jacobsz,  et  son 
premier  tableau  est  de  1651.  Son  portrait  de  C,-G.  Wran- 
gel  (1652)  servit  de  modèle  pour  une  statue  équestre  en 
bronze  par  J.  Falck  (1655).  Pour  l'attacher  à  la  Suède, 
la  reine  Maria-Eleonora  le  fit  voyager  d'abord  dans  ce 
royaume  (1653),  ensuite  en  Allemagne  (1654)  et  en  Italie 
où  il  resta  jusqu'en  1661.  Ayant  eu  pour  maîtres  J.  San- 
drart  à  Nuremberg  et  P.  de  Cortone,  il  Tétait  devenu  lui- 
même  et  il  fut  nommé  portraitiste  du  roi  Charles  XI  (déc. 
1661),  puis  intendant  de  la  cour  (1690).  Par  ses  talents 
variés  et  sa  fécondité  artistique  qui  lui  valurent  honneurs 
et  richesse,  il  exerça  une  grande  influence  sur  le  dévelop- 
pement de  l'art  en  Suède,  où  il  fit  école,  ayant  eu  pour 
disciples  L.  Weyandt,  M.  Dahl,  D.  von  Kraff't,  M.  Han- 
nibal,  Chr.  Thomas,  H.-G.  Muller,  Elias  Brenner, 
E.  Utterhielm,  A.  von  Behn,  la  reine  Ulrika-Eleonora  et 
sa  fille,  Anna-Maria  Ehrenstrahl  (née  en  1666,  mariée  en 
1688  à  J.  Wattrang,  f  1724  comme  vice-président  de  la 
cour  de  Svea)  qui  réunit  à  Sandemar  une  nombreuse  col- 
lections d'œuvres  de  son  père  avec  les  siennes.  Malheu- 
reusement, il  manquait  d'originafité  et  il  peignit  plutôt 
selon  les  conventions  que  d'après  la  nature  ;  aussi,  à  part 
les  portraits  qu'il  fallait  bien  faire  ressemblants,  les  ta- 
bleaux de  ce  contemporain  de  la  grandeur  de  la  Suède 
n'ont-ils  pas  toute  la  valeur  historique  qui  les  rendrait  si 
précieux.  Parmi  ses  principales  œuvres,  dont  beaucoup  se 
distinguent  par  l'arrangement,  les  effets  de  lumière,  l'har- 
monie des  couleurs,  on  cite  :  le  grand  plafond  de  la  salle 
de  réunion  de  la  noblesse  (1669-1674),  qui  représente  les 
Vertus  tenant  conseil  ;  les  plafonds  et  peintures  murales 
du  château  de  Drottningholm  (1670-1693)  où  les  allégo- 
ries sont  plus  froides  et  moins  transparentes  ;  V Histoire 
de  Disa^  représentée  sur  les  murs  du  château  de  Venn- 
garn  et  qui  ne  sont  plus  connues  que  par  des  gravures  ; 
le  Couronnement  de  Charles  XI  (1676)  ;  celui  d' Ulrika- 
Eleonora;  le  Crucifiement  (1695)  ;  le  Jugement  der- 
nier (1696),  toile  colossale  pour  la  chapelle  du  palais 
royal  à  Stockholm  ;  le  magistral  portrait  de  Charles  XI  ; 
celui  d'Erik  Dahlberg  ;  ceux  de  nombreux  membres  du 
conseil  et  de  généraux;  des  figures  de  chevaux  et  de  chiens. 
Beaucoup  de  ses  tableaux  ont  été  gravés  par  G.-C.  Eimmart, 
à  qui  l'on  doit  le  Certamen  équestre  ou  tournoi,  à  l'oc- 
casion du  couronnement  de  Charles  XI  (en  62  feuilles, 
1686,  avec  texte  allemand  et  latin),  par  J.  SanSrart,  Van 
Aveelen,  Padtbrugge,  Boulanger,  Edelinck,  Schenck,  Van 
Mùnnickhuysen  et  Van  Schuppen.  L'Académie  suédoise  fit 
frapper  une  médaille  en  son  honneur  (1808)  et  son  éloge 
fut  prononcé  par  Nordin  dans  Svenska  Academiens 
handlingar  (1819,  t.  V).  Beauvois. 

EHRENSTRÂLE  (David  Nehrman,  anobli  en  1746  sous 
le  nom  de),  juriste  suédois,  né  à  Malmœle  14  juil.  1695, 
mort  à  Saeby  (Smâland)  le  6  mai  1769.  Après  avoir  étu- 
dié le  droit  à  Lund,  à  Halle  et  en  Hollande,  il  fut  audi- 
teur à  la  cour  de  Gœta  (1717),  puis  professeur  de  droit  à 
Lund  (1720-1753).  Aussi  profond  que  clair,  il  fut  le  pre- 
mier qui  interpréta  avec  autorité  la  législation  de  la  période 
parlementaire.  Il  avait  écrit  sur  toutes  les  matières  de  son 
enseignement,  et  ses  manuscrits  sont  conservés,  quoique 
sa  riche  bibliothèque  ait  péri  dans  un  incendie  en  1752.  Il 
publia  ;  Introduction  à  la  jurisprudence  civile  (Lund, 
1729,  in-4);  à  la  procédure  civile  (ibid,,  1732;  nouv. 
édit.  ;  Upsala,  1751  et  1759)  ;  à  la  procédure  crimi- 
nelle (Stockholm,  1756,  in-4);  le  Droit  civil  de  la  Suède 


EHRENSTRÂLE  -  EHRENSV^RD 


—  704  — 


(ibid,,  1746);  Leçons  sur  le  titre  du  mariage  (ibid., 
4747)  ;  sur  les  successions (Upssih,  4752), plus  vingt-sept 
dissertations  (1719-1752)  et  cinq  programmes.       B-s. 

EHRENSTRŒM  (Johan-Albrekt),  homme  politique  et 
mémorialiste  finno-suédois,  né  à  Helsingfors  le  28  août 
1762,  mort  le  15  avr.  1847.  Après  avoir  été  chargé  par 
Gustave  III  d'une  mission  secrète  en  Livonie  et  en  Estho- 
nie  (1787),  il  devint  second  secrétaire  au  cabinet  de  la 
correspondance  étrangère  (1788),  puis  secrétaire  d'am- 
bassade et  fut,  en  cette  qualité,  l'un  des  signataires  du 
traité  de  Verelse  (1790).  Il  suivit  le  roi  à  Aix-la-Chapelle 
(1791)  et  il  avait  devant  lui  les  plus  brillantes  perspec- 
tives, bientôt  assombries  par  la  mort  tragique  du  mo- 
narque (1792).  Mis  à  la  retraite,  il  complota  avec  Armfelt 
et  Aminoff  le  renversement  de  la  régence  et  son  remplace- 
ment par  les  derniers  conseillers  de  Gustave  III.  Leur 
correspondance  avant  été  saisie  (déc.  1793),  il  fut  con- 
damné à  mort  (22  sept.  1794),  mais  gracié  sur  l'échafaud 
(8  oct.)  et  mis  en  liberté  à  la  majorité  de  Gustave^  IV 
(1796),  puis  réhabilité  (1800)  et  même  nommé  conseiller 
d'Etat (1809).  Après  la  séparation  de  la  Finlande,  il  s'y 
fixa,  devint  président  de  la  commission  des  travaux  publics 
à  Helsingfors  (1812-1818),  membre  du  sénat  (1820- 
1825).  Une  partie  de  ses  intéressantes  lettres  à  G.  Adles- 
parre  (1811-1824)  furent  publiées  par  celui-ci  dans 
Handlingar  rœrande  Sveriges  historia  (Stockholm, 
1833,  t.  IX) .  Ses  Notes  historiques,  qui  ne  devaient  paraître 
que  vingt-cinq  ans  après  sa  mort,  ont  été  éditées  par 
S.-J.  Boëthius  (1882-83).  Beauvois. 

EHRENSTRŒM  (Marianne-Maximiliana-Christina-Lo- 
visa  PoLLET,  dame),  femme  de  lettres  suédoise,  née  à 
Deux-Ponts  le  9  déc.  1773,  morte  à  Stockholm  le  4  janv. 
1867.  Demoiselle  d'honneur  de  la  reine  douairière  Sofia- 
Magdalena  (1792),  elle  fut  mariée  (1803)  au  général  Nils- 
Fre'drik  Ehrenstrœm  (f  1816),  frère  du  précédent,  et, 
pendant  que  son  mari  commandait  à  Gœteborg,  elle  donna 
l'hospitalité  aux  Bourbons  exilés.  Elle  tint  une  école  à 
Stockholm  de  1815  à  1831.  Ses  talents  variés  la  firent 
appeler  la  Corinne  de  la  Suède.  Elle  était  membre  de 
l'Académie  de  musique  (1799)  et  de  celle  des  beaux-arts 
(1800),  mais  son  esprit  et  ses  grâces  la  firent  mieux 
apprécier  de  ses  contemporains  que  ne  la  recommandent  à 
la  postérité  ses  tableaux  et  ses  Notices  sur  la  littérature 
et  les  beaux-arts  en  Suède  (Stockholm,  1826)  et  sa 
Notice  sur  M.  de  Léopold  (ibid.,  1833),  toutes  deux  en 
français.  Des  Souvenirs,  tirés  de  ses  Mémoires  et  de  ses 
Notes  sur  les  contemporains,  ont  été  publiés  par 
A.  Ahnfelt  dans  Ur  svenska  ho f vêts  och  aristokratiens 
lif  (1880).  Beauvois. 

EHRENSY>€RD  (Augustin,  comte),  général  et  grand 
organisateur  suédois,  né  à  Fullerœ  (Vestmanland)  le 
25  sept.  1710,  mort  à  Saris  (laen  d'Abo)  le  4  oct.  1772. 
Engagé  dans  l'artillerie  (1726),  il  devint  lieutenant  en 
1734  et  il  inventa  une  Manière  de  tirer  et  de  lancer  les 
projectiM  (SiookhoXm,  1741)  avec  plus  de  précision  et 
de  force.  Il  fit  comme  capitaine  la  guerre  de  1741-42. 
En  qualité  de  lieutenant-colonel  (1747),  de  général  de 
brigade  (1756)  et  de  membre  influent  de  la  Chambre  des 
nobles,  il  prit  une  part  importante  aux  mesures  de  défense, 
fut  chargé  de  fortifier  Sveaborg  (1749)  et  créa  la  flottille 
côtière  (1756),  si  bien  appropriée  pour  être  utilisée  dans 
les  récifs  qui  bordent  la  Finlande,  où  elle  pouvait  servir 
d'auxiliaire  tout  à  la  fois  à  la  grande  flotte  et  à  l'armée. 
Ses  travaux  furent  interrompus  par  la  guerre  de  Pomé- 
ranie  (1757-62),  où  il  commanda  d'abord  en  second.  Il 
devint  lieutenant  général  (1759)  et,  après  s'être  remis 
d'une  blessure  reçue  à  Passevalk  (1760),  fut  nommé 
général  en  chef  (1761),  mais  un  excellent  plan  d'opéra- 
tions qu'il  avait  soumis  au  comité  secret  dut  être  rejeté, 
faute  de  ressources,  et  la  paix  fut  conclue.  Les  Bonnets 
ayant  eu  le  dessus  dans  les  luttes  parlementaires,  il  fut 
mis  à  l'écart  (1766)  jusqu'au  triomphe  des  Chapeaux 
(Hattarne)  en  1770.  Baronnisé  en  1764,  comtifié  en 


1771,  il  fut  nommé  feld-maréclial  en  1772.  Tel  était  son 
patriotique  désintéressement  qu'après  avoir  manié  des 
millions  il  mourut  pauvre.  Ses  restes  furent  transférés  au 
milieu  de  ses  belles  créations,  à  Sveaborg,  par  ordre  de  Gus- 
tave m,  qui  lui  fit  élever  un  monument.  Il  était  aussi  poète, 
peintre  et  graveur.  L'Académie  des  sciences  de  Stockholm, 
dont  il  fut  membre  (1738),  secrétaire  (1740)  et  président 
(1742-43),  fit  frapper  une  médaille  en  son  honneur  et 
prononcer  son  éloge  par  Fr.  Wsern  (1876).     Beauvois. 

EHRENSV>tRD  (Carl-August,  comte),  amiral,  esthé- 
ticien et  dessinateur  suédois,  fils  du  précédent,  né  le 
o  mai  1745,  mort  à  (Erebro  le  21  mai  1800.  Inscrit 
comme  cadet  dès  l'âge  de  huit  ans,  il  devint,  en  1761, 
lieutenant  sur  la  flottille  côtière,  fit  la  guerre  de  Poméranie 
(1761-62),  visita  Brest  et  d'autres  ports  français  (1768), 
fit  un  voyage  en  Italie  (1780-82)  dont  il  a  donné  la  rela- 
tion (Stockholm,  1786,in-4).Du  grade  de  colonel  (1777), 
il  passa  à  celui  de  grand  amiral  (1784),  continua  les  for- 
tifications de  Karlskrona  et  mit  la  flotte  en  état  de  prendre 
une  part  honorable  à  la  guerre  de  1788.  Il  fut  moins  heu- 
reux comme  chef  de  la'  flottille  côtière  (1789),  qui  fut 
détruite  à  Svensksund  (24  août),  mais  on  attribua  ce 
désastre  à  l'intervention  de  Gustave  III  qui  prit  d'ailleurs 
une  éclatante  revanche  au  même  lieu  les  9  et  10  juil. 
1790.  Mécontent  du  roi,  il  se  fit  relever  de  son  comman- 
dement et  ne  le  reprit  que  comme  membre  du  conseil  de 
régence  (sept.  1792  à  nov.  1794).  Dans  ses  loisirs,  il 
cultiva  les  lettres  et  le  dessin,  non  pas  en  simple  ama- 
teur, mais  en  véritable  penseur  et  en  habile  artiste.  Sa 
Philosophie  des  beaux-arts  (Stockholm,  1786),  où  il 
montre  trop  de  partialité  pour  l'antique,  ne  se  distingue 
pas  autant  par  la  clarté  que  par  la  profondeur  et  l'origi- 
nalité. Les  mêmes  qualités  se  retrouvent  dans  ses  rapports 
sur  le  système  administratif  à  Karlskrona  et  dans  l'ami- 
rauté (dans  Revue  maritime  suédoise,  1840)  et  dans 
son  Mémorandum  adressé  à  Gustave  III.  Ses  Ecrits,  pu- 
bliés à  Strengnœs  (1816)  et  à  Stockholm  (1837)  ont  été 
réédités  par  C.  Eichhorn  (Stockholm,  1866)  avec  une 
notice  biographique.  Ses  deux  albums  de  caricatures  sur 
l'histoire  de  Suède  étaient  regardés  par  J.-G.  Oxenstierna 
comme  une  œuvre  de  génie.  Beauvois. 

BiBL.  :  Franzén,  Eloge,  dans  Svenska  Akademiens 
handlingar,  1833,  t.  XV.  —  Atterbom,  Siare  och  skalder, 
t.  I.  —  B.  von  Beskow,  Not.,  dans  Vitterhets-historie- 
och  antiq.  Akademiens  ^handlingar,  1841,  t.  XVI.  — 
Ljunggren,  Sur  la  Philos.  d'Ehrensvserd,  dans  Sv.  Akad. 
handl,  1857,  t.  XXIX,  et  1871,  t.  XLVI.  —  A.  Nybl^us, 
Den  filosofiska  forskningen  i  Sverige,  1873,  t.  I. 

EHRENSV>€RD  (Gustaf-Johan,  baron),  mémorialiste 
suédois,  cousin  du  précédent,  né  le  20  févr.  1746,  mort  à 
Berlin  le  24  févr.  1783.  Enrôlé  dès  l'âge  de  sept  ans  et 
enseigne  sur  la  flottiUe  côtière  dès  1762,  il  fut  chambel- 
lan (1767-1780)  de  Gustave  III  qu'il  suivit  dans  ses 
voyages  en  1770-71,  et  cumula  avec  ces  fonctions  celles 
de  directeur  du  théâtre  royal  (1773-76).  Penchant  vers 
l'opposition,  il  fut  nommé  ministre  à  La  Haye  (1780)  et 
termina  sa  carrière  diplomatique  en  Prusse,  où  il  était 
passé  en  1782.  Imbu  du  sentimentalisme  de  Roiisseau,  il 
déclama  souvent  contre  la  vie  des  cours  quoiqu'il  brillât 
à  celle  de  Gustave  III,  dont  il  était  estimé.  Le  journal  qu'il 
tint  en  1770,  puis  de  mai  à  oct.  1776  et  de  juil.  1779  à 
juil.  1780,  est  aussi  remarquable  comme  œuvre  littéraire 
que  précieux  comme  source  historique.  Connu  depuis  long- 
temps par  des  extraits,  il  a  été  publié  en  entier  par 
E.-V.  Montan,  Dagboksanteckningar  fœrda  vid  Gus- 
taf  III  s  hof  (Stockholm,  1777-78,  2  vol.  in-8),  avec 
son  rapport  sur  V Origine  du  théâtre  suédois,   Beauvois. 

EHRENSV/ERD-Gyllembourg  (Carl-Fredrik),  homme 
politique  et  pubHciste  suédois,  frère  consanguin  du  précé- 
dent, né  le  7  janv.  1767,  mort  à  Copenhague  en  1815.  Il 
était  lieutenant  d'artillerie  lorsqu'il  fut  condamné  à  mort 
pour  compHcité  non  active  dans  l'assassinat  de  Gustave  III 
(1792).  A  la  demande  de  ce  monarque,  la  peine  fut  com- 
muée en  bannissement  et  à  la  perte  de  la  noblesse.  Il  se 


705 


EHRENSV.ERD  -  EIIRSTROEM 


retira  en  Danemark,  et  le  nom  de  sa  mère  (Gyllenborg), 
qu'il  ajouta  au  sien,  fut  illustré  sous  sa  forme  francisée 
(Gyllembourg)  par  Th.  Chr.  Buntzen,  femme  divorcée  de 
P. -A.  Ileiberg  et  mère  du  célèbre  J.-L.  Heiberg,  qu'il 
épousa  en  1801.  Il  écrivit  en  faveur  de  l'union  pacifique 
des  trois  Etats  Scandinaves  une  brochure  qui  fut  répandue 
en  Skanie  par  des  ballons  non  montés  (1808-1809).  Il 
traita  aussi  en  danois  des  questions  politiques  et  d'économie 
rurale.  B-s. 

EHRHARDT  (Karl-Ludwig-Adolf),  peintre  allemand, 
né  à  Berhn  le  21  nov.  1813.  Il  a  été,  à  Dusseldorf,  élève  de 
Schadow,  est  établi  à  Dresde  depuis  1836  et  professe  à 
l'Académie  des  beaux-arts  depuis  1846.  Il  a  travaillé  à  la 
décoration  murale  de  la  salle  du  Trône  et  à  la  galerie  des 
Fêtes  du  château  royal  et  a  peint  un  grand  nombre  de 
tableaux  d'histoire  et  de  piété,  ainsi  que  quelques  portraits. 
Ses  œuvres  principales  sont  les  trois  peintures  murales 
de  la  grande  salle  du  lycée  de  Bautzen,  représentant  l'his- 
toire des  sciences. 

EH  RHART  (Frédéric),  botaniste  suisse,  né  à  Holderbank 
(Argovie)  en  1742,  mort  en  1793.  Fils  d'un  pasteur,  il 
prit  goût  tout  jeune  à  l'histoire  naturelle,  et  le  grand  Hal- 
1er  voulut  en  faire  son  bibliothécaire,  mais  il  refusa  pour 
ne  pas  abandonner  son  père  malade.  Plus  tard,  il  étudia  la 
pharmacie  et  la  botanique  à  Nuremberg,  Erlangen,  Hanovre 
et  Upsal,  où  il  suivit  les  leçons  des  deux  Linné.  Il  passa  le 
reste  de  sa  vie  dans  le  Hanovre,  où  il  fut  chargé  parle  gou- 
vernement de  dresser  la  flore  du  pays.  On  lui  doit,  outre  la 
flore  hanovrienne,  qui  n'a  pas  été  publiée,  le  Supplemen- 
tum  plantarum  de  Linné  jeune,  sept  volumes  de  Supplé- 
ments à  Vhistoire  naturelle^  et  cent  vingt-six  «  décades  » 
de  ses  précieux  herbiers.  Le  nom  iVEhrharta  a  été  donné 
à  un  genre  de  la  famille  des  Graminées.  E.  K. 

EHRIVIANN  (Marianne,  née  Brentano),  polygraphe 
suisse,  née  à  Rapperschwyî  le  25  nov.  1755,  morte  à  Stutt- 
gart le  14  août  1795.  Elle  dirigeait  avec  succès  dans  sa 
ville  natale  un  pensionnat  de  jeunes  filles  lorsqu'elle  épousa 
un  homme  qui  dissipa  promptement  sa  petite  fortune.  Elle 
partit  alors  pour  Vienne,  qu'elle  quitta  sous  le  nom  de 
Sternheim  pour  courir  l'Allemagne  comme  comédienne. 
Remariée  à  Strasbourg  avec  le  géographe  Ehrmann,  elle 
alla  habiter  Stuttgart.  De  nouveaux  malheurs  conjugaux 
l'engagèrent  à  embrasser  la  carrière  des  lettres,  où  elle  se 
fit  un  nom.  La  plupart  de  ses  ouvrages  sont  consacrés  à 
l'éducation  des  femmes  :  d'une  pensée  sage,  d'une  morale 
pure  et  douce,  d'un  style  excellent,  ils  ne  laissent  rien  devi- 
ner de  la  vie  accidentée  de  leur  auteur.  Citons  entre  autres  : 
Heures  de  loisir  d'une  dame,  Philosophie  d'une  femme, 
Heures  de  récréation  d'Amélie,  journal  périodique  rem- 
placé par  la  Solitaire  des  Alpes,  Légèreté  et  bon  cœur, 
le  Comte  Bilding,  etc.  E.  K. 

EHRIVIANN  (Jean-François),  homme  politique  français, 
né  à  Strasbourg  le  12  mars  1757,  mort  à  une  date  que 
nous  ignorons.  Avocat  à  Strasbourg,  juge  au  tribunal  de 
cette  ville,  il  fut  élu  le  8  sept.  1792  député  suppléant  du 
Bas-Rhin  à  la  Convention.  Il  fut  immédiatement  appelé  à 
siéger,  par  suite  du  refus  de  Jean  Bertrand,  ne  prit  aucune 
part  au  jugement  du  roi  pour  cause  de  maladie  et  remplit 
des  missions  aux  armées  de  Rhin-et-Moselle.  Il  fut,  dans 
l'Assemblée,  un  partisan  de  la  réforme  judiciaire  dans  un 
sens  économique  et  prit  part  aux  discussions  sur  l'Ecole 
normale,  le  code  civil,  la  déclaration  des  droits,  l'organisa- 
tion judiciaire,  etc.  Le  23  vendémiaire  an  IV,  il  fut  nommé 
député  du  Bas-Rhin  au  conseil  des  Cinq-Cents  où  il  s'oc- 
cupa activement  des  questions  d'enseignement.  En  1799, 
il  fut  nommé  juge  au  tribunal  d'appel  de  Colmar  et  devint 
en  1811  conseiller  à  la  cour  impériale  de  cette  ville.  Il  fut 
destitué  par  la  Restauration. 

EHRIVIANN  (Les).  Famille  de  médecins  alsaciens  dont 
plusieurs  furent  professeurs  à  l'université  de  Strasbourg. 
Le  plus  éminent  a  été  Charles- Henri  Ehrmann,  anato- 
miste  et  chirurgien,  né  à  Strasbourg  le  15  sept.  1792,  mort 
à  Strasbourg  le  19  juin  1878.  K  servit  dans  l'armée  en 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —  XV. 


1813  et  1814,  fut  reçu  chef  des  travaux  anatomiques  à  la 
faculté  de  Strasbourg  en  1822,  nommé  professeur  d'ana- 
tomie  et  de  clinique  chirurgicale  en  1826,  médecin  accou- 
cheur en  chef  des  hospices  civils  en  1837,  et  organisa 
l'internat  des  élèves  sages-femmes.  En  prenant  à  sa  charge 
l'enseignement  de  l'anatomie  pathologique,  il  devint  par  le 
fait  directeur  du  Musée  anatomique,  dont  il  publia  les 
catalogues.  De  1857  à  1867,  Ehrmann  remplit  les  fonc- 
tions de  doyen  de  la  faculté.  Ce  qui  a  fait  surtout  la  célé- 
brité de  son  nom,  c'est  l'opération  de  la  laryngotomie 
exécutée  par  lui  en  1844  pour  un  polype  du  larynx,  âïïec- 
tion  réputée  incurable  jusqu'alors.  Ouvrages  principaux  : 
Laryngotomie,  etc.  {Stvdishourg,  1844,  in-8)  ;  Observa- 
tion d'anatomie  pathologique,  etc.  (Strasbourg,  1847, 
pet.  in-fol.  av.  6  pi.);  Histoire  des  polypes' du  la^ 
rynx,  etc.  (Strasbourg,  1850,  in-fol.  av.  6  pi.)  ;  Nou- 
veau Recueil  de  mémoire  d'anatomie pathologique,  etc. 
(Strasbourg,  1862,  in-fol.  av.  7  pi.).  —  Son  fils,  Albert 
Erhmann,  médecin  militaire  de  grand  mérite,  né  à  Stras- 
bourg le  9  sept.  1821,  mort  au  Mans  le  l^^janv.  4871, 
avait  pris  part  à  l'expédition  du  Mexique  et  à  la  guerre 
de  1870. 

EH  RM  AN  N  (François-Emile),  peintre  français,  né  à  Stras- 
bourg le  5  sept.  1833.  Elève  de  Gleyre,  entré  à  l'Ecole 
des  beaux-arts  en  1857,  il  a  été  successivement  médaillé 
en  1865,  1868  et  1874,  a  obtenu  une  médaille  d'or  à 
l'Exposition  universelle  de  1889,  et  a  été  décoré  en  1879. 
M.  Ehrmann  a  peint,  entre  autres  œuvres,  le  Vainqueur, 
la  Fontaine  de  Jouvence;  il  a  composé  quatre  cartons 
pour  des  tapisseries  des  Gobelins  destinées  à  la  Biblio- 
thèque nationale  :  le  Manuscrit,  le  Livre,  l'Antiquité  et 
le  Moyen  Age.  On  lui  doit  aussi  les  Muses,  plafond  pour  la 
chancellerie  de  la  Légion  d'honneur. 

EHRNROTH  (Gustaf-Robert),  officier  et  écrivain  fin- 
landais, né  à  Lovisa  le  31  janv.  1827.  Fils  du  général 
Gustaf-Adolf  Ehrnroth  (1779-1848),  il  entra  dans  la 
garde  en  1838  et  fut  nommé  général  de  brigade  en  1861 
et  de  division  en  1878.  Il  a  publié  en  français:  Projet 
d'une  amélioration  à  introduire  dans  le  système 
d'armement  de  l'infanterie  (Liège,  1847), et  en  suédois: 
Règlements  pour  les  exercices  des  bataillons  de  tirail- 
leurs de  r indelta  finlandaise  (1855);  Guide  pour 
l'élève  du  cheval  (1876).  —  Sa  sœur,  Lovisa- Adélaïde, 
née  le  17  janv.  1826  à  Nastola,  a  adressé  à  divers  jour- 
naux des  lettres  de  l'étranger,  écrites  dans  ses  nombreux 
voyages  en  Scandinavie,  en  Allemagne,  en  France,  en 
Suisse  et  en  Italie.  Elle  a  aussi  publié  à  part,  en  suédois, 
des  Traditions  et  Souvenirs  (1863),  ainsi  que  des  récits 
et  nouvelles  dont  la  pensée  dominante  est  l'émancipation 
de  la  femme:  Présents  de  Noël  (1865)  ;  la  Famille 
Vœrnskœld  (1866)  ;  Dagmar  (1870)  ;  le  Temps  passe  et 
nous  aussi  (1878),  et  le  Pierrot  (1868),  calendrier.  — 
Leur  frère,  Johan-Kasimir,  né  le  26  nov.  1833,  entra 
dans  l'armée  russe  (1850)  au  sortir  de  l'école  des  cadets 
de  Fredrikshamn,  servit  comme  major  au  Caucase  (1857), 
où  il  fut  blessé  (1858)  et  reçut  un  sabre  d'honneur; 
ensuite  en  Pologne  (1863),  devint  général  de  brigade 
(1868),  enfin  lieutenant  général  (1877)  dans  la  guerre  des 
Balkans.  Il  prit  un  congé  temporaire  (1881)  pour  remplir 
en  Bulgarie  les  fonctions  de  ministre  de  la  guerre.  A  son 
retour  en  Finlande,  il  fut  nommé  sous-secrétaire  d'Etat 
(1882),  puis  secrétaire  d'Etat  (1888).  B-s. 

EHRSTRŒIVI  (Erik-Gustaf),  linguiste  finlandais,  né  le 
28  mai  1791,  mort  le  25  avr.  1835.  Après  avoir  enseigné 
le  russe  à  l'universitéd'Abo,  et  publié  une  grammaire  et  un 
vocabulaire  de  cette  langue,  il  se  fit  ordonner  prêtre  (1824) 
et  devint  pasteur  à  Tenhola,  puis  à  Saint-Pétersbourg.  Dès 
1821,  il  exposait  avec  une  remarquable  précision  le  pro- 
gramme du  fennisme,  aujourd'hui  réalisé  par  l'enseigne- 
ment du  suomalais  dans  toutes  les  écoles  et  par  son  emploi 
comme  une  des  deux  langues  olficielles.  —  Son  fils,  Carl- 
Gustaf,  criminaliste,  né  à  Abo  le  17  mars  1822,  est  mort 
à  Holsingfors  le  23  oct.  1886.  Après  avoir  publié  des  thèses 

45 


EHRSÎRCEM  -  ElB 


-  706  - 


sur  la  Procédure  criminelle  (1854)  et  le  Principe  de 
Vorqanisation  du  système  pénitentiaire  {i>io\)),  U  tut 
nommé  professeur  de  droit  pénal  à  l'université  de  Helsing- 
fors  (1860)  et  prit  une  part  active  à  1  adoucissement  des 
pénalités,  soit  comme  membre  ou  secrétaire  de  comités 
législatifs,  soit  comme  représentant  de  l  université  aux 
diètes  de  1872  et  1877;  il  rédigea  le  projet  de  code  pénal 
(1875).  En  1880,  le  sénat  de  Finlande,  dont  il  était  membre 
depuis  1877,  le  désigna  pour  faire  parti^e  du  comité  des 
afi^ires  finlandaises  à  Saint-Pétersbourg  (1 880  .  la  publie 
de  nombreux  travaux  sur  le  droit  pénal  dans  la  hevue  de 
la  Société  juridique  de  la  Finlande,  dont  il  fut  l  éditeur 
de  1866à  1875,  et  dans  des  revues  suédoise  et  allemande. 

Beau  VOIS. 
EHSTES  ou  ESTHONIENS.  Peuple  de  la  Russie  d'Eu- 
rope. Ils  s'appellent  en  allemand  £M6^n,  en  russe  Lsty 
onEstontsy,  Eux-mêmes  se  donnent  le  nom  de  Talupoeg, 
Maarhwas  ou  Eestlased.  Ils  sont  de  race  finnoise,  appa- 
rentés aux  Suomi  de  Finlande.  Ils  ont  donne  leur  nom 
à  la  province  d'Ehstonie,  mais  ils  se  rencontrent  également 
en  Livonie  et  dans  les  gouvernements  de  baint-Feters- 
boure,  de  Pskov,  de  Yitebsk.  Ils  ressemblent  beaucoup 
aux  tavastes  finlandais  :  ils  ont  comme  eux  les  cheveux 
d'un  blond  pâle  ou  châtains,  les  yeux  bleus  ou  gris,  les 
paupières  souvent  bridées.  Ils  sont,  sauf  au  bord  de  la  mer, 
de  taille  moyenne  et  de  chétive  apparence.  Ils  sont  essen- 
tiellement agricoles.  Leur  langue  apparentée  au  finlandais 
se  divise  en  deux  dialectes  principaux  :  celui  de  Keval  et 
celui  de  Verro.  Ils  ont  une  littérature  populaire  tort  inté- 
ressante; on  a  recueilli  chez  eux  des  chants  qm  forment 
une  sorte  d'épopée  :  le  Kalevipoëg  (Fils  de  Kalevi)  ou  1  on 
a  voulu  voir  le  pendant  du  Kalevala  finnois,  et  le  \ana 
Kannel  (Lyre  antique).  Ils  appartiennent  à  1  Eglise   uthe- 
rienne  sauf  50,000  environ,  qui,  en  1846,  et    en  1882, 
14,000,  en  Esthonie,  ont  passé  à  l  Eglise  fthoaoxe   _ 
Ils   sont  au  nombre  d'environ  800,000,  dont  300,000 
en  Ehstonie,  440,000  en  Livonie,  le  reste  dans  les  gou- 
vernements limitrophes.  Ils  paraissent  être  aborigènes  dans 
ces  provinces.  Ce  seraient  les  Fcnni  de  Tacite.  Soumis 
d'abord  par  les  Danois,  ensuite  par  les  Allemands,  ils  ont 
eu  à  supporter  de  longs  siècles  de  servitude.  Ils  ont  ete 
affranchis  du  servage  au  commencement  du  xix«  siècle  ;  un 
certain  nombre  d'entre  eux  se  sont  élevés  peu  a  peu  a  la 
condition  de  propriétaires  ruraux  ;  mais  jusqu  ici  ils  n  ont 
ffuère  eu  de  classe  moyenne,  moins  encore  d  aristocratie. 
Ceux  d'entre  eux  qui  arrivaient  à  une  condition  supérieure 
devenaient  Allemands  au  Russes.  Dans  ces  dernières  années 
ils  ont  bénéficié  des  réformes  introduites  par  le  gouverne- 
ment russe  qui  tendent  à  annihiler  de  plus  en  plus  l  an- 
tique prépondérance  des  Allemands.  Leur  littérature  con- 
siste surtout  en  livres  religieux  ou  populaires.  Ils  publient 
quelques  journaux.  Depuis  1873  existe  une  société  de  litté- 
rature nationale  qui  édite  des  livres  populaires.  Parmi  les 
écrivains  de  notre  temps,   les   plus  remarquables   sont 
M'''^  Lydia  Jansen,  Kreutzwald,  Hurt  et  Weske.  L.  Léger. 
BiBL  •  V.,  outre  les  ouvra,û:es  généraux  sur  les  Finnois  et 
leurs  lan-ues  et  sur  les  provinces  baltiques,  ^Siedemann, 
Éslhmsches  deutsches  Wœrterbuch;    «;^;^t-Petersbour|, 
1855.  __  Du  môme,  Esthmsche  GrammaUliiSamt-PGter^- 
houv^    1875  -    sChott,    Die  Sagen  von  Kalewi   Pocg; 
Berlin,  1863."  -   ^kuss,  Esthnisclie  yo|/isUeder ;Reval, 
1850-1851.  -  Kreutzwald,  Sagen  und  Mœrcfien,  traduits 
par  Lôwe;  Halle,  1869.  -  Bocler  et  Kreutzwald,  Der 
Isthen    aberglœubliche    Gebrœuche;  Saint- Peter «b^^^^^ 
1854     —  Krusâ,    Urqeschichte   des    esthmschen   VoUi- 
linYnmP<i'  Moscou   1846.—  Wiedemann,  Aus  dem  Innem 
tm^Ssem  Leb'en  der  Estben;  Saint-Pétersbourg,a8  6 
-Verhandlungen  der  gelehrten  esthmschen  Gesellschaft 
2U  Dorpat. 

EHSTONIE  ou  ESTHONIE  (en  allemand £5^/i/a/zd,  en 
russe  Estiiandia).  Géographik.  —  Province  de  l'empire 
de  Russie.  Les  indi^ènes  l'appelle  Eesti-Maa.  Elle  est  com- 
prise entre  d^'W  et  o9«  W  lat.  N.;  19°  W  et  &  50 
lono  E.  Elle  fait  partie  des  provinces  dites  Baltiques.  Elle  est 
bornée  à  TE.  par  le  goavernement  de  Saint-Pétersbourg  dont 
le  sépare  la  Narva  ;Va  S.  par  la  Livonie,  au  N.  et  à  10.  par 


la  mer  Baltique.  Sa  superficie  est  de  20,^47  kil.  q.  Le 
gouvernement  d'Ehstonie  comprend,  en  dehors  de  son  sol 
propre,  soixante-dix  îles.  La  province  forme  une  vaste 
plaine  d'où  émergent  quelques  collmes.  L  altitude  varie 
entre  60  et  120  m.  Le  point  le  plus  eleve  atteint  154  m. 
Le  sol  est  essentiellement  sablonneux  et  calcaire.  On  y 
trouve  de  nombreux  marais.  Les  lacs  sont  au  nombre  de 
deux  cents.  En  dehors  de  la  Narva,  les  cours  d  eaux  les 
plus  importants  sont  le  Kasarg,  le  Kegel,  le  Tala  et  la 
Witna.  Les  forêts  occupent  un  espace  considérable;  mais, 
faute  de  cours  d'eau  navigables,  elles  sont  insuffisamment 
exploitées.  Les  côtes  assez  élevées  au-dessus  delà  mer  sont 
constituées  par  du  calcaire  et  du  grès.  On  y  jfouve  de 
l'ambre.  Le  climat  est  assez  malsain  à  cause  de  1  humidité 
du  pays,  très  chaud  en  été,  très  froid  en  hiver.  A  Rêva  ,  la 
température  moyenne  est  de  4-  4o  L'agriculture  1  eleve 
du  bétail,  la  pêche,  la  construction  des  navires,  la  distilla- 
tion de  l'alcool,  sont  les  principales  industries  des  habi- 
tants. Les  principaux  objets  d'exportation  sont  le  Im,  les 
céréales,  l'alcool,  La  culture  des  arbres  fruitiers  est  com- 
plètement nédi-êe.  Le  commerce  est  concentre  dans  les 
ports  de  Reval,  Port-Baltique,  Kunda  et  Hapsal.  Ils  impor- 
tent des  objets  manufacturés  et  exportent  des  matières  pre- 

mières.  • 

La  population  est  de  395,979  hab.  Elle  appartient  en 
majorité  à  la  nationalité  ehste  (V.  ci-dessus)  et  à  la  religion 
luthérienne).  4«/o  environ  des  habitants  professent  le  culte 
orthodoxe  ou  le  catholicisme.  5,000  Suédois  habitent 
les  îles;  l'allemand  a  été  jusqu'ici  la  langue  des  classes 
supérieures  et  l'idiome  officiel  :  dans  ces  dernières  années 
on  lui  a  substitué  le  russe.  L'instruction  primaire  est  assez 
répandue  :  on  compte  une  école  pour  environ  500  hab.  La 
province  n'a  pas  d'établissement  d'enseignement  supérieur. 
Elle  est  divisée  en  quatre  districts  :  Harrien,  Jerven, 
Wiek,  AYirland.  Le  chef-lieu  est  Reval.  Les  villes  prin- 
cipales sont  les  ports  ci-dessus  indiqués.  ^ 

Histoire.  —  Les  habitants  primitifs  de  la  province,  les 
Ehstes,  restèrent  païens  jusqu'au  xiii^  siècle  ;  ils  furent 
convertis  par  les  Danois,  qui  s'emparèrent  de  leur  pays  et 
fondèrent  un  évêché  à  RevaL  En  1346,  Waldemar  III  ven- 
dit le  pays  aux  chevaliers  teutoniques  qui  1  incorporèrent 
à  la  Livonie  et  réduisirent  les  habitants  en  servitude.  En 
1561,  l'Ehstonie  passa  au  pouvoir  de  la  Suéde.  En  17 il, 
elle  fut  cédée  à  la  Russie  par  le  traité  de  Nystadt.  Ses 
habitants  avaient  embrassé  la  Réforme  dès  ses  origines.  La 
Russie  respecta  la  religion  des  habitants  et  supprima  le 
serva-e  en  1819.  En  1835,  elle  introduisit  le  code  russe 
et  proclama  la  langue  russe  idiome  officie  à  côte  de  1  alle- 
mand. Dans  ces  dernières  années,  elle  s  est  ettorcee  d  in- 
troduire le  russe  dans  les  divers  ordres  d'enseignement, 
d'émanciper  les  Ehstoniens  de  la  prépondérance  allemande 
et  de  propager  la  foi  orthodoxe  au  détriment  du  luthéra- 
nisme ^*  ^EGER. 

BiBL.  :  V.,  outre  les  ouvrages  sur  les  peuples  ^nnoif  et 
la  Livonie,  Mûller,  Beitrœge  zur  Orographie  und  Hydro- 
graphie von  Esthland;  Saint-Pétersbourg,  1809-18/1.- 
ViLLiGEROD,  Geschichte  Esthlands;  Leipzig,  1817.  - 
Paxfkfr  Die  Reaenlen  Esthlands;  Keval,  ibDO. 
BuNGE^Das  ?/erzo,if.m  Esthland  nnter  den  Komgen  von 
Danemark;  Gotha,  1877.-  Rutenberg,  Gesc/iichfe  der 
olZ^provlnzen;  Leipzig,  1859,  et  les  ouvrages  cites  a 
l'article  précédent. 

EH  UNS.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Saône, arr.  de  Lure, 
cant,  de  Luxeuil,  près  de  laLantenne;  227  hab.  Plateau 
dit  camp  de  César  où  quelques  archéologues  ont  place  le 
lieu  de  la  défaite  d'Arioviste  par  César.  Au-dessous  de  ce 
plateau  et  près  de  l'ancienne  voie  romaine  de  Besançon  a 
Luxeuil  on  a  trouvé  des  armes,  des  poteries  et  des  monnaies. 
ElA.  Fleuve  de  Russie,  affluent  de  la  mer  d'Azov.  Sa 
longueur  est  d'environ  230  kil.  ,       •      j    7 

ÉIB  (Lac).  Lac  de  Bavière,  au  pied  de  la  pointe  de  /.ug, 
dans  une  situation  pittoresque  au  centre  des  Alpes  bava- 
roises, à  959  m.  d'alt,;  il  a  3  kil.  de  long,  1  de  large; 
plusieurs  de  ses  riverains  semblent  de  la  race  des  isiganes. 
BiBL.  :  Reitzenstein,  Der  Eibsee;  Munich,  1885. 


-  707  - 


EIBNER  —  EICHHORN 


ÉIBNER  (Johann-Georg),  peintre  d'architecture,  né  à 
Hilpoltstein,  dans  l'Oberpfalz  (Haut-Palatinat),  le  46  févr. 
4826,  mort  à  Munich  le  18  nov.  1877.  Eibner  visita  divers 
musées  de  l'Europe.  Le  dernier  de  ses  nombreux  voyages 
fut  celui  qu*il  fit  en  Espagne  avec  le  prince  Mestchersky,  et 
les  soixante-cinq  aquarelles  qu'il  exécuta  alors  montrent  à 
quel  point  il  était  maître  en  ce  genre.  Trente-cinq  de  ces 
aquarelles  ont  paru  sous  le  titre  Baudenkmdler  Spaniens, 

EICH.  Rivière  de  Luxembourg  (V.  ce  mot). 

EICHEL  (L')  {Aquila,  743).  Rivière  d'Alsace-Lorraine, 
qui  a  sa  source  au  N.  de  la  Petite-Pierre  (Basse-Alsace), 
traverse  Diemeringen  et  se  jette  dans  la  Sarre  près  d'Et- 
ting,  en  Lorraine,  après  un  cours  de  40  kil.  Depuis  1892 
la  vallée  de  l'Eichel  est  traversée  par  le  chemin  de  fer  de 
Mommeiheim  à  Sarreguemines. 

BiBL,  :  P.  RisTELHUBER,  la  Marche  d'Aqiiilée,  dans 
Bull,  (.e  la  Soc.  des  mon.  hist.  d'Als.,  2«  série,  II,  184-187. 
—  N.  Box,  Notice  sur  les  pays  de  la  Sarre;  Metz,  1889, 
159-16V,  >  :         ^ 

EICHtNDORFF  (Joseph  Freiherr  Von),  écrivain  alle- 
mand, né  au  château  de  Lubowitz,  près  de  Ratibor  en  Silé- 
sie,  le  40  mars  4788,  mort  à  Neisse  le  26  nov.  4857.  11 
reçut  sa  première  instruction  au  gymnase  catholique  de 
Ratibor,  et  étudia  ensuite  le  droit  aux  universités  de  Halle 
et  de  Heidelberg.  Il  fit  un  voyage  à  Paris  en  4808,  et,  au 
retour,  il  séjourna  à  Vienne  (4810).  Lors  du  soulèvement 
de  l'Allemagne  contre  Napoléon  en  4843,  il  entra  comme 
volontaire  dans  un  bataillon  de  chasseurs,  et  il  fit  cam- 
pagne avec  les  armées  prussiennes  jusqu'en  4845.  Revenu 
en  Allemagne,  il  devint  conseiller  référendaire  à  Rreslau 
(4846),  puis  conseiller  du  gouvernement  à  Dynzig  (4824), 
à  Kœnigsberg(4824)  et  à  Berlin  (4834),  et  fut  enfin  atta- 
ché comme  conseiller  privé  au  ministère  des  cultes  (4844). 
Depuis  4  844,  il  vécut  dans  la  retraite  à  Neisse.  Ses  œuvres 
complètes ,  précédées  d'une  notice  biographique  très  dé- 
taillée, ont  été  publiées  en  six  volumes  (Leipzig,  4864). 
Eichendorlf  a  été  appelé  le  dernier  des  romantiques  ;  cette 
épithète  a  été  donnée  également  à  Henri  Heine  ;  elle  prouve 
seulement  que  Eichendorif,  aussi  bien  que  Heine,  n'était 
pas  un  romantique  dans  le  vrai  sens  du  mot.  Les  roman- 
tiques étaient  des  mystiques  en  religion  et  eh  poésie,  des 
réactionnaires  en  politique  ;  Eichendorlf  était  franchement 
catholique,  sans  répudier  aucune  des  libertés  modernes.  Sa 
poésie,  d'une  grande  profondeur  de  sentiment,  a  des  con- 
tours nets  et  précis  ;  quelques-uns  de  ses  lieder  ont  été 
mis  en  musique  et  sont  restés  populaires.  Il  est  moins  heu- 
reux dans  ses  grandes  compositions  romanesques  en  prose 
ou  en  vers  ;  l'art  de  la  composition  lui  manquait  ;  mais  ses 
nouvelles,  surtout  les  Episodes  de  la  viedhm  petit  ave7i' 
turier,  sont  devenues  classiques.  Ses  drames  et  ses  comé- 
dies sont  en  partie  imités  de  l'espagnol  ;  il  a  traduit  aussi 
le  Comte  Lucanor  de  don  Juan  Manuel.  Vers  la  fin  de  sa 
vie,  Eichendorlf  publia  quelques  ouvrages  de  critique  et 
d'histoire,  qui  ne  sont  pas  compris  dans  l'édition  de  ses 
œuvres  complètes,  et  où  il  cherchait  à  combattre  l'influence 
du  protestantisme  dans  la  littérature;  ce  sont  :  De  la  Si- 
gnification morale  et  religieuse  de  la  nouvelle  poésie 
romantique  en  Allemagne  (Leipzig,  4847)  ;  le  Roman 
allemand  du  xvin®  siècle  dans  so7i  rapport  avec  le 
christianisme  (id.,  4851)  ;  Aperçus  sur  lliistoire  du 
drame  {id,,  4854);  Histoire  de  la  littérature  poétique 
de  r Allemagne  (Paderborn,  4857,  2  part.).       A.  B. 

EICHENS   (Boussole  d')  (V.  Boussole,  t.  VH,  p.846). 

EICHENS  (Friedrich-Eduard),  dessinateur  et  graveur 
allemand,  né  à  Berlin  le  27  mai  1804,  mort  le  5  ma'i  4877. 
Il  s'est  formé  à  l'Académie  de  Berlin,  a  visité  la  France  et 
l'Italie,  est  devenu  élève  de  Toschi  à  Parme  et  a  laissé  de 
nombreuses  gravures  d'après  les  maîtres  classiques,  entre 
autres  :  la  Vision  d'Ezéchiel,  d'après  Raphaël;  Sainte 
Madeleine,  d'après  le  Dominiquin;  le  Christ  dans  son 
tombeau,  d'après  H.  Carrache;  le  Prince  liadziwill  sur 
son  lit  de  mort,  d'après  W.  Hensel,  etc. 

EICHENS  (Philip-Hermann) ,  lithographe  et  graveur 
allemand,  né  à  Berlin  le  43  sept.  4812,  frère  du  précédent. 


Il  étudia  à  l'Académie  de  Berlin,  sous  la  direction  d'HenseL 
Parmi  ses  gravures,  on  remarque  :  laJoconde;  le  Retour 
des  pirates  de  Meyerkeim,  etc.  Il  a  été  médaillé  à  Paris, 
comme  Hthographe,  en  4842,  4859,  4864  et  4863. 

EiCHHOFF  (Frédéric-Gustave),  philologue  français,  né 
au  Havre  le  47  août  4799,  mort  à  Paris  le  20  mai  4875. 
Répétiteur  à  l'institution  Massin,  il  devint  précepteur  des 
princes  d'Orléans,  fut  nommé  en  4834  bibliothécaire  de  la 
reine,  suppléa  en  4838  Fauriel  dans  sa  chaire  de  la  Sor- 
bonne,  professa  ensuite  la  Httérature  étrangère  à  la  faculté 
de  Lyon  (4844)  et  fut  nommé  en  4855  inspecteur  général 
de  l'Université.  Il  avait  été  élu  en  4847  membre  cor- 
respondant de  l'Académie  des  inscriptions.  On  a  de  lui  : 
Etudes  grecques  sur  Virgile  (Paris,  4825,  3  vol.  in-8); 
Parallèle  des  langues  de  l'Europe  et  de  Vlnde  (4836, 
in-4);  Cours  de  littérature  allemande  (\^à^^  in-8); 
Histoire  de  la  langue  et  de  la  littérature  des  S  laves  ^ 
Russes,  Serbes,  Bohèmes,  Polonais  et  Lettons  (4839, 
in-8)  ;  Dictionnaire  étymologique  des  racines  alle- 
mandes (iSiO,  in-4 2),  en  collab.  avec  Suckau;  Mélanges 
littéraires  (4842,  in-8)  ;  Essai  sur  V origine  des  Slaves 
(4845,  in-8);  Poésie  héroïque  des  Indiens  comparée 
à  répopée grecque  et  romaine  (4860,  in-8);  les  Piaci7ies 
de  la  langue  allemande  rangées  par  désinences  (4864, 
in-42)  ;  les  Racines  de  la  langue  anglaise  (4864,  in-42); 
Grammaire  générale  indo-européenne  {i^^l ,  in-8); 
Etudes  sur  Ninive,  Persépolis  et  la  mythologie  de 
VEdda  (4855)  ;  Concordance  des  quatre  évangiles 
(4864),  etc.,  sans  compter  un  grand  nombre  de  livres 
classiques  :  morceaux  choisis,  versions,  etc. 

EICHHORN  (Johann-Gottfried) ,  orientaliste  et  théologien 
allemand,  né  à  Dœrenzimern  le  16  oct.  4752,  mort  à 
Gœttingue  le  25  juin  4827.  Dès  4785  il  fut  professeur  de 
lanojues  orientales  à  léna;  en  4788,  il  passa  à  Gœttingue 
où  il  professa  jusqu'à  sa  mort.  Autant  sa  vie  extérieure  fut 
monotone,  autant  son  activité  scientifique  fut  multiple  et 
féconde  ;  illustre  exemplum  felicitatis  academicœ,  dit 
le  panégyrique  d'un  collègue.  Ses  nombreux  ouvrages,  cata- 
logués ailleurs,  forment  deux  catégories  :  les  uns  s'occupent 
de  l'histoire  politique  et  littéraire  des  temps  modernes, 
très  estimés  en  leur  temps,  comme  le  prouvent  les  nom- 
breuses éditions  ;  ils  sont  oubliés  aujourd'hui.  Dans  la 
seconde  catégorie,  on  peut  distinguer  les  études  consacrées 
à  la  littérature  orientale  en  général,  comme  Program.  de 
Cuschœis verisimilia  (Arnstadt,  4774, in-8);  Geschichte 
desostind,  Handels  vor  Mohammed  (Gotha,  4775,  in-8)  ; 
Monumenta antiquissima  historiœ  Arabmn,  etc.  (léna, 
4776,  in-4),  et  bien  d'autres  qui  conservent  leur  valeur. 
Un  périodique  qu'il  publia  de  4777  à  4786  sous  le  titre  de 
Repcrtorium  fur  bibL  u.  morgeyiL  Litteratur  (Leipzig, 
48  vol.  in-8)  peut  servir  de  transition  aux  ouvrages  con- 
sacrés à  la  littérature  biblique,  où  le  génie  d'Eichhorn  finit 
par  se  localiser.  De  4787  à  4803,  il  rédigea  encore  VAlUje- 
meine  Bibliothek  der  bibl.  Litteratiir  (Leipzig,  10  voL 
in-12).  C'est  dans  ce  domaine  qu'il  exerça  une  réelle 
influence  :  il  transforma,  dans  la  voie  ouverte  par  R.  Simon 
et  Semler,  Fisagogique  traditionnelle  en  une  histoire  litté- 
raire de  la  Bible,  en  publiant  son  Einleitung  in  dus  Aile 
Testament  (Leipzig,  4780-4783;  4''  éd.  à  Gœttingue, 
4823-4826,  5  vol.  in-8);  Einleitung  in  die  apokryph. 
Bûcher  des  A.  T.  (Leipzig,  4795,  in-8)  et  Einleitung  in 
das  Neue  Test.  (Leipzig,  1. 1,  4804;  '1^  éd.,  4820  ;  t.  ÎI-V, 
4840-4827,  in-8).  Son  enthousiasme  juvénile  et  commu- 
nicatif  faisait  de  lui  un  professeur  populaire  ;  il  admirait, 
d'ailleurs,  dans  la  littérature  biblique,  plutôt  des  écrits 
intéressants  par  leur  antiquité  que  des  documents  reli- 
gieux. F. -H.  Krûger. 

Bibl.  :  Saalfi^d,  Geschichte  der  Universitset  Gœttingen  ; 
Gœttingue,  1820,  et  Dcering,  même  ouvrage  (suite),  1838, 
dorment  la  liste  complète  des  écrits  d'Eichhorn.  —  Eicii- 
st.i:dt,  Oratio  de  J.-G.  Eic/2/io?*nio...,*  léna,  1827,  in-4.  — 
TvcHSEN,  Memoi'ia  Eichhornii  ;  Ga;ttingue,  1828,  in-8. 

EICHHORN  (Johann- Albrecht-Friedrich) ,  homme  d'Etat 
prussien,  né  à  Wertheim-am-Main  le  2  mars  4779,  mort 


EICHHORN  -  EICHRODT 


—  708  — 


à  Berlin  le  K)  jaiiv.  18o().  Entré  dans  la  magistrature,  il 
trayailla  activement  au  relèvement  de  la  Prusse  et  com- 
battit en  1813;  il  fit  partie  de  la  commission  chargée 
d'administrer  provisoirement  les  pays  allemands  repris  à  la 
France  et  publia  Die  Zentralverwaltung  der  Verbûn- 
deten  unter  dem  Freiherm  vom  Stein  (1814)  ;  joua  un 
rôle  dans  la  liquidation  des  réclamations  allemandes  contre 
la  France,  devint  conseiller  secret  du  ministère  des  affaires 
étrangères,  puis  conseiller  d'Etat  (1817).  Il  fut,  dans  toute 
cette  période,  un  des  principaux  hommes  d'Etat  qui  pré- 
parèrent la  grandeur  de  la  Prusse,  en  particulier  par  le 
Zollverein.  En  1840,  il  fut  nommé  ministre  des  cultes,  de 
l'instruction  publique  et  de  l'hygiène  ;  il  suivit  une  poli- 
tique cléricale,  tenta  vainement  l'organisatien  synodale  de 
l'Eglise  évangélique.  Sa  manière  d'agir  accrut  beaucoup  les 
forces  des  ultramontains  catholiques  et  des  piétistes  pro- 
testants. Il  se  retira  en  1848. 

EICHHORN  (Karl-Friedrich),  jurisconsulte,  né  à  léna 
en  1781,  mort  en  1834.  Dès  1803,  il  é\3iit  privat-docent 
à  Gœttingue  ;  de  1805  à  1811,  il  fut  professeur  ordinaire 
à  Francfort-sur-l'Oder  ;  de  1811  à  1817,  à  Berlin;  enfin 
et  jusqu'en  1831 ,  à  Gœttingue,  où  il  enseigna  avec  un  grand 
succès  le  droit  allemand,  le  droit  ecclésiastique  et  le  droit 
public.  De  1832  à  1847,  il  remplit  de  hautes  fonctions 
judiciaires  et  administratives.  En  1815,  il  avait  fondé  avec 
Savigny  la  Zeitschrift  fur  geschichtliche  Rechtsivissen- 
schaft,  où  il  publia  des  articles  fort  intéressants  sur  les 
collections  espagnoles  de  droit  canon  :  Uber  die  spanische 
Sammliing  der  Quellen  des  Kirchenrechts.  —  OEuvres 
principales  :  Deutsche  Staats-undRecktsgeschichte(Gœt- 
tingue,  1808-1823,  4  vol.  in-8  ;  o«  édit.,  1843-1844)  ; 
Einleitung  in  das  deuische  Privatrecht  mit  EinscJituss 
des  Letinrechts  (Gœttingue,  1823,  in-8;  S'^édit.,  1845); 
Grundsdtze  des  Kirchenrechts  (Gœttingue,  1821-1823, 
2  vol.  in~8)  traduit  en  français  par  H.  Jouffroy  :  le  Droit 
canon  et  son  application  à  l'Eglise  protestante  {Leipzig 
et  Paris,  1843).  E.-H.  Y. 

BiBL.  :  SiEGEL,  Erlnnerung  an  K.-Fr.  Elchhorn;  Vienne^ 
1881,  in-8.  —  ScHULTE,  K.-Fr.  Eichhorn  nach  seinen 
Aufzeichnungen  Briefen;  Stuttgart,  1884,  in-8. 

EICHHORN,  famille  de  musiciens  allemands.  Johann- 
Paul,  né  le  22  févr.  1787  au  village  de  Neuses,  près  de 
Cobourg.  Il  y  reçut  une  éducation  de  paysan  et  apprit  seul 
le  violon.  En  1821,  il  fut  admis  dans  la  musique  de  la  cour 
à  Cobourg.  Il  eut  d'un  premier  mariage  Ernst  Eichhorn, 
né  le  30  avr.  1822,  et  d'un  second  Eduard  Eichhorn,  né 
le  17  oct.  1823.  les  deux  enfants  étaient  merveilleuse- 
ment doués  pour  la  musique,  et  leur  père,  tirant  parti  de 
leurs  aptitudes,  en  fit  des  «  petits  prodiges  ».  Au  mois  de 
mars  1828.  Ernst,  qui  n'avait  pas  six  ans,  joua  à  la  cour 
un  concerto  de  Kreutzer,  accompagné  par  son  frère  Eduard. 
A  la  suite  de  ce  premier  succès,  la  famille  Eichhorn  com- 
mença des  tournées  artistiques  dans  toute  l'Allemagne. 
Puis  les  deux  frères  se  firent  entendre  à  Paris,  Londres, 
Vienne.  Ernst  devint  un  violoniste  très  habile.  Il  est  mort 
à  Cobourg  le  16  juin  1844.  Son  frère  Eduard,  violoniste 
et  compositeur,  a  écrit  plusieurs  œuvres  de  virtuosité, 
notamment  un  concerto  pour  violon.  Il  est  maître  de  cha- 
pelle à  Cobourg.  Ch.  Bordes. 

EICHHORN  (Albert) ,  paysagiste  et  peintre  d'architec- 
ture allemand,  né  à  Freienwalde-sur-Oder  le  7  juil.  1811, 
mort  à  Potsdam  le  19  oct.  1851.  Il  fit  ses  études  au  gym- 
nase de  Joachimsthal  à  Berlin  et  s'occupa  d'abord  d'archi- 
tecture. En  exécutant  des  travaux  d'arpentage,  il  fut  frappé 
de  la  beauté  du  paysage  et  le  goût  de  la  peinture  s'éveilla 
en  lui.  Elève  de  Biermann  à  Berlin,  il  fit  en  1840  un 
Yoyage  en  Italie  et  en  Grèce,  où  son  talent  se  développa 
complètement.  Il  peignait  les  paysages  ïîiéridionaux  à  la 
manière  classique,  mais  en  les  éclairant  d'une  lumière 
très  vivo.  Le  roi  de  Prusse,  Frédéric-Guillaume  IV,  lui  fit 
exécuter  un  grand  nombre  de  tableaux  et  le  chargea  sur- 
tout de  décorer  ses  châteaux  de  Potsdam.  Sujet  à  la  mé- 
lancolie, Eichhorn  se  suicida. 


EICHHORN  (Christoffer),  érudit  suédois,  né  à  Stock- 
holm le  26  oct.  1837.  Attaché  à  la  bibliothèque  royale  de 
cette  ville  depuis  1864,  il  a  publié,  outre  des  articles  de 
critique  littéraire,  dramatique  et  artistique  dans  divers 
journaux,  un  recueil  do  Poésies  et  Récits  (1876)  ;  Pseu- 
donymes et  anonymes  suédois  dévoilés  (1859,  I)  ;  Pie- 
cherches  sur  les  Anecdotes  de  Suède  (1863)  ;  la  Poésie 
non  rimée  en  Suède  au  temps  du  parlementarisme 
(1865)  ;  Etudes  suédoises  (1869,  1872, 1881,  3  fasc.)  ; 
r Architecture  suédoise  (1871);  GuilL  Doyen,  mono- 
graphie artistique  (1879)  ;  Bellman  et  son  dernier  bio- 
graphe,  A.  Fryxell  (1879)  ;  Bellman  au  Parc  zoologique 
(1879).  On  lui  doit  aussi  une  traduction  du  Décaméron 
de  Boccace  (1861-62  ;  3«  éd.,  1883)  et  le  texte  de  beau- 
coup d'ouvrages  illustrés  :  Recueil  pour  Vhistoire  de  Vart 
suédois  par  Mandelgrén  (1866-68)  ;  les  Rois  de  Suède 
et  leurs  contemporains,  portraits  par  M.  Josephson  (1866)  ; 
Monuments  de  l'art  suédois  :  moyen  âge  et  Renaissance 
(1878)  ;  Photographies  d'après  des  tableaux  et  des  gra- 
vures (1886-1890);  Tableaux  de  l'ancien  Stockholm 
(1887-1889).  11  a  édité  Tisbe  d'Asteropherus  (1863), 
ainsi  que  les  œuvres  de  Stagnelius  (1866-1868),  de 
C.-A.  Ehrensvvœrd  (1866),  de  Sommelius  (1867),  de  Bell- 
man (1876),  ainsi  que  plusieurs  calendriers  littéraires,  et 
il  a  pris  part  à  la  publication  du  Recueil  d'ouvrages  lit- 
téraires d'écrivains  suédois  de  Stjernhjebn  à  Dalin, 
édité  par  Hanselli  (22  vol.  in-8).  Il  a  contribué  par  plu- 
sieurs écrits  à  éveiller  chez  ses  compatriotes  le  sentiment 
de  l'utiUté  des  études  et  des  collections  d'art  industriel.  B-s. 
EICHHORST  (llermann),  médecin  allemand  contempo- 
rain, né  à  Kœnigsberg  le  3  mars  1849.  Successivement 
professeur  extraordinaire  à  léna  et  à  Gœ.ttingue,  depuis 
1884  professeur  ordinaire  et  directeur  de  la  clinique  médi- 
cale à  Zurich,  il  s'est  fait  connaître  par  d'importants  tra- 
vaux sur  l'anémie  pernicieuse  (1878),  l'innervation  du 
cœur  (1879),  les  méthodes  d'exploration  physique  (1881, 
et  autres  éditions,  dont  une  française  en  1890),  etc.  ;  il  a 
publié  un  Handb.  der  spec.  Pathologie  (Vienne,  1883, 
in-8  ;  trad.  en  français,  Paris,  1889,  4  vol.  in-8). 

EICHLER  (Heinrich),  sculpteur-ébéniste  allemand,  né  à 
Lippstadten  1637,  mort  à  Augsbourgen  1719.  C'est  dans 
cette  dernière  ville  que  se  trouvent  ses  principales  œuvres, 
tables,  cabinets  et  bois  sculptés,  notamment  la  chaire  de 
l'église  Sainte-Anne. 

EICHLER  (Gottfried),  peintre  allemand,  fils  du  précé- 
dent, né  à  Augsbourg  en  1677,  mort  en  1759.  Il  fit  le 
voyage  do  Rome  où  il  travailla  sous  Carlo  Maratta  et  habita 
successivement  Vienne  et  Augsbourg.  Il  fit  des  tableaux 
d'histoire,  de  religion  et  des  portraits.  Son  œuvre  la  plus 
connue  est  la  Cène  de  l'éghsc  des  Carmes  déchaussés 
d' Augsbourg.  —  Son  û\s,  Johann-Gottfried  Eichler(mort 
en  1770)  et  son  petit-fils,  Mathias-Gottfried  Fichier  (mort 
en  1818),  sont  connus  comme  graveurs. 
EICHMANN  (V.  Driander). 

EICHNER  (Ernst),  virtuose  allemand  sur  le  basson, 
né  à  Mannheim  le  9  févr.  1740,  mort  à  Potsdam  en  1777. 
Il  fut  d'abord  maître  de  concerts  du  prince  de  Deux- 
Ponts.  Après  deux  ans  de  séjour  en  Angleterre,  où  son 
talent  fut  très  apprécié,  il  entra  au  service  du  prince 
royal  de  Prusse  et  acheva  sa  vie  à  Potsdam,  se  livrant 
tout  entier  à  la  composition  et  à  l'enseignement.  Il  a  écrit 
dix  concertos  pour  le  basson,  une  vingtaine  de  sympho- 
nies, des  quatuors,  des  trios. 

EICHRODT  (Ludwig),  écrivain  humoristique  et  poète 
allemand,  né  à  Durlach,  dans  le  grand-duché  de  Bade,  le 
2  févr.  1827.  Il  étudia  les  lettres  et  le  droit  à  Keidelberg  et 
à  Fribourg,  et  vécut  ensuite  à  Karlsruhe,  a  Francfort  et  à 
Munich.  Il  publia,  en  1848,  dans  les  FliegendeBlœtter  de 
Berlin,  ses  chansons  humoristiques,  Wanderlust,  dont  le 
succès  le  détermina  à  écrire  une  série  d'ouvrages  du  même 
genre.  Une  partie  de  ses  poésies  sont  écrites  en  dialecte 
souabe  (Rheinscînuœbisch,  Gedichte  in  mittelbadischer 
Mimdart;  Karlsruhe,  1869).  Le  Lahrer  Gommer sbuch, 


-  709  - 


EICHRODT  —  EICHTHAL 


recueil  de  chansons  d'étudiants,  a  eu  de  noml)reuses  édi- 
tions. Eichrodtest  depuis  4875  juge  de  paix  à  Lahr.  A.  B. 

EICHST^ETT  ou  AlCHST^DT.  Ville.  —  Géogka- 
PHIE.  —  Ville  d'Allemagne,  roy.  de  Bavière,  district  de 
Franconie  moyenne  ;  7,500  hab.  Ancien  château  épiscopal 
transformé  en  caserne,  cathédrale  avec  anciens  vitraux  et 
fresques,  renfermant  le  tombeau  de  saint  Wilibald;  église 
du  couvent  des  nonnes  de  Walpurgis  et  cinq  autres  églises. 
Préparation  d'ardoises,  de  pierres  lithographiques,  etc. 
Eichstaett  exporte  aussi  beaucoup  de  fossiles  (poissons  et 
sauriens)  extraits  des  carrières  du  Jura  franconien. 

Histoire.  —  La  ville  actuelle  est  bâtie  sur  l'emplacement 
d'une  station  romaine,  mais  elle  remonte  à  l'époque  caro- 
lingienne {Aureatum  RubiLocus  ou  Eystœtt).  En  745, 
saint  Boniface  y  fonda  un  évèché  avec  le  concours  du 
comte  Suitgar.  La  ville  prospéra  lorsqu'on  y  apporta  en 
87 1  les  reliques  de  sainte  Walpurgis.  De  la  pierre  qui  les 
recouvrait  suintait  une  huile  miraculeuse.  En  908,  Eischta'tt 
s'entoure  de  murs;  au  xi®  siècle (1022-1042),  on  restaure 
le  couvent  de  Walpurgis;  au  xiv^ siècle,  l'évêque  Berthold 
bâtit  auprès  de  la  ville  le  château  (ie  Wilibaldsbiirg  où 
les  évoques  résidèrent  jusqu'en  4725.  La  ville  possédait 
l'immédiateté.  En  4805,  elle  fut  incorporée  à  la  Bavière; 
les  couvents  et  la  commanderie  de  l'ordre  teutonique  furent 
sécularisés  (4803-4807).  De  4847  à  4833,  le  duc  de 
Leuchtenberg  résida  à  Eichstœtt. 

Principauté.  —  La  principauté  d'EichstTtt  comprenait 
à  la  fin  du  xviii^  siècle  4,400  k.  q.  et  58,000  hab.;  elle 
était  comprise  dans  le  cercle  de  Franconie,  confinait  au 
duché  de  Neubourg,  à  la  principauté  d'Ansbach,  etc.  Elle 
appartenait  à  l'évèché;  celui-ci,  fondé  en  745,  ressortis- 
sait  à  l'archevêché  de  Mayence.  11  fut  sécularisé  en  4802, 
et  la  principauté  d'Eichsta^tt,  d'abord  annexée  à  la  Bavière, 
fut  bientôt  affectée  au  grand-duc  de  Toscane,  puis  restituée 
à  la  Bavière  en  4805.  ïn  4847,  on  reconstitua  la  princi- 
pauté, sous  la  suzeraineté  de  la  Bavière,  au  profit  d'Eugène 
de  Beauharnais,  ancien  roi  d'Italie,  devenu  duc  de  Leuch- 
tenberg et  prince  d'Eichstœtt.  Elle  comprenait  la  ville 
d'Eichstaitt  et  quelques  localités  voisines  ;  elle  disparut 
en  4855. 

BiBL.  :  SuTTNER,  BlbUotheca  Eystettensis;  1866-67.  — 
Sax.  Die  Bischofe  iind  Reichsfûrsten  von  Eichstœtt  (7'i5- 
1800);  Landshut,  1884. 

EICHSTAETT  (Prince  d')  (V.  Beauharnais  [Eugène  de]). 

EICHSTy€TT  (Heinrich-Karl  Abraham),  philologue  alle- 
mand, né  à  Oschatz  le  8  août  4772,  mort  à  léna  le 
4  mars  4848.  Privat-docent  (4793),  professeur  de  philo- 
sophie (4795)  à  l'université  de  Leipzig,  il  passa  comme 
professeur  d'éloquence  et  de  poésie  à  celle  d'iéna  (4797), 
dont  il  dirigea  le  séminaire  philologique.  Il  a  commenté 
des  éditions  de  Diodore  (Halle,  4800-4802,  2  vol.),  de 
Lucrèce  (Leipzig,  4804);  sa  réputation  fut  due  à  l'élégance 
de  ses  discours  latins  réunis  par  Weissenborn  sous  le 
titre  à'Opuscula  oratoria  (léna,  4850).  Sa  corres- 
pondance avec  Gœthe  a  été  éditée  par  Biedermann 
(Berlin,  4872). 

EICHTHAL  (Gustave  d'),  publiciste  français,  né  à  Nancy 
le  22  mars  4804,  mort  à  Paris  le  9  avr.  4886.  Israélite  de 
naissance,  il  fut  converti  au  catholicisme  à  treize  ans,  puis, 
au  sortir  du  lycée  Henri  IV  (4822),  devint  élève  d'Aug. 
Comte,  qui  l'initia  à  la  doctrine  saint-simonienne.  Malgré 
la  rupture  de  Comte  avec  Saint-Simon  et  la  mort  de  celui- 
ci  en  4825,  G.  d'Eichthal,  après  divers  voyages  et  des 
études  commerciales,  s'attacha  résolument  à  cette  école 
(4829),  à  laquelle  il  consacra  une  partie  de  sa  fortune.  Il 
écrivit  dans  V Organisateur  et  le  Globe  et,  quand  commen- 
cèrent les  poursuites  judiciaires,  défendit  éloquemment 
Duveyrier  devant  la  cour  d'assises  de  Paris  (27  août  4832). 
La  famille  une  fois  dissoute,  il  partit  pour  l'Italie,  puis 
pour  la  Grèce,  où  il  séjourna  vingt  mois,  travaillant  avec 
d'autres  jeunes  philhellènes  au  relèvement  économique  du 
pays  ruiné  par  la  guerre  de  l'Indépendance.  Il  fonda  à  cet 
effet  le  Bureau  d'économie  'politique;  mais,  mal  sou- 


tenu par  le  pouvoir,  il  dut  se  retirer  à  la  chute  du  minisire 
Colettis,  qui  seul  l'avait  compris  et  appuyé.  Plus  tard, 
son  dévouement  désintéressé  fut  publiquement  reconnu  par 
les  Grecs,  dont  il  resta  toujours  l'ami  passionné  et  dont  il 
rêvait  de  faire  adopter  la  langue  comme  organe  universel 
des  relations  entre  les  peuples  civilisés.  A  son  retour  en 
France,  il  publia  sous  ce  titre,  les  Deux  Mondes  (Paris, 
4836,  in-8),  ses  observations  et  réflexions  sur  la  question 
d'Orient.  Dans  les  dix  années  qui  suivent,  il  s'occupe  sur- 
tout d'ethnographie.  11  visite  l'Algérie  en  4838,  mais  n'a 
jamais  fait  le  voyage  d'exploration  en  Sibérie  que  lui  prê- 
tent certains  biographes,  le  confondant  avec  un  homonyme 
plus  jeune.  Secrétaire  de  la  Société  ethnologique,  il  prélude 
par  une  étude  sur  V Histoire  primitive  des  races  océa- 
niennes et  américaines^  au  travail  qu'il  donnera  plus 
tard  sur  les  Origines  bouddhiques  de  la  civilisation 
américaine  {Revue  archéoL,  sept.  4864  et  avr.  4865). 
Foncièrement  religieux,  quoique  d'une  religion  tout 
humaine  ayant  pour  premier  objectif  le  bonheur  et  le 
progrès  de  l'espèce  en  ce  monde,  il  s'attache  alors  à 
l'exégèse  chrétienne  et  prépare  avec  «  une  incroyable  pa- 
tience »,  dit  Sainte-Beuve  {Nouveaux  Lundis,  t.  VI, 
p.  44),  son  Examen  critique  et  comparatif  des  trois 
premiers  évangiles  (Paris,  4863,  2  vol.  in-8).  Plus  tard, 
il  entreprendra  une  étude  critique  du  Pentateuque  {la 
Sortie  d'Egypte,  Paris,  4873)  et  donnera  {ibid.,  4875) 
un  mémoire  sur  le  Texte  primitif  du  premier  récit  de 
la  création,  réimprimé  après  sa  mort  par  son  fils,  M.  Eug. 
d'Eichthal,  avec  d'autres  travaux  d'histoire  et  de  philo- 
sophie religieuses  réunis  sous  ce  titre  :  Mélanges  de  cri- 
tique biblique  (Paris,  4886,  in-8).  Ce  volume  contient 
notamment  une  étude  sur  le  Nom  et  le  caractère  du 
Dieu  d'Israël,  Jahveh,  et  surtout  un  fragment  sur  la 
Déclaration  des  droits  de  rtiomme  et  l'Etre  suprême, 
où  l'auteur  marque  bien  le  lien  qui  devait,  dans  sa  pensée, 
rattacher  aux  idées  religieuses  de  la  Judée  l'avenir  des 
sociétés  modernes.  Le  même  esprit  animait  déjà  sa  bro- 
chure, les  Trois  grands  Peuples  méditerranéens  et  le 
cfiristianisme  (Paris,  4864,  in-8),  et  se  retrouve  dans  des 
essais  d'un  caractère  plus  purement  philosophique  :  la 
Justice  dans  Platon  (4863)  (dans  la  Pievue  germanique) 
et  Tliéologie  et  doctrine  religieuse  de  Socrate  (Paris, 
4884,  in-8).  Tous  ces  travaux  témoignent  d'un  esprit 
élevé,  consciencieux,  généreux,  à  la  fois  positif  et  idéaliste 
jusqu'à  l'utopie,  scientifique  et  mystique  ou  du  m.oins 
religieux  au  meilleur  sens  de  ce  mot.  Mais  le  plus  grand 
service  peut-être  qu'ait  rendu  pratiquement  cet  homme 
distingué,  toujours  occupé  de  grands  intérêts  moraux  et 
soucieux  du  bien  public,  ce  fut  de  fonder,  en  4867,  avec 
Beulé  et  Brunet  de  Presles,  V Association  pour  Vencou- 
ragement  des  études  grecques  (V.  V Annuaire  de  cette 
société,  4877,  pp.  4  à  70).  C'est  là  qu'il  produisit  ses 
études  philologiques  sur  la  prononciation  du  grec,  les  rap- 
ports du  grec  moderne  et  du  grec  classique,  etc.,  tendant 
toutes  à  faire  admettre  V  Usage  pratique  de  la  langue 
grecque  comme  langue  universelle,  selon  son  idée 
favorite  développée  dès  4864  dans  une  brochure  publiée 
avec  M.  Renieri.  Son  fils  a  encore  rassemblé  après  sa  mort 
la  plupart  de  ces  études  en  4  vol.  in-8  (Paris,  4887),  inti- 
tulé la  Langue  grecque,  mémoires  et  notice,  et  en 
tête  duquel  figure  une  très  bonne  notice  biographique  par 
le  marquis  de  Queux  de  Saint-Hilaire. 

(iuand  il  mourut  en  4885,  après  une  verte  vieillesse 
restée  toute  chaude  de  ses  enthousiasmes  juvéniles,  Gust. 
d'Eichthal  laissait  deux  fils.  L'un,  Georges  d'Eichthal, 
ingénieur,  fut  enlevé  à  quarante-cinq  ans,  en  4890  ; 
l'autre,  M.  Eugène  d'Eichthal,  né  en  4844,  outre  les 
écrits  posthumes  de  son  père,  a  publié  des  études  d'éco- 
nomie sociale  dans  la  Pievue  des  Deux  Mondes,  le  Jour- 
nal des  économistes,  etc.  Les  principales  de  ces  études. 
Collectivisme  agraire  et  nationalisation  du  sol,  et 
l'article  Socialisme  du  Nouveau  Dictionnaire  d'écono- 
mie politique j  ont  formé  4   vol.  in-8   (Paris,   4894). 


EICHTHAL  —  EÏDERDANSK 


710  — 


M.  Eug.  d'Eichthal  collabore,  en  outre,  à  la  Revue  cri- 
tique et  à  la  Revue  historique..  H.  Marion. 

EICHWALD  (Karl-Eduard),  médecin  etnaturaliste  russe, 
né  à  Mitau  (Courlande)  le  4  juil.  1795,  mort  à  Saint- 
Pétersbourg  le  40  nov.  1876.  En  1824,  il  enseigna  à 
Dorpat  l'histoire  naturelle,  puis  en  1823  Fanatomie  com- 
parée et  l'art  obstétrical  â  Kasan  ;  en  1827,  il  fut  nommé 
professeur  titulaire  de  zoologie  et  d'anatomie  comparées 
à  Vilna;  en  1838,  il  devint  secrétaire  de  l'Académie  chi- 
rurgicale de  Pétersbourg  et  professeur  à  cette  même  école, 
en  même  temps  que  pro'fesseur  de  paléontologie  à  l'Institut 
des  mines.  Eichwald  a  été  un  voyageur  infatigable  ;  presque 
Ions  ses  ouvrages  sont  relatifs  à  la  faune,  à  la  flore,  à  la 
gcognosie  et  à  la  paléontologie  de  la  Russie.  Citons  seule- 
ment de  lui  :  Plantariim  novarum  quas  in  itinere 
Caspio-Cancasico  observavit  fasc.  (Vilna  et  Leipzig, 
1831-33,  in-fol.);  Die  Urwelt  Busslands  (Pétersbourg, 
1840-47,  4  vol.)  ;  Lethœa  Rossica  ou  Paléontologie  de 
la  Russie  décrite  et  figurée  (Stuttgard,  1833-1868, 
5  vol.).  Dr  L.  Hn. 

EICHWALD  (Eduard-Georg  von),  médecin  russe  contem- 
porain, fils  du  précédent,  né  à  Vilna  le  31  mars  1838.  Il 
fut  nommé  en  1866  professeur  de  diagnostic  et  de  théra- 
peutique £çénérale  à  l'Académie  médico-chirurgicale  de 
Pétersbourg,  en  1883  professeur  ordinaire  de  chirurgie 
médicale,  etc.  ;  c'est  lui  qui  a  fondé  l'Institut  clinique  de 
la  princesse  Hélène.  Ouvrages  les  plus  importants  :  Beitr. 
zur  Chemie  der  qewebebild.  Substanxen  (Berlin,  1872); 
Allqem.  Thérapie  (Pétersbourg,  1877,  4«  éd.).  Eichwald 
est'le  médecin  consultant  le  plus  répandu  de  Pétersbourg. 
El  DAM  1 A  (Bot.).  Champignon  Saccharomycète  dont  les 
filaments  irréguliers  se  développent  à  l'extérieur  des  cellules 
Corticales  des  racines  et  des  rhizomes  des  Orchidées  en 
s'enchevêtrant  sous  forme  de  pelotes,  mais  sans  gonflements 
ampuUaires.  , 

EIDER  ((Egvr  Dor).  Fleuve  d'Allemagne,  roy.  de 
Prusse,  prov.  dé  Slesvig-Holstein,qui  se  jette  dans  la  mer 
du  Nord  après  un  parcours  de  188  kil.  Il  naît  à  Schœn- 
hagen,  au  S.  de  Kiel,  dans  le  Holstein,  coule  au  N.  comme 
pour  se  jeter  dans  la  mer  Baltique,  traverse  les  lacs 
Barkau  (ou  Bothkamp)  et  de  Flemhude,  tourne  vers 
PO.,  arrose  Rendsburg  et  forme  désormais  la  frontière 
entre  le  Slesvi^  et  le  Holstein,  décrivant  de  longs  méandres 
à  travers  la  plaine  tourbeuse  que  des  digues  protègent 
contre  ses  inondations.  Il  passe  à  Wittenbergen,  Frie- 
drichstadt  et  débouche  dans  la  mer  près  de  Tœnnmg  ;  il  a 
alors  300  m.  de  large  et  4  à  3  m.  de  profondeur.  Il 
reçoit  à  droite  la  Sorge  et  la  Treene,  à  gauche  le  kvenau. 
L'Eider  est  navigable  à  partir  de  Rendsburg,  mais  on  a 
utilisé  son  cours  pour  réunir,  par  une  route  fluviale,  la 
Baltique  et  Kiel  à  la  mer  du  Nord.  Le  canal  de  VEider, 
commencé  en  1777,  achevé  en  1784,  part  de  Holtenau, 
sur  la  baie  de  Kiel  et  joint  l'Eider  vers  Sebertedt,  d'où  il 
est  canalisé  jusqu'à  Rendsburg.  H  a  30  m.  de  large  et 
3™60  de  profondeur.  Le  mouvement  du  canal  fut,  en 
1884,  de  4,321  bateaux.  —  L'Eider  a  joué  un  grand  rôle 
dans  l'histoire  allemande;  il  formait  la  frontière  de  l'em- 
pire au  N.,  surtout  après  que  l'empereur  Conrad  eut 
renoncé  à  toute  prétention  sur  le  Slesvig  (1027). 

EIDER  (Ornith.).  Les  Eiders,  qui  appartiennent  à  la 
grande  famille  des  Anatidés  (V.  ce  mol)  et  à  la  subdivi- 
sion des  Fuligulinés,  sont  des  Canards  (V.  ce  mot)  de 
forte  taille,  dont  les  femelles  portent  une  livrée  roussâtre, 
rayée  et  tachetée  de  brun  et  de  noir,  tandis  que  les  mâles 
sont  revêtus  d'un  riche  costume  sur  lequel  le  noir  de  ve- 
lours s'associe  au  blanc  pur,  au  fauve  pâle,  au  gris  et  au 
vert  de  mer.  Cette  dernière  teinte  occji^e  la  nuque  et  les 
côtés  du  cou,  tandis  que  le  noir  dessine  une  calotte  ou  une 
marque  en  forme  de  V  sur  la  gorge  et  occupe  également 
Pabdomen  et  une  partie  du  dos.  Le  bec,  qui  rappelle  beau- 
coup ^ar  sa  forme  le  bec  d'une  Oie,  est  étroit,  fortement 
relevé  à  la  base  et  garni  de  ce  côté  de  rangées  de  petites 
plumes  veloutées;  les  pattes  sont  robustes  et  les  ailes  sont 


recouvertes  de  plumes  retombantes.  Le  mode  de  distribu- 
tion des  couleurs,  le  dessin  du  plumage  et  les  proportions 
des  diverses  parties  du  corps  permettent  de  distinguer 
dans  le  genre  Somateria  trois  espèces,  savoir  :  Somate- 
ria  speàabilis  L.,  habitant  l'Islande,  la  Scandmavie  et 
d'autres  contrées  de  l'Europe  boréale,  et  qui  s'avance  en 
hiver  jusque  sur  nos  côtes  ;  S,  mollissima  L.  qui  se 
trouve  à  la  fois  dans  le  nord  de  l'Europe,  au  Spitzberg  et 
dans  le  nord  de  l'Amérique,  et  S.  F.  nigrum,  presque  au 
N.-O.  de  ce  dernier  continent.  Peut-être  même  faut-il 
considérer  comme  une  quatrième  espèce  d'Eider  une  forme 
très  rare  de  l'Amérique  russe,  la  Lampronetta  ou  Aixto- 
netta  Fischeri  Brandt. 

Les  Eiders  vivent  tous  sur  le  bord  de  la  mer  et  passent 
la  plus  grande  partie  de  leur  existence  sur  les  flots,  na- 
geant et  plongeant  avec  la  plus  grande  aisance.  Dans  la 
saison  de  la  reproduction,  les  couples  viennent  bâtir  leurs 
nids  sur  les  côtes,  et,  lorsqu'ils  se  sentent  protégés  ne 
craignent  pas  de  s'installer  dans  le  voisinage  immédiat  des 
habitations  ou  même  dans  les  étables.  Les  nids,  construits 
avec  des  plantes  marines,  des  herbes  ou  de  la  paille  gros- 
sièrement entrelacée,  sont  tapissés  avec  du  duvet  que  la 
mère  arrache  de  sa  poitrine  et  renferment  de  six  à  huit 
œufs  allongés,  d'un  gris  olivâtre.  Aussitôt  que  la  ponte  est 
terminée,  le  mâle  abandonne  à  la  femelle  le  soin  de  l'incuba- 
tion et  va  rejoindre  à  la  mer  les  autres  individus  de  son  sexe. 
Dans  beaucoup  de  pays  du  Nord,  les  Eiders  sont  l'objet 


Eider  vulgaire. 

d'une  chasse  effrénée  qui  chaque  année  diminue  leur  nombre 
dans  des  proportions  considérables  ;  mais  en  Islande,  de- 
puis quelque  temps,  le  gouvernement  danois  a  pris  des 
mesures  rigoureuses  pour  assurer  la  conservation  de  l'es- 
pèce, qui,  tout  en  conservant  sa  liberté,  peut  être  sou- 
mise à  une  exploitation  régulière  et  rendre  autant  et  même 
plus  de  services  que  nos  races  de  (Canards  domestiques. 
En  Islande,  en  effet,  les  femelles  d'Eider  se  montrent  si 
confiantes  qu'on  peut  enlever  deux  fois  de  suite  le  duvet 
qu'elles  disposent  pour  recevoir  leurs  œufs  sans  que  pour 
cela  elles  abandonnent  leur  nid.  Souvent  même  on  leur 
prend  successivement  un  certain  nombre  d'œufs  qui  sont 
bientôt  remplacés  par  d'autres.  Le  duvet  ainsi  récolté  est 
l'édredon  qui  est  si  recherché  dans  l'industrie.  L'Islande 
seule  exporte  plus  de  3,000  kilogr.  par  an  de  ce  produit 
précieux  et  le  Grœnland  en  fournit  plusieurs  centaines  de 
livres.  Dans  le  N.  de  la  Russie,  en  Suède  et  en  Norvège, 
on  fabrique  aussi,  avec  des  dépouilles  entières  d'Eiders 
mâles  cousues  ensemble,  des  couvertures  très  légères  et  d'un 
dessin  fort  original.  Enfin  les  œufs  des  Eiders  entrent  pour 
une  large  part  dans  l'alimentation  des  Islandais.  E.  Oust. 
BiHL.  :  J.  GouLD,  Birds  of  Europa,  1838,  pi.  374  et  375. 
—  D.-G.  Elliot,  Birds  N.  Amer.,  pi.  47  et  48.  —  L.  Ma- 
GAUD  d'Aubusson,  VEidev  et  l'Edredon^  dans  Revue  des 
Se.  nat.  appliquées,  Bull,  de  la  Soc.  d'acclim.^  1889, 
36«  année,  n»  20,  p.  836. 

ElDERDANSK  (c.-à-d.  Danois  jusqu'à  VEidev).  Nom 


—  711 


EIDERDANSK  -  EIFFEL 


d'un  parti  qui,  dans  l'espoir  de  soustraire  le  Danemark  aux 
tracasseries  perpétuelles  de  la  Confédération  germanique, 
proposait  d'abandonner  les  duchés  allemands  de  Holstein  et 
de  Lauenbourg,  et  d'unir  plus  intimement  au  royaume  le 
duché  essentiellement  danois  de  Sudjutland  ou  Slesvig.  Ce 
programme,  que  les  rois  de  Suède  et  de  Norvège,  Oscar  P"^ 
et  Charles  XV,  étaient  disposés  à  prendre  pour  base  d'une 
alliance  avec  le  Danemark,  fut  adopté  par  les  ministères 
A.-W.  Moltke  (1848),  Hall  (1863),  Monrad  (1864).   B-s. 

EIDERSTEDT.  Presqu'île  de  la  côte  0.  du  Slesvig,  au 
N.  de  l'embouchure  de  l'Eider,  au  S.  de  la  baie  d'Hevers- 
trom.  Elle  a  été  en  partie  rongée  par  la  mer  ;  le  reste  est 
abrité  par  des  digues  construites  depuis  l'inondation  de 
1634;  les  Kœge  ou  polders  ont  été  ainsi  préservés 
(V.  Slesvig). 

EIDSVOLD.  Paroisse  de  Norvège,  située  à  l'endroit  où 
le  Vormen  sort  du  lac  Mjœsen.  C'est  là  que  se  tenaient, 
dans  les  temps  païens,  le  Heidsœvisthing,  et,  au  moyen 
âge,  le  Eidsifathing ,  assises  dont  la  juridiction  s'étendait 
sur  tout  le  S.-O.  de  la  Norvège.  En  févr.  1814,  des  no- 
tables s'y  réunirent  dans  l'usine  Anker  pour  proclamer  l'in- 
dépendance de  la  Norvège  (cédée  à  la  Suède  par  le  traité 
de  Kiel)  et,  du  10  avr.  au  19  mai,  les  représentants  du 
royaume  restauré  s'y  assemblèrent  pour  voter  la  Consti- 
tution d'Eidsvold  qui,  légèrement  modifiée  le  4  nov.,  est 
encore  la  base  du  droit  public.  Cette  maison  mémorable  a 
été  achetée  en  1837  avec  le  produit  d'une  souscription  et 
convertie  en  un  musée  qui  renferme  les  portraits  de  tous 
les  constituants.  Beauvois.. 

EIFEL.  Région  montagneuse  volcanique  de  l'Allemagne, 
située  sur  la  rive  gauche  du  Rhin,  au  N.  de  la  Moselle 
inférieure,  entre  Trêves,  Aix-la-Chapelle  et  Coblentz,  sur- 
tout entre  la  Moselle,  le  Rhin,  l'Ahr  et  l'Our.  L'ait, 
moyenne  est  de  6  à  700  m.;  le  point  culminant  {Hohe 
Acht)  atteint  787  m.  Le  climat  y  est  très  âpre,  surtout  aux 
environs  de  Priim  (dans  le  Schnee  Eifel).  Quelques  rares 
cultures  s'éparpillent  entre  les  amas  rocheux  ;  la  population 
est  rare  et  pauvre.  La  région  la  plus  curieuse  est  celle  du 
lac  de  Laach,  entouré  de  31  anciens  volcans.  L'Eifel  est 
une  région  très  intéressante  pour  les  géologues  en  raison 
de  ses  formations  dévoniennes  et  surtout  de  ses  volcans 
(V.  Prusse,  §  Géologie). 

EIFÉLIEN  (Géol.).  Terme  appliqué  au  sous-étage  infé- 
rieur du  dévonien  moyen  en  raison  de  son  importance 
dans  l'Eifel  (V.  Dévonjen). 

EIFFEL  (Alexandre-Gustave),  ingénieur  et  constructeur 
français,  né  à  Dijon  le  15  déc.  1832.  Sorti  en  1855  de 
l'Ecole  centrale  des  arts  et  manufactures,  il  a  inauguré  sa 
brillante  carrière  en  1858  par  la  conduite,  en  qualité  de 
chef  de  service,  des  importants  travaux  du  grand  pont  mé- 
tallique de  Bordeaux  et  par  l'appHcation  aux  fondations 
des  piles  de  cet  ouvrage  du  procédé  alors  tout  nouveau  de 
l'air  comprimé.  Il  a  ensuite  exécuté  le  pont  de  la  Nive,  à 
Rayonne,  ceux  de  Capdenac  et  de  Floirac,  sur  la  ligne  de 
Paris  à  Toulouse.  Lors  de  l'Exposition  universelle  de  1867, 
il  a  été  officiellement  chargé  d'établir  théoriquement,  puis 
de  vérifier  expérimentalement  les  calculs  relatifs  aux  arcs 
de  la  galerie  des  machines  et  il  a  résumé  les  résultats  de 
ces  recherches  dans  un  intéressant  mémoire  où  se  trouve 
fixé  d'une  façon  précise  le  module  d'élasticité  des  pièces 
composées.  De  la  même  époque  date  la  fondation  de  ses 
ateliers  de  constructions  métalliques  de  Levallois-Perret 
(V.  ci-dessous).  Il  a  depuis  lors  imaginé  et  réahsé,  au  cours 
des  nombreux  travaux  dont  il  a  eu  l'initiative  ou  l'entre- 
prise, toute  une  série  de  perfectionnements  qui  intéressent 
à  la  fois  la  science  de  l'ingénieur  et  l'art  du  constructeur, 
et  qui  ont  notablement  contribué  au  développement  de 
l'industrie  française.  Il  convient  de  citer  plus  particulière- 
ment :  la  substitution  de  grands  caissons  quadrangulaires 
en  fer  aux  colonnes  de  fonte  des  piles  de  ponts  (1869)  ; 
le  lançage  par  leviers  et  châssis  à  bascule  des  longues 
poutres  droites  en  treillis  (1869)  ;  son  type  de  pont  à  arc 
parabolique  gigantesque  en  forme  de  croissant,  pour  la  tra- 


versée des  vallées  ou  rivières  larges  et  profondes  (1875)  ; 
l'introduction  en  France  du  montage  en  porte  à  faux^SiV 
cheminement  progressif  (1876).  Ces  diverses  innovations 
ont  été  appliquées  avec  un  plein  succès  par  leur  auteur  à 
la  construction  des  viaducs  de  la  Sioule  et  de  Neuvial,  sur 
la  ligne  de  Commentry  à  Gannat  (1869),  du  pont  du  Douro, 
à  arc  parabolique  de '^160  m.  d'ouverture  (1876),  de  celui 
de  Vianna,  sur  la  ligne  du  Minho-Portugal,  qui  a  neuf  piles 
et  736  m.  de  longueur  (1877),  du  grand  vestibule  et  de 
la  façade  de  l'Exposition  universelle  de  1878,  delà  gare  en 
fer  de  Budapesth  (1878),  du  pont  du  Tage,  sur  la  ligne 
de  Cacercs  (1880),  des  beaux  ponts-routes  de  Cubzac,  sur 
la  Dordogne  (1880),  de  Szegedin,  en  Hongrie,  dont  l'arche 
principale  a  110  m.  de  portée  (1881),  et  des  Messageries, 
à  Saigon  (1882),  du  célèbre  viaduc  de  Garabit  (Cantal), 
qui  est  imité  du  pont  du  Douro  et  qui  franchit  la  vallée  de 
la  Truyère,  à  122  m.  de  haut.,  au  moyen  d'une  arche  pa- 
rabolique de  165  m.  d'ouverture  (1882),  du  viaduc  de  la 
Tardes,  sur  la  ligne  de  Montluçon  à  Eygurande,  dont  la 
princi()ale  travée  est  formée  par  une  poutre  droite  de 
104  m.  (1884),  de  celui  de  CoUonges,  en  amont  de  Lyon, 
sur  la  Saône  (1886),  etc.  Les  ponts  du  Douro,  de  Vianna 
et  de  Szegedin  avaient  été  l'objet  de  concours  internatio- 
naux. On  doit  encore  à  M.  Eiifel  la  nouvelle  coupole  de 
22  m.  de  diamètre  de  l'observatoire  de  Nice,  dont  la  masse, 
supérieure  à  100,000  kilogr.,  repose  sur  un  flotteur  annu- 
laire de  son  invention  et  peut  être  déplacée  à  la  main  sans 
efforts;  la  fameuse  tour  de  300  m.  (V.  ci-dessous),  qui 
constitue  dans  sa  pensée  le  type  de  pile  des  grands  ponts 
de  l'avenir;  un  système  de  ponts  portatifs  et  démontables 
(V.  ci-dessous)  ;  un  avant-projet  de  chemin  de  fer  métro- 
politain pour  Paris  (1890).  Il  a  enfin  pris  une  part  directe 
à  tous  les  autres  travaux  de  moindre  intérêt  exécutés  depuis 
vingt-sept  années  par  l'important  établissement  auquel  il 
a  donné  une  si  grande  extension  et  dont  la  direction  effec- 
tive lui  a  été  conservée  après  sa  cession  à  une  société  ano- 
nyme (1890).  La  Société  d'encouragement  pour  l'industrie 
nationale  lui  a  décerné  en  18851e  prix  quinquennal  Elphège 
Baude,  et  l'Institut,  en  1889,  un  prix  de  mécanique.  Il  a 
été  président  de  la  Société  des  ingénieurs  civils  (1889).  Il 
a  fait  plusieurs  conférences  sur  les  constructions  métalli- 
ques. Il  a  publié  :  Communication  sur  les  travaux  de 
la  tour  de  300  m.  (Paris,  1887,  in-8);  les  Grandes 
Constructions  métalliques  (Paris, 1888,  in-4)  ;  les  Ponts 
portatifs  économiques,  en  collaboration  avec  M.  J.  Collin 
(Paris,  1888,  in-8);  Mémoire  présenté  à  V appui  du 
projet  définitif  du  viaduc  de  Gam/>f^  (Paris,  1889,  in-8). 
Établissements  Eiffel.  —  Fondée  en  1865  à  Leval- 
lois-Perret (Seine)  par  M.  G.  Eiffel,  la  maison  Eiffel  est 
devenue  en  1890  la  Compagnie  des  établissements  Eiffel, 
société  anonyme  au  capital  de  6  millions  de  francs  divisé 
en  12,000  actions  au  porteur  de  500  fr.  (350  fr.  versés). 
Ses  ateliers,  qui  se  sont  étendus  sur  place,  couvrent  actuel- 
lement (avr.  1892)  près  de  20,000  m.  q.  Elle  s'occupe 
surtout  de  constructions  métalliques  ;  mais  elle  est  aussi 
organisée  pour  les  entreprises  générales  de  travaux  compor- 
tant terrassements,  maçonnerie,  etc.  Outre  les  nombreux 
ouvrages  d'art  énumérés  dans  la  biographie  de  M.  Eiffel, 
elle  a'exécuté  :  tous  les  ponts  des  lignes  de  chemin  de  fer 
de  Latour  à  Millau,  de  Fréjus  à  Saint-Raphaël,  de  Vendée, 
en  France  ;  de  Gerone,  des  Asturies,  Galice  et  Léon,  de 
Cacerés,  en  Espagne;  du  Minho,  du  Douro,  de  Beira-Alta, 
de  Lisbonne  à  Cintra,  en  Portugal;  de  Jassy  à  Ungheni,  de 
Ploësci  à  Prédéal,  en  Roumanie  ;  les  ponts-routes  de  l'Oued- 
Djemma,  en  Algérie,  de  Sainte-Claire-d'Oloron  (Basses- 
Pyrénées)  ;  les  grandes  charpentes  métalliques  de  l'jEcole 
Monge,  des  magasins  du  Bon-Marché,  de  l'hôtel  du  Crédit 
lyonnais,  du  pavillon  de  la  Ville  (Expos,  univ.  de  1878),  à 
Paris;  l'importante  usine  à  gaz  de  Clichy  (Seine);  le  môle 
et  la  douane  d'Arica,  au  Pérou  ;  l'ossature  de  la  statue  de 
la  Liberté  de  Bartholdi  ;  le  barrage  de  Port-Mort,  sur  la 
Seine  ;  le  casino  des  Sables-d'Olonne,  —  et  quantité  d'autres 
ponts,  halles,  usines,  barrages,  de  gares,  de  réservou's,  de 


EIFFEL 


712  — 


barrières  roulantes,  de  grues  éleva toires,  etc.  Elle  avait 
accepté  en  1888  l'entreprise  complète  (creusement  des  sas 
et  portes  métalliques)  des  dix  écluses  géantes  de  Panama 
(V.  ce  mot)  ;  les  portes  étaient  prêtes  et  un  demi-million 
de  m.  c.  de  déblais  enlevés,  lorsque  les  embarras  finan- 
ciers de  la  Compagnie  du  canal  sont  venus  interrompre  les 
travaux  (1890).  Elle  construit  actuellement  les  écluses  de 
Port-Villez  (Seine-et-Oise) ,  sur  la  Seine,  le  pont-canal  de 
Briare,  sur  la  Loire,  le  grand  appontement  de  Pauillac,  sur 
la  Gironde.  Elle  a  enfin  déjà  fourni,  tant  en  France  qu'à 
l'étranger  et  aux  colonies,  20,000  m.  linéaires  de  ses  ponts 
portatifs  démontables. 

Ponts  portatifs  Eiffel.  —  Ces  ponts,  tout  en  acier, 
ont  été  employés  pour  la  première  fois,  en  1885,  par  la 
Compagnie  d'Orléans  pour  une  déviation  provisoire  de  la 
ligne  de  Questembert  à  Ploërmel.  Ils  paraissaient  devoir 
être  très  utiles  en  temps  de  guerre.  Ils  se  composent  de 
deux  poutres,  de  1^50  à  3  m.  de  haut,  suivant  le  type, 
réunies  à  leur  partie  inférieure  par  des  entretoises  que 
relient  elles-mêmes  deux  files  de  longerons  supportant  les 
rails.  Chaque  poutre  est  d'ailleurs  formée  par  un  petit 
nombre  d'éléments  triangulaires  identiques,  susceptibles 
d'être  séparés  ou  rassemblés  rapidement  et  de  s'emboîter 
pour  le  transport.  Les  pièces  les  plus  lourdes  pèsent 
417  kilogr.  Les  types  principaux  sont  au  nombre  de  cinq  : 
ponts-routes  (3  à  4  m.  de  larg.,  24  à  27  m.  de  portée), 
ponts  militaires  (3  m.  de  larg.,  24  m.  de  portée),  ponts 
pour  voies  Decauville  (21  m.  de  portée),  ponts  pour  voies  de 
4  m.  (22  m.  de  portée),  ponts  pour  voies  normales  (45  m. 
de  portée).  Ces  derniers  ne  pèsent  que  85,000  kilogr., 
supportent  des  épreuves  de  6,500  kilogr.  par  mètre  et 
peuvent  être  montés,  lancés  et  raccordés  à  la  voie  par  une 
section  de  60  soldats  du  génie  en  deux  jours  et  demi. 

Tour  Eiffel.  —  Haute  de  300  m.  et  toute  en  fer,  cette 
gigantesque  «  pile  de  pont  »  isolée,  dont  la  curieuse  ossa- 
ture se  dresse  à  l'entrée  du  Champ  de  Mars  et  domine 
tout  Paris,  a  été  exécutée  par  M.  G.  Eiffel  à  l'occasion 
de  l'Exposition  universelle  de  1889.  L'avant-projet,  dû  à 
la  collaboration  de  l'éminent  constructeur,  de  MM.  E.  Nou- 
guier  et  Maurice  Kœchlin,  ingénieurs  de  sa  maison,  et 
de  M.  Stephen  Sauvestre,  architecte,  en  fut  officiellement 
adopté  au  mois  de  juin  1886,  malgré  une  vive  protesta- 
tion d'un  groupe  assez  nombreux  de  gens  de  lettres  et 
d'artistes  des  plus  célèbres,  qui  craignaient  que  sa  masse 
ajourée  ne  déparât  la  capitale.  Le  8  janv.  1887,  la  con- 
vention fixant  les  conditions  définitives  de  son  édification 
fut  signée  avec  l'Etat  et  la  Ville  de  Paris.  Le  28  du  même 
mois,  le  premier  coup  de  pioche  fut  donné.  Les  fondations 
furent  terminées  le  30  juin  1887,  le  montage  de  la  partie 
métallique  le  31  mars  1889,  Taménagement  et  la  décora- 
tion le  17  mai  suivant.  2  ans,  4  mois  et  9  jours  avaient 
suffi.  Jamais  entreprise  aussi  considérable  ne  fut  con- 
duite avec  autant  de  rapidité  et  de  précision.  Aucune  erreur, 
aucun  mécompte  (si  ce  n'est  une  courte  grève  d'ouvriers) 
ne  vinrent  déranger  un  programme  arrêté  d'avance  pour 
chaque  jour  et  dans  ses  moindres  détails. 

La  tour  Eiffel  présente  l'apparence  générale  d'un  tronc 
de  pyramide  quadrangulaire  régulière  à  faces  courbes.  Elle 
est  en  réalité  essentiellement  constituée  par  quatre  mon- 
tants ou  arêtiers  distincts  en  treillis,  rectilignes  jusqu'à  la 
première  plate-forme,  curvilignes  ensuite,  et  seulement 
reliés,  d'abord  au  sixième  et  au  tiers  environ  de  la  hauteur, 
par  des  poutres  horizontales  également  en  treiUis,  formant 
ceintures  et  portant  planchers,  puis  du  second  étage  jusqu'à 
leur  point  de  jonction,  par  des  diagonales  en  croix  de  Saint- 
André.  Les  arêtes  intérieures  des  montants  sont  d'ailleurs 
supprimées  à  partir  du  second  étage.  Tout  le  reste,  grands 
arcs  formant  voûte  sur  chaque  façade,  consoles,  balcons, 
campanile,  n'intervient  que  pour  l'ornementation  et  ne 
contribue  en  rien  à  la  stabilité  de  la  tour.  —  Sa  teinte  va 
en  dégradant  du  rouge  sombre,  à  la  base,  au  jaune  orange, 
au  sommet. 
Les  fondations  ne  sont  pas  la  partie  la  moins  intéres- 


sante de  l'œuvre.  Le  sous-sol  est  formé  en  cet  endroit  par 
une  couche  d'argile  plastique  de  16  m.,  reposant  sur  la 
craie  du  bassin  de  Paris  et  surmontée  d'un  banc  de  sable 
et  de  gravier  compact,  qui  s'incline  rapidement  vers  le  lit 
de  la  Seine  et  qu'il  était  de  toute  nécessité  d'atteindre  :  le 
terrain  supérieur  n'est  en  effet  qu'un  amas  de  sable  fin  ou 
vaseux  et  de  remblais  n'offrant  pas  une  consistance  suffi- 
sante. Pour  les  piles  E.  et  S.  (de  gauche  et  de  droite,  et 
en  arrière,  lorsque  l'on  fait  face  à  l'Ecole  militaire),  nulle 


Tour  Eiffel  (craprès  une  photographie). 

difficulté.  Le  banc  de  sable  fut  rencontré  à  la  profondeur  de 
7  m.  et  l'on  put  opérer  à  l'air  libre.  Pour  les  piles  N.  et  0., 
au  contraire,  distantes  de  la  berge  de  120  m.  seulement, 
il  fallut  aller  chercher  ce  banc  à  12  m.,  c.-à-d.  à  5  m. 
au-dessous  du  niveau  de  l'eau,  et  l'on  dut  recourir  au  pro- 
cédé de  l'air  comprimé  (V.  Air,  t.  I,  p.  1044).  —  Chaque 
pile  a  quatre  arêtes  et  chaque  arête  a  sa  fondation  parti- 
culière. Il  y  a  ainsi  16  massifs,  qui  ont  trois  de  leurs 
faces  verticales  et  la  quatrième  inclinée  à  52^,  suivant  la 
direction  de  l'arête  correspondante.  Leur  base,  rectangu- 
laire, a  10  m.  sur  6  m.  pour  les  piles  E.  et  S.,  15  m.  sur 
6  m.  pour  les  piles  N.  et  0.  ;  elle  est  formée  par  une  épaisse 
couche  de  béton  au  ciment  de  Boulogne.  Le  môle  lui-même 
est  en  pierres  de  Souppes,  couronnées  par  deux  assises  de 
larges  pierres  de  taille  de  Château-Landon.  Chaque  arête 
est  fixée  au  moyen  d'un  sabot  en  fonte  que  calent  deux 
boulons  scellés,  de  7  m.  de  long,  sur  0^10  de  diamètre. 


—  713  — 


EIFFEL 


Cet  ancrage,  inutile  pour  la  stabilité  de  la  tour,  donne  ce- 
pendant un  excès  de  garantie  contre  tout  glissement.  Il  a 
en  outre  servi  pour  le  montage  des  fers  en  porte  à  faux. 
Enfin,  dans  chaque  sabot  a  été  ménagée,  par  une  disposi- 
tion ingénieuse,  une  presse  hydraulique  de  800  tonnes, 
que  deu\  hommes  peuvent  facilement  faire  fonctionner.  Ces 
seize  puissants  leviers  de  réglage,  qui  ont  déjà  été  em- 
ployés avec  succès  pour  l'assemblage  des  montants  avec  les 
poutres  du  1'^''  étage,  sont  d'autre  part  destinés  à  rétablir 
au  besoin  la  parfaite  verticalité  de  l'édifice.  Il  serait  même 
pratiquement  aisé  à  32  hommes,  faisant  agir  simultanément 
cette  force  totale  de  12,800  tonnes,  de  soulever  de  plusieurs 
centimètres  la  tour  entière.  Son  poids  ne  dépasse  pas  en 
effet  9,000  tonnes,  y  compris  les  accessoires.  Il  se  résout, 
en  y  ajoutant  l'effort  des  plus  grands  vents  et  la  charge  de 
la  maçonnerie  de  substruction,  qui  cube  12,000  m.,  en 
une  pression  verticale  de  3'^8T  au  maximum  (3  atmos- 
phères et  demie)  sur  chaque  centim.  q.  des  1,200  m.  de  la 
surface  d'appui.  Quant  à  la  plus  forte  pression  oblique, 
elle  s'exerce  sous  les  sabots,  sur  les  assises  en  pierre  de 
taille  ;  mais  là  même  elle  n'est  que  de  30  kilogr.  par 
centim.  q.,  et  ces  pierres  ont  donné  aux  essais  une  résis- 
tance de  1,235  kilogr.  Ainsi,  nul  danger  de  tassement  ni 
du  sol,  ni  des  fondations.  Toute  cette  infrastructure  dis- 
paraît'dans  un  remblai  arasé  au  niveau  du  Champ  de  Mars 
(sauf  pour  la  pile  S.,  où  une  vaste  cave  a  été  conservée 
entre  les  quatre  massifs),  et  un  soubassement  décoratif, 
en  grandes  dalles  de  béton  Coignet,  entoure  le  pied  de 
chacune  des  quatre  piles.  L'écartement  de  deux  piles  voi- 
sines est  de  103«^90  entre  leurs  axes,  de  118^^90  entre 
les  arêtes  extérieures  des  fers,  de  129^^25  entre  les  côtés 
extérieurs  des  soubassements. 

De  la  base  au  premier  étage,  les  quatres  montants  sont 
des  prismes  à  section  horizontale  carrée  de  lo  m.  de  côté, 
inclinés  à  52°.  Leurs  arêtes  ou  arbalétriers  sont  des  poutres 
de  fer  creuses  de  0'"80  de  côté.  Elles  sont  reliées  par  des 
pièces  en  treillis  de  fer  cornières  disposées  en  croix  de 
Saint-André  et  par  des  traverses  horizontales  de  même 
contexture  formant  avec  les  premières  des  panneaux  de 
d2^'50  de  haut.  Jusqu'à  26  m.,  le  montage  «  en  porte  à 
faux  »  put  s'effectuer  au  moyen  de  simples  bigues  munies 
de  treuils  et  sans  le  secours  d'aucun  échafaudage.  Douze 
gigantesques  pyramides  en  bois  étayèrent  ensuite  les  douze 
arbalétriers  intérieurs,  et  quatre  puissantes  grues  pivotantes 
de  12  m.  de  portée,  que  l'on  déplaçait  progressivement  le 
long  des  futures  poutres  de  roulement  des  ascenseurs,  his- 
sèrent désormais  les  lourdes  pièces  métalliques.  Quant  aux 
poutres  transversales  de  7^50  de  côté  et  45  m.  de  long., 
qui  réunissent  les  quatre  montants  et  leur  servent  en  même 
temps  de  points  d'appui,  elles  furent  mises  en  place,  partie 
à  l'aide  de  quatre  nouveaux  échafaudages  de 48  m.  de  haut., 
partie  par  cheminement  en  porte  à  faux.  Elles  sont  dissi- 
mulées par  de  nombreux  accessoires  et  appliques  purement 
décoratifs.  Elles  supportent  un  plancher  qui  est  à  57«^63 
au-dessus  du  sol,  mesure  70^^70  de  côté,  4,200  m.  q.  de 
surface,  et  présente  en  son  milieu  un  vaste  trou  béant. 
Trois  restaurants  et  une  salle  de  concert  y  sont  installés  ; 
un  promenoir  couvert,  de  283  m.  de  développement  sur 
2'^60  de  largeur,  en  fait  le  tour.  Quant  aux  quatre  arches 
monumentales  qui  s'ouvrent  sur  chaque  façade,  elles  ne 
sont,  nous  l'avons  dit,  que  des  motifs  d'ornementation  ; 
elles  mesurent  39M0  de  hauteur  sous  clef  de  voûte  et 
74'"24  de  corde. 

De  la  première  à  la  troisième  plate-forme,  les  montants 
sont  constitués  par  les  mêmes  éléments  légèrement  modifiés. 
Leurs  sections  horizontales,  quoique  toujours  carrées,  vont 
en  rétrécissant  depuis  15  m.  jusqu'à  5  m.  de  côté.  Leurs 
arêtes  sont  dirigées  suivant  la  courbe  de  plus  grande  ré- 
sistance au  vent;  au  nombre  de  16  jusqu'à  la  deuxième 
plate-forme,  elles  se  réduisent  ensuite  à  12,  toutes  exté- 
rieures, puisa  8.  Cette  seconde  partie  du  montage  s'effectua 
beaucoup  plus  facilement  et  sans  échafaudages.  Les  mêmes 
grues  fonctionnèrent  dans  des  conditions  analogues.  Des 


relais,   desservis  par  des  locomobiles,  furent  seulement 
installés  sur  les  plates-formes  successives.  La  deuxième, 
supportée  comme  la  première  par  un  cadre  de  poutres  en 
treillis,  est  à  115*^73  au-dessus  du  sol  et  est  également 
entourée  d'un  promenoir  de  2™60  de  largeur.  Mais  son 
plancher,  de  1,400  m.  q.,  est  continu.  Le  Figaro  y  Uvad 
pendant  l'Exposition  une   édition  spéciale.  La  troisième 
est  à  276^^13  ;  le  public  ne  monte  pas  plus  haut.  La  tour 
n'a  plus  que  10  m.  de  largeur;  mais  une  terrasse  en 
encorbellement  porte  à  18^^65  le  côté  du  plancher.  Tout 
autour  règne  une  galerie  couverte  d'où  Ton  découvre,  der- 
rière des  châssis  vitrés,  un  panorama  féerique  ;  par  les 
temps  très  clairs,  les  lunettes  qui  y  sont  disposées  per- 
mettent de  découvrir  des  points  distants  de  90  kil.  (forêt 
de  Lyons,  près  de  Rouen).  Le  centre  est  affecté  à  divers 
services.  Au-dessus  sont  aménagées  6  petites  salles.  Trois 
constituent  Vappartement  de  M.  Eiffel,  qui  y  a  tout  un 
ameublement  avec  piano,  lustres  Edison,  cheminée  à  gaz,  etc. 
Les  trois  autres  sont  des  laboratoires  d'astronomie,  de 
physique  et  météorologie,  de  microbiologie,  où  d'intéres- 
santes expériences  ont' déjà  été  faites.  Une  terrasse  à  ciel 
ouvert  fait  le  tour  de  l'étage  (IlS^do  au-dessus  du  sol). 
Le  campanile,  dont  la  hauteur  est  celle  d'une  maison  à 
six  étages,  est  formé  par  quatre  arceaux  convergents  en 
treillis,  orientés  suivant  les  diagonales  de  la  section  carrée 
de  la  tour  et  portant  en  leur  point  de  jonction  le  phare 
terminal.  Sa  lampe,  alimentée  par  un  courant  de  100  am- 
pères, a  une  intensité  propre  de  5,500  carcels.  Mais  deux 
tambours,  l'un  catadioptrique,  l'autre  dioptrique,  multi- 
plient considérablement  cette  lumière  qui,  invisible  dans 
un  rayon  de  1,500  m.,  atteint  100,000  carcels  pour  des 
distances   de    2,500  m.  et  515,000   carcels,  dans  les 
éclats,  pour  des  distances  de  4  kil.  et  demi.  Sa  portée 
théorique  est  de  200  kil.  En  réalité,  la  courbure  de  la 
terre  ne  permettrait  de  l'apercevoir  qu'à  85  kil.  pour  des 
points  cotés  34  m.  (ait.  du  Champ  de  Mars),  qu'à  127  kil. 
pour  des  sommets  de  300  m.  Une  couronne  de  verres  de 
couleur  tourne  autour  de  l'appareil  qui  est  fixe,  en  sorte 
que  le  feu  brille  successivement  bleu,  blanc,  rouge,  blanc. 
Ce  phare  est  allumé  tous  les  soirs,  sauf  l'hiver.  Il  est  dû 
à  MM.  Sautter  et  Lemonnier,  ainsi  que  deux  puissants  pro- 
jecteurs système  Mangin,  de  0^^^90  de  diam.,  mobiles  sur 
la  terrasse  de  l'appartement  de  M.  Eiffel.  L'intensité  de 
chacun  d'eux  est  de  6  millions  de  carcels  ;  ils  permettent 
de  distinguer,  la  nuit,  avec  une  lunette,  tous  les  détails 
d'un  objet  distant  de  11  kil.  Ils  ne  fonctionnent  qu'excep- 
tionnellement. Une  dernière  plate-forme,  de  1  "^40  de  diam., 
que  surmonte  un  paratonnerre  servant  de  hampe  à  un  dra- 
peau de  50  m.  q.,  occupe  le  sommet  de  la  coupole  du  phare. 
De  nombreux  instruments  de  météorologie,  construits  par 
M.  M.  Richard,  y  constatent  automatiquement  les  divers 
phénomènes  atmosphériques.  Ce  sont  deux  thermomètres 
à  maxima  et  à  minima,  un  psychromètre,  un  hygromètre 
et  un  pluviomètre,  simplement  enregistreurs  ;  un  thermo- 
mètre, une  girouette  et  deux  anémomètres,  transmettant 
par  fils  électriques  leurs  indications  au  bureau  central 
météorologique  de  la  rue  de  l'Université.  Cette  terrasse 
est  à  300'^^52  au-dessus  du  sol,  à  334""02  au-dessus  du 
niveau  de  la  mer.  Les  autres  monuments  les  plus  élevés  de 
la  Terre  sont:  la  Mole  Antonelliana,  à  Turin  (170  m.), 
l'obélisque  de  Washington  (169  m.),  la  cathédrale  de  Co- 
logne (156  m.),  la  cathédrale  de  Rouen  (150  m.),  le 
munster  de  Strasbourg  et  la  grande  pyramide  d'Egypte 
(142  m.).  Les  dômes  des  Invalides  et  du  Panthéon,  à  Pans, 
n'ont  que  105  m.  et  79  m.  Malgré  la  hauteur  anormale 
du  sommet  de  la  tour  Eiffel,  les  oscillations  y  sont  insen- 
sibles et  leur  amplitude  ne  saurait,  dans  les  conditions  les 
plus  défavorables,  dépasser  10  centim.  Les  éléments  de 
l'édifice  ont  du  reste  été  calculés  pour  résister  à  des  pres- 
sions latérales  de  400  kilogr.  au  mètre  carré;  dans  les 
plus  grandes  tempêtes,  cette  pression  n'a  jamais  dépassé  à 
Paris  150  kilogr. 
L'ascension  s'effectue  soit  par  les  escaliers,  soit  par  les 


EIFFEL  —  EILERS 


—  714  — 


ascenseurs.  Il  y  a  de  la  base  au  i^^  étage,  dans  chacune 
des  piles  E.  et  0.,  un  escalier  en  zigzags  de  1  m.  (360 
marches),  du  1®*"  au  2<^,  dans  chacune  des  quatre  piles,  un 
escalier  hélicoïdal  de  0™60  (380  marches)  ;  ces  six  esca- 
liers sont  accessibles  au  public  ;  du  2®  au  3^,  un  unique 
escalier  hélicoïdal  de  0™60,  interdit  au  public  (1,062  mar- 
ches) ;  du  3®  au  phare,  d'abord  un  escalier  en  partie  héli- 
coïdal (71  marches),  puis  30  échelons  dans  une  cheminée 
centrale  de  0°^80  de  diam.,  du  phare  à  la  terrasse  supé- 
rieure, 16  nouveaux  échelons.  En  tout,  y  compris  les 
8  marches  du  soubassement,  1,927  marches  et  échelons. 
—  Les  ascenseurs  sont  de  trois  types  ditférents.  Deux 
ascenseurs  Roux,  Combaluzier  et  Lepape  vont  en  une  mi- 
nute et  demie  du  sol  à  la  1^®  plate-forme  par  les  piles  E. 
et  0.  ;  un  ascenseur  Otis  va  en  deux  minutes  du  sol  à  la 
2®  plate-forme  par  la  pile  N.  ;  un  autre  ascenseur  Otis  va 
en  une  minute  de  la  1^®  à  la  2^  plate-forme  par  la  pile  S.; 
enfin,  un  ascenseur  vertical  Edoux  va  en  4  minutes  de 
la  2^'  à  la  3®  plate-forme.  La  cabine  de  l'ascenseur  Roux, 
Combaluzier  et  Lepape,  aménagée  pour  100  voyageurs,  est 
poussée  par  une  série  de  tiges  articulées,  qui  remplissent 
le  double  office  d'une  chaîne  sans  fin,  s'engrenant  sur 
une  roue  motrice  à  empreintes  et  sur  une  poulie,  et  d'un 
piston  rigide  dont  les  éléments  sont  emprisonnés  dans 
une  gaine  en  tôle  s'opposant  à  tout  déplacement  latéral. 
Une  rainure  pratiquée  dans  la  gaine  permet  l'attache  au 
véhicule.  La  cabine  de  l'ascenseur  Otis,  disposée  pour 
45  voyageurs,  est  entraînée  par  4  câbles  en  fils  d'acier. 
Le  mouvement  leur  est  communiqué  par  un  piston  qui 
est  établi  au  bas  de  la  pile  et  qui  n'a  que  10  m.  de  lon- 
gueur, mais  dont  les  déplacements  se  trouvent  multipliés 
par  12  grâce  à  un  système  de  poulies  mouflées  formant 
un  gigantesque  palan  à  48  brins.  L'ascenseur  Edoux  est 
double.  Une  première  cabine  à  60  places  est  poussée  par 
deux  pistons  verticaux  parallèles  de  80  m.  de  haut,  et  de 
0"^32  de  diam.,  et  va  d'un  plancher  intermédiaire,  à  196  m. 
du  sol,  jusqu'à  la  3®  plate-forme.  De  sa  partie  supérieure 
partent  4  câbles  qui,  passant  sur  des  poulies  établies  au 
sommet  de  la  tour,  supportent  une  deuxième  cabine  analogue 
allant  de  la  2^  plate-forme  au  plancher  intermédiaire.  Pen- 
dant que  l'une  monte,  l'autre  descend,  et  un  transborde- 
ment s'effectue  au  plancher  intermédiaire  où  elles  se  ren- 
contrent. Ces  divers  ascenseurs  sont  munis  de  freins 
puissants  parant  à  toute  éventualité.  Leurs  moteurs  sont 
hydrauliques.  L'eau  est  élevée  dans  deux  réservoirs,  au 
2®  étage  et  au  sommet,  par  4  machines  à  vapeur,  d'une 
puissance  totale  de  500  chevaux,  installées  dans  la  cave  de 
la  pile  S.  Là  sont  encore  deux  autres  machines,  affectées 
à  la  production  de  la  lumière  électrique.  Dernier  détail  : 
l'écoulement  de  l'électricité  atmosphérique  est  assuré  par 
16  conduites  en  fonte  de  0"^50  de  diam.,  en  communica- 
tion avec  la  partie  métallique  de  la  tour  et  immergées  au- 
dessous  du  niveau  de  la  nappe  aquifère  du  sol. 

Le  poids  des  fers  et  fontes  de  l'ossature  de  la  tour 
est  de  7,500,000  kilogr.  environ;  mais  son  poids  total,  y 
compris  les  planchers,  constructions,  ascenseurs,  etc., 
s'élève,  nous  l'avons  dit,  à  9  millions  de  kilogr.  Le  nombre 
des  rivets  est  de  2  millions  et  demi,  dont  800,000  ont  été 
posés  sur  place.  Toutes  les  pièces  métalliques,  au  nombre 
de  12,000,  ont  donné  lieu  à  autant  d'épurés,  dontles élé- 
ments ont  été  calculés  par  logarithmes  à  0"^0001  près. 
Elles  ont  été  amenées  des  usines  de  Levai  lois-Perret  à  pied 
d'œuvre,  percées  de  tous  leurs  trous  et  entièrement  ter- 
minées. Aucun  ajustage,  aucun  alésage  n'ont  été  nécessaires 
au  cours  du  montage,  qui  n'a  jamais  occupé  plus  de 
300  ouvriers.  La  dépense  totale  a  atteint  6,500,000  fr. 
se  répartissant  ainsi  :  fondations,  maçonnerie,  sou- 
bassement :  900,000  fr.  ;  fers  et  montage  métallique  : 
3,800,000  fr.  ;  peinture  (quatre  couches)  :  200,000  fr.  ; 
ascenseurs  et  machines  :  1,200,000  fr.  ;  installations  et 
aménagements  divers  :  400,000  fr.  M.  Eiffel  avait  reçu 
de  l'Etat  une  subvention  de  1,500,000  fr.  et  de  la  Ville 
de  Paris  la  concession  gratuite  du  terrain.  Mais  la  propriété 


de  la  tour  ne  lui  appartient  que  pour  20  années  à  dater 
de  la  clôture  de  l'Exposition;  elle  passera  ensuite  sans 
indemnité  à  la  Ville.  M.  Eiffel  a  du  reste  cédé  dès  le  début 
ce  droit  temporaire  à  une  compagnie  financière,  la  Société 
de  la  tour  Eiffel,  qui  s'est  constituée  au  capital  de 
5, 100,000  fr.(5millionspourrachatde  la  tour,  100,000  fr. 
comme  fonds  de  roulement)  et  qui  lui  a  remis,  pour  ses 
apports,  la  moitié  des  parts.  Les  bénéfices  proviennent 
surtout  des  ascensions,  qui  ont  lieu  pendant  toute  la  belle 
saison  et  dont  le  prix  varie  de  0  fr.  50  à  4  fr.,  suivant  le 
jour  et  l'étage.  La  recette  de  l'année  de  l'Exposition  s'est 
élevée  à  7  millions  et  demi  et  a  permis  de  rembourser  tout 
de  suite  le  capital  aux  actionnaires.  Léon  Sagnet. 

BiBL.  :  TuRGAN,  les  Grandes  Usines;  Paris,  1886,  t.  XVIII, 
livr.  350  et  354,  in-8.  —  Max  de  Nansouty,  la  Tour  Eiffel; 
Paris,  1889,  in-8.  —  G.  Eiffel,  Conférence  sur  la  tour  de 
300  m.  ;  Paris,  1889,  in-8.  —  M.  Ansaloni,  Note  sur  les 
ascenseurs  de  la  tour  de  300  m.  ;  Paris,  1889,  in-8.  —  G. 
Calmette,  la  Tour  Eiffel,  dans  le  Guide  bleu  du  Figaro; 
Pads,  1889,  in-12.  —  Louis  Figuier,  Année  scientifique  et 
industrielle  (1889);  Paris,  1890,  d.  460,  in-8.  —  Henri  de 
Parville,  la  Tour  de  300  m.,  dans  les  Expositions  de 
l'Etat;  Paris,  1890,  p.  31,  in-4.  —  La  Revue  scientifique,  le 
Génie  civil,  la  Nature,  années  1888  et  1889. 

El  G.  Ile  de  la  côte  0.  d'Ecosse,  comté  d'Inverness,  l'une 
des  petites  Hébrides,  au  S.  de  l'île  de  Skye,  à  l'entrée  du 
Sleat  Sound  ;  30  kil.  q.  ;  300  hab.  Elle  est  de  formation 
basaltique  et  ses  colonnades  (scuir)  sont  célèbres  ;  elles 
atteignent  une  hauteur  de  143  m.  ;  le  point  culminant  de 
l'île  a  417  m.  Une  grotte  renferme  les  ossements  des 
200  hab.  de  l'île  qu'y  enfuma  un  Macleod.  L'île  d'Eig 
appartenait  au  clan  Macdonald.  Ses  habitants  sont  restés 
catholiques.  Sa  géologie  a  été  étudiée  par  Hugh  Miller  qui 
y  observa  la  résonance  musicale  du  sable. 

EIGLA  (V.  Egil  Skallâgrimsson) . 

EIGTVED  (Nicolaî),  architecte  danois,  né  à  Egtved 
(Sélande)  le  22  juin  1701,  mort  le  7  juin  1754.  Il  était 
ouvrier  jardinier  en  Allemagne,  lorsqu'il  se  mit  à  étudier 
les  beaux-arts  et  devint  lieutenant  du  génie  dans  l'armée 
saxonne  (1729).  Rappelé  par  Christian  VI  (1732)  qui  le  fit 
voyager  trois  ans  en  Italie,  le  nomma  capitainé'(1735),  puis 
architecte  de  la  cour,  colonel,  inspecteur  de  l'Académie  des 
beaux-arts  de  Copenhague  (1745),  il  devint  directeur  de 
cet  établissement  (1751),  dont  il  rédigea  les  statuts.  Parmi 
les  édifices  à  la  construction  desquels  il  prit  part,  on  doit 
citer  :  le  palais  du  Prince  (1745),  les  quatre  palais  d'Ama- 
lienborg,  l'ancien  Théâtre  royal,  les  châteaux  de  Chris- 
tiansborg  et  de  Fredensborg,  ceux  de  Sophienberg  et  de 
Bregentved,  l'église  de  marbre  à  Copenhague.  B-s. 

EILEITHYA^Myth.)  (V.  Ilithyia). 

El LEN BU RG.  Ville  d'Allemagne,  roy.  de  Prusse,  dis- 
trict de  Mersebourg  (Saxe),  sur  la  Mulde;  10,654  hab. 
Vannerie,  produits  chimiques,  brasserie,  etc.  Château  dos 
comtes  d'Eulenburg.  La  ville  fut  bâtie  dans  une  île  de  la 
Mulde,  sous  le  nom  de  Mildenau  et  prit  le  nom  du  château 
fort  (llburg),  élevé  par  Henri  P'  contre  les  Slaves  (Sorbes 
et  W^endes).  Eilenburg  fut  un  de  premiers  biens  de  la 
maison  de  Wettin,  chef-lieu  de  la  Marche  orientale,  puis 
réunie  à  la  Misnie.  Elle  a  été  annexée  à  la  Prusse  en  1815. 
BiBL.  :  GuNDERMANN,  Chronik  der  Stadt  Eilenburg  ; 
Eilenburg,  1879  et  suiv. 

EILERS  (Gerd),  pédagogue  prussien,  né  à  Grabstede 
(Oldenbourg)  le  31  janv.  1788,  mort  à  Saarbruck  le 
4  mai  1863.  Il  fut  un  des  principaux  agents  d'Eichhorn  et 
fonda,  après  la  retraite  de  celui-ci,  à  Halle,  une  maison 
d'éducation  à  tendances  conservatrices,  qui  eut  un  moment 
de  grande  vogue.  Il  a  écrit  Wanderung  durchs  Leben 
(Leipzig,  1856-61,  6  vol.),  etc. 

EILERS  (Gustav),  graveur  allemand  contemporain,  au 
burin  et  à  l'eau-forte,  né  à  Konigsberg  le  28  juil.  1834. 
Elève  de  l'Académie  de  sa  ville  natale,  il  se  fixa,  en  1863, 
à  Berlin,  et  se  fit  un  nom  par  une  série  de  belles  planches 
au  ^  burin,  telles  que  :  le  Denier  de  César ^  d'après  le 
Titien;  le  Portrait  d*une  dame,  d'après  le  tableau  de 
Van  Dyck  de  la  galerie  de  Cassel  ;  les  portraits  du  marchand 


—  715 


Georges  Gyze  et  celui  de  l'orfèvre  Moreit,  d'après  Hol- 
bein,  etc.  Son  œuvre  à  l'eau-forte  est  encore  plus  consi- 
dérable; il  a  aussi  interprété  avec  talent  les  maîtres 
modernes  de  l'Allemagne  :  Kaulbach,  Kraus,  etc. ,  ou  a 
gravé  ses  propres  compositions,  notamment  des  marines 
et  des  paysages.  ^«  ^-^• 

EILHARTd'Oberg,  poète  allemand  de  lafm  du  xii^  siècle. 
Il  était  attaché  au  service  de  Henri  le  Lion,  duc  de  Bavière. 
Il  écrivit  un  poème  sur  le  sujet  de  Tristan  et  Iseult,  qui  fut 
repris,  une  cinquantaine  d'années  plus  tard,  par  Gottfried 
de  Strasbourg.  Le  poème  d'Eilhart  n'a  été  longtemps  connu 
que  par  deux  manuscrits  très  incorrects  du  xv«  siècle,  qui 
se  trouvent  l'un  à  Dresde,  l'autre  à  Heidelberg.  Hotfmann 
de  Fallersleben  publia,  en  1823,  quatre  feuillets  d'un  ma- 
nuscrit meilleur,  de  la  fm  du  xiii«  siècle  (Hoffmann,  Fimd- 
gruben,  au  1^''  vol.;  réimprimé  dans  l'édition  des  œuvres 
de  Cxottfried  de  Strasbourg,  par  von  der  Hagen,au2«  vol.). 
Le  roman  en  prose  allemande  sur  Tristan  est  une  para- 
phrase de  l'œuvre  d'Eilhart.  A.  B. 

EILIF  GuDRUNARSON,  poètc  norrain  du  x<^  siècle,  dont 
la  vie  est  peu  connue.  On  sait  seulement  qu'il  chanta 
Hâkon  jarl,  le  dieu  Thor  (Thôrsdrdpa)  et  le  Christ,  d'où 
l'on  conclut  qu'il  se  convertit  au  christianisme  vers  l'an 
■1000.  On  n'a  conservé  que  des  fragments  de  ses  poèmes. 
Il  ne  faut  pas  le  confondre  avec  Eilif  Kulnasvein,  qui  pa- 
rait avoir  vécu  plus  tard.  B-s. 

EILSCHOV  (Frederik-Christian),  philosophe  danois,  né 
à  Rynkeby  (Fionie)  le  13  févr.  4725,  mort  le  15  oct. 
4750.  Dès  l'âge  de  dix-huit  ans,  il  publia  une  Méthode 
spéculative  pour  les  ignorants  (4743)  et  il  était  à  peine 
sorti  de  l'école  qu'il  commença  d'écrire  en  latin  et 'en  da- 
nois, avec  une  grande  indépendance  d'esprit,  sur  la  libre 
pensée,  sur  l'émancipation  de  la  femme,  sur  la  nécessité 
de  cultiver  la  langue  maternelle  et  de  substituer  des  com- 
posés danois  aux  termes  étrangers.  La  plupart  des  nou- 
veaux mots  proposés  par  lui  ont  passé  dans  la  langue. 
Outre  une  dizaine  d'ouvrages  originaux,  aussi  remarquables 
par  le  fond  que  par  la  clarté  du  style,  il  donna  des  tra- 
ductions du  latin,  de  l'italien,  du  français  (Zadig).     B-s. 

EILSEN.  Station  balnéaire  d'Allemagne,  principauté  de 
Schaumburg-Lippe;  eaux  sulfureuses. 

BiBL.  :  Li^DiNGER.Eilsenund  seine  Heilquellen;  Bùcke- 
burf?,  1859. 

EINIAKS  ou  AIMAKS.  Peuplade  de  TAfghanistan  occi- 
dental ;  on  peut  la  regarder  comme  une  fraction  des  Héza- 
reh,  dont  les  Eimaks  diffèrent  par  la  religion,  étant  musul- 
mans sunnites  (V.  Hézareh). 

EIMBECK  ou  EINBECK.  Ville  d'Allemagne,  roy.  de 
Prusse,  district  d'Hildesheim  (Saxe)  ;  6,800  hab.  C'est 
l'ancienne  capitale  des  princes  de  Grubenhagen,  dont 
réj>lise  Saint-Alexandre  renferme  les  tombeaux.  La  prospé- 
rité de  la  ville  fut  due  à  sa  bière,  célèbre  à  partir  du 
xv«  siècle  (le  mot  bock  viendrait  du  mot  Einbeck), 

BiBL.  :  Harland,  Geschichte  der  Stadt  Einbech;  Eim- 
beck,  1859,  2  vol.  „  -,   , 

EIMBECK  (Konrad  von),  sculpteur  allemand  du  com- 
mencement du  XV®  siècle.  Il  a  laissé  dans  la  «  Moritzkirche  », 
à  Halle,  nombre  de  sculptures,  parmi  lesquelles  on  re- 
marque :  un  Ecce  Homo  colossal  (1416);  le  haut-relief 
de  Saint-Maurice  (4444),  etc. 
■     EIMEO  (V.  Société  [lies  de  la]). 

El  MER.  Mesure  de  capacité  allemande  et  variable  d'une 
localité  à  l'autre.  Eimer  veut  aussi  dire  seau.  La  valeur 
de  l'eimer  est  comprise  entre  40  et  70  litres. 

EIMERIA  (Zool.).  Schneider  (4875)  a  créé  ce  genre  de 
Grégarines  pour  une  espèce  parasite  de  l'intestin  de  la 
Souris,  décrite  par  Eimer  sous  le  nom  de  Gregarina  fal- 
eiformis.  Il  peut  se  caractériser  ainsi  :  kystes  sphériques 
ou  oviformes,  très  petits  (ne  dépassant  guère  0,04  millim. 
de  diamètre),  dont  le  contenu  ne  forme  qu'une  seule  spore, 
dans  laquelle  se  développent  des  nombreux  corpuscules  fal- 
ciformes.  Ces  êtres  habitent  les  cellules  qui  tapissent  les 
organes  dans  lesquels  on  les  trouve.  E.  schneideri  But- 
schli,  dans  l'intestin  d'unMyriapode  (Lithobius),  Ë.  nova 


EILERS  -  EINAR 

Schneider,  vaisseaux  de  Malpighi  d'un  Glomeris,  E.  kir-- 
suta  Schn.,  intestin  de  larves  de  Gyrins,  E,  nepœ,  etc. 

EINAR  EiNDRiDASON,  surnommé  Thambarskelfl  (l'Ar- 
cher), homme  politique  norvégien,  né  vers  982,  mort  vers 
4054'.  Fils  d'un  grand  feudataire  des  environs  de  Trond- 
hjem,  il  combattit  sur  le  navire  du  roi  Olaf  Tryggvason  à 
la  bataille  de  Svœldr  (4000);  son  arc  brisé,  il  se  sauva  à 
la  nage  et  se  réconcilia  avec  les  jarls  vainqueurs,  Eirik  et 
Svein  Hâkonarson,  dont  il  épousa  la  sœur  Bergljot.  Il 
devint  le  tuteur  de  son  neveu  Hàkon,  fils  du  premier  (4045), 
et  s'enfuit  en  Suède  avec  le  second  après  la, perte  de  la 
bataille  de  Ness  (1046).  Adversaire  de  saint  Olaf,  il  excita 
contre  lui  Knut  le  Grand  qui  se  fit  proclamer  roi  de  Nor- 
vège et  v  réinstalla  Hàkon  Eiriksson  comme  vice-roi  (4028). 
Il  jouit  d'une  grande  influence  sous  le  gouvernement  de 
son  neveu.  Après  la  mort  de  ce  dernier  (4030),  mécontent 
de  n'avoir  pas  été  appelé  à  lui  succidcr,  il  fut  l'un  des 
seigneurs  qui  allèrent  chercher  en  Russie  Magnùs,  fils  de 
saint  Olaf,  et  qui  le  proclamèrent  roi  de  Norvège  (4035)  ; 
mais  il  se  brouilla  avec  l'oncle  et  successeui-  de  ce  dernier, 
Harald  Hardrâdé,  qui  le  fit  assassiner  avec  son  fils  Eindridé 
(G.-M.  Falsen,  iimar  Tambeskjelver;  Bergen,  4845;  — 
W.-S.  \)M,EinarThambarskelver ;  Christiania,  1884). 

EINAR  GiLSSON,  le  dernier  des  skalds  de  renom  et  l'un  des 
premiers  auteurs  des  rimas,  vivait  au  xiv«  siècle.  H  fut  bailli 
du  canton  de  Hunavatn,  puis  président  des  assises  de  l'Islande 
occidentale  et  septentrionale  (4367-68).  De  nombreux  frag- 
ments de  sa  Gudmundardrdpa  et  de  ses  Chansons  de  l'ogre 
se  trouvent  dans  la  Saga  de  l'évêque  Gudmmid  (Biskupa 
sœgur  ;  Copenhague,  4857,  t.  Il)  et  sa  Pâma  de  saint 
Olaf\  qui  passe  pour  être  la  plus  ancienne  du  genre,  dans 
le  Flateijjarbôk  (Christiania,  4860,  t.  I).  B-s. 

EINAR  Haflidason,  biographe  et  annaliste  islandais,  né 
le  46  sept.  4307,  mort  le  22  sept.  4393.  Fils  d'un  curé, 
il  fut  lui-même  tonsuré  dès  4345  et  commença  ses  études 
au  monastère  de  Thingeyré,  sous  le  futur  évêque  Lauren- 
tius,  dont  il  devint  secrétaire  intime  (4324-4334)  et  dont 
il  écrivit  la  biographie  qui,  pour  être  la  dernière  saga  his- 
torique, n'est  pas  la  moins  pittoresque  (éditée  dans  Bis- 
kupa sœgur;  Copenhague,  4857,  t.  H,  in-8).  Ordonné 
prêtre  en  4332,  il  devint  curé  de  Hoskuldstads  (4334), 
de  Breidabolstad  (4344),  conseiller  (4340)  de  son  ancien  ^ 
maître  Egil  Eyjolfsson,  évêque  de  Hols,  et,  après  la  mort 
de  celui-ci  (4344),  il  remplit  les  fonctions  d'official,  qu'il 
occupa  de  nouveau  pendant  l'absence  de  l'évêque  J6n  Skallé 
(4370-4376)  et  de  4394  à  4393.  En  4346,  il  fut  envoyé 
près  du  souverain  pontife  à  Avignon  et  passa  quelque  temps 
à  Paris.  On  lui  doit  pour  le  xiv«  siècle  de  précieuses  anno- 
tations qui  ont  été  insérées  dans  les  jinnalesdujuge{ëô. 
par  G.  Storm  dans  Islandske  Annaler;  Christiania,  4888). 

EINAR  Helgason,  surnommé  ^AYi/ajy km  et  aussi  ap- 
pelé Skjaldmeyjâr-Einar,  skald  islandais,  né  vers  930, 
mort  dans  un  naufrage  sur  les  côtes  du  Breidifjœrd  vers  la  fin 
du  x^  siècle.  Apparenté  avec  OElvi  Hnufa,  Eyvind  SkaldaspilU 
et  Egil  Skallagrimsson,  avec  qui  il  était  fort  lié,  il  jouait 
aussi  bien  de  la  lyre  que  de  l'épée.  Etant  au  service  de  Hâkon 
jarl  auprès  duquel  il  combattit  à  Hjœrungavâg  (986)  et 
qui  lui  fit  présent  d'un  plateau  sonore  (skdlaglam)  et  d'un 
magnifique  bouclier  (sujet  de  la  Skjaldardrdpa  d'Egil 
Skallagrimsson),  il  composa  en  l'honneur  de  ce  prince  une 
drdpa  (vers  l'an  965)  et,  après  986,  la  Vellekia  (traduite 
et  commentée  par  A.-O.  Freudenthal;  Helsingfors,  4865  ; 
et  par  Finn  J()nsson  dans  Aarbœger  for  nordisk  Oldkyn- 
diqhel,  4.91).  Des  fragments  de  ces  poèmes  nous  ont  été 
conservés  dans  VEdda  de  Snorré,  la  Heimskringla,  la 
Fagrskinna,  YEigla  et  le  Flateyjarbôk.  B-s. 

EINAR  SiGURDssoN,  poète  islandais,  né  à  Hraun  dans 
l'Adalreykjadal  en  4539,  mort  à  Heydals  le  45  juil. 
4626.  Fils  d'un  pasteur,  il  fut  ordonné  prêtre  à  dix-huit 
ans  et  nommé  (par  son  propre  fils,  l'évêque  de  Skâlholt, 
Odd  Einarsson)  pasteur  de  Hvamm,  puis  de  Heydals  (4594). 
A  sa  mort,  il  comptait  plus  de  cent  descendants  et,  en 
4696,  il  y  avait  en  Islande  non  moins  de  trente-six  prêtres 


EINAR  -  EINSPIELER 


—  716  — 


issus  de  lui.  Il  fut  ancêtre  d'un  grand  nombre  d'hommes 
célèbres,  entre  autres  les  poètes  Olaf  Einarsson,  Stefan 
Olafsson,  Hallgrimm  Eldjarnsson,  Bjarné  Thérarensen, 
Jonas  Hallgrimsson.  Il  fut  le  premier  des  grands  psal- 
mistes  originaux  après  la  Réforniation,  et  beaucoup  de  ses 
poésies  religieuses  ont  été  bien  des  fois  réimprimées  dans 
le  Psautier  islandais^  dans  les  Visnabôk  de  1612  et  de 
1748.  Nombre  d'autres  pièces  sont  inédites.  B-s. 

EINAR  Skulason,  le  meilleur  et  le  plus  fécond  desskalds 
islandais  du  xi*^  siècle,  né  vers  1095,  vivait  encore  en  1160. 
Apparenté  avec  les  poètes  Egil  Skallagrimsson,  Snorré 
Sturluson,  Sturla  et  Olaf  Thordarson,  il  alla  comme  eux 
chercher  fortune  dans  les  cours  Scandinaves  et  y  passa  la 
plus  grande  partie  de  sa  vie.  Dès  1114,  on  le  trouve  à  la 
cour  de  Sigurd  le  Jérosolymitain  et  il  était  encore  en  Nor- 
vège en  1159;  mais  on  sait  que,  dans  l'intervalle,  il  possa 
une  dizaine  d'années  dans  son  domaine  de  Borge  en  Islande. 
Quoique  prêtre,  il  fut  nommé  maréchal  par  le  roi  Eystein 
Haraldsson.  Lors  de  l'inauguration  du  siège  archiépiscopal 
de Throndhjem  (1152),  il  chanta  les  louanges  de  saint  Olaf 
dans  la  cathédrale  qui  renferme  ses  reliques.  Ce  poème, 
appelé  O'iafs  drdpa  et  Geislé  (rayon)  fut  plus  admiré  des 
anciens  qu'il  ne  l'est  des  modernes.  C'est  la  plus  ancienne 
ode  chrétienne  en  langue  norraine  qui  nous  ait  été  conser- 
vée :  àansla Konungabôk  de  l'abbé  Berg(éd.  par  G.  Ceder- 
schiœld,  Lund,  1874)  et,  avec  lacune  de  trois  strophes  dans 
le  Flateyjarbôk  (1860, 1. 1.  ;  édité  en  outre  dans  Heims- 
kringla,  1 783,  t.  III  in-fol.  ;  dans  Fornmanna  sœgur, 
t.  V,  avec  traduction  latine  dans  Scripta  historica  Islan- 
doriim^  t.  V  ;  enfin  par  Lars  Wennberg,  avec  traduction 
suédoise;  Lund,  1874).  Ses  autres  poèmes  sur  les  rois  de 
Norvège,  Sigurd  le  Jérosolymitain,  Eystein  Magnùsson,  Ma- 
gnûs  Sigurdarson,  Harald  Gillé  et  ses  fils,  Sigurd,  Eystein 
et  Ingé  ;  sur  le  roi  de  Suède  Sverker  Kolsson  ;  sur  le  roi 
de  Danemark  Svein  Grade  ;  sur  Eindridé  le  Jeune  et  Gre- 
gorius  Dagsson,  sur  la  Hache,  ne  sont  connus  que  par  des 
fragments  ou  même  totalement  perdus.  B-s. 

EINARSFOSTRÉ(Sigurd  Thordarson,  surnommé),  poète 
islandais  du  xiv^  siècle.  Son  surnom  (que  l'on  prend  sou- 
vent pour  son  nom  :  Einar  Fostré)  vient,  sans  doute,  de 
ce  qu'il  fut  soit  le  pupille  {fostré),  soit  le  père  nourricier 
{fostré)  d'Einar,  l'un  père,  l'autre  fils  de  Bjœrn  Einarsson, 
gouverneur  de  l'Islande,  auprès  duquel  il  remplissait  les 
fonctions  de  ménestrel  et  de  narrateur.  C'est  pour  dis- 
traire celui-ci  dans  le  cours  d'un  pèlerinage  à  Jérusalem 
(1391)  qu'il  composa  Skidarima,  poème  héroï-comique, 
dont  beaucoup  de  vers  ont  passé  en  proverbe  (éd.  par 
C.  Maurer;  Munich,  1869;  par  Th.  Wisén  dans  Carmina 
norrœna;  Lund,  1886;  et  par  Gudbrand  Vigfusson  dans 
Corpus  poeticum  boréale;  Londres,  1883,  t.  Il;  la  tra- 
duction en  hexamètres  latins  par  l'évèque  Jon  Vidalin 
et  Jén  Arnason  est  inédite).  On  lui  attribue  aussi  V Episode 
du  renard  (éd.  par  Kœlbing  dans  ses  Beitrœge;  Halle, 
1876;  par  G.  Vigfusson  dans  Corpus,  t.  II  ;  et  par  Jon 
Thérkelsson  dans  Om  Digtningenpâ  Jsland;  Copenhague, 
1888,  in-8),  ainsi  que  des  Chansons  enfantines.  La  re- 
lation des  voyages  de  Bjœrn  Einarsson,  dont  il  ne  reste 
que  des  fragments  relatifs  au  Groenland,  avait  peut-être 
été  rédigée  par  lui.  B-s. 

EINARSSON  (Baldvin),  publiciste  islandais,  né  le  2  août 
1801  à  Molastad,  au  N.  de  l'île,  mort  à  Copenhague  le 
9  févr.  1833.  Il  travaillait  encore  dans  le  domaine  paternel 
à  l'âge  de  vingt  ans  lorsqu'il  commença  d'étudier  dans  les 
écoles  :  après  avoir  passé  par  l'université  de  Copenhague 
(1826),  il  entra  à  l'Ecole  polytechnique  de  cette  ville  (1 831). 
Il  pubha  l'annuaire  historique  {Skirnir ,  Copenhague, 
1829,  3*^  ann.  in-8)  de  la  Société  de  littérature  islandaise, 
dont  il  était  secrétaire,  et  une  intéresante  revue  d'économie 
politique,  rurale  et  domestique  {Armann  d  A  Ithingi,  ibid. , 
1830-34,  4  vol.),  qui  promettait  un  écrivain  distingué  et 
qui  ne  contribua  pas  peu  au  réveil  de  l'Islande.       B-s. 

EINBECK  (V.  Eimbeck). 

EINSIEDELN.  Gros  bourg  de  Suisse,  cant.  de  Schwytz; 


8,506  hab.  Cette  localité  se  compose  en  grande  partie 
d'auberges ,  d'hôtels ,  de  boutiques  d'objets  de  dévo- 
tion, chapelets,  statuettes,  images,  etc.  Elle  possède  un 
grand  établissement  (plus  de  800  ouvriers)  de  librairie  ca- 
tholique et  de  topographie  artistique  patronné  par  le  pape, 
et  vit  des  pèlerins,  car  l'abbaye  d'Einsiedeln  est  l'objet 
d'un  des  pèlerinages  importants  de  l'Europe  (V.  ci-des- 
sous). On  remarque  dans  le  trésor,  outre  des  toilettes  très 
riches,  un  ciboire  d'or  pur  orné  de  près  de  trois  mille 
pierres  précieuses.  L'abbaye  possède  une  bibliothèque  de 
trente-cinq  mille  volumes,  riche  en  incunables  et  en 
curiosités  historiques,  et  de  riches  collections  d'histoire 
naturelle.  Elle  a  un  gymnase-lycée  qui  est  fréquenté  par 
environ  deux  cent  cinquante  élèves.  L'abbaye  d'Einsiedeln 
est  de  l'ordre  des  bénédictins.  L'abbé  portait,  jusqu'au 
siècle  dernier,  le  titre  de  prince.  Le  réformateur  suisse 
Zwinglefut  curé  d'Einsiedeln  de  1515  à  1519. 

Abkaye  d'Einsiedeln  ou  Notre-Dame-des-Ermites.  — 
L'origine  de  cette  abbaye  remonte,  suivant  la  légende, 
à  saint  Meginrad  ou  Meinrad,  originaire  du  Sulichgau,  sur 
le  Neckar,  qui  au  ix^  siècle  doit  s'être  retiré  dans  les  mon- 
tagnes sauvages  d'Einsiedeln  pour  y  mener  une  vie  d'er- 
mite ;  il  y  fut  assassiné  en  86 1  :  deux  corbeaux  apprivoisés 
désignèrent  ses  meurtriers  aux  Zurichois.  La  première  trace 
de  ce  récit  date  du  xi®  siècle.  Au  x^  siècle,  deux  ecclésias- 
tiques strasbourgeois  de  noble  lignée,  d'abord  Bennon,  puis 
Eberhard,  commencèrent  à  grouper  quelques  religieux  autour 
de  la  cellule  de  Meinrad.  Le  premier  document  authentique 
est  daté  de  947  :  c'est  une  charte  d'Othon  P^  ;  elle  recon- 
naît la  communauté  de  la  cellule  de  Meginrad  ainsi  que  son 
chef,  Eberhard,  et  lui  accorde  le  droit  de  choisir  librement 
son  abbé.  Suivent  les  actes  des  riches  donations  faites  par 
Othon  P*",  Othon  II  et  Henri  II,  cette  dernière  comprenait 
des  pâturages  que  revendiquaient  les  hommes  de  Schwyz. 
L'abbaye  souffrit  de  la  sorte  des  luttes  entre  la  confédé- 
ration naissante  et  les  Habsbourg.  Depuis  la  fin  du  xiv^  siècle, 
l'abbaye  est  placée  sous  la  protection  du  cant.  de  Schwyz. 
Zwingle  était  prêtre  séculier  de  l'abbaye  au  moment  de  la 
Réformation ,  dont  l'essor  compromit  pendant  quelques 
années  l'existence  du  couvent.  L'abbé  Joachim  Eichhorn 
(1554-1569)  le  réorganisa.  Au  xvn^  siècle,  on  y  publia  les 
Documenta  archivii  Einsiedlensis  (4  vol.  in-fol.);  dès 
1612,  le  bibhothécaire  Christ.  Hartmann  avait  donné  les 
Annales  Heremi  (Fribourg  en  Brisgau).  Les  guerres  de  la 
fin  du  xvni^  siècle  désolèrent  encore  une  fois  l'abbaye  ; 
elle  se  releva  en  1 81 8  ;  aujourd'hui,  elle  a  plusieurs  annexes, 
dont  une  dans  l'Amérique  du  Nord.  L'abbaye  d'Einsiedeln 
n'a  ni  déployé  l'activité  littéraire,  ni  exercé  l'influence  civi- 
lisatrice de  celle  de  Saint-Gall.  Elle  est  fameuse  par  son 
pèlerinage.  Dès  le  moyen  âge,  on  y  affluait  pour  obtenir  ce 
que  promet  l'inscription  mise  sur  le  portail  :  Hïc  est  plena 
remissio  omnium  peccatorum  a  culpa  et  pœna.  C'est  le 
14  sept,  qu'on  célèbre  la  consécration  miraculeuse  qui  doit 
avoir  eu  lieu  en  948.  L'image  de  la  Vierge  noire  qui  se 
trouve  dans  le  sanctuaire  est  très  ancienne.  On  compte 
environ  cent  cinquante  mille  pèlerins  par  été.  F. -H.  Krûger. 
BiBL.  :  Annales  S.  Meginradi,  Heremi  et  Einsiedlenses, 
dans  Pertz,  Monum.  Germ.  hist.;  Script,  t.  III,  pp.  137- 
149.  —  P.  Gall  Morel,  Regesten  der  Benedihtinerahtei 
Einsiedeîn,  dans  von  Mohr,  Regesten  der  schweiz.  Ar- 
chive, 1. 1,  1848.—  G.  von  Wyss,  dans  Jahrbuch  f.  sclnveiz. 
Geschichte,  t.  X. 

El  N  S  L  E  (Anton) ,  portraitiste  viennois,  né  en  1 801 ,  mort 
le  10  mars  1871.  Elève  de  l'Académie  de  Vienne.  La  répu- 
tation de  cet  artiste  est  due  au  coloris  délicat  et  au  modelé 
de  ses  portraits.  On  remarque  ceux  du  Comte  Zichy  (1835), 
de  la  Comtesse  Wickenburg  costumée  (1846),  de  V Ar- 
chiduc Charles-Louis  (1848),  etc.  H  fut  nommé,  en  1867, 
peintre  de  la  cour. 

EINSPIELER  (André),  patriote  slovène,  né  en  Carin- 
thie  en  1813,  mort  en  1888.  H  fut  prêtre  et  professeur  à 
Klagenfurt.  Il  fonda  en  1851  la  société  de  Saint-Herma- 
goras  pour  la  publication  de  livres  populaires  en  langue 
Slovène,  et  différents  journaux  catholiques  en  slovène  et  en 


—  717  — 


EINSPIELER  —  EmiKSSÔN 


allemand.  Il  fut  député  à  la  dièle  de  Carintliie  et  s'y 
montra  défenseur  intrépide  de  sa  nationalité.  Il  a  écrit  dans 
les  deux  langues,  allemande  et  slovène,  plusieurs  ouvrages 
de  piété  ou  de  polémique  politique  ou  religieuse. 

EINVAUX.  Corn,  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle,  arr. 
de  Lnnéville,  cant.  de  Bayon;  388  hab. 

EINVILLE  (Villa  Aiiduinu,  699).  Com.  du  dép.  de  la 
Meurthe-et-Moselle,  arr.  et  cant.  (S.)  de  Lunéville,  sur  le 
Sanon  et  le  canal  de  la  Marne  au  Rhin;  1,433  hab. Bancs 
de  sel  gemme;  salines;  brasserie.  —  Einville,  autrefois 
qualifié  de  ville,  était  ch.-l.  d'une  prévôté  et  châtellenie. 
Les  ducs  de  Lorraine  y  avaient  une  jumenterie.  Les  armoi- 
ries sont  :  coupé  de  gueules  à  un  alérion  d^ argent  et 
d'azur,  au  massacre  de  cerf  d'or. 

EIRIK  Raudé  ou  le  Rouge,  colonisateur  du  Groenland, 
mort  après  Tan  1007.  A  la  suite  d'un  meurtre,  il  quitta 
avec  sa  famille  le  canton  de  Jœder  (extrémité  S.-O.  de  la 
Norvège)  et  s'établit  dans  la  presqu'île  N.-O.  de  l'Islande, 
île  dont  l'un  des  principaux  découvreurs  avait  été  son  pa- 
rent, Naddodd.  Banni  pour  d'autres  meurtres  en  98:2,  il 
partit  dans  la  direction  de  l'O.  pour  les  récifs  découverts 
par  Gunnbjœrn,  et  il  trouva  le  Groenland,  dont  il  explora 
le  littoral  pendant  trois  ans  pour  chercher  les  localités  ha- 
bitables ;  il  leur  imposa  des  noms  et,  afin  de  suggérer  une 
idée  favorable,  il  donna  à  l'ensemble  du  pays  celui  de 
Groenland  (pays  vert,  à  cause  de  la  couleur  des  glaces, 
plutôt  que  de  la  végétation).  Après  quoi,  il  retourna  cher- 
cher des  colons  en  Islande  et  repartit  en  986  avec  vingt-cinq 
navires,  dont  quatorze  seulement  parvinrent  à  destination. 
Il  s'établit  lui-même  à  Brattahlid  (probablement  Igaliko, 
près  de  Julianehaab)  dans  VEijstribygd  (colonie,  mais  non 
côte  orientale  [V.  H.-P.  von  Eggers]).  Il  était  païen, 
mais  son  fils,  Leif  l'Heureux,  qui  découvrit  le  Vinland  ou 
littoral  N.-E.  des  Etats-Unis,  évangélisa  la  nouvelle  colo- 
nie vers  l'an  1000.  Deux  autres  de  ses  fils,  Thôrvald  et 
Thôrstein,  et  sa  fille  Freydise,  partirent  successivement 
pour  le  Vinland.  V Episode  d'Eirik  Raudé,  qui  figure 
dans  le  Flateyjarbôk,  écrit  de  1387  à  1395,  est  avec  la 
Saga  de  Thorfinn  Karlsefni  la  principale  source  de  l'his- 
toire de  ces  découvertes.  B-s. 

ElRlK  Vidfœrlé(h  grand  voyageur),  héros  d'une  saga 
légendaire  du  xiii«  ou  du  xiv'^  siècle.  Il  partit  de  Norvège 
pour  Gonstantinople  et  de  là  pour  l'extrême  Orient,  afin  de 
chercher  le  paradis  terrestre,  dont  il  ne  put  découvrir  que 
les  limbes.  Cette  relation  en  vieux  norrain,  fort  différente 
de  ses  congénères,  a  été  éditée  par  Rafn  dans  Fornaldar 
sœqur  (Copenhague,  1830,  t.  III,  in-8)  et  par  Unger  dans 
Flateyjarbôk  (Christiania,  1860,  t.  I,  in-8).         B-s. 

EIRIK  Hâkonarson,  jarl  ou  duc  norvégien,  né  vers  962, 
mort  en  Angleterre  vers  1023.  Fils,  du  célèbre  Hâkon  Si- 
gurdarson  qui  avait  été  vaincu  par  Ôlaf  Tryggvason  (993), 
il  le  vengea  en  remportant  la  victoire  de  Svœldr  (1000), 
de  concert  avec  les  rois  de  Danemark  et  de  Suède,  Svein 
Tjuguskegg  et  Ôlaf  Sœnské,  sous  la  suzeraineté  desquels 
il  gouverna  la  Norvège  avec  son  frère  Svein.  Quoiqu'il  eût  fait 
un  pèlerinage  à  Rome,  il  toléra  le  paganisme.  C'est  sous  son 
règne  que  le  duel  judiciaire  fut  aboli  (1015).  Il  prit  part 
avec  son  beau-frère  et  suzerain,  Knut  le  Grand  (1015),  à 
la  conquête  de  l'Angleterre,  tandis  que  s;on  fils  Hâkon, 
esté  en  Norvège,  était  dépouillé  par  saint  Olaf.  C'était  un 
^uerrier  magnanime,  qui  fut  célébré  par  huit  skalds,  entre 
autres  Eyjolf  Dadaskald,  Thord  Kolbeinsson,  Hallfred 
Vandrsedaskald  et  Gunnlaug  Ormstunga,  dont  les  poèmes 
ont  été  la  principale  source  des  historiens  de  son  règne.  B-s. 
EIRIK  Harâldsson,  surnommé  Blôdixe  (hache  san- 
glante), roi  de  Norvège,  tué  en  950  à  la  bataille  de  Stan- 
mor  (Northumberland).  Fils  aîné  de  Harald  Hàrfagr,  il 
reçut  avec  ses  frères,  du  vivant  même  de  leur  père,  le  titre 
de  roi,  avec  les  fiefs  de  Hâlogaland,  Nordmœré  et  Raums- 
dal  (900),  puis  ceux  de  Firdafylké  et  de  Haurdaland,  et  fut 
désigné  comme  suzerain  éventuel  (930).  Mais,  à  peine  eut- 
il  succédé  à  la  dignité  suprême  (933)  qu'il  trouva  des 
compétiteurs  dans  chacun  de  ses  frères  ;  deux  d'entre  eux, 


Ôlaf,  roi  du  Vik,  et  Sigrœd,  roi  du  pays  de  Throndhjem, 
périrent  à  la  bataille  de  Tunsberg  (934)  ;  mais  sa  tyrannie, 
ses  cruautés  et  la  méchanceté  de  sa  belle  reine  Gunnhilde 
l'ayant  rendu  odieux,  il  fut  abandonné  de  la  plus  grande 
partie  des  Norvégiens  qui  proclamèrent  roi  (935)  son  plus 
jeune  frère  Hâkon,  revenu  d'Angleterre,  où  il  avait  été 
élevé  par  /Ethelstân.  Eirik  dut  se  réfugier  dans  les  Or- 
cades,  d'où  il  ravagea  l'Ecosse  et  même  l'Angleterre,  jus- 
qu'à ce  qu'il  eût  été  installé  (936)  comme  vice-roi  dans  le 
Northumberland,  à  condition  de  se  taire  baptiser  et  de 
protéger  ce  pays  contre  les  autres  vikings,  mais  il  succomba 
à  la  tâche.  Ses  fils  restèrent  dans  les  Ôrcades,  jusqu'en 
961,  où  leur  oncle  Hâkon  Adalsteinsfostré  les  rappela 
pour  lui  succéder  sous  la  suzeraineté  de  leur  aîné  Harald 
Gràfeld.  Eirik  a  été  chanté  par  quelques-uns  des  meilleurs 
poètes  de  son  temps  :  Egil  Skallagrimsson,  Glum  Geirason 
et  l'auteur  anonyme  de  VEiriksmdl.  B-s. 

ËIRIK  JÔNSSON,  lexicographe  islandais,  né  le  22  mars 
1822.  Il  est  vice-inspecteur  du  collège  de  la  Régence  à 
Copenhague.  Après  avoir  collaboré  au  Bictioniiaire 
islandais-anglais  de  R.  Cleasby,  fort  amélioré  et  publié 
par  Gudbrand  Vigfusson  (Oxford,  1874,  in-4),  il  rédigea 
pour  la  Société  des  antiquaires  du  Nord  un  dictionnaire 
de  la  même  langue  expliqué  en  danois  {Oldnordisk  Ordbog  ; 
Copenhague,  1863,  in-8).  B-s. 

EIRIK  Magnlsson,  surnommé  Prestahataré  (Ennemi 
des  prêtres),  roi  de  Norvège,  né  en  1268,  mort  en  1299. 
Fils  de  Magnûs  Lagab8eti,"il  lui  succéda  en  1280,  sous  la 
tutelle  de  Bjarné  Erlingsson,  d'Audun  Hugleiksson  et 
d'autres  dignitaires  laïques  qui  eurent  à  lutter  contre  les 
archevêques  Jôn  Raudé  et  Jœrund  (d'où  son  surnom)  et 
contre  les  villes  hanséatiques  (traité  de  Kalmar,  1285). 
n  fut  lui-même  en  guerre,  de  1284  à  1297,  avec  les  rois 
de  Danemark  Erik  Glipping  et  Erik  Menved,  qui  refusaient 
de  lui  payer  la  dot  de  sa  mère,  Ingeborge,  fille  d'Erik 
Plovpenning.  C'est  en  vain  qu'il  réclama  le  trône  d'Ecosse 
comme  héritier  (1290)  de  la  reine  Marguerite,  l'unique 
enfant  qu'il  eût  eu  de  son  mariage  avec  Marguerite,  fille  du 
roi  Alexandre  III.  Il  eut  pour  successeur  son  frère  Hâkon, 
qui  était  déjà  roi  de  la  Norvège  centrale  et  de  deux  des 
provinces  méridionales.  B-s. 

EIRIK  Magnisson,  érudit  anglais,  né  en  Islande 
le  l'^''  févr.  1833.  Sous-bibliothécaire  de  l'université  de 
Cambridge,  il  a  publié  dans  les  Communications  de  la 
Société  archéologique  de  cette  ville  :  On  a  runic  Calendar 
found  in  Lapland  in  1866  (1878,  t.  IV,  n"  1);  Des- 
cription of  a  norvegian  clog-calendar  (1879,  t.  IV, 
n°  2);  071  Hduamdl  verses  2  and  S  (1885).  Il  a  traduit 
en  anglais  les  sagas  de  Gretti  (Londres,  1869),  de  Thomas 
Becket  (1875-1883,  4  vol.  in-8)  avec  le  texte  islandais; 
de  Gunnlaug  Ormstunga,  Fridthjof,  Viglund,  etc. 
(Three  Northern  Love  stories,  1875),  des  Valsungs 
(1879);  Eyrbyggiasaga  et  Heidarvigasaga  (1891); 
Heimskringla  de  Snorré  (1892,  4  vol.);  Lilja,  poème 
d'Eystein  Asgrimsson  (1870);  Icelandic  legends  de  ién 
Arnason  (1864-66,  2  vol.).  B-s. 

EIRIK  Oddson,  savant  biographe  islandais  du xii^ siècle, 
auteur  de  Hryggjarstykké,  recueil  de  biographies  des  rois 
de  Norvège,  Harald  Gillé,  de  ses  fils  Sigurd  Mund,  Eystein, 
Magnûs  et  Ingé,  de  Magnûs  Blindé  et  de  Sigurd  Slembe- 
djakn,  qui  régnèrent  de  1130  à  1162.  Ces  sagas,  écrites 
d'après  ses  souvenirs  personnels  ou  les  récits  de  témoins 
oculaires,  étaient  une  source  de  premier  ordre  ;  mal- 
heureusement le  texte  en  est  perdu,  mais  elles  avaient 
été  utilisées  dans  la  Heimskringla  de  Snorré  et  la  Mor- 
kinskinna.  B-s. 

EIRIK  VidsjA,  skald  islandais  du  commencement  du 
xi^  siècle.  Il  fut  banni  pour  avoir  pris  part  aux  combats 
de  Heidarvig  (1014)  qu'il  chanta  dans  un  poème  dont  il  ne 
reste  que  des  fragments  dans  Saga  af  Viga-Styr  ok  llei- 
daruigum  (t.  Il  àes  Islendinga  scegur;  Copenhague, 
1847,  in-8).  B-s. 

EIRIKSSON  (Magnûs),  rationaliste  danois,  né  à  Skinna- 


ËÎRIKSSON  -  EÎSENMANN 


—  748  — 


Ion,  le  domaine  le  plus  septentrional  de  l'Islande,  le  22  juin 
1806,  mort  à  Copenhague  le  3  juil.  1881.  Après  avoir 
terminé  ses  études  à  l'université  de  Copenhague  (1837),  il 
fut  un  préparateur  fort  occupé  jusqu'à  ce  que  ses  croyances 
hétérodoxes  et  ses  opinions  libérales,  exprimées  dans  son 
livre  sur  les  Baptistes  et  le  Baptême  (1844),  dans  ses 
polémiques  avec  Martensen  et  dans  une  lettre  à  Chris- 
tian VIII  (1847),  eussent  éloigné  les  étudiants.  Elles  ne 
lui  permirent  pas  non  plus  d'accepter  un  pastorat  auquel 
il  avait  été  nommé  (1856).  A  la  fin  de  sa  vie,  cet  écrivain 
aussi  fécond  que  penseur  convaincu,  obtint  du  Parlement 
une  modeste  pension.  Il  faisait  preuve  d'une  foi  naïve  et 
d'une  piété  sincère  dans  VEfficacité  de  la  'prière  (Copen- 
hague, 1870)  Qi  Pouvons-nous  aimer  le  prochain  comme 
nous-mêmes?  (ib.  1870),  tandis  qu'il  soutenait  dans  des 
ouvrages  en  danois  {f  Evangile  de  saint  Jean  est -il  un 
écrit  apostolique  ?  1863  ;  le  Dogme  du  baptême,  1863  ; 
Dieuet  le  Réformateur,  \SQ6;  Paul  et  le  Christ,  1871  ; 
Juifs  et  Chrétiens,  1873)  et  dans  deux  brochures  en  islan- 
dais, que  les  Ecritures  avaient  été  falsifiées  et  la  doctrine 
du  Christ  corrompue.  B-s. 

BiBL.  :  Aiitobiogr.  liitér.,  dans  Flyvende  Blad  de  Vilh. 
Mœller,  12  juin  1875.—  DetnittendeAarhundrede^iâsc.  de 
luin-iuil.  1875.  —  Hafstein  Pjettursson,  notice  dans 
'Timarit,  1887,  t.  YlII. 

EISACK  ou  EISACH.  Rivière  de  l'empire  d'Autriche. 
Elle  prend  sa  source  au  Brenner,  arrose  le  Tirol  et  se 
jette  dans  l'Adige.  Sa  longueur  est  de  80  kil. 

EISELEN  (Johann-Friedrich-Gottfried),  économiste 
allemand,  né  à  Rothenburg  le 21  sept.  1785,  mort  à  Halle 
le  3  oct.  1865.  Il  professa  l'histoire  et  les  sciences  poli- 
tiques à  Berlin,  Breslau  (1820)  et  Halle  (1829)  ;  il  a  pu- 
blie, outre  des  manuels  estimés.  Die  Lehre  von  der  Volks- 
wirthschaft  (Breslau,  1843)  et  Der  preussische  Staat 
(Berlin,  1862).—  Son  frère,  Ernst'Wilhelm-Bernhard 
(1793-1846),  fut  un  des  propagateurs  des  sociétés  de  gym- 
nastique et  d'escrime  en  Allemagne. 

EISEN  (Charles),  peintre-graveur  français,  né  àValen- 
ciennes  le  47  août  1720,  mort  à  Bruxelles  le4  janv.1778. 
Cet  artiste  est  un  des  plus  charmants  illustrateurs  du  xviii® 
siècle,  et  ses  œuvres  ont  retrouvé  de  nos  jours  une  vogue 
nouvelle.  On  recherche  surtout,  d'Eisen,  les  Contes  de  La 
Fontaine,  édition  dite  des  Fermiers  généraux  ;  le  duc  d'Au- 
male  possède  les  dessins  originaux  de  cette  illustration.  Eisen 
a  été  aussi  le  graveur  des  Baisers  de  Dorât,  de  la  llenriade, 
^Q?>  Métamorphoses  d'Ovide.  H  était  fils  de  François  Eisen, 
né  à  Bruxelles,  qui  s'était  adonné  à  la  peinture  et  était 
venu  s'établir  à  Yalenciennes,  où  il  avait  travaillé  à  des 
tableaux  de  sainteté.  Il  s'était  ensuite  fixé  à  Paris  et  avait 
cherché  à  se  faire  connaître  par  des  sujets  galants,  des 
compositions  plaisantes  et  libertines.  H  entra,  à  Paris,  dans 
l'atelier  de  Le  Bas  et  s'y  forma  au  travail  de  la  gravure. 
Il  fit  paraître,  en  1755,  sa  première  suite  importante  : 
Premier  Livre  d'une  œuvre  suivie,  contenant  différents 
sujets  de  décorations  et  d'ornements  ;  c'est,  suivant  les 
Concourt,  l'album  complet  des  croquis  de  la  «  rocaille  ».  Il 
se  fit  recevoir  de  l'Académie  de  Saint-Luc  et  concourut  à 
quelques  expositions  de  cette  association  indépendante  qui 
le  nomma  plus  tard  adjoint  à  recteur.  H  y  exposa  des 
tableaux  mythologiques,  des  portraits  et  des  dessins  de 
tous  genres.  L'illustration  des  Contes  de  La  Fontaine, 
en  1762,  le  mit  pleinement  en  vue  et  lui  attira  les  félici- 
tations de  Voltaire,  qui  devait,  à  son  tour,  tirer  parti  de 
son  talent.  Eisen  devint  maître  de  dessin  de  M"'^  de  Pom- 
padour  et  dessinateur  attitré  du  roi;  mais  il  ne  conserva 
pas  longtemps  ces  fonctions  ;  il  les  perdit,  suivant  ses  bio- 
graphes, à  la  suite  de  quelques  fautes  de  tact  dues  à  son 
manque  d'éducation  et  à  des  habitudes  populaires,  qu'on  est 
surpris  de  rencontrer  chez  un  graveur  aussi  élégant.  On 
peut  lui  reprocher  encore  d'autres  fautes  dans  sa  vie  privée  ; 
il  avait  abandonné,  à  l'âge  de  quarante-sept  ans,  sa  femme, 
plus  âgée  que  lui,  pour  aller  vivre  avec  une  maîtresse. 

Ant.  Yalabrègue. 

BiBL.  :  Ed.  et  J.  de  Concourt,  l'Art  du  xviii«  siècle.  — 


Henri  Béraldi  et  le  baron  Roger  Portalis,  les  Graveufê 
du  xviiie  siècle. —  Cellier,  Antoine  Watteau,son  enfance, 
ses  contemporains. —  Hécart,  Biographie  valenciennoise. 
—  Jal,  Dictionnaire  critique  de  biographie  et  d'histoire. 

El  S  EN  AC  H.  Ville  d'Allemagne,  grand-duché  de  Saxe- 
Weimar,  au  N.-O.  du  Thuringerwald,  au  confluent  de  la 
Nesse  et  du  Hœrsel  (affluents  de  la  Werra)  ;  19,641  hab., 
avec  les  cinq  faubourgs.  Corroirie,  couleurs  artificielles, 
poterie,  etc.  Château  du  xviii^  siècle  (où  résida  la  duchesse 
Hélène  d'Orléans).  Eisenach  est  une  des  villégiatures  les 
plus  fréquentées  d'Allemagne,  à  cause  du  voisinage  des 
beaux  sites  du  Thuringerwald  et  de  la  Wartburg  (V.  ce 
mot),  à  2  kil.  au  S.  —  Eisenach  (Isenacum)  est  une  des 
plus  anciennes  villes  d'Allemagne;  son  histoire  à  partir  du 
moyen  âge  se  confond  avec  celle  de  la  V^artburg  ;  les  ducs 
de  Saxe,  d'une  ligne  Ernestine,  y  résidèrent  de  1596  à 
1741  (V.  Saxe).  En  1852,  s'y  tint  une  conférence  célèbre 
de  V Eglise  évangéliqué  qui  travailla  à  unifier  la  religion 
protestante  en  Allemagne.  Depuis  lors,  c'est  à  Eisenach 
que  se  réunissent  tous  les  deux  ans  les  délégués  des  Eglises 
évangéliques  de  langue  allemande  (V.  Protestantisme, 
§  Organisation  des  églises  protestantes).  —  Le  11  juil. 
1853,  interviut,  entre  les  pays  de  la  Confédération  ger- 
manique, la  convention  d'Eisenach  (encore  en  vigueur) 
pour  l'assistance  médicale  et  l'ensevelissement  de  leurs 
sujets  respectifs  sur  les  territoires  les  uns  des  autres.  — 
En  1872  s'y  réunit  un  congrès  d'économistes  qui  formula 
la  théorie  socialiste  (V.  Socialisme).  L'ancienne  principauté 
d'Eisenach  comprenait  1,200  kil.  et  50  à  60,000  hab. 
Son  histoire  sera  donnée  à  l'art.  Saxe. 

BiBL.  :  ScHWERDT  et  J/EGER,  Eiscnach  und  die  Wart- 
burg; Eisenach,  1871, 2o  éd. 

ÉISENBERG.  Ville  d'Allemagne,  duché  de  Saxe-Alten- 
bourg;  6,277  hab.  Elle  fut  quelque  temps  le  chef-lieu 
d'une  lignée  de  la  maison  de  Saxe  (1675-1707)  (V.  Saxe), 

BiBL.  :  Back,  Chronik  der  Stadt  und  des  Amtes  Eisen- 

berg  ;  Eisenberg,  1843. 

EiSENLOHR  (Jakob- Friedrich),  architecte  allemand, 
né  à  Lorrach  (Bade)  le  23  nov.  1805,  mort  à  Karlsruhe 
le  27  févr.  1854.  Professeur  (1839)  de  l'école  d'architec- 
ture de  Karlsruhe,  il  en  devint  le  directeur  en  1853.  Il 
s'est  fait  connaître  par  ses  constructions,  non  moins  que 
par  ses  publications,  parmi  lesquelles  il  faut  citer  :  Mittel^ 
aller liche  Bauwerke  in  Siiddeutschland  und  am  Rhein 
(Karlsruhe,  i  853-1857);  Holzbauten  des  Schwarzwaldes 
(Karlsruhe,  1853);  Die  Ornamentik  in  ihrer  Anwen- 
dung  auf  verschiedene  Baugeiverke  (Kalsruhe,  1849- 
i867,  24  fasc);  Bauverzierungen  in  Holz  zumprak- 
iischen  Branche  (Kalsruhe,  1868-1870,  12  fasc). 

EISENLOHR  (August),  égyptologue  allemand,  né  à 
Mannheim  le  6  oct.  1832,  élève  de  Chabas  et  Brugsch.  Il 
étudia  \q  Papyrus  Harris  (Leipzig,  1872),  les  mesures 
égyptiennes  d'après  le  Papyrus  Rhind  qu'il  édita  (Fin 
mathematisches  Handbuch  der  alten  Mgypter ;  Leipzig, 
1872,  2  vol.). 

EISENMANN  (Gottfried),  médecin  et  homme  politique 
allemand,  né  à  Wurtzbourg  le  20  mai  1795,  mort  à 
Wurtzbourg  le  23  mars  1867.  Doué  d'un  esprit  très  libéral 
et  même  révolutionnaire,  il  prit  part  en  1818  à  la  formation 
de  la  «  Burschenschaft  »  ;  persécuté  par  le  gouvernement 
bavarois,  il  fut  arrêté  en  1832  pour  délit  de  presse,  con- 
damné à  la  prison  à  perpétuité  et  enfermé  dans  la  forte- 
resse d'Oberhaus,  près  de  Passau,  puis  en  1841  transféré 
dans  la  forteresse  de  Rosenberg  et  soumis  à  un  régime  plus 
doux.  Il  sortit  de  prison  en  1847  et  fut  élu  l'année  suivante 
membre  du  parlement  de  Francfort.  Partisan  de  l'école  dite 
naturaliste,  il  tomba,  comme  son  maître  Schœnlein,  dans  la 
systématisation  à  outrance.  Néanmoins,  ses  ouvrages  portent 
le  cachet  d'un  esprit  scientifique  élevé  ;  citons  :  Der  Trip- 
per,  etc.  (Erlangen,  1830,2  vol.  in-8);  Die  KindheUfie- 
ber,  etc.  (Erlangen,  1834,  in-8)  ;  Die  Krankheitsfamilie 
Typhus  (Erlangen,  1833,  in-8);  die  Krankeitsfam, 
liheuma  (Erlangen,  1841-42,  3  vol.  in-8);  Die Hirner- 
iveichung  (Leipzig,  1842,  gr.  in-8);  Die  Path,  u.  Therap* 


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ËISENMANN  —  EÎTELBERGER 


der  Rheumotosen  (Wurtzbourg,  1860,  in-8);  Die  Bewc- 
gungs-Ataxie  (Vienne,  1863,  in-8,  pi.).      D""  L.  Hn. 

EISENMENGER  (Johann-Andreas),  orientaliste  alle- 
mand, né  à  Mannheim  en  1654,  mortà  Heidelberg  le  20  déc. 
4704.  Il  tut  professeur  de  langues  orientales  à  Heidelberg 
depuis  1700.  Pendant  ses  études  à  Amsterdam,  la  polémique 
d'un  rabbin,  David  Lida,  contre  le  christianisme,  l'avait 
décidé  à  réunir  en  un  seul  ouvrage  tout  ce  qui  lui  paraissait 
erreur  ou  blasphème  dans  le  judaïsme.  Il  fit  imprimer  cette 
compilation,  où  l'on  trouve  des  renseignements  intéressants 
et  difficiles  à  trouver  ailleurs,  mais  où  manque  l'impartia- 
litc,  sous  le  titre  de  Entdecktes  Judenthum,  etc.  (Hei- 
delberg, 1700).  Sur  la  demande  des  juifs,  le  livre  fut  mis 
sous  séquestre  par  l'empereur  Léopold  P'';  ni  les  héritiers 
de  l'auteur,  ni  l'intervention  directe  de  Frédéric  P^  de 
Prusse  n'obtinrent  le  retrait  de  cette  mesure.  Finalement 
le  roi  de  Prusse  fit  réimprimer  l'ouvrage  à  ses  frais  (Kœnigs- 
berg,  en  réalité  Berlin,  1711,  2  vol.  in-4).  Le  séquestre 
de  l'édition  de  Heidelberg  ne  fut  levé  que  quarante  ans 
plus  tard.  F. -H.  K. 

EISENMENGER  (Michel),  ingénieur  et  musicien  fran- 
çais, d'une  famille  originaire  du  Palatinat.  En  1838,  il 
présenta  à  l'Académie  des  sciences  un  projet  de  notation 
musicale  par  signes  sténographiques,  qu'il  a  exposé  dans 
un  ouvrage  intitulé  Traité  de  l'art  graphique  et  de  la 
mécanique  appliqués  a  la  musique  (Paris,  1838). 
M.  Eisenmenger  a  construit  une  variété  de  piano  vertical, 
le  piano  incliné^  dont  l'usage  n'a  pas  été  adopté. 

EISENMENGER  (August) ,  peintre  décorateur,  né  à 
Vienne  le  11  févr.  1830.  Après  avoir  étudié  avec  Schultz, 
Eisenmenger  entra  à  l'Académie  en  1845,  et,  en  1856, 
devint  élève  de  Rahl,  qu'il  aida  dans  ses  travaux.  Il  fut 
nommé,  en  1872,  professeur  à  l'Académie  de  Vienne.  On 
voit  ses  œuvres  au  palais  Gutman,  au  château  Hornstein  et 
dans  les  monuments  publics  de  Vienne. 

EISENSCHMIDT  (Johann-Caspar),  mathématicien  et 
médecin  français,  né  à  Strasbourg  le  15  (?)  sept,  (ounov.) 
1656,  mort  à  Strasbourg  le  4  (ou  5)  déc.  1712.  H  fut 
reçu  en  1676  docteur  en  philosophie  avec  une  thèse  remar- 
quable, De  Umbilico  terrœ,  en  1684  docteur  en  médecine, 
exerça  cet  art  jusqu'en  1696,  puis,  devenu  impotent  à  la 
suite  d'une  chute,  se  voua  exclusivement  aux  mathémati- 
ques, qui  avaient  toujours  été  son  étude  préférée.  Il  est 
signalé  à  tort  par  presque  tous  les  biographes  comme 
membre  de  l'Académie  des  sciences  de  Paris.  H  soutint 
contre  Newton  et  Huyghens,  dans  une  brochure  intitulée 
Diatribe  de  figura  telluris  elliptico-sphœroidâ  (Stras- 
bourg, 1691 ,  in-4)  et  dans  plusieurs  articles  du  Journal  des 
Savants  (1692)  que  la  terre  était  elhptique.  Outre  divers 
mémoires  de  mathématiques,  d'astronomie,  de  médecine, 
parus  dans  les  recueils  et  journaux  scientifiques  de  l'épo- 
que, il  a  encore  écrit  :  Introductio  ad  tabulas  logarith- 
micasJ.  Kepleri  (Strasbourg,  1700,  in-8)  ;  De  Ponde- 
ribus  et  mensuris  veterum  Romanoruni,  Grœcorivm, 
Hebrœorum,  etc.  (Strasbourg,  1708,  in-8;  2« éd.,  1737), 
ouvrage  d'une  assez  grande  valeur.  L.  S. 

EISENSTADT.  Nom  allemand  d'une  ville  de  Hongrie 
(V.  lus  Marton). 

EISENSTEIN  (Ferdinand-Golthold-Max),  mathémati- 
cien allemand,  né  à  Berlin  le  16  avr.  1823,  mort  à  Berlin 
le  11  oct.  1852.  Nommé  professeur  adjoint  à  l'université 
de  Breslau  en  1847,  membre  de  l'Académie  des  sciences 
de  Berlin  en  1852,  il  semblait  appelé  à  la  célébrité.  Mais 
il  mourut  à  trente  ans.  Son  œuvre  scientifique  est  néan- 
moins considérable.  Ses  travaux,  qui  ont  surtout  porté  sur 
les  fonctions  elliptiques,  sur  la  théorie  des  nombres,  et  plus 
spécialement  sur  les  formes  cubiques,  sont  consignés  dans 
une  cinquantaine  d'intéressants  mémoires  pubhés  de  1844 
à  1852  par  le  Journal  de  Crelle,  les  Nouvelles  Annales 
de  mathématiques  et  les  Monatsherichten  de  rAcadé- 
mie  des  sciences  de  Berlin.  Quelques-uns  ont  été  réunis  en 
un  volume,  avec  préface  de  Gauss  (Berlin,  1 848).  L.  S. 
BiBL.  :  La  liste  des  mémoires  précités  se  trouve  dans  le 


Catalogue  of  scientific  papers  de  la,  Société  royale;  Lon- 
dres, 1868,  t.  II,  in-4. 

EISERNES  Thor  (V.  Portes  de  fer). 
EISFELD.  Ville  d'Allemagne,  duché  de  Saxe-Meinin- 
gen,  sur  la  Werra  ;  3,200  hab.  ;  vieux  château,  églises 
gothiques.  Très  prospère  à  la  fin  du  moyen  âge  à  cause  de 
sa  situation  sur  la  route  de  Thuringe  en  Franconie  et  des 
mines  du  voisinage,  elle  fut  ruinée  par  la  guerre  de  Trente 
ans. 

EISK.  Ville  de  la  Russie  d'Europe,  port  du  territoire  du 
Kouban;  26,275  hab.  Elle  doit  son  nom  à  la  rivière  Eia 
qui  forme  à  son  embouchure  un  liman  de  plus  de  20  kil. 
de  longueur.  Cette  ville,  fondée  en  1848,  s'est  très  rapide- 
ment développée.  Elle  est  le  chef-heu  d'un  district  riche 
en  pâturages  et  dont  l'élève  du  bétail  est  la  principale 
industrie. 

EISLEBEN  {Islebia).  Ville  d'Allemagne,  royaume  de 
Prusse,  district  de  Mersebourg  (Saxe),  auprès  de  vastes  la- 
gunes ;  18,187  hab.  C'est  la  patrie  de  Luther  dont  la 
maison  fut  presque  détruite  par  un  incendie  en  1689  ;  on 
l'a  transformée  en  musée.  —  La  ville  appartint  aux  comtes 
de  Mansfeld  du  xi®  au  xviii^  siècle. 

El  S  MANN  (Johann-Anton)  (et  non  Lismann)^  peintre 
paysagiste  allemand,  néàSalzbourg  en  1634,  mort  à  Venise 
en  1698.  De  Munich  il  alla  à  Venise  par  Vérone,  oti  il 
séjourna  quelque  temps.  Mais  c'est  surtout  à  Venise  qu'il  a 
travaillé.  On  rencontre  ses  Paysages  dans  plusieurs  musées 
allemands,  notamment  à  Dresde.  Il  adopta  à  Venise  Carlo 
Brisighella,  qui  prit  son  nom. 

EISSAUGUE  (Pèche).  Ce  filet,  en  usage  sur  les  côtes 
de  la  Méditerranée,  consiste  en  deux  ailes  et  une  poche  ou 
manche  placée  au  milieu,  en  forme  de  sac  conique  ;  d'après 
le  règlement  du  19  nov.  1859,  la  longueur  totale  des  ailes 
ne  doit  pas  excéder  350  m.,  les  mailles  du  manche  doivent 
avoir  au  minimum  2  ccntim.  on  carré;  ce  filet, qui  ne  peut 
qu'être  halé  à  bras  du  large  à  terre,  est  interdit  sur  la  côte, 
du  l^''  mars  au  l^""  mai,  dans  les  étangs  du  1®^  mars  au 
1^^  oct. 

EISSEN HARDI  (Johann),  artiste  allemand  contempo- 
rain, graveur  au  burin  et  à  l'eau-forte,  né  à  Francfort-sur-le- 
Main  en  1824.  Elève  de  l'Institut  Schâdel,  sous  la  direction 
du  graveur  Schâfer.lla  gravé  des  portraits  pour  les  billets 
de  banque  russes,  puis  des  planches  d'après  les  maîtres 
modernes,  et  a  reproduit  un  certain  nombre  de  tableaux 
de  la  galerie  de  Francfort,  de  la  collection  Esterhazy  à 
Pest,  etc.  Son  œuvre  capitale  est  la  Madone  avec  sept 
anges,  d'après  Sandro  Botticelli,  gravée  pour  le  compte  du 
gouvernement  prussien  (1886).  G.  P-i. 

EITEL  (Ernst-J.),  sinologue  et  missionnaire  de  la  So- 
ciété évangélique  de  Bâle,  qui  l'envoya  à  Ilong-kong  en 
1862,  puis  (avr.  1865)  de  la  London  Missionary  Society. 
Il  occupe  maintenant  dans  cette  île  anglaise  le  poste  d'ins- 
pecteur des  écoles.  Le  principal  ouvrage  de  ce  savant  est 
un  Chinese  Dictionary  in  the  Cantonese  Dialect  (Hong- 
kong, 1877-1883,  in-8).  Depuis  longtemps,  il  dirige  le 
recueil  estimé,  i7'/i^  China  Pieview,  auquel  il  donne  de 
nombreux  articles.  H.  C. 

BiBL.  :  H.  CoiiDiER,  Bib.  Sinica. 
ElTELBERGER  von  Edelberg  (Rudolph),  archéologue 
et  administrateur  autrichien,  né  à  Olmiitz  le  17  avr.  1817, 
mort  à  Vienne  le  18  août  1885.  Professeur  à  l'université 
de  Vienne,  il  contribua,  soit  par  ses  livres,  soit  par  ses 
articles  pubhés  dans  les  journaux,  à  donner  l'impulsion  du 
mouvement  qui  aboutit  en  Autriche  à  l'organisation  de 
l'enseignement  du  dessin  en  vue  des  applications  de  l'art  à 
l'industrie.  S'inspirant  des  mêmes  idées  qui  commençaient 
alors  à  s'affirmer  en  France  sur  ces  questions  et  qui 
amenèrent  la  fondation  à  Londres  du  South  Kensington 
Muséum^  Eitelberger  s'occupa  activement  de  la  création  de 
l'Ecole  des  arts  décoratifs  de  Vienne  et  du  Musée  des  arts 
et  de  rindtistrie.  Il  s'occupa  aussi  de  la  formation  de  plu- 
sieurs sociétés  industrielles  ayant  pour  objet  le  progrès  de 
l'art  et  acquit,  en  même  temps  qu'une  situation  de  critique 


ÊITELBERGER  —  EKEBERG 


--  720  - 


des  plus  autorisés,  une  sérieuse  influence.  Il  fut  tour  à  tour 
nommé  par  le  gouvernement  autrichien  commissaire  aux 
expositions  universelles  de  Londres  et  de  Paris.  Outre  une 
brochure  qui  fut  très  remarquée  lorsqu'elle  parut,  Die 
lieform  des  Kanstunterrichts  (Vienne,  1848)  et  d'inté- 
ressantes lettres  sur  l'art  moderne  en  France  [Briefe  ûber 
die  moderne  Kunst  Frankreichs;  1838),  Eitelberger 
a  publié,  en  collaboration  avec  Heider  et  Ilieser,  Mit- 
telalterliche  Kunstdenkmale  des  œsterr.  Kaiserstaats 
(Stuttgart,  1858-60,  2  vol.),  et,  seul,  il  a  consacré  encore 
plusieurs  Yolumes  à  la  description  des  monuments  du 
Fi'ioul  (1857,  1859),  de  la  Dalmatie  (1861),  etc.  Il  a 
dirigé,  à  partir  de  1871,  un  recueil  d'érudition,  Quellen- 
schriften  zur  Kunstgeschichte  und  Kunsttechnik  des 
Mittelalters  und  der  Renaissance  (18  vol.).  11  a  réuni 
ses  écrits  sur  l'histoire  de  l'art  (Gesammelte  kunsthist. 
Schriften;  Vienne,  1879).  V.  Champier. 

EITNER  (Robert),  compositeur  et  érudit  allemand,  né 
le  22  cet.  1832  à  Breslau.  En  1855,  il  devint  professeur 
à  Berlin.  Comme  compositeur  il  a  écrit  un  Stabat  une 
Cantate  pour  la  Pentecôte,  une  ouverture  pour  le  Cid, 
un  opéra  sacré,  Judith,  Comme  historien  musical,  il  a 
fait  un  dictionnaire  biographique  des  compositeurs  hollan- 
dais, diverses  études  et  une  biographie  de  Peter  Sweelinck  ; 
il  est  un  des  membres  les  plus  actif  de  la  société  qui  re- 
cherche et  publie  les  ouvrages  des  musiciens  du  xiv«  et 
xvi^  siècles,  et  il  dirige  la  Revue  mensuelle  pour  l'his- 
toire de  la  musique.  A.  E. 

EIX.  Corn,  du  dép.  de  la  Meuse,  arr.  de  Verdun-sur- 
Meuse,  cant.  d'Etain  ;  616  hab. 

EÏYANEH.  Petite  ville  de  l'Arabie,  aujourd'hui  ruinée, 
qui  se  trouvait  dans  leNedjd,  à  32  kil.  0.  de  Riàd.  Son 
nom  eût  été  certainement  oublié  si  elle  n'avait  été  la  patrie 
d'Abdelouahhab,  le  fondateur  de  la  secte  musulmane  des 
Ouahhabites. 

EK  (Johannes-Gustaf),  linguiste  suédois,  né  à  Skede  le 
3  sept.  1808,  mort  le  8  oct.  1862  à  Lund,oii  il  fut  docent 
(1833), adjoint  (1836), enfin  professeur  (1842)  à  l'Univer- 
sité. Ordonné  prêtre  en  1848,  il  reçut  la  cure-prébende  de 
Hardeberga.  11  cultivait  l'éloquence  et  la  poésie  latines 
avec  autant  de  succès  qu'il  les  enseignait.  Il  traduisit  en 
beaux  vers  latins  sept  chants  (1829-1851)  de  la  Saga  de 
Frithjof  par  Tegner  et  en  suédois  des  ouvrages  d'Horace 
(1847,  1853),  d'Ovide  et  de  Plante.  Il  publia  en  outre  un 
recueil  de  Traditions  populaires  (1851)  et  un  Diction- 
îiaire  danois-suédois  (1861),  ainsi  que  des  dissertations 
et  des  programmes.  B-s. 

EKATERINA  (V.  Catherine  P'S  t.  IX,  p.  843). 

EKATERINBOURG  ou  lEKATERINENBOURG.  Ville  de 
la  Russie  d'Europe,  ch.-l.  de  district  du  gouvernement 
de  Perm,  sur  la  rivière  Iset,  située  au  pied  de  l'Oural,  sur 
le  chemin  de  fer  de  Perm  à  Tioumen,  amorce  des  chemins 
de  fer  sibériens;  32,000  hab.  Elle  est  le  siège  de  la  direc- 
tion de  toutes  les  mines  de  l'Oural  qui  appartiennent  à  l'Etat. 
Elle  possède  des  laboratoires  importants,  une  monnaie  qui 
frappe  des  pièces  de  cuivre  et  plusieurs  usines,  notamment 
pour  la  fabrication  des  machines  et  des  vases  en  pierres 
précieuses  de  l'Oural.  Elle  fait  un  grand  commerce  de 
bétail,  de  céréales,  de  fer  et  de  denrées  coloniales.  Le 
district  d'Ekaterinbourg  est,  grâce  à  l'industrie  minière, 
l'un  des  plus  riches  de  l'Empire.  Ekaterinbourg  doit  sa 
fondation  à  Pierre  le  Grand  (1723)  et  son  nom  à  l'impéra- 
trice Catherine  P®.  L.  L. 

E KAT ERINENFELD.  Colonie  allemande  du  Caucase  dans 
les  environs  de  Tiflis.  Vins  renommés. 

EKATERINENSTADT  ou  lEKATERINENSTADT.  Ville 
de  Russie,  située  dans  le  gouvernement  de  Samara,  district 
de  Nikolaev  ;  5,000  hab.  Elle  doit  son  origine  à  une 
cobmie  allemande  fondée  en  1765  sous  Catherine  II. 

EKATERINODAR  ou  lEKATERINODAR.  Ville  delà 
Russie  d'Europe,  ch.-l.  du  territoire  du  Kouban,  sur  la 
rive  droite  du  Kouban;  30,000  hab.  Elle  est  la  résidence 


de  Vataman  des  Cosaques  du  Kouban  et  possède  plusieurs 
établissements  mihtaires.  Cette  ville  a  été  fondée  en  1792 
par  Catherine  II  qui  lui  donna  son  nom  et  y  transporta  des 
Cosaques  Zaporogues.  Le  district  d'Ekateriaodar  est  surtout 
habité  par  des  Cosaques.  L'élève  des  chevaux  et  du  bétail 
est  la  principale  industrie.  L.  L. 

EKATERINOGRAD  ou  lEKATERlNOGRAD.  Station  de 
Cosaques  du  territoire  du  Terek  (Caucase);  3,000  hab. 

EKATERINOPOL  ou  lEKATERINOPOL  Ville  de  la 
Russie  d'Europe,  gouvernement  de  Kiev,  district  de  Zveni- 
gorod;  4,000  hab.  Aux  environs  s'étendent  d'importantes 
mines  de  charbon. 

EKATERINOSLAV  ou  lEKATERINOSLAV.  Ville  de 
Russie,  ch.-l.  du  gouvernement  du  même  nom,  située  sur 
le  Dnieper  et  sur  la  ligne  de  chemin  de  fer  Lozovo-Sébas- 
topol  ;  5,000  hab.  Elle  possède  neuf  églises  orthodoxes  et 
quatre  synagogues.  Elle  renferme  de  nombreuses  usines, 
notamment  de  bougie  et  de  savon.  Elle  fut  fondée  par  Ca- 
therine II  en  1787  à  la  mémoire  de  laquelle  un  monument 
a  été  érigé  près  de  la  cathédrale.  Potemkine  y  est  enterré. 
Le  gouvernement  d'Ekaterinoslav  occupe  une  superficie 
de  59,507  verstesq.  (67,419  kil.  q.).  Il  est  constitué  en 
grande  partie  par  des  steppes.  Il  renferme  des  mines  de 
charbons,  de  fer  et  d'anthracite.  Il  est  arrosé  par  le 
Dnieper,  le  Don  et  le  Donets.  La  nationalité  dominante  est 
la  nationalité  russe.  L'agriculture,  l'élève  du  bétail  et  des 
chevaux  sont  les  industries  principales.  Le  gouvernement 
est  divisé  en  huit  districts  :  Ekaterinoslav,  Alexandrovsk, 
Bakhmout,  Verkhnednieprov,  Nova  Moskva,  Pavlograd, 
Rostov  et  Slaviano-Serbsk.  Les  ports  sont  :  Taganrog, 
Rostov,  Marioupol  et  Berdiansk.  Le  gouvernement  se  rat- 
tache au  gouvernement  général  d'Odessa.  L.  L. 

EKATÉRINTHAL  ou  lEKATERlNTHAL  Vallée  de  l'Es- 
thonie  qui  débouche  sur  le  golfe  de  Finlande,  à  l'E.  de 
Revel.  Elle  se  termine  par  deux  rochers  surmontés  de  deux 
phares  qui  signalent  l'entrée  de  la  rade  de  Revel. 

EKBOHRN  (Carl-Magnus  Ekbom,  plus  tard),  littérateur 
suédois,  né  à  Stockholm  le  8  janv.  1807,  mort  en  1881. 
Après  avoir  rédigé  des  journaux  de  province,  il  entra  dans 
les  douanes  à  Stockholm  (1853).  On  lui  doit  :  Essais 
littéraires  de  jeunesse  (1826-1832);  Nouvelles  Poésies 
(1864);  Dictio7i7iaire  nautique  (iSA'O);  Explication  des 
mots  et  noms  étrangers  passés  dans  la  langue  suédoise 
(1868;  3^  éd.,  1887);  des  écrits  politiques,  des  manuels, 
des  ouvrages  pour  la  jeunesse  et  des  traductions.        B-s. 

EKDAHL  (Nils-Johan),  érudit  suédois,  né  à  Fogeltofta 
(Skanie)  le  27  avr.  1799,  mort  à  Stockholm  le  20  déc. 
1870.  Ordonné  prêtre  en  1823,  il  fut  pasteur  et  aumônier 
militaire  à  Stockholm.  En  1850,  il  fut  suspendu  pour  avoir 
béni  un  mariage  en  dépit  d'empêchements  légaux.  Après 
avoir  fait  du  zèle  comme  piétiste,  philanthrope  et  orthodoxe, 
il  pencha  vers  l'hétérodoxie,  traduisit  (1864)  l'ouvrage  de 
Magnùs  Eiriksson  sur  l'Evangile  de  saint  Jean  et  finit  comme 
orateur  démocratique.  L'Académie  des  belles-lettres,  d'his- 
toire et  d'archéologie  l'ayant  chargé  d'une  mission,  il 
rapporta  de  ses  excursions  dans  l'ile  de  Gotland  et  le  N.  de 
la  Suède  douze  cents  parchemins,  des  bâtons  runiques, 
des  contes  et  des  traditions  populaires,  fit  dessiner  un 
grand  nombre  d'antiquités  et  de  monuments;  en  outre,  de 
1830  à  1846,  il  prit  part  au  dépouillement  et  au  partage 
des  papiers  de  Christian  II  transportés  de  Munich  à  Chris- 
tiania. Les  fruits  de  ces  études  furent  les  Archives  de 
Christian  II  (Stockholm,  1835-1836,  3  vol.  in-8,  avec 
Appendice  [1842]  tiré  des  archives  suédoises).  On  lui  doit 
encore  un  rapport  Sur  l' Abaissement  du  niveau  de  la 
mer  au  delà  du  cercle  polaire,  ses  causes  et  ses  effets 
(1866);  des  brochures  Sur  la  Question  norvégienne 
(1860)  et  Sur  la  Débauche  à  Stockholm  (1866).    B-s. 

EKEBERG  (Carl-Gustaf),  navigateur  suédois,  né  à 
Djursliolm,  près  de  Stockholm,  le  10  juin  1716,  mort  le 
4  avr.  178  i.  Il  apprit  Fart  de  naviguer  en  exerçant  la 
médecine  à  bord  d'un  vaisseau,  devint  pilote  (1742),  lieu- 
tenant (1755),  capitaine  (1748)  et  fut  regardé  comme  l'un 


des  plus  habiles  marins  de  son  temps.  Dans  dix  voyages 
au  long  cours,  il  fit  de  nombreuses  observations  qu'il  dé- 
crivit dans  divers  recueils,  notamment  dans  les  Actes  de 
l'Académie  des  sciences  de  Stockholm,  dont  il  fut  membre 
(1761)  et  président  (1768),  Il  publia  à  part  :  Ecoîiomie 
rurale  des  Chinois  (Stockholm,  1757  ;  en  français  par  D.  de 
Blacford,  Milan,  1771);  Voyages  aux  Indes  orientales 
en  i770-i77i  (Stockholm,  1773),  dressa  plusieurs  cartes 
et  pourvut  de  plantes  rares  les  herbiers, de  Linné  qui  nomma 
d'après  lui  VEkebergia  capensis.  Son  éloge  fut  prononcé 
par  Sparrman,  qui  l'avait  accompagné  dans  son  voyage  de 
1764  (Actes  de  l'Acad.  des  se.  de  Stockholm,  1790).  B-s. 

EKELUND  (Jacob),  fécond  écrivain  suédois,  né  à  Valla 
(Bphus  Isen)  le  17  déc.  1790,  mort  à  Stockholm  le  6  déc. 
1840.  Ordonné  prêtre  en  1818,  pasteur  adjoint  et  maître  à 
l'une  des  écoles  paroissiales  de  Stockholm,  il  publia  quinze 
manuels  d'histoire,  pittoresques  et  vivement  écrits,  qui  furent 
en  usage  pendant  un  demi-siècle.  On  lui. doit  en  outre  des 
livres  de  lecture  latine  et  française  ;  des  traductions  de 
l'anglais;  des  biographies,  entre  autres  celle  de  P.  Hœrberg 
(2«  éd.,  1875),  et  une  nouvelle,  la  Fille  des  Montagnes 
à  Oroust  (\SSi).  B-s. 

.  EKELUND  (Carl-E vert) ,  juriste  finlandais ,  né  à  Heinola 
le  13  oct.  1791,  mort  à  Helsingfors  le  9  nov.  1843.  Pro- 
fesseur en  droit  romain  et  russe  à  l'université  de  Helsing- 
fors (1829), il  fut  adjoint  en  1835  à  la  commission  chargée 
de  codifier  les  textes  de  lois  et  dispensé  de  faire  des  cours 
à  partir  de  1840.  11  prépara  les  codes  civil,  pénal,  mari- 
time et  les  règlements  urbains  et  miniers,  mais  ce  grand 
travail  fut  fait  en  pure  perte.  Il  publia  quatre  dissertations 
en  latin  (Abo,  1821;  Helsingfors,  1829-32)  et  après  sa  mort 
parurent  ses  Leçons  sur  le  droit  privé  des  Romains  (1850- 
51,  3  vol.)  etsur  le  gage  et^L  hypothèque  (1854).  B-s. 

EKHCHlDiDESV  Petite  dynastie  arabe  formée  en  934 
par  Mohammed  Takadj,  gauverneur  deDanias,  qui  se  fit  re- 
connaître indépendant  par  le  khalife  abbasside  El  Kaher 
Billah  ;  il  prit  le  nom  de  El  Ekhchid  d'un  de  ses  ancêtres, 
originaire  de  Ferghana.  Ses  successeurs  sont  :  iVboul  Kas- 
sim  (946),  Ali  (960),  Kafour  (966),  et  Ahmed  Aboul 
Faouaris  (968-969).  Les  Ekhchidides  ont  régné  en  Syrie 
et  en  Palestine;  ils  ont  été  dépossédés  par  les  Fatimites 
d'Egypte.  E.  Dr. 

EKHOLM  (Erik),  publiciste  et  linguiste  suédois,  né  à 
Sala  le  24  déc.  1716,  mort  à  Stockholm  le  18  sept.  1784. 
Copiste  aux  archives  archéologiques  et  notaire  à  l'hôtel  des 
ventes  de  livres  à  Stockholm,  il  écrivit  avec  érudition  sur 
l'histoire,  la  littérature,  la  bibliographie,  la  pédagogie,  la 
théologie,  l'orthographe  suédoise,  les  monnaies,  le  soulè- 
vement du  sol  et  l'ancien  niveau  des  eaux,  dans  six  jour- 
naux édités  par  lui  (1761-1782)  et  àâns  Mémoires  cri- 
tiques et  historiques  sur  r histoire  et  la  langue  suédoises 
(1760,  3  fasc);  Recueil  varié  d'opuscules  amusants  et 
utiles  (1759-1760,  3  vol.).  Il  traduisit  en  suédois  r///5- 
toire  de  la  reine  Christine  par  Lacombe  (1765).  Il  ne 
réussit  pas  à  faire  supprimer,  à  cause  des  jurons  qu'elle 
contient,  l'opérette  d-EnvalIsson,  Tous  contents  [il S^), 

EKHOUT(V.  Eeckhout). 

EKI  MOV  (André-Petrovitch),  graveur  russe,  né  en  1752, 
mort  vers  1820.  Il  a  illustré  un  certain  nombre  d'ouvrages. 
On  estime  surtout  son  portrait  du  grand  aumônier  Karam- 
zine.  ■—  Vasili-Petrovitch  Ekimow^  né  en  1752,  fondeur 
russe,  élève  de  l'Académie  des  beaux-arts  de  Saint-Péters- 
bourg, a  produit  un  grand  nombre  de  bustes  et  de  statues. 

EKI  N S  (Sir  Charles),  amiral  anglais,  né  dans  le  comté  de 
Buckingham  en  1768,  mort  à  Londres  le  2  juil.  1855.  Entré 
dans  la  marine  en  1781 ,  il  servit  sur  la  Méditerranée,  aux 
Indes,  dans  la  mer  du  Nord,  au  Cap,  prit  part  à  l'expédi- 
tion contre  Copenhague  en  1807,  aux  opérations  sur  les 
côtes  de  Portugal  en  1808,  à  la  croisière  de  la  Baltique  en 
1809,  au  bombardement  d'Alger  en  1816.  Blessé  dans 
cette  dernière  action,  il  fut  promu  contre-amiral  en  1819, 
vice-amiral  en  1830  et  amiral  le  23  nov.  1841.  Il  a  écrit  : 
Naval  Battles  of  Great  Britain  from  the  accession  of 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —   XV. 


—  721  —  EKEBERG  -  EKMAN 

theHoùse  ofHanoverto  the  Battleof  Navarin  [londves, 
1824,  in-4;  1828,  2«éd.). 

EKKEHART,  nom  de  plusieurs  moines  de  Saint-Gall. 
Les  plus  célèbres  sont  Ekkehart  P**,  mort  en  973,  et  Ekke- 
hart  IV,  mort  en  1036.  Ekkehart  P^  était  un  lettré  ;  il  lisait 
Virgile  avec  la  duchesse  de  Souabe,  Hadwig.  Il  mit  en 
hexamètres  latins  la  légende  héroïque  de  Walther  d'Aqui- 
taine, qu'il  avait  sans  doute  trouvée  dans  un  texte  alle- 
mand, ou  qu'il  avait  simplement  recueillie  dans  la  tradition 
orale.  «  Pardonnez,  dit-il  en  commençant,  pardonnez  à  la 
cigale  qui  ne  peut  faire  entendre  qu'un  chant  rauque.  » 
•Le  vers  d'Ekkehart  n'a  rien,  en  elFet,  de  l'harmonie  de  Vir- 
gile, son  modèle;  mais  son  poème  n'en  est  pas  moins  curieux 
par  les  aventurés  qu'il  raconte,  et  a  attiré  à  juste  titre 
l'attention  des  critiques  modernes.  Le  Waltharius  est  un 
des  exemples  les  plus  frappants  des  transformations  que 
l'histoire  peut  subir  dans  l'imagination  des  peuples.  Le 
roi  des  Huns  Attila  y  est  présenté  non  plus  comme  un 
fléau  qui  a  couvert  l'Europe  de  ruines,  mais  comme  le  roi 
des  rois,  qui  «  aime  mieux  régner  par  la  paix  que  par  la 
guerre  »,  et  qui  reçoit  à  sa  cour  les  otages  de  toutes  les 
nations  soumises  à  son  autorité.  Il  traverse  la  Gaule  sans 
coup  férir  ;  les  rois  s'empressent  d'entrer  dans  son  alliance; 
il  emmène  comme  otages  Walther,  fils  du  roi  d'Aquitaine,  et 
Hildegonde,  fille  du  roidesBurgondes.  Walther  et  Hildegonde 
passent  plusieurs  années  au  palais  d'Etzelbourg  ;  Walther 
achève  son  éducation  chevaleresque;  Hildegonde  s'instruit 
dans  les  arts  et  dans  les  usages  des  cours.  Mais  enfin  le 
désir  de  revoir  leur  pays  les  décide  à  fuir,  malgré  la  recon- 
naissance qui  les  attache  au  grand  roi.  Ils  sont  attaqués 
en  traversant  les  terres  des  Francs ^  et  Walther  soutient  un 
long  et  rude  combat  dans  un  défilé  des  Vosges  (le  Was- 
gmstein),  où.  seul  il  tient  tète  à  douze  adversaires.  Resté 
maître  du  champ  de  bataille,  il  s'agenouille  devant  les  corps 
dés  chevaliers  qui  sont  tombés  sous  ses  coups,  et  demande 
pour  eux  la  paix  éternelle.  Ensuite  il  regagne  l'Aquitaine 
et  épouse  Hildegonde.  Le  Waltharius  fut  remanié  par  un 
autre  moine  de  Saint-Gall  nommé  Gérald,  qui  dédia  son 
ouvrage  à  Erkanbald,  évêque  de  Strasbourg,  et  une  der- 
nière fois  par  Ekkehard  IV.  Celui-ci  a  contribué  également 
à  la  rédaction  des  Chroniques  de  Saint-Gall.  A.  B. 

BiBL.  :  J.  Grimm,  Lateinische  Gedichte  des  X-  und  XL 
Jafirhunderts  ;  Gœttingue,  1838.  —  Edel.estand  du  Mé- 
RiL,  Poésies  populaires  latines  antérieures  au  xin»  siècle  ; 
Paris,  1843.  —  Waltharius,  édhioms  de  Neigebauer  (Mu- 
nich, 1853)  et  de  Peiper  (Berlin,  1873).  —  Scheffel  et 
HoLDER,  Waltharius^  lateinisches  Gedicht  des  X.  Jahr-^ 
hunderts,  nach  der  handschriftlichen  Ueberlieferung 
berichtigt,  mit  deutscher  Uebertragung  und  Erléeuterun- 
gen;  Stuttgart,  1874.  — Me  ver  von  Knonau,  Die  Ekkeharte 
von  St.  Gallen  ;  Bâie,  1881. 

EKLŒF  (Johan-Henrik),  mathématicien  finnois,  né  à 
Kokemaeki  ouKurao.le  22  mai  4819^  mort  le  5  sept.  1854.' 
Attaché  à  l'observatoire  de  Helsingfors  (1843)  et  maître 
d'arithmétique  à  Âbo  (1849),  il  publia,  tantôt  en  finnois,' 
tantôt  en  suédois  ou  en  latin,  des  travaux  remarquables 
par  l'exactitude,  la  concision  et  la  clarté,  entre  autres  : 
Almnnach  {iSU-iSiS);  Almanach  pour  les  années' 
1801  à  '2000  (1852);  Trigonométrie  plane  (1848);  Tri- 
gonométrie sphérique  (\ 856) ;  Dates  de  la  débâcle  des^ 
glaces  du  Kumo-elf,  1801  à  1849,  dans  Suomi  (1849). 
Il  eut  le  mérite  d'avoir  été  l'un  des  premiers  à  faire  du 
suomalais  une  langue  scientifique.  B-s.     , 

EKLUND  (August-Vilhelm),  cartographe  finlandais,  né 
à  ïnko  le  25  mars  1812,  mort  à  Helsingfors  le  28  mai 
1837.  Géomètre  fort  expert,  il  dressa  la  première  carte 
générale  coriiplète  du  grand-duché  de  Finlande,  gravée  à 
Berlin  par  Brose  (Helsingfors,  1840;  2«  éd.,  1852). 

EKMAN  (Olaus-Jonae),  théologien  suédois,  né  à  Felings- 
bro  (Vestmanland)  en  1639,  mort  à  Falun  le  23  janv. 
1713.  Successivement  aumônier  en  Livonie,  prévôt  à  Stren- 
gnses  (1681),  puisa  Fakn  (1688),  il  publia  des  disserta- 
tions, des  oraisons  funèbres,  des  ouvrages  de  piété  et  Vœu 
d'un  échappé  au  naufrage  (Stockholm,  1680  ;  2«  éd., 
1733),  où  il  demande  des  réformes  religieuses.        B-s. 

'        •  '  '  -  46 


EKMAN  -  BL^AGNACÉES 


—  m  - 


EKMAN  (Fredrik-Joachim),  écrivain  finlandais,  né  à 
Nystad  le  4«^  sept.  1798,  mort  à  Helsingfors  le  43  mars 
4872.  Il  enseigna  d'abord  le  latin  au  gymnase  de  Wiborg 
(1829)  et  publia  deux  thèses  en  cette  langue  (4832, 4834). 
Après  avoir  été  ordonné  prêtre  (4838),  il  fut  pasteur  (4844- 
4842)  de  l'île  de  Runœ  (Livonie)  dont  il  a  donné  la  des- 
cription (Tavastehus,  4847),  puis  d'Esbo,  en  Fmlande 
(1842),  enfin  chapelain  à  Tavastehus  (4843),  puis^à  Abo 
(1848).  Il  publia  en  suédois  une  description  (1834)^  des 
fresques  exécutées  par  son  frère  dans  la  cathédrale  d'Abo 
et  un  Recueil  systématique  d'extraits  des  règlements 
ecclésiastiques  et  scolaires  pour  la  Fiiilande  {'[SQO- 
4865,  2  vol.).  .     B-s. 

EKMAN  (Robert-Yilhelm),  peintre  finlandais,  frère  du 
précédent,  né  à  Nystad  le  43  août  4808,  mort  à  Abo  le 
49  févr.  4873.  Après  avoir  étudié  à  l'Académie  des  beaux-arts 
de  Stockholm  (4824)  dontil  devint  agréé  (1837)  et  membre 
(4844), il  voyagea  (4837-1844)  en  Hollande,  en  France  et 
en  Italie,  fut  éiève^de  Paul.  Delaroche  et  devint  maître  à 
l'école  de  dessin  d'Abo  (4846).  Son  enseignement  et  son 
exemple  n'ont  pas  peu  contribué  au  développement  artis- 
tique de  la  Finlande.  Il  peignit  des  fresques  dans  la  cathé- 
drale d'Abo  (1830-4854)  :  Saint  Henri  baptisant  les 
Finnois  et  VEvêque  Agricola  présentant  à  Gustave 
Vasa  la  traduction  finnoise  du  Nouveau  Testameîit, 
ainsi  que  de  nombreux  tableaux  d'autel.  Il  fut  le  premier 
à  traiter  des  sujets  nationaux,  comme  :  Ouverture  de  la 
diète  de  Borgâ  en  i808  et  de  celle  de  Helsingfors  en 
i86S;  Bengt  Lyytinen  lisant  ses  poésies  et  Greta 
Haapasalo  jouant  de  la  kantele;  En  barque  pour 
aller  à  V église.  Il  a  publié  deux  fascicules  de  Dessins 
pour  leKalevala  (4863-1864)  et  représenté  dans  un  grand 
tableau  le  Ciel  et  la  Terre  ravis  par  les  chants  de 
Yœinœmiinen,  B-s. 

EKRON  ou  ACC A RON,  aujourd'hui  Akir.  Siège  d'une  des 
cinq  principautés  philistines  nommées  dans  la  Bible  ;  on  y 
signalait  un  sanctuaire  placé  sous  le  vocable  de  Belzéboub. 

EKWALL  (Emma-AmaHa),  artiste  suédoise,  née  dans  le 
laen  de  Jœnkœping  le  18  janv.  4838.  Pourvue  de  la  mé- 
daille royale  de  l'Académie  des  beaux-arts  de  Stockholm 
(1874),  elle  continua  d'étudier  longtemps  à  Munich  et  à 
Leipzig  et  exposa  pour  la  première  fois  en  4868.  On  loue 
ses  gracieux  tableaux  de  genre  (intérieurs  et  scènes  de 
l'enfance).—  Son  frère,  Knut- Alfred  Ekwall,  né  le  3  avr. 
4843,  termina  aussi  ses  études  artistiques  en  Allemagne  et 
eut  pour  maître  L.  Knaus  à  Berfin.  Il  est  tout  à  la  fois 
peintre  de  genre  et  habile  dessinateur,  et  les  illustrations 
qu'il  fournît  aux  journaux  allemands  et  suédois  témoignent 
de  ses  talents  de  composition  et  d'invention  et  d'une  grande 
sûreté  de  main.  ^  B-s. 

EKWÉ  ou  EKOOUÉ.  Station  de  missionnaires  du  pays 
des  Zoulous  (Afrique  australe)  dans  l'intérieur  des  terres. 
Pendant  l'expédition  de  4879,  Ekwé  fut  quelque  temps 
le  centre  de  la  résistance  des  forces  anglaises,  après  leur 
échec  à  Isandhlouana. 

EL.  Mesure  de  longueur  usitée  en  Hollande  ;  vaut  4  m. 

ELA,  roi  d'Israël,  fils  et  successeur  de  Baèsa,  occupa  le 
trône  pendant  deux  ans  seulement  et  fut  assassiné  par  un 
usurpateur  du  n'om  de  Zimri  (4  Rois,  xvi,  6  et  8-44). 

EL-ABIOD-Sidi-Cheikh.  Localité  célèbre  d'Algérie,  dans 
le  Sud  oranais,  à  386  kil.  au  S.  d'Oran;  2,000  hab. 
environ  avec  les  ksours  voisins.  Elle  se  trouve  dans  une 
grande  plaine  et  est  signalée  de  loin  par  la  koubba  vénérée 
où  repose  le  corps  de' l'ancêtre  éponyme  des  Sidi-Cheikh. 
Alentour  étaient  autrefois  cinq  ksours  {Ksar-ech- Cher  gui, 
Ksar-Sidi'Abd-er-Rahman,  Ksar-el-Kebir,  Ksar-ouled- 
hou-Douaia^  Ksar-abid-Keraba).  La  koubba  a  été  dé- 
truite par  le  général  Négrier  en  1881,  et  il  a  fait  trans- 
porter les  restes  de  Sidi-Cheikh  à  Géry  ville  ;  la  population 
des  ksours  avait  fui;  mais,  depuis  4886,  les  Ouled-Sidi- 
Cheikh,  s' étant  soumis,  ont  obtenu  de  rebâtir  la  koubba 
et  de  réédifier  leurs  maisons  à  l'ombre  des  palmiers  qu'on 
avait  eu  le  soin  d'épargner.  E.  Cat. 


li  ÉLAB0U6A.  Ville  de  la  Russie  d*Europe,  cheWîeu  de 
district  du  gouvernement  de  Viatka,  sur  la  rivière  Toïma  ; 
9,434  hab.  Le  district  d'Elabouga  est  habité  par  des 
Russes  et  des  allogènes  Voraks,  Tchétiémisses,  Bachkirs,  etc. 
Il  est  essentiellement  agricole. 

ELACATE  (IchtyoL).  Genre  de  Poissons  osseux  (léléos- 
téens),  de  l'ordre  des  Acanthoptérygiens  Cotto-Scom- 
briformes,  et  de  la  famille  des  Scombridœ  (V.  ces  mots), 
caractérisé  par  un  corps  couvert  de  petites  écailles ,  la  tête 
comprimée,  pas  de  carène  sur  les  côtés  de  la  région  caudale, 
la  dorsale  constituée  par  huit  petites  épines  libres  ;  dents 
en  velours  disposées  sur  les  mâchoires,  le  vomer  et  les  pa- 
latins. Le  type  du  genre  est  VElacate  nigra  commun  dans 
l'Atlantique  et  l'océan  Indien.  Rocher. 

BiBL.  :  GuNTHER,  Study  of  Fishes. 

EL-ACHIR.  Village  d'Algérie,  dép.  de  Constantine,'  arr. 
de  Sétif,  station  du  chemin  de  fer  d'Alger  à  Constantine, 
à  43  kil.  à  TE.  de  Bordj-bou-Arréridj.  Créé  dans  une 
région  fertile,  mais  peu  salubre,  il  ne  comptait  encore  que 

43  Européens  en  4886;  mais  il  s'y  tient  chaque  mardi  un 
marché  assez  important  pour  les  céréales  et  bestiaux  ;  il 
fait  partie  de  la  com.  mixte  des  Bibans.  E.  Cat. 

ELACHISTA  (Bot.).  Genre  d'Algues  Ectocarpées  para- 
sites, à  thalle  filiforme  et  simple,  parfois  rameux  à  sa  base, 
articulé,  monosiphoné  et  à  sporanges  à  une  ou  plusieurs 
loges,  de  forme  oblongue,  entourés  de  poils. 

ELACHOCERAS  (Paléont.)  (V.  Dinoceras). 

EL-ACHOUR.  Village  d'Algérie,  dép.  et  arr.  d'Alger,  à 

44  kil.  S.  de  cette  ville,  à  une  ait.  de  402  m.  Créé  près 
des  sources  de  l'oued  Kerma  sur  le  territoire  d'une  ancienne 
ferme  domaniale,  il  ne  fut  d'abord  qu'une  annexe  de  Deli- 
Ibrahim  ;  aujourd'hui  c'est  une  com.  de  plein  exercice  de 
349  hab..  Européens,  qui  récoltent  un  vin  renommé  et 
élèvent  des  bestiaux.  E.  Cat. 

EL-ADJIBA.  Village  d'Algérie,  dép.  et  arr.  d'Alger,  à 
451  kil.  E.  de  cette  ville,  station  de  la  voie  ferrée  d'Alger 
à  Constantine.  Créé  récemment  dans  une  région  fertile  en 
orge,  blé  et  vignes,  il  fait  partie  ^de  la  com.  mixte  de 
Beni-Mansour  et  n'a  encore  que  40  hab.  environ.  Euro- 
péens. A  peu  de  distance  de  là,  à  Bechloul,  se  tient  tous 
les  lundis  un  marché  très  important.  E.  Cat. 

EL>tA6IA  (Elœagia  Wedd.)  (Bot.).  Genre  de  plantes 
de  la  famille  des  Rubiacées  et  du  groupe  des  Portlandiées. 
Ce  sont  des  arbres  résineux  à  feuilles  opposées  et  stipulées, 
à  petites  fleurs  très  nombreuses ,  disposées  en  épis  termi- 
naux très  ramifiés.  Chacune  d'elles  a  un  calice  court,  per- 
sistant, une  corolle  en  entonnoir  à  cinq  lobes  tordus  et  cinq 
étamines  exsertes.  L'ovaire,  infère,  devient  un  fruit  locu- 
licide,  contenant  de  nombreuses  graines  anguleuses.  Les 
deux  seules  espèces  connues,  E.  utilis  Wedd.  ou  Arbol 
del  cera  et  E.  Mariœ  Wedd.,  habitent,  la  première,  la 
Colombie,  la  seconde,  le  Pérou.  Elles  fournissent  une  sorte 
de  baume  aromatique,  connu  sous  le  nom  à'Aceite  Maria 
et  préconisé  comme  tonique  et  stimulant  (V.  H.  Bâillon, 
Hist,  des  PL,  VU,  336,  378  et  476).  Ed.  Lef. 

EL>£A6NACÉES  (Elœagnaceœ  Lindl.)  (Bot.),  Famille 
de  Végétaux  Dicotylédones,  composée  d'arbres,  d'arbustes 
et  d'arbrisseaux,  à  rameaux  souvent  épineux,  à  feuilles 
alternes,  plus  rarement  opposées,  simples,  dépourvues  de 
stipules  et  couvertes ,  surtout  à  leur  face  inférieure,  de 
poils  ccailleux  peltés  ou  étoiles,  souvent  argentés  ou  bru- 
nâtres. Les  fleurs,  hermaphrodites  ou  unisexuées,  sont 
axillaires,  solitaires  ou  agrégées,  parfois  disposées  en  épis 
ou  en  grappes.  Elles  ont  un  périanthe  simple,  ordinairement 
tubuleux,  à  limbe  bi-ou  quadri-partit,  et  un  ou  deux  ver- 
ticilles  d'étamines  ordinairement  connées  avec  le  périanthe, 
à  anthères  biloculaires ,  s'ouvrant  par  des  fentes  longitu- 
dinales. L'ovaire,  à  un  seul  ovule  anatrope,  est  inclus  dans 
le  tube  accrescent  du  périanthe,  qui  persiste  ordinairement 
autour  du  fruit,  auquel  il  forme  fréquemment  une  indusie 
charnue  ou  drupacée,  souvent  comestible  (certains  Elœa- 
gnus),  parfois  produisant  une  substance  tinctoriale  jaune 
(Hippophae  rhamnoides  L.).  L'unique  graine  que  renferme 


—  723  ^ 


EL^AGNACÉES  —  ÉLAGAGE 


le  fruit  est  dressée,  anatrope,  avec  l'embryon  dépourvu  (ou 
à  peu  près)  d'albumen.  —  LesElaeagnacées  sont  placées  par 
M.  H.  Bâillon  (Hist,  des  Pl.^  II,  4-93),  entre  les  Lauracées 
et  les  Myristicacées.  Les  espèces,  au  nombre  d'une  tren- 
taine, se  répartissent  dans  les  quatre  genres  :  Elœagnus 
Tourn.,  Shepherdia  Nutt.,  Hippophae  Tourn.  et  Aexto- 
xicon  R.  et  Pav.  Ed.  Lef. 

EL/EA6NUS  (Elœagnus  Tourn.)  (Bot.).  Genre  de 
plantes  qui  a  donné  son  nom  à  la  famille  des  Elœagnacées 
(V.  ci-dessus).  Ses  représentants,  bien  connus  sous  le  nom 
de  Chalefs^  sont  des  arbres  ou  des  arbustes,  dont  tous  les 
organes  sont  couverts  de  poils  écailleux,  peltés  ou  étoiles. 
Leurs  fleurs,  régulières  et  hermaphrodites ,  plus  rarement 
polygames,  ont  un  réceptacle  en  forme  de  cornet  creux,  dont 
la  concavité  loge  l'ovaire  et  est  doublée  d'un  disque  glan- 
duleux, épaissi  sur  ses  bords.  Ce  réceptacle  s'accroît  après 
la  floraison  et  forme  autour  du  fruit  une  indusie  complète 
que  surmontent  pendant  longtemps  les  restes  du  périanthe 
et  de  l'androcée  et  qui  a  toute  l'apparence  d'une  drupe.  — 
Les  Chalefs  habitent  l'Asie  moyenne,  l'Europe  méridionale 
et  l'Amérique  du  Nord.  On  en  connaît  une  vingtaine  d'es- 
pèces. L'une  d'elles,  E.  angustifoliaL.  ou  Chalef  argenté, 
Olivier  de  Bohème,  est  fréquemment  cultivé  dans  les  parcs 
pour  son  feuillage  argenté  qui  produit  le  plus  bel  effet 
parmi  les  arbres  à  feuiMage  vert.  Ses  fleurs,  très  odo- 
rantes, ont  été  employées,  en  infusion  ou  en  décoction, 
dans  le  traitement  des  fièvres  malignes.  Son  écorce  et  ses 
feuilles  sont  astringentes.  —  On  cultive  également  en 
Europe  YE.  ediilis  Sieb.,  arbuste  du  Japon,  à  fleurs 
jaunâtres,  agréablement  odorantes.  L'induvie  qui  entoure 
ses  fruits  forme  une  couche  pulpeuse,  sucrée  et  acidulée, 
qui  est  comestible.  Il  en  est  ue  même  de  celle  des  fruits 
de  TE.  orientalis  L.  ou  Chalef  d'Orient,  et  de  VE.  con- 
ferta  Roxb.  ou  Guara  des  Bengalais.  Ed.  Lef. 

EL>EIS  {Elœis  Jacq.)  (Bot.).  Genre  de  Palmiers  dont 
l'espèce  type,  E,  Guineensis  Jacq.,  est  connue  sous  le  nom 
A' Avoir  a  ou  à'Aouara,  C'est  un  arbre  assez  élevé,  à  feuilles 
larges,  étalées  et  chargées  d'épines  sur  les  bords  du  pétiole. 
Ses  fleurs,  monoïques,  sont  disposées  sur  des  spadices  dis- 
tincts, entourés  de  deux  spathes  complètes.  Les  mâles  ont 
un  périanthe  double,  trimère,  et  six  étamines  ;  les  femelles, 
un  calice  à  trois  folioles ,  une  corolle  à  trois  ou  six  pétales 
et  un  ovaire  triloculaire,  qui  devient,  à  la  maturité,  une 
drupe  d'un  jaune  rougeâtre,  à  péricarpe  charnu,  à  noyau 
très  dur  pourvu,  vers  le  sommet,  de  trois  pores  simples. 
VE,  Guineensis  est  originaire  de  la  côte  occidentale  de 
l'Afrique.  Il  a  été  répandu,  par  la  culture,  dans  la  Guyane 
et  dans  diverses  parties  de  l'Amérique  du  Sud.  La  matière 
grasse  contenue  dans  le  péricarpe  du  fruit  fournit,  par 
expression ,  l'huile  de  palme,  particulièrement  employée 
pour  la  fabrication  des  savons.  Ed.  Lef. 

EL>EOCARPUS  (Elœocarpus  L.)  (Bot.).  Genre  de 
plantes  de  la  famille  des  Tihacées,  qui  a  donné  son  nom  au 
groupe  des  Elaeocarpées.  Ce  sont  des  arbres  ou  des  arbustes 
à  feuilles  alternes,  parfois  opposées,  à  fleurs  blanches, 
rouges  ou  jaunâtres,  solitaires  ou  en  grappes.  Ces  fleurs 
sont  pentamères,  avec  des  étamines  plus  ou  moins  nom- 
breuses, disposées  en  phalanges  opposées  aux  pétales.  Le 
fruit  est  une  drupe  à  noyau  très  dur,  contenant  de  une  à 
cinq  loges  et  dans  chaque  loge  une  seule  graine  dont  l'albumen 
charnu  enveloppe  un  embryon  à  cotylédons  larges,  plans 
ou  ondulés»  —  hes  Elœocarpus  habitent  les  régions  chaudes 
de  l'Asie,  de  l'Océanie  et  des  îles  orientales  de  l'Afrique 
tropicale.  On  en  connaît  une  soixantaine  d'espèces.  Plusieurs 
d'entre  elles,  notamment  VE.  serratus  L,,  des  Indes  orien- 
tales, et  VE»  cijaneus  Sims.,  de  l'Australie,  fournissent  des 
écorces  toniques,  aromatiques  ou  amères,  renfermant  une 
certaine  proportion  de  tanin.  Leurs  feuilles  sont  astrin- 
gentes et  leurs  fruits  comestibles.  VE.  cyaneus  est  fré- 
quemment cultivé  dans  les  serres  de  l'Europe  pour  ses 
grappes  de  fleurs  blanches  pendantes,  à  pétales  finement 
fimoriés  et  pour  ses  fruits  de  la  grosseur  d'une  olive  et 
d'un  beau  bleu  d'indigo.  Dans  l'Inde,  les  noyaux  très  durs 


et  fortement  sillonnés  de  VE,  ganitrus  Roxb.  servent  à 
faire  des  bijoux,  des  colliers,  des  chapelets.     Ed.  Lef. 
^  ELyEOCOCCA   {Elœococca  Commers.)    (Bot.).    Genre 
d'Euphorbiacées,  qui  ne  fait  plus  maintenant  qu'une  section 
du  genre.4/^i(nteForst.  (V.  Aleurit). 

EL>€ODENDRON  (Elœodendron  Jacq.)  (Bot.).  Genre 
de  Célastracées,  du  groupe  des  Evonymées,  dont  on  connaît 
environ  trente-cinq  espèces  des  régions  chaudes  du  globe. 
Ce  sont  des  arbustes  ou  des  arbrisseaux  à  feuilles  opposées, 
à  fleurs  disposées  en  cymes.  Les  fruits  sont  des  drupes 
dont  les  noyaux  très  durs  renferment  de  une  à  trois  loges 
et  dans  chaque  loge  une  ou  deux  graines  albuminées ,  dé- 
pouvynesd'anWe.  —  VE.sphœrophyllumE.Bn.,  dont  les 
fruits  sont  alimentaires,  croît  au  cap  de  Bonne-Espérance. 
Il  en  est  de  même  de  VE.  croceum  DG.  [îlex  crocea 
Tliunb.),  qui  fournit  le  Bois  d'or  du  Cap;  son  écorce 
est  préconisée  comme  un  antidote  de  la  morsure  des  reptiles. 
Dans  l'Inde,  l'écorce  de  la  racine  del'E.  Roxburghii  Wight 
et  Arn.  (Nenija  dichotoma  Roxb.)  est  employée  pour 
cicatriser  les  blessures.  —  L'E.  argan  Willd.  ou  Olivier  du 
Maroc  est  VArgania  Sideroxylon  Rœm.  et  Sch.,  de  la 
famille  des  Sapotacées  (V.  Argania).  Ed.  Lef. 

EL-AFFROUN.  Village  d'Algérie,  dép.  et  arr.  d'Alger, 
cant.  de  Blida,  sur  la  hgne  du  chem.  de  fer  d'Alger  à 
Oran,  à  69  kil.  d'Alger.  Situé  au  pied  des  montagnes,  il 
a  son  territoire  traversé  par  l'oued  Djer,  torrent  l'hiver, 
à  sec  l'été,  et  couvert  de  champs  de  céréales,  de  bois  d'oli- 
viers et  de  vignobles.  Avec  son  annexe,  le  hameau  de 
Bou-Roumi,  El-Attroun  forme  une  com.  de  plein  exercice 
de  2,677  hab.  dont  un  millier  d'Européens. 

ELA6ABAL  (V.  Héliogabale). 

ÉLAGAGE  (Sylvie).  L'élagage  consiste  à  supprimer  cer- 
taines branches  des  arbres.  Chez  les  arbres  d'alignement, 
on  élague  celles  qui  nuisent  à  la  régularité  des  formes 
qu'on  leur  impose.  Chez  les  fruitiers,  l'élagage  retranche 
les  branches  mal  conformées,  trop  rapprochées  d'une 
autre,  celles  qu'on  ne  peut  palisser  ou  qui  altèrent  l'ordre 
artificiel  de  leur  charpente.  En  forêt,  l'élagage  poursuit 
surtout  un  autre  but  :  provoquer  l'allongement  du  tronc 
et  diminuer  le  couvert  des  arbres.  C'est  alors  aux  réserves 
des  taillis  composés  qu'il  s'applique.  Dans  les  futaies, 
en  effet,  qui  croissent  en  massif  serré,  le  tronc  des  arbres 
s'élève  droit,  élancé,  peu  garni  de  branches,  l'élagage 
se  fait  naturellement.  Mais  dans  les  taillis,  surtout  dans 
ceux  oîi  les  coupes  périodiques  du  sous -bois  sont  trop 
rapprochées,  le  tronc  des  arbres  réservés  reste  court,  leur 
large  cime  s'étale  comme  celle  d'un  pommier.  De  là  deux 
inconvénients  :  la  valeur  des  réserves  est  diminuée  et  le 
sous-bois  souffre  sous  un  couvert  trop  complet.  On  y 
remédie  par  l'élagage  et  on  a  intérêt  à  l'appliquer  aux 
réserves  jeunes,  pour  favoriser  de  bonne  heure  l'allonge- 
ment de  leur  flèche,  leur  donner  un  port  élancé  et  éviter 
d'avoir  à  couper  plus  tard  de  trop  grosses  branches.  L'outil 
principal  de  l'élagueur  est  une  serpe,  en  forme  de  couperet, 
à  tranchant  droit.  Les  serpes  à  tranchant  courbe  et  à  bec 
sont  moins  usitées.  On  élague  :  rez-tronc^  à  chicot  ou  par 
simple  raccourcissement  des  branches.  Dans  le  premier 
cas,  la  serpe  attaque  la  branche  tout  contre  le  tronc,  en 
commençant  par-dessous  pour  ne  pas  déchirer  la  tige.  La 
section  égalisée,  nette  d'aspérités,  est  recouverte  de  coaltar 
pour  la  mettre,  autant  que  possible,  à  l'abri  de  la  décom- 
position. Ce  procédé  est  très  propre,  mais  il  est  trompeur. 
Il  convient  pour  les  branches  d'un  faible  diamètre  :  les 
plaies  peu  étendues  se  cicatrisant  rapidement.  Mais  pour 
les  grosses  branches,  la  cicatrisation,  lente  à  recouvrir  des 
plaies  considérables,  masque  souvent,  lorsqu'elle  est  com- 
plète, la  désorganisation  intérieure  des  tissus.  La  valeur 
des  arbres  est  dépréciée.  C'est  donc  les  branches  des  jeunes 
réserves,  les  gourmands  nés  sur  le  tronc  des  arbres  qu'il 
faut  élaguer  rez-tronc.  Cependant  ce  procédé  s'applique 
aux  arbres  qu'on  doit  abattre,  quand  on  est  pressé  de 
dégager  les  jeunes  peuplements  de  leur  couvert,  quand  on 
craint  que  dans  leur  chute  les  arbres  branchus  ne  causent 


ÉLAGAGE  —  ELAM 


—  724  — . 


des  dégâts  au  sous-bois  ou  pour  éviter  que  leurs  branches 
ne  se  cassent.  L'abatage  suit  l'élagage  de  trop  près  pour 
qu'on  ait  à  redouter  la  production  de  tares.  On  élague 
encore  rez-tronc  les  grosses  branches  des  arbres  d'orne- 
ment, des  parcs,  .des  promenades,  lorsqu'elles  gênent  la 
vue,  lorsqu'on  veut  donner  ou  conserver  à  ces  arbres  une 
forme  régulière,  parce  que  les  autres  procédés  d'élagage 
les  rendraient  disgracieux  et  parce  que  le  but  prmcipal 
n'est  pas  ici  la  qualité  du  bois.  Par  l'élagage  à  chicot,  on 
coupe  les  branches  à  80  centim.  environ  de  leur  msertion 
sur  la  tige.  Ce  procédé  est  mauvais  :  les  chicots  ne  reçoivent 
plus  de  sève;  ils  meurent,  se  décomposent;  l'altération 
eai^ne  le  tronc.  L'élagage  par  simple  raccourcissement  est 
celui  que  le  sylviculteur  doit  préférer  lorsqu'il  se  trouve 
dans  l'obligation  de  couper  de  grosses  branches  sur  les 
réserves.  Il  se  fait  à  une  distance  plus  ou  moms  grande  du 
tronc,  au-dessus  d'un  rameau  d'appel.  La  sève  se  trouve 
ainsi  ramenée  vers  la  cime,  mais  sans  cesser  d'alimenter  le 
rameau  d'appel;  la  branche  raccourcie  ne  meurt  pas;  les 
tares  du  tronc  sont  évitées  et  le  sous-bois  est  dégagé.  L'éla- 
eaee  ne  convient  pas  à  tous  les  arbres,  soit  que,  comme 
chez  les  résineux,  leur  port  élancé  et  la  chute  naturelle  de 
leurs  branches  inférieures  le  rendent  inutile,  soit  que, 
comme  chez  le  hêtre  et  les  érables,  la  décomposition  s'em- 
pare facilement  des  plaies  d'élagage.  L'élagage  se  fait  en 
hiver.  ^-  Boyer. 

ÉLAGINE.  Ile  de  la  Russie  d'Europe,  sur  la  Néya, 
près  de  Saint-Pétersbourg.  Des  ponts  la  réunissent  à  l'île 
Krestovsky  et  à  l'île  Kamennoï.  C'est  pendant  l'été  une  des 
promenades  favorites  de  la  société  pétersbourgeoise. 

ÉLAGINE  (Serge-Ivanovitch),  historien  russe,  né  en 
4824,  mort  en  1868.  Élève  de  l'Ecole  des  cadets  de  la 
"flotte,  il  a  collaboré  à  la  Revue  maritime  et  publié  :  His- 
toire de  la  flotte  russe  (Saint-Pétersbourg,  1804)  et 
Matériaux  pour  servir  a  Vhistoire  de  la  flotte  (Saint- 
Pétersbourg,  1867,  o  vol.). 

ÉLAGINE  (Vladimir-Nikolaevitch), littérateur  russe,  ne 
en  1831,  mort  en  1863.  Il  étudia  d'abord  la  médecine  à 
Moscou,  puis  entra  dans  l'administration.  Ses  écrits  ont 
généralement  une  tendance  satirique.  Les  principaux  sont  : 
Une  Question  de  fermage,  le  Carnaval  administratif, 
l'Entreprise,  Un  Corps  mort,  Frol  Ivanovitch,  De  Cha- 
rybde  en  Scylla,  Il  a  collaboré  au  Contemporain,  à  la 
Parole  russe  et  au  Recueil  de  la  Nouvelle  Russie. 

ÉLAÏDINE  (Chim.). 
-,  ■    .   ^  Equiv.    (Cii^Hio^Oi2)«:=[C^H2(C36H3^0^^)3]% 
■^^^^"'   I  Atom.     (C^^i^^Oe)". 

L'élaïdine  est  une  substance  grasse  artificielle  qui  doit 
être  considérée  comme  un  polymère  de  l'oléine,  principe 
liquide"  des  huiles  non  siccatives.  Elle  a  été  obtenue  pour 
la  première  fois  par  Poutet,  de  Marseille,  en  faisant  réagir 
.sur  l'huile  d'olive  une  dissolution  de  mercure  dans  l'acide 
nitrique.  Boudet,  pharmacien  à  Paris,  a  démontré  que  la 
solidification  de  l'huile  n'est  due  ni  à  l'acide  nitrique  ou 
nitreux,  ni  aux  sels  mercuriels,  mais  à  l'acide  hyponi- 
trique  ou  mieux  à  l'hypoazotide  AzO^  qui  existe  à  l'état 
de  dissolution  dans  le  réactif  Poutet  récemment  préparé 
à  froid.  Des  traces  de  ce  gaz  suffisent  pour  déterminer  la 
transformation  polymérique  de  l'oléine.  —  Meyer  purifie 
l'élaïdine  en  exposant  sa  solution  éthérée  à  zéro  et  en 
séparant  le  dépôt  qui  prend  naissance.  Elle  est  blanche, 
solide,  fusible  à  32\  très  soluble  dans  l'éther,  fort  peu 
lians  l'alcool.  A  la  distillation  sèche,  elle  donne  de  l'acro- 
léinè,  des  carbures  d'hydrogène  et  de  l'acide  élaïdique.  Les 
alcalis  la  saponifient  avec  formation  de  glycérine  et  pro- 
duction d'un  élaidate  alcalin.  Ed.  Bourgoin. 

EL-ALEU  F.  Village  d'Algérie, dép.  d'Oran,  arr.  de  Mos- 
taganem,  dans  la  corn,  mixte  d'Ammi-Moussa,  créé  récem- 
ment dans  un  pays  fertile  en  céréales  et  arbres  fruitiers  ; 
40  Européens  environ. 

ELAM  figure  dans  la  Table  des  nations  de  la  Genèse 
(X,  22)  comme  fils  de  Sem  et  est  donc  le  représentant  de  la 
population  sémitique  du  pays  qui,  postérieurement,  prit  ce 


nom.  Il  s'étend,  dans  le  bassin  du  Tigre,  depuis  le  golfe 
Persique  jusqu'aux  montagnes  de  la  Médie  au  N.  et  jusqu'à 
celle  de  la  Perside  à  l'E.  C'est  là  l'acception,  dans  le  sens 
le  plus  large;,  du  pays  d'Elam,qui  comprenait  des  popula- 
tions de  races  absolument  différentes  :  des  Sémites  étrangers 
qui  l'appelaient  Elam  (dans  la  forme  grecque  Elymaïs)  ; 
des.  Ariens  qui  l'appelaient  L'vdza  en  perse  (Khusistan, 
de  nos  jours)  ;  des  Touraniens,  qui  l'appelaient  Susinak, 
d'où  le  nom  de  Susiane  chez  les  Grecs  plus  récents,  ou 
Apparti,  et  finalement  des  Cusites,  qui  figurent  dans  les 
textes  sous  le  nom  de  Kassu  qui  se  confondait  avec  les 
Sémites.  Le  nom  de  Kassu  semble  même  être  le  nom  indi- 
gène des  Elamites  sémitiques,  et  c'est  sous  ce  nom  que 
tout  ce  pays  a  été  primitivement  connu  des  Grecs  qui 
l'appelaient  Cissie  (Ktaaia).  C'est  le  nom  sémitique  indi- 
gène du  pays  et  du  peuple  desCissiens,  non  pas  Cosséens, 
par  lequel  des  ignorants  ont  voulu  le  remplacer.  Il 
ne  parait  pas  que  le  nom  d'Elam  ait  jamais  été  le  nom 
employé  par  les  habitants,  précisément  comme  les  habitants 
de  la  Germanie  actuelle  ne  s'appellent  eux-mêmes  ni  Alle- 
mands, ni  Niemetz. 

Le  pays  d'Elam  est  le  pays  de  l'Orient  ou  «  ce  qui  est 
en  avant  »,  et  est  le  nom  dont  les  Assyriens,  dans  le  sens 
le  plus  large  du  mot,  désignaient  toute  la  contrée  à  l'E. 
du  Tigre,  comprenant  tout  le  bassin  oriental  du  Tigre,  et 
s'étendant  même  jusqu'à  la  Perside.  Us  l'appelaient  aussi 
Ansan  ou  Anzan,  terme  quelquefois  réservé  à  une  pro- 
vince spéciale  de  la  contrée.  Le  terme  sumérien  du  pays 
était  Nimma,  mot  qui  exprime  également  la  contrée  du 
levant.  Il  est  possible  que  ce  mot,  qui  se  rencontre  dans 
les  textes  de  la  Susiane  sous  le  nom  de  Nima,  soit  iden- 
tique à  celui  de  Nimrod  qui,  dans  la  Bible  (Gen.,  X)  et 
dans  le  prophète  Nichée  (V,  6)  est  l'expression  de  tout  le 
pays  généralement  désigné  par  le  mot  d'Elam.  Le  terme 
spécialement  réservé  aux  Sémites  était,  comme  nous 
l'avons  dit,  Kassu  ou  Kalzu,  d'oii  le  mot  Kissie  a  tiré  son 
appellation.  Pour  les  Assyriens,  la  Cissie  était  le  pays 
sémite;  la  langue  sémitique  était  la  langue  cissierine, 
tandis  qu'ils  étendaient  le  mot  sémitique  d'Elam  pour  indi- 
quer tout  le  pays  gouverné  par  des  chefs  touraniens,  et  ils 
employaient  le  mot  de  tangue  élamite  pour  désigner 
l'idiome  touranien  des  Suso-Mèdes.  On  voit,  par  ce  qui 
précède,  qu'il  y  a  là  une  grande  confusion  de  noms  mal 
appliqués,  ce  qui  s'explique  par  le  fait  même  que  sa  situa- 
tion géographique  formait  le  point  de  contact  des  Sér 
mites,  des  Ariens,  des  Touraniens  et  des  Cusites.  Nimrod 
était  fils  de  Cus,  désignation  généralement  emplojjée  par 
l'Ethiopie  d'Afrique,  mais  la  légende  confondit  ces  Cusites, 
probablement  venus  d'Afrique,  avec  les  habitants  des 
contrées  au  S.  de  l'Egypte.  Homère^  dans  ['Odyssée  (I), 
parle  des  Ethiopiens  partagés  en  deux  parts,  dont  l'une 
habite  le  couchant,  l'autre  le  levant  du  soleil.  Le  Mcmnon 
des  Grecs  était  Ethiopien  et  fils  de  Cissia.  La  XXIÏ«  dynas- 
tie des  Pharaons,  les  Boubastites,  les  Sesoneh,  les  Ta- 
kellothis,  les  Osorchon,  les  Nimrod  portent  des  noms 
elamites  ou  plutôt  susiens  et  rappellent  dans  leurs  noms 
la  Susiane,  le  Tigre  et  le  pays  de  Nimrod.     ^ 

Nous  ne  traiterons  donc  pas  ici  des  rois  elamites,  non 
sémitiques,  et  de  leur  langue  suso-médique,  que  nous 
réservons  à  l'art.  Susiane,  quoique  les  textes  cunéiformes 
et  la  Bible  ne  connaissent  que  le  terme  d'Elam  pour  les 
signaler,  car  ils  appelaient  eux-mêmes  leur  pays  Hapirti 
et  les  Perses  le  désignent  par  Uvdza,  qui  a  survécu,  comme 
nous  l'avons  dit,  dans  le  Khuzistan  de  nos  jours.  Les 
monarques  d'Elam,  Sutruk-Nakhunta,  Kudur-Nakhunta, 
Silhak,  Umnam-Menan,  Halludus,  Umbadara  figurent  tou- 
jours  sous  le  titre  de  rois  d'Elam,  et  c'est  contre  ces 
princes  non  sémitiques  que  se  dirigent  surtout  les  pro- 
phéties de  Jérémie  (XLIX,  34)  et  Ezéchiel  (XXXII,  24), 
qui  prouvent  (|ue  cet  empire  survécut  à  la  dynastie  appa- 
rentée des  rois  mèdes.  Le  pays  d'Elam  fut  finalement 
incorporé  par  Cyrus  à  l'empire  naissant  des  Perses  :  il  se 
révolta  plusieurs  fois  pour  recouvrer  son  ancienne  mdé- 


—  725  — 


ELAM  —  ELAPHRUS, 


pendance  sous  Darius  P'.  Mais,  depuis  que  les  rois  aché- 
ménides  avaient  établi  leur  siège  d'habitation  à  Suse,  ces 
velléités  nationales  cessèrent,  et  la  Susiane  ou  FElam 
s'identifia  avec  la  politique  de  la  Perse.  Seules,  les  peu- 
plades montagnardes  indisciplinées,  vivant  de  rapines  et 
de  déprédations,  comme  les  Uxiens,  les  Amardes,  les  Cos- 
séens  et  d'autres,  jouissaient  d'une  indépendance  complète, 
que  les  conquérants  macédoniens  seuls  réussirent  à  dé- 
truire pour  quelque  temps.  Encore  aujourd'hui,  ces  mêmes 
contrées,  le  Luristan,  le  pays  des  Bakhtiyari  profitent  d'une 
sorte  d'immunité,  comme  anciennement  sous  les  rois  de 
Perse  et  d'Elam.  J.  Oppert. 

ELAM  BAZAR.  Ville  de  l'Inde- anglaise,  présidence  du 
Bengale,  prov.  de  Burdwan,  r.  g.  de  l'Agly  (aftl.  de  dr. 
de  l'Hougly).  Marché  de  riz  ;  fabrication  de  laques. 

EL-AMRI.  Oasis  d'Algérie,  dép.  de  Constantine,  la  plus 
orientale  du  groupe  appelé  Zab-Dahraoui,  à  48  kil.  0.  de 
Biskra.  Elle  se  révolta  en  1876.  L'insurrection  fut  rapi- 
dement réprimée  par  le  général  Carteret-Trécourt,  et  le 
village  détruit;  des  propriétaires  français,  depuis  une 
dizaine  d'années,  reconstituent  l'oasis,  qui  comprend  envi- 
ron 15,000  palmiers-dattiers.  E.  Cat. 

ÉLAN  (Zool.)  (V.  Cerf,  t.  X,  p.  43). 

ÉLAN  (Ellantium),  Com.  du  dép.  des  Ardennes,  arr. 
de  Mézières,  cant.  de  Flize;  203  liab.  Carrières  de  pierre. 
—  Celte  localité  doit  son  ancienne  célébrité  à  une  abba}e 
de  cisterciens,  qui  y  fut  fondée,  au  diocèse  de  Reims,  le 
1^^  août  1148,  par  Witier,  comte  de  Rethel,  et  saint 
Roger,  qui  en  devint  le  premier  abbé.  Les  comtes  de 
Rethel  et  de  Nevers,  successeurs  de  Witier,  enrichirent  de 
leurs  dons  le  monastère  qui  fut  reconstruit  en  totalité  aux 
xvï®  et  xviii®  siècles.  Supprimé  à  la  Révolution,  il  n'en 
reste  aujourd'hui  que  le  logis  abbatial,  transformé  en 
maison  de  ferme,  et  la  moitié  de  la  nef  qui  sert  d'église 
paroissiale.  Les  boiseries  et  les  stalles  du  chœur  déco- 
rent le  temple  protestant  de  Sedan.  —  La  fontaine  Saint- 
Roger,  proche  du  village,  est  un  lieu  de  pèlerinage  re- 
nommé. A.  T. 

BiBL.  :  J.  Hubert,  Statistique  monumentale  du  dép.des 
Ardennes,  dans  Travaux  de  l'Académie  de  Reims,  1852- 
1853,  p.  229.—  E.  de Montagnac,  les  Ardennes  illustrées; 
Paris,  1868-1873,  4  vol.  in-fol.,  avec  pi. 

EL-ANASSEUR.  Village  d'Algérie,  dép.  de  Constantine, 
arr.  de  Sétif,  à  62  kil.  0.  de  cette  ville  et  à  7  kil.  de 
Bordj-bou-Arréridj,  créé  en  1876  au  milieu  de  terres  fer- 
tiles. Son  nom  vient  d'être  changé  en  celui  de  Galbais . 
Le  village,  qui  n'a  comme  population  que  99  Européens 
et  quelques  indigènes,  est  sans  doute  trop  rapproché  de 
Bord]  pour  devenir  important.  Stat.  du  ch.  de  fer  d'Alger 
à  Constantine;  ruines  romaines.  E.  Cat. 

ÉLANCEMENT  (Mar.).  Terme  d'architecture  navale. 
C'est  l'angle  que  fait  avec  la  quille  du  navire  la  partie 
extrême  de  l'avant  appelée  étrave  ou  taille-mer.  Les  na- 
vires bons  marcheurs  avaient  autrefois  un  assez  fort  élan- 
cement. L'adoption  de  l'éperon  pour  les  cuirassés  et  de 
l'éperon  de  marche  pour  les  navires  à  grande  vitesse  a 
complètement  changé  les  formes  de  l'avant,  et  l'élance- 
ment, qui  était  de  120  à  130%  est  tombé  à  40  et  3o«. 

ELANCHOVE,  LANCHOVE  ou  ANCHOYE.  Port  d'Es- 
pagne, prov.  de  Biscaye,  district  de  Guernica;  1,418  hab. 
Nombreux  établissements  de  pèche,  de  salaisons  et  de  con- 
serves de  poissons. 

ÉLANCOURT.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Oise,  arr.  de 
Rambouillet,  cant.  de  Chevreuse  ;  6^Q  hab. 

ÉLANE  (Ornith.).  Les  Elanes  ou  Elanions  (Elanus  Sa- 
vigny)  qui  appartiennent  au  même  groupe  que  les  Milans, 
se  distinguent  de  ces  oiseaux  par  des  formes  plus  ramas- 
sées, une  queue  moins  fourchue,  des  ailes  relativement  plus 
développées  et  une  livrée  de  teintes  plus  claires,  le  man- 
teau étant  d'un  gris  perle  plus  ou  moins  varié  de  noir,  et 
les  parties  inférieures  du  corps  d'un  blanc  pur.  Ils  ne  for- 
ment qu'un  très  petit  nombre  d'espèces  qui  vivent  dans  les 
régions  tempérées  ou  tropicales  de  l'ancien  et  du  nouveau 


monde  et  de  l'Océanie  et  dont  une,  l'Elanion  blanc  {Ela-  ■ 
nus  cœruleus  Desf.),  originaire  d'Afrique,  se  montre, 
accidentellement  dans  nos  contrées.  Les  petits  Rongeurs, 
les  Insectes  diptères  et  orthoptères  constituent  la  nourri- 
ture ordinaire  des  Elanions  qui  doivent,  par  conséquent, 
être  rangés  au  nombre  des  Rapaces  utiles.     E.  Oustalet.  , 

BiBL.  :  Lev AILLANT,  Oiseaux  d'Afrique,  1799,  t.  I,  p.  147 
et  pi  36  et  37.  —  Degland  et  Gerbe,  Ornith.  europ., 
1867, "t.  I,  p.  69,  2«  éd.—  R.-B.  Sharpe,  Cat.  D.  Brit.  Mus., 
1874,  t.  I,  p.  386. 

ÉLANGU  EUR  (Pêche).  On  donne  ce  nom  à  un  petit  ins- 
trument en  fer,  pointu  aux  deux  extrémités  ;  une  des  pointes 
entre  dans  une  lisse,  avec  l'autre  on  pique  les  morues  der- 
rière la  tête  de  manière  à  ce  qu'on  puisse  facilement  retirer 
la  langue. 

EL-ANSER.  Village  d'Algérie  (V.  Lanasser). 

ÉLAPHÉBOLIES  (Myth.  gr.).  Fête  d'Artémis  chasse- 
resse (Diane)  ;  elle  symbolisait  la  chasse  du  cerf  et  on 
offrait  à  la  déesse  un  gâteau  représentant  la  bête.  Il  en 
est  question  dans  l'hymne  homérique  à  Artémis  et  dans 
Plutarque  (Quœst.,  V,  4,  1).  Elle  avait  une  grande  impor- 
tance dans  i'Hellade,  particulièrement  en  Phocide  (à  Hyam- 
polis)  et  en  Attique,  où  le  premier  mois  du  printemps,  le 
neuvième  de  l'année,  s'appelait  Elaphebolion, 

ELAPHIS  (Erpét.).  Genrede  Serpents  Colubri formes, 
de  la  famille  des  Colubridœ,  ayant  le  corps  cylindrique  ou 
faiblement  comprimé,'  la  tête  assez  peu  distincte  du  tronc, 
les  dents  toutes  d'égale  longueur.  Le  type  du  genre  est 
VElaphis  Msculapi,  à  corps  allongé  peu  volumineux,  à 
queue  longue,  à  écailles  de  la  partie  antérieure  du  tronc 
lisses,  celle  de  la  partie  postérieure  faiblement  carénées.  La 
teinte  est  d'un  brun  olivâtre  uniforme  en  dessus,  d'un 
blanc  jaunâtre  en  dessous  ;"  le  dos  et  les  côtés  sont  piquetés 
de  blanchâtre  ;  une  tache  jaune  se  montre  sur  les  côtés  de 
la  nuque,  et  une  tache  gris  noirâtre  se  voit  derrière  l'œil. 
On  observe  cette  forme  dans  tout  le  midi  delà  France;  elle 
remonte  jusqu'à  Fontainebleau,  où  elle  est  assez  commune. 
Elle  vit  dans  les  buissons  des  terrains  rocailleux  et  arides, 
et  se  nourrit  de  petits  Mammifères,  plus  rarement  d'Oiseaux. 

BiBL.  :  Sauvage,  dans  Brehm.  éd.  française.  Reptiles. 
—  DuMÉRiL  et  BiBRON,  Erpét.  génér. 

ÉLAPHOMYCES  (Bot.).  Genre  de  Champignons  Asco- 
mycètes,  de  la  famille  des  Périsporiacées  et  de  la  tribu  des 
Tubéracées.  Péridium  dur  et  épais  à  voile  plus  foncé  que 
l'écorce  qui  est  marbrée.  Glèbe  formant  à  maturité  une 
masse  pulvérulente,  entremêlée  de  fibrilles  soyeuses.  Asques 
à  forme  globuleuse  renfermant  de  une  à  huit  spores  sphé- 
riques  et'colorées.  Espèce  principale  :  E.  granulatus  tirant 
son  nom  des  caractères  du  mycélium  rendu  granuleux  par 
de  très  petites  verrues  obtuses.  Son  péridium  a  la  grosseur 
d'une  petite  noix.  Aucune  espèce  d'Elaphomyces  n'est 
comestible,  mais  ce  Champignon  est  recherché  par  les  cerfs 
(k'Xacpoç,  cerf)  et  autres  animaux  qui  le  déterrent  facile- 
ment (lièvres,  sangliers).  Il  est  commun  sous  le&  arbrea 
des  forêts  montagneuses,  principalement  sous  les  sapins. 
Pour  M.  Boudier,  quelques  espèces  sont  parasites  des  radi- 
celles du  châtaignier  et  des  chênes.  H.  F. 

ELAPHRIUM  {Elaphrium  Jacq.)  (Bot.).  Genre  de 
Térébinthacées,  qu'on  s'accorde  aujourd'hui  à  considérer 
comme  une  simple  section  du  genre 
Bursera  L.,  caractérisée  par  le 
calice   à  divisions  très  profondes 

^V       RriRSFRF  I 

ELAPHRUS  (Elaphrus  Fâhv.) 
(Entom.).  Genre  de  Coléoptères  de 
la  famille  des  Carabiques,  dont  les 
représentants  sont  remarquables 
par  leurs  yeux  globuleux,  très 
saillants  et  par  leurs  élytres  cou- 
vertes de  fovéoles  arrondies.  Les 
Elaphrus  établissent  la  transition  Elaphrus  riparius  L. 
entre  les  Cécindélides  et  les  Cara- 
biques. Peu  nombreux  en  espèces,  ils  sont  limités  à  l'hé- 
misphère boréal  et  vivent  exclusivement  sur  les  bords  des 


ELAPHRUS  -«  ÉLASSOÏDE  -  726  — 

jnareS)  des  étangs,  des  rivières^  dans  les  marécages,  oii  ils 
courent  dans  h  vase  avec  une  grande  agilité.  L'espèce 
type,  E.  riparius  L.,  est  commun  dans  presque  toute  la 
France.  Elle  est  d'un  vert  mat  en  dessus,  avec  le_pros=^ 
ternum  pubescent  et  les  impressions  des  élytres  superfi- 
cielles. Ed.  Lef. 
ELAPHURUS  (V.  Cerf,  t.  X,  p.  4o). 
ELAPS  (Erpét.).  Genre  de  Serpents  Aspidophidiens, 
de  la  famille  des  Elapidœ,  ayant  pour  caractères  un  corps 
cylindrique,  allongé  ;  la  tète  petite,  arrondie,  est  convexe 
en  dessus,  la  bouche  étroite  est  peu  fendue,  les  écailles  du 
dos  et  des  flancs  sont  lisses,  rhomboïdales^  toutes  de  dimen- 
sions égales;  les  urostèges  sont  disposées  en  une  double 
rangée.  La  forme  la  plus  remarquable  du  genre  est  VElaps 
corallinus.  Le  corps  est  d'un  rouge  vermillon  brillant, 
entouré  de  vingt-cinq  à  vingt-sept  anneaux  noirs  bordés 
d'une  ligne  blanc  bleuâtre.  Le  dessus  de  la  tête  est  d'un 
noir  bleu.  Derrière  l'occiput  commence  une  bande  d'un 
beau  vert  changeant  qui  contourne  l'œil  et  vient  couvrir 
les  mâchoires  inférieures.  La  queue  noirâtre  est  cerclée  de 
huit  anneaux  blancs,  la  pointe  de  la  queue  est  d'un  blanc 
jaunâtre.  Cette  forme  habite  le  Mexique,  le  Brésil  et  la 
Colombie.  On  la  rencontre  dans  les  endroits  sablonneux  ;  sa 
nourriture  consiste  en  petits  animaux.  Rocher. 

BtHL.  :  Sauvage,  dans  Brehai,  éd.  française,  Reiptiles, 
^  DuMÉRiL  et  BiBROiX,  Ërpét.  gêner. 
EL-ARAISH  (V.  LàrAché). 

EL-ARB A.  Village  d'Algérie,  dép.  de  Constantine^  à  une 
trentaine  de  kil.  au  S.  de  Batna,  dans  une  situation  pitto- 
resque sur  une  des  pentes  de  l'Aurès  et  près  d'un  ruisseau 
abondant.  Il  est  composé  d'un  petit  nombre  de  maison- 
nettes qu'habitent  des  Chaouias. 

ÉLARGISSEMENT  des  ponts,  des  rivières,  etc.  (V. 
Pont,  Rivière,  etc.). 

EL-ARICHA*  Localité  d'Algérie,  dép.  d'Oran,  à  84  kil. 
S.  de  Tlemcen,  dans  la  com.  indigène  de  Lalla-Maghnia 
à  une  ait.  de  1,300  m.  et  au  milieu  d'une  région  monta- 
gneuse. Ce  point  a  une  grande  importance  stratégique  et 
permet  de  surveiller  la  frontière  marocaine  et  les  tribus 
nomades  des  Hamian  et  des  Oulad-en-Nahr;  aussi  on  y 
établit  un  poste  qui  était  avant  4  881  le  plus  avancé  de 
notre  occupation  permanente  dans  le  Sud  oranais.  Près  de 
la  redoute  se  sont  élevées  des  maisons  et  aujourd'hui 
El-Aricha  est  une  annexe  de  la  com.  mixte  de  Lallâ- 
Maghnia  avec  une  superficie  de  129,000  hect.  (montagnes, 
vallées  et  plaines  arides),  une  population  de  7,871  hab. 
dont  150  Européens  (non  compris  la  garnison  du  poste). 
Aux  environs  on  exploite  l'alfa.  E.  Cat. 

EL-ARROUCH  ou  EL-AROUCH.  Ville  d'Algérie,  dép. 
de  Constantine,  arr.  de  Philippeville,  sur  la  voie  ferrée 
de  Philippeville  à  Constantine,  à  32  kil.  de  la  première 
ville,  et  à  51  kil.  de  la  seconde  ;  ch.-l.  d'Une  com.  de 
plein  exercice  qîii  a  ùrte  superficie  de  11,719  hect.  et 
une  population  de  4,323  hab.  dont  536  Européens. 
En  1844  on  avait  établi  en  ce  lieu  un  camp  autour  du- 
quel se  forma  bientôt  un  village;  les  terres,  arrosées  par 
deux  cours  d'eau,  sont  très  fertiles,  mais  insalubres,  et  les 
premiers  colons  furent  décimés  par  la  fièvre.  Aujourd'hui 
El-Arrouch  est  une  petite  ville  prospère,  avec  de  belles  rues 
et  places  et  des  plantations  magnifiques  qui  en  font  un 
séjour  sain  et  agréable;  cultures  de  céréales,  de  vignes 
(300  hect.),  d'oliviers  ;  fabriques  d'huile  ;  distilleries  ; 
grande  minoterie,  etc. 

ELASIPPOS,  peintre  grec  du  v^  siècle  av.  J.-G.  Pline 
l'Ancien  (Hist.  nat.^  xxxv,  11,  122)  le  cite  comme  l'un 
des  premiers  artistes  ayant  pratiqué  la  peinture  à  l'encaus- 
tique. Il  avait  travaillé  à  Egine. 

EL-ASLA  ou  ASLA.  Ksar  d'Algérie, au  S.  de  la  prov. 
d'Oran,  en  territoire  de  commandement,  partie  de  la 
eom.  mixte  d'Aïn-Sefra.  Perché  sur  une  colline  rocheuse 
et  entouré  d'une  muraille  flanquée  de  cinq  tours,  il  a  des 
maisons  misérables  réparties  en  ruelles  étroites  et  pleines 
d'immondices  ;  les  jardins,  assez  bien  entretenus,  renferment 


2,000  palmiefs,  et  iè  nombre  des  habitants  est  de  142;  ce 
point  a  cependant  quelque  importarice  stratégique <  parce 
qu'il  commande  la  vallée  de  l'oued  Gharbi,  une  des  voies 
que  suivent  les  caravanes  et  les  nomades  en  migration. 

ÉLASMOBRANCHES.  L  Ichtyologie.  —  Bonaparte 
avait  proposé  l'ordre  des  Elasmobranches  pour  un  groupe 
de  Poissons  comprenant  les  Requins,  les  Raies  et  les 
Chimères.  Ce  mot  doit  être  rayé  de  la  nomenclature.  Il  a 
été  avantageusement  remplacé  par  celui  de  Chondropté- 
rygiens^  généralement  accepté.  L'ordre  des  Chondropte-^ 
rygii  comprend  aujourd'hui  les  Poissons  Plagiostomata 
divisés  en  Selachoidei  (Requins),  Batoidei  (Raies)  et 
Holocephala  (Chimères).  Rocher. 

II.  Paléontologie.  —  Cette  sous-classe  se  divise  en 
deux  ordres,  les  Icthyotomi,  spéciaux  aux  terrains  pri- 
maires, et  les  Selachi,  qui  vivent  depuis  l'époque  silurienne. 
Les  caractères  généraux  de  ces  Poissons  sont  les  suivants  : 
squelette  cartilagineux  ;  suspensorium  mandibulaire  articulé 
avec  le  crâne  ;  chambres  branchiales  séparées,  sans  cou- 
vercle operculaire  ;  squelette  ayant  même  structure  que  les 
dents  ;  nerfs  optiques  entre-croisés  ;  trois  séries  de  valvules 
au  cône  artériel  ;  une  valvule  spirale  à  l'intestin. 
BiBL.  :  IcpiTYOLOGiE.  —  GuNTHER,  Study  of  Fishes. 

Paléontologie.—  S.  Woodward,  Cat.  of  the  fossil 
fishes  in  the  Brilish  Muséum^  1889,  t.  L 

ÉLASIVIODONTE  (V.  Eléphant). 

ELASMODUS  (Paléont.).  Egerton  a  établi  ce  genre  pour 
une  Chimère  caractérisée  par  un  large  tubercule  à  la  mâ- 
choire inférieure,  dont  le  bord  est  irrégulier,  deux  tubercules 
au  maxillaire  supérieur,  les  prémaxillaires  portant  quatre 
plaques  qui  diminuent  en  longueur  et  en  largeur  de  la  sym- 
physe en  dehors.  Le  type  du  genre  est  E.  Hunteri  Owen 
des  terrains  tertiaires  inférieurs  d'Angleterre.  E.  Sauvage. 

BiBL.  :  Egerton,  Proc.  Geol.  Soc^  1843.  —  Mem,  GeoL 
Survey.  1852. 

ÉLASIVIOSÀURE  (Paléont.).  Ce  genre  a  été  étabU  par 
Cope  pour  des  Reptiles  voisins  des  Plésiosaures  ;  les  ver- 
tèbres cervicales  sont  nombreuses,  longues  et  comprimées  ; 
les  vertèbres  cervicales  postérieures  n'ont  pas  de  diapo- 
physes,  ainsi  que  les  vertèbres  dorsales  antérieures,  puis 
la  diapophyse  apparaît  et  augmente  graduellement  Jus- 
qu'aux vertèbres  postérieures,  ou  elle  est  très  allongée. 
L'arc  pelvien  est  plus  développé  que  l'art  scapulaire  ;  le 
mésosternon  paraît  avoir  fait  défaut.  Lé  typé  du  genre  est 
E.  platyurus,  de  la  craie  du  Kansas.        E.  Sauvage. 

BiBL.  :  Cope,  The  Verlebrata  of  the  cretaceoUs  forma- 
tions of  the  West.  —  U.  S.  Geological  SUrvey^  1875. 

ÉLASMOSAURIENS  (Paléont.).  Les  Plésiosauriens 
peuvent  se  séparer  en  deux  familles  distinctes,  les  Plésio- 
sauriens proprement  dits  qui  ont  une  interclavicule  séparée^ 
les  Elasmosauriens  qui  n'ont  pas  d'os  mésosternal  distinct. 
Chez  ces  derniers,  l'apophyse  épineuse  et  les  apophyses 
transverses  sont  intimement  soudées  au  corps  de  la  ver- 
tèbre, toute  trace  de  la  suture  ayant  disparu,  tandis  que 
la  suture  est  bien  distincte  chez  les  Plésiosauriens  propre- 
ment dits*  Seeley  a  fait  remarquer  que  les  Elasmosauriens 
les  plus  récents,  comparés  à  leurs  prédécesseurs,  mani- 
festent une  grande  tendance  à  l'ossification,  coïncidant  sans 
doute  avec  une  organisation  plus  élevée.  Les  genres  Erelh- 
mosaure,  Colymbosâure,  Muroenosaure  rentrent  dans  là  fa- 
mille des  Elasmosauriens,  telle  qu'elle  a  été  établie  par  Cope. 

ELASMOTHERIUM  (Paléont.)  (V.  Rhinocéros). 

EL-ASSAFIA.  Localité  d'Algérie,  prov.  d'Alger,  à  10  k. 
N.-E.  de  Laghouat,  près  d'une  source  abondante.  C'était 
jadis  une  ville  saharienne  considérable,  rivale  de  Laghouat  ; 
elle  n'a  plus  que  quelques  dattiers  et  un  ksar  d'une 
trentaine  de  maisons. 

ÉLASSOÏDE.  On  donne  ce  nom  à  la  surface  dont  les 
rayons  de  courbure  principaux  en  chaque  point  sont  égaux 
et  de  signes  contraires.  La  surface  d'aire  minima  passant 
par  un  contour  donné  est  un  élassoïde  ;  on  connaît  aujour- 
d'hui un  grand  nombre  d'élassoïdes  ;  plusieurs  d'entre  eux 
sont  même  des  surfaces  algébriques.  L'étude  de  ces  surfaces 
a  été  commencée  par  Monge  et  continuée  par  M.-O.  Bonnet, 


—  727  — 


ÉLASSOÏDE  —  ÉLASTICITÉ 


Serret,  Catalan,  Sophus  Lie,  Enneper  Weierstrass,  Ribau- 
cour,  etc. 

BiRL.  :  Le  Cours  de  géométrie  professé  à  la  Sorbonne  par 
M.  Darboux.  —  Le  Mémoire  de  M.  Ribaucour  qui  a  rem- 
porté le  prix  à  TAcadémie  de  Belgique  en  décembre  1880. 

ELASSONA.  Ville  située  au  S.-E.  de  l'Olympe  de  Thes- 
salie  ;  c'est  l'antique Olaossona,  célèbre  du  temps  d'Homère  ; 
à  37  kil.  de  Larisse,  sur  un  affluent  de  la  Vourgaris, 
affluent  même  de  la  Salumbria  ;  2,000  liab. 
BjBL.  :  Heuzey,  le  Mont  Olymj)e  et  l'Acarnanie. 

ÉLASTICITÉ.  I»  Physique.  —  L'élasticité  est  l'étude  des 
phénomènes  produits  par  les  forces  extérieures  sur  les  corps. 
Quand  les  corps  sont  liquides  ou  gazeux,  il  n'y  a  lieu  que 
d'étudier  les  variations  de  volume  qu'ils  éprouvent  sous  l'in- 
fluence des  pressions.  Cette  étude  a  été  faite  au  mot  Com- 
PRESSiBiLiTÉ.  Il  n'en  est  plus  de  même  pour  les  corps 
solides  ;  le  problème  est  beaucoup  plus  complexe  ;  il  y  a 
lieu  d'étudier  non  seulement  les  changements  de  volume, 
mais  les  changements  de  forme;  d'autre  part  les  forces 
agissantes  sur  les  diverses  parties  ne  seront  plus  néces- 
sairement égales  comme  dans  le  cas  des  gaz  et  des  liquides 
qui  transmettent  intégralement  les  pressions.  L'étude  de 
l'élasticité  est  l'une  des  questions  les  plus  importantes  et 
les  plus  difficiles  de  la  physique  ;  elle  se  rattache  étroi- 
tement aux  actions  moléculaires  et  peut  nous  donner  des 
renseignements  sur  ce  sujet  si  obscur.  Les  travaux  des 
mathématiciens  les  plus  illustres,  de  Poisson,  de  Navier, 
de  Cauchy,  de  Lamé,  de  Saint-Venant,  de  Clebsch,  de  Béer, 
de  Kirckoff,  de  Phillips  ont  fondé  une  théorie  mathéma- 
tique de  l'élasticité.  Les  expériences  de  Coulomb,  de  Sa- 
vart,  de  AVeber,  de  Wertheim,  de  M.  Cornu,  etc.,  ont 
permis  soit  de  vérifier  certains  points  de  la  théorie,  soit  de 
déterminer  les  constantes  des  formules.  Les  effets  des  forces 
extérieures  sur  les  corps  solides  peuvent  se  traduire  par 
des  phénomènes  de  compression,  de  traction,  de  flexion, 
de  torsion.  On  trouvera  à  ces  mots  les  expériences  qui 
ont  permis  de  déterminer  pour  un  certain  nombre  de  corps 
les  coefficients  propres  à  ces  diverses  déformations.  Dans  cet 
article  nous  nous  contenterons  d'exposer  le  plus  simple- 
ment possible  la  théorie  de  l'élasticité  en  nous  servant 
surtout  des  travaux  de  Lamé. 

Quand  une  force  extérieure  agit  sur  un  corps,  ses  mo- 
lécules se  déplacent  et  il  naît  des  réactions  élasticiues  qui 
font  équilibre  à  la  force  extérieure.  Lorsque  celle-ci  ne 
dépasse  pas  une  certaine  grandeur,  les  molécules  revien- 
nent à  leur  position  primitive  quand  la  force  extérieure 
cesse  ;  on  dit  alors  que  la  déformation  est  momentanée.  Il 
n'en  est  plus  de  même  quand  la  force  est  considérable  ; 
il  existe  alors  une  déformation  permanente  beaucoup  plus 
faible  en  général  que  la  déformation  momentanée.  L'é- 
crouissage  des  corps  est  un  exemple  de  déformation  per- 
manente. On  appelle  limite  d'élasticité  celle  qui  correspond 
à  l'apparition  d'une  déformation  permanente.  Considérons 
maintenant  un  corps  soumis  à  des  actions  extérieures.  Soit 
M  un  point  quelconque  pris  dans  l'intérieur  de  ce  corps. 
Par  M  menons  un  plan  quelconque  ;  il  coupe  le  corps  en 
deux  ;  il  est  évident  que  chacune  des  parties  du  corps  a 
une  action  sur  l'autre,  action  qui  consiste  en  des  tractions 
ou  des  compressions  appliquées  aux  divers  points  du  plan 
de  séparation.  Soit  w  la  surface  d'un  petit  élément  de  ce 
plan  comprenant  le  point  M  ;  on  pourra  diviser  la  section 
faite  dans  le  corps  par  le  plan  en  un  grand  nombre  de  pe- 
tits éléments  de  ce  genre,  et,  en  appliquant  à  chacun  d'eux 
«ne  force  de  grandeur  et  de  direction  convenables,  nous 
pourrons  produire  sur  l'une  des  parties  du  corps  le  même 
effet  que  produisaient  les  actions  moléculaires  de  l'autre 
partie.  Lamé  appelle  force  élastique  au  point  M  la  force 
qu'il  faut  appliquer  à  l'élément  M  pour  produire  ce  résul- 
tat; si  on  désigne  par  wE  cette  force,  E  est  la  force 
élastique  rapportée  à  l'unité  de  surface.  La  tension  d'un  fil 
en  équilibre  est  un  cas  particulier  de  cette  force  élastique. 
La  force  wE  est  en  général  oblique  à  l'élément  auquel 
elle  est  appliquée.  Pour  étudier  l'équilibre  d'un  corps  sous 
l'influence  des  forces  élastiques,  on  le  divise  en  parallélépi- 


pèdes rectangles  par  une  triple  série  de  plans  infiniment 
voisins  ;  mais  au  voisinage  de  la  surface  il  reste  de  petites 
masses  formées  par  trois  plans  rectangulaires  se  croisant 
en  un  point  et  par  une  portion  de  la  surface,  ce  qui  donne 
des  espèces  de  tétraèdres  à  angle  trirectangle  dont  la  face 
opposée  est  une  portion  de  la  surface  du  corps.  Au  point  de 
vue  du  volume,  ces  tétraèdres  pourraient  être  négligés, 
les  plans  étant  infiniment  voisins,  mais  il  n'en  est  pas  de 
même  au  point  de  vue  de  la  direction  de  la  pression.  Il 
faut  donc  les  considérer  aussi  en  remplaçant  la  face  courbe 
de  chaque  tétraèdre  par  une  portion  plane.  On  aura  donc 
remplacé  le  corps  solide  par  un  ensemble  de  parallélépipèdes 
rectangles  et  de  tétraèdres  trirectangles.  Etudions  donc 
d'abord  les  conditions  d'équilibre  de  ces  deux  soUdes  élé- 
mentaires. 

Équilibre  des  parallélépipèdes  élémentaires.  Prenons 
trois  axes  rectangulaires  de  coordonnées  ox^  oy,  oz.^  Soit 
un  point  A  ayant  pour  coordonnées  x,  y,  z  ;  considérons 
un  parallélépipède  rectangle  ayant  A  pour  sommet  et  cfx^ 
dy,  dz  pour  arêtes,  ces  droites  étant  respectivement  diri- 
gées suivant  les  trois  axes  de  coordonnées.  Ecrivons  que  le 
parallélépipède  est  en  équilibre  sous  l'influence  des  forces 
élastiques  qui  s'exercent  sur  ses  six  faces  et  sous  l'in- 
fluence des  forces  qui  sollicitent  sa  masse  (comme  la  pe- 
santeur par  exemple).  Considérons  d'abord  les  deux  faces 
opposées  du  parallélépipède  perpendiculaire  à  Ox;  leurs  sur- 
faces sont  égales  à  dy  dz  ;  celle  qui  est  dans  le  plan  des  y  z 
est  soumise  à  une  force  dont  les  composants,  parallèles  aux 
axes  de  coordonnées,  sont  —  dy  dz  Xj,  —  dy  dz  Y^, 
—  dy  dz  Z,  (  on  compte  les  forces  poshivement  dans  le 
sens  des  coordonnées  positives);  sur  la  face  parallèle  opposée 

les  mêmes  composantes  sont  -h  dy  dz  (X^  +  -j—  dx), 


dY 


dl^ 


+  dy  dz  (Y^  +  -j^  dx),  +  dy  dz  {l^  4-  -^  dx  )  ;  en 

composant  les  forces  parallèles,  on  a  comme  résultante  de 
l'action  des  forces  élastiques  sur  ces  deux  faces  oppo- 
sées dx  dy  dz  j^  ,  dx  dy  dz  -^  et  dx  dy  dz  ^-^.  Oh 

aurait  des  forces  analogues  pour  les  deux  autres  groupes 
de  deux  faces  opposées.  Quant  aux  forces  extérieures  agis- 
sant sur  le  parallélépipède,  elles  ont  pour  composantes  sui- 
vant les  trois  axes  p  dx  dy  dz  Xq,  p  dx  dy  dz  Yq  et 
p  dx  dy  dz  \.  Dans  ces  expressions  p  dx  dy  dz  repré- 
sente la  masse  du  parallélépipède.  Pour  que  le  parallélépi- 
pède soit  en  équilibre  sous  l'action  de  ces  forces,  il  faut  et 
il  suffit  que  1°  la  somme  des  projections  des  forces  sur  les 
trois  axes  soit  nulle  pour  chaque  axe  ;  2«  que  la  somme 
des  moments  des  forces  par  rapport  aux  trois  axes  soit 
nulle  pour  chaque  axe.  Ces  deux  conditions  triples  vont 
nous  donner  les  six  équations  suivantes  : 


t^X^ 

S" 

dj, 
dx 


dy 

dY, 


dx, 


+  pXo  =  0 


-'  -  ^  dy  ^  dz  ^'    " 
dx    '    dy    '    dz 


dZi      d Z.j   ,  "- '^3  _,  .  7  —  0 


Z,  =  Y3=Tt 

X3=Z,  =  T, 

Remarquons  que  parmi  les  neuf  forces  X^  X.,  Xg  Y^  Y^  Y3 
Z^  Zj  Z3  il  y  en  a  trois  qui  sont  normales  aux  faces  aux- 
quelles elles  sont  appliquées,  ce  sont  les  forces  Xj^  pour 
les  forces  parallèles  kzoy,  Y 2  ^our  x  0  z,  Z3  pour  y  0 x. 
A  cause  de  leurs  fonctions  spéciales,  désignons-les  par 
Ni,  Ng,  N3.  Les  autres  sont  des  forces  tangentielles ;  les 
trois  dernières  équations  nous  montrent  qu'elles  sont 
égales  deux  à  deux  ;  désignons  donc  par  T^  la  valeur  corn- 


ÉLASTICITÉ  —  "^^S  — 

mune  Z2,  Y3,  etc.  Le  système  des  six  équations  précé- 
dentes se  réduit  donc  au  système 


(1) 


dy 
(M, 


dx 


dl, 


d% 


'-  +  ?^o- 


rrO 


0 


0 


cVï^      d^ 
dx        dy 

Equilibre  des  tétraèdres  élémentaires.  L^^  tétraèdres 
élémentaires  qui  sont  les  résidus  de  la  division  du  corps  en 
parallélépipèdes  élémentaires  doivent  être  en  équilibre  sous 
l'influence  des  forces  élastiques  qui  s'exercent  sur  les 
quatre  faces  et  sous  celle  des  forces  extérieures;  ces  der- 
nières qui  se  rapportent  à  la. masse  du  tétraèdre  donnent 
un  terme  qui  est  un  infiniment  petit  du  troisième  ordre,  tan- 
dis que  les  autres  sont  des  infiniment  petits  du  deuxième 
ordre;  on  peut  donc  négliger  ce  terme  devant  les  premiers. 
En  appliquant  comme  précédemment  le  théorème  des  pro- 
jections et  en  désignant  par  m,  n  et  »  les  cosinus  des 
angles  que  forme  avec  les  axes  de  coordonnées  la  normale 
à  la  face  opposée  au  trièdre  trirectangle,  on  a  les  trois 
équations  suivantes  relatives  aux  projections  sur  les  trois 
axes  de  coordonnées  : 

X  :=  mNi  +  71X3  +  pT.2 


(2) 


Y  =  mT.>  +  nNg  +  /?Ti 


Z  =  mT.2  -f-  nï^  +  i^Ng 

Cas  d'un  corps  fini.  Considérons  un  corps  de  surface  Q  ; 

soient  tz  un  élément  de  sa  surface  et  pco  un  élément  de 

la  masse.  Multiplions  la  première  des  équations  (1)  par 

dx,  dw,  d%  et  intégrons  dans  toute  l'étendue  de  O.  Chaque 

intégrale  triple  telle  que  ///  -j-f  dx  dy  dz  prendra  la 

forme  HizN^m.  On  aura  donc  pour  la  première  équation 

Htu  (mN^  +  WT3  +/?T2)  +Spt*iXo  =:  0 
c.-à-d.  en  vertu  de  la  première  équation  (2) 

StîX  4-  SpwXo  =  0 
on  aura  de  même  deux  autres  équations  en  Y  et  en  Z  en 
.considérant  les  autres  axes  de  coordonnées.  Si  nous  re- 
tranchons maintenant  la  troisième  équation  (1)' multipliée 
par  y  de  la  deuxième  équation  (1)  multipliée  par'^,  nous 
aurons  une  équation  qui  après  une  intégration  analogue  à 
la  précédente  et  une  simple  permutation  de  termes,  pourra 
être  mise,  en  tenant  compte  des  relations  (2),  sous  la 
forme 

S::  (^Y  -  yl)  +  Spo3  (^Yo  -  ylo)  -  0   , 
et  en  combinant  de  même  les  autres  équations  (i)  deux 
à  deux,  on  aura  deux  autres  équations  analogues.  Le  pre- 
mier signe  S  doit  s'étendre  à  toute  la  surface  et  le  second 
signe  S  à  toute  la  masse  du  corps. 

Ellifsmde  d'élasticité.  Par  un  point  M  situé  à  l'inté- 
rieur du  corps,  taisons  passer  trois  droites  parallèles  aux 
directions  des  forces  élastiques  qui  s'exercent  sur  trois 
plans  rectangulaires  passant  par  M,  par  exemple  sur  les 
trois  faces  rectangle^  du  tétraèdre  élémentaire  considéré 
plus  haut)  ;  prenons  ces  trois  droites  comme  axes  de  coor- 
données (axes  obliques  en  général).  Menons  alors  du  point 
M  une  droite  qui  représente  en  grandeur  et  en  direction  la 
force  élastique  exercée  sur  l'élément  plan  opposé  au  trièdre 
trirectangle  du  trétraèdre,  En  cherchant  le,  lieu  géomé- 
trique des  extrémités  .(Je  cette  droite  quand  on  fait  varier 
la  direction  de  l'élément  plan  considéré,  on  trouve  qu'il  est 

X*        Y^        Z^ 
exprimé  par  l'équation  =-^  4-  pTâ.-f-  pr-g  =  ^  qui  est  l'é- 

quation  d'un  ellipsoïde  rapporté  à  trois  diamètres  conju- 
gués (puisque  les  axes  sont  obliques).  Dans  cette  équation 
Fi,  Fg»  F3  sont  les  forces  élastiques  s'exerçant  sur  les 
trois  plans  rectangulaires  considérés.  C'est  cet  ellipsoïde 
que  l'on  appelle  l'ellipsoïde  d'élasticité.  Les  axes  de  cet 
ellipsoïde  sont  des  directions  remarquables;  ce  sont  les  trois 
seules  directions  pour  lesquelles  la  force  élastique  est  nor- 
male à  la  surface  suivant  laquelle  elle  s'exerce  ;  ces  trois 


forces  élastiques  se  nomment  forces  élastiques  principales. 
Etudions  maintenant  les  relations  qui  existent  entre  les 
forces  élastiques  seules  considérées  jusqu'à  présent  et  les 
déformations  qui  leur  donnent  naissance. 
[  Déformation  d'un  milieu  isotrope.  Considérons  un 
parallélépipède  rectangle  soumis  sur  deux  faces  opposées  à 
des  tractions  égales  et  de  sens  contraire,  soient  L,  h\  If^  ses 
dimensions.  Les  arêtes  parallèles  à  la  traction  s'allongent 
d'une  quantité  /  et  les  autres  se  raccourcissent  d'une  quan- 
tité r  et  r.  Il  est  naturel  d'admettre,  et  l'expérience  vé- 
rifie cette  hypothèse,  4°  que  /,  V,  T  sont  proportionnels 
aux  longueurs  des  arêtes  correspondantes,  de  sorte  que  les 

.     l   V    V^ 
allongements  ou  raccourcissements  relatifs  |-,p,p7  sont 

indépendants  de  L,  L^  et  de  L^''  ;  2°  que  ces  allongements 
sont  proportionnels  aux  tractions  et  inversement  propor- 
tionnels à  la  surface  tirée,  ou,  si  l'on  veut,  que  ces  allonge- 
ments sont  proportionnels  à  la  traction  par  unité  de  surface. 
On  a  donc  en  désignant  par  a  l'allongement  relatif  produit 
par  une  traction  égale  à  P  par  unité  de  surface  et  par  E 
une  constante  la  relation 

P 

De  même  on  a  pour  le  raccourcissement  relatif  p  : 

o  désignant  une  nouvelle  constante  (c'est  ce  que  l'on  ap- 
pelle le  coefiicient  de  Poisson).  Supposons  maintenant  que 
chaque  couple  de  forces  parallèles  éprouve  une  traction  ana- 
logue; il  en  résultera  des  allongements  a'  et  off^  et  des 
raccourcissements  p^  et  ^^\  Si  on  appelle  s,  s',  t'^  les  ré- 
sultantes de  ces  effets  sur  les  trois  groupes  d'arêtes,  on 
aura 

£  z=  a  +  P'  +  f/^  £^  =  a'  -4-  p^^  +  p,  etc. 
ou 

B=i.[N,-a(N,  +  N3)] 
^-         a(N3  +  N,)] 


:-î.[N.. 


•N,)] 


e  =  -[N3-a(N,. 

N^,  Ng,  N3  étant  les  tractions  suivant  les  trois  directions 
d'arêtes. 

Posons6=£4-£'+£^X=:i r^-7rr?et2[x=:- 


l_a  — 2a2 


'1- 


on  obtient  les 

équations 

N,r= 

:X0 

(3) 

N,= 

.  ).6 

N.rz: 

-XÔ 

2[JL£ 
2fJL£' 

Ces  notations  ont  été  introduites  par  Lamé  :  6  représente, 
comme  il  est  facile  de  le  voir  la  dilatation  cubique  ;  X  et  [x 
sont  deux  constantes  spécifiques  au  corps  considéré  ;  \i.  est 
nul  pour  les  liquides,  car  pour  ces  corps  la  pression  se 
transmet  intégralement  et  elle  est  proportionnelle  à  la 
contraction,  de  sorte  que  l'on  doit  avoir  (x  z=:  0.  D'après 
M.  de  Saint- Venant,  on  a  dans  tout  vrai  solide  isotrope 

1     . 

la  relation  X  z=:  (x,  d'où  l'on  conclut  a  =  j.  Si  l'on  admet 

cette  relation,  les  équations  (3)  ne  renferment  plus  qu'une 
constante  spécifique. 

Considérons  maintenant  des  forces  tangentielles.  Soit  un 
couple  formé  de  deux  forces  P  appliquées  aux  deux  faces 
opposées  d'un  cube  parallèlement  à  une  même  arête  de  ces 
deux  faces.  Les  arêtes  du  cube  perpendiculaire  à  ces  faces 
avant  cette  traction  ne  resteront  pas  perpendiculaires  ; 
elles  feront  un  angle  9  avec  leur  direction  primitive.  On 
démontre  que  l'on  a  entre  P  et  9  la  relation  P  =:  ji  9  où 
ji.  a  la  même  signification  que  précédemment.  Si  on  consi- 
dère ensuite  non  plus  un  cube  mais  un  parallélépipède  rec- 


■—  7-29  — 


ÉLASTICITÉ 


+  pX=0 


]+pZo  = 


tangle,  on  démontre  que  l'on  a  pour  les  composantes  tan- 
gentielles  les  -valeurs 

Ti  =  [.  (e'  +  s") 

(4)  T,,=   |x(£"+e) 

.  T3  =  [x  (e  +  e') 
"  Les  équations  (3)  et  (4)  font  donc  connaître  à  l'aide  de 
deux  coefficients  (ou  d'un  seul  si  l'on  admet  X  =  [j.)  les 
composantes  tangentiellesdes  forces  élastiques  s'exerçant  sur 
trois  éléments  pîans  rectangulaires  entre  eux.  Remarquons 
d'ailleurs  que  ces  composantes  doivent,  d'après  les  condi- 
tions d'équilibre  du  parallélépipède  élémentaire,  satisfaire 
aux  trois  équations  différentielles  (4).  En  portant,  dans  ces 

équations  les  valèlirs  de —  ... -T-^, -p  ....    tirées   des 

équations  (3) 'et  (4),  on  obtient  trois  équations  que  l'on 
peut  écrire  : 

Si  la  force  extérieure  est  la  pesanteur,  on  a 
d^o    ^  dYf, 
dx        dy 

et  en  différentiant  ces  équations  (o)  respectivement  par 
rapport  à  x^  y^  %^  on  trouve  en  les  ajoutant 

'dx^'^dy^'^dz^'" 
équation  que  l'on  retrouve  en  chaleur  et  en  électricité  et 
qui  exprime  que  le  *corps  est  en  équilibre  de  température 
ou  d'électricité  ;  cette  même  équation  exprimé  que  le  corps 
est  en  équilibre  sous  l'action  des  forces  élastiques. 

Applications  à  des  cas  particuliers,  i^  Verge  tirée 
longitudinalement.  Supposons  la  verge"  tirée  parallèlement 
à  l'axe  des  z  et  faisons  abstraction  de  la  pesanteur.  On  a 
alors  s^''  =  A  et  £  =:  s'  =  —  C.  A  et  C  sont  des  cons- 
tantes que  l'expérience  peut  déterminer  :  ici  on  a 
N,  HZ  Ng  =  0  et  N3  est  le  poids  qui  tire  la  verge.  Les 
équations  (3)-deviennent,  en  se  réduisant  à^deux, 

X6  4-  2{X£  =:  0  et  X6  '+  ^[le''  =  N3 
ce  qui  donne  ici  en  fonction  de  A  et  de  C  et  en  remar- 
quant que  Q  =  A  —  2C 

X  (A  —  2C)  —  2(jlC  ==  0 

À  (A  —  2C)  +  2(xA=:N3 
d'où  il  est  facile  de  tirer  A  et  C.  On  trouve  pour  A  : 


■  "^  dz 


:0 


A  = 


-N. 


(x(3X  +  2{x) 
et,  si  Ton  se  rapporte  aux  valeurs  de  À  et  de  (j.,  on  re- 

1  - 

trouve  A  =  TT.  On  peut  de  même  exprimer  C  le  coefficient 

de  contraction  transversale  ainsi  que  6  la  dilatation  cu- 
bique à  l'aide  de  X  et  de  [j..  On  trouve  poi^r  6  la  valeur 
.    -     ,       1  " 

3X  -h  2(x*  ^ 
2<^  Solide  pressé  uniformément  sur  toute  sa  surface. 
Dans  ce  cas,  tous  les  termes  tels  que  T^  sont  nuls;  d'autre 
part  on  a  Nj  =:  Ng  =  N3  =  —  P  la  pression  exercée,  chan- 
gée de  signe.  Le  corps  se  contracte  en  restait  semblable  à 
lui-même.  Ou  a  e  =  e'  =  s''^  =  C.  d'où  0  =3  C 
Onadonc— Pzz:(3X-4-2a)C 

C 
Par  conséquent,  la  contraction  linéaire  — ^  est  égale 


il 


3X  -H  2{i.' 


et  la  contraction  cubique 


—  P 

A 

— P  est  égale 


3X- 


-,  c.-à-d.  d'après  le  cas  précédent,  au  triple  de 


la  variation  de  volume  d'une  verge  tirée  longitudinale- 
nient.  V.  aux  mots  Flexion,  Torsion,  d'autres  applications 
des  mêmes  formules.  A.  Joannis. 

IL  Mathématioues.  —  Equations  générales  de  V élas- 
ticité. La  recherche  des  équations  générales  de  l'équilibre 
d'élasticité,  très  simple  dans  le  cas  des  corps  isotropes, 
devient  plus  compliquée  quand  l'isotropie  n'a  pas  lieu, 
c.-à-d.  quand  les  diverses  directions  issues  d'un  même 
point  du  corps  solide  cessent  d'avoir  des  propriétés  iden- 
tiques. Les  résultats  fournis  par  la  considération  du  paral- 
lélépipède et  du  tétraèdre  élémentaires  subsistent  sans 
modification  ;  mais  on  ne  voit  pas  immédiatement  comment 
les  forces  élastiques  sont  liées  aux  déplacements  molé- 
culaires. Tout  ce  qu'on  peut  affirmer,  c'est  que  les  forces 
dépendent  en  chaque  point  de  la  déformation  subie  par  le 
milieu  :  la  première  chose  à  faire  est  donc  d'étudier  cette 
déformation.  Soient  u.v^w  les  composantes  rectangulaires 
duim  petit  déplacement  subi  par  un  point  M  ayant  pour 
coordonnées  avant  le  déplacement  les  quantités  x,  y,  %, 
Supposons  ce  point  très  voisin  d'un  autre  point  Mo,  de 
coordonnées  Xq,  y^,  %q,  soient  Wq»  ^0»  ^0  l^s  valeurs  de 
w,  v^  w  au  point  Mq,  et  Ç,  t],  ^  les  différences  x  —  x^, 
y—yQi  z  —  Z(^.  Ces  différesnces  étant  très  petites,  on  peut 
représenter  w,  t;,  w  par  les  formules  linéaires  : 

w  =:  Wo  4-  «?  +  a'ri  +  a'X, 

W  =  ^(3+  CÇ  +  Cri  +  c'% 
où  les  a,  les  h\  les  c  désignent  les  valeurs  que  prennent 
en  Mo  les  dérivées  partielles  de  u,  v,  w  relatives  à  x,  y^  z. 
Comme  les  déplacements  sont  supposés  très  petits  et  varient, 
d'un  point  à  un  autre,  d'une  manière  continue,  ces  déri- 
vées partielles  sont  elles-mêmes  très  petites.  Après  la 
déformation,  les  projections  de  MqM  sur  les  trois  axes 
prennent  de  nouvelles  valeurs  ^',  r]^,  "Ç^,  et  l'on  a  évidem- 
ment : 

?'  =  ?  +  (2^  -  u,)  =:  (1  +  a)  Ç  +  a'r)  4-  a'% 
r{  =:  r]  +  (y  -  v,^  ^h\-\-{\  -+-  y)r]  +  h'X, 
^^=:(:  +  (w^-H;o)  =  cÇ  +  C^r]  +  (i+0^- 
Il  serait  aisé  de  conclure  de  là  qu'une  sphère  infiniment 
petite  se  transforme  en  ellipsoïde  et  qu'il  existe  toujours, 
en  chaque  point,  trois  directions  rectangulaires  dont  la 
déformation  n'altère  pas  l'orthogonalité.  Mais  ce  qui  importe 
pour  notre  objet,  c'est  de  déterminer  la  déformation  subie 
par  un  petit  parallélépipède  dont  les.  côtés  sont  primitive- 
ment parallèles  aux  axes.  A  cet  effet,  soient  a,  p,  y  les 
longueurs  initiales  des  arêtes.  Pour  avoir  la  variation  de  a, 
il  suffit  de  faire,  dans  les  formules  qui  précèdent  :  Ç  =  a, 
r^  =  0  et  C  =  0.  En  désignant  par  a^  la  valeur  finale  de  a, 
c.-à-d.'  la  quantité  VFM-^TM-^^,  et  négligeant  les 
carrés  et  les  produits  deux  à  deux  des  coefficients  a,  ^,  c, 
on  trouve  :  a^  1=  a  /l  +  2a  =:  a(i  +  a).  La  dilatation 

relative ,  parallèlement  à  l'axe  des  x ,  est  donc 

mesurée  par, a,  c.-à-d.  par  -7-.  On  verrait  de  même  que 

T  et  -7-  sont  les  dilatations  relatives  des  deux  autres 
dy      dz 

côtés.  Cherchons  maintenant  ce  que  devient  un  angle  du 

parallélépipède,  par  exemple  celui  des  côtés  a  et  p.  Après 

la  déformation,  les  cosinus  directeurs  du  côté  a,  devenu  a^, 


sont  égaux  à  (1  +  a) 


et  c 


devenu  j3',  sont  égaux  à  a  p,  (1  +  h' 


Ceux  du  côté  p, 

p 
p' 

ces  côtés  a 


etc' 


Le 


cosinus  de  l'angle  y^  —  w  )  compris  entre 

donc  pour  valeur,  au  degré  d'approximation  déjà  adopté  : 

^  {a!  -H  ^))  ou  simplement  :  {a!  '\-h).  On  tire  de  là  en 


ÉLASTICITÉ  -  ÉLASTIQUE  -  730  - 

substituant  Tangle  très  petit  w  à  son  sinus  :  w  —  a'4-  ^ 

l'un  des  andes 


^àM      cb^  Telle  est  la  diminution 

dy       dx 

du  parallélépipède,  diminution  que  l'on  appelle  le  glisse- 
ment. Les  variations  des  autres  angles  s'évaluent  de  la 
même  manière. 

Tout  cela  est  de  la  pure  géométrie.  Pour  aller  plus  loin, 
on  suppose  que  chacune  des  six  forces  N^,  N2,  N3,  T^,  T2,  T3 
dépend  uniquement  des  trois  dilatations  et  des  trois  glisse- 
ments; on  imagine  que  les  fonctions  qui  représentent  ces 
forces  soient  développées  en  séries  suivant  les  puissances 
croissantes  des  dilatations  et  des  glissements,  séries  qui  ne 
peuvent  renfermer  de  termes  constants,  puisque  les  forces 
s'annulent  nécessairement  avec  les  déformations  qu'elles 
font  naître,  et  enfin  on  admet  que  les  termes  du  premier 
degré  ne  disparaissent  pas  identiquement,  ce  qui  permet  de 
négliger  les  termes  de  degré  supérieur.  Ceci  revient  à  dire 
que  les  forces  élastiques  varient  proportionnellement  aux 
petites  déformations  :  hypothèse  qui  est  d'accord  avec  les 
résultats  de  l'expérience.  Dans  ces  conditions,  chacune  des 
forces  élastiques  est  représentée  par  une  expression  linéaire 
de  la  forme  : 

{dv    .    dw^ 
dz 


A  ^ 

dy^ 


^e(: 


dy 


dw       du 
dx        dz. 


expression  qui  renferme  six  coefficients,  et^  comme  il  y  a 
six  forces  distinctes,  on  voit  que  les  formules  renferment 
en  tout  trente-six  coefficients.  Quand  le  corps  est  homo- 
gène, ces  coefficients  sont  constants,  c.-à-d.  qu'ils  sont 
les  mêmes  pour  tous  les  points  du  corps  ;  mais  ils  peuvent 
varier  avec  la  position  du  corps  par  rapport  aux  axes  de 
coordonnées.  Green  a  remarqué  que  les  trente-six  coeffi- 
cients ne  doivent  pas  être  indépendants,  sans  quoi  une 
suite  de  déformations  partant  de  l'état  naturel  du  corps 
pour  y  revenir  serait  accompagnée  d'un  travail  total  des 
forces  élastiques  différent  de  zéro,  et  le  principe  de  conser- 
vation de  l'énergie  ne  serait  pas  respecté.  Il  est  aisé  de 
trouver  les  équations  qui  relient  entre  eux  les  coefficients. 
Quand  le  parallélépipède  élémentaire  passe  d'une  défor- 
mation (w,  v^  w)  à  une  déformation  infiniment  voisine 
(u  -^-du,v-\-  dv,  w  +  dw),  le  travail  intérieur  des  forces 
élastiques  est  égal  au  volume  de  ce  parallélépipède  multi- 
plié par  l'expression  : 

+v(S+î)+v(|^*). 

Cette  expression  doit,  pour  la  conservation  de  l'énergie, 
être  la  différentielle  exacte  d'une   certaine  fonction  des 
dilatations  et  des  glissements.  En  écrivant  qu'il  en  est 
ainsi,  on  obtient  quinze  conditions  telles  que  ; 
dN^  _      dT^ 


,  /dv      dw\        ,  {^\ 
\dz       dy)  \dx/ 


etc., 


et  le  nombre  des  coefficients  réellement  indépendants  se 
trouve  ainsi  réduit  à  vingt  et  un.  Quand  le  corps  possède  en 
chaque  point  un  plan  de  symétrie  moléculaire,  ces  vingt  et 
un  coefficients  se  réduisent  à  treize.  Avec  deux  plans  de 
symétrie  rectangulaires  (qui  entraînent  l'existence  d'un 
troisième),  il  ne  reste  que  neuf  coefficients  indépendants. 
Avec  un  axe  d'isotropie,  il  n'y  en  a  plus  que  cinq.  Enfin 
quand  le  corps  est  isotrope,  on  trouve  seulement  deux 
coefficients.  Dans  l'hypothèse  où  le  corps  serait  composé 
de  molécules  sans  contact,  et  où  deux  molécules  s'attire- 
raient avec  une  force  fonction  de  leur  seule  distance, 
dirigée  suivant  leur  ligne  de  jonction,  le  nombre  des  coeffi- 
cients se  réduit  à  quinze,  au  lieu  de  vingt  et  un,  dans  le 
Cas  général  et  à  un  seul  (X  —  ix)  pour  le  cas  de  l'isotropie. 


Après  avoir  obtenu  les  forces  élastiques  exprimées  en 
fonction  des  déplacements,  il  ne  reste  plus  qu'à  porter  leurs 
valeurs  dans  les  trois  équations  d'équilibre  du  parallélépi- 
pède élémentaire  pour  avoir  les  équations  générales  de 
l'équilibre  d'élasticité.  On  trouve  ainsi  trois  équations  aux 
dérivées  partielles  du  second  ordre  dont  les  inconnues  sont 
les  composantes  w,  i',  iv  du  déplacement.  Les  conditions 
relatives  à  la  surface  sont  fournies  par  l'équilibre  du 
tétraèdre  élémentaire.  On  parvient  avec  la  même  facilité 
aux  équations  des  petits  mouvements  (vibrations)  d'un  corps 
solide  :  il  suffit  pour  cela  de  joindre  aux  forces  directe- 
ment appliquées  en  chaque  point  la  force  d'inertie  dont  les 
d^u  d^v  dhv      j,  . 

composantes  sont  —  p  -77-,  —  ^"TT"»  —  P~7r'  ^    ^^^" 

gnant  la  densité  au  point  considéré.  L.  Lecofinu. 

BiBL.  :  Physique.  —  Lamé,  Théorie  de  Vélasticité.  — 
Sarrau,  Notions  sur  la  théorie  de  Vélasticité.  —  Violle, 
Cours  de  Physique,  I,  367. 

Mathématiques.  —  Clebsch,  Traité  de  l'élasticité^  trad. 
par  Saint- Venant.—  Emile  Mathieu,  Théorie  de  Vélasticité 
des  corps  solides. 

ÉLASTIQUE.  I.  Mathématiques.  —  Courbe  élas- 
tique.— 1°  Élastique  plane.  La  courbe  élastique  la  plus 
simple  est  la  forme  d'équilibre  que  prend  une  lame  mince 
homogène,  flexible  parallèlement  à  un  plan  et  primitive- 
ment rectiligne,  lorsqu'une  extrémité  est  encastrée  à 
demeure  tandis  que  l'autre  est  sollicitée  par  une  force 
donnée.  D'après  les  lois  connues  de  la  flexion,  la  cour- 
bure en  chaque  point  est  proportionnelle  au  moment  de  la 
for(îe  par  rapport  à  ce  point.  Si  donc  on  prend  pour  axe 
des  y  la  ligne  d'action  de  la  force,  pour  axe  des  x  une 
perpendiculaire,  et  si  l'on  appelle  a^  une  constante,  on  a 
pour  équation  différentielle  de  la  courbe  : 
y''        __  1x 

d'oii*  en  désignant  par  b  une  autre  constante  : 

Résolvant  par  rapport  à  y^  et  intégrant  encore  une  fois, 
on  trouve  : 

^x 


y- 


(x^-^b'^)dx 


La  constante  d'intégration  est  nulle  pourvu  que  l'axe  des  x 
rencontre  la  courbe  au  point  dont  l'abscisse  est  égale  à  b. 
Comme  la  valeur  x=ib  annule  y\  on  voit  que  ce  point 
est  celui  pour  lequel  la  tangente  est  perpendiculaire  à  la 
force.  D'après  cela,  quand  l'encastrement  est  lui-même 
perpendiculaire  à  la  force,  l'axe  de  x  passe  par  l'extrémité 
encastrée.  On  vient  de  voir  que  la  valeur  de  y  en  fonction 
de  X  est  donnée  par  une  intégrale  elliptique.  L'arc  5,  me- 
suré à  partir  de  l'origine,  est  représenté  par  l'intégrale 
elliptique  plus  simple  : 

^-^     j      ^a^^{x;^-^bY 

Si  l'encastrement  est  perpendiculaire  à  laforceiOn  a,  pour 
la  longueur  totale  de  la  lame  ; 


Jrb 
'  dx 

0 


Cette  relation  détermine  le  paramètre  b.  La  courbe  élastique 
est  également  la  forme  d'équilibre  d'un  fil  dont  les  extré- 
mités sont  attachées  à  deux  points  fixes  A,  B  situés  sur  une 
horizontale  et  dont  les  éléments  sont  soumis  à  des  pres- 
sions normales  proportionnelles  à  leurs  distances  verticales 
à  la  droite  AB,  Cette  même  courbe  est,  parmi  toutes  celles 


^  731 

d'une  longueur  donnée  passant  par  deux  points  donnés, 
celle  qui,  en  tournant  autour  d'une  droite  du  plan,  engendre 
la  surface  de  révolution  enveloppant  le  solide  minimum.  On 
peut, sans  changer  notablement  les  résultats  qui  précèdent, 
adjoindre  à  la  force  unique  qui  sollicite  la  lame  élastique 
un  couple  assujetti  seulement  à  agir  dans  le  plan  de 
flexion.  L'influence  de  ce  couple  se  traduit  par  un  simple 
déplacement  de  l'origine  sur  l'axe  des  x,  MM.  Maurice  Lévy 
et  Halphen  ont  étudié  le  cas  plus  général  de  la  courbe 
élastique  plane  produite  sous  l'action  d'un  nombre  quel- 
conque de  forces  et  de  couples  et  même  avec  intervention 
d'une  pression  normale  uniforme. 

2°  Elastique  gauche.  Figure  d'équilibre  d'une  tige  pri- 
mitivement cylindrique  et  de  petite  section,  subissant  à  ses 
deux  extrémités  l'action  de  forces  quelconques.  Kirckoff"  a 
montré  que  la  détermination  de  cette  courbe  dépend  des 
mêmes  équations  que  celles  du  mouvement  d'un  corps  grave 
autour  d'un  point  fixe.  L'élastique  gauche  peut  être  placée 
sur  un  cylindre  à  base  d'herpolodie. 

3°  Par  extension,  on  a  donné  quelquefois  le  nom  d'élas- 
tique à  la  fibre  moyenne  d'une  poutre  quelconque  déformée 
sous  l'influence  d'un  nombre  quelconque  de  forces. 

L.  Lecornu. 

IL  Anatomie.  —  Tissu  élastique.  —  Le  tissu  élas- 
tique, qui  joue  un  rôle  fort  important  dans  la  mécanique 
animale,  constitue  presque  tout  entier  les  ligaments  jaunes 
des  vertèbres  et  la  tunique  moyenne  des  grosses  artères.  Il 
est  constitué  par  des  fibres,  fibres  élastiques^  fines  et 
déliées^  à  contour  net  et  foncé,  très  réfringentes  et  remar- 
quables par  leur  résistance  à  l'action  des  acides  et  des 
alcalis.  C'est  ainsi  qu'elles  ne  sont  altérées  ni  par  l'eau 
chaude,  ni  par  l'acide  acétique,  ce  qui  permet  de  bien  les 
difi'érencier  au  milieu  des  fibres  conneclives  qu'elles  accom- 
pagnent dans  le  tissu  conjonctif.  —  Ces  fibres  sont  d'une 
épaisseur  variable,  de  1  à  10  (x;  on  les  trouve  isolées  et 
anastomosées  entre  les  faisceaux  du  tissu  conjonctif,  géné- 
ralement rectilignes  quand  elles  ne  sont  pas  cassées,  con- 
tournées sur  eUes-mêmes  lorsqu'elles  sont  brisées  ;  ou  bien 
elles  se  disposent  en  réseaux  plus  ou  moins  fins,  à  mailles 
plus  ou  moins  larges.  Les  réseaux  élastiques  à  mailles 
étroites  et  à  grosses  fibres  se  rapprochent  des  membranes 
élastiques  qui  sont  tantôt  homogènes,  comme  les  membranes 
de  Descemet  et  de  Bowman  de  la  cornée;  tantôt  finement 
striées  et  percées  d'un  grand  nombre  de  trous  comme  dans 
les  membranes  fenêtrées  des  artères.  —  De  fait,  ces  mem- 
branes élastiques,  que  l'on  trouve  dans  les  artères,  sont  très 
probablement  formées  par  la  fusion  des  fibres  élastiques. 
te  sont  elles  aussi  qui  constituent  les  gaines  amorphes,  qui 
revêtent  certains  faisceaux  conjonctifs  du  tissu  cellulaire 
sous-cutané  ou  sous-arachnoïdien  ou  les  faisceaux  tendineux. 
Ce  sont  elles  encore  qui  constituent  les  réseaux  élastiques 
des  lobules  pulmonaires,  le  ligament  de  la  nuque  des  grands 
herbivores  et  les  ligaments  jaunes  des  vertèbres,  des 
fibro-cartilages  réticulés,  de  l'endocarde  et  des  valvules  du 
cœur.  Le  tissu  élastique  est  constitué  par  une  substance  chi- 
miquement diftérente  de  celle  du  tissu  conjonctif.  Cette 
substance,  qui  ne  se  résout  pas  en  gélatine  par  la  coction, 
c'est  Vélasticine.  Les  fibres  élastiques  proviennent  d'élé- 
ments ceUulaires.  A  l'état  embryonnaire,  elles  sont  nu- 
cléées,  ce  qui  prouve  bien  leur  origine.  A  cet  état,  on  les 
appelle  quelquefois  fibres  nucléées  de  Henle  ou  fibres 
de  noyaux.  Cependant,  d'après  H.  Millier,  qui  a  fait  ses 
observations  sur  les  cartilages  élastiques  du  larynx  et  d'après 
Ranvier,  qui  a  fait  les  siennes  sur  la  gaine  lamelleuse  des 
nerfs,  il  paraît  bien  probable  que  les  fibres  élastiques  ré- 
sultent de  grains  qui  apparaissent  dans  la  substance  hya- 
line fondamentale  et  se  soudent  en  ligne.  Ch.  Debierre. 

BiBL.  :  Mathématiques.  —  Halphen,  Traité  des  fonc- 
tions elliptiques  et  de  leurs  applications  ;  Paris,  1888,  t.  II. 

ÉLATÉE  (Géogr.  anc).  Ville  de  l'ancienne  Grèce,  la 
plus  importante  de  la  Phocide,  dans  la  vallée  supérieure 
du  Céphise,  à  6  kil.  au  N.  de  cette  rivière,  au  pied  du 
mont  Knémis,  Les  ruines  de  cette  ville  se  reconnaissent 


ÉLASTIQUE  -  ELATËR 

près  du  village  moderne  de  Lefta.  Elle  était  située  dans  une 
plaine  fertile,  mais  dut  surtout  son  importance  à  sa  position 
stratégique  au  débouché  du  défilé  qui  menait  de  Locride 
en  Phocide,  sur  la  route  d'accès  de  la  Grèce  septentrionale 
à  la  Béotie.  Elle  fut  brûlée  par  Xerxès.  A  la  fin  de  la 
seconde  guerre  sacrée,  ses  remparts  furent  abattus  comme 
ceux  des  autres  villes  de  Phocide.  Il  fut  donc  aisé  au  roi 
Philippe  de  Macédoine  de  s'y  établir  en  338  lorsqu'il  fut 
appelé  par  les  amphictions.  La  nouvelle  de  l'occupation 
d'Elatée  décida  les  Athéniens  à  s'allier  aux  Thébains  pour 
la  résistance  qui  fut  brisée  à  Chéronée.  Plus  tard,  Elatée 
fut  pillée  par  les  Romains  (198),  mais,  leur  ayant  rendu 
le  grand  service  d'arrêter  l'armée  de  Mithridate,  dont  le 
chef  Taxile  l'assiégea  vainement,  elle  reçut  la  qualité  de 
ville  libre.  Pausanias  la  visita  et  mentionne  son  théâtre, 
son  marché  et  le  temple  d'Asklépios;  à  5  kil.  de  la  ville 
était  le  temple  dorique  d'Athéna  Krangea  (33  m.  de  long, 
4 3 "^6  de  large).  L'école  française  d'Athènes  a  fouillé  les 
ruines  d'Elatée  (depuis  1883).  Elle  a  étudié  le  temple 
d'Athéna  Kransea,  et  M.  Diehl  a  retrouvé  la  j)ierre  de 
Cana,  apportée  de  Palestine  à  Byzance  au  vu®  siècle  et  de 
là  à  Elatée  au  xm®  siècle  par  un  comte  franc. 

ELATEAS  (Mont).  Montagne  de  Grèce  (1,410  m*), 
l'ancien  Cithœron. 

ELATER.  1.  Entomologie.  —  Genre  de  Coléoptères  qui 
a  donné  son  nom  à  la  famille  des  Elatérides.  Cette  famille^ 
placée  près  desBuprestidesetdesEucnémides  (V.  Bupreste 
et  EucNEMis),  est  caractérisée  surtout  par  la  conformation 
du  prosternum,  qui  forme  le  plus  ordinairement,  en  avant^ 
une  mentonnière  recouvrant  plus  ou  moins  les  organes 
buccaux  et  se  termine  en  arrière  par  une  pointe  aiguë, 
comprimée,  pouvant  pénétrer  librement  dans  une  cavité 
antérieure  du  mésosternum.  C'est  par  suite  de  cette  dispo- 
sition particulière  du  prosternum  que  les  Elatérides  ont  là 
facuhé,  quand  ils  sont  placés  sur  le  dos,  d'exécuter  des 
sauts  parfois  assez  élevés,  d'où  leurs  noms  vulgaires  de 
Taupins,  Toque-maillet,  Marteaux,  Maréchaux,  Forgerons, 
Sautriots,  Scarabées  à  ressort,  etc.  —  Les  Elatérides  ont 
été  étudiés  monographiquement  par  le  D''  Candèze  (Mém» 
de  la  Soc.  roij.  des  sciences  de  Liège,  t.  XII  et  XIV).  Ils 
ont  le  plus  ordinairement  le  corps  allongé,  parallèle,  peu 


Elater  sanguineus  L.  Vu  sur  le  dos  au  moment  où  il  satite 
(très  grossi). 


convexe,  rarement  métallique,  les  antennes  de  onze  articles^ 
plus  ou  moins  dentées  en  scie  intérieurement  et  même  pec- 
tinées,  les  pattes  courtes,  terminées  par  des  tarses  de  cinq 
articles.  Plusieurs  sont  phosphorescents  (V.  Pyrophore)^ 
Leurs  larves,  qui  rappellent  les  Vers  de  la  farine  (V.  Tènë- 
BRio),  sont  vermiformes,  cyhndriques,  hexapodes  et  complè- 
tement recouvertes  d'une  cuirasse  chitineuse  luisante.  Elles 
vivent  dans  les  arbres  et  dans  les  tiges  ou  les  racines  de 
diverses  plantes.  Les  insectes  parfaits  se  trouvent  sur  les 
troncs  d'arbres  ou  sur  les  fleurs,  souvent  aussi  soUS  les 
pierres.  La  famille  a  des  représentants  dans  presque  toutes 
les  régions  du  globe.  Le  genre  Elater  L.  compte,  en  Europe, 
une  trentaine  d'espèces  presque  toutes  d'un  beau  noir  avec 
les  élytres  d'un  rouge  vif.  L'£.  sanguineus  L.  est  commua 
dans  les  Landes  sous  les  écorces  de  Pins.        Ed.'  Lef. 

IL  Paléontologie.  —  La  famille  des  laupins  {Elate- 
ridœ)  est  déjà  représentée  dans  le  lias  (à  Schambelen), 
par  des  formes  nombreuses  dont  quelques-unes  ont  con- 
servé la  coloration  de  leurs  élytres.  Dans  le  tertiaire  on 
en  trouve  abondamment  à  OÉningen,  dans  l'ambre,  aii 
Spitzberg  et  à  Florissant.  Aucune  n'est  de  grande  taille. 


ÉLATÈRE  —  ELBE 


—  732  — 


ÉLATÈRE  (Bot.).  Les  élatères  sont,  dans  la  famille  des 
Hépatiques  (V.  ce  mot),  des  petits  tubes  résultant  chacun 
d'une  cellule  découpée  en  spirale  et  susceptiblede  se  dérouler 
avec  élasticité  lorsque  le  fruit  est  mûr  et  de  déterminer 
ainsi  la  déhiscence  des  valves  de  la  capsule  et  la  projection 
des  spores  au  dehors.  On  rencontre  une  disposition  analogue 
chez  les  Eguisetum  dont  les  spores  sont  munis  de  petits 
appendices  fiUformes,  hygrométriques,  jouant  le  rôle  des 
élatères.  D'  L.  Hn. 

ÉLATÉRINE.  L  Chimie.—  Principe  cristallisahle retiré 
parZwengerdu  concombre  sauvage,  Momordica  elaterium 
(Cucurbitacées).  On  prépare  avec  le  suc  du  concombre  un 
extrait   aqueux,  Y  elaterium  (V.  ce  mot). 
IL  Thérapeutique  (V.  Ecballium). 
ÉLATÉRITE  (V.  Bitume). 
ELATERIUM  (V.  Ecballium). 
EL-ATEUF.  Ville  d'Algérie,  de  la  confédération  du 
M'zab,  à  190  kil.  S.-E.  de  Laghouat;  1,750  hab.  dont 
80  nègres.  Elle  s'élève  en  partie  en  plaine,  en  partie  sur 
le  flanc  d'une  colline  sur  la  rive  droite  de  l'oued  el-Ateuf, 
affluent  de  l'oued  M'zab.  La  ville  a  un  aspect  moins  pitto- 
resque et  moins  propre  que  les  autres  cités  voisines  ;  elle 
paraît  de  loin  presque  noire  ;  ses  murailles  très  vieilles  sont 
délabrées  et  bon  nombre  de  maisons  sont  en  ruine.  Il  y  a 
deux  mosquées,  signe  des  anciennes  luttes  des  partis,  et 
trois  puits.  Les  habitants  sont  pauvres  et  détestent  les 
gens  de  Ghardaïa,  parce  que,  disent-ils,  c'est  au  mépris 
des  droits  de  leur  ville,  une  des  plus  anciennes  de  la  con- 
fédération, que  Ghardaïa  s'est  établie  en  amont  sur  l'oued 
M'zab  et  a  accaparé  les  eaux  qui  y  coulent  temporairement. 
Dans  l'oasis,  au  pied  de  la  ville,  il  y  a  343  puits  en  acti- 
vité et  90  morts,  c.-à-d.  à  demi  comblés.  11  y  a  16,483 
palmiers  en  pleine  production,  E.  Cat. 

ELATHjChez  les  Grecs  Elana,  Ville  de  l'Idumée,  située 
à  l'extrémité  N.  du  golfe  dit  Elanitique  dans  la  mer  Rouge. 
Elle  était  siège  d'un  port,  mentionné  dans  la  Bible  à  plu- 
sieurs reprises  à  partir  de  l'époque  de  Salomon,  et  con- 
serva son  importance  jusque  dans  les  premiers  siècles  de 
l'ère  chrétienne.  Il  n'en  subsiste  aujourd'hui  que  quelques 
ruines,  près  de  la  localité  d'Akaba. 

ÉLATIDES  (Elatides  Heer)  (Paléont.).  Genre  d'Abiéti- 
nées  fossiles,  présentant  quelques  affinités  avec  les  Picea. 
Le  strobile  est  ovoïde  ou  cylindrique. Heer  ^émtVE.ovalis 
et  VE.  Brandliana,  tous  deux  de  l'oolithe  d'Ust-Balei 
(Spilzberg).  D'  L.  Hn. 

BiBL.  :  Heer,  Beitr.  z.  foss.  Flora  Spitzbergens,  p.  45  ; 
Beitr.  z.  Jura-Flora  Ostsibiriens,  etc.,  p.  76. 

ÉLATINACÉES  (Elatinaceœ hmàl)  (Bot.).  Famille  de 
Végétaux  Dicotylédones,  voisine  des  Caryophyllacées  dont 
elle  diffère  par  l'ovaire  partagé  en  plusieurs  loges  persis- 
tantes et  par  les  graines  dépourvues  d'albumen.  Elle  a 
également  de  grands  rapports  avec  les  Lythrariacées,  mais 
elle  s'en  distingue  nettement  par  l'hypogynie  de  la  corolle 
et  des  étamines.  Ses  représentants  sont  des  plantes  her- 
bacées ou  suffrutescentes,  à  feuilles  opposées  ou  verticillées 
et  accompagnées  de  deux  stipules.  Les  fleurs,  peu  visibles, 
sont  hermaphrodites  et  régulières,  avec  un  périanthe  double, 
à  trois  ou  quatre  parties  et  des  étamines  hypogynes,  en 
nombre  égal  ou  double  de  celui  des  divisions  du  périanthe. 
L'ovaire,  libre,  est  partagé  en  trois  ou  quatre  loges  et  dans 
l'angle  interne  de  chaque  loge  s'insèrent  un  grand  nombre 
d'ovules  anatropes.  Il  devient  à  la  maturité  une  capsule 
septtcide,  renfermant  de  nombreuses  graines  à  embryon  dé- 
pourvu d'albumen.  —Les  Elatinacées  comprennent  seulement 
les  deux  genres  Elatine  L.  etBergia  L.  Ce  dernier  compte 
une  quinzaine  d'espèces  des  régions  chaudes  du  globe.  La 
plus  importante  est  la  B.  ammanioides  Roth,  que  les 
Tamouls  appellent  Neer-mel-neripoo,  c.-à-d.  Feu  d'eau, 
à  cause  de  son  âcreté.  Quant  au  genre  Elatine,  ses  repré- 
sentants sont  des  herbes  aquatiques  et  rampantes,  répandues 
dans  les  régions  tempérées  des  deux  mondes.  VE.  paludosa 
Seub.  et  VE,  alsinastrum  L.  se  trouvent  en  France  sur 
les  bords  des  étangs  sablonneux  et  des  mares  tourbeuses. 


VE.  hydropiper  L.,  au  contraire,  est  assez  répandu  en 
Allemagne.  Ces  espèces  étaient  préconisées  jadis  comme 
dépuratives.  Ed.  Lef. 

ELATO.  Groupe  d'îles  des  Carolines,  dans  l'archipel  cen- 
tral ;  découvert  par  Wilson  en  1797  ;  300  hab. 

ELAVÉRIA  (Paléont.).  Ce  genre  se  distingue  des  Palœo- 
niscus  en  ce  que  la  pointe  inférieure  du  préopercule  n'ar- 
rive pas  au  contact  des  rayons  branchiostèges  ;  toutes  les 
nageoires  sont  garnies  de  grosfulcres;  la  caudale  est  fai- 
blement hétérocerque.Deux  es[)èces,£.  Gaudryi,  E.  Fayoli, 
ont  été  trouvées  dans  le  terrain  houiller  supérieur  de  Com- 
mentry.  Les.  Elaveria  sont  des  Poissons  Ganoïdes. 

BiBL.  :  E.  Sauvage,  les  Ganoïdes  du  terrain  houiller  de 
Commentry,  dans  Bull.  Soc.  géol.  /r.,  1889,  t.  XVII,  p.  184; 
EL  BARKAT  (V.  Barakat). 

EL  BARQUITO.VilleduNicaragua,prèsderembouchure 
d'une  petite  rivière,  à  18  kil.  0.  de  Léon  ;  c'est  une  gare 
de  transit  entre  le  port  de  Corinto  et  l'intérieur  du  pays. 
ELBASSAN.  Ville  d'Albanie,  vilayet  de  Scutari,  sur  la 
rive  droite  du  Skoumbi,  dans  une  plaine  entourée  de  mon- 
tagnes ;110,000  hab.  environ.  Evêché  grec.  Autrefois  Alba- 
non.  Des  plantations  d'oliviers  font  la  richesse  du  pays. 

ELBE  (tchèque  La^^,  latin  i/Ms).  Fleuve  de  Bohême  et 
d'Allemagne,  qui  se  jette  dans  la  mer  du  Nord.  C'estl'undes 
fleuves  les  plus  importants  de  l'Europe  centrale.  Son  bas- 
sin embrasse  143,327  kil.  q.dont  96,300  en  Allemagne  et 
plus  de  47,000  en  Autriche.  Son  cours  est  d'environ 
1,165  kil. 

Le  bassin  et  le  cours  du  fleuve  comprennent  deux  par- 
ties bien  distinctes  :  la  partie  supérieure  ou  bohème  et  la 
partie  inférieure  ou  allemande.  La  ceinture  du  premier  bas- 
sin est  formée  par  les  monts  du  quadrilatère  de  Bohème, 
Riesengebirge,  monts  de  Lusace,  monts  Sudètes,  monts 
de  Moravie,  de  Bohême,  Fichtelgebirge  et  de  plus^au  N. 
l'Erzgebirge  qui  le  sépare  du  bassin  inférieur  de  l'Elbe  ; 
celui-ci,  où  le  fleuve  pénètre  par  le  défilé  du  Winterberg 
ou  de  Schandau,  n'a  de  limites  orographiques  bien  accen- 
tuées qu'à  PO.  vers  le  Frankenwald,  le  Thuringerwald,  les 
plateaux  de  Hainich  et  de  l'Eichsfeld  et  le  Harz  (V.  Alle- 
magne et  Prusse,  §  Géographie  physique).  L'Elbe  prend 
sa  source  en  Bohême,  sur  le  versant  occidental  du  Riesen- 
gebirge (monts  des  Géants)  à  la  frontière  de  la  Silésie.  H 
est  formé  par  la  jonction  d'un  grand  nombre  de  ruisseaux 
qui  découlent  de  ces  montagnes,  entre  le  Schneekoppe  et  le 
Grossen-Rad.  Deux  de  ces  ruisseaux  sont  envisagés  comme 
sources  principales  du  fleuve  :  le  Weisswasser  et  VElbsei- 
fen  ou  Elbbach.  Le  Weisswasser  naît  à  1,400  m.  d'alt. 
dans  la  Prairie-Blanche  (Weisse  Wiese),  sur  le  versant 
du  Brûnnberg,  non  loin  du  Schneekoppe,  descend  sur  un 
lit  de  granit  dans  la  vallée  du  Diable  (Teufelsgrund)  et  s'unit 
à  l'Elbbach  qui  roule  moitié  moins  d'eau  ;  celui-ci  naît  à 
15  kil.  du  Weisswasser,  sur  le  versant  méridional  du  Gros- 
sen-Rad, sur  la  prairie  de  l'Elbe  (Elbwiese),  forme  une 
cascade  de  20  m.  (Elbfall),  se  précipite  dans  la  gorge  de 
l'Elbe  (Elbgrund)  ;  le  confluent  des  deux  sources  de  l'Elbe 
est  à  680  m.  d'alt.  ;  le  fleuve  a  donc  déjà  descendu  plus 
de  la  moitié  de  sa  pente  ;  il  tourne  au  S.,  traverse  l'ali- 
gnement méridional  du  Riesengebirge,  par  des  gorges 
sauvages,  tapissées  de  conifères  et  profondément  encais- 
sées ;  à  Hohenelbe,  il  entre  dans  la  plaine (455  m.  d'alt.); 
la  pente,  qui  était  de  4  m.  pour  100,  s'adoucit.  Dès  ce 
moment,  l'Elbe  est  flottable  pour  les  trains  de  bois.  H 
s'incurve  vers  le  S.  et  le  S.-O.  pendant  75  kil.,  traversant 
le  N.-O.  de  la  Bohême  ;  il  reçoit  à  gauche  l'Aupa,  la  Me- 
tau,  l'Adler  ;  arrose  Arnau,  Jaromir,  Josephstadt,  Kœnig- 
graetz  (Kralové  Hradac).  Ses  rives  sont  basses  et  plates. 
A  Pardubitz,  la  direction  change  ;  l'Elbe  tourne  vers  l'O., 
arrose  Kolin,  Podiebrad,  Brandeis  en  amont  duquel  il  reçoit 
(à  droite)  l'Iser  venu  du  N.  ;  il  se  dirige  alors  vers  le 
N.-O.  jusque  vers  Leitmeritz  ;  il  passe  à  Kostelet  et  à  Mel- 
nik,  où  il  s'unit  à  la  Vltava  ouMoldau.  Celle-ci  est  la  véri- 
table branche  maîtresse  du  fleuve,  bien  qu'elle  ne  lui  donne 
pas  son  nom  ;  elle  roule  deux  fois  plus  d'eau,  draine  un 


^  738  — 


ELBE 


bassin-plus  que  double,. a  parcouru  75  kil.  de  plus.  C'est 
'àf^rès  ce  confluent  que  TElbe  prend  Taspect  d'un  grand 
"fleuve  ;'il  est,  désormais  navigable  ;  après  Leitmeritzet  le 
confluent  de  l'Eger,  il  rencontre  les  montagnes  de  TErz- 
gebirge,  où  il  s'engage  ;  les  rivages  sont  escarpés,  la  vallée 
étroite  ;  le  fleuve  y  décrit  des  sinuosités  ;  cette  région  est 
la  plus  pittoresque  de  son  cours  ;  elle  s'étend  de  Leitmeritz 
jusque  vers  Meissen.  L'Elbe  reçoit  à  gauche  la  Biela  à  Aiis- 
sig,  a  droite  le  Pôlzen  à  Tetschen  ;  à  Herrnskretschén,  il 
atteint  la  frontière  de  la  Bohême  et'pénètre  en  Allemagne. 
il  a  en  ce  point  430  m.  de  large.  Dès  lors,  il  adopte  la  direc- 
tion N.-O.  qu'il  conservera  jusqu'à  la  mer;  il  traverse  là  ré- 
gion accidentée  de  la  5wm^  saxonne,  décrivant  ses  courbes 
entre  les  montagnes  degrés  des  environs  dé  Scliandau;  son 
Ht  obstrué  par  les  bancs  de  rochers  et  de  sable  n'a  parfois 
que  70  céntim.  de  profondeur.  Lés  principaux  sommets  de 
ce'  district  sont  la  Bastei,  le  Lilienstein  et  le  Kœnigstein  ; 
les  plus  hauts  dominent; lé  fleuve  de  300  m.  (V.  Saxe). 
L'Elbe  arrose  Pirna,  Pilnitz,  puis  Dresde  où  il  a  216  m. 
de  large,  enfin  Meissen  où  il  entre  définitivement  dans  la 
plaine  de  l'Allemagne  du  Nord.  Dans  cette  zone  montagneuse 
de  la  Suisse  saxonne,  il  s'est  grossi  de  la  Sebnitz  et  de  la 
Wesenit^  à  droite,  de  la  Miiglitz  et  de  la  Weisseritz  à 
gauche  ;  à  Meissen  débouche  la  Triebisch. 

Dans  la  plaine  de  l'Allemagne  du  Nord,  l'Elbe  coule  du 
S.-E.  au  N.-O.  La  pente  est  encore  assez  rapide  jusqu'à 
Wittenberg  ;  il  passe  en  Prusse  à  Strehla,  arrose  Mùhl- 
berg,  Belgern,  Torgau  où  il  a  316  m.  de  large,  reçoit  a 
droite  l'Elster  noire  ;  il  contourne  alors  les  hauteurs  du 
Fleming  (V.  Brandebourg)  qui  le  repoussent  vers  l'O. 
et  suit  cette  direction  pendant  60  kil.  à  travers  le  duché 
d'Ahhalt  jusqu'à  Aken;  grossi  de  la  Mulde  (à  gauche),  il 
réprend  après  Aken  la  direction  N.-O.,  reçoit  la  Saale 
(à  gauche)  et  baigne  Magdebourg.  Sa  largeur  est  alors  de 
242  m.;  il  s'infléchit  au  N.  et  même  au  N.-N.-E.,  jusqu'au 
confluent  du  Havel.  Il  n'est  plus  dans  cette  courbe,  à  Tan- 
germunde,  qu'aune  ait.  de  32  m.  au-dessus  du  niveau  de 
la  mer  et  commence  à  former  des  îles  ;  les  rivages  qui  étaient 
encore  assez  élevés,  s'abaissent.  Après  la  Saale,  le  fleuve 
ge  grossit  :  à  droite  de  l'Ehle,  de  l'ihle,  du  canal  de  Plaue 
{qui  le  relie  au  Havel),  du  Havel,  à  gauche  de  l'Ohre.  Après 
ÀVerben  et  le  confluent  du  Havel  (22  m.  d'alt.),  l'Elbe, 
qui  a  500  m.  de  large,  reprend  sa  course  vers  le  N.-E.  entre 
les  landes  de  Lunebourg  et  le  plateau  de  Mecklem bourg  ; 
il-  passe  à  Wittenberge  (20  m.  d'alt.),  Dœmitz,  Boitzen- 
burgi  Lauenbourg  (5  m.  d'alt.),  Hambourg  (4  m.  d'alt.); 
il  reçoit  à  droite  la'  Stepenitz,  la  Loknitz,  l'Elde,  la  Bille  ; 
à  gauche  l'Aland,  la  Jeezel,rilmenau. —  En  amont  de  Ham- 
bourg, l'Elbe  commence  à  se  partager  en  plusieurs  bras  ; 
Je  principal  est  celui  du  S.  ;  dans  tout  ce  canton,  surtout 
entre  Harburg  et  Hambourg,  le  dédale  des  voies  fluviales 
et  dés  îles  est  presque  inextricable.  ABlankenese  tous  les 
bras  sont  réunis,  ie  fleuve  a  3  kil.  de  large.  Là  commence 
l'Elbe  maritime.  La  marée  remonte  plus  haut,  à  Geesthacht, 
en  amont  de  Hambourg,  à  165  kil.  de  la  mer.  La  marée 
est  de  4™8  à  Hambourg,  de  3  m.  à  Cuxhaven.  L'Elbe  ma- 
ritime a  7  kil.  de  large  à  Brùnsbultel,  15  à  Cuxhaven; 
taais  elle  est  encombrée  de  bancs  de  sable  lesquels  rétré- 
cissent fort  le  chenal  navigable.  Dans  cette  partie,  l'Elbe 
reçoit  à  droite  l'Alster  et  le  Stœr,  à  gauche  l'Oste. 
■  L'Elbe  est  la  grande  artère  fluviale  de  l'Allemagne  cen- 
tr*ale  et  pourrait  en  être  la  grande  route  commerciale;  le 
fleuve  débouche  dans  la  mer  du  Nord  par  un  vaste  estuaire 
où  le  vent  d'O.  pousse  les  navires  ;  il  a  beaucoup  d'eau, 
de  grands  affluents  se  ramifient  sur  le  tronc  principal 
(Havel  avec  ses  canaux,  Saale,  etc.)  ;  pourtant  la  navi- 
gation n'a  pas  toute  l'importance  qu'elle  pourrait  avoir, 
en  raison  des  obstacles  qui  encombrent  le  lit  du  fleuve. 
Aussi  les  Allemands  n'ont-ils  pas  encore  retiré  de  cette 
magnifique  route  fluviale  tous  les  avantages  qu'elle  leur 
offre.  D'autant  plus  que,  pendant  longtemps,  les  péages 
ont  gêné  la  navigation.  Une  convention  de  1844  fut  con- 
clue entre  les  Etats  riverains,  qui  s'engageaient  à  établir 


un  chenal  de  trois  pieds  rhénans  (0'"94)  de  Melnik  à 
Hambourg;  la  Prusse  n'a  rien  fait,  la  Saxe  et  l'Autriche 
n'ont  pas  achevé.  Les  douanes  et  péages  étaient  jadis  au 
nombre  de  trente-cinq  ;  le  plus  onéreux  était  celui  de  Stade. 
Le  congrès  de  Vienne  proclama  le  principe  de  la  naviga- 
tion fluviale;  une  commission  se  réunit  à  Dresde  en  1819 
pour  l'appliquer,  et  ses  '  décisions  furent  consignées  dans 
lés  Actes  du  21  juin  1824,'  convention  intervenue  entre 
les  riverains,  Autriche,  Saxe,  Prusse,  Anhalt,  Hanovre, 
Mècklëmbourg,  Hambourg  et  Danemark.  Tous  les  péages 
locaux  étaient -abolis  et  remplacés  par  deux  droits  uni- 
formes de  navigation,  perçus  sur  les  bateaux  et  sur  la  car- 
gaison. La  situation  fut  peu  améliorée  à  cause  du  mauvais 
vouloir  du  Hanovre  et  du  Mècklëmbourg.  L'acte  addition- 
nel du  43  avr.  4844  ne  laissa  subsister  que  la  taxe  sur 
les  marchandises.  Une  nouvelle  commission  de  re vision 
décida  en  4866  qu'il  n'y  aurait  plus  qu'un  droit  unique, 
perçu  à  Wittenberg  ;  le  péage  de  Stade  avait  été  aboli 
en  4864  et  on  avait  indemnisé  le  Hanovre.  Une  loi  du 
44  juin  4870  l'abolit  pour  la  Confédération  de  l'Allemagne 
du  Nord.  Enfin  la  commission  de  la  navigation  de  l'Elbe  a 
fait  de  nouveaux  efforts  pour  obtenir  au  moins  une  pro- 
fondeur de  0°=^84  aux  basses  eaux. 

La  navigation  de  l'Elbe  est  très  différente  selon  les  régions. 
Les  deux  principales  compagnies  sont  celle  de  la  Chaîne 
(Kette)  et  celle  de  Saxe  et' Bohême;  à  Schandau,  le  mou- 
vement fut,  en  1883,  de  17,900  bâtiments  (entre  Alle- 
magne et  Autriche),  portant  1,700,000  tonnes  de  marchan- 
dises ;  à  Magdebourg,  le  mouvement  fut  de  9,100  bâtiments 
et  de  plus  d'un  million  de  tonnes  ;  à  Hambourg,  de 
20,400  bâtiments  et  2,300,000  tonnes  (non  compris  la 
navigation  maritime,  bien  entendu).  La  flotte  de  l'Elbe 
comptait,  aul»^^ janv.  1883,  321  vapeurset  9,050  bateaux 
à  voiles,  c.-à-d.  plus  de  là  moitié  de  la  flotte  fluviale  de 
TAllemagne:  les  navires  à  voile*  ont  jusqu'à  87  m.  de  long. 

BiBL.  :  H.  von  Bose,  Allgemeine  geographische  und 
hijdrotechnische  Beschreibung  der  Elbe  mit  ifiren  Zuflûs- 
sen;  Annaberg,  1852. 

ELBE  (He  d').  —  I.  Géographie.  —  He  de  la  Méditer- 
ranée occidentale,  dans  la  mer  Tyrrhénienne;  elle  appar- 
tient à  l'Italie,  prov.  de  Livourne  (Toscane)  et  est  située 
entre  la  Corse  et  le  continent  dont  la  sépare  le  canal  de 
Piombino,  large  de  15  kil.  Elle  a  222  kil.  q.  de  superficie 
et  24,000  hab.  (en  4884).  Elle  mesure  24  kil.  de  l'E.  à 
l'O.,  9  kil.  du  N.  au  S.  Ses  côtes  ont  un  développement 
de  80  kil.  environ.  Elle  est  très  montueuse;  on  y  distingue 
trois  groupes  de  hauteurs  :  le  groupe  oriental  oti  le  monte 
Giovi  et  le  monte  Calartiita  forment  deux  presqu'îles  ;  le 
groupe  central  avec  le  monte  Orello;  le  groupe  occidental 
où  le  monte  Capanna  est  le  point  culminant  de  l'île 
(1,030  m.).  Les  côtes  sont  escarpées  et  rocheuses, décou- 
pées par  la  mer  ;  on  remarque  aîi  S.-E.  le  cap  de  la  Cala- 
mita,  au  N.-E.  celui  de  la  Vita,  dans  des  parages  redoutés 
des  marins.  L'île  a  cinq  ports  et  de  bons  mouillages  ;  les 
meilleurs  sont  ceux  de  Porto  Ferrajo,  Rio  Marina,  Porto 
Longone,  Marciana  (dans  la  baie  de  Procchio).  Elle  ren- 
ferme de  nombreuses  sources,  notamment  celle  de  Canali, 
près  de  la  baie  de  Rio.  Le  climat  est  doux  et  sain.  La 
végétation  est  celle  du  climat  méditerranéen  :  plantations 
de  vignes,  d'oHviers,  de  mûriers  ;  haies  de  cactus  et 
d'agaves.  Le  principal  produit  de  l'fle  d'Elbe  est  tiré  des 
mines ^ de  fer;  celles-ci,  qui  sont  exploitées  depuis  vingt- 
cinq  siècles,  se  trouvent  surtout  à' l'E.  vers  Rio  Marina  et 
Rio  Castella  oti  tout  le  sol  est  ferrugineux.  L'exploitation 
est  limitée  par  le  gouvernement  à  200,000  tonnes  par  an  ; 
elle  occupe  900  ouvriers,  dont  270  forçats.  Les  minerais, 
d'excellente  qualité,  sont  exportés  principalement  en  France. 
Les  mines  et  carrières  de  l'île  fournissent  aussi  du  cuivre, 
de  l'étain,  de  la  calamité,  du  plomb,  le  castor  et  le  poUux 
(silicate  d'alumine  et  d'oxyde  de  césium),  du  marbre,  du 
granit,  de  la  serpentine,  des  ardoises,  de  la  chaux,  du 
kaolin,  de  l'amiante;  des  lagunes  on  extrait  du  sel.  Sur 
les  côtes,  on  pèche  le  thon.  Le  vin,  les  fruits,  le  blé 


ELBE  —  ELBERFELD 


^  734  - 


récollés  dans  l'ile  d'Elbe  sont  de  bonne  qualité.  Les  deux 
principaux  ports,  Porto  Ferrajo  et  Porto  Longone,  bien 
fortifiés,  sont  réunis  par  une  route,  œuvre  de  Napoléon, 
qui  traverse  l'ile  en  diagonale.  Le  mouvement  commercial 
fut  en  1884  de  314,147  tonnes  (5,187  bâtiments).  —  Le 
chef-lieu  de  l'île,  qui  forme  un  cercle  à  part,  est  Porto 
Ferrajo  ;  il  y  a  trois  autres  communes,  Porto  Longone, 
Rio  et  Marciana.  On  y  rattache  les  petites  îles  voisines  de 
Pianosa,  Palmajola,  Cerboli,  Troja  et  Monte  Cristo  dont 
l'ensemble  forme  l'archipel  tyrrhénien. 

IL  Histoire.  —  Le  premier  nom  de  l'île  dans  l'antiquité 
fut  Athalia,  la  brillante,  à  cause  de  l'éclat  de  ses  mon- 
tagnes granitiques  et  ferrugineuses  ;  plus  tard,  elle  reçut  le 
nom  A'Ilva  qui  devint  Isola  d'Elva.  Les  mines  de  fer 
attirèrent  l'attention  des  Phéniciens,  auxquels  succédèrent 
les  Etrusques  ;  les  Grecs  de  Phocée  et  de  Marseille  et  les 
Carthaginois  leur  disputèrent  l'île.  Elle  passa  aux  Romains 
qui  en  exploitèrent  les  mines.  Au  moyen  âge,  l'île  d'Elbe 
appartenait  aux  Pisans  au  x^  siècle;  en  1290,  elle  fut 
conquise  par  les  Génois  ;  les  Espagnols  la  donnèrent  au 
duc  de  Soria,  prince  de  Piombino,  de  la  famille  Appiani  ; 
mais  ceux-ci  ne  la  possédaient  pas  tout  entière,  car  le 
grand-duc  de  Florence  possédait  Porto  Ferrajo  et  le  roi  de 
Naples  Porto  Longone.  En  1736,  l'île  fut  annexée  au 
royaume  de  Naples.  En  1801,  on  l'annexa  au  royaume 
d'Etrurie,  puis  à  l'Empire  français  (nov.  1803).  Elle 
forma  un  département  spécial,  puis  fut  réunie  au  dépar- 
tement de  la  Méditerranée,  puis  adjointe  au  grand-duché 
de  Toscane.  Après  la  première  abdication  de  Napoléon  P"", 
on  lui  assigna  l'île  d'Elbe  comme  principauté  en  toute 
souveraineté.  Il  y  resta  du  4  mai  1814  au  26  févr.  1815, 
établit  quelques  routes  et  fit  des  améliorations.  Les  traités 
de  Vienne  rendirent  l'île  à  la  Toscane.  Elle  passa  avec 
celle-ci  au  royaume  d'Italie.  A. -M.  B. 

BiBL.:  S.  Lombard!,  Memorie  antiche  e  moderni  deîV 
isola  del  Elba;  Florence,  1791  —  |L.  Simonin,  la  Toscane 
et  la  mer  Tyrrhénienne;  Paris,  1868,  in-18.  —  Pulle 
Monografia  agraria  del  circondario  delV  Elba;  Porto 
Ferrajo,  1879.  —  Fatichi,  Isola  d'Elba;  Florence,  1885.  — 
V.  aussi  la  carte  géolog.  de  l'île,  de  Meneghini  \  Milan,  1885. 

ELBÉE  (Maurice-Joseph-Louis  Gigost  d'),  général  ven- 
déen, né  à  Dresde  en  1752,  mort  à  Noirmoutiers  enjanv. 
1794.  Après  avoir  servi  quelque  temps  dans  l'armée  de 
l'électeur  de  Saxe,  où  son  père  tenait  un  rang  assez  élevé, 
il  passa  en  France  (sa  famille  était  originaire  du  Poitou), 
fut  nommé  lieutenant  au  régiment  Dauphin-cavalerie,  mais, 
au  bout  de  quelques  années,  se  retira  par  dépit  de  n'avoir 
pu  obtenir  une  compagnie  (1783).  Il  se  maria  et  vécut 
ensuite  obscurément  dans  son  modeste  domaine  de  la 
Loge-Vaugirault,  près  de  Beaupréau.  C'était  un  fort  petit 
gentilhomme,  dont  la  noblesse  même  ne  paraissait  pas 
tout  à  fait  prouvée,  car,  lors  des  élections  de  1789,  il  dut 
prendre  rang  dans  le  tiers  état  de  sa  paroisse.  Il  approuva, 
du  reste,  la  Révolution  à  ses  débuts  et  signa  même,  après 
la  prise  de  la  Bastille,  une  adresse  de  dévouement  à  l'As- 
semblée nationale;  mais,  quelque  temps  après,  ses  senti- 
ments religieux,  offusqués  par  la  constitution  civile  du 
clergé,  le  portèrent  à  la  réaction.  A  partir  de  1791,  il 
conspire  contre  le  nouvel  ordre  de  choses.  Il  va  voir  les 
princes  émigrés  à  Coblentz;  il  combine  en  1792  des 
soulèvements  avec  La  Rouarie  et  il  seconde  de  toute  son 
âme  les  machinations  des  prêtres  réfractaires  dans  les 
départements  de  l'Ouest. 

En  mars  1793,  la  grande  insurrection  royaliste  ayant 
éclaté  en  Anjou,  les  paysans  des  Mauges,  qui  avaient  en 
lui  grande  confiance,  lui  ofirirent  un  commandement  qu'il 
accepta  sans  enthousiasme,  parait-il,  car  à  ce  moment  il 
ne  croyait  pas  au  triomphe  de  la  révolte.  Bientôt,  cependant, 
les  bandes  indisciplinées  qu'il  séduisait  par  la  douceur  de 
son  langage,  en  même  temps  qu'il  les  maîtrisait  par  son 
ardente  piété  et  son  indomptable  bravoure,  remportèrent 
de  notables  succès,  et  d'Elbée  reprit  confiance.  Il  s'empara 
de  Vihiers  (16  avr.)  et,  peu  après,  remporta  sur  Quétineau 
une  grande  victoire  à  Thouars  (5  mai).  Battu  à  son  tour  à 


Foiitenay  (16  mai),  où  il  fut  blessé  grièvement,  il  alla  re- 
joindre l'armée  vendéenne  après  la  prise  de  Saumur 
(10  juin),  fut  un  de  ceux  qui  contribuèrent  le  plus  à  faire 
nommer  généralissime  le  paysan  Cathelineau  (sous  le  nom 
duquel  il  commanda  en  réalité),  prit  Angers  le  19  juin  et,  à 
la  suite  de  l'échec  de  Nantes,  dirigea  la  retraite  sur  Thouars 
(27-28  juin).  Cathelineau  venait  d'être  tué.  D'Elbée  fut 
élu  généralissime  à  sa  place  (19  juil.).  Mais,  outre  que 
ses  talents  militaires  n'étaient  pas  à  la  hauteur  de  son 
dévouement  et  de  sa  rare  intrépidité,  il  était  jalousé  par 
les  autres  chefs  royalistes  (qui  raillaient  quelque  peu  sa 
dévotion  et  l'appelaient  le  Père  la  Providence)  ;  il  ne  put 
jamais  obtenir  d'eux  une  exacte  obéissance.  Ses  troupes 
étaient  toujours  promptes  aux  paniques  et  aux  débandades. 
Les  forces  républicaines  prenaient,  au  contraire,  chaque 
jour,  plus  de  consistance  et  de  vigueur.  D'Elbée  subit  un 
grave  échec  à  Luçon  (19  août).  S'il  prit  en  septembre  de 
glorieuses  revanches  à  Chantonay,  Coron,  Torfou  et  Beau- 
lieu,  il  n'en  eut  pas  moins  la  douleur  de  voir  la  grande 
armée  royaliste  qu'il  commandait  subir  à  Cholet  une  irré- 
parable défaite  (17  oct.).  11  reçut  ce  jour-là  quatorze  bles- 
sures. Un  de  ses  cavaliers  l'emporta  à  ^rand'peine  jusqu'à 
Beaupréau.  De  là,  Charette  le  fit  conduire  à  Noirmoutiers. 
Mais,  quand  les  républicains,  sous  Turreau,  se  furent  em- 
parés de  cette  île  (3  janv.  1794),  l'ancien  généralissime, 
qui  était  encore  retenu  au  lit,  fut  facilement  capturé.  Tra- 
duit devant  une  commission  miHtaire,  il  fut  condamné  à 
mort.  Il  était  encore  si  faible  qu'il  ne  pouvait  se  tenir  de- 
bout. On  le  fusilla  dans  un  fauteuil.  Sa  femme,  qui  n'avait 
pas  voulu  l'abandonner,  fut  exécutée  le  lendemain. 

A.  Debidour. 
BiBL.  :  Archives  départementales  de  Maine-et-LoirCf 
série  L.  —  Aubertin,  Mémoires.  —  De  Beauchamps, 
Histoire  de  la  guerre  de  Vendée.  —  L.  Blanc,  Histoire 
de  la  Révolution.  —  Bournizeau,  Histoire  de  la  guerre  de 
Vendée.  —  Boutillier  de  Saint-André,  Méynoires  (iné- 
dits). —  Bussière,  le  Général  Michel  Beaupuy.  —  Chau- 
VEAU,  Histoire  de  Bonchamps.  —  Courcelles,  Ùictionnaire 
historique  des  généraux  français.  —  Crétineau-Joly  , 
Histoire  de  la  Vendée  militaire .  —  Du  même,  Histoire  des  gé- 
néraux vendéens.  —  M™«  de  La  Rochejacquelein,  Mémoi' 
res.  —  Le  Bas  ^Dictionnaire  encyclopédique  de  la  France. 

—  Lebouvierdes  Mortiers.,  Réfutation  des  calomnies,  etc, 

—  Michelet,  Histoire  de  la  Révolution.  —  Moniteur  uni- 
versel, 1793,  1794.  —  Muret,  Histoire  des  guerres  de 
VOuest.  —  Port,  Dictionnaire  historique  de  Maine-et^ 
Loire.  —  Revue  de  l'Anjou,  1855.  —  M"»"»  de  Sapinaud, 
Mémoires.  —  Thiers,  Histoire  de  la  Révolution.  —  Tur- 
reau, Mémoires.  —  Walsh,  Relation  de  voyage,  etc. 

ELBENE  (D').  Famille  florentine  (V.  Bene  [Del]). 

ELBERFELD.  Ville  d'Allemagne,  royaume  de  Prusse, 
district  de  Dusseldorf  (province  Bhénane),  surla  Wùpper; 
106,499  hab.  (en  1883).  Elle  forme  avec  la  ville  voisine 
de  Barmen  (V.  ce  nom)  un  des  grands  centres  industriels 
de  l'Allemagne  et  de  l'Europe.  La  vieille  ville  avec  ses 
rues  étroites  est  au  N.  de  la  rivière  ;  les  nouveaux  quar- 
tiers renferment  de  belles  rues  et  de  grands  édifices,  hôtel 
de  ville,  églises,  poste,  hospices,  etc.  Elberfeld  fabrique 
des  cotonnades,  des  lainages,  des  soieries,  des  velours, 
beaucoup  d'étolFes  mélangées  (soie  et  laine),  soit  pour  la 
confection,  soit  pour  l'ameublement,  sans  parler  des  indus- 
tries annexes  :  teinturerie,  passementerie,  etc.  ;  les  étofies 
imprimées  sont  aussi  produites  en  grande  quantité.  Les  autres 
industries  sont  moins  importantes  :  fonderies  et  forges,  acié- 
ries, construction  de  machines,  papeteries,  brasseries,  etc. 
Les  établissements  industriels  d'Elljerfeld  occupent  environ 
35,000  ouvriers.  Le  commerce  est  très  actif,  notamment 
pour  l'exportation.  —Le  château  d'Elberfeld,  qui  dépendait 
de  l'archevêché  de  Cologne,  fut  engagé  aux  comtes  de  Berg 
(1176).  La  ville  date  duxvi®  siècle;  les  premières  filatures 
remontent  au  milieu  du  xv®.  La  prospérité  n'apparut  qu'à 
la  fin  du  xviii^  siècle  avec  le  travail  de  la  soie  inauguré 
en  1760  et  la  teinture  en  rouge  d'Andrinople  introduite 
en  1780.  Le  blocus  continental  qui  les  mit  à  l'abri  de  la 
concurrence  anglaise  fit  la  fortune  des  fabricants  d'Elber- 
feld; en  1816,  la  ville  comptait  21,710  hab.;  en  1871, 
71,384  (V.  Allemagne,  §  Géographie  économique). 


-  735  - 


ELBERFELD  -  EL-BIAR 


ËiBL.  î  Langewibsche,  Elberfeld  und  Barmen;  Barmen, 
1863. 

ELBEUF.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  la  Seine-Inférieure, 
arr.  de  Rouen,  sur  la  rive  gauche  de  la  Seine;  22,104  hab. 
Station  du  ch.  de  fer  de  l'Ouest  et  des  ch.  de  fer  de 
l'Eure.  La  prospérité  d'Elbeuf  est  due  à  l'industrie  et  au 
commerce  des  draps  qui  remontent  au  commencement  du 
XVIII®  siècle.  Jusqu'à  la  Révolution,  ses  fabriques  ne  pro- 
duisaient qu'une  seule  espèce  de  draps,  connus  sous  le  nom 
de  la  ville,  et  qui  étaient  un  intermédiaire  entre  les  draps 
fins  et  les  draps  grossiers  ;  mais  depuis  lors  les  fabriques 
ont  éprouvé  la  nécessité  de  perfectionner  leur  outillage  et 
de  produire  tous  les  genres,  particulièrement  la  nouveauté, 
ainsi  que  les  draps  pour  voitures  et  chemins  de  fer.  Plu- 
sieurs grandes  fabriques  transforment  complètement  la 
laine,  l'achètent  en  toison  et  la  rendent  à  l'état  de  dra- 
perie ;  d'autres,  en  plus  grand  nombre,  ne  travaillent  que 
les  laines  préalablement  ouvrées  ;  aussi  existe-t-il  de  nom- 
breuses teintureries,  filatures  de  laine,  ateliers  de  retor- 
dage, usines  pour  la  manutention  des  déchets,  apprêtages, 
fabriques  de  cardes,  fonderies,  ateliers  de  construction  de 
machines,  scieries,  etc.  La  plus  grande  partie  des  laines 
employées  à  Elbeuf  sont  achetées  en  Angleterre  et  pro- 
viennent des  colonies  anglaises,  spécialement  de  l'Australie  ; 
d'autres  proviennent  de  la  Plata  ;  les  laines  indigènes  n'en- 
trent dans  la  fabrication  elbeuvienne  que  pour  une  propor- 
tion pour  ainsi  dire  infinitésimale.  La  houille  consommée  en 
quantité  considérable  par  les  fabriques  d'Elbeuf  provient 
d'Angleterre,  de  Belgique  et  du  N.  de  la  France.  Le 
nombre  d'ouvriers  employés  par  l'industrie  de  la  draperie, 
tant  à  Elbeuf  que  dans  les  environs,  est  à  peu  près  de 
25,000.  La  production  annuelle  des  draps  est  de  80  à 
400  millions  de  francs.  Un  petit  cours  d'eau  qui  traverse  la 
ville  et  plusieurs  puits  artésiens  fournissent  l'alimentation 
des  usines  et  surtout  des  teintureries.  La  Seine  amène  à 
Elbeuf  les  matières  premières,  la  houille,  et  sert  aussi 
au  transit  des  matières  agricoles.  Syndicat  maritime.  Tri- 
bunal et  chambre  de  commerce;  chambre  consultative  des 
arts  et  manufactures  ;  hospice;  asile  des  vieillards  ;  maison 
d'assistance  pour  les  ouvriers  invalides  ;  société  pour  l'en- 
couragement des  arts  industriels;  société  industrielle; 
société  d'études  des  sciences  naturelles  ;  bibliothèque  pu- 
blique ;  muséum  d'histoire  naturelle  ;  musée  archéologique. 

L'histoire  d'Elbeuf  n'est  autre  que  celle  de  son  industrie. 
La  seigneurie,  après  avoir  appartenu  aux  maisons  d'IIar- 
court  et  de  Rieux,  passa  ensuite  à  la  maison  de  Lorraine, 
et  devint  successivement  marquisat,  puis  duché-pairie 
(V.  ci-dessous,  maison  d'Elbeuf).  L'église  Saint-Etienne, 
construite  au  xvi®  siècle,  est  un  édifice  à  trois  nefs,  qui  a 
conservé  de  très  belles  verrières  du  xvi®  siècle  (mon.  hist.) 
et  de  remarquables  boiseries  sculptées.  L'église  Saint-Jean, 
qui  date  aussi  de  la  Renaissance,  est  plus  vaste  que  la  pré- 
cédente ;  elle  a  conservé  son  portail  et  est  flanquée  d'une 
tour.  Ses  vitraux  (mon.  hist.),  sont  remarquables,  mais 
moins  bien  conservés  que  ceux  de  Saint-Etienne.  L'église 
N.-D.  de  rimmaculée-Conception  a  été  construite  de  nos 
jours  en  style  gothique  du  xiii®  siècle.  Belle  maison  de  la 
Renaissance  avec  sculptures  sur  la  place  Lemercier.  Deux 
ponts  suspendus  traversent  la  Seine  et  relient  Elbeuf  à 
Saint-Aubin  sur  la  rive  droite. 

ELBEU  F-en-Bray.  Com.  du  dép.  de  la  Seine-Inférieure, 
arr.  de  Neufchâtel,  cant.  de  Gournay;  406  hab.  Eglise  en 
partie  romane  qui  a  conservé  une  voûte  du  xii^  siècle 
recouvrant  le  chœur;  celles  de  la  nef  et  du  transept  sont 
en  bois  et  enrichies  de  sculptures.  Château  du  xvi®  siècle 
transformé  en  ferme. 

^  ELBEUF-sur-Andelle.  Com.  du  dép.  de  la  Seine-Infé- 
rieure, arr.  de  Rouen,  cant.  de  Darnétal;  2127  hab. 

ELBEUF  (Maison  d').  Branche  de  la  maison  de  Lor- 
raine» fondée  par  René  de  Lorraine ,  marquis  d'Elbeuf, 
huitième  fils  du  duc  Claude  de  Guise  ;  il  fut  général  des 
galères  de  France  (lo36-l  566).  Son  fils  Charles  (1556- 
1605),  duc  et  pair  en  nov.  1581,  grand  veneur  et  grand 


écuyer,  prit  part  à  la  Ligue  et  fut  enfermé  à  Loches  de  1 588 
à  1591 .  Il  eut  deux  fils,  Charles  II,  duc  d'Elbeuf,  et  Hemn, 
comte  d'Harcourt,  tige  des  comtes  d'Armagnac,  de  Brionne 
et  de  Marsan  et  des  princes  de  Lambesc.  Charles  II  (1596- 
1657),  duc,  gouverneur  de  Picardie,  quitta  la  France  en 
1631  pour  échapper  à  la  vengeance  de  Richelieu  contre  qui 
il  avait  intrigué  ;  rentré  en  France  en  1643,  il  prit  une  part 
active  aux  troubles  de  la  Fronde  ;  le  cardinal  de  Retz  le 
maltraita  fort  dans  ses  Mémoires,  et  ses  prétentions  don- 
nèrent lieu  à  des  chansons  satiriques;  il  avait  épousé 
Catherine-Henriette,  fille  naturelle  de  Henri  IV  et  de  Ga- 
brielle  d'Estrées.  Il  eut  pour  fils,  outre  le  duc  Charles  IIÏ, 
François-Louis,  tige  des  comtes  d'Harcourt,  et  François- 
Marie,  tige  des  comtes  de  Lillebonne  et  princes  de  Com- 
mercy.—  Charles  /// (1620-1 692),  gouverneur  de  Picardie, 
eut  cinq  fils  dont  :  Henri,  duc  d'Elbeuf,  né  le  7  août  1661, 
mort  le  12  mai  1748,  gouverneur  d'Artois,  Picardie  et 
Hainaut,  lieutenant  général  le  3  janv.  1696,  qui  passait 
pour  fripon  et  menteur,  et  compromettait  à  plaisir  les 
femmes  les  plusjionnêtes  ;  il  épousa  Mademoiselle  par  procu- 
ration du  duc  de  Lorraine  en  1698  ;  il  était  marié  à  une 
fille  du  duc  de  Vivonne;  son  fils  unique,  brigadier  des 
armées  du  roi,  fut  tué  à  Chivas  (1705).  —  Son  frère 
Emmanuel-Maurice,  prince  d'Elbeuf,  né  en  1677,  mort 
en  1763,  entra  en  1706  au  service  de  l'Empire,  fut  général 
de  cavalerie  dans  le  royaume  de  Naples  et  combattit  dans 
les  armées  coalisées  contre  Louis  XIV;  il  obtint  en  1719 
de  rentrer  en  France,  devint  duc  et  pair  en  1748  ;  il  n'eut 
pas  d'enfants  de  ses  deux  mariages.  —  Le  titre  de  duc 
d'Elbeuf  passa  en  1763  à  Charles,  comte  de  Brionne, 
prmce  de  Lambesc  (V.  ci-dessous).  L.  Del. 

BiBL.  :  Le  P.  Anselme,  t.  III  et  VIII. 

ELBEUF  (Charles-Eugène  de  Lorraine,  prince  de 
Lambesc  et  dernier  duc  d'),  né  à  Versailles  le  28  sept.  1751» 
mort  à  Vienne  le  11  nov.  1825.  Fils  du  grand  écuyer  de 
France  et  de  Louise-Julie-Constauce  de  Ro'han-Montauban-. 
Rochefort,  il  prit  la  charge  de  son  père  en  1761,  devint 
colonel  des  dragons  de  Lorraine  en  1773  et  maréchal  de 
camp  en  1788.  En  1789,  il  reçut  le  commandement  des 
troupes  njassées  près  de  Paris,  dans  la  prévision  des  troubles 
populaires  et  dissipa  les  rassemblements  de  la  place 
Louis  Xy  (12  juil.  1789)  avec  une  brutalité  telle  que  le 
Châtelet  instruisit  contre  lui,  mais  il  émigra,  servit  dans 
l'armée  des  princes,  puis  dans  l'armée  autrichienne,  où  i\ 
obtint  le  grade  de  feld-maréchal-lieutenant.  Rentré  en 
France  à  la  Restauration,  il  fut  créé  pair  le  4  juin  1814, 

ELBFAS  (Jacob-Henrik),  portraitiste  suédois,  né  en 
Uvonie,  mort  à  Stockholm  en  1664.  Il  s'établit  en  Suède 
avant  1630,  devint  peintre  de  la  reine  Marie -Eléonoro 
(1634-1640)  et  fut  le  portraitiste  attitré  de  la  cour  et  de 
la  noblesse.  On  cite  parmi  ses  œuvres  :  Gustave-Adolphe^ 
Marie-Eléonore,  la  reine  Christine,  Jean-Casimir  et  sa 
femme,  leur  fils  Charles  X  Gustave,  Charles  XI,  Charles- 
Carlsson  Gyllenhielm,JohanSkytte,  Axel  Oxenstierna^ 
Jacob  de  la  Gardie.  Le  dessin  est  bon,  les  draperies 
soignées,  mais  le  coloris  peu  naturel.  B-s. 

ELBHECQ  (Pierre-Joseph  du  Chambge,  baron  d'),  général 
et  homme  politique  français,  né  à  Lille  le  1^*"  janv.  1733, 
mort  à  Saint-Jean-de-Luz  le  1^^  sept.  1793.  Maréchal  de 
camp  en  1789,  il  fut  élu  le  8  avr.  député  suppléant  de  la 
noblesse  du  bailliage  de  Lille  aux  Etats  généraux.  Le  29  déc, 
il  prit  séance  à  l'Assemblée  constituante  en  remplacement 
du  baron  de  Noyelles.  Il  se  rangea  du  côté  des  républi- 
cains, demanda  au  moment  de  la  fuite  de  Varennes  que 
tous  les  militaires  prêtassent  serment  de  fidélité  à  la  nation 
et,  promu  lieutenant  général  le  17  déc.  1791,  servit  à 
l'armée  du  Nord  et  commanda  en  chef,  en  1793,  l'armée 
des  Pyrénées-Orientales. 

EL-BIAR.  Village  d'Algérie,  dép.  et  arr.  d'Alger,  à 
3  kil.  S.-O.  de  cette  ville,  sur  les  flancs  du  Bou-Zaréa,  à 
une  ait.  de  260  m.,  ch.-l.  d'une  com.  de  plein  exercice 
de  2,207  hab.  dont  1,783  Européens,  C'est  une  succession 
de  villas  éparses  dans  la  verdure  et  de  belles  maisons,  un 


EL-BIAR  —  ELDAD 


736  — 


\illage  de  plaisance  où  les  habitants  d'Alger  vont  en  grand 
nombre  chercher  un  peu  de  fraîcheur  Tété  ;  les  terres  d'alen- 
tour, très  bien  cultivées,  fournissent  des  légumes,  des  vins  de 
choix,  des  céréales;  l'industrie  consiste  en  tuileries,  poteries, 
briqueteries  et  tonnelleries.  Sur  le  territoire  de  la  com- 
mune se  trouvent  de  nombreux  pensionnats  (sœurs  de  Saint- 
Joseph,  frères  de  la  doctrine  chrétienne),  le  petit  lycée  de 
Ben-Aknoun,  annexe  du  lycée  d'Alger,  un  couvent  du 
Bon-Pasteur,  un  orphelinat  de  Saint-Michel,  etc.  ;  c'est 
aussi  sur  le  territoire  de  la  commune  qu'est  situé  le  Fort- 
r Empereur,  bâti  en  1545  par  Hassan  Agha',  à  l'endroit 
où  Charles-Quint  avait  placé  sa  tente  en  i  5  41  ;  il  fut  pris 
par  nos  troupes  le  4  juil.  1830  et  maintenant  réparé  il 
domine  de  sa  masse  sombre  entourée  de  verdure  tout  le 
panorama  d'Alger.  E-  Cat. 

EL-BIBAN, appelé  plussouventBorc//-B^/>aw(V.  ce  mot). 

ELBING.  Fleuve  de  Prusse,  province  de  Prusse  occiden- 
tale, émissaire  du  lac  Drausensee  ;  long  de  18  kil.,  il  dé- 
bouche dans  le  Fris'che  Hatf  ;  il  est  réuni  au  Nogat  par  le 
canal  Kraffohl  et  est  lui-même  navigable  jusqu'à  la  ville 
d'Elbing.  " 

ELBING  (polonais Elblong) .  Ville  d'Allemagne,  royaume 
de  Prusse,  province  de  Prusse  occidentale,  district  de 
Danzig,  sur  l'Elbing  ;  38,728  hab.  (en  1885).  Elle  com- 
prend, outre  la  vieille  ville,  la  ville  neuve,  l'île  Speicher, 
trois  faubourgs  intérieurs  et  onze  faubourgs  extérieurs. 
Elle  possède  treize  églises.  L'industrie  y  est  assez  active, 
en  particulier  les  constructions  navales  (vapeurs  et  torpil- 
leurs), la  métallurgie  du  fer.  Le  marché  aux  bestiaux  est 
important.  Le  port  a  un  mouvement  maritime  de 
9,000  tonnes,  fluvial  de  6,000.  Elbing  commerce  surtout 
avec  Danzig  et  Kœnigsberg.  —  La  ville  fut  fondée  par 
des  colons  de  Brème  et  de  Lubeck  au  pied  d'un  château 
des  chevaliers  teutoniques  bâti  en  1237  ;  elle  reçut  en 
1246  le  droit  de  Lubeck,  entra  dans  la  Hanse  et  grandit 
\ite  •  elle  se  détacha  de  l'ordre  teutonique  et  se  mit  sous 
le  protectorat  de  la  Pologne  (1454).  Dès  1523,  le  conseil 
municipal  se  prononça  pour  la  Réformation  qui  prévalut  en 
1558.  Les  protestants  appelèrent  à  plusieurs  reprises  les 
Suédois,  qui  occupèrent  la  ville.  Elle  fut  saisie  en  1698  par 
l'électeur  de  Brandebourg  qui  la  rendit  en  1700,  mais  la 
reprit  en  1703  ;  Charles  XH  de  Suède  la  surprit  et  la  mit 
en  rançon  ;  en  1710,  les  Russes  la  reprirent  et  la  rendirent 
aux  Polonais.  Lors  du  partage  de  1772  elle  fut  attribuée 
à  la  Prusse.—  Le  traité  d'Elbing,  conclu  le  10  sept.  1 656 
entre  la  Hollande  et  le  Grand-Electeur,  stipula  la  neutrah- 
sation  de  Danzig. 

ELBINGERODE.  Ville  d'Allemagne, royaume  dePrusse, 
province  d'Hildesheim,  sur  un  plateau  du  Harz  ;  2,800  hab. 
Les  environs  sont'très  pittoresques  et  renferment  de  grands 
établissements  métallurgiques  (Rothehûtte,  Lnkashof, 
Kœnigshof,  Neuehutte),  sans  parler  des  ruines  du  château 
de  Bodfeld.  —  Elbingerode  appartint  au  couvent  de  €an- 
dersheim  (1008),  aux  comtes  de  Wernigerode  (1343),  aux 
Grubenhagen  (1422),  au  Hanovre  (1638). 

E  L-  B 1 0  D  H .  Localité  du  Sahara,  à  peu  près  à  mr-chemm 
(six  jours  de  marche)  d'Aïn-Taïba  à  Temassinin,  dans  une 
dépression  au  milieu  de  la  grande  dune,  où  l'on  trouve 
toujours  de  l'eau  en  creusant  le  sol;  il  y  a,  sur  une  cen- 
taine de  mètres,  dans  tous  les  sens,  un  grand  nombre  de 
puisards  donnant  urïe  eau  claire^  mais  chargée  de  sels  ; 
les  Touaregs  Hoggar  prennent  souvent  en  cet  endroit 
leurs  quartiers  d'été.  La  première  mission  Flatters  y  sé- 
iourna  le  25  et  le  26  mars  1881. 

ELBO  (José),  peintre  espagnol,  né  à  Ubeda  le  26  mars 
1804,  mort  à  Madrid  le  4  nov.  .1844.  Elève  de  José  Apari- 
cio,  il  l'aida  plus  tard  dans  ses  travaux  de  décoration  au 
palais  de  Madrid.  De  nombreux  et  amusants  sujets  de  genre 
lui  créèrent  une  sorte  de  popularité  et  l'Académie  de  San 
Fernando  l'accueillit  parmi  ses  membres.  Ses  principales 
productions  sont  :  Léda,  la  Place  des  taureaux  à  Madrid 
pendant  une  course,  Femmes  allant  se  baigner  au  M  an- 
zanarès.  Un  Contrebandier,  des  Toreros,  l'Auberge  de 


la  Tiinidad,  Enfant  jouané  dans  un  jardin' et  quel- 
ques autres  scènes  familières  et  populaires.  H  est  l'auteur 
de  quelques-uns 'des  dessins  gravés  par  Castello'  pour  les 
œuvres  de  Quevedo.  Sa  manière  rappelle  assez  celle  d'Alenza,* 
son  contemporain  et  son  émulie  dans  la  peinture  des  sujets 
pittoresques  et  des  types  nationaux.  P.L.    • 

EL-BORDJ.  Petite  oasis  d'Algérie,  dép.  de  Constantine, 
dans  le  groupe  appelé  Zab-Dahraoui  (Zab  du  Nord),  à  l'O. 
de  Biskra;  une  vingtaine  de  maisons  et  7,000  palrniers 
environ.  * 

EL-BORDJ.  Petite  ville  arabe  d'Algérie, dép.  d'Oran, 
à  une  vingtaine  de  kil.  au  N.-E.  de  Mascara  ;  390  hab. 
Centre  d'un  douar  de  4,167  hab.  de  la  com.  mixte  de 
Cacherou,  arr.  de  Mascara.  • 

ELBROUS.  Pic  le  plus  élevé  du  Caucase.  Sa  hauteur 
est  de  5,630  m.  (V.  Caucase,  t.  IX,  p.  874). 

ELGHE.  Ville  d'Espagne,  prov.  d'Alicante,  sur  le  rio 
Vinalapo  et  à  8  kil.  de  lamer,  au  milieu  d'une  plaine  ar- 
rosée au  moyen  d'un  barrage  sur  la.rivière;  20,607  hab. 
C'est  le  chef-lieu  d'un  district  qui  comprend  trois  coiumq^nes. 
Ce  qui  fait  la  réputation  d'Elche,  c'est  une  belle; forêt  de 
80,000  palmiers-dattiers,  la  seule  .qui  existe  en  Europe  ;  à 
l'ombre  de  ces  arbres,  on  cultive  de  l'orge,  des  légumes,  du 
coton,  et  sur  d'autres  parties  du  territoire  des  oUviers,  des 
figuiers,  des  grenadiers,  etc.  La  ville,  avec  de  grandes 
maisons  et  de  belles  rues,  est  pleine  d'activité. et  est  un 
marché  important;  on  exporte  des  dattes  pour  la  province 
de  Valence,  des  fruits  pour  .Barcelone,  des  palmes  pour 
toute  l'Espagne  (on  .en  emploie  une  énonce  quantité  pen- 
dant la  semaine  sainte)  ;  il  y  a  aussi  d'importantes  huile- 
ries et  fabriques  de  savon,  des  minoteries,  des  inaiïufac-^ 
tures  de  grosse  toile  et  d'alpargatas,  des  distilleries,  des 
amidonneries,  des  imprimeries,  des  teintureries,  des  presses 
pour  le  sparte,  etc.  La  ville,  qui  existait  à  l'époque  ro- 
maine sous  le  nom.  ô'Ilici,  ainsi  que  le  démontrent  des 
médailles  et  des  ruines  romaines,  fut  aussi  importante 
sous  la  domination  arabe.  .     E.  Cat. 

ELCHIES  (Patrick  Grant,  lord),  magistrat  anglais,  né 
en  1690,  mort  près  d'Edimbourg  le. 27  juil.  1754.  Avo- 
cat en  1712,  il  devint  lord  de  session  en  1732  et  lord 
justice  en  1737.  H  a  réuni  :  les  Décisions  of  the  court 
of  session  from ,  il 33  to  V757,  publ.  en  1813  par 
W.  Morison  ;  écrit  les  notes  des  Institutes  de  Stair 
(1824)  et  laissé  quelques  manuscrits  conservés  à  la  biblio- 
thèque des  avocats  d'Edimbourg,  .  * 
ELCHINGEN,  Village,  de  Bavière,  province  de  Souabe 
et  Neubourg,  près  du  Danube.  On  y  voit  une  célèbre 
abbaye  bénédictine  fondée  en  1128  dont  l'église  foudroyée 
en  1773  a  été  reconstruite.  Sécularisée  en  1803,  elle  fut 
annexée  à  la  Bavière  avec  ses  110  kil.  q.  et  5,300  hab.  — 
Le  14  oct.  1805,  les  Français  commandés  par.  Ney.  enle- 
vèrent le  pont  d'Elchingen  et  défirent  16,000  Autrichiens 
commandés  par  Laudon.  Cet  exploit  valut  à  Ney  ]e  titre  de 
duc  d'Elchingen,  Il  détermina  l'investissement  d'Ulm. 
ELCHINGEN  (Duc  d')  (V.  Ney). 
ELGI  (Angelo,  comte  d'),  littérateur  et  bibliophile  ita- 
lien, né  à  Florence  en  1764,  mort  à  Vienne  (Autriche)  le 
20  nov.  1 824.  H  avait  formé  une  desplùs  belles  bibliothèques 
de  l'Europe,  composée  surtout  des  plus  rares  incunables; 
il  en  lé^ua  la  portion  la  plus  intéressante  à  la  bibliothèque 
Laurentienne  de  Florence.  On  a  de  lui  une  très  correcte  et 
très  luxueuse  édition  de  Lucain  :  Lucani  Pharsalia  curante 
Aîigelo  Illycino  (Vienne,  1811,  in-8).  Ses  vers  sont  d'une 
grande  médiocrité  :  Poésie  italiane  e  latine  (Florence, 
1827,  in-8).  '  R.  G.  , 
ELDA.  Ville  d'Espagne,  prov.  d'Alicante  ;  4,337  hab.  Au 
milieu  de  colhnes  dénudées,  qui  ne  produisent  guère  (|ue  du 
sparte.  L'industrie  du  pays  consiste  dans  la  préparation  des^ 
fibres  dont  on  travaille  chaque  année  environ  500,*000  kilogr." 
Il  y  a  aussi  des  fabriques  de  papier  et  de  salpêtre. 

ELDAD  ha-Dani  (le  Danïte);  voyageur  hébreu  qui 
vivait  au  ix®  siècle.  Il  prétendait  appartenir  à  la  tribu 
Dan,  d'où  son  surnom  le  Damife.  Voulant  rechercher 


737  — 


ELDAD  —  EL-DJEM 


les  restes  des  autres  tribus  israélites,  il  entreprit  deux 
voyages,  dont  Tun,  d'après  l'auteur  caraïte  Jouda  ha-Dassi, 
le  conduisit  jusqu'en  Egypte,  d'où  il  retourna  aussitôt  dans 
son  pays.  Il  nous  a  laissé  le  récit  de  l'autre.  On  y  trouve 
une  description  détaillée,  mais  fabuleuse,  des  contrées  et 
des  tribus  qu'il  a  visitées  et  le  détail  de  ses  nombreuses 
aventures.  Après  un  naufrage,  il  tomba  entre  les  mains 
d'anthropophages,  auxquels  il  réussit  à  échapper.  Après 
avoir  passé  par  Azina,  il  arriva  à  la  côte  orientale  du 
golfe  Persique,  traversa  la  Perse,  la  Babylonie  et  se  rendit 
à  Kairouan,  où  il  fit  la  connaissance  du  célèbre  gram- 
mairien Jehouda  ben  Qoreisch  et  enfin  parvint  jusqu'en  Es- 
pagne. Les  relations  sur  ce  voyage  sont  pleines  de  choses 
curieuses  sur  les  dix  tribus  israélites,  sur  leurs  usages  et 
coutumes  et  également  sur  les  fils  de  Moïse  que  la  légende 
avait  fait  émigrer  dans  une  terre  fabuleuse,  entourée  par 
le  fleuve  miraculeux  du  Sambation.  Il  affirme  que  les  quatre 
tribus  établies  en  Afrique  avaient  un  recueil  rituel  remontant 
à  Josué  et  se  distinguant  sous  beaucoup  de  points  du  rituel 
rabbinique,  et  il  avait  même  apporté  quelques  extraits  de  ce 
recueil,  relatifs  à  l'immolation  et  à  l'examen  intérieur  des 
bêtes  égorgées.  La  communauté  Israélite  de  Kairouan  s'a- 
dressa-à  ce  sujet  pour  information  à  R.  Cemah  Gaon,  chef  de 
l'académie  de  Soura,  en  Babylonie,  dont  la  réponse  fut 
favorable  à  Eldad.  Les  récits  d'Eldad  nous  sont  parvenus 
,en  trois  rédactions,  qui  diffèrent  très  considérablement  et 
se  complètent  l'une  l'autre.  La  première  édition  parut  en 
Italie  avant  1480,  la  seconde  à  Constantinople  en  1516 
(sur  les  autres  éditions,  V.  Furst,  Bibliotkeca  judaica,  I  ; 
M.  Steinschneider,  Catalogus  librorum  hebraeorum^  in 
Bibliotheca  Bodleyana  ;  Benjacob,  Thésaurus  librorum 
hebraicorum).  M.  A.  Jellinek  a,  de  nouveau,  publié 
toutes  ces  rédactions  dans  son  recueil  Beth-ha-Midrasch 
(Leipzig,  1853,  t.  II;  1855,  t.  III  ;  1857,  t.  V),  et  ré- 
cemment, M.  A.  Epstein  a  réuni  les  relations  et  beaucoup 
d'autres  pièces  concernant  Eldad  dans  son  ouvrage  sur  notre 
voyageur.  Une  traduction  latine,  faite  par  Genebrard,  parut 
à  Paris  en  1563,  sous  le  titre  Eldat  Danius  de  Judaes 
clausis  eorumque  in  J^thiopia  imperio  et  était  plus 
tard  incorporée  dans  la  Chronographia  Hebraeorum 
du  même  auteur.  Nous  possédons  aussi  deux  traductions 
allemandes,  dont  l'une  a  été  imprimée  à  Prague  en  1695, 
l'autre  à  Jessnitz  en  1723.  La  Belation  d'Eldad  le  Danite, 
publiée  et  traduite  en  français  par  E.  Carmoly  (Paris,  1838), 
ne  peut  pas  compter,  car  elle  n'est  qu'une  pure  invention  de 
l'éditeur,  comme  l'a  démontré  S.  Rapoport  (Introduction 
au  lexique  hébreu  de  Parhon,  publié  par  S.  Stem  ;  Pres- 
bourg,  1844). 

Les  savants  ne  sont  pas  tous  d'accord  sur  le  rôle  joué 
par  Eldad  et  sur  le  caractère  qu'il  faut  lui  attribuer. 
Tandis  que  les  uns  (Pinsker  et  Graetz)  le  regardent  comme 
un  adhérent  du  caraïsme  qui,  sous  le  masque  du  rabba- 
nisme,  combattait  les  traditions  talmudiques  et  propageait 
la  doctrine  caraïte,  les  autres  (Frankl,  Halévy)  ne  voient 
en  lui  qu'un  simple  aventurier  qui  savait  bien  tirer  profit 
de  la  crédulité  de  ses  contemporains.  Enfin,  M.  Epstein  a 
essayé  de  démontrer  que,  malgré  les  exagérations,  il  y  a 
une  bonne  partie  de  faits  réels  dans  les  récils  d'Eldad  et 
qu'il  faut  entendre  sous  les  quatre  tribus  de  l'Afrique 
mentionnées  par  Eldad  les  Falasha  d'Abyssinie,  dont  les 
usages  et  pratiques  religieuses  auraient  quelque  analogie 
avec  ceux  qui  sont  décrits  par  notre  voyageur.  Mais  l'ar- 
gumentation de  M.  Epstein  manque  de  force  démonstrative 
et  la  supposition  qu'Eldad  était  un  aventurier  semble 
avoir  plus  de  probabilité.  Cette  hypothèse  trouve  un  appui 
dans  la  circonstance  suivante.  Éldad  prétendit  ne  savoir 
d'autre  langue  que  la  langue  hébraïque,  dont  il  se  servait 
toujours  dans  ses  relations  avec  d'autres,  mais  un  examen 
du  langage  de  ses  récits  montre  incontestablement  qu'il 
est  plein  d'arabismes,  et  on  a,  avec  raison,  conclu  de  cela 
qu'il  était  originaire  de  l'Arabie  méridionale.  Quoi  qu'il  en 
soit,  les  récits  fabuleux  d'Eldad  ne  manquaient  pas  de 
produire  dans  son  temps  un  grand  eftét  et  il  est  même  pro- 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE,  —   XV. 


bable  qu'ils  aient  influencé  la  légende  du  prêtre  Jean  très 
répandue  au  moyen  âge.  J.  Israelsohn. 

BiBL.  :  Bartolocci,  Bibliotheca  rabbinica,  I.  —  Bas- 
nage,  Histoire  des  Juifs.  —  De  Rossi,  Dizwnario  sto- 
rico  degli  autori  ebraei.  —  Zunz,  Gottesdienstliche  Vor- 
trage;  Berlin,  1832.  —  Du  même,  Gesammelte  Schriften; 
Berlin,  1875, 1.  -  Ph.  Frankl,  Monatsschrift  fur  Geschichte 
und  WissenschaftdesJudenthums,  1873  et  1874.  —  Graetz 
Geschichte  der  Juden,  V.  —  Epstein,  Eldad  ha-Dani; 
Presbourg,  1891.  —  J.  Halévy,  Revue  critique^  1891. 

ELDENA.  Village  d'Allemagne,  royaume  de  Prusse,  dis- 
trict de  Stralsund;  ruines  d'une  abbave  cistercienne, 
fondée  en  1199,  détruite  par  les  Suédois  en  1638.  Une 
académie  ou  école  d'agriculture  fondée  en  1835  à  Eldena 
a  été  supprimée  en  1876.  —  Un  autre  Eldena  (Mecklem- 
bourg-Schwerin),  sur  l'Elde,  eut  une  abbaye  cistercienne  de 
femmes  fondée  en  1230,  sécularisée  en  1556. 

ELDER  (John),  mécanicien  et  constructeur  anglais,  né 
à  Glasgow  le  8  mars  1824,  mort  à  Londres  le  14  sept. 
1869.  Il  étudia  dans  sa  ville  natale  les  mathématiques  et 
la  mécanique,  fit  son  apprentissage  dans  les  ateliers  de 
R.  Napier,  où  son  père  était  ingénieur,  y  devint  rapide- 
ment chef  dessinateur  et  entra  en  1852,  comme  associé, 
dans  la  maison  Randolph,Elliott  andCo,  qui,  en  1860, 
joignit  à  la  construction  des  n^oulins  celle  des  navires  en 
fer  et  qui  prit  en  même  temps  la  raison  sociale  Randolph, 
Elder  and  Co.  Il  fit  prévaloir  l'usage,  pour  les  grands  bâ- 
timents à  vapeur,  de  machines  compound  et  s'acquit  une 
réputation  universelle  par  les  perfectionnements  impor- 
tants qu'il  fit  subir  aux  types  jusqu'alors  employés  et  qui 
eurent  pour  conséquences  principales  une  grande  augmen- 
tation de  puissance  et  une  économie  considérable  de  com- 
bustible et  d'eau  (V.  Compound  et  Condenseur,  t.  XII, 
pp.  218-220  et  347).  Il  fut  nommé  en  1869  président  de 
VInstitution  of  engineers  de  Glasgow.  Les  Reports  of 
the  Bristish  Association  (années  1858  à  1860)  contien- 
nent plusieurs  mémoires  relatifs  à  ses  inventions.  L.  S. 
BiBL.  :  Rankine,  Memoir  of  J.  Elder;  Londres,  1872.  — 
Maclehose,  Memoirs  of  a  hundred  Glasqov^  men  :  Glas- 
gow, 1886. 

ELDER  EN  (Jean-Louis  d'),  soixante-troisième  évêque 
de  Liège,  né  vers  1600,  mort  en  1694.  Il  était  doyen  du 
chapitre  de  Saint-Lambert  quand,  en  1688,  à  la  mort  du 
prince-évêque  Maximilien-Henri  de  Bavière,  il  fut  élu  en 
son  remplacement,  malgré  les  intrigues  de  la  cour  de  France 
qui  appuyait  de  toutes  ses  forces  la  candidature  du  cardinal 
de  Furstenberg.  Peu  de  temps  après  son  avènement,  il  con- 
clut avec  Louis  XIV  le  traité  de  Versailles  (9  janv.  1689) 
qui  reconnaissait  la  neutralité  de  Févêché,  mais  à  des  con- 
ditions très  onéreuses  et  qui  demeura,  du  reste,  lettre 
morte.  En  effet,  la  diète  allemande  ayant  déclaré  la  guerre 
à  Louis  XIV,  les  Liégeois  durent  accéder  à  la  coalition. 
Ils  payèrent  chèrement  cette  hostilité.  Le  maréciial  de 
Boufflers  bombarda  leur  ville  et  en  détruisit  la  plus  grande 
partie.  D'Elderen  renforça  l'influence  politique  de  la  no- 
blesse dans  l'administration  de  la  principauté  en  exigeant 
des  membres  de  l'ordre  équestre,  par  un  décret  de  1691, 
la  preuve  de  quatre  quartiers  de  noblesse  du  côté  paternel 
et  maternel. 

BiBL.  :  Daris,  Histoire  du  diocèse  et  de  la  principauté 
de  Liège  au  xvip  siècle;  Liège,  1877,  in-8,—  Lonchay,  les 
Pays-Bas  et  la  principauté  de  Liège  au  xvip  et  au  xviip 
siècle;  Bruxelles,  1890,  in-8. 

EL  DJEDIDA  (V.  Mazâgan). 

EL-DJEM.  Village  de  Tunisie,  à  71  kil.  S.-E.  de 
Kairouan;  1,200  hab.  environ.  C'était  jadis  une  ville 
importante  sous  le  nom  de  Thysdrus;  les  maisons  mo- 
dernes ont  été  construites  avec  les  pierres  provenant  des 
ruines.  Le  monument  le  mieux  conservé  est  l'amphi- 
théâtre, dont  on  aperçoit  de  plus  de  10  kil.  la  masse 
énorme  assise  sur  une  hauteur  et  qui  ressemble  à  une 
colline  de  pierre;  il  est,  après  le  Colisée,  le  plus  vaste 
édifice  de  ce  genre  qu'aient  construit  les  Romains  ;  on  croit 
qu'il  fut  commencé  par  Gordien,  en  souvenir  de  ce  qu'il 
avait  été  proclamé  empereur  à  Thysdrus.  La  reine  Kahina 
au   vu®  siècle  y  soutint  un  siè^e  contre  les  Arabes;  à 

47 


EL-DJEM  -  ÉLECTION 


m  - 


diverses  reprises,  des  tribus  révoltées  y  trouvèrent  un  re- 
fuse, et  un  bey  pour  les  soumettre  y  ouvrit  une  vaste 
brèche.  Quoique  bien  dégradé,  l'amphithéâtre  d'El-Djem  est 
encore  très  imposant  et  les  Arabes  des  alentours  exploi- 
tent la  curiosité  des  touristes  pour  leur  vendre  de  fausses 
antiquités.  E.  Cat. 

BiBL.  :  DrRouiRE,art.  dans  la  Revue  de  géogr.,  mai  1882. 
EL  DJEMILA  (V.  Djemila). 
EL-DJEREÏFET.  District  du  Gourara  (V.  ce  mot). 
ELDON  (Comte  d')  (V.  Scott  [John]). 
ELDRED    (John),  voyageur  anglais,  né    à  New-Bu- 
ckenham  (Norfolk)  en  4552,  mort  à  Great  Saxham  en  4632. 
Marchand  de  Londres,  il  s'embarqua  en  1583  pour  faire 
une  campagne  commerciale.  Il  parcourut  la  Syrie,  remonta 
l'Euphrate  jusqu'à  Bir,  le  Tigre  jusqu'à  Bassorah,  passa 
à  Bagdad,  et  revenu  à  Alep  en  1584  y  demeura  trois  ans 
faisant  des  courses  à  Antioche,  à  Tripoli,  à  Jérusalem,  etc. 
De  retour  en  Angleterre  en  1588  avec  des  richesses  consi- 
dérables, il  devint  un  des  plus  puissants  marchands  de 
Londres,  prit  une  grande  part  à  la  fondation  de  la  Com- 
pagnie des  Indes,  dont  il  fut  un  des  directeurs.  On  a  le 
Journal  of  his  voyage  to  Tripoli  and  Bassora  qui  a  été 
jiuhUàms  Principal  Navigations  d'Hakluyt(l599,  t.  II). 
ÉLÉAZAR.  Ce  nom  est  porté  par  plusieurs  personnages 
mentionnés  dans  la  Bible  :  1«  un  fils  du  grand  prêtre 
Aaron  ;  2»  et  3^  deux  contemporains  du  roi  David  ;  4°  le 
quatrième  fils  de  Matathias,  frère  de  Judas  Macchabée,  qui 
succomba  à  la  suite  d'un  vaillant  fait  d'armes  (V.  Eliézer). 
ÉLÉAZAR  DE  WoRMS  (fàsàaJehouda),  surnommé  ainsi 
de  la  ville  d'Allemagne  oti  il  mf[mt,  mais  plus  connu  sous 
le  nom  de  Roqéah  (titre  d'un  de  ses  ouvrages),  un 
des  plus  célèbres  rabbins  du  xni«  siècle.  Il  était  le  disciple 
de  Jehouda  ha-Hasid.  Le  temps  dans  lequel  il  vivait  était 
très  défavorable  pour  les  juifs.  Des  croisés,  attaquant  sa 
maison,  tuèrent  sa  femme,  ses  deux  filles,  son  fils  unique, 
les  disciples  qui  l'entouraient,  et  le  dépoudlèrent  de  tous 
ses  biens.  Tséanmoins,  son  âme  restait  libre  de  toute 
aigreur  et,  dans  ses  ouvrages,  il  ne  cesse  de  prêcher  les 
plus  hautes  maximes  de  la  bénignité,  de  la  bienveillance 
et  de  l'amour  envers  tous  les  hommes.  Vivant  à  une  époque 
particulièrement  disposée  au  mysticisme,  bien  qu'il  eût 
une  connaissance  très  étendue  des  systèmes  philosophiques 
du  judaïsme,  il  se  laissa  néanmoins  entraîner  par  les  ten- 
dances de  son  temps,  d'où  vient  que  ses  ouvrages  repré- 
sentent un  mélange  des  idées  philosophiques  et  mystiques. 
11  est  même  considéré  comme  le  fondateur  de  la  cabbale 
en  Allemagne.  Le  nombre  de  ses  ouvrages,  dont  la  liste 
est  donnée  par  A.  Jellinek,  est  assez  considérable  et  com- 
prend des  écrits  sur  les  différentes  branches  du  judaïsme. 
Le  plus  célèbre  parmi  eux  est  l'ouvrage  éthique,  Roqéah, 
où  il  traite  de  l'amour  de  Dieu,  de  la  pénitence,  de  la  cha- 
rité et  d'autres  questions  qui  se  rattachent  à  la  religion  et 
à  la  moralité.  Ce  livre  fut  imprimé  la  première  fois  a 
Fano  en  1505  et  réimprimé  plusieurs  fois.  Quelques-uns 
des  autres  ouvrages  sont  également  publiés,  mais  la  plu- 
part  sont  encore  inédits.  Eléazar  de  Worms  est  aussi 
connu  comme  liturgiste  et  on  possède  de  lui  environ  soixante 
poésies  de  pénitence  qui  se  distinguent  par  une  simplicité 
touchante  et  un  profond  sentiment.        J.  Israelsohn. 

BiDL  :  WoLF,  Bibliotheca  hebraea.  —De  Rossî^Dizzio- 
nario  storico  degliautori  ebraei.-BASNAGE,  Histoire  des 
Juifs.  -  A.  Jellinek,  Aûsswahl  kabbalistischer  Mystih; 
Leipzig,  1855.  -  Graetz,  Geschichte  der  -^^-^en,  t  VIL - 
ZuNz,  Zwr  Geschichte  und  Liferamr;  Berlin,  1845.  -  Du 
inêm4,  Synagogale  Poésie  ;  Berlin,  1855,  ^t  Lzierafwjfe- 
schic/ife  der  synagogalen  Poésie  ;  Berlin,  1«65--- J.Land- 
siiuTH,  A7mide  ha-Aboda;  Berlin,  1857.  —  Histoire  litté- 
raire de  la  France^  t.  XXXVll. 

ELECTEUR.  Ce  titre  a  été  donné  aux  sept  principaux 
personnages  du  Saint-Empire  romain  germanique,  auxquels 
fut  réservé,  à  partir  du  xiii^  siècle,  le  droit  d'élire  l'empe- 
reur (V.  Empire  et  Bulle  d'or).—  H  fut  également  donné 
par  Napoléon  V^  à  un  dignitaire  de  son  empire  (V.  Consti- 
tution, t.  XII,  p.  650). 


électeur-Guillaume  (Ordre  de  1').  Fondé  en  Hessé 
électorale  par  l'électeur  Guillaume  II  le  20  août  1851  ;  il 
le  destina  à  récompenser  les  services  civils  et  mihtaires  et 
les  belles  actions .  L'électeur  était  le  grand  maître  de  l'ordre 
dont  les  membres  se  divisaient  en  trois  classes;  mais,  à  la 
suite  des  événements  qui,  en  1867,  amenèrent  l'annexion 
de  la  Hesse  à  la  Prusse,  l'ordre  cessa  d'être  confère.  Ruban 
rouée  liséré  de  blanc.         H.  Gourdon  de  Genouillac. 

É  LECTl 0  N .  I.  Histoire  administrative.— Juridiction 
des  élus,  et  ressort  de  cette  juridiction.  Les  aides  ou  impo- 
sitions votées  par  les  Etats  étaient  levées  en  chaque  provmce 
par  les  commissaires  royaux  :  les  élus  furent  primitivement 
leurs  assesseurs  choisis  par  voie  d'élection  (ordonn.  des 
Etats  généraux  de  Paris,  mars  1356).  En  1372,  Charles  V, 
redevenu  le  maître,  transforma  les  élus  en  fonctionnaires 
nommés  par  lui,  sans  toutefois  en  changer  le  nom.  Il  leur 
attribua  la  répartition  des  impôts  dans  des  circonscriptions 
déterminées,  et  le  jugement  en  première  instance  des  causes 
y  relatives.  Les  généraux  des  aides  jugeaient  en  dernier 
ressort  (ordonn.  du  20  mars  1451).  Les  charges  des  élus 
furent  plusieurs  fois  supprimées  par  mesure  fiscale,  pour 
être  rétablies  immédiatement  dans  des  conditions  plus  tavo- 
rables  au  Trésor  royal  (août  1462,  déc.  1625).  Les  pro- 
vinces où  des  Etats  particuliers  avaient  conserve  le  droit, 
sinon  de  refuser  l'impôt,  du  moins  d'y  consentir  et  de  le 
répartir,  n'avaient  point  d'élus.  Par  suite,  les  pays  dits, 
d'élections  s'opposent  aux  pays  d'Etats.  En  4789,  il  y  avait 
en  France  178  tribunaux  d'élection,  dans  les  généralités 
de  Paris  (22),  d'Amiens  (6),  de  Soissons  (7),  d  Orléans 
(12),  de  Bourges  (7),  de  Moulins  (7),  de  Lyon  (5)  de 
Riom  (6),  de  Grenoble  (6),  de  Poitiers  (9),  de  La  Rochelle 
(5),  de  Limoges  (5),  de  Bordeaux  (5),  de  Tours  (1^),  de 
Pau  et  Auch  (6),  de  Montauban  (6),  de  Champagne  (12), 
de  Rouen  (14),  de  Caen  (9),  d'Alençon  (9),  de  Bourgogne 
et  Bresse  (4).  L'élection  de  Paris  comprenait  un  président, 
un  lieutenant,  un  assesseur,  vingt  conseillers,  un  procu- 
reur du  roi,  un  substitut,  des  greffiers,  des  procureurs, 
des  huissiers-audienciers.  H.  Monin. 

II.  Politique.  —  I.  France.—  Au  mot  Constitution, 
nous  avons  donné,  avec  tous  les  détails  nécessaires,  l'his- 
torique des  divers  systèmes  électoraux  qui  se  sont  succède 
en  France  depuis  1789  jusqu'à  nos  jours.  Au  mot  Chambre, 
nous  avons  exposé  les  règles  actuellement  en  vigueur  pour 
l'élection  des  députés  ;  nous  exposerons  au  mot  Sénat  celles 
qui  concernent  l'élection  des  sénateurs.  Au  point  de  vue 
théorique,  la  question  a  donc  été  complètement  traitée. 
Reste  le  côté  pratique  sur  lequel  nous  insisterons,  car  les 
matières  électorales  intéressent  en  France  l'universahte  des 

citoyens.  .  . 

Dans  chaque  commune  ou  section  de  commune  existe 
une  liste  électorale  dressée  par  une  commission  composée 
du  maire,  d'un  délégué  de  l'administration  designe/par  le 
préfet  et  d'un  délégué  choisi  par  le -conseil  municipal.  A 
Paris  et  à  Lyon,  celte  liste  est  dressée  dans  chaque  quar- 
tier, ou  section,  par  une  commission  composée  du  maire^de 
l'arrondissement,  du  conseiller  municipal  du  quartier  et  d  un 
électeur  choisi  par  le  préfet  du  département.  Ces  hstes  de 
section,  ou  de  quartier,  servent  à  dresser  une  liste  générale 
des  électeurs  de  la  commune  par  ordre  alphabétique.  A 
Paris  et  à  Lyon,  cette  liste  générale  est  dressée  par  arron- 
dissement. Pour  être  inscrit  sur  la  liste  électorale,  il  taut 
être  Français,  être  âgé  de  vingt  et  un  ans  accomplis,  jouir 
des  droits  civils  et  politiques,  et  ne  se  trouver  dans  aucun 
des  cas  d'incapacité  prescrits  par  la  loi  (V.  plus  loin). 
Ce  sont  les  conditions  générales.  Il  faut  de  plus  avoir  son 
domicile  réel  dans  la  commune  ou  y  habiter  depuis  six  mois. 
La  liste  électorale  comprend  encore  ceux  qui  auront  ete 
inscrits  au  rôle  d'une  des  quatre  contributions  directes  ou 
au  rôle  des  prestations  en  nature,  et  qui,  s  ds  ne  résident 
pas  dans  la  commune,  auront  déclaré  vouloir  y  exercer  leurs 
droits  électoraux.  Sont  également  inscrits  les  membres  de 
la  famille  des  mêmes  électeurs  compris  dans  la  cote  de  la 
prestation  en  nature,  alors  même  qu'ils  n'y  sont  pas  per^ 


-  739 


ELECTION 


Sonneilement  portés,  et  les  habitants  qui,  en  raison  de  leur 
âge  ou  de  leur  santé,  auront  cessé  d'être  soumis  à  l'impôt. 
Sont  inscrits  encore  les  Alsaciens-Lorrains  qui,  en  vertu 
du  traité  de  paix  du  18  mai  1871,  ont  opté  pour  la  natio- 
nalité française  et  déclaré  leur  résidence  dans  la  commune 
conformément  à  la  loi  du  19  juin  1871.  Les  ministres  du 
culte  et  les  fonctionnaires  publics  assujettis  à  une  résidence 
obligatoire  dans  la  commune  sont  électeurs   sans  être 
soumis  à  une  résidence  d'une  durée  déterminée  dans  la 
commune.  Quant  aux  militaires  en  activité  de  service,  ils 
n'ont  pas  le  droit  de  participer  aux  élections  politiques  et 
autres,  en  suite  de  ce  principe  que  l'armée  doit  demeurer 
étrangère  aux  querelles  des  partis.  Toutefois,  un  militaire 
qui,  au  moment  d'une  élection,  se  trouverait  en  résidence 
libre,  en  non-activité  ou  en  possession  d'un  congé  rég^i- 
lier,  pourrait  voter  dans  la  commune  où  il  est  inscrit.  Il 
nous  reste  à  faire  connaître  les  causes  qui  interdisent 
l'exercice  des  droits  politiques.  C'est  le  décret  du  2  févr. 
18o2  qui  a  établi  la  liste  de  ces  incapacités  (art.  lo 
et  16).  Ce  sont  :  1°  les  condamnations  soit  à  des  peines 
afflictives  et  infamantes,  soit  à  des   peines   infamantes 
seulement  entraînant  la  perte  des  droits  civils  et  politiques. 
L'inter(liction  est  absolue  et  perpétuelle  à  moins  qu'une 
amnistie  n'ait  effacé  les  condamnations  elles-mêmes  et  toutes 
leurs  conséquences  ;  2<>  l'interdiction  de  vote  et  d'éligibilité 
prononcée  par  les  tribunaux  jugeant  corroctionnellement  ; 
30  les  condamnations  pour  crime  à  l'emprisonnement  seule- 
ment par  suite  de  circonstances  atténuantes  ;  4<*  les  con- 
damnations à  trois  mois  de  prison  pour  tromperie  sur  la 
nature  de  la  marchandise  (art.  318  et  423  du  C.  pén., 
loi  du  27  mars  1815)  ;  5<^  les  condamnations  pour  vol, 
escroquerie,  abus  de  confiance,  soustraction  commise  par 
les  dépositaires  des  deniers  publics,  attentats  aux  mœurs  ; 
6«  les  condamnations  pour  outrage  à  la  morale  publique 
et  religieuse  ou  aux  bonnes  mœurs  et  pour  attaque  contre 
le  principe  de  la  propriété  et  les  droits  de  la  famille  ; 
7<^  les  condamnations  à  plus  de  trois  mois  de  prison  pour 
fraudes  en  matière  électorale,  violences  et  voies  de  fait  aux 
scrutins  électoraux  ;  8°  la  destitution  prononcée  par  des 
jugements   ou  décisions  judiciaires  contre  les  notaires, 
greffiers  et  officiers  ministériels  ;  9''  les  condamnations 
pour  vagabondage  et  mendicité  ;  10°  les  condamnations  à 
trois  mois  d'emprisonnement  pour  les  motifs  suivants  :  des- 
truction de  registres,  minutes,  etc.,  dégât  de  marchan- 
dises servant  à  la  fabrication,  dévastation  de  récoltes, 
abatage  d'arbres  ;  destruction  de  greffes  ;  empoisonnement 
de  chevaux,  bestiaux,  poissons,  etx;.  ;  11*^  les  condamna- 
tions pour  délits  prévus  aux  art.  410  et  411  duC.  pén., 
sauf  une  disposition  sur  les  loteries,  abrogée  en  1875; 
12''  les  condamnations  aux  travaux  publics  prononcées 
contre  des  militaires  ;  13*^  les  condamnations  prononcées 
contre  ceux  qui  auraient  tenté  de  se  soustraire  aux  obli- 
gations du  recrutement  en  se  rendant  impropres  au  ser- 
vice militaire  ;  14*^  l'emprisonnement  pour  délits  de  trom- 
perie sur  la  nature  de  la  marchandise  ;  15°  les  condamna- 
tions pour  déht  d'usure;  16°  l'interdiction;  toutefois,  les 
aliénés  ne  sont  point  privés  des  droits  électoraux  s'ils  n'ont 
pas  été  interdits  suivant  les  prescriptions  du  C.  civ.  ;  17"  la 
faillite.  Toutefois,  il  faut  remarquer  que,  depuis  la  loi 
d.e  1889  sur  la  liquidation  judiciaire,  l'inéligibilité  demeure 
enlevée  aux  commerçants  admis  à  la  liqui(5ation  judiciaire 
comme  au  failli,  mais  l'électorat  est  conservé  à  tout  com- 
merçant qui  obtient  un  concordat  soit  à  la  suite  d'une 
liquidation  judiciaire,  soit  à  la  suite  d'une  mise  en  faillite. 
Telles  sont  les  incapacités  perpétuelles.  Il  en  est  d'autres 
qui  ne  sont  que  temporaires.  Les  condamnés  à  plus  d'un  mois 
d'emprisonnement  pour  rébellion,  outrages  et  violences 
envers  les  dépositaires  de  l'autorité  ou  de  la  force  publiques, 
envers  un  juré  ou  un  témoin,  pour  délits  prévus  par  la  loi 
sur  les  attroupements  et  la  loi  sur  les  clubs,  pour  colpor- 
tage ilKcite,  ne  peuvent  être  inscrits  sur  la  liste  électorale 
que  cinq  ans  après  l'expiration  de  leur  peine.  Les  incapa- 
cités temporaires  ou  permanentes  sont,  comme  on  l'a  vu, 


tellemont  nombreuses  que  l'administration  a  du  établir  une 
sorte  de  casier  judiciaire  particulier  pour  assurer  l'appli- 
cation de  la  loi.  Les  greffiers  des  tribunaux  correctionnels 
et  des  cours  d'assises  écrivent  un  bulletin  de  chaque  con- 
damnation entraînant  privation  du  droit  électoral.  Ce  bul- 
letin est  envoyé  au  sous-préfet  de  l'arrondissement  dans 
lequel  est  située  la  commune  où  le  condamné  est  né.  Le 
sous-préfet  avise  le  maire  de  cette  commune  et  réunit  dans 
le  casier  spécial  tous  les  bulletins  qui  lui  sont  ainsi  adres- 
sés. Les  greffiers  des  tribunaux  de  commerce,  les  com- 
missaires du  gouvernement  près  les  conseils  de  guerre,  les 
greffiers  des  tribunaux  maritimes  de  Brest  et  de  Toulon 
procèdent  de  même. 

Les  listes  électorales  ainsi  composées  sont  permanentes. 
Chaque  année, du  1^'au  10  janv.,la  commission  adminis- 
trative procède  à  une  re vision  :  1°  a.joutant  à  la  liste  les 
citoyens  qu'elle  reconnaît  avoir  acquis  les  qualités  exigées 
par  la  loi,  ceux  qui  acquerront  les  conditions  d'âge  et 
d'habitation  avant  le  l^*"  avr.  et  ceux  qui  ont  été  précé- 
demment omis;  2°  retrandiant  les  individus  décédés,  ceux 
qui  sont  devenus  incapables  d'exercer  le  droit  électoral 
dans  la  commune.  Ces  changements  sont  résumés  dans  un 
tableau  comprenant  deux  parties  distinctes:  Additions  et 
Retranchements.  Le  tableau  est  porté  à  la  connaissance  des 
électeurs  et  à  celle  des  préfets  et  sous-préfets  qui  exercent 
une  surveillance  sur  la  re  vision  des  listes  et  sont  investis 
du  droit  de  requérir  des  inscriptions  et  des  radiations. 

Un  citoyen  qui  n'a  jamais  été  inscrit  sur  aucune  liste 
électorale  peut  demander  son  inscription  personnellement 
ou  par  l'entremise  d'un  tiers.  Une  lettre  adressée  au  maire 
suffît.  Si  l'électeur  déjà  inscrit  sur  une  liste  électorale 
demande  à  être  inscrit  dans  une  autre  commune,  il  doit 
faire  la  preuve  de  la  radiation  opérée  ou  sollicitée  par  lui 
sur  la  première  liste.  Outre  les  radiations  d'office,  il  peut 
en  être  opéré  sur  la  demande  de  tiers  ;  mais  ces  tiers  ne 
sont  pas  quelconques  ;  il  faut,  pour  que  leur  demande  soit 
valable,  qu'ils  soient  inscrits  sur  l'une  des  listes  de  la  cir- 
conscription électorale  où  ils  réclament  une  radiation.  Le 
tiers  réclamant  doit  joindre  à  sa  demande  un  exposé  des 
motifs  de  la  radiation.  Ces  réclamations  sont  inscrites  sur 
un  registre  tenu  par  le  maire  qui  en  délivre  récépissé.  Le 
maire  avertit  sans  frais  l'électeur  dont  l'inscription  est 
ainsi  contestée,  de  même  que  les  électeurs  rayés  d'office  par 
les  commissions  ou  dont  l'inscription  est  contestée  devant 
ces  commissions. 

Examinons  maintenant  la  procédure  suivie  lorsqu'il  se 
produit  des  contestations  relativement  à  la  révision  des 
listes.  Lorsque  la  commission  administrative  (V.  ci-dessus) 
a  terminé  ses  opérations,  il  est  accordé  à  partir  de  cette 
date  —  qui  ne  doit  jamais  dépasser  le  15  janv.— un  délai 
de  vingt  jours  pour  présenter  des  demandes  en  inscription 
ou  en  radiation.  Ces  demandes  sont  examinées  par  une 
commission  dite  municipale  qui  n'est  autre  que  la  com- 
mission administrative,  à  laquelle  sont  adjoints  deux  autres 
délégués  du  conseil  municipal.  Les  décisions  de  la  con- 
mission  municipale  doivent  être  prises  à  la  majorité  des 
suffrages  et  être  consignées  sur  un  registre;  elles  sont 
notifiées  dans  les  trois  jours  aux  intéressés  par  écrit  et  à 
domicile.  Il  s'agit  donc  en  l'espèce  d'une  véritable  juri- 
diction devant  laquelle  tous  les  genres  de  preuves  peuve.it 
être  fournis.  L'appel  contre  les  décisions  des  comiîiissio.is 
municipales  doit  être  porté  devant  le  juge  de  paix  par  dé- 
claration au  greffe  dans  le  délai  de  cinq  jours  à  partir  de 
la  notification.  Le  juge  de  paix  doit  statuer  dans  les  dix 
jours,  sans  frais  ni  forme  de  procédure.  Sa  décision' 
doit  être  rendue  dans  les  forme§  prescrites  par  la  loi  et 
remplir  les  conditions  substantielles  des  jugements,  c.-à-d. 
renfermer  les  noms  des  parties,  la  qualité  en  laquelle  elles 
agissent,  la  mention  de  l'avertissement  qu'elles  ont  reçu 
du  jugede  paix,  leurs  conclusions  ou  toute  indication  préci- 
sant l'objet  du  débat.  Cette  décision  est  en  dernier  ressort, 
mais  elle  peut  être  déférée  à  la  cour  de  cassation.  Le  pour- 
voi n'est  alors  valable  que  s'il  est  formé  dans  les  dix  jours 


ÉLECTION 


740  — 


de  la  notification  de  la  décision  ;  il  n'est  pas  suspensif.  Ce 
pourvoi  est  formé  par  simple  requête  dénoncée  au  défenseur 
dans  les  dix  jours  qui  suivent  la  déclaration.  Ces  pour- 
vois sont  portés  directement  devant  la  chambre  civile.  Si 
la  décision  attaquée  est  cassée,  la  cause  est  renvoyée 
devant  un  autre  juge  de  paix.  Tous  les  actes  judiciaires 
sont  en  matière  électorale  dispensés  du  timbre  et  enre- 
gistrés i^ratis.  De  même  les  extraits  des  actes  de  nais- 
sance pour  établir  Tàge  des  électeurs  sont  délivrés  gra- 
tuitement sur  papier  libre  à  tout  réclamant,  à  la  condition 
de  porter,  en  tête  de  leur  texte,  renonciation  de  leur  desti- 
nation spéciale;  ils  ne   peuvent   servir  à  aucun  autre 

usage.  ,      ^  .    .         ,    .  . 

Au  31  mars  de  chaque  année,  la  commission  adminis- 
trative doit  procéder  à  la  clôture  définitive  de  la  liste  élec- 
torale. Elle  examine  pour  cela  la  liste  de  Tannée  précédente, 
le  tableau  rectificatif,  les  décisions  de  la  commission  muni- 
cipale, celles  du  juge  de  paix,  les  arrêts  de  la  cour  de 
cassation  rave  le  nom  des  électeurs  décédés  depuis  la  tor- 
mation  du  tableau  rectificatif  ou  privés  de  leurs  droits 
depuis  la  même  époque  par  un  jugement  définitif.  Ceci  tait, 
on  dresse  par  ordre  alphabétique  une  liste  électorale  d  un 
seul  tenant,  qui  est  déposée  au  secrétariat  de  la  commune 
et  dont  tout  électeur  peut  prendre  communication  et  même 
copie.  Cette  liste  est  valable  et  ne  subit  aucun  changement 
jusqu'à  l'année  suivante  ;  cependant  on  peut  en  rayer  les 
noms  des  électeurs  décédés  ou  privés  de  leurs  droits  poli- 
tiques dans  l'intervalle.  A  titre  de  renseignements,  voici 
d'après  la  circulaire  ministérielle  du  30  nov.  188^  les 
époques  et  délais  des  diverses  opérations  relatives  aux  listes 
électorales. 


DÉSIGNATION 


Préparation  des  tableaux  de  recti- 
fications   

Délai  accordé  pour  dresser  les  ta- 
bleaux de  rectifications 

Publication  des  tableaux  de  recti- 
tifications 

Délai  ouvert  aux  réclamations 

Délai  pour  les  décisions  des  com- 
missions chargées  du  jugement 
des  réclamations 

Délai  pour  la  notification  des  der- 
nières décisions  de  ces  commis 
sions 

Délai  d'appel  devant  le  juge  de  paix. 

Délai  pour  les  décisions  du  juge  de 
paix ; 

Délai  pour  les  notifications  des  dé 
cisions  du  juge  de  paix 

Clôture  définitive  des  listes , 


NOMBRE 

de 
jours. 


TERME 

des 
délais. 


40 


i 
20 


3 
5 

10 


10  janv. 
U  — 

lo    — 

4  févr. 


9  — 


12  — 
17   — 

27  — 

l^'^mars 
31     — 


On  trouvera  en  ce  qui  concerne  les  conditions  d'éligibilité 
tous  les  renseignements  nécessaires  aux  mots  Chambre  des 
DÉPUTÉS,  Sénat  et  Constitution,  Conseil  municipal,  Conseil 
GÉNÉRAL,  Conseil  d'arrondissement.       ^  ^     , 

Il  ne  nous  reste  plus  qu'un  mot  à  dire  des  opérations 
électorales,  i^  Elections  municipales.  Les  électeurs  mu- 
nicipaux sont  convoqués  dans  chaque  commune  par  le 
préfet;  la  convocation  doit  être  publiée  quinze  jours  avant 
l'élection  qui  se  doit  toujours  produire  un  dimanche.  Le 
même  arrêté  de  convocation  indique  les  locaux  où  devront 
avoir  lieu  les  scrutins  ainsi  que  les  heures  d'ouverture  et 
de  fermeture  du  vote.  Généralement,  c'est  dans  la  mairie 
ou  dans  une  salle  d'école  que  les  scrutins  sont  ouverts. 
Des  cartes  électorales  sont  distribuées  à  tous  les  électeurs 
aux  frais  de  la  commune.  La  remise  des  cartes  à  domicile 


n'est  pas  obligatoire.  Chaque  bureau  de  vote  est  présidé 
par  le  maire  ou  à  son  défaut  par  un  adjoint,  suivant  Tordre 
rigoureux  dénomination,  ou  par  les  conseillers  municipaux, 
suivant  l'ordre  rigoureux  du  tableau.   Le  président  forme 
le  bureau  en  prenant  pour  assesseurs  les  deux  plus  âgés 
et  les  deux  plus  jeunes  électeurs  présents,  à  condition  qu'ils 
sachent  lire  et  écrire.  Les  assesseurs  et  le  président  dé- 
signent un  secrétaire.  La  composition  du  bureau  ne  peut 
ensuite  être  modifiée.  Au  cas  où  les  membres  ainsi  nommés 
abandonneraient  leurs  fonctions,  ils  seraient  remplacés  sui- 
vant la  même  procédure.  Chaque  électeur  remet  sa  carte 
au  président  du  bureau.  Le  président  lit  le  nom  porté  sur 
la  carte,  la  nasse  au  scrutateur,  qui  vérifie  la  conformité  de 
la  carte  avec  la  liste  électorale.   L'électeur  remet  ensuite 
a» président  son  bulletin  de  vote  fermé.  Un  scrutateur 
constate  alors  qu'il  a  voté  en  apposant  en  marge  de  la  liste 
électorale  et  en  face  du  nom  de  l'électeur  sa  signature  ou 
son  parafe  avec  initiales.  Certaines  formalités  sont  impo- 
sées aux  électeurs  en  ce  qui  concerne  le  bulletin  de  vote. 
Nous  les  avons  indiquées  au  mot  Bulletin,  t.  VIII,  p.  420. 
Au  commencement  du  vote,  le  président  doit  constater 
l'heure  réelle  à  laquelle  est  ouvert  le  scrutin,  qui  ne  doit 
être  fermé  qu'après  six  heures  au  moins  ;  l'heure  de  clôture 
est  également  constatée.  Le  scrutin  clos,  on  procède  au 
dépouillement  du  vote.  L'urne  (en  réalité,  c'est  une  boîte 
en  bois  blanc  fermée  à  deux  serrures  dont  les  clefs  sont 
l'une  entre  les  mains  du  président  et  l'autre  entre  les 
mains  de  l'assesseur  le  plus  âgé)  est  ouverte  et  le  nombre 
de  bulletins  aussitôt  vérifié.  Le  bureau  désigne  des  scruta- 
teurs parmi  les  électeurs  présents.  Ces  scrutateurs  prennent 
place  à  des  tables  disposées  de  manière  que  les  électeurs 
puissent  circuler  facilement  autour  et  vérifier  la  sincérité 
du  dépouillement.  Chaque  bulletin  est  lu  à  haute  voix  et 
en  entier  par  les  scrutateurs.  Cette  opération  terminée,  le 
président  proclame  le  résultat  :   on  brûle  alors  devant 
les  électeurs  les  bulletins  qui  n'ont  soulevé  aucune  récla- 
mation et  on  annexe  les  autres  au  procès-verbal  de  l'élec- 
tion qui  est  dressé  par  le  secrétaire  et  est  aussitôt  envoyé 
au  sous-préfet  qui  le  transmet  au  préfet.  Un  extrait  est 
immédiatement  affiché  par  les  soins  du  maire. 

Les  réclamations  contre  les  élections  sont  consignées  au 
procès-verbal  ;  sinon  elles  doivent  être  déposées,  dans  les 
cinq  jours  qui  suivent  le  jour  de  l'élection,  au  secrétariat 
de  la  mairie,  à  la  sous-préfecture  ou  à  la  préfecture.  Le 
préfet,  de  son  côté,  peut,  dans  les  quinze  jours  qui  suivent 
la  réception  du  procès-verbal,  déférer  les  élections  au 
conseil  de  préfecture  pour  irrégularités  de  forme  ou  pour 
cause  d'incapacité  de  l'élu.  Les  réclamations  contre  les 
décisions  du  conseil  de  préfecture  doivent  être  portées 
devant  le  conseil  d'Etat.  Lorsque  les  élections  ont  été 
annulées  en  tout  ou  en  partie,  les  électeurs  doivent  être 
convoqués  à  nouveau  dans  un  délai  qui  ne  peut  dépasser 
deux  mois.  .    .  j 

2<^  Elections  de  conseillers  d  arrondissement  et  de 
conseillers  généraux.  Les  électeurs  sont  convoqués  par 
décret  du  président  de  la  République  quinze  jours  au  moins 
avant  la  date  de  l'élection,  qui  doit  toujours  avoir  heu  un 
dimanche.  Il  est  procédé  aux  opérations  électorales  suivant 
les  formes  que  nous  avons  indiquées  ci-dessus,  sauf  d'insi- 
gnifiantes modifications.  Les  procès-verbaux  sont  portés  au 
chef-lieu  de  canton  par  deux  membres  du  bureau;  le  recen- 
sement général  des  votes  est  fait  par  le  bureau  du  chef- 
lieu  dont  le  président,  après  avoir  proclamé  les  résultats, 
transmet  les  procès-verbaux  au  préfet.  Les  réclamations 
sont  portées  devant  le  conseil  de  préfecture,  ou,  en  cas 
d'incapacité  des  élus,  devant  le  tribunal  de  l'arrondis- 
sement. Le  conseil  d'Etat  juge  en  dernier  ressort. 

3«  Elections  de  députés.  Les  électeurs  sont  convoques 
par  décret  du  président  de  la  République.  L'intervalle  entre 
la  promulgation  du  décret  et  l'ouverture  des  collèges  élec- 
toraux est  de  vingt  jours  au  moins.  Le  scrutin  ne  dure 
qu'un  seul  jour.  Le  vote  a  lieu  au  chef-lieu  de  la  com- 
mune ;  néanmoins  chaque  commune  peut  être  divisée  par 


741  — 


ÉLECTION 


l 


arrêté  du  préfet  en  autant  de  sections  que  l'exigent  les 
circonstances  locales  et  le  nombre  des  électeurs.  Le  se- 
cond tour  de  scrutin,  s'il  est  nécessaire,  doit  avoir  lieu  le 
deuxième  dimanche  qui  suit  le  jour  de  la  proclamation  du 
résultat  du  premier  scrutin.  Le  vote  est  secret.  Il  n'y  a  pas 
de  modifications  sensibles  à  la  procédure  suivie  pour  les 
opérations  électorales  dans  les  élections  municipales  (V.  ci- 
dessus).  Les  listes  d'émargement  de  chaque  section  signées 
du  président  et  du  secrétaire  sont  déposées  pendant  huit  jours 
au  secrétariat  de  la  mairie,  où  elles  sont  communiquées  à  tout 
électeur  qui  le  requiert.  Copie  du  procès- verbal  des  élections 
est  transmise  au  sous-préfet  de  l'arrondissement  qui  l'ex- 
pédie au  préfet  du  département.  Le  recensement  général  des 
votes  est  fait  au  chef-lieu  du  département  en  séance  publique, 
par  une  commission  de  trois  conseillers  généraux  (à  Paris 
par  une  commission  de  cinq  conseillers  généraux  de  la 
Seine  désignés  par  le  préfet).  Le  président  de  cette  com- 
mission proclame  le  résultat.  C'est  la  Chambre  qui  est  seule 
juge  de  l'éligibilité  de  ses  membres  et  de  leur  élection 
(Y.  Chambre  et  Vérification  des  pouvoirs). 

^i^  Elections  sénatoriales.  Un  décret  du  président  de 
la  République,  rendu  au  moins  six  semaines  à  l'avance,  fixe 
le  jour  où  doivent  avoir  lieu  les  élections  pour  le  Sénat  et 
en  même  temps  celui  où  doivent  être  choisis  les  délégués 
des  conseils  municipaux.  Il  doit  y  avoir  un  mois  au  moins 
d'intervalle  entre  le  choix  des  délégués  et  l'élection  des 
sénateurs.  Les  listes  des  électeurs  sénatoriaux  sont  établies 
lar  les  préfets  huit  jours  au  moins  avant  la  date  fixée  par 
ie  décret  de  convocation.  Elles  doivent  être  communiquées 
à  tout  requérant.  Elles  comprennent  des  électeurs  de  droit  : 
députés,  conseillers  généraux,  conseillers  municipaux  et 
des  délégués  sénatoriaux  élus  par  les  conseils  municipaux 
(V.  Constitution  et  Sénat).  Les  électeurs  sénatoriaux  sont 
convoqués  par  lettres  ;  ces  lettres  servent  de  cartes  électo- 
rales. Les  élections  ont  lieu  généralement  à  la  préfecture  ou 
au  palais  de  justice  ;  la  salle  de  vote  est  ouverte  à  huit  heures 
du  matin.  Un  bureau  composé  d'un  président  (le  président 
du  tribunal  civil  du  chef-lieu  du  département),  de  quatre  as- 
sesseurs (les  deux  plus  âgés  et  les  deux  plus  jeunes  électeurs 
présents  à  l'ouverture  de  la  séance)  et  d'un  secrétaire,  sur- 
veille les  opérations  et  veille  à  ce  que  les  électeurs  ne 
s'occupent  que  de  l'élection  pour  laquelle  ils  sont  réunis  ; 
toute  discussion  et  toute  délibération  sont  interdites.  Les 
électeurs  sont  répartis  par  ordre  alphabétique  en  sections 
de  vote  comprenant  au  moins  cent  électeurs.  Chacune  de 
ces  sections  est  surveillée  par  un  président  et  des  scruta- 
teurs sans  condition  d'âge,  et  munie  d'une  boîte  de  scrutin. 
Chaque  électeur  se  rend  suivant  l'ordre  alphabétique  à  la 
section  qui  lui  est  assignée;  il  remet  son  bulletin  de  vote 
fermé  au  président  qui  le  dépose  dans  l'urne.  Un  assesseur 
reçoit  la  carte  de  convocation  et  y  constate  le  vote  de  l'élec- 
teur. Deux  autres  assesseurs  tiennent  une  feuille  d'émar- 
gement. Le  dépouillement  opéré,  le  président  du  collège 
proclame  les  résultats  du  scrutin.  S'il  y  a  lieu  à  un  second 
tour  de  scrutin,  il  ne  doit  durer  que  trois  heures,  de  deux 
à  cinq  heures  de  l'après-midi.  Si  l'opération  ne  donne  pas 
encore  de  résultat,  un  nouveau  scrutin  est  ouvert  à  sept 
heures  et  fermé  à  dix  heures. 

Les  délégués  sénatoriaux  et  les  suppléants  qui  ont  pris 
part  à  tous  les  scrutins  peuvent  recevoir  une  indemnité  de 
déplacement.  Elle  est  de  2  fr.  50  par  myriamètre  parcouru 
tant  en  allant  qu'en  revenant,  soit  5  fr.  par  myriamètre 
aller  et  retour.  La  distance  compte  du  chef-lieu  de  la  com- 
mune qui  a  élu  le  délégué  au  chef-lieu  du  département.  Il 
faut  faire  la  demande  expresse  de  cette  indemnité  au  pré- 
sident du  collège  électoral  avant  la  clôture  de  la  séance.  Le 
Sénat,  comme  la  Chambre,  est  seul  juge  de  la  validité  de 
l'élection  de  ses  membres.  Dans  les  départements  algériens, 
le  collège  électoral  se  compose  des  députés,  des  membres 
citoyens  français  du  conseil  général,  des  délégués  élus  par 
les  membres  citoyens  français  de  chaque  conseil  municipal 
parmi  les  électeurs  citoyens  français  de  la  commune.  Tout 
délégué  qui,  sans  cause  légitime,  n'aurait  pas  pris  part  à  tous 


les  scrutins  ou,  étant  empêché,  n'aurait  pas  averti  le  sup- 
pléant en  temps  utile,  est  condamné  à  une  amende  de  50  fr. 
par  le  tribunal  civil  du  chef-lieu  sur  les  réquisitions  du 
ministère  public. 

Les  frais  des  élections  municipales  sont  à  la  charge  des 
communes,  à  l'exception  des  frais  d'impression  et  de  publi- 
cation. Ce  sont  la  location  et  l'appropriation  du  lieu_  du 
vote,  la  fourniture  des  bancs,  tables,  chaises,  papier, 
encre,  barrières,  les  indemnités  aux  employés  municipaux 
et  aux  agents  chargés  de  la  police,  les  formules  de  tous  les 
procès-verbaux  d'élection  et  de  toutes  les  listes  destinées  à 
l'émargement  des  électeurs,  la  fourniture  des  cartes  élec- 
torales et  les  frais  d'impression  et  d'affichage  des  avis 
publiés  par  les  maires  à  l'occasion  des  élections.  Pour  les 
élections  départementales  et  législatives,  la  dépense  des 
cartes  électorales  est  d'ordinaire  inscrite  par  les  conseils 
généraux  au  budget  départemental.  Sont  également  à  la 
charge  des  départements  les  frais  d'impression  et  de  publi- 
cation des  listes  d'électeurs  pour  les  juges  des  tribunaux 
de  commerce,  les  frais  d'impression  des  cadres  pour  la 
formation  des  listes  électorales  ordinaires  et  des  listes  du 
jury.  Tous  les  actes  judiciaires  sont,  en  matière  électorale, 
dispensés  du  timbre  et  enregistrés  gratis.  Toute  la  procé- 
dure est  sans  frais  pour  l'électeur.  Les  dépenses  pour 
l'installation  des  casiers  électoraux  sont  inscrites  au  budget 
départemental.  Les  formules  imprimées  relatives  au  service 
de  ces  casiers  sont  à  la  charge  du  fonds  d'abonnement  des 
préfectures  comme  tous  les  imprimés  administratifs  pour 
lesquels  la  loi  ne  spécifie  pas  un  mode  spécial  d'imputation. 
Les  indemnités  payées  aux  délégués  sénatoriaux  sont  im- 
putées sur  les  fonds  du  ministère  de  l'intérieur.  Le  crédit 
prévu  de  ce  chef  pour  l'exercice  4893  est  de  250,000  fr. 
Lors  des  renouvellements  triennaux  il  s'élève  à  650,000  fr. 
(1891)  et  même  à  1,088,000  fr.  (1888). 

5^  Elections  consulaires.  Les  juges  des  tribunaux  de 
commerce,  comme  les  membres  des  assemblées  législatives, 
sont  élus  et  non  point  nommés  par  le  gouvernement.  Leur 
mode  d'élection  a  varié  à  plusieurs  reprises.  En  1807 
(code  de  commerce),  les  électeurs  étaient  les  commerçants 
notables  :  la  liste  était  dressée  par  les  préfets  et  approu- 
vée par  le  ministre  de  l'intérieur.  Dans  les  villes  de 
15,000  âmes,  le  nombre  des  électeurs  ne  pouvait  être  in- 
férieur à  25  ;  dans  les  autres  villes,  ce  nombre  devait  être 
augmenté  dans  la  proportion  d'un  électeur  par  l,000âmes. 
Après  la  révolution  de  1848,  tous  les  commerçants  patentés 
furent  admis  à  l'élection  des  juges  consulaires.  Le  décret 
du  2  mars  1852  rétablit  les  dispositions  du  code  de  com- 
merce. La  loi  du  21  déc.  1871  inaugura  un  nouveau  sys- 
tème. Les  électeurs  furent  choisis  parmi  les  commerçants 
notoirement  recommandables ,  les  directeurs  de  grandes 
compagnies  financièreset  industrielles,  les  agentsde  change, 
les  capitaines  au  long  cours.  La  liste  en  fut  dressée  par  une 
commission  composée  du  président  et  d'un  juge  du  tribu- 
nal de  commerce,  du  président  et  d'un  membre  de  la 
chambre  de  commerce  ou,  à  défaut  de  chambre  de  commerce, 
du  président  et  d'un  membre  de  la  chambre  consultative 
des  arts  et  métiers,  ou,  à  défaut  de  chambre  consultative, 
d'un  conseiller  municipal;  de  trois  conseillers  généraux,  du 
président  du  conseil  des  prud'hommes  ou,  à  défaut,  du  plus 
âgé  des  jugés  de  paix  ;  du  maire  de  la  ville  où  siège  le  tribu- 
nal. Le  nombre  des  électeurs  devait  être  égal  au  dixième^des 
commerçants  patentés  ;  il  ne  pouvait  être  inférieur  à  50  ; 
il  était  de  3,000  dans  le  dép.  de  la  Seine.  La  loi  du  8  déc. 
1883  a  introduit  dans  les  élections  consulaires  le  suffrage 
universel.  Les  électeurs  sont  tous  les  citoyens  français  com- 
merçants patentés  ou  associés  en  nom  collectif  depuis  cinq 
ans  au  moins,  capitaines  au  long  cours  et  maîtres  de  cabo- 
tage ayant  commandé  des  bâtiments  pendant  cinq  ans,  direc- 
teurs des  compagnies  françaises  anonymes  de  finance,  de 
commerce  et  d'industrie,  agents  de  change  et  courtiers 
d'assurances  maritimes,  courtiers  de  marchandises,  cour- 
tiers interprètes  et  conducteurs  de  navire,  les  uns  et  les 
autres  après  cinq  ans  d'exercice  et  tous  sans  exception 


ELECTION 


742  - 


devant  être  domiciliés  depuis  cinq  ans  au  moins  dans  le 
ressort  du  tribunal.  Sont  également  électeurs  dans  leur  res- 
sort les  membres  anciens  ou  en  exercice  des  tribunaux  et 
des  chambres  consultatives  des  arts  et  manufactures,  les  pré- 
sidents anciens  ou  en  exercice  des  conseils  de  prud'hommes. 
Ne  peuvent  participer  à  l'élection  :  les  individus  condamnés 
à  des  peines  afflictives  et  infamantes  ;  à  des  peines  correc- 
tionnelles, pour  faits  qualifiés  crimes  par  la  loi  ;  ceux  qui 
ont  été  condamnés  pourvoi,  escroquerie,  abus  de  confiance, 
soustractions  commises  par  les  dépositaires  de  deniers  pu- 
blics, attentats  aux  mœurs  ;  ceux  qui  ont  été  condamnés  à 
Femprisonnement  pour  délit  d'usure,  pour  infraction  aux 
lois  sur  les  maisons  de  jeu,  sur  les  loteries  et  les  maisons 
de  prêt  sur  gage,  etc.;  ceux  qui  ont  été  condamnés  à  l'em- 
prisonnement par  l'application  des  lois  sur  les  sociétés,  les 
faillis  non  réhabilités  et  généralement  tous  les  individus 
privés  du  droit  de  vote  dans  les  élections  politiques  (V.  ci- 
dessus).  La  liste  des  électeurs  du  ressort  de  chaque  tribu- 
nal est  dressée  tous  les  ans  pour  chaque  commune  par  le 
maire  assisté  de  deux  conseillers  municipaux  désignés  par 
le  conseil  dans  la  première  quinzaine  du  mois  de  septembre. 
Cette  liste  est  transmise  au  préfet  ou  au  sous-préfet  qui 
fait  déposer  la  liste  générale  au  greffe  du  tribunal  de  com- 
merce et  la  liste  spéciale  de  chacun  des  cantons  du  ressort, 
au  greffe  de  chacune  des  justices  de  paix  correspondantes. 
Les  réclamations  doivent  être  portées  devant  le  juge  de 
paix  du  canton  qui  statue  sans  opposition  ni  appel  dans  les 
dix  jours.  La  sentence  est  transmise  au  maire  de  la  com- 
mune de  l'intéressé,  lequel  en  fait  notification  audit  inté- 
ressé dans  les  vingt-quatre  heures  de  la  réception.  La 
décision  du  juge  de  paix  peut  être  déférée  à  la  cour  de  cas- 
sation, le  pourvoi  n'étant  recevable  que  s'il  est  formé  dans 
les  dix  jours  de  la  notification  de  ladite  décision.  La  liste 
électorale  rectifiée,  s'il  y  a  lieu,  est  close  définitivement  dix 
jours  avant  l'élection  :  elle  sert  pour  toutes  les  élections 
de  l'année.  Le  vote  a  lieu  par  canton  à  la  mairie  du  chef- 
lieu.  Dans  les  villes  divisées  en  plusieurs  cantons,  le  maire 
désigne  pour  chaque  canton  le  local  oti  s'effectuera  ces  opé- 
rations électorales  et  délègue  pour  y  présider  un  de  ses 
adjoints  ou  un  des  conseillers  municipaux.  Les  électeurs 
sont  convoqués  par  le  préfet  dans  la  première  quinzaine  de 
décembre  au  plus  tard.  L'assemblée  électorale  est  présidée 
par  le  maire  ou  son  délégué,  assisté  de  quatre  électeurs 
qui  seront  les  deux  plus  âgés  et  les  deux  plus  jeunes  des 
membres  présents.  Le  bureau  ainsi  composé  nomme  un  secré- 
taire pris  dans  l'assemblée.  La  durée  de  chaque  scrutin 
est  de  six  heures  :  il  est  ouvert  à  dix  heures  du  matin  et 
fermé  à  quatre  heures  du  soir.  Le  président  de  chaque 
assemblée  proclame  le  résultat  de  l'élection  et  transmet  au 
préfet  le  procès-verbal  des  opérations  électorales.  Dans  les 
vingt-quatre  heures  le  résultat  général  de  l'élection  de 
chaque  ressort  est  constaté  par  une  commission  siégeant  à 
la  préfecture  et  composée  :  i<*  du  préfet  ;  2*^  du  conseiller 
général  du  chef-lieu  du  département  et,  dans  le  cas  où  le 
chef-lieu  est  divisé  en  plusieurs  cantons,  le  plus  âgé  des 
conseillers  généraux  du  chef-lieu,  en  cas  d'empêchement 
des  conseillers  généraux,  le  conseiller  d'arrondissement  ou 
le  plus  âgé  des  conseillers  d'arrondissement  du  chef-lieu  ; 
T  le  maire  du  chef-lieu  du  département,  ou  l'un  de  ses 
adjoints  en  cas  d'empêchement.  Dans  lés  trois  jours  qui  sui- 
vent les  constatations  des  résultats  électoraux,  le  préfet 
transmet  au  procureur  général  près  la  cour  d'appel  une 
copie  certifiée  du  procès-verbal  et  une  autre  copie  égale- 
ment certifiée  à  chacun  des  greffiers  des  tribunaux  de  com- 
mercedu  département.  Le  préfet  doit  également  transmettre 
le  résuhat  des  opérations  électorales  à  tous  les  maires  des 
chefs-lieux  de  canton  qui  la  font  afficher  à  la  porte  de 
la  maison  commune.  Les  réclamations  sont  admises  dans 
les  cinq  jours  de  l'élection.  Elles  sont  jugées  sommaire- 
ment par  la  cour  d'appel  dans  le  ressort  de  laquelle  l'élec- 
tion a  eu  lieu.  Le  pourvoi  en  cassation  n'est  recevable 
que  s'il  est  formé  dans  les  dix  jours  de  la  signification. 
Dans  les  villes  de  Paris  et  de  Lyon,  il  y  a  autant  de  col- 


lèges électoraux  que  d'arrondissements.  Le  vote  a  lieu  dans 
chaque  mairie  d'arrondissement.  Dans  les  circonscriptions 
suburbaines  comprises  dans  les  dép.  de  la  Seine  et  du 
Rhône,  les  élections  ont  lieu  au  chef-lieu  de  canton. 

II.  Étranger.  —  Comme  pour  la  France,  nous  ren- 
voyons au  mot  Constitution  pour  l'exposé  des  principes  du 
droit  électoral  en  vigueur  dans  les  principaux  pays  du 
monde,  et  au  mot  Parlementarisme  pour  la  composition 
et  le  mode  de  recrutement  des  assemblées  législatives.  On 
ne  trouvera  ici  que  les  détails  concernant  la  pratique  des 
opérations  électorales  à  l'étranger. 

Allemagne.  Les  députés  au  Reichstag  sont  élus  au  suf- 
frage universel  direct.  Les  circonscriptions  électorales  sont 
déterminées  par  la  loi.  C'est  l'autorité  municipale  qui  est 
chargée  de  dresser  les  listes  électorales  en  double  et  par 
ordre  alphabétique.  Chaque  section  est  munie  d'une  liste 
spéciale.  A  une  époque  fixée  annuellement  par  la  munici- 
palité, la  liste  est  exposée  pendant  huit  jours  à  la  mairie. 
Les  réclamations  doivent  être  adressées  au  bourgmestre  ; 
s'il  pense  que  ces  réclamations  sont  fondées,  il  fait  opérer 
de  suite  les  rectifications  nécessaires  ;  s'il  en  juge  autrer 
ment,  il  transmet  l'affaire  à  l'autorité  judiciaire,  qui  doit 
statuer  dans  le  délai  de  trois  semaines.  La  décision  est  ins- 
crite sur  la  liste  électorale.  Au  bout  de  vingt-deux  jours, 
la  liste  revisée  est  close,  et  il  ne  peut  plus  y  être  ajouté 
aucun  nom  pendant  toute  l'année.  Les  élections  ont  lieu 
au  jour  fixe  par  l'empereur;  le  scrutin  ouvre  à  dix 
heures  du  matin  et  ferme  à  six  heures  du  soir .  Le  bureau 
électoral  de  chaque  section  de  vote  se  compose  d'un  pré- 
sident, nommé  par  l'autorité  locale,  d'un  secrétaire  et  de 
trois  à  six  assesseurs  qui  sont  désignés  par  le  président. 
Les  fonctionnaires  de  l'Etat  ne  peuvent  faire  partie  du 
bureau.  Les  opérations  électorales  ont  lieu,  à  peu  de  chose 
près,  suivant  la  même  procédure  qu'en  France.  Le  dépouil- 
lement du  scrutin  se  fait  en  public  et  à  haute  voix.  Les 
bulletins  blancs,  ou  portant  des  marques  distinctives,  ou 
illisibles,  ou  incompréhensibles,  ou  renfermant  une  protes- 
cation  ou  condition  quelconque,  sont  annulés,  numérotés 
et  annexés  au  procès-verbal.  Les  procès-verbaux  sont 
envoyés  au  siège  de  la  circonscription  électorale.  Trois 
jours  après  cet  envoi  les  résultats  des  diverses  sections 
réunies  sont  publiés,  et  le  candidat  qui  a  obtenu  la  majo- 
rité absolue  est  proclamé  député.  Le  dossier  est  adressé 
au  Reichstag,  qui  reste  seul  juge  de  la  validité  de  l'élection. 

Il  y  a  des  différences  notables  entre  les  élections  au  Parle- 
ment allemand  et  les  élections  aux  Chambres  représentatives 
des  divers  Etats  de  l'Empire  germanique.  Voici  les  princi- 
pales :  Grand-duché  de  Bade.  La  seconde  Chambre  étant 
élue  au  vote  à  deux  degrés,  les  arrondissements  sont  frac- 
tionnés en  sections  électorales  pour  l'élection  des  électeurs  du 
second  degré.  Dans  chaque  section  on  nomme  un  électeur  par 
200  habitants.  Ce  sont  les  commissaires  du  gouvernement 
qui  organisent  les  opérations  électorales.  Elles  sont  dirigées 
dans  chaque  commune  par  une  commission  électorale  com- 
posée du  premier  magistrat  de  la  commune,  président,  d'un 
membre  du  conseil  municipal  désigné  par  ses  collègues,  de 
deux  membres  du  collège  électoral  du  premier  degré  choisis 
par  le  conseil  municipal,  du  greffier  de  la  ville,  qui  rem- 
plit les  fonctions  de  secrétaire.  Le  conseil  municipal  déter- 
mine les  locaux  qui  sont  affectés  aux  votations  et  le  temps 
pendant  lequel  le  scrutin  sera  ouvert.  Dans  chaque  sec- 
tion des  listes  électorales  sont  dressées  ;  les  électeurs  du 
premier  degré  y  sont  inscrits  avec  leurs  noms,  prénoms, 
âge,  qualité,  domicile.  Les  listes  doivent  être  déposées 
quatre  semaines  au  plus  tard  avant  l'élection,  de  façon  que 
chacun  puisse  en  prendre  connaissance.  Les  réclamations 
doivent  être  adressées  dans  les  huit  jours  qui  suivent  le 
dépôt  des  listes  à  l'autorité  de  qui  émane  l'avis  de  dépôt  ; 
elles  sont  jugées  dans  les  quatorze  jours  qui  suivent  par  le 
conseil  municipal  ou,  en  cas  de  contestation,  par  le  conseil 
de  district.  Les  électeurs  doivent  être  convoqués  deux  jours 
au  moins  avant  le  jour  du  vote.  Les  opérations  électorales 
ont  lieu  publiquement  en  présence  de  la  commission  élec- 


-7i3  - 


ÉLECTION 


torale.  Il  en  est  de  même  pour  la  proclamation  du  résultat 
du  scrutin.  La  liste  des  électeurs  du  second  degré  qui  ont 
été  élus  est  affichée  à  la  maison  commune,  et  insérée  dans 
la  feuille  des  publications  officielles.  Un  certificat,  revêtu 
de  la  signature  du  président  de  la  commission  électorale  et 
du  sceau  de  la  commune,  est  remis  à  chaque  électeur.  Dès 
que  les  électeurs  du  second  degré  sont  nommés,  les  baillis 
de  district  adressent  aux  commissaires  nommés  parle  grand- 
duc  le  résultat  des  élections  de  toutes  les  sections  dépen- 
dant de  leur  baiUiage.  Le  commissaire  convoque  par  écrit 
tous  les  électeurs  de  l'arrondissement  six  jours  au  moins 
avant  la  date  de  l'élection.  Les  opérations  du  scrutin  sont 
dirigées  par  une  commission  composée  du  commissaire  du 
gouvernement,  des  trois  plus  jeunes  électeurs  et  d'un  notaire 
de  la  locahté,  qui  rédige  le  procès-verbal.  Le  commissaire 
fait  distribuer  aux  électeurs  des  bulletins  numérotés,  placés 
sous  enveloppe.  Les  électeurs  inscrivent  sur  leur  bulletin 
le  nom  du  député  qu'ils  choisissent.  Ils  peuvent  réclamer 
un  certain  délai  pour  voter,  et  pendant  ce  délai  ils  peuvent 
se  retirer  pour  délibérer  entre  eux.  Lorsque  le  temps  né- 
cessaire pour  l'inscription  des  noms  sur  les  bulletins  est 
écoulé,  le  commissaire  du  gouvernement  appelle  successi- 
vement les  électeurs  qui  lui  remettent  leur  bulletin  non 
revêtu  de  son  enveloppe.  Ce  bulletin  est  immédiatement 
déposé  dans  une  urne.  Lorsque  tous  les  bulletins  sont 
déposés,  ils  sont  mêlés,  puis  extraits  un  à  un  de  l'urne.  On 
lit  ensuite  à  haute  voix  leur  contenu  et  le  numéro  d'ordre. 
Le  secrétaire  dresse  la  liste  des  votes  en  ayant  soin  d'ins- 
crire à  côté  du  nom  du  candidat  le  numéro  du  bulletin  qui 
contient  son  nom  ;  un  autre  membre  de  la  commission  tient 
de  son  côté  une  contre-liste.  Les  deux  listes  font  partie 
intégrante  du  procès-verbal  et  sont  légalisées  par  la  com- 
mission électorale.  Dès  que  ces  opérations  électorales  sont 
terminées,  le  résultat  de  Télection  est  annoncé  aux  per- 
sonnes présentes,  puis  le  procès-verbal  est  clos  et  signé 
par  la  commission.  Le  commissaire  du  gouvernement  doit 
demander  les  preuves  de  la  capacité  légale  du  député  élu. 
Dans  le  cas  où  le  député  reconnaît  qu'il  est  inéligible, 
comme  dans  le  cas  où  le  commissaire  juge  qu'aux  termes 
de  la  constitution  le  doute  n'est  pas  possible,  ce  dernier 
organise  immédiatement  un  nouveau  tour  de  scrutin  et 
communique  au  ministre  de  l'intérieur  le  résultat  des  deux 
opérations  électorales.  Si  le  commissaire  a  des  preuves 
suffisantes  de  l'éligibilité  du  candidat  élu,  le  procès-verbal 
est  envoyé  sur-le-champ  avec  toutes  ses  annexes  au  ministre 
de  l'intérieur. 

Bavière.  Dans  chaque  commune  il  est  dresse,  par  les 
soins  de  l'autorité  municipale,  une  liste  des  électeurs. 
Sont  inscrites  sur  cette  liste  toutes  les  personnes  ayant  la 
jouissance  des  droits  électoraux  qui  ont  leur  domicile  dans 
la  commune,  avec  leur  nom,  prénoms,  âge,  qualité  ou 
état  et  résidence;  on  y  mentionne  qu'elles  ont  prêté  le 
serment  constitutionnel  et  acquitté  leurs  contributions. 
Les  autorités  royales,  les  ministres  des  cultes  et  les 
officiers  de  l'état  civil  sont  tenus  de  fournir  en  tout 
temps  et  gratuitement  tous  les  renseignements  qui  seront 
nécessaires  pour  la  confection  et  la  rectification  des  listes 
électorales.  Ces  listes  sont  revisées  et  rectifiées  tous  les  ans 
aux  mois  de  mars  et  de  septembre  ;  elles  sont  ensuite  dé- 
posées publiquement  du  1^^  au  15  avr.  et  du  1^'  au 
15  oct.  inclusivement.  Les  réclamations  doivent  être  portées 
devant  l'autorité  municipale  dans  le  délai  de  dépôt;  au  cas 
où  il  n'y  est  point  fait  droit,  elles  sont  dans  un  délai  de 
quatorze  jours  jugées  par  l'autorité  supérieure  compétente, 
qui  statue  en  dernier  ressort.  Le  mode  de  votation  est  tou- 
jours le  même,  qu'il  s'agisse  de  l'élection  du  premier  degré 
ou  de  celle  du  second.  Dans  l'un  et  l'autre  cas,  l'élection 
se  fait  au  jour  indiqué  par  le  gouvernement.  Elle  est  dirigée 
dans  chaque  circonscription  par  des  commissaires  électo- 
raux nommés  par  la  régence  (collège  de  fonctionnaires). 
Les  électeurs  du  premier  et  du  second  degré  choisissent 
dans  leur  sein  pour  surveiller  les  opérations  électorales 
un  bureau  de  sept  membres.  Chaque  électeur  prononce  un 


serment  électoral.  Le  vote  a  lieu  au  moyen  de  bulletins 
clos  non  signés  déposés  dans  une  urne  (avant  la  loi  élec- 
torale de  1881  les  bulletins  devaient  être  signés  par  l'élec- 
teur). Le  temps  fixé  pour  la  durée  des  premières  opéra- 
tions ayant  pour  objet  l'élection  du  premier  degré  est  de 
quatre  heures  au  moins.  Le  jour  et  l'heure  où  devront  com- 
mencer ces  opérations  seront  annoncés  au  moins  trois  jours 
à  l'avance.  Les  bureaux  électoraux  statueront  séance 
tenante  et  à  la  majorité  des  voix  sur  toutes  les  réclaina- 
tions.  Les  décisions  du  bureau  sont  sans  appel.^  Sitôt  l'élec- 
tion terminée,  un  procès-verbal  est  rédigé  et  signé  soit  par 
les  membres  du  bureau,  soit  par  le  commissaire  spécial. 
Ce  procès-verbal  et  les  pièces  qui  y  sont  annexées  sont 
expédiés  à  la  Chambre  des  députés. 

Prusse,  Pour  la  répartition  des  électeurs  en  classes,  nous 
renverrons  à  Constitution,  t.  XII,  p»  699.  Les  élections 
des  électeurs  secondaires  sont  dirigées  dans  chaque  circon- 
scription par  un  délégué  spécial  nommé  par  le  gouverne- 
ment. Elles  ont  lieu  ainsi  :  chaque  citoyen  appelé  par  le 
bureau  d'élection,  en  suivant  l'ordre  d'inscription  des  listes 
électorales,  déclare  à  haute  voix  le  nom  du  candidat  pour 
lequel  il  vote.  Son  sufi*rage  est  inscrit  en  regard  de  son 
nom  sur  un  registre  qui  est  annexé  au  procès-verbal  de 
l'élection.  Les  électeurs  secondaires  réunis  au  chef-lieu  de 
la  circonscription  électorale  procèdent  à  l'élection  du  dé- 
puté suivant  les  mêmes  règles.  Pour  que  le  vote  soit  va- 
lable, il  est  nécessaire  que  les  deux  tiers  des  électeurs 
secondaires  y  aient  pris  part.  Le  candidat  élu  député  doit 
réunir  la  majorité  absolue  des  voix. 

Wurttemberg.  Les  élections  à  la  Chambre  des  députés 
ont  lieu  au  suffrage  direct  et  au  scrutin  secret.  Chaque 
commune  constitué  en  règle  générale  une  section  de  vote  dis- 
tincte. Le  grand  bailli  veille  à  ce  que  les  opérations  électo- 
rales aient  lieu  conformément  aux  prescriptions  de  la  loi.  La 
commission  électorale  du  grand  bailliage  désigne  pour  cha- 
cune des  sections  de  vote  de  sa  circonscription  électorale  un 
préposé  aux  élections  chargé  de  diriger  les  opérations.  Le 
préposé  désigne  parmi   les  électeurs  de  sa  section  un 
secrétaire  et  de  trois  à  six  assesseurs.  Les  élections  des 
députés  des  villes  et  des  grands  bailliages  ont  lieu  exacte- 
ment le  trentième  jour  après  l'insertion  de  la  convocation 
des  électeurs  au  bulletin  officiel  et  simultanément  dans  toutes 
les  sections  de  vote.  Le  scrutin  est  ouvert  à  dix  heures  du 
matin  et  fermé  à  six  heures  de  l'après-midi.  Le  vote  s'opère 
au  moyen  de  la  remise  par  l'électeur  en  personne  de  son 
bulletin  de  vote  au  préposé  ou  à  son  suppléant  qui  le  dépose 
dans  l'urne  et  fait  noter  sur  la  liste  électorale  chaque  élec- 
teur après  son  vote.  La  commission  électorale  de  la  section 
statue  sur  les  difficultés  qui  se  présentent.  Elle  maintient 
l'ordre  pendant  les  opérations  électorales  et  peut,  dans  ce 
but,  infliger  une  amende  de  12  marks  au  maximum  et  une 
peine  qui  peut  s'élever  à  deux  jours  d'arrêts.  Les  opéra- 
tions électorales  donnent  lieu  à  la  rédaction  d'un  procès- 
verbal  :  celui-ci  doit  contenir  la  mention  des  noms  des 
membres  de  la  commission,  de  la  date  et  du  heu  des  opéra- 
tions, du  nombre  total  des  électeurs  ayant  pris  part  au 
vote,  des  difficultés  qui  se  seront  présentées,  des  décisions 
qui  auront  été  prises,  ainsi  que  de  toutes  les  circonstances 
qui  peuvent  avoir  de  l'influence  sur  la  validité  de  l'élection. 
Une  fois  le  scrutin  clos,  les  suffrages  sont  comptés  par  la 
commission  électorale;  les  bulletins  nuls  sont  annexés  au 
procès-verbal  ;  les  autres  sont  conservés  par  le  préposé 
aux  élections  dans  un  paquet  scellé  jusqu'au  jour  où  l'élec- 
tion aura  été  validée  par  la  Chambre.  Les  procès-verbaux 
et  toutes  les  pièces  à  l'appui  sont  envoyés  scellés  au  grand 
bailliage  sur-le-champ  ou  au  moins  assez  à  temps  pour 
qu'ils  parviennent  à  destination  au  plus  tard  dans  le  cou- 
rant du  jour  qui  suit  celui  de  l'élection.  Le  grand  bailli 
convoque,  à  l'effet  de  constater  les  résultats  de  l'élection, 
au  plus  tard  pour  le  troisième  jour  qui  suit  celui  de  l'élec- 
tion et  dans  un  local  désigné  par  lui,  la  commission  élec- 
torale du  grand  bailliage  ainsi  composée  :  le  grand  bailli, 
2.  membres  du  conseil  municipal  et  du  comité  des  bour- 


ELECTION 


—  744  — 


geois  ou  2  membres  de  l'assemblée  de  bailliage  et  ^mem- 
bres choisis  dans  les  comités  des  bourgeois  de  la  circon- 
scription et  élus  par  l'assemblée  de  bailliage.  La  commission 
rédige  un  procès-verbal  qui  doit  indiquer  clairement  le 
nombre  des  votants  et  celui  des  suffrages  valables  ou  nuls, 
ainsi  que  le  nombre  des  voix  qui  se  sont  portées  sur  cha- 
cun des  candidats  dans  chaque  section  de  vote,  les  diffi- 
cultés auxquelles  les  élections  ont  donné  lieu  dans  les  dif- 
férentes sections  de  vote.  Le  président  de  la  commission 
électorale  du  grand  bailliage  peut,  en  vue  de  trancher  ces 
difficultés,  réclamer  les  bulletins  conservés  par  les  préposés 
aux  élections  et  en  prendre  connaissance. 

Il  n'y  a  pas  lieu  d'insister  sur  les  opérations  électorales 
dans  les  principautés  secondaires. 

Andorre.  Les  opérations  électorales  ont  lieu  dans  chaque 
paroisse  au  jour  fixé  par  l'illustre  conseil  général,  sous 
la  présidence  du  maire  ou  de  l'adjoint  assisté  de  deux  as- 
sesseurs et  des  conseillers  généraux  de  la  paroisse.  Le  vote 
est  public  ;  il  se  fait  soit  par  bulletins  remis  au  président 
du  bureau  électoral,  soit  de  vive  voix  ;  les  autorités  con- 
stituées ne  doivent  voter  que  lorsque  tous  les  citoyens  pré- 
sents ont  pris  part  au  vote.  La  rédaction  et  la  re vision  de 
la  liste  électorale  est  faite  par  les  soins  de  l'autorité  parois- 
siale. Pour  être  élu,  il  faut  réunir  la  majorité  absolue  des 
suffrages.  Au  second  tour  de  scrutin,  la  majorité  relative 
suffit.  Les  résultats  de  l'élection  sont  proclamés  par  le  pré- 
sident du  bureau  électoral. 

Autriche.  Pour  les  conditions  de  l'électorat  et  le  sys- 
tème représentatif  fort  compliqué  de  l'Autriche,  V.  Cons- 
titution, t.  XII,  p.  703.  L'élection  des  députés  des 
communes  rurales  a  lieu  par  des  électeurs  du  second  degré 
que  les  électeurs  de  chaque  commune  nomment  parmi  eux. 
Les  électeurs  ne  peuvent  en  règle  générale  exercer  leurs 
droits  électoraux  qu'en  personne.  Par  exception,  le  droit  de 
vote  peut  être  exercé  par  procuration  dans  la  catégorie  des 
électeurs  de  la  grande  propriété  foncière.  Les  électeurs  sont 
convoqués  sur  l'ordre  du  ministère  de  l'intérieur  par  le 
gouverneur  du  pays  qui  désigne  le  jour  où  l'élection  doit 
avoir  lieu  dans  les  endroits  désignés  par  la  loi.  En  cas  d'élec- 
tion générale,  les  députés  des  communes  rurales  sont  nommés 
les  premiers,  puis  ceux  des  villes,  ensuite  ceux  des  chambres 
de  commerce  et  d'industrie,  enfin  ceux  de  la  grande 
propriété  foncière.  Les  listes  électorales  sont  dressées  de  la 
manière  suivante  : 

A.  Les  listes  électorales  de  la  grande  propriété  foncière 
par  les  soins  du  gouverneur  du  pays. 

B.  Les  hstes  électorales  des  villes  et  les  listes  électo-- 
rales  destinées  à  servir  aux  élections  du  premier  degré 
dans  les  communes  rurales  par  les  soins  du  maire. 

C.  Les  listes  électorales  où  sont  portés  les  possesseurs 
de  biens  suffisants  pour  permettre  à  ces  possesseurs  de 
participer,  comme  les  électeurs  du  second  degré,  à  l'élec- 
tion des  députés  des  communes  rurales  par  les  soins  du 
chef  de  la  circonscription  dans  le  ressort  de  laquelle  se 
trouve  le  lieu  du  vote. 

Pour  les  listes  A,  le  gouverneur  du  pays  doit  provoquer 
les  réclamations  par  une  insertion  dans  le  journal  local. 
Ces  réclamations  doivent  se  produire  dans  la  quinzaine  du 
jour  de  la  publication.  Les  listes  B  doivent  être  communi- 
quées à  toute  personne  par  le  maire  dans  la  maison  com- 
mune, et  les  listes  C  par  le  chef  de  la  circonscription  dans 
son  local  officiel.  Avis  est  donné  au  public  de  cette  com- 
munication, afin  de  provoquer  les  réclamations  qui  doivent 
se  produire  dans  la  huitaine  du  jour  de  cet  avis.  Les  récla- 
mations formées  près  du  maire  doivent  être  communiquées 
par  lui,  dans  les  trois  jours,  aux  autorités  politiques  sou- 
veraines immédiatement  supérieures  ou,  dans  les  villes 
jouissant  de  statuts  spéciaux  en  dehors  de  la  capitale  du 
pays,  au  chef  de  circonscription  auquel  le  gouverneur 
du  pays  a  confié  la  décision  des  réclamations.  Les  réclama- 
tions régulièrement  formées,  le  gouverneur  du  pays  décide 
sur  celles  concernant  les  listes  A,  le  premier  magistrat  de 
l'administration  pohtique  souveraine  d'où  relève  immédia- 


tement la  commune  ou  le  chef  de  circonscription  auquel 
cette  décision  a  été  confiée,  sur  celles  concernant  les  listes 
B,  le  chef  de  circonscription  chargé  de  cette  mission  sur 
celles  concernant  les  listes  C.  En  ce  qui  concerne  les  listes 
B  et  C,  un  recours  peut  être  formé,  dans  les  trois  jours, 
auprès  du  gouverneur  du  pays  dont  la  décision  est  toujours 
en  dernier  ressort.  Aussitôt  que  les  listes  électorales  de  la 
grande  propriété  foncière,  comme  aussi  celles  des  villes, 
sont  régulièrement  arrêtées,  les  électeurs  de  la  grande 
propriété  foncière  reçoivent  du  gouverneur  du  pays  et  les 
électeurs  des  villes  du  premier  magistrat  de  l'administra- 
tion politique  souveraine,  d'où  elles  relèvent  immédiate- 
ment, des  cartes  d'aptitude  pour  l'élection  des  députés. 
Ces  cartes  portent  un  numéro  de  série  correspondant  à 
ceux  de  la  liste  électorale,  le  nom  et  la  demeure  de  Pélec- 
teur,  le  lieu,  le  jour  et  l'heure  du  commencement  et  de  la 
clôture  du  vote.  Pour  l'élection  des  députés  des  communes 
rurales,  l'autorité  politique  de  la  circonscription  fixe  sur 
la  base  de  la  population,  d'après  le  dernier  recensement, 
le  nombre  des  électeurs  du  second  degré  à  nommer  par 
chaque  commune  ;  elle  indique  le  jour  et  l'heure  des  élec- 
tions et  désigne  un  commissaire  pour  présider  aux  opéra- 
tions électorales.  La  commission  électorale  se  compose  de 
ce  commissaire  et  de  la  municipaUté.  La  nomination  des 
électeurs  du  second  degré  a  lieu  au  temps  et  à  l'endroit 
fixés,  quel  que  soit  le  nombre  des  électeurs  présents.  Le 
vote  est  reçu  verbalement  ou  par  écrit,  suivant  que  dans 
le  pays  le  vote  pour  la  nomination  des  électeurs  chargés 
de  choisir  les  députés  à  la  diète  du  pays  a  lieu  verbale- 
ment ou  par  écrit.  Des  bulletins  de  vote  sont  délivrés  à 
chaque  électeur  et  revêtus  du  sceau  officiel,  qui  varie  pour 
chaque  catégorie.  Tous  les  autres  bulletins  sont  considérés 
comme  nuls. 

Pour  l'élection  des  députés,  la  direction  des  opérations 
électorales  appartient,  en  présence  du  commissaire  du 
gouvernement,  à  une  commission  choisie  par  les  électeurs 
et  composée  de  sept  membres.  A  chaque  commission  est 
adjoint,  par  les  soins  du  commissaire,  un  secrétaire  qui 
dresse  procès-verbal  des  opérations  et  y  consigne  tous  les 
incidents  importants  qui  se  produisent,  spécialement  toutes 
les  décisions  prises  par  la  commission  électorale.  Le  vote 
a  exclusivement  lieu,  dans  la  catégorie  des  électeurs  de  la 
grande  propriété  foncière  et  des  villes,  par  bulletins  ;  dans 
les  communes  rurales,  il  a  lieu  verbalement  ou  par  bulle- 
tins, suivant  les  coutumes  locales.  Est  élu  député  celui  qui 
obtient  plus  de  la  moitié  des  suffrages  exprimés  valable- 
ment. Pour  les  chambres  de  commerce  et  d'industrie, 
l'élection  a  lieu  en  présence  du  commissaire  désigné  par 
le  gouverneur  du  pays.  Chaque  membre  de  l'assemblée 
ayant  droit  de  vote  dépose  son  bulletin  d'après  les  règles 
édictées  par  la  chambre  dont  il  fait  partie.  Le  procès- 
verbal  est  tenu  par  le  secrétaire  de  la  chambre.  Il  est 
remis  au  commissaire  qui  le  transmet  au  gouverneur  du 
pays.  Le  gouverneur,  connaissance  prise  des  documents 
électoraux  qui  lui  sont  transmis,  délivre  à  tout  député  élu 
un  certificat  d'élection.  Ce  certificat  donne  au  député  droit 
d'entrée  dans  la  Chambre  des  députés  du  Reichsrath.  Ces 
pièces,  relatives  à  l'élection,  doivent  être  envoyées  au 
ministre  de  l'intérieur,  qui  les  transmet  à  la  présidence  de 
la  Chambre. 

Hongrie.  Les  députés  à  la  Chambre  de  Hongrie  sont 
nommés  d'après  le  système  censitaire.  C'est  une  commission 
centrale  qui  confectionne,  revise  les  listes  électorales  et 
dirige  les  élections  parlementaires.  Cette  commission,  cons- 
tituée dans  chaque  circonscription  et  dans  chaque  ville,  se 
compose  de  douze  membres,  de  seize,  de  vingt-quatre  et 
plus,  selon  que  la  circonscription  embrasse  un,  deux,  trois, 
et  plus,  districts.  Elle  est  présidée  par  le  premier  fonction- 
naire de  la  circonscription  ou  de  la  ville.  Elle  correspond 
directement  avec  le  ministre  de  l'intérieur,  les  tribunaux,  les 
autorités,  corporations  et  individus.  Ses  séances  sont  pu- 
bliques. Les  membres  sont  élus  par  l'assemblée  générale  de 
la  circonscription  ou  de  la  ville  et  pour  trois  ans.  —  La  liste 


lin  — 


ÉLECTION 


des  électeurs  est  dressée  d'office  et  re visée  annuellement  par 
les  comités  d'inscription  comprenant  trois  membres  délé- 
gués par  la  commission  centrale.  La  commission  centrale 
examine  les  listes  ainsi  dressées,  les  fait  compléter  ou  les 
complète  elle-même  à  l'aide  des  données  à  sa  disposition 
et  dresse,  par  ordre  alphabétique,  la  liste  provisoire  des 
électeurs,  d'après  un  modèle  donné  par  le  ministre  de 
l'intérieur.  Les  réclamations  sont  jugées  par  la  commission 
centrale.  On  peut  appeler  de  ses  décisions  à  la  cour  royale. 
La  revision  annuelle  des  listes  doit  s'effectuer  de  manière 
que  la  liste  provisoire  des  élections  puisse  être  exposée  à 
partir  du  5  juil.  ;  les  réclamations  sont  présentées  du  5 
au  15  juil.  et  les  observations  sur  les  réclamations  sont 
reçues  du  16  au  25  juil.  La  commission  centrale  doit  avoir 
terminé  ses  opérations  et  adressé  ses  représentations  à  la 
cour  royale  le  1^"^  nov.  ;  la  cour  doit  tout  terminer  pour  le 
15  déc.  ;  la  rédaction  définitive  et  l'expédition  des  listes 
définitives  doivent  toujours  être  faites  au  plus  tard  le 
30  déc.  Les  listes  sont  valables  pour  l'année  qui  suit.  Le 
ministre  de  l'intérieur  fixe  un  délai  de  dix  jours  pour  les 
élections  générales.  La  commission  centrale  désigne  pour 
chaque  district  le  président  et  le  secrétaire  chargés  de 
diriger  les  opérations  électorales.  Dans  les  districts  où  le 
nombre  des  électeurs  ne  dépasse  pas  1,500,  un  seul  comité, 
constitua  sous  la  présidence  du  président  de  collège,  recueille 
les  votes.  Si  le  nombre  des  électeurs  dépasse  1,500,  on 
constitue  deux  comités  de  scrutin  ;  s'il  dépasse  3,000,  on 
constitue  trois  comités.  Le  président  du  collège  dirige  toute 
l'élection  ;  il  est  chargé  du  maintien  de  l'ordre.  Les  prési- 
dents de  comités  recueillent  les  votes  des  électeurs.  Le 
scrutin  est  ouvert  au  chef-lieu  du  district  à  huit  heures  du 
matin.  Tout  électeur  du  district  peut  porter  un  candidat, 
la  désignation  est  adressée  par  écrit  au  président  du  collège. 
La  candidature  doit  en  être  annoncée  au  plus  tard  une 
demi-heure  après  l'ouverture  du  vote.  Lorsqu'une  demi- 
heure  après  l'ouverture  du  vote,  il  n'a  été  présenté  qu'un 
seul  candidat,  le  président  du  collège  déclare  le  vote  ter- 
miné et  proclame  le  candidat  député  du  district.  Si  plu- 
sieurs candidats  ont  été  désignés  et  que  dix  électeurs 
demandent  la  votation,  elle  doit  être  ordonnée  par  le  prési- 
dent du  collège  ;  elle  commence  à  neuf  heures  du  matin 
et  est  continuée  sans  interruption,  ce  qui  fait  que  l'élec- 
tion dure  parfois  deux  ou  trois  jours  y  compris  les  nuits. 
Les  communes  ou  quartiers  sont  admis  au  vote  dans  l'ordre 
fixé  par  la  commission  centrale  et  les  électeurs  de  la  même 
commune  ou  du  même  quartier  séparément,  suivant  le 
candidat  pour  lequel  ils  votent.  Le  sort  décide  pour  la 
première  commune  quel  parti  sera  d'abord  admis  au  vote  ; 
pour  les  communes  qui  suivent,  les  deux  partis  alternent. 
Le  vote  est  public  et  verbal.  Le  nom  du  votant  et  son  vote 
ainsi  que  la  commune  et  le  quartier  dont  il  fait  partie  sont 
aussitôt  consignés  dans  les  registres  préparés  à  cet  effet. 
Si,  dans  le  cours  du  scrutin,  les  candidats,  à  l'exception 
d'un  seul,  se  retirent  et  communiquent  cette  résolution  au 
président  de  collège,  le  candidat  restant  est  proclamé 
député  aussitôt.  Lorsque  aucun  des  candidats  n'a  obtenu  la 
majorité  absolue,  il  y  a  un  scrutin  de  ballottage  entre  les 
deux  candidats  qui  ont  obtenu  le  plus  de  voix.  L'ensemble 
de  l'opération  électorale  est  consigné  dans  un  procès-ver- 
bal. Ce  procès-verbal,  ainsi  que  les  procès-verbaux  des 
bureaux  électoraux  et  les  listes  du  scrutin,  est  rédigé  en 
hongrois  et  en  trois  exemplaires.  Un  exemplaire  est  en- 
voyé au  candidat  élu,  les  deux  autres  à  la  commission  cen- 
trale, qui  en  dépose  un  aux  archives  de  la  juridiction  ou 
de  la  ville  et  expédie  l'autre  au  ministre  de  Tintérieur.  La 
cour  royale  statue  sur  les  élections  contestées  ainsi  que 
sur  les  inscriptions,  omissions  ou  radiations  litigieuses,  en 
dernier  ressort.  Tout  acte  de  corruption  ou  de  violence  est 
très  sévèrement  réprimé. 

Belgique.  Les  listes  électorales  sont  dressées  dans  les 
communes  et  revisées  tous  les  ans  par  le  collège  des  bourg- 
mestre et  échevins.  Elles  sont  permanentes  ;  chacun  peut 
prendre  en  copie.  Les  réclamations  doivent  être  adressées 


à  la  députation  du  conseil  provincial  ;  on  peut  appeler  de 
ses  décisions  à  la  cour  d'appel.  La  cour  de  cassation  juge 
en  dernier  ressort.  Les  électeurs  se  réunissent  au  chef-lieu 
du  district  administratif.  La  présidence  du  bureau  appar- 
tient au  président  du  tribunal  ou  au  juge  de  paix;  les  scru- 
tateurs sont  tirés  au  sort  parmi  les  conseillers  municipaux  ; 
les  secrétaires  sont  choisis  parmi  les  électeurs  présents.  Les 
députés  à  éhre  doivent  obtenir  la  majorité  absolue  ;  en  cas 
de  ballottage,  1©  second  tour  de  scrutin  commence  une  heure 
après  la  proclamation  du  résultat  du  premier,  à  moins  toute- 
fois que  l'heure  soit  trop  avancée  (cinq  heures  du  1^^  mars 
au  1^'  sept,  et  trois  heures  du  1^^  oct.  au  1^^  mars),  auquel 
cas  l'élection  est  remise  à  un  autre  jour  fixé  par  arrêté 
royal.  Nous  n'entrerons  pas  dans  le  détail  des  prescriptions 
minutieuses  concernant  les  opérations  électorales.  D'ailleurs 
le  droit  électoral  belge  est  sans  cesse  remanié.  Il  a  fait 
l'objet  d'une  infinité  de  lois  qui  ont  été  réunies  en  un  code 
en  1872  ;  ce  code,  plusieurs  fois  modifié,  a  été  coordonné 
de  nouveau  le  5  avr.  1881  ;  depuis,  il  a  été  encore  rema- 
nié par  les  lois  du  24  août  1883,  26  avr.  et  21  mai  1884, 
22  août  1885,  26  mai  1888. 

Danemark.  Les  listes  électorales  sont  dressées  et  re  vi- 
sées tous  les  ans  par  les  administrations  municipales.  Pour 
les  élections  au  Folkething,  l'autorité  locale  procède  aux  opé- 
rations dans  chaque  district.  Le  vote  est  public.  Les  élec- 
teurs assemblés  votent  par  acclamation;  si  leur  décision 
paraît  douteuse,  il  est  procédé  à  un  scrutin  écrit  et  public. 
La  majorité  relative  suffit. 

Espagne.  —  Comme  on  l'a  vu  au  mot  Constitution, 
une  partie  du  Sénat  espagnol  est  élue  soit  par  les  académies, 
certaines  sociétés  économiques  et  certains  corps  (universités, 
chapitres,  etc.),  soit  par  des  députations  provinciales 
et  des  délégués  des  municipalités.  Voici  comment  il  est 
procédé  dans  les  deux  cas  pour  la  formation  des  listes  et  les 
opérations  électorales  :  —  1°  Le  1*^^  janv.  de  chaque  année, 
les  directeurs  et  présidents  des  académies  et  sociétés  éco- 
nomiques ayant  le  droit  de  nommer  des  sénateurs,  forment 
et  publient  les  listes  des  académiciens  efi'ectifs  et  associés 
qui  les  composent.  Le  même  jour,  les  recteurs  des  univer- 
sités forment  et  publient  les  listes  des  membres  qui  com- 
posent le  corps  universitaire,  professeurs  et  docteurs,  en  y 
comprenant  les  directeurs  des  établissements  d'enseigne- 
ment secondaire  et  des  écoles  spéciales  qui  existent  dans 
leur  circonscription.  Les  chapitres  ecclésiastiques  se  réu- 
nissent quinze  jours  avant  le  jour  indiqué  pour  l'élection 
générale  dans  leur  cathédrale  respective,  et,  se  conformant 
aux  règles  qu'ils  ont  établies  pour  élire  leurs  membres, 
ils  nomment  un  d'entre  eux  qui  au  jour  fixé  se  rend  au 
chef-lieu  métropolitain  pour  participer  à  l'élection  sénato- 
riale. L'évêque-prieur  de  Ciudad  Real  et  le  chapitre  de 
l'église  se  réunissent  à  l'église  métropolitaine  et  primatiale 
de  Tolède.  Dans  les  huit  jours  de  la  publication  du  décret 
royal  ordonnant  de  procéder  aux  élections,  les  sociétés 
économiques  se  réunissent  au  siège  de  leur  étabhssement 
respectif,  et  nomment  les  délégués  qui  doivent  se  rendre  à 
Madrid,  Barcelone,  Léon,  Séville  ou  Valence,  à  l'effet  de 
désigner,  avec  ceux  que  nomment  les  sociétés  économiques 
de  ces  capitales,  le  sénateur  qui  leur  est  attribué  par  la 
loi.  Cette  mission  peut  être  remplie  par  mandataire.  Au 
jour  fixé  par  le  décret,  à  dix  heures  du  malin,  les  corpo- 
rations se  réunissent  dans  le  local  ordinaire  de  leurs 
séances  publiques,  sous  la  présidence  de  leur  président, 
directeur  ou  chef;  sont  scrutateurs  le  plus  âgé  et  le  plus 
jeune  des  membres  présents,  et  secrétaire  celui  de  la  corpo- 
ration. Chaque  électeur  dépose  dans  l'urne  par  la  main  du 
président  son  bulletin  de  vote.  Le  président  dépouille  le 
scrutin,  le  secrétaire  annonce  le  nom  inscrit  sur  chaque 
bulletin.  L'élection  se  fait  à  la  majorité  absolue  des  voix, 
à  la  majorité  relative  au  second  tour  de  scrutin. 

Les  provinces  ecclésiastiques  qui  forment  les  archevê- 
chés de  Tolède,  Séville,  Grenade,  Santiago,  Saragosse,  Tar- 
ragone,  Valence,  Burgos  et  Valladolid  ont  droit  chacune  à 
un  sénateur.  Pour  l'élection,  les  évêques  suffragants  et  les 


ÉLECTION 


-.  746  — 


membres  nommés  par  leurs  chapitres  respectifs  se  réunissent 
dans  la  capitale  de  chacune  d'elles  au  jour  fixé  par  l'arche- 
vêque. Le  métropolitain  préside  à  l'assemblée  pubHque, 
l'élection  se  fait  suivant  la  même  procédure  que  ci-dessus. 

Procès-verbal  de  chaque  élection  est  dressé  :  l'original 
demeure  dans  les  archives  de  chaque  corporation  ;  une  copie 
est  remise  à  l'élu  pour  lui  servir  de  lettre  de  créance,  et 
pour  être  présentée  au  secrétariat  du  Sénat.  Une  autre 
copie  est  adressée  au  ministre  de  l'intérieur,  une  autre 
enfin  avec  tout  le  dossier  est  transmise  au  Sénat  dans  le 
délai  de  huit  jours. 

2*^  Le  i^^  janv.  de  chaque  année  les  municipalités  for- 
ment et  publient  les  listes  de  leurs  membres  et  d'un 
nombre  quadruple  d'habitants  de  la  commune  qui  seront 
les  plus  imposés  au  rôle  des  contributions  directes;  ces 
listes  restent  exposées  en  public  jusqu'au  20  janv.,  et  la 
municipalité  statue  sur  les  réclamations  avant  le  l^''  févr. 
Appel  peut  être  formé  devant  la  commission  de  la  députa- 
tion  qui  statue  dans  les  quinze  jours  suivants  et  dont  les 
décisions  peuvent  être  portées  devant  la  cour  d'appel  qui 
statue  sans  frais  avant  le  4^''  mars.  Avant  le  8  mars,  les 
municipahtés  publient  les  listes  définitives.  Huit  jours  avant 
la  date  fixée  par  le  gouvernement  pour  l'élection  générale 
des  sénateurs,  aura  lieu,  dans  chaque  commune,  celle  des 
délégués  qui  devront  se  rendre  à  la  capitale  de  la  province 
pour  prendre  part  à  l'élection.  Chaque  district  municipal 
élit,  au  moyen  des  membres  de  la  municipalité  et  des  plus 
fort  imposés,  un  nombre  de  délégués  égal  au  sixième  des 
conseillers.  A  dix  heures  du  matin  du  jour  fixé  se  réunis- 
sent à  la  maison  de  ville,  sur  les  ordres  de  l'alcade  et  sous 
sa  présidence,  les  membres  des  municipalités  et  les  plus 
fort  imposés.  Un  bureau  provisoire  est  constitué  par  l'ad- 
jonction au  président  des  deux  plus  âgés  comme  scruta- 
teurs, et  du  plus  jeune  comme  secrétaire.  Il  est  ensuite 
procédé  par  bulletins  à  l'élection  de  deux  scrutateurs  et 
d'un  secrétaire.  Le  bureau  définitif  une  fois  constitué,  il 
est  procédé  à  l'élection  des  délégués  au  moyen  de  bulletins 
que  les  électeurs  déposent  dans  l'urne  par  la  main  du  pré- 
sident. On  proclame  les  délégués  élus  suivant  les  formes 
déjà  suivies  ci-dessus.  Procès-verbal  est  rédigé.  L'original 
demeure  dans  les  archives  de  la  municipalité,  des  copies 
sont  faites,  dont  une  est  remise  à  chaque  délégué  pour  lui 
servir  de  lettre  de  créance,  une  au  gouverneur  de  la  pro- 
vince, une  autre  à  la  députation  provinciale.  Les  délégués 
se  présentent  dans  la  capitale  de  la  province  deux  jours 
avant  celui  fixé  pour  l'élection.  L'assemblée  générale  com- 
posée de  la  députation  provinciale  et  des  délégués  élus  par 
les  districts  municipaux  se  tient  dans  un  local  désigné  par- 
le gouverneur  de  province  le  jour  avant  celui  qui  a  été 
fixé  pour  l'élection.  Les  électeurs  se  réunissent  à  dix  heures 
du  matin,  sous  la  présidence  du  président  de  la  députation 
provinciale,  qui  désigne  quatre  secrétaires  scrutateurs  pro- 
visoires, les  deux  plus  âgés  et  les  deux  plus  jeunes  délé- 
gués présents.  Le  bureau  provisoire  examine  et  revise  tous 
les  certificats  de  nomination  des  délégués,  puis  on  procède 
à  l'élection  des  quatre  scrutateurs  du  bureau  définitif.  Le 
jour  suivant,  l'assemblée  électorale  est  réunie  à  dix  heures 
du  matin.  Le  vote  commence  par  les  secrétaires  scrutateurs, 
puis  les  députés  et  les  délégués  indistinctement  et  en  der- 
nier lieu  le  président  de  l'assemblée.  Lorsqu'un  candidat 
ne  réunit  pas  la  moitié  plus  une  des  voix,  il  est  procédé 
à  un  second  tour  de  scrutin  qui  ne  porte  que  sur  ceux  qui 
ont  obtenu  le  plus  grand  nombre  de  voix  jusqu'au  double 
du  nombre  à  élire.  La  majorité  relative  suffît  au  second 
tour.  Les  opérations  terminées,  le  président  proclame  scru- 
tateurs ceux  qui  ont  été  élus,  et  le  procès-verbal  est  dressé 
par  les  secrétaires  scrutateurs.  L'original  est  déposé  aux 
archives  de  la  députation  provinciale,  une  copie  est  expé- 
diée au  ministre  de  l'intérieur,  une  autre  au  sénateur  élu 

pour  être  remise  au  secrétariat  du  Sénat  ;  une  autre  enfin 

avec  le  dossier  est  envoyée  au  Sénat  dans  le  délai  de  huit 


jours, 


Une  loi  récente  (26  juin  4890)  a  rétabli  en  Espagne  le 


suffrage  universel,  qui  avait  déjà  fonctionné  en  4869. 
Sont  électeurs  tous  les  Espagnols  mâles  majeurs  de  vingt- 
cinq  ans,  ayant  la  pleine  jouissance  de  leurs  droits  civils, 
domiciliés  dans  un  municipe  et  ayant  dans  ce  municipe 
deux  ans  au  moins  de  résidence.  Les  députés  sont  élus 
par  les  districts  électoraux  et  par  les  collèges  spéciaux. 
Le  vote  est  limité  dans  les  districts  et  collèges  nommant 
plus  d'un  député  :  si  le  district  nomme  de  2  à  4  députés, 
l'électeur  a  une  voix  de  moins  que  ce  total  ';  si  le  district 
nomme  de  3  à  8  députés,  l'électeur  a  2  voix  de  moins  ;  si 
le  district  nomme  plus  de  8  députés,  l'électeur  a  3  voix 
de  moins.  Les  universités  littéraires,  les  sociétés  écono- 
miques, les  chambres  de  commerce,  d'industrie,  d'agricul- 
ture officiellement  organisées  forment  des  collèges  spéciaux 
et  ont  droit  à  un  député  par  5,000  électeurs.  Les  corpo- 
rations qui  ne  comptent  pas  5,000  membres  se  réunissent 
à  une  corporation  voisine  pour  former  un  collège.  On  ne 
peut  être  inscrit  à  la  fois  dans  un  district  et  dans  un  collège 
spécial.  La  Chambre  juge  de  la  régularité  de  l'élection  de 
ses  membres. 

Grande-Bretagne,  Les  listes  électorales  sont  dressées 
par  les  soins  des  inspecteurs  (overseers),Mes  sont  publiées 
le  4^^^  sept,  avec  le  relevé  des  demandes  d'inscription  et  les 
observations  des  overseers  ;  tout  électeur  peut  protester 
contre  toute  inscription,  les  protestations  sont  signifiées 
aux  intéressés  et  le  relevé  est  affiché;  quinze  jours  après, 
ces  listes  sont  revisées  par  des  reviseurs  désignés  dans 
chaque  ressort  judiciaire  par  le  premier  des  juges  chargés 
de  présider  les  assises  d'été.  Chaque  reviseur  tient  dans  sa 
circonscription,  du  15  sept,  au  48  oct.,  une  audience  à 
laquelle  assistent  les  overseers,  les  greffiers  des  comtés  et 
villes  et  les  électeurs  qui  ont  réclamé  ou  protesté.  Le 
reviseur  répare  les  omissions  et  suppressions  justifiées  ;  sa 
décision  est  sans  appel  pour  les  points  de  faits  ;  sur  les 
points  de  droit,  il  peut  en  être  fait  appel  devant  la  cour  des 
plaids  communs.  Les  convocations  pour  les  élections  géné- 
rales se  font  par  ordonnance  du  souverain  adressée  au 
lord  chancelier  et  transmise  au  sheriff.  Pour  les  élections 
partielles,  elles  se  font  par  ordre  du  speaker  de  la  Chambre, 
transmis  au  clerc  de  la  couronne,  lequel  le  fait  parvenir 
aux  autorités  compétentes.  Les  magistrats  agissant  en  qua- 
lité de  commissaires  électoraux  (returning  officers),  she- 
riffs,  baiUis,  etc.,  procèdent  dans  le  délai  de  six  jours  aux 
opérations  électorales.  Les  électeurs  sont  avertis  du  jour 
de  l'élection  par  un  avis  du  returning  officer  publié  dans 
les  deux  jours  qui  suivent  l'arrivée  de  la  lettre  de  convo-- 
cation.  Tout  candidat  au  Parlement  devra  être  présenté 
par  écrit.  La  feuille  qui  contient  son  nom  doit  porter  la 
signature  de  deux  électeurs  inscrits,  l'un  pour  le  proposer, 
l'autre  pour  l'appuyer.  Cette  feuille  sera  remise,  au  moment 
fixé  pour  l'élection,  au  returning  officer  par  le  candidat 
lui-même,  par  celui  qui  propose  ou  par  celui  qui  appuie. 
L'élection  a  lieu  entre  dix  heures  du  matin  et  trois  heures  ; 
elle  ne  dure  que  deux  heures.  Si  après  une  heure  écoulée 
depuis  l'instant  fixé  pour  la  fin  de  l'élection  il  n'y  a  pas 
plus  de  candidats  désignés  qu'il  n'y  a  de.  sièges  vacants, 
le  returning  officer  proclamera  élus  les  candidats  présen- 
tés, mais  si  à  l'expiration  de  l'heure  il  y  a  plus  de  candi- 
dats désignés  que  de  sièges  vacants,  le  returning  officer 
ajournera  l'élection  et  recourra  au  scrutin.  A  son  entrée 
dans  la  salle  du  vote,  chaque  électeur  reçoit  un  bulletin 
contenant  les  noms,prénoms  et  professions  de  tous  les  can- 
didats. Le  votant,  après  avoir  secrètement  inscrit  son  vote 
sur  le  bulletin  et  l'avoir  plié,  le  déposera  dans  une  boîte 
close  en  présence  du  président  du  scrutin.  Après  la  clôture 
du  vote,  les  urnes  sont  scellées  et  confiées  au  returning 
officer  qui  doit,  en  présence  des  représentants  des  candi- 
dats, procéder  à  leur  ouverture  et  vérifier  les  résultats  du 
scrutin  en  comptant  les  voix  données  à  chaque  candidat  ; 
il  proclame  ensuite  l'élection  du  candidat  auquel  la  majo- 
rité des  voix  aura  été  donnée  et  il  transmet  un  nom 
au  clerc  de  la  couronne  en  chancellerie.  La  décision  du 
returning  officer  sur  toute  question  relative  à  la  validité 


—  747 


ÉLECTION 


des  votes  est  définitive ,  sauf  le  droit  de  contester  une 
élection  par  voie  de  pétition.  Dans  les  universités,  le  vote 
a  lieu  sous  la  direction  des  autorités  universitaires,  au 
scrutin  direct  et  secret  et  par  correspondance  pour  les  élec- 
teurs qui  ne  peuvent  se  rendre  au  siège  de  l'élection.  La 
législation  électorale  anglaise  punit  très  durement  les 
fraudes  et  les  tentatives  de  corruption.  Toutes  les  dépenses 
nécessités  par  les  opérations  électorales  sont  à  la  charge 
des  candidats. 

Grèce.  L'élection  de  la  Chambre  des  députés  se  fait  dans 
chaque  commune  au  moyen  d'une  liste  sur  laquelle  devront 
être  inscrits  tous  les  citoyens  qui  ont  le  droit  de  voter.  Cette 
liste  est  dressée  par  le  maire,  qui  se  rend  dans  chaque 
village  pour  relever  les  noms  des  électeurs;  elle  est 
ensuite  soumise  au  conseil  municipal,  qui  présente  toutes  les 
observations  qu'il  juge  nécessaires.  Ces  observations  sont 
soumises  au  juge  de  paix  qui  revise  la  liste  et  reçoit  les 
réclamations  des  électeurs.  Le  tribunal  de  première  ins- 
tance juge  en  appel  et  en  dernier  ressort.  La  liste  électorale 
devient  définitive  en  vertu  de  la  décision  du  tribunal  de 
première  instance.  Des  exemplaires  sont  transmis  au  juge 
de  paix,  au  maire,  à  l'autorité  administrative.  Les  autres 
sont  remis  au  receveur  général  de  la  province  chez  lequel 
chacun  peut  s'en  procurer  moyennant  un  droit  de  2  drachmes. 
Les  autorités  municipales  sont  obligées  d'acheter  à  ce  prix 
autant  d'exemplaires  de  la  liste  électorale  de  leur  commune 
qu'il  y  a  de  villages  dans  cette  commune,  et  d'en  adresser  un 
exemplaire  à  chaque  adjoint  de  village.  La  liste  électorale 
générale  est  revisée  le  4®^' mai  de  chaque  année.  Vingt-cinq 
jours  avant  le  jour  fixé  pour  le  vote  par  ordonnance  royale, 
les  propositions  des  candidats  doivent  être  notifiées  par 
huissier  au  président  du  tribunal  de  première  instance  ;  au 
texte  de  cette  déclaration  doit  être  annexé  un  reçu  d'un 
receveur  de  province  certifiant  le  dépôt  par  le  candidat  des 
frais  électoraux.  Le  tribunal  proclame  le  lendemain  en 
séance  publique  les  noms  des  candidats  dûment  proposés. 
À  chaque  assemblée  d'électeurs  ou  section  électorale,  doit 
être  présent  pendant  tout  le  temps  de  l'élection  un  repré- 
sentant de  l'autorité  judiciaire  qui  peut  procéder  d'office 
ou  sur  la  demande  de  tout  électeur  à  l'instruction  et  à  la 
vérification  de  tous  les  actes  passibles  d'une  peine  et  de 
toute  violation  de  loi  électorale.  Les  bureaux  électoraux  sont 
formés,  en  tirant  au  sort  sur  une  liste  d'anciens  fonction- 
naires dressée  par  le  maire,  un  président  et  (juatre  assesseurs. 
C'est  le  tribunal  de  première  instance  qui  procède  à  cette 
opération.  Le  secrétaire  est  choisi  par  le  bureau  parmi  les 
électeurs.  Chaque  candidat  a  le  droit  de  désigner  un  em- 
ployé pour  le  vote.  Le  nombre  de  ces  employés  ne  doit 
jamais  dépasser  celui  des  urnes.  Les  membres  du  bureau. 
reçoivent  une  indemnité  de  5  drachmes  sur  la  caisse  pu- 
blique. Les  employés  au  vote  reçoivent  également  une 
rétribution  de  5  drachmes.  Le  scrutin  dure  un  jour  :  il  est 
ouvert  au  lever  du  soleil  et  clos  au  coucher  du  soleil;  il  a 
toujours  lieu  un  dimanche.  Le  préfet  désigne  le  local  qui 
est  soit  une  salle  d'école  primaire  de  garçons,  soit  l'église 
la  plus  spacieuse  du  chef-lieu  de  la  commune.  Le  bureau 
électoral  procède  à  l'arrangement  des  urnes  dans  l'ordre 
suivant.  Sur  une  table  ou  des  tables  mises  à  côté  l'une  de 
l'autre  et  vis-à-vis  de  la  place  où  le  bureau  siège,  sont 
déposées  autant  d'urnes  qu'il  y  a  de  candidats.  Chaque  urne 
porte  sur  sa  face  antérieure  une  tablette  fixe  sur  laquelle 
est  inscrit  le  nom  du  candidat.  Ce  nom  est  reporté  sur  la 
surface  intérieure  de  la  couverture  des  urnes.  Les  urnes 
sont  en  métal;  elles  ont  à  l'intérieur  deux  divisions  dési- 
gnées extérieurement  par  deux  couleurs  :  blanche  et  noire. 
Le  mot  Oui  est  inscrit  en  lettres  capitales  sur  la  division  de 
droite  ou  blanche,  le  mot  Non  sur  celle  de  gauche  ou  noire. 
Les  électeurs  entrent  dans  la  salle  du  vote  cinq  à  la  fois  et 
se  présentent  au  bureau  qui,  vérifie  leur  identité.  Cinq 
boules  en  plomb  sont  remises  à  chacun  des  employés  au 
vote.  Ces  employés  portant  le  vase  ad  hoc  où  ils  ont  placé 
les  boules,  se  tiennent  chacun  à  côté  de  l'urne  à  laquelle  ils 
sont  attachés,- et  remettent  à  l'électeur  au  moment  où  il 


passe  devant  l'urne  une  boule  en  prononçant  en  même  temps 
distinctement  le  nom  et  le  prénom  du  candidat  à  laquelle 
l'urne  appartient.  L'électeur  prend  la  boule  et  la  lève  entre 
le  pouce  et  l'index  pour  montrer  qu'il  n'en  tient  qu'une 
seule,  et  immédiatement  après  introduit  sa  main  dans  l'urne 
et  vote.  La  même  opération  se  répète  jusqu'à  ce  que  l'élec- 
teur finisse  par  passer  devant  toutes  les  urnes.  Le  scrutin 
fini,  le  bureau  et  les  candidats  signent  un  protocole  dressé 
par  l'autorité  administrative  et  sur  lequel  sont  inscrits  les 
électeurs  votants  et  leur  numéro  d'inscription  sur  la  liste 
électorale.  Pour  dépouiller  le  scrutin  on  ouvre  les  urnes 
d'après  l'ordre  de  leur  classement,  et  on  compte  les  oui  et 
ensuite  les  non.  Procès-verbal  est  dressé,  remis  au  repré- 
sentant de  l'autorité  judiciaire  qui  le  transmet  au  président 
du  tribunal  de  première  instance.  Le  tribunal  fait  le  recen- 
sement général  des  voix  obtenues  par  chacun  des  candidats, 
et  proclame  ceux  qui  ont  obtenu  la  majorité  relative  des 
voix  exprimées.  La  Chambre  est  seule  juge  de  la  validité  de 
l'élection  de  ses  membres.  Les  infractions  à  la  loi  électo- 
rale sont  punies  de  peines  pécuniaires  assez  élevées,  d'em- 
prisonnement et  de  privation  des  droits  politiques. 

Italie.  La  législation  électorale  de  l'Italie  a  une  certaine 
analogie  avec  celle  de  l'Angleterre  en  ce  qui  concerne  les 
catégories  d'électeurs,  propriétaires  ou  locataires  de  biens 
ruraux  :  il  est  tenu  compte  aussi  des  capacités  et  de  cer- 
taines garanties  ou  aptitudes  qui  dispensent  les  électeurs 
de  l'obligation  du  cens.  Les  listes  électorales  sont  perma- 
nentes. Les  inscriptions  et  radiations  sont  opérées  par  la 
junte  municipale  ;  les  réclamations  contre  les  décisions  de 
cette  assemblée  sont  déposées  au  conseil  communal  en  pre- 
mier ressort,  et  en  appel  à  une  commission  provinciale 
composée  du  préfet,  du  président  du  tribunal  du  chef-lieu 
et  de  trois  conseillers  provinciaux  élus  par  le  conseil.  Le 
vote  a  lieu  au  scrutin  de  liste.  En  cas  de  ballottage,  le 
scrutin  doit  porter  seulement  sur  les  candidats  qui  ont 
obtenu  le  plus  de  voix.  Les  collèges  qui  ont  5  députés  à 
élire  votent  d'une  manière  limitative,  c.-à-d.  que  chaque 
électeur  ne  nomme  que  4  députés  :  on  a  voulu  ainsi  assu- 
rer la  représentation  proportionnelle  des  diverses  frac- 
tions du  corps  électoral.  Il  y  a  135  collèges  électoraux; 
chaque  collège  est  divisé  en  sections  ;  la  division  en  sec- 
tions est  faite  par  commune  de  manière  que  le  nonibré 
des  électeurs  ne  soit  pas  supérieur  à  400,  ni  inférieur 
à  100  électeurs  inscrits.  Les  collèges  sont  convoqués  par 
le  roi.  Il  doit  y  avoir  un  intervalle  de  quinze  jours  au 
moins  entre  la  publication  du  décret  royal  et  le  jour  fixé 
pour  les  élections.  Dans  chaque  section,  il  est  constitué  un 
bureau  provisoire  qui  est  présidé  soit  par  le  président  de 
la  cour  d'appel,  soit  par  le  président  du  tribunal  d'arron- 
dissement, soit  par  le  juge  de  paix,  soit  par  le  syndic,  selon 
les  lieux.  Deux  conseillers  de  la  commune  remplissent  les 
fonctions  de  scrutateurs.  Le  bureau  provisoire  se  consti- 
tue à  neuf  heures  du  matin  le  jour  de  l'élection.  La  salle 
de  vote  est  divisée  par  une  cloison  d'un  mètre  de  haut  avec 
une  ouverture  pour  le  passage  d'une  partie  à  l'autre.  Les 
électeurs  se  tiennent  dans  la  première  partie,  le  bureau  dans 
la  seconde.  Dès  que  vingt  électeurs  au  moins  sont  présents, 
on  procède  à  l'élection  du  bureau  définitif,  composé  d'un 
président  et  de  quatre  scrutateurs.  Chaque  électeur  écrit 
sur  son  bulletin  trois  noms,  et  l'on  proclame  élus  les  cinq 
qui  ont  obtenu  le  plus  grand  nombre  de  voix.  Celui  qui  a 
le  plus  de  voix  est  le  président.  Ce  bureau  choisit  un  secré- 
taire parmi  les  électeurs  présents  et  dans  l'ordre  suivant  : 
i^  les  notaires;  2^  les  greffiers;  3°  les  secrétaires  commu- 
naux ;  4<>  les  autres  électeurs.  Si  à  dix  heures  du  matin  les 
opérations  électorales  pour  la  constitution  du  bureau  défi- 
nitif ne  sont  pas  commencées,  le  bureau  provisoire  devient 
définitif.  On  tire  alors  au  sort  le  nom  d'un  des  scrutateurs 
qui  signe  au  dos  autant  de  bulletins  qu'il  y  a  d'électeurs 
dans  la  section.  Au  fur  et  à  mesure,  le  président  imprime 
sur  ces  bulletins  le  cachet  municipal  et  les  place  dans  une 
urne  de  verre  transparent.  Chaque  électeur  est  ensuite 
appelé  dans  l'ordre  de  son  inscription  sur  les  listes.  Le  pré- 


ÉLECTION 


748  - 


gident  tire  de  l'urne  un  bulletin  qui  est  remis  déplié  à  l'élec- 
teur. L'électeur  s'assied  à  une  table  et  inscrit  les  noms  des 
candidats  pour  lesquels  il  vote  ;  il  remet  son  bulletin  plié  au 
président  qui  le  dépose  dans  une  seconde  urne  de  verre 
transparent.  Un  scrutateur  pointe  la  liste  électorale  au  fur 
et  à  mesure  du  vote.  Le  scrutin  reste  ouvert  jusqu'à  quatre 
heures  de  l'après-midi  au  moins.  Après  le  dépouillement  et  la 
proclamation  du  résultat  par  le  président,  les  bulletins  sont 
brûlés  sauf  ceux  contestés.  Mais,  si  dix  électeurs  au  moins 
protestent  contre  l'inexactitude  de  la  lecture  des  bulletins 
ou  la  substitution  de  bulletins  à  d'autres,  tous  les  bulletins 
sont  annexés  au  procès-verbal  sous  pli  cacheté.  Le  prési- 
dent de  la  première  section  du  collège  réuni  aux  présidents 
des  autres  sections,  récapitule  les  votes  de  chaque  section 
sans  pouvoir  en  modifier  le  total,  et  prononce  sur  tous  les 
incidents  relatifs  aux  opérations  qui  s'y  rattachent.  Sont 
déclarés  élus  ceux  qui  ont  obtenu  le  plus  grand  nombre  de 
voix  pourvu  que  ce  nombre  soit  supérieur  au  huitième  des 
électeurs  inscrits.  Au  second  tour  de  scrutin,  sont  élus  les 
candidats  qui  obtiennent  le  plus  grand  nombre  de  voix  vala- 
blement exprimées. 

Luxembourg.  La  loi  électorale  du  grand-duché  de 
Luxembourg  ressemble  beaucoup  à  celle  de  la  Belgique. 
La  formation,  la  publicité,  la  revision  de  listes  sont  con- 
fiées à  la  direction  et  à  la  surveillance  des  autorités  admi- 
nistratives ;  les  réclamations  sont  portées  devant  le  tribunal 
de  l'arrondissement  et  jugées  sommairement.  Il  y  a  un  col- 
lège électoral  par  canton.  Les  électeurs  ne  peuvent  être 
réunis  au  nombre  de  plus  de  300,  ni  moins  de  150.  Des 
candidats  doivent  être  présentés  par  un  nombre  d'électeurs 
qui  doit  être  égal  à  cinq  fois  celui  des  députés  à  élire,  et 
qui  ne  peut  être  inférieur  à  dix.  Les  candidats  doivent  éga- 
lement être  assistés  de  témoins.  Les  électeurs  ne  sont  pas 
admis  à  séjourner  dans  les  salles  de  vote.  Ils  y  pénètrent 
individuellement  et  n'y  restent  que  le  temps  strictement 
nécessaire  pour  recevoir  leur  bulletin,  passer  dans  un  com- 
partiment séparé  pour  marquer  d'une  croix  avec  un  crayon 
le  candidat  pour  lequel  ils  votent,  et  remettre  ce  bulletin 
au  président.  La  Chambre  des  députés  prononce  souve- 
rainement sur  la  validité  des  élections  et  de  ses  membres. 

Norvège,  Les  listes  électorales  sont  dressées  dans  les 
villes  par  les  magistrats  et  dans  chaque  paroisse  par  le 
pasteur.  Elles  doivent  comprendre  les  noms  de  tous  les 
citoyens  ayant  droit  de  vote.  Ces  listes  sont  l'objet  d'une 
revision  tous  les  trois  ans  ;  elles  sont  mises  à  la  disposition 
du  public,  qui  a  toujours  le  droit  de  réclamer.  Le  magistrat 
ou  le  pasteur  décident  des  questions  litigieuses.  C'est  le 
Storthing  qui  juge  en  appel.  Les  électeurs  primaires  se 
réunissent  dans  un  édifice  public  (église,  hôtel  de  ville,  etc.) 
dans  les  villes  ou  dans  l'église  principale  de  la  paroisse 
dans  les  campagnes.  Le  président  du  bureau  de  vote  fait 
connaître  à  l'assemblée  pour  quel  nombre  d'électeurs  du 
second  degré  ils  auront  à  voter.  Ensuite  les  électeurs  sont 
appelés  dans  l'ordre  où  ils  sont  portés  sur  la  liste.  Il  leur 
est  remis  à  chacun  une  enveloppe  marquée  d'un  sceau 
officiel,  et  on  leur  indique  un  endroit  écarté  de  la  salle  de 
vote  où  ils  placeront  sans  être  vus  leur  bulletin  de  vote 
dans  l'enveloppe  qu'ils  déposeront  ensuite  dans  une  urne 
placée  sur  la  table  du  bureau.  Les  électeurs  qui  ne  peuvent 
se  présenter  pour  cause  de  maladie,  de  service  militaire  ou 
autre  sont  autorisés  à  voter  par  écrit.  L'appel  terminé, 
les  enveloppes  sont  mêlées.  Ensuite  les  bulletins  sont  lus 
à  haute  voix  par  un  membre  du  bureau  et  s'ils  sont  valables 
signés  par  deux  des  membres  du  bureau.  Enfin  les  voix 
sont  comptées.  Après  le  vote,  les  bulletins  sont  brûlés, 
sauf  les  litigieux. 

Pays-Bas.  Les  listes  électorales  sont  dressées  en  suite 
des  indications  envoyées  annuellement  avant  le  15  févr.  au 
président  du  conseil  communal  par  les  receveurs  des  con- 
tributions directes  qui  les  contresignent.  Elles  mentionnent, 
outre  le  nom  et  les  prénoms  de  l'électeur,  le  lieu  et  la  date 
de  sa  naissance,  le  montant  delà  valeur  locative  de  l'habi- 
tation pour  laquelle  il  est  imposé  ou  le  montant  de  son 


imposition  foncière.  Elles  sont  affichées  dans  le  mois  qui 
suit.  Les  réclamations  sont  adressées  au  conseil  communal, 
l'appel  porté  devant  le  tribunal  d'arrondissement  ;  la  haute 
cour  juge  en  dernier  ressort.  Huit  jours  avant  le  jour  de 
l'élection,  les  électeurs  reçoivent  de  la  part  du  président 
du  conseil  communal,  à  leur  domicile,  une  lettre  de  con- 
vocation fermée  et  un  bulletin  portant,  s'il  s'agit  d'une 
élection  pour  le  conseil  communal,  le  sceau  de  la  commune, 
s'il  s'agit  d'une  élection  pour  les  Etats  provinciaux  ou  la 
seconde  Chambre,  le  sceau  des  capitales,  du  principal  et  du 
sous-district  électoral.  Le  bulletin  rempli  par  écrit  est 
déposé  par  l'électeur  au  lieu  destiné  au  dépôt,  dans  l'urne 
s'y  trouvant.  Le  dépôt  du  bulletin  commence  à  neuf  heures 
du  matin  et  continue  jusqu'à  quatre  ou  cinq  heures  de 
l'après-midi.  Le  bureau  électoral  est  composé  d'un  prési- 
dent qui  est  le  président  du  conseil  de  commune  et  de  deux 
membres  du  conseil  élus  par  celui-ci.  Une  fois  le  scrutin 
clos,  l'urne  est  scellée  en  présence  des  électeurs.  Le  dé- 
pouillement est  fait  dans  la  capitale  du  district  électoral 
principal  le  lendemain  de  l'élection.  Le  président  proclame 
ensuite  le  nombre  dé  voix  qui  constitue  la  majorité  absolue 
et  celui  des  votes  donnés  à  chaque  personne. 

Portugal.  L'élection  des  députés  a  lieu  :  1°  au  scrutin 
de  liste  dans  les  circonscriptions  ayant  pour  chef-lieu  les 
capitales  des  districts  du  continent  et  des  îles  adjacentes. 
Dans  ce  cas,  les  bulletins  de  vote  pour  les  cercles  de 
trois  députés  portent  deux  noms  au  plus;  ceux  pour  les 
circonscriptions  de  quatre  députés  trois  noms  au  plus, 
ceux  pour  les  cercles  de  six  députés  quatre  noms  au  plus; 
les  noms  en  excès  sont  réputés  non  écrits,  dans  l'ordre  de 
leur  inscription  ;  2°  au  scrutin  uninominal  dans  les  autres 
circonscriptions  du  continent  ;  3°  par  suffrages  accumulés 
pour  les  six  députés  qui  auront  obtenu  5,00-0  suffrages  au 
moins  sur  le  continent  et  dans  les  îles  adjacentes.  Dans  les 
circonscriptions  plurinominales  ou  uninominales,  sont  élus 
députés  les  citoyens  qui  ont  obtenu  le  plus  de  voix  jusqu'à 
concurrence  pour  chaque  circonscription  du  nombre  de 
députés  qui  lui  aura  été  attribué.  La  préférence  entre  les 
élections  des  circonscriptions  de  classes  différentes  sera 
déterminée  par  les  règles  suivantes  :  1*^  l'élection  par  une  cir- 
conscription sera  toujours  préférée  à  l'élection  par  suffrages 
accumulés;  â'^  l'élection  par  une  circonscription  plurino- 
minale  sera  toujours  préférée  à  l'élection  par  une  circons- 
cription uninominale.  Les  bureaux  des  assemblées  électo- 
rales se  composent  du  président,  de  deux  scrutateurs,  de 
deux  secrétaires  et  de  deux  suppléants.  Lorsqu'il  ne  se 
présente  plus  personne  pour  voter,  le  président  fait  faire 
l'appel  de  tous  les  électeurs  qui  n'ont  pas  voté  ;  deux  heures 
après,  il  demande  s'il  reste  quelqu'un  qui  se  propose  de 
^  voter  et  reçoit  les  bulletins  de  ceux  qui  se  présentent 
aussitôt  jusqu'au  dernier.  Le  vote  est  terminé  dès  que  tous 
les  bulletins  des  électeurs  présents  à  l'assemblée  et  décla- 
rant vouloir  voter  ont  été  reçus.  Quand  le  scrutin  n'est  pas 
terminé  le  premier  jour,  le  président  du  bureau  fait  para- 
fer par  les  deux  secrétaires,  sur'' le  verso,  tous  les  bulle- 
tins reçus.  Il  les  fait  ensuite  enfermer  dans  une  cassette 
à  trois  clefs  qui  est  en  outre  scellée  et  gardée  dans  le 
bâtiment  même  où  le  vote  a  eu  lieu,  dans  un  endroit 
exposé  à  la  vue  et  à  la  surveillance  des  électeurs  si  vingt  au 
moins  d'entre  eux  l'exigent.  Elle  est  ouverte  le  lendemain, 
à  neuf  heures  du  matin,  pour  la  continuation  des  opéra- 
tions électorales.  La  vérification  des  pouvoirs  des  députés 
élus  est  faite  par  l'assemblée  des  députés  élus  ou  par  la 
Chambre.  Mais  les  opérations  ayant  donné  lieu  à  des  pro- 
testations dans  les  assemblées  primaires  ou  les  commissions 
de  dépouillement  sont  jugées  par  un  tribunal  spécial.  Ce 
tribunal  est  composé  :  l'^du  président  du  tribunal  suprême 
de  justice  et  de  trois  juges  du  même  tribunal  désignés  par 
le  sort;  2^  de  trois  juges  de  la  cour  d'appel  de  Lisbonne 
désignés  par  le  sort.  Les  recensements  électoraux  sont  faits 
par  des  commissions  élues  suivant  une  procédure  assez 
compliquée. 
Roumanie.  Les  listes  électorales  sont  permanentes  ; 


l'original  est  inscrit  dans  un  registre  spécial,  numéroté, 
cousu  et  scellé.  Les  réclamations  sont  portées  devant  le  con- 
seil communal,  appel  est  fait  devant  le  tribunal.  Chaque  col- 
lège électoral  vote  séparément.  Lorsque  le  nombre  des  élec- 
teurs est  supérieur  à  mille,  le  vote  se  fait  par  sections  sépa- 
rées contenant  chacune  le  même  nombre  d'électeurs.  La  divi- 
sion des  électeurs  en  sections  se  fait  en  même  temps  que  l'affi- 
chage des  listes  électorales  provisoires  et  la  désignation  des 
locaux  destinés  au  vote  en  tenant  compte  de  l'endroit  où 
demeure  l'électeur.  Les  bureaux  électoraux  pour  l'élection 
des  délégués  se  composent  du  maire  de  la  commune  comme 
président,  de  deux  scrutateurs  et  de  deux  secrétaires  tirés 
au  sort  parmi  les  électeurs  sachant  lire  et  écrire  et  présents 
à  l'ouverture  du  collège.  Chaque  électeur  apporte  son 
bulletin  de  vote  écrit  ou  imprimé.  Il  est  interdit  d'écrire 
le  bulletin  dans  la  salle  de  vote.  L'électeur  doit  y  entrer 
avec  son  bulletin  plié  de  manière  à  ce  que  le  texte  n'en 
soit  pas  visible  et  le  déposer  dans  l'urne.  Les  bureaux 
électoraux  pour  l'élection  des  députés  et  des  sénateurs  sont 
présidés  par  les  premiers  présidents,  les  présidents  et  les 
conseillers  des  cours  d'appel.  Deux  secrétaires  et  deux 
scrutateurs  sont  tirés  au  sort  parmi  les  électeurs  présents. 
L'électeur,  remet  sa  carte  au  président,  qui  en  coupe  un 
coin  et  la  lui  rend.  Le  bureau  donne  à  chaque  électeur,  qui 
est  tenu  de  le  recevoir,  un  bulletin  de  vote  de  chacun  des 
candidats  et  une  enveloppe  avec  laquelle  il  passe  seul  dans 
une  chambre  secrète.  Il  introduit  dans  l'enveloppe  son 
bulletin  de  \>ote  après  l'avoir  plié  en  quatre,  puis  il  colle 
l'enveloppe  et  la  remet  au  président  ou  aux  scrutateurs, 
qui  la  déposent  dans  une  urne  fermée.  Le  bureau  estam- 
pille chaque  enveloppe  du  sceau  de  la  mairie.  Le  secret  du 
vote  est  prescrit  à  peine  de  nullité.  L'appel  des  électeurs 
inscrits  sur  la  liste  électorale  une  fois  terminé,  le  scrutin 
reste  ouvert  jusqu'à  cinq  heures  du  soir.  Il  est  alors  clos 
et  on  procède  au  dépouillement.  Mais,  si  des  électeurs 
n'ayant  pas  encore  voté  se  présentent  à  cinq  heures,  leur 
vote  est  reçu.  Le  président  compte  d'abord  les  enveloppes, 
puis  il  les  ouvre  1  une  après  l'autre  devant  les  votants  et 
lit  à  haute  voix  les  noms  inscrits  sur  chaque  bulletin. 
Aussitôt  les  noms  sont  transcrits  sur  deux  listes  tenues 
par  les  secrétaires.  Après  que  le  bureau  a  constaté  le  ré- 
sultat de  l'élection,  qui  que  ce  soit  peut  entrer  dans  la 
salle  du  vote,  et  le  président  proclame  à  haute  voix  le 
résultat  général.  Le  recensement  général  est  fait  par  le 
bureau  central. 

Russie,  En  Russie,  les  assemblées  de  la  noblesse  sont 
élues  au  scrutin  à  deux  degrés.  Les  propriétaires  notables 
de  la  province  se  réunissent  dans  chaque  district  et  nomment 
avec  l'assentiment  du  gouverneur  des  délégués  chargés  de 
former  au  chef-lieu  de  la  province  le  collège  secondaire. 
Ce  collège  élit  les  membres  de  l'assemblée,  qui  doivent  toute- 
fois être  agréés  ensuite  par  le  tsar.  —  Les  assemblées  de 
gouvernement  sont  composées  de  délégués  nommés  par  les 
assemblées  de  district.  —  Les  assemblées  de  district  sont 
composées  des  délégués  des  gros  propriétaires,  des  délégués 
des  villes,  des  délégués  des  communes  rurales. 

Serbie.  Tout  électeur  doit  retirer  sa  carte  pour  exercer 
son  droit;  mais,  pour  qu'on  la  lui  délivre,  il  faut  qu'il 
justifie  avoir  payé  la  somme  des  contributions  exigées  pour 
l'électorat.  Dans  les  villes  qui  n'ont  qu'un  député  à  élire, 
la  majorité  absolue  des  voix  est  indispensable.  Si  personne 
n'obtient  cette  majorité,  on  procède  à  un  nouveau  scrutin. 
Dans  les  circonscriptions  et  les  villes  qui  nomment  plusieurs 
députés,  cinquante  électeurs  ont  le  droit  de  former  une 
liste  de  candidats.  Chaque  liste  doit  porter  autant  de  can- 
didats qu'il  y  a  de  députés  à  nommer.  Elle  reçoit  le  nom 
de  celui  qui  est  inscrit  en  tête,  et  elle  a  son  urne  spéciale 
en  tout  endroit  où  l'on  vote.  Le  chiffre  total  des  électeurs 
qui  ont  voté,  divisé  par  le  nombre  des  députés  que  doit 
choisir  le  collège  intéressé,  donne  le  quotient  électoral 
d'après  lequel  on  détermine  le  nombre  des  candidats  élus 
à  prendre  dans  chacune  des  listes.  On  attribue  à  chaque 
liste  autant  de  sièges  qu'elle  réunit  de  fois  le  quotient  élec- 


—  749  —  ÉLECTION 

toral.  Le  quotient  est  décerné  tout  d'abord  au  candidat 
inscrit  en  tête  de  la  liste  et  ensuite  aux  autres  candidats 
suivant  l'ordre  d'inscription  jusqu'à  ce  que  le  nombre  des 
suffrages  obtenus  par  cette  liste  soit  épuisé.  S'il  reste 
des  sièges  de  députés  pour  lesquels  aucune  liste  n'a  réuni 
un  nombre  de  voix  égal  au  quotient,  ces  sièges  sont 
répartis  entre  les  listes  disposant  du  chiffre  le  plus  proche 
du  quotient  jusqu'à  ce  qu'on  obtienne  le  nombre  complet 
des  députés.  En  cas  d'égalité  de  suffrages,  on  tire  au  sort 
la  liste  à  laquelle  doit  être  attribué  le  siège  en  cause.  La 
Skoupchtina  a  seule  le  droit  d'examiner  les  pouvoirs  de  ces 
membres  et  à  prononcer  sur  leur  validité,  ainsi  que  sur  les 
contestations  éventuelles  élevées  à  ce  sujet. 

Suède,  Les  listes  électorales  sont  dressées  dans  chaque 
commune.  Dans  les  divers  collèges  électoraux  il  est  toujours 
procédé  au  vote  secret  au  moyen  de  bulletins  imprimés  ou 
manuscrits  déposés  par  l'électeur  dans  une  urne  sous  les 
yeux  du  magistrat  compétent.  Tous  les  bulletins  inintelli- 
gibles, incomplets  ou  portant  le  nom  de  personnes  inéli- 
gibles ou  plus  de  noms  qu'il  ne  doit  être  élu  de  candidats, 
sont  annules  et  n'entrent  pas  en  compte  pour  la  fixation  de 
la  majorité.  Les  élections  ont  lieu  à  la  majorité  absolue  des 
voix  ;  en  cas  de  partage  égal,  le  sort  décide  entre  les  deux 
candidats. 

Suisse.  Les  registres  électoraux  sont  exposés  publique- 
ment pour  que  les  électeurs  en  puissent  prendre  connais- 
sance, pendant  au  moins  deux  semaines  avant  l'élection  et 
clos  au  plus  tôt  trois  jours  avant  la  votation.  Les  élections 
au  conseil  national  et  les  votations  se  font  au  scrutin  secret. 
Il  est  dressé  pour  chaque  élection  un  procès-verbal  dont 
l'exactitude  est  attestée  par  la  signature  du  bureau  com- 
pétent. Ce  procès-verbal  est  transmis  au  gouvernement  du 
canton,  qui  dresse  le  tableau  du  résultat  des  votations  dans 
les  différentes  assemblées  et  le  porte  de  suite  à  la  connais- 
sance du  public.  Les  réclamations  sont  adressées  au  gou- 
vernement cantonal,  qui  les  transmet  au  conseil  fédéral.  Les 
élections  pour  le  conseil  national  sont  directes  ;  elles  ont 
lieu  à  la  majorité  absolue,  même  au  second  tour  de  scru- 
tin. Si  à  ce  second  tour  le  nombre  de  ceux  qui  ont  obtenu 
la  majorité  absolue  n'est  pas  égal  au  nombre  des  personnes 
à  élire,  il  est  procédé  à  un  troisième  tour.  Ne  restent  en 
élection  à  ce  troisième  tour  que  trois  fois  autant  de  can- 
didats qu'il  y  a  de  personnes  à  élire  ;  ces  candidats  sont 
ceux  qui  ont  obtenu  le  plus  de  voix  ;  au  troisième  tour,  la 
majorité  relative  suffit.  Lorsque  les  opérations  électorales 
d'un  arrondissement  sont  terminées,  le  gouvernement  can- 
tonal doit  immédiatement  donner  par  lettre  aux  élus  con- 
naissance de  l'élection  et  communiquer  au  conseil  fédéral 
les  noms  des  élus.  La  législation  cantonale  n'offre  pas  suffi- 
samment d'originalité  pour  que  nous  en  parlions. 

Etats-Unis.  Aux  Etats-Unis,  tous  les  pouvoirs,  tant 
législatifs  qu'exécutifs,  procèdent  de  l'élection.  La  Chambre 
des  représentants  de  la  fédération  se  compose  de  députés 
élus  au  suff'rage  universel  et  par  circonscriptions  séparées. 
Le  lieu,  l'époque,  le  mode  et  la  forme  des  opérations 
électorales  varient  dans  chaque  Etat,  et  nous  ne  saurions 
entrer  dans  d'infinis  détails  à  ce  sujet.  Nous  nous  conten- 
terons de  signaler  une  disposition  générale  d'après  laquelle 
tous  les  votes  doivent  avoir  lieu  par  bulletin  écrit  ou 
imprimé,  quelle  que  soit  la  manière  de  procéder  spéciale 
des  Etats. 

Canada.  Comme  en  Angleterre,  il  y  a  des  fonctionnaires 
spécialement  chargés  de  la  direction  des  opérations  électo- 
rales. Ce  sont  les  officiers  rapporteurs  qui  sont  en  général 
choisis  parmi  les  sheriffs  et  les  registrateurs.  Le  rapporteur 
est  assisté  par  le  secrétaire  d'élection,  les  sous-officiers 
rapporteurs  et  les  greffiers  des  bureaux  de  vote.  Le  bref 
d'élection  est  envoyé  parle  gouvernement  général  à  l'officier 
rapporteur,  qui  opère,  s'il  n'y  a  pas  été  pourvu  par  la  légis- 
lation ou  les  autorités  locales,  la  subdivision  des  électeurs 
en  sections  de  vote,  de  façon  qu'il  y  ait  au  moins  une  section 
par  200  électeurs.  Vingt  jours  ou  huit  jours,  suivant  les 
districts,  après  la  réception  du  bref,  l'officier  rapporteur 


ÉLECTION 


^  m 


publie  une  proclamation  annonçant  les  lieu,  jour  et  heure 
fixés  pour  la  présentation  des  candidats,  pour  la  votation 
et  pour  la  proclamation  du  résultat.  La  présentation  des 
candidats  a  lieu  par  écrit;  le  bulletin  doit  être  signé  de 
vingt-cinq  électeurs,  accompagné  du  consentement  du  can- 
didat, et  on  doit,  en  le  déposant,  verser  entre  les  mains  de 
Tofificier  rapporteur  une  somme  pour  le  payement  des 
dépenses  d'élection.  S'il  n'y  a  pas  plus  de  candidats  que 
de  sièges  vacants,  le  ou  les  candidats  présentés  sont  élus. 
Si  les  candidats  sont  en  nombre  inférieur  à  celui  des  repré- 
sentants à  élire,  l'élection  est  ajournée  pour  l'ouverture  du 
scrutin.  Le  scrutin  est  ouvert  de  trois  heures  à  cinq 
heures.  Le  bulletin  de  chaque  électeur  est  un  papier  im- 
primé indiquant  les  nom  et  profession  des  candidats  ins- 
crits alphabétiquement;  le  bulletin  a  un  talon  où  sont 
inscrites  les  mêmes  indications.  Aussitôt  après  la  clôture 
du  scrutin,  le  sous-officier  rapporteur,  en  présence  des 
candidats,  ou  de  leurs  agents,  ou  de  trois  électeurs  au 
moins,  ouvre  Turne  et  procède  à  la  supputation  des  votes. 
Les  bulletins  sont  ensuite  remis  avec  la  liste  des  électeurs 
et  diverses  autres  pièces  dans  la  boîte  du  scrutin  qui  est 
transmise  à  l'officier  rapporteur.  Aux  jour,  lieu  et  heure 
fixés,  celui-ci  fait  l'addition  générale  des  votes  et  déclare 
le  résultat.  .    . 

Amérique  latine.  Pour  les  républiques  sud-américames, 
ainsi  qu'il  a  été  dit  à  l'art.  Constitution,  nous  renvoyons 
aux  articles  spéciaux  consacrés  à  chacune  d'elles,  nous 
bornant  à  donner  ici  quelques  indications  sur  la  procédure 
électorale  de  la  République  Argentine.  Selon  que  l'élection 
a  lieu  à  un  ou  à  deux  degrés,  le  système  est  analogue  à 
ceux  appliqués  en  France  et  en  Espagne. 

République  Argentine,  Chaque  municipalité  tient  un 
registre  électoral  revisé  et  tenu  au  courant  par  des  com- 
missions spéciales.  Ce  registre  comprend  le  nom,  l'âge  et  le 
lieu  de  naissance,  la  profession,  le  domicile  de  l'électeur, 
et  dit  s'il  est  citoyen  de  naissance  ou  s'il  a  obtenu  la  natu- 
ralisation. Une  commission,  dite  junte  des  réclamations, 
reçoit  les  réclamations  pendant  le  mois  de  novembre  et  les 
juge.  Dans  chaque  district  électoral,  il  y  a  un  comice  divisé 
en  tables,  à  raison  d'une  table  par  400  électeurs  au  maxi- 
mum, et  d'une  par  50  au  minimum.  Le  sort  désigne  les 
citoyens  qui  doivent  faire  partie  des  comices.  Les  tables 
sont  désignées  par  des  numéros  d'ordre.  A  la  première 
table  viennent  voter  les  électeurs  inscrits  depuis  le  n^  1 
jusqu'au  n»  400.  A  la  deuxième,  les  électeurs  inscrits  de- 
puis le  n'^  401  jusqu'au  n«  800,  et  ainsi  de  suite.  Chaque 
table  est  composée  de  cinq  citoyens  et  prend  ses  décisions 
à  la  majorité.  Les  comices  s'installent  sous  le  porche  de 
l'église  ou  à  la  maison  municipale  ou  au  tribunal,  le 
matin  du  jour  du  vote  à  huit  heures  et  demie.  Les  scruta- 
teurs se  réunissent  dans  le  local  assigné  à  chaque  comice  ; 
chaque  table  nomme  un  président;  trois  scrutateurs  suffi- 
sent pour  former  une  table.  Le  comice  nomme  un  pré- 
sident. Le  président  de  la  municipalité  installe  le  comice  et 
son  président  et  leur  remet  le  registre  électoral,  une  urne 
et  du  papier  pour  consigner  le  nombre  des  votants.  Les 
urnes  électorales  doivent  être  faites  sur  un  modèle  uni- 
forme et  distribuées  aux  autorités.  Elles  doivent  se  fermer 
à  clef.  Une  clef  est  entre  les  mains  du  président  du 
comice,  une  autre  entre  les  mains  du  président  de  la  table. 
Au  moment  de  se  servir  d'une  urne,  on  l'ouvre  pour  mon- 
trer qu'elle  est  vide.  Le  pointage  est  fait  en  double.  Tout 
vote  doit  être  écrit  sur  du  papier  blanc  et  déposé  dans 
l'urne  par  le  président.  L'électeur  doit  se  présenter  dans 
Tordre  fixé  pour  la  votation.  Au  moment  de  voter,  il  devra 
dire  son  nom,  son  âge,  son  domicile,  et  le  président  véri- 
fiera l'exactitude  de  sa  déclaration.  Deux  électeurs  pour- 
ront seulement  pénétrer  à  la  fois  dans  l'enceinte  de  la 
table.  Le  vote  est  clos  à  quatre  heures  du  soir.  Chaque 
table  dépouille  son  vote,  vérifie  le  nombre  des  suffrages, 
le  compare  à  celui  des  électeurs,  etc.  Une  fois  le  travail 
terminé,  le  président  du  comice  et  les  présidents  des  tables 
constatent  par  écrit  le  nombre  d'électeurs  inscrits  votants, 


le  nombre  des  suffrages  obtenus  par  les  candidats  et  eii- 
voient  un  double  de  cet  état  au  juge  de  paix  et  un  autre 
double  à  la  municipalité.  Le  président  de  la  municipalité 
envoie  cet  état  à  la  législature.  Toute  protestation  élec- 
torale est  adressée  aux  Chambres. 

Japon.  Pour  être  électeur,  il  faut  payer  un  cens.  Les 
listes  électorales  existent  dans  les  villes  à  préfectures.  Le 
vote  a  lieu  par  bulletins  sur  lesquels  l'électeur  écrit  ou  fait 
écrire  le  nom  du  candidat  pour  lequel  il  vote,  son  propre 
nom  et  sa  résidence. 

III.  Jurisprudence. —  Election  des  juges  des  tribu- 
naux DE  COMMERCE  (V.  ci-dcssus  Elections  consulaires). 

Election  des  prud'hommes  (V.  Conseil  de  prud'hommes). 

IV.  Théologie  (V.  Prédestination). 

V.  Droit  canon.  —  Quand  il  s'agit,  sur  .la  pro- 
position de  Pierre,  de  compléter  le  nombre  des  apôtres, 
réduit  à  onze  par  la  trahison  et  la  mort  de  Judas,  per- 
sonne n'osa  décider  entre  Joseph  et  Mathias  :  ni  Pierre, 
ni  les  autres  apôtres  survivants,  ni  même  l'assemblée 
entière  des  disciples  réunis  alors  à  Jérusalem.  Ils  prièrent 
et  jetèrent  le  sort  sur  les  remplaçants  présentés.  Le  sort 
tomba  sur  Mathias  qui,  d'un  commun  accord,  fut  mis  au 
nombre  des  onze  {Actes  des  Apôtres,  i,  15-16).  Cette  con- 
sultation du  sort  fut  plus  tard  condamnée,  d'une  manière 
générale,  en  toute  matière  religieuse,  et  spécialement 
réprouvée  lorsqu'un  concile  de  Barcelone  (599)  voulut 
l'appliquer  aux  élections.  De  sorte  que  l'emploi  qui  en  fut 
fait  aux  premiers  jours  contraint  les  interprètes  ortliodoxes 
à  des  explications  fort  laborieuses  et  fort  subtiles.  — 
L'institution  des  premiers  diacres  fut  proposée  par  tous 
les  douze  Apôtres,  et  réalisée  après  une  élection  faite 
par  toute  la  multitude  des  disciples.  Les  diacres  élus 
furent  présentés  aux  Apôtres  qui,  après  avoir  prié,  leur 
imposèrent  les  mains  {Act.  ip.,  vr,  1-6).  — De  leur  côté, 
Barnabas  et  Paul  établirent  des  presbytres  en  chacune 
des  églises  qu'ils  avaient  fondées  (xiv,  23).  Après  avoir 
reçu  le  témoignage  des  frères  de  Lystre  et  dTconie,  Paul 
adjoignit  Timothée  à  son  œuvre  itinérante  (xvi,  2-3).  En 
partant  pour  la  Macédoine,  il  le  laissa  à  Eplièse,  ayec 
mission  de  veiller  sur  la  doctrine  enseignée  en  cette  ville 
(I  Tim.,  i,  3).  De  même,  il  laissa  Tite  en  Crète,- 
pour  les  choses  qui  restaient  à  régler  et  pour  établir^ 
suivant  son  ordonnance,  des  presbytres  (Tite^  i,  5), 
auxquels  il  donne,  quelques  lignes  plus  loin,  le  titre 
d'évêques  (7).  A  part  une  mention  très  vague  sur  le  témoi- 
gnage rendu  à  Timothée  par  les  frères  de  Lystre  et  d'ico- 
nie,  les  textes  relatifs  à  Paul  sont  muets  sur  la  participa-^ 
tion  des  fidèles  à  l'établissement  des  ministères  exercés 
parmi  eux.  Mais  peut-être  cette  omission  résulte-t-elle  de 
ce  que  Paul  se  rapportait  sur  ce  point  à  l'usage  générale- 
ment établi,  dérivant  des  traditions  juives  et  de  la  néces- 
sité d'obtenir  la  confiante  dociUté  des  troupeaux  que  les 
pasteurs  devaient  conduire. 

En  son  Epître  aux  Corinthiens  (xliv),  Clément  de 
Rome  dit,  d'une  manière  générale,  que  les  évêques  et  les 
diacres  ont  été  établis  par  les  Apôtres  et,  après  eux,  par 
des  notables,  iXlô^iiioi  avSpsç  (vraisemblablement  les 
presbytres  et  les  diacres) ,  avec  l'assentiment  de  toute  la 
communauté,  a'JV£u5oxrjaàa7]ç  t^ç  'Ey.xXTjaiaç  T^àar]?.  Ce 
fut  pendant  plusieurs  siècles  une  maxime  incontestée,  qu'on 
ne  doit  pas  imposer  un  évêque  au  peuple  qui  le  repousse  : 
Nullus  i7ivitis  detur  episcopus  (CélestinP''  [422-432]  ^ 
Epist.  11,  5),  et  que  celui  qui  doit  commander  à  tous, 
doit  être  élu  par  tous:  Qui  prœfuturus  est  omnibus^ 
ab  omnibus  eligatur  (Léon  P^  [440-461],  Epist, 
lxxxix).  Mais,  en  fait,  la  part  attribuée  au  peuple,  ainsi  que 
les  formes  de  son  intervention,  varia  suivant  les  lieux, 
et  dans  les  mêmes  lieux  suivant  les  temps  et  les  circons- 
tances. On  la  trouve  parfois  se  produisant  comme  une  véri- 
table élection,  quant  à  l'initiative  et  quant  à  la  valeur 
décisive,  et  même  en  quelques  cas,  comme  une  nomination 
exigée  par  la  multitude  ;  mais  généralement  elle  fut 
réduite  soit  à  un  suffrage  inférieur,  soit  à  une  faculté  de 


^  751  - 


ÉLECTION 


témoignage  avant  le  vote  du  clergé  ou  d'acclamation  après 
ce  vote,  et  de  présence  à  l'ordination  ou  à  la  consécration  ; 
même  à  une  simple  fiction.  En  certains  temps  et  en  cer- 
tains lieux,  on  rendit  hommage  au  droit,  en  l'éludant  ;  on 
supposa  que  le  vote  du  clergé  était  toujours  devancé  et 
dirigé  par  l'estime  et  le  vœu  du  peuple  :  Electio  clerico- 
rum  est  petitio  plebis^  comme  disaient  les  chanoines  des 
cathédrales,  au  xi^  siècle.  —  Parmi  les  causes  de  ces 
variations,  les  principales  nous  paraissent  être  :  le  déve- 
loppement de  la  hiérarchie  ;  le  changement  survenu  dans 
la  composition  de  l'Eglise,  qui,  après  n'avoir  contenu  qu'une 
élite  de  fidèles  recueilhe,  par  une  sélection  dilïicile  et 
parfois  périlleuse,  au  milieu  de  la  multitude  païenne,  finit 
par  être  envahie  par  cette  multitude  ;  l'accroissement 
rapide  des  biens  ecclésiastiques,  rendant  la  subsistance  du 
clergé  de  plus  en  plus  indépendante  des  contributions 
volontaires  ;  l'appui  du  bras  séculier,  permettant  d'obtenir 
de  la  contrainte  une  docilité  ou  une  soumission  qu'on  ne 
•^  pouvait  espérer  auparavant  que  de  la  confiance  ou  de 
l'affection. 

Lorsque  les  évêques  eurent  réussi  à  faire  prédominer 
leur  autorité,  ils  s'attribuèrent  le  choix  des  membres  du 
clergé  inférieur  et  même  celui  des  diacres  et  des  prêtres, 
prétendant  qu'en  les  élisant  on  leur  avait  délégué  tout 
droit  à  cet  égard.  Ce  n'était  qu'en  quelques  églises  seule- 
ment qu'ils  devaient  consulter  le  clergé,  et  dans  des  endroits 
plus  rares  encore,  que  le  peuple  avait  voix,  pour  ces  nomi- 
nations. —  Lorsque  les  églises,   réciproquement  indépen- 
dantes et  qui  jusqu'alors  n'avaient  entretenu,  les  unes  avec 
les  autres,  que  des  relations  volontaires  et  individuelles, 
se  groupèrent  par  provinces  autour  de  la  métropole,  le 
droit  d'élection  se  trouva  modifié,  en  chacune  d'elles,  par 
l'intervention  des  évêques  de  la  province  et  par  la  prépon- 
dérance toujours  croissante  du  métropolitain.  Le  concile 
cecuménique  de  Nicée  (325)  exigea  pour  l'institution  d'un 
évêque  la  présence  personnelle  de  tous  les  évêques  de  la 
province,  si  cela  était  possible,  sinon  la  présence  de  trois 
évêques  au  moins,    et  la  ratification  du  métropolitain 
{Can,  IV  et  VI).  Le  concile  de  Sardique  (347)  annula  une 
élection  faite  par  acclamation  du  peuple,  comme  suspecte 
de  brigue  ou  d'influence  illicite  (Can.  II).  Cependant, 
dans  certaines  élections  mémorables,    l'acclamation  du 
peuple  fut  respectée  comme  la  voix  de  Dieu.   Le  concile 
de  Laodicée  (365)  attribua  le  choix  au  métropolitain  et  aux 
évêques  voisins  (Can.  XII)  et  prohiba  l'intervention  de  la 
foule  (Can.  XIX).  Le  concile  œcuménique  de  Chalcédoine 
(451)  requit  le  consentement  de  la  totalité  ou  au  moins 
de  la  majorité  des  évêques  de  la  province  et  la  confirma- 
tion du  métropolitain.  La  nécessité  du  consentement  du 
métropolitain  fut  pareillement  affirmée  en  Occident  par  les 
papes  Innocent  P^  (402-417),  Boniface  (418-422),  Léon  I«^ 
et  Hilaire  (461-468),  et  par  les  conciles  de  Turin  (401) 
et  d'Arles  (452).  —  Néanmoins,  pendant  plusieurs  siècles 
après  les  décisions  que  nous  venons  de  rapporter,  le  droit 
du  clergé  et  du  peuple  (clerus  et  plebs)  à  prendre  une 
certaine  part  à  l'élection  des  évêques  resta  reconnu  en 
théorie  et  parfois  exercé  en  réalité  (conciles  d'Orléans, 
533  et  538  ;  de  Clermont  en  Auvergne,  535).  A  Milan,  le 
peuple  exerçait  encore  réellement  son  droit  au  xi®  siècle. 
En    1048,    Hildebrand,    lui-même,    rappela    à    Bruno 
(Léon  IX),  qui  venait  d'être  promu  au  siège  pontifical  par 
Henri  III,  que  sa  nomination  était  nulle  et  criminelle,  et 
il  lui  persuada  de  se  faire  élire  par  le  clergé  et  par  le 
peuple,  dès  son  arrivée  à  Rome.   Au  xii®  siècle  même,  on 
trouve  en  France  et  en  Allemagne  des  mentions  de  la  par- 
ticipation du  peuple  à  Télection  des  évêques.  Mais  il  nous 
semble  qu'on  doit  se  garder  de  prendre  à  la  lettre  les 
documents  qui  contiennent  ces  témoignages;  la  plupart  ne 
font  que  reproduire  de  vieilles  formules  de  droit  ecclésias- 
tique, conservant  le  souvenir  d'un  droit  périmé,  et  entre- 
tenant l'apparence  d'un  usage  ancien,  plutôt  que  corres- 
pondant à  des  réalités  contemporaines. 
Plusieurs  documents  anciens  semblent  indiquer  qu'à 


côté  de  la  consultation  générale  du  peuple  se  produisait  un 
suffrage  distinct  des  riches  et  des  notables  :  honorât^ 
nobiles^  proceres.  On  finit  par  ne  plus  accorder  voix  qu'à 
ces  derniers.  Justinien  statua  que  lorsqu'un  siège  épisco- 
pal  serait  vacant,  le  clergé  et  les  principaux  de  la  ville 
(clerici  et  optimates  civitaiis)  désigneraient  trois  per- 
sonnes pour  le  remplir,  et  que  le  métropolitain  conférerait 
l'ordination  à  celui  qu'il  estimerait  le  mieux  qualifié  : 
melior  ordinetur  periculo  et  electione  orainantis 
(Novel  CXXIl,  c.  i).  En  Orient,  le  peuple  et  le  clergé  de 
la  ville  furent  finalement  exclus  de  toute  coopération  à 
l'élection  ;  l'évêque  fut  choisi  par  le  métropolitain,  parmi 
trois  personnes  présentées  par  les  évêques  de  la  province. 
Nicéphore  II  (963-969)  édicta  qu'aucun  évêque  ne  serait 
élu  ou  consacré  sans  l'autorisation  de  l'empereur  ;  mais 
cette  loi  n'eut  point  de  durée.  Sauf  des  cas  relativement 
rares  et  une  réserve  permanente  relativement  au  siège  de 
Constantinople,  les  empereurs  s'abstinrent  généralement 
d'intervenir  directement  dans  les  élections,  et  ils  se  con- 
tentèrent de  l'influence  résultant  de  Texpression  de  leurs 
préférences.  —  En  France,  un  concile  d'Orléans  (538, 
Can.  Ill)  décréta  que  le  métropolitain  serait  ordonné  par 
un  autre  métropolitain,  en  présence  de  tous  les  évêques  de 
la  province,  et  que  son  élection  serait  faite  par  eux  tous^ 
avec  le  consentement  du  clergé  et  du  peuple  de  la  ville 
(clerici^  cives).  A  l'égard  des  évêques  de  la  province,  il 
ordonna  qu'ils  fussent  consacrés  par  le  métropolitain.  Un 
autre  concile  tenu  en  la  même  ville  (549,  Can.  X  et  XI) 
prescrivit  au  métropoUtain  et  aux  évêques  de  la  province 
de  consacrer  celui  qui  aurait  été  choisi  par  le  clergé  et  par 
le  peuple,  conformément  à  la  volonté  du  roi  (cum  volun- 
tate  régis...  juxta  electionem  cleri  et  plebis)^  et  il 
tâcha  de  concilier  l'immixtion  du  roi  avec  les  droits  du 
peuple  et  du  clergé,  par  cette  maxime  :  Nullus  invitis 
detur  episcopus,  sed  nec  per  oppressionem  potentium 
per sonar um...  cives  et  clerici  mclinentur.  Un  con- 
cile de  Paris  (557,  Can.  Vlll),  renforçant  cette  disposition, 
déclara  nulle  l'ordination  d'un  évêque  nommé  par  le  roi 
(per  imperium  régis)  malgré  les  citoyens  et  contre  la 
volonté  du  métropolitain  et  des  .évêques  de  la  province  ; 
il  recommanda  l'observation  des  anciens  canons.  Mais 
déjà  les  rois  mérovingiens  étaient  intervenus,  avec  une 
puissance  à  laquelle  il  était  difiicile  de  résister,  dans  le 
choix  et  même  la  déposition  des  évêques.  En  principe,  ils 
respectèrent  les  formes  admises  par  î'EgUse  pour  l'élection 
des  évêques,  mais  ils  subordonnèrent  l'ordination  à  leur 
décision  :  A  provincialibuSy  a  clero  et  populo  eligatur, 
dit  une  constitution  de  Clotaire  II  (615)  ;  mais  elle  ajoute: 
et  si  condigna  personafuerit^  per  ordinationem  prin- 
cipis  ordinetur,  attribuant  au  roi  le  droit  d'apprécier  les 
quahtés  de  l'élu  et  d'ordonner  sa  consécration  et  son  ins- 
tallation, droit  qui  fut  implicitement  reconnu  par  un  con- 
cile de  Chalon  (650,  Can.  X).  En  conséquence,  le  choix 
fait  par  le  clergé  et  par  le  peuple  ne  s'appela  plus  com- 
munément electio,  mdiis  ftagitatio,  petitio...  Supplici" 
ter  postulamus.  En  réalité,  la  décision  suprême  que  les 
Mérovingiens  s'étaient  arrogée  et  s'étaient  fait  reconnaître 
équivalait  au  droit  de  nomination  directe.  —  Carloman  et 
Pépin  déclarèrent  rétablir  la  liberté  des  élections.  Un  capi- 
tulaire  de  Charlemagne  (803),  renouvelé  en  816  par 
Louis  le  Débonnaire,  permet  de  choisir  l'évêque  per  elec- 
tionem cleri  et populi,  secundum  statuta  canonum,de 
propria  diœcesi  ;  mais  les  termes  de  cet  acte  imphquent 
plutôt  l'octroi  d'une  faveur  que  la  reconnaissance  d'un 
droit.  En  fait,  la  nomination  continua  à  dépendre  de 
l'empereur.  Les  privilèges  de  libre  élection  concédés  à 
certaines  églises  indiquent  la  persistance  et  la  généraUté 
de  la  pratique  contraire. 

Voici  sommairement,  d'après  les  formules,  quelle  devait 
être  la  procédure  des  élections  au  ix®  siècle.  Aussitôt  après 
la  mort  d'un  évêque,  le  clergé  et  le  peuple  envoyaient  des 
députés  au  métropolitain  pour  l'en  avertir  ;  le  métropoli- 
tain en  donnait  avis  au  prince,  puis,  suivant  son  ordre. 


ELECTION 


—  752  — 


nommait  un  des  évoques  de  la  province  pour  être  visiteur. 
Celui-ci  devait  se  rendre  dans  l'église  vacante  pour  y  sol- 
liciter l'élection  et  y  présider,  afin  qu'elle  ne  fût  point 
différée  et  que  les  canons  y  fussent  gardés.  Il  assemblait  le 
clergé  et  le  peuple,  c-à-d.  les  prêtres,  les  autres  clercs, 
les  vierges,  les  veuves,  les  nobles  et  les  autres  laïques. 
Les  moines  avaient  grande  part  à  l'élection.  On  ne  devait 
pas  y  appeler  seulement  les  chanoines  et  les  clercs  de  la 
ville,  mais  aussi  les  clercs  de  la  campagne.  L'élu  devait 
être,  autant  que  possible,  un  clerc  appartenant  à  l'église 
qu'il  s'agissait  de  pourvoir.  —  L'élection  faite,  le  décret, 
signé  des  principaux  du  clergé,  des  moines  et  du  peuple, 
était  expédié  au  métropolitain.  Celui-ci  convoquait  tous  les 
évêques  de  la  province  pour  examiner  l'élection,  en  un  lieu 
qu'il  désignait,  mais  qui  était  ordinairement  l'église  vacante. 
Tous  les  évêques  devaient  se  rendre  à  cette  convocation 
ou,  s'ils  étaient  empêchés,  se  faire  représenter  par  un  de 
leurs  clercs  chargé  d'une  lettre  d'approbation ,  car  tous 
devaient  consentir  ;  trois  évêques  au  moins  devaient  assister 
en  personne.  L'élu  était  présenté  à  ce  concile  provincial 
et  examiné  en  sa  personne,  sa  doctrine  et  ses  mœurs.  Si 
l'élection  était  jugée  canonique  et  l'élu  capable,  on  prenait 
jour  pour  la  consécration  ;  si  l'élection  avait  été  obtenue 
par  simonie  ou  par  brigue,  le  concile  la  cassait  et  élisait 
un  autre  évêque.  Le  prince  était  averti  des  principaux  actes 
de  cette  procédure  et  spécialement  de  l'élection  et  de  la 
confirmation,  car  il  avait  toujours  droit  d'exclure  ceux  qui 
ne  lui  étaient  pas  agréables.  —  Les  chanoines  des  cathé- 
drales s'efforcèrent  de  s'emparer  de  toute  l'élection,  et  ils 
y  parvinrent.  Au  commencement  du  xiii^  siècle,  ces  cha- 
pitres étaient  déjà  en  possession  d'élire  seuls  l'évêque,  à 
l'exclusion  du  reste  du  clergé  et  du  peuple  ;  et  les  métro- 
politains, en  possession  de  confirmer  seuls  l'élection,  sans 
appeler  leurs  suffragants. 

Par  suite  des  changements  survenus  dans  l'état  des 
bénéfices  et  dans  les  manières  d'y  pourvoir,  il  s'était 
produit  une  grande  confusion  dans  les  élections  :  chaque 
église  particulière  se  faisait  des  règles  et  se  prescrivait  des 
formalités  qu'elle  changeait  pour  faciliter  le  succès  des 
brigues  et  des  sollicitations  qui  prévalaient.  Afin  de  remé- 
dier aux  abus  résultant  de  cette  diversité,  le  IV®  concile 
général  de  Latran  (1215)  fit  un  règlement  d'où  on  a  tiré 
le  chapitre  Quia  propter;  De  electione  et  electi  potes- 
tate  (Décret,  Greg,  IX,  lib.  /,  Ht,  F/,  c,  XLII),  si  sou- 
vent cité  dans  le  droit  canon.  Ce  chapitre  admet  trois 
manières  de  procéder  :  le  scrutin,  par  lequel  les  électeurs 
assemblés  choisissent  trois  d'entre  eux  pour  recueillir  se- 
crètement les  suffrages  et  les  publier  sur-le-champ.  Celui 
qui  obtient  les  suffrages  de  la  plus  grande  et  de  la  plus  saine 
partie  est  canoniquement  élu.  Le  compromis,  lorsque  tout 
le  corps  des  électeurs  délègue  à  un  ou  à  plusieurs  du  corps 
ou  même  à  d'autres  le  pouvoir  d'éhre,  au  lieu  de  tous  (vice 
omnium),  Uinspiration,  lorsque,  sans  négociations  préa- 
lables, tous  les  électeurs  (nemine  reclamante)  désignent 
la  même  personne.  Malgré  toutes  les  précautions,  les  portes 
de  l'Eglise  restèrent  ouvertes  aux  causes  d'intrusion  dénon- 
cées en  ces  vers  : 

Quatuor  ecclesias  portis  intratur  ad  omnes, 
Cœsaris  et  Simonis,  sanguinis  atque  Dei. 
Prima  patet  magis,  sed  nunimis  altéra;  charis 
Tertia,  seJ  paucis  quarta  patere  solefe. 

Depuis  longtemps,  disait-on  déjà  en  ce  temps-là,  il  ne 
faut  plus  s'attendre  à  voir  des  élections  divinement  inspi- 
rées. Le  corbeau  a  dévoré  la  colombe  que  le  Saint-Esprit 
avait  coutume  d'envoyer.  Les  chapitres  avaient  moins  d'au- 
torité que  l'assemblée  des  évêques  de  la  province,  et  sou- 
vent ils  eurent  moins  de  justice  :  les  chanoines  restant 
soumis  aux  puissances  auxquelles  ils  devaient  leur  propre 
nomination,  notamment  au  prince  ou  aux  grands  vassaux 
qui  dominaient  leur  ville.  De  là,  de  fréquentes  appellations 
à  Rome.  Il  arriva  même  que  des  évêques  élus  y  deman- 
dèrent la  confirmation  et  la  consécration  qui  leur  étaient 
refusées  par  le  métropolitain.  Les  papes  accueillirent  avec 


e  nprcssement  et  s'ingénièrent  à  multiplier  les  occasions  qui 
leur  permettaient  d'exercer  la  suprême  juridiction  à  laquelle 
ils  prétendaient,  et  ils  s'en  servirent  pour  s'attribuer  le 
droit  de  nomination.  Ils  commencèrent  par  disposer  de  la 
provision  des  églises  où  s'étaient  produits  des  désordres 
manifestes  ;  puis  ils  édictèrent  des  réserves  générales  pour 
certains  cas,  comme  lorsque  l'évêque  serait  décédé  en  cour 
de  Rome,  lorsqu'il  serait  cardinal,  lorsqu'il  aurait  acquis 
un  bénéfice  incompatible,  etc.  Jean  XXII  finit  par  se  réserver 
toutes  les  églises  cathédrales  lorsqu'elles  viendraient  à 
vaquer.  Ce  qui  était  abolir  les  principales  élections.  Le 
concile  de  Râle  les  rétablit  et  son  décret  fut  inséré  dans  le 
pragmatique  sanction  de  Bourges  (1438)  (V.  Eglise  catho- 
lique ROMAINE,  t.  XV,  p.  623). 

Le  concordat  de  1516   abolit  les  élections  et  attribua 
irrévocablement  au  roi  le  droit  de  nommer  aux  archevêchés 
et  aux  évêchés,  aux  abbayes  et  aux  prieurés  purement 
électifs,  à  la  condition  que  les  nommés  se  feraient  pourvoir 
par  le  pape.  Il  déclarait  toutefois  que  ces  dispositions  ne  " 
porteraient  aucun  préjudice  au  droit  d'élection  des  églises 
qui  produiraient,  par  écrit  et  en  bonne  forme,  la  preuve  de 
leur  privilège  à  cet  égard.  Mais  des  bulles  suspendant  le 
droit  d'élire  rendirent  illusoire  cette  réserve  :  aucune  église 
du  royaume  n'en  conserva  le  profit.  Du  reste,  les  collations 
que  le  roi  pouvait  faire  étaient  loin  d'être  limitées  aux 
catégories  énoncées  dans  le  concordat.  La  même  faculté  lui 
était  reconnue  sur  beaucoup  d'autres  bénéfices,  pour  des 
causes  diverses  :  concordat  germanique,  en  quelques  pro- 
vinces réunies  à  la  France  ;  induits  spéciaux  accordés  par 
le  pape  ;  induit  du  parlement  de  Paris  ;  droits  de  régale, 
de  serment  de  fidélité,  de  joyeux  avènement,  de  joyeuse 
entrée  ;  droit  de  garde  royale  ;  droit  de  litige  entre  les 
patrons  ;  droit  de  disposer  des  bénéfices  dont  le  patronage 
était  attaché  à  des  fiefs  possédés  par  des  sei^eurs  séparés 
de  l'Eglise  ou  à  des  fiefs  dépendant  du  domaine  de  la  cou- 
ronne! Enfin,  collation  des  titres  ecclésiastiques  des  saintes- 
chapelles  et  autres  de  fondation  royale.  Pour  les  exceptions 
les  plus  importantes,  Y.  Chef  d'ordre.  ■—  La  cour  de 
Rome  prétendait  que  le  roi  ne  pouvait  point  nommer  aux 
monastères  de  filles,  parce  que  le  concordat  n'en  parle  pas. 
En  France,  on  prétendait  le  contraire,  et  le  roi  nommait  en 
conséquence.  Les  officiers  de  la  Daterie  expédiaient  les 
bulles  sur  cette  nomination,  mais  au  lieu  d'en  faire  men- 
tion, ils  inscrivaient  une  clause  dont  on  ne  tenait  aucun 
compte,  et  Tabbesse  était  mise  en  possession  sans  qu'on 
demandât  le  consentement  ou  l'avis  des  religieuses  (V.  Ab- 
baye, 1. 1,  p.  36).  Le  roi  n'admettait  d'exception  à  son  droit 
que  pour  les  monastères  de  l'ordre  de  Saint-François,  dits 
de  Sainte-Claire,  de  Sainte-Elisabeth  et  de  l'Annonciade. 
Non  seulement  le  concordat  supprimait  les  dispositions 
de  la  pragmatique,  que  Léon  X  appelait  Regni  Franciœ 
corruptelam  Bituricensem,  interdisant  les  expectatives, 
les  réserves,  les  annates  et  toutes  les  exactions  fiscales  de 
la  cour  de  Rome  ;  mais,  en  obligeant  tous  ceux  qui  seraient 
nommés  par  le  roi  de  se  faire  pourvoir  par  les  papes,  il 
assurait  à  ceux-ci  une  source  nouvelle  et  très  abondante  de 
revenus.  D'autre  part,  il  attribuait  au  roi,  en  même  temps 
que  la  dispensation  des  principaux  offices  de  l'Eghse,  celle 
des  bénéfices  qui  y  étaient  attachés,  c.-à-d.  la  disposition 
d'une  fort  grande  part  des  biens  du  royaume.  Au  mot 
Abbaye,  t.  I,  p.  36,  nous  avons  indiqué  l'usage  que  nos 
rois  firent  de  cette  faculté,  et  que  tout  naturellement  ils 
devaient  en  faire.   En  son  traité    De   V Appel  comme 
d'abus,  i^^  part.,  ch.  v,  art.  2,  p.  72,  Mgr  Affre  écrit  : 
«  Quand  on  pense  aux  mœurs  de  François  P^,  qui  ne 
regrette  de  le  voir  désigner  au  chef  de  l'EgUse  les  cen- 
seurs des  mœurs,  les  gardiens  de  la  vertu  et  de  l'inno- 
cence? Les  princes  de  la  branche  de  Valois,  ses  successeurs 
immédiats,  et  les  femmes  dont  ils  subirent  l'influence, 
rendirent  plus  sensible  encore  cet  humiliant  patronage. 
Jusqu'en  1789,  deux  rois  seulement,  Louis  XIII  et  Louis  XVI 
se  distinguèrent  par  une  austère  vertu.  A  côté  du  ministre 
delà  Feuille,  qui  exerçait  cette  importante  prérogative  de 


la  royauté,  combien  d'influences  dont  Thomme  religieux 
ne  peut  lire  l'histoire  sans  éprouver  un  sentiment  pénible 
et  une  profonde  affliction.  »  Dans  la  pratique,  disait  Fénelon, 
le  roi  est  plus  chef  de  l'Eglise  que  le  pape  (De  Summi 
Pontiflcis  auctoritate,  c.  44  et  45).  L'Eglise  de  France, 
privée  de  la  liberté  d'élire  ses  pasteurs,  est  un  peu  au-dessous 
de  la  liberté  dont  jouissent  les  calvinistes  du  royaume  et  les 
catholiques  sous  le  sceptre  du  Grand-Turc  (Plans  de  gou- 
vernement^ §  4).  En  son  Abrégé  chronologique  de  V his- 
toire de  France^  le  président  Hénault  défend  ainsi  le 
pacte  conclu  entre  Léon  X  et  François  P^  :  «  Le  roi  repré- 
sentant la  nation,  c'est  à  lui  d'exercer  les  droits  qu'exer- 
çaient les  premiers  fidèles  et  qui  lui  ont  été  remis  lorsque 
l'Eglise  a  été  reçue  dans  l'Etat,  pour  prix  de  la  protection 
que  le  roi  accordait  à  la  religion...  Sous  le  régime  des  élec- 
tions, les  grands  sièges  étaient  souvent  remplis  par  des 
sujets  de  la  lie  du  peuple,  tandis  que,  à  choses  égales, 
la  noblesse  doit  être  préférée  dans  la  distribution  des 
dignités  ecclésiastiques...  Les  grands  bénéfices  donnant 
autorité  aux  évêques  dans  les  villes  de  leurs  diocèses,  il  est 
extrêmement  important  pour  la  sûreté  du  royaume  que  les 
rois  choisissent  ceux  dont  la  fidélité  leur  est  connue  et 
dont  les  talents  s'étendent  non  seulement  aux  choses  de  la 
religion,  mais  encore  au  maintien  de  la  paix  et  de  l'ordre 
public...  Chaque  forme  de  gouvernement  ayant  ses  prin- 
cipes, celui  par  lequel  subsiste  un  Etat  monarchique  est 
que  tout  doit  y  concourir  à  la  réunion  de  l'autorité  dans 
une  même  personrfe...  Toute  la  question  se  réduit  à  savoir 
quel  est  le  plus  inconvénient  pour  le  royaume,  qu'il  en 
coûte  quelque  argent  dont  la  cour  de  Rome  profite,  ou  que 
le  roi  soit  privé  d'un  droit  qui  affermit  véritablement  son 
pouvoir.  » 

Lorsque  fut  délibérée  la  constitution  civile  du  clergé, 
plusieurs  évêques,  tout  en  réprouvant  les  dispositions  du 
projet,  rappelèrent  que  le  clergé  avait  toujours  regretté  les 
élections  ;  l'un  d'eux  déclarait  «  que  le  concordat  avait 
toujours  été  combattu  par  l'Eglise  gallicane,  tant  qu'elle 
avait  pu  espérer  le  faire  réformer,  et  qu'elle  ne  s'était 
jamais  départie  du  désir  le  plus  sincère  de  revenir  aux 
élections,  mais  à  des  élections  canoniques,  et  qui  pussent 
être  avouées  par  l'Eglise  »  (Lettre  de  Vévêque  de  Luçon), 
Le  4  août  1789  on  avait  supprimé  les  annates.  La  loi  du 
d2  juil.-24  août  1790  (Constitution  civile  du  clergé) 
supprima  les  chapitres  des  églises  cathédrales  et  des  églises 
collégiales,  les  chapitres  réguliers  et  séculiers,  les  abbayes, 
les  prieurés  et  généralement  tous  les  titres  de  bénéfices 
autres  que  les  métropoles,  les  évêchés  et  les  cures  (tit.  P*", 
art.  20)  ;  elle  ne  reconnaît  qu'une  seule  manière  de  pour- 
voir aux  évêchés  et  aux  cures,  savoir  :  la  forme  des  élec- 
tions (tit.  II,  art.  l^*").  Toutes  les  élections  devaient  se 
faire  par  la  voie  du  scrutin  et  à  la  plurahté  absolue  des 
suffrages  (2).  Celle  des  évêques,  dans  la  forme  et  par  le 
corps  électoral  indiqués,  dans  le  décret  du  23  déc.  1789 
pour  la  nomination  des  membres  de  l'assemblée  du  dépar- 
tement (3).  La  proclamation  de  l'élu  était  faite  par  le 
président  de  l'assemblée  électorale,  dans  Téglise  où  l'élec- 
tion avait  eu  lieu  (14).  Le  procès-verbal  de  l'élection  et  de 
la  proclamation  était  envoyé  au  roi  par  le  président  de 
l'assemblée  pour  lui  donner  connaissance  du  choix  qui 
avait  été  fait  (15).  Dans  le  mois  suivant  l'élection,  celui 
qui  avait  été  élu  à  un  évêché  devait  se  présenter  en  per- 
sonne à  son  évêque  métropolitain  ou,  s'il  était  élu  pour  le 
siège  de  la  métropole,  au  plus  ancien  évêque  de  l'arron- 
dissement, et  le  supplier  de  lui  accorder  la  confirmation 
canonique  (16).  Le  métropohtain  ou  l'ancien  évêque  avait 
la  faculté  d'examiner  l'élu,  en  présence  de  son  conseil,  sur 
sa  doctrine  et  ses  mœurs  ;  s'il  refusait  l'institution  cano- 
nique, les  parties  intéressées  pouvaient  se  pourvoir  par  voie 
d'appel  comme  d'abus  (17).  Le  nouvel  évêque  ne  pouvait 
s'adresser  au  pape  pour  en  obtenir  aucune  confirmation, 
mais  il  devait  lui  écrire  comme  au  chef  visible  de  l'Eglise 
universelle,  en  témoignage  de  l'unité  de  la  foi  et  de  la  com- 
munion qu'il  devait  entretenir  avec  lui  (19).  —  L'élection 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —  XV. 


—  753  --  ÉLECTION  —  ELECTRE 

des  curés  devait  se  faire  dans  la  forme  prescrite  et  par  les 
électeurs  indiqués  dans  le  décret  du  22  déc.  1789  pour 
la  nomination  des  membres  de  l'assemblée  administrative 
du  district  (25)  et  par  scrutins  séparés  pour  chaque  cure 
vacante  (28).  L'éhi  proclamé  devait  se  présenter  en  per- 
sonne à  l'évêque,  à  l'effet  d'obtenir  l'institution  cano- 
nique (35).  Examen  par  l'évêque  et  voie  d'appel  (36). 
Pour  l'élection  des  évêques  comme  pour  celle  des  curés, 
chaque  électeur,  avant  de  remettre  son  bulletin,  devait 
prêter  serment  de  ne  nommer  que  celui  qu'il  aurait  choisi 
en  son  âme  et  conscience  comme  le  plus  digne,  sans  y  avoir 
été  déterminé  par  dons,  promesses,  sollicitations  ou  me- 
naces (29).  L'évêque  élu  et  confirmé,  le  curé  élu  et  ins- 
titué devaient  prêter,  en  présence  des  officiers  municipaux, 
du  peuple  et  du  clergé,  serment  de  veiller  avec  soin  sur 
les  fidèles  qui  leur  étaient  confiés,  d'être  fidèles  à  la  nation, 
à  la  loi  et  au  roi,  et  de  maintenir  de  tout  leur  pouvoir  la 
constitution  décrétée  par  l'Assemblée  nationale  et  acceptée 
par  le  roi  (21,  38). 

Dans  les  pays  où  l'élection  a  encore  lieu  pour  l'épis- 
copat,  tels  que  l'Irlande,  la  Belgique,  la  Suisse,  certaines 
parties  de  l'Allemagne,  etc.,  elle  se  fait  suivant  les  formes 
du  chapitre  Quia  propter,  précédemment  mentionné.  — 
D'après  les  articles  4,  5  et  6  du  concordat  de  1801,  la 
nomination  aux  archevêchés  et  aux  évêchés  est  faite  pour 
la  France  par  le  chef  de  l'Etat,  et  l'institution  donnée  par 
le  saint-siège.  Avant  d'entrer  en  fonctions,  les  évêques 
doivent  prêter  serment  de  fidélité  dans  les  termes  suivants  : 
«  Je  jure  et  promets  à  Dieu,  sur  les  saints  évangiles,  de 
garder  obéissance  et  fidélité  au  gouvernement  établi  par 
la  constitution  de  la  République  française  ;  je  promets  de 
n'avoir  jamais  aucune  intelligence,  de  n'assister  à  aucun 
conseil,  de  n'entretenir  aucune  ligue,  soit  au  dedans,  soit 
au  dehors,  qui  soit  contraire  à  la  tranquiinté  publique,  et 
si,  dans  mon  diocèse  ou  ailleurs,  j'apprends  qu'il  se  trame 
quelque  chose  au  préjudice  de  l'Etat,  je  le  ferai  savoir  au 
gouvernement.  »  Pour  certains  développements,  V.  Etat 
§  Etat  et  Eglise,  Evêque,  Hiérarchie.     E.-H.  Vollet. 

BiBL.  :  Histoire  administrative.  —  Encyclopédie  mé- 
thodique [Finances),  d.\i  mot  Election.  — Alma.ndLChroya.1 
de  1789,  p.  357. 

Politique.  —  Greffier,  Code  électoral;  Paris,  18^0, 
in-8.  —  GuDiN  DU  Pavillon  et  Rey,  Manuel  électoral 
complet;  Paris,  1889,  in-8.  —  Guerlin  de  Guer,  Manuel 
électoral;  Paris,  1892,  in-8.  —  Bavelier,  Dictionnaire 
de  droit  électoral  ;  Paris.  1882,  in-8.—  Faivre,  Petit  Code 
annoté  des  électeurs;  Paris,  1885,  in-32.  —  Deroisin, 
Manuel  des  protestations  électorales;  Paris,  1877,  in-32. 

—  Beurdelev,  Nouveau  Manuel  de  Vélecleur  ;  Paris, 
1889,  in-18.  —  Bidault,  Code  électoral,  1884,  in-8.  —  Du 
môme.  Electeurs  et  Eligibles,  1889,  in-8.  —  Bost,  Code 
formulaire  des  élections  municipales,  1878,  in-8.  —  Cenac, 
la  Liste  électorale,  1890,  in-18.  —  Charbonnier,  De  iOr- 
ganisation  électorale  et  représentative  de  tous  les  pays  ci- 
vilisés, 1891,  in-8.  —  Pierre,  Lois  organiqiies  concernant 
l'élection  des  députés,  in-18.—  Poudra  et  Pierre,  Lois  or- 
ganiques concernant  Vélection  du  Sénat,  1885,  in-18.  — 
KocHE,  les  Lois  sénatoriales  annotées;  Toulon,  1885,  in-12. 

—  Nouguier,  Des  Elections  consulaires;  Paris,  1884,  in-8. 

—  Sacré,  Manuel  des  élections  consulaires,  1884,  in-8.  — 
Le  Suffrage  universel.  Etude  comparée  des  diverses  légis- 
lations électorales  ;  Paris,  1883,  in-12.  —  A.  Lebon,  Etude 
sur  la  législation  électorale  de  VEmpire  d'Allemaqne; 
Paris,  1879,  gr.  in-8. 

ELECTRA  ou  ELECTRE  (Astron.).  '^om  dn  130^ asté- 
roïde (V.  ce  mot). 

ELECTRE. I.  Mythologie.—  'HX£XT:pa,rétincelante,  a 
désigné  dans  la  mythologie  primitive  des  Grecs  plusieurs 
personnifications  de  l'éclat  rayonnant  du  ciel  et  des  phos- 
phorescences de  la  mer.  Chez  Hésiode,  elle  est  une  des 
filles  d'Océanos  et  de  Téthys,  sœur  de  Styx  ;  ailleurs,  son 
être  est  mis  en  rapport  avec  Iris,  personnification  de  l'arc- 
en-ciel  ;  ailleurs  encore,  elle  est  parmi  les  filles  d'Atlas  et 
désigne  l'une  des  sept  Pléiades  ;  c'est  ainsi  qu'on  la  vénérait 
dans  l'île  de  Samothrace,  le  centre  du  culte  nautique  des 
Cabires  (V.  ce  mot).  Il  y  a  une  Electra  parmi  les  cinquante 
filles  deDanaiis.  Cependant,  ces  figures  de  l'antique  natura- 
lisme des  Hellènes  se  sont  effacées  devant  l'Electre  des 
poètes  tragiq'ues,  la  fille  d'Agamemnon  et  de  Clytemûestre, 


ELECTRE  -  ÉLECTRICITÉ 


78  i 


encore  inconnue  de  l'épopée,  mais  créée,  clans  ses  traits 
essentiels,  par  la  poésie  lyrique  de  Stésichore.  Lorsque  Aga- 
memnon  est  assassiné  à  son  retour  de  Troie  par  l'épouse 
adultère  et  Egisthe,  son  complice,  c'est  Electre  qui  arrache 
le  jeune  Oreste  aux  mains  des  meurtriers  et  l'envoie  à 
l'étranger.  Maltraitée  par  Egisthe  et  par  la  mère,  elle  mène 
une  existence  misérable  ;  toujours  tidèle  à  la  mémoire  du 
père,  elle  aspire  au  retour  d'Oreste  qui  sera  le  vengeur. 
D'après  Euripide,  qui  affectionne  les  inventions  roma- 
nesques, elle  est  mariée  de  force  à  un  laboureur  mycénien, 
mais  elle  obtient  qu'il  la  respecte  et  la  serve  avec  dévoue- 
ment. Une  fois  Oreste  de  retour,  Electre  participe  au  châ- 
timent. Chez  Eschyle,  elle  est  au  second  plan  ;  mais,  chez 
Sophocle,  qui  a  donné  son  nom  à  la  tragédie  où  il  a  con- 
densé tous  les  événements  de  VOrestie  de  son  prédéces- 
seur, elle  a  le  rôle  principal  ;  elle  prépare  le  meurtre 
d'Egisthe  et  de  Clytemnestre  ;  elle  enflamme  Oreste  de  sa 
propre  ardeur  et  applaudit  à  l'exécution.  La  reconnaissance 
du  frère  et  de  la  sœur  est  une  des  plus  belles  scènes  du 
théâtre  grec,  et  le  caractère  d'Electre,  indomptée,  impla- 
cable, absorbée  dans  le  souvenir  du  père,  l'amour  du  frère 
et  la  pensée  de  la  vengeance,  est  peut-être  ce  que  l'art 
dramatique  a  produit  de  plus  achevé.  Une  tragédie  d'Euri- 
pide, portant  le  nom  d'Oreste,  prend  le  sujet  où  la  tra- 
gédie d'Electre,  du  même  poète,  l'a  laissé  ;  les  deux 
réunies  renferment  la  vie  entière  de  l'héroïne,  mais  com- 
pliquée d'inventions  extraordinaires  et  même  bizarres.  Dans 
VOreste,  après  le  meurtre  de  Clytemnestre,  Electre  et  son 
frère  n'échappent  à  la  mort  décrétée  contre  eux  par  le 
peuple  d'Argos  que  grâce  à  l'intervention  d'Apollon.  Les 
poètes  s'accordent  généralement  à  marier  Electre  avec 
Pylade,  et  les  logographes  citaient  deux  fils  issus  de  cette 
union,  Médon  et  Strophios.  Toutes  ces  péripéties  drama- 
tiques ont  tenté  plus  d'une  fois  l'imitation  des  modernes  ; 
les  tragédies  de  Longepierre  et  de  Crébillon  sont  les  plus 
connue's.  Parmi  les  représentations  artistiques  des  aven- 
tures auxquelles  Electre  se  trouva  mêlée,  il  faut  citer  en 
première  ligne  le  bas-relief  du  Louvre  représentant  l'héroïne 
plongée  dans  la  douleur  auprès  du  tombeau  de  son  père, 
et  devant  elle  trois  personnages  représentant  Talthybios, 
Oreste  et  Pylade.  Cette  œuvre  provient  de  Mélos  et  semble 
avoir  été  reproduite  souvent  dans  l'antiquité.  J.-A.  Hjld. 
IL  Chimie- (V.  Electrum). 

BiBL.  :  Eschyle,  les  Choéphores.  —  Sophocle,  Electre. 
—  Euripide,  Oreste,  Electre.  —  Sénèque  le  Tragique, 
Agamemnon,  Cf.  Patin,  Tragiques  grecs. 

ÉLECTRICITÉ.  I.  Physique .  — La  propriété  que  pos- 
sède l'ambre,  en  grec  TÎXsxxpov,  lorsqu'il  est  frotté,  d'attirer 
divers  corps  légers  n'est  qu'un  exemple  particulier  de  toute 
une  série  de  phénomènes  que  l'on  est  parvenu  à  relier  les 
uns  aux  autres  depuis  le  xvi^  siècle  et  qui  constituent  cette 
branche  de  la  physique,  aujourd'hui  si  importante,  l'élec- 
tricité. Le  développement  extraordinaire  qu'ont  pris  dans 
ce  siècle  et  surtout  dans  la  seconde  moitié,  ses  applications 
si  nombreuses,  si  variées  et  dont  quelques-unes  étaient  si 
peu  attendues,  font  de  l'électricité  une  des  sciences  les  plus 
fécondes,  bien  que  née  d'hier.  Nous  ne  saurions  ici,  avec 
l'espace  dont  nous  disposons,  faire  un  exposé  même  abrégé 
des  phénomènes  électriques,  décrits  d'ailleurs  chacun  au 
mot  qui  lui  correspond  ;  nous  nous  contenterons  d'exposer 
la  découverte  des  faits,  la  naissance  des  théories,  qui,  à 
partir  de  ce  fait  connu  avant  Thaïes  de  Milet,  l'attraction 
des  corps  légers  par  l'ambre  frotté,  a  conduit  peu  à  peu 
l'homme,  si  lentement  pendant  de  longs  siècles,  à  pas  de 
géant  dans  ces  dernières  années,  d'un  phénomène  isolé,  peu 
précis,  sans  utilité,  sans  explication,  à  cette  multitude  de 
faits  bien  démontrés,  mesurés  avec  précision,  si  riches  en 
applications  les  plus  diverses,  reliés  les  uns  aux  autres 
malgré  leur  multiplicité  par  les  théories  qui,  si  elles  ne 
peuvent  être  considérées  comme  l'expression  certaine  de  la 
vérité,  ont  au  moins  ce  grand  avantage  de  réunir  tous  ces 
faits  en  un  tout  bien  compact,  d'en  faire  prévoir  d'autres  et 
même  de  rapprocher  les  phénomènes  électriques  des  phé- 


nomènes lumineux  et  calorifiques.  Cet  exposé  une  fois  fait, 
nous  aurons  vu  apparaître  successivement  les  divers  ordres 
de  phénomènes  qui  constituent  maintenant  l'électricité  et 
nous  pourrons  faire  suivre  cette  sorte  de  préface  d'un  ta- 
bleau comprenant  les  diverses  branches  de  cette  science  ; 
il  nous  permettra  d'embrasser  d'un  coup  d'œil  toute  l'élec- 
tricité et  nous  servira  en  quelque  sorte  de  table  des  ma- 
tières pour  renvoyer  le  lecteur  aux  divers  articles  dont 
l'ensemble  constitue  l'étude  de  l'électricité. 

Le  premier  phénomène  électrique  observé,  l'action  de 
l'ambre  frotté  sur  les  corps  légers,  est  très  anciennement 
connu;  Thaïes  de  Milet,  qui  vivait  en  l'an  600  av.  J.-C, 
ne  semble  pas  l'avoir  découvert,  mais  il  Ta  décrit  le  premier. 
Pline  le  Jeune  (70  ans  ap.  J.-C.)  mentionne  le  même  fait  et 
cite  un  autre  corps,  une  pierre,  peut-être  la  tourmaline, 
comme  jouissant  de  la  même  propriété.  Vers  la  même 
époque,  on  connaissait  l'action  spéciale  que  la  torpille  fait 
éprouver  quand  on  la  touche  ;  c'est  là  très  probablement 
le  premier  fait  connu  d'électricité  animale  ;  il  faut  aussi 
faire  remonter  à  cette  époque  les  premiers  essais  de  l'emploi 
de  l'électricité  animale  dans  l'art  de  guérir  (Aristote).  Du 
temps  de  Tibère,  un  homme  atteint  de  la  goutte  fut  guéri 
après  avoir  reçu  plusieurs  chocs  de  torpille.  Le  moyen  âge 
n'ajouta  rien  aux  faits,  si  peu  nombreux,  qui  constituaient 
toute  l'électricité,  si  l'on  peut  employer  ce  mot  créé  plus 
tard  par  Gilbert,  et  il  faut  arriver  à  ce  savant  philosophe 
anglais  (1540-1603)  pour  avoir  à  constater  non  seulement 
de^nouveaux  faits  mais  une  véritable  méthode  pour  l'étude 
de  ces  phénomènes.  Gilbert  cherche  de  suite  à  généraliser 
le  phénomène  présenté  par  l'ambre,  et  il  crée  pour  cela  le 
premier  appareil,  pour  pouvoir  mettre  en  évidence  plus  fa- 
cilement qu'on  ne  le  faisait  alors  les  attractions  électriques: 
une  aiguille  légère  montée  sur  un  pivot  de  façon  à  pouvoir 
tourner  sous  la  plus  faible  influence,  voilà  le  premier  élec- 
troscope.  Avec  lui  Gilbert  montre  qu'un  grand  nombre  de 
corps  jouissent  de  la  même  propriété  que  l'ambre  ;  j'en 
cite  seulement  quelques-uns:  le  diamant,  le  saphir,  l'opale, 
l'améthyste,  le  sel  gemme,  l'alun,  le  mica,  le  soufre,  l'ar- 
senic, le  verre,  etc.  En  outre  Gilbert  reconnaît  que  d'autres 
substances  ne  possèdent  pas  cette  propriété  ;  tels  sont,  entre 
bien  d'autres,  les  métaux,  les  pierres  magnétiques,  Pivoire, 
l'émeraude,  l'agate,  le  marbre,  les  perles,  etc.  Il  reconnut 
aussi  l'influence  considérable  de  l'état  de  sécheresse  de 
rair,qui  facilite  beaucoup  ces  expériences.  Gilbert  a  publié 
un  traité  important  sur  ces  phénomènes  (De  Magnete  ma- 
qneticisque  corporibus) . 

Dans  le  xvu«  siècle,  Robert  Boyle  (1626-4691)  montra 
que,  si  les  corps  frottés  attiraient  les  corps  légers,  mverse- 
ment  ils  étaient  attirés  par  eux  ;  il  montra  aussi  que  la 
propriété  développée  dans  l'ambre  par  le  frottement  se 
maintenait  quelques  minutes  après  que  cette  cause  avait 
cessé;  il  ajouta  aussi  quelques  noms  aux  deux  hstes 
données  par  Gilbert  et  publia  un  mémoire  (Experiments 
on  the  origin  of  Electricity).  Yers  la  même  époque  vivait 
Otto  de  Guericke  (160*2-1686), à  qui  l'on  doit  la  découverte 
de  l'étincelle  électrique  et  la  première  machine  donnant  des 
quantités  d'électricité  relativement  fortes  :  il  obtmt  par 
moulage  une  sphère  de  soufre  traversée  par  un  axe  ;  un  aide 
faisait  tourner  rapidement  la  sphère  autour  de  cet  axe  pen- 
dant qu'il  appuyait  ses  deux  mains  sur  la  sphère.  A  l'aide 
de  cette  machine  il  répéta  les  expériences  de  Gilbert  avec 
la  plus  grande  facilité,  et  obtint  des  effets  beaucoup  plus 
intenses  ;  aussi  put-il  en  apercevoir  d'autres  échappés  a 
Gilbert.  Outre  la  découverte  de  l'étincelle  électrique,  qui 
devait  bientôt  montrer  que  la  foudre  était  un  phénomène 
électrique,  on  lui  doit  la  découverte  des  répulsions  élec- 
triques, inobservées  avant  lui.  Newton  (1643-1 7^27)  lit 
aussi  diverses  expériences  sur  l'électricité  ;  elles  n  ont  pas 
grande  importance  ;  il  paraît  avoir  remplacé  le  soufre  de 
la  machine  d'Otto  de  Guericke  par  le  verre  adopté  aujour- 
d'hui dans  la  plupart  des  machines.  En  1708,  le  D^  Wall 
compara  le  premier,  croyons-nous,  la  lumière  et  le  crépite- 
ment de  l'étincelle  électrique  à  l'éclair  et  au  tonnerre  de 


755  — 


ELECTRICITE 


la  foudre.  C^est  en  iV19  que  Gray  découvrit  une  nou- 
velle propriété  de  l'électricité,  la  conductibilité.  Il  montra 
que  certains  corps  pouvaient  transmettre  à  d'autres  la  pro- 
priété développée  sur  Tambre  par  le  frottement,  que 
d'autres  ne  s'y  prêtaient  pas,  et  il  fit  le  premier  l'expé- 
rience capitale  que  voici,  que  l'on  peut  considérer  comme 
le  germe  informe  de  la  télégraphie  et  du  transport  de  la 
force  à  distance  :  ayant  disposé  une  corde  de  chanvre 
longue  de  765  pieds  sur  des  fils  de  soie  et  ayant  mis  l'une 
des  extrémités  en  rapport  avec  le  tube  qu'il  frottait  et 
l'autre  avec  une  petite  balle  d'ivoire,  il  vit  celle-ci  attirer 
des  corps  légers. 

Peu  de  temps  après,  DesaguUers  relia  les  expériences  de 
Gray  à  celles  de  Gilbert  en  montrant  que  les  corps  conduc- 
teurs de  Gray  étaient  les  corps  que*Gilbert  avait  montrés 
ne  pas  s'électriser  par  frottement.  Dufay  (1699-1739) 
montra  que  tous  les  corps  pouvaient  être  électrisés  con- 
trairement à  l'opinion  de  Gilbert  et  que  pour  ceux  avec 
lesquels  il  n'avait  pu  réussir,  c'était  leur  conductibilité  qui 
en  était  la  cause  ;  tenus  à  la  main  et  frottés,  ils  cédaient  au 
corps  de  l'opérateur  l'électricité  qui  se  développait.  Si  on 
venait  à  frotter  ces  mêmes  corps  non  plus  en  les  tenant  à 
la  main,  mais  en  les  maintenant  à  l'aide  d'un  manche  fait 
en  une  matière  isolante,  ils  s'électrisaient  comme  les  autres. 
Ces  expériences  de  Dufay  font  époque  dans  l'histoire  de 
l'électricité  ;  on  lui  doit  une  découverte  encore  plus  impor- 
tante, l'existence  de  deux  électricités  qu'il  appelle  élec- 
tricité vitreuse  et  électricité  résineuse  :  si  on  frotte  un 
morceau  de  verre  avec  du  drap,  on  l'électrise  ;  si  on 
touche  le  verre  ainsi  électrisé  avec  un  corps  mobile  légè- 
rement suspendu,  il  s'électrise  au  contact  et  est  repoussé  ;  si 
de  ce  corps  mobile  ainsi  électrisé  on  approche  successive- 
ment divers  corps  frottés  avec  de  la  résine,  on  constate  que 
les  uns,  comme  le  verre,  le  repoussent  tandis  que  d'autres 
comme  la  résine  l'attirent.  De  là  deux  sortes  d'électricité  : 
les  premiers  corps  sont  dits  acquérir  l'électricité  vitreuse, 
les  seconds  l'électricité  résineuse.  Il  montra  de  plus  que, 
si  l'on  recommençait  l'expérience  d'une  façon  inverse, 
c.-à-d.  en  électrisant  résineusement  le  corps  mobile,  tous 
les  corps  rangés  avec  le  verre  dans  la  première  expérience 
agiraient  encore  comme  lui  dans  ce  second  cas,  mais  en 
attirant  cette  fois  l'aiguille  au  lieu  de  la  repousser  ;  les 
corps  placés  au  contraire  avec  la  résine  repoussaient  l'ai- 
guille dans  cette  seconde  expérience.  Pendant  ce  temps,  la 
première  machine  d'Otto  de  Guericke  s'était  peu  à  peu 
perfectionnée  ;  on  lui  avait  ajouté  des  conducteurs  ;  on  avait 
remplacé  les  mains  de  l'opérateur  par  un  coussin  frotteur  ; 
à  l'aide  de  ces  machines  on  obtenait  des  étincelles  plus 
longues,  des  secousses  plus  vives;  on  montrait  certains 
eifets  de  ces  étincelles  à  l'aide  d'expériences  souvent  dis- 
posées d'une  façon  ingénieuse;  par  exemple  à  l'aide  d'une 
étincelle  jaillissant  entre  le  doigt  d'un  opérateur  et  une 
tasse  métallique  oii  se  trouvait  de  l'éther,  on  enflammait 
celui-ci  ;  quelquefois  on  faisait  jaillir  l'étincelle  qui  enflam- 
mait l'éther  entre  deux  morceaux  de  glace,  etc.  Ces  expé- 
riences furent  bientôt  suivies  de  la  découverte  de  la  bou- 
teille de  Leyde  dont  les  effets  épouvantèrent  Muschenbroeck, 
qui  la  découvrit;  la  première  bouteille  de  Leyde  contenait 
de  l'eau  qui  constituait  l'armature  intérieure,  la  main 
tenant  la  bouteille  constituant  l'armature  extérieure.  Wat- 
son  lui  donna  la  disposition  adoptée  maintenant. 

C'est  vers  cette  époque  que  l'on  voit  apparaître  les  pre- 
miers essais  de  théorie.  Watson  ébaucha  une  théorie  de 
l'électricité  qui  a  été  depuis  reprise  et  développée  par 
Franklin.  D'après  l'illustre  savant  de  Philadelphie,  le  frot- 
tement qui  électrisait  les  corps  ne  créait  pas  l'électricité; 
il  modifiait  seulement  son  état  de  distribution  dans  le  corps 
frotté  et  dans  le  frotteur  ;  l'un  perd  de  l'électricité,  l'autre 
en  gagne,  et  l'étincelle  qui  peut  jaillir  entre  eux  n'est  autre 
chose  que  le  retour  à  l'état  primitif  d'équihbre.  Au  point 
de  vue  expérimental,  le  pouvoir  des  pointes  découvert  par 
Franklin  et  son  application  pour  préserver  de  la  foudre  les 
édifices  et  les  navires,  ses  essais  heureux  sur  l'électricité 


des  nuages  sont  aussi  de  la  plus  grande  îînportance.  Vers 
la  même  époque  (1754),  la  découverte  de  l'électrisation 
par  influence  due  à  Canton  joua  également  un  grand  rôle 
et  dans  les  théories  électriques  et  dans  la  construction  des 
machines  électriques.  En  1759,  Symmer,  reprenant  les 
idées  de  Dufay,  exposa  une  théorie  oii  il  rendait  compte  des 
divers  phénomènes  électriques  par  la  considération,  non 
pas  d'un  seul  fluide  en  plus  ou  moins  grande  quantité, 
comme  Franklin,  mais  par  celles  de  deux  fluides  qui  don- 
naient aux  corps  l'électricité  vitreuse  ou  résineuse,  selon 
que  l'un  ou  l'autre  prédominait  et  dont  la  combinaison 
produisait  l'état  neutre  des  corps.  (Epinus,  dans  son  Ten- 
tamen  Theoriœ  Electricitatis  et  Magnetismi,  publié  à 
Saint-Pétersbourg  en  1759,  développe  la  théorie  d'un 
fluide  unique  de  Franklin  d'une  façon  remarquable.  Tels 
sont  les  principaux  essais  de  théorie  tentés  jusque-là  ; 
comme  faits  observés,  outre  ceux  que  nous  avons  rapportés, 
il  faut  encore  citer  les  remarquables  expériences  de  Haiiy 
sur  la  pyro-électricité  des  cristaux  et  sur  la  relation  qui 
existe  entre  cette  propriété  et  la  symétrie  cristalline,  celles 
de  l'abbé  Nollet  sur  l'évaporation  des  liquides  dans  des 
vases  électrisés,  celles  de  Réaumur,  de  Walsh,  de  Ingen- 
housz,  de  Hunter  (1773),  etc.,  sur  les  poissons  électriques, 
de  Cavendish  sur  les  conductibilités  relatives  de  divers 
corps,  du  fer  et  de  l'eau  en  particulier,  sur  les  réactions 
chimiques  efiectuées  par  l'étincelle  électrique,  etc. 

L'année  1790  fait  époque  dans  l'histoire  de  rélectri- 
cité  :  de  nouveaux  phénomènes  sont  découverts  ;  de  nou- 
veaux électriciens  surgissent  :  Galvani  et  Volta.  Entre  1790, 
date  de  l'expérience  de  Galvani  sur  les  grenouilles,  et  1800, 
date  de  l'invention  de  la  pile  par  Volta,  se  trouvent  accu- 
mulés une  série  de  faits  présentés  par  l'un  ou  par  l'autre  des 
deux  physiciens  pour  appuyer  leurs  théories  respectives 
et  une  série  de  discussions  remarquables.  En  1790,  Gal- 
vani montre  que  le  contact  de  deux  métaux  différents  pro- 
duit des  contractions  dans  les  muscles  d'une  grenouille  ; 
ces  contractions  sont  dues  à  de  l'électricité  ;  celle-ci  se 
trouve,  dans  cette  expérience  mémorable,  engendrée  non 
plus  par  le  frottement  comme  dans  toutes  les  expériences 
précédentes,  mais  par  une  autre  cause  dont  la  recherche  a 
fait  l'objet  des  controverses  de  Galvani  et  de  Volta  :  en 
mettant  en  communication  les  nerfs  lombaires  et  les  muscles 
cruraux  d'une  grenouille  à  l'aide  d'un  arc  formé  de  deux 
métaux  différents  juxtaposés,  Galvani  observa  une  con- 
traction dans  les  jambes  de  la  grenouille  chaque  fois  que 
l'on  établissait  le  contact;  GaUani  expliquait  ce  phéno- 
mène en  comparant  les  nerfs  et  les  muscles  aux  deux  ar- 
matures d'une  bouteille  de  Leyde,  et  l'arc  métallique  ser- 
vait à  les  mettre  en  communication  et  à  produire  la  décharge. 
Volta,  frappé  de  la  nécessité  d'avoir  deux  métaux  différents 
pour  obtenir  des  contractions  fortes,  dit  que  celles-ci  sont 
dues  à  de  l'électricité  engendrée  au  contact  des  deux  mé- 
taux. Pour  le  détail  des  expériences  que  firent  Galvani  et 
Volta  pour  soutenir  leur  opinion,  nous  renvoyons  le  lecteur 
au  mot  Galvanisme. 

Comme  conclusion  de  cette  discussion,  Volta  montre  que 
l'opinion  de  Galvani  est  fausse;  il  croit  prouver  que  la 
source  d'électricité  se  trouve  au  contact  des  deux  métaux, 
ce  qui  n'est  pas  vrai,  la  principale  source  d'électricité 
étant  due  à  l'attaque  chimique  de  l'un  des  métaux  par  les 
liquides  qui  baignent  les  muscles  de  la  grenouille  ;  mais,  si 
cette  discussion  de  dix  ans  n'a  donné  théoriquement  que 
des  résultats  imparfaits,  elle  a  doté  la  physique  et  la  chi- 
mie d'un  nouvel  agent  puissant,  la  pile  électrique  ou  vol- 
taïque.  Le  pouvoir  de  cet  instrument  se  montra  l'année 
même  de  la  découverte  :  Nicholson  et  Carliste  décomposèrent 
l'eau.  L'année  suivante,  Thénard  montra  que  les  courants 
électriques,  comme  les  décharges  des  batteries,  pouvaient 
produire  l'incandescence  des  fils  métalhques.  Ce  phénomène 
si  utilisé  de  nos  jours  avec  des  lampes  à  incandescence,  est 
resté  longtemps  sans  applications,  mais  a  fait  l'objet  d'un 
certain  nombre  de  travaux,  parmi  lesquels  on  doit  citer 
ceux  de  Joule.  Six  ans  plus  tard  (1807),  Davy  décompo- 


ÉLECTRICITÉ  "^  ' 

sait  les  alcalis,  otilenait  des  métaux  nouveaux  ;  1807  est 
une  date  importante  dans  l'histoire  de  la  chimie. 

Avec  Coulomb  commence  la  série  des  expériences  de 
mesure   faites   en   électricité.  A  Faide  d'un  instrument 
d'une  précision  et  d'une  sensibilité  extrêmes  qu  il  vient 
d'imasiner  (V.  Balance  de  torsion),  Coulomb  peut  entre- 
prendre l'étude  des  lois  numériques  suivant  lesquelles  se 
font  les  attractions  et  les  répulsions  électriques  que  1  on 
n'avait  pu  que  constater  jusqu'alors  sans  les  mesurer.  11 
peut  ensuite  chercher  de  quelle  façon  l'électricité  est  ré- 
pandue à  la  surface  des  corps  ;  il  détermine  comment  elle 
est  distribuée  sur  des  sphères  isolées  ou  en  contact,  sur 
dos  cylindres,  etc.  Il  détermine  aussi  la  loi  de  la  déper- 
dition de  l'électricité.  Les  résultats  de   Coulomb  ont  ete 
ensuite  retrouvés  analytiquement  par  Laplace,  par  Biot 
et  par  Poisson,  en  prenant  comme  point  de  départ  la  loi 
des   attractions    et   des  répulsions   découverte  par  Cou- 
lomb. Ces  mémoires  terminent  le  xvni«  siècle  ou  commen- 
cent le  xlx^  On  peut  les  considérer  comme  le  couron- 
nement de  ce  que  l'on  a  appelé  V électricité  statique. 
Depuis  les  travaux  que  nous  venons  de  citer,  les  pertec- 
tionnements  ont  consisté  surtout  en   électricité  statique 
dans  la  construction  de  machines  électriques  puissantes 
dues  à  Ramsden,  Holtz,  etc. ,  dans  l'invention  d'électrometres 
plus  sensibles  qui  ont  remplacé  la  balance  de  Coulomb,  et 
au  point  de  vue  théorique  dans  l'introduction  du  potentiel 
dans  les  calculs,  fonction  dont  Neumann  a  montre   toute 
l'importance.  .  .  .        ^  ..  , 

L'invention  de  la  pile  deVolta  qui  maugurale  xix<^  siècle 
et  les  brillants  résultats  qu'elle  a  donnés  en  chimie  ne  pou- 
vaient manquer  d'appeler  l'attention  presque  exclusive  des 
physiciens  sur  ces  nouveaux  phénomènes,  et  nous  allons 
avoir  maintenant  à  enregistrer  les  diverses  découvertes  qui 
se  sont  succédé  dans  ce  que  l'on  a  appelé  1  électricité 

dimamicme.  ,    ^r  i.  •<-'.« 

Aussitôt  après  la  découverte  de  Volta,  on  se  mit  a  per- 
fectionner les  piles  électriques  de  façon  à  augmenter  a  la 
fois  la  force  du  courant  et  aussi  sa  durée  et  sa  constance; 
ces  deux  dernières  qualités  ne  se  trouvaient  guère  dans  la 
pile  de  Volta.  En  4801 ,  Cruikshank  imagine  la  pile  à  auges. 
L'année  suivante,  Gautherot  découvre  la  cause  la  plus  im- 
portante de  l'imperfection  des  piles,  la  polarisation.  Ln 
1815  \Yollaston  donne  un  nouveau  modèle  de  pile  ;  a  par- 
tir de  ce  moment  les  modifications  se  succèdent  rapidement, 
et  nous  ne  pouvons  ici  que  signaler  les  taits  les  plus  im- 
portants, et  parmi  ceux-ci  nous  citerons  en  première  ligne 
la  première  pile  thermo-électrique  construite  FJ  Seebeck 
en  1821  et  l'élément  imaginé  par  Becquerel  en  18^29  :  c  est 
le  premier  élément  à  deux  liquides  séparés  par  une  cloison 
poreuse    En  1836,  nouveau  perfectionnement,  la  pile  de 
Daniell  apparaît  :  elle  possède  des  qualités  de  régulante 
qui  la  font  encore  actuellement  très  souvent  employer;  la 
même  année  Grove  construit  la  pile  qui  porte  son  nom  et 
qui,  modifiée  par  la  substitution  du  charbon  de  cornue  au 
platine  proposée  par  Archereau  et  adoptée  avec  une  modi- 
fication de  forme  par  Bunsen,  gardera  la  forme  que  lui  a 
donnée  Archereau  et  le  nom  plus  connu  de  Bunsen.  C  est  le 
type  des  piles  intenses  et  relativement  constantes.  Lu  18oy, 
nouvelle  pile  formée  d'après  un  principe  tout  différent. 
Planté  utilise  dans  ses  piles  secondaires  les  etlets  de  la  po- 
larisation et  il  obtient  des  courants  énergiques  ;  le  couple 
Planté  est  l'origine  de  tous  les  accumulateurs  si  employés 
aujourd'hui,  qui  n'en  diffèrent  que  par  des  détails  de  torme. 
Citons  enfin  l'élément  Poggendorff  au  bichromate  de  potasse 
comme  un  des  plus  commodes  et  des  plus  énergiques,  et 
l'élément  Leclanché  si  utile  et  si  simple. 

En  1805,  Grotthus  donne  une  première  théorie  de  1  elec- 
trolyse,  découverte  cinq  ans  auparavant  par  Carhsle  et 
Nicholson.  Davy  puis  Faraday  étudient  les  décompositions 
électrolytiques,  et  ce  dernier,  en  1833,  énonce  sa  loi  cé- 
lèbre des  équivalents  électriques  :  un  courant  électrique 
qui  parcourt  une  série  de  voltamètres  contenant  chacun  un 
sel  différent  décompose  dans  le  même  temps  dans  chaque 


voltamètre  la  même  fraction  d'équivalent  de  chaque  sel. 
C'est  après  la  loi  des  chaleurs  spécifiques  de  Dulong  et 
Petit Vl819),  la  seconde  relation  trouvée  entre  les  cons- 
tantes physiques  et  les  équivalents  des  corps.  Cette  belle 
découverte  de  Faraday  a  été  étendue  par  les  travaux  de 
Matteucci  et  surtout  par  ceux  de  Becquerel,  qui  a  montre 
que,  dans  les  cas  des  composés  contenant  plus  d  un  équiva- 
lent de  chacun  des  corps,  c'était  la  quantité  de  1  élément 
électro-nésatif  mis  en  liberté  qui  suivait  la  loi  de  Mraday 
et  non  le  métal.  La  théorie  de  Grotthus  a  été  remplacée  en 
1857  par  celle  de  Clausiiis,  beaucoup  plus  complète  et 
plus  satisfaisante.  L'électrolyse  est  devenue  dans  ces  der- 
niers temps  un  mode  d'analyse  souvent  employé  et  très 
commode  et  un  procédé  d'extraction  des  métaux  qui  rend 
pour  certains  d'entre  eux,  l'aluminium  par  exemple,  les 
plus  erands  services. 

L'année  1820  voit  s'accomplir  une  grande  découverte: 
depuis  quelque  temps,  les  phénomènes  électriques  étaient 
rapprochés  par  beaucoup  d'esprits  de  ceux  que  présente  le 
magnétisme,  mais  ce  n'était  qu'une  idée  vague  que  la. célèbre 
expérience  d'Œrstedt  est  venue  préciser  :  (Erstedt  deœu-r 
vrit  qu'un  courant  électrique  passant  dans  le  voismage  d  une 
aiguille  aimantée,  celle-ci  est  déviée  de  sa  position  primitive, 
d'autant  plus  fortement  que  le  courant  est  plus  fort  ou 
plus  voisin  de  l'aiguille;  elle  tend  à  se  mettre  en  croix  avec 
le  courant.  C'est  là  une  des  plus  belles  expériences  qui  aient 
été  faites  en  électricité,  et  elle  a  fourni  à  Ampère  les  élé- 
ments de  sa  théorie  sur  rélectrodynamique,  qui  peut  passer 
pour  un  des  plus  beaux  mémoires  où  les  mathématiques 
viennent  au  secours  de  l'observation,  où  à  l'aide  de  quelque 
loi  simple  qui  sert  de  point  de  départ  on  arrive  à  vérifier 
les  résultats  des  expériences  et  à  en  prévoir  d  autres. 
Aussitôt  l'expérience  d'OErstedt  connue  en  France,  Ampère 
découvre  l'action  des  courants  électriques  les  uns  sur  les 
autres,  découverte  aussi  belle  que  celle  d'œrstedt.  De  plus, 
il  en  iait  la  théorie  d'une  façon  admirable,  et  en  très  peu 
de  temps  une  science  nouvelle,  l'électrodynamique,  est  créée 
par  le  savant  français.  De  quelques  expériences  simples, 
faites  pour  étudier  l'action  des  courants  sur  les  courants, 
Ampère  déduit  la  loi  fondamentale  de  l'action  de  deux  élé- 
ments de  courants  placés  dans  des  positions  respectives 
quelconques,  et  il  en  déduit  dans  chaque  cas  particulier  les 
actions  non  plus  sur  des  éléments  de  courants,  mais  sur  des 
courants  finis,  ce  qui  lui  permet  de  soumettre  ses  déductions 
au  contrôle  de  l'expérience.  De  plus,  Ampère  précise  delà 
façon  la  plus  remarquable  ces  idées  vagues  que  1  on  se  tai- 
sait sur  la  corrélation  du  magnétisme  et  de  l'électricité  ;  il 
montre  que  les  courants  électriques  peuvent  produire  les 
effets  des  aimants;  en  enroulant  en  hélice  un  fil  conduc- 
teur et  le  suspendant  de  façon  à  permettre  à  l  axe  de  cette 
hélice  de  se  mouvoir  dans  un  plan  horizontal  tout  en  res- 
tant en  communication  avec  les  pôles  d'une  pUe,  il  lorme 
des  assemblages,  les  solénoides,  ayant  toutes  les  propriétés 
des  aimants,  se  dirigeant  vers  le  N.,  possédant  deux  pôles, 
s'attirant  ou  se  repoussant;  il  substitue  à  la  théorie  des 
deux  fluides  magnétiques  de  Coulomb  sa  théorie  électrique  du 
magnétisme.  C'est  cette  même  année  1820,  déjà  si  féconde, 
qu'Araeo  a  découvert  l'aimantation  par  les  courants;  cette 
découverte  est  capitale.  Elle  permet  d'obtenir  non  seule- 
ment des  aimants  beaucoup  plus  puissants  que  ceux  que  1  on 
avait  auparavant,  mais  elle  permet  d'aimanter  instantané- 
ment et  à  distance,  donnant  ainsi  naissance,  un  peu  plus 
tard  (1829),  aux  premiers  moteurs  magnéto-électriques,  et 
en  1840  au  télégraphe  à  cadran  qui  présentait  sur  lestele- 
o-raphes  employés  alors  et  fondés  sur  l'expérience  d  OLrs- 
tedt  de  grands  avantages.  En  1821,  Davy,  qm  venait  de 
réunir  deux  mille  couples  voltaïques,  produisit  pour  la  pre- 
mière fois  l'arc  voltaïque.  En  1822,  Seebeck  découvrit  Jes 
phénomènes  de  thermo-électricité;  il  montra  que,  lorsqu  un 
circuit  était  formé  de  fils  métalliques  de  diverses  natures 
soudés  les  uns  aux  autres,  on  pouvait  y  faire  naître  des 
courants  électriques  en  plaçant  ses  soudures  à  des  tempe- 
ratures  différentes;  le  sens  du  courant  engendre  a  chaque 


—  757  — 


ÉLECTRICITÉ 


soudure  dépend  de  la  nature  des  deux  métaux  soudés,  et 
l'on  peut  ranger  les  métaux  suivant  une  liste  analogue  à 
celle  que  Volta  avait  dressée  :  quand  on  chauffera  la  sou- 
dure réunissant  deux  métaux  de  cette  liste,  le  courant  ira 
toujours  du  métal  le  premier  inscrit  sur  la  liste  à  l'autre, 
et,  toutes  choses  égales  d'ailleurs,  le  courant  sera  d'autant 
plus  fort  que  les  deux  métaux  seront  plus  éloignés  sur  cette 
liste.  En  1823,  Cumming  a  montré  que  dans  cette  liste 
l'ordre  des  métaux  dépendait  de  la  température  et  qu'à 
partir  de  certains  degrés  il  y  avait  inversion.  La  décou- 
verte de  Seebeck  est  très  intéressante  à  la  fois  au  point  de 
vue  théorique  et  au  point  de  vue  pratique;  elle  a  donné 
naissance  à  l'instrument  le  plus  sensible  que  nous  possé- 
dions pour  mesurer  les  faibles  quantités  de  chaleur,  la  pile 
thermo-électrique  ;  on  a  pu,  avec  cette  sorte  de  thermomètre, 
étudier  avec  une  grande  précision  les  phénomènes  de  la 
chaleur  ravonnante  et  montrer  toute  l'analogie  qui  existe 
entre  les  phénomènes  optiques  si  facilement  appréciés  par 
nos  yeux  et  les  phénomènes  de  chaleur  rayonnante  qui 
échappaient  à  nos  sens,  tels  que  l'existence  d'un  spectre 
calorifique  continuant  le  spectre  lumineux  du  côté  du  rouge 
et  la  présence  dans  le  spectre  calorifique  du  soleil  de  bandes 
sans  chaleur  analogues  aux  raies  sans  lumière  de  la  partie 
visible.  A  côté  de  ces  phénomènes,  nous  citerons  ceux  qui 
ont  été  découverts  un  peu  plus  tard,  en  1834,  par  Peltier 
(effet  Peltier),  et  en  1856  par  Thomson  (effet  Thomson). 
Le  premier  a  montré  que  si,  dans  un  circuit  formé  de  plu- 
sieurs métaux  soudés  où  la  température  est  uniforme,  on 
vient  à  lancer  un  courant  électrique,  la  température  ne 
s'élève  pas  uniformément;  elle  est  plus  élevée  à  certaines 
soudures  qu'à  d'autres  et  elle  s'abaisse  même  quelquefois 
à  certaines  soudures  lorsque  le  courant  est  suffisamment 
faible.  Le  second  a  fait  voir  que,  dans  un  circuit  formé 
par  un  seul  métal  dont  les  diverses  parties  vont  à  diffé- 
rentes températures,  réchauffement  d'une  partie  du  fil 
produit  par  un  courant  n'est  pas  le  même  quand  le  courant 
va  d'une  partie  chaude  à  une  partie  froide  ou  quand  il  suit 
la  route  inverse.  Ces  propriétés  ont  été  ensuite  étudiées 
avec  soin  par  Leroux.  Les  phénomènes  thermo-électriques 
ont  fait  l'objet  de  nombreux  travaux  parmi  lesquels  il 
faut  citer  tout  particulièrement  ceux  de  Becquerel  et  les 
recherches  théoriques  de  Thomson,  puis  de  Tait. 

En  1824,  Arago  fit  encore  une  découverte  considérable, 
celle  du  magnétisme  de  rotation  :  une  aiguille  aimantée 
librement  suspendue  et  orientée  vers  le  N.  étant  placée  au- 
dessus  d'un  disque  de  cuivre  animé  d'un  mouvement  rapide 
de  rotation  était  déviée  de  sa  position  d'équilibre  et  tendait 
à  suivre  le  mouvement  du  disque.  Cette  curieuse  expérience, 
inexplicable  à  cette  époque  oii  les  phénomènes  d'induction 
étaient  encore  inconnus,  fut  très  remarquée  ;  elle  suscita 
un  essai  de  théorie  de  la  part  de  Poisson  et  des  expériences 
très  intéressantes  dues  surtout  à  Foucault  :  si  on  veut  faire 
tourner  rapidement  un  disque  de  cuivre  placé  entre  les 
pôles  d'un  fort  électro-aimant,  on  éprouve  une  grande  résis- 
tance, et  le  cuivre  s'échauffe  fortement.  Seebeck  montra  le 
parti  que  Ton  pouvait  tirer  de  l'expérience  d' Arago  dans 
la  construction  des  galvanomètres  :  si  on  fait  osciller  une 
aiguille  aimantée  sous  l'influence  magnétique  de  la  terre, 
puis  si  l'on  vient  à  mettre  autour  d'elle  un  cadre  en 
cuivre,  on  constate  que  ces  oscillations  s'arrêtent  aussi- 
tôt, l'aiguille  prenant  sa  position  naturelle  d'équilibre. 
On  peut*,  à  Taide  de  cet  artifice,  construire  des  galvano- 
mètres dans  lesquelles  l'ai^çuille  aimantée  se  place  immédia- 
ment,  presque  sans  oscillations,  dans  la  position  d'équi- 
libre qu'elle  n'occuperait,  sans  cela,  qu'après  de  nombreuses 
et  lentes  oscillations.  En  1827,  Ohm  exposa,  dans  sa 
Ihéorie  mathématique  de  la  pile  galvanique,^  les  lois 
qui  relient  la  force  électromotrice  d'une  pile  à  l'intensité 
du  courant  qu'elle  produit  dans  un  circuit  d'une  résistance 
connue.  Cette  théorie  est  assez  analogue  à  celle  que  Fourier 
a  établie  pour  la  conductibilité  calorifique.  Les  résultats 
d'Ohm,  exposés  d'une  manière  très  abstraite,  ont  été  long- 
temps méconnus,  et   Pouillet  a  retrouvé  ses  résultats 


huit  ans  après.  Les  recherches  d'Ohm  et  de  Pouillet  ont 
été  suivies  de  celles  de  Becquerel,  de  Gaugain,  de  Branly 
et  de  Riemann,  pour  n'en  citer  que  quelques-unes. 

L'année  1831  marque  une  nouvelle  date  dans  l'histoire 
de  l'électricité:  Faraday  découvre  les  phénomènes  d'induc- 
tion; il  place  à  côté  l'une  de  l'autre  deux  hélices  conduc- 
trices reliées  l'une  à  un  galvanomètre,  l'autre  à  une  puis- 
sante pile  électrique,  et  il  constate  que  chaque  fois  qu'on 
lance  le  courant  ou  qu'on  l'interrompt  dans  la  seconde 
hélice,  le  galvanomètre  indique  dans  l'autre  un  courant  de 
sens  contraire  dans  le  premier  cas,  de  même  sens  dans  le 
second  que  le  courant  de  la  pile.  Faraday  montre  aussi  que, 
lorsqu'on  approche  ou  qu'on  éloigne  d'un  circuit  fermé  relié 
à  un  galvanomètre  un  circuit  parcouru  par  un  courant,  il 
s'en  développe  un  autre  dans  le  circuit  fermé.  Les  aimants 
produisent  le  même  effet.  Pour  exprimer  dans  tous  les  cas 
le  sens  du  courant  produit,  Faraday  a  imaginé  ce  qu'il  a 
appelé  les  lignes  de  force  :  une  ligne  de  force  d'un  cou- 
rant est  une  ligne  telle  qu'en  chaque  point  la  tangente  à 
la  ligne  est  dirigée  suivant  la  direction  de  la  force  avec 
laquelle  le  courant  agirait  sur  une  molécule  magnétique 
placée  en  ce  point,  et  il  dit  que  chaque  fois  que  l'on  vient 
à  altérer  les  hgnes  de  force  d'un  circuit,  il  se  développe 
une  force  électromotrice  qui  produit  un  courant  de  sens  tel 
que  les  lignes  de  force  qui  lui  correspondent  soient  d'une 
direction  opposée.  En  1833,  Lenz  a  donné  de  cette  loi  un 
autre  énoncé  plus  simple  connu  sous  le  nom  de  loi  de  Lenz  : 
il  a  montré  que  le  courant  induit  était  toujours  d'un  sens 
tel  qu'il  gênait  l'induction;  si  celle-ci  était  produite  par 
un  déplacement,  il  s'opposait  à  ce  déplacement  ;  si  elle  était 
produite  par  une  variation  d'intensité,  il  tendait  à  la  rendre 
moins  prompte.  Les  premières  expériences  de  Faraday  sur 
l'induction  sont,  d'après  Bence  Jones,  qui  a  écrit  une  bio- 
graphie sur  Faraday,  de  la  fin  d'août  1831.  Son  premier 
mémoire  porte  la  date  de  novembre  de  la  même  année;  le 
suivant  a  été  publié  en  janv.  1832.  En  moins  de  six  mois, 
avec  une  sagacité  admirable.  Faraday  a  exécuté  les  expé- 
riences fondamentales  de  l'induction  ;  il  en  a  posé  les  prin- 
cipes, et  il  a  démontré  que  les  courants  électriques  que 
pouvaient  produire  les  piles  ou  les  décharges  des  corps 
chargés  d'électricité  statique,  les  phénomènes  magnéto- 
électriques  et  thermo-électriques  et  même  les  courants 
ayant  pour  origine  l'électricité  animale  étaient  identiques 
dans  leur  nature;  ils  produisaient  les  mêmes  effets.  C'est 
en  établissant  pour  les  phénomènes  d'induction  électro- 
magnétique une  théorie  mathématique  que  Neumann  fut 
conduit,  en  d  845,  à  considérer  une  fonction  par ticuhère,  le 
potentiel,  dont  l'emploi  est  maintenant  général.  Ce  travail 
de  Neumann  a  été  suivi  d'un  grand  nombre  d'autres,  très 
remarquables,  dont  nous  ne  pouvons  citer  que  les  princi- 
paux :  les  recherches  théoriques  et  pratiques  de  Weber 
(1846),  celles  de  Kirchhoff(1849),  enfin  celles  d'Helmholtz 
en  1851,  et  celles  de  Thomson  en  1855;  elles  ont  pour 
but  de  vérifier  par  l'expérience  divers  résultats  obtenus 
dans  l'étude  de  la  théorie  mathématique  de  l'induction. 
Enfin,  dans  le  même  ordre  d'idées,  il  faut  citer  les  très 
intéressants  travaux  de  Clerk  Maxwell  résumés  dans  son 
traité  Electricity  and  Magnetism  (1873).  Il  a  posé  les 
équations  générales  qui  permettent  de  déterminer  l'état 
d'un  champ  électrique  et,  parmi  les  conclusions  remar- 
quables auxquelles  il  arrive,  il  faut  citer  d'une  façon  toute 
particulière  sa  théorie  électromagnétique  delà  lumière. 

Revenons  à  l'année  1831.  La  découverte  de  Faraday,  si 
importante  à  tous  les  points  de  vue,  ne  tarda  pas  à  èlre 
appliquée  pour  la  production  des  courants  électriques.  Dès 
1832,  Pixii  construisit  la  machine  magnéto-électrique  qui 
porte  son  nom  et  qui  est  la  première  d'une  série  nombreuse 
qui  s'accroît  tous  les  jours.  Parmi  les  anciennes  machines 
de  ce  genre,  on  peut  citer  celles  de  Ritchie,  de  Clarke,  de 
Stohrer,  de  Weatstone,  etc.  Parmi  ces  machines,^oji  doit 
signaler  d'une  façon  spéciale  celle  de  Siemens  (1857),  qui 
présente  une  disposition  particulière  pour  l'armature,  qui 
a  donné  de  très  bons  résultats;  celle  de  Ladd  (1867),  on  il 


ÉLECTRICITÉ 


—  7o8  — 


n'y  a  pas  d'aimant  permanent;  celle  de  Gramme,  dans 
laquelle  la  distribution  des  courants  induits  se  fait  d'une 
façon  très  ingénieuse.  La  machine  imaginée  par  Nollet, 
savant  belge,  et  plus  connue  sous  le  nom  de  machine  de 
l'Alliance, 'représente  également  un  type  qui  a  beaucoup 
servi  pour  la  production  de  la  lumière  électrique  dans  les 
phares.  Dans  ces  derniers  temps  ce  genre  de  machines  s'est 
muItipHé  par  suite  du  développement  de  l'éclairage  élec- 
trique. Une  autre  application  de  la  découverte  de  Faraday 
est  la  bobine  de  Masson  et  Bréguet  (1842)  qui  donnait  de 
vives  étincelles  et  des  secousses  assez  fortes;  c'est  cet  appa- 
reil, auquel  Ruhmkorff  apporta  un  certain  nombre  de  modi- 
fications qui  augmentèrent  sa  force,  qui  porte  le  nom  de 
son  constructeur  (1851).  L'addition  d'un  condensateur  par 
Fizeau  (1853),  d'un  interrupteur  plus  rapide  par  Foucault, 
de  cloisons  isolantes  séparant  la  grande  bobine  en  une 
suite  d'autres  juxtaposées,  permirent  d'augmenter  la  dimen- 
sion et  la  force  des  bobines.  Un  de  ces  appareils,  construit 
par  Apps,  donne  des  étincelles  de  plus  d'un  mètre  de  lon- 
gueur. Pour  la  partie  théorique,  nous  signalerons  un  très 
intéressant  mémoire  de  Maxwell  dans  les  Proceedings  de 
la  Société  royale  de  Londres  (1867). 

Peu  après  la  découverte  de  l'induction  paraît  le  mémoire 
très  remarquable  de  Joule  {Philosophical  Magazine, 
1841)  :  les  divers  phénomènes  que  produisent  les  courants 
électriques,  la  chaleur  qu'ils  dégagent  dans  les  circuits,  la 
force  vive  qu'ils  communiquent  aux  moteurs,  les  décompo- 
sitions chimiques  qu'ils  réalisent  et  qui  nécessitent  un  cer- 
tain travail  en  rapport  avec  la  chaleur  de  formation  de  ces 
composés,  tous  ces  phénomènes  empruntaient  à  une  source 
inconnue  l'énergie  correspondante.  Joule  a  montré  que 
c'était  dans  les  actions  chimiques  de  la  pile  qu'il  fallait 
voir  cette  source  inconnue  ;  c'est  aux  quantités  de  chaleur 
qui  accompagnent  les  réactions  chimiques  dont  les  piles 
sont  le  siège,  chaleur  qui  n'apparaît  pas  en  totalité  d'une 
façon  sensible  lorsque  la  pile  fournit  un  courant  qui  pro- 
duit divers  phénomènes  ;  c'est  à  ces  quantités  de  chaleur 
qu'il  faut  rapporter  les  effets  mécaniques  divers  des  cou- 
rants. Ainsi,  si  un  même  courant  électrique  anime  un  moteur, 
décompose  l'eau  dans  un  voltamètre,  etc. ,  si  l'on  ajoute  la 
chaleur  sensible  dégagée  dans  tout  le  circuit,  y  compris  la 
pile,  à  la  chaleur  qui  correspond  à  la  quantité  d'eau  décom- 
posée et  à  la  chaleur  qui  correspond  au  travail  mécanique 
du  moteur,  on  trouve  un  nombre  qui  est  d'accord  avec 
celui  que  la  thermochimie  des  réactions  qui  se  passent 
dans  la  pile  fait  prévoir.  C'est  une  nouvelle  application 
de  la  loi  générale  de  la  conservation  de  l'énergie.  C'est  à 
Joule  que  revient  l'honneur  d'avoir  eu  des  idées  nettes 
sur  ce  sujet;  mais, à  côté  de  son  nom,  il  faut  citer  ceux  de 
La  Rive,  de  Becquerel,  de  Thomson,  de  Lenz,  et  surtout  de 
Favre  et  Silbermann,  dont  les  mesures  sont  venues  confir- 
mer les  expériences  incomplètes  de  Joule.  Ces  derniers 
physiciens  sont  arrivés  à  cette  conclusion  que  la  chaleur 
chimique  est  égale  à  la  chaleur  voltaïque.  Edlund  a  mon- 
tré que  dans  certains  cas  les  phénomènes  étaient  un  peu 
plus  compHqués. 

En  même  temps  que  les  phénomènes  connus  se  multi- 
pliaient et  qu'on  imaginait  des  théories  pour  les  expliquer, 
les  instruments  de  mesure  nécessaires  pour  la  vérification 
de  ces  théories  se  perfectionnaient;  ils  devenaient  plus 
sensibles  et  plus  précis.  Autrefois  on  mesurait  les  cou- 
rants électriques  par  l'action  chimique  qu'ils  pouvaient 
produire  et  en  particulier  par  la  quantité  d'eau  qu'ils 
pouvaient  décomposer  dans  un  temps  donné.  Ce  procédé 
avait  l'inconvénient  d'exiger  des  courants  intenses  et  d'une 
durée  suffisante.  Bien  que  cette  méthode  ne  soit  pas  aujour- 
d'hui abandonnée,  par  exemple  Edison  a  fondé  sur  ce  prin- 
cipe ses  compteurs  électriques,  on  lui  préfère  dans  presque 
tous  les  cas  les  méthodes  galvanométriques  :  sitôt  la  dé- 
couverte d'OErstedt  connue  ainsi  que  la  théorie  d'Ampère, 
on  imagina  d'utiliser  le  nouveau  phénomène  pour  la  mesure 
des  courants,  et  Schweigger  inventa  dès  1820  le  multi- 
pHcateur  qui  permet  d'augmenter,  dans  un  rapport  con- 


sidérable prescpie  aussi  grand  qu'on  le  désire,  l'action  du 
courant  électrique  sur  l'aiguille  aimantée.  L'emploi  de  deux 
aiguilles  aimantées  de  même  force  placées  parallèlement  l'unie 
au-dessous  de  l'autre,  mais  les  pôles  contraires  en  regard, 
formant  un  système  astatique,  proposé  en  1825  par  Nobili, 
a  encore  augmenté  considérablement  la  sensibilité  de  ces 
rhéomètres.  Depuis  ce  temps,  on  emploie  souvent  pour  obtenir 
le  même  résultat  une  seule  aiguille  mobile,  mais  on  place 
dans  son  voisinage  un  aimant  ayant  sur  l'aiguille  une  action 
contraire  à  celle  de  la  terre.  La  balance  électromagnétique 
imaginée  par  Becquerel  en  1837  avait  l'avantage  d'évaluer 
les  courants  électriques  par  les  attractions  ou  répulsions 
qu'ils  produisaient  sur  un  aimant,  ces  actions  étant  évaluées 
avec  des  poids.  Mais  cette  balance  fut  peu  employée,  et  la 
même  année  Pouillet  imagina  ses  boussoles  des  sinus  et 
des  tangentes.  Le  premier  de  ces  appareils  est  à  peu  près 
complètement  abandonné  ;  le  second  a  servi  longtemps,  et 
les  galvanomètres  actuels  en  sont  des  modifications  surtout 
lorsqu'on  ne  s'en  sert  que  pour  de  faibles  déviations  ;  on 
augmente  d'ailleurs  beaucoup  la  précision  des  mesures  sans 
augmenter  les  déviations  en  se  servant  du  dispositif  adopté 
par  Poggendorff  consistant  à  munir  le  système  mobile  d'un 
petit  miroir  que  l'on  vise  avec  une  lunette  et  qui  donne  à 
celle-ci  l'image  d'une  règle  graduée  placée  à  une  certaine 
distance.  Depuis,  Gaugain  modifia  la  disposition  de  la  bous- 
sole des  tangentes  en  plaçant  l'aiguille  non  plus  à  l'inté- 
rieur du  multiplicateur,  mais  à  une  certaine  distance  indi- 
quée par  la  théorie.  De  plus,  le  multiplicateur  avait  une 
forme  conique;  il  obtint  ainsi  un  instrument  pour  lequel 
les  tangentes  des  déviations  étaient  rigoureusement  propor- 
tionnelles aux  intensités  des  courants.  En  1847,  Helmholtz 
proposa  une  boussole  symétrique  :  l'aiguille  se  trouve  pla- 
cée entre  deux  bobines  parallèles  séparées  par  une  distance 
égale  à  leur  rayon  ;  les  bobines  ont  une  section  rectangu- 
laire, soit  trop  petite,  soit  telle  que  la  largeur  et  la  hau- 

31 
teur  du  multiplicateur  soient  dans  le  rapport  tttt.  R  ^aut 

encore  citer  parmi  les  appareils  rhéométriques  ceux  de  Wie- 
demann,  de  Weber  et  de  Thomson. 

En  même  temps  que  les  appareils  destinés  à  la  mesure 
des  courants  se  perfectionnaient,  les  électromètres  destinés 
à  la  mesure  de  charges  électriques,  si  précieux  en  particu- 
lier dans  la  mesure  des  forces  électromotrices,  subissaient 
des  perfectionnements  analogues  :  le  premier  de  ces  instru- 
ments est  la  balance  de  Coulomb  ;  l'électromètre  absolu  de 
Thomson,  son  électromètre  portatif,  son  électromètre  à 
longue  échelle,  son  électromètre  à  quadrants,  sont  des  ins- 
truments précieux  à  des  titres  différents;  l'électromètre  de 
M.  Branly  est  une  simplification  de  l'électromètre  à  qua- 
drants. Citons  enfin  l'électromètre  de  M.  Lippmann,  cons- 
truit sur  un  principe  très  différent,  utihsantles  phénomènes 
électrocapillaires;  il  est  très  sensible,  très  précis  et  d'une 
construction  simple  qui  le  rend  peu  coûteux. 

En  1873,  Smith  découvre  une  propriété  curieuse  du  sélé- 
nium :  sa  résistance  électrique  diminue  quand  il  est  exposé 
à  la  lumière  :  c'est  le  point  de  départ  du  photophone  de 
Bellet,  des  recherches  de  Siemens,  de  Mercador,  d'Hause- 
mann,  etc.  L'année  1876  voit  apparaître  une  des  plus  éton- 
nantes inventions  :  le  téléphone.  H  parut  d'abord  à  l'Expo- 
sition de  Philadelphie;  aujourd'hui  il  étend  ses  réseaux  non 
seulement  dans  les  villes  de  quelque  importance,  mais  il  relie 
des  villes  même  éloignées.  Paris  est  mis  en  communication 
téléphonique  avec  Marseille,  Bruxelles,  Londres.  Mais  la 
théorie  du  téléphone  n'est  pas  encore  faite.  Comment  vibre 
ce  diaphragme,  élément  essentiel  du  téléphone?  On  a  pu 
faire  vibrer  de  ces  lames  de  fer  ayant  jusqu'à  15  millim. 
d'épaisseur  et  encastrées  sur  leur  pourtour.  En  déc.  1877 
apparaît  le  microphone  découvert  par  M.  Hugues,  appareil 
précieux  permettant  d'entendre  les  bruits  les  plus  faibles; 
bientôt  il  est  transformé  en  transmetteur  téléphonique,  et 
il  donne  des  résultats  tout  à  fait  satisfaisants  pour  ce  nou- 
vel usage.  En  1878,  nouvelle  découverte  de  M.  Hughes: 


-  759  - 


ÉLECTRICITÉ 


la  balance  (T induction  (V.  ce  mot)  qu'il  imagine  permet 
de  reconnaître  les  plus  petites  différences  entre  certains 
métaux  :  deux  disques  métalliques  de  mêmes  dimensions,  de 
mêmes  poids,  de  même  métal,  mais  l'un  pur,  l'autre  con- 
tenant une  trace  d'impureté,  donnent  des  effets  différents. 
Ainsi  avec  le  fer  doux  le  plus  pur  du  commerce  l'appareil 
indique  52*^  tandis  qu'avec  le  fer  chimiquement  pur  il 
indi([ue  &,  On  a  fait  certaines  pièces  fausses  avec  une 
perfection  remarquable  :  des  disques  faits  d'un  alliage  de 
platine  et  d'argent  ayant  exactement  la  densité  de  l'or 
étaient  dorés  à  leur  surface,  puis  frappés;  les  pièces  de 
monnaies  obtenues  ainsi  présentaient  la  densité,^  le  poids, 
la  sonorité  des  pièces  d'or  véritables  et  revenaient  à  un 
prix  moindre  (il  n'en  serait  plus  de  même  aujourd'hui,  le 
prix  du  platine  étant  maintenant  à  peu  près  celui, de  l'or). 
Ces  pièces,  qu'il  était  impossible  de  distinguer  des  autres, 
donnaient  à  la  balance  de  Hughes  des  résultats  tout  diffé- 
rents qui  pouvaient  les  faire  reconnaître  facilement.  Cet 
appareil,  légèrement  modifié,  a  été  employé  pour  rechercher 
les  projectiles  dans  les  plaies  :  un  téléphone  relié  à  l'appa- 
reil rend  un  son  quand  on  approche  une  des  bobines  de 
la  balance  de  l'endroit  oii  se  trouve  un  objet  métallique  ; 
on  a  en  particulier  employé  cet  instrument  pour  l'explora- 
tion de  la  blessure  du  président  Garfield. 

Le  phénomène  de  Hall,  découvert  en  4879,  est  des  plus 
curieux  :  une  lame  mince  de  méfal  est  taillée  en  forme  de 
croix;  l'une  des  branches  est  traversée  par  un  courant;  les 
deux  autres  bras  sont  mis  en  relation  avec  les  deux  bornes 
d'un  galvanomètre;  celui-ci  reste  au  zéro;  mais  si  on 
approche  un  aimant  de  la  croix,  on  constate  qu'un  courant 
passe  dans  le  galvanomètre  aussi  longtemps  que  l'aimant 
reste  près  de  la  croix.  Ce  phénomène,  inexplicable  par  les 
anciennes  théories,  a  servi  à  M.  Rowland  pour  expliquer  les 
phénomènes  de  la  polarisation  rotatoire.  La  même  année, 
M.  Kerr  a  observé  une  nouvelle  relation  entre  l'optique  et 
l'électricité  :  un  rayon  lumineux  polarisé  c[ui  se  réfléchit 
sur  le  pôle  d'un  aimant  éprouve  une  rotation  de  son  plan 
de  polarisation. 

Les  décisions  du  congrès  international  des  électriciens 
de  1881  ont  porté  les  recherches  des  physiciens  sur  les  pro- 
cédés propres  à  déterminer  les  unités  électriques  adoptées. 
C'est  ainsi  que  la  longueur  de  la  colonne  mercurielle  qui 
représente  un  ohm  aété  fixée  àl'^Oe,  grâce  aux  travaux  de 
MM.  Thomson,  Maxwell,  Lorenz,  Lippmann,  Mascart,  Flets- 
cher,  etc.  Certains  appareils  ont  été  imaginés  pour  faciliter 
ces  recherches  :  tel  est  l'électrodynamomètre  absolu  de 
M.  Pellat.  Terminonsl'exposérapide  des  principales  décou- 
vertes qui  ont  amené  l'électricité  dans  l'état  où  elle  est 
aujourd'hui  par  le  résumé  des  très  intéressantes  recherches 
faites  tout  récemment  par  M.  Hertz.  Nous  avons  vu  à  plu- 
sieurs reprises  des  relations  étroites  entre  les  phénomènes 
lumineux  et  les  phénomènes  électriques.  Nous  avons  signalé 
et  nous  reparlerons  un  peu  plus  loin  de  la  théorie  de  l'élec- 
tricité de  Maxwell  qui  repose  sur  ces  liens  étroits.  Mais  il 
manquait  un  phénomène  électrique  comparable  à  ce  qu'en 
optique  on  appelle  un  rayon  lumineux.  C'est  cette  lacune 
qu'a  comblée  M.  Hertz  en  montrant  qu'il  existe  des  rayons 
électriques,  qu'ils  se  réfléchissent,  qu'ils  se  réfractent  comme 
les  rayons  lumineux. 

Expériences  de  Hertz,  Les  appareils  employés  se  com- 
posent d'un  excitateur  et  d'un  explorateur.  L'excitateur 
consistait  en  deux  cylindres  de  laiton  de  3  centim.  de  dia- 
mètre, de  13  centim.  de  longueur,  munis  à  une  extrémité 
d'une  partie  sphérique  de  2  centim.  de  rayon.  Ils  sont  placés 
sur  le  prolongement  l'un  de  l'autre,  les  bouts  sphériques 
en  regard,  à  une  distance  de  3  millim  (fig.  1).  Ces  deux 
cylindres,  isolés,  sont  reliés  par  de  gros  fils  en  cuivre, 
enduits  de  gutta-percha,  aux  pôles  d'une  bobine  de 
Ruhmkorff  capable  de  donner  des  étincelles  de  4  à  5  centim. 
Il  était  excité  par  trois  accumulateurs.  —  L'explorateur 
était  soit  un  cercle  en  fil  de  cuivre  de  1  millim.  presque 
fermé  sur  lui-même  et  ayant  7«"^5  de  diamètre,  soit  un 
conducteur  formé  de  deux  fils  rectilignes  de  5  millim.  de 


diamètre,  de  50  centim.  de  long,  placés  dans  le  prolongement 
l'un  de  l'autre  à  une  distance  de  5  centim.  ;  des  deux  extré- 
mités en  regard  partent  deux  fils  de  1  millim.  de  diamètre 
et  de  15  centim.  de  long  perpendiculaires  aux  premiers  et 
parallèles  entre  eux  ;  ils  se  terminent  par  un  micromètre  à 
étincelle  formé  d'une  petite  sphère  de  laiton  poli  de 
quelques  millimètres  de  diamètre  et  d'une  pointe  portée  par 
une  vis  isolée  que  l'on  peut  approcher  plus  ou  moins  de  la 
sphère  ;  l'explorateur  circulaire  portait  un  micromètre  à 
étincelle  analogue.  M.  Hertz  appelle  aussi  son  explorateur 
un  résonnateur  :  voici  en  quels  termes  il  expose  le  principe 
de  sa  méthode  (conférence  faite  au  61^  congrès  des  natu- 


LFig.  1. 

ralistes  et  médecins  allemands  à  Heidelberg)  :  «  Donnez  à 
un  physicien  un  certain  nombre  de  diapasons  et  de  réson- 
nateurs  et  demandez-lui  de  démontrer  que  la  propagation  du 
son  n'est  pas  instantanée...  Après  avoir  mis  en  vibration  un 
diapason,  il  se  transporte  avec  un  résonnateur  aux  divers 
points  de  la  chambre  et  observe  l'intensité  du  son.  H  voit 
qu'en  certains  endroits  elle  devient  très  faible  et  en  déduit 
que  là  chaque  vibration  est  annulée  par  une  autre  née  plus 
tard  et  arrivée  au  même  but  par  une  voie  plus  courte.  Si 
pour  courir  un  chemin  plus  court  il  faut  moins  de  temps,  la 
propagation  n'est  pas  instantanée,  et  le  problème  est  résolu. 
Mais  ensuite  notre  physicien  nous  montrera  que  les  points 
silencieux  se  succèdent  à  des  distances  égales  ;  il  en  déduit 
la  longueur  d'onde,  et,  s'il  connaît  la  durée  des  vibrations  du 
diapason,  il  obtient  avec  ces  données  la  vitesse  de  propaga- 
tion du  son.  Nous  opérons  exactement  de  même  avec  nos 
vibrations  électriques.  Le  conducteur  dans  lequel  se  font 
les  variations  électriques  (excitateur)  remplit  le  rôle  du  dia- 
pason. Le  circuit  rompu  en  un  point  tient  lieu  de  résonna- 
teur et  prend  le  nom  de  résonnateur  électrique.  Nous  remar- 
quons qu'en  certains  points  de  la  chambre  il  en  jaillit  des 
étincelles,  que  dans  d'autres  il  reste  au  repos;  nous 
voyons  que  les  endroits  inactifs,  électriquement,  se  suivent 
dans  un  ordre  régulier.  Nous  en  déduisons  que  la  propa- 
gation n'est  pas  instantanée  et  môme  nous  pouvons  me- 
surer la  longueur  d'onde.  On  nous  demande  si  les  ondes 
trouvées  sont  longitudinales  ou  transversales.  Plaçons  notre 
fil  métallique  dans  deux  positions  différentes  au  même 
endroit  de  la  pièce  :  la  première  fois  il  indique  une  excita- 
tion électrique,  la  seconde  non.  H  n'en  faut  pas  plus  pour 
trancher  la  question  :  ce  sont  des  ondes  transversales.  » 


ÉLECTRICITÉ 


—  760 


Si  on  place  l'excitateur  que  nous  avons  décrit  à  une 
distance  d'environ  8  à  15  centim.  d'un  plan  conducteur,  on 
observe  qu'il  produit  un  effet  favorable.  On  obtient  un 
meilleur  résultat  en  employant  non  plus  un  plan,  mais  un 
cylindre  ayant  pour  directrice  une  parabole  de  distance 
focale  égale  à  i2^"^o.  Dans  certaines  expériences  de 
Hertz,  ce  cylindre,  agissant  comme  un  miroir,  était  formé 
d'une  feuille  de  zinc  d'un  demi-millimètre  d'épaisseur  ayant 
2  m.  de  haut  et  cintrée  sur  un  châssis  en  bois  de  i'^^^O 
d'ouverture  et  de  70  centim.  de  flèche  qui  lui  donnait  une 
forme  parabolique.  L'excitateur  était  fixé  au  milieu  de  la 
ligne  focale.  Les  fils  de  charge  traversaient  le  miroir.  En 
explorant  avec  le  résonnateur  l'état  du  milieu  dans  le  voi- 
sinage, on  ne  constate  aucune  action  ni  derrière  le  miroir 
ni  sur  les  côtés  ;  mais,  dans  la  direction  de  l'axe  optique, 
les  étincelles  restent  visibles  jusqu'à  une  distance  de  5  à  6  m. 
Ces  étincelles  sont  d'ailleurs  fort  petites  :  elles  n'ont  que 
quelques  centièmes  de  millimètre  de  longueur.  A  une  dis- 
tance plus  grande,  à  9  ou  10  m.,  elles  sont  encore  percep- 
tibles, mais  seulement  dans  le  voisinage  d'une  paroi  plane 
conductrice  perpendiculaire  à  l'axe.  Avec  une  paroi  cylin- 
drique semblable  à  celle  de  Texcitateur,  mais  placée  derrière 
le  résonnateur,  on  peut  obtenir  des  étincelles  jusqu'à  16  m. 
On  trouve  aussi  qu'en  certains  points  les  ondes  réfléchies 
sont  tantôt  renforcées  tantôt  aff'aiblies  par  les  ondes  inci- 
dentes, et  ces  maxima  et  ces  minima  faciles  à  trouver  avec 
le  résonnateur  rectilignese  trouvaient  à  des  distances  de  33, 
65,  98  centim.  ;  la  demi-longueur  d'onde  était  donc  de 
33  centim.  dans  ces  expériences,  ce  qui  donne  environ  un 
milliardième  de  seconde  pour  la  durée  de  l'oscillation. 
L'appareil  ainsi  constitué  ne  donnant  de  résultats  que  dans 
le  voisinage  de  son  axe  optique,  on  peut  considérer  l'espace 
où  se  produisent  ces  phénomènes  comme  un  rayon  élec- 
trique. M.  Hertz  a  montré  que  les  rayons  électriques  ainsi 
définis  cheminertst  en  ligne  droite,  se  réfléchissent  et  se 
réfractent  comme  les  rayons  lumineux,  qu'ils  présentent  des 
phénomènes  de  polarisation  et  de  diffraction.  Pour  toutes 
ces  expériences,  l'excitateur  et  le  résonnateur  sont  munis 
de  leurs  miroirs  cylindriques.  1<*  Propagation  rectiligne. 
Supposons  l'explorateur  et  le  résonnateur  en  face  l'un  de 
l'autre,  les  axes  de  leurs  réflecteurs  en  coïncidence.  Si  on 
interpose  sur  cet  axe  une  feuille  de  zinc  de  2  m.  de  haut 
sur  1  m.  de  large,  l'étincelle  du  résonnateur  disparaît.  Les 
corps  isolants  au  contraire  ne  produisent  aucun  effet  ;  on 
peut  donc  dire  que  les  corps  conducteurs  jouent  en  élec- 
tricité le  même  rôle  que  les  corps  opaques  en  optique,  que 
les  corps  athermanes  en  chaleur  ;  les  corps  diélectriques  sont 
au  contraire  les  analogues  des  corps  transparents  et  dia- 
thermanes.  Deux  écrans  métalliques  de  2  m.  de  haut  sur 
1  m.  de  large  placés  symétriquement  de  chaque  côté  du 
rayon  sont  sans  influence  tant  que  leur  écart  est  supérieur 
à  1^20  ;  quand  cet  écart  est  inférieur  à  50  centim.,  les 
étincelles  ne  paraissent  plus.  Elles  étaient  plus  ou  moins 
fortes  pour  les  écarts  intermédiaires.  Si  on  déplace  parallè- 
lement les  miroirs  en  leur  laissant  l'écart  del'^^O,  mais 
en  rapprochant  l'un  et  écartant  l'autre  de  l'axe,  on  fait  dis- 
paraître les  étincelles.  Le  rayon  chemine  donc  en  ligne  droite. 
—  2°  Réflexion,  On  place  côte  à  côte  les  miroirs  des  deux 
instruments  de  façon  que  leurs  axes  optiques  se  coupent 
en  un  certain  point  ;  on  y  place  un  miroir  plan  et  l'on  cons- 
tate que,  pour  que  le  résonnateur  donne  des  étincelles,  il  faut 
que  le  miroir  plan  soit  perpendiculaire  à  la  bissectrice  de 
l'angle  des  axes  des  deux  appareils  ;  il  y  a  donc  réflexion 
et  non  diffusion,  et  les  lois  de  la  réflexion  sont  les  mêmes 
que  pour  les  rayons  lumineux  ou  calorifiques,  La  direction 
du  plan  de  l'onde  est  d'ailleurs  perpendiculaire  à  la  direc- 
tion du  rayon,  après  comme  avant  la  réflexion.  Si,  laissant 
le  miroir  plan  vertical,  on  met  les  miroirs  cylindriques  hori- 
zontaux, la  réflexion  se  produit  exactement  de  la  même 
façon.  —  3^  Polarisation,  Il  n'en  est  plus  de  même  si 
l'un  des  miroirs  cylindriques  a  ses  génératrices  verticales 
et  que  l'autre  ait  ses  génératrices  horizontales  ;  il  n'y  a  plus 
d'étincelles  :  on  dirait,  en  optique,  il  y  a  extinction  du  rayon 


polarisé.  Les  deux  miroirs  cylindriques  jouent  alors  le  même 
rôle  que  deux  niçois  qui,  parallèles,  laissent  passer  la  lumière 
et  l'arrêtent  lorsqu'ils  sont  croisés  à  90®.  M.  Hertz  a  même 
pu  produire  des  phénomènes  à  peu  près  analogues  à  ceux 
de  la  tourmaline  qui,  on  le  sait,  absorbe  le  rayon  ordinaire 
et  transmet  le  rayon  extraordinaire  ;  l'appareil  qui  produit 
l'effet  de  la  tourmaline  se  compose  d'une  série  de  fils  de 
cuivre  de  1  millim.  de  diamètre  situés  parallèlement  à  une 
distance  de  3  centim.  ;  ils  sont  tendus  sur  un  cadre  qui  a  2  m. 
de  côté.  On  place  ce  cadre  verticalement  entre  les  deux 
cylindres  également  verticaux.  Si  les  fils  du  cadre  sont  ver- 
ticaux, l'étincelle  se  produit  dans  le  résonnateur  comme 
s'ils  n'existaient  pas  ;  elle  ne  se  produit  plus  au  contraire 
s'ils  sont  horizontaux.  Plaçons  un  des  miroirs  cylindriques 
horizontalement,  l'autre  verticalement  :  pas  d'étincelles  dans 
le  résonflateur.  Interposons  le  cadre  à  fils  parallèles  ;  pla- 
çons-le verticalement,  les  fils  étant  inclinés  à  ^^^  :  les  étin- 
celles reparaissent  comme  reparaît  la  lumière  lorsque,  entre 
deux  niçois  croisés  à  90<^,  on  interpose  une  lame  de  tour- 
maline dont  Taxe  est  incliné  à  45*^  sur  la  direction  de  l'axe  des 
niçois.  —  4®  Réfraction,  Les  phénomènes  de  réfraction 
sont  aussi  curieux.  Pour  avoir  un  prisme  convenable,  il  fal- 
lait qu'il  fût  transparent  pour  l'électricité,  c.-à-d.  fait  en  une 
substance  isolante  quelconque.  M.  Hertz  a  pris  de  l'asphalte, 
qu'il  a  coulé  dans  une  caisse  en  bois  ayant  la  forme  d'un 
prisme  isocèle  d'angle  égal  à  30^  ayant  1°*20  de  côté  et 
1"^50  de  haut;  des  écrans  en  métal,  c.-à-d.  opaques 
pour  l'électricité,  ne  laissaient  à  l'électricité  d'autre  passage 
que  le  prisme.  Celui-ci  n'avait  pas  été  retiré  des  caisses 
de  bois  où  on  l'avait  coulé,  le  bois  n'empêchant  nullement 
le  passage  de  l'électricité.  On  dirigeait  l'axe  du  miroir  de 
l'excitateur  vers  le  centre  de  gravité  de  la  face  d'entrée  et 
celui  du  miroir  du  résonnateur  vers  le  centre  de  gravité 
de  la  face  de  sortie.  On  avait  tracé  par  terre  un  cercle  ayant 
ce  dernier  point  pour  centre  de  façon  à  pouvoir  déplacer 
le  résonnateur  tout  en  le  laissant  convenablement  dirigé. 
Le  premier  miroir  faisait  avec  la  face  d'entrée  du  prisme 
un  angle  de  65^.  Le  second  miroir  se  trouvant  d'abord 
placé  dans  le  prolongement  du  rayon  incident,  on  n'obtint 
pas  d'étincelles.  Il  fallut  faire  tourner  ce  second  miroir  de 
11<*  pour  commencer  à  percevoir  une  étincelle;  celle-ci 
augmenta  pour  une  déviation  plus  grande,  devint  maxima 
pour  l'angle  de  22^,  puis  diminua;  elle  était  nulle  pour  une 
déviation  de  34®.  Les  mêmes  phénomènes  se  produisaient 
si,  laissant  le  prisme  vertical,  on  plaçait  horizontalement  les 
deux  cylindres  réflecteurs.  L'indice  du  prisme  que  l'on  peut 
déduire  de  ces  expériences  est  1,7. 

Nous  terminerons  l'exposé  de  ces  expériences  que  nous 
avons  plus  développées  que  les  autres  en  raison  de  leur 
nouveauté  et  leur  très  grande  importance,  par  cette  con- 
clusion de  M.  Hertz  :  «  Dans  les  phénomènes  que  nous 
venons  d'étudier,  nous  avons  vu  des  rayons  de  force  élec- 
trique ;  peut-être  aurions-nous  pu  tout  aussi  bien  y  voir 
des  rayons  lumineux  à  grande  longueur  d'ondulation.  Pour 
moi,  les  faits  observés  me  paraissent  mettre  absolument 
hors  de  doute  l'identité  de  la  lumière,  de  la  chaleur  rayon- 
nante et  les  mouvements  électrodynamiques.  Je  crois  que 
l'idée  de  cette  identité  conduira  à  des  conséquences  aussi 
profitables  pour  la  théorie  de  l'optique  que  pour  celle  de 
l'électricité.  »  (V.  le  mémoire  de  M.  Hertz  dans  les  An- 
nales de  Wiedemann^  janv.  1888,  t.  XXXVI,  ou  un  ré- 
sumé de  M.  Joubert  dans  le  Journal  de  Physique^  1889, 

t.  vm.) 

Théories.  Les  théories  électriques  ont  fait  bien  du 
chemin  depuis  l'époque  cependant  peu  éloignée  où  Symmer 
avec  ses  deux  fluides,  positif  et  négatif,  où  Frankhn  avec 
son  fluide  unique,  tentaient  d'expliquer  les  phénomènes  élec- 
triques. En  1822,  Ampère  émettait  des  vues  que  les  physi- 
ciens modernes,  Maxwell  en  particulier,  ont  développé  ces 
derniers  temps  :  Ampère  disait  en  effet  que  l'on  pouvait 
<  chercher  à  rendre  raison  de  la  force  qui  a  lieu  entre  deux 
éléments  de  fils  conducteurs  par  la  réaction  du  fluide  ré- 
pandu dans  l'espace  et  dont  les  vibrations  reproduisent  les 


761 


ÉLECTRICITÉ 


phénomènes  de  la  lumière  ».  C'était  là  une  idée  très  re- 
marquable à  plusieurs  points  de  vue,  d'abord  au  point  de 
vue  de  l'abandon  de  l'action  à  distance,  action  qu'il  est  si 
difficile  de  s'expliquer,  puis  au  point  de  vue  du  choix  du 
miheu,  permettant  de  rendre  compte  des  phénomènes.  Au 
lieu  d'adopter  pour  cela  un  fluide  quelconque,  Ampère  parle 
du  fluide  «  répandu  dans  l'espace  et  dont  les  vibrations 
reproduisent  les  phénomènes  de  la  lumière  ».  Il  est  en  eff'et 
du  plus  haut  intérêt,  et  cela  est  conforme  à  l'esprit  scien- 
tifique, de  chercher  à  expliquer  tous  les  phénomènes  con- 
nus à  l'aide  du  minimum  d'hypothèses,  et,  par  suite,  au 
lieu  de  considérer  un  fluide  calorifique,  un  fluide  électrique, 
un  fluide  magnétique,  en  un  mot  un  fluide  par  genre  de 
phénomènes,  on  doit  s'efforcer  de  déterminer  quelles  doi- 
vent être  les  propriétés  d'un  milieu  unique  permettant 
d'expliquer  en  mêmejemps  tousles  phénomènes  physiques. 
Ampère  n'a  pas  développé  ces  idées,  et  on  ne  saurait  le  lui 
reprocher,  les  phénomènes  électriques  connus  étant  encore 
trop  peu  nombreux  et  trop  peu  étudiés.  Weber  d'abord  a 
repris  ces  idées  ;  il  montre  que,  dans  le  cas  des  courants 
électriques,  si  on  considère  deux  masses  électriques,  elles 
doivent  agir  l'une  sur  l'autre  non  seulement  suivant  une 
fonction  de  leur  distance  mais  aussi  suivant  leur  mouve- 
ment relatif.  Weber  admet  que  cette  action  proportionnelle 
au  produit  des  masses,  et  en  raison  inverse  du  carré  de 
la  distance,  comprend  un  terme  proportionnel  au  carré  de 
la  vitesse  ïelative  des  deux  masses  et  un  autre  propor- 
tionnel au  carré  de  la  vitesse  relative  parallèle  à  la  droite 
qui  les  joint.  Il  applique  alors  ces  hypothèses,  calcule 
l'action  de  deux  courants  et  trouve  certaines  conditions 
que  doivent  remplir  les  coefficients  qui  entrent  dans  ces 
équations  pour  que  les  résultats  expérimentaux  d'Ampère 
soient  vérifiés  ;  il  trouve  ainsi  deux  conditions  et  observe 
qu'elles  sont  réahsées  si  l'on  admet  qu'un  courant  d'une 
certaine  intensité  est  formé  de  deux  courants  d'électricités 
contraires  marchant  avec  la  même  vitesse  en  sens  opposés  et 
ayant  chacun  une  intensité  moitié  moindre.  Gauss  a  émis 
l'opinion  que  les  actions  électriques  ne  doivent  pas  se 
produire  instantanément  et  qu'on  doit  trouver  la  clef  des 
phénomènes  électrodynamiques,  si  l'on  peut  établir  la  loi  de 
propagation  des  forces  électriques.  Si  l'on  admet  alors  que 
le  potentiel  électrique  se  propage  avec  une  certaine  vitesse, 
on  peut  expliquer  les  phénomènes  d'induction.  Cette  vitesse 
serait,  d'après  Riemann,  la  vitesse  même  de  propagation  de 
la  lumière.  Lorenz  a  montré  qu'on  peut  ajouter  aux  équa- 
tions de  Kirchhoff  sur  les  courants  des  termes  qui  ne 
changent  pas  les  résultats  expérimentaux  mais  qui  indiquent 
l'existence  d'un  phénomène  d'ondulation  se  propageant  avec 
la  vitesse  de  la  lumière.  On  voit  les  tendances  communes 
de  toutes  ces  théories,  l'emploi  d'un  milieu  comme  le  pen- 
sait Ampère,  et  l'existence  pour  ce  milieu  de  propriétés 
plus  ou  moins  analogues  à  celle  de  l'éther  lumineux.  Max- 
well, en  faisant  intervenir  directement  les  propriétés  de  ce 
milieu,  est  parvenu  à  établir  entre  ces  phénomènes  élec- 
triques et  les  phénomènes  lumineux  des  relations  numé- 
riques que  l'expérience  a  vérifiées.  Nous  ne  pouvons  donner 
ici  qu'un  aperçu  de  cette  théorie  :  pour  expliquer  les  pro- 
priétés des  diélectriques,  Maxwell  imagine  que,  quand  un 
diélectrique  est  soumis  à  l'induction,  il  se  produit  un  phé- 
nomène équivalent  à  un  déplacement  ou  à  un  glissement 
d'électricité  dans  le  sens  de  l'induction  ;  dans  une  bouteille 
de  Leyde,  par  exemple,  l'armature  intérieure  étant  chargée 
positivement,  le  déplacement  se  fera  dans  l'intérieur  du  verre 
de  dedans  en  dehors.  Toute  augmentation  ou  toute  diminution 
de  la  charge  correspondant  à  un  courant  d'électricité  posi- 
tive allant  dans  le  premier  cas  de  dedans  en  dehors,  dans 
le  deuxième  cas  de  dehors  en  dedans.  D'une  manière  géné- 
rale, le  déplacement  en  un  point  quelconque  d'un  diélec- 
trique est  égal  au  quotient  de  l'induction  par  A-r.  et  est  pa- 
rallèle à  cette  force.  Mais,  tandis  que  le  déplacement  n'est 
pas  limité  dans  les  corps  conducteurs,  il  éprouve  au  con- 
traire de  la  part  des  corps  diélectriques  une  résistance  que 
l'on  nomme  l'élasticité  électrique  du  milieu,  et  l'on  appelle 


coefficient  d'élasticité  électrique  le  rapport  de  la  force  au 
déplacement  qu'elle  produit.  Maxwell  a  trouvé,  en  étudiant 
les  conditions  de  propagation  d'une  perturbation  électro- 
magnétique dans  un  milieu  diélectrique,  que  l'on  avait  la 

relation  V  =:  -zzz   entre  la  vitesse  de  propagation  V  de 

cette  perturbation,  le  coefficient  [x  de  perméabilité  et  le 
pouvoir  inducteur  spécifique  k  de  la  substance  considérée. 
Si  l'on  suppose  que  l'on  opère  dans  l'air  et  si  l'on  déter- 
mine expérimentalement  V,  on  trouve  un  nombre  très  voi- 
sin de  celui  de  la  vitesse  de  la  lumière.  Si,  d'autre  part,  on 
opère  sur  un  corps  diélectrique  différent  de  l'air  et  d'indice 
de  réfraction  n  par  rapport  à  l'air,  et  si  l'on  désigne  par 
k  et  k^  les  pouvoirs  inducteurs  spécifiques  de  l'air  et  du 

k' 


corps,  on  trouve,  d'après  la  théorie  de  Maxwell,  n^  -. 


k' 


Si  l'on  cherche  à  vérifier  cette  relation  par  l'expérience,  on 
trouve  des  différences  très  notables  avec  les  corps  solides 
ou  liquides  qui  tiennent  surtout  à  ce  que  l'on  ne  peut  me- 
surer n  dans  les  conditions  théoriques  où  on  s'est  placé  ; 
on  est  obligé  alors  de  calculer  la  valeur  limite  de  7i  pour  les 
grandes  longueurs  d'onde,  ce  que  l'on  ne  peut  faire  que 
d'une  façon  approchée.  Au  contraire,  avec  les  gaz,  l'on  se 
trouve  davantage  dans  les  conditions  théoriques,  et  l'accord 
est  très  satisfaisant. 

Cette  théorie  de  Maxwell  représente  donc  l'état  actuel 
des  idées  que  nous  avons  sur  la  nature  de  l'électricité. 
Ajoutons  que  les  très  curieuses  expériences  de  Hertz,  que 
nous  avons  résumées  plus  haut,  sont  venues  donner  à  cette 
théorie  un  nouvel  appui,  et  montrer  qu'il  existait  en  élec- 
tricité quelque  chose  de  comparable  aux  rayons  lumineux 
pouvant  se  réfléchir  et  se  réfracter  comme  eux.  Il  n'est 
plus  téméraire  d'espérer  que  nous  verrons  bientôt  démon- 
trer des  relations  plus  étroites  entre  l'électricité  et  la 
lumière,  analogues  à  celles  qui  rendent  si  comparables  les 
phénomènes  d'optique  et  de  chaleur  rayonnante.  Ce  sera 
l'une  des  plus  belles  conquêtes  de  la  physique  moderne,  qui 
en  compte  tant  déjà  ! 

Résumé,  Dans  le  résumé  qui  va  suivre,  les  mots  im- 
primés en  italiques  sont  ceux  auxquels  le  lecteur  est  pi*ié 
de  se  reporter  ;  il  constitue  donc  surtout  une  sorte  de  table 
des  matières.  Une  étude  de  l'électricité  doit  contenir  les 
chapitres  suivants  :  Chapitre  I.  Faits  généraux  et  his- 
torique. Ces  deux  parties  sont  intimement  liées  :  aussi  les 
avons  nous  réunies  ;  elles  constituent  la  première  partie  de 
cet  article.  —  Chapitre  IL  Electricité  statique  :  1^  géné- 
ralités (V.  Electrostatioue)  ;  développement  de  l'électricité 
par  frottement  ;  corps  bons  et  mauvais  conducteurs  ;  pro- 
pagation de  l'électricité  ;  2"  charges  électriques,  distri- 
bution de  l'électricité  ;  3<*  condensation,  bouteille  de 
Leyde,  batteries  ;  A^  diverses  espèces  de  décharges  élec- 
triques :  étincelles^  effluves,  déperdition  de  l'électricité, 
pouvoir  des  pointes  ;  5^  appareils  de  mesure,  électroscopes^ 
électromètres  ;  6°  lois,  attractions  et  répulsions  élec- 
triques, unités;  7*^  partie  théorique  ;  théories  de  Franklin, 
de  Symmer  (V.  Electrost aiiqiie), potentiel  ;  S^  machines 
électriques  fondées  sur  le  frottement,  l'influence,  etc.  — 
Chapitre  III.  Electricité  dynamique  (V.  Electrodynamique)  : 
l<*Générahtés,  galvanisme;  2° £îoz^ra/z^5 électriques,  effets 
physiques,  chimiques  (V.  Electrochjmie),  mécaniques,  phy- 
siologiques ;  arc  voltaïque,  chaleur  dégagée  par  les  cou- 
rants, incandescence  des  fils  ;  3°  induction  ;^^  aiman- 
tation; ^^  action  des  courants  sur  les  aimants  ou  sur  les 
courants  (V.  Electromagnétisme  et  Electrodynamique)  ; 
60  théorie  de  la  pile,  divers  éléments  (V.  Pile)  ;  cons- 
tantes de  la  pile,  courants  ther mo -électriques  ;  phéno- 
mènes de  Peltier,  de  Thomson,  de  Hall  ;  lois  des  courants 
électriques.  —  Chapitre  IV.  Electricité  atmosphérique  : 
foudre,  éclairs,  tonnerre,  paratonnerres,  courants 
telluriques,  aurores  boréales,  —  Chapitre  V.  Applica- 
tions (V.  ci-après  Electricité  industrielle,     A.  Joannis. 

Electricité  industrielle.  —  L'électricité  n'a  commencé 


ÉLECTRICITÉ  -  762 

à  entrer  dans  l'industrie  que  depuis  le  moment  où  Ton  est 
parvenu  à  la  produire  en  partant  de  l'énergie  engendrée 
par  des  machines  à  vapeur  ou  d'autres  moteurs  analogues. 
Pour  utiliser  l'électricilé  dans   l'industrie,   il  faut,  en 


effet,  avoir  à  sa  disposition  des  quantités  d*électricité 
beaucoup  plus  grandes  que  celles  qu'on  peut  obtenir  à 
l'aide  des  piles.  On  se  rend  immédiatement  compte  de  là 
supériorité   des  machines  par   ce  fait   qu'une  machine 


Fijî.  2. 


dynamo-électrique  Gramme,  pesant  200  kilogr.,  actionnée 
par  un  moteur  approprié,  produit  autant  d'électricité  que 
trois  ou  quatre  rangées  de  cinquante  piles  Bunsen. 

La  production  du  courant  électrique  par  l'énergie  méca- 
nique repose  sur  des  principes  connus  depuis  longtemps, 
mais  dont  Tapplication  à  des  machines  industrielles  ne 
remonte  qu'à  une  vingtaine  d'années.  On  savait,  depuis  les 
découvertes  de  Faraday,  (jue,  lorsqu'on  fait  mouvoir,  dans 
certaines  conditions,  un  circuit  fermé  devant  les  pôles  d'un 
aimant  ou,  en  général,  dans  un  champ  magnétique,  il  naît 
dans  ce  circuit  un  courant  électrique,  qui  dure  autant  que 
dure  le  mouvement.  Comme,  en  général,  on  ne  peut  réa- 
liser qu'un  mouvement  de  rotation  ou  de  va-et-vient,  on 
voit  facilement  que  toutes  les  machines  industrielles  doivent 
avoir  une  tendance  à  produire  des  courants  dont  le  sens  se 
renverse  périodiquement,  c.-à-d.  des  courants  alternatifs. 
Les  premières  machines  qu'on  a  réalisées,  comme  celles 
de  Pixii,  de  Clarke,  etc.,  et  dont  le  mécanisme  consistait 
simplement  à  faire  tourner  des  bobines  de  fil  conducteur 
devant  les  pôles  d'un  fort  aimant  en  acier,  produisaient, 
en  effet,  des  courants  alternatifs.  Maintenant  que  les  lois  de 
l'électromagnétisme  sont  universellement  connues  et  qu'on 
peut  construire  d'excellentes  machines,  il  est  très  facile 
d'indiquer  les  raisons  pour  lesquelles  ces  premières  machines 
étaient  si  défectueuses.  Voici  les  principales  de  ces  raisons. 
D'abord,  les  aimants  d'acier  sont  infiniment  moins  éner- 
giques que  les  électro-aimants  actionnés  par  des  courants 
continus;  puis,  dans  les  premières  machines,  la  disposition 
du  circuit  magnétique  était  très  mal  comprise,  de  sorte  que 
la  plus  grande  partie  des  lignes  de  force,  au  lieu  de  traverser 
les  bobines,  se  perdaient  dans  l'air.  Si  l'on  joint  à  cela  qu'au 


début  on  ne  savait  pas  comment  utiliser  les  courants  alter- 
natifs, on  se  rend  facilement  compte  pourquoi  ces  machines 
primitives  se  sont  si  peu  répandues  et  ont  eu  si  peu 
d'applications.  On  a  bien  cherché  à  redresser,  à  l'aide  d'un 
commutateur  convenable,  le  courant  produit,  mais  on  n'ob- 
tient ainsi  qu'un  courant  de  même  sens,  dont  l'intensité 
varie  depuis  zéro  jusqu'à  une  certaine  intensité  maxima  et 
dont  les  propriétés  sont  bien  différentes  du  courant  continu, 
c.-à-d.  d'un  courant  dont  l'intensité  est  constante.  C'est 
l'invention  des  machines  à  courant  continu  et  surtout  celle 
de  la  machine  Gramme  qui  a  ouvert  l'ère  de  l'industrie 
électrique  moderne.  Comme  le  principe  de  cette  machine, 
qui  a  été  inventée  d'une  manière  indépendante  par  M.  Pacci- 
notti,  est  celui  sur  lequel  est  basé  le  fonctionnement  de  la 
plupart  des  machines  dynamo-électriques  ou  dynamos  mo- 
dernes, nous  l'expliquerons  avec  quelques  détails. 

Machine  Gramme,  Cette  machine,  comme  d'ailleurs 
toutes  les  autres  dynamos,  se  compose  de  deux  parties  dis- 
tinctes :  les  électro-aimants  inducteurs,  destinés  à  produire 
le  champ  magnétique,  et  l'induit,  mis  en  rotation  par  un 
moteur  mécanique,  et  dans  lequel  le  courant  prend  nais- 
sance. Au  lieu  de  décrire  l'ancienne  machine  Gramme  type 
d'atelier,  nous  décrirons  de  préférence  la  machine  Gramme 
type  supérieur,  nommée  ainsi  parce  que  l'induit  est  placé 
à  la  partie  supérieure,  comme  le  montre  la  fig.  2  ci-dessus. 
Les  électro-aimants  inducteurs  produisent  le  champ  magné- 
tique autour  de  l'induit.  Les  noyaux  des  électro-aimants 
sont  pourvus  à  cet  effet  d'un  enroulement  dans  lequel 
circule  un  courant  électrique  continu  pris  sur  la  machine 
elle-même.  Pour  expliquer  le  fonctionnement  de  la  ma- 
chine, nous  supposerons  d'abord  quelle  courant  circulant 


—  763  — 


ÉLECTRiaTÊ 


au  tour  des  électros  soit  produit  d'une  manière  indépen- 
dante, par  une  pile  ou  par  une  série  d'accumulateurs,  par 
exemple. 

L'induit,  ainsi  nommé  parce  que  c'est  dans  cet  organe  que 
prennent  naissance  les  courants  induits,  est  constitué  par 
un  anneau  formé  de  fils  de  fer  ;  autour  de  cet  anneau  ou 
tore,  on  a  enroulé  du  fil  de  cuivre  isolé  et  fermé  sur  lui- 
même. 

Avant  d'aller  plus  loin,  occupons-nous  de  la  production 
du  champ  magnétique  ou  du  flux  de  force  magnétique  qui 
traverse  l'anneau  ;  c'est  de  l'intensité  de  ce  flux  que  dé- 
pend le  courant  induit,  car  on  conçoit  que  ce  courant  sera 
d'autant  plus  fort  que  le  flux  lui-même  sera  plus  intense. 
Il  est  nécessaire  pour  bien  se  figurer  les  conditions  de  pro- 
duction de  ce  flux  magnétique,  de  rappeler  quelques  lois. 
Si  on  enroule  autour  d'un  anneau  en  bois,  par  exemple,  des 
fils  métalliques  isolés,  parcourus  par  un  courant  continu, 
les  spires  étant  équidistantes,  on  produira  à  l'intérieur 
de  l'anneau  un  champ  magnétique  dont  l'intensité  en  unités 
C.  G.  S.  a  pour  expression 


H: 


47Z  n  j 
ÎÔ  1    ' 


I  étant  l'intensité  du  courant  en  ampères,  n  le  nombre  de 
tours,  /  la  longueur  du  tore. 

Pour  que  cette  loi  soit  rigoureuse,  il  faut  que  le  rayon 
des  spires  soit  très  petit  par  rapport  au  rayon  du  tore. 
Remplaçons  maintenant  le  bois  de  l'anneau  par  du  fer 
doux  ;  il  naîtra  dans  ce  fer  un  flux  d'induction  magnétique, 
dont  l'intensité  est  représentée  par 


4^7z  n 


[xH, 


fjL  étant  un  coefficient  qu'on  appelle  la  perméabilité  magné- 
tique ;  la  valeur  numérique  de  ce  coefficient,  qui  est  très 


20  30 

Fig.  3. 


50  H 


élevée  pour  de  faibles  valeurs  de  H,  diminue  lorsque  le 
courant  excitateur  augmente.  La  fig.  3  montre  la  relation 
qui  existe  entre  l'intensité  H  du  champ  magnétique  et  l'in- 
duction magnétique  B.  Cette  courbe  se  rapporte  à  du  fer 
doux  de  bonne  qualité.  On  constate  que  l'augmentation  de 
l'induction,  qui  est  très  rapide  pour  des  valeurs  relative- 
ment faibles  de  H,  diminue  peu  à  peu  ;  on  dit  alors  que  le^er 
est  saturé,  bien  que  la  saturation  n'arrive  en  réalité  jamais, 
puisque  l'induction  B  croît  toujours  avec  l'intensité  H  du 
champ  magnétisant.  La  fig.  4  indique,  pour  le  même  échan- 
tillon de  fer,  la  relation  entre  l'intensité  H  du  champ  ma- 
gnétisant et  la  perméabilité  [i  ;  on  voit  que  cette  perméa- 
bilité passe  par  un  maximum.  Pour  la  fonte,  l'induction 
magnétique  augmente  beaucoup  moins  rapidement  avec  les 
mêmes  intensités  du  champ  magnétisant  ;  il  faut  donc  dé- 
penser une  plus  grande  force  d'excitation  pour  arriver  à 
un  même  flux  d'induction. 

Dans  les  dynamos,  l'excitation  jouant  un  rôle  essentiel, 
on  a  donné  au  produit  ni  le  nom  d'ampère-tours;  il  s'est 
même  introduit  à  propos  de  ce  terme  une  petite  confusion 
qu'il  s'agit  d'élucider.  L'intensité  du  champ  produit  par 


l'enroulement  et  le  nombre  ni  (n  étant  le  nombre  de  tours 
par  unité  de  longueur,  c.-à-d.  pour  /  =  1)  difi'èrent  par  là 
facteur  Atz  ;  le  diviseur  40  provient  de  ce  qu'un  ampère 

4 
égale  jr:  unité  C.G.S  de  courant.  En  ne  tenant  pas  compte 

de  ce  dernier  facteur,  on  voit  que  les  ampère -tours 


6000 


4000 


8000 


50  H 


difi'èrent  de  l'intensité  du  champ  créé  par  le  facteur  47u.  Il 
faut  donc  bien  prendre  garde  de  dire  que  les  ampère-tours 
représentent  l'intensité  du  champ  excitateur  :  ces  deux 
quantités  sont  proportionnelles,  mais  elles  ne  sont  pas 
égales. 

L'expérience  a  montré  que  le  flux  qu'on  obtient  ainsi 
dans  un  anneau  de  fer  ne  varie  pas  sensiblement  si,  au  lieu 
de  répandre  les  spires  également  sur  toute  la  surface  de 
l'anneau,  on  les  rassemble  sur  une  partie  de  la  surface, 
pourvu,  bien  entendu,  que  l'intensité  du  champ  excitateur 
ou,  si  l'on  veut,  les  ampère-tours  restent  les  mêmes;  bien 
plus,  au  lieu  de  conserver  la  forme  d'anneau,  on  peut  donner 
au  fer  toute  autre  espèce  de  forme  sans  que  le  flux  magné- 
tique subisse  des  variations  notables  ;  et  même  la  longueur 
du  circuit  magnétique,  en  supposant  qu'il  présente  une 
solution  de  continuité,  ne  produit,  par  suite  de  rôle  pré- 
pondérant de  l'air,  qu'une  assez  faible  influence. 

Ces  remarques  sont  importantes  pour  comparer  entre 
eux  les  effets  produits  par  les  diff'érentes  formes  d'induc- 
teurs ;  le  circuit  magnétique  restant  le  même,  on  obtient 
à  peu  près  le  même  résultat,  de  quelque  façon  qu'on  pro- 
duise l'excitation  :  par  un  enroulement  sur  un  seul  noyau, 
sur  deux  noyaux  ou  tout  le  long  des  inducteurs,  comme  on 
en  voit  des  exemples  dans  les  dynamos  de  divers  fabricants. 
Le  plus  grand  inconvénient  d'un  enroulement  très  court, 
c'est  que  les  fils  extérieurs  sont  nécessairement  très  longs  ; 
ils  exigent  par  conséquent  beaucoup  de  cuivre  et  introduisent 
une  grande  résistance  électrique. 

En  enlevant  un  morceau  de  fer  à  Panneau,  on  introduit 
une  solution  de  continuité  ;  on  remplace  ainsi  une  certaine 
quantité  de  fer  par  de  l'air.  On  constate  alors  que  le  flux  ma- 
gnétique se  trouve  énormément  diminué  par  ce  changement, 
même  si  le  morceau  enlevé  ou  l'espace  d'air  est  très  mince. 
On  peut  dire  encore  que  la  résistance  magnétique  de  l'air 
est  beaucoup  plus  considérable  que  celle  du  fer,  d'où  il 
résulte  qu'avec  la  même  force  magnéto-motrice  (ou  ampère- 
tours)  le  flux  produit  est  beaucoup  plus  faible.  Dans  les 
circonstances  ordinaires,  la  résistance  que  l'air  oppose  à  la 
propagation  du  flux  de  force  magnétique  est  environ  mille 
fois  plus  forte  que  celle  opposée  dans  les  mêmes  circons- 
tances par  le  fer.  En  connaissant  la  longueur  et  les  sec- 
tions du  fer  qui  entre  dans  un  circuit  magnétique,  on  peut 
calculer  approximativement  le  flux  de  force  magnétique 
qu'on  obtiendra  pour  une  excitation  donnée.  Les  spectres 
magnétiques  montrent  que,  dans  l'espace  d'air  résultant 
d'une  coupure  faite  dans  un  anneau  de  fer,  les  lignes  de 
force  ne  sont  pas  parallèles,  mais  aff'ectent  la  forme  de 
courbes  analogues  à  celles  produites  par  les  aimants; 
lorsque,  pour  une  même  distance  entre  les  bords,  on  élargit 
les  pôles,  on  diminue  dans  une  certaine  proportion  la  résis- 
tance de  l'air.  Dans  les  circuits  magnétiques  des  dynamos, 


ÉLECTRICITÉ 


-  764  - 


cet  élargissement  s'appelle  répanouissement  des  pièces  po- 
laires* 

Dans  la  dynamo  que  nous  considérons,  les  courants  induits 
sont  engendrés  dans  un  anneau  mobile  appelé  l'anneau 
Gramme  ;  avant  d'expliquer  le  fonctionnement  de  cet  organe, 
faisons  remarquer  qu'il  faut  produire  dans  l'anneau  un  flux 
magnétique  aussi  énergique  que  possible.  Le  flux  magnétique, 
pour  aller  d'une  des  pièces  polaires  à  la  pièce  polaire  oppo- 
sée, rencontre  sur  son  chemin  l'anneau  en  fer  de  l'induit  ; 
le  flux  s'y  partage  en  deux  parties  égales  ;  si  les  inducteurs 
et  l'induit  étaient  construits  avec  du  fer  de  même  qualité,  on 
pourrait  donc  prendre  la  section  de  l'anneau  moitié  de  celle 
des  inducteurs,  et  on  aurait  partout  la  même  densité  de  flux. 
En  réalité,  le  fer  de  l'anneau  étant  presque  toujours  de  meil- 
leure qualité  que  les  autres  parties,  on  en  profite  pour  le 
faire  travailler  à  un  plus  haut  degré  de  saturation,  de  sorte 
qu'en  somme  la  section  de  l'anneau  est  toujours  inférieure  à 
la  moitié  de  celle  des  noyaux  des  inducteurs  ;  il  faut, 
d'autre  part,  tenir  compte  de  la  réaction  de  l'induit,  réac- 
tion qui  conduit  à  prendre  des  inducteurs  très  forts. 

L'anneau  est  entouré  d'un  enroulement  fermé  sur  lui- 
même  et  dont  lés  différentes  spires  sont  isolées  les  unes  des 
autres.  Ces  spires  sont  en  communication  avec  des  lames 
métalliques  disposées  autour  de  l'axe,  soigneusement  isolées 
entre  elles  et  qui  forment  le  collecteur  ;  ce  collecteur  cons- 
titue une  partie  essentielle  de  l'invention  de  la  machine 
Gramme. 

Supposons  maintenant  que  1  anneau  soit  anime  d  un 
mouvement  de  rotation  uniforme  dans  le  sens  de  la  flèche 
(fi<y.  5)  ;  on  pourrait  faire  tourner  les  spires  en  maintenant 


motrice  moyenne  s'obtient  en  prenant  la  valeur  moyenne 
de  cos  a  : 


Fig.  5. 

l'anneau  lui-même  immobile  :  ce  dispositif,  qui  est  assez 
difficile  à  réaliser  mécaniquement,  a  été  employé  quelque- 
fois pour  éviter  certaines  réactions. 

La  spire  qui  se  trouve  à  la  partie  supérieure  se  trans- 
portera pendant  la  demi-révolution  de  l'anneau  jusqu'à  la 
partie  inférieure;  dans  ces  deux  positions,  le  mouvement 
est  parallèle  aux  lignes  de  force  ;  il  n'y  a  donc  pas  d'induc- 
tion. Pendant  la  demi-révolution,  la  spire  a  coupé  le  flux 
d'induction,  puisque  dans  la  position  supérieure  le  flux  la 
traverse  dans  un  sens  opposé  de  celui  qui  correspond  à  la 
position  inférieure.  Si  B  représente  le  flux,^  la  quantité 
d'électricité  mise  en  jeu  par  l'induction  est,  d'après  la  loi 
de  Neumann,  égale  à 

B 
^  =  R' 
R  étant  la  résistance  de  la  spire  supposée  fermée  sur 
elle-même  et  isolée  des  spires  voisines.  La  force  électro- 
motrice induite  dans  cette  spire  serait 

e  =z  R-r^  z=:B  cos  a  ^  =  B  to  cos  a, 
dt  dt 

to  étant  la  vitesse  angulaire  de  rotation  et  a  l'angle  que  la 

spire  fait  dans  la  direction  NS.  On  voit,  d'après  cette 

expression,  que  la  force  électromotrice  n'est  pas  constante  ; 

elle  est  nulle  lorsque  la  spire  se  trouve  en  haut  et  en  bas, 

et  maxima  pour  la  position  intermédiaire.  La  force  électro- 


ce  qui  donne 

e=z —  4BN, 

N  étant  le  nombre  de  tours  par  seconde  ou  la  vitesse  de 
rotation  de  l'anneau. 

11  s'agit  jusqu'ici  d'une  seule  spire  dont  nous  avons  suivi 
le  mouvement  pendant  la  moitié  d'une  révolution  de  l'an- 
neau :  pendant  l'autre  moitié,  les  choses  se  passeraient  en 
sens  inverse,  et  les  forces  électromotrices  développées  se 
neutraliseraient. 

Considérons  maintenant  ce  qui  arrive  lorsque  toutes  les 
spires  forment  un  enroulement  fermé  sur  lui-même  et  qu'elles 
sont  reliées  aux  lames  du  collecteur.  Au  même  instant, 
l'anneau  ne  peut  être  parcouru  que  par  un  même  courant, 
qui  sera  la  résultante  des  courants  individuels  dans  chaque 
spire;  si  l'anneau  était  fermé  sur  lui-même,  il  ne  produirait 
aucun  courant.  Mais,  si  l'on  joint  par  deux  fils  les  points 
de  l'anneau  où  les  forces  électromotrices  induites  se  font 
équilibre,  on  réalisera  les  mêmes  conditions  que  celles 
qu'on  rencontre  lorsqu'on  joint  par  un  fil  de  jonction  les 
pôles  de  deux  piles  mises  en  opposition.  On  aura  par  ce 
fait  accouplé  les  deux  piles  en  quantité,  et  il  circulera  dans 
le  fil  de  jonction  un  courant  déterminé  par  la  force  électro- 
motrice de  la  pile. 

Avec  l'anneau,  le  même  phénomène  a  lieu;  la  force 
électromotrice  est  celle  d'une  des  moitiés  de  l'anneau  et 
la  résistance  qui  intervient  est  celle  des  deux  moitiés  de 
l'anneau  couplées  en  quantité.  S'il  y  a  n  spires,  la  force 
électromotrice  donnée  par  la  machine  est  donc 
e  =  4BwN. 

Jusqu'ici,  la  théorie  est  très  simple,  et  il  suffit  de  connaître 
le  flux  d'induction  B  qui  traverse  l'anneau,  le  nombre  n  de 
spires  et  le  nombre  de  tours  par  seconde  N  pour  en  déduire 
fort  simplement  la  force  électromotrice  produite.  En  réalité, 
les  choses  se  passent  d'une  façon  moins  simple,  puisque  le 
champ  magnétique  produit  par  l'anneau  lui-même  réagit 
sur  celui  produit  par  les  inducteurs. 

Voyons  d'abord  dans  le  cas  de  la  fig.  5  quel  sera  le 
balai  positif  et  quel  sera  le  balai  négatif  ;  ces  balais  qui 
relient  l'anneau  au  circuit  extérieur  seront  placés,  si  l'on 
ne  tient  pas  compte  des  réactions,  à  angle  droit  sur  la  direc- 
tion NS. 

On  a  proposé  plusieurs  règles  pour  reconnaître  facile- 
ment la  direction  des  courants  induits;  elles  sont  des 
déductions  de  la  règle  d'Ampère  qui  indique  que  le  pôle 
nord  est  du  côté  gauche  du  bonhomme  couché  suivant  la 
direction  du  courant.  Il  faut  se  rappeler,  en  outre,  que  les 
courants  induits  sont  de  sens  contraire  à  ceux  qui  pro- 
duiraient le  mouvement  auquel  ces  courants  sont  dus.  Les 
pôles  NS  (fig.  5)  des  pièces  polaires  des  inducteurs  indui- 
sent dans  l'anneau  des  pôles  SN  de  nom  opposé;  le  cou- 
rant qui  circule  dans  l'anneau  y  fait  naître  aussi  des  pôles 
que  nous  désignerons  par  ns  ;  dans  le  cas  où  la  machine 
agirait  comme  motrice,  c.-à-d.  où  elle  tournerait  sous 
l'influence  d'un  courant,  dans  le  sens  de  la  flèche,  il  faudrait 
que  le  pôle  N  de  l'anneau  fût  situé  dans  la  partie  supérieure 
comme  cela  est  indiqué  dans  la  fig.  5  ;  on  voit  que  la  rota- 
tion aura  bien  lieu  dans  le  sens  de  la  flèche.  Pour  produire 
le  courant  sous  l'influence  du  mouvement  de  l'anneau, 
c;-à-d.  la  machine  agissant  comme  dynamo,  il  faut  que  le 
pôle  S  soit  en  haut  ;  dans  ce  cas,  la  machine  tendrait  à 
tourner  en  sens  contraire  à  celui  provoqué  par  le  moteur  méca- 
nique, ce  qui  est  la  condition  essentielle  pour  la  production 
des  courants  induits.  Or  on  sait  que,  lorsqu'on  regarde  le 
pôle  d'un  électro-aimant  dont  l'enroulement  est  parcouru 


^  765 


ÉLECTRICITÉ 


par  des  courants  en  sens  contraire  du  mouvement  des 
aiguilles  d'une  montre,  on  a  devant  soi  un  pôle  nord.  Il  faut 
donc,  dans  le  cas  de  la  figure,  que  Tenroulement  sur  l'an- 
neau aille  de  S  vers  N  par  S'  dans  le  sens  inverse  des 
aiguilles  d'une  montre,  et  dans  ce  cas,  le  pôle  -f-  sera  en 
bas.  Mais  n'importe  comment  est  fait  l'enroulement,  il  faut 
toujours  que  dans  l'anneau  il  se  déclare  sous  l'influence  du 
courant  un  pôle  tel  qu'on  obtiendrait  un  mouvement  inverse 
au  mouvement  de  rotation. 

Les  considérations  précédentes  permettent  encore  de  se 
rendre  compte  d'un  fait  important.  Voyons  ce  qui  arrive 
dans  l'anneau  (fig.  5).  Les  pièces  polaires  NS  font  naître 
dans  l'anneau  deux  pôles  S  et  N  et,  comme  nous  venons  de 
le  voir,  l'enroulement  de  l'anneau  deux  pôles  s  etn  per- 
pendiculaires aux  autres.  Sous  Tinfluenee  de  ces  deux 
aimantations,  on  obtiendra  dans  l'anneau  un  pôle  N' 
et  un  pôle  S'  comme  cela  est  indiqué  sur  la  figure. 
Cette  nouvelle  ligne  N^S'  s'écartera  d'autant  plus  de  la 
ligne  primitive  NS  que  l'action  du  courant  dans  l'anneau 
sera  plus  énergique.  La  ligne  neutre  perpendiculaire  à  NS, 
qui  était  d'abord  verticale,  prendra  donc  une  nouvelle  posi- 
tion ab  ;  c'est  cette  ligne  qui  détermine  la  ligne  de  com- 
mutation dans  la  direction  de  laquelle  il  faut  placer  les 
balais.  On  voit  donc  qu'il  faut  déplacer  ou  décaler  les  balais 
dans  le  sens  du  mouvement  et  d'une  quantité  qui  augmente 
avec  l'intensité  du  courant,  puisque  sous  l'influence  d'un 
courant  plus  fort  les  pôles  n  et  s  de  l'anneau  prennent 
plus  d'importance.  On  voit  en  même  temps  que,  pour  que 
cet  angle  soit  faible,  il  faut  que  le  magnétisme  des  pièces 
polaires  soit  assez  fort  pour  faire  naître  dans  l'anneau  un 
état  d'aimantation  beaucoup  plus  fort  que  celui  provoqué 
par  le  courant  circulant  dans  l'enroulement  de  l'anneau. 
Ceci  est  une  autre  raison  pour  laquelle  la  section  des 
noyaux  des  inducteurs  est  toujours  bien  supérieure  au 
double  de  la  section  de  l'anneau. 

La  nécessité  de  déplacer  les  balais  avec  les  différents 
régimes  de  courant  est  très  fâcheuse  ;  pour  des  dynamos 
qui  travaillent  toujours  dans  les  mêmes  conditions,  cette 
circonstance  n'intervient  pas  ;  une  fois  qu'on  a  obtenu  un 
calage  convenable  des  balais,  c.-à-d.  un  calage  corres- 
pondant à  l'absence  d'étincelles,  on  n'a  plus  besoin  d'y 
toucher.  11  n'en  est  pas  de  même  pour  des  dynamos  comme 
celles,  par  exemple,  employées  dans  les  stations  centrales, 
dont  le  débit  varie  constamment  :  cette  question  peut  être 
la  cause  de  beaucoup  d'ennuis.  Aussi  a-t-on  proposé  diffé- 
rentes méthodes  de  calage  automatique  des  balais  ;  mais  leur 
description  nous  entraînerait  trop  loin.  Lorsque  la  machine 
fonctionne  comme  moteur,  il  faut  décaler  les  balais  en 
arrière  du  mouvement  :  il  faut  d'ailleurs  renverser  l'angle 
de  rotation  du  calage  lorsqu'on  renverse  le  sens  du  mou- 
vement. 

Nous  avons  supposé  jusqu'ici  que  l'excitation  des 
électro-aimants  inducteurs  était  obtenue  par  une  source 
indépendante.  On  n'a  pas  tardé  à  s'apercevoir  qu'on  peut 
obtenir  le  courant  nécessaire  à  l'excitation  à  l'aide  du 
courant  produit  par  la  dynamo. 

Différentes  méthodes  se  présentent.  On  peut  d'abord 
faire  parcourir  les  inducteurs  par  le  courant  total  de  la 
machine  :  on  obtient  ainsi  l'enroulement  en  série,  dont  on 
s'est  servi  dans  les  premières  machines,  mais  qu'on  emploie 
assez  rarement  à  présent.  La  machine  tournant  à  vitesse 
constante,  on  obtiendrait,  d'après  les  formules  précédentes, 
une  force  électromotrice  constante,  si  le  flux  magné- 
tique restait  constant.  Or,  comme  dans  la  disposition 
en  série  l'excitation,  et  par  suite  le  flux,  croît  en  même 
temps  que  le  courant,  la  force  électromotrice  croît  aussi 
en  même  temps  que  le  courant  :  il  s'ensuit  que  ces  ma- 
chines sont  d'un  emploi  très  incommode  dans  la  pratique. 
Dans  les  premières  dynamos  qu'on  a  construites,  on 
s'est  beaucoup  préoccupé  de  la  manière  dont  le  magné- 
tisme prend  naissance.  La  machine  étant  construite  en  fer 
non  aimanté,  il  n'y  a  aucune  raison  pour  qu'on  n'obtienne 
Taimantation.  Aussi  avait-on  pourvu  les  premières  ma- 


chines d'une  petite  machine  magnéto-électrique,  c.-à-d. 
d'une  machine  dont  les  inducteurs  sont  des  aimants  d'acier, 
et  c'était  le  courant  ainsi  obtenu  qu'on  lançait  dans  les 
électros.  Plus  tard,  on  a  disposé  sur  le  même  axe  deux 
anneaux,  dont  l'un  servait  uniquement  à  l'excitation.  On 
s'est  aperçu  que  les  inducteurs  une  fois  excités  par  un 
courant  extérieur,  il  reste  toujours  assez  de  magnétisme 
permanent  pour  que  la  machine  s'amorce  :  les  machines 
dynamo-électriques  sont  donc  auto-excitatrices.  Comme 
dans  les  machines  en  série  le  courant  total  traverse  l'exci- 
tation, on  enroule  les  électros  avec  du  gros  fil,  d'un  diamètre 
plus  fort  que  celui  enroulé  sur  l'induit. 

Un  moyen  d'excitation  bien  plus  commode  est  obtenu  par 
l'enroulement  en  dérivation  ;  on  prend  sur  les  bornes  de  la 
dynamo  un  circuit  dérivé  avec  lequel  on  constitue  l'enrou- 
lement sur  les  électro-aimants  inducteurs.  Le  fil  dans  ce  cas 
est  naturellement  beaucoup  plus  fin  que  dans  le  cas  des 
machines  en  série.  Les  machines  tournant  à  vitesse  cons- 
tante, on  peut  obtenir  avec  ces  dynamos,  dans  d'assez 
grandes  limites,  un  potentiel  pratiquement  constant,  quel 
que  soit  le  débit  de  la  machine  ou  la  résistance  du  circuit 
extérieur.  Pour  assurer  cette  constance  de  la  force  électro- 
motrice dans  des  limites  plus  étendues,  on  a  imaginé  des 
enroulements  plus  compliqués,  comme  le  double  enroule- 
ment dans  lequel  les  électro-aimants  sont  pourvus  simul- 
tanément d'un  enroulement  en  série  et  d'un  autre  en 
dérivation.  On  conçoit  qu'en  choisissant  judicieusement  le 
nombre  de  tours  et  les  résistances  de  ces  deux  enroule- 
ments, on  puisse  arriver  à  maintenir  une  différence  de 
potentiel  pratiquement  constante  aux  bornes  de  la  machine, 
quel  que  soit  son  débit. 

Le  calcul  de  ces  enroulements  fait  partie  de  Part  de  Pin- 
génieur  électricien,  et  nous  n'entrerons  pas  ici  dans  le 
développement  des  différentes  méthodes  qui  peuvent  y  con- 
duire ;  on  peut  ajouter  toutefois  que  ces  calculs  sont  tou- 
jours un  peu  hypothétiques  et  que  l'expérience  directe,  ou 
si  l'on  veut  l'empirisme,  doit  toujours  intervenir  pour 
mener  la  construction  à  bien. 

Dans  la  machine  Gramme,  type  supérieur  dont  la  fig.  2 
représente  l'aspect  extérieur,  les  inducteurs  se  composent 
de  deux  électro-aimants  en  fonte  dont  les  noyaux  forment 
corps  avec  le  bâti  de  la  machine.  La  figure  montre  la  dis- 
position des  porte-balais  qui  permettent  de  donner  aux 
balais  leur  position  convenable.  Les  différents  genres  d'en- 
roulement, en  dérivation,  en  série ,  en  compound,  ne 
changent  pas  l'aspect  extérieur  de  la  machine. 

D'après  la  théorie  du  circuit  magnétique,  on  pourrait  se 
croire  autorisé  à  procéder  au  calcul  d'une  dynamo,  comme 
on  le  fait  pour  une  machine  à  vapeur,  c.-à-d.  que,  étant 
donnés  la  force  électromotrice  et  le  débit  que  la  machine 
doit  produire  dans  des  conditions  déterminées,  on  devrait 
pouvoir  calculer  de  toutes  pièces  les  poids  de  fer  et 
de  cuivre  nécessaires  à  obtenir  ces  efl'ets  et  la  manière 
dont  on  doit  les  employer.  On  peut  réellement  effectuer  ces 
calculs  jusqu'à  une  certaine  mesure,  mais  nous  croyons 
que  la  méthode  empirique  est  toujours  celle  qu'on  emploie 
pour  construire  de  nouveaux  types  de  dynamos  et  que  le 
calcul  ne  sert  que  comme  guide. 

L'induit  en  forme  de  tambour,  inventé  par  M.  Altenek, 
et  exploité  surtout  par  la  maison  Siemens,  diffère  de  l'an- 
neau Gramme  en  ce  sens  que  les  fils  soumis  à  l'induction 
enveloppent  complètement  le  noyau.  Il  n'existe  par  consé- 
quent pas  de  fil  mort  (on  désigne  quelquefois  par  ce  mot 
les  fils  qui  se  trouvent  à  l'intérieur  de  l'anneau)  ;  mais,  par 
contre,  pour  obtenir  une  même  vitesse  de  translation  du 
fils  soumis  à  l'induction,  il  faut  faire  tourner  Pinduit  plus 
vite,  puisque  le  diamètre  d'un  induit  à  forme  d'anneau  est 
toujours  plus  grand  qu'un-  induit  en  forme  de  tambour. 

Nous  n'insisterons  pas  autrement  sur  l'induit  en  forme 
de  tambour,  dont  la  théorie  est  presque  identique  à  celle 
de  l'anneau  Gramme  ;  ces  deux  formes  ont  leurs  avantages 
et  leurs  inconvénients  spéciaux,  ce  qui  fait  qu*on  les 
rencontre  à  peu  près  indifféremment  dans  les  diverses 


ÉLECTRICITÉ 


-  760  - 


dynamos  employées  dans  l'industrie.  Un  des  inconvénients 
du  tambour  Siemens  est  que  des  fils  se  croisent  aux  extré- 
mités du  tambour  avec  des  potentiels  très  différents  ;  il  est 
par  conséquent  difficile  de  construire  ces  machines  pour 
des  tensions  élevées» 

Disons  maintenant  un  mot  de  la  manière  dont  on  repré- 
sente les  effets  produits  par  les  dynamos.  M.  Marcel 
Deprez  a  désigné,  sous  le  nom  de  caractéristiques,  les 
courbes  qu'on  obtient  en  rapportant  à  des  axes  coordonnés 
l'intensité  du  courant  et  la  différence  du  potentiel  aux 
bornes  de  la  machine. 

Supposons  d'abord  qu'il  s'agisse  d'une  machine  enroulée 
en  série,  et  faisons  tourner  la  machine  à  une  vitesse  cons- 
tante ;  portons  sur  l'axe  des  x  l'intensité  du  courant  en 
ampères  et  sur  l'axe  des  y  la  différence  du  potentiel  aux 
bornes.  En  faisant  varier  la  résistance  du  circuit  extérieur, 
on  fera  varier  en  même  temps  le  courant  produit,  et  on 
obtiendra  pour  la  plupart  des  machines  une  courbe  ayant 
Faspect  général  de  la  fig.  6.  Cette  figure  a  une  grande 
analogie  avec  celle  qui  se  rapporte  au  flux  d'induction 
magnétique  dans  le  fer.  Les  deux  courbes  seraient  iden- 
tiques, si  l'excitation  était  indépendante  et  si  on  faisait 
abstraction  de  la  réaction  de  l'induit.  On  peut  tracer  ces 
caractéristiques  de  différentes  manières.  On  peut,  par 
exemple,  tracer  la  courbe  telle  quelle  ou  bien  tenir  compte 


de  la  résistance  apportée  par  les  fils  enroulés  sur  l'induit; 
dans  ce  cas,  on  obtient  la  caractéristique  correspondant  à 
la  force  électromotrice  totale. 

-    Il  est  facile  de  relever  sur  la  caractéristique  quelle  est 
la  résistance  introduite  dans  le  circuit  de  la  dynamo.  On  a, 
en  effet,  E  et  I  représentant  la  différence  du  potentiel  aux 
bornes  de  la  machine  et  l'intensité  du  courant  : 
E  =  AB      I  m  OA, 

AT)  r^ 

d'où  tgkOB  =:  —  ~  j. 

Or,  d'après  la  loi  d'Ohm,  on  a  : 

^  "-R' 
ce  qui  donne  R  =  ^^  AOB. 

On  voit  facilement  sur  la  figure  comment  varie  cette 
résistance  lorsque  l'intensité  augmente.  La  caractéristique 
s'incline  presque  toujours  sur  l'axe  des  abscisses,  lorsque 
l'intensité  croît  au  delà  d'une  certaine  Hmite.  Cet  effet  est 
dû  à  la  réaction  de  l'induit  qui,  comme  nous  l'avons  vu 
plus  haut,  tend  à  créer  un  champ  magnétique  dans  une 
direction  perpendiculaire  au  champ  produit  par  les  induc- 
teurs. Si  le  courant  est  très  intense,  on  conçoit  donc  qu'il 
est  possible  que  la  force  électromotrice  ne  croît  plus  avec 
l'intensité  du  courant,  ce  qui  a  toujours  lieu  pour  les 
machines  où  cette  réaction  est  faible. 

Lorsque  la  machine  est  excitée  en  dérivation,  on  obtient 
une  caractéristique  d'une  forme  tout  à  fait  différente  de 
celle  dont  nous  venons  de  parler,  puisque  dans  ce  cas,  la 
force  électromotrice  ne  croît  plus  avec  l'intensité  de  courant. 
On  peut  toutefois  prendre  dans  ces  machines  la  carac- 
téristique qui  se  rapporte  à  l'excitation  et  à  la  force  élec- 
tromotrice,  et  dans  ce  cas  on  obtient  une  courbe  de  même 
aspect  que  dans  les  dynamos  en  série. 


Le  rendement  d'une  dynamo  est  le  rapport  entre  le 
travail  absorbé  et  l'énergie  électrique  produite.  Comme 
nous  l'avons  déjà  dit,  ce  rendement  est  très  élevé  ;  il  est 
facile  de  s'en  rendre  compte.  Il  existe  à  ce  point  de  vue 
une  certaine  différence  avec  les  piles  et  nous  croyons  utile 
d'en  dire  un  mot. 

Dans  une  pile,  la  force  électromotrice  E,  la  résistance 
intérieure  R,  sont  des  quantités  constantes  :  on  peut  faire 
varier  la  résistance  extérieure  r  et  par  suite  l'intensité  I 
du  courant.  On  a  ainsi,  d'après  la  loi  d'Ohm  : 

R  +  r 

Soit  e  la  différence  de  potentiel  aux  extrémités  de  la 
résistance  r,  on  aura  pour  la  puissance  l'expression 

Pz=  ^I  aveclm  ~. 
r 

On  a  ainsi: 

p  _      EV  E« 


(R  4-  rf  "  R* 


m 


^  ~  El  ~  Ê 


Cette  expression  est  maxima  lorsque  le  dénominateur  est 
minimum,  ce  qui  arrive  pour  r  =  R  ;  on  a  alors  : 

Dans  ces  conditions,  le  rendement  est  : 

el  _  e r      4 

R^^"r  ""  2* 

On  voit  donc  que,  dans  les  conditions  de  maximum  de 
puissance,  le  rendement  n'est  que  de  50%.  Pour  augmen- 
ter ce  rendement,  il  faut  rendre  la  résistance  extérieure 
plus  grande  que  la  résistance  intérieure,  ce  qu'on  fait 
toujours  pour  les  accumulateurs.  Si  la  résistance  extérieure 
est  6  fois  la  résistance  intérieure,  on  a  : 

p  =  ^  =  86%. 

Mais,  dans  ces  conditions,  la  puissance  n'est  qu'une  frac- 
tion de  ce  qu'elle  est  dans  le  cas  du  rendement  maximum. 
Ceci  n'a  aucun  inconvénient  pour  les  accumulateurs,  car 
on  ne  peut  pas  décharger  les  plaques  au  delà  d'un  certain 
régime  sans  les  détériorer. 

Voyons  maintenant  ce  qui  arrive  pour  les  dynamos.  On  est 
limité  ici,  d'une  part,  par  la  puissance  du  moteur  qui 
l'actionne  et,  d'autre  part,  par  l'intensité  du  courant  qui 
ne  doit  pas  être  trop  forte  pour  ne  pas  endommager  l'induit. 
On  a  toujours  les  formules  : 

Puissance  totale P^  =  El 

Puissance  utile P  =z  el 

E  e 

avec  I  =  çr =  -,  z'  étant  la  résistance  extérieure  ;  d'où 

R-hr      r 

pour  le  rendement  : 


P  == 


Po        E       R  4-  r* 
La  puissance  maxima  de  la  machine  ou  le  travail  maxi- 
mum qu'elle  peut  produire  est 

Po  =  EI. 
Ici  Po  est  constante,  c'est  la  puissance  limite  du  mo- 
teur; on  pourrait  donc  à  la  rigueur  agir  à  la  fois  sur 
les  deux  facteurs  E  et  I,  mais  pour  cela  il  faudrait  pou- 
voir changer  à  volonté  l'enroulement,  ce  qui  n'est  pas 
possible.  Etant  limité  par  1,  la  machine  sera  dans  de 
bonnes  conditions  si  la  valeur  de  E  qu'on  obtient  est 
alors  telle  que  la  relation  précédente  se  trouve  réalisée. 
Dans  ce  cas,  il  n'y  aura  plus  aucune  variable ,  la  résis- 

E 


tance  extérieure  étant  donnée  par  la  form. 


I 


-R. 


Le  rendement  étant  p  =: 


R 


dépendra  donc  ici  entière- 


ment de  la  manière  dont  la  dynamo  est  construite  ;  dans 


-  7()T  - 


ÉLECÎRÎCITÉ 


toutes  les  bonnes  dynamos,  la  résistance  de  rinduit  et 
des  inducteurs  est  toujours  très  faible,  ce  qui  donne  pour 
le  rendement  p  une  valeur  élevée.  Mais  dans  ces  cas  les 
conditions  ne  sont  pas  exactement  les  mêmes  que  celles 
de  la  pile,  et  on  a  tort  d'appliquer  aux  dynamos  le  mode 
de  calcul  qu'on  applique  aux  piles,  d'autant  plus  que  les 
conditions  d'utilisation  des  deux  genres  d'appareils  sont 
tout  à  fait  distinctes. 

Les  formules  précédentes  montrent  encore  que  si  la  dynamo 
ne  travaille  pas  à  sa 
pleine  puissance,  la 
résistance  extérieure  r 
étant  alors  plus  forte, 
le  rendement  serait 
augmenté  et  serait 
d'autant  plus  grand 
que  l'énereie  produite 
est  plus  faible.  Ceci 
est  vrai  dans  une  cer- 
taine mesure,  mais  il 
ne  faut  pas  perdre  de 
vue  que  les  machines 
à  vapeur  et  surtout 
les  chaudières  ne  peu- 
vent fonctionner  dans 
(Jes  conditions  écono- 
miques  que  lors- 
qu'elles travaillent  à 
pleine  charge.  C'est 
donc  plutôt  à  cause 
des  moteurs  et  des 
générateurs  de  vapeur 
qu'à  cause  des  dyna- 
mos qu'il  est  néces- 
saire de  faire  travailler 
une  usine  électrique 
à  sa  charge  normale. 

Tout  ce  que  nous 
venons  de  dire  est  na- 
turellement indépen- 
dant de  la  forme  ou  ^^®' 
du  genre  de  dynamo 

qu'on  emploie.  Nous  avons  considéré  la  machine  Gramme 
et  nous  avons  pris  pour  exemple  la  machine  Gramme  type 
supérieur.  D'après  ce  que  nous  avons  dit  du  circuit  ma- 
gnétique formé  par  les  électro- aimants  inducteurs,  on 
voit  facilement  qu'on  peut  faire  varier  presque  à  l'infini 
les  différentes  formes  de  dynamos,  et  cela  d'autant  plus 
qu'on  peut  choisir  entre  l'induit  en  anneau  et  l'induit  en 
forme  de  tambour.  Nous  ne  rentrerons  pas  dans  la  des- 
cription des  divers  types  de  dynamos  actuellement  em- 
ployées dans  l'industrie  électrique  ;  nous  nous  contenterons 
de  reproduire  fig.  7  la  dynamo  connue  sous  le  nom  d'Edison- 
Hopkinson  et  dont  l'emploi  s'est  répandu  dans  plusieurs 
stations  centrales  d'éclairage  électrique.  On  emploie  dans 
ces  machines  un  induit  à  tambour.  Lorsqu'on  compare 
cette  machine  avec  la  machine  Gramme  type  supérieur,  on 
constate  que  la  différence  se  porte  surtout  sur  les  pièces 
polaires,  qui  sont  beaucoup  plus  fortes  dans  la  machine 
Edison-Hopkinson  que  dans  la  machine  Gramme  ;  le  calage 
des  balais  doit  par  conséquent  être  plus  stable.  Toutes  ces 
machines  peuvent  être  enroulées  indifféremment  en  série, 
en  dérivation  ou  en  compound. 

L'anneau  Gramme,  comme  le  tambour  Siemens,  comporte 
comme  partie  essentielle  une  certaine  quantité  de  fer.  Ce 
fer,  par  les  aimantations  et  désaimantations  successives  et 
rapides,  est  le  siège  de  certains  phénomènes  qui  diminuent 
le  rendement  de  la  machine.  On  a  par  conséquent  cherché 
à  créer  des  machines  dont  l'induit  ne  contient  pas  de  fer, 
comme  la  machine  à  anneau  plat  de  Schuckert,  la  dynamo 
Desroziers,  etc.  Cette  dernière  machine,  dont  la  fig.  8  montre 
l'aspect  général,  est  assez  fréquemment  employée  pour  que 
BOUS  eQ  disions  quelques  mots.  L'induit  est  constitué  par 


des  bandes  de  cuivre  qui  se  meuvent  devant  les  pôles  oppo- 
ses de  forts  électro-aimants,  comme  l'indique  la  figure. 
Chaque  fois  qu'une  bobine  ainsi  constituée  coupe  le  champ 
magnétique  produit  par  les  inducteurs,  il  naîtra  dans  cette 
bobine  une  force  électromotrice  dont  il  est  facile  d'évaluer 
la  grandeur  et  le  sens.  La  difficulté  consiste  ici  à  grouper 
ces'bobinesde  telle  façon  qu'on  obtienne  aux  lames  du  col- 
lecteur un  courant  continu.  On  ne  pourrait  expliquer  la 
manière  exacte  dont  ces  combinaisons  ont  été  effectuées 

qu'à  l'aide  de  nom- 
breux diagrammes; 
aussi  renvoyons-nous 
pour  cela  le  lecteur 
aux  traités  spéciaux. 
Ces  machines  ont 
l'avantage  de  pouvoir 
fonctionner  avec  une 
grande  densité  de  cou- 
rant  dans  l'induit, 
puisqu'il  est  facile 
d'y  entretenir  une 
bonne  ventilation. 

Comme  machine  de 
construction  particu- 
lière, on  peut  encore 
citer  la  machine 
Thomson- H  oust  on, 
dont  l'induit  est  con- 
stitué par  un  ensemble 
de  fils  enroulés  sur 
une  sphère  et  qui 
tourne    à   l'intérieur 
des  inducteurs.  Ce  qui 
est   caractéristique  à 
cette  machine,  c'est 
qu'il  n'y  a  pas  de  col- 
lecteur ;  il  n'y  a  que 
trois  bagues  pour  re- 
cueillir les  courants, 
et  il  se  forme  tant 
d'étincelles  qu'on 
emploie    un   courant 
d'air  pour  les  éteindre.  Cette  machine,  d'origine  améri- 
caine, est,  croyons-nous,    plus  bizarre  que  bonne.  Le 
courant  fourni  par  cette  machine  n'est  pas  à  proprement 
parler  continu,  c'est  un  courant  alternatif  redressé,  dont 
l'intensité  est  soumise  à  des  variations  périodiques.  On 
emploie  cette  machine  surtout  pour  alimenter  des  lampes 
à  arc  en  série. 

Comme  les  machines  dynamo-électriques  sont  réver- 
sibles, on  peut  s'en  servir  utilement  pour  transformer  le 
courant  électrique  en  énergie  mécanique  ;  on  peut  même 
dire  que  toute  dynamo  à  courant  continu  peut  agir  comme 
moteur.  Ce  qu'il  convient  surtout  d'obtenir  avec  les  mo- 
teurs, c'est  une  vitesse  constante,  quel  que  soit  le  travail 
qu'on  leur  demande.  Les  conditions  à  remplir  diffèrent 
du  genre  de  circuit  sur  lesquels  on  les  attèle  ;  la  discussion 
de  ces  conditions  fait  partie  du  transport  électrique  de 
l'énergie.  Nous  nous  bornerons  à  donner  ici  l'aspect  géné- 
ral (fig.  9)  d'un  genre  de  moteur  très  usité  aux  Etats- 
Unis,  et  qu'on  peut  brancher  directement  sur  les  circuits 
ordinaires  d'éclairage  électrique;  les  principaux  organes 
ne  diffèrent  aucunement  de  ceux  des  dynamos. 

Dynamos  à  courants  alternatifs.  Les  courants  pro- 
duits par  les  dynamos  étant  naturellement  alternatifs, 
puisque  le  courant  se  renverse  à  chaque  passage  de  la  bo- 
bine devant  les  pôles  d'aimants,  on  conçoit  que  la  construc- 
tion des  dynamos  à  courants  alternatifs,  ou  comme  on  les 
appelle  des  alternateurs,  doit  être  relativement  plus  simple 
que  celle  des  dynamos  à  courants  continus.  On  n'a  en 
effet  plus  besoin  de  collecteur,  et  les  étincelles  qui  résultent 
d'un  calage  défectueux  des  balais  n'existent  plus. 
La  cause  qui  s'est  opposée  à  la  multiplication  dans  l'in- 


ÉLECTRICITÉ  —  ^6S 

dustrie  des  alternateurs  consiste  dans  la  difficulté  de  rem- 
ploi des  courants  alternatifs  ;  l'utilisation  de  ces  courants 
est  beaucoup  plus  difficile  que  celle  des  courants  continus. 
C'est  depuis  l'invention  de  la  bougie  Jablochkoff'  que  ces 
niacbines  ont  commencé  à  se  répandre  ;  il  y  a  eu  ensuite 
pour  ainsi  dire  un  arrêt,  l'invention  de  la  lampe  à  incan- 
descence ayant  donné  le  pas  aux  courants  continus.  Ce 
n'est  que  depuis  l'invention  des  transformateurs,  vers  i  884, 
que  les  machines  à  courants  alternatifs  se  sont  de  nouveau 
propagés  et,  cette  fois,  il  paraît  qu'elles  l'ont  définitive- 
ment emporté  sur  les  dynamos  à  courants  continus.  La 
plupart  des  stations  centrales  d'éclairage  emploient,  en 
eifet,  le  courant  alternatif. 

Pour  construire  une  dynamo  alternative,  il  suffit  de  faire 
passer  les  bobines  inductrices  devant  les  pôles  des  aimants 
inducteurs  ;  c'est  sur  ce  principe  qu'est  basée  la  machine 
Siemens,  dont  l'induit  ne  contient  pas  de  fer.  Il  faut  néces- 


sairement alimenter  les  inducteurs  par  un  courant  continu. 
Dans  la  machine  Siemens,  on  a  disposé  à  cet  effet,  à  côté 
de  l'alternateur,  une  petite  machine  à  courants  continus. 
L'ensemble  se  compose  ainsi  de  deux  machines  distinctes, 
ce  qui  introduit  dans  l'installation  une  comphcation 
fâcheuse.  Les  courants  produits  par  cette  machine  sont 
presque  rigoureusement  sinusoïdaux,  c.-à-d.  que  la  force 
électromotrice  induite,  et  par  suite  l'intensité  du  courant, 
varie  comme  les  sinus  d'un  arc  dont  la  variable  est  la  durée 
de  révolution. 

Une  des  machines  à  courants  alternatifs  qu'on  rencontre 
dans  les  stations  centrales,  comme  par  exemple  à  Paris  (aux 
Halles),  au  Havre,  etc.,  est  la  machine  Ferranti.  Dans  cette 
machine,  les  bobines  induites,  dépourvues  de  fer,  sont  très 
plates;  elles  tournent  entre  les  pôles  opposés  des  électro- 
aimants inducteurs,  comme  dans  la  machine  Siemens.  Mais 
ce  qui  est  particulier  à  la  machine  Ferranti,  c'est  qu'on 


Fiî?.  8. 


peut  facilement  écarter  les  inducteurs  et  avoir  ainsi  accès 
aux  bobines  induites  ;  comme  on  peut  d'ailleurs  enlever 
facilement  les  bobines  induites  pièce  par  pièce,  on  peut  les 
remplacer  ou  les  réparer  sans  aucune  difficulté.  Pour  pro- 
duire le  courant  continu  nécessaire  à  l'excitation  des  induc- 
teurs, on  a  calé  sur  l'axe  de  rotation  une  petite  dynamo. 
Le  graissage  des  paliers  des  dynamos  étant  une  question 
très  importante,  on  a  pourvu  "^  les  machines  Ferranti  d'un 
graissage  automatique,  les  paliers  étant  parcourus  cons- 
tamment par  de  l'huile  refoulée  à  l'aide  de  pompes. 

Au  lieu  de  faire  tourner  l'induit,  on  peut  encore  faire 
tourner  les  inducteurs  ;  c'est  ainsi  qu'on  a  construit  la 
machine  Gramme  à  courants  alternatifs,  destinée  surtout  à 
alimenter  les  bougies  Jablochkoff.  A  côté  de  l'alternateur  et 
sur  le  même  arbre,  il  y  a  une  dynamo  à  courants  continus 
fournissant  le  courant  de  l'excitation.  Les  bobines  induites 
fixes  à  noyaux  de  fer  forment  le  bâti  de  l'alternateur;  les 
pôles  des  inducteurs  induisent  dans  ces  bobines  des  cou- 


rants alternativement  de  sens  contraire.  Comme  les  bobines 
induites  sont  immobiles,  on  peut  prendre  le  courant  direc- 
tement sans  intervention  de  balais,  ce  qui  est  évidemment 
très  commode. 

La  fig.  dO  représente  une  vue  en  perspective  de  la  ma- 
chine à  courants  alternatifs  de  M.  Lipernowsky.  Dans  cet 
alternateur,  comme  dans  la  machine  à  courants  alternatifs 
de  M.  Gramme,  ce  sont  les  inducteurs  qui  sont  mobiles  ; 
ils  sont  constitués,  comme  on  le  voit  sur  la  figure,  par  des 
électro-aimants  droits,  dont  le  fil  est  parcouru  par  un 
courant  provenant  d'une  excitatrice  séparée.  Les  bobines 
induites,  à  noyaux  de  fer  laminé,  sont  fixées  sur  le  bâti  de 
la  machine. 

On  a  même  construit  des  alternateurs  dans  lesquels  les 
deux  circuits  inducteur  et  induit  sont  tous  les  deux  immo- 
biles. On  obtient  dans  ce  cas  l'induction  par  la  variation 
de  la  résistance  du  circuit  magnétique.  Ce  sont  les  noyaux 
des  inducteurs,  montés  sur  uq  axe,  qui  tournent  ;  dans 


—  769  — 


ELECTRICITE 


une  position  déterminée,  lorsque  des  noyaux  mobiles  sont 
entre  les  noyaux  fixes,  la  résistance  est  minima  ;  au  con- 
traire, lorsque  les  noyaux  mobiles  sont  en  face  des  noyaux 
fixes,  la  résistance  est  maxima.  On  obtient  ainsi  des  varia- 
tions périodiques  dans  les  résistances,  ce  qui  a  pour  effet 
d'engendrer  un  courant  alternatif.  On  prétend  que  la  cons- 
truction des  alternateurs  de  ce  genre  est  très  simple  et  qu'ils 
ne  sont  pas  sujets  à  des  dérangements,  mais  nous  ne 
savons  pas  si  le  rendement  est  très  élevé. 

Quelques  mots  sur  la  théorie  générale  des  courants 
alternatifs  sont  indispensables  pour  bien  saisir  le  fonction- 
nement des  différents  appareils  utilisés  avec  ces  courants. 
^  Nous  commencerons  par  indiquer  sommairement  les  expé- 
riences de  M.  Jou- 
bert  et  la  méthode  qu'il 
a  employée  ;  cette  mé- 
thode plus  ou  moins  mo- 
difiée a  servi  de  base 
aux  autres  expérimen- 
tateurs venus  après  lui. 
Comme  le  courant 
produit  par  un  alterna- 
teur est  essentiellement 
variable,  on  ne  peut  pas, 
pour  examiner  ce  qui  se 
passe,  mesurer,  comme 
on  le  fait  pour  un  cou- 
rant continu,  les  con- 
stantes relatives  au 
courant,  telles  que  la 

force  électromotrice,  Fig.  9. 

l'intensité  du  cou- 
rant, etc.  La  succession  de  ces  phénomènes  étant  extrêmement 
rapide ,  puisque  dans  la  plupart  des  alternateurs  le  courant 
s'inverse  une  centaine  de  fois  par  seconde,  il  faut  prendre  des 
dispositifs  particuliers  afin  de  pouvoir  suivre  le  phéno- 
mène pas  à  pas.  Pour  mesurer  la 'différence  de  potentiel 
produite  par  la  machine,  M.  Joubert  dispose  sur  l'axe  de 
rotation  un  doigt  de  contact  en  communication  avec  l'une 
des  bornes  d'un  électromètre,  l'autre  borne  étant  en  con- 
tact permanent  avec  le  circuit;  de  cette  façon,  chaque 
contact  du  doigt  mobile,  se  faisant  dans  des  conditions 
identiques,  correspondra  une  différence  de  potentiel  non 


les  électro-aimants  inducteurs;  ce  nombre  est  déterminé 
par  la  vitesse  de  rotation  de  la  machine  et  par  le  nombre 
des  pôles  des  aimants  inducteurs.  Connaissant  l'intensité 
du  champ  produit  par  les  inducteurs,  on  peut  calculer  la 
force  électromotrice  induite.  Soit  F  le  flux  de  force  ou  le 
nombre  total  de  lignes  de  force  déterminé  par  les  pôles  induc- 
teurs entre  lesquels  se  meut  la  bobine  induite,  la  force  électro- 
motrice induite  est  e=—z=:zn¥,7i  étant  le  produit  du 

Y 

nombre  de  pôles  par  la  vitesse  de  rotation  par  seconde. 
Connaissant  la  force  électromotrice  à  chaque  instant, 

soit  par  le  calcul,  soit 
par  l'expérience ,  on 
peut  calculer  l'intensité 
du  courant  de  la  ma- 
nière suivante.  Soit  R 
la  résistance  du  circuit, 
L  le  coefficient  de  self- 
induction,  on  aura  à 
chaque  instant,  d'après 
l'équation  deKirchhoff: 

i  étant  l'intensité  du 
courant  à  l'instant  t,  et 
E  la  force  électro- 
motrice au  même  ins- 
tant. Le  coefficient  de 
self-induction  introduit 
di 
une  force  électromotrice  opposée  L  -7-,  puisque  Lz  est  le 

flux  de  force  qui  circule  dans  le  circuit  ;  cette  force  élec- 
tromotrice est  donc  -^  ou,  si  L  est  supposée  constante, 

di 
L  — .  La  force  électromotrice  E  étant  supposée  sinusoïdale, 

comme  cela  arrive  dans  la  machine  de  Siemens,  et  plus  ou 
moins  dans  toutes  les  autres,  on  peut  écrire  : 


:E, 


t 


OÙ  \L 


Fig.  10. 

variable,  indiquée  par  l'électromètre.  En  déplaçant  le  contact 
mobde  par  rapport  à  l'axe,  on  peut  déterminer  la  différence 
de  potentiel  correspondant  à  chaque  point  de  la  courbe. 
Une  première  chose  que  ces  expériences  ont  montré,  c'est 
que  les  maxima  des  courants  ne  coïncident  pas  avec 
c^ux  de  la  force  électromotrice  produite  par  la  machine; 
il  existe  un  certain  retard  qui  joue  un  rôle  essentiel  dans  les 
applications  du  courant  alternatif.  La  période  est  déterminée 
par  le  nombre  de  passages  par  seconde  des  bobines  devant 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —  XV. 


sin  27Î  -  =  Eo  sin  nt 

est  la  force  électromotrice  maxima  ;  pour  abréger 

l'écriture  on  pose  n  =z  y^, 

La  formule  devient  alors  : 

L  "- -f- Rf  HZ  Ey  sin  7z^.  (|) 

Le  courant  produit  sera  également  sinusoïdal  et  on  pourra 
écrire  : 

z=r:I  sin  {nt~\-({>), 
I  et  0  étant  deux  constantes  que  nous  allons  déterminer.  II 
faudrait  en  toute  rigueur  ajouter  un  terme  correspondant 

R 

à  l'établissement  du  courant  et  de  la  forme  ^  ~  ^  \  mais 
comme  cette  période  est  excessivement  courte,  et  n'inter- 
vient en  tout  cas  que  lorsqu'on  met  la  machine  en  marche, 
on  peut  la  négliger  ;  ce  terme  n'intervient  pas  dans  les 
phénomènes  périodiques.  —  On  a  donc  : 
i  z=  I  sin  (nt  +  cp)  —  I  sin  9  cos  nt  + 1  cos  o  sin  7it, 

j  —  In  cos  (nt  +  cp)  —  In  cos  o  cos  nt  —  In  sin  9  sin  nt. 

En  substituant  ces  valeurs  dans  l'équation  (I)  et  en  éga- 
lant les  termes  en  sin  7it  et  cos  nt^  ce  qu'on  peut  faire 
puisque  les  équations  doivent  être  vérifiées  pour  toutes 
les  valeurs  de  i^,  on  obtient  : 

I  (R  sin  z>-\~Ln  cos  9)  —  0 

I  (R  cos  9  —  L/z  sin  9)  ==  E^ 

d  ou       I  =    /„  ^  .  , ,.~  et  ts;  9  m  —  —  z=:  —  -   — . 


\lR^  +  Lhi^ 


R 


R  T 


49 


ÉLECTRICITÉ  —  '''^O  — 

Ces  formules  montrent  d'abord  que  l'intensité  maxima  1 
du  courant  est  plus  faible  que  s'il  s'agissait  d'un  courant 

continu.  On  aurait  alors  I  =  -jT  ;  le  terme  n/R"  +  L'^' 

auquel  on  avait  donné  le  nom  de  résistance  fictive  ou 
apparente  a  reçu,  depuis  quelque  temps,  le  nom  d'impé- 
dance. Les  maxima  de  l'intensité  ne  correspondent  pas  à 
ceux  de  la  force  électromotrice;  l'intensité  est,  en  effet, 
en  retard  d'un  angle  cp,  ce  qui  introduit  ce  qu'on  appelle  le 
décalage  entre  l'intensité  et  la  force  électromotrice.  Il 
s'ensuit  que  le  travail  consommé  dans  le  circuit  extérieur, 
qui,  à  chaque  instant,  a  pour  expression  Eidt,  a  pour  expres- 
sion moyenne,  pendant  une  demi-période, 

W  zzz  ^f\idt  =  i  J'eI  sin  2;:  |  sin  (^^r.  |+9^^^. 

Pour  trouver  cette  intégrale,  il  faut  transformer  le  produit 
des  deux  sinus  en  une  somme  ou  différence.  On  a  à  cet  effet  : 

sin  ^T.--ân(^r.^-{~  ?)  =  2    ' 


Atî^-F-  ?)  =  2    cos9  —  cosU7u-+cpA  [. 

OrJ^^os  ^4;u  |  +  9)  ^^  =" £ i^  \^  V""!"^^)] 

™  _-    sin  (27:  +  ©) —  sin  9  U=  0, 


et 


Jcos  odt  =:  T  cos  o. 
0 

1 


On  trouve  ainsi  :  W  =:  ^  EqI  cos  9, 

et  Ton  voit  que  l'énergie  dépensée  est  égale  au  produit 
de  la  force  électromotrice  par  l'intensité  du  courant  mul- 
tiplié par  le  cosinus  de  la  différence  de  phase  des  deux 
courants.  S'il  n'y  avait  pas  de  self-induction,  c.-à-d.  si 
L  —  0  et  par  suite  ^  =  0;  on  aurait  alors  W  =  E,)!. 
Il  n'y  aurait  pas  de  décalage  et  l'énergie  serait  égale, 
comme  cela  arrive  pour  les  courants  continus,  au  produit 
de  l'intensité  I  par  la  différence  de  potentiel  E.  Si  au  con- 
traire la  self-induction  est  très  grande  et  la  résistance  très 


petite,  on  aura  9  =  -  et  W  : 


0. 


Ce  dernier  cas  est  très  curieux  et  mérite  qu'on  l'exa- 
mine de  plus  près.  Dans  la  pratique,  on  le  rencontre  dans 
les  stations  centrales  d'électricité  lorsque  la  distribution 
est  faite  à  l'aide  de  transformateurs.  La  machine  tournant 
à  vitesse  constante,  il  peut  arriver,  lorsque  les  abonnés 
éteignent  leurs  lampes,  que  tous  les  transformateurs  fonc- 
tionnent à  circuit  ouvert.  Ces  transformateurs  introduisent 
alors  une  très  grande  force  électromotrice  due  à  la  self-in- 
duction, bien  que  leur  résistance  soit  très  faible.  La  machine 
fonctionne  alors  avec  une  très  faible  résistance  dans  le 
circuit  extérieur,  mais  avec  une  grande  self-induction.  Dans 
ces  conditions,  le  courant  produit  par  la  machine  peut  être 
considérable,  bien  que  l'énergie  absorbée  soit  pour  ainsi 
dire  nulle. 

Jusqu'ici  nous  n'avons  considéré  qu'un  circuit  à  cou- 
rants alternatifs  contenant  des  résistances  et  des  coefficients 
d'induction.  On  peut  encore  intercaler  des  condensateurs, 
et  on  trouve  alors  des  propriétés  nouvelles,  dont  on  a  tiré 
un  si  grand  parti  dans  ces  derniers  temps. 

Considérons  d'abord  le  cas  où  on  a  intercalé  un  conden- 
sateur en  série  avec  la  résistance.  Soient  6'  r=:  E  sin  rd 
la  différence  de  potentiel  aux  extrémités  du  circuit  conte- 
nant la  bobine  à  self-induction  et  la  capacité,  LR  le  coeffi- 
cient de  selfinduction  et  la  résistance  de  la  bobine  et  C  la 
capacité  du  condensateur,  en  désignant  par  v  et  /  les  diffé- 
rences de  potentiel  correspondant  à  la  bobine  et  au  con- 
densateur, on  aura  les  équations  : 

di 
h  -r  -\- Vd  ■=!  V  i;  -f-  u^  =  ^  =  E  sin  ni  Cdi/  ==:  idt. 

En  éliminant  v  et  v\  on  trouve  : 

dH       R  di    ,     1    .      1  de       En 


Le  courant  doit  avoir  la  même  période  que  la  force  électro- 
motrice ;  il  doit  être  de  plus  sinusoïdal  ;  on  peut  donc  poser  : 

z  =r:  I  sin  (ni  -j-  o) 
et  on  peut  calculer  I  et  9,  comme  on  l'a  fait  précédemment. 
On  trouve  ainsi  : 


1  = 


L 


VMÏ^ 


+  ■ 


tgoz 


LC 


^R 


Supposons  maintenant  qu'on  ait  choisi  la  capacité  C 
telle  qu'elle  satisfasse  à  la  relation  suivante  • 


il  viendra  : 


à-^"  =  ' 


1 

ou     C?2  =  7- 

Ln 


E 


I=:|    et  ^^9  =  0. 


L  dt 


LC 


L  dt  ' 


Ainsi,  dans  ces  conditions,  la  capacité  aura  détruit  l'effet 
dû  à  la  self-induction;  le  courant  est  le  même  que  si  le 
circuit  ne  comprenait  ni  capacité  ni  self-induction.  On  a, 
en  effet,  si  L  =  0  et  C  =  0, 

Ri  =z  E  sm  ni,      i^-  sm  ni  —  sm  ni 


et 


I  = 


-"R 
E 


Cette  propriété  des  condensateurs  d'annuler  la  self-induc- 
tion est  extrêmement  curieuse  :  on  en  fait  un  grand  usage 
dans  les  applications  électriques.  Au  lieu  de  mettre  le  con- 
densateur en  série,  on  peut  encore  l'intercaler  en  dériva- 
tion; on  trouve  ainsi  de  nouvelles  propriétés  sur  lesquelles 
il  nous  est  impossible  d'insister  ici.  On  peut  même  avec 
l'emploi  combiné  de  bobines  à  self-induction  et  de  conden- 
sateurs arriver  à  réaliser  des  distributions  à  potentiel 
constant  ou  à  intensité  constante. 

Faisons  encore  remarquer  que  l'introduction  dans  un 
circuit  à  courants  alternatifs  d'une  bobine  à  self-induction 
à  faible  résistance  ou  d'un  condensateur,  n'absorbe  pas 
d'énergie,  contrairement  à  ce  qui  arrive  pour  le  courant 
continu.  A  ce  point  de  vue,  tes  courants  alternatifs  ont  un 
avantage  marqué  sur  les  courants  continus,  puisque  avec 
les  premiers  on  peut  diminuer  le  courant  sans  absorption 
d'énergie,  ce  qui  n'est  pas  possible  avec  les  derniers. 

Les  quantités  qui  interviennent  dans  la  distribution  de 
l'électricité  sont  l'intensité  du  courant  et  la  différence  de 
potentiel.  Lorsqu'il  s'agit  d'un  courant  continu,  le  produit 
de  ces  deux  facteurs  donne  l'énergie  transportée.  Dans  a 
pratique,  on  évalue  l'intensité  du  courant  en  ampères,  la 
différence  de  potentiel  en  volts  et  le  produit  des  deux, 
c.-à-d.  la  puissance  transportée  par  le  courant,  s'exprime 
en  watts. 

Lorsqu'on  a  affaire  à  des  courants  alternatits,  il  n  est 
plus  possible  d'évaluer  d'une  manière  simple  les  diflérentes 
grandeurs  qui  entrent  en  jeu.  L'intensité  du  courant  étant 
variable  à  chaque  instant,  il  faut  d'abord  bien  se  rendre 
compte  de  ce  qu'on  évalue  à  l'aide  des  instruments  de 
mesure.  Il  est  évident  qu'on  peut  effectuer  la  mesure 
de  plusieurs  manières  ;  nous  n'indiquerons  que  celle  qui 
est  universellement  emplovée  dans  la  pratique  :  on  mesure 
l'effet  produit  par  le  carré  du  courant  dans  1  unité ^  de 
temps  ;  la  racine  carrée  de  cette  quantité  est  ce  qu  on 
appelle  l'intensité  efficace  d'un  courant  électrique.  Les 
instruments  qui  mesurent  le  carré  de  l'intensité  d  un  cou- 
rant sont  l'électrodvnamomètre  et  le  calorimètre  ;  le  calo- 
rimètre est  un  instrument  dont  l'emploi  est  très  incom- 
mode ;  on   ne  s'en  sert  guère  que  dans  des  recherches 


—  771  — 


ELECTRICITE 


purement  scientifiques.  L'échauffement  dû  au  ])assage  du 
courant  est  cependant  utilisé  dans  certains  appareils;  mais, 
au  lieu  de  mesurer  directement  l'élévation  de  température, 
on  évalue  l'allongement  que  le  fil  éprouve  par  suite  de  la 
chaleur  dégagée  par  le  courant.  L'électrodynamomètre,  au 
contraire,  est  un  appareil  d'un  usage  courant.  Il  se  com- 
pose de  deux  cadres  parcourus  par  le  même  courant,  l'un 
fixe,  l'autre  mobile.  L'action  entre  les  deux  cadres  étant  à 
chaque  instant  proportionnelle  au  produit  i¥  des  deux 
courants,  elle  sera  proportionnelle  au  carré  de  l'intensité 
lorsque  les  deux  fils  sont  parcourus  par  le  même  courant. 
Pour  faire  des  observations  avec  cet  instrument,  on  le 
gradue  à  l'aide  de  courants  continus  ;  le  plus  souvent,  on 
se  sert,  à  cet  effet,  de  l'électrolyte  de  cuivre,  ce  qui  donne 
de  bons  résultats.  Au  lieu  d'observer  les  déviations  dues 
au  passage  du  courant,  on  ramène  au  zéro  le  cadre  mo- 
bile suspendu  par  une  spirale  ;  on  a  ainsi  l'avantage  que 
les  deux  cadres  occupent  toujours  l'un  par  rapport  à  l'autre 
la  même  position,  ce  qui  est  indispensable  avec  les  cou- 
rants alternatifs.  ^ 
Quelle  est  la  relation  entre  l'intensité  du  courant  ainsi 
mesurée  et  l'intensité  maxima  que  nous  avons  considérée 
plus  haut  ?  Le  courant  étant  supposé  sinusoïdal,  on  a  : 

i-=z\  sm^Ti:  -  . 

L'intensité  qu'on  mesure  à  l'aide  de  l'électrodynamo- 
mètre a  pour  expression  : 


P=:; 


ihlt. 


En  substitution  on 


I—  ^lo  /    sin^  Y'^(i^, 


.    .27U,  1 


^7Z, 


rt, 


:  0,111,. 


2         T 
on  obtient  donc  : 

Cette  valeur  donnée  par  l'électrodynamomètre  est  ce 
qu'on  appelle  l'intensité  efficace  :  c'est,  comme  on  le  voit, 
les  7/JO^s  ^^^  courant  maximum. 

Pour  la  différence  du  potentiel,  on  arrive  nécessairement 
à  des  résultats  analogues.  On  effectue  cette  mesure  à  l'aide 
d'un  électromètre  à  quadrants,  dont  l'aiguille  est  mise  en 
communication  avec  l'une  des  paires  de  quadrants  ;  dans 
ces  conditions,  les  déviations  sont  proportionnelles  au  carré 
à  la  différence  des  potentiels  aux  bornes  de  l'instrument. 
Dans  la  pratique,  on  se  sert  souvent  du  voltmètre  de 
Cardew,  basé  sur  la  dilatation  qu'éprouve  un  fil  de  platine 
parcouru  par  le  courant.  L'effet  est  nécessairement  propor- 
tionnel au  carré  de  l'intensité  du  courant,  et,  comme  la 
lecture  de  l'instrument  est  très  facile,  ces  appareils  se  sont 
très  répandus.  On  mesure  en  réalité  l'intensité  du  courant 
et  non  la  différence  de  potentiel  aux  bornes,  mais,  comme 
la  résistance  se  compose  d'un  fil  rectiligne  sans  coefficient 
d'induction,  ces  deux  quantités  sont  proportionnelles  et 
l'instrument  convenablement  gradué  peut  servir  de  volt- 
mètre. 

Nous  avons  déjà  vu  que  la  puissance  correspondant  à 
un  courant  dont  fintensité  maxima  est  I,^  et  la  différence 
de  potentiel  maxima  E^  est  : 

^0"2^î^olocoso, 

o  étant  la  diflerence  de  phase. 

On  mesure  le  plus  souvent  la  puissance  d'un  courant 
alternatif  à  l'aide  d'un  wattmètre.  Cet  instrument  n'est 
autre  qu'un  électrodynamomètre  dont  la  bobine  mobile  est 
enroulée  de  fil  fin.  Voyons  quel  est  le  rapport  entre 
l'énergie  mesurée  à  l'aide  de  cet  instrument  dont  les  bobines 


sont  supposées  dépourvues  d'induction  et  l'expression  P^ 
de  la  formule  précédente. 
Or  on  a  : 


donc  : 


Iq  — \/'2I  etEo=rv/2E, 
P  =  I  v/2E  X  v/2 1  cos  9  ~  El  cos  o. 


La  puissance  est  donc  le  produit  de  l'intensité  efficace 
par  la  différence  moyenne  du  potentiel,  multiplié  par  le 
cosinus  de  la  difi'érence  de  phase.  Comme  cette  différence 
de  phase  intervient  naturellement  dans  les  deux  bobines 
du  wattmètre,  l'instrument  indique  directement  la  me- 
sure demandée;  il  faut,  bien  entendu,  tenir  compte  de 
la  résistance  du  circuit  de  la  bobine  à  fil  fin,  puisque 
c'est  la  différence  de  potentiel,  et  non  l'intensité  du  cou- 
rant circulant  dans  cette  bobine,  qui  intervient  dans  la 
formule. 

Les  machines  à  courants  alternatifs  sont  très  employées 
dans  l'industrie  électrique  pour  l'éclairage  des  villes  où  les 
consommateurs  se  répartissent  sur  de  grands  espaces.  La 
transformation  facile  de  ces  courants  rend  possible  d'avoir 
dans  la  conduite  principale  des  potentiels  élevés,  et  dans  les 
circuits  locaux,  entrant  dans  les  maisons,  les  potentiels  de 
100  à  110  volts,  ce  qui  rend  ces  courants  inotfensifs. 

Pour  que  les  courants  alternatifs  puissent  lutter  avanta- 
geusement contre  les  courants  continus,  il  restait  à  trouver 
des  moteurs  à  courants  alternatifs.  Dans  certains  pays  et 
notamment  aux  Etats-Unis,  les  stations  centrales  d'éclai- 
rage électrique  ne  se  bornent  pas,  en  effet,  à  distribuer 
l'éclairage.  Pendant  le  jour  [surtout,  où  les  machines  sont 
très  peu  occupées,  ces  stations  envoient  le  courant  pour 
actionner  des  moteurs  disséminés  chez  les  clients,  et  l'emploi 
de  ces  petits  moteurs  s'est  répandu  sur  une  échelle  dont  on 
ne  peut  pas  se  former  une  idée  en  Europe.  Avec  les  cou- 
rants alternatifs,  il  a  été  jusque  dans  ces  derniers  temps 
très  difficile  de  satisfaire  à  ce  besoin  et  par  conséquent  de 
rivaliser  avec  le  courant  continu.  Actuellement,  on  y  est 
arrivé  à  peu  près  ;  il  nous  paraît  donc  utile  de  donner  un 
court  aperçu  de  l'histoire  des  moteurs  à  courants  alter- 
natifs. 

On  sait  que  si  on  lance  dans  une  machine   Gramme  un 
courant  continu, cette  machine  commence  à  tourner  dans  un 
sens  qui  dépend  du  sens  d'aimantation  des  inducteurs.  Si 
on  renverse  le  courant,  on  renverse  en  même  temps  le  sens 
d'aimantation  dans  les  inducteurs  et  dans  l'induit  :  la  ma- 
chine tourne  donc  dans  le  même  sens.  Après  cela,  on  pour- 
rait croire  qu'en  lançant  dans  une  machine  Gramme  un 
courant  alternatif  on  obtiendrait  une  rotation  toujours  dans 
le  même  sens  et  qu'on  constituerait  ainsi  un  moteur.  Un 
examen  plus  attentif  permet  de  voir  qu'un  moteur  ainsi 
constitué  ne  donnerait  que  de  mauvais  résultats.  Ce  qui  gêne 
surtout  la  propagation  des  courants  alternatifs  c'est  la 
self-induction  des  bobines  intercalées  dans  le  circuit  ;  comme 
cette  self-induction  est  très  considérable  dans  une  machine 
Gramme,  le  résultat  est  peu  favorable.  De  plus,  l'induction 
produit  un  retard  de  phase  entre  les  différentes  parties  du 
courant  —  un  décalage  comme  on  le  nomme  —  et  il  est 
parfaitement  possible  que  ce  décalage  soit  assez  fort  pour 
empêcher  tout  mouvement.  On  peut  constituer  toutefois 
avec  des  dynamos  à  courants  continus  des  moteurs  à  cou- 
rants alternatifs,  mais  il  faut  alors  remplir  les  conditions 
suivantes  :  il  faut  d'abord  que  le  fer  qui  entre  dans  la 
dynamo  soit  lamelle,  c.-à-d.  que  la  dynamo  soit  con- 
stituée par  des  plaques  de  fer  très  minces  et  isolées  dans 
la  direction  perpendiculaire  au  flux  magnétique,  et  cela 
aussi  bien  pour  les  inducteurs  que  pour  l'induit.  Il  faut 
de  plus  employer  des  courants  alternatifs  à  très  basse  fré- 
quence, au  plus  une  dizaine  par  seconde.  Dans  ces  con- 
ditions, la  dynamo  peut  servir  de  moteur  même  avec  des 
courants  alternatifs.  Quant  au  rendement,  nous  ne  savons 
pas  s'il  est  assez  élevé  pour  que  ce  genre  do  moteur  puisse 
être  employé  dans  la  pratique. 


ÉLECTRICITÉ 


—  772  — 


Un  deuxième  genre  de  moteurs  à  courants  alternatifs 
est  le  moteur  synchronique,  dont  voici  le  principe  :  sup- 
posez une  dynamo  à  courants  alternatifs  quelconque,  et 
un  moteur  ou  une  autre  dynamo  identique  à  la  première  ; 
si  les  deux  machines  tournent  avec  la  même  vitesse,  les 
efforts  qui  s'exercent  dans  la  génératrice  entre  les  induc- 
teurs et  l'armature  se  reproduisent  d'une  manière  iden- 
tique dans  les  bobines  du  moteur  et  par  conséquent  cette 
machine  tournera  avec  une  vitesse  égale  à  celle  de  la 
dynamo.  Comme  dans  les  alternateurs  on  se  sert  dun 
courant  continu  pour  engendrer  le  champ  magnétique,  il 
faut  modifier  la  construction  pour  constituer  un  moteur. 
Voici  une  description  sommaire  du  moteur  synchrone  à 
courants  alternatifs  de  la  maison  Ganz,  de  Budapest. 

La  fig.  11  indique  schématiquement  la  disposition  des 
parties  essentielles  de  ce  moteur.  Les  bobines  induites 


Fis.  11. 


A  sont  fixes,  les  électro  -  aimants  inducteurs  M  et  le 
commutateur  C  tournent.  Les  sections  du  commutateur 
couvertes  de  hachures  communiquent  avec  les  fils  1  des 
inducteurs  M,  les  autres  avec  %  et  la  position  des  ba- 
lais B,  B.^  est  réglée  de  telle  façon  que  la  commutation  ait 
lieu  au  moment  du  passage  de  M  devant  A.  Le  courant  est 
pris  sur  les  conducteurs  principaux  LL,  soit  directement 
comme  dans  la  figure,  soit  par  l'intermédiaire  d'un  trans- 
formateur, si  la  tension  est  trop  haute  pour  être  utilisée 
directement.  Lorsqu'on  donne  à  ce  moteur  une  certaine 
impulsion,  il  se  mettra  à  tourner  sous  l'action  du  courant 
jusqu'au  moment  où  le  synchronisme  avec  l'alternateur  géné- 
rateur est  atteint.  On  pourrait  obtenir  un  démarrage  auto- 
matique s'il  était  possible  de  placer  dans  les  positions  rela- 
tives convenables,  les  bobines  mobiles  par  rapport  aux 
bobines  fixes.  Une  fois  le  synchronisme  atteint,  il  ne  se 
dérangera  plus  ;  le  moteur  tournera  donc  toujours  à  la  même 
vitesse.  Toutefois,  le  commutateur  donnera  heu  à  de  fortes 
étincelles,  qu'on  a  cherché  à  diminuer  à  l'aide  de  certains 
dispositifs  que  nous  ne  rapporterons  pas  ici.  D'ailleurs,  les 
oscillations  de  l'intensité  du  champ  magnétique  n'assurent 
pas  une  marche  très  stable  à  ce  genre  de  moteurs.  Quoi 
qu'il  en  soit,  les  expériences  effectuées  sur  ces  moteurs  ont 
donné  d'assez  bons  résultats,  même  comme  rendement,  ce 
qui  n'empêche  pas  qu'ils  soient  peu  répandus  dans  l'indus- 
trie. Une  particularité  de  ce  genre  de  moteurs,  c'est  qu'ils 
s'arrêtent  lorsque  la  charge  devient  trop  considérable  et 
détruit  le  synchronisme.  A'  ce  point  de  vue,  ils  ont  une  in- 
fériorité marquée  sur  les  moteurs  à  courants  continus  qui 
peuvent  être  surchargés  très  notablement  pendant  quelques 
instants  et  qui  ne  s'arrêteraient  que  si,  par  suite  d'un  cou- 
rant trop  énergique,  l'induit  était  détruit. 

Les  moteurs  synchrones  ne  s'étant  que  peu  répandus  dans 
l'industrie  courante,  la  question  de  l'utilisation  des  cou- 
rants alternatifs  était  toujours  ouverte  jusqu'à  ce  qu'on 
ait  pu  réaliser  dans  ces  derniers  temps  des  moteurs  basés 
sur  des  principes  tout  à  fait  différents  :  nous  voulons  parler 
des  moteurs  à  champ  magnétique  tournant. 

Disons  d'abord  un  mot  du  champ  magnétique  tournant 
et  de  sa  production.  Supposons  deux  bobines  placées  à 


anffle  droit  et  parcourues  par  des  courants  alternatifs  de 
même  période  et  de  même  intensité,  mais  ayant  entre  eux 
une  différence  de  phase  d'un  quart  de  période.  On  pourra 
représenter  ces  deux  courants  par  les  formules  : 

i^=ilsin27c  I  etig—Icos^::;^. 

Le  courant  dans  la  première  bobine  sera  maxima  lors- 
qu'il est  nul  dans  l'autre  et  ainsi  de  suite.  Au  point  d  in- 
tersection des  deux  bobines,  le  champ  magnétique  aura 
donc  une  direction  essentiellement  variable,  mais  une  inten- 
sité constante;  au  bout  du  temps  T  le  champ  aura  effectue 
une  révolution  complète.  Si  on  plaçait  au  centre  des  deux 
bobines  une  aiguille  aimantée  ou  un  disque  de  fer,  cette 
aiguille  ou  ce  disque  se  mettrait  à  tourner  avec  une  vitesse 

de  rotation  ^  ^^  ^^^^  ^^^^  ^"'^^  P^"^  ^^^^^'  ^  ^'^^^^  ^^ 
deux  courants  alternatifs  de  même  période,  un  champ  ma- 
gnétique tournant:  ce  champ  tournant  peut  produire  a  son 
four  la  rotation  d'un  disque  ou  d'un  anneau  place  en  son 
centre.  Il  est  assez  facile  d'engendrer  deux  courants  alter- 
natifs de  même  période  et  de  même  intensité  ;  mais,  pour  les 
conduire,  il  faut  quatre  conducteurs,  deux  pour  chaque  cou- 
rant. Théoriquement,  un  seul  courant  suffirait  si  1  on  avait 
le  moyen  de  le  dédoubler  en  deux  autres  ayant  entre  eux 
une  différence  de  phase  correspondant  à  un  quart  de  pé- 
riode. C'est  dans  les  dispositifs  pour  obtenir  avec  un  seul 
courant,  et  par  conséquent  avec  deux  fils  de  hgne,  cette 
différence  que  s'est  exercée  la  sagacité  des  mventeurs. 
M  Ferraris  employait  à  cet  effet  des  bobines  de  selt-induc- 
tion  intercalées  dans  le  circuit  bifurqué  ;  on  obtient  ainsi 
une  certaine  différence  de  phase,  mais  qui  n'atteint  jamais 
la  grandeur  voulue. 

M  Leblanc  a  proposé  à  cet  effet  des  condensateurs;  en 
intercalant  sur  l'un  des  circuits  bifurques  une  certaine 
capacité;  on  peut  s'arranger  de  façon  que  les  deux  circuits 
présentent  entre  eux  la  différence  de  phase  voulue  ;  il  a  réussi 
ainsi  un  moteur  à  champ  tournant  très  simple.  La  machine 
se  compose  essentiellement  d'un  anneau,  comme  du  genre 
anneau  Gramme  et  fermé  sur  lui  même.  Il  n'y  a  aucun  com- 
mutateur pour  prendre  les  courants,  puisque  c  est  le  champ 
tournant  qui  provoque  la  rotation  de  1  induit.  Les  bobines 
inductrices  fixes  sont  disposées  autour  du  bati  de  a 
"machine  ;  elles  sont  parcourues,  comme  nous  venons  de  le 
dire  par  deux  séries  de  courants,  dont  l'une  provient  direc- 
tement de  la  ligne  et  l'autre  après  le  passage  par  des  con- 
densateurs, ces  derniers  permettant  de  décaler  le  courant 
dérivé  de  la  quantité  nécessaire  pour  avoir  dans  les  deux 
circuits  des  courants  dont  la  phase  diffère  d  un  quart  de 

^^On  a' proposé  dernièrement  un  autre  moyen  pour  obtenir 
un  champ  magnétique  tournant  ;  ce  moyen  consiste  a  pren- 
dre, au  lieu  de  deux  courants,  trois  courants  dont  les 
phases  sont  distantes  de  120- correspondant  à  un  tiers  de  la 
période  complète.  Il  est  facile  d'engendrer  des  courants  de 
ce^enre;  ilsuffit,par  exemple,  avec  des  inducteurs  mobiles, 
de  prendre  trois  pôles  au  lieu  de  deux.  Une  particularité 
de  ces  courants  avec  lesquels  il  faut  nécessairement  trois 
fils,  c'est  que  le  troisième  sert  de  retour  aux  courants  cir- 
culant dans  les  deux  premiers,  comme  cela  est  tacUe  a 
montrer.  Soient  en  effet 


(t  27U  \ 

ces  trois  courants,  on  voit  qu'en  faisant  Ja  somme  de 
deux  quelconques  de  ces  courants  on  obtient  toujours  Je 
troisième,  quelle  que  soit  la  valeur  de  o.    ^ 

Ces  courants,  qu'on  appelle  courants  triphasés,  ou  en 


—  773  — 


ÉLECTRICITÉ 


général,  lorsqu'il  y  en  a  un  plus  grand  nombre,  courants 
polyphasés,  conviennent  particulièrement  à  la  production 
d'un  champ  magnétique  tournant.  Il  est  évident,  en  effet, 
sanseffectuer  de  calcul,  que  si  on  place  trois  bobines  à  120% 
on  obtiendra  un  champ  tournant  si  ces  trois  bobines  sont 
parcourues  par  des  courants  dont  la  différence  de  phase 
atteint  120<>.  On  peut  donc  constituer  de  cette  façon  des 
moteurs  dont  le  seul  inconvénient  est  qu'ils  nécessitent  pour 
être  actionnés  trois  fils  de  ligne,  au  lieu  de  deux  comme 
avec  les  courants  continus.  Quanta  l'induit  de  ces  machines, 
il  est  constitué  simplement  par  un  anneau  fermé  sur  lui- 
même  et  sans  commutateur. 

Les  courants  à  trois  phases  ont  servi  dernièrement  à 
effectuer  un  transport  de  force  à  grande  distance,  près  de 
180  kil.,  de  Lauffen  à  l'Exposition  de  Francfort.  Pour  des 
distances  aussi  considérables,  il  faut  pouvoir  employer  de 
très  fortes  tensions  pour  éviter  des  poids  de  cuivre  qui  ren- 
draient l'entreprise  impossible.  On  a  employé  pour  ce  trans- 
port une  double  transformation,  c.-à-d.  que  le  courant  était 
engendré  à  basse  tension,  transformé  ensuite  à  haute  ten- 
sion ;  à  l'autre  extrémité  de  la  ligne,  on  effectuait  une 
transformation  en  sens  inverse.  Ainsi  toute  la  haute  ten- 
sion était  limitée  aux  fils  de  ligne  et  aux  transformateurs 
ne  comprenant  aucun  organe  mobile.  Ce  moyen  de  distri- 
buteur a  été  employé  depuis  dans  plusieurs  installations. 

On  peut  effectuer  par  les  courants  triphasés  assez  facile- 
ment des  transports  de  force.  Mais  ce  qui  paraît  plus  com- 
pliqué, c'est  d'effectuer  avec  ces  courants  de  l'éclairage 
électrique  ;  aussi  ce  système  ne  sera-t-il  complet  que 
lorsqu'on  aura  inventé  des  méthodes  de  réglage  permettant 
de  partager  également  la  charge  entre  les  trois  fils;  dans 
l'état  actuel  de  la  science,  on  peut  dire  que  les  courants 
alternatifs  ordinaires  permettent  facilement  l'éclairage, 
mais  plus  difficilement  l'utilisation  de  l'énergie  du  courant, 
et  qu'avec  les  courants  à  phases  multiples,  c'est  l'inverse 
qui  a  lieu. 

Pour  distribuer  chez  les  consommateurs  de  l'énergie  élec- 
trique, utilisable  soit  pour  l'éclairage  soit  pour  actionner 
des  moteurs,  on  a  établi  dans  un  grand  nombre  de  villes 
des  usines  destinées  à  engendrer  le  courant  électrique  et 
qu'on  désigne  sous  le  nom  de  stations  centrales  d'élec- 
tricité. 

On  emploie  à  cet  effet  différents  systèmes  de  distribution 
qui  ont  chacun  leurs  avantages  et  leurs  inconvénients  :  ce 
sont  principalement  les  circonstances  locales  qui  déterminent 
le  choix  du  système.  Nous  allons  passer  rapidement  en 
revue  les  systèmes  les  plus  employés  et  indiquer  leurs 
avantages  et  leurs  inconvénients. 

On  peut  utiliser  deux  genres  de  courants  :  le  courant 
continu  et  le  courant  alternatif  ;  le  courant  à  phases  mul- 
tiples (courants  triphasés)  n'est  qu'une  modification  des 
courants  alternatifs. 

La  lutte  entre  les  partisans  des  courants  continus  et  des 
courants  alternatifs  est  toujours  ardente  :  jusqu'ici  elle  est 
loin  d'être  terminée.  Avec  les  courants  continus,  on  a 
l'avantage  de  pouvoir  effectuer,  dans  un  rayon  limité,  il 
est  vrai,  une  distribution  facile  à  régler,  de  pouvoir  ac- 
tionner des  moteurs  de  toute  grandeur  et  surtout  de  pou- 
voir employer  des  accumulateurs.  Par  contre,  ces  courants 
ne  permettent  pas  de  transformer  facilement  la  tension  qui 
règne  dans  le  conducteur. 

Les  courants  alternatifs,  au  contraire,  permettent  une 
transformation  facile  et  économique  de  tension,  ce  qui 
permet,  comme  nous  le  préciserons  plus  bas,  de  distribuer 
le  courant  très  loin  ;  par  contre,  avec  ces  courants  on  ne 
peut  pas  se  servir  d'accumulateurs,  et  il  est  jusqu'à  présent 
encore  difficile  de  se  servir  de  ces  courants  pour  actionner 
des  moteurs  ;  les  moteurs  à  champ  tournant  changeront 
peut-être  cette  question.  On  peut  dire  encore  que  les 
courants  alternatifs  n'affectent  pas  autant  les  isolements  que 
les  courants  continus  avec  lesquels  on  constate  à  la  longue 
une  espèce  d'électrolyse  capable  de  modifier  la  nature  de 
l'isolant.  Par  contre,  avec  le  même  voltage,  les  chocs  des 


courants  alternatifs  sont  beaucoup  plus  dangereux  pour 
les  personnes  que  ceux  des  courants  continus. 

Ayant  indiqué  ainsi  sommairement  les  qualités  inhérentes 
à  ces  deux  systèmes,  nous  considérerons  d'abord  la  distri- 
bution avec  courants  continus.  Lorsqu'il  s'agit  de  distribuer 
l'énergie  électrique  dans  un  petit  périmètre,  n'excédant  pas 
500  à  600  m.,  on  peut  employer  avec  avantage  la  distri- 
bution à  potentiel  constant.  C'est  d'ailleurs  le  premier  sys- 
tème qu'on  a  employé  industriellement.  La  tension  ou  le 
potentiel  à  maintenir  dans  les  conducteurs  est  maintenu 
toujours  égal  à  100  volts.  Disons  pourquoi  on  a  adopté  cette 
tension  de  préférence  à  toute  autre.  Il  est  évident  à  priori 
que  plus  la  tension  est  élevée  et  moins  il  faut  de  cuivre 
pour  effectuer  la  distribution.  Supposons,  par  exemple, 
qu'il  s'agisse  de  distribuer  1  kilowatt  ou  1,000  watts. 
Si  la  différence  de  potentiel  est  de  100  volts,  il  faut  que 
l'intensité  du  courant  soit  de  10  ampères  ;  avec  50  volts 
il  faudrait  20  ampères,  et  avec  1,000  volts  1  ampère 
seulement;  dans  tous  ces  cas,  le  produit  est  de  1,000  volts 
ampères  ou  watts.  Il  est  évident  que  pour  conduire  un 
courant  de  20  ampères  à  une  certaine  distance,  il  faut  un 
conducteur  environ  20  fois  plus  fort  que  pour  conduire  à 
cette  même  distance  un  courant  d'un  ampère.  On  a  donc 
tout  intérêt  à  utiliser  des  potentiels  aussi  élevés  que  pos- 
sible. Mais,  d'un  autre  côté,  il  faut  que  chaque  appareil 
soit  indépendant  des  autres,  c.-à-d.  il  faut  pouvoir  enlever 
du  circuit  un  appareil  quelconque  sans  influencer  les  autres. 
Actuellement,  presque  toutes  les  distributions  sont  faites  en 
vue  de  l'éclairage  électrique  et  particulièrement  en  vue  de 
l'éclairage  par  lampes  à  incandescence.  On  construit  des 
lampes  à  incandescence  allant  jusqu'à  150  et  200  volts. 
Mais  ces  lampes  dont  la  fabrication  est  délicate  sont  très 
fragiles  par  suite  de  la  longueur  du  filament.  Aussi  a-t-on 
adopté  dans  l'industrie  des  lampes  de  1 00  à  1 10  volts  ;  c'est 
la  tension  qui  est  universellement  adoptée  pour  les  distri- 
butions. 

Cette  tension  a  encore  l'avantage  de  permettre  d'allumer 
deux  lampes  à  arc  en  série  et  de  convenir  parfaitement  pour 
actionner  les  moteurs  dont  on  fait  maintenant  un  si  grand 
usage,  surtout  à  l'étranger. 

Dans  les  stations  centrales  établies  pour  fournir  le  cou- 
rant aux  tramways  électriques,  on  a  presque  universellement 
adopté  en  Amérique,  où  ces  lignes  sont  excessivement  fré- 
quentes, une  tension  de  500  volts. 

La  tension  de  régime  qui  doit  exister  dans  le  réseau  une 
fois  fixée,  il  s'agit  d'établir  un  réseau  de  conducteurs  tels 
que  l'on  puisse  maintenir  partout  la  tension  uniforme  de 
régime,  quelle  que  soit  la  consommation  de  courant,  c.-à-d. 
le 'nombre  de  lampes  que  les  consommateurs  allument. 

Nous  n'entrerons  pas  dans  les  détails  techniques  de  l'éta- 
blissement d'un  réseau,  question  qui  est  assez  compliquée. 
Quoi  qu'on  fasse,  on  aura  toujours  une  certaine  perte  de 
tension  dans  la  ligne,  d'où  il  résulte  que,  dans  les  endroits 
situés  près  de  l'usine,  la  tension  sera  un  peu  plus  forte 
que  dans  des  endroits  placés  à  l'extrémité  du  réseau.  Pour 
remédier  à  cet  inconvénient,  on  fait  revenir  quelquefois 
l'un  des  conducteurs  à  l'usine,  et  on  peut  intercaler  ainsi 
les  lampes  entre  le  commencement  d'un  des  conducteurs  et 
la  fin  de  l'autre  ;  les  tensions  sont  alors  également  distri- 
buées. Dans  de  grandes  installations,  après  avoir  établi  le 
réseau,  on  rattache  certains  points  directement  à  l'usine  à 
l'aide  de  gros  conducteurs  appelés  conduites  d'alimentation 
ou  feeders  à  l'aide  desquels  on  maintient  un  potentiel  cons- 
tant dans  le  réseau. 

Disons  maintenant  un  mot  de  la  manière  de  régler  la 
tension  à  l'usine.  Nous  avons  vu  qu'avec  des  machines  en 
dérivation  et  surtout  avec  des  machines  à  double  enrou- 
lement, on  arrive  à  maintenir  constante  la  différence  de 
potentiel  aux  bornes,  quelle  que  soit  la  résistance  exté- 
rieure ou  le  débit  de  la  machine.  On  peut  d'ailleurs  agir 
directement  sur  l'excitation  des  machines  et,  par  des. 
lampes  d'essai  placées  dans  l'usine,  s'assurer  que  la  tension 
conserve  toujours  sa  valeur  normale. 


ÉLECTRICITÉ 


—  774  — 


Dans  des  stations  centrales  établies  pour  fournir  l'éclai- 
rage aux  habitants  d'une  ville,  la  demande  de  courant  ne 
varie  jamais  d'une  manière  très  brusque,  puisque  toutes 
les  lampes  ne  sont  pas  allumées  ou  éteintes  toutes  à  la  fois. 

Comme  on  peut  le  constater  à  l'aide  des  courbes  de 
consommation  de  courant,  cette  consommation  est  très 
faiblependant  la  journée  ;  elle  s'accroît  assez  brusquement 
entre  quatre  et  six  heures,  d'après  la  saison,  pour  dimi- 
nuer graduellement  jusqu'à  minuit  ou  même  plus  tard;  la 
consommation  principale  n'a  lieu  que  pendant  quatre  ou  cinq 
heures  sur  les  vingt-quatre  heures  de  la  journée.  Il  est  évident 
que,  dans  ces  conditions,  il  serait  impossible  d'avoir  une  seule 
grosse  dynamo  pour  satisfaire  à  tous  les  besoins,  puisque 
cette  dynamo  travaillerait  pendant  la  plus  grande  partie  de 
la  journée  presque  à  vide,  et  la  machine  à  vapeur  donnerait, 
dans  ces  conditions,  un  mauvais  rendement.  Aussi  dispose- 
t-on  le  plus  souvent  d'une  petite  machine  pour  fournir 
le  courant  pendant  la  journée  (nous  parlons  ici  des 
stations  non  pourvues  d'accumulateurs). 

Le  courant  total  à  fournir  est  réparti  entre  un  certain 
nombre  d'unités  :  ces  unités,  qui  autrefois  étaient  assez 
faibles,  se  font  maintenant  de  plus  en  plus  grandes.  Au 
fur  et  à  mesure  des  besoins,  ces  dynamos  sont  accou- 
plées en  quantité  sur  le  réseau.  L'insertion  d'une  nou- 
velle machine  dans  le  circuit  est  une  manœuvre  assez 
déhcate.  Il  faut  d'abord  exciter  les  électro-aimants  de  la 
nouvelle  machine  de  façon  qu'elle  donne  un  potentiel  qui 
soit  exactement  celui  du  réseau;  puis,  ce  résultat  obtenu, 
on  peut  l'insérer  en  quantité  avec  les  autres  machines  en 
fonctionnement.  Comme  ces  machines  réagissent  toujours 
les  unes  sur  les  autres,  et  comme  d'ailleurs  les  machines  à 
vapeur  ne  tournent  pas  rigoureusement  à  la  même  vitesse, 
lorsqu'on  augmente  brusquement  la  charge,  on  conçoit 
facilement  qu'on  obtient  souvent  dans  le  circuit  des  oscil- 
lations qui  font  vaciller  les  lampes. 

Une  fois  l'installation  soigneusement  faite,  il  est  assez 
facile  d'empêcher  les  accidents  et  surtout  l'arrêt  complet 
des  machines,  entraînant  une  extinction  totale  de  l'éclai- 
rage, extinction  qu'on  constate  encore  plus  souvent  que  cela 
ne  devrait  être.  Ces  extinctions  proviennent  ordinairement 
de  la  partie  mécanique  des  installations  :  chute  d'une  cour- 
roie, rupture  d'un  tube  de  chaudière,  échauifement  d'un 
palier,  etc.  Le  meilleur  moyen  de  les  éviter,  ou  plutôt 
d'en  éviter  les  conséquences  fâcheuses,  est  de  diviser 
l'installation  en  un  certain  nombre  de  parties  complè- 
tement indépendantes  et  qu'on  peut  interchanger.  En  pre- 
nant plusieurs  machines  à  vapeur  alimentées  par  un  certain 
nombre  de  chaudières  et  un  certain  nombre  de  dynamos, 
il  est  facile  d'arranger  les  choses  de  telle  façon  que,  lorsqu'il 
arrive  une  avarie  à  un  organe  quelconque,  on  puisse  l'isoler 
et  effectuer  le  plus  souvent  la  réparation  pendant  que  les 
autres  parties,  quelque  peu  surchargées,  fournissent  le 
courant  pendant  la  durée  de  la  réparation  ;  on  évite  ainsi 
que  l'accident  n'ait  des  conséquences  graves. 

Emploi  des  accumulateurs.  Jusqu'ici  nous  avons 
supposé  que  la  distribution  se  faisait  sans  l'intervention 
des  accumulateurs;  dans  ces  conditions,  il  faut  toujours 
avoir  au  moins  une  machine  en  mouvement. 

L'apphcation  des  accumulateurs  présente  plusieurs  avan- 
tages, surtout  au  point  de  vue  de  la  facilité  du  réglage, 
de  la  commodité  et  de  la  garantie  en  cas  d'accident.  Nous 
laissons  de  côté  la  question  pécuniaire  qui  est  très  discutée 
et  dépend  entièrement  du  prix  de  revient  et  d'entretien 
des  accumulateurs. 

On  peut  se  servir  des  accumulateurs  de  plusieurs 
manières  différentes  : 

Les  accumulateurs  peuvent  d'abord  être  utilisés  pour 
faciliter  le  réglage  et  comme  garantie  en  cas  d'accident. 

Dans  ces  conditions,  il  suffit  d'une  batterie  de  faible 
capacité,  les  accumulateurs  ne  servant  alors  que  de 
volant  pour  empêcher  les  oscillations  de  la  lumière  qu'on 
constate  surtout  dans  les  petites  installations.  On  avait 
même  inventé  des  accumulateurs  spéciaux  pour  remplir 


ce  but  ;  la  capacité  réduite  de  ces  accumulateurs  per- 
mettait de  les  livrer  à  meilleur  compte  que  les  accumula- 
teurs des  types  courants,  mais  on  préfère  avec  raison  se  servir 
d'accumulateurs  ordinaires.  En  connaissant  la  capacité  de 
ces  appareils,  il  est  facile  d'évaluer  de  quel  poids  d'accu- 
mulateurs il  faut  disposer  pour  entretenir  l'éclairage  pen- 
dant un  temps  donné.  Supposons  par  exemple  qu'un  kilogr. 
de  plaques  d'accumulateurs  puisse  emmagasiner  10  ampères- 
heures  et  fournir  un  courant  de  1  ampère.  La  tension 
du  réseau  à  basse  tension  étant  d'environ  100  volts,  il 
faut  donc  un  peu  plus  de  50  accumulateurs  accouplés  en 
série.  Il  faudrait  donc  autant  de  kilogrammes  de  plaques 
qu'on  doit  pouvoir  fournir  d'ampères.  Dans  une  installa- 
tion pour  oOO  à  600  lampes  à  incandescence,  par  exemple, 
on  doit  pouvoir  disposer  d'un  courant  d'environ  200  am- 
pères; ce  nombre  varie  naturellement  avec  le  calibre  des 
lampes.  Pour  fournir  un  courant  de  200  ampères,  il  fau- 
drait dans  notre  cas  un  accumulateur  d'un  poids  d'en- 
viron 200  kilogr.  ;  comme  il  en  faut  un  peu  plus  de  50 
pour  obtenir  la  tension  de  100  volts,  il  faudrait  environ 
10,000  kilogr.  ou  10  tonnes  d'accumulateurs. 

C'est  uniquement  du  poids  des  accumulateurs  que  dépen- 
dent les  services  qu'on  peut  en  obtenir  pour  la  distribution 
de  l'électricité;  leur  nombre  est  toujours  invariable  et 
dépend  de  la  tension  qui  règne  dans  le  circuit  de  distribu- 
tion; on  peut  prendre  le  potentiel  de  décharge  égale  1^9. 
Quant  à  la  capacité,  elle  varie  dans  d'assez  larges  limites 
avec  la  fabrication.  Mais  il  est  un  point  sur  lequel  il  est 
nécessaire  d'insister,  c'est  qu'on  ne  peut  pas  décharger 
les  accumulateurs  trop  vite;  le  régime  normal  de  décharge 
est  de  1  ampère  à  1^'2,  et  on  ne  peut  guère  dépasser  l^^'o 
par  kilogramme  de  plaque  sans  les  détériorer.  De  plus,  il 
est  prudent  de  ne  pas  les  décharger  complètement  et  de 
n'utiliser  que  60  à  70  °  o  de  ce  qu'ils  peuvent  donner. 

Ainsi,  dans  l'exemple  que  nous  avons  choisi  de  500  lampes 
exigeant  un  courant  de  200  ampères,  une  batterie  de 
10  tonnes  d'accumulateurs  pourrait  ahmenter  toutes  les 
lampes  et  remplacer  la  dynamo  pendant  huit  à  dix  heures, 
c.-à-d.  pendant  une  journée  entière.  Si  on  ne  disposait  que 
de  5  tonnes  d'accumulateurs,  ils  ne  pourraient  plus  rem- 
placer la  dynamo,  car  la  plupart  des  accumulateurs  ne  per- 
mettent pas  l'arrangement  suivant:  10  tonnes  d'accumu- 
lateurs fournissant  200  ampères  pendant  dix  heures, 
5  tonnes  ne  peuvent  pas  fournir  ces  200  ampères  pendant 
cinq  heures,  ni  2  tonnes  ces  mêmes  200  ampères  pendant 
deux  heures,  bien  que,  dans  tous  ces  cas,  le  nombre  de 
kilowatt-heures  par  unité  de  poids  reste  le  même. 

Ceci  nous  montre  que  pour  que  les  accumulateurs  puis- 
sent alimenter  les  lampes  en  cas  d'arrêt  des  machines,  et 
cela  m.ême  pendant  un  temps  très  court,  il  faut  un  très 
grand  poids  d'accumulateurs.  Il  s'agissait,  dans  notre 
exemple,  d'un  dynamo  de  200  ampères  à  100  volts,  soit 
20  kilowatt,  nécessitant  une  machine  à  vapeur  d'une  tren- 
taine de  chevaux. 

Dans  de  grandes  installations,  il  faut  donc  d'énormes 
batteries  si  Ton  veut  se  mettre  à  l'abri  de  l'extinction  pro- 
venant de  l'arrêt  des  machines.  Cependant,  lorsqu'on  dis- 
pose de  plusieurs  dynamos  et  de  plusieurs  machines  à 
vapeur,  on  peut  toujours  s'arranger  de  façon  à  ce  que  l'ar- 
rêt d'une  partie  n'entraîne  pas  l'arrêt  des  autres  machines. 

Il  y  a  un  autre  mode  d'emploi  des  accumulateurs  qui 
présente,  dans  certaines  conditions,  des  avantages  sérieux. 
Au  lieu  de  s'en  servir  pour  suppléer  aux  machines  en  cas 
d'accident,  on  peut  s'en  servir  pour  fournir  le  courant 
ensemble  avec  la  dynamo  et  employer  ainsi  une  machine 
à  vapeur  plus  petite. 

Dans  l'exemple  précédent  de  500  lampes  et  200  ampères, 
la  dynamo  ne  débitera  le  courant  que  pendant  très  peu 
d'heures  par  jour,  cinq  ou  six  heures  suivant  la  saison  ;  le 
reste  de  la  journée,  la  dynamo  ne  débitera  qu'un  faible 
courant,  et  la  machine  à  vapeur  travaillera  dans  de  mau- 
vaises conditions  de  rendement.  Ajoutons  à  cette  installation 
une  batterie  d'accumulateurs  de  5  tonnes  pouvant  fournir 


775  — 


ÉLECTRICITÉ 


un  courant  de  dOO  ampères  sous  400  \olts  et  accouplons-les 
à  une  dynamo  également  de  100  ampères  et  de  100  volts, 
c.-à-d.  à  une  dynamo  moitié  moins  forte  que  celle  qu'il 
faudrait  sans  les  accumulateurs.  En  faisant  travailler  la 
machine  à  vapeur  pendant  la  journée  à  la  charge  des  accu- 
mulateurs, elle  pourra  fonctionner  dans  les  conditions  éco- 
nomiques; pendant  les  heures  de  forte  consommation,  les 
accumulateurs  fourniront  l'appoint.  On  a  encore  l'avantage 
que,  pendant  la  nuit,  on  peut  arrêter  la  machine  à  vapeur 
et  alimenter  les  lampes  qui  restent  allumées  par  les  accu- 
mulateurs. Pendant  la  charge  des  accumulateurs,  un  cou- 
rant dérivé  sur  les  bornes  de  la  machine  servira  à  alimenter 
les  lampes.  Ce  système  peut  donner  de  bons  résultats  dont 
l'économie  dépend  surtout  du  prix  et  de  l'entretien  des  accu- 
mulateurs. Dans  une  station  établie,  on  peut  dire  que 
l'emploi  des  accumulateurs  permet  de  doubler  le  nombre 
de  lampes.  ,  . 

Tout  ce  que  nous  avons  dit  jusqu'ici  se  rapporte  spécia- 
lement à  une  distribution  à  basse  tension,  distribution 
dont  les  points  extrêmes  doivent  se  trouver  au  maximum  à 
500  ou  600  m.  de  la  station.  Lorsque  cette  distance  se  trouve 
dépassée,  il  faut  nécessairement  augmenter  le  potentiel  de 
la  distribution  ;  mais,  pour  que  les  lampes  restent  indépen- 
dantes les  unes  des  autres,  il  est  indispensable  que  la  ten- 
sion dans  les  circuits  de  distribution  reste  toujours  celle 
qui  correspond  à  une  lampe  à  incandescence,  c.-à-d.  à 
environ  100  volts. 

Distribution  à  trois  fils.  Un  des  moyens  les  plus  sim- 
ples pour  augmenter  la  tension  est  de  mettre  deux  dyna- 
mos en  tension  et  de  répartir  les  lampes  en  deux  séries. 
S'il  y  avait  autant  de  lampes  d'un  côté  que  de  l'autre,  il 
ne  circulerait  aucun  courant  dans  le  fil  de  miheu  qu'on 
appelle  le  fil  neutre  ;  en  tout  cas,  il  ne  circule  dans  ce  con- 
ducteur qu'un  courant  bien  plus  faible  que  dans  les  conduc- 
teurs extrêmes.  Ce  système  est  presque  toujours  employé 
dans  les  grandes  stations  centrales  ;  nous  n'entrerons  pas 
ici  dans  les  réglages  qu'il  faut  opérer  pour  maintenir  con- 
stantes les  différences  de  potentiel  dans  les  deux  systèmes 
de  fils.  Comme  avec  ce  système  on  double  le  potentiel 
de  distribution  (220  volts  au  lieu  de  110  volts),  on  peut 
atteindre  des  distances  doubles  sans  une  augmentation  notable 
de  cuivre. 

Distribution  à  cinq  fils.  En  disposant  cinq  dynamos  en 
tension,  on  peut  porter  la  différence  de  potentiel  jusqu'à 
440  volts  et  quadrupler  ainsi  la  tension  primitive.  Il  existe 
encore  peu  d'exemples  de  ce  genre  de  distribution  qui  est 
employé  pour  le  secteur  de  la  place  Clichy  à  Paris.  L'égali- 
sation de  tension  dans  les  différents  fils  est  assez  compliquée 
et  le  grand  nombre  de  fils  nécessaire  rend  la  canalisation 
assez  difficile  à  établir.  Au  secteur  de  la  place  Clichy,  on  a 
disposé,  pour  répartir  également  les  tensions,  un  appareil, 
appelé  égalisateur  de  potentiel,  consistant  en  quelque 
sorte  en  une  machine  Gramme  portant  quatre  anneaux  :  si 
la  tension  est  bien  distribuée,  l'anneau  ne  tourne  pas;  il 
tourne,  au  contraire,  aussitôt  qu'il  existe  un  courant  plus 
fort  d'un  côté  que  de  l'autre  :  l'appareil  absorbe  ainsi  du 
courant  d'un  côté  et  il  le  restitue  de  l'autre,  de  façon  que, 
théoriquement,  il  n'y  aurait  aucune  perte  par  suite  du 
fonctionnement  de  cet  organe. 

Les  systèmes  à  trois  et  à  cinq  fils  sont,  on  le  voit,  des 
modifications  de  la  distribution  à  basse  tension. 

Distribution  par  transformateurs -moteurs.  Les 
moyens  précédents  ne  permettent  d'augmenter  la  tension 
que  dans  une  certaine  limite;  pour  distribuer  l'énergie 
électrique  au  loin,  il  faut  dépasser  ces  limites  dans  de  fortes 
proportions  et,  au  lieu  de  quelques  centaines  de  volts, 
atteindre  des  milliers  de  volts.  Les  courants  d'une  aussi^ 
haute  tension  étant  dangereux  et  d'un  maniement  difficile,' 
on  ne  peut  pas  les  amener  directement  chez  les  consomma- 
teurs, d'autant  plus  que,  les  appareils  devant  être  indépen- 
dants, il  faut  ramener  la  tension  à  110  volts.  Le  système 
suivant  de  distribution  à  haute  tension  est  d'un  emploi  assez 
fréquent.  Dans  une  station  située  à  une  certaine  distance 


du  centre  de  distribution,  on  engendre  des  courants  à  haute 
tension,  de  2,000  à  6,000  volts,  lesquels  courants  on 
envoie  dans  des  transformateurs-moteurs  :  ces  appareils 
ne  sont  autre  chose  que  des  dynamos  pourvues  de  deux 
anneaux;  le  courant  de  haute  tension  lancé  dans  le  premier 
anneau  le  fait  tourner  et  entraîne  le  deuxième  anneau  sur 
lequel  on  a  enroulé  de  gros  fils;  le  courant  de  basse  tension 
ainsi  engendré  est  distribué  comme  nous  l'avons  vu  précé- 
demment. Ce  système  présente  donc  l'avantage  de  permettre 
de  hautes  tensions  dans  la  partie  la  plus  longue  de  la  cana- 
lisation et  de  basses  tensions  dans  la  distribution  propre- 
ment dite.  A  Paris,  ce  système  est  employé  pour  le  secteur 
du  transport  de  la  force  par  l'électricité,  l'usine  étant 
située  à  Saint-Ouen  et  les  usines  secondaires  de  distribution 
à  l'intérieur  de  Paris.  On  peut  employer  ce  système,  comme 
d'ailleurs  tous  les  autres  systèmes  à  courant  continu,  con- 
jointement avec  des  accumulateurs,  et  imaginer  à  cet  effet 
différents  dispositifs  dans  le  détail  desquels  nous  n'entrerons 
pas. 

Distribution  à  haute  tension  par  accumulateurs. 
Les  accumulateurs  se  prêtent  facilement  à  un  mode  de  dis- 
tribution à  haute  tension  dont  voici  les  traits  généraux. 
A  la  station  génératrice,  on  engendre  des  courants  à  haute 
tension,  supposons  2,000  volts  par  exeniple;  dans  les 
centres  de  distribution,  on  place  des  batteries  d'accumula- 
teurs, 50  dans  le  cas  habituel,  sur  lesquelles  on  branche  les 
conducteurs  locaux.  On  charge  les  accumulateurs  pendant 
la  journée  et  on  les  décharge  pendant  les  heures  d'éclairage. 
Ce  système,  qui  paraît  à  première  vue  assez  économique, 
procure  un  éclairage  très  fixe,  mais  il  donne  lieu  par  contre 
à  des  réglages  assez  compliqués,  et  il  nécessite  une  sur- 
veillance minutieuse.  On  l'emploie  à  Paris  pour  le  secteur 
Popp  et  dans  différents  quartiers  de  Londres. 

Distribution  par  courants  alternatifs.  Les  courants 
alternatifs  se  prêtent  particulièrement  à  la  distribution  de 
Félectricité  à  des  distances  assez  grandes,  quelques  kilo- 
mètres par  exemple.  C'est  le  seul  système  reconnu  pratique 
jusqu'ici  lorsque  les  différents  centres  de  consommation 
sont  assez  éloignés.  Les  courants  alternatifs  ne  présentent 
aucun  avantage  sérieux  sur  les  courants  continus  pour  de 
faibles  distances,  c.-à-d.  lorsque  le  courant  peut  être  en- 
gendré à  basse  tension  (100  volts)  et  utilisé  tel  quel.  C'est 
dans  la  transformation  facile  de  courants  de  haute  tension 
en  courants  de  basse  tension  que  réside  la  supériorité  des 
courants  alternatifs  pour  la  distribution  à  des  distances 
relativement  considérables.  Pour  effectuer  cette  transfor- 
mation lorsqu'il  s'agit  de  courants  continus,  il  faut  un 
organe  mobile,  exigeant  par  conséquent  une  surveillance 
continue,  tandis  qu'avec  les  courants  alternatifs  on  emploie 
des  transformateurs  formés  en  principe  d'un  anneau  de  fil 
de  fer  sur  lequel  on  a  disposé  deux  enroulements,  l'un 
correspondant  à  la  haute  tension  et  l'autre  à  la  basse  ten- 
sion. Le  courant  de  haute  tension  aimante  l'anneau  de  fer 
et  par  la  variation  continue  de  son  intensité  induit  dans  les 
spires  de  l'enroulement  secondaire  un  courant  dont  le  poten- 
tiel moyen  dépend  du  nombre  de  spires  de  deux  enroule- 
ments. Si  le  nombre  de  tours  de  fil  du  primaire  est  vingt 
fois  celui  de  l'enroulement  secondaire,  le  potentiel  sera  abaissé 
approximativement  dans  le  rapport  de  20  à  1 .  Le  potentiel 
dans  la  canafisation  principale  étant,  par  exemple,  de 
2,000  volts,  celui  dans  les  circuits  secondaires  sera  amené 
à  ia  tension  normale  de  100  volts.  Comme  les  transfor- 
mateurs n'exigent  aucun  entretien  et  comme  il  n'y  a  aucun 
organe  mobile,  on  conçoit  que  l'agencement  de  ces  appareils 
n'est  pas  bien  compliqué.  C'est  à  cette  facihté  qu'on  doit 
l'extension  considérable  de  ce  système.  En  Europe,  presque 
la  moitié  des  stations  centrales  emploient  des  courants 
alternatifs  et  en  Amérique  cette  proportion  est  plus  consi- 
dérable encore. 

Jusque  dans  ces  derniers  temps,  les  courants  alternatifs 
avaient  sur  les  courants  continus  le  désavantage  de  ne 
pas  pouvoir  actionner  convenablement  des  moteurs  élec- 
triques dont  l'emploi  se  généralise  tant.  L'invention  des 


ÉLECTRICITÉ 


—  776  — 


moteurs  à  champ  magnétique  tournant  et  le  système  de 
courants  alternatifs  à  plusieurs  phases  ont  modifié  cet  état 
de  choses.  Comme  nous  l'avons  expliqué  plus  haut,  on 
peut  réaliser  les  moteurs  à  champ  tournant  avec  deux  ou 
trois  fils.  Pour  l'éclairage  électrique,  la  distribution  par 
trois  fils  avec  courants  alternatifs  (courants  à  phases  mul- 
tiples) est  encore  dans  la  période  d'expérimentation.  On  a 
fait  comme  curiosité  des  lampes  à  incandescence  à  trois 
filaments  s'adaptant  à  ces  courants,  mais,  comme  à  notre 
connaissance  aucune  installation  d'éclairage  de  ce  genre  n'a 
été  réahsée  jusqu'ici,  nous  n'en  parlerons  pas. 

L'installation  des  conducteurs  devant  servir  à  l'éclairage 
électrique  d'une  ville  ou  d'un  groupe  de  maisons  est  une 
grosse  question  ;  on  peut  même  dire  que  c'est  une  des 
plus  grandes  difficultés  qu'on  rencontre  dans  l'établisse- 
ment d'une  station  centrale. 

Il  faut  avant  tout  faire  le  calcul  du  diamètre  exigé  pour 
les  conducteurs.  Ce  calcul  est  des  plus  difficiles  et  nous  ne 
croyons  pas  que  jusqu'à  présent  on  ait  proposé  aucune 
méthode  simple  et  sûre.  Il  est  facile  de  calculer  le  dia- 
mètre d'un  conducteur  qui  produise  pour  une  longueur 
donnée  une  perte  de  charge  fixée  d'avance,  mais  dans  un 
réseau  où  les  fils  s'entre-croisent,  ce  calcul  n'est  plus  d'une 
bien  grande  importance.  Il  est  hors  de  notre  sujet  d'entrer 
dans  des  détails  des  méthodes  suivies  ;  les  méthodes 
changent  d'ailleurs  avec  les  circonstances.  Notons  toutefois 
en  passant  la  méthode  expérimentale  suivante  qu'on  a 
quelquefois  employée  :  on  dresse  à  l'échelle  une  carte  de 
de  la  ville  et  on  y  fait  figurer  l'usine  en  même  temps  que 
les  diff'érents  centres  de  distribution  qu'on  rattache  avec 
des  fils  de  cuivre  de  diff'érents  diamètres.  En  mesurant 
alors  avec  un  instrument  quelconque  la  perte  de  charge 
aux  diff'érents  points  des  distributeurs,  on  peut  se  faire 
une  idée  des  conditions  à  réaliser  pour  le  réseau  réel. 

Une  fois  qu'on  a  déterminé  par  un  moyen  quelconque  les 
diamètres  à  donner  aux  différents  conducteurs,  il  faut  pro- 
céder à  leur  installation.  Le  plus  simple  est  évidemment 
de  faire  comme  pour  les  fils  télégraphiques  et  d'établir  les 
conducteurs  aériens  sur  des  poteaux.  En  France  et  presque 
partout  en  Europe,  ce  genre  d'installation  n'est  pas  permis 
par  les  municipalités  ;  aux  Etats-Unis  ce  n'est  que  dans 
les  très  grandes  villes  qu'on  fait  objection  à  ce  genre  de 
fils  ;  on  peut  même  dire  que  si,  en  Amérique,  l'électricité  a 
fait  des  progrès  si  rapides,  cela  est  dû  en  partie  aux  faci- 
lités qu'ont  eu  partout  les  électriciens  d'établir  des  conduc- 
teurs aériens,  dont  l'installation  est  si  simple  et  si  peu 
coûteuse. 

Les  conducteurs  souterrains,  au  contraire,  reviennent 
toujours  très  cher,  et  leur  établissement  dans  une  ville  de 
quelque  étendue  revient  quelquefois  presque  aussi  cher  que 
toute  l'usine  électrique.  On  a  proposé  de  nombreux  sys- 
tèmes pour  ce  genre  de  conducteurs,  mais  jusqu'ici  on  n'a 
pas  encore  trouvé  de  disposition  absolument  à  l'abri  de 
tout  reproche.  Pour  de  grandes  distances,  on  pose  souvent 
dans  le  sol  des  câbles  faits  plus  ou  moins  sur  le  modèle  des 
câbles  sous-marins,  c.-à-d.  du  fil  de  cuivre  entouré  de 
caoutchouc  et  protégé  par  des  fil  s  defer.Ces  câbles  reviennent 
assez  chers;  mais,  lorsqu'ils  sont  bien  établis,  ils  donnent 
de  bons  résultats,  surtout  lorsque  le  sous-sol  est  humide. 
On  a  proposé  aussi  d'employer  des  conducteurs  nus  posés 
dans  des  caniveaux  sur  des  isolateurs  en  porcelaine  ;  on 
peut  obtenir  ainsi  de  bons  résultats  si  on  peut  mettre  les 
caniveaux  à  l'abri  de  l'humidité,  ce  qui  est  une  très  grande 
difficulté. 

Les  autres  systèmes  sont  presque  tous  des  méthodes 
intermédiaires  entre  les  deux  précédents  :  le  câble  isolé 
posé  directement  dans  le  sol  ;  le  câble  nu  posé  dans  une 
canalisation  fermée.  Il  est  assez  facile  d'imaginer  des  dis- 
positions de  ce  genre  :  nous  n'insisterons  pas.  Nous  ferons 
remarquer  toutefois  que  pour  des  courants  alternatifs  on  a 
proposé  avec  succès  des  câbles  concentriques  dans  lesquels 
l'un  des  conducteurs  entoure  complètement  l'autre. 
Lorsqu'on  enterre  les  câbles  bien  isolés  directement 


dans  le  sol  sans  les  poser  dans  des  conduites,  on  ne  peut 
les  réparer  ou  y  eff'ectuer  des  branchements  sans  faire  des 
travaux  de  terrassement  souvent  très  onéreux.  Le  meilleur 
système,  mais  aussi  le  plus  cher,  est  sans  contredit  de 
prendre  des  câbles  parfaitement  isolés  et  de  les  poser  dans 
des  conduites  desquelles  on  peut  facilement  les  tirer. 
Comme  matière  isolante,  le  caoutchouc  vulcanisé  convient, 
paraît-il,  le  mieux  ;  la  gutta,  qui  donne  d'excellents  résul- 
tats pour  les  câbles  sous-marins,  se  ramollit  trop  facilement 
sous  l'influence  d'une  élévation  accidentelle  de  tempéra- 
ture. Pour  de  très  hautes  tensions,  on  a  proposé  de  mettre 
des  fils  nus  dans  des  tuyaux  remplis  de  pétrole  ;  on  obtient 
ainsi  un  isolement  pouvant  résister  à  des  tensions  consi- 
dérables ;  on  sait,  en  eff'et,  que  la  distance  explosive  est 
beaucoup  moindre  dans  certains  liquides,  comme  le  pé- 
trole, etc.,  que  dans  l'air.  Les  tensions  qui  nécessitent  ce 
genre  d'isolement  ne  sont  pas  encore  entrées  dans  la  pra- 
tique et,  jusqu'ici,  ce  sont  les  câbles  convenablement  isolés 
qui  donnent  le  meilleur  résultat,  surtout  comme  durée. 

Compteurs  d'électricité.  Pour  évaluer  les  quantités 
d'électricité  consommées  par  les  lampes,  il  faudrait  en  toute 
rigueur  mesurer  à  chaque  instant  non  seulement  l'intensité 
du  courant,  mais  encore  la  différence  de  potentiel,  puisque 
le  produit  de  ces  deux  quantités  correspond  à  l'énergie 
électrique  absorbée.  Dans  la  pratique,  comme  les  stations 
centrales  livrent  presque  toujours  le  courant  sous  poten- 
tiel constant,  il  suffit  de  mesurer  le  courant  total  absorbé. 
Nous  ne  pouvons  pas  entrer  dans  la  description  des  nom- 
breuses dispositions  adoptées  pour  arriver  à  ce  but  ;  nous 
nous  bornerons  à  indiquer  quelques  dispositifs  consacrés 
par  la  pratique. 

On  sait  que,  lorsqu'un  courant  électrique  traverse  une 
solution  de  sulfate  de  cuivre,  la  quantité  de  métal  déposé 
est  proportionnelle  à  l'intensité  du  courant.  C'est  sur  ce 
principe  que  sont  basés  les  compteurs  Edison,  Desruelles- 
Chauvin,  etc.  Ce  sont  les  premiers  compteurs  dont  on  s'est 
servi  en  Amérique.  Ces  compteurs  n'enregistrent  que  l'in- 
tensité du  courant  sans  tenir  compte  de  la  différence  de 
potentiel;  ils  ne  peuvent  donc  pas  servir  de  wattheure- 
mètres.  Comme  il  est  désirable  que  la  quantité  d'énergie  ou, 
dans  notre  cas,  la  quantité  d'électricité  absorbée  soit  indiquée 
par  des  aiguilles  sur  un  cadran,  il  était  nécessaire  d'ima- 
giner une  disposition  pour  enregistrer  automatiquement  le 
poids  de  cuivre  déposé  sur  les  électrodes.  On  y  arrive  à 
l'aide  d'une  espèce  de  balance  dont  le  fléau  bascule  lorsque 
l'augmentation  de  poids  atteint  une  certaine  valeur.  Dans 
le  modèle  d'Edison,  on  avait  disposé  dans  la  boîte  du  comp- 
teur une  lampe  à  incandescence  qui  s'allumait  lorsque  la 
température  descendait  au-dessous  d'un  certain  degré. 

Les  actions  mécaniques  des  courants  donnent  lieu  à  une 
classe  importante  de  compteurs.  La  fig.  12  représente  le 
compteur  E.  Thomson  constitué  en  principe  par  un  moteur 
électrique  ;  il  est  évident  que  ce  moteur  tournera  d'autant 
plus  vite  que  l'intensité  du  courant  sera  plus  grande.  Pour 
empêcher  le  moteur  de  tourner  trop  vite,  on  se  sert  des 
courants  de  Foucault  engendrés  dans  un  disque  de  métal 
qui  tourne  entre  les  pôles  d'un  aimant.  On  ne  pourrait  pas  se 
servir  de  la  résistance  qu'oppose  le  vent  à  des  ailettes.  De 
nombreux  modèles  de  compteurs  ont  été  basés  sur  ces  prin- 
cipes ;  celui  de  M.  Thomson,  très  bien  proportionné,  est 
employé  dans  plusieurs  installations  de  Paris. 

Un  autre  genre  de  compteurs  est  basé  sur  l'enregistre- 
ment de  l'intensité  du  courant.  En  disposant  un  ampère- 
mètre, ou  wattmètre  enregistreur,  on  peut  relever  sur  la 
feuille  de  papier  les  quantités  totales  d'énergie  consommées 
dans  un  temps  donné.  On  peut  encore  faire  cet  enregistre- 
ment d'une  manière  automatique,  comme  dans  les  compteurs 
Cauderay,  mais  le  mécanisme  de  ces  compteurs  est  néces- 
sairement assez  délicat. 

La  force  retardatrice  qu'un  pendule  pourvu  de  fer  doux 
éprouve  en  présence  d'un  électro-aimant  a  été  utilisée  dans 
les  compteurs  Aron.  Ce  compteur  comporte  deux  horloges, 
une  ordinaire  et  l'autre  dont  le  pendule  est  soumis  à  l'action 


—  777  — 


ÉLECTRiaTÉ 


d*un  électro-aimant.  Le  retard  dépend  de  l'intensité  d'ai- 
mantation de  Télectro-aimant,  qui  dépend  à  son  tour  de 


Fig.  12. 

Fintensité  du  courant.  D'après  le  retard  de  l'un  des  pen- 
dules sur  l'autre,  on  peut  évaluer  l'énergie  consommée. 

Traction  électrique.  L'application  de  l'électricité  à  la 
traction  des  voitures  de  tramways  a  pris  dans  ces  derniers 
temps  une  extension  énorme,  surtout  aux  Etats-Unis,  où  au 
moins  un  tiers  des  tramways  à  traction  animale  sont  actuel- 
lement remplacés  par  des  tramways  électriques.  Quant  à  la 
traction  sur  les  chemins  de  fer  proprement  dits,  il  n'existe  à 
notre  connaissance  aucune  ligne  sur  laquelle  cette  traction 
est  adorée,  bien  que  plusieurs  projets  soient  à  l'étude.  On 
peut  effectuer  la  traction  électrique  soit  par  accumulateurs, 
soit  par  conduite  souterraine,  soit  par  fils  aériens. 

Tramways  a  accumulateurs.  Ce  mode  de  traction  est 
à  première  vue  des  plus  simples.  La  voie  elle-même  n'a  à 
subir  aucune  modification,  puisque  la  voiture  transporte 
avec  elle  l'énergie  nécessaire  à  la  traction. 

L'emménagement  d'une  voiture  à  accumulateurs  est  aussi 
assez  simple.  Le  moteur  est  logé  sous  la  plate-forme  de  la 
voiture,  les  accumulateurs  sous  les  banquettes.  Pour  obte- 
nir les  différentes  vitesses  nécessitées  en  route,  on  dispose 
un  commutateur  permettant  de  grouper  les  accumulateurs 
de  différentes  manières  ;  le  groupement  de  tous  les  éléments 
en  tension  correspond  naturellement  à  la  plus  grande 
vitesse  qu'on  diminue  en  les  accouplant  en  plusieurs 
séries  parallèles.  Pour  ralentir,  on  peut  encore  introduire 
des  résistances  ou  bien  diminuer  le  nombre  d'éléments.  On 
conçoit  que  tous  ces  arrangements  ne  sont  pas  bien  com- 
pliqués et  qu'on  arrive  facilement  à  les  réaliser.  Aussi  n'est- 
ce  pas  de  ce  côté  que  réside  l'inconvénient  des  tramways  à 
accumulateurs,  dont  jusqu'ici  le  nombre  est  très  restreint. 
L'obstacle  provient  du  poids  considérable  des  accumu- 
lateurs, qui  augmente  dans  de  fortes  proportions  le  poids 
mort  de  la  voiture  et  élève  considérablement  les  frais  de 
traction. 

Pour  montrer  quelques  détails  de  l'agencement  des 
tramways  à  accumulateurs,  nous  ne  pouvons  mieux  faire 
que  de  décrire  les  tramways  électriques  qui  desservent  Saint- 
Denis.  Les  voitures  de  ces  tramways  qui  doivent  desservir  des 
distances  d'environ  40  kil.  sont  pourvues  de  84  accumula- 
teurs d'un  poids  de  2,000  kilogr.  ;  le  moteur  des  voitures 
peut  développer  une  puissance  maxima de  19  chevaux;  chaque 
voiture  peut,  dans  les  conditions  de  la  voie,  parcourir  une 
distance  de  65  kil.  avec  une  réserve  d'un  tiers  de  la  force 


disponible  pour  le  démarrage.  Comme  c'est  un  parcours  de 
130  kil.  que  chaque  voiture  doit  faire,  il  faut  recharger 
les  accumulateurs  une  fois  dans  la  journée.  On  a  adopté  à 
cet  effet  des  dispositifs  spéciaux  permettant  de  faire  rapi- 
dement ce  changement  et  d'autres  pour  effectuer  automati- 
quement le  chargement  des  éléments  épuisés.  Pour  ce  qui 
concerne  la  question  technique,  on  sait  que  ces  tramways 
ne  laissent  rien  à  désirer  ;  il  s'agit  ici  plutôt  du  prix  de 
revient.  C'est  à  l'avenir  de  dire  si,  dans  les  grandes  villes 
où  les  chevaux  coûtent  très  cher,  ce  genre  de  traction 
revient  à  meilleur  compte  que  celle  des  chevaux. 

Tramways  à  canalisation  souterraine.  Au  lieu  de  faire 
transporter  l'énergie  par  la  voiture,  il  est  bien  plus  avan- 
tageux de  faire  engendrer  l'énergie  dans  une  station  centrale 
fixe  et  d'amener  l'énergie  à  la  voiture  au  moyen  de  con- 
ducteurs métalliques.  Dans  des  voies  non  accessibles  au 
public,il  suffit  de  disposer  entre  les  rails  une  barre  de  cuivre 
sur  laquelle  frotte  un  balai.  Dans  les  rues  fréquentées,  au 
contraire,  le  dispositif  pour  amener  le  courant  à  la  voiture 
est  toujours  compliqué  et  jusqu'à  présent  on  ne  peut  mon- 
trer qu'un  seul  exemple,  celui  des  tramways  de  Budapest, 
où  ce  système  ait  réussi.  Toutes  les  autres  tentatives,  parmi 
lesquelles  il  en  était  de  très  ingénieuses,  n'ont  pas  pu  résis- 
ter à  la  pratique  courante  de  quelque  durée.  C'est  surtout 
la  pluie  et  la  boue  qui  sont  les  ennemis  de  ce  système.  Il 
faut  en  effet  disposer  au-dessous  de  la  voie  un  caniveau 
ouvert  en  haut  et  dans  lequel  est  disposé  le  conducteur  en 
cuivre.  Presque  toutes  les  dispositions  se  sont  heurtées  à  la 
difficulté  de  protéger  assez  efficacement  ce  conducteur.  On 
a  même  proposé  des  systèmes,  comme  celui  de  M.  Lineff,  où 
le  caniveau  est  complètement  fermé  et  où  le  contact  se  fait 
par  suite  d'une  attraction  magnétique  entre  des  pièces  de 
fer  aimantées  par  le  passage  de  la  voiture  et  un  ruban 
métallique  mobile.  Ce  système  est  encore  dans  la  période 
d'expérimentation. 

Voici  quelques  détails  sur  le  tramway  électrique  à  cana- 
lisation souterraine  de  Budapest.  Entre  les  deux  fers  cons- 
tituant le  même  rail  on  a  ménagé  une  ouverture  cor- 
respondant à  un  caniveau  en  ciment  de  section  ovale. 
Des  deux  côtés,  deux  fers  à  angle  convenablement  isolés 
sont  en  communication  avec  les  conducteurs  d'aller  et  retour. 
Le  contact  est  pris  à  l'aide  de  petites  roues  ;  le  potentiel 
des  conducteurs  est  de  300  volts  ;  pendant  le  démarrage,  il 
faut  un  courant  d'environ  80  ampères,  le  courant  normal 
n'étant  toutefois  que  de  23  ampères.  Les  voitures  qui 
pèsent  à  vide  4,500  kilogr.  peuvent  contenir  40  voyageurs. 
La  réduction  de  vitesse  est  obtenue  par  des  chaînes  Galle 
au  lieu  d'engrenages  comme  on  le  fait  le  plus  souvent.  La 
vitesse  de  régime  est  de  16  kil.  à  l'heure  dans  la  ville 
et  de  18^^^5  dans  les  faubourgs. 

La  canalisation  souterraine,  qui  est  en  communication  avec 
les  égouts  de  ville,  n'a  donné  lieu  après  plusieurs  mois  de 
fonctionnement  à  aucun  mécompte  ;  l'isolement  est  très 
bon  ;  par  un  temps  de  pluie  la  perte  ne  dépasse  pas  3  ^/o 
du  courant  total. 

Tramways  à  conducteurs  aériens.  Nous  nous  arrête- 
rons un  peu  plus  longuement  à  la  description  de  ce  sys- 
tème, qui  a  pris  des  extensions  considérables  aux  Etats-Unis, 
où  l'on  compte  actuellement  des  centaines  de  voies  ayant 
un  développement  de  plusieurs  milliers  de  kil.  En  Europe, 
ce  système  n'est  représenté  jusqu'à  présent  que  par  deux 
lignes,  une  à  Halle,  en  Allemagne,  et  l'autre  à  Leeds,  en  An- 
gleterre, En  France,  il  n'existe  qu'un  seul  tramway  élec- 
trique à  conducteur  aérien,  celui  de  Clermont-Ferrand  ; 
cette  voie  est  établie  non  suivant  le  système  américain, 
mais  suivant  le  système  Siemens  ;  c'est  à  cette  maison  qu'on 
doit  les  premiers  tramways  électriques,  comme  celui  de 
Berlin  à  Charlottenbourg,  celui  de  Francfort,  etc.  Chose 
curieuse,  tandis  que  les  tramways  électriques  système  alle- 
mand sont  restés  à  peu  près  stationnaires  et  qu'on  peut  en 
compter  tout  au  plus  une  demi-douzaine  de  lignes,  les 
tramways  électriques  du  système  américain,  et  qui  ne  diffè- 
rent pas  beaucoup  des  autres,  ont  pris,  au  contraire,  un 


ELECTRICITE 


—  778  - 


développement  dont  on  ne  trouve  pas  d'autres  exemples  dans 
rindustrie.  Avant  d'entrer  dans  des  détails,  nous  indique- 
rons d'abord  les  principes  généraux  sur  lesquels  repose  le 
fonctionnement  de  ces  tramways.  A  l'usine  génératrice  de 
l'énergie  électrique,  établie  en  un  point  quelconque  de  la 
voie,  on  établit  des  machines  à  vapeur  actionnant  des 
dynamos  à  courants  continus  ;  ces  dynamos  engendrent  le 
courant  sous  une  tension  qui  est  aux  Etats-Unis  uniformé- 
ment de  500  volts.  Des  conducteurs  aériens  en  fil  de  cuivre 
conduisent  ce  courant  au  milieu  au-dessus  de  la  voie  et  de 
telle  sorte  que  le  conducteur  nu  forme  vers  le  bas  une 
ligne  non  interrompue  et  dégagée  de  tout  obstacle.  Toutes 
les  attaches,  indispensables  pour  maintenir  le  conducteur  en 
place,  doivent  donc  être  faites  vers  le  haut  ;  le  conducteur 
lui-même  est  supporté  par  des  fils  d'acier  tendus  au-dessus. 

La  voiture  contient  un  ou  deux  moteurs  auxquels  on  amène 
le  courant  du  conducteur  suspendu  par  l'intermédiaire  d'une 
tige  flexible  pourvue  d'une  roue  ou  d'un  contact  glissant. 
Cet  ensemble  est  désigné  sous  le  nom  de  trolley  ;  c'est 
l'organe  délicat  de  ces  genres  de  tramways.  Dans  le  sys- 
tème Siemens,  le  conducteur  suspendu  est  creux,  un  tube 
d'acier  dans  lequel  on  a  pratiqué  une  rainure  et  dans  ce 
tube  on  fait  glisser  une  navette;  cette  navette  établit 
le  contact  entre  le  conducteur  et  la  voiture  ;  on  la  tire 
en  avant  par  des  cordons  métalliques  ;  l'inconvénient  est 
que  cette  navette  coince  quelquefois,  ce  qui  peut  faire 
casser  les  fils  ;  il  convient  cependant  d'ajouter  que  ce  sys- 
tème peut  fonctionner  convenablement. 

Dans  le  système  américain,  le  contact  est  établi  le  plus 
souvent  par  une  roue  qui  se  meut  le  long  de  la  partie  infé- 
rieure du  conducteur;  cette  roue  est  supportée  par  une  longue 
tige  attachée  au  toit  de  la  voiture  ;  cette  tige  est  mobile  au- 
tour d'un  axe  et  peut  prendre  des  inclinaisons  difî'érentes 
suivant  que  le  conducteur  aérien  se  trouve  à  une  plus  ou 
moins  grande  hauteur.  Un  fort  ressort  en  boudin  agit  de 
façon  à  appuyer  toujours  la  roue  contre  le  conducteur.  On 
remplace  quelquefois  cette  petite  roue  par  une  espèce  de 
sabot  renversé  dans  lequel  se  trouve  un  aUiage  métalhque 
très  mou  ;  c'est  alors  ce  métal  qui  frotte  le  long  du  conduc- 
teur en  cuivre,  et  par  suite  de  la  différence  de  dureté  le  con- 
ducteur s'use  très  peu  ;  il  faut  remplacer  de  temps  à  autre 
le  métal  mou,  mais  cela  n'entraîne  pas  de  grands  frais. 

Le  courant  ainsi  amené  dans  la  voiture  se  rend  aux  mo- 
teurs par  des  conducteurs  cachés  sous  des  moulures  ;  en 
sortant  des  moteurs,  il  retourne  par  les  rails  aux  dynamos 
de  la  station  ;  c'est  le  système  à  conducteur  unique  avec 
retour  par  la  terre.  Souvent  on  trouve  que  les  rails  ne 
constituent  pas  des  conducteurs  suffisants,  et  on  dispose  sous 
la  voie  un  conducteur  en  cuivre  mis  de  place  en  place  en 
contact  avec  les  rails.  Comme  les  moteurs  électriques  sont 
très  légers ,  les  voitures  peuvent  être  légères  et  franchir  facile- 
ment des  rampes  trop  raides  pour  les  tramways  à  chevaux. 
Les  prix  d'exploitation  de  ces  tramways  sont  de  beaucoup 
inférieurs  à  la  traction  animale.  Chaque  voiture  est  pourvue 
de  ses  moteurs;  ce  n'est  que  dans  le  cas  de  grande  affluence 
du  public  qu'on  attelle  une  autre  voiture  à  celle  du  moteur. 

Disons  maintenant  un  mot  sur  les  raisons  qu'on  oppose 
en  France  contre  ce  système  de  tramways.  Il  y  a  d'abord 
l'objection  des  conducteurs  aériens.  Ces  conducteurs  dépa- 
reraient d'après  certaines  personnes  l'aspect  de  la  chaussée. 
Cette  objection  est  on  ne  peut  plus  spécieuse,  puisqu'on 
peut  établir  ces  conducteurs  sur  d>es  colonnes  très  élégantes 
et  donner  à  l'ensemble  un  aspect  presque  ornemental.  Il 
faut  encore  faire  observer  que  les  habitants  de  Boston, 
une  des  plus  belles  villes  des  Etats-Unis,  n'ont  pas  craint 
d'admettre  ce  système  dans  leurs  rues.  Dans  le  cas  pré- 
sent, comme  presque  toujours  d'ailleurs,  l'opposition  vient 
principalement  des  personnes^ qui  n'en  ont  jamais  vu.  Sur- 
tout dans  les  faubourgs  des  grandes  villes  où  des  tramways 
peuvent  rendre  les  plus  grands  services,  la  question  d'es- 
thétique n'intervient  que  très  peu. 

Un  autre  genre  d'objections  provient  de  la  tension  de 
500  volts  employée  dans  la  canalisation  et  surtout  le  re- 


tour par  la  terre.  On  se  figure  que  des  accidents  nombreux 
doivent  ou  peuvent  résulter  de  cet  état  de  choses.  En  Amé- 
rique, où  ces  tramways  sont  si  répandus,  on  n'a  constaté 
jusqu'à  présent  aucun  accident  de  personne  résultant  des 
conducteurs  aériens.  Le  retour  par  la  terre,  surtout  lors- 
qu'on emploie  pour  le  retour  un  câble  de  cuivre,  ne  peut  pas 
avoir  des  conséquences  fâcheuses,  bien  qu'il  paraisse  que 
l'administration  soit  très  peu  disposée  à  accorder  les  per- 
missions nécessaires.  Pour  les  tramways  à  conducteurs 
aériens,  ce  retour  par  la  terre  est  à  peu  près  indispensable  ; 
on  peut  bien,  à  la  vérité,  disposer  deux  conducteurs  au-des- 
sus de  la  voie,  mais  ce  système  est  si  comphqué,  surtout 
pour  les  croisements  de  voie,  que  les  résultats  pratiques 
laissent  toujours  à  désirer.  P. -H.  L. 

II.  Physiologie.  —  Il  est  indispensable  d'indiquer, 
en  commençant,  la  synonymie  des  termes  employés  en 
électrophysiologie  et  surtout  en  électrothérapie,  alors  que 
les  physiciens  les  utilisent  fort  peu  :  courant  voltaïque  pour 
courant  continu  ;  courant  faradique  pour  courant  induit. 
L'emploi  de  l'électricité  statique  -est  quelquefois  désigné, 
quoique  plus  rarement,  sous  le  nom  de  franklinisation.  Les 
électrodes  positives  et  négatives  sont  respectivement  appe- 
lées anode  et  cathode.  Il  y  a  lieu  d'étudier  successivement 
l'action  de  l'électricité  sous  ses  différentes  manifestations 
sur  les  tissus  vivants  et  en  second  lieu  la  production  d'élec- 
tricité par  ces  tissus  eux-mêmes.  L'électricité  est,  après  le 
système  nerveux  lui-même,  le  meilleur  excitant  des  muscles 
et  des  nerfs,  et  son  emploi  a  permis  d'étudier  la  vie  propre 
de  ces  tissus.  Suivant  le  but  cherché,  on  emploie  soit  le 
courant  direct  d'une  pile,  soit  le  courant  induit  fourni  par 
un  chariot  de  Du  Bois-Reymond,  la  mobilité  de  la  bobine 
secondaire  permettant  de  graduer  à  volonté  la  tension  de 
l'excitation.  Sans  entrer  dans  des  détails  de  technique, 
nous  dirons  simplement  que,  pour  les  recherches  précises, 
il  est  indispensable  d'avoir  des  électrodes  impolarisables  pour 
éviter  les  courants  parasites  au  contact  des  tissus  et  un  gal- 
vanomètre qui  réponde  à  cette  double  condition  :  être  très 
sensible,  donner  des  indications  rapides  et  d'une  lecture 
facile,  c.-à-d.  que  la  position  d'équilibre  soit  obtenue  le  plus 
rapidement  possible.  Le  galvanomètre  universel  et  apério- 
dique de  d'Arsonval  répond  admirablement  à  ces  exigences. 

JSerfs.  L'excitation  des  nerfs  est  médiate  ou  immédiate, 
suivant  que  les  électrodes  sont  appliquées  sur  la  peau  ou 
directement  sur  le  nerf  mis  à  nu.  Elle  est  bipolaire  ou 
unipolaire.  Dans  l'excitation  bipolaire,  les  deux  électrodes 
sont  appliquées  suivant  le  trajet  du  nerf.  Le  courant  est 
dit  direct  ou  descendant  quand  c'est  le  pôle  positif  ou  anode 
qui  est  situé  le  plus  près  des  centres  nerveux,  la  cathode 
étant  par  suite  plus  périphérique.  Dans  l'excitation  unipolaire 
de  Chauveau,  l'électrode  dont  on  néglige  les  effets  est 
constituée  par  une  large  surface  humide  appliquée  loin  du 
point  où  l'on  applique  l'électrode  active.  Un  courant  cons- 
tant appliqué  sur  un  nerf  moteur  détermine  une  contraction 
au  moment  de  la  fermeture  et  de  l'ouverture  du  courant  et 
pas  de  contraction  pendant  tout  le  temps  que  le  courant 
passe  avec  une  intensité  égale  ou  variant  lentement  ;  toute 
variation  brusque  agit  en  effet  comme  une  fermeture  ou 
comme  une  ouverture. 

Mais  la  direction  du  courant,  le  temps  de  l'excitation 
(fermeture  ou  ouverture),  l'intensité,  ont  une  grande  im- 


INTENSITÉ  DU  COURANT 

COURANT 

ascendant 

COURANT 

descendant 

R^flJhlp      S  Fermeture 

Faible...^  Ouverture 

TVT^            \  Fermeture. .... 

^^oyen,,\  Ouverture 

i?^.,f         S  Fermeture 

Fort.....J  Ouverture 

Contraction. 

Repos. 

Contraction. 

Contraction. 

Repos. 

Contraction. 

Contraction. 

Repos. 

Contraction. 

Contraction . 

Contraction. 

Repos. 

portance,  et  le  tableau  ci-dessus  résume  les  faits  observés  et 
consignés  sous  le  nom  de  loi  de  Pfluger. 


779  — 


ÉLECTRICITÉ 


L'excitation  de  fermeture  naît  à  la  cathode  ;  celle  d'ou- 
verture à  l'anode,  d'où  cette  loi  :  L'action  excitante  du 
courant  galvanique  ne  se  produit  qu'aux  pôles  eux-mêmes 
et  en  émane.  Or,  comme  on  a  pu  établir  d'autre  part  que 
l'excitation  de  fermeture  est  plus  énergique  que  l'excitation 
d'ouverture,  on  conçoit  que,  dans  l'emploi  de  la  méthode 
dite  unipolaire,  on  obtiendra  une  excitation  plus  intense  en 
employant  l'électrode  négative.  Nous  retrouverons  l'appli- 
cation de  ce  fait  en  élecfrothérapie. 

La  résistance  électrique  du  muscle  étant  moins  considé- 
rable, les  muscles  et  les  nerfs  réagissent  différemment, 
suivant  la  forme  de  l'excitation  électrique.  Le  courant  induit 
de  rupture  excite  surtout  le  nerf,  alors  que  la  clôture  du  cou- 
rant de  pile  agit  surtout  sur  le  muscle.  Mais  il  fatit  se  rappeler 
que  c'est  la  rapidité  de  la  variation  de  potentiel  aux  deux 
extrémités  du  nerf  ou  du  muscle  qui  constitue  le  facteur 
principal  de  l'excitation,  la  quantité  n'étant  qu'un  facteur 
secondaire.  Le  muscle,  étant  plus  conducteur  que  le  nerf, 
exige  une  quantité  plus  grande  pour  obtenir  la  même  dif- 
férence de  potentiel,  et  on  peut,  en  allongeant  la  décharge, 
arriver  à  ne  plus  exciter  le  nerf,  alors  que  le  muscle  est 
fortement  excité.  D'Arson val  arrive  à  ce  but  en  intercalant, 
en  dérivation  sur  le  fil  induit,  un  condensateur  d'un  micro- 
farad, qui  ralentit  la  décharge  sans  en  modifier  la  quantité; 
la  contraction  musculaire  se  produit  alors  sans  douleur. 

Electrotonus.  Quand  on  fait  passer  un  courant  continu 
dans  unnert,  on  constate  dans  ce  nerf  une  variation  d'ex- 
citabilité très  importante  et  à  laquelle  on  a  donné  le  nom 
d'électrotonus,  désignant  l'état  nouveau  du  nerf  à  l'anode 
par  anelectrotonus  et  à  la  cathode  par  cathelectrotonus.  Or 
ces  deux  états  sont  totalement  opposés;  alors  que  l'excita- 
bilité du  nerf  est  augmentée  dans  la  région  de  la  cathode, 
on  observe  une  diminution  à  l'anode.  L'anelectrotonus  est 
donc  caractérisé  par  une  diminution  de  l'électricité,  alors 
que  le  cathelectrotonus  au  contraire  indique  une  hyper- 
excitabilité.  Ces  variations  ne  sont  pas  seulement  observées 
dans  la  région  comprise  entre  les  deux  électrodes,  mais 
s'étendent  au  delà.  On  admet  que  l'électrotonus  est  déter- 
miné par  la  polarisation  du  courant  excitateur  donnant  heu 
à  une  formation  de  force  électromotrice  dans  le  nerf.  Mais 
il  y  a  lieu  de  faire  une  distinction  essentielle  entre  l'élec- 
trotonus et  la  variation  négative.  L'électrotonus  n'a  lieu 
que  dans  la  partie  du  nerf  excitée  et  dans  un  faible  rayon 
extrapolaire,  alors  que  la  variation  négative  se  produit 
dans  tout  le  nerf.  Cette  dernière  apparaît,  quel  que  soit  l'ex- 
citant, tandis  que  les  modifications  électrotoniques  n'existent 
que  pour  les  courants  continus  seuls. 

Electricité  propre  aux  tissus.  Toute  réaction  chimique 
peut  donner  lieu  dans  l'organisme  à  une  transformation  de 
l'énergie  sous  ses  formes  diverses  :  chaleur,  mouvement, 
électricité,  lumière.  Les  manifestations  électriques  se  tra- 
duisent dans  les  muscles  et  dans  les  nerfs,  soit  sous  forme 
continue  :  courants  de  repos  ;  soit  d'une  façon  intermittente  : 
courants  d'action.  L'existence  des  courants  de  repos  est 
facile  à  constater  :  il  suffit  de  prendre  un  muscle  gastro- 
cnémien  de  grenouille  et,  à  l'aide  d'électrodes  impolarisables, 
de  fermer  le  circuit,  une  électrode  étant  placée  sur  le  ventre 
du  muscle,  la  seconde  sur  le  tendon,  pour  voir  une  déviation 
sensible  et  permanente  du  galvanomètre,  le  courant  allant 
de  la  surface  naturelle  du  muscle  (+)  au  tendon  ou  à  la 
section  faite  dans  le  muscle  ( — ).  La  différence  de  potentiel 
atteignant  son  maximum  quand  les  deux  électrodes  sont 
l'une  sur  l'équateur  du  muscle,  l'autre  au  milieu  de  la  sur- 
face sectionnée;  la  force  électro motrice  d'un  muscle  de 
grenouille  dans  ces  conditions  atteint  un  dixième  de  volt. 
Le  nerf  présente  les  mêmes  courants,  mais  avec  une  inten- 
sité moindre  :  0^03.  Mais  si,  la  patte  galvanoscopique 
étant  dans  le  circuit  et  la  déviation  du  galvanomètre  indi- 
quant une  déviation,  on  vient,  par  une  série  d'excitations 
rapides  appliquées  sur  le  nerf,  à  tétaniser  le  muscle,  on 
voit  le  galvanomètre  revenir  à  zéro.  C'est  ce  que  Du  Bois- 
Reymond  a  appelé  l'oscillation  négative,  le  courant  d'action 
d'Hermann. 


L'électrogenèse  est  fonction  de  l'activité  du  protoplasme, 
les  manifestations  électriques  étant  d'autant  plus  intenses 
et  plus  énergiques  que  les  transformations  chimiques  le 
sont  également.  C'est  ainsi  que  le  froid  qui  ralentit  les 
combustions  interstitielles,  les  anesthésiques,  comme  le 
chloroforme  et  l'éther,  qui  arrêtent  les  échanges  inter- 
cellulaires, diminuent  ou  arrêtent  les  manifestations  élec- 
triques. 

Théories  de  l'électricité.— Il  est  impossible  de  s'étendre 
longuement  sur  ces  théories.  Nous  nous  contenterons  de 
les  résumer  aussi  brièvement  que  possible. 

Théorie  moléculaire  de  Du  Bois-Reymond,  Acce^tBXit 
la  théorie  des  molécules  dipolaires  donnée  pour  expliquer 
les  courants  de  piles.  Du  Bois-Reymond  considère  chaque 
fibre  comme  constituée  par  une  série  d'éléments  électro- 
moteurs, molécules  péripolaires  ayant  une  zone  équatoriale 
positive  et  deux  zones  polaires  négatives,  chacun  des  élé- 
ments pouvant  être  considéré  comme  constitué  par  deux 
molécules  dipolaires  ayant  leur  pôle  positif  en  regard. 

Théorie  de  l'altération  dliermann.  Les  courants  ne 
préexistent  pas  ;  ils  n'apparaissent  qu'à  la  suite  d'une 
lésion  du  muscle  ou  du  nerf.  C'est  la  substance  morte  ou 
mourante  qui  se  comporte  négativement  vis-à-vis  de  la 
substance  vivante.  Un  point  musculaire  excité  est  négatif 
par  rapport  à  la  substance  musculaire  non  excitée.  Her- 
mann  explique  ainsi  les  courants  d'action,  mais  il  ne  cherche 
pas  à  donner  une  opinion  sur  la  nature  des  forces  électro- 
motrices. 

Théorie  chimique.  Pour  Liebig,  le  courant  était  dû  à 
la  réaction  du  sang  alcalin  sur  le  tissu  musculaire  acide. 
Becquerel  explique  également  les  phénomènes  électriques 
par  l'existence  de  courants  se  produisant  quand  deux 
liquides  de  nature  différente  sont  séparés  par  une  mem- 
brane organique. 

Théorie  de  variation  de  tension  superficielle  de 
d'Arsonval.  Lippmann  a  montré  que,  lorsqu'on  déforme 
la  surface  de  contact  de  deux  corps  déprimables  par  des 
moyens  mécaniques,  il  se  produit  une  variation  de  potentiel 
dont  le  sens  s'oppose  à  la  continuation  du  mouvement. 
C'est  cette  loi  que  d'Arsonval  applique  à  sa  théorie  de  la 
production  de  rélectricité  chez  les  êtres  vivants.  Les  belles 
recherches  d'Hengelmann,  puis  de  Ranvier  sur  la  constitu- 
tion de  la  fibre  musculaire  striée  et  sur  son  mode  de  con- 
traction montrent  en  effet  que  la  fibre  musculaire  est  cons- 
tituée par  une  série  de  disques  de  natures  différentes  et 
qui,  pendant  la  contraction,  subissent  des  déformations 
donnant  lieu  à  des  variations  de  tension  superficielles,  et 
par  suite,  nécessairement,  à  des  variations  de  potentiel. 

La  production  d'électricité  atteint  chez  certains  animaux, 
torpille,  malaptérure,  gymnote,  une  intensité  considérable. 
La  gymnote  peut  donner  une  décharge  ayant  plus  de  mille 
volts  de  tension  et  deux  ampères  d'intensité  (d'Arsonval). 
Les  appareils  producteurs  de  l'électricité  sont  constitués 
par  des  séries  de  colonnes,  présentant  un  nombre  considé- 
rable de  cloisonnements,  qui  constituent  chacune  une  cellule 
renfermant  deux  couches  de  nature  différente.  Il  existe 
d'ailleurs  une  analogie  remarquable  avec  l'organisation 
musculaire,  et  on  peut  considérer  ces  deux  organes  comme 
analogues;  mais,  alors  que  dans  le  muscle  la  transformation 
essentielle  de  l'énergie  est  dans  la  contraction,  dans  l'appa- 
reil des  poissons  électriques  elle  se  produit  par  une  dé- 
charge électrique.  On  a  considéré  l'organe  électrique  comme 
un  condensateur  recevant  sa  charge  des  nerfs  volumineux 
qu'il  reçoit  du  cerveau,  comme  d'une  pile,  les  deux 
substances  des  cellules  jouant  le  rôle  de  deux  liquides . 
Mais  il  suffit  de  constater  qu'à  l'état  de  repos  il  n'existe 
pas  de  différence  de  potentiel  aux  deux  faces  de  l'organe 
pour  rejeter  ces  deux  théories.  L'application  de  la  loi  de 
Lippmann,  au  contraire,  paraît  très  applicable,  l'excitation 
volontaire  déterminant,  au  moment  choisi  par  l'animal,  une 
déformation  dans  les  1,800,000  cellules  électrogènes 
(940  colonnes  prismatiques  et  2,000  cloisonnements  chez 
la  torpille).  On  peut  comparer  cet  appareil  à  un  générateur 


ÉLECTRICITÉ  —  ÉLECTRIQUES 


780  — 


électrique  de  940  batteries  groupées  en  quantité,  compre- 
nant chacune  2,000  éléments  réunis  en  tension.  On  com- 
prend la  force  de  la  décharge  dans  ces  conditions. 

D^  J.-P.  Langlois. 

BiBL.  :  Physiologie.  —  Du  Bois-Reymond,  Untersu- 
chiingenueber  thierisclie  Elektrlcitât,\SM-l^So,etGesamelte 
Abhandlunqen,  t.  I.  —  Marey,  Travaux  du  Laboratoire  de 
médecine,  1876-1880.  —  Beaunis,  Traité  de  Physiologie, 
1890.  —  RosENTHAL,  les  Nerfs  et  les  Muscles.  —  Ch.  Richet, 
Physiologie  des  muscles  et  des  ne7fs.  — D'Arsonval,  De  la 
Production  d'électricité  chez  les  êtres  vivants,  dans  Revue 
scientifique,  1891.  —Action  des  courants  d'induction  sur 
les  nerfs  et  les  muscles,  dans  Arch.  de  physiologie,  1891. 

ÉLECTRIQUES  (Machines).  Les  machines  électriques 
sont  des  appareils  qui  produisent  l'électricité  en  faible 
quantité,  mais  sous  une  forte  tension.  Ainsi  Faraday  a 
calculé  qu'une  pile  formée  d'un  fil  de  zinc  et  d'un  fil  de 
platine  de  i'^'^A-  de  diamètre  chaque,  plongés  dans  112  gr. 
d'eau  contenant  une  goutte  d'acide,  donnait  en  trois  se- 
condes autant  d'électricité  qu'une  machine  électrique  dont 
le  plateau  à  un  tiers  de  mètre  carré  peut  en  donner^  en 
trente  tours.  Le  contact  de  deux  corps  différents  et  l'in- 
fluence d'un  corps  électrisé  sur  un  autre  semblent  être, 
jusqu'à  présent,  les  deux  seuls  modes  de  production  de 
l'électricité  utilisés  dans  les  machines  électriques  ;  on  doit 
en  effet  considérer  le  frottement  utilisé  dans  un  grand  nombre 
de  ces  appareils  comme  n'ayant  d'autre  but  que  de  mul- 
tiplier les  points  de  contact  entre  le  corps  frotté  et  le  trot- 
teur. Nous  diviserons  donc  en  deux  groupes  les  machines 
électriques,  selon  qu'elles  utilisent  le  frottement  ou  l'in- 
fluence. 

Machines  a  frottement.  —  Le  principe  de  ces  machines 
est  le  suivant  :  on  développe  par  frottement  l'électricité 
sur  un  disque  formé  d'un  corps  conducteur  ou  isolant;  on 
le  porte  ensuite  à  l'intérieur  d'un  cylindre  creux  ;  si  le 
corps  frotté  est  métallique,  il  suffira  de  lui  faire  toucher 
les  parois  intérieures  du  cylindre  métallique  pour  que  ce 
dernier  prenne  toute  sa  charge  parce  que  rélectricité  se 
porte  à  la  surface  des  corps  et  que  le  disque  est  à  l'inté- 
rieur. Si  le  corps  frotté  est  mauvais  conducteur,  il  ne 
pourra  pas  céder  son  électricité  de  la  même  façon  que  dans 
le  cas  précédent  ;  mais,  si  le  cylindre  est  garni- intérieu- 
rement de  pointes,  le  corps  isolant,  primitivement  électrisé, 
sera  bientôt  revenu  à  l'état  neutre,  parce  que  son  électricité 
aura  décomposé  par  influence  le  fluide  neutre  du  conduc- 
teur, et,  comme  le  cylindre  est  garni  de  pointes,  l'électri- 
cité de  nom  contraire  à  celle  dont  le  corps  est  chargé 
viendra  neutraliser  celle-ci  en  s'échappant  par  les  pointes. 
Dans  ce  cas,  la  machine  est  encore  une  machine  à  frotte- 
ment, bien  que  l'induction  y  intervienne,  non  pour  produire 
de  l'électricité,  mais  pour  la  transmettre.  Comme  dans  les 
deux  cas  le  corps  frotté  est  complètement  déchargé,  il  s'en- 
suit que,  si  l'on  recommence  un  certain  nombre  de  fois 
la  même  opération,  la  charge  du  cylindre  creux  augmen- 
tera chaque  fois  d'une  quantité  ég^\e.  Nous  allons  retrouver 
dans  les  machines  à  frottement  que  nous  allons  maintenant 
passer  en  revue  ces  parties  essentielles  dont  le  rôle  vient 
d'être  indiqué  une  fois  pour  toutes. 

Machines  anciennes.  La  première  machine,  imaginée 
par  Otto  de  Guericke,  se  composait  d'un  globe  de  soufre 
que  l'on  faisait  tourner  rapidement  ;  on  appuyait  les  mains 
sur  ce  globe  pour  produire  le  frottement  nécessaire.^  On 
obtint  ainsi  la  première  étincelle  électrique,  mais  elle  était 
si  faible  qu'il  fallait  se  placer  dans  l'obscurité  pour  la 
voir  et  approcher  beaucoup  l'oreille  pour  l'entendre.  Le 
globe  de  soufre  fut  ensuite  remplacé  par  des  globes  ou  des 
cylindres  de  verre  ou  par  des  bandes  de  taffetas  sans  fin 
passant  sur  deux  rouleaux.  La  première  machine  perfec- 
tionnée ayant  donné  des  résultats  bien  supérieurs  à  ceux 
des  machines  antérieures  est  celle  qui  a  été  imaginée  par 
Ramsden  en  1666  et  qui  est  encore  une  des  plus  employées. 

Machine  de  Ramsden,  Elle  se  compose  d'un  plateau 
de  verre  pouvant  tourner  autour  d'un  axe  horizontal. 
Quatre  coussins  recouverts  d'or  mussif  (bisulfure  d'étain) 
sont  fixés  aux  deux  montants  verticaux   qui  soutiennent 


l'axe  du  plateau  ;  ce  sont  les  frotteurs.  Suivant  le  diamètre 
horizontal  du  plateau  sont  disposés  deux  peignes  en  forme 
d'U.  Le  plateau  de  verre  passe  entre  les  branches  de  l'U. 


V\ix.  1.  —  Machine  de  Ramsden 


Ces  branches  sont  garnies  intérieurement,  c.-à-d.  sur  cha- 
cune des  parties  qui  sont  en  regard  du  disque,  de  pointes 
métalliques.  Les  peignes  sont  supportés  par  de  gros  con- 
ducteurs en  cuivre  soutenus  par  des  pieds  en  verre  iso- 
lants. Ces  conducteurs  sont  creux  ;  ils  n'agissent  en  effet 
que  par  la  surface  ;  ils  sont  réunis  les  uns  aux  autres  à  l'aide 
de  parties  sphériques  ;  on  doit  éviter  en  effet  toute  arête 
vive  dans  la  construction  de  ces  machines,  parce  qu'elles 
laissent  échapper  l'électricité  recueillie  parles  conducteurs; 
un  pendule  de  Henley,  qui  est  une  sorte  d'électroscope  très 
rudimentaire,  permet  de  se  rendre  compte  grossièrement 
de  la  valeur  de  la  charge  par  la  déviation  qu'il  éprouve. 
Il  est  bon  de  relier  au  sol  à  l'aide  d'une  chaîne  métal- 
lique les  quatre  coussins.  Lorsqu'on  fait  tourner  le  plateau 
de  verre,  chaque  portion  du  verre  passant  entre  les  deux 
paires  de  coussins  s'électrise  et  garde  cette  électricité 
jusqu'à  ce  qu'elle  passe  entre  les  peignes  ;  les  phéno- 
mènes d'influence  décrits  plus  haut  se  produisent;  le  verre 
est  déchargé;  les  conducteurs  se  trouvent  au  contraire 
chargés  d'une  quantité  d'électricité  égale  à  celle  que  pos- 
sédait le  verre.  Le  verre  qui  a  traversé  un  peigne  reste  à 
l'état  neutre  jusqu'à  son  passage  à  travers  l'autre  paire  de 
coussins  et  les  mêmes  phénomènes  se  reproduisent  indé- 
finiment. Si  l'on  désigne  par  1,2,  3,  4  les  quatre  qua- 
drants que  le  diamètre  vertical  portant  les  coussins  et  le 
diamètre  horizontal  portant  les  peignes  découpent  sur  le 
disque  en  les  numérotant  dans  le  sens  de  la  rotation  im- 
primée au  verre,  on  peut  remarquer  que  les  secteurs  1  et 
3  sont  électrisés  tandis  que  2  et  4  sont  à  l'état  neutre. 
Pour  éviter  que  l'électricité  des  quadrants  1  et  3  ne  se 
perdent  par  l'humidité  de  l'air,  on  relie  souvent  le  diamètre 
des  coussins  à  celui  des  peignes  par  des  enveloppes  de  taf- 
fetas qui  ne  recouvrent  que  les  secteurs  1  et  3  et  s'opposent 
à  cette  déperdition.  Une  des  conditions  les  plus  importantes 
pour  le  bon  fonctionnement  de  l'appareil  est  que  les  sup- 
ports de  verre  qui  isolent  les  conducteurs  soient  aussi  secs 
que  possible,  sans  cela  l'isolement  est  beaucoup  plus  im- 
parfait ;  aussi  entoure-t-on  souvent  la  machine  de  petits 
fourneaux  destinés  à  élever  la  température  et  à  dessécher 
les  supports  :  il  est  bon  aussi  de  les  essuyer  avec  des 
linges  secs  et  chauds.  Cette  machine  ne  donne  que  de 
l'électricité  positive.  Nous  avons  vu  au  début  que  la  charge 
augmentait  proportionnellement  au  nombre  d'opérations, 
c.-à-d.  ici  au  nombre  de  tours  de  rotation.  Cette  propor- 
tionnalité, exacte  en  théorie,  ne  l'est  pas  dans  la  pratique, 
parce  que  les  conditions  théoriques  ne  sont  pas  entièrement 
remplies.  Ainsi  le  plateau  électrisé  n'est  pas  mis  à  l'inté- 
rieur d'un  cylindre,  mais  seulement  entre  les  branches  du 


—  781  — 


ÉLECTRIQUES 


peigne  qui  renveloppent  d'une  façon  plus  incomplète  ;  en 
outre,  et  c'est  là  la  différence  la  plus  importante,  l'élec- 
tricité du  conducteur  se  dissipe  duns  l'air  plus  ou  moins 
rapidement,  selon  son  état  hygrométrique  et  suivant  la 
forme  des  conducteurs.  11  en  résulte  qu'en  pratique  on  ne 
peut  pas  dépasser  une  certaine  limite  de  charge  avec  une 
rotation  donnée  du  plateau.  Si  on  augmente  la  vitesse  de 
celle-ci,  on  recule  la  limite.  Quand  une  limite  est  atteinte, 
il  se  produit  pendant  un  tour  de  roue  autant  d'électricité 
qu'il  s'en  perd  et  l'on  peut  appeler  cette  quantité  le  débit 
de  la  machine. 

Machine  de  Nairne.  C'est  une  machine  très  employée 
en  Angleterre;  elle  fournit  les  deux  électricités  :  elle  se 
compose  d'un  cylindre  en  verre  traversé  suivant  son  axe 


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Fig.  2. 


Machine  de  Nairne. 


Fig.  3.  - 
Pompe  de 
Riess. 


lorsque  le  piston  est  au  bout  de  sa  course,  un  petit  res- 
sort qui  le  met  en  communication  avec  la  sphère  de  cuivre 
qui  termine  cette  extrémité  du  tube  de  verre.  On  imprime 
au  piston  un  mouvement  de  va-et-vient  à  l'aide  d'un  bou- 
ton isolant  placé  sur  la  tige  et  ayant  soin  de  venir  toucher 
chaque  fois  le  ressort  du  bas  et  la  sphère  métallique  du 
haut.  Celle-ci  prend  ainsi  à  chaque  contact  l'électricité 
du  piston;  l'autre  reçoit,  par  l'intermédiaire  du  ressort, 
l'électricité  du  disque  denté  qui  provient  de  l'influence 
exercée  sur  son  fluide  neutre  par  le  verre  électrisé  grâce 
au  frottement  du  piston.  Pour  avoir  à  volonté  l'une  ou 
l'autre  des  électricités,  il  suffit  de  tenir  le  cylindre  de  verre 
par  l'une  ou  l'autre  des  sphères  métalliques  qui  terminent 
ses  extrémités. 

Machi7ie  hydro-électrique  d'Armstrong.  Elle^  repose 
encore  sur  l'emploi  du  frottement  pour  développer  l'électri- 
cité, mais  ce  frottement  est  produit  d'une  façon  toute  par- 
ticulière, à  l'aide  d'un  jet  de  vapeur  :  elle  se  compose  d'une 
chaudière  tubulaire  portée  sur  des  pieds  de  verre  isolants  ; 


par  une  tige  de  fer  horizontale  qui  sert  à  lui  imprimer  un 
mouvement  de  rotation.  De  chaque  côté  du  cylindre  se 
trouvent  placés,  parallèlement  à  la  surface  du  cylindre, 
deux  cylindres  creux  en  cuivre  qui  sont  les  récepteurs  ; 
ils  sont  portés  par  des  pieds  de  verre  isolants  et  sans  com- 
munication l'un  avec  l'autre.  L'un  de  ces  conducteurs 
porte  les  frotteurs  et  se  charge  de  l'électricité  qu'ils  pos- 
sèdent ;  l'autre  porte  des  pointes  qui  servent  à  neutraliser 
le  fluide  développé  sur  le  verre;  il  se 
développe,  par  influence,  sur  ce  second 
conducteur,  de  l'électricité  de  même  nom 
que  celle  du  verre,  c.-à-d.  de  l'électri- 
cité de  nom  contraire  à  celle  de  l'autre 
conducteur.  Cette  machine  a  l'avantage  sur 
celle  de  Ramsdende  donner  les  deux  élec- 
tricités, mais  elle  a  les  inconvénients  sui-- 
vants  :  elle  ne  se  prête  pas  aussi  bien  à 
la  construction  des  grands  modèles;  en 
outre,  le  verre  n'est  utilisé  que  sur  une 
de  ses  faces  et  il  faut  une  rotation  com- 
plète pour  accomplir  le  cycle  total  des 
phénomènes,  tandis  que  dans  la  machine 
de  Ramsdem  les  mêmes  phénomènes  se 
reproduisent  à  toutes  les  demi-révolutions 
du  plateau. 

Pompe  de  liiess.  C'est  un  instrument 
très  simple  et  peu  encombrant  donnant  à 
volonté  l'une  ou  l'autre  des  électricités; 
aussi  il  est  très  utile,  bien  qu'il  ne  donne 
que  des  effets  peu  considérables.  Il  se  com- 
pose d'un  tube  de  verre  de  3  à  4  centim. 
de  diamètre,  terminé  à  ses  extrémités  par 
deux  sphères  en  cuivre,  dont  l'une  laisse 
passer  à  frottement  doux  un  petit  cylindre 
de  cuivre  qui  sert  de  tige  au  piston  qui  se 
trouve  à  l'intérieur.  Ce  piston,  qui  joue 
le  rôle  de  frotteur,  est  en  liège,  garni  de  drap  et  enduit 
d'amalgame.  Au-dessous  du  piston,  se  trouve  .fixé,  à 
l'aide  d'un  support  isolant,  un  petit  disque  métallique  tout 
garni  de  pointes  à  sa  partie  périphérique  ;  ce  disque  joue  le 
rôle  des  peignes  de  l'appareil  de  Ramsden;  il  vient  toucher, 


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Fiir.  K  —  Macliine  d'ArmsIrong 


un  robinet  sert  à  amener  la  vapeur  dans  une  caisse  qui 
contient  un  certain  nombre  d'ajutages  destinés  à  laisser 
échapper  la  vapeur  dans  l'air.  Ces  ajutages  sont  en  bois  et 
portent  une  cloison  destinée  à  briser  le  jet  de  vapeur  avant 
son  échappement.  La  caisse  qui  sert  de  support  commun  à 
ces  divers  ajutages  contient  des  mèches  imbibées  d'eau,  car 
il  est  indispensable,  comme  l'a  démontré  Faraday,  que  la 
vapeur  soit  humide.  Les  jets  de  vapeur  de  ces  becs  sont 
dirigés  vers  un  cadre  garni  de  pointes  et  isolé.  La  chau- 
dière s'électrise  négativement  quand  on  fait  échapper  la 
vapeur,  et  le  cadre  de  pointes  positivement.  La  machine  de 
ce  genre  que  possède  la  Faculté  des  sciences  de  Pans  est 
munie  de  quatre-vingts  becs  ;  elle  donne  des  étincelles  de 
plusieurs  centimètres  d'épaisseur  et  de  plusieurs  décimètres 
de  long.  Mais  ces  machines,  malgré  leur  puissance,  sont 
peu  employées  ;  elles  sont  peu  commodes  :  on  doit  les 
remplir  avec  de  l'eau  distillée,  nettoyer  l'intérieur  avec 
des  solutions  de  potasse  ;  elles  nécessitent  un  certain  temps 
pour  atteindre  la  pression  sous  laquelle  on  doit  laisser 
échapper  la  vapeur  ;  elles  présentent  en  outre  un  certain 
danger  ;  la  rupture  possible  des  pieds  de  verre  isolant, 


ÉLECTRIQUES 


—  782 


surtout  lorsqu'ils  sont  chauffés  par  le  rayonnement  de  la 
chaudière,  peuvent  faire  tomber  celle-ci  et  déterminer  son 
explosion. 

Machines  a  induction,  —  La  plus  simple  de  toutes 
ces  machines  est  Vélectrophore  (V.  ce  mot).  Ces  appareils 
fonctionnent  une  fois  amorcés,  c.-à-d.  après  qu'on  a  élec- 
trisé  une  de  leurs  parties,  fixe  en  général.  Celle-ci  décom- 
pose par  influence  le  fluide  neutre  de  la  portion  mobile  et 
donne  naissance  à  une  quantité  indéfinie  des  deux  fluides 
sans  diminuer  autrement  que  par  suite  de  la  déperdition. 
C'est  en  effet  au  travail  mécanique  nécessaire  pour  faire 
tourner  l'appareil  qu'est  empruntée  l'énergie  que  possède 
l'électricité  ainsi  obtenue  et  non  à  l'électricité  donnée  pri- 
mitivement à  la  machine.  Dans  ce  genre  d'appareil,  la 
quantité  d'électricité  produite  en  un  temps  donné  dépend, 
toutes  choses  égales  d'ailleurs,  de  la  quantité  d'électricité 
qui  a  amorcé  la  machine  ;  aussi,  dans  certains  appareils, 
une  partie  de  l'électricité  obtenue  par  influence  vient  aug- 
menter la  charge  de  la  partie  fixe,  de  sorte  que  l'appareil 
donne  des  quantités  de  plus  en  plus  grandes  d'électricité 
dans  le  même  temps  ;  ces  quantités  croissent  en  effet  à  peu 
près  en  progression  géométrique  ;  on  peut  amorcer  ces  ap- 
pareils avec  la  plus  faible  quantité  d'électricité  ;  après 
quelques  tours,  ils  produisent  déjà  des  effets  remarquables. 
Voici  la  plus  estimée  de  ces  machines. 

Machine  de  Holtz.  Elle  se  compose  de  deux  plateaux 
de  verre,  l'un  fixe,  maintenu  verticalement  à  l'aide  de 
quatre  supports  et  percé  de  deux  échancrures  ou  fenêtres 
diamétralement  opposées;  l'autre,  parallèle  au  premier  et 
très  voisin,  est  d'un  diamètre  un  peu  plus  petit  ;  il  peut 
être  animé  d'un  mouvement  rapide  de  rotation  par  un  sys- 
tème de  poulies  et  de  courroies  ;  son  axe  passe  à  travers 
une  ouverture  centrale  percée  dans  le  disque  fixe;  les 
fenêtres  de  celui-ci  sont  garnies  sur  un  de  leurs  bords 
d'une  bande  de  papier  qui  y  est  collé  ;  il  est  découpé  de 
façon  à  présenter  une  sorte  de  dent.  En  regard  de  chacun 
de  ces  papiers,  mais  de  l'autre  côté  du  disque  mobile,  se 
trouvent  deux  peignes  métalliques,  communiquant  par  des 
tiges  avec  des  conducteurs  qui  recueillent  l'électricité . 
Ceux-ci  portent  des  parties  mobiles  que  l'on  approche  plus 
ou  moins  et  entre  lesquelles  jaillissent  les  étincelles.  Dans 
cette  machine,  comme  dans  les  suivantes,  on  a  supprimé 
les  cylindres  volumineux  et  encombrants  de  la  machine  de 


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Fig.  5.  —  Machine  de  Holtz. 

Ramsden,  mais  on  les  remplace  par  deux  bouteilles  de 
Leyde  qui,  bien  que  très  petites,  offrent  aux  deux  électri- 
cités une  surface  relativement  importante  par  suite  de  la 
condensation  qu'elles  produisent.  L'armature  intérieure  de 
chaque  bouteille  de  Leyde  communique  avec  l'un  des  con- 
ducteurs ;  les  deux  armatures  extérieures  sont  reliées  entre 


elles.  Voici  comment  fonctionne  l'appareil  :   on   met   en 
contact  les  parties  mobiles  des  deux  conducteurs  et  on 
électrise,  avec  un  bâton  de  verre  vigoureusement  frotté , 
l'une  des  bandelettes  de  papier.  Elle  se  charge  d'électricité 
positive  ;   celle-ci  décompose,  par  influence,  à  travers  le 
verre  du  disque  mobile,  le  fluide  neutre  du  peigne  qui 
laisse  échapper  par  ses  pointes  le  fluide  négatif  qui  se 
porte  sur  le  disque  de  verre  mobile,  tandis  que  le  fluide 
positif  va  sur  le  conducteur  qui  porte  le  peigne.  Le  disque 
de  verre,  ainsi  chargé  négativement  dans  une  partie,  tourne, 
et  cette  électricité   négative  passe,  après  un  demi-tour, 
devant  l'autre  peigne,  décompose  par  influence  son  fluide 
neutre,  attire  le  fluide  positif  qui  vient  neutraliser  le  fluide 
négatif  de  la  lame  de  verre  et  repousse  le  fluide  négatif 
dans  l'autre  conducteur.  En  même  temps,  la  bande  de 
papier  est  électrisée  aussi  par  influence  ;    elle  garde  le 
fluide  négatif,  tandis  que  le  fluide  positif  s'échappe  par  la 
dent  du  papier.  Le  papier  chargé  ainsi  d'électricité  néga- 
tive agit  alors  sur  le  peigne  en  regard  d'une  façon  ana- 
logue à  celle  du  premier  papier  sur  le  premier  peigne, 
mais  avec  cette  diflërence  que  le  fluide  qui  s'échappe  des 
dents  du  peigne  sur  la  roue  de  verre  est  du  fluide  positif. 
Le  disque  mobile  porte  donc  sur  la  moitié  ({ui  s'étend  (dans 
le   sens  de  la  rotation)  du  premier  peigne  au  second  du 
fluide  négatif  et  sur  la  moitié  qui  s'étend  du  second  peigne 
au  premier  du  fluide  positif.  Celui-ci,  en  arrivant  devant 
le  premier  peigne,  décompose  une  partie  du  fluide  neutre 
du  papier,  de  sorte  que  celui-ci  se   trouve  chargé  d'une 
quantité  d'électricité  qui  va  en^croissant.  Mais,  si  l'on  ar- 
rête la   machine,    l'électricité   développée   sur  les   deux 
branches  se  dissipe   rapidement  par  les  dents  et  il  faut 
l'amorcer  de  nouveau.  Il  arrive  parfois  aussi  ([ue  la  ma- 
chine se  désamorce  pendant  qu'elle  marche  si  on   écarte 
trop  les  parties  mobiles  des  conducteurs  entre  lesquelles 
jaillissent  les  étincelles.  D'autres  fois,  dans  des  circons- 
tances analogues,  au  moins  en  apparence,  la  machine  n'est 
pas  désamorcée,  mais  le  signe  des  électricités  de  chaque 
partie  de  l'appareil  est  changé.  On  admet  que  cela  tient  à 
la  décharge  lente  de  l'électricité  des  bouteilles  de  Leyde 
par  les  dents  des  peignes  qui  viennent  amorcer  la  machine 
en  sens  contraire.  On  a  construit  des  machines  de  Holtz  à 
quatre  plateaux  :  deux  sont  fixes  et  compris  entre  les  deux 
autres  qui  sont  mobiles.  Les  dispositions  de  ces  diverses 
parties  sont  les  mêmes  que  précédemment,  mais  la  machine 
non  seulement  fournit  des  quantités  doubles  d'électricité 
de  celles  que  donne  une  machine  simple  de  même  dimension, 
mais  encore  elle  reste  amorcée  beaucoup  plus  longtemps. 
Machine  à  rotation  inverse.  Elle  se  compose  de  deux 
disques  de  verre  égaux  disposés  de  façon  à  pouvoir  tourner 
autour  d'un   même  axe  vertical,  mais  en  sens  inverse. 
Quatre  peignes  situés  à  90'*  les  uns  des  autres  sont  placés, 
deux  au-dessous  du  disque  inférieur,  deux  au-dessus  du 
disque  supérieur.  Désignons-les  par  1 ,  2,  3,  4;   1  et  3 
diamétralement  opposés  sont  au-dessous  des  deux  disques, 
2  et  4  au-dessous.  On  fait  communiquer  1  avec  4,  2  avec  3  ; 
l'appareil  est  muni  d'une  bouteille  de  Leyde,  dont  une 
armature   communique  avec  1  et  4,  l'autre  avec  2  et  3. 
Pour  amorcer  l'appareil,  on  place  une  lame  d'ébonite  élec- 
trisée en  face  du  peigne  1,  mais  de  l'autre  côté  des  deux 
disques  de  verre,  et  on  fait  tourner  l'appareil.  Des  phéno- 
mènes d'influence,  analogues  à  ceux  de  la  machine  de 
Holtz,  se  produisent,  et  l'on  obtient  de  très  longues  étin- 
celles. Ces  deux  machines,  pour  donner  de  bons  résultats, 
doivent  être  placées  dans  de  l'air  chaud  et  sec. 

Machine  de  Bertsch,  C'est  une  sorte  de  machine  de 
Holtz  à  simple  effet  :  un  disque  en  ébonite  peut  tourner 
autour  d'un  axe  horizontal,  vis-à-vis  de  deux  peignes  dia- 
métralement opposés.  En  face  du  peigne  inférieur  seulement, 
on  place  à  demeure  une  lame  d'ébonite  électrisée  qui  joue 
le  rôle  de  la  bande  de  papier  de  la  machine  de  Holtz. 

Machine  Carré.  Dans  cette  machine,  semblable  à  celle 
de  Bertsch,  la  lame  d'ébonite  électrisée  est  remplacée  par 
un  petit  disque  en  ébonite  qui  passe  entre  deux  cous- 


-  783  — 


ÉLECTRIQUES  —  ÉLECTRO-AIMANT 


sins;  il  tourne  en  même  temps  que  le  disque  prmcipal, 
mais  beaucoup  plus  lentement.  De  cette  façon,  il  n  y  a 
qu'à  tourner  la  manivelle  pour  amorcer  l'appareil,  et,  en 
outre,  il  se  conserve  constamment  amorcé.  On  doit  rap- 
procher de  ce  genre  de  machine  un  certain  nombre 
d'autres  de  construction  récente,  présentant  des  dispo- 
sitions analogues  à  celles  de  Holtz,  mais  dans  lesquelles  les 
frottements  de  peignes  métalliques  sur  des  bandes  d'étam 
servent  à  entretenir  l'amorçage  de  la  machine.  ^ 

Le  débit  de  toutes  ces  machines  peut  être  mesure  a 
l'aide  de  la  bouteille  électrométrique  de  Lane  (V.  Bou- 
teille). Ce  débit  est  pour  toutes  ces  machines  semblable- 
ment  proportionnel  à  la  vitesse  de  rotation,  surtout  pour 
les  machines  à  frottement.  Pour  les  autres,  il  augmente 
un  peu  plus  rapidement  que  cette  vitesse.     A.  Joannis. 

ÉLECTRISATION  (Méd.)  (V.  Electrothérapie) . 

ÉLECTRO-AIIVIANT.  On  nomme  ainsi  les  systèmes  for- 
més par  un  barreau  de  fer  doux  entouré  d'une  bobine  sur 
laquelle  on  a  enroulé  un  fil  conducteur.  Quand  on  fait  pas- 
ser dans  ce  fil  un  courant  électrique,  le  fer  doux  s'aimante, 
un  pôle  austral  se  développe  à  l'extrémité  de  la  bobine  qui 
est  à  la  gauche  du  courant,  cette  gauche  étant  définie  par 


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Electro-aimant, 

celle  d'un  observateur  couché  sur  le  courant  et  regardant 
le  fil,  le  courant  lui  entrant  par  les  pieds  et  lui  sortant  par 
la  tête.  Cette  aimantation  est  instantanée,  ou  du  moins  elle 
est  aussi  courte  que  la  durée  de  l'établissement  du  courant. 
Très  souvent  on  contourne  la  barre  de  fer  doux  de  façon  à 
lui  donner  la  forme  d'un  U,  et  l'on  entoure  chaque  branche 
d'une  bobine  dans  laquelle  le  courant  tourne  dans  le  même 
sens.  La  figure  ci-dessus  représente  un  électro-aimant  puis- 
sant construit  sur  les  indications  de  Pouillet.  Sur  les  deux 
pôles  on  applique,  lorsque  le  courant  passe,  une  armature 
en  fer  doux  munie  d'un  crochet  aucpiel  est  suspendu  un 
plateau  que  l'on  peut  charger  de  poids,  ou  sur  lequel  des 
personnes  peuvent  se  placer.  Tant  que  le  courant  passe, 
l'attraction  se  maintient  ;  si  on  vient  à  interrompre  le  cou- 
rant, aussitôt  l'armature  tombe.  On  augmente  encore  la 
puissance  portative  de  cet  instrument  en  remplaçant  l'ar- 
mature par  un  autre  électro-aimant  en  mettant  en  contact 
les  pôles  de  nom  contraire.  Avec  une  disposition  de  ce 
genre,  il  est  facile  défaire  des  électro-aimants  portant  des 
milliers  de  kilogrammes.  La  facilité  d'obtenir  des  électro- 


aimants d'une  puissance  incomparablement  plus  forte  que 
celle  des  meilleurs  aimants  naturels  ou  artificiels  a  permis 
d'observer  les  phénomènes  absolument  invisibles  avec  les 
anciens  aimants  ;  on  a  pu  montrer  que  le  magnétisme 
n'était  pas  une  propriété  spéciale  appartenant  au  fer  et  à 
quelques  métaux  de  nature  voisine  comme  le  nickel  et  le 
cobalt  ;  que  c'était  au  contraire  une  propriété  commune  à 
tous  les  corps,  que  non  seulement  tous  les  métaux,  mais 
tous  les  corps,  même  les  gaz,  subissaient  d'une  certaine 
façon  l'influence  des  électro-aimants  puissants.  C'est  aussi 
à  l'aide  d'électro-aimants,  dont  le  noyau  de  fer  doux  était 
formé  d'un  tube  ouvert  aux  deux  bouts,  que  Faraday^  dé- 
couvrit la  polarisation  rotatoire  magnétique  de  la  lumière. 
Force  portative  des  électro-aimants.  Voyons  main- 
tenant quelles  formes  et  quelles  proportions  on  doit  donner 
aux  électro-aimants  pour  obtenir  les  effets  les  plus  consi- 
dérables. Une  première  condition  est  de  les  construire  en 
fer  doux  ;  ils  prennent  ainsi  une  aimantation  temporaire 
bien  plus  forte  que  s'ils  sont  en  acier  et  gardent  une 
aimantation  résiduelle  bien  plus  faible,  ce  qui  est  indis- 
pensable dans  la  plupart  de  leurs  apphcations.^  Quand 
les  électro-aimants  sont  destinés  à  porter  ou  à  attirer  une 
armature,  on  a  tout  intérêt  à  rapprocher  les  deux  pôles,  et 
pour  cela  on  donne  à  l'aimant  la  forme  d'un  fer  à  cheval. 
On  a  fait  un  grand  nombre  de  recherches  pour  déterminer 
les  meilleures  dimensions.  Voici  les  principaux  résultats  : 
10  La  longueur  des  branches  est  sans  influence.  2<^  Toutes 
choses  égales,  d'ailleurs,  un  électro-aimant  est  d'autant 
plus  puissant  que  le  diamètre  du  fer  est  plus  grand.  Muller 
a  trouvé  que  le  maximum  d'aimantation  est  proportionnel 
au  carré  du  diamètre  ;  mais  le  fer  doux  peut  être  creux. 
Ainsi  un  tube  de  fer  d'épaisseur  e  donne  les  mêmes  résul- 
tats qu'une  tige  pleine  de  même  diamètre  cl,  à  condition 

que  -  ne  soit  pas  trop  petit.  Du  Moncela  trouvé  qu'il  fal- 
lait que  -  fut  plus  grand  que  -.  Il  semble  que  la  valeur 

limite  de  -  doit  augmenter  avec  l'intensité  du  courant,  car 

l'aimantation  est  superficielle,  surtout  avec  les  courants 
faibles.  3*^  La  distance  des  branches  de  l'électro-aimant  a 
de  l'importance  pour  les  courants  forts  ;  leur  force  porta- 
tive augmente  d'abord  avec  l'écartement  des  branches  et 
diminue  ensuite.  Ordinairement  on  donne  aux  branches  des 
électro-aimants  une  longueur  égale  à  quatre  fois  leur  dia- 
mètre, et  la  distance  des  branches  est  de  deux  fois  leur 
diamètre.  4°  Muller  a  trouvé  que  pour  les  courants  in- 

3  1^ 

tenses  on  avait  la  relation  ni  =220(^  -,tang-^  OOOO"  d'^' 

Dans  cette  formule  m  est  le  moment  magnétique  produit 
dans  le  barreau,  cl  son  diamètre,  n  le  nombre  despires  du 
circuit,  I  l'intensité  du  courant.  Dans  la  pratique,  on 
adopte  les  dispositions  suivantes  pour  obtenir  le  maximum 
d'eil'et  :  étant  donnée  la  résistance  R  de  la  pile  qu'on  doit 
employer,  on  donne  au  circuit  qui  entoure  le  noyau  de  fer 
doux  la  même  résistance  R,  et  pour  cela  on  calcule  la 
longueur  et  la  section  que  l'on  doit  donner  au  fil  pour  le 
diamètre  extérieur  de  la  bobine,  soit  le  triple  du  noyau  de 
fer  doux,  sa  résistance  étant  égale  àR.  Les  dimensions  de 
l'armature  dont  on  munit  les  électro-aimants  ont  une 
grande  influence  sur  leur  force  portative.  Celle-ci  croît  avec 
leur  dimension  tant  que  leur  masse  ne  dépasse  pas  celle  de 
l'électro-aimant.  D'après  M.  Liais,  si  on  donne  à  l'arma- 
ture la  forme  d'un  parallélépipède  rectangle  de  longueur 
constante,  la  force  portative  est  proportionnelle  à  la  racine 
cubique  de  la  longueur  delà  face  appliquée  contre  les  pôles 
et  à  la  racine  carrée  de  l'épaisseur  ;  il  y  a  donc  avantage 
à  appliquer  l'armature  par  sa  face  la  plus  large.  La  meil- 
leure disposition  consiste  à  donner  à  l'armature  une  lar- 
geur triple  de  son  épaisseur. 

La  force  d'attraction  des  électro-aimants  diminue  rapi- 
dement avec  la  distance.  On  a  peu  de  résultats  précis  à  ce 


ÉLECTRO-AIMANT  —  ÉLECTROCAPILLAIRES 


—  784  — 


sujet,  mais  on  sait  que,  lorsqu'on  termine  le  fer  doux  par 
des  bouts  hémisphériques,  l'attraction  diminue  moins  avec 
la  distance  ;  on  dit  que  l'électro-aimant  a  une  grande  force 
aspirante.  On  a  donné  aux  électro-aimants  d'autres  dispo- 
sitions ;  par  exemple  on  a  enroulé  le  fil  conducteur  sur  un 
fil  de  fer  doux,  puis  on  a  entouré  cette  bobine  d'une  cou- 
ronne de  fer  doux  sur  laquelle  on  a  enroulé  une  nouvelle 
hélice,  et  ainsi  de  suite,  et  on  a  obtenu  des  électro-aimants 
puissants. 

Applications.  Elles  sont  très  nombreuses  et  très  im- 
portantes, puisque  les  électro-aimants  sont  utilisés  dans  les 
machines  magnéto  et  dynamo-électriques,  les  moteurs 
électriques,  la  télégraphie,  la  téléphonie,  pour  ne  citer  que 
les  plus  considérables.  A.  Joannis^ 

ÉLECTROCAPILLAIRES  (Phénomènes).  Ces  phéno- 
mènes ont  été  découverts  par  M.  Lipmann  en  1873.  Très 
intéressants  en  eux-mêmes,  ils  ont  permis  la  construction 
d'un  électromètre  d'un  principe  tout  spécial,  très  précis, 
et  d'une  construction  très  simple.    Quand  on  fait  arriver 


Appareil  de  Lipmann  pour  l'étude  des  phénomènes 
électrocapillaires. 

dans  un  liquide  conducteur  un  courant  électrique  trop 
faible  pour  le  décomposer,  il  se  produit  sur  les  électrodes 
ce  que  l'on  appelle  la  polarisation.  Si  une  de  ces  élec- 
trodes est  constituée  par  un  ménisque  de  mercure,  la 
forme  de  ce  ménisque  et  la  tension  capillaire  qui  lui  cor- 
respond sont  affectées  par  la  polarisation  ;  on  peut  le 
montrer  soit  à  l'aide  de  l'appareil  suivant  qui  est  l'électro- 
mètre  dont  nous  avons  parlé,  soit  à  l'aide  d'un  appareil 
plus  simple  composé  seulement  du  tube  T,  tube  très  effilé 
à  sa  partie  inférieure,  du  vase  V  contenant  du  mercure  et 
de  l'eau  acidulée  par  un  dixième  d'acide  sulfurique.  Le 
tube  T  contient  du  mercure  sur  une  longueur  de  50  à 
100  centim.  ;  dans  la  pointe  capillaire  P  se  trouve  le  mé- 
nisque qui  forme  la  surface  de  séparation  du  mercure  et  de 
l'eau  acidulée.  C'est  la  tension  superficielle  qui  s'exerce  en 
tous  les  points  de  ce  ménisque  qui  fait  équilibre  au  poids 
de  la  colonne  de  mercure;  deux  fils  métalliques  //'''soudés 
dans  le  verre  et  le  traversant  plongent  dans  le  mercure  du 


tube  T  et  du  vase  V.  Si  on  les  réunit  à  l'aide  d'un 
fil  conducteur  faisant  communiquer  les  bornes  A  et  B  aux 
quelles  ils  aboutissent,  on  constate  à  l'aide  du  micros 
cope  M  que  le  ménisque  s'arrête  dans  la  partie  capillaire 
toujours  au  même  point  d'équilibre  lorsque,  après  avoir 
fait  monter  ou  descendre  ce  niveau,  on  l'abandonne  à  lui- 
même.  Si  on  met  alors  les  fils//''  non  plus  en  communi 
cation  l'un  avec  l'autre,  mais  en  communication  avec  deux 
points  situés  à  un  potentiel  différent,  comme  par  exemple 
les  deux  pôles  d'une  pile  très  faible,  on  voit  aussitôt  le  ni- 
veau se  déplacer  et,  pour  le  ramener  à  sa  position  primitive, 
il  faut  augmenter  la  pression  de  la  colonne  mercurielle 
soit  en  ajoutant  du  mercure,  soit  en  comprimant  de  l'air 
au-dessus;  c'est  ce  qu'ilest  facile  de  faire  à  l'aide  des  autres 
objets  indiqués  dans  la  figure  :  un  sac  en  caoutchouc  S 
peut  être  comprimé  plus  ou  moins  entre  deux  planchettes 
à  l'aide  de  l'écrou  E  ;  l'air  qu'il  contient  communique  à  l'aide 
du  tube  t  d'une  part  avec  le  tube  T,  d'autre  part  avec  un  tube 
manométrique  qui  mesure  la  pression  de  Fair  ;  on  augmente 
celle-ci  jusqu'à  ce  que  le  microscope,  qui  est  muni  d'un  réti- 
cule, fasse  voir  le  niveau  du  mercure  dans  le  tube  capillaire  en 
contact  avec  le  croisement  des  fils  du  réticule  comme  tout 
d'abord;  l'augmentation  de  pression  est  en  rapport  avec  la  dif- 
férence de  potentiel  qui  existe  entre  les  deux  fils.  M.  Lipmann  a 
trouvé  la  loi  très  simple  qui  relie  la  tension  superficielle  à 
la  force  électromotrice  de  polarisation  ;  il  a  trouvé  que  ces 
deux  quantités  étaient  à  peu  près  proportionnelles,  tant 
que  la  différence  de  potentiel  ne  dépasse  pas  celle  d'un 
élément  Daniell.  Il  est  facile  dès  lors  de  construire  une 
table  qui  donne,  sans  aucun  calcul,  la  différence  de  poten- 
tiel qui  correspond  à  l'augmentation  dépression  qu'on  doit 
employer  dans  chaque  cas  pour  ramener  le  mercure  à  sa 
position  primitive.  L'appareil  est  d'autant  plus  sensible  que  la 
colonne  de  mercure  soutenue  parle  ménisque  dans  son  état 
normal  est  plus  longue  ;  il  faut  pour  cela  que  la  pointe  soit 
très  capillaire.  Avec  une  colonne  de  75  centim.,  la  tige  ca- 
pillaire doit  avoir  2  centièmes  de  milHm.  de  diamètre  ; 
on  emploie  un  microscope  grossissant  deux  cents  à  trois 
cents  ibis.  Cet  appareil,  des  plus  sensibles  puisqu'il  peut 
indiquer  des  différences  de  potentiel  inférieures  à  10  mil- 
lièmes de  volt,  n'est  pas  influencé  d'une  façon  sensible  par 
les  variations  de  la  température  ambiante.  Le  même  appa- 
reil peut  montrer  le  phénomène  inverse  ;  si  l'on  met  les 
bornes  A  et  B  en  communication  avec  un  galvanomètre 
très  sensible,  et  que  par  la  manœuvre  de  l'écrou  E  on  aug- 
mente et  diminue  alternativement  la  pression,  le  ménisque 
se  déforme  dans  la  pointe  capillaire,  et  il  se  produit  un 
courant  manifesté  par  la  déviation  du  galvanomètre.  On 
peut  le  montrer  ainsi  à  l'aide  d'un  appareil  encore  plus 
simple  :  on  met  les  deux  bornes  d'un  galvanomètre  en  rela- 
tion l'une  avec  du  mercure  contenu  dans  un  vase  et  recouvert 
d'eau  acidulée  et  l'autre  avec  du  mercure  contenu  dans  un 
entonnoir  dont  la  pointe  effilée  plonge  dans  l'eau  acidulée. 
La  pointe  de  l'entonnoir  est  assez  fine  pour  que  le  mercure 
coule  goutte  à  goutte  ;  pendant  qu'une  goutte  se  forme  et  gros- 
sit, il  devient  négatif  par  rapport  au  mercure  du  vase  ;  il  cesse 
au  moment  où  la  goutte  tombe  pour  recommencer  aussitôt; 
on  a  une  série  de  courants  discontinus. 

Comme  application  de  ces  phénomènes,  M.  Lipmann  a 
construit  un  petit  moteur  dont  le  principe  seul  est  intéres- 
sant :  sa  force  est  très  faible.  Deux  vases  à  moitié  pleins  de 
mercure  sont  plongés  dans  de  l'eau  acidulée  contenue  dans 
une  cuve  unique  ;  dans  chaque  vase  à  mercure  plonge  un 
faisceau  de  tubes  capillaires  ;  ces  faisceaux  sont  articulés 
aux  deux  extrémités  d'un  balancier;  on  fait  arriver  dans  le 
mercure  de  chacun  des  deux  vases  des  fils  de  fer  reliés  à 
une  pile  Daniell  par  l'intermédiaire  d'une  sorte  de  commu- 
tateur. Quand  le  courant  ne  passe  pas,  les  deux  faisceaux 
éprouvent  de  la  part  du  mercure  et  de  l'eau  acidulée  des 
poussées  égales  ;  elles  cessent  de  l'être  quand  le  courant 
passe  et  le  système  bascule  en  faisant  tourner  une  roue  et 
en  agissant  sur  le  commutateur  qui  renverse  alors  le  cou- 
rant, ce  qui  fait  basculer  l'appareil  en  sens  inverse  en  en- 


traînant  toujours  la  roue  et  le  commutateur;  l'appareil 
peut  faire  deux  tours  par  seconde.  Inversement,  si  on  rem- 
place la  pile  par  un  galvanomètre  et  qu'on  fasse  mouvoir 
la  roue  à  la  main,  on  obtient  un  courant  ;  c'est  donc  un 
moteur  réversible.  A.  Joannis, 

BiBL.  :  LiPMANN,  AnnaZes  de  chimie  et  de  phys.  (5),  V, 
p.  494. 

ÉLECTROCHIMIE.  L'électrochimie  est  l'étude  des  phé- 
nomènes chimiques  produits  par  l'électricité  ;  cette  action 
peut  se  manifester  de  deux  façons  principales  :  les  décharges 
violentes  de  l'électricité  qui  apparaissent  avec  lumière 
comme  les  étincelles  et  les  effluves  donnent  naissance  à  des 
réactions  qui  seront  étudiées  à  ces  mots.  Les  courants  élec- 
triques, d'autre  part,  produisent  aussi  des  actions  chimiques, 
des  combinaisons  et  des  décompositions.  L'étude  des  décom- 
positions chimiques  produites  par  l'électricité  constitue 
Vélectrolyse;  c'est  à  ce  mot  que  nous  renvoyons  le  lec- 
teur ;  nous  nous  occuperons  ici  des  combinaisons  obtenues 
à  l'aide  des  courants.  L'action  des  courants  électriques  sur 
les  liquides  conducteurs  consiste  en  une  décomposition  du 
liquide  en  ses  éléments  ou  en  composés  plus  simples.  Les 
corps  mis  ainsi  en  liberté  peuvent  alors  réagir  soit  sur  le 
composé  lui-même,  soit  sur  les  électrodes,  soit  sur  un  corps 
qui  se  trouve  mélangé  ou  en  contact  avec  l'électrolyte. 
C'est  à  ces  réactions  secondaires  qu'il  faut  attribuer  les 
combinaisons  produites  par  les  courants.  Voici  quelques 
exemples  de  ces  réactions  secondaires.  Quand  on  décom- 
pose l'eau  par  un  courant  électrique  en  prenant  pour 
électrode  positive  une  lame  de  plomb,  et  pour  électrode 
négative  une  lame  de  platine,  on  constate  qu'il  se  dégage 
de  l'hydrogène  sur  cette  dernière,  mais  que  l'on  ne  voit  pas 
de  dégagement  d'oxygène  sur  la  lame  de  plomb.  Cepen- 
dant l'eau  a  été  décomposée,  mais  l'oxygène  a  donné  nais- 
sance à  une  réaction  secondaire,  il  a  oxydé  le  plomb  pour 
donner  un  oxyde  brun,  le  bioxyde  de  plomb;  cette  action 
est  constamment  employée  dans  les  accumulateurs.  Si  on 
prend  comme  électrode  négative,  au  lieu  d'une  lame  de 
platine,  une  lame  de  palladium,  l'eau  est  encore  décomposée, 
mais  l'hydrogène  n'apparaît  pas  non  plus,  parce  qu'il  se 
combine  avec  le  palladium  pour  donner  un  hydrure.  De 
même,  lorsqu'on  électrolyse  un  sel  alcalin,  du  sulfate  de 
soude  par  exemple,  on  n'obtient  pas,  comme  avec  les  sels 
métalliques  proprement  dits,  le  sulfate  de  cuivre  par 
exemple,  le  métal  au  pôle  négatif,  l'oxygène  de  la  base  et 
l'acide  au  pôle  positif;  on  trouve  au  pôle  négatif  de  Fliy- 
drogène  et  la  base,  mais  cela  tient  à  l'action  secondaire  du 
métal  alcalin  qui  a  décomposé  l'eau  pour  donner  de  la 
soude  et  de  l'hydrogène.  Comme  sel  alcalin,  si  l'on  emploie 
le  chlorure  de  sodium,  on  obtient  une  réaction  un  peu  plus 
compliquée  ;  le  chlore  va  au  pôle  positif  et  au  pôle  négatif, 
on  a  de  la  soude  et  de  l'hydrogène,  puis  le  chlore  réagis- 
sant sur  la  soude,  donne  du  chlorure  de  sodium  et  de  Thy- 
pochlorite  de  soude.  Cette  réaction  a  été  utilisée  pour  le 
blanchiment  des  tissus  ou  des  pâtes  à  papier.  Les  actions 
oxydantes  de  l'oxygène,  qui  se  rend  au  pôle  positif,  ou  réduc- 
trices de  l'hydrogène,  qui  se  rend  au  pôle  négatif,  sur  la 
matière  dissoute  dans  l'eau  électrolysée  ont  été  souvent 
utilisées.  Ainsi,  une  solution  acide  de  paramidodiméthyla- 
niline  devient  d'un  beau  bleu  au  voisinage  du  pôle  positif  ; 
c'est  une  action  oxydante.  A  l'aide  de  sels  d'aniline,  d'or- 
thotoluidine  ou  de  paratoluidine,  on  obtient  par  électrolyse 
des  couleurs  variées,  surtout  des  violets  et  des  rouges, 
mais  aussi  des  bleus,  des  verts,  des  jaunes,  des  bruns  et 
des  noirs.  Une  solution  aqueuse  de  phénol  donne  une 
matière  colorante  bleue  ;  le  naphtol  donne  dans  les  mômes 
conditions  une  substance  d'un  beau  jaune  d'or  ;  l'alizarine 
s'obtient  aussi  par  l'électrolyse  de  l'anthroquinone.  On  a 
fait  dans  ces  derniers  temps  un  grand  nombre  d'essais  de 
ce  genre  ainsi  que  des  essais  de  teinture  à  l'aide  de  ces 
colorants  dans  le  bain  de  l'électrolyse  même.  Parmi  les 
applications  fondées  sur  l'action  de  l'oxygène  qui  tend  à  se 
dégager  au  pôle  positif,  nous  citerons  encore  la  fabrication 
du  chlorate  de  potasse  par  l'électrolyse  du  chlorure  de 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.  —  XV. 


_  -f85  -     ÉLECTROCAPILLÂÎRES-ÉLEGTRODVNAMIQUB 

potassium  (société  l'Electrochimie,  usines  de  Villers-sur- 
Hormes  [Oise]  et  de  Vallorbe  [Suisse]  ) .  M .  Weill  a  obtenu  des 
dépôts  de  métaux  couverts  d'une  mince  couche  d'oxyde 
qui  leur  donne  des  colorations  très  vives  et  très  variées  ; 
on  a  pu  aussi  bronzer  le  fer  en  l'oxydant  à  l'aide  d'oxy- 
gène électrolytique  ;  il  se  forme  une  couche  superficielle 
d'oxyde  Fe^O'*  très  adhérente  qui  protège  le  métal  contre 
la  rouille;  ce  sont  là  encore  des  actions  oxydantes.  Comme 
exemple  d'action  hydrogénante,  nous  citerons  les  procédés 
apphqués  par  M.  Naudin  pour  le  traitement  des  alcools 
mauvais  goût,  dont  les  aldéhydes  sont  ramenés  à  l'état 
d'alcool  par  de  l'hydrogène  d'électrolyse.  On  a  aussi  employé 
l'électrolyse  de  bains  convenables  pour  fabriquer  de  la 
céruse  (hydrocarbonate  de  plomb)  ou  du  vermillon  (sulfure 
de  mercure).  On  a  proposé  d'épurer  les  eaux  d'égout  par 
l'électrolyse.  Le  procédé  Webster,  essayé  pour  les  eaux  de 
Londres,  mais  sur  une  petite  échelle,  a  donné,  paraît-il, 
des  résultats  plus  avantageux  que  l'épuration  chimique.  Le 
procédé  Hermite,  essayé  à  Rouen,  consiste  à  employer,  pour 
le  lavage  des  rues  et  des  ruisseaux,  de  l'eau  contenant  un 
chlorure  et  ayant  passé  par  des  électrolyseurs  ;  cette  mé- 
thode est  surtout  facile  à  appliquer  dans  les  ports  de  mer 
ou  dans  les  villes  industrielles  qui  ont  des  dissolutions  de 
chlorures  inutilisables.  L'épuration  des  jus  sucrés  est  encore 
une  application  de  l'électrolyse.  On  sait  qu'une  des  prin- 
cipales causes  qui  empêche  la  cristallisation  des  mélasses 
est  la  présence  de  sels  et  en  particulier  de  chlorure  de 
sodium;  en  électrolysant  une  mélasse,  les  électrodes  plon- 
geant dans  de  l'eau  contenue  dans  des  vases  poreux,  le  sel 
est  décomposé,  on  trouve  de  la  soude  à  un  pôle,  de  l'acide 
chlorhydrique  à  l'autre,  et  le  jus  sucré  moins  riche  en  sel 
peut  donner  une  nouvelle  dose  de  sucre  quand  on  le  con- 
centre. L'électricité  employée  depuis  quelque  temps  dans 
les  procédés  de  tannage  a  donné  de  très  bons  résultats, 
aussi  bons  que  par  les  procédés  ordinaires,  mais  beaucoup 
plus  rapides  ;  ainsi  les  peaux  les  plus  longues  à  tanner 
(vaches,  bœufs,  chevaux)  sont  tannées  à  fond  en  quatre 
jours  ;  le  procédé  ordinaire  exige  six  mois.  Telles  sont  les 
principales  applications  de  l'électrochimie.  On  trouvera  au 
mot  Electrolyse  les  applications  relatives  à  l'analyse  ou  à  la 
métallurgie.  V.  aussi  le  mot  Galvanoplastie.  A.  Joannis. 

ÉLECTRO  DE.  On  appelle  ainsi  chaque  extrémité  des  rhéo- 
phores  d'une  pile,  c.-à-d.  des  fils  qui  amènent  l'électricité. 
L'électrode  positive  quiaaussi  reçu  le  nom  d'anode  est  celle 
qui  communique  avec  le  pôle  positif  de  la  pile  ;  la  cathode 
est  l'électrode  négative.  Ces  mots  ont  été  introduits  dans 
la  science  par  Faraday.  A.  J. 

ÉLECTRODYNAMIQUE.  L'électrodynamique  est  la 
science  de  l'action  exercée  par  les  courants  électriques  les 
uns  sur  les  autres.  Cette  action  a  été  découverte  par  Ampère 
en  1820,  aussitôt  après  la  découverte  par  (Erstedt  de  Fac- 
tion des  courants  sur  les  aimants.  Après  avoir  étudié  ces 
phénomènes  dans  quelques  cas  simples,  il  parvint  à  trou- 
ver la  formule  qui  donne  la  loi  de  l'action  élémentaire, 
c.-à-d.  de  Faction  d'un  élément  de  courant  sur  un  autre, 
tous  les  deux  étant  infiniment  petits  et  placés  l'un  par  rap- 
port à  l'autre  dans  une  direction  quelconque.  Connaissant 
cette  loi  élémentaire,  on  pourra,  étant  donné  des  circuits 
définis,  obtenir  dans  chaque  cas  particulier  la  direction  et 
l'intensité  de  leur  action  réciproque  en  étendant  par  inté- 
gration cette  action  élémentaire  aux  deux  circuits  tout 
entiers.  Il  est  facile  de  répéter  avec  la  table  d'Ampère 
(V.  au  mot  Ampère  la  table  et  les  expériences  d'Ampère) 
les  principales  expériences  qui  ont  conduit  l'illustre  physi- 
cien à  la  loi  élémentaire  :  1^  Deux  courants  parallèles 
s'attirent  quand  ils  vont  de  même  sens,  se  repoussent 
quand  ils  vont  de  sens  contraire.  Ces  deux  actions  ont 
d'ailleurs  la  même  intensité,  toutes  choses  égales  d'ailleurs, 
car,  si  à  un  équipage  mobile  de  la  table  d'Ampère  on  pré- 
sente un  courant  rectiligne  rephé  sur  lui-même  parallèle- 
ment, il  ne  produit  aucune  action.  2°  Un  courant  sinueux 
qui  s'écarte  infiniment  peu  d'un  courant  rectiligne  ayant 
les  mêmes  extrémités  agit  avec  la  même  intensité  que  ce 

50 


ÉLEGTRODYNAMIQUE  —  ÉLFXTRODYNAMOMÈTRE  —  78 

dernier.  On  le  montre  en  approchant  un  fil  rectiligne  que  l'on 
a  replié  en  zigzag  sur  lui-même  d'un  équipage  mobile  de 
la  table  d'Ampère';  tous  ces  fils  étant  parcourus  par  des 
courants,  aucun  effet  ne  se  manifeste;  la  partie  sinueuse 
fait  donc  éprouver  à  la  partie  mobile  une  action  égale  et 
contraire  (car  le  courant  les  parcourt  en  sens  inverse)  à 
celle  que  donne  le  fil  droit.  3^  L'angle  de  deux  courants 
tend  à  devenir  nul.  Il  faut  entendre  par  angle  de  deux  cou- 
rants, non  pas  l'angle  aigu  d'une  façon  générale,  mais 
l'angle  que  forment  les  deux  directions  des  courants  ;  cet 
angle  peut  varier  de  0  à  180^.  Les  deux  courants  tendent 
à  se  mettre  parallèles  et  de  même  sens.  4°  Deux  courants 
de  même  sens  situés  sur  le  prolongement  l'un  de  l'autre 
se  repoussent.  o°  L'action  d'un  courant  sur  un  autre  assu- 
jetti à  se  mouvoir  dans  un  plan  perpendiculaire  au  premier 
est  nulle. 

Considérons  maintenant  deux  éléments  de  courant  MN, 
M^N',  situés  d'une  façon  quelconque  l'un  par  rapport  à 
l'autre.  Soient  0,0^  leurs  milieux  ;  joignons  00'  et  prenons 
pour  plan  de  la  figure  le  plan  de  00^  et  de  MW  ;  menons  en 
C  une  perpendiculaire  0':^^  à  00^  En  0  menons  une  droite 


r 

,-:--- 

Z 

-->-. 

a-;:       0' 

"7 

M'                       1     1 

X'                  î    :  0 

y 

M  1 
1    œ 

M/ 

N- 

A 

y'IL 

' 

j/..,ï... 

y.A 

7^ 

Oï  parallèle  à  OV,  et  une  droite  Oy  perpendiculaire  au  plan 
de  la  figure.  D'après  le  principe  des  courants  sinueux  {T) 
nous  pouvons  remplacer  M^N'  par  le  circuit  brisé  MT^iY 
qui  s'en  écarte  infiniment  peu,  WW  étant  infiniment  petit, 
et  MN  par  le  circuit  MPQN  formé  par  trois  portions  res- 
pectivement parallèles  à  Oxfiyfiz.  On  peut  remplacer  MT^ 
par:5Vi  et  NT' par  x^x\,  de  même  MP  sera  remplacé 
par  p^,  PQ  par  yy^  NQ  par  xx^.  Examinons  maintenant 
l'action  de  x^x\  et  de  z^z\  sur  chacune  des  portions 
^^i->  yVi^  ^%  •  ^"^  ^^i  sur  x'x\:  ces  éléments  sont  sur 
le  prolongement  l'un  de  l'autre  et  de  même  sens,  donc 
ils  se  repoussent  (4^)  ;  cette  répulsion  a  pour  intensité 
—  \Vxx^f{r)  ;  dans  cette  formule  x  et  x^  sont  les  projec- 
tions de  MN  et  de  M'Y  sur  Ox;  f(r)  est  la  fonction  mcon- 
nue  de  la  distance  00'=  r  qui  représente  la  loi  élémentaire 
pour  ce  cas  particulier  ;  2«  zz.^^  sur  z^z'.^  ;  ces  éléments  sont 
parallèles,  de  même  sens;  ils  s'attirent  (1°)  avec  une  inten- 
sité qui  a  pour  expression  lVzz^^^{r)  ;  9  est  une  autre  fonc- 
tion de  la  même  distance  (r);  3'',4^5",6°,  les  quatre  autres 
actions  de  ^'.r'^  sur  zz^  et  yy^,  et  de  z^z'^  sur  xx^  et  ijy^ 
sont  nulles  d'après  Ampère,  par  raison  de  symétrie.  L'ac- 
tion élémentaire  ^^est  donc  représentée  par  la  formule 

dY=ir[zz'<^{r)-xx'f{r)] 
où  si  l'on  désigne  partes  etdS'les  longueurs MN,M'N' par 
8  et  6' les  angles  de  ces  droites  avec  Ox,  parco  l'angle  de 
MN  avec  le  plan  de  la  figure  on  a  : 

^^r=:c^S'cosO',^'=rt^S'sine',^==(^ScosO,^=:(/Ssinecosw 
d'où 

(Pf=ilVdSd^'[ân  e  sin  G'  cos  to9(r)  —  cos  6  cos  6'/'(r)]. 

Pour  déterminer/ et 9,  il  faut  prendre  doux  cas  parti- 
culiers, intégrer  c^'/^pour  ces  deux  cas,  et  comparer  les  résul- 
tats de  l'expérience  à  ceux  de  la  formule.  Mais  cette  marche 

serait  très  pénible.  Ampère  suppose  que  l'on  a  /'(/')—  — 

^(^)  =  ;^  c^  i^  ^'^  P^^^s  à  déterminer  la  forme  des  fonctions  f 

et  cp,  mais  seulement  les  constantes  k  et  n.  Il  sera  seule- 
ment nécessaire,  une  fois  ces  constantes  déterminées,  de 


justifier  l'hypothèse  d'Ampère  en  montrant  que  Raccord 
entre  l'expérience  et  la  théorie  reposant  sur  cette  hypothèse 
est  complet.  C'est  ce  qui  a  été  fait.  Voyons  comment  déter- 
miner /c  et  n.  On  a  : 

,  PK  sin  0  sin  G'  cos  w       cos  G  cos  G'I 


dY=lVdSdS'\ 


■]• 


Pour  déterminer  n^  Ampère  prend  deux  courants"'recti- 
lignes  parallèles  de  longueur  /  et  /',  parcourus  dans  le 
même  sens  })ar  le  même  courant,  et  il  leur  présente  un 
courant  rectiligne  indéfini  de  sens  contraire  ;  rr^  sont  les 
distances  de  courant  aux  deux  précédents;  la  formule  pré- 
cédente devient  alors  : 

dY=™Ë:(sW-/.eos^a). 

C'est  Faction  d'un  élément  du  courant  indéfini  sur  un  élé- 
ment du  courant  de  longueur  /.  En  intégrant  entre  des 
limites  convenables  on  trouve  : 

t^^  ^.n-i    X  A. 

A  est  une  constante.  De  même  pour  l'action  du  courant 
indéfini  sur  le  courant  de  longueur  /'  l'on  trouvera 

/  =  fFç^iî  XA. 
Or,  l'expérience  montre  que  /"  et  /^  sont  égaux,  c.-à-d.  que 
1 0"  a  7;r=r  ~  yr^  q^^nd  on  a  -  ^  p,d'oul  on 
conclut  n  m  2. 

Pour  trouver  k.  Ampère  avait  fixé  un  fil  horizontal  de 
cuivre  à  un  axe  vertical  facilement  mobile  ;  le  fil  de  cuivre 
reposait  aussi  sur  le  mercure  de  deux  petites  coupes  où 
aboutissaient  les  rhéophores  d'une  pile.  Le  système  restait 
constamment  immobile.  Par  conséquent  l'action  d'un  cir- 
cuit fermé,  de  forme  quelconque,  sur  le  fil  de  cuivre  mobile 
qui  faisait  partie  de  ce  circuit  était  constamment  nulle.  En 

traitant  ce  cas  par  le  calcul.  Ampère  a  trouvé  k=:  ^.  La 

loi  élémentaire  peut  donc  se  représenter  par  la  formule 

,„.      IVdSdS'  /  .    ^  .   „  1       ,        A 

a^f=: ^ — I  smQsmQ'cosw  —  -  cosGcosG' j. 

Comme  application  de  cette  formule,  on  peut  citer  le  calcul 
des  constantes  des  électrodvnamomètres.       A.  Joannis. 

ÉLECTRODYNAMOMÈTRE.  L'électrodynamomètre  de 
Weber  est  une  sorte  de  galvanomètre  dont  le  système 
magnétique,  aiguille  aimantée  ou  système  asiatique,  est 
remplacée  par  une  bobine  sur  laquelle  est  enroulée  un  fil 
conducteur.  Cette  bobine  est  suspendue  par  une  suspen- 
sion bifilaire  (V.  ce  mot).  On  peut  faire  passer  dans  la 
bobine  mobile  ou  dans  le  cadre  qui  l'entoure  et  qui  est 
aussi  recouvert  d'un  fil  conducteur,  soit  le  même  courant, 
soit  un  courant  d'intensité  connue  dans  l'une,  d'intensité 
inconnue  dans  l'autre.  La  figure  ci-contre  montre  la  disposi- 
tion de  l'appareil  ;  un  cadre  en  cuivre  épais  agit  par  induc- 
tion et  amortit  rapidement  les  oscillations  du  cadre  mobile. 
Pour  donner  à  l'appareil  sa  sensibiHté  maxima,  on  place  le 
cadre  fixe  dans  le  plan  du  méridien  magnétique  et  la  bobine 
mobile  (ou  plus  exactement  le  plan  des  spires  de  cette 
bobine)  dans  un  plan  perpendiculaire.  Par  l'action  des  cou- 
rants qui  traversent  le  cadre  et  la  bobine,  celle-ci  tend  à 
tourner  de  90^  et  à  se  mettre  parallèle  au  cadre,  mais  la 
réaction  de  la  suspension  bifilaire  et  Faction  magnétique 
de  la  terre  tendent  à  la  ramener  dans  sa  position  première. 
L'angle  d'écart  qu'elle  fait  avec  cette  position,  que  l'on 
mesure  avec  un  miroir  fixé  à  la  bobine  par  la  méthode  de 
Poggendorff,  permet  de  déduire  l'intensité  inconnue  du 
courant.  Si  i  et  f  sont  les  intensités  respectives  des  cou- 
rants passant  dans  le  cadre  et  dans  la  bobine,  si  Foil 
désigne  par  8  la  déviation  de  la  bobine,  par  B'  celle  qu'elle 
éprouve  quand  on  renverse  à  la  fois  le  sens  des  deux  cou- 
rants, on  a  la  relation  suivante  : 

i7  —  -  (  tang  §  +  tang  8' j. 


—  787  —    ÉLECTRODYNAMOMÈTRE  —  ÉLECTROLYSE 


k  est  le  moment  de  torsion  du  système  bifilaire  :  c'est  une 
constante  dont  on  dispose  et  que  l'on  peut  choisir  de  façon 
à  avoir  une  sensibilité  convenable  ;  A/  est  une  autre  cons- 
tante dépendant  des  dimensions  et  de  la  distance  des  bobines. 
8  et  B^  sont  très  peu  différents  en  pratique  (cette  différence 
tient  à  Faction  magnétique  de  la  terre  sur  le  cadre  mobile), 
de  sorte  que  la  tangente  de  la  déviation  est  sensiblement 
proportionnelle  au  produit  de  l'intensité  des  deux  courants 

ou,  dans  le  cas 
où  le  même  cou- 
rant parcourt  les 
deux  circuits,  au 
carré  de  l'inten- 
sité. Cet  instru- 
ment, moins  sen- 
sible que  les  gal- 
vanomètres, pos- 
sède sur  ces 
derniers  l'avan- 
tage suivant  : 
quand  c'est  le 
même  courant 
qui  parcourt  le 
cadre  et  la  bo- 
bine, le  sens  de 
la  déviation  ne 
dépend  pas  du 
sens  du  courant. 
Aussi  si  on  lance 
dans  un  galvano- 
mètre des  cou- 
rants induits,  de 
quantités  égales, 
mais  de  signes  al- 
ternant un  grand 
nombre  de  fois 
par  seconde,  l'ai- 
guille reste  au 
repos ,  sollicitée 
qu'elle  est  d'aller 
tantôt  à  droite, 
tantôt  à  gauche  ; 
l'électrodynamo- 
mètre  au  con- 
traire est  dévié 
et  permet  d'ap- 
précier la  quan- 
ti té  d'électricité 
qui  passe  pendant 
chaque  période. 
L'électroclynamo- 
mètre  de  l'Asso- 
ciation britan- 
nique est  fondé  sur  le  même  principe,  mais  chaque  cir- 
cuit, cadre  ou  bobine,  au  lieu  d'être  simple,  est  formé  par 
deux  cadres  égaux  dont  la  distance  est  égale  à  leur  rayon 
moyen.  Cette  disposition  facilite  le  calcul  de  k\ 

Les  électrodynamomètres-balances,  moins  souvent  em- 
ployés, permettent  de  mesurer  à  l'aide  d'une  balance,  par 
suite  d'évaluer  en  poids,  l'attraction  ou  la  répulsion  exercée 
entre  deux  circuits,  généralement  entre  deux  bobines  ayant 
même  axe  et  situées  à  une  distance  l'une  de  l'autre  telle  que 
leur  action  soit  maximum. 

L'électrodynamomètre  à  mercure  de  M.  Lippmann  se 
compose  d'une  petite  chambre  parallélépipédique  en  verre  ; 
elle  contient  du  mercure  et  communique  avec  deux  tubes 
ouverts  à  l'air  libre.  Cette  cuve  est  placée  au  centre  d'une 
bobine.  Quand  celle-ci  n'est  parcourue  par  aucun  courant, 
le  niveau  du  mercure  est  le  même  dans  les  tubes  ;  il  n'en 
est  plus  de  même  si  un  courant  traverse  à  la  fois  la  bobine 
et  le  mercure  :  une  dénivellation  se  produit  qui  est  propor- 
tionnelle au  carré  de  l'intensité  du  courant.  L'avantage 
que  présente  cet  instrument  est  qu'il  n'y  a  pas  à  propre- 


Electrodvnamomèti^e. 


ment  parler  de  parties  mobiles,  et  que  par  suite  le  carré 
de  l'intensité  du  courant  est  rigoureusement  proportionnel 
à  la  différence  de  pression  observée.  L'appareil  une  fois 
gradué  peut  servir  d'étalon  d'intensité,  car  sans  nouvelles 
déterminations  il  donnera  l'intensité  dans  un  lieu  quel 
conque.  La  formule  qui  lie  la  pression  p  à  l'intensité  i  es 


est 


p- 


Uk 


dans  laquelle  c  est  Tintensité  du  champ  magnétique  produit 
au  centre  de  la  bobine  par  un  courant  d'une  intensité  égale 
à  l'unité,  e  est  l'épaisseur  de  mercure.  Cette  formule  est 
assez  simple  pour  qu'on  puisse  évaluer  directement-  les 
quantités  qui  y  entrent  et  obtenir  par  suite  des  mesures 
absolues.  A.  Joannis. 

ELECTROLYSE.  L  Physique. —  Lorsqu'un  courant  élec- 
trique, suffisamment  intense,  traverse  un  liquide  conducteur, 
il  le  décompose  ;  si  le  corps  est  un  composé  binaire,  le  métal 
se  rend  au  pôle  négatif  (on  dit  qu'il  est  électropositif  par 
rapport  à  l'autre  corps)  ;  le  métalloïde  va  au  pôle  positif.  Si 
le  corps  est  un  sel,  le  métal  se  rend  encore  au  pôle  négatif; 
l'oxygène  de  la  base  et  l'acide  se  rendent  au  pôle  positif. 
Dans  certains  cas,  lorsque  les  corps  ainsi  mis  en  liberté  sont 
susceptibles  de  réagir  sur  l'électrolyte,  il  se  produit  des 
réactions  secondaires  (V.  Electrochimie).  Ce  fait  se  produit 
fréquemment  lorsque  le  sel  est  de  nature  organique.  Le 
premier  phénomène  d'électrolyse  observé  est  la  décomposi- 
tion de  l'eau  par  Carlisle  et  Nicholson  en  1800.  La  décom- 
position des  alcalis  par  la  pile,  réalisée  par  Davy  en  4808, 
montra  tout  le  parti  que  l'on  pouvait  tirer  de  l'électrolyse 
pour  obtenir  les  métaux  ayant  des  affinités  chimiques  éner- 
giques. Davy  ayant  placé  sur  une  lame  d'argent  un  morceau 
de  soude  caustique  humectée  d'eau,  ayant  relié  la  lame 
d'argent  au  pôle  positif  d'une  pile  de  deux  cent  cinquante 
éléments  et  placé  le  fil  qui  communiquait  avec  le  pôle  néga- 
tif sur  la  soude  humide,  il  le  vit  se  recouvrir  de  petits  glo- 
bules d'un  métal  blanc  se  dissolvant  avec  rapidité  dans  l'eau 
qui  humectait  la  soude  ;  mêmes  résultats  avec  l'autre  alcali, 
la  potasse  ;  en  creusant  dans  une  nouvelle  expérience  le 
morceau  de  soude  et  plaçant  un  petit  globule  de  mercure  dans 
la  cavité,  il  trouva  qu'en  reliant  ce  globule  au  pôle  négatif 
de  sa  pile  il  gonflait  en  se  transformant  en  amalgame  ;  cet 
amalgame,  plus  stable  que  le  métal  alcalin,  pouvait  ensuite 
être  séché  ;  chauffé  dans  le  vide  le  mercure  distillait  et  le 
métal  alcahn,  peu  volatil,  restait  dans  l'appareil.  Ce  pro- 
cédé étendu  aux  chlorures  fondus  permit  à  Bunsen  de  pré- 
parer les  métaux  alcalino-terreux.  Examinons  maintenant 
les  phénomènes  que  l'on  observe  dans  l'électrolyse  et  les 
lois  que  l'on  a  découvertes. 

Electrolyse  de  Veau.  L'eau  distillée,  la  plus  pure  que 
l'on  puisse  obtenir,  offre  une  résistance  considérable  au 
passage  du  courant  ;  l'addition  de  traces  de  substances 
salines  ou  d'acides  diminue  d'une  façon  considérable  sa 
résistance;  ainsi  1/2  «/o  d'acide  sulfurique  rend  l'eau  dis- 
tillée cinquante  mille  fois  moins  résistante  ;  aussi  peut-on 
penser  que  l'eau  distillée  absolument  pure  ne  conduit  pas 
l'électricité.  Pour  électrolyser  de  l'eau  il  faut  donc  lui 
ajouter  un  sel  ou  un  acide.  Supposons  que  l'on  acidulé  de 
l'eau  distillée  avec  de  l'acide  phosphorique,  et  prenons 
comme  électrodes  deux  fils  fins  de  platine.  Dans  ces  condi- 
tions, indiquées  par  M.  Mascart,  on  obtient  une  electrolyse 
normale,  c.-à-d.  sans  actions  secondaires,  et  l'on  constate 
ceci  :  1°  Le  volume  d'hydrogène  dégagé  au  pôle  négatif  pos- 
sède un  volume  double  de  celui  de  l'oxygène  dégagé  au  pôle 
positif.  —  2*^  Le  volume  d'hydrogène  dégagé  pendant  un 
certain  temps  est  proportionnel  à  la  quantité  d'électricité 
qui  a  passé  pendant  ce  temps.  Pouillet  a  démontré  ce  résul- 
tat par  de  nombreuses  expériences,  en  montrant  en  parti- 
culier que  les  indications  des  rhéomètres,  dans  certaines 
conditions,  sont  proportionnelles  d'une  part  aux  quantités 
d'électricité,  et  d'autre  part  aux  indications  des  voltamètres. 
—  3<*  Si  sur  un  même  circuit  on  place  une  série  de  volta- 
mètres, il  y  a  la  même  quantité  d'eau  décomposée  dans 


ÉLECTROLYSE 


—  788  -^ 


chacun  d'eux.  —  4°  Si  entre  deux  points  A  et  B  d'un  circuit 
principal  contenant  un  voltamètre  on  interpose  plusieurs 
dérivations  contenant  chacune  un  voltamètre,  on  constate 
que  les  volumes  d'hydrogène  mis  en  liberté  dans  chacun 
de  ces  voltamètres  est  différent  lorsque  les  diverses  déri- 
vations ne  présentent  pas  la  même  résistance,  mais  la  somme 
de  ces  volumes  d'hydrogène  est  égale  au  volume  de  ce  gaz 
obtenu  dans  le  voltamètre  du  circuit  principal.  L'expérience 
montre  que,  lorsqu'un  coulomb  traverse  un  voltamètre,  il 
met  en  Uberté  0^s010384  d'hydrogène,  ou,  si  l'on  veut,  un 
courant  d'un  ampère  dégage  par  seconde  la  même  quantité 
d'hydrogène.  On  peut  donc  évaluer  une  quantité  d'électri- 
cité en  coulombs  ou  un  courant  en  ampères  par  l'observation 
d'un  voltamètre. 

Voyons  maintenant  les  résultats  que  l'on  trouve  en 
employant  un  voltamètre  différent  :  si  on  remplace  les  fils 
fins  de  platine  par  des  lames  de  ce  métal  et  si  l'on  emploie 
de  l'eau  acidulée  par  l'acide  sulfurique,  on  constate  que  les 
volumes  de  l'hydrogène  et  de  l'oxygène  ne  sont  plus  exac- 
tement dans  le  rapport  de  2  à  1  ;  une  partie  de  l'oxygène 
est  transformée  en  ozone,  qui  occupe  un  volume  moindre  ; 
une  autre  partie  donne  de  l'eau  oxygénée  ou  de  l'acide  per- 
sulfurique  selon  la  concentration,  comme  l'a  montré  M.  Ber- 
thelot  ;  ces  causes  diverses  tendent  à  diminuer  l'oxygène 
observé.  D'autre  part,  le  platine  peut  absorber  de  l'hydro- 
gène (jusqu'à  quatre-vingts  fois  son  volume  quand  il  vient 
d'être  chauffé)  ;  on  ne  peut  donc  se  servir  ni  du  volume  de 
l'hydrogène  ni  de  celui  de  l'oxygène  pour  mesurer  l'intensité 
du  courant.  Le  palladium  substitué  au  platine  donne  des 
résultats  encore  plus  défavorables,  le  palladium  pouvant 
absorber  neuf  cent  trente-six  fois  son  volume  d'hydrogène. 

Electrolyse  des  composés  binaires  et  des  sels.  Ces 
composés  se  comportent  en  général  comme  l'eau.  Les  com- 
posés binaires  liquides  à  la  température  ordinaire  ou  fon- 
dus se  comportent  comme  l'eau  acidulée  s'ils  sont  conduc- 
teurs ;  tels  sont  par  exemple  les  chlorures  métalliques  fondus 
qui  donnent  un  métal  au  pôle  négatif,  du  chlore  au  pôle 
positif.  Les  sels  fondus  se  comportent  de  la  façon  suivante  : 
soit  MO,  RO'^'  la  formule  d'un  sel,  M  représentant  un 
métal  et  RO"^  un  acide;  ce  sel  se  comporte  comme  si 
c'était  une  combinaison  binaire  du  mélal  M  et  du  groupe 
RO  "+  ^  jouant  le  rôle  de  radical,  c.-à-d.  que  le  métal  va 
au  pôle  négatif  et  qu'on  recueille  RO**  et  0  au  pôle  positif. 
Les  composés  binaires  et  les  sels  dissous  dans  l'eau  se  com- 
portent souvent  comme  lorsqu'ils  sont  fondus,  mais  souvent 
aussi  l'eau  de  la  dissolution  est  électroljsée  en  même  temps 
qu'eux-mêmes  ;  quelquefois  elle  est  électrolysée  seule. 
D'autres  fois,  elle  éprouve  une  réaction  secondaire,  comme 
lorsque  le  métal  décompose  l'eau  :  ainsi,  lorsqu'on  electro- 
lyse du  sulfate  de  soude,  au  lieu  d'obtenir  du  sodium  au 
pôle  négatif,  on  obtient  de  l'hydrogène  et  on  constate  que 
le  Hquide  est  devenu  alcalin  autour  de  ce  pôle  ;  pour  faire 
rentrer  ce  cas  dans  le  cas  général,  il  suffît  d'admettre  que 
le  sodium  mis  en  hberté  au  pôle  négatif  a  décomposé  l'eau 
aussitôt  en  donnant  de  l'hydrogène  et  de  la  soude;  ce  n'est 
pas  une  exception,  c'est  un  phénomène  secondaire,  comme 
il  en  existe  beaucoup,  ainsi  que  Font  montré  les  recherches 
de  M.  Bourgoin  sur  les  sels  à  acide  organique.  De  même, 
la  solution  d'ammoniaque  saturée  de  sulfate  d'ammoniaque 
lorsqu'elle  est  électrolysée  donne  au  pôle  négatif  de  l'hy- 
drogène et  au  pôle  positif  divers  com])osés  résultant  de 
l'action  de  l'oxygène  sur  l'ammoniaque,  c.-à-d.  de  l'azote 
et  des  composés  oxygénés  de  l'azote.  Autrefois  en  électro- 
lysant  du  chlorure  d'or  contenu  dans  une  série  de  tubes 
en  V  communiquant  les  uns  avec  les  autres,  Pouillet  avait 
observé  que  toutes  les  branches  des  tubes  en  V  tournées 
vers  l'électrode  négative  se  décoloraient  ;  il  pensait  que  la 
puissance  chimique  des  deux  pôles  était  inégale,  puisque  le 
métal  déposé  provenait  uniquement  des  portions  négatives. 
D'Almeida  a  montré  que  ce  fait  ne  se  produisait  pas  quand 
on  employait  comme  électrode  positive  le  métal  entrant 
dans  la  composition  du  sel  ;  le  liquide  neutre  au  début  res- 
tait neutre  ;  dans  le  cas  contraire  le  liquide  neutre  au  début 


devient  acide  par  suite  de  l'électrolyse,  et  bientôt  le  courant 
électrique  passe  en  décomposant,  non  plus  le  sel  primitif, 
mais  l'eau  acidulée,  beaucoup  meilleure  conductrice,  en 
oxygène  et  hydrogène.  Ce  dernier,  au  lieu  de  se  dégager  au 
pôle  négatif,  donne  une  réaction  secondaire  en  réduisant  le 
sel  qui  baigne  le  pôle  négatif. 

Lois  de  l'électrolyse.  Voyons  maintenant  si,  lorsqu'on 
place  dans  un  même  circuit  plusieurs  voltamètres  contenant 
des  électrolytes  divers,  il  y  a  une  relation  entre  les  quantités 
des  corps  simples  mis  en  liberté  simultanément  dans  chaque 
appareil.  Cette  recherche,  effectuée  par  Faraday,  l'a  conduit 
à  la  loi  célèbre  qui  porte  son  nom. 

Loi  de  Faraday,  Quand  un  même  courant  traverse 
successivement  plusieurs  électrolytes,  les  poids  des  éléments 
mis  en  liberté  dans  chacun  d'eux  sont  entre  eux  comme  les 
équivalents  chimiques  de  ces  éléments.  Faraday  a  vérifié 
cette  loi  pour  les  composés  binaires  de  la  formule  MR.  Bec- 
querel l'a  étendu  ensuite  aux  autres  composés  de  formule 
quelconque  en  montrant  que  c'est  l'élément  qui  se  rend  au 
pôle  positif  qui  suit  la  loi.  Ainsi,  plaçons  dans  le  même  cir- 
cuit trois  voltamètres  contenant  respectivement  de  l'eau,  du 
protochlorure  de  fer  FeCl  et  du  perchlorure  de  fer  Fe^CF, 
28  étant  l'équivalent  du  fer,  35,5  celui  du  chlore,  1  celui 
de  l'hydrogène,  on  constate  que  lorsque  i  gr.  d'hydrogène 
a  été  mis  en  liberté  dans  le  voltamètre  à  eau,35,5  de  chlore 
ont  été  mis  en  liberté  dans  chacun  des  deux  autres  volta- 
mètres, mais  que,  tandis  que  dans  celui  qui  contient  le  pro- 
tochlorure de  fer  il  y  a  eu  en  même  temps  28  gr.  de  fer  déposé, 
il  n'y  en  a  eu  que  2/3  28  gr.  dans  le  voltamètre  à  perchlorure. 
C'est  donc  le  métalloïde  ou  plus  généralement  le  corps  ou 
le  groupe  électronégatif  qui  suit  la  loi  de  Faraday.  On  peut 
donc  mesurer  les  courants  autrement  que  par  l'hydrogène 
mis  en  Uberté  dans  la  décomposition  de  l'eau.  On  peut  par 
exemple  se  servir  d'un  voltamètre  à  sulfate  de  cuivre, 
comme  dans  certains  compteurs  électriques  et  peser  le 
cuivre  déposé  ;  lorsque  0°^s32709  de  cuivre  ont  été  déposés, 
on  peut  dire  qu'un  coulomb  a  passé  dans  le  voltamètre.  On 
peut  déduire  de  ce  nombre,  connaissant  l'équivalent  du 
cuivre,  que  pour  mettre  en  liberté  un  équivalent  d'un  corps 
quelconque  de  formule  MR  il  faut  96293  coulombs. 

Electrolyse  d'un  mélange.  Quand  un  courant  électrique 
traverse  un  mélange  de  deux  ou  plusieurs  sels,  deux  cas 
peuvent  se  produire  :  ou  bien  il  n'en  décompose  qu'un,  et 
cette  décomposition  suit  la  loi  de  Faraday,  ou  bien  il  en 
décompose  plusieurs.  Si  l'on  appelle  w,  n\  n'\..  les  quan- 
tités de  chacun  de  ces  corps  mis  en  liberté  exprimées  en 
équivalents,  on  trouve  que  lorsque  96293  coulombs  ont 
circulé  dans  le  circuit  on  a  ri  -f-  7i'  -H  n^\..  =  1.  L'élec- 
trolyse suit  donc  encore  la  loi  de  Faraday  avec  une  légère 
modification  :  la  somme  des  équivalents  mis  en  liberté  de 
divers  sels  mélangés  est  égale  à  la  somme  des  équivalents 
d'hydrogène  mis  simultanément  en  liberté  dans  un  volta- 
mètre à  eau  faisant  partie  du  même  circuit. 

Théories  de  Grotthuss  et  de  Clamius.  D'après  Grot- 
thuss,  quand  un  courant  électrique  traverse  un  électrolyte, 
du  sulfate  de  cuivre  par  exemple,  toutes  les  molécules  de  ce 
sel  comprises  entre  les  deux  électrodes  se  polarisent  ;  elles 
s'orientent,  toutes  se  tournant  de  la  même  façon,  la  molé- 
cule cuivre  dirigée  vers  le  pôle  négatif,  le  groupe  SO"^  dirigé 
vers  le  pôle  positif.  Lorsque  le  courant  est  établi,  l'expé- 
rience prouve  que  le  cuivre  se  dépose  uniquement  sur  le 
pôle  négatif,  le  groupe  SO*  ou  plutôt  le  mélange  SO^  -h  0 
sur  le  pôle  négatif.  Comme  d'autre  part  on  sait  que  pour 
le  passage  du  courant  il  faut  qu'il  y  ait  electrolyse,  on  en 
conclut  que  chaque  molécule  intermédiaire  doit  se  décompo- 
ser, et,  si  la  décomposition  n'est  pas  apparente,  cela  tient  à  ce 
que  son  cuivre  s'unit  au  groupe  SO"*  de  l'élément  précédent 
et  son  groupe  SO^  au  cuivre  de  l'élément  suivant.  De  sorte 
que,  pour  une  molécule  de  cuivre  déposée  au  pôle  négatif, 
chaque  molécule  de  cuivre  comprise  dans  la  chaîne  consi- 
dérée a  avancé  d'un  rang  vers  le  pôle  négatif,  et  chaque 
groupe  SO"^  a  avancé  d'un  rang  vers  le  pôle  positif.  M.  Clau- 
sius  a  fait  à  cette  théorie  l'objection  suivante  :  une  fois  la 


—  789  — 


ÉLECTROLYSE  —  ELECTROMAGNETISME 


force  électromotrice  suffisante  pour  vaincre  Félectrolyse 
obtenue,  il  devrait  se  produire,  d'après  ce  savant  et  confor- 
mément à  la  théorie  de  Grotthuss,  un  courant  immédiatement 
très  intense  ;  or  cela  n'est  pas  ;  ce  serait  d'ailleurs  contraire 
au  principe  de  la  conservation  de  l'énergie.  M.  Clausius 
admet  que  dans  un  liquide  les  molécules  décrivent  des  tra- 
jectoires non  fermées  et  que  dans  un  électrolyte  les  molé- 
cules simples,  qui  constituent  les  molécules  du  corps  com- 
posé, chargées  d'électricité  de  noms  contraires,  cheminent 
dans  le  liquide  en  se  déplaçant  les  unes  par  rapport  aux 
autres  ;  ainsi  dans  l'exemple  précédent  une  molécule  Cu 
suivrait  une  trajectoire,  le  groupe  correspondant  SO'*  en 
suivrait  une  autre  sans  rapport  avec  la  première  ;  c'est  là 
une  hypothèse  difficile  à  admettre.  Mais,  lorsque  le  liquide 
est  parcouru  par  un  courant,  les  trajectoires  de  ces  molécules 
s'allongent  dans  la  direction  de  cette  force,  et  le  nombre  de 
molécules  positives  qui  pendant  l'unité  de  temps  traversent 
l'unité  de  surface  d'un  plan  perpendiculaire  aux  lignes  de 
force  dans  le  sens  de  la  force  l'emporte  sur  celui  des  molé- 
cules négatives  ;  il  y  a  donc  plus  de  molécules  positives  vers 
un  pôle,  plus  de  molécules  négatives  vers  l'autre  :  c'est  ce 
qui  donne  naissance  aux  molécules  mises  en  liberté. 

Applications.  La  galvanoplastie  (V.  ce  mot)  est  la  prin- 
cipale application  de  Félectrolyse  ;  ce  fut  même  la  seule 
pendant  longtemps.  Depuis  que  les  machines  magnéto  et 
dynamo-électriques  ont  pris  le  développement  extrême  que 
nous  leur  voyons,  on  a  appliqué  l'électrolyse  non  seulement 
à  la  production  de  métaux  comme  l'aluminium,  mais  même 
au  traitement  de  minerais  des  métaux  moins  précieux. 
C'est  ainsi  que  l'on  traite  les  mattes  de  cuivre  qui  sont  en 
somme  un  minerai  de  cuivre  enrichi  par  une  opération  préa- 
lable, que  l'on  raffine  le  cuivre  noir  en  extrayant  l'or  et 
l'argent  qu'il  contient.  Le  traitement  des  crasses  de  zinc 
obtenues  dans  le  traitement  par  le  zinc  des  plombs  argen- 
tifères se  fait  parfois  par  un  procédé  analogue.  On  a  retiré 
des  minerais  de  zinc,  de  mercure,  d'antimoine,  le  métal  qu'ils 
contenaient.  Ces  procédés  sont  surtout  avantageux  quand 
on  dispose  d'une  chute  d'eau  permettant  d'actionner  les 
dynamos  ;  ils  ont  l'avantage  de  donner  des  métaux  très  purs, 
ce  qui  est  souvent  très  utile,  principalement  pour  le  cuivre. 
Parfois  l'argent  et  l'or  qui  existent  dans  les  cuivres  noirs 
sont  en  quantités  suffisantes  pour  couvrir  les  frais  de  l'épu- 
ration du  cuivre.  Dans  les  laboratoires,  on  emploie  aussi 
très  souvent  l'électrolyse  pour  l'analyse.  Les  nouveaux  pro- 
cédés se  sont  développés  rapidement  pendant  ces  dernières 
années  ;  autrefois  on  ne  dosait  guère  que  le  cuivre  de  cette 
façon-là.  M.  Riche  a  montré  qu'on  pouvait  doser  facilement 
d'autres  métaux,  du  zinc  et  du  plomb  par  exemple,  et  qu'on 
pouvait  les  séparer  par  ce  procédé  les  uns  des  autres. 
M.  Classen  a  montré  comment  l'on  pouvait  doser  et  séparer 
d'autres  métaux,  tels  que  le  cadmium,  le  fer,  le  cobalt,  le 
nickel,  l'antimoine,  le  platine,  l'urane,  le  chrome.  Les  pro- 
cédés de  séparation  laissent  encore  souvent  à  désirer,  mais 
en  combinant  l'électrolyse  avec  les  méthodes  ordinaires  par 
précipitation,  on  arrive  souvent  à  gagner  du  temps  tout  en 
obtenant  des  résultats  au  moins  aussi  bons.      A.  Joannis. 

IL  Médecine.  —  L'action  décomposante  du  courant  élec- 
trique a  reçu  en  chirurgie  des  appHcations  nouvelles  et 
dont  les  résultats,  bien  qu'encore  discutés,  ne  laissent 
pas  d'être  encourageants.  Lorsque  l'on  applique  les  deux 
électrodes  sur  l'organisme,  les  sels  dissous  sont  décom- 
posés dans  le  corps  comme  ceux  d'une  solution  saline.  Au 
pôle  positif  apparaissent  les  acides,  au  pôle  négatif  les 
bases  produites  par  l'action  sur  l'eau  des  métaux  alcalins 
mis  en  liberté.  Dans  les  applications  électrothérapiques,  où 
l'on  cherche  uniquement  l'action  dynamique  des  courants, 
on  évite  en  partie  les  phénomènes  chimiques  par  l'emploi 
d'électrodes  à  large  surface.  Quand  on  veut,  au  contraire, 
obtenir  l'eifet  électrolytique,  l'électrode  active  est  réduite 
à  de  très  faibles  dimensions  et  prend  la  forme  d'une  aiguille, 
d'un  couteau,  l'électrode  indifférente,  n'ayant  pour  effet 
que  d'assurer  le  passage  du  courant,  restant  au  contraire 
très  large.  Mais  nous  sommes  encore  dans  une  grande 


ignorance  sur  les  phénomènes  de  chimie  biologique  qui  se 
produisent  sous  l'influence  des  courants.  Des  recherches 
de  Weiss,  il  paraît  établi  cependant  que  les  réactions  chi- 
miques ne  se  produisent  pas  seulement  à  l'extrémité  de  la 
chaîne  constituée  par  les  éléments  organiques  compris  entre 
les  deux  électrodes,  mais  que  le  dégagement  des  acides  et 
des  bases  aurait  lieu  en  tous  les  points  différenciés  de  la 
masse  qui  est  loin  d'être  homogène,  même  quand  on  envi- 
sage un  seul  élément  anatomique,  comme  le  muscle.  Ces 
considérations  ont  une  certaine  importance  dans  les  appli- 
cations des  courants  continus,  puisqu'elles  conduisent  à 
démontrer  la  nécessité  d'inverser  le  courant  si  l'on  ne  veut 
pas  obtenir  de  phénomènes  chimiques  internes  trop  intenses, 
telle  que  la  coagulation  de  la  myosine. 

Au  point  de  vue  des  applications,  il  est  utile  de  se 
rappeler  que  le  pôle  positif  (acide)  donne  une  eschare 
dure  et  rétractile,  tandis  que  le  pôle  négatif  (base)  donne 
une  eschare  molle,  laissant  après  elle  une  1  cicatrice  non 
extensible,  alors  que  le  tissu  cicatriciel  qui  se  produit 
après  l'application  du  pôle  positif  est  rétractile  :  point  im- 
portant quand  il  s'agit  d'opérer  sur  un  rétrécissement 
d'un  canal  organique  :  urèthre,  œsophage,  etc.  Les  appli- 
cations de  l'électrolyse  au  traitement  des  rétrécissements 
uréthraux  principalement  ont  été  réglées  avec  soin  par 
Newmann,  après  avoir  été  indiquées  par  Tripier  (1862). 
Newmann  emploie  le  pôle  négatif,  mais  il  n'utilise  qu'un 
courant  de  5  à  6  milliampères,  cherchant  non  pas  à  cau- 
tériser, mais  à  déterminer  la  résorption  du  rétrécissement. 
L'électrolyse,  sous  forme  d'électropuncture,  a  été  utilisée 
contre  les  tumeurs  érectiles,  les  anévrysmes.  Enfin  l'appli- 
cation la  plus  importante  des  actions  électrolytiques  est  celle 
récemment  tentée  pour  le  traitement  des  fibromes  utérins. 
Il  est  impossible  de  reproduire  la  technique.  Les  auteurs 
sont  loin  d'être  d'accord  sur  l'intensité  à  employer.  Apostoli 
va  jusqu'à  300  milliampères.  Le  pôle  actif  varie  suivant  les 
indications  (V.  Electrothérapie).         D^  J.-P.  Langlois. 

BiBL.  :  Tripier,    ^a  Galvanocaiistiqiie  chimique,   1863. 

—  Weiss,  Etude  d'étectrophysiologie,  thèse;  Paris,  1889. 

—  DAmo^,  Journal  d'électrolhérapie,\SS9-\S9l.—  Grandin- 
CuNNiNG,  Electrecity  in  gynœcology,  1891. 

ÉLECTROLYTE.  C'est  le  nom  donné  par  Faraday  à  toute 
substance  susceptible  d'être  décomposée  par  un  courant 
électrique  lorsqu'on  la  soumet  à  ce  courant. 

ELECTROMAGNETISME.  Ce  chapitre  de  la  physique 
date  de  1820  :  (Erstedt  découvre  l'action  d'un  courant  élec- 
trique sur  l'aiguille  aimantée  et  Ampère  donne  en  quel- 
ques mois  la  loi  générale  de  cette  action  et  fonde  la  théorie 
de  l'électromagnétisme.  Les  relations  de  l'électricité  et  du 
magnétisme  étaient  soupçonnées  depuis  longtemps.  Gilbert 
avait  écrit  en  4660  dans  sa  Physiologia  nova  que  le  ma- 
gnétisme et  l'électricité  sont  deux  manifestations  inhérentes 
à  toute  matière.  On  avait  vu  la  foudre  agiter  les  aiguilles 
des  boussoles  ;  aussi,  une  fois  la  pile  découverte,  on  avait 
approché  des  aimants  ou  des  aiguilles  aimantées  de  ses 
pôles,  sans  succès.  Ce  n'est  que  par  hasard  qu'OErstedt, 
ayant  fermé  le  circuit  d'une  pile  assez  forte  dans  le  voi- 
sinage d'une  aiguille  aimantée,  vit  celle-ci  dévier  de  sa 
position  pendant  que  le  courant  passait  et  faisait  rougir 
un  fil,  expérience  qu'il  voulait  montrer  alors  à  son 
cours.  La  leçon  terminée,  il  répéta  et  varia  son  expérience, 
mais  il  ne  sut  ni  trouver  l'énoncé  qui  indiquait  dans 
chaque  cas  l'action  du  courant  sur  l'aiguille  ni  encore  moins 
donner  une  théorie  de  ce  phénomène,  qu'il  attribua  à  un 
tourbillon  de  fluide  circulant  autour  du  fil  et  entraînant 
l'aiguille.  Ampère,  au  contraire,  montra  qu'il  était  très 
facile  de  prévoir  l'action  du  courant  sur  l'aiguille,  quelles 
que  fussent  leurs  positions  respectives  :  si  on  suppose  un 
observateur  couché  sur  le  conducteur  de  façon  que  le 
courant  lui  entre  par  les  pieds  et  lui  sorte  par  la  tête  et 
regardant  le  pôle  austral  d'un  aimant,  il  le  verra  toujours 
s'en  aller  à  sa  gauche.  Une  aiguille  aimantée  tend  donc 
toujours  à  se  mettre  en  croix  avec  un  courant  rectiligne  et, 
si  elle  ne  le  fait  pas  en  général  c'est  par  suite  d'un  équi- 
libre entre  l'action  du  courant  et  celle  do  la  terre  sur  la 


ÉLECTROMAGNETISME 


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même  aiguille.  Les  indications  des  galvanomètres,  qui  per- 
mettent de  mesurer  l'intensité  des  courants,  reposent  sur 
cette  double  action.  Mais  Ampère  ne  s'est  pas  contenté  de 
donner  cette  loi  si  simple,  qui  indique  dans  chaque  cas  le 
sens  du  phénomène,  il  en  a  donné  la  théorie  et  a  pu 
calculer  la  grandeur  de  ces  actions  dans  les  cas  les  plus 
compliqués  en  la  déduisant  de  quelques  déterminations 
expérimentales  faites  pour  des  cas  simples  convenablement 
choisis.  Ampère  fonda  en  même  temps  un  nouveau  chapitre 
de  l'électricité,  Félectrodynamique,  dont  il  donna  les  lois. 

L'étude  de  Félectromagnétisme  embrasse  des  propriétés 
diverses,  les  courants  ayant  un  rapport  avec  le  magnétisme. 
Elle  comprend  donc  :  1^  le  développement  du  magnétisme 
par  l'électricité  ;  S^'  l'action  des  courants  sur  les  aimants 
et  inversement  ;  3°  la  théorie  que  l'on  peut  déduire  de  ces 
phénomènes  sur  la  constitution  des  aimants  ;  4*^  les  appli- 
cations. Nous  allons  passer  en  revue  ces  diverses  parties. 

L  Aimantation  par  l'électricité. —  Quand  on  place  un 
fil  métallique  parcouru  par  un  courant  au  voisinage  de  par- 
celles de  fer  on  constate  qu'elles  s'aimantent.  C'est  l'expé- 
rience fondamentale  faite  par  Arago  en  1 820  en  plongeant  un 
til  parcouru  par  un  courant  énergique  dans  de  la  limaille 
do  fer;  celle-ci  forma  une  couche  épaisse  adhérente  au  fil; 
les  brins  de  limaille  étaient  disposés  en  anneaux  autour  du  til. 
Cette  expérience  ne  réussit  qu'avec  les  hmailles  des  métaux 
magnétiques;  ce  n'est  donc  pas  une  attraction  électrique. 
Arago  ayant  placé  une  petite  aiguille  d'acier  trempé  nor- 
malement au  courant,  réussit  à  l'aimanter  et  constata  que 
le  pôle  austral  était  à  la  gauche  du  courant.  On  augmente 
beaucoup  l'action  du  courant  en  enroulant  le  fil  sous  forme 
de  solénoïde  et  en  plaçant  l'aiguille  à  aimanter  dans  son 
axe.  Les  diverses  spires  de  cette  hélice  concourent  à  aiman- 
ter l'aiguille  en  développant  un  pôle  austral  à  la  gauche 
du  courant,  c.-à-d.  à  la  gauche  d'un  observateur  qui  serait 
placé  sur  le  courant,  le' courant  lui  entrant  par  les  pieds, 
lui  sortant  par  la  tête,  et  qui  regarderait  l'aiguille.  Si  on 
place  une  aiguille  d'acier  à  l'entrée  d'une  pareille  hélice 
parcourue  par  un  courant,  elle  se  précipite  dedans  en  s'ai- 
mantant.  On  peut,  pour  augmenter  encore  l'action  des 
courants,  enrouler  les  fils  suivant  des  hélices  dont  les 
spires  se  touchent,  puis,  une  fois  une  première  hélice  ainsi 
formée,  on  peut  en  enrouler  une  seconde  et  une  troi- 
sième, etc.;  leurs  actions  s'ajoutent.  Les  aimantations 
ainsi  produites  sont  assez  faibles  quand  il  s'agit  d'aiguilles 
d'acier  trempé,  immobiles,  mises  à  l'abri  des  chocs  et 
des  vibrations;  elles  sont  d'ailleurs  portées  à  leur  maxi- 
mum en  un  temps  extrêmement  court.  Lorsqu'il  s'agit 
d'aiguilles  en  fer  doux,  c.-à-d.  en  fer  aussi  pur  que 
possible ,  l'aimantation  au  contraire  est  extrêmement 
énergique.  Si  on  enroule  sur  un  tube  de  verre  un  fil 
conducteur  d'abord  dans  un  sens  puis  dans  un  autre  et  si 
l'on  continue  ainsi  en  changeant  plusieurs  fois  le  sens  de 
l'enroulement,  si  l'on  se  sert  ensuite  de  cette  hélice  pour 
aimanter  une  aiguille  d'acier,  on  constate  qu'elle  prend 
un  point  conséquent,  c.-à-d.  un  pôle  magnétique  à  chaque 
changement  dans  le  sens  de  l'enroulement;  elle  présente 
d'ailleurs  à  ses  extrémités  des  pôles  de  même  nom  ou  de 
nom  contraire  suivant  qu'il  y  a  eu  un  nombre  impair  ou 
pair  de  changements  de  sens  dans  l'enroulement  dans  la 
partie  occupée  par  Uaiguille.  On  peut  aussi  aimanter  les 
aiguilles  d'acier  avec  les  décharges  produites  par  les  ma- 
chines électriques  ;  mais  comme  ces  appareils  ne  donnent 
que  de  faibles  quantités  d'électricité,  leurs  effets  sont  très 
petits  ;  ils  sont  d'ailleurs  différents  de  ceux  des  courants 
vjltaïques  et  nous  allons  les  étudier  d'abord. 

Aimantation  par  les  décharges.  Le  meilleur  procédé 
pour  aimanter  ainsi  consiste  à  charger  une  batterie  de 
bouteilles  de  Leyde  avec  la  machine,  puis  à  faire  passer  la 
décharge  de  la  batterie  à  travers  l'héhce  magnétisante,  en 
ayant  soin  de  ralentir  cette  décharge  en  la  forçant  à  passer 
à  trasers  un  corps  peu  conducteur,  comme  une  mèche 
mouillée.  Savary,qui  a  fait  un  grand  nombre  d'expériences 
à  ce  sujet,  a  constaté  que  l'aimantation  augmentait  non 


seulement  avec  la  quantité  d*électricité  qui  passait,  mats 
aussi  avec  la  durée  de  la  décharge  ;  il  faut  cependant  que 
celle-ci  ne  dépasse  pas  une  certaine  limite  parce  qu'alors 
l'aimantation  diminue.  La  relation  qui  lie  la  distance  des 
aiguilles  au  fil  par  lequel  passe  la  décharge  avec  l'aiman- 
tation produite  a  aussi  été  étudiée  par  Savary;  il  a  trouvé 
qu'en  prenant  un  fil  de  platine  de  2  m.  de  long.,  de  2  millim. 
de  diamètre  et  des  aiguilles  d'acier  de  io  miOim.  de  long., 
l'aimantation  allait  en  diminuant  quand  on  plaçait  l'aiguille 
à  aimanter  à  des  distances  du  fil  qui  allaient  en  croissant  ; 
cette  aimantation  devenait  nulle  pour  une  distance  de 
^mmg.  qWq  changeait  ensuite  de  signe,  c.-à-d.  que  le  pôle 
austral  se  formait  à  la  droite  de  la  décharge,  allait  en 
augmentant  jusqu'à  une  distance  de  5  à  6  millim.,  puis 
diminuait,  redevenait  nulle  à  dl  millim.,  puis  changeait 
de  signe,  le  pôle  austral  se  développant  de  nouveau  à  la 
gauche  du  courant  ;  l'aimantation  continuait  à  croître  jus- 
qu'à une  distance  de  28  millim.  à  partir  de  laquelle  elle 
diminuait,  mais  en  restant  normale.  La  distribution  des 
maxima,  leur  rapprochement,  dépendent,  toutes  choses 
égales  d'ailleurs,  delà  résistance  du  fil  ;  plus  sa  résistance 
est  grande  plus  les  maxima  sont  rapprochés.  Ces  faits  ex- 
pliquent pourquoi  la  foudre  agit  différemment  sur  les 
aiguilles  des  boussoles  près  desquelles  elle  tombe  ;  elle  peut 
les  désaimanter  plus  ou  moins  complètement  ;  elle  peut  les 
aimanter  davantage  si  elles  ne  sont  pas  aimantées  à  satu- 
ration ;  elle  peut  enfin  les  aimanter  en  sens  inverse  et  ce 
fait  a  été  assez  souvent  constaté.  Si,  au  lieu  d'employer 
un  fil  rectiligne  on  emploie  un  solénoïde  dans  l'axe  duquel 
on  place  une  aiguille  d'acier  bien  trempé,  et  si  on  le  fait 
parcourir  par  une  décharge,  on  trouve  non  seulement  des 
.variations  d'intensité,  mais  encore  des  changements  de 
signe  dans  l'aimantation  quand  on  fait  varier  la  grandeur 
de  la  charge  qui  traverse  l'hélice.  Dans  une  expérience  où 
les  charges  allaient  en  croissant,  Savary  obtint  jusqu'à  six 
changements  de  signe.  Arago  a  montré  que  la  position  de 
l'aiguille  dans  l'hélice  était  sans  influence,  à  moins  qu'elle 
ne  fut  trop  près  des  extrémités  et  que  deux  hélices  de  même 
pas  et  de  diamètres  différents  avaient  la  même  action, 
pourvu  qu'elles  fussent  suffisamment  longues.  A  la  suite 
des  expériences  d' Arago  sur  le  magnétisme  de  rotation, 
Savary  étudia  l'influence  d'étuis  métalliques,  en  cuivre  par 
exemple,  entourant  l'aiguille  d'acier  placée  dans  la  bobine. 
Avec  un  cylindre  de  cuivre  épais,  il  n'obtint  pas  d'aiman- 
tation ;  il  diminua  alors  l'épaisseur  de  la  gaine  de  cuivre 
et  bientôt  une  nouvelle  décharge  donna  naissance  à  une 
faible  aimantation,  qui  alla  en  augmentant  à  mesure  que 
l'épaisseur  du  cuivre  diminuait  ;  elle  dépassa  même  celle 
que  prenaient  les  aiguilles  nues  dans  les  mêmes  conditions; 
puis  elle  atteignit  un  maximum  pour  décroître  ensuite  et 
tendre  vers  l'aimantation  des  aiguilles  nues.  Toutes  choses 
égales  d'ailleurs,  l'épaisseur  du  cuivre  a  d'autant  moins 
d'influence  que  la  charge  électrique  est  plus  considérable. 
Tous  les  métaux  agissent  de  la  même  façon,  mais  chacun 
avec  une  intensité  particulière.  Si  on  considère  un  certain 
métal,  en  particulier,  et  que  l'on  en  fasse  des  cyHndres 
d'égales  épaisseurs  et  de  longueurs  et  de  diamètres  divers,  on 
constate  qu'à  égalité  de  diamètre  les  tubes  les  plus  courts 
ont  le  plus  d'action  et  qu'à  égalité  de  longueur  les  tubes 
les  plus  gros  ont  le  plus  d'influence. 

Aimantation  par  les  courants.  L'aimantation  par  les 
courants  a  été  étudiée  aussi  par  Savary,  mais  avec  les  piles 
inconstantes  que  l'on  avait  alors.  M.  Abria  a  repris  cette 
étude  avec  les  piles  constantes,  et  il  est  arrivé  aux  résultats 
que  nous  reproduisons  ici  :  1°  L'aimantation  est  instanta- 
née. 2^  L'aimantation  augmente  si  on  passe  plusieurs  fois 
l'aiguille  dans  l'hélice,  ou  bien  si,  l'aiguille  étant  fixe,  on 
emploie  plusieurs  courants  successifs  allant  en  croissant 
pour  arriver  à  l'intensité  du  courant  primitif.  3^  Si  l'ai- 
guille n'est  enfoncée  qu'en  partie  dans  l'hélice,  c'est  à  l'en- 
droit où  l'hélice  s'arrête  que  le  pôle  magnétique  se  trouve  ; 
nous  verrons  plus  loin  ce  résultat  complété  par  les  expé- 
riences de  Jamin.  4^  La  force  magnétique  croît  avec  Fin- 


tensité  du  courant  et  d'autant  plus  rapidement  que  le  rap- 
port entre  la  longueur  et  le  diamètre  de  Faiguille  est  plus 
grand  ;  pour  les  aiguilles  longues,  l'accroissement  de  la 
force  magnétique  est  proportionnel  à  l'intensité  pour  les 
courants  très  faibles  et  sensiblement  au  carré  de  l'inten- 
sité pour  les  courants  très  forts.  S*»  La  longueur  et  le  dia- 
mètre des  hélices  sont  sans  influence,  pourvu  que  les  ai- 
guilles ne  les  dépassent  pas.  6°  L'intensité  de  l'aimantation 
augmente  quand  le  pas  de  l'hélice  diminue  et  avec  des 
courants  suffisamment  intenses;  les  intensités  sont  en  rai- 
son inverse  des  pas;  avec  des  courants  faibles,  l'aimanta- 
tion est  plus  faible  que  cette  loi  ne  l'indique.  7"  Les  en- 
veloppes métalliques  sont  sans  action  avec  les  courants 
continus  comme  ceux  des  piles.  M.  Jamin,  en  étudiant  par 
la  méthode  du  clou  (V.  Aimantation)  la  distribution  du 
magnétisme  dans  les  lames  d'acier  aimantées  par  une  hé- 
lice, a  trouvé,  comme  l'avait  fait  M.  Abria,  que,  lorsque  la 
lame  dépassait  l'héUce,  le  pôle  magnétique  se  formait  à  l'ex- 
trémité de  l'héUce  et  que  de  plus  la  courbe  représentant  la 
distribution  du  magnétisme  de  part  et  d'autre  de  ce  point 
était  symétrique  par  rapport  à  ce  pôle  s'il  ne  se  trouvait 
pas  à  ''une  distance  de  l'extrémité  assez  faible  pour  que 
la  courbe  l'atteignît.  Dans  ce  cas,  la  courbe  de  distribution 
pouvait  s'obtenir  comme  on  l'a  trouvée  expérimentalement 
en  construisant  encore  du  côté  du  pôle  voisin  de  l'extré- 
mité une  branche  de  courbe  symétrique  de  celle  qui  se 
trouvait  de  l'autre  côté  du  pôle.  Mais  cette  branche  ainsi 
construite  dépassait  l'extrémité  de  l'aiguille  aimantée;  on  la 
repliait  alors  en  quelque  sorte  sur  l'aiguille,  et  on  construi- 
sait une  nouvelle  courbe  en  lui  donnant  en  chaque  point 
comme  ordonnées  la  somme  des  coordonnées  de  la  courbe 
symétrique  et  de  la  courbe  repliée  à  ce  point.  L'aimanta- 
tion est  beaucoup  plus  développée  lorsqu'une  barre  de  fer 
doux  est  en  contact  a\ec  l'aiguille  d'acier  à  l'endroit  où  se 
développent  les  pôles. 

Voyons  maintenant  d'après  quelle  loi  numérique  varie 
avec  l'intensité  du  courant  l'intensité  du  magnétisme  pro- 
duit. Voici  comment  M.  Bout  y  a  fait  cette  étude  :  comme 
champ  magnétique,  il  prend  celui  d'une  hélice  magnétisante 
longue  et  étroite;  dans  l'axe  peuvent  être  placées  des 
aiguilles  très  courtes  par  rapport  à  la  longueur  de  rhélice, 
mais  très  longues  par  rapport  à  leur  section.  Dans  ces  con- 
ditions, l'aiguille  est  aimantée  uniformément,  sauf  au  voi- 
sinage des  extrémités.  Soit  S  la  section  de  l'aiguille  et  i 
l'intensité  d'aimantation  ;  sur  chaque  unité  de  longueur  il 
y  a  une  quantité  de  magnétisme  m  égale  à  Si  ;  c'est  aussi 
la  quantité  de  magnétisme  de  chacun  des  pôles  de  l'ai- 
mant. Si  on  désigne  par  2/  la  longueur  de  l'aiguille  et  par 
M  la  distance  des  pôles,  le  moment  magnétique  M  de  l'ai- 
guille est  donné  par  la  formule  M  =  'Imd  ;  d'autre  part, 
on  sait,  d'après  la  distribution  du  magnétisme  dans  les 
aimants  (V.  ce  mot),  que,  pour  des  aimants  longs,  c.-à-d. 
pour  ceux  dans  lesquels  le  rapport  de  la  longueur  à  la  sec- 
tion dépasse  une  certaine  valeur,  la  distance  d'un  pôle  à 
l'extrémité  voisine  est  indépendante  des  dimensions,  de 
sorte  que,  si  l'on  prend  diverses  aiguilles  toutes  longues,  on 
aura  une  suite  d'équations  telles  que  : 

Mj— 2m4==2m  (h  —  k), 
k  représentant  la  distance  constante  d'un  pôle  à  l'extré- 
mité voisine.  On  déterminera  pour  chaque  aiguille  sa  demi- 
longueur  U  et  son  moment  magnétique  M,  comme  nous 
allons  le  voir,  et  on  pourra  obtenir  m  et  k.  Comme  d'autre 
part  m  =  S/,  on  obtiendra  la  valeur  de  i  correspondante. 
Si  l'on  fait  alors  varier  progressivement  la  valeur  de  l'in- 
tensité I  du  courant  qui  passe  dans  l'hélice  et  si  l'on  dé- 
termine pour  une  série  de  valeurs  rapprochées  de  I  la 
valeur  de  f,  on  pourra  construire  une  courbe  ou  dresser 

une  table  donnant  les  valeurs  du  rapport  r,  c.-à-d.  de  ce 

que  l'on  appelle  la  fonction  magnétisante  quand  on  fait 
croître  I.  Pour  mesurer  les  moments  tels  que  M|,  on  peut 
employer  la  méthode  suivante  :  on  place  l'hélice  magnéti- 


-  791  -  ÉLECTROMAGNÉTISME 

saute  perpendiculairement  à  la  direction  du  méridien  ma- 
gnétique ;  puis,  sur  ce  méridien  et  à  une  distance  très  grande 
par  rapport  à  la  longueur  de  la  spirale,  on  place  un  petit 
barreau  aimanté  muni  d'une  petite  glace  et  suspendu  à  un 
fil  de  coton.  On  observe  de  loin  avec  une  lunette  les  divi- 
sions d'une  règle  graduée  vue  par  réflexion  sur  le  petit 
miroir.  Lorsque  aucun  courant  ne  traverse  riiélice,  le  petit 
barreau  aimanté  est  dans  la  direction  du  méridien,  et  la 
lunette  vise  la  division  ?Zo  de  la  règle.  Si  on  fait  alors  pas- 
ser le  courant  dans  l'hélice  vide,  elle  produit  une  dévia- 
tion a  du  petit  barreau  ;  la  lunette  vise  alors  la  division  n^  ; 
si  l'on  désigne  par  [x  le  moment  magnétique  de  la  spirale, 
on  a  entre  [x  et  a  la  relation  \l  z=z  ktg  ce,  k  étant  ^  une 
quantité  qui  restera  constante  pendant  toute  la  durée  de 
l'expérience  parce  que  l'on  ne  changera  pas  la  distance  du 
barreau  à  l'héhce.  Tang  a  est  proportionnel  à  n^  —  Uq,  de 
sorte  que  si  C  désigne  une  nouvelle  constante,  on  aura 
fjL  =C  (?^'  —  n^).  Si  on  introduit  alors  l'aiguille,  la  dévia- 
tion du  barreau  deviendra  a^,  sa  tangente  trigonométrique 
sera  donnée  par  n^  —  n^,  n^  étant  la  nouvelle  division 
visée  par  la  lunette  et  l'on  aura  p.  H-M^  =  C  (tî^  —  Wo), 
M^  étant  le  moment  magnétique  de  l'aiguille  lorsqu'elle 
est  soumise  à  l'action  de  l'hélice.  Si  on  supprime  alors  le 
courant,  en  laissant  l'aiguille  à  sa  place,  celle-ci  perdra 
une  partie  seulement  de  son  magnétisme,  et,  si  l'on  désigne 
par  M^^  le  nouveau  moment  magnétique  (magnétisme  rési- 
duel) on  a  encore  M'^  =  C  {n\  —  nç^),n\  étant  la  nou- 
velle division  visée  par  la  lunette.  A  l'aide  d'une  boussole 
des  tangentes  placées  sur  le  même  circuit  que  l'hélice  on  a 
mesuré  l'intensité  I  du  courant  employé;  les  trois  équa- 
tions écrites  plus  haut  permettent,  en  éliminant  C,  d'avoir 

M        W^  i       i^ 

Li  et  —  et  par  suite  de  calculer  —  et  ~,  i,  et  i\  étant 

les  intensités  du  magnétisme  temporaire  et  du  magnétisme 
résiduel  par  unité  de  longueur  de  l'aiguille.  Comme  d'autre 
part  [j.  est  proportionnelle  à  1,  on  obtient  les  valeurs 

(Je  -^  et  de  -p  en  unités  arbitraires.  On  pourrait  les  avoir 

en  valeurs  absolues  en  déterminant  les  constantes,  mais 
cette  détermination  serait  peu  précise.  M.  Rowland  a  dé- 
terminé ces  rapports  en  valeurs  absolues  à  l'aide  d'un  sys- 
tème qui  se  prête  mieux  au  calcul  :  l'aiguille  est  remplacée 
par  un  tore,  l'hélice  enroulée  sur  une  bobine  par  une  hélice 
enroulée  sur  un  tore  concentrique  au  premier  et  qui  l'en- 
veloppe. Avec  cet  appareil,  M.  Rowland  est  arrivé  à  ces 
conclusions  que  :  1*  avec  de  faibles  courants,  presque  tout 
le  magnétisme  est  temporaire  e\  résultat  imprévu,  ce  phé- 
nomène est  plus  complet  avec  l'acier  qu'avec  le  fer  doux  ; 
S'^  le  magnétisme  temporaire  augmente  avec  Tintensité  du 
champ  magnétique  et  proportionnellement  ou  à  peu  près; 
3°  au  contraire,  le  magnétisme  permanent  semble  n'appa- 
raître qu'avec  un  champ  d'intensité  notable  ;  il  croit  alors 
très  vite,  atteint  rapidement  un  maximum  et  paraît  ensuite 
plutôt  diminuer  (V.  à  Aimantation,  §  Aimantation  par  les 
courants,  les  dispositions  à  prendre  pour  aimanter  les  bar- 
reaux d'acier). 

II.  Action  des  courants  sur  les  aimants.  —  Lois  de 
l 'c'IectromagnéUsnie.  Cherchons  l'action  élémentaire  , 
c._à-d.  l'action  d'une  molécule  magnétique  sur  un  élément 
de  courant.  Voici  les  points  sur  lesquels  la  théorie  s'ap- 
puie ;  ils  ont  été  vérifiés  par  l'expérience  :  i^  Les  actions 
d'un  pôle  sur  deux  éléments  de  courants  égaux  de  sens 
contraire  et  coïncidant  sont  égales  et  opposées.  2^*  Le  fluide 
boréal  a  la  même  intensité  d'action  quele  fluide  austral,  car 
un  barreau  d'acier  trempé  non  aimanté  n'éprouve  pas  d'ac- 
tion de  la  part  d'un  courant.  3*^  Un  courant  sinueux  qui 
s'écarte  infiniment  peu  d'un  courant  rectiligne  ayant 
mêmes  extrémités  agit  avec  la  même  intensité  que  ce  der- 
nier; on  pourra  donc  toujours  remplacer  un  élément  de 
courant  par  ses  projections  sur  trois  axes  de  coordonnées 
passant  par  un  de  ses  points.  4<*  L'action  d'un  aimant  sur 
un  élément  de  courant  donne  naissance  à  une  ou  plusieurs 


ÉLECTROMAGNETISME 


—  792  — 


forces  dont  le  point  d'application  est  sur  réléinent.  On  sait 
que,  lorsqu'un  corps  est  soumis  à  l'action  d'un  nombre  quel- 
conque de  forces,  on  peut  toujours  ramener  ce  système  à 
deux  forces  ;  d'après  l'énoncé  précédent  et  d'après  l'expé- 
rience de  Liouville  qui  le  légitime,  les  seules  forces  appli- 
quées à  l'élément  passent  par  cet  élément.  L'expérience  de 
Liouville  consiste  à  suspendre  un  fil  conducteur  verticale- 
ment de  façon  qu'il  puisse  tourner  librement  ;  ce  fil  est 
parcouru  par  un  courant.  Si  on  approche  un  aimant,  le  fil 
ne  tourne  pas  ;  donc  les  forces  auxquelles  il  est  soumis 
passent  par  son  axe.  On  peut  ramener  ces  deux  forces, 
quelles  qu'elles  soient,  à  deux  autres,  l'une  perpendiculaire 
à  l'élément,  l'autre  passant  par  son  milieu  et  de  direction 
quelconque.  On  vérifie  par  l'expérience  que  cette  direction 
est  aussi  perpendiculaire  à  l'élément.  Ainsi  les  deux  forces 
auxquelles  l'élément  de  courant  peut  être  soumis  sont  per- 
pendiculaires à  cet  élément.  5*^  L'action  exercée  sur  un 
élément  de  courant  par  un  pôle  situé  sur  le  prolongement 
de  cet  élément  est  nulle.  6°  L'action  exercée  sur  un  élé- 
ment perpendiculaire  à  la  droite  qui  joint  son  milieu  au 
pôle  est  perpendiculaire  au  plan  de  l'élément  et  du  pôle  et 
appliquée  au  milieu  de  l'élément.  On  le  démontre  en  re- 
marquant que,  si  on  fait  tourner  le  système  de  480°  autour 
de  la  droite  qui  joint  le  pôle  au  milieu  de  l'élément,  il  n'y 
a  de  changé  que  le  sens  du  courant.  Or,  d'après  1<^,  l'action 
a  changé  seulement  de  signe,  il  faut  pour  cela  que  cette 
action  passe  par  cette  droite  et  qu'elle  soit  perpendiculaire 
au  plan  qu'elle  détermine  avec  l'élément.  D'autre  part,  si 
on  considère  un  pôle  et  un  élément  de  courant  non  perpen- 
diculaire à  la  droite  qui  passe  par  son  milieu  et  par  le  pôle, 
on  pourra,  d'après  3°,  le  remplacer  par  un  courant  sinueux 
formé  de  deux  parties  rectilignes,  l'une  dirigée  vers  le  pôle, 
qui  sera  sans  action,  d'après  5**,  l'autre  perpendiculaire  à 
la  première,  qui  donnera  naissance  à  une  force  dont  la 
direction  est  déterminée  par  6®.  Maintenant  que  se  trouve 
déterminée  la  direction  de  l'action,  il  faut  en  déterminer 
l'intensité.  On  ne  peut  réaliser  un  élément  de  courant  ;  il 
faut  avoir  recours  à  un  courant  de  forme  simple,  et  de  la 
loi  expérimentale  trouvée  déduire  par  le  calcul  la  loi  élé- 
mentaire. Biot  et  Savart,  qui  ont  fait  cette  rechercha,  ont 
pris  un  courant  rectiligne  assez  long  pour  pouvoir  être 
considéré  comme  infini  (ils  étaient  assurés  que  cette  hypo- 
thèse était  légitime  lorsque,  après  avoir  pris  un  conducteur 
long  puis  un  autre  d'une  longueur  double,  ils  trouvaient  le 
même  résultat).  Devant  ce  courant  rectiligne  supposé  indé- 
fini, ils  ont  placé  à  diverses  distances  un  petit  barreau 
aimanté  suspendu  dans  une  cage  en  verre  à  un  fil  de  co- 
con ;  tantôt  on  le  soustrayait  à  l'action  magnétique  de  la 


M 

K 

^f,i 

'm 

m' 

P 

P' 

N 

N' 

terre  par  la  présence  d'un  barreau  aimanté  convenable- 
ment placé,  tantôt  on  en  tenait  compte.  En  faisant  osciller 
le  petit  barreau,  ils  ont  trouvé  que  la  force  était  inverse- 
ment proportionnelle  à  la  distance  du  barreau  au  courant  ; 
cette  force  était  déduite  du  nombre  d'oscillations,  comme 
dans  le  pendule.  Cherchons  maintenant  la  loi  élémentaire. 


Soit  A  un  pôle  magnétique  ayant  pour  intensité  magné- 
tique (jl;  soient  MN,  M^N^  deux  positions  différentes  don- 
nées au  courant  d'intensité  I  dans  les  expériences  de  Biot 
et  de  Savart.  Menons  une  droite  kmyn!  faisant  ufl  angle 
w  avec  le  courant,  menons  une  droite  knnf  infiniment 
voisine  découpant  par  suite  les  deux  éléments  mn,  m'n' , 
Si  on  désigne  par  c/S  à%'  leurs  longueurs,  l'action  de  [x  sur 
mn  sera  évidemment  |i.yS  sin  w/'  (r),  car  dS  sin  w  est 
la  projection  m'p  de  mn  sur  une  perpendiculaire  à  Am, 
seule  partie  utile,  comme  on  l'a  vu  ;  en  6°  pn  est  sans 
action  ;  /  (r)  représente  la  fonction  inconnue  de  la  distance 
qui  représente  la  loi  élémentaire  que  nous  cherchons.  L'ac- 
tion de  mn^  sera  [i.WS^  sin  w/"  (/).  Mais  la  similitude 

„         dS      p' 
des  triangles  Amn,  AmV  montre  que  1  on  a  5F/=  r*  ^^ 


que  par  suite 


^SAr) 


rf{r\ 
peut  s'écrire    ^y  )J;.  Ce  rapport  est 


dSf(/)^"^"^" rf^y") 

évidemment  constant  quel  que  soit  Am.  Si  donc  on  prend 
sur  MN  une  série  d'éléments  contigus,  tels  que  mn,  si  l'on 
désigne  par  r^,  r2,  rj...  leurs  distances  à  A,  si  l'on  divise 
M^N'  en  éléments  correspondants  obtenus  comme  l'a  été 
m!n\  si  l'on  désigne  par  Z^,  /g'  ^'s  ^^urs  distances  A, 
wi,  03.2  étant  les  angles  des  droites  qui  joignent  ces  élé- 
ments à  A,  on  aura  la  suite  d'égalités  : 

r{{f)      _  rjjr^)   ___  r,f(r^)  ^ 


_.  r/Çr^)  sin to^ 
"~rV(^'i)sin(Oi 
somme  des  numérateurs 


//•(r')~./i/-('-'i) 
que  l'on  pourra  écrire 

rf(r)  __  rf  (r)  sin  m 

Vfî(F)  ~  //■  (/)  sin  w 
__  r/(r^)sinco2  _         _ 

r\f{r\)  sin  w^  '  "  somme  des  dénominateurs 
Or  cette  dernière  fraction  représente  le  rapport  de  l'action 
de  tout  le  courant  MN  à  l'action  de  tout  le  courant  M'N'. 
L'expérience  de  Biot  et  Savart  a  montré  que  le  rapport  de 
ces  actions  était  égal  au  rapport  inverse  des  distances.  On 
a  donc  : 

rf{r)  __  / 

r'f{r')  ~"  r 
Si  nous  faisons  /=:=:  1  et  si  nous  posons  f{i)  ~  C,  il  vient 

Telle  est  la  loi  de  la  force  et,  par  suite,  l'action  du  pôle  [j. 
sur  l'élément  mn  est  exprimée  par 
(jLf^SsincL) 

Connaissant  maintenant  l'action  élémentaire,  pour  âvoir 
dans  chaque  cas  particulier  la  résultante  de  toutes  ces 
actions,  il  suffira  d'intégrer  cette  expression  entre  des 
limites  convenables.  Les  expériences  de  Pouillet  et  de  Bois- 
giraud  s'expliquent  très  bien  par  cette  formule. 

Expérience  de  Pouillet.  Pouillet,  en  étudiant  Faction 
d'un  courant  vertical  sur  une  aiguille  aimantée  pouvant  se 
mouvoir  dans  un  plan  horizontal,  trouva,  dans  ce  plan,  une 
ligne  neutre  :  on  appelle  ainsi  le  lieu  des  points  tels  que, 
lorsque  le  courant  vertical  y  passe,  il  est  sans  action  sur 
l'aiguille.  Ce  lien  se  compose  d'une  perpendiculaire  à  l'ai- 
guille menée  par  son  milieu  et  d'un  cercle  ayant  pour  dia- 
mètre la  distance  des  pôles  et  passant  par  ces  points.  C'est 
le  résultat  que  l'on  peut  déduire  de  la  loi  élémentaire  don- 
née plus  haut. 

Expérience  de  Boisgiraud.  Boisgiraud,  ayant  suspendu 
à  un  fil  une  aiguille  aimantée  et  l'ayant  soumise  à  l'action 
d'un  courant  horizontal,  trouva  que,  suivant  la  position  de 
ce  courant,  il  se  produisait  des  attractions  ou  des  répul- 
sions, et  que  si  on  considérait  toutes  les  positions  paral- 
lèles à  une  direction  quelconque  du  fil  qui  ne  produisait 
aucune  action  on  trouvait  qu'elles  rencontraient  le  plan  ver- 
tical normal  à  cette  direction  suivant  une  hyperbole  équi- 
latère  ayant  pour  sommets  les  pôles  de  l'aimant. 

III.  Théorie  électrodynamique  du  magnétisme.  —  Les 
actions  analogues  des  aimants  et  des  courants  sur  les  ai- 


~  793  —  ÉLECTROMAGNllTISME  —  ÉLECTROMÈTRE 


mants  devaient  amener  les  physiciens  à  chercher  des  assem- 
blages de  courants  jouissant  des  propriétés  des  aimants  : 
ces  assemblages  existent  :  ce  sont  les  solénoïdes  (V.  ce 
mot).  Le  lecteur  trouvera  aussi  au  mot  Magnétisme  une 
théorie  proposée  par  Ampère  dans  laquelle  les  propriétés 
des  aimants  sont  ramenées  à  des  eifets  de  courants. 

IV.  Applications.  —  Elles  résident  surtout  dans  les 
applications   innombrables  des  électro-aimants  (V.    ce 

mot).  ^  A.  JOANNIS. 

ÉLECT ROM  ÊTRE.  Instrument  qui  permet  de  mesurer 
des  quantités  d'électricité  ou  des  différences  de  potentiel. 
Les  électromètres  les  plus  simples  sont  les  électroscopes 
(V.  ce  mot)  disposés  de  façon  à  mesurer  les  indications 
qu'ils  donnent;  ils  sont  peu  précis  et  assez  sensibles. 
D'autres  également  très  simples,  mais  disposés  pour  mesurer 
de  fortes  charges  électriques,  sont  très  peu  précis;  tels 
sont  la  bouteille  électrométrique  de  Lane  (V.  Bouteille, 
t.  VII,  p.  863),  l'électromètre  de  Cuthbertson  qui  servent 
surtout  à  mesurer  approximativement  la  charge  des  batte- 
ries. L'électromètre  à  décharge  de  M.  Gaugain  repose  sur 
un  principe  analogue,  mais  il  s'applique  à  la  mesure  des 
faibles  charges  ;  il  se  compose  d'un  électroscope  à  feuilles 
d'or  (V.  Electroscope)  muni  d'une  seule  colonne  mise  en 
communication  avec  l'appareil  que  l'on  veut  charger  ;  le 
bouton  de  l'électroscope  est  mis  en  communication  avec  la 
source  électrique  par  un  fil  de  coton,  médiocrement  con- 
ducteur. L'électricité  amenée  aux  feuilles  d'or  les  faisait 
diverger  et  bientôt  l'une  touchait  la  colonne  quand  l'élec- 
troscope avait  atteint  une  certaine  charge,  et  celle-ci  pas- 
sait dans  le  corps  que  l'on  chargeait  ;  le  nombre  des  contacts 
renseignait  sur  la  charge  donnée  ;  que  l'on  remplace  la 
lame  d'or  si  mobile  par  un  pendule  plus  difficile  à  repousser 
et  l'on  aura  Télectromètre  de  Cuthbertson.  Les  divers  thermo- 
mètres électriques  (V.  Thermomètre)  peuvent  servir  aussi 
d'électromètres  ;  l'électromètre  capillaire  (V.  Electroca- 
pillaire),  fondé  sur  un  principe  tout  différent,  est  sensible 
et  précis;  il  s'applique  aux  différences  de  potentiel  ne  dé- 
passant pas  un  volt  environ.  Les  autres  électromètres  sont 
classés  par  Thomson  en  trois  groupes  principaux  :  1°  Elec- 
tromètres  à  répulsion.  Tels  sont  l'électromètre  à  feuilles 
d'or  (V.  Electroscope),  la  balance  de  Coulomb  (V.  ce 
mot),  l'électromètre  de  Peltier,  l'électromètre  à  sinus  de 
Riess,  etc.  2^  Electromètres  symétriques.  Un  organe  mo- 
bile électrisé  est  suspendu  vis-à-vis  de  deux  systèmes  de 
corps  conducteurs  isolés  l'un  de  l'autre  et  chargés  à  des 
potentiels  différents  ;  la  déviation  observée  est  une  fonc- 
tion du  potentiel  de  la  partie  mobile  et  de  celui  des  corps 
fixes.  Tels  sont  les  électromètres  à  quadrants  de  Thomson 
ou  de  Branly,  etc.  3^  Electromètres-balances,  Ce  sont  ceux 
où  les  attractions  électriques  sont  équilibrées  par  des  poids. 
Tel  est  l'électromètre  absolu  de  Thomson.  Nous  allons  ra- 
pidement décrire  les  appareils  peu  employés  et  insister  sur 
ceux  dont  on  se  sert  surtout  actuellement. 

I.  Electromètres  a  répulsion  (V.  Electroscope  et  Ba- 
lance de  Coulomb).  —  Electromètre  de  Peltier,  Sa  dis- 
position générale  ressemble  assez  à  la  balance  de  Coulomb, 
mais,  au  lieu  que  ce  soit  la  torsion  d'un  fil  qui  fasse 
équilibre  aux  répulsions  électriques,  c'est  la  force  direc- 
trice d'une  petite  aiguille  faiblement  aimantée  ;  elle  est 
fixée  sur  la  partie  mobile,  et  on  mesure  l'angle  dont  elle 
est  déviée  ;  celle-ci  est  suspendue  sur  une  pointe  fixe  de 
façon  à  être  très  mobile. 

Electromètre  à  sinus  de  Riess,  Il  se  compose  d'une 
cage  cylindrique  verticale  en  verre  pouvant  tourner  autour 
de  l'axe  du  cylindre  devant  une  graduation  circulaire.  Cette 
cage  est  traversée  de  part  en  part  par  une  tige  métallique 
horizontale  T,  qui  porte  en  son  milieu  un  pivot  sur  lequel 
repose  une  aiguille  aimantée  faisant  avec  la  tige  T  un  angle 
que  l'on  ramène  à  être  toujours  le  même.  Sur  la  partie 
supérieure  de  la  cage  se  trouve  une  petite  lunette  qui 
est  mise  au  point  pour  qu'on  voie  la  pointe  de  l'aiguille 
aimantée  ;  chaque  fois  qu'on  amène  l'image  de  la  pointe  de 
cette  aiguille  au  point  de  croisement  des  fils  du  réticule, 


l'aiguille  fait  avec  la  tige  T  le  même  angle  A.  Ceci  posé, 
l'aiguille  étant  dans  le  méridien  magnétique  et  à  la  dis- 
tance angulaire  A  de  la  tige  T,  on  met  cette  tige  avec  le 
corps  électrisé,  l'aiguille  aimantée  se  trouve  électrisée  en 
même  temps,  et  repoussée  par  T  ;  on  ramène  l'angle  d'écart 
à  être  A,  ce  que  l'on  peut  faire  grâce  à  la  lunette,  en  tour- 
nant tout  le  cylindre  ;  soit  a  l'angle  dont  on  l'a  tourné  ;  il 
est  facile  de  voir  que  l'aiguille  aimantée  se  trouve  alors  à 
une  distance  angulaire  a  du  méridien  magnétique,  et  que 
par  suite  la  force  magnétique  proportionnelle  à  sin  a  me- 
sure la  répulsion  électrique  qui,  on  le  sait  depuis  Coulomb, 
est  proportionnelle  au  carré  de  la  charge.  La  charge  est 
donc  proportionnelle  à  la  racine  carrée  du  sinus  de  l'angle 
dont  on  doit  tourner  tout  l'appareil  pour  maintenir  cons- 
tant l'angle  A. 

II.  Electromètres  symétriques.  —  Electromètre  à 
quadrants  de  Thomson.  Considérons  une  boîte  métallique 
ayant  la  forme  d'un  cyhndre  circulaire  droit  aplati,  et  cou- 
pons-la par  deux  plans  rectangulaires  passant  par  l'axe  du 
cylindre,  nous  for- 
merons ainsi  les 
quatre  quadrants  de 
rélectromètre.  On  les 
soutient,  comme  le 
montre  la  fig.  i,  à 
l'aide  de  tiges  de 
verre  isolantes.  Une 
partie  mobile  en  alu- 
minium, ayant  la 
forme  de  deux  lames 
circulaires  de  90*^ 
rattachées  l'une  à 
l'autre  par  deux 
bandes  étroites  figu- 
rent les  rayons  ex- 
trêmes de  ces  qua- 
drants. Cette  partie 
peut  être  soutenue 
par  un  système  bifi- 
laire, par  un  fil  de 
torsion  ou  un  fil  de 
cocon  qui  ne  déve- 
loppe pas  de  torsion. 
Dans  ce  cas  on  ajoute 
au  système  une  pe- 
tite aiguille  aimantée 
pour  avoir  une  force  faisant  équilibre  aux  forces  électriques. 
La  partie  mobile  est  située  à  l'intérieur  de  l'espèce  de 
boite  formée  par  le  rapprochement  des  quatre  quadrants 
creux.  A  la  partie  inférieure  de  l'aiguille  est  suspendu  dans 
l'axe  un  fil  de  platine  qui  plonge  dans  de  l'acide  sulfu- 
rique  concentré  mis  en  relation  avec  le  corps  dont  on  veut 
mesurer  le  potentiel.  Ce  fil  de  platine  porte  un  très  petit 
miroir  qui  sert  à  observer  les  déviations  de  la  partie  mo- 
bile à  l'aide  d'un  rayon  lumineux  que  l'on  fait  tomber  des- 
sus. La  partie  du  fil  de  platine  plongé  dans  l'acide  peut  se 
recourber  en  anneau  ;  on  diminue  ainsi  les  oscillations  de 
l'aiguille  par  suite  du  frottement  qu'exerce  l'acide.  Les 
quadrants  opposés  sont  reliés  entre  eux  ;  une  de  ces  paires 
est  mise  en  communication  avec  le  pôle  positif  d'une  pile 
formée  d'éléments  très  petits,  et  l'autre  paire  communique 
avec  le  pôle  négatif  ;  l'élément  qui  est  au  milieu  de  la  pile 
est  mis  en  communication  avec  le  sol;  deux  quadrants  voi- 
sins ont  ainsi  des  potentiels  égaux  et  des  signes  contraires. 
La  sensibilité  de  l'instrument  est,  toutes  choses  égales 
d'ailleurs,  proportionnelle  au  nombre  des  éléments  de  la 
pile.  Les  fils  de  la  suspension  bifilaires  sont  attachés  à  un 
petit  treuil  porté  par  une  colonne  creuse  qui  repose  sur  une 
boîte  métallique  qui  enveloppe  tout  l'appareil  et  le  sous- 
trait aux  influences  électriques  extérieures.  Des  tiges  iso- 
lées servent  à  faire  communiquer  les  quadrants  avec  les 
pôles  de  la  pile  et  l'acide  sulfurique  dansMequel  plonge  l'axe 
prolongé  de  l'aiguille  mobile  avec  le  corps  dont  on  veut 


-  Electromètre  à  quadrants 
de  Thomson. 


ELECTROMÈTRE 


—  794  - 


déterminer  le  potentiel.  Si  l'on  désigne  par  V  le  potentiel  de 
l'aiguille,  par  V^  et  V^'^ceux  des  deux  paires  de  quadrants, 
par  C  une  constante,  et  par  a  l'angle  de  déviation,  on  dé- 
montre que  la  formule  générale  de  l'équilibre  est  : 

Sin  a  ==  C  (V^  -  Y')  (y  -  ^^^^Y^'). 

La  sensibilité  est  proportionnelle  à  la  capacité  de  l'aiguille 
et  à  la  longueur  des  fils  de  suspension  et  en  raison  inverse 
du  carré  de  l'écartement  des  fils  et  du  poids  de  l'aiguille. 
Pour  déterminer  C,  on  compare  les  indications  de  cet  ins- 
trument avec  celles  d'un  électromètre  absolu,  c.-à-d.  avec 
celles  d'un  appareil  dont  la  forme  géométrique  est  assez 
simple  pour  que  l'on  puisse  calculer  directement  les  cons- 
tantes qui  entrent  dans  l'équation  de  l'équilibre  qui  lui 
correspond.  La  formule  montre  que  sin  a  est  nul,  c.-à-d. 
que  l'aiguille  n'est  pas  déviée  quand  V^  =  V'^  quel  que 
soit  V,  c.-à-d.  lorsque  les  quatre  quadrants  sont  au  même 

V  4-  y^^ 
potentiel  ou  bien  lorsque  V  z^  — - — ,  c.-à-d.  lorsque  le 

potentiel  de  l'aiguille  est  la  moyenne  arithmétique  des  po- 
tentiels des  quadrants.  Seulement  la  formule  précédente  a 
été  établie  en  négligeant  les  bandes  étroites  qui  relient  les 
deux  lames  circulaires  qui  constituent  la  partie  mobile.  En 
en  tenant  compte,  on  trouve  que  la  déviation  ne  peut  être 
nulle  quand  V  =  \^^  que  si  l'aiguille  est  disposée  symé- 
triquement par  rapport  aux  quadrants,  et  on  utilise  cette 
remarque  pour  le  réglage  de  l'instrument.  En  supposant 
que  l'on  charge  les  quadrants  comme  nous  l'avons  dit  avec 
deux  potentiels  égaux  et  de  sens  contraire,  on  sl\^^=:  —  V^ 
et  la  relation  se  simplifie  et  devient  sin  a  mr  2CVV^  ou,  si 
la  déviation  a  est  très  petite,  a  :=KVV',  K  étant  une  cons- 
tante ;  on  peut  d'ailleurs  employer  d'autres  dispositions  : 
on  peut  mettre  une  paire  de  quadrants  au  même  potentiel 
que  l'aiguille,  alors  V^=:  V,  et  l'autre  paire  en  communica- 
tion avec  le  sol,  V^''  =  0.  Alors  la  formule  se  réduit  à 
a  =  K^V'^.  Mais  ici  la  sensibilité  est  faible  si  V  est  faible, 
tandis  qu'avec  la  première  disposition  (a=iKVV^),  on  peut 
avoir  une  déviation  notable,  même  si  V  est  faible  ;  il  suffit 
que  V^  soit  grand.  Le  potentiel  V^  est  fourni  par  une  sorte 
de  bouteille  de  Leyde  qui  ne  perd  que  très  lentement  son 
électricité  (1  <*/o  par  vingt-quatre  heures  par  exemple). 
Deux  appareils  accessoires,  un  reproducteur  et  une  jauge, 
servent  le  premier  à  fournir  l'électricité  perdue,  le  second 
à  vérifier  que  le  potentiel  est  revenu  à  sa  valeur  primitive. 

Electromètre  de  Branly.  Les  quatre  quadrants  de  l'ap- 
pareil précédent  sont  remplacés  par  quatre  secteurs  plats 
disposés  de  même  ;  l'aiguille  mobile  a  la  même  forme  que 
précédemment  ;  elle  est  suspendue  à  un  fil  de  torsion  en 
argent  qui  sert  en  même  temps  à  la  charger  ;  les  secteurs 
opposés  sont  réunis,  et  ces  deux  couples  de  secteurs  sont 
mis  à  des  potentiels  différents,  par  exemple  avec  les  pôles 
d'une  pile  formée  d'une  centaine  de  tout  petits  éléments, 
cuivre,  zinc,  eau.  L'aiguille  mobile  estalors  reliée  au  corps 
dont  on  veut  mesurer  le  potentiel.  Cet  appareil  est  d'une 
construction  plus  facile  que  celui  de  Thomson  ;  il  est  plus 
facile  à  manier  et  à  régler,  mais  il  est  moins  sensible  et 
moins  précis, 

III.  Electromètres-balances.  —  V  électromètre  ab- 
solu de  sir  W.  Thomson  représente  le  meilleur  modèle  de 
ces  instruments.  Dans  cet  appareil  on  mesure  à  l'aide  d'un 
ressort,  dont  l'action  a  été  comparée  à  celle  de  poids  connus, 
l'attraction  éprouvée  par  un  disque  circulaire  chargé  d'un 
potentiel  V  de  la  part  d'un  plan  indéfini  ayant  unpoten- 
tiel  V^.  Le  disque  et  le  plan  sont  parallèles  et  à  une  dis- 
tance d.  En  admettant  que  le  disque  circulaire  est  chargé 
uniformément  d'électricité,  même  sur  les  bords,  et  nous 
verrons  plus  loin  le  procédé  employé  par  Thomson  pour 
réaliser  cette  condition  d'une  façon  très  approchée,  on 
trouve  par  le  calcul  que  l'attraction  A  exprimée  en  unités 
absolues  est  donnée  par  la  formule  suivante  : 


S  étant  la  surface  du  disque.  —  Pour  obtenir  sur  le  disque 
une  densité  électrique  constante,  on  le  place  à  l'inté- 
rieur d'un  plateau,  à  peu  près  de  même  épaisseur,  percé 
d'une  ouverture  circulaire  d'un  diamètre  qui  dépasse 
celui  du  disque  d'un  millimètre  environ  ;  ce  faible  in- 
tervalle suffit  à  assurer  le  libre  jeu  du  disque,  et  la 
présence  de  cet  anneau  de  garde  rend  la  densité  élec- 
trique du  disque  à 
très  peu  près  cons- 
tante ;  la  seule  cor- 
rection à  faire  con- 
siste à  prendre  pour 
quantité  S  qui  entre 
dans  la  formule  (1), 
non  pas  la  surface 
du  disque,  mais  une 
moyenne  entre  celle 
du  disque  et  celle  de 
l'anneau  de  garde 
qui  en  diifère  très 
peu.  Le  disque  mo- 
bile est  suspendu  à 
une  tige  par  l'inter- 
médiaire de  trois 
ressorts  ;  cette  tige 
porte  un  pas  de  vis 
passant  dans  un 
écrou  et  muni  d'un 
limbe  gradué  qui 
sert  à  mesurer  les 
fractions  de  tour 
dont  on  le  déplace. 
Sur  l'anneau  de 
garde  repose  une 
sorte  de  couvercle 
qui  recouvre  le  disque  et  protège  sa  face  supérieure 
contre  l'action  électrique  des  corps  voisins.  La  partie 
cylindrique  de  ce  couvercle  porte  une  très  petite  lentille  ; 
un  fil  fin  horizontal  placé  sur  le  disque  mobile  d'une 
façon  invariable  donne  avec  cette  lentille  une  image 
qui  vient  se  former  entre  les  pointes  de  deux  vis  très  rap- 
prochées lorsque  la  face  supérieure  du  disque  mobile  est 
exactement  dans  le  plan  de  la  face  inférieure  de  l'anneau 
de  garde.  Une  loupe  sert  à  constater  cela  plus  facilement. 
Le  plan  électrisé  situé  au-dessous  du  disque  mobile  et  qui 
possède  un  diamètre  à  peu  près  égal  à  celui  de  l'anneau  de 
garde  est  supporté  par  une  vis  micrométrique  servant  à 
l'éloigner  ou  l'approcher  du  disque  mobile  ;  une  échelle  et 
un  vernier  permettent  de  mesurer  les  déplacements  qu'on 
lui  fait  subir.  On  peut  mettre  l'équation  (i)  sous  la  forme 


-Electromètre  absolu  de 
Thomson. 


y  — V^ziKi 


\/ï*. 


mais  comme  d  serait  difficile  à  mesurer  directement,  on 
opère  de  la  façon  suivante  :  on  porte  le  disque  mobile  et 
l'anneau  de  garde  au  potentiel  V  qui  restera  constant  pen- 
dant toute  l'expérience,  et  l'on  charge  le  plateau  au  poten- 
tiel V^;  il  attire  le  disque  mobile,  mais  on  peut,  en  tournant 
la  vis  qui  le  supporte  et  celle  qui  porte  le  plateau,  faire  en 
sorte  que  le  disque  mobile  soit  exactement  dans  le  plan  de 
l'anneau  de  garde,  ce  dont  on  s'assure  à  l'aide  delà  dispo- 
sition dont  nous  avons  parlé.  On  ht  alors  la  position  du 
plateau  donnée  par  la  règle  graduée  et  le  vernier  de  la  vis 
micrométrique  ;  soit  d  la  distance  inconnue  entre  le  disque 
et  le  plateau  dans  cette  première  expérience.  On  donne 
alors  au  plateau  un  autre  potentiel  V^^  et  l'attraction  se 
trouvant  changée  on  fait  varier  la  position  du  plateau  à 
l'aide  de  la  vis  micrométrique  qui  lui  correspond,  de  façon 
à  amener  de  nouveau  le  disque  mobile  exactement  dans  le 
plan  de  l'anneau  de  garde  ;  on  lit  alors  la  position  nouvelle 
donnée  par  le  vernier,  soit  D  la  nouvelle  distance  du  disque 
et  du  plateau;  elle  est  inconnue  comme  la  première,  mais 
on  connaît  D  —  c?  par  la  différence  des  nombres  lus  sur  la  règle 


-  795  - 


ÉLLCTROMÈTRE  -  ÉLECTROPHORE 


dans  les  deux  expériences.  On  a  les  équations  suivantes  se 
rapportant  aux  deux  équilibres  obtenus  : 


J^Y  —  dJ: 


SttA 
S 


V  -  V^' 


:D\/^ 


d'où  l'on  déduit  par  différence  : 

Il  n'y  a  plus  qu'à  déterminer  A.  On  y  arrive  en  déchar- 
geant tout  l'appareil.  Le  disque  n'étant  plus  attiré  par  ce 
plateau,  remonte  au-dessus  de  l'anneau  de  garde,  mais  en 
le  chargeant  de  poids  croissants,  on  arrive  à  le  ramener  à 
cette  position  ;  les  poids  mis  représentent  l'attraction  A. 
On  peut  faire  cela  une  fois  pour  toutes  en  mettant  succes- 
sivement divers  poids  sur  le  disque  mobile  et  déterminant 
chaque  fois  la  position  qu'il  faut  donner  au  limbe  gradué  de 
la  tige  qui  porte  le  disque  mobile  pour  l'amener  dans  le 
plan  de  l'anneau  de  garde.  On  pourra  construire  avec  ces 
nombres  une  table  donnant  pour  chaque  position  du  limbe 
la  valeur  de  A  correspondante  ;  il  sera  bon  de  vérifier  ces 
nombres  de  temps  en  temps  pour  voir  si  l'élasticité  des  res- 
sorts est  restée  la  même.  Cette  méthode  suppose  que  l'on 
puisse  maintenir  constant,  pendant  le  temps  nécessaire  aux 
expériences,  le  potentiel  du  disque  et  de  l'anneau  de  garde. 
L'électromètre  de  Thomson  porte  pour  cela  deux  petits 
appareils  placés  sur  la  partie  supérieure  de  l'électromètre  ; 
ce  sont  le  reproducteur  et  la  jauge.  Le  reproducteur  est 
une  très  petite  machine  électrique  qui  donne  de  l'élec- 
tricité par  influence  ;  elle  est  amorcée  par  l'électricité 
même  de  l'anneau  de  garde  et  elle  augmente  son  potentiel 
quand  on  tourne,  dans  un  certain  sens,  le  bouton  qui  la  met 
en  mouvement  ;  elle  le  diminue  si  on  tourne  dans  l'autre 
sens.  La  jauge  est  un  appareil  fondé  exactement  sur  le 
même  principe  que  l'électromètre  lui-même,  mais  beaucoup 
plus  sensible  :  une  plaque  entourée  d'un  anneau  de  garde 
et  portée  par  une  suspension  très  délicate,  est  attirée  par 
un  plateau  en  communication  avec  l'anneau  de  garde  et 
ayant  par  suite  le  même  potentiel  ;  un  dispositil  analogue 
à  celui  décrit  plus  haut  permet  de  reconnaître  le  moment  où 
ce  disque  est  exactement  dans  le  plan  de  son  anneau  de 
garde.  Avant  de  faire  chaque  expérience,  on  tourne  le  re- 
producteur jusqu'à  ce  que  la  jauge  indique  que  l'on  est 
revenu  au  potentiel  primitif.  Cet  appareil  est  très  précis. 

A.  JOANNIS. 

BiBL,  :  RiESS,  Ann.  chim.  phys.  (3),  XLVI,  p.  502.  — 
Thomson,  Reprint  o/*-  papers  on  electrostatics  and  ma- 
gnetism^  I,  pp.  287  et  306.—  Mascart  et  Joubert,  Leçons 
sur  iéleclricité  et  le  magnétisme,  I,  p.  184. 

ÉLECTRO MOTEUR.  On  appelle  ainsi  tout  appareil 
susceptible  de  donner  naissance  à  des  courants  électriques. 
Les  piles,  les  machines  magnéto  ou  dynamo-élec- 
triques, les  machines  électriques,  les  systèmes  de  M.  Lip- 
mann  à  écoulement  discontinu  de  mercure  fondés  sur  les 
phénomènes  électrocapillaires,  sont  des  électromoteurs. 
Du  temps  de  Volta  on  appelait  électromoteurs  les  corps 
capables  de  produire  des  courants  électriques  :  ainsi  Volta 
disait  que  les  métaux  étaient  des  corps  bons  électromoteurs. 

ÉLECTROMOTRiCE  (Force).  On  appelle  force  électro- 
motrice du  système  hétérogène  le  plus  simple  la  différence 
de  potentiel  de  ses  deux  parties  ;  la  force  électromotrice 
d'une  pile  par  exemple  est  la  différence  de  potentiel  de  ses 
deux  pôles  ;  la  force  électromotrice  de  l'arc  électrique  est 
la  différence  de  potentiel  des  charbons  entre  lesquels  il 
jaillit,  etc.  On  peut  arriver  expérimentalement  à  la  notion 
des  forces  électromotrices  de  la  façon  suivante  :  si  on  prend 
une  pile  toujours  de  même  nature,  qu'on  rehe  ses  pôles  à 
l'aide  d'un  fil  conducteur  et  que  l'on  mesure  l'intensité  I 
du  courant  en  faisant  varier  la  nature  du  fil,  les  dimen- 
sions et  la  distance,  mais  non  la  nature  des  pôles  et  des 
liquides  de  la  pile,  on  trouve  que  l'intensité  est  donnée  par 

l'expression  I  —  ^ — -,  R  et  r  étant  la  résistance  de  la 


pile  et  du  circuit  et  E  étant  une  constante  qui  reste 
telle  tant  que  l'on  ne  change  pas  la  nature  de  la  pile  ;  elle 
varie  au  contraire  avec  la  nature  de  la  pile  ;  on  peut 
définir  cette  constante  force  électromotrice  de  la  pile  con- 
sidérée ;  on  a  vérifié  que  les  deux  définitions  sont  équiva- 
lentes ;  toutes  les  deux  peuvent  servir  à  déterminer  sa 
valeur  dans  chaque  cas  particulier.  Si,  au  lieu  de  considérer 
un  système  composé  de  deux  parties,  auquel  correspond 
une  force  électromotrice,  nous  considérons  un  système 
composé  des  parties  A,  B,  C,  D,...  M,  N,  nous  pourrons 
encore  appeler  force  électromotrice  du  système  la  différence 
de  potentiel  de  ses  parties  extrêmes  ;  cette  force  sera  alors 
la  somme  algébrique  des  forces  électromotrices  de  ses 
diverses  parties,  c.-à-d.  la  somme  algébrique  des*  diffé- 
rences de  potentiel  entre  A  et  B,  B  et  C,  CetD,  etc.,  M  etN. 
En  particulier,  si  nous  considérons  une  pile  Bunsen  munie 
de  ses  rhéophores  en  cuivre,  nous  trouvons  que  le  système 
se  compose  du  fil  de  cuivre  attaché  au  charbon  (A),  du 
charbon  (B),  de  l'acidj}  azotique  (C),  de  l'acide  sulfurique 
étendu  (D),  du  zinc  E,  du  fil  de  cuivre  attaché  au  pôle  né- 
gatif F  ;  une  pile  de  Bunsen  est  donc  une  chaîne  de  six 
composés  différents,  et  la  force  électromotrice  ou  différence 
de  potentiel  entre  ses  pôles  sera  la  somme  algébrique  des 
différences  de  potentiel  entre  ces  divers  corps  au  contact. 
Pour  la  détermination  pratique  de  la  force  électromotrice, 
V.  CoxNSTANTE  DES  PILES.  Pour  Thistorique  et  pour  les 
preuves  de  l'existence  d'une  force  électromotrice  de  contact 
entre  des  corps  de  nature  différente,  V.  Galvanisme. 

A.  JoANNIS. 

ÉLECTRON  (Antiq.)  (V.  Asèm,  t.  IV,  p.  83). 

ÉLECTROPHORE. C'est  une  machine  électrique  réduite 
à  sa  plus  simple  expression  :  un  gâteau  de  résine,  ou  d'une 
autre  substance  isolante,  est  coulé  dans  un  moule  métal- 
lique. On  électrise  ce  gâteau  en  le  frottant  ou  le  frappant 
avec  une  peau  de  chat  ;  il  s'électrise  négativement  ;  on  pose 
dessus  un  plateau  métallique  ou  un  plateau  de  bois  recou- 
vert de  papier  d'étain  et  muni  d'un  manche  isolant.  Son 
fluide  neutre  est  décomposé  par  influence  par  l'électricité 
négative  du  gâteau  de  résine,  l'électricité  positive  attirée 
sur  la  face  inférieure,  l'électricité  négative  repoussée  à  la 
face  supérieure.  On  touche  celle-ci  avec  le  doigt  et  Pélec- 
tricté  négative  va  dans  le  sol.  On  enlève  alors  le  doigt  et  on 
soulève  par  le  manche  isolant  le  plateau  qui  se  trouve 
chargé  positivement  ;  on  peut  en  effet  en  approchant  le 
doigt  en  tirer  une  étincelle  ;  comme  d'ailleurs  la  résine  n'a 
pas'  perdu  son  électricité,  les  mêmes  phénomènes  vont  pou- 
voir se  reproduire  pendant  très  longtemps.  L'instrument 
est  donc  aussi  simple  que  la  façon  de  l'utiliser.  Mais  la 
théorie  en  est  beaucoup  plus  comphquée  si  l'on  veut  se 
rendre  compte  des  phénomènes,  non  pas  d'une  façon  gros- 
sière, comme  nous  venons  de  le  faire,  mais  en  détail.  Déjà 
Ingenhouz  avait  montré  le  rôle  important  du  moule  métal- 
lique dont  la  présence  rend  les  électrophores  beaucoup  plus 
puissants;  les  charges  obtenues  sur  le  plateau  métallique 
ne  sont  d'ailleurs  pas  les  mêmes  selon  que  le  moule  est  ou 
non  en  relation  avec  le  sol.  M.  Bull',  en  prenant  un  élec- 
troscope  dont  la  tige  portait,  au  lieu  de  la  boule  habituelle, 
un  plateau  sur  lequel  reposait  un  gâteau  de  résine,  a  pu 
vérifier  la  nature  de  l'électricité  dont  se  chargeait  le  moule 
des  électrophores,  ici  le  plateau  de  l'électroscope,  pendant 
les  diverses  parties  de  l'opération.  M.  Buff  a  vérifié  en 
outre  que,  lorsqu'on  superpose  plusieurs  disques  de  résine 
et  que  l'on  électrise  la  face  supérieure  de  cette  pile  de 
disques,  la  face  inférieure  de  la  pile  est  électrisée  en  sens 
inverse,  et,  si  on  examine  chacun  des  disques  intermédiaires, 
on  trouve  qu'il  est  électrise  différemment  sur  ces  deux 
faces.  En  frottant  donc  avec  de  la  peau  de  chat  la  surface 
d'un  gâteau  de  résine,  on  l'électrise  négativement,  tandis 
que  de  l'électricité  positive  prend  naissance  sur  l'autre  face 
du  gâteau  de  résine,  en  contact  avec  le  moule  ;  celui-ci 
éprouve  une  décomposition  par  influence  tout  à  fait  ana- 
logue à  celle  du  plateau,  mais  sous  l'influence  d'une  élec- 
tricité de  signe  contraire;  il  se  charge  donc  comme  le 


ÉLECTROPHORE  ^  ÉLECTROSCOPE  —  796  — 

plateau,  mais  d'électricité  contraire,  et,  si  le  moule  est  isolé 
comme  le  plateau,  on  tirera  une  étincelle  en  approchant  le 
doigt  du  moule  ou  du  plateau.  Si  on  touche  d'abord  le 
moule  après  l'étincelle,  les  feuilles  d'or  de  l'électroscope  de 
Buff  retomberont.  Si  on  touche  alors  le  plateau  supérieur, 
un  nouvel  équilibre  se  produira,  une  nouvelle  décomposi- 
tion par  influence  aura  lieu  dans  le  plateau  faisant  fonction 
de  moule,  les  feuilles  d'or  divergeront  de  nouveau,  et  le 
doigt  approché  du  moule  en  tirera  une  étincelle  en  faisant 
retomber  les  feuilles  d'or.  Si  à  ce  moment  on  enlève  le 
plateau  supérieur  il  est  chargé  positivement,  et  son  éloigne- 
ment  produit  dans  la  résine  et  dans  le  plateau  de  l'élec- 
troscope un  nouvel  équilibre  qui  se  traduit  par  une  nou- 
velle déviation  des  feuilles  d'or. 

Les  électrophores  faits  avec  de  la  résine  sont  exposés  à 
se  casser  ;  on  remplace  souvent  ce  corps  par  du  caoutchouc 
durci  ou  par  un  mélange  de  résine,  de  gomme  laque  et 
d'un  peu  de  térébenthine  et  de  suif.  On  a  fait  des  électro- 
phores très  puissants  avec  des  plateaux  de  plus  de  2  m. 
de  diamètre.  A.  Joannis. 

ÉLECTROPUNCTURE  (V.  Electrolyse). 
ÉLECTROSCOPE.  Instrument  destiné  à  reconnaître 
si  un  corps  est  chargé  d'électricité  et  quel  est  le  signe 
de  cette  électricité.  Les  premiers  électroscopes  consis- 
taient en  boules  de  moelle 
de  sureau  suspendues  à  un 
fd  ou  fixées  à  une  aiguille 
légère  pouvant  se  déplacer 
très  facilement  sur  un  pivot  ; 
on  présentait  à  la  boule  de 
sureau  le  corps  que  l'on  vou- 
lait examiner  ;  m'attirait  s'il 
était  électrisé  ;  pour  voir  le 
signe  de  l'électricité,  on 
chargeait  la  balle  de  su- 
reau d'une  électricité  con- 
nue en  la  touchant  par 
exemple  avec  un  bâton  de 
résine  électrisé  par  frot- 
tement et  voyant  si  le  corps 
étudié  l'attirait  ou  le  re- 
poussait;  dans   le   premier 


Electroscope  à  feuilles  d'or. 


cas,  il  est  chargé  d'électricité  de  nom  contraire,  et  de 
même  nom  dans  le  second  cas.  Ces  électroscopes  sont  peu 
sensibles.  L'électroscope  le  plus  employé,  beaucoup  plus 
sensible  que  les  précédents,  est  l'électroscope  à  feuilles 
d'or.  Il  se  compose  de  deux  feuilles  d'or  très  minces,  telles 
que  celles  qui  servent  à  la  dorure  par  application  ;  elles 
sont  suspendues  à  l'extrémité  d'une  tige  métallique  qui  se 
termine  à  l'autre  bout  par  une  petite  sphère  de  cuivre. 
Cette  tige  passe  par  la  tubulure  d'une  cloche  de  verre  en 
traversant  un  bouchon.  Une  couche  de  gonmie  laque  est 
étalée  à  l'extérieur  sur  la  partie  supérieure  de  la  cloche  ; 
de  cette  façon,  le  verre  de  cette  partie  de  l'appareil  ne  con- 
dense pas  de  vapeur  d'eau  contenue  dans  l'air,  et  l'isole- 
ment de  la  tige  métallique  est  plus  complet.  La  cloche 
repose  sur  un  plateau  métallique  qui  porte  souvent  deux 
petites  colonnes  métalliques  terminées  par  des  boules  situées 
un  peu  plus  haut  que  l'extrémité  intérieure  des  feuilles 
d'or.  Cette  disposition  a  un  double  rôle  :  elle  augmente  la 
sensibilité  de  l'instrument  d'une  part,  et  de  l'autre  elle 
empêche  les  charges  électriques  trop  fortes  de  mettre  l'ap- 
pareil hors  d'usage  ;  à  ce  point  de  vue,  c'est  une  sorte  de 
soupape.  L'air  intérieur  de  la  cloche  est  desséché  à  l'aide 
de  chaux  vive  ou  de  chlorure  de  calcium  contenu  dans  un 
petit  vase  de  verre.  On  peut,  à  l'aide  de  cet  instrument, 
voir  si  un  corps  est  chargé  d'électricité,  sans  charger 
l'électroscope  ;  il  suffit  pour  cela  d'approcher  lentement  le 
corps  de  la  boule  supérieure  de  l'appareil  ;  si  le  corps 
approché  est  électrisé,  il  décompose  par  influence  le  fluide 
neutre  contenu  dans  la  tige  et  les  feuilles  d'or,  attirant 
l'électricité  contraire  à  la  sienne  dans  la  boule  et  la  partie 
supérieure  de  la  tige,  repoussant  rélectricité  de   même 


nom  dans  les  deux  feuilles  d'or,  qui  se  trouvent  ainsi  char- 
gées de  la  même  électricité  et  se  repoussent  ;  comme  elles 
sont  très  légères,  il  suffit  d'une  très  faible  charge,  ainsi 
développée  par  influence,  pour  leur  donner  un  angle 
d'écart  sensible  ;  d'autre  part,  ces  feuilles  d'or  électrisées 
décomposent  à  leur  tour  par  influence  le  fluide  neutre  con- 
tenu dans  les  tiges  métalliques  du  plateau  de  l'appareil, 
attirant  sur  leurs  boules  l'électricité  de  nom  contraire, 
repoussant  l'autre  dans  le  plateau  ;  l'écart  des  feuilles  est 
donc  augmenté  par  la  présence  des  tiges,  puisque  à  la  ré- 
pulsion des  feuilles  d'or  s'ajoute  l'etfet  des  attractions  de 
chaque  feuille  par  la  boule  la  plus  voisine.  En  outre,  si 
par  suite  d'un  approchement  trop  rapide  du  corps  électrisé 
on  venait  à  faire  diverger  trop  les  feuilles  d'or,  au  lieu  de 
venir  toucher  les  parois  de  la  cloche  et  s'y  coller  parce  que 
le  verre  est  mauvais  conducteur,  elles  viendraient  toucher 
les  tiges  métalliques,  s'y  décharger,  et  l'appareil  reviendrait 
à  sa  position  primitive  ;  au  contraire,  lorsque  les  feuilles 
d'or  ont  adhéré  au  verre,  il  faut  un  temps  très  long  pour 
qu'elles  se  détachent.  On  peut  donc  de  cette  façon  voir  si 
un  corps  est  électrisé.  Pour  voir  la  nature  de  son  électri- 
cité, on  charge  d'abord  l'électroscope  avec  une  électricité 
connue  :  pour  cela  on  en  approche  lentement  un  corps 
chargé  d'une  électricité  connue,  d'électricité  positive  par 
exemple.  Celle-ci  décompose  par  influence  le  fluide  neutre 
dans  l'électroscope  ;  elle  attire  sur  la  boule  de  l'électro- 
scope l'électricité  de  nom  contraire,  c.-à-d.  l'électricité 
négative,  et  repousse  l'autre  dans  les  feuilles  d'or  qui  diver- 
gent. Cette  divergence  augmente  à  mesure  que  l'on  approche 
davantage  le  corps  influençant;  quand  on  la  juge  suffisante, 
on  place  le  doigt  sur  la  tige  de  l'électroscope  et  par  suite 
on  la  fait  communiquer  avec  le  sol. 

A  ce  moment  les  feuilles  d'or  ainsi  reliées  au  sol  retom- 
bent en  contact;  le  fluide  neutre  du  bras  et  de  la  main 
est  décomposé  par  influence;  une  partie  du  fluide  négatif 
attiré  par  le  corps  influençant  vient  sur  l'électroscope  ;  le 
fluide  positif  est  repoussé  dans  le  sol;  on  retire  alors  le 
doigt;  l'état  d'équilibre  du  système  n'est  pas  changé;  les 
feuilles  d'or  restent  immobiles;  puis  on  retire  le  corps 
chargé  d'électricité  positive  que  l'on  avait  approché  ;  les 
feuilles  d'or  divergent  alors  parce  que  l'électricité  négative, 
primitivement  retenue  dans  la  partie  supérieure  de  la  tige 
par  la  présence  du  corps  influençant,  se  répand  sur  toute 
la  tige  et  dans  les  feuilles  d'or.  L'électroscope  se  trouve 
ainsi  chargé  par  influence  d'une  électricité  contraire  à  celle 
du  corps  dont  on  s'est  servi  pour  cela.  On  charge  l'élec- 
troscope par  influence  et  non  par  contact,  parce  qu'il  est 
plus  facile  ainsi  de  régler  la  charge  qu'on  lui  donne  et  par 
suite  l'écart  des  feuilles  d'or. 

L'électroscope  ainsi  chargé  d'une  électricité  connue,  on 
peut  s'en  servir  pour  déterminer  la  nature  de  l'électricité 
d'un  corps  électrisé  ;  pour  cela  on  approche  très  lentement 
ce  corps  de  l'appareil  et  on  observe  les  feuilles  d'or.  Deux 
cas  peuvent  se  présenter  :  leur  divergence  augmente  ou 
diminue  (elle  ne  peut  rester  la  même).  Si  la  divergence 
augmente,  c'est  que  la  répulsion  éprouvée  par  les  feuilles 
d'or  augmente  et  que  par  suite  leur  charge  augmente  ;  cette 
augmentation  provient  non  pas  d'une  augmentation  de  la 
charge  de  toute  la  tige,  mais  d'une  distribution  nouvelle 
du  fluide  sur  la  tige  :  l'électricité  négative  a  donc  été  en 
partie  repoussée  dans  les  feuilles.  On  en  conclut  que  le  corps 
électrisé,  approché  de  la  boule  de  l'appareil,  devait  conte- 
nir de  l'électricité  négative,  puisqu'il  repousse  l'électricité 
négative.  Si  au  contraire  la  divergence  diminue,  c'est  qu'une 
partie  du  fluide  négatif  des  feuilles  d'or  a  été  attirée  dans 
la  tige  ;  le  corps  étudié  était  donc  chargé  d'électricité  de  nom 
contraire  à  celle  de  l'électroscope.  On  peut  donc  connaître 
le  signe  de  l'électricité  du  corps  dans  un  cas  comme  dans 
l'autre.  Mais  dans  le  premier  cas  il  est  nécessaire  d'opérer 
avec  précaution.  En  effet,  supposons  que  l'on  approche 
de  l'électroscope  chargé  négativement  un  corps  chargé 
positivement  :  il  va  y  avoir  tout  d'abord  diminution  de  la 
divergence;  il  pourra  arriver  un  moment  où,  ù  force  de  se 


—  797 


ÉLECTROSCOPE  -  ELECTROTHÉRAPIE 


rapprocher,  les  feuilles  d'or  arriveront  en  contact  ;  si  Ton 
continue  alors  d'approcher  le  corps  électrisé,  il  décomposera 
dans  l'appareil  une  nouvelle  quantité  de  fluide  neutre,  et  les 
feuilles  d'or  divergeront  de  plus  en  plus  ;  si  l'on  a  mal 
opéré,  si  l'on  a  approché  trop  vite  le  corps  électrisé,  on 
peut  n'avoir  pas  aperçu  le  rapprochement  des  feuilles  et 
n'observer  que  l'écartement,  ce  qui  conduirait  au  résultat 
opposé  à  celui  que  l'on  doit  trouver.  Supposons  maintenant 
qu'on  approche  de  l'électroscope  chargé  négativement  un 
corps  à  l'état  neutre  :  son  fluide  neutre  sera  décomposé  par 
influence,  et  son  extrémité  la  plus  voisine  de  l'électroscope 
sera  chargée  positivement  ;  un  corps  neutre  se  comportera 
donc  comme  un  corps  chargé  d'électricité  de  nom  con- 
traire à  celle  de  l'électroscope  ;  il  donnera  un  rapproche- 
ment des  feuilles.  Supposons  enfin  un  corps  chargé  de  la 
même  électricité  que  celle  de  l'électroscope,  mais  ayant  une 
très  petite  charge  par  rapport  à  celle  de  l'électroscope. 
Lorsque  le  corps  sera  très  loin  de  l'appareil  et  qu'on  l'ap- 
prochera, la  divergence  augmentera  comme  nous  l'avons 
vu,  mais  ensuite  le  fluide  neutre  du  corps,  décomposé  par 
l'influence  de  l'électroscope,  accumulera  sur  l'extrémité  du 
corps  la  plus  voisine  une  quantité  de  fluide  positif  qui  ira 
en  croissant  à  mesure  qu'on  approchera  le  corps  et  qui,  à 
un  certain  moment,  annulera  exactement  la  charge  négative 
du  corps  ;  à  partir  de  ce  point,  le  corps  se  comportera 
comme  s'il  était  neutre.  Ce  cas  se  présente  rarement,  les 
électroscopes  possédant  en  général  une  charge  beaucoup 
plus  faible  que  celles  des  corps  que  l'on  étudie.  On  peut 
d'ailleurs  recommencer  l'essai  en  chargeant  l'électroscope 
d'électricité  positive.  On  doit  retrouver  les  eff'ets  contraires 
à  ceux  observés  dans  le  premier  cas.  Si  l'on  retrouve  les 
mêmes  effets,  c'est  que  le  corps  est  ou  bien  à  l'état  neutre 
ou  bien  très  faiblement  électrisé  et  que  l'on  n'a  pas  dans 
ce  dernier  cas  observé  la  répulsion  suivie  d'attraction  ou 
inversement.  On  essayera  alors  de  charger  un  électroscope 
avec  le  corps  étudié  ;  on  n'y  parviendra  pas  s'il  est  à  l'état 
neutre  ;  sinon  on  obtiendra  une  faible  déviation  des  feuilles 
d'or  et  à  l'aide  d'un  corps  chargé  d'une  électricité  connue 
en  petite  quantité,  on  déterminera  la  nature  de  l'électricité 
de  l'électroscope. 

Electroscope  de  Bohnenberger.  Sa  disposition  générale 
rappelle  l'électroscope  à  feuilles  d'or  :  les  deux  tiges  mé- 
talliques fixées  sur  le  plateau  sont  remplacées  par  deux 
piles  sèches  d'intensité  égale,  les  pôles  contraires  en  regard, 
et  il  n'y  a  qu'une  feuille  d'or  qui  pend  verticalement  à 
égale  distance  des  boules  qui  terminent  les  pôles  de  la  pile 
et  qui  subit  de  la  part  de  ces  pôles  des  actions  égales  qui 
se  neutralisent.  Si  l'on  vient  à  approcher  de  la  boule  de 
l'électroscope  un  corps  chargé  d'une  électricité  inconnue, 
elle  décompose  le  fluide  neutre  de  la  tige  et  de  la  feuille 
d*or,  repousse  dans  celle-ci  l'électricité  de  même  nom  que 
la  sienne,  et  la  feuille  d'or  s'incline  du  côté  du  pôle  de  la 
pile  chargé  de  l'électricité  contraire.  Un  corps  à  l'état 
neutre  ne  produit  pas  d'efi'et.Cet  instrument  est  moins  sen- 
sible que  le  précédent,  mais  il  indique  immédiatement  si  le 
corps  est  de  l'état  neutre  ouïe  signe  de  son  électricité,  sans 
qu'il  soit  besoin  de  le  charger  au  préalable  ou  de  faire  plu- 
sieurs essais. 

On  peut  préciser  les  indications  de  ces  instruments  et  les 
transformer  en  électromètres  (V.  ce  mot),  par  exemple  en 
mesurant  la  déviation  des  lames  d'or  sur  leur  ombre  obte- 
nue sur  un  écran  avec  une  bougie  et  en  graduant  l'appareil 
d'une  façon  empirique  :  on  peut  prendre  pour  cela  deux 
électroscopes  à  feuilles  d'or  identiques.  On  charge  l'un 
d'électricité  de  façon  à  obtenir  une  grande  déviation  qu'on 
se  propose  de  ne  pas  dépasser,  et  on  mesure  la  déviation 
correspondante  ;  puis  on  fait  communiquer  les  deux  élec- 
troscopes, qui,  étant  identiques,  se  partagent  également  la 
charge  ;  la  déviation  mesurée  alors  correspond  à  une  moitié 
de  charge  ;  on  supprime  alors  la  communication  ;  on  dé- 
charge l'un  des  électroscopes  en  le  touchant  avec  la  main, 
puis  on  le  met  en  communication  avec  l'autre  ;  il  lui  prend 
encore  la  moitié  de  sa  charge  et  on  observe  l'écart,  etc. 


On  gradue  ainsi  l'électroscope  en  prenant  comme  unité 
arbitraire  la  charge  maxima  choisie  ;  les  divisions  succes- 
sives représentent  la  moitié,  le  quart,  le  huitième,  etc., 
de  cette  charge.  A.  JoanxMS. 

ÉLECTROSTATIQUE.  L'étude  de  l'électricité  statique 
comprend  les  phénomènes  présentés  par  les  corps  électrisés 
arrivés  à  un  état  d'équiUbre  électrique.  Elle  comprend  par 
conséquent  les  attractions  et  les  répulsions  électriques,  la 
distribution  de  l'électricité  sur  les  corps.  On  lui  joint  en 
outre  l'étude  de  la  déperdition  de  l'électricité  qu'éprouvent 
les  corps  électrisés  sous  l'influence  de  l'air  ainsi  que  les 
effets  de  la  décharge  électrique  des  batteries.  La  théorie 
des  machines  électriques  fait  aussi  partie  de  l'électricité 
statique  ainsi  que  celle  des  instruments,  électroscopes 
et  électromètres,  qui  servent  aux  mesures.  Pour  les  pro- 
cédés propres  à  observer  et  à  mesurer  les  attractions 
et  les  répulsions  électriques  ainsi  que  pour  les  lois  que 
l'on  en  déduit,  V.  Attraction  électrique.  Pour  la  dis- 
tribution de  l'électricité  sur  les  corps,  V.  Distribution 
et  Potentiel.  Pour  la  déperdition,  V.  Perte  de  l'élec- 
tricité. V.  aussi  Condensation,  Bouteille  de  Leyde, 
Batterie,  etc.  Pour  l'historique  de  l'électricité  statique,  si 
intimement  lié  à  celui  de  l'électricité  dynamique,  V.  Elec- 
tricité. A.   JOANNIS. 

ÉLECTROTHÉRAPIE. En  laissant  de  côté  les  tentatives 
un  peu  empiriques  des  médecins  allemands  du  commence- 
ment du  siècle,  Grapengiesser,  Jacobi,  Walther,  on  peut 
donner  comme  point  de  départ  de  l'électrothérapie  les  tra- 
vaux de  Duchenne  de  Boulogne,  de  4847  à  1830,  résumés 
dans  deux  ouvrages  célèbres  :  V Electrophysiologie  des 
mouvements  (1851);  V Electrisation  localisée  (1855). 
Duchenne  employait  presque  uniquement  les  courants  in- 
duits, et  c'est  lui  qui  désigna  ce  mode  d'électrisation  sous 
le  nom  de  faradisation.  En  18o8,  Temploi  des  courants 
continus  trouvaient  dans  Remak  un  éloquent  défenseur 
(  Galvanothérapie  des  maladies  des  nerfs  et  des  muscles) . 
Un  an  plus  tard,  Baierlacher  montrait  par  l'étude  de  la  réac- 
tion de  dégénérescence  l'utilité  de  l'application  de  l'électricité 
au  diagnostic  de  certains  troubles  nerveux.  L'électricité 
statique,  alors  complètement  abandonnée  à  la  Salpêtrière, 
a  conquis,  grâce  à  l'impulsion  de  Vigouroux,  une  place 
importante  en  électrothérapie.  L'électrothérapie  devait  pro- 
fiter, comme  toutes  les  branches  de  l'électricité,  des  progrès 
remarquables  qui  ont  pour  point  de  départ  le  congrès  de 
1881.  L'introduction  des  mesures  électriques  précises  a 
permis  de  doser  en  quelque  sorte  l'électricité  comme  on 
dose  un  médicament  quelconque  et  de  rendre  les  observa- 
tions comparables  entre  elles.  A  cet  égard,  la  galvano- 
thérapie a  surtout  profité,  et  l'étude  des  variations  de 
résistance  du  corps  humain  a  pu  commencer.  Les  appli- 
cations de  l'électricité  à  la  gynécologie,  déjà  entrevues  par 
Tripier  dès  1836,  ont  été  considérablement  multipliées  après 
les  traitements  heureux  d'Apostoli,  principalement  pour 
les  tumeurs  fibreuses  de  l'utérus;  enfin  les  forces  électro- 
lytiques  sont  utilisées  non  sans  succès  dans  les  rétrécis- 
sements uréthraux  ou  œsophagiens.  A  l'heure  actuelle, 
l'électrothérapie,  longtemps  méconnue,  n'ayant  pour  elle 
que  de  rares  défenseurs  de  réelle  valeur,  voit  son  champ 
d'action  continuellement  s'agrandir. 

Les  applications  de  l'électricité  au  traitement  des  mala- 
dies sont  actuellement  fort  nombreuses  ;  locahsées  pendant 
longtemps  aux  affections  englobées  sous  le  nom  général 
de  nerveuses,  elles  ont  vu  leur  champ  s'étendre  dans  ces 
dernières  années,  principalement  dans  le  domaine  gynécolo- 
gique. Les  cures  obtenues  par  l'électricité  dans  les  névral- 
gies, les  anesthésies,  les  crampes  et  tous  ces  troubles 
d'origine  essentiellement  nerveuse  sont  évidentes;  mais 
comment  agit  le  courant  électrique?  Ici  nous  en  sommes 
réduit  aux  pures  hypothèses.  La  découverte  des  physiolo- 
gistes sur  l'électrotonus  ont  donné  lieu  à  la  théorie  élec- 
trotonique. Avec  l'aide  du  pôle  positif,  par  des  modifica- 
tions anélectrotoniques,on  obtenait  des  effets  sédatifs  dans 
le  cas  des  névralgies  ou  des  contractures  ;  le  catélectrotonus 


ÉLECTROTHÉRAPIE  -  798  - 

obtenu  à  l'aide  du  pôle  négatif  au  contraire  avait  son 
emploi  indiqué  d'excitateur  dans  les  anesthésies,  les  para- 
lysies. Pour  d'autres,  l'électricité  agit  surtout  comme  exci- 
tant des  centres  trophiques.  Mentionnons  simplement  la 
théorie  des  actions  catalytiques  et  celle  des  actions  cata- 
phoriques.  Nous  sommes  ici  en  plein  dans  le  domaine  de 
l'hypothèse  ;  il  existe  en  effet  des  actions  évidentes  des  cou- 
rants électriques  sur  les  vaso-moteurs,  sur  les  échanges 
moléculaires,  mais  les  lois  qui  les  régissent  nous  échappent 
encore. 

Les  électrothérapeutes  qui  utilisent  les  courants  galva- 
niques ont  longtemps  discuté  sur  l'influence  de  la  direc- 
tion des  courants.  Les  deux  électrodes  étant  appliquées  sur 
le  trajet  soit  d'un  nerf,  soit  le  long  de  la  colonne  verté- 
brale, on  admettait  que  le  courant  ascendant  (pôle  positif 
le  plus  éloigné  des  centres)  avait  surtout  une  action  exci- 
tante, alors  que  le  courant  descendant  possédait  au  con- 
traire des  propriétés  sédatives.  La  méthode  unipolaire, 
préconisée  par  Brenner,  s'appuyant  sur  cette  idée  que  les 
effets  des  courants  sont  des  actions  exclusivement  polaires, 
ne  s'occupe  pas  de  la  direction  des  courants,  qu'elle  regarde 
comme  illusoire,  mais  tient  compte  simplement  de  l'élec- 
trode active  appliquée  sur  le  point  malade,  l'électrode 
indifférente,  aussi  large  que  possible,  étant  placée  à  une 
certaine  distance.  Dans  ces  conditions  et  suivant  les  prévi- 
sions de  la  théorie  électrotonique,  c'est  l'anode  qui  possède 
les  propriétés  sédatives,  c'est  elle  que  l'on  doit  appliquer 
quand  on  veut  agir  sur  une  névralgie.  Au  point  de  vue 
instrumental,  le  modèle  des  piles  employées  importe  peu  ; 
il  suffit  qu'elles  répondent  à  ce  desideratum  :  fournir  une 
tension  suffisante  pour  assurer  un  courant  d'une  intensité 
variant  de  1  à  30  milliampères,  intensité  que  Ton  dépasse 
rarement,  sauf  en  gynécologie,  où  l'on  arrive  à  utiliser  des 
courants  de  100  à  200  milUampères,  la  résistance  du  corps 
humain  pouvant  s'élever  à  8  et  10,000  ohms,  mais  étant 
généralement  de  2  à  3,000  ohms.  Un  simple  calcul  permet 
de  connaître  le  nombre  des  éléments  nécessaires,  quand 
on  connaît  la  résistance  et  la  force  électromotrice  de  l'un 
d'eux.  L'intensité  est  mesurée  au  moyen  d'un  galvanomètre 
donnant  de  1  à  100  miUiampères.  Les  galvanomètres  médi- 
caux, malgré  leur  peu  de  précision,  sont  généralement  suffi- 
sants. Le  collecteur  de  courant  est  une  pièce  imp^ortante, 
qui  permet  de  faire  entrer  dans  le  circuit  les  éléments 
graduellement  et  sans  interrompre  le  courant.  Une  inter- 
ruption, qui  est  sans  importance  quand  on  ne  dépasse  pas 
10  à  15  milliampères,  est  douloureuse  quand  on  agit  avec 
une  intensité  plus  grande  et  serait  des  plus  dangereuses 
dans  les  opérations  gynécologiques  oii  l'on  atteint  et  dé- 
passe 100  milliampères.  Enfin,  un  xîommutateur  permet 
d'intervertir  le  sens  du  courant  sans  changer  de  place  les 
électrodes;  pour  l'électrodiagnostic,  il  est  même  utile  de 
pouvoir  faire  passer  successivement,  sans  changer  les 
électrodes,  les  courants  galvaniques  dans  les  deux  sens  et 
les  courants  faradiques. 

Les  électrodes  sont  constituées  par  des  éponges  mouillées 
ou  par  des  disques  de  charbon  recouverts  de  peau  de  cha- 
mois et  affectant  différentes  formes.  Les  applications  gyné- 
cologiques et  pour  Félectrolyse  exigent  quelques  modifi- 
cations sur  lesquelles  nous  reviendrons.  Au  lieu  d'augmenter 
l'intensité  du  courant  par  l'intercalation  de  nouveaux  élé- 
ments, on  a  préconisé  l'emploi  d'un  nombre  constant  d'élé- 
ments, les  variations  d'intensité  étant  obtenues  par  le  jeu 
d'un  rhéostat  à  colonne  liquide.  Mais  les  effets  physiolo- 
giques et  thérapeutiques  sont,  il  ne  faut  pas  l'oublier,  fonc- 
tion essentielle  de  la  tension  que  l'on  ne  modifie  pas  par  ce 
procédé.  L'électrisation  faradique  a  surtout  été  préconisée 
parDuchennede  Boulogne  qui,  trop  exclusif,  rejetait  presque 
complètement  l'électrisation  galvanique.  Après  avoir  em- 
ployé les  appareils  magnétofaradiques ,  les  thérapeutes 
actuellement  utiUsent  tous  le  courant  d'induction  d'un 
chariot  de  Du  Bois-Reymond,  dont  on  gradue  l'énergie  en 
faisant  varier  plus  ou  moins  la  distance  de  la  bobine  in- 
duite à  la  bobine  inductrice.  Dans  les  petits  appareils  por- 


tatifs, cette  graduation  s'obtient  parle  glissement  d'un  tube 
en  cuivre  recouvrant  plus  ou  moins  le  barreau  de  fer  doux 
central  ;  on  fait  varier  ainsi  l'action  inductrice  de  ce  noyau 
sur  le  circuit. 

On  peut  employer  soit  des  électrodes  sèches  (balai  ou 
tampon)  quand  on  veut  obtenir  une  action  superficielle,  cu- 
tanée, soit  des  électrodes  humides  quand  on  veut  agir  sur  les 
nerfs  ou  les  masses  musculaires.  (Juand  l'action  doit  porter 
sur  les  nerfs,  on  emploie  la  bobine  inductrice  à  fil  fin, 
possédant  une  forte  tension  ;  si  l'on  veut,  au  contraire , 
agir  sur  les  muscles,  on  emploie  une  bobine  à  gros  fil, 
ayant  par  suite  moins  de  tension.  D'Arsonval  a  montré 
que  l'action  différente  sur  le  nerf  et  sur  le  muscle  étant 
due  surtout  à  la  rapidité  de  la  variation  du  potentiel, 
on  pouvait  avec  le  même  appareil  obtenir  l'effet  soit  sur  le 
nerf,  soit  sur  le  muscle  en  intercalant,  dans  ce  dernier 
cas,  un  condensateur  d'un  microfarad  dans  la  bobine  in- 
duite. Le  nombre  des  interruptions  exerce  également  une 
réelle  influence  ;  il  est  très  important  d'avoir  des  appareils 
qui  permettent  d'obtenir  des  interruptions  très  lentes,  jus- 
qu'à deux  par  seconde.  Ces  interruptions  lentes  sont  in- 
dispensables quand  on  veut  agir  sur  les  muscles  lisses  des 
viscères.  L'électrisation  faradique  agit  puissamment  dans 
ce  cas  sur  les  intestins  et  constitue  un  excellent  traitement 
de  la  constipation  ;  mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  nos 
muscles  se  tétanisent  au  delà  de  trente  excitations  par  se- 
conde et  que,  sauf  des  cas  fort  rares,  il  ne  faut  pas  dépasser 
dix  interruptions. 

Electricité  statique.  Franklinisation,  Les  machines 
électrostatiques  employées  sont  généralement  celles  de 
Carré  et  de  Wimhurst.  La  machine  de  Holz  donne  trop 
d'électricité  et  ne  peut  être  utilisable  que  dans  des  cas 
spéciaux.  Vigoureux,  qui  est  en  France  le  rénovateur  du 
mode  statique,  conseille  de  n'employer  que  des  machines  à 
grands  diamètres,  75  centim.  au  moins.  Les  machines 
plus  petites  donnent  une  quantité  d'électricité  beaucoup  trop 
faible,  ayant  une  tension  insuffisante  et  il  faut,  pour  obte- 
nir des  étincelles  d'une  certaine  longueur,  ajouter  des 
condensateurs  dont  l'influence  serait  des  plus  mauvaises  au 
point  de  vue  thérapeutique.  Les  grandes  machines  doivent 
être  actionnées  par  un  moteur,  dynamogaz  ou  turbine  à 
eau.  Il  existe  plusieurs  modes  d'application  de  l'électricité 
statique  :  l'étincelle,  le  souffle  et  aigrette,  le  bain  statique. 
Généralement  le  malade  est  isolé  sur  un  tabouret  aux  pieds 
de  verre  et  dont  le  plateau  est  mis  en  communication  avec 
un  pôle  de  la  machine.  L'excitateur  est  relié  au  sol  par 
une  chaîne  métaUique.  On  désigne  ce  mode  d'excitation 
sous  le  nom  d'exhaustion,  réservant  le  terme  d'irroration 
quand,  le  malade  restant  en  communication  avec  le  sol, 
l'excitateur  est  relié  à  la  machine  ;  ces  deux  modes  ont  éga- 
lement été  appelés  respectivement  électricité  par  décharge 
et  par  charge. 

L'emploi  des  étincelles  est  le  plus  répandu.  On  peut 
tirer  du  malade  (le  procédé  par  décharge  étant  le  plus 
suivi)  des  étincelles  d'une  intensité  très  variable,  suivant  la 
forme  de  l'excitateur  et  la  distance  à  laquelle  on  le  main- 
tient du  patient.  Avec  une  boule  de  cuivre  placée  à  2  ou 
3  millim.,  la  sensation  éprouvée  par  la  série  de  courtes  et 
multiples  décharges  est  une  violente  démangeaison,  une 
chair  de  poule.  Cette  application  électrique  agit  surtout 
sur  la  sensibilité  périphérique  et  doit  être  appliquée  quand 
on  veut  obtenir  une  action  sédative,  analgésique.  En  éloi- 
gnant l'excitateur,  on  obtient  des  étincelles  moins  fré- 
quentes, mais  d'une  tension  plus  élevée,  capables  de  déter- 
miner des  contractions  musculaires  sensibles  et  qui  exercent 
surtout  une  influence  réelle  sur  la  nutrition  des  tissus. 
C'est  à  des  étincelles  de  4  à  6  centim.  de  longueur  qu'il 
faut  s'adresser  quand  on  veut  exercer  sur  une  région  une 
influence  trophique. 

Les  étincelles  obtenues  à  une  plus  grande  distance,  sur- 
tout avec  des  boules  de  grandes  dimensions,  agissent  sur 
le  système  nerveux  central  ;  elles  ne  doivent  être  utilisées 
qu'avec  de  grandes  circonspections.  Le  souffle  est  obtenu 


avec  un  excitateur  à  plusieurs  pointes  ;  l'électricité  s'échappe 
rapidement  par  les  pointes;  avec  les  excitateurs  à  une  seule 
pointe,  on  obtient  une  aigrette.  Ces  procédés  sont  surtout 
employés  dans  les  affections  de  nature  nerveuse  comme 
sédatives.  Le  souffle  statique  agit  comme  sédatif,  de  la 
même  façon,  mais  avec  plus  d'énergie  que  l'anode  galva- 
nique (Vigouroux). 

Leur  action  physiologique  est  loin  d'être  établie.  Dans  le 
bain  statique,  le  malade,  isolé  du  sol  sur  son  plateau,  et 
mis  en  communication  avec  l'un  des  pôles  de  la  machine, 
reçoit  une  charge  graduelle  ;  il  arrive  rapidement  un  mo- 
ment où  la  déperdition  par  l'air  ambiant  compense  exacte- 
ment l'addition  de  la  charge,  et  le  malade  reste  soumis  à  un 
potentiel  fixe.  Sous  l'influence  de  cet  état  électrique,  le 
sujet  perçoit  une  sensation  générale  périphérique  que  quel- 
ques-uns dépeignent  comme  la  sensation  d'une  toile  d'arai- 
gnée portée  sur  tout  le  corps  ;  les  cheveux  se  dressent,  les 
sueurs  deviennent  surabondantes  et  d'Arsonval  a  montré 
que  les  échanges  étaient  notablement  augmentés.  L'action 
physiologique  et  thérapeutique  du  bain  galvanique  n'est 
pas  douteuse,  mais  elle  n'a  son  action  réelle,  efficace, 
que  sur  les  névropathes,  où  elle  est  nettement  sédative. 
La  friction  électrique  s'obtient  en  passant  rapidement  une 
tige  métallique  en  communication  avec  le  sol  sur  les  vête- 
ments (de  laine  de  préférence)  du  patient  en  ayant  soin 
d'appuyer.  Elle  produit  nécessairement  des  effets  analogues 
à  ce  que  nous  avons  dit  pour  les  étincelles  obtenues  à 
courte  distance  :  stimulation  générale,  analogue  avec  la 
faradisation  cutanée  sur  la  peau  sèche.  Elle  aurait  pour 
effet,  appliquée  sur  la  moitié  inférieure  du  corps,  d'atté- 
nuer et  de  dissiper  les  symptômes  de  congestion  spinale. 

Electrodiagnostic»  Quand  il  s'agit  d'étudier  la  réaction 
d'un  nerf  ou  d'un  muscle,  il  est  surtout  utile  d'employer 
la  méthode  de  recherche  polaire,  signalée  par  Chauveau, 
mais  qui,  au  point  de  vue  électrothérapique,  a  surtout  été  étu- 
diée par  Brenner.  Une  électrode  dite  indifférente  est  appli- 
quée sur  un  point  éloigné  de  la  région  que  l'on  veut  étu- 
dier (Erb  conseille  d'utiliser  toujours  le  même  endroit,  le 
sternum  par  exemple,  le  patient  pouvant  maintenir  lui- 
même  cette  électrode).  La  seconde  électrode  est  appliquée 
sur  le  nerf  ou  le  muscle  dont  on  étudie  les  réactions.  On 
opère  la  fermeture  et  l'ouverture  du  courant  au  moyen 
d'un  commutateur.  Si  le  pôle  positif  est  l'électrode  active 
différente,  on  peut  faire  une  fermeture  des  anodes  AnF 
ou  une  ouverture  des  anodes  AnO.  S'il  s'agit  au  contraire 
du  pôle  négatif,  et  l'appareil  doit  être  muni  d'un  commuta- 
teur permettant  de  faire  ces  changements  sans  changer 
les  électrodes  de  place,  on  a  une  fermeture  ou  une  ouver- 
ture des  cathodes  KaF  —  KaO. 

On  constate,  ce  que  nous  avons  signalé  à  propos  des  lois 
de  Pfluger  (V.  Electricité,  ^Physiologie),  que  la  cathode 
détermine  principalement  l'excitation  de  fermeture  et  l'anode 
principalement  l'excitation  d'ouverture.  Désignant  par  S  la 
secousse  obtenue,  et  par  S^  S^^  les  secousses  plus  fortes, 
par  Te  la  contraction  tonique,  par  D  le  temps  pendant 
lequel  le  courant  passe,  on  peut  établir  ainsi  les  réactions 
d'un  nerf  sain  avec  trois  courants  d'intensité  croissante. 
Le  signe  —  indique  qu'il  n'y  a  aucune  réaction  observée. 


1er  degré 

2"  de2;ré 

3«  degré 

KaFS 

KaFS^ 

KaFïe 

KaD  — 

KaD  — 

KaDTe 

KaO- 

KaO- 

KaOS 

AnF  — 

AnFS 

AnFS 

AnD-^ 

AnD  — 

AnD  — 

AnO  — 

AnOS 

AnOS^ 

Dans  les  cas  pathologiques,  on  observe  des  variations 
dans  l'excitabilité  des  nerfs  et  des  muscles.  Mais  il  est 
souvent  difficile  de  préciser  cette  variation,  quand  il  s'agit 
d'une  affection  unilatérale.  On  peut  comparer  avec  le  côté^ 
sain  ;  mais,  dans  les  cas  d'affection  bilatérale,  l'observation 
est  plus  difficile  ;  on  peut  alors  avoir  recours  aux  tableaux 
de  Stinzing.  Sur  des  individus  sains,  l'intensité  minima, 


799  -  ELEGTROTHÊRAPIE  —  ÉLECTRUM 

pour  obtenir  une  contraction,  oscille  pour  un  même  nerf 
entre  2  et  6  milliampères. 

L'hyperexcitabilité  s'observe  dans  les  hémiplégies  ré- 
centes, les  myélites  aiguës,  le  tabès,  le  début  des  para- 
lysies rhumatismales  et  traumatiques  ;  la  diminution  de 
l'excitabilité,  beaucoup  plus  fréquente,  est  souvent  pré- 
cédée d'une  hyperexcitabilité  passagère.  Mais  ces  données 
sont  toujours  bien  peu  précises;  les  variations  de  résis- 
tance de  l'épiderme  sont  de  telles  valeurs  qu'elles  ne  per- 
mettent pas  d'accorder  une  confiance  suffisante  à  toutes 
les  observations  de  variations  d'excitabilité;  il  n'en  est 
pas  de  même  des  modifications  qualitatives  et  notamment 
en  ce  qui  concerne  la  réaction  de  dégénérescence  :  DR. 
Cette  réaction  de  dégénérescence,  indice  de  troubles  his- 
tologiques  des  tissus,  est  caractérisée  par  la  diminution  et 
la  perte  de  l'excitabihté  faradique  et  galvanique  des  nerfs 
et  de  l'excitabilité  faradique  des  muscles,  tandis  que  l'ex- 
citabilité galvanique  de  ces  derniers  reste  stationnaire  ou 
subit  des  variations  quantitatives  bien  déterminées. 

Dès  le  début  de  la  paralysie,  il  existe  pour  le  nerf  un 
abaissement  progressif  et  symétrique  tant  de  l'excitabilité 
faradique  que  de  la  galvanique,  diminution  que  l'on  cons- 
tate par  la  nécessité  d'employer  des  courants  plus  intenses 
pour  obtenir  le  minimum  d'excitation,  et  par  la  faiblesse 
de  la  contraction  avec  des  courants  maximum.  Puis  Texci- 
tabilité  du  nerf  disparaît  complètement  aux  deux  modes 
d'électrisation,  bien  que  la  conductibilité  pour  les  excita- 
tions volontaires  puisse  persister.  L'excitabilité  faradique 
diminue,  puis  disparaît  dans  le  muscle,  mais  l'excitabifité 
galvanique  après  avoir  diminué,  augmente  ensuite  et  dé- 
passe la  normale  ;  en  même  temps  la  courbe  de  contraction 
devient  caractéristique  ;  au  lieu  de  la  contraction,  courte, 
rapide,  on  observe  une  contraction  paresseuse,  se  trans- 
formant en  tétanos  pendant  la  durée  du  courant.  Cette 
courbe  est  le  critérium  de  la  DR.  En  outre,  on  constate 
que  la  fermeture  à  l'anode  donne  une  contraction  même 
avec  un  courant  faible,  que  cette  contraction  est  plus  vive 
pour  une  même  intensité  que  la  fermeture  à  la  cathode.  En 
employant  la'  notation  usuelle,  la  DR  peut  donc  au  mo- 
ment de  l'acmé  se  définir  ainsi:  AnFS >  KaFS.  AnFTe. 
La  réaction  de  dégénérescence  permet  de  diagnostiquer 
une  altération  histologique  des  nerfs  ou  de  la  substance 
médullaire  (centres  trophiques).  Pour  Erb,  elle  suffirait  pour 
éliminer  avec  certitude  toute  affection  cérébrale  propre- 
ment dite.  Elle  aggrave  généralement  le  pronostic,  les 
chances  de  guérison  étant  d'autant  plus  faibles  quola  réac- 
tion de  dégénérescence  est  plus  développée  et  plus  com- 
plète. D"^  J.-P.  Langlois. 

BiBL.  :  DucHENNE  DE  BOULOGNE,  VElectrophysiologie 
des  mouvements,  ISbl.  —  L'Electi^isation  localisée^  1856. — 
Remak,  Galvanotherapie  der Nerven  und  Muskeln-Krank' 
heiten,  1858.  —  Tripier,  Electrothérapie,  1861.  —  Onimus 
et  Legros,  Bardet,  Erb,  Morgan,  Traité  dElectro thé- 
rapie. —  Larat,  Électrogynécologie.  —  Apostoli,  Du 
Traitement  électrique  dès  métrites,  1888.  —  Brivois, 
Manuel  dElectroth.  gynécologique.  —  Grandin-Cunning, 
Electricity  in  gynœcology,  1891.  —  L'Electrothérapie, 
dans  Revue  internationale  d'Electrothérapie. 

ÉLECTROTYPIE  (V.  Clichage,  t.  XI,  p,  674). 

ÉLECTRUM.  I.  Chimie  (V.  Asèm,  t.  IV,  p.  83). 

IL  Numismatique.  — La  tradition  qui  attribue  aux  Lydiens 
l'invention  de  la  monnaie  vers  l'an  700  avant  notre  ère, 
paraît  confirmée  par  l'existence  de  monnaies  archaïques  en 
électrum,  frappées  dans  l'Asie  Mineure  occidentale,  et  qui 
rivahsent,  comme  antiquité,  avec  les  plus  anciens  statères 
d'argent  de  l'île  d'Egine  (V.  ce  mot).  L'électrum  métallique 
avec  lequel  sont  fabriquées  ces  espèces  primitives  est  appelé 
or  blanc  (xp'^^o?  Xsuxo;)  par  Hérodote  ;  c'était  un  alliage 
naturel  d'or  et  d'argent  qui  existait  en  abondance  en  Lydie, 
soit  dans  les  sables  du  Pactole,  soit  dans  les  filons  quart- 
zeux  du  Tmolus  et  du  Sipyle.  Les  plus  anciennes  de  ces 
monnaies,  qu'on  attribue  au  roi  de  Lydie,  Gygès,  sont  de 
simples  lingots  ovoïdes  et  aplatis,  présentant  une  face 
striée,  tandis  que  le  revers  est  occupé  par  un  rectangle 
frappé  en  creux  ;  les  monnaies  des  successeurs  de  Gygès 


ÉLECTRUM  —  ÉLECTUAIRE 


800 


ont  généralement  pour  type  une  tête  de  lion,  jusqu'à  Cré- 
sus  qui  inaugura  en  Lydie  le  monnayage  de  l'or  pur.  Les 
villes  de  la  côte  d'Asie  Mineure  fabriquèrent  aussi  en  grande 
quantité  de  la  monnaie  d'électrum  ;  on  a  de  ces  monnaies 
taillées  d'après  les  étalons  phocaïque,  phénicien,  éginétique, 
euboïque,  suivant  les  usages  locaux.  Bien  que  les  monnaies 
d'électrum  d'Asie  Mineure  soient  presque  toujours  anépi- 
graphes,  leurs  types  permettent  souvent  d'en  reconnaître 
ia  patrie  originaire.  C'est  ainsi  qu'on  en  classe  à  Phocée,  à 
Milet,  à  Cyzique,  à  Ephèse,  à  Mitylène,  à  Méthymne  et  aux 
villes  voisines  ;  mais  un  grand  nombre  de  ces  pièces  sont 
encore  d'attribution  incertaine.  Dans  plusieurs  villes,  le 
monnayage  d'électrum  remonte  jusqu'au  vu*'  siècle  et  per- 
siste concurremment  avec  le  monnayage  d'argent  jusqu'à 
la  conquête  d'Alexandre.  Cyzique  et  l'île  de  Lesbos  sont 
les  ateliers  où  ce  monnayage  fut  le  plus  abondant.  Pendant 
le  cours  du  v«  et  du  iv''  siècle,  il  fit  concurrence  sur  le 
marché  à  la  darique  perse,  et  il  devint,  peut-être  principa- 
lement pour  cette  cause,  très  populaire  dans  le  commerce 
des  côtes  de  la  Grèce,  de  l'Asie  Mineure  et  même  du  Pont- 
EuKin  ;  mais,  quoi  qu'on  en  ait  dit,  les  monnaies  d'élec- 
trum ne  circulaient  pas  pour  de  l'or  pur  et  à  égalité  de 
poids;  dans  des  textes  nombreux,  il  est  vrai,  le  statère 
d'électrum  de  Cyzique  est  donné  comme  l'équivalent  de  la 
darique  d'or  pur,  mais  le  statère  cyzicénien  pèse  lô^^^O, 
tandis  que  la  darique  pèse  seulement  8g^40  (V.  Cyzicène 
et  Darique).  L'électrum  naturel  d'Asie  Mineure  était  d'une 
composition  très  irrégulière  ;  les  analyses  qu'on  en  a  faites 
donnent,  comme  proportion  de  l'argent,  de  20  %  jusqu'à 
50<»/o.  Aussi  l'on  conçoit  que  le  monnayage  d'un  métal  aussi 
incertain  comme  valeur  intrinsèque  ait  été  rapidement 
abandonné  dès  que  commença  à  paraître  la  monnaie  d'or 
pur  et  de  bon  aloi  de  Philippe  de  Macédoine  et  d'Alexandre. 

Outre  l'électrum  naturel  de  Lydie,  il  y  avait  l'électrum 

artificiel,  fabriqué  en  mélangeant"  l'argent  à  l'or,  généra- 
lement dans  la  proportion  d'un  cinquième.  Les  monnaies 
des  rois  du  Bosphore  Cimmérien,  dans  les  trois  premiers 
siècles  de  notre  ère,  sont  d'un  électrum  qui  est  peut-être 
de  fabrication  artificielle  ;  il  en  est  de  mêm>  des  monnaies 
d'électrum  de  Carthage  et  de  Syracuse.  Malgré  ces  nom- 
breux exemples,  l'incertitude  de  l'alliage  fut  la  principale 
cause  qui  fit  que  le  monnayage  d'électrum  fut  toujours 
exceptionnel,  sporadique  pour  ainsi  parler,  même  dans  l'an- 
tiquité hellénique.  Les  Romains  n'y  eurent  jamais  recours, 
non  plus  que  les  peuples  du  moyen  âge  et  des  temps  mo- 
dernes. K-  Babelon. 

BiBL.  :  Barclay  V.  Head,  Electrum  coins  and  their  spé- 
cifie Gravity^  dans  le  Numismatic  Chronicle^  1887,  3°  sér., 
t.  VII. 

ÉLECTUAIRE  (Pharm.).  On  donne  le  nom  à'élec- 
tuaires,  de  confections,  à'opiais  à  des  saccharolés  d'une 
consistance  molle,  composés  de  poudres  unies  à  un  sirop, 
à  un  meUite,  à  du  vin  de  Malaga,  à  des  térébenthines,  etc. 
Ils  ont  une  origine  très  ancienne,  car  ils  ont  été  imaginés 
par  les  médecins  de  l'école  d'Alexandrie,  notamment  par 
Hérophile,  Eudemus,  Manthias,  Apollonius  de  Memphis, 
Zenon  de  Laodicée,  Andréas  de  Cariste,  etc.  Au  lieu  d'ex- 
périmenter sur  chaque  substance  médicamenteuse,  les  mé- 
decins de  Vécole  empirique  associèrent  un  grand  nombre 
de  substances,  dans  l'espoir,  dit  Leclerc,  que  le  médicament 
qui  en  résulte  serait  plus  habile  que  le  médecin  pour  gué- 
rir les  maladies.  Telle  est  l'origine  de  la  polypharmacie, 
dont  les  abus  ont  traversé  les  siècles  pour  arriver  jusqu'à 
nous.  On  comprend  dès  lors  la  vogue  extraordinaire  de  ces 
compositions,  auxquelles  les  anciens  distribuèrent  des  pro- 
priétés et  des  noms  merveilleux  :  électuaires  (electus), 
choisis,  excellents,  formés  de  matières  premières  de  pre- 
mière qualité;  confections  (confectus) ,  médicaments 
accomplis, achevés,  supérieurs  à  tous  les  autres  ;  thériaques, 
Mères,  antidotes,  médicaments  calmants,  qui  guérissent 
les  plaies  et  les  morsures  des  animaux  venimeux.  La  plu- 
part de  ces  compositions,  plus  ou  moins  analogues  à  notre 
thériaque  actuelle,  portaient  des  titres  emphatiques  ;  l'une 


s'appelait  athanasia,  immortelle;  une  autre,  ambrosia^ 
divine;  d'autres,  isotheos,  égala  dieu;  isochryson,  sem- 
blable à  l'or  ;  panacea,  qui  guérit  tous  les  maux  ;  catho- 
licum,  universelle,  etc. 

Pour  comprendre  la  vogue  de  ces  médicaments  galé- 
niques,  il  suffit  de  rappeler  que  les  médecins  attribuaient 
à  chaque  médicament  deux  actions  distinctes  :  une  pro- 
priété curative  et  une  action  nocive  sur  les  tissus,  action 
physique  qu'il  fallait  annuler  par  d'autres  médicaments. 
Le  but  poursuivi  était  par  conséquent  complexe  pour  les 
empiriques  :  i^  augmenter  les  propriétés  du  médicament 
par  la  réunion  d'un  grand  nombre  de  drogues,  afin  de  for- 
mer un  remède  universel  propre  à  guérir  un  grand  nombre 
de  maladies;  2°  combiner  intimement  plusieurs  principes 
médicamenteux  pour  créer  des  médicaments  nouveaux  ; 
3<*  conserver  certaines  substances  altérables,  en  les  asso- 
ciant à  d'autres  corps  capables  de  leur  donner  de  la  sta- 
bilité; 4°  avoir  sous  la  main,  pour  parer  aux  maux  impré- 
vus ou  mal  connus,  des  médicaments  universels. 

Les  découvertes  de  la  chimie  ont  fait  justice  de  toutes 
ces  prétentions.  Les  savants,  depuis  les  immortelles  décou- 
vertes de  Lavoisier,  ont  suivi  en  quelque  sorte  une  marche 
inverse,  s'efforçant  de  dégager  les  principes  actifs  des 
matières  étrangères  auxquelles  ils  sont  naturellement  asso- 
ciés. Ainsi  s'explique  le  discrédit  actuel  de  ces  prépa- 
rations qui  remplissaient  les  formulaires  des  anciens. 
Quelques-unes  cependant  sont  encore  usitées,  comme  la 
thériaque  d'Andromaque,  le  mithridate,  le  diascordium 
(V.  ce  mot)  ;  d'autres  se  préparent  extemporanément  dans  les 
pharmacies,  par  exemple  les  opiats,  électuaires  contenant 
de  l'opium  ;  mais  aujourd'hui  on  applique  plus  particuliè- 
rement le  nom  d'opiat  ou  d'opiate  à  tout  électuaire  fait 
sur  la  prescription  du  médecin. 

Les  règles  générales,  applicables  à  la  confection  des 
électuaires  et  des  opiats,  sont  les  suivantes  :  i^  faire  un 
mélange  exact  de  toutes  les  substances  qui  peuvent  être 
pulvérisées  isolément,  conformément  aux  principes  appli- 
cables à  la  préparation  des  poudres  composées;  2*^  dis- 
soudre ou  tout  au  moins  diviser  dans  l'un  des  excipients  les 
résines,  les  gommes-résines  et  les  extraits  ;  3°  concentrer 
les  sirops  et  les  mellites;  c'est  ainsi  que  dans  le  diascor- 
dium les  13  p.  de  miel  rosat  sont  ramenées  à  10  p.  ; 
4°  faire  du  tout  un  mélange  homogène  :  mêler  d'abord  les 
solutés  d'extraits  avec  les  résines  et  les  gommes-résines, 
ajouter  le  miel  et  les  sirops,  puis  incorporer  les  poudres 
peu  à  peu  ;  ajouter  en  dernier  lieu  les  huiles  essentielles, 
réduites  à  l'état  d'oléo-saccharum. 

Au  moment  de  sa  préparation,  un  électuaire  a  une  con- 
sistance plus  ou  moins  molle,  à  la  manière  d'une  térében- 
thine ;  mais  peu  à  peu,  avec  le  temps,  la  masse  prend  une 
consistance  plus  ferme,  demi-solide.  Baume  a  déterminé 
les  quantités  de  sirop  qui  sont  absorbées  par  les  matériaux 
solides  :  les  poudres  végétales  provenant  des^  bois,  des 
racines,  des  écorces,  des  fleurs,  exigent 3 p.  de  liquide;  les 
résines  et  les  gommes-résines,  1  p.  seulement  ;  les  matières 
minérales,  notamment  les  sels  neutres,  1/2  p.  Il  faut 
encore  tenir  compte  des  réactions  chimiques  qui  s'effectuent 
lentement  au  sein  de  la  masse  organique.  Par  exemple, 
dans  Vopiat  mésentériqiie,  la  limaille  de  fer  s'oxyde  len- 
tement, forme  un  hydrate  qui  absorbe  une  certaine  quan- 
tité d'eau  ;  l'effet  est  encore  plus  marqué  si  on  ajoute  au 
mélange  de  la  crème  de  tartre. 

Les'  actions  chimiques  sont  d'ailleurs  fort  complexes  et 
souvent  obscures.  Indépendamment  des  fermentations  qui 
peuvent  s'établir  par  suite  de  la  présence  de  matières  su- 
crées, associées  à  des  principes  azotés,  plusieurs  réactions 
particulières  peuvent  se  produire.  C'est  ainsi  que,  dans 
l'opiat  fébrifuge  de  Desbois,  le  carbonate  de  ^potassium 
réagit  sur  l'émétique  pour  former  de  l'oxyde  d'antimoine, 
alors  que  les  alcaloïdes  libres  peuvent  s'unir  au  tanin.  La 
présence  de  ce  dernier  principe  dans  la  plupart  des  poudres 
astringentes,  en  présence  des  sels  de  fer,  rend  compte  de 
la  bonne  conservation  de  certains  électuaires,  comme  la 


—  801 


ÉLi^CTUAIRK  —  ÉLÉGIE 


thcriaque  et  le  diascordiuni.  Toutefois,  en  raison  niêmc  de 
leur  nature  complexe,  la  plupart  des  électuaires  finissent 
par  s'altérer  complètement,  presque  tous  contenant  des 
matières  sucrées,  des  glucosides,  du  miel,  de  l'eau,  des 
pulpes,  des  matières  organiques  azotées,  des  substances 
mucilagineuses.  Tel  est  le  cas  du  lénitif,^  du  catholicum^ 
du  diaprun^  du  diaphœnix.  Ceux  qui  renferment  des 
produits  salins,  aromatiques,  astringents,  en  proportions 
suffisantes,  peuvent  se  conserver  deux  ou  trois  ans,  sans 
fermenter  ou  se  couvrir  de  moisissures.       Ed.  Bourgoin. 

ELEDONA.  I.  Entomologie.  —  (Eledona  Latr.).  Genre 
de  Coléoptères,  de  la  famille  des  Ténébrionides  et  du  groupe 
des  Diapérites,  voisin  des  Bolitophagus  (V.  ce  mot),  dont 
il  diffère  surtout  par  les  antennes  terminées  en  massue  et 
par  le  prothorax  non  foliacé,  finement  crénelé  sur  les  bords. 
L'espèce  type,  E,  agaricicola  Herbst,  est  commune  en 
Erance  dans  les  bolets  qui  se  développent  au  pied  des 
arbres.  Ed.  Lef. 

II.  Malacologie.  —  Genre  de  Mollusques  Céphalopodes, 
de  l'ordre  des  Acétabulifères,  établi  par  Leach  en  1817  pour 
un  animal  pourvu  d'un  corps  oblong,  un  peu  étroit,  dé- 
pourvu de  nageoires  ;  huit  bras  réunis  à  leur  base  par  une 
membrane  courte;  le  troisième  à  droite  hectocotilisé,  tous 
munis  d'un  seul  rang  de  cupules.  Type  :  Eledona  moschata 
Lamarck.  Ces  animaux  sont  essentiellement  européens  et 
habitent  la  Méditerranée.  Le  type  de  l'espèce  très  abon- 
dante, connue  depuis  Aristote,  a  reçu  des  habitants  du  lit- 
toral les  différents  noms  suivants  :  à  Naples  c'est  le  Mas- 
cariello  ;  à  Nice  le  Nouscarin  ;  à  Livourne  le  Moscardino  ; 
enfin  les  habitants  de  l'île  de  Sardaigne  le  désignent  sous 
l'appellation  de  Purpu  muscao.  J.  Mab. 

ÉLÉE.  Nom  porté  par  deux  villes  :  4°  Une  ancienne 
ville  grecque  d'Asie  Mineure  (Eolide),  située  à  12  stades 
de  l'embouchure  du  Caïcus,  sur  le  golfe  Elaïtique  ou 
d'Elée.  Elle  aurait  été  fondée  par  Ménesthée  et  par  les 
Athéniens  venus  avec  lui  au  siège  de  Troie.  Elle  était  dis- 
tante de  120  stades  de  Pergame,  à  laquelle  elle  servait 
de  port.  Les  Hottes  des  Romains  et  d'Eumène,  roi  de 
Pergame,  s'y  réunirent  pendant  la  guerre  contre  Antiochus. 
L'emplacement  d'Elée  n'est  pas  exactement  connu  (Strab., 
Xm,  1,  67  ;  m,  o  ;  Tit.  Live,  XXXY,  13  ;  XXXVI,  43  ; 
XXXYII,  18,  37).  —  2<>  Une  ancienne  ville  de  Lucanie 
(Grande-Grèce).  Elle  fut  fondée  par  des  Phocéens  qui 
avaient  abandonné  la  Corse  après  une  victoire  des  Cartha- 
ginois. Elle  était  située  au  pied  du  promontoire  Pahnure, 
à  200  stades  environ  de  Posidonie.  Son  nom  venait  d'une 
fontaine  du  voisinage,  Hyélé,  ou  encore  du  fleuve  Eléès. 
Elée  fut  le  centre  de  l'école  éléate,  et  la  patrie  de  Parmé- 
nide  et  de  Zenon.  Elle  résista  victorieusement  aux  Luca- 
niens  et  aux  Posidoniates.  Les  terres  qui  l'entouraient  étant 
peu  fertiles,  la  principale  industrie  de  ses  habitants  fut  la 
pêche  et  surtout  le  salage  du  poisson.       C.  Ganiayre. 

Ecole  d'Elée. —  Xénophane  de  Colophon  fut  le  fonda- 
teur,- à  Elée,  dans  la  Grande-Grèce,  d'une  école  de  philo- 
sophie qui  tient  une  très  grande  place  dans  l'histoire  de 
la  philosophie.  Les  principaux  représentants  de  cette  école 
furent  Parménide  d'Elée,  Zenon  d'Elée  et  Mélissus  de 
Samos  (V.  ces  noms).  L'idée  commune  à  tous  ces  philo- 
sophes, celle  qui  forme  le  lien  de  l'école,  est  l'idée  de 
l'unité  de  l'Etre.  Ils  introduisirent  dans  le  monde  cette 
idée,  qui  ne  devait  plus  disparaître,  que  l'Etre,  considéré 
en  lui-même,  est  un,  éternel,  indestructible,  immuable. 
En  d'autres  termes,  ce  principe,  aujourd'hui  admis  par  la 
science  moderne,  que  dans  le  monde  rien  ne  se  perd,  que 
rien  ne  se  crée,  que  rien  ne  naît  de  rien  et  que  rien  ne 
retourne  à  rien,  a  été  pour  la  première  fois  affirmé  par 
les  Eléates.  Ce  principe  fut  d'abord  présenté  sous  une  forme 
théologique  (unité  de  Dieu)  par  Xénophane  de  Colophon, 
qui  l'opposa  au  polythéisme  grec.  Il  fut  établi  métaphysi- 
quement  par  Parménide,  et  par  là  ce  philosophe  fut  amené 
à  distinguer  le  monde  physique,  connu  par  les  sens,  do- 
maine de  l'apparence,  du  monde  réel  ou  intelhgible,  connu 
par  la  raison,  objet  de  la  science.  Enfin  Zenon  et  Melis- 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —   XV. 


SUS  enlrepi'ircnt  de  défendiC  dialcctiquement  le  principe 
posé  par  le  maître  et  de  répondre  aux  objections  qu'il  avait 
suscitées  de  toutes  parts  ;  il  s'agissait  notamment  de  prouver 
que  le  monde  sensible,  étant  multiple  et  changeant,  ne 
saurait  avoir  d'existence  réelle.  C'est  pour  soutenir  cette 
polémique  que  Zenon  d'Elée  inventa  ces  arguments  célèbres, 
improprement  nommés  sophismes,  tels  que  V Achille  et  la 
Flèche  qui  vole,  qui  ont  donné  lieu  à  tant  de  discussions 
et  encore  de  nos  jours  (V.  Achille). 

On  s'est  assez  souvent  mépris  sur  le  caractère  propre  de 
l'école  d'Elée.  Elle  n'est  pas  aussi  idéaliste  qu'on  l'a  sou- 
vent dit.  Cet  être,  dont  elle  proclame  l'unité,  est  étendu  : 
c'est  le  monde  ou  la  substance  universelle.  Aristote,  et  il 
semble  que  ce  soit  à  bon  droit,  considère  les  Eléates  comme 
des  physiciens.  Malgré  l'opposition  qu'ils  font  entre  les 
sens  et  la  raison,  on  ne  doit  pas  les  considérer  comme  de 
purs  dialecticiens  ;  la  dialectique  chez  eux  n'est  pas  le 
principe,  mais  le  résultat  de  leurs  opinions  métaphysiques. 
—  L'école  d'Elée  a  exercé  une  grande  influence;  d'après 
Ed.  Zeller,  «  elle  est  le  moment  décisif  de  l'histoire  de 
l'ancienne  spéculation  ».  Toutes  les  grandes  écoles  méca- 
nistes,  celles  d'Empédocle,  d'Anaxagore,  de  Démocrite, 
prirent  pour  point  de  départ  le  principe  posé  par  les  Eléates. 
Ce  n'est  pas  par  un  changement  qualitatif  de  l'être,  mais 
par  des  combinaisons  variables  d'éléments  immuables  que 
tous  ces  systèmes  expliquèrent  le  monde.  Plus  que  per- 
sonne peut-être,  Platon  s'attacha  aux  principes  éléatiques; 
c'est  d'eux  que  procède  directement  la  théorie  des  Idées. 
Enfin,  l'école  de  Mégare,  et  par  elle  une  partie  au  moins 
de  l'école  sceptique,  se  rattache  à  l'enseignement  des  phi- 
losophes d'Elée.  V.  Brochard. 

ÉLÉEN  (Dialecte).  Les  petits  peuples  qui  habitaient  la 
région  comprise  entre  l'Arcadie  à  l'E.,  l'Achaïe  au  N.,  la 
Messénie  au  S.  et  la  mer  Ionienne  à  l'O.,  parlaient  un  dia- 
lecte qui  n'est  pas  sans  analogie  avec  le  dorien,  le  locrien 
et  certains  dialectes  du  N.  de  la  Grèce,  mais  qui  s'en 
distingue  sous  certains  rapports  et  est  avec  raison  considéré 
comme  un  dialecte  spécial.  Il  était  usité  dans  le  pays  qu'on 
appelle  du  nom  général  d'Elide,  et  qui  comprend  en  réalité 
trois  régions  :  lElide  propre  (r]  'AoUf]  "^HXtç),  la  Pisatide 
avec  le  territoire  sacré  d'Olympie,  et  la  Triphylie  ;  dans  cette 
dernière  contrée,  la  langue  semble  avoir  présenté  quelques 
différences  avec  l'élécn  proprement  dit.  Chronologiquement, 
les  monuments  écrits  en  éléen  remontent  jusqu'au  vi^  siècle 
av.  J.-C,  et  se  suivent  d'une  façon  assez  continue  jusqu'à 
la  fin  du  11^  siècle  ;  ce  dialecte  disparaît  alors  des  actes  pu- 
blics et  ne  laisse  plus  de  traces  que  dans  quelques  formules 
et  dans  des  inscriptions  du  temps  des  empereurs,  où  l'on 
cherchait  à  reproduire  les  formes  de  l'ancienne  langue. 
Pendant  longtemps,  l'éléen  ne  fut  connu  que  par  l'inscrip- 
tion n^  11  du  Corpis  inscriptiomim  grœcarum;  mais 
les  fouilles  exécutées  à  Olympie  par  le  gouvernement  alle- 
mand ont  mis  au  jour  d'autres  textes  épigraphiques  qui  ont 
été  réunis  par  Blass  dans  la  Sammlung  de  Collitz  ;  ils 
sont  au  nombre  d'environ  une  trentaine.  En  dehors  de  ces 
monuments,  nous  n'avons  sur  l'éléen  d'autres  renseigne- 
ments que  quelques  notes  des  grammairiens  et  des  géo- 
graphes (Strabon,  Pausanias)  relatives  à  la  prononciation  ; 
des  gloses  d'Hesychius  en  petit  nombre,  et  une  chanson  des 
femmes  éléennes  rapportée  par  Plutarque  (Qiiœst.  grœc, 
36),  où,  d'ailleurs,  il  n'y  a  pas  de  formes  dialectales.  Les 
traits  principaux  de  ce  dialecte,  qui  semble  avoir  subi  à 
différentes  époques  l'influence  des  dialectes  voisins,  sont 
un  emploi  de  l'a  encore  plus  étendu  qu'en  dorien,  l'usage 
du  p  pour  a  à  la  fin  des  mots,  et,  dans  certaines  inscriptions, 
du  C  pour  B  ;  il  paraît  avoir  ignoré  l'esprit  rude  et  conservé 
assez  longtemps  le  digamma,  qu'on  rencontre  parfois  expri- 
mé par  p.  Dans  une"^ colonie  des  Eléens,  à  Erétrie,  le  a 
entre  deux  voyelles  était  également  changé  en  p  (V.  Rho- 
tacisme).  Mondry  Beaudouin. 

BiBL.  :  R.  Meister,  Die  ginechischen  Dialekte;  Gœttin- 
gue,  1889.  t.  II. 

ÉLÉGIE,  l''  En  Grèce  et  à  Rome,  Le  nom  de  la  poésie 

51 


ÉLÉGIE 


—  802  - 


élégiaque  vient  du  mètre  que  les  anciens  lui  ont  généralement 
consacré,  as^o?.  C^est  le  vers  d'ordinaire  appelé  j)en- 
tamètre  et  qui  forme  avec  l'hexamètre  dactylique  le  dis- 
tique élégiaque  (V.  Pentamètre,  Distique).  Quant  au  nom 
lui-même,  l'étymologie  n'en  a  pas  été  scientifiquement  éta- 
blie ;  on  le  fait  venir  le  plus  souvent  de  î  Xe^siv  (dire  hélas  !) 
Cependant  il  semble  préférable  de  lui  donner  une  étymo- 
logie  plus  éloignée  et  de  le  rattacher  à  un  mot  arménien 
$\gnïïmni  roseau,  vu  que  l'élégie  était  primitivement  accom- 
pagnée de  la  flûte,  et  que  cette  forme  de  \ers  émane  cer- 
tainement du  nome  aidédique.  C'est  avec  le  musicien  Cloas 
que  le  nome  de  Télégie  apparaît  dans  l'histoire  littéraire  ; 
d'ailleurs  du  temps  d'Horace  on  en  ignorait  déjà  l'auteur 
(Art  poét.,  71).  Les  vers  élégiaques,  avant  de  célébrer  la 
joie  et  l'amour,  ont-ils  été  dans  l'origine  consacrés  à  la 
mort,  comme  l'indiquerait  l'étymologie  généralement  admise 
et  comme  Horace  le  donne  à  entendre  (Artpoét.,  75)?  Nous 
l'ignorons.  Ce  qui  est  certain,  c'est  que,  dans  les  premiers 
que  nous  connaissions,  on  voit  traités  des  sujets  divers  dont 
le  caractère  commun  est  d'exprimer  les  idées  et  les  senti- 
ments personnels  de  l'auteur,  par  opposition  à  l'hexamètre 
homérique  consacré  aux  récits  héroïques.  Les  plus  anciennes 
élégies  sont  guerrières,  patriotiques,  morales,  sentencieuses, 
et,  si  elles  sont,  comme  on  l'a  dit  souvent,  l'intermédiaire 
entre  la  poésie  épique  et  la  poésie  lyrique,  elles  paraissent 
aussi  tenir  le  milieu,  à  certains  égards,  entre  la  poésie 
épique  et  la  prose  oratoire. 

■  L'auteur  des  plus  anciennes  élégies  qui  nous  soit  connu 
est  Callinos  d'Ephèse,  qui  vivait  dans  les  dernières  années 
du  viii^  siècle  av.  J.-C.  Nous  avons  de  lui  un  fragment,  en 
langue  ionienne  (le  dialecte  de  l'élégie  comme  de  l'épopée), 
qui  n'est  autre  chose  qu'une  exhortation  pleine  d'ardeur 
guerrière  et  d'élévation  morale.  Le  poète  Archiloque  usa  du 
même  mètre  dans  des  écrits  du  même  genre,  et  nous  retrou- 
vons encore  la  même  inspiration  chez  le  fameux  Tyrtée, 
qui  conduisit  à  la  victoire  vers  670  les  Lacédémoniens,  ses 
concitoyens  d'adoption.  Nous  avons  de  lui  trois  élégies  ou 
plutôt  trois  chants  guerriers,  qui  respirent  la  soif  des  com- 
bats, le  mépris  de  la  mort,  la  passion  de  la  gloire  et  l'amour 
de  la  patrie.  Vers  la  fin  du  même  siècle,  le  sage  Solon  com- 
posa des  poèmes  qui  sont  de  véritables  actes  politiques; 
telle  est  l'élégie  sur  Salamine,  par  laquelle  il  osa,  malgré 
une  loi  redoutable,  réveiller  le  sentiment  de  l'honneur  chez 
les  Athéniens  et  les  exhorter  à  reprendre  cette  île.  Dans 
d'autres  fragments  il  leur  reproche  la  lâcheté  qui  les  asser- 
vit, et  leur  prêche  le  respect  d'un  dieu  bienfaisant  qui  pour- 
suit les  coupables  mortels.  Le  caractère  impersonnel  et  sen- 
tencieux de  l'élégie  s'accentue  davantage  encore  dans  les 
écrits  des  poètes  gnomiques,  dont  le  plus  célèbre  estThéo- 
gnis  de  Mégare  (environ  540-500  av.  J.-C). 

Cependant  il  est  un  autre  poète,  célèbre  dans  l'antiquité 
et  que  les  Romains  considéraient  comme  le  créateur  de  la 
véritable  élégie  sentimentale  :  c'est  l'Ionien  Mimnerme,  de 
Colophon,  le  contemporain  de  Solon.  Sans  que  l'élégie  perde 
son  caractère  gnomique,  elle  prend  avec  lui  un  accent  de 
douce  mélancoîie  :  les  réflexions  qu'elle  exprime  concernent 
surtout  les  plaisirs  de  la  vie,  trop  vite  écoulée,  et  la  vieil- 
lesse qui  apporte  les  douleurs  du  corps  et  les  soucis  de  l'âme. 
Au  contraire,  avec  le  philosophe  Xénophane  de  Colophon, 
le  fondateur  de  l'école  éléate,  l'élégie  nous  donne  une  pein- 
ture de  la  joie  qui  règne  dans  les  festins,  sans  cesser  tou- 
tefois de  nous  prêcher  la  modération  et  la  sagesse.  Tous 
ces  traits  se  trouveront  réunis,  avec  d'autres  éléments, 
dans  l'élégie  moderne,  qui  doit  sa  naissance  aux  poètes  de 
l'école  d'Alexandrie.  En  attendant,  réduit  à  un  domaine 
plus  restreint,  par  suite  du  progrès  de  la  prose  et  du  déve- 
loppement de  la  poésie  lyrique  proprement  dite,  le  vers 
élégiaque  fut  consacré,  dans  le  v«  siècle,  presque  exclu- 
sivement aux  épigrammes  :  genre  oîi  s'illustra  surtout  le 
poète  Simonide. 

Ce  sont,  avons-nous  dit,  les  Alexandrins  qui  cultivèrent 
surtout  l'élégie  et  lui  donnèrent  ses  caractères  définitifs. 
L'élégie  en  effet  convenait  on  ne  peut  mieux  à  ce  groupe 


d'écrivains  :  nulle  composition  ne  leur  convenait  plus  que 
ces  tableaux  de  genre  dans  un  cadre  restreint  qui  prêtent  en 
même  temps  à  toutes  les  délicatesses  du  style  et  à  l'éta- 
lage d'une  érudition  subtile.  Voués  à  l'art  pour  l'art,  ils  ne 
sortent  pas  des  sentiments  vulgaires  ni  des  fictions  an- 
tiques; mais  ils  cherchent  à  se  les  rendre  propres  par  le 
fini  de  l'expression  et  par  la  rareté  du  détail.  Les  élégiaques 
de  cette  école  eurent  un  précurseur  dans  Antimaque,  le 
contemporain  de  Platon,  qui  fut  comme  un  Alexandrin  ayant 
l'heure  (V.  Antimaque  et  Alexandrine  [Poésie]).  Parmi  ses 
nombreux  successeurs,  de  l'école  alexandrine,  Philétas, 
Hermésianax,  Phauoclès,  Alexandre  d'Etolie,  Callimaque, 
Euphorion.  Philétas  et  Callimaque  sont  les  plus  illustres; 
ce  sont  ceux  qu'imitent  surtout,  avec  Euphorion,  les  élé- 
giaques latins;  c'est  sur  leurs  traces  que  prétend  marcher 
André  Chénier,  traduisant  Properce  : 

Mânes  de  Callimaque,  ombre  de  Philétas  ! 

Dans  vos  saintes  forets  daignez  guider  mes  pas! 

Quintihen  donne  le  premier  rang  à  Callimaque,  le  second 
à  Philétas,  d'après  l'opinion  générale.  Nous  sommes  mal- 
heureusement forcés  de  nous  en  rapporter  à  ces  jugements 
des  anciens.  Le  temps  ne  nous  a  presque  rien  conservé  de 
Philétas  et  guère  davantage  de  CaUimaque.  Ce  qui  nous 
donne,  mieux  que  de  courts  fragments,  une  idée  de  safaçon 
d'écrire  et  de  composer,  c'est  sa  Chevelure  de  Bérénice, 
traduite  littéralement  par  Catulle.  Ce  poète  est  en  effet  le 
chef  des  Alexandrins  de  Rome.  Avec  ses  amis  Helvius  Cinna 
et  Licinius  Calvus,  il  produisit  ces  petites  épopées  mytho- 
logiques qui  pourraient  aussi  bien  compter  parmi  les  élégies 
si  elles  étaient  écrites  en  distiques;  nous  n'avons  ni  VIo  de 
Calvus,  iii  la  Zmyrna  de  Cinna,  mais  nous  pouvons  juger 
du  genre  par  VEpitlialame  de  Thétis  et  Pétée,  et  VAttis 
de  Catulle,  sans  compter  la  Ciris,  composée  par  un  imita- 
teur de  Catulle  et  de  Virgile.  Bien  que  personne  n'ait  rendu 
avec  plus  d'énergie  et  une  note  plus  personnelle  les  divers 
sentiments  de  l'amour,  comme  il  n'a  fait  que  de  courtes 
pièces  dans  le  genre  erotique,  et  comme  il  y  a  employé  aussi 
des  mètres  différents,  c'est  Cornehus  Gallus  que  les  Latins 
regardent  comme  le  créateur  de  l'élégie  à  Rome.  Ils  avaient 
eu  au  reste  quelques  précurseurs. 

Tout  d'abord,  c'est  Ennius  lui-même  qui  fit  connaître 
le  distique  élégiaque,  com.me  il  introduisit  l'hexamètre  dac- 
tylique. Il  avait  consacré  à  la  mémoire  de  Scipion  l'Africain 
un  éloge  en  distiques,  et  composé  sa  propre  épitaphe  sous 
forme  "d'une  élégie;  un  affranchi  dédie  à  sa  tidèle  épouse 
Aurélia  quatre  distiques  dont  le  dernier  pentamètre  manque. 
Lucilius,  dans  son  vingt-deuxième  Uvre,  consacre  à  un 
de  ses  esclaves  une  épitaphe  en  un  distique,  et  dans  le 
même  livre,  il  parle,  suivant  l'exemple  de  Mimnerne,  en  dis- 
tiques élégiaques,  des  joies  de  l'amour  et  de  la  compagnie. 
C'est  particulièrement  dans  la  courte  épigramme  erotique 
ou  sévère,  satirique  ou  élogieuse,  dans  l'épitaphe  et  l'ins- 
cription des  œuvres  d'art  que  les  poètes  amateurs  du 
vii^  siècle  cultivèrent  le  mètre  élégiaque.  C'est  ainsi  que 
Varron,  dans  l'espèce  d'album  où  il  réunit  sept  cents  images 
d'hommes  illustres,  mit  au  bas  de  ces  portraits  des  inscrip- 
tions en  vers  originaux  ou  traduits,  parmi  lesquels  un 
grand  nombre  de  distiques  élégiaques.  Mais  ce  sont  les 
poètes  de  l'école  de  Catulle  qui  cultivèrent  surtout  cette 
forme  non  seulement  dans  l'épigramme,  mais  encore  dans 
l'exposition  plus  ou  moins  longue  des  sentiments  de  leur 
âme,  et  dans  le  récit  d'histoires  erotiques,  c.-à-d.  dans 
l'élégie  proprement  dite,  définitivement  constituée  par  Gal- 
lus, et  portée  à  son  plus  haut  degré  par  TibuUe,  Properce, 
Ovide.  Cultivée  avec  passion,  non  seulement  par  ces  grands 
écrivains,  mais  par  une  pléiade  de  versificateurs,  elle  deyint 
un  des  titres  de  gloire  les  plus  sérieux  de  la  muse  romaine. 
Combinant  le  sentiment,  l'esprit  et  l'érudition  mytholo- 
gique, usant  d'une  forme  métrique  élégante  et  propre  à 
exprimer  les  impressions  d'une  âme  triste  ou  gaie  aussi 
bien  qu'à  faire  valoir  des  traits  subtiles  et  raffinés,  elle 
parvint  à  la  perfection  ;  elle  s'éleva  au-dessus  de  tout  ce 
que  la  Grèce  avait  produit  de  meilleur  dans  ce  genre,  et 


803  -^ 


ELEGIE 


fournit  des  modèles  bien  des  fois  imités  par  les  litté- 
ratures modernes.  Elle  prit  chez  chacun  de  ces  grands 
poètes  une  physionomie  propre,  que  nous  tâcherons  de 
fairer  essortir  dans  les  articles  qui  leur  seront  consacrés 
(V.  Ovide,  Properce,  Tibulle).  Mais  ses  cadres  res- 
treints et  la  nature  même  des  sujets  traités  devaient  invi- 
ter une  foule  de  médiocrités  à  s'y  essayer.  Autour  des 
maîtres  gravitent  les  poètes  amateurs;  beaucoup  de  noms, 
et  quelques  œuvres  de  rang  inférieur  nous  sont  parve- 
nus, sans  compter  quelques  écrits  apocryphes  du  xv®  ou 
xvi^  siècle.  Parmi  les  contemporains  de  Tibulle,  Pro- 
perce et  Ovide,  nous  nommerons  Valgius  Rufus,  consul 
eh  12  av.  J.-C.;  Codrus,  l'ami  de  Virgile;  Domitius 
Marsus,  puis,  vers  la  fin  du  règne  de  Néron,  Proculus 
et  Alfius  Flavius.  L'élégie  erotique  fut  cultivée  plus  tard 
par  Arruntius  Stella,  ami  de  Stace,  et  par  Sulpicia  à  qui 
on  a  aussi  attribué  les  soixante-dix  hexamètres  sur  l'expul- 
sion des  philosophes  par  Domitien.  Dans  le  iv^ siècle,  Ausone 
écrivit  également  quelques  idylles  en  distiques  ;  et  dans  les 
derniers  temps  même  de  la  littérature  latine,  nous  voyons 
l'élégie  cultivée  non  sans  succès  par  Maximianus.  Dans  cette 
dernière  période,  nous  ne  sommes  pas  surpris  d'ailleurs 
de  voir  le  mètre  élégiaque  donner  lieu  à  toutes  sortes  de 
jeux  d'esprit  puérils,  auxquels  il  se  prête  plus  encore 
que  l'alexandrin.  C'est  alors  qu'on  rencontre  ces  elegi 
echoici  ou  récurrentes^  vers  qu'on  peut  hre  à  rebours. 
La  décadence  ne  saurait  aller  plus  loin  (V.  Anacycliques 
[Vers]).  A.  Waltz. 

2<*  Temps  modernes.  Le  mot  Elégie  n'apparaît  qu'assez 
tard  en  France.  Littré,  s'appuyant  sur  une  phrase  de 
Joachim  du  Bellay  dans  sa  Défense  et  illustration  du 
langage  français^  en  attribue  la  paternité  à  Lazare  de 
Baïf,  père  de  François  de  Baïf,  et  qui  traduisit  lui-même 
en  vers  français  V Electre  de  Sophocle  et  VHécube  d'Eu- 
ripide. Cependant  (communiqué  par  A.  Delboulle),  le  mot 
apparaît  dès  4500  dans  la  Chronique  de  Louis  AT/,  de 
Jean  d'Auton  : 

Par  elegyes^  titres  et  epitaphes, 
et  nous  le  rencontrons  encore,  seize  ans  plus  tard,  dans 
la  Description  du  Temple  de  Venus ^  de  Jean  Le  Maire 
de  Belges  : 

Tout  ce  qui  est  en  livres  ou  en  codes, 
Se  met  avant,  hymnes  et  élégies^ 
Chansons,  motets,  de  cent  tailles  et  modes... 

Qu^entendaient  par  élégie  et  Jean  d'Auton  et  Jean  Le 
Maire  et  Lazare  de  Baïf?  Leurs  textes  ne  nous  l'apprennent 
point.  Mais,  s'il  faut  prendre  le  mot  au  sens  restreint  et 
communément  adopté  dans  les  temps  modernes  de  poème 
inspiré  par  des  inquiétudes  et  des  peines  d'amour,  c'est 
une  évidence  qu'encore  que  ce  mot  apparaisse  seulement 
au  XVI®  siècle  nous  devons  ranger  dans  le  genre  élégiaque, 
ef  dès  les  débuts  de  notre  littérature,  la  majeure  partie 
des  planhs  ou  complaintes,  aubades,  saluts,  estampi- 
das,  cansos  et  autres  subdivisions  de  la  poésie  lyrique 
provençale  du  xii®  au  xiv^  siècle.  Cette  poésie  des  trou- 
badours, si  justement  appelée  par  eux-mêmes  courtoise 
{cortigiana),  s'arrêta  brusquement  sur  la  fin  du  xiii^  siècle, 
après  les  terreurs  de  la  croisade  des  Albigeois.  Mais  il 
semble  bien  qu'elle  avait  déjà  pénétré  au  siècle  précédent 
dans  les  châteaux  de  Bourgogne,  de  Champagne,  de  Flandre 
même,  d'où  par  Quesne  de  Béthune,  Casse  Brûlé,  Thi- 
baut de  Navarre,  etc.,  elle  ne  tarda  point  à  se  répandre 
dans  tout  le  domaine  de  la  langue  d'oïl.  Les  femmes  ne 
laissèrent  pas  que  de  participer  à  ce  mouvement  poé- 
tique :  rappelons  seulement  les  noms  de  la  Dame  dou  Faël, 
de  la  Belle  Doete  de  Troyes,  de  la  duchesse  de  Lorraine 
et  de  Maroie  de  Drignan,  dont  les  plaintes  amoureuses 
nous  touchent  encore  à  distance.  C'est  l'époque  des  raver- 
dies,  des  soîis  d'amour,  des  rotruenges,  des  lais,  à 
laquelle  Guillaume  de  Machault  fait  succéder  bientôt  celle  des 
ballades,  des  triolets,  des  virelais,  etc.  Mais  l'amour  reste 
presque  partout  le  fond  de  ces  petits  poèmes,  et  l'amour 
dolent,  l'amour  «  élégiaque  »,  comme  on  dira  plus  tard. 


C'est  ainsi  qu'on  peut  donner  pour  élégies  bon  nombre  des 
poèmes  à  forme  fixe  de  Froissart,  de  Charles  d'Orléans  et 
de  Villon  lui-même.  N'oublions  point,  en  effet,  que  l'élé- 
gie n'est  point,  métriquement,  un  genre  à  part  dans  les 
temps  modernes  et  qu'elle  se  plie  à  toutes  formes.  Au 
fur  et  à  mesure  que  nous  avancerons  dans  cette  étude, 
nous  la  verrons  se  servir  des  rythmes  les  plus  opposés, 
passer  de  l'alexandrin  à  rimes  plates  aux  combinaisons 
multiples  de  la  strophe.  Ce  qui  la  distingue  seulement  des 
autres  sortes  de  poèmes,  c'est  la  nature  de  son  inspiration, 
bornée  le  plus  souvent  à  l'amour,  et  neuf  fois  sur  dix  à 
l'amour  malheureux.  De  là,  au  reste,  l'acception  qu'a 
prise  le  mot  élégiaque  dans  le  langage  courant.  Et  c'est 
encore  ce  que  confirment  les  vers  bien  connus  de  Boileau  : 

La  plaintive  élégie  en  longs  habits  de  deuil 
Sait  les  cheveux  épars  gémir  sur  un  cercueil. 
Elle  plaint  des  amants  la  joie  et  la  tristesse, 
Flatte,  menace,  irrite,  apaise  une  maîtresse  ; 
Mais  pour  bien  expliquer  ses  caprices  heureux, 
C'est  peu  d'être  poète,  il  faut  être  amoureux. 

André  Chénier  à  son  tour  ne  fera  qu'exprimer  la  même 
idée  quand  il  dira  : 

Mais  la  tendre  élégie  et  sa  grâce  touchante 
M'ont  séduit,  l'élégie  à  la  voix  gémissante, 
Au  ris  mêlé  de  pleurs,  aux  longs  cheveux  épars, 
Belle,  levant  au  ciel  ses  humides  regards. 

Cependant,  il  semble  qu'avec  Jean  Doublet,  Ronsard  et 
Amadys  Jamin  l'élégie  revienne  çà  et  là,  dans  leurs  œuvres, 
à  son  sens  antique  de  poème  inspiré  par  des  douleurs  per- 
sonnelles ou  générales  autres  que  l'amour  :  telle  la  fameuse 
élégie  intitulée  Imprécation  aux  bûcherons  de  la  foréb 
de  Gastine.  Mais  dans  ses  sonnets  dits  élégiaques,  et  où  il 
subit  visiblement  l'influence  de  Pétrarque,  c'est  à  sa  seule 
mélancolie  amoureuse  que  Ronsard  se  laisse  aller.  Cette 
mélancolie,  un  peu  factice,  semble-t-il,  chez  le  maître  de 
chœur  de  la  Pléiade,  nous  touche  davantage  dans  les  trois 
élégies  que  nous  avons  de  Louise  Labé  :  c'est  l'amour 
comme  l'entendaient  déjà  la  Dame  dou  Faël  et  Maroie  de 
Drignan,  emporté,   capricieux  et  irrésistible.  Desportes, 
dont  toute  l'œuvre  n'est  presque  qu'une  longue  élégie,  n'a 
ni  cette  sincérité  ni  cette  flamme  de  passion  :  il  raffine  sur 
les  moindres  sentiments,  se  plaît  aux  concetti  et  aux  jeux 
bizarres  de  la  rime.  Bertaut,  qu'un  vers  de  Boileau  rend 
inséparable  du  précédent  et  que  sa  qualité  d'évêque  semblait 
devoir  préserver  d'un  sort  analogue,  a  pourtant  cédé  lui 
aussi  au  besoin  tout  platonique  de  célébrer  les  mérites  et 
de  déplorer  les  cruautés  d'une  dame  qu'il  se  fantaisiait 
en  idée,  disent  ses  contemporains,  et  c'est  pour  expliquer 
tout  de  suite  la  froideur  de  son  œuvre.  Avec  Malherbe  et 
les  poètes  suivants,  l'élégie  redevient  plus  impersonnelle  : 
tout  le  monde  connaît  les  belles  strophes  finales  de  la 
Consolation  à  Duper rier;  on  connaît  moins  la  Consola- 
tion à  Mgr  de  Bellegarde  de  Racan,  où  se  trouvent 
cependant  des  vers  de  premier  ordre.  Rappelons  enfin 
pour  mémoire,  avant  de  passer  au  xviii^  siècle,  les  pièces 
trop  dédaignées  et  d'un  sentiment  parfois  bien  délicat 
de  Théophile,  l'admirable  Elégie  aux  nymphes  de  Vaux 
de  La  Fontaine,  et,  si  l'on  veut,  les  chœurs  de  VEstherde 
Racine,  qui  ne  sont,  à  bien  prendre,  que  des  élégies  dialo- 
guées.  Trois  poètes,  tous  les  trois  de  la  fin  du  xviii®  siècle, 
Gilbert,  André  Chénier  et  Parny,  redonnèrent  un  nouveau 
lustre  à  l'élégie  presque  abandonnée  depuis  La  Fontaine. 
Gilbert  est  surtout  célèbre  par  ses  Adieux  à  la  vie,  dont 
le  vrai  titre  est  Ode  imitée  de  plusieurs  psaumes,  et 
qui  n'est  qu'une  plainte  éloquente  sur  ses  souffrances  per- 
sonnelles. André  Chénier,  tant  dans  ses  pièces  grecques  que 
dans  ses  élégies  proprement  dites,  retrouve  pour  l'expres- 
sion d'une  passion  sensuelle  et  profonde  les  accents  de  la 
muse  ancienne,  et  marie  dans  ses  vers  l'Amour  et  la  Mort. 
Parny  enfin,  erotique  par  manière  et  par  jeu,  ne  laisse  pas 
que  de  rencontrer  lui-même  quelques  accents  d'une  mélan- 
colie touchante  dont  Lamartine  se  souviendra  bientôt.  Les 
Méditations,  qui  parurent  en  1 821 ,  peuvent,  en  effet,  passer 
pour  de  véritables  élégies,  et,  dans  les  autres  recueils  du 


ÉLÉGIE  —  ÉLÉMI 

même  poète,  c'est  encore  la  note  dominante.  Peut-être, 
dans  une   histoire  détaillée  du  mouvement  poétique  au 
xix^^  siècle,  faudrait-il  s'arrêter  davanta-^e  à  quelques  pièces 
de  poètes  mtermediaires,  tels  que  M^-«Dufrenoy,^ontanes, 
Chènedollé,    Mdlevove  surtout,  pièces  que  Sainte-Beuve 
voudrait  voir  «  maintenues,  quoique  déjà  un  peu  passées, 
dans  la  suite  des  tons  et  des  nuances  de  la  poésie  tran- 
çaise».  Elles  expliqueraient  le  caractère  nouveau  que  revêt 
Félé'^ie  au  xix^  siècle,  et  comment  le  sentiment  personnel, 
réservé  jusqu^alors  à  certains  genres  nettement  déterminés, 
les  envahit  tous  les  uns  après  les  autres,  au  W^},f^^ 
détruire  l'individualité  propre.  C'est  ce  qm  rend  si  ditlicile 
et  si  compliquée  l'histoire  de  l'élégie  au  xix«  siècle.  Est-il 
un  poète  de  ce  temps  qu'on  ne  puisse  comprendre  parmi  es 
éléoiaques  ?  N'en  est-ce  point  un  que  le  Hugo  des  Feuilles 
d'automne  et  des  Contemplations  ?  Elégiaques  encore 
le  poète  des  Nuits,  le  poète  à'Eloa  et  jusqu'à  Beranger, 
dans  certames  de  ses  pièces  amoureuses.  Il  y  a  un  elegiaque 
macabre  dans  Baudelaire,  comme  chez  M.  Leconte  de  Lisle 
un  élé'^iaque  nihiliste.  Et  dans  la  note  purement  sentimen- 
tale quels  plus  délicats  modèles  d'élégie  trouver  que  chez 
Héi^ésippe  Moreau,  chez  M^^  Desbordes-Valmore,  M.  Sully- 
Prudhomme,  M.  François  Coppée,  M.  Eugène  Manuel  et 
M.  Paul  Verlaine  ?  C'est  qu'encore  une  fois  l'elegie  ne 
constitue  point  chez  nous  un  genre  à  part  et  d'une  métrique 
déterminée.  On  pourra  s'en  convaincre  en  passant  en  revue 
les  différentes  pièces  que  nous  venons  de  citer.  Tantôt  le 
poète  se  sert  de  l'alexandrin  à  rimes  plates  (Ronsard,  La 
Fontaine,  Théophile   de   Viau,   André  Chénier,  Lamar- 
tine  etc.),  tantôt  de  la  stance  isométrique  (Racine,  Hugo, 
Leconte  de  Lisle,  etc.),  tantôt  de  la  stance  hetérométrique 
(Malherbe,  Gilbert,  etc.),  tantôt  même  du  décasyllabe  ou  de 
l'octosyllabe,  ou  de  tel  autre  mètre  moins  usité  (M«^«  Des- 
hordes-Valmore  et  M.  Paul  Verlaine).  H  suit  également 
que  les  poèmes  dits  à  forme  fixe  peuvent  se  prêter  et  se 
prêtent  effectivement  à  l'expression  des  sentiments  élé- 
siaques  :  ainsi  le  rondel  (Charles  d'Orléans),  la   ballade 
(Villon),  le  sonnet  (Ronsard),  pour  ne  parler  que  des  formes 
les  plus  usitées.  Seul,  Jean  Doublet  essaya  de  constituer 
dans  notre  langue  un  mètre  qui  répondît  au  distique  élé- 
ffiaque  des  Latins  et  en  fit,  comme  chez  eux,  une  manière 
de  poème  à  forme  fixe.  Son  recueil  d'Elégies  (1559)  est 
construit  tout  entier  sur  des  strophes  hétéro  métriques  à 
rimes  croisées,  dont  les  deux  premiers  vers  de  dix  et  les 
deux  autres  de  huit  syllabes.  «  Car,  quant  à  moy,  dit-il 
dans  sa  préface,  voyant  la  façon  vu'gaire  de  nos  vers  estre 
plus  courte  que  l'exametre  et  le  pentamètre,  et  la  dificulte 
de  mesurer  deux  lignes  françoises  capables  de  sentence 
entière  et  parfaite,  ainsi  que  se  trouve  ordinairement  en 
un  disthique  :  je  confesse  que  mes  dois  n'ont  sceu,  pour 
cete   heure,  tordre  fil  plus  propre  à  lier  et  assembler 
fieurs  elégiaques  que  ces  petits  quatreins  de  vers  inégaux.  » 
Mais  l'exemple  de  Jean  Doublet  ne  fut  point  suivi,  comme 
on  l'a  vu.  ,    ,,,,,  .     ,      1 

Nous  n'avons  que  peu  à  dire  de  1  élégie  chez  les  poètes 
modernes  de  l'étranger.  Sur  ces  poètes,  comme  sur  les 
précédents,  au  reste,  on  devra  se  reporter  aux  articles 
spéciaux.  En  Italie,  c'est  Pétrarque,  avec  ses  canzones  et 
ses  sonnets,  où  le  platonisme  de  l'amour  s'érige  en  dogme 
et  se  codifie  à  l'imitation  des  troubadours  provençaux;  puis 
Alamani  {Opère  Toscane)  ;  Bembo  [Gli  Azolani)  ;  Gua- 
rini,  subtil  à  la  fois  et  licencieux  ;  Marini,  dont  le  style 
alambiqué  donna  le  ton  à  nos  précieuses  :  Falicaja,  Fauteur 
du  célèbre  sonnet  à  l'Italie  : 

Italia,  Italia,  o  tu  cui  fe  la  sorte...  ; 
de  nos  jours,  enfin,  Silvio  Pellico  ;  Manzoni  (élégie  In 
Morte  di  Carlo  Imbonati)  et  Leopardi.  —  En  Espagne, 
nous  trouvons  Boscan-Almogaver,  dont  les  sonnets  et  les 
canciones  sont  imités  littéralement  de  Pétrarque  ;  Garci- 
lasso  de  la  Vega,  «  le  roi  do  la  douce  plainte  »,  contem- 
porain de  Boscan  et  comme  lui  imitateur  de  Pétrarque  et 
de  Sannazar  ;  Lope  de  Vega,  plus  personnel,  dégagé  du 
ciilteranismo  à  la  mode,  et  dont  les  élégies  témoignent 


804  — 


d'une  sensibilité  très  délicate.  —En  Allemagne,  Novalis; 
Gœlhe  (Elégie  romaine)  ;  Schiller  {la  Promenade,  Pom- 
péi)  ;  hcohi  {Berceuse  Je  Tilleul  au  cimetière)  et^ienri 
Heine,  chez  qui  l'élégie  |  jrend  un  tour  agressif.  —  En 
Angleterre,  enfin,  Gray  {le  Cimetière  de  village);  Crabbe; 
Young  [les  Nuits)  ;  Keats,  l'André  Chénier  britannique; 
Burns,  et,  de  nos  jours,  Lyron,  Moore,  Shelley,  Tennyson 
{In  memonam)  et  Swinourne.        Charles  Le  Goffic. 

ÉLÉGiSSEMENT  DEi  ponts  (V.  Pont). 

E  LEK.  Petite  ville  de  'longrie,  comitat  d'Arad  ;  6,000 hab. 
La  principale  industrie  est  l'élève  du  bétail. 

ÉLÉMENT.  I.  Mathématiques.—  Synonyme  d'infini- 
ment petit  (V.  aussi  Déterminant).  Un  point  et  un  plan 
passant  par  ce  point  constituent  aussi  ce  que  l'on  appelle 
un  élément  de  l'espace,  quel  que  soit  le  nombre  des  dimen- 
sions de  cet  espace. 

IL  Astronomie.  —  Les  éléments  sont  des  données 
qui  permettent  de  calculer  la  position  d'un  astre  mobile, 
planète  ou  comète,  à  un  instant  quelconque.  Comme  les 
planètes  se  meuvent  suivant  les  lois  de  Kepler,  décrivant 
des  ellipses,  les  éléments  elliptiques  d'une  planète  sont 
au  nombre  de  sept  :  1<*  la  longitude  du  nœud  ascendant, 
ou  l'angle  formé  par  le  rayon  vecteur  qui  va  du  soleil  à 
la  planète  avec  la  ligne  des  équinoxes  ;  2°  l'inclinaison 
du  plan  de  l'orbite  décrite  par  la  planète  sur  l'éclip- 
tique;  S'^  la  longueur  du  demi-grand  axe  de  l'elhpse 
décrite  ou  la  distance  moyenne  de  la  planète  au  soleil; 
4''  l'excentricité  ou  le  rapport  de  la  distance  des  deux 
foyers  au  grand  axe;  5^^  la  longitude  du  périhélie  ou 
l'angle  de  la  ligne  des  nœuds  avec  le  rayon  vecteur  du 
périhélie  ;  6«  l'époque  du  passage  de  la  planète  au  périhélie  ; 

10  enfin  la  révolution  sidérale  de  l'astre  ou  le  moyen  mou- 
vement diurne  de  la  planète.  (Ces  éléments  peuvent  se 
réduire  à  six,  puisque  la  troisième  loi  de  Kepler  dit  que 
les  carrés  des  temps  des  révolutions  sidérales  des  planètes 
autour  du  soleil  sont  proportionnels  aux  cubes  des  demi- 
grands  axes  ou  des  moyennes  distances  au  soleil.)  Les 
comètes  (V.  ce  mot)  décrivent  pour  la  plupart  autour  du 
soleil  des  paraboles,  et  généralement  trois  observations 
sutfisent  pour  déterminer  les  cinq  éléments  paraboliques, 
qui  sont  :  la  longitude  du  nœud  ascendant;  l'inclinaison  du 
Iplan  de  l'orbite  sur  l'écliptique  ;  la  distance  périhélie  ;  la 

ongitude  du  périhélie  ou  l'angle  de  l'axe  de  la  parabole 
avec  la  ligne  des  nœuds;  l'époque  du  passage  au  périhélie. 

11  faut,  de  plus,  indiquer  le  sens  du  mouvement,  qui  est 
direct  ou  rétrograde.  L.  Barré. 

in.  Physique.  —  Elément  de  courant.  C'est  une  por- 
tion de  courant  que  l'on  suppose  assez  petite  pour  que  l'on 
puisse  admettre  que  les  forces  auxquelles  elle  est  soumise 
sont  uniformes  d'intensité  et  de  direction  dans  toute  sa 
longueur.  C'est  une  quantité  que  l'on  a  souvent  à  consi- 
dérer en  électrodynamique  et  en  électromagnétisme. 

Elément  de  pile  (V.  Pile). 

Elément  magnétique  (V.  Feuillets  magnétiques). 

IV.  Chimie.— Elément  chimique  (V.  Chimie,  t.  XI,  p.  o9). 

ÉLÉMENTAIRES  (Math.).  On  est  convenu  d'appeler 
mathématiques  élémentaires  les  parties  les  plus  faciles  des 
mathématiques,  celles  que  l'on  exige  des  candidats  au  bac- 
calauréat. Il  est  assez  difficile  d'établir  une  ligne  de  démar- 
cation rigoureuse  entre  les  mathématiques  élémentaires  et 
celles  que  l'on  pourrait  appeler  supérieures  et  que  l'on 
divise  en  spéciales  et  transcendantes. 

Périodes  élémentaires.  —  Lorsqu'une  fonction  d'une 
variable  possède  deux  périodes,  elle  a  par  cela  même  une 
infinité  de  systèmes  de  deux  périodes  ;  mais  on  peut  tou- 
jours choisir,  et  cela  d'une  infinité  de  manières,  deux  périodes 
dont  toutes  les  autres  soient  des  fonctions  linéaires  homo- 
gènes et  à  coefficients  entiers.  De  telles  périodes  sont  ce  que 
l'on  appelle  des  périodes  élémentaires. 

Contour  élémentaire.—  Synonyme  de  lacet  (V.  ce  mot). 

ÉLÉMI  (Résine).  La  résine  élémi,  connue  dans  les 
pharmacies  sous  le  nom  d'^/é^mi,  est  produite  par  un  arbre 


805  — 


ELEMI  —  ÉLËONORE 


des  Philippines,  que  Banco  a  décrit  en  4  84o  sous  le  nom 
à'Icica  abîlo,  et  que  les  Espagnols  appellent  drbol  ci  brea 
(arbre  à  poix),  parce  que  sa  résine  est  employée  pour  le  cal- 
fatage des  bateaux.—  L'élémi  de  Manille  est  une  substance 
résineuse,  molle,  granuleuse,  ayant  la  consistance  du  vieux 
miel.  Il  est  incolore  à  l'état  frais,  jaunit  avec  le  temps  et 
devient  plus  dur;  son  odeur,  qui  est  forte  et  agréable,  rap- 
pelle à  la  fois  celles  du  citron,  du  fenouil  et  de  la  térében- 
thine. Il  fournit  à  la  distillation  10  ^^/^  d'une  essence  tantôt 
lévogyre  (Deville),  tantôt  dextrogyre  (Hambury)  ;  c'est  un 
térébenthène,  C^^H^^,  incolore  et  doué  d'une  odeur  assez 
agréable.  En  1820,  Maujean  démontra  que  l'élémi  conte- 
nait deux  résines,  Tune  soluble  à  froid  dans  l'alcool,  l'autre 
seulement  soluble  à  chaud  ;  cette  dernière,  qui  cristallise, 
a  été  désignée  parBaup  sous  le  nom  d'amyrine;  elle  fond 
à  171-176°  (H.).  En  abandonnant  une  solution  alcoolique 
de  résine  amorphe  à  l'évaporation,  Baup  a  obtenu  trois 
matières  cristaUines  :  1°  la  bréine, qui  fonda  187°  ;  2«la 
bryoïdine,  corps  soluble  dans  l'eau,  fusible  à  i^^" ;  S^la 
bréidine,  qui  fond  un  peu  au-dessus  de  100°  et  qui  exige 
260  p.  d^eau  pour  se  dissoudre. 

Indépendamment  de  Télémi  de  Manille,  il  existe  dans  le 
commerce  plusieurs  matières  résineuses  qui  portent  le 
même  nom  :  1°  Vélémi  mexicani  ou  de  la  Vera-Cruz, 
résine  d'un  jaune  clair,  cassante,  produite  par  VAmyris 
elemifera;  2<»  Vélémi  du  Brésil^  décrit  en  1658  par  Piso, 
et  produit  par  plusieurs  arbres  appartenant  au  gmvQlcica; 
il  est  ordinairement  jaunâtre,  à  structure  cristalline,  à 
odeur  térébenthineuse  ;  3°  Vélémi  de  Maurice^  fourni  par  le 
Colophonia  mauritiana^  donnant  par  l'alcool  des  cristaux 
qui  ressemblent  à  l'amyrine  ;  4°  le  Luban  Meyeti  ou  Lubaîi 
Matti^  qui  est  Vélémi  oriental  ou  africain  des  anciens 
auteurs,  la  Tacamaque  jaune  huileuse  de  Guibourt  ;  c'est 
Venhœmon  des  Grecs,  la  gomme  d'Ethiopie  de  Dioscoride, 
produite  par  le  Boswellia  Frereana  de  Birdwood.  Il  est 
digne  de  remarque  que  toutes  ces  substances  résineuses 
possèdent  une  composition  très  analogue  et  peuvent  être 
employées  aux  mêmes  usages.  Elles  font  partie  de  quelques 
onguents  et  sont  préconisées  dans  le  traitement  des  plaies. 
D'après  Théophraste,  Pline  et  Dioscoride,  Venhœmon  était 
très  recherché  pour  fabriquer  un  médicament  propre  à 
arrêter  les  hémorragies  et  guérir  les  plaies.     Ed.  Bourgoin. 

ELENCHUS  (Malac).  Genre  de  Mollusques  Gastéro- 
podes, de  l'ordre  des  Prosobranches-Scutibranches,  proposé 
en  1797  par  Humphrey  et  scientifiquement  établi  en  1840 
par  Svvainson  pour  une  coquille  dépourvue  d'ombihc,  de 
forme  conique  allongée;  à  spire  élevée,  aiguë;  à  tours 
aplatis,  très  lisses;  ouverture  ovale-pyriforme,  nacrée  à 
Pintérieur;  bord  externe  épaissi  intérieurement,  le  colu- 
mellaire  muni  d'une  dent  à  sa  base.  Type  :  Elenchus  iris 
Chemnitz.  Sections  :  1°  Thalotia  Gray,  1848.  Coquille 
turriculée  ;  à  tours  de  spire  granuleux  parfois  ornés  de 
stries  spirales  ;' columelle  tuberculeuse  ou  sub tronquée!; 
bord  externe  sillonné  à  l'intérieur.  Exemple  :  Elenchus 
conicus  Gray.  '^^  PhasianotrochusYisher,  1885.  Coquille 
conique  allongée,  à  test  brillant;  bord  columellaire  denté 
en  son  milieu.  Exemple  :  Elenchus  badius  Wood. 
3°  Adentotrochus  Fisher,  1880.  Coquille  conique,  bril- 
lante, dépourvue  d'ombilic,  à  dernier  tour  fortement 
caréné,  à  columelle  tronquée  à  la  base  ;  bord  basai  cré- 
nelé. Exemple  :  Elenchus  chlorostomus  Menke.  Les 
Elenchus  vivent  dans  l'océan  Pacifique,  autour  de  la 
Nouvelle-Zélande  et  de  l'Australie.  J.  Mab. 

ÉLENCOURT.  Com.  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de  Beau- 
vais,  cant.  de  Grandvilliers  ;  102  hab. 

ÉLÉONOREou  ALIÉNOR,  reine  de  France,  puis  reine 
d'Angleterre,  née  vers  1122,  morte  en  1204.  Elle  était 
fillelde  Guillaume  X,  duc  d'Aquitaine,  qui  mourut  à  Com- 
postelle  le  vendredi  saint  de  l'an  1137.  Avant  de  partir, 
ce  prince  avait  légué  ses  Etats  (Aquitaine,  Poitou)  à  sa 
fille  unique  et  l'avait  fiancée  à  Louis,  fils  du  roi  de  France, 
plus  tard  Louis  VII.  L'Aquitaine  jusqu'aux  Pyrénées  fut 
ainsi  ajoutée   aux  domaines  des  Capétiens.  Eléonore  et 


Louis  prirent  part  à  la  croisade  de  1146  ;  la  reine,  pen- 
dant cette  expédition,  donna  à  son  mari  des  sujets  de  mé- 
contentement ;  si  la  tradition  d'après  laquelle  elle  aurait 
été  amoureuse  de  Saladin  est  une  fable  (Saladin  avait  alors 
treize  ans),  il  paraît  prouvé  qu'elle  eut  des  relations  cou- 
pables avec  son  oncle,  Raymond  P^  d'Antioche.  Toutefois 
la  question  du  divorce  ne  fut  soulevée  qu'en  1152.  Un 
concile  tenu  à  Beaugency  sous  la  présidence  de  Samson, 
archevêque  de  Reims,  prononça  la  dissolution  du  mariage 
sous  prétexte  de  consanguinité  (21  mars  1152).  La  reine 
répudiée  ne  devait  pas  manquer  de  prétendants,  étant  la 
plus  riche  héritière  de  la  chrétienté  ;  elle  se  décida  pour 
Henri  Plantagenet,  comte  d'Anjou  et  duc  de  Normandie, 
qui  devint  roi  d'Angleterre  en  1154  (V.  Henri  II).  Eléo- 
nore avait  des  droits  vagues  sur  le  comté  de  Toulouse  ; 
Henri  essaya  de-  les  faire  valoir,  et  ils  furent  en  effet  vir- 
tuellement reconnus  quand  Raymond  V  fit  hommage  à 
Henri  II  et  à  ses  fils  aînés,  à  Limoges,  en  févr.  1173.  La 
reine  aimait  beaucoup  les  nombreux  enfants  qu'elle  eut 
de  Henri  ;  elle  fit  attribuer  à  l'aîné,  Richard,  son  héritage 
personnel  dès  1170,  et  elle  soutint  ses  fils  contrôleur  père 
lors  de  la  grande  rébellion  de  1173;  toutefois  le  roi  s'as- 
sura de  sa  personne  avant  qu'elle  eût  pu  rejoindre  les 
rebelles  et  il  la  maintint  dans  une  sorte  de  demi-captivité 
à  SaHsbury  ou  à  Winchester,  laquelle  dura  seize  ans.  Il 
fut  même  question  d'un  nouveau  divorce,  mais  ce  projet 
n'eut  pas  de  suites.  A  la  mort  de  Henri  II  (6  juil.  1189), 
Eléonore  se  retrouva  libre.  Elle  déploya  alors  beaucoup 
d'énergie  pour  assurer  la  tranquillité  du  règne  de  son  fils, 
Richard  Cœur  de  Lion,  notamment  contre  les  intrigues  de 
son  fils  cadet,  Jean  sans  Terre.  Pendant  la  captivité  de 
Richard  en  Allemagne,  c'est  elle  qui  fut  l'âme  de  la  résis- 
tance nationale  aux  entreprises  de  Philippe  de  France. 
C'est  elle  qui  leva  la  rançon  de  Cœur  de  Lion  ;  c'est  elle  qui, 
en  1194,  la  porta  à  Mayence  ;  c'est  elle,  enfin,  qui  obtint 
de  Richard  qu'il  pardonnât  les  trahisons  de  son  frère  Jean. 
A  quatre-vingts  ans,  elle  fit  encore  un  voyage  en  Castille 
pour  présider  aux  fiançailles  de  Blanche  de  Castille,  sa 
petite-fille,  avec  le  futur  Louis  VIIl.  Elle  se  retira  ensuite 
au  monastère  de  Fontevrault  ;  mais  elle  fut  chassée  de 
cet  asile  pendant  la  guerre  qui  éclata  en  1202  entre  Jean 
sans  Terre  et  Philippe-iVuguste  ;  assiégée  dans  Mirebeau, 
elle  manqua  de  tomber  entre  les  mains  de  Geoffroi  de  Lu- 
signan  et  de  son  petit-fils,  Arthur  de  Bretagne.  Toutefois 
Jean  sans  Terre  la  secourut  à  temps.  Elle  fut  enterrée  à 
Fontevrault.  De  Louis  VII  elle  avait  eu  deux  filles  :  Marie, 
qui  épousa  Henri  de  Champagne;  Alice^  femme  de  Thibaut 
de  Blois.  De  Henri  II  elle  eut  cinq  fils  et  trois  filles  :  Ma- 
ihilde,  femme  de  Henri  de  Saxe  ;  Eléonore^  reine  de  Cas- 
tille ;  Jeanne,  reine  de  Sicile,  puis  comtesse  de  Toulouse. 

Ch.-V.  L. 

ELÉONORE  d'Anjou,  reine  de  Sicile,  fille  de  Charles  II 
d'Anjou,  roi  de  Naples.  Elle  épousa,  en  mai  1302,  le  roi 
de  Sicile  Frédéric  II,  et  mourut  sous  l'habit  franciscain  le 
9  août  1343. 

ELÉONORE  d'Aragon,  reine  de  Portugal,  morte  à 
Tolède  le  19  févr.  1445.  Fille  de  Ferdinand  IV,  roi  d'Ara- 
gon, et  d'Eléonore  d'Albuquerque  de  Castille.  Mariée,  en 
1428,  à  l'infant  Edouard  (V.  ce  nom),  fils  et  successeur 
du  roi  Jean  P^  de  Portugal,  elle  vécut  dans  une  union 
touchante  avec  son  mari  qui,  en  mourant  (1438),  lui  confia 
la  régence  pendant  la  minorité  de  leur  fils  Alphonse  V. 
Mais  les  Etats  du  royaume  en  disposèrent  autrement  ;  la 
reine  n'eut  que  l'éducation  de  l'héritier  du  trône,  et  les 
rênes  du  gouvernement  furent  confiées  à  don  Pedro,  duc  de 
Coïmbre  (V.  ce  nom),  l'un  des  frères  du  roi  Edouard. 
Eléonore,  qui  avait  toujours  détesté  don  Pedro,  engagea 
contre  lui  une  lutte  ouverte,  et  fomenta  plusieurs  mouve- 
ments insurrectionnels,  à  la  suite  desquels,  et  chargée  des 
malédictions  du  peuple,  elle  dut  se  réfugier  en  Castille, 
où  elle  mourut  bientôt  dans  un  état  voisin  de  la  misère. 
On  soupçonna,  non  sans  raison,  le  connétable  Albaro  de 
Luna  de  l'avoir  fait  empoisonner.  G.  P-r. 


ÉLÉONORE  '-^  ^^^ 

ÉLÈONORE  d'Aragon,  reine  de  Navarre,  fille  de  Jean  II 
d'Aragon,  roi  de  Navarre,  et  de  Blanche.  Elle  épousa,  en 
1434  Gaston  IV,  comte  de  Foix,  qui  mourut  en  1472  ;  elle 
devint  reine  de  Navarre  le  19  janv.  1479  et  mourut  à 
Tudela  le  12  févr.  suivant,  laissant  le  royaume  à  son  petit- 
fils,  François-Phébus,  comte  de  Foix. 

ELEONORE  d'Autriche,  reine  de  Portugal,  puis  de 
France,  née  à  Louvain  en  1498,  morte  à  Talavera  le 
18  févr.  1558.  Elle  était  la  sœur  aînée  de  Charles-Qumt,  à  la 
cour  duquel  elle  fut  élevée,  et  qui  la  maria,  en  4  519,  à  Emma- 
nuel ou  Manoël,  le  Grand  et  le  Fortuné,  roi  de  Portugal. 
Après  la  mort  d'Emmanuel  (1521),  Eléonore,  mère  de  deux 
enfants,  dut  épouser  d'abord,  selon  les  plans  de  Charles- 
Quint,  le  connétable  de  Bourbon  ;  mais  ces  plans  changèrent 
après  k  victoire  de  Pavie.  Par  le  traité  de  Cambrai,  l'em- 
pereur stipula  qu'Eléonore  épouserait  le  roi  François  !«% 
veuf  de  Claude.  Eléonore  d'Autriche,  que  Michelet  a  appelée 
«  la  bonne  reine  »,  fut  mariée  au  roi-  de  France  à  l'abbaye 
de  Capsieux,  le  4  juil.  1530.  Elle  fut  très  bien  reçue  à  la 
cour,  mais  François  P'"  la  délaissa  malgré  sa  beauté,  et 
elle  demeura  presque  sans  crédit,  quoi  qu'elle  essayât  pour 
réconcilier  son  époux  avec  son  frère.  Retirée  dans  son  ora- 
toire, elle  se  consolait  par  des  lectures  de  la  Bible.  Elle 
n'eut  pas  d'enfants  de  son  second  mariage.  A  la  mort  de 
François  P"^  (1547),  elle  quitta  la  cour  de  France,  alla 
d'abord  dans  tes  Pays-Bas,  puis  en  Espagne,  à  Talavera, 
en  1556.  Hubert  Thomas  a  donné  des  détails  sur  sa  jeunesse 
dans  ses  Annales  de  vita  Frederici  11  palat. 

ELÉONORE  d'Autriche,  duchesse  de  Mantoue,  née  en 
1534  morte  en  1594.  Elle  était  fille  de  Ferdinand  P^  et 
d'Aniie  de  Hongrie.  Elle  épousa,  en  1561,  Guglielmo  de 
Gonzague,  duc  de  Mantoue.  Elle  en  eut  un  fils,  Vincenzo, 
et  deux  filles,  Anna-Catarina  et  Margarita. 

ELÉONORE  DE  Beaufort,  fille  de  Guillaume-Roger HI, 
comte  de  Beaufort.  Elle  épousa  en  1370  le  sire  de  Beaujeu, 
Edouard  H,  devint  vicomtesse  de  Turenne  en  juin  1417 
et  mourut  à  Pouilly-le-Château  le  18  août  1420. 

ELÉONORE  DE  Castille,  fille  d'Alphonse  VIH  de  Cas- 
tille  et  d'Éléonore  d'Angleterre,  mariée  en  4221  à  Jean  P^ 
d'Aragon  le  Conquistador.  En  1229,  ce  mariage  fut  an- 
nulé pour  cause  de  parenté  à  un  degré  prohibé,  par  un 
concile  provincial  réuni  à  Tarragone  ;  pourtant  l'entant  ne 
de  ce  mariage,  Alphonse,  fut  reconnu  héritier  légitime, 
parce  que  l'union  avait  été  contractée  de  bonne  foi.  Eléonore 
partit  d'Aragon  avec  ce  fils,  alla  vivre  en  Castille  près  de 
la  reine  sa  sœur,  la  grande  Bérengère,  et  après  la  mort 
prématurée  de  son  fils  se  retira  au  monastère  de  Las 
Huelgas.près  deBurgos,  où  elle  mourut  en  1244. E.  Cat. 
ELÉONORE  DE  Castille,  reine  d'Angleterre.  Fille  de 
Ferdinand  Ht  de  Castille  et  héritière,  par  sa  mère,  des 
comtés  de  Ponthieu  et  de  Montreuil,  très  belle,  très  sage, 
elle  épousa  le  futur  Edouard  P^  au  monastère  de  Las 
Huel^asprès  de  Burgos,  enoct.  1254.  Elle  accompagna  son 
maril  la  croisade  de  1270.  Elle  fut  pieuse  et  vertueuse, 
mais  avide,  compromise  dans  des  opérations  usuraires  et 
très  dure,  dit-on,  pour  ses  tenanciers.  Elle  mourut  à  Harby 
(Nottinghamshire)  en  nov.  1290.  Son  corps  fut  transporté  à 
Westminster,  et  l'itinéraire  que  suivit  la  procession  funèbre 
fut  marqué  par  des  croix  célèbres  élevées  à  Lincoln, 
Grantham,  Stamford,  Geddington,  Northampton,  Stony 
Stratford,  Woburn,  Dunstable,  Saint-Albans ,  Waltham, 
West  Cheap,  Charin^  (C/iarmô'  Cross).  La  figure  sculptée 
sur  son  tombeau,  qui  est  très  belle,  passe  pour  l'œuvre  d'un 
artiste  anglais  nommé  William  Torrell.  Ch.-V.  L. 

BiBL.  :  ^Archœologia,  XXIX,  186.  —  English  histoncal 
Review,  avr.  1888. 

ELÉONORE  DE  CASTILLE,  princesse  espagnole,  née  en 
1350,  morte  à  Pampelune  le  5  mars  1416.  Fille  de  Henri  H 
de  Transtamare  et  de  Juana  Manoel  y  Penafiel  de  La  Cerda, 
elle  épousa,  en  1375,  l'infant  de  Navarre,  Charles,  roi 
en  1382  sous  le  nom  de  Charles  Ht,  et  en  eut  quatre  en- 
fants. En  1383,  au  moment  où  son  époux  était  sur  le  point 
d  »  sa  fuiro  couronner  roi,  et  sans  motifs  sérieux,  à  ce  qu'il 


semble,  elle  emmena  ses  enfants  en  Castille  et  refusa  de 
retourner  en  Navarre  pour  y  être  couronnée  avec  Charles  IIÏ. 
Elle  chercha  même  à  brouiller  avec  ce  dernier  son  neveu 
Henri  HI,  roi  de  Castille;  en  1395,  voyant  ses  pensions 
en  ce  pays  réduites  par  suite  de  la  pénurie  du  trésor,  elle 
s'unit  à  quelques  mécontents  et  soutint  un  siège  au  château 
de  Roa  contre  les  troupes  royales.  Abandonnée  par  les 
habitants,  elle  dut  se  rendre,  et, "accompagnée  par  Henri  IH, 
elle  rentra  en  Navarre,  où  son  mari  la  reçut  honorablement. 
Elle  vécut  encore  une  vingtaine  d'années,  tranquille  et  en 
bonne  harmonie  avec  son  époux.  E.  Cat. 

ELÉONORE  DE  Provence,  reine  d'Angleterre,  femme 
de  Henri  HI.  Elle  était  fille  de  Raymond-Bérenger  IV,  comte 
de  Provence,  et  passe  pour  s'être  plu  dès  son  enfance 
à  la  littérature  des  troubadours.  Son  mariage  fut  célébré 
le  14  janv.  1236  à  Canterbury.  Elle  fut  impopulaire  toute 
sa  vie  en  Angleterre  ;  et  l'on  attribua  ce  fait  à  ce  qu'elle 
s'entoura  tout  d'abord  de  gens  de  son  pays.  Son  oncle 
Guillaume,  évêque  élu  de  Valence,  exerça  une  grande  in- 
fluence et  acquit  d'immenses  richesses.  Un  autre  oncle  de 
la  reine,  Boniface  de  Savoie,  fut  désigné  pour  succéder  sur 
le  siège  archiépiscopal  de  Canterbury  au  saint  national, 
Edmond  Rich  (V.  ce  nom).   Elle  était  très  hautaine  et 
très  avide.  Quand  Henri  III  passa  en  Gascogne  (6  août 
1253),  il  lui  confia  toutefois  la  régence  conjointement  avec 
Richard  de  Cornouailles.    Mais  elle  ne  songeait  qu'aux 
siens  :  elle  faisait  envoyer  sous  main  de  l'argent  anglais  à 
son  beau-frère  par  aUiance,  Charles  d'Anjou,  et  à  Thomas  de 
Savoie,  qui  bataillaient  respectivement  dans  le  N.  et  dans 
le  S.  de  l'Italie.  H  semble  qu'elle  ait  approuvé  d'abord 
les  Provisions  d'Oxford,  mais  qu'en  comprenant  mieux  l'at- 
teinte que  ces  provisions  portaient  à  l'arbitraire  royal,  elle 
ait  poussé  ensuite  son  mari  et  son  fils  à  les  dénoncer.  Mal- 
traitée en  1263  par  les  habitants  de  Londres  en  allant  de 
la  Tour  à  Westminster,  elle  fut  bien  mal  vengée  à  la  ba- 
taille de  Lewes  ;  mais  elle  s'enfuit  sur  le  continent  et 
réunit  à  Sluys  une  armée  pour  envahir  l'Angleterre  pen-- 
dant  la  captivité  de  Henri  III.  Quand  les  affaires  de  celui-ci 
furent  rétablies,  elle  revint  dans  l'ile  (29  oct.  1265),  ac- 
compagnée d'un  légat;  pontifical.  Les  bourgeois  de  Londres 
furent  frappés  d'une  amende  de  20,000  marcs  à  son  profit. 
Le  3  juil.  1276,  elle  prit  le  voile  au  monastère  d'Ames- 
bury,  où  elle  mourut  le  25  juin  1291 ,  laissant  des  dettes 
considérables.  C'était  une  femme  énergique,  quoique  d'une 
faible  santé,  et  passionnée  pour  les  intérêts  de  sa  famille 
provençale.  Elle  domina  entièrement  l'esprit  de  son  mari 
et  de  son  fils  Edouard  P%  qui  professa  toujours  pour  elle 
une  vive  affection.  Un  chroniqueur  dit  que  c'est  sur  sa 
prière  qu'Edouard  P^  expulsa  les  juifs  d'Angleterre.  Elle 
eut  de  Henri  III  deux  fils  et  trois  filles  :  Edouard  P^*  Ed- 
mond de  Lancastre  ;  Marguerite,  reine  d'Ecosse  ;  Béa- 
trix,  duchesse  de  Bretagne  ;  Catherine.  On  conserve  au 
Public  Record  Office  de  Londres  un  grand  nombre  de  lettrés 
(plusieurs  sont  encore  inédites),  en  français,  de  cette  reine 
à  ses  amis  du  continent  et  à  son  fils  Edmond.     Ch.-V.  L. 
ELÉONORE  DE  Vermandois,  comtesse  de  Valois,  née 
vers  1152,  morte  après  1219.  Elle  était  fille  de  Raoul  IV, 
comte  de  Vermandois,  et  de  Pétronille  de  Guyenne.  Vers 
1160,  elle  fut  promise  au  fils  du  comte  de  Hainaut,  Gode- 
froi  de  Namur,  qui  mourut  peu  après.  Elle  épousa  alors 
successivement  :  avant  1167,  Guillaume  V,  comte  de  Ne- 
vers,  qui  mourut. en  1168;  en  1171,  Mathieu,  comte  de 
Boulogne,  qui  mourut  en  1173  ;  et  Mathieu  III,  comte  de 
Beaumont-sur-Oise.  Sa   sœur  aînée,  Elisabeth,  qui  avait 
apporté  en  dot  le  Vermandois  et  le  Valois  à  son  mari, 
Philippe  d'Alsace,  comte  de  Flandre,  étant  morte  en  1183, 
Eléonore  revendiqua  sa  succession  ;  elle  fut  soutenue  ptir 
Philippe- Auguste,  qui  comptait  sur  la  stérilité  d'Eléonore 
pour  acquérir  un  jour  les  deux  comtés  par  déshérence.  Le 
comte  de  Flandre  vaincu  dut  reconnaître  les  prétentions  de 
sa  belle-sœur.  Par  le  traité  d'Amiens  de  1184,  suivi  fen 
1191  d'un  accord  définitif,  Eléonore  céda  l'Amiénois  au  roi 
et  garda  le  Valois  et  la  plus  grande  partie  du  Vermandois 


-  807  — 


ÉLÉONORE  —  ÉLÉPHANT 


pour  sa  vie  durant.  Après  la  mort  du  comte  de  Beaumont- 
sur-Oise  en  1208,  Eléonore  épousa  en  quatrièmes  noces 
Etienne  de  Sancerre,  troisième  fils  d'Etienne  I«^  comte  de 
Sancerre.  Elle  mourut  après  4219  sans  postérité.  Avec  elle 
s'éteignit  la  maison  de  Vermandois.  -—  Cette  pieuse  com- 
tesse fonda  l'abbaye  du  Parc-aux-Dames,  à  Crépy.  Il  paraît 
qu'elle  aimait  les  lettres  :  le  Roman  de  Sainte-Geneviève 
fut  composé  à  sa  demande.  Ch.  PETrr-DuTAiLUS. 

BiBL.  :  DouËT  d'Arcq,  Recherches  sur  les  comles  de 
Beaumont- sur-Oise,  pp.  c-ci\,  dans  les  Mémoires  de  la 
Soc.  des  Antiq.  de  Picardie,  doc.  inéd.,  1855,  t.  IV. 

ÉLÉONORE  (Lianor)  Tellez,  reine  de  Portugal,  morte 
au  couvent  de  Tordesillas  (Castille)  en  liOo,  Elle  appar- 
tenait à  l'illustre  famille  de  Meneze,  et  était  fille  deMartim- 
Alfonso  Tellez.  Mariée  avec  Joào-Lourenço  da  Cunlia,  sei- 
gneur de  Pombeiro,  elle  inspira  une  violente  passion  au 
jeune  roi  Ferdinand  (fils  de  Pierre  le  Justicier)  qui  fit  casser 
son  mariage  et  l'épousa  publiquement,  au  couvent  de  Leça 
(1371),  malgré  les  révoltes  et  les  imprécation^  du  peuple. 
D'une  grande  intelligence,  mais  d'une  rare  perfidie,  elle 
cherche  alors  d'un  côté  à  gagner  l'estime  publique  par  des 
bontés  simulées,  et  de  l'autrel  assouvir  sa  vengeance  contre 
les  opposants  à  son  mariage,  et  aussi  à  se  débarrasser  des 
frères  naturels  du  roi,  qui  peuvent  éventuellement  lui 
faire  perdre  le  trône.  Elle  s'arrange  de  façon  à  ce  que  l'un 
d'eux  épouse  secrèlement  sa  sœur,  qui  lui  porte  ombrage, 
la  belle  et  vertueuse  Maria  Tellez,  veuve  de  Alvaro  Dias 
de  Souza,  puis  elle  excite  sa  jalousie  par  des  accusations 
calomnieuses  et  enflamme  son  ambition  en  lui  faisant  entre- 
voir la  possibilité  d'un  mariage  avec  sa  propre  fille,  l'in- 
fante Béatrix  (Brites),  héritière  présomptive  de  la  cou- 
ronne. L'infant  Joâo  assassine  lâchement  son  épouse  et 
est  obligé  de  s'enfuir  en  Castille.  Son  frère  Diniz,  un 
second  fils  d'inez  de  Castro,  est  exilé  pour  lui  avoir 
manqué  de  respect.  Eléonore,  qui  gouverne  le  roi  à  sa 
guise,  le  brouille  avec  la  Castille,  ce  qui  amène  la  guerre, 
et  le  détermine  à  conclure  une  alliance  avec  le  duc  de 
Lancastre,  ce  qui  entraîne  l'intervention  des  Anglais.  A 
l'occasion  de  cette  alliance,  dont  l'intermédiaire  est  Juan- 
Fernandez  de  Andeiro,  émigré  castillan  et  fort  beau  garçon, 
la  reine  contracte  avec  celui-ci  une  liaison  coupable  et  lui 
prodigue  ouvertement  des  faveurs  exagérées.  Elle  devient 
veuve  le  2*2  oct.  1383,  et  s'abstient  d'assister  même 
aux  funérailles  de  son  mari.  L'indignation  du  peuple 
grandit.  Eléonore  prend  la  régence  au  nom  de  sa  fille,  ma- 
riée à  Jean  P%  roi  de  Castille,  qu'elle  veut  faire  recon- 
naître pour,  souverain  du  Portugal,  tout  en  se  crampon- 
nant elle-même  au  pouvoir.  L'effervescence  populaire  est 
à  son  comble.  A  la  tête  du  mouvement  se  met  l'infant 
D.  Joâo,  un  troisième  frère  naturel  du  défunt  roi.  Il  tue, 
presque  sous  les  yeux  d'Eléonore,  son  amant  Andeiro,  et, 
bientôt  après,  se  fait  nommer,  par  le  peuple,  défenseur  et 
régent  du  royaume  (V.  Jean  P^  roi  du  Portugal).  La  reine, 
appuyée  par  la  noblesse,  suscite  une  nouvelle  invasion  des 
troupes  castillanes,  et,  malgré  elle,  se  démet  de  la  régence 
en  faveur  de  son  gendre.  Mais  elle  ne  tarde  pas  à  regretter 
le  trône,  et  elle  fait  proposer  à  Pierre  de  Transtamare  de 
l'épouser,  à  la  condition  de  tuer  le  roi  de  Castille.  Le 
complot  est  découvert,  et  le  roi  Jean,  las  des  perfidies  con- 
tinuelles de  sa  belle-mère,  la  fait  enfermer  au  couvent  de 
Tordesillas,  près  de  Valladolid,  où  elle  meurt  obscuré- 
ment. ^'  Pawlowski. 

ÉLÉOTRAGUE  (V.  Antilope). 

ÉLÉPHANT  (Elephas)A.  Zoologie.  —  Genre  de  Mam- 
mifères Ongulés  qui  représente,  dans  la  nature  actuelle, 
un  type  tout  à  fait  isolé  constituant  à  lui  seul  l'ordre 
ou  sousr-ordre  des  Proboscidiens  et  la  famille  des  Ele- 
phantidœ  qui  comprend,  outre  le  genre  Elephas^  les 
genres  éteints  Mastodon  et  Dinotheriiim,  Les  Eléphants 
diffèrent  de  tous  les  Ongulés  et  même  de  tous  les  Mam- 
mifères par  leur  organisation  très  spéeiahsée  et  leur  grande 
taille.  Ce  sont  les  plus  gros  de  tous  les  animaux  ter- 
restres actuellement  vivants  :  certains  Cétacés  tels  que 


les  Baleines  et  les  Cachalots,  qui  sont  des  animaux  marins^ 
atteignent  seuls  des  dimensions  supérieures.  Les  caractères 
de  la  famille  sont  bien  connus  :  nez  très  allongé,  en  forme 
de  trompe  flexible,  terminé  par  un  lobe  ou  appendice  digi- 
tiforme  préhensile  ;  cou  très  court  ;  membres  en  forme  de 
piliers,  sub-plantigrades,  à  cinq  doigts  enveloppés  d'une 
semelle  épaisse  qui  ne  laisse  voir  au  dehors  que  les  sabots 


Molaires  d'Eléphant  d'Asie  (variété  de  Sumatra),  vues  par 
la   couronne. 

très  petits,  au  nombre  de  cinq  en  avant,  de  quatre  ou 
même  de  trois  seulement  en  arrière.  Corps  court  et  massif. 
La  dentition  est  très  différente  de  celle  des  autres  Ongulés  : 
dans  les  deux  espèces  d'Eléphants  actuellement  vivantes, 
elle  se  compose  d'une  paire  d'incisives  supérieures  à  crois- 
sance continue  développées  en  forme  de  défenses,  et  ordi- 


[Molaires  d'Elépiiaut  d'AMiiue,  vues  par  la  couronne. 

nairement  d'une  seule  paire  de  molaires  dans  chaque  mâ- 
choire, l'inférieure  étant  dépourvue  de  défenses,  de  sorte 
qu'il  ne  paraît  y  avoir  que  six  dents  (deux  incisives  et 
quatre  molaires).  Mais  le  mode  de  remplacement  de  ces 
dents  et  l'étude  de  la  dentition  des  genres  fossiles  prouve 
que  le  système  dentaire  des  Eléphants  est  plus  compliqué 
qu'il  ne  le  semble  au  premier  abord. 

Si  l'on  prend  pour  point  de  départ  la  dentition  du  Dino- 
therium  ou  des  plus  anciens  Mastodontes  qui  s'éloignent 
moins  sous  ce  rapport  des  autres  Ongulés,  on  admettra  avec 
Flower  et  Lydekker  que  la  dentition  complète  du  genre 
Elephas  doit  être  représentée  par  la  formule  suivante  : 
.10  3         3 


i^.c^,  pm3 


m  7T  =  ^Q  dents, 


dont  24  molaires,  et  ces  24  molaires  viennent,  en  cft'et, 
prendre  place  dans  les  mâchoires  de  l'animal,  mais  suc- 
cessivement et  non  pas  en  même  temps,  comme  dans  la 
seconde  dentition  définitive  des  autres  Mammifères.  Ces 
molaires,  qui  sont  des  dents  composées,  très  grandes, 
très  massives  et  très  lourdes,  même  pour  un  animal  de 
cette  taille  dont  la  mâchoire  est  relativement  très  courte, 
ne  se  développent  que  successivement  et  d'avant  en  arrière, 
la  dent  postérieure  perçant  la  gencive  pour  venir  rempla- 
cer la  dent  qui  précède  seulement  lorsque  celle-ci  est  usée 
par  la  mastication.  Ce  remplacement  s'opère  comme  par  un 
mouvement  de  rotation  d'arrière  en  avant  qui  se  produi- 
rait très  lentement  à  mesure  que  chaque  dent  s'use,  de 
sorte  que  si,  comme  nous  l'avons  dit,  il  n'y  a  jamais  plus 
d'une  dent  bien  développée  en  fonction  dans  chaque  mâ- 
choire, on  peut  trouver  cependant  aux  époques  de  transi- 
tion, deux  ou  même  trois  molaires,  en  comptant  la  dent 
antérieure  usée  et  prête  à  tomber  qui  précède  la  dent  valide, 
et  la  jeune  dent  qui  pousse  derrière  elle  prête  à  la  rem- 
placer. Ce  mouvement  de  rotation  est  même  visible  sur  la 
dent  en  fonction  dont  la  couronne  s'use  d'abord  par  son 
bord  antérieur,  tandis  que  le  bord  postérieur  reste  long- 
temps intact  et  ne  s'use  qu'au  moment  où  la  dent  va  tom- 
ber, de  sorte  que  cette  dent  s'use  et  diminue  à  la  fois  en 
longueur  et  en  hauteur. 

Considérée  isolément,  hors  de  son  alvéole,  une  molaire 
d'Eléphant  affecte  la  larme  d'une  sorte  de  pavé  très  élevé 


ÉLÉPHANT 


808  — 


et  très  comprimé  latéralement,  dont  un  quart  au  plus  en 
hauteur,  formant  couronne,  dépasse  la  gencive.  Comme 
celles  de  la  plupart  des  Herbivores  et  des  Rongeurs,  ces 
molaires  sont  à  pulpe  persistante  et  dépourvues  de  véritables 
racines.  La  surface  triturante  de  la  couronne  forme  une 
ellipse  allongée  dans  le  sens  de  la  mâchoire  :  cette  surface 
est  plane,  un  peu  convexe  aux  dents  d'en  haut,  concave 
aux  dents  d'en  bas  ;  toutes  sont  un  peu  concaves  sur  leur 
bord  interne,  convexes  sur  leur  bord  externe ,  présen- 
tant de  légers  sillons  verticaux  indiquant  le  nombre  des 
denticules  ou  plutôt  des  rangées  de  denticules  dont  la  dent 
est  composée.  L'émail,  dont  l'ivoire  ou  dentme  de  chacune 
de  ces  denticules  est  recouvert,  se  montre  à  nu  sur  la  sur- 
face triturante,  où  il  forme  des  ellipses  ou  des  losanges 
irré^uliers  allongés  transversalement  et  que  Ton  appelle 
lames.  Surune^coupe  longitudinale  de  la  dent,  on  voit 
que  la  couche  d'émail  s'enfonce  très  profondément,  ce  qui 
indique  des  denticules  très  élevées  ;  mais  l'intervalle  entre 
ces  denticules  est  complètement  comblé  par  le  cément  qui 
est  très  dur  et  recouvre  également  la  surface  externe  de  la 
dent.  Le  dessin  de  cette  couronne  rappelle  celui  des  molaires 
de  certains  Rongeurs,  notamment  du  Cabiai  (V.  ce  mot). 
Le  nombre  des  lames  ou  ellipses  transversales  augmente 
des  premières  aux  dernières  molaires  :  les  premières  (dents 
de  lait)  n'ont  que  quatre  lames,  les  dernières  (qui  ne  se 
montrent  que  chez  l'animal  très  âgé)  en  ont  jusqu'à  vmgt- 
deux  ou  vingt-trois  ;  mais  il  y  en  a  rarement  plus  de  dix 
ou  douze  en  usage  à  la  fois,''les  autres  (en  avant)  ayant 
disparu  complètement,  les  autres  (en  arrière)  conservant 
encore  leur  émail  intact  et  présentant  l'apparence  de  col- 
lines transversales,  de  petits  mamelons,  jusqu'au  moment 
où  elles  viennent  en  contact  avec  la  dent  correspondante 
de  la  mâchoire  opposée.  Par  suite,  les  arrière-molaires 
durent  plus  longtemps,  et  les  intervalles  de  remplacement 
s'allongent  avec  l'âge.  ^ 

Par  suite  de  ce  mode  de  remplacement  périodique  et  qui 
dure  toute  la  vie,  il  est  très  difficile  de  dire  ce  qu'est  la 
dentition  de  lait  ou  première  dentition  de  l'Eléphant.  Les 
incisives  (défenses)  seules  sont  remplacées  comme  chez  les 
autres  Mammifères  par  celles  que  l'animal  conservera  dé- 
sormais et  qui  s'accroissent  indéfiniment.  Mais  les  molaires, 
comme  nous  l'avons  dit,  se  succèdent  une  à  une  et  non  en 
deux  séries,  comme  chez  les  autres  Mammifères.  Quoi  qu  il 
en  soit,  on  doit  admettre,  conformément  aux  observations 
déjà  anciennes  de  Pallas  et  de  Corse,  qu'il  y  a  seulement 
deux  molaires  de  lait,  et  non  trois,  comme  Owen  1  a  admis, 
par  analogie  avec  ce  que  l'on  constate  chez  les  Masto- 
dontes. Pallas  (vers  1790)  observa  que  le  jeune  Eléphant 
a  d'abord  une  seule  molaire  de  chaque  côté  ;  une  seconde 
se  développe  ensuite  et  pousse  en  avant  la  première,  de 
façon  que,  pendant  un  certain  temps,  il  y  en  a  deux;  puis, 
la  chute  de  la  première  fait  qu'il  n'en  reste  plus  qu'une. 
Corse,  de  son  côté  (1799),  constata  que  le  remplacement 
des  dents  a  lieu  jusqu'à  huit  fois  chez  l'Eléphant  des  Indes, 
ce  qui  fait  deux  molaires  de  lait,  trois  prémolaires  et  trois 
arrière-molaires.  Les  mâchoires  de  très  jeunes  individus 
de    VElephas  primigenius,   trouvées  à   l'état  fossile, 
montrent  aussi  deux  molaires  de  lait  simultanément  en 
place.  La  première  pousse  huit  ou  dix  jours  après  la  nais- 
sance, mais  n'est  complètement  sortie  qu'à  trois  mois  ;  la 
seconde  fonctionne  à  deux  ans,  tombe  à  six  ans,  et  c'est 
alors  que  se  montre  la  dent  que  l'on  doit  considérer  comme 
la  première  prémolaire  et  qui  est  elle-même  remplacée  par 
la  seconde  à  neuf  ans. 

Pour  homologuer  la  dentition  des  Eléphants  et  la  rame- 
ner à  celle  du  Dinothenum  et  des  Mastodontes  où  le  rem- 
placement se  fait  d'une  façon  normale,  Lydekker  admet 
que  chez  l'Eléphant  il  y  a  rétention  de  la  dentition  de  lait, 
et,  par  suite,  disparition  des  prémolaires  (dents  de  rem- 
placement). D'après  lui,  la  première  prémolaire  est,  ici, 
sèrialement  l'homologue  des  deux  suivantes,  et  il  la  désigne 
sous  le  nom  de  deuxième  molaire  de  lait^  :  les  deux 
dents  que  l'on  trouve  simultanément  en  fonction  chez  le 


très  jeune  Eléphant  sont  donc  désignées  par  lui  sous  le  nom 
de  deuxième  et  troisième  molaires,  ce  qui  implique  l'exis- 
tence d'une  première  molaire  rudimentaire  qui  tomberait 
avant  la  naissance.  Par  suite,  le  chiffre  normal  serait  de 


Coupe  verticale  du  crâne  de  l'Eléphant.  —  5,  cavité  céré- 
brale ;  s,  sinus  frontaux  ;  n,  orifice  des  narines  ;  m,  mo- 
laires ;  i,  défense, 

sept  paires  de  molaires,  chiffre  qui  se  rapproche  de  celui 
d'Owen,  qui  admet  trois  molaires  de  lait,  une  prémolaire 
et  trois  arrière-molaires. 

Les  Eléphants  sont  exclusivement  herbivores.  L'estomac 
est  simple,  droit,  mais  vaste,  et  l'intestin  présente  un 
cœcum  d'une  dimension  considérable.  H  n'y  a  pas  de  vési- 
cule biliaire.  Le  cerveau,  bien  que  plus  volumineux  que 
celui  d'aucun  autre  animal  terrestre,  n'occupe  qu'une  place 
relativement  petite  dans  l'énorme  crâne  de  l'Eléphant,  mais 
il  est  pourvu  de  circonvolutions  nombreuses.  Les  testicules 
du  mâle  restent  enfermés  dans  l'abdomen.  La  femelle  porte 
un  utérus  bicorne  et  deux  mamelles  pectorales.  Le  placenta 
est  zonaire  comme  celui  des  Damans  et  des  Carnivores.  Le 
squelette  présente  des  particularités  remarquables  :  le  paral- 
lélisme presque  absolu  des  os  longs  des  membres,  au  bras 
et  à  la  jambe,  dont  les  articulations  sont  à  angle  très  ouvert, 
la  position  verticale  du  bassin  qui  rappelle  la  disposition 
du  membre  postérieur  chez  l'homme,  expliquent  pourquoi 
le  saut  est  presque  impossible  à  l'Eléphant.  La  peau  est 
épaisse,  rugueuse,  plissée  et  nue,  ne  présentant  que  quelques 
poils  clairsemés  ;  la  queue  est  assez  longue,  grêle  et  se 
termine  par  deux  touffes  latérales  de  poils.  Les  oreilles 
sont  larges,  rabattues  sur  les  épaules,  en  forme  d'éventails 
et  mobiles  d'arrière  en  avant  jusqu'à  angle  droit.  Les  yeux 
sont  relativement  petits,  mais  bien  placés  et  expressifs. 

Des  deux  espèces  qui  vivent  encore,  la  mieux  connue 
est  I'Eléphant  d'Asie  {E le phas  indiens),  qui  se  distingue 
par  son  front  concave  avec  deux  bosses  latérales,  ses 
oreilles  plus  petites,  plus  éloignées  l'une  de  l'autre  par 
leur  bord  supérieur.  Il  a  quatre  sabots  aux  pattes  posté- 
rieures, et  les  défenses  de  la  femelle  sont  petites,  droites, 
sortant  à  peine  de  la  bouche.  Les  lames  que  présente  la 
couronne  des  molaires  sont  nombreuses  et  ont  leurs  bords 
parallèles.  C'est  le  sous-genre  Elasmadon  de  F.  Cuvier. 
C'est  la  seule  espèce  qui  soit  domestiquée  à  l'époque  actuelle. 
Elle  habite  toutes  les  grandes  forêts  de  l'Inde  qui  s'étendent 
au  pied  des  monts  Himalaya ,  de  Dehra  Doun  au  Rhoutan 
Teraï,  les  monts  Garo  dans  l'Assam,  quelques  parties  cen- 
trales et  méridionales  de  l'Hindoustan,  la  Birmanie,  Siam, 
la  Cochinchine,  les  îles  de  Ceylan  et  Sumatra.  Elle  a  été 
introduite  à  Bornéo  et  à  Java  et  dans  la  première  de  ces 
îles  elle  est  redevenue  sauvage.  Dans  les  montagnes  du 
Yunnan,  au  N.  de  l'Indo-Chine,  les  Eléphants  se  montrent 
accidentellement  jusqu'à  5,000  pieds  d'élévation  dans  les 
environs  de  Bhamô.  Les  Eléphants  de  Sumatra  forment 


—  809  — 


ÉLÉPHANT 


une  variété  assez  distincte  que  l'on  a  même  considérée 
quelque  temps  comme  une  espèce  distincte  (E.  sumatra- 
nus  Temminck) ,  et  ceux 
de  Geylan  présentent 
aussi  quelques  particu- 
larités comme  la  peti- 
tesse des  défenses,  même 
chez  le  mâle. 

L'Eléphant  d'Afrique 
{Elepfias  africanus)  est 
généralement  plus  grand 
que  son  congénère,  dont 
il  se  distingue  par  son 
front  uniformément 
bombé,  ses  oreilles  très 
grandes,  se  touchant  par 
leur  bord  supérieur,  au- 
dessus  du  cou,  lors- 
qu'elles sont  rabattues 
en  arrière.  Il  n'a  que 
trois  sabots  aux  pattes 
postérieures,  et  les  dé- 
fenses de  la  femelle  sont 
recourbées  et  saillantes 
comme  celles  du  mâle, 

bien  que  généralement  plus  petites  :  celles  du  mâle  atteignent 
jusqu'à  2  et  3  m.  de  long  (y  compris  la  partie  cachée  dans 
l'alvéole).  Ses  molaires  ont  des  lames  relativement  moins 
nombreuses  et  de  forme  losangique.  C'est  le  sous-genre 
Loxodon  de  F.  Cuvier.  On  ne  le  recherche  plus  que  pour 
l'ivoire  de  ses 
défenses.  Il  ha- 
bite toute  l'Afri- 
que au  S.  du 
Sahara,  mais  à 
,  l'époque  ro- 
maine il  habi- 
tait également 
les  régions  boi- 
sées du  N.  de 
l'Afrique,  le  Ma- 
roc, l'Algérie  et 
la  Tunisie.  Ac- 
tuellement ,  0  n 
trouve  l'Elé- 
phant dans  tou- 
tes les  régions 
boisées  du  S.  de 
l'Afrique,  à  TE. 
depuis  le  Taka, 
province  du  Sou- 
dan égyptien 
(parifMat.  N.) 
et  le  Somali;  à 
l'O.,  depuis  le 
Sénégal,  et  de 
là  jusque  dans 
le  N.  delà  colo- 
nie du  Cap,  d'où 

les  progrès  de  la  culture  le  repoussent  peu  à  peu  vers 
l'intérieur  du  continent. 

Les  mœurs  des  deux  espèces  sont  à  peu  de  choses  près 
les  mêmes,  bien  qu'on  les  ait  surtout  étudiées  chez  l'es- 
pèce asiatique.  Les  Eléphants  vivent  en  bandes  plus  ou 
moins  nombreuses  formées  de  douze  à  cent  individus  et 
plus,  tous  de  la  même  famille  et  de  tous  les  âges.  La  nour- 
riture abondante  que  nécessite  un  tel  nombre  de  grands 
animaux  les  force  à  mener  une  vie  errante.  Le  troupeau 
se  déplace  chaque  jour  sous  la  conduite,  paraît-il,  d'une 
vieille  femelle  et  non  d'un  mâle.  L'Eléphant  sauvage  se 
nourrit  surtout  de  feuilles  d'arbres,  qu'il  cueille  en  brisant 
les  jeunes  branches  dont  il  broie  l'écorce  sous  ses  puis- 
santes molaires,  et  il  avale  le  tout,  car  on  trouve  dans  ses 


S(,u3lette  de  T Eléphant  d'Asie. 


ïete  de  TEléj^hant  d'Asie. 


déjections  des  morceaux  de  bois  d'une  dimension  relative- 
ment considérable.  Il  déracine,  en  fouillant  le  sol  avec  ses 

défenses,  les  jeunes  ar- 
bres pour  avoir  à  la  fois 
leur  feuillage  et  leurs 
racines,  et,  lorsqu'il 
mange  de  l'herbe,  c'est 
en  l'arrachant  par 
grosses  touffes  et  se- 
couant la  terre  qui 
adhère  aux  racines  pour 
avaler  le  tout.  Il  faut 
chaque  jour  à  l'Eléphant 
adulte  100  kilogr.  de 
matières  végétales,  et 
l'on  comprend,  d'après 
cela,  qu'une  troupe  un 
peu  nombreuse  ne  peut 
traverser  une  forêt  sans 
laisser  des  traces  de  son 
passage.  C'est  pour  la 
même  raison  que  l'on 
redoute  beaucoup  le  voi- 
sinage des  Eléphants 
dans  les  pays  de  cul- 
ture, car  ils  commettent  des  dégâts  considérables  dans  les 
champs  de  riz  et  surtout  de  cannes  à  sucre,  dont  ils  sont 
très  friands,  mais  dont  le  moindre  semblant  de  clôture  suf- 
fit paur  les  écarter.  En  domesticité,  on  les  nourrit  de  foin, 
de  racines,  de  pain,  de  fruits,  de  riz,  de  sucre  ;  on  leur 

donne  même  du 
vin  et  de  l'eau- 
de-vie  comme 
stimulants  pour 
obtenir  d'eux  un 
travail  long  et 
soutenu.  Dans 
beaucoup  de  fo- 
rêts, les  seules 
routes  pratica- 
bles ont  été  per- 
cées par  les  Elé- 
phants qui  vien- 
nent toujours 
boire  au  même 
endroit,  ordinai- 
rement le  soir  ; 
ces  routes  se  re- 
onnaissent  aux 
branches  bri- 
sées, aux  jeunes 
arbres  déracinés 
dont  elles-  sont 
jonchées.  Les 
Eléphants  re- 
cherchent l'eau 
non  seulement 
pour  boire,  mais 
pour  se  baigner 
et  s'arroser  d'eau  et  même  de  sable  qu'ils  rejettent  sur  leur 
dos  avec  leur  trompe  pour  se  débarrasser  des  parasites  qui 
s'attachent  à  leur  peau.  Ils  emmagasinent  de  l'eau  dans  leur 
estomac  ou  plutôt  dans  une  poche  pharyngienne  dont  l'ou- 
verture est  à  la  base  de  la  langue  (Watson,  Miall  et  Green- 
wood).  C'est  en  plongeant  la  trompe  au  fond  de  la  bouche 
qu'ils  régurgitent  cette  eau  dont  on  les  voit  quelquefois  se 
servir,  dans  les  jardins  zoologiques,  pour  inonder  les  visi- 
teurs qui  abusent  de  leur  patience  en  leur  faisant  trop  long- 
temps attendre  quelque  friandise  offerte  et  retirée  tour  à  tour. 
Les  Eléphants  sauvages  sont  ordinairement  très  timides 
et  très  méfiants,  surtout  dans  les  pays  où  ils  ont  déjà  fait 
connaissance  avec  l'homme,  qui  est  leur  principal  et  mênie 
leur  seul  ennemi,  après  les  mouches,  dont  ils  sont  très 


Tûte  de  TEléphant  d'Afrique. 


ÉLÉPHANT 


—  810  -- 


incommodés.  Ils  ont  continuellement  Toreille  au  guet,  et  le 
moindre  bruit  insolite  suffit  pour  les  mettre  en  fuite.  Ils 
se  précipitent  alors  droit  devant  eux,  renversant  et  bri- 
sant tout  sur  leur  passage.  Leur  allure  habituelle  est  un 
amble  plus  ou  moins  allongé,  mais  qui,  grâce  à  la  longueur 
de  leurs  jambes,  leur  permet  d'aller  aussi  vite  qu'un  cheval 
lancé  au  galop.  La  voix  de  l'Eléphant  est  un  cri  rauque  et 
strident,  lancé  à  travers  le  double  tube  de  la  trompe  comme 
à  travers  un  instrument  de  cuivre  et  qui  imite,  en  effet, 
le  son  du  cor  :  on  peut  dire  que  l'Eléphant  trompette,  bien 
que  le  dictionnaire  de  l'Académie  n'applique  le  verbe  trom- 
peter ({M'k  la  voix  de  l'Aigle  (?).La  femelle  porte  de  vingt 
à  vingt-deux  mois,  et  le  petit,  qui  a  déjà  près  d'un  mètre  de 
haut  en  venant  au  monde,  est  en  état  de  se  tenir  sur  ses 
jambes  et  peut,  dès  le  lendemain,  suivre  la  troupe  à  laquelle 
il  appartient.  Il  tette  directement  avec  la  bouche  en  enrou- 
lant sa  trompe  autour  des  mamelles  de  sa  mère,  et  ne  se  suffit 
guère  à  lui-même  avant  l'âge  de  deux  ans.  La  plus  grande 
taille  que  l'animal  puisse  atteindre  est  de  11  pieds  de  haut. 
Bien  que  Ton  ait  de  nombreux  exemples  d'Eléphants 
s'étant  reproduits  en  captivité,  l'espèce  n'a  jamais  été 
complètement  domestiquée,  et  c'est  parmi  les  Eléphants 
sauvages  que  l'on  va  chercher  les  individus  que  l'on  utilise 
ensuite,  dans  l'Inde,  comme  animaux  domestiques.  C'est  le 
seul  animal  domestique  dont  l'homme  n'ait  pas  complète- 
ment asservi  la  race  en  détruisant,  sauf  de  rares  excep- 
tions, la  souche  sauvage  originelle,  Cette  exception  s'explique 
par  la  croissance  très  lente  de  l'Eléphant,  l'énorme  quan- 
tité de  nourriture  dont  il  a  besoin  et  la  facilité  avec  laquelle 
ilse  laisse  apprivoiser.  Il  est  donc  plus  économique^' de 
laisser  à  la  nature  le  soin  de  son  élevage  et  de  n'enlever 
l'animal  à  sa  forêt  natale  que  lorsqu'il  est  d'âge  à  rendre 
des  services,  c.-à-d.  lorsqu'il  est  à  peu  près  adulte,  vers 
l'âge  de  vingt  ans.  Il  peut  d'ailleurs  vivre  soixante-dix  ans 
et  plus. 

La  chasse  des  Eléphants  est  aujourd'hui  réglementée 
dans  l'Inde  par  le  gouvernement  anglais,  et  c'est  grâce  à 
cette  protection  que  l'espèce  est  encore  représentée  sur  le 
continent,  comme  à  Ceylan,  par  de  nombreux  individus. 
Lorsque  l'on  veut  se  procurer  de  ces  animaux,  on  opère 
de  grandes  battues  dans  les  forêts  qu'ils  habitent  en  pous- 
sant les  Eléphants  vers  un  enclos  formé  de  solides  palis- 
sades et  ouvert  d'un  seul  côté.  Lorsque  tout  le  troupeau, 
ainsi  cerné,  s'est  jeté  de  lui-même  dans  cette  enceinte,  on 
en  ferme  l'ouverture  et  l'on  y  fait  entrer  des  Eléphants  do- 
mestiques spécialement  dressés  dans  ce  but  et  qui,  montés 
et  dirigés  pas  leur  cornac,  savent  avec  une  adresse  et  une 
astuce  véritablement  surprenantes,  aider  à  la  capture  de 
leurs  frères  sauvages.  On  passe  à  ceux-ci  un  nœud  coulant 
qui  leur  serre  solidement  l'un  des  pieds  de  derrière  et  on 
les  attache  solidement  au  tronc  d'un  arbre  :  la  faim  et  les 
privations  font  le  reste,  si  bien  qu'au  bout  de  six  mois 
l'animal  peut  être  monté  et  employé  aux  mêmes  travaux 
que  les  Eléphants  réduits  en  domesticité  depuis  de  longues 
années. 

On  peut  les  dresser  à  tous  les  ouvrages  qui  exigent  à  la 
fois  de  la  force  et  de  l'adresse,  à- porter  des  fardeaux  tels 
que  des  poutres,  à  traîner  des  chariots  ou  même  la  char- 
rue, etc.  Pour  charger  une  poutre,  l'Eléphant  se  sert  de  sa 
trompe  et  place  ce  fardeau  en  équilibre  sur  ses  défenses, 
qui  peuvent  soulever  jusqu'à  500  kilogr.,  mais  non  très 
longtemps.  Sur  le  dos,  un  Eléphant  peut  transporter  de 
1,000  à  1,250  kilogr.  sur  un  parcours  de  12  à  15  lieues. 
Lorsqu'il  doit  transporter  des  voyageurs,  on  place  sur  son 
dos  une  sorte  de  palanquin  solidement  assujetti  par  des 
sangles  et  qui  peut  contenir  deux  ou  trois  personnes 
assises.  Le  cornac  se  place  à  cheval  sur  le  cou  de  l'animal 
et  le  dirige  de  la  voix  en  s'aidant  d'un  aiguillon  fourchu, 
dont  l'une  des  pointes  est  rabattue  en  forme  de  crochet. 
C'est  une  monture  désagréable  en  raison  du  roulis  que  son 
allure  ordinaire,  l'amble,  imprime  au  palanquin.  Cependant 
tous  les  princes  et  les  gens  des  hautes  castes  de  l'Inde  se 
servent  de  cette  monture,  non  seulement  pour  voyager, 


mais  encore  pour  chasser  le  tigre,  un  de  leurs  plus  dan^ 
gereux  divertissements.  La  hauteur  de  cette  monture  donne 
aux  chasseurs  plus  de  sécurité  que  le  dos  d'un  cheval.  A 
Siam,  on  leur  faisait  remplir  le  rôle  du  bourreau  en  écra^ 
saut  sous  leur  lourde  patte  le  corps  des  condamnés  à  mort. 
—  L'Eléphant  nage  fort  bien.  Il  est  surtout  très  utile  pour 
traverser  les  montagnes,  car  son  pied  large  et  sûr  lui  per- 
met de  monter  avec  aisance  ;  la  descente  est  plus  difficile, 
mais  il  en  élude  les  difficultés  en  s'agenouillant  des  pattes 
de  derrière  et  se  laissant  glisser  avec  adresse,  le  ventre 
contre  le  sol,  jusqu'à  ce  que  ses  pattes  de  devant  ren- 
contrent un  appui  sûr.  —  Tous  les  princes  asiatiques, 
ainsi  que  la  Compagnie  anglaise  des  Indes  orientales,  entre- 
tiennent un  grand  nombre  d'Eléphants  dressés.  La  variété 
blanche,  résultat  d'un  albinisme  assez  rare,  est  considérée 
à  Siam  comme  sacrée  :  un  de  ces  animaux  est  attaché 
au  temple  principal,  où  on  le  nourrit  sans  exiger  de  lui 
aucun  travail.  L'Eléphant  joue  d'ailleurs  un  rôle  consi- 
dérable dans  les  légendes  religieuses  de  l'Inde  et,  sur  lès 
monuments,  les  dieux  et  les  héros  sont  souvent  représentés 
avec  une  tête  d'Eléphant. 

L'intelligence  de  l'Eléphant  est  incontestablement  supé- 
rieure ày celle  du  Cheval  et  égale  à  celle  du  Chien.  En 
domesticité,  on  obtient  de  lui,  par  la  voix  et  le  geste, 
presque  tout  ce  qu'on  exige  des  deux  autres  :  l'Eléphant 
est  môme  plus  obéissant,  plus  doux,  plus  réfléchi  et  sur- 
tout moins  vif  et  moins  ombrageux  que  le  Cheval.  Lès 
exercices  qu'il  exécute  dans  les  cirques  et  sur  les  théâtres 
montrent  que  la  lenteur  et  la  prudence  qui  président  à  tous 
ses  mouvements  ne  leur  ôtent  ni  adresse  ni  précision,  et  l'on 
est  étonné  de  ce  qu'on  lui  voit  faire,  malgré  la  lourde  en-- 
veloppe  de  cuir  qui  recouvre  ses  muscles.  La  sensibilité 
exquise  de  l'appendice  digitiforme  de  la  trompe  lui  permet 
de  ramasser  à  terre  les  objets  les  plus  petits,  tels  qu'une 
pièce  de  cinquante  centimes. 

Les  Eléphants  ont  eu  dans  l'histoire  militaire  de  l'anti- 
quité un  rôle  considérable  (V.  ci-dessous  le  §  Histoire). 
Dans  les  temps  modernes,  ces  animaux  ont  été  utilisés  à 
la  guerre,  mais  seulement  pour  porter  des  bagages  et  de 
l'artillerie.  En  1868,  l'armée  anglaise  marchant  contre  le 
roi  d'Abyssinie,  Théodoros,  débarqua  sur  la  côte  occidentale 
de  la  mer  Rouge  quarante-cinq  Eléphants  asiatiques,  qui 
permirent  à  cette  armée  de  transporter  ses  munitions  et 
sa  grosse  artillerie  à  travers  les  montagnes  et  jusque  sur 
le  haut  plateau  où  Théodoros  s'était  retranché  dans  la  for- 
teresse de  Magdala,  —  Actuellement,  l'armée  anglaise  de 
l'Inde  possède  mille  Eléphants  d'artillerie;  chaque  pièce 
est  traînée  par  deux  Eléphants  attelés  en  flèche. 

L'acclimatation  de  l'Eléphant  en  Europe  peut  être  consi- 
dérée comme  résolue  par  l'expérience  faite  dans  tous  nos 
jardins  zoologiques  ;  mais  la  raison  qui  s'oppose  à  l'utili- 
sation de  cette  puissante  force  motrice  en  Occident  n'est  pas 
tant  la  question  de  climat  que  la  question  économique. 
L'énorme  quantité  de  nourriture  nécessaire  à  l'Elépharit, 
ajoutée  aux  frais  de  transport,  rendrait  ce  mode  de  loco- 
motion très  coûteux,  bien  qu'il  soit  incontestable  qu'un 
seul  Eléphant  traînerait  nos  lourds  omnibus  et  nos  tramways 
à  travers  les  rues  encombrées  des  grandes  villes,  avec 
autant  d'aisance  et  beaucoup  plus  de  sécurité  que  trois  ou 
quatre  Chevaux.—  Quoi  qu'il  en  soit,  si  l'espèce  asiatique 
est  aujourd'hui  protégée,  comme  nous  l'avons  dit,  par  les 
lois,  il  n'en  est  pas  de  même  de  l'espèce  africaine,  et  l'on 
doit  déplorer  l'énorme  destruction  que  l'on  fait  chaque 
année  de  celle-ci,  uniquement  pour  se  procurer  l'ivoire  de 
ses  défenses,  car  on  peut  déjà  prévoir  sa  disparition 
prochaine.  Presque  tout  l'ivoire  que  l'on  façonne  actuelle- 
ment en  Europe  provient  d'Afrique  et,  quand  on  saura  que, 
d'après  Sterndale,  la  seule  ville  de  Sheffield,  en.  Angle- 
terre, reçoit  chaque  année  quarante-six  mille  défenses, 
représentant  vingt-trois  mille  Eléphants,  défenses  qui  sont 
transformées  en  manches  de  couteau  ou  objets  analogues, 
on  sera  elfrayé  de  cette  rapide  extermination  atteignant  un 
animal  dont  la  croissance  est  si  lente  et  dont  la  femelle  ne 


-~  811  - 


ELEPHANT 


reproduit  que  tous  les  quatre  ans.  Chacune  de  ces  défenses 
cependant  pèse,  en  moyenne,  30  à  32  kilogr.  Elles  pro- 
viennent soit  des  nègres  qui  tuent  l'Eléphant  à  coups  de 
zagaies  et  vendent  les  défenses  aux  voyageurs,  soit  des 
chasseurs  européens  qui  le  chassent  à  l'aide  de  fusils  de 
gros  calibre  et  rapportent  l'ivoire  sur  leurs  chariots. 
—  L'Eléphant  a  déjà  disparu  du  N.  de  l'Afrique,  où  les 
Egyptiens  et  les  Carthaginois  l'avaient  domestiqué,  comme 
nous  l'avons  dit,  avant  l'ère  chrétienne.  Il  a  disparu  de 
l'Afrique  australe,  où  les  colons  hollandais  et  anglais  n'ont 
pas  su  tirer  parti  de  ses  services,  malgré  l'exemple  des 
anciens  et  de  l'Inde  moderne,  et  n'ont  vu  en  lui  qu'un 
animal  malfaisant  et  bon  à  détruire.  Aujourd'hui  que  les 
nations  européennes  cherchent  à  fonder  des  établissements 
sur  tous  les  points  de  l'Afrique,  il  serait  à  désirer  que  l'on 
reprît  les  essais  de 
domestication  déjà 
faits  sur  cette  es- 
pèce ,  en  lui  appli- 
quant le  régime  qui 
a  toujours  réussi 
dans  l'Inde.  Il  se- 
rait facile  d'utihser 
l'Eléphant  d'Alri- 
que  dans  son  pays 
natal,  comme  force 
motrice,  et  de  le 
dresser  aux  trans- 
ports de  toute  es- 
pèce, en  attendant 
le  jour,  sans  doute 
encore  lointain,  où 
les  chemins  de  fer 
traverseront  le  con- 
tinent  noir.  On 

pourrait,  du  même  coup,  réglementer  la  production  de  l'ivoire, 
qui  n'est  actuellement  que  du  gaspillage,  car  les  procédés 
en  usage  conduisent  fatalement  et  rapidement  à  la  disparition 
complète  de  l'animal  qui  le  produit.        E.  Trouessart. 

IL  Paléontologie.  —  Pendant  toute  la  seconde  moitié  de 
Pépoque  tertiaire  (miocène  supérieur  et  pliocène)  et  pendant 
la  quaternaire,  les  Proboscidiens  ont  été  beaucoup  plus  nom- 
breux que  de  nos  jours  et  ont  peuplé  une  région  beaucoup 
plus  étendue  du  N.  des  deux  continents.  On  peut  dire  qu'à 
cette  époque  et  jusqu'à  l'apparition  de  l'homme,  les  Elé- 
phants ont  été  les  tranquilles  souverains  du  monde,  car, 
alors  comme  aujourd'hui,  il  est  bien  probable  que  les 
grands  Carnassiers  (Lions  et  Tigres)  n'osaient  pas  s'attaquer 
à  ces  puissants  herbivores.  Si  l'on  met  à  part  le  type  aber- 
rant du  Dinotheriiim  (V.  ce  mot),  qui  doit  constituer  une 
sous-familie  à  part,  on  voit  que  les  deux  grands  genres 
Eléphant  et  Mastodonte  n'ont  pas  compté  moins  de  trente 
espèces  aujourd'hui  éteintes  et  qui,  dans  le  pliocène, 
s'étaient  répandues  sur  tout  le  N.  de  l'ancien  continent, 
dans  le  N.  de  l'Afrique  et  en  Asie  jusqu'à  la  région  qui 
forme  aujourd'hui  Parchipel  malais,  puis,  de  là  jusqu'au 
Japon,  jusqu'à  l'Amérique  septentrionale  et  finalement  dans 
l'Amérique  méridionale  jusque  sur  le  territoire  Argentin, 
où  les  Mastodontes  ont  vécu,  dans  le  quaternaire,  beaucoup 
plus  tard  que  dans  le  N.  de  l'ancien  continent.  Le  genre 
Mastodon,  qui  est  contemporain  du  Dinotherium  dans  le 
miocène  moyen,  représente  le  type  primitif  des  Probos- 
cidiens modernes.  Les  Mastodontes  avaient  la  forme  géné- 
rale des  Eléphants,  mais  ils  devaient  être  plus  allongés, 
moins  élevés  sur  jambes  et  munis  probablement  d'mie 
trompe  un  peu  moins  longue.  Leurs  dents  diffèrent  beau- 
coup de  celles  des  Eléphants  actuels  et  ressemblent  à  celles 
des  Tapirs  et  des  Cochons,  bien  qu'elles  aient  déjà  la  forme 
allongée  et  les  denticules  nombreux  qui  caractérisent  les 
molaires  des  Proboscidiens.  En  un  mot,  elles  appartiennent 
au  type  des  Omnivores.  Elles  sont  beaucoup  moins  élevées 
que  celles  des  Eléphants,  et  leur  couronne  présente  des  col- 
lines transversales  de  tubercules  en  forme  de  mamelons 


Squelette  restauré  du  Mastodon  angustidens. 


(d'où  le  nom  de  Mastodonte),  Ces  tubercules  ont  leur  ivoire 
recouvert  d'émail,  mais  il  n'y  a  pas  trace  de  cément  dans 
l'intervalle  des  collines.  En  outre,  le  mode  de  succession 
de  ces  dents  était  normal  :  il  y  avait  trois  molaires  de  lait, 
remplacées  ensuite  par  des  prémolaires  et  des  arrière- 
molaires  qui  n'apparaissent  que  successivement,  comme 
chez  les  Eléphants.  Enfin,  les  Mastodontes  primitifs  avaient 
au  moins  dans  leur  jeune  âge  des  incisives  inférieures  qui, 
chez  certaines  espèces,  persistaient  jusqu'à  l'âge  adulte,  de 
telle  sorte  que  l'animal  avait  quatre  défenses  au  heu  de  deux. 
Tel  était  le  Mastodon  angustidens  du  miocène  moyen 
du  S.  de  la  France,  espèce  dont  les  habitudes  comme  les 
formes  et  la  dentition  devaient  être  assez  différentes  de  celles 
des  Eléphants  actuels.  Il  devait  vivre  dans  les  marais  ou 
au  bord  des  fleuves  dont  il  ne  s'éloignait  guère,  et  se  nour- 
rir de  plantes  et  de 
racines   aquatiques 
comme  le  Tapir  et 
l'Hippopotame. 
Mais  entre  cette 
forme  primitive  et 
les  Eléphants  mo- 
dernes   on   trouve 
tous    les  intermé- 
diaires et  Ton  passe 
par  des  nuances 
insensibles  des  Mas- 
todontes aux  véri- 
tables  Eléphants. 
On  peut  suivre  ainsi, 
en  partant  du  Dino- 
^/imitm  et  des  plus 
anciens  Masto- 
dontes, toute  l'évo- 
lution de  ce  type  : 
bientôt  les  défenses  inférieures  disparaissent  ou  tombent 
avec  les  dents  de  lait,  qu'il  devient  difficile   de   distm- 
guer  des  molaires  définitives  qui  affectent  le  même  mode 
de  succession  que  celles  des  Eléphants.  En  même  temps 
la  dent  s'élève  ou  plutôt  s'enfonce  dans  son  alvéole  et 
s'allonge  dans  le  sens  de  la  mâchoire  ;  les  collmes  de 
sa  couronne  deviennent  plus  nombreuses  et  plus  petites, 
s'usent  plus  rapidement  à  leur  sommet,  et  dans  leur  inter- 
valle se  dépose  une  couche  de  cément  de  plus  en  plus 
épaisse,  qui  comble  enfin  tout  l'intervalle  entre  les  mame- 
lons devenus  confluents  et  constitue  la  molaire  à  couronne 
plane  et  à  lames  transversales  de  l'Eléphant  moderne,  qui 
ne  se  nourrit  plus  déracines  aquatiques  molles  et  juteuses, 
mais  d'herbes  et  de  feuilles  sèches  et  dures.  Le  nombre 
des  mamelons  que  présentent  les  collines  transversales  des 
molaires  chez  les  Mastodontes  est  donc  très  variable  sui- 
vant les  espèces,  et  Falconer  avait  voulu  subdiviser  le  genre 
Mastodon  en  sous-genre  d'après  le  nombre  de  ces  rangées 
de  mamelons ,  d'où  les  noms  de  Tnlof)hodon ,  Tetralo- 
phodon,  Pentalophodon,  Mais  ces  divisions  sont  peu  nattj- 
relles,  d'une  application  difficile  dans  la  pratique,  et  ont  été 
abandonnées  par  les  modernes  dont  la  plupart  prêtèrent 
conserver  au  genre  Mastodon  son  intégrité  primitive. 

Plus  récemment,  Cope  a  proposé  de  diviser  ce  genre  d'après 
la  présence  ou  l'absence  de  la  dentition  de  lait,  comprenant 
les  incisives  inférieures,  et  suivant  que  le  nombre  des  ma- 
melons est  égal  (isomère)  ou  non  aux  molaires  antérieures 
et  postérieures.  Nous  suivrons  cette  classification  en  passant 
en  revue  les  différentes  espèces  dont  nous  indiquerons  en 
même  temps  la  répartition  géographique. 

Le  sous-genre  Tetrabelodon  (Cope)  comprend  les  Mas- 
todontes primitifs  munis  d'incisives  inférieures  et  de  pré- 
molaires :  le  type  est  le  Mast.  angustidens,  dont  nous 
avons  déjà  parle  et  qui  habitait  le  S.  del'Europe  à  l'époque 
du  miocène  moyen.  Des  espèces  plus  ou  moins  voisines  sont 
les  M.  turicensis,  longirostris  et  pente lici  d'Europe; 
M.  palœindicus  et  pandionis  de  l'Inde;  M.  brevidens, 
proavus.productus,  euhypodon,  campester  et serridehs 


ÉLÉPHANT  ^  sn  — 

(ou  floridanus)  de  l'Amérique  du  Nord.  Ge  type  a  vécu 
en  Asie  et  en  Amérique  plus  tard  qu'en  Europe  (jusque 
dans  le  pliocène).  Le  sous-genre  Dibelodon  (Cope)  avait 
encore  des  prémolaires,  mais  pas  d'incisives  inférieures,  au 


moins  chez  l'adulte  ;  d'après  Cope,  toutes  les  espèces  seraient 
américaines  :  M,  Shepardi,  M.  cordillerarum  (ou  a7i- 
dium),  M.  tropicus,  M.  HumboldtiL  II  faut  probablement 
y  ajouter  les  M.  platensis,  M.  argentinus,  M.  superbus 


Restauration   factice  du  Mammouth. 


et  M.  reclus  (Ameghino),  tous  de  la  région  néotropicale 
(Mexique  et  Amérique  méridionale),  où  ils  ont  vécu  depuis 
le  miocène  jusque  dans  ^le  quaternaire  (i¥.  superbus  Ame- 
ghino), époque  où  les  Mastodontes  étaient  depuis  longtemps 
éteints  et  remplacés  par  de  véritables  Eléphants  sur  l'ancien 
continent.  —  Le  sous-genre  Mastodon  proprement  dit  ne 
diffère  des  précédents  que  par  l'absence  (comme  chez  les 
Eléphants)  des  bandes  d'émail  que  ceux-ci  présentent  aux 
défenses  :  il  comprend  les  M.  arvernensis  et  Borsoni 
d'Europe,  M.  sivalensis,  latidens^pundjabiensis  et  Fal- 
coneri  de  l'Inde  et  de  la  Malaisie,  3f.  americanus  et 
miri/icus  de  l'Amérique  du  Nord  :  ce  type  est  de  la  fin  du 
miocène  et  du  pliocène  en  Europe,  en  Asie  et  dans  l'Amé- 
rique du  Nord  ;  dans  ce  dernier  pays,  il  a  été  contemporain 
de  VElephas  primigenius  dans  le  quaternaire.  —  Le  sous- 
genre  Emmenodon  (Cope),  qui  correspond  au  genre  Ste- 
godon  de  Falconer,  comprend  des  espèces  qui  se  rapprochent 
déjà  beaucoup  des  Eléphants  par  la  constitution  de  leurs 
molaires  cémentées  et  dont  les  intermédiaires  sont  hété- 
romères.  On  en  connaît  plusieurs  espèces  du  pliocène 
d'Asie  :  M,  elephantoïdes  (ou  Cliftii)  de  l'Inde  et  du 
Japon,  M,  planifrons  de  l'Inde,  M.  trigonocephalus  et 
i¥.  mindanensis  de  Java  et  des  Philippines.  On  voit  que 
les  Mastodontes  ont  vécu  plus  tard  en  Asie  qu'en  Europe 
et  ont  survécu  plus  longtemps  encore  dans  l'Amérique  du 
Sud.  Même  dans  l'Amérique  du  Nord,  ils  ont  probablement 
survécu  aux  véritables  Eléphants. 

Le  genre  Elephas  que  Cope  ne  subdivise  pas,  n'a  plus 
ni  prémolaires,  ni  incisives  inférieures,  et  comprend, 
outre  les  deux  espèces  vivantes,  les '£.  priscus  ou  E. 
meridionalis^  E.  antiquus  d'Europe  et  ce  dernier  du 
N.  de  l'Afrique;  E.  melitensis,  race  insulaire,  naine 
{poney) ^  propre  à  Malte  et  à  la  Grèce;  E,  bombifrons 
de  l'Inde,  de  la  Chine  et  de  Java,  E.  ganesa^  E.  in- 
signis  de  l'Inde  et  ce  dernier  aussi  du  Japon,  E.  hysu- 


dricus  de  l'Inde  et  de  Java,  E.  namadicus  d'une  grande 
partie  de  l'Asie,  de  Java  et  du  Japon,  toutes  pliocènes 
et  quarternaires,  et  enfin  VE,  primigenius  qui  s'est  éteint 
le  dernier,  longtemps  après  l'apparition  de  l'homme,  et 
qui  s'est  étendu  sur  tout  le  N.  des  deux  continents,  mais 
sans  pénétrer  comme  les  Mastodontes  dans  l'Amérique  du 
Sud.  Les  E.  americanus  et  colombi  ne  sont  que  des 
variétés  américaines  de  cette  espèce,  et  cette  dernière  a 
pénétré  jusqu'au  Mexique.  C'est  elle  qui  se  rapproche  le 
plus  de  l'Eléphant  asiatique,  tandis  que  VE,  priscus  se 
rapproche  de  l'Eléphant  d'Afrique  que  l'on  trouve  aussi  à 
l'état  fossile  en  Algérie  et  dont  on  doit  le  considérer  comme 
proche  parent. 

Si  l'on  peut  suivre  facilement  les  transformations  gra- 
duelles qui  ont  transformé  le  Mastodonte  en  Eléphant,  il  est 
plus  difficile  de  dire  quelle  est  l'origine  du  Mastodonte. 
Pohlig  admet  que  les  Ongulés  et  les  Siréniens  dérivent  d'un 
ancêtre  hypothétique  commun  qu'il  appelle  Protapirus  et 
qui  se  serait  lui-même  subdivisé  en  Hydrotapirus  et 
Hyotapirus,  ce  dernier  étant  l'ancêtre  à  la  fois  aes  Artio- 
dactyles et  des  Eléphants.  Ameghino  admet  sous  le  nom  de 
Pachytheria  un  groupe  supérieur  qui  comprendrait  (1<>)  les 
Chœrodonta  hypothétiques,  sans  trompe,  descendants  des 
Platyarthra  et  ancêtres  des  (2**)  Proproboscidea  à  trompe 
rudimentaire ,  eux-mêmes  ancêtres  des  (3<^)  Proboscidea 
modernes.  Enfin,  Cope  donne  le  tableau  phylogénétique 
ci-après  du  groupe  des  Proboscidiens. 

De  toutes  les  espèces  fossiles,  la  plus  intéressante  est 
VElephas  primigenius ^  contemporain  de  l'homme  primitif 
en  Europe,  comme  le  prouvent  les  figures  nombreuses, 
dessins  et  sculptures,  souvent  gravées  sur  son  propre  ivoire, 
que  l'on  trouve  dans  les  couches  quaternaires  et  les  cavernes 
de  notre  pays.  Une  autre  preuve  de  l'existence  récente  de 
cette  espèce^  désignée  sous  le  nom  vulgaire  de  Mammouth ^ 
nous  est  donnée  par  la  découverte  que  l'on  fait  de  temps  en 


—  813  — 


ÉLÉPHANT 


temps,  en  Sibérie,  de  cadavres  entiers  de  cet  Eléphant, 
conservés  dans  la  glace  avec  la  peau  et  la  chair  encore 

Tableau  phylogénétiqiie  du  groupe  des  Proboscidiens 
Elephas. 


Emmenodon  (Stegodon), 

I 
Mastodon. 


Dibelodon. 


Dinotherium 


Tetrabelodon. 


Proproboscidea  (hypothétiques) . 


intactes.  Ces  cadavres  ontmontré  que  l'animal  était  couvert 
de  longs  poils  formant  crinière  sur  le  dos  et  recouvrant 
d'autres  poils  de  nature  laineuse,  ce  qui  lui  permettait  de 
supporter  les  hivers  du  N.  de  l'Europe  et  de  l'Asie.  Des 
lambeaux  de  cette  toison  sont  conservés  au  musée  de  Saint- 
Pétersbourg  et  ont  servi  de  modèle  pour  des  restaurations 
artificielles  faites  récemment  avec  beaucoup  d'habileté.  Les 
défenses  énormes  et  contournées  en  spirale  abondent  en 
Sibérie  et  sont  exploitées  sous  le  nom  dHvoire  fossile.  La 
taille  du  Mammouth  surpassait  celle  des  plus  grands  Elé- 
phants actuels,  car  il  atteignait  3"^42  au  sommet  du  crâne 
(Gaudry).  M^sàsV Elephas  antiquus  etVE.  meridionalis 
étaient  encore  plus  grands  (4™42),  dimension  qui  n'est  sur- 
passée que  par  celle  du  Dinotherium,      E.  Trouessârt. 

IIL  Histoire  et  Archéologie.  —  L'archéologie  préhisto- 
rique nous  révèle,  dès  l'époque  des  dépôts  quaternaires  les 
plus  anciens,  l'emploi  des  ossements  de  l'éléphant  pour  la 
confection  des  ustensiles  et  des  objets  de  luxe  et  de  parure  que 
l'homme  primitif  savait  déjà  fabriquer.  De  nombreux  osse- 
ments d'éléphants,  remontant  à  cette  période  géologique, 
sont  couverts  de  figures  gravées  à  la  pointe,  parfois  même 
sculptées,  et  l'on  peut  en  voir  de  beaux  spécimens  au  nmsée  de 
Saint-Germain,  recueillis  principalement  dans  les  cavernes 
du  Périgord.  Suivant  certains  paléontologistes,  VElephas 
primigenius  de  ces  dépôts  quaternaires  de  l'Europe  occi- 
dentale, serait  l'ancêtre  de  l'éléphant  des  Indes,  tandis  que 
son  contemporain,  VElephas  meridionalis,  serait  l'ancêtre 
de  l'éléphant  d'Afrique.  Quoiqu'il  en  soit,  les  mammouths 
des  temps  préhistoriques  avaient  disparu  du  centre  et  de 
'occident  de  l'Europe  à  l'époque  où  remontent  les  plus 
lointains  souvenirs  de  notre  civilisation.  Les  anciens,  Grecs 
et  Romains,  n'ont  connu  que  deux  espèces  d'éléphants  : 
l'éléphant  d'Asie  (Elephas  indiens)  et  l'éléphant  africain 
(Elephas  africanus)  :  ce  dernier  a  le  front  plus  bombé, 
les  oreilles  plus  longues  et  la  taille  plus  grande. 

Chez  les  Egyptiens,  l'éléphant  paraît  comme  signe 
hiéroglyphique  "dès  la  V«  dynastie  :  il  représente  le  nom  de 
l'île  de  d'Abou  ou  Eléphantine,  au  pied  de  la  première 
cataracte.  Mais  dans  les  représentations  sculpturales,  l'élé- 
phant ne  figure  qu'à  partir  de  la  XVIH®  dynastie,  et  il  est  au 
nombre  des  tributs  en  nature  prélevés  par  les  conquérants 
égyptiens  sur  la  Syrie.  Dans  les  bas-reliefs  assyriens,  l'élé- 
phant asiatique  paraît  plusieurs  fois,  notamment  sur  le 
célèbre  obélisque  de  Salmanasar  Hl  (837  à  822),  où  il 
figure  avec  des  dromadaires  et  des  singes  comme^  tribut 
de  contrées  orientales.  En  Assyrie,  aussi  bien  qu'en  Egypte, 
l'éléphant  est  donc  connu,  mais  comme  un  animal  exotique 
et  importé  de  contrées  étrangères  :  il  semble  pourtant 
que  l'éléphant  ait  vécu  en  Mésopotamie  à  l'état  naturel, 
à  une  époque  peu  antérieure  à  la  constitution  du  grand 
empire  assyrien,  car  le  roi  d'Egypte  Toutmès  HI  se  vante 
d'avoir  chassé  l'éléphant  en  Mésopotamie  :  l'éléphant  n'au- 
rait ainsi  disparu  de  cette  contrée  que  vers  le  xi«  siècle 
avant  J.-C. 

Le  bas-relief  de  l'obélisque  de  Sennachérib  prouve  qu'au 
IX®  siècle  avant  notre  ère  l'éléphant  était  domestiqué  dans 
rinde  et  les  contrées  voisines.  Ce  fut  seulement,  d'ailleurs, 


dans  ce  pays  de  l'Indus  et  du  Gange  que  l'éléphant  revêtit 
un  caractère  religieux,  et  cela  dès  la  plus  haute  antiquité. 
L'éléphant  est  la  monture  d'Indra  et  il  est  l'emblème  de  la 
sagesse  et  de  la  vertu  forte.  Ganesa,  dieu  de  l'armée,  du 
succès  et  de  toute  sagesse,  en  général,  est  représenté  avec 
une  tête  d'éléphant.  Des  représentations  hindoues  nous 
montrent  huit  éléphants  portant  la  terre,  ou  bien  Indra 
assis  sur  un  éléphant  à  trois  trompes  appelé  Iravat.  On 
sait  les  hommages  qu'aujourd'hui  ejncore  les  Hindous 
rendent  à  certains  éléphants  que  des  signes  particuliers  de 
leur  peau  ou  de  leurs  défenses  désignent  comme  sacrés. 

Ce  fut  seulement  après  la  conquête  de  l'Orient  par 
Alexandre  que  les  Grecs  se  famiharisèrent  avec  l'usage 
des  éléphants.  Les  historiens  du  conquérant  macédonien 
rapportent  diverses  anecdotes  qui  attestent  combien  l'ima- 
gination des  Grecs  avait  été  frappée  à  la  vue  de  ces  grands 
pachydermes  qui,  surmontés  de  tours,  étaient  de  véritables 
citadelles  mouvantes  sur  lesquelles  les  traits  des  arcs  les 
plus  forts  n'avaient  aucune  prise.  Après  avoir  vaincu  et 
fait  prisonniers  les  quinze  éléphants  de  Darius  à  Arbelles, 
Alexandre  en  reçut  douze  autres  en  entrant  à  Suse  ;  le  roi 
Taxile  lui  en  amena  toute  une  troupe  ;  à  la  bataille  de 
l'Hydaspe,  il  fit  distribuer  des  haches  à  ses  soldats  pour 
couper  les  trompes  et  les  jarrets  des  éléphants  de  Porus, 
et,  à  la  suite  de  sa  victoire,  Alexandre  consacra  au  soleil 
l'éléphant  qui  servait  de  monture  au  malheureux  roi  indien. 
Il  lui  imposa  le  nom  d'Ajax,  le  couvrit  de  somptueux 
ornements  et  fit  garnir  ses  défenses  d'anneaux  d'or  sur 
lesquels  fut  gravée  cette  inscription  :  Alexandre,  fils 
de  Zeus,  offre  au  soleil  cet  éléphant.  Dans  le  cortège 
d'Alexandre  rentrant  à  Babylone,  il  y  avait  plusieurs  cen- 
taines d'éléphants  que  le  conquérant  se  glorifiait  de  pos- 
séder pour  rendre  sa  cour  plus  imposante  ;  on  croit  même 
qu'il  fit  son  entrée  à  Bab}Jone  sur  un  char  traîné  par  des 
éléphants.  Dans  tous  les  cas,  ce  furent  des  éléphants  qui 
figurèrent  dans  son  cortège  funèbre  et  qui  ramenèrent  son 
corps  en  Egypte. 

La  déification  d'Alexandre  après  sa  mort  contribua  à  faire 
confondre,  dans  l'imagination  des  Grecs,  sa  marche  victo- 
rieuse sur  les  bords  de  l'Indus  avec  la  conquête  de  l'Inde 
par  Bacchus  dans  les  temps  mythiques.  Ce  fut  à  cette  époque 
que  l'on  commença  à  raconter  que  Bacchus  avait  accompli 
ses  fabuleux  exploits  sur  un  char  traîné  par  des  éléphants  ; 
des  sculptures  représentent  le  dieu  accompagné  d'une  ar- 
mée de  ces  animaux  montés  par  des  Eros,  des  Ménades  et 
des  Satyres.  Dans  la  fameuse  pompe  dionysiaque  organisée 
par  Ptolémée  Philadelphe  et  qu'Athénée  nous  décrit,  on 
voit  une  statue  gigantesque  de  Bacchus  chevaucher  sur  un 
éléphant  chamarré  d'or  ;  suivent  vingt-quatre  chars  traînés 
par  des  quadriges  d'éléphants.  Les  rois  de  Syrie,  particu- 
lièrement, s'enorgueillirent  de  posséder  des  armées  d'élé- 
phants. Séleucus  P^  Nicator  reçut  comme  cadeau  de  son 
beau-père  cinq  cents  éléphants  de  guerre  lorsqu'il  épousa 
la  fille  du  roi  indien  Sandracottus  ;  on  l'appelait  par  ironie 
Véléphantarque,  et  à  Ipsus,  en  301,  il  dut  sa  victoire  au 
rôle  que  jouèrent  ses  éléphants.  Un  grand  nombre  des  mon- 
naies de  Séleucus  et  de  ses  successeurs  ont  pour  type  soit 
une  tête  d'éléphant,  soit  un  éléphant  seul,  ou  bien  encore 
un  bige  ou  un  quadrige  d'éléphants,  si  bien  que  cet  animal 
est  devenu  l'emblème  de  la  dynastie  des  Séleucides.  Chose 
étrange,  certaines  monnaies  de  Séleucus  l^^  et  d'Antio- 
chus  P^,  son  fils,  nous  montrent  des  éléphants  affublés  de 
cornes  de  taureau,  symbole  de  la  force  matérielle.  Sur  des 
pièces  d'Antiochus  III,  on  voit  un  éléphant  monté  par  un 
cornac  ;  enfin,  sur  des  bronzes  d'Antiochus  VI,  des  élé- 
phants portent  des  torches  avec  leur  trompe,  allusion  à 
des  jeux  qui  furent  alors  célébrés  à  Antioche  en  l'honneur 
de  Dionysos  et  d'Aphrodite.  C'est  le  cas  de  rappeler  qu'après 
la  bataille  de  Thapsus,  Jules  César,  rentrant  victorieux 
dans  Rome,  se  fit  précéder,  dans  sa  marche  au  Capitole, 
par  quarante  éléphants  rangés  sur  deux  rangs  et  portant 
aussi  des  flambeaux  avec  leurs  trompes. 

A  l'imitation  des  premiers  rois  de  Syrie,  dont  l'empire 


ÉLÉPHANT 


—  814  — 


confinait  à  l'Inde  elle-même,  les  autres  rois  successeurs 
d'Alexandre  eurent  leur  troupe  d'éléphants  de  guerre,  de 
sorte  que  c'est  à  cette  époque  que  commence  le  rôle  impor- 
tant des  éléphants  dans  les  armées.  Perdiccas,  Eumène, 
Antigène,  Ptolémée  Ceraunus  eurent  leurs  éléphants  de 
guerre;  les  premiers,  Antipater  et  Polysperchon,  amenèrent 
des  éléphants  en  Europe.  Antiochus  P''  Soter  ne  dut  sa 
grande  victoire  sur  les  Galates,  en  Phrygie,  que  grâce  à 
ses  éléphants.  Antiochus  lïl  le  Grand  ramena  de  son  expé- 
dition dans  l'Inde  une  troupe  considérable  de  ces  animaux 
qui,,  en  217,  à  la  bataille  de  Raphia,  luttèrent  contre  la 
troupe  d'éléphants  africains  qui  formait  l'avant-garde  de 
l'armée  de  Ptolémée  Philopator.  Dans  la  lutte  soutenue  par 
les  Macchabées  contre  les  rois  de  Syrie  pour  l'indépen- 
dance de  la  nation  juive,  on  cite  le  dévouement  héroïque 
d'Eléazar,  fils  de  Saura,  qui,  au  milieu  de  la  bataille,  ayant 
aperçu  dans  les  rangs  syriens  un  éléphant  de  plus  haute 
taille  que  les  autres  et"  mieux  caparaçonné,  pensa  que 
c'était  l'éléphant  royal  ;  il  réussit  à  se  glisser  sous  le 
ventre  de  l'animal  et  à  s'y  suspendre  ;  il  l'abattit  à  coups 
de  hache  et  périt  écrasé  par  la  chute  de  sa  victime.  Dans 
l'impossibilité  où  ils  étaient  de  recruter  leurs  éléphants  dans 
l'Inde,  les  rois  d'Egypte  s'étaient  mis  à  dresser  les  éléphants 
africains*  «  Lâchasse  des  éléphants,  remarque  M.  S.  Piei- 
nach,  leur  capture  et  leur  transport  à  Alexandrie  préoccu- 
pèrent vivement  les  successeurs  de  Ptolémée  Lagus,  qui 
fondèrent,  à  cet  effet,  plusieurs  établissements  le  long  de  la 
Troglodytique  ;  les  éléphants  que  l'on  parvenait  à  prendre 
vivants  étaient  embarqués  sur  de  grands  bateaux  d'une  con- 
struction spéciale,  dite  lAe^aviriyoï.  Suivant  saint  Jérôme, 
Ptolémée  Philadelphe  eut  quatre  cents  éléphants  de  guerre, 
et  son  fils  Evergète  en  opposa  quatre  cents  à  Séleucus  Cal- 
linicus.  Le  commerce  de  l'ivoire  continua,  pendant  l'époque 
romaine,  à  se  faire  par  ces  échelles  du  golte  Arabique  que 
es  Ptolémées  avaient  établies  en  vue  de  la  chasse  des  élé- 
phants. » 

Les  Romains  rencontrèrent  l'éléphant  de  guerre  dans 
leur  victoire  de  Magnésie  sur  Antiochus  III  en  18i  av. 
J^-C,  puis  dans  leurs  luttes  contre  les  rois  de  Macédoine. 
Ils  l'avaient  vu  déjà  apparaître  pour  la  première  fois 
en  Italie,  à  la  bataille  d'Héraclée  en  280,  et  par  eux, 
Pyrrhus  terrorisa,  mais,  pour  peu  de  temps,  ses  ennemis. 
Un  quincussis  de  bronze,  frappé  à  Rome  peu  après  la  ba- 
taille de  Rénévent,  porte  pour  type  un  éléphant  qui  rap- 
pelle que  le  consul  Curius  Dentatus  réussit  à  capturer  quatre 
de  ces  animaux  et  à  vaincre  l'audacieux  roi  d'Epire.^  De 
petites  monnaies  de  bronze,  frappées  en  Etrurie  à  la  même 
époque,  portent  d'un  côté  un  éléphant  et  de  l'autre  une 
tête  de  nègre  qui  prouve  que  les  éléphants  de  Pyrrhus 
avaient  des  nègres  pour  cornacs.  Les  Romains  eurent  de 
nouveau  à  lutter  contrôles  éléphants  dans  leurs  guerres 
contre  Carthage,  soit  en  Sicile,  soit  en  Afrique.  Cartilage, 
en  effet,  ne  cessa  d'avoir  des  éléphants  de  guerre  qui  con- 
tribuèrent souvent  à  ses  victoires  ;  elle  en  transport^  en 
Sicile,  en  Espagne  et  même  en  Itahe  :  les  éléphants  d'iVn- 
nibal  franchirent  les  Alpes  avec  lui  et  contribuèrent  à  la 
victoire  de  la  Trébie  en  218.  Après  la  bataille  de  Zamaen 
202,  les  Romains  imposèrent  aux  Carthaginois  de  livrer 
leurs  éléphants  et  de  s'engager  à  ne  plus  en  entretenir  : 
une  clause  analogue  figurait  dans  le  traité  qu'avait  dû  signer, 
en  197,  Philippe  V  de  Macédoine.  Les  monnaies  de  Car- 
thage, ainsi  que  celles  des  rois  deNumidie  et  de  Mauritanie, 
ont  souvent  pour  type  l'éléphant  de  guerre  monté  quelque- 
fois par  un  cornac. 

'  D'ailleurs,  à  l'imitation  de  leurs  ennemis,  les  Romains 
introduisirent  l'éléphant  de  guerre  dans  leurs  armées,  sur- 
tt)ut  pour  leurs  campagnes  contre  les  rois  de  Macédoine  et 
contre  les  Carthaginois  ;  dans  la  dernière  période  des 
guerres  puniques, les  éléphants  leur  étaient  fournis  par 
leur  allié  Massinissa,  roi  de  Numidie.  Pompée  s'étant  em- 
paré des  éléphants  de  Hiarbas,  voulut  faire  son  entrée  dans 
Rome  sur  un  char  traîné  par  quatre  de  ces  animaux,  mais 
k  porte  de  la  ville  s'étant  trouvée  trop  étroite,  il  fallut 


dételer.  On  croyait  que  le  nom  de  César  signifiait  éléphant 
en  punique  ;  voilà  pourquoi  Jules  César  prit  un  éléphant  pour 
emblème,  et,  en  souvenir  de  sa  victoire  sur  Arioviste,  il  lit 
frapper  des  deniers  d'argent  qui  représentent  un  éléphant 
foulant  aux  pieds  le  dragon  germanique. 

Après  la  conquête  de  l'Afrique  par  les  Romains,  on  peut 
dire  que  Téléphant  cessa  de  figurer  dans  les  armées  de 
Rome,  car  les  projets  de  Jules  César,  de  Claude,  de  Didius 
Julianus  d'équiper  des  troupes  d'éléphants  ne  furent  pas  mis 
à  exécution.  On  reconnut  sans  doute  l'inconvénient  de  ces 
animaux  qui,  lorsque rennemi  était  parvenu  à  les  effrayer, 
se  retournaient  et  portaient  le  ravage  dans  les  rangs  de  l'ar- 
mée qu'ils  avaient  mission  de  protéger.  Des  batailles  furent 
gagnées  ou  perdues  par  suite  de  cette  trahison  des  élé- 
phants affolés  que  leurs  cornacs  ou  la  troupe  des  guerriers 
montés  dans  les  tours  ne  réussissaient  pas  à  ramener  contre 
le  véritable  ennemi. 

Sous  l'empire  romain,  l'éléphant  devient  donc  un  animal 
de  luxe  et  de  parade.  Caracalla  a  des  éléphants  pour  imiter 
Alexandre  le  Grand.  On  les  réserve  surtout  pour  les  jeux  du 
cirque,  les  fêtes  publiques,  les  marches  triomphales,  et  l'on  ne 
songe  point  à  les  rétablir  dans  l'armée,  bien  qu'en  Orient  les 
légions  romaines  eussent  sans  cesse  à  lutter  contre  les 
éléphants  des  Perses.  Les  empereurs  qui  triomphèrent  des 
éléphants  sassanides,  comme  Sévère  Alexandre,  Gordien, 
Dioclétien,  Julien  même,  eurent  des  chars  de  triomphe  traî- 
nés par  ces  animaux,  ainsi  que  l'attestent,  outre  les  textes, 
le  revers  de  nombreuses  monnaies  romaines.  Les  Ryzantins 
imitèrent  les  Romains  ;  si  Héraclius  n'eut  pas  d'éléphants  de 
guerre,  il  triompha  de  ceux  de  Kosroès  et  parut  à  Cons- 
tantinople  sur  un  quadrige  d'éléphants.  Les  éléphants  don- 
nèrent aux  Perses  la  victoire  à  Koufah  sur  l'armée  d'Abou 
Obéidah,  en  661.  Si  les  Byzantins  ne  se  servirent  des  élé- 
phants que  dans  les  cirques  et  les  jeux  publics,  ils  en  in- 
troduisirent toutefois  les  images  dans  leurs  œuvres  d'art  et 
c'est  par  là  que  le  moyen  âge  occidental  connut  ces  animaux. 
Sur  l'une  des  étoffes  de  la  châsse  de  Charlemagne  à  Aix-la- 
Chapelle,  œuvre  byzantine  du  xii*^  siècle,  sont  brodés  de 
superbes  éléphants  ;  on  en  voit  quelquefois  aussi  dans  les 
bestiaires  et  les  miniatures  des  manuscrits.  On  possède,  au 
cabinet  des  médailles  de  la  Bibliothèque  nationale,  une 
curieuse  pièce  de  jeu  d'échecs,  en  ivoire  sculpté,  qui  repré- 
sente un  éléphant  portant  sur  son  dos  une  tour  crénelée, 
sur  la  plate-forme  de  laquelle  est  un  roi  hindou  assis  à  la 
mode  orientale.  Conservé  dans  le  trésor  de  la  basilique  de 
Saint-Denis  jusqu'à  la  Révolution,  ce  roi  d'échecs  passait 
pour  être  un  présent  du  khalife  Haroun  al  Rachid  à  Char- 
lemagne :  c'est,  dans  tous  les  cas,  sûrement  une  œuvre 
orientale  du  ix^  siècle.  E.  Babelon. 

IV.  Ordres.  —  Ordre  de  VEléphant.  Cet  ordre,  con- 
sidéré comme  un  des  plus  importants  de  l'Europe,  existait, 
dit-on,  déjà  au  xi*'  siècle  et  on 
en  attribue  la  fondation  à  Ca- 
nut IV,  mais  officiellement  on 
lui  assigne  comme  date  de  créa- 
tion l'année  1 478  et  pour  fonda- 
teur le  roi  de  Danemark  Chris- 
tian P^,qui  l'institua  à  l'occasion 
du  mariage  de  son  fils  Jean  et  le 
plaça  sous  la  protection  de  la 
Vierge.  Le  temps  a  respecté  l'or- 
dre de  l'Eléphant  qui  s'est  con- 
tinué jusqu'à  nos  jours,  sinon 
avec  son  organisation  primitive, 
du  moins  avec  toute  sa  splen- 
deur. Christian  V  en  modifia  les 
statuts  le  1^^  déc.  1693  et, 
bien  qu'ils  eussent  été  renou- 
velés en  1808,  ils  sont  encore 
à  peu  près  les  mêmes.  Les  con- 
ditions d'admission  sont  :  d'être 
luthérien,  d'être  âgé  d'au  moins  trente  ans,  à  l'exception 
des  princes  de  la  famille  royale,  et  d'avoir  été,  au  moins 


Insip-nes  de  Tordre  de 
rEléphantdu  Danemark 


815  - 


ÉLÉPHANT  —  ELEPHANTIASIS 


huit  jours,  chevalier  de  Tordre  du  Danebrog.  Les  souve- 
rains étrangers  sont  dispensés  de  remplir  ces  conditions. 
La  devise  de  cet  ordre  est  Magni  animi  pretium.  La  déco- 
ration de  l'Eléphant  exclut  toutes  les  autres  ;  sa  fête  se 
célèbre  au  l'^'^  janv.  Les  membres  sont  tous  chevaliers  et 
portent  un  costume  spécial.  Le  ruban  de  l'ordre  est  bleu. 
L'ordre  tient  le  premier  rang  parmi  ceux  du  Danemark. 
Ordre  de  r Eléphant  blanc.  Ce  fut  en  d861  que 
le  roi  de  Siam  Chow  Yu  Hua  institua  une  plaque  d'or 
gravée  pour  être  offerte  aux  souverains  et  aux  princes 
avec  lesquels  il  était  en  relation.  En  1869,  son  fds  et  suc- 
cesseur transforma  cette  plaque  en  un  ordre  de  chevalerie 
avec  statuts,  règlement,  etc.  Il  le  divisa  en  cinq  classes  de 
membres  ;  la  première  correspond  à  celle  de  grand-croix, 
compte  vingt-trois  membres  et  ne  peut  être  conférée  qu'aux 
souverains,  princes  ou  personnages  de  marque  ;  la  seconde 
comprend  cinquante  grands  officiers,  la  troisième  cent 
commandeurs,  la  quatrième  deux  cents  officiers,  et  la  cin- 
quième un  nombre  illimité  de  chevaliers  qui  doivent  être 
des  personnes  notables  et  de  mœurs  irréprochables.  Le 
ruban  de  Tordre  est  rouge  bordé  de  vert;  les  deux  couleurs 
séparées  par  une  raie  bleue  et  une  jaune.  G.  G. 

BiBL.  :  Zoologie  et  Paléontologie.  —  Outre  les  Traités 
généraux  de  Mammalogie  de  Gervais,  Brehm,  etc.,  et  VOs- 
tëographie  de  de  Blainville,  consultez  :  Mial  et  Green- 
wooD,  Anatomy  of  the  Indian  Eléphant;  Londres,  1878, 
avec  une  bibliogr.  des  travaux  antérieurs  sur  le  même  sujet. 
— Sterndale,  Natural  History  of  Indian  Mammaiia,1884.--- 
Gaudry,  les  Enchaînements  du  inonde  animal^  I.  Mammi- 
fères tertiaires,  1878.  ■—  Lydekker,  Catalogue  of  Fossil 
Mammalia  in  British  Muséum,  1889,  t.  IV.  —  Pohlig,  Den- 
tition und  Kraniologie  des  Elephas  antiquus^  mit Beitragen 
uber  Elephas  primigenius,  etc.,  dans  Nova  Acta  Leopol- 
dma,1887,  t.  LUI,  n°  1.  —  Du  môme,  Diegrossen  Saugetiere 
der  Diluvialzeit  ;  Leipzig,  1890.  —  Cope,  The  Proboscidea^ 
dans  The  American  Naturaliste  1889,  p.  191.  —  Ameghino, 
Los  Mamiferos  fosiles  de  la  Republica  Argenlina,  1889.  — 
Geiinitz,  Ueher  Milchzahne  der  Mammuth^  dans  Naturw. 
Gesellsch.  Isis  in  Dresden^^  Festschrift,  1885.—  Kinkelin, 
Ûeber  sehr  junge  Unterkiefer  von  Elephas  primigenius 
undE.  africanus^  dans  Bericht  Senchenberg.  Naturf.  Ges., 
1886. -La  Nature,  1874,  2«  sem.,  p. 209;  1875,  2«  sem.,  p. 215; 
1877,  lo-  sem.,  p.  377. 

Histoire  et  Archéologie.  —  P.  Armandi,  Histoire 
militaire  des  éléphants^  gr.  in-8.  —  S.  Reinach,  art.  Ele- 
phaSf  dans  le  Dict.  des  antiq.  gr.  et  rom,.  de  Saglio.  — 
Cahier  et  Martin,  Nouv.  Mélanges  d'archéologie,  t.  II, 
pi.  XI.  —  E.  Babelon,  le  Cabinet  des  antiques  à  la  Biblio- 
thèque nationale^  pi.  LX. 

ELEPHANTA.  Petite  île  de  la  côte  0.  de  Tlnde,  pré- 
sidence de  Bombay,  province  d'Aurungabad ,  à  la 
pointe  E.  du  port  de  Bombay.  Elle  a  environ  8  kil.  de  cir- 
conférence et  est  formée  de  deux  longues  collines  avec 
une  petite  vallée  courant  entre  elles.  Elle  est  appelée  Go- 
rapori  par  les  Hindous  ;  les  Portugais  lui  donnèrent  le 
nom  d'EIephanta,  à  cause  d'un  énorme  éléphant  en  pierre 
qu'ils. y  trouvèrent  construit  à  l'endroit  de  leur  débarque- 
ment et  qui  aujourd'hui  est  tombé  en  morceaux.  Cette  île 
est  célèbre  à  cause  de  quelques  temples  creusés  dans  les 
rochers  dont  il  existe  un  grand  nombre  sur  la  côte  0.  de 
rinde.  L'une  de  ces  excavations  a  130  pieds  de  profondeur 
sur  133  de  largeur  ;  elle  a  trois  entrées,  chacune  soutenue 
par  des  colonnades  de  seize  piliers.  Ces  temples  sont  tous 
consacrés  à  Çiva,  Brahma,  Vishnou,  Paravati,  Katik  et 
Ganésa.  D'autres  divinités  hindoues  y  ont  aussi  leur  culte, 
mais  toutes  dans  une  condition  inférieure  à  celle  de  Çiva. 
Aujourd'hui  ces  temples  sont  moins  visités  par  les  pèlerins 
qu'ils  ne  l'étaient  anciennement.  Quelques-uns  commen- 
cent même  à  tomber  en  ruine.         Meyners  d'Estrey. 

ÉLÉPHANTIASlS.  I.  Pathologie.  —  (Pachydermie 
de  Puchs).  Dans  la  terminologie  médicale,  on  a  pendant 
longtemps  distingué  sous  le  nom  d'éléphantiasis  deux  aftéc- 
tions  très  distinctes  :  l'éléphantiasis  des  Grecs  et  l'élé- 
phantiasis  des  Arabes.  La  première  n'est  autre  que  la  lèpre 
et  doit  être  seulement  désignée  sous  ce  nom  (V.  Lèpre).  Le 
mot  éléphantiasis  s'applique  exclusivement  aujourd'hui  à 
la  maladie  décrite,  au  ix^  siècle,  par  Rhazès  sous  le  nom  de 
dâH-fîl  (maladie  de  l'éléphant).  Ce  serait  du  reste  une 
erreur  que  de  considérer  l'éléphantiasis  comme  spéciale  à 


l'Arabie  ;  on  la  trouvoà  l'état  endémique  dans  tous  les  pays 
chauds,  dans  l'Afrique  centrale,  au  Brésil,  dans  l'archipel  des 
Antilles,  aux  Indes,  à  Sumatra,  à  Bornéo,  etc.  En  ces  con- 
trées, la  maladie  sévit  surtout  dans  les  régions  basses  et 
humides,  en  proie  à  la  malaria  et  aux  moustiques  de  toutes 
sortes,  sur  les  bords  des  grands  fleuves,  dans  les  marais, 
les  îles  et  le  long  des  côtes  (Duhring)  ;  mais  il  n'est  pas  de 
latitude  oti  elle  ne  puisse  être  rencontrée  à  l'état  sporadique  ; 
on  la  connaît  en  Europe,  voire  en  France,  et  notre  musée 
de  l'hôpital  Saint-Louis  renferme  plusieurs  bons  moulages 
d'éléphantiasis,  exécutés  d'après  nature  à  Paris.  L'élé- 
phantiasis {dermite  fibreuse  hypertrophique  de  Broca), 
est  une  hypertrophie  de  la  peau  et  de  l'hypoderme,  limitée 
à  certaines  régions,  consécutive  à  des  inflammations  répé- 
tées du  système  lymphatique  et  déterminant  à  la  longue  un 
développement  monstrueux  des  parties  qu'elle  affecte. 

La  maladie  n'épargne  aucun  âge,  même  l'enfance  (Mon- 
corvo)  ;  il  est  toutefois  rare  qu'elle  se  montre  avant  la  pu- 
berté. Les  hommes, plus  exposés  par  leur  genre  de  vie,  sont 
aussi  plus  souvent  atteints.  Aucune  race  n'est  à  l'abri  du 
mal  ;  mais  il  est  évident  que  les  nègres  et  les  créoles  ont 
une  disposition  irritable  spéciale  du  système  lymphatique 
qui  les  rend  particulièrement  aptes  à  l'éléphantiasis,  comme 
à  tous  les  éléments  de  la  pathologie  lymphatique  (Besnier). 
La  misère,  la  fatigue,  une  alimentation  défectueuse,  la 
tuberculose  et  la  syphilis  (Besnier)  favorisent  certainement 
le  développement  du  mal.  Les  conditions  déterminantes  sont 
toutes  celles  qui  opposent  un  obstacle  à  la  circulation  de 
la  lymphe  ou  qui  irritent  directement  le  réseau  lympha- 
tique. La  filaire  du  sang,  dans  les  contrées  tropicales,  est 
l'une  des  causes  les  plus  fréquentes  de  l'éléphantiasis, 
mais  il  est  absolument  inexact  que  ce  ver  parasite  soit  la 
cause  univoque  de  l'affection  qui  nous  occupe  :  la  filariose 
peut  se  montrer  sans  éléphantiasis,  et  l'éléphantiasis  sans 
filariose. 

Symptomatologie.  Dans  les  zones  oh  elle  sévit  à  l'état 
permanent,  l'affection  atteint  assez  souvent  un  développe- 
ment prodigieux,  par  une  marche  continue  et  rapide.  Sous 
nos  climats  son  allure  est  plus  insidieuse  et  plus  lente.  Les 
irritations  réitérées  de  la  peau,  les  éruptions  récidivantes 
ou  rebelles,  les  ulcères,  les  varices,  l'eczéma,  le  lupus  en 
activité,  la  présence  de  certains  parasites  sont  autant  de 
circonstances  favorables  à  son  développement.  L'évolution 
se  fait,  dans  les  cas  typiques,  par  poussées  successives  plus 
ou  moins  intenses  et  séparées  par  des  intervalles  qui  peu- 
vent n'être  que  de  quelques  semaines  ou  dépasser  plusieurs 
années.  La  crise  paroxystique  est  précédée  d'ordinaire 
d'un  frissonnement  violent  et  s'accompagne  d'un  état  fébrile 
accentué.  Souvent  aussi  apparaissent  des  phénomènes  géné- 
raux: céphalalgie,  délire,  troubles  nerveux  et  gastriques,  etc. 
Sur  la  région  atteinte  on  voit  la  peau  rougir,  se  tumé- 
fier, se  tendre  et  se  couvrir  d'un  réseau  lymphangitique. 
Le  doigt  y  laisse  l'empreinte  caractéristique  de  l'œdème. 
Les  tissus,  pris  en  masse,  semblent  à  la  main  plus  épais, 
plus  denses  et  fortement  adhérents  aux  parties  sous- 
jacentes  ;  les  ganglions  voisins  deviennent  rapidement 
douloureux  et  gonflés.  Ces  poussées  de  lymphangite  qui 
caractérisent  la  marche  de  l'éléphantiasis  dans  sa  forme 
classique  se  produisent  tantôt  sans  nulle  cause  apparente, 
tantôt  à  la  suite  d'une  provocation  locale  telle  qu'une  phlé- 
bite, un  ulcère,  une  dermite,  une  blessure  même  légère; 
Moncorvo  a  vu  dans  un  cas  le  début  se  faire  par  le  bras  à 
la  suite  d'une  vaccination.  La  durée  de  l'accès  ne  dépasse 
guère  une  semaine.  On  voit  alors  la  fièvre  et  les  troubles 
généraux  disparaître,  mais  les  lésions  cutanées  demeurent 
acquises.  A  chaque  accès  nouveau,  elles  s'accentuent  et 
s'étendent.  Les' tissus,  tout  en  s'infiltrant  de  lymphe,  s'hy- 
perplasient  et  s'indurent.  La  peau  est  lisse  et  luisante 
comme  du  marbre  ;  sa  teinte  reste  blanche,  rougit  ou  se 
bistre.  L'hypertrophie  spéciale  de  certains  éléments  donnent 
parfois  aux  téguments  Faspect  verruqueux,  noueux  oupapil- 
lomateux.  Dans  ces  tissus,  où  la  vitalité  semble  s'éteindre, 
le  moindre  traumatisme,  la  plus  légère  irritation  suffisent 


ÉLÉPHANTIASIS  —  ELER 


816  ^ 


à  produire  des  ulcères,  des  fissures  par  où  suinte  un  liquide 
huileux  et  facilement  concrescible.  Nous  signalerons  seu- 
lement, comme  anomalies  de  Féléphantiasis,  les  variétés 
télangiectode  et  lymphangiectode  dans  lesquelles  on  cons- 
tate une  hypertrophie  considérable  et  prédominante  soit  des 
vaisseaux  sanguins,  soit  des  réseaux  lymphatiques. 

L'affection   a  deux  principaux  sièges   d'élection   :   les 
membres  inférieurs  et  les  organes  génitaux.  Aux  membres 
inférieurs  les  lésions  sont,  d'une  façon  générale,  d'autant 
plus  accentuées  qu'elles  siègent  plus  près  du  pied.  Celui-ci, 
hideusement  déformé,  est  élargi  et  gonflé  au  point  que  les 
orteils  sont  pour  ainsi  dire  confondus.  Le  membre  n'offre 
plus  ni  reliefs,  ni  méplats  ;  c'est  une  colonne  unie,  mas- 
sive, monstrueuse  qui  rappelle  véritablement  la  jambe  d'élé- 
phant. Un  gros  bourrelet  de  chair  surplombe  l'articulation 
tibio-tarsienne  et  indique  par  un  sillon  profond  la  limite 
qui  sépare  le  pied  de  la  jambe.  La  cuisse  est  œdématiée, 
mais  dans  des  proportions  relativement  moindres  que  les 
parties  situées  au-dessous  d'elle.  Il  en  résulte  que  la  base 
du  cône,  figuré  normalement  par  le  membre,  n'est  plus  en 
haut,  mais  en  bas.  Les  ganglions  de  l'aine  et  du  creux 
popUté  participent  à  l'hypertrophie  générale  et  peuvent 
même  suppurer.  Le  membre  devient  d'autant  plus  impotent 
qu'à  l'hypertrophie  conjonctive  vient  s'ajouter  la  dégéné- 
rescence des  muscles.  Les  parties  envahies  ne  sont  que 
rarement  douloureuses.  L'affection  reste  le  plus  souvent 
unilatérale.  L'éléphantiasis  des  organes  génitaux  ne  se 
montre,  du  moins  dans  ses  formes  excessives,  que  sous  la 
zone  tropicale.  Chez  l'homme,  on  peut  voir  le  scrotum  des- 
cendre jusqu'aux  talons  et  dépasser  le  poids  de  100  livres. 
La  verge  est  alors  perdue  dans  la  masse  charnue,  et  l'émis- 
sion de  l'urine  est  singulièrement  gênée.  Dans  d'autres  cas 
plus  rares,  le  pénis  est  spécialement  atteint  et  acquiert 
un  développement  prodigieux.  Chez  la  femme,  la  dégéné- 
rescence éléphantiasis  ou  génitale  acquiert  moins  souvent 
des  proportions  énormes.  Elle  se  montre  aux  grandes  et 
petites  lèvres  ainsi  que  sur  la  peau  qui  recouvre  le  clitoris. 
Les  autres  localisations  de  l'affection  sont  fort  rares  ;  nous 
ne  ferons  que  signaler  l'éléphantiasis  des  seins,  de  1a  face, 
du  cou,  des  membres  supérieurs.   Mais  nombre  de  cas 
signalés  sous  le  nom  d'éléphantiasis  doivent  être  plutôt 
décrits  comme  œdèmes  chroniques.  Telle  est,  chez  les  stru- 
meux,  l'hypertrophie  de  la  lèvre  à  la  suite  d'eczéma  ou  de 
coryza  répétés  ;  tel  est  encore  le  développement  des  pau- 
pières ou  de  certaines  parties  de  la  face  à  la  suite  d'irri- 
tations érysipélatoïdes  répétées  (Brocq).  Abandonnée  à  elle- 
même,  l'éléphantiasis  a  une  durée  indéfinie  ;  on  l'observe 
chez  des  sujets  qui  en  sont  atteints  depuis  dix  ans,  vingt 
ans  et  plus  ;  il  est  rare  qu'elle  entraîne  la  mort  par  elle-même. 
Traitement.  Les  agents  thérapeutiques  internes  n'ont 
aucune  influence  sur  la  marche  de  l'éléphantiasis.  Peut-être 
cependant  faut-il  faire  une  exception  pour  l'iodure  de  potas- 
sium, qui  semble  favoriser  parfois  la  résorption  des  neo- 
plasies  (Duhring,  Brocq).  L'hygiène  la  plus  sévère  devra 
être  imposée  au  malade  :  fuir  les  pays  chauds,  proscrire 
de  l'alimentation  les  spiritueux  et  les  excitants  de  toute 
sorte,  éviter  les  refroidissements,  maintenir  la  poau  dans 
un  état  aseptique  rigoureux,  telles  sont  les  grandes  indi- 
cations que  le  médecin  devra  formuler  comme  indispen- 
sables. Le  traitement  local  de  l'éléphantiasis  confirmée  a  été 
maintes  fois  l'objet  des  discussions  chirurgicales  :  mais  il 
n'est  pas  jusqu'à  présent  de  méthode  qu'on  puisse  indiquer 
comme  parfaite.  Les  scarifications  linéaires  ne  donnent  de 
résultat  qu'au  début  de  l'affection.  L'abrasion  des  parties 
malades  ne  peut  être  proposée  que  pour  certains  cas.  L'élec- 
trisation,  recommandée  par  les  uns,  est  repoussée  par  les 
autres.  La  compression  élastique  combinée*avec  l'enroule- 
ment ouaté  est  un  excellent  procédé,  sinon  curatif,  tout 
au  moins  palliatif.  Mais  on  ne  peut  y  recourir  qu'en  l'ab- 
.  sence  de  plaies,  d'ulcérations  ou  d'inflammation  de  la  peau. 
Le  massage,  le  repos  horizontal,  les  douches  sulfureuses 
chaudes  sont  de  bons  adjuvants  de  la  compression  métho- 
dique. A.  PiGNOT. 


Eléphantiasis  des  Arabes  (V.  Filariose). 
II.  Art  vétérinaire.  —  Maladie  du  bœuf  caractérisée 
par  un  ensemble  de  symptômes  graves,  une  fièvre  intense, 
du  pelage,  de  l'engorgement  à  la  tête  et  aux  membres,  une 
sensibilité  extrême  de  la  peau,  qui  s'enflamme,  s'irrite,  se 
creuse  de  sillons  purulents  plus  ou  moins  profonds,  rend 
les  animaux  cachectiques  et  le  plus  souvent  se  termine  par 
la  mort.  L'éléphantiasis,  ainsi  nommée  parce  que  la  dénuda- 
tion,  la  rugosité,  la  dureté  de  la  peau  la  fait  ressembler  à 
celle  de  l'éléphant,  débute  parla  tristesse,  la  suspension  de 
la  rumination,  le  poil  hérissé,  la  tuméfaction  de  la  peau 
du  mufle,  des  paupières,  des  oreilles,  du  fanon,  du  ventre 
et  des  membres.  Puis  la  peau,  comme  privée  de  nutrition, 
se  soulève,  se  dessèche,  devient  crépitante,  se  crevasse  et 
se  divise  en  sillons  de  dimensions  et  de  profondeurs  va- 
riables, desquels  s'écoule  un  liquide  séro-purulent  parfois 
jaunâtre  et  oléagineux,  et  d'odeur  infecte.  Le  mufle,  les 
paupières,  les  oreilles,  gonflés  et  engorgés,  donnent  à  l'ani- 
mal un  aspect  repoussant  et  hideux;  sa  tête  est  énorme, 
on  la  dirait  coifl"ée  d'un  casque,  et  les  habitants  des  cam- 
pagnes disent  alors  de  l'animal  malade  qu'il  a  le  casque. 
L'éléphantiasis  généralisée  est  rarement  curable.  Au  lieu 
d'employer  pour  la  combattre  un  traitement  coûteux,  mieux 
vaut  livrer  les  animaux  à  la  boucherie.        L.  Garnier. 

ÉLÉPHANTINE  (Archéol.  égypt.).  Capitale  du  nome 
le  plus  méridional  de  l'Egypte  antique.  La  dénomination 
grecque  'EXscpavxivr]  est  la  traduction  exacte  du  nom  an- 
tique de  cette' île,  Ab,  qui  signifie  Eléphant.  Les  Egyptiens 
croyaient  que  le  Nil,  descendu  du  ciel,  naissait  entre  Elé- 
phantine  et  Philœ  parmi  les  rochers  de  la  cataracte,  dans 
deux  gouffres  appelés  Kerti.  On  voyait  encore  à  Eléphan- 
tine,  au  commencement  de  ce  siècle,  deux  temples  dont 
l'un,  le  temple  du  Sud,  avait  été  consacré  par  Aménophis  III 
(XVIII«  dynastie)  à  la  triade  de  Khnoum,  Sati  et  Anouké, 
qui  était  l'objet  d'un  culte  particulier  à  la  première  cata- 
racte. Cet  édifice,  d'admirables  proportions,  a  été  détruit 
sous  Mehemet-Ali.  Le  plus  ancien  nom  royal  qu'on  ait  re- 
levé à  Eléphantine  est  celui  de  Thoutmès  III,  lu  sur  un 
bloc  de  granit  appartenant  au  mur  de  soutènement  qui 
protégeait  l'île  contre  la  violence  des  courants  du  Nil. 

ELEPHANTIS,  femme  auteur  du  commencement  de  l'em- 
pire romain.  Ses  écrits  en  prose  et  en  vers  avaient  pour 
caractère  une  impudente  lubricité,  dans  le  genre  àe^Sonnetti 
lussuriosi  de  FArétin.  Aussi  Tibère  les  plaça-t-il,  suivant 
Suétone,  avec  des  tableaux  et  des  sculptures  obscènes,  dans 
bs  chambres  de  son  palais  de  Caprée.  Il  faut  citer  le  pas- 
sage en  latin  :  CubiciUa  plurifariam  disposita  tabellis 
ac  sigillis  lasciuissimarum  picturarum  et  figurarum 
adornavit  librisque  Elephantidis  instruxit,  ne  cui 
in  opéra  edenda  exemplar  imperatœ  schemœ  deesset 
(Suét.,.  m.  43). 

ÉLÉPHANTS  (Baie  des).  Mouillage  excellent  sur  la  côte 
occidentale  d'Afrique  (possessions  portugaises  d'Angola), 
par  13°  20'  de  lat.  S.  La  région  est  inhabitée  et  sans  eau. 
ELER  (André),  musicien  français,  né  en  Alsace  vers 
1764,  mort  à  Paris  le  21  avr.  1821.  Malgré  le  mérite  de 
ses  compositions  de  musique  de  chambre,  il  demeura  long- 
temps dans  la  misère  et  se  vit  préférer  Berton,  grâce  à 
l'influence  de  Catel,  pour  une  place  de  professeur  d'har- 
monie au  Conservatoire  ;  vers  la  fin  de  sa  vie,  pourtant,  il 
fut  nommé  professeur  de  contrepoint,  au  moment  de  la 
réorganisation  de  l'Ecole  royale  de  musique  (1816).  Un 
jour  que  ses  élèves  le  trouvèrent  occupé  à  fendre  son  bois 
dans  la  cour  de  la  maison  dont  il  habitait  le  cinquième 
étage,  il  leur  répondit  en  riant  :  «  Je  suis  fait  à  cette  be- 
sogne, étant  accoutumé  à  tout,  excepté  à  la  musique  de 
Catel.  »  Il  n'a  écrit  pour  le  théâtre  que  Appelle  et  Cam- 
paspe  (joué  en  1798),  le  Chant  des  vengeances, ^  inter- 
mède lyrique  dont  les  paroles  sont  de  Rouget  de  Lisle,  un 
petit  opéra-comique,  F  Habit  du  chevalier  de  Graynmont, 
représenté  en  1800,  et  un  grand  opéra,  la  Forêt  de 
Brama,  qui  n'a  point  été  exécuté.  Il  a  aussi  fait  une  ou- 
verture pour  harmonie  et  beaucoup  de  morceaux  pour  ins- 


^  817  -^ 


ELER  —  ELEUSINIES 


truments  à  vent,  très  habilement  écrits,  dont  on  trouvera 
le  détail  dans  Fétis.  De  plus,  on  peut  voir,  à  la  bibliothèque 
du  Conservatoire  de  Paris,  la  précieuse  collection  Eler, 
dans  laquelle  ce  musicien  a  réuni  et  mis  en  partition 
nombre  de  compositions  remarquables  des  grands  auteurs 
du  xvie  siècle.  Alfred  Ernst. 

ELERS  (Johan),  rimeur  et  topographe  suédois,  né  à 
Karlskrona  le  8  juin  1729,  mort  le  20  nov.  -1813.  Entré 
comme  copiste  au  ministère  de  l'intérieur,  il  y  devint  se- 
crétaire du  protocole  (1766),  reçut  en  1787  le  titre  de 
conseiller  de  chancellerie  et  fut  de  1789  à  1792  membre 
du  comité  des  affaires  générales.  Il  publia  Mes  Essais  poé- 
tiques (1755-1759,  4  vol.);  Chansons  badines  (1792, 
avec  musique  de  plusieurs  compositeurs)  ;  Mes  Larmes 
(dans  le  t.  II  des  Actes  de  l'Académie  des  belles -lettres 
qui  avait  couronné  ce  poème  en  1774);  enfin,  une  bonne 
topographie  historique  de  Stockholm  (1800-1801,  4  vol.). 

ÉLESMES.  Com.  du  dép.  du  Nord,  arr.  d'Avesnes, 
cant.  de  Maubeuge  ;  495  hab. 

EL- ESN  A  M.  Nom  qui  se  retrouve  fréquemment  dans 
la  toponymie  des  pays  barbaresques  et  qui  signifie  les 
idoles;  il  s'applique  à  des  localités  où  l'on  voit  des  ruines. 
Signalons  parmi  les  plus  connues  :  El-Esnam^  stat.  du 
chem.  de  fer  d'Alger  à  Constantine,  entre  Bouïra  et  Adjiba  ; 
Kalaa-el-Esnam,  rocher  près  de  la  frontière  d'Algérie, 
qui  porte  à  son  sommet  un  pauvre  village  tunisien.  El- 
Esna7n  était  le  nom  de  la  localité  où  s'est  élevée  Orléans- 
ville,  et  les  piliers  informes  que  Duveyrier  vit  près  de 
Radamès  sont  appelés  aussi  El-Esnâmen. 

ELESYCES,  ELiSYCI,  HELISYCI.  Peuple  qui,  à  une 
époque  antérieure  à  l'établissement  des  Gaulois  sur  les 
côtes  de  la  Méditerranée,  occupait  la  partie  de  l'ancienne 
Ibérie  située  entre  les  Pyrénées  et  l'Aude.  Festus  Avienus 
(Ora  marit,,  v,  584-586)  nous  apprend  que  Narbonne 
était  leur  capitale.  On  ne  sait  pas  au  juste  de  quelle  race 
étaient  les  Elesyces.  Suivant  Hécatée  de  Milet  (Fragm. 
hist.  grœc,  I,  2),  qui  écrivait  vers  l'an  500  avant  notre 
ère,  ils  étaient  Ligures.  A  cette  époque,  en  effet,  le  pays 
s'étendant  du  Rhône  aux  Pyrénées  avait  été  conquis  par 
les  Ibères  sur  les  Ligures.  D'autre  part,  Hérodote  (1.  VII, 
165),  qui  les  mentionne  parmi  les  mercenaires  amenés 
par  Amilcar  en  Sicile  vers  l'an  480  av.  J.-C,  d'accord 
avec  les  indications  du  périple  de  Scylax  (Geogr*  grœci 
minor.,  éd.  Mùller,  I,  17),  les  distingue  des  Ligures  purs 
et  des  Ibères  purs  :  ils  étaient,  à  ses  yeux,  un  mélange 
d'Ibères  vaincus  et  de  Ligures  conquérants.  Vers  l'an  400 
avant  notre  ère,  les  Gaulois  s'emparèrent  des  côtes  de  la 
Méditerranée,  et  les  Volcae  Tectosages  envahirent  le  terri- 
toire des  Elesyces  ;  ceux-ci,  probablement  pendant  long- 
temps les  cUents  de  ces  nouveaux  maîtres,  finirent  par  être 
absorbés  par  eux.  M.  d'Arbois  de  Jubain ville  fait  la  re- 
marque que  Strabon  en  deux  endroits  (I,  i,  4,  et  III,  ii, 
13)  place  T'LIXuaiov  tusBiov  d'Homère  {Odyssée,  IV,  563) 
en  Ibérie.  C'est  donc  dans  le  pays  des  Elesyces,  c.-à-d. 
dans  le  dép.  de  l'xiude  ou  dans  les  environs,  qu'il  faudrait 
chercher  les  Champs-Elysées,  cette  contrée  charmante  qui, 
d'après  les  descriptions  d'Homère,  était  située  aux  extré- 
mités de  la  terre.  Le  nom  des  Elesyces  ou  Helisyci  (  'EXt- 
auxot,  Hérodote)  peut  être  rapproché  du  marais  Hélice  de 
Festus  Avienus  (Ora  marit.,  588),  situé  entre  Narbonne 
et  Bcziers,  et  qui  est  l'étang  de  Vendres.  L.  W. 

BiBL.  :  D'Arbois  de  Jubainville,  les  Elesyces  ou  Eli- 
syci  et  l'Ora  maritima  de  Festus  Avienus^  dans  Rev. 
archéoL,  nouv.  sér.,  XXVIII,  230-237  (cf.  Keu.  arch.,  XXX, 
377-378).—  Du  môme,  les  Premiers  Habitants  de  l'Europe; 
Paris,  1889,  pp.  41-42  ;  375-376.  —  E.  DesjardiiNS,  Géogr. 
rorn.  de  la  Gaule,  II,  106  ;-2l2. 

ÉLÉTOT.  Com.  du  dép.  de  la  Seine-Inférieure,  arr. 
d'Yvetot,  cant.  de  Valmont;  800  hab. 

ELETS.  Ville  de  la  Russie  d'Europe,  chef-lieu  de  dis- 
trict du  gouvernement  d'Orel,  située  sur  la  rivière  Sosna  ; 
36,678  hab.  Le  district  d'Elet*  appartient  à  la  Terre  noire 
et  est  essentiellement  agricole. 

ELETTARIA  (Elettaria  MsiU)  (Bot.).  Genre  de  plantes 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.   —  XV. 


de  la  famille  des  Zingibéracées,  voisin  des  Gingembres,  dont 
il  se  distingue  surtout  par  son  mode  d'inflorescence  et  par 
l'unique  anthère  fertile  qui  est  pourvue  de  deux  loges  con- 
tiguës  jusqu'à  leur  sommet  avec  un  connectif  non  dilaté. 
L'unique  espèce,  E,  repens  H.  Bn.  (E.  Cardamomum 
Mat.;  Matonia  Cardamomum  Sm.),  est  originaire  de  l'Inde 
et  cultivée  dans  un  grand  nombre  de  localités  de  l'Asie 
tropicale.  Ses  fruits  sont  employés  en  thérapeutique  sous 
le  nom  de  Cardamomes  de  Malabar  (V.  ce  mot).  Ed.  Lef. 

ÉLEU-dit-Leauwette.  Com.  du  dép.  du  Pas-de-Calais; 
arr.  d'Arras,  cant.  de  Vimy;  177  hab. 

ÉLEUSINE  (Eleusine  Gaertn.)  (Bot.).  Genre  de  Gra- 
minées, dont  on  connaît  seulement  six  ou  sept  espèces 
répandues  dans  les  régions  chaudes  des  deux  mondes.  Ce 
sont  des  herbes  à  feuilles  planes  et  allongées,  à  épis  pani- 
culés  et  digités,  formés  de  deux  épillets  sessiles  à  deux  ou 
plusieurs  fleurs  distiques.  VE.  indica  Gsierin.  et  VE.  cora- 
cana  Gaertn.  sont  cultivés  communément  dans  l'Inde  pour 
leurs  caryopses  qui  servent  à  la  nourriture  des  naturels, 
surtout  lorsque  le  riz  vient  à  manquer.  On  en  fait  des  espèces 
de  bouillies. —  U  Eleusine  d'Egypte  estle  Dactyloctenium 
œgyptiacum  Willd.,  qui  croît  en  Egypte,  en  Sicile,  en 
Amérique  et  aux  Indes  Orientales.  Ses  caryopses  servent  à 
faire  des  décoctions  préconisées  contre  les  maladies  du  rein 
et  de  la  vessie.  Ed.  Lef. 

ÉLEUSiNlES.  Nom  des  fêtes  célébrées  tant  à  Eleusis 
(V.  ce  nom)  qu'à  Athènes  en  l'honneur  de  Déméter,  de 
Coré  et  d'Iacchos,  les  trois  divinités  chthoniennes  de 
l'Attique,  unies  dans  un  même  culte  mystérieux  qui  compte 
parmi  les  plus  importants  de  l'hellénisme. 

1^  Origine  et  signification.  Le  document  le  plus  an- 
cien que  nous  possédions  sur  l'institution  des  Eleusinies  et 
sur  les  légendes  d'où  elle  est  issue  est  l'hymne  homérique 
à  Déméter,  découvert  vers  la  fin  du  siècle  dernier  à 
Moscou.  Cette  œuvre,  dont  la  composition  remonte  au 
viii^  siècle,  rattache  à  Eleusis  la  fable  de  Déméter  à  qui 
Hadès  a  ravi  sa  fille  et  qui,  l'ayant  cherchée  par  toute  la 
terre,  provoque  une  famine  universelle  jusqu'à  ce  que 
l'intervention  de  Zeus  la  lui  ait  fait  ramener  du  fond  des 
enfers.  Le  sens  de  ce  mythe  est  clair  :  Coré,  ravie  dans 
les  sombres  royaumes,  puis  rendue,  pour  quelques  mois 
chaque  année,  à  l'amour  de  sa  mère,  est  l'image  de  la 
nature  qui  semble  mourir  aux  approches  de  l'hiver,  gar- 
dant dans  son  sein  la  semence  des  existences  nouvelles,  et 
qui  ressuscite  au  printemps  avec  la  verdure  des  champs. 
Si  Eleusis  est  considérée  comme  le  siège  de  cette  légende, 
si  autour  de  Déméter  et  du  temple  qu'elle  y  possède  sont 
groupées  les  personnalités  héroïques  de  la  contrée,  Celeus 
le  roi  et  Métanira  sa  femme,  leur  fils  Démophon  et  leurs 
filles  parmi  lesquelles  le  poète  nomme  Callidicé,  c'est  que 
la  plaine  thriasienne,  qui  s'étend  entre  Eleusis  et  Athènes, 
fut,  en  Grèce,  un  des  premiers  centres  de  la  culture  des 
céréales.  Au  même  titre,  nous  voyons  prendre  place  dans 
la  fable  le  héros  Triptolème  à  qui  Déméter  enseigne  cette 
culture  par  l'emploi  de  la  charrue  ;  le  personnage  d'Eu- 
molpus  et  celui  de  Ceryx  qui  s'y  mêlent,  lorsque  Eleusis 
entre  en  rapports  politiques  avec  Athènes,  soit  qu'une 
guerre  ait  mis  aux  prises  Celeus  et  Erechthée,  soit  que 
l'alliance  des  deux  cités  se  soit  accomplie  à  la  faveur  du 
culte  de  Déméter.  La  race  des  Eumolpides  et  celle  des 
Céryces  reçoivent  en  dépôt  les  cérémonies  et  président,  à 
travers  les  siècles,  aux  pratiques  solennelles  de  ce  culte. 
Dans  le  même  temps,  lacchos,  divinité  athénienne,  qui 
personnifie  la  culture  de  la  vigne  et  n'est  autre  qu'une 
forme  de  Dionysos,  est  associé  aux  divinités  primitives 
d'Eleusis  ;  de  sorte  que  cette  religion,  consacrant  l'union 
des  deux  peuples  voisins,  embrasse  l'œuvre  presque  entière 
de  l'agriculture  en  Attique.  Elle  est  complète  au  temps  de 
Solon,  ayant  reçu,  après  l'attentat  de  Cylon  et  grâce  à 
l'influence  d'Epiménide,  un  fort  élément  de  cette  philoso- 
phie mystique  que  l'on  a  désignée  sous  le  nom  d'orphisme. 
Les  craintes  causées  par  les  guerres  médiques  avec  la 
surexcitation  du  sentiment  religieux  qui  en  fut  la  suite, 

52 


ÉLEUSÎNIES 


^  8iB  - 


achevèrent  de  donner  au  sanctuaire  d'Eleusis  et  aux  pra- 
tiques dont  il  était  le  théâtre  une  importance  extraordi- 
naire et  firent  des  Eleusinies  la  fête  la  plus  populaire,  la 
plus  sainte,  la  plus  courue  de  l'antiquité  gréco-romaine  ; 
elles  furent  la  manifestation  par  excellence  des  Mystères, 
2°  Petites  Eleusinies,  A  l'époque  des  guerres  contre 
les  Perses,  on  distingue  les  petites  et  les  grandes  Eleu- 
sinies,,  celles-là  correspondant  aux  préoccupations  agricoles 
du  printemps,  celles-ci  à  l'expansion  des  sentiments  de 
gratitude  qui  succède  aux  moissons  comme  aussi  des  inquié- 
tudes que  font  concevoir  les  semailles  à  l'entrée  de  l'hiver. 
Les  petites  Eleusinies,  sur  lesquelles  nous  ne  savons  que 
fort  peu  de  chose ,  se  célébraient  à  Athènes  pendant  le 
mois  Antesthérion,  dans  le  faubourg  d'Agrœ,  sur  les  bords 
de  rilissus  ;  Déméter  y  possédait  un  temple  que,  par  ana- 
logie, on  avait  appelé  VEleusinion,  Elles  consistaient  sur- 
tout en  cérémonies  purificatoires  pour  lesquelles  on  em- 
ployait l'eau  -de  l'Ilissus.  C'était  comme  une  préparation 
aux  grandes  Eleusinies  de  l'automne,  mais  il  n'est  pas 
douteux  que,  de  toute  antiquité,  la  religion  de  Déméter, 
embrassant  le  cycle  entier  de  la  végétation,  n'ait  eu,  aussi 
bien  à  Eleusis  qu'à  Athènes,  sa  fête  du^printemps  (V.  Pro- 
CHARisTÉRiEs).  Lorsquc  cette  religion  fut  réservée  à  des 
initiés  et  prit  la  forme  de  Mystères,  les  petites  Eleusinies 
marquèrent  le  point  de  départ  des  initiations  qui  s'ache- 
vaient, comme  après  un  temps  d'épreuves,  à  l'automne 
suivant. 

3°  Grandes  Eleusinies,  Celles-ci  tombaient  dans  le 
mois  Boédromion,  c.-à-d.  au  temps  qui  sépare  la  moisson 
des  semailles  automnales.  Elles  duraient  environ  douze 
jours  à  partir  du  45  de  ce  mois,  chaque  jour  ayant  un 
objet  spécial.  Tout  d'abord  les  prêtres  convoquaient  l'assem- 
blée des  fidèles  (àx^^dJ^ôç)  et  leur  adressaient  une  procla- 
mation solennelle  (Trpdppr^atç)  qui  réglait  la  marche  de  la 
cérémonie  et  en  écartait  tous  les  indignes  ;  ces  réunions 
préparatoires  avaient  Heu  à  Athènes  dans  le  portique  appelé 
Pécile.  Le  lendemain  on  procédait,  sur  le  bord  de  la  mer, 
peut-être  au  Pirée,  plus  probablement  sur  la  route  d'Eleusis, 
à  la  purification  des  initiés  (à'XaSe  [xuarai)  ;  les  trois  jours 
suivants  étaient  occupés  par  des  sacrifices  de  tout  genre 
en  l'honneur  des  trois  divinités  éleusiniennes  et  des  héros 
éponymes  de  l'Attique.  L'épisode  principal  de  la  fête  était 
la  procession  d'Iacchos  qui  tombait  le  20  ;  elle  avait  pour 
objet  de  transporter  en  grande  pompe,  d'Athènes  à  Eleusis, 
le  frère  mystique  de  Coré,  le  dieu  des  vignerons,  au  temple 
des  divinités  de  l'agriculture.  Cette  pompe,  qui  n'avait 
d'analogue  que  celle  des  Panathénées,  partait  de  l'Eleu- 
sinion  d'Agrae,  traversait  le  Céramique  et  se  rendait  à 
Eleusis  par  la  grande  plaine,  le  long  d'une  route  à  qui  de 
nombreux  édifices  religieux  avaient  valu  répithèté  de 
sacrée.  Il  y  avait  environ  quatre  heues  à  franchir;  quoique 
la  procession  partît  de  bonne  heure,  les  stations  nombreuses 
faites  dans  les  temples  et  le  grand  concours  de  fidèles  ne 
permettaient  d'arriver  qu'à  la  nuit.  La  fête,  dans  son  en- 
semble, avait  un  caractère  grave,  mais  l'élément  joyeux 
n'en  était  pas  absent  ;  c'est  au  pont  du  Céphise  que  les 
assistants  échangeaient  entre  eux  des  plaisanteries  qui 
tiraient  leur  nom  de  ce  pont  (ys^upa,  Yscpupic7[xoi).  Les 
cérémonies  accomplies  à  Eleusis  même  peuvent  se  résumer 
dans  le  grand  acte  de  l'initiation. 

40  Initiation,  Veillées  saintes»  De  même  que  le  culte 
des  Cabires  (V.  ce  nom)  à  Samothrace,  la  religion  des 
divinités  éleusiniennes  était  réservée  dans  sa  plénitude 
à  une  catégorie  distincte  de  fidèles  qui  prenaient  le  nom 
àHnitiés.  Ce  que  furent  au  juste  les  conditions  de  l'initia- 
tion, nous  le  devinons  plutôt  que  nous  ne  le  savons  avec 
certitude.  Pour  y  être  admis,  il  fallait  appartenir  à  la 
nation  des  Hellènes,  plus  tard  des  Romains  qui  ne  furent 
jamais  considérés  comme  des  barbares,  et  être  présenté 
par  un  intermédiaire  déjà  initié,  qui  s'appelait  le  mysta- 
gogue.  Les  esclaves  mêmes,  à  la  condition  d'être  Grecs, 
étaient  acceptés  à  l'initiation,  mais  on  en  écartait  quiconque 
se  trouvait  souillé  par  un  meurtre  ou  par  toute  autre  faute 


notoire  et  grave.  Le  premier  acte  de  Tinltiation  avait  lieu 
aux  petites  Eleusinies  du  printemps  ;  en  automne,   les 
initiés  du  premier  degré  étaient  admis  pour  la  première 
fois  à  contempler  dans  l'intérieur  du  temple  d'Eleusis,  le 
soir  de  la  grande  procession,  les  symboles  divins  et  à  en 
entendre  l'interprétation.  Ils  participaient  de  même  aux 
cérémonies  qui  représentaient  la  course  errante  de  Déméter 
à  la  recherche  de  sa  fille,  d'abord  avec  toutes  les  manifes- 
tations de  la  tristesse  et  du  désespoir,  puis  avec  les  marques 
de  la  joie  extatique  et  de  l'enthousiasme  divin.  A  la  pre- 
mière phase  correspondait  la  pratique  du  jeûne  qui  rappe- 
lait celui  de  Déméter  refusant  toute  nourriture  et  la  famine 
que  sa  colère  avait  attirée  sur  le  monde  ;  à  la  seconde  se 
rapportait   l'absorption    du  breuvage    mystique,    appelé 
cycéon,  composé  de  farine,  d'eau  et  d'épices  diverses  ; 
les  courses  aux  flambeaux  le  long  de  la  mer  et  finalement, 
durant  la  sainte  veillée  qui  succédait  à  la  procession  du  jour, 
la  révélation,  au  milieu  d'un  décor  de  lumières  et  de  pein- 
tures, des  mystères  du  temple.  Cette  révélation  comportait 
à  la  fois  des  actions,  c.-à-d.  une  représentation  symbo- 
lique, sans  doute  avec  un  appareil  théâtral,  des  épisodes 
de  la  légende  et  des  discours  dans  lesquels  les  prêtres 
interprétaient  le  sens  de  chaque  symbole  et  tiraient  des 
faits  légendaires  une  leçon  morale.  La  contradiction  qui 
semble  exister  entre  les  témoignages  historiques  concer- 
nant les  mystères  d'Eleusis  s'explique  aisément,  tant  par 
le  mélange  de  ces  éléments  divers  dans  les  pratiques  du 
culte  que  par  les   applications  variées  dont  elles  étaient 
l'objet  de  la  part  des  initiés.  Tandis  que  Pindare,  Eschyle, 
Sophocle,  Isocrate  et  plus  tard  encore  Cicéron  parlent  de 
ces  mystères  avec  un  respectueux  enthousiasme,  il  ne 
manque  pas   d'esprits   éminents  et  d'ailleurs   religieux, 
Platon,  Théophraste,  Démosthène,  qui  y  ont  vu  des  jon- 
gleries indignes  et  des  prétextes  aux  plus  ridicules  supers- 
titions. Aux  uns,  ils  enseignaient  la  nécessité  de  la  purifi- 
cation après  la  faute  et  fortifiaient  le  sentiment  moral  par 
la  doctrine  de  l'immortalité  des  âmes  et  de  la  rétribution 
future  ;  pour  les  autres,  ils  étaient  l'occasion  de  pratiques 
grossières,  grotesques  même,  au  fond  desquelles  il  serait 
naïf  de  chercher  quelque  idée  philosophique  ou  morale. 
C'est  surtout  au  déclin  du  paganisme,  dans  la  lutte  enga- 
gée contre  la  religion  nouvelle,  que  les  païens  intelligents 
essayèrent,  par  l'interprétation  allégorique,  de  défendre  la 
sainteté  des  mystères,  tandis  que  les  prêtres  cherchaient 
par  tous  les  moyens  possibles  à  les  approprier  aux  exi- 
gences toujours  plus  grandes  du  sentiment  religieux.  Plu- 
tarque  (Fragm.  De  Anim,,  35,  chez  Stobée,  Flor,,  cxx, 
28)  décrit  en  ces  termes  l'exaltation  des  initiés  durant  la 
nuit  qui  succède  à  la  grande  procession  d'Iacchos  :  «  Ce  sont 
d'abord  des  courses  errantes  et  des  circuits  pénibles,  des 
recherches  sans  issue  dans  les  ténèbres,  ensuite  des  objets 
d'effroi  qui  donnent  le  frisson,  font  couler  la  sueur  et  pro- 
duisent la  stupeur.  Finalement  une  lumière  merveilleuse 
éclate,  des  espaces  pleins  de  sérénité  se  découvrent,  l'on 
entend  des  voix,  l'on  aperçoit  des  danses;  les  oreilles  et  les 
yeux  sont  charmés  à  la  fois  par  la  révélation  des  choses 
saintes  et  vénérables.  »  Lucien  dit  de  même  que  les  mys- 
tères d'Eleusis  promènent  l'imagination  dans  les  horreurs 
du  Tartare  pour  les  faire  aboutir  aux  splendeurs  de  l'Elysée. 
50  Ministres  sacrés.  Nous  avons  dit  que  les  fonctions 
du  culte  éleusinien  se  perpétuaient  dans  les  antiques  familles 
des  Eumolpides  et  des  Céryces,  la  première  tirant  son  nom 
du  chant  harmonieux  de  la  liturgie,  la  seconde  des  dis- 
cours et  proclamations  solennelles  adressés  aux  fidèles. 
On  distinguait  parmi  ces  prêtres  Vhiérophante  qui  prési- 
dait à  la  révélation  des  mystères,  le  daduchos  qui  portait 
le  flambeau  et  le  mettait  aux  mains  des  initiés,  Vépibo- 
mios  qui  offrait  le  sacrifice  à  l'autel.  Tous  ces  mmistres 
étaient  groupés  dans  une  savante  hiérarchie  et  officiaient 
revêtus  d'ornements  magnifiques.  Ils  s'acquittaient  de  leurs 
fonctions  sous  le  contrôle  de  l'archonte-roi  et  formaient 
une  sorte  de  sénat  sacré  qui,  à  la  compétence  liturgique, 
joignait  des  attributions  judiciaires.  Ce  sénat  avait  à  juger 


—  819  — 


ÉLEUSINIES  -^  ELEUSIS 


tous  les  actes  d'irrévérence  et  d'impiété  commis  envers  les 
mystères  ;  dans  les  cas  graves  et  qui  touchaient  à  la  tran- 
quillité publique,  les  Eumolpides  portaient  les  crimes  à  la 
connaissance  du  peuple  entier  qui  décidait  souverainement. 
C'est  ce  qui  eut  lieu  dans  l'affaire  des  Hermocopides 
(V.  Alcibiade).  Outre  des  lois  écrites,  la  religion  d'Eleusis 
était  garantie  par  un  ensemble  de  dispositions  transmises 
oralement  dans  le  secret  du  temple  ;  c'étaient  les  lois  non 
écrites  (vopi  aypacpoi),  dont  un  auteur  grec  du  temps  de 
Périclès  vante  la  considération  et  l'excellence.  Il  y  a  des 
exemples  de  condamnations  capitales  prononcées  pour  vio- 
lation du  secret  des  mystères  et  attentats  contre  la  sainteté 
des  divinités  éleusiniennes.  Le  plus  connu  est  celui  de  Dia- 
goras  de  Mélos,  qui  avait  commis  le  double  crime  et  qui 
périt  sous  la  main  d'un  fanatique,  sa  tête  ayant  été  mise 
à  prix. 

6°  Les  Eleusinies  hors  d'Athènes.  De  même  que  les 
mystères  cabiriques  se  répandirent  dans  diverses  parties 
du  monde  gréco-romain,  ainsi  le  culte  d'Eleusis  se  fixa  çà 
et  là,  sans  que  l'on  puisse  établir  le  temps  précis  de  cette 
diffusion,  en  Asie  Mineure,  dans  les  îles  et  sur  le  reste  du 
continent  hellénique.  Il  est  même  probable  que  la  vénéra- 
tion dont  fut  l'objet,  chez  les  Romains,  le  groupe  divin  de 
Cérès,  de  Liber  et  de  Libéra,  eut  sa  raison  d'être  dans 
l'imitation  des  mystères  éleusiniens.  La  conquête  de  la 
Grèce  par  les  Romains  profita  d'ailleurs  à  la  popularité  de 
ces  mystères,  et  les  Eleusinies  refleurirent  à  Rome  dans  la 
pompe  des  Cerialia.  On  peut  voir  chez  Ovide  (Fast.^  IV, 
393  et  suiv.),  comment  les  poêles  latins  adaptèrent  à  la 
fête  latine  les  légendes  et  les  pratiques  venues  de  Grèce. 
Sous  l'Empire,  l'usage  des  initiations,  tant  à  Eleusis  qu'à 
Samothrace,  persista  avec  plus  de  faveur  que  jamais  ; 
Claude  avait  même  essayé  de  les  transporter  à  Rome.  Au- 
guste, Adrien,  Marc-Aurèle  s'étaient  fait  initier  ;  le  con- 
seil sacré  des  prêtres  d'Eleusis  fonctionna  sous  Commode, 
et  lorsque  Valentinien,  empereur  chrétien,  défendit  par  un 
édit  la  célébration  des  mystères  nocturnes,  les  Eleusinies 
furent  exceptées  de  la  défense.  Dans  le  même  temps,  la 
race  des  Eumolpides  étant  éteinte,  un  prêtre  de  Mithra, 
originaire  de  Thespies,  fut  appelé  aux  fonctions  de  hiéro- 
phante (V.  Mystère).  J.-A.  Hild. 

BiBL.  :  Nous  ne  citons  que  les  ouvrages  les  plus  récents 
et  les  plus  complets.  —  Lobeck,  Aglaophamus^  I,  pp.  4- 
228.  —  Hermann,  Lehrbuch  der  Gottesd.  Alterth.  der 
Griechen,  §  7,  10  ;  §  32,  12  et  suiv.  et  §  55.  —  Scmœmann, 
Griech.  Alterth.,  Il,  pp.  380  et  suiv.  —  Prelliiir,  Griech. 
Mylhol.^l^  pp.  615  et  suiv.,  et  l'art.  E^eusinia, dans  la  Real 
Encyclop .  de  Pauly.  —  A.  Mommsen,  Heortologie, 
pp.  222  et  suiv.  —  En  français,  mais  avec  moins  de  science 
et  de  critique  :  V.  Sainte-Croix,  Recherches  historiques 
et  critiques  sur  les  mystères  du  pag.  ;  Paris,  1817  (édit. 
remaniée  par  Sylvestre  de  Sacy).  —  Ôuwaroff,  Essai  sur 
les  mystères  d'Eleusis  ;  Paris, '1816.  —  Creuzer,  Symbo- 
lique^ IV,  pp.  483  et  suiv..  trad.  Guignant.  —  Maury,  Hist. 
des  rel.  de  la  Grèce  ant.,  II,  pp.  315  et  suiv.,  et  l'art,  de 
Lenormant  et  Pottier,  Eleusinia,  dans  le  Dict.  des 
antiq.  grec,  et  romaines.,  par  Daremberg  et  Saglio,  t.  II, 
pp.  544'  et  suiv.,  le  mieux  informé  de  tous. 

ELEUSIS  (Géogr.  anc).  Ville  de  l'ancienne  Attique, 
aujourd'hui  Lepsina.,  dême  appartenant  à  la  tribu  Hippo- 
thoontis  ;  elle  était  située  sur  le  golfe  de  Salamine,  à  l'O. 
de  l'Attique,  sur  la  route  entre  Athènes  et  l'Isthme,  dans 
la  plaine  fertile  (Rharienne  ou  de  Thriasie),  arrosée  par  le 
Céphise.  Elle  dut  sa  renommée  au  culte  des  grandes  déesses 
Déméter  et  Perséphoné  qui  étaient  censées  y  résider  et  dont 
les  mystères  y  étaient  célébrés  sous  le  nom  à' Eleusinies; 
cette  religion  d'Eleusis  se  répandit  dans  la  Grèce  entière. 
Eleusis  paraît  avoir  eu  dès  une  haute  antiquité  le  carac- 
tère de  ville  sacrée  qu'elle  conserva  pendant  toute  l'anti- 
quité. Ce  fut  d'abord  un  des  douze  royaumes  entre  lesquels 
se  partageait  l'Attique  ;  il  était  gouverné  par  la  famille  des 
Eumolpides  préposée  au  culte  comme  à  la  direction  politique. 
Lorsque  Athènes  se  subordonna  les  autres  cantons  voisins, 
la  défaite  d'Eleusis  établit  définitivement  sa  suprématie.  La 
légende  racontait  qu'à  la  suite  d'une  guerre  entre  le  roi 
Eumolpus  d'Eleusis  et  le  roi  Erechthée  d'Athènes,  les  Eleu- 
siniens, ayant  succombé,  reconnurent  la  domination  athé- 


nienne, excepté  en  ce  qui  concernait  les  mystères.  Ce  qui 
est  certain,  c'est  qu'Eleusis,  bien  que  réduit  à  la  condition  de 
dême  de  l'Attique,  conserva  de  grands  privilèges  ;  le  titre 
de  cité  (TudXtç),  le  droit  de  battre  monnaie.  Les  deux  villes 
étaient  réunies  par  la  voie  Sacrée  ("Ispa  o^oc,)  sur  laquelle 
chaque  année  se  déroulait  la  grande  procession  vers  Eleusis. 
Cette  voie  bordée  de  monuments  a  été  décrite  parPausanias 
et  par  Polémon  dans  un  ouvrage  perdu.  Elle  commençait 
à  Athènes  par  deux  voies  bientôt  réunies  partant  du  Dipyle 
et  de  la  porte  Sacrée  ;  on  rencontrait  successivement  les 
monuments  du  héraut  Anthémocrite,  le  tombeau  de  Molosse, 
du  prophète  Scirus,  le  dême  Laciades  (patrie  de  Miltiade)  ; 
franchissant  le  Céphise  sur  un  pont  oii  les  initiés  venaient 
plaisanter  les  passants,  on  atteignait  le  monument  de  Pythio- 
nice  (femme  d'Harpale),  puis  le  mont  Pœcile  et  le  temple 
d'Apollon  (aujourd'hui  chapelle  Saint-Elie)  ;  auprès  était 
un  temple  d'Aphrodite  bâti  en  l'honneur  de  Phila,  femme  de 
Démétrius  Poliorcète.  On  arrivait  ensuite  à  Rheiti,  dont  les 
cascades  étaient  à  la  limite  entre  le  territoire  d'Athènes  et 
celui  d'Eleusis  ;  on  entrait  dans  la  plaine  éleusinienne  ; 
à  partir  du  tombeau  de  Straton,  la  voie  longeait  la  mer; 
elle  traversait  le  Céphise  éleusinien  et  entrait  dans  la  villo 
sainte. 

Celle-ci  occupait  principalement  la  partie  orientale  d'une 
colline  rocheuse  courant  parallèlement  au  rivage  et  peu 
distante  du  mont  Cerata  à  l'O.  La  colline  portait  l'Acropole, 
naturellement  ;  son  extrémité  orientale  avait  été  aplanie  et 
de  grands  terrassements  avaient  été  établis  pour  supporter 
les  édifices  sacrés  groupés  autour  du  temple  de  Déméter. 
La  ville  proprement  dite  s'étendait  au  S.  de  la  colline  entre 
elle  et  la  mer,  formant  un  triangle  d'environ  500  m.  de 
côté.  Le  mur  oriental  se  prolongeait  dans  la  mer  par  un 
des  môles  longs  de  100  m.  qui  formaient  le  port  artificiel 
d'Eleusis.  Pausanias  cite  des  temples  de  Triptolème,   de 
Poséidon,  d'Artémis  Propyléenne  et  le  Callichorum  (au  N. 
de  la  colline)  où  les  femmes  d'Eleusis  célébraient  les  déesses 
par  des  chants  et  des  danses.  Mais  la  plupart  des  édifices 
religieux  étaient  réunis  dans  le  Hiéron,  autour  du  temple 
de  Déméter.  Le  Hiéron  était  entouré  d'une  double  enceinte. 
Il  subsiste  de  cet  ensemble  des  ruines  considérables  qui 
ont  été  décrites,  notamment  par  la  commission  des  Dilet- 
tanti.  En  arrivant  d'Athènes,  abordant  la  colline  par  le 
N,-E.,  on  trouvait  les  Propylées,  vestibule  monumental  ana- 
logue à  celui  de  l'Acropole  d'Athènes  ;  devant  était  le  petit 
temple  d'Artémis  Propyléenne.  Après  avoir  franchi  les  Pro- 
pylées, on  était  dans  l'enclos  extérieur  ;  à  50  pieds  plus  loin 
était  le  mur  de  l'enclos  intérieur  qui  avait  la  forme  d'un 
pentagone  ;  on  y  pénétrait  par  les  Propylées  intérieures  et 
on  se  trouvait  en  présence  du  temple  de  Déméter.  Ce  temple 
(t6  TsXsaiTÎpiov  ou  [jLucjTixo?  ari^oç)  où  se  célébraient  les 
mystères,  était  le  plus  vaste  de  la  Grèce  ;  il  pouvait,  au 
diredeStrabon,  contenir  autant  de  personnes  qu'un  théâtre. 
Le  plan  en  avait  été  donné  par  Ictinus,  l'architecte  du 
Parthénon  ;  l'exécution  s'était  poursuivie  avec  une  lenteur 
extrême;  le  portique  ne  fut  achevé  qu'en  318  par  l'archi- 
tecte Pluton,  au  temps  de  Démétrius  de  Phalère.  Ce  temple 
était  un  des  chefs-d'œuvre  de  l'architecture  grecque.  Il 
était  orienté  face  au  S.-E.  ;  la  cella  de  166  pieds  carrés  était 
portée  par  28  colonnes  doriques  disposées  sur  une  double 
rangée  ;  on  y  accédait  par  un  superbe  portique  de  12  grandes 
colonnes  doriques  ;  la  plate-forme  située  derrière  le  temple 
dominait  de  20  pieds  le  pavé  du  portique  ;  on  y  montait 
par  des  degrés  ;  un  petit  portique  la  faisait  communiquer 
avec  l'Acropole.  Nous  nous  bornons  ici  à  cette  description 
sommaire  des  ruines  actuellement  existantes  ;  on  trouvera 
dans  l'article  Mystère  les  indications  complémentaires  sur 
la  manière  dont  les  édifices  religieux  étaient  disposés  pour 
le  culte,  et  les  hypothèses  faites  à  ce  sujet.  Ce  temple  de 
Déméter  avait  remplacé  l'ancien,  brûlé  par  les  Perses  dans 
la  seconde  guerre  médique  (480).  Les  mystères  maintinrent 
la  prospérité  d'Eleusis  jusque  vers  la  fin  de  l'empire  romain  ; 
les  membres  de  l'aristocratie  venaient  s'y  faire  initier. 
Eleusis  fut  détruit  par  Alaric  en  396  et  ne  se  releva  jamais. 


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ELEUTER  -  ELEUTHES 

ELEUTER  (Georges),  peintre  polonais  du  xvii*  siècle. 
Il  appartenait  à  la  classe  des  chevaliers.  Il  fut  peintre  du 
roi  Jean  Sobieski.  lia  laissé  plusieurs  portraits  de  ce  sou- 
verain et  un  certain  nombre  de  tableaux  d^glise,  notam- 
ment une  Sainte  Anne  dans  l'église  du  même  nom  a  Lra- 
covie,  un  Christ  crucifié  dans  l'église  Samte-Croix  a 
Varsovie,  un  Saint  Roch  dans  la  même  église. 

ELEUTHERA  (Ile)  ou  ROYAL  ISLAND,  l'une  des  îles 
Bahamas  (V.  ce  mot),  au  N.  de  l'archipel;  elle  a  130  kil. 
de  long  sur  15  de  large  et  compte  5,000  hab.  environ. 

ÉLEUTHÈRE  (Saint).  Quatorzième  pape,  né  àNicopolis 
en  Epire,  élu  en  182,  mort  en  193,  après  un  épiscopat  de 
onze  années,  quatre  mois,  cinq  jours.  Les  mentions  qui 
précèdent  sont  empruntées  à  la  série  chronologique  inscrite  a 
Rome.  Le  Catalogue  délibère  assigne  à  ce pont^hcat  une 
durée  de  quinze  années,  six  mois,  cinq  jours,  de  1  il  a  19^2. 
D^après  les  calculs  de  Lipsius,  Eleuthère  serait  mort  en 
189.    Suivant   Hégésippe,   reproduit  par  Eusebe  {Hist. 
eccl     IV,  -22),  il  était  diacre  sous  Anicet,  et  il  succéda, 
comme  évèque  de  Rome,  à  Soter.  Le  calendrier  romain 
place  sa  fête  au  26  mai  et  le  met  au  rang  des  martyrs; 
mais  aucun  fait  attesté  par  l'histoire  ne  justihe  ce  titre. 
—  La  place  que  ce  pontificat  tient  dans  l'histoire  ecclésias- 
tique est  remplie,  moins  par  les  actes  accomplis  par  Eleu- 
thère, que  par  ceux  qu'on  lui  attribue  et  par  les  taits  aux- 
quels il  a  été  incidemment  mêlé.  Eusébe  (Hist.  eccl.,  y,  m) 
rapporte  que  Irenée,  alors  presbytre  à  Lyon,  lui  apporta, 
de  la  part  des  chrétiens  de  la  Gaule,  une  lettre  ayant 
pour  objet  la  paix  de  l'Eglise  et  exprimant  le  sentiment 
de  leurs  martyrs  à  l'égard  des  montanistes.  On  a  tire  argu- 
ment de  ce  fait  pour  démontrer  que  l'évêque  de  Rome  était 
considéré  alors  comme  exerçant  une  suprême  juridiction.  Il 
convient  de  noter  qu'un  envoi  analogue  fut  adressé  aux  égUses 
de  Phrygie,  et  que  les  chrétiens  de  la  Gaule  ne  demandaient 
aucune'^décision  à  Eleuthère,  mais  lui  communiquaient  tout 
simplement   l'opinion   de   leurs   martyrs.    —   TertuUien 
{Advers.  Prax.,  i)  parle,  sans  le  nommer,  d'un  évèque  de 
Rome  qui  aurait,  pendant  un  certain  temps,  prêté  foi  à  Mon- 
tanus  et  à  ses  prophétesses  et  aurait  émis  en  leur  laveur 
des  lettres  de  paix,  qu'il  aurait  ensuite  rétractées  à  l'insti- 
gation de  Praxéas.  Plusieurs  historiens  supposent  que  cet 
évèque  était  Eleuthère;  d'autres  que  c'était  Victor,  son 
successeur.  Le  même  écrivain  (De  Prœscrip.  hœres.,  xxx) 
dit  que  les  gnostiques  Vulentin    et   Marcion   étaient   à 
Rome,  pendant  l'èpiscopat  d'Eleuthère,  et  qu'ils  y  furent 
excommuniés  deux  fois  ;  mais  il  est  établi  que  Valentm  était 
mort  avant  que  Eleuthère  fût  évèque.  —  Bède  [Hist, 
eccL,ï\,  et  Chron.)  raconte  que  Lucius,  roi  desBretagnes 
(Britaniarum  rex),  adressa  à  Eleuthère  une  lettre  pour 
le  supplier  de  le  faire  chrétien.  Cette  pieuse  demande  fut 
accueillie  et  elle  eut  pour  effet  de  convertir  les  Bretons  à 
la  foi  chrétienne,   qu'ils  gardèrent  paisiblement  jusqu'au 
règne  de  Dioctétien.  Malheureusement  pour  cette  légende, 
les  Bretons,  au  temps  d'Eleuthère,  n'avaient  plus  de  rois; 
ils  étaient  assujettis  aux  Romains,  dont  les   empereurs 
étaient  fort  païens.  D'autre  part,  il  parait  bien  démontré 
que  les  chrétiens  bretons  ne  furent  point  convertis  par  des 
missionnaires  de  Rome  :  la  différence  de  leurs   coutumes 
ecclésiastiques  avec  celles  de  Rome   attestent   que  leur 
christianisme  avait  une  origine  notablement  différente.  On 
sait  d'ailleurs  quelle  résistance  les  évêques  bretons  oppo- 
sèrent aux  prétentions  romaines,  lorsque  Augustin  fut 
envoyé  chez  eux  par  Grégoire  P""  (597).  La  lettre  d'Eleu- 
thère au  roi  Lucius,  reproduite  dans  un  manuscrit  des 
Lois  dites  d'Edouard  le  Confesseur,  est  incontestable- 
ment fausse.  De  même,  une  décrétale  adressée  aux  pro- 
vinces de  la  Gaule,  sur  l'usage  des  aliments,  le  jugement 
des  clercs  par  les  synodes  provinciaux  avec  appel  à  Rome. 

E.-H.   VOLLET. 

BiBL.  :  Lipsius,  Chronologie  der  rômischen  Bischôfe; 
Kiel,  1869,  in-8.  —  Duchesne,  Liber  pontifîcalis  ;  Pans, 
1886-1892,  2  vol.  in-4.  —  Lenain  de  Tillemont,  Mémoires 
vour  servir  à  Vhistoire  ecclésiastique  des  six  premiers 
siècles;  Paris,  1693  1712,  16  vol.  in-4.  —  J.  Barmby,  art. 


Eleutherus,  dans  le  Dictionary  of  Christian  hiography 
de  W.  Smith  et  H.  Wace;  Londres,  1877-1887,  4  vol.  in-8. 
ÉLEUTHÈRE  (Saint),  évèque,  né  à  Tournai  en  454, 
mort  à  Tournai  en  531.  A  l'âge  de  trente  ans,  il  succéda 
à  Théodoric  sur  le  siège  épiscopal  de  sa  ville  natale  et 
propagea  avec  zèle  et  succès  la  religion  chrétienne  dans  le 
nord  de  la  Gaule,  surtout  après  le  baptême  de  Clovis.  On 
lui  attribue  quelques  sermons  et  quelques  opuscules  d'apo- 
logétique qui  ont  été  recueillis  dans  la  Bibliothèque  des 
Pères  de  Cologne  et  de  Lyon,  La  fête  de  saint  Eleuthère 

se  célèbre  le  20  févr. 

BiBL.  :  Acta  sanctorum,  févr.,  t.  lll.— Histoire  littéraire 
de  la  France.  „        s  ,rw     i  >.    r^ 

ELEUTHERIA  (Eleutheria  Quatrefages)  (ZooL).  Genre 
d'Anthoméduses  (Hydroïdes),  de  la  famille  des  Cladonémides, 
consiitué  par  de  très  petites  Méduses  jaunâtres,  rougeâtres 
ou  brunâtres.  Leur  ombrelle,  pourvue  d'un  vélum,  est 
hémisphérique,  deux  fois  aussi  large  que  haute  ;  elle  a 
i  millim.,  rarement  2  de  largeur;  sa  surface  externe  est 
dépourvue  de  côtes  urticantes,  et  sa  cavité  est  très  réduite. 
Ces  petits  organismes  présentent  4-8  tentacules,  le  plus 
ordinairement  6,  qui  sont  deux  ou  trois  fois  aussi  longs 
que  le  diamètre  de  l'ombrelle.  Ils  sont  mous,  flexibles, 
cylindriques  et  fourchus  au  bout  ;  les  extrémités  des  branches 
de  ces  fourches  présentent  un  bouton  urticant  ou  une  ven- 
touse. A  la  base  des  tentacules  se  trouvent  des  ocelles. 
Ces  Méduses  sont  dépourvues  d'organes  auditifs.  La  bouche 
fait  saillie  en  dehors  de  l'ombrelle;  elle  est  munie  de 
quatre  lobes  buccaux  courts.  L'estomac  est  un  tube  conique, 
jaune  ou  brun,  présentant  quatre  arêtes  longitudinales. 
Dans  sa  paroi  externe  ou  orale  sont  logées  les  glandes 
sexuelles,  disposées  en  quatre  lobes,  dont  les  produits 
tombent  dans  une  vaste  cavité  incubatrice  péris tomacale. 
De  l'estomac  partent  des  canaux  radiaires  courts,  simples 
et  larges,  au  nombre  de  4-8,  ordinairement  6.  V Eleu- 
theria présente  le  phénomène  de  la  génération  alternante. 
La  forme  asexuée,  qui  rentre  par  sa  structure  dans  le 
sous-ordre  des  Gymnoblastiques,  est  le  Clauatella  proli- 
féra llincks.  La  Clavatelle,  nourrice  de  TEleuthérie,  cons- 
titue de  petites  colonies  de  polypes  blanchâtres,  allongés, 
cylindriques,  épaissis  à  leur  base,  qui,  étendus,  peuvent 
atteindre  jusqu'à  12  millim.,  et  qui  sont  munis  d'une  cou- 
ronne simple  de  6-^  tentacules  capités.  Le  tronc  de  la 
colonie  est  rudimentaire,  et  les  polypes  naissent  presque 
directement  de  la  racine.  Celle-ci  est  filiforme,  rampante. 
Les  bourgeons  sexuels  sont  placés  sur  des  pédoncules  rami- 
fies, prenant  leur  origine  sur  le  corps  des  polypes.  —  Ce 
genre  ne  présente  qu'une  seule  espèce,  VE.  dichotoma 
Uuatrefages,  des  côtes  européennes.  J.  Kunstler. 

ELEUTHERIUS,  exarque  de  Ravenne,  de  616  à  619. 
Nommé  par  l'empereur  Héraclius  au  gouvernement  de  l'Ita- 
He  byzantine,  il  dut  réprimer  tout  d'abord  des  insurrec- 
tions qui  avaient  éclaté  à  Ravenne  et  à  Naples.  Plus  tard, 
ayant  à  prix  d'argent  obtenu  la  paix  des  Lombards,  il  crut 
pouvoir  se  détacher  de  Byzance  et  se  fit  proclamer  empe- 
reur à  Ravenne  (619)  ;  mais,  pendant  qu'il  marchait  sur 
Rome  pour  s'y  faire  couronner,  il  fut  assassiné  en  route 
par  ses  soldats.  Ch.  Diehl. 

ELEUTHEROCRINUS  (Paléont.)  (V.  Blastoïdes). 

ELEUTHÉROMYCES  (Bot.).  Genre  de  Champignons 
Sphériacés,  voisins  des  Hyphomycètes.  Une  seule  espèce 
commune,  E.  subulatus,  vivant  sur  les  vieux  Agarics,  et 
sous  sa  forme  conidienne  (Isaria  brachiata)  et  sous  sa 
forme  ascophorée  (Sphœronema  subulatum).     H.  F. 

ELEUTHERURA  (ZooL)  (V.  Roussette). 

ELEUTHES,  OELETS,  ÔLOTS  n'est  que  la  transcrip- 
tion, par  les  missionnaires  français  du  xviii«  siècle,  de 
Wei-la-te  ou  0-lou-te,  nom  chinois  du  mongol  Oirats. 
Les  Oirats  (V.  Dzoungarie)  étaient  au  nombre  de  quatre  : 
les  Tchoros,  dans  l'IH,  qui  sont  les  Dzoungares;  les  Doùr- 
bet,  sur  l'Irtych;  les  Tourgoutes,  dans  le  Targabatai,  et 
les  Kochots,  dans  le  pays  d'Ouroumtsi.  La  tribu  mon- 
gole, connue  sous  le  nom  d'Eleuthes,  et  qui  n'est  autre, 
en  réalité,  que  les  Kalmoucks  ou  Mongols   occidentaux, 


-  821  — 


ELEUTHES  ~  ÉLÉVATION 


est  célèbre  dans  l'histoire  par  la  résistance  qu'elle  opposa 
aux  empereurs  de  la  dynastie  régnant  actuellement  en 
Chine.  Sous  le  règne  de  l'empereur  Kang-hi,  un  chef 
tchoros,  l'Erdeni  Balladur  Kong-Taichi,  fortement  établi 
au  N.  des  Tien-chan,  avait  essayé  de  reconstituer  l'aile 
gauche  mongole  (Dzoungares);  son  fils  Galdan,  qui  lui 
succéda,  vers  1665,  prit  le  titre  de  khan  des  Dzoungares, 
et  menaça  les  tribus  mongoles  plus  rapprochées  de  la 
Chine,  en  particulier  les  Khalkhas,  au  S.  du  désert  de 
Gobi.  Craignant  une  invasion  qui  aurait  pu  suivre  la  dé- 
faite de  ces  derniers,  Kang-hi,  occupé  à  combattre  les 
dernières  traces  de  la  rébellion  de  Ou  San-Kouei,  à  chas- 
ser Koxinga  de  Formose  et  à  réduire  la  province  de  Canton, 
en  un  mot,  à  pacifier  son  empire,  évita  de  déclarer  la 
guerre  aux  Eleuthes,  qui  ne  cachaient  pas  leur  intention 
de  s'avancer  jusqu'au  Kou-Kou-nor.  Libre  enfin,  Kang-hi 
se  dirigea  au  secours  des  Khalkhas,  qui  venaient  d'être 
attaqués  par  les  Eleuthes.  Ceux-ci,  victorieux,  avaient 
rassemblé  une  grande  armée  sur  les  bords  de  l'Orkhon. 
Une  première  campagne,  terminée  en  1690,  n'amena  aucun 
résultat  sérieux  ;  les  Eleuthes  recommencèrent  en  i  696, 
et  Galdan,  défait,  mourut  la  même  année.  Toutefois 
la  conquête  définitive  du  pays  des  Eleuthes,  c.-à-d. 
des  Tien-chan,  ne  fut  terminée  que  sous  le  règne  du  petit- 
fils  de  Kang-hi,  Kien-loung.  En  1753,  à  la  suite  de 
troubles  dans  le  pays  des  Eleuthes,  Kien-loung  mit  à  la 
tête  de  ce  peuple  Amoursana,  qui  se  révolta  en  IToo, 
son  concurrent,  Dawadji,  ayant  été  épargné  par  l'empe- 
reur. Amoursana  fut  obligé  de  s'enfuir  jusqu'en  Sibérie, 
où  il  mourut,  et  tout  son  pays  fut  annexé  à  la  Chine. 
L'empereur  Kien-loung  célébra  en  vers,  qui  furent  gravés 
sur  la  pierre  (1757),  la  conquête  du  pays  des  Eleuthes. 

Henri  Cordier. 

BiBL.  :  Mém.  concernant  les  Chinois,  I,  pp.  325-400.  — 
A.  Rémusat,  Nouv.  Mél.  asiatiques,  —  ÉRETscEiNEioER, 
Mediaeval  Researches.  —  H.  Cordier,  Bib.  Sinica. 

ÉLEVAGE  (Econ.  rur.).  L'élevage  du  bétail  consiste  à 
exploiter  des  mères  pour  la  production  des  jeunes  animaux 
conduits  jusqu'à  leur  sevrage  ou  jusqu'au  moment  de  leur 
développement  suffisant  pour  qu'ils  puissent  à  leur  tour 
être  exploités  d'une  façon  quelconque.  L'agriculteur  qui 
opère  ainsi  fait  des  élèves  et  il  est  appelé  éleveur.  Le 
principe  général  à  appliquer  dans  toute  entreprise  d'éle- 
vage est  de  n'accoupler  entre  eux  que  des  reproducteurs 
de  choix  qui  donneront  des  jeunes  bien  constitués,  puis  de 
nourrir  les  jeunes  animaux  aussi  copieusement  que  possible 
de  manière  à  leur  faire  acquérir  un  poids  considérable 
dans  le  moindre  espace  de  temps.  Quant  à  la  pratique 
même  de  l'élevage,  elle  varie  suivant  les  diverses  espèces 
animales  auxquelles  cette  opération  s'applique,  pratique 
qu'on  trouvera  exposée  aux  mots  Races  bovines,  cheva- 
lines, OVINES,  etc.  Alb.  L. 

ÉLÉVATEUR.  I.  Technologie.  —  Ce  mot  désigne, 
d'une  manière  générale,  toute  machine  à  élever  les  corps. 
Il  y  a  un  grand  nombre  d'élévateurs  diff'érents;  toutefois,  on 
peut  ramener  ces  engins  à  quelques  classes  principales.  Nous 
renverrons,  pour  les  élévateurs  qui  servent  à  élever  les 
liquides,  aux  mots  Epuisement  et  Pompe.  Les  élévateurs  qui 
servent  à  élever  les  corps  solides  comprennent  les  monte- 
charges  (V.  ce  mot)  et,  par  extension,  les  ascenseurs 
employés  à  faire  monter  aux  personnes  et  sans  fatigue  les 
étages  des  maisons  (V.  Ascenseur,  t.  IV,  p.  62),  On  peut 
ranger  dans  cette  catégorie  les  ascenseurs  employés  à  l'élé- 
vation des  trains  de  chemins  de  fer  et  les  ascenseurs  qui, 
dans  les  canaux,  servent  à  racheter  les  différences  de  niveau 
(V.  Canal,  t.  VIII,  p.  1182),  ainsi  que  les  balances  d'eau 
et  les  balances  sèches  (V.  Balance,  t.  V,  p.  61).  Nous  ne 
retiendrons  ici  que  quelques  élévateurs  spéciaux.  Les  éléva- 
teurs de  grains  sont  ordinairement  placés  à  l'intérieur  des 
bâtiments  ;  ils  sont  formés  d'une  chaîne  ou  courroie  in- 
clinée garnie  de  godets  en  tôle.  Dans  les  minoteries  et  les 
magasins,  on  emploie  aujourd'hui  couramment  l'élévateur 
pneumatique  qui  se  compose  d'un  tube  vertical  en  fonte 


de  O'^IO  de  diamètre  dont  l'ouverture  inférieure,  fermée 
par  une  vanne  mobile,  se  trouve  à  0'"02  de  la  surface  du 
grain  placé  dans  une  trémie.  A  la  partie  supérieure,  le  tube 
se  recourbe  et  débouche  dans  une  chambre  en  tôle  de 
1,000  litres  de  capacité  environ,  terminée  en  bas  par  une 
goulotte  de  sortie  du  grain  et  qui  est  mise  en  communica- 
tion par  le  haut  avec  un  ventilateur-aspirateur.  Si  on  fait 
le  vide  au  moyen  de  ce  dernier  appareil,  une  aspiration 
d'air  s'établit  ;  l'air  animé  d'une  grande  vitesse  dans  le 
tube  entraîne  les  grains,  tandis  que,  dans  la  chambre  supé- 
rieure, la  section  étant  plus  grande,  la  vitesse  du  courant 
d'air  diminue  et  les  grains  étant  abandonnés  à  eux-mêmes 
tombent  et  s'échappent  par  la  goulotte  de  sortie.  Les 
élévateurs  de  racines  très  employés  dans  les  sucreries, 
féculeries,  distilleries,  etc.,  se  composent  d'une  courroie 
sans  fin  en  gutta-percha  de  0"^30  de  large,  garnie  tous 
les  0"^3o  à  0"^40  de  tasseaux  en  bois  implantés  perpendi- 
culairement à  sa  surface.  Les  racines  sont  jetées  dans  une 
trémie  inférieure  ;  la  courroie  marchant  d'une  manière 
continue  dans  un  couloir  en  bois,  chaque  planchette  en- 
traine en  passant  et  monte  avec  elle  une  ou  plusieurs  ra- 
cines pour  la  déverser  à  la  partie  supérieure.  Les  éléva- 
teurs de  paille  placés  ordinairement  au  débouché  de  la 
batteuse  servent  à  mettre  la  paille  en  meules  ou  en  gre- 
niers. La  paille  tombe  dans  une  grande  trémie  en  bois  ou 
en  tôle  située  à  la  partie  inférieure  d'un  plan  incliné  formé 
par  un  couloir  en  bois  de  O'^SO  à  1^^30  de  large,  dans  le- 
quel se  meuvent  deux  chaînes  sans  fin  garnies  de  râteaux 
espacés  de  0™75  qui  entraînent  la  paille.  Les  chaînes  sont 
mises  en  mouvement  par  un  arbre  sur  lequel  est  calée  une 
poulie  de  commande.  Le  fond  de  la  trémie  est  occupé  par 
un  crible  à  larges  mailles.  Les  élévateurs  sont  montés  sur  un 
chariot  à  quatre  roues  et  munis  d'un  treuil  réglant  même 
pendant  la  marche  la  hauteur  d'élévation  qui  atteint  6  à  8  m. 
II.  Anatomie.  —  Muscles  élévateurs.  —  On  donne 
en  anatomie  le  nom  d'élévateurs  ou  de  releveurs  à  des  muscles 
qui  élèvent  certaines  parties,  comme  l'œil  et  la  lèvre  supé- 
rieure. Comme  muscles  élévateurs,  on  décrit  : 

1*^  Elévateur  ou  r éleveur  de  la  paupière  supérieure. 
C'est  un  petit  muscle  rubané  qui  s'insère  au  fond  de  l'or- 
bite à  la  petite  aile  du  sphénoïde  et  à  la  gaine  du  nerf 
optique,  et  en  avant  sur  le  cartilage  tarse  de  la  paupière 
supérieure  qu'il  relève  pendant  sa  contraction.  2^  Eléva- 
teur ou  releveur  commun  de  l'aile  du  nez  et  de  la  lèvre 
supérieure.  Ce  petit  muscle  s'attache  en  haut  sur  l'apo- 
physe montante  du  maxillaire  supérieur  et  les  os  propres 
du  nez,  parfois  sur  l'apophyse  orbitaire  interne  du  frontal, 
et  en  bas  à  la  face  profonde  de  la  peau  de  l'aile  du  nez  et 
de  la  lèvre  supérieure.  3**  Elévateur  ou  releveur  propre 
de  la  lèvre  supérieure.  Il  s'insère  d'une  part  sur  le 
maxillaire  supérieur,  entre  le  rebord  de  l'orbite  et  le  trou 
sous-orbitraire,  et  d'autre  part  à  la  peau  de  la  lèvre  supé- 
rieure, et  aussi  assez  souvent  par  un  petit  faisceau  à  l'aile 
du  nez.  Cette  double  insertion  lui  a  valu  le  nom  d'éléva- 
teur commun  profond.  Comme  le  précédent,  il  relève  la 
lèvre  supérieure  et  dilate  la  narine.  Entre  les  deux  existe 
parfois  un  petit  faisceau  musculaire,  Vanomalus  d'Albinus, 
le  tenseur  de  la  muqueuse  alvéolo-labiale  de  Sappey, 
qui  s'attache  à  l'apophyse  montante  du  maxillaire  en  haut 
et  sur  le  même  os  en  bas,  au  voisinage  de  la  fosse  canine^ 
Du  reste,  ces  muscles,  comme  les  autres  peauciers  de  la  face, 
sont  plus  ou  moins  individualisés  ;  très  souvent,  ils  envoient 
ou  reçoivent  des  faisceaux  de  leurs  voisins.  —  V.  Face 
(Muscles  de  la).  Temporal  et  Ptérygoïdien.  Ch.  Debierre. 
ÉLÉVATION.  I.  Astronomie.  —  L'élévation  d'un  astre 
est  la  hauteur  de  cet  astre  au-dessus  de  l'horizon,  hauteur 
comptée  sur  l'arc  de  méridien  vertical  de  cet  astre  à  l'hori- 
zon. Elle  est  égale  à  la  déclinaison  de  l'astre  augmentée  de 
la  colatitude  (V.  ce  mot)  du  lieu.  L'élévation  du  pôle  au- 
dessus  de  l'horizon  est  l'arc  de  méridien  compris  entre  ce 
point  et  l'horizon.  C'est  précisément  la  latitude  du  lieu, 
laquelle  est  pour  Paris  48<>50M1''2.  L.  B. 

II.  Géométrie.  —  En  géométrie  descriptive  on  appelle 


ÉLÉVATION  —  ELFÈGE 


-  822 


élévation  h  représentation  d'un  objet  (d'un  bâtiment,  par 
exemple)  au  moyen  d'une  projection  sur  un  plan  vertical, 
parallèle  à  Tune  des  faces  principales  de  cet  objet  (V. Lever). 
lïL  Algèbre.  —  L'élévati(»n  d'une  quantité  à  la  puis- 
sance m  a  pour  but  de  trouver  la  m^  puissance  de  cette  quan- 
tité  (V.  Puissance). 

IV.  ARcmTECTURE.  —  Représentation,  par  le  dessin, 
d'un  édifice  ou  d'une  partie  d'édifice,  dans  sa  projection 
géométrale  ou  verticale,  mode  de  représentation  obtenue 
à  l'aide  de  lignes  droites  et  que  les  Grecs,  et  après  eux 
les  Romains,'  appelaient  orthographia.  Il  faut  distinguer 
cette  élévation  proprement  dite  de  Vélévation  perspec- 
tive^ par  laquelle  un  édifice  est  représenté  à  la  fois  de 
iface  et  de  côté,  la  représentation  du  côté  vu  étant  obtenue 
à  l'aide  de  lignes  obliques  ou  fuyantes  qui  font  paraître 
l'édifice  en  raccourci  :  cette  dernière  représentation,  étant 
employée  par  les  anciens  pour  les  décorations  théâtrales, 
était  appelée  par  eux  scenographia.  L'élévation  géomé- 
trale est  de  fait  une  représentation  de  convention,  car,  si 
cette  élévation  donne  une  projection  exacte  de  l'édifice  sur 
un  plan  vertical,  elle  suppose,  contrairement  à  l'action 
visuelle,  l'œil  du  spectateur  placé  en  face  de  tous  les 
points  à  la  fois  et  toujours  à  la  même  distance  de  tous  ces 
points.  Cette  élévation  a  surtout  pour  but  de  faire  conce- 
voir, grâce  à  l'échelle  à  laquelle  elle  est  donnée,  les  dimen- 
sions exactes,  en  largeur  et  en  hauteur  au-dessus  du  plan 
horizontal,  de  toutes'les  parties  qu'elle  reproduit,  et  com- 
plète ainsi,  avec  des  plans  pris  à  différentes  hauteurs  et 
des  coupes  -^  lesquelles  ne  sont  autres  que  des  élévations 
prises  au  travers  de  l'édifice,  parallèlement  ou  perpendi- 
culairement à  l'élévation  —  ce  qu'on  appelle  l'ensemble 
d'un  projet  d'architecture.  Lorsqu'une  élévation  reproduit 
plusieurs  plans,  la  distinction  de  ces  plans  se  fait  à  l'aide 
de  teintes  plus  ou  moins  accentuées.  Il  faut  ajouter  que 
c'est  par  l'élévation  géométrale  que  l'auteur  d'un  projet 
d'édifice  peut  donner  une  idée  du  style  et  du  caractère  qu'il 
entend  donner  à  cet  édifice.  ^         Charles  Lucas. 

V.  Théologie  (V.  Abaissement). 

VI.  Liturgie.  —  Cérémonie  de  la  messe,  dans  laquelle 
le  prêtre  élève,  l'un  après  l'autre,  l'hostie  consacrée  et  le 
calice,  afin  de  faire  adorer  par  le  peuple  le  corps  et  le  sang 
de  Jésus-Christ,  après  les  avoir  adorés  lui-même  par  une 
profonde  génuflexion.  Cette  cérémonie  n'a  été  introduite 
dans  l'Eglise  latine  qu'au  commencement  du  xii^  siècle, 
après  la  controverse  suscitée  par  Rérenger  et  la  condamna- 
tion de  sa  doctrine.  On  voulut  ainsi  manifester,  d'une  ma- 
nière solennelle,  la  croyance  à  la  transsubstantiation.  — 
Toutes  les  anciennes  liturgies  orientales,  celle  de  S.  Jacques 
comme  celles  de  S.  Chrysostome  et  de  S.  Rasile,  pres- 
crivent une  élévation  de  l'hostie  et  la  décrivent  ainsi  :  Le 
prêtre  élève  le  saint  pain,  en  disant  à  haute  voix  :  Les 
choses  saintes  aux  saints  («yia  o(.^loi<;).  De  même,  la 
liturgie  arménienne.  Mais,  quoi  qu'en  disent  Bellarmin, 
Bona  et  d'autres  théologiens  catholiques,  cette  cérémonie 
avait  un  caractère  essentiellement  différent  de  l'élévation 
pratiquée  aujourd'hui  dans  l'Eglise  latine.  Elle  n'avait 
point  pour  but  de  faire  adorer  l'hostie  par  le  peuple,  puis- 
qu'elle était  accomplie  dans  le  sanctuaire  (p^p-a),  portes 
fermées  et  rideaux  tirés,  et  qu'elle  ne  pouvait  être  vue 
que  par  les  ecclésiastiques  qui  assistaient  le  prêtre  célé- 
brant. E.-H.  VOLLET. 

ÉLÈVE.  I.  Instruction  publique.  —  Elèves  ecclé- 
siastiques. —  L'art.  66  de  la  loi  du  15  mars  4830, 
après  avoir  édicté  les  peines  encourues  par  quiconque 
ouvrirait  un  établissement  d'instruction  secondaire  sans 
avoir  satisfait  aux  conditions  de  ladite  loi,  fait  une  excep- 
tion (§  3)  en  faveur  des  ministres  des  différents  cultes 
reconnus,  qu'il  autorise  à  donner  l'instruction  secondaire  à 
quatre  jeunes  gens  au  plus,  destinés  aux  écoles  ecclésias- 
tiques, à  la  seule  condition  d'en  faire  la  déclaration  au 
recteur.  Le  conseil  académique  veille  à  ce  que  ce  nombre 
ne  soit  pas  dépassé. 

Elèves  forains.  —  On  appelait  ainsi,  avant  la  gratuité  de 


l'enseignement  primaire,  les  élèves  étrangers  à  la  commune. 
Ils  ne  pouvaient  être  admis  à  l'école  que  sur  l'autorisation 
expresse  du  maire,  parce  que  leur  rétribution  scolaire,  soit 
qu'ils  la  payassent  réguHèrement,  soit  qu'il  fallût  la  payer 
pour  eux,  intéressait  le  budget  communal. 
Elève-maître  (V.  Ecole  normale). 

II.  Beaux- Arts.  —  Il  est  de  tradition,  depuis  l'origine 
des  arts,  que  les  jeunes  gens  désireux  de  suivre  la  carrière 
artistique  s'attachent,  d'une  façon  souvent  exclusive,  à  la 
personne  et  aux  enseignements  de  celui  dont  les  œuvres 
ont  le  plus  vivement  excité  leur  admiration.  Cette  manière 
d'agir,  bien  compréhensible  du  reste,  a  l'inconvénient  d'ame- 
ner parfois  l'élève  studieux  à  être  au  bout  de  quelques 
années  un  copiste  du  professeur;  les  exemples  à  citer, 
chez  les  anciens  et  les  modernes,  ne  manqueraient  pas. 
Tel  tableau,  peint  dans  la  manière  du  maître  qui  a  pré- 
sidé à  sa  conception  et  à  son  exécution,  ne  peut  man- 
quer d'être  chaudement  patronné  par  le  maître  lui-même, 
et  considéré  par  ses  admirateurs  ;  c'est  un  succès  presque 
certain,  obtenu  à  l'aide  de  formules  déjà  acceptées  et  com- 
prises par  le  public.  Rares  sont  les  jeunes  artistes  ayant,  au 
début  même  de  leurs  études,  assez  d'intelligence  et  de  volonté 
pour  avoir  des  idées  personnelles,  en.  dehors  de  toute 
manière,  de  tout  procédé  à  la  mode  !  Ceux  qui,  recevant 
tous  les  conseils,  les  pèsent  sans  parti  pris,  n'en  retiennent 
que  ce  qui  convient  à  leur  tempérament,  et  ne  se  laissent 
pas  attirer  hors  de  la  voie  dans  laquelle  ils  ont  résolu  de 
marcher,  connaîtront  la  lutte  âpre  et  ingrate,  les  dédains 
des  jurys  et  du  public,  jusqu'au  jour,  —  puisse-t-il  arriver 
avant  leur  mort  !  —  oti  les  caprices  de  la  mode  et  l'habi- 
leté de  certains  amateurs  les  feront  acclamer  par  la  foule. 
Peut-on  dire  que  Delacroix,  Théod.  Rousseau,  Corot,  Mil- 
let, aient  été  élèves  ou  aient  formé  des  élèves,  ainsi  qu'on 
l'entendait  dans  l'atelier  de  Rlondel  ou  de  Picot?     Ad.  T. 

III.  Marine.  —  Elève  de  marine  (V.  Aspirant). 
ELFÈGE  (Saint)  (en anglo-saxon  i^Z/Zim/i),  archevêque 

de  Canterbury,  né  en  954,  mort  en  4012.  D'une  famille 
noble,  il  entra  contre  le  vœu  de  ses  parents  au  monastère 
de  Deerhurst  (Gloucestei shire)  ;  mais,  tenté  par  l'idéal 
d'une  vie  encore  plus  religieuse,  il  quitta  bientôt  Deerhurst 
pour  se  faire  anachorète  aux  environs  de  Rath.  Une  com- 
munauté se  forma  autour  de  lui,  et  c'est  pourquoi  Flo- 
rence de  Worcester  dit  qu'Elfège  fut,  sous  Edgar,  abbé 
de  Rath.  En  984,  Elfège  devint  évêque  de  Winchester  par 
l'influence  de  saint  Dunstan.  Il  commença  dès  lors  son 
apostolat  parmi  les  païens  Scandinaves  établis  en  grand 
nombre  en  Angleterre  :  Normands  et  Danois.  En  994,  le 
roi  Olaf  de  Norvège  ayant  pris  ses  quartiers  d'hiver  à  Sou- 
thampton  reçut, dît-on, la  confirmation  des  mains  d'Elfège. 
En  4006,  Elfège  obtint  le  siège  archiépiscopal  de  Canter- 
bury et  alla  chercher  à  Rome  le  pallium.  De  retour,  il 
s'appliqua  à  suivre  les  traditions  de  Dunstan;  les  canons 
du  concile  d'Enham  sont  animés  de  l'esprit  civihsateur  du 
grand  archevêque  ;  mais,  tandis  que  Dunstan  avait  eu  un 
Edgar  pour  exécuter  ses  projets,  Elfège  ne  disposait  que 
du  faible  roi  Ethelred.  Le  concile  d'Enham  eut  donc  peu 
de  résuhats  positifs.  Les  invasions  danoises  furent  plus 
redoutables  que  jamais  au  commencement  du  xi®  siècle  : 
en  101 4, on  acheta  le  départ  des  hommes  du  Nord  au  prix 
de  48,000  livres;  pendant  qu'on  levait  cette  énorme 
rançon,  les  païens  continuèrent  à  piller  le  pays;  il  prirent 
et  brûlèrent  Canterbury  ;  l'archevêque  fut  emmené  comme 
prisonnier  sur  un  vaisseau  de  la  flotte  danoise.  Les  bar- 
bares espéraient  tirer  une  grosse  rançon  d'un  tel  person- 
nage; mais  Elfège  ne  voulut  pas  que  les  pauvres  gens 
eussent  à  souffrir  pour  le  racheter.  Il  aima  mieux  mourir. 
Les  Danois,  désappointés,  le  lapidèrent,  après  un  grand 
banquet,  avec  les  crânes  et  les  os  des  bœufs  qu'ils  avaient 
mangés.  Onze  ans  après,  le  roi  danois  Cnut  fit  transférer 
solennellement  à  Canterbury  les  cendres  du  martyr.  —  A 
la  demande  de  Lanfranc,  un  moine  de  Canterbury,  Osbern, 
composa,  vers  la  fin  du  xi®  siècle,  des  biographies  en  prose 
et  en  vers  de  saint  Elfège.  Plus  digne  de  foi  que  les  pro- 


-  823 


ELFÈGE  —  ELGIN 


ductions  d'Osbern  est  le  récit  d'un  chroniqueur  contempo- 
rain, Ditmar  de  Mersebourg,  qui  dit  avoir  recueilli  ses  ren- 
seignements de  la  bouche  d'un  Anglais.  Ch.-V.  L. 

ELFES  (Mythol.).  Dans  la  mythologie  des  peuples  de 
l'Europe  septentrionale,  on  donne  le  nom  d'elfes  (haut 
allemand  alb,  pluriel  elbe,  anglo-saxon  œlf,  anglais  elf., 
Scandinave  allfar)  à  des  génies  de  l'atmosphère  apparentés 
aux  nains,  aux  génies  des  astres  et  aussi  aux  esprits  des  morts 
et  à  ceux  du  monde  souterrain.  On  leur  attribue  en  parti- 
culier les  phénomènes  du  vent,  de  la  pluie,  les  mouvements 
des  nuages,  le  tonnerre.  On  se  les  représente  comme  des 
magiciens  aimant  à  jouer,  à  danser.  L'Edda  les  répartit  en 
deux  groupes,  les  elfes  lumineux  ou  blancs  {hvitâlfar, 
Ijosâlfar)  et  les  elfes  sombres  ou  noirs  (svartâlfar,  dœk- 
kâlfar).  Les  premiers  sont  des  êtres  éthérés,  d'une  grande 
beauté,  aux  vêtements  diaphanes  ;  les  autres  se  confondent 
avec  les  nains  qui  rôdent  dans  la  nuit,  se  cachent  dans  les 
cavernes  des  montagnes  et  sont  parfois  changés  en  pierre 
quand  ils  se  laissent  surprendre  par  la  lumière  du  soleil. 
Ils  habitent  sous  la  terre,  s'éclairant  de  la  lumière  des 
pierres  et  des  métaux  précieux.  Ce  sont  de  merveilleux  for- 
gerons, des  musiciens.  La  légende  cite  quelques-uns  de 
leurs  rois,  Luarin,  Albéric.  Leur  souvenir  persiste  encore 
dans  l'imagination  populaire  ;  on  les  dépeint  gris  ou  bleus, 
se  cachant  dans  les  rochers  et  ne  sortant  qu'au  clair  de 
lune,  enlevant  les  jolies  filles,  fréquentant  volontiers  les 
hommes,  à  qui  ils  portent  plutôt  malheur.  Leurs  princes 
sont  Obéron  et  Titania.  Parmi  les  poètes  qui  en  ont  traité, 
citons  Shakespeare  dans  le  Songe  d'une  nuit  d'été  et 
Gœthe  dans  VErlkœnig.  Les  Schratze,  les  ISix,  les 
Kobolde,  les  Fées^  sont  proches  parents  des  elfes.  On  trou- 
vera de  plus  amples  détails  dans  les  art.  Mythologie  et 
Nain  (§  Mythologie). 

BiBL.  :  J.  et  W.  Grimm,  IrischeElfenmserchen  ;  Leipzig, 
1826.  —  Keightley,  Mythologie  derFeen  undElfen;  Wei- 
mar,  1828,  2  vol. 

ELFKARLEBY.  Village  de  Suède,  prov.  d'Upsal,  sur  le 
Dar-Elf  quiy  forme  une  belle  cascade  ;  forges  à'Elf-Karlô. 

ELFORD  (Sir  William),  homme  poUtique  anglais,  né  à 
Bickham  (Devonshire)  en  août  1749,  mort  le  30  nov. 
1837.  Banquier  à  Plymouth,  maire  de  cette  ville,  il  la 
représenta  au  Parlemj|^t  de  1796  à  1806,  date  à  laquelle  il 
fut  battu  par  sir  Pôle.  Il  fut  alors  élu  par  Westbury,  puis 
par  Rye  (1807-1808).  Lieutenant-colonel  de  la  milice  de 
South  Devon,  il  servit  en  Irlande  lors  de  la  rébellion  de 
1798.  Il  fut  créé  baronnet  le  27  nov.  1800.  Très  lié  avec 
les  principaux  littérateurs  et  artistes  de  son  temps,  sir  Elford 
était  un  peintre  de  talent  et  il  exposa  à  l'Académie  royale  de 
1774  à  1837.  On  peut  citer  sa  White  Lady  of  Avenel  (expo- 
sée en  1822).  Il  fit  partie  de  plusieurs  sociétés  savantes,  entre 
autres  la  Royal  Society  et  la  Linnean  Society.       R.  S. 

ELFSBORG.  Prov.  ou  lân  de  Suède,  au  S.  et  à  PO.  du 
lac  Wener,  entre  les  prov.  de  Gôteborg,  Halland,  Jonko- 
ping,  Skonaborg,  Wermland  et  la  Norvège  (prov.  de  Chris- 
tiania); 12,815  kil.q.;  275,795  hab.  (au  31  déc.  I89u); 
22  hab.  par  kil.  q.  La  région  septentrionale  formait  le  Dals- 
land  et  le  S.  a  été  détaché  de  la  Westgothie.  Au  N.  s'étend 
une  plaine;  le  reste  de  la  province  est  accidenté,  boisé,  avec 
beaucoup  de  tourbières  et  d'étangs  ;  les  points  les  plus 
élevés  atteignent  300  m.  ;  le  Halleberg  et  le  Hunneberg 
sont  pittoresques.  Le  principal  cours  d'eau  est  le  Gôta-Elf. 
Les  landes  sablonneuses  sont  vastes;  on  les  reboise,  en 
particulier  celle  du  Svâltôr.  En  1880,  on  comptait 
4,100  kil.  q.  de  bois,  1,200  de  prairies,  1,680  de  champs 
labourés.  On  récoltait  en  1882  deux  millions  et  demi  d'hec- 
tolitres d'avoine,  750,000  de  pommes  de  terre,  300,000 
de  seigle.  On  a  recensé  en  1880,  environ  26,000  chevaux, 
154,000  bœufs,  89,000  moutons,  26,000  porcs  et  1,200 
chèvres. 

ELFSNABBEN.  Rade  de  Suède,  dans  l'île  Musko,  au 
S.  de  Stockholm;  ce  mouillage  vaste  et  sûr  fut  jadis  le 
principal  port  de  guerre  de  la  Suède  ;  c'est  de  là  que  Gus- 
tave-Adolphe partit  pour  l'Allemagne, 


EL6EBAR  (Astron.).  Nom  de  la  belle  primaire  située 
au  pied  droit  à'Orion  (V.  ce  mot)  et  plus  connue  sous  le 
nom  de  Rigel  (V.  ce  mot). 

EL-GHOMERL  Village  d'Algérie,  dép.  d'Oran,  arr.  de 
Mostaganem,  com.  mixte  de  l'HilUl,  créé  récemment  dans 
une  région  fertile  en  céréales  et  vignes;  200  Européens 
environ.  Stat.  de  la  voie  ferrée  d'Alger  à  Oran. 

ELGIN.  Ville.  —  Ville  d'Ecosse,  capitale  du  comté  du 
même  nom,  sur  le  Lossie,  à  8  kil.  de  la  mer;  7,533  hab. 
Belle  cathédrale  gothique  du  xm^  siècle,  remaniée  au  xiv® 
et  presque  ruinée.  Brasseries,  distilleries,  etc.  C'était  un 
bourg  royal  dès  le  xii®  siècle.  Il  fut  à  plusieurs  reprises 
dévasté  et  brûlé  par  des  nobles  écossais  :  Alexis  Stewart 
(le  Loup  de  Badenoch)  en  1390,  Alexandre,  lord  des  îles,  en 
1402,  le  comte  de  Huntly  en  1452. 

Comté.  —  Comté  d'Ecosse,  correspondant  à  l'ancien 
comté  de  Moray  ou  Murray,  sur  le  golfe  de  ce  nom  ; 
1,248  kil.  q.  ;  43,788  hab.  L'intérieur  est  accidenté  ;  le 
Findlay  Seat  atteint  340  m.  La  région  côtière  est  assez  fer- 
tile. Un  tiers  de  la  surface  totale  est  occupé  par  les  terres 
labourées  ;  un  sixième  par  les  bois.  On  y  comptait  en  1884 
23,000  bœufs,  58,000  moutons. 

ELGIN.  Ville  des  Etats-Unis,  Etat  d'Illinois  à  peu  de  dis- 
tance à  rO.  de  Chicago,  sur  la  rivière  Fox,  affluent  de  droite 
de  la  rivière  lUinois;  8,787  hab.  Fabriques  de  montres. 

ELGIN  (Thomas  Bruce,  comte  d'),  diplomate  anglais, 
né  le  20  juil.  1766,  mort  à  Paris  le  14  nov.  1841.  Il  suc- 
céda aux  titres  paternels  en  1771,  entra  dans  l'armée  en 
1785  et  dans  la  diplomatie  en  1790,  par  une  mission  auprès 
de  l'empereur  Léopold.  Envoyé  extraordinaire  à  BerUn  en 
1795,  ambassadeur  près  delà  Porte  ottomane  en  1799,  il 
se  fit  remarquer  dans  ce  dernier  poste  par  ses  goûts  de 
collectionneur.  En  1801,  il  obtint  un  firman  aux  termes 
duquel  ses  agents  furent  autorisés  non  seulement  à  mouler 
les  sculptures  antiques  d'Athènes,  mais  encore  à  en  em- 
porter des  morceaux.  Lord  Elgin  se  résigna,  dit-on,  à  cette 
dernière  opération  par  respect  pour  les  monuments  exposés 
aux  injures  des  Turcs.  Il  forma  de  la  sorte  cette  unique 
collection  d'antiques  qui  prit  le  nom  de  «  marbres  d'Elgin  » 
(frise  du  Parlhénon,  bas-reliefs  du  temple  de  la  Victoire 
Aptère,  etc.).  Le  premier  «  lot  de  marbres  »  fut  embarqué 
d'Athènes  en  1803  à  destination  de  l'Angleterre;  mais  le 
vaisseau  sombra  à  la  hauteur  de  Cerigo;  il  fallut  trois  ans 
à  des  équipes  de  plongeurs  pour  ramener  au  jour  la  pré- 
cieuse cargaison.  Elgin  lui-même,  ayant  quitté  Pambassade 
de  Constantinople  en  1803,  ne  revint  en  Angleterre  qu'en 
1806.  Il  avait  été  retenu  prisonnier  au  moment  où  Napo- 
léon, dénonçant  la  paix  d'Amiens,  fit  capturer  tous  les 
Anglais  qui  séjournaient  alors  en  France.  De  vives  protes- 
tations s'élevèrent  contre  lui;  on  l'accusa  de  vandalisme, 
de  rapacité  :  il  fut  maudit  poétiquement  par  lord  Byron. 
Toutefois,  il  resta  en  possession  des  trésors  volés  qui,  à  la 
vérité,  lui  avaient  coûté  fort  cher  (frais  de  transport,  de 
manutention,  etc.,  en  tout  74,000  livres  sterling).  Il 
admit  le  public  à  les  visiter  dans  sa  maison  de  Piccadilly. 
En  juil.  1816,  les  «  marbres  d'Elgin  »  furent  acquis  par 
le  gouvernement  anglais  pour  le  British  Muséum  au  prix 
de  35,000  livres.—  De  temps  en  temps,  des  amis  de  l'art 
et  du  paradoxe  proposent  encore  de  nos  jours  de  «  rendre 
les  marbres  d'Elgin  »  à  la  Grèce  {Give  bac  le  t  lie  Elgin 
Marblesl).  Des  polémiques  s'élèvent  à  ce  sujet  dans  la 
presse  anglaise  (V.  par  exemple  la  Nineteenth  Century 
de  1891);  mais  personne  n'attache  d'importance  à  ces 
discussions  académiques.  Ch.-V.  L. 

ELGIN  (James  Bruce,  huitième  comte  d'),  homme  poli- 
tique anglais,  né  le  20  juil.  1811,  mort  à  Dhuramsalla, 
dans  le  Pendjab,  le  30  nov.  1863,  fils  du  précédent.  Après 
avoir  fait  ses  études  à  l'université  d'Oxford  où  il  fut  le 
condisciple,  au  collège  de  (Christ  Church,  des  lords  Dal- 
housie  et  Canning,  ses  prédécesseurs  immédiats  dans  les 
fonctions  de  gouverneur  de  l'Inde,  et  de  M.  Gladstone,  il 
fut  élu  (1841)  membre  de  la  Chambre  des  communes  pour 
Southampton  ;  puis,  ayant  succédé  au  titre  de  son  père, 


ELGIN  —  ELHUYAR 


—  8^4  — 


il  fut  appointé,  en  mars  1842,  gouverneur  de  la  Jamaïque. 
Il  se  conduisit  assez  bien  à  la  Jamaïque  pour  que  le  gouver- 
nement whig  l'appelât  (4846)  sur  un  plus  vaste  théâtre  en 
lui  confiant  l'administration  du  Canada.  Là,  il  eut  à  lutter 
contre  de  graves  difficultés  ;  l'antagonisme  des  Anglais  im- 
migrés et  des  gens  de  race  française,  l'invasion  du  pays,  déjà 
pauvre,  par  une  foule  d'Irlandais  faméliques,  la  crise  com- 
merciale déterminée  par  le  triomphe  du  libre-échange,  le 
mouvement  en  faveur  de  l'annexion  des  provinces  cana- 
diennes aux  Etats-Unis.  Elgin  demeura  néanmoins  au  Canada 
jusqu'en  1854;  son  administration  contribua  beaucoup  à 
l'apaisement  d'un  pays  que  les  rébellions  de  1837-1838 
avaient  semblé  condamner  à  la  ruine.  —  En  1857,  au  mo- 
ment des  différends  avec  la  Chine,  Elgin  fut  envoyé  à  Hong- 
kong avec  des  troupes  ;  il  apprit  à  Singapoure  la  nouvelle  de 
la  grande  rébellion  des  cipayes,  aux  Indes,  et  dépêcha  son 
escorte  à  Calcutta  au  secours  de  lord  Canning.  Il  s'empara 
ensuite  de  Canton  et  força  les  Chinois  à  signer  le  traité  de 
Tien-tsin,  très  favorable  aux  Occidentaux.  En  1859,  de 
retour  en  Angleterre,  il  fut  hitpostmas ter  gênerai  et  élu 
lord  recteur  de  l'université  de  Glasgow.  L'année  1860  le 
revit  en  Chine,  pour  punir,  de  concert  avec  l'ambassadeur 
français  le  baron  Gros,  la  violation  déloyale  du  traité  de 
Tien-tsin  par  les  Chinois.  C'est  alors  qu'eut  lieu  le  pillage 
du  palais  d'Eté.  Elgin  revint  à  Londres,  par  Java,  chargé 
des  dépouilles  de  l'art  chinois,  de  même  que  son  père,  le 
septième  comte  d'Elgin,  était  revenu  d'Athènes  chargé  des 
dépouilles  de  l'art  grec  (avr.  1861).  Le  poste  de  gouverneur 
général  de  l'Inde  était  vacant  :  on  le  lui  offrit;  il  l'accepta 
et  arriva  à  Calcutta  en  1862.  Il  mourut  dans  cette  charge, 
épuisé  par  le  cUmat.  Ch.-V.  L. 

BiBL.  :  Th.  Walrond,  Letters  and  Journal  of  James, 
eighthearl  of  Elgin;  Londres,  1872,  in-8. 

ELGIN  (Sir  Frederick-William-Adolphus  (V.Bruce). 
EL-GOLÉA,  oasis  du  Sahara  algérien,  par  30^35'  de  lat. 
N.  (observations  de  la  mission  Choisy  en  1880)  et  presque 
sous  le  méridien  d'Alger,  à  1,100  kil.  environ  de  cette 
ville  ;  1 ,500  hab.  Il  y  avait  là  jadis  de  très  nombreux  puits 
et  fegaguirs,  et  il  n'est  pas  douteux  que  l'eau  se  trouve 
en  abondance  sous  terre  ;  mais  le  manque  de  soins  fait 
que  l'oasis  a  peu  à  peu  dépéri  et  que  les  jardins  ne  con- 
tiennent plus  que  6,000  palmiers  et  de  rares  légumes. 
Ils  sont  dominés  par  trois  collines  en  forme  de  tables  ou 
gara,  sur  l'une  desquelles  s'élève  le  ksar,  entouré  d'une 
muraille  élevée,  mais  à  l'intérieur  plein  de  ruines  et  ne 
servant  plus  que  de  magasin  aux  nomades  ;  une  mosquée 
en  ruine  aussi  en  occupe  la  partie  supérieure;  au  pied  du 
ksar  sont  des  maisons  en  pisé  habitées  par  les  sédentaires 
et  des  koubbas  élevées  à  la  mémoire  de  marabouts  des 
Oulad-Sidi-Cheikh.  La  population  est  composée  de  séden- 
taires misérables  (famille  des  Zenata,  originaires  du  Gou- 
rara,  et  nègres  affranchis)  et  de  Chaânba-Mouadhi,  pro- 
priétaires des  jardins  et  du  ksar,  mais  qui  ne  passent  à 
El-Goléa  que  l'été,  et  le  reste  de  l'année  errent  dans  le 
Sahara.  El-Goléa,  visité  par  le  voyageur  Duveyrier  en  1860, 
fut  occupé  en  \  874  par  la  colonne  Galiffet  et  est  aujour- 
d'hui gardé  par  une  garnison  de  200  tirailleurs  montés 
sur  des  méharis.  C'est  notre  point  le  plus  avancé  vers  le 
Sud,  sa  salubrité  le  rendant  bien  supérieur  à  Ouargla  pour 
notre  action  en  ces  contrées.  E.  Cat. 

ELGSTRŒM  (Per),  poète  suédois,  né  à  Tolg  (lœn  de 
Kronoberg)  le  24  déc.  1781,  mort  à  Stockholm  le  28  oct. 
1810.  Enfant  naturel  sans  ressources,  il  s'en  procura  en  se 
faisant  précepteur  et  commis  libraire  pour  terminer  ses 
études  à  l'université  d'Upsala.  Après  quoi  il  devint  copiste 
au  ministère  du  culte.  Les  privations  et  l'assiduité  au  tra- 
vail ruinèrent  sa  santé  ;  ajssi  ses  poésies,  d'ailleurs  trop 
mystiques  et  trop  souvent  nébuleuses,  sont-elles  empreintes 
d'une  sentimentalité  maladive.  Quelques-unes  parurent 
dans  Phosphores  et  Poetisk  Kalender.  Elles  furent  réu- 
nies avec  celles  d'Ingelgren  (1860).  Il  publia  deux  bro- 
chures dans  l'une  desquelles  il  discute  Si  un  peuple  a  le 
droit  de  juger  son  souverain  (1809).  Une  notice  sur  lui 


par  Atterbom,  l'un  de  ses  amis  de  l'école  phosphoriste, 
figure  dans  Lœsning  fœr  bildning  och  nœje  (1847). 

EL-6UEDIM  ou  EL-KEDIM.  Ville  religieuse  de  l'Adrar 
(Sahara  occidental),  à  28  kil.  S.-E.  d'Ouadan  et  dans  la 
même  oasis  de  palmiers;  4,000  hab.  environ.  Il  y  eut 
d'abord  en  ce  point  une  simple  zaouia  dont  les  marabouts 
surent  obtenir  la  vénération  des  fidèles;  en  1879,  au 
rapport  de  pèlerins  de  l'Adrar  amenés  à  Alger,  elle  avait 
de  300  à  400  élèves,  venus  quelquefois  de  très  loin,  des 
professeurs  célèbres  et  une  riche  bibliothèque.  C'est  vers 
1 860  que  des  fidèles  de  la  zaouia  commencèrent  à  planter 
alentour  des  palmiers  et  à  s'y  établir.  Aujourd'hui  il  y  a 
une  grande  oasis  en  plein  rapport.  E.  Cat. 

EL-GUENATER  ou  EL-KENATER.  Chaîne  de  roches 
basaltiques  mentionnée  par  le  voyageur  L.  Panet,  à  peu 
près  à  mi-chemin  entre  l'Adrar  et  l'oued  Draa,  dans  le 
Sahara  occidental. 

EL-GUERARA.  Ville  du  M'zab  (V.  Guerara). 
EL-GUERRAH.  Village  d'Algérie,  dép.  et  arr.  de  Coiis- 
tantine,  section  de  la  com.  de  plein  exercice  des  Ouled- 
Rahmoun;  862  hab.,  dont  76  Européens.  Elle  n'a  guère 
d'importance  que  par  sa  gare,  où  s'embranche  sur  la  voie 
ferrée  de  Constantine  à  Sétif  celle  qui  va  vers  Biskra. 

EL-GUETTAR.  Oasis  du  S.  de  la  Tunisie  (Belad-el- 
Djerid,  pays  des  palmes),  à  20  kil.  S.-E.  de  Gafsa, 
entourée  de  plusieurs  enceintes  en  terre;  la  plupart  des 
maisons  sont  en  ruine;  les  palmiers,  au  nombre  de 
30,000  environ,  sont  arrosés  par  des  eaux  amenées  péni- 
blement à  la  surface  du  sol  par  des  machines  primitives 
que  des  chameaux  mettent  en  mouvement.  El-Guettar  sera 
une  des  stations  du  futur  chemin  de  fer  de  Tébessa  à  Gabès. 
EL-HADJ  Omar.  Conquérant  du  Soudan  (V.  Omar). 
EL-HADJAR.  Village  d'Algérie,  dép.  de  Constantine, 
arr.  de  Bône,  annexe  de  la  com.  de  plein  exercice  de  Du- 
zerville;  119  Européens  et  113  indigènes. 

EL-HADJ  IRA.  Plaine  du  Sahara  algérien,  à  peu  près  à 
mi-chemin  entre  Touggourt  et  Ouargla,  aujourd'hui  presque 
entièrement  déserte  et  aride,  mais  qui  fut  jadis  couverte  de 
villages,  à  ce  que  disent  les  Arabes,  et  où  il  y  avait  même 
une  ville,  Bagdad,  dont  le  nom  est  demeuré  en  usage  dans 
le  pays.  La  ville  de  Cedrata,  dont  on  a  retrouvé  des  ruines 
assez  curieuses  recouvertes  par  le  sable  et  qui  fut  floris- 
sante au  moyen  âge,  était  aussi  danPcette  région.  E.  Cat. 
EL-HAÏHA.  District  du  Sahara  (Gourara)  qui  n'a  que 
17,500  palmiers  et  dont  les  cinq  ksour  sont  menacés  par 
l'invasion  des  sables;  les  habitants,  Arabes  et  Zenata,  au 
nombre  de  2,000,  sont  surtout  charbonniers. 

EL-HAMMA.  Oasis  du  S.  de  la  Tunisie  (Belad-el-Djerid, 
pays  des  palmes),  composée  de  plusieurs  villages  :  El-Ksar, 
Debdéba,  Soumbat,  Zaouiet-el-Mdjeba,  Bou-Atouche,  qu'en- 
tourent 80,000  palmiers-dattiers.  Il  y  a  trois  zaouias  et  un 
millier  d'habitants,  administrés  par  un  caïd.  Les  eaux  qui 
arrosent  les  palmiers  proviennent  de  quatre  sources  chaudes 
que  les  anciens  utihsaient,  et  les  ruines  que  l'on  y  trouve 
sont  celles  de  la  station  romaine  à'Aquœ  Tacapitanœ.  Le 
Hamma  est  dans  le  cercle  du  contrôle  civil  de  Gabès. 

EL- HAMMAM.  Ce  mot,  qui  en  arabe  signifie  les  eaux 
chaudes,  se  retrouve  fréquemment  dans  la  toponymie  de 
l'Afrique  du  Nord.  Citons,  parmi  les  locahtés  qui  sont 
ainsi  désignées  :  une  en  Tunisie,  voisine  de  Thala,  dans  la 
vallée  de  l'oued  Mellègue;  une  dans  le  dép.  de  Constan- 
tine, au  N.  de  M'sila;  une  sur  les  flancs  du  Bou-Thaleb, 
dans  le  même  département,  et  une  autre  près  d'El-Outaïa. 
EL-HAOUITA  ou  EL-HOUITA  (la  petite  muraille). 
Ksar  d'Algérie,  au  S.  du  dép.  d'Alger,  à  42  kil.  S.-O.  de 
Laghouat;  421  hab.  Bâti  au-dessus  d'un  ravin  où  coule 
l'oued  Dakhela  qui,  après  avoir  baigné  les  jardins,  va  se 
perdre  dans  les  sables,  El-Haouita  fait  partie  de  la  com. 
indigène  de  Laghouat. 

EL-HARROUCH  (V.  El-Arrouch). 
ELHUYAR  Y  DE  SuvisA  (Don  Fausto  de),  minéralogiste 
et  chimiste   espagnol,  né  à  Logrofio  (Vieille-Castille)  le 
11  oct.  1755,  mort  à  Madrid  le  6  févr.  1833.  Professeur 


-  825  - 


ELHUYAR  -  ELIASZ 


de  chimie  et  de  minéralogie  à  TEcole  des  mines  de  Vergara 
(Biscaye)  de  4781  à  1785,  il  partit  en  d 788,  après  trois 
années  de  voyages  d'études  dans  l'Europe  centrale,  pour 
la  Nouvelle-Espagne  (aujourd'hui  Mexique),  où  il  venait 
d'être  nommé  directeur  général  des  mines.  Il  y  organisa 
habilement  l'exploitation,  fonda  même  à  Mexico  une  école 
spéciale  des  mines  (1792),  mais  fut  contraint  d'interrom- 
pre son  œuvre  par  la  révolution  qui  devait  amener  l'indé- 
pendance du  Mexique.  De  retour  en  Espagne,  il  y  fut 
nommé  directeur  général  des  mines.  On  lui  a  attribué  la 
découverte  du  tungstène  ;  en  réalité,  il  est  parvenu,  en 
1783,  avec  son  frère  Juan-José,  à  isoler  le  premier  ce 
métal,  dont  Scheele  et  Bergman  avaient  deux  ans  aupara- 
vant signalé  l'existence  probable  en  analysant  de  la  schée- 
lite  (tungstate  de  calcium). Il  a  laissé  quelques  écrits  :  Inda- 
gaciones  sobre  la  amonedaciôn  en  JSueva  Espana,  etc. 
(Madrid,  1818,  in-4)  ;  Memoria  sobre  el  iîiflujo  de 
la  mineria  en  la  agricultura,  industria,  etc.  (Madrid, 
1825,  in-4)  ;  Memoria  sobre  la  formaciôn  de  una  ley 
para  la  mineria  (Madrid,  1825,  in-4),  etc.  lia  en  outre 
fourni  à  Alex,  de  Humboldt  de  nombreuses  et  intéressantes 
données  pour  son  Essai  politique  sur  la  Nouvelle-Espa- 


gne. 


L.  S. 


BiBL.  :  A.  DE  Humboldt,  Essai  politique  sur  la  Nouvelle- 
Espagne,  Paris,  1811,  in-8,  t.  1,  pp.  7,  102,  423;  t.  II,  p.  235; 
t.  III,  p.  226, etc.  —  Ad.  Wurtz,  Dictionn.  de  Ctiimie,  Paris, 
1878,  in-8, t.  III,  p.  515. 

ELI  AD  E  (Jean-Radulescu),  écrivain  roumain,  né  à  Targu- 
Vastei  en  1802,  mort  à  Bucarest  en  1872.  11  étudia  au 
collège  de  Saint-Sabbas,  où  le  Transylvain  Lazare  avait 
inauguré  un  enseignement  national,  en  roumain.  Il  y  aida 
bientôt  son  maître  jusqu'à  l'époque  où  l'école  fut  fermée 
par  le  gouvernement  en  1821.  Depuis  lors  il  fut  le  chef 
intellectuel  du  pays,  comme  professeur  et  journaliste.  C'est 
lui  qui  publia  le  premier  journal  en  Valachie,  le  Courrier 
roumain  (l^""  avr.  1829-1848),  suivi  bientôt  par  le 
Courrier  pour  les  deux  sexes  (1836-1847).  Ses  poésies, 
ses  nombreuses  traductions,  ses  pamphlets  et  ses  satires 
lui  assurèrent  une  situation  qu'aucun  écrivain  roumain 
n'avait  occupée  avant  lui.  La  révolution  de  1848  lui 
offrit  l'occasion  de  jouer  même  un  assez  important  rôle 
politique  :  il  favorisa  les  révolutionnaires,  mit  ses  presses 
à  leur  service ,  fit  parti  du  gouvernement  provisoire,  et 
plus  tard  de  la  lieutenance,  avec  N.  Golescu  et  Tell.  La 
révolution  une  fois  vaincue  par  la  Russie,  il  fut  contraint 
de  s'expatrier  :  le  gouvernement  turc  l'envoya  à  Brousse, 
avec  quelques-uns  de  ses  adhérents.  Il  y  vécut  quelque 
temps,  en  guerre  ouverte  avec  tout  le  monde,  même  avec 
ses  anciens  camarades  révolutionnaires.  Revenu  en  Vala- 
chie, après  l'amnistie,  il  mena  une  vie  purement  littéraire. 
Il  fut  éloigné  de  toute  participation  au  pouvoir  par  les  deux 
princes  qui  se  succédèrent  sur  le  trône  du  pays,  jusqu'à 
l'union  de  1859,  qui  donna  naissance  à  la  Roumanie. 
A  l'occasion  de  l'affaire  Trandafilov  (tentative  faite  pour 
monopoliser  l'exploitation  des  mines  du  pays  par  une  com- 
pagnie russe,  dont  Trandafilov  était  le  chef),  il  écrivit  son 
Rosier  sauvage  (tranda/ir  signifie  en  roumain  rosier)  qui 
eut  une  immense  popularité.  Après  l'avènement  du  prince 
Couza,  il  fut  tout  à  fait  oublié.  Il  rêva  de  latiniser  d'abord, 
puis  d'italianiser  complètement  la  langue  roumaine,  et  perdit 
son  influence  littéraire  vers  la  fin  de  sa  vie.  On  lui  a  érigé 
une  statue  de  marbre  à  Bucarest. 

Ses  œuvres  sont  extrêmement  nombreuses.  Il  édita,  avec 
une  préface  assez  importante,  les  fables  de  Tzikindeal 
(i  838)  ;  il  traduisit  tant  bien  que  mal  la  Bible  et  Dante , 
Don  Quichotte  et  l'Arioste,  le  Tasse  et  Molière,  Byron  et 
Ossian,  sans  compter  quelques  poésies  de  Lamartine.  Ses 
propres  poésies  sont  écrites  dans  une  assez  bonne  langue, 
surtout  dans  la  première  période,  où  il  composa  son  chef- 
d'œuvre,  le  Zburator.  Il  contribua  à  la  création  d'un 
théâtre  roumain,  en  traduisant  les  Deux  Foscari  et  Am- 
phijtrion,  Zaïre  et  Marino  Faliero,  —  On  lui  doit  aussi 
quelques  fables  et  la  Michaïde,  poème  épique  manqué. 
Ses  œuvres  en  prose  contiennent  :  des  traités  didactiques. 


comme  sa  Grammaire  (1828),  et  son  Arithmétique,  des 
articles  pour  son  journal,  des  mémoires,  des  brochures 
(les  Règles  de  la  poésie  (1831),  la  Littérature  cri- 
tique), etc.  n  écrivit,  en  français,  une  relation  des  évé- 
nements de  1848  (Mémoires  sur  F  histoire  de  la  régé- 
nération roumaine.  Souvenirs  et  impressions  d'un 
proscrit).  Son  rôle  fut  surtout  celui  d'un  initiateur  et 
c'est  ce  qui  lui  donne  une  importance  considérable.  Ses 
œuvres ,  éditées  par  lui-même,  sont  devenues  assez  rares 
aujourd'hui.  N-  Jorga. 

ELIAS  ou  ELIE  (Mathieu), peintre  français,  nèa  Peene, 
près  de  Cassel  (Nord),  en  1658,  mort  à  Dunkerque  le 
22  avr.  1741.  Elève  de  Phihppe  Decorbehem.  Il  fut  direc- 
teur de  l'Académie  de  Saint-Luc  de  Paris.  Ses  tableaux  reli- 
gieux abondent  à  Dunkerque,  à  Menin  et  à  Ypres.     G.  P-i. 

ELIAS  (Ney),  voyageur  anglais,  qui  releva  en  1868  le 
cours  inférieur  de  l'Ouangho  et  en  donna  une  carte  en  deux 
feuilles  (1872).  Il  entreprit  en  1872  une  expédition  en 
Mongolie  et  traversa  le  désert  de  Gobi.  Cette ^  campagne 
dont  il  publia  le  résultat  dans  le  recueil  de  la  Société  de  géo- 
graphie de  Londres  (On  a  Journey  through  western  Mon- 
go  lia,  t.  XVII)  lui  valut  une  médaille  d'or  de  cette 
société.  En  1874,  Ney  Elias  entreprit  de  nouveaux  voyages 
sur  l'Iraouaddi  et  en  1879  au  Turkestan. 

ELIAS  BuRGOs  (Martin),  sculpteur  espagnol  du  xix«  siècle, 
fils  d'Elias  Vallejo,  membre  honoraire  de  l'Académie  de 
San  Fernando  et  secrétaire  de  la  section  de  sculpture.  Ses 
principaux  ouvrages  sont  un  bas-relief  représentant  la 
Mort  d'Epaminondas,  qui  appartient  à  l'Institut  espagnol, 
un  groupe  de  Caïn  tuant  Abel,  exposé  en  1840,  un  bas- 
relief  figurant  Priam  aux  genoux  d'Achille  et  un  buste 
de  son  père.  P*  L. 

ELIAS  DE  San  Juan-Bautista  (Juan  Zamrrano,  en  reli- 
gion), prédicateur  et  linguiste  hispano-américain,  né  à 
Mexico,  mort  à  Mexico  en  1605.  Entré  dans  l'ordre  des 
carmes  déchaux  à  la  Puebla  (1587),  il  fut  chargé  d'admi- 
nistrer les  Indiens  du  quartier  Saint-Sébastien.  Telle  était 
la  puissance  de  sa  voix  qu'il  se  faisait  entendre  en  plein  air 
de  douze  mille  personnes.  (Quoiqu'il  parlât  le  nahua  de  ma- 
nière à  exciter  l'admiration  des  indigènes  eux-mêmes,  il 
comptait  moins  sur  ses  sermons  que  sur  les  tableaux  et 
les  images  pour  leur  enseigner  la  doctrine  chrétienne.  Il 
publia  'en  nahua  des  Dialogues  (Mexico,  1598,  in-^)  î 
Abrégé  de  la  bulle  de  la  sainte  Croisade  (ibid.,  1599) 
et  un  Catéchisme.  Beauvois. 

ELIAS  Vallejo  (Francisco),  sculpteur  espagnol,  né  à 
Soto  de  Cameros  en  1783,  mort  à  Madrid  le  22  sept.  1858. 
Il  suivit  les  cours  de  l'Académie  de  San  Fernando  et  obtint  le 
second  prix  au  concours  général  de  sculpture  en  1808  ;  en 
1814,  l'Académie  le  choisissait  comme  membre  honoraire, 
et  à  cette  occasion,  il  produisit  son  groupe  représentant 
Rodrigo  Tellez  Giron  défiant  le  Maure  Albayaldos  que 
conserve  l'Académie.  En  1818,  il  fut  désigné  pour  la  vice- 
présidence  delà  section  de  sculpture;  en  1830,  pour  la 
présidence  de  cette  même  section  et,  en  1841 ,  il  était  nommé 
directeur  général  et  professeur  des  cours  de  composition  et 
de  modelage.  Ses  principaux  ouvrages  sont  :  Fernand 
Cortès,  Hercule  enfant,  qui  décore  une  des  fontaines  des 
jardins  du  palais  d'Aranjuez,  une  statue  de  la  Reine  Isa- 
belle, tenant  dans  ses  bras  la  princesse  des  Asturies, 
le  monument  funéraire  élevé  à  Jovellanos  dans  l'église  de 
Gijon,  les  bas-rehefs  qui  décorent  le  piédestal  de  la  statue 
de  Philippe  IV,  sur  la  place  de  l'Oriente,  et  divers  groupes 
allégoriques.  Elias  Vallejo  avait  été  nommé  premier  sculpteur 
de  Camara  en  1858.  ?•  L. 

BiBL.  :  OssoRio  Y  Bernard,  Galeria  hiografica  de  ar- 
tislas  espanoles;  Madrid,  1868. 

ELIASZ  ou  ÉLI E  DE  Wilna,  surnom  Gaon  (le  Sublime), 
savant  Israélite  polonais,  né  en  1720,  mort  en  1797.  Il 
fut  mis  à  la  tête  de  l'académie  talmudique  de  Vilna  appe- 
lée Jechyba,  et  y  attira  un  grand  nombre  d'élèves.  Il  refusa 
toujours  le  titre  de  rabbin  ;  il  mena  une  polémique  achar- 
née contre  les  Chasyd.  Il  a  laissé  un  grand  nombre  d'où- 


ELIASZ  -  ELIDE 


—  826  — 


vrages  ;  Tun  des  plus  importants  est  un  recueil  d'observa- 
tions sur  le  texte  du  Talmud  sous  le  titre  de  Hagahot,  — 
Elie  de  Wilna  ne  doit  pas  être  confondu  avec  son  coreligion- 
naire et  homonyme  Eliasz  de  Cracoviequiapubliéen  1797 
un  ouvrage  encyclopédique  sous  le  titre  de  Se  fer  Habrys, 

ELIASZ  (Valère),  peintre  polonais,  né  à  Cracovie  le 
42  sept.  1840.  Après  avoir  fait  d'excellentes  études  clas- 
siques, il  entra  à  l'Ecole  des  beaux-arts  de  sa  ville  natale  et 
alla  ensuite  étudier  la  peinture  à  Munich,  sous  la  direction  de 
différents  maîtres.  En  1865,  il  entreprend  un  long  voyage  à 
travers  l'Europe  :  il  visite  successivement  Dresde,  Berlin, 
Dusseldorf  et  s'arrête  longtemps  à  Paris  et  à  Florence. 
Fixé  définitivement  à  Cracovie  dès  1868,  il  complète  son 
éducation  artistique  en  ajoutant  aux  matériaux  déjà  re- 
cueilhs  des  documents  précieux  que  lui  fournissent  les 
bibliothèques  et  les  collections  archéologiques  de  son  pays 
ainsi  que  ses  fréquentes  excursions  dans  les  Tàtra  (Car- 
pates).  Peintre  d'histoire  avant  tout,  il  a  représenté  sur 
la  toile  plusieurs  grands  épisodes  de  l'histoire  de  Pologne; 
quelques-uns  de  ces  tableaux  ont  été  reproduits  en  chro- 
molithographie et  ont  eu  un  grand  succès  populaire. 
Eliasz  a  cultivé  aussi  la  gravure  à  F  eau-forte  ;  son  Guide 
dans  les  Tâtra  renferme  des  eaux-fortes  très  intéres- 
santes. Cet  artiste  est  d'ailleurs  un  illustrateur  aussi  habile 
que  fécond  :  il  y  a  très  peu  de  publications  illustrées 
en  Pologne  qui  ne  contiennent  nombre  de  ses  œuvres.  Un 
dessin  extrêmement  châtié  et  une  composition  correcte 
sont  les  marques  caractéristiques  de  son  talent.  Eliasz  est 
aussi  écrivain  distingué  à  ses  heures  :  ses  Esquisses  de 
voyage  dans  les  Tâtra  dénotent  beaucoup  de  goût  et  un 
sentiment  très  vif  de  la  nature.  Parmi  ses  tableaux,  dont 
la  hste  est  longue,  il  faut  citer  :  la  Défense  de  Cracovie 
contre  les  Suédois,  Zolkiewski  à  Tsetsora,  l'Entrée  de 
Sobieski  dans  Vienne  délivrée,  la  Bataille  de  Rats- 
lavitsé,  la  Mère  des  Jagellons  orpheline.  Un  Camp 
d'insurgés  en  i863,  etc.  F.  Trawinskt. 

ELIÇAGARAY  (L'abbé  Dominique),  né  près  de  Bayonne 
en  1760,  mort  le  22  déc.  1822.  Professeur  de  philoso- 
phie à  Toulouse,  officiai  de  la  Basse-iNavarre,  il  émigra 
en  Espagne  en  1790  et  ne  rentra  en  France  que  sous  le 
Directoire.  Nommé  par  Napoléon  recteur  de  l'académie 
de  Paris,  il  accompagna  à  Londres  pendant  les  Cent-Jours 
la  duchesse  d'Angoulème  en  qualité  d'aumônier.  Sous  la 
seconde  Restauration,  il  fut  nommé  membre  du  conseil 
royal  de  l'instruction  publique  et  chanoine  honoraire  de 
Notre-Dame.  En  1820,  il  fut  chargé  d'une  mission  d'ins- 
pection dans  le  Midi,  au  cours  de  laquelle  il  prononça  des 
discours  tellement  réactionnaires  qu'il  fut  rappelé  par  le 
ministre  de  l'instruction  publique.  Ces  discours  curieux  se 
trouvent  dans  le  Caducée  de  Marseille  (1821).  L'un  d'eux 
a  été  imprimé  séparément  (Carcassonne,  1821,  in-8). 

ÉLIDE.  I.  Géographie  ancienne.  —  Contrée  de  l'an- 
cienne Grèce  ("HXtç  ou  ^AXiç,  puis  IHa  ou  Valis  dont  le 
nom  était  emprunté  à  sa  principale  cité  Elis.  L'Elide  était 
la  contrée  occidentale  du  Péloponèse,  s'étendant  le  long  de 
la  mer  Ionienne  entre  l'Achaïe  au  N.,  la  Messénie  au  S., 
l'Arcadie  à  l'O.  Elle  avait  pour  frontière  au  N.  le  promon- 
toire Araxe  et  la  rivière  Larisse  ;  au  S.  la  rivière  Néda  ; 
à  l'E.  les  montagnes  de  l'Arcadie,  du  Lycée  à  FErymanthe, 
Elle  se  divisait  en  trois  districts  qui  étaient,  du  N.  au  S.  : 
1°  VElide  proprement  dite  ou  Elide  creuse,  de  l'Araxe  au 
cap  Ichthys,  comprenant  outre  la  plaine  du  Pénée  les  can- 
tons montagneux  de  l'Acrorée  ;  2°  la  Pisatide,  du  cap 
Ichthys  à  FAlphée  ;  3°  la  Triphylie,  entre  l'Alphée  et  la 
Néda. 

Nous  passerons  brièvement  sur  la  géographie  physique 
pour  laquelle  nous  renvoyons  à  l'acte  Grèce,  nous  conten- 
tant de  donner  ici  quelques  indications  générales.  L'EHde 
a  été  quelquefois  envisagée  comme  une  dépendance  de 
FArcadie,  d'où  lui  viennent  ses  fleuves  Alphée,  Ladon, 
Pénée  ;  elle  occupe  les  terrasses  inférieures  des  monts  arca- 
diens,  Lycée,  Pholoé,  Erymanthe.  Elle  n'a  pas  de  limites 
naturelles  bien  marquées.  Néanmoins ^  elle  a  sa  physio- 


nomie bien  distincte  et  son  unité  historique.  C'est  un  pays 
fertile,  le  plus  fertile  du  Péloponèse  ;  ses  vallées  fluviales, 
ses  plaines  d'alluvions  ont  été  très  productives  ;  le  bassin 
du  Pénée  était  célèbre  à  ce  titre,  même  les  collines  sablon- 
neuses qui  découpent  les  plaines  de  l'Ehde  revêtues  d'une 
belle  végétation  que  les  vents  pluvieux  de  FO.  favorisent. 
Le  rivage  de  l'Elide  est  moins  favorisé  que  ceux  de  la 
plupart  des  autres  contrées  de  la  Grèce  ;  ce  littoral  sablon- 
neux, formé  d'un  sol  d'alluvions,  se  déroule  presque  sans 
accident,  par  conséquent  sans  port  naturel.  Les  promon- 
toires qui  le  jalonnent  sont  d'anciennes  îles  rocheuses 
réunies  au  continent  par  les  alluvions  :  cap  Araxe  (Kalo- 
gria),  cap  Chelonatas  (Clarentza),  cap  Ichthys  (Katakolo). 
Le  cap  Chelonatas  est  le  principal  en  raison  de  sa  situation 
avancée  à  l'O.  du  Péloponèse  ;  il  découpe  la  côte  de  l'Elide 
entre  deux  golfes  largement  ouverts,  le  golfe  de  Cyllène 
au  N.,  le  golfe  Chélonatique  au  S.,  borné  par  le  cap  Ichthys 
après  lequel  s'ouvre  le  golfe  Cyparissien.  Les  sables  du 
rivage  s'accumulant  interceptent  l'écoulement  des  petits 
cours  d'eau  ;  ceux-ci,  ne  pouvant  arriver  à  la  mer,  accu- 
mulent leurs  eaux  derrière  le  cordon  littoral  en  de  longues 
lagunes  qui  occupent  presque  toute  la  côte  ;  il  en  résulte 
une  extrême  insalubrité  dans  la  saison  chaude  ;  l'abondance 
du  poisson  dans  ces  lagunes  est  une  compensation  insuffi- 
sante aux  fièvres  et  à  la  foule  des  insectes, moustiques,  etc., 
qui  rendent  intolérable  en  été  la  région  de  la  zone  mari- 
time. —  La  plaine  de  l'Elide  a  été  formée  par  les  fleuves  ; 
le  plus  considérable  était  FAlphée  (Roufia),  venant  d'Ar- 
cadie  ;  le  fleuve  propre  de  l'Elide  était  plus  au  N.  le  Pénée 
(Gastouni)  qui  a  changé  de  lit;  jadis  il  débouchait  au  N. 
du  cap  Chelonatas,  mais  il  est  probable  que  dès  l'antiquité 
des  bouleversements  analogues  s'étaient  produits  ;  la  légende 
d'Héraklès  détournant  le  fleuve  pour  nettoyer  les  écuries 
d'Augias  semble  en  conserver  le  souvenir.  Le  bassin  du 
Pénée  formait  FElide  proprement  dite.  C'était  la  plaine  la 
plus  fertile  de  la  Grèce,  la  seule  où  crût  le  byssus  ;  outre 
les  grains  et  les  textiles,  l'Elide  fournissait  du  vin  et  ses 
pâturages  nourrissaient  des  bœufs  et  des  chevaux  renommés. 
On  sait  l'admiration  qu'excitaient  les  troupeaux  d'Augias  ; 
les  poèmes  homériques  vantent  les  chevaux  d'Elis.  La 
Pisatide  était  moins  riche  que  FElide  creuse,  bien  que  la 
vallée  de  l'Alphée  fût  également  fertile  ;  les  inondations 
la  ravageaient  souvent.  Comme  l'Elide  allait  de  FErymanthe 
au  cap  Chelonatas,  la  Pisatide  allait  du  mont  Pholoé  au 
cap  Ichthys.  La  TriphyUe  était  plus  resserrée  que  les  dis- 
tricts précédents  entre  la  montagne  et  les  lagunes  mari- 
times ;  elle  occupait  les  contreforts  du  mont  Lycée  et  les 
petites  vallées  riveraines  qui  en  descendent. 

Dans  FElide  proprement  dite  se  trouvaient  :  sur  la  côte 
Hyrmine  et  Cyllène  ;  au  N.,  entre  FAchaïe  et  le  Pénée,  Bupra- 
sium,  l'ancienne  capitale,  etMyrsinus  ou  Myrtuntium  ;  sur 
le  Pénée,  Pylos,  au  confluent  du  Ladon,  la  capitale  Elis; 
sur  le  Ladon,  Ephyra,  la  cité  homérique,  seconde  capitale 
du  pays  à  cette  époque  ;  au  N.  de  Pylos,  dans  la  monta- 
gneuse Acrorée,  près  de  l'Achaïe,  Thalamae  ;  les  autres 
cités  de  l'Acrorée  étaient  Lasion,  Opus,  Thraestus  ou 
Thraustus,  Alium,  Eupagium.  —  Dans  la  Pisatide,  on 
trouvait  sur  la  côte,  Pheia  ;  sur  la  voie  sacrée  (d'Elis  à 
Olympie),  Letrini  et  Dyspontium  ;  sur  l'autre  route  d'Elis 
à  Olympie  (par  la  montagne),  Alesiaeum,  Salmone  et  Héra- 
clée  ;  auprès  Margalae  ou  Margane  et  AmphidoU.  Enfin, 
sur  l'Alphée,  étaient  les  cités  rivales  de  Pise  et  d'Olympie  ; 
à  FE.,  Harpinna.  —  Dans  la  Triphyhe,  on  trouvait  sur  la 
côte  Thryon,  plus  tard  Epitalium,  Samicum,  Pyrgi  ;  au  S. 
du  pays  était  la  capitale  de  la  Triphilie ,  Lepreum  ;  sur 
l'Alphée,  à  l'E.  d'Olympie,  Phrixa  ;  sur  la  route  d'Olympie 
à  Lepreum,  Pylos  et  Macistus  ;  dans  l'intérieur,  Scillus, 
résidence  de  Xénophon,  yEpy  ou  Epeium,  Hypana,  Tympa- 
nea3,  Bolax. 

II.  Géographie  moderne.  —  L'ancienne  Elide  appartient 
pour  la  plus  grande  partie  à  la  nomarchie  d'Achaïe  et 
Elide  qui  en  absorbe  la  fraction  septentrionale  au  N.  de 
l'Alphée  ;  l'éparchie  d'Elis  comprend  presque  tout  ce  terri- 


m  - 


ELIDE 


toire  dont,  toutefois,  quelques  lambeaux  ont  passé  à  l'épar- 
chie  de  Patras.  L'éparchie  d'Elis  comprend  les  dèmes  de 
Letrina,  Lampia,  Olympia,  Oléné,  Buprasia,  Myrtuntis, 
Peniios,  Elis.  Au  S.  de  FAlphée,  la  nomarchie  de  Messéme 
absorbe  1^  reste  de  l'Elide  ancienne  dans  l'éparchie 
d'Olympia  qui  empiète  sur  l'Arcadie  antique  et  l'éparchie 
de  Triphylia  qui  empiète  sur  la  Messénie  antique. 

III.  Histoire.  —  Les  premiers  habitants  de  TEbde  dont 
l'histoire  fasse  mention  semblent  avoir  été  les  Caucones, 
de  souche  pèlasgique,  c.-à-d.  apparentés  aux  Arcadiens.  Ils 
furent  ultérieurement  refoulés  dans  les  montagnes  du  N.-E. 
(auprès  de  Dyme)  et  du  S.  (en  Triphylie).  Au  xiv«  siècle 
av.  J.-C,  ils  occupaient  à  peu  près  toute  l'Elide.  Ils  étaient 
en  rapport  avec  les  Phéniciens  venus  par  mer  et  qui  pro- 
bablement introduisirent  le  byssus.   Très   anciennement 
aussi,  on  signale  la  présence  des  Epéens,  probablement 
parents  des  Etoliens  de  l'autre  côté  du  golfe  de  Corinthe. 
On  racontait  qu'Epéius  et  iEtolus  étaient  deux  fils  d'En- 
dymion  qui  régnait  dans  le  bassin  du  Penée.  Eléius,  ancêtre 
patronymique  des  Eléens,  aurait  été  un  fils  du  dieu  Poséidon 
et  d'Eurycyda,  fille  d'Endymion.  Les  Epéens  possédaient  la 
Triphylie  et  en  face  de  l'Achéloiis  les  îles  Echinades.  Le 
plus  célèbre  de  leurs  rois  fut  Augias,  que  tua  Héraklès. 
Ils   se   divisèrent  en  quatre  royaumes;  les  cités  prin- 
cipales étaient  Buprasium  et  Ephyra.    A  la  guerre  de 
Troie,  les  Epéens  envoient  quarante  navires  commandés 
par  quatre  chefs,  dont  le  petit-fils  d' Augias,   Polyxène. 
Au  S.,  les  Epéens  étaient  en  conflit  avec  le  royaume  de 
Pylos  gouverné  par  les  Nélides,   alliés  aux  parents  des 
Achéens  et  de  leurs  chefs  Pélopides.  Il  y  avait  eu,  avant 
l'époque  homérique,  un  royaume  de  Pise,  puissant  d'abord 
et  premier  siège  de  la  dynastie  de  Pélops  ;  plus  tard,  il 
disparut  et  Homère  l'ignore.  On  suppose  qu'il  avait  été 
absorbé  par  le  royaume  de  Pylos.  Au  moment  de  l'invasion 
dorienne  dans  le   Péloponèse,  les  Etoliens,   dirigés  par 
Oxylus,  occupèrent  le  bassin  du  Pénée  ;  l'Elide  leur  fut 
réservée,  d'après  la  légende.  Les  Epéens  et  les  EtoHens  se 
fondirent  facilement  pour  former  le  peuple  des  Eléens.  Au 
S.,  Pise  recouvra  son  autonomie  et  entra  en  conflit  avec 
eux.  Enfin,  au  delà  de  l'Alphée,  la  Triphylie  fut  occupée 
par  des  Minyens,  chassés  de  Laconie  par  les  Doriens;  ces 
Minyens  se  substituèrent  aux  Caucones  et  aux  Paroréates  ; 
ils  fondèrent  un  Etat  fédéral  de  six  cités  et  résistèrent 
aux  Messéniens  dorisés.  Le  nom  de  Triphylie,  c.-à-d.  pays 
des  trois  races,  fut  donné  à  la  contrée  parce  qu'à  côté  des  Mi- 
nyens subsistèrent  les  autres  tribus  des  Epéens  et  Caucones  ; 
plus  tard  vinrent  les  Eléens.  C'est  donc  vers  le  x^  siècle 
que  l'Elide  fut  divisée  en  trois  Etats  :  Elis,  Pise,  Tri- 
phylie ;  mais,  dès  le  viii«  siècle,  les  Eléens  étendirent  leur 
domination  jusqu'à  la  Néda,  subordonnant  les  autres  cités. 
Alliés  à  Sparte,  ils  organisèrent  le  culte  de  Zeus  à  Olympie 
et  les  grandes  fêtes  athlétiques  qui  firent  d'Olympie  une 
sorte  de  capitale  religieuse  du  Péloponèse.  La  rivalité 
d'Elis  et  de  Pise,  dépossédée  de  la  présidence  de  ces  fêtes, 
se  prolongea  jusqu'au  vi^  siècle.  A  la  8^  olympiade  (747), 
les  Pisates,  alliés  à  Phidon,  tyran   d'Argos,   exclurent 
les  Eléens  de  la  présidence,  mais  la  victoire  de  Sparte 
rétablit  la  suprématie  d'Elis  jusqu'en  Triphylie.  Lors  de  la 
deuxième  guerre  de  Messénie,  Pisates  et  Triphyliens  com- 
'  battirent  avec  les  Messéniens  contre  Elis  et  Sparte .  Le  roi 
de  Pise,    Pantaléon,  s'empara  d'Olympie  et  exclut  les 
Eléens  des  jeux  de  la  34^   olympiade    (644).   Son   fils 
Damophon  tint  les  Eléens  en  respect,  mais  le  fils  de  celui-ci, 
Pyrrhus,  engagea  une  lutte  suprême  avec  l'alliance  des 
cités  de  Dyspontium,  Maciste  et  Scillus  ;  toutes  furent 
rasées  par  les  Eléens  vainqueurs  et  le  nom  de  Pise  dis-- 
parut  (572).  On  ne  sut  même  plus  ensuite  où  avait  été 
cette  ville  jadis  fameuse  et  on  doutait  de  son  existence. 
Définitivement  maîtres  de  l'Elide,  les  Eoliens  d'Ehs  con- 
nurent une  longue  période  de  prospérité  pacifique.  En 
raison  des  fêtes  rehgieuses  et  du  culte  de  Zeus  Olym- 
pien, leur  territoire  avait  été  déclaré  sacré  et  mis  à  l'abri 
des  fléaux  de  la  guerre.  Alliés  aux  Spartiates,  ils  furent 


entraînés  dans  la  guerre  du  Péloponèse  ;  les  Athéniens 
pillèrent  leurs  côtes.  Après  la  paix  de  Nicias,  ils  entrèrent 
en  conflit  avec  les  Spartiates.  Ceux-ci  avaient  accordé  leur 
protection  à  la  cité  révoltée  de  Lepreum.  EUs  entra  avec 
Corinthe,  Argos  et  Mantinée  dans  une  ligue  dirigée  contre 
Sparte;  elle  condamna  Sparte  aune  amende  de  deux  mille 
mines  pour  infraction  à  la  trêve  sacrée  au  moment  des 
jeux  olympiques  ;  sur  le  refus  de  payement,  les  Spartiates 
furent  exclus  des  fêtes.  Le  conflit  se  prolongea  pendant  la 
guerre  du  Péloponèse.  Après  la  chute  d'Athènes,  Sparte 
s'attaqua  directement  à  Elis,  la  sommant  de  rendre  l'auto- 
nomie aux  cités  vassales  et  de  payer  l'arriéré  de  sa  part 
de  contribution  dans  la  guerre  de  la  confédération  pélopo- 
nésienne  contre  Athènes.  Sur  le  refus  des  Eléens,  la  guerre 
commença  ;  le  roi  Agis  envahit  leur  pays  (402).  Après 
trois  années  de  résistance,  Elis  dut  céder;  elle  perdit  la 
Triphylie,  son  port  de  Cyllène,  la  ville  de  Lasium  réclamée 
par  les  Arcadiens  et  toutes  celles  de  l'Acrorée  (400).  Après 
la  bataille  de  Leuctres,  les  Eléens  relevèrent  la  tête.  Mais 
les  Triphyliens  s'étant  agrégés  à  la  confédération  arcadienne, 
ils  revinrent  à  l'alliance  de  Sparte  et  firent  la  guerre  aux 
Arcadiens.  Ils  enlevèrent  à  ceux-ci  Lasium  et  l'Acrorée, 
mais  les  reperdirent  presque  aussitôt.  Les  Arcadiens  mirent 
garnison  sur  la  colline  du  Cronion  à  Olympie,  faillirent 
prendre  Elis,  ville  ouverte;  le  parti  démocratique  se  sou- 
leva à  leur  instigation,  mais  fut  expulsé;  il  se  fortifia  à 
Pylos,  sur  le  Pénée  (366).  En  365,  les  Arcadiens  vain- 
quirent les  Eléens  près  de  Cyllène.  L'année  suivante,  à 
l'occasion  de  la  iO¥  olympiade,  les  Arcadiens  défirent 
encore  les  Eléens,  donnèrent  la  présidence  des  fêtes  aux 
villageois  de  Pise,  mais  ils  pillèrent  les  trésors  sacrés.  Ce 
sacrilège  fut  désavoué  par  l'assemblée  arcadienne  qui  fit  la 
paix  avec  Elis  et  lui  rendit  Olympie  et  la  présidence  des 
fêtes.  —  Les  Eléens  furent  les  alliés  de  Philippe  de  Macé- 
doine; plus  tard,  ils  combattirent  avec  les  autres  Grecs 
contre  Antipater  dans  la  guerre  Lamiaque.  En  312,  Télés- 
phore,  lieutenant  d'Antigone,  s'empara  d'Elis  dont  il  vou- 
lait faire  la  capitale  d'une  principauté  ;  il  en  fut  expulsé 
par  un  autre  lieutenant  d'Antigone.  Au  iii^  siècle,  les 
Eléens  s'allièrent  aux  Etoliens  et  entrèrent  dans  la  ligue 
étolienne.  De  là  des  luttes  et  des  razzias  fréquentes  contre 
les  Achéens  auxquels  se  joignirent  les  TriphyUens.  L'Elide 
n'a  plus  ensuite  d'histoire.  Elle  passe  avec  le  Péloponèse 
sous  la  domination  romaine  et  continue  de  bénéficier  des 
fêtes  d'Olympie  (V.  ce  mot)  jusqu'à  leur  suppression  par 
Théodore  (394). 

Au  moyen  âge,  l'Elide  fut  occupée  par  les  Francs,  venus 
de  Patras.  Guillaume  de  Champlitte  s'installa  à  Andravida 
à  droite  du  Pénée  ;  Villehardouin  fonda  Glarenza  ou  Cla- 
rentza  qui  devint  le  grand  port  de  la  côte  occidentale  de 
la  Grèce  (V.  Achaïe).  Les  villes  de  Castro  Tornese  (cita- 
delle de  Clarentza),  Gastouni  et  Santameri  datent  de  cette 
période.  Plus  tard,  les  Vénitiens  eurent  leur  centre  à  Bel- 
védère (citadelle  d'Elis)  qui  donna  son  nom  à  la  province, 
«  la  vache  à  lait  de  la  Morée  ».  Sa  prospérité  déclina 
ensuite,  mais  tend  à  reparaître  (V.  Grèce,  Elis,  Olympie, 
Achaïe,  t.  I,  pp.  369-372). 

IV.  Numismatique.  —  Les  monnaies  de  l'Elide  sont  au 
nombre  des  plus  belles  que  l'art  grec  ait  jamais  ^produites, 
et  la  variété  de  leurs  types  achève  d'en  rendre  l'étude  par- 
ticulièrement attrayante.  Elles  sont  taillées  d'après  l'étalon 
éginétique  (drachme,  6='^22)  comme  la  plupart  des  monnaies 
du  Péloponèse  ;  il  n'en  est  aucune  qui  soit  antérieure  à  l'in- 
vasion des  Perses  en  Attique,  en  480  ;  mais  à  partir  de  cette 
date  les  statères  d'argent  de  l'Elide  abondent.  Contraire- 
ment à  l'usage  répandu  presque  partout  en  Grèce,  les  mon- 
naies de  l'Elide  ne  portent  pas  le  nom  de  la  ville  où  elles 
ont  été  frappées  :  on  ne  peut  guère  citer  qu'une  exception 
à  cette  règle.  Elles  ont  généralement  pour  légende  FA  ou 
FAAEION  (la  première  lettre  étant  le  digamma)  jusqu'à 
l'époque  romaine,  et  sous  l'empire  romain  ce  mot  est 
remplacé  par  HAEION.  Mais  il  est  hors  de  doute  que 
l'atelier  d'où  sont  sorties  ces  monnaies  était  Olympie,  le 


ELIDE  —  EUE 


—  828  — 


[! 


grand  centre  religieux,  commercial  et  artistique  de  cette 
contrée  de  la  Grèce.  La  plus  ancienne  médaille  de  l'Elide 
le  prouve,  car  elle  est  une  exception  à  la  règle  que  nous 
venons  de  constater  et  elle  porte  en  légende  le  mot 
OAYMniKON.  C'est  un  didrachme  archaïque  au  type 
de  Zeus  debout  brandissant  le  foudre  d'une  main  et  por- 
tant un  aigle  sur  son  bras  gauche  étendu  ;  sur  l'autre 
face,  un  aigle  volant  avec  un  serpent  dans  son  bec.  Cette 
monnaie  qui  a  un  caractère  religieux  paraît  avoir  été  frap- 
lée  vers  Tan  450  avant  notre  ère  avec  l'argent  que  les 
.épréates  de  Triphylie  payaient  chaque  année  au  sanctuaire 
de  Zeus  Olympien.  L'Elide  étant  tout  entière  consacrée  à 
Zeus,  ce  sont  naturellement  des  symboles  de  ce  dieu  qui 
figurent  sur  les  monnaies  :  le  foudre,  l'aigle  debout  sur  un 
chapiteau,  l'aigle  volant,  dévorant  un  serpent  ou  un  lièvre; 
la  Victoire,  symbole  des  jeux  olympiques,  est  figurée  dans 
diverses  attitudes  sculpturales  ;  nous  trouvons  aussi  la  tête 
du  Zeus  Olympien  de  Phidias,  représentée  dans  un  style 
d'une  pureté  et  d'une  noblesse  dignes  de  l'original;  la  tête 
de  la  nymphe  Olympia,  rivale  de  celle  d'Aréthuse  sur  les 
plus  beaux  tétradrachmes  syracusains,  figure  sur  de  rares 
pièces  qui  ont  au  droit  la  tète  de  Zeus  Olympien  ;  d'autres 
statères,  enfin,  ont  pour  type  la  tête  de  Héra  plus  remar- 
quable ici  peut-être  que  sur  les  monnaies  d'Argos.  Comme 
sur  les  plus  beaux  spécimens  de  l'art  monétaire  en  Sicile  et 
dans  la  Grande-Grèce,  on  a  relevé  sur  quelques-uns  de  ces 
chefs-d'œuvre  les  noms  des  graveurs  des  coins,  et  l'on  a 
voulu  reconnaître  parmi  ces  noms  celui  de  Daedale  de  Sicyone 
qui,  vers  l'an  400,  était  occupé  à  sculpter  une  statue  à 
Olympie,  celui  de  Polyclète  le  Jeune,  enfin  celui  d'Euthychidès 
qui  grava  aussi  des  coins  monétairee  pour  Syracuse. 

Lors  de  la  prépondérance  des  Thébains  dans  le  Pélopo- 
nèse,  avecEpaminondas,  en  870,  les  Arcadiens  dominèrent 
dans  l'Elide  et  y  restaurèrent  la  petite  ville  de  Pisa,  détruite 
par  les  Eléens  deux  siècles  auparavant,  Pisa  fit  alors 
frapper  des  monnaies  d'or  et  d'argent  qui  portent  son 
nom,  EISA,  et  sont  au  type  de  Zeus  Olympien.  Mais  peu 
après  les  Eléens  reconquirent  la  présidence  des  jeux  olym- 
piques et  continuèrent  l'émission  de  leurs  belles  monnaies 
autonomes  jusqu'au  jour  où  Alexandre  le  Grand  introduisit 
à  Olympie  la  frappe  des  tétradrachmes  de  poids  attique  à 
son  nom  et  à  ses  types  bien  connus.  Plus  tard,  la  frappe 
des  monnaies  autonomes  reprit,  avec  les  types  de  la  tète 
de  Zeus  et  de  Héra,  et  au  revers,  l'aigle  seul  ou  l'aigle 
luttant  contre  un  serpent  ;  sur  quelques-unes  on  retrouve 
les  initiales  des  tyrans  qui  gouvernèrent  l'Elide  au  cours 
du  m®  siècle.  Ainsi  par  exemple,  les  lettres  Apu..  pa- 
raissent bien  être  les  initiales  du  nom  d'Aristotimos  qui 
fut  despote  de  l'Elide  en  272  avant  notre  ère.  De  l'an  491 
à  Tan  146,  l'Elide  fit  partie  de  la  ligue  achéenne  et  frappa 
des  monnaies  aux  types,  dépourvus  de  caractère  artis- 
tique, qui  furent  adoptés  uniformément  pour  toutes  les 
villes  faisant  partie  de  la  ligue.  Avec  la  conquête  romaine, 
en  146  av.  J.-C,  le  monnayage  d'argent  de  l'Elide  prend 
fin  ;  les  monnaies  de  bronze  persistent  jusque  sous  Cara- 
calla.  Elles  sont  d'un  style  fort  médiocre  et  d'une  conser- 
vation souvent  déplorable,  mais  leurs  types  ont  encore  un 
grand  intérêt  pour  l'archéologue,  car  nous  y  trouvons  la 
reproduction  de  la  statue  du  Zeus  Olympien  de  Phidias, 
celle  de  l'Aphrodite  Pandémos  de  Scopas,  celles  d'autres 
sculptures  non  moins  célèbres,  notamment  la  figure  sym- 
bolique de  l'Alphée  couché,  tenant  une  couronne  et  une 
palme,  souvenirs  des  récompenses  qui  furent  si  longtemps 
distribuées  aux  jeux  célébrés  avec  tant  d'éclat  sur  ses 
bords.  E.  Babelon. 

BiBL.  :  Numismatique.  —  Percy  Gardner,  Elis,  dans  le 
Numismatic  Chronicle^  1879,  pp.  221  et  suiv.—  Du  môme, 
Coins  of  Peloponnesus^  dans  Catalogue  of  Greec  Coins  in 
the  British  Muséum  ;  Londres,  1887,  in-8.  —  Barclay 
V.  Head,  Historia  numorum  ;  Londres,  1887,  in-8,  p.  353. 
ÉLIE  (Saint-)  (Congrégation  de)  (V.  Carmes  déchaussés). 
ÉLIE,  prophète  hébreu  représentant  du  vrai  Dieu  en 

ce  de  l'idolâtrie  étrangère,  spécialement  du  culte  phéni- 

en  introduit  dans  le  royaume  d'Israël.  C'est  le  héros  d'une 


série  d'aventures  merveilleuses.  Il  annonce  au  roi  Achab, 
époux  de  la  princesse  sidonienne  Jézabel,  une  sécheresse 
qui  amènera  une  effroyable  famine  ;  puis,  quand  l'épreuve 
touche  à  sa  fin,  triomphe  des  prêtres  de  Baal  sur  le  mont 
Carmel  dans  une  lutte  mémorable,  où  la  puismince  divine 
intervient  en  sa  faveur.  Ensuite  il  prend  la  route  du 
Sinaï,  reçoit  dans  ce  lieu  vénérable  les  ordres  de  la  divinité, 
revient  en  Palestine  et  est  enlevé  au  ciel  sous  les  yeux  de 
son  disciple  Elisée,  auquel  il  donne  mandat  de  poursuivre 
son  œuvre.  Elie  est  le  type  du  ministère  prophétique  ;  re- 
cueilli près  de  Dieu,  il  redescendra  pour  préparer  les  voies 
au  Messie.  C'est  une  tâche  à  la  fois  puérile  et  ingrate  de 
vouloir  rechercher  dans  cette  figure  symbolique  des  souve- 
nirs d'un  caractère  historique  (V.  1  Rois,  xvii-xix,  xxi; 
2  Rois,  i-ii  ;  Malachie,  iv,  5).  La  théologie  chrétienne 
reconnaît  Elie  dans  Jean-Baptiste  (V.  Prophète,  Prophé- 
tisme).  m.  Vernes. 

ÉLIE  1^^,  prince  de  Moldavie,  fils  d'Alexandre  le  Bon. 
Il  succéda  à  son  père,  par  lequel  il  avait  été  précédemment 
associé  au  trône  en  4433.  Une  révolte  de  son  frère 
Etienne  (V.  Etienne  III)  le  chassa  en  Pologne,  chez  le  roi 
Ladislas  II,  dont  il  avait  épousé  la  belle-sœur.  Il  fut 
battu  bientôt,  malgré  le  secours  des  Polonais.  Revenu  sous 
le  règne  de  Ladislas  ÏII,  il  vainquit  enfin  son  frère  à  Poda- 
gra  et  le  partage  qui  suivit  lui  rendit  le  titre  de  prince, 
avec  la  partie  supérieure  de  la  Moldavie,  ainsi  que  sa  capi- 
tale, Soutchava.  Elie  consentit  à  payer  à  ses  protecteurs  un 
tribut  annuel  de  cent  chevaux,  quatre  cents  pièces  de  soie, 
quatre  cents  bœufs  et  trois  cents  charrettes  d'esturgeons. 
(Quelques  villes  leur  furent  restituées.  La  bataille  de  Varna 
(1444)  où  périt  son  ami  et  suzerain,  Ladislas  III  de  Pologne, 
encouragea  les  projets  secrets  d'Etienne  qui  se  vengea  de  son 
frère  en  lui  arachant  les  yeux.  Il  mourut  probablement 
en  prison.  N.  Jorga. 

ELIE  II,  prince  de  Moldavie,  fils  de  Pierre  Raresh 
(1546-51).  Il  inaugura  son  règne  par  un  traité  avec  la 
Pologne.  Plus  tard^  les  Turcs  lui  ordonnèrent  de  rétablir 
en  Transylvanie  leur  protégée,  Isabelle,  femme  de  Jean 
Zapolia,  privée  de  ses  droits  lie  régente  par  l'évêque  Marti- 
nuzzi.  Il  brûla  le  pays,  avec  son  voisin  et  allié,  Mircea  le 
Berger,  prince  de  Valachie.  Ses  cruautés  l'avaient  rendu 
odieux  aux  boïars,  quand  il  finit  son  règne,  en  1551.  Il 
se  convertit  à  l'islamisme,  prit  le  nom  de  Mohamet  et  alla 
résider  à  Constantinople.  Il  eut  pour  successeur  son  frère 
Etienne.  •  N.  Jorga. 

ÉLIE  (Alexandre),  prince  roumain  du  xvii®  siècle,  fils 
d'Elie,  et  petit-fils  de  Pierre  Raresh.  Né  à  Rhodes,  il  était 
tout  à  fait  étranger  aux  mœurs  locales.  Son  premier  règne 
en  Yalachie  (1616-18)  fut  terminé  par  une  révolte  des 
boïars  contre  ses  favoris  grecs.  Nommé  en  Moldavie  par 
les  Turcs,  destitué  après  deux  années  de  règne,  en  1622, 
il  regagna  le  pouvoir  en  1631,  pour  le  perdre  deux  années 
plus  tard,  à  la  suite  d'une  terrible  révolte  des  paysans, 
exaspérés  par  les  exactions  de  ses  Grecs  (1633).  N.  Jorga. 

ÉLIE  (Jacob-Job),  le  principal  «  vainqueur  de  la  Bas- 
tille »,  général  répubhcain,  né  à  Wissembourg  (Alsace) 
le  26  nov.  1746,  mort  à  Varennes  en  Argonne  le  6  févr. 
1825.  Son  père,  Mathias  Elie,  était  officier  au  régiment  d'Al- 
sace et  mourut  aux  Invalides.  Enrôlé,  à  moins  de  vingt  ans, 
au  régimentd'Aquitaine,  il  prit  part  aux  expéditions  de  Corse  " 
et  de  Tunis  (1769-1770).  Après  un  court  congé,  il  entra 
au  régiment  de  la  Reine  et  combattit  à  Ouessant,  durant  la 
guerre  d'Amérique  (1778).  Il  fut  ensuite  employé  au  ser- 
vice des  recrues.  Sous-lieutenant  porte-drapeau  après  vingt- 
deux  ans  d'activité,  en  garnison  à  Cherbourg  (août  1788), 
il  se  trouvait  à  Paris,  lors  de  l'attaque  de  la  Bastille,  où  il 
joua,  «  par  hasard  »,  a-t-il  écrit,  un  rôle  prépondérant. 
C'est  lui  qui  entra  le  premier  dans  la  forteresse  et  reçut 
du  gouverneur  de  Launay  le  texte  de  la  capitulation  qu'il 
porta  à  l'Hôtel  de  ville  au  bout  de  son  tronçon  d'épée.  Porté 
en  triomphe  par  le  peuple,  il  ne  dépendit  pas  de  lui  que 
de  sanglants  excès  fussent  évités.  Il  réussit  du  moins  à 
sauver  de  nombreux  prisonniers.  «  Le  brave  Elie  »,  dé-« 


nommé  aussi,  mais  à  tort,  «  le  sergent  Elie  »,  reçut 
le  19    mars    1790,  à    l'Archevêché,    l'épée   d'honneur 
que  l'Assemblée  des  électeurs  de  Paris  lui  avait  votée 
sur  la  proposition  du  maire  Bailly.  Il  entra  comme  capi- 
taine dans  l'une  des  compagnies  du  Centre  (soldées)  de  la 
garde  nationale    parisienne,  bataillon   de  Saint-Jean  en 
Grève.  En  1791,  il  fut  incorporé,  avec  le  même  grade, 
dans  le  103^  régiment  d'infanterie  et  reçut  l'ordre  de  Saint- 
Louis.  Parti  pour  la  frontière,  après  la  déclaration  de 
guerre,  il  concourut  à  la  défense  de  Thionville,  sous  le  géné- 
ral Wimpffen  (sept.  1792),  et  fit  sous  le  général  Beur- 
nonville  la  campagne  de  Trêves  (décembre).  Il  fit  partie  du 
corps  d'armée  qui  devait  secourir  Mayence,  et  s'y  distin- 
gua. L'année  1793  le  vit  franchir  rapidement  les  grades 
supérieurs  ;  le  3  sept.,  il  fut  nommé  général  de  division.  H 
appartint  en  cette  qualité  à  l'armée  des  Ardennes,  et  eut 
pour  résidence  la  place  forte  de  Givet.  Mais,  dans  une  dé- 
monstration sur  Beaumont  (Belgique),  que  lui  avait  pres- 
crite Jourdan,  il  fut  surpris  nuitamment  par  les  Autrichiens 
àBoussu-les-Walcourt;  la  fuite  des«  réquisitionnaires  »  le 
contraignit  à  une  retraite  précipitée  et  désastreuse  (1 6  oct. 
1793).  Sur  les  injonctions  du  maire  de  Givet,  DelecoUe,  il 
fut  envoyé  loin  de  l'ennemi,  à  Verdun,  où  il  commanda  de 
nov.  1793  à  juin  179o.  Suspendu  de  ses  fonctions,  il  fut, 
à  la  prière  du  ministre  Delacroix,  nommé  gouverneur  de 
Lyon  par  le  Directoire  (mars  1796),  mais  dut  bientôt  céder 
ce  poste  au  général  Canuel.  De  là  il  fut  envoyé  à  Saint-Jean- 
de-Maurienne  (armée  des  Alpes),  en  remplacement  du  géné- 
ral Dumas,  père  du  célèbre  romancier.  Béformé  (1797),  il 
se  fixa  à  Courcelles-Aubréville  (Meuse)  et  s'y  maria.  Il 
adressa  vainement  force  requêtes  au  gouvernement.  Rete- 
nons ses  fiêres  paroles  à  Bonaparte,  premier  consul  :  «  J'ai 
fait  le  14  Juillet  qui  a  assuré  la  hberté  française  et  qui  a 
ouvert  la  carrière  à  tant  de  grands  hommes,  qui  peut-être 
sans  elle  seraient  restés  dans  le  néant.  »  Veuf,  sans  en- 
fants, et  admis  à  la  retraite  (1809-1811),  il  se  retira  à 
Varennes.  VAlmanach  royal  de  1816  mentionne,  à  son 
rang  de  promotion,  parmi  les  lieutenants  généraux  «  le 
chevalier  Elie  ».  Son  neveu,  marchand  drapier  à  Varennes, 
retiré  à  Ribeauvillé,  donna  au  musée  de  Golmar  son  por- 
trait et  son   épée  d'honneur.  Ces  reliques   s'y  trouvent 
encore.  On  remarquera  que,  depuis  près  de  soixante-dix  ans, 
Elie  ne  figurait  plus  dans  les  dictionnaires  historiques. 
La  date  et  le  lieu  de  sa  mort  étaient  ignorés.  Nous  n'avons 
pu  nous-même  retrouver  les  traces  de  la  famille  d'Elie, 
peut-être  aujourd'hui  éteinte.  Ludovic  Drapeyron. 

BiBL.  :  Marmontel,  Mémoires.  —  Le  Moniteur  univer- 
sel. —  P.  RisTELHUBER,  Biographies  alsaciennes.  —  Vic- 
tor FouRNEL,  les  Hommes  du  Ik  Juillet, Gardes  françaises 
et  Vainqueurs  de  la  Bastille.  —  L'Intermédiaire  des  cher- 
cheurs et  curieux.  —  Documents  inédits,  recueillis  par 
Ludovic  Drapeyron  et  par  André-Ernest  Picard. 

ÉLIE  DE  Beaumont  (Jean-Baptiste-Jacques),  célèbre  avo- 
cat, né  à  Carentan  en  oct.  173^2,  mort  à  Paris  le  10  janv. 
1786.  Plein  de  verve  et  d'imagination  dans  un  petit  cercle 
d'amis,  mais  se  déconcertant  facilement  devant  un  vrai 
pubHc,  mal  servi  d'ailleurs  par  un  organe  défectueux,  Elie 
de  Beaumont  renonça  de  bonne  heure  à  la  plaidoirie  pour 
se  faire  avocat  consultant.  Un  défaut  l'avait  aidé  à  trouver 
la  voie  où  il  devait  rencontrer  le  succès;  car  il  ne  tarda 
pas  à  se  faire  une  brillante  réputation  avec  les  mémoires 
qu'il  publia  dans  plusieurs  causes  célèbres.  Le  plus  reten- 
tissant fut  celui  qu'il  écrivit  pour  la  revision  du  procès  du 
malheureux  Calas.  Il  lui  valut  les  applaudissements  et^ 
l'amitié  de  Voltaire  qui  parle  fréquemment,  dans  sa  Corres- 
pondance, de  l'éloquence  et  de  l'humanité  de  l'avocat  bas- 
normand.  L'éloge  était  mérité,  puisque  Elie  de  Beaumont 
savait  approprier  son  style  à  tous  les  sujets.  Plaisant  et 
spirituel,  comme  dans  son  Mémoire  sur  les  caves  forcées 
et  les  vins  pillés  des  chanoines  de  la  Sainte-Chapelle., 
il  pouvait  aussi  être  pathétique  et  touchant,  comme  dans 
l'affaire  du  négociant  de  Bordeaux,  victime,  en  1773,  d'un 
horrible  guet-apens.  Le  procès  fit  assez  de  bruit  pour  être 
popularisé  par  la  gravure.  Une  belle  estampe  de  Notté  et 


)  «.  ELIE 

de  Godefroy  parut  avec  cette  légende  :  «  La  Vérité  présente 
à  la  Justice  M.  Damade  Bélier  pjacé  entre  ses  deux  dé- 
fenseurs, MM.  Target  et  Elie  de  Beaumont.  »  —  (Quelques 
années  avant  M.  de  Montyon,  Elie  de  Beaumont,  dont  le 
cœur  était  excellent,  eut  l'idée  de  fonder  des  prix  de  vertu. 
Lui  et  sa  femme,  qui  avaient  des  mœurs  patriarcales,  ins- 
tituèrent, en  1775,  dans  leur  terre  et  seigneurie  de  Canon, 
en  Normandie,  une  fête  annuelle  connue  sous  le  nom  de 
Fête  des  bonnes  gens.  —  Anne-Louise  Morin-Dumesnil,  la 
digne  compagne  de  M.  Elie  de  Beaumont,  ne  se  fit  pas  seu- 
lement remarquer  par  sa  bienfaisance  ;  elle  a  laissé  un  nom 
comme  auteur  des  Lettres  du  marquis  de  Roselle,  pu- 
bliées en  1764.  G.  Lavalley. 

BiBL.  :  H.  Moulin,  les  Défenseurs  de  Calas  et  des  Sir- 
ven  ;  Cherbourg,  1883.  —  L'abbé  Le  Monmier,  Fête  des 
bonnes  gens  de  Canon;  Avignon,  1777. 

ÉLlE  DE  Beaumont  (Jean -Baptiste -Armand- Louis - 
Léonce),  géologue  français,  né  à  Canon  (Calvados)  le 
25  sept.  1798,  mort  à  Canon  le  21  sept.  1874.  Il  fit  de 
brillantes  études  au  collège  (aujourd'hui  lycée)  Henri  IV, 
entra  le  second  à  l'Ecole  polytechnique  (1817)  et  en  sortit 
le  premier,  fut  de  1819  à  1822  élève  de  l'Ecole  des  mines 
et  accompagna  l'année  suivante  en  Angleterre  Brochant  de 
Villiers,  son  maître,  et  Dufrénoy,  son  futur  collègue  et 
collaborateur,  qui  allaient  demander  à  nos  voisins,  auteurs 
d'une  récente  carte  géologique  de  leur  pays,  les  indica- 
tions destinées  à  servir  de  préliminaires  à  la  confection 
d'une  œuvre  semblable  pour  la  France.  Ils  recueillirent  en 
même  temps  d'abondants  et  utiles  renseignements  sur  les 
mines  et  les  usines  de  la  Grande-Bretagne.  Au  retour  de 
ce  célèbre  voyage  de  reconnaissance  de  six  mois,  Dufrénoy 
et  Elie  de  Beaumont  en  donnèrent  le  compte  rendu  dans  une 
série  de  très  intéressants  mémoires  pubHés  de  1824  à 
1830  par  les  Annales  des  mines  et  rassemblés  sous  le 
titre  :  Voyage  métallurgique  en  Angleterre  (Paris, 
1837-1839,  2  vol.  in-8  et  atlas).  En  1825,  ils  furent 
définitivement  chargés  d'exécuter,  sous  la  direction  de 
Brochant  de  Villiers,  la  Carte  géologique  de  la  France 
au  500,000^.  Ils  entreprirent  tout  de  suite  dans  ce  but, 
avec  le  concours  de  Fenéon  et  de  de  Billy,  une  longue  suite 
d'excursions,  d'explorations  souterraines  et  d'ascensions 
qui  furent  menées  à  bonne  fin  en  seize  années  et  dont  les 
résultats  exercèrent  la  plus  heureuse  influence  sur  les 
progrès  de  la  science  et  de  l'industrie.  La  relation  s'en 
trouve  consignée  dans  trois  publications  importantes  des 
deux  géologues  :  Mémoires  pour  servir  a  une  description 
géologique  de  la  France  (Paris,  1830-1838,  4  vol. 
in-8);  Explicatioîi  de  la  carte  géologique  de  la  France 
(Paris,  1841-1848,  2  vol.  in-8);  Description  du  terrain 
houiller  de  la  France  (Paris,  1842,  in-4).  La  carie  elle- 
même  parut  en  six  feuilles,  en  1841 .  Mais  les  travaux  furent 
continués  avec  persévérance  et  activité,  tant  pour  le  per- 
fectionnement et  la  reproduction  de  la  première  œuvre  que 
pour  l'exécution  de  cartes  départementales  et  d'une  nou- 
velle carte  détaillée  et  locale  au  80,000^,  dont  un  magni- 
fique spécimen  fut  admiré  à  l'Exposition  universelle  de 
1867.  —  Elie  de  Beaumont,  qui  avait  occupé  de  1824  à 
1 827  le  poste  d'ingénieur  ordinaire  des  mines  à  Rouen  et 
qui,  depuis  1827,  suppléait  à  l'Ecole  des  mines  Brochant 
de  Villiers  dans  l'enseignement  de  la  géologie,  fut  nommé  en 
1832,  à  la  mort  de  Cuvier,  professeur  de  géologie  au 
Collège  de  France;  en  1833,  ingénieur  en  chef  des  mines; 
en  1835,  titulaire  de  la  chaire  de  géologie  à  l'Ecole  des 
mines  ;  la  même  année,  membre  de  l'Académie  des  sciences 
de  Paris  (section  de  minéralogie  et  de  géologie)  en  rem- 
placement de  Cl.  Lelièvre;  en  1847,  inspecteur  général 
des  mines;  en  1853,  à  la  mort  d'Arago,  secrétaire  perpé- 
tuel de  l'Académie  des  sciences.  La  plupart  des  académies 
étrangères  se  Tétaient  d'ailleurs  déjà  attaché  comme  associé 
ou  correspondant  :  Académie  de  Berlin  (1827),  Société 
royale  de  Londres  (1835),  etc.  Il  fut  aussi  président  de 
la  Société  de  géographie  de  Paris.  Le  second  Empire,  qui 
l'avait  tout  de  suite  élevé  à  la  dignité  de  sénateur,  le  promut 


ELIË 


—  830  — 


grand  officier  de  la  Légion  d'honneur  en  d860.  Il  fut 
mis  administrativement  à  la  retraite  en  4868  ;  mais  on 
lui  conserva  la  direction  du  nouveau  service  de  la  carte 
géologique  détaillée  de  la  France  et  ses  titres  de  professeur 
au  Collège  de  France  et  à  l'Ecole  des  mines.  En  fait,  il  avait 
presque  cessé  tout  enseignement  depuis  4852.  Béguyer  de 
Chancourtois,  son  élève  et  le  continuateur  de  ses  travaux, 
le  suppléait  dans  sa  chaire  de  l'Ecole  des  mines. 

Elie  de  Beaumont  ne  s'est  pas  borné  à  former  par  des 
leçons  magistrales  toute  une  pépinière  d'ingénieurs  et  de 
savants  distingués  et  à  doter  son  pays  d'une  œuvre  monu- 
mentale, qui  a  rendu  les  plus  grands  services  à  l'art  des 
mines,  à  l'agriculture  et  à  la  géographie.  Il  a  aussi  régénéré 
la  géologie  ;  il  l'a  même  presque  créée  comme  science  exacte 
par  ses  révélations  sur  l'âge  relatif  des  chaînes  de  mon- 
tagnes et  par  ses  conceptions  géniales  sur  leur  disposition 
géométrique.  Dès  4827,  il  avait  fait  preuve  de  hautes 
qualités  de  précision  et  de  pénétrante  observation  dans  ses 
Observations  géologiques  sur  les  différentes  formations 
qui,  dans  le  système  des  Vosges,  séparent  la  forma- 
tion houillère  de  celle  du  lias  [Ann.  des  mines,  2"^  sér., 
t.  I  et  IV).  Un  mémoire  lu  le  22  juin  4829  à  l'Académie 
et  intitulé  Recherches  sur  quelques-unes  des  révolu- 
tions  de  la  surface  du  globe  {Ann.  des  sciences  natur., 
4829-4830,  t.  XVIÏI  et  XIX)  fut  le  point  de  départ  de 
l'ère  nouvelle  et  produisit  dans  le  monde  scientifique  une 
émotion  considérable.  Combattant  audacieusement  les  doc- 
trines jusqu'alors  généralement  admises,  le  jeune  géologue 
étabhssait,  avec  preuves  positives  à  l'appui,  que  les  chaînes 
de  montagnes  n'ont  pas  toujours  existé,  qu'elles  ont  été 
soulevées  à  des  époques  différentes  et  qu'il  est  possible 
de  dresser  l'acte  de  naissance  de  chacune  d'elles  :  «  Dans 
ce  vaste  ensemble  de  caractères,  écrivait-il,  par  lesquels  la 
main  du  temps  a  gravé  l'histoire  du  globe  sur  sa  surface, 
les  montagnes  sont  les  lettres  majuscules  de  l'immense 
manuscrit  et  chaque  système  de  montagnes  en  constitue  un 
chapitre.  »  Il  posa  ensuite  le  principe  que  l'identité  de 
direction  de  plusieurs  chaînes  entraîne  l'identité  d'âge, 
et  sa  première  étude,  limitée  d'abord  à  quatre  systèmes  de 
montagnes,  étendue  successivement  à  neuf,  à  douze,  à 
vingt-quatre,  modifiée  et  corrigée  par  lui-même  sur  plu- 
sieurs points  importants,  prit  la  forme  d'une  doctrine 
définitive,  embrassant  la  terre  entière,  dans  sa  Notice  sur 
les  systèmes  de  montagnes  (Paris,  1852,  3  vol.  in~42), 
qu'il  avait  écrite  pour  le  Dictionnaire  universel  d'his- 
toire naturelle  de  d'Orbigny  et  oii  il  expose  sa  grande 
conception  du  réseau pentagonal,  quelque  peu  abandonnée 
aujourd'hui  en  tant  que  théorie.  En  4867,  le  nombre  de 
systèmes  signalés  s'élevait  à  quatre-vingt-seize.  Dans  une 
matière  corrélative  de  la  première,  quoique  plus  spéciale, 
Elie  de  Beaumont  s'est  livré  à  des  observations  et  a  émis 
des  opinions  non  moins  précieuses.  Nous  voulons  parler 
de  ses  recherches  sur  les  phénomènes  éruptifs  de  notre 
planète.  Sa  Note  sur  les  émanatioîis  volcaniques  et 
métallifères  {Bullei.  de  la  Soc.  géol.,  1847,  2^  sér., 
t.  IV),  où  il  ramène  à  une  même  cause  génératrice  les 
volcans,  les  filons  métaUiques  et  les  eaux  minérales,  cons- 
titue à  cet  égard,  malgré  son  titre  modeste,  un  travail 
capital  et  en  même  temps  absolument  original. 

Son  œuvre  écrit  est  immense.  Il  se  compose  d'environ 
deux  cent  cinquante  mémoires  ou  notes  importantes  parus 
dans  les  Annales  des  mines  (4822 à  4867), les  Mémoires 
de  la  Société  linnéenne  de  Normandie  (4827),  les 
Annales  des  sciences  naturelles  (4827  à  4832),  les  Mé- 
moires de  la  Société  d'histoire  naturelle  de  Paris 
(4829),  le  Bulletin  de  la  Société  géologique  de  France 
(4830  à  1863),  les  Annalen  de  Poggendorff  (4832),  les 
Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences  de  Paris 
(4835  à  4874),  le  journal  Vlnstitut  (4836),  les  Annales 
des  sciences  géologiques  (1842),  V  Annuaire  de  la  Société 
météorologique  de  France  (4854),  la  Revue  des  cours 
scientifiques  (4869).  Quelques-uns  ont  été  indiqués  au 
cours  de  cette  notice  ;  il  faut  signaler  encore  plus  particu- 


lièrement :  Notice  sur  les  mines  de  fer  et  les  forges  de 
Framont  et  de  Rothau  (Ann.  des  mines,  4822);  Faits 
pour  servir  à  l'histoire  des  montagnes  de  l'Oisans 
(Mém.  de  la  Soc.  d'hist.  nat.,  4829);  Note  sur  Vuni- 
formité  de  la  ceinture  jurassique  du  bassin  géologique 
qui  comprend  Londres  et  Paris  {Ann.  des  se.  natur., 
4829);  Observation  sur  retendue  des  terrains  tertiaires 
inférieurs  dans  le  nord  de  la  France  (Bullet.  de  la 
Soc.  géoL,  4834-4832);  Mémoire  sur  les  groupes  du 
Cantal  et  du  Mont-Dore  {Ann.  des  mines,  4833);  Re- 
cherches sur  la  structure  et  V origine  du  mont  Etna 
{Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  se,  4835);  Remarques 
relatives  à  la  formation  du  cône  du  Vésuve  {Comptes 
rendus  de  l'Acad.  des  se,  4837).  Quant  à  ses  travaux 
publiés  à  part,  les  principaux  (outre  ceux  déjà  cités)  ont 
pour  titres  :  Coup  d'œil  sur  les  mines  (Paris,  4824); 
Leçons  de  géologie  pratique  professées  au  Collège  de 
France  (Paris,  4843-4849,  2  vol.  in-8);  Carte  géolo- 
gique détaillée  de  la  Haute-Marne  au  i  180,000^,  en 
collaboration  avec  B.  de  Chancourtois  (Paris,  4857-1860, 
4  feuilles);  Rapport  sur  les  progrès  de  la  stratigraphie 
(Paris,  4869,  in-8)  ;  Géologie  des  Alpes  et  du  tunnel 
des  Alpes  (Paris,  4872,  in-42).  11  a  enfin  écrit,  et  lu  à 
l'Académie  des  sciences,  des  éloges  de  Coriolis  (4857),  de 
Beautemps-Bêaupré  (4859),  de  Legendre  (4864),  d'OEr- 
stedt  (4 862),  d'Aug.  Bravais  (4865), de  L.  Puissant  (4869), 
du  baron  Plana  (4872).  —  Une  statue  lui  a  été  élevée  par 
souscription  à  Caen,  en  4876.  Léon  Sagnet. 

BiBL.:  Discours  prononces  aux  fu7iérailles  d'E.  de  Beau' 
mont,  dans  Annales  des  mines,  1874,  VI,  pp.  187  à  215.  — 
Potier,  Exposé  des  travaux  dElie  de  Beaumont  (spécial 
à  la  théorie  des  systèmes  de  m.ontagnes),  dans  Ann. 
des  mines,  1875,  VIl'l,  p.  259.  —  A.  Guyerdet,  Liste  des 
travaux  scientifiques  d'Elie  de  Beaumont,  dans  Ann.  des 
mines,  1875,  VIII,  298.  —  J.  Bertrand,  Eloge  historique 
d'Elie  de  Beaumont,  dans  Mém.  de  l'Acad.  des  sciences, 
1877,  t.  XXXIX. 

ÉLIE  DE  CoRToxE,  franciscain  (V.  Franciscains  et 
François  d'Assjse  [Saint]. 

ÉLIE  DEL  Medico,  célèbre  philosophe  juif  du  xv^  siècle, 
né  en  Crète,  mort  en  4498,  fils  de  Moïse  Abba  et  petit- 
fils  du  philosophe  Schemarja  Ikrite.  Sa  famille  était  venue 
d'Allemagne  s'établir  en  Crète.  Il  peut  être  considéré  comme 
le  dernier  et  un  des  plus  remarquables  représentants  de 
la  philosophie  gréco-arabe  qu'il  enseigna  publiquement  à 
Padoue  en  attirant  par  sa  vaste  érudition  et  sa  méthode 
claire  beaucoup  de  disciples  parmi  lesquels  nous  trouvons 
le  célèbre  Pic  de  la  Mirandole  qui  fut  son  ami  fidèle  et  pour 
lequel  il  composa  plusieurs  ouvrages  philosophiques,  dont 
quelques-uns  en  latin,  comme:  De  Primo  motare ;  De 
Creatione  mu7idi  ;  De  Esse,  essentia  et  uno,  et  deux  en 
hébreu.  Sur  la  demande  de  Pic  de  la  Mirandole,  il  a  aussi 
écrit  un  commentaire  latin  sur  la  Physique  d'Aristote  et 
a  traduit  en  latin  quelques  traités  d'Averroës.  Enfin,  il  faut 
mentionner  son  ouvrage  hébreu  intitulé  Behina  ha-Dat 
{Examen  de  la  religion)  (Bàle,  4629  ;  publié  de  nouveau 
par  J.  Reggio,  Vienne,  i833). 

BiBL  :  A.  Geiger,  Melo  Chofnaim  ;  Berlin,  1840.  — 
E.  Carmoly^  Histoire  des  médecins  juifs;  Bruxelles,  1844. 
—  S.  MuNK,  Mélanges  de  philosophie  juive  et  arabe; 
Paris,  1859.  — E.  Renan,  Aver^'oës  et  Vaverroïsme  ;  Paris, 
1852.  — H.  Graetz,  Geschichte  der  Juden,  VIII.— J.  Dukas, 
Recherches  sur  Vhistoire  littéraire  du  xv»  siècle  ;  Paris, 
1876.  —  M.  Steinschneider,  Hamarskir,  XXI. 

ÉLIE  DE  Messine  (Eha  ou  Elias  Canossa,  dit),  frère 
mineur  franciscain  et  écrivain  hermétique  du  xv^  siècle. 
Probablement  originaire  de  Messine,  il  habita  Milan  après  sa 
profession  et  y  rédigea  son  ouvrage  d'alchimie  :  Opusculum 
acutissimi  celeberrimique  philosophi  Mliœ  Canossce 
Messinensis  in  arte  alchimica.  i434.  Ce  manuscrit,  qui 
fut  en  la  possession  du  P.  Affô  et  que  Crescimbeni  a 
consulté,  n'a  jamais  été  imprimé  ;  il  contient  deux  sonnets 
italiens  également  sur  l'alchimie  ;  on  l'a  quelquefois  attribué 
par  erreur  à  Elie  de  Cortone,  le  premier  successeur  de 
saint  François  d'Assise,  et  il  est  possible  et  même  vraisem- 
blable qu'il  en  ait  existé  des  copies  portant  ce  nom,  soit 


—  834  —  ' 


ÉLIE  —  ÉLIMINATION 


par  erreur,  soit  par  une  de  ces  supercheries  familières  aux 
alchimistes.  R.  G. 

BiRL.  :  TiRABOSciii,  Storia  délia  letteratura,  iialiana; 
Milan,  1823,  t.  IV,  in-8. 

ÉLIE  DE  MouROM,  en  russe  Ilia  Mouromets^  person- 
nage légendaire  qui  joue  un  grand  rôle  dans  les  chants 
épiques  russes  ou  bylines.  Après  être  resté  pendant  trente 
ans  perclus  ou  paralysé,  il  accomplit  des  exploits  extraor- 
dinaires, défriche  la  terre  russe,  défait  le  brigand  Solo- 
Yeï,  entre  au  service  du  prince  Vladimir,  etc.  Certaines 
bylines  le  font  voyager  jusqu'à  Constantinople.  On  prétend 
montrer  son  tombeau  dans  les  catacombes  de  Kiev. 

BiBL.  :  V.  les  ouvrages  cités  à  Tart.  Bylines  et  le 
livre  d'Oreste  Miller  :  ïlia  de  Mourom  et  les  héros  de 
Kiev  (en  russe)  ;  Saint-Pétersbourg,  1869. 

ÉLIE  DE  Salomon,  théoricien  musical,  était  en  4274 
clerc  de  Saint-Astier,  au  diocèse  de  Périgueux.  Il  a  laissé 
un  traité,  Scientia  artis  musicœ^  qui  a  été  publié  par 
Gerbert  (V.  ce  nom)  dans  le  tome  III  de  ses  Scriptores 
ecclesiastici  de  musica,  et  qui  est  très  utile  pour  l'histoire 
du  plain-chant  et  du  chant  sur  le  livre  au  xm^  siècle. 

ÉLIE  DE  WiLNA  (V.  Eltasz). 

ÉLIE  Levita,  surnommé  Bahour,  Asgenazi  et  Medag- 
deg,  célèbre  grammairien  juif,  né  à  Neustadt-sur-l'Aisch, 
en  Bavière,  le  13  févr.  1469,  mort  à  Venise  le  28  janv. 
lo49.  En  1496,  il  vint  en  Italie.  Après  un  court  séjour 
à  Venise,  il  alla  s'installer  à  Padoue  où  bientôt  un  grand 
nombre  de  disciples  se  réunit  autour  de  lui  et  oii  il  com- 
posa son  premier  ouvrage,  un  Commentaire  sur  la 
grammmre  hébraïque  de  Moïse  Oimhi  (^Sidoixe,  i^OS). 
La  même  année,  il  publia  une  traduction  allemande  du 
roman  italien.  Histoire  de  Buovo  d'Antona  (V.  sur  cette 
traduction  Grunbaum,  Jûdisch-deutsche  Chrestomathie; 
Leipzig,  1882).  Par  suite  de  la  prise  de  Padoue  en  1509, 
Elie  Levita  se  rendit  à  Venise  et,  après  un  séjour  de  trois 
ans,  passa  à  Rome  où  il  trouva  un  protecteur  et  un  ami  en 
la  personne  de  Gilles  de  Viterbe  (Aegidius  de  Viterbo), 
alors  moine  augustin,  plus  tard  cardinal,  qui  s'intéressait 
beaucoup  de  la  kabbale  et  protégeait  les  études  hébraïques. 
Engagé  par  lui  à  entreprendre  des  travaux  relatifs  à  la 
langue  hébraïque,  il  composa  une  concordance  hébraïque 
achevée  en  1521  (  Steinschneider ,  Catal.  der  Miln- 
chener  Handschriften,  n^  74).  En  1518,  il  publia  une 
grammaire  hébraïque  intitulée  Bahour  à  laquelle  il  doit 
principalement  sa  célébrité,  puis  deux  traités  :  Harkaba 
et  Pirke-Elijaha,  suppléments  à  cette  grammaire.  Ensuite 
il  étudia  la  massore  et  la  langue  araméenne,  écrivit  Mas- 
sorat  ha-Massorat  (manuscrit  à  Munich,  Steinschneider, 
catal.  n'^  322)  ;  un  traité  sur  les  accents,  intitulé  Toub- 
Taam  et  un  lexique  aux  paraphrases  chaldéennes  (ara- 
méennes)  de  la  Bible  (Targournim),  qu'il  commença  en 
1526.  Dans  le  même  temps,  il  entra  en  relations  avec 
Sébastien  Munster  qui  publia  ses  ouvrages  sur  la  gram- 
maire hébraïque  en  traduction  latine.  La  prise  de  Rome 
par  l'armée  de  Charles  V  força  Elie  Levita  de  s'enfuir  à 
Venise,  où  il  fit  la  connaissance  de  George  de  Selve,  ambas- 
sadeur du  roi  François  P^,  et  lui  donna  des  leçons  d'hébreu. 
Sur  les  instances  de  son  nouveau  protecteur,  il  reprit  la 
concordance  hébraïque  commencée  et  rédigée  déjà  à  Rome 
et  dont  la  plus  grande  partie  avait  été  perdue  pendant  la 
prise  de  cette  ville.  L'ouvrage  intitulé  Sefer  ha-Sikhronat 
fut  terminé  et  envoyé  à  Paris.  Le  manuscrit  autographe 
de  l'auteur  se  trouve  à  la  Bibliothèque  nationale  (catal. 
n<^s  134  et  135  ;  B.  Goldberg  avait  commencé  en  1875  la 
pubhcation  du  manuscrit  parisien,  mais  il  n'a  paru  qu'un 
seul  fascicule).  Le  roi  François  V^^  invita  même  Elie  Levita 
de  venir  à  Paris  pour  y  enseigner  la  langue  hébraïque. 
En  1538  parut  le  célèbre  ouvrage  Massorat  ha-Massorat, 
remanié  et  rédigé  de  nouveau  par  l'auteur,  avec  l'appen- 
dice sur  les  accents  bibliques.  Il  se  rendit  chez  le  savant 
Paul  Fagius  à  Isny,  en  Wurttemberg,  chez  lequel  il  imprima 
son  lexique  chaldéen,  Metaurgueman^  une  exphcation  de 
712  difficiles  expressions  néo-hébraïques,  Tishbi,  et  une 
nouvelle  édition  de  la  grammaire  Bahour.  Après  un  court 


séjour  à  Constance,  il  retourna  à  Venise  où  il  termina  sa 
vie  laborieuse.  La  relation  d'après  laquelle  Levita  aurait 
embrassé  le  christianisme,  rapportée  premièrement  par 
Jean  Moltherus ,  professeur  de  théologie  à  *^Marbourg 
(mort  en  1618),  dans  son  ouvrage  Malleus  obstinationis 
judaicœ,  et  répétée  par  d'autres  auteurs,  n'est  qu'une 
fable  et  repose  sur  une  confusion  de  notre  Elie  avec  un 
personnage  du  même  nom  (V.  D.  Kaufmann  dans  Magazin 
filr  die  Wissenschaft  des  Judenthums ,  1890).  — 
Elie  Levita  eut  le  grand  mérite  d'avoir  facilité  par  ses 
travaux  l'étude  de  la  langue  hébraïque  et  d'avoir  beaucoup 
contribué  à  la  propagation  de  cette  étude  surtout  parmi  les 
chrétiens.  Il  sut  ordonner  en  système  les  règles  assez  com- 
pliquées de  la  langue  sacrée  et  rédiger  de  bons  manuels. 
BiBL.  :  R.  Wunderbar,  Litteraturblatt  des  Orients,  1849. 

—  S.  BuBER, Leben  und  Schriften  des  El.  Bactiur;  Leipzig, 
1856.  —  Ch.  GiiNTBURG,  Life  of  Elias  Levita;  Londres,  1867. 

—  L.  Geiger,  Das  Studiumder  hebraischen  Sprache  in 
Deutschland  ;  Breslau,  1870.  —  J.  Perles,  Beitrage  zur 
Geschichte  der  hehriiischen  und  aramaischen  Studien  ; 
Municii,  1884.  —  J.  Levi,  Elia  Levita  und  seine  Leistungen 
als  Grammatiker  ;  Breslau,  1888.  —  W.  Bâcher,  Elija, 
Levita's  wissenschaftliche  Leistungen  (Z.  D.  M.  G.,  1889), 

—  Consulter  aussi  les  ouvrages  bibliographiques  de  Wolf, 
de  Rossi,  FûRST  et  Steinschneider. 

ÉLIE  MizRAHi,  savant  rabbin,  né  vers  le  milieu  du 
XV®  siècle,  mort  vers  l'an  1525.  Il  était  grand  rabbin  à 
Constantinople  et  le  représentant  officiel  de  tous  les  juifs 
turcs  ;  il  se  rendit  célèbre  par  son  commentaire  sur  le 
commentaire  de  Raschi  sur  le  Pentateuque,  par  ses  gloses 
sur  le  Livre  des  préceptes  de  Moïse  de  Coucy  et  par  ses 
réponses  concernant  de  différentes  matières.  Il  s'occupa 
aussi  beaucoup  de  sciences  mathématiques,  et  on  lui  doit 
des  commentaires  sur  les  ouvrages  de  Ptolémée  et  d'Eu- 
clide,  et  un  livre  sur  l'arithmétique  et  l'algèbre,  intitulé 
Melechet  ha-Mispar,  dont  une  grande  partie  traduite  en 
latin  par  Oswald  Schreckenfuchs  a  été  publiée  avec  des 
notes  par  Sébastien  Munster  (Bâle,  1576). 

BiBL.  :  Outre  les  ouvrages  bibliographiques  de  WolF, 
de  Rossi,  de  Furst  et  Steinschneider,  V.  Geschichte 
der  Kaiserthums  ;  Leipzig,  1865,  II.  —  Graetz,  Geschichte 
der  Juden,  IX.  —  J.  Gurland,  Dissertation  sur  Mar- 
dohhai  comtino  (en  russe)  \  Saint-Pétersbourg,  1865. 

ELI  EN  ou  CLAUDIUS  kEUkHUS.diih  Sophiste,  com- 
pilateur romain,  né  à  Preneste,  ville  du  Latium,  aujour- 
d'hui Palestrina,  vécut  à  Rome  sous  Caracalla,  Héliogabale 
et  Alexandre  Sévère,  c.-à-d.  de  l'an  211  à  l'an  235  ; 
quelques  auteurs  le  font  mourir  vers  260.  Il  enseigna  la 
rhétorique  à  Rome  qu'il  ne  quitta  jamais,  sauf  peut-être 
pour  faire  un  voyage  en  Egypte.  Il  a  écrit  en  grec  avec 
une  grande  pureté  ;  il  avait  apprit  cette  langue  à  l'école  du 
rhéteur  Pausanias.  Deux  ouvrages  sont  parvenus  jusqu'à 
nous  sous  le  nom  d'Elien,  son  Histoire  des  animaux, 
qui  n'est  qu'un  recueil  de  particularités  curieuses,  mais  a  le 
mérite  de  contenir  de  nombreux  extraits  d'auteurs  perdus, 
puis  ses  Histoires  variées,  compilations  de  faits  variés, 
événements  historiques,  anecdotes,  paroles  mémorables  de 
grands  hommes,  exemples  de  vertus,  etc.        D^  L.  Hn. 

ÉLIÉZER.  Nom  de  plusieurs  personnages  cités  dans  la 
Rible,  variante  de  Eléazar.  Le  plus  connu  est  celui  de 
l'homme  de  confiance  ou  intendant  d'Abraham  (Genèse,  xv, 
2  et  suiv.  ;  cf.  xxiv,  2  et  suiv.). 

ÉLIGIBILITÉ  (Droit  d')  (V.  Citoyen,  Constitution). 

ÉLIGMODONTIA  (Zool.)  (V.  Hesperomys,  Hamster  et 
Rat). 

ÉLIM.  Nom  d'un  campement  des  Israélites  dans  le  dé- 
sert après  le  passage  de  la  mer  Rouge  ;  localité  inconnue. 

ÉLIM.  EtabUssement  des  missionnaires  de  la  colonie  du 
Cap,  comté  de  Bredasdorp,  au  centre  d'une  région  de  pâ- 
turages; 1,300  hab. 

ÉLIM  AN  É.  Ville  duKaarta  (Sénégambie),  à  15  kil.  en- 
viron au  N.-E.  de  Médine,  sur  un  petit  affluent  de  droite 
du  Sénégal. 

ÉLIMINANT.  Premier  membre  de  la  résultante  de  plu-» 
sieurs  équations  (V.  Elimination). 

ÉLIMINATION  (Alg,).  Eliminer  des  quantités  a,  Z>,  <?,..* 


ÉLIMINATION 


832  - 


entre  certaines  équations  (E)  qui  contiennent  ces  quantités, 
c'est  trouver  de  nouvelles  équations  (F)  qui  soient  des  con- 
séquences nécessaires  de  (E)  mais  qui  ne  contiennent  plus 
a,^,c,.-  Le  problème  de  l'élimination  est  un  de  ceux  que 
l'on' rencontre  le  plus  fréquemment  en  algèbre;  c'est  aussi 
l'un  des  plus  difficiles  que  l'on  connaisse,  et  il  n'est  résolu 
que  dans  un  petit  nombre  de  cas  ;  nous  en  exposerons  la 
solution  pour  le  cas  où  les  équations  données  sont  algé- 
briques et  de  forme  entière.  Dans  ce  cas,  éliminer  a,  Z?,c... 
entre  des  équations  algébriques,  c'est  trouver  la  condition 
pour  que  ces  équations  aient  lieu  pour  les  mêmes  valeurs 
de  a,/?, c;...  en  d'autres  termes  qu'elles  aient  les  mêmes 
solutions.  On  a  vu  à  l'article  Déterminants  la  manière 
d'éliminer  des  inconnues  entre  des  équations  du  premier 
degré;  occupons-nous  des  équations  de  degré  supérieur. 
Considérons  pour  fixer  les  idées  trois  équations  algébriques 
(1)  o(x.y)-Or/Aoc,y)=zO,^x,y)z=z(};    ^ 

soient  (ai,W,(a,,P2),...  (a„,[Bjles  solutions  des  équa- 
tions xi^^y)  "  ^'  "^(^^y)  =  0  ;  la  condition  nécessaire  et 
suffisante  pour  que  les  équations  (1)  aient  une  solution  com- 
mune est 

et  cette  équation  porte  le  nom  de  résultante  des  équations 
(1);  son  premier  membre  ç%iV éliminant om  \q résultant 
des'  équations  (1).  La  théorie  des  fonctions  symétriques 
permet,  théoriquement,  de  mettre  la  résultante  sous  la  forme 
d'une  fonction  entière  des  coefficients  de  cp,tj^,x,  égalée  à 
zéro.  Pratiquement,  voici  comment  il  convient  d'opérer  : 

Considérons  d'abord  un  système  de  deux  équations  algé- 
briques 

^(:r)zrO,  J>(^)=:0. 

Supposons  cp  de  degré  supérieur  ou  égal  au  degré  n  de  J^, 
divisons  'd{x),  x<:^{x),  ...  x'^'-^o{x)  par  ^^et  appelons 


,z=iC,a-\-C.^X-\-..,  + 


'Orj- 


(2) 

les  restes;  l'équation  11±:Cç,qC^^  •••^n-i  n-i  — ^'^^^^ 
le  premier  membre  est  le  déterminant  des  coefficients  c^j,  sera 
la  résultante  cherchée.  En  effet  soient  a^^aj  ...  a^  les  ra- 
cines de  tj^(^)  =  0  ;  le  déterminant 

?oK)'?iK)--?n-lK) 


±=C00^il--^i-ln-iXS: 


0  12  n—l. 
a  a  a  ...  a        i 

1  2    3 


sera  égal  à  S  : 

d'autre  part  comme  cp^(a^.)  =:cp(aj)a},  il  sera  aussi  égal  à 

S  zfc  a  Va' ...  a"  "^  multiplié  par  cp(ai)9(a2)  ...  cp(aj  ;  on 

i  2  3  n 

SdzCooC,i---^n-.in-.l===?K)?K)---?(«n);^ 

ce  qui  montre  que  S  ±  CqqC^^  ...  c„_in-i  —  ^  ^st 
bien  la  résultante.  Si  l'on  appelle  a  la  solution  commune 
aux  équations  (l),  en  vertu  de  (2),  cette  solution  et  ses 
puissances  seront  données  par  les  équations 


(3) 


Ho- 


+  Coia-l-...+Con-.i«^    '=0, 


=  0, 


que  l'on  pourra  considérer  comme  du  premier  degré  en  a, 
a%  ...  a^""^  et  comme  se  réduisant  à  7i  —  1  distinctes  en 

vertu  de  S  ±1^00  •••  Q-m-r   .,        ,   ,    ,  ,     .    i 

Bezout  a  démontré  d'une  manière  générale  que  la  résul- 
tante de  plusieurs  équations  algébriques 

9a^i,^2v..^n)  =  0'  92  =  0,. ..9„  =  0  ^ 
des  degrés  respectifs  mi,m2,...m^_i  par  rapport  a  x^, 
^2>'--^n  provenantde  l'élimination  des  variables ^^,^.2,... 
x^-^  était  de  degré  m^m.^..,  m^  par  rapport  à  la  variable 
Tîon  éliminée  x,^.  Le  degré  do  cette  résultante  pourra  tou- 
tefois s'abaisser  dans  quelques  cas  particuhers,  il  ne  pourra 
jamais  s'élever. 

Il  est  facile  de  constater  que  le  degré  du  déterminant 
SrLCooCu-.'^'n-in-iest  bien  mn  par  rapport  à  une 
variable  y  que  l'on  peut  supposer  contenue  dans  les  tonc- 


tions  9  et  tj^,  leurs  degrés  respectifs  restant  toujours  m  et 
n;  ce  fait  devient  évident  à  l'inspection  du  tableau  sui- 
vant qui  n'est  autre  chose  que  le  déterminant  S  ±  Cqo 
C(,...c„_i„  _i  où  les  éléments  ont  été  remplacés  par  leurs 


degrés  pris  par  rapport  à  y 

m  m  —  1 

m  + 1  m 


ni'—n- 
m  —  n- 


m  —  n-{-\      ïn  —  n-\-''2     ...  m 

Pour  résoudre  un  système  de  deux  équations  algébriques 

o{x,y)=:0,^x,y)=0 

à  deux  inconnues  des  degrés  m  et  n  respectivement,  on 

élimine  d'abord  ;r  comme  il  vient  d'être  indiqué;  on  trouve 

alors  une  résultante  R(î/)  =  0  du  degré  mn  en  y,  on  la 

résout,  à  chaque  valeur  de  y  correspond  en  général  une  racine 

commune  que  l'on  détermine  comme  il  a  été  indiqué  tout 

à  l'heure.  Cette  méthode  que  nous  indiquons  rapidement  a 

besoin  d'être  soumise  à  une  discussion  approfondie  que  les 

limites  qui  nous  sont  imposées  ne  nous  permet  pas  d'aborder. 

Proposons-nous  maintenant  d'éliminer  x  et  y  entre  les 

trois  équations  algébriques 

^(^•,i/)=:0,  9(.r,2/)=0,  x(^,.V)=0. 
La  méthode  la  plus  simple  repose  sur  ce  fait  que  toute 
fonction  Y(x,y)  entière  de  x  et  y  peut  être  mise  sous  la 
formeX9  4- [J^^-f- Al/)^^'  F-  désignant  des  fonctions  en- 
tières de  X  et  y  et  f(y)  une  fonction  de  y  seul  de  degré 
yjin  —  4  au  plus,  m  et  n  désignant  les  degrés  de  9  et  ^. 
Pour  étabhr  ce  fait,  il  suffit  de  considérer  les  équations  (2) 
où  9o,  9i...  sont  de  la  forme  X9  +  [l<^.  Si  l'on  désigne  par 
K(y)  le  déterminant  ^^CooCuC^-in-i^  on  en  déduira 
que  K(y)  est  de  la  forme  Xo  +  jjnj^;  on  en  déduira  en  outre 
par  exemple 

dK  dK 

(4)  -; X  = 


(^) 


dh 

dCn^2.i 


dc^  —  1.0 
dK 


dc„ 


+  03', 


to  et  w^  désignant  des  expressions  de  la  forme  X9-1-[j-^  ; 
or,  il  existe  des  polynômes  u,v  entiers  en  y  tels  que 
dR        .  dK  , 

en  multipliant  (4)  par  u,  (5)  par  v  et  en  ajoutant  on  aura 
X  sous  la  forme  d'un  polynôme  entier  en  y,  accompagné 
d'une  expression  de  la  forme  X9+  [i^.  Il  en  résulte  que 
toute  puissance  de  x,  et  que  toute  fonction  entière  de  x  et 
y  sera  de  la  même  forme,  j'ajoute  que  le  polynôme  en  y 
peut  être  censé  de  degré  mn  —  i.  En  effet,  soit  P(î/),  le 
polynôme  ;  divisons-le  par  R(î/)  et  soit  Q  le  quotient /•(?/) 
le  reste,  on  aura 

Pz=QR  +  Aî/). 
Mais  R  étant  de  la  forme  X9  -\-  [^  le  théorème  est  démontré. 
On  peut  donc  poser 


-doiy- 
-duy- 


dopy^  +  <^o 


dipyp-i-^i^ 


-fg?/+...^p^î/- 


1  X.  iyj)  =  ^00- 
(6)  )  yx(^^y)='d^o- 

[  y^'l  (^.2/)=  dpo  -t-  ti^iy  -r  . . .  ^ppr  "V  "^p'  ^ 
les  oj  étant  de  la  forme  Xo  +  lJ-^,  les  d  désignant  des 
quantités  indépendantes  dex  et  î/,  et  p  désignant  pour  abré- 
ger mn—i.  Si  l'on  pose  D  =  ÎI  ±c?oot^ii---  dpjp^  l'équa- 
tion D  =  0  sera  la  résultante  cherchée  ;  en  effet,  si  l'on  sup- 
pose X  et  y  égaux  successivement  aux  éléments  (a^,  %), 
(ai,(3^)...,(a^,p^)  d'une  solution  de  c^  =  0,^=:0  les  for- 
mules  (6)  donneront 


X  («'  P) 


■doi?- 


dopP', 


d'où  l'on  conclura  : 


ou 


7.KW-x(«/v)  =  i'' 


-  8'33  - 


ÉLIMINATION  -  ELIOÏ 


ce  qui  démonk'e  notre  assertion.  Le  lecteur  étendra  sans 
peine  cette  méthode  au  cas  de  4, 5,...  équations. 

Elimination  par  substitution.  —  Lorsque  l'on  sait  ré- 
soudre l'équation  o  (^)  =  0,  on  peut  éliminer  x  entre 
o{x)  =0  et  tj>(;r)r=:0par  la  méthode  dite  de  substitution; 
à  cet  effet,  on  tire  x  de  cp(.i;)zz:  0  et  on  porte  sa  valeur  dans 
^|;  (^)  HZ  0  ;  en  réalité  il  faudrait  tirer  de  9  (o^)  ==  0  toutes 
ses  racines  et  les  porter  dans  ^j;  (^)  —  0  et  faire  le  produit 
des  équations  ainsi  obtenues.  Cette  méthode  est  quelquefois 
employée  pour  résoudre  les  équations  du  premier  degré. 

Elimination  par  comparaison.  —  Cette  méthode  est  rare- 
ment employée  ;  pour  éliminer  d:; entre  9  {x)  =  0  et<|  (j:;)  —  0, 
on  égale  les  valeurs  de  x  tirées  de  ces  deux  équations. 

Elimination  par  les  fonctions  symétriques  (V.  Fonc- 
tions symétriques).  h.  Laurent. 

BiBL.  :  Chevalier  Faa  de  Bruno,  Théorie  générale  de 
Véliminalion^  1859.  —  Traités  d'algèbre  supérieure  de  Ser- 
RET,  de  Petersen. 

ELINCOURT.  Corn,  du  dép.  du  Nord,  arr.  de  Cambrai, 
cant.  deClary;  4,751  hab.  Fabrique  de  tissus  de  coton.  Ce 
village,  mentionné  dès  le  xi^  siècle,  appartenait  alors  à  l'ab- 
baye'de  Saint-André-du-Cateau.  Ruines  d'un  château  féodal. 

ÉLINCOURT-Sainte-Marguerite  (Elincuria),  Com. 
du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de  Compiègne,  cant.  de  Lassigny, 
sur  le  Matz  ;  634  hab.  Il  y  avait  dans  ce  lieu  un  riche 
prieuré  dépendant  du  monastère  de  Lihons-en-Santerre, 
fondé  vers  4245.  Chœur  et  façade  de  l'église  paroissiale  du 
XI®  siècle  ;  les  transepts  gothiques.  On  y  remarque  un  bel 
autel  de  marbre.  C.  St-A. 

ÉLIN6UE  (Mar.).  Bout  de  cordage  ou  de  fils  de  fer 
tressés,  de  peu  de  longueur,  d'épaisseur  variable,  terminé 
en  général  à  l'une  de  ses  extrémités  par  une  boucle  appe- 
lée œil  et  dont  le  but  est  de  servir  à  hisser  à  bord  des 
poids,  tels  que  tonneaux,  barriques,  canons,  pièces  de 
bois,  etc.  L'éhngue  entoure  la  pièce  à  hisser  et  on  y 
croche  alors  la  poulie  inférieure  d'un  palan  ou  moufle. 

ELIO  (Francisco- Javier),  général  espagnol,  né  en  Na- 
varre le  4  mars  4767,  exécuté  à  Valence  le  44  sept.  4822. 
Fils  d'un  colonel,  gouverneur  de  Pampelune,  il  fut  élève  de 
l'Académie  militaire  de  Puerto-Santa-Maria,  se  distingua 
dans  les  campagnes  contre  les  Maures,  puis  dans  celle 
contre  la  République  française  (4793-1795);  ensuite  il 
reprit  Montevideo  sur  les  Anglais  (4805),  ce  qui  lui  valut 
le  grade  de  général.  Rappelé  en  Espagne  en  4842,  il  reprit 
le  commandement  de  l'armée  de  Murcie  et  obtint  d'impor- 
tants succès  dans  cette  campagne.  Nommé  gouverneur  et  ca- 
pitaine général  des  royaumes  de  Valence  et  de  Murcie,  il  entra 
dans  les  vues  de  Ferdinand  VII  et  devint  un  zélé  défenseur  de 
l'absolutisme.  Ses  rigueurs  et  cruautés  à  l'égard  des  patriotes 
le  rendirent  odieux  aux  libéraux.  Ayant,  sur  l'ordre  du  roi, 
proclamé  à  Valence  le  rétablissement  de  la  constitution  de 
4842,  il  fut  emprisonné  par  les  insurgés  (mars  4820)  et 
enfermé  dans  la  citadelle.  Les  artilleurs  de  Valence  ayant 
cherché  à  le  délivrer  (30  mai  4822),  le  peuple  s'empara  de 
la  citadelle  et  imposa  à  un  conseil  de  guerre  l'obligation  de 
condamner  le  général  captif  à  la  peine  de  mort.  Eliot  subit 
avec  fermeté  le  supplice  de  la  garotte.  G.  P-i. 

ELIO  Y  EzpELETA  (Joaquin),  général  carliste,  fils  du 
précédent,  né  en  Navarre  en  4803,  mort  à  Pau  en  janv. 
4876.  Lieutenant-colonel  en  4830,  il  se  déclara  pour  don 
Carlos  à  l'avènement  au  trône  d'Isabelle  IL  Chef  de  l'état- 
major  du  célèbre  général  Zumalacarregui  pendant  la  pre- 
mière guerre  carliste,  il  fut,  pour  n'avoir  pas  opéré  à 
temps  sa  jonction  avec  l'armée  de  don  Carlos  et  s'être 
laissé  battre  près  de  Valladolid,  traduit  devant  un  conseil 
de  guerre  et  emprisonné  au  fort  Dos  Hermanos;  il  n'en  fut 
délivré  qu'en  4839  par  Marota.  Obligé  bientôt  de  passer 
sur  le  territoire  français,  il  fut  interné  à  Bordeaux,  puis 
à  Lille.  Mis  en  liberté  après  la  mort  de  don  Carlos,  il  entra 
au  service  de  la  reine  Isabelle.  Après  le  renversement  de 
celle-ci,  il  vint  en  Fiiance  pour  préparer,  en  faveur  du 
comte  de  Montemolin,  un  soulèvement  qui  n'aboutit  pas. 
En  4873,  il  organisa  l'armée  insurrectionnelle  du  duc  de 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —   XV. 


Madrid  (don  Carlos  III),  battit  les  troupes  du  gouverne- 
ment à  Arroniz  (26  juin),  prit  le  fort  d'Estella  (24  août), 
investit  Saint-Sébastien  et  assiégea  Bilbao.  Ses  succès  écla- 
tants lui  valurent  d'être  nommé  ministre  de  la  guerre  et 
chef  de  l'état-major  général.  Après  l'échec  final  du  mou- 
vement carliste,  il  revint  en  France.  G.  P-i. 

ELIOT  (Sir  John),  homme  politique  anglais,  né  en  Cor- 
nouailles  en  avr.  4592,  mort  à  Londres  le  27  nov.  4632. 
Après  avoir  fréquenté  l'université  d'Oxford,  il  fit  quelques 
études  de  droit,  voyagea  sur  le  continent  où  il  se  lia  avec 
George  Villiers.  Elu  membre  du  Parlement  pour  Saint-Ger- 
mans  en  4644,  il  fut  nommé,  grâce  à  Buckingham,  vice- 
amiral  du  De  von  en  46 19,  et,  en  4623,  fut  incarcéré  quelques 
mois  pour  avoir  arrêté  un  pirate  fort  protégé  par  la  cour. 
En  4624,  il  représenta  Newport  à  la  Chambre  des  com- 
munes où  il  se  révéla  comme  un  orateur  violent  et  intran- 
sigeant. Réélu  par  le  même  bourg  en  4625,  il  servit  à 
plusieurs  reprises  d'intermédiaire  entre  la  Chambre  et 
Buckingham,  et  finit  par  se  brouiller  mortellement  avec  son 
ancien  protecteur.  Depuis  lors,  il  le  poursuivit  avec  achar- 
nement en  toute  occurence,  l'accusant  des  malversations 
les  plus  scandaleuses,  le  comparant  à  Séjean  et  réclamant 
sa  mise  en  jugement.  Il  représentait  depuis  4626  Saint- 
Germans  lorsque  la  cour,  lasse  de  ses  furieuses  attaques, 
le  fit  enfermer  à  la  Tour  de  Londres.  La  Chambre  réclama 
sa  mise  en  liberté  qui  lui  fut  accordée,  mais  peu  après  le 
roi  prononçait  la  dissolution  du  Parlement,  et  EUot  était 
emprisonné  de  nouveau,  cette  fois  pour  avoir  refusé  de 
payer  l'emprunt  forcé  (4 627). Eliot,  élu  député  parle  comté 
de  Cornouailles  le  47  mars  4628,  reprit  le  cours  de  ses 
âpres  revendications,  protestant  notamment  contre  les  taxes 
arbitraires,  signant  la  pétition  des  droits,  et,  lorsque  Bu- 
ckingham eut  été  assassiné,  il  tourna  ses  attaques  contre 
les  tendances  religieuses  de  la  cour.  Il  fut  encore  enfermé 
à  la  Tour  le  4  mars  4629,  traduit  devant  le  Banc  du  roi  le 
26  janv.  4630,  sous  l'inculpation  de  conspiration  contre  la 
royauté,  et  condamné  le  42  févr.  à  2,000  livres  d'amende. 
Il  resta  en  prison  jusqu'à  sa  mort,  ayant  énergiquement 
refusé  de  faire  amende  honorable  au  roi.  Il  a  laissé  divers 
ouvrages  qui  ont  été  publiés  par  le  D^  Grosart  :  The  Mo- 
narchie of  Man  (Londres,  4879);  An  Apology  for  So- 
craies  (4884);  Negotium  Posterorum,  compte  rendu  du 
premier  par^sment  de  Charles  P''(4884);  De  Juremajes- 
tatis^  a  political  treatise  of  qovernment  (4882)  ;  Letter 
book  ofsir  John  Eliot  (4882).  R.  S. 

BiBL.  :  Forster,  Life  of  sir  John  Eliot '^  Londres,  1864. 

ELIOT  (John),  missionnaire  chez  les  Indiens,  né  à 
Nasing  (Essex)  en  4604,  mort  en  Nouvelle-Angleterre 
le  20  mai  1690.  Après  avoir  fait  ses  études  à  Cam- 
bridge, il  alla  en  4634  à  Roxbury  (Massachusetts)  comme 
pasteur  indépendant.  Les  Indiens  Massachusetts,  une 
tribu  des  Mohicans,  l'intéressèrent;  il  apprit  leur  langue  et 
fit  sa  première  course  d'évangélisation  parmi  eux  en  4646. 
Il  groupa  ceux  qu'il  gagna  en  «  chrélientés  »,  insistant 
autant  sur  leur  civilisation  que  sur  leur  christianisation, 
s'efforçant  peut-être  trop  de  faire  d'eux  des  Européens.  Il 
baptisa  ses  premiers  néophytes  en  4660.  En  4674,  il 
existait  quatorze  villages  d'Indiens  chrétiens;  Eliot  était  leur 
missionnaire  tout  en  demeurant  pasteur  des  colons  de  Rox- 
bury. L'hostilité  entre  colons  et  naturels  qui  éclata  en 
4675  ruina  l'œuvre  apostolique  d'Eliot;  mais  il  suivit  ses 
chrétiens  rouges  dans  les  forêts  et  prit  soin  d'eux  jusqu'à 
sa  mort.  Il  avait  traduit  le  Nouveau  Testament  en  massa- 
chusetts,  un  dialecte  algonquin,  et  le  fit  imprimer  en  4664 
(Cambridge,  Mass.,  in-4)  ;  l'Ancien  Testament,  également 
traduit  par  Eliot,  fut  imprimé  dans  la  même  ville  en  4663  ; 
une  nouvelle  édition  complète  de  la  Bible,  en  4685.  C'est 
la  première  Bible  imprimée  en  Amérique  ;  elle  est  d'une 
extrême  rareté.  Une  grammaire  du  même  dialecte,  aujour- 
d'hui éteint,  a  été  publiée  par  Eliot  en  4666  à  Cam- 
bridge (Mass.).  F. -H.  Krûger. 

BiRL.  :  G.  Fritchel,  Geschichte  der  Missionen  unter 
den  Indianern  ;  Nuremberg,  1872,  in-8. 

53 


ELIOT 


-  834  - 


ELIOT  (Edward,  lord),  homme  politique  anglais,  né  à 
Londres  le  8  juil.  1727,  mort  au  Port  Eliot  le  17  févr. 
1804.  Jouissant  d'une  très  grande  influence  en  Cornouailles, 
il  fit  élire  au  Parlement  Philippe  Stanhope,  Samuel  Sait, 
Gibbon  l'historien  ;  lui-même  représenta  Saint-Germans  de 
1748  à  1768,  Liskeard  de  d768  à  1775  et  le  comté  de 
Cornouailles  de  1775  à  1784.  En  1751,  il  avait  été 
nommé  receveur  général  du  prince  de  Galles  en  Cornouailles 
et  il  lit  partie  de  1760  à  1776  du  bureau  du  commerce. 
Il  avait  été  créé  baron  Eliot  de  Saint-Germans  le  30  janv. 
1784. 

ELIOT  (Francis-Perceval),  publiciste  anglais,  né  vers 
1756,  mort  à  Londres  le  23  août  1818.  Il  s'est  fait  con- 
naître par  ses  traités  financiers  :  Démonstration  or  finan- 
cial  remarks  ivith  occasional  Observations  on  political 
occurences  (Londres,  1807);  Observations  on  the  fallacy 
ofthe  siipposed  dépréciation  of  the  paper  currency 
of  the  Kingdom  (1811)  ;  Letters  on  the  political  and 
fmancial  situation  of  the  British  empire  (1814-1816). 
Dans  un  autre  ordre  d'idées  il  a  écrit  Six  Letters  on  the 
subject  ofthe  armed  Yeomanry  (1794). 

ELIOT  (Edward-Granville),  troisième  comte  de  Saint- 
(iERMANS,  diplomate  et  homme  d'Etat  anglais,  né  le  29  août 
1798,  mort  à  Londres  le  7  oct.  1877.  Membre  de  la 
Chambre  des  communes  pour  Liskeard  en  1824,  il  continua 
à  représenter  ce  bourg  jusqu'en  1832.  Lord  de  la  trésorerie 
dans  le  cabinet  Canning  en  1827,  il  avait  déjà  débuté  dans 
la  diplomatie  comme  secrétaire  de  légation  à  Madrid  (1823) 
et  à  Lisbonne  (1824).  En  1834,  il  fut  envoyé  extraordi- 
naire en  Espagne,  où  il  signa  avec  les  carlistes  et  le  gou- 
vernement une  convention,  connue  sous  le  nom  à' Eliot 
Convention,  destinée  à  mettre  fin  au  massacre  des  prison- 
niers de  guerre  que  les  deux  partis  pratiquaient  en  prin- 
cipe. Membre  du  Parlement  pour  l'East  Cornwallde  1837 
à  1845,  Eliot  fut  nommé  secrétaire  principal  en  Irlande  en 
1841.  Il  se  distingua  dans  ce  poste  en  faisant  passer  un 
bill  restreignant  l'importation  des  armes  et  des  munitions 
et  prescrivant  l'enregistrement  des  armes  à  feu.  Devenu 
comte  de  Saint-Germans  à  la  mort  de  son  père  en  1845,  il 
fut  nommé  post  master  général  par  Robert  Peel  et  devint 
lord  lieutenant  d'Irlande  à  l'avènement  du  cabinet  Aberdeen 
(1852).  Il  ouvrit  en  cette  qualité  l'Exposition  de  Dublin 
en  1853  et  fut  nommé  vice-roi  d'Irlande  par^e  ministère 
Palmerston  (1855),  mais  il  perdit  cet  emploi  quelques  jours 
plus  tard  à  la  suite  d'un  remaniement  ministériel.  Saint- 
Germans  fut  alors  intendant  de  la  maison  royale  et  devint 
un  des  conseillers  les  plus  écoutés  de  la  reine.  Il  accompagna 
le  prince  de  Galles  aux  Etats-Unis  et  au  Canada  en  1860.  — 
Son  fils,  William-Gordon-Cornwallis,  quatrième  comte 
de  Saint-Germans,  né  le  14  déc.  1829,  mort  le  19  mars 
1881,  servit  dans  la  diplomatie  jusqu'en  1865,  représenta 
Devonport  à  la  Chambre  des  communes  de  1866  à  1868  et 
entra  à  la  Chambre  des  lords  en  1870.  R.  S. 

ELIOT  (George),  pseudonyme  littéraire  de  Mary  Ann 
Cross,  née  Evans.  Cette  femme  illustre  naquit  le  22  nov. 
1819,  dans  la  paroisse  de  Chilvers  Coton  (Warwickshire). 
Son  père  était  agent  domanial.  George  Eliot,  comme  Dickens, 
a  peint  toute  sa  famille  dans  ses  livres.  La  première  par- 
tie du  Moulin  sur  laFloss  est  en  quelque  sorte  une  auto- 
biographie où  Mary  Ann  est  représentée  sous  les  traits  de 
Maggie;  Tom  Tulliver  représente  Isaac  Evans,  frère  de 
l'auteur.  Mrs.  Evans,  la  mère,  a  posé  pour  le  personnage 
de  Mrs.  Poyser  dans  Adam  Bede.  Mary  Ann  fut  élevée  au 
pensionnat  de  Nuneaton,  et  subit  assez  profondément,  pen- 
dant cette  période  de  sa  vie,  l'influence  d'une  maîtresse  de 
cet  étabHssement,  Mrs.  Lewis,  qui  lui  communiqua  sa  fer- 
\eur  évangélique.  Elle  fréquenta  ensuite  une  école  de  Coven- 
try  jusqu'en  1835.  Sa  mère  étant  morte,  elle  tint  la  mai- 
son paternelle,  non  sans  employer  ses  loisirs  à  apprendre 
comme  elle  put  le  latin,  le  grec,  l'italien  et  l'allemand. 
Vers  1839,  elle  entendit  raconter  à  sa  tante,  Mrs.  Samuel 
Evans,  prêcheuse  méthodiste,  une  histoire  dont  elle  fit  plus 
tard  Adam  Bede,  L'original  de  la  Dinah  de  ce  fameux 


roman  n'est  autre  que  Mrs.  Samuel  Evans.  En  1841,  elle 
s'établit  avec  son  père  dans  la  ville  de  Coventry,  et  se  lia 
avec  la  famille  Bray.  M.  Charles  Bray  était  un  fabricant 
de  rubans,  riche,  cultivé;  son  beau-frère,  Charles  Hennell, 
avait  publié  en  1838  la  traduction  d'un  livre  allemand  d'un 
disciple  de  Strauss  sur  les  origines  historiques  du  christia- 
nisme. A  ce  contact,  sa  piété  puritaine  s'évapora,  quoi- 
qu'elle ait  gardé  toujours  une  sympathie  attendrie  pour  le 
sentimentalisme  religieux  des  sectes  non  conformistes  où 
elle  était  née.  Déterminée  par  la  lecture  du  livre  de  Hennell, 
elle  déclara, en  1842,  qu'elle  n'irait  plus  au  temple;  mais 
ce  fut  un  coup  si  grave  pour  son  père,  qui  crut  devoir  se 
séparer  d'elle  à  cette  occasion,  qu'elle  plia  et  consentit  à 
pratiquer  de  nouveau  extérieurement.  Cependant,  elle  tra- 
duisit la  Vie  de  Jésus,  de  Strauss  (la  traduction  parut  le 
15  juin  1846),  à  l'instigation  et  aux  frais  de  Hennell.  Son 
père  mourut  le  31  mai  1849,  en  lui  laissant  un  petit  revenu. 
Pour  changer  d'air,  Mary  Ann,  âgée  de  trente  ans,  alla 
voyager  sur  le  continent,  et  fit  notamment  un  séjour  à 
Genève.  Puis  elle  s'étabUt  chez  les  Bray,  à  Coventry,  pen- 
dant seize  mois.  Là,  elle  fut  mise  en  relation  avec  MM.  Chap- 
man  et  Mackay  qui  venaient  d'acheter  la  Westminster  Re- 
view,  et  elle  accepta  dans  cette  revue  une  place  analogue 
à  celle  de  secrétaire  de  la  rédaction  (1851).  Mais  la  besogne 
de  revision  des  épreuves,  l'obligation   d'improviser   des 
comptes  rendus  d'ouvrages  qu'elle  aurait  voulu  étudier  à 
fond,  tout  cela  la  fatiguait.  Elle  quitta  la  revue  (1853)  et 
publia,  dès  juil.  1854,  une  traduction  de   V Essence  du 
christianisme  de  Feuerbach.  Le  positivisme  d'Auguste 
Comte,  alors  propagé  en  Angleterre  par  John  Stuart  Mill, 
miss  Martineau,  G.-H.  Lewes,  la  séduisit.  M.  Herbert  Spen- 
cer lui  avait  présenté,  à  la  fin  de  l'année  1851 ,  G.-H.  Lewes, 
directeur  du  Leader.  Cet  homme  distingué  lui  plut,  et  en 
juil.  1854,  elle  contracta  avec  lui,  quoiqu'il  eût  à  sa  charge 
sa  femme  dont  il  était  séparé,  et  des  enfants,  une  union 
fibre,  sans  aucune  sanction  religieuse  ou  légale.  Cette  union, 
qui  la  sépara  naturellement  du  monde,  fut  très  heureuse. 
Lewes  demeura  toujours  l'admirateur  passionné  de  Mary 
Ann,  son  conseiller,  son  homme  d'aflàires  ;  il  entretint  au- 
tour d'eUe  une  atmosphère  de  louanges  et  de  bonheur.  Le 
faux  ménage  passa  à  l'étranger,  à  Weimar,  à  Berlin,  la  fin 
de  l'année  1854.  Fixée  ensuite  à  Richmond,  Mary  Ann 
publia  diverses  chroniques  ou  comptes  rendus  dans  le  Lea- 
der et  la  Westminster  Review,  Enfin,  sur  les  instances 
de  Lewes,  elle  se  décida,  bien  qu'elle  se  défiât  beaucoup 
de  ses  aptitudes  en  cette  matière  (elle  avait  commencé  à 
rédiger  une  traduction  de  Spinoza),  à  écrire  une  nouvelle. 
Amos  Barton,  commencé  le  22  sept.  1856,  parut  dans  le 
Blackwood's  Magazine  de  janv.  1857  sous  le  nom  de 
George  Eliot.  Sa  collection  des  Scènes  de  la  vie  cléri- 
cale parut  en  volume  au  commencement  de  l'année  1858. 
A  bien  des  égards,  George  Efiot  n'a  jamais  fait  mieux  ; 
c'est  un  livre  délicieusement  ému  ;  il  eut  beaucoup  de  suc- 
cès, et  l'étoile  ascendante  de  l'auteur  fut  saluée  par  Dickens. 
Après  la  publication  d'Adam  Bede  (1859),  le  nom  de 
George  Ehot  fut  célèbre  :  Charles  Reade  déclara  «  qu'icte 
Bede  était  la  plus  belle  chose  écrite  en  anglais  depuis 
Shakespeare  ».  Seize  mille  exemplaires  furent  enlevés  dans 
le  courant  de  l'année.  En  avr.  1860,  George  Eliot  donna  le 
Moulin  sur  la  Floss,  et,  en  mars  1861,  Silas  Marner, 
deux  de  ses  plus  purs  chefs-d'œuvre.  Elle  s'attaqua  ensuite 
au  roman  historique.  La  Florence  du  temps  de  Savonarole 
l'avait  frappée;  elle  résolut  de  la  faire  revivre  dans  Ro^ 
mola,   qui   fut   achetée  7,000  1.   st.    par  le   Cornhill 
Magazine.  Mais  les  travaux  d'érudition  qu'elle  s'imposa 
pour  écrire  ce  livre  l'épuisèrent;  elle  dut  prendre  quelques 
années  de  repos.  Les  Lewes  étaient  alors  installés,  21 ,  North 
Bank,  Regent's  Park  :  les  dimanches  de  cette  maison 
hospitalière  étaient  fréquentés  par  toute  l'aristocratie  litté- 
raire de  Londres,  Mary  Ann,  épuisée  et  nerveuse,  n'écrivit, 
en  huit  ans,  qu'une  assez  médiocre^nouvelle,  Félix  Ilolt, 
un  conte  positiviste,  Spanish  Gijpsy,  et  un   volume    de 
vers  passables.  Elle  revint,  heureusement,  à  ses  études 


—  833  — 


ELIOT  -  ELISABETH 


favorites  sur  la  vie  cléricale  en  province,  où  elle  excellait: 
Middlemarch  fut  terminé  en  août  1872;  elle  y  a  incor- 
poré ses  souvenirs  de  Coventry.  Ce  livre,  qui  eut  une  vente 
très  considérable,  exalta  encore  sa  réputation.  George  Eliot 
n'eut  plus  de  rival  parmi  les  romanciers  de  son  pays.  Elle 
publia  son  dernier  ouvrage,  Daniel  Deronda,  sur  la  vie 
juive,  en  1876.  Le  28  nov.  1878,  elle  perdit  Lewes.  Or 
elle  avait  fait  la  connaissance,  en  1869,  de  M.  J.-W.  Cross, 
banquier  à  New- York.  Ce  gentleman,  établi  en  Angleterre, 
se  rendit  utile  à  George  Eliot  après  la  mort  de  son  ami. 
Elle  se  résolut  à  l'épouser  en  avr.  1880.  Elle  l'épousa  en 
effet  le  6  mai,  mais  elle  mourut  le  22  déc.  —  George  Eliot 
avait  un  esprit  très  philosophique  et  un  merveilleux  talent 
pour  peindre  la  vie  :  elle  écrivait  admirablement.  Ses  pre- 
iilières  œuvres,  où  l'intention  didactique  (positiviste)  est 
moins  sensible  que  dans  les  dernières,  sont  les  meilleures; 
chose  rare,  qu'une  femme  auteur  n'ait  guère  péché  que  par 
excès  de  pensée,  de  philosophie  et  de  réflexion.  La  Vie 
de  George  Eliot  a  été  écrite  en  1884  par  M.  J.-W.  Cross, 
d'après  les  papiers  et  les  lettres  de  sa  femme.  —  Presque 
tous  les  romans  de  Geofge  Eliot  ont  été  traduits  en  fran- 
çais. Ch.-V.  L. 

ELI  OIT  (George-Augustus),  lord  Heâthfield,  général 
anglais,  né  à  Stobs  (Roxburghshire)  le  25  déc.  1717,  mort 
à  Aix-la-Chapelle  le  6  juil.  1790.11  fit  de  fortes  études  à 
l'université  de  Leyde,  puis  au  collège  militaire  de  La  Fère, 
et  enfin  à  Woolwich.  Entré  au  2®  grenadiers  de  la  garde 
en  1739,  il  fit  la  guerre  de  la  succession  d'Autriche  de  1 742 
à  1748,  fut  blessé  à  Dettingen  et  assista  à  Fontenoy.  Aide 
de  camp  de  George  II  en  1755,  il  prit  part  à  la  formation 
des  régiments  de  cavalerie  légère  calqués  sur  les  hussards 
de  Frédéric  II,  fut  nommé  colonel  d'un  de  ces  régiments 
et  servit  brillamment  en  Allemagne  de  1759  à  1761.  Après 
avoir  participé  à  l'expédition  de  1761  sur  les  côtes  de 
France,  il  fut  envoyé  à  Cuba  avec  le  comte  d'Albemarle. 
Après  la  prise  de  La  Havane,  il  revint  en  Angleterre  où  il 
fut  nommé  lieutenant-général   (1763).  En  1774,  il  fut 
nommé  commandant  en  chef  en  Irlande,  et,  en  1775,  gou- 
verneur de  Gibraltar  qu'il  fortifia  et  défendit  énergique- 
ment  pendant  le  fameux  siège  de  1779  qui  ne  dura  pas  moins 
de  trois  ans.  Délivré  par  lord  Howe  qui  força  le  blocus  au 
moment  où  la  petite  garnison  allait  succomber  à  la  famine, 
Eliott  revint  en  Angleterre  où  il  fut  accablé  d'honneurs  et 
créé  le  14  juin  1787  lord  Heâthfield,  baron  de  Gibraltar. 
On  a  de  lui  un  magnifique  portrait  de  Joshua  Reynolds  (Na- 
tional Gallery).  R.  S. 
ELIPAND  ou  ELIPHAND  (V.  Adoptianisme). 
ÉLIS  (Géogr.  anc).  Ville  principale  de  V Ancienne Elide 
(V.  ce  mot),  bâtie  au  S.  du  Pénée,  au  pied  d'un  rocher  de 
160  m.  d'âlt.  qui  portait  la   citadelle   (depuis  Kalos- 
kopi  ou  Belvédère);  elle  s'étendait  jusqu'à  la  rivière. 
Citée  d'abord  comme  ville  des  Epéens  par  Homère,  elle  ne 
prit   d'importance  qu'après  l'établissement  des   Etoliens 
d'Oxylus;  ce  fut  la  résidence  des  rois  et  des  chefs  de 
famille  aristocratique  qui  gouvernèrent  l'Elide  après  les 
rois.  Sa  citadelle  était  le  seul  point  fortifié  de  la  contrée  ; 
les  autres  villes  ou  villages  étaient  ouverts  et  payaient 
tribut  aux  Eléens.  Après  la  seconde  guerre  médique,  la 
démocratie  fut  établie  (471)  et  la  ville  s'agrandit  rapide- 
ment. La  population,  que  les  nobles,  maîtres  de  l'Acropole, 
tenaient  dispersée  dans  les  villages,  se  concentra,  for- 
mant une  grande  ville  ;  on  ne  l'entoura  pas  de  remparts,  la 
sainteté  du  pays  semblant  une  protection  suffisante.  L'orga- 
nisation d'Elis  et  de  l'Elide  nous  est  mal  connue  ;  elle  a  été 
étudiée  surtout  à  propos  du  recrutement  des  Hellanodices  qui 
présidaient  aux  jeux  olympiques  (V.  Olympie).  La  tranquil- 
lité garantie  par  la  domination  romaine  avait  enrichi  les 
Eléens,  et  leur  ville  était  au  ii®  siècle  une  des  plus  populeuses 
de  la  Grèce  ;  Pausanias  et  Strabon  nous  l'attestent.  Son  gym- 
nase était  de  beaucoup  le  plus  vaste  de  la  Grèce.  Ou  cite 
encore  le  portique  des  Corcyréens,  celui  des  Hellanodices, 
les  temples   d'Aphrodite    Uranie,    d'Apollon   Acacesius, 
d'Athéna,  des  Charités  (Grâces),  de  Silène,  le  théâtre,  etc. 


Ecole  d'Eli€.  —  Après  la  mort  de  Socrate,  un  de  ses 
disciples  préférés,  Phédon  d'Elis,  le  même  dont  Platon  a 
donné  le  nom  à  un  de  ses  dialogues,  réunit  autour  de  lui 
un  certain  nombre  de  disciples  et  fonda  une  école  qui 
s'appela  l'école  d'Elis.  Phédon  eut  pour  successeur  Plis- 
tanus,  et  celui-ci  fut  remplacé  par  Ménédème.  Ménédème, 
avec  Asclépiade,  transporta  l'école  àErétrie,  sa  patrie, 
si  bien  que  c'est  une  seule  et  même  école  qu'on  désigne 
sous  le  nom  d'école  d'Elis  et  d'école  d'Erétrie.  Phédon  et 
Ménédème  (V.  ces  noms)  sont  les  seuls  représentants  de 
cette  école  que  nous  connaissions  ;  elle  disparut  après  eux. 
Elle  se  rattache  directement  à  l'école  de  Mégare.  Phédon 
était  l'ami  d'Euclide.  (Juant  à  Ménédème,  sa  doctrine  pré- 
sente d'assez  grandes  analogies  avec  celle  d'Antisthène.  Les 
principales  idées  défendues  dans  l'école  d'Elis  sont  les  sui- 
vantes :  négation,  comme  chez  les  Cyniques,  de  la  réalité 
des  qualités  sensibles  en  dehors  des  individus  ;  nomina- 
lisme;  impossibilité  d'unir  en  un  jugement  deux  termes 
différents  ;  par  suite,  les  jugements  identiques  sont  seuls 
possibles,  les  négatifs,  les  hypothétiques  et  les  disjonclifs 
sont  illégitimes.  Voilà  pour  la  dialectique.  Mais,  en  même 
temps  qu'elle  soutenait  ces  idées ,  si  directement  opposées 
à  celles  de  Platon,  l'école  d'Elis,  à  l'exemple  encore  des 
Cyniques,  attribuait  une  plus  grande  importance  aux  ques- 
tions morales.  Elle  soutenait  que  le  souverain  bien  est  un, 
et  que  c'est  la  sagesse,  qu'il  n'y  a  qu'une  vertu  unique, 
désignée  sous  différents  noms.  Elle  ne  fut  peut-être  pas 
sans  influence  sur  Pyrrhon,  né  à  Elis,  et  elle  forme  en 
quelque  sorte  la  transition  entre  l'école  d'Elée  et  le  pyrrho- 
nisme.  V.  Br. 

ÉLIS  DE  Bons  (Charles),  poète  français  du  xvi®  siècle, 
originaire  de  Falaise.  On  a  de  lui  :  OEuures  (Rouen,  1626, 
in-8),  recueil  de  poésies  adressées  pour  la  plupart  à  de 
grands  personnages  de  province,  qui  a  eu  plusieurs  éditions  ; 
le  Paranymphe  delà  cour  (Rouen,  1628,  in-8). 

ELISABETH.  I.  Astronomie.  —  Nom  du  182^  asté^ 
roïde  (V.  ce  mol),  plus  connu  sous  le  nom  d'Eisa. 

H.  Viticulture.  —  Cépage  américain,  du  groupe  des 
Labrusca,  à  goût  très  foxé  et  sans  aucune  valeur  pour  la 
France.  Il  est  d'ailleurs  très  peu  cultivé  aux  Etats-Unis,  oii 
on  le  considère  comme  un  cépage  inférieur. 

ELISABETH  (Ordre  d').  Créé  le  17  oct.  1766,  par 
l'électrice  Elisabeth-Augusta,  en  faveur  des  dames  de  la 
cour;  il  existe  encore  en  Bavière.  Il  imposait  aux  dames 
membres  de  l'institution  l'obhgation  de  secourir  les  pauvres 
et  les  malheureux.  Les  chevalières  devaient  justifier  de  seize 
quartiers  de  noblesse  et  professer  la  religion  catholique. 
Outre  la  princesse  de  la  maison  de  Bavière  et  d'autres  mai- 
sons souveraines,  l'ordre  était  conféré  à  toutes  les  dames 
du  palais  et  à  six  dames  nobles  choisies  au  dehors.  Il  est 
aujourd'hui  composé  de  dames  de  maisons  régnantes  et  de 
trente-deux  nobles  et  catholiques.  La  décoration  est  portée 
sur  le  sein  gauche,  attachée  à  un  ruban  bleu  clair  bordé 
de  rouge.  Cet  ordre  est  souvent  désigné  sous  le  nom  de 
Sainte-Elisabeth.  H.  Gourdon  de  Genouillac. 

ELISABETH-Thérèse  (Ordre  d').  Fondé  en  Autriche 
en  1750  par  Elisabeth-Christine,  veuve  de  l'empereur 
Charles  VI,  en  faveur  de  vingt  officiers  ayant  pour  obli- 
gation stricte  d'avoir  fidèlement  servi  leur  pays  pendant 
trente  ans  et  d'être  au  moins  colonels  ;  les  membres  furent 
divisés  en  chevaliers  de  première,  de  seconde  ou  de  troi- 
sième classe;  le  16  nov.  1771,  l'impératrice  Marie-Thérèse 
renouvela  l'ordre  et  lui  donna  le  nom  de  fondation  mili- 
taire d'Elisabeth-Thérèse.  Le  nombre  des  chevaliers  fut 
fixé  à  vingt  et  un.  L'empereur  d'Autriche  nomme  les 
membres  sur  la  proposition  du  conseil  aulique  ;  la  nais- 
sance, la  religion  ou  la  possession  d'un  autre  ordre  ne 
sont  pas  des  motifs  d'exclusion.  La  décoration  est  sus- 
pendue à  un  ruban  noir.     H.  Gourdon  de  Genouillac. 

ELISABETH.  Nom  de  diverses  femmes  citées  dans  la 
Bible  :  1*^  la  femme  du  grand  prêtre  Aaron  (Exode,  vi,  23)  ; 
2^  la  mère  de  saint  Jean-Baptiste,  femme  d'un  prêtre  du 
nom  de  Zacharie  (Saint  Luc,  chap.  i). 


ELISABETH 


-  836  - 


ELISABETH.  Nous  avons  groupé  les  personnages  de 
ce  nom  par  nationalités  en  suivant  l'ordre  chronolo- 
gique pour  chaque  pays. 

Allemagne. 
ELISABETH  de  Poméranie,  impératrice  d'Allemagne, 
reine  de  Bohême,  morte  en  1393.  Elle  était  fille  de  Bo- 
^islav  V,  prince  de  Poméranie.  Elle  épousa  l'empereur 
Charles  lY  à  Cracovie  en  4363,  et  ses  noces  furent  célé- 
brées avec  une  pompe  inouïe.  Elle  en  eut  cinq  enfants, 
dont  l'aîné  fut  Sigismond,  empereur,  roi  de  Hongrie  et  de 
Bohème.  Cette  princesse  était  d'une  vigueur  physique  ex- 
traordinaire. Elle  survécut  à  son  époux. 

ELISABETH  de  Portugal,  impératrice  d'Allemagne, 
reine  d'Espagne  et  de  Naples(i526-lo39),  née  à  Lisbonne 
le  4  oct.  4503,  morte  à  Tolède  le  4^^  mai  4539.  Elle 
épousa  à  Séville  son  cousin  Charles-Quint  à  qui  elle  donna 
quatre  enfants.  Elle  mourut  en  couches  du  quatrième.  On 
rattache  à  son  enterrement  l'entrée  dans  les  ordres  de 
François  Borgia. 

ELISABETH  DE  Bohême,  princesse  palatine,  née  à  Hei- 
delberg  le  24  déc.  4648,  morte  à  Herford  le  8  oct. 4680. 
Fille  aînée  de  l'électeur  Frédéric  V  et  d'Elisabeth,  reine  de 
Bohème  (V.  ci-après),  elle  fut  élevée  par  sa  grand'mère, 
rélectrice  Juliane,  princesse  d'Orange,  et  par  sa  mère,  à 
La  Haye.  Son  enfance  s'écoula  dans  la  détresse  de  l'exil 
et  lui  forma  un  caractère  réfléchi  et  studieux.  Elle  s'inté- 
ressa surtout  à  la  science  et  à  la  philosophie,  entra  en  rela- 
tions avec  Descartes  et  correspondit  assidûment  avec  lui. 
Elle  vécut  ensuite  à  la  cour  de  son  cousin,  l'électeur  Frédéric- 
Guillaume  de  Brandebourg,  puis  à  Cassel,  obtint  en  4664 
le  coadjulorat  de  l'abbaye  impériale  de  Herford  qu'elle  eut 
à  elle  en  4667.  Elle  tomba  dans  le  mysticisme  et  appela  à 
Herford  des  labadistes  (4670),  puis  des  quakers. 

Elisabeth-Charlotte  de  Bavière,  duchesse  d'On- 
LÉANS,  dite  Princesse  palatine,  née  à  Heidelbergen  4652, 
morte  à  Saint-Cloud  le  8  déc.  4722.  Fille  du  comte  palatin 
Charles-Louis,  elle  épousa  le  46nov.  4674  le  duc  Phihppe 
d'Orléans  et  fut  la  mère  du  Bégent.  On  trouvera  sa  biogra- 
phie à  l'article  consacré  à  la  famille  d'ORLÉANS. 

Elisabeth-Christine  de  Brunswick-Wolfenbuttel, 
impératrice  d'Allemagne  (4744-4750),  née  le  28  avr.  4694, 
morte  le  24  déc.  4750.  Elle  abjura  le  protestantisme  (4707) 
pour  épouser  l'archiduc  Charles  (à  Vienne,  23  avr.  4708), 
candidat  au  trône  d'Espagne.  Elle  fut  proclamée  reme 
d'Espagne  à  Barcelone  le  i^'  août  4708,  y  demeura  comme 
régente  quand  son  mari  alla  recueillir  la  succession  impé- 
riale. Elle  rentra  en  Allemagne  en  4743.  Après  la  mort 
de  son  mari,  elle  soutint  les  droits  de  sa  fille  Marie- 
Thérèse.  Son  autre  fille,  Marie-Anne,  épousa  Charles  de 
Lorraine  et  gouverna  les  Pays-Bas.  Elisabeth-Christme 
fonda  en  4750  un  ordre  militaire  (V.  ci-dessus,  p.  835). 
ELISABETH-Christine  de  Brunswick-Wolfenbuttel, 
reine  de  Prusse  (4740-4797),  née  le  8  nov.  4745,  morte 
à  Schœnhausen,  près  de  Berlin,  le  43  janv.  4797.  Fille  du 
duc  Ferdinand-Albert  de  Brunswick-Wolfenbuttel,  elle  fut 
mariée,  le  42  juin  4733,  au  prince  royal  de  Prusse,  plus 
tard  Frédéric  H.  Celui-ci  vécut  avec  elle  à  Neu-Ruppin  et 
Rheinsberg  jusqu'à  la  mort  4e  son  père.  Mais,  dès  qu'il  fut 
roi,  il  se  sépara  de  sa  femme  qu'il  avait  épousée  malgré  lui, 
qu'il  n'aimait  pas  et  dont  il  n'avait  pas  eu  d'enfant.  Elle 
vécut  à  Schœnhausen,  ne  venant  à  la  cour  que  pour  les 
fêtes  de  gala  et  ne  voyant  son  mari  qu'en  ces  occasions. 
Elle  était  comme  lui  très  éprise  de  la  littérature  et  de  la 
civilisation  françaises.  Elle  a  même  écrit  en  français  sur  des 
sujets  de  morale. 

BiBL.  :  Hahnke,  Elisabeth.  Kœnigin  von  Preussen;  Ber- 
lin, 1848. 

ELISABETH-Augusta-Marie,  électrice  palatine,  puis  de 
Bavière  (4742-4778-4792),  née  le  24  janv.  4724,  morte 
en  4792,  épousa  le  47  janv.  4742  son  cousin  Charles 
Théodore,  électeur  palatin,  lequel  hérita,  en  4  778,  de  la 
Bavière.  Elle  fonda  en  4766  l'ordre  qui  porte  son  nom 
(V.  ci-dessus,  p.  835). 


Angleterre. 
ELISABETH   de  France,  reine  d'Angleterre  (4389- 
4409)  (V.  Isabelle). 

ELISABETH  Woodwille,  reine  d'Angleterre,  fille  de 
sir  Richard  Woodwille  ou  Wydeville  et  de  la  veuve  du  duc 
de  Bedford,  régent  de  France  pendant  la  minorité  de  Henri  VI. 
née  vers  4437,  morte  le  8  juin  4492.  Elle  épousa  d'abord 
sir  John  Grey,  lord  Ferrers  de  Groby,  qui  fut  tué  à  la 
la  seconde  bataille  de  Saint-Albans  (4464)  en  combattant 
pour  la  Rose  rouge.  Veuve  avec  deux  enfants,  menacée  de 
confiscation,  elle  eut  recours  à  la  clémence  d'Edouard  IV 
qui,  frappé  de  sa  beauté,  voulut  faire  d'elle  sa  maîtresse, 
puis  sa  femme.  Il  l'épousa  secrètement  à  Grafton  le  4«''mai 
4464;  mais  il  ne  fit  connaître  l'événement  qu'en  septembre 
(V.  Edouard  IV).  Elisabeth  s'occupa  aussitôt  de  pourvoir 
sa  famille;  elle  maria  l'une  de  ses  sœurs  à  l'héritier  des 
comtes  d'Arundel,  une  autre  à  l'héritier  de  la  maison  de 
Pembroke;  son  frère  Jean,  âgé  de  vingt  ans,  à  la  duchesse 
douairière  de  Norfolk;  son  père  fut  fait  comte Rivers.  Les 
Woodwille,  par  leur  avidité,  se  firent  bientôt  détester;  la 
reine  elle-même  montra  trop  de  hauteur  pour  être  aimée 
du  peuple.   Lors  de  la  fuite  d'Edouard  IV,  en  4470,  elle 
trouva  un  asile  à  Westminster  où  naquit  son  premier  fils 
(Edouard  V).  Au  reste,  sa  principale  affaire  fut,  toute  sa 
vie,  de  donner  des  enfants  au  roi  (sept  filles  et  trois  fils). 
Elle  manifesta  toutefois  de  l'éloignement  pour  le  duc  de 
Clarence,   son  beau-frère;  lorsque  celui-ci  prétendit  à  la 
main  de  Marie  de  Bourgogne,  fille  de  Charles  le  Téméraire, 
elle  lui  suscita  (sans  succès,  du  reste)  un  rival  en  la  per- 
sonne de  l'un  de  ses  frères,  Anthony,  comte  Rivers.  A  la 
mort  d'Edouard  IV  (4483),  elle  se  réfugia  de  nouveau  dans 
le  sanctuaire  de  Westminster,  où  elle  resta  pendant  toute 
la  durée  du  règne  nominal  de  son  malheureux  fils,  Edouard  V, 
assassiné  à  la  Tour  en  même  temps  que  son  jeune  frère, 
le  duc  d'York  (les  enfants  d'Edouard).  Les  droits  de  Ri- 
chard m  (V.  ce  nom)  à  la  couronne  reposaient  sur  la  pré- 
tendue illégitimité  de  l'union  contractée  par  Edouard  IV 
avec  «  dame  Elisabeth  Grey  ».   Elle  avait  donc  tout  a 
craindre  du  tyran.  Elle  lui  survécut  cependant,  et  fut  mise 
par  Henri  Vil,  qui  avait  épousé  sa  fille  ainée,  en  posses- 
sion du  titre  et  des  revenus  de  reine  douairière.  Mais, 
après  la  rébellion  de  Simnel,  elle  en  fut  dépouillée,  et, 
confinée  dans  l'abbaye  de  Berdmondsey,mena  une  tort  triste 
vie.  En  4487,  il  fut  question  d'un  mariage  entre  elle  et 
Jacques  III  d'Ecosse;  mais  cet  étrange  projet  n'eut  pas  de 
suite.  Elle  mourut  à  Berdmondsey.—  Elle  dota  le  Queen  s 
Collège,   à  Cambridge,   fondé  par  sa  rivale  Marguerite 
d'Anjou.  Ce  collège  possède  un  beau  portrait  de  sa  bien- 
faitrice, reproduit  dans  l'ouvrage  classique  de  miss  Strick- 
land,  Lives  of  the  queens  of  England.  Ch.-V.  L. 

ELISABETH,  reine  d'Angleterre,  fille  de  Henri  VIH  et 
d'Anne  de  Boleyn,  née  à  Greenwich  le  7  sept.  4533, 
morte  le  24  mars  4603.  Elle  fut  réléguée,  après  la  disgrâce 
de  sa  mère,  qui  suivit  de  près  sa  naissance,  au  château  de 
Hunsdon  (Herefordshire)  et  confiée  aux  soins  de  lady  Mar- 
garet  Bryan,  auprès  de  sa  sœur  Marie  (Tudor),  son  aînée 
de  dix-sept  années.  Plus  tard,  elle  fut  admise  à  partager 
les  jeux  et  les  études  de  son  frère  Edouard  (le  futur 
Edouard  VI,  fils  de  Jane  Seymour).  Elle  annonça  de  bonne 
heure  de  la  gravité,  du  sang-froid  et  de  l'énergie.  Apres 
la  mort  de  Henri  VIII,  elle  fut  placée  sous  l'autorité  et  dans 
la  maison  de  Catherine  Parr,  reine  douairière.  C'est  là 
qu'eut  lieu  son  intrigue  fameuse  (elle  avait  quatorze  ans) 
avec  sir  Thomas  Seymour,  oncle  d'Edouard  VI  et  frère 
cadet  du  protecteur  Somerset.  Sir  Thomas,  beau,  brillant, 
fastueux,  homme  à  bonnes  fortunes,  avait  formé  le  projet 
d'acquérir  par  mariage  une  influence  égale  à  celle  du  pro- 
tecteur :  il  rechercha  la  main  d'Elisabeth  et,  repoussé  de  ce 
côté,  épousa  Catherine  Parr.  Une  fois  installé  en  mari  dans 
la  maison  de  Chelsea  où  résidaient  la  reine  douairière  et 
Elisabeth,  il  recommença  ses  poursuites  galantes  auprès  de 
celle-ci.  La  fille  de  Henri  VHI,  savante  et  intelhgente,  mais 
peu  scrupuleuse,  souffrit  sans  révolte  les  privautés  de  sir 


—  837 


ELISABETH 


Thomas  :   on   le  sut  plus  tard ,  par  les  dépositions  des 
domestiques.  Catherine  Parr  mourut  de  suites  de  couches 
le  5  sept.  1548,  et  sir  Thomas,  veuf,  intrigua  de  nouveau 
pour  s'unir  en  légitime  mariage  à  l'une  des  héritières  en 
expectative  de  la  couronne,  cette  Elisabeth  dont  il  avait 
déjà  fait  la  conquête.  Mais  le  protecteur  jaloux  veillait  : 
il  fit  conduire  son  frère  à  la  Tour  sous  Tinculpation  de 
haute  trahison,  en  janv.  1549,  et  arracha  à  Tintendant, 
à  la  gouvernante  d'Ehsabeth,  les  aveux  les  plus  morti- 
fiants pour  la  délicatesse  de  la  jeune  fille.  Seymour  fut 
exécuté  le  20  mars  :  Elisabeth  accueillit  cette  nouvelle 
avec  impassibilité  :  «  Il  est  mort,  dit-elle,  s'il  en  faut  croire 
Leti,   en  homme  de  beaucoup  d'esprit  et  de  peu  de  juge- 
ment. »  Mais  cette  impassibilité  n'était  que  prudente  dissi- 
mulation ;  elle  souffrit  pendant  une  année  entière  d'une 
maladie  de  langueur.  Elle  trouva   heureusement  de  puis- 
santes distractions  dans  l'étude  ;  et  c'est  ici  le  lieu  de  dire 
quelle  étonnante  érudition  elle  acquit  sous  la  discipline  de 
son  précepteur  Roger  Ascham.  Ascham  écrivait  à  Sturm, 
recteur  du  gymnase  protestant  de  Strasbourg  :  «  Tout  ce 
qu'Aristote  requiert  de  qualités  s'est  donné  rendez-vous 
dans  sa  personne.  Elle  a  un  peu  plus  de  seize  ans,  et  elle 
a  la  passion  de  la  vraie  religion  et  de  la  meilleure  litté- 
rature. Elle  parle  le  français  et  l'italien  comme  l'anglais  ; 
le  latin  avec  facilité,  propriété  et  jugement;  le  grec  médio- 
crement,  mais  souvent  et  volontiers  dans  ses  entretiens. 
Elle  est  fort  habile  en  musique,   sans  y  prendre  grand 
plaisir.  »  Un  autre  réformé,  John  Hooper,  écrivait  à  Bul- 
linger,  de  l'église  de  Zurich,  en  4530,  que  miss  Elisabeth 
«  était  devenue  si  forte  en  latin  et  en  grec  qu'elle  était  en 
état  de  défendre  la  vraie  religion  avec  les  arguments  les 
plus  justes  et  le  plus  heureux  talent,  de  sorte  qu'elle  ren- 
contrait peu  d'adversaires  dont  elle  ne  triomphât  ». 

Edouard  VI  lui  avait  donné  le  château  de  Hatfield,  à 
19  milles  au  N.  de  Londres,  séjour  qui  lui  resta  toujours 
très  cher  ;  son  livre  de  comptes  qui  nous  a  été  conservé 
d'oct.  4551  à  sept.  4552,  accuse  un  revenu  annuel  de 
5,890  1.  st.  (plus  de  750,000  fr,  d'aujourd'hui)  ;  les  dé- 
penses étaient  très  minimes  ;  Elisabeth,  espoir  du  parti 
calviniste,  atfectait  alors  la  plus  grande  simplicité  dans  sa 
mise  et  dans  son  train  de  vie.  —  Pendant  les  troubles  qui 
suivirent  la  mort  d'Edouard  VI,  en  4553,  elle  eut  une 
maladie  très  opportune  qui  lui  permit  de  ne  se  point  dé- 
clarer soit  pour  lady  Jane  Grey,  soit  pour  Marie  Tudor  ; 
elle  ne  guérit  que  pour  aller  saluer  à  Londres  Marie,  déci- 
dément victorieuse.  Marie  la  reçut  bien  ;  toutefois,  entre 
les  deux  sœurs,  l'antagonisme  était  fatal.  «  Comment  l'em- 
pêcher, lorsque  l'une  des  deux  princesses  ne  pouvait  être 
réputée  fille  légitime  de  Henri  VIH  sans  que  l'autre  fût,  en 
conséquence,  réputée  illégitime  ?  »  De  plus  «  Marie  avait 
un  attachement  invincible  pour  le  catholicisme  ;  au  con- 
traire, Anne  Boleyn  avait  mis  le  protestantisme  dans  le 
berceau  de  sa  fille  ».  Comme  Elisabeth  n'avait  point  de 
goût  pour  le  martyre,  le  différend  au  sujet  du  catho- 
licisme n'était  point  des  plus  graves  ;  elle  assista  à  la  messe 
et  consentit  à  une  abjuration  tout  en  laissant  deviner  aux 
mécontents  que  cette  abjuration  n'était  point  volontaire. 
Mais  le  problème  relatif  à  la  légitimité  était  insoluble  :  la 
reine  fit  proclamer  par  le  Parlement  l'illégalité  du  procès 
intenté  à  sa  mère,  Catherine  d'Aragon  ;  comment  devait-on 
quahfier  dès  lors  l'union  de  Henri  VIII  et  d'Anne  de  Boleyn, 
dont  Elisabeth  était  née  ?  La  duchesse  de  Suff'olk,  petite- 
fille  de  Henri  VII  par  sa  fille  Mary,  prit  préséance  à  la  cour 
sur  Elisabeth.  La  situation  de  celle-ci,  sans  être  absolument 
dangereuse,  devint  très  fausse.  On  l'accusait  d'entretenir 
des  relations  avec  les  réformés  et  avec  l'ambassadeur  de 
France.  L'aventure  de  Courtenay  la  mit  à  deux  doigts  de 
sa  perte. 

Edouard  Courtenay,  de  sang  royal,  qui  avait  passé 
toute  sa  jeunesse  en  prison,  avait  été  mis  en  liberté  à 
l'avènement  de  Marie.  Un  grand  nombre  d'historiens,  Gre- 
gorio  Leti,  Burnel,  D.  Hume,  Vertot,  rapportent  que  Marie 
s'éprit  de  ce  brillant  cavalier,  mais  que  lui,  insensible  à 


l'appât  du  trône,  engagea  son  cœur  à  Elisabeth,  plus  jeune 
et  plus  jolie.  C'est  alors  que  Marie,  blessée,  aurait  usé  des 
pires  sévérités  envers  sa  sœur.  C'est  là,  on  l'a  prouvé,  une 
légende.  Il  est  possible  que  Marie  ait  songé  quelque  temps 
à  Courtenay  avant  de  se  décider  pour  Philippe  d'Espagne, 
mais  les  scandales  du  jeune  homme   «  superbe  et  luxu- 
rieux »,  qui  ne  se  pouvait,  après  une  longue  captivité, 
«  saouler  des  délices  de  la  liberté  »,  la  dégoûtèrent.  De 
compétition  amoureuse   d'une  sœur  avec  F  autre,  il  y  en 
eut  si  peu  que  Marie  n'était  nullement  éloignée  de  donner 
Elisabeth  pour  femme  à  Courtenay.  Mais'il  est  vrai  que 
Courtenay  eut  l'idée,  d'accord  avec  les  Français  et  les  ré- 
formés,  d'épouser  la  fille  d'Anne  de  Boleyn  et  de  tenter 
une  révolution.  Quand  la  conspiration  mal  préparée  de 
sir  Thomas  Wyatt  éclata,  Elisabeth  se  conduisit,  heureu- 
sement pour  elle,  avec  une  prudence  consommée.  Elle  ne 
bougea  pas,  et,  suivant  son  habitude,  se  dit  malade.  Si 
l'insurrection  échouait,  elle  ne  se  souciait  pas  d'être  com- 
promise ;   si  elle  réussissait,  ses  chefs  ne  pouvaient  rien 
faire  sans  elle.  L'insurrection  échoua.  Le  soir  même  de  la 
défaite  de  Wyatt,  Renard,  ambassadeur  de  Charles-Quint, 
conseilla  à   la  reine,  qui  l'avait  mandé,  de  délibérer  sur 
l'arrestation  de  Courtenay  et  d'Elisabeth,  et  de  faire  rigou- 
reuse justice  de  ces  traîtres.  Elisabeth  fut  amenée  prison- 
nière du  château  d'Ashbridge  à  Whitehall.  On  espérait 
tirer,  sinon  d'elle,  au  moins  de  Wyatt  et  de  ses  complices, 
dont  le  procès  allait  commencer,  des  confessions  compro- 
mettantes qui  permissent  de  lui  faire  partager  le  sort  de 
lady  Jane  Grey.  On  l'enferma  même,  par  provision,   à  la 
Tour.  Sa  vie  fut  sauvée,  en  cette  circonstance,  par  le  chan- 
celier Gardiner  qui,  ancien  compagnon  de  captivité  de 
Courtenay  et  lié  d'amitié  avec  lui,  mit  tout  en  œuvre  pour 
lui  épargner  le  dernier  supplice  ;  il  l'épargna,   en  même 
temps,  à  Elisabeth,  car  la  cause  des  deux  inculpés  était 
liée.  Gardiner  fit  décider,  en  dépit  des  obsessions  du  mi- 
nistre de  Charles-Quint,  qu'Elisabeth  serait  envoyée  dans 
un  château  du  Nord,  au  milieu  de  populations  sûres,  paci- 
fiques, catholiques.  La  préférence  fut  donnée  à  Woodstock, 
résidence  bâtie  un  peu  au  N.  d'Oxford.  Le  49  mai  4554,  la 
princesse  sortit  de  la  Tour  ;  elle  y  avait  séjourné  deux  mois. 
A  Woodstock ,  le  gouverneur,  sir  Henry  Bedingfiold , 
le  même  qui  avait  surveillé  la  reine  Catherine  d'Aragon 
à  Kimbolton,  fit  tout  ce  qu'il  put  pour  adoucir  une  cap- 
tivité assez  dure  ;   il    n'en  a  pas  moins  été  l'objet  des 
railleries  et  des  calomnies  des  apologistes  protestants.  Ce- 
pendant la  reine  épousa  Philippe  d'Espagne  ("25  juil.  4554)  ; 
celui-ci  plaida,  dit-on,  pour  la  clémence,  et  Elisabeth  fut 
amenée  à  Hampton  Court  le  29avr.  4555.  Là,  encore,  une 
légende  ridicule  a  été  popularisée  par  quelques  historiens. 
On  a  dit  que  Phihppe  d'Espagne  avait  soutenu  auprès  de 
sa  femme  la  cause  de  sa  belle-sœur  parce  qu'il  serait  tombé 
amoureux  d'elle  ;  le  fait  est  qu'il  ne  soutint  les  intérêts 
d'Elisabeth  qu'en  vue  de  se  créer  une  popularité  person- 
nelle ;  et  il  était  si  loin  de  songer  à  la  princesse  pour  lui- 
même  que,   pendant  le    séjour  à   Hampton  Court,  il   fit 
entamer  des  négociations  en  vue  d'un  mariage  entre  elle  et 
son  fils,  don  Carlos.  Elisabeth  fut  enfin  autorisée  à  retour- 
ner à  Hatfield  (48  oct.  4555),  acquittée  faute  de  preuves, 
et  surtout  grâce  aux  grandes  apparences  de  zèle  qu'elle 
manifestait  pour  le  catholicisme.   L'enthousiasme  de  la 
foule  sur  son  passage  fut  immense,  mais  elle  eut  la  pru- 
dence de  s'y  soustraire,  et,  réinstallée  à  Hatfield  au  milieu 
de  ses  gentilshommes  et  de  ses  serviteurs,  elle  reprit  pai- 
siblement, avec  son  cher  maître  Roger  Ascham,  la  lecture 
d'Eschine  et  de  Démosthène.  La  reine  étant  stérile,  malade, 
mourante,  elle  n'avait  qu'à  attendre  ;   le  temps  travaillait 
en  sa  faveur.  Elle  n'attendit  que  jusqu'au  47  nov.  4558. 

A  cette  date,  date  de  son  avènement  (car  ses  droits  à  la 
succession  de  Marie  Tudor  ne  furent  contestés  par  personne), 
Elisabeth  était  âgée  de  vingt-cinq  ans,  mais  elle  avait  été 
mûrie  par  la  vie.  M.  Wiesener  qui  a  écrit  l'histoire  de  la 
Jeunesse  d'Elisabeth  (Paris,  4878,  in-8)  la  juge  en  ces 
termes  :  «  Les  angoisses  de  ses  jeunes  années  lui  avaient 


ELISABETH 


—  838  — 


fortifié  et  affilé  l'entendement,  mais  le  cœur  s  y  était  étran- 
gement resserré  et  endurci.  Du  règne  de  Marie,  elle  sortit 
offensée  à  jamais,  affamée  de  représailles,  sourde  aux  mspi- 
rations  de  eénérosité  et  de  pardon.  Sa  nature  de  lionne, 
comme  elle  se  plaisait  à  la  nommer,  était  doublée  d  un 
soùt  de  dissimulation  que  les  circonstances  avaient  déve- 
loppé  Ayant  été  rudement  ballottée  pendant  de  longues 
années  entre  la  crainte  et  Fespoir,  elle  sera  sujette  a  des 
hésitations  qui  l'arrêteront  court  et  déconcerteront  ses  mi- 
nistres au  milieu  des  entreprises  les  plus  savamment  com- 
binées  Ombrageuse  à  l'excès,  elle  aura  la  défiance  prompte 
et  le  bras  terrible.  »  Elle  avait  réfléchi  longtemps  d  avance 
à  ce  qu'elle  ferait  si  elle  était  reine  ;  elle  arrivait  avec  une 
pohtique  toute  prête  :  caresser  les  communes,  qui  avaient 
été  sa  sauvegarde,  courber  les  nobles  sous  une  autorité 
aussi  inflexible  que  celle  de  Henri  VIII,  assumer  le  rôle 
populaire  de  justicier,  enfin  glorifier  sa  patrie.  «  Je  suis, 
disait-elle,  la  femme  la  plus  anglaise  du  royaume.  »  Ln 
relidon,  malsré  sa  conversion  au  catholicisme,  elle  avait 
eardé  au  fond  du  cœur  les  traditions  protestantes  de  sa 
famille  ;  mais  l'instinct  du  pouvoir  et  son  rang  lui  avaient 
inspiré  de  l'antipathie  contre  les  principes  calvinistes  des- 
tructifs de  l'omnipotence  royale.  «  Elle  ne  voulait  d  Eglise 
réformée  que  celle  qui  s'avouerait  de  la  couronne  et  con- 
tribuerait à  en  accroître  l'éclat  et  la  sohdité,  comme  sous 
Henri  YIH  :  »  quant  au  dogme  et  à  la  liturgie,  elle  pencha 
plutôt  du  côté  de  Rome  que  du  côté  de  Genève  ;  elle  retint 
toute  sa  vie  certains  usages  et  symboles  de  1  Eglise  papiste, 
comme  le  crucifix,  les  cierges,  les  fêtes  des  saints,   en 
dépit  des  objurgations  de  ses  théologiens  attitrés.  Enhn, 
«  la  culture  de  l'esprit  se  rehaussait  en  elle  des  dons  qui 
ennoblissent  l'extérieur  de  la  fonction  souveraine  ;  belle 
de  haute  taille,  la  dignité  de  son  attitude  imposait  ».  H 
ne  faut  pas  se  fier  à  la  boutade  d'H.  Walpo  e  sur  les  por- 
traits d'Elisabeth  reine  :  «  Nez  aquihn,  pâle,  la  tête  tout 
en  cheveux,  chargée  de  couronnes  et  poudrée  de  diamants, 
yaste  fraise,  vertugadin  plus  vaste,  perles  au  boisseau, 
voilà  ce  qui  fait  reconnaître  à  l'instant  les  portraits  d  Eli- 
sabeth. >>  La  figure  était  régulière,  le  nez  arque,  les  lèvres 
minces,  les  yeux  clairs,  le  front  haut  sous  un  casque  de 
cheveux  roux.  Figure  belle,  mais  froide.  «  On  est  frappe 
de  l'expression  inipérieuse  et  renfermée  de  quelqu  un  qui 


a  beaucoup  observé,  qui  a  rongé  son  Irein  à  1  école  de 
l'expérience.  »  ^       -      r?y 

La  reine  Marie  était  morte  le  17  nov.  ;  la  reine  Elisa- 
beth appointa  le  20  sir  William  Cecil,  son  homme  de 
confiance,  chief  secretary.    Catholiques    et   protestants 
étaient  dans  l'attente  du  parti  qu'elle  allait  embrasser; 
elle  exigea  d'abord  que  les  évêques  lui  prêtassent  serment 
de  la  manière  prévue  par  Henri  VIH,  en  la  reconnaissant 
comme  «  tête  suprême  de  l'Eglise  »;  sauf  Watson,  de 
Lincoln,  et  Kitchin,  de  Llandaff,  tous  refusèrent  et  furent 
envoyés  à  la  Tour.  Dès  le  47  déc.  4559, 1  Eglise  anglicane 
eut  de  nouveau  un  chef  en  la  personne  de  Matthew  Parker, 
archevêque  de  Canterbury.  Pendant  ce  temps,  les  préten- 
dants affluaient,   bien  qu'Ehsabeth  eût  souvent  donne  à 
entendre  qu'elle  avait  l'intention  de  vieillir  dans  le  célibat. 
Elle  refusa  nettement  l'alliance  de  Philippe  II,  mais  elle 
s'amusa  des  autres  en  traînant  sa  réponse  en  longueur  : 
Fric  de  Suède,  Adolphe  de  Holstein,  l'archiduc  Charles, 
l'Ecossais  Arran.  Du  premier  coup,  elle  avait  reconqms  a 
situation  de  Henri  YIII,la  toute-puissance  sans  reserve,  la 
popularité,  la  prospérité  à  l'intérieur  et  à  l'extérieur.  Mal- 
gré la  paix  de  Cateau-Cambrésis  (2  avr.   4^d9),    elle 
accorda  son  appui  aux  protestants  d'Ecosse  et  de  France 
E 1  4  564 ,  la  guerre  civile  fit  rage  en  France  ;  1  Espagne  tut 
désolée  par   les  persécutions;   l'Ecosse  par  l'anarchie; 
seule,  l'Angleterre  fut  tranquille.  Arbitre  de  la  politique 
européenne,  Elisabeth  régnait  sur  le  peuple  le  plus  uni  et 
sur  la  cour  la  plus  hrillante  de  l'Occident,  sans  laisser 
obscurcir  la  netteté  de  ses  yeux  clairs  par  la  passion,  plus 
littéraire  que  profonde,  qu'elle  éprouvait  pour  un  jeune  et 
beau  courtisan, Robert  Dudley  (V.  ce  nom).-Le  Parlement 


de  4563  prit  de  très  imposantes  mesures  relativement  à  la 
religion  •  il  imposa  le  serment  de  suprématie  à  beaucoup 
de  plîrsonnes  qui  en  étaient  exemptes  jusque-là,  pumssant 
de  mort  le  refus  de  le  prêter  comme  haute  trahison;  en 
second  lieu,  il  promulgua  en  trente-neuf  articles  le  corps 
officiel  des  doctrines  anglicanes.  Sur  ces  entrefaites  se 
produisirent  en  Ecosse  les  tragédies  qui  ont  ete  ou  seront 
suffisamment   racontées  aux  mots  Ecosse  (Histoire  d  )  et 
Marie   Stuârt.  Marie  Stuart  se  réfugia   en  Angleterre 
(1568)  et  Elisabeth  résolut  de  l'y  garder  prisonnière. 
C'était  s'exposer  à  de  grands  embarras  qui  ne  tardèrent 
pas  à  se  produire.  Le  duc  de  Norfolk,  chef  du  parti  catho- 
lique anglais,  prétendit  à  la  main  de  la  reme  d  Ecosse,  en 
feionant  d'oublier  l'existence  de  Bothwell,  prisonmer  de 
son  côté  en  Danemark.  En  nov.  4569  écata  la  grande 
rébellion   des   comtés   cathohques  du  Nord  f  Elisabeth 
réprima  avec  une  si  sauvage  cruauté.  Le  25  tevr.  157 U, 
le  pape  Pie  V  lança  la  bulle  Regnans  in  excelsis,  qu\con- 
tenait  une  excommunication  nominative  de  la  reine  d  An- 
gleterre et  déliait  ses  sujets  de  tout  serment  de  hdelite. 
Ce  document  n'eut  d'autre  effet  que  de  faire  pendre  un 
certain  John  Felton  qui  l'avait  affiché  à  la  porte  du  palais 
de  l'évêque  de  Londres.  Le  duc  de  Norfolk  fut  décapite  a 
la  suite  de  l'échec  du  complot  de  Ridolfi,  dirigé  contre  la 
vie  de  la  reine;  ce  fut  ensuite  le  tour  de  Northumberland, 
livré  par  les  Ecossais.  Marie  Stuart  passait  pour  être  au 
fond  de  toutes  ces  machinations  et,  à  chaque  session,  les 
communes  protestantes  ne  manquaient  point  de  requérir 
Elisabeth  de  se  débarrasser  d'elle  par  une  prompte  execu- 

^^Elisabeth,  pendant  ce  temps,  entretenait  une  corres- 
pondance amoureuse  avec  le  duc  d'Alençon,  dernier  hls 
de  Catherine  de  Médicis,  nain  hideux,  le  seul  de  ses  pré- 
tendants auquel  elle  ait  donné  de  sérieuses   espérances. 
Elle  l'appelait  «  ma  petite  grenouille  ».  Il  vmt  trois  lois 
en  Angleterre  durant  les  quatorze  ans  que  dura  la  cour 
qu'il  lui  fit,  et  elle  l'embrassa  sur  les  lèvres  devant  toute 
la  cour.  H  est  remarquable  que  le  duc  d'Alençon  est  le  seul 
homme  auquel  elle  ait  jamais  prêté  de  l'argent,  surmontant 
ainsi  ses  habitudes  naturelles  de  parcimonie.  Cette  parci- 
monie était  telle  qu'elle  gêna  plus  d'une  fois  la  pohtique 
extérieure  des  ministres.  Burghley  et  ses  collègues  av^ent 
des  plans  très  nets  :  abaisser  la  France  et  1  Espagne  catho- 
liques, soutenir  par  les  armes  les  Provinces-Unies  protes- 
tantes et  les  huguenots  français,  tel  devait  être,  à  leurs 
yeux,  le  rôle  de  l'Angleterre.  Il  n'est  pas  sûr  qu  Ebsabeth 
ait  compris  et  approuvé  ces  vastes  dessems.   Elle  n  avait 
pas  d'ambition  ;   toute  guerre  de  conquête  lui  déplaisait  ; 
elle  n'aimait  pas  à  se  mêler  des  affaires  des  autres,  et  les 
laroes  horizons  politiques  n'étaient  pas  ceux  qu'elle  pré- 
férait. Reine  de  l'île  d'Angleterre,  elle  ne  traversa  jamais 
la  mer  qui  sépare  cette  île  du  continent.  Bien  plus,  elle 
ne  visita  jamais  le  pays  de  Galles,  l'Ecosse  ou  1  Irlande  ; 
quand  elle  fit  un  voyage  à  Bristol  en  1574,  elle  se  recom- 
manda à  Dieu  comme  pour  une  expédition  au  long  cours. 
Durant  soixante-dix  ans,  elle  battit,  sans  presque  jamais 
en  sortir,  une  aire  de  quelques  lieues  carrées  autour  de 
Londres,  de  château  en  château.  Comment  sa  vue  n  aurait- 
elle    pas  été  limitée?  Se  dévouer  à  soutenir  une  grande 
cause,  celle  du  protestantisme,  par  exemple,  cela  n  avait 
pas  de  sens  pour  elle  ;   toutes  les  propositions  qu  on  lui 
faisait,  elle  examinait  d'abord  si  elles  n'étaient  pas  suscep- 
tibles  de   compromettre   son   trône   ou   sa   tranquillité. 
Laissée  à  elle-même,  elle  aurait  laissé  les  Flamands  se 
débrouiller   seuls  contre  l'Espagne,  comme  des  rebelles 
ordinaires,  d'autant  qu'elle  n'aimait  pomt  GuiHaume  de 
Nassau,  stathouder  des  Provinces-Unies  depms  lo7i.  C  est 
la  force  de  l'opiniop  publique,  représentée  par  son  mmis- 
tère,  qui  lui  arracha  de  maigres  secours  aux  huguenots  de 
France  et  de  Hollande  ;  encore  ne  donna-t-elle  rien  elle- 
même  ;  elle  ne  fit  que  permettre  à  des  corps  de  volontaires 
d'aller  à  l'aide  des  insurgés,  sans  paraître  en  personne 
(expédition  de  sir  Humphrey  Gilbert,  1572;  de  sir  John 


839  - 


ELISABETH 


Norris,  1578).  Il  fallut  pour  l'émouvoir,  pour  lui  faire 
comprendre  que  les  causes  de  tous  les  protestants  de  l'Eu- 
rope  étaients  liées,   qu'un   revival  du  catholicisme  en 
Angleterre  vînt  lui  donner  des  inquiétudes  sur  la  solidité 
de  sa  propre  suprématie  religieuse  dans  son  île.  Les  catho- 
liques, expulsés  d'Angleterre  au  début  du  règne,  avaient 
fondé,  sur  le  continent,  des  séminaires  (Louvain,  Douai), 
afin  d'y  former  des  prêtres  capables  de  prêcher  «  en  mis- 
sionnaires »  la  foi  catholique  dans  leur  pays  d'origine, 
quand  la  génération  des  prêtres  du  temps  de  Marie  Tudor 
aurait  fondu  au  feu  de  la  persécution.  Treize  de  ces  mis- 
sionnaires ordonnés  à  Douai  débarquèrent  en  Angleterre 
en  1578,  sachant  qu'ils  s'exposaient  à  encourir  des  péna- 
lités terribles  (mort,  forfaiture),  édictées  par  l'acte  fameux 
de  1571  contre  les  prêtres  qui  donneraient  l'absolution  ou 
«  réconcilieraient  »  les  sujets  de  la  reine  à  l'Eglise  de 
Rome.  Vingt  et  un  autres  traversèrent  la  Manche  en  1579  ; 
vingt-neuf  en  1580  avec  les  pères  jésuites  Parsons  et  Cam- 
pion.  Ils  furent  pourchassés,  espionnés,  accusés  de  haute 
trahison,  suppliciés.  Les  tortures  les  plus  atroces  furent 
exercées  pendant  vingt  ans,   par  l'ordre  d'Elisabeth,  sur 
les  gens  qui   entendaient  la  messe  en  secret.  C'est  alors 
que,  menacée  chez  elle,  non  pas  d'une  révolte,  mais  d'une 
protestation  contre  son  autorité  spirituelle,  elle  se  décida 
(1585)  à  fournir  quelques  troupes  aux  Provinces-Unies, 
désemparées  par  la  mort  tragique  de  Guillaume  d'Orange, 
non  sans  exiger  de  sérieuses  garanties  pour  récupérer  ses 
avances.    Encore  les   troupes    commandées  par  Leicester 
furent-elles  laissées  sans  argent  et  sans  encouragements 
par  Elisabeth.  Leicester  était  incapable  et  il  commit  un 
abus  de  pouvoir  en  assumant  sans  autorisation  le  titre 
de  gouverneur  général  des  provinces  ;   néanmoins,  son 
échec  ne  lui  est  pas  exclusivement  imputable  ;  il  l'est  en 
grande  partie  à  la  mauvaise  volonté  dé  la  reine.  C'est  sur 
ces  entrefaites  qu'eut  lieu  l'exécution  de  Marie  Stuart. 
Les  regards  des  catholiques  persécutés  s'étaient  tournés 
vers  la  reine  d'Ecosse,  la  plus  proche  héritière  du  trône  ; 
leurs  espérances  étaient  attisées  par  les  Guises,  par  l'Es- 
pagne. Volontairement  ou  non,  la  prisonnière  était  l'âme 
de  toutes  les  conspirations  catholiques   contre  EHsabeth 
(V.  Throckmorton,  Parry  [William]  et  Babington  [An- 
thony). 

Celle-ci  résolut  de  débarrasser  son  chemin  de  cette 
rivale.  Les  complices  de  Babington  furent  jugés  le  13  sept. 
1586  ;  le  8  oct.,  Marie  Stuart  fut  mise  en  accusation 
«  pour  avoir  comploté  l'assassinat  de  la  reine  et  préparé 
une  invasion  étrangère  ».  La  sentence  de  mort  fut  pro- 
noncée par  les  juges,  et  les  deux  Chambres  du  Parlement 
supplièrent  que  cette  sentence  eût  son  effet  au  plus  tôt. 
C'était  aussi  l'avis  de  Burghley  et  du  conseil  des  ministres. 
On  vit  alors  Elisabeth  hésiter,  comme  Henri  VIII  avait 
hésité  jadis,  pendant  des  journées,  avant  de  se  décider  au 
divorce  avec  Catherine  d'Aragon  :  ce  n'était  pas  la  pitié 
qui  arrêta  la  fille  comme  le  père  au  bord  de  l'acte  irrépa- 
rable; c'est  très  certainement  la  peur  de  l'opinion  pu- 
blique européenne.  Elisabeth  aurait  voulu  faire  tuer  Marie 
Stuart,  mais  elle  redoutait  la  responsabilité  du  meurtre.  Huit 
jours  avant  l'exécution,  elle  fit  prier  secrètement  les  gardiens 
de  la  reine  d'Ecosse,  sir  Amyas  Paulet  et  sir  D.  Drury,  de 
faire  disparaître  la  condamnée  de  la  manière  dont  Edouard  II 
avait  jadis  disparu.  (Juand,  sur  le  refus  de  Paulet  de  la 
suppléer  par  un  crime,  l'exécution  légale  eut  été  faite, 
Elisabeth  trouva  encore  moyen  de  s'en  laver  les  mains  et 
de  l'attribuer  à  un  excès  de  zèle  de  son  entourage.  Elle 
écrivit  à  Jacques  d'Ecosse,  fils  de  la  victime,  pour  lui 
exprimer  la  douleur  qu'elle  ressentait  du  «  misérable  acci- 
dent »  qui  était  survenu  à  son  insu.  —  Le  roi  d'Espagne, 
Philippe  II,  voulut  se  poser  en  vengeur  de  Marie  Stuart  ; 
aussi  bien,  la  guerre  était  depuis  longtemps  inévitable 
entre  l'Angleterre  protestante,  persécutrice,  et  l'Espagne 
catholique.  Sir  Francis  Drake,  dès  1585,  avec  vingt-cinq 
voiles,  avait  ravagé  les  côtes  d'Espagne  ;  le  même  marin 
gagna  la  bataille  navale  de  Cadiz  ;  la  reine  avait  des  parts 


d'actionnaire  dans  la  société  financière  qui  avait  équipé  la 
flottille  de  sir  Francis.  Le  plan  de  Philippe  fut  hardi  (il  est 
vrai  que  son  incommensurable  vanité  n'en  concevait  pas 
toute  la  hardiesse)  :  attaquer  l'Angleterre  chez  elle.  H  pré- 
para la  fomiidable  Armada  pour  l'invasion  projetée.  H  y 
eut  en  Angleterre  une  explosion  de  patriotisme  à  cette  nou- 
velle; mais,  chose  curieuse,  l'enthousiasme  général  ne 
semble  pas  avoir  atteint  Elisabeth.  La  reine  fournit  à  ses 
frais  à  peine  un  tiers  des  vaisseaux  réunis  pour  empêcher  le 
débarquement  de  V Armada  ;  et  ses  vaisseaux  furent  les 
plus  mauvais,  les  moins  bien  pourvus.  Elle  lésina  sur  les 
fournitures  les  plus  nécessaires.  Elle  ne  croyait  pas  au 
danger  ;  elle  refusait  de  le  voir  ;  elle  multipliait  les  délais. 
Les  côtes  étaient  fort  mal  défendues  ;  les  garnisons  n'avaient 
pas  de  poudre.  Bien  que  la  tempête  se  soit  chargée  de 
détruire  V Armada  de  Philippe  II  presque  sans  combat,  les 
volontaires  qui  s'étaient  précipités  à  la  défense  du  pays 
eurent  fort  à  souffrir  ;  la  flotte  anglaise  fut  littéralement 
décimée  par  le  manque  de  vivres.  Un  capitaine  écrivait  avec 
rage  à  Walsingham  après  les  événements  :  «  Sa  parci- 
monie nous  a  frustrés  de  la  plus  belle  victoire  maritime  que 
notre  nation  aurait  jamais  remportée.  »  Ehsabeth  ne  passa 
la  revue  de  l'armée  de  terre  à  Tilbury  (8  août  1588)  que 
lorsque  V Armada  eut  été  dispersée  par  les  vents.  Elle  avait 
donné  le  commandement  suprême  de  cette  armée  à  son 
favori  Leicester,  celui  qu'elle  appellait  son  «  sweet  Robin  »  ; 
celui-ci  mourut  trois  semaines  après  (4  sept.)  ;  la  reine 
mit  aussitôt  la  main  sur  les  biens  du  défunt  et  les  fit  vendre 
aux  enchères,  sous  prétexte  de  certaines  sommes  dont  Lei- 
cester aurait  été  redevable  au  Trésor  public.  —  Telle  était 
la  fille  de  Henri  VIH. 

Le  Parlement  de  1589  vota  en  vain  des  sommes  consi- 
dérables pour  la  continuation  de  la  guerre  si  heureusement 
commencée.  Quand  Norris  et  Drake  firent  voile  sur  l'Espagne 
en  avril,  ce  ne  fut  pas  avec  une  flotte  royale  ;  la  reine'  se 
contenta  de  prendre  pour  20,000  livres  d'actions  dans  leur 
gigantesque  entreprise  de  piraterie.  Norris  et  Drake  firent 
du  mal  à  l'Espagne,  mais  ils  perdirent  beaucoup  de  monde 
et  leur  expédition  ne  rapporta  rien  aux  actionnaires.   Cela 
dégoûta  Elisabeth  de  toutes  représailles.  L'expédition  de 
1595  dans  les  Antilles  fut  encore  plus  malheureuse  r  Haiv- 
kins  et  drake  y  périrent  ;  Frobisher  (V.  ces  noms)  était 
mort  l'année  précédente.  Ces  grands  hommes  de  mer  ne 
furent  pas  remplacés.   Aussi  bien,  les  marins  d'Ehsabeth 
ne  réussirent  jamais  à  accomplir  le  seul  exploit  qui  lui  eût 
plu  :  la  capture  en  haute  mer  des  galiotes  d'Amérique.  — 
Du  côté  de  la  France  et  des  Pays-Bas,  Elisabeth  s'arrangea, 
on  le  pense  bien,  pour  débourser  le  moins  possible.  Lord 
Willoughby  de  Eresby  mena,  il  est  vrai,  quatre  mille  hommes 
en  Normandie  (sept.  1590)  au  secours  de  Henri  IV  contre  la 
ligue  des  Espagnols  ;  de  même,  en  1591,  le  comte  Robert 
d'Essex  passa  la  mer  avec  des  forces  analogues,  mais  Essex 
et  Willoughby  ne  firent  rien.  Aux  Pays-Bas,  on  refusa  de 
fournir  des  troupes  ;  les  Provinces-Unies  furent  autorisées 
seulement  à  faire  des  recrues  parmi  les  sujets  de  la  reine, 
à  condition  de  les  bien  payer.  —  L'Irlande  catholique, 
pendant  ce  temps-là,  était  soumise  à  une  oppression  impi- 
toyable. L'année  même  où  la  reine  fonda  (1593)  l'univer- 
sité de  Dublin,  éclata  dans  le  malheureux  pays  la  grande 
rébellion  de  Tyrone,  qui  tint  en  échec  pendant  des  années 
les  troupes  anglaises,  soigneusement  ménagées  par  l'étroite 
économie  d'Ehsabeth.  Le  14  août  1598,  le  maréchal  de 
l'armée  royale,  sir  Henri  Bagnell,  fut  battu  par  Tyrone 
devant  Blackwaterlown,  près  d'Armagh. 

Dix  jours  avant  le  désastre  de  Blackwatertown  était 
mort  le  grand  ministre  lord  Burghley.  Leicester,  Hatton, 
AValsingham,  avaient  déjà  disparu  à  cette  date.  La  scène, 
vidée  des  anciens  acteurs,  fut  livrée,  pendant  la  fin  du 
règne,  à  des  personnages  nouveaux  :  Essex,  Raleigh,  jeunes, 
égoïstes,  aussi  impétueux  que  leurs  anciens  avaient  été 
prudents  et  réfléchis,  bien  moins  assouphs.  Ils  n'avaient 
pas  passé  sous  la  verge  de  fer  des  premiers  Tuçlors.  Il  est 
même  extraordinaire  qu'Elisabeth  vieillie  ait  supporté  si 


ELISABETH 


—  8i0 


longtemps  l'insolence  d'Essex.  Un  jour  qu'elle  lui  avait 
tiré  l'oreille,  il  mit  la  main  sur  la  garde  de  son  épée,  et 
elle  lui  pardonna  cela.  En  mars  4595,  elle  le  nomma 
«  lieutenant  et  gouverneur  général  d'Irlande  »  ;  il  ne  fut 
pas  heureux,  et 'il  osa  concfure  une  trêve  avec  Tyrone, 
sans  autorisation  ;  la  reine  en  fut  très  fâchée  et  lui  défen- 
dit de  quitter  son  poste  ;  il  le  quitta  néanmoins  et  vint  à 
Londres  :  désobéissance  flagrante  qui  ne  fut  encore  punie 
(5  juin  4600)  que  de  sa  dégradation  de  toutes  ses  charges 
et  honneurs.  Il  fallut  une  ridicule  tentative  d'insurrection 
de  la  part  du  favori  disgracié  pour  décider  la  reine,  jadis 
plus  prompte,  à  le  faire  décapiter  (25  févr.  1604). 

Elisabeth  ne  convoqua  que  treize  Parlements  en  qua- 
rante-quatre ans  de  règne  ;  c'est  dire  qu'elle  n'en  réunit 
qu'en  cas  de  nécessité  absolue.  Elle  ne  les  aimait  pas, 
même  silencieux  et  empressés  à  lui  complaire.  Elle  ne  leur 
permettait  que  de  voter  des  subsides,  et  coupait  court 
brutalement  aux  plus  timides  remontrances.  —  Les  com- 
munes  protestantes   auraient    eu    cependant   matière    à 
remontrances.  Si  les  catholiques   étaient,  comme   nous 
l'avons  vu,  cruellement  pourchassés  (vingt-quatre  prêtres 
furent  torturés  de  juil.  ànov.  4588  ;  on  en  pendit  encore 
un  à  Tyburn  cinq  semaines  avant  la  mort  de  la  reine), 
les  puritains  et  les  calvinistes  n'étaient   pas  non  plus 
bien  vus  par  l'héritière  de  Henri  VIII,  obstinée  à  maintenir 
la  liturgie  paternelle.  En  4567,  un  «  Conventicule  »  de 
puritains  réuni  à  Plumbers'  Hall,  à  Londres,  fut  dispersé 
par  la  police  ;  quelques  auditeurs  furent  emprisonnés.  Le 
statut  de  la  vingt-troisième  année  d'Elisabeth  contre  les 
conformistes,  qui  fut  une  arme  si  terrible  contre  les  catho- 
liques,  ne  frappa  guère  moins  rudement  les  protestants 
qui  n'admettaient  ni  surplis,  ni  cierges  sur  les  autels,  m 
hiérarchie  épiscopale.  Toutefois,  les  non-conformistes  ca- 
tholiques furent  jugés  sous  ce  règne  par  les  ofliriers  de 
l'Etat  comme  coupables  d'un  crime  politique  (adhésion  à 
un  souverain  étranger,  le  pape,  au  préjudice  des  droits  de 
la  couronne  d'Angleterre),  tandis  que  les  non-conformistes 
puritains,  coupables  seulement  d'hérésie,  furent  justiciables 
des  cours  ecclésiastiques.  La  reine,  quoiqu'elle  détestât  les 
calvinistes  intransigeants,  n'était  pas   fâchée  de  déverser 
sur  les  cours  ecclésiastiques  l'impopularité  que  les  pour- 
suites pour  cause  d'hérésie  ne  pouvaient  manquer  d'exci- 
ter. Elisabeth  n'exerça  pas  d'ailleurs  sur  les  évêques  la 
tyrannie  doctrinale  que  Henri  VHI  avait  revendiquée  tant 
de  fois.  Elle  s'en  tint  toujours  aux  Trente-neuf  articles  ; 
elle  ne  destitua  pas  un  seul  prélat,  bien  qu'elle  ait  eu  des 
difficultés  avec  l'archevêque  de  Canterbury,  Grindal,  trop 
porté  à  favoriser  les  meetings  religieux  populaires,  souvent 
peu  orthodoxes,  et  avec  l'évêque  Cox  d'Ely.  Mais,  quand 
un  siège  devenait  vacant  par  la  mort  du  titulaire,  elle  en 
gardait  indéfiniment  les  revenus  ;  on  reconnaît  là  son  avi- 
dité :  le  siège  d'Ely  resta  ainsi  vacant  pendant  dix-huit  ans 
après  la  mort  de  Cox  (4564);  celui  d'Oxford,  pendant 
quarante  et  un  ans. 

Elisabeth  mourut  à  soixante-dix  ans.  —  De  très  grandes 
choses  ont  été  faites,  en  Angleterre,  sous  son  règne  (V.  no- 
tamment Paupérisme);  elle  y  a  peu  contribué.  Elle  n'a 
pas  plus  encouragé  ou  compris  sir  Francis  Drake  que 
Shakespeare,  Spencer  et  Richard  Hooker,  qui  moururent 
obscurs.  Camden  est  peut-être  le  seul  homme  de  lettres  de 
son  temps  pour  lequel  elle  ait  eu  quelque  estime.  Elle  était 
savante,  mais  sans  goût.  Belle,  vigoureuse,  avec  des  mus- 
cles et  un  cerveau  infatigables,  elle  n'avait  rien  de  féminin  : 
pas  de  pitié  pour  une  faiblesse,  pas  de  bonté,  pas  de  ré- 
serve. Elle  jurait  «  comme  une  marchande  de  poissons  »  ; 
elle  crachait  sur  les  habits  des  courtisans  qui  ne  se  pré- 
sentaient pas  devant  elle  vêtus  à  sa  mode  ;  elle  battait  ses 
dames  d'honneur  ;  elle  embrassait  ou  giftlait  les  gens  en 
public  sans  se  gêner  ;  elle  prenait  le  menton  des  jeunes 
gentilshommes  qui  lui  étaient  présentés,  quand  ils  étaient 
jolis  garçons  ;  elle  avait  donné  des  surnoms  de  toutes  sortes 
aux  plus  graves  personnages  de  sa  cour.  Elle  avait  les  colères 
sanguines,  les  rancunes  inexplicables  et  l'orgueil  desTudors  ; 


de  sa  mère  Anne  de  Bolejin,  elle  avait  la  coquetterie,  les 
besoins  amoureux,  la  passion  de  la  splendeur  et  des  plai- 
sirs, la  gaieté  triviale.  «  Cette  femme,  écrivait  un  ambas- 
sadeur de  Philippe  H,  est  possédée  par  cent  mille  diables.  » 
—  Peu  de  souverains  ont  été,  malgré  tout,  plus  populaires 
en  leur  temps  et,  depuis,  que  la  «  belle  vierge  d'Occident.  » 
C'est  qu'elle  fut  vraiment  Anglaise,  en  communion  instinc- 
tive avec  son  peuple,  et  qu'elle  fut  bien  servie.  Ch.-V.  L. 
BiBL.  :  Histoires  générales  d'Angleterre  (surtout  Lin- 
GARD,  Froude).  —  Annals  de  Camden.  —  Vies  par  Gre- 
gorio  Leti,  miss  Strickland.  —  Thos.  Wright,  Queen 
Elisabeth  and  her  times  ;  Londres,  1838,  2  vol.  in-8.  — 
Th.  BiRCH,  Memoirs  of  the  reign  of  queen  Elisabeth  front 
the  year  1581;  Londres,  1754,  2  vol.  in-4.  —  E.  Bekker, 
Beitrage  zur  eng.  Gesch.  im  Zeitalter  Elisabeths;  Giessan, 
1887,  in-8.  — H.  Hall,  Society  in  Elizabethan  âge;  Londres, 
1887,  in-8.  —  H.  de  La  Perrière,  les  Projets  de  mariage 
de  la  reine  Elisabeth;  Paris,  1882,  in-18.  —  J.  Spillmann, 
Die  englischen  Martyre  unter  Elisabeth  bis  1583;  Fri- 
bourcr,  1887,  in-8.  —  W.-H.-K.  Wright,  Catalogue  of  the 
Exhibition  of  Armada  and  Elisabethan  relies,  held  at 
Drury  lane,  London  ;  Plymouth,  1888,  in-8.  —  Wiesener, 
la  Jeunesse  d'Elisabeth  ;  Paris,  1878,  in-8. 

Autriche. 
ELISABETH  (AméHe-Eugénie),  impératrice  d'Autriche, 
reine  de  Hongrie,  née  à  Possenhofen  (Bavière)  le  24  déc. 
1837.  Fille  aînée  de  Maximilien-Joseph,  duc  en  Bavière, 
elle  épousa,  le  24  avr.  4854,  l'empereur  François-Joseph. 
Elle  en  a  eu  trois  enfants,  l'archiduc  Rodolphe  et  les 
archiduchesses  Gisèle  et  Valérie.  Bien  que  d'une  grande 
beauté  et  d'une  grâce  très  admirée  de   ses  sujets  et  de 
l'aristocratie  d'Autriche  et  de  Hongrie,  elle  a  toujours 
montré  peu  de  goût  pour  les  pompes  et  l'étiquette  des 
cours  de  Vienne  et  de  Budapest,  et  passe  une  grande  partie 
de  sa  vie  à  l'étranger.  Elle  est  passionnée  pour  le  sport  et 
a  la  réputation  d'une  écuyère  consommée.  Elle  se  fit  con- 
struire, par  l'architecte  napolitain  Raphaël  Carrito,  dans 
un  des  plus  ravissants  sites  de  l'île  de  Corfou,  un  palais 
comptant  cent  vingt-huit  chambres  et  surnommé  Achilléon, 
Au  milieu  du  parc,  s'élève  un  temple  avec  la  statue  du 
poète  Henri  Heine,  pour  lequel  l'impératrice  professe  un 
véritable  culte. 

Bohême, 
ELISABETH  ou  ELISKA  de  Bohême,  fille  du  roi  de  Bo- 
hême Vacslav  II,  née  en  1292,  morte  en  1330.  Elle  épousa, 
en  1310,  Jean  de  Luxembourg  ;  elle  eut  beaucoup  à  souffrir 
de  son  esprit  aventureux.  Elle  en  eut  un  fils  qui  fut  l'em- 
pereur Charles  IV. 

ELISABETH,  reine  de  Bohême,  fille  aînée  de  Jacques  P^ 
d'Angleterre  et  d'Anne  de  Danemark, née  le  19  aoùtl596, 
morte  le  13  févr.  1662.  Elle  fut  élevée  par  de  zélés  protes- 
tants, lord  et  lady  Harington  (d'Exton,  Rutlandshire).  Sa 
main  fut  recherchée  de  bonne  heure  par  les  princes  du 
continent,  par  Gustave-Adolphe  de  Suède,  par  Philippe 
d'Espagne,  etc.  La  préférence  fut  donnée,  en  mai  1612, 
à  Frédéric  V,  électeur  palatin,  l'un  des  chefs  des  princes 
protestants  d'Allemagne.  Les  noces  eurent  lieu  en  1613  et 
servirent  de  prétexte  à  des  épilhalames  célèbres.  A  la  mort 
de  l'empereur  Mathias,  les  Etats  de  Bohême  déposèrent 
l'archiduc  Ferdinand  de  Styrie  et  choisirent  comme  roi 
Frédéric  V,  qui  accepta.  Elisabeth,  «  qui  ne  pensait  en  ce 
temps-là  qu'aux  mascarades,  aux  romans  et  aux  ballets  », 
se  trouva  ainsi  jetée  dans  les  tragiques  aventures  de  la 
guerre.  Couronnée  à  Prague  en  nov.  1619,  elle  jouit  à 
peine  un  an  de  la  royauté;  la  bataille  de  Prague  (8  nov. 
1620)  la  força  à  se  réfugier  chez  son  beau-frère,  l'électeur 
Georges-Guillaume,  dans  la  forteresse  de  Ciistrin  où  elle 
donna  le  jour  à  son  cinquième  enfant.  Frédéric  et  sa  femme 
avaient  trouvé  un  refuge  en  Hollande  quand  la  conférence 
tenue  à  Ratisbonne  (1622-1623)  prononça  leur  déchéance 
non  seulement  en  Bohême,  mais  dans  le  Palatinat  occupé 
par  Maximilien  de  Bavière  et  une  armée  espagnole.  C'est 
vers  ce  temps  qu'Elisabeth,  «  la  reine  des  cœurs», comme 
on  la  surnommait  en  Angleterre,  où  sa  cause  était  très  po- 
pulaire, trouva  un  chevalier  amoureux  et  fidèle  en  la  per- 
sonne de  son  cousin,  Christian  de  Brunswick,  plus  jeune 


-  841  -- 


ELISABETH 


qu'elle  de  trois  ans.  Christian  de  Brunswick  mourut  en 
4626,  avant  d'avoir  pu  laisser  aux  historiens  la  matière 
d'un  roman  en  règle.  Elisabeth,  son  mari  et  ses  enfants, 
très  nombreux,  vécurent  longtemps  dans  une  petite  villa, 
près  d'Arnheim,  sur  les  subsides  fournis  par  l'Angleterre . 
Les  efforts  de  Christian  de  Danemark  pour  rétabUr  les 
affaires  des  protestants  allemands  furent  vains,  comme 
ceux  de  Christian  de  Brunswick;  Gaston-Adolphe  fut  plus 
heureux,  mais  Frédéric  n'occupa  jamais  dans  son  armée 
qu'une  place  secondaire,  et  il  mourut  (29  nov.  1632)  peu 
de  jours  après  la  mort  du  héros  suédois  à  Lutzen.  — 
Elisabeth  dépensa  alors  toute  son  énergie  à  élever  sa 
famille  :  pendant  seize  ans,  elle  négocia  sans  relâche  pour 
obtenir  la  restauration  de  son  fils  aîné,  Charles-Louis, dans 
le  Palatinat  ;  mais  Charles-Louis  ne  rentra  en  possession 
d'une  partie  de  son  héritage  qu'à  la  paix  de  Westphalie 
(1648).  Elle  connut  la  gêne  et  les  soucis,  malgré  les  se- 
cours qu'elle  reçut  de  la  maison  d'Orange  et  de  son  fidèle 
admirateur,  lord  Craven.  Ses  enfants  lui  donnèrent  de 
graves  soucis  :   deux  de  ses  fils  et  deux  de  ses  filles  se 
convertirent  au  cathoHcisme;  Charles-Louis,  une  fois  en 
possession  du  Palatinat,  lui  témoigna  peu  de  reconnaissance; 
sa  plus  jeune  fille,  Sophie  (souche  de  la  maison  de  Hanovre 
qui  règne  depuis  George  P»*  en  Angleterre),  a  laissé  des 
mémoires  qui  jettent  un  fort  vilain  jour  sur  la  petite  cour 
de  l'ex-palatine  en  Hollande.  La  Bestauration  (sous  CharlesH) 
paya  ses  dettes  et  lui  permit  de  quitter  enfin  Arnheim  pour 
Londres,  où,  grâce  à  lord  Craven,  elle  fit  assez  honorable 
figure,  quoique  reçue  par  la  cour,  froidement,  en  parente 
pauvre.  Elle  retrouva  en  Angleterre  le  seul  de  ses  fils 
qu'elle   semble  avoir  aimé  et  qui  l'ait  aimée,  le  prince 
Bupert,  qui  s'était  distingué  au  service  de  la  cause  royaliste 
et  jouissait  d'une  grande  popularité  personnelle.  Elle  fut 
enterrée  à  Westminster.  Pepys,  qui  la  vit  en  1660,  1  ap- 
pelle a  very  debonair,  but  a  plain  lady  (une  bonne 
dame).—  Elisabeth  fut  regardée  en  Angleterre  comme  une 
martyre  de  la  cause  protestante,  et  l'on  peut  dire  à  son  éloge 
que  peu  de  femmes  ont  su  exciter  des  dévouements  aussi 
ardents,  aussi  désintéressés  et  aussi  durables  (Christian  de 
Brunswick,  lord  Craven).  Ses  souffrances  ont  contribué  à 
assurer  le  trône  d'Angleterre  aux  descendants  de  sa  fille 
irrespectueuse,  l'archiduchesse  Sophie  de  Hanovre.  —  On 
conserve  à  Combe  Abbey,  propriété  des  lords  Craven,  des 
portraits  et  des  papiers"^ inestimables  pour  l'histoire  de  la 
palatine  Elisabeth,  reine  de  Bohême.  Ch.-V.  L. 

BiBL.  •  J.-O.  Opel,  dans  Historische  Zeitschrift,  XXIII, 
1870.  --  Mrs.  Everett-Green,  Lives  of  the  princesses  of 
England,  1854. 

Espagne. 
ELISABETH  de  France,  reine  d'Espagne,  née  à  Fon- 
tainebleau le  2  avr.  154o,  morte  à  Madrid  le  3  oct.  1568. 
Elle  était  l'aînée  des  filles  de  Henri  H  et  de  Catherine 
de  Médicis.  Promise  dès  le  berceau  à  don  Carlos,  héritier 
présomptif  de  la  couronne  d'Espagne,  elle  fut  unie  en 
vertu  du  traité  de  Cateau-Cambrésis  au  roi  d'Espagne 
lui-même  (2*2  juin  lo59).  Ce  chassé-croisé  bizarre  qui, 
rattaché  pour  les  besoins  de  la  cause  et  sans  nul  fon- 
dement sérieux,  à  la  fin  prématurée  du  prince  et  de  la 
jeune  reine,  a  servi  à  bâtir  de  toutes  pièces  le  roman  bien 
connu,  dont  le  Don  Carlos  de  Schiller  n'est  que  l'interpré- 
tation dramatique  et  dont  les  travaux  des  historiens  mo- 
dernes ont  fait  justice.  Elisabeth  n'eut  jamais  que  de  la 
pilié  pour  son  beau-fils,  pauvre  hydrocéphale  qui  d'idiot 
devint  fou  furieux  à  la  suite  d'une  chute,  d'où  sa  déten- 
tion, qui,  il  est  vrai,  hâta  probablement  sa  fin,  mais  sans 
que  Philippe  II  ait  été  en  somme  coupable  d'autre  chose 
que  de  mettre  un  forcené  hors  d'état  de  nuire.  Quant  à 
elle,  elle  mourut  en  couches.  L'origine  de  la  légende  des 
amours  d'Elisabeth  et  de  don  Carlos  doit  être  cherchée 
à  la  fois  dans  la  crédulité  populaire,  amie  de  l'étrange, 
dans  la  terreur  que  répandait  Philippe  II  autour  de  lui 
et  dans  le  dépit  qu'éprouva  Catherine  de  Médicis  de  ne 
pouvoir  donner   pour    héritière  à   la  défunte  sa  sœur 


cadette,  Marguerite.  Des  rumeurs  vagues  et  des  pam- 
phlets inspirés  par  elle  ou  par  les  protestants  ou  par  les 
Flamands,  c.-à-d.  par  ses  ennemis  jurés,  telles  sont  les 
seules  autorités  qu'on  puisse  invoquer  à  l'appui  de  la  tra- 
dition. C'est  assez  dire  combien  à  priori  elles  sont  sus- 
pectes et  que,  en  présence  des  faits  précis  qui  les  contre- 
disent, elles  doivent  être  impitoyablement  rejetées.  Le  roi 
d'Espagne  se  montra  du  reste  toujours  plein  d'égards  et  de 
prévenances  pour  elle,  jusqu'à  adoucir  en  sa  faveur,  dans 
les  Hmites  du  possible,  les  rigueurs  de  l'étiquette  casjil- 
lane.  Sa  correspondance  montre  également  qu'elle  avait, 
malgré  sa  jeunesse,  du  goût  pour  les  affaires  publiques  et 
que  son  mari  ne  lui  interdisait  pas  de  s'y  mêler.  H  avait 
eu  malheureusement  l'adresse  de  lui  faire  partager  sa  propre 
intolérance,  et  les  reproches  discrets  qu'elle  adressa  à  sa 
mère  à  propos  de  ses  concessions  au  parti  réformé,  lors 
de  sa  célèbre  entrevue  de  Bayonne  (juin  1565),  la  seule 
fois  qu'elle  ait  eu  la  joie  de  revoir  sa  patrie  et  sa  famille, 
sont  une  triste  marque  de  ce  que  l'influence  du  démon  du 
Midi  avait  fait  en  si  peu  d'années  de  la  douce  créature  que 
la  France  lui  avait  donnée  pour  compagne.  Léon  Marlet. 
BiBL.  :  Marquis  du  Prat,  Elisabeth  de  Valois.  —  Baron 
DE  RuBLE,  le  Traité  de  Cateau-Cambrésis,  chap.  iv. 

ELISABETH   de  France,  reine  d'Espagne,    fille   de 
Henri  IV  et  de  Marie  de  Médicis,  née  à  Fontainebleau  le 
2-2  nov.  1602,  morte  à  Madrid  le  6  oct.  1644.  Elle  fut 
d'abord  promise  au  prince  du  Piémont,  puis,  lorsque  son 
frère  Louis  XHI  épousa  à  Bordeaux  Anne  d'Autriche  en 
1615,  elle  fut  fiancée  puis  mariée  le  15  nov.  suivant  à 
l'infant  d'Espagne,  alors  âgé  de  dix  ans,  qui  devint  roi 
d'Espagne  en  1621  et  régna  sous  le  nom  de  Philippe  IV. 
ELISABETH  Farnèse,  reine  d'Espagne,  née  le  25  oct. 
1692,  morte  le  11  juil.  1766.  Fille  d'Edouard  H,  prince  de 
Parme,  et  de  Sophie-Dorothée  de  Bavière,  elle  fut  défigurée, 
enfant,  par  la  petite  vérole.  Elle  étonna  la  petite  cour  de  son 
père  par  une  obstination  et  une  opiniâtreté  singulière  ;  la 
rigueur  avec  laquelle  elle  était  tenue  par  sa  mère  qui  l'en- 
fermait souvent  au  grenier  ne  fit  qu'augmenter  ces  dis- 
positions naturelles,  et  nul  ne  lui  aurait  prédit  une  grande 
fortune,  quand  M'^^  des  Ursins,  qui  voulait  donner  à  Phi- 
lippe V,  veuf  depuis  peu,  une  femme  qui  ne  fût  rien  par 
elle-même  et  dût  tout  à  son  intervention,  songea  à  la  petite 
princesse  de  Parme.  Alberoni,  qui  était  de  ce  même  pays  et 
qui  commençait  à  avoir  du  crédit  en  Espagne,  appuya,  si 
même  il  ne  l'avait  pas  suscité,  le  projet  de  M"^«  des  Ursins. 
Le  roi,   selon   son  habitude,  s'enflamma  à  l'idée  de  ce 
mariage  et  Acquaviva  alla  à  Parme  le  négocier;  il  fut 
conclu  le  16  sept.  1714. 

La  nouvelle  reine  d'Espagne  s'arrêta  à  Gênes  et  à 
Monaco,  vit  à  Bayonne  la  veu\e  de  Charles  II  et  fut  mise 
au  courant  de  ce  qui  se  passait  en  Espagne  ;  elle  avait  su 
aussi,  dès  avant  son  départ  de  Parme,  que  M"^^  des  Ursins, 
éclairée  trop  tard  sur  son  caractère,  avait  voulu  rompre  le 
mariage.  Aussi  lorsque  celle-ci  vint  au-devant  de  la  jeune 
reine  à  Xadraque,  Elisabeth  la  traita  fort  mal,  la  fit  ar- 
rêter et  conduire  à  la  frontière  de  France.  Elle  s'emparait 
ainsi  par  un  coup  d'autorité  de  toute  influence  sur  le  roi  ; 
son  esprit  plus  vif  qu'on  ne  supposait,  une  inépuisable 
complaisance ,  achevèrent  de  la  rendre  maîtresse  absolue 
de  l'esprit  de  PhiHppe  V.  Elle  le  réconcilia  d'abord  avec 
le  duc  d'Orléans  ;  mais  elle  déplut  aux  Espagnols,  quoi- 
qu'elle eût  appris  très  vite  leur  langue  (elle  en  parlait  fort 
bien  cinq  ou  six),  parce  qu'elle  protégea  trop  des  Italiens, 
notamment  Alberoni,  parce  qu'elle  rappela  comme  con- 
fesseur du  roi  le  jésuite  d'Aubenton  et  appuya  l'Inqui- 
sition. Elle  assistait  au  conseil  et  de  concert  avec  Alberoni 
elle  agita  toute  l'Europe  pour  procurer  des  trônes  à  ses 
enfants;  on  sait  que  la  politique  espagnole  se  borna  alors 
à  servir  son  ambition  maternelle  (V.  Alberoni,  Espagne, 
Philippe  V).  Elle  supporta  avec  bien  de  la  peine  l'abdica- 
tion de  Philippe  V,  et  ce  fut  avec  une  joie  très  vive  qu'elle 
lui  vit  reprendre  le  sceptre,  en  1724,  après  la  mort  de 
son  fils  Louis.  En  1746,  quand  son  mari  mourut  laissant 


ELISABETH 

pour  successeur  son  fils  Ferdinand  qu'il  avait  eu  de  sa  pre- 
mière femme,  Elisabeth  Farnèse  vécut  dans  la  retraite, 
d'ailleurs  traitée  honorablement.  Avant  de  mourir,  elle  eut 
la  joie  de  voir  son  fils  Carlos  devenir  roi  d'Espagne.  Elle 
avait  eu  sept  enfants  :  Carlos,  ou  Charles  III;  Maria-Anna- 
Victoria,  destinée  à  Louis  XV  et  mariée  au  roi  de  Portu- 
gal; Francisco,  mort  en  bas  âge;  Philippe,  duc  de  Parme; 
Marie-Thérèse-Antoinette  Rafaele,  première  femme  du 
dauphin,  père  de  Louis  XVI;  Louis-Antoine-Jacques,  comte 
de  Chinchon  ;  Marie-Antoinette-Fernande  qui  épousa  Victor- 
Amédée,  roi  de  Sardaigne.  E.  Cat. 

Fraîice, 

ELISABETH  ou  ISABELLE  de  Hainaut,  reine  de 
France  (V.  Isabelle). 

ELISABETH  ou  ISABELLE  de  France,  reine  de  Na- 
varre (V.  Isabelle). 

ELISABETH  ou  ISABELLE  d'Aragon, reine  de  France 
(V.  Isabelle). 

ELISABETH  de  France,  duchesse  de  Milan  (1348-1372) 
(V.  Isabelle). 

ELISABETH  ou  ISABELLE  de  Valois  (V.  Isabelle). 
ELISABETH  d'Autriche,  reine  de  France,  fille  cadette 
de  l'empereur  Maximilien  II,  née  le  5  juin  1554,  morte 
le  22  janv.  1592.  Mariée  à  seize  ans  à  Charles  IX,  elle 
n'eut  jamais  ni  l'affection  ni  la  confiance  de  son  époux.  Le 
mauvais  génie  de  la  France  fut  aussi  le  sien.  Catherine 
de  Médicis  ne  tolérait,  on  le  sait,  autour  d'elle  aucune 
influence  susceptible  de  contre-balancer  sa  propre  influence. 
Pour  miner  celje  que  la  jeune  archiduchesse  aurait  pu 
légitimement  prendre  sur  l'esprit  du  roi,  elle  favorisa  de 
tout  son  pouvoir  la  liaison  antérieure  de  ce  dernier  avec 
Marie  Touchet.  Elisabeth  ne   connut  la  Saint-Barthélémy 
que  par  les  cris  des  victimes  égorgées  sous  ses  fenêtres  ; 
elle  n'eut  pas  même,  comme  sa  belle-sœur  Marguerite  de 
Valois,  la  consolation  d'en  arracher  quelqu'une  aux  bour- 
reaux. A  la  cour  elle  était  respectée,  mais  peu  aimée.  La 
pureté  de  son  attitude,  l'austérité  de  ses  mœurs  présentait 
jivec  la  corruption  ambiante  un  contraste  trop  saisissant 
pour  ne  pas  lui  sembler  un  vivant  reproche.  Que  durent 
penser,  par  exemple,  toutes  ces  filles  d'honneur,  dignes  de 
figurer  comme  actrices  des  scènes  les  plus  risquées  du  Béca- 
méron  de  Bocçace,  du  petit  incident  qui  accompagna  la 
grossesse  d'Elisabeth  (avr.  1572)?  «  La  reine  très  chré- 
tienne est  si  pudique,  mandait  l'ambassadeur  de  Toscane 
à  son  gouvernement,  qu'elle  ne  l'a  avoué  à  personne,  sauf 
au  roi  son  mari  et  encore  avec  grande  hésitation.  »  Cette 
enfant  fut  une  fille,  Marie-Elisabeth,  qui  mourut  le  2  avr. 
1578.  Il  y  avait  alors  quatre  ans  que  Charles  IX  n'était 
plus.  Aucun  lien  ne  retenait  désormais  Elisabeth  en  France. 
Elle  rentra  dans  sa  patrie  et  y  vécut  dans  la  retraite, 
opposant  un  refus  péremptoire  aux  propositions  matrirao- 
yiiales  dont  elle  fut  l'objet.  Les  écouter  seulement  lui  eût 
paru  une  injure  à  la  mémoire  de  celui  à  qui  elle  avait  juré 
fidélité  et  qui,  lui,  Catherine  de  Médicis  aidant,  la  lui  avait 
si  mal  gardée.  Léon  Marlet. 

ELISABETH-Cuarlotte  d'Orléans,  duchesse  de  Lor- 
raine, née  le  13  sept.  1676,  du  second  mariage  de  Philippe 
d'Orléans  avec  Elisabeth-Charlotte  de  Bavière,  titrée  d'abord 
Mademoiselle,  elle  fut  mariée  le  13  oct.  1698  à  Léopold- 
Joseph-Charles-Dominique-Hyacinthe-Agapet,  duc  de  Lor- 
raine et  de  Bar.  A  la  mort  de  son  mari,  elle  essaya  la 
régence  (1729).  Elle  prit  le  titre  de  princesse  de  Commercy 
quand  la  Lorraine  fut  cédée  à  Stanislas  Leczynski.  Elle 
mourut  le  23  déc.  1 744. 

BiBL.  :  Comte  d'HAussoNviLLE,Hisioi>e  de  la  réunion  de 
?a  Lorraine  à  la  France.  —  Madame,  Correspondance.  — 
Saint-Simon,  éd.  de  M.  de  Boilisle,  t.  VI. 

ELISABETH  de  France  (PhiHppine-Marie-Hélène,  Ma- 
dame), sœur  de  Louis  XVI,  née  à  Versailles  le  3  mai  1764, 
exécutée  le  10  mai  1794.  Elle  était  fille  du  dauphin,  fils 
de  Louis  XY,  et  devint  orpheline  sans  avoir  connu  son  père 
et  sa  mère.  Elevée  dans  des  sentiments  de  piété  par  la  com- 


842  - 

tesse  de  Marsan  et  par  l'abbé  de  Montégut,  elle  se  distingua 
par  son  esprit  de  charité,  par  ses  goûts  pour  la  science,^  et 
ne  se  mêla  point  aux  affaires  du  gouvernement.  Quand  la 
Révolution  éclata,  Elisabeth,  qui  aimait  beaucoup  son  frère 
et  ne  se  maria  pas  pour  ne  point  le  quitter,  jugea  bien  vite 
la  gravité  des  circonstances ,  et  se  montra  de  plus  en  plus 
dévouée  à  Louis  XVI,  à  mesure  que  les  événements  se  mul- 
tiplièrent. Elle  partagea  sa  captivité  au  Temple,  comme  elle 
avait  partagé  les  péripéties  de  sa  vie  dans  les  journées  des 
5  et  6  oct.  1789,  du  20  juin  et  du  10  août  1792.  Après 
la  mort  de  Mario-Antoinette,  elle  resta  seule  avec  la  jeune 
dauphine,  duchesse  d'Angoulême.  Le  9  mai  1794,  elle 
comparut  devant  le  tribunal  révolutionnaire,  où  on  l'accusa 
d'avoir  entretenu  une  correspondance  avec  ses  frères,  d'avoir 
fait  passer  ses  diamants  et  des  sommes  d'argent  aux  princes 
émigrés.  L'arrêt  de  mort  lui  fut  signifié  le  10  mai,  et  elle 
fut  immédiatement  exécutée  sur  la  place  de  la  Révolution. 
Arrivée  au  lieu  du  supplice,  elle  fut  respectueusement 
saluée  par  ses  compagnons  d'infortune,  et  elle  conserva  son 
calme  ordinaire,  jusqu'au  moment  où,  par  sentiment  de 
pudeur,  elle  supplia  le  bourreau  de  ne  point  enlever  le 
mouchoir  attaché  sur  sa  poitrine.  Challamel. 

ioPo^^^-  •  J^^ERRAND,  Eloge  historique  de  M"'*  Elisabeth 
lh58.  —  1^.  DE  Bargon,  Mémoires  de  M'^e  Elisabeth  de 
France.  —  I^ort-Rion,  Louis  Jourdan,  les  Femmes  devant 
Véchafaud.  —  Du  Fresise  de  Beaucourt,  Etude  §ur  Ma- 
dame Elisabeth^  1864. 

Hongrie. 
ELISABETH  de  Hongrie  (Sainte),  fille  du  roi  André  II 
et,  par  alliance,  duchesse  de  Thuringe,  née  à  Presbourg 
en  1207,  morte  à  Marbourg  en  1231.  Elle  fut,  à  1  âge  de 
quatre  ans,  fiancée  à  Louis,  filsamé  du  landgrave  de  Thu- 
ringe, Hermann  L^  et  élevée  dans  son  château  de  Wart- 
bourg,  au  sein  d'une  cour  chevaleresque,  la  plus  brillante 
et  la  plus  lettrée  de  toute  l'Allemagne.  Tendre  et  pieuse 
nature,  Elisabeth  se  livra  dès  son  enfance  aux  pratiques 
de  Tascétisme,  aux  mortifications,  aux  jeûnes,  ne  cessant 
de  prier  que  pour  aller  voir  les  pauvres,  «  ses  plus  chers 
amis  ».  En  1221,  elle  épousa  son  fiancé  Louis  IV  le  Chari- 
table, qui  venait  de  monter  sur  le  trône  de  Thuringe.  Ce 
prince,^  à  la  différence  des  courtisans  qui  raillaient  la  dévo- 
tion d'Ehsabeth,  avait  toujours  admiré  sa  vertu.  Parta- 
geant la  sollicitude  de  sa  femme  pour  les  misères  du 
peuple,  le  landgrave  lui  laissa  toute  liberté  de  continuer 
ses  exercices  religieux  ;  il  l'aida  même  à  fonder  près  de 
son  château  un  hôpital  de  lépreux.  Tout  le  monde  connaît 
les   poétiques    légendes  auxquelles   donnèrent  lieu   plu- 
sieurs épisodes  de  sa  charité  vraiment  héroïque.  Restée 
veuve  en  1227,  Elisabeth  eut  d'abord  à  souff'rir  des  per- 
sécutions de  ses  beaux-frères  qui,  l'accusant  de  dissiper  en 
aumônes  les  trésors  de  l'Etat,  la  privèrent  de  la  régence  et 
la  chassèrent  brutalement  avec  ses  quatre  enfants  de  la 
résidence  souveraine.  Son  oncle,  alors  évèque  de  Bamberg, 
lui  off'rit  un  asile  jusqu'au  moment  où  on  lui  proposa  de 
reprendre  le  pouvoir,  qu'eHe  refusa.  La  duchesse  vint  alors, 
à  Marbourg,  revêtir  l'habit  du  tiers  ordre  de  Saint-François 
et  consacra  les  dernières  années  de  sa  vie  à  des  œuvres  de 
charité  ;  mais,  sous  l'influence  de  son  confesseur  Conrad 
de  Marbourg,  elle  se  livra  à  des  mortifications  qui  abré- 
gèrent sa  vie.  Elle  mourut  à  vingt-quatre  ans.  Sa  cano- 
nisation fut  prononcée  en  1235  par  Grégoire  IX.    Une 
superbe  basilique  fut  construite  à  Marbourg  (1235-83) 
en  souvenir  de  ses  bienfaits.  Les  reliques  de  la  sainte, 
enfermées  dans  un  cercueil  richement  orné  de  bas-reliefs 
et  de  pierreries,  y  reposèrent  jusqu'en  1539.  A  cette  époque, 
le  landgrave  Philippe  de  Hesse  les  fit  enlever  de  cette  châsse, 
pour  couper  court  aux  actes  superstitieux  dont  ils  étaient 
l'objet  de  la  part  de  nombreux  pèlerins,  et  enterrer  dans 
une  partie  de  l'éghse,  connue  de  peu  de  personnes.  La 
basihque  de  Sainte-Elisabeth,  qui  est  du  plus  pur  style 
gothique,  a  été  restaurée  en  1860.     G.  Bonet-Maury." 

BiBL.  :  Liciitenberger,  Encyclopédie  des  sciences  reli- 
gieuses. —  MoNTAj.EMBERT,  Histoirc  de  sainte  Elisabeth 
de  Hongrie,  duchesse  de  Thuringe;  Paris,  1836,  in-4,  avec 
gravures. 


843 


ELISABETH  de  Pologne,  reine  de  Hongrie,  née  en 
4306,  morte  à  Bude  en  1381.  Elle  était  fille  de  Wladys- 
law  Lokietek,  roi  de  Pologne.  Elle  épousa,  en  13'20, 
Charles-Robert  d'Anjou,  roi  de  Hongrie.  Après  la  mort  de 
son  mari,  elle  devint  régente  sous  la  minorité  de  son  fils 
Louis  dit  le  Grand.  Elle  fut  accusée  d'avoir  favorisé  les 
débauches  de  son  frère  Kasimir  de  Pologne,  et  blessée  par 
la  foule  indignée  de  l'attentat  commis  par  ce  prince  contre 
Clara  Zach.  A  dater  de  4370,  elle  gouverna  en  Pologne 
pour  le  compte  de  son  fils,  mais  la  faveur  qu'elle  accordait 
aux  Hongrois  irrita  les  Polonais  :  Elisabeth  dut  quitter 
la  Pologne  (1376)  et  retourner  en  Hongrie.  Les  contem- 
porains prêtent  à  cette  princesse  des  mœurs  très  dissolues. 
On  lui  attribue  l'invention  du  parfum  connu  sous  le  nom 
à'Eau  de  la  reine  de  Hongrie.  L.  L. 

BiBL.  :  Histoires  de  Hongrie  et  de  Pologne. 
ELISABETH  deBosnie,  reinede  Hongrie  et  de  Pologne. 
Elle  était  fille  d'Etienne,  ban  de  Bosnie.  Elle  épousa,  en 
4363,  Louis  dit  le  Grand,  roi  de  Hongrie  et  de  Pologne. 
Elle  en  eut  deux  filles,  Marie  et  Hedwige.  A  la  mort  de 
son  mari,  elle  réussit  à  faire  reconnaître,  comme  reme  de 
Pologne,  Hedwige,  qui  épousa  le  Lithuanien  Jagellon.  Marie 
épousa  Sigismond  de  Luxembourg.  Après  la  mort  du  roi 
Louis,  Marie  gouverna  la  Hongrie  sous  la  tutelle  de 
sa  mère.  Mais  Charles  de  Durazzo  pénétra  en  Hongrie 
et  réussit  à  se  faire  couronner  roi  (déc.  4385)  ;  il  fut  tué 
peu  de  temps  après  (févr.  4386).  A  la  fin  de  la  même 
année,  Elisabeth  fut  assassinée  au  château  de  Novigrad  sur 
les  ordres  de  Jean  Horvath,  partisan  du  prince  étranger 
(4388).  La  princesse  Marie  vengea  cruellement  le  meurtre 
de  sa  mère.  ^'  ^* 

ELISABETH  de  Pologne,  reine  de  Hongrie,  née  en  1548, 
morte  en  1 558.  Fille  de  Sigismond  P%  roi  de  Pologne,  elle 
épousa  en  4539  Jean  Szapolya,  roi  de  la  partie  de  la  Hongrie 
qui  n'acceptait  pas  la  domination  autrichienne,  et^dont  la 
Transylvanie  était  le  noyau  principal.  Déjà  en  4540  elle 
restait  veuve  avec  un  fils  qui  venait  de  naître,  et  qui  fut 
reconnu  roi  par  SoUman  le  Magnifique.  Sa  situation  de 
reine  mère  était  bien  difficile  entre  le  Turc  qui  ne  regar- 
dait une  semblable  royauté  que  comme  un  instrument  de 
la  domination  ottomane,  Ferdinand  d'Autriche  et  l'intri- 
gant ministre  Martinuzzi.  Elisabeth  chercha  plusieurs  fois 
à  satisfaire  l'Autriche  dans  l'intérêt  de  la  cause  chrétienne, 
même  en  échangeant  les  Etats  de  son  fils  contre  deux  du- 
chés silésiens;  mais  après  la  mort  de  Martinuzzi,  qui  avait 
louvoyé  entre  les  Turcs  et  les  Habsbourg,  et  au  miheu  des 
manœuvres  les  plus  compliquées,  elle  fut  maintenue  en 
Transylvanie  par  l'alliance  et  par  la  diplomatie  de  Henri  II, 
roi  de  Franpe.  E.  Sayous. 

Pays-Bas. 
ELISABETH  de  Gœrlitz,  duchesse  de  Brabant  et  de 
Luxembourg,  née  vers  la  fin  du  xiv«  siècle,  morte  à  Trêves 
en  4454.  Elle  était  fille  de  Jean  de  Luxembourg,  duc  de 
Gorlitz,  et  de  Richarde,  fille  du  duc  Albert  H  de  Mecklem- 
hourg,  roi  de  Suède.  En  4409,  elle  épousa  Antoine  de 
Bourgogne,  duc  de  Brabant.  A  l'occasion  de  ce  mariage, 
AYenceslas  de  Luxembourg,  qui  n'avait  pas  d'enfants,  céda 
son  duché  à  Elisabeth.  Après  la  mort  d'Antoine,  elle  épousa 
Jean  de  Bavière  qui  avait  occupé  pendant  quelque  temps  le 
trône  de  Liège.  Veuve  pour  la  seconde  fois  en  4424,  elle 
promit  sa  succession  à  Philippe  le  Bon  ;  mais  sa  cousine 
germaine  et  héritière  naturelle,  une  autre  Elisabeth,  fille 
de  l'empereur  Albert  II,  en  disposa  de  son  côté  en  faveur 
de  son  gendre,  le  duc  Guillaume  de  Saxe,  auquel  les 
Luxembourgeois  ouvrirent  leurs  portes.  La  duchesse  se 
réfugia  auprès  de  Philippe  le  Bon  et  lui  demanda  aide  et 
protectiop.  La  ville  fut  prise  par  les  Bourguignons  en 
4443  et,  immédiatement  après,  une  cession  en  due  forme 
incorpora  le  duché  aux  Etats  de  Philippe  en  faveur  de  qui 
le  duc  de  Saxe  finit  lui-même  par  abdiquer  ses  droits. 
Elisabeth  reçut  une  pension  viagère  et  mourut  obscuré- 
ment. E.  H. 
BiRL.  :  Olivier  de  La  Marche,  Mémoires.  —  Bertho- 


ELISABETH 

LET,  Histoire  ecclésiastique  et  civile  du  duché  deLwcem- 
bourg  et  du  comté  de  Chiny;  Luxembourg,  1741,  8  vol, 

^^  ELISABETH  d'Autriche,  princesse  belge,  née  à  Bruxelles 
en  4504,  morte  à  Swynaerde-lez-Gand  en  4526.  Elle  était 
fille  de  Philippe  le  Beau  et  de  Jeanne  la  Folle  et  sœur  ca- 
dette de  Charles-Quint.  A  l'âge  de  treize  ans,  elle  devint 
la  femme  de  Christian  II,  roi  de  Danemark.  Celui-ci  s'étant 
aliéné  ses  sujets  par  ses  cruautés  fut  déposé  en  4523; 
Elisabeth,  qui  était  très  populaire,  fut  invitée  à  demeurer 
dans  le  pays;  les  Etats  lui  offrirent  même  de  proclamer  roi 
son  fils  Jean  et  de  la  déclarer  régente  ;  mais  elle  refusa  ces 
propositions  et  accompagna  son  époux  en  Angleterre  d'abord, 
puis  en  Allemagne  et  en  Flandre.  Lorsque  Christian  eut 
adopté  les  doctripes  luthériennes,  elle  refusa  de  suivre  son 
exemple,  et  les  persécutions  qu'elle  eut  à  endurer  de  ce  chef 
hâtèrent  sa  fin.  E.  H, 

BiBL.  :  AI.TMEYER,  Histoirc  des  relations  commerciales 
et  diplomatiques  des  Pays-Bas  avec  le  nord  de  VEurope 
vendant  le  xvp  siècle;  Bruxelles,  1840,  in-8.  —  A.  Heî^î^e, 
Histoire  du  règne  de  Charles-Quint  dans  les  Paus-Bas  ; 
Bruxelles,  1858-1860,  10  vol.  in-8.  -  De  Saint-Genois.  ies 
Missions  diplomatiques  de  Scepperus;  Gand,  1857,  in-8.--- 
A.  Bergmann,  Histoire  de  la  ville  de  Lierre  (enflamana)^ 
Lierre,  1873,  in-8. 

Portugal. 
ELISABETH  ou  ISABELLE  de  Portugal  (V.  Isabelle). 
ELISABETH  de  Portugal  (4526^4539)  (V.  ci-dessus, 
Elisabeth,  impératrice  d'Allemagae). 
Roumanie. 
ELISABETH  (-Pauline-Ottihe-Louise),  reine  de  Rou- 
manie, connue  dans  les  lettres  sous  le  pseudonyme  de 
Carmen  Sylva,  née  au  château  de  Monrepos  (MeineRuh\ 
près  de  Neuwied  (Prusse  rhénane),  le  29  déc.   1843. 
Elle  est  issue  d'une  famille  dont  plusieurs  membres  ont 
cultivé  avec  succès  les  lettres,  les  sciences  et  les  arts. 
Son  père,  Guillaume- Hermann- Charles,  prince  de  Wied 
(V.  ce  nom),  a  publié  de  remarquables  travaux  philoso- 
phiques, et  sa  mère,  Marie  de  Nassau,  est  connue  par  la 
pratique  des  plus  hautes  vertus  féminines.  La  princesse 
Elisabeth  a  montré,  dès  son  enfance,  un  esprit  indépendant, 
amoureux  de  la  liberté,  enthousiaste  de  la  nature  et  tour- 
menté d'un  besoin  incessant  d'activité.  Son  âine,  portée  k 
la  mélancolie,  recelait  un  fonds  de  poésie  native.  Grâce  à 
une  étonnante  faculté  d'assimilation,  elle  a  acquis  une 
instruction  supérieure,  a  appris  successiveipent  toutes  les 
langues  qui  en  valent  la  peine  et  étudié  toutes  les  littéra- 
tures. Les  nombreux  voyages  qu'elle  fit  en  Europe  ont 
développé  encore  sa  vive  imagination.  Le  45  avr.  1869, 
elle  épousa  Charles  (V.  ce  nom)  de  Hohenzollern-Sigma- 
ringen,  alors  déjà  prince  de  Roumanie.  L'unique  enfant 
née  de  ce  mariage  (8  sept.  4870),  la  princesse  Maria,  une 
créature  adorable,  a  succombé  à  l'âge  de  trois  ans  et  derpi, 
Dès  lors,  la  princesse  EHsabeth,  mortellement  frappée 
dans  sa  tendresse  maternelle,  s'est  vouée  entièrement  et 
avec  passion  à  être  la  mère  de  son  peuple.  Ses  efforts  se 
sont  portés  à  répandre  et  à  développer  en  Roumanie  l'ins- 
truction populaire;  elle  fonda  nombre  d'écoles  et  fit  tra- 
duire des  livres  scolaires  français.   Sa  sollicitude  s'est 
surtout  étendue  aux  jeunes  filles  de  toutes  les  classes 
sociales  :  elle  créa  en  leur  faveur  des  écoles  spéciales  da 
dessin,  de  peinture,  de  musique,  de  chant,  de  travaux 
manuels.  Elle  ne  dédaigna  même  pas  de  faire  des  confé- 
rences littéraires  aux  élèves  de  l'Ecole  normale.  Malgré  sa 
nationalité  d'origine,  elle  favorisa   la  culture   française 
comme  étant  cefle  qui  convient  le  mieux  au  génie  d^une 
race  issue  de  souche  latine.  Au  surplus,   elle  a  prêché 
d'exemple  pour  le  développement  de  l'industrie  nationale 
du  tissage  et  de  la  broderie  en  mettant  en  honneur  le  cos- 
tume du  pays,  et  elle  a  fondé  dans  ce  but  une  vaste  société. 
Elle  créa  de  même  de  nombreuses  institutions  de  bienfai- 
sance. A  la  suite  de  la  guerre  contre  la  Turquie,  durant 
laquelle  elle  a  soigné  les  blessés  avec  un  dévouement  infa- 
tigable, ses  sujets  lui  ont  décerné  le  beau  titre  de  «  Mère 
des  blessés  ».  Le  22  mai  4884,  elle  reçut  avec  son  époux 


ÏLÏSABETH 


—  844  — 


la  couronne  royale  au  milieu  d'une  manifestation  inou- 
bliable de  tout  un  peuple. 

Cette  activité  sociale  n'a  pas  suffi  à  sa  nature  exubérante. 
Dès  son  jeune  âge,  elle  avait  pris  l'babitude  de  traduire 
en  vers  toutes  ses  idées,  sous  l'impulsion  d'un  besoin  irré- 
sistible de  son  âme.  Son  talent  poétique  s'est  épanoui  sous 
l'aiguillon  de  la  souffrance  morale,  mais  elle  n'a  consenti 
que  tardivement,  encouragée  par  le  poète  Alecsandri,  à 
livrer  au  public  les  créations  de  sa  plume,  sous  le  pseu- 
donyme de  «  Carmen  Sylva  »  qui  rappelle  sa  •  passion 
pour  la  poésie  et  pour  la  forêt.  Ses  compositions  sont 
d'un  charme  pénétrant  par  la  vérité  du  sentiment,  car 
elles  ont  toutes  été  vécues.  Elle  s'est  d'abord  fait  connaître 
par  des  librettos  poétiques  en  langue  roumaine,  puis  par 
deux  poèmes  en  allemand  :  Sappho  et  Hammerstein 
(Bucarest,  1880,  gr.  in -8),  auxquels  succédèrent  :  les 
Stilrme  (Bonn,  1881);  un  recueil  de  poésies  traduites  du 
roumain  (Rumdnische  Dichtungen  ;  Leipzig,  4881)  ;  Die 
Hexe  (Berlin,  1882),  poème  inspiré  par  une  statue  de 
Ch.  Cauer;  Leidens  Erdengang  (Berlin,  4882),  série  de 
contes  symbolisant  la  souffrance  ;/^/ioi'<3/i  (Leipzig,  1882), 
poème  philosophique  dont  le  sujet  est  la  recherche  de  l'exis- 
tence de  Dieu  (trad.  en  français;  Paris,  1887,  in-16). 
Carmen  Sylva  a  été  présentée  au  public  français  d'abord  par 
L.  Ulbach  qui  la  décida  à  laisser  mettre  au  jour  une  œuvre 
écrite  dans  notre  langue  même  :  Pensées  d'une  reine 
(Paris,  1882,  in-18,  portr.),  confidences  intimes  d'une 
rare  profondeur,  exprimées  avec  naïveté  et  une  grâce 
attachante.  L'une  de  ces  pensées  :  «  Il  n'y  a  qu'un  bon- 
heur :  le  devoir;  il  n'y  a  qu'une  consolation  :  le  travail; 
il  n'y  a  qu'une  jouissance  :  le  beau  »,  résume  à  merveille 
l'état  de  son  âme  et  le  but  qu'elle  poursuit  dans  la  vie. 
Avec  le  temps,  ses  poésies  ont  pris  une  envergure  plus 
large.  Les  recueils  :  Meine  Ruh'  (Berlin,  1884),  composé 
de  ballades  et  romances,  de  pièces  didactiques,  d'un  déli- 
cieux chapitre  sur  la  «  mère  et  l'enfant  »,  etc.,  ainsi  que 
le  Mein  Rhein  (Leipzig,  1884),  quatrains  consacrés  au 
grand  fleuve  de  son  pays  natal,  marquent  l'apogée  de  son 
talent  de  poète.  Il  reste  encore  à  mentionner  à  cet  égard  : 
Vom  Amboss  (Bonn,  1890)  ;  une  traduction  des  chants 
populaires  de  la  vallée  de  Dimbovitza  (Lieder;  Bonn, 
1890);  Frauenmutk,  poème  dramatique  (1890);  puis 
trois  charmants  recueils  de  chants  (1891)  :  Heimath, 
Meerlieder,  Handwerker lieder,  ce  dernier  mis  en  mu- 
sique par  A.  Brungert. 

La  reine  Elisabeth  occupe  dans  la  littérature  une  place 
non  moindre  comme  prosateur.  Elle  a  adopté  de  préfé- 
rence la  nouvelle  et  le  conte,  et,  si  les  produits  de  son 
imagination  sont  sous  ce  rapport  généralement  tristes,  il  y 
passe  un  grand  souffle  dramatique.  La  plupart  ont  été 
traduits  en  français  :  Gebet  (Berlin,  1882)  et  Hand- 
zeichnuîigen  (iSS4'),  par  E.  Salles  (Nouvelles;  Paris, 
1886);  Pelesch-Mârchen  (Leipzig,  1883),  par  L.  et  E. 
Salles  (Contes  du  Pélech;  Paris,  1884);  Es  Klopft  (Ba- 
tisbonne,  1887),  par  Bob.  Scheffer,  avec  d'autres  nou- 
velles et  des  ballades  réunies  sous  ce  titre  :  Qui  frappe? 
(Paris,  1889),  volume  précédé  d'une  brillante  préface  de 
Pierre  Loti,  dont  la  reine  avait  traduit  en  allemand  le  Pêcheur 
d'Islande  (1888)  et  qui  a  eu  l'honneur  d'être  son  hôte.  Il  y 
faut  joindre  encore  :  Durch  die  Jahrhunderte  (Bonn, 
1887).  Ensuite  elle  a  abordé  le  roman,  mais  en  collaboration 
avec  M™^  Mite  Kremnitz,  et  les  noms  des  deux  auteurs  sont 
dissimulés  sous  les  pseudonymes  de  «  Dito  »  et  «  Idem  ». 
Leurs  œuvres  sont  :  Aus  iwei  Welten  (Leipzig,  1884)  ; 
Astra  (Bonn,  1886;  trad.  en  français,  Paris,  1890); 
Feldpost  (Bonn,  1886);  In  der  Irre,  Novellen  (1888); 
Rache  und  andere  Novellen  (1889);  Roman  einer 
Princessin  (1890;  trad.  en  français,  Paris,  1891),  plus 
une  tragédie,  Anna  Boleyn,  A  sa  plume  seule  est  dû  le 
roman  Déficit  (1890).  Enfin  sa  dernière  œuvre,  Maître 
ManolCy  drame  en  vers,  a  été  représentée  à  Vienne,  et 
arrangé  pour  la  scène  anglaise  par  Irving.  Presque  tous 
ces  ouvrages  ont  eu  plusieurs  éditions,  et'il  y  en  a  aussi 


d'illustrés.  La  plupart  furent  traduits  en  toutes  les  langues 
d'Europe,  même  en  turc  et  en  arabe. 

Si  Carmen  Sylva  est  assurée  de  gagner  les  suffrages  de  la 
postérité  avec  ses  œuvres  gracieuses  et  touchantes'j  la  reine 
Elisabeth  occupera  dans  l'histoire  une  place  d'honneur 
comme  une  femme  d'une  rare  supériorité,  une  grande 
souveraine  et  une  véritable  civilisatrice.  G.  Pawlowski. 
BiBL.  :  Mite  Kremnitz,  Carmen  Sylva.  Ein  Lebensbild; 
Breslau,  1882.  —  L.  Ulbach,  Préface  en  tête  des  Pensées 
d'une  reine,  1882.  —  Rudolf  Gottschall,  Eine  Dichterin 
aufdem  Throne,  dans  Unsere  Zeit,  1883.  —  Natalie,  baronne 
VON  STACKELBERG,Aits  Carmen  Sylva'sLeben;  Heidelberû-, 
1885,  gr.  in-8;5°éd.,  1889.  —  Félix  Salles,  Etude  biogra- 
phique, en  tête  des  Nouvelles,  1886.  —  F.  de  Chevigny, 
Carmen  Sylva,  dans  le  Correspondant,  25  sept.  1888.  — 
Max  ScHMiTz,  Carmen  Sylva  und  ihre  Werke;  Neuwied, 
1889,  gr.  in-8,  portr.  —  Blanche  Roosevelt,  Elisabeth, 
of  Roumania  ;  Londres,  1891,  gr.  in-8. 

Russie. 

ELISABETH  Iâroslavovna,  princesse  russe,  fille  du 
grand  prince  laroslav  Vladimirovitch  (xi«  siècle).  Elle  ins- 
pira une  violente  passion  à  Harald  le  Hardi,  qui  l'épousa 
en  4045. 

ELISABETH  (Petrovna),  impératrice  de  Russie,  née  en 
4709,  morte  le  9  janv.  4762  (1764,  style  russe).  Elle 
était  fille  de  Pierre  le  Grand  et  de  Catherine  P«.  Sa  mère 
avait  songé  à  la  marier  à  Louis  XV  ;  mais  ce  projet  n'aboutit 
pas.  Elle  resta  fille.  Sous  le  règne  d'Anna  Ivanovna,  elle 
vécut  éloignée  des  affaires  publiques,  se  consolant  de  son  céli- 
bat et  de  son  isolement  avec  des  favoris  dont  le  plus  célèbre 
fut  Alexis-Gregorovitch  Razoumovsky  (qu'elle  aurait  d'après 
certains  témoignages  épousé  secrètement).  Après  la  mort 
d'Anna  Ivanovna,  qui  laissait  le  trône  au  jeune  Ivan  VI  et  la 
régence  à  Anna  Léopoldovna,  Elisabeth  profita  habilement 
du  mécontentement  de  l'armée  et  du  peuple  qui  étaient  las  de 
la  domination  des  étrangers,  et  qui  éprouvaient  une  vive  sym- 
pathie pour  la  fille  de  Pierre  le  Grand.  Avec  le  concours 
du  chirurgien    français  Lestocq,   l'appui  du  ministre  de 
France,  La  Chétardie,  et  de  Vorontsov,  elle  réussit  à  se  faire 
proclamer  impératrice  (48  déc.  4742).  Anna  Léopoldovna  et 
sa  famille  furent  exilés,  le  jeune  Ivan  enfermé  à  Schliissel- 
bourg;  Osterman  et  Munich  furent  déportés.  L'avènement 
d'Elisabeth  mit   fin  à  la  domination  des  Allemands;  il 
marque  le  commencement  de  l'influence  française  en  Russie. 
Les  principaux  confidents  de  la  nouvelle  impératrice  furent 
les  Razoumovsky  et  les  Schouvalov.  A. -P.  Bestoujev  fut 
chargé  de  diriger  la  politique  extérieure.  Elisabeth  proclama 
pour  son  successeur  son  neveu  Pierre  de  Holstein  qui  fut 
fiancé  peu  de  temps  après  à  Sophie  d'Anhalt  Zerbst  (la 
future  Catherine  II).  Elle  termina  heureusement  la  guerre 
commencée  avec  la  Suède.  Le  traité  d'Abo  (4743)  assura 
à  la  Russie  le  S.-E.  de  la  Finlande  jusqu'à  la  rivière  de 
Kiiimen.  En  4746,  EHsabeth  conclut  un  traité  d'alliance 
avec  l'Autriche  :  trente  mille  Russes  furent  envoyés  sur 
le  Rhin,  mais  ils  revinrent  sans  avoir  eu  l'occasion  de 
combattre.  Les  années  qui  suivirent  furent  marquées  par  de 
nombreuses  réformes  à  l'intérieur.  En  4754,  des  colonies 
serbes  furent  introduites  dans  la  Russie  méridionale  ;  en 
4753,  les  douanes  intérieures  furent  supprimées  ;    des 
banques  furent  établies  à  Saint-Pétersbourg  et  à  Moscou. 
La  peine  de  mort  fut  abolie,  mais  la  torture  maintenue. 
Le  sénat  fut  rétabli  dans  les  attributions  dont  Pierre  le  Grand 
l'avait  investi.  L'université  de  Moscou  fut  ouverte  (4755), 
et  le  premier  théâtre  national  organisé  (4756).  L'académie 
des  beaux-arts  fut  créée  en  4758.  Elisabeth  prit  part  à  la 
guerre  de  Sept  ans;  jalouse  du  succès  de  Frédéric  II,  et 
blessée  par  ses  épigrammes,  elle  envoya  en  Prusse  une 
armée  de  quatre-vingt  mille  hommes.  Le  général  Apraxine 
vainquit  les  Prussiens  à   Grossj œger ndorf,  mais  il  ne  sut 
pas  profiter  de  son  succès.  En  4758,  les  Russes  prirent 
Kœnigsberg,  mais  ils  furent  battus  à  Zorndorf;  l'année 
suivante,  ils  prirent  leur  revanche  à  Zullichau  et  à  Kuners- 
dorf  en  Silésie.  En  4  760,  ils  pénètrent  à  Berlin  ;  en  4764, 
ils  occupent  la  Poméranie.  La  mort  d'Elisabeth  sauva  Fré- 
déric. Sous  le  règne  de  cette  princesse,  la  Russie  acquit 


en  Asie  une  partie  de  la  Dzoungarie  et  des  pays  turk- 
mènes. Ce  fut  en  somme  un  règne  prospère.  Lomonosov 
chanta  les  triomphes  des  armées  russes,  Soumarokov  écri- 
vit les  premières  tragédies;  les  premières  revues  en  langue 
russe  furent  publiées.  L'architecte  italien  Rastrelli  embellit 
l'empire  de  remarquables  édifices.  Malgré  les  scandales  de 
sa  vie  privée,  Elisabeth  Petrovna  continua  dignement  l'œuvre 
de  Pierre  le  Grand  et  prépara  celle  de  Catherine  H.  L.  L. 
BiBL.  :  SoLOviEv,  Histoire  de  Russie,  t.  XXI  et  XXII.  — 
Weidemayer,  le  Règne  d'Elisabeth;  Saint-Pétersbourg, 
1^49.  —  Vandal,  Louis  XV  et  Elisabeth  de  Russie  ;  Paris, 
1882.  —  Rambaud,  Recueil  des  instructions  données  aux 
ambassadeurs  et  ministres  de  France  ;  Paris,  1890,  2«  vol. 

ELISABETH  (Alexievna),  impératrice  de  Russie,  née 
à  Karlsruhe  en  4779,  morte  à  Bielev  en  1826.  Elle  s'ap- 
pelait Louise-Maria-Augusta  et  était  fille  du  margrave  de 
Bade,  Charles-Louis.  Elle  devint,  en  4793,  femme  du  grand 
duc  Alexandre  qui  devait  être  Alexandre  I^'",  et  fut  à  la 
tète  d'un  certain  nombre  d'institutions  patriotiques. 

ELISABETHGRAD  ou  lELISAVETGRAD.  Vdle  de  Rus- 
sie, chef-lieu  de  district  du  gouvernement  de  Kherson,  sur 
la  rivière  Ingoul  et  le  chemin  de  fer;  52,000  hab.  Elle  fut 
fondée  en  i  754  sous  le  règne  d'Elisabeth  Petrovna.  Le  dis- 
trict d'Elisabethgrad  est  peut-être  de  toute  la  Russie  le 
plus  riche  en  céréales. 

ELISABETHPOL.  Ville  de  la  Russie  d'Asie  (Transcau- 
casie),  ch.-l.  du  gouvernement  de  même  nom,  à  170 kil. 
S.-E.  de  Tiflis,  sur  la  riv.  Gandja-tchai  ;  20,300  hab. — 
Le  gouvernement  a  une  superficie  de  43,632  kil.  q.  et  une 
population  d'environ  730,000  hab. 

ÉLISE.  Com.  du  dép.  de  la  Marne,  arr.  et  cant.  de 
Sainte-Menehould  ;  149  hab. 

ÉLISE,  théologien  et  historien  arménien  (V.  Eghishé). 

ELISÉE,  prophète  hébreu,  disciple  et  successeur  d'£/i> 
(V.  ce  nom),  continue  son  œuvre  en  poussant  Jéhu  à  dé- 
truire la  dynastie  d'Achab,  roi  d'Israël,  coupable  d'avoir 
favorisé  le  culte  de  Baal.  On  lui  fait  honneur  d'une  série 
de  faits  merveilleux  qui  reproduisent  et  exagèrent  les  ma- 
nifestations surnaturelles  attribuées  à  son  maître  Elie.  11 
est  digne  de  remarque  qu'il  s'intéresse  aux  choses  et  aux 
personnes  du  dehors,  soit  au  royaume  de  Damas  dont  il 
désigne  le  futur  occupant,  soit  à  l'officier  syrien  Naaman, 
qu'il  guérit  de  la  lèpre  et  gagne  à  la  vraie  religion.  Elisée 
est,  en  réalité,  une  nouvelle  édition  du  type  prophétique 
exprimé  par  la  figure  d'Elie  (V.  2  Rois^  chap.  ii  et  suiv.). 

ÉLISION.Le  mot  élision,  latin  ^/mo,  de  elidere  f=^^, 
hors  de,  et  lœdere,  heurter),  signifie  expulsion  par  suite 
cVun  choc,  écrasement.  Quand  deux  voyelles  se  rencon- 
trent l'une  à  la  fin  d'un  mot,  l'autre  au  commencement 
du  suivant,  elles  se  heurtent  en  quelque  sorte,  et  on  dit 
qu'il  y  a  élision  si,  pour  éviter  l'hiatus,  on  fait  disparaître 
l'une  d'elles.  L'éfision  se  produit  de  deux  façons  :  1^  La 
voyelle  élidée  disparaît  purement  et  simplement  :  on  la 
remplace  dans  l'écriture  par  un  signe  appelé  apostrophe. 
C'est  l'élision  proprement  dite,  celle  qui  a  lieu  en  français  : 
Vâme^=.  la  âme.  C'est  aussi,  bien  qu'elle  ne  soit  pas 
marquée  d'une  apostrophe,  celle  qui  a  lieu  en  grec  dans 
les  verbes  composés  :  £7;£p)(^o[i.ai:zzl7î(i)£p^o[jLat,  sTie^spov 
zz:£:i(i)£9£pov.  2<*  La  voyelle  élidée  s'alFaiblit  sans  disparaître 
complètement,  mais  au  point  de  se  confondre  avec  l'autre, 
comme  dans  la  synérèse.  C'est  ce  qu'on  appelle  la  syna- 
lèphe  (auvaXoiorjizz  confusion)  :  c'est  l'élision  ordinaire  en 
grec  et  en  latin.  La  voyelle  élidée  se  remplace  bien  en 
grec  par  l'apostrophe;  mais  :  1^  ce  signe  est  d'un  usage 
récent,  et  son  emploi  ne  peut  rien  prouver  sur  la  nature 
de  l'élision  ;  2<*  le  mot  auva>.oior]  signifiant  mélange,  con- 
fusion, il  serait  étrange  que  les  Grecs  eussent  choisi  ce 
terme  pour  désigner  l'élision  si  elle  avait  consisté  dans 
l'expulsion  pure  et  simple  de  la  voyelle;  3°  enfin  Ahrens 
a  démontré  que  la  voyelle  élidée  sonne  devant  l'autre  comme 
une  petite  note,  et  correspond  à  ce  qu'on  appelle  apoggia- 
ture  en  musique.  Quant  au  latin  :  1<*  la  voyelle  élidée  sub- 
siste dans  l'écriture;  2**  nous  avons  un  témoignage  positif, 
celai  de  Quintilien  (Art.  orat.,ÏX.)  disant  que  dans  le  vers 


.-  845  -  ELISABETH  -  ÉLIXIR 

de  Virgile  Turrim  in  pr.rcipite...,o\i.  la  finale  im  s'élide, 
on  distinguait  ceux  qui  prononçaient  turrim  de  ceux  qui 
prononçaient  turrem.  Des  formes  comme  animadverto 
:=  anim(um)  ad  verto  et  veneo  ==  ven(um)  eo  ne 
prouvent  rien  d'ailleurs,  puisque  les  deux  mots  se  sont 
fondus  en  un  seul. 

L'élision  prend  le  nom  à'aphérèse  (o^(^ct'.pr](siç)  quand 
elle  porte  sur  la  seconde  voyelle.  L'aphérèse  n'existe  pas 
en  français.  Elle  n'a  lieu  en  latin  qu'avec  les  formes  es  et 
est  du  verbe  sum  employées  comme  enclitiques  :  c'est 
alors  une  élision  proprement  dite,  la  voyelle  disparait  de  la 
prononciation  et  même  souvent  de  l'écriture  :  meast  =2 
mea  est.,  meumst  =  meum  est.  L'aphérèse  est  plus  fré- 
quente en  grec,  surtout  chez  les  poètes  tragiques  :  w  'vaÇ 
=  o)  ava?,  [Lr\  'mnx  =  (Jir)  ïr.eizoL.  La  voyelle  élidée 
pouvait  être  une  voyelle  accentuée,  comme  dans  les  exemples 
ci-dessus  ;  on  peut  donc  croire  qu'il  y  a  eu  successivement 
assimilation  puis  fusion  des  voyelles,  et  réunion  des  deux 
accents  en  un.  En  tous  cas  l'aphérèse  est  marquée  par 
l'apostrophe. 

Les  règles  particulières  de  l'élision  sont  spéciales  à 
chaque  langue.  En  français  elle  est  obligatoire,  mais  res- 
treinte à  certains  mots,  et  a  lieu  même  devant  une  h 
initiale,  si  cette  h  est  muette.  On  élide  ainsi  :  1  ^  a  dans 
l'article  la  :  rame  -=  la  âme^  et  anciennement  dans  ma  : 
m' amie  (d'oii  par  confusion  ma  mie).,  m'amour;  2°  i 
dans  si  :  s'il  =  si  il;  3^*  e  dans  le,  je,  me,  te,  se,  ce^ 
de,  ne,  que  et  ses  composés  conjonctifs,  quelquefois  dans 
quelque  et  entre.  En  latin  on  élide  toutes  les  voyelles 
finales,  les  syllabes  en  m  (dites  syllabes  moyennes),  et 
même  chez  les  auteurs  archaïques  les  finales  brèves  eu  s. 
Seuls,  les  monosyllabes  o,  ah  (ou  a),  proh  (oiipro),  heu 
(  ou  eu)  ne  s'élident  jamais.  Toutefois  il  résulte  de  la 
nature  même  de  la  synalèphe  que  l'élision  est  plus  facile  : 
1<^  si  on  élide  une  brève;  2<*  si  la  seconde  est  longue.  Aussi 
les  poètes  évitent-ils  l'élision  des  monosyllabes,  surtout 
des  monosyllabes  en  m,  et  devant  une  brève,  à  part  quel- 
ques-uns d'un  emploi  très  fréquent  et  déterminés  par  l'usage. 
Ils  n'élident  pas  non  plus  la  dernière  de  l'iambe  devant  une 
brève.  En  grec,  on  n'elide  en  règle  générale  que  les  voyelles 
brèves.  Font  exception  la  diphtongue  ai  qui  s'élide  volon- 
tiers dans  les  formes  où  elle  compte  pour  brève  dans  l'ac- 
centuation :  poùXo[j.'  Iyoj  1=  pouXofjiai  lytiS,  et  la  diphtongue 
01  chez  Homère  dans  les  formes  enclitiques  [xoi  et  aoi.  L'u, 
même  bref,  ne  s'élide  jamais  ;  s,  i,  o,  a  s'élident  toujours 
sauf  dans  quelques  mots  déterminés  par  l'usage  :^  ôs'zret; 
les  génitifs  en  oto,  oo,  les  formes  ô,  to,  ô,  Tupd,  ti,  ti, 
OTi,  TTcpi,  ay^pi,  Ht.£X,P^  toc,  àya  (vocaiif  de  àva^)  et  \ii. — 
L'élision  de  l'article  a  amené  une  erreur  curieuse  dans  la  for- 
mation de  certains  mots  français.  Une  fois  élidé,  il  a  perdu 
son  sens  et  s'est  fondu  avec  le  substantif  en  un  seul  mot, 
susceptible  à  son  tour  de  recevoir  l'article.  Ainsi  sont  formés  : 
lierre  (=^rierre,  de  heder a),  lendemain  {^=i lendemain 
de  en  et  demain,  de  mane),  loriot  (=:  l'oriot,  deau- 
reolus),  lors  (  =  Fors,  de  hoi^a).  Paul  Giqceaux. 

ELIUS  PROMOTUS  (A'rAio5npo{j.wTo;),  médecin  grec 
d'Alexandrie,  qui  vivait  peu  avant  ou  après  J.-C.  On  a  de 
cet  auteur  plusieurs  manuscrits  disséminés  dans  diverses 
bibliothèques.  Des  extraits  de  son  Auvajx£pdv  (Medicina- 
liiim  formularum  collectio)  ont  été  publiés  par  Kiihn 
dans  son  Additam  adElench.  med.  vet.  à  J.-A.  Fabri- 
cio  in  bibl.  grœca  exhibit;  quelques  passages  du  même 
ouvrage  se  trouvent  dans  le  Tractatus  de  scorbuto  (Venise, 
1781,  in-4)  deBona.  D-*  L.  Hn. 

ÉLIXIR.  I.  Alchimie.  —  Ce  mot  est  d'origine  arabe.  Il 
s'appliquait  à  l'origine  à  un  certain  agent  prétendu  capable 
d'opérer  la  transmutation  des  métaux,  agent  appelé  aussi 
medicina  ou  pierre  philosophais  11  était  tantôt  liquide, 
tantôt  solide,  et  réputé  apte  à  prolonger  la  vie  (élixir  de 
longue  vie)  et  à  guérir  toutes  les  maladies.  Par  le  cours 
des  temps,  ce  nom  s'est  trouvé  réservé  à  certaines  prépa- 
rations pharmaceutiques  liquides.  M.  B. 
II.  Pharmacie.  ■—  Les  élixirs  sont  des  alcoolés  sucrés, 


^LIXIR  —  EL-KEF 


—  Sii)  — 


formés  d'aromates  et  d'une  ou  plusieurs  substances  mé- 
dicamenteuses.  En  pharmacie,  le  mot  élixir  a  donc  subi 
une  déviation  de  sens  analogue  à  celle  d'alcool^  puisqu'il 
ne  s'applique  plus  qu'à  des  médicaments  plus  ou  moins 
agréables,  contenant  de  l'alcool  et  moins  de  sucre  que 
les  sirops.  —  Les  élixirs  étaient  autrefois  très  nombreux, 
et  jouissaient  d'une  grande  réputation  en  médecine  ;  peut- 
être  aujourd'hui  sont-ils  trop  délaissés,  car  ils  constituent 
une  forme  pharmaceutique  avantageuse  pour  admi- 
nistrer certains  médicaments.  Citons  seulement  l'exemple 
suivant  : 

Eîixir  de  quinquina  et  de  safran. 


Quma  rouge  pulv. .  16  gr. 

Cannelle  fine 16  — 

Ecorce  d'orànçç.  am.  16  — 


Safran 8  gr. 

Eau-de-vie  vieille. . .  5  lit. 
Vin  deMalaga 2  — 


On  fait  digérer  le  tout  pendant  une  semaine  ;  on  passe 
et  on  ajoute  1,250  gr.  de  sucre  très  blanc.  —  Cette  pré- 
paration eut  pendant  longtemps  une  très  grande  vogue. 
Dans  la  formule  primitive,  on  y  plongeait  à  plusieurs 
reprises  une  pièce  d'or  chauffée  au  rouge,  pratique  inutile 
qui  n'a  d'autre  effet  que  de  caraméliser  une  petite  quantité 
de  sucre.  Ed.  Bourgoin. 

Elixir  odontalgique  (V.  Dentifrice). 
ELIZABETH.  Ville  des  Etats-Unis,  Etat  de  New-Jersey, 
sur  le  détroit  qui  sépare  le  continent  de  l'Ile  Staten,  à 
15  kil.  au  S.-O.  de  New-York;  37,764  hab.  en  1890. 
Nombreuses  villas,  rues  larges,  belles  églises.  Commerce 
actif  de  charbons  et  de  fers,  fabriques  importantes  de 
machines  à  coudre. 

ELlZABÉTH  (V.  Elisabeth). 

ELIZIA  (Malac).  Genre  de  Mollusques  Lamellibranches, 
de  l'ordre  des  Vénéracés,  établi  par  J.-E.  Gray  en  18o2 
pour  une  coquille  suborbiculaire,  mince,  aplatie,  couverte 
d'un  épiderme  brillant,  équivalve,  inéquilatérale  ;  crochets 
peu  proéminents,  presque  antérieurs.  Charnière  composée, 
sur  la  valve  droite,  de  deux  dents  cardinales  obliques, 
divergentes,  la  postérieure  allongée  et  bifide  ;  sur  la  valve 
gauche  de  trois  dents  cardinales,  dont  la  centrale  est  bifide. 
Impression  palléale  submarginale.  Type  :  Elizia  orbiculata 
Wood.  Les  Elizies  habitent  l'océan  Pacifique;  ils  vivent 
sur  les  côtes  des  îles  Philippines,  de  Bornéo,  etc.  J.  Mab. 
ELIZONDO  (Traité  d') ,  conclu  entre  la  France  et 
l'Espagne  le  27  août  1785  pour  fixer  les  limites  des  deux 
pays  entre  la  vallée  de  Baïgorres  (Basses-Pyrénées)  et  celle 
du  Baztan  et  régler  les  droits  de  compascuité  dans  les  pâtu- 
rages des  Aldudes.  Ce  traité  a  été  remplacé  par  celui  du 
2  déc.  1856.  —  Elizondo  est  un  bourg  à  45  kil.  de  Pam- 
pelune. 

ELIZONDO  (Pablo-Miguelde),  jésuite  et  écrivain  espa- 
gnol du  xvui^  siècle.  Il  est  connu  par  un  ouvrage  important, 
Compendio  de  los  cinco  tomos  de  los  Anales  de  Na- 
varra  (Pampelune,  1732,  in-4).  C'est  un  abrégé  com- 
mode des  histoires  de  Navarre  par  les  PP.  Joseph  Moret 
(des  origines  à  la  mort  de  Philippe  III  de  Navarre)  et  Fran- 
cisco Aleson  (jusqu'en  1527). 

ELK  MouNTAiNS.  Groupe  de  montagnes 'volcaniques  des 
Etats-Unis,  dans  la  partie  occidentale  de  l'Etat  de  Co- 
lorado, se  rattachant  par  les  monts  Harvard  et  Lincoln 
à  la  chaîne  des  Parcs,  qui  constitue  le  massif  central  du 
Colorado.  Le  groupe  des  Elk  Mountains  est  limité  au  N. 
par  le  rio  Grande,  une  des  deux  branches  qui  forment 
le  rio  Colorado,  et  au  S.  par  la  rivière  Gunnison,  affluent 
du  rio  Grande.  Quelques-uns  des  sommets  du  groupe 
sont  très  élevés.  Les  pics  Castle  et  Maroon  dépassent 
4,000  m.  Aug.  M. 

EL  KAB  (Archéol.  égypt.).  Capitale  du  nome  Latopo- 
litès  ;  elle  a  été  identifiée  avec  la  ville  grecque  d'Eilithya. 
Le  nom  d'El  Kab  (en  égyptien  Nekheb)  «  a  été  mêlé,  dit 
M.  Maspéro,  aux  faits  les  plus  importants  de  l'histoire 
d'Egypte.  Sous  la  XVII®  dynastie,  au  temps  où  les  Pas- 
teurs occupaient  le  Delta,  les  princes  indépendants  du  Sud 
avaient  fait  4e  cette  ville  un  de  leurs  boulevards  et  quel- 


quefois leur  capitale.  Le  gouvernement  en  était  confié  à 
un  prince  de  la  famille  royale  qui  prenait  le  titre  de  royal 
fils  de  Nekheb.  »  A  El  Kab,  où  un  joli  petit  temple  fut 
construit  par  Amenophis  III  et  où  un  petit  hémispéos 
ptolémaïque  a  été  dédié  à  Isis,  débouche  la  gorge  qui 
facilitait  les  descentes  des  Herouchas  (les  Bicharis  actuels) 
que  les  inscriptions  du  temps  nous  montrent  ravageant 
si  souvent  le  territoire  égyptien.  Aussi  une  forteresse 
dont  on  voit  encore  les  remparts  avait  été  élevée  à  El  Kab. 
Elle  est  en  briques  crues  et  remonte  probablement  à  l'An- 
cien Empire.  Dans  cette  localité  se  trouvent  divers  tom- 
beaux dont  les  textes  et  les  représentations  ont  fourni  à 
la  science  de  précieuses  indications  sur  l'histoire  et  l'agri- 
culture de  l'Egypte.  Paul  Pierret. 

ELKAN  (David-Lévy),  peintre  dessinateur,  né  à  Cologne 
en  1808,  mort  en  1866.Elkan,  artiste  de  beaucoup  d'ima- 
gination, est  connu  par  d'excellentes  copies  et  par  des  com- 
positions dans  le  style  du  moyen  âge.  Il  avait  étudié  à  Dus- 
seldorf  et,  en  1850,  fondé  une  imprimerie  lithographique 
à  Cologne.  On  cite  de  lui  :  le  Christ,  Marie  et  tes  douze 
Apôtres  (lithographie  en  couleurs)  ;  ses  compositions  pour 
les  Dombauliede,  pour  la  Chanson  du  Rhin,  ses  minia- 
tures, ses  aquarelles,  etc. 

EL-KANTARA.  Ce  mot,  qui  signifie  le  pont  et  désigné 
ordinairement  des  localités  remarquables  par  des  ponts 
romains,  est  assez  fréquent  dans  la  toponymie  de  l'Afrique 
du  Nord  et  de  l'Espagne  (dans  ce  dernier  pays  sous  la  forme 
Alcantara),  Il  est  appliqué  spécialement  à  un  pont  situé  à 
171  kil.  au  S.  deConstantine,  où  la  route  de  cette  ville  à  Biskra 
traverse  par  un  défilé  étroit  la  chaîne  des  monts  qui  sépare 
les  Hauts-Plateaux  d'avec  le  Sahara.  Dans  la  gorge,  taillée 
à  pic  au  travers  des  monts  escarpés  et  nus,  coule  un  torrent 
sur  lequel  les  Bomains  avaient  jeté  un  pont  qui  subsiste 
encore,  réparé  à  plusieurs  reprises,  et  qui  a  valu  son  nom 
à  la  gorge  et  à  l'oued  qui  y  coule.  C'est  en  ce  point  que  se 
fait  brusquement  le  passage  vers  le  Sahara,  et  les  indigènes 
l'appellent  quelquefois  Foum-es-sahra,  la  bouche  du  Sahara. 
Au  N.  de  la  gorge,  le  pays  est  âpre,  montueux,  parsemé 
d'arbres  et  d'arbustes  des  pays  septentrionaux  ;  le  climat 
est  froid  et  les  vents  violents,  et  il  n'y  a  en  fait  d'habita- 
tions que  quelques  maisons  européennes  dont  une  auberge 
et  l'ancienne  douane  ;  mais,  quand  on  a  franchi  le  défilé, 
on  aperçoit  devant  soi  une  vaste  plaine  aux  tons  fauves, 
entourée  de  montagnes  nues  et  où  se  promènent  des  tribus 
nomades  ;  près  de  l'issue  même  du  défilé,  trois  villages 
arabes  aux  maisons  bâties  en  briques  séchées  au  soleil,  ou 
tôbes,  avec  60,000  palmiers-dattiers  qui  élèvent  leurs 
cimes  élégantes  au-dessus  des  pierres  du  torrent  ou  dans 
le  voisinage  immédiat.  Ce  point  a  été  occupé  par  les 
Bomains,  comme  le  prouvent  des  ruines  assez  importantes, 
et  a  aujourd'hui  près  de  3,000  hab.  E.  Cat. 

EL-KANTOUR.  Village  d'Algérie,  dép.  de  Constantine, 
arr.  de  Philippeville,  stat.  du  ch.  de  fer  de  Philippeville  à 
Constantine,  au  plus  haut  point  que  cette  voie  atteigne 
(206  m.),  et  près  d'un  grand  tunnel  qui  perce  un  mont  de 
896  m.  de  hauteur.  Il  n'y  a,  outre  la  gare  et  l'école,  que 
quelques  maisons  éparses  dans  les  champs.  Avec  ses  an- 
nexes :  Col-des-Oliviers,  Armée-Française  et  Sainte- 
Wilhelmme,  El-Kantour  forme  une  com.  de  plein  exer- 
cice de  3,308  hab.,  dont  250  Européens.  E.  Cat. 

EL-KEF.  Mot  qui,  en  arabe,  signifie  le  rocher  et  se 
trouve  fréquemment  dans  la  toponymie  africaine.  Il  désigne 
spécialement  une  importante  ville  de  Tunisie,  dans  la  vallée 
de  l'oued  Mellègue,  affluent  de  la  Medjerda  ;  4,000  hab. 
environ.  Bâtie  dans  une  région  montagneuse,  à  une  ait. 
moyenne  de  800  m.,  elle  est  un  point  stratégique  impor- 
tant, au  nœud  des  routes  entre  le  bassin  de  la  Medjerda 
et  le  S.  de  la  Tunisie.  Occupée  dès  la  plus  haute  antiquité 
par  les  Phéniciens,  elle  avait  un  grand  temple  consacré  à 
Vénus,  d'où  son  nom  de  Sicca  F^^/zma  à  l'époque  romaine, 
corrompu  par  les  indigènes  en  celui  de  Chikka-Benaria^ 
que  l'on  emploie  encore  quelquefois  pour  désigner  la  ville. 
Elle  est  entourée  d'une  vaste  enceinte  et  possède   une 


847  — 


ËL-KEF  —  ELLÉBORE 


kasba  ;  les  rues  sont  étroites  et  tortueuses.  Aux  environs, 
belles  forêts  et  sources  abondantes.  Au  début  de  l'occupa- 
tion française,  on  établit  une  très  forte  garnison  au  Kef  ; 
aujourd'hui  c'est  le  siège  d'un  contrôle  civil,  et  le  nombre 
des  Français,  commerçants,  fonctionnaires,  propriétaires 
de  vignobles,  s'élève  assez  rapidement.  E.  Cat. 

ELKEID  (Astron.).  Nom  de  l'étoile  de  seconde  gran- 
deur T)  Grande  Ourse,  située  à  l'extrémité  de  la  queue,  ou 
la  dernière  des  sept  principales. 

ELKÉSAITES.Nomportépar  des  gnostiques  judéo-chré- 
tiens dont  l'origine  est  controversée.  Les  renseignements 
patristiques  nomment  comme  fondateur  de  cette  secte  un 
certain  Elkésai  ('HXçaf,  'HXyaaaf  et  'EXxcaai).  Ce  nom 
pourrait  bien  être  l'ethnique  d'Elkési,  un  bourg  au  delà  du 
Jourdain  ;  cela  paraît  plus  probable  que  d'y  chercher  une 
étymologie  symbolique  comme  Khêl  kesay  «  force  cachée  » 
ou  El  kesay  «  dieu  caché  »,  et  de  faire  de  ce  nom,  par 
hypothèse,  le  titre  du  livre  des  Elkésaïtes.  Elkésaï  doit 
avoir  vécu  sous  Trajan,  aux  premières  années  du  ii®  siècle  ; 
il  prétendait  avoir  reçu  du  ciel  un  livre  annonçant  surtout 
un  nouveau  pardon  des  péchés.  Ce  que  l'on  sait  de  plus  clair 
sur  son  compte  provient  du  récit  des  Philosophoumena, 
IX,  4,  13-17  ;  X,  29  (V.  Hippolyte  [Saint]),  suivant  lequel 
un  missionnaire  elkésaïte,  appelé  Alcibiade  d'Apamée,  vint 
à  Rome  entre  220  et  230.  Il  recommandait  l'observation 
du  sabbat  et  la  circoncision  ;  il  rejetait  les  écrits  de  l'apôtre 
Paul  et  les  parties  de  l'Ancien  Testament  qui  commandent 
des  sacrifices  sanglants  ;  il  prêchait  la  foi  en  un  Dieu  suprême, 
au  Fils  de  Dieu,  le  «  grand  roi  »,  et  au  Saint-Esprit, 
ce  dernier  représenté  comme  une  femme,  conformément  au 
genre  grammatical  de  roiikh,  «  esprit  »,  dans  les  langues 
hébraïque  et  syriaque.  Le  Christ,  qu'il  faut  sans  doute 
identifier  avec  le  Fils  de  Dieu,  s'est  incorporé  depuis  Adam 
un  grand  nombre  de  fois.  Les  rites  consistaient  en  ablu- 
tions fréquentes,  accompagnées  de  prières  Uturgiques  dans 
lesquelles  les  «  sept  témoins  »,  à  savoir  le  ciel,  l'eau,  les 
esprits  saints,  les  anges  de  la  prière,  l'huile,  le  sel  et  la 
terre,  tiennent  une  grande  place.  A  cela  se  joignaient  des 
procédés  magiques,  de  l'astrologie  et  de  la  géomancie.  En 
somme,  l'elkésaïsme  pourrait  bien  avoir  été  un  essai  de  gal- 
vaniser rébionisme(Y.EBiONiTEs)  par  l'addition  d'éléments 
orientaux  ;  il  paraît  avoir  été  assez  répandu  dans  la  contrée 
à  l'E.  du  Jourdain  et  de  la  mer  Morte.  F. -H.  K. 

BiBL.  :  E.  Renan,  les  Evangiles^  Paris,  1877,pp.  454  et  suiv. 
—  A.  îiiiaGEisiFBi.ï),  Ketzergeschichte  des  Urchrislenthums  ; 
Leipzig,  1884,  pp.  433  et  suiv.  —  A.  Harnack,  Lehrbuchder 
Dogmengesckichte  ;  Fribourg-en-Brisg.,  1888, 1. 1,  pp.  260 
et  suiv.' 

EL-KESSERA.  Village  de  Tunisie,  à  l'O.-S.  de  Makter, 
remarquable  par  sa  situation  au  milieu  d'une  hamada, 
ou  plate-forme  pierreuse,  de  25  kil.  carrés,  entourée  de 
tous  côtés  par  des  falaises  abruptes  ;  le  village  est  au  bord 
d'un  escarpement,  près  de  torrents  abondants  lors  de  la 
fonte  des  neiges. 

ELKHART.  Ville  des  Etats-Unis,  Etat  d'Indiana,  près 
de  la  frontière  du  Michigan,  sur  la  rivière  Saint- Joseph, 
non  loin  de  la  ville  de  South  Bend;  6,953  hab.  AteUers 
pour  construction  de  locomotives. 

ELKO.  Ville  des  Etats-Unis,  Etat  de  Nevada,  stat.  du 
chem.  de  fer  Central  Pacific,  siège  de  l'université  de  l'Etat. 
Un  minier  d'habitants. 

EL-KROUBS  ou  LE  KROUBS  (mot  qui  semble  une 
corruption  de  Khouroub^  les  ruines).  Ville  d'Algérie,  dép. 
et  arr.  de  Constantine,  à  16  kil.  au  S.  du  chef-lieu,  dans 
une  région  bien  arrosée  et  fertile  en  mûriers,  céréales, 
vignes,  prairies  et  jardins  potagers.  Le  village,  créé  en  1859 
auprès  de  ruines  romaines  assez  curieuses,  a  pris  rapide- 
ment de  l'importance  ;  sa  position  au  point  de  jonction  des 
voies  ferrées  de  Constantine,  Alger,  Bône  et  Biskra  lui 
assure  un  avenir  prospère;  son  marché  de  bestiaux,  le 
vendredi  de  chaque  semaine,  est  le  plus  important  de  la 
province.  Le  Kroubs  forme  avec  son  annexe  El- Aria  une 
com.  de  plein  exercice  de  6,482  hab.  dont  600  Euro- 
péens. E.  Cat. 


EL-KSAR-EL-KEBIR  (V.  Ksar-el-Kebir). 
EL-KSAR-SERIR  (V.  Ksar-Serir). 
EL-KSEUR  ou  BITCHE.  Village  d'Algérie,  dép.  dé 
Constantine,  arr.  de  Bougie,  à  26  kil.  au  S.  de  Bougie  ; 
stat.  du  chemin  de  fer  de  cette  ville  à  Beni-Mansour. 
Créé  en  1878 ,  dans  une  région  fertile  près  de  roued 
Sahel,  ce  centre  fut  d'abord  appelé  officiellement  Bitche, 
mais  la  dénomination  indigène  El-Kseur  â  prévalu.  Les 
terres  du  pays  alentour  du  village  donnent  du  blé,  de 
l'orge,  de  l'avoine,  des  fèves,  des  pois  chiches,  du  sorgho 
et  depuis  quelques  années  du  vin  estimé  ;  le  village  actuelle- 
ment manque  d'eau  d'alimentation,  mais  la  remise  en  état 
d'un  aqueduc  romain  lui  en  fournira  prochainement. 
El-Kseur,  avec  son  annexe  îlmaten,  a  1,038  hab.  dont 
438  Européens  ;  il  est  le  chef-heu  d'une  commune  de  pleiii 
exercice  et  le  siège  d'une  justice  de  paix.  —  A  2  kil.  à  l'E., 
en  une  localité  appelée  Tiklât,  sont  les  importantes  ruineâ 
d'une  ville  romaine,  Tubusuptu,  E.  Cat. 

ELLAGIQUE  (Acide)  (V.  Bézoardiqué  tAcide]). 
ELLAIRIA.  Village  du  Soudan  égyptien,  à  70  kil.  envi- 
ron S.-E.  de  Lado.  Fabrication  de  houes  en  fer,  dont  le 
commerce  est  très  actif  dans  ces  régions. 

ELLASAR  est  le  nom  d'une  ville  de  la  Mésopotamie,  nom 
qui  ne  se  rencontre  qu'une  fois  dans  l'antiquité  :  le  qua- 
torzième chapitre  de  la  Genèse  mentionne  cette  cité  comme 
ca[)itale  du  roi  Arioch,  l'un  des  quatre  rois,  qui  sous  la 
conduite  de  Kedorlàomer,  roid'Elam,  envahirent  la  Palestine 
à  l'époque  d'Abraham.  Arioch  est  nommé  avec  Amraphel, 
roi  de  Sennaar,  et  Tidâl  ou  Torgal,  roi  des  Nations.  La 
situation  d'Ellasar  est  incertaine.  Quelques  savants  croyaient 
devoir  l'identifier  avec  la  ville  de  Larsa,  nommée  aujour- 
d'hui Senkereh  et  représentant  le  nom  de  Larissa  de 
Xénophon.  Il  se  peut  que  cette  assimilation  soit  justifiée 
par  la  raison  même  que  la  ville  de  Senkereh  est  dans  la 
Mésopotamie  méridionale,  tandis  que  Larissa,  traversée  par 
les  Dix  Mille  de  Xénophon,  doit  sûrement  être  cherchée  dans 
les  contrées  plus  rapprochées  de  Ninive.  On  a  aussi  iden- 
tifié le  nom  de  la  Genèse  avec  Larancha  cité  dans  Bérose, 
mais  cette  locaUté  se  trouve  représentée  par  le  nom  de 
Larak  des  textes  cunéiformes.  La  vraie  identification 
semble  être  celle  avec  la  ville  de  Alya-Assur,  citée  dais 
les  textes  ninivites  et  sûrement  située  sur  l'emplacement 
des  ruines  actuelles  de  Kala-Schergat,  sur  le  Tigre.  Cette 
cité,  très  importante  depuis  le  xv^  au  xii^  siècle  av. 
J.-C,  fut  le  siège  de  la  puissance  assyrienne  naissante;  on 
y  a  retrouvé  des  briques  d'anciens  princes  assyriens,  sur- 
tout le  grand  prisme  octogonal  du  roi  Téglathphalasar  P^,  et 
daté  vers  1120  avant  l'ère  chrétienne.  Cette  assimilation 
de  Alya-Assur  à  Ellassar  est  d'autant  plus  probable  que 
le  roi  Arioch  semble  représenter,  dans  la  confédération 
mentionnée  par  la  Genèse,  le  nord  de  la  Mésopotamie,  tandis 
que  la  Chaldée  y  figure  dans  la  personne  du  roi  de  Sennaar^ 
Amraphel.  Dans  ce  cas,  le  nom  de  Larissa  pourrait  bien 
n'être  qu'une  forme  grécisée  de  celui  d'Ellasar,  et  produit 
par  l'assonance  avec  l'antique  ville  thessalienne  qui,  encore 
aujourd'hui,  porte  ce  nom.  J.  0. 

ELLE.  Bivière  de  France  (V.  Dordogne). 
ELLE.  Bivière  de  France  (V.  Finistère  et  Morbihan). 
ELLE  (Louis-Ferdinand),  dit  Ferdinand,  i^emtre  fran- 
çais, né  à  Paris  en  1648,  mort  à  Bennes  le  5  sept.  1717* 
Fils  de  Louis-Ferdinand  Elle,  peintre  et  graveur,  petit-fils 
de  Ferdinand  Elle,  portraitiste  de  talent,  il  entra  à  FAca- 
demie  de  peinture  en  1681 .  Ses  deux  tableaux  de  réceptioil 
furent  un  portrait  de  Samuel  Bernard,  miniaturiste,  père 
du  célèbre  banquier^  et  un  portrait  de  Regnaudin,  adjoint 
au  recteur  de  l'Université.  On  trouve  le  premier  au  musée 
du  Louvre,  le  second  à  l'Ecole  des  beaux-arts.  Protestant^ 
il  fut  exclu  de  l'Académie  l'année  même  de  sa  réception  ; 
il  y  rentra  après  avoir  abjuré,  en  1686.  Louis-Ferdinand 
Elle  se  distingua  par  la  sévérité  du  dessin  et  par  une 
remarquable  vigueur  de  touche. 
ELLÉBORE  (Bot.)  (V.  Hellébore). 


ELLÉBORINE  —  ELLENRIEDER 


-  848  - 


ELLÉBORINE  (Chini.).  Substance  azotée  qui  a  été  re- 
tirée par  Bastick  de  la  racine  de  l'Ellébore  noir  (Helleborus 
niger,  Renonculacées).  Elle  est  en  cristaux  incolores,  d'une 
saveur  acre  et  amère,  soluble  dans  l'eau  et  dans  l'alcool, 
très  soluble  dans  l'éther.  Elle  n'a  aucune  action  sur  les 
réactifs  colorés.  Sa  solution  aqueuse  n'est  précipitée  ni  par 
le  sublimé  et  l'acétate  de  plomb,  ni  par  l'iodure  de  potassium; 
chauffée  avec  de  la  potasse,  elle  dégage  de  l'ammoniaque. 

ELLECOURT.  Com.  du  dép.  de  la  Seine-Inférieure, 
arr.  de  Neufchâtel-en-Bray,  cant.  d'Aumale;  227  hab. 

ELLENBOROUGH  (Edward  Law,  baron),  jurisconsulte 
anglais,  né  à  Great  Salkeld  (Cumberland)  le  16  nov.  1750, 
mort  le  13  déc.  1818.  Après  de  fortes  études  à  Cam- 
bridge, il  fut  inscrit  comme  avocat  (1780)  au  barreau  de 
Londres,  où  il  réussit  d'une  manière  remarquable.  Il  con- 
duisit en  1787  la  défense  de  Warren  Hastings  devant  la 
Chambre  des  lords.  Du  parti  de  Pitt,  il  fut  nommé  attorney 
sénéral,  lors  de  la  formation  du  ministère  Addington  en 
1801,  et,  en  1802,  il  succéda  à  lord  Kenyon  comme  chief 
justice  du  Banc  du  roi,  sous  le  nom  de  lord  Ellenborough 
"(Cumberland),  pays  natal  de  sa  mère.  Il  était  dur  pour  les 
accusés  et  les  avocats,  plus  partial  qu'il  n'aurait  convenu  dans 
les  procès  politiques,  mais  sa  science  juridique,  notamment 
en  droit  commercial,  a  longtemps  assuré  beaucoup  d'auto- 
rité à  ses  décisions. 

ELLENBOROUGH  (Edward  Law,  comte  d  ),  fils  aîné 
du  précédent,  né  en  1790,  mort  le  22  déc.  1871.  Ami  du 
duc  de  Wellington,  il  fut  fait  de  bonne  heure  lord  priuy 
seaU  puis  président  du  Board  of  Trade  (1828).  Sir  Robert 
Peel  le  fit  gouverneur  général  de  l'Inde  ;  il  occupa  cette 
charge  du  28  févr.  1842  au  15  juin  1844,  date  à  laquelle 
il  fut  rappelé.  Sa  correspondance  avec  la  reine  et  avec  le 
duc  de  Wellington,  pendant  le  temps  de  son  administra- 
tion dans  l'Inde,  a  été  publiée  {History  of  the  Indian 
administration;  Londres,  1874,  in-8)  et  permet  de 
se  faire  une  opinion  raisonnée  sur  ladite  administration, 
qui  fut  vivement  critiquée.  Il  dirigea  médiocrement  la 
campagne  contre  l'Afghanistan,  après  l'échec  du  général 
England.  Il  se  laissa  entraîner  à  une  guerre  de  conquête 
contre  les  émirs  indépendants  de  l'Indus  et  contre  les 
Mahrattes  (bataille  de  Maharadjapore).  Il  quitta  l'Inde 
l'idole  de  l'armée,  et,  depuis  son  retour  en  Angleterre 
jusqu'à  la  fin  de  sa  vie,  il  joua  un  très  grand  rôle,  cogime 
orateur,  dans  la  Chambre  des  lords.  Il  prononça  de  grands 
discours  sur  la  question  de  l'Inde  et  esquissa,  en  1852,  le 
plan  d'une  réorganisation  du  gouvernement  de  l'empire 
colonial  asiatique  de  l'Angleterre  qui  devait  être  réalisée 
par  lord  Stanley  en  1858.  Ch.-V.  L. 

ELLENHARD  (Elnhardus  magnus).  Procureur  de 
l'œuvre  de  Notre-Dame  de  Strasbourg  (procurator  fa- 
bricœ),  mort  le  13  mai  1304,  fréquemment  mentionné 
dans  les  documents  relatifs  à  la  construction  de  la  cathé- 
drale, mais  surtout  connu  par  un  recueil  de  sources  his- 
toriques portant  son  nom  et  renfermant  de  précieux  docu- 
ments sur  la  fin  du  xiii«  siècle  et  notamment  sur  l'histoire 
de  Rodolphe  de  Habsbourg.  Ce  manuscrit,  en  latin,  de  la 
main  de  différents  écrivams,  fut  rédigé  dans  les  années 
1290  à  1299  et  renferme  cinq  pièces  :  1«  une  série  chro- 
nologique de  notices  historiques,  très  brèves,  sur  les  évé- 
nements survenus  à  Strasbourg,  en  Alsace  et  en  Allemagne 
de  1132  à  1297;  ces  notices,  intitulées  par  Jaffé  Ellen- 
hardi  Annales,  sont  en  grande  partie  tirées  d"annales  plus 
anciennes  ;  seule,  la  dernière  partie  comprenant  la  période 
de  1292  à  1297  paraît  être  l'œuvre  d'Ellenhard;  2°  une 
relation,  connue  sous  le  nom  de  Belliim  Waltherianum, 
sur  la  lutte  de  l'évêque  Walther  de  Geroldseck  avec  la  ville 
de  Strasbourg  (1260-1262)  et  sur  la  bataille  de  Haus- 
bergen  du  8  mars  1262,  dont  la  conséquence  fut  l'affran- 
chissement de  Strasbourg  de  la  domination  épiscopale  et 
l'affermissement  de  ses  libertés  municipales;  ce  récit  que 
Grandidier,  Boehmer  et  Strobel,  sans  raison  plausible, 
attribuent  à  Godefroi  d'Ensmingen,  est  l'œuvre  d'un  auteur 
anonyme  et  fut  écrit  d'après  le  témoignage  d'Ellenhai^d 


qui,  à  la  tête  d'une  partie  de  la  milice  strasbourgeoise,  avait 
pris  part  à  la  bataille  de  Hausbergen  ;  3°  un  récit  des  mi- 
racles, attribués  à  l'image  de  la  Vierge,  qui  se  sont  passés 
dans  la  cathédrale  de  Strasbourg  en  1280;  cette  notice, 
faite  à  la  prière  d'Ellenhard,  fut  rédigée  par  Godefroi 
d'Ensmingen,  notaire  de  la  curie  de  Strasbourg;  ¥  le  ca- 
talogue des  évêques  de  Strasbourg,  dressé  d'après  le 
catalogue  en  vers  d'Erchambaud  et  les  Annales  Argenti- 
nenses  et  contenant  quelques  notices  d'un  intérêt  histo- 
rique surtout  à  propos  des  derniers  évêques  ;  5^  la  Chro- 
nique d'Ellenhard  proprement  dite  qui  se  compose  de 
trois  parties  :  la  première,  d'un  auteur  inconnu,  donne  la 
nomenclature  des  empereurs  romains  depuis  Auguste,  puis 
celle  des  rois  francs  et  des  rois  et  empereurs  allemands 
jusqu'à  Frédéric  II  et  se  termine  par  une  histoire  abrégée  de 
l'empire,  de  l'Alsace  et  de  l'évêché  de  Strasbourg  depuis 
Frédéric  II  jusqu'en  1256;  la  seconde,  la  plus  importante, 
due  à  la  plume  de  Godefroi  d'Ensmingen,  partisan  des 
Habsbourg,  est  un  des  documents  les  plus  curieux  sur  la 
fin  du  xiii^  siècle  et  s'étend  de  1256  à  1290;  la  troisième 
partie,  écrite  par  un  auteur  anonyme,  inspiré  par  EUenhard, 
raconte  les  Gestes  d'Albert,  fils  de  Rodolphe,  et  continue 
la  chronique  jusqu'en  1299. 

Le  seul  manuscrit  qui  nous  soit  resté  de  cette  importante 
collection  de  sources  historiques  est  un  manuscrit  en  par- 
chemin et  paraît  avoir  appartenu  à  EUenhard.  On  l'appelle 
le  codex  d'Ellenhard,  bien  que  celui-ci  n'en  soit  pas  l'au- 
teur ;  mais  c'est  lui  qui  a  recruté  les  écrivains,  leur  a 
indiqué  les  faits  à  recueillir  et  les  a  secondés  de  ses  sou- 
venirs. Ce  manuscrit,  après  avoir  successivement  servi  de 
source  à  Closener,  qui  en  traduisit  une  partie  en  allemand, 
à  Kœnigshoven  et  à  plusieurs  autres  historiographes  alsa- 
tiques,  se  perdit,  tomba  complètement  dans  l'oubli  et  ne 
fut  retrouvé  que  quelques  siècles  plus  tard  dans  la  biblio- 
thèque des  comtes  de  Kolowrat  à  Brzcsie,  en  Lithuanie, 
par  Martin  Pelzel,  qui  ^n  publia  les  principales  parties  sous 
le  titre  de  Magni  Elnhardi  Chronicon  (Prague,  1777). 
Boehmer  en  donna  une  nouvelle  édition,  d'après  Pelzel, 
dans  ses  Fontes  rerum  Germanicarum  (III,  pp.  111- 
147).  Quelques  années  plus  tard,  Grandidier  retrouva  le 
manuscrit  au  monastère  de  Saint-Biaise,  dans  la  Forêt- 
Noire,  et  en  prit  une  copie  que  M.  Liblin  édita  en  1868 
sous  le  titre  de  Chronique  de  Godefroi  d'Ensmingen 
(1132-1372)  ;  Grandidier  s'était  servi  non  seulement 
de  la  chronique  d'Ellenhard,  mais  encore  des  autres 
récits  contenus  dans  le  recueil  et  avait  rangé  tous  les 
faits  dans  l'ordre  chronologique,  de  manière  à  former  une 
suite  continue  de  1132  à  1272.  Quand,  en  1806,  les  béné- 
dictins durent  quitter  Saint-Biaise,  ils  emportèrent  le  ma- 
nuscrit au  couvent  de  Saint-Paul,  en  Carinlhie,  où  Jaffé  l'a 
de  nouveau  coUationné  pour  le  publier  dans  les  Monumenta 
Germaniœ  S.  S,  (vol.  XVII,  pp.  105-141).     L.  Will. 

BiBL.  :  A.-W.  Strobel,  Godofredi  ah  Ensmingen  Re- 
latio  de  conflictu  in  Husbergen  ;  Strasbourg,  1841  (d'après 
un  manuscrit  de  la  bibliothèque  municipale  de  Strasbourg, 
brûlé  en  1870).  —  Mone,  Zeitschr.  fur  Gesch.  des  Ober- 
rheins,  V-VII.  —Jaffé,  Prœfatio,  dans  Mon.  Germ.  S.  S., 
XVII,  pp.  91-101.  —  Code  hist.  et  diplomatique  de  la  vdle 
de  Strasbourg;  Strasbourg,  1843,  I,  pp.  1-6;  II,  pp.  39-60; 
221-238.  —  Ed.  Tempeltey,  De  Godofredo  ab  Ensmingen; 
Leipzig,  1861.  —  Hegel,  Die  Chroniken  der  oberrheini- 
schen  Stadte  :  Strassburg;  Leipzig,  1870,1,  préface,  pp.  53- 
57.  —  A.  Benoit,  Recherches  sur  le  lieu  de  naissance  du 
chroniqueur  Godefroi  d'Ensmingen, dans Rev.d'Als. ,1810. 

—  W.  WiEGAND,Be^/um  Waltherianum;  Strasbourg,  18^8. 

—  Pfister,  Annales  de  VEst,  1888,  II,  pp.  190-191. 
ELLENRIEDER  (Maria),  artiste  peintre  allemande,  née 

à  Constance  le  20  mars  1791,  morte  à  Constance  le  5  juin 
1863.  Elle  commença  à  étudier  la  peinture  à  Constance  et 
la  continua  à  Munich,  où  elle  étudia  surtout  les  vieux 
maîtres  allemands.  Elle  y  réussit  remarquablement  en  pei- 
gnant une  Sainte  en  prière,  tableau  qui  commença  sa 
renommée.  A  Rome,  où  elle  vint  en  1820,  elle  acquit  une 
grande  correction  de  dessin  en  étudiant  les  chefs-d'œuvre 
classiques.  Fixée  à  Karlsruhe,  elle  peignit  un  Saint  Etienne 
pour  une  église  de  cette  ville.  Parmi  ses  tableaux,  il  faut 


—  849  - 


ELLENRIEDER  -  ELLI 


citer  :  rEnfant  surpris  par  un  orage  et  priant  age- 
nouillé^ Joseph  et  f  Enfant  Jésus ^  Marie  et  V Enfant 
Jésus ^  Sainte  Cécile^  la  Foi,  P Amour  et  la  Charité.  En 
peinture,  elle  sut  rester  indépendante  ;  elle  fut  religieuse  jus- 
qu'au mysticisme  ;  pleine  de  noblesse  et  de  candeur,  d'une 
naïveté  enfantine,  elle  excellait  à  rendre  le  charme  délicat 
de  l'enfance  et  de  la  femme,  à  tel  point  que  l'on  disait  qu'elle 
travaillait  avec  les  anges.  D'une  très  grande  beauté,  Marie 
Ellenrieder  devint  complètement  sourde  à  la  fin  de  sa  vie. 

ELLER  (Ludwig),  violoniste,  né  à  Grœtz  (Styrie)  en 
1819,  mort  à  Pau  en  juil.  1862.  Dès  l'âge  de  neuf  ans,  il 
faisait  preuve  d'un  vrai  talent  d'exécution  ;  il  étudia  en- 
suite le  chant  pendant  plusieurs  années,  et  inaugura  sa 
carrière  de  virtuose  sur  le  violon  dans  un  concert  donné  à 
Vienne,  en  1836.  Il  voyagea  beaucoup,  visita  Paris  en 
1844,  y  fut  très  apprécié,  alla  en  Italie,  puis  séjourna  à 
Toulouse,  et  enfin  se  fixa  à  Pau,  dont  le  climat  convenait 
à  sa  mauvaise  santé.  Il  n'en  donna  pas  moins  des  concerts 
à  Madrid  et  à  Lisbonne,  avec  Gotts<îhalk,  et  à  Paris  en  1850, 
dans  les  séances  de  quatuor  où  figuraient  Franchomme, 
Sauzay  et  Seghers.  Ses  tournées  l'amenèrent  encore  à 
Londres,  en  Allemagne  et  à  Paris  (18eD5),  où  son  succès 
fut  très  grand.  De  retour  à  Pau,  il  y  fonda  des  concerts 
classiques  très  remarquables  et  continua  d'y  faire  applau- 
dir les  rares  qualités  de  son  jeu.  Il  a  composé  un  assez 
grand  nombre  de  morceaux  pour  son  instrument,  entre 
autres  une  Corrente,  une  Valse  diabolique,  une  Rhap- 
sodie hongroise,  un  Menuet  sentimental,  des  Ca- 
pricci,  etc.  A.  Ernst. 

ELLERO  (Pietro),  publiciste  italien,  né  à  Pordenone  le 
8  oct.  1833.  Ancien  professeur  de  droit  à  l'université  de 
Bologne,  ancien  député,  il  est  aujourd'hui  conseiller  à  la 
cour  de  cassation  à  Rome.  Il  avait  fondé,  à  Padoue,  étant 
encore  tout  jeune,  un  journal  singulier  qui  avait  pour  titre  : 
Giornale  per  Vabolizione  délia  pena  di  morte  ;  plus 
sérieuse  fut  sa  création  de  VArchivio  giuridico,  recueil  qui 
se  continue  depuis  1868.  On  lui  doit  les  ouvrages  suivants  : 
Délia  Pena  capitale  (1858)  ;  Opuscoli  criminali  (1874); 
Scritti  minori  (1875)  ;  Scrittipolitici  (1876)  ;  la  Tiran- 
nide  borghese  (1878)  ;  la  Rifor ma  civile  (i SI ^),  etc. 

BiRL.  :  Giuseppe  Brini,  Le  Opère  sociali  di  Pietro 
Ellero  ;  Bologne,  1887. 

ELLERTON  (John-Lodge),  compositeur  anglais,  né  dans 
le  comté  de  Chester  le  11  janv.  1807,  d'une  famille  d'ori- 
gine irlandaise,  mort  à  Londres  le  3  janv.  1873.  Il  com- 
mença de  composer  à  sept  ans,  mais  son  père  étant  opposé 
à  sa  vocation  musicale,  il  dut  apprendre  seul  son  art.  De- 
venu maître  es  sciences  à  Oxford,  il  put  se  rendre  à  Rome, 
où  il  travailla  le  contrepoint  avec  un  maître.  On  lui  doit 
les  opéras  suivants  :  Issifile,  Bérénice  in  Armenia, 
Annibalein  Capua,  Andromacca,  Il  Sacri/izio  d'Epito, 
Il  Carnavale  di  Vene.ùa,  Carlo  Rosa,  Lucirida,  Il  Ma- 
rito  avista,  Domenica,  The  Bridai  of  Greermain  ;  un 
oratorio,  Paradise  lost;  des  symphonies,  ouvertures,  mo- 
tets, antiennes,  sonates,  trios,  quintettes,  soixante  et  un 
glees  à  quatre,  cinq  et  six  voix,  quatre-vingt-trois  duos 
pour  voix  diverses,  et  quarante-quatre  quatuors  pour 
cordes.  A.  Ernst. 

ELLESMERE  (Francis  Leveson-Gower,  premier  comte 
d'),  homme  politique  et  littérateur  anglais,  né  à  Londres 
le  l^^'janv.  1800,  mort  à  Londres  le  18  févr.  1857.  Second 
fils  de  Georges  Leveson-Gower-Granville,  premier  duc  de 
Sutberland.  A  sa  majorité,  il  entra  au  Parlement  comme 
député  de  Bletchingly  (Surrey).  Il  représenta  ensuite  le 
Sutherlandshire  et  le  Lancashire.  Après  la  mort  de  son 
père  (1833),  il  hérita  du  majorât  de  son  grand-oncle  Francis 
Egerton  (V.  ce  nom),  dernier  duc  de  Bridge water,  dont 
il  prit  alors  le  nom.  Le  29  juin  1846,  il  fut  élevé  à  la 
pairie  avec  les  titres  de  vicomte  Brackley  et  de  comte 
d'Ellesmere,  titres  déjà  possédés,  par  la  famille  Egerton. 
Comme  homme  politique,  il  se  montra  conservateur  libéral 
et  appartint  à  l'école  de  Canning.  Il  occupa  plusieurs  postes 
importants  :  en  1827,  il  fut  secrétaire  d'Etat  aux  finances; 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.  —  XV. 


de  1828  à  1830,  secrétaire  d'Etat  de  l'Irlande,  et,  en  1830, 
secrétaire  à  la  guerre.  —  Il  publia  une  traduction  en  vers 
du  Faust,  de  Gœthe  (1823),  avec  des  extraits  des  lyriques 
allemands;  une  traduction  dllernani  (1831);  une  adapta- 
tion de  Henri  III  d'Alexandre  Dumas,  sous  le  titre  de 
Anne  de  Clèves  (1832);  la  pièce  fut  jouée  avec  grand  suc- 
cès à  Covent  Garden  et  interprétée  par  le  fameux  acteur 
Charles  Kemble  et  sa  fille  Fanny.  Ces  traductions  furent 
suivies  d'un  livre  de  Poèmes  (1839)  et  de  récits  de  voyage, 
Mediterranean  Sketches(\S¥d).  Ce  séjour  au  bord  de^la 
Méditerranée  inspira  au  poète  le  The  Pilgrimage  (1856), 
dont  le  style  et  même  le  sujet  rappellent  Vltalie  de  Rogers. 
Les  vers  en  sont  gracieux  et  faciles.  Citons  encore  son 
Guide  to  Northern  Archaeology  (1848).  Lord  Ellesmere 
collabora  assez  activement  à  la  Quarterly  Review.  Ses  ar- 
ticles furent  réunis  après  sa  mort.  —  Lord  Ellesmere,  qui 
se  montra  pour  les  artistes  un  Mécène  généreux  et  intel- 
ligent, est  également  très  connu  par  la  belle  collection  de 
tableaux  dont  il  avait  hérité  et  qu'il  accrut  considérable- 
ment. Cette  galerie  est  installée  à  Bridgewater  House, 
qu'il  fit  construire  par  Barry.  Entre  autres  chefs-d'œuvre, 
elle  renferme  les  Sept  Sacrements  de  Nicolas  Poussin. 

Casimir  Stryienski. 

BiBL.  :  Gentleman's  Magazine,  mars  1857.  Times,  19  févr. 

et  27  févr.  1857.  —  J.  Evans,  Lancashire  Authors,  1850.  — 

Saint-Vincent  Beechy's  sermons  on  the  Death  of  the  Earl 

of  Etlesmere,  1857.—  Sur  la  galerie  de  Bridgewater  House 

V.  A.    TONNELÈ. 

ELLEVIOU  (Pierre-Jean-Baptiste-François),  chanteur 
scénique  français,  né  à  Rennes  le  2  nov.  1769,  mort  à 
Paris  le  5  mai  1842.  Fils  du  chirurgien  en  chef  de  l'hô- 
pital militaire  de  Rennes,  il  débuta  à  la  Comédie-Italienne, 
le  19  avr.  1790,  dans  le  Déserteur,  fut  engagé  comme  pen- 
sionnaire et  devint  sociétaire  au  bout  de  d'eux  années.  Ses 
premiers  temps  restèrent  pourtant  quelque  peu  obscurs  ;  mais 
bientôt  il  se  distingua,  et  sa  jolie  voix,  conduite  avec  le  goût 
le  plus  parfait,  son  jeu  scénique  plein  de  grâce  et  d'élégance, 
la  distinction  de  sa  personne  et  ses  avantages  physiques 
devaient  faire  de  lui  le  type  de  ténor  le  plus  parfait  qu'on 
eût  jamais  vu  dans  le  genre  de  l'opéra-comique.  Sa  vogue 
fut  immense  durant  une  vingtaine  d'années.  Les  créations 
d'Elleviou  furent  donc  nombreuses,  et  leur  chiffre  s'élève 
à  beaucoup  plus  de  soixante.  Nous  ne  saurions  les  rappeler 
toutes;  mais  nous  citerons  pourtant  quelques-uns;des  plus 
importants  parmi  les  ouvrages  dans  lesquels  Elleviou  rem- 
plissait l'un  des  principaux  rôles  :  Gulnare  ou  VEsclave 
persane,  Adolphe  et  Clara,  Maison  à  vendre,  Picaros  et 
Diego,  Camille  ou  le  Souterrain,  de  Dalayrac  ;  le  Pri- 
sonnier, V Opéra-Comique,  l'Oncle  valet,  la  Fausse 
Duègne,  de  Délia  Maria  ;  le  Calife  de  Bagdad,  Beniowski, 
Zoraïne  et  Zulnar,  Jean  de  Paris,  de  Boïeldieu  ;  Une  Fo- 
lie, rirato,  Bion,  Gabrielle  d'Estrées,  Joseph,  de  Méhul  ; 
les  Maris  garçons,  le  Concert  interrompu,  le  Charme 
de  la  voix,  de  Berton  ;  les  Confidences,  Un  Jour  à  Paris, 
le  Médecin  turc,  Michel-Ange,  de  Nicolo  ;  l'Auberge  de 
Bagnères,  les  Aubergistes  de  qualité,  de  Catel,  etc.,  etc. 
Malgré  les  triomphes  qu'il  ne  cessait  de  remporter,  malgré 
l'adoration  que  lui  témoignait  le  public,  c'est  dans  la  force 
de  l'âge  et  dans  tout  l'éclat  de  son  merveilleux  talent 
qu'Elleviou  prit  la  résolution  de  se  retirer.  Le  1 0  mars  1 813, 
il  donnait  sa  représentation  de  retraite,  et  il  allait  aussitôt 
habiter  un  superbe  domaine  qu'il  avait  acquis  dans  la  com.  de 
Ternand,  dép.  du  Rhône.  Là  il  se  livra  à  l'agriculture  et 
devint  par  la  suite  presque  un  homme  politique,  maire  de  sa 
commune,  membre  du  conseil  général  du  Rhône.  Au  cours 
d'un  voyage  à  Paris,  il  fut  frappé  d'apoplexie  et  mourut  subi- 
tement dans  les  bureaux  du  Charivari,      Arthur  Pougin. 

ELLEZELLES.  Com.  de  Belgique,  prov.  de  Hainaut,arr. 
d'Ath;  5,500  hab.  Stat.  du  ch.  de  fer  d'Alost  à  Renaix. 
Centre  d'un  commerce  agricole  très  important. 

ELLI  (Myth.  scand.).  Nourrice  du  géant  Skrymis(Utgard- 
loki)  qui  soutint  sans  désavantage  la  lutte  contre  Tlior  et 
lui  fit  plier  les  genoux.  Elle  personnifie  la  vieillesse  qui 
courbe  les  plus  puissants. 


ELLIANT  -  ELLIOT 


—  850  — 


ELLlÂNT.  Corn,  du  dép.  du  Finistère,  arr.  de  Quimper, 
cant.  de  Ilosporc^e!:,  sur  le  Jet;  3,815  îiab.  Camp  retran- 
ché; deux  tombelles. 

EL  LICE  (Iles).  Archipel  de  la  Polynésie,  au  N.  des  îles 
Fidji  :  l'île  centrale,  qui  donne  son  nom  au  groupe,  est 
située  par  8<>  30'  lat.  S.  et  176«  53'  long.  E.  Ces  îles  sont 
coralliaires  avec  la  structure  des  atolls.  L'ensemble  n'a 
pas  plus  de  37  kil.  q.,  habités  par  2,500  indigènes  chré- 
tiens. Les  neuf  principales  sont  :  Nanomea  ou  Saint- 
Augustin,  Hudson  ou  Nanomaga,  Lynx  ou  Speiden,  Nui 
Eg  ou  Niederland,  Vaitoupou  ou  Tracy,  Noukoufetaou  ou 
De  Peyster,  Founafouti  ou  EUice,  Noukoulaïlaï  ou  Mitchell, 
Sophia  ou  Indépendance.  Elles  ont  été  découvertes  par  l'Amé- 
ricain Peyster  en  1819,  explorées  par  Wilkes  en  1840  et 
sont  exploitées  par  une  compagnie  allemande. 

BiBL.  :  Whitmeb,  A  Missionary  Cruise  in  South  Pacific  ; 
Sydney,  1870  (trad.  dans  Arin.  Hydrogr.,  1871). 

EL  LICE  (Edward),  homme  politique  anglais,  né  en  1781, 
mort  à  Ardochy  le  17  sept.  1863.  Fils  d'un  grand  banquier, 
il  entra,  après  de  fortes  études  classiques,  dans  la  maison 
de  son  père  à  Londres,  voyagea  pour  affaires  au  Canada  et 
aux  Etats-Unis,  prit  une  part  prépondérante  à  la  fusion 
des  compagnies  du  iV.-O.,  de  VHudson's  Bay  et  de  l'A'.  Y. 
En  1818,  il  fut  élu  membre  de  la  Chambre  des  communes 
par  Coventry,  et  réélu  en  1820,  en  1830  et  en  1831. 
Membre  du  parti  radical,  il  fut  nommé  en  nov.  1830  secré- 
taire de  la  trésorerie,  démissionna  en  1832  et  devint  la 
même  année  secrétaire  d'Etat  à  la  guerre,  poste  qu'il 
occupa  jusqu'en  déc.  1834.  Jouissant  d'une  influence  poli- 
tique considérable,  il  demeura,  sans  vouloir  accepter  de 
nouvelles  fonctions,  le  conseiller  écouté  des  cabinets  Hbé- 
raux  et  contribua  à  la  formation  de  plusieurs  ministères, 
notamment  celui  de  lord  Melbourne.  Très  hé  avec  les  prin- 
cipaux hommes  politiques  français,  Thiers,  Guizot,  Méri- 
mée entre  autres,  il  séjourna  souvent  à  Paris  où  il  fréquen- 
tait le  salon  de  M^^  de  Lieven.  «  Il  était,  écrit  Mérimée, 
l'un  des  plus  parfaits  modèles  du  gentleman  de  la  vieille 
roche.  »  Brougham,  on  ne  sait  pourquoi,  l'avait  surnommé 
VOurs,  et  il  était  universellement  connu  sous  ce  sobriquet. 

E  LLI C  E  (Edward),  homme  politique  anglais,  né  à  Londres 
le  19  août  1810,  mort  près  de  Portland  le  2  août  1880, 
fds  du  précédent.  Il  fit  ses  études  à  Eton  et  à  Cambridge, 
entra  dans  la  diplomatie  et  accompagna  lord  Durham,  en 
qualité  de  secrétaire  particuher,  en  Russie  (1832)  et  au 
Canada  (1838).  Après  un  échec  à  Inverness  aux  élections 
de  1834,  où  il  se  présentait  comme  tory,  il  fut  élu  à  la 
Chambre  des  communes  par  Huddersfield  en  1836,  puis  par 
Saint-Andrews  qu'il  représenta  pendant  quarante-deux  ans. 
Il  fut  au  Parlement  un  défenseur  convaincu  du  libre-échange. 
En  18iS9,  il  refusa  la  pairie  que  lui  offrait  M.  Gladstone. 
Il  joua  en  poKtique  un  rôle  beaucoup  plus  effacé  que  son 
père.  Il  a  écrit  The  State  of  the  Highlands  in  i864 
(Londres,  1855).  R.  S. 

ELLICOTT  (John),  savant  anglais,  né  vers  1706,  mort 
à  Londres  en  1772.  Il  était  membre  de  la  Société  royale 
de  Londres  et  horloger  du  roi.  Ses  montres  ont  longtemps 
été  très  recherchées  en  Angleterre.  Il  a  inventé  un  pyro- 
mètre (1736),  un  pendule  compensateur  (1752),  a  per- 
fectionné plusieurs  autres  instruments  de  précision  et  a  fait 
divers  calculs  et  observations  astronomiques  relatifs  aux 
inégalités  du  mouvement  de  la  lune  et  au  passage  de 
Vénus  de  1761.  lia  publié  dans  les  Philosophical  Trans- 
actions de  la  Société  royale  quelques  mémoires  intéres- 
sants :  On  the  Influence  of  two  Pendulum  Clocks 
upon  each  other  (il 39);  Spécifie  Gravity  ofDiamonds 
(1745)  ;  Essays  towards  discovering  the  laws  of  elec- 
tricif  (1747-48)  ;  Heights  of  the  ascent  of  rockets 
(1750),  etc.  L.  S. 

ELLiCOTT  (Andrew),  ingénieur  et  astronome  améri- 
cain, né  à  Bucks  (Pennsvlvanie)  le  24  janv.  1754,  mort  à 
West-Point  (Etat  de  New-York)  le  28  août  1820.  Il  était 
fds  du  fondateur  de  la  vihe  à'Ellicott  City,  dansleMary- 
land.  Il  reçut  en  1792  le  titre  d'arpenteur  général  dès 


Etats-Unis,  fut  secrétaire  d'Etat  de  1801  à  1808  et,  à  par- 
tir de  1812,  professeur  de  mathématiques  à  l'académie 
militaire  de  AVest-Point.  Il  a  participé  à  de  nombreuses 
déhmitations  de  frontières,  a  levé  les  plans  de  quelques 
régions  encore  mal  connues  de  l'Amérique  du  Nord ,  a  donné 
ceux  de  plusieurs  villes  et  a  mesuré  le  Niagara,  ses  chutes 
et  ses  rapides.  Il  s'est  en  outre  livré  à  d'intéressantes 
observations  astronomiques.  Ces  divers  travaux  sont  rela- 
tés dans  une  dizaine  d'ouvrages  et  de  mémoires  :  Journal 
for  determining  the  boundaries  of  the  United  States 
(Philadelphie,  1803,  in-4,  avec  cartes)  ;  Observations  on 
a  phenomen  on  termed  looming  (dans  les  Transactions 
ofthe  American  Philosophical  Society ,  1793);  On  the 
Aberration  ofthe  stars,  etc.  (z/^.,1799);  Astronomical 
Observations  (ib.,  1799)  ;  Astronomical  and  thermome- 
trical  Observations  (ib.,  1802),  etc.  L.  S. 

ELLiCOTT  (Charles-John),  prélat  anglais  contemporain, 
né  à  Whitwcll,  près  de  Stamford,  le  25  avr.  1819. 
Après  de  très  fortes  études,  il  entra  dans  les  ordres  et 
devint  en  1863  évêque  de  Gloucester  et  Bristol.  Il  a  publié 
un  grand  nombre  d'ouvrages  parmi  lesquels  nous  citerons  : 
The  History  and  obligation  of  the  Sabbath  (1842)  ; 
Treatise  onanalyticalstatics  (1851);  Criticalandgrcmi- 
matical  Commentaries  on  the  epistles  to  the  Galatians 
(1 854)  et  autres  ;  Adresses  on  modem  scepticism  (1 877)  ; 
Adresses  on  the  being  of  God  (1879);  Présent  Dangers 
to  the  Church  of  England  (1881)  ;  Are  we  to  liiodify 
fimdamental  doctrines  ?  (1885),  etc.,  etc. 

EL  LIN  G  EN.  Village  de  Bavière,  prov.  de  Franconie 
moyenne,  sur  le  Rezat  souabe  ;  1,500  hab.  Château  des 
princes  Wrede,  à  qui  cet  ancien  fief  de  l'ordre  teutonique 
fut  donné  en  1815. 

ELLIOT  (Adam),  voyageur  anglais,  mort  en  1700.  Au 
cours  d'un  voyage,  il  fut  fait  prisonnier  par  les  Maures  en 
juin  1670  et  vendu  comme  esclave.  Il  réussit  à  revenir  en 
Angleterre  et  se  fit  ordonner  prêtre  en  1672.  Il  a  laissé  une 
curieuse  relation  de  ses  aventures  qui  est  fort  sujette  à 
caution,  Narrative  of  my  travels,  captivity  and  escape 
from  Salle  in  the  Kingdom  ofFez  (1682).  Il  engagea  une 
polémique  extrêmement  vive  et  une  série  de  procès  avec 
Titus  Gates  qui  l'accusait  d'être  un  jésuite  et  un  renégat 
mahométan.  Cette  polémique  a  donné  heu  aux  pamphlets 
suivants  :  Apologia  pro  vita  meâ,  d'Elliot  (1 682)  ;  A 
Modest  V indication  of  Titus  Oates  the  Salamanca 
doctor  from  Perjury  (1682)  et  i  Vindication  of  Dr, 
Titus  Oates  from  two  scurrilous  Libels,  de  Bartholomew 
Lane  (1683).  R.  S. 

ELLIOT  (Sir  Gilbert),  né  en  1651,  mort  le  1^^  mai 
1718.  Il  prit  une  part  active  à  toutes  les  intrigues  contre 
Jacques  P^',  sauva  le  comte  d'Argyll  en  le  tirant  de  sa  pri- 
son, voyagea  en  Hollande,  en  Allemagne,  pour  recueillir 
des  fonds  dans  le  but  de  préparer  un  soulèvement  en 
Ecosse  et  fut  condamné  à  mort  le  16  juil.  1685.  Il  avait 
pu  quitter  à  temps  l'Angleterre.  En  1687,  il  obtint  sa  grâce, 
se  fit  recevoir  avocat  en  1688  et  en  1692  fut  nommé 
commis  au  conseil  privé.  En  1700,  il  fut  créé  baronet 
avec  le  titre  de  lord  Minto,  et  nommé  juge  de  session.  Il 
entra  en  1705  à  la  cour  de  justice.  Depuis  1073  il  repré- 
sentait à  la  Chambre  des  communes  le  comté  de  Roxburgh. 
—  Son  fils,  Gilbert,  né  en  1693  ou  1694,  mort  à  Minto 
le  16  avr.  1766,  avocat  en  1715,  représenta  le  comté  de 
Roxburgh  au  Parlement  de  1722  à  1726,  entra  à  cette 
date  à  la  cour  du  Banc  du  roi,  devint  lord  justice  en  1733 
et  justice  clerk  en  1763.  Il  acquit  une  grande  réputation 
comme  magistrat  et  jouit  d'une  très  grande  influence. 
C'était  un  lettré  et  un  excellent  musicien.  R.  S. 

ELLIOT,  comtes  de  Minto  (V.  ce  nom). 

ELLIOT  ((Teorge-Augustus),  baron  Heathfield  (1717- 
1790)  (V.  EuoTT). 

ELLIOT  (Sir  Gilbert),  homme  politique  et  poète  écos- 
sais, né  en  1722,  mort  en  1777.  Il  se  destina  d'abord  au 
barreau,  mais  il  entra  bientôt  dans  la  vie  publique  et  re- 
présenta tour  à  tour  le  comté  de  Selkirk,  puis  celui  de 


.  8ol  — 


ELLIOT 


Roxburg  à  la  Chambre  des  communes,  où  il  se  distingua 
comme  orateur,  et  défendit  en  plusieurs  occasions  graves 
la  politique  de  Georee  III.  Il  remplit,  en  outre,  de  hautes 
fonctions,  comme  celles  de  lord  de  l'amirauté,  de  garde  du 
signet  en  Ecosse,  de  trésorier  de  la  marine.  A  la  mort  de  son 
père  (1766),  il  devint  baronet  de  Minto.  Ami  particulier 
de  Robertson  et  de  Hume,  il  jouissait  d'une  réputation  de 
poète  qui  ne  s'appuie  guère  aujourd'hui  que  sur  quelques 
pastorales  et  pièces  légères,  éparses  dans  les  recueils  du 
temps.  Son  Journal  manuscrit  a  servi  à  Horace  Walpole 
pour  les  Memoirs  of  George  IIL  B.-H.  G. 

ELLIOT  (William),  graveur  anglais,  né  à  Hampton  Court 
en  1727,  mort  à  Londres  en  1766.  H  a  fait  d'excellentes 
gravures  d'après  Cuyp,  Smith  of  Chichester,  Van  Goyen, 
Rubens,  etc. 

ELLIOT  (Jane  ou  Jean),  femme  poète  écossaise,  née  en 
1727,  morte  en  1805.  On  ne  connaît  d'elle  qu'une  ballade 
sur  la  bataille  de  Flodden,  qui  parut  anonymement  en  1 756, 
et  qui  est  un  chef-d'œuvre.  Elle  était  fille  de  sir  Gilbert 
Elliot,  second  baronet  de  Minto,  et  sœur  du  troisième 
baronet  de  ce  nom  (V.  ci-dessus). 

ELLIOT  (Hugh),  diplomate  anglais,  né  le  6  avr.  1752, 
mort  le  10  déc.  1830.  Il  fit  ses  études  à  Paris,  où  il  se  lia 
avec  Mirabeau,  et  les  termina  à  Oxford.  Il  fréquenta  ensuite 
l'école  militaire  de  Metz,  servit  comme  volontaire  dans 
l'armée  russe  lors  de  la  guerre  de  1772  contre  les  turcs  et 
entra  enfin  dans  la  diplomatie.  Ministre  plénipotentiaire  à 
Munich  en  1773,  envoyé  extraordinaire  et  plénipotentiaire 
à  Beriin  en  1777,  il  occupa  en  1782  les  mêmes  fonctions 
à  Copenhague,  où  il  se  distingua  en  obtenant,  malgré  d'in- 
finies difficultés,  le  maintien  des  bonnes  relations  entre  le 
Danemark  et  l'Angleterre.  En  1791,  il  fut  chargé  d'une 
mission  secrète  à  Paris,  fut  ensuite  envoyé  à  Dresde 
comme  plénipotentiaire  et  de  là  à  Naples  (1803).  Il  subit 
à  ce  point  l'influence  de  la  reine  de  Naples  qu'il  ordonna  à 
sir  Henry  Craig,  contrairement  aux  instructions  de  son  gou- 
vernement, de  demeurer  en  Italie  avec  son  armée  pour 
défendre  le  royaume  de  Naples.  Craig  refusa,  et,  après  cet 
éclatant  scandale,  Elliot  fut  rappelé  et  dut  quitter  la  diplo- 
matie. Il  fut  nommé  en  i  809  gouverneur  des  îles  Leeward 
et,  en  1814,  gouverneur  de  Madras,  où  il  demeura  jusqu'en 
1820.  Il  rentra  ensuite  dans  la  vie  privée.  R.  S. 

BiBL.  :  Comtesse  de  Minto,  Memoir  ofthe  R.  H.  Huah 
Elliot;  Londres,  1868.  '^ 

ELLIOT  (Ebenezer),  poète  anglais,  né  à  Masborough, 

près  de  Rotherdam  (Yorkshire)  le  17  mars  1781,  mort  à 

Argilt  Hill,  près  deBarnsley  (Yorkshire)  le  1^' déc.  1849. 

Fils  d'un  petit  employé  de  fonderie  chargé  de  famille  et 

qu'on  représente  comme  calviniste  austère  et   farouche 

démocrate,  il  ne  reçut  que  l'instruction  de  l'école  de  son 

village.  Cependant,  à  peine  sorti  de  l'enfance,  à  dix-sept 

ans,  il  publia  son  premier  poème,  The  Vernal  Walk,  où 

se  sent  l'influence  de  Thompson.  Il  se  maria  vers  l'âge  de 

vingt  ans,  fit  de  mauvaises  affaires  et  se  vit  ruiné  après 

quelques  années  de  travail,  malechance  qu'il  attribua  aux 

lois  sur  les  céréales  (corn-laws),  contre  lesquelles  il  porta 

désormais  toutes  ses  colères.  Ayant  emprunté  un  petit 

capital,  il  s'établit  à  Sheffield  marchand  de  fer,  d'où  son 

surnom  de  Forgeron  de  Sheffield,  C'est  en  1827,  quelque 

temps  après  son  installation,  gue  parurent  ses  fameuses 

Corn  Laiv  Rhymes,  Elles  obtinrent  un  grand  et  légitime 

succès,  établirent  sa  réputation  et  lui  valurent  l'amitié  de 

sir  E.  Rulwer  qui,  ayant  alors  la  direction  du  New  Monthly 

Magaûne,  lui  demanda  sa  collaboration.  —  En  1831,  il 

prit  une  part  prépondérante  au  mouvement  chartiste  qu'il 

abandonna  deux  ans  après  à  cause  de  son  opposition  à 

VAnti  Corn  Law  et  se  retira  dans  sa  petite  propriété  de 

Great  Hougton,  où  il  eut  avant  de  mourir  la  satisfaction 

de  voir  les  lois  sur  les  céréales  abolies.  Outre  les  Corn 

Law  Rhymes,  Elliot  a  publié  des  vers  énergiques  contre 

les  Alehouses  (cabarets),  écho  du  puritanisme  paternel,  et 

la  taxe  du  pain.  Des  histoires  campagnardes,  des  croquis 

champêtres  dans  le  genre  de  Crabbe,  parus  en  1829  sous 


le  titre  de  The  Village  Patriarch,  contribuèrent  à  le  placer 
au  premier  rang  des  poètes  populaires  de  la  Grande-Bre- 
tagne. Son  style  est  énergique  à  la  fois  plein  de  chaleur 
et  de  rudesse.  H  défendit  la  cause  des  pauvres  en  décrivant 
la  dure  vie  des  ouvriers  de  fabrique  avec  Une  simplicité, 
une  droiture  et  une  ironie  sans  égales  ;  le  seul  reproche 
qu'on  puisse  lui  adresser,  c'est  qu'il  a  dépensé  trop  de 
phrases  déclamatoires  en  vains  appels  à  la  justice  et  à  la 
pitié  des  riches,  verbiage  inutile  qui  alourdit  l'œuvre,  ne 
prêche  que  des  convertis  ou  ne  heurte  que  des  oreilles  de 
sourds.  Outre  ses  poésies  complètes,  parues  à  Edimbourg 
en  1840,  on  publia  à  Londres,  en  1850,  plusieurs  écrits 
posthumes.  Hector  Frange. 

^.?.^^^' J  Serle,  LiCe^  character  and  genius  of  Ebenezer 
Elliot;  Londres,  185-0. 

ELLIOT  (SirGeorge),  amiral  anglais,  né  le  12  août  1784, 
mort  à  Londres  le  24  juin  1863.  Entré  dans  la  marine  en 
1794,  il  assista  aux  combats  du  cap  Saint-Vincent  et  du 
Nil,  servit  sous  Nelson,  qui  l'estimait  fort,  fut  employé  à  la 
répression  de  la  piraterie  à  Java  et  à  Bornéo,  devint  secré- 
taire de  Famirauté  en  1834  et  lord  commissaire  en  1835. 
En  1837,  il  fut  nommé  commandant  en  chef  au  cap  de 
Bonne-Espérance,  où  il  resta  jusqu'en  1840.  Il  passa  alors 
en  Chine,  où  il  remplit  les  fonctions  de  plénipotentiaire.  Il 
fut  promu  vice-amiral  en  1847  et  amiral  en  4853. 

ELLIOT  (Sir  Charles),  amiral  anglais,  né  en  1801,  mort 
à  Exeter  le  9  sept.  1875.  Entré  dans  la  marine  en  1815, 
il  prit  part  au  bombardement  d'Alger  (1816),  servit  aux 
Indes,  en  Afrique,  à  la  Jamaïque  et,  à  partir  de  1828,  fut 
employé  dans  les  bureaux  des  colonies.  De  1830  à  1833, 
il  servit  à  la  répression  de  l'esclavage  à  la  Guyane,  fut 
nommé  en  1834  secrétaire  de  la  commission  chargée  de 
régler  les  affaires  de  Chine  et  devint  en  1837  plénipoten- 
tiaire. En  1840,  il  bloqua  Canton  et,  après  la  destruction 
des  forts  commandant  l'entrée  du  fleuve,  signa  avec  les 
autorités  locales  un  traité  préliminaire  qui  fut  désavoué  à 
la  fois  par  l'Angleterre  et  par  la  Chine.  Les  hostilités 
reprirent  et  Canton  était  sur  le  point  d'être  emporté  lorsque 
Elliot  obtint  une  rançon  de  1,250,000  livres  sterlino-.  Il 
fut  envoyé  au  Texas  comme  chargé  d'affaires  (1842-1846), 
fut  nommé  gouverneur  des  Bermudes  (1846),  de  la  Trinité 
(1854)  et  de  Sainte-Hélène  (1863).  Il  rentra  dans  la  vie 
privée  en  1869.  Il  avait  été  promu  amiral  le  12  sept.  1865. 
ELLIOT  (Sir  Walter),  fonctionnaire  et  archéologue  an- 
glais, né  le  16  juin  1803,  mort  en  1887.  H  alla  à  Madras, 
en  1818,  comme  employé  de  la  Compagnie  des  Indes  et  fut 
fait  prisonnier  pendant  l'insurrection  'de  Kittur.  Il  revint 
en  Europe  en  1833  en  passant  par  Constantinople,  Athènes, 
Corfou  et  Rome.  Il  retourna  en  1835  dans  l'Inde,  où  il 
resta  jusqu'en  1860.  Pendant  ce  long  séjour,  il  s'intéressa 
aux  sciences  naturelles  et  à  l'archéologie,  et  travailla  avec 
un  jeune  brahmane  au  déchiff'rement  des  inscriptions  qu'il 
recueillait  dans  les  différentes  contrées  de  l'Inde.  Le  Bri- 
tish  Muséum  possède  une  collection  de  sculptures  rap- 
portées  par  lui  et  qui  provenaient  du  tope  bouddhiste 
d'Amrâvati.  H  fut  nommé,  en  1877,  membre  de  la  Royal 
Societ-y.  Outre  son  ouvrage  sur  les  monnaies  de  l'Inde  mé- 
ridionale (Coins  of  Southern  India,  1886,  2^  partie  du 
vol.    in   da  y  International  Numismata    Orientalia), 
EUiot  a  publié  de  nombreux  travaux  dans  Vlndian  Anti- 
quary,  le  Journal  of  the  Royal  Asiatic  Society,  etc. 

J.-A.  Blanchet. 
BiBL.  :  Leslie  Stephen,  Dictionary  of  national  Bloara- 
phij;  Londres,  1889,  voL  XVII,  p.  262. 

ELLIOT  (Sir  Henry-Miers),  fonctionnaire  de  la  Compa- 
gnie des  Indes  et  historien  anglais,  né  à  Londres  en  1808, 
mort  au  cap  de  Bonne-Espérance  en  1853.  H  rendit  de 
grands  services  dans  la  guerre  des  Sikhs  et  dans  les  négocia- 
tions relatives  au  Pendjab  et  au  Goudjerat.  On  a  de  lui,  outre 
des  mémoires  spéciaux,  un  supplément  au  Glossary  of  In- 
dian  Judicial  and  Revenue  Terms  (Agra,  1845);  un 
Ribliographical  Index  to  the  Historians  of  Mohamme- 
dan  India,  dont  il  n'eut  le  temps  de  publier  que  le  premier 


ELLIOT  -  ELLIPSE 


—  852  — 


volume  (Calcutta  et  Londres,  d849).  Ses  deux  œuvres  pos- 
thumes :  History  of  Inclia  as  told  by  Us  own  Histormns 
(1866-77,  8  vol.;  avec  une  suite,  1886),  et  Memoirs  of 
thc  History,  Folklore  and  Distribution  of  the  Races 
of  the  Nortli'West  Provinces  of  India  (1869,  2  vol.), 
ont  une  très  grande  valeur. 

ELLIOT  (Céleste),  connue  sous  le  nom  de  M"^' Céleste., 
actrice  anglaise,  d'origine  française,  née  à  Paris  le  16  août 
1814,  selon  quelques-uns,  le  6  août  1815,  selon  d'autres. 
Elève,  dès  ses  plus  jeunes  années,  des  classes  de  danse  de 
l'Opéra,  elle  obtint,  à  peine  âgée  de  quinze  ans,  un  enga- 
gement avantageux  pour  les  Etats-Unis,  où  elle  connut 
M   Eiliot,  qu'elle  épousa  et  qui  la  laissa  bientôt  veuve. 
Elle  revint  alors  en  Europe  et  se  produisit  avec  succès 
au  théâtre  de  Liverpool,  dans  le  rôle  de  Fenella  de  la 
Muette  de  Porlici,  après  quoi  elle  se  montra  dans  plu- 
sieurs grandes  villes  de  l'Angleterre,  et  enfin  à  Londres, 
où  elle  tut  accueillie  avec  une  grande  faveur  à^nslatiUe 
de  Cachemire  et  la  Révolte  au  Sérail.  En  18o4,  elle 
retournait  aux  Etats-Unis,  et  là  ses  triomphes  furent  tels 
qu'au  dehors  on  lui  portait  les  armes,  que  ses  admirateurs 
dételaient  sa  voiture  pour  la  traîner  eux-mêmes,  et  qu  enhn 
on  la  nomma  par  acclamation  citoyenne  de  1  Union.  On 
raconte  même  que  le  président  Jackson  la  présenta  au 
conseil  des  ministres,  en  la  félicitant  d'avoir  mente  et 
obtenu  un  tel  honneur.  M'"^  Céleste  était  devenue  million- 
naire lorsque,  en  1837,  elle  revint  en  Angleterre.  Elle 
modifia  pourtant  sa  carrière,  de  danseuse  se  fit  actrice,  et 
c'est  en  cette  qualité  qu'elle  se  présenta  sur  la  scène  de 
Drury  Lane,  puis  sur  celle  de  Haymarket,  où  elle  retrouva 
ses  succès  en  jouant  le  drame  et  la  comédie.  Bientôt  elle 
se  fit  directrice,  s'associa  en  1844  avec  M.  Webster  pour 
l'administration  du  théâtre  Adelphi,  puis  prit  ensuite, 
seule,  la  direction  du  Lyceum,  qu'elle  conserva  jusqu  en 
1861    Elle  fit  alors  plusieurs  tournées  dans  les  grandes 
villes  des  comtés,  et,  en  1865,  alla  faire  un  troisième 
voyage  aux  Etats-Unis,  où  elle  resta  jusqu'en  1868,  tou- 
jours ietée  et  toujours  triomphante.  De  retour  à  Londres, 
elle  reparut  au  théâtre  Adelphi,  où  elle  donna  sa  repré- 
sentation d'adieux  le  22  oct.  1870.  Sa  retraite  pourtant 
ne  fut  pas  encore  définitive,  car  on  la  vit  encore  par  inter- 
valles, et  pendant  quelques  années,  se  produire  plus  d'une 
fois  à  la  scène,  notamment  dans  son  rôle  tavori  d  une 
pièce  de  M.  Buckstone,  Green  Rushes,  qu'elle  avait  crée 
pendant  sa  direction  au  théâtre  Adelphi.  A.  P. 

ELLIOT  (Sir  George-Henrv),  diplomate  anglais,  ne 
en  1817.  Après  avoir  fait  ses  études  à  Eton,  il  servit  en 
Tasmanie,  comme  aide  de  camp  de  sir  John  Franklin,  de 
4836  à  1839.  Il  entra  dans  les  bureaux  des  atlaires 
étrangères  en  1840,  puis  suivit  régulièrement  la  carrière 
diplomatique.  Attaché  d'ambassade  à  Saint-Pétersbourg 
en  1841,  secrétaire  de  légation  à  La  Haye  en  1848,  a 
Vienne  en  1853,  envoyé  à  la  cour  de  Danemark  en  18o8, 
à  celle  des  Deux-Siciles  en  1859  et  en  Grèce  en  1862,  il 
succéda  à  Hudson  à  l'ambassade  d'Italie  en  1863  et  devint 
ambassadeur  près  de  la  Porte  en  1867.  Entré  au  conseil 
privé,  il  fut  adjoint  au  marquis  de  Salisbury  à  la  conterence 
de  Constantinople  (1876-77),  et,  tenu  quelque  temps  en  dis- 
grâce par  le  parti  libéral,  exerça  les  fonctions  d  ambassa- 
deur à  Vienne  de  1877  à  1883.  ^ 

ELLIOTSON  (John),  médecin  anglais,  né  à  Lonares  vers 
1792,  mort  à  Londres  le  27  juil.  1868.  Brillant  professeur, 
il  enseigna  la  physiologie  et  la  médecine  légale  à  l'école  de 
médecine  de  Grainger,  puis  passa  à  l'hôpital  Saint-Thomas, 
enfin  en  1831  obtint  une  chaire  de  médecme  à  l'université 
de  Londres  ;  grâce  à  ses  efibrts,  l'University  Collège  Hos- 
pital  fut  créé  en  1834,  et  il  Y  obtint  un  service  de  médecme 
et  une  chaire  de  clinique.  A  partir  de  1838,  sur  l'instiga- 
tion du  baron  Dupotet,  il  s'adonna  à  la  pratique  du  magné- 
tisme animal  et  fonda  même  un  hôpital  spécial  pour  lap- 
pUcation  de  cette  méthode  thérapeutique.  —  Principaux 
ouvrages  :  Lectures  on  the  theory  and  practice  ofmedi- 
cine  (Londres,  1839,  in-8)  ;  The  Principles  and  pract. 


ofmedicine  (Londres,  1839,  in-8)  ;  Mesmerism  in  India 
(Londres,  1850,  in-8).  D^  L.  Hn. 

ELLIOTT  (Grâce  Dalrymple), aventurière  anglaise,  née 
vers  1758,  morte  à  Ville-d'Avray  le  16  mai  1823.  Fille 
d'un  avocat  d'Edimbourg,  elle  fut  élevée  en  France;  sa 
beauté  séduisit  le  D^  John  EUiott,  médecin  fort  riche  et 
déjà  â^é,  qui  l'épousa  en  1771.  Mais  la  vertu  de  la  dame 
n'égalait  pas  sa  beauté;  elle  eut  de  nombreuses  intrigues 
dans  la  société  d'Edimbourg  et  s'enfuit  en  1774  avec  lord 
Valentia.  Vers  1782,  elle  accoucha  d'une  fille  dont  le  prince 
de  Galles,  .Charles  Windham,  Georges  Selwyn,  et  lord 
Cholmondeley  réclamèrent  simultanément  la  paternité. 
Ce  fut  le  prince  de  Galles  qui  présenta  Mrs.  Elliott, 
connue  sous  le  nom  «  la  grande  Daily  »  au  duc  d'Orléans 
(Egalité)  en  1784;  en  1786,  elle  vint  s'étabHr  à  Paris,  où 
elle  reçut  plusieurs  visites  de  sa  fille,  élevée  dans  la  famille 
Cholmondeley  et  mariée  en  1808  à  lord  Charles  Bentinck. 
A  Paris,  elle  fut  la  maîtresse  du  duc  d^Orléans.  Elle  resta 
dans  cette  ville  pendant  toute  la  Révolution.  — Elle  écrivit, 
pendant  les  dernières  années  du  siècle,  un  Journal  of  my 
life  during  the  french  Révolution,  qui  fut  publié  en 
1859  par  H.  Richard  Bentley.  C'est  un  livre  curieux, 
mais  qui  fourmille  d'erreurs,  volontaires  ou  involontaires. 
Quelques-unes  sont  amusantes.  Mrs.  Elliott  se  dit  née 
en  1765;  elle  aurait  donc  eu  neuf  ans  à  l'époque  de  sa 
fuite  avec  lord  Valentia.  Elle  dit  que  Bonaparte  lui  adressa 
une  demande  en  mariage.  Elle  se  vante  d'avoir  été  dans 
quatre  prisons,  dont  les  registres  d'écrou  ne  portent  point 
son  nom,  etc.  Ch.-V.  L. 

ELLIOTT  (Charles-Loring),  peintre  américain,  né  dans 
l'Etat  de  New-York  en  1812,  mort  en  1868.^Elève  du 
portraitiste  Trumbull ,  il  fut  élu  associé  de  l'Académie 
nationale  en  1845  et  membre  ordinaire  en  1846.  Il  pei- 
gnit plus  de  sept  cents  portraits,  remarquables^  par  leur 
vérité  et  la  vigueur  du  coloris.  G.  P.-i. 

ELLIPSE.  î.  Mathématiques.  —  On  appelle  ellipse  la 
courbe  plane,  lieu  des  points  tels  que  la  somme  de  leurs 
distances  à  deux  points  fixes  reste  constante.  Cette  courbe, 
dont  il  a  été  question  au  mot  Coniques,  a  la  forme  d'une 
ovale.  —  On  a  aussi  donné  le  nom  d'ellipses  à  des  courbes 
ressemblant  plus  ou  moins  à  celle  que  nous  venons  de 
définir.  L'ellipse  de  Casshii  (V.  Cassinoïde),  l'ellipse  sphé- 
rique  (V.  Conique  sphérique)  sont  de  ce  nombre.  Pour  le 
tracé  de  cette  courbe,  V.  Système  articulé,  Ellipsographe. 
—  La  projection  orthogonale  du  cercle  est  une  eUipse  ;  un 
grand  nombre  de  propriétés  de  cette  courbe  découlent  de  ce 
théorème.  ^^'  L-. 

IL  Grammaire.  —  On  appelle  ellipse  la  suppression 
dans  une  phrase  d'un  mot  indispensable  pour  la  construc- 
tion grammaticale.  L'ellipse  est  l'opposé  du  pléonasme 
(V.  ce  mot).  Elle  se  rencontre  dans  toutes  les  langues, 
parce  qu'elle  procède  d'une  tendance  naturelle  du  langage 
à  abréger  l'expression  pour  suivre  la  rapidité  de  la  pensée 
ou  lui  donner  plus  de  vivacité.  Or  on  conçoit  qu'un  mot 
grammaticalement  indispensable  puisse  n'être  pas  exprimé, 
lorsque  l'idée  qu'il  signifie  se  dégage  du  contexte  ou  que 
l'habitude  d'associer  ensemble  deux  ou  plusieurs  mots 
dans  une  même  expression  fait  qu'en  entendant  l'un  on 
devine  immédiatement  les  autres.  De  là  deux  sortes 
d'ellipses  :  1»  le  mot  supprimé  se  retrouve  avec  la  même 
construction  dans  une  proposition  voisine;  c'est  généra- 
lement un  verbe  :  Dieu  est  bon,  rhomme  (s.-entendu 
est)  méchant;  2«  le  mot  est  supprimé  en  vertu  d'une 
association  intime  établie  par  l'usage  entre  deux  ou  plu- 
sieurs termes.  A  quoi  bon?  Quid  multa?  (sous-en- 
tendu dicam),Mereri  (sous-entendu  stipendia).  Ce  genre 
d'ellipse  se  rencontre  particuhèrement  dans  la  langue  tami- 
lière  (Unde  et  quo  Catiiis?),  dans  les  sentences  et  les 
expressions  proverbiales  (Fortuîia  fortes,  sous-entendu 
juvat;''A'jbi  o\  Trotafxo',  sous-entendu  peouai),  et  dans 
toute  une  série  d'expressions  analogues  au  français  Z>072 
gré  malgré,  dans  lesquelles  on  sous-entend  une  conjonc- 
tion {et  ou  ou)  (velim  nolim,  forte  temere,  et  environ 


-  8o3  - 


ELLIPSE  -  ELLIPTIQUE 


deux  cent  vingt  expressions  de  ce  genre  en  latin).  Il  a  même 
donné  naissance  à  certaines  constructions  grammaticales  où 
l'ellipse  est  de  règle,  par  exemple  avec  les  relatifs  dont  on 
sous -entend  l'antécédent  dans  certaines  conditions  : 
Quanta  celeritate  potuit  {sous-entenàu  tanta).  Il  y  a 
ainsi  des  ellipses  où  le  terme  supprimé  ne  pourrait  être 
rétabli  sans  déroger  à  l'usage.  Les  Latins  disaient  Cn, 
Pompeio  M,  Crasso  consulibus  et  non  Cn,  Pompeio  et 
M,  Crasso  consulibus;  ferunt,  on  rapporte,  et  non  ho- 
mmes ferunt.  Aussi  peut-on  distinguer  deux  sortes  d'el- 
lipses :  1°  celles  que  l'on  fait  sans  s'en  apercevoir,  et  qui 
appartiennent  an  fond  même  de  la  langue,  auxquelles  on 
ne  renoncerait  pas  s'en  rendre  le  discours  pesant  et  en- 
nuyeux; 2^  les  ellipses  oratoires,  par  lesquelles  les  écri- 
vains arrivent  à  produire  des  effets  de  style  : 
Je  t'aimais  inconstant,  qu'aurais-je  fait  fidèle  ?    (Racine.) 

Il  ne  faut  pas  confondre  l'ellipse  avec  Vaposio- 
pèse  qui  n'est  qu'une  simple  figure  de  rhétorique  où  la 
suppression  des  mots  est  déterminée  par  la  passion  (le 
Quos  ego  de  Virgile).  L'ellipse  est  essentiellement  gram- 
maticale. Il  n'y  a  ellipse  que  si  le  mot  étant  nécessaire  à 
l'analyse  logique,  la  marche  de  la  pensée  ou  l'usage  per- 
met de  le  supprimer  sans  nuire  à  la  clarté.  Mais  il  ne  faut 
pas  dire  qu'il  y  a  ellipse  parce  qu'un  mot  qui  pouvait  être 
exprimé,  sans  être  grammaticalement  nécessaire,  ne  l'a  pas 
été.  C'est  l'erreur  où  est  tombé  Sanctius  dans  sa  Minerva 
(1587)  et  qui  s'est  perpétuée  après  lui  jusqu'à  God.  Her- 
mann  au  commencement  de  ce  siècle.      Paul  Giqueaux. 

BiHL.  :  Grammaire.  —  Franc.  Sanctii,  Minei'va,  seu  de 
causis  linguœ  lalinse;  Amsterdam,  1761,  pp.  526-708.  — 
God.  Her'mann,  De  Ellipsi  et  pleonasmo,  1808,  publié  en 
1822  à  la  suite  des  Idiotismi  de  Viger,  pp.  869-888. 

ELLIPSI  M  BRE.  Courbe  gauche  du  quatrième  degré, 
intersection  de  deux  cylindres  du  second  degré  dont  les 
génératrices  sont  perpendiculaires. 

ELLIPS06RAPHE  ou  COMPAS  elliptique. On  a  cons- 
truit un  grand  nombre  d'instruments  destinés  à  décrire 
une  ellipse  d'un  trait  continu  ;  ces  instruments  portent  le 
nom  d'ellipsographes.  Nous  citerons  d'abord  pour  mémoire 
l'ensemble  de  deux  piquets  ou  de  deux  pointes  fichées  aux 
foyers  et  d'un  fil  de  longueur  constante  2a  égal  au  grand  axe, 
attaché  aux  deux  piquets  ;  en  tendant  le  fil  au  moyen  d'une 
pointe  à  tracer,  cette  pointe  décrit  l'ellipse  dont  le  grand 
axe  est  2a.  Ce  procédé  est  employé  par  les  jardiniers 
pour  tracer  les  parterres  elliptiques,  et  c'est  ce  qui  a  fait 
donner  à  l'ellipse  le  nom 
d'ovale  des  jardiniers.  Voici 
un  ellipsographe  très  ingé- 
nieux; il  est  formé  de  quatre 
tiges  FF^F^G^G^G,GF  ar- 
ticulées en  F,  F^  G,  G' (fig. 
i);onaFF^  =  GG^=i2^, 
FG-FG'=  'la;  si  l'on 
fixe  les  points  F  et  F^  et  si 
l'on  fait  mouvoir  l'appareil 
dans  un  plan,  le  point  de 
concours  0  des  tiges  GF  et 
G'F'  (qui  sont  évidées)  décrit  une  ellipse  de  foyer  F,F^  et 
de  grand  axe  2a.  En  effet,  les  triangles  GW  et  G'FG 
sont  égaux  comme  ayant  les  côtés  égaux,  donc  les  angles  G 

et  F^  sont   égaux  ;  les 
angles  GGl^'  et  GFF'  le 
sont  aussi,  donc  les  trian- 
gles GOG^  et  FOF^  sont 
égaux  ;  donc  G^O  =  OF 
et  G'O  -h  OF'  étant  égal 
à   2a,    FO  -\-  rO  sera 
égal  à  2a,  donc  0  décrit 
l'ellipse  de  foyer  F  et  F' 
et  de  grand  axe  2a.  Il 
y  a  des  ellipsographes  fondés  sur  ce  principe,  que  quand 
une  tige  AB  (fig.  2)  de  grandeur  constante  se  meut  en  conser- 
vant ses  extrémités  sur  deux  droites  rectangulaires  GA,  OB, 


un  point  C  quelconque  de  cette  tige  décrit  une  eUipse  dont 
les  axes  sont  dirigés  suivant  OA  et  OB  et  respectivement 
de  longueur  BC  et  AC.  H.  Laurent. 

ELLIPSOÏDE  (Math.)  (V.  Quadrique). 

Ellipsoïde  d'inertie.  Ellipsoïde  central.  —  Si  l'on 
considère  une  série  d'axes  passant  par  un  point  fixe  0  et 
un  corps  solide  S,  on  pourra  prendre  le  moment  d'inertie  du 
solide  S  par  rapport  à  chacun  de  ces  axes,  et  porter  sur  chacun 
d'eux  à  partir  du  point  0  une  longueur  OM  proportionnelle 
à  la  racine  carrée  de  l'inverse  du  moment  d'inertie  en  ques- 
tion. Le  lieu  des  points  M  ainsi  construits  est  un  ellipsoïde, 
qui  porte  le  nom  d'ellipsoïde  d'inertie  du  corps  S  par  rap- 
port au  point  0.  Les  axes  de  cet  ellipsoïde  sont  les  axes 
principaux  d'inertie  relatifs  au  point  0;  et  quand  le  point  0 
coïncide  avec  le  centre  de  gravité  du  corps  S,  l'ellipsoïde 
d'inertie  porte  le  nom  d'eHipsoïde  central.  L'ellipsoïde  cen- 
tral joue  un  rôle  important  dans  l'étude  du  mouvement  des 
corps  solides  (V.  Kotation).  On  donne  le  nom  d'ellipsoïde 
de  Mac-Cullagh  à  la  transformée  par  rayons  vecteurs  réci- 
proques de  l'ellipsoïde  d'inertie  quand  on  prend  le  centre 
pour  pôle  de  la  transformation.  L'ellipsoïde  d'inertie  peut 
être  de  révolution  et  même  se  réduire  à  une  sphère.  Etant 
donné  un  solide  quelconque,  il  existe  une  infinité  de  points 
situés  sur  trois  coniques,  et  tels  que  pour  ces  points  l'ellip- 
soïde est  de  révolution;  l'une  de  ces  coniques  est  une 
ellipse,  la  seconde  une  hyperbole,  la  troisième  est  imagi- 
naire. Il  y  a  deux  points  réels  ou  imaginaires  donnant  lieu 
à  une  sphère  d'inertie. 

BiBL.  :  Les  Traités  de  mécanique  rationnelle. 

ELLIPTIQUE  (Math.).  Immédiatement  après  l'inven- 
tion du  calcul  différentiel,  les  géomètres  ont  été  conduits 
à  déterminer  des  fonctions  admettant  des  différentielles  don- 
nées ;  leurs  premières  recherches  pour  les  cas  les  plus 
simples  ont  été  couronnées  de  succès,  et  ils  ont  rapidement 
trouvé  les  intégrales  de  toutes  les  différentielles  rationnelles 
en  X,  en  sin  x  et  cos  x,  etc.  Il  était  naturel  ensuite  de 
chercher  les  intégrales  des  fonctions  irrationnelles,  mais  ils 
se  sont  heurtés  à  des  difficultés  insurmontables  dès  qu'ils 
ont  voulu  intégrer  les  irrationnelles  renfermant  un  radical 
carré  recouvrant  un  polynôme  d'un  degré  supérieur  au 
second.  Ces  difficultés  étalent  effectivement  insurmontables, 
car  il  est  démontré  aujourd'hui  que  la  plupart  des  inté- 
grales des  fonctions  irrationnelles  sont  des  transcendantes 
qui  ne  peuvent  pas  s'exprimer  en  employant  les  signes 
ordinaires  de  l'algèbre,  y  compris  même  les  signes  trigo- 
nométriques,  en  nombre  fini.  Avant  même  d'avoir  la  cer- 
titude de  cette  impossibihté,  les  géomètres  l'ont  soupçonnée 
et  ont  cherché  à  étudier  les  transcendantes  définies  par 
l'intégration  des  irrationnelles  en  commençant  par  les  plus 
simples.  Les  plus  simples  étaient  les  intégrales  de  fonc- 
tions rationnelles  de  x  et  d'un  radical  carré  recouvrant  un 
polynôme  entier.  (Juand  ce  polynôme  est  du  premier  ou 
du  second  degré,  l'intégration  s'effectue  au  moyen  des  loga- 
rithmes, des  fonctions  trigonométriques  inverses,  ou  même 
des  fonctions  algébriques  renfermant  une  seule  irration- 
nelle, le  radical  en  question  :  on  s'est  bien  vite  aperçu  que 
lorsque  le  radical  recouvrait  un  polynôme  du  troisième  ou 
du  quatrième  degré,  l'intégrale  pouvait  se  réduire  à  trois 
types  simples  que  l'on  a  désignés  sous  le  nom  de  fonctions 
elliptiques,  et  que  l'on  appelle  plus  volontiers  aujourdhui 
intégrales  elliptiques.  Legendre,  à  qui  l'on  doit,  non  pas 
précisément  les  premières  recherches  sur  ce  sujet,  mais 
qui  a  jeté  les  premiers  fondements  d'une  théorie  des  inté- 
grales eUiptiques,  a  indiqué  ces  types 
Jno  do 

0     V 1  —  f^  sm^co 

E  (o,k)  =z    r^  d:^  s/l-Zc-^sin^a  , 
J  o 

Jr^'f d^ 

où  k  et  a  sont  indépendants  de  cp  ;  la  première  de  ces 


ELLIPTIQUE 


—  SU  — 


quantités  porte  le  nom  de  module,  la  seconde  celui  de  para- 
mètre, enfin  9  est  l'amplitude  ;  ces  trois  intégrales  ont  été 
appelées,  par  lui,  respectivement,  intégrales  de  première,  de 
seconde,  de  troisième  espèce.  L'intégrale  de  seconde  espèce 
représente  la  longueur  d'un  arc  d'ellipse  dont  l'excentricité 
est  ^,  et  dont  les  extrémités  ont  pour  anomalies  excen- 
triques 6>  et  ^  ;  c'est  ce  qui  a  fait  donner  aux  nouvelles 
transcendantes  le  nom  d'intégrales  elliptiques.  Aujourd'hui 
on  appelle  fonctions  elliptiques  les  fonctions  plus  simples 
définies  de  la  manière  suivante,  parce  qu'elles  ont  l'avan- 
tage d'être  monodromes,  propriété  dont  ne  jouissent  pas 
les  fonctions  de  Legendre.  On  pose  : 



o 
sin  9  =  ^ . 


puis  on  fait 


\Ji  —  k'^  sin^9 
et  l'on  a  : 

Jrx  dx 

0   'JTT^^ 


cpest,  comme  nous  l'avons  dit,  ce  que  l'on  appelle  l'ampli- 
tude de  u  et  l'on  pose  :  9  =  amu,  ^  m:  sin  9  =  sin  a7nu. 

Les  trois  fonctions  elliptiques  simples  que  l'on  étu- 
die si)écialement  aujourd'hui  sont  sin  amu,  cos  amu  et 
v/ 1  —  /c^  sin  amïi  que  l'on  représente  au  moyen  des  nota- 
tions Snu,  Cnu,  dnu.  L'intégrale  u  est  alors  ce  que  l'on 
appelle  la  fonction  inverse  de  Snu,  Abel  et  Jacobi  ont  été 
les  premiers  à  étudier  les  fonctions  Sm/^,  Cnu,  dnu  (ou 
des  fonctions  analogues),  dont  les  deux  premières  ont  une 
grande  analogie  avec  sinu  et  cosz^.  Lamé  proposait  d'ap- 
peler Snu,  Cnu  et  dnu  pseudo-sinus,  pseudo-cosinus  et 
pseudo-rayon. 

On  a  écrit  des  volumes  sur  les  fonctions  elliptiques  ; 
nous  résumerons  en  quelques  mots  leurs  propriétés  les  plus 
importantes.  Snx,  Cnx^  dnx  sont  monodromes,  mono- 
gènes, et  continues  dans  toute  l'étendue  du  plan,  excepté 
en  des  points  particuliers  où  elles  deviennent  infinies.  Elles 
possèdent  chacune  deux  périodes  ;  ce  sont  les  plus  simples 
de  toutes  les  fonctions  doublement  périodiques;  elles  peu- 
vent servir  à  former  plus  ou  moins  simplement  toutes  les 
autres.  Si  l'on  pose  avec  Jacobi 

Jr^  dx 

0 


s/(i 

Jo    \/{i—  x^^ 


x')  (1  —  k^x^) 
dx 


^(i—x^)(i  —  k'x'')' 
A:/2  z=z  i  -  k\ 

^nx  aura  les  périodes  4K  et  2KV —  i , 
Cnx  —  2  K  et  2  K  -+-2KV^, 

dnx  —  2Ket2KV-l, 

Snx  s'annulera  pour  ^  =  0,  2K, 

Cnx  —  ^=:K,  —  K, 

dnx  —  x=:li-\-Ws/—\,-\i-\-K'\/^[. 

Snx^  Cnx,  dnx  deviennent  infinis  pour 

X  =1  KV^^l",  2  K  +  KV^^T. 
On  trouve  les  autres  zéros  et  les  autres  infinis  en  ajou- 
tant à  ceux-ci  des  multiples  quelconques  des  périodes.  On 
a  en  outre  : 

Cn^x  -f-  S^n^x  =  1,  k^Sn^x  +  dn^x  =r  1. 
.   _4-  \ , ^nxùiydxy  ±  SnyCnxdnx 


Oi  {x  ±:  y) 


1  - 

CnxCny 


•  k^sn^xSn^y         ' 
±  SnxS7iydnxdny 


dn  (xdzy)  =1 


4  —  k'Sîi^xSn^y         ' 
dnxdny  ±  k'^SnxSnyCnxC7iy 


dSnx 


dx 
dCnx 

dx 
d.dnx 


—  k^Sn^xSn'^y 
Cnxdnx^ 


dx 


==  —  Snxdnx, 
—  —  k'^SiîxCnx, 


la  fonction  Snx  est  impaire,  Cnx  et  dnx  sont  paires. 


Toutes  les  propriétés  des  fonctions  elliptiques  peuvent 
se  déduire  des  suivantes  qui  peuvent  servir  à  les  définir  : 
ce  sont  des  fonctions  admettant  des  périodes  données  et 
deux  zéros,  et  deux  infinis  donnés  à  des  multiples  de 
périodes  près;  enfin  on  achève  de  les  définir  en  se  donnant 
une  valeur  pour  une  valeur  donnée  de  la  variable.  Sno  1=  0, 
C/^6>r=4,  dnozizi. 

Les  fonctions  Snx^  Cnx,  dnx  peuvent  s'exprimer  au 
moyen  d'une  seule  et  même  transcendante,  que  Jacobi  a 
désignée  par  0  (x)^  et  au  moyen  de  laquelle  il  a  exprimé 
les  intégrales  de  seconde  et  de  troisième  espèce;  cette 
transcendante  est  donnée  par  la  formule 


(d(x) 
+  ^q"^  cos  -^  - 


:  1  —  2^  cos  .r^ 


±2f 


7ir.X 
COS-j^+. 


K^ 


Ainsi,  en  posant 


@(x-}-K)  =  S,{x), 


r.^-l 


0  ç,.  +  r  v/^:T)  =  Ki—ie-^K~  ('^^^+^'  ^-^) 


]\{x)\l{x- 


1    ll(^) 

Cnx=.s/^^ 


S71X  =  -r-  • 


/k"  II,  (x) 


@(xy 

Les  fonctions  0,  H,  0^,  H^  jouissent  de  propriétés 
nombreuses  et  intéressantes;  elles  facilitent  l'étude  des 
fonctions  Snx,  C7ix,  dnx;  on  les  appelle  aussi  fonctions 
elliptiques  auxiliaires  ou  intermédiaires. 

Nous  n'avons  pu,  dans  ce  court  aperçu,  fait  connaître  que 
les  propriétés  les  plus  simples  des  fonctions  elliptiques 
dont  il  a  été  fait  un  nombre  considérable  d'applications  à 
toutes  les  branches  des  mathématiques  pures  et  appliquées. 

Compas  elliptique  (V.  Ellipsographe). 

Coordonnées  elliptiques.  —  Considérons  le  système  de 
surfaces  du  second  degré  homofocales 


(1) 


x'^ 


b'-{-l 


+ 


c-  ■ 


=  i, 


r 


b^  4-  [X 


c^  H-  [X 


:i, 


Ces  surfaces  par  leurs  intersections  déterminent  un  cer- 
tain nombre  de  points  qui  dépendent  des  valeurs  des  para- 
mètres X,[jL,v.  Ainsi  on  peut  dire  que  )^,(i.,v  étant  données, 
un  point  de  l'espace  se  trouve  déterminé  (non  pas  sans 
ambiguïté,  il  est  vrai) ,  et  réciproquement  si  l'on  se  donne  un 
point  par  ses  coordonnées  ordinaires  x,y,%,  les  équations 
(1)  déterminent  X,(j-,v.  Ces  quantités  >.,p-,v  sont  donc  des 
coordonnées  curvilignes,  propres  à  déterminer  la  position 
d'un  point  dans  l'espace  :  on  leur  a  donné  le  nom  de  coor- 
données elliptiques.  Les  coordonnées  eUiptiques  imaginées 
par  Lamé  et  étudiées  surtout  par  ce  géomètre  et  par  Jacobi 
sont  orthogonales.  Les  formules  (4)  résolues  par  rapport 
à  x'^,y^,z^  donnent 

^  __  (g^  +  X)  (g--  +  [x)  (a^  +  y) 
^   —        (^2  -  b^)  [a^  -  c^) 

,  __  {b^  4-  y^)  (b''  +  {x)  {b^  4-  y) 
y   —        (^2  _  «2)  (^2  _  c^) 
2  _  (c^  4-  X)  (c^  4-  (x)  {c^  +  y) 


(c^  —  a^)  (c^  —  b^) 


H.  Laurent. 


855 


ELLIPTIQUE  -  ELLIS 


BiBL.  :  Aux  personnes  qui  voudront  s'initier  rapidement 
aux  princioes  les  plus  élémentaires  de  la  théorie  des  fonc- 
tions elliptiques,  nous  conseillerons  la  lecture  du  quatrième 
volume  du  Traité  d'analyse  de  M.  Laurent.  —  Après  quoi 
il  conviendra  d'aborder  Fouvrage  de  MM.  Brtot  et  Bou- 
quet, Traité  des  /"onctions  doublement  périodiques  et  en 
particulier  des  fonctions  elliptiques.  —  Halphen,  Traité 
des  fonctions  elliptiques  et  de  leurs  applications,  8  vol. 
Dans  ce  traité  on  fait  usage  d'une  fonction  que  M.  Weiers- 
trass  a  proposé  de  substituer  aux  transcendantes  Snx,  Cn.v, 
dnx.  —  Jacobi,  Fundamenta  nova  théorise  fonctionwn 
ellipticarum.  —  Le  traité  de  Legendre.  —  Les  œuvres 
d'ABEL.  —  Les  notes  à  la  dernière  édition  du  Traité  de 
calcul  différentiel  et  intégral  de  Lacroix  par  M.  HERMrrE. 
—  Hermite,  Sur  quelques  Applications  des  fonctions 
elliptiques. 

Coordonnées  elliptiques.  —  Jacobi,  Vorlesungen 
ûber  Dynamik.  —  Lamé,  Coordonnées  curvilignes.  —  Les 
traités  un  peu  complets  de  calcul  diiférentiel   et  intégral. 

ELLIPTOÏDES  (Géom.).  De  La  Hire  appelait  elliptoïdes 
des  courbes  algébriques  fermées  ayant  la  forme  d'ovales. 

ELLIS  (Sir  William),  secrétaire  d'Etat  anglais,  né  vers 
1606,  mort  à  Rome  en  4681.  Il  exerça  de  lucratives  siné- 
cures en  Irlande,  notamment  le  secrétariat  sous  le  comte 
de  Tyrconnel,  lord  lieutenant  d'Irlande,  qui  l'enrichirent. 
Mais,  à  la  Révolution,  il  embrassa  la  cause  jacobite,  et, 
frappé  (Tattainder  en  1691,  il  dut  s'enfuir  avec  Jacques  II 
sur  le  continent.  Là  il  fut  l'un  des  fidèles  de  la  petite  cour 
de  Saint-Germain,  tant  sous  Jacques  II  que  sous  son  fils, 
le  premier  prétendant.  Ch.-V.  L. 

ELLIS  (Clément),  théologien  et  poète  anglais,  né  en 
1630,  mort  en  1700.  Il  a  laissé  quelques  mauvais  vers  et 
un  très  grand  nombre  d'écrits  sur  des  sujets  de  théologie 
et  de  pié'té.  On  n'a  pas  encore  tout  à  fait  oublié,  grâce  au 
naturel  et  à  la  vigueur  familière  du  style,  The  Gentile 
Siîiner,  or  EnglancVs  Brave  Gentleman.,,  (Oxford, 
1660,  in-8). 

ELLIS  (John),  sous-secrétaire  d'Etat  anglais,  né  vers 
1643,  mort  le  8  juil.  1738.  Après  avoir  fait  ses  études  à 
Westminster  School  et  à  Oxford,  il  fut  employé  comme 
secrétaire  de  sir  Leoline  Jenkins,  plénipotentiaire  anglais 
au  congrès  de  Nimègue,  de  1674  à  1677.  De  1678  à 
1680,  on  le  trouve  secrétaire  de  Thomas,  comte  d'Ossory, 
général  anglais  au  service  du  prince  d'Orange.  En  oct.  1684, 
il  obtint  un  emploi  administratif  en  Irlande.  Il  fut  enfin 
nommé  sous-secrétaire  d'Etat  en  mai  1695,  par  la  faveur 
personnelle  de  Guillaume  III,  s'il  faut  l'en  croire,  office 
qu'il  garda  pendant  dix  années.  EUis  fut  membre  de  la 
Chambre  des  communes  au  Parlement  de  1705-1805  pour 
Harwich  (Essex).  Il  mourut  célibataire,  ayant  amassé  une 
immense  fortune.  Sa  correspondance  a  été  en  partie  con- 
servée ;  elle  est  au  British  Muséum  et  passe  pour  une  source 
historique  do  premier  ordre;  elle  a  été  publiée  en  1849  par 
rhonoral)le  G„-J.-W.  EUis.  John  Ellis  fut  un  des  meilleurs 
amis  de  Humphrey  Prideaux.  Pope  parle  de  lui  comme  de 
l'un  des  nombreux  amoureux  de  la  duchesse  de  Cleve- 
land.  Ch.-V.  L. 

ELLIS  (John),  poète  anglais,  né  le  24-mars  1698,  mort 
le  31  déc.  1790.  Il  exerçait  la  profession  de  scrivener  ou 
notaire  chargé  de  la  rédaction  des  chartes  et  actes  authen- 
tiques. Lié  avec  les  principaux  littérateurs  du  temps,  et 
notamment  avec  le  iV  Johnson,  il  aimait  à  traduire  les 
poètes  latins,  surtout  Ovide.  Mais  presque  tous  ses  vers 
sont  restés  manuscrits.  Il  a  pourtant  publié,  outre  de 
courtes  pièces  dans  les  recueils,  trois  petits  ouvrages 
comiques  :  The  South  Sea  Dream  (1740)  ;  The  Surprise , 
or  the  Gentleman  turned  Apothecary,  tiré  d'un  conte 
français  traduit  en  latiu  (1739),  et  une  traduction  travestie 
du  livre  ajouté  par  Maphœus  à  V Enéide  de  Virgile  (1758). 

ELLIS  (William),  agronome  anglais,  né  vers  1700, mort 
en  1758.  Il  est  connu  par  une  série  d'ouvrages  qui  eurent 
de  leur  temps  une  fort  grande  réputation,  mais  qui  sont 
remplis  d'anecdotes  ridicules  et  de  recettes  de  bonne  femme. 
Nous  citerons  :  Chiltern  andvale  farming  (1733);  The 
Timber-Tree  improved  (1738);  The  Shepherd's  sure 
guide  (1749);  The  Modem  Husbandman  (1750,8  vol.); 
The  Coimtry  hanse  wife's  family  companion  (1750); 


Eusbandry  abridged'and  methodized  (1772,  2  vol.). 

ELLIS  (John),  naturaliste  anglais,  né  à  Londres  vers 
1710,  mort  le  5  oct.  1776.  Il  s'est  principalement  occupé 
des  animaux  de  l'ancien  groupe  des  zoophytes  et  a  publié 
plusieurs  ouvrages  sur  les  coraux  et  les  polypes,  d'autres 
sur  divers  végétaux,  la  dionée,  le  café,  l'arbre  à  pain,  etc. 

ELLIS  (Welbore),  premier  baron  Mendip,  fils  du  Dr. 
W.  Ellis,  évèque  de  Meath,  né  à  Kildare  le  15  déc.  1713, 
mort  à  Londres  le  2  févr.  1802.  Il  fut  élu  membre  de 
la  Chambre  des  communes  pour  le  bourg  de  Cricklade 
en  1741,  et  fut  fait  lord  de  l'amirauté  en  1747,  dans 
l'administration  d'Henri  Pelham.  Vice-trésorier  d'Irlande 
en  1755,  membre  du  conseil  privé  en  1760,  secrétaire 
d'Etat  pour  la  guerre  en  1762,  sa  fortune  politique  fut 
rapide  jusqu'à  cette  date.  11  n'occupa  plus  ensuite  qu'un 
seul  poste  en  vue,  et,  pendant  très  peu  de  temps,  celui  de 
secrétaire  d'Etat  pour  l'Amérique,  depuis  le  11  févr.  1782 
jusqu'à  l'accession  au  ministère  de  lord  Rockingham.  En 
1793,  effrayé  parles  progrès  de  la  Révolution  française, 
il  abandonna  l'opposition  pour  joindre  le  parti  de  Pitt  et 
fut  créé  baron  de  Mendip,  dans  le  comté  de  Somerset,  le 
13  août  1794.  U  est  enterré  à  Westminster.  Christ  Church, 
à  Oxford,  possède  le  portrait  de  notre  personnage,  peint 
par  Gainsborough  en  1763.  Le  premier  baron  Mendip 
était  un  homme  laborieux,  sage,  industrieux,  mais  sans 
talent;  Junius,  Horace  Walpole  et  Macaulay  en  ont  parlé 
en  termes  peu  flatteurs.  Ch.-V.  L. 

ELLIS  (Henry),  voyageur  anglais,  né  en  1721,  mort  à 
Naples  le  21  janv.  1806.  En  1746,  il  prit  part  à  l'expédi- 
tion organisée  dans  le  but  de  trouver  un  passage  au  pôle 
nord.  li  remplissait  les  fonctions  d'hydrographe  et  de  mi- 
néralogiste. Il  écrivit  la  relation  de  cette  campagne  :  A 
Voyage  to  Hudson's  Bay  in  the  years  1146  and  iliï 
for  discovering  a  north-iuest  passage  (Londres,  1748, 
in-8),  et  cet  ouvrage,  qui  contient  quelques  observations 
intéressantes  sur  les  mœurs  des  Esquimaux  et  beaucoup 
d'erreurs,  le  fit  élire  membre  de  la  Société  royale  le  8  févr. 
1749.  Peu  après,  il  fut  nommé  gouverneur  de  la  Géorgie 
et  de  la  Nouvelle-Ecosse.  On  a  encore  de  lui  Considéra- 
tions 071  the  great  advantages  which  ivould  arise  of 
the  north-west  passage  (Londres,  1750,  in-4)  et  quelques 
mémoires  insérés  dans  les  Philosophical  Transactions. 

ELLIS  (George),  écrivain  anglais,  né  en  1753,  mort  le 
10  avr.  1815.  Il  commença  à  se  faire  connaître  par  deux 
volumes  dont  l'un,  Bath^  its  beauties  and  amusements 
(1777,  in-4),  parut  sans  nom  d'auteur,  et  l'autre,  Poetical 
Taies  (1778,  in-12),  fut  publié  sous  le  pseudonyme  de  Gre- 
gory  Gander,  et  en  collaborant  à  la  llolliad.  En  1784,  il 
fut  employé  dans  la  diplomatie  comme  secrétaire  de  sir 
James  Harris,  ambassadeur  à  La  Haye  et  écrivit  une  His- 
toire de  la  révolution  des  Pays-Bas  (1789)  qui  fut  tra- 
duite en  français  par  Monsieur  (Louis  XVHI).  En  1790, 
il  publiait  des  Spécimens  of  the  Early  English  Poets, 
recueil  qui  obtint  un  fort  grand  succès  et  atteignit  en 
1851  sa  sixième  édition.  Après  un  voyage  en  Allemagne 
et  en  Italie,  Ellis  fut  élu  membre  du  Parlement  par  Seaforp 
(1796),  accompagna  en  1797  lord  Malmesbury  à  la  con- 
férence de  Lille,  fonda  avec  CannmgV  Aiiti-Jacobin,  auquel 
il  collabora  activement,  publia  une  traduction  des  Fabliaux 
recueillis  par  Legrandd'Aussy  (1815, 3 vol.  in-8,  3<'éd.); 
un  recueil  de  Spécimens  of  Early  English  Romances  in 
mètre  (1805,  3  vol.  in-8).  Il  était  fort  lié  avec  Walter 
Scott,  avec  lequel  il  échangea  une  volumineuse  correspon- 
dance. Il  fit  partie  de  la  Société  royale  et  de  la  Société  des 
antiquaires.  R.  S. 

ELLIS  (Charles-Rose,  premier  lord  Seaford),  chief 
justice  de  la  Jamaïque,  né  le  19  déc.  1771,  mort  le 
1*^^  juil.  1845.  Il  hérita  de  bonne  heure  de  très  vastes 
domaines  dans  les  Indes  occidentales  et  fut  élu  membre  de 
la  Chambre  des  communes  dès  1793.  Il  s'attacha  à  la  for- 
tune de  Canning,  qui  le  fit  élever  à  la  pairie  sous  le  nom 
de  lord  Seaford  le  16  juil.  1826,  à  la  grande  surprise  de 
tout  le  monde,  car  il  n'avait  aucun  talent. 


ELUS 


—  856  — 


ELLIS  (Sir  Henry),  diplomate  anglais,  né  en  1777, 
mort  le  28  sept.  1855.  Son  premier  poste  considérable  fut 
celui  du  ministre  plénipotentiaire  par  intérim  en  Perse 
(1814).  En  1816,  il  accompagna  lord  Amherst  dans  son 
ambassade  en  Chine  et  publia  en  1817  un  récit  de  ce  loin- 
tain voyage.  De  1825  à  1834,  il  occupa  l'office  de  Clerk 
of  the  pells,  dont  il  fut  le  dernier  titulaire.  En  juil.  1835, 
il  fut  nommé  ambassadeur  en  Perse;  envoyé  extraordinaire 
au  Brésil  en  août  1841  ;  représentant  du  gouvernement 
britannique  à  la  conférence  de  Bruxelles  en  1848.  Ch.-V.  L. 
ELLIS  (William),  écrivain  et  missionnaire  anglais,  né 
à  Londres  le  29  août  1794,  mort  le  9  juin  1872.  Fils  de 
parents  pauvres,  il  était  ouvrier  jardinier  lorsqu'il  s'offrit 
pour  la  propagande  apostolique  à  la  société  des  missions  de 
Londres,  qui  l'accepta,  «  l'entraîna  »  et  l'envoya  en  1816 
dans  les  îles  de  la  mer  du  Sud.  Revenu  en  Angleterre  en 
1825,  il  fit  paraître  Tour  trough  Hawaii  (1826)  et 
Polynesian  Researches  (1829,  2  vol.  ;  1831,  4  vol.), 
qui  excitèrent  un  certain  intérêt  et  contribuèrent  à  relever 
aux  yeux  du  public  le  nom  des  missionnaires  qui  passaient 
alors ,  à  tort  ou  à  raison ,  pour  des  ignorants  et  des 
esprits  étroits.  Après  la  mort  de  sa  femme,  qui  l'avait 
accompagné  dans  ses  voyages,  il  épousa  en  1837  miss 
Sarah  Stickney,  qui  acquit  un  certain  renom  littéraire. 
A  cette  époque,  les  affaires  de  Madagascar  attiraient  l'atten- 
tion de  l'Angleterre  à  cause  des  persécutions  des  chrétiens, 
sous  la  reine  Ranavolona,  et  de  l'intervention  des  Français. 
Ellis,  secrétaire  de  la  London  Missionary  Society,  fut 
chargé  d'écrire  une  Histoire  de  Madagascar,  qui  parut  en 
1838  (2  vol.)  et  lui  valut  plus  tard  d'y  être  envoyé  par  la 
Société  des  missions.  C'était  en  1852;  les  affaires  deve- 
naient graves,  et  la  reine,  à  trois  reprises,  lui  refusa  l'en- 
trée de  sa  capitale.  En  1868,  une  reine  chrétienne  étant 
montée  sur  le  trône,  une  protection  ouverte  des  chrétiens 
remplaça  les  persécutions  antérieures  ;  Ellis  en  ^  profita 
pour  inonder  le  pays  de  missionnaires  anglicans  qui  minè- 
rent partout  sourdement  l'influence  française.  C'est  grâce 
à  lui  et  aux  semences  laissées  par  lui  qu'elle  est  encore  si 
contre-balancée  aujourd'hui  même  sous  notre  protectorat. 
Aussi  fut-il  fort  acclamé  à  son  retour  en  Angleterre,  et  les 
conférences  qu'il  donna  de  ville  en  ville  eurent  un  succès 
considérable.  Outre  ses  deux  premiers  volumes  de  voyage, 
Ellis  publia  :  Three  Visits  to  Madagascar  (1858)  ;  Mada- 
gascar revisited  (1867)  ;  The  Martyr  Ckurch  of  Mada- 
gascar (1871).  Il  fut  en  outre  le  fondateur  du  Christian 
Eeepsake,  Hector  France. 

ELLIS  (George-James-Welbore-Agar),  baron  Dover, 
né  à  Londres  le  14  janv.  1797,  mort  à  Whitehall  le 
10  juil.  1833.  U  prit  ses  grades  à  Oxford  en  1818,  fut 
élu  membre  du  Parlement  par  Heytesbury;  réélu  en  1820 
par  Seaford,  il  appuya  Canning  et  s'occupa  de  questions 
artistiques.  C'est  lui  qui  fit  acquérir  par  le  gouvernement 
la  belle  collection  de  tableaux  Angerstein.  Elu  par  Ludgers- 
hall  en  1826,  en  1830  par  Okerhampton,  Ellis  entra  au 
conseil  privé  et  fut  nommé  le  13  déc.  1830  premier  com- 
missaire des  bois  et  forêts.  Le  20  juin  1831,  il  fut 
créé  baron  Dover.  H  fut  aussi  un  des  administrateurs  de 
la  National  Gallery  et  du  British  Muséum.  H  a  écrit  : 
Catalogue  of  the  principal  pictures  in  Flanders  and 
Hollaîid  (Londres,  1822,  in-8);  The  True  History  of  the 
state  prisoner  commonly  called  the  iron  mask  (1826, 
in-8;trad.  en  français  en  1830);  Historial  Inquiries 
respecting  the  character  of  Edward  Hyde  earl  of  Cla- 
rendon  (1827,  in-8);  Correspondence  (1829,  2  vol. 
in-8);  Life  of  Frederick  the  second  King  of  Prussia 
(1832,  2  vol.  in-8);  Dissertation  on  the  manner  and 
period  of  the  death  of  Richard  II,  King  of  England 
(1832,  in-4);  Dissertation  on  the  Gowrie  conspiracy 
(1833,  in-4);  Lives  of  eminent  sovereigns  of  modem 
Europe  (1853,  in-12,  ¥  éd.).  Il  a  encore  édité  les  Lettres 
d'Horace  Walpole  à  Horace  Mann  (1833,  3  vol.  in-8). 
On  a  un  portrait  d'Ellis  par  Thomas  Lawrence.  R.  S. 
ELLIS  (Charles-Augustus,  lord  Howard  de  Walden  et 


Seaford),  fils  de  Charles-Rose,  diplomate  anglais,  né  le5  juin 
1799,  mort  le  29  août  1868.  Il  devint  lord  Howard  de 
Walden  à  la  mort  de  son  grand-père  maternel  en  1803, 
servit  d'abord  dans  les  grenadiers  de  la  garde  royale;  mais 
Canning,  protecteur  de  sa  famille,  l'appela  en  juil.  1824 
au  sous-secréturiat  d'Etat  des  affaires  étrangères.  Il  accom- 
pagna lord  Stuart  de  Rothesay  dans  sa  fameuse  mission 
spéciale  à  Rio  de  Janeiro  (1826).  Ministre  plénipotentiaire 
à  Stockholm  (1832),  puis  à  Lisbonne  (1833),  il  demeura 
treize  ans  dans  ce  dernier  poste,  où  il  rendit  d'éminents 
services  pendant  la  guerre  civile  déchaînée  par  don  Miguel. 
Le  10  déc.  1846,  il  fut  nommé  ministre  plénipotentiaire 
à  Bruxelles,  où  il  resta  jusqu'à  sa  mort  sur  le  pied  d'une 
amitié  étroite  avec  les  rois  Léopold  P^  etLéopold  II.  Ch.-V.  L. 
ELLIS  (Sarah  Stickney,  Mrs.),  femme  de  lettres  an- 
glaise, née  en  1800,  morte  en  1872.  Elle  était  déjà  connue 
par  son  ouvrage  The  Poetry  of  Life,  lorsqu'elle  épousa 
le  Rév.  William  Ellis.  Elle  a  publié  un  nombre  considé- 
rable de  livres,  où  elle  défend  les  principes  de  la  tempé- 
rance (abstinence  des  liqueurs  fermentées)  et  la  cause  des 
missions  anglaises.  H  faut  citer  parmi  tant  de  volumes, 
The  Women  of  England,  The  Daughters  of  England, 
The  Wives  of  England  et  The  Mothers  of  England, 
où  elle  expose  des  théories  qu'elle  mit  en  pratique  avec 
plus  ou  moins  de  succès  à  Rawdon  House,  école  qu'elle 
avait  fondée.  B.-H.  G. 

ELLIS  (William),  économiste  anglais,  né  en  1800,  mort 
en  1881.  Homme  d'affaires,  très  laborieux  et  très  habile, 
il  fit  sa  fortune  dans  l'Indemnity  Marine  Assurance  Com- 
pagny,  où  il  était  entré  comme  bas  employé.  Disciple 
de  John  Stuart  Mill,  il  s'intéressait  vivement  à  l'économie 
politique  théorique,  et  surtout  à  l'enseignement  de  cette 
science.  Il  fut  l'apôtre  de  cet  enseignement  en  Angleterre, 
et  fonda  plusieurs  écoles  à  ses  frais.  Il  a  beaucoup  écrit, 
surtout  des  manuels.  On  cite  :  Outlines  of  social  eco- 
nomy  (1846),  et  Thoughts  on  the  future  of  the  human 
race  (1866).  Ch.-V.  L. 

ELLIS  (Robert),  en  gallois  Cynddelw,  poète  du  pays 
de  Galles,  né  en  1810,  mort  en  1875.  Il  s'instruisit  et  se 
forma  lui-même,  et  devint  un  prédicateur  remarquable  et 
un  écrivain  fécond.  Il  appartenait  à  la  secte  des  baptistes. 
Ses  œuvres  poétiques,  précédées  de  sa  biographie  par  le 
Rév.  J.  Spinther,  ont  été  publiées  en  1877. 

ELLIS  (Alexander-John),  philologue  anglais,  né  àHoxton 
le  14  juin  1814,  mort  à  Londres  le  28  oct.  1890.  H  fit  ses 
études  à  Eton  et  à  Cambridge,  fut  élu  membre  de  la  Société 
royale  en  1864,  de  la  Société  des  antiquaires  en  1870  et 
devint,  en  1886,  gouverneur  de  l'University  Collège  de 
Londres.  Il  fit  encore  partie  d'autres  sociétés  savantes  et 
présida  notamment  la  Philological  Society.  On  lui  doit 
un  grand  nombre  de  travaux  de  linguistique,  parmi  lesquels 
nous  citerons  :  Alphabet  of  nature  (1845);  Essentials 
of  Phonetics  (1848)  ;  Early  english  Pronunciation 
(1869-1875)  ;  Practical  Hints  on  the  quantitative  pro- 
nunciation of  Latin  (iSlA);  Pronunciation  for  sin- 
gers  (1877),  etc.,  sans  compter  sa  collaboration  active 
aux  journaux  spéciaux,  Phonetic  journal  et  Phonetic 
news.  Dans  d'autres  genres,  il  a  écrit  Only  english 
proclamation  of  Henry  UI  (1 868)  et  donné  des  traduc- 
tions des  travaux  d'Ohm  et  d'Helmholtz  sur  la  musique  et 
les  mathématiques.  Ellis  s'appelait  en  réalité  Sharpe.  Il 
reçut  en  1825  l'autorisation  de  prendre  le  nom  d'Ellis. 

ELLIS  (Robert),  érudit  anglais,  né  vers  1820,  mort  en 
1885.  Elevé  à  Cambridge,  il  entra  dans  les  ordres  en 
1845.  Il  soutint,  à  propos  du  passage  des  Alpes  par  An- 
nibal,  une  controverse  très  vive  avec  William-John  Law. 
Il  s'occupa  aussi  de  la  langue  primitive  du  Pérou  (Peru- 
via  Scythica,  1875),  et  de  la  langue  basque  {Sources  of 
the  Etruscan  and  Basque  Languages,  1886).  On  lui 
doit  encore:  Contributions  to  the  Ethnography  of  Ualy 
and  Greece  (1858)  ;  An  Enquiry  into  the  Ancient 
Routes  between  Ualy  and  Gaul  (1867);  The  Asiatic 
Afflnities  ofthe  Old  Halians  (1870);  On  Nimerals  as 


—  857  — 


ELUS  —  ELLORA 


Signs  of  Primeval  Unity  among  Mankind(\Sld),  etc. 
ELLISSEN  (Adolf),  littérateur  et  philologue  allemand, 
né  à  Gartow  (Hanovre)  le  44  mars  1815,  mort  à  Gœt- 
tingue  le  5  nov.  1872.  Il  voyagea  en  Grèce,  fut  employé 
à  la  bibliothèque  de  l'université  de  Gœttingue.  Il  entra  à 
la  Chambre  des  députés  de  Hanovre  en  1849,  la  présida 
en  1854  et  1855  et  se  mit  à  la  tête  de  l'opposition  libérale. 
Après  1866,  il  se  rallia  au  parti  national  libéral.  Il  a  tra- 
duit V Esprit  des  Lois  de  Montesquieu  (Leipzig,  1846), 
un  choix  des  œuvres  de  Voltaire  (Leipzig,  1844-1846), 
publié  sous  le  titre  Ihee  undAsphodelosblûten  (Gœttingue, 
1840)  des  adaptations  de  poésies  chinoises  et  grecques 
modernes.  Il  ne  put  achever  son  remarquable  Versuch 
einer  Polyglotte  der  europœischen  Poésie  (Leipzig, 
1846,  t.  I).  Il  se  consacra  ensuite  surtout  à  l'étude  de  la 
Grèce  au  moyen  âge  et  écrivit  :  Michael  Akominatos, 
Erzbischof  von  Athen  (Gœttingue,  1846);  Zur  Ge- 
schichte  Athens  nach  dem  Verlust  seiner  Selbstœndig- 
keit  (Gœttingue,  1848);  Analekte  zur  mittel  und 
rieugriechlscheri Litteraiur  {\A\yLv^,  1855-186-2, 5  vol.). 


ELLITCHPUR.  Ville  de  l'Inde  anglaise,  ch.-l.  du  Bérar, 
sur  la  Parna,  affl.  du  Tapti,  au  pied  des  monts  Gavalgarh  ; 
26,728  hab.  Non  loin  sont  les  rochers  à'Adjanta,  avec 
leurs  vingt-quatre  couvents  et  leurs  cinq  temples  boud- 
dhiques taillés  dans  le  roc  (entre  l'an  200  et  l'an  800). 

BiBL.  :  Fergusson,  History  of  Indian  Architecture; 
Londres,  1876. 

ELLOBIUS  (Zool.).  Les  genres  de  Mammifères  Ron- 
geurs fouisseurs,  Ellobiuset  Siplmeiis,  longtemps  confon- 
dus avec  les  Rats-Taupes  (Spalacidœ),  se  rattachent  en 
réalité  au  type  des  Campagnols  (Arvicolidœ)  et  des  Lem- 
mings  (V.  ce  mot).  E.  Trt. 

ELLON.  Corn,  du  dép.  du  Calvados,  arr.  de  Bayeux, 
cant.  de  Balleroy;  396  hab.  Eglise  en  partie  romane  avec 
une  tour  carrée  du  xvi*'  siècle. 

ELLOR  (Elluru).  Ville  de  Tlnde  anglaise,  présidence  de 
Madras,  sur  un  canal  alimenté  par  le  Godavéry  ;  25,000  hab. 
Commerce  du  coton. 

ELLORA.  Village  de  l'Inde,  Etat  du  Nizam  d'Hayderabad, 
prov.  d'Anran^;ib'jd.  dans  les  monts  Tchandour,  près  de 


Le  Kaïlàsa,  à  Eilora  (Inde). 


la  viUe  de  Daoulatabad.  Elle  doit  sa  célébrité  à  ses  hypo- 
gées, à  ses  édifices  taillés  dans  le  roc  et  à  son  temple  mo- 
nolithique de  Kaïlâsa  qui  constituent  une  des  merveilles  de 
l'architecture  indienne.  Ces  édifices  se  répartissent  en  trois 
groupes:  10  temples  bouddhiques,  14  temples  brahmanes, 
6  temples  du  style  djaïna.  La  montagne  granitique  a  été 
entaillée  jusqu'à  une  profondeur  de  45  m.  et  une  hauteur 
de  25  m.  Le  plus  remarquable  des  édifices  bouddhiques  est 
la  caverne  de  Viswakarman,  temple  du  viii®  ou  ix*^  siècle 
ap.  J.-C,  avec  une  célèbre  image  du  Bouddha.— -Le /tai- 
lâsa  est  une  œuvre  brahmanique;  voici  la  description  qu'en 
donne  L.  Rousselet  (l'Inde  des  Rajahs)  :  «  C'est  un  édi- 
fice grandiose  taillé  en  entier  dans  un  seul  bloc  de  rocher, 
avec  dômes,  colonnes,  flèches  et  obéHsques.  Au  centre  d'une 
vaste  cour  s'élève  la  pagode  principale  atteignant,  avec  ses 
clochetons  et  ses  tours,  une  hauteur  do  30  m.  Toutes  ses 


proportions  sont  gigantesques,  et  les  ornements  en  parfait 
rapport  avec  la  grandeur  de  l'ensemble.  »  On  n'aperçoit 
l'édifice  qu'après  être  entré  dans  la  cour  que  les  architectes 
ont  découpée  dans  la  montagne,  cour  de  225  m.  de  long 
sur  62  m.  de  large,  entre  des  escarpements  de  30  à  7  m. 
de  haut.  On  pénètre  d'abord  dans  un  beau  portique  de 
42  m.  de  long  sur  27  de  large,  recouvrant  un  double  esca- 
lier; de  là,  dans  une  vaste  salle  de  75  m.  de  long  sur 
45  m.  de  large,  au  centre  de  laquelle  est  le  sanctuaire; 
quatre  rangées  de  pilastres  portent  le  toit.  Le  temple  a 
31  m.  de  long,  17  de  large;  le  sommet  de  la  pyramide  est 
à  27  m.  de  haut  au-dessus  du  pavé.  «  Des  balcons  aux 
légers  pilastres  s'avancent  sur  la  cour  ;  des  bas-reliefs  à 
milliers  de  personnages  couvrent  les  murs.  Des  passerelles 
de  pierre  réunissent  le  portique  à  un  élégant  pavillon  situé 
en  avant.  »  Les  murailles  sont  couvertes  de  sculptures  en 


ELLORA  —  ELMES 


—  858  — 


relief  représentant  tous  les  dieux  de  la  mythologie  indienne, 
des  scènes  du  Râmâyana,  du  Mahâbhârata,  etc.  Le  Kaïlâsa 
date  de  l'an  iOOO  environ.  —  Citons  encore  l'hypogée 
Dhoumârlena,  œuvre  des  sivaïtes,  dont  les  sculptures  sont 
les  plus  belles  peut-être  de  l'Inde  (V.  Inde,  §§  Architecture 
et  Sculpture), 

ELLUIN  (François-Rolland),  graveur  français,  né  à  Ab- 
beville  en  d745,  mort  à  Abbeville  au  commencement  du 
XIX®  siècle.  Il  était  élève  de  Beauvarlet,  chez  qui  il  travaillait 
en  1765.  On  cite  six  pièces  de  lui  d'après  Valade,  Le  Clerc, 
Dugousu,  Subleyras,  Charlieret  Le  Tellier.  Nous  lui  devons 
aussi  les  portraits  de  Mole,  du  Père  Houbigault,  et, 
d'après  Greuze,  celui  de  Marie-Thérèse  Villette  de  la 
Comédie-Française,  etc. 

ELLWANGEN.  Ville  d'Allemagne,  roy.  de  Wurttemberg, 
ch.-l.  du  cercle  du  Jagst,  sur  le  Jagst;  4,700  hab,  Foires 
importantes  de  bœufs  et  de  chevaux.  La  ville  possède  six 
églises,  dont  une  romane  du  xii^siècle  (1100-1124),  nombre 
d'anciens  couvents,  et  a  un  aspect  très  pittoresque  au  pied 
du  château  d'Hohen-Ellwangen  et  de  l'église  de  Sainte - 
Marie-de-Lorette.  L'abbaye  d'Ellwangen,  fondée  en  764, 
fut  sécularisée  en  1459  et  transformée  en  une  prévôté  qui 
avait,  en  1803,  385  kil.  q.  et  25,000  hab.  lorsqu'on 
l'annexa  au  Wurttemberg. 

BiBL.  :  Seckler,  Besckreibung  der  gefûrsteten  Reichs^ 
propstei;  Stuttgart,  1864. 

ELLWOOD  (Thomas),  écrivain  et  quaker  anglais,  né  en 
1639,  mort  en  1713.  Après  une  jeunesse  assez  dissipée, 
il  embrassa  les  doctrines  des  quakers,  grâce  à  son  ami 
Isaac  Pennington,  fils  du  régicide.  Son  père  épuisa  ses  re- 
montrances et  sa  sévérité  sans  parvenir  à  le  ramener.  Il 
supporta  de  même  l'emprisonnement  et  les  persécutions 
dont  le  gouvernement  d'alors  frappait  les  dissidents.  En 
1662,  il  alla  à  Londres  où  il  étudia  avec  le  poète  Milton, 
dont  il  devint  l'ami,  et  à  qui,  dit-on,  il  donna  l'idée  du 
Paradise  Regained.  Depuis  sa  première  publication,  An 
Alarm  to  the  Priests  (1660),  il  publia  un  nombre  consi- 
dérable d'écrits  relatifs  aux  doctrines  et  aux  intérêts  de  sa 
secte.  On  a  aussi  de  lui  un  poème  en  cinq  Uvres,  intitulé 
Davideis  (1712),  qui  n'est  nullement  imité  de  la  Davi- 
deis  de  Cowley;  A  Collection  of  Poems  on  varions 
subjects  et  The  History  of  the  Life  of  Thomas  Ellwood 
written  by  his  own  hand  (1714).  Cette  autobiographie 
a  été  continuée  par  Joseph  Wyeth,  et  a  eu  plusieurs  édi- 
tions. La  dernière  est  de  1885,  dans  VUniversal  ÏÂbrary 
de  Henry  Morley.  B.-II.  G. 

EL  LYS  (Sir  Richard),  théologien  et  érudit  anglais,  né 
vers  1688,  mort  en  1742.  Elevé  à  l'étranger,  probable- 
ment en  Hollande,  il  entretint  toute  sa  vie  des  relations 
avec  plusieurs  savants  du  continent,  surtout  avec  Mattaire. 
Il  s'occupait  particuhèrement  de  la  critique  biblique  {For- 
tuita  Sacra;  Rotterdam,  1727).  Il  fut  membre  du  Par- 
lement et  a  laissé  un  renom  d'hospitalité  que  son  père, 
sir  William  EUys  de  Wyham,  avait  déjà  mérité  avant  lui. 

ELLYS  (Antoine),  théologien  anglais,  né  en  1693,  mort 
à  Gloucester  en  1761.  Il  passa  sa  vie  à  rédiger  un  ouvrage 
dans  lequel  il  défend  l'Eglise  angUcane  contre  les  dissidents 
et  les  cathoHques.  L'ouvrage,  célèbre  avant  sa  publication, 
parut  sous  le  titre  de  Tracts  on  the  liberiy  spiritual 
and  temporal  of  Protestants  in  England  (1763,  in-4) 
suivi  d'uue seconde  partie  intitulée  Tracts  on  the  liherty.,. 
of  subjects  in  England  (1765,  in-4). 

ELLYS  (John),  peintre  anglais,  né  en  1701,  mort  en 
1757.  Elève  de  Thornhill,  puis  de  Schmutz,  Ellis  devint 
un  fervent  disciple  de  Vanderbank,  auquel  il  succéda,  avec 
Hogarth,  comme  directeur  de  l'Académie  fondée,  en  1720, 
par  Cheron  et  Vanderbank.  Il  aida  sir  R.  Walpole  à  for- 
mer sa  célèbre  collection,  et  fut  nommé,  en  1736,  peintre 
du  prince  de  Galles.  Parmi  ses  portraits  (gravés  par  Faber 
jeune,  Sympson,  etc.),  on  remarque  un  groupe  de  Lord 
Whitworth  et  son  neveu  (1727)  ;  Frédéric,  prince  de 
Galles;  la  Duchesse  de  Bolton,  George  Stanhope^  decan 
çf  Canterbury^  etc. 


EL  M.  Village  de  Suisse,  cant.  de  Claris,  à  une  vingtaine 
de  kil.  au  S.  du  chef-lieu;  850  hab.  Entouré  de  hautes 
montagnes  de  tous  côtés,  sauf  au  N.,  il  ne  voit  pas  le  soleil 
pendant  plusieurs  semaines  de  l'hiver.  Le  village  est  pro- 
testant depuis  1528.  Le  11  sept.  1881,  un  éboulement 
enseveht  cent  quatorze  personnes  du  village  et  détruisit 
quatre-vingt-trois  maisons.  Cette  catastrophe  émut  telle- 
ment la  charité  publique  qu'il  fut  recueilli  plus  d'un  million 
de  francs  en  faveur  des  victimes  et  de  leurs  familles.  Le 
village  a  été  dès  lors  réédifié.  E.  K. 

EL-MACIN  ou  plus  exactement  EL-MAKIN  (Georges), 
historien  arabe  de  rehgion  chrétienne  (1223-1273).  Il  est 
connu  par  une  histoire  des  Arabes  intitulée  Tarikh  el- 
moslimîn  et  qui  s'étend  depuis  la  naissance  de  Mahomet 
jusqu'à  l'année  1238.  Le  texte  arabe,  pubhé  à  Leyde  en 
1625,  a  été  traduit  en  latin  par  Erpenius,  sous  le  titre  de 
Historia  saracenica.  Wattier  a  mis  en  français  la  traduc- 
tion latine  d'Erpenius  et  lui  a  donné  pour  titre  V Histoire 
mahométane  ou  les  Quarante-neuf  Chalifes  duMacine 
(Paris,  1657). 

EL-MADHER.  Village  d'Algérie,  dép.  de  Constantine, 
arr.  de  Batna,  à  102  kil.  S.  de  Constantine;  339  hab., 
dont  82  Européens.  Stat.  de  la  voie  ferrée  de  Constantine 
à  Biskra.  C'est  une  annexe  de  la  com.  de  plein  exercice 
de  Batna. 

ELMAS  ou  EULMAS.  Grande  tribu  d'Algérie,  dép.  de 
Constantine,  qui  occupait,  à  l'O.  de  Constantine  et  dans  la 
plaine,  une  surface  de  70,000  hect.  Ils  n'opposèrent  que 
peu  de  résistance  à  la  conquête  française.  Ils  sont  aujour- 
d'hui répartis  dans  cinq  douars  d'une  commune  mixte  qui 
porte  leur  nom  et  dans  les  communes  de  plein  exercice  de 
Bizot,  de  Condé-Smendou,  d'El-Arrouch.  —  Il  y  a  aussi  des 
Eulmas  en  petits  groupes  dans  les  environs  de  l'oued  Zenati 
et  de  Bône. 

ELMER  (Stephen),  peintre  anglais,  mort  en  1796.  Ayant 
abandonné  le  commerce  pour  se  livrer  aux  arts,  Elmer 
devint  peut-être  le  plus  grand  peintre  de  nature  morte  que 
l'Angleterre  ait  produit.  Membre  de  la  Société  des  artistes 
libres  en  1763,  il  fut  élu  à  la  Royal  Academy  en  1772. 
Outre  ses  nombreuses  natures  mortes,  il  peignit  quelques 
tableaux  de  genre  tels  que  l'Avare^  VEomme  politique, 
le  Dernier  Soupir^  etc. 

ELMERICH  (Charles-Edouard),  peintre,  sculpteur  et  gra- 
veur français,  né  à  Besançon  en  1813.  Elève  d'Horace  Ver- 
net,  il  expose  au  Salon  depuis  1831.  Ses  principales  œuvres 
sont,  en  peinture  :  Une  Famille  exilée,  au  musée  de  Douai  ; 
le  Passage  du  gué,  au  musée  de  Besançon  ;  en  sculpture  : 
Guillaïune  Tell  et  son  fils,  groupe  marbre,  exposé  en 
1855  ;  Heur  et  Malheur,  bas-relief  plâtre,  exposé  en 
1867.  Cet  artiste  est  aussi  l'auteur  de  nombreuses  aqua- 
relles et  eaux-fortes  représentant  des  vues  pittoresques  de 
Paris  et  des  paysages.  M.  D.  S. 

EL-MERIDJ.  Localité  d'Algérie,  sur  la  frontière  tuni- 
sienne, à  une  soixantaine  de  kil.  S.-E.  de  Souk-Aliras, 
où  est  campée  une  importante  smala  de  spahis. 

ELMES  (James),  architecte  et  archéologue  anglais,  né 
à  Londres  en  1782,  mort  à  Greenwich  le  2  avr.  1862.  11 
fut  vice-président  de  la  Société  royale  d'architecture  et 
inspecteur  (surveyor)  du  pont  de  Londres  ;  mais  la  fai- 
blesse croissante  de  sa  vue  l'obligea  à  abandonner  toute 
fonction  (1848).  Malgré  sa  pratique  très  étendue,  il  don- 
nait beaucoup  de  son  temps  aux  journaux  et  périodiques 
traitant  de  son  art.  De  1816  à  1820,  il  dirigea  The  An- 
nals  of  the  Fine  Arts,  publication  d'un  caractère  tout 
nouveau  alors,  et  qui  a  Thonneur,  devant  la  postérité, 
d'avoir  inséré  plusieurs  des  chefs-d' oeuvre  de  Keats.  Outre 
ses  ouvrages  spéciaux,  comme  Lectures  on  Architecture 
(1823,  in-8),  The  Arts  and  Artists  (1825,  3  vol.  in- 
12),  î  Bibliographical  Dictionary  of  the  Fine  Arts 
(1826,  in-8),  Elmes  a  laissé  un  Traité  sur  la  réforme 
des  prisons  (1817,  in-4)  et  une  œuvre  théologique,  The 
Gospel  of  our  Lord  Jesus-Christ  rendered  into  one 
narrative  (1856,  in-12). 


^  859 


ELMES  -  ELMSLEY 


ELMES  (Harvey-Lonsdale),  architecte  anglais,  né  à 
Londres  en  1843,  mort  à  la  Jamaïque  le  26  nov.  1847. 
Fils  du  précédent,  il  prit  part,  en  1836,  au  concours 
ouvert  pour  la  construction  de  Saint-George' s  Hall,  à 
Liverpool,  et  ses  plans  ayant  été  préférés  à  ceux  de  ses 
quatre-vingt-cinq  concurrents,  il  conduisit,  de  1841  à 
1846,  les  travaux  de  cet  édifice,  que  fit  terminer  Ch.-R. 
Cockerell.  C'est  aussi  Elmes  qui  donna  les  dessins  des  cours 
d'assises  et  de  Collegiate  Institution  dans  la  même  ville, 
ainsi  que  ceux  de  l'asile  d'aliénés  du  comté  à  West  Derby. 
En  outre,  plusieurs  dessins  de  cet  architecte  furent  exposés 
à  l'Académie  royale  de  Londres.  Charles  Lucas. 

BiBL.:  The  Builder,  n°»  des  3  janv.  et  5  févr.  1848;  Lon- 
dres, in-4. 

ELNIGAARD  (Hans-Bertel-Marius) ,  littérateur  danois, 
né  à  Sandvad,  près  de  Veile,  le  16  oct.  1861.  Tout  en  écri- 
vant dans  les  journaux,  il  a  publié  plusieurs  volumes  de 
nouvelles  et  d'esquisses  qui  se  recommandent  moins  par 
l'intrigue  et  l'invention  que  par  l'observation  et  l'exacte 
peinture  des  mœurs  populaires  :  Dégel  (Copenhague,  1883); 
Lieux  calmes  (1885);  Tableaux  du  pays  natal  (1888); 
Sous  les  toits  de  chaume  (1891).  B-s. 

ELIVI6REN  (Sven-Gabriel),  érudit  finlandais,  né  à  Par- 
,  gas  le  25  oct.  1817.  Attaché  à  la  bibliothèque  de  l'uni- 
versité de  Helsingfors  en  1848,  il  en  devint  sous-bibliothé- 
caire en  4862.  On  lui  doit  la  découverte  d'un  fragment  de 
Konunga-och  hœfdingastyrilsi  (Gouvernement  des  rois 
et  des  grands)  qu'il  édita  (1868)  et  qui  a  permis  d'établir 
l'authenticité  de  cet  ouvrage  du  moyen  âge.  Il  a  publié  : 
Ephémérides  finlandaises  (1854);  Description  de  la  pa- 
roisse de  Par  g  as,  dans  Suomi  (1847);  de  celle  d^  Saint- 
Màrten  ou  Marttila  (^/>^(^.,  1857);  les  Ruines  du  Cloître 
de  Nâdendal  (1863);  Coup  d'œil  sur  la  littérature  en 
Finlande  de  i542  à  186S  (1864-1865,  2  fasc).  On  lui 
doit  des  éditions  de  :  Ecrits  choisis  de  Porthan  (1859- 
1873,  4  vol.  in-8);  Voyages  en  Orient  de  G.- A.  Wallin 
(1864-1866).  Il  rédigea  Litteraturblad  (1850-1854)  et 
un  grand  nombre  de  notices  biographiques  pour  Finlands 
minnesvœrde  mœn,  Fosterlandskt  Album  et  Lœnnetœr. 

ELMHAIVI  (Thomas),  historien  anglais,  mort  en  1440. 
C'était  un  moine  appartenant  au  monastère  bénédictin  de 
Saint-Augustin,  à  Canterbury.  Le  11  juin  1414,  il  devint 
prieur  de  Linton  (Nottinghamshire)  et  en  1416  vicaire 
général  pour  l'Angleterre  et  l'Ecosse.  On  a  de  lui  :  His- 
toria  monasterii  sancti  Augustini  Cantuariensis,  qui 
va  de  806  à  1418  avec  une  lacune  de  deux  cent  quatre 
vingts  ans  avant  1087;  cette  histoire,  qui  contient  un 
certain  nombre  de  chartes  importantes  et  l'abrégé  d'une 
chronique  de  Thomas  Sprott  aujourd'hui  perdue,  a  été 
éditée,  en  1858,  par  Hardwick;  A  Prose  life  of  Henry  F, 
publiée  en  1 727  par  Hearne  ;  Liber  metricus de  Henrico  V, 
publié  en  1858  par  Cole.  R.  S. 

EL-MILIAH.  Localité  d'Algérie,  dép.  et  arr.  de  Cons- 
tantine,  sur  un  mamelon  de  la  rive  droite  de  l'oued  El- 
Kebir,  à  environ  30  kil.  de  la  mer.  Ch.-l.  d'une  com. 
mixte  de  98,000  hect.  (presque  tout  en  montagnes)  et  de 
40,859  hab.,  dont  157  Européens.  On  y  établit,  en  1858, 
un  poste  militaire  chargé  de  surveiller  ^la  région  monta- 
gneuse, alors  infestée  de  brigands,  et  d'assurer  les  com- 
munications entre  Djidjelli,  Collo  et  Constantine.  Le  bordj 
fut  assiégé  par  les  Kabyles  insurgés  en  1871,  mais  ils  ne 
purent  l'enlever,  et  aujourd'hui,  à  l'entour,  il  y  a  un  petit 
village  européen. 

ELIVIINA,  appelé  aussi  Saint-Georges  della  Mina,  et 
La  Mine  des  relations  françaises  du  xiv^  siècle.  Etablis- 
sement de  la  Guinée  (Côte  d'Or),  par  5^  4''  48'"  lat.  N.  et 
30  40'  49'^  long.  0.  ;  3,000  hab.  C'est  le  centre  du 
mouvement  commercial  de  la  côte,  et  la  principale  escale 
pour  le  trafic  avec  les  populations  de  l'intérieur,  notam- 
ment la  région  des  Achantis.  En  1383,  les  Dieppois  au- 
raient fondé  le  comptoir  de  La  Mine,  ainsi  nommé  «  pour 
la  quantité  d'or  qui  s'y  apportait  des  environs  ».  Les  Por- 
tugais succédèrent  aux  Français,  et,  en  1637,  lesHollan- 


1 


dais  prirent  violemment  la  place  des  Portugais.  Le  traité 
du  27  févr.  1871  a  fait  passer  Elmina  aux  mains  de 
l'Angleterre  ;  Elmina  est  devenue,  avec  Cape  Coast  Castle 
et  Akra,  la  base  d'opération  des  troupes  anglaises  dans 
leurs  expéditions  contre  les  Achantis,  et  un  des  comptoirs 
les  plus  prospères  de  la  Côte  d'Or.  Crozals. 

ELMINIUS  (ZooL).  Genre  de  Crustacés  cirrhipèdes,  de 
la  famille  des  Balanides,  établi  par  Leach  en  1825  pour 
des  espèces  voisines  des  Tetraclita,  qui  vivent  générale- 
ment attachées  sur  les  rochers  ou  sur  d'autres  coquiUes. 
La  couronne,  chez  ces  animaux,  est  formée  de  quatre 
pièces  ;  les  parois  du  test  ne  sont  pas  poreuses  et  la  base 
est  membraneuse.  Les  Elminius  sont  représentés  par  trois 
espèces  très  communes  sur  les  côtes  de  la  Nouvelle-Galles 
du  Sud,  de  la  terre  de  Van  Diemen  et  de  la  Nouvelle-Zé- 
lande, une  quatrième  appartient  à  l'Amérique  du  Sud. 

ELMIRA.  Ville  des  Etats-Unis,  Etat  de  New-York, 
comté  de  Chemung,  sur  la  rivière  Chemung,  affluent  du 
Susquehannah;  30,893  hab.  en  1890.  Belle  et  régulière- 
ment bâtie,  elle  possède  des  étabhssements  métallurgiques  ; 
fabriques  de  machines,  etc. 

ELMIS  (Elmis  Latr.)  (Entom.).  Genre  de  Coléoptères, 
de  la  famille  des  Parnides.  Ce  sont  des  insectes  de  petite 
taille,  au  corps  ovalaire  ou  oblong,  d'un  bronzé  foncé  ou 
noirâtre,  avec  les  antennes  simples, 
de  onze  articles  distincts,  le  prothorax 
plus  étroit  que  lesélytres,  les  hanches 
antérieures  subgbobuleuses  et  les 
tarses  de  cinq  articles,  dont  le  der- 
nier, aussi  long  que  les  quatre  pré- 
cédents pris  ensemble,  est  terminé 
par  de  forts  crochets.  On  les  trouve 
dans  les  eaux  courantes,  parfois  même 
très  rapides,  où  ils  vivent  accrochés 
aux  pierres  submergées.  Leurs  espèces, 
médiocrement  nombreuses,  se  divisent 
en  deux  groupes  selon  que  le  protho- 
rax est  marqué,  ou  non,  de  chaque 
côté,  d'une  hgne  longitudinale  enfon- 
cée. V  Elmis  œneusMuW.  est  commun 
en  Erance  dans  les  cours  d'eau  rapide.  Sa 
larve,  que  nous  figurons,  a  été  observée  par  Westwood,  Kole- 
nati,  Erichson  et  plus  récemment  par  le  D'^  Laboulbène 
(Ann.  Soc,  ent,  de  France,  1870,  p.  405).  Elle  al'appa- 
rence  d'un  petit  Crustacé,  d'un  gris  jaunâtre  ou  verdâtre, 
avec  les  côtés  du  corps  plus  clairs,  dilatés  et  garnis  d'appen- 
dices très  fins,  foliacés  et  laciniés.  L'extrémité  de  Pabdomen 
est  pourvu,  en  dessous,  d'un  petit  opuscule  qui  s'ouvre  fré- 
quemment pour  donner  passage  à  trois  faisceaux  de  branchies 
d'un  blanc  satiné  ou  argenté  très  vif.  Ed.  Lef. 

ELMORE  (Alfred),  peintre  anglais,  né  à  Clonakilty 
(Irlande)  en  1 815,  mort  à  Londres  en  1881 .  Très  connu  par 
les  expositions,  il*  fut  élu  académicien  en  1856.  Parmi  ses 
œuvres  les  plus  remarquées,  nous  pouvons  citer  :  Marie, 
reine  d'Ecosse;  Rienzi  au  Forum;  Lucrèce  Borgia,  Ma- 
rie-Antoiriette  au  Temple;  Charles-Quint  ciYuste,  etc. 

ELMSLEY  (Peter),  helléniste  anglais,  né  à  Hampstead, 
près  de  Londres,  en  1773,  mort  à  Oxford  en  1825.  Après 
ses  études  à  Oxford,  il  prit  les  ordres,  résida  quelque  temps 
à  Edimbourg  oîi  il  collabora  à  la  célèbre  Revue  d'Edim- 
bourg, puis  à  la  Quarterly  Revieiv,  par  des  articles  sur  la 
littérature  grecque.  Il  publia  smœsshement  Acharnienses 
(1809);  OEdipus  ttjrannus  (1811)  ;  Heraclidœ  (1815), 
Medea(iS\8);Bacchœ(iS^i);  OEdipus Coloneus  (1823). 
Il  avait  déjà,  pour  ses  travaux  littéraires,  visité  les  princi- 
pales bibliothèques  du  continent,  entre  autres  celles  de  Flo- 
rence, où  il  passa  tout  l'hiver  de  1818,  lorsqu'il  fut  chargé 
par  le  gouvernement  de  surveiller,  avec  sir  Humphrey 
Davy,  le  déroulement  des  papyrus  trouvés  dans  les  fouilles 
d'Herculanum.  A  son  retour  en  Angleterre,  ayant  obtenu 
le  grade  de  docteur  en  théologie,  il  fut  nommé  principal 
d'un  des  collèges  d'Oxford,  poste  qu'il  occupa  jusqu'à  sa 
mort,  Hector  F wçe. 


Elmis  œneus 
(larve  grossie). 


ELNA  —  ELODEA 


860  — 


ELNA  ou  lELNA.  Ville  de  la  Russie  d'Europe,  chef-lieu 
de  district  du  gouvernement  de  Smolensk  ;  6,000  hab. 
Le  district  d'Elna  est  essentiellement  agricole. 

ELNE.  Com.  du  dép.  des  Pyrénées-Orientales,  arr.  et 
cant.  (E.)  de  Perpignan,  sur  une  colline  entre  le  Tech  et 
J(Réart,  l'un  des  points  d'où  l'on  découvre  le  mieux  la 
plaine  du  Roussillon;  3,237  hab.  La  grandiose  beauté  du 
panorama,  le  pittoresque  des  ruines,  les  tons  admirables 
que  le  paysage  prend  à  certaines  heures  du  jour  ne  sont 
pas  assez  connus  des  artistes.  Le  territoire  d'Elne  produit 
du  vin  de  table  estimé,  des  primeurs,  des  violettes,  dont 
on  fait  un  certain  commerce. 

Elne,  qui  portait  primitivement  le  nom  dllliberis, 
est  l'une  des  plus  vieilles  cités  de  France;  on  a  con- 
jecturé qu'elle  fut  fondée  par  les  Phéniciens  au  xi^  siècle 
av.  J.-C.  Ruinée  vers  leiv^  siècle  avant  notre  ère,  lUiberis 
est  signalée  par  Pline  comme  «  le  faible  vestige  d'une 
grande  ville  ».  lUiberis  fut  restaurée  par  Constantin,  qui 
lui  donna  le  nom  de  sa  mère  llelena  d'où  Elne.  C'est  à 
Elne  que  Constant,  troisième  fils  de  Constantin,  fut  atteint 
et  assassiné  par  les  émissaires  de  l'usurpateur  Magnence, 
en  350  :  on  montre  dans  le  cloitre  un  chrisme  qui  serait 
un  fragment  du  tombeau  de  Constant  ;  mais  la  forme  du 
rho  décèle  une  facture  plus  récente.  Au  vi®  siècle  sans 
doute,  Elne  fut  érigée  en  évéché;  prise  au  viii®  siècle,  par 
les  Maures,  au  ix®  par  les  Normands,  la  cité  soutint  encore 
quatre  sièges  :  en  1285,  elle  fut  mise  à  sac  par  Philippe 
le  Hardi;  en  4344,  elle  fut  enlevée  par  les  troupes  du  roi 
d'Aragon,  qui  envahissaient  les  terres  du  roi  de  Majorque  ; 
en  1474,  Elne,  pressée  par  les  troupes  de  l'armée  française, 
ouvrit  ses  portes  au  bout  de  cinq  mois  et  demi  ;  enfin  elle 
se  rendit,  en  1641,  à  une  partie  de  l'armée  de  Louis  XIIL 
La  résidence  des  évêques  et  du  chapitre  d'Elne  a  été  trans- 
férée à  Perpignan,  en  1602;  le  siège  de  l'évèché  est,  en 
fait,  dans  cette  dernière  ville  :  la  curie  romaine  appelle  en 
français  «  évêque  de  Perpignan  »  le  même  prélat  à  qui 
elle  donne  en  latin  le  titre  de  «  episcopus  Elnensis  ». 

La  cathédrale  d'Elne  est  dédiée  à  sainte  Eulalie  de  Mérida  : 
restaurée  ou  refaite  vers  l'an  900,  elle  fut  reconstruite  au 
XI®  siècle  et  sans  doute  terminée  vers  le  commencement 
du  XII®.  L'évêque  Udalguer  la  fortifia  vers  1140.  C'est  une 
basilique  à  trois  nefs,  avec  une  abside  et  deux  absidioles 
circulaires  et  sept  travées  ;  la  maîtresse  voûte  est  en  ber- 
ceau; les  voûtes  latérales  en  demi-berceau  épaulant  la 
voûte  centrale;  les  unes  et  les  autres  sont  sur  doubleaux. 
Derrière  l'abside  ressort  une  autre  abside  basse  très  an- 
cienne. De  la  fin  du  xiii®  siècle  jusque  vers  le  milieu  du 
XV®,  on  a  successivement  bordé  de  chapelles  six  travées  du 
bas  côté  S.  Le  clocher  surmonte  la  septième  travée,  sur  la 
façade  :  c'est  une  tour  massive,  carrée,  couronnée  par  un 
crénelage  et  d'aspect  imposant  ;  le  soubassement  a  été  ren- 
forcé par  un  empattement  en  1415.  Le  second  clocher,  à 
l'autre  bout  de  la  façade,  n'a  jamais  été  terminé.  On  entre- 
prit, au  début  du  xv®  siècle,  un  chevet  avec  chapelles 
rayonnantes,  qui  fut  arrêté  au  niveau  des  bases;  on  songea 
à  le  continuer  vers  1675  :  ce  projet  échoua  heureusement. 
Le  maître-autel,  consacré  en  1069,  subsiste  en  partie  :  la 
table  est  dressée  devant  le  tombeau.  Le  retable  d'argent, 
du  xiv®  siècle,  a  été  fondu  et  remplacé,  en  1724,  par  un 
baldaquin  de  mauvais  goût.  11  faut  signaler  encore,  dans  la 
cathédrale,  en  outre  du  chœur  du  xiii®  siècle,  qui  a  disparu, 
une  cuve  antique  servant  de  bénitier,  des  reliquaires  du 
XV®  siècle,  une  cloclwitte  du  xvi®,  etc.  —  Le  cloître  occupe 
un  quadrilatère  irréguher  sur  le  flanc  N.  de  l'église.  Bâti 
vers  1175  peut-être,  il  fut  ruiné  en  1285,  et  la  recons- 
truction dura  jusqu'à  la  fin  du  xiv®  siècle  :  la  galerie  S. 
était  intacte;  on  releva  la  galerie  0.  en  partie  avec  des 
matériaux  anciens,  puis  la  galerie  N.;  à  la  galerie  E.,  qui 
vint  ensuite,  on  modifia  le  tracé  des  voûtes,  dont  les  ner- 
vures pénétrèrent  dans  les  supports;  on  appliqua  ce  sys- 
tème à  la  galerie  S.,  qui  fut,  en  dernier  heu,  voûtée.  Si 
les  auteurs  de  cette  restauration  ont  substitué  au  berceau 
ou. plutôt  à  la  charpente  du  cloitre  primitif  des  voûtes  de 


structure  gothique,  ils  ont  respecté  le  tracé  de  la  claire - 
voie,  et  l'on  peut  classer  le  cloître  d'Elne  parmi  les  cloîtres 
romans  :  c'est  l'un  des  plus  beaux  assurément  que  l'école 
romane  ait  laissés.  Aucun  peut-être  ne  réunit  à  un  pareil 
degré  le  luxe  des  matériaux,  de  marbre  blanc,  veiné  de 
bleu,  et  leur  conservation,  l'unité  de  l'ensemble  et  la 
luxueuse  variété  des  détails  :  les  colonnes  sont  en  grande 
partie  à  pans  coupés,  cannelées,  tournées  en  spirales,  im- 
briquées, feuillagées,  etc.  Quelques  chapiteaux,  surtout  au 
N.,  et  certains  culs-de-lampe  au  S.,  sont  de  petits  chefs- 
d'œuvre  de  sculpture.  Aug,  Brutajls. 

BiDL.  :  Alart,  les  Patronnes  d'Elne,  dans  le  Bulletin 
de  la  Société  des  Pyrénées-Orientales,  t.  XI,  et  dans  les 
Notices  historiques  sur  les  communes  du  Roussillon,  t.  I, 
pp.  121-144.  —  Campagne,  Dissertation  sur  sainte  Eulalie. 
—  Congrès  archéologique  de  France,  XXXV«  session.  — 
L.  DE  BoNNEFOY,  Epigraphic  roussillonnaise.  —  Brut  ails, 
Monographie  de  la  cathédrale  et  du  cloître  d'Elne,  extrait  du 
Bulletin  de  la  Société  des  Pyrénées-Orientales,  t.  XXVIII. 

ELNES.  Com.  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  de  Saint- 
Omer,  cant.  de  Lumbres,  sur  l'Aa;  459  hab.  Papeterie, 
blanchisserie  de  toile.  Ancien  château  fort  des  comtes  de 
Vaudelin,  converti  en  ferme. 

EL  OBEÏO  (V.  Obejd). 

ELOBEY.  Nom  donné  à  deux  îlots,  Elobey  Grande 
(500  hect.),  et  Elobey  Pequeno  (25  hect.)  faisant  partie 
des  colonies  espagnoles  de  la  côte  de  Guinée,  dans  la  baie 
de  Corisco.  Le  climat  de  ces  îlots  est  très  salubre  ;  Elobey 
Pequeno  sert  de  sanatorium  aux  postes  de  la  région  cir- 
convoisine. 

ÉLOCUTION(Rhét.).L'élocution,dansracceptionpropre 
du  mot,  n'est  autre  chose  que  renonciation  de  la  pensée  par 
la  parole.  C'est  ainsi  que  la  définit  Quintilien  en  rappro- 
chant le  mot  du  grec  opaaiç  (VIIl,  proœm.)  :  Eloquiest 
omnia  quce  mente  conceperis  promere  atque  ad  au- 
dientes  perferre.  Dans  le  sens  oratoire,  cette  énonciation 
consiste  à  choisir,  en  pariant,  l'expression  la  plus  propre  à 
faire  valoir  la  pensée.  Le  mot  est  donc  synonyme  de  style, 
avec  cette  différence  qu'il  s'applique  particulièrement  à 
l'expression  orale.  L'élocution  a  pour  objet,  par  conséquent, 
en  rhétorique,  cette  partie  de  l'art  oratoire  qui  consiste  à 
exprimer  ce  que  l'orateur  a  trouvé  par  l'invention  et  com- 
biné par  la  disposition.  Les  auteurs  sont  d'accord  pour 
regarder  cette  partie  de  la  rhétorique  comme  la  plus  im- 
portante et  la  plus  difficile.  Elocutio,  dit  encore  Quintilien 
au  même  endroit,  ut  inter  omnes  convenit,  difficillima. 
Il  cite  à  l'appui  de  son  opinion  celle  de  Cicéron  qui  a  con- 
sacré à  cette  division  de  l'art  la  plus  grande  part  de  ses 
efforts,  et  suivant  qui  tout  homme  inteUigent  peut  acquérir 
l'invention  et  la  disposition,  tandis  que  l'éloquence  (elo- 
quentia  est  ici  exactement  synonyme  de  elocutio)  est  le 
propre  de  l'orateur  (Or.,  44). "'Voltaire  etBuffon  ne  parient 
pas  autrement  du  style  qui  est  l'élocution  écrite.  La  partie 
de  la  rhétorique  qui  s'appelle  l'élocution  est  aussi,  on  le 
conçoit  par  ce  qui  précède,  la  plus  étendue.  Elle  laisse  en 
eff'et  à  la  grammaire  les  règles  de  la  correction  ;  mais  elle 
traite  du  style  et  de  ses  genres,  de  ses  quahtés  générales 
et  des  quahtés  particulières  à  chacun;  du  choix  des  mots 
et  de  la  construction  des  phrases  ;  des  tours,  des  mouve- 
ments, des  figures  ;  des  défauts  de  style  à  éviter,  et  des 
moyens  d'acquérir  les  qualités  opposées  ;  comme  l'un  des 
meilleurs  moyens  est  la  lecture  et  l'étude  des  modèles  en 
tous  genres,  Quintilien  a  fait  entrer  dans  sa  rhétorique  un 
tableau  de  l'histoire  littéraire  de  la  Grèce  et  de  Rome  à 
l'usage  de  l'apprenti  orateur  (hist.^  X,  1)  (V.  Style,  Fi- 
gure, etc.).  A.  W. 

ELOCYON  (Paléont.)  (V.  Cynodictis). 

ELODEA  (ElodeaL.-C.  Kich.)  (Bot.).  Genre  déplantes 
de  la  famille  des  Hydrocharidacées.  Ce  sont  des  herbes 
aquatiques,  submergées  et  vivaces,  à  feuilles  sessiles  et 
verticillées,  à  fleurs  hermaphrodites,  polygames  ou  dioïques, 
renfermées,  au  nombre  de  trois  à  sept,  dans  une  spathe 
axillaire,  ovale  ou  hnéaire.  L'ovaire,  infère,  devient  à  la 
maturité  une  capsule  oblongue  renfermant  un  petit  nombre 
de  graines  à  embryon  droit,  dépourvu  d'albumen.  —VE. 


-  861  — 


ELODEA  —  ÉLOGE 


canadensis  Kich.  (Anacharis  i/smas^m/^iBabingt.)  est 
une  espèce  dioïque  commune  dans  les  cours  d'eau  de  l'Amé- 
rique du  Nord.  Transporté  accidentellement  dans  la  Grande- 
Bretagne  et  en  Irlande,  il  s'y  est  multiplié  dans  des  propor- 
tions tellement  considérables  qu'il  est  devenu  un  obstacle 
sérieux  à  la  navigation.  Depuis  plusieurs  années,  l'individu 
femelle  s'est  également  multiplié  en  grand  nombre  dans 
plusieurs  mares  et  cours  d'eau  de  la  France.  M.  H.  Bâillon 
a  étudié  l'organisation  floréale  de  cette  espèce  dans  les 
Comptes  rendus  de  l'Association  française  pour  r avan- 
cement des  sciences  (Le  Havre,  p.  ^S^l),      Ed.  Lef. 

ELODES  (Elodes  Spach.)  (Bot.).  Genre  d'Hypéricacées, 
très  voisin  des  Hypericum,  dont  il  diffère  par  les  glandes 
écailleuses,  pétaloïdes  et  bifides  qui  alternent  avec  les  fais- 
ceaux d'étamines.  L'espèce  type,  E.  palustris  Spach  {Hype- 
ricum  Elodes  L.),  est  une  herbe  vivace  commune  en  France 
dans  les  marais  tourbeux  des  terrains  siliceux.     Ed.  Lef. 
ÉLOGE.  I.  Littérature  ancienne. —  Il  y  a,  dans  la  litté- 
rature grecque,  différentes  formes  d'éloges,  soit  des  pané- 
gyriques, soit  des  oraisons  funèbres.  C'est  surtout  la  so- 
phistique du  v^  siècle  av.  J.-C.  avec  Gorgias,  Protagoras, 
Prodicus,  Hippias,  Euthydème,  qui  s'est  exercée  dans  le 
genre  du  panégyrique,  en  faisant  l'éloge  de  toutes  sortes 
d'objets,  par  exemple,  de  la  mouche,  de  la  fièvre,  de  la 
punaise,  del'escarbot.Ily  a  des  panégyriques  plus  sérieux 
dans  les  poésies  de  Pindare  et  dans  les  œuvres  d'/50- 
crate  (V.  ces  noms).  La  pièce  de  Théocrite,  intitulée  les 
Grâces  ou  Eiéron,  est  l'éloge  d'Hiéron.  Les  Athéniens 
avaient,  à  l'époque  classique,  l'habitude  de  faire  célébrer 
publiquement  la  mémoire  des  soldats  morts  pendant  l'année. 
C'est  ainsi  que  Thucydide  (2,  34-46)  a  refait  un  discours 
funèbre  de  ce  genre  prononcé  par  Périclès.  Le  Ménexène  de 
Platon  est  une  oraison  funèbre  du  même  genre  (V.  Oraison 
funèbre).  Nous  retrouvons  les  deux  catégories  d'éloges, 
panégyriques   et   oraisons  funèbres,  dans  la   littérature 
grecque  de  l'époque  romaine.  Il  y  a  plusieurs  éloges  dans 
les  œuvres  de  Dion  Chrysostome  ;  nous  avons  deux  dis- 
cours funèbres  dans  celles  du  sophiste  Polémon,  et  dans 
celles  du  rhéteur  JElius    Aristide  une  oraison   funèbre 
adressée  à  une  ville  d'Asie,  l'éloge  de  son  ami  Alexandre 
et  un  discours  qui  a  une  certaine  valeur  historique,  l'éloge 
de  Rome.  On  conteste  à  Lucien  l'éloge  de  Démosthène  et 
l'éloge  de  sa  patrie,  mais  l'éloge  de  la  mouche  paraît  être 
de  lui.  Au  iv®  siècle,  le  philosophe  Themistius  a  écrit  plu- 
sieurs panégyriques  d'empereurs  et  l'exorde  d'une  oraison 
funèbre  de  son  père.  Dans  la  littérature  chrétienne,  nous 
possédons  de  saint  Grégoire  de  Naziance  (V.  ce  nom) 
plusieurs  oraisons  funèbres,  et  de  l'évêque  Synesius,  l'éloge 
de  la  calvitie,  composé  sur  le  modèle  des  éloges  de  Lucien. 
On  peut  encore  ranger  parmi  les  éloges  les  sept  cent  qua- 
rante-huit épigrammes  funéraires  de  l'Anthologie  grecque. 
La  littérature  latine  est  beaucoup  plus  riche  en  éloges 
de  tous  genres  que  la  littérature  grecque.  Il  faut  distin- 
guer tout  d'abord,  d'une  part,  les  panégyriques  et  les 
oraisons  funèbres,  de  l'autre  les  différents  genres  qui  sont 
compris   dans  l'expression  technique  elogium.  L'étymo- 
logie  du  mot  elogium  n'a  pas  encore  été  bien  déterminée; 
les  uns  y  voient  une  forme  latinisée  du  mot  grec  sXsyctov, 
antérieure  aux  formes  elegeia  et  elegia  ;  d'autres  le  con- 
sidèrent comme  une  forme  plus  ancienne  du  mot  latin 
eloquium;  d'autres  le  tirent  simplement  du  \eTheelegere, 
avec  le  sens  d'extrait,  de  sommaire,  de  sentence.  Il  est 
probable  qu'au  début  elogium  a  signifié  une  courte  ins- 
cription, soit  épigrammatique,  soit  votive.  Dans  Plaute 
(Mercat.,  v,  409),  ce  mot  signifie  une  épigramme  écrite 
sur  une  muraille;  Cicéron  appelle  ainsi  l'inscription  en 
vers  saturniens  du  consul  A.  Atilius  Caiatinus  et  un  dis- 
tique élégiaque  de  Solon  ;  Auguste  fait  graver,  sur  le 
monument  élevé  à  Drusus,  un  elogium  en  vers.  C'est  donc 
le  sens  d'inscription  funéraire  et,  par  suite,  élogieuse  qui 
l'a  peu  à  peu  emporté  sur  les  autres.  Nous  avons  des  elogia 
de  différentes  formes.  Ils  sont  privés  ou  publics.  Comme 
monuments  privés,  nous  connaissons,  de  l'époque  républi- 


caine, les  épitaphes  gravées  à  l'intérieur  des  tombeaux  des 
anciens  magistrats  et  des  grands  personnages  ;  elles  sont 
très  courtes  ;  le  nom  est  au  nominatif  ;  nous  avons  toute 
la  série  des  épitaphes  des  Scipions  depuis  290  jusqu'à  130 
(Corpus  inscriptionum  latinarum,  I,  n^  30  et  suiv.)  ; 
nous  avons  aussi  r^%mm  d'un  riche  affranchi;  on  peut 
également  mettre  dans  cette  catégorie  les  inscriptions, 
dont  l'auteur  est  inconnu,  composées  en  l'honneur  de  diffé- 
rents poètes  latins,  celle  de  Nsevius  en  vers  saturniens, 
celle  de  Plaute  en  hexamètres  dactyliques,  celle  d'Ennius 
en  vers  élégiaques,  celle  de  Pacuvius  en  iambiques  sénaires. 
Sous  l'Empire,  les  épitaphes  de  ce  genre  se  gravent  sur  la 
paroi  extérieure  des  tombeaux  avec  le  nom  au  datif,  et  alors 
on  peut  donner  le  nom  d'elogia  à  toutes  les  inscriptions 
funéraires  qui  contiennent  les  titres  du  défunt  et  un  éloge 
plus  ou  moins  long.  Les  familles  nobles  avaient  aussi  l'ha- 
bitude de  faire  écrire  au-dessous  des  portraits  des  ancêtres 
de  courtes  notices  qui  s'appellent  aussi  elogia,  mais  nous 
n'en  avons  pas  conservé.  Comme  monuments  publics,  nous 
connaissons  d'abord  les  elogia  des  monnaies,  courtes  ins- 
criptions que  les  magistrats  monétaires  furent  autorisés 
depuis  114  à  faire  figurer  sur  les  monnaies  en  même  temps 
que  des  symboles  de  leurs  familles  ou  des  portraits  d'an- 
cêtres. En  second  lieu,  les  magistrats  qui  consacraient  des 
temples  trouvèrent  souvent  le  moyen  d'y  introduire,  en  la 
faisant  graver  sur  quelque  pièce  de  la  décoration  intérieure, 
une  inscription  relative  à  leur  famille,  sous  forme  d'elo- 
gium.  Enfin,  on  permit  à  différents  magistrats  d'élever, 
sur  les  places  publiques  de  Rome  et  surtout  au  Capitole, 
des  statues  à  leurs  ancêtres  avec  un  elogium;  nous  avons 
plusieurs  de  ces  inscriptions  ;  quelques-unes  sont  de  petites 
biographies  ;  l'histoire  ne  doit  s'en  servir  qu'avec  pru- 
dence, car  elles  ont  été  généralement  composées  très  long- 
temps après  la  mort  des  personnes  qu'elles  concernent  ; 
celle  de  Duilius,  par  exemple,  n'a  été  rédigée  que  sous 
Claude.  Auguste  fit  placer  dans  son  Forum  les  statues  des 
principaux  personnages  de  la  République,  depuis  Enée, 
avec  un  elogium  ;  n(»us  avons  vingt-quatre  inscriptions  de 
ce  genre,  soit  entières,  soit  fragmentaires,  trouvées  soit  à 
Rome,  soit  dans  les  villes  d'Italie  qui  en  avaient  fait  faire 
des  copies.  Chacun  de  ces  elogia  renfermait  le  nom  du 
personnage  au  nominatif,  l'indication  de  ses  magistratures, 
de  ses  sacerdoces,  une  esquisse  biographique  et  une  courte 
appréciation.  Après  Auguste,  on  ajouta  d'autres  statues 
dans  son  Forum.  On  pratiqua  le  même  système  au  Forum 
de  Trajan.  Il  nous  a  fourni  des  biographies  de  nombreux 
personnages  depuis  le  ii®  jusqu'au  v^  siècle.  On  peut  rap- 
procher de  ce  genre  d'inscription  les  elogia,  qui,  d'après 
un  usage  grec,  étaient  placés  sous  les  portraits  des  grands 
hommes  dans  les  musées  et  les  bibliothèques  ;  la  plupart  de 
ceux  qu'on  a  trouvés  à  Rome  sont  en  grec,  quelques-uns 
seulement  en  latin.  Varron  avait  écrit,  dans  un  ouvrage 
intitulé  Portraits  (Imagines)  les  biographies  de  sept  cents 
personnages,  accompagnées  chacune  d'un  portrait  et  d'un 
elogium  en  vers  ;  malheureusement,  il  ne  nous  en  reste 
rien,  non  plus  que  de  l'ouvrage  analogue  qu'avait  composé 
Atticus.  Nous  avons  quelques  fragments  d'un  recueil  du 
même  genre  qu'avait  fait  Symmaque  le  père  au  iv®  siècle  ; 
on  ne  sait,  au  juste,  à  qui  attribuer  les  deux  séries,  l'une 
de  vingt-quatre,   l'autre  de  huit  elogia,  en  hexamètres 
dactyliques,  que  renferment  plusieurs  manuscrits.  Le  mot 
elogium  a  gardé,  en  outre,  quelques  acceptions  particu- 
lières dérivées  de  sa  signification  primitive  ;  il  désigne,  par 
exemple,  une  clause  particulière  d'un  testament,  un  acte 
de  la  procédure  criminelle,  un  rapport  de  police  sur  un 
inculpé  et  quelquefois  aussi  une  sentence  rendue  au  cri- 
minel. 

Les  éloges  proprement  dits  tiennent  une  grande  place 
dans  la  littérature  latine  ;  nous  en  renvoyons  l'étude  aux 
mots  Panégyrique  et  Oraison  funèbre.  Citons  seulement 
ici  quelques  œuvi'es  qui  ne  rentrent  précisément  dans  au- 
cun de  ces  genres,  par  exemple  le  livre  de  Tacite  sur  la 
vie  d' Agricola,  qui  est  à  la  fois  une  biographie  et  un  éloge  ; 


ÉLOGE  —  ELOPS 


862  — 


les  éloges  écrits  par  Fronton  à  la  manière  des  sophistes 
grecs  ;  les  quatorze  pièces  de  Prudence  qui  sont  des  pané- 
gyriques de  martyres  chrétiens,  et  dans  la  littérature 
chrétienne  les  nombreux  traités  (jui  renferment  Téloge 
d'une  profession,  d'une  vertu,  ainsi  l'éloge  delà  virginité, 
de  saint  Jérôme,  l'éloge  du  martyre,  de  saint  Cyprien. 

Ch.  Lécrivain. 

IL  Littérature  contemporaine. —  Discours  public  fait  à 
l'honneur  de  quelqu'un  après  sa  mort  (V.  Oraison  funèbre 
et  Panégyrique).  En  France,  les  éloges  académiques  pré- 
sentent un  caractère  spécial  ;  c'est  un  genre  de  composition 
littéraire  tout  particulier  ;  on  trouvera  à  l'art.  Oratoire 
(Art)  les  règles  et  les  caractères  de  l'éloquence  aca- 
démique. 

BiBL.  :  Littérature  ancienne.  —  Bergk,  Grieschische 
Literaturqeschichte  ;  Berlin,  1872-1887.  —  Teuffel,  Ge- 
schichte  der  rômischen  Literatur;  Leipzig,  1890.—  Laeaye, 
article  Elogium,  dans  Dictionnaire  des  antiquités  grecques 
et  romaiines  ;  Paris,  1891. 

ELOHIWI.  Nom  de  la  divinité  chez  les  Hébreux,  que  les 
traductions  anciennes  et  modernes  rendent  par  D/é^w  (V.  Hé- 
breux [Histoire  et  religion  des]). 

ÉLOl  (Saint)  (EHgius),  né  à  Catillac,  près  de  Limoges,  en 
588,  mort  à  Noyon  le  30  nov.  658  ou  659.  Venu  à  Paris 
comme  orfèvre,  il  acquit  la  faveur  du  roi  Clotaire  II  qui 
en  fit  son  trésorier.  Le  roi  Dagobert  accrut  encore  la  situa- 
tion d'Eloi,  qui  l'utilisa  au  profit  de  l'Eglise  et  des  cou- 
vents, On  lui  attribue  la  fondation  de  l'abbaye  de  Saint- 
Ouen.  En  640',  on  lui  donna  l'évêché  de  Noyon.  Il  continua 
d'être  un  des  grands  personnages  de  la  monarchie  franque. 
Il  travailla  activement  à  l'évangélisation  des  Flandres, 
fonda  l'église  Saint-Martin  à  Courtrai,  un  monastère  à 
Tournai,  kc.  La  légende  a  beaucoup  accru  le  rôle  de  ce 
saint  resté  très  populaire  et  regardé  comme  patron  des 
orfèvres. 

ÉLOIE.  Com.  du  territoire  de  Belfort,  cant*  de  Gi- 
romagny;  166  hab. 

ÉLOiGNEMENT  (Math.)  (V.  Géométrie  descriptive  et 
Mathématiques). 

ÉLOl  SE.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Savoie,  arr.  de 
Saint-Julien,  cant.  de  Frangy;  472  hab. 

ÉLOMIRE  (Marie-Joséphine-Yictorine  Jollain,  dite), 
actrice  française,  née  à  Champeaux  le  8  mai  4784,  morte  à 
Paris  vers  1868.  Elle  était  âgée  de  quatorze  ou  quinze  ans 
lorsqu'elle  débuta  au  théâtre  des  Jeunes-Artistes.  Le  19  juin 
1806,  elle  débuta  avec  succès  aux  Variétés,  le  théâtre  alors 
le  plus  populaire  de  Paris  ;  pendant  dix  ans  elle  fat  l'actrice 
préférée  du  public  de  ce  théâtre,  puis  tout  d'un  coup,  vers 
1815,  au  plus  fort  de  ses  succès,  elle  quittait  subitement 
la  scène  pour  n'y  plus  revenir.  A.  P. 

ÉLONGATION.  I.  Astronomie.  —  Elongation  d'une 
PLANÈTE.  —  Différence  entre  les  longitudes  géocentriques 
de  cette  planète  et  du  soleil.  La  plus  grande  élongation  des 
planètes  inférieures.  Mercure  et  Vénus,  s'appelle  aigres- 
sion  (V.  ce  mot).  Les  élongations  des  autres  planètes  vont 
jusqu'à  180^  puisque  ces  astres  peuvent  se  trouver  opposés 
au  soleil.  L.  B. 

IL  Médecine.  —  Elongation  nerveuse.  —  Un  agent 
vulnérant  peut  produire  l'élongation  d'un  nerf  en  exerçant 
sur  lui  une  traction  ;  on  peut  l'observer  à  la  suite  des  dépla- 
cements des  extrémités  osseuses  dans  les  luxations,  lors  des 
tractions  nécessitées  pour  la  réduction  des  fractures,  lors 
de  l'extension  forcée  d'un  membre.  Il  faut  une  force  con- 
sidérable pour  occasionner  la  rupture  d'un  nerf;  celle  du 
sciatique  exige  de  54  à  58  kilogr.,  celle  du  médian  et  du 
cubital  de  20  à  25  ;  la  déchirure  est  précédée  d'une  élon- 
gation de  15  à  20  millim.  Les  nerfs  distendus  présentent  des 
lésions  profondes,  rupture  de  la  myéline  des  tubes  ner- 
veux et  des  cylindres  axes,  hémorragies  capillaires,  etc., 
qui  sont  suivies  plus  tard  de  dégénérescences  partielles. 
Des  douleurs  très  vives  se  montrent  lors  de  la  distension 
dans  le  territoire  du  nerf  atteint  et  s'accompagnent  de  sen- 
sation de  fourmillement  et  de  brûlure  ;  elles  disparaissent 


au  bout  de  peu  de  temps  et  peuvent  faire  place  à  de  Panes- 
thésie. 

L'élongation  des  nerfs  est  employée  pour  calmer  les 
névralgies  depuis  le  jour  où  Billroth  vit  des  douleurs  très 
vives  du  sciatique  disparaître  à  la  suite  de  l'élongation  de 
ce  nerf  qu'il  avait  faite  accidentellement  au  cours  d'une 
opération.  En  Allemagne,  puis  en  France  et  en  Angleterre, 
on  eut  recours  à  l'élongation  dans  les  affections  les  plus 
diverses  :  ataxie,  tétanos,  spasmes,  tics,  convulsions,  névral 
gies  rebelles,  etc.  Mais  les  résultats  obtenus  ne  répondi- 
rent pas  toujours  aux  espérances  que  la  découverte  de 
l'élongation  avait  fait  naître  ;  ils  furent  nuls  dans  les  affec- 
tions d'origine  centrale  ;  ils  ne  furent  satisfaisants  que  dans 
les  névralgies  d'origine  périphérique.  Même  dans  celles-ci 
l'intervention  est  fort  restreinte,  car  outre  qu'elle  nécessite 
une  opération  chirurgicale  difficile,  elle  expose  le  malade  à 
tousles  dangers  consécutifs. Ne  pouvant  donc  pour  cette  raison 
utiliser  l'élongation  sanglante  que  pour  les  névralgies  ayant 
résisté  à  tous  les  autres  modes  de  traitement,  on  chercha  à  la 
pratiquer  sans  opération  par  des  mouvements  d'extension 
forcée  imprimés  aux  membres  ;  on  y  réussit  dans  quelques 
cas,  surtout  lorsqu'il  s'agit  du  sciatique  qui  se  prête  facile- 
ment à  ces  manœuvres.  Le  malade  étant  anesthésié  au  préa- 
lable, un  aide  immobilise  son  bassin  pendant  que  le  chi- 
rurgien saisit  le  pied,  fléchit  la  jambe  sur  la  cuisse  et 
celle-ci  sur  l'abdomen  et  l'amène  à  former  un  angle  de 
15°  à  20°  avec  le  tronc.  Le  nerf  sciatique  est  ainsi  allongé, 
sans  aucun  danger,  quand  l'opération  est  faite  avec  pru- 
dence. Cette  opération  est  suivie  de  guérison,  c.-à.-d.  de 
la  disparition  de  la  douleur,  dans  plus  de  la  moitié  des 
cas,  et  d'amélioration  plus  ou  moins  durable  dans  un  tiers 
des  cas  environ.  On  l'emploie  d'autant  plus  volontiers 
qu'elle  n'expose  le  malade  à  aucune  complication  et  qu'elle 
n'entrave  nullement  un  autre  traitement  concomitant.  Mais, 
si  elle  est  encore  utihsée  contre  les  névralgies,  elle  ne  l'est 
plus  guère  ni  dans  l'épilepsie  ni  dansl'ataxie  locomotrice,  où 
elle  ne  donne  que  des  résultats  fort  passagers.  —  Quelque- 
fois on  a  provoqué  des  paralysies  en  pratiquant  l'élongation 
pour  remédier  à  des  tics  convulsifs  ou  à  des  phénomènes 
douloureux  ;  l'arrachement  du  nerf  a  été  observé  au  cours 
de  l'opération  quand  elle  était  faite  par  la  méthode  san- 
glante ;  aussi  cette  méthode  de  traitement  est-elle  peu  usi- 
tée et  ne  le  sera  pas  avant  d'avoir  donné  des  résultats  plus 
concluants.  D^  Georges  Lemoine. 

ÉLONGIS  (Mar.).  Fortes  pièces  de  bois" de  chêne  pla- 
cées de  chaque  côté  du  mât  dans  le  sens  de  la  longueur 
du  navire,  à  la  hauteur  de  la  hune  et  chevillées  entre 
elles.  C'est  sur  ces  pièces  que  repose  le  plancher  de  la 
hune  ou  première  plate-forme  de  la  mâture. 

ÉLONICHTHYS  (Paléont.).  Ce  genre  a  été  fondé  par 
Giebel  pour  des  Poissons  Ganoïdes  appartenant  à  la  famille 
des  Palœoniscidées  et  démembrés  des  Amblypterus  ;  le  type 
est  Amblypterus  nemopterus  Ag.  du  terrain  carbonifère. 
Les  caractères  du  genre  sont  les  suivants  :  écailles  striées  ; 
nageoires  impaires  grandes;  fulcres  petits;  rayons  des 
pectorales  articulés  ;  caudale  puissante  ;  dorsale  située  au- 
dessus  de  l'espace  qui  sépare  les  ventrales  de  l'anale  ; 
suspensorium  très  oblique  ;  pas  de  sous-operculaire  ;  dents 
grandes  entremêlées  de  dents  plus  petites.  E.  Sauvage. 

BiBL.  :  Giebel,  Fauna  der  Vorwelt.^  t.  I.  —  Traquair, 
Journ.  Geol.  Soc,  1877. 

ÉLOPOPSIS  (Paléont.).  Heckel  a  étabh  ce  genre  pour 
des  Poissons  des  schistes  bitumineux  de  l'Istrie  dont  les 
caractères  sont  les  suivants  :  corps  fusiforme,  squelette 
robuste,  gueule  largement  fendue,  armée  de  dents  aug- 
mentant de  force  vers  la  partie  postérieure  des  mâchoires, 
les  externes  étant  beaucoup  plus  fortes  ;  dorsale  peu  éten- 
due, insérée  au-dessus  des  ventrales  ;  caudale  robuste,  très 
échancrée.  Ce  genre  est  rapporté  par  Heckel  à  la  famille 
des  Clupéidées  et  se  place  près  des  Elops.   E.  Sauvage. 

BiBL.  :  Beitrage  z.  Kenn.  der  foss.  Fische  Œsterreichs, 
ÎS56. 

ELOPS  (IchtyoL).  Genre  de  Poissons  osseux  (Téléos^ 
téens)  de  l'ordre  des  Physostomes  et  de  la  famille  des 


^  863  -^ 


ELOPS  -  EL  PASO 


Cliipeidœ,  présentant  un  corps  de  forme  allongée,  faible- 
ment comprimé,  revêtu  de  petites  écailles  adhérentes  ;  la 
ligne  latérale  bien  marquée;  le  museau  pointu,  des  plaques 
de  dents  en  velours  sur  les  maxillaires,  le  vomer,  les  pala- 
tins et  les  ptérigoïdes,  ainsi  que  sur  la  langue  ;  la  dorsale 
opposée  aux  ventrales,  l'anale  plus  courte  que  la  dorsale,  les 
membranes  branchiales  entièrement  séparées.  On  connaît 
deux  formes  de  ce  genre,  dont  VElops  saurus  est  le  type, 
propres  aux  mers  tropicales  ;  il  peut  atteindre  la  longueur 
de  trois  pieds  (92  centim.)  et  n'est  pas  estimé  comme  ali- 
ment. On  le  mange  quelquefois  au  Sénégal.       Rochbii. 

BiBL.  :  GuNTHER,  Study  of  Fishes.  —  De  Rochebuuxe, 
Faune  de  la  Sénégaynbie.  Poissons. 

ÉLOQUENCE  (V.  Oratoire  [Art]). 

ELORN.  Rivière  de  France  (V.  Finistère  [Dép.  du]). 

ELORZA  Churruca  (Cosme-Damian)  (V.  Ciiurruca). 

ELOTHERIUIVI  (Paléont.)  (V.  Chéropotame). 

EL-OUDIAN.  Groupe  d'oasis  du  Belad-Djerid  ou  pays 
des  palmes  (S.  de  la  Tunisie),  qui  renferme  plusieurs 
villages,  tels  que  Degach,  Kriz,  Zeddada,  assez  éloignés  les 
uns  des  autres.  On  y  compte  environ  4,000  hab.  et 
200,000  palmiers. 

EL-OUED.  Ville  d'Algérie,  dans  l'extrême  S.  du  dép. 
de  Constantine,  à  316  kil.  E.-S.-E.  de  Biskra,  capitale 
des  oasis  du  Souf;  5,000  hab.  environ.  «  La  ville,  dit  un 
voyageur,  offre  l'aspect  d'une  enceinte  de  ruches  à  miel; 
ses  maisons,  petites  et  basses,  sont  des  cahutes  couvertes 
de  dômes  minuscules  et  ayant  la  forme  d'une  calotte  bom- 
bée et  sphérique.  »  L'oasis,  sans  cesse  menacée  par  l'en- 
vahissement des  sables,  ne  se  maintient  que  par  le  travail 
incessant  des  habitants.  Elle  fait  partie  de  la  corn,  indi- 
gène de  Biskra  et  est  le  siège  d'une  confrérie  religieuse 
puissante. 

ÉL0U6ES.  Com.  de  belgique,  prov.  de  Hainaut,  arr. 
de  Mous;  4,800  hab.  Stat.  du  ch.  de  fer  de  Mons  à  Quié- 
vrain.  Fabriques  de  sucre;  exploitations  de  mines  et  de 
carrières. 

BiBL.  :  C.  Delbove,  Eloiiges^  ses  antiquités  et  son  his- 
toire^ dans  Ann.  du  Cercle  arch.de  Mons,  t.  XII. 

ÉLOUIS  (Jean-Pierre-Henri),  peintre  français,  né  à  Caen 
le  20  janv.  17S3,  mort  à  Caen  le  23  déc.  1840.  Fils  d'un 
peintre  amateur  distingué,  il  fut,  très  jeune  encore,  un  bon 
élève  de  Restout.  Il  voyagea  en  Angleterre,  en  Hollande, 
en  Allemagne,  alla  explorer  les  Etats-Unis,  et  s'acquit  une 
réputation  de  miniaturiste  en  peignant  plusieurs  citoyens 
américains  célèbres  dans  la  guerre  de  l'Indépendance,  entre 
autres  Washington.  H  lit  de  nombreuses  caricatures.  Il 
accompagna  Humboldt  dans  ses  voyages,  fut  fait  prisonnier 
par  les  Anglais  aux  Antilles,  resta  plusieurs  mois  dans  l'île 
de  la  Providence,  où  il  connut  le  duc  d'Orléans  (depuis, 
Louis-Philippe  P^),  réfugié  là  pendant  la  Révolution.  Il 
revint  en  France  en  1807,  et  se  livra  alors  à  la  peinture  à 
Phuile.  Il  concourut  en  4811  pour  obtenir  l'emploi  de  con- 
servateur du  musée  de  Caen,  et  réussit  dans  ce  concours. 
Parmi  ses  œuvres,  on  cite  surtout  les  portraits  du  général 
(TAumont,  de  Bridet,  de  Lair,  de  Jamet  et  de  l'abbé 
lier  vieil.  Challamel. 

EL-OURICIA.  Village  d'Algérie,  dép.  de  Constantine, 
arr.  de  Sétif,  à  12  kil.  de  cette  dernière  ville,  sur  des 
terres  concédées  en  1833  à  la  Compagnie  genevoise,  et 
qu'elle  s'est  bornée  le  plus  souvent  à  louer  à  des  indigènes  ; 
on  élève  des  bestiaux  et  on  cultive  les  fruits  et  les  céréales  ; 
il  y  a  quelques  hectares  de  jeunes  vignes.  Avec  un  autre 
village  très  rapproché,  Mahouan,  El-Ouricia  forme  une 
com.  de  plein  exercice  de  3,136  hab.,  dont  seulement 
130  Européens. 

ELOUT  (Corneille-Théodore),  homme  d'Etat  hollandais, 
né  à  Haarlem  en  1767,  mort  à  La  Haye  en  1841.  Il  était 
procureur  général  à  Amsterdam  lorsque  la  Hollande  fut 
conquise  par  les  Français.  En  1803,  il  refusa  le  portefeuille 
de  l'intérieur  que  lui  offrit  le  grand  pensionnaire  Schim- 
melpenninck,  mais  il  accepta  le  poste  de  gouverneur  géné- 
ral des  Indes  néerlandaises,  dans  lequel  il  fut  bientôt  rem- 


placé par  Daendels  (V.  ce  nom).  Le  roi  Louis  Pavait 
rappelé  pour  le  faire  président  de  section  au  conseil  d'Etat 
et  le  charger  de  rédiger  un  code  pénal.  Après  l'abdication 
du  roi,  Elout  se  démit  de  ses  fonctions  et  vécut  dans  la 
retraite  jusqu'à  la  révolution  de  1813.  Guillaume  P^  lui 
confia  la  mission  de  rétablir  l'autorité  de  la  Hollande  dans 
les  colonies  que  le  traité  de  Vienne  venait  de  lui  restituer. 
Il  demeura  près  de  quatre  années  aux  Indes  et  fît  les  efforts 
les  plus  méritoires  pour  obtenir  du  gouvernement  la  sup- 
pression de  l'esclavage.  Revenu  dans  son  pays  en  1819, 
il  fut  successivement  membre  des  Etats  généraux,  ambas- 
sadeur à  Londres,  ministre  des  finances  et  ministre  des 
colonies.  En  cette  dernière  qualité,  il  eut  à  organiser  d'une 
manière  définitive  le  gouvernement  des  Indes  néerlandaises; 
il  réussit,  aidé  par  des  collaborateurs  de  haute  intelligence 
tels  que  Du  Bus  et  Van  der  Bosch,  à  surmonter  les  diffi- 
cultés de  la  situation  et  à  effacer  les  traces  de  la  guerre 
qui,  en  1823,  avait  désolé  Java.  Il  créa  le  plus  intéres- 
sant exemple  de  monopole  qui  existe  dans  le  monde  et 
favorisa  de  toute  son  activité  la  création  de  puissantes 
sociétés  commerciales  qui  missent  en  valeur  les  immenses 
et  riches  territoires  des  colonies.  Lorsque  son  grand  âge 
l'eut  éloigné  des  affaires  actives,  Elout  consacra  ses  loisirs 
à  rédiger  l'histoire  de  son  administration  coloniale  (Ams- 
terdam, 1833,  2  vol.  in-fol.).  E.  II. 

BiBL.  :  Van  Kampen,  Histoire  des  Néerlandais  hors 
d'Europe  (en  hollandais);  Harlem,  1831-1833,3  vol.  in-8.  — 
Van  Woudrichem  van  Vliet  et  Suermonut,  Etudes  co- 
loniales (en  hollandais);  La  Haye,  1867,  in-8. 

EL-OUTAÏA.  Localité  d'Algérie,  dép.  de  Constantine,  sur 
la  route  de  Constantine  à  Biskra,  à  213  kil.  S.  de  la  pre- 
mière de  ces  villes  et  à  une  ait.  de  266  m.,  au  milieu 
d'une  grande  plaine  que  l'on  pourrait  fertiliser  par  un 
barrage  sur  l'oued  Biskra.  Caravansérail,  plantations  de 
palmiers  récentes,  ruines  romaines. 

ÉLOY  (Saint)  (V.  Eloi). 

ÉLOY  (Gérard)  ou  E Ll 6 iU S, historien  belge, né  à  Petit- 
Han  en  1390,  mort  à  Bruxelles  en  1641.  Il  fréquenta  les 
cours  des  universités  de  Louvain  et  de  Douai,  puis  se  fit 
chartreux  à  Bruxelles  en  1612.  Chargé  par  ses  supérieurs 
de  classer  les  archives  du  couvent,  il  en  recopia  les  pièces 
les  plus  importantes  et  y  recueillit  les  éléments  d'une  his- 
toire de  l'ordre.  Ses  principaux  ouvrages  sont  :  Vita  et 
martyrium  B,  Justi  Goudani  cartusiœ  Delphensis  in 
HoUandiâ  professi  et  sacristœ  (Bruxelles,  1624,  in-4); 
cette  biographie  a  été  traduite  en  français  et  publiée  par 
Ad.  Driscart  à  la  suite  de  sa  traduction  française  de  V His- 
toire des  chartreux  de  Dorlandus,  publiée  en  1644;  Vita 
S.  Brimoîiis  cartiisiensium  institutoris  primi^  com- 
mentario  illustrata  (Bruxelles,  1639,  in-8);  Vie  de 
sainte  Gertrude,  abbesse  de  Nivelles  (Bruxelles,  1639, 
in-12).  Ces  travaux  présentent  beaucoup  d'intérêt  pour 
l'histoire  religieuse  de  la  Belgique  et  ils  contiennent  la 
copie  d'un  grand  nombre  de  documents  dont  les  originaux 
ont  aujourd'hui  disparu.  E.  H. 

BiBL.  :  FoppE^s^ Bibliotheca  belgica;  Matines,  1739,  2  vol. 
in-4.  —  Gœthals,  Lectures  sur  l'histoire  des  lettres  et  des 
sciences  en  Belgique  ;  Bruxelles,  1837-1838,  4  vol.  in-8. 

ÉLOY  (Nicolas-François-Joseph),  médecin  belge,  né  à 
Mons  le  20  sept.  1714,  mort  à  Mons  le  10  mars  1788.  H 
étudia  à  Louvain  et  à  Paris,  puis  exerça  son  art  à  Mons 
et  en  1734  devint  le  médecin  consultant  de  la  duchesse  de 
Lorraine.  Son  ouvrage  le  plus  important  est  le  Dictionnaire 
historique  de  la  médecine  ancieîine  et  moderne,  etc. 
(Mons,  1773,  2  vol.,  et  1778,  4  vol.  in-4)  ;  il  a  encore 
publié  des  opuscules  s.ur  le  thé  et  le  café,  un  Cou7's  des 
accouchements  (Mons,  1773,  in-12)  et  un  Mémoire  sur 
la  dysenterie  (Mons,  1780,  in-8).  D^  L.  Hn. 

ÉLOY  ES.  Com.  du  dép.  des  Vosges,  arr.  et  cant.  de 
Remiremont;  1,321  hab. 

EL  PASO.  Ville  des  Etats-Unis,  à  l'extrémité  N.-O.  de 
l'Etat  du  Texas,  sur  la  rive  gauche  du  rio  Grande  del 
Norte,  en  face  de  la  ville  mexicaine  de  Paso  del  Norte, 


EL  PASO  —  ELPIDIUM 


—  864  — 


située  sur  l'autre  rive,  et  tout  près  de  la  frontière  méri- 
dionale du  Nouveau- Mexique.  El  Paso  est  une  station 
importante  du  chemin  de  fer  Southern  Pacific. 

ELPHINSTON  (James),  éducateur  et  écrivain  écossais, 
né  à  Edimbourg  en  1721,  mort  en  1809.  Il  dirigea  des 
écoles  aux  environs  de  Londres,  sans  grand  succès,  paraît-il. 
Le  D"*  Johnson,  dont  il  avait  édité  The  Rambler  en  Ecosse, 
parle  de  lui  avec  une  indulgence  que  ses  autres  contem- 
porains ne  montrent  pas.  Traducteur  de  Louis  Racine  (la 
Religion),  de  Bossuet  (Discours  sur  r Histoire  univer- 
selle), des  épigrammes  de  Martial,  auteur  d'un  poème  sur 
l'éducation,  inventeur  d'un  système  d'orthographe  phoné- 
tique, toutes  ses  tentatives  n'aboutirent  guère  qu'à  exciter 
les  moqueries  de  ses  contemporains,  dont  le  jugement  parait 
devoir  être  définitif.  ^--H.  G. 

ELPHINSTONE  (William),  prélat  et  homme  dEtat 
écossais,  né  à  Glasgow  en  1431,  mort  à  Edimbourg  en 
1514.  Après  avoir  débuté  dans  la  carrière  ecclésiastique 
en  Ecosse  comme  curé,  il  fut  professeur  de  droit  civil  et 
canonique  à  Paris  et  à  Orléans.  Nommé  à  son  retour  dans 
son  pays  recteur  de  l'université  de  Glasgow,  il  ne  tarda 
pas  à  se  concilier  la  faveur  royale.  Jacques  III,  l'ayant 
chargé  d'une  ambassade  en  France,  le  récompensa  des  ser- 
\ices  qu'il  lui  avait  rendus  en  le  nommant  à  l'évêché  de 
Ross  et  plus  tard  au  siège  d'Aberdeen  (1484).  Uuelques 
années  plus  tard,  à  la  suite  d'une  mission  à  Vienne,  il  fut 
élevé  à  la  dignité  de  chancelier  du  royaume.  On  lui  doit 
une  Histoire  (T Ecosse  conser\ëe  en  manuscrit  à  Oxford. Il 
consacra  une  grande  fortune  à  des  œuvres  d'utilité  publique, 
notamment  à  la  construction  d'un  pont  sur  la  Dee  et  à 
l'établissement  de  King's  Collège  dans  sa  résidence  épisco- 
pale  (1494).  ^- Q- 

ELPHINSTONE  (Alexander,  lord),  homme  d  Etat  an- 
glais, né  le  28  mai  1552,  mort  en  juil.  1648.  Membre  du 
conseil  privé  en  1599,  lord  haut-trésorier  la  même  année, 
il  fut  encore  nommé  lord  de  session.  —  James  Elphins- 
tone,  premier  lord  Balmerino,  né  vers  1553,  mort  en 
juil.  1612,  frère  du  précédent,  fut  lord  de  session  en 
1586,  commissaire  de  la  trésorerie  en  1595,  secrétaire 
d'Etat  en  1598.  Il  jouit  d'une  grande  faveur  auprès  de 
Jacques  I®""  qui  lui  donna  la  pairie  avec  le  titre  de  lord 
Balmerino  le  20  févr.  1604.  Il  fit  partie  de  la  commission 
chargée  d'établir  l'union  entre  l'Ecosse  et  l'Angleterre, 
président  de  la  cour  de  session  en  1605.  En  1609,  il  fut 
condamné  à  mort  pour  félonie  :  il  s'était  reconnu  auteur 
de  la  fameuse  lettre  envoyée  au  pape  Clément  VIII  avec  la 
signature  du  roi  et  qui  laissa  supposer  que  Jacques  incli- 
nait vers  le  catholicisme.  La  sentence  rendue  contre  Bal- 
merino ne  fut  pas  exécutée.  Il  fut  emprisonné  jusqu'en 
oct.  1609  et  obtint  alors  la  permission  de  résider  dans  sa 
propriété  de  Balmerino.  —  Son  fils,  John,  deuxième  lord 
Balmerino,  fit  une  vive  opposition  à  la  politique  religieuse 
de  Charles  en  Ecosse.  Emprisonné  en  1634,  il  fut  condamné 
à  mort  pour  n'avoir  pas  dénoncé  l'auteur  d'un  pamphlet 
contre  l'autorité  royale.  Le  peuple,  indigné  de  l'iniquité  de 
ce  procès,  se  souleva.  Balmerino  fut  gracié;  on  le  trouve 
ensuite  mêlé  aux  troubles  qui  éclatèrent  en  Ecosse.  Prési- 
dent du  parlement  écossais  en  1641,  conseiller  privé  la 
même  année,  il  accompagna  le  général  Leslie  en  Angleterre, 
en  1643,  et  fit  partie  du  conseil  d'Etat  nommé  pour 
assister  sir  William  Baillie  après  les  désastreuses  cam- 
pagnes d'Argyll.  Il  mourut  d'apoplexie  à  Edimbourg,  en 
févr.  1649.  —  Son  petit-fils,  John,  quatrième  lord  Balme- 
rino*, né  le  26  déc.  1682,  mort  à  Leith  le  13  mai  1736. 
fut  un  jurisconsulte  distingué.  Il  fit  partie  du  conseil  privé 
en  1687  et  pair  élu  d'Ecosse  en  1710  et  1713.  —  Son  fils, 
Arthur,  né  en  1688,  mort  le  18  août  1746,  adhéra  au 
parti  jacobite  après  la  bataille  de  Sheriffmuir  et  passa  sur 
le  continent,  où  il  demeura  jusqu'en  1733.  Il  rejoignit  le 
prince  Charles  en  Ecosse  en  1745,  combattit  à  Falkirk  et 
fut  fait  prisonnier  après  la  bataille  de  Culloden  (1746). 
Enfermé  à  la  Tour,  il  fut  condamné  à  mort  et  décapité  le 
18  août.  R-  S. 


ELPHINSTONE  (John),  amiral  russe,  né  en  Ecosse  en 
1720,  mort  en  1775.  Il  servit  d'abord  en  Angleterre,  et 
acquit  le  grade  de  capitaine.  En  1768,  il  passa  au  service 
de  Catherine  II,  avec  le  grade  de  contre-amiral.  A  la  fin  de 
la  même  année,  il  partit  de  Cronstadt  à  la  tète  de  quatre 
vaisseaux  et  d'une  frégate  pour  rallier,  dans  l'Archipel,  la 
flotte  de  l'amiral  Spiridov.  Il  eut  une  grande  part  à  la  vic- 
toire navale  que  celui-ci  remporta  dans  les  eaux  de  Chio, 
le  5  juil.  1770,  sur  le  capitan-pacha  Gazl-Hassan,  et  il 
détruisit,  au  moyen  de  brûlots,  la  flotte  turque  dans  la 
baie  de  Tchesmé,  puis  dans  le  golfe  de  Napoli  de  Remanie. 
Il  voulait  profiter  de  la  victoire  en  forçant  les  Dardanelles 
et  en  s'emparant  de  Constantinople  ;  ce  ne  fut  pas  l'avis 
des  chefs  russes,  Spiridov  et  le  commandant  Orlov  des 
troupes  de  débarquement.  Ayant  montré,  par  son  exemple 
et  avec  une  certaine  ostentation,  la  possibihté  de  son  projet, 
il  ne  fut  point  suivi,  et  cet  exploit  excita  la  jalousie,  de 
telle  sorte  qu'il  ne  fut  pas  compris  dans  les  distinctions 
honorifiques  accordées  par  l'impératrice.  Mécontent,  il 
donna  sa  démission  et  rentra  dans  sa  patrie,  où  il  mourut 
quelque  temps  après.  C.  Del. 

BiBL.  :  Charnock,  Biography  navalis. 
ELPHINSTONE  (Mounstuart),  homme  d'Etat  et  his- 
torien anglais,  né  le  6  oct.  1779,  mort  à  Hookward  Park 
(Surrey)  le  20  nov.  1859.  Il  était  le  quatrième  fils  de 
John,  onzième  baron  Elphinstone;  un  oncle  le  fit  entrer 
dans  le  service  civil,  au  Bengale  ;  il  débarqua  à  Calcutta 
le  26  févr.  1796.  A  cette  époque,  il  avait  la  vocation  du 
métier  mihtaire;  c'était  un  jeune  homme  ardent,  peu  stu- 
dieux, enthousiaste  pour  les  idées  de  la  Révolution  fran- 
çaise. Dans  les  charges  subalternes  qu'il  occupa  d'abord, 
il  lut  beaucoup,  surtout  des  classiques,  et  combla  les 
lacunes  de  son  instruction  première.  Pendant  la  guerre  de 
1803,  il  fut  attaché  à  l'état-major  de  Wellesley,  et  se  con- 
duisit si  bien  qu'il  fut  nommé  d'emblée  au  poste  très 
important  de  résident  à  Nagpour.  En  1808,  il  fut  envoyé 
comme  ambassadeur  à  la  cour  de  Caboul,  et  rapporta  de 
son  passage  en  Afghanistan  des  projets  qui,  soumis  au 
consul  de  Calcutta,  furent  rejetés,  mais  qui  ont  été  repris 
plus  tard  par  les  maîtres  de  l'Inde  pour  la  protection  de 
leur  empire  du  côté  de  l'O.  Résident  à  Pouna  à  partir 
de  1810,  il  eut  à  diriger  une  campagne  contre  les  Mahrattes 
en  1817-1818.  Il  fut  gouverneur  de  Bombay  de  1819  à 
1827,  et  occupa  son  activité  à  rédiger  un  code  de  lois,  à 
fonder  des  établissements  d'instruction  publique.  En  1827, 
il  quitta  l'Inde  et  revint  à  Londres  par  la  Grèce  et  l'Italie. 
Modeste,  vrai  philosophe,  il  déclina  tous  les  honneurs  et 
vécut  dans  la  retraite  plus  de  trente  ans,  tantôt  à  Londres, 
tantôt  en  Italie,  assez  répandu  dans  la  bonne  société,  très 
écouté  des  pouvoirs  publics  sur  les  afi'aires  de  l'Inde.  Il 
employa  ses  loisirs  à  écrire  une  History  of  India  (Lon- 
dres, 1841,  2  vol.;  4«  édit.,  1864)  qui  est  restée  clas- 
sique. Ch.-V.  L. 

ELPHINSTONE  (John),  treizième  lord  Elphinstone,  né 
le  23  juin  1807,  mort  le  19  juil.  1860.  Il  entra  dans 
l'armée  en  1826  comme  cornette  dans  les  horse  guards; 
Guillaume  IV  le  prit  en  affection  et  le  nomma  de  son  con- 
seil privé  en  1836.  Lord  Melbourne  lui  confia  en  1837  le 
gouvernement  de  Madras  :  il  passait  pour  avoir  plu  à  la 
reine  au  moins  autant  qu'au  roi.  Il  resta  à  Madras  jusqu'en 
1842,  puis  fit  un  voyage  d'exploration  dans  le  Cachemire. 
Revenu  à  Londres  en  1845,  il  fut  attaché  par  lord  John 
Russell  à  la  maison  de  la  reine.  En  oct.  1853,  il  accepta 
cependant  de  retourner  dans  l'Inde  comme  gouverneur  de 
Bombay.  En  cette  qualité,  il  assista  à  la  rébeUion  de  1857 
et  se  conduisit  admirablement.  Le  21  mai  1852,  en  récom- 
pense de  ses  services,  il  fut  fait  lord  Elphinstone  dans  la 
pairie  d'Angleterre.  Il  mourut  célibataire,  épuisé  par  le  cli- 
mat des  Indes;  son  titre  s'est  éteint  avec  lui.  Ch.-V.  L. 
ELPIDIUM  (Zool.).  Fritz  Muller  a  fait  connaître  ce 
genre  de  Cythérides,  si  curieux  par  l'habitat  de  l'espèce 
qui  le  constitue,  dans  son  mémoire  Wasserthiere  in 
Baumivipfeln  (Kosmos,  1880,  t.  VI).  Le  genre  Elpi- 


—  865  — 


ELPIDIUM  -  ELSHOECHT 


dium  tire  son  nom  de  la  ressemblance  de  sa  coquille  avec 
celle  de  VElpe  pinguis,  autre  Crustacé  Cladocère  de  la 
famille  des  Cythérides,  trouvé  par  Barrande  dans  le  terrain 
silurien.  La  plupart  des  Cythérides  vivent  dans  la  mer  ; 
celle-ci  se  trouve  dans  l'eau  douce,  dans  des  conditions 
que  l'on  peut  qualifier  d'extraordinaires  :  Millier  l'a  trouvée 
communément  à  Itajahy,  dans  la  partie  S.  du  Brésil,  dans 
l'eau  qui  s'amasse  à  l'aisselle  des  feuilles  des  Bromélia- 
cées, au  milieu  de  toute  une  faune,  formée  de  larves  d'in- 
sectes et  même  de  têtards  de  grenouilles  arboricoles,  alors 
qu'il  l'a  cherchée  en  vain  dans  les  étangs  avoisinants  qui 
donnent  pourtant  asile  à  de  nombreux  Entomostracés.  Fait 
remarquable  aussi,  cette  espèce  d'un  type  marin  se  ren- 
contre à  l'intérieur  des  terres  jusqu'à  100  kil.  de  la  mer. 
VElpidium  bromeliarum  atteint  1  millim.  et  demi  de 
longueur;  on  en  est  réduit  à  des  hypothèses  quant  à 
son  mode  de  transport  d'une  plante  à  l'autre.  Sans  doute, 
les  jeunes  individus  s'attachent  aux  Insectes  aquatiques  ou 
aux  Batraciens  qui  vivent  avec  eux,  et  sont  convoyés  par 
eux.  —  Théel  a  donné  le  nom  très  analogue  à'Elpidia  à 
un  genre  d'Holothurides  (4877).  R.  Moniez. 

ELPIS  (Astron.).  Nom  du  59®  astéroïde  (V.  ce  mot). 

EL  RI  F  (V.  Rir). 

ELRINGTON  (Thomas),  prélat  irlandais,  né  en  4760, 
mort  en  483o.  Après  avoir  rempli  plusieurs  fonctions  éle- 
vées dans  l'Eglise  anglicane,  il  fut  promu  d'abord  à  l'évêché 
deLimerick  (4820),  puis  à  celui  de  Leighlin  et  Ferns 
(4822).  Ses  œuvres  théologiques  sont  nombreuses.  Peut- 
être  est-il  bon  de  sauver  de  l'oubli  où  elles  sont  naturel- 
lement tombées  un  mémoire  intitulé  Inquiry  ivhether 
the  Disturbances  in  Ireland  hâve  originated  m  Tythes 
(4822).  On  a  aussi  de  lui  des  éditions  d'ouvrages  clas- 
siques. B.-H.  G. 

ELSA  (Astron.).  Nom  du  482®  astéroïde  (V.  ce  mot) 
connu  aussi  sous  le  nom  ^'Elisabeth. 

ELSA.  Rivière  d'Italie,  affl.  de  gauche  de  l'Arno.  Elle 
traverse  une  vallée  pittoresque  et  fertile  en  arrosant  Colle, 
Certaldo,  patrie  de  Boccace,  et  Castelfiorentino,  et  se  jette 
dans  l'Arno  en  amont  de  San  Miniato.  Sa  vallée  est  suivie 
par  le  chemin  de  fer  de  Florence  à  Sienne. 

ELSASSER  (Friedrich- August),  paysagiste  et  architecte 
allemand,  né  à  Berlin  le  24  juil.  4840,  mort  à  Rome  le 
4®^  sept.  4845.  Elève  de  l'Académie  de  Berlin,  il  partit 
pour  l'Italie  en  4832.  Sa  réputation  s'étendit  promptement, 
et  le  roi  de  Prusse  lui  alloua  une  pension.  Parmi  ses  plus 
belles  œuvres,  on  peut  citer:  Vue  du  Volksgebirge; 
Intérieur  d'une  église  de  Palerme;  Vue  des  ruines 
de  Rome,  du  Campo  Santo  de  Pise,  etc. 

ELSASSER  (Juhus),  paysagiste  allemand,  frère  du  pré- 
cédent, néà  Berlin  en  4  84  5,  mort  à  Rome  le  25  déc.  4859. 
C'était  un  peintre  de  talent,  et,  parmi  ses  paysages,  on  cite 
une  vue  historique  de  la  Campagne  romaine. 

ELSBERG  (Louis),  laryngologiste  américain,  né  à 
Iserlohn  (Westphalie)  en  4837,  mort  à  New-York  le 
19  févr.  4885.  Il  se  fixa  à  New-York  en  4859  et  obtint 
en  4862  la  direction  de  la  clinique  des  maladies  du  pharynx, 
du  nez  et  du  larynx  créée  pour  lui  par  la  faculté  de  méde- 
cine de  cette  ville,  puis  fit  des  cours  cliniques  à  l'hôpital 
de  la  Charité  dont  il  était  médecin.  Il  fonda  l'American 
Laryngological  Association  et  publia  des  mémoires  impor- 
tants sur  sa  spécialité  et  de  plus  :  Laryngoscopical  Sur- 
gery  (Philad.,  4866,  in-8,  4  pL).  D^  L.  Hn. 

ELSBETH  (Thomas),  musicien  allemand,  né  àNeustadt 
(Franconie).  Il  s'établit  à  Francfort-sur--rOder  vers  4600, 
puis  vraisemblablement  à  Jauer  en  Silésie,  et  a  publié  à 
Francfort-sur-l'Oder  un  recueil  de  vingt-quatre  motets  à 
six  voix  (4600),  sous  le  titre  de  Selectissimœ  et  nouœ 
Cantiones  sacrœ,  vulgo  motecta  appellatœ,  nec  un- 
quam  antehac  in  lucem  emissœ,  sex  vocum,  etc.  Ses 
autres  ouvrages  sont  :  Selectissimœ  et  novœ  Cantiones 
sacrœ..,,  quinque  vocum,  etc.  (Liegnitz,  4590);  Neue 
ausserlesene  weltliche  Lieder,,.  mit  filnf  Stimmen 
(Franfort-sur-l'Oder,  4599);  Selectissimœ  et  novœ  Can- 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —   XV. 


tiones  sacrœ.,.  quatuor  vocum  (Liegnitz,  4606);  Neue 
ausserlesene  Lieder,  zu  Gottes  Lob  gerichtet,  dann 
auch  von  der  edlen  und  lieblichen  Musica,  mit  filnf 
Stimmen  (Liegnitz,  4607);  Erster  Theil  sontaglicher 
Evangelien...  mit  drei  Stimmen  (Liegnitz,  s.  d.,  avec 
une  dédicace  de  4616);  Ander  Theil  sontaglicher  Evan- 
gelien,  etc.  (Liegnitz,  avec  dédicace  de  1621);  Melpomene 
sacra,  festis  fideliam  nuncupata,  das  ist  ausserlesene 
geistliche  Gesaenge,  etc.  (Breslau,  s.  d.,  avec  une  dédi- 
cace datée  de  Jauer,  1624).  A.  E. 

ELSCHEERE  (  Astr.  ) .  Un  des  noms  de  Sirius  (V.  ce  mot) . 

ELSENEUR  (Helsingdr).\i\\e au.  Danemark,  à  l'extré- 
mité N.-E.  de  l'île  deSeeland,  rade  sur  le  Sundau  point  le 
plus  resserré  de  ce  détroit  (3,750  m.),  en  face  de  la 
ville  suédoise  d'Helsingborg;  11,082  hab.  C'est  à  Else- 
neur  que  s'arrêtaient  avant  1857  tous  les  navires  qui 
payaient  au  Danemark  un  droit  de  passage  pour  le  Sund. 
Depuis  la  Convention  du  14  mars  1857  par  laquelle  le 
Danemark  a  renoncé  à  ce  péage,  l'aspect  d'Elseneur  s'est 
sensiblement  modifié.  Au  N.-O.  de  la  ville,  sur  la  pointe 
extrême  d'une  langue  de  terre,  s'élève  le  château  fort  de 
Kronborg,  bâti  en  1574  par  le  roi  Frédéric.         R.  F. 

ELSEVIER  (V.  Elzevier). 

ELSHEIMER  (Adam),  peintre  allemand,  né  à  Francfort- 
sur-le-Main  en  1578,  mort  à  Rome  en  1620.  Elsheimer, 
que  les  Italiens  appellent  Adamo  Tedesco,  fut  élève  de 
Philipp  Uffenbach,  peintre  de  Francfort.  Il  visita  l'Italie 
et  s'y  trouva  si  bien  qu'il  y  resta.  Après  un  séjour  à  Ve- 
nise, où  il  a  pu  rencontrer  Rottenhammer,  il  s'établit  à 
Rome  où  ses  petits  tableaux,  d'ordinaire  peints  sur  cuivre 
et  meublés  de  figurines  microscopiques,  eurent  beaucoup 
de  succès.  II  était  fort  considéré  dans  la  ville  des  papes,  et 
tous  les  artistes  venus  des  régions  du  Nord  s'empressaient 
de  le  visiter.  Poelemburg  l'y  vit  en  1617.  Elsheimer  exerça 
même  une  certaine  influence  sur  ses  contemporains,  à 
cause  surtout  de  ses  effets  de  nuit  et  de  ses  clairs  de  lune. 
Mais  attentif  à  son  œuvre,  précis  et  détaillé  comme  un  mi- 
niaturiste, il  consacrait  beaucoup  de  temps  à  ses  peintures 
et  à  ses  gouaches,  et  il  oublia  de  s'enrichir.  Cette  négligence 
lui  fut  fatale.  D'après  la  légende,  Elsheimer  fit  des  dettes, 
et,  poursuivi  par  des  créanciers  sans  entrailles,  il  fut  mis 
en  prison.  Délivré  en  1620,  il  mourut  peu  après  di  dolore 
di  stomaco,  dit  Baglione.  Son  élève  et  son  ami,  le  comte 
Goudt,  a  gravé  un  certain  nombre  de  ses  tableaux.  Les 
peintures  de  cet  habile  artiste  sont  dans  tous  les  musées. 
Indépendamment  d'un  petit  paysage  à  la  gouache,  le  Louvre 
possède  le  Bon  Samaritain  et  une  Fuite  en  Egypte  qui, 
avec  son  effet  de  lune  et  le  rayonnement  du  feu  que  des 
bergers  ont  allumé  sous  les  arbres,  est  le  prototype  d'un 
motif  que  le  maître  a  souvent  répété.  Elsheimer  est  aussi 
à  Berlin,  à  Dresde,  à  La  Haye,  où  l'on  voit  de  lui  deux 
petits  paysages.  Il  est  très  bien  représenté  à  Munich  où 
l'on  conserve  une  Fuite  en  Egypte,  le  Martyre  de  saint 
Laurent,  la  Prédication  de  saint  Jean-Baptiste  et  la 
Prise  de  Troie,  car  l'artiste  allemand  a  toujours  aimé  les 
incendies  et  les  effets  de  lumière  artificielle.  Aujourd'hui 
les  minuscules  tableaux  d'Elsheimer  paraissent  plus  curieux 
qu'émouvants;  on  s'intéresse  à  ces  œuvres  de  patience 
sans  les  admirer  ;  mais  l'histoire  doit  se  souvenir  que  le 
maître  a  eu  une  véritable  influence.  Un  connaisseur  émérite, 
Rubens  lui-même,  ne  rougissait  pas  de  posséder  des  pein- 
tures d'Elsheimer.  P.  Mantz. 

BiBL.  :  Baglione,  Le  Vite  de  Pittori,  1649. 

ELSHOECHT  (Jean- Jacques-Marie- Vital-Carl) ,  sculpteur 
français,  né  à  Dunkerque  le  10  août  1797,  mort  à  Paris 
le  25  févr.  1856.  Elève  du  baron  Bosio,  il  exposa  pour  la 
première  fois  au  Salon  de  1824  une  figure  représentant 
Psyché  abandonnée  et  cinq  bustes,  parmi  lesquels 
celui  de  Ch.  Dupin,  de  l'Institut.  En  1827,  il  exposa 
VImmaculée  Conception,  destinée  à  l'église  Saint-Ouen 
de  Rouen.  Ses  œuvres  principales  sont  :  Eloa,  la  sœur 
des  anges,  statue  marbre  (S.  1835);  la  Veuve  du 
soldat  Frank,  groupe  en  marbre  (S.  1846);  la  Reine 


ELSHOEGHT   -  ELSTER 


866  - 


Mathilde  (statue  marbre,  au  Jardin  du  Luxembourg)  ; 
les  anges  du  maître-autel  et  les  séraphins  de  la  chaire  à 
N.-D.-de-Lorette,  à  Paris  ;  un  Triton  et  une  Néréide,  à 
l'une  des  fontaines  de  la  place  de  la  Concorde;  un  des 
frontons  du  Louvre  représentant  la  Navigation  mar- 
chande; le  Génie  de  l'Asie,  au  nouveau  Louvre:  le 
Bon  Pasteur  et  les  Quatre  Evangélistes,  à  l'église  de 
Tourcoing  (Nord);  l'Histoire  et  la  Justice,  à  l'hôtel  de 
ville  de  Laon  (Aisne);  les  sculptures  du  grand  hôpital  de 
Lyon.  Cari  Elshoecht  a  modelé  un  grand  nombre  de  bustes 
et  de  médaillons  ;  parmi  les  bustes,  nous  citerons  ceux  des 
architectes  Crawer,  Soufftot  et  Rondelet,  du  peintre 
Claude  Lorrain,  du  sculpteur  Joufjroij,  des  docteurs 
Lis  franc  et  Or  fila,  de  l'astronome  François  Arago,  Il  a 
fait  aussi  les  statuettes  du  critique  d'art  Théophile  Thoré 
et  du  général  de  Goyon.  M.  D.  S. 

ELSHOLTZ  (Ludvvig),  peintre  de  genre  et  de  batailles, 
né  à  BerUn  le  2  juin  1805,  mort  à  Berlin  le  3  févr.  1830. 
Il  étudia  d'abord  à  l'Académie  de  Berlin,  et  devint  plus 
tard  élève  de  Kriiger.  Ses  meilleurs  tableaux  sont  popu- 
larisés par  la  lithographie.  On  cite  de  lui  :  l'Adieu  sur  le 
champ  de  bataille;  la  Bataille  de  Dennewitx, ;  Entrée 
des  Alliés  à  Paris,  etc. 

ELSIE.  Rivière  à' Australie  (V.  ce  mot). 
ELSINBORO  (Vitic).  L'Elsinboro  ou  Elsinburg  est  une 
vigne  américaine  du  groupe  des  .^stivalis,  à  grains  petits, 
noirs,  très  pruinés  et  de  goût  franc.  Elle  s'adapte  difficile- 
ment aux  terrains,  reprend  mal  de  bouture  et  a  été  aban- 
donnée en  Erance  où  elle  ne  pourrait  prospérer  que  dans 
les  régions  chaudes  et  les  terrains  rouges  et  caillouteux. 
ELSLER    ou   ELSSLER  (Thérèse   et  Eranziska,  dite 
Fanny),  danseuses  autrichiennes,  nées  à  Vienne,  Thérèse 
le  5  avr.  1808,Eanny  le  23  juin  1810,  mortes,  la  première 
à  Meran  le  19  nov.  1878,  la  seconde  à  Vienne  le  27  nov. 
1884.  Bien  que  les  deux  sœurs  aient  accompli  ensemble 
la  plus  grande  partie  de  leur  carrière,  bien  que  le  talent 
de  l'une  et  de  l'autre  fût  remarquable,  la  très  grande 
célébrité  du  nom  d'Elsler  se  rattache  surtout  à  Fanny, 
qui  fut  une  artiste  d'un  ordre  absolument  supérieur  et, 
en  son  genre,  une  véritable  enchanteresse.  Elles  se  ratta- 
chaient à   l'art  musical  par  leur  père  (Jean  Elsler)   et 
leur  grand-père,  qui  l'un  et  l'autre  furent  secrétaires  et 
copistes  de  l'illustre   Haydn.  Eanny  était  à  peine  âgée 
de  six  ou  sept  ans  lorsque,  déjà  formée  par  les  soins  du 
danseur  Horschelt,  elle  entra  au  théâtre  An  der  Wien, 
à  Vienne,  dans  le  corps  de  ballet  d'enfants  de  Palty  ;   elle 
en  avait  quinze  environ  lorsqu'elle  débuta  au  Kaerthnerthor 
(théâtre  de  la  Porte  de  Carinthie)  où  commença  sa  renom- 
mée. C'est  là  qu'elle  fut  remarquée  par  le  chorégraphe 
français  Aumer,  qui  prit  soin  d'elle  et  la  forma  à  la  danse 
noble.  De  Vienne,  les  deux  sœurs,  l'une  et  l'autre  d'une 
beauté  radieuse,  furent  engagées  à  Milan,  puis  passèrent 
à  Naples,  de  Naples  se  rendirent  à  Berlin  et  enfin  furent 
appelées  à  Londres,  leur  renommée  augmentant  chaque 
jour.  C'est  à  Londres  que  le  docteur  Louis  Véron,  alors 
directeur  de  l'Opéra,  alla  les  trouver  en  1834,  pour  leur 
proposer  un  engagement  qui  fut  accepté  ;   cet  engagement 
avait  une  durée  de  quatre  années,  à  raison  de  20,000  fr. 
par  an  pour  chacune  d'elles.  Fanny  débuta  à  l'Opéra  le 
15  sept.  1834  dans  un  ballet  nouveau,  la  Tempête,  où  elle 
produisit  une  sensation  immense  ;  sa  sœur  se  montra  bien- 
tôt après  et  fut  aussi  fort  bien  accueillie.  Leur  talent  était 
d'ailleurs  aussi  dissemblable  que  leur  affection  l'une  pour 
l'autre  était  profonde.  Thérèse,  grande  et  d'une  rare  no- 
blesse de  formes,  semblait  une  personnification  delà  Diane 
antique  ;  sa  danse  était  sévère,  vigoureuse  et  pleine  d'élé- 
gance. C'est  par  une  grâce  chaste,  une  coquetterie  enchan- 
teresse,  une  souplesse  merveilleuse,  une   sorte  d'agilité 
ardente  et  un   charme   vraiment  fascinateur  que  brillait 
Fanny.  Elle  fut  une  rivale  redoutable  pour  Marie  Taglioni, 
qui  tenait  alors  le  sceptre  de  la  danse  à  l'Opéra.  Les  deux 
sœurs  se  montrèrent  bientôt  avec  le  plus  grand  succès  dans  un 
pas  expressément  réglé  pour  elles  dans  Guillaume  Tell  et 


ensuite,  dans  un  autre  ballet  nouveau,  ri  le  des  pirates. 
Fanny  créa  peu  après  un  rôle  important  dans  le  Diable 
boiteux,  et  toutes  deux  se  montrèrent  de  nouveau  dans  la 
Volière,  dont  Scribe  avait  tracé  le  livret  et  Thérèse  réglé 
les  danses,  et  enfin  dans  un  dernier  ballet  intitulé  la  Taren- 
tule, Leur  engagement  à  l'Opéra  terminé,  Fanny  partit 
pour  l'Amérique,  où  des  conditions  superbes  lui  étaient 
faites  et  où,  en  moins  d'une  année,  elle  gagna  750,000  fr. 
environ.  Quant  aux  triomphes  qu'elle  remporta  dans  ce 
pays,  il  serait  difficile  de  s'en  faire  une  idée,  si  l'on  ne 
savait  ce  qu'est  l'enthousiasme  des  Américains  et  quelle  est 
son  exubérance.  D'Amérique,  elle  revint  directement  à 
Vienne,  puis  se  montra  encore  avec  sa  sœur  à  Berlin,  à 
Londres,  à  Bruxelles,  à  Saint-Pétersbourg  et  à  Moscou. 
Enfin,  en  1845,  les  deux  sœurs  dirent  adieu  au  public  et 
au  succès,  Thérèse  pour  devenir  (20  avr.  1850)  l'épouse 
morganatique  du  prince  Adalbert  de  Prusse,  Fanny  pour  se 
retirer  dans  une  splendide  propriété  qu'elle  avait  acquise 
aux  portes  de  Hambourg.  Ce  n'est  que  plus  tard  qu'elle 
revint  à  Vienne,  où  elle  était  recherchée,  pour  les  grâces 
de  son  esprit  et  la  distinction  de  sa  personne,  dans  les 
plus  grandes  familles  et  la  plus  haute  société.  On  peut 
dire  que  le  nom  d'Elsler  a  joui  pendant  quinze  ans,  par 
toute  l'Europe,  d'une  renommée  que  nulle  autre  n'a  sur- 
passée. Arthur  Pougin. 

ELSNER  (Joseph),  compositeur  de  musique  allemand, 
né  à  Grottkau  (Prusse)  le  1^"^  juin  1769,  mort  à  Varsovie 
en  1854.  Il  comm3nça  sa  carrière  musicale  à  Vienne.  En 
1792,  il  obtint  la  place  de  maître  de  chapelle  à  Lemberg. 
De  1792  à  1798,  il  composa  la  musique  de  scène  de  Marie 
Stuart  de  Schiller,  quatre  symphonies,  huit  quatuors,  des 
sonates,  une  messe  de  Requiem.  En  1799,  il  fut  nommé 
directeur  de  musique  au  théâtre  de  Varsovie,  où  il  acheva 
sa  vie.  Il  a  composé  vingt-deux  ouvrages  dramatiques  tous 
en  langue  polonaise,  un  grand  nombre  d'oratorios  et  de 
messes,  une  Passion,  un  Stabat.  Fétis  donne  la  longue 
liste  de  ses  ouvrages,  aujourd'hui  oubliés.  En  1821, 
Elsner  a  fondé  le  conservatoire  de  Varsovie. 

ELSNER  (Johann-Gottfried),  économiste  allemand,  né 
à  Gottesberg  (Silésie)  le  14  janv.  1784,  mort  à  Walden- 
burg  le  5  juin  1869.  Il  contribua  à  répandre  dans  TAu- 
tricheet  la  Bavière  l'élevage  du  mérinos.  Il  est  l'auteur  d'un 
grand  nombre  d'ouvrages  techniques.  Nous  citerons  :  Die 
deutsche  Landwirtschaft  (Stuttgart,  1830-32,  2  vol.)  ; 
Die  rationelle  Schafzucht  (Leipzig,  1849,  2®  éd.)  ;  Die 
Fortschritte  der  deutschen  Landwirtschaft  vo m letzten 
Jahrzehnt  der  vorigen  Jahrhunderts  bis  auf  unsre  Zeit 
(Stuttgart,  1866). 

ELSSNER  (Jacob),  miniaturiste  allemand,  né  à  Nurem- 
berg, mort  à  Nuremberg  en  1546.  L'église  Saint-Laurent 
de  cette  ville  conserve  un  livre  de  messe  de  sa  main  (de 
1513),  ainsi  que  deux  livres  de  plain-chant. 

ELSTER.  Nom  de  deux  rivières  d'Allemagne,  affluents 
de  l'Elbe,  l'Elster  blanche  et  l'Elster  noire.  —  VElster 
blanche  a  un  cours  de  195  kil.  ;  elle  naît  dans  les  monts 
de  l'Elstergebirge,  dans  le  royaume  de  Saxe,  traverse  la 
principauté  de  Reuss,  le  grand-duché  de  Saxe-Weimar,  la 
Prusse  (prov.  de  Saxe).  Sa  haute  vallée  est  très  pittoresque, 
la  vallée  inférieure  gracieuse.  Elle  arrose  Adorf,  OElsnitz, 
Plauen,  Elsterberg,  Greiz,  Berga,  Géra,  Crossen,  Zeitz,  les 
fameux  champs  de  bataille  de  Lutzen  et  Leipzig,  la  ville  de 
Leipzig,  et  se  jette  dans  la  Saale  en  amont  de  Halle.  L'Elster 
se  pariage  près  de  Leipzig  en  deux  bras,  Elster  et  Luppe,  qui 
rejoignent  séparément  la  Saale,  de  plus  un  bras  dérivé,  le 
FÏossgraben  se  détache  près  de  Crossen  et  va  rejoindre  la 
Luppe  après  un  cours  de  92  kil.  Les  principaux  affluents 
de  l'Elster  blanche  sont,  à  droite,  le  Gœltzsch,  laPleisse,  la 
Parthe  (à  Leipzig),  et  à  gauche  le  Weida  (Saxe-Weimar). 
—  U Elster  noire,  longue  de  180  kil., naît  dans  la  Lusace 
(royaume  de  Saxe)  au  Sibyllenstein,  descend  au  N.,  arrose 
Camenz,  entre  en  Prusse  et  à  Hoyerswerda,  prend  la  direc- 
tion de  rO.  qu'elle  conserve  jusqu'à  Liebenwerda  à  travers 
des  plaines  sablonneuses  ;  elle  incline  ensuite  au  N.-O.  et  va 


se  jeter  dans  TElbe  en  amont  de  Wittenberg.  Elle  se  partage 
en  plusieurs  bras,  reçoit  la  Fulssnitz  et  la  Rœder. 

ELSTER  (Ghristian-Mandriip),  écrivain  norvégien,  né 
dans  le  Natndal  le  4  mars  1841,  mort  à  Throndhjem  le 
11  avr.  1881.  Journaliste  besogneux,  puis  employé  dans 
Taduiinistralion  foi'estière  à  Throndhjem  (1878),  avec 
1,500  fr.  d'appointements,  il  prit  en  grippe  la  société  qui 
ne  le  traitait  pas  selon  ses  réels  mérites  et  il  la  dépeignit 
avec  autant  de  pessimisme  que  de  talent  dans  plusieurs 
nouvelles  :  Tora  Trondal  (Copenhague,  1879);  les  Gens 
dangereux  {ibid,,  1881  ;  trad.  en  allemand  par  Poestion, 
Berlin,  1882;  en  suédois  par  G.  af  Geijerstam,Slockholm, 
1884);  ^ues  radieuses  et  autres  nouvelles,  éditées  par 
Kielland  (1881  ;  2«  éd.,  1884).  On  lui  doit  aussi  :  Con- 
traste de  r ouest  et  de  l'est  de  la  Norvège  (1872)  et  un 
drame,  Eystein  Meyla,  joué  à  Christiania  en  1863. 

ELSTOB  (William),  antiquaire  anglais,  né  à  Newcastle- 
on-Tyne  en  1673,  mort  en  1714,  alors  qu'il  était  investi  des 
fonctions  de  recteur  des  paroisses  réunies  de  Saint-Swithin  et 
de  Sainte-Marie  Bothaw,  à  Londres.  Il  s'adonna  particulière- 
ment à  l'étude  de  la  langue  et  des  antiquités  des  Anglo-Saxons  ; 
on  lui  doit  la  traduction  en  latin  de  l'homélie  anglo-saxonne 
de  Lupus  {Dissertatio  Epistolaris,  dans  le  Ttiesaiirus  de 
Hicke,  1701,  part.  III).  Le  même  recueil  de  Hicke  contient 
de  lui  une  étude  sur  les  monnaies  anglo-saxonnes.  En  1703, 
Elstob  publia  une  nouvelle  édition  des  lettres  de  Roger 
Ascham;  en  1709,  il  traduisit  en  latin  l'homélie  anglo- 
saxonne  de  la  nativité  de  saint  Grégoire.  Il  avait  préparé  une 
édition  des  Leges  anglo-saxoniœ,  ouvrage  important  qui  fut 
repris  après  sa  mort  par  David  Wilkins  et  publié  en  1721. 

ELSTOB  (Elizabeth),  femme  de  lettres  anglaise,  née  à 
Newcastle-on-Tyne  en  1683,  morte  en  1756.  Elle  était 
sœur  de  l'archéologue  William  Elstob  ;  après  la  mort  de 
celui-ci,  elle  fonda  une  école  à  Evesham,  dans  le  comté  de 
Worcester,  où  elle  eut  besoin  du  secours  de  ses  amis  et 
protecteurs,  parmi  lesquels  il  faut  citer  Mrs.  Chapone, 
pour  ne  pas  tomber  dans  une  misère  complète.  Elle  en  fut 
tirée  cependant,  en  1738,  parla  duchesse  de  Portlandqui 
lui  confia  l'éducation  de  ses  enfants  et  chez  qui  elle  resta 
jusqu'à  sa  mort.  Versée  dans  la  vieille  littérature  anglo- 
saxonne,  elle  a  laissé  une  English-Saxon  Homily  on  the 
Nativity  of  St.  Gregory,  avec  traduction  et  préface  (pré- 
parées par  son  frère),  et  des  Rudiments  of  Grammar  for 
the  English-Saxon  Tongue  (1715).  B.-H.  G. 

ELStRACKE  (Renolds),  graveur  de  l'école  anglaise,  né 
à  Hasselt  (Belgique)  en  1590,  mort  en  1630.  Elève  de  Van 
den  Passe,  il  a  laissé  des  œuvres  recherchées  plutôt  pour 
leur  rareté  que  pour  leurs  qualités  artistiques.  Il  a  gravé  une 
Suite  des  rois  d'Angleterre,  publiée  en  1618  par  Henry 
Holland  ;  les  portraits  en  pied  de  Marie  Stuart  et  de 
Henry  Darnley;\^  Reine  Elizabeth,  etc. 

ELSWICH  (Johann-Hermann  von),  théologien  allemand, 
né  dans  le  Holstein  le  19  juin  1684,  mort  à  Stade  le 
11  juil.  1721.  Sa  famille,  originaire  delà  Gueldre,  avait 
dû  luir  de  ce  pays  pour  échapper  aux  persécutions  du  duc 
d'Albe.  Il  commença  ses  études  au  gymnase  de  Lubeck ,  et 
les  continua  à  Rostock,  à  Leipzig,  à  léna,  enfin  à  Wiltenberg 
où  il  prit  ses  grades  en  théologie  et  en  philosophie.  En  1717, 
il  fut  nommé  curé  de  l'église"  Saint-Cosme  et  Saint-Damien 
à  Stade.  Théologien  fort  érudit,  il  laissa  une  série  d'opus- 
cules ayant  trait  à  des  questions  de  polémique  religieuse. 
Son  sermon  jubilaire  de  1717  (Das  Bild  und  dieUeber- 
schrift  rechtschaffener  Lutheraner)  est  souvent  cité  dans 
les  ouvrages  spéciaux  ;  son  étude  De  varia  Aristotelis  in 
scholis  Protestantium  fortuna,  est  une  contribution  inté- 
ressante à  l'histoire  de  la  philosophie  (dans  son  édition  du 
livre  de  Launoy,/)^  varia  Arist,  fortuna  in  Acad.  Pa- 
risiensi;\iieb.,  ilîlO),  Th.  Ruyssen. 

BiBL.  :  pRATJE,  Herzogthmn  Bremen  u.  Verden,  III, 
p.  135.  —  Athense  Liibec,  1. 

ELSWICK.  Ville  d'Angleterre,  faubourg  occidental  de 
Newcastle-upon-Tyne,  où  sont  les  fameux  établissements 
Armstrong. 


867  -  ELSTER  —  ELUSATES 

ELTON  ou  lELTON.  Lac  salé  de  la  Russie  d'Europe, 
sHué  dans  le  gouvernement  d'Astrakhan,  district  de  Tsarev. 
Sa  surface  est  de  161  kil.  q.  Son  nom  vient  du  kalmouk 
Ailan  Nor  (le  lac  d'Or).  Sa  production  annuelle  de 
sel  est  d'environ  100.000  tonnes  et  occupe  plus  de 
1,500  ouvriers. 

ELTON  (Richard),  écrivain  militaire  anglais,  né  à 
Bristol,  mort  après  1659.  Major  dans  la  milice  de  Londres 
en  1649,  il  devint  par  la  suite  gouverneur  de  Hull.  Il  est 
l'auteur  de  The  Compleat  Body  of  the  art  military 
(Londres,  16.50,  in-foL). 

ELTON  (Sir  Charles-Abraham),  écrivain  anglais,  né  à 
Bristol  le  31  oct.  1778,  mort  à  Bath  le  1^^' juin  1853. 
Elève  d'Eton,  il  servit  en  Hollande  et  devint  lieutenant- 
colonel  de  la  milice  du  Somersetshire.  On  a  de  lui:  Poems 
(1804)  ;  Taies  of  romance  and  other  poems  (1810)  ; 
Appeal  to  scripture  and  tradition  in  defence  of  the 
unitarian  failh  (1818)  ;  The  Brothers  and  other  poems 
(1820);  History  of  roman  Emperors  (1825);  des  tra- 
ductions d'Hésiode,  un  recueil  de  Spécimens  ofthe  clas- 
sical  Poets  from  Homer  to  Tryphiodorus  (1814),  trad. 
en  vers  anglais,  etc. 

ELTON  (James-Frederick),  voyageur  anglais,  né  le 
3  août  1840,  mort  en  Afrique  le  19  déc.  1877.  H 
servit  aux  Indes,  fut  aide  de  camp  de  sir  Hugh  Rose,  fit 
la  campagne  de  Chine  (1860),  servit  dans  l'armée  fran- 
çaise au  Mexique  (1866)  et  s'embarqua  en  1868  pour 
Natal,  où  il  fit  une  exploration.  En  1871,  il  fut  chargé 
de  faire  un  rapport  sur  les  champs  d'or  et  de  diamants  et 
de  régler  divers  différends  avec  les  autorités  portugaises. 
Après  avoir  occupé  le  poste  d'agent  à  la  frontière  du 
Zoulouland,  il  revint  à  Naial  où  il  fit  partie  des  conseils 
exécutif  et  législatif.  En  1873,  il  fut  envoyé  en  mission 
auprès  du  sultan  de  Zanzibar,  relativement  à  la  traite  des 
esclaves,  devint  vice-consul  à  Zanzibar,  puis  consul  à 
Mozambique  (1875).  Il  fit  diverses  expéditions  dans  l'inté- 
rieur du  côté  du  Zambèze  et  du  lac  Nyassa  et  périt  d'une 
attaque  de  fièvre  maligne  au  cours  de  Lune  d'elles.  On  a 
de  lui  :  With  the  French  in  Mexico  (Londres,  1 867 ,  in-8)  ; 
From  Natal  to  Zanzibar  (Londres,  1873);  Travels  and 
researches  among  the  Lakes  and  mountains  of  eastern 
and  central  i/Vfm  (Londres,  1879,  in-8).         R.  S. 

ELTVILLE  (Altavilla).  Ville  de  Prusse,  district  de 
Wiesbaden  ;  3,118  hab.  Ruines  du  château.  Ancienne  ré- 
sidence des  archevêques  deMayence  et  chef-lieu  duRhein- 
gau.  C'est  là  que  fut  signé,  entre  Gunther  de  Schwarzburg 
et  Charles  IV,  le  traité  qui  assura  l'empire  au  second  (26  mai 
1349).  Gutenberg  y  eut  une  imprimerie  en  1465. 

ELTZ.  Torrent  de  l'Eifel,  aflluent  de  la  Moselle,  dominé 
par  le  rocher  de  290  m.  de  haut  qui  porte  le  burg  d'Eltz, 
un  des  plus  beaux  d'Allemagne,  berceau  de  la  race  des 
comtes  A^Elz, 

ÉLU  (Théologie)  (V.  Prédestination). 
ELUSATES.  Peuple  ibéro-aquitain.  Battus  par  Crassus, 
lieutenant  de  César,  les  Elusates  se  soumirent  aux  Romains 
en  56  avant  notre  ère.  Leur  territoire,  qui  confinait  à  l'E. 
aux  Lactorates  et  aux  Ausci,  au  S.  et  à  l'O.  aux  Aturenses, 
et  au  N.  aux  Nitiobriges  et  aux  Sontiates,  correspond  au 
Gabardan  oriental,  au  Condomois,  à  la  portion  septen- 
trionale du  Fesenzac  et  à  la  partie  occidentale  de  l'Arma- 
gnac. Une  inscription  du  ii®  siècle  de  notre  ère,  c|u'on  a 
trouvée  à  Sos,  en  1876,  prouve  que  ce  lieu  faisait  partie 
du  territoire  des  Elusates.  Les  Sotiates  ou  Sontiates,  peut- 
être  clients  des  Elusates,  formaient  avec  eux  la  civitas 
Elusatium  de  la  Notice  des  provinces.  La  ville  métropo- 
litaine d'Etoa,  aujourd'hui  Eauze  (dép.  du  Gers)  ou  plus 
exactement  LaCieutat,  com.  d'Eauze,  fut  ruinée  au  ix^  siècle 
par  les  Normands  et  le  territoire  de  sa  circonscription  mé- 
tropolitaine fut  uni  au  diocèse  d'Auch.  L.  W. 

BiBL.  :  J.  CÉSAR,  De  Bel.  Gai,  III,  27.  —  Pline,  IV, 
XXXIII,  1.  —  Chaudruc  de  Crazannes,  Attribution  aux 
Elusates  d'Aquitaine  d'une  médaille  découverte  sur  leur 
territoire,  dans   Rev.  numism.^  1847,  XII,  pp.  173-180.  — 


ÉLUSATES  —  ELVIRE 


-  868 


E.  Desjardins,  Géogr.  de  la  Gaule  rom.^  II,  364-367.  — 
A.  LoNGNON,  Géogr.  de  la  Gaule  au  vp  s. 

ELVAN  (GéoL).  Type  porphyrique  des  granités  à  mica 
blanc  (V.  Granulite  et  Microgranulite). 

ELVAS.  Ville  forte  de  Portugal,  prov.  d'Alemtejo,  dis- 
trict de  Portalègre,  près  de  la  frontière  fispagnole  ; 
40,471  hab.  C'est  la  plus  forte  place  du  Portugal.  Située 
sur  une  colline,  elle  a  une  enceinte  flanquée  de  sept  bas- 
tions et  de  deux  forts,  Santa  Lucia  et  Santa  Sefiora  da 
Graça,  une  citadelle,  un  arsenal,  une  fonderie  de  canons, 
une  manufacture  d'armes,  etc.  C'est  l'ancienne  Alba.  Le 
château  fut  bâti  par  les  Maures.  En  1658  et  1711,  les  Es- 
pagnols firent  vainement  le  siège  d'Elvas.  On  y  remarque 
une  belle  cathédrale,  un  aqueduc  (os  Arcos  de  Armo- 
reiro)  à  quatre  étages.  C'est  un  marché  agricole. 

ELVEN.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  du  Morbihan,  arr.  de 
Vannes,  près  de  l'Arz,  à  6  kil.  de  la  stat.  du  chemin  de 
fer;  3,376  hab.  Maisons  du  moyen  âge;  éghse,  recons- 
truite en  1873,  dans  le  style  du  chœur  entouré  d'une  ga- 
lerie à  jour  (1526);  nef  du  xiii^  siècle;  clocher  pyra- 
midal et  transept  (1642).  —  A  2  kil.  S.-E.,  au  milieu  des 
bois  et  d'un  bas-fond,  s'élèvent  les  ruines  de  la  forteresse 
de  Largouët  (monument  historique)  ou  des  tours  d'Elven 
(xv®  siècle)  ;  la  plus  haute  est   octogonale  et  surmontée 


Tours  d'Elven  (château  de  Largouët). 

d'un  petit  châtelet  ;  la  plus  petite  est  ronde,  on  la  dit  plus 
ancienne  ;  elles  sont  en  granit.  Ruines  du  manoir  de  Ker- 
léau  (Renaissance),  que  Descartes  habita.  Château  de  Ker- 
fily  (fin  du  xvii*'  siècle).  A  4  kil.  à  l'E.,  ruines  delà  villa 
gallo-romaine  de  Saint-Christophe  et  colonne  en  l'hon- 
neur d'Aurélien.  Dolmen  delaLoge-du-Loup,  pierre  bran- 
lante la  Roche-Binet,  des  grottes,  etc.  —  La  seigneurie  de 
Largouët  existait  dès  le  xii«  siècle  et  appartenait  à  la 
maison  de  Malestroit,  d'où  elle  passa  à  celle  de  Rieux,  à 
laquelle  est  due  la  construction  de  la  demeure  féodale  (mi- 
lieu du  xv^  siècle).  Le  château  servit  de  prison,  en  1474, 
au  comte  de  Richemont,  qui  devint  Henri  Vil  d'Angle- 
terre. Il  fut  démantelé  en  1496,  par  ordre  d'Anne  de  Bre- 
tagne. Il  appartint  ensuite  au  duc  d'Elbeuf,  au  surinten- 
dant^ Fouquet  (1659).  Elven  a  été  attaqué  deux  fois,  en 
1795,  par  le  chevalier  de  Tinténiac,  à  la  tête  d'une  colonne 
d'émigrés,  puis  par  Cadoudal,  suivi  de  ses  chouans.  C.  Del. 
BiBL.  :  De  F rèminville,  Antiquités  de  la  Bretagne^  Mor- 
bihan, 1827  et  1834.  —  Taylor,  Voyage  pittoresque  en 
France.  Bretagne,  1847,  t.  I,  pi.  57  à  59. 

ELVENICH  (Peter-Joseph),  philosophe  allemand,  né  à 
Embken,  près  d'Aix-la-Chapelle,  le  29  janv.  1796,  mort  le 
i6  juin  1886.  Professeur  à  l'université  de Breslau  (1826), 
il  fut  un  partisan  résolu  des  doctrines  de  G.  Hermès  (V.  ce 


nom).  Il  les  développa  dans  Die  Moralphilosopkie  (^àom^ 
1830-33, 2  vol.)  ;  quand  le  pape  les  eut  condamnées  (1835- 
36),  il  en  reprit  l'apologie  (Ada  Hermesiana;  Gœttin- 
gue,  1836),  se  rendità  Rome  avec  Braun  pour  les  défendre; 
il  continua  la  polémique  et  publia  encore  Der  Hermesia- 
nismus  (Breslau,  1844);  Die  Wesenheit  der  Geistes 
(Breslau,  1857)  ;  Der  Papst  und  die  Wissenschaft  (Bres- 
lau, 1875),  etc. 

ELVERS,  jurisconsulte  allemand  ,  né  à  Flensbourg 
(Slesvig)  le  16  juil.  1797,  mort  le  l^'^  oct.  1858.  Il  fut 
professeur  ordinaire  à  Rostock  en  1828  et,  depuis  1841, 
à  Cassel.  Ses  principaux  écrits  sont  :  Beitrdge  %ur  Rechts- 
lehre  und  Redits wissenchaft  (1820);  Doctrina  juris 
civilis  romani  de  culpa  (Gotha,  1822)  ;  Der  nationale 
Sta7idpunkt  in  Beziehung  aufRecht,  Staat  und  Kirche 
(1845). 

ELVERT  (Christian),  historien  morave  contemporain, 
d'origine  française,  né  à  Brno  (Briinn)  en  1803.  Ilrempht 
des  fonctions  administratives,  fut  député  à  la  diète  de 
Moravie  et  au  parlement  de  Francfort  (1848),  et  bourg- 
mestre de  Briinn.  Il  a  publié  en  allemand  un  grand 
nombre  d'ouvrages  relatifs  à  l'histoire  de  la  Moravie  et  de 
la  Bohême,  notamment  Versuch  einer  GeschichteBrilnns 
(1828)  ;  Geschichte  der  Stadt  Iglau  (1850)  ;  Geschichte 
der  fiist,  Literatur  Mœhrens  (1854);  Zur  Kulturge- 
schichte  Mœhrens  (1866)  ;  Zur  Kulturgeschichte  Bœh- 
mens  (1870),  etc. 

ELVIDEN  (Edmund),  poète  anglais  du  xvi^  siècle,  dont 
on  connaît  trois  ouvrages  :  A  Neweyere's  Gift  to  the 
Rebellions  Persons  in  the  North  partes  of  England 
(1570,  pet.  in-8)  ;  The  Closit  of  Counsells  (1569,  in-8), 
collection  de  vers,  préceptes,  proverbes  et  paraboles  tra- 
duits en  anglais,  et  The  most  excellent  and  pleasant 
Metaphoricall  Eistorij  of  Pesistratus  and  Catanea  (s. 
d.,  in-8).  Ces  livres  sont  d'une  extrême  rareté.  Quant  à 
l'auteur,  on  ne  sait  rien  de  lui,  sinon  qu'il  devait  être  du 
nord  de  l'Angleterre.  B.-H.  G. 

ELVIRA  (Vitic).  Semis  de  Taylor  et  hybride  de  V.  Ri- 
paria  et  de  V.  Labrusca,  introduit  récemment  dans  les 
vignobles  des  Etats-Unis  et  propagé  dans  les  vignobles 
du  Nord.  Il  est  très  estimé  pour  les  vins  blancs, 
à  cause  de  sa  grande  production,  dans  les  îles  du  lac  Erié 
et  dans  les  vignobles  des  bords  du  lac.  C'est  un  cépage 
nouveau  pour  les  viticulteurs  américains  et  il  acquiert  de 
l'importance,  malgré  sa  grande  sensibilité  au  mildew.  — 
L'Elvira  est  très  fructifère  en  France,  dans  les  bons  ter- 
rains; son  vin  blanc  est  des  moins  foxés,  mais  il  conserve 
toujours  un  arrière-goùt  désagréable;  ses  eaux-do-vie  sont 
assez  bonnes.  On  a  conseillé  ce  cépage  pour  les  Charentes, 
mais  il  ne  peut  y  prospérer  que  dans  les  terres  assez  fer- 
tiles et,  dans  ces  milieux,  la  Folle  blanche  greffée  donnera 
de  meilleurs  et  de  plus  abondants  produits  que  l'Elvira. 

ELVIRE  (Astron.).  Nom  du  277^  astéroïde  (V.  ce  mot). 

ELVIRE,  ELIBERI  ou  ILLIBERIS.  Cette  ville,  aujour- 
d'hui détruite,  était  située  dans  l'Andalousie  (ancienne 
Bétique),  non  loin  de  l'emplacement  où,  plus  tard,  Grenade 
fut  fondée.  Il  s'y  tint  un  concile  [Eliberitanum  ou  llli- 
beritanum  concilium)  dont  les  actes  sont  souvent  cités  en 
l'histoire  de  la  discipline  ecclésiastique.  La  date  indiquée 
dans  ces  actes  correspond  à  l'an  324  ;  mais  des  auteurs 
modernes  l'ont  reportée  à  305,  d'autres  à  315  et  même 
d'autres  à  335.  Dix-neuf  évéques  et  trente-six  prêtres  sié- 
gèrent à  ce  concile  ;  parmi  les  évéques,  le  célèbre  Osius  ou 
Hosius  de  Cordoue.  Les  diacres  et  le  peuple  y  assistaient. 
—  Les  actes  qui  nous  sont  parvenus  contiennent  quatre- 
vingt-un  canons,  tous  relatifs  à  la  discipline  ;  mais  Gratien 
et  d'autres  canonistes  en  citent  qui  ne  se  trouvent  point 
dans  ces  documents.  La  plupart  édictent  une  discipline 
beaucoup  plus  sévère  que  celle  qui  fut  adoptée  par  les 
conciles  d'Ancyre  et  de  Nicée  sur  les  mêmes  objets.  Ils 
refusent  l'absolution,  même  à  P article  de  la  mort,  pour 
vingt  cas  (canons  :  1,  6,  7,  8, 10,  12,  13,  17,  19,  47, 
63,  64,  65,  66,  10,  71,  72,  73,   75).  D'autres  canons 


—  869  — 


ELVIRE  —  ELWART 


constituent  des  dispositions  pareillement  caractéristiques. 
L'habitant  d'une  ville,  qui  aura  laissé  passer  trois  dimanches 
consécutifs  sans  aller  à  l'église,  sera  séparé  de  la  commu- 
nion pendant  trois  autres  dimanches  (21).  Les  jeûnes 
doubles  seront  observés  tous  les  mois,  excepté  en  juillet  et 
août  (23).  On  jeûnera  tous  les  samedis  (26).  Défense  aux 
évêques  et  aux  ecclésiastiques  d'avoir  dans  leurs  maisons 
des  femmes  étrangères  ;  on  ne  leur  permet  que  leurs  sœurs 
ou  des  vierges  consacrées  au  Seigneur  (27).  Les  évèques,  les 
prêtres,  les  diacres  et  généralement  tous  les  ecclésiastiques 
en  service  qui  ne  s'abstiendront  pas  de  leurs  femmes  seront 
exclus  de  la  cléricature  (33).  Défense  d'allumer  des  cierges 
en  plein  jour  dans  les  cimetières,  de  peur  d'inquiéter  les 
esprits  des  saints  (34).  Défense  aux  femmes  de  passer  la 
nuit  dans  les  cimetières,  parce  que,  sous  prétexte  de  prier, 
elles  commettent  des  crimes  énormes  (35).  Ceux  qui  rece- 
vront le  baptême  ne  mettront  plus  d'argent  dans  les  troncs 
ou  les  bassins  pour  cette  cérémonie  (48).  Défense  aux 
fidèles  qui  possèdent  des  biens  à  la  campagne  d'en  laisser 
bénir  les  fruits  par  les  juifs  (49).  Défense  à  tous  les  chré- 
tiens de  manger  avec  les  juifs  (50).  Défense  aux  magistrats 
appelés  duumvirs  d'entrer  dans  l'église  pendant  l'année 
de  leur  magistrature  (56).  Le  canon  36  dit  expressément  : 
Nous  ne  voulons  point  qu'on  mette  des  peintures  dans  les 
églises,  de  peur  que  l'objet  de  notre  culte  et  de  notre  ado- 
ration soit  dépeint  sur  les  murs.  E.-H.  Vollet. 

BiBL.  :  Ma^^si,  Sacrorum  conciliorum  nova  et  amplis- 
sima  collectio  ;  Florence  et  Venise,  1757  et  suiv.,  31  vol. 
in-fol.  —  GoNSALES,  Collectio  canonum  Ecoles.  Hisp.  ;  Ma- 
drid, 1849,  2  vol.  in-4.  —  Hefele,  Conciliengeschichte  ; 
Fribourg,  1873,  2«  éd. 

ELVI  RE  (nom  qui  est  écrit  dans  les  anciens  manuscrits 
Geloïra  ou  Gelvira),  princesse  espagnole  du  x®  siècle, 
sœur  du  roi  de  Léon,  Sancho.  Elle  fut  à  la  mort  de  ce  der- 
nier, en  966,  chargée  de  la  régence  pendant  la  minorité 
de  son  neveu  Ramire  III.  Elle  paraît  avoir  gouverné  habi- 
lement et  en  975,  lorsque  le  jeune  prince  arriva  à  la  ma- 
jorité, elle  reprit  au  couvent  de  San  Salvador  de  Léon  la 
place  qu'elle  avait  quittée  pour  exercer  le  pouvoir. 

ELVIRE,  reine  de  Léon  à  la  fin  du  x«  et  au  xi®  siècle,  morte 
en  1027.  Elle  était  fille  de  don  Garcia,  comte  de  Castille,  et 
épousa,  vers  992,  Bermude  II  le  Goutteux, roi  de  Léon.  A  la 
mort  de  celui-ci,  le  trône  passa  à  son  fils,  Alphonse  V,  et 
ce  fut  sa  mère,  Elvire,  qui  exerça  en  son  nom  la  ré- 
gence (999).  En  qualité  de  régente,  elle  présida  en  1001 
à  Boveda  une  assemblée  de  juges  et  de  seigneurs.  Elle 
gouverna,  à  ce  qu'il  semble,  habilement,  et  les  chroniques 
espagnoles  rapportent  qu'elle  repoussa  une  attaque  des 
Arabes  et  releva  la  ville  de  Léon  qui  avait  été  en  partie 
ruinée  par  Almansour.  A  la  majorité  de  son  fils,  elle  se 
retira  dans  un  monastère,  où  elle  mourut. 

ELVIRE,  princesse  espagnole  du  xi^  siècle,  fille  du 
comte  Sancho  de  Castille,  morte  en  1040.  Elle  épousa  le 
roi  de  Navarre,  Sancho  Garces,  surnommé  le  Grand,  en 
eut  deux  fils  qui,  en  1035,  devinrent  rois,  Garcia  en  Na- 
varre, Fernando  en  Castille;  quelques  chroniques  lui  en 
donnent  un  troisième,  Gonzalo,  qui  fut  roi  de  Sobrarbe  et 
Ribagorza. 

ELVIRE,  reine  de  Léon  au  xi®  siècle,  morte  en  1052. 
Fille  du  comte  Mendo  Gonzalez  et  de  dona  Mayor,  elle 
fut  élevée  en  Galicie  avec  le  jeune  roi  de  Léon,  Alphonse  V, 
dont  son  père  était  tuteur.  Elle  l'épousa  en  1008  ou  1009 
et  en  eut  deux  enfants  :  Bermude,  qui  fut  appelé  à  suc- 
céder à  son  père  en  1027,  et  Sancha,  qui  devait  épouser 
le  comte  Garcia  de  Castille,  quand  il  fut  tué  par  les  Vêlas. 
La  légende  lui  donne  un  troisième  enfant,  Chimène,  qui 
aurait  été  la  mère  de  la  Chimène  du  Cid. 

ELVIRE  NuNA,  princesse  espagnole,  née  à  la  fin  du 
IX®  siècle,  d'une  noble  famille  galicienne,  morte  en  922.  Elle 
épousa  en  910  le  roi  de  Galicie,  Ordofio,  qui  fut  de  plus  roi 
de  Léon  par  le  choix  des  Cortès  en  914.  Elle  eut  quatre 
fils  :  Sancho,  Alonso,  liamiro,  Garcia,  et  une  fille, 
Ximena.  E.  Cat. 

ELVIREA  (ZooL).  Parona  (1887)  a  donné  ce  nom  géné- 


rique à  un  Protozoaire  flagellé  qu'il  range  dans  la  famille 
des  Trimastigides.  Il  vit  en  parasite  dans  la  portion  anté- 
rieure de  l'intestin  d'une  Ascidie  {Ciona  intestinalis)  dans 
lequel  il  se  meut  avec  beaucoup  de  rapidité  ;  il  est  carac- 
térisé par  la  forme  du  corps  ovale,  arrondi  aux  deux 
extrémités,  avec  trois  flagellums  insérés  en  avant,  dont  le 
médian  est  plus  court;  le  noyau  et  le  nucléole  sont  situés  sur 
la  ligne  médiane,  à  la  partie  antérieure.  E.  cionœ  Gènes. 

ELVI  US  (Per),  mathématicien  suédois,  né  à  Upsala  en 
août  1710,  mort  à  Ekolsund  le  27  sept.  1749.  Elève  de 
A.  Celsius,  son  cousin,  de  Klingenstierna  et  de  Polhem,  il 
fut  nommé  membre  de  l'Académie  des  sciences  de  Stock- 
holm lors  de  sa  fondation  (1739),  en  devint  secrétaire 
perpétuel  (1744)  et  à  ce  titre  chargé  du  cours  de  mathé- 
matiques et  d'histoire  naturelle  (1746);  mais  il  en  fut 
bientôt  dispensé  à  condition  de  publier  ses  mémoires  et 
expériences  dans  les  Actes  de  cette  académie  qui  en 
contiennent  vingt-sept  de  lui.  On  lui  doit,  en  outre,  un 
traité  d'hydraulique  (1 742)  ;  Histoire  des  sciences  mathé- 
matiques (1746);  Journal  d'un  voyage  à  Trollhœtta, 
publié  par  son  compagnon,  C.  Hârleman  (1750);  la  tra- 
duction (1744)  de  la  Géométrie  de  Clairaut.        B-s. 

ELVI  US  (Sofus),  biographe  danois,  né  à  Copenhague 
le  3  avr.  1849.  Tout  en  travaillant  à  l'institution  d'assu- 
rances sur  la  vie,  il  a  fait  de  si  sérieuses  études  d'histoire 
personnelle  qu'il  a  été  nommé  directeur  de  l'Institut  généa- 
logique fondé  par  son  initiative  (1887).  Il  a  publié  :  His- 
toire des  ecclésiastiques  danois  de  i869  à  i8S4 
(Copenhague,  1885-87,  3  vol.  in-8)  et,  avec  H. -R.  Hiort- 
Lorenzen,  Familles  patriciennes  du  Danemark  (\S9i). 

ELWART  (Antoine-Elie),  compositeur,  musicographe  et 
professeur  français,  né  à  Paris  le  18  nov.  1 808,  mort  à  Paris 
le  14  oct.  1877.  Il  fut  enfant  de  chœur  à  Saint-Eustache, 
puis  placé  par  sa  famille  chez  un  layetier-emballeur;  il 
quitta  son  emploi  contre  la  volonté  de  ses  parents,  s'en- 
gagea comme  second  violon  dans  un  petit  théâtre  de  Pa- 
ris, puis  entra  au  Conservatoire,  fut  élève  deReicha,  Fétis 
etLesueur,  et  fonda  avec  quelques  camarades  les  Concerts 
d'émulation.  En  1831,  il  obtint  le  deuxième  grand  prix 
de  composition;  en  1832,  il  fut  nommé  professeur  adjoint 
à  la  classe  de  Reicha,  et  en  1834  il  remporta  le  premier 
grand  prix.  Après  un  séjour  à  Rome,  il  revint  à  Paris 
(1836),  où  bientôt  (1840)  il  fut  nommé  professeur  de  la 
deuxième  classe  d'harmonie  écrite.  Il  a  dirigé  aussi  les 
concerts  de  la  société  Sainte-Cécile  et  ceux  de  la  rue  Vi- 
vienne.  Ce  n'est  qu'en  1871  qu'il  a  quitté  l'enseignement 
actif  au  Conservatoire,  où  il  était  professeur  titulaire  d'har- 
monie. Ses  ouvrages  principaux  sont  les  suivants  :  plu- 
sieurs messes,  dont  une  à  quatre  voix  et  orgue,  une  à  cinq 
voix,  chœurs  et  orchestre,  deux  à  quatre  voix  sans  accom- 
pagnement; des  oratorios,  mystères,  symphonies  reli- 
gieuses, Noé  ou  le  Déluge  universel,  la  Naissance  d'Eve, 
Ruth  et  Booz,  les  Noces  de  Cana;  une  scène  funèbre, 
Omaggio  alla  memoria  di  Vincenzo  Bellini  ;  des 
motets,  un  Te  Deum,  un  Miserere,  un  Ave  Maria,  un 
0  Salutaris  ;  de  la  musique  de  scène  et  des  chœurs  pour 
ri/cé'5^^  d'Euripide  ;  des  opéras,  les  Chercheurs  d'or,  les 
Catalans,  la  Reine  de  Saba  ;  une  opérette.  Pas  d'or- 
chestre ;  des  cantates.  Hymne  à  la  Beauté,  le  Pouvoir 
de  rharmonie,  le  Salut  impérial,  etc.;  des  recueils  de 
chœurs.  Mosaïque  chorale,  le  Concert  choral,  les  Heures 
de  r  enfance  ;  des  scènes  lyriques,  Pénélope,  etc.;  des 
ouvertures,  symphonies,  quintettes,  quatuors,  trios  ;  des 
ouvrages  théoriques  ou  ayant  plus  ou  moins  trait  à  la  mu- 
sique. Petit  Manuel  d'harmonie...  (1839);  Duprez,  ^a 
vie  artistique  (1838);  Théorie  musicale...  (1830).,. 
Feuille  harmonique...  (1841);  le  Chanteur  accompa- 
gnateur, ou  Théorie  du  clavier,  de  la  basse  chiffrée,  etc. 
(1 844)  ;  Traité  du  contrepoint  et  de  la  fugue  (sans  date); 
Essai  sur  la  transposition,  l'Art  de  jouer  impromptu 
de  l'alto-viola.  Solfège  du  jeune  âge,  le  Coîitrepoint 
et  la  fugue  appliqués  au  style  idéal.  Petit  Manuel 
d'instrumentation.  Manuel  des  aspirants  au  grade  de 


ELWART  —  ÉLYTRE 


-  870 


chef  et  de  sous-chef  de  musique  dans  V  armée  française, 
Lutrin  et  Orphéon  ou  Grammaire  musicale,...  Essai 
sur  la  composition  chorale,  l'Harmonie  musicale, poème 
en  quatre  chants  (1853);  Histoire  de  la  Société  des 
concerts  du  Conservatoire  impérial  de  musique  (1860); 
Histoire  des  concerts  populaires  de  musique  classique 
(1864).  Il  a  également  complété  l'ouvrage  commencé  par 
MM.  Burnett  et  Damour,  avec  ce  titre  :  Etudes  élément 
taires  de  musique,  depuis  les  premières  règles  jus- 
qu'à celles  de  la  composition.  On  lui  doit  enfin  des  ar- 
ticles musicaux  dans  la  Picvue  et  Gazette  musicale  de 
Paris,  V Encyclopédie  du  xix«  siècle,  et  divers  autres 
journaux.  Alfred  Ernst. 

ELWES  (John),  encore  connu  sous  le  nom  de  Meggotz, 
célèbre  avare  anglais,  né  à  Westminster  le  7  avr.  1714, 
mort  le  '26  nov.  1789.  Il  reçut  une  bonne  éducation  à 
Westminster,  voyagea  en  Suisse  où  il  fit  la  connaissance 
de  Voltaire.  De  retour  en  Angleterre,  il  vécut,  bien  que  tort 
riche,  dans  la  plus  sordide  médiocrité.  Sa  répulsion  à 
dépenser  de  l'argent  lui  valut  une  espèce  de  célébrité  et 
donna  lieu  à  une  infiaité  d'anecdotes.  Malgré  son  avarice, 
il  se  laissa  entraîner  à  des  spéculations  ou  il  perdit  des 
sommes  considérables.  Elwes  représenta  le  Berkshire  au 
Parlement,  de  1774  à  1787.11  caractérisa  Pitt  de  cette 
originale  manière  :  «  C'est  le  ministre  qui  convient  le 
mieux  au  pays.  Dans  tout  ce  qu'il  dit  il  y  a  des  livres, 
des  shellings  et  des  pence.  »  R-  S. 

BiBL.  :  Edward  Tûpham,  Life  of  John  Elwes;  Londres, 
1790;  12»  éd.,  1805. 

ELY.  Ville  d'Angleterre,  comté  de  Cambridge,  sur  TOuse  ; 
8,172  hab.  Magnifique  cathédrale  commencée  en  1082, 
achevée  en  1553,  remplaçant  l'église  Ethelreda  qui  datait 
de  673.  Elle  a  126  m.  de  long;  ses  deux  tours  de  TO. 
ont  82  m.  de  haut.  A  l'O.  est  le  pays  épiscopal,  au  S., 
un  collège  [Kings  School),  fondé  en  1541.  Ely,  situé  au 
centre  de  la  région  marécageuse  des  Fens,  qui  a  été  trans- 
formée en  un  vaste  jardin  maraîcher,  servit  lors  de  la  con- 
quête normande  de  refuge  aux  Saxons  qui  se  défendirent 
dans  le  camp  du  Refuge  jusqu'à  ce  qu'ils  fussent  livrés 
par  les  moines  de  l'abbaye  (1072).  Un  évèché  y  fut  établi 
en  1107  (V.  Fens  et  Grande-Bretagne  [Géogr.  phys.]). 
ÉLYMAÏOE.  Forme  grecque  du  sémitique  Elam,  en 
assyrien  Elamtu,  qui  désigne  le  pays  appartenant  au  bas- 
sin du  Tigre,  et  à  TE.  de  l'embouchure  de  ce  fleuve.  Le 
nom  d'Elam  n'étant  pas  le  nom  propre  de  la  contrée,  mais 
seulement  le  nom  que  ses  voisins  de  l'Est  lui  donnèrent 
(V.  Elam),  le  nom  iVEli/maïde  (Elymaïs)  ne  fut  donné 
qu'à  l'époque  des  Séleucides  à  la  partie  occidentale  et  mon- 
tagneuse de  la  Susiane.  Le  nom  paraît  lors  des  campagnes 
d'Antiochus  Epiphane  qui  y  périt  (161  av.  J.-C). 

ELYMUS  (Elymus  L.)  (Bot.).  Genre  de  Graminées, 
très  voisin  des  Orges,  dont  il  se  distingue  par  les  épillets 
tous  hermaphrodites,  sessiles  ou  subsessiles,  contenant  de 
deux  à  huit  fleurs,  et  par  les  caryopses  largement  canali- 
culés.  L'espèce  type,  E.  europœus  L.,  est  abondante  dans 
les  dunes  du  N.  0.  de  la  France,  où  sa  souche  rampante,  à  sto- 
lons grêles,  est  très  utile  pour  retenir  les  sables  mobiles. 
ELYOT  (Sir  Thomas),  diplomate  et  écrivain  anglais,  né 
vers  1490,  mort  le  20  mars  1546.  Vers  1523,  il  attira 
l'attention  du  cardinal  Wolsey  qui  le  fit  entrer  en  qualité 
de  clerk  au  conseil  privé;  il  devint  en  1527  sherifl"  du 
Berkshire  et  de  l'OUbrdshire  et,  ayant  écrit  un  traité  de 
politique  qui  fut  fort  goûté  par  la  c^our,  Boke  called  the 
Gouernour  (1531),  fut  nommé  ambassadeur  auprès  de 
Charles  V,  poste  qui  lui  fut  confié  de  nouveau  en  1535. 
Membre  du  Parlement  pour  Cambridge  en  1542,  Elyot  fut 
encore  sherifl"  du  Cambridgshire  et  d'Hutin-donshire  en 
1544.  Très  cultivé  pour  l'époque,  il  a  laissé  un  certain 
nombre  d'ouvrages  :  Pasquil  tke  Playne  (1533),  sorte  de 
dialogue  sur  les  avantages  re  pectifs  delà  parole  et  du  silence; 
Of  the  K7iowledge  which  makelh  a  wise  pian  (1533), 
dialogue  philosophique  entre  Platon  et  Aristippe  ;  A  swete 
and  devoute  Sermon  of  Holy  saynt  Ciprian  of  the 


mortalitie  of  man  (1534);  The  Doctrine  of  princes 
(1534),  traduit  d'Isocrate  ;  Ihe  Castel  of  Helth  (Londres, 
1534),  sorte  de  traité  médical;  The  Bankette  of  science 
(Londres,' 1539);  Latin-eng lish  Dictionary  (Londres, 
1538,  in-fol.),  dont  Th.  Cooper  a  donné  une  édition  sous  le 
titre  de  Bibliotheca  Eliotœ  (1550);  The  Education  or 
Bringinge  up  of  children  (Londres,  s.  d.,  in-4),  traduit 
de  Plutarque;  The  Defence  of  good  women  (1545)  ;  The 
Image  of  gouernance  (1540),  extraits  traduits  d'Alexan- 
dre "Sévère  ;  How  one  may  take  profyte  of  his  enmyes 
(Londres,  s.  d.),  traduit  de  Plutarque;  A  Preservative 
against  Death  (1545).  R.  S. 

ELYSÉE  (Myth.  gr.)  (V.  Enfers). 
ELYSEE  (Palais  de  1').   Résidence  du  président  de  la 
République  française,  un  des  plus  beaux  palais  de  Paris. 
Il  est  compris  entre  les  Champs-Elysées  et  le   faubourg 
Saint-ïlonoré,  sur  lequel  est  l'entrée  principale,  la  rue  de 
l'Elysée  et  l'avenue  Marigny.  Il  fut  bâti  en  1728  pour  le 
coaite  d'Evreux  par  l'architecte  Molet.  La  marquise  de 
Pompadour  l'acheta  et  l'occupa  jusqu'à  sa  mort.  Son  frère 
Marigny  le  céda  à  Louis  XV  qui  y  logea  le  garde-meuble 
en  attendant  l'achèvement  de  celui  de  la  place  de  la  Con- 
corde. Il  fut  acheté  par  Beaujon  en  1773  et  à  sa  mort  par 
la  duchesse  de  Bourbon  (1786).  Propriété  nationale  en 
1793,  il  devint  un  lieu  de  divertissements  publics,  sous  le 
nom  à'Elysée,  puis  de  Hameau  de  Chantilly.  Murât  le 
reçut  en  1803  ;  Napoléon  P"^  le  reprit  en  1808  et  en  fit  sa 
résidence  préférée  à  Paris.  On  y  logea  le  tsar  en  1814 
et  1815,  puis  le  duc  de  Berry  (1816-20)  ;  le  duc  de  Bor- 
deaux le  posséda  ensuite.  En"! 830,  il  fit  partie  de  la  liste 
civile  de  Louis-Philippe.  Après  1848,  V Elysée  national 
fut  afl'ecté  à  une  commission  des  dons  patriotiques,  puis  à 
la  résidence  du  président  de  la  République.  On  Tagrandit 
alors   par   l'annexion  de  l'hôtel  Sébastiani .  Abandonné 
sous  le  second  Empire,  il  redevint  sous  la  troisième  Répu- 
blique le  palais  présidentiel. 

ELYSIA  (Malac).  Genre  de  Mollusques  Gastéropodes, 
de  l'ordre  des  Opistobranches-Nudibranches,  créé  par  Risso 
en  1812  pour  un  animal  mou,  dépourvu  de  coquille,  à 
corps  allongé,  élargi  en  avant,  atténué  en  arrière,  déprimé 
en  dessus.  La  tête  bien  distincte  du  corps  porte  deux  ten- 
tacules non  rétractiles,  auriculiformes  ;  en  arrière  et 
presque  à  la  base  de  ces  tentacules  se  trouvent  placés  les 
yeux.  Les  branchies  sont  renfermées  dans  une  poche  un 
peu  saillante  située  à  la  partie  antérieure  du  dos,  près  de 
la  tète.  Côtés  du  corps  garnis  d'une  membrane  qui  peut  en 
se  relevant  couvrir  le  dos.  Type:  Elysia  viridis  Risso.  Sec- 
tions :  1^  Elysiella  Bergh,  1871.  Animal  à  tête  carénée 
latéralement,  à  tentacules  petits  et  coniques.  Exemple  : 
Elysia  pusilla  Bergh.  2<*  Thuridella  Bergh,  1872.  Ani- 
mal à  tète  arrondie,  à  tentacules  bien  développés.  Exemple: 
Elysia  splendida  Grube.  Les  Elysies  habitent  l'océan 
Atlantique,  le  Pacifique,  la  Méditerranée.  Elles  vivent  sur 
diff'érentes  plantes,  particulièrement  sur  les  algues  et  les 
zostères,  lesquelles  servent  à  leur  nourriture.  Elles  ont  été 
observées  sur  les  côtes  d'Europe,  aux  Antilles,  aux  îles 
Philippines,  etc.  J*  Mab. 

ELYTHROPHORA  (Zool.).  Gerstacker  (1853)  a  carac- 
térisé ce  genre  de  Crustacés  Copépodes  Siphonostomes, 
rangé  dans  la  famille  des  Caligides  :  ce  sont  des  animaux 
dont  les  antennes  biarticulé'es  sont  insérées  au  bord 
frontal;  ils  ont  trois  paires  de  pattes-mâchoires,  fixées  sur 
le  céphalothorax,  simples,  ongulées;  quatre  paires  de 
membres  portent  les  branchies  dont  trois  sont  fixées  sur  le 
premier  anneau  thoraciqne  et  la  quatrième  sur  le  quatrième 
anneau;  toutes  sont  bifides,  la  lame  branchiale  étant 
externe  ;  il  existe  deux  plaques  dorsales  foliacées  chez  le 
mâle  et  quatre  chez  la  femelle  ;  celle-ci  est  deux  fois  plus 
grande  que  le  premier  et  porte  deux  longs  tubes  ovifères. 
Tvpe  :  E.  brachyptera  Gerst.  (Arnœus  thynni  Krôyer), 
curieux  animal  qu'on  trouve  dans  la  Méditerranée  et 
l'Adriatique,  dans  la  cavité  buccale  du  Thynnus  vulgaris. 
ÉLYTRE  (Entom.).  Chez  les  Insectes  Coléoptères,  on 


-  871  — 


KLYTRE  —  ELZEVIER 


désigne  sous  le  nom  d'élytres  (elytra)  les  deux  ailes  supé- 
rieures, plus  ou  moins  consistantes,  cornées  ou  coriaces, 
qui  recouvrent  en  général  et  protègent,  au  repos,  les  ailes 
inférieures  membraneuses.  Leurs  bords  externes  infléchis 
ont  reçu  le  nom  d'épipleures.  L'épaisseur  et  la  solidité  des 
élytres  sont  les  mêmes  que  celle  des  autres  téguments,  mais 
leur  structure  présente  des  moditications  d'une  variété 
infinie.  Elles  sont  souvent  revêtues,  soit  partiellement, 
soit  en  totalité,  de  poils  ou  d'écaillés,  dont  la  forme,  la 
disposition,  etc.,  sont  très  diverses.  Elles  peuvent  également 
présenter  des  appendices  en  forme  de  piquants,  d'épines, 
de  crêtes,  de  tubercules,  etc.  —  Quelquefois  les  élytres  sont 
dures  et  opaques  à  leur  base  et  membraneuses  vers  leur 
extrémité  ;  elles  prennent  alors  le  nom  de  demi-élytres  ou 
hémiélytres {y ,  Hémiptères).  Ed.  Lef. 

ELZE  (Karl),  historien  littéraire  allemand,  né  à  Dessau 
le  22  mai  1821.  Il  a  appliqué  la  méthode  critique  des  philo- 
logues à  l'histoire  de  la  littérature  anglaise.  11  professa  au 
gymnase  de  Dessau,  puis  à  Tuniversité  de  Halle  (1875).  Il 
s'est  en  particulier  occupé  de  Shakespeare,  a  donné  des 
éditions  critiques  à'Hamlet  (Leipzig,  1857),  de  VEmpe- 
ror  of  Germany  de  Chapman  (Leipzig,  1867)  et  de  When 
you  see  me  you  know  me  de  Rowley  (Dessau  et 
Londres,  1874);  d'excellentes  biooraphies  de  Walter 
Scott  (Dresde,  1864,  2  vol.)  et  de  Byron  (Berlin,  1870; 
2^  éd.,  1881);  il  a  rédigé  presque  seul  le  Shakespeare- 
Jahrbuch  d'où  l'on  a  extrait  Essays  on  Shakespeare 
(Londres,  1874).  Son  ouvrage  capital  est  William  Sha- 
kespeare (Halle,  1876).  Citons  encore  Abhandlungen 
ilber  den  englischen  Hexameter  (Dresde,  1867)  et 
Notes  on  Elizabethan  dramatists  (Halle,  1880-84, 
2  vol.). 

ELZEVIERou  ELSEVIER.  Célèbre  famille  de  libraires  et 
d'imprimeurs  néerlandais  des  xvi*^  et  xvn®  siècles,  qui  a  fondé 
des  établissements  à  Leyde,  à  La  Haye,  à  Utrecht  et  à  Ams- 
terdam. Le  fondateur  de  cette  dynastie  fut  Louis  Elzevier, 
né  à  Louvain  vers  1540,  mort  à  Leyde  le  2  févr.  1617. 
Fils  de  Jean  de  Louvain  (Hans  van  Leuven),  dit  Helsevier, 
il  se  fit  reheur  et  suivit  à  Anvers  son  père  qui  y  exerça, 
de  1565  à  1588,  le  métier  d'ouvrier  typographe  chez  le 
célèbre  Christophe  Plantin.  Protestant  zélé,  Louis  dut 
s'expatrier  (1568)  pour  fuir  les  persécutions  du  duc  d'Albe, 
et  se  rendit  à  Wesel  (duché  de  Clèves).  Profitant  ensuite 
de  l'amnistie  accordée  sous  le  gouvernement  de  L.  de  Re- 
quesens  (1574),  il  alla  s'établir  à  Douai,  qu'il  fut  obligé 
de  quitter  en  1580.  Il  se  fixa  alors  définitivement  à  Leyde. 
A  la  profession  de  relieur,  il  joignit  bientôt  celle  de  libraire, 
et,  en  cette  qualité,  il  rendit  de  sérieux  services  à  l'Uni- 
versité, qui  l'en  récompensa  en  le  nommant  appariteur 
(1586).  L'année  suivante,  il  obtint  la  faveur  d'élever  une 
boutique  sur  le  terrain  de  l'Académie,  et  cette  humble 
échoppe,  a-t-on  dit,  fut  le  fondement  de  la  fortune  des 
Elzevier.  En  1594,  il  se  fit  recevoir  bourgeois  de  Leyde. 
A  partir  de  cette  date,  il  devint  un  éditeur  actif  et  sur- 
tout un  négociant  en  livres  plein  d'artifice,  mais  peu  scru- 
puleux sur  le  choix  des  moyens.  Néanmoins,  il  jouissait 
d'une  considération  toute  particulière  et  était  en  rapports 
suivis  avec  nombre  d'illustres  savants.  On  lui  doit  la  pu- 
blication d'une  centaine  de  volumes,  en  latin,  en  français, 
en  flamand  et  même  en  allemand.  Il  fut  l'éditeur  des  œu- 
vres de  plusieurs  de  ses  compatriotes  célèbres,  tels  que 
Meursius,  Merula,  Heinsius,  E.  Puteanus,  etc.  Il  est  bon 
toutefois  d'avertir  que  tous  les  ouvrages  publiés  par  ce 
libraire  n'ont  rien  de  recommandable  au  point  de  vue 
typographique.  —  Louis  I*""  Elzevier  eut  neuf  enfants,  dont 
sept  fils  :  i^  Mathieu,  qui  va  suivre;  2<*  Louis,  ne  à 
Anvers  vers  1566,  mort  à  Leyde  en  1621,  fondateur  en 
1590  d'une  librairie  à  La  Haye;  'S^  Gilles,  né  à  Wesel  vers 
1570,  mort  à  Leyde  fin  juin  1651.  successeur  intérimaire 
dans  la  hbrairie  du  précédent  (1598-99),  puis  régent  de  la 
Compagnie  des  Indes  orientales  ;  4°  Josse^  né  à  Douai  en 
1575  ou  1576,  libraire  à  Utrecht  de  1603  à  1607  ;  l'un 
de  ses  petits-fils,  Pierre  (né  à  Rotterdam  en  mars  1643, 


mort  à  Utrecht  en  sept.  1696),  y  exerça  la  profession  de 
hbraire-éditeur  de  l()67  à  1675  ;  5«  Arnout,  né  à  Douai 
vers  1577,  mort  à  Leyde  après  1617,  peintre  paysagiste; 
6<^  Bonaventure,  dont  il  sera  question  plus  loin  ;  7"  Adrien^ 
né  à  Leyde  vers  1585,  tué  au  service  de  la  Compagnie  des 
Indes  dans  l'île  de  Banda-Neira  (Moluques),  le  22  mai  16C9. 

Mathieu,  né  à  Anvers  vers  1565,  mort  à  Leyde  le 
6  déc.  1640,  fut  appariteur  de  l'Université  et  succéda  dans 
la  librairie  paternelle  avec  son  frère  Bonaventure.  Leurs 
éditions  sont  signées  E^  Ojficina  Eheviriana,  En  1622, 
il  céda  sa  part  à  son  fils  aîné  Abraham,  que  nous  retrou- 
verons plus  loin.  Son  second  fils,  Isaac,  né  à  Leyde  le 
11  mars  1596,  mort  à  Cologne  le  8  oct.  1651,  est  le 
premier  imprimeur  de  cette  famille.  Ses  plus  anciennes 
productions,  exécutées  aux  frais  de  son  grand-père  Louis 
Elzevier,  datent  de  1617.  Nommé  imprimeur  juré  de  l'uni- 
versité de  Leyde  le  9  févr.  1620,  il  obtint  dès  l'année 
suivante  l'autorisation  de  bâtir  dans  la  cour  même  de 
l'Université,  à  côté  de  la  hbrairie  de  son  père,  une  galerie 
pour  y  installer  son  imprimerie,  qui  devint  la  plus  impor- 
tante parmi  celles  de  la  ville,  surtout  après  l'acquisition  du 
matériel  de  la  typographie  orientale  d'Erpenius.  Le  24  déc. 
1625,  il  céda  son  établissement  à  Abraham,  son  frère, 
associé  avec  leur  oncle  Bonaventure,  et  alla  se  fixer  à  Rot- 
terdam. Il  prit  service  dans  la  marine  et  obtint  le  rang  de 
capitaine  en  1632,  mais  en  1648  on  le  trouve  associé  avec 
ses  deux  plus  jeunes  fils  dans  une  brasserie  à  Délit.  —  Le 
second  frère  d'Isaac,  Jacob,  né  à  Leyde  en  1597,  mort 
dans  le  Palatinat  après  1652,  aida  d'abord  son  père  dans 
la  gestion  de  sa  librairie,  puis,  à  la  mort  de  son  oncle 
Louis,  acheta  la  hbrairie  fondée  par  celui-ci  à  La  Haye, 
qu'il  recéda  à  Bonaventure  Elzevier  en  1636.  Il  devint  alors 
intendant  du  comte  de  Cuylenbourg,  et  embrassa  en  1639 
la  carrière  des  armes,  on  ne  sait  au  service  de  quelle 
puissance. 

Bonaventure,  né  à  Leyde  en  1583,  mort  à  Leyde  le 
17  sept.  1652,  fut  initié  de  bonne  heure  au  commerce  des 
hvres.  Il  yoyagea  en  France  et  en  Italie,  et,  dès  1608,  il 
édita  plusieurs  volumes  à  ses  frais.  Associé,  pour  l'exploi- 
tation de  la  librairie  paternelle,  avec  son  frère  aîné,  Ma- 
thieu, il  la  continua,  à  partir  du  3  sept.  1622,  avec  son 
neveu,  Abraham,  Celui-ci  (né  à  Leyde  le  14  avr.  1592, 
mort  à  Leyde  le  14  août  1652)  avait  d'abord  secondé  son 
frère  Isaac  dans  les  travaux  typographiques  et  s'était  établi 
libraire  pour  son  compte  en  1621.  Dans  la  nouvelle  asso- 
ciation, Abraham  dirigea  l'imprimerie.  La  maison  elzévi- 
rienne  se  trouva  dès  lors  définitivement  constituée.  Bona- 
venture, quoique  peu  lettré,  et  au  surplus  très  ladre  en 
affaires,  gouvernait  la  hbrairie  sous  la  direction  intellec- 
tuelle de  réminent  mais  giincheux  Daniel  Heinsius,  qui 
était  leur  guide,  leur  client  et  leur  commentateur.  Abraham, 
de  son  côté,  cherchait  à  donner  à  leurs  livres  le  cachet  de 
la  perfection  typographique,  et  il  y  arriva  après  neuf  ans 
d'eôbrts.  C'est  lui  qui  lut  le  véritable  auteur  de  ces  bijoux 
typographiques  dont  le  succès  fut  immense.  Il  y  était 
secondé  par  un  artiste  d'un  rare  talent,  dont  le  nom  n'a 
été  révélé  que  récemment,  par  M.  Willems.  C'est  à  Chris- 
tophe Van  Dyck  qu'on  doit  la  création  de  ce  type  élégant 
qui  porte  encore  le  nom  d'elzévirien,  mais  il  faut  ajouter 
que  ce  type  dérive  des  beaux  caractères  exécutés  par  les 
graveurs  français  Sanlecque.  Abraham  opéra  encore  une 
véritîible  révolution  en  librairie  par  l'adoption  du  format 
in-12,  qui  eut  de  la  peine  à  triompher  des  opiniâtres  résis- 
tances de  la  part  des  savants.  L'activité  de  la  maison  des 
Elzevier  fut  incroyable.  Elle  avait  des  ramifications  et  des 
représentants  dans  presque  toute  l'Europe,  et  tenait  la 
première  place  aux  célèbres  foires  de  Francfort,  voire  même 
sur  le  marché  de  Paris,  grâce  à  ses  charmantes  éditions 
des  pièces  de  Corneille  et'autres  du  théâtre  contemporain, 
ainsi  que  des  principaux  monuments  de  la  littérature  fran- 
çaise. Durant  leur  association,  Bonaventure  et  Abraham 
éditèrent  plus  de  cinq  cents  ouvrages,  auxquels  des  savants 
d'élite  ont  souvent  apporté  leurs  soins.  Abraham  fut  le  plus 


ELZEVIER  —  ÉMAIL 


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habile  des  quatre  typographes  qui  ont  illustré  le  nom  des 
Elzevier,  et  à  sa  mort,  l'Académie  de  Leyde,  par  une  faveur 
exceptionnelle,  fit  frapper  une  médaille  en  son  honneur. 

Jean,  fils  aîné  d'Abraham  (né  à  Leyde  fin  févr.  1622, 
mort  à  Leyde  le  8  juin  1661),  et  Daniel,  fils  aîné  de 
Bonaventure,  succédèrent  aux  précédents.  L'un  et  l'autre 
avaient  séjourné  à  Paris  pendant  deux  ans.  Très  au  fait  du 
commerce  des  livres,  ils  surent  d'abord  maintenir  leur 
maison  à  la  hauteur  de  sa  réputation  ;  mais,  au  bout  de 
deux  ans,  Daniel  se  retira  de  l'association  pour  en  con- 
tracter une  avec  son  cousin  Louis,  établi  à  Amsterdam.  Ce 
fut  le  coup  fatal  pour  la  maison  de  Leyde.  Jean,  par  manque 
d'initiative  et  de  résolution,  se  trouva  au-dessous  de  sa 
tâche.  A  plusieurs  reprises,  il  solda  des  lots  de  livres,  et 
sa  veuve  finit  de  liquider  sa  librairie.  L'imprimerie  passa 
en  4681  entre  les  mains  de  leur  fils  Abraham  (né  à 
Leyde  le  5  avr.  16S3,  mort  à  Leyde  le  30  juil.  1712),  et 
ce  célèbre  établissement  tomba  alors  dans  une  décadence 
complète.  Le  matériel,  vendu  après  son  décès,  ne  produisit 
qu'une  somme  de  2,000  florins,  vu  son  état  de  vétusté  et 
de  délabrement. 

Louis  (né  à  Utrecht  en  1604,  mort  à  Leyde  en  juin  1670), 
fils  aîné  de  Josse,  fut  tout  d'abord  chargé  de  représenter  à 
l'étranger  la  maison  elzévirienne  de  Leyde,  de  sorte  qu'il 
parcourait  l'Europe  en  courtier  en  librairie.  jPuis  il  se  fixa 
à  Amsterdam.  Devenu  bourgeois  de  cette  ville  le  3  déc. 
1637,  il  se  fit  recevoir  libraire  en  février  suivant.  Dès  la 
fin  de  1640,  il  possédait  une  imprimerie.  Instruit,  aimable 
et  d'un  esprit  libéral,  il  se  créa  de  puissantes  relations. 
Descartes  lui  confia  l'impression  de  tous  ses  ouvrages  ;  les 
jansénistes  français  recouraient  à  ses  presses.  Ne  pouvant 
pas  suffire  à  tout,  il  faisait  imprimer  beaucoup  pour  son 
compte  par  d'autres  typographes,  surtout  par  Hackius.  Sa 
maison  égala  rapidement  en  importance  celle  de  Leyde. 
De  1640  au  l^''  mai  1655,  il  publia  plus  de  deux  cents 
ouvrages.  A  cette  dernière  date,  il  prit  pour  associé  son 
cousin  germain,  Daniel,  fils  de  Bonaventure,  de  vingt-deux 
ans  plus  jeune  que  lui.  Ensemble,  ils  éditèrent  encore  cent 
cinquante  ouvrages.  Parmi  eux,  nous  citerons  à  titre  de 
curiosité,  le  ïannenu  Pastissier  français  (1655,  pet.  in-12), 
volume  dépourvu  aujourd'hui  de  tout  intérêt,  mais  que  les 
bibliomanes  ont  poussé  à  des  prix  absurdes  :  un  exem-- 
plaire  broché  et  non  rogné  de  ce  petit  bouquin  a  été  payé 
10,000  fr.  en  1878.  Louis  Elzevier,  qui  était  céliba- 
taire, se  retira  des  afi'aires  en  1664,  laissant  sa  maison 
à  son  jeune  associé. 

Daniel  (né  à  Leyde  en  août  1626,  mort  à  's  Grave- 
land,  près  d'Amsterdam,  le  13  oct.  1680),  fils  aîné  de 
Bonaventure,  fut  d'abord,  comme  nous  l'avons  dit,  associé 
avec  son  cousin  Jean  pour  l'exploitation  de  l'établissement 
de  Leyde.  D'un  esprit  supérieur,  il  ne  s'y  sentit  pas  à 
l'aise  en  raison  de  la  médiocrité  de  son  collaborateur,  qu'il 
quitta  au  bout  de  deux  ans  pour  entrer  en  association  avec 
son  cousin  germain,  le  fondateur  intelligent  de  la  maison 
elzévirienne  d'Amsterdam.  A  partir  du  l®*"  mai  1664,  il  se 
trouva  seul  à  la  tête  de  cet  important  établissement  et  il  se 
montra  apte  à  accomplir  une  tâche  aussi  considérable.  Son 
conseiller  et  guide  littéraire  fut  Nicolas  Heinsius,  fils  de 
Daniel.  De  1669  à  1676,  il  eut  pour  collaborateur  tech- 
nique l'habile  Henri  Wetstein.  Il  publia  environ  deux  cent 
soixante  ouvrages,  parmi  lesquels  prédominent  les  livres 
français,  entre  autres  les  pièces  de  Molière,  treize  volumes 
pour  la  défense  de  Fouquet,  etc.  Daniel  Elzevier  fut  uni- 
versellement regretté.  «  Sa  mort  est  une  perte  publique  », 
a  écrit  le  philosophe  Locke.  En  effet,  avec  lui  disparut  le 
dernier  grand  typographe  néerlandais.  Sa  veuve  continua 
la  maison  jusqu'à  son  décès  (mars  1681),  puis  on  liquida 
eur  fonds.  Il  ne  restait  plus  alors  des  Elzevier  qu'Abraham 
qui  végétait  à  Leyde,  se  bornant  à  imprimer,  et  fort  mal, 
les  thèses  universitaires. 

L'ensemble  des  publications  des  Elzevier  dépasse  seize 
cents  ouvrages.  Leur  vogue  continue  engendra  une  foule  de 
contrefaçons,  souvent  très  trompeuses.  On  distingue  celles-ci 


des  originaux  parla  comparaison  des  caractères,  des  lettres 
grises,  des  fleurons  et  autres  ornements  typographiques. 

G.  Pawlowski. 

BiBL.:  Alphonse  Willems,  les  Elzevier.  Histoire  et  an- 
nales typographiques;  Bruxelles,  ISSO,  gr.  in-8.  Cet  ou- 
vrage magistral  annule  tous  les  travaux  antérieurs  sur 
ce  sujet, 

ELZHEIMER  (Adam),  peintre  allemand  (V.  Elsheimer). 

É  M  A C  i  AT 1 0  N  (Méd .  ) .  Amaigrissement  général  progressif 
qui  se  termine  habituellement  par  le  marasme,  et  qui  est 
le  résultat  de  la  diminution  de  volume  ou  de  la  fonte  des 
parties  molles,  adipeuses,  charnues;  l'émaciation peut  être 
la  conséquence  d'un  trouble  général  de  la  nutrition  (ina- 
nition, cachexies,  etc.),  ou  ne  porter  que  sur  un  système, 
sur  les  muscles  par  exemple  (atrophies  musculaires).  Toutes 
les  affections  qui  entravent  les  fonctions  gastro-intestinales 
amènent  l'émaciation  par  nutrition  insuffisante,  le  diabète 
par  dénutrition  exagérée,  etc.  ;  l'amaigrissement  est  égale- 
ment très  rapide  dans  la  tuberculose  et  le  cancer,  dans  les 
cachexies,  etc.  La  vieillesse,  enfin,  peut  déterminer  cet  état 
d'amaigrissement  extrême.  D'^  L.  Hn. 

ÉMÂ6NY.  Com.  du  dép.  du  Doubs,  arr.  de  Besançon, 
cant.  d'Audeux;  240  hab. 

ÉMAIL.  I.  Céramique.  —  (En  hébreu  Hachs  mal  (?), 
en  chaldéen  Eraa  (?),  en  allemand  Schmelzen,  en  anglo- 
saxon  Smaltan).  Substance  pulvérulente,  finement  broyée, 
vitrifiable  au  feu  sous  une  température  élevée,  renfer- 
mant des  oxydes  métalliques  destinés  à  la  colorer,  qui,  en 
s'incorporant  à  la  matière  qu'elle  recouvre,  la  décore,  tout 
en  la  protégeant,  de  couleurs  brillantes,  inattaquables  à 
l'air  et  à  l'humidité.  On  l'emploie  soit  à  l'état  de  suspen- 
sion dans  l'eau,  dans  un  bain  où  l'on  plonge  les  objets  à 
émailler,  soit  à  l'état  pâteux,  en  la  déposant  au  pinceau 
ou  à  la  curette  à  l'endroit  même  que  l'émail  doit  occuper. 
La  première  méthode  est  principalement  usitée  pour  les 
terres  cuites  (V.  Céramique),  la  seconde  pour  les  mé- 
taux. Dans  la  pratique,  le  terme  émail  et  surtout  le 
pluriel  émaux  s'est  trouvé  en  quelque  sorte  réservé  pour 
désigner  les  émaux  sur  métaux.  Cependant,  il  ne  faut  pas 
néghger  de  faire  remarquer  que  les  Chinois  et  les  Japonais 
ont  fait  de  véritables  émaux  cloisonnés  sur  porcelaine; 
mais  cet  art  ne  date  que  de  1870.  L'histoire  de  l'émail- 
lerie  est  des  plus  obscures  :  on  ignore  à  quelle  époque  en 
remontent  les  premières  apphcations  ;  les  découvertes  de 
M.  Dieulafoy,  en  Susiane  (V.  Céramique),  sont  venues  jeter 
quelque  lumière  sur  la  question,  en  nous  révélant  les  admi- 
rables produits  des  émailleurs  orientaux  du  vin®  siècle 
av.  J.-C.  Lorsque  ensuite  on  peut  admirer  les  merveilleuses 
verreries  de  l'antiquité,  on  est  en  droit  de  se  demander  si 
les  origines  de  Fémaillerie  et  celles  de  la  verrerie  ne  seraient 
pas  en  quelque  sorte  contemporaines,  d'autant  que  dès  les 
temps  les  plus  reculés,  alors  que  les  Bomains  et  les  Grecs 
ignoraient  complètement  l'usage  des  émaux,  les  barbares, 
au  dire  de  Philostrate  (m®  siècle  av.  J.-C),  sur  les  bords 
de  l'océan  Atlantique,  connaissaient,  comme  les  peuples 
du  centre  de  l'Asie,  l'art  de  couvrir  d'émaux  des  morceaux 
d'airain  incandescent.  Mais  la  lacune  entre  les  briques 
émaillées  de  Suse  et  les  plus  anciens  émaux  du  moyen  âge 
est  encore  pour  nous  impossible  à  combler.  L'Egypte  et  ses 
tombeaux  ne  nous  ont  rien  appris,  et  nous  devons  nous 
borner  à  constater  la  splendeur  des  émaux  asiatiques,  sans 
tenter  d'en  reconstituer  l'histoire  ou  de  rechercher  ses 
influences  sur  les  émaux  occidentaux. 

Avant  de  parcourir  les  diverses  étapes  de  l'art  de  l'émail- 
lerie,  il  est  indispensable  d'en  étudier  la  technique  et 
d'établir  les  divisions  dans  lesquelles  doivent  être  classées 
les  différentes  sortes  d'émaux.  Les  émaux  sont  cloisonnés, 
champlevés,  translucides  ou  peints.  Les  émaux  cloi- 
sonnés  sont  retenus  dans  de  petites  cellules  faites  géné- 
ralement d'un  mince  fil  d'or  étiré,  avec  lequel  l'artiste 
forme  les  lignes  d'un  dessin  qu'on  applique  sur  la  plaque 
à  émailler  :  les  cellules  sont  remplies,  à  la  curette,  d'émaux 
de  différentes  couleurs  ;  la  fusion  des  émaux  les  fait  adhérer 
au  fond  et  suffit  pour  retenir  la  plupart  du  temps  le  fil 


-  873  - 


EMAIL 


Email  byzantin  (mixte). 


emprisonné  par  la  matière  même  qu'il  est  chargé  de  con- 
tenir. Les  émaux  champlevés  sont  généralement  sur 
cuivre  rouge.  Comme  l'indique  leur  nom,  l'ouvrier,  après 
avoir  tracé  son  dessin,  enlève  le  champ  (champ  levé) 
du  dessin  qu'il  veut  remplir  d'émail  :  tantôt  le  sujet  est 
réservé  en  cuivre  pour  être  gravé  au  burin  après  la  cuisson 
(V.  ce  mot),  ce  sont  les  champlevés  en  réserve  ;  tantôt  le 
sujet  est  au  contraire  creusé,  tandis  que  le  fond  reste  de 
cuivre,  et  alors  l'ouvrier  épargiie  dans  les  personnages 
de  menues  bandes  de  cuivre  imitant  le  fil  d'or  du  cloisonné, 
ce  sont  les  champlevés  en  taille  d'épargne.  Quelquefois 
l'artiste  en  creusant  le  sujet  n'a  pas  épargné  les  petites 

lignes  de  cuivre;  il 
les  remplace  alors  par 
un  fil  d'or  qui  trace 
les  lignes  du  dessin  : 
c'est  un  cloisonné 
dans  un  champlevé; 
rémail  est  alors  ap- 
pelé mixte.  Les 
émaux  translucides, 
mal  à  propos  appelés 
di  basso  relievo,  de 
basse  taille,  parce 
qu'on  les  trouve  fort 
souvent  sur  de  petits 
bas-reliefs  de  métal 
ainsi  revêtus  de  cou- 
leurs éclatantes, 
étaient  employés  à 
décorer  de  fines  pla- 
ques gravées ,  dont 
la  délicatesse  du  des- 
sin apparaît  à  tra- 
vers l'émail.  On  rend 
chatoyantes  certaines 
j)arties  d'émail,  en  mettant  au-dessous  d'elles  une  mince 
feuille  d'or  légèrement  ondulée  :  ce  sont  là  les  émaux  sur 
paillons.  Enfin  les  émaux  peints  sont  ceux  qui,  comme  un 
tableau,  reproduisent  par  des  tons  dégradés,  sans  aucune 
ligne  de  cuivre  interposée,  un  sujet  au  naturel.  Les 
émaux  de  plite  ou  de  plicque  ne  doivent  pas  entrer  dans 
la  classification  des  émaux  ;  malgré  les  recherches  pénibles 
de  certains  archéologues,  M.  de  Laborde,  en  leur  restituant 
leur  véritable  nom  d'émaux  d'applique,  a  définitivement 
tranché  la  question.  Les  nombreuses  citations  d'inventaires 
qu'on  pourrait  faire  prouvent  d'une  façon  évidente  que  le 
nom  de  plite  n'a  aucun  rapport  avec  la  technique  des 
émaux,  mais  qu'ils  sont  simplement  appliqués  sur  les 
pièces  qu'ils  décorent.  Les  émaux  de  la  châsse  de  Sion, 
cloisonnés,  sont  émaux  appliqués  comme  aussi  les  émaux 
champlevés  du  calice  de  Reims,  du  coffret  de  saint  Louis, 
comme  encore  les  émaux  translucides  d'une  foule  de  calices 
du  xv^  siècle,  qui  n'appartiennent  pas  à  la  pièce  même,  mais 
font  partie  d'une  ornementation  rapportée  par  l'orfèvre. 

Nous  ne  connaissons  de  l'émaillerie  gauloise  que  quelques 
pièces;  l'histoire  des  Chinois,  ces  maîtres  de  l'art  du  feu, 
chez  lesquels  nous  retrouvons  des  émaux  cloisonnés  de  même 
technique  que  ceux  des  Byzantins,  ne  nous  en  apprend 
pas  les  origines  :  ce  sont  donc  les  Byzantins  qui  renouent 
pour  nous  îa  tradition  d'un  art  si  brusquement  interrompu. 
Les  émaux  du  moyen  âge  peuvent  se  séparer  très  nette- 
ment en  trois  écoles  :  byzantine,  du  Nord  (comprenant  les 
écoles  du  Rhin  et  de  la  Meuse)  et  limousine.  Les  limites 
des  écoles  du  Nord  et  du  Limousin  sont  impossibles  à 
fixer,  parce  qu'au  moyen  âge  les  ateliers  conventuels, 
même  fort  éloignés,  se  rattachent  à  l'un  ou  à  l'autre, 
suivant  le  sentiment  des  artistes  et  les  voyages  des  religieux. 
Les  émailleurs  byzantins  semblent  marcher  parallèlement 
avec  les  mosaïstes  :  il  ne  faut  pas  négliger  en  effet  de  rap- 
procher des  mosaïques  byzantines  portatives  dont  M.  Eug. 
Miintz  a  fait  si  intelligemment  le  catalogue,  des  petits 
émaux  cloisonnés  d'or  que  Byzance  nous  a  légués.  Les  émaux 


de  cette  école  sont  assez  difficiles  à  classer  ;  les  reproductions 
qu'en  a  données  M.  G.  Schlumberger,  dans  Un  Empereur 
byzantin  au  x«  siècle,  permettent,  par  les  dates  précises 
qui  les  accompagnent,  de  commencer  un  classement,  impos- 
sible jusqu'ici.  La  disposition  des  fils  du  filigrane  dans  les 
personnages  paraît  être  une  base  assez  certaine  ;  tandis  que 
les  plus  anciens  émaux,  ceux  dux«  siècle,  présentent  dans 
les  vêtements  de  longues  lignes  droites  qui  rappellent  les  plis 
des  vêtements  des  statues  du  xii«  siècle  occidental,  ceux  du 
xi^  ont  déjà  des  inflexions  très  accentuées,  qui,  à  la  fin, 
ont  les  circonvolutions  des  vêtements  des  statues  du  xiv®  et 
du  xv^  siècle  français.  On  a  voulu  attribuer  certains  émaux 
au  viii^  siècle  byzantin;  jusqu'à  présent  rien  n'est  venu 
confirmer  cette  hypothèse. 

L'orfèvrerie  mérovingienne,  avec  ses  incrustations  de 
verroteries  rouges,  avec  ses  fibules  d'émaux  cloisonnés, 
que  l'examen  le  plus  attentif  peut  à  peine  faire  distinguer 
de  l'incrustation,  montre  le  lien  étroit  qui  unit  la  mosaïque 
et  l'émaillerie.  Ce  sera  toujours  là  que  viendront  se  heur- 
ter forcément  les  archéologues  qui  étudieront  l'œuvre 
de  saint  Eloi.  Fut-il  émailleur,  se  borna-t-il  à  incruster 
de  grenats,  de  pierreries,  d'émaux  même  taillés,  les  riches 
pièces  d'orfèvrerie  qui  sortirent  de  ses  mains  ?  Les  simples 
dessins  qui  nous  restent  de  ses  œuvres  ne  parviendront 
pas  à  trancher  la  question. 

Le  reliquaire  du  bâton  de  Saint-Pierre  de  Trêves,  garni 
d'émaux  cloisonnés,  exécutés  en  980,  est  une  des  plus 
anciennes  pièces  de  l'école  rhénane  ;  elle  montre  l'influence 
byzantine  sur  les  premiers  essais  de  l'art  de  l'émaillerie 
importée  en  Allemagne  par  l'impératrice  Théophanie  :  au 
XI®  siècle,  ont  lieu 'les  premiers  essais  de  champlevage. 
Ce  n'est  qu'un  peu  plus  tard  que  Limoges  ouvre  ses  ate- 
liers, sans  que  nous  puissions  connaître  exactement  l'ori- 
gine de  ses  manufactures.  Faut-il  les  attribuer  à  la  venue 
des  Vénitiens  établis  dès  le  x«  siècle,  à  Limoges,  avec  le 
doge  Orseolo,  qui  auraient  apporté  avec  eux  les  procédés  des 
Byzantins  avec  lesquels  ils  étaient  en  rapports  continuels  ? 
Ce  qu'on  doit  en  tous  cas  constater,  c'est  que  les  produits  de 
l'école  limousine  se  présentent  immédiatement  tels  qu'ils 
seront  plus  tard,  sans  trace  d'influence  étrangère.  Dès  les 
plus  anciens  émaux,  on  peut  les  distinguer  des  émaux  du 
Rhin,  de  Cologne,  de  Verdun,  de  Liège.  Chacun  d'eux,  en 
effet,  a  sa  technique  générale  particulière,  ses  couleurs  de 
prédilection.  M.  Darcel  a  ainsi  caractérisé  les  deux  écoles  : 
«  Partout  où  un  émail  fera  montre  d'érudition,  on  peut 
être  certain  qu'on  a  affaire  à  une  œuvre  de  Cologne  ou  de 
Verdun.  Les  émailleurs  de  Limoges  enluminent  vivement 
leurs  sujets,  les  émailleurs  allemands  procèdent  par  tons 
rompus  et  adoptent  la  tonalité  verte.  La  gamme  décrois- 
sante ues  tons  juxtaposés  dont  on  se  sert  pour  nuancer  les 
draperies  sera  en  France  une  trace  de  rouge,  de  bleu  lapis, 
de  bleu  clair  et  de  blanc  ;  en  Allemagne,  ce  sont  le  bleu 
lapis,  le  bleu  turquoise,  le  vert  et  le  jaune.  »  Mais,  si  la 
remarque  est  vraie  en  thèse  générale,  elle  ne  peut  évidem- 
ment s'appliquer  aux  œuvres  des  ateliers  conventuels,  les 
frères  artistes  du  centre  delà  France,  de  Moissac,  de  Grand- 
mont  étant  certainement  aussi  érudits  que  ceux  des  bords 
du  Rhin.  La  couleur  et  l'aspect  général  sont,  dans  ce  cas, 
bien  plus  à  consulter;  et  encore  une  petite  châsse  dii 
musée  du  Puy,  certainement  de  l'école  limousine,  mais  qui 
a  tous  les  caractères  des  produits  rhénans,  montre  com- 
bien la  classification  est  difficile  à  déterminer. 

Les  ateliers  de  Limoges  acquirent  rapidement  une  ré- 
putation européenne  :  la  prise  de  Constantinople,  en  1204, 
jeta  dans  le  monde  chrétien  nombre  de  reliques  qu'il  fallut 
habiller  :  les  émaux  de  Limoges  se  ressentirent  de  cet 
excès  de  demandes.  On  voit  alors  une  foule  de  pièces  de 
pacotille;  on  ne  doit  pas  juger  Limoges  d'après  elles.  Pour 
comparer  l'art  limousin  et  l'art  du  Nord,  il  faut  mettre  en 
présence  l'Eilbertus  de  Cologne,  du  trésor  du  roi  de  Ha- 
novre, et  le  triptyque  de  Chartres,  l'émail  de  Geoffroy 
Plantagenet,  du  Mans,  et  les  châsses  de  Cologne  et  de 
Maestricht.   Il  faut  juger  les   écoles  rivales   par  leurs 


ÉMAIL 


—  874 


chefs-d'œuvre  et  non  par  les  objets  courants.  C'est  prin- 
cipalement dans  l'école  rhénane  que  nous  trouvons  les 
émaux  mixtes  ;  les  émaux  en  taille  d'épargne  y  sont  aussi 
plus  communs  que  les  champlevés  en  réserve,  auxquels 
l'école  limousine  semble  s'être  appliquée  principalement. 
L'émaillerie  champlevée  brille  de  son  plus  vif  éclat  au 
XTi^  et  au  xiii^  siècle  ;  elle  ne  se  contente  pas  de  produire 
des  crosses,  des  reliquaires,  des  bijoux,  mais  il  sort  des 
mains  des  émailleurs  de  grandes  plaques  tombales,  comme 
celles  dont  Gaignières  nous  a  conservé  le  souvenir  et  dont 
la  tombe  des  enfants  de  saint  Louis,  à  Saint-Denis,  est  un 
des  rares  spécimens  qui  nous  restent  aujourd'hui.  Elle  va 
disparaître  totalement  devant  les  émmix  feints  qui  font 
leur  apparition  à  la  fin  du  xv^  siècle.  Peu  de  noms  d'ar- 
tistes de  cette  époque  sont  parvenus  jusqu'à  nous  ;  ils  méri- 
tent d'être  mentionnés  :  G.  Alpais  ou  encore  Galpais, 


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Email    rhénan,  champlové   en   taille    d'épargne.   Dessus 
de  Fautel  de  TEilbertus  des  rois  de  Hanovre. 


de  Limoges,  Eilbertus,  de  Cologne,  Garnerius,  Guina- 
mundus,  moine,  Jean,  de  Limoges,  Nicolas,  de  Verdun, 
Reginaldus,  moine,  Wilielmus,  moine.  Vémail  des  mer- 
ciers était  une  simple  imitation  des  émaux  champlevés, 
dans  lesquels  les  cellules  du  champlevage  étaient  remplies 
d'un  mastic  coloré.  Les  émaux  translucides  qui  appa- 
raissent à  la  fin  du  xin®  siècle  semblent  servir  de  transi- 
tion entre  les  émaux  champlevés  et  les  émaux  peints.  Un 
des  plus  anciens  spécimens  de  ces  émaux  est  certainement 
le  calice  donné  par  le  pape  Nicolas  IV  au  couvent  d'Assise 
(1290),  puis  vient  l'autel  d'argent  de  Saint-Jacques  de 
Pistoie,  auquel  travailla,  avant  1346,  Ognabene  (Andréa 
di  Puccio);  le  musée  de  Copenhague  possède  une  pièce 
datée  de  1333  ;  vers  1350,  l'emploi  en  devient  commun 
en  Italie,  en  France  et  en  Allemagne;  au  xvi^  siècle,  Ben- 
venuto  Cellini  les  employait  pour  décorer  ses  fines  pièces 
d'orfèvrerie.  Mais  très  probablement,  le  plus  ancien  émail 
translucide  qui  nous  soit  parvenu  est  la  double  agrafe 
byzantine  d'émaux  translucides,  cependant  cloisonnés  d'or 
encore,  que  Gautier  de  Trainel  rapporta  de  Constantinople 
en  1204,  et  que  nous  pouvons  admirer  aujourd'hui  au 
trésor  de  la  cathédrale  de  Troyes. 

Limoges  ne  devait  pas  perdre  ses  droits.  A  la  fin  du 
XV®  siècle,  avec  les  Pénicaud,  les  émaux  peints  font  leur 
apparition  :  conçu  d'abord  dans  le  style  des  imagiers, 
l'art  de  l'émaillerie  peinte  ne  tarda  pas  à  subir  une  trans- 
formation complète  :  il  passe  brusquement  des  scènes  go- 
thiques  aux  copies  des  plus  célèbres  maîtres  itahens;  sans 
aucune  transition  apparente ,  Jean  II  Pénicaud ,  unique- 
ment inspiré  par  l'art  italien,  succède  à  Nardon  Pénicaud 
et  à  Jean  P^  Pénicaud,  restés  absolument  Français.  La 
liste  des  émailleurs  limousins  est  longue  :  Léonard  Limosin 
est  un  de  ceux  qui  tiennent  la  première  place  dans  la 
pléiade  des  artistes  de  la  Renaissance.  Les  familles  forment 
de  véritables  dynasties  :  les  Pénicaud  vont  du  xv^  au 
xvii®  siècle,  les  Reymond,  les  Court,  les  Courteys  du 
xvi*^  au  xvn®  siècle,  les  Laudin  du  xvi®  au  xviii®  siècle, 
les  Nouailhé,  enfin,  du  xvi^  au  xix^  siècle.  Cet  art  charmant 
n'a  donc  jamais  été  abandonné.  Sous  Louis  XIV,  Petitot 


Vase  américain  en  émail  cloisonné, 
de  Tiffany,  de  New- York. 


fut  célèbre  par  ses  portraits  émaillés;  de  nos  jours,  enfin, 
MM.  Claudius  Popelin  et  A.  Meyer  ont  obtenu  des  résul- 
tats dignes  de  ri- 
valiser avec  les 
plus  fines  pro- 
ductions de  Li- 
moges du  xvi^ 
siècle. 

Les  émaux 
champlevés,  cloi- 
sonnés ou  mixtes 
sur  métaux  pré- 
cieux semblent 
aujourd'hui  reve- 
nir à  la  mode,  et 
si  pendant  de 
longues  années 
la  France  s'est 
contentée  de  co- 
pier les  cloi- 
sonnés chinois , 
l'Amérique  à 
l'Exposition  de 
1889  avait  les 
émaux  extraordi- 
naires de  Tiffany, 
de  New -York, 
qui,  dans  une  donnée  absolument  nouvelle,  montrent  de 
quelles  combinaisons  artistiques  sont  capables  les  artistes 
qui  savent  mêler  heureusement  le  cloisonné  et  le  champ- 
levé.  F-  i>E  Mély. 

Email  noir  (V.  Nlelle). 

IL  Chimie  industrielle.  —  L'émail  qui  primitivement 
devait  être  surtout  employé  pour  préserver  la  terre  et 
les  métaux  de  l'action  destructive  des  agents  atmosphé- 
riques, est  plutôt  utilisé  maintenant  pour  la  décoration  des 
poteries,  du  verre  et  des  métaux.  En  principe,  quelle  que 
soit  la  nature  de  l'excipient  sur  lequel  il  est  appliqué,  il 
faut  que  l'émail  soit  assez  fusible  pour  fondre  et  faire  corps 
avec  son  support,  à  une  température  que  celui-ci  puisse 
supporter  sans  altération.  Il  faut,  en  outre,  qu'il  y  ait 
entre  eux  comme  une  sorte  d'affinité  chimique  et  physique, 
que  leurs  coetticients  de  dilatation  soient  assez  voisins  pour 
que  l'émail  ne  se  sépare  pas  de  son  support  sous  l'influence 
des  changements  de  température.  Salvetat,  à  qui  l'on  doit 
de  remarquables  éludes  sur  la  composition  des  émaux,  les 
distingue  en  transémaux  ou  émaux  transparents  et  en 
opérnaux  ou  émaux  opaques.  Ces  émaux  peuvent  être 
considérés  comme  des  cristaux,  en  général  assez  fusibles, 
le  plus  souvent  colorés  par  une  quantité  extrêmement  faible 
d'oxyde  métallique  dissous  dans  la  masse,  de  façon  à  for- 
mer un  tout  parfaitement  homogène.  Les  opérnaux  sont 
de  même  nature  que  les  transémaux,  mais  sont  opacifiés 
par  une  substance  plus  réfractaire  qui  reste  en  suspension 
dans  le  cristal.  Sous  le  nom  de  ;?aréfm«w^,  Salvetat  désigne 
toute  substance  vitrifiable,  non  homogène,  formée  de  sub- 
stances fusibles  habituellement  colorées  par  un  oxyde  mé- 
tallique qui,  n'étant  pas  dissous  dans  la  masse,  mais  bien 
en  suspension,  doit,  pour  lui  communiquer  une  coloration, 
être  employé  en  forte  proportion. 

Métaux  émaillés.  Les  émaux  destinés  à  être  appliqués 
sur  les  métaux  doivent  avant  tout  parfaitement  adhérer 
ou  gripper  ;  il  faut,  en  outre,  qu'ils  soient  plus  fusibles  non 
seulement  que  le  métal,  mais  encore  que  sa  soudure.  L'or, 
l'argent  et  quelquefois  le  cuivre  sont  émaillés  dans  un  but 
purement  décoratif  ;  au  contraire,  remaillage  du  fer  et  de 
la  fonte  a  surtout  pour  objet  de  les  préserver  de  l'action 
des  agents  atmosphériques  ou  de  les  rendre  propres  à  des 
usages  domestiques.  L'or  destiné  à  l'émaillage  doit  être  au 
titre  de  onze  douzièmes,  c.-à-d.  renfermer  917  7oo  <l'or 
fin.  L'alliage  le  plus  employé  est  formé  de  22  p.  d'or  pour 
1  de  cuivre  et  1  d'argent.  L'or  d'un  titre  moins  élevé  est 
trop  fusible  ;  plus  fin  il  est  trop  mou.  L'argent  pur  supporte 


—  875  — 


ÉMAIL 


difficilement  remaillage  :  le  métal  se  voile  et  l'émail  ,se 
charge  de  bulles.  Les'  Orientaux  sont  cependant  parvenus 
à  vaincre  ces  difficultés,  et  Ton  possède  des  pièces  d'argent 
cloisonnées  dans  lesquelles  l'art  ne  le  cède  en  rien  à  la 
technique.  Il  est  le  plus  souvent  nécessaire,  surtout  cfuand 
les  plaques  à  émailler  sont  minces  et  de  grandes  dimen- 
sions, de  les  recouvrir  sur  le  verso  d'une  couche  d'émail  ; 
cette  opération,  ou  contre-émaillage,  évite  les  déformations 
qui  se  produiraient  pendant  le  refroidissement  et  pourraient 
entraîner  le  fendillement  de  l'émail.  Le  plus  simple  des 
émaux  opaques  est  à  base  de  calcine  ou  stannate  de  plomb. 
C'est  avec  lui  que  sont  faits  tous  les  émaux  opaques  colorés. 
Suivant  l'opacité  que  l'on  désire,  la  calcine  varie  de  com- 
position; le  plus  souvent,  on  prend,  pour  100  p.  de  plomb, 
22,  25  ou  30  p.  d'étain. 

L'émail  blanc  opaque  se  fait  habituellement  en  prenant, 
pour  20  p.  de  calcine,  10  p.  de  sable  siliceux  et  8  p.  de 
carbonate  de  potasse  ;  le  mélange  est  chauffé  jusqu'à  com- 
mencement de  fusion,  puis  finement  broyé  à  l'eau.  Le  car- 
bonate de  potasse  est  dans  certains  cas  remplacé  par  le 
carbonate  de  soude;  de  même  l'oxyde  d'élain  est  quelque- 
fois remplacé  comme  opacifiant  par  l'oxyde  d'antimoine  ; 
il  devient  alors  nécessaire  d'exclure  le  plomb  de  la  compo- 
sition. Pour  obtenir  un  émail  opaque  parfaitement  blanc,  il 
est  nécessaire  de  fondre  la  fritte  ci-dessus  avec  une  petite 
quantité  de  bioxyde  de  manganèse.  Les  oxydes  les  plus 
employés  dans  la  préparation  des  émaux  opaques  colorés 
sont  :  l'oxyde  de  cobalt  pour  les  bleus;  l'oxyde  d'antimoine 
pour  les  jaunes  ;  l'oxyde  de  chrome,  le  bioxyde  de  cuivre 
avec  ou  sans  oxyde  de  fer  pour  les  verts  ;  le  pourpre  de 
Cassius  ou  l'oxyde  de  cuivre  pour  les  rouges;  le  mélange  des 
oxydes  de  fer  et  de  manganèse  pour  les  noirs,  dont  on 
augmente  l'éclat  par  l'addition  d'oxyde  de  cobalt  ;  l'oxyde 
de  manganèse  pour  les  violets.  Les  émaux  opaques  sont 
surtout  utilisés  dans  la  fabrication  des  champlevés  et  des 
cloisonnés.  Dans  ces  deux  procédés,  la  décoration  se  fait 
par  teintes  plates;  l'émail  délayé  dans  l'eau  est  appliqué  à 
l'aide  de  spatules  dans  les  creux  faits  au  burin  sur  les  pièces 
champlevées  ou  entre  les  cloisons  posées  de  champ  sur  la 
surface  des  objets  cloisonnés.  Malgré  les  efforts  de  quelques 
fabricants  français,  Tindustrie  des  émaux  cloisonnés  ne 
s'est  pas  développée  dans  notre  pays;  nous  ne  voyons  guère 
que  M.  Barbedienne  dont  les  productions  puissent  être 
compai'ées  aux  cloisonnés  orientaux.  Après  avoir  constaté 
notre  infériorité  sous  ce  rapport,  il  est  peut-être  intéressant 
de  signaler  l'opinion  de  quelques  auteurs,  celle  de  M.  Pa- 
léologue,  entre  autres,  qui  attribuent  aux  émaux  cloisonnés 
une  origine  européenne.  Un  de  leurs  principaux  arguments 
est  tiré  du  nom  de  Fa-lan  (émail  franc)  par  lequel  les 
Chinois  désignent  les  cloisonnés  ;  or  il  est  étabU  que  ce 
peuple  appelait  indistinctement  du  nom  de  Francs  tous  les 
Occidentaux.  On  prétend  que  c'est  l'importation,  vers  le 
xiii^  siècle,  d'émaux  champlevés  d'origine  byzantine  qui 
auraient  conduit  les  Chinois  à  la  fabrication  des  émaux 
cloisonnés.  Quoi  qu'il  en  soit,  cette  industrie  atteignit  son 
apogée  sous  l'empereur  Kang-hi  de  la  dynastie  des  Tsing 
(1662-1722);  elle  florissait  encore  à  la  fin  du  règne  de 
Kien-loung  (1736-1796),  mais  est  tombée  depuis  en  déca- 
dence. 

La  fabrication  des  émaux  cloisonnés  a  pris  de  nos  jours 
une  énorme  extension,  tant  en  Chine  qu'au  Japon,  mais 
nous  devons  constater  que  si  les  cloisonnés  orientaux  sont 
encore  d'une  exécution  parfaite  au  point  de  vue  tech- 
nique, ils  ont  néanmoins  beaucoup  perdu  au  point  de  vue 
artistiqu'î.  Nous  assistons  à  la  décadence  d'un  art  qui,  pour 
satisfaire  aux  exigences  sans  cesse  croissantes  du  coiiiuierce, 
s'est  trantormé  en  métier.  Dès  le  début,  les  Chinois  ne 
possédaient  qu'une  palette  assez  pauvre;  les  cloisonnés  du 
commencement  du  xv''  siècle,  sous  la  dynastie  des  Ming, 
sont  en  général  de  couleur  éteinte;  les  nuances  les  plus 
répandues  sont  le  bleu  sombre,  les  jaunes  profonds,  le  violet 
pensée,  les  blancs  troubles  et  mats.  Leur  palette  s'est  en- 
suite enrichie,  et  les  émaux  qu'ils  emploient  aujourd'hui 


possèdent  une  grande  variété  de  nuances  :  le  bleu  est  obtenu 
par  l'oxyde  de  cobalt,  le  rouge  par  l'oxyde  de  cuivre  et  le 
sulfate  d'argent,  le  vert  par  l'oxyde  de  chrome,  le  violet 
par  l'oxyde  de  manganèse,  le  jaune  par  le  chlorure  d'argent, 
le  blanc  d'opale  par  l'oxyde  d'étain,  le  bleu  vif  par  les  oxydes 
d'étain  et  de  plomb,  le  noir  par  un  mélange  des  oxydes 
donnant  les  bleus,  les  verts  et  les  violets  les  plus  pro- 
fonds. 

Un  autre  procédé  d'émaillage  consiste  à  recouvrir  le 
métal  soit  sur  toute  sa  surface,  soit  seulement  par  place, 
d'une  couche  d'émail  transparent  à  travers  lequel  on  voit 
le  fond  avec  sa  couleur  propre  ou  modifiée  par  la  nuance 
et  l'épaisseur  des  émaux  (émaux  de  basse  taillé).  On  peut 
encore  poser  sur  la  pièce  un  fond  d'émail  opaque  sur  leqiiel 
on  dispose  des  paillons  métalliques  que  l'on  recouvre  ensuite 
d'une  couche  d'émail  transparent.  Les  émaux  transparents 
de  couleur  peuvent  être  presque  tous  obtenus  à  l'aide  d'un 
même  tondant  auquel  on  ajoute  des  quantités  variables 
d'oxydes  suivant  la  nuance.  Les  émaux  peints  se  font  en 
posant  d'abord  sur  le  métal  une  première  couche  d'émail 
opaque  le  plus  souvent  blanc,  noir  ou  gris;  sur  ce  fond, 
on  peint  le  décor  avec  des  couleurs  appropriées.  Suivant 
que  celles-ci  glacent  d'elles-mêmes  ou  ont  besoin  d'être 
recouvertes  d'une  glaçure  transparente ,  on  les  distingue 
en  couleurs  sur  pâte  et  en  couleurs  sous  fondants.  On 
doit  apporter  le  plus  grand  soin  au  choix  des  oxydes 
destinés  à  la  préparation  des  couleurs  sous  fondants;  il 
faut  qu'ils  soient  extrêmement  résistants  au  feu  et  qu'ils 
puissent  tous  supporter  le  même  tondant  et  la  même  gla- 
çure. Il  faut  également  que  le  fondant  de  la  couleur  et  la 
couverte  qui  la  recouvrent  présentent  une  certaine  analogie 
de  composition  afin  de  faire  corps  après  la  fusion.  Dans  ces 
conditions,  la  palette  dont  dispose  le  peintre  émailleur  se 
trouve  assez  restreinte.  Nous  donnons  ci-dessous,  d'après 
Salvetat,  la  composition  d'un  fondant  et  d'une  glaçure  em- 
ployés dans  ce  genre  de  décoration  : 


Sable 

Minium 

Borax  fondu 

Carbonate  de  potasse  à 
d'eau 


50  0/, 


Fondant 

300 
600 
100 

425 


Glaçure 

825 
500 


Les  couleurs  sur  pâte  qui  doivent  posséder  dans  leur 
composition  les  éléments  propres  à  leur  vitrification  sont 
au  contraire  en  nombre  considérable;  tous  les  oxydes 
simples  ou  composés  qui  peuvent  résister  sans  décompo- 
sition à  la  température  de  fusion  du  fondant  sont  employés. 
En  principe,  tous  les  émaux  sont  fondus  au  creuset  avant 
d'être  employés  ;  les  émaux  pour  fond  sont  en  général 
broyés  en  grains,  lavés  à  l'acide  nitrique,  puis  à  l'eau  et 
appliqués  à  la  spatule  ;  les  émaux  pour  peinture  sont  au 
contraire  broyés  très  fins  et  délayés  dans  l'essence  de  téré- 
benthine. Pour  émailler  une  grande  surface,  on  préfère 
habituellement  à  l'emploi  de  la  spatule  celui  du  lamis  qui 
permet  de  couvrir  uniformément  par  saupoudration  des 
plaques  et  des  vases  de  toute  dimension.  11^  est  alors 
quelquefois  nécessaire  d'imprégner  la  pièce  d'une  com- 
position agglutinante  qui  retient  l'émail  et  force  son  adhé- 
rence. C'est  à  M.  Paris  du  Bourget  que  Ton  doit  la  grande 
extension  prise  de  nos  jours  par  cette  industrie.  L'émail 
qui  recouvre  les  poteries  de  fer  destinées  aux  usages  domes- 
tiques ne  doit  pas  renfermer  d'acide  arsénieux  ;  il  ne  doit 
pas  non  plus  être  trop  plombifère,  afin  de  résister  à  l'action 
des  acides  faibles,  du  vinaigre  en  particulier.  M.  Paris  a 
proposé  pour  recouvrir  les  ustensiles  de  cuisine  l'émail 
très  résistant  et  peu  altérable  que  l'on  obtient  par  la  fusion 
des  éléments  suivants  : 

(  Silice Q^ 

Flint  glass  <  Plomb 34 

(  Potasse 9 

Carbonate 20,5 

Acide  borique 12 


ÉMAIL 


—  876  — 


Souvent,  on  recouvre  la  tôle  d'une  première  couche  d'un 
verre  presque  transparent,  peu  fusible,  mais  très  adhérent, 
à  base  de  silice,  soude,  borax  et  kaohn  qui  joue  le  rôle  de 
contre-oxyde  et  sur  lequel  on  applique  un  émail  opaque, 
assez  fusible,  à  base  de  borax  et  de  spath  fluor  ou  de  cryolite. 
On  émaille  habituellement  la  fonte  en  la  recouvrant  d'une 
première  couche  d'émail  opaque  sur  laquelle  on  applique 
ensuite  une  glaçure.  La  préparation  de  l'émail  opaque  ser- 
vant de  fond  ou  assiette  se  fait  en  frittant  un  mélange 
formé  de  : 

Borax 18  kilogr. 

Sable  blanc 9     — 

que  l'on  additionne  quelquefois  d'un  vingtième  d'argile  de 
potier  ou  que  l'on  fait  fondre  avec  d'autres  matières  dans 

les  proportions  suivantes  : 

kilogr. 

Fritte.. 45 

Sable 3,5 

Kaolin 2,25 

Gypse 0,064 

Cet  émail  fondu  et  pulvérisé  est  additionné  de  428  gr. 
de  borax  afin  de  dissoudre  la  petite  quantité  d'oxyde  qui 
aurait  résisté  au  décapage.  Cette  première  couche  d'émail 
qui  est  appliquée  sur  la  pièce  soit  à  la  spatule,  soit  par 
immersion,  est  ensuite  recouverte  par  saupoudration  d'un 
émail  transparent,  incolore,  que  l'on  obtient  par  la  fusion 

de  : 

kilogr. 

Verre  pilé 45 

Sable 48 

Soude  calcinée 7,5 

Borax 42 

Magnésie 0,5 

L'émail  opaque  peut,  avant  de  recevoir  une  glaçure  et 
après  un  premier  passage  au  moufle,  recevoir  une  déco- 
ration qui  se  fait  à  la  main  ou  par  impression  et  est  ensuite 
mise  sous  couverte  comme  il  est  dit  plus  haut.  En  principe, 
toute  pièce  métallique  doit,  avant  d'être  émaillée,  subir  un 
décapage  aussi  parfait  que  possible;  après  un  passage  dans 
une  solution  alcaline,  puis  dans  une  solution  étendue  d'acide 
sulfurique,  ou  déroche,  la  pièce  est  frottée  avec  du  sable 
fin  ou  du  grès,  puis  lavée  à  grande  eau. 

Emaux  céramiques.  La  faïence  trouve  dans  l'emploi 
des  émaux  un  élément  de  décoration  qui,  masquant  la  cou- 
leur propre  de  la  terre,  a  permis  la  production  de  véritables 
œuvres  d'art  sur  des  poteries  à  pâte  commune.  Les  émaux 
stannifères  s'appliquent  habituellement  sur  des  terres  peu 
réfractaires  dans  la  composition  desquelles  la  chaux,  les 
terres  calcaires  et  les  marnes  entrent  généralement.  L'émail 
blanc  stannifère  peut  être  représenté  par  la  formule  sui- 
vante (Deck)  : 

Calcaire 44 

Sable  de  Nevers 44 

Soude  d'Alicante 2 

Sel  marin 8 

Minium 2 

L'émail  fondu  au  four  est  grossièrement  concassé, 
puis  pulvérisé  finement  sous  l'eau;  c'est  dans  ce  liquide, 
amené  à  la  consistance  convenable,  que  l'on  trempe  les 
pièces.  On  obtiendra  des  émaux  colorés  en  ajoutant  à 
400  p.  d'émail  blanc  :  9,88  de  jaune  de  Naples  ou  oxyde 
d'antimoine  pour  le  jaune;  5,26  d'oxyde  de  cobalt  à  l'état 
d'azur  pour  le  bleu;  5,26  de  battitures  de  cuivre  pour  le 
vert;  4,25  de  battitures  de  cuivre  et  2,04  de  jaune  de 
Naples  pour  le  vert  pistache  et  4,46  de  bioxyde  de  man- 
ganèse pour  l'émail  violet.  La  pièce  après  le  passage  dans 
le  bain  d'émail  étant  parfaitement  ressuyée  peut  être  dé- 
corée sur  cru  à  l'aide  d'émaux  colorés  ;  c'est  même  par  ce 
procédé  qu'ont  été  obtenues  les  belles  faïences  de  Nevers, 
de  Rouen,  de  Moustiers,  etc.  On  prépare  en  outre  des 
émaux  transparents  qui  trouvent  leur  emploi  pour  toute 
espèce  de  faïence.  Ces  émaux,  de  nature  calcaire,  renfer- 


ment à  l'état  de  dissolution  l'oxyde  colorant  et  correspon- 
dent exactement,  dans  la  classification  de  Salvetat,  aux 
transémaux  pour  métaux.  Ces.  émaux  ont  pour  base  un 
fondant  formé  par  la  fusion  de  : 

Minium 30    35 

Sable 50    45 

Potasse 42     42 

Soude 8      8 

Le  mélange  d'oxyde  et  de  fondant  est  soumis  à  une  nou- 
velle fusion,  pulvérisé  et  appliqué  directement  sur  le  biscuit 
de  faïence  ou  sur  une  engobe  (V.  Faïence). 

Porcelaine  émaillée.  D'après  Salvetat  {Leçons  de  cé- 
ramique), les  émaux  diff'èrent  des  engobes  par  leur  appa- 
rence vitreuse  qui  peut  atteindre  une  transparence  parfaite. 
D'autre  part,  ils  diff'èrent  de  la  couverte  habituelle  de  la 
porcelaine  par  leur  fusibilité  plus  grande  et  se  distinguent 
des  couleurs  ordinaires  de  moufle  par  leur  éclat,  leur  ri- 
chesse de  tons  et  la  possibilité  de  les  employer  sous  une 
certaine  épaisseur.  La  décoration  de  la  porcelaine  à  l'aide 
d'émaux  est  fréquemment  employée  en  Chine;  elle  n'a 
guère  été  qu'essayée  en  France  sur  la  porcelaine  dure. 
Les  émaux  de  Chine  sont  formés  d'un  véritable  cristal 
silico-plombeux,  à  base  de  potasse  ou  de  soude,  coloré  par 
la  dissolution  d'une  très  petite  quantité  d'oxyde  métallique. 
Salvetat  et  Ebelmen  ont  réussi  à  obtenir  par  le  mélange 
des  oxydes  une  variété  de  nuances  que  ne  possèdent  pas 
les  céramistes  orientaux. 

La  grande  variété  et  la  richesse  des  tons  que  l'on  peut 
obtenir  sur  porcelaine  à  l'aide  des  émaux  fait  d'autant  plus 
regretter  leur  emploi  restreint,  que  les  céramistes  chinois 
disposant  seulement  d'une  palette  assez  pauvre,  sont  arrivés 
à  des  productions  d'une  grande  puissance  décorative.  Des 
essais  comparatifs  exécutés  à  la  manufacture  de  Sèvres  ont 
permis  de  reconnaître  que  la  couverte  des  porcelaines  de 
Chine  était  plus  propre  à  recevoir  les  émaux  que  celle  de 
notre  porcelaine  dure.  Cette  aptitude  particulière  est  due 
sans  doute  à  la  nature  de  la  couverte  qui,  appliquée  sur 
une  pâte  moins  réfractaire  que  la  nôtre,  doit  être  également 
plus  fusible.  La  composition  de  l'émail  pour  porcelaine  doit 
varier  suivant  qu'on  l'applique  directement  sur  le  biscuit 
ou  sur  la  couverte.  L'émail  est  appliqué  en  poudre  très 
ténue,  sous  une  assez  forte  épaisseur;  l'essence  de  téré- 
benthine maigre  sert  de  véhicule  à  l'émail.  La  décoration 
se  fait  naturellement  par  teintes  plates;  les  ombres  sont 
produites  par  les  creux  ménagés  à  la  surface  de  la  pièce  et 
dans  lesquels  l'émail  forme  épaisseur.  C'est  sur  ce  principe 
qu'est  basée  la  décoration  à  l'aide  des  émaux  ombrants 
qui  ont  fait  la  réputation  des  produits  de  l'usine  de  M.  du 
Tremblay,  à  Rubelles,  près  de  Melun.  Après  dessiccation 
complète,  l'émail  est  cuit  au  feu  de  moufle  à  une  température 
d'environ  850-900^.  Le  fondant  indiqué  par  Salvetat  pour 
remaillage  du  biscuit  de  porcelaine  présente  la  composition 
suivante  : 

Minium 2.000 

Sable 4.000 

Borate  de  chaux 500 

C'est  à  ce  fondant  que  l'on  ajoute  les  oxydes  métalliques 
pour  obtenir  les  différents  émaux  colorés.  Comme  nous 
l'avons  dit  plus  haut,  l'emploi  des  émaux  sur  porcelaine 
dure  est  très  restreint.  Antérieurement  à  Salvetat,  un 
chimiste  de  Limoges,  M.  Lesme,  avait  pris  en  4853  un 
brevet  pour  l'appUcation  des  émaux  à  la  porcelaine  dure. 
Bien  que  M.  Lesme  n'ait  pas  divulgué  ses  recettes,  il  y  a 
cependant  lieu  de  penser  qu'elles  ne  diffèrent  que  peu  des 
compositions  que  nous  a  laissées  Salvetat.  Depuis  quelques 
années,  M.  Peyrusson,  de  Limoges,  a  repris  ces  essais  et  a 
réussi  à  obtenir  des  émaux  qui  s'appliquent  parfaitement 
sur  les  couvertes  les  plus  dures.  Reprenant  les  expériences 
de  Salvetat,  MM.  Lauth  et  Vogt  ont  obtenu  une  porcelaine 
dite  porcelaine  nouvelle  qui,  plus  fusible  que  la  porce- 
laine dure,  se  prête  bien  h  la  décoration  par  les  émaux. 
La  fabrication  de  cette  porcelaine  nouvelle,  qui  n'off're 


—  877  — 


ÉMAIL 


ni  la  résistance,  ni  la  finesse  de  pâte  de  la  porcelaine  dure 
et  ne  possède  pas  les  qualités  de  l'ancienne  porcelaine  pâte 
tendre,  ne  s'est  pas  développée.  Pendant  le  peu  de  temps  qu'il 
a  passé  à  Sèvres  comme  directeur  de  la  manufacture,  Deck 
a  repris  ces  essais  et  a  pu  montrer  en  1889,  à  l'Exposition 
du  Champ  de  Mars,  une  remarquable  collection  de  porce- 
laines émaillées  à  pâte  tendre  et  à  pâte  dure  (V.  Céramique 
et  Porcelaine). 

Les  poteries  émaillées,  destinées  aux  usages  domes- 
tiques, possédant  une  couverte  formée  en  général  d'un 
silicate  plombo-alumineux,  il  importe  que  l'émail  offre  assez 
de  résistance  pour  ne  pas  céder  de  plomb  aux  aliments. 
Certains  fabricants  cuisent  insuffisamment  ces  émaux  ou 
forcent  la  proportion  d'oxyde  de  plomb  pour  augmenter 
leur  fusibileté  ;  la  couverte  cède  alors  du  plomb  aux  acides 
faibles.  Après  avis  du  conseil  d'hygiène  du  dép.  de  la 
Seine,  à  la  suite  d'accidents  produits  pour  les  causes  énon- 
cées ci-dessus,  le  préfet  de  police  a  interdit  la  fabrication 
et  la  vente  des  poteries  vernissées  au  plomb  dont  la  cou- 
verte ne  résiste  pas  aux  acides  faibles  (2  juil.  4878). 
D'après  le  rapport  du  comité  consultatif  d'hygiène  publique 
de  France,  en  date  du  20  janv.  4879,  le  mode  d'essai  des 
poteries  émaillées  se  fait  comme  suit  :  on  maintient  pen- 
dant une  demi-heure,  à  une  douce  ébullition,  une  solution 
à  6  °/o  d'acide  acétique  cristallisable,  en  ayant  soin  de 
remplacer  le  hquide  à  mesure  qu'il  s'évapore  ;  l'acidité  de 
cette  solution  correspond  à  la  teneur  en  acide  acétique  d'un 
vinaigre  moyen.  Après  refroidissement,  la  solution  est 
filtrée  ;  dans  une  partie,  on  fait  passer  un  courant  d'hy- 
drogène sulfuré  qui  produit  en  présence  du  plomb  un  pré- 
cipité noir  ou  tout  au  moins  une  coloration  brune;  on 
verse  dans  l'autre  portion  de  l'iodure  de  potassium  qui 
produit  un  précipité  jaune  d'iodure  de  plomb  absolument 
caractéristique.  On  a  proposé  de  substituer  à  la  couverte 
plombifère  de  ces  poteries  des  émaux  à  base  de  borax  ou 
de  borate  de  manganèse,  mais  les  essais  tentés  jusqu'ici 
n'ont  pas  donné  de  résultat  pratique. 

Emaux  sur  verre,  L'émaillage  du  verre  doit  remonter 
à  une  époque  très  reculée,  comme  le  prouvent  les  petites 
figurines  et  les  fragments  de  vases  trouvés  dans  les  fouilles 
en  Egypte.  Cet  art  a  été  surtout  pratiqué  par  les  Arabes  ; 
on  possède  encore  de  magnifiques  spécimens  des  verres 
émaillés  d'Alep  et  de  Damas.  Le  type  de  cette  fabrication 
le  plus  ancien  que  l'on  possède  est  la  coupe  de  la  collection 
Ch.  Chefer;  elle  porte,  entre  autres  décors,  les  armes  de 
Bedr-ed-din-ed-Dhahery,  commandant  des  troupes  du  sultan 
Bibars  qui  mourut  en  4277.  On  possède  également  quel- 
ques verreries  émaillées  françaises,  qui  ont  dû  être  fabri- 
quées vers  le  xv®  siècle  dans  le  Poitou.  Les  verreries  de 
Venise  se  firent  remarquer  dans  ce  genre  de  production 
pendant  les  xv^  et  xvi''  siècles.  L'Allemagne,  et  particuliè- 
rement la  Bohême,  nous  ont  laissé  également  des  verres 
émaillés  dont  quelques-uns  remontent  au  xu^  siècle.  En 
Chine,  on  a  fabriqué  et  on  fabrique  encore  des  verres  re- 
marquables par  le  brillant  et  la  translucidité  de  leurs 
émaux  ;  il  y  a  lieu  de  croire  que  cette  industrie  a  dû  être 
importée  dans  ce  pays  par  les  Arabes  sous  la  dynastie  mon- 
gole (1260-4368).  De  nos  jours,  l'émaillage  du  verre  est 
pratiqué  d'une  façon  courante  en  Bohêm'e  et  en  France, 
Dans  notre  pays,  les  productions  les  plus  remarquables  sont 
dues  à  M.  Brocard  quia  reproduit  des  verres  émaillés  arabes 
tels  que  coupes,  lampes  de  mosquée,  etc.,  et  dont  toute  la 
fabrication  se  ressent  de  cette  influence,  et  à  M.  E.  Galle, 
de  Nancy,  dont  les  productions  possèdent  ce  cachet  si  per- 
sonnel qui  a  fait  le  succès  de  toutes  ses  créations.  Au  point 
de  vue  technique,  les  émaux  pour  verre  ne  présentent  rien 
de  particulier  ni  dans  leur  composition,  ni  dans  leur  appli- 
cation. Ils  ont  pour  base  un  cristal  assez  fusible  coloré  par 
les  oxydes  métalliques.  Les  émaux  doivent  pouvoir  fondre 
et  se  vitrifier  complètement  à  basse  température  de  façon  à 
éviter  toute  déformation  de  la  pièce  à  émailler. 

Emaux  pour  mosaïques.  Les  émaux  ou  smaltes  em- 
ployés à  la  fabrication  de  la  mosaïque  ont  pour  base  un 


cristal  présentant  habituellement  la  composition  suivante  : 

Sable 1.300 

Minium 50O 

Nitrate  de  potasse 60 

Fluorure  de  calcium 300 

Carbonate  de  soude 400 

Groisil 50O 

La  coloration  de  ces  émaux  se  fait  par  les  oxydes  simples 
ou  mélangés.  On  arrive  à  obtenir  une  variété  de  nuances 
presque  infinie;  l'atelier  de  mosaïque  du  Vatican  en  possède 
plus  de  vingt-six  mille.  L'émail  est  fondu  sous  forme  de 
galettes  de  40  à  45  centim.  de  diamètre  sur  4  à  3  centim. 
d'épaisseur  qui  sont  ensuite  découpées  en  cubes  en  les  po- 
sant à  plat  sur  un  découpoir  ou  taglioto  et  en  les  frappant 
d'un  coup  sec  à  l'aide  d'un  marteau  ou  martellino.  On 
les  amène  ensuite  à  leur  forme  définitive  en  les  usant  sur 
une  petite  meule  ou  rotino  (V.  Mosaïque), 

Emaux  photographiques.  Les  émaux  photographiques 
ont  été  imaginés  par  M.  Lafon  de  Camarsay  en  4854.  La 
propriété  que  possède  la  gélatine  chromatée  de  perdre  plus 
ou  moins  son  pouvoir  hygrométrique  après  insolation  a  été 
mise  à  profit  pour  obtenir  sur  émail  des  images  photogra- 
phiques inaltérables.  Sur  une  glace  parfaitement  propre,  on 
étend  une  couche  du  liquide  suivant  : 

Eau iOO  centim.  c. 

Miel  épuré 0  gr.  50 

Sirop  de  sucre 2  gr. 

Gomme  arabique  en  poudre. , .         5  — 

Glucose  liquide 5 

Solution  saturée  de  bichromate 

d'ammoniaque 5 à  20 centim.  c. 

La  glace  est  ensuite  séchée  à  la  lampe  à  alcool.  Après 
une  insolation  de  dix  à  vingt  secondes  au  soleil  et  de  trois 
à  dix  minutes  à  l'ombre,  on  laisse  la  glace  reprendre  son 
humidité  dans  le  laboratoire  éclairé  à"  la  lumière  rouge. 
Quand  on  voit  l'image  se  dessiner  par  suite  du  gonflement 
de  la  gélatine  sous  l'influence  de  l'humidité  atmosphérique, 
on  tamponne  légèrement  la  plaque  avec  un  pinceau  chargé 
de  poudre  d'émail  coloré.  L'image  est  ensuite  recouverte 
de  coUodion  à  4,5  ou  2  %  de  pyroxvde,  et  on  détache  la 
pellicule  par  immersion  dans  l'eau  acidulée  à  5  «/o  d'acide 
sulfurique.  On  introduit  ensuite  une  plaque  de  cuivre 
émaillée  dans  un  bain  de  sucre  à  40  ou  45  7^  et  on  amène 
la  pellicule,  l'image  en  dessous,  à  la  place  qu'elle  doit 
occuper  sur  l'émail;  on  laisse  ensuite  sécher  la  pellicule 
qui  adhère  alors  fortement  sur  son  support.  On  se  dé- 
barrasse de  la  couche  de  collodion  en  plongeant  la  plaque 
d'émail  dans  de  l'acide  sulfurique  concentré  ou,  si  l'émail 
ne  supportait  pas  cet  acide,  en  dissolvant  le  collodion  dans 
un  mélange  de  : 

Essence  de  lavande 400  centim.  c. 

Essence  grasse  de  térébenthine        3  gr. 

Ether 50  centim.  c. 

Alcool 50       — 

Après  lavage,  on  laisse  sécher  complètement  la  plaque. 
Il  ne  reste  plus  qu'à  procéder  à  la  cuisson  qui  se  fait  dans 
un  petit  fourneau  à  moufle  chauffé  au  rouge  cerise.  L'image 
peut  ensuite  être  retouchée  ou  colorée' par  les  procèdes 
ordinaires  de  la  peinture  sur  émail.  Ch.  Girard. 

III.  Art  héraldique.  —  Le  mot  émail  ne  s'applique  qu'aux 
cinq  couleurs,  azur,  gueules,  sinople,  sable  et  pourpre. 
Cependant,  on  désigne,  dans  un  sens  général,  ces  couleurs, 
les  deux  métaux  or  et  argent  et  les  fourrures  (hermine  et 
noir)  sous  le  nom  d'émaux  du  blason.  Dans  l'origine, 
on  peignait  des  armoiries  sur  des  meubles,  sur  des  armes 
et  sur  des  vases  d'or  et  d'argent,  et  peu  à  peu  on  s'habitua 
à  qualifier  d'émail  la  plaque  peinte  que  les  hérauts  d'armes 
portaient  aux  armes  de  leur  seigneur.  G,  G. 

IV.  Anatomie  (V.  Dent). 

BiBL.  :  Céramique.  —  Audsley  et  Bowes,  la,  Céramiaue 
japonaise  [émaux  cloisonnés  sur  porcelaine)  ;  Paris  1881 
p.  2d2.  —  D'Arclais    de  Montamy,  Traité  des  couleurs 


ÉMAIL  -  ÉMANCIPATION 


878 


vour  la  peinture  sur  émail:  Paris,  1765.  in-8.—  Bulliot, 
Emuillerïe  çauloine,  dans  les  Mémoires  des  Antiquaires  de 
France,  t.  XXXIII.  -  Les  PP.  Cahier  et  Martin,  Me- 
lanqes  d'archéologie  ;  Paris,  1856,  in-4.  -  Ducange,  v-  Li- 
moqilsmaUum  -J.-P.  Ferrand,  l'Art  du  feu  ou  de 
peindre  en  émai^- Paris  1721  in-12  -  Garnier  Co^^ec- 
tion  Snitzer,  dans  la  Gazette  des  Beaux-Arts,  mi), 
t  XXXIl  p.  467.  —  Louis  Guibert,  dans  Bulletin  archeo- 
Ionique  du  Limousin,  t.  XXXIL  -  Raward.  Dictionnaire 
de  l  ameublement  et  de  la  décoration,  v°  Email.  —  Jac- 
ouFMART,  Histoire  de  la  céramique,  émaux  cloisonnes 
sur  porcelaine;  Paris,  1873,  p.  IIL  ?r.  in-8.  -  F.  de  Mely, 
la  Crosse  de  Ragenfroid,  dans  la  Gazette  archeolog.,  18b8. 
—  Visite  aux  trésors  de  Saint-Maurice  et  de  Sion,  dans 
le  Bulletin  archeolog,  du  Comité,  1890.  --  Em.>loLI^^IER, 
Dictionnaire  des  émailleurs;  Paris,  1885,  pet.  m-8.  —  Du 
môme,  VEmaillerie;  Paris,  1891,  in-8.-W.-A.  Neumann, 
DieReliquienschatze  des  Hanses  Braunschweig-Luneburg  ; 
Vienne,  1891,  in-4.  —  Nïcard,  Connaissance  des  émaux  chez 
les  anciens,  dans  le  Bullet.  des  Anliq.  de  France,X.  XXVil, 
1862  et  XLllI,  1882.  —  Théophile,  Diversarum  artium 
Schedula;  Paris,  1843,  in-4.  —  Viollet-le-Duc,  Diction, 
naire  du  mobilier,  t.  II,  y«  Orfèvrerie. 

ÉWIAILLAGE  (V.  Émail  [Chimie  industr.]). 
ÉMAILLÉ,  ÉMAILLERIE,  ÉMAILLEUR  (V.  Émail). 
ÉMAILLOTOE  (de  émail  et  de  stSo?,  image).  Matière 
ressemblant  à  l'émail  et  destinée  à  décorer,  assez  facilement, 
des  objets  de  métal.  Au  moyen  âge  c'était  Témail  des  mer- 
ciers, sorte  de  vernis  qui  s'appliquait  à  une  température 
assez  élevée,  n'atteignant  pas  cependant  le  degré  de  fusion 
des  métaux  sur  les  lesquels  on   l'appliquait.  Ce  procédé 
est  encore  employé  de  nos  jours  ;  les  artisans  se  servent 
également,  comme  émailloïdes,  de  matières  très  fusibles, 
translucides,  rehaussant  ainsi  de  brillantes  couleurs  les  gra- 
vures qu'on  peut  admirer  au  travers  de  leur  transparence. 
ÉNIAILLURE  (V.  Émail). 

ÉNIALLEVILLE.  Corn,  du  dép.  de  l'Eure,  arr.  et  cant. 
(N.)  d'Évreux;  l'23  hab. 

EMANANT  (Malh.)  (V.  Substitutions  linéaires). 
ÉMANATION.  I.  Hygiène.  —  Dégagement  dans  l'atmo- 
sphère des  principes  volatils  contenus  dans  certains  corps, 
ou  formés  par  Taltération  de  ces  corps.  Ces  principes  volatils 
peuvent  être  agréables  et  parfumés,  et  donner  dans  ce  cas 
àes  émanations  odorantes;  ils  peuvent  être  désagréables 
et  malsains,  lorsqu'ils  proviennent  de  la  décomposition  de 
matières  organiques ,  et  produire  des  émanations  'pu- 
trides. Suivant  leur  nature  et  leur  caractère,  ces  émanations 
putrides  portent  encore  les  noms  de  miasmes,  effluves, 
exhalaisons  et  existent  le  plus  souvent  en  suspension  dans 
l'atmosphère  ou  dissoutes  dans  la  vapeur  d'eau.  On  les  ren- 
contre le  plus  généralement  dans  les  endroits  maréca- 
geux, dans  les  grandes  villes,  oti  elles  peuvent  donner 
naissance  à  certaines  maladies  à  caractère  épidémique.  Les 
émanations  putrides  ou  cadavéreuses  peuvent  provenir  des 
fosses  mortuaires,  des  cimetières,  des  amphithéâtres  d'ana- 
tomie  et  surtout  des  usines  où  l'on  traite  les  matières  or- 
ganiques, fonderies  de  suif,  fabriques  d'engrais,  de  colle 
forte,  de  noir  animal,  etc.  Ces  usines  sont  du  reste  régle- 
mentées par  de  sévères  ordonnances  de  police,  qui  obligent 
leurs  propriétaires  à  suivre  les  instructions  émanant  du 
comité  consultatif  d'hygiène  de  France.  Il  en  est  de  même 
pour  les  usines  de  produits  chimiques  qui,  sous  forme  de 
vapeurs  acides,  ammoniacales,  de  gaz,  répandent  dans 
l'atmosphère  des  émanations  in- 
dustrielles, nuisibles  autant  à 
la  santé  qu'aux  cultures  environ- 
nantes (V.  Désinfection). 

Ch.  Girard. 
11.  Théologie  (V.  Gnosticïsme). 
ÉMANCÉ.    Com.    du    dép.  de 
Seine-et-Oise,   arr.  et  cant.    de 
Rambouillet;  429  hab. 

ÉMANCHE  (Blas.).  Pièce  hé- 
raldique formée  de  plusieurs  pointes 
triangulaires  mouvantes  de  l'un 
des  bords  de  Técu  ;  elle  symbolise 
la  représentation  d'une  dépouille   enlevée   à   l'ennemi; 
l'émanche  peut  être  posée  en  chef,  en  bande,  en  pointe, 


D'azur  au  chef  éman- 
ché  d'argent. 


en  barre  :  le  nombre  de  ses  pointes  n'est  pas  limité  ;  il 

doit  être  indiqué  en  blasonnant  lorsqu'elles  sont  plus  de 

deux.  Un  écu  est  émanché  lorsqu'il  est  couvert  d'émanches 

de  deux  émaux  alternés  ;  une  pièce  peut  aussi  être  éman- 

chée.  ^:  ^\  ^ 

ÉMANCIPATION.  I.  Droit  romain.  — Procédé  imaginé 

par  la  pratique  romaine  pour  permettre  au  pater  familias 
de  faire  indirectement  disparaître  la  puissance  paternelle  à 
laquelle  il  ne  pouvait  légalement  renoncer  par  une  abdi- 
cation directe.  La  loi  des'Douze  Tables  décidait,  probable- 
ment afin  d'empêcher  le  père  de  faire  commerce  de  sa 
puissance,  que  le  fils  qui  aurait  été  émanci()é  à  trois  re- 
prises par  son  père  ne  retomberait  plus  désormais  sous 
cette  puissance,  deviendrait  sui  juris  quand  il  sortirait  de  la 
mancipii  causa.  On  n'a  eu  qu'à  détourner  cette  règle  de 
son  but,  qu'à  remplacer  les  aliénations  sérieuses  par  des 
mancipations  de  complaisance  faites  avec  le  concours  d'un 
compère  pour  créer  un  moyen  de  rompre  la  patria  po- 
testas.  Quant  aux  raisons  qui  faisaient  le  père  y  recourir, 
nos  idées  modernes  nous  feraient  songer  à  une  faveur  faite 
à  l'enfant  dont  on  voudrait  accroître  l'indépendance,  et 
celte  conception  n'est  pas  non  plus  étrangère  au  droit 
romain  relativement  récent.  Mais,  considérée  dans  sa  phy- 
sionomie première,  l'émancipation  peut  parfaitement  avoir 
été  inventée  contre  le  fils,  à  titre  de  peine.  En  tout  cas  et 
quoiqu'on  omette  souvent  de  le  remarquer,  elle  paraît 
avoir  été  très  peu  usitée  jusqu'aux  derniers  siècles  de  la 
République  et  n'avoir  acquis  une  véritable  importance 
sociale  qu'avec  la  transformation  de  ses  effets  et  même  de 
ses  conditions,  opérée  surtout  entre  le  début  de  l'Empire 
et  Jusîinien. 

Comme  conditions  de  formes,  l'émancipation  exigeait 
primitivement,  et  elle  a  continué  à  exiger  durant  toute  la 
période  classique,  l'emploi  de  solennités  compliquées  tendant 
d'abord  à  remplacer  la  patna  potestas,  qui  ne  peut 
être  éteinte  directement,  par  la  causa  mancipii,  qui  est 
facilement  destructible,  puis  à  détruire  cette  dernière  par  un 
affranchissement.  La  seule  atténuation  faite  par  la  doctrine 
a  consisté  dans  une  interprétation  bienveillante,  mais  peu 
logique,  de  la  lettre  des  Douze  Tables,  en  vertu  de  laquelle 
on  se  contenta  d'une  seule  mancipation  pour  les  filles  et 
les  petits  enfants.  Il  faut  arriver  jusqu'à  l'empereur  Anas- 
tase  pour  voir  admettre  l'émancipation  en  1  absence  de 
l'enfant  (l'émancipation  par  rescrit  du  prince,  où  ce  rescrit 
remplaçait  les  mancipations  et  les  affranchissements  rendus 
impossibles  par  l'absence  de  l'enfant).  Entre  présents,  les 
formes  anciennes  n'ont  disparu  que  sous  Justinien  qui 
établit  comme  procédé  de  droit  commun  l'émancipation 
par  déclaration  en  justice  déjà  pratiquée  antérieurement 
dans  certaines  régions  orientales  de  l'Empire.  L'émancipa- 
tion cesse  alors  définitivement,  quant  à  la  forme,  d'être  un 
expédient  pratique,  ignoré  par  la  loi,  pour  devenir  franche- 
ment une  institution  juridique  organisée  par  elle.  Le  même 
mouvement  s'était  opéré,  quant  au  fond,  dès  la  période 
des  jurisconsultes  classiques  qui,  au  lieu  de  la  laisser  à 
l'arbitraire  du  père,  demandaient,  pour  qu'il  pût  y  procé- 
der, sinon  le  consentement,  au  moins  l'absence  d'opposition 
du  fils,  et  permettaient  à  ce  dernier,  dans  certains  cas 
exceptionnels,  de  l'exiger. 

Au  point  de  vue  des  effets,  l'émancipation  ne  rendait 
l'émancipé  sui  juris  qu'en  le  faisant  mourir  civilement  pour 
son  ancienne  famille,  en  lui  faisant  subir  une  capitis  demi- 
nutiominima;  il  se  trouvait  donc  logiquement,  au  len- 
demain de  l'émancipation,  sans  parents,  puisque  la  capitis 
deminutiolni  avait  enlevé  les  siens,  sans  espérances  suc- 
cessorales, puisque  le  droit  de  succession  se  fonde  sur  la 
parenté,  et  même  sans  biens  présents,  car,  alors  même 
qu'il  en  eût  acquis  auparavant,  ces  biens  seraient  restés,  au 
moment  de  l'émancipation,  dans  le  patrimoine  du  père.  Mais 
on  est  parvenu  avec  le  temps  à  lui  assurer  tout  cela.  Non 
seulement  le  pécule  profectice,  qui  devrait  légalement  rester 
au  père  est,  à  l'époque  classique,  ordinairement  laissé 
à  l'émancipé  par  une  libéralité  que  l'on  présume  en  cas 


-  879 


ÉMANCIPATION 


de  silence,  mais,  depuis  la  création  des  pécules  castrens 
et  qiiasi-castrens,  les  biens  qui  les  composent  restent  en 
pleine  propriété  à  Témancipé,  et  la  mêine  règle  a  été 
appliquée  à  leur  tour  aux  biens  adventices,  sauf  le  droit 
reconnu  au  père  de  retenir,  comme  indemnité  de  la  perte 
de  la  jouissance,  une  prime  fixée  d'abord  par  Constantin  au 
tiers  de  la  pleine  propriété,  puis  maladroitement  par  Justi- 
nien  à  la  moitié  de  l'usufruit.  Quant  aux  liens  de  famille, 
si  l'émancipé  cesse  d'être  le  parent  civil,  l'agnat  des 
membres  de  son  ancienne  famille,  il  reste  leur  parent 
naturel,  leur  cognât.  Et  cette  cognation,  qui  ne  produisait 
aucun  effet  dans  l'ancien  droit,  lui  a  donné  toujours  des 
droits  plus  efficaces  à  mesure  que  s'est  transformée  la 
notion  romaine  de  la  famille  :  d'abord  depuis  la  constitu- 
tion du  système  successoral  prétorien,  le  droit  de  succéder 
à  son  père,  comme  s'il  n'était  jamais  sorti  de  puissance  ; 
ensuite  le  droit  de  succéder  à  tous  ses  autres  parents  à  un 
rang  qui,  dans  le  système  prétorien,  était,  il  est  vrai,  fort 
inférieur  à  celui  que  lui  eût  donné  la  parenté  civile,  mais 
qui  fut  constamment  améliorée  par  le  droit  impérial  jusqu'à 
la  fusion  complète  des  deux  parentés  par  Justinien.  L'attri- 
bution de  la  succession  de  l'émancipé  mort  sans  enfants  en 
puissance  était  assurée  depuis  encore  plus  longtemps  à  son 
père  et  aux  membres  de  sa  famille  civile,  non  point  en 
vertu  de  la  parenté,  mais  en  vertu  du  patronat,  par  une 
variante  de  la  procédure  d'émancipation  [remancipatio 
patrie  émancipation  fiduciaire)  dont  les  effets  furent  ensuite 
légalement  attachés  à  l'émancipation  d'Anastase  et  à  celle 
de  Justinien.  En  somme  donc,  non  seulement  à  l'époque  de 
Justinien,  mais  en  grande  partie  auparavant,  l'émancipation 
du  droit  romain  récent,  qui  laisse  à  l'émancipé  ses  biens 
et  qui  ne  modifie  point  essentiellement  ses  liens  successo- 
raux, se  traduit  exclusivement  pour  lui  par  des  avantages. 
Aussi  s'explique-t-on  aisément  qu'elle  puisse,  dès  l'époque 
de  Constantin,  être,  comme  l'affranchissement,  révoquée 
pour  cause  d'ingratitude.  P.-F.  Girard. 

II.  Ancien  droit. — L'émancipation,  dans  l'ancien  droit 
français,  se  présente  sous  deux  aspects  :  tantôt  elle  affran- 
chit de  la  puissance  paternelle  ;  tantôt  elle  affranchit  de 
la  tutelle.  Sous  le  premier  aspect,  elle  trouve  son  appli- 
cation en  pays  de  droit  écrit  et  dans  un  certain  nombre  de 
pays  de  coutume  où  la  puissance  paternelle  était  admise. 
Elle  s'y  réalisait  selon  plusieurs  modes.  D'abord,  par  dé- 
claration du  père  de  famille  faite  devant  le  juge,  et,  même 
au  moyen  âge,  dans  certaines  villes,  devant  le  corps  mu- 
nicipal. Dans  le  ressort  du  parlement  de  Toulouse  et  dans 
les  pays  coutumiers,  elle  s'accomplissait  aussi  devant  no- 
taire. L'enfant  impubère,  ne  pouvant  consentir  à  son 
émancipation,  ne  devait  être  émancipé  sans  l'obtention 
par  le  père  de  lettres  du  roi.  En  second  lieu,  l'émancipa- 
tion résultait  du  fait  de  la  part  de  l'enfant  d'acquérir  un 
domicile  séparé,  sous  des  conditions  variables  suivant  les 
coutumes.  Ici,  il  fallait  que  l'enfant  eût  vingt-cinq  ans 
(Bordeaux,  Bretagne);  là  que  la  séparation  ait  eu  Ueu  au 
vu  et  su  des  parents  (Chàlons-sur-Marne,  Reims).  Ailleurs 
elle  était  la  conséquence  de  l'exercice  d'un  commerce  ou 
d'une  exploitation  distincts  de  ceux  du  père  (Keims,  Se- 
dan); ou  d'une  séparation  matérielle  ayant  dnré  dix  ans 
(pays  de  droit  écrit).  En  pays  coutumiers,  le  mariage,  qui 
souvent  entraîne  un  domicile  distinct,  émancipe  dans  tous 
les  cas  depuis  vers  le  xiii^  siècle  ;  de  même  l'épiscopat  et 
certaines  hautes  fonctions  parlementaires.  En  Poitou,  cette 
émancipation  ne  s'apphquait  pas  aux  nobles  mâles  (C, 
art.  314).  L'émancipé  par  domicile  séparé  obtenait  le  plus 
souvent  sa  part  dans  les  biens  communs.  Enfin  l'émanci- 
pation, en  pays  coutumier,  résultait  de  la  majorité,  sauf 
en  Poitou  ;  et  dans  certaines  coutumes,  décès  de  l'un  ou 
de  l'autre  des  parents (Montargis,  Vitry,  Dreux,  etc.).  L'en- 
fant pouvait  être  émancipé  à  tout  âge  ;  s'il  était  impubère, 
on  lui  nommait  un  tuteur.  Outre  l'extinction  de  la  puis- 
sance paternelle,  l'enfant  gagnait  à  l'émancipation  la  jouis- 
sance de  ses  immeubles,  la  libre  disposition  de  ses  meubles, 
le  droit  de  s'obliger  par  un  prêt.  L'usufruit  du  père  ces- 


sait. L'émancipation  ne  rompait  pas  le  lien  familial. 
Sous  son  second  aspect,  rémancipation  avait  pour  but 
d'affranchir  de  la  tutelle  qui  se  prolongeait  en  certains 
lieux  jusqu'à  vingt-cinq  ans.  En  pays  coutumiers,  elle  ré- 
sulte du  mariage  ;  mais  non  en  pays  de  droit  écrit,  sauf 
ceux  ressortissant  du  parlement  de  Paris.  Elle  est  conférée 
par  lettres  de  bénéfice  d'âge,  appelées  aussi  dans  le  der- 
nier état  du  droit  lettres  d'émancipation.  Ces  lettres 
n'étaient  pas  usitées  en  pays  de  droit  écrit.  Dans  les  autres 
on  en  signifiait  copie  aux  plus  proches  parents  des  deux 
côtés,  au  nombre  minimum  de  sept,  avec  assignation  devant 
le  juge  pour  voir  dire  qu'elles  seront  entérinées.  La  sen- 
tence devait  en  même  temps  contenir  nomination  d'un  cu- 
rateur. Pas  d'âge  préfixe  pour  l'obtention  de  ces  lettres. 
Cette  émancipation  donnait  au  mineur  l'administration  de 
ces  biens,  mais  non  le  droit  de  vendre,  aliéner  ou  engager 
ses  immeubles.  J.  Declareuil. 

III.  Droit  civil  actuel.  —  L'émancipation  est,  en 
droit  français,  un  acte  juridique  par  lequel  on  fait  sortir 
un  mineur  de  la  puissance  paternelle  ou  de  la  tutelle  ou 
même  de  l'une  et  de  l'autre  à  la  fois,  en  lui  conférant  le 
droit  de  se  diriger  lui-même  quant  à  sa  personne,  et  d'ad- 
ministrer ses  biens.  Comme  elle  ne  constitue  pas  un  con- 
trat, elle  n'exige  pas  le  consentement  de  l'enfant,  et  celui-ci 
peut  être  émancipé  même  contre  son  gré.  Bien  que  l'en- 
fant sorte,  par  l'effet  de  l'émancipation,  de  la  puissance  à 
à  laquelle  il  était  soumis,  il  n'acquiert  cependant  pas  la 
capacité  d'une  personne  majeure  :  il  est  placé  dans  une 
situation  intermédiaire  entre  celle  du  mineur  ordinaire  et 
celle  du  majeur;  il  peut  se  gouverner  lui-même;  il  a  même 
le  droit  de  passer  seul  certains  actes  de  gestion  ;  mais,  pour 
d'autres,  il  est  soumis,  soit  à  l'assistance  d'un  curateur, 
soit  aux  règles  de  la  tutelle.  On  aura  remarqué  qu'en 
droit  romain  l'émancipation  avait  un  caractère  et  produi- 
sait des  effets  bien  différents.  Comme  le  fils  de  famille  res- 
tait indéfiniment  sous  la  puissance  paternelle,  elle  pouvait 
avoir  lieu  à  tout  âge  et  même  aussi  au  profit  d'un  impu- 
bère ;  dans  ce  dernier  cas  l'émancipation,  en  mettant  fin 
à  la  puissance  paternelle,  faisait  commencer  la  tutelle. 
Chez  nous,  au  contraire,  l'émancipation  ne  peut  pas  avoir 
lieu  avant  un  certain  âge  et  elle  met  fin,  soit  à  la  puissance 
paternelle,  soit  à  la  tutelle.  D'un  autre  côté,  chez  les  Ro- 
mains, l'émancipation  faisait  sortir  de  la  famille  civile  ; 
les  liens  de  la  cognatio.  étaient  seuls  maintenus,  tandis  que 
sous  l'empire  du  code  civil  l'émancipation  ne  touche  en  rien 
aux  liens  de  la  famille. 

Il  existe  aujourd'hui  deux  sortes  d'émancipation  : 
l'émancipation  expresse  et  l'émancipation  tacite;  toutes 
deux  produisent  d'ailleurs  les  mêmes  effets.  L'émancipation 
tacite  est  celle  qui  résulte  du  mariage  (art.  476)  ;  elle 
dérive  directement  de  la  loi  ;  elle  a  lieu  forcément  ;  on  ne 
pourrait  pas  y  renoncer.  L'émancipation  tacite  se  produit 
même  si  le  mineur  se  marie  avant  l'âge  de  quinze  ans  en 
vertu  de  dispenses  et  elle  subsiste  même  quand  le  mariage 
se  dissout  avant  que  l'époux  mineur  ait  atteint  sa  majo- 
rité. Si  le  mariage,  au  lieu  de  se  dissoudre,  était  annulé, 
l'émancipation  ne  subsisterait  qu'autant  que  le  mineur  se 
serait  marié  de  bonne  foi  (V.  Mariage).  Il  est  facile  de 
justifier  cette  émancipation  résultant  du  mariage,  car  celui 
que  l'on  juge  capable  de  contracter  un  lien  aussi  sérieux 
peut,  à  plus  forte  raison,  administrer  ses  biens.  D'ailleurs, 
s'agit-il  d'une  fille,  elle  va  trouver  dans  son  mari  un  nou- 
veau protecteur;  s'agit-il  du  mari,  sa  qualité  même  de 
chef  suppose  une  certaine  indépendance.  —  L'émancipation 
expresse  est  celle  qui  résulte  d'une  déclaration  faite  par 
les  personnes  auxquelles  la  loi  reconnaît  ce  droit.  Elle  est 
nécessairement  pure  et  simple  ;  on  ne  peut  la  conférer  ni 
à  terme  ni  sous  condition.  Tout  mineur  émancipé  est  mis 
à  ia  tête  de  sa  fortune  ;  mais  on  lui  adjoint  un  curateur 
chargé  de  l'assister  pour  certains  actes.  La  mission  du 
curateur  est  donc  tout  à  fait  différente  de  celle  du  tuteur  : 
celui-ci  agit  pour  le  compte  du  mineur;  au  contraire,  dans 
la  curatelle,  le  mineur  agit  lui-même,  et  le  curateur  est 


ÉMANCIPATION 


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seulement  chargé  de  l'assister  dans  certains  cas.  Aussi,  dans 
les  actions  dirigées  contre  un  mineur  émancipé,  on  ne  doit 
jamais  mettre  en  cause  le  curateur  seul.  Celui-ci  n'admi- 
nistrant pas,  il  ne  peut  pas  non  plus  être  question  pour 
lui  de  l'obligation  de  rendre  compte,  et  on  ne  lui  applique 
pas  les  dispositions  des  art.  472,  475,  907  duC.  civ.  Dans 
la  tutelle,  à  côté  du  tuteur  se  trouve  un  subroge  tuteur, 
mais  il  n'existe  pas,  dans  la  curatelle,  de  subrogé  curateur. 
La  curatelle  des  mineurs  est,  comme  la  tutelle,  une 
charge  publique;  elle  répond  au  même  besoin  social.  Aussi 
toute  personne  est  tenue  de  prendre  la  curatelle  qui  lui  est 
déférée.  De  même,  dans  le  silence  de  la  loi,  on  étend,  de  la 
tutelle  à  la  curatelle,  les  causes  d'incapacité,  d'exclusion  et 
de  destitution  (C.  pén.,  arg.  art.  34  et  42).  Par  le  même 
motif,  il  faut  aussi  appliquer  à  la  curatelle  les  causes 
d'excuse  de  la  tutelle.  La  loi  n'ayant  parlé  m  de  curatelle 
testamentaire  ni  de  curatelle  légitime,  il  faut  conclure  de 
son  silence  que  la  curatelle  est  toujours  dative,  c.-à-d. 
déférée  par  le  conseil  de  famille,  à  moins  qu'un  texte  for- 
mel ne  consacre  une  solution  contraire.  Ainsi,  par  excep- 
tion, le  mari  majeur  est  curateur  légitime  de  sa  femme; 
cette  curatelle  légitime  paraît  bien  résulter  de  l'art.  2208 
(où  il  faut  évidemment  lire  curateur),  et  il  est  d'autant 
plus  nécessaire  de  l'admettre,  que  la  curatelle  d'un  étran- 
ger placée  en  lace  de  l'autorité  maritale  serait  à  la  fois 
inutile  et  peu  convenable.  Le  mari  assiste  donc  sa  femme 
comme  curateur  dans  les  actes  pour  lesquels  cette  assis- 
tance est  nécessaire,  en  même  temps  qu'il  donne  son  au- 
torisation comme  mari.  Il  peut  même  arriver  que  le  mari 
assiste  sa  femme  comme  curateur  alors  qu'il  s'agit  d'un 
acte  pour  lequel  l'autorisation  maritale  n'est  pas  nécessaire  : 
ainsi  une  femme  séparée  de  biens  peut  recevoir  seule  ses 
capitaux  mobiliers,  mais,  si  elle  est  mineure,  elle  a  besoin 
de  l'assistance  de  son  curateur,  c.-à-d.  de  son  mari.  Toute 
personne  intéressée  peut  provoquer  la  nomination  du  cura- 
teur par  le  conseil  de  famille.  Le  juge  de  paix  compétent 
pour  convoquer  ce  conseil  est  celui  du  heu  où  la  tutelle 
s'est  autrefois  ouverte,  ou,  si  le  mineur  émancipé  a  ses  père 
et  mère,  celui  du  domicile  du  père.  La  curatelle  cesse  par 
la  majorité,  la  mort  ou  la  révocation  de  l'émancipation  ; 
de  plus,  les  fonctions  de  curateur  peuvent  prendre  fin,  bien 
que  la  curatelle  continue,  par  l'excuse,  la  destitution,  l'in- 
capacité du  curateur.  ^ 

Lorsque  le  mineur  a  encore  ses  père  et  mère  ou  1  un 
d'eux,  il  est  émancipé  par  simple  déclaration  de  celui  qui 
exerce  la  puissance  paternelle  au  juge  de  paix  qui  en  dresse 
acte  (art.  477).  Pendant  le  mariage,  le  père  seul  peut 
émanciper  l'enfant.  Après  la  dissolution  du  manage,  c  est  le 
survivant  des  époux  qui  jouit  exclusivement  de  la  puissance 
paternelle  et  par  conséquent  du  droit  d'émanciper  l'enfant; 
peu  importe  qu'il  soit  ou  non  tuteur  et,  s'il  est  tuteur,  il 
n'a  besoin  d'aucune  autorisation  du  conseil  de  famille,  car 
c'est  comme  père  (ou  mère)  et  non  comme  tuteur  qu'il 
use  du  droit  d'émancipation.  De  même,  la  mère  peut,  du 
vivant  du  père,  émanciper  l'enfant,  lorsque  le  père  est 
déchu  de  la  puissance  paternelle.  En  cas  de  divorce,  le 
droit  d'émancipation  appartient  à  celui  des  deux  époux  au- 
quel les  enfants  ont  été  confiés  et,  en  général,  le  tribunal 
confie  les  enfants  à  l'époux  qui  a  obtenu  le  divorce.  Mais 
doit-on  reconnaître  le  droit  d'émancipation  à  l'autre  con- 
joint? L'affirmative  paraît  bien  résulter  de  l'art.  303  d'après 
lequel  les  époux  conservent  leurs  droits  sur  les  enfants, 
quelle  que  soit  la  personne  à  laquelle  ils  ont  été  confiés. 
Chaque  époux  divorcé  a  séparément  le  droit  d'émanciper, 
quelle  me  soit  l'opinion  de  l'autre  époux. 

Les  père  et  mère  naturels  étant  investis  de  la  puissance 
paternelle  ont  aussi  le  droit  d'émanciper  leur  enfant. 
Mais  comme  le  droit  de  la  mère  et  celui  du  père  sont  égaux 
en  pareil  cas,  toutes  les  fois  que  l'exercice  de  la  puissance 
paternelle  n'a  pas  été  spécialement  attribué  à  l'un  d'eux, 
le  père  et  la  mère  doivent  agir  en  commun  pour  émanciper 
leur  enfant,  car  l'un  ne  peut  pas  porter  atteinte  aux  droits 
de  l'autre. 


Lorsque  le  père  et  la  mère  sont  mariés  entre  eux  ou 
l'ont  été,  celui  des  deux  époux  qui  jouit  du  droit  d'émanci- 
pation exerce  ce  droit  de  la  manière  la  plus  absolue  ;  il 
n'est  pas  tenu  de  faire  connaître  les  motifs  de  sa  décision 
et  le  juge  de  paix  ne  saurait  se  refuser  à  recevoir  sa  décla- 
ration. Mais  cependant  le  père  ou  la  mère  ne  peut  pas  user 
de  ce  droit  d'émancipation  pour  détruire  l'eff'et  d'une  déci- 
sion de  la  justice  qui  lui  a  enlevé  le  droit  de  garde.  Ainsi, 
en  cas  de  séparation  de  corps,  le  père  conserve,  sans  doute, 
en  principe,  le  droit  d'émanciper  ses  enfants  ;  mais  lorsque 
la  garde  lui  a  été  retirée  et  confiée  à  la  mère,  la  justice  a  le 
droit  d'intervenir  et  d'examiner  si  l'émancipation  a  eu  lieu 
dans  l'intérêt  des  enfants  ou  dans  le  but  d'enlever  à  la 
mère  la  garde  qui  lui  avait  été  confiée  ;  dans  ce  dernier  cas, 
les  tribunaux   peuvent  considérer  l'émancipation  comme 
nulle  et  non  avenue.  On  est  aussi  généralement  aujourd'hui 
d'accord  pour  décider  qu'en  cas  d'absence  ou  d'interdiction 
du  père,  la  mère  peut  émanciper  l'enfant,  même  si  celui-ci 
n'a  pas  encore  atteint  sa  dix-huitième  année  et  bien  que, 
dans  ce  cas,  l'émancipation  ait  pour  effet  d'éteindre  la 
jouissance  légale  du  père  sur  les  biens  de  cet  enfant  ;  au- 
trement, en  effet,  l'émancipation  deviendrait  impossible 
dans  ces  circonstances  ;  or  l'intérêt  de  l'enfant  exige  que 
ce  bénéfice  puisse  lui  être  conféré  en  tout  temps.  L'enfant 
peut  être  émancipé  par  son  père  ou  par  sa  mère,  dès  qu'il 
a  atteint  l'âge  de  quinze  ans.  S'il  n'a  plus  ni  père,  nimère, 
l'émancipation   est  faite    par  le  conseil   de   famille  et 
seulement  à  partir  de  l'âge   de   dix-huit  ans   (C.  civ., 
art.  478  et  479).  La  loi  craint  les  dangers  d'une  émanci- 
pation précoce  qui  pourrait  être  consentie  par  un  conseil 
de  famille  moins  soucieux  des  intérêts  du   mineur  qu'un 
père  ou  une  mère.  La  loi  a  donné  le  droit  d'émancipation 
au  conseil  de  famille  et  l'a  refusé  au  tuteur  parce  que 
celui-ci  aurait  pu   être  porté  à  user  de  ce  droit  dans  le 
seul  but  de  se  décharger  de  la  tutelle.  Le    conseil  de 
famille  délibère  suivant  les  formes  ordinaires  et,  s'il  se  pro- 
nonce pour  l'émancipation,  le  juge  de  paix,  en  sa  qualité  de 
président,  déclare  que  lemineurest  émancipé.  Cette  décla- 
ration est  mentionnée  au  procès- verbal  de  la  délibération. 
Le  tribunal  ne  peut  pas  modifier  cette  décision,  car  la  loi 
ne  lui  donne  ni  le  droit  d'émanciper,  ni  celui  de  révoquer 
l'émancipation.  Ce  droit  de  convoquer  le  conseil  de  famille 
à  l'effet  de  délibérer  sur  l'émancipation  du  mineur  appar- 
tient, non  seulement  au  tuteur,  mais  encore  à  un  certain 
nombre  de  parents  dont  l'art.  479  donne  l'énumération,  et 
il  importe  de  remarquer  que  ce  droit  appartient  à  ces  pa- 
rents, même  s'ils  ne  sont  pas  membres  du  conseil  de  famille. 
L'énumération  de  cet  article  étant  limitative,  aucun  autre 
parent  ni  le  mineur,  ni  le  subrogé  tuteur  n'ont  le  droit  de 
requérir  la  convocation  du  conseil  de  famille  ;  mais  il  ne 
faut  pas  oublier  que,  si  l'on  reconnaît  au  juge  de  paix, 
d'une  manière  générale,  la  faculté  de  réunir  d'office  le  con- 
seil de  famille,  ce  magistrat  peut  toujours  tenir  compte  de 
la  demande  faite,  même  par  une  personne  qui  n'a  pas  qua- 
lité à  cet  effet.  D'ailleurs,  si  le  juge  de  paix  ne  pouvait  pas 
convoquer  le  conseil  de  famille  d'office  dans  notre  hypo- 
thèse, il  résulterait  de  là  que  le  mineur  sans  parents  ou 
alliés  jusqu'au  degré  de  cousin  germain  serait  à  l'entière 
discrétion  de  son  tuteur.  La  loi  n'a  pas  prévu  le  cas  où  le 
mineur  a  encore  ses  père  et  mère  (ou  l'un  d'eux),  mais  où 
ces  père  et  mère  (ou  le  survivant)  se  trouvent  en  état 
d'interdiction,  ou  d'absence  déclarée,  ou  de  présomption 
d'absence.  Dans  ces  diverses  circonstances,  l'émancipation 
sera  consentie  par  le  conseil  de  famille.  En  vain  objecte- 
rait-on qu'en  cas  d'absence  ce  conseil  n'est  pas  constitué, 
car  l'art.  460  du  C.  civ.   prouve  bien  qu'un  conseil   de 
famille  peut  être  créé,  dans  certaines  circonstances,  mal- 
gré l'absence  de  toute  tutelle  ou  curatelle. 

L'émancipation,  on  s'en  souvient,  fait  cesser  soit  la 
puissance  paternelle,  soit  la  tutelle,  soit  à  la  fois  la  puis- 
sance paternelle  et  la  tutelle.  L'enfant  émancipé  acquiert, 
en  principe,  quant  à  sa  personne,  tous  les  droits  d'un  ma- 
jeur; il  peut  choisir  son  domicile  et  sa  résidence,  embras- 


—  881 


EMANCIPATION 


ser  une  profession  quelconque,  louer  ses  services,  etc. 
Par  exception,  cependant,  l'émancipation  ne  confère  au  mi- 
neur aucune  capacité  nouvelle  pour  contracter  mariage,  et 
le  mineur  émancipé  ne  peut  pas  non  plus  intenter  seul  les 
actions  qui  concernent  son  état.  Quant  aux  biens,  l'éman- 
cipation a  pour  effet  de  placer  le  mineur  à  la  tête  de  son 
patrimoine  ;  il  n'a  plus,  comme  le  mineur  ordinaire,  un 
représentant;  il  agit  lui-même  soit  seul,  soit  avec  l'assis- 
tance d'un  curateur,  soit  en  observant  les  formes  pres- 
crites au  tuteur  pour  les  biens  du  mineur  non  émancipé. 
En  principe,  le  mineur  émancipé  fait  seul  les  actes  de 
pure  administration  ;  pour  tous  les  autres  actes,  il  est 
soumis  aux  règles  de  la  tutelle,  à  moins  qu'en  vertu 
d'une  disposition  spéciale  la  loi  ne  se  contente  de  l'assis- 
tance du  curateur.  Ainsi,  le  mineur  peut  faire  seul  tous  les 
actes  relatifs  à  l'entretien  et  à  la  jouissance  des  biens, 
louer  à  ferme  ou  à  loyer  pour  une  durée  qui  n'excède  pas 
neuf  années  ;  renouveler  ses  baux  pourvu  que  ce  ne  soit 
pas  plus  de  trois  ans  avant  l'expiration  des  baux  courants 
s'il  s'agit  de  biens  ruraux  et  plus  de  deux  ans  s'il  s'agit  de 
baux  de  maisons;  recevoir  ses  loyers  ou  fermages  échus 
et,  ajoute  la  loi,  en  donner  décharge  (art.  481),  c.-à-d. 
quittance,  mais  non  pas  en  faire  remise,  car  les  donations 
sont  défendues  aux  mineurs  émancipés  ;  faire  toutes  les 
réparations  ;  exercer  tous  les  actes  conservatoires  (renou- 
vellement d'inscription,  interruption  de  prescription,  etc.). 
Comme  le  mineur  est,  d'après  les  termes  mêmes  de  la  loi, 
réputé  majeur  pour  ces  actes  d'administration,  il  peut 
aussi  transiger  et  même  compromettre  pour  toutes  les  con- 
testations qui  y  sont  relatives  (cpr.  art.  2045)  sans  au- 
cune assistance  ou  autorisation.  Le  code  civil  ne  s'occupe 
pas  de  l'aliénation  des  meubles  corporels  ou  incorporels  et 
de  là  sont  résultés  autrefois  de  vives  controverses.  L'alié- 
nation des  meubles  rentre  en  principe  dans  les  actes  de 
disposition  :  on  ne  peut  la  considérer  comme  acte  de  pure 
administration  qu'autant  qu'il  s'agit  de  meubles  sujets  à 
un  dépérissement  rapide.  Il  résulte  cependant  des  art.  482 
et  484,  a  contrario,  que  le  mineur  émancipé  peut  aliéner 
seul  ses  meubles  corporels.  Le  code  civil  a  manifestement 
subi  l'influence  de  l'ancien  droit  qui  n'attribuait  aucune 
valeur  sérieuse  aux  meubles,  et  cependant  aujourd'hui  tel 
objet  d'art  peut  atteindre  une  valeur  bien  supérieure  à 
celle  de  certains  immeubles  ruraux. 

La  loi  ne  s'explique  pas  clairement  sur  les  obligations 
que  peut  contracter  le  mineur.  Celui-ci  est-il  capable  de 
s'obliger  seul  ?  L'affirmative  résulte,  selon  nous,  des 
art.  483  et  484,  sauf  exception  s'il  s'agit  de  contracter  un 
emprunt;  seulement  les  obligations  que  le  mineur  contracte 
seul  sont  réductibles  en  cas  d'excès  ;  ainsi  il  peut,  même 
à  crédit,  acheter  des  meubles  ou  des  immeubles,  prendre 
à  bail  des  meubles  ou  des  immeubles,  passer  des  contrats 
pour  Tamélioration  de  ses  biens.  Mais  de  ce  que  le  mineur 
peut  s'obliger  seul  dans  la  plupart  des  cas,  il  ne  faudrait 
pas  conclure  que,  dans  ces  mêmes  cas,  seul  aussi,  il  ait  le 
droit  de  consentir  des  hypothèques,  des  droits  d'antichrèse, 
de  rétention,  en  garantie  de  ses  obligations.  Pour  pouvoir 
consentir  ces  droits  sur  des  immeubles,  il  faut  avoir  la 
capacité  d'aliéner  ces  mêmes  biens,  et  cette  capacité  fait 
défaut  au  mineur  émancipé  (G.  civ.,  art.  2024  et  2026). 
L'art.  6  du  code  de  com.  confirme  bien  cette  solution  : 
il  donne  au  mineur  émancipé  commerçant  le  droit  d'hypo- 
théquer ses  immeubles  pour  les  obligations  relatives  à  son 
commerce.  Cette  disposition  n'aurait  aucun  sens  sérieux  si, 
en  principe,  tout  mineur  émancipé  pouvait  seul  constituer 
des  hypothèques  dans  les  cas  où  il  est  capable  de  s'obli- 
ger. Le  mineur  peut  encore  seul,  sans  assistance  du  cura- 
teur, intenterlesactions  mobilières  et  y  défendre  (art.  482). 
Cela  est  vrai  même  dans  le  cas  où  le  procès  porte  sur  une 
somme  d'argent  ;  en  vain  objecterait-on  que  le  mineur  ne 
peut  pas  donner  décharge  d'une  pareille  somme  sans  l'as- 
sistance de  son  curateur,  car  autre  chose  est  reconnaître 
la  libération  d'un  débiteur,  autre  chose  plaider  sur  le 
point  de  savoir  si  l'on  est  créancier  ou  débiteur,  et  on 

GRANDE    ENCYCLOPÉDJE.   —  XV. 


reconnaîtra  sans  peine  que  ce  second  acte  est  beaucoup 
moins  dangereux  que  le  premier.  A  plus  forte  raison  le  mi- 
neur peut  diriger  seul  contre  ses  débiteurs  toutes  espèces 
de  poursuites  mobilières  ou  immobilières  ;  l'assistance  du 
curateur  ne  serait  nécessaire  que  si  le  débiteur  voulait  se 
libérer  du  capital  mobilier.  Cependant  le  mineur  ne  peut 
pas  seul  consentir  à  ce  qu'une  saisie  immobilière  pratiquée 
sur  son  débiteur  soit  convertie  en  une  vente  volontaire 
(C.  proc.  civ.,  art.  744).  Il  n'a  pas  davantage  le  droit, 
comme  nous  le  verrons  bientôt,  de  former  seul  une  de- 
mande en  partage  d'une  universalité  de  meubles,  bien  que 
cette  action  soit  mobilière;  mais  en  retour  il  peut  intenter 
seul  les  actions  possessoires  et  y  défendre,  quoique  ces 
actions  soient  immobilières  ;  comme  elles  ne  préjugent  pas 
le  fond  du  droit,  on  les  range  toujours  parmi  les  actes 
d'administration. 

Nous  arrivons  aux  actes  pour  lesquels  l'assistance  du 
curateur  est  à  la  fois  nécessaire  et  suffisante  (C.  civ., 
art.  480  et  482).  En  première  ligne  figure  l'acte  de 
réception  du  compte  de  tutelle.  Que  ce  compte  soit  rendu 
à  l'amiable  ou  en  justice,  il  est  toujours  assez  important 
pour  que  la  loi  exige  la  présence  du  curateur;  si  le  mineur 
était  seul,  désireux  d'entrer  en  jouissance  de  sa  fortune, 
il  pourrait  passer  sur  bien  des  irrégularités.  Le  curateur 
qui  assiste  le  mineur  pour  la  reddition  de  compte  n'est 
pas  nécessairement  celui  qui  sera  nommé  définitivement 
curateur  :  on  peut  choisir  pour  la  reddition  de  compte  un 
curateur  ad  hoc.  S'il  en  avait  été  autrement,  le  tuteur 
n'aurait  jamais  pu  être  nommé  ensuite  curateur  du  mineur, 
même  quand  ce  tuteur  est  le  survivant  des  père  et  mère. 
L'assistance  du  curateur  est  également  nécessaire  au  mi- 
neur qui  veut  intenter  une  action  réelle  immobilière  ou  y 
défendre.  La  loi  l'impose  encore  s'il  s'agit  de  recevoir, 
suivant  ses  termes  mêmes,  un  «  capital  mobilier  »,  c.-à-d. 
toute  somme  d'argent  qui  ne  constitue  pas  un  revenu.  La 
loi  étant  générale,  il  faut  l'appliquer,  même  s'il  s'agit  de 
capitaux  provenant  d'économies  faites  par  le  mineur  sur 
ses  revenus  et  bien  qu'il  puisse  recevoir  seul  ses  re- 
venus, car  ceux-ci,  dans  notre  hypothèse,  ont  perdu  ce 
caractère  et  sont  devenus  des  capitaux.  Le  curateur  doit 
surveiller  l'emploi  de  la  somme  reçue  ;  sa  responsabilité 
serait  engagée  s'il  laissait  le  mineur  la  dissiper  maladroi- 
tement, mais  cependant  le  débiteur  ne  pourrait  plus  être 
recherché,  car  il  s'est  valablement  libéré  en  payant  entre 
les  mains  du  mineur  assisté  de  son  curateur.  Il  faut 
encore  exiger  l'assistance  du  curateur  pour  l'acceptation 
d'une  donation  ou  d'un  legs  à  titre  particulier  (C.  civ., 
art.  935),  et,  s'il  s'agit  de  demander  le  partage  définitif 
d'une  succession,  d'une  communauté  entre  époux  ou  d'une 
société,  même  à  supposer  que  les  biens  à  partager  soient 
mobiliers,  car  la  loi  ne  distingue  pas  (C.  civ.,  art.  838, 
840,  1476,  1872).  L'assistance  du  curateur  serait  aussi 
nécessaire  et  suffisante  à  la  femme  mineure  qui  voudrait 
demander  la  séparation  de  biens  (C.  civ.,  ars;.  art.  840), 
et,  si  le  mari  était  le  curateur  de  sa  femme,  il  faudrait  le 
remplacer  par  un  curateur  ad  hoc.  Malgré  le  silence  de  la 
loi,  on  est  généralement  d'accord  pour  exiger  l'assistance 
du  curateur  s'il  s'agit  d'une  action  relative  à  l'état  du  mi- 
neur ;  les  actions  de  cette  nature  ont  une  importance  par- 
ticulière, et,  si  la  loi  impose  la  présence  du  curateur  pour 
les  actions  relatives  aux  immeubles,  à  plus  forte  raison 
entend-elle  l'exiger  toutes  les  fois  que  l'état  du  mineur  est 
en  question.  Toutefois,  la  présence  du  curateur  cesse  d'être 
exi:,ée  lorsqu'il  s'agit  de  la  demande  en  divorce  (arg.  du 
nouvel  art.  234). 

S'il  arxàvait  que  le  curateur  refusât  son  assistance  à  l'un 
de  ces  actes,  le  mineur  aurait  le  droit  de  s'adresser  à  la 
justice  pour  faire  statuer  sur  le  différend,  mais  il  pourrait 
peut-être  aussi  provoquer  la  convocation  du  conseil  de  fa- 
mille pour  se  faire  autoriser  par  ce  conseil,  car  il  semble 
bien  que  le  mineur  puisse  faire,  avec  le  consentement  du 
conseil  de  famille,  les  actes  pour  lesquels,  par  faveur  et  par 
exception,  la  loi  n'exige  que  l'assistance  du  curateur. 

56 


ÉMANCIPATION 


—  88^2  — 


On  range  dans  une  troisième  classe  tous  les  actes  pour 
lesquels  il  faut  appliquer  au  mineur  émancipé  les  principes 
de  la  tutelle  (G.  civ.,  art.  483,  484,  !«'•  alinéa).  On  exige 
donc,  en  pareil  cas,  toujours  l'autorisation  du  conseil  de 
famille  et  parfois,  en  outre,  l'homologation  du  tribunal  ; 
mais  il  est  bien  évident  que  l'assistance  du  curateur  n'est 
plus  nécessaire.  On  ne  voit  pas  en  efiet  quelle  serait  Futi- 
lité de  cette  assistance  puisque,  si  le  curateur  la  refusait,  le 
mineur  pourrait  passer  outre  avec  l'autorisation  du  con- 
seil de  famille.  Ainsi,  par  exemple,  le  mineur  aura  besoin 
à  la  fois  de  l'autorisation  du  conseil  de  famille  et  de  celle 
du  tribunal  pour  emprunter,  aliéner  un  immeuble,  cons- 
tituer une  servitude,  une  hypothèque  ou  une  autre  charge 
réelle,  comme  aussi  pour  transiger,  et,  dans  ce  dernier 
cas,  il  faudra  même  exiger  en  outre  une  consultation  de 
trois  jurisconsultes.  Pour  accepter  ou  répudier  une  succes- 
sion, le  consentement  du  conseil  de  famille  suffit.  Une  loi 
récente  du  27  févr.  4880  s'est  occupée  de  l'aliénation  des 
valeurs  mobilières  appartenant  aux  mineurs  et  de  la  con- 
version des  titres  nominatifs  de  ces  mêmes  valeurs  en 
titres  au  porteur.  D'après  cette  loi,  le  mineur  émancipé  par 
le  mariage  peut  aliéner  seul  ses  valeurs  mobilières  ou  con- 
vertir les  titres  nominatifs  en  titres  au  porteur.  Mais,  si  le 
mineur  a  été  émancipé  expressément,  alors  il  doit  observer, 
pour  l'ahénation  de  ces  meubles  incorporels,  les  formes 
prescrites  à  l'égard  du  mineur  non  émancipé.  En  d'autres 
termes,  il  a  besoin  de  l'autorisation  du  conseil  de  famille 
si  la  valeur  des  meubles  incorporels  à  aliéner  ne  dépasse 
pas  1,500  fr.  Si  elle  dépasse  cette  somme,  la  délibération 
du  conseil  de  famille  est  soumise  à  l'homologation  du  tri- 
bunal. L'aliénation  est  nécessairement  faite  par  le  ministère 
d'un  agent  de  change  toutes  les  fois  qu'il  s'agit  de  valeurs 
négociables  à  la  bourse,  au  cours  moyen  du  jour.  Les 
mêmes  formalités  doivent  être  observées  lorsque  le  mineur 
émancipé  veut  convertir  des  titres  nominatifs  en  titres  au 
porteur. 

Enfin  il  y  a  des  actes  absolument  interdits  au  mineur 
émancipé  :  la  donation  sous  une  forme  quelconque,  même 
sous  celle  d'une  remise  de  dette  (G.  civ.,  art.  903);  le 
compromis,  à  moins  qu'il  ne  porte  sur  un  acte  d'adminis- 
tration ;  le  testament,  à  moins  que  le  mineur  ne  soit  âgé 
de  seize  ans,  auquel  cas  il  lui  est  permis  de  disposer  par 
acte  de  dernière  volonté  de  la  moitié  de  ce  qu'il  pourrait 
donner  s'il  était  majeur. 

Au  point  de  vue  de  l'effet  des  différents  actes  passés  par 
un  mineur  émancipé,  il  faut  établir  quatre  distinctions.  Cer- 
tains actes  sont  toujours  valables,  comme  s'ils  avaient  été 
faits  par  un  majeur  :  ce  sont  les  actes  de  pure  administration 
que  le  mineur  peut  faire  seul  ;  les  actes  pour  lesquels  l'as- 
sistance du  curateur  est  nécessaire  si  cette  assistance  a  été 
donnée,  et  les  actes  soumis  aux  règles  de  la  tutelle  si  ces 
règles  ont  été  observées.  La  seconde  classe  comprend  les 
actes  rescindables  pour  cause  de  lésion  seulement  :  ce  sont 
les  actes  pour  lesquels  l'assistance  du  curateur,  exigée  par 
la  loi,  n'a  pas  été  donnée  (art.  1305).  En  troisième  lieu, 
les  actes  soumis  aux  règles  de  la  tutelle  sont  annulables 
pour  cause  d'incapacité  du  mineur  et  pour  vice  de  forme, 
sans  qu'il  soit  nécessaire  d'établir  l'existence  d'une  lésion 
toutes  les  fois  que  les  dispositions  de  la  loi  n'ont  pas  été 
observées.  Enfin,  sauf  dans  le  cas  d'emprunt,  le  mineur 
émancipé  peut  s'obliger  seul,  mais  les  engagements  qu'il 
contracte  sont  réductibles  en  cas  d'excès  (art.  484,  2^  ali- 
néa). Ces  engagements,  qu'on  le  remarque  bien,  ne  sont 
pas  nécessairement  réduits  :les  tribunaux  peuvent  se  bor- 
ner à  les  déclarer  réductibles  pour  ne  faire  éprouver  aucun 
préjudice  aux  tiers  qui  ont  traité  de  bonne  foi  avec  le 
mineur  et  qui  ont  cru  que  les  engagements  par  lui  pris 
étaient  en  rapport  avec  sa  fortune.  Mais  alors  quelle  sera 
l'utilité  de  cette  décision  ?  Nous  allons  le  voir  en  nous  oc- 
cupant de  la  révocation  de  l'émancipation.  L'émancipation 
prend  fin  par  la  mort  ou  par  la  majorité  du  mineur  ;  elle 
peut  aussi  être  révoquée  toutes  les  fois  que  le  mineur  en 
abuse  pour  prendre  des  engagements  excessifs.  Toutefois 


c'est  l'émancipation  expresse  seule  qui  peut  être  révoquée; 
l'émancipation  tacite  attachée  au  mariage  ne  saurait  être 
attaquée,  par  cela  même  qu'elle  est  conférée  par  la  loi.  La 
révocation  de  l'émancipation  tacite  n'est  pas  possible  même 
après  la  dissolution  du  mariage,  même  si  l'époux  survivant 
encore  mineur  est  veuf  sans  enfants.  Toutes  les  distinc- 
tions qu'on  a  voulu  établir  à  cet  égard  sont  arbitraires. 
La  révocation  de  l'émancipation  expresse  suppose  que  le 
mineur  a  contracté  des  engagements  réduits  ou  déclarés 
réductibles  ;  il  résulté  bien  nettement  de  l'art,    485  que 
le  retrait  de  l'émancipation  est  toujours  une  mesure  sub- 
sidiaire, une  conséquence  de  la  décision  judiciaire  qui 
déclare  réductibles  les  engagements  du  mineur.  Or  l'action 
en  réduction  ne  peut  être  intentée  que  par  le  mineur  lui- 
même,  lequel  a  l'exercice  de  ses  actions  avec  ou  sans  l'as- 
sistance du  curateur,  suivant  les  distinctions  déjà  faites  ; 
le  curateur  ne  saurait  agir  en  son  lieu  et  place,  car  aucun 
article  du  code  ne  lui  confère  ce  droit.  Il  résulte  de  là  que 
le  droit  de  révocation  des  père  et  mère  et  celui  du  conseil 
de  famille  dépendent  du  mineur  qui,  le  plus  souvent,  soit 
pour  empêcher  la  révocation,  soit  même  par  délicatesse, 
ne  demandera  pas  la  réduction  de  ses  engagements.  La 
loi  est  évidemment  défectueuse;  elle  n'aurait  pas  dû  sou- 
mettre la  révocation  de  l'émancipation  à  la  réduction  préa- 
lable des  engagements  du  mineur.  L'effet  de  la  révocation 
de  l'émancipation  est  de  faire  rentrer  le  mineur  en  tutelle 
ou  sous  la  puissance  paternelle,  et  le  mineur  ainsi  retombé 
dans  son  ancien  état  ne  peut  plus  être  émancipé  d'une 
manière  expresse  (art.  486)  ;  mais,  s'il  se  mariait,  il  y  au- 
rait émancipation  tacite.  L'usufruit  légal  des  père  et  mère 
renaît  avec  la  puissance  paternelle,  si^  le  mineur  n'a  pas 
encore  atteint  sa  dix-huitième  année.  Si  le  mineur  était  en 
tutelle  avant  son  émancipation,  certains  auteurs  veulent 
que  la  première  tutelle  reprenne  de  plein  droit,  de  sorte 
qu'il  n'y  aurait  pas  lieu  de  procéder  à  la  nomination  d'un  tu- 
teur. D'autres  pensent,  avec  plus  de  raison,  que  la  précé- 
dente tutelle  a  été  définitivement  éteinte  par  l'émancipation 
et  qu'une  nouvelle  tutelle  s'ouvre  par  l'effet  de  la  réyoca- 
tion  ;  celle-ci  doit  donc  être  déférée  d'abord  au  survivant 
des  père  et  mère,  à  son  défaut  ou  au  refus  de  la  mère  aux 
ascendants  et,  à  défaut  d'ascendants,  il  y  aurait  lieu  à  la 
tutelle  dative  donnée  par  le  conseil  de  famille. 

N'oublions  pas,  en  terminant,  de  relever  la  condition 
particulière  du  mineur  émancipé  qui  est  commerçant 
(art.  487).  Avant  la  Révolution,  la  majorité  était,  en 
général,  fixée  à  vingt-cinq  ans,  mais  on  pouvait  être  reçu 
marchand  à  vingt  ans  (ordonn.  de  1673,  titre^I,  art.  3), 
et  même,  d'après  Jousse,  dans  les  villes  où  il  n'existait  pas 
de  maîtrise,  on  pouvait  faire  le  commerce  avant  d'avoir 
atteint  sa  vingtième  année.  Aujourd'hui  quatre  conditions 
sont  exigées  de  tout  mineur  de  l'un  ou  de  l'autre  sexe  qui 
veut  faire  le  commerce  :  avoir  été  émancipé,  expressément 
ou  tacitement;  avoir  atteint  l'âge  de  dix-huit  ans;  avoir 
fait  transcrire  l'acte  d'autorisation  sur  un  registre  du 
greffe  et  l'avoir  affiché  dans  un  tableau  placé  dans  la  salle 
du  tribunal  de  commerce  (G.  com.,  art.  2).  L'autorisation 
est  donnée  par  le  père  ou  par  la  mère  en  cas  de  décès, 
interdiction  ou  absence  du  père,  ou,  à  défaut  du  père  et  de 
la  mère,  par  une  délibération  du  conseil  de  famille  homo- 
loguée par  le  tribunal  civil  du  domicile  du  mineur,  même 
si  celui-ci  veut  exercer  le  commerce  dans  un  autre  arron- 
dissement. Le  tribunal  est  libre  d'accorder  ou  de  refuser 
son  homologation  ou  même  de  ne  la  donner  que  pour 
certains  commerces  déterminés.  Celui  qui  a  donné  au 
mineur  l'autorisation  de  faire  le  commerce  peut  la  lui  re- 
tirer, mais  ce  retrait  n'implique  pas  révocation  de  l'éman- 
cipation. Le  mineur  commerçant  est  réputé  majeur  pour 
les  faits  relatifs  à  son  commerce.  Il  a  donc  dans  cette  me- 
sure la  même  capacité  qu'un  majeur.  Le  mineur  peut 
aussi,  à  l'occasion  de  son  commerce,  engager  et  hypothé- 
quer ses  immeubles  ;  mais  le  code  de  commerce  déroge  à  la 
règle  d'après  laquelle  il  est  considéré  comme  majeur  pour 
l'aliénation  de  ses  immeubles  et,  par  suite  de  ce  vieux  pré- 


—  883  — 


ÉMANCIPATION 


jugé  en  faveur  de  la  propriété  immobilière,  il  ne  permet  au 
mineur  d'aliéner  ses  immeubles,  même  pour  les  besoins  de 
son  commerce,  que  sous  les  conditions  et  formalités  pres- 
crites par  les  art.  457  et  suiv.  du  G.  civ.     E.  Glasson. 

IV.  Sociologie.  —  Emancipation  de  la  femme  (V. 
Femme). 

V.  Histoire  d'Angleterre.—  Emancipation  des  catho- 
liques. —  Depuis  Elisabeth  (V.  ce  nom),  les  catholiques 
anglais,  les  récusants  papistes  furent  soumis,  comme  traîtres 
et  rebelles,  à  des  persécutions  plus  ou  moins  violentes. 
Elisabeth  fut  impitoyable.  Gharles  I®''  usa  d'indulgence. 
Gromwell  assura  la  liberté  du  culte  à  tout  le  monde, 
sauf  aux  papistes  et  aux  prélatistes.  En  1673,  un  Parle- 
ment protestant  adopta  le  fameux  bill  du  Test  qui  exclut 
des  conseils  du  roi  les  ministres  catholiques  romains.  Sous 
Guillaume  ÏII,  la  tolérance  ne  fut  refusée  par  l'Eglise  éta- 
blie qu'aux  catholiques  et  aux  unitaires.  Une  loi  de  1700 
offrit  une  prime  de  100  livres  sterling  à  quiconque  dénon- 
cerait  un  prêtre  catholique,  enleva  aux  personnes  de  cette 
confession  la  capacité  d'hériter  ou  d'acheter  des  terres,  et 
prononça  la  transmission  de  leurs  propriétés  à  leurs  plus 
proches  parents  protestants.  Il  y  eut  en  Irlande  des  exé- 
cutions atroces.  Les  actes  de  la  reine  Anne  aggravèrent 
encore  ceux  du  règne  précédent.  Les  révoltes  jabobites  de 
1715  et  de  1745  furent  suivies  par  une  recrudescence  d'ac- 
tivité législative  contre  les  papistes.  Ceux-ci  n'étaient  plus, 
paraît-il,  en  1767, qu'au  nombre  de  67,916  en  Angleterre: 
et,  à  cette  date,  comme  la  rigueur  de  la  persécution  s'était 
relâchée,  ils  s'étaient  ralliés  presque  tous  à  la  maison  de 
Hanovre.  Néanmoins,  quoiqu'ils  eussent  cessé  d'être  dan- 
gereux, ils  étaient  encore  fort  impopulaires.  Parmi  les 
whigs  eux-mêmes,  si  zélés  pour  la  défense  des  non-con- 
formistes protestants,  les  catholiques  ne  trouvèrent  guère 
d'appui  au  xvm®  siècle  que  chez  Fox  et  chez  sir  G.  Sa- 
vile.  «  La  tolérance  envers  les  catholiques  ne  faisait  nul- 
lement partie  du  Credo  traditionnel  du  parti  whig.  »  Sans 
doute,  sous  George  III,  on  laissait  dormir  les  terribles  lois 
du  temps  de  la  reine  Anne,  mais  il  suffisait  qu'un  fanatique 
en  requît  l'application  par  une  cour  de  justice  pour  leur 
rendre  leur  vigueur.  Ainsi  lord  Camden  ne  réussit  qu'à 
mettre  une  dame  catholique  à  l'abri  d'une  spoliation  légale 
en  obtenant  un  acte  privé  du  Parlement.  Afin  d'éviter  de 
tels  scandales,  sir  G.  Savile  proposa  en  1788  une  mesure 
pour  le  redressement  des  griefs  des  catholiques,  et  les  péna- 
lités de  1 700  furent  abolies  sans  opposition  par  le  Parlement. 
Mais  le  Parlement  avait  agi  sans  consulter  l'opinion  publique, 
entêtée  dans  ses  préventions  contre  le  papisme.  La  décision 
libérale  de  1 788  suscita  les  célèbres  Gordon  riots,  qui  furent 
comprimés  à  grand'peine.  Aussi  bien,  la  proposition  de  sir 
G.   Savile  n'eut  d'effet  que  pour  l'Angleterre  ;  elle  fut 
rejetée  pour  l'Ecosse.  —  En  1791,  on  alla  plus  loin.  On  ré- 
digea une  forme  de  serment,  à  laquelle  la  masse  des  catho- 
liques ne  pouvait  avoir  d'objection  ;  et  la  prestation  de  ce 
serment  suffit  «  pour  assurer  la  liberté  complète  du  culte 
et  de  renseignement,  pour  affranchir  les  propriétés  des 
catholiques  de  règles  odieuses,  pour  leur  ouvrir  la  carrière 
du  droit,  et  pour  rendre  aux  pairs  papistes  leur  ancien 
privilège  de  communiquer  avec  le  roi  ».   De  même,  les 
incapacités  les  plus  choquantes  des  catholiques  furent  abo- 
lies en  1 792  par  le  Parlement  d'Irlande  :  «  la  carrière  du 
droit  leur  fut  ouverte,  à  condition  de  prêter  le  serment 
d'allégeance  »  ;  les  entraves  aux  mariages  mixtes  et  à  la 
libre  éducation  des  enfants  furent  supprimées.  A  partir  de 
1793,  les  Irlandais  catholiques  purent  s'élever  dans  l'armée 
jusqu'au  grade  de  colonel  et  recevoir  les  honneurs  de  l'uni- 
versité de  Dublin.  Cette  même  année  vit  aussi  s*opérer  l'af- 
franchissement tardif  et  partiel  des  catholiques  d'Ecosse. 

L'union  de  l'Irlande  avec  l'Angleterre,  la  fusion  du  Par- 
lement irlandais  avec  celui  de  Westminster  fit  entrer  la 
question  de  l'émancipation  des  catholiques  dans  une  phase 
nouvelle.  «  Avant  l'union  avec  l'Irlande,  écrivait  plus  tard 
lord  Grenville,  il  n'était  jamais  entré  dans  l'esprit  de  Pitt 
qu'on  pût  relâcher  encore  davantage  les  lois  contre  les 


papistes  ;  mais,  à  partir  de  ce  moment,  il  avait  été  con- 
vaincu qu'on  pourrait  leur  accorder  tout  ce  qui  leur  serait 
nécessaire  sans  le  moindre  péril  pour  les  intérêts  protes- 
tants. »  Pitt,  l'union  consommée,  était  d'avis  qu'on  pou- 
vait sans  danger  admettre  les  catholiques  aux  emplois,  au 
droit  de  siéger  dans  le  Parlement,  attacher  même  le  clergé 
catholique  à  l'Etat  par  le  lien  du  salaire  et  de  la  surveil- 
lance. Pitt  se  heurta  toutefois  aux  répugnances  invincibles 
de  George  III  ;  il  dut  renoncer  à  les  vaincre. 

C'est  le  10  mai  1805  que  lord  Grenville  porta  de  nouveau 
devant  la  Chambre  des  lords  la  question  catholique  irlan- 
daise. «  A  l'époque  delà  révolution  de  1688,  dit-il,  les 
catholiques  d'Irlande  avaient  été  exclus  des  privilèges  poli- 
tiques à  cause  de  leur  attachement  à  une  autre  dynastie. 
Sous  le  présent  règne,  ils  avaient  obtenu  la  tolérance  pour 
le  libre  exercice  de  leur  religion,  le  pouvoir  d'acquérir  des 
terres,  la  puissance  du  droit  de  suffrage,  l'admission  à 
divers  emplois.  Eh  bien,  toutes  les  objections  qui  avaient 
pu  exister  jadis  à  l'admission  des  catholiques  dans  le  Par- 
lement avaient  disparu  depuis  l'union,  puisque  l'Irlande 
avait  renoncé  au  jacobisme,  et,  puisque  le  Parlement  du 
Royaume-Uni  contiendrait  toujours  d'ailleurs  une  grande 
majorité  de  protestants.  »  Après  d'éloquents  débats,  la 
motion  de  lord  Grenville  fut  repoussée  par  178  voix  contre 
49.  Une  proposition  analogue,  présentée  à  la  Chambre  des 
communes  par  Fox,  et  soutenue  par  Grattan,  y  fut  re- 
poussée par  236  voix  contre  124.  —  La  question  catho- 
lique fut  portée  bien  des  fois  encore  devant  les  Chambres 
jusqu'à  la  mort  de  George  III,  mais  toujours  avec  le  même 
succès. 

Cependant  des  pétitions  étaient  déposées  tous  les  ans, 
plus  longues  d'année  en  année.  Ainsi  soutenues,  les  motions 
du  genre  de  celles  de  1805  se  renouvelèrent.  «  Nous 
savons,  disait  lord  Grenville  aux  Lords  en  1812,  avec  quelle 
rapidité  la  nécessité  arrache  ce  que  le  pouvoir  obstinément 
refuse.  Nous  finirons  par  céder  à  ces  pétitions,  personne 
n'en  doute.  Ne  retardons  pas  assez  cette  concession  pour 
qu'elle  perde  le  charme  d'une  bienveillance  spontanée  et 
pour  que  nous  ne  puissions  plus  la  limiter  par  de  sages 
délibérations.  »  Le  bill  fut  encore  rejeté  cette  fois  par 
174  voix  contre  102  aux  Lords,  et  aux  Communes,  malgré 
des  discours  remarquables  de  Grattan,  de  Brougham  et  de 
Canning,  par  300  contre  215. 

L'histoire  parlementaire  des  années  qui  suivent  est  pleine 
de  débats  pareils,  quoique  moins  éclatants  (V.  Grattan). 
Après  1820,  grâce  à  Canning,  de  nombreux  bills  en  faveur 
des  catholiques  furent  adoptés  aux  Communes  ;  mais  l'in- 
domptable protestantisme  des  Lords  les  arrêta  toujours  au 
passage,  à  30  ou  40  voix  de  majorité.  —  Ce  n'est  qu'en 
1828  que  l'attitude  menaçante  de  l'Irlande  (et  des  régi- 
ments irlandais)  persuada  le  ministère  Peel- Wellington, 
pourtant  hostile  à  l'émancipation  en  principe,  que  les 
«  nécessités  politiques  »  exigeaient  que  cette  cause  triom- 
phât enfin.  Ce  ministère  proposa  d'admettre  les  catholiques 
romains,  sur  la  prestation  d'un  nouveau  serment  rempla- 
çant le  serment  de  suprématie,  à  siéger  dans  les  deux 
chambres  du  Parlement  et  à  remplir  toutes  fonctions  pu- 
bliques, sauf  celles  de  lord  chancelier  et  de  lord  lieutenant 
d'Irlande.  Cela  fut  adopté  en  troisième  lecture  aux  Com- 
munes par  320  voix  contre  142;  et  par  une  majorité  de 
104  voix  aux  Lords,  à  la  session  de  1829.  Le  roi,  quoiqu'il 
en  eût  envie,  ne  put  refuser  sa  sanction.  —  En  consé- 
quence de  la  loi  d'émancipation,  obtenue  de  la  sorte  après 
quarante  années  d'efforts  continus,  le  duc  de  Norfolk,  lord 
Clifford  et  lord  Dormer  vinrent  réclamer,  le  28  avr.  1829, 
leur  place  héréditaire  à  Westminster  ;  ils  furent  suivis 
bientôt  des  lords  Stafford,  Petre  et  Stourton.  O'Connell 
entra  à  la  Chambre  des  communes. 

L'émancipation  avait  été  arrachée  par  l'Irlande  exaspérée 
au  gouvernement  anglais,  que  la  peur  seule  rendit  juste. 
L'Irlande  n'en  éprouva  naturellement  aucune  reconnais- 
sance; elle  n'en  éprouva  que  de  l'orgueil.—  D'autre  part, 
l'émancipation  qui  n'amena  pas,    comme  on  aurait  pu 


ÉMANCIPATION  —  EMBALLAGE  —  8^ 

l'espérer,  l'apaisement  des  haines,  n'a  pas  eu  non  plus  pour 
résultat,  comme  le  craignaient  avant  1829  les  piétistes 
protestants,  de  créer  à  Westminster  une  imposante  mmo- 
rité  de  sectaires  catholiques  (Irlandais,  Anglais  et  Ecossais 
unis).  Ch.-V.  L. 

BiBL  :  Droit  romain.  —  Accarias,  Précis  de  droit  ro- 
main 1886,  1,  pp.  303-307,  4«  éd.  -  Rivier,  Précis  du  droit 
de  t^mille  romain,  1891,  pp.  103-107.- Cf.  A.  PERNiCE,Mar- 
cus  Antistius  Labeo,  1813,  I.  ,     ^      . 

Droit  civil  actuel.  —  Aubry  et  Rau,  Cours  de  droit 
civil  français,  4e  éd.,  t.  I,  p.  540.  -  Demolombe,  Traite 
de  la  minorité,  de  la  tutelle  et  de  l'émancipation,  2  vol. 
in-8.  —  Dalloz,  Jurisprudence  générale,  v°  -t-Jî^a^cipa- 
fion.  —  Giboulot,  De  CEmancipation  ;  Pans,  1855,  in-b. 
Histoire  d'Angleterre.—  Th.  Erskine  May,  Histoire 
constitutionnelle  de  iAngleterre  depuis  Vavenernent  de 
Georae  III  ;  Paris,  1866,  in-8,  t.  II.  -  Annual  Register  of 
events,  pour  l'année  1829.  -  Spencer  Walpole,  Historg 
of  England  from  1815. 

EMANU  EL  (Giovanni),  acteur  italien,  ne  vers  1«45. 
11  avait  à  peine  dix-huit  ans  lorsqu'il  entreprit  la  carrière 
dramatique  dans  laquelle  il  devait  acquérir  une  véritable 
célébrité.  11  est  aujourd'hui,  avec  Alessandro  Salvini,  avec 
Cesare  Rossi,  avec  M^^  Eleonora  Duse,  l'un  des  plus 
fameux  comédiens  itaUens  de  ce  temps.  Il  fit  ses  débuts 
à  Rome,  au  théâtre  Argentina.  Il  s'est  fait  applaudir  dans 
une  comédie  de  caractère  comme  Mercadet  le  faiseur  aussi 
bien  que  dans  une  tragédie  comme  Cola  di  Rienzi  ou 
Elisabetha,  regina  dlnghilterra.  Pendant  vingt  ans 
M.  Emanuel  a  parcouru  l'Italie  en  triomphateur,  tantôt 
simplement  comme  acteur,  tantôt  comme  acteur  et^  direc- 
teur. Il  n'a  pas  obtenu  de  moins  grands  succès  à  l'étran- 
ger,*et  à  l'heure  où  ces  lignes  sont  écrites  (1892)  il  se 
fait  acclamer  en  Amérique,  où  son  rare  talent  est  accueilh 
avec  un  véritable  enthousiasme.  A.  Pougin. 

EMANUELE  (Fra  Cosimo),  peintre  italien,  né  à  Côme 
en  1625,  mort  à  Rome  en  1701.  Il  fut  élève  de  Silla  de 
Messine  et,  plus  tard,  entra  dans  l'ordre  des  mineurs 
réformés.  La  ville  de  Côme  possède  deux  tableaux  de  lui  : 
une  Cène,  œuvre  médiocre,  et  une  Piété  au  milieu  de 
'plusieurs  saints, 

ÉM  AN  VILLE.  Corn,  du  dép.  de  l'Eure,  arr.  d'Evreux, 
cant.  de  Couches;  o28  hab. 

ÉMANVILLE.  Corn,  du  dép.  de  la  Seine-Inférieure,  arr. 
de  Rouen,  cant.  de  Pavilly;  453  hab. 

ÉMARGEMENT.  Au  point  de  vue  administratif,  on 
appelle  émargement  la  signature  donnée  chaque  mois,  par 
les  fonctionnaires,  en  marge  des  états  de  payements  qui 
indiquent  le  chiffre  de  leur  traitement,. la  retenue  pour  la 
retraite  et  la  somme  nette  à  toucher. 

EMARGINULA  (Malac).  Genre  de  Mollusques  Gastéro- 
podes, de  l'ordre  des  Prosobranches-Pectinibranches,  établi 
par  Lamarck,  en  1801, pour  une  coquille  de  forme  conique, 
à  base  plus  ou  moins  allongée  ou  arrondie,  à  sommet  en- 
tier plus  ou  moins  incliné  en  arrière,  portant  à  son  bord 
antérieur  une  échancrure  étroite,  laquelle,  en  se  comblant 
au  fur  et  à  mesure  que  la  coquille  grandit,  laisse  à  Tinté- 
rieur  une  callosité  se  poursuivant  jusqu'au  sommet,  et  à 
l'extérieur  un  canal  peu  profond  situé  en  travers,  parfois 
remplacé  par  une  côte  granuleuse.  L'animal,  fixé  sur  les 
plantes  ou  sur  les  rochers,  très  lent,  timide,  est  pourvu 
d'un  mufle  large,  de  tentacules  allongés  ;  les  yeux  sont 
pédoncules.  —Sections  :  1«  A^^s^aAdams,  1870,  coquille 
oblongue,  à  sommet  terminal  postérieur,  à  fissure  bien 
marquée  ;  exemple  :  Emarginula  candida  Adams.  — 
^2^  Emarginula  sensu  stricto,  sommet  élevé,  ouverture 
étroite,  fissure  au  miheu  du  bord  antérieur;  exemple  : 
Emarginula  fissuraUme.  Les  Fissurelles  habitent  l'océan 
Pacifique  et  l'Atlantique.  On  les  rencontre  sur  les  côtes 
d'Europe,  d'Amérique,  etc.  J.  Mab. 

ÉMARGINULE  (V.  Emarginula). 
EMATH  (V.  Hamah). 

ÉMAUX  (Céram.)  (V.  Émail  et  Céramique). 
EMBA.  Fleuve   de  Russie.  Il  arrose  la   province  de 
l'Oural  et,  après  un  cours  d'environ  700  kil.,  se  jette 


dans  la  mer  Caspienne.  Ses  bords  sont  habités  par  des 
Kirghiz.  Sur  son  cours  supérieur  s'élève  le  fort  d'Embinsk. 
EMBABEH.  Village  de  la  Basse-Egypte,  sur  la  rive 
gauche  du  Nil,  en  face  et  un  peu  en  aval  de  Boulaq.  C'est 
devant  Embabeh  que  Bonaparte  remporta,  le  21  juil.  1798, 
la  victoire  dite  des  Pyramides. 

EMBACH.  Fleuve  de  Russie.  Il  prend  sa  source  en 
Livonie  et  arrose  Dorpat  où  il  devient  navigable.  Sa  lon- 
gueur est  d'environ  260  kil.  Ses  principaux  aftluents  sont 
la  Wassula  et  l'Elwa. 
EMBÂCLE  (V.  Glace). 

EMBALLAGE  (Industr.).  Le  travail  de  l'emballeur  con- 
siste en  une  sorte  de  menuiserie  grossière  et  restreinte, 
ayant  pour  objet  la  confection  des  caisses  de  tout  genre  et 
de  quelques  ouvrages  accessoires,   ainsi  que  l'emballage 
des  objets  de  toutes  sortes.  S'il  ne  confectionne  que  les 
caisses,  l'emballeur  porte  plutôt  le  nom  de  layetier,  dont 
l'origine  est  la  layette,  espèce  de  boîte  propre  à  ranger  du 
linge  d'enfant  et,  par  extension,  ce  linge  même.  (Juoique 
relativement  peu  importante,  cette  industrie  est  fort  an- 
cienne, car  en  1321,  sous  François  P^  il  est  fait  mention 
des  statuts  qui  la  régissaient.   On  disait  alors  layetiers- 
écriniers,  parce  que  ces  ouvriers  fabriquaient  des  écrins  ou 
étuis,  qui  formaient  la  majeure  partie  de  leurs  travaux. 
Aujourd'hui,  ce  sont  les  gainiers  et  les  tablettiers  qui 
confectionnent  les  écrins  et  tout  ce  qui  se  rattache  à  cette 
industrie.  Les  layetiers  se  bornent  aux  travaux  relatifs  à 
l'emballage  et  s'appellent,  en  conséquence,   layetiers-em- 
balleurs.  Toutefois,  leur  profession  ne  se  distingue  véri- 
tablement de  celle  du   menuisier  que  dans  les  grandes 
villes  ;  partout  ailleurs  leurs  travaux  sont  exécutés  par  les 
menuisiers  ordinaires.  Les  bois  dont  les  emballeurs  font 
usage  sont  :  le  chêne,  le  hêtre,  le  sapin,  le  bouleau  et 
principalement  le  peuplier  ;  ils  emploient  encore  du  sapin 
très  épais,  appelé  «  bois  de  bateau  »,  pour  faire  les  grandes 
caisses  à  meubles  qui  demandent  avant  tout  la  solidité,  la 
propreté  et  le  bas  prix.  Ils  débitent  et  mesurent  ces  bois 
comme  les  menuisiers,  mais  en  leur  faisant  subir  une  pré- 
paration spéciale,  en  les  rasant,  c.-à-d.  en  dressant,  en 
effleurant  leur  surface.    Les  outils   sont  les  mêmes  que 
ceux  des  menuisiers. 

La  manière  d'emballer  diffère  suivant  la  nature  ou  la 
valeur  des  objets.  On  peut  même  dire  que  chaque  caté- 
gorie d'objets  est  soumise  à  un  mode  d'emballage  parti- 
culier, qui  est  le  mieux  approprié  aux  éventualités  du 
transport,  et  pour  lequel  on  tient  compte  également  de 
considérations  qui  y  sont  quelquefois  plus  ou  moins  étran- 
gères. On  distingue  deux  systèmes  généraux  d'emballage  : 
l'emballage  en  maigre  et  l'emballage  en  gras.  On  dit  qu  on 
emballe  en  maigre,  quand  les  caisses,  après  avoir  été  rem- 
plies et  clouées,  sont  enveloppées  de  lits  de  paille,  de 
foin,  de  varech  ou  de  laine  de  bois,  maintenus  par  une 
grosse  toile  de  chanvre  écrue  dite  d'emballage,  et  par  des 
cordes  sohdes  convenablement  disposées  afin  de  préserver 
des  chocs  et  des  intempéries.  Au  contraire,  on  emballe  en 
gras  lorsque,  dans  l'opération  qui  précède,  on  remplace  la 
toile  ordinaire  par  une  toile  goudronnée  dite  toile  grasse. 
Souvent  on  réunit  les  deux  systèmes,  c.-à-d.  qu'après  avoir 
appliqué  sur  la  caisse  une  toile  grasse,  on  pratique  par- 
dessus l'emballage  en  maigre.  C'est  ce  que  l'on  appelle 
l'emballage  en  gras  et  maigre.  Remarquons  encore  que 
lorsque  les  caisses  sont  destinées  à  être  transportées  par 
mer,  on  les  munit  intérieurement  de  caisses  de  zmc  ou  de 
fer-blanc  qu'on  soude  parfaitement  après  leur  remphssage. 
Pour  la  confection  de  ces  caisses,  le  zinc  est  préférable  au 
fer-blanc,  parce  qu'au  lieu  de  destination  des  marchandises, 
on  en  tire  un  meilleur  parti.  Nous  venons  de  parier  de 
l'emballage  au  moyen  des  caisses  ou  encaissement.  Comme 
il  est  très  coûteux,  on  n'y  a  recours  que  lorsqu'on  ne 
peut  faire  autrement.  Dans  tous  les  autres  cas,  on  emballe 
en  balles  ou  en  ballots.  . 

On  compte  à  Paris  350  établissements  produisant  annuel- 
lement un  chifi're  d'affaires  de  26  millions  de  francs,  dont 


—  885  — 


EMBALLAGE  —  EMBARGO 


23  millions  pour  Texportation.  Le  nombre  des  ouvriers 
emballeurs  parisiens  est  estimé  à  2,300.  Les  bois  blancs 
proviennent  de  la  Bourgogne,  de  la  Champagne,  de  la 
Brie  et  de  la  Picardie,  les  sapins  de  la  Lorraine,  de  l'Alsace 
et  de  l'Autriche  ;  les  fers-blancs  et  les  zincs  viennent  des 
forges  et  des  fonderies  de  Montataire,  de  Commentry 
et  de  la  Vieille-Montagne  ;  les  toiles  d'emballage,  les  toiles 
goudronnées  en  jute  et  en  phormium  tenax  sont  fournies, 
moitié  par  l'Angleterre  et  moitié  par  le  dép.  du  Nord. 
Le  Doubs,  les  Ardennes  et  l'Orne  fournissent  les  pointes 
dites  de  Paris.  Les  emballeurs  emploient  encore  les  ficelles 
et  les  étoupes  du  Nord,  les  feuillards  de  la  Seine,  le 
varech  de  la  Manche,  le  papier,  la  paille,  le  foin,  la  laine 
de  bois,  etc.  L.  Knâb. 

EMBALLONURE  (Emballonura)  (Zool.).  Genre  de 
Mammifères  Chiroptères  créé  par  Temminck  (1839)  et 
devenu  le  type  d'une  nombreuse  famille  qui  présente  les 
caractères  suivants  :  Chauve -Souris  à  narines  simples 
dépourvues  de  feuilles  ou  appendices  cutanés,  à  oreilles 
grandes  quelquefois  soudées  ensemble,  à  tragus  court  et 
petit;  Doigt  médian  à  deux  phalanges  dont  la  première 
est  ordinairement  repliée  en  arrière  au-dessus  du  méta- 
carpe, lorsque  l'animal  est  au  repos.  La  queue,  en  partie 
libre,  traverse  la  membrane  interfémorale  ou  la  dépasse  en 
arrière.  Le  nombre  des  dents  est  assez  variable  suivant  les 
genres  :  les  incisives  supérieures  sont  ordinairement  grandes, 
séparées,  à  pointes  dirigées  en  arrière  et  en  dedans,  les 
molaires  bien  développées,  à  tubercules  disposés  en  forme 
de  W.  Ces  Chiroptères  habitent  les  régions  tropicales  et 
subtropicales  des  deux  hémisphères,  dépassant  rarement 
le  30^  parallèle  au  N.  et  au  S.  Tous  sont  insectivores.  Ils 
ont  des  formes  lourdes,  un  museau  large  et  tronqué  obli- 
quement avec  les  nannes  saillantes  au-dessus  de  la  lèvre 
supérieure.  La  famille  se  subdivise  en  deux  sous-familles: 
les  Emballonurinœ,  dont  la  queue  grêle  perfore  la  mem- 
brane interfémorale  et  dont  les  pattes  sont  également 
grêles,  et  les  Molossinœ  dont  la  queue  est  épaisse,  dépas- 
sant la  membrane  interfémorale,  et  dont  les  pattes  sont 
courtes  et  fortes  (V.  Molosse). 

La  sous-famille  des  Emballoniirinœ  comprend  les 
genres  Furia  (F.  Cuv.),  de  la  Guyane  et  du  Brésil;  Amor- 
phochilus  (Peters),  du  Pérou;  Emballonura,  qui  s'étend 
de  Madagascar  aux  îles  des  Navigateurs,  mais  ne  paraît 
pas  habiter  le  continent  australien  ;  Coleura  (Peters) ,  du 
Mozambique  et  des  Seychelles  ;  Rhynchonycteris  (Peters), 
qui  s'étend  du  Mexique  au  Brésil  ;  Saccopteryx  (Hliger), 
des  mêmes  pays  ;  Taphozous  (Geoffroy),  d'Afrique  et 
d'Australie  ;  Diclidurus  (Wied)  et  Noctilio  (L.),  de  l'Amé- 
rique intertropicale  ;  Rhinopoma  (Geoffroy),  de  l'Afrique 
N.-E.  et  de  l'Asie  méridionale.  Le  genre  Emballonura  pré- 
sente la  formule  dentaire  suivante  : 

2       1  2        3 

j.  -,  c.  j,  pm.  ^,  m.  j  X  2  =  34  dents. 

Les  incisives  supérieures  sont  séparées  sur  la  ligne  mé- 
diane ainsi  que  des  canines,  tandis  que  les  inférieures  sont 
en  rangée  continue.  L'E.  monticola,  type  du  genre,  est 
une  Chauve-Souris  de  la  taille  de  la  Pipistrelle  et  de  cou- 
leur noire.  Elle  habite  les  grandes  îles  malaises  et  les  Phi- 
lippines (V.  Chauve-Souris).  E.  Trouessart. 

EM BARBE  (Tiss.).  Nom  donné  aux  petites  cordes  qui 
figurent  les  duites  ou  coups  de  trame  dans  les  semples  sur 
lesquels  se  fait  le  lisage  des  mises  en  cartes  pour  le  per- 
çage des  cartons  des  mécaniques  Jacquard  (V.  Lisage). 

EMBARCADÈRE.  L  Architecture  (V.  Gare). 

II.  Marine.  —  Expression  générale  s'appliquant  à  une 
jetée^  à  un  wharfs  à  un  môle  ou  à  une  cale  s'avançant 
plus  ou  moins  dans  la  mer  et  servant  à  l'embarquement 
ou  au  débarquement  des  personnes.  L'embarcadère  doit 
posséder  un  escalier  et  être  à  l'abri  de  la  grosse  mer 
quand  faire  se  peut,  de  façon  à  ce  que  les  embarcations 
puissent  y  accoster  et  s'y  maintenir  facilement. 

EMBARCATION  (Mar.).  Terme  désignant  d'une  façon 


générale  les  bateaux  de  faibles  dimensions,  qu'ils  soient 
à  voiles,  à  rames  ou  à  vapeur  et  quelle  que  soit  leur 
forme.  Synonyme  de  canot.  Les  embarcations  d'un  navire, 
groupe  de  canots  attachés  à  lui  pour  le  service,  se 
subdivisent  par  ordre  de  grandeur  en  chaloupes.,  canots^ 
baleinières,  youyous,  ces  derniers,  armés  par  quatre  ou 
deux  hommes  et  étant  les  plus  petites  embarcations  em- 
ployées en  marine.  Cependant,  depuis  quelques  années,  on 
se  sert  à  bord  des  torpilleurs  et  même  des  grands  bâti- 
ments, quand  il  fait  très  beau,  d'un  petit  canot  en  toile, 
démontable,  qui  se  replie,  monté  par  un  seul  homme  et 
qui  s'appelle  le  berton^  du  nom  de  son  inventeur. 

EMBARDÉE  (Mar.).  Sous  l'action  du  vent,  de  la  mer, 
de  son  propulseur  même,  un  bâtiment  s'écarte  à  chaque 
instant  de  sa  route,  soit  à  droite,  soit  à  gauche,  et  y  est 
ramené  par  l'action  du  gouvernail.  C'est  cet  écart  qu'on 
nomme  embardée.  On  dit  :  le  navire  fait  une  embardée,  ou 
encore  :  le  navire  embarde.  Les  deux  expressions  sont  éga- 
lement employées.  Les  nouveaux  bâtiments  cuirassés,  avec 
leurs  formes  plates  des  fonds,  formes  adoptées  pour  avoir 
plus  de  stabilité  pour  le  tir  de  l'artillerie,  sont  très  sujets 
à  faire  des  embardées  considérables,  et  c'est  une  des  diffi- 
cultés de  la  navigation,  en  escadre,  que  de  maintenir  ces 
masses  sur  la  ligne  qu'elles  doivent  suivre  et  de  les  em- 
pêcher de  s'approcher  trop  du  bâtiment  voisin. 

EMBARGO  (Dr.  internat.).  Mot  espagnol  qui  signifie 
séquestre.  On  appelle  ainsi,  dans  le  langage  du  droit, 
l'acte  qui  consiste  à  arrêter  provisoirement  les  navires 
qui  se  trouvent  dans  les  ports  ou  dans  les  mers  inté- 
rieures d'un  Etat,  en  vue  de  les  empêcher  d'en  sortir. 
Il  ne  faut  pas  confondre  l'embargo  proprement  dit,  ou  em- 
bargo international,  avec  l'embargo  civil  ou  arrêt  du  prince, 
et  avec  l'angarie.  L'embargo  civil  est  celui  qu'un  Etat 
prononce,  dans  la  mesure  où  la  législation  interne  du  pays 
l'y  autorise,  lorsque,  pour  des  raisons  d'ordre  sanitaire  ou 
économique  ou  par  des  considérations  de  politique  inté- 
rieure, par  exemple  en  cas  d'épidémie,  ou  à  la  suite  d'une 
interdiction  d'exporter,  ou  tout  simplement  pour  prévenir 
la  divulgation  de  certaines  nouvelles,  il  tient  à  empêcher 
momentanément  ses  nationaux  ou  leurs  navires  de  sortir 
de  ses  ports.  L'angarie  est  la  mise  en  réquisition  des  bâti- 
ments neutres  par  l'Etat  dans  les  ports  duquel  ils  se 
trouvent,  à  l'effet  de  transporter  pour  son  compte,  moyen- 
nant un  juste  salaire,  des  armes»  des  troupes  ou  des  mu- 
nitions. L'embargo  international,  dont  il  est  question  ici, 
peut  avoir  différents  buts  :  il  peut  être  une  application  du 
droit  de  représailles  (V.  ce  mot),  ou  une  confiscation  an- 
ticipée, en  vue  d'une  guerre  imminente  et  sous  réserve  de 
restitution  en  cas  de  solution  pacifique  du  litige  en  sus- 
pens; il  peut  aussi  être  une  simple  interdiction  de  com- 
merce, par  voie  de  coercition,  ainsi  que  cela  eut  lieu  à 
l'époque  de  la  séparation  de  la  Belgique  et  de  la  Hollande. 
Jusque  dans  les  premières  années  du  présent  siècle,  la 
plupart  des  nations  recouraient  volontiers,  comme  préli- 
minaires d'une  déclaration  de  guerre  formelle,  à  ce  procédé 
si  préjudiciable  au  commerce,  de  la  saisie  des  navires  de 
l'adversaire  dans  les  ports.  De  nos  jours,  ces  embargos-là 
sont  condamnés  par  le  droit  des  gens,  même  quand  les 
nations  intéressées  ne  se  les  sont  pas  formellement  inter- 
dits par  des  conventions  spéciales  ;  les  grandes  puissances 
n'ont  jamais  manqué,  lors  des  dernières  guerres  (d'Orient, 
d'Itahe,  d'Allemagne),  d'accorder  aux  navires  marchands 
ennemis  un  délai  raisonnable  (nommé  induit)  pour  se 
mettre  à  l'abri  dans  les  ports  de  leur  pays  ou  dans  des 
ports  neutres.  Les  embargos  ne  peuvent  donc  plus  se  jus- 
tifier que  comme  un  moyen  de  coercition  employé  pour 
amener  le  redressement  de  griefs  sérieux,  un  changement 
d'attitude  politique  ou  la  réparation  de  quelque  atteinte 
flagrante  au  droit  des  gens.  Cette  doctrine,  conforme  à  la 
notion  moderne  que  la' propriété  privée  doit  être  respectée 
à  l'étranger,  même  en  temps  de  guerre  et,  à  plus  forte 
raison,  antérieurement  à  l'ouverture  des  hostilités,  est 
professée  aujourd'hui  par  tous  les  jurisconsultes  qui  font 


EMBARGO  -  EMBARQUEMENT 


—  886  — 


autorité,  même  en  Angleterre,  où  l'on  y  avait  été  assez  long- 
temps réfractaire.  Les  effets  de  l'embargo  varient  naturel- 
lement suivant  les  circonstances  :  si  la  guerre  éclate,  le 
séquestre  peut  se  convertir  en  prise  (V.  ce  mot);  si,^  au 
contraire,  les  puissances  intéressées  parviennent  à  s  en- 
tendre, il  est  levé  purement  et  simplement.  La  France  a 
conclu  avec  un  grand  nombre  de  puissances  des  conven- 
tions interdisant  tout' à  la  fois  l'embargo  (international)  et 
l'anearie,  notamment  :  le  44  janv.  4787,  avec  la  Russie  ; 
les  9  févr.  et  23  août  4842,  avec  le  Danemark  ;  le  7  nov. 
4659,  avec  l'Espagne  ;  le  42  déc.  4739,  avec  la  Hollande  ; 
le  8  mai  4827,  avec  le  Mexique,  etc.         Ernest  Lehr. 

BiBL.  :  Twiss,  Law  of  nations,  II,§  12.  -  Phillimore, 
Comment.,  III,  §  25.-  UAgsÉ,  Droit  commercial,  I,  §  132. 
^  Martens  et  Verge,  Précis,  t.  Il,  §  268.  —  Oalvo, 
Droit  international,  §  1583  et  suiv.  -  Holtzendorff, 
Rechlslexicon,  v°  Embargo.  -  Bluntschli,  le  Droit  m- 
fernadonai  codifie,  nos  509,669,  rem.,  674,  rem.  2  -  De 
Clercq  et  DE  V ALLAT,  Guicie  pratique  des  Consnia  s,t.  I, 
D  111  -  F.  DE  Martens,  Traité  de  droit  international, 
t  III  D  163.  -  A.  RiviER,  Lehrhuch  des  Volkerrechts, 
li^  §  5§;_  Neumann,  Grundriss  des  heut.  europ.  Volker- 
rechts,'^. 95. 

EMBARQUEMENT.I.  Marine.  —  Mot  qui  a  plusieurs 
acceptions.  11  indique  la  situation  d'un  marin  embarqué 
par  opposition  à  celle  du  marin  à  terre.  Il  signifie  la  mise 
à  bord  quand  il  s'agit  d'un  groupe  d'hommes,  de  troupes, 
de  matériel. 

II.  Tactique.  —  Embarquement  en  chemin  de  fer.  — 
Le  jour  fixé  pour  le  départ,  l'adjudant-major,  accompagné 
d'un  sous-ofiicier,  précède  la  troupe  d'une  demi-heure  à  la 
gare  et  se  présente  au  commissaire  militaire.  Il  procède 
aussitôt  après  à  la  reconnaissance  du  train  et  prend  note  de 
l'affectation  et  de  la  contenance  de  chaque  wagon  et  de  chaque 
truc  dans  l'ordre  où  ils  sont  placés.  Il  s'assure  du  bon 
aménagement  des  wagons  à  marchandises  qui  ont  été  dis- 
posés pour  le  transport  des  hommes  et  des  chevaux  et  veille 
à  ce  que  les  accessoires  d'embarquement  :  escabeaux,  ponts 
volants,  rampes  mobiles,  etc.,  soient  en  nombre  suffisant. 
Le  sous-officier  adjoint  numérote  au  fur  et  à  mesure,  à  la 
craie,  chacun  des  wagons  et  trucs,  et  inscrit  en  regard  des 
numéros  d'ordre  la  contenance  de  chaque  wagon  et  de  chaque 
truc.  La  tenue  du  régiment  est,  en  principe,  la  tenue  de 
campagne.  Les  sacs  sont  paquetés,  la  petite  gamelle  et  le 
pain  disposés  de  façon  à  pouvoir  être  facilement  enlevés, 
le  quart  et  la  cuiller  dans  l'étui-musette.  Quand  les  soldats 
voyagent,  armés  ou  non,  sans  leur  équipement,  ils  occupent 
dans  les  voitures  à  voyageurs  le  nombre  de  places  indiqué 
pour  les  voyao,eurs  ordinaires;  mais,  lorsqu'ils  sont  équipes, 
ils  n'occupent,  dans  chaque  compartiment,  que  huit  places 
sur  dix,  les  places  restantes  étant  destinées  au  placement 
des  effets.  Dans  les  wagons  à  marchandises,  les  soldats  non 
équipés  sont  toujours  embarqués  au  nombre  de  quarante  ; 
s'ils  sont  équipés,  ils  sont  trente-deux,  trente-six  ou  qua- 
rante, selon  la  longueur  du  wagon.  Ces  nombres  sont  du 
reste  indiqués  dans  un  cartouche  placé  dans  chaque  wagon. 
Si   par  exception,  le  total  des  places  est  inférieur  à  celui 
des  hommes  à  transporter,  l'excédent  est  réparti  entre  les 
wagons  et  dans  les  fourgons  de  service  au  besoin.  Dans 
chaque  wagon,  on  place  huit  chevaux  ou  mulets.  Pour  les 
voitures,  chaque   truc  doit,  en  principe,  recevoir  trois 
essieux  :  une  voiture  à  quatre  roues  et  une  à  deux  roues. 
La  troupe  doit  arriver  au  point  d'embarquement  une  heure 
et  demie  avant  le  départ.  L'adjudant-major  remet  alors  au 
commandant  un  état  sommaire  indiquant  la  destination  et 
la  contenance  des  véhicules  du  train.  Ayant  arrêté  sa  troupe 
en  dehors  de  la  gare,  le  commandant  envoie  les  chevaux 
et  voitures  au  point  où  ils  doivent  être  embarqués,  con- 
duits par  l'officier  d'approvisionnement  et  le  vaguemestre 
et  accompagnés  des  conducteurs,  ordonnances  d'officiers 
montés  et  équipes  d'embarquement.  Il  forme  ensuite  la 
troupe  en  ligne  déployée,  en  faisant  rentrer  tous  les  serre- 
files  dans  le  rang.  L'adjudant-major  divise  alors  les  hommes 
en  fraction  correspondant  à  la  contenance  des  wagons,  sans 
distinction  de  compagnie.  Dans  chaque  fraction,  un  sous- 


officier  ou  caporal  est  désigné  comme  chef  de  wagon; 
celui-ci  désigne  à  son  tour  des  chefs  de  compartiment  s'd 
y  a  lieu.  Ce  fractionnement  terminé,  la  troupe,  conduite 
par  l'adjudant-major,  est  introduite,  en  marchant  par  le 
fianc,  sur  le  quai  d'embarquement  où  chaque  fraction  est 
arrêtée  et  remise  de  front,  sans  dédoubler,  face  au  wagon 
qui  lui  est  destiné. 

A  la  sonnerie  En  avant,  les  hommes  enlèvent  leur  sac 
qu'ils  posent  à  terre  devant  eux,  et  l'embarquement  com-- 
mence.  S'il  se  fait  dans  une  voiture  à  voyageurs,  le  chef 
de  compartiment  et  le  chef  de  l'autre  file  remettent  leur 
fusil  et  leur  sac  à  l'homme  placé  derrière  eux  et  montent 


Placement  des  armes  et  des  sacs  dans  un  compartiment 
de  3«  classe. 

en  wason  ;  ils  reprennent  alors  leurs  fusils  et  se  portent 
du  côte  opposé  à  l'entrée.  Le  chef  de  compartiment  place 
son  fusil  verticalement  à  l'extrémité  du  petit  côté  du  com- 
partiment qui  est  à  sa  droite  et  visse  un  piton  (dont  il  a 
été  distribué  un  par  quatre  fusils,  ainsi  que  dix  vrilles  par 
compagnie)  dans  la  paroi  du  wagon,  la  tige  touchant  la 
monture  de  l'arme  et  à  5  centim.  au-dessous  de  1  embou- 
choir   Les  autres  hommes  passent  successivement  leurs 
fusils  qui  sont  placés  côte  à  côte  contre  la  paroi  du  petit 
côté  du  compartiment.  Les  armes  ainsi  placées,  le  chef  de 
compartiment  visse  un  deuxième  piton  contre  le  dernier 
fusil  et  passe  une  courroie  de  sac  dans  les  pitons,  de  ma- 
nière à  embrasser  toutes  les  armes  en  les  serrant  fortement 
les  unes  contre  les  autres.  Si  les  wagons  sont  mums  de 
filets  ou  de  crochets,  on  y  place  les  fusils,  et  l'on  n  emploie 
pas  le  svstème  ci-dessus.  Quant  aux  sacs,  ils  sont  remis 
par  les  hommes  à  leurs  chefs  de  file  qui  les  placent,  quatre 
«ous  les  banquettes,  trois  sur  la  place  libre  en  face  des 
fusils  et  le  huitième  debout  contre  les  fusils.  Ces  opérations 
terminées,  le  chef  du  compartiment  fait  monter  les  hommes. 
Quand  il  s'agit  d'embarquer  dans  les  wagons  de  marchan- 
dises aménagés  pour  trente-deux  hommes,  les  chefs  défile, 
après  être  montés  comme  il  a  été  dit  et  avoir  repris  leurs 
fusils,  se  portent,  savoir  :  ceux  des  première  et  deuxième 
files  dans  la  travée  de  droite  la  plus  rapprochée  de  l'entrée; 
les  chefs  des  troisième  et  quatrième  files  dans  l'autre  travée 
de  droite;  ceux  des  cinquième  et  sixième  dans  la  travée  de 
sauche  la  plus  éloignée  de  l'entrée  ;  enfin  ceux  des  septième 
et  huitième  dans  la  travée  de  gauche  la  plus  rapprochée. 
Ils  forment  ainsi  quatre  groupes  qui  opèrent  comme  il  suit  : 
le  chef  de  chaque  groupe  place  son  fusil  contre  la  paroi  du 
petit  côté  du  wagon  ;  il  visse  un  piton  comme  il  a  ete  dit 
plus  haut,  et  les  ^fusils  passés  par  les  hommes  sont  places 
ainsi  qu'on  l'a  vu.  Les  pitons  sont  placés  de  manière  que 
les  faisceaux  se  trouvent  au  milieu  de  l'intervalle  libre 
entre  les  bancs.  Les  sacs  sont  placés,  quatre  sur  l'extrémité 
d'un  des  bancs,  trois  sur  l'autre  et  le  huitième  appuyé  sur 
les  fusils.  Les  hommes  montent  ensuite  et  prennent  place 
dans  la  travée  où  sont  leurs  chefs  de  file.  Quelques  petites 


—  887  — 


EMBARQUEMENT 


différences  qu'il  est  inutile  de  mentionner  ici  existent  dans 
le  procédé  d'embarquement  pour  les  wagons  qui  contiennent 
exceptionnellement  trente-six  ou  quarante  places.  Il  est 


Wagon  à  marchandises,  aménagé  pour  le  transport  des 
hommes  (32  places  ;  placement  des  armes  et  des  sacs). 

interdit  aux  soldats  de  fermer  eux-mêmes  les  portes  ou 
portières.  Le  chef  de  wagon  s'assure  que  les  hommes  peu- 
vent manœuvrer,  de  l'intérieur,  dans  les  wagons  aménagés, 
le  système  de  fermeture,  volets  et  portes. 

Pour  embarquer  les  chevaux,  ces  animaux  sont  placés 
sur  un  rang  et  l'officier  d'approvisionnement  les  divise  en 
fractions  correspondant  à  la  contenance  des  wagons.  Les 
hommes  forment  les  faisceaux  et  déposent  leur  sac  et  leur 
équipement.  Les  chevaux  sont  dessellés,  mais  les  harnais 
sont  laissés,  avec  la  couverture,  sur  les  chevaux  d'attelage; 
ils  sont  relevés  sur  le  bât,  de  manière  à  ne  pas  blesser  les 
animaux  et  à  éviter  les  dégradations.  Les  selles  ne  seront 
chargées  qu'après  l'embarquement  des  chevaux.  Ceux-ci 
restent  bridés.  Dès  que  les  selles  sont  disposées  à  terre  en 
arrière  du  rang,  le  sous-officier  fait  répandre  la  litière  dans 
chaque  wagon,  en  ayant  soin  qu'elle  s'étende  sur  le  pont 
qui  relie  le  wagon  au  quai.  Il  faut  toujours  qu'il  y  ait  un 


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Plan. 
Transport  des  chevaux  dans  le  sens  parallèle  à  la  voie. 

homme  de  chaque  côté  des  ponts  volants  pour  empêcher  les 
chevaux  de  se  traverser  et  de  mettre  les  pieds  entre  le 
wagon  et  le  quai.  Au  signal  de  l'embarquement  donné  par 
le  sous-officier,  le  premier  homme  de  droite  de  chaque 
fraction  se  porte  franchement  en  avant  vers  l'entrée  du 


wagon.  Trois  autres  le  suivent  successivement  en  gardant  une 
distance  de  3  m.  de  tête  à  croupe.  Le  premier  homme,  mar- 
chant sans  regarder  son  cheval  et  le  tenant  près  du  mors, 
lui  fait  baisser  la  tète  pour  franchir  la  porte,  tourne  à 
droite  et  range  son  cheval  contre  la  paroi  longitudinale  du 
côté  de  l'entrée,  la  tête  tournée  vers  le  milieu  du  wagon  ; 
chacun  des  autres  hommes  fait  appuyer  son  cheval  contre 
celui  qui  vient  d'être  placé.  Dès  que  le  rang  de  chevaux 
est  complet,  deux  hommes  tendent  la  corde-poitrail  (corde 
de  16  m.  de  long,  de  la  grosseur  d'une  corde  à  fourrage), 
en  la  faisant  passer  plusieurs  fois  repliée  dans  les  anneaux 
fixés  aux  portes  du  wagon,  de  manière  à  la  faire  passer 
devant  les  quatre  chevaux  ;  ils  attachent  ceux-ci  par  la  longe 
le  plus  court  possible,  aux  anneaux  du  plafond,  puis  ils 
sortent  du  wagon  et  vont  chercher  leurs  selles.  On  procède 
de  la  même  façon  pour  le  rang  opposé.  Les  selles  formant 
deux  piles  sont  placées  sur  les  bottillons  disposés  dans 
l'intervalle  libre  du  milieu  du  wagon,  ainsi  que  l'avoine  et 
le  foin  (quatre  bottes  par  wagon).  Deux  gardes  d'écurie  sont 
affectés  à  chaque  wagon.  Ils  ne  débrident  les  chevaux  que 
lorsqu'ils  sont  calmés  et  que  le  train  est  en  marche.  On 
doit  toujours  commencer  l'embarquement  par  les  chevaux 
les  plus  dociles.  Quand  un  cheval  résiste,  on  fait  avancer 
le  suivant  et  le  premier  est  entraîné  vivement  à  la  suite, 
ou  bien  on  lui  couvre  la  tête  et  on  l'amène  au  wagon  après 
lui  avoir  fait  faire  un  tour  sur  lui-même.  Un  des  moyens 
les  plus  sûrs  de  faire  entrer  un  cheval  récalcitrant  est  de 
le  faire  pousser  par  deux  hommes  qui  le  saisissent  vivement 
sous  la  croupe  en  se  tenant  la  main.  Pour  les  chevaux  qui 
ruent,  on  se  sert  d'une  sangle  ou  de  deux  sangles  réunies 
bord  à  bord. 

L'embarquement  des  voitures  s'effectue  sous  la  direction 
de  l'officier  d'approvisionnement.  Les  équipes  de  charge- 
ment forment  les  faisceaux,  déposent  les  sacs  et  l'équipe- 


Truc  portant  une  pièce   et  un  caisson  avec   avant-train. 

ment,  ainsi  que  les  capotes  ou  vestes.  Elles  commencent  à 
embarquer  les  voitures  dès  que  celles-ci  sont  dételées.  Une 
équipe  est  employée  pour  chaque  truc  :  deux  hommes  à 
chacune  des  roues  de  l'arrière- train,  deux  à  l'avant-train 
de  chaque  côté  du  timon  et  deux  à  l'extrémité  du  timon. 
Le  chargement  terminé,  les  voitures  sont  calées  et  brellées 
par  les  agents  du  chemin  de  fer.  Les  équipes  d'embarque- 
ment vont  rejoindre  leur  compagnie  où  leur  place  a  été 
réservée. 

Pendant  rembarquement,  le  commandant  et  les  officiers 
exercent  leur  autorité  sur  la  troupe  pour  tout  ce  qui  con- 
cerne la  discipline,  le  maintien  de  l'ordre  et  du  silence  et 
l'exécution  du  règlement.  Ils  ne  montent  en  wagon  qu'après 
s'être  assurés  que  la  troupe  est  convenablement  établie. 
L'embarquement  terminé,  le  sous-officier  adjoint  écrit  à  la 
craie,  sur  les  wagons,  l'indication  de  la  compagnie.  Le 
commandant,  accompagné  de  l'officier  de  la  garde  de  police, 
du  commissaire  militaire,  du  chef  de  gare  et  du  chef  de 
train,  passe  une  inspection  rapide  du  train  avant  de  monter 
lui-même  en  wagon.  Il  est  rigoureusement  interdit  à  la 
troupe  embarquée  de  passer  la  tète  ou  les  bras  hors  des 
portières  pendant  la  marche;  d'ouvrir  les  portières;  de 
passer  d'une  voiture  dans  une  autre  ;  de  pousser  des  cris 
et  de  chanter  ;  de  descendre  avant  la  sonnerie  qui  doit  en 
donner  le  signal  ;  de  fumer  dans  les  wagons  à  chevaux  ;  de 
fumer  dans  les  w^agons  s'il  y  a  de  la  paille  répandue  sur  le 
plancher  à  cause  du  froid.  Les  chefs  de  wagon  sont  respon- 


EMBARQUEMENT  —  EMBATTAGE  —  81 

sables  de  l'observation  de  ces  prescriptions  (V.  Transport 
militaire). 

L'embarquement  des  troupes  en  chemin  de  fer  a  une  si 
grande  importance  au  point  de  vue  de  la  concentration  de 
nos  armées  à  la  frontière  en  cas  de  guerre,  que  l'on  ne 
saurait  trop  y  exercer  nos  soldats,  surtout  dans  les  armes 
qui  comprennent  des  chevaux  et  du  matériel,  beaucoup 
plus  longs  et  plus  difficiles  à  embarquer  que  ne  le  sont  les 
hommes.  On  impose  donc  à  la  troupe  des  exercices  de  dé- 
tail, c.-à-d.  par  petits  groupes,  dans  la  cour  des  casernes, 
au  moyen  d'un  matériel  simulé,  avant  de  l'exercer  dans 
une  gare  de  chemin  de  fer.  Il  serait  trop  long  de  décrire  ici 
ce  matériel  simulé  que  l'on  construit  ordinairement  avec 
des  bois  de  démolitions  fournis  par  le  génie.  Pour  figurer 
le  vide  qui  sépare  dans  la  réalité  les  wagons  entre  eux  et 
d'autre  part  les  wagons  et  le  quai  d'embarquement,  on 
creuse  autour  de  l'espace  occupé  par  les  cadres  représen- 
tant les  wagons  un  tossé  de  1  m.  de  largeur  au  sommet  et 
de  4  m.  de  profondeur.  Après  ces  exercices  prépara- 
toires, des  exercices  d'ensemble  sont  exécutés  sur  les  voies 
ferrées  et  comprennent  toutes  les  opérations  d'embarque- 
ment et  de  débarquement  réels  de  jour  et  de  nuit,  à 
l'exception  de  l'attache  des  fusils  dans  les  wagons,  laquelle 
n'est  jamais  exécutée,  afin  d'éviter  des  dégradations  au 
matériel  des  compagnies  de  chemins  de  fer.  Les  hommes 
sont  en  tenue  de  campagne  pour  ces  exercices,  et  les  voitures 
ont  leur  chargement  réglementaire.  Les  chevaux  et  les 
voitures  sont  embarqués  autant  que  possible  à  l'aide  de 
rampes  mobiles.  Chaque  bataillon  d'infanterie  et  du  génie, 
complété  à  l'etfectif  de  guerre,  doit  effectuer  au  moins  un 
exercice  de  jour  et  un  de  nuit,  en  combinant  les  opérations 
à  quai  avec  celles  sur  rampes  et  en  donnant  à  ces  dernières 
le  plus  d'extension  possible.  Tous  les  officiers  et  les  hommes, 
quels  que  soient  leurs  emplois  spéciaux,  doivent  prendre 
part  à  ces  exercices  avec  la  troupe  dont  ils  tout  partie. 
Cette  instruction  doit  être,  autant  que  possible,  terminée 
avant  l'inspection  générale.  En  outre,  des  exercices  de  cette 
nature  doivent  toujours  être  exécutés  au  cours  des  périodes 
d'instruction  des  réservistes.  Ils  doivent  également  être 
faits  par  les  troupes  de  l'armée  territoriale.  La  durée  d'un 
embarquement  est  comptée  depuis  le  moment  où  la  troupe 
est  arrivée  à  la  gare  jusqu'à  celui  où  le  train  est  en  mesure 
de  se  mettre  en  marche  ;  il  importe  d'arriver  à  réduire 
cette  durée  le  plus  possible  ;  mais  il  faut  bien  se  garder  de 
toute  précipitation  dans  les  exercices  de  début,  et  ne  cher- 
cher la  promptitude  de  cette  opération  que  dans  la  grande 
instruction  de  chacun,  c.-à-d.  dans  l'extrême  précision  et 
l'assurance  apportées  à  chacun  des  actes  que  comporte  cette 
importante  opération.  Ed.  Sergent. 

EMBARRAS.  I.  Droit  pénaL  —  Emrarras  sur  la  voie 
PUBLIQUE.  —  L'embarras  sur  la  voie  publique  constitue  une 
contravention  de  simple  police,  prévue  par  l'art.  471 ,  §  4  du 
C.  pén.  et  passible  d'une  amende  de  4  à  5  fr.  Cette  contra- 
vention est  clairement  définie  par  le  texte  qui  la  réprime  ; 
elle  existe  par  la  réunion  des  trois  conditions  suivantes  :  4  ^  Il 
faut  que  des  matériaux  ou  des  choses  quelconques  de  nature 
à  empêcher  ou  à  diminuer  la  liberté  ou  la  sûreté  du  passage, 
aient  été  déposés  ou  laissés.  A  l'application  de  cette  con- 
dition la  jurisprudence  a  donné  une  très  large  extension  :  elle 
y  comprend  non  seulement  le  stationnement  des  voitures, 
des  chevaux  et  des  bestiaux,  mais  même  le  fait  par  un 
charcutier  de  tuer  un  porc  devant  sa  boutique  ou  par  un 
épicier  de  brûler  du  café  dans  les  mêmes  circonstances. 
2°  Il  faut  que  le  dépôt  ou  abandon  ait  été  fait  sur  la  voie 
publigue.  L'expression  voie  publique  comprend  les  rues, 
passages,  places  et  carrefours  des  villes,  bourgs  et  villages; 
elle  ne  comprend  pas  les  routes  et  chemins  soumis  aux 
lois  et  règlements  de  grande  voirie  :  les  dépôts  ou  aban- 
dons sur  ces  routes  et  chemins  deviennent  des  contraven- 
tions de  la  compétence  des  conseils  de  préfecture.  8*^  Il 
faut  que  le  dépôt  ou  abandon  ait  été  fait  sans  nécessité. 
La  nécessité  ne  peut  consister  que  dans  une  cause  acci- 
dentelle, dans  un  événement  imprévu  ou  de  force  majeure  ; 


mais  elle  ne  peut  résulter  d'un  état  de  choses  habituel  et 
permanent  :  ainsi,  le  cas  de  nécessité  ne  peut  s'entendre 
de  la  station  d'une  voiture  sur  la  voie  publique,  motivée 
sur  ce  que  l'auberge  où  descendent  les  rouliers  n'est  pas 
pourvue  d'une  cour  propre  à  loger  les  chariots  et  n'a  que 
des  écuries  pour  loger  les  chevaux.  On  ne  peut  tirer  une 
excuse  d'un  usage  local  ou  de  la  tolérance  de  l'administra- 
tion. —  Les  frais  d'enlèvement  des  matériaux  qui  causaient 
l'embarras  rentrent  dans  la  classe  des  restitutions  et  dom- 
mages-intérêts que  le  juge  de  simple  police  peut  prononcer 
lui-même,  sans  être  obligé  de  se  dessaisir  au  profit  des  tri- 
bunaux ordinaires.  Louis  André. 

IL  Technologie.  —  Dans  l'évaluation  du  prix  des 
ouvrages  d'une  construction,  lorsque,  dans  une  fouille,  le 
travail  des  ouvriers  est  gêné  par  les  étais  qui  servent  à 
maintenir  les  berges  de  cette  fouille  pendant  le  cours  de  son 
exécution,  l'entrepreneur  a  droit  à  une  plus-value  du  quart 
de  la  valeur  des  prix  ordinaires  de  fouilles  pour  embarras 
d'étais.  Une  autre  plus-value,  qui  varie  avec  les  usages 
locaux,  est  accordée  par  mètre  cube  pour  maçonnerie  en 
béton,  meulière,  moellon,  brique  ou  plâtras,  exécutée  de 
même  dans  l'embarras  des  étais.  L.  K. 

III.  Médecine. —  Embarras  gastrique.  — Ensemble 
de  symptômes  assez  mal  définis,  qui  rappelle  la  gastrite 
catarrhale  et  présente  quelques-uns  des  caractères  de  la 
dyspepsie  aiguë  et  de  la  fièvre  bilieuse  ;  on  le  confond 
souvent  avec  la  fièvre  éphémère  ou  la  fièvre  typhoïde  au 
début.  Il  est  dû  généralement  aux  excès  de  table,  à  la 
fatigue,  à  des  troubles  digestifs  de  cause  variable,  et  se 
caractérise  par  la  lassitude  générale,  l'amertume  de  la 
bouche  avec  enduit  saburral,  l'inappétence,  les  nausées, 
en  un  mot  par  tous  les  symptômes  de  l'indigestion;  sou- 
vent il  y  a  fièvre  vive  dès  le  début.  L'embarras  gastrique 
fébrile  se  traite  par  la  diète  plus  ou  moins  prolongée, 
le  repos,  les  évacuants  :  vomitifs  au  début,  purgatifs 
salins,  etc.  D''  L.  Hn. 

BiBL.  :  Droit  pénal.  —  Ciiauveau  et  Hélie,  Théorie  du 
code  pénale  t.  VI,  pp.  307  et  suiv.  —  Blanche,  Code  pénai, 
t.  VII,  no*  63  et  suiv.  —  Miroir,  Des  Contraventions,  1. 1, 
p.  27.  —  Henrion  de  Pansey,  Compét.  des  juges  de  paix, 
ch.  xxvii,n°280.  — Mangin,  Tr.de  l'action publ., t. l^p.blS. 

EMBASE  (Constr.).  Ce  mot  désigne,  toujours  dans  la 
même  acception,  mais  suivant  les  diverses  professions  du 
bâtiment  :  en  couverture,  une  lame  de  métal,  plomb  ou 
zinc,  que  l'on  place  au  bas  d'un  arêtier  de  comble  couvert 
en  tuile  ou  en  ardoise,  et  en  serrurerie,  tantôt  un  renfle- 
ment mouluré  et  parfois  orné  qui  relie  la  tige  d'une  clef  de 
serrure  à  son  anneau  ou  aussi  qui  se  profile  sur  la  tige 
d'une  espagnolette  de  croisée  et  tantôt  le  petit  socle  d'un 
barreau  de  grille,  d*appui  de  croisée  ou  de  rampe  d'escalier. 

EMBASÉMENT  (Archit.).  Base  continue  régnant  au 
pied  d'un  mur,  soit  à  l'extérieur,  soit  à  l'intérieur  d'un 
édifice.  Souvent  l'embasement ,  tout  en  conservant  la 
même  hauteur  que  la  base  de  la  colonne  ou  du  pilastre 
qu'il  rappelle,  est  formé  de  moulures  moins  nombreuses, 
moins  refouillées  et  moins  ornées  ;  parfois  même  ces  mou- 
lures sont  remplacées,  sur  une  partie  ou  sur  toute  la  hau- 
teur de  l'embasement,  par  une  face  droite  formant  plinthe. 

EMBASSIS  (Paléont.)  (V.  Peratherium). 

EM BATES  (V.  Chaussure,  t.  X,  p.  971). 

EMBATTAGE.  Opération  qui  consiste  à  poser,  après 
l'avoir  dilatée  en  l'échauffant,  une  pièce  creuse  en  forme 
d'anneau  autour  d'un  bloc  plein  d'un  diamètre  plus  grand 
que  le  sien.  L'anneau  ainsi  posé  se  contracte  en  se  refroi- 
dissant de  manière  à  faire  complètement  corps  avec  le  bloc 
qu'il  entoure.  Cette  expression  s'applique  plus  spécialement 
à  la  pose  des  bandages  sur  les  roues  de  machines  et  de 
wagons  dans  les  ateliers  de  chemins  de  fer  où  l'em battage 
est  universellement  pratiqué  (V.  Bandage,  t.  V,  p.  219). 
L'embattage  est  pratiqué  également  dans  le  charronnage 
pour  la  pose  de  la  bande  de  fer  autour  de  la  roue  en  bois 
(V.  Charronnage,  t.  X,  p.  795).  La  plupart  des  ateliers 
emploient  encore  pour  l'embattage  des  fours  à  sole  circu- 
laire chauffés  à  la  houille;  mais,  comme  ces  appareils  ne 


peuvent  pas  donner  une  température  bien  constante,  on  les 
remplace  avantageusement  aujourd'hui  par  des  fours  chauffés 
à  l'aide  d'un  jet  circulaire  de  gaz  brûlant  directement  sous 
le  bandage.  Dans  ce  nouveau  pro<^édé,  le  bandage  n'a  pas 
besoin  d'être  chauffé  aussi  fortement,  la  chaleur  étant  dis- 
tribuée d'une  manière  plus  uniforme  et  en  évitant  ainsi  toute 
tension  dangereuse.  Les  joues  intérieures  du  bandage  sont 
nettes  de  toute  couche  d'oxyde  et  s'appliquent  exactement 
sur  la  jante  de  la  roue.  On  peut  enfin  mesurer  à  chaque 
instant  l'accroissement  du  diamètre  du  bandage  et,  par  suite, 
ne  pas  dépasser  la  dilatation  nécessaire  à  l'embattage.  L'ins- 
tallation en  est  moins  encombrante  que  celle  du  four  ordi- 
naire à  embattre;  elle  est  en  même  temps  moins  dispendieuse. 
Il  y  a  lieu  de  penser  que,  dans  ces  conditions,  le  pro- 
cédé d'embattage  au  gaz  est  appelé  à  se  généraliser  dans 
les  ateliers  de  chemins  de  fer.  L.  K. 

EMBAUCHAGE  (Droit).  Le  mot  embauchage  a  plusieurs 
acceptions.  Dans  une  première  acception,  il  exprime  le 
fait  de  retenir  des  ouvriers  pour  l'exécution  de  certains 
travaux  :  en  ce  sens  il  s'agit  d'une  simple  location  d'ou- 
vrage ou  d'industrie,  qui  n'offre  rien  d'iUicite  ;  mais,  en 
ce  sens  aussi,  l'expression  n'est  guère  usitée  qu'entre  les 
ouvriers  et  leurs  maîtres.  Deux  autres  acceptions  du  mot 
embauchage,  particulières  au  langage  du  droit  pénal,  sont 
prises  en  mauvaise  part;  en  ce  cas,  le  mot  embauchage 
désigne  :  1°  Soit  l'action  d'éloigner  des  soldats  de  leurs 
drapeaux  pour  les  faire  passer  à  l'ennemi,  à  l'étranger  ou 
dans  un  parti  de  rebelles.  C'est  Vembauchage  militaire. 
L'embauchage  est  plus  que  la  simple  provocation  à  la 
désertion.  La  distinction  entre  les  deux  faits  résulte  nette- 
ment de  l'art.  3  de  la  loi  du  4  nivôse  an  IV.  Après 
acquittement  sur  l'accusation  d'embauchage,    il  peut  y 
avoir   poursuite  pour  provocation   à    la  désertion  sans 
qu'il  en  résulte  violation  de  la  règle  non  bis  in  idem. 
L'embauchage  militaire  a  été  prévu  pour  la  première  fois 
dans  une  ordonnance  du  i«'  mars  1768;  il  est  aujour- 
d'hui puni  par  les  art.  208  du  C.  milit.  et  265  du  C. 
miht.  marit.  C'est  un  crime  passible  de  la  peine  de  mort. 
Bien  que  commis  par  des  civils,  ce  crime  est  de  la  compé- 
tence exclusive  des  conseils  de  guerre.  2^  Soit  le  fait  d'avoir, 
dans  la  vue  de  nuire  à  l'industrie  française,  fait  passer  en 
pays  étranger  des  directeurs,  des  commis  ou  des  ouvriers 
d'un  établissement.  C'est  ce  qu'on  appelle  Vembauchage 
d'ouvriers.  Le  fait  constitue  un  délit,  puni  par  l'art.  417 
du  C.  pén.  d'un  emprisonnement  de  six  mois  à  deux  ans 
et  d'une  amende  de  50  à  300  fr.  L'exposé  des  motifs 
justifie  en  ces  termes  l'incrimination  :  «  Si  chacun  doit 
être  libre  de  faire  valoir  son  industrie  et  ses  talents  par- 
tout où  il  croit  pouvoir  en  retirer  plus  d'avantages,  il  con- 
vient de  punir  celui  qui  débauche  les  hommes  nécessaires 
à  un  établissement,  non  pas  pour  procurer  à  ces  hommes 
un  plus  grand  bien,  souvent  incertain,  mais  pour  assurer 
la  ruine  de  l'établissement  même.  »  Ce  que  la  loi  a  prévu, 
c'est  le  fait  de  nuire  à  l'industrie  française  par  l'embau- 
chage frauduleux,  pour  l'étranger,  des  ouvriers  d'un  éta- 
blissement français.  Il  ne  faut  pas  confondre  ce  fait  avec 
l'exploitation  faite  en  pays  étranger,  au  moyen  d'ouvriers 
français,  d'une  branche  quelconque  de  notre  industrie,  si 
ces  ouvriers  n'ont  été  enlevés  par  fraude  à  aucun  établis- 
sement. L'art.  417  ne  punit  que  l'embaucheur  et  n'atteint 
point  les  directeurs,  commis  ou  ouvriers  qui  ont  cédé  à  la 
séduction.  Louis  André. 

EMBAUMEMENT  (V.  Conservation,  t.  XII,  p.  536-37). 
EMBDE  (August  von  der),  peintre  allemand,  né  à 
Cassel  le  2  déc.  1780,  mort  à  Cassel  le  10  août  1862.  Il 
étudia  à  Dresde,  à  Dusseldorf,  à  Munich  et  à  Vienne.  Ses 
tableaux  de  genre,  bien  connus  par  la  lithographie,  repré- 
sentent le  plus  souvent  des  paysanneries  ou  des  jeux  d'en- 
fants. —  Ses  deux  filles,  Caroline,  née  en  1812,  mariée 
à  Berlin,  et  Emilie,  née  en  1816,  furent  ses  élèves  et 
l'aidèrent  dans  ses  travaux.  L'aînée  est  connue  sous  le 
nom  de  Karl  von  der  Embde, 

EMBÉRIZIDÉS  (Ornith.).  Ce  groupe,   dont  on  fait 


_  889  —  EMBATTAGE  —  EMBOÎTURE 

plus  volontiers  aujourd'hui  une  simple  tribu  des  Fringil- 
lidés  (V.  ce  mot),  sous  le  nom  à'Embérizidés,  comprend 
les  Passereaux,  très  nombreux,  que  l'on  appelle  vulgaire- 
ment des  Bruants  (V.  ce  mot). 

EMBERMÉNIL.  Com.  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle, 
arr.  de  Lunéville,  cant.  deBlamont;  417  hab. 

EMBLAVAGE,  EMBLAVURE  (Agric).  Emblaver  un 
champ  veut  dire  ensemencer  ce  champ;  une  emblavure 
est  donc  une  terre  couverte  de  semences.  Au  début,  ce 
terme  ne  s'appliquait  qu'aux  champs  ensemencés  en  blé, 
mais,  par  extension,  on  dit  aussi  emblaver  un  champ  en 
betteraves  ou  en  pommes  de  terre. 

EMBLÈME  (Bibliogr.  et  Iconogr.).  Dans  son  acception 
générale,  ce  mot  signifie  la  représentation  figurée  d'une  idée 
ou  d'une  pensée.  L'emblème  procède  directement  de  X allé- 
gorie (V.  ce  mot),  mais  il  en  diffère  par  sa  portée  plus 
restreinte  et  surtout  par  son  caractère,  plutôt  moral  ou 
pédagogique;  et,  par  contre,  il  exprime  une  idée  plus  com- 
plète que  le  symbole  (V.  ce  mot),  auquel  d'ailleurs  s'at- 
tache plus  généralement  un  sens  mystique. 

Les  représentations  emblématiques  sont  de  toute  antiquité, 
et  en  littérature  cette  préoccupation  a  engendré  l'apologue 
et  la  fable.  Chez  les  Grecs,  le  mot  l\jJokr\]xcf.  désignait  d'une 
part  une  œuvre  de  marquetterie  et  s'appliquait  surtout  aux 
mosaïques  ;  de  l'autre,  un  ornement  ou  une  figure  en  saillie, 
rapportés  sur  un  objet  et  faits  d'une  autre  matière,  comme 
par  exemple  une  figure  en  or  fixée  sur  un  vase  d'argent,  ou 
une  figure  d'argent  sur  un  vase  de  bronze.  Le  mot  emblème, 
avec  son  sens  actuel,  n'est  entré  dans  les  langues  modernes 
qu'avec  la  Renaissance  classique.  Aux  xvi^  et  xvu®  siècles, 
où  l'allégorie  fut  en  si  grande  faveur,  on  mit  toutes  choses 
en  emblèmes  :  la  théologie,  la  philosophie ,  la  politique, 
l'histoire,  les  sciences  physiques  et  naturelles,  et  jusqu'à  la 
grammaire  elle-même.  Il  en  est  résulté  en  bibliographie 
une  section  importante  de  livres  illustrés  avec  des  gravures 
sur  bois  ou  sur  métal,  où  les  artistes  de  l'époque  ont  puisé 
plus  d'une  inspiration.  Les  plus  en  vogue  étaient  les  em- 
blèmes dont  le  texte  a  été  fourni  par  le  jurisconsulte  mila- 
nais André  Alciat.  Depuis  leur  apparition  en  1531  jusqu'en 
1781 ,  il  en  a  paru  environ  cent  trente  éditions  dans  les  prin- 
cipaux pays  de  l'Europe.  G.  P-i. 

BiBL.  :  Brunet,  Manuel  du  libraire.  —  H.  Green,  A. 
Alciati  and  his  books  of  emblems  ;  Londres,  1872.  — 
Georges  Duplessis,  les  Emblèmes  d' Alciat;  Paris,  1884, 
in-8,  fig.  .      . 

EMBOITEMENT  des  germes.  On  a  désigne  sous  ce 
nom  une  théorie  imaginée  à  la  fin  du  siècle  dernier  par 
Charles  Bonnet,  de  Genève,  pour  expliquer  la  génération 
des  êtres  organisés.  Les  diverses  parties  d'un  animal 
présentent  entre  elles  une  si  parfaite  harmonie,  elles 
«  conspirent  si  évidemment  vers  un  même  but  général  : 
la  formation  de  cette  unité  qu'on  nomme  un  animal,  de  ce 
tout  organisé  qui  vit,  croît,  sent,  se  meut,  se  conserve,  se 
reproduit,  »  qu'on  acquiert  la  conviction  «  qu'un  tout  si 
prodigieusement  composé  et  pourtant  si  harmonique  n'a  pu 
être  formé,  comme  une  montre,  de  pièces  de  rapport  ou 
de  l'engrènement  d'une  infinité  de  molécules  diverses  réu- 
nies par  apposition  successive  ;  un  pareil  tout  porte  l'em- 
preinte indélébile  de  l'ouvrage  fait  d'un  seul  coup  ».  Un 
animal  ne  peut  donc  se  constituer  de  toutes  pièces  :  il  doit 
être  engendré  par  un  autre  animal  préexistant.  Le  petit  se 
développe  dans  le  corps  de  sa  mère,  mais  pourtant  sans 
être  en  réalité  formé  par  elle  :  il  préexiste  chez  celle-ci  à 
l'état  de  germe.  En  appliquant  ce  même  raisonnement  à 
la  série  des  êtres  dont  cette  mère  dérive,  ainsi  qu'à  la 
série  de  ses  futurs  descendants.  Bonnet  en  arrivait  à  con- 
clure que  le  premier  individu  femelle  de  chaque  espèce 
animale  devait  renfermer,  emboîtés  les  uns  dans  les  au- 
tres, les  germes  de  tous  les  individus  qui,  par  la  suite  des 
temps,  devaient  constituer  sa  descendance  directe.  Cette 
théorie  singuUère,  dont  Cuvier  a  été  le  dernier  partisan,  a 
été  renversée  dès  que  les  études  micrographiques  ont  permis 
à  l'embryologie  de  s'établir.  R-  Rl. 

EMBOÎTURE  (Constr.).  Pièce  de  bois  destinée  à  rece- 


EMBOÎTURE  -  EMBOSSAGE  —  890  — 

voir  dans  une  rainure  pratiquée  sur  la  longueur  de  l'une 
de  ses  faces,  l'assemblage  des  bouts  de  plusieurs  morceaux 
déjà  joints  entre  eux  sur  les  côtés,  à  l'aide  de  clefs  ou  par 
tout  autre  système.  Ce  genre  d'assemblage  appartient  à  la 
catégorie  des  joints  de  côté.  On  distingue  V&mboîture 
simple  où  la  pièce  est  arasée  au  parement  des  pièces  juxta- 
posées, et  Vemboîture  à  coulisse,  plus  épaisse  que  les  bois 
qui  s'y  assemblent  ;  cette  sorte  de  joint  s'applique  souvent 
aux  portes,  aux  lambris,  etc.  On  dit  qu'une  porte,  un  des- 
sus de  table  sont  emboîtés  à  bois  de  iil,  quand  ces  parties 
de  menuiserie  sont  encadrées  d'une  alaise  d'égale  largeur 
dans  toute  son  étendue  et  coupée  d'angle  aux  quatre  coins. 
L'emboîture  sert  aussi  à  ajuster  deux  tuyaux  de  descente 
ou  de  conduite,  de  façon  qu'ils  entrent  l'un  dans  l'autre. 
Pour  les  conduites  d'eau,  il  ne  suffit  pas  d'emboîter  ces 
pièces  ;  on  doit  encore  fixer  leur  jonction  au  moyen  de 
noeuds  de  soudure.  De  plus,  il  faut  avoir  soin  de  faire 
d'abord  entrer  le  tuyau  qui  donne  l'eau  dans  celui  qui  la 
reçoit.  L.  K. 

EMBOLIE  (Méd.).  Virchow  désigne  sous  l'expression 
d'embolie  le  mécanisme  par  lequel  un  caillot  sanguin  ou  un 
bloc  migrateur  quelconque  est  transporté  du  lieu  de  son 
origine  jusqu'au  point  oU  il  s'est  arrêté,  donnant  le  terme 
d'embolus  ou  d'embole  au  bloc  migrateur  lui-même.  Les 
concrétions  sanguines  que  l'on  rencontre  dans  le  cœur  ou 
dans  les  vaisseaux  peuvent,  en  effet,  s'être  formées  sur 
place,  ce  sont  des  concrétions  autochtones  ou  thrombus  ; 
ou  bien  être  transportées  sur  un  autre  point,  ce  sont  là  les 
concrétions  migratrices  ou  emboliques.  Au  point  de  vue 
du  volume,  on  distingue  les  embolies  en  massives,  quand 
leur  volume  est  suffisant  pour  oblitérer  les  vaisseaux  d'un 
certain  calibre,  et  en  capillaires,  quand  elles  s'arrêtent 
dans  les  dernières  ramifications  artérielles.  Les  embolies 
peuvent  être  déterminés  soit  par  des  concrétions  san- 
guines, des  débris  de  valvules  ulcérées,  des  plaques  cal- 
caires athéromateuses,  des  parcelles  de  tumeurs,  ou  des 
helminthes  s'étant  introduits  par  perforation  dans  le  sys- 
tème circulatoire.  L'endocardite  ulcéreuse  est  souvent  une 
cause  d'embolie,  soit  qu'il  se  forme,  au  contact  de  la 
membrane  endothéliale  attaquée,  des  concrétions  fibri- 
neuses  qui  se  détachent  ensuite  pour  être  lancées  dans  le 
torrent  circulatoire,  soit  que  le  centre  d'altération  du  noyau 
migrateur  soit  formé  par  un  débris  de  valvules.  Les 
thrombus  artériels  ou  veineux  peuvent  également  donner 
lieu  à  des  embolies.  Les  concrétions  autochtones,  dues  à 
l'inflammation  de  la  tunique  interne  des  artères  peuvent 
se  ramollir  et  si,  par  suite  de  leur  développement,  la  tête 
du  caillot  arrive  à  un  point  de  bifurcation  des  vaisseaux, 
elle  peut  se  détacher  du  corps  du  thrombus  et  être  empor- 
tée par  le  courant  du  vaisseau  resté  libre.  Les  embolies 
observées  si  fréquemment  dans  les  artères  pulmonaires 
ont  très  souvent  pour  origine  un  thrombus  veineux.  La  tête 
de  la  concrétion  veineuse  ramollie  est  entraînée  dans  le 
courant  veineux,  vers  la  veine  cave  inférieure,  de  là  dans 
le  cœur  droit,  qui  la  lance  dans  l'artère  pulmonaire  dont 
elle  oblitérera  une  branche. 

La  connaissance  des  embolies  a  permis  d'expliquer  un 
certain  nombre  de  complications,  telles  les  infarctus  du 
rein  et  de  la  rate,  considérés  autrefois  comme  des  pro- 
ductions autochtones,  dus  à  des  altérations  premières  de 
ces  organes  et  qui  ne  sont  autre  que  des  embolies  capil- 
laires. L'apoplexie  pulmonaire,  le  ramollissement  cérébral 
sont  souvent  produits  par  le  même  mécanisme.  La  mort 
arrive  souvent  subitement  à  la  suite  de  l'embolie  de  l'ar- 
tère pulmonaire,  soit  qu'elle  survienne  par  syncope,  par 
arrêt  des  mouvements  du  cœur,  soit,  comme  le  soutient 
Panum,  que  c'est  par  anémie  cérébrale,  par  insuffisance  de 
l'afflux  sanguin  sur  les  centres  nerveux.  Les  embolies  qui 
se  produisent  dans  les  centres  nerveux  peuvent  donner 
lieu  à  une  série  de  troubles  des  plus  variés,  suivant  la 
région  dont  elles  arrêtent  l'irrigation.  On  conçoit  qu'une 
embolie  déterminant  l'anémie  des  centres  respiratoires 
amène  immédiatement  la  mort  alors  que,  si  elle  se  produit 


dans  la  région  corticale,  elle  peut  donner  lieu  à  des 
troubles  spéciaux  moteurs  ou  psychiques  :  aphasie,  s'il 
s'agit  de  la  troisième  circonvolution  frontale  gauche  ; 
cécité  psychique,  si  elle  porte  sur  le  lobe  occipital,  etc. 

D*-  J.-P.  Langlois. 
EMBOLOMÉRIENS  (Paléont.).  Cope  a  établi  ce  groupe 
en  d880  pour  des  Batraciens  des  terrains  permiens  de 
l'Amérique  du  Nord,  qui  ont  un  supraoccipital,  un  supra- 
temporal  et  un  os  intercalaire  ;  les  os  prépodiaux  sont  dis- 
tincts ;  l'articulation  vertébrale  basioccipitale  se  fait  par  un 
intercentrum  discoïde  indivis  ;  la  corde  dorsale  est  per- 
sistante ;  le  centrum  et  l'intercentrum  sont  complètement 
développés  et  supportent  à  eux  deux  un  seul  arcneural;  les 
os  en  chevron  ne  sont  supportés  que  par  les  intercentraux. 
Le  groupe  des  Embolomériens  comprend  la  famille  des 
Cricotidées.  E.  Sauvage. 

BiBL.  :  Cope,  American  Naturaliste  1884. 
EMBOLOPHORUS  (Paléont.).  Ce  genre  aétéétabli  par 
Cope  pour  un  Reptile  du  terrain  permien  du  Texas  qui  se 
différencie  par  l'articulation  des  côtes,  dont  le  capitulum 
est  reçu  dans  une  fossette  se  trouvant  à  la  partie  postérieure 
de  l'intercentrum  en  avant  de  la  vertèbre  qui  supporte  la 
diapophyse  sur  laquelle  le  tubercule  s'attache. 
BiBL.  ;  Proc.  Amer.  Philos.  Soc,  1878,  t.  XVII. 
EMBOLUS  (Zool.).  Genre  d'Echinodermes Holothurides, 
de  la  famille  des  Molpadides,  établi  par  Selenka  (1867) 
pour  une  espèce  du  cap  Palmas  (?),  lE»  pauper.  Il  est  ca- 
ractérisé par  quinze  tentacules  fort  courts  et  par  l'absence 
totale  d'anneau  calcaire.  R,  Mz. 

EMBOMA,  M'BOMA  ou  BOMA.  Capitale  de  l'Etat  indé- 
pendant du  Congo  depuis  4886,  sur  la  rive  droite  du 
Congo,  à  50  kil.  de  l'embouchure  de  ce  fleuve;  459  hab. 
(de  race  blanche).  Stanley  y  arriva  le  9  août  1877,  après 
avoir  traversé  l'Afrique.  C'était  autrefois  un  centre  impor- 
tant du  commerce  d'esclaves.  Boma  a  une  histoire  cruelle, 
dit  Stanley.  En  4877,  raconte-t-il,  le  capitaine  Hopkins, 
consul  d'Angleterre,  trouva,  en  remontant  le  Congo,  échouée 
sur  un  banc  de  sable  en  face  de  cette  localité,  une  grappe 
de  cadavres  humains,  le  carcan  de  fer  au  cou,  les  mains 
liées  derrière  le  dos.  Sur  la  chaîne  qui  reliait  les  uns  aux 
autres  ces  malheureux  était  inscrit  le  nom  du  traitant, 
auteur  de  cette  hécatombe.  Boma  est  actuellement  la  place 
de  commerce  la  plus  importante  du  Bas-Congo.  De  nom- 
breuses factoreries  de  diverses  nationalités  s'y  trouvent 
établies  le  long  du  fleuve.  La  rade  est  superbe,  d'une  lon- 
gueur de  4  kil.  et  d'une  profondeur  variant  de  6  à  20  m. 
Une  jetée  en  fer  munie  de  grues  puissantes  facilite  le 
déchargement  des  marchandises.  Cinquante  et  un  bâtiments 
au  long  cours  d'un  tonnage  total  de  67,439  tonnes  ont 
visité  ce  port  en  1890.  Les  plus  grands  navires  peuvent  y 
accoster.  Boma  est  le  siège  d'un  tribunal  de  première  ins- 
tance et  d'un  tribunal  d'appel.  Elle  possède  une  église  en 
fer,  un  bureau  de  poste  qui  est  aussi  office  d'échange,  un 
hôpital  mihtaire  construit  en  brique  et  pisé,  un  atelier  de 
charpentier,  une  immense  forge  et  un  vaste  hôtel  à  deux 
étages  en  tôle  d'acier  à  doubles  parois.  Il  y  existe  égale- 
ment un  tramway  à  vapeur  et  des  communications  télé- 
phoniques (V.  Congo).  H.  Droogmans. 

EMBOSSAGE  (Mar.).  Action  de  maintenir  un  navire  au 
moyen  d'amarres,  malgré  le  vent  et  le  courant,  dans  une 
direction  déterminée.  On  s'embosse,  soit  pour  présenter  le 
travers  ou  la  partie  du  navire  la  mieux  armée  à  une  batterie, 
à  un  fort  que  l'on  veut  bombarder,  soit  encore  pour  aérer  le 
bâtiment  dans  les  pays  chauds  ou  en  cas  d'épidémie.  Il  y  a 
plusieurs  manières  de  s'embosser.  L'une  d'elles  consiste  à 
mouiller  par  l'arrière  une  ancre  à  jet  (ancre  plus  petite  qui 
peut  être  portée  par  une  embarcation)  ;  le  navire  est  alors 
tenu  par  son  ancre  ordinaire  dite  ancre  de  bossoir  et  par 
l'ancre  à  jet.  On  peut  encore  attacher  une  forte  amarre, 
qui  porte  le  nom  de  croupiat  on  embossure,  à  la  chaîne  de 
l'ancre  de  l'avant.  On  prend  cette  amarre  par  l'arrière,  et 
en  filant  suffisamment  de  la  chaîne  et  de  1  amarre,  le  na- 
vire se  trouve  maintenu  par  ces  deux  attaches  qui  forment 


—  891  — 


EMBOSSAGE  —  EMBRANCHEMENT 


un  angle  qui  se  nomme  une  patte  d'oie.  Plusieurs  navires 
embossés  forment  une  ligne  d'embossage. 
EM  BOSSU  RE  (Mar.)  (V.  Embossage). 
EMBOTHRIUNI  (Embothrimn  Forst.)  (Bot.).  Genre 
de  plantes  de  la  famille  des  Protéacées,  qui  a  donné  son  nom 
au  groupe  des  Embothriées.  Ce  sont  des  arbres  ou  des 
arbustes  à  feuilles  alternes,  simples,  sans  stipules,  à  fleurs 
hermaphrodites,  remarquables  par  leur  périanthe  qui  a  la 
forme  d'un  long  tube  terminé  par  une  boule  arrondie.  Le 
fruit  est  un  follicule  renfermant  de  nombreuses  graines, 
pourvues  au  sommet  d'une  longue  aile  membraneuse.  Les 
espèces,  au  nombre  de  cinq,  habitent  les  régions  australes 
de  l'Amérique  du  Sud.  VE.  coccineum  Forst.  est  cultivé 
dans  les  serres  de  l'Europe  pour  ses  belles  fleurs  d'un 
rouge  écarlate.  Son  bois  est  recherché,  au  Chili,  comme 
bois  de  construction .  Ed.  Lef. 

EMBOUCHE  (V.  Engraissement), 
EMBOUCHURE  (Mus.).  Partie  d'un  instrument  à  vent 
sur  laquelle  on  appUque  les  lèvres  ou  que  l'on  pince  entre 
celles-ci.  Il  y  a  plusieurs  sortes  d'embouchures.  Pour  les 
instruments  de  cuivre  tels  que  les  cors,  trompettes,  trom- 
bones, etc.,  l'embouchure  est  de  métal,  en  cuivre  ou  en 
argent,  en  forme  de  petit  entonnoir  s'adaptant  directement 
sur  le  tube  de  l'instrument.  Pour  les  instruments  de  bois 
tels  que  bassons,  clarinettes,  hautbois,  etc.,  l'embouchure 
est  appelée  vulgairement  anche,  simple  ou  double  selon 
qu'elle  est  formée  d'une  ou  de  deux  lames  de  roseau  mon- 
tées sur  une  embouchure  en  bois  et  quelquefois  en  cristal 
pour  la  clarinette.  Elle  s'adapte  directement  sur  le  corps 
de  l'instrument,  sauf  pour  le  basson  auquel  elle  est  reliée 
par  un  tube  en  forme  de  S  nommé  bocal  sur  lequel  elle 
s'adapte.  Pour  la  flûte,  l'embouchure  fait  corps  avec  l'ins- 
trument et  est  placée  à  l'extrémité  du  tube.  — ■  On  dit 
également  d'un  instrumentiste  qu'il  a  une  bonne  embou- 
chure quand  il  sait  attaquer  le  son  avec  franchise  et  netteté. 
EMBOUDlNURE(Mar.).  Nom  d'une  sorte  de  nœud  ser- 
vant à  raccourcir  des  bouts  de  filin  de  petit  diamètre,  qui 
ne  sont  pas  d'un  usage  journalier  et  qui,  par  suite  de  leur 
grande  longueur  relative,  présenteraient  à  bord  un  aspect 
de  désordre,  incompatible  avec  les  habitudes  maritimes. 
Ex.  :  les  cordons,  tire-feu  des  pièces.  —  L'emboudinure 
consiste  à  enrouler  autour  d'une  mèche  centrale  formée  par 
le  bout  de  filin  lui-même  une  série  de  tours  de  corde  suc- 
cessifs placés  à  joindre.  L'aspect  extérieur  du  nœud  ainsi 
formé  est  cylindrique,  rappelle  un  boudin,  d'où  le  nom  : 
boudinure  ou  emboudinure.  —  On  appelle  aussi  emboudi- 
nure  une  garniture  que  l'on  fait  sur  l'organeau  d'une  ancre, 
quand  on  doit  y  fixer  un  câble  en  fihn,  afin  que  le  contact 
du  fer  rouillé  ne  mange  pas  au  portage  l'amarre  en  ques- 
tion. Dans  ce  cas,  on  couvre  l'organeau  d'une  toile  gou- 
dronnée appelée  limande,  et  sur  cette  toile  on  passe  des 
tours  bien  serrés  d'un  petit  cordage. 

EMBOURIE.  Com.  du  dép.  de  la  Charente,  arr.  de  Ruf- 
fec,  cant.  de  Villefagnan;  268  hab. 

EM  BOUTÉ  (Blas.).  Attribut  des  marteaux,  outils  ou 
instruments  quelconques,  pourvus  à  leur  bout  d'une  virole 
ou  d'un  anneau  d'un  émail  particulier. 

EMBOUTISSEUSE  (Mécan.).  L'emboutissage  est  l'opé- 
ration qui  consiste  à  transformer  une  feuille  plane  de  métal 
en  une  surface  courbe  non  développable.  Ainsi,  avec  un 
disque  plat  de  tôle,  on  peut  faire  une  calotte  sphérique  et,  en 
poussant  encore  plus  loin  la  déformation,  on  arrive  à  une  sorte 
de  tube,  quand  le  métal  est  très  malléable.  Le  changement 
de  forme  est  accompagné  d'une  diminution  d'épaisseur. 
On  a  fréquemment  besoin  dans  les  arts  d'emboutir  les  mé- 
taux ;  pour  que  l'opération  réussisse  bien  sans  rupture  de 
métal,  il  faut,  quelles  que  soient  les  précautions  prises,  que 
sa  qualité  soit  très  bonne  et  son  homogénéité  très  grande. 
Certains  métaux,  tels  que  le  cuivre  rouge  et  l'acier  doux, 
peuvent  être  emboutis  à  froid,  mais  plus  généralement  on 
opère  à  chaud  (V.  Chaudronnerie,  t.  X,  pp.  943  et  944). 
Les  machines  à  emboutir  ou  emboutisseuses  sont  aussi 
variées  que  nombreuses  ;  aujourd'hui  les  grands  ateliers 


de  construction  de  machines  n'hésitent  pas  à  installer  de 
grandes  presses  hydrauliques  pour  emboutir  les  tôles.  On 
obtient  ainsi  un  effort  plus  régulier,  réparti  uniformément 
sur  toute  la  surface  qui  fatigue  moins  la  tôle  et  qu'on  peut 
régler  à  volonté  de  manière  à  donner  des  déformations 
successives,  préparant  graduellement  la  forme  définitive. 
La  surface  de  la  tôle  reste  plus  lisse  et  conserve  une  épais- 
seur uniforme  ;  on  évite  en  même  temps  toutes  les  criques 
et  fissures  qu'entraîne  souvent  l'emboutissage  à  la  main, 
si  soigné  qu'il  soit.  Cette  méthode  a  seulement  l'inconvé- 
nient d'exiger  un  outillage  dispendieux,  puisqu'il  faut  avoir 
autant  de  matrices  qu'on  veut  conserver  de  formes  inter- 
médiaires entre  la  tôle  plane  et  l'objet  fini.  Une  emboutis- 
seuse  hydraulique  très  employée  est  à  trois  pistons  actionnés 
par  une  presse  hydraulique  dont  deux  verticaux  et  un  ho- 
rizontal. La  tôle  à   travailler  est   emboutie  à  plusieurs 
reprises,  en  rabattant  à  chaque  fois  le  bord  sous  l'action 
de  ces  pistons.  Pour  emboutir  un  fond  de  chaudière,  par 
exemple,  on  chauffe  la  tôle  sur  une  longueur  de  l«^oO, 
puis  on  l'amène  sur  une  étampe  en  forme  de  segment  de 
cercle  ;  quand  la  pièce  est  en  position,  on  abaisse  le  pre- 
mier piston  vertical  qui  joue  le  rôle  d'étau  et  empêche  ainsi 
tout  entraînement  de  la  tôle  ;  on  abaisse  ensuite  le  second 
qui  est  terminé  par  une  tête  de  forme  spéciale  pour  ra- 
battre la  tôle  sur  le  bord  de  l'étampe.  Cette  opération  ter- 
minée, on  relève  les  deux  pistons  et  on  fait  tourner  la 
plaque  autour  d'un  pivot  pour  présenter  à  l'outil  une  nou- 
velle surface  ;  on  répète  la  manœuvre  précédente,  et  on 
arrive  ainsi  à  rabattre  toute  la  partie  de  la  tôle  qui  a  été 
chauffée.  Après  que  le  bord  est  ainsi  rabattu,  on  fait  agir 
le  piston   horizontal,   en  lui   présentant  successivement 
toutes  les  parties  de  la  collerette  de  manière  à  faire  dis- 
paraître toutes  les  irrégularités.  Certains  ateliers  opèrent 
l'emboutissage  au  marteau-pilon  ;  on  arrive  plus  rapide- 
ment au  même  résultat  qu'avec  la  presse.  Un  pilon  d'un 
poids  de  "25  tonnes  suffit  pour  préparer  des  fonds  de  chau- 
dières de  sucreries  dont  le  diamètre  dépasse  quelquefois 
2  m.  et  dont  l'épaisseur  au  centre  atteint  10  millim.  Lors- 
qu'on veut  obtenir  des  pièces  en  forme  de  calotte  présen- 
tant au   centre  un  surcroît  d'épaisseur  considérable,  il 
est  nécessaire  de  préparer,  à   l'avance,  la  tôle,  et  de 
l'amincir  sur  les  bords  ;  nous  citerons  le  cas  des  creusets 
en  fer,  servant  au  traitement  de  l'argent  au  Mexique  et 
qui  sont  préparés  par  emboutissage,  en  ménageant  au  centre 
un  surcroît  d'épaisseur  de  o  millim.  environ.  La  tôle  plane 
est  tournée  à  cet  effet  sur  les  bords  et  on  y  laisse  seule- 
ment une  épaisseur  inférieure  de  quelques  millimètres  à 
l'épaisseur  définitive,  car  le  métal  se  trouve  refoulé  exté- 
rieurement sous  l'action  du  pilon  emboutisseur.  L.  Knab. 
EMBRANCHEMENT.I.Sgiencesnaturelles(V.  Science, 

Botanique,  Zoologie). 

IL  Chemins  de  fer.  —  Ce  mot  s'emploie  pour  désigner 
soit  le  raccordement  de  deux  lignes  de  chemins  de  fer,  soit, 
parmi  ces  deux  Hgnes,  celle  qui  est  considérée  comme 
la  moins  importante.  L'embranchement  d'une  hgne  sur 
une  autre  peut  se  faire  au  moyen  d'une  bifurcation 
(V.  ce  mot)  ;  il  peut  également  avoir  lieu  sans  qu'il  y  ait 
croisement  effectif  des  rails  de  l'embranchement  avec  ceux 
de  la  ligne  principale.  C'est  de  cette  seconde  manière 
que  s'établissent  généralement  les  embranchements,  quand 
ils  aboutissent  dans  des  gares  déjà  existantes  ;  on  a  ainsi 
l'avantage  de  laisser  complètement  libres  les  voies  prin- 
cipales de  la  gare,  condition  très  favorable  à  la  sécurité, 
surtout  lorsque  la  grande  ligne  est  parcourue  par  des  trains 
express  qui  ne  s'arrêtent  pas  dans  cette  gare.  Les  dispo- 
sitions techniques  à  adopter  en  cas  d'embranchement  par 
bifurcation  ont  été  décrites  à  propos  des  mots  Aiguille, 
Changement  et  Croisement  ;  il  reste  à  faire  connaître  les 
mesures  prises  pour  assurer  la  sécurité  à  la  rencontre  des 
deux  lignes.  Ces  mesures  sont  diverses  et  varient  suivant 
les  compagnies  exploitantes  :  elles  sont  seulement  sou- 
mises à  des  prescriptions  générales  édictées  par  l'adminis- 
tration des  travaux  pubhcs.  A  titre  d'exemple  très  simple, 


EMBRANCHEMENT 


—  892  — 


nous  citerons  la  disposition  adoptée  aux  bifurcations  de  la 
Compagnie  de  l'Ouest.  Lafig.  ci-dessous  représente  la  bifur- 
cation d'Asnières  :  deux  lignes  à  double  voie  s'y  réunissent 
au  moyen  des  deux  aiguilles  A  et  B  ;  ce  sont  les  lignes  de 
Mantes  à  Paris,  et  d'Argenteuil  à  Paris.  Les  signaux  sui- 
vants sont  établis  pour  assurer  la  sécurité  :  4^  trois  si- 
gnaux avancés  4,6  et  8,  destinés  à  protéger  à  distance 
les  voies  de  la  ligne  principale  (Paris-Mantes),  lorsqu'elles 
sont  occupées  à  l'embranchement  ou  à  ses  abords  ;  2<*  deux 
signaux  carrés  d'arrêt  absolu  2  et  4,  un  pour  chacune  des 
directions  de  l'embranchement,  afin  de  pouvoir  arrêter  les 
trams  qui  se  présenteraient  lorsque  les  voies  y  sont  occu- 
pées. En  outre,  des  enclenchements  du  système  Vignier 
sont  établis  comme  il  suit  :  le  signal  4  est  enclenché  : 
l''  avec  le  signal  8,  de  manière  que  ce  dernier  soit  fermé 
avant  qu'on  ferme  le  signal  4  ;  2^  avec  le  signal  2,  de 


manière  que  chacun  de  ces  deux  signaux  ne  puisse  être 
ouvert  que  si  l'autre  est  fermé  ;  3^  avec  l'aiguille  A,  de 
telle  sorte  que  celle-ci  ne  puisse  être  faite  pour  la  direc- 
tion de  droite  que  lorsque  le  signal  4  est  à  l'arrêt.  Voici 
maintenant  les  règles  adoptées  pour  la  circulation.  En 
principe,  l'une  des  trois  directions  Paris-Mantes,  Mantes- 
Paris,  Argenteuil-Paris  est  normalement  ouverte  au  passage 
des  trains,  qui  doivent  seulement  réduire  leur  vitesse  à 
20  kil.  à  l'heure  :  c'est  la  direction  de  Paris  à  Mantes  qui 
est  toujours  ouverte.  Au  contraire,  celle  d'Argenteuil  à 
Paris  est  normalement  fermée,  et  tous  les  trains  venant  de 
cette  direction  doivent  s'arrêter  au  signal  2  qui  est  tou- 
jours fermé  ;  ces  trains  ne  peuvent  pénétrer  sur  la  grande 
ligne  que  lorsque  le  garde  de  l'embranchement  leur  a  ou- 
vert ce  signal,  ce  qui  ne  peut  se  faire,  en  vertu  des  enclen- 
chements, qu'en  mettant  le  signal  4  à  l'arrêt.  De  cette 


Bifurcation  d'Asnières. 


manière,  aucune  rencontre  n'est  possible  entre  les  trains 
qui  passent  à  la  bifurcation. 

Les  embranchements  peuvent  être  publics  ou  particu- 
liers ;  les  premiers  sont  ceux  qui  raccordent  deux  lignes 
en  exploitation  ;  les  seconds  servent  à  relier  à  une  ligne 
exploitée  une  usine  ou  un  établissement  industriel  situés 
à  proximité  du  chemin  de  fer.  Au  moment  de  la  constitu- 
tion des  grandes  compagnies  françaises  et  de  la  concen- 
tration entre  leurs  mains  de  la  plus  grande  partie  des 
lignes  du  réseau  national,  il  était  nécessaire  de  réserver 
pour  l'avenir  la  possibilité  de  créer  des  lignes  nouvelles 
et  des  embranchements  particuliers,  et  l'on  a  inséré  dans 
le  cahier  des  charges  général  des  grandes  compagnies 
les  clauses  suivantes,  qui  font  l'objet  des  art.  61  et  62. 
L'art.  61  est  ainsi  conçu  :  «  Art.  61 .  Le  gouvernement 
se  réserve  expressément  le  droit  d'accorder  de  nouvelles 
concessions  de  chemins  de  fer  s'embranchant  sur  le  chemin 
qui  fait  l'objet  du  présentcahier  des  charges,  ou  qui  seraient 
établis  en  prolongement  du  même  chemin.  La  Compagnie 
ne  pourra  mettre  aucun  obstacle  à  ces  embranchements, 
ni  réclamer,  à  l'occasion  de  leur  établissement,  aucune  in- 
demnité quelconque,  pourvuqu'il  n'en  résulte  aucun  obstacle 
à  la  circulation,  ni  aucuns  frais  pour  la  compagnie.  Les 
compagnies  concessionnaires  de  chemins  de  fer  d'embran- 
chement ou  de  prolongement  auront  la  faculté,  moyennant 
les  tarifs  ci-dessus  déterminés  et  l'observation  des  règle- 
ments de  police  et  de  service  établis  ou  à  établir,  de  faire 
circuler  leurs  voitures,  wagons  et  machines  sur  les  chemins 
de  fer,  objet  de  la  présente  concession,  pour  lesquels  cette 
faculté  sera  réciproque  à  l'égard  desdits  embranchements 
et  prolongements.  Dans  le  cas  où  les  diverses  compagnies 
ne  pourraient  pas  s'entendre  entre  elles  sur  l'exercice  de 
cette  faculté,  le  gouvernement  statuerait  sur  les  difficultés 
qui  s'élèveraient  entre  elles  à  cet  égard.  Dans  le  cas  où 
une  compagnie  d'embranchement  ou  de  prolongement,  joi- 
gnant les  lignes  qui  font  l'objet  de  la  présente  concession, 
n'userait  pas  de  la  faculté  de  circuler  sur  ces  lignes, 
comme  aussi  dans  le  cas  où  la  compagnie  concessionnaire 
de  ces  dernières  lignes  ne  voudrait  pas  circuler  sur  les 
prolongements  et  embranchements,  les  compagnies  seraient 
tenues  de  s'arranger  entre  elles,  de  manière  que  le  ser- 


vice de  transport  ne  soit  jamais  interrompu  aux  points  de 
jonction  des  diverses  lignes.  Celle  des  compagnies  qui  se 
servira  d'un  matériel  qui  ne  serait  pas  sa  propriété,  payera 
une  indemnité  en  rapport  avec  l'usage  et  la  détérioration 
de  ce  matériel.  Dans  le  cas  où  les  compagnies  ne  se  met- 
traient pas  d'accord  sur  la  quotité  de  l'indemnité  ou  sur 
les  moyens  d'assurer  la  continuation  du  service  sur  toute 
la  ligne,  le  gouvernement  y  pourvoirait  d'office  et  pres- 
crirait toutes  les  mesures  nécessaires.  La  compagnie  pourra 
être  assujettie  par  les  décrets  qui  seront  ultérieurement 
rendus  pour  l'exploitation  des  chemins  de  fer  de  prolonge- 
ment et  d'embranchement,  joignant  celui  qui  lui  est  con- 
cédé, à  accorder  aux  compagnies  de  ces  chemins  une 
réduction  de  péage  ainsi  calculée  :  4**  si  le  prolongement 
ou  l'embranchement  n'a  pas  plus  de  100  kil.,  'lO  ^Iq  du 
prix  perçu  par  la  compagnie  ;  2*^  si  le  prolongement  ou 
l'embranchement  excède  400  kil.,  45  ^/o;  3"  si  le  prolon- 
gement ou  l'embranchement  excède  200  kil.,  20  ^/o;  4^  si 
le  prolongement  ou  l'embranchement  excède  300  kil., 
25  «/o.  >> 

M.  Sévène  fait  remarquer  dans  son  Cours  de  chemins 
de  fer  que,  bien  que  les  prescriptions  de  l'art.  64  soient 
à  la  fois  simples,  justes  et  logiques  en  principe,  elles  ont 
cependant  donné  lieu  dans  l'application  à  de  nombreuses 
difficultés,  par  suite  de  la  divergence  des  intérêts  en  pré- 
sence, qui  créait  presque  toujours  des  opinions  différentes 
sur  les  meilleures  dispositions  à  adopter.  Ces  difficultés  ne 
se  sont  guère  présentées  tant  que  les  grandes  compagnies 
n'ont  eu  qu'à  se  raccorder  entre  elles  ;  mais  elles  ont  éclaté 
quand  les  petites  compagnies  se  sont  formées  et  ont 
amené  des  lignes  nouvelles  qui  devaient  être  reçues  par 
les  anciennes  hgnes.  Dans  bien  des  cas,  l'entente  n'a  pas 
pu  s'établir  entre  les  deux  compagnies  qui  venaient  se  rac- 
corder et,  au  lieu  d'avoir  au  point  de  raccordement  des 
deux  lignes  une  gare  commune  pour  les  desservir  et  d'as- 
surer ainsi  la  continuité  des  transports,  ainsi  que  le  veut 
Fart.  64  du  cahier  des  charges,  on  a  été  conduit  à  cons- 
truire dans  une  même  ville  des  gares  séparées,  «  combi- 
naison vicieuse  en  principe,  coûteuse  en  application,  et 
radicalement  défectueuse  pour  le  service  de  jonction  ».  Le 
public  se  trouvait  donc,  en  définitive,  victime  du  défaut 


d'entente  entre  les  compagnies  concessionnaires,  naturelle- 
ment portées  à  tenir  plus  de  compte  de  leurs  convenances 
particulières  que  de  Tintérêt  général.  Heureusement  la 
solution  défectueuse  des  gares  séparées  n  a  pas  eu  de  très 
nombreuses  applications  et,  dans  le  cahier  des  charges  re- 
latif aux  nouvelles  lignes  concédées  par  les  conventions  de 
1883,  une  modification  heureuse  a  été  introduite  dans 
Fart.  61,  dont  le  dernier  paragraphe  se  trouve  ainsi  conçu  : 
«  La  compagnie  sera  tenue,  si  l'administration  le  juge  conve- 
nable, de  partager  l'usage  des  stations  établies  à  l'origine 
des  chemins  de  fer  d'embranchement  avec  les  compagnies 
qui  deviendraient  ultérieurement  concessionnaires  desdits 
chemins.  En  cas  de  difficultés  entre  les  compagnies  pour 
l'application  de  cette  clause,  il  sera  statué  par  le  gouver- 
nement. » 

]/établissement  des  embranchements  particuliers  n'a  pas 
donné  naissance  aux  mêmes  difficultés  ;  cela  tient  à  ce  que 
l'art.  62  du  cahier  des  charges  est  beaucoup  plus  précis 
que  l'art.  61  :  non  seulement  il  pose  des  principes,  mais 
il  en  règle  d'avance  l'application.  L'art.  62  stipule  que 
chaque  compagnie  doit  s'entendre  avec  tout  propriétaire  de 
mines  ou  d'usines  qui,  offrant  de  se  soumettre  aux  condi- 
tions réglementaires,  demande  un  embranchement  particu- 
lier ;  cet  embranchement  est  établi  avec  l'autorisation  de 
l'administration  et  sur  un  projet  approuvé  par  elle  ;  la 
compagnie  est  tenue  de  l'accepter  et  de  le  desservir  en  por- 
tant les  wagons  à  charger  et  à  décharger  jusqu'à  l'aiguille 
qui  est  l'origine  de  l'embranchement  ;  elle  les  reprend 
ensuite  à  cette  aiguille  pour  les  faire  emporter  par  ses 
trains.  C'est  le  propriétaire  de  mine  ou  d'usine  qui  fait,  à 
ses  frais,  la  construction  de  son  embranchement  ;  il  paye 
en  outre  à  la  compagnie  le  service  de  l'aiguille  et  la  loca- 
tion du  matériel  qu'il  reçoit,  et  qu'il  est  obligé  de  garder 
quelque  temps  sur  son  embranchement.  Le  prix  de  cette 
location  est  fixé  à  12  cent,  par  tonne  pour  le  premier  kilo- 
mètre de  l'embranchement,  et  à  4  cent,  pour  chaque  kilo- 
mètre en  sus,  qu'il  soit  coinplet  ou  seulement  entamé.  La 
durée  du  séjour  des  wagons  sur  l'embranchement  ne  peut 
excéder  six  heures,  lorsque  celui-ci  n'a  pas  plus  de  1  kil. 
de  longueur  ;  une  demi-heure  de  plus  est  accordée  pour 
chaque  kilomètre  en  sus. 

Les  embranchements  particuliers  tendent  à  se  multiplier 
de  plus  en  plus.  Ils  présentent  de  grands  avantages  pour 
les  établissements  industriels  situés  à  proximité  d'un  che- 
min de  fer,  puisqu'ils  leur  évitent  un  transbordement  et  un 
transport  en  voiture.  Ils  sont  également  avantageux  pour 
les  chemins  de  fer,  à  qui  ils  donnent  une  cHentèle  assu- 
rée ;  en  outre,  les  chargements  et  déchargements  se  fai- 
sant directement  dans  l'établissement  industriel,  la  gare 
correspondante  se  trouve  débarrassée  d'autant.  —  On  trou- 
vera dans  le  traité  de  Superstructure  de  M.  Deharme 
(Paris,  1890)  plusieurs  exemples  des  dispositions  adoptées 
pour  les  embranchements  particuliers.         G.  Humberï. 

BiBL.  :  SÉvÈNE,  Cours  de  chemins  de  fer  professe  à 
VEcole  des  ponts  et  c/iaussees,  1876-1877,  avec  atlas.  — 
G.  HuMBERT,  Traité  complet  des  chemins  de  fer  ;  Paris, 
1891,  3  vol.  —  Palaa,  Dictionnaire  législatif  et  réglemen- 
taire des  chemins  de  fer;  Paris,  1887i  2  vol.  —  A.  Picard, 
Traité  des  chemins  de  fer;  Paris,  1887,  4  vol. 
EMBRASEMENT  (Menuis.)  (V.  Ebrasement). 
EMBRASSE  (Ameubl.).  Pièce  d'étoffe  ou  de  passemen- 
terie fixée  à  une  patère  et  servant  à  relever  les  rideaux  de 
lit  ou  de  fenêtre  par  le  milieu.  Les  embrasses  sont  le  plus 
souvent  de  la  même  étoffe  que  celle  des  rideaux  et  garnies 
de  crêtes  ;  d'autres  sont  formées  par  des  cordelières  à  glands 
et  à  coulants.  Leur  usage  remonte  au  xviii^  siècle,  mais 
elles  devinrent  d'un  emploi  général  à  partir  du  premier 
Empire  et  de  la  Restauration.  La  tapisserie  actuelle  les 
emploie  fréquemment  pour  augmenter  les  plis  des  rideaux 
dont  elle  drape  nos  fenêtres. 

EMBRASURE.  L  Technologie.  —  Terme  désignant, 
dans  un  mur  de  bâtiment  ordinaire,  comme  dans  un  mur 
de  forteresse,  l'ensemble  d'une  baie  ou  ouverture  comprise 
entre  la  face  extérieure  et  la  face  intérieure  du  mur. 


—  893  —  EMBRANCHEMENT  —  EMBRAYAGE 

tandis  qu'on  appelle  plus  particulièrement  ebrasement 
(V.  ce  mot)  la  partie  intérieure  de  l'embrasure,  celle  com- 
prise entre  la  feuillure  devant  recevoir  la  fermeture  de  la 
baie  et  la  paroi  intérieure  du  mur.  Les  embrasures  des 
baies,  portes  ou  fenêtres,  ont  reçu,  aux  diverses  époques, 
différents  modes  de  clôture  ainsi  que  des  formes  et  une 
décoration  spéciales  dont  il  sera  traité  aux  mots  Fenêtre, 
Portail,  Porte,  etc. 

IL  Fortification.  —  On  donne  ce  nom  soit  à  une  ouver- 
ture pratiquée  dans  une  muraille,  soit  à  une  échancrure 
faite  dans  un  parapet  pour  livrer  passage  à  la  volée  d'une 
bouche  à  feu.  Les  premières  embrasures  percées  dans  la 
maçonnerie  datent  de  la  fin  du  xv«  siècle.  Elles  étaient 
généralement  évasées  vers  l'intérieur  et  plus  larges  que 
hautes  ;  vues  de  l'extérieur,  elles  se  présentaient  sous  la 
forme  de  larges  fentes  horizontales  ;  pour  garantir  les  ser- 
vants des  pièces  contre  la  mousqueterie,  on  garnissait  ces 
ouvertures  de  volets  en  bois  qui  restaient  abaissés  pendant 
les  intervalles  du  tir.  Tant  que  l'artillerie  manqua  de  por- 
tée et  de  précision,  on  fit  un  emploi  fréquent  des  embra- 
sures en  maçonnerie  tant  pour  les  pièces  de  flanquement 
que  pour  l'artillerie  de  rempart  placée  en  vue  des  batteries 
de  l'assiégeant.  Mais  aujourd'hui  on  n'en  construit  plus 
qu'autant  qu'elles  ne  sont  pas  exposées  au  tir  de  plein  fouet, 
par  exemple  dans  les  caponnières  et  dans  les  batteries  à 
tir  indirect  placées  derrière  une  masse  couvrante.  Encore 
cherche-t-on  à  les  garantir  contre  les  coups  plongeants  ou 
obliques  par  un  masque-tunnel  (V.  Gaponnière),  ou  un 
parapet  en  terre  du  système  Haxo  (V.  Casemate).  Lors- 
qu'une embrasure  est  percée  dans  la  muraille  métallique 
d'une  casemate  cuirassée  ou  d'une  coupole,  on  en  réduit 
ordinairement  les  dimensions  au  strict  minimum  en  choi- 
sissant un  système  d'affût  qui  permette  de  faire  tourner  la 
pièce  autour  du  centre  de  l'ouverture.  En  outre,  on  cherche 
à  soustraire  l'embrasure  aux  coups  pendant  les  intervalles 
du  tir,  soit  en  la  masquant  par  une  pièce  métallique  mo- 
bile, quand  la  cuirasse  est  fixe,  soit  en  imprimant  à  cette 
dernière  un  mouvement  de  rotation  ou  d'éclipsé,  quand  il 
s'agit  d'une  coupole.  —  On  distingue  dans  une  embrasure  en 
terre  l'axe  ou  directrice^  le  plan  de  fond,  V ouverture 
intérieure  et  V ouverture  extérieure  qui  sont  les  décou- 
pures pratiquées  dans  les  talus  intérieur  et  extérieur  du 
parapet,  les  joues  qui  soutiennent  les  terres  de  ce  parapet 
de  chaque  côté  du  plan  de  fond,  la  hauteur  de  genouil- 
lère ou  hauteur  du  fond  de  l'embrasure  au-dessus  de  la 
plate-forme.  Suivant  que  la  directrice  est  perpendiculaire 
ou  non  à  la  projection  de  la  crête  intérieure,  l'embrasure  est 
droite  ou  oblique.  En  principe,  l'obliquité  d'une  embrasure 
ne  doit  pas  excéder  9*^.  Quand  on  est  obligé  de  dépasser 
cette  limite,  on  fait  une  brisure  dans  la  crête  de  manière 
à  la  redresser  perpendiculairement  à  la  direction  du  tir. 
Le  plan  de  fond  peut  être  incliné  vers  l'extérieur,  hori- 
zontal ou  incliné  vers  l'intérieur.  Dans  ce  dernier  cas,  l'em- 
brasure est  dite  à  contre-pente  ;  celte  disposition  est 
appliquée  toutes  les  fois  que  les  pièces  ne  doivent  tirer  que 
sous  de  grands  angles.  La  largeur  de  l'ouverture  intérieure 
est  généralement  de  O'^oO,  et  celle  de  l'ouverture  exté- 
rieure à  la  base  est  la  moitié  de  la  longueur  du  fond.  Les 
joues  sont  des  surfaces  gauches  qui  rencontrent  les  talus 
intérieur  et  extérieur,  la  plongée  et  le  plan  de  fond  sui- 
vant des  droites  ;  elles  sont  verticales  dans  la  partie  voi- 
sine du  talus  intérieur  et  inclinées  à  3/1  à  l'autre  extrémité  ; 
on  les  revêt  en  gabions,  en  saucissons  ou  en  sacs  à  terre. 
Le  massif  de  terre  compris  entre  deux  embrasures  con- 
sécutives s'appelle  merlon.  L'espacement  à  donner  à 
ces  embrasures  varie  suivant  le  calibre  des  pièces  ;  pour 
les  canons  de  campagne,  il  est  de  6  m.  Lorsque  les  direc- 
trices ne  sont  pas  parallèles,  cet  espacement  se  compte  à  la 
queue  des  plates-formes  ou  sur  le  talus  extérieur,  suivant 
que  ces  droites  convergent  vers  l'intérieur  ou  vers  l'exté- 
rieur. 

EMBRAYAGE    (Mécan.).    On   désigne  sous    ce    nom 
l'organe  ou  le  mécanisme  qui  a  pour  objet  de  rattacher 


EMBRAYAGE  -  EMBRUN 


—  894  — 


temporairement  une  pièce  de  machine,  généralement  un  arbre 
tournant,  au  mouvement  d'un  arbre  moteur.  Lorsque  les 
deux  arbres  à  réunir  sont  situés  dans  le  prolongement  l'un 
de  l'autre,  on  se  contente  ordinairement  de  les  rendre  so- 
lidaires en  les  rattachant  par  un  simple  manchon  que  l'on 
fait  slisser  longitudinalement,  de  manière  à  ce  qu'il  em- 
brasse à  la  fois  les  extrémités  voisines  des  deux  arbres. 
Ce  manchon  est  constitué  par  un  prisme  creux,  presque 
toujours  en  fonte,  dont  le  vide  intérieur  reproduit  la  section 
pleine  des  deux  arbres  en  bout.  Cette  section  est  quelque- 
fois carrée  et  présente  plus  souvent  une  forme  de  trèfle 
qui  assure  la  solidarité  des  pièces  par  ses  parties  saillantes. 
Lorsque  le  mouvement  de  l'arbre  conduit  doit  être  inter- 
rompu d'une  manière  instantanée,  on  emploie  un  embrayage 
formé  de  deux  manchons  à  crans  dont  l'un  est  calé  à  de- 
meure et  l'autre  peut  glisser  à  volonté  lé  long  du  second 
arbre  pour  venir  engrener  avec  le  premier  manchon.  Le 
manchon  mobile  est  commandé  par  un  levier  placé  à  la 
main  de  l'ouvrier  qui  peut  embrayer  ou  désembrayer  à 
volonté  en  agissant  sur  ce  levier.  Lorsque  les  deux  arbres 
à  réunir  sont  simplement  parallèles,  sans  être  situés  dans 
le  prolongement  l'un  de  l'autre,  on  emploie  presque  tou- 
jours l'embrayage  par  courroie  sansfm.  Dans  la  disposition 
la  plus  fréquemment  appliquée  et  qu'on  retrouve,  par 
exemple,  dans  les  ateliers  de  construction  pour  rattacher  les 
machines-outils  à  l'arbre  de  transmission,  l'arbre  conduit 
reçoit  deux  poulies  dont  l'une  est  calée  et  l'autre  est  folle. 
La  courroie  qui  le  rattache  à  l'arbre  moteur  est  commandée 
par  une  fourche  d'embrayage  qui  permet  de  la  faire  passer 
de  la  poulie  fixe  sur  la  poulie  folle,  selon  qu'on  veut  em- 
brayer ou  désembrayer.  Il  convient  qu'un  bon  embrayage 
soit  automatique,  c.-à-d.  qu'il  arrête  de  lui-même  le  mou- 
vement aussitôt  que  l'arbre  conduit  rencontre  une  résis- 
tance trop  forte.  Cette  propriété  prévient  les  ruptures 
fréquentes  d'organes  qui  se  produisaient  autrefois,  dans 
les  machines-outils,  par  exemple,  lorsque  l'outil  arrive 
en  présence  d'un  obstacle  qui  arrête  le  mouvement.  On 
la  réalise  ordinairement  en  employant  des  embrayages  à 
friction  :  l'entraînement  s'opère  alors  simplement  par  le 
frottement  des  surfaces  en  contact  et  s'arrête,  par  suite, 
dès  que  la  résistance  à  vaincre  est  supérieure  à  la  hmite 
du  frottement.  L-  Knab. 

ENIBRES-et-Castelmaure.  Corn,  du  dep.  de  lAude, 
arr.  de  Narbonne,  cant.  de  Durban;  413  hab. 

EMBREVAGE  (Tiss.).  Terme  employé  dans  les  tis- 
sages à  bras  pour  désigner  l'opération  par  laquelle  on  relie 
les  diftërents  leviers  qui  actionnent  les  lames  aux  marches 
sur  lesquelles  l'ouvrier  agit  avec  ses  pieds  pour  produire 
les  foules  ou  feuillets  (V.  Tissage). 

EMBRÈVEMENT  (Chorp.).  Prisme  en  bois  que  l'on 
ménage  à  l'extrémité  d'une  pièce  venant  s'assembler  dans 
une  autre  par  un  joint  en  coupe,  afin  d'en  consolider  l'as- 
semblage, et  aussi,  dans  certains  cas,  pour  remplacer  le 
véritable  assemblage  à  tenon  et  à  mortaise.  Lorsque  la 
surface  de  l'embrèvement  est  taillée  parallèle  à  celle  du 
joint,  on  dit  que  l'embrèvement  est  carré,  et  il  y  a  encas- 
trement (V.  ce  mot),  lorsque  la  pièce  recevant  l'em- 
brèvement est  plus  large  que  l'autre.  L'embrèvement  est 
encore  dit  découvert  ou  apparent  lorsqu'il  comprend  toute 
la  largeur  de  la  pièce  qui  le  reçoit,  et  on  le  dit  recouyert 
ou  dépouillé  lorsqu'il  y  a  encastrement.  —  En  menuise- 
rie, on  appelle  embrèvement  l'assemblage  à  rainure  et  à 
languette  d'un  panneau  avec  un  cadre  ou  un  bâti,  et  l'embrè- 
vement est  simple  ou  double  selon  qu'il  y  a  une  ou  deux 
languettes;  on  dit  que  l'embrèvement  est  à  vif  si,  au 
lieu  d'une  ou  de  deux  languettes,  c'est  la  pièce  à  embrever 
qui  entre  de  toute  son  épaisseur  dans  le  cadre  ou  le  bâti. 

EMBREVILLE.  Corn,  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  d'Ab- 
beville,  cant.  de  Gamaches  ;  543  hab. 

EMBRIGADEMENT  (Adm.  milit.)  (V.  Brigade). 

EMBRUN  (Mar.).  Gouttelettes  d'eau  détachées  de  la  sur- 
face de  la  mer  ou  d'une  lame  qui  brise,  par  le  vent,  et  qui 
embarquent  à  bord  d'un  bâtiment  ou  d'une  embarcation  en 


marche.  Se  dit  au  pluriel  en  général.  Quand  le  vent  est 
très  violent,  comme  dans  les  ouragans,  ces  embruns  occa- 
sionnent de  véritables  souffrances  au  visage  ;  on  se  croirait 
piqué  par  des  milliers  d'aiguilles,  tant  est  grande  la  vitesse 
dont  ils  sont  animés,  et  on  a  beaucoup  de  peine  à  tenir  les 
yeux  ouverts. 

EMBRUN.  Ch.-l.  d'arr.  du  dép.  des  Hautes-Alpes,  au 
pied  du  mont  Saint-Guillaume,  sur  un  rocher  escarpé 
dominant  d'environ  100  m.  la  rive  droite  de  la  Durance  ; 
4,481  hab.  Stat.  du  ch.  de  fer  P.-L.-M.,  ligne  de  Veynes 
à  Briançon.  Place  de  guerre  de  3^  classe.  Maison  centrale 
de  détention  établie  dans  l'ancien  collège  des  jésuites.  Ins- 
pection des  douanes.  Inspection  des  eaux  et  forêts.  Acadé- 
mie Flosalpine.  Collège  communal.  Manufacture  de  draps. 

Histoire.  —  Embrun,  l'antique  Ebrodunum,  était  la 
principale  ville  des  Caturiges  ;  elle  conserva  son  importance 
après  la  conquête  romaine  :  cité  latine  sous  Néron,  cité 
alliée  sous  Galba,  elle  devint  sous  Adrien  la  métropole  de 
la  province  des  Alpes  Maritimes,  ce  qui  lui  valut  de  devenir 
le  siège  d'un  archevêché.  L'intervention  surnaturelle  de  son 
premier  prélat,  saint  Marcelin,  la  sauva,  suivant  la  légende, 
de  l'invasion  des  Vandales  en  433,  mais  elle  ne  fut  pas 
épargnée  par  les  Lombards,  les  Saxons,  les  Huns  et  les 
Sarrasins  qui  la  ravagèrent  successivement.  Les  Sarrasins 
en  demeurèrent  maîtres  pendant  assez  longtemps  au  x«  siècle. 
Les  archevêques  étaient  seigneurs  de  la  ville  et  furent, 
durant  tout  le  moyen  âge,  en  lutte  avec  les  habitants.  Hs 
reçurent  en  1147  de  l'empereur  Conrad  III  le  titre  de 
prince  et  le  droit  de  battre  monnaie.  Au  xiv®  et  au 
xv^  siècle,  ils  se  signalèrent  par  leurs  persécutions  contre 
les  Vaudois.  Les  guerres  de  religion  ensanglantèrent  la 
ville  à  diverses  reprises  au  xvi«  siècle.  Lesdiguières,  en 
1585,  s'en  empara  et  la  rançonna.  En  1629,  Louis  XIII, 
lors  de  son  passage  à  Embrun,  fit  démolir  le  château  et  la 
citadelle  pour  empêcher  les  protestants  d'en  faire  un  centre 
de  résistance.  En  169^2,  le  duc  de  Savoie  assiégea  la  ville 
et  la  prit  après  un  bombardeaaent  de  treize  jours.  —  Cinq 
conciles  ou  synodes  ont  été  tenus  à  Embrun,  en  588, 1267, 
1290,  1582  et  1727  ;  dans  ce  dernier,  qui  eut  un  grand 
retentissement,  on  déposa  l'évêque  janséniste  de  Senez, 
Jean  Soanen. 

Archevêché  d'Embrun.  —  Etabli,  au  milieu  du  iv^  siècle, 
il  avait  pour  suffragants  les  évêchés  de  Digne,  de  Vence,  de 
Glandève,  de  Senez  et  de  Nice;  il  s'y  ajouta,  en  1244, 
celui  de  Grasse.  Le  siège  archiépiscopal  devint  en  1790 
évêché  suffragant  d'Aix  et  fut  supprimé  en  1802.  Les 
archevêques  étaient  princes  d'Embrun,  comtes  de  Beaufort 
et  de  Guillestre.  En  voici  la  liste  chronologique  : 

Saint  Marcellin,  mort  vers  374  ;  Artemius,  374  ;  saint 
Jacques  P^  vers  400;  Armentaire,  439  ;  Ingenuus,  441- 
vers  475  ;  Catulin,  517  ;  saint  Gallican  P^  expulsé  par  les 
Ariens;  saint  Pallade  ;  saint  Gallican  H,  vers  541-vers 
549;  Saloine,  vers  567:  Emérite,  vers  585-vers588; 
Lopacharus,  614;  saint  Albin,  vers  630;  iEîherius,  vers 
650-vers  653  ;  Vualchinus,  vers  740  ;  Marcellus,  vers  791- 
794  ;  Bernardus  ;  Ageric,  829  ;  Aribert  P^  vers  853- 
vers  859  ;  Bermond,  876  ;  Aribert  II,  878  ;  Ermold,  886; 
Arnaud,  899  ;  saint  Benoît  F,  900-916  ;  saint  Libéral,  920, 
mort  lors  de  l'invasion  des  Sarrasins  ;  Boson,  943-960  ; 
Amédée,  vers  970;  Ponce,  992;  saint  Ismidias,  1007- 
1010  ;  Radon,  vers  1016-vers  1027  ;  Hismidon,  vers 
1033-1044  ;  Yivemne,  vers  1048  ;  Guinervinaire,  1050- 
1054;  Hueues,  1054-1055;  Yiminien  ou  Guinamand, 
1055-1065;  Guillaume  K,  1066-1077;  Pierre  I^ 
1077;  Lantelme,  vers  1080-1084;  Benoît  H,  llOo- 
1118;  Guillaume  H,  1120-1134;  Guillaume  IH  de 
Bénévent,  1135-7  déc.  1169  ;  RaimondI«^  9  janv.  1170- 
1176  ;  Pierre  H  Romain,  vers  1177-1189;  Guillaume  IV 
de  Bénévent,  1189-1208;  Raimond  H  Sédu,  1208-vers 
1212;  Bernard  P'^  Chabert,  1212-vers  1235;  Aimar, 
1236-23  mai  1245;  Humbert,  1246-1250;  Henri  de 
Suze,  1250-6  nov.  1261;  Melchior,  1267-1275;  Jac- 
ques H  Sérène,  1275-1286  ;  Guillaume  V,  4  août  1286- 


895 


EMBRUN  —  EMBRYOLOGIE 


1289;  Raimond  III  de  Médullion,  8  oct.  1289-28  juin 
1294;  Guillaume  VI  de  Mandagot,  28  mars  129r)-mai 
1311  ;  Jean  P^  du  Puy,  22  mai  1311-sept.  1317  ;  Rai- 
mond IV  Robaud,  1319-vers  1323;  Bertrand  le»*  de  Deaulx, 
o  sept.  1323-1338;  Pasteur  de  Sarrats,  27  janv.  1338- 
17  déc.  1350  ;  Guillaume  VII  de  Bordes,  16  févr.  13ol- 
1361  ou  1363;  Raimond  V  de  Salg,  1363-1364  ;  Rer- 
trand  II  de  Castelnau,  8  janv.  1364-5  sept.  1365  ;  Ber- 
nard II,  1365-1366;  Pierre  III  Ameil,  1366-18  déc. 
1378:  Michel  Etienne,  J  379-1  «^  mai  1427;  Jacques  III 
Gelu,  juil.  1427-7  sept.  1432;  Jean  II  Girard,  1432-17 
janv.  1457;  Jean  HI  de  Montmagny,  1457-vers  1470; 
JeanIVBaile,  vers  1470-sept.  1494  ;  Rostaingd'Ancezune, 
oct.  1494-1510;  Jules  de  Médicis  (pape  Clément  VII), 
1510-1511  ;  Nicolas  de  Fiesque,  cardinal  de  Gênes,  1511- 
1516;  François  de  Tournon,  1517-1525;  Antoine  de 
Lévis  de  Château-Morand,  1526-1551;  Balthasar  de 
Jarente,  1551-27  juin  1555  ;  Louis  de  Laval  de  Bois- 
Dauphin,  1554  ;  Robert,  cardinal  de  Lenoncourt,  23  mars 
1556-7  févr.  1560;  Guillaume  VIII,  cardinal  d'Avançon 
de  Saint-Marcel,  1561-juil.  1600;  Honoré  du  Laurens, 
i6  déc.  1601-24  janv.  1612;  Guillaume  IX  d'Hugues, 
i6  nov.  1612-24  oct.  1648  ;  Georges  d'Aubusson  de  La 
Feuillade,  12  sept.  1649-4  sept.  1668  ;  Charles  Brùlart 
de  Genlis,  1668-3  nov.  1714  ;  François-Elie  de  Voyer  de 
Paulmy  d'Argenson,  12  janv.  1715-23  avr.  1719;  Jean- 
François-Gabriel  de  Hénin-Liétard,l^'  nov.  1719-26  avr. 
1724  ;  Pierre  IV  Guérin,  cardinal  de  Tencin,  2  juil.  1724- 
nov.  1740  ;  Bernardin-François  Fouquet,  8  janv.  1741- 
1767  ;  Pierre-Louis  de  Leyssin,  5  juil,  1767-1790  ;  Ignace 
Caseneuve,   évêque   constitutionnel,  3  avr.   1791-1793. 

Monuments.  —  Le  plus  remarquable  des  monuments 
d'Embrun  est  la  cathédrale,  qui  a  longtemps  passé  pour 
dater  de  l'époque  carolingienne,  mais  qui  est  en  réalité  de 
l'époque  romane.  C'est  un  édifice  à  trois  nefs  sans  transept 
dont  beaucoup  de  parties  sont  postérieures  à  la  construction 
primitive.  Le  portail  nord  est  le. plus  ancien  et  le  plus  inté- 
ressant ;  il  a  servi  de  modèles  à  plusieurs  églises  de  la 
région.  Il  est  précédé  d'un  porche  dont  la  lourde  toiture 
repose  sur  des  colonnes  de  marbre  rose  à  curieux  chapi- 
teaux historiés  et  dont  la  base  est  soutenue  par  des  lions. 
En  arrière  du  porche,  le  portail  est  encadré  de  colonnes 
accouplées,  reposant  sur  des  personnages  à  jambes  croisées. 
Dans  le  tympan  est  un  Christ  entouré  des  figures  symbo- 
liques des  quatre  évangélistes,  sculpture  du  xi®  siècle  qui 
avait  été  masquée  au  xiii®  et  remplacée  par  une  figure 
représentant  la  Vierge.  La  façade  de  l'église  a  été  refaite 
au  xni®  siècle  et  est  percée  d'une  grande  rose  du  xv®  ;  elle 
est  flanquée  d'une  tour  carrée  surmontée  par  une  flèche  de 
pierre.  Les  voûtes  de  la  grande  nef  sont  sur  croisées  d'ogives 
très  surbaissées;  celles  des  nefs  latérales  sont  en  plein 
cintre.  A  l'intérieur  se  conserve  une  cuve  baptismale  en 
marbre  jaunâtre.  On  sait  le  culte  que  professèrent  plusieurs 
rois  de  France  et  notamment  Louis  XI  pour  N.-D.  d'Em- 
brun ;  il  a  valu  à  l'église  les  riches  ornements  anciens  qui 
se  conservent  dans  la  sacristie.  Deux  fers  de  mule  cloués 
derrière  le  portail,  et  qui  sont  probablement  un  ancien  ex- 
voto,  passent  pour  les  fers  du  cheval  de  Lesdiguières  qui 
se  serait  cabré  lorsqu' après  la  prise  de  la  ville  le  connétable 
aurait  voulu  pénétrer  dans  l'église.  Derrière  la  cathédrale, 
enclavée  dans  la  gendarmerie,  s'élève  une  haute  tour 
romane,  carrée,  nommée  la  tour  Brune.  En  face  de  l'église, 
la  maison  du  prévôt,  décorée  de  sculptures,  date  du 
xiv^  siècle.  L'ancienne  église  des  Cordeliers  sert  aujourd'hui 
de  halle  ;  elle  a  conservé  une  ancienne  chapelle  romane  et 
des  peintures  du  xv®  siècle.  Sur  l'emplacement  de  l'an- 
cienne forteresse  romaine  qui  devint  le  château  fort  du 
moyen  âge,  s'était  établi  un  couvent  de  capucins,  converti 
aujourd'hui  en  logement  du  commandant  de  place  et  en 
bureaux  de  l'état-major  et  du  génie. 

ENIBRUNOIS  (Ebrodunensis  pagus).  Ancien  pays  de  la 
Gaule  ayant  Embrun  pour  capitale,  qui  devint  au  moyen 
âge  un  comté.  Il  était  compris  entre  le  Briançonnais  au  N. 


et  à  l'E.,  la  vallée  de  Barcelonnette  au  S.,  le  Gapençais  et 
le  Grésivaudan  à  l'O. 

EMBRY.  Com.  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  de  Mon- 
treuil-sur-Mer,  cant.  de  Fruges;  568  hab. 

EMBRYOGÉNIE  (V,  Embryologie). 

EMBRYOLOGIE.  L'embryologie  est  l'histoire  du  déve- 
loppement des  êtres  vivants.  L'homme,  l'animal  le  plus 
élevé  de  la  «  création  »,  comme  tout  autre  animal,  comme 
la  plante  la  plus  vulgaire,  sort  d'un  œuf  qui  n'est  qu'une 
simple  cellule.  Le  développement  de  cet  œuf  (V.  Cellule 
et  ŒIuf)  aboutit  à  la  reproduction  d'un  être  semblable  à 
celui  d'où  il  est  sorti,  mais  cela  seulement  après  de  mul- 
tiples transformations  qui  sont  autrement  merveilleuses  que 
les  métamorphoses  si  connues  du  papillon.  C'est  ainsi  que, 
pendant  le  cours  de  sa  vie  embryonnaire,  l'homme  commence 
par  une  forme  qui  rappelle  celle  des  cœlentérés,  puis  il 
passe  par  une  autre  dans  laquelle  il  ressemble  aux  poissons 
pour  de  là  atteindre  la  forme  des  amphibies,  puis  celles  des 
mammifères  inférieurs  avant  de  réaliser  le  type  de  son 
espèce  propre.  Cette  constatation  a  conduit  les  naturalistes 
philosophes  à  considérer  Vontogénie  (V.  ce  mot),  c.-à-d. 
l'histoire  du  développement  individuel  de  l'organisme  hu- 
main, comme  une  récapitulation  brève  et  abrégée  de  la  phy- 
logénie,  c.-à-d.  l'histoire  du  développement  des  formes  ani- 
males, desquelles,  peu  à  peu,  dans  le  cours  d'innombrables 
siècles,  est  sortie  l'espèce  humaine.  Les  lois  de  l'hérédité 
et  de  l'adaptation  établissent  qu'entre  l'évolution  de  l'em- 
bryon et  celle  de  la  tribu,  il  y  a  un  lien  étiologique,  et, 
quand  on  a  bien  compris  ces  lois,  on  peut  admettre  que  la 
phylogénèse  est  la  cause  mécanique  de  l'ontogenèse.  Ainsi 
se  comprend  l'un  des  phénomènes  les  plus  extraordinaires 
de  la  nature,  à  savoir  la  cause  de  la  forme  des  corps  orga- 
nisés. Quant  à  la  raison  pour  laquelle  l'homme  durant  sa 
vie  embryonnaire  passe  par  cette  série  de  formes,  nous  ne 
l'avons  bien  comprise  que  depuis  que  Lamarck  et  Darwin 
ont  élevé  leur  doctrine  généalogique  (V.  Développement, 
Evolution,  Transformisme). 

Si  nous  négligeons  les  connaissances  forcément  restreintes 
d'Aristote  en  embryologie,  et  celles  de  Fabrice  d'Aqua- 
pendente,  Spigel,  Needham,  Ilarvey,  Swammerdam  et  Mal- 
pighi  qui,  au  xvii®  siècle,  marquèrent  pour  l'anatomie  et 
l'embryogénie  une  époque  de  renaissance,  nous  pouvons 
dire  que  l'histoire  vraiment  scientifique  du  développement 
de  l'homme  et  des  animaux  date  de  Gaspar-Friedrich  Wolff 
(1759).  Ce  grand  naturaUste  établit  toute  l'inanité  de  la 
fameuse  théorie  de  la  préformation,  de  la  préexistence  et 
de  l'emboîtement  des  germes  (V.  Préformation  et  Emboî- 
tement DES  germes)  qui  peut  se  résumer  ainsi  :  l'embryon, 
miniature  de  l'homme  adulte,  est  dans  l'œuf,  et,  toutes  les 
générations  passées,  présentes  et  à  venir,  ont  été  emboî- 
tées dans  l'ovaire  de  notre  commune  mère  Eve.  Par  sa 
théorie  de  l'épigénèse,  il  sortit  l'embryologie  de  l'ornière 
des  faits  confus  dans  laquelle  elle  se  débattait  en  vain, 
en  démontrant  la  création  successive  des  organes  par  la 
différenciation  d'un  seul  élément  cellulaire  résultant  de  la 
fusion  de  la  cellule  mâle  et  de  la  cellule  femelle.  —  Wolff 
n'eut  pas  la  consolation  de  voir  le  triomphe  de  ses  idées. 
Combattu  à  la  fois  par  le  camp  des  «  ovistes  »  et  celui  des 
«  animalculistes  »  ou  «  spermistes  »,  sa  mémoire  attendit 
que  Meckel,  en  1812,  eût  rappelé  l'attention  sur  son  œuvre 
de  génie,  la  Theoria  generationis.  Pendant  ce  temps,  le 
malheureux  Wolff  mourait  (1794),  proscrit  par  ses  com- 
patriotes, auprès  delà  grande  Catherine,  qui  lui  avait  offert 
un  refuge  honorable  à  Pétersbourg.  (iuoi  qu'il  en  soit,  Wolff, 
par  sa  théorie  de  l'épigénèse,  montra  la  véritable  nature  du 
développement  des  êtres  vivants  ;  il  fit  voir  comment  tout 
l'organisme  dérive  de  simples  feuillets  membraneux,  et  fut 
le  précurseur  de  la  «  théorie  cellulaire  ». 

Un  peu  plus  tard  (1814-1817),  Dœllinger  et  Pander 

accumulent  à  leur  tour  des  faits  de  détail  en  embryogénie, 

et  avec  eux  s'élève  un  naturaliste  de  premier  ordre,  Karl- 

Ernst  Baer  qui,  dans  son  Entwickelungsgeschichte  clcr 

'   Thiere  (1820-1837),  donna  la  théorie  fondamentale  des 


EMBRYOLOGIE 


896  — 


feuillets  germinatifs,  et  fit  voir  comment  de  ces  feuillets, 
par  simple  formation  tubulaire,  résultent  le  système  nerveux 
central,  le  canal  intestinal,  la  corde  dorsale,  le  cœur,  etc. 

Ses  immortels  travaux  préparèrent  les  lois  fondamentales 

de  la  morphologie  générale,  à  savoir  que  le  type  du  déve-- 
loppement  est  le  résultat  mécanique  de  l'hérédité,  tandis 
que  le  degré  de  perfectionnement  est  le  résultat  méca- 
nique de  l'adaptation.  Le  type  dépend  delà  position  relative 
des  éléments  anatomiques  et  des  organes  ;  le  degré  de  per- 
fection du  corps  est  le  résultat  d'une  différenciation  histo- 
losique  et  morphologique  toujours  croissante.  Les  travaux 
de  Baer  excitèrent  fesprit  des  chercheurs,  et  ainsi  on  vit 
naître  de  nombreux  mémoires  sur  la  science  du  développe- 
ment, ceux  de  Purkinje,  Prévost  et  Dumas,  Coste,  Wagner, 
Rusconi,  W.  Bischoff,  Dugès,  Serres,  Rathke,  etc.,  qui  nous 
fixèrent  en  grande  partie  sur  l'embryologie  descriptive  et 
svstéma  tique. 

"^  En  4838,  Schwann  (de  Berhn),  en  fondant  la  fameuse 
«  théorie  cellulaire  »,  fit  faire  à  la  science  un  pas  décisif. 
Omnis  cellula  e  cellula,  voilà  la  formule.—  Tout  dans  la 
plante  comme  dans  l'animal  se  ramène  en  dernière  ana- 
lyse à  des  cellules  ;  l'œuf  est  une  cellule,  les  feuillets  ger- 
minatifs sont  des  membranes  cellulaires,  l'animal  est  une 
colonie  de  cellules  hiérarchisées  et  disciplinées.  Vhisto- 
génie  (V.  ce  mot)  était  née,  et  avec  elles  les  remarquables 
acquisitions  de  l'embryogénie  moderne,  auxquelles  se  rat- 
tachent les  noms  de  Remak,  Kupffer,  Kowalevsky,  Cari  Vogt, 
Goette,  His,  Balfour,  Kœlliker,  Van  Beneden,  Waldeyer, 
Mathias  Duval,  Hertwig,  Hœckel,  etc.  Avec  l'école  trans- 
formiste, enfin,  l'embryologie,  si  utile  pour  élucider  la 
question  de  l'origine  des  espèces,  a  acquis  son  apogée. 
L'embryogénie,  en  montrant  qu'un  embryon,  pour  arriver 
à  l'état  de  sujet  achevé,  traverse  différentes  formes  tran- 
sitoires dans  lesquelles  son  organisation  rappelle  l'état  défi- 
nitif d'espèces  inférieures,  a  fourni  le  critère  le  plus  sûr  des 
classifications  zoologiques,  qui  sont  ainsi  ramenées  à  la  for- 
mule d'arbres  généalogiques.  Et  ce  qui  est  vrai  de  i'en- 
.semble  d'un  organisme  l'est  également  pour  chacun  de  ses 
organes  !  Que  l'on  se  rappelle  à  cet  égard  ce  que  disait 
Serres  en  1842  :  «  L'organogénie  humaine  est  une  ana- 
tomie  comparée  transitoire,  comme  à  son  tour  l'anatomie 
comparée  est  l'état  fixe  et  permanent  de  l'organogénie  de 

l'homme.  »  i,.     i 

Après  ce  préambule  historique,  arrivons  à  1  étude  propre 
de  l'embryogénie  ou  étude  du  développement  de  l'embryon. 
L'animal  nait  d'un  œuf  (Omne  vivum  ex  ovo)  qui  se 
développe  dans  une  glande  de  la  femelle  appelée  ovaire 
(V.  (Miiv  et  Ovaire)  ;  mais  pour  que  cet  œuf  donne  nais- 
sance à  un  animal,  il  faut  qu'il  soit  fécondé,  c.-à-d.  qu'il 
ait  été  imprégné  par  la  semence  du  mâle  qui  se  forme  dans 
une  autre  glande  appelée  testicule  (V.  Fécondation  et 
Sperme).  En  un  mot,  il  est  nécessaire,  pour  qu'un  embryon 
sorte  de  l'œuf,  que  le  noyau  de  ce  dernier  se  soit  conjugué 
avec  le  novau  de  l'élément  mâle,  la  tête  du  spermatozoïde. 
Une  fois  que  l'ovule  s'est  divisé  par  kariokynèse,  une 
fois  qu'il  a  expulsé  ses  globules  polaires,  il  est  mûr  et  apte 
à  être  fécondé.  Le  spermatozoïde  l'aborde  et  se  confond 
avec  le  noyau  de  l'œuf.  De  la  conjugaison  de  ces  deux 
noyaux,  pronucleus  mâle  et  pronucleus  femelle,  résulte  un 
noyau  unique,  le  noyau  embryonnaire,  qui  n'est  qu'une 
cellule  hermaphrodite  contenant  à  la  fois  les  éléments  du 
père  et  de  la  mère,  et  qui  dans  ses  segmentations  succes- 
sives fournira  des  cellules  qui  toutes  contiendront  à  la  fois 
une  parcelle  du  père  et  une  parcelle  de  la  mère.  On  conçoit 
de  la  sorte,  les  tissus,  les  organes,  les  humeurs  n'étant  que 
des  colonies  de  cellules,  le  mécanisme  intime  de  l'hérédité 
physiologique  et  pathologique. 

Ainsi  modifiée,  l'ovule  est  devenu  un  véritable  organisme 
monocellulaire,  comparable  à  un  amibe,  et  contenant  en  soi 
la  puissance  proUférative  qui  le  dédoublera  bientôt  en  une 
véritable  colonie  de  cellules  par  des  bipartitions  ou  segmen- 
tations successives.  Cette  segmentation  de  l'ovule  fécondé, 
noyau  embryonnaire  ou  première  sphère  de  segmentation. 


sera  partielle  si  l'œuf  appartient  à  la  catégorie  des  œufs 
méroblastiques,  et  totale  s'il  appartient  à  la  catégorie  des 
œufs  holoblastiques.  Cette  segmentation  peut  aussi  être  égale 
ou  inégale  selon  que  les  sphères  de  segmentation  sont 
égales  ou  différentes  entre  elles  quant  au  volume.  Mais,  au 
fond,  ces  divers  modes  de  division  reviennent  toujours  à 
une  division  cellulaire  par  kariokynèse,  et  celle-ci  finit  par 
transformer  l'œuf  en  une  masse  de  cellules  agglomérées  à 
laquelle,  en  raison  de  son  aspect,  on  a  donné  le  nom  de  corps 
muriforme  ou  monda,  stade  dans  lequel  l'œuf  des  ver- 
tébrés rappelle  un  invertébré,  la  larve  ciliée  de  certains 
volvox.  Bientôt  dans  le  centre  de  cette  masse  de  cellules 
s'amasse  un  hquide  clair  qui  refoule  les  cellules  à  la  péri- 
phérie, si  bien  qu'à  un  moment  donné  succède  à  la  sphère 
pleine  une  sphère  creuse,  dont  la  paroi  est  formée  par  les 
cellules  précédentes  juxtaposées  en  membrane,  véritable 
épithélium,  car  les  cellules  ont  pris  dès  lors  les  caractères 
de  cellules  épithéliales. 

La  sphère  s'appelle  la  blastosphère,  blastula  ou  vési- 
cule blastodermique,  la  paroi  le  blastoderme  et  la  cavité 
la  cavité  blastodermique  ou  cavité  de  segmentation. 
Cette   cavité  s'efface   bientôt.  L'hémisphère  inférieur  de 
la  blastosphère  se  déprime  et  s'invagine  dans  l'hémisphère 
supérieur,  si  bien  que  la  poche  primitive  à  un  seul  feuillet 
se  transforme  en  une  poche  à  double  feuillet.  A  ce  stade 
l'œuf  a  réalisé  la  forme  gastrula  dans  laquelle  il  est  com- 
parable aux  cœlentérés.  Ses  deux  feuillets  épithéliaux  sont 
les  deux  feuillets  primaires  dn  blastoderme ;s2i  cavité,  c'est 
la   cavité   d'invagination   ou   archentéron;  son  orifice, 
c'est  le  blastopore  ou  anus  de  Rusconi.  Dans  ce  mode 
de  formation,  nous  avons  une  gastrula  par  invagination 
dont  le  type  nous  est  présenté  par  l'Amphioxus.  Entre 
les  deux  feuillets  blastodermiques  primaires,  l'ectoderme 
ou  épiblaste  en   dehors,  l'endoderme  ou  hypoblaste  en 
dedans,  s'en  montre  bientôt  un  troisième,  le  feuillet  moyen, 
mésoderme  ou  mésoblaste.  Ce  dernier  provient  de  l'en- 
doderme par  invagination  de  chaque  côté  de  la  corde  dor- 
sale ;  quand  sa  cavité  a  cessé  de  communiquer  avec  la 
cavité  gastruléenne  par  suite  de  l'oblitération  de  l'orifice 
d'invagination  des  parentères,  elle  prend  le  nom  de  cavité 
pleur o-péritonéale,  cavité  générale  du  corps  ou  cœlome 
(entéro-cœlome  d'Hertwig),  et  l'endoderme  est  redevenu 
continu  (endoderme  définitif).  Des  deux  lames  du  mésoderme 
ainsi  dédoublé  par  la  fente  pleuro-péritonéale,  la  supérieure 
s'accoU  à  l'ectoderme  pour  constituer  avec  lui  le  feuillet 
fibro-cutané  ou  somalopleure,  et  l'inférieure  s'unit  à  l'en- 
doderme pour  former  avec  lui  le  feuillet  fibro-intestmal  ou 
splanchnopleure.  Il  faut  savoir  pourtant  que  chez  les  verté- 
brés supérieurs  on  n'a  pas  encore  pu  découvrir  que  le  cœlome 
soit  réellement  un  diverticule  de  l'archentéron.  A  ceux-là 
on  a  réservé  le  nom  de  pseudocéliens  par  opposition  aux 
autres  qu'on  a  appelés  enter océliens,  parce  que  chez  eux 
le  tissu  intermédiaire  aux  deux  feuillets  primaires  ne  serait 
pas  un  v,éritable  mésoderme,  mais  un  tissu  conjonctifjeune 
auquel  on  a  donné  le  nom  de  mésenchyme,  et  que  le  cœlome 
serait  une  fausse  cavité  pleuro-péritonéale  formée  par  déla- 
mination.  . 

Sur  l'œuf  de  poule  fraîchement  pondu  et  non  incube,  le 
blastoderme  forme  une  tache  d'environ  3  millim.  de  diamètre, 
dont  le  centre  est  d'un  blanc  moins  intense  que  la  péri- 
phérie, à  cause  de  sa  plus  grande  minceur.  A  la  périphérie 
du  blastoderme  l'ectoderme  se  continue  avec  l'endoderme. 
Epaissi  à  ce  niveau,  il  porte  le  nom  de  bourrelet  blasto- 
dermique ou  marginal.  A  sa  partie  postérieure,  il  porte 
une  dépression  ou  encoche  qui  est  le  début  de  la  ligne  pri- 
mitive. Au-dessous  de  lui  se  développe  une  fente  pleine 
de  liquide  albumineux,  la  cavité  sous-germinale  de  Mathias 
Duval.  Tendu  au-dessus  de  cette  cavité  comme  une  toile 
mince,  le  blastoderme  prend  à  cet  endroit  l'aspect  trans- 
parent en  forme  de  poire  qui  a  valu  à  cette  portion  du 
blastoderme  le  nom  d'aire  transparente.  Quand  cette  aire 
a  gagné  la  partie  postérieure  du  blastoderme,  elle  laisse 
bien  voir  par  transparence  l'encoche  ou  suture  appelée 


-  897  — 


EMBRYOLOGIE 


ligne  primitive  sous  la  forme  d'une  ligne  obscure.  Celle-ci 
conduit  dans  la  cavité  sous-germinale  limitée  en  haut  par 
l'endoderme  primitif.  On  peut  donc  dire  que,  si  la  cavité 
sous-germinale  représente  la  cavité  gastruléenne,  la  ligne 
primitive  représente  le  blastopore.  Seulement  la  gastrula 
icis'est  formée  non  plus  par  invagination,comme  nous  l'avons 
exposé  plus  haut,  mais  par  délamination.  Un  peu  après,  le 
feuillet  externe  s'étend  progressivement  de  façon  à  enve- 
lopper le  jaune,  et  en  même  temps  le  feuillet  interne  pro- 
lifère également  pour  suivre  le  mouvement  de  l'ectoderme. 
A  ce  moment  apparaît  le  feuillet  moyen.  Les  uns  le  font 
sortir  de  l'endoderme  de  chaque  côté  de  la  ligne  primitive, 
les  autres  de  l'ectoderme.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  mésoderme 
s'insinue  entre  l'ectoderme  et  l'endoderme  ;  il  dépasse  l'aire 
transparente  et  forme  ce  que  l'on  a  appelé  Vaire  opaque, 
qui  deviendra  Vaire  vasculaire  quand  les  vaisseaux  paraî- 
tront, et  en  dehors  de  celle-ci  Vaire  vitelline.  Pour  les 
anciens  auteurs,  Remak,  Kœlliker,  le  mésoderme  est  cons- 
titué par  tous  les  éléments  embryonnaires  compris  entre 
les  deux  feuillets  primaires,  et  tous  ces  éléments  ont  la 
même  origine.  Pour  les  embryolo^istes  plus  modernes, 
His,  Hertvvig,  etc.,  on  doit  au  contraire  considérer  le  méso- 
derme comme  formé  de  deux  portions,  une  qu'ils  appellent 
archiblastique,  l'autre  qu'ils  ont  nommée  parablastiqiie. 
La  première,  archiblaste  ou  zone  intra-embryonnaire, 
dériverait  de  l'endoderme  primitif  ;  la  seconde,  parablaste 
de  His,  mésenchy germe  de  Hertvvig,  proviendrait  des 
noyaux  du  germe  ou  plutôt  de  l'endoderme  vitellin  qui 
entoure  le  vitellus  et  double  l'endoderme  proprement  dit. 
Le  parablaste  pénètre  ultérieurement  dans  le  corps  de 
l'embryon,  se  met  en  relation  avec  l'archiblaste  et  s'orga- 
nise en  mésenchy  me  (V.  ce  mot)  aux  dépens  duquel  se 
développeront  le  tissu  conjonctif  et  le  sang.  Telles  sont,  en 
résumé,  les  fameuses  théories  du  parablaste  et  du  mé- 
senchy me  des  Allemands. 

Dans  l'œuf  des  mammifères,  dont  la  segmentation  est 
inégale,  la  gastrula  se  forme  par  épibolie;  les  sphères 
ectodermiques  se  multipliant  plus  vite,  enveloppent  les 
sphères  endodermiques  en  ne  laissant  à  découvert  qu'un 
seul  point  auquel  par  analogie  on  a  donné  le  nom  de  blas- 
topore par  lequel  font  saillie  les  cellules  endodermiques 
en  une  sorte  de  bouchon  analogue  au  bouchon  d'Ecker,  qui 
obture  l'anus  de  Rusconi  dans  l'œuf  des  batraciens.  A 
cette  forme  de  l'œuf  des  mammifères.  Van  Beneden  a  ré- 
servé le  nom  de  métagastnda.  Un  peu  plus  tard  l'ecto- 
derme recouvre  le  blastopore,  un  liquide  s'amasse  dans 
l'œuf  et  refoule  la  masse  endodermique  contre  la  face  in- 
terne de  l'ectoderme,  là  où  était  le  blastopore.  Cette  masse 
constitue  dès  lors  l'amas  endodermo-mésodermique,  et 
l'œuf  est  transformé  en  une  vésicule  blastodermique,  dont 
la  cavité  a  été  regardée  comme  une  cavité  blastuléenne 
(homologue  à  la  cavité  sous-germinale  de  l'œuf  d'oiseau) 
par  les  uns  (mais  alors  le  stade  précédent  ou  de  la  méta- 
gastrula  ne  saurait  représenter  une  gastrula  ?)  et  par 
d'autres  comme  un  véritable  sac  vitellin  vide  de  jaune. 
Quoi  qu'il  en  soit,  l'amas  endodermo-vitellin  se  dessine  à 
ia  surface  extérieure  de  la  vésicule  comme  une  tache 
opaque,  la  tache  ou  aire  embryonnaire  ;  un  peu  plus  tard 
il  s'aplatit  et  s'étale  à  la  face  profonde  de  l'ectoderme. 
Tout  d'abord  circulaire,  l'aire  embryonnaire  devient  ova- 
laire,  puis  piriforme  ou  en  raquette,  et  à  son  extrémité 
postérieure  apparaît  la  ligne  primitive  limitée  à  sa  partie 
antérieure  par  une  tache  claire  (nœud  de  Ilensen),  en 
avant  de  laquelle  se  creusera  bientôt  un  sillon,  la  gout- 
tière primitive.  De  chaque  côté  de  la  ligne  primitive  se  dé- 
veloppe ensuite  le  mésoderme  comme  clans  l'œuf  d'oiseau. 
Le  blastoderme  est  alors  complet  et  on  a  sous  les  yeux 
l'ébauche  de  l'embryon,  car  le  corps  tout  entier  de  celui- 
ci  va  sortir  du  développement  progressif  et  spécialisé  des 
trois  feuillets  blastodermiques. 

Continuons  l'exposé  de  l'origine  et  de  l'évolution  de 
l'embryon.  Après  la  formation  de  la  ligne  primitive  se  forme 
en  avant  de  celle-ci  une  gouttière  qui  s'avance  d'avant  en 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.  —  XV. 


arrière  sur  la  portion  axiale  de  l'aire  embryonnaire  et  em- 
brasse en  arrière  la  ligne  primitive.  Cette  gouttière,  qui 
résulte  d'une  dépression  de  l'ectoderme,  c'est  la  gouttière 
médullaire,  origine  du  né vraxe.  Voici  comment  les  choses 
se  passent  sur  la  ligne  axiale.  L'ectoderme  s'épaissit  en 
une  sorte  de  plaque  que  l'on  a  appelée  la  plaque  médul- 
laire. Les  bords  de  cette  plaque  se  relèvent  bientôt  et 
marchent  l'un  vers  l'autre  en  formant  une  crête  de  chaque 
côté,  crêtes  dorsales  ou  médullaires,  au  niveau  où  ils  se 
continuent  avec  le  reste  de  l'ectoderme  (épiderme  du  corps). 
Les  deux  crêtes  finissent  par  se  rencontrer  ;  elles  se  sou- 
dent ensemble,  se  séparent  des  lames  épidermiques  ou  cor- 
nées qui  s'unissent  aussi  au-dessus  d'elles,  et  dès  lors 
la  gouttière  médullaire  est  remplacée  par  un  tube  qui  est 
l'origine  du  système  nerveux  central  (V.  Encéphale  et 
Moelle  épinière).  De  l'ectoderme  sortent  donc  à  la  fois  la 
moelle  et  le  cerveau  avec  les  nerfs  d'une  part  etl'épiderme 
du  corps  de  l'autre  avec  tous  ses  dérivés  (poils,  ongles, 
glandes  de  la  peau,  vésicules  et  corpuscules  sensoriels). 

A  une  époque  un  peu  plus  avancée  du  développement, 
on  voit  se  former,  au-dessous  et  tout  le  long  de  la  gout- 
tière médullaire,  un  cordon  cellulaire.  Ce  cordon,  qui  court 
entre  les  deux  feuillets  primaires,  entre  les  deux  moitiés 
du  mésoderme,  c'est  la  notocorde  ou  corde  dorsale 
(V.  Rachis),  que  les  uns  regardent  encore  comme  une  por- 
tion isolée  du  mésoderme,  les  autres  comme  dérivée  d'une 
invagination  de  l'endoderme,  dernière  constatation  que 
Kollmann  aurait  faite  récemment  (1890)  sur  un  embryon 
humain  d'une  quinzaine  de  jours. 

A  cette  époque,  le  canal  neural  communique  avec  la  ca- 
vité intestinale  primitive  (archentère)  par  l'intermédiaire 
du  blastopore  et  l'entremise  d'un  conduit  appelé  canal 
neur enter ique,  découvert  par  Kowalevsky  chez  l'Am- 
phioxus.  Une  communication  analogue  existe  aussi  chez 
les  oiseaux  par  l'intermédiaire  de  la  ligne  primitive,  et 
chez  les  mammifères  par  l'intermédiaire  de  la  corde 
dorsale.  Celle-ci  est  au  début  une  gouttière  qui  se  met  en 
rapport  par  son  extrémité  postérieure  avec  la  partie  anté- 
rieure de  la  ligne  primitive,  partant  la  gouttière  médul- 
laire. Or,  comme  la  gouttière  cordale  communique  avec  la 
gouttière  intestinale,  on  comprend  que  cette  union  repré- 
sente le  canal  neurentérique.  Seulement  la  communication 
n'est  réalisée  à  aucun  moment  entre  la  cavité  médullaire  et 
intestinale,  parce  que  la  gouttière  cordale  est  oblitérée 
lorsque  la  gouttière  médidlaire  arrive  à  la  ligne  primitive. 

La  tache  embryonnaire,  continuant  son  évolution,  prend 
la  forme  d'une  semelle  de  soulier.  En  même  temps  naît, 
vers  son  extrémité  antérieure,  une  aire  transparente  qui 
s'avance  progressivement  en  arrière  et  sépare  l'ébauche 
embryonnaire  de  l'aire  opaque.  Le  mésoderme  s'est  étendu 
dans  toute  l'aire  embryonnaire,  sauf  à  la  partie  antérieure 
de  la  ligne  axiale.  Il  se  divise  alors  longitudinalement  de 
chaque  côté  de  la  notocorde  en  deux  portions,  l'une  in- 
terne, qui  constitue  la  lame  vertébrale,  l'autre  externe, 
qui  forme  la  lame  latérale.  A  son  tour,  la  lame  verté- 
brale se  segmente  transversalement  en  disques  cubiques, 
disposés  symétriquement  par  paires  de  chaque  côté  de  la 
corde  dorsale  ;  ces  pièces  sont  connues  sous  le  nom  de 
somites,  métamères  ou  protovertèbres,  et  la  segmenta- 
tion sous  le  nom  de  métamérie  du  corps.  Chacune  de 
celles-ci  est  creuse  d'emblée  chez  les  vertébrés  inférieurs, 
mais  chez  les  animaux  supérieurs  c'est,  au  début,  une 
masse  cellulaire  compacte  qui  se  creuse  secondairement 
d'une  cavité  qui  la  sépare  en  deux  portions,  l'une  ventrale, 
nommée  prévertèbre,  l'autre  dorsale, appelée  plaque  mus- 
culaire. Aux  dépens  de  l'épithélium  qui  constitue  cette 
dernière  se  développeront  les  muscles  squelettiques  ;  aux 
dépens  de  la  première,  les  éléments  de  la  colonne  verté- 
brale. Peu  après,  les  lames  latérales  subissent  un  cli- 
vage qui  les  divise  en  deux  feuillets  et  fait  apparaître 
une  cavité  à  leur  centre.  Des  deux  feuillets,  l'un  s'unit  à 
l'ectoderme,  nous  l'avons  dit,  pour  constituer  la  somato- 
pleure,  l'autre  s'unit  à  l'endoderme  pour  former  la  splanch- 

57 


EMBRYOLOGIE 


898  — 


nopleure.  La  cavité,  c'est  la  fente  pleuro-péritonéale  qui 
ne  s'avance  pas  jusqu'à  la  région  céphalique,  et  dont  les 
restes  chez  l'adulte  se  voient  dans  les  cavités  pleurale  et 
péricardique  et  le  péritoine. 

Jusqu'ici,  la  masse  embryonnaire  couchée  à  plat  sur  la 
cavité  blastodermique  n'est  qu'un  petit  segment  de  sphère 
ayant  une  épaisseur  plus  grande  et  une  constitution  histo- 
logique  différente  de  celle  du  reste  de  la  paroi.  Mais  doré- 
navant l'embryon  va  se  distinguer  nettement  du  reste  de 
la  paroi  générale  de  la  blastosphère  par  suite  du  reploie- 
ment de  ses  bords.  Voici  comment  se  fait  ce  reploiement 
de  l'ébauche  embryonnaire  qui  subdivise  la  blastosphère  en 
deux  portions,  une  embryonnaire,  l'embryon  lui-même, 
l'autre  extra-embryonnaire,  la  vésicule  ombilicale.  L'ébauche 
s'incurve  sur   elle-même  vers  le  centre   de  l'œuf;  les 
extrémités  céphalique  et  caudale  se  rapprochent  l'une  de 
l'autre ,  et  les    parois  latérales  du  corps  de  l'embryon 
en  font  autant.  En  même  temps  l'embryon  s'enfonce  dans 
le  vitellus  en  déprimant  tout  autour  de  lui  la  paroi  de 
la  vésicule  blastodermique,  de  telle  façon  qu'il  est  bientôt 
circonscrit  par  une  rigole,  appelée  gouttière  limitante, 
au  delà  de  laquelle  s'élève  un  repli  qui  est  l'origine  du 
repli  amniotique  (V.  Amnios).  Ainsi  s'établissent  :  1°  le 
repli  céphalique  qui  forme  une  sorte  de  cul-de-sac  ouvert 
en  bas,  capuchon  céphalique,  dont  l'ouverture  qui  donne 
accès  dans  l'intestin  est  appelée  aditus  anterior;  2«  le 
repli  caudal  qui  forme  de  même  un  capuchon  cau- 
dal et  un  aditus  posterior;  3«  les  replis  latéraux.  Dans 
ceux-ci  s'engage  la  cavité  pleuro-péritonéale  ;  mais  cette 
dernière  ne  s'arrête  pas  aux  parois  du  tronc  de  l'embryon  ; 
elle  se  prolonge  dans  toute  l'étendue  de  la  blastosphère  où 
elle  constitue  le  cœlome  externe.  Après  cette  incurvation 
de  l'embryon  en  nacelle  (sabot  renversé),  la  blastosphère  a 
considérablement  changé  de  forme.  Entraînée  par  l'em- 
bryon dans  son  mouvement  de  reploiement,  elle  subit  un 
étranglement  tout  autour  de  lui;   cet   étranglement  se 
resserre  de  plus  en  plus  et  finit  par  la  diviser  en  deux 
cavités  secondaires,  l'une  intra-embryonnaire,  Vintestin 
primitif,  l'autre  extra-embryonnaire,  la  vésicule  om- 
bilicale (V.  Digestif  [Tube]).  L'intestin  primitif  et  le 
sac  viteUin  communiquent  ensemble   au   début   par  un 
orifice,  Vombilic  intestinal,  et  plus  tard  par  un  canal, 
le  canal  vitello^intestinal  ou  omphalo-mésentérique, 
qui  finit  du  reste  par  s'oblitérer  complètement.  Le  reploie- 
ment des  lames  ventrales  en  déprimant  les  lames  fibro- 
intestinales  avait  déterminé  la  formation  d'une  gouttière 
le  long  de  la  face  ventrale  du  rachis.  Cette  gouttière 
qui  représente  la  gouttière  intestinale  se   transforme 
maintenant  en  tube,  tube  intestinal,  par  rapproche- 
ment et  soudure  des  lames  fibro-intestinales.  En  même 
temps  les  lames  fibro-cutanées  se  soudent  aussi  en  ayant 
en  ne  laissant  subsister  qu'une  ouverture  qui  constitue 
Vombilic  cutané.  A  partir  de  ce  moment,  la  communica- 
tion du  cœlome  interne  et  du  cœlome  externe  ou  cavité 
amnio-choriale  cesse   de  subsister  ;    l'embryon  est  défi- 
nitivement isolé  du  reste  de  la  vésicule  blastodermique. 
Quant  aux  parois  de  celle-ci,  elles  ne  restent  pas  non  plus 
inactives  ;  elles  se  modifient  et  donnent  naissance  à  des 
membranes  d'enveloppe,  aux  membranes  embryonnaires 
ou  fœtales.  C'est  ainsi  qu'elles  fournissent  l'amnios,  et, 
quand  celui-ci  s'est  séparé  de  la  vésicule  blastodermique, 
le  chorion  blastodermique  ou  vésicule  séreuse,  dont  la 
vascularisation  (allantochorion)  est  dévolue  à  un  organe 
embryonnaire,  dérivant  de  l'intestin  caudal,  la  vésicule 
allantoïde.  L'étude  de  cette  dernière  mène  naturellement 
à  la  membrane  caduque,  au  placenta  et  au  cordon 
ombilical. 

Pour  achever  l'histoire  sommaire  de  l'évolution  de  l'em- 
bryon, nous  devons  revenir  un  peu  en  arrière.  Alors  que 
l'ébauche  embryonnaire  ne  s'est  pas  encore  incurvée,  alors 
qu  on  dislingue  à  peine  l'une  de  l'autre  la  zone  rachidienne 
et  la  zone  pariétale  par  suite  de  leur  coloration  difTérente 
(aire  transparente  et  aire  opaque),  on  voit  poindre  les  pre- 


mières îles  de  sang  et  les  premiers  vaisseaux  sanguins 
dans  la  splanchnopleure   de  la  partie  interne  de  l'aire 
opaque,  ainsi  transformée  en  aire  vasculaire  (V.  CœuR, 
Vaisseaux  et  Sang).  Ces  vaisseaux  rampent  à  la  surface  de 
la  blastosphère,  dans  l'épaisseur  des  parois  de  la  vésicule 
ombilicale  :  ce  sont  les  veines  et  les  artères  omphalo- 
mésentériques  ou  vitelUnés  qui,  à  la  périphérie,  se  jet- 
tent dans  un  cercle  vasculaire  appelé  sinus  terminal.  Les 
deux  veines  omphalo-mésentériques  pénètrent  dans  l'em- 
bryon et  marchent  à  la  rencontre  l'une  de  l'autre  en  sui- 
vant les  bords  de  la  splanchnopleure  qui  limitent  la  gout- 
tière pharyngienne  (intestin  antérieur).  Quand  ces  bords  se 
réunissent  pour  transformer  la  gouttière  en  tube  (pha- 
rynx), les  deux  veines  s'accolent,  se  fusionnent  et  donnent 
naissance  à  un  tube,  le  tube  cardiaque  (V.  Cœur),  dont 
on  s'explique  ainsi  l'apparition  dans  la  paroi  ventrale  du 
pharynx.  De  ce  cœur  partent  presque  aussitôt  de  nouveaux 
vaisseaux  qui  se  portent  à  l'embryon  lui-même  :  ce  sont 
les  arcs  aortiques  et  les  aortes  descendantes.  Ainsi  s'est 
faite  la  première  circulation,  circulation  omphalo- 
mésentérique,  du  sac  vitellin  ou  de  la  vésicule  ombilicale. 
Mais,  porté  aux  parois  du  corps  et  aux  organes  en  voie 
de  développement  de  l'embryon  par  les  aortes,  le  sang 
devait  faire  retour  au  cœur.  C'est  pour  remplir  ce  but 
que  se  développent  les  veines  cardinales  qui  débouchent 
dans  le  cœur  par  deux  canaux  appelés  canaux  de  Cuvier. 
Pendant  ce  temps-là  se  différenciait  la  partie  intérieure 
du  canal  médullaire  pour  donner  naissance  à  V encéphale 
(V.  ce  mot);  les  lames  céphaliques  enveloppaient  les  vési- 
cules  cérébrales  et  formaient  la  capsule  membraneuse 
appelée  crâne  primordial  ;  les  vésicules  oculaires  et  olfac- 
tives émergeaient  du  cerveau;  les  nerfs  sortaient  du  né- 
vraxe,  et  les  vésicules  acoustiques,  les  fossettes  olfactiyes 
et  le  cristallin  se  détachaient  de  l'ectoderme;   l'inflexion 
crânienne  se  produisait  ;  l'intestin  terminé  précédemment 
en  cul-de-sac  en  avant  et  en  arrière  s'ouvrait  à  l'extérieur 
par  une  bouche  et  un  anus  (V.  Bouche,  Anus  et  Digestif 
[Tube])  ;  de  chaque  côté  du  cou  se  faisaient  des  bouton- 
nières,/"^n^^s  branchiales,  pharyngiennes  ovl  viscérales 
qui  font  communiquer  la  cavité  du  pharynx  avec  l'ex- 
térieur, et  entre  ces  fentes  les  trois  feuillets  blastoder- 
miques,  soudés   ensemble,  s'épaississaient  sous  le  nom 
d'a?T5  branchiaux.,  pharyngiens  ou   viscéraux^  dans 
lesquels  courent  les  arcs  aortiques.  —  Avec  la  formation 
des  arcs  branchiaux  s'est  développé  le  cou,  et  ea  même 
temps  le  cœur,  primitivement  situé  sous  la  bouche,  descen- 
dait dans  la  poitrine  où  il  se  logeait  dans  une  dépendance 
de  la  cavité  pleuro-péritonéale,  la  cavité  péricardique  (V.  Pé- 
ricarde). 

De  tous  côtés  du  tube  intestinal  poussaient  des  bour- 
geons qui  donnent  progressivement  naissance  à  la  vési- 
cule allantoïde,  à  des  glandes  importantes,  l'hypophyse, 
le  thymus,  le  corps  thyroïde,  le  foie,  le  pancréas,  les  glan- 
dules  gastro-intestinales  et  des  organes  de  première  ordre, 
comme  les  poumons  et  peut-être  la  rate.  L'intestin  lui- 
même  se  divisait  en  ses  principales  portions  et  acquérait 
sa  forme  et  sa  disposition  définitives.  Avec  le  développe- 
ment du  foie  et  des  intestins,  la  veine  porte  abdominale 
prenait  naissance;  avec  celui  de  l'allantoïde  naissaient 
les  artères  et  veines  ombilicales  et  se  formait  la  vessie 
urinaire  et  le  sinus  uro-génital.  L'apparition  des  canaux 
et  des  corps  de  Wolff  ou  reins  primitifs  avait  été 
le  prélude  de  la  formation  des  veines  cardinales  posté- 
rieures ;  le  développement  des  reins  définitifs  voit  naître  la 
veine  cave  inférieure.  Un  peu  plus  tard,  un  épaississement 
localisé  de  la  paroi  du  cœlome  donnait  lieu  à  l'épithélium 
germinatif,  d'où  sortira  la  gUmde  génitale,  testicule 
ou  ovaire,  et  l'involution  de  la  même  paroi  fournissait 
un  nouveau  canal,  le  canal  de  Millier,  d'oti  déri- 
veront les  trompes  de  Fallope,  l'utérus  et  le  vagin.  Les 
canaux  de  Wolff,  les  conduits  de  Mùller  et  les  uretères 
qui,  primitivement,  sont  des  bourgeons  des  canaux 
de    Wolff,   débouchent   dans   un    cloaque    temporaire, 


—  899  — 


EMBRYOLOGIE  —  EMBRYONNAIRE 


que  plus  tard  la  formation  du  périnée  subdivisera  définiti- 
vement en  un  canal  anal  et  en  un  canal  génito-urinaire 
chez  les  animaux  qui  n'ont  pas  de  cloaque  permanent.  — 
Bien  avant  que  toutes  ces  modifications  se  soient  accom- 
plies, enfin,  la  corde  dorsale  s'entourait  d'un  étui,  colonne 
vertébrale  primitive,  dont  chaque  vertèbre  donnait  en  ar- 
rière deux  prolongements  qui  entourent  la  moelle  épinière, 
les  arcs  vertébraux,  et  deux  prolongements  en  avant,  les 
côtes  ou  arcs  hémaux,  dont  l'union  à  la  partie  antérieure 
du  tronc  formait  un  hémisternum.  Les  éléments  épithé- 
liques  des  plaques  musculaires  (myoblastes)  bourgeon- 
naient et  donnaient  les  muscles  épisquelettiques  ;  le  sque- 
lette viscéral  de  la  tète  donnait  naissance  à  la  face 
(Y.  Face);  les  membres  naissaient  à  leur  tour  sous  la  forme 
de  bourgeons  coniques  sur  un  double  épaississement  laté- 
ral de  la  somatopleure  auquel  on  a  donné  le  nom  d'émi- 
nence  de  Woltf  (V.  Membre);  la  cavité  pleuro-péritonéale 
se  divisait  en  deux  parties  superposées,  les  plèvres  au- 
dessus,  le  péritoine  au-dessous,  par  suite  du  développe- 
ment d'une  cloison  musculaire  transversale,  le  diaphragme, 
qui  sépare  désormais  le  thorax  de  l'abdomen  chez  les 
vertébrés  supérieurs,  et  l'extrémité  caudale  de  l'embryon 
s'allongeait  si  l'animal  doit  porter  une  queue,  ou  se  raccour- 
cissait, si  l'animal  ne  doit  jamais  porter  cet  appendice 
.(pour  l'organogcnie  et  l'histogenèse,  V.  les  art.  Organe  et 
Tissu).  Si  nous  jetons  pour  terminer  un  regard  rétros- 
pectil  sur  ce  que  nous  avons  dit,  nous  voyons  que  nous 
sommes  partis  d'une  simple  cellule  microscopique  pour 
aboutir  à  un  animal  complet  et  d'une  rare  complexité. 
Pour  accomplir  c  e  merveilleux  travail,  la  nature  n'a  em- 
ployé que  ses  moyens  ordinaires.  La  division  du  travail 
physiologique,  ayant  pour  corollaire  fatal  la  différenciation 
et  la  spécialisation  des  tissus  et  des  organes  a  entraîné  un 
développement  morphologique  progressif  et  continu  qui  n'a 
de  limites  que  le  progrès  lui-même.  Ch.  Debierre. 

EMBRYON.  L  Anatomie  (V.  Embryologie). 

IL  Botanique  (V.  Graine  et  Ovule). 

EMBRYONNAIRE  (Cellule  et  tissu)  (Path.  générale). 
Lorsque  Virchow  édifia  sa  doctrine  de  la  pathologie 
cellulaire  et  qu'il  substitua  à  la  théorie  de  la  formation 
libre  des  éléments  anatomiques  (V.  Blastème)  la  notion 
d'une  filiation  non  interrompue  de  toutes  les  cellules  de 
l'organisme,  il  dut  chercher  également  une  solution  au 
problème  concernant  l'origine  première  des  jeunes  cellules 
qui  apparaissent  au  cours  des  diverses  néoplasies  patho- 
logiques. Partant  de  ses  études  sur  les  phénomènes  inflam- 
matoires envisagés  particulièrement  dans  les  tissus  non 
vasculaires  (V.  Inflammation),  il  admit  que  tous  les 
éléments  néo-formés  provenaient  de  la  segmentation  des 
cellules  du  tissu  conjonctif  proliférant  sous  l'influence 
d'une  irritation  formative.  Assimilant  les  cellules  jeunes 
nées  par  ce  mécanisme  à  celles  qui  constituent  le  corps 
de  l'embryon,  avant  l'intervention  des  phénomènes  de  dif- 
férenciation (Y.  Développement),  il  leur  attribua  la  pro- 
priété de  fournir  ultérieurement,  sous  l'impulsion  d'une 
irritation  appropriée,  les  tissus  les  plus  variés  ;  c'est  ainsi 
qu'on  les  verrait  devenir,  suivant  les  cas,  cellules  osseuses, 
cartilagineuses,  tuberculeuses,  cancéreuses,  etc.  Avec 
cette  doctrine,  on  voit  que  le  tissu  conjonctif  et  ses  équi- 
valents prenaient  en  histologie  pathologique  la  place  de  la 
lymphe  plastique  de  Hunter,  des  blastèmes  de  Schwann, 
Jean  Millier,  Lebert,  Kùss  et  Ch.  Robin,  ainsi  que  des 
exsudais  organisables  de  quelques  auteurs  plus  récents. 
Pour  Yirchow,  le  type  de  ce  tissu  générateur  universel,  dont 
l'idée  première  est  empruntée  à  de  Blainville,  est  représenté 
par  le  tissu  des  bourgeons  charnus  des  plaies,  d'oti  les 
noms  de  tissu  et  de  cellules  de  granulation,  tissu  et 
cellules  embryonnaires,  jeunes,  formatives,  indiffé- 
rentes, noms  qui  sont  devenus  d'un  usage  courant  depuis 
cette  époque  (1838). 

Depuis  lors,  les  travaux  de  von  Recklinghausen  sur  la 
locomotion  amœboïde  des  leucocytes  et  surtout  la  décou- 
verte de  la  diapédèse  (Y.  ce  mot),  par  Cohnheim  ont  fait 


reporter  sur  les  globules  blancs  du  sang  et  de  la  lymphe 
le  rôle  générateur  primitivement  assigné  par  Yirchow  aux 
éléments  connectifs  :  c'est  ainsi  qu'aux  dénominations 
précédentes  vint  s'ajouter,  sous  la  plume  des  auteurs  con- 
temporains, celle  de  cellules  lymphoïdes.  Mais  les  vues 
trop  exclusives  de  Cohnheim  ne  furent  pas,  cependant, 
admises  sans  restriction  ;  la  plupart  des  pathologistes  ont 
montré  à  cet  égard  un  certain  éclectisme,  en  professant 
qu'à  côté  des  leucocytes  échappés  du  torrent  circulatoire, 
d'autres  éléments  indifférents  pouvaient  être  fournis  par  la 
multiplication  des  cellules  du  cartilage,  du  périoste  et  de 
la  moelle  des  os,  etc.  D'ailleurs  on  se  montre  générale- 
ment très  sobre  de  développements  en  ce  qui  concerne  le 
fond  même  de  la  doctrine  histogénique  :  l'existence  de  cel- 
lules embryonnaires  chez  l'adulte,  cellules  provenant  de 
partout  et  formant  le  point  de  départ  de  toutes  espèces  de 
néoplasies,  constitue  une  hypothèse  si  séduisante  par  sa 
simplicité  qu'on  l'accepte  presque  toujours  sans  même  la 
discuter.  Pourtant  quelques  observateurs,  s'appuyant  sur 
les  laits  de  différenciation  progressive  qui  président  à 
l'évolution  des  feuillets  blastodermiques,  ont  soutenu  que 
la  loi  de  l'homologie  du  développement  devait  s'appli- 
quer également  à  la  néoformation  pathologique  (Remak, 
Thiersch,  etc.).  En  France,  c'est  surtout  Ch.  Robin  qui 
s'éleva  énergiquement  contre  la  théorie  de  la  métaplasie, 
ou  transmutation  des  différentes  espèces  histologiques  les 
unes  dans  les  autres.  Mais,  comme  il  continuait  à  se  rat- 
tacher à  la  doctrine  de  la  formation  libre  des  éléments  dé- 
finitifs de  l'organisme  dans  des  blastèmes,  son  opposition 
aux  idées  régnantes  trouva  peu  de  crédit,  faute  de  s'être 
rallié  à  l'axiome  omnis  cellula  e  cellula,  qui,  dès  lors, 
se  trouvait  établi  à  titre  de  loi  incontestable. 

Depuis  l'introduction  en  anatomie  pathologique  de  la 
méthode  de  Flemming,  l'étude  de  la  karyokinèse  dans  les 
productions  morbides  de  tout  ordre  a  permis  de  faire  jus- 
tice de  la  thèse  trop  absolue  de  Cohnheim,  et  l'on  tend  de 
plus  en  plus  à  restituer  aux  cellules  fixes  des  tissus  le 
rôle  essentiel  dans  les  phénomènes  de  génération  et  de  pro- 
Ufération.  Du  reste  Yirchow  lui-même  avait  fait  certaines 
réserves  concernant  la  génération  des  tissus  les  plus  élevés 
en  organisation,  réserves  que  vinrent  corroborer  bientôt, 
en  ce  qui  concerne  les  tumeurs  épithéliales,  les  travaux 
de  Thiersch  et  de  Waldeyer. 

Aujourd'hui  on  s'accorde  assez  généralement  à  mettre 
à  part  les  éléments  épitheliaux  et  nerveux  provenant  de 
l'archiblaste,  et  qui  ne  se  reproduisent  chez  l'adulte  qu'aux 
dépens  de  leurs  semblables.  Il  en  est  de  même  pour  les 
muscles  striés  (exception  qui  se  montre  en  harmonie  avec 
les  théories  embryogéniques  de  Hertvvig).  La  conception 
de  la  cellule  embryonnaire  se  trouve  ainsi  restreinte  aux 
autres  tissus  mésodermiques  :  squelette,  muscles  lisses, 
tissus  conjonclifs,  endotheliums,  éléments  du  sang  et  de  la 
lymphe  et  des  organes  dits  lymphoïdes.  C'est  surtout  dans 
l'appareil  vasculaire  et  connectif,  dérivé  du  parablaste, 
qu'on  place  l'origine  des  cellules  formatrices  indifférentes. 

Il  est  facile  de  voir  que  les  cellules  embryonnaires  ainsi 
définies  répondent  sensiblement  à  ce  que  Ch.  Robin  décri- 
vait sous  le  nom  d'éléments  embryoplastiques,  si  ce  n'est 
qu'il  faisait  naître  ceux-ci  dans  un  blastème  élaboré  par  les 
cellules  du  mésoderme  primitif,  l'apparition  du  noyau  pré- 
cédant celle  du  protoplasma  cellulaire.  Pour  cet  auteur,  le 
tissu  conjonctif,  seul,  dérivait  directement  du  tissu  em- 
bryoplastique,  tandis  que  les  tissus  osseux,  cartilagineux, 
élastique,  etc.,  provenaient  de  cellules  spéciales,  également 
nées  par  genèse  au  sein  du  tissu  embryoplastique  et  se 
substituant  à  lui,  comme  lui-même  avait  pris  la  place  du 
tissu  mésodermique  antécédent.  Robin  a  étudié  minutieuse- 
ment l'évolution  des  cellules  embryoplastiques,  leur  trans- 
formation en  fibres  lamineuses,  etc.  ;  l'analogie  de  ces 
phénomènes  embryogéniques  avec  ceux  qu'on  observe  en 
pathologie,  l'avait  porté  à  croire  qu'il  demeurait,  dans  le 
tissu  conjonctif  de  l'adulte,  un  certain  nombre  de  ces  élé- 
ments, pouvant  intervenir  dans  la  formation  des  cicatrices 


EMBRYONNAIRE 


—  900 


et  des  tumeurs.  En  mettant  à  part  les  divergences  d'ordre 
surtout  doctrinal  et  théorique,  toute  l'histoire  normale  et 
pathologique  de  la  cellule  embryoplastique  de  Robin  se 
rapproche  beaucoup  de  ce  qui  a  été  écrit  au  sujet  des  cel- 
lules dites  embryonnaires. 

Aujourd'hui  que  l'idée  des  blastèmes  générateurs  est 
reléguée  dans  le  passé,  il  reste  à  élucider  la  question  rela- 
tive à  la  spécificité  cellulaire.  Admise  par  quelques-uns, 
elle  est  niée,  au  moins  implicitement,  partons  ceux  qui  pro- 
fessent la  doctrine  de  la  cellule  embryonnaire  indiftérente. 
En  examinant  les  choses  de  plus  près,  on  ne  tarde  pas  à 
se  convaincre  que,  dans  chacune  des  interprétations  oppo- 
sées, et  en  apparence  inconciliables,  il  peut  se  trouver  une 
part  de  vérité.  Remarquons  d'abord  qu'il  n'est  nullement 
nécessaire  d'admettre  qu'il  persiste  dans  les  tissus  de  l'adulte 
des  éléments  réellement  embryonnaires,  arrêtés  dans  leur 
développement  et  constituant  une  sorte  de  réserve  pouvant 
évoluer  plus  tard  pour  produire  les  néoplasies  régénéra- 
trices ou  pathologiques.  Sans  parler  ici  des  phénomènes 
de  prolifération  qui  président  à  la  rénovation  continue  des 
éléments  caducs  (épithéUums,  globules  du  sang,  etc.),  on 
sait  que  les  cellules  de  la  plupart  des  tissus  manifestent 
une  certaine  faculté  reproductrice  :  tels  sont  les  noyaux 
situés  sous  le  sarcolemme  avec  la  zone  protoplasmique  qui 
les  entoure,  les  endothéliums  des  vaisseaux  capillaires,  les 
cellules  fusiformes  ou  aplaties  des  couches  internes  du  pé- 
rioste ;  nous  voyons,  en  effet,  ces  éléments  ou  leurs  des- 
cendants fonctionner  respectivement,  le  cas  échéant,  comme 
myoblastes,  angioblastesouostéoblastessans  qu'aucun  indice 
nous  permette  de  distinguer,  parmi  les  cellules  adultes  d'un 
même  tissu,  celles  qui  seraient  plus  spécialement  chargées 
de  ce  rôle  histogènique.   Il   paraît  probable  que,  sinon 
toutes,  du  moins  la  plupart,  possèdent  à  cet  égard  une 
aptitude  à  peu  près  égale.  Mais  les  cellules  jeunes  résultant 
ainsi  de  la  segmentation  des  cellules  constituant  le  corps 
de  l'adulte  pourront-elles  donner  naissance,  suivant  le  cas, 
à  différents  tissus,  ou  sont-elles  fatalement  destinées  à  suivre 
la  même  courbe  évolutive  que  leurs  ancêtres  immédiats  ? 
Il  est  certain  que  l'examen  histologique  des  tissus  en 
voie  de  prolifération  ne  fournit  généralement  que  des  don- 
nées insuffisantes  pour  distinguer  spécifiquement  les  uns 
des  autres  les  éléments  nouveau-nés  que  l'on  a  sous  les 
yeux  ;  il  y  a  un  stade  où  ils  sont  morphologiquement 
indifférents,  au  moins  pour  nos  moyens  actuels  d'investi- 
gation. Mais  cette  indifférence  est-elle  réelle?  En  d'autres 
termes,  la  direction  évolutive  ultérieure  de  ces  cellules 
leur  sera-t-elle  imprimée  par  des  influences  extérieures  à 
elles,  telle  que  Vaction  de  voisinage  attribuée  jadis  aux 
organes  sur  les  blastèmes  formateurs  venant  s'épancher  à 
leur  contact,  et  invoquée  également  par  quelques  modernes 
à  l'égard  des  cellules  dites  embryonnaires  ?  Ou  s'agit-il  au 
contraire  d'une  indifférence  simplement  apparente,  due 
à  l'imperfection  de  nos   procédés   d'étude?  Les  cellules 
«  renferment-elles  déjà,  chacune  en  particuHer,  quelque 
chose  qui  motivera  leur  développement  ultérieur  »,  comme 
l'a  dit  Virchow,  dont  l'esprit  pénétrant  n'a  point  méconnu 
le   point  faible  de  la   théorie   histogènique  issue  de  ses 
travaux  ? 

Ainsi  qu'il  a  été  dit  plus  haut,  on  ne  peut  songer  à 
chercher  dans  l'organisme  adulte  des  cellules  absolument 
indifférentes,  pourvues  d'aptitudes  évolutives  aussi  éten- 
dues et  pouvant  se  suppléer  entre  elles  d'une  manière 
aussi  complète  que  les  sphères  de  segmentation  dans  les 
premiers  stades  de  la  division  du  vitellus.  Notamment  l'au- 
tonomie des  éléments  archiblastiques  n'est  plus  guère  mise 
en  doute,  et,  dans  l'esprit  de  la  plupart  des  auteurs,  l'épi- 
Ihète  de  mésodermiques  est  implicitement  accolée  aux  cel- 
lules embryonnaires.  Mais  ce  premier  correctif  ne  répond  plus 
à  l'état  actuel  de  nos  connaissances,  moins  encore  à  cause 
de  la  complexité  d'origine  du  feuillet  moyen  mise  en 
lumière  par  les  publications  de  Hertwig,  que  parce  qu'on 
a  une  tendance  marquée  à  rendre  plus  ou  moins  indépen- 
dante de  la  différenciation  morphologique  la  différenciation 


histologique  et  physiologique  de  l'embryon.  Il  faudrait 
pouvoir  préciser  dans  chaque  cas  particulier,  non  seule- 
ment l'espèce  de  tissu,  mais  encore  le  stade  d'évolution 
auquel  correspond  l'élément  envisagé  ;  et,  à  cet  égard,  la 
description  de  Robin  relative  aux  cellules  embryoplas- 
tiques,  puis  fibroplastiques,  donnant  finalement  naissance 
aux  fibres  lamineuses,  peut  être  considérée  comme  un 
modèle  du  genre.  Mais,  qu'est-ce  qu'une  espèce  en  ana- 
tomie  générale  ?  Au  point  de  vue  pratique,  on  distingue, 
en  histologie,  les  cellules  et  les  tissus  d'après  leur  aspect 
anatomique  et  d'après  les  propriétés  chimiques  et  physio- 
logiques qu'ils  manifestent.  La  philosophie  biologique  ne 
saurait  se  contenter  de  cette  caractéristique  :  en  suivant 
pas  à  pas,  à  partir  de  l'ovule  fécondé,  les  phénomènes  du 
développement,  on  voit  que,  pour  chacune  des  catégories 
de  cellules  issues  du  vitellus,  il  vient  un  moment  où  la 
différenciation  s'arrête,  et  où  la  reproduction,  lorsqu'elle 
se  poursuit,  ne  fournit  plus  que  des  cellules  filles,  sem- 
blables à  leurs  cellules  mères  ;  et  c'est  à  partir  du  moment 
où  un  ensemble  de  caractères  fixes  se  transmet  ainsi  de 
génération  en  génération  que  ces  catégories  cellulaires  mé- 
ritent le  nom  &' espèces. 

Or,  nous  ne  saurions  affirmer  que  cette  évolution,  qui 
revient  d'une  façon  constante  dans  le  plan  de  l'évolution 
normale,  est,  pour  cela,  absolument  immuable  dans  tous 
les  cas.  Bien    des   observations  semblent  indiquer,   au 
contraire,  que  les  courbes  évolutives  sont  susceptibles  de 
varier  dans  certaines  limites   sous  l'influence  de  causes 
occasionnelles  ;  c'est  ainsi  qu'on  voit,  par  suite  de  simples 
actions  mécaniques,  des  cellules  polyédriques  ou  pavimen- 
teuses  se  substituer  aux  éléments  ciliés  à  la  surface  des 
épithéliums  stratifiés  ;  c'est  ainsi  encore  que  se  développent 
les   os   professionnels  de  la  cuisse,  décrits  par  Virchow 
chez  les  cavaliers,  etc.,  etc.  En  réalité,  nous  assistons  ici 
à  la  lutte  entre  les  caractères  transmis  par  hérédité  et  les 
influences  modificatrices  exercées  par  le  milieu  ambiant  : 
c'est  le  problème  du  transformisme  qui  vient  se  poser  sur 
le  terrain  de  l'histogénie.  Lorsque  nous  voyons  en  patho- 
logie un  tissu  déterminé  se  constituer  aux  dépens  d'un 
amas  de  jeunes  cellules  indifférentes,  et  cela  dans  des 
points  où  ce  tissu  n'existe  pas  normalement,  ce  fait  ne 
peut  s'expliquer  que  de  deux  façons  :  les  partisans  de  la 
spécificité  absolue  soutiendront  que,  dans  le  tissu  embryon- 
naire, il  y  a  en  fait  un  mélange  de  cellules  jeunes  appar- 
tenant à  des  espèces  histologiques  différentes,  bien  qu'elles 
offrent  toutes  le  même  aspect  extérieur.  On  en  arrive  ainsi 
à  recourir  à  l'hypothèse   d'une  immigration  d'éléments 
jeunes  provenant   de  régions  plus  ou  moins  éloignées  du 
lieu  où  on  les  trouve,  et  à  considérer,  par  exemple,  les  os 
professionnels  comme  de  véritables  métastases  physiolo- 
giques (Klebs).  .     . 
Or,  ne  paraît-il  pas  plus  logique  d'appliquer  aux  indi- 
vidualités cellulaires  les  mêmes  principes  évokitionnistes 
qu'aux  animaux  et  aux  végétaux  ?  d'admettre  qu'à  côté  des 
tissus   très   élevés  en  organisation  et  montrant  d'ailleurs 
peu  de  tendance  à  proUférer,  il  en  est  d'autres  moins  dif- 
férenciés,   plus  proches  parents,  en  quelque  sorte,  par 
suite  plus  accessibles  aux  influences  extérieures,  et  capables, 
de  ce  chef,  de  se  succéder  les  uns  aux  autres  dans  cer- 
taines conditions  ?  Cette  supposition  n'a  rien  que  d'admis- 
sible  en  ce  qui  concerne  les  groupes  des   tissus  dits 
conjonctifs,    et  rien  ne  s'oppose  à  ce  que  des  cellules  du 
tissu  lamineux  ou  leurs  descendants,  soumises  à  des  pres- 
sions  répétées,    ne   puissent  être  amenées  à  remplir  la 
fonction  ostéogénique  ou  chondrogénique,  par  exemple, 
tout  comme  on  les  voit,  dans  bien  des  cas,   s'entourer 
d'une  substance  amorphe,  riche  en  mucine.  Ces  aptitudes 
se  manifesteraient   avec  prédilection  dans  certains  points 
de  l'économie,  et  cette  explicaHon,  appliquée,  par  exemple, 
aux  chondromes  du  testicule  ou  des  glandes  salivaires,  est 
aussi  plausible  que  celle  qui  a  recours  à  l'hypothèse  d'une 
migration  des  chondroblastes  ou  à  celle  d'une  persistance 
hétérotopique  de  cellules   cartilagineuses  embryonnaires 


—  901  — 


EMBRYONNAIRE  —  EMELÉ 


dans  les  organes  malades.  Mais,  si  nous  ne  répugnons  pas 
à  nous  rallier  à  cette  hypothèse  pour  un  petit  nombre  de 
tissus  fort  voisins,  nous  ne  pouvons  nous  dissimuler, 
d'autre  part,  que  nous  connaissons  bien  peu  les  facteurs 
susceptibles  d'amener  ces  modifications  supposées  de  l'évo- 
lution. A  plus  forte  raison,  ne  saurions-nous  considérer 
comme  représentant  de  simples  variétés  d'une  même  espèce, 
et  par  conséquent  comme  histogéniquement  équivalents, 
non  seulement  les  éléments  connectifs,  osseux  et  cartila- 
gineux, mais  encore  les  globules  blancs,  les  endothéliums, 
les  cellules  propres  des  gangUons  lymphatiques,  de  la  moelle 
des  os,  etc.  Il  existe  encore,  à  la  vérité,  un  grand  nombre  de 
points  obscurs  au  sujet  de  la  provenance  exacte  et  du  sort 
final  de  beaucoup  de  ces  éléments  mésodermiques,  et  ces 
lacunes  dans  nos  connaissances  expliquent  suffisamment  la 
faveur  dont  a  joui  l'hypothèse  d'un  tissu  ubiquitaire  et  à 
puissance  génératrice  iUimitée.  Mais  il  est  évident  que  la 
solution  de  ces  inconnues  relève  de  l'observation  directe 
pour  chaque  fait  en  particulier  et  que  ces  difficultés  ne  sau- 
raient être  tranchées  valablement  à  l'aide  d'une  formule 
unique  établie  à  priori  et  s'appliquant  à  tous  les  cas  pos- 
sibles (V.  Néoplasie,  Histologie,  Tumeur).     G.  Herrmann. 

EMBRYOPLASTIQUE  (Anat.  gén.)  (V.  Embryonnaire), 

EMBRYOTOMIE  (Chir.).  On  comprend  sous  l'expression 
générale  d'embryotomie  les  divers  procédés  opératoires  per- 
mettant d'extraire  par  parties  le  fœtus  du  sein  de  la  mère. 
L'embryotomie  prend  différents  noms  suivant  la  manière 
dont  on  y  procède.  Dans  la  craniotomie  ou  céphalotomie 
(V.  Craniotomie),  l'opérateur  se  borne  à  la  perforation  du 
crâne  du  fœtus,  opération  suffisante  lorsque  la  dispropor- 
tion entre  la  tête  fœtale  et  le  bassin  n'est  pas  excessive. 
Dans  la  céphalotripsie  (V.  ce  mot)  qui  se  trouve  indiquée 
dans  les  cas  plus  graves,  la  tête,  perforée  ou  non  dans  un 
premier  temps,  est  ensuite  broyée  une  ou  plusieurs  fois 
entre  les  branches  du  céphalotribe.  La  détroncation  ou 
décollation  (V.  Détroncation)  est  généralement  réservée 
aux  cas  où  l'enfant  se  présente  par  l'épaule  ;  elle  comporte 
la  section  du  fœtus  au  niveau  du  cou,  en  deux  parties 
qu'on  extrait  ensuite  séparément.  L'éviscération,  qui  s'ap- 
phque  aux  cas  où  le  corps  du  fœtus  est  très  élevé,  est  de 
tous  les  procédés  d'embryotomie  le  plus  répugnant  et  aussi 
le  moins  usité.  L'opérateur  se  servant  au  début  de  longs 
ciseaux,  sectionne  d'abord  le  bras  qui  pend  dans  le  vagin, 
puis  le  thorax.  Introduisant  la  main  dans  le  corps  de  l'en- 
fant, il  arrache  ensuite  un  à  un  les  organes  internes  de 
celui-ci  ;  il  brise  enfin  la  colonne  vertébrale  avec  un  cro- 
chet, et  termine  l'extraction  à  l'aide  du  forceps  ou  du 
céphalotribe.  Il  est  à  peine  besoin  de  dire  que  les  suites 
d'une  opération  de  ce  genre  sont  des  plus  graves.  L'em- 
bryotomie peut,  dans  certains  cas,  être  remplacée  avec 
avantage  par  l'opération  césarienne  ou  gastro-hystérotomie  ; 
on  trouve  dans  les  traités  classiques  l'indication  des  cir- 
constances qui  doivent  guider  le  médecin  dans  le  choix  de 
telle  ou  telle  méthode  opératoire.  D^  Alphandéry. 

EMBU.  I.  Peinture.  —  Aspect  mat,  opaque  et  presque 
incolore  que  prend  une  peinture  lorsqu'elle  a  été  exécutée 
sur  un  dessous  insuffisamment  sec.  Il  est  difficile  de  déter- 
miner exactement  la  méthode  à  suivre  pour  éviter  les  embus  ; 
on  peut  dire  toutefois  qu'ils  se  produisent  très  rarement 
dans  les  ouvrages  des  peintres  qui  peignent  seulement  au 
premier  coup,  dans  la  couleur  toute  fraîche.  Une  autre 
manière  de  les  éviter,  pour  l'artiste,  est  de  ne  repeindre 
son  tableau  que  lorsque  les  dessous,  frottis  ou  ébauche 
empâtée,  sont  parfaitement  secs.  Il  est  du  reste  facile  de 
remédier  aux  embus  ;  il  n'y  a  qu'à  les  frotter  légèrement 
avec  un  mélange  de  copal  à  l'huile  ou  de  vernis  et  d'es- 
sence de  térébenthine  rectifiée  ;  si  le  tableau  est  terminé, 
le  vernis  final  détruit  complètement  les  embus.     Ad.  T. 

II.  Marine.  —  Différence  d'allongement  qui  se  produit 
au  bout  d'un  certain  temps  de  service,  dans  une  voile 
neuve,  entre  la  toile  de  la  voile  et  la  bordure  en  corde 
appelée  ralingue  qui  l'entoure.  Si  on  ne  remédiait  à  cet 
allongement,  les  voiles  établiraient  fort  mal,  seraient  toutes 


plissées.  Les  ouvriers  voiliers  tiennent  compte  de  l'embu 
quand  ils  confectionnent  les  voiles,  en  tendant  fortement, 
ou  en  tordant  au  contraire  les  ralingues  suivant  qu'elles 
seront  appliquées  dans  le  sens  de  la  largeur  ou  de  la  hau- 
teur de  la  toile.  Ils  cousent  alors  à  faux  frais  la  voile,  et 
les  ralingues,  en  se  contractant  ou  en  se  détordant,  donnent 
la  mesure  de  l'embu. 

EMBURY  (Mrs.  Emma  C),  femme  de  lettres  américaine 
du  xix«  siècle,  fille  du  docteur  James  R.  Manley,  de  New- 
York.  Ses  premières  œuvres,  signées  lanthe,  eurent  un 
succès  qui  l'encouragea  à  écrire  désormais  sous  son  nom. 
Elle  a  publié  un  grand  nombre  de  volumes  de  vers  et  de 
prose,  parmi  lesquels  on  peut  citer  :  Guido  and  other 
Poems;  Constance  Latimer  ;  Pictures  of  Early  Life  ; 
Naturels  Gems;  Love' s  Token-flowers,  etc.     B.-H.  G. 

EMBUSCADE  (Art  miht.).  Ce  mot  désigne  un  piège 
tendu  à  l'ennemi,  sous  forme  de  soldats  cachés  sur  son 
passage  et  se  démasquant  à  un  moment  donné  pour  tomber 
*sur  lui  à  l'improviste.  Les  embuscades  ont  toujours  été 
très  employées  dans  la  petite  guerre,  surtout  en  terrain 
coupé.  Elles  se  tendaient  de  plusieurs  manières  dans  les 
villages,  dans  les  vignes,  dans  les  bois  et  dans  les  champs 
couverts  de  céréales'  assez  hautes.  C'étaient  celles-ci  ainsi 
que  celles  de  vignes  qui  étaient  réputées  les  meilleures, 
celles  des  villages -et  des  bois  n'assurant  pas  de  lignes  de 
retraite  faciles  au  cas  où  l'on  était  trahi.  S'il  se  trouvait 
des  arbres  touffus  dans  le  voisinage  de  l'embuscade,  on  y 
plaçait  des  sentinelles  qui  signalaient  l'approche  de  l'en- 
nemi. La  guerre  d'embuscades  a  toujours  réclamé  des 
officiers  très  expérimentés,  la  moindre  négligence,  la  plus 
légère  imprudence  ou  indiscrétion  pouvant  entraîner  la 
perte  totale  des  troupes  embusquées.        Ed.  Sergent. 

EMBUVAGE  (Tiss.).  Retrait  qui  se  produit  pendant  le 
tissage  d'une  chaîne  par  suite  des  ondulations  des  fils 
autour  des  duites.  Il  varie  suivant  les  contextures  et  les 
réductions  de  2  à  8  <*/o  environ. 

EIVIDEN.  GÉoGRApmE.  —Ville  de  Prusse,  district  d'Au- 
rich  (Hanovre),  près  du  golfe  de  l'Ems,  dans  la  Frise  orien- 
tale; 14, 020  hab.  Un  canal  navigable  relie  la  ville  au  golfe. 
Elle-même  est  bâtie  au  milieu  de  canaux  analogues  à  ceux 
des  villes  hollandaises  et  traversée  par  plus  de  30  ponts. 
Elle  comprend  six  quartiers  distincts  (Altstadt,  Nordfaldern, 
Sudfaldern,  Mittelfaldern,  faubourgs  deBoltenthor  etNeu- 
thor).  Elle  a  assez  de  caractère  avec  ses  vieilles  maisons, 
sa  cathédrale  de  1455,  ses  huit  autres  éghses,  son  hôtel 
de  ville  (1574-76)  imité  de  celui  d'Anvers.  C'est  un  marché 
agricole.  Le  cabotage  est  assez  actif  et  comporte  un  mou- 
vement de  650  navires  et  31,000  tonnes;  la  flotte  du  port 
est  de  70  navires  jaugeant  7,200  tonnes. 

Histoire.  —  La  ville  d'Emden  (Emuden,  Emetha) 
apparaît  au  xiv®  siècle.  Elle  prospéra  comme  lieu  de  recel 
et  débouché  des  pirates.  Hambourg  s'en  empara  en  1402  et 
la  posséda  d'accord  avec  les  seigneurs  de  la  famille  Cirksena 
à  qui  elle  vendit  sa  part.  EUe'se  releva  après  la  révolution 
des  Pavs-Bas,  devint  ville  libre  sous  le  protectorat  de  la 
Hollande  (1595)  qui  y  tint  garnison  jusqu'en  1744.  SoU- 
dement  fortifiée,  elle  prit  de  l'importance  et  comptait  au 
temps  de  la  guerre  de  Trente  ans  22,000  âmes.  En  1744, 
elle  passa  à  la  Prusse  avec  la  Frise  orientale.  Ce  fut  sa 
période  la  plus  brillante.  Mais  les  guerres  de  l'Empire 
amenèrent  la  ruine  de  son  commerce.  Chef-lieu  du  dépar- 
tement français  de  l'Ems  oriental  (1810),  Emden  fut  cédé 
au  Hanovre  en  1814  et  revint  à  la  Prusse  en  1866. 

EWIEIO  ou  MOOREA.  Ile  de  l'archipel  de  Taïti  (V. 
Moorea). 

EMELÉ  (Wilhelm),  peintre  allemand  contemporain,  né 
à  Buchen  (grand-duché  de  Bade)  le  20  mai  1830.  D'abord 
voué  au  métier  des  armes,  il  devint  à  Munich  élève  de 
Dietz,  suivit  les  cours  de  l'Académie  des  beaux-arts,  com- 
pléta ses  études  à  Anvers  et  à  Paris  et  se  consacra  à  la 
peinture  militaire.  Ses  principaux  tableaux  sont  :  la 
Bataille  de  Stockach,  le  Combat  au  pont  de  Heidel- 
berg  en  il99  (pour  l'empereur  d'Autriche),  le  Combat 


EMELÉ  -  EMERILLON 


—  902  - 


d' Aldenhoven  et  les  Bataillons  autrichiens  résistant  à  ' 
la  charge  des  cuirassiers  français  (4860).  Ernelé  a  fait 
une  étude  spéciale  du  cheval  ;  son  Combat  de  cavalerie 
(1865-1867)  obtint  un  grand  succès.  Il  réside  à  Berlin 
depuis '1886. 

ÉMÉRAINVILLE.  Corn,  du  dép.  de  Seine-et-Marne, 
arr.  de  Mi^aux,  cant.  de  Lagnv;  232  hab. 

ÉMERAUDE  (Miner.)  (V.  Béryl,  t.  VI,  p.  477). 
ÉMERCHICOURT.  Com.  du  dép.  du  Nord,   arr.  de 
Valenciennes,  cant.de  Bouchain;  307  hab. 

ÉNIERI  (Miner.).  Variété  de  corindon  grenu  et  consti- 
tuant, avec  un  peu  de  magnétite,  d'oligiste  et  de  mica,  une 
roche  intercalée  dans  les  micaschistes.  Cette  roche,  de  com- 
position variable  suivant  les  gisements,  est  noire  ou  noire 
grisâtre.  L'émeri  pulvérisé  sert  à  user  et  polir  les  métaux, 
les  glaces,  les  pierres  précieuses,  à  confectionner  les  ins- 
truments d'optique,  etc.  Pour  le  préparer  à  ces  usages, 
on   le  broie   entre  des  meules   d'acier  ;    on   délaye  sa* 
poudre  dans  Teau,  puis  on  Fabandonne  au  repos  en  ayant 
soin  de  recueillir  la  poussière  se  déposant  de  minute  en 
minute  :  on  obtient  ainsi  des  poudres  ayant  des  degrés  de 
finesse  variés.  L'émeri  est  exploité  à  l'île  de  Naxos,  en 
Asie  Mineure,  dans  le  Massachusets,  etc.     A.  Lacroix. 
EMERI  (Michel  Particelli,  dit  d')  (V.  Particelli). 
ÉMERIAU  (Maurice-Julien,  comte),  amiral  français,  né 
à  Carhaix  (Finistère)  le  20  oct.  1762,  mort  à  Toulon  le 
2  févr.  4845.  Engagé  dans  la  marine  en  4777,  il  prit 
part  à  la  guerre  d'Amérique  et  se  distingua  brillamment 
au  siège  de  La  Grenade  et  à  l'assaut  de  Savanah.  Promu 
lieutenant  de  vaisseau  en  1791,  il  servit  à  Saint-Domingue, 
fit  partie  de  l'expédition  d'Egypte,  combattit  avec  éclat  à 
Aboukir  où  il  succomba  sous  le  nombre  (4798).  Contre- 
amiral  en  1802,  il  retourna  à  Saint-Domingue  en  1803  et 
dégagea  Port-au-Prince.  Nommé  préfet  maritime  à  Toulon 
en  1804,  il  fut  créé  comte  de  l'Empire  le  3  déc.  1840  et 
en  1844  fut  nommé  au  commandement  d'une  escadre.  Blo- 
qué à  Toulon  par  les  Anglais  en  4844,  il  adhéra  à  la  Res- 
tauration et  signa  avec  Exmouth  l'armistice  qui  délivra  les 
prisonniers  de  Cabrera.  Membre  de  la  commission  de  réor- 
ganisation de  la  marine  le  19  mai  4844,  il  reçut  la  pairie 
des  mains  de  Napoléon  et  fut  pour  ce  fait  disgracié  par  la 
seconde  Restauration.  Peu  après  l'avènement  du  gouver- 
nement de  Juillet  (4834),  il  rentra  à  la  Chambre  des  pairs. 
ÉMERIC    (Jean -Joseph),   publiciste    français,   né  à 
Eyguières  vers  4755,  mort  à  une  date  que  nous  ignorons. 
Avocat  à  Avignon,  il  dut,  au  moment  de  la  Révolution, 
s'enfuir  de  cette  ville  à  cause  de  ses  opinions  ultra-roya- 
listes. Plus  tard,  il  se  fit  inscrire  au  barreau  de  Nimes.  On 
a  de  lui  :  la  Vérité  et  la  Justice  ou  le  Cri  des  Boijalistes 
français  (Avignon,  4816,  in-8)  ;  Ermite  de  Vaucluse 
(4822,  in-8)  ;  Réponse  aux  réflexions  faites  par  Agri- 
cole Moureau  sur  les  protestations  du  Pape  (4818, 
in-8)  ;  la  Sainte  Alliance  ou  le  Tombeau  des  Jacobins 
(1818,  in-8). 

ÉMERIC  (Louis -Damien),  publiciste  français,  né  à 
Eyguières  vers  1765,  mort  à  Paris  en  1825,  frère  du  précé- 
dent. Après  avoir  mené  une  vie  assez  aventureuse,  il  entra 
en  1812  dans  les  bureaux  de  l'administration  des  postes 
militaires  en  Hollande.  Il  abandonna  bientôt  cette  modeste 
situation  —  la  seule  régulière  qu'il  ait  jamais  occupée  — 
et  mourut  à  l'hôpital.  D'un  esprit  fort  caustique,  mais 
d'une  paresse  incurable,  il  a  laissé  quelques  écrits  qui  ne 
manquent  pas  d'un  certain  intérêt.  Nous  citerons  :  De  la 
Politesse  (1819,  in-8;  nouv.  éd.  sous  le  titre  Nouveau 
Guide  de  la  politesse^  1821,  in-8);  Généalogie  de  la 
maison  de  France  (1822,  in-8);  des  poésies  insérées 
dans  VAlmanach  des  muses,  des  traductions  de  Catulle, 
Martial,  etc. 

ÉMERIC-David  (Toussaint-Bernard),  archéologue,  écri- 
vain d'art  et  homme  politique  français,  né  à  Aix  en  Pro- 
vence le  20  août  1  i55,  mort  à  Paris  le  2  avr.  1839.  Doc- 
teur en  droit  en  1775,  et  avocat  dans  sa  ville  natale,  il 
succéda  à  son  oncle  maternel  Antoine  David,  comme  impri- 


meur du  Parlement  (1787).  Partisan  modéré  de  la  Révo- 
lution, il  fut  nommé  maire  d'Aix  le  13  févr.  1791,  mais 
il  dut  fuir  pendant  la  Terreur  et  s'établit  à  Paris  après  le 
9  thermidor.  Dès  lors  il  se  consacra  de  plus  en  plus  à 
des  études  d'archéologie  classique  et  fut  lauréat  de  l'Institut 
en  1800  pour  ses  Recherches  sur  l'art  statuaire  (Paris, 
1805,  in-8).  Appelé  à  biéger  au  Corps  législatif  en  1809, 
il  vota  en  1814  la  déchéance  de  Napoléon,  et  rentra  en 
1845  dans  la  vie  privée.  Elu  membre  de  l'Académie  des 
inscriptions  et  belles-lettres  le  41  avr.  4846,  il  ne  cessa 
de  lui  apporter  un  concours  actif  jusqu'à  sa  mort,  malgré 
son  grand  âge.  Parmi  ses  travaux,  il  faut  d'abord  citer 
ses  ouvrages  de  mythologie  d'art  :  Jupiter;  recherches^ 
sur  ce  dieu,  sur  son  culte  et  sur  les  monuments  qui 
le  représentent  (Paris,  1833,  2  vol.  in-8,  grav.);  Vul- 
cain,  etc.  (4837);  Neptune,  etc.  (4839).  Les  tomes 
XVII  à  XX  de  V Histoire  littéraire  de  la  France  contien- 
nent de  lui  des  articles  sur  des  poètes  provençaux  et  sur 
quelques  artistes  français.  Enfin  Paul  Lacroix  a  réuni  en 
volumes  d'autres  mémoires  et  articles  :  Histoire  de  la 
peinture  au  moyen  âge,  suivie  de  l'Histoire  de  la  gra- 
vure, etc.  (4842,  in-42).  Histoire  de  la  sculpture 
française  (4853,  in-42)  et  Vie  des  artistes  anciens  et 
modernes  (1853,  in-42).  G.  P-i. 

BiBL.  :  Walckenaer,  notice  dans  le  Moniteur  univer- 
sel, 3  août  1845.  —  Fauriel,  dans  l'Histoire  liUéraire  de 
la  France,  t.  XX.  —  Paul  Lacroix,  notice  en  tôte  de  l'His- 
toire de  la  peinture,  1812. 

EMERICH,  en  magyar  Imre,  Nom  porté  au  moyen  âge 
par. deux  princes  de  la  dynastie  des  Arpâd.  L'un,  fils  du 
roi  saint  Etienne,  héritier  de  grande  espérance,  mourut  en 
4034,  au  moment  où  son  père  Tassociait  à  la  couronne. 
L'autre,  fils  de  Bêla  lit,  fut  roi  de  Hongrie  de  1496  à 
4205.  Les  difficultés  ne  manquèrent  pas  à  ce  court  règne 
d'un  prince  maladif,  assez  énergique  d'ailleurs  et  intelli-- 
gent.  Son  frère  André,  qui  devait  être  le  célèbre  roi 
André  II,  fut  presque  continuellement  en  révolte  contre 
son  autorité.  Emerich  n'en  vint  à  bout  que  par  une  dé- 
marche hardie  ;  seul  et  désarmé,  il  pénétra  dans  le  camp 
des  rebelles,  qui,  au  lieu  de  le  tuer,  se  jetèrent  à  ses  pieds 
et  lui  livrèrent  leur  chef.  D'autre  part,  malgré  toute 
sa  soumission  à  l'autorité  d'Innocent  III,  il  eut  avec  lui 
d'assez  graves  conflits.  Enfin,  les  Vénitiens,  associés  aux 
Français  dans  la  fameuse  expédition  de  la  quatrième  croi- 
sade, enlevèrent  à  son  royaume  une  partie  de  la  côte  dal- 
mate.  E.  Sayous. 

BiBL.:  E.  Sayous,  Histoire  générale  des  Hongrois. 
ÉiVlERIGON  (Balthasar-Marie),  jurisconsulte  français, 
né  vers  4744,  mort  en  4785.  Fils  d'un  procureur  au  par- 
lement d'Aix,  il  devint  avocat  au  môme  parlement,  puis 
conseiller  à  l'amirauté  de  Marseille.  Il  a  publié,  sans  y 
mettre  son  nom,  un  Nouveau  Commentaire  sur  l'ordon- 
nance de  la  marine  du  mois  d'août  i68i  (Marseille, 
4780,  2  vol.  in-12)  ;  son  nom  est  porté  sur  une  2''  édition 
(due  à  Pastoret)  (Marseille,  4803  ;  Paris,  an  XI,  3  vol. 
in-12).  Il  a  publié  aussi  un  Traité  des  assurances  et  des 
contrats  à  la  grosse  (Marseille,  1783-1784,  2  vol.  in-4; 
réimpr.  par  Boulay-Paty,  Rennes  et  Paris,  1826-1827, 
2  vol.  in-4).  G.  R. 

BiBL.  :  Cresp,  Notice  sur  Emerigon,  dans  Revue  de 
législation  et  de  jurisprudence,  t.  XI,  p.  32. 

ÉMÉRILLON.  I.  Technologie.  —  Outil  de  cordier  com- 
posé d'un  bois  creux  muni  d'un  crochet  mobile  dans  un 
tube  en  laiton  et  qui  sert  à  câbler  la  corde  et  la  ficelle 
(V.  Cable,  t.  VIII,  p.  611). 

IL  Marine.  —  Système  permettant  au  croc  d'une  poulie 
de  tourner  en  tout  sens,  sans  que  la  poulie  tourne 
elle-même,  ce  qui  aurait  l'inconvénient  de  faire  faire  des 
tours  dans  les  deux  brins  de  corde  de  la  poulie,  et  créerait 
ainsi  des  frottements  impossibles  à  vaincre.  Les  lignes  de 
pêche  pour  gros  poissons  tels  que  requins  sont  terminés 
par  une  petite  chaîne,  de  façon  que  le  poisson  ne  puisse 
la  couper  de  ses  dents  puissantes.  Au  bout  s'adapte  l'hameçon 
qui,  dans  ce  cas,  n'est  autre  chose  qu'un  croc  fort  aigu  à 


-  903  — 


ÉMÉRILLON  —  EMETINE 


émerillon,  c.-à-d.  libre  de  tourner.  Il  en  résulte  que,  quelle 
que  soit  la  défense  du  squale,  la  ligne  ne  se  tord  jamais 
et  est  moins  exposée  à  casser.  Le  système  consiste  tout 
simplement  en  ceci  :  la  ferrure  de  la  poulie,  ou  l'extré- 
mité de  la  chaîne  de  la  ligne,  est  terminée  par  une  boucle 
en  fer,  dans  laquelle  passe  librement  la  partie  droite  du 
croc  de  la  poulie  ou  de  l'hameçon  dont  l'extrémité  est  beau- 
coup plus  large,  de  façon  que  le  croc  ne  puisse  sortir. 
Il  peut  alors  tourner,  sans  faire  tourner  la  poulie.  L'émé- 
rillon  est  employé  non  seulement  dans  la  pêche  au  vif, 
mais  encore  pour  la  pêche  avec  le  tue-diable,  la  cuiller, 
dans  la  pêche  au  passé. 

m.  Ornithologie.  —  Nom  vulgaire  du  Falco  litho- 
falco  ou  Msalon  (Briss.),  type  du  genre  JEsalon  (V.  ce 
mot  et  Faucon). 

ÉMERINGES.  Com.  du  dép.  du  Rhône,  arr.  de  Yille- 
franche-sur-Saône,  cant.  de  Beaujeu;  416  hab. 

ÉMERSION  (Astron.).  Réapparition  d'un  astre  caché 
momentanément  par  un  autre,  lorsque  le  premier  était 
éclipsé  (V.  Eclipse),  ou  encore  s'il  était  occulté  par  la 
lune.  L'émersion  est  la  sortie  de  l'ombre,  tandis  que  Yim- 
mersion  est  au  contraire  l'entrée  dans  l'ombre. 

EMERSON.  Ville  du  Canada,  prov.  de  Manitoba,  sur  la 
rive  droite  de  la  rivière  Rouge,  affluent  du  lac  Ouinipeg. 
Elle  a  été  fondée  par  les  mennonites. 

EMERSON  (William),  mathématicien  anglais,  né  à  Hur- 
worth  (comté  de  Durham)  le  14  mai  1701,  mort  à  Hur- 
worth  le  20  mai  4782.  Fils  d'un  maître  d'école,  il  tint  lui- 
même,  durant  quelques  années,  une  pension,  mais  ne  tarda 
pas  à  se  consacrer  tout  entier  à  l'étude,  se  contentant 
des  revenus  d'un  patrimoine  très  modique.  Il  acquit  ainsi 
de  profondes  connaissances  en  mathématiques  et  en  mé- 
decine et  cultiva  aussi  la  musique.  Il  a  laissé  vingt-cinq 
ouvrages  sur  les  mathématiques,  l'astronomie  et  la  physique; 
il  convient  de  citer  plus  particulièrement  les  suivants  : 
Fluxions  (1748  ;  3«  éd.,  1768)  ;  Eléments  oftrigono- 
metry  (1749;  2«  éd.,  1764)  ;  Principles  of  Meclianics 
(1754  ;  5^  éd.,  1825)  ;  Navigation  (1755)  ;  Treatise  on 
algebra  (1764);  The  Arithmetic  of  Infinités  (1767); 
Eléments  of  optics  (1767)  ;  The  Laws  of  centripetal 
and  centrifugal  force  (1769)  ;  A  System  of  Astronomy 
(illO);  Tracts  (illO),  etc.  L.  S. 

EMERSON  (Ralph-Waldo),  philosophe  et  littérateur 
américain,  né  à  Boston  le  25  mai  1803,  mort  à  Concordle 
27  avr.  1882.  Fils  d'un  ministre  unitairien,  il  se  destina 
de  bonne  heure  à  la  même  profession  que  son  père,  prit  ses 
degrés  à  l'université  de  Harvard  où  il  étudia  la  théologie  et 
devint  pasteur  d'une  église  unitairienne  de  Boston.  Mais  il 
renonça  bientôt  à  cette  profession  et  se  retira  en  1835  à 
Concord  où  il  se  consacra  entièrement  à  l'enseignement  au 
moyen  de  conférences  publiques  et  à  la  composition  de  ses 
ouvrages.  Il  écrivait  en  même  temps  dans  plusieurs  revues 
(Christian  Examiner,  North  American  Review,  Chris- 
tian Review,  etc,)  et  fonda  lui-même  une  revue  de  philo- 
sophie religieuse,  T/iéîDmLLes  premiers  ouvrages  d'Emerson 
ont  un  caractère  purement  philosophique  :  Man  thinking 
(Boston,  1837);  Literary  Ethics  (ici.,  1838);  Nature 
(id.,  1839),  ouvrage  qui  fit  grand  bruit,  plusieurs  fois 
réimprimé;  Lectures  on  the  Times;  Method  of  nature,  and 
man  the  reformer  (id.,  1841);  Essays  on  the  nature 
(id.,  1841-44,  trad.  en  franc.,  1865,  2  vol.  in-12)  ;  On 
New  England  reformers  (id.,  1844).  A  la  suite  d'un 
voyage  en  Angleterre  (1848)  qui  lui  permit  de  voir  de  très 
près  les  hommes  et  les  choses  de  l'ancien  monde  et  éveilla 
en  lui  des  qualités  maîtresses  de  psychologue,  il  écrivit 
l'ouvrage  célèbre  qui  lui  a  valu  le  titre  de  «  Carlyle 
américain  »  :  Essays  on  Représentative  Men  (Londres, 
1849;  Boston,  1850,  traduit  en  parîie  en  français  dans 
la  Revue  de  Paris  par  M.  Alf.  Hédouin,  et  en  entier 
par  M.  Boulogne;  Paris,  1863).  Dans  cet  ouvrage, 
Emerson  étudie  certains  personnages  historiques  considérés 
comme  types  d'une  qualité  particulière  élevée  jusqu'à  l'idéal. 
Emerson  a  encore  écrit  un  ouvrage  sur  les  mœurs  anglaises 


English  Traits  (Boston,  1856)  ;  enfin,  The  Conduct  of 
Life  (1860)  ;  l'oraison  funèbre  du  président  Lincoln 
(1865);  Society  and  Solitude  (Boston,  1870);  Letters 
and  Social  Aims  (1875)  et  quelques  poésies  :  Parnassus, 
Selected  Poems  (1871).  M.  Em.  Montégut  a  traduit  sous 
le  titre  d'Essais  de  philosophie  américaine  plusieurs 
opuscules  d'Emerson.  Th.  Buyssen. 

BiBL.  :  Alex.  iREhA^B ,  Ralph  Waldo  Emerson,  a  biogr. 
sketch;  Londres,  1882.  — Holmes,  J^.  VT.E.;  Londres,  1885. 

EMERY  (Josiah),  constructeur  de  chronomètres,  né  à 
Chardonne  (Vaud)  vers  1730,  mort  à  Londres  le  2  juil. 
1794.  On  ne  sait  presque  rien  de  sa  vie  si  ce  n'est  qu'il 
s'établit  en  Angleterre  et  y  devint  le  plus  célèbre  construc- 
teur de  chronomètres  de  son  temps.  11  rendit  ainsi  désignâ- 
tes services  à  la  science  et  à  la  marine.  A  sa  mort  il  ne 
laissa,  dit-on,  qu'une  guinée  pour  toute  succession.     E.  K. 

ÉMERY  (Jacques-André),  né  à  Gex  en  1732,  mort 
en  1811.  Il  entra  dans  la  Société  des  Prêtres  de  Saint- 
Sulpice  en  1750,  et  il  en  fut  nommé  supérieur  général  en 
1782.  Après  le  rétablissement  des  cultes,  il  fut  choisi  par 
l'archevêque  de  Paris  comme  grand  vicaire  ;  en  1808,  il  fut 
nommé  conseiller  de  l'Université,  et  il  obtint  la  réouver- 
ture du  séminaire  de  Saint-Sulpice  (V.  Sulpiciens).  — 
OEuvres  principales  :  Pensées  de  Leibnitz  sur  la  reli- 
gion  et  la  morale  (Paris,  1772  et  1803,  2  vol.  in-12)  ; 
Exposition  de  la  doctrine  de  Leibnitz  sur  la  religion 
(Paris,  1819,  posthume)  ;  Christianisme  de  Racon 
(Paris,  1779,  2  vol.  in-12);  Défense  de  la  Révélation 
d'Euler  (Paris,  1805)  ;  Pensées  de  Descartes  sur  la 
religion  et  la  morale  (Vsiris,  1811,  in-8)  ;  Esprit  de 
sainte  Thérèse  (Lyon,  1774,  1779,  1820,  2  vol.  in.l2); 
articles  dans  les  Annales  philosophiques.      E.-H.  V. 

ÉMERY(Ant.-François),  graveur  français  (V.  Hémery). 

ÉMERY  (Edouard-Félix-Etienne),  chirurgien  français, 
né  à  Lemps  (Dauphiné)  le  25  juin  1788,  mort  à  Paris  en 
mars  1856.  Il  prit  part  aux  deux  campagnes  de  France  en 
qualité  de  chirurgien  de  la  garde  impériale,  obtint  en  1830 
la  chaire  d'anatomie  de  l'Ecole  des  beaux-arts,  puis  un 
service  à  Saint- Louis,  enfin  devint  en  1835  membre 
titulaire  de  l'Académie  de  médecine.  Ses  nombreux  tra- 
vaux sur  la  chirurgie,  l'hygiène  publique,  les  maladies  de 
la  peau,  etc.,  sont  disséminés  dans  les  recueils  périodiques 
de  l'époque.  D''  L.  Hn. 

EMES  (Thomas),  illuminé  anglais,  mort  à  Londres  le 
23  déc.  1707.  Affilié  aux  Camisards,  il  s'acquit  à  Londres 
une  grande  popularité  en  prophétisant.  Il  avait  même  prédit 
la  date  de  sa  résurrection,  et  le  gouvernement  dut  interdire 
l'accès  du  cimetière  où  il  était  enterré  pour  prévenir  des 
troubles.  Il  a  écrit  :  A  Dialogue  between  alkali  and  acid 
(Londres,  1698,  in-8),  où  il  donna  l'alcali  comme  cause 
et  l'acide  comme  remède  de  toutes  les  maladies;  A  Letter 
to  a  gentleman  concerning  alkali  and  acid  (Londres, 
1700',  in-8)  ;  The  Atheist  turned  Deist  and  the  Deist 
turned  Christian  (Londres,  1698,  in-8). 

^..é-r.Mr   T   n  V         JEquiv.  C^SH^OAz^O^o 

EMETINE.  L  Chimie.  —  Form.  l  ^^^^  0?^''^ kz^O^ . 

L'émétine  est  un  alcaloïde  retiré  en  1817  par  Pelletier 
du  Cephalis  ipecacuanha  (Kuh'mœes).  Magendie  a  cons- 
taté qu'elle  représente  le  principe  vomitif  de  l'espèce  du 
Brésil.  Lefort  et  F.  Wurtz  sont  parvenus  à  l'obtenir  à 
l'état  cristallin,  en  passant  par  l'azotate  d'émétine,  sel  peu 
soluble  dans  l'eau.  Le  procédé  d'extraction  de  Glénard  con- 
siste à  mélanger  la  poudre  d'ipéca  avec  de  la  chaux,  à 
épuiser  le  mélange  par  l'éther  ;  on  distille  ce  dernier  ;  on 
reprend  le  résidu  par  l'eau  accidulée  et  on  précipite  par 
l'ammoniaque.  Le  rendement  est  tout  au  plus  de  i  °/o. 
L'émétine  est  blanche,  cristalline,  relativement  assez  soluble 
dans  l'eau,  soluble  dans  les  dissolvants  usuels  :  alcool, 
éther,  chloroforme,  sulfure  de  carbone,  huiles  essen- 
tielles, etc.  Sa  saveur  est  amère  et  désagréable  ;  il  en  est 
de  même  de  ses  sels,  qui  sont  à  la  fois  solubles  dans  l'eau 
et  dans  l'alcool.  -  Le  chlorhydrate,  C^^^'kzW^mCU 
est  cristallisé   (Glénard).   —   Vazotate,  C^'^R'^^Az^^O^^ 


ÉMÉTINE  —  ÉMIGRANT 


904  — 


-i-2AzH0^,  est  en  cristaux  qui  exigent  100  p.  d'eau  pour 
le  dissoudre  à  la  température  ordinaire.  Ed.  Bourgoin. 
II.  Thérapeutique  (V.  Ipécacuanha). 
BiBL.  :  BuciiNER,  Rép.  de  pharm.,  t.  VII,  289.  —  Dumas 
et  Pelletier,  An.  ch.  et  phys.,  1823,  t.  XXIV,  180.  — 
Glénard,  Journ.  ph.  et  ch.,  t.  XXII,  175  (4).  —  Lefort 
et  F.  Wurtz,  id.,  t.  XXVI,  16;  Soc.  ch.^  t.  XXIX,  469.  - 
Magendie  et  Pelletier,  Ann.  ch.  et  phys.,  t.  IV,  172  (2). 
ÉMÉTIQUE.  I.  Chimie.  —  L'émétique,  tartre  stibié, 
tartrate  d'antimoine  et  de  potasse,  se  préparait  autrefois  en 
faisant  bouillir  dans  20  parties  d'eau  3  p.  de  crème  de 
tartre  et  2  p.  de  verre  d'antimoine  pulvérisé  ;  on  évaporait 
à  siccité,  on  reprenait  par  l'eau  bouillante  et  la  liqueur 
donnait  à  l'évaporation  des  cristaux  d'émétique.  Soubeiran 
a  substitué  à  ce  mode  opératoire  le  procédé  suivant  : 

Protochlorure  d'antimoine  sec 400 

Sesquicarbonate  d'ammoniaque 80 

Eau  distillée 4,000 

On  dissout  le  sel  d'ammonium  dans  l'eau,  on  ajoute  le 
chlorure  d'antimoine  et  on  fait  bouillir  le  tout  pendant  une 
demi-heure,  en  ajoutant  de  temps  en  temps  un  peu  d'eau. 
La  liqueur  étant  encore  légèrement  alcaline,  on  laisse  dé- 
poser et  on  recueille  le  précipité  d'oxyde  d'antimoine  qu'on 
fait  sécher.  On  prend  alors  : 

Oxyde  d'antimoine  sec 75 

Bitartrate  de  potassium 400 

Eau  distillée 700 

On  broie  les  deux  sels  avec  2  Htres  d'eau  bouillante  pour 
former  une  pâte  demi-liquide  qu'on  abandonne  à  elle-même 
pendant  vingt-quatre  heures  ;  on  ajoute  le  reste  de  l'eau  et 
on  fait  bouillir  jusqu'à  dissolution  complète  en  remplaçant 
l'eau  au  fur  et  à  mesure  qu'elle  s'évapore  ;  on  filtre  et  on 
concentre  jusqu'à  4,24  de  densité.  Par  le  refroidissement, 
l'émétique  cristallise.  L'émétique  est  alors  en  octaèdres 
rhombiques,   incolores,  inodores,  transparents,    retenant 
un  équivalent  d'eau.  Il  s'efïleurit  à  l'air,  possède  une  sa- 
veur acre  et  désagréable.  Il  se  dissout  dans  44  p.  d'eau 
froide  et  dans  un  peu  moins  de  2  p.  d'eau  bouillante.  La 
solution  aqueuse  rougit  faiblement  le  papier  de  tournesol  ; 
traitée  par  l'hydrogène  sulfuré,  elle  donne  lieu  à  un  pré- 
cipité rouge  orangé  caractéristique.  Ed.  Bourgoin. 
II.  Thérapeutique  (V.  Antimoine,  t.  III,  p.  245). 
ÉMEU  (Ornith.).  Les  Emeus  (Dromains  V.)  qui  ap- 
partiennent à  l'ordre  des  Struthioniens,  des  Brévipennes  ou 
des  Coureurs  (V.  ce  mot),  ont  été  souvent  confondus  avec 
les  Casoars  (V.  ce  mot),  mais  se  distinguent  facilement  de 
ces  derniers  oiseaux  par  leur  tête  dépourvue  de  casque  et 
par  leur  corps  couvert  d'un  pelage  terne,  d'un  blanc  jau- 
nâtre, rayé  de  brun  ou  de  noir  chez  les  jeunes,  d'un  brun 
grisâtre  tacheté  de  noir  chez  l'adulte.  Par  leur  costume 
ils  rappellent  un  peu  les  Autruches,  mais  ils  ont  des  formes 
plus  lourdes,  une  tête  plus  grosse,  portée  sur  un   cou 
moins  allongé,  des  pattes  plus  courtes,  plus  épaisses,  tou- 
jours emplumées  jusque  dans  le  voisinage  de  l'articulation 
tibio-tarsienne  et  terminées  par  trois  doigts  munis  d'ongles 
puissants.  En  outre,  leur  corps  ne  présente  en  arrière 
aucun  rudiment  de  queue,  et  les  plumes  qui  s'insèrent 
sur  leurs  membres  antérieurs,  presque  entièrement  atro- 
phiés, ne  diffèrent  pas  des  plumes  avoisinantes.  Celles-ci 
offrent  d'ailleurs  une  structure  particulière  ;  elles  ont  des 
barbes  piliformes  et  isolées  et  se  trouvent  réunies  deux  à 
deux  sur  la  même  tige.  Enfin,  il  existe,  chez  les  Emeus 
des  deux  sexes,  sur  le  devant  du  cou,  une  poche  qui  com- 
munique avec  la  trachée  et  qui  contribue  probablement  à 
donner  à  la  voix  de  l'oiseau  un  son  guttural.  Les  Emeus  ne 
se  trouvent  qu'en  Australie.  Jadis  il  y  en  avait  trois  es- 
pèces, le  Dromains  Novœ-Hollandiœ  (Lath.),  habitant 
l'E.  du  continent,  le  D.  irroratvs  (Bennet),  vivant  dans 
le  S.  et  l'O.,  et  le  D.  ater  V.  cantonné  dans  l'île  des 
Kangourous  ou  île  Decrès  ;   mais  cette  dernière  espèce  a 
été  complètement  anéantie  au  commencement  de  ce  siècle. 
La  seconde  espèce  est  assez  rare,  la  première  au  contraire 
très  commune  dans  les  jardins  zoologiques  de  l'Europe  où 
elle  se  reproduit  sans  difficulté.  Les  jeunes  supportent  bien 


notre  climat  et  sont  élevés  par  les  mâles  qui  s'étaient  déjà 
chargés  des  soins  de  l'incubation.  Chaque  couvée  com- 
prend une  douzaine  d'œufs,  La  multiplication  en  captivité 


Emeu. 

de  l'Emeu  de  la  Nouvelle-Hollande  assurera  sans  doute  la 
conservation  de  cette  espèce  remarçîuable  qui  était  assurée 
d'une  destruction  prochaine  par  suite  de  la  chasse  effrénée 
dont  elle  était  l'objet  dans  son  pays  natal.     E.  Oustalet. 

BiBL.  :  PÉRON,  Voyage  aux  terres  australes^  1807-1816, 
pi.  36  et  41.  —  J.  GouLD,  Birds  of  Australia,  1848,  t.  VI, 
pi.  1.  —  Bartlett,  Trans.  Zool.  Soc.  Lond.^  t.  IV,  pi.  73 
et  76. 

ÉMEVILLE.  Com.  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de  Senlis, 
cant.  de  Crépy;  474  hab. 

EMFRAS.  Ancienne  ville  de  l'Abyssinie,  province  de 
Béghamider,  à  une  faible  distance  du  lac  Dembéa,  vers  l'E. 
Bruce  en  donne  la  description  suivante  :  «  La  ville  d'Em- 
fras  est  sur  une  haute  montagne.  Les  maisons,  au  nombre 
de  trois  cents,  sont  à  mi-côte,  faisant  face  au  S.  D'Em- 
fras,  on  voit  aisément  tout  le  lac.  Le  roi  d'Abyssinie  rési- 
dait autrefois  dans  cette  ville;  Emfras  est  par  42*^  42^  38^'' 
de  lat.  N.,  et  par  37^  38'  30'''  de  long.  E.  de  Greenwich.  » 

ÉMIÉYILLE.  Com.  du  dép.  du  Calvados,  arr.  de  Caen, 
cant.  deTroarn;  452  hab. 

ÉMIGRANT  (Jeu).  Deux  disques  de  bois,  d'ivoire  ou 
de  métal  réunis  au  centre  par  un  petit  boulon  percé 
perpendiculairement  à  son  axe  d'un  trou  dans  lequel  par 
un  nœud  est  fixé  un  cordonnet,  tel  est  l'appareil  qui  sert 
au  jeu  dit  de  Vémigrant.  Le  joueur  enroule  ce  cordon- 
net autour  du  boulon,  saisit  entre  le  pouce  et  l'index  le 
bout  resté  libre  et  laisse  tomber  l'objet  qui  remonte  au 
point  d'où  il  était  parti  en  vertu  de  la  force  de  rotation 
acquise.  Un  petit  coup  sec  du  poignet,  quand  l'appareil 
touche  de  nouveau  à  l'extrémité  de  sa  chute,  permet  au 
mouvement  ascensionnel  et  vice  versa  de  se  répéter 
indéfiniment  en  acquérant  une  intensité  croissante.  C'est 
dans  les  premiers  temps  de  la  Révolution  française  que  ce 
jeu  compta  quelques  jours  de  vogue.  Dans  le  monde  aris- 
tocratique, il  supplanta  le  bilboquet  bien  suranné  depuis 
Henri  ÏII,  et  son  nom  à'émigrant  semble  avoir  été  une 
allusion  à  la  fureur  d'émigration  qui,  à  cette  époque,  poussa 


—  905  — 


ÉMIGRANT  —  ÉMIGRATION 


toute  une  partie  de  la  population  hors  du  pays  jusque  dans 
les  bras  de  l'étranger.  D'un  assez  médiocre  intérêt,  le  jeu 
de  rémigrant  n'a  joui  que  d'une  faveur  fort  éphémère.  Ce 
fut  affaire  de  mode  tout  au  plus.  Il  est  tombé  en  désuétude 
aujourd'hui.  ^"  Collineau. 

ÉMIGRATION.  Généralités.—  L'émigration  est  l'acte 
par  lequel  un  homme  abandonne  sa  patrie,  sans  esprit  de 
retour,  pour  s'établir  dans  un  autre  pays.  A  toutes  les 
époques  et  partout  il  y  a  eu  des  transferts  de  population. 
Mais  ils  se  produisent  selon  des  modes  tout  à  fait  différents, 
selon  le  degré  de  civihsation  de  la  société  à  laquelle  appar- 
tiennent les  émigrants.  Lorsqu'il  s'agit  d'une  société  jeune, 
dont  l'évolution  est  peu  avancée,  où  l'Etat  n'est  pas  forte- 
ment constitué,  où  l'adhérence  de  la  nation  au  sol  n'est 
pas  complète,  nous  voyons  se  produire  des  émigrations  en 
masse.  11  est  malaisé  à  un  individu  d'émigrer  :  les  voyages 
sont  rares  ;  on  connaît  mal  les  contrées,  même  voisines; 
l'étranger  est  l'ennemi;  sorti  de  sa  cité,  du  territoire 
national,  l'homme  n'a  plus  de  garantie,  pas  de  justice  à 
espérer  ;  il  est  hors  du  droit,  de  la  loi  religieuse  comme  de 
la  loi  civile.  L'émigration  isolée  est  donc  exceptionnelle, 
surtout  dans  les  classes  inférieures  ;  on  ne  se  déplace 
qu'en  masse,  pour  la  colonisation  ou  pour  une  migration 
qui  entraîne  le  peuple  entier.  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de 
parler  des  migrations  proprement  dites,  par  lesquelles  des 
tribus  ou  des  peuples  se  sont  déplacés.  On  sait  d'ailleurs 
que  la  vie  nomade  peut  être  regardée  comme  une  des 
phases  de  l'évolution  sociale  ;  bien  que  les  nomades  par- 
courent en  général  un  territoire  défini,  il  est  évident  que 
leur  mode  d'existence  les  prépare  à  des  déplacements  même 
très  lointains.  L'histoire  est  pleine  du  récit  de  ces  grands 
mouvements  de  peuples  qui,  le  plus  souvent,  étaient  accoin- 
pagnés  de  guerres.  Rappelons  la  migration  ou  l'invasion 
des  Scythes  en  Asie  Mineure  au  vi^  siècle  av.  J.-C,  celle 
des  Pasteurs  en  Egypte  vers  le  xxi^  siècle,  celle  des  Philistins 
en  Palestine  au  xiii^ siècle  av.  J.-C;  la  série  des  invasions 
et  migrations  qui  décidèrent  au  iv^  et  au  v^  siècle  de  notre 
ère  l'effondrement  de  l'empire  romain  fut  la  consé- 
quence du  déplacement  des  Huns  vers  l'Occident.  Plus 
récemment,  des  faits  analogues  se  sont  produits  dans  l'Asie 
centrale  et,  pour  nous  en  tenir  aux  races  européennes  civi- 
lisées, rappelons  l'émigration  des  Mormons  se  transportant 
de  Nauvoo  sur  les  rives  du  grand  Lac  Salé,  celles  des  Boers 
reculant  devant  la  domination  anglaise  au  delà  de  l'Orange, 
puis  du  Vaal.  Ces  phénomènes  sociologiques  très  curieux 
seront  étudiés  dans  l'art.  Migration. 

Nous  ne  traiterons  que  sommairement  des  émigrations 
coloniales,  les  plus  importantes  de  toutes  cependant,  nous 
en  référant  à  ï'art.  Colonisation.  Indiquons  seulement  en 
quelques  mots  les  modifications  successives  dans  le  mode 
d'émigration.  Dans  l'enfance  des  peuples,  c'est,  comme  nous 
venons  de  le  dire,  un  mouvement  en  masse;  la  nation 
entière  ou  une  fraction  considérable  quitte  ses  foyers. 
Dans  cette  période,  l'émigration  est  armée  et  a  tous  les 
caractères  d'une  conquête  ;  elle  a  pour  cause  l'infécondité 
du  sol,  l'excès  de  population,  l'esprit  d'aventures.  La  con- 
quête détermine  à  son  tour  par  contre-coup  des  émigra- 
tions considérables,  et  les  répercussions  peuvent  être  nom- 
breuses. Ainsi  dans  la  Grèce  ancienne,  vers  le  x^  siècle 
av.  J.-C,  l'invasion  des  Doriens  émigrant  du  N.  au  S.  du 
golfe  de  Corinthe  et  refoulant  les  Achéens  de  l'Argolide  et  de 
la  Corinthie  détermina  l'émigration  de  ces  Achéens  vers  le 
littoral  septentrional  du  Péloponèse  (Achaïe),  d'où  ils  chas- 
sèrent les  Ioniens,  lesquels  émigrèrent  en  Asie  Mineure. 
Il  nous  faut  également  rappeler  les  transplantations  de 
peuples  vaincus  opérées  par  les  grands  conquérants  asia- 
tiques ;  l'exemple  le  plus  fameux  est  celui  des  Juifs  qui, 
durant  la  captivité  de  Babylone,  durent  quitter  la  Pales- 
tine pour  s'établir  dans  la  Mésopotamie.  Plus  tard,  dans 
les  moments  des  grandes  crises  politiques  ou  religieuses,  il 
y  eut  de  grandes  émigrations  déterminées  par  les  causes 
morales.  Les  vaincus  refusant  de  se  soumettre  aux  idées 
du  vainqueur,  bien  que  de  même  race,  s'exilèrent  en  masse 


ou  individuellement,  souvent  pour  fonder  des  colonies. 
D'autres  fois,  la  minorité  dissidente  fut  expulsée.  Le  pre- 
mier cas  fut  celui  des  Parthéniens  de  Laconie  qui  fondèrent 
Tarente,  des  colons  puritains  du  Massachusetts  ou  catho- 
liques de  Pennsylvanie,  des  protestants  français  après  la 
révocation  de  l'édit  de  Nantes  ;  le  second  cas  fut  celui  des 
Juifs  et  des  Morisques  espagnols.  Ces  expatriations  sont 
devenues  rares  avec  les  progrès  de  la  civilisation  et  l'orga- 
nisation des  grands  Etats  modernes.  Mais  l'émigration  indi- 
viduelle et  spontanée  est  devenue  plus  facile  et  plus  fré- 
quente par  les  progrès  des  relations  internationales,  des 
échanges,  la  multiplication  des  moyens  de  transport  et  par 
la  sécurité  que  la  législation  internationale  garantit  à 
chacun  hors  de  son  pays. 

Nous  étudierons  principalement  ici  les  faits  relatifs  à 
l'émigration  des  races  européennes.  Nous  ferons  d'abord 
un  historique  sommaire  des  émigrations  européennes  jus- 
qu'à la  période  contemporaine  qui  est  l'objet  propre  de 
cette  étude.  Nous  placerons  à  la  fin  un  exposé  des  faits 
essentiels  relatifs  à  l'émigration  africaine,  indoue  et  chi- 
noise qui  fut  généralement  provoquée  ou  dirigée  et  régle- 
mentée par  les  puissances  européennes.  Nous  aborde- 
rons ensuite  l'analyse  des  faits  relatifs  à  l'émigration  chez 
les  différentes  nations  européennes  exposant  successivement 
la  statistique,  le  nombre,  la  nature  et  la  qualité  des  émi- 
grants ;  les  lieux  de  destination  de  l'émigration  ;  le  trans- 
port des  émigrants,  puis  nous  aborderons  les  considéra- 
tions morales,  causes  et  conséquences  de  l'émigration,  et 
nous  examinerons  l'intervention  des  pouvoirs  publics  et  la 
législation  relative  aux  émigrants  en  France  et  à  l'étranger. 

Historique.  —  Dans  l'antiquité,  l'émigration  se  confond 
soit  avec  les  migrations  dont  il  sera  parlé  en  un  autre  lieu 
(V.  Migration),  soit  avec  la  colonisation.  Ainsi,  la  fonda- 
tion de  l'Etat  carthaginois  fut  le  résultat  d'une  émigration 
considérable  qui  créa  le  peuple  mixte  des  Libyphéniciens  ; 
de  Carthage,  des  mouvements  analogues  se  produisirent 
notamment  vers  l'Espagne  méridionale.  L'émigration  tient 
dans  l'histoire  grecque  une  place  essentielle  ;  on  a  dit 
comment  la  race  grecque  s'établit  sur  les  rivages  de  l'Asie 
Mineure,  de  l'Italie  méridionale  (V.  Colonisation).  Ces  émi- 
grations eurent  des  causes  multiples  :  invasions  de  tribus 
voisines  ;  excès  de  population  ;  dissidences  politiques  ;  plan 
de  colonisation  conçu  par  les  gouvernants.  Roscher  a  énu- 
méré  les  principales  :  «  Les  établissements  des  Eoliens  et 
des  Ioniens  sur  la  côte  d'Asie  et  les  îles  de  la  mer  Egée  ont 
été  créées,  dit-il,  par  les  anciens  maîtres  du  Péloponèse, 
lorsqu'ils  durent  se  retirer  devant  les  invasions  des  Héra- 
clides  venant  du  N.  de  la  Grèce...  Lorsque,  quelques  siècles 
plus  tard,  la  défaite  des  Messéniens  assura  la  suprématie 
de  Lacédémone,  les  plus  indépendantes  des  races  soumises 
se  décidèrent  à  aller  chercher  une  patrie  libre  de  l'autre 
côté  de  la  mer,  et  les  conquérants  eux-mêmes  favorisèrent 
ce  mouvement...  Tarente  paraît  avoir  été  fondée  parles 
Parthéniens,  c.-à-d.  par  les  enfants  naturels  de  Sparte 
auxquels  le  parti  dominant  de  l'époque  avait  refusé  la 
plénitude  de  leurs  droits  civils  et  politiques.  Un  refus  de 
même  nature  paraît  avoir  déterminé  l'expatriation  des 
Doriens-Epizéphy riens.  Il  est  également  probable  que  Cro- 
tone  et  Sybaris  doivent  leur  origine  aux  Périèqueslacédémo- 
niens  auxquels  la  mère  patrie  refusait  les  droits  complets 
de  citoyens.  La  création  de  Syracuse  est  due  à  une  famille 
considérable  de  la  puissante  aristocratie  corinthienne  des 
Backhiades  qui  s'était  compromise  poUtiquement  au  point 
de  ne  pouvoir  rester  à  Corinthe.  Les  Messéniens  opprimés 
se  sont  plus  d'une  fois  réfugiés  à  Reggio.  Il  ne  faut  pas 
oublier  les  Phocéens  qui,  chassés  de  leur  patrie  par  les 
Perses,  se  réfugièrent  à  Velia,  puis  à  Marseille.  » 

Les  émigrations  coloniales  des  Grecs  ont  été  le  plus 
souvent  organisées  avec  grand  soin  sous  la  direction  du 
gouvernement  métropolitain  ou  de  l'oracle  de  Delphes 
(V.  Divination).  Ce  n'étaient  pas  des  individus,  quelques 
familles,  qui  se  déplaçaient,  mais  une  société  complète  avec 
ses  chefs  divins  et  humains,  son  culte,  sa  législation,  son 


ÉMIGRATION 


906 


aristocratie  dirigeante  ;  elle  ne  changeait  pas  de  patrie, 
elle  allait  faire  revivre  la  sienne  ou  une  copie  de  la  sienne 
sur  une  terre  nouvelle. 

La  colonisation  romaine  fut  également  alimentée  par 
l'émigration,  mais  suivant  un  s};stème  un  peu  différent. 
Elle  l'ut  à  l'origine  surtout  militaire  ;  les  colons  furent 
recrutés  à  peu  près  exclusivement  parmi  les  pauvres  et 
restèrent  subordonnés  à  la  métropole.  Ils  ne  fondaient  pas 
une  patrie  nouvelle.  Aussi  la  colonisation  de  la  période 
romaine  républicaine  ne  comporte-t-elle  pas  de  véritable  émi- 
gration. Elle  se  faisait  par  terre  et  non  par  mer,  remarque 
importante.  Plus  tard,  à  l'époque  de  l'empire  romain,  il  se 
produisit  au  contraire  de  véritables  émigrations  favorisées 
par  le  gouvernement  et  grâce  auxquelles  furent  latinisées 
l'Afrique  septentrionale,  l'Espagne,  la  Gaule,  les  contrées 
alpestres,  la  Roumanie  actuelle.  Mais  ces  faits,  imparfaite- 
ment connus,  seront  étudiés  à  part. 

A  la  frontière  septentrionale  de  l'empire  romain  se  pro- 
duisaient constamment  des  migrations.  Nous  sommes  peu 
renseignés  sur  celles  de  Celtes  et  des  Gaulois  accomplies 
au  V®,  au  IV®  et  au  ni®  siècle  avant  l'ère  chrétienne.  Nous 
e  sommes  mieux  sur  celles  des  Cimbres  et  des  Teutons 
exterminés  par  Marins,  puis  des  Suèves  et  des  Helvètes 
refoulés  par  César.  On  sait  comment,  à  la  fin  du  iv®  siècle 
et  au  V®  siècle  de  l'ère  chrétienne,  l'empire  romain  finit 
par  être  incapable  de  contenir  les  barbares  germains  dont 
un  grand  nombre  de  tribus  vinrent  s'établir  sur  son  terri- 
toire (V.  M1GRA.T10N,  Barbares  [Invasion  des],  Celtes,  Ger- 
mains, etc.).  Les  Germains  subissaient  eux-mêmes  la  pous- 
sée des  Slaves  en  marche  vers  l'O.  Au  S.  et  à  l'E.  de 
la  Méditerranée,  les  invasions  arabes  s'accompagnent  de 
grandes  émigrations  qui  se  prolongent  fort  tard,  comme 
celle  des  Hillalites  par  exemple  (V.  Khalïfat).  Dans  l'Europe 
orientale,  les  mouvements  de  peuples  continueront  à  tra- 
vers tout  le  moyen  âge,  et  même  la  constitution  du  grand 
empire  russe  n'y  a  pas  mis  tout  à  fait  fin;  il  suffirait  de 
citer  le  fait  récent  de  l'exode  des  Tcherkesses.  Mais  on  doit 
regarder  tous  ces  déplacements  comme  de  véritables  migra- 
tions. De  même,  dans  l'Europe  centrale,  l'établissement  des 
Àvars,  puis  des  Magyars  sur  le  moyen  Danube.  Le  mouve- 
ment vers  rO.  fut  arrêté  par  les  Erancs  et  définitivement 
par  la  dynastie  carolingienne.  Cependant,  après  sa  déca- 
dence, nous  constatons  encore  les  invasions  normandes, 
émigrations  Scandinaves  à  main  armée  qui  établissent  des 
populations  nouvelles  en  Grande-Bretagne,  en  Irlande,  aux 
bouches  de  la  Seine,  dans  l'Italie  du  Sud  et  en  Sicile.  Les 
populations  de  l'Europe  occidentale  réagissent  ensuite  :  en 
Espagne  ellesrefoulent les  Maures;  en  Allemagne,  les  Slaves; 
enfin  les  croisades  ont  été  une  véritable  émigration  de  Fran- 
çais, d'Italiens,  d'Allemands,  vers  la  Syrie  et  la  Palestine. 
Il  se  fonda  au  xi®  siècle  une  série  de  colonies  européennes 
recrutées  par  une  émigration  continue  qui  les  soutint  jus- 
qu'au xni®  siècle  et,  en  Grèce,  jusqu'au  xv®  (V.  Croisade). 
Rarement  émigration  fut  plus  dispendieuse  et,  à  ce  point 
de  vue,  aucune  n'a  drainé  autant  d'hommes  dans  les  classes 
supérieures  d'une  société.  ■—  La  découverte  de  l'Amérique 
produisit  au  xvi«  siècle  un  renouveau  d'émigration,  et  depuis 
lors  les  populations  européennes  n'ont  cessé  de  s'expatrier 
vers  le  Nouveau-Monde.  Cette  émigration  est  un  des  faits 
les  plus  considérables  de  notre  histoire,  et  il  faut  y  insister 
d'autant  plus  que  ce  sont  ses  conséquences  actuelles  qui 
forment  l'objet  fondamental  de  cette  étude.  Ainsi  que  l'af- 
firme Gladstone,  «  il  ne  faut  pas  chercher  ailleurs  que  dans 
l'amour  de  l'or  la  cause  des  migrations  qui  ont  peuplé  les 
nouveaux  continents.  C'est  Vauri  sacra  famés  qui  a  sus- 
cité de  l'itahe,  de  l'Espagne,  de  la  France,  de  l'Angleterre, 
du  Portugal,  ces  aventuriers  pleins  de  vaillance  auxquels 
on  doit  la  fondation,  au  milieu  d'incroyables  dangers,  de 
la  puissante  république  de  l'Amérique  du  Nord  et  des  Etats 
de  l'Amérique  du  Sud.  Il  est  certain  que,  sans  cette  puissante 
amorce,  la  colonisation  de  ces  vastes  continents  n'eût  peut- 
être  jamais  eu  lieu.  Si  l'on  avait  dit,  en  effet,  aux  chefs 
des  premières  expéditions  qu'ils  allaient  dans  un  pays,  oti, 


au  lieu  des  métaux  précieux  qu'ils  attendaient,  ils  ne  trou- 
veraient que  misère  et  labeur,  pas  un  n'eût  quitté  le  foyer 
paisible  de  la  patrie.  » 

Nous  reviendrons  tout  à  l'heure  sur  cette  émigration 
transocéanienne.  Constatons-en  la  marche  générale.  Les 
passions  qui  poussaient  vers  le  Nouveau-Monde  les  aventu- 
riers du  xvi®  siècle  ayant  rencontré  de  grandes  désillu- 
sions, ce  mouvement  s'arrêta  au  xvii®  siècle.  A  ce  moment 
se  place  la  colonisation  officielle  et  concurremment  avec 
celle-ci  l'émigration  des  dissidents  religieux  vers  la  Nou- 
velle-Angleterre. Au  xviii®  siècle,  les  progrès  du  commerce 
et  les  relations  régulières  entre  l'Europe  et  l'Amérique 
créent  une  sorte  de  courant  d'émigration  vers  ce  continent 
encore  presque  vide  d'habitants.  Les  grandes  guerres  de 
la  Révolution  et  de  l'Empire  marquent  un  temps  d'arrêt; 
mais,  aussitôt  après,  l'émigration  prend  un  nouvel  essor. 
«  Le  monde  colonial  a  grandi  :  il  a  triomphé  des  périls  de 
l'acchmatation,  du  défrichement  et  de  l'hostilité  des  indi- 
gènes. Il  s'est  élevé  à  la  hauteur  d'une  société  régulière.  » 
(Legoyt.)  L'Amérique  espagnole  va  s'affranchir  et  s'ouvrir 
aux  travailleurs  européens.  La  navigation  a  fait  d'immenses 
progrès;  la  rapidité  et  la  sécurité  des  transports  se  sont 
accrues  en  même  temps  que  le  prix  s'abaissait.  Bientôt  la 
marine  à  vapeur  marquera  une  nouvelle  et  décisive  amélio- 
ration. D'autre  part,  la  législation  internationale  s'élabore  ; 
les  restrictions  opposées  à  l'émigration  par  les  gouver- 
nements tendent  à  disparaître.  Chaque  fois  qu'une  mau- 
vaise récolte  ou  une  crise  industrielle  privera  de  travail 
et  d'aliments  une  fraction  de  la  population,  elle  sera  tentée 
de  chercher  ailleurs  les  ressources  qui  lui  manquent.  Des 
sociétés  se  forment  pour  organiser  l'émigration.  A  partir 
de  18^20,  leur  action  grandit.  Elles  orientent  les  émigrants 
vers  l'Amérique  du  Sud  qui  a  grand  besoin  de  travail  libre, 
d'autant  que  la  traite  des  nègres  va  être  abolie.  Les  socié- 
tés d'assistance  pour  les  émigrants  se  multiplient;  les  gou- 
vernements des  pays  d'origine  et  des  pays  de  destination 
prennent  des  mesures  pour  les  protéger  efficacement;  de 
grandes  compagnies  de  navigation  abaissent  au  minimum 
le  prix  des  transport.  Enfin  des  causes  particulières 
accroissent  sans  cesse  le  nombre  des  partants.  Les  progrès 
des  moyens  de  transport  ont  beaucoup  rapetissé  le  monde 
dont  l'enseignement  de  la  géographie  vulgarise  la  connais- 
sance. Les  grandes  espérances  déçues  par  les  révolutions 
de  4830  et  "i  848,  les  crises  industrielles  et  agricoles  du 
milieu  du  siècle  (surtout  en  Grande-Bretagne  et  en  Irlande), 
les  persécutions  politiques  et  religieuses  (dans  l'Europe 
centrale,  en  Italie),  d'autre  part  l'enrichissement  prodi- 
gieux des  Etats-Unis  qui  deviennent  une  sort.e  d'Eldorado 
du  travailleur  lui  offrant  la  terre  à  bas  prix  et  des  salaires 
très  élevés,  la  découverte  des  mines  de  la  Californie  et 
d'Australie,  créent  de  puissants  foyers  d'attraction.  Ces 
causes  agissant  simultanément  ou  successivement  ont  donné 
un  extrême  développement  à  l'émigration  ;  elle  n'est  plus 
un  fait  accidentel,  se  produisant  à  la  suite  de  crises  natio- 
nales, de  bouleversements  politiques  ou  religieux,  mais  un 
fait  normal  et  permanent  qui  entraîne  chaque  année  un 
grand  nombre  d'hommes  à  changer  de  patrie.  C'est  là  un 
des  phénomènes  sociaux  les  plus  graves  de  notre  époque  et 
il  faut  l'analyser  avec  soin. 

L'histoire  nous  permet  de  constater  de  profondes  diffé- 
rences entre  les  tendances  des  divers  peuples  pour  ce  qui 
concerne  l'émigration.  Ces  tendances  sont  très  développées 
chez  les  populations  germaniques  et  chez  les  Anglo-Celtes 
qui  peuplent  les  Iles-Britanniques  ;  elles  le  sont  moins  chez 
les  races  latines  et  nul  n'émigre  moins  que  le  Français.  La 
France  est  bien  plutôt  un  foyer  d'attraction  pour  les  émi- 
grants des  contrées  voisines.  Quant  aux  Slaves,  ils  s'épan- 
chent sur  les  régions  asiatiques  conquises  par  la  Russie. 
Les  nègres  n'ont  émigré  que  contraints;  les  Chinois  au 
contraire  se  répandent  sur  les  rivages  du  Grand  Océan. 

Emigration  allemande,  La  race  germanique,  patiente 
et  laborieuse,  a  toujours  tendu  à  se  propager  au  delà  des 
frontières  territoriales.  On  sait  que  dès  l'époque  romaine 


-  907 


on  regardait  la  Germanie  comme  un  réservoir  de  peuples; 
après  les   migrations  qui  semblaient  l'éfmiser  quand  les 
O?trogoths,  les  Wisigoths,  les  Burgondes,  les  Saèves  , 
les  Lombards,  les  Francs,  etc.,  se  furent  établis  dans  l'an- 
cien empire  romain,  colles  de  ces  nations  qui  restaient  en 
contact  avec  la  Germanie  se  renouvelèrent  par  un  afflux 
continuel  d'éléments  barbares.   La  Grande-Bretagne  fut 
en  même  temps  occupée  par  des  émigrants  saxons,  angles 
et  jutes,  en  attendant  les  danois.  Les  Carolingiens  arrêtent 
le  mouvement  vers  l'O.  Aussitôt,  malgré  les  saignées 
effroyables  de  ces  guerres  d'extermination,  les  Allemands 
s'épanchent  vers  l'E.,  refoulant  les  Slaves.  Ce  mouvement 
(Drang  nach  Osten)  caractéristique  de  l'histoire  d'Alle- 
magne depuis  mille  années  s'opère  moins  par  une  poussée 
générale  reportant  à  l'est  l'ensemble  des  populations,  que 
par  une  colonisation  militaire  dont  les  agents  sont  recrutés 
dans  toute  TAllemagne.  Ce  sont  des  émigrants  venus  des 
provinces  les  plus  diverses  qui  fonderont  le  Brandebourg 
et  la  Prusse  (V.  Prusse).  Ce  ne  sont  pas  seulement  les  Ba- 
varois qui  peuplèrent  les  Marches  de  l'Est  (Autriche),  de 
Styrie,deCarinthie.  Le  commerce,  surtout  quand  fut  orga- 
nisée la  Hanse,  crée  de  véritables  colonies  allemandes  dans 
les  villes  de  la  mer  du  Nord,  de  la  Baltique,  de  la  Pologne 
et  de  la  Russie.  Les  grands  cataclysmes  du  xvi®  et  du 
XVII®  siècle,  des  guerres  de  religion  et  de  la  guerre  de  Trente 
ans  enrayent  l'émigration  allemande.  Cependant,  dès  cette 
époque,  elle  se  porte  vers  l'Amérique  du  Nord.  Quand  les 
Hollandais  fondent  sur  l'Hudson  la  Nouvelle- Amsterdam, ils 
appellent  des  Allemands,  leur  offrant  à  la  fois  la  liberté  de 
conscience  et  des  concessions  de  terres  ;  on  les  transporte, 
et  p.  leur  débarquement  on  leur  donne  des  vêtements,  des 
semences,  des  outils  agricoles,  à  titre  d'avances  rembour- 
sables sur  les  premières  récoltes.  Un  peu  plus  tard,  le 
quaker  Penn  s'adresse  aux  Allemands,  leur  offrant  des 
terres  au  prix  de  40  shillings  l'acre  sur  les  bords  de  la 
De!aware.  En  168^2,  se  crée  à  Francfort  une  société  de 
colonisation  qui  envoie  ^0  familles  sous  la  conduite  de 
Pastorius  ;    d'autres    suivent;    en  1710,    on   comptait 
4,000  mennonites  allemands  en  Pennsylvanie.  Lors  de  la 
grande  famine  de  1709,  la  reine  Anne  offrit  le  passage 
gratuit  et  des  terres  en  Amérique  aux  Allemands  cjui  vou- 
draient émigrer.  Il  s'en  présenta  32,000  qui  vinrent  à 
Londres.  On  ne  put  les  expédier  en  Amérique  ;  7,000  furent 
rapatriés,  d'autres  envoyés  en  Irlande,  ou  bien  aux  mines 
de  Sunderland;  un  tiers  mourut;    le   reste  fut  trans- 
porté en  Amériqu^î  dans  l'été  de  1710.  Dans  la  période 
suivante,  on  continua  de  recruter  des  Allemands  pour  les 
colonies  anglaises  ;  ils  furent  victimes  de  spéculateurs  qui, 
après   les  avoir  fait  venir,  les  vendaient  aux  enchères 
comme  de  véritables  esclaves.  Les  frères  moraves  amènent 
en  1741  un  élément  plus  homogène.  L'émigration  alle- 
mande était  toujours  très  forte;  en  1742,  on  comptait  en 
Pennsylvanie  près  de  moitié  d'Allemands  ou  fils  d'Allemands. 
Plus  on  avance,  plus  le  mouvement  s'accentue;  en  1739, 
il  passe  par  Philadelphie  22,000  émigrants  allemands  ;  de 
1772  à  1776,  il  aborde  plus  de  20  navires  d'émigrants 
allemands  dans  les  colonies  anglaises.  Au  xix^  siècle,  l'émi- 
gration allemande  est  encore  plus  considérable  (V.  ci-dessous 
§  Statistique), 

Les  souverains  autrichiens  ont  cherché  à  accroître  l'in- 
fluence de  l'élément  germanique  dans  les  provinces  orien- 
tales, en  faisant  appel  aux  émigrants.  Par  une  patente  du 
25  févr.  1763,  Marie-Thérèse  accorda  aux  colons  «  qui 
viendraient  s'y  établir  et  y  construire  une  maison  d'habi- 
tation, la  gratuité  des  frais  de  transport,  des  avances  en 
argent  remboursables  pour  moitié  en  cinq  ans,  une  cer- 
taine quantité  de  bois  de  chauffage  et  de  construction,  enfin 
l'exemption  de  tout  impôt  pendant  six  ans  pour  les  paysans 
propriétaires,  et  pendant  dix  ans  pour  les  simples  manœuvres . 
Des  agents  furent  ensuite  envoyés  dans  les  principales  villes 
d'Allemagne  pour  y  recruter  des  émigrants.  En  1768,  les 
terres  de  la  couronne  dans  le  Banat  furent  cadastrées  et 
partagées  entre  les  colons  dans  la  proportion  de  32  jochs 


ÉMIGRATION 

(1 8  hect.  42  cent.)  par  maison.  Dix  années  après,  30,000  per 
sonnes  s'y  étaient  établies  et  y  avaient  fondé  100  com- 
munes nouvelles.  »  Ce  mouvement  d'immisçration  officielle 
s'arrêta  lorsque  l'Etat  autrichien  suspendit  la  subvention. 
Joseph  II  reprit  le  plan  de  sa  mère,  et,  pour  attirer  les 
émigrai^ts  allemands,  il  leur  promit  des  terres,  des  avances 
en  argent,  l'exemption  du  service  militaire  pour  le  fils  aîné, 
l'exemption  de  tout  impôt  pour  dix-neuf  ans  et  une  liberté 
d€  conscience  absolue.  En  dix-huit  mois,  il  vint  5,663  fa- 
milles composées  de  25,896  personnes.  L'immigration  cessa 
faute  de  terre  et  faute  d'argent,  l'Etat  ayant  épuisé  ses 
ressources.  Ultérieurement,  le  gouvernement  autrichien  se 
montra  peu  favorable  aux  émigrants;  il  commença  par  re- 
fuser ceux  qui  n'avaient  pas  de  moyens  d'existence  assurés 
(1802)  et  à  partir  de  1805  ne  regut  même  plus  les  colons 
aisés.  Ce  n'est  qu'au  milieu  du  siècle  qu'il  revint  à  une 
politique  plus  libérale  (V.  §  Intervention  de  VEtat), 

La  Prusse,  qui  doit  son  existence  à  une  véritable  coloni- 
sation dut  encore  une  partie  de  ses  progrès,  au  xvii®  et  au 
xviii^  siècle,  à  la  protection  méthodique  que  ses  souverains 
accordèrent  aux  immigrants  étrangers.  Le  fait  est  remar- 
quable, puisque  la  Prusse,  qui  fut  un  pays  d'immigration, 
est  actuellement  un  des  principaux  centres  de  l'émigration 
européenne.  Au  xvii^  siècle,  elle  recueillit  successivement 
les  protestants  français  fuyant  devant  les  persécutions  de 
Louis  XIV,  les  Wallons  chassés  des  Pays-Bas,  les  Vaudois 
du  Piémont,  des  réformés  de  Suisse,  de  Bohème,  ceux  de 
Salzbourg  exilés  par  l'archevêque  Firmian.  Frédéric-Guil- 
laume dépensa  6  millions  de  thalers  pour  repeupler  avec 
des  Souabes  et  des  Suisses  sa  province  de  Prusse.  Pendant 
son  règne  et  celui  de  Frédéric  II,  l'immigration  ne  cessa 
d'être  un  des  principaux  soucis  du  roi.  Frédéric  H  attira  et 
établit  en  Prusse  au  moins  250,000  émigrants  venus  de 
tous  les  pays  d'Europe.  C'est  à  partir  de  l'annexion  des 
provinces  rhénanes,  pays  riches,  que  l'émigration  prussienne 
a  dépassé  l'immigration. 

D  une  manière  générale  pour  l'émigration  allemande,  le 
fait  capital  c'est  que  jusqu'au  xvii«  siècle  elle  fut  presque 
exclusivement  et  même  jusqu'au  siècle  actuel  prin- 
cipalement dirigée  vers  l'E.  et  continentale;  aujourd'hui 
elle  est  surtout  dirigée  vers  l'O.  et  transocéanique.  Pen- 
dant le  moyen  âge,  rappelons  la  colonisation  de  la  Prusse, 
des  duchés  de  la  Baltique,  d'une  partie  de  la  Pologne  ;  plus 
récemment,  des  colonies  allemandes  ont  été  établies  dans 
la  Russie  méridionale,  sur  la  Volga,  etc.  Catherine  II  et 
ses  successeurs  adressèrent  des  appels  réitérés  aux  émi- 
grants allemands.  De  même  en  Hongrie,  où  déjà  le  roi 
Geisa  H  les  attirait,  où  la  Transylvanie  en  fut  en  partie 
peuplée,  avant  les  entreprises  de  Marie-Thérèse  et  de  Jo- 
seph K  que  nous  citions  tout  à  l'heure.  Enfin,  à  notre 
époque  comme  dans  les  âges  précédents,  l'émigration  alle- 
mande est  surtout  agricole. 

Emigration  anglaise,  écossaise,  irlandaise.  Les  po- 
pulations de  langue  anglaise  se  sont  plus  que  toutes  autres 
répandues  sur  la  surface  du  globe.  Nulles  n'émigrent  da- 
vantage et  ne  profitent  plus  de  cette  tendance.  La  person- 
nalité énergique  des  Anglo-Saxons  s'affirme  ici.  Ils  n  ont 
pas  la  souplesse  des  émigrants  allemands;  ils  ne  peuvent 
comme  ceux-ci  subir  la  domination  étrangère;  aussi  ne  se 
transportent-ils  guère  que  dans  les  pays  où  ils  sont  les 
maîtres,  où  leur  langue,  leurs  mœurs,  leurs  institutions  ont 
été  implantées.  Dans  cette  émigration,  c'est  l'élément  cel- 
tique qui  l'emporte  par  le  nombre,  Irlandais,  Gallois,  Ecos- 
sais des  Highlands,  mais  pour  la  qualité  c'est  l'inverse. 
L'Irlandais  est  pauvre,  accepte  à  l'étranger  les  besognes 
intérieures,  s'emploie  comme  terrassier,  comme  domes- 
tique ;  il  améliore  sa  condition  par  l'émigration,  mais  sans 
sortir  de  la  condition  de  salarié  ;  son  ignorance  et  son  in- 
tempérance lui  nuisent.  Au  contraire,  l'émigrant  anglais  ou 
écossais  est  très  souvent  un  cadet  de  famille,  un  petit  fer- 
mier ou  un  petit  marchand.  H  n'est  pas  indigent  comme 
l'Irlandais,  d'autant  que  les  parents  subventionnent  en 
général  le  cadet  qui  s'expatrie.  Aussi  l'émigrant  anglais 


ÉMIGRATION 


—  908  — 


devient-il  à  l'étranger  fermier,  industriel,  commerçant  pour 
son  propre  compte,  ou  bien  contremaître  dans  une  grande 
industrie,  commis  dans  une  maison  de  commerce  ou  une 
entreprise  financière.  Beaucoup  pourtant  s'emploient  comme 
ouvriers  dans  les  mines  et  les  manufactures.  L'histoire  de 
l'émigration  anglaise  dans  le  passé  se  confond  avec  celle 
des  colonies  anglaises  et  a  été  donnée  dans  l'art.  Coloni- 
sation. On  trouvera  plus  bas  les  indications  relatives  à 
l'émigration  britannique  depuis  le  commencement  du 
XIX®  siècle.  Notons  seulement  que  l'émigration  irlandaise 
qui  est  la  plus  intense  l'a  toujours  été.  On  évalue  à  cinq 
millions  le  nombre  d'Irlandais  qui  se  sont  expatriés  au  xvii*^ 
et  au  xviii*^  siècle.  A  ce  moment  la  persécution  religieuse 
était  le  motif  capital.  On  sait  que  la  France  fut  alors  un 
des  foyers  d'attraction  de  l'émigration  irlandaise,  laquelle 
portait  surtout  sur  les  mâles,  et  que  notre  armée  comptait 
des  régiments  entiers  d»'Irlandais.  Depuis  il  s'est  dessiné  un 
grand  mouvement  d'émigration  des  Irlandais  vers  les  villes 
anglaises.  Nous  y  reviendrons.  L'Ecosse  a  de  même  pen- 
dant le  moyen  âge  et  aux  temps  modernes  envoyé  à  l'étran- 
ger, notamment  en  France,  beaucoup  de  ses  nationaux  ;  les 
crises  religieuses  et  politiques  du  xvi®  au  xvni*^  siècle  y  ont 
contribué  et  ont  eu  des  effets  analogues  en  Angleterre.  — 
Quant  à  l'immigration  étrangère  en  Angleterre,  elle  fut  assez 
mal  vue  ;  toutefois,  les  gens  des  Pays-Bas  appelés  par 
Edouard  III,  ceux  qui  fuyaient  les  persécutions  de  Phi- 
lippe II,  les  protestants  français  sous  Louis  XIV  ont  eu 
une  grande  part  à  la  fondation  de  l'industrie  anglaise.  Mais 
on  peut  dire  que,  sauf  ces  exceptions  et  abstraction  faite  des 
Irlandais,  l'immigration  en  Angleterre  est  insignifiante. 

Emigration  française.  L'émigration  française  est 
depuis  longtemps  extrêmement  faible,  relativement  à  l'émi- 
gration anglaise  et  allemande.  On  sait  qu'à  notre  époque 
elle  est  surpassée  par  l'immigration  des  étrangers  en  France. 
On  a  souvent  examiné  les  causes  qui  retiennent  le  Français 
chez  lui  :  attachement  au  sol  natal,  tutelle  administrative 
qui  lui  laisse  peu  d'initiative  et  le  prépare  mal  aux  risques 
de  la  vie  coloniale  ;  mais  la  cause  principale  est  certaine- 
ment le  bien-être  des  habitants  ;  ils  restent  chez  eux  parce 
qu'ils  s'y  trouvent  bien  ;  les  salaires  sont  relativement 
élevés  ;  nulle  part  autant  qu'en  France  le  luxe  n'est  vul- 
garisé, pour  ainsi  dire  ;  aussi,  comme  les  habitants  ont 
sagement  limité  l'accroissement  de  la  population,  mainte- 
nant l'équilibre  économique  et  social  qui  les  rend  heureux, 
surtout  dans  les  campagnes,  rien  ne  les  pousse  à  émigrer. 
Ce  sont  souvent  les  gens  les  moins  estimables  qui  vont 
chercher  fortune  ailleurs  ;  aussi  l'émigrant  français  qui  se 
porte  de  préférence  vers  les  villes  étrangères  est-il  trop 
souvent  tenu  en  médiocre  renommée.  Le  mouvement  même 
vers  nos  colonies  est  faible  et  c'est  là  une  des  préoccupa- 
tions de  nos  économistes  (V.  Colonisation).  Dans  le  passé, 
il  n'en  a  pas  toujours  été  ainsi.  Sans  remonter  jusqu'aux 
Gaulois,  qui  se  déplaçaient  très  facilement  et  avaient  peu- 
plé l'Italie  septentrionale,  la  Bavière  et  la  Bohême  et  jus- 
qu'à une  province  de  l'Asie  Mineure  (V.  Celtes),  nous 
avons  déjà  parlé  des  croisades.  C'est  par  des  émigrants 
français  que  furent  créées  en  Palestine  et  en  Syrie  des 
principautés  qui  se  maintinrent  durant  deux  siècles  et  por- 
tèrent dans  ces  régions,  puis  dans  l'ancienne  Grèce,  notre 
civilisation.  Les  Normands  qui  fondèrent  le  royaume  des 
Deux-Siciles  étaient  de  véritables  Français.  Enfin,  dans  le 
haut  moyen  âge,  il  y  eut  un  courant  ininterrompu  d'émi- 
gration française  au  S.  des  Pyrénées.  L'influence  de  l'abbaye 
de  Cluny  fut  pour  beaucoup  dans  ce  mouvement.  Il  se  créa 
en  Espagne,  du  xi®  au  xiv^  siècle,  un  grand  nombre  de 
communes  françaises,  sans  parler  du  royaume  de  Portugal. 
Plus  tard,  les  crises  religieuses  du  xvi®  et  du  xvii®  siècle 
déterminèrent  des  expatriations  très  considérables  :  celle 
des  Vauclois  (V.  ce  mot),  celle  des  réformés  français  qui 
fut  presque  continue  depuis  le  règne  de  François  l^^  jus- 
qu'à celui  de  Louis  XV.  La  ville  de  Genève  lui  dut  son 
importance.  De  -1549  à  4559,  cette  seule  ville  avait  reçu 
plus  de  5,000  réfugiés.  La  recrudescence  des  persécutions 


religieuses  sous  Louis  XIV  accentua  l'émigration  à  partir 
de  1663;  elle  devint  générale  après  la  révocation  del'édit 
de  Nantes.  En  quinze  années,  il  sortit  de  France  près 
de  300,000  personnes.  Vauban  parle  de  600  officiers, 
42,000  soldats  aguerris,  9,000  matelots,  les  meilleurs  de 
la  flotte.  On  peut  se  faire  une  idée  de  l'importance  de  cette 
émigration  en  songeant  que,  par  la  seule  ville  de  Genève, 
il  passait  des  centaines  de  fugitifs  chaque  jour.  En  cinq 
semaines  (août  4687),  on  en  compta  près  de  8,000.  Cette 
émigration  forcée  fut  un  désastre  national,  du  même  ordre 
que  celui  causé  à  l'Espagne  par  l'expulsion  des  Juifs  et 
des  Morisques.  C'est  le  plus  remarquable  exemple  de  ces 
exodes  motivés  par  la  persécution  religieuse  qui  furent  si 
fréquents  au  xvi^  et  au  xvii^  siècle.  Aussi  entrerons-nous 
dans  quelques  détails  en  reproduisant  le  tableau  dressé  par 
M.  Ch.  Haussoullier,  d'après  les  rapports  des  intendants 
que  Boulainvilliers  a  analysés.  «  D'après  ces  rapports,  la 
Provence  perdit  45,000  habitants.  On  n'a  pas  de  chiffre, 
même  approximatif,  sur  le  nombre  d'habitants  qui  sorti- 
rent du  Dauphiné  et  du  Languedoc,,  les  deux  provinces  du 
Midi  où  se  trouvaient  le  plus  de  réformés.  Cette  dernière 
province  seule  en  contenait,  assure-t-on,  200,000.  La  plu- 
part des  400,000  protestants  de  la  générahté  de  Bordeaux 
émigrèrent  ;  la  généralité  de  La  Bochelle  perdit  plus  du 
tiers  de  ses  habitants  ;  la  population  de  Lyon  descendit  de 
90,000  à  70,000  âmes.  La  Normandie,  la  province  du 
Nord  qui  contenait  le  plus  de  protestants,  perdit,  selon 
M.  Floquet,  484,000  habitants,  et  plus  de  26,000  de  ses 
habitations  devinrent  désertes.  Des  400  tanneries  de  la 
Touraine,  il  n'en  restait  plus  que  54,  en  4698,  et  cette 
province  vit  ses  8,000  métiers  à  soie  réduits  à  4,200, 
ses  700  moulins  à  soie  à  70,  ses  300  métiers  à  rubanà  à 
60,  ses  40,000  ouvriers  à  4,000  et  sa  consommation  de 
2,400  balles  de  soie  à  800  ;  les  48,000  métiers  de  Lyon 
furent  réduits  à  4,000  à  peine;  la  fabrique  de  dentelles 
d'or  et  d'argent  de  la  généralité  de  Paris  subit  une  grande 
diminution.  La  Champagne  fut  singulièrement  appauvrie  ; 
sur  4,842  métiers,  Reims  n'en  garda  que  950  ;  des  80  ma- 
nufactures de  lainages  de  Rethel,  il  n'en  restait  c[ue  38  ; 
à  Mézières,  les  408  métiers  à  serge  étaient  réduits  à  8  ; 
il  ne  restait  plus  que  2  ouvriers  dans  les  manufactures  de 
drap  de  Sézanne  ;  Sedan  souffrit  à  ce  point  que,  de  cité 
florissante  qu'elle  était,  elle  devint  pauvre  bourgade.  Les 
60  manufactures  de  papier  de  l'Angoumois  furent  réduites 
à  46.  Le  commerce  de  toiles  de  Bretagne,  qui  s'élevait  à 
Morlaix,  pour  les  toiles  fines  seulement,  à  4  millions  et 
demi,  fut  réduit  des  deux  tiers.  Dans  le  Maine,  les  manu- 
factures du  Mans,  de  Mayenne,  étaient  en  pleine  décadence; 
celle  de  Laval  fut  ruinée.  En  Normandie,  le  commerce  et 
l'industrie  avaient  reçu  un  coup  si  terrible,  que  c'était  à  peine 
si  cette  riche  et  industrielle  province  pouvait  suffire  à  sa 
consommation.  » 

La  Révolution  française  détermina  chez  les  privilégiés 
qui  la  combattaient  un  mouvement  d'émigration  analogue 
sur  lequel  on  trouvera  d'amples  détails  ci-dessous  (V.  le 
§  Histoire  de  la  Révolution).  —  Quant  à  l'émigration 
vers  les  colonies  françaises,  elle  fut  toujours  faible  (V.  Co- 
lonisation), bien  que  Colbert  et  Louis  XIV  aient  fait  de 
grands  efforts  pour  la  généraliser,  spécialement  vers  le 
Canada.  Il  y  a  là  un  modèle  de  colonisation  et  d'émigration 
officielle  ;  le  roi  et  le  ministre  s'occupent  sans  cesse  d'expé- 
dier de  nouveaux  habitants,  d'accroître  les  mariages;  ils 
expédient  des  filles  nubiles  prises  souvent  à  l'hôpital  géné- 
ral de  Paris  ;  désireux  de  créer  une  race  vigoureuse,  ils 
éliminent  avec  soin  de  ces  convois  les  personnes  malades 
ou  chétives.  La  santé  physique  et  morale  des  Franco-Cana- 
diens doit  probablement  beaucoup  à  cette  attention  offi- 
cielle. La  tradition  s'en  maintint  sous  les  règiies  suivants, 
même  lorsque  la  France  eut  perdu  sa  colonie  de  peuple- 
ment. On  expédia  aux  Antilles,  à  Cayenne  et  aussi  à  l'île 
de  France  et  à  Bourbon  des  émigrants  français  ;  dans  ces 
pays  tropicaux,  ils  mouraient  dru;  deux  sur  cinq  dispa- 
raissaient dès  la  première  année.  On  sait  l'échec  de  la  colo- 


—  909  — 


EMIGRATION 


nisation  alsacienne  de  la  Guyane.  Au  xix^  siècle,  le  principal 
but  des  émigrants  français  aurait  dû  être  notre  colonie 
algérienne  ;  il  n'en  est  pas  encore  ainsi,  malgré  les  efforts 
du  gouvernement.  On  jugera,  par  les  chiffres  qui  seront 
donnés  plus  bas,  de  la  faiblesse  de  l'émigration  française 
comparée  à  celle  d'Allemagne  ou  de  Grande-Bretagne. 

Emigration  italienne.  Les  Italiens  ont  relativement 
peu  émigré  au  moyen  âge,  malgré  l'étendue  de  leurs  rela- 
tions commerciales  (V.  Commerce)  et  la  fréquence  des  dis- 
cordes civiles  ;  les  exilés  passaient  dans  une  cité  voisine, 
mais  bien  peu  quittaient  la  péninsule  sans  espoir  de  retour. 
La  domination  autrichienne  en  obligea  des  milliers  à  s'ex- 
patrier, mais  ceux  qui  passèrent  en  Europe  revinrent  dès 
qu'ils  le  purent.  Nous  exceptons  bien  entendu  les  aventu- 
riers de  haute  ou  basse  marque  qui  cherchaient  fortune 
auprès  des  princes  étrangers  et  se  fixèrent  dans  leurs  pays 
d'adoption.  Au  xix^  siècle,  l'émigration  transocéanique  a 
pris  une  grande  importance  ;  d'autre  part,  la  situation 
économique  a  poussé  chaque  année  des  milliers  d'ouvriers 
à  chercher  du  travail  au  dehors,  particulièrement  en  France. 
Ils  n'émigrent  pas  définitivement  dès  la  première  fois,  mais 
beaucoup  finissent  par  s'établir  tout  à  fait  et  peuvent  être 
regardés  comme  de  véritables  émigrants,  d'autant  que  le 
voisinage  de  leur  pays  natal  leur  permet  de  faire  venir  leur 
famille  et  de  fonder  un  établissement  plus  complet  que  celui 
de  bien  des  adultes  qui  ont  émigré  seuls. 

Emigratio7i  hispano-portugaise.  L'émigration  espa- 
gnole qui  a  commencé  de  peupler  l'Amérique  du  Sud  et 
l'Amérique  centrale  (Mexique  et  Antilles)  n'a  plus  grande 
raison  d'être,  semble-t-il,  puisque  la  densité  de  la  popu- 
lation est  insuffisante  dans  la  péninsule  ibérique.  Elle  con- 
tinue néanmoins  vers  l'Amérique  espagnole  et  vers  l'Algé- 
rie et  la  France.  L'émigration  portugaise  fut  et  est  encore 
dirigée  vers  le  Brésil. 

Émigration  Scandinave.  Habitant  un  sol  infertile, 
sous  un  climat  très  rude,  la  race  Scandinave,  très  éner- 
gique, familiarisée  avec  la  mer,  a,  de  tout  temps,  essaimé. 
Nous  avons  déjà  signalé  les  invasions  normandes  qui  con- 
duisirent dans  les  Iles-Britanniques,  en  Neustrie,  et  sur  les 
rivages  orientaux  et  méridionaux  de  la  Baltique  des  groupes 
nombreux  de  Danois,  de  Norvégiens,  de  Suédois.  La  colo- 
nisation de  l'Irlande  vint  ensuite.  Puis  l'activité  de  ces 
nations  se  confina  dans  la  Baltique  et  la  mer  du  Nord.  Ce 
n'est  qu'au  xix^  siècle  que  l'émigration  Scandinave  a  repris 
avec  une  intensité  telle  qu'elle  menace  presque  de  dépeu- 
pler la  presqu'île  suédo-norvégienne. 

Emigration  russe.  L'empire  russe  ayant  développé  une 
colonisation  analogue  à  celle  des  Romains,  l'émigration 
y  présente  des  caractères  particuliers.  Elle  se  produit  par 
des  déplacements  de  populations  slaves  qui  vont  coloniser 
des  terres  conquises  récemment  ou  abandonnées  par  leurs 
occupants.  C'est  ainsi  que  les  Russes  s'épanchent  sur 
l'Asie,  dans  la  Sibérie,  dans  le  Turkestan,  dans  la  Trans- 
caucasie,  après  avoir  remplacé  en  Crimée  les  Tatares.  Le 
gouvernement,  qui  interdit  en  principe  l'émigration  propre- 
ment dite,  laisse  cependant  partir  les  dissidents  religieux, 
les  juifs,  les  mennonites.  Il  cherche  à  renforcer  l'élément 
slave  dans  les  provinces  occidentales  de  l'empire.  Toutes 
ces  mesures,  comme  celles  relatives  à  l'immigration,  notam- 
ment des  Allemands,  qui  eut  une  influence  énorme  au  xvii® 
et  au  xv!!!*^  siècle,  seront  étudiés  à  l'art.  Russie. 

Les  faits  relatifs  à  l'émigration  de  petits  pays,  Belgique, 
Hollande,  Suisse,  etc.,  seront  analysés  plus  bas,  en  même 
temps  que  nous  parlerons  de  leur  situation  actuelle  à  ce 
point  de  vue. 

Emigration  africaine.  L'émigration  des  nègres  qui  a 
installé  la  race  noire  dans  les  deux  Amériques  est  un  des 
faits  les  plus  graves  de  l'histoire  moderne.  On  sait  qu'il 
ne  s'agit  pas  là  d'une  expatriation  volontaire,  mais  d'un 
commerce  d'esclaves.  Nous  renvoyons  pour  son  étude  à 
l'art.  Esclavage,  en  rappelant  seulement  que  la  traite  a 
été  abolie  en  ce  siècle  et  que  l'émigration  des  noirs  engagés 
par  contrats  est  à  peu  près  insignifiante.  Toutefois,  un 


grand  nombre  de  noirs  sont  encore  transportés  chaque  an- 
née dans  les  pays  musulmans  d'Asie. 

Emigration  incloue.  Privées,  par  la  suppression  de  l'es- 
clavage et  de  la  traite,  des  bras  qui  étaient  nécessaires  à 
la  culture  de  leurs  plantations,  les  colonies  européennes  de 
la  zone  tropicale  ont  cherché  une  compensation.  Les  Anglais 
eurent  l'idée  de  remplacer  les  nègres  par  des  Indous.  Ceux- 
ci  habitant  des  régions  où  la  population  est  surabondante 
et  souvent  décimée  par  la  famine,  n'ont  pas  de  répugnance 
à  émigrer  pour  trouver  ailleurs  un  travail  mieux  rému- 
néré. Le  gouvernement  anglais  organisa  l'embauchement 
des  coolies  pour  ses  colonies,  à  partir  de  183o.  La  grande 
majorité  fut  dirigée  vers  l'ile  Maurice.  On  calcule,  en  effet, 
que  sur  un  total  de  658,000  coolies  émigrés  de  1835  à 
1882,  l'île  Maurice  en  a  reçu  près  de  400,000  ;  un  tiers 
environ  sont  retournés  dans  l'Inde;  beaucoup  sont  morts. 
Il  n'y  a  donc  pas  là  une  émigration  au  sens  propre  du  mot  ; 
cependant  une  partie  des  Indous  se  fixent  dans  leur  nou- 
veau séjour.  On  veille  à  ce  que  ce  ne  soient  pas  seulement 
des  hommes  qui  émigrent  ;  on  exige  qu'il  y  ait  au  moins 
une  femme  par  quatre  hommes.  De  1843  à  1860,  sur  les 
"274,61 3  Indous  transportés  à  l'île  Maurice,  on  comptait 
47,902  femmes  et  31,368  enfants  contre  195,343  adultes 
mâles.  Les  Antilles  anglaises  avaient  dans  la  même  période 
reçu  46,000  travailleurs  indous  ;  la  Guyane  et  la  Trinité 
avaient  absorbé  presque  tout  :  la  première,  27,295  ;  la 
seconde,  14,840.  La  mortalité  était  considérable  pendant 
la  traversée,  de  7  à  10  ^jo,  soit  sept  à  dix  fois  plus  forte 
que  sur  les  émigrants  anglais  voguant  vers  l'Australie.  On 
voit  que  les  visées  humanitaires  qui  présidaient  à  ces  trans- 
ports n'étaient  que  relatives.  Plus  récemment,  l'Australie 
et  les  îles  Hawaï  ont  aussi  fait  venir  des  coolies.  Les  colo- 
nies françaises,  la  Réunion  et  les  Antilles,  en  reçurent  en 
grand  nombre.  Le  gouvernement  anglais  s'y  prêta  pour 
remplacer  les  nègres.  Enfin  le  Pérou  en  engagea  plus  de 
180,000  de  1860  à  1872. 

Emigration  chinoise.  La  race  chinoise  est  une  des  plus 
prolifères  et  des  plus  expansives  du  globe.  La  Chine  ac- 
tuelle a  été  formée  en  partie  par  un  travail  de  colonisation. 
Elle  continue  de  s'étendre  vers  l'intérieur  du  continent 
asiatique  de  la  même  manière  ;  soit  vers  la  Manchourie , 
vers  la  Mongolie,  soit  dans  la  région  de  Thian-chan  et  du 
Tarim  les  émigrants  affluent.  Nous  ne  savons  rien  de  pré- 
cis de  cette  émigration.  L'Indo-Chine  est  plus  que  jamais 
envahie  par  les  Chinois,  pacifiquement,  et,  à  l'occasion, 
les  armes  à  la  main.  L'émigration  maritime  est  aussi  con- 
sidérable ;  on  l'évalue  à  150,000  individus  par  an.  Un 
des  centres  est  Singapour  ;  dans  les  colonies  anglaises, 
françaises,  espagnoles,  néerlandaises  de  la  région  malaise, 
l'élément  chinois  s'accroît  sans  cesse,  quoique  beaucoup 
des  émigrants  rentrent  dans  leur  patrie.  Ils  ont  aussi  porté 
leur  travail  dans  des  contrées  plus  éloignées,  sur  les 
côtes  améncaines  du  Grand  Océan,  aux  Etats-Unis,  en 
Australie.  Mais  les  ouvriers  blancs  redoutant  l'avilisse- 
ment des  salaires  ont  exaspéré  l'antipathie  de  race  et  fait 
adopter  des  mesures  prohibitives.  L'immigration  chinoise 
dans  ces  pays  a  été  arrêtée;  seule,  la  colonie  chinoise 
actuellement  existante  aux  Etats-Unis  est  tolérée.  Dans 
l'Amérique  centrale  et  aux  Antilles  anglaises  ou  espagnoles, 
les  travailleurs  prétendus  libres  qu'on  faisait  venir  de 
Chine  peuvent  encore  moins  être  regardés  comme  de  véri- 
tables émigrants  ;  il  ne  venait  guère  que  des  hommes,  et  ils 
ne  créaient  pas  d'établissement  définitif.  Au  point  de  vue 
du  travail  agricole,  la  supériorité  du  nègre  paraît  acquise. 
Voici  ce  que  dit  Granier  de  Cassagnac  des  trois  races  : 
«  L'Hindou  est  doux,  obéissant,  élégant  de  sa  personne, 
mais  faible  de  constitution  et  produit  peu  de  travail.  Sa 
religion  lui  interdisant  la  viande  de  bœuf,  il  vit  exclusi- 
vement de  riz  et  de  poisson  ;  il  ne  communique  pas  avec  le 
reste  de  la  population,  qu'il  considère  comme  impure,  et 
rentre  généralement  dans  son  pays  à  l'expiration  de  son 
engagement.  Les  nègres  sont,  sans  comparaison,  les  meil- 
leurs cultivateurs  de  la  zone  tropicale.  Ils  sont  dociles, 


ÉMIGRATION 


910  - 


maniables,  susceptibles  d'attachement  et  facilement  gagnés 
au  christianisme.  Ils  coûtent  beaucoup  moins  cher  à  faire 
venir  que  les  Chinois  ou  les  Hindous,  et  ils  ne  s'en  retour- 
nent presque  jamais.  Ils  sont  donc  une  acquisition  précieuse 
pour  le  sol  et  pour  le  travail.  En  outre,  les  nègres  vivent 
des  produits  locaux,  tels  que  racines,  légumes,  poisson  ou 
viande  ;  ils  consomment  la  plus  grande  partie  du  rhum,  et 
ce  régime  développe  en  eux  une  force  musculaire  considé- 
rable. Avec  l'introduction  des  travailleurs  nègres,  on  ne 
cultive  pas  seulement  les  contrées  tropicales,  on  les  peuple.  » 
Ce  sont  donc,  à  proprement  parler,  les  seuls  qui  méritent 
tout  à  fait  la  qualification  d'émigrants. 

Statistique.—  France.—  La  question  de  l'émigration 
est  à  double  face  :  émigration  des  nationaux  à  l'étranger, 
immigration  des  étrangers  dans  le  pays.  Les  pays  européens 
sont  surtout  des  pays  d'émigration,  et  le  problème  de  l'im- 
misration  n'a  pour  eux  que  très  peu  d'intérêt,  actuellement 
du  moins.  11  n'en  est  pas  de  même  pour  la  France  qui  est 
plutôt  un  pays  d'immigration.  Les  chiffres  et  les  faits  de 
nos  statistiques  devront  donc  être  classés  sous  deux  ru- 
briques: émigration  des  Français  à  l'étranger,  immigration 
des  étrangers  en  France.  D'autre  part,  la  question  de  l'émi- 
gration n'est  pas  seulement  démographique  ou  sociologique, 
elle  a  aussi  un  intérêt  commercial;  celui-ci  mérite  pour  la 
France  une  mention  spéciale,  attendu  que  les  ports  français 
embarquent  chaque  année  une  foule  d'émigrants  non  fran- 
çais, lesquels  ne  font  que  transiter  par  notre  territoire  et 
forment  une  fraciion  considérable  des  passagers  de  nos 
navires.  Nous  rappelons  dès  le  début  de  cette  statistique 
deux  choses  qu'il  ne  faut  pas  oublier  :  la  première,  c'est 
que  l'émigration  vers  nos  colonies  n'est  pas  considérée 
comme  telîe  par  nos  statistiques,  lesquelles  ne  portent  que 
sur  les  émigrants  passant  de  France  à  l'étranger  ;  la  se- 
conde, c'est'la  définition  de  Témigrant.  Elle  est  donnée 
par  l'art.  7  du  décret  du  9  mars  1861  (V.  ci-dessous  le 
ï  Législation)  qui  déclare  qu'il  y  a  lieu  de  considérer 
comme  émigrant,  sans  autre  justification,  tout  passager  qui 
n'est  pas  nourri  à  la  table  du  capitaine  ou  des  officiers  et 
qui  paye  pour  le  prix  de  son  passage  moins  de  80  fr.  par 
semaine  sur  les  vapeurs,  40  fr.  par  semaine  sur  les  voiliers. 
Il  en  résulte  que  les  passagers  de  première  et  de  seconde 
classe  ne  sont  jamais  réputés  émigrants.  Au  contraire,  les 
passagers  d'entrepont  sont  réputés  tels.  Ainsi  que  l'observe 
M.  Mayssent,  le  très  compétent  chef  du  bureau  chargé  de 
ce*  service  au  ministère  de  l'intérieur,  «  ces  destinations, 
qui  paraissent  au  premier  abord  étranges,  sont  fondées  sur 
la  présomption,  généralement  justifiée  par  les  faits,  que  les 
passagers  des  classes  inférieures  se  transportent  dans  les 
pavs  transatlantiques  dans  l'intention  de  s'y  établir,  tandis 
quie  les  passagers  des  classes  supérieures  appartiennent  pour 
la  plupart  à  la  catégorie  des  voyageurs  ordinaires.  La 
méthode,  usitée  en  certains  pays,  qui  consiste  à  demander 
aux  passagers  s'ils  émigrent  sans  esprit  de  retour  ou  dans 
l'intention  de  revenir,  fait  dépendre  la  qualité  d'émigrant 
des  déclarations  qui  peuvent  n'être  pas  véridiques  et  que 
les  événements  ne  justifient  pas  toujours.  Très  peu  d'émi- 
grants, en  effet,  partent  avec  la  pensée  qu'ils  ne  reviendront 
pas  dans  leur  patrie.  Quels  que  soient  les  avantages  ou  les 
inconvénients  de  la  règle  établie  à  l'art.  7,  c'est  exclusive- 
ment aux  passagers  visés  dans  cette  disposition  que  s'ap- 
plique la  statistique  de  Fémigration  dressée  en  France  par 
les  soins  de  la  direction  de  la  sûreté  générale. 

C'est  seulement  à  partir  de  1836  qu'on  a  constaté  régu- 
lièrement le  nombre  des  émigrants  français  ;  à  cette  date, 
en  effet,  furent  créés  des  commissariats  spéciaux  chargés 
de  ce  service.  Toutefois,  on  avait  déjà  quelques  renseigne- 
ments pour  la  période  antérieure.  A  la  fin  du  xviii^  siècle, 
Moreau,  dans  ses  Recherches  sur  la  population  (1778), 
évaluait  de  20  à  23,000  le  nombre  des  Français  qui  s'ex- 
patriaient annuellement,  librement  ou  non,  vers  nos  colo- 
nies. Si  l'on  ajoutait  actuellement  aux  émigrants  vers  les 
pays  d'outre-mer  ceux  qui  se  rendent  dans  nos  colonies, 
on"^  n'arriverait  pas  encore  au  chiffre  de  1 778.  Il  faut  ajouter 


que,  pour  les  émigrants  par  voie  de  terre,  lesquels  sont 
assez  nombreux,  nos  statistiques  sont  muettes.  En  1861  et 
en  1886,  on  a  procédé  à  un  recensement  général  des 
Français  résidant  à  l'étranger.  Voici  les  chiffres  obtenus  : 

1861         1886 

Europe 127.000    200.000 

Amérique  du  Nord.  .  .  .     113.000     120.000 
Amérique  du  Sud  ....      58.000      40.000 

Afrique ,  .  .       15.000      30.000 

Asie ,  .  .        3.000      15.000 

Océanie »  3.000 

316.000    408.000 

Il  faut  dire  tout  de  suite  que  ces  chiffres  ne  méritent 
aucune  confiance,  sauf  peut-être  pour  l'Europe.  En  Asie, 
ils  comprennent  pour  1886  le  corps  militaire  d'expédition 
au  Tonkin.  Pour  l'Amérique  du  Nord,  les  chiffres  sont 
beaucoup  trop  faibles;  de  même  pour  l'Amérique  du  Sud, 
où  nos  agents  recensent  26,000  Français  à  la  République 
Argentine,  alors  que  le  dénombrement  officiel  de  ce  pays  en 
accuse  près  de  60,000.  Pour  l'Europe,  on  compte  environ 
50  à  60,000  Français  en  Belgique  et  autant  en  Suisse, 
26,000  en  Angleterre,  17,000  en  Espagne,  10,000  en 
Italie.  Nos  statistiques  d'émigration  citent  1  émigrant  vers 
l'Angleterre,  alors  qu'évidem'ment  une  bonne  partie  de  nos 
nationaux  étabhs  de  l'autre  côté  de  la  Manche  s'y  sont 
fixés.  On  peut  juger  par  là  avec  quelles  réserves  il  convient 
d'accepter  les  documents  statistiques  que  nous  allons 
donner.  Les  statistiques  françaises  et  étrangères  n'étant  pas 
établies  de  même  en  ce  qui  concerne  la  définition  de  l'émi- 
grant,  la  concordance  ne  se  trouve  jamais  réalisée. 

Voici  les  chiffres  de  l'émigration  française  à  partir  de  1 853  : 


1853 9.694 

1854 18.079 

1855 19.957 

1856.  .....  17.997 

1857 18.809 

1858 13.813 


1873 7.161 

1874 7.080 

1875 4.400 

1876.  .....  2.867 

1877 3.600 

1878 2.316 

1879 3.634 

1880 4.642 

1881 4.456 

1882 4.848 

1883 4.011 

1884 3.768 


1885.  .  .  . 

1886.  .  .  . 

1887.  .  .  . 

1888.  .  .  . 

1889.  .  .  . 

1890 20.560 

1891 6.217 


6.063 

7.314 

11.170 

23.339 

31.354 


1859 9.164 

1860 6.786 

1861 6.334 

1862.  .....   5.036 

1863.  .....   4.285 

1864 4.057 

1865.  .....   4.489 

1866 4.531 

1867 4.938 

1868 5.274 

1869 4.837 

1870 4.845 

1871 7.109 

1872 9.581 

A  partir  de  1860,  nous  ne  faisons  plus  figurer  dans  le 
total  les  émigrants  pour  l'Algérie. 

On  remarque  tout  d'abord  le  mouvement  d'émigration  qui 
suit  l'établissement  de  l'Empire  ;  le  malaise  politique  y 
concourt  avec  la  crise  économique.  Dans  la  dernière  période 
décennale,  on  remarque  un  brusque  relèvement  en  1885, 
lorsqu'on  put  tenir  compte  des  émigrants  embarqués  à 
Bordeaux  sur  les  navires  de  la  Compagnie  des  Messageries 
maritimes  qui  ne  figuraient  pas  dans  les  statistiques  des 
années  précédentes.  Ainsi,  en  1884,  si  on  les  avait  ajoutés, 
le  total  des  émigrants  se  serait  élevé  à  6,100  environ.  On 
remarque  la  brusque  augmentation  de  l'émigration  à  partir 
de  1888  jusqu'en  1891;  elle  s'explique  par  le  grand 
courant  qui  s'est  porté  vers  la  République  Argentine.  La 
crise  subie  par  ce  pays  a  ralenti  le  mouvement  en  1890 
et  l'a  presque  arrêté  en  1891.  La  République  Argentine  à 
elle  seule  a  reçu  22,871  émigrants  français  de  moins 
qu'en  1889. 

Le  tableau  de  la  page  suivante  indique  comment  1  émi- 
gration française  se  répartit  d'après  le  département  d'ori- 


914  — 


EMIGRATION 


gine  et  quelle  est  la  proportion  des  émigrants  à  la  popu- 
lation totale  du  département  dans  la  période  1885-1887, 
la  dernière  sur  laquelle  des  renseignements  officiels  aient 
été  publiés.  Le  total  des  émigrants  pour  ces  trois  ans  a  été 
de  24,547.  Nous  y  joignons  un  tableau  donnant  les  mêmes 


indications  pour  la  période  1857-1877  (V.  à  la  p.  912). 
Pour  comparer  ce  tableau  à  celui  ci-dessous,  il  ne  faut 
pas  oublier  que  dans  l'un  la  proportion  pour  10.000  hab. 
est  comptée  sur  une  période  de  trois  années,  dans  l'autre 
sur  une  période  de  vingt  années. 


DEPARTEMExNTS 


Ain 

Aisne 

Allier 

Alpes  (Basses-)  .  .  . 
Alpes  (Hautes-)  .  .  . 
Alpes-Maritimes.  .  . 

Ardèche 

Ardennes  

Ariége 

Aube 

Aude 

Aveyron.  ....... 

Bouches-du-Riiône  , 

Calvados 

Cantal 

Charente , 

Charente-Inférieure 

Cher 

Corrèze 

Corse 

Côte-d'Or 

Côtes-du-Nord  .  .  . 

Creuse 

Dordogne 

Doubs  

Drôme 

Eure 

Eure-et-Loir 

Finistère 

Gard.   , 

Garonne  (Haute-).  .  . 

Gers 

Gironde -, 

Hérault 

Ille-et- Vilaine 

Indre 

Indre-et-Loire 

Isère  

Jura 

Landes 

Loir-et-Cher  .... 

Loire 

Loire  (Haute-)  .  .  .  , 
Loire-Inférieure  .  . 
Loiret 


w  c 

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ç-i  c5 

H  fH  5 

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O  Oo 

Z.5 

O  S- 

P4   o 

t:3 

Ph    '"* 

111 

3,04 

102 

1,83 

104 

2,44 

147 

11  » 

676 

54,99 

136 

5,71 

154 

4,10 

85 

2,55 

298 

12  » 

66 

2,78 

248 

7,47 

971 

23  » 

203 

3,35 

96 

2,01 

61 

2,52 

233 

6,35 

265 

5,72 

69 

1,96 

113 

3,48 

299 

10,73 

99 

2,50 

130 

2  » 

37 

1,20 

408 

8,28 

781 

25,11 

170 

5,40 

42 

1,17 

70 

2,46 

110 

1,55 

159 

3,81 

507 

1,05 

440 

1,60 

658 

8,48 

66 

1,51 

116 

1,86 

43 

1,45 

71 

2,08 

207 

3,55 

152 

5,40 

219 

7,24 

65 

2,32 

195 

3,23 

60 

1,87 

151 

2,34 

60 

1,60 

DEPARTEMENTS 


Lot 

Lot-et-Garonne 

Lozère 

Maine-et-Loire 

Manche 

Marne 

Marne  (Haute-) 

Mayenne 

Meiirthe-et-Moselle 

Meuse 

Morbihan 

Nièvre 

Nord 

Oise 

Orne 

Pas-de-Calais 

Puy-de-Dôme.  .  .  ; 

Pyi"énées   (Basses-) 

Pyrénées  (Hautes-) 

Pyrénées-Orientales 

Rhin  (Haut-)  (Belfort  depuis  1871). 

Rhône 

Saône  (Haute-) 

Saône-et-Loire 

Sarthe 

Savoie 

Savoie  (Haute-) 

Seine 

Seine-Inférieure 

Seine-et-Marne 

Seine-et-Oise 

Sèvres  (Deux-) 

Somme' 

Tarn 

Tarn-et-Garonne 

Var 

Vaucluse 

Vendée 

Vienne 

Vienne  (Haute-) 

Vosges 

Yonne  

Colonies  françaises  et  émigrants 
français,  de  provenance  inconnue. 


5S 


356 

201 

37 

61 

60 

122 

68 

63 

302 

87 

80 

97 

246 

87 

66 

196 

49 

5.653 

1.422 

196 

274 

358 

624 

158 

92 

605 

372 

1.331 

327 

89 

127 

61 

74 

167 

84 

133 

140 

43 

81 

92 

228 

113 

72 


o  oo 


13,11 

6,50 
2,62 
1,15 
1,15 
2,84 
2,74 
1,85 
6,97 
2,97 
1,49 
2,78 
1,59 
2,15 
1,79 
2,29 
0,85 
130    )) 

60,55 
9,32 

34  » 
4,63 

21,44 
2,52 
2,10 

22,62 

13,52 
4,49 
3,21 
2,50 
2,05 
1,72 
1,36 
4,68 
3,92 
4,68 
5,79 
0,98 
2,65 
2,53 
5,53 
3,17 


Le  chiffre  total  des  émigrants  durant  ces  vingt  années 
1857-77  est  un  peu  supérieur  au  total  de  ceux  qui  figurent 
sur  ce  tableau.  Il  est  de  148,290  personnes.  Quoi  qu'il  en 
soit,  la  remarque  fondamentale  c'est  que  le  centre  principal 
d'émigration  depuis  trente  ans  est  toujours  le  dép.  des 
Basses-Pyrénées  ;  vient  ensuite  le  dép.  voisin  des  Hautes- 
Pyrénées;  puis  les  pays  de  montagnes,  les  Hautes-Alpes, 
PAveyron,  le  Doubs,  la  Savoie.  Il  y  a  aussi  un  fort  mouve- 
ment d'émigration  du  territoire  de  Belfort,  mais  qui  est 
compensé  par  Fimmigration  alsacienne.  Les  habitants  des 
Pyrénées-Orientales,  qui  émigraient  relativement  beaucoup, 
ont  presque  cessé;  de  même  les  Bouches-du-Rhône,  la 
Haute-Garonne  et  la  Gironde.  En  revanche,  il  s'est  créé  un 
nouveau  fover  dans  le  dép.  de  TAveyron  d'où  sont  partis 
U  émigrants  en  1883,  244  en  1884,  681  en  1887  ;  ce 
mouvement  a  gagné  le  dép.  contigudu  Lot.  Paris  et  le  dép. 
de  la  Seine  fournissent  un  chiffre  assez  fort,  envisagé  en 
lui-même,  mais  faible  proportionnellement  à  leur  population. 
Le  premier  fait  ressortant  des  tableaux  que  nous  don- 
nons, c'est  que  l'émigration  n'est  pas  en  France  propor- 
tionnée à  la  population,  et  ne  saurait  par  conséquent  être 
considérée  comme  l'écoulement  naturel  du  trop-plein  de  con- 
sommateurs et  de  producteurs  qui  existe  en  d'autres  pays. 
En  effet,  le  dép.  des  Basses-Pyrénées,  qui  compte  environ 


430,000  hab.,  a  fourni,  de  1885  à  1887,  5,653  émigrants, 
alors  que  la  Seine  avec  une  population  sept  fois  plus  forte  n'a 
donné  que  1 ,33 1  départs,  et  le  Calvados  avec  une  population 
équivalente  seulement  96  départs.  Tandis  que  des  Basses- 
Pyrénées,  il  sortait  130  hab.  sur  10,000,  du  dép.  du  Puy- 
de-Dôme,  il  n'en  sortait  pas  même  1  sur  10,000  (0,85). 
On  peut  multiplier  ces  rapprochements  qui  démontrent 
péremptoirement  que  le  mouvement  de  l'émigration  est  sans 
rapport  aucun  avec  le  nombre  des  habitants.  Elle  n'est  pas 
non  plus  en  raison  inverse  de  la  richesse  mobilière  ou 
immobilière  des  départements,  et  par  conséquent  ne  peut 
être  attribuée  à  l'insuffisance  de  ressources  matérielles  ou 
à  la  misère.  Le  tableau  de  la  répartition  proportionnelle 
par  tête  des  valeurs  successorales,  et  le  tableau  propor- 
tionnel des  contributions  indirectes  permettent  d'évaluer  la 
richesse  relative  de  chaque  département  ;  les  moins  riches, 
Corrèze,  Creuse,  Morbihan,  ne  fournissent  presque  pas  d'émi- 
grants.  On  ne  constate  pas  non  plus  de  rapport  avec  l'ex- 
cédent des  naissances  sur  les  décès.  Il  parait  résulter  de  là 
que  les  causes  de  l'émigration,  en  France,  doivent  être  cher- 
chées non  pas  dans  des  faits  d'ordre  économique,  mais  dans 
des  faits  d'ordre  moral  ou  purement  accidentels,  l'organi- 
sation des  agences,  l'activité  de  leur  propagande.  Les 
Basses-Pyrénées  fournissent  plus  du  cinquième  du  chiffre 


ÉMIGRATION  -  912 

total;  ce  sont  les  Basques  qui  émigrent  le  plus  volontiers, 
se  rendant  dans  l'Amérique  du  Sud.  La  région  pyrénéenne, 
les  Alpes,  le  Jura,  la  région  des  Causses  viennent  ensuite  ; 


mais  si  l'on  tenait  compte  de  l'émigration  par  voie  de  terre, 
on  verrait  que  les  départements  frontières  viennent  en  pre- 
mière ou  deuxième  ligne  pour  le  nombre  des  émigrants, 


DÉPARTEMENTS 


Ain 

Aisne 

Allier 

Alpes  (Basses-)..  . 
Alpes  (Hautes-)..  . 
Alpes-Maritimes.  . 

Ardèche 

Ardennes  

Ariège 

Aube 

Aude 

Aveyron 

Bouches-du-Rhone 

Calvados 

Cantal 

Charente 

Charente-Inférieure 

Cher 

Corrèze 

Corse 

Côte-d'Or 

Côtes-du-Nord.  .  . 

Creuse 

Dordogne 

Doubs  

Drôme 

Eure 

Eure-et-Loir  .... 

Finistère 

Gard 

Garonne  (Haute-)  . 

Gers 

Gironde 

Hérault 

Ille-et-Vilaine.  .  .  . 

Indre 

Indre-et-Loire.  .  . 

Isère 

Jura 

Landes 

Loir-et-Cher 

Loire 

Loire  (Haute-)  .  .  . 
Loire-Inférieure  .  . 


260 

266 

72 

883 

.408 

417 

887 

182 

.628 

209 

.465 

903 

1.132 

124 

!.312 

479 

304 

169 

497 

!.903 

521 

829 

82 

327 

1.446 

..435 

146 

119 

176 

[.470 

).046 

>.410 

Î.984 

L.168 

430 

126 

343 

L.234 

722 

950 

193 

L088 

409 

669 


2  O   03 
M  O-Tii  O 


1 

64 
118 

20 

23 
6 

66 
8 

48 

20 

110 

3 

100 

13 
7 
5 

16 
110 

14 

13 

o 

7 

110 

46 
4 
4 


127 

80 

177 

25 

7 

4 

9 

20 

27 

31 

7 

16 
13 
10 


DÉPARTEMENTS 


Loiret 

Lot 

Lot-et-Garonne 

Lozère 

Maine-et-Loire 

Manche 

Marne 

Marne  (Haute-) 

Mayenne 

Meurthe-et-Moselle  .  . 

Meuse 

Morbihan 

Nièvre 

Nord 

Oise 

Orne 

Pas-de-Calais 

Puy-de-Dôme 

Pyrénées  (Basses-)  .  . 
Pyrénées  (Hautes-)  .  . 
Pyrénées  Orientales.  . 
Rhin  (Haut  [Belfort]) . 

Rhône 

Saône  (Haute-) 

Saône-et-Loire 

Sarthe 

Savoie 

Savoie  (Haute-) 

Seine 

Seine-Inférieure  .  .  .  . 

Seine-et-Marne 

Seine-et-Oise 

Sèvres  (Deux-) 

Somme 

Tarn 

Tarn-et-Garonne.  .  .  . 

Var 

Vaucluse 

Vendée 

Vienne 

Vienne  (Haute-)  .  .  .  . 

Vosges 

Yonne  


216 
465 
528 

80 
196 
599 
480 
407 

23 
,437 
247 
163 
350 
885 
205 
143 
291 
416 
.299 
.765 
.819 
.157 
.233 
.645 
356 
343 
.086 
963 
.241 
.718 
152 
117 

94 
260 
.056 
726 
561 
.961 

48 
424 
275 
.066 

290 


«-S-G 


6 

17 
15 

6 

3 
11 
11 
16 

0,7 
85 

8 

3 
10 

5 

5 

3 

7 
700 
406 
141 

31 
87 

5 

7 

111 

36 

38 

34 

4 

2 


29 
32 
19 
77 

1 
13 

8 
26 

8 


comme  pour  celui  des  immigrants;  il  y  a  un  véritable 
échange  de  population  des  deux  côtés  de  la  zone  frontière. 

Les  tableaux  de  la  page  suivante,  dressés  par  M.  Mays- 
sent,  se  rapportent  à  l'émigration  française  par  voie  de  mer 
dans  les  années  1885, 1886  et  1887. 

La  proportion  des  deux  sexes  est  toujours  sensiblement 
la  même,  deux  hommes  contre  une  femme  ;  c'est  la  nor- 
male. En  ce  qui  concerne  l'âge,  on  remarquera  la  faible 
proportion  d'enfants  ou  de  personnes  âgées.  Le  nombre  des 
hommes  qui  émigrent  sans  avoir  satisfait  au  service  mili- 
taire est  assez  considérable  dans  le  pays  basque,  moins 
ailleurs  ;  les  statistiques  ne  fournissent  à  ce  sujet  que  des 
renseignements  très  incomplets.  En  ce  qui  concerne  les 
professions,  on  remarque  pour  la  période  1883-87  un 
accroissement  de  l'émigration  rurale.  Voici  en  effet  quels 
étaient  les  chiffres  des  deux  périodes  précédentes  : 

^,  .    ,  Professions       Professions       Autres 

Périodes  industrielles         acrricoles      professions 

1878-1881..        3.890  5.407  5.721 

1882-1884..        3.555  3.823  5.259 

En  ce  qui  regarde  les  pays  de  destination,  on  voit  que 
la  RépubUque  Argentine  et' les  Etats-Unis  attirent  plus  des 
quatre  cinquièmes  de  nos  émigrants.  Dans  la  période  1878- 
1881,  ceux-ci  allaient  en  plus  grand  nombre  aux  Etats- 
Unis  (7,198  contre  5,425  à  TArgentine),  et  beaucoup  se 
rendaient  en  Uruguay  (1,121);  par  contre,  l'émigration 


vers  le  Brésil  et  le  Chili  s'est  développée  dans  les  der- 
nières années.  En  1889,  on  comptait  24,706  émigrants  a 
l'Argentine,  3,664  aux  Etats-Unis;  en  1890,  13,058  à 
l'Argentine,  3,037  aux  Etats-Unis,  2,105  au  Chih;  en 
1891,  1,835  seulement  à  l'Argentine. 

L'émigration  par  les  ports  français,  qui  nous  intéresse 
au  point  de  vue  commercial,  porte  sur  les  étrangers  bien  plus 
que  sur  les  nationaux.  Les  grands  ports  français  servent 
en  effet  de  débouché  naturel  aux  émigrants  italiens,  espa- 
gnols, suisses,  allemands,  qui  se  rendent  en  Amérique  ;  la 
Erance,  par  sa  situation  intermédiaire,  est  le  chemin  qu'ils 
prennent  naturellement.  Comme  d'autre  part  l'émigrant 
est  bien  protégé  à  bord  de  nos  navires  et  installé  aussi  bien 
que  possible,  il  emprunte  volontiers  le  chemin  de  la  Erance. 
L'ensemble  des  émigrants  de  toute  nationalité  qui  s'étaient 
embarqués  dans  nos  ports,  de  1875  à  1877,  s'élevait  à 
70,391,  c.-à-d.  à  une  moyenne  de  23,463  par  année.  Dans 
le  cours  des  années  1878,  1879, 1880  et  1881,  il  s'éleva 
à  161,519,  ce  qui  portait  la  moyenne  annuelle  à  40,379. 
Dans  la  période  triennale  1882-84,  la  moyenne  annuelle 
dépassait  45,000.  Dans  la  période  de  1885  à  1887,  le  total 
des  émigrants  étrangers  embarqués  dans  nos  ports  s'élevait 
à  126,704,  ce  qui,  si  on  y  ajoute  les  Français,  donnerait 
une  moyenne  de  50,000  embarquements  par  année.  L^aug- 
mentation,  qui  s'est  produite  entre  la  période  1875-77 
et  la  période  1885-87,  a  porté  sur  les  Italiens  (75,667  au 


lieu  de  27,840),  les  Allemands  (11,845  au  lieu  de  1,649), 
les  Suisses,  etc.  Le  rapport  présenté  parM.Schnerb  pour 
la  période  1878-1881  donne  quelques  détails  intéres- 
sants. La  statistique  de  l'émigration  par  les  ports  français 
et  la  classification  des  émigrants  d'après  leur  pays  d'ori- 
gine font  ressortir  une  recrudescence  sensible  dans  l'émi- 
gration européenne:  elles  accusent  en  même  temps  une 
augmentation  considérable  du  transit  par  nos  voies  ferrées 
et  maritimes,  et,  par  conséquent,  l'extension  d'une  des 
branches  du  commerce  national.  Le  produit  de  ce  négoce 
ne  figure  pas  au  tableau  des  importations  ;  il  n'en  a  pas 
moins  son  importance.  En  évaluant,  suivant  l'usage,  à  une 
moyenne  de  200  fr.  le  total  des  frais  de  toute  nature  faits 
par  chaque  émigrant  en  transit  sur  nos  voies  ferrées  ou 


913  —  ÉMIGRATION 

dans  nos  ports,  on  arrive  pour  la  période  de  1878  à  1881 
à  un  chiffre  de  plus  de  32  millions  de  fr.  Les  frais  de 
transport  maritime,  en  tenant  compte  de  la  concurrence 
étrangère  dans  nos  ports,  atteignent  un  chiffre  presque 
aussi  considérable.  La  proportion  des  émigrants  directe- 
ment embarqués  dans  les  ports  français  est  d'environ  85  «/o 
pour  les  agences  françaises  de  navigation  et  de  15  ^lo  pour 
les  agences  étrangères.  Il  suit  de  là  que,  sur  les  161,519 
émigrants  embarqués  en  1878,  1879,  1880  et  1881,  les 
agences  françaises  en  ont  emporté  137,291,  et  les  agences 
étrangères  24,228.  En  fixant  le  prix  de  la  traversée  à  une 
moyenne  de  150  fr.  pour  les  ports  (Est  et  Ouest)  de  l'Amé- 
rique du  Nord,  de  235  fr.  pour  les  ports  de  l'Amérique 
centrale  et  de  la  mer  des  Antilles,  et  de  300  pour  les  ports 


1885 
1886 
1887 

Totaux  . 


MASCULIN 


16.734 


PORTS   D'EMBARQUEMENT 


PORT  DU  HAVRE 


2.018 
2.892 
4.554 


9.464 


7.813 


an-dess«Ds 
d'BD  an 


723 


PORT  DE  MARSEILLE 


331 

534 

1.280 


de  1  an 

à 
10  ans 


2.085 


2.145 


PORT  DE  DORDEAUX 


3.670 

3.608 
5.061 


12.339 


PORT  DE   S'"-NAZAIRE 


44 
280 
275 


599 


de  10  ans 

à 

20  ans 


2.979 


de  20  ans 

à 

50  ans 


17.811 


au-dessus 

de 

50  ans. 


949 


7.377 


10.848 


6.063 

7.314 

11.170 


24.547 


PROFESSIONS 


INDUSTRIELLES      AGRICOLES        AUTRES 


6.322 


24.547 


PAYS   DE   DESTINATION 

République 
Argentine 

Etats-Unis 

d'Amérique 

du  Nord 

'ce 

t 

O 

•s 

3 

a 

o 

< 

c3 
'a 

S 

"cl 

O 

03 

3 

tu 

g 

05 

3 

3 
C 

o; 
> 

3 
3 

8 

3 

2 
4 

.2 

3 
< 

1 

b 

||l2.193 

7.820 

1.645 

1.642 

322 

309 

231 

164 

74 

55 

37 

25 

20 

24.547 

de  l'Amérique  du  Sud  (Atlantique  ou  Pacifique),  on  cons- 
tate que,  de  1878  à  1881,  l'émigration  par  les  ports 
français  a  produit  à  la  marine  marchande  environ  33  mil- 
lions, dont  28  au  profit  du  pavillon  français.  Complé- 
tons ces  détails  par  les  indications  relatives  à  la  période 
de  18S5  à  1887. 

L'émigration  étrangère  qui  a  emprunté  les  ports  fran- 
çais s'est  élevée  aux  chiffres  suivants  : 


ANNÉES 

(0 

< 

1 

> 

es 

2 

'S 

03 

3 

•S 

O 

a3 

(h 

1885 

1886 

1887 

Total... 

30.137 
35.618 
60.949 

15.125 
16.055 
25.666 

7.526 
14.539 
28.430 

7.318 
4.857 
6.741 

168 
167 
112 

126.704 

56.846 

50.495 

18.916 

447 

En  ajoutant  à  ces  chiffres  ceux  relatifs  aux  émigrants 
français,  on  trouve  un  total  de  151,538  émigrants  embar- 
qués, dont  66,310  au  Havre,  52,640  à  Marseille,  31,255 
à  Bordeaux  et  1,333  à  Saint-Nazaire. 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —   XV. 


Sur  le  total  de  126,704  émigrants  étrangers,  on  comptait  : 

Hommes 78.228 

Femmes 28.421 

Enfants 14.978 

Nourrissons 5.077 

Total.  ....     126.704 
Au  point  de  vue  de  la  répartition  par  nationalités,  on  a 
relevé  les  chiffres  suivants  : 

Italiens 75.667 

Suisses 18.932 

Espagnols 11.845 

Allemands 11.206 

Turcs 2.495 

Américains 2.214 

Autrichiens 1.423 

Anglais 824 

Belges 724 

Gre'cs 604 

Russes 443 

Hollandais  ou  Luxembourgeois .  .  142 

Roumains 121 

Suédois  et  Norvégiens.  .  o  .  .  .  22 

Nations  diverses ».  42 

Total 126.704 

58 


ÉMIGRATION  —  944  — 

Quant  aux  lieux  de  destination,  ils  se  répartissent  de  la 
manière  suivante  : 

Etats-Unis  de  l'Amérique  du  Nord  5^ .  736 

République  Argentine.  .  .  ,  .  .  44 .  082 

Brésil «  .  .  .  .  24.563 

Chili «...  3.366 

Uruguay.  ...........  2.589 

Colombie •  1.089 

Mexique »  •  •  400 

Antilles. 316 

Venezuela.  ...........  255 

Canada 161 

Pérou •   •  ^^^ 

Côte  occidentale  et  orientale  d'A- 
frique .........'..  46 

Equateur •  •  '"^O 

Guyane 1^ 

Guatemala  ........... 3 

Total '126.704 

Après  avoir  étudié  l'émigration  française  par  les  ports 


français,  il  nous  faut  parler  de  l'immigration  en  France, 
question  au  moins  aussi  importante.  De  tout  temps  il 
vint  en  France  des  étrangers,  mais  nous  ne  possédons 
aucune  donnée  statistique  à  ce  sujet  avant  l'année  4851. 
C'est  dans  ce  dénombrement  que,  pour  la  première  fois, 
on  mentionna  la  nationalité  des  habitants.  Il  y  avait  alors 
380,834  étrangers  sur  35,783,470  hab.,  soit  une  propor- 
tion de  1,06  ^Iq.  Dix  ans  plus  tard,  la  proportion  s'élevait 
à  1,33  ^/o  et  le  chiffre  à  497,091.  En  1866,  on  recensa 
635,495  étrangers,  1,67  «/^  de  la  population.  En  1872, 
bien  que  la  perte  de  l'Alsace-Lorraine  eût  enlevé  46,000 
Allemands  et  60,000  Suisses,  Belges,  Luxembourgeois,  etc. , 
de  ces  trois  départements,  on  trouvait  740,668  étrangers, 
2,03  o/o  de  la  population  totale;  en  1876,  sur  36,069,524 
hab.  de  la  France,  il  y  avait  801,754  étrangers,  2,17  «/o; 
en  4884,  sur  36,327,454,  4,001,090  étrangers,  soit 
2,67  «/,;  en  4886,  sur  36,700,342, on  trouve 4,426,534 
étrangers,  soit  3,07  7o.  En  trente-cinq  ans,  la  population 
française  a  augmenté  de  7  <>/o,  le  nombre  des  étrangers 
domiciliés  en  France  a  triplé.  Le  tableau  suivant  indique 
la  part  de  chaque  nationalité  dans  l'ensemble  : 


NATIONALITES 


Anglais 

Allemands 

Austro-Hongrois 

Belges 

Hollandais,   Luxembourgeois. 

Italiens -   - 

Espagnols 

Portugais •   .  .  . 

Suisses 

.Russes 

Scandinaves «  • 

Américains .  .  • 

Autres   nationaUtés 

Nationalités  inconnues.  .  .  . 


Totaux. 


4851 


20.357 
57.064 

428.403 

» 
63.307 

29.736 

25.485 
9.338 
» 

45.476) 

2.268\ 


4864 


25.744 

84.958 

204.739 
43.143 

76.539 

35.028 

34.739 

9.291 

789 

5.020 

7.124 


380.834 


497.094 


4866 


29.856 

406.606 

275.888 
46.058 
99.624 

32.650 

42.270 

42.464 

4.226 

7.223 

14.930 


635.495 


4872 


26.003 

404.469 

5.446 

347.558 

47.077 
442.579 

62.954' 
( 

42.834 
9.340 
4.058 
6.859 
5.327 
9.824 


740.668 


4876 


30.077 

59.028 

7.498 

374.498 

48.099 
465.343 

62.437 
4.237 

50.203 
7.992 
4.622 
9.855 
9.353 
4.542 


804.754 


4884 


37.006 

84.986 

42.090 

482.265 

24.232 

240.733 

73.784 

852 

66.284 

40.489 

2.223 

9.846 

8.754 

3.582 


4.001.090 


1886 


36.134 

100.114 

44.817 

482.264 

37.449 

264.568 

79.550 

4.292 

78.584 

44.980 

2.423 

40.253 

7.043 

3.363 


4.426.534 


Les  étrangers  qui  ont  le  plus  augmenté,  par  rapport  à  leur 
effectif  initial  en  4854,  sont  les  Italiens.  Ils  ont  plus  que 
quadruplé,  car,  pour  4 ,000  Italiens  comptés  en  4854 ,  on  en 
a  compté  4,480  en  4886;  pour  4,000  Belges  recensés  en 
4854,  on  en  trouve  aujourd'hui  3,765;  pour  4,000  Amé- 
ricains en  4854,  on  en  trouve  aujourd'hui  3,065;  pour 
4,000  Suisses,  on  en  trouve,  au  bout  de  trente-cinq  ans, 
3  075.  Viennent  ensuite,  par  ordre  d'accroissement,  les 
Hollandais  et  Luxembourgeois,  2,820.  Les  Scandinaves  ont 
doublé,  les  Allemands  et  les  Anglais  ont  presque  double. 
L'ensemble  des  étrangers  ayant  triplé,  on  voit  que  c'est  sur- 
tout aux  Suisses,  aux  Américains,  aux  Belges  et  aux  Itahens 
qu'il  convient  d'attribuer  cet  accroissement.  L'accroissement 
de  l'élément  allemand,  suisse  et  luxembourgeois  est  plus 
rapide  qu'il  ne  semblerait  à  envisager  les  chiffres  extrêmes, 
parce  qu'en  4874  la  France  a  perdu  les  régions  où  il  y  en 
avait  le  plus  grand  nombre.  La  colonie  étrangère  la  plus 
nombreuse  est  la  colonie  belge  qui  comprend  43  «/o  du  total 
des  étrangers;  les  Italiens  viennent  ensuite  (24  <»/o),  puis 
les  Allemands  (9  °/o),  les  Espagnols  et  les  Suisses  (7  «o). 
Voyons  maintenant  quelle  est  la  distribution  géographique 
des  principales  nationalités  étrangères  sur  le  sol  français. 
Les  Anglais,  qui  augmentent  lentement,  vivent  surtout  à 
Paris  (l'2,804  et44J04  dans  le  dép.  entier  de  la  Seine), 
puis  dans  les  dép.  de  la  Manche,  Pas-de-Calais  (3,806), 
Seine-Inférieure  (4,922);  il  y    a  plus  de  femmes  que 
d'hommes.  —  Les  Américains  du  Sud  et  du  Nord  habitent 


surtout  le  dép.  de  la  Seine  (6,945  sur  10,2o3).  —  Les 
Allemands  sont  très  nombreux  dans  la  Seine  (35,718), en 
Meurthe-et-Moselle  (20,683),  dans  les  Vosges  (4,947), 
le  territoire  de  Belfort  (4,807),  la  Meuse  (2,676),  la  Marne 
(3,345),  etc.  Le  sexe  féminin  l'emporte  sur  le  sexe  mas- 
cuHn.  —  Des  Austro-Hongrois,  la  moitié  habitent  Paris 
(5,206  sur  11,817).  —  Les  Belges  sont  extrêmement 
nombreux  dans  le  dép.  du  Nord  qui  en  compte  298,991  ; 
il  y  en  a  57,649  dans  celui  de  la  Seine,  32,871  dans  les 
Ardennes,  48,545  dans  le  Pas-de-Calais:  42,734  dans 
l'Oise,  9,993  en  Seine-et-Oise,  9,343  dans  l'Aisne,  8,248 
en  Seine-et-Marne,  etc.  ■—  Des  Hollandais  et  Luxembour- 
geois, plus  de  la  moitié  habitent  la  Seine  (49,227  sur 
37,449).  —  Les  Italiens  affluent  du  préférence  dans  les 
Bouches-du-Rhône(70,088),les  Alpes-Maritimes  (39,465), 
la  Seine  (28,354),  le  Var  (23,405),  la  Corse  (46,087), 
leRhône(40,454),laSavoie(8,404),  l'Hérault  (5,487),  etc. 

—  Les  Espagnols  sont,  comme  les  Italiens,  surtout  ré- 
pandus le  long  de  leur  frontière,  dans  les  Basses-Pyrénées 
(47,958),  Pyrénées-Orientales  (40,404),  Aude  i(8,709), 
Lot-etGaronne(6,223), Gers  (5,904), Gironde(5,759), etc. 

—  Les  Suisses  viennent  de  préférence  à  Paris  (27,233 
dans  le  dép.  de  la  Seine)  et  dans  l'Est  :  il  y  en  a  40,777 
dans  le  Doubs,  4,617  dans  le  Rhône,  etc. 

Si  l'on  examine  la  répartition  des  étrangers  au  point  de 
vue  du  sexe,  on  voit  qu'elle  varie  beaucoup.  Pour  100 
femmes,  on  compte  : 


—  915  — 


EMIGRATION 


Hommes 

Anglais.  ......  87 

Allemands  .....  91 

Américains 1 04 

Belges ,     Hollandais , 

Luxembourgeois  .  110 

Portugais.  .....  127 

Espagnols.  .....  129 

Russes 132 


Hommes 

Suisses.  ......     133 

149 
160 
173 
192 
195 


Scandinaves.  .  . 

Italiens 

Austro-Hongrois 

Grecs 

Turcs,  Africains 
Roumains ,    Serbes , 
Bulgares 259 


Beaucoup  d'Anglaises  viennent  seules,  institutrices, 
vieilles  filles,  etc.  ;  les  Allemandes  se  placent  en  grand 
nombre  comme  domestiques;  d'autre  part,  les  Espagnols, 
Suisses,  Italiens,  sont  pris  comme  travailleurs  et  beaucoup 
ne  sont  en  France  que  pour  une  période  plus  ou  moins 
longue  et  sans  projet  définitif.  L'importance  de  la  colonie 
étrangère,  dans  les  départements  suivants,  atteint  la  pro- 
portion pour  100  de  la  population  totale  : 

Alpes-Maritimes 19,10 

Nord 18,92 

Bouches-du-Rhône 12,85 

Ardennes 11,31 

Belfort 10,49 

Var 8,71 

Meurthe-et-Moselle   .........       7,61 

Seine  ................       7,19 

Corse o 6,05 

Pyrénées-Orientales.  , 5,11 

Une  portion  de  ces  étrangers  sont  nés  en  France,  plus 
du  tiers,  ce  qui  indique  qu'il  s'agit  d'émigrants  complète- 
ment établis  ;  c'est  dans  les  départements  de  la  frontière 
qu'on  en  trouve  le  plus. 

Allemagne.  —  L'Allemagne  est,  par  excellence,  un  pays 
d'émigration.  Nous^  avons  déjà  dit  l'histoire  générale  des 
émigrations  allemandes.  Au  xix®  siècle,  le  courant  s'est 
définitivement  détourné  de  l'E.  à  l'O.  et  porté  sur  les 
Etats-Unis  qui,  durant  tout  le  xviii®  siècle,  avaient  déjà 
reçu  des  immigrants  allemands.  Les  guerres  de  la  Révolu- 
tion et  de  l'Empire  suspendirent  ce  mouvement.  Il  reprit 
en  1815  et  surtout  en  1817,  année  de  grande  misère  où 
le  pain  fut  très  cher.  D'après  Loiher  {Histoire  et  situation 
des  Allemands  en  Amérique^  1856,  2^  éd.),  on  avait 
compté,  en  1819,  20,000  émigrants  allemands  ;  puis  le 
nombre  s'abaissa  au  tiers  environ  de  1820  à  1825,  et,  dans 
la  période  suivante  (1825-1830),  il  n'en  serait  guère  parti 
que  3,000  par  an.  Après  la  révolution  de  1830,  l'émigra- 
tion reprit  une  marche  ascendante.  Voici  les  chiffres  de 
Lœher,  qui  n'est  pas  d'accord  avec  Pœsche  et  Gœbler  {Die 
Statistik  der  deutschen  Auswanderung).  Il  serait  parti 
en  1831,  8,600  émigrants  allemands;  en  1833,  20,000; 
en  1834,  31,000;  en  1837,  30,000;  en  1838,  20,000; 
en  1840,  27,000;  en  1841,  20,000;  en  1842,  28,000; 
en  1843,  24,000;  en  1844,  46,000;  puis  l'accroissement 
continue:  en  1845,  74,000;  en  1846,  94,581.  A  dater 
de  l'année  1847,  nous  possédons  une  statistique  régulière; 
elle  n'est  pas  rigoureusement  exacte,  parce  que  c'est  une 
statistique  commerciale  qui  indique  le  nombre  des  émigrants 
de  toute  nationalité  embarqués  dans  les  ports  allemands  ; 
on  a  proposé  d'admettre  que  le  nombre  des  émigrants 
allemands  embarqués  à  l'étranger  (Pays-Bas,  Belgique, 
France,  etc.)  compense  à  peu  près  celui  dos  émigrants 
étrangers  embarqués  dans  les  ports  allemands.  Sous  ces 
réserves,  voici  les  chittres  pour  les  treize  premières  années. 
Ils  sont  tirés  des  statistiques  officielles  combinées  avec  les 
statistiques  commerciales. 

~  ■■         .  .  .     251.931 

.  .  .  81.698 
,  .  .  98.573 
.  »  .  115.976 
.  .  .  53.266 
.  .  .   45.100 


1847  .  .  . 

.  .  109.531 

1854 

1848  .  .  . 

.  .   81.895 

1855 

1849  .  .  . 

.  .   89.102 

1856 

1850  .  .  . 

.  .   82.404 

1857 

1851  .  ,  . 

.  .  112.547 

1858 

1852  .  .  . 

.  .  162.301 

1859 

1853  .  .  . 

.  .  157.180 

celle  de  la  crise  économique  qui  sévit  sur  toute  l'Europe 
de  1847  à  1857  et  des  années  de  disette  où  les  céréales 
furent  le  plus  cher  :  1847,  1852-54.  C'est  dans  cette 
période  que  se  dessma  le  grand  mouvement  d'émigration. 
Les  chiffres  donnés  ci-dessus  s'appliquaient  à  l'ensemble 
de  l'émigration  allemande;  voici  maintenant  ceux  de  l'émi- 
gration allemande  ou  étrangère  par  ports  allemands  : 


On  constate  sur-le-champ  l'influence  de  la  crise  politique 
de  1848-49,  qui  ne  se  traduit  qu'un  peu  après,  et  surtout 


1847-1853  . 
1854-1860 

1861-1867 


370.415 
446.370 

472.881 


1868-1874 
1875-1881 
1882-1884 


772.294 
644.442 

590.492 


Ces  chiffres  sont  certainement  trop  faibles,  parce  qu'ils 
ne  comprennent  que  les  passagers  embarqués  sur  navires 
spécialement  affectés  au  service  de  l'émigration  et  négligent 
les  émigrants  qui  ont  été  embarqués  sur  les  autres.  La 
confusion  entre  émigrants  allemands  et  étrangers  n'a  plus 
été  faite  à  partir  de  1871  à  Brème  et  à  Hambourg,  de 
1874  à  Stettin;  de  même  à  partir  de  1872,  on  a  distingué 
à  Anvers  les  émigrants  allemands  des  autres.  Voici  les 
chiffres  pour  l'émigration  allemande  par  ces  quatre  ports  : 


1873  .....  103.638 

1874  .....  45.112 

1875  .....  30.773 

1876  .....  28.368 

1877  .....  21.694 

1878  .....  24.217 


1879 33.327 

1880  106.190 

1881 210.547 

1882  .....  193.869 

1883  166.119 

1884  143.586 


En  somme,  les  deux  grandes  périodes  de  l'émigration 
allemande  ont  été  de  1847  à  1857  et  de  1880  au  moment 
actuel.  La  répartition  par  pays  appelle  quelques  observa- 
tions :  ce  ne  sont  pas  les  mêmes  régions  qui  ont  fourni 
les  émigrants  des  deux  périodes.  La  Bavière  en  trois 
années  (1852-54)  perdit  65,000  personnes  par  l'émi- 
gration, les  duchés  de  Mecklembourg,  près  de  24,000.  En 
Wurttemberg,  l'émigration  fut  aussi  très  forte  de  1851 
à  1854,  où  le  royaume  perdit  ainsi  71,000  sujets.  Pour 
la  Prusse,  dans  l'histoire  de  laquelle  l'immigration  tient 
un  si  grand  rôle,  mais  où,  depuis  une  cinquantaine  d'an- 
nées, l'émigration  l'emporte  sur  l'immigration,  voici  les 
chiffres  pour  la  période  de  1845  à  1859  : 


Années 

1845  . 

1846  . 

1847  . 

1848  . 

1849  . 

1850  . 

1851  . 

1852  . 

1853  . 
185i  . 

1855  . 

1856  . 

1857  . 

1858  . 

1859  . 


Immigrants 
3.534 
3.074 
3.093 
2.783 
2.221 
2.481 
2.733 
2.859 
2.752 
3.254 
2.644 
3.027 
3.296 
3.469 
3.606 


44.826 


Emigrants 

9.239 

16.662 

14.906 

8.297 

8.780 

7.516 

8.922 

21.372 

18.194 

32.765 

14.776 

18.699 

23.972 

13.329 

9.807^ 

227.236 


Voici  la  répartition  des  émigrants  par  province  d'origine  : 


Prusse 

Brandebourg 
Poméranie  . 
Posen.  .  .  . 


4.970 
17.699 
17.982 

5.516 


Silésie 24.496 

Saxe 32.415 

Westphalie  .  .  .  39.750 

Province  Rhénane  74.601 


Le  pécule  moyen  par  tête  d'immigrant  était  de  4,046  fr.  ; 
par  tête  d'émigrant,  de  934  fr.  ;  de  sorte  que  l'excédent 
des  sorties  d'hommes  était  annuellement  de  15,000  têtes, 
l'excédent  des  sorties  de  capitaux  était  seulement  de  2  mil- 
lions par  an,  200  fr.  par  tête.  Près  de  la  moitié  des  émi- 
grants venaient  de  la  Province  Rhénane  et  delà  Westphalie 
(74,601  et  39,750).  Ajoutons  que  le  nombre  réel  des  émi- 
grants, si  Fou  ajoute  ceux  qui  partirent  sans  autorisation, 
doit  être  majoré  d'un  tiers  et  qu'il  dépasserait  300,000 


ÉMIGRATION 


—  916  — 


pour  la  période  étudiée.  Voici  maintenant  les  chiffres  pour 
les  périodes  de  1871  à  1881  : 


PAYS  D'ORIGINE 


Prusse  orientale  et  occidentale. 

Brandebourg 

Poméranie 

Posen 

Silésie 

Saxe 

Slesvig-Holstein 

Hanovre 

Westphalie 

Hesse-Nassau 

Province  Rhénane 

Hohenzollern.  ........ 

Prusse  (sans  désignation  de 

province) 

Total  pourle  royaume  de  Prusse 

Bavière 

Saxe 

Wurttemberg 

Bade ^ 

Hesse :  *  •  • 

Mecklembourg-Schwerin .  .  . 
Mecklembourg-Strelitz.  .  .  . 
Principautés  de  Thuringe.  .  . 

Oldenbourg 

Brunswick 

Anhalt .  .  . 

Waldeck 

Schaumbourg-Lippe 

Lippe 

Lubeck 

Brème 

Hambourg 

Alsace-Lorraine . 

Allemagne  (sans  désignation 

d'Etat) 

Total  pour  l'Empire  allemand. 


tf  ^ 


96.820 
35.897 
90.400 
77.425 
23.000 
13.791 
46.738 
62.500 
21.464 
30.081 
25.893 
750 

878 


525.637 

71.669 

26.525 

43.591 

33.125 

20.298 

28.665 

3.259 

12.544 

8.866 

3.227 

1.426 

1.074 

1.945 

887 

5.894 

11.816 

3.762 

1.488 


805.698 


26,3 
9,6 

53,4 

41,3 
5,2 
5,1 

37,7 

27,2 
9,5 

17,5 
5,8 

19,1 


17,5 
12,3 

8,1 
20,1 
19,2 
19,7 
45,1 
29,5 

9,7 
23,9 

8,4 

5,6 
17,3 

11,3 

12,7 
34,2 

23,7 

2,2 


16,2 


Si  nous  comparons  l'émigration  contemporaine  avec  celle 
du  milieu  du  siècle,  nous  remarquons  la  grande  influence 
des  causes  locales;  dans  tous  les  temps,  la  tendance  à 
l'émigration  a  été  très  diverse  d'une  province  ou  d'un  Etat 
à  l'autre  ;  mais  ce  ne  sont  pas  aux  mêmes  années  qu'elles 
se  manifestent  avec  le  plus  d'intensité  dans  chacune  des 
régions.  L'Allemagne  du  Sud  a  émigré  surtout  après  1848, 
tandis  que  les  prolétaires  des  provinces  prussiennes  (Po- 
méranie, Silésie)  ne  se  sont  mis  en  mouvement  que  plus 
tard.  Le  Mecklem bourg  a  toujours  fourni  un  contingent 
très  abondant.  Dans  la  Province  Rhénane,  les  oscilla- 
tions sont  très  grandes.  En  certaines  années,  elle  fournit 
une  très  forte  fraction  de  l'émigration  allemande  ;  en  d'autres, 
le  mouvement  s'atténue  beaucoup. 

Les  provinces  qui  émigrent  le  plus  sont  des  provinces 
où  la  population  est  surtout  agricole,  celles  de  la  plaine  de 
l'Allemagne  du  Nord,  relativement  peu  fertile,  où  le 
paysan  ne  peut  arriver  à  la  possession  du  sol  ;  la  cause 
est  sociale  autant  qu'économique,  la  mauvaise  répartition 
de  la  propriété  influant  autant  que  la  misère  pour  décider 
le  paysan  à  chercher  au  delà  de  l'Atlantique  une  destinée 
meilleure  sur  une  terre  à  lui.  Ce  désir  est  encore  plus 
manifeste  chez  les  émigrants  de  l'Allemagne  du  Sud,  dont 
la  condition  matérielle  laisse  moins  à  désirer.  Voici  la  répar- 
tition des  émigrants  allemands  par  lieu  de  destination  dans 


la  période  1871-84.  Notons  que  sur  le  chiffre  total  de 
1,309,272,  648,930  se  sont  embarqués  à  Brème,  531,670 
à  Hambourg,  7,629  à  Stettin,  121, 043  à  Anvers.  On  néglige 
ceux  qui  ont  pris  les  autres  routes,  en  particulier  la  France. 
Ce  chiffre  doit  donc  être  majoré  d'au  moins  100,000. 


RÉGIONS 

ÉMIGRANTS 

PROPORTION 

sur  1.000 
émigrants. 

Etats-Unis  de  l'Amérique 

du  Nord 

Canada  

1.250.937 
3.289 

444 

916 

27.128 

8.524 

2.929 

441 

14.664 

955,5 
2,5 

0,4 

0,7 

20,7 

6,5 

2,2 

0,3 

11,2 

Mexique  et  Amérique  cen- 
trale         

ATitillpc 

Brésil 

Autres  Etats  de    l'Amé- 
rique du  Sud 

A  friQue 

Asie  .  • 

Australie 

Total 

1.309.272 

1.000 

On  voit  que  les  Etats-Unis  sont  le  lieu  de  destination  de 
plus  des  dix-neuf  vingtièmes  des  émigrants  allemands; 
quelques-uns  vont  au  Brésil  ou  en  Australie  ;  les  autres 
débouchés  sont  presque  négligeables.  Nous  rappelons  encore 
que  l'émigration  vers-  les  autres  pays  d'Europe  n'est  pas 
mentionnée  ici,  bien  qu'assez  considérable  encore  vers  la 
France,  les  principautés  danubiennes  et  même  la  Russie. 
Autriche-Hongrie.  —  On  ne  possède  pas  de  renseigne- 
ments complets  sur  l'émigration  austro-hongroise,  parce 
qu'on  ne  porte  comme  émigrants  que  ceux  qui  en  font  la 
déclaration,  alors  que  bien  d'autres  s'en  vont  sans  dire  et 
sans  savoir  qu'ils  ne  reviendront  pas.  La  statistique  offi- 
cielle donne  pour  la  période  1850-1883  le  chiffre  de 
169,356  émigrants  de  la  Cisleithanie.  Ils  proviennent 
surtout  de  la  Bohême,  de  la  Moravie,  du  Tirol,  de  la  Galicie 
et  du  littoral,  notamment  du  cercle  de  Gradisca.  Ils 
prennent  généralement  la  route  de  Brème  ou  de  Hambourg. 
Pour  les  années  1867-1883,  les  statistiques  allemandes  de 
ces  ports  en  ont  compté  115,473.  Dans  la  période  de  1834 
à  1843,  l'immigration  en  Cisleithanie  compensait  au  moins 
l'émigration  ;  celle-ci  l'emporta  décidément  après  1851  ; 
ce  furent  les  Tchèques  qui  se  mirent  en  mouvement.  Le  gou- 
vernement autrichien  qui  favorisait  l'immigration  (V.  plus 
bas  le  §  Intervention  de  l'Etat)  s'opposa  le  plus  qu'il 
put  à  l'émigration,  cherchant  au  moins  à  la  dériver  vers 
les  provinces  polonaises  et  hongroises.  —  Pour  la  Hongrie, 
il  n'existe  aucune  statistique  de  l'émigration.  On  n'a  de 
données  que  sur  celle  qui  se  dirige  vers  les  Etats-Unis, 
24,346  personnes  de  1871  à  1881.  On  doit  aussi  émigrer 
vers  les  pays  de  l'Est,  Russie,  Roumanie,  Serbie,  Bulgarie, 
Turquie.  L'émigration  transatlantique  donne  les  chiffres 
suivants  : 

1871 6.169 

1872 6.099 

1873 6.927 

1874 5.837 

1875 10.012 

1876 9.259 

1877 5.887 

Elle  est  donc  à  peu  près  stationnaire. 
Suisse.  —  La  Suisse  montagneuse,  relativement  pauvre, 
habitée  par  une  race  énergique  et  laborieuse,  a  de  tout 
temps  essaimé  au  dehors.  Les  Suisses  sont,  comme  les 
Français,  très  attachés  au  sol  natal  et,  bien  que  cherchant 
fortune  à  l'étranger,  émigrent  rarement  sans  esprit  de 
retour.  Mais  la  plupart  de  ceux  qui  ont  passé  la  mer  ne 


1878 5.395 

1879 5.929 

1880 10.145 

1881 13.341 

1882 7.759 

1883 7.366 


—  917  — 


ÉMIGRATION 


4878 2.608 

1879 4.288 

1880 7.255 

1881 i  0.935 

1882 10.896 

1883 13.502 


réalisent  pas  ce  désir.  Ainsi  pour  le  Tessin,  de  1850 
à  1859,  il  était  parti  4,437  hab.;  549  seulement  ^sont 
revenus.  L'émigration  suisse  était  évaluée  vers  1850  à 
6,000  ou  7,000  individus  par  an,  en  1853  et  1854  elle 
doubla  et  absorba  tout  l'excédent  annuel  des  naissances 
sur  les  décès.  L'émigration  transatlantique  était  la  plus 
importante  ;  elle  s'effectuait  surtout  par  le  port  du  Havre. 
Depuis,  le  mouvement  s'est  ralenti.  Les  chiffres  donnés 
par  le  rapport  officiel  sur  V Emigration  suisse  pour  les 
pays  d' outre-mer  sont  les  suivants  :  de  1868  à  1883, 
84,775  personnes  ont  quitté  la  Suisse,  dont  45,127  se 
rendaient  aux  Etats-Unis.  L'émigration  transatlantique  a 
atteint  les  chiffres  suivants  : 

1871 3.852 

1872 4.899 

1873 4.957 

1874 2.672 

1875 1.772 

1876 1.741 

1877 1.691 

On  remarque  combien  elle  s'est  développée  depuis  1880. 
Pays-Bas.  -—  La  population  des  Pays-Bas  est  une  des 
plus  denses  de  l'Europe  ;  cependant  elle  émigré  très  peu  ; 
il  est  du  reste  malaisé  d'avoir  à  ce  sujet  des  renseigne- 
ments précis  et  de  distinguer  les  émigrants  véritables  des 
voyageurs  ou  des  employés  qui  se  rendent  dans  les  colonies 
néerlandaises.  Aussi  la  statistique  publiée  depuis  1869 
pour  les  Pays-Bas  ne  peut-elle  nous  être  d'un  grand  secours. 
Au  milieu  du  siècle,  il  se  dessina  un  courant  d'émigra- 
tion, moindre  cependant  que  dans  les  autres  pays  européens; 
en  1847,  5,322  Hollandais  émigrèrent  :  c'est  le  chiffre 
maximum  pour  cette  période;  en  1850,  il  ne  sort  que 
774  personnes;  en  1852,  1,184  ;  en  1853,  1,646  ;  en 
1854,  3,611;  en  1855,  2,077;  en  1856,1,924;  c'est  le 
moment  de  la  crise;  en  1859,  le  chiffre  s'abaisse  à  497; 
c'étaient  surtout  la  Zélande  et  la  Gueldre  qui  émigraient. 
Dans  la  période  actuelle,  la  fièvre  de  l'émigration  a  fini  par 
gagner  les  Pays-Bas.  On  en  jugera  par  les  chiffres  relatifs 
aux  années  1873-1883  : 

1873 3.867  1879.  .....   4.664 

1874.  .....   4.042  1880 11.875 

1875.  .....   2.130  1881 29.110 

1876 2.402  1882 34.321 

1877.  .....   2.403  1883 19.643 

1878 2.783 

Ces  chiffres  ne  s'appliquent  qu'à  l'émigration  transatlan- 
tique. Dans  les  autres  pays  d'Europe,  notamment  en  France, 
en  Belgique,  en  Allemagne  aussi,  on  trouve  une  assez  grande 
quantité  de  Hollandais  et  de  Luxembourgeois  qui,  jusqu'à 
la  séparation  intervenue  en  1891 ,  étaient  recensés  avec  eux. 

Belgique.—  Bien  que  la  Belgique  soit  le  pays  d'Europe 
où  la  population  est  le  plus  dense,  l'émigration  y  a  été 
longtemps  presque  nulle.  On  en  jugera  par  les  statistiques 
suivantes  relatives  au  milieu  du  siècle.  Elles  indiquent  les 
moyennes  annuelles  : 

Emigrants    Immigrants 

1841-1845.  .  .  .  4.539  3.104 

1846-1850.  .  .  .  5.669  5.236 

1851-1855.  .  .  .  8.186  4.856 

1856-1858.  ...  9.974  6.664 

On  admet  d'ailleurs  que  la  plus  grande  partie  des  immi- 
grants étaient  des  Belges  qui  avaient  précédemment  émigré 
et  rentraient  après  une  longue  absence.  Nous  avons  déjà 
dit  en  parlant  de  la  France  combien  les  Belges  avaient 
tendance  à  s*y  rendre  ;  beaucoup  finissent  par  s'y  étaWir  et 
ne  conservent  la  nationalité  d'origine  que  pour  échapper  au 
service  militaire  (V.  Naturalisation).  Le  mouvement  d'émi- 
gration s'accentua  à  peine  durant  la  période  de  1861  à 
1870  où  la  moyenne  annuelle  des  sorties  fut  de  10,194. 
n  diminua  de  1871  à  1880  où  la  moyenne  annuelle 
s'abaissa  à  7,487.  La  Belgique  était  alors  presque  comme 


la  France  un  pays  d'immigration  plus  que  d'émigration. 

Dans  la  période  de  1841  à  1866,  l'émigration  ne  l'empor- 
tait sur  l'immigration  que  de  46,500  têtes.  Dans  la  période 
suivante,  il  entra  plus  d'immigrants  en  Belgique  qu'il  n'en 
sortitd'émigrants.Del867àl882,rexcédentdesimmigrants 
se  chiffrait  par  64,528.  Cependant  l'émigration  de  transit 
par  Anvers  s'accrut  rapidement  et  elle  finit  par  entraîner 
aussi  les  Belges  au  delà  de  l'Océan.  Déjà  le  gouvernement 
belge  avait  tenté  d'organiser  une  colonisation  transatlan- 
tique; il  avait  encouragé  trois  tentatives  ;  à  Santo-Thomas, 
dans  le  Guatemala,  on  envoya,  en  1844,  871  Belges; 
il  fallut  que  l'Etat,  en  1846,  affrétât  un  navire  pour  rapa- 
trier les  survivants  ;  les  deux  autres  eurent  lieu  dans  les 
Etats-Unis  (Pennsylvanie  en  1849  et  Missouri  en  1850), 
le  succès  fut  négatif.  L'émigration  officielle  échoua.  La 
grande  crise  industrielle  et  agricole  qui  sévit  à  partir  de 
1880  eut  pour  conséquence  une  recrudescence  de  l'émi- 
gration. En  1885,  il  partit  13,236  personnes  habitant  la 
Belgique,  dont  6,845  nées  en  Belgique;  en  1886,  17,029 
hab.,  dont  8,189  nés  en  Belgique.  Cette  distinction  montre 
que,  dans  les  statistiques  précédentes,  le  nombre  des  Belges 
émigrants  n'était  guère  que  de  la  moitié  du  chiffre  énoncé. 
Mais,  ce  qui  est  important,  c'est  le  nombre  des  Belges  émi- 
grant  vers  les  pays  d'outre-mer.  La  progression  est  rapide. 
A  Anvers,  on  relève,  en  1885,  1,286  départs;  en  1886, 
2,048  départs;  en  1887,  3,834  départs;  en  1888,7,794 
départs.  Un  bon  nombre  des  émigrants  revinrent  ;  les  autres 
s'établirent,  surtout  dans  l'Amérique  du  Sud. 

Grande-Bretagne  et  Irlande.  —  Le  Boyaume-Uni  de 
Grande-Bretagne  et  d'Irlande  a  été,  durant  tout  le  xix^  siècle, 
le  foyer  le  plus  intense  de  l'émigration.  D'autre  part,  il 
n'y  a  nul  pays  où  l'immigration  soit  plus  faible.  Les  sta- 
tistiques anglaises  portent  sur  le  nombre  total  des  émigrants 
qui  se  sont  embarqués  dans  ses  ports  : 


1815-1819.  . 

97.799 

1850-1854.  . 

1.638.945 

1820-1824.  . 

97.548 

1855-1859.  . 

800.640 

1825-1829.  . 

121.084 

1860-1864.  . 

774.111 

1830-1834.  . 

381.956 

1865-1869.  . 

1.064.988 

1835-1839.  . 

287.358 

1870-1874.  . 

1.356.214 

1840-1844.  . 

465.577 

1875-1879.  . 

796.828 

1845-1849.  . 

1.029.209 

1880-1883.  . 

1.523.253 

Sur  ce  total  de  10,444,992  émigrants,  les  cinq  sixièmes 
étaient  des  citoyens  du  Royaume-Uni.  On  sait  que 
6,860,261  se  rendirent  aux  Etats-Unis,  1,765,586  au 
Canada,  1,437,243  en  Australasie,  381,902  dans  les  colo- 
nies africaines  ou  les  autres  pays.  Voici  maintenant  des 
détails  plus  complets  sur  la  période  de  1853  à  1883. 
Durant  ces  trente  années,  il  est  parti  des  ports  britanniques 
5,405,917  indigènes,  1 ,250,003  étrangers  et  325,450  per- 
sonnes de  nationalité  non  constatée.  Sur  les  émigrants 
nationaux,  on  comptait  2,516,356  Anglais,  525,470  Ecos- 
sais, 2,346,091  Irlandais.  On  remarquera  que  l'émigration 
irlandaise  est,  proportionnellement  à  la  population  de  l'île, 
beaucoup  plus  forte  que  celle  des  Anglais.  Ajoutons  que 
les  retours  d'émigrants,  qui  représentent  plus  du  quart  des 
départs  (1 ,508,778  de  1854  à  1883),  portent  moins  sur  les 
Irlandais  que  sur  les  autres  groupes.  Cette  émigration  irlan- 
daise est  un  fait  capital  dans  l'histoire  de  l'île  et  de  la  race  ; 
elle  sera  étudiée  à  part  (V.  Irlande).  Nous  nous  contenterons 
donc  de  donner  ici  quelques  indications  générales.  En  pre- 
mier lieu,  les  chiffres  de  l'émigration  britannique  dans  la 
grande  période  de  l'émigration  de  1845  à  1860;  puis  les 
chiffres  de  1871  à  1883;  enfin  la  part  de  chaque  race, 
anglaise,  écossaise,  irlandaise,  autrefois  et  aujourd'hui  : 


1845  93.501 

1846  .....  129.851 

1847  ,  .  .  .  .  258.270 

1848  248.089 

1849  .  •  .  .  .  299.498 

1850  .....  280.849 

1851  .....  335.966 
1852 368.764 


1853  .....  329.937 

1854 323.429 

1855.  ....  176.807 

1856  .....  176.554 

1857  ,  .  .  .  .  212.875 

1858  113.972 

1859  .  .  ,  .  .  120.432 

1860  .....  128.469 


EMIGRATION 


-  918  - 


Plus  qu'en  aucun  autre  pays  d'Europe,  on  constate 
l'influence  de  la  grande  crise  économique  qui  débuta  par 
la  lamine  de  4  847;  dès  qu'elle  prit  fin,  après 4 857,  le  nombre 
des  émigrants  diminue  de  moitié. 


4874 492.754 

4872  210.494 

4873  228.345 

4874  497.272 


4875.  ....  440.675 

4876  109.469 

4877  .....  95.495 

4878  4d2.902 


1882  .  .  =  .  .  279.366 
4883  320.418 


1879  .  .  ,  .  .  164.274 

1880  227.542 

1881  .....     243.002 
On  voit  ici  encore  Faction  de  la  crise  économique  ;  elle 

s'aggrave  à  partir  de  4880  et  l'émigration  suit  la  même 
progression. 

Voici  la  proportion  des  émigrants  de  chacun  des  trois 
royaumes  et  des  étrangers  : 


ANNÉES 

ANGLAIS 

ÉCOSSAIS 

IRLANDAIS 

ÉTRANGERS 

NATIONALITÉ 

non 

constatée. 

TOTAL 

4853 .  . 

4854.  ......... 

!  4855 .  . 

62.945 
90.966 
57.432 
64.527 
78.560 
39.974 
33.930 

22.605 
25.872 
44.037 
42.033 
46.253 
44.845 
40.482 

492.609 
450.209 

78.854 
74.724 

86.238 
43.284 
52.984 

34.459 

37.704 

40.554 

9.474 

42.624 

4.560 

4.442 

20.349 
48.078 
46.230 
48.796 
49.200 
44.345 
48.897 

329.937 
323.429 
476.807 
476.554 
212.875 
113.972 
120.432 

4856 

4857 ,  .  .  . 

4858  .,,.,,.... 
4859 

Pour  les  six  années,  de  1853  à  1858,  la  proportion 
pour  100  des  différents  éléments  était  la  suivante  : 

Anglais 29,55 

Ecossais  ,,,..,....       7,70 

Irlandais 46,71 

Etrangers „  ,  .       7,97 

Nationalité  inconnue  .  .  .  ,      8,07 

100 
Le   rapport  de  l'émigration  anglaise  à  la  population 
totale  nous  donne  : 

1  émigrant  par  293  hab.  en  1853 

1  _  205     _         4854 

1  _  329     -         1855 

1  _  295     -         1856 

1  _  246     -         1857 

1  _  488    —         1858 

1  _  582     -         1859 

Ces  chiffres  sont  considérables  relativement  aux  autres  pays 

d'Europe,  mais  ils  sont  dépassés  en  Ecosse,  où  l'on  compte  : 

1  émigrant  par  214  hab.  en  1855 

1  _  254     —         1856 

1  -  188    —         1857 

1  _  262     -         1858 

1  __  306     -         1859 

et  bien  plus  encore  en  Irlande,  où  la  proportion  fut  de  : 

1  émigrant  par    26  hab.  en  1851 

1  -  84     —         1856 

1  —  113     —         4859 

Même  dans  la  dernière  période  où  l'émigration  s'atténuait, 

elle  était  encore  deux  fois  plus  forte  relativement  en  Irlande 

que  dans  l'année  la  moins  favorable  pour  l'Angleterre, 

La  part  de  l'Irlande  dans  l'émigration  totale  du  Royaume- 
Uni  fut  la  suivante  de  4854  à  4860  : 


ANNÉES 

ÉMIGRATION 

totale 

ÉMIGRATION 

irlandaise 

RAPPORT 

pour  100 

4854 

4852.  ,  „  .  . 

4853.  .  .  .  . 

4854.  .  .  ,  . 

4855.  .  .  .  , 

4856.  .  .  .  , 

4857.  .  .  .  . 

4858.  .  .  .  , 

4859.  .  .  .  . 

4860.  .  .  .  . 

335.966 
368.764 
329.937 
323.429 
476.807 
476.554 
242.875 
443.972 
420.432 
428.469 

254.537 

224.997 
492.609 
250.209 

78.854 
74.724 
86.238 
43.284 
52.984 
60.835 

75,76 
64,04 
58,37 
46,44 
44,59 
40,62 
40,54 
38,85 
43,99 
47,34 

Il  faut  observer  que  ces  chiffres  ne  représentent  que 
l'émigration  transatlantique;  mais,  pour  avoir  le  total  de 
l'émigration  irlandaise,  il  faut  y  ajouter  les  chiffres  relatifs 
aux  nombreux  natifs  d'Erin  qui  se  rendent  en  Angleterre, 
en  Ecosse  ou  sur  le  continent.  Voici  les  chiffres  de  cette 
émigration,  sans  distinction  de  destination  :  en  4852, 
368,966,  et,  en  4859,  84,599.  On  voit  qu'ils  sont  presque 
doubles  de  ceux  relatifs  à  Témigration  transatlantique. 

Le  -grand  mouvement  d'exode  de  la  population  irlandaise 
fitsortir  de  File  en  cinq  années  (1847-4851  )  4,423,000  per- 
sonnes et  dans  les  huit  années  suivantes  plus  de  4 ,740,000, 
soit  en  treize  années  plus  de  3,460,000  émigrants;  et,  si 
l'on  pense  que,  de  4846  à  4850,  la  famine  fit  périr  dans 
l'ile  environ  600,000  Irlandais,  on  se  rendra  compte  de 
l'impérieuse  nécessité  qui  préside  à  cette  émigration.  C'est 
de  cette  époque  que  date  la  dépopulation  progressive  de 
l'Irlande.  Mais  il  ne  faudrait  pas  croire  que  l'émigration 
irlandaise  ne  fût  pas  déjà  très  forte  auparavant.  Lock  don- 
nait en  1853  les  appréciations  suivantes  :  «  De  4620  jus- 
qu'en sept.  4853,  on  peut  évaluer  à  9  millions  et  demi  le 
nombre  des  Irlandais  qui  ont  quitté  leur  pays,  l'Angleterre 
et  le  Canada,  pour  se  rendre  aux  Etats-Unis  d'Amérique. 
De  4806  k  4853,  4  millions  et  demi  au  moins  d'Irlandais 
ont  abandonné  le  sol  natal.  Un  grand  nombre  s'est  établi 
en  Angleterre  et  en  Ecosse.  On  compte  aujourd'hui  plus 
d'Irlandais  à  Londres  qu'à  Dublin  ;  à  Manchester  et  à  Sal- 
ford  qu'à  Cork  ;  à  Glasgow  qu'à  Belfast.  Des  individus  de 
race  anglo-saxonne  et  celtique  à  l'étranger,  bien  près  de  la 
moitié  est  d'origine  irlandaise.  »  Pour  conclure,  nous  rappe- 
lons qu'en  4883,  il  émigrait  483,236  Anglais,  34, 439  Ecos- 
sais et  405,743  Irlandais.  Ceux-ci  ne  représentaient  plus 
que  le  tiers  de  l'émigration  transatlantique,  mais  à  peine 
le  sixième  de  la  population  britannique  totale  ;  la  propor- 
tion est  donc  deux  fois  plus  forte  chez  eux  et  l'émigration 
vers  les  cités   industrielles  de  Grande-Bretagne   ne   se 
ralentit  nullement.  —  L'émigration  écossaise  fut  en  partie 
déterminée  par  la  transformation  de  la  propriété  dans  les 
Ilighlands  où  les  clans  furent  dépossédés  au  profit  de  leurs 
chefs  ;  des  régions  entières  ont  été  dépeuplées  et  converties 
en  territoires  de  chasse.  —  Nous  parlerons  plus  loin  de  la 
politique  du  gouvernement  anglais  en  matière  d'émigration. 
Pays  Scandinaves.  —  Les  pays  Scandinaves  qui  four- 
nirent au  début  du  moyen  âge  une  grande  quantité  d'émi- 
grants  vers  les  autres  pays  d'Europe,  se  déversent  aujour- 
d'hui vers  l'Amérique  du  Nord,  qu'ils  avaient  touchée  au 
XI®  siècle.  Les  émigrants  Scandinaves  sont  une  des  caté- 
gories les  meilleures  ;  énergiques,  instruits,  ils  prospèrent 
généralement. 
Danemark,    L'émigration    danoise   est  surtout  agri- 


919  -^ 


EMIGRATION 


cole  ;  elle  n'a  pas  une  très  grande  extension.  Mais,  depuis 
1855,  les  Mormons  font  de  nombreuses  recrues  dans  le 
Jutland  et,  à  dater  de  cette  époque,  1 ,500  Danois  sont  allés 
annuellement  rejoindre  leurs  coreligionnaires  de  l'Utah  ; 
aussi  le  contingent  des  émigrants  aisés  est-il  considérable. 
Les  statistiques  danoises  évaluent  à  74,423  le  nombre  des 
émigrants  de  1869  à  1883.  La  progression  se  marque 
depuis  1880.  Voici  les  chiffres  des  émigrants  danois 
depuis  1871  jusqu'en  1883  : 


1871  .  .  .  . 

.  .   3.906 

1878.  .  .  . 

.  .   2.972 

1872,  .  .  . 

.  .   6.893 

1879.  .  .  . 

.  .   3.068 

1873.  .  .  . 

.  .   7.200 

1880.  .  .  . 

.  .   5.658 

1874.  .  .  . 

.  .   3.322 

1881.  .  . 

.  .   7.985 

1875.  .  .  . 

.  .   2.088 

1882.  .  .  . 

.  .  11.614 

1876.  .  .  . 

1877.  .  .  . 

.  .   1.581 

.  .   1.877 

1883.  .  . 

.  .   8.375 

1877 3.206 

1878 4.863 

1879 7.608 

1880 20.212 

1881 25.976 

1882 28.804 


Norvège,  La  Norvège  est  un  pays  déshérité,  que  le  froid 
et  la  structure  du  sol  empêchent  de  nourrir  une  population 
abondante.  Celle-ci  augmentant  par  l'excédent  annuel  des 
naissances  sur  les  décès,  l'émigration  est  nécessaire  pour 
rétablir  l'équilibre.  D'autre  part,  les  émigrants  parvenus  à 
l'aisance  attirent  à  eux  bon  nombre  de  leurs  compatriotes, 
de  sorte  que  le  mouvement  s'accentue  surtout  depuis  la 
crise  économique  commencée  en  1880.  De  1836  à  1882, 
il  émigra  292,398  Norvégiens.  Voici  les  chiffres  pour  la 
période  de  1871  à  1882  : 

1871 12.276 

1872 13.865 

1873 10.352 

1874 4.601 

1875 4.048 

1876 4.355 

Ces  chiffres  sont  énormes  relativement  à  la  population 
du  pays,  qui  a  vu  partir,  en  1882, 1  émigrant  sur  66  hab.  ; 
seule  l'Irlande  dépasse  cette  proportion.  Le  fait  est  récent, 
car,  dans  le  milieu  du  siècle,  l'émigration  n'avait  enlevé 
en  1853,  année  maximum,  que  5,458  Norvégiens;  2,337 
seulement  en  1850  ;  1,001  en  1847  et  1,176  en  1855. 
Les  Norvégiens  se  rendent  dans  l'Amérique  du  Nord  ou 
l'Australasie,  vers  des  régions  de  climat  analogue  à  celui  de 
leur  patrie,  mais  plus  tempéré. 

Suède,  La  Suède  émigré  non  seulement  vers  l'Amérique 
du  Nord,  mais  aussi  vers  l'Allemagne  et  le  Danemark.  Les 
motifs  sont  les  mêmes  que  pour  la  Norvège  :  rigueur  du 
climat,  excédent  des  naissances.  Le  mouvement  fut  très 
faible  vers  le  milieu  du  siècle  :  1,102  émigrants  en  1851  ; 
3,319  en  1852  ;  2,998  en  1853  ;  4,243  en  1854,  c'est 
le  maximum  ;  puis  seulement  1,087  en  1855;  1,115  en 
1856;  1,650  en  1857;  540  en  1858;  221  en  1859, 
Mais  le  mouvement  a  repris  avec  une  grande  intensité, 
surtout  après  1880.  Voici  les  chiffres  de  1871  à  1882  : 


1871 13.190 

1872 11.969 

1873 9.646 

1874 3.570 

1875 3,691 

1876 3.786 


1877 2.998 

1878 4.403 

1879 12.870 

1880 36.400 

1881. 40.672 

1882 44.585 


Italie.  —  Dans  les  pays  de  l'Europe  méridionale,  ce  n'est 
pas,  comme  dans  la  Scandinavie,  la  rigueur  du  cUmat  qui 
force  les  habitants  à  aller  chercher  fortune  ailleurs  ;  cepen- 
dant la  misère  est  plus  grande  et  est  la  cause  fondamen- 
tale de  l'émigration.  La  population  de  l'Italie  est  très 
dense  et  l'organisation  de  la  propriété  étant  assez  mau- 
vaise, un  grand  nombre  d'Italiens  s'en  vont  chaque  année 
chercher  à  l'étranger  leur  subsistance.  Beaucoup  ne  font 
qu'une  absence  temporaire,  cherchant  du  travail  pour  une 
saison  ou  plus,  mais  revenant  dans  leur  patrie  avec  leurs 
économies.  Ceux-ci  vont  en  France,  en  Autriche-Hongrie, 
en  Suisse,  ou  plus  loin  en  Allemagne,  dans  la  péninsule 
balkanique,  en  Angleterre.  Beaucoup  finissent  par  s'y  fixer. 
L'émigration  transatlantique  se  dirige  de  préférence  vers 


l'Amérique  latine,  de  la  République  Argentine  au  Mexique. 
M.  Daireaux,  dans  son  remarquable  ouvrage  sur  la 
Vie  et  les  mœurs  à  la  Plata  (Paris,  1888),  apprécie 
très  exactement  les  caractères  de  l'émigration  italienne  et 
son  importance  pour  le  pays  d'origine.  «  L'Italie,  qui 
n'a  d'existence  nationale  que  depuis  1860,  semble  avoir 
consacré  ses  premiers  efforts,  après  la  constitution  de 
son  unité,  à  développer  sa  vitalité  par  l'émigration.  Elle 
nous  a  donné  un  grand  exemple  et  a  si  bien  réussi 
dans  cette  entreprise,  que  nos  hommes  d'Etat,  pendant 
ce  temps,  condamnaient  sans  l'avoir  étudiée,  qu'elle  est 
devenue  pour  nous,  au  dehors,  un  concurrent  des  plus 
redoutables.  On  ne  soupçonnait  pas,  il  y  a  quinze  ans,  le 
commerce  italien  à  l'étranger  :  pour  un  peu,  nous  aurions 
nié  l'existence  de  son  industrie  et  la  possibilité  pour  ce 
pays  d'en  créer  une.  L'Italie  a  donné  un  démenti  à  ces 
prévisions,  et,  ce  qu'il  faut  retenir,  c'est  que  ce  sont  les 
émigrants  qui  ont  déterminé  la  création  d'une  industrie 
chez  elle,  et  que  son  commerce,  très  peu  actif  autrefois,  a 
appris,  par  les  bénéfices  de  l'exportation,  à  devenir  très 
envahissant.  N'oublions  pas  aussi  que  son  climat  favorise 
son  agriculture,  et  que  ses  huiles  et  ses  vins  pourraient 
bien  se  substituer  aux  nôtres,  non  qu'ils  soient  préférables, 
mais  parce  que  le  nombre  toujours  croissant  des  consom- 
mateurs italiens  en  apprend,  à  l'étranger,  l'existence,  et 
que  le  nombre  toujours  croissant  des  petits  commerçants 
italiens  se  répandant  dans  le  monde  en  impose  la  consom- 
mation. L'émigrant  et  le  commerce  italiens  sont  servis,  en 
outre,  par  cet  avantage  que  l'Italien  est  navigateur  beau- 
coup plus  que  le  Français,  qu'il  a  une  tendance  à  déve- 
lopper très  vite  sa  flotte  à  vapeur,  sans  renoncer  aux  na- 
vires à  voiles,  là  où  les  petits  tonnages  sont  encore 
recherchés.  »  Les  provinces  italiennes  dont  les  habitants 
émigrent  le  plus  volontiers  sont  celles  du  Piémont,  de  la 
Vénetie,  de  la  Lombardie,  de  la  Ligurie  et,  au  S.  de  la 
péninsule,  la  Calabre  (Cosenza,  Potenza,  Salerne).  De  1869 
à  1883,  on  a  compté  environ  1,774,536  départs,  dont 
près  de  moitié  pour  les  pays  d'outre-mer.  De  1876  à  1883, 
il  s'est  rendu  dans  l'Amérique  latine  230,383  Italiens. 
Voici  le  détail  de  l'émigration  annuelle  des  Italiens  de  1876 
à  1883  : 


1876 22.392 

1877 22.698 

1878, 23.901 

1879 39.827 


1^0 35.677 

1881 ......  43.725 

1882 67.632 

1883 70.436 


La  crise  économique  n'ayant  fait  que  s'aggraver  en  Italie, 
la  tendance  à  l'émigration  devient  de  plus  en  plus  forte, 

Espagne.  —  L'Espagne  n'a  pas  de  statistique  officielle  de 
l'émigration.  On  admet  que  8  à  10,000  personnes  passent 
chaque  année  l'Atlantique  pour  se  rendre  dans  l'Amérique 
du  Sud.  Ils  sont  originaires,  pour  la  plupart,  des  provinces 
septentrionales.  En  revanche,  les  provinces  méridionales 
envoient  chaque  année  de  15  à  20,000  personnes  en 
Algérie  ;  le  plus  grand  nombre  n'y  font  que  séjourner  pour 
travailler;  mais  une  assez  forte  fraction  s'y  établit  à 
demeure. 

Portugal.  —  Le  Portugal  n'a  pas  de  statistique  officielle; 
mais,  comme  presque  tous  les  émigrants  sont  au  Brésil,  on 
peut  en  dresser  le  tableau.  De  1872  à  1881,  il  en  est 
parti  133,008,  dont  129,549  pour  l'Amérique. 


1872 17.284 

1873,  .  ,  .  ,  .  12.989 

1874 14.835 

1875 15.440 

1876 11,035 


1877 11.057 

1878 '  9.926 

1879 13.208 

1880 12.597 

1881 14.637 


On  remarquera  la  grande  régularité  de  ce  courant  d'émi- 
gration qui  n'a  pas  eu  les  grandes  variations  constatées 
dans  les  autres  pays  ;  en  Suède,  d'où  l'on  a  émigré  douze 
fois  plus  en  1882  qu'en  1877;  en  Allemagne,  d'où  l'on  a 
émigré  six  fois  plus  en  1881  qu'en  1879,  en  France  même 
et  en  Italie. 

Nous  arrivons  maintenant  aux  pays  qui  sont  les  lieux  de 


ÉMIGRATION 


920  — 


destination  de  Témigration  européenne  et  peuvent  être 
regardés,  par  opposition  aux  précédents,  comme  pays  d'im- 
migration. C'était  le  cas  pour  la  Belgique,  de  1867  à 
1882  ;  c'est  encore  le  cas  de  l'Europe  orientale,  péninsule 
balkanique  et  Russie,  et  des  colonies  européennes  d'Amé- 
rique, d'Australie,  d'Afrique  (Algérie,  le  Cap). 

Russie.  —  La  Russie  dispose  de  vastes  espaces  fertiles  et 
à  peu  près  inoccupés  ;  aussi  l'émigration  au  dehors  est-elle 
très  faible.  L'immigration  est  certainement  plus  consi- 
dérable. De  1830  à  1882,  il  est  entré  en  Russie  7,249,178 
Allemands;  il  en  est  sorti  seulement  6,458,729,  ce  qui 
laisse  une  plus-value  de  790,449  immigrants  allemands. 
D'autre  part,  les  colons  allemands  établis  dans  l'empire 
depuis  deux  siècles  ayant  été  privés  de  leurs  privilèges,  il 
en  est  parti,  de  1871  à  1881,  plus  de  70,000,  dont 
55,400  se  sont  embarqués  pour  les  Etats-Unis,  6,500 
pour  le  Canada,  4,200  pour  le  Brésil.  Le  total  des  citoyens 
russes  émigrés  de  1857  à  1879  est  évalué  par  l'inm^air^ 
des  finances  russes  (de  1879)  à  499,514.  Les  principaux 
groupes  émigrants  ont  été  les  Polonais,  les  colons  allemands, 
les  musulmans  (de  Crimée)  et  les  juifs  (V.  Russie). 

Serbie.  —  Les  Etats  chrétiens  de  la  péninsule  balkanique 
sont  également  des  pays  d'immigration,  bien  que  l'élément 
musulman  de  la  population  tende  à  émigrer.  On  n'a  de 
détails  précis  que  sur  la  Serbie.  De  1860  à  1875,  elle  a 
reçu  51,033  immigrants,  dont  40,868  venaient  de  Turquie 
et  10,209  d'Autriche-Hongrie. 

Amérique.  —  Le  continent  américain  est  le  principal  but 
des  émigrants,  et  tous  ses  Etats  ont  plus  ou  moins  profité 
de  ces  déplacements  d'hommes  et  de  capitaux.  Ils  ont  été 
peuplés  par  les  émigrants  venus  d'Europe.  D'une  ma- 
nière générale,  les  gens  de  l'Europe  septentrionale,  Anglo- 
Irlandais,  Allemands,  Scandinaves,  vont  à  l'Amérique  du 
Nord  ou  Amérique  anglaise  ;  ceux  de  l'Europe  méridionale 
à  l'Amérique  du  Sud,  Amérique  latine.  Dans  la  dernière 
période,  96  «/o  des  émigrants  allemands,  98  «/o  des  Sué- 
dois, 67  «/o  des  Suisses,  73  «/o  des  Anglais,  Ecossais, 
Irlandais,  se  sont  transportés  dans  l'Amérique  du  Nord, 
tandis  que  presque  tous  les  Hispano-Portugais,  79  «/o  des 
Italiens  et  56  «  o  des  Français  passaient  dans  l'Amérique 
méridionale. 

Etats-Unis.  —  Les  Etats-Unis  de  l'Amérique  du  Nord 
furent,  pendant  de  longues  années,  le  but  de  l'émigration 
européenne,  on  pourrait  dire  le  but  unique.  Voici  comment 
M.  Legoyt  résumait  en  1860  les  raisons  de  cette  supé- 
riorité :  «  1*^  De  tous  les  pays  transatlantiques,  celui  de 
l'Union  américaine  est  le  plus  rapproché  de  l'Europe  et 
celui  que  desservent  les  lignes  de  navigation  les  plus  nom- 
breuses et  les  plus  régulières  ;  2<^  par  cette  raison,  les 
frais  de  transport  sont  moins  élevés  que  pour  toute  autre 
destination  hors  d'Europe  ;  3«  les  Allemands  trouvent  aux 
Etats-Unis  un  grand  nombre  de  compatriotes  ;  4^  la  terre 
y  est  à  meilleur  marché  que  partout  ailleurs  et  les  facilités 
de  payement  y  sont  très  grandes;  5<^  les  débouchés  y 
abondent  pour  les  produits  agricoles;  6^  l'égahté,  les 
libertés  civile,  politique,  religieuse,  industrielle  y  sont 
complètes  ;  7«  l'impôt  est  léger  (il  passe  au  moins  pour 
tel);  8*^  la  conscription  (cette  douloureuse  préoccupation 
des  familles  allemandes)  n'y  existe  pas  ;  9^  le  climat,  sur- 
tout dans  les  Etats  du  Nord,  se  prête  facilement  à  l'accli- 
matation de  la  race  européenne  ;  1 0«  la  naturalisation  y 
est  accordée  après  cinq  années  de  séjour  seulement  ; 
11^  il  existe  dans  les  principaux  ports  de  l'Union  et  par- 
ticulièrement à  New-York  et  à  la  Nouvelle-Orléans,  des 
sociétés  de  secours  et  de  placement  spécialement  instituées 
en  faveur  des  émigrants  et  qui  leur  rendent  les  plus 
grands  services.  Des  caisses  de  secours  existent  également 
\  leur  profit  dans  tous  les  Etats  où  ils  sont  établis  en  grand 
nombre.  L'Amérique  du  Nord  a  été  le  refuge  de  tous  les 
persécutés  ou  la  terre  de  prédilection  de  ceux  chez  lesquels 
un  vif  sentiment  d'indépendance  individuelle,  la  haine  du 
gouvernement  absolu,  un  sentiment  de  répulsion  pour  les 
mœurs  de  la  vieille  Europe,  ou  seulement  le  besoin  de 


fortes  émotions,  peut-être  le  désir  de  contempler  les  aspects 
grandioses  et  nouveaux  de  la  nature  américaine,  faisaient 
naître  un  besoin  d'émigration.  » 

A  toutes  ces  raisons,  il  faut  en  joindre  une  autre, 
l'attraction  morale  exercée  par  la  République  américaine  et 
son  essor  inouï;  les  avantages  immenses  qu'il  y  a  pour  un 
homme  entreprenant  à  trouver  un  champ  que  n'encombrent 
pas  les  préjugés,  les  traditions,  tout  le  bagage  social  dont 
l'Europe  a  hérité  (V.  Etats-Unis).  L'immigration  euro- 
péenne a  été,  d'autre  part,  une  cause  décisive  dans  la  for- 
tune extraordinaire  des  Etats-Unis,  surtout  depuis  le  milieu 
du  siècle.  Nous  reproduisons  ci-dessous  le  tableau  de  cette 
émigration  depuis  1821  jusqu'en  1884  : 


1821-1830. 

151.824 

1871-1880. 

2.944.719 

1831-1840. 

599.125 

1881  .  .  .  . 

720.045 

1841-1850. 

1.713.251 

1882  .  .  .  . 

730.349 

1851-1860. 

2.598.214 

1883  .  .  .  . 

569.628 

1861-1870. 

2.491.209 

1884  .  .  .  . 

461. 36 'é 

On  voit  que  le  mouvement  est  loin  de  décroître. 
Voici  comment  se   répartissaient  les  immigrants  par 
nationalité  durant  cette  période  de  64  années  : 

Originaires  cV Europe 1 1 .290.740 

à  savoir  : 

Grande-Bretagne 

Allemagne 

Autriche-Hongrie 

France 

Suède  et  Norvège 

Danemark 

Pays-Bas 

Belgique 

Suisse 

Espagne  et  Portugal. .  .  . 

Italie 

Russie 

Autres  pays  d'Europe.  .  . 

Originaires  d'Asie 

à  savoir  : 

Chine 

Autres  pays  d'Asie.  .  .  . 
Originaires  d'Afrique..  .  . 
Originaires  d'Amérique.  . 
à  savoir  : 

Canada 

Antilles 

Mexique 

Amérique  centrale .... 

Amérique  du  Sud 

Originaires  d'Océanie.  .  . 
Nationalité  ou  provenance 

Total. 


5.456.757 

3.946.972 

212.748 

337.622 

642.040 

97.082 

75.654 

31.018 

136.378 

42.207 

181.144 

130.048 

1.030 


288.727 
1.611 


290.338 


987 
135.898 


1.028.791 

69.775 

26.881 

1.376 

9.075 


inconnue. 


15.306 
246.351 


12.979.620 

Tous  ces  immigrants  ne  sont  pas  restés,  mais  plus  des 
cinq  sixièmes.  En  eff'et,  on  possède  une  statistique  à  partir 
de  1867,  et  il  en  résulte  que  3,834,352  personnes  ont 
immigré,  640,764  ont  émigré  ou  sont  reparties,  ce  qui 
fait  ressortir  une  plus-value  de  3,193,587  immigrants.  La 
majorité  des  immigrants  du  Royaume-Uni  sont  des  Irlan- 
dais. En  effet,  tandis  que  les  Anglais  et  les  Ecossais  vont 
de  préférence  dans  les  colonies  anglaises,  Australasie  et 
Canada,  n'envoyant  aux  Etats-Unis  guère  plus  du  tiers  de 
leur  émigration,  les  Irlandais  y  viennent  dans  la  pro- 
portion de  3  sur  4.  Ils  fournissent  le  contingent  prin- 
cipal avec  les  Allemands.  Les  Allemands  et  les  Scandinaves 
sont  surtout  agriculteurs  ;  les  Irlandais  ouvriers  et  domes- 
tiques, les  Anglais,  ouvriers  dans  les  manufactures,  les 
mines  ;  de  même  les  Ecossais  et  les  Canadiens  ;  les  Fran- 
çais, les  Suisses  se  partagent  entre  toutes  les  professions. 

Canada.  —  Le  Canada  ne  reçoit  d'immigrants  que  de 
la  Grande-Bretagne  et  des  pays  Scandinaves.  Il  lui  en  est 


venu,  de  1815  à  1883,  1,765,586;  le  gouvernement  fa- 
vorisa l'immigration,  notamment  celle  des  Ecossais,  afin  de 
balancer  l'accroissement  rapide  de  l'élément  franco-cana- 
dien. Il  faut  ajouter  que  beaucoup  des  immigrants  ne  font 
que  passer  par  le  Canada  pour  se  rendre  aux  Etats-Unis, 
tandis  que  d'autre  part  les  Canadiens,  en  particulier  les 
Canadiens  français,  émigrent  par  centaines  de  mille  vers  la 
république  voisine.  De  1870  à  1883,  pour  854,531  immi- 
grants, il  y  en  a  eu  385,011  qui  se  sont  rendus  aux  Etats- 
Unis.  Une  fraction  retourne  en  Europe. 

Mexique  et  Amérique  centrale.  —  L'immigration  est 
faible,  d'autant  que  le  climat  tropical  est  peu  favorable  aux 
Européens.  Les  gouvernements  ont  fait  des  efforts  répétés 
pour  attirer  à  eux  les  émigrants,  mais  sans  grand  succès. 
Antilles.  —  Le  climat  n'a  pas  permis  à  l'immigration 
européenne  de  prendre  de  grands  développements  ;  en  a  tenté 
de  faire  venir  des  travailleurs  européens,  au  moment  où  la 
suppression  de  l'esclavage  priva  les  plantations  d'une  par- 
tie de  la  main-d'œuvre  des  nègres.  Français,  Allemands, 
Anglais  ne  purent  réussir.  Il  fallut  se  rabattre  sur  les  mé- 
ridionaux, les  insulaires  de  Madère  et  surtout  sur  les  Chinois 
et  les  coolies  (V.  ci-dessus).  De  même  dans  la  Guyane, 
Amérique  du  Sud.  —  Les  républiques  de  l'Amérique  du 
Sud  situées  dans  la  zone  tropicale  ont  rencontré  les  mêmes 
difficultés  ;  ajoutez  l'instabilité  des  gouvernements,  les 
crises  politiques,  les  guerres  civiles.  Malgré  des  plans  par- 
fois bien  conçus,  l'immigration  européenne  y  a  été  minime 
dans  ce  siècle;  ni  le  Venezuela,  ni  la  Colombie,  ni  le 
Pérou  n'ont  pu  l'attirer  à  eux.  Il  n'en  est  pas  de  même 
des  pays  plus  méridionaux  où  le  climat  est  meilleur.  Le 
Chili  à  reçu  beaucoup  d'Italiens,  des  Allemands,  des  Fran- 
çais, et  aussi  des  Chinois  et  des  coolies. 

Brésil.  —  Le  Brésil  est  un  des  pays  qui  offrent  le  plus 
large  débouché  à  l'émigration  européenne.  Il  peut  nourrir 
des  centaines  de  millions  d'hommes  et  la  fertilité  du  sol 
est  très  grande.  Stimulé  par  l'exemple  des  Etats-Unis,  il  a 
compris  les  avantages  de  l'immigration  et  s'est  efforcé  de 
l'attirer  à  lui.  Dès  1812,  il  recrutait  des  colons  aux  îles 
Açores  ;  dès  1818  des  Allemands  arrivaient.  Il  en  est  en- 
core venu  un  bon  nombre  depuis,  qui  ont  formé  une  petite 
colonie  dans  le  Sud  du  pays .  Mais   la  majorité  des  immi- 
grants furent  et  sont  de  pliïs  en  plus  des  Latins,  Portugais, 
Espagnols,  Italiens  et  Français.  De  1855  à  1883,  il  vint 
600,000  Européens  dont  215,000  Portugais,  65,000  Alle- 
mands, puis,  par  ordre  d'importance  numérique,  des  Ita- 
liens, des  Français,  des  Anglais,  des  Espagnols.  Depuis 
quelques  années  l'immigration  italienne  est  la  principale. 
En  1887,  on  comptait,  sur  54,990  immigrants,  14,245 
Italiens,  13,785  Portugais,  2,686  Espagnols,  294  Fran- 
çais, 292  Belges.  Depuis,  l'immigration,  qui  était  entravée 
par  l'insouciance  du  gouvernement  en  présence  d'abus  par- 
fois scandaleux,  s'est  rapidement  accrue  et  on  l'évaluait,  en 
1889,  à  plus  de  130,000  têtes. 

U Uruguay  (V.  ce  mot)  reçoit  par  Montevideo  les 
mêmes  immigrants  que  Buenos  Aires  :  Espagnols,  Italiens, 
Français.  Le  Paraguay,  dépeuplé  par  la  guerre,  n'a  pas 
encore  réussi  à  attirer  beaucoup  d'Européens. 

République  Argentine.  —  La  République  Argentine 
est  après  les  Etats-Unis  le  pays  d'Amérique  qui  reçoit  le 
plus  d'immigrants.  Son  climat  tempéré,  ses  vastes  plaines 
leur  sont  favorables.  C'est  là  que  viennent  de  préférence 
les  gens  de  race  latine.  En  1887,  il  a  débarqué  à  Bue- 
nos Aires  120,000  émigrants  dont  67,000  Italiens, 
16,000  Espagnols,  7,000  Français.  Nous  empruntons  à 
l'ouvrage  de  M.  Daireaux  des  renseignements  à  ce  sujet  : 
«  Ils  viennent  de  Naples,  de  Gênes,  de  Marseille,  de  Bar- 
celone, de  Bordeaux,  du  Havre,  de  Liverpool,  d'Anvers,  de 
Hambourg.  Nous  avons  donné  le  nom  de  tous  les  ports  qui 
les  fournissent  et  nous  les  avons  cités  dans  l'ordre  de  leur 
importance.  Cet  ordre,  par  une  singulière  coïncidence,  est 
aussi  l'ordre  géographique,  en  partant  du  Midi  et  remon- 
tant vers  le  Nord.  L'Italie,  la  Savoie,  le  midi  de  la  France, 
l'Irlande,  voilà  les  grandes  sources  qui  alimentent  l'immi- 


_  921  —  ÉMIGRATION 

gration  dans  la  République  Argentine.  Il  serait  assez  diffi- 
cile de  déterminer  avec  précision  le  nombre  des  étrangers 
appartenant  à  chaque  nationalité  ;  nous  possédons  cepen- 
dant sur  ce  point  des  renseignements  nombreux.  L'immi- 
gration italienne,  depuis  1863,  époque  où  elle  a  pris  quel- 
que importance  et  s'élevait,  pour  cette  année,  à   7,201, 
a  fourni  au  total  433,000  individus;  la  progression  a  été 
continue.  Du  chiffre  de  1,863,  elle  a  atteint  23,000  en 
1870,  sans  dépasser  ce  maximum  annuel  jusqu'en  1882  ; 
mais,  en  1882,  elle  s'est  élevée  à  32,000,  en  1883,  à 
37,000,   en  1884,   à   32,000,   et,   en  1885,  par  un 
saut  prodigieux,  à  57,580;  elle  a  atteint  60,000  encore 
en  1886.  Pendant  la  même  période,  l'immigration  fran- 
çaise a  atteint  au  total  le  chiffre  de  150,000,  mais  elle 
ne  dénote  pas,  dans  les  dernières  années,  la  progression 
colossale  qu'indique  la  statistique  des  arrivages  italiens. 
En  prenant  la  movenne  de  l'immigration,  on  la  décompose 
comme  suit:  Italiens,  70  «/o;  Espagnols,  10  «/o;  Français, 
10  «/o  ;  Germains  et  Suisses,  4  «/o  ;  Anglais  et  Irlandais, 
2  ^L;  divers,  4  ^/o.  L'immigration  pour  l'année  1855  a 
dépassé  110,000  et  atteint  100,000  en  1886.  »  M.  Dai- 
reaux apprécie  ensuite  la  valeur  relative  de  chacun  de  ces 
groupes.  Nous  avons  déjà  relaté  son  opinion  sur  les  émi- 
grants italiens.  Nous  reproduisons  ici  l'énoncé  de  son  juge- 
ment sur  l'immigration  anglaise  et  française  :  «  L'immi- 
gration anglaise  avait,  dès  l'origine,  le  caractère  spécial 
qu'elle  a  toujours  conservé,  qui  l'a  toujours  distinguée 
d'être  fournie  par  les  classes  commerçantes  de  la  Grande- 
Bretagne,  et  surtout,  aidée  de  capitaux.  Il  est  rare,  aujour- 
d'hui encore,  de  trouver  parmi  les  immigrants  anglais, 
hors  quelques  matelots  égarés,    des  travailleurs  et  des 
hommes  du  peuple.  Par  contre,  l'Irlande  a  fourni,  depuis 
1822,  des  travailleurs  en  abondance,  des  servantes  et  des 
pasteurs,  qui,  ayant  gagné,  chacun  de  leur  côté,  les  pre- 
mières piastres,   ont  contracté  ensemble  des  unions,  se 
sont  répandus  de  bonne  heure  et  établis  à  la  campagne,  y 
ont  édifié  des  fortunes  considérables,  surprises  de  la  statis- 
tique. Les  premiers  immigrants  français  furent  des  Basques, 
entraînés  par  l'exemple  de  leurs  frères  transpyrénéens  ; 
ils  apparurent  vers  1825.  Le  courant,  assez  faible  d'abord, 
s'est'  accru  vite,  et  est  devenu  considérable  le  jour  où  la 
navigation  à  vapeur  lui  a  fourni  des  moyens  de  transport 
commodes  à  bon  marché.  Ce  grand  mouvement  s'est  pro- 
duit de  1833  à  1870.11  a  perdu,  depuis,  de  son  inten- 
sité ;  les  Basques  français ,  qui  n'ont  pas  cessé  d'émi- 
grer,   se  dirigent   aujourd'hui,    en  plus  grand  nombre, 
vers  le  Chili.  Ils  y  trouveront,  du  reste,  dans  la  population 
chilienne,  le  souvenir  des  traditions  de  leur  race.  C'est, 
en  effet,  le  pays  basque  qui  a  fourni,  pendant  les  trois 
siècles  de  l'ère  coloniale,  les  éléments  de  constitution  les 
plus  vigoureux  de  la  race  chilienne.  Si  les  Basques  sont 
encore,  en  France,  considérés  comme  les  seuls  émigrants 
qui  se  dirigent  vers  la  Plata,  c'est  par  habitude  ;  la  vérité 
est  tout  autre.  Toutes  les  provinces  fournissent  leur  contin- 
gent ;  une  seule,  peut-être,  en  fournit  un  plus  considérable, 
c'est  la  Savoie.  Il  y  a  assez  de  Savoisiens  à  Buenos  Aires 
pour  qu'ils  aient  formé  une  société  spéciale  d'aide  et  de 
protection  à  leurs  compatriotes;  beaucoup  sont  aisés  et 
propriétaires  ;  la  spécialité  où  ils  se  confinent  est  le  jardi- 
nage et  la  culture  de  la  vigne.    Au  même  rang  que  la 
Savoie  figurent  le  Languedoc,  la  Gascogne,  le  Béarn  et, 
en  général,  toutes  les  provinces  en  relations  faciles  avec 
les  ports  de  Marseille  et  de  Bordeaux .  »  Momentanément 
enrayée  par  la  grande  crise  financière  qui  y  sévit  depuis 
189Ô,  l'immigration  européenne  reprendra  certainement 
son  ancienne  extension  dans  la  République  Argentine. 

Australasie.  —  Les  colonies  anglaises  d'Australie,  de 
Tasmanie  et  de  Nouvelle-Zélande  ont  été  peuplées  par  des 
émigrants  européens  dans  le  courant  du  siècle.  Les  pre- 
miers vinrent  en  Australie,  d'Angleterre,  en  1788.  Mais, 
pendant  longtemps,  l'élément  prédominant  numériquement 
fut  fourni  par  la  transportation.  Le  gouvernement  mettait 
gratuitement  à  la  disposition  des  colons  «  autant  de  con- 


EMIGRATION  —  922 

\icts  qu'ils  pourraient  en  nourrir  et  en  vêtir,  leur  donnant 
sur  eux  des  droits  à  peu  près  absolus.  Lorsque  le  système  des 
concessions  gratuites  de  terres  eut  fait  place  dans^  la  colonie 
au  régime  de  la  vente  par  parcelles,  l'immigration  libre  y  fit 
des  progrès  rapides  et  bientôt  les  rapports  entre  les  proprié- 
taires et  les  convicts  durent  se  modifier.  »  On  organisa  en 
faveur  de  ceux-ci,  qui  avaient  été  jusqu'alors  soumis  à  un 
véritable  esclavage,  un  régime  de  libération  provisoire  et  on 
leur  fit  des  concessions  de  terres  à  l'expiration  de  leur  peine. 
«  On  a  calculé,  dit  Legoyt,  que,  de  i  793  à  4  860,  l'x^ngleterre 
a  envoyé  131,450  convicts  en  Australie,  non  compris  les 
convicts  irlandais  envoyés  avant  1840.  Dans  la  seule  année 
1840,  cette  colonie  en  a  reçu  42,000.  Ces  énormes  expé- 
ditions de  condamnés  étaient  accueillies  avec  la  plus  grande 
faveur  par  les  grands  propriétaires  auxquels  elles  permet- 
taient de  mettre  en  valeur  leurs  immenses  domaines,  mais  il 
en  était  autrement  des  autres  colons  qui,  mus  par  des  senti- 
ments plus  généreux  et  n'ayant  pas  le  même  intérêt  au  main- 
tien du  système,  demandaient  au  gouvernement  de  la  mère 
patrie  ou  de  modifier  sa  législation  pénale  au  point  de  vue 
de  la  transportation  ou  de  choisir  une  autre  colonie  péni- 
tentiaire. »  Ils  firent  prévaloir  leur  opposition  en  1840,  et 
on  décida  que  les  convicts  seraient  désormais  envoyés  à 
Van  Diemen.  Au  bout  de  peu  d'années,  les  colons  libres  ne 
le  souffrirent  plus.  Mais  d'autre  part,  les  membres  de  l'aris- 
tocratie terrienne  d'Australie  désiraient  la  restauration  du 
travail  servile  qui  leur  procurait  de  grands  bénéfices.  Ils 
firent  venir  des  transportés  libérés  de  Van  Diemen,  puis  ils 
firent  conclure  une  transaction  par  laquelle  le  gouverne- 
ment anglais  recouvrait  le  droit  de  déporter  en  Australie 
les  malfaiteurs  d'Europe,  à  la  condition  d'envoyer  à  ses 
frais  un  colon  libre  pour  chaque  convict.  Ce  pacte  ne  fut 
pas  exécuté,  et  les  petits  colons  obligèrent  l'Angleterre  à 
l'abandon  définitif  de  la  transportation.  Celle-ci  avait  retardé 
les  progrès  de  l'émigration  spontanée.  On  tenta  alors  une 
entreprise  d'émigration  officielle  patronnée  par  Wakefield, 
«  Ce  plan  approuvé  par  le  gouvernement  fut  immédiate- 
ment, mis  à  l'essai.  Jusque-là,  il  avait  vendu  l'acre  de 
terre,  en  Australie,  au  prix  de  5  shil.  ;  il  l'éleva  à  12shil. 
et  réduisit  en  même  temps  les  superficies  à  aliéner  annuel- 
lement. Cette  double  mesure  eut  immédiatement  pour  effet 
de  réduire  le  nombre  des  émigrants.Mais,  en  même  temps, 
pour  venir  en  aide  aux  propriétaires  australiens,  dont  ce 
résultat  froissait  les  intérêts,  le  gouvernement  décida,  tou- 
jours conformément  au  projet  de  Wakefield,  que  les  res- 
sources provenant  de  la  différence  entre  l'ancien  et  le  nou- 
veau prix  seraient  affectées  au  transport,  par  ses  soins,  de 
colons  à  la  destination  de  l'Australie,  et  que  ces  colons 
seraient  recrutés  dans  les  maisons  des  pauvres  (work- 
Jioiises).  Le  vice  de  ce  système  consistait  surtout  en  ceci 
que  l'on  éloignait  de  la  colonie  les  émigrants  à  petit  capi- 
tal, c.-à-d.  l'élite  des  émigrants,  pour  les  remplacer  par 
des  hommes  sans  ressources,  souvent  affaiblis  par  le  vice 
ou  la  misère,  et  incapables,  pour  la  plupart,  d'un  travail 
utile.  Restaient,  il  est  vrai,  les  spéculateurs  riches;  mais 
l'expérience  avait  prouvé  qu'ils  étaient  plus  dangereux 
qu'utiles.  Les  hommes  d'Etat  les  plus  éminents  de  l'époque 
(Aberdeen,  Russel,  Stanley,  Grey)  n'en  poursuivirent  pas 
moins  son  exécution,  et  les  documents  officiels  ont  fait 
connaître  que,  de  1832  à  1850,  le  gouvernement  anglais 
avait  déjà  envoyé  en  Australie  64,807  personnes,  jusqu'à 
la  nouvelle  de  la  découverte  des  gîtes  aurifères.  L'émigra- 
tion anglaise,  se  détournant  momentanément  de  ses  cou- 
rants ordinaires,  se  porte  en  grande  partie  sur  les  nou- 
veaux placers.  Dès  ce  moment,  le  système  de  Wakefield 
ou  tout  autre  système  de  colonisation  devenait  sans  inté- 
rêt. Plus  tard,  le  mouvement  s'étant  modéré,  le  gouverne- 
ment est  revenu  au  système  du  transport  direct  des  colons 
libres  pour  l'Australie,  aux  frais  des  gouvernements  colo- 
niaux et  sur  le  produit,  soit  de  la  vente  directe  par  ces 
gouvernements,  des  terrains  domaniaux,  soit  de  ressources 
spéciales.  »  La  majorité  des  immigrants  sont  venus  non  à 
l'instigation  du  gouvernement,  mais  spontanément  surtout 


lorsque  la  découverte  des  mines  d'or  offrit  des  espérances 
de  fortune  presque  illimitées.  Au  total,  en  1883,  il  était 
venu  dans  l'Australasie  britannique,  Australie,  Tasmanie  et 
Nouvelle-Zélande  plus  de  1,500,000  personnes  origi- 
naires des  Iles-Britanniques.  On  évalue  le  nombre  des  immi- 
grants allemands  (surtout  au  Queensland)  à  une  centaine 
de  mille  ;  celui  des  Scandinaves  est  faible  ;  l'apport  des 
autres  pays  est  négligeable . 

ïIawaï.  —  L'histoire  de  l'immigration  aux  îles  Hawaï 
est  particulièrement  intéressante  par  la  série  d'expériences 
auxquelles  elle  a  donné  lieu.  Le  récit  en  a  été  fait  par 
M.  Henri  de  Varigny  au  Congrès  international  de  l'émigra- 
tion tenu  à  Paris  en  août  1889. 

Cette  immigration  est  destinée  à  contre-balancer  la  dépo- 
pulation locale  qui  est  considérable,  puisque,  de  1778  à 
1889,  le  nombre  des  indigènes,  qui  était  d'environ  300,000 
au  moment  de  la  découverte  de  l'archipel  par  le  naviga- 
teur Cook,  s'est  abaissé  à  35,000.  Vers  1860,  le  gouver- 
nement hawaïen,  préoccupé  de  cette  situation,  conclut  avec 
la  Chine  une  convention  réglant  l'émigration  de  travailleurs 
chinois.  L'immigration  chinoise  fut  considérable;  mais, 
après  quelques  années,  le  gouvernement  chinois  ayant 
élevé  des  objections,  celui  d'Hawaï  discontinua  une  immi- 
gration qui  ne  produisait  pas  tous  les  résultats  qu'il  avait 
espérés.  La  plupart  des  immigrants  chinois  se  sont  fixés 
dans  les  îles  après  l'expiration  de  leur  contrat;  le  dernier 
recensement  effectué  en  1884  a  constaté  la  présence  de 
18,000  Chinois  dans  l'archipel. 

Après  avoir  essayé  sans  succès  des  Polynésiens  pris  dans 
d'autres  archipels  et  qui,  de  1878  à  1887,  furent  intro- 
duits au  nombre  de  1,996,  le  gouvernement  hawaïen  enga- 
gea des  Européens,  et,  de  1881  à  1885,  fit  venir  1,176 
Allemands  et  223  Norvégiens,  mais  le  mouvement  de  l'im- 
migration européenne  fut  surtout  alimenté  par  des  Portu- 
gais recrutés  à  Madère  et  aux  Açores.  Du  30  sept.  1878 
au  23  sept.  1886,  il  est  arrivé  seize  convois  comprenant 
ensemble  10,715  émigrants  engagés  par  contrat,  dont 
3,320  hommes,  2,413  femmes  et  4,982  enfants.  En  1887, 
il  y  avait  plus  de  12,000  Portugais  aux  îles  Hawaï;  mais 
l'immigration  par  contrat  a  été  provisoirement  arrêtée,  le 
gouvernement  cherchant  le  moyen  d'en  réduire  le  coût  qui 
est  très  onéreux.  Le  relevé  des  sommes  déboursées  par  le 
gouvernement  et  les  planteurs  porte,  en  effet,  à  1,325  fr. 
la  dépense  résultant  de  l'arrivée  de  chaque  tête  d'émigrant. 
A  tous  autres  égards,  l'immigration  portugaise  avait  donné 
de  bons  résultats,  notamment  en  contribuant  pour  une  forte 
part  au  repeuplement  de  l'archipel.  Le  nombre  des  Portu- 
gais qui,  à  l'expiration  de  leurs  contrats,  sont  rentrés  dans 
leur  pays  ou  sont  allés  ailleurs,  est  fort  restreint  ;  presque 
tous  sont  restés  aux  îles,  et  on  peut  espérer  qu'ils  s'y  fixe- 
ront définitivement,  si  le  gouvernement  leur  donne  des  faci- 
lités pour  s'établir  et  pour  acheter  des  terres. 

Pour  remplacer  les  Portugais,  le  gouvernement  hawaïen 
songea  aux  Japonais.  Le  premier  convoi  d'émigrants  arrivé 
en  1885  a  été  libéré  en  1888.  Il  était  venu  943  individus, 
il  en  mourut  53,  il  en  naquit  41.  A  l'expiration  du  contrat 
de  trois  années,  260  retournèrent  au  Japon  et  671  restè- 
rent aux  Hawaï  et  continuèrent,  pour  la  plupart,  à  travail- 
ler pour  les  plantations,  mais  avec  des  salaires  plus  élevés  : 
17  à  24  dollars  par  mois  au  lieu  de  15  dollars.  Le  nombre 
des  Japonais  arrivés  ou  nés  dans  l'archipel,  de  1885  à  la 
fin  de  1887,  a  été  de  4,385,  dont  3,457  hommes  et  711 
femmes.  Le  coût  de  l'immigration  japonaise  n'est  pas  oné- 
reux ;  il  atteint  seulement  350  fr.  par  tète  d'immigrant, 
dont  90  fr.  à  la  charge  du  gouvernement,  le  surplus  étant 
payé  par  le  planteur.  Les  premiers  résultats  obtenus  avec 
l'immigration  japonaise  permettent  de  beaucoup  espérer 
pour  l'avenir. 

Afrique.  — En  Afrique,  l'immigration  européenne  n'est 
un  peu  nombreuse  que  sur  trois  points,  l'Algérie,  l'Egypte, 
le  Cap.  Encore  faut-il  constater  qu'en  Egypte  les  Euro- 
péens ne  font  guère  souche.  Il  y  a  plutôt  là  une  colonie 
renouvelée  sans  cesse  qu'une  immigration.  Toutefois  on 


—  923  — 


EMIGRATION 


peut  appliquer  ce  mot  aux  établissements  formés  par  les 
Grecs  et  même  les  Italiens  et  les  Français.  —  Sur  V Al- 
gérie nous  renvoyons  à  l'article  spécial,  rappelant  seulement 
que  les  principaux  immigrants  sont,  par  ordre  numérique, 
les  Français,  les  Espagnols,  les  Italiens,  les  Maltais.  —  En 
Tunisie,  ce  sont  les  Italiens  et  les  Français.  La  colonie 
anglaise  du  Cap  recevait  annuellement  7,000  immigrants 
britanniques;  les  découvertes  minières  (diamant,  or)  ont 
accru  sensiblement  ce  chiffre.  Il  faut  aussi  tenir  compte  des 
coolies,  surtout  au  Natal. 

Economie  politique.  —  Conditions  de  l'émigration. 
Transport  des  émigrants.  Les  agences  d'émigration.  — 
L'émigration  ne  résulte  pas  le  plus  souvent  d'une  décision 
spontanée  de  l'émigrant,  et  il  est  assez  rare  que  celui-ci 
parte  isolément  ou  avec  sa  seule  famille.  Jadis  les  grands 
exodes  étaient  déterminés  soit  par  des  persécutions  reli- 
gieuses ou  politiques,  soit  par  les  velléités  colonisatrices 
du  pouvoir  officiel.  Le  fait  capital  était  l'émigration  ;  le  but 
variait.  Aujourd'hui  le  fait  capital  est  l'immigration.  Les 
sociétés  nouvelles  cherchent  à  attirer  à  elles  des  recrues  ; 
de  là  la  grande  prospérité  de  l'industrie  des  agences  et 
des  racoleurs  d'émigrants.  Nous  avons  vu  que  les  voyages 
d'émigrants  se  chiffraient  chaque  année  par  centaines  de 
mille,  et  que  celte  calégorie  de  passagers  était  pour  la 
marine  marchande  un  fret  très  lucratif.  Il  s'est  donc  cons- 
titué des  sociétés  spécialement  destinées  au  transport  des 
émigrants,  et  des  agences  qui,  vivant  de  ce  commerce,  font 
naturellement  tout  ce  qu'elles  peuvent  pour  le  développer, 
c._à-d.  pour  décider  à  émigrer  le  plus  grand  nombre  pos- 
sible de  gens.  Ces  agences  se  sont  créées  au  xix^  siècle, 
lorsque  l'émancipation  des  nègres  eut  bouleversé  tout  le 
régime  économique  et  qu'on  eut  l'idée  de  substituer  le  travail 
libre  au  travail  servile.  On  chercha  donc  des  travailleurs 
et  on  organisa  à  cet  effet  des  sortes  de  bureaux  de  recru- 
tement, des  agences  d'émigrants,  en  Europe,  en  Chine, 
dans  l'Inde.  Ces  agences,  qui  étaient  encouragées  par  les 
gouvernements  ou  par  des  sociétés  de  colonisation  protégées 
par  ceux-ci,  recevaient  une  prime  par  tête  d'émigrant  et 
de  plus  une  part  dans  les  bénéfices  réalisés  sur  le  transport 
par  les  compagnies  de  navigation.  Elles  se  fondèrent  d'abord 
en  Allemagne  et  en  Suisse,  à  Mayence,  puisa  Bàle.  L'agence 
mayençaise  rayonnait  sur  toute  l'Allemagne  du  Sud-Ouest. 
Elle  avait  plusieurs  succursales  ;  ses  agents  étaient  surtout 
les  voituriers;  elle  leur  allouait  une  prime  par  émigrant 
qu'ils  lui  allouaient,  et  son  bénéfice  consistait  d'abord  dans 
le  transport  des  émigrants,  ensuite  dans  le  courtage  que 
lui  payait  l'armateur  ou  le  propriétaire  du  navire  qui  em- 
barquait l'émigrant.  Celui-ci  voyait  donc  la  somme  géné- 
ralement minime  qu'il  emportait  avec  lui,  réduite,  parfois 
absorbée  entièrement  par  ces  intermédiaires  ;  mais,  d'autre 
part,  ils  lui  rendaient  service  en  lui  évitant  des  difficultés 
dont  il  n'aurait  guère  pu  se  tirer  tout  seul.  Pour  recruter 
les  émigrants,  les  agents  ne  reculent  devant  aucune  pro- 
messe et  ils  les  leurrent  en  leur  promettant  un  pays  de 
cocagne  ;  les  colporteurs  vendent  à  prix  réduit  des  chan- 
sons, des  images  populaires  où  l'Amérique  joue  le  rôle  de 
paradis  terrestre.  C'est  pour  protéger  les  émigrants  contre 
ces  agences  qu'a  été  élaborée  toute  une  législation  dont 
nous  parlerons  ci-dessous. 

Nous  avons  déjà  eu  l'occasion  de  nommer  les  principaux 
ports  d'embarquements  des  émigrants  :  c'est  une  portion 
appréciable  de  leur  trafic  total.  En  Allemagne,  Brème  et 
Hambourg;  en  Belgique,  Anvers;  en  France,  Le  Havre, 
Bordeaux,  Marseille;  dans  la  Grande-Bretagne,  Londres, 
Liverpool,  Plymouth,  Southampon,  Glasgow;  en  Italie, 
Gènes  et  Naples  :  tels  sont  les  principaux  ports  d'émigrants. 
Le  prix  du  transport  varie  selon  la  rareté  du  fret  et  la 
concurrence  des  diverses  compagnies.  On  trouvera  des 
détails  à  ce  sujet  dans  l'art.  Passager.  De  même  sur  la 
mortalité  à  bord  des  navires.  Quant  aux  conditions  maté- 
rielles du  transport,  elles  ont  été  réglementées  complètement 
par  la  législation,  et  nous  renvoyons  au  paragraphe  ci- 
dessous  où  l'on  trouvera  les  indications  pour  la  France,  la 


Belgique,  etc.  Ufle  des  clauses  qui  a  donné  lieu  aux  plus 
grands  abus,  c'est  l'émigration  par  contrat  ou  par  engage- 
ment qui  est  presque  le  seul  système  pour  les  Asiatiques  et 
les  noirs.  L'émigrant  n'ayant  pas  de  capitaux,  l'entrepreneur 
du  transport  lui  en  avance  les  frais  à  la  condition  qu'il 
s'engage  à  le  rembourser  sur  le  produit  de  son  travail  et 
pour  cela  contracte  un  engagement  dont  la  durée  peut 
varier  de  six  mois  à  dix  ans,  jadis  même  davantage  ;  ainsi 
lié,  l'émigrant  lorsqu'il  débarque  a  aliéné  une  partie  de  sa 
liberté.  Les  contrats  de  ce  genre  furent  au  début  du  siècle 
de  simples  variantes  de  l'esclavage  et  donnèrent  lieu  à  une 
véritable  traite  des  blancs.  Des  histoires  de  l'émigration 
allemande  qui  sont  des  martyrologes  racontent  comment  à 
leur  arrivée  les  émigrants  étaient  vendus  à  des  propriétaires 
qui  les  exploitaient,  comment  on  séparait  les  époux,  les 
parents  et  les  enfants;  dans  d'autres  cas,  c'était  la  misère 
qui  contraignait  les  émigrants  à  se  vendre  ainsi  eux  ou  les 
leurs.  Un  des  derniers  exemples  de  ces  exploitations  s'est 
produit  au  Brésil  où  les  grands  propriétaires  ont  trompé 
les  émigrants  par  de  prétendus    contrats  de    métayage 
(parceria),—  Les  agences  d'émigration  autorisées  étaient 
en  France  au  nombre  de  31  en  1860;  il  y  en  avait  11 
au  Havre,  5  à  Paris,  8  à  Bordeaux,  3  à  Bayonne,  1   à 
Uhart-Cize  (Basses-Pyrénées),  1  à  Dunkerque,  1  à  ^\issem- 
bourg,!  à  Houffach  (Bas-Rhin).  En  1879,  le  nombre  était 
réduit  à  25,  dont  7  au  Havre,  6  à  Bordeaux,  5  à  Paris,  4  à 
Marseille,  2  à  Bayonne,  1  à  Modane.  Le  courant  d'émigra- 
tion devenant  plus  fort,  leur  nombre  s'est  élevé;  en  mai 
1883,  on  en  comptait  33,  dont  9  ayant  leur  siège  au 
Havre,  8  à  Paris,  7  à  Bordeaux,  5  dans  le  dép.  des  Basses- 
Pyrénées,  2  à  Marseille,  2  en  Savoie.  Enfin,  en  1886,  il  y 
en  avait  36,  dont  10  à  Paris,  8  au  Havre,  7  à  Bordeaux, 
6  dans  les  Basses-Pyrénées,  3  à  Marseille,  2  à  Modane. 
Elles  fonctionnent  à  l'aide  de  sous-agents  qui,^  munis  de 
procurations  authentiques  pour  les  engagements  d'émigrants, 
étendent  leurs  opérations  jusque  dans  les  pays  étrangers. 
En  1883,  les  33  agences  en  activité  n'occupaient  pas  moins 
de  800  sous-agents.  La  surveillance  exercée  parla  direction 
de  la  sûreté  générale  a  prévenu  tous  les  abus  ;  elle  examine 
le  choix  des  agents  recruteurs,  contrôle   les  enrôlements, 
prévient  et  réprime  les  fraudes,  veille  à  la  salubrité  et  à  la 
sécurité  des  navires  affectés  au  transport  des  émigrants, 
recueille  les  renseignements  utiles  sur  les  pays  dans  lesquels 
ils  se  rendent,  attirés  souvent  par  des  espérances  chimé- 
riques ou  par  des  promesses  fallacieuses. 

Néanmoins  la  surveillance  de  l'Etat  ne  peut  suffire,  et  la 
meilleure  sauvegarde  des  émigrants  sera  toujours  leur 
propre  prudence.  N'est  pas  bon  émigrant  qui  veut,  et,  de 
plus,  il  faut  se  préserver  de  bien  des  pièges  et  des  dangers 
pour  réussir  à  se  refaire  une  situation  dans  une  patrie  nou- 
velle. Nous  résumons  ici  brièvement  les  conditions  de  succès. 
n  faut  être  adulte,  d'une  bonne  santé,  d'un  caractère  assez 
énergique  pour  envisager  les  obstacles  et  ne  pas  se  laisser 
abattre.  H  est  à  peu  près  indispensable  d'emporter  avec 
soi  un  pécule  assez  fort  pour  suffire  aux  frais  de  première 
installation  et  aux  besoins  de  la  vie  matérielle  pendant  les 
premiers  mois.  Il  vaut  mieux  que  l'homme  émigré  seul 
d'abord,  pour  ne  faire  venir  sa  famille  que  lorsqu'il  aura 
assuré  ses  moyens  d'existence.  H  faut  choisir  avec  som  le 
pays  de  destination  parmi  ceux  dont  le  climat  est  le  plus 
semblable  à  celui  du  lieu  d'origine;  il  est  très  utile  d'en 
savoir  la  langue  ou  de  l'apprendre  dès  son  arrivée.  Il  vaut 
mieux  émigrer  dans  une  contrée  où  la  liberté  individuelle 
et  la  liberté  du  travail  soit  assurée.  A  cet  égard,  l'Amé- 
rique offre  les  plus  grands  avantages.  «  Dès  qu'il  met  le 
pied  sur  le  sol,  dit  M.  Daireaux,  l'étranger  est  placé  sous 
la  protection  de  ce  principe  américain  que  nous  résumerons 
dans  un  axiome  qui  n'est  écrit  nulle  part  et  que  personne 
ne  conteste  :  En  Amérique,  personne  n'est  étranger.  Les 
personnes,  les  biens,  les  droits  personnels  et  réels  de 
l'étranger  sont  garantis  à  l'égal  de  ceux  des  nationaux  par 
la  constitution.  »  Ajoutons  que  cette  garantie  est  beaucoup 
moindre  que  dans  les  pays  de  l'Europe,  en  France  surtout. 


ÉMIGRATION 


924  ~ 


et  qu'il  est  trop  fréquemment  impossible 'd'obtenir  justice 
des  tribunaux  étrangers.  L'émigrant  doit  donc  surtout 
faire  fonds  sur  son  énergie;  il  fera  bien  de  se  grouper 
avec  des  compatriotes  et  de  rechercher  un  pays  qui  ne  soit 
pas  trop  troublé  par  les  dissensions  politiques  et  les  guerres 
intestines.  Au  point  de  vue  professionnel,  il  ne  faut  pas 
oublier  que  les  professions  libérales  n'ont  pas  de  place 
dans  un  pays  neuf;  il  faut  avoir  le  courage  de  changer 
d'état,  et  même  plusieurs  fois,  pour  trouver  celui  qui  sera 
le  plus  lucratif.  Il  ne  faut  jamais  acheter  par  intermédiaire 
la  terre  que  l'on  cultivera,  mais  la  voir  de  ses  yeux  aupa- 
ravant. Pour  le  transport,  il  ne  faut  traiter  qu'avec  des 
agents  autorisés  et  éviter  de  signer  un  engagement  qui 
enchaîne  la  liberté  dans  le  pays  où  l'on  va.  Il  faut  con- 
sulter, avant  le  départ,  les  autorités  constituées  ou  les 
sociétés  protectrices  des  émigrants.  Il  faut  emporter  peu 
de  bagages,  le  transport  en  étant  onéreux  et  la  perte  ou  le 
vol  très  à  redouter.  Il  faut  se  renseigner  soigneusement  sur 
les  questions  de  change  dans  le  pays  de  destination,  choisir 
le  moment  de  son  départ  de  manière  à  arriver  dans  la  sai- 
son favorable.  Une  fois  débarqué,  il  ne  faut  séjourner  dans 
la  ville  que  le  temps  nécessaire  pour  s'informer  des 
moyens  d'atteindre  le  lieu  où  l'on  va  s'établir  ;  descendre 
dans  les  asiles  ouverts  aux  émigrants  et  non  à  l'hôtel  ;  en 
cas  de  discussion  avec  le  capitaine,  s'adresser  à  la  société 
protectrice  ou  à  son  consul  ;  à  leur  défaut,  aux  autorités 
locales  ;  ce  sont  également  ceux-ci  qui  le  renseigneront  s'il 
y  a  lieu.  On  devra  conserver  avec  soin  ses  papiers,  enga- 
gement, passeport  si  l'on  en  a,  pièces  constatant  la  natio- 
nalité et  l'état  civil.  Il  faut  éviter  soigneusement  tout  acte 
de  contrebande,  même  involontaire.  Enfin,  une  fois  établi, 
il  faut  se  tenir  à  l'écart  des  querelles  et,  par-dessus  tout, 
des  agitations  politiques,  pour  ne  pas  entrer  en  conflit 
avec  les  nationaux.  Quant  au  changement  de  nationalité  et 
aux  questions  qui  s'y  rattachent,  nous  renvoyons  au  §  Di^oit 
international  et  à  l'art.  Naturalisation. 

Causes  de  l'émigration.  —  L'homme  ne  se  décide  pas 
volontiers  à  abandonner  sa  patrie  et  à  courir  les  chances 
d'une  vie  nouvelle  en  un  milieu  inconnu.  Parmi  les  causes 
qui  l'y  décident,  il  faut  pourtant  placer  l'esprit  d'aventure 
qui  entraîne  un  certain  nombre  d'émigrants;  mais  c'est 
une  faible  minorité.  L'accroissement  rapide  de  la  popula- 
tion que  le  sol  natal  ne  suffit  plus  à  nourrir  et  à  occuper, 
tel  parait  être,  à  première  vue,  la  cause  fondamentale.  Ce 
n'est  pas  tout  à  fait  exact,  comme  nous  le  verrons  plus  bas, 
en  parlant  des  conséquences  de  l'émigration.  Le  grand 
nombre  est  déterminé  par  la  misère  ou  du  moins  par  l'in- 
suffisance de  sa  condition  sociale  et  matérielle.  La  surface 
du  sol  étant  limitée,  beaucoup  de  paysans  ne  peuvent 
espérer  conquérir  la  propriété  dans  leur  patrie  ;  le  cas  est 
le  même  pour  les  cadets  partout  où  s'est  maintenu  le  droit 
d'aînesse  ;  ce  désir  d'acquérir  la  propriété  est  pour  beau- 
coup, en  particulier,  dans  les  campagnes  allemandes,  le 
plus  puissant  motif  de  départ  ;  le  bas  prix  de  la  terre,  en 
Amérique,  l'espérance  de  passer  de  la  condition  de  salarié 
à  celle  de  propriétaire  ;  la  misère,  le  manque  de  travail 
coïncidant  avec  la  cherté  des  vivres,  ont  fait  partir  d'Eu- 
rope des  millions  d'émigrants,  surtout  après  les  crises  de 
1847-1854  et  de  1882.  Tous  les  pays  d'Europe,  mais  sur- 
tout l'Irlande,  l'Allemagne,  la  Grande-Bretagne,  l'Italie, 
en  ont  ressenti  les  effets.  Le  régime  égalitaire  de  la  société 
américaine,  les  chances  de  fortune  rapide,  les  promesses 
des  agents  d'émigration  qui  font  miroiter  des  merveilles 
aux  yeux  de  l'émigrant,  décident,  chaque  année,  une  foule 
de  gens  à  tenter  l'aventure.  Enfin,  les  lettres  et  les  envois 
d'argent  des  émigrants  qui  ont  réussi  sont  un  puissant 
moyen  de  propagande.  Le  grand  développement  de  l'émi- 
gration au  xix'^  siècle  s'explique  par  la  rapidité,  le  bon 
marché  et  la  sécurité  des  moyens  de  transport,  par  la  poli- 
tique des  gouvernements  américains  qui  appellent  l'immi- 
gration et  assurent  de  grands  profits  aux  agences  d'émigra- 
tion ou  aux  sociétés  de  colonisation;  par  l'assimilation 
quasi  complète  des  étrangers  aux  nationaux,  la  diffusion 


des  langues  étrangères,  le  développement  des  relations 
commerciales.  A  ces  causes  générales,  dont  Pimportance 
relative  varie  d'un  pays  à  l'autre,  il  faut  ajouter  les  causes 
locales  dont  nous  avons  déjà  parlé  dans  le  §  Statistique 
en  passant  en  revue  les  pays  de  provenance  et  de  destina- 
tion des  émigrants. 

Conséquences  de  l'émigration. —  Quelles  sont  les  consé- 
quences de  l'émigration  ?  Ce  problème  comporte  trois  sub- 
divisions :  quelles  sont  les  conséquences  pour  l'émigrant 
lui-même  ;  pour  le  pays  d'émigration  ;  pour  le  pays  d'im- 
migration. Pour  l'émigrant  lui-même,  les  conséquences 
varient  naturellement  selon  les  cas.  Il  court  évidemment 
de  très  grands  risques  et  beaucoup  y  succombent  ;  de  vastes 
entreprises  ont  subi  des  échecs  mémorables  :  celle  des 
Belges  au  Guatemala,  des  Prussiens  au  pays  des  Mos- 
quitos  (1847),  plus  récemment  en  France  celle  du  marquis 
de  Rays;  bien  plus  nombreux  encore  sont  les  émigrants 
qui  se  sont  laissés  duper  par  des  agents  et  n'ont  trouvé 
que  la  ruine  au  lieu  du  paradis  promis.  Combien  de  fois  ce 
sont  des  gens  incapables  de  gagner  leur  vie  dans  leur 
patrie  qui  ont  à  la  légère  risqué  l'aventure  de  la  rude 
existence  de  l'émigrant  pour  laquelle  ils  étaient  tout  à  fait 
désarmés,  trop  jeunes  ou  trop  vieux,  trop  faibles  physi- 
quement ou  moralement  ;  ce  fut  notamment  le  cas  de  bien 
des  ouvriers  des  manufactures  européennes  qui  ne  trou- 
vaient nul  emploi  dans  un  pays  neuf.  Boscher  s'en  est 
indigné.  «  Ces  tisserands  de  Silésie  qui  ne  peuvent  même 
pas,  dans  leur  pays,  couper  du  bois  ou  casser  des  cailloux, 
vous  voulez  en  faire  des  colons  ;  vous  croyez  qu'ils  ont 
l'étoffe  de  pionniers  ou  de  squatters.  Vous  les  envoyez  à 
grands  frais  par  delà  l'Océan  à  la  misère  et  à  la  mort.  » 
Les  cas  de  ce  genre  se  reproduisent  si  souvent,  l'indiffé- 
rence de  l'agent  recruteur  pour  l'intérêt  réel  de  l'émigrant 
et  son  sort  au  lendemain  du  débarquement  est  si  manifeste 
que  les  administrations  ont  une  attitude  très  défiante  vis- 
à-vis  de  l'émigration.  Confinées  dans  leur  rôle  de  protec- 
tion sociale,  elles  voient  surtout  les  risques;  en  France, 
on  peut  dire  qu'elles  sont  hostiles  à  l'émigration.  C'est  une 
vue  trop  étroite,  car,  à  envisager  les  choses  dans  leur  en- 
semble, le  nombre  des  émigrants  qui  réussis^nt,  qui  amé- 
liorent leur  situation  et  se  font,  à  eux  et  à  leur  famille,  une 
vie  plus  heureuse  et  autrement  large  qu'elle  n'eût  été  dans  la 
patrie  première,  le  nombre  de  ceux-là  compense  et  au  delà 
celui  des  faibles  qui  succombent  dans  la  lutte.  Pour  l'in- 
dividu, l'émigration  est  une  aventure,  mais  il  dépend  de 
lui  d'en  atténuer  les  risques,  et  les  profits,  quand  il 
réussit,  peuvent  être  immenses. 

Pour  les  pays  d'origine,  quelles  sont  les  conséquences 
de  l'émigration  ?  Le  problème  est  double,  car  l'émigration 
humaine  implique  une  émigration  de  capitaux.  Nous  l'étu- 
dierons  sous  les  deux  aspects.  Les  économistes  et  les 
hommes  d'Etat  ont,  dans  bien  des  cas,  exprimé  l'opinion 
que  l'émigration  était  pour  la  mère  patrie  une  perte  con- 
sidérable. Un  homme  arrivé  à  l'âge  adulte  représente  un  ca- 
pital, ne  fût-ce  que  celui  qui  a  été  dépensé  pour  le  nourrir 
et  l'élever.  S'il  part,  le  capital  est  perdu.  J.-B.  Say 
déclarait  que  le  départ  de  cent  mille  émigrants  par  an 
avec  le  pécule  qu'ils  emportaient  était  l'équivalent  de  la 
perte  d'une  armée  de  cent  mille  hommes  qui,  tous  les  ans, 
seraient  engloutis  au  passage  de  la  frontière  avec  armes  et 
bagages.  Ce  langage  est  d'autant  plus  frappant  que  les  éco- 
nomistes n'en  sont  plus  à  croire,  comme  au  xvii®  siècle, 
que  la  richesse  d'une  nation  est  proportionnelle  à  sa 
population.  L'excédent  continu  des  naissances  sur  les  décès 
entraîne  un  accroissement  normal  de  la  population.  L'émi- 
gration y  fait  contrepoids  en  enlevant  tout  ou  partie  de  cet 
excédent.  Les  malthusiens  s'en  félicitent,  d'autres  le 
déplorent.  Mais,  d'abord,  le  fait  est-il  exact?  Est-il  vrai 
que  l'émigration  diminue  la  population,  ou,  du  moins, 
retarde  son  accroissement  ?  Cela  n'est  nullement  prouvé. 
L'Espagne  s'est  dépeuplée  depuis  le  xvi®  siècle,  mais  ce 
sont  précisément  les  provinces  du  Nord,  Biscaye,  Galice, 
Catalogne,  d'où  l'on  émigrait,  qui  sont  restées  les  plus 


—  925  -- 


EMIGRATION 


peuplées  et  les  plus  prospères  et  augmentent  le  plus  vite 
leur  population.  En  France,  où  la  population  est  presque 
stationnaire,  ce  ne  sont  pas  les  départements  de  Normandie 
où  elle  diminue  qui  émigrent,  mais  ceux  des  régions  mon- 
tagneuses de  l'Est  et  du  Midi  où  les  naissances  continuent 
de  surpasser  les  décès.  L'exemple  de  la  Grande-Bretagne 
est  encore  plus  frappant.  La  petite  île  de  Skye  (Ecosse) 
avait,  au  début  du  xviii^  siècle,  11,000  hab.;  vers  1755, 
8,000  émigrèrent;  au  bout  d'une  génération,  le  chiffre  de 
11,000  était  retrouvé  et  dépassé.  De  1851  à  1861,  le 
Royaume-Uni  a  fourni  plus  de  2  millions  d'émigrants, 
et  néanmoins,  par  l'excédent  des  naissances  sur  les  décès, 
sa  population  a  cru  de  1,519,000  âmes,  soit  un  accrois- 
sement naturel  de  1 ,2  "/o  par  an.  Or,  dans  la  période 
décennale  précédente  (1841-1851)  où  l'émigration  fut  plus 
faible,  l'accroissement  avait  été  encore  plus  faible  ;  de  telle 
sorte  que,  dans  la  seconde  période,  malgré  l'émigration,  la 
population  qui  restait  s'accrut  deux  fois  plus  vite.  Ce  n'est 
pas  l'excédent  des  naissances  qui  stimule  l'émigration,  car 
on  ne  part  pas  à  un  an  ;  c'est  l'émigration  qui  stimule  la 
reproduction  humaine.  Sous  l'influence  de  la  grande  émi- 
gration de  1847  à  1853,  le  nombre  des  mariages  contractés 
en  Angleterre  s'accrut  subitement.  En  1847-49,  on  comp- 
tait, année  moyenne,  130,000  mariages  et  560,000  nais- 
sances; en  1852,  on  releva  158,000  mariages  et  624,000 
naissances;  dans  le  premier  semestre  de  1853,  320,000 
naissances.  Ceci  tient  à  l'influence  des  causes  psychologiques 
sur  la  reproduction.  Boscher  l'a  indiquée  en  ces  termes  : 
«  Toute  extension  relative  de  la  masse  des  subsistances 
(qu'elle  provienne  d'une  production  plus  abondante  ou  d'une 
restriction  dans  les  besoins  des  travailleurs)  entraîne  après 
soi  un  accroissement  de  la  population.  Or,  il  est  incon- 
testable que  la  croyance  universelle  à  une  extension  des 
subsistances  doit  avoir  exactement  le  même  effet  que  cette 
extension  réalisée.  Si,  par  exemple,  pendant  que  l'émi- 
gration est  en  faveur,  des  millions  d'Allemands  s'imaginent 
que  non  seulement  les  émigrants  sonjt  dans  une  position 
plus  satisfaisante  qu'auparavant,  mais  encore  que  ceux  qui 
sont  restés  dans  le  pays  vont  se  trouver  également  dans  une 
condition  meilleure,  ce  simple  espoir  suffit  pour  faire  con- 
clure un  grand  nombre  de  mariages  et  produire  un  grand 
nombre  de  naissances  qui  sans  lui  n'auraient  pas  lieu.  » 
En  d'autres  termes,  comme  dit  M.  Leroy-Beaulieu,  la 
tendance  à  l'augmentation  de  la  population  a  pour  mesure 
non  seulement  les  ressources  réelles  des  travailleurs,  mais 
l'opinion  qu'ils  ont  de  ces  ressources.  Les  espérances  pro- 
duisent ici  les  mêmes  effets  que  si  elles  étaient  réalisées. 
L'émigration  n'a  donc  pas  pour  effet  de  réduire  la  popu- 
lation; ce  serait  plutôt  le  contraire.  Ainsi  tombent  d'une 
part  les  reproches  que  lui  adressent  certains  publicistes  : 
d'autre  part,  les  espérances  des  malthusiens  ;  l'émigration 
n'est  pas  un  remède  à  l'excès  de  population  ;  quand  elle  est 
régulière  et  considérable,  elle  tend  à  augmenter  la  popu- 
lation du  pays  d'origine.  On  a  songé  à  l'utiliser  du  moins 
pour  améliorer  le  sort  des  travailleurs  et  le  taux  des 
salaires  en  diminuant  la  concurrence  spécialement  au  mo- 
ment des  grandes  crises  industrielles.  Cela  parait  plus  aisé, 
car  l'émigration,  portant  surtout  sur  les  adultes,  a  incon- 
testablement pour  eft'et  d'en  réduire  le  nombre  dans  un 
pays  pour  un  laps  de  temps  assez  sensible.  Cependant 
l'expérience,  faite  en  Angleterre,  n'a  j)as  donné  de  bons 
résultats.  De  1827  à  1833,  l'adoption  de  la  vapeur  pour 
les  machines  à  filer  réduisant  le  nombre  de  bras  nécessaire 
aux  filatures  détermina  une  crise  terrible.  Le  Parlement  bri- 
tannique décida  en  1827  d'envoyer  aux  colonies  95,000 
de  ces  ouvriers  sans  travail.  On  forma  des  comités,  on 
subventionna  les  émigrants,  on  en  embarqua  70,000  par  an 
au  lieu  de  24,000.  Ils  furent  très  malheureux  dans  les 
colonies,  et  l'Angleterre,  peu  après  leur  départ,  manqua  de 
bras  pour  l'industrie  qui  avait  pris  une  extension  inat- 
tendue. Le  fait  se  reproduisit  vers  1840  quand  prévalut  le 
métier  automate  ;   des  sociétés  privées  firent  émigrer  les 
travailleurs  sans  ouvrage  et  bientôt  on  regretta  leur  départ. 


Les  mêmes  observations  ont  été  faites  en  Allemagne.  Il  en 
résulte  que  la  hausse  artificielle  des  salaires  provoquée  par 
une  émigration  est  plus  dangereuse  qu'utile.  L'émigration 
provoquée  ou  systématique  offre  de  grands  inconvénients. 
Ce  que  demandent  les  pays  neufs,  c'est  la  portion  la  plus 
active  de  la  population,  des  couples  d'adultes  dans  la  force 
de  l'âge  ;  mais  l'exode  d'une  trop  grande  quantité  de  ceux- 
ci  nuit  à  la  métropole.  Celle-ci,  au  contraire,  se  débarras- 
serait volontiers  de  malheureux  sans  ressources.  On  a 
voulu  faire  de  l'émigration  un  remède  contre  le  paupé- 
risme, mais  sans  grand  succès.  On  ne  soulage  qu'impar- 
faitement la  métropole  et  on  nuit  à  la  colonie.  Cependant 
cette  manière  de  procéder  a  parfois  réussi.  Merivale  cite 
l'exemple  de  l'Angleterre.  Lorsqu'on  y  réforma  la  loi  des 
pauvres,  les  paroisses  se  taxèrent  pour  faire  émigrer  une 
partie  de  leurs  pauvres.  On  en  exporta  5,000  en  1835-36, 
1,200  et  800  dans  les  deux  années  suivantes;  on  continua 
et,  au  31  déc.  1861,  il  en  était  parti  26,000  environ. 
C'était  peu  sans  doute,  et  pourtant  l'amélioration  qu'elle 
produisit  dans  le  taux  des  salaires  et  le  sort  des  pauvres 
fut  réelle.  Nous  citerons  un  exemple  analogue  pour  le 
grand-duché  de  Bade.  En  somme,  l'influence  de  l'émi- 
gration sur  la  population  de  la  mère  patrie  a  été  très  exa- 
gérée ;  elle  est  bien  moindre  que  ne  l'ont  cru  bien  des 
publicistes  ;  ses  grands  avantages  sont  ceux  qui  résultent 
de  la  colonisation  ;  nous  avons  aussi  signalé  celui  qu'elle 
offre  pour  le  développement  du  commerce  en  multipliant, 
sur  divers  points  du  globe,  des  consommateurs  habitués  à 
se  fournir  dans  la  mère  patrie  et  à  préférer  ses  articles 
d'échange. 

L'émigration  des  capitaux  est  une  conséquence  de  l'émi- 
gration humaine.  Les  avis  sont  partagés  sur  les  avantages 
et  les  inconvénients  de  cette  émigration  d'argent.  Consta- 
tons d'abord  qu'elle  est  minime.  Le  pécule  emporté  par 
chaque  émigrant  est  proportionnellement  plus  faible  que  la 
part  conservée  par  ceux  qui  demeurent.  Les  statistiques 
allemandes  indiquent  que  les  émigrants  n'ont  guère  plus 
de  700  à  900  fr.  par  tête,  alors  que  la  richesse  nationale, 
répartie  par  tête,  donnerait  à  chacun  une  part  quadruple 
pour  le  moins.  De  plus,  ce  pécule  représente  des  économies 
faites  en  vue  de  l'émigration  et  dont  une  bonne  partie 
n'aurait  pas  été  amassée  sans  cette  destination  spéciale. 
On  peut  admettre  qu'en  totalisant  toutes  les  sommes  em- 
portées   par    les  émigrants  d'Allemagne,   dans    l'année 
la  plus   défavorable    (1854,    où   il  en  sortit   252,000), 
ils    ne  prélevèrent  pas  le  quart  de  l'épargne  annuelle. 
L'exportation  des  capitaux  offre,  d'autre  part,  des  avantages. 
«  Quand,  dans  une  contrée  comme  l'Angleterre,  dont  l'in- 
dustrie travaille  en  grande  partie  pour  l'étranger,  la  somme 
des  capitaux  s'accroît  beaucoup  plus  rapidement  que  dans 
les  pays  avec  lesquels  l'iVngleterre  trafique,  nous  croyons 
que,  si  une  partie  de  ces  capitaux  n'émigre  pas,  il  y  aura 
en  Angleterre  une  sorte  d'excès  de  production,  c.-à-d. 
que  les  articles  anglais  produits  en  nombre  beaucoup  plus 
grand  qu'auparavant,  alors  que  la  contre-partie  qui  leur  est 
destinée  en  articles  étrangers  est  restée  à  peu  près  station- 
naire, baisseront  de  prix  par  rapport  à  ces  derniers...  Or 
la  baisse  des  profits,  quand  elle  est  exagérée,  malgré  l'opi- 
nion de  Ricardo  et  de  quelques  autres  économistes,  est  à 
nos  yeux  un  mal  réel,  un  symptôme  redoutable  :  c'est,  en 
effet,  la  mort  de  l'esprit  d'entreprise...  Au  contraire,  si 
une  partie  de  ces  capitaux,  accumulés  en  Angleterre, 
émigré  dans  des  colonies  nouvelles,  ils  y  développent  une 
production  abondante  ;  ils  rapportent  à  leurs  propriétaires 
des  intérêts  plus  élevés  ;  ils  créent  par  delà  les  mers  de 
nouveaux  objets  d'échange  qui  vont  se  troquer  contre  les 
articles  de  la  mère  patrie;  ils  donnent  naissance  à  des 
matières  premières  qui  alimentent  à  meilleur  prix  les 
usines  de  la  métropole  ;  ils  constituent  en  même  temps  une 
demande  toujours  croissante  pour  les  produits  manufacturés 
métropolitains.  »  (Leroy-Beaulieu.)  En  résumé,  l'émigra- 
tion  des  capitaux  est  très  lucrative  pour  la  métropole 
comme  pour  le  pays  de  destination.  Il  y  a  même,  comme 


ÉMIGRATION 


926 


dit  spirituellement  M.  Leroy-Beaulieu,  une  supériorité 
immense  en  faveur  de  l'émigration  des  capitaux  sur  l'émi- 
gration des  personnes  ;  c'est  qu'il  est  difficile  de  trouver 
de  bons  colons,  que  beaucoup  d'émigrants  tombent  dans 
la  misère  et  deviennent  une  charge,  tandis  que  tous  les 
capitaux  indistinctement  sont  bons  et  productifs. 

Voyons  maintenant  l'autre  face  du  problème,  l'immi- 
gration. Est-elle  avantageuse  pour  les  pays  oli  elle  se  pro- 
duit? C'est  l'opinion  générale  et  elle  parait  fondée.  L'accrois- 
sement de  la  population  est  certainement  un  bien  pour  les 
pays  neufs,  dont  les  ressources  ne  peuvent  être  mises  en 
valeur  que  par  ce  moyen.  A  un  point  de  vue  plus  spécial, 
la  vente  des  terres  domaniales  a  procuré  de  grandes  res- 
sources aux  pays  américains.  Tous  'sont  d'ailleurs  con- 
vaincus que  l'immigration  est  pour  eux  d'un  intérêt  vital 
et  n'ont  cessé  de  l'encourager.  Il  y  a  lieu  cependant  de 
faire  des  réserves.  Toute  immigration  n'est  pas  profitable  ; 
loin  de  là.  Nous  l'avons  déjà  dit  et  les  pays  neufs  le  savent 
fort  bien.  «  Il  y  a,  écrit  Merinale,  une  jalouse  surveillance 
de  la  part  de  la  population  des  colonies  contre  l'introduc- 
tion d'émigrants  qui  tombent  à  leur  charge,  c.-à-d.  pré- 
cisément de  la  classe  que  nous  sommes  le  plus  portés  à 
leur  envoyer  et  qui  eux-mêmes  sont  le  plus  portés  à  s'y 
rendre.  Les  gens  qui  veulent  émigrer  sont,  en  général,  les 
paresseux,  les  hommes  d'un  caractère  capricieux  et  mécon- 
tent, ceux  qui  ne  »sont  qu'irrégulièrement  employés,  ceux 
qui  ont  l'espérance  prompte  et  croient  toujours  améliorer 
leur  position  par  le  changement,  ou  bien  encore  la  classe 
la  plus  infortunée  des  hommes  de  peine,  ceux  dont  les 
familles  sont  sans  ressource,  ou  enfin  ceux  qui,  ayant  été 
élevés  pour  un  métier  spécial,  voient  tout  à  coup  le  travail 
manquer  dans  cette  partie.  »  Les  colonies  et  les  Etats  amé- 
ricains font  leur  possible  pour  écarter  les  mauvais  émi- 
grants.  Mais  cette  réserve  n'est  pas  la  seule. 

L'immigration  est  redoutée  par  les  ouvriers  du  pa}  s, 
comme  créant  une  concurrence  qui  abaisse  le  taux  des 
salaires.  L'hostilité  qu'ils  manifestent  pour  le  travailleur 
étranger  est  universelle.  On  sait  qu'elle  existe  en  France, 
particuhèrement  envers  les  Belges  et  les  Italiens.  Nous  la 
retrouvons  aux  Etats-Unis  ;  là,  elle  a  pris  vis-à-vis  des 
Chinois  un  caractère  aigu,  et  on  a  fini  par  prohiber  toute 
nouvelle  immigration  des  jaunes.  A  la  République  Argen- 
tine, les  craintes  sont  d'un  autre  ordre  :  on  redoute  la 
prépondérance  de  l'élément  étranger,  qui  est  indifférent  à 
la  politique  et  aux  passions  nationales  et  «  ne  forme  pas 
plus  un  peuple  qu'une  poignée  de  sable  n'est  une  pierre  ». 
Mais  ce  n'est  là  qu'un  inconvénient  passager.  Quant  à  celui 
de  la  concurrence  au  travail  des  indigènes,  il  est  clair  que 
les  avantages  compensent  les  inconvénients. 

Politique.— Intervention  de  l'Etat  dans  l'émigration 
ET  l'immigration. — L'importaucc  sociologiqu3  de  l'émigra- 
tion ressort  suffisamment  des  faits  exposés  jusqu'à  présent 
pour  qu'on  comprenne  que  l'Etat  ne  pouvait  s'en  désinté- 
resser. Les  problèmes  soulevés  étant  fort  complexes,  on  est 
loin  de  s'accorder  sur  les  solutions  théoriques  et  pratiques. 
Les  questions  ont  été  amplement  débattues  au  Congrès 
international  de  Vintervention  des  'pouvoirs  publics 
dans  V émigration  et  V immigration^  tenu  à  Paris  les 
12,  i3  et  14  août  1889.  Les  principaux  mémoires  et  dis- 
cours ont  été  analysés  dans  une  publication  de  la  Biblio- 
thèque des  Annales  économiques  où  nous  puisons  une 
grande  partie  des  renseignements  qui  suivent. 

Frappés  de  ce  fait  que  tout  départ  de  citoyens,  surtout 
adultes,  est  un  affaiblissement  au  point  de  vue  militaire  et 
un  appauvrissement  au  point  de  vue  économique,  les  gou- 
vernements ont  été  longtemps  hostiles  à  l'émigration,  sauf 
vers  les  colonies  nationales;  même  celle-ci  n'était  pas 
toujours  vue  d'un  bon  œil.  L'Espagne  y  mit  de  grands 
obstacles.  Nous  renvoyons  à  ce  sujet  à  l'art.  Colonisation. 
D'autre  part,  les  souverains  d'autrefois  ne  reconnaissaient 
nullement  le  droit  d'émigrer  (V.  ci-dessous  le  §  Droit 
international).  Ce  droit  nous  parait  cependant  indiscutable. 
Une  société  ne  peut  imposer  ses  charges  à  qui  renonce  à 


ses  profits.  Le  droit  d'émigrer  résulte  du  droit  de  vivre. 
J.-B.  Say  l'a  exprimé  éloquemment  :  «  Il  n'est  pas  plus 
sage,  dit-il,  de  retenir  les  hommes  prisonniers  dans  un  pays 
que  de  vouloir  les  y  faire  naître.  Toutes  les  lois  contre 
l'émigration  sont  iniques  :  chacun  a  le  droit  d'aller  où  il 
se  flatte  de  respirer  plus  à  l'aise,  et  c'est  respirer  plus  à 
l'aise  que  de  subsister  plus  facilement.  Veut-on  par  là 
conserver  le  nombre  d'hommes  que  le  pays  peut  nourrir, 
on  le  conservera  sans  ce  moyen.  Veut-on  en  avoir  plus  que 
le  pays  ne  peut  en  contenir,  on  n'y  réussira  point.  Lors- 
qu'on empêche  une  population  surabondante  de  sortir  par 
la  porte  des  frontières,  elle  sort  par  la  porte  des  tom- 
beaux. » 

La  liberté  a  prévalu  depuis  la  Révolution  française. 
Mais,  si  les  gouvernements  n'interviennent  plus  pour  empê- 
cher l'émigration,  s'ensuit-il  qu'ils  doivent  s'en  désintéresser 
complètement  ?  Faut-il  proclamer  ici  le  principe  de  non- 
intervention  ?  Plusieurs  l'afiirment,  mais  leur  opinion  est 
vivement  combattue.  La  question  touche  de  près  à  celle  de 
colonisation  libre  et  de  la  colonisation  officielle  qui  a  été 
examinée  ailleurs.  Rappelons  l'opinion  de  Stuart  Mill  qui 
soutient  que  l'Etat  doit  agir  dans  une  certaine  mesure. 
«  On  ne  peut,  dit-il,  avoir  une  émigration  considérable  de 
travailleurs  qu'à  la  condition  que  les  frais  de  voyage  soient 
supportés,  ou  tout  au  moins  avancés,  aux  frais  de  quelque 
autre  que  les  travailleurs  eux-mêmes.  Qui  donc  fera  cette 
avance  ?  Naturellement,  dira-t-on,  les  capitalistes  de  la 
colonie  qui  ont  besoin  du  travail  et  qui  se  proposent  de 
l'employer.  Mais  à  ceci  il  y  a  un  obstacle,  c'est  que  le 
capitaliste,  après  avoir  dépensé  les  frais  de  voyage  du  tra- 
vailleur, n'est  pas  assuré  d'en  profiter.  Lors  même  que  les 
capitalistes  de  la  colonie  s'associeraient  et  feraient  par 
souscription  ces  frais  de  voyage,  ils  n'auraient  aucun  moyen 
de  garantir  que  les  travailleurs  ainsi  transportés  travaille- 
raient pour  eux.  Après  avoir  travaillé  pendant  quelque  temps 
et  gagné  quelques  livres,  l'ouvrier  s'empresse,  s'il  n'en 
est  pas  empêché  par  le  gouvernement,  de  s'emparer  de  la 
terre  inoccupée  et  de  ne  travailler  qu'à  son  propre  compte. 
On  a  essayé  plusieurs  fois  de  voir  s'il  était  possible  d'as- 
surer l'exécution  des  contrats  de  travail  ou  le  rembourse- 
ment par  les  émigrants  des  frais  de  leur  voyage  à  ceux  qui 
les  avaient  avancés  ;  mais  on  a  toujours  trouvé  plus  de  peine 
et  de  dépenses  que  d'avantages.  Il  n'y  aurait  d'autres 
ressources  que  les  contributions  volontaires  des  paroisses 
et  des  particuliers  pour  se  débarrasser  de  Pexcédent  de 
travailleurs  qui  sont  ou  probablement  ne  tarderont  pas  à 
se  trouver  à  la  charge  des  fonds  d'assistance  communale. 
Si  cette  spéculation  devenait  générale,  elle  pourrait  amener 
une  émigration  suffisante  pour  débarrasser  le  pays  de  la 
population  sans  emploi,  mais  non  pour  élever  les  salaires  des 
ouvriers  employés,  et  il  faudrait  recommencer  avant  qu'une 
nouvelle  génération  se  fût  écoulée.  »  Nous  adoptons  com- 
plètement cette  manière  de  voir,  et  il  est  clair  que  toutes 
les  fois  qu'une  collectivité  jugera  qu'elle  a  un  avantage 
positif  à  une  émigration  et  plus  encore  à  l'immigration,  ce 
qu'elle  a  de  mieux  à  faire,  c'est  de  la  provoquer  ou  même 
de  l'organiser.  Les  principaux  Etats  européens  ont  admis 
cette  idée  et  s'y  sont  conformés.  Nous  citons  l'exemple  de 
l'Angleterre,  de  la  France,  de  l'Allemagne  et  de  la  Belgique 
pour  l'émigration  ;  celui  des  colonies  anglaises,  de  l'Au- 
triche, des  Etats-iJnis,  l'Amérique  du  Sud  pour  l'immigra- 
tion. En  ce  qui  concerne  l'intervention  protectrice  du  gou- 
vernement en  faveur  des  émigrants,  nous  renvoyons  au 
§  Législation. 

L'intervention  du  gouvernement  anglais  dans  les  opéra- 
tions d'émigration  et  d'immigration  a  été  fort  bien  étudiée 
par  M.  Arthur  Raffalovich  dans  un  mémoire  lu  au  Congrès 
de  1889.  La  politique  anglaise  est  da  diriger  et  d'encou- 
rager l'émigration  coloniale,  mais  celle-ci  n'est  subventionnée 
que  par  les  colonies.  On  demande  pourtant  que  le  trésor 
public  d'Angleterre  lui  vienne  en  aide;  l'efiet  serait  de 
relever  le  niveau  des  émigrants  et  d'opérer  une  relation 
profitable  aux  colonies,  mais  nuisible  à  la  métropole. 


—  927  — 


EMIGRATION 


Les  colonies  elles-mêmes  ont  réduit  de  plus  en  plus 
l'émigration  subventionnée.  Actuellement,  le  Queensland 
accorde  le  passage  gratuit  aux  filles  de  service  non  mariées 
et  aux  ouvriers  "agricoles  (bona  fide)  entre  dix-sept  et 
trente-cinq  ans  et  à  un  petit  nombre  d'ouvriers  de  ferme 
âgés  de  moins  de  quarante-cinq  ans,  n'ayant  pas  plus  de 
trois  enfants  au-dessous  de  douze  ans,  qui  ont  reçu  l'appro- 
bation de  l'agent  général  du  Queensland  ou  de  l'agent  local. 
Une  partie  du  transport  est  donnée  gratuitement  aux  ou- 
vriers agricoles,  jardiniers,  mineurs,  terrassiers,  gardes- 
malades,  couturières  (hommes  de  huit  à  dix  ans,  8  livres, 
femmes,  4  livres;  hommes  et  femmes  entre  quarante  et 
cinquante-cinq,  12  livres);  les  enfants  de  un  à  douze  ans 
touchent,  les  garçons  4  livres,  les  filles  2  livres.  Les 
personnes  qui  ont  résidé  dans  la  colonie  pendant  six  mois 
peuvent  en  désigner  d'autres  qui  ont  été  reconnues  comme 
parents  ou  amis  personnels,  et  ceux-ci  reçoivent  le  passage 
gratuit,  à  condition  que  la  personne  fixée  dans  la  colonie 
paye  une  somme  variant  de  2  à  8  livres,  suivant  l'âge  et 
le  sexe.  Les  personnes  ainsi  transportées  sont  libres  de 
travailler  où  et  chez  qui  leur  plaît.  Mais  elles  doivent  rester 
dans  la  colonie  au  moins  pendant  un  an.  Les  patrons  qui 
ont  résidé  dans  le  Queensland  pendant  six  mois  peuvent 
engager  des  ouvriers  en  Angleterre  ou  sur  le  continent 
européen,  et  la  colonie  paye  une  partie  ou  la  totalité  des 
frais  de  voyage. 

L'Australie  occidentale  fait  les  frais  d'une  partie  du 
transport  pour  un  certain  nombre  de  professions  de  nature 
à  être  utiles  dans  un  pays  agricole,  mais  ces  émigrants  doi- 
vent posséder  un  petit  capital,  100  livres  au  minimum, 
qu'ils  déposent  avant  leur  départ  et  qui  leur  sera  rem- 
boursé à  leur  arrivée  dans  la  colonie.  Un  petit  nombre  de 
passages  subventionnés  sont  accordés  à  des  personnes  qui 
ont  des  amis  ou  parents  dans  la  colonie.  —  La  Nouvelle- 
Zélande  a  supprimé  depuis  1888  toute  espèce  de  sub- 
vention à  l'émigration.  —  La  colonie  du  Cap  accorde  la 
gratuité  du  passage  aux  ouvriers  engagés  par  le  gouverne- 
ment. Celui-ci  paye  la  moitié  du  voyage  aux  mécaniciens  et 
artisans  qui  ont  conclu  des  engagements  avec  des  patrons 
au  Cap.  —  Le  Canada  cherche  à  encourager  l'émigration 
en  accordant  des  billets  à  prix  réduits  sur  les  chemins  de 
fer  canadiens. 

On  sait  que,  malgré  ces  avantages,  les  trois  cinquièmes 
des  émigrants  britanniques  sont  allés  aux  Etats-Unis,  mais 
cela  tient  à  la  prédilection  des  Irlandais  pour  cette  desti- 
nation. 

L'intervention  officielle  de  l'Etat  dans  l'émigration 
remonte  au  règne  de  Guillaume  IV  et  à  la  création  de 
l'Australie  méridionale,  qui  donna  lieu  à  de  déplorables 
spéculations.  En  1840  fut  créé  un  bureau  d'émigration 
formé  de  trois  commissaires.  Sa  mauvaise  gestion  accrut 
les  frais  ;  il  finit  par  disparaître  en  1878.  Plus  récemment, 
il  s'est  organisé  en  Angleterre  un  bureau  d'informiitions 
pour  les  émigrants.  C'est  simplement  une  institution  sub- 
ventionnée en  relation  avec  le  ministère  des  colonies.  Il  est 
administré  par  un  conseil  d'administration  désigné  par  le 
secrétaire  d'Etat  pour  les  colonies,  dont  les  fonctions  sont 
gratuites.  Il  est  composé  de  personnes  éminentes  et  des 
représentants  des  classes  ouvrières.  La  subvention  de  l'Etat 
est  de  650  livres  par  an.  Le  bureau  jouit  de  la  franchise 
postale,  et  l'impression  de  ses  circulaires,  brochures,  etc., 
est  faite  par  l'imprimerie  de  l'Etat.  Du  1  ''''  avr.  1 888  au 
31  mars  1889,  5,962  personnes  sont  venues  demander 
des  informations.  Il  a  été  reçu  13,222  lettres  et  il  en  a  été 
expédié  55,821  dont  30,000  ont  été  des  circulaires.  Il  a 
été  envoyé  12,750  circulaires  au  clergé  de  la  province.  — 
Enfin,  il  a  été  fondé  à  Londres,  en  1884,  une  société 
d'émigration  par  l'initiative  privée.  Une  commission  parle- 
mentaire mixte  prépara,  à  partir  de  1887,  un  vaste  plan  de 
colonisation  et  d'émigration  officielle  qui  fut  froidement 
accueilli. 

En  France,  l'intervention  de  l'Etat  dans  l'émigration 
s'est  bornée  à  des  tentatives  répétées  de  colonisation  offi- 


cielle, en  dernier  lieu  en  Algérie  (V.  Colonisation  et 
Algérie),  à  l'organisation  de  l'immigration  des  coolies 
dans  nos  colonies  et  à  une  législation  protectrice  des  émi- 
grants (V.  le  §  suivant).  D'une  manière  générale,  l'admi- 
nistration est  peu  sympathique  à  l'émigration. 

En  Belgique,  le  gouvernement,  en  présence  du  récent 
mouvement  d'émigration  transatlantique,  a  créé  des  bureaux 
de  renseignements  dans  les  chefs-lieux  de  province  et  pré- 
venu le  pubhc  par  voie  d'affiches  apposées  dans  toutes  les 
communes,  l'invitant  à  se  défier  des  agents  racoleurs  et  à 
ne  prendre  de  décision  qu'après  avoir  consulté  les  bureaux 
de  renseignements  officiels. 

En  Allemagne,  l'on  s'est  alarmé  à  plusieurs  reprises  de 
l'intensité  de  l'émigration.  Rappelons  l'édit  impérial  du 
7  juil.  1850,  qui  punissait  de  mort  l'émigrantet  prononçait 
la  confiscation  de  ses  biens.  En  dernier  lieu,  la  Diète 
songea,  en  1858,  à  des  peines  restrictives;  elle  dut  y 
renoncer  devant  le  soulèvement  de  l'opinion  publique.  En 
revanche,  le  gouvernement  badois  organisa,  de  1851  à 
1854,  une  émigration  systématique  vers  l'Amérique  du 
Nord  afin  de  débarrasser  le  pays  des  indigents.  Il  y 
réussit,  mais  provoqua  les  plaintes  les  plus  vives  du  Canada 
et  des  Etats-Unis,  qui  prirent  des  mesures  pour  mettre  un 
terme  à  cet  abus.  «  Nous  ne  saurions  trop  appeler  l'atten- 
tion, disaient  les  fonctionnaires  canadiens,  sur  l'invasion 
de  notre  pays  par  cette  horde  d'émigrants  originaires  du 
grand-duché  de  Bade  qui,  en  1854,  ont  débarqué  à  Québec 
à  une  époque  avancée  de  la  saison,  ayant  à  peine  l'argent 
nécessaire  pour  vivre  une  semaine  et  présentant  la  triste 
apparence  de  la  plus  dégoûtante  saleté  et  de  la  misère  la 
plus  profonde.  Cet  expédient  coupable  du  gouvernement 
badois  et  des  municipalités  qui  consiste  à  imposer  ainsi  à 
un  Etat  étranger  le  fardeau  de  leurs  pauvres,  pour  la  plu- 
part incapables  d'un  travail  utile,  est  de  nature  à  pro- 
voquer une  disposition  législative  destinée  à  mettre  un 
terme  à  une  semblable  spéculation.  » 

En  ce  qui  concerne  l'immigration,  nous  avons  déjà  dit 
combien,  dans  le  passé,  les  gouvernements  prussien,  autri- 
chien, russe,  la  favorisèrent.  C'est  encore  la  politique  des 
Etats  de  l'Amérique  latine  ;  elle  se  traduit  par  des  conces- 
sions de  terres  ou  des  ventes  à  prix  réduit  et  par  des 
primes  accordées  aux  agences  d'émigration. 

Législation.  —  La  législation  des  pays  européens 
porte  spécialement  sur  les  agences  d'émigration.  La  pro- 
fession d'agent  d'émigration  a  été  presque  partout  soumise 
à  des  restrictions  spéciales  afin  d'éviter  aux  émigrants  «  les 
mécomptes,  les  déceptions,  les  tromperies  auxquels  ils  sont 
exposés  par  les  exactions  des  intermédiaires  ou  des  four- 
nisseurs exploitant  leur  ignorance  avec  l'impitoyable  âpreté 
du  gain  ».  (Heurtier.)  Cette  surveillance  de  l'Etat  est 
indispensable  pour  protéger  les  émigrants  et  leur  assurer 
des  garanties  en  maintenant  les  agences  dans  leur  rôle 
d'intermédiaires  de  transports.  Une  étude  détaillée  de  la 
législation  française  et  étrangère  a  été  rédigée  par  M.  Chan- 
dèze,  chef  de  bureau  au  ministère  du  commerce,  et  publiée 
dans  les  Annales  économiques  de  1890. 

En  France,  le  premier  décret  sur  la  matière  est  celui  du 
27  mai  1852  réglementant  l'émigration  vers  les  colonies 
françaises.  Elle  imposait  aux  agents  la  tenue  d'un  registre 
matricule  ;  la  responsabilité  ne  portait  que  sur  l'armateur 
et  le  capitaine.  Les  progrès  du  transit  par  Le  Havre  et 
Toulon  des  compagnies  d'émigration  décidèrent  le  gouver- 
nement à  instituer  en  1852  une  commission  chargée  d'étu- 
dier la  question  de  l'émigration.  Un  remarquable  rapport 
fut  rédigé  par  M.  Heurtier,  conseiller  d'Etat,  et  la  commis- 
sion prépara  le  décret  rendu  le  15  janv.  1855  qui  posa  les 
principes  de  la  législation  actuelle. 

Les  autres  pays  d'Europe  ont,  avant  ou  après  la  France, 
édité  des  mesures  analogues.  En  1837,  la  Bavière  avait 
réglementé  l'émigration,  puis,  suivant  les  décisions  minis- 
térielles des  8  mai  1840,  11  juil.  1847  et  9  mai  1849.  Le 
gouvernement  bavarois  cherchait  à  restreindre  l'émigration; 
il  exigeait  des  agents  une  autorisation  officielle,  des  entre- 


ÉMIGRATION 


928  — 


preneurs  de  transports  une  caution.  La  Belgique,  à  cause 
d'Anvers  (1843),  la  ville  de  Brème  (1849),  l'Angleterre 
(1852),  la  Prusse  (1853),  la  Saxe  (1853),  l'Espagne 
(1853),  exigèrent  des  agences  des  garanties  analogues. 

Voici  quelles  sont,  en  France,  les  dispositions  législa- 
tives relatives  à  l'émigration.  Elles  sont  contenues  dans  la 
loi  du  18  juil.  1 860,  les  décrets  du  9  et  du  15  mars  1861 , 
les  arrêtés  du  20  mars,  du  15  et  du  21  mai  1861  ;  ces 
actes  reproduisent  les  dispositions  essentielles  du  décret 
du  15  janv.  1855. 

Nul  ne  peut  entreprendre  les  opérations  d'engagement 
ou  de  transport  des  émigrants  sans  l'autorisation  ^du  mi- 
nistre du  commerce.  Les  compagnies  ou  agences  d'émigra- 
tion ne  reçoivent  cette  autorisation  qu'à  la  condition  de 
fournir  un  cautionnement  fixé  par  le  ministre,  dans  la 
limite  de  15,000  à  40,000  fr.  Il  a  été  uniformément  fixé 
à  40,000  fr.  par  un  arrêté  du  8  févr.  1889  qui  a  décidé 
que  les  deux  tiers  devaient  être  déposés  en  argent,  le  der- 
nier tiers  devant  être  représenté  par  une  soumission  cau- 
tionnée. L'autorisation   sera  toujours  révocable  par   le 
ministre  en  cas  d'abus  grave.  Les  agents  que  les  compagnies 
autorisées  peuvent  employer,  soit  en  France,  soit  à  l'étran- 
ger, doivent  être  munis  d'une  procuration  authentique. 
Les  compagnies  sont  responsables  des  actes  de  leurs  agents. 
Les  compagnies  ou  agences  d'émigration  seront  tenues  de 
remettre  à  l'émigrant  avec  lequel  elles  auront  traité,  soit 
en  France,  soit  à  l'étranger,  à  défaut  d'une  copie  de  son 
contrat,  un  bulletin  nominatif  indiquant  la  nationalité  de 
cet  émigrant,  le  lieu  de  sa  destination  et  les  conditions 
stipulées  pour  le  transport.  Dans  les  vingt-quatre  heures 
de  l'arrivée  des  émigrants  dans  le  port  d'embarquement,  les 
compagnies  ou  agences  devront  faire  viser  le  contrat  de 
l'émigrant  par  le 'commissaire  de  l'émigration.  Tout  navire 
qui  reçoit  à  son  bord  quarante  émigrants  est  réputé  spé- 
cialement affecté  à  l'émigration.  Toutefois,  l'émigrant  qui 
devra  être  transporté  par  un  navire  ayant  moins  de  qua- 
rante émigrants  aura  le  droit  d'invoquer  l'intervention  du 
commissaire  de  l'émigration  pour  ce  qui  concerne  les  vivres 
et  les  conditions  de  son  contrat.  Est  réputé  émigrant,  sans 
autre  justification,  tout  passager  qui  n'est  point  nourri  à 
la  table  du  capitaine  ou  des  officiers  et  qui  paye  pour  le 
prix  de  son  passage,  nourriture  comprise,  une  somme  de 
moins  de  40  fr.  par  semaine  pour  les  navires  à  voiles  et  de 
moins  de  80  fr.  par  semaine  pour  les  navires  à  vapeur,  en 
prenant  pour  base  de  calcul  la  durée  du  voyage,  telle 
qu'elle  sera   déterminée   par  les  règlements.  En  cas  de 
doute  sur  la  qualité  d'émigrant,  le  commissaire  de  l'émi- 
gration a'ppréciera.  Tout  navire  destiné  à  l'émigration  devra 
être   pourvu  d'un  coffre  à  médicaments  et,  lorsque  le 
nombre  des  émigrants  atteindra  cent,  il  y  aura  toujours  à 
bord  un  médecin,  un  officier  de  santé  ou  un  chirurgien  de 
marine.  Il  est  interdit  de  recevoir  à  bord  aucun  passager 
atteint  d'une  maladie  grave  ou  contagieuse  et  d'y  placer 
aucune  marchandise  qui  serait  reconnue  dangereuse  ou 
insalubre. 

Aucun  navire  aff'ecté  au  service  de  1  émigration  ne  peut 
sortir  du  port  sans  que  le  capitaine  ou  l'armateur  soit 
muni  d'un  certificat  constatant  que  toutes  les  prescriptions 
imposées  soit  par  la  loi,  soit  par  les  décrets  et  arrêtés 
ministériels  dans  l'intérêt  de  la  police  et  des  émigrants,  ont 
été  remplies.  Les  émigrants  ont  le  droit  d'être  reçus  à 
bord  la  veille  du  jour  fixé  pour  le  départ.  Ils  ont  également 
le  droit  de  demeurer  à  bord  pendant  les  quarante-huit 
heures  qui  suivent  le  mouillage  au  port  de  destination,  à 
moins  que  le  navire  ne  soit  obligé  de  repartir  immédiate- 
ment. Tout  émigrant  empêché  de  partir  pour  cause  de 
maladie  grave  ou  contagieuse,  régulièrement  constatée,  a 
droit  à  la  restitution  du  prix  payé  pour  son  passage.  Le 
prix  du  passage  est  également  restitué  aux  membres  de  sa 
famille  qui  restent  à  terre  avec  lui.  Si  le  navire  ne  quitte 
pas  le  port  au  jour  fixé  par  le  contrat,  l'agence  respon- 
sable est  tenue  de  payer  à  chaque  émigrant  :  par  chaque 
jour  de  retard,  pour  Tes  dépenses  à  terre,  une  indemnité 


dont  le  taux  est  fixé  par  un  décret.  Si  le  délai  dépasse 
dix  jours  et  si,  dans  l'intervalle,  l'agence  n'a  pas  pourvu 
au  départ  de  l'émigrant  sur  un  autre  navire  et  aux  condi- 
tions fixées  par  le  contrat,  l'émigrant  a  la  droit  de  renon- 
cer au  contrat  par  une  simple  déclaration  faite  devant  le 
commissaire  de  l'émigration,  sans  préjudice  des  dommages- 
intérêts  qui  pourront  être  alloués  à  l'émigrant.  Toutefois, 
si  les  retards  sont  produits  par  des  causes  de  force 
majeure,  constatées  et  appréciées  par  le  commissaire  de 
l'émigration,  l'émigrant  ne  peut  renoncer  au  contrat  ni 
réclamer  l'indemnité  de  séjour  à  terre,  pourvu  qu'il  soit 
logé  et  nourri  soit  à  bord,  soit  à  terre,  aux  frais  de 
l'agence  ou  de  ses  représentants.  L'agence  est  responsable 
du'transport  de  l'émigrant  au  lieu  de  destination  fixé  par 
le  contrat.  Le  transport  doit  être  direct,  à  moins  de  stipu- 
lations contraires.  En  cas  de  relâche  volontaire  ou  forcée 
du  navire,  les  émigrants  sont  ou  logés  et  nourris  à  bord, 
au  compte  du  navire,  pendant  toute  la  durée  de  la  relâche, 
ou  indemnisés  de  leurs  dépenses  à  terre.  En  cas  de  nau- 
frage ou  de  tout  autre  accident  de  mer  qui  empêche  le 
navire  de  poursuivre  sa  route,  l'agence  est  tenue  de  pour- 
voir, à  ses  frais,  au  transport  de  l'émigrant  jusqu'au  lieu 
de  destination  fixé  par  le  contrat.  Dans  le  cas  où  les  agences 
d'émigration  n'auraient  pas  rempli,  depuis  le  départ  du 
navire,  leurs  engagements  vis-à-vis  des  émigrants,  le  mi- 
nistre de  l'agriculture,  du  commerce  et  des  travaux  publics 
procède  au  règlement  et  à  la  liquidation  des  indemnités, 
sauf  recours  au  conseil  d'Etat.  Le  recouvrement  de  ces 
indemnités,  réglées  et  liquidées,  est  fait  à  la  diligence  du 
ministre  des  finances.  Toute  infraction  aux  dispositions  de 
la  loi  est  punie  d'une  amende  de  50  fr.  à  5,000  fr.  En 
cas  de  récidive  dans  l'année,  l'amende  est  portée  au  double. 
Toute  contravention  aux  règlements  d'administration  pu- 
blique, aux  décrets  et  aux  arrêtés  ministériels  pris  pour 
l'exécution  desdits  règlements  et  décrets,  en  ce  qui  con- 
cerne la  police  de  l'émigration,  est  punie  des  peines  por- 
tées dans  l'art  471  du  C.  pén.  Les  délits  et  contra- 
ventions peuvent  être  constatés  :  1"  en  France  par  les 
commissaires  de  l'émigration,  en  la]qualité  d'officiers  de  police 
auxiliaires  du  procureur  de  la  République,  par  tous  offi- 
ciers de  police  judiciaire  et  par  les  fonctionnaires  ou  agents 
qu'un  arrêté  ministériel  a  investis  à  titre  définitif  ou  tem- 
poraire des  attributions  de  commissaire  de  l'émigration  ; 
2°  à  bord  des  navires  français  dans  les  ports  étrangers  par 
les  consuls  assistés,  s'il  y  a  lieu,  de  tels  hommes  de  l'art 
qu'ils  jugeront  à  propos  de  désigner.  Les  procès-verbaux 
font  foi  jusqu'à  preuve  contraire. 

Il  avait  été  établi,  dans  les  principaux  ports,  des  commis- 
saires spéciaux  chargés  de  surveiller  le  mouvement  de 
l'émigration  française  et  étrangère.  Le  crédit  inscrit  à  ce 
chapitre  ayant  été  réduit  par  la  Chambre  des  députés,  on 
a  dû  supprimer  ces  fonctionnaires  et  charger  du  service 
les  commissaires  de  surveillance  attachés  aux  chemins  de 
fer  ou  aux  ports.  Dans  chacun  des  ports  d'embarquenient 
importants  au  point  de  vue  de  l'émigration,  il  a  été  ins- 
titué, sous  la  direction  du  commissaire  de  l'émigration, 
un  bureau  de  renseignements  auquel  les  émigrants  pour- 
ront s'adresser  pour  obtenir  gratuitement  toutes  les  infor- 
mations relatives  tant  à  leur  voyage  à  travers  la  France, 
leur  séjour  à  terre  et  la  rédaction  de  leurs  contrats  d'em- 
barquement, qu'aux  pays  vers  lesquels  ils  doivent  se 
diriger. 

Nul  émigrant  n'est  admis  en  France  s'il  ne  justifie, 
quand  il  arrive  par  la  frontière  de  terre,  de  la  possession 
en  espèces  ou  en  bonnes  valeurs,  d'une  somme  de  200  fr. 
pour  les  adultes  et  de  80  fr.  pour  les  enfants  de  six  à 
quinze  ans;  ou,  quand  il  arrive  par  la  frontière  de  mer 
d'une  somme  de  150  fr.  pour  les  adultes  et  de  60  fr.  pour 
les  enfants  de  six  à  quinze  ans,  à  moins  qu'il  ne  soit  por- 
teur d'un  contrat  régulier  qui  lui  assure  son  transport  à 
travers  la  France  et  son  passage  pour  un  pays  d'outremer. 
Si  le  contrat  contient  le  signalement  de  l'émigrant,  ainsi 
que  les  indications  nécessaires  pour  étabfir  l'identité,  il 


-  929 


ÉMIGRATION 


pourra,  après  avoir  été  visé  par  la  légation  ou  le  consulat 
de  France,  tenir  lieu  de  passeport.  Le  visa  sera  gratuit. 
Les  bagages  et  denrées  alimentaires  appartenant  aux  émi- 
grants  transportés  sur  le  territoire  français  par  chemin  de 
fer  seront,  à  moins  de  soupçons  de  fraude,  affranchis  à  la 
frontière  française  de  toute  vérification  de  douane  et  du 
plombage  par  colis.  Les  bagages  non  visités  seront  accom- 
pagnés d'une  feuille  de  route  dressée  par  l'administration 
du" chemin  de  fer  et  visée  par  la  douane  de  départ.  Ils 
seront  placés  dans  des  wagons  à  coulisse  et  sous  bâches, 
dûment  scellés  par  le  plomb  de  la  douane  et,  au  besoin, 
mis  sous  l'escorte  de  ses  préposés.  Les  émigrants  ne  pour- 
ront conserver  avec  eux,  dans  les  voitures  affectées  à  leur 
transport,  aucun  colis  contenant  des  marchandises  soumises 
aux  droits  ou  prohibées. 

A  l'arrivée  du  convoi  au  port  d'embarquement,  le  trans- 
bordement des  bagages  dans  le  navire  exportateur  pourra 
s'effectuer  également  sans  visite  et  en  franchise  de  toute 
taxe  de  douane. 

Il  est  alloué  à  chaque  passager,  à  bord  d'un  bâtiment 
affecté  au  transport  des  émigrants  :  1°  i™30  décim.  q.,  si 
la  hauteur  du  pont  est  de  2™i28  et  plus  ;  2*^  4  '^33  décim.  q. , 
si  la  hauteur  du  pont  est  de  4 "^83  et  plus;  3*^  4 "^49 
décim.  q.,  si  la  hauteur  du  pont  est  de  i^66  et  plus.  Les 
enfants  au-dessous  d'un  an  ne  sont  pas  comptés  dans  le 
calcul  du  nombre  des  passagers  à  bord  et  deux  enfants  âgés 
de  plus  d'un  an  et  de  moins  de  huit  ans,  seront  comptés 
pour  un  passager.  Les  navires  affectés  au  transport  des 
émigrants  devront  avoir  un  entrepont,  soit  à  demeure,  soit 
provisoire,  présentant  au  moins  4™66  de  hauteur.  Lorsque 
les  navires  recevront  un  nombre  de  passagers  suffisant 
pour  l'espace  déterminé  d'après  les  bases  énoncées  ci- 
dessus  (4 '"30,  1™33,  4  "^49  par  passager)  l'entrepont 
sera  laissé  entièrement  libre,  sauf  les  parties  ordinairement 
occupées  par  le  logement  du  capitaine,  des  officiers  et  de 
l'équipage. 

Lorsque  le  chiffre  des  passagers  sera  inférieur  à  la  capa- 
cité réglementaire  du  navire,  l'espace  inoccupé  pourra  être 
affecté  au  placement  des  provisions  (la  viande  et  le  poisson 
exceptés),  des  bagages  et  même  d'une  certaine  quantité  de 
marchandises,  le  tout  réglé  proportionnellement  à  la  dimi- 
nution du  nombre  de  passagers  qui  auraient  pu  être  em- 
barqués. Il  est  interdit  de  charger  à  bord  d'un  navire  affecté 
au  transport  des  émigrants  toute  marchandise  qui  serait 
reconnue  dangereuse  ou  insalubre  et  entre  autres  les  che- 
vaux, les  bestiaux,  la  poudre  à  tirer,  le  vitriol,  les  allu- 
mettes chimiques,  le  guano,  les  peaux  vertes,  les  produits 
chimiques,  inflammables,  et  les  fromages,  excepté  ceux  durs 
et  secs  ne  portant  aucune  odeur.  Ces  prescriptions  ne  sont 
pas  appliquées  à  la  lettre.  En  effet,  sur  les  grands  navires 
actuels,  elles  n'ont  plus  leur  raison  d'être  comme  sur  ceux, 
plus  petits,  d'autrefois.  Aussi  l'autorisation  d'embarquer, 
par  exemple,  des  bestiaux,  est-elle  régulièrement  accordée. 
Le  commissaire  de  l'émigration  vérifie  les  qualités,  quan- 
tités et  espèces  de  vivres  dont  l'entrepreneur  devra  s'ap- 
provisionner ;  il  constate  l'existence  des  ustensiles  de 
cuisine,  du  combustible  et  de  la  vaisselle  nécessaire.  Il 
examine  la  disposition  des  couchettes  (1"^83  de  long,  0"^50 
de  large,  deux  rangées  au  plus,  superposées  à  une  distance 
de  O'^TG  au  moins),  celle  des  lieux  d'aisance  ;  l'existence 
de  la  chaloupe  et  de  canots  en  nombre  suffisant  pour 
assurer  la  sécurité  des  passagers. 

L'armateur  ou  le  capitaine  de  tout  navire  affecté  au  trans- 
port des  émigrants  doit  aviser  de  la  mise  en  armement  du 
navire  et  de  l'époque  du  départ  le  capitaine  du  port  et  le 
commissaire  de  l'émigration.  Avant  le  départ,  le  navire  est 
visité  dans  les  formes  prescrites  par  la  loi  du  43  août  4794 
pour  certifier  sa  navigabilité  et  constater  la  suffisance  de 
l'équipage. 

Le  capitaine  ou  l'armateur  devra  remettre,  vingt-quatre 
heures  avant  le  départ,  au  commissaire  de  l'émigration,  la 
liste  exacte  des  passagers  émigrants  qu'il  doit  transporter, 
avec  indication  de  l'âge,  du  sexe,  de  la  nationahté  et  de 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.  —  XV. 


la  destination  de  chacun  d'eux.  Si,  après  la  remise  de  cette 
liste,  de  nouveaux  passagers  émigrants  se  présentent  pour 
l'embarquement,  le  capitaine  ou  l'armateur  adressera  au 
commissaire  de  l'émigration  autant  de  listes  supplémen- 
taires qu'il  sera  nécessaire,  rédigées  dans  la  même  forme 
que  ci-dessus.  La  liste  primitive  et  les  listes  supplémen- 
taires, dont  un  double  sera  annexé  aux  papiers  de  bord, 
seront  définitivement  visées  et  signées  au  moment  du  départ 
par  le  commissaire  de  l'émigration  et  par  le  capitaine  ou 
l'armateur.  Après  la  clôture  de  ces  listes  définitives,  et 
avant  que  le  navire  soit  sorti  des  bassins,  il  sera  fait  un 
appel  des  émigrants  embarqués  et  aucun  émigrant  nouveau 
ne  pourra  plus  être  admis  à  bord  du  navire.  Si  le  navire 
ne  quitte  pas  le  port  au  jour  fixé  par  le  contrat,  l'agence 
responsable  sera  tenue  de  payer  à  chaque  émigrant,  pour 
les  dépenses  à  terre,  une  indemnité  de  2  fr.  25  par  chaque 
jour  de  retard. 

Nous  reproduisons,  d'après  M.  Chandèze,  la  liste  des 
législations  étrangères,  offrant  d'utiles  points  de  comparai- 
son avec  la  nôtre  :  Angleterre.  Ad  du  4  août  4855,  act 
complémentaire  de  4  863.  —  Belgique.  Loi  du  4  4  déc.  4  876, 
complétée  par  le  règlement  d'exécution  du  45  déc.  4876. 
—  Hollande.  Loi  du  4^^  juin-45  juil.  4869  et  l'ordon- 
nance de  4875.  —  Suède.  Ordonnances  royales  des  4  juin 
et  28  nov.  4884.  —  Suisse,  Loi  du  22  mars  4888.  Règle- 
ment d'exécution  du  40  juil.  4888  et  arrêté  du  conseil 
fédéral  du  48  sept.  4888.  —  Italie.  Loi  du  30  déc.  4888. 
Règlement  d'exécution  du  40  janv.  4889  et  circulaire  du 
ministère  de  l'intérieur  du  46  janv.  4889.  —  Allemagne. 
Aux  termes  de  l'art.  4  de  la  constitution  de  l'empire  d'Alle- 
magne, l'émigration  doit  être  réglementée  par  une  loi 
d'empire,  mais  cette  loi  générale  n'est  pas  encore  faite. 
Le  gouvernement  impérial  s'est  borné  à  créer  en  4874  un 
commissaire  impérial  pour  l'émigration,  siégeant  à  Ham- 
bourg. En  attendant,  la  législation  particulière  des  diffé- 
rentes parties  de  l'empire  est  restée  en  vigueur.  En  Prusse, 
on  continue  à  appliquer  la  loi  du  7  mai  4853  et  le  règle- 
ment du  6  sept,  de  la  même  année;  dans  le  Hanovre,  la  loi 
du  19  mars  4  853  ;  en  Bavière,  l'ordonnance  du  7  juin  4862  ; 
en  Saxe,  les  ordonnances  des  3  janv.  et  9  déc.  4853;  dans 
le  Wurttemberg,  la  constitution  du  44  juin  4870  et  la  loi 
du  27  déc.  4874  ;  à  Brème,  la  loi  du  40  juin  4872,  et  dans 
le  Mecklembourg-Schwerin,  l'ordonnance  du  4févr.  4864. 
A  Hambourg,  une  loi  du  44  janv.  4887  a  été  complétée 
par  deux  ordonnances  des  43  et  26  mai  4887. 

L'autorisation  préalable  est  accordée  aux  agents  par  le 
ministre  en  Italie,  en  Belgique  ;  par  le  conseil  fédéral  en 
Russie;  par  les  gouverneurs  en  Suède  ;  par  les  juges  de 
paix  en  Angleterre  ;  par  des  commissions  spéciales  à  Ham- 
bourg et  en  Hollande.  Elle  ne  peut  être  donnée  qu'à  des 
nationaux  en  Italie,  en  Suisse  et  à  Hambourg.  En  Suisse, 
on  constate  l'aptitude  professionnelle  du  postulant. 

Le  taux  du  cautionnement  est,  en  Belgique,  de  20,000 
à  40,000  fr.  en  numéraire  ou  en  fonds  belges;  en  Hol- 
lande, 40,000  florins,  pouvant  être  représentés  par  une 
soumission  cautionnée;  en  Angleterre,  4,000  livres  ster- 
ling, représentées  par  une  soumission  cautionnée;  en  Suède, 
de  40,000  à  60,000  couronnes;  à  Hambourg,  20,000  marks 
(soumission  cautionnée)  ;  en  Suisse,  40,000  fr.  (obligations 
d'Etat  ou  bonnes  valeurs)  ;  Italie,  3,000  à  5,000  livres  de 
rente  sur  l'Etat. 

Plusieurs  pays  ont  mis  des  restrictions  à  l'emploi  des 
sous-agents  ;  ils  doivent  être  agréés  par  le  préfet,  en  Italie  ; 
par  le  conseil  fédéral,  en  Suisse  ;  dans  ce  dernier  pays,  il 
faut  que  l'agence  pour  chacun  verse  une  taxe  et  un  cau- 
tionnement supplémentaire  de  3,000  fr. 

Pour  la  rédaction  des  contrats,  les  lois  belge,  hollan- 
daise, hambourgeoise,  italienne,  suisse,  entrent  dans  de 
grands  détails.  Les  clauses  relatives  aux  retards,  aux 
restitutions  du  prix  de  passage,  aux  accidents  de  mer 
sont  analogues  aux  nôtres.  Les  lois  belge,  hollandaise, 
hambourgeoise  et  suisse  exigent  que  l'expéditeur  contracte 
une  assurance  contre  les  risques  du  transport. 

59 


ÉMIGRATION 


-  930  - 


Les  sanctions  pénales  sont  :  en  Belgique,  amende  de 
500  à  5,000  fr.  ;  en  Angleterre,  amende  de  20  à  50  livres  ; 
en  Suède,  de  20  à  1,000  couronnes  ;  en  Suisse,  de  50  à 
4,000  fr.  et  même  jusqu'à  six  mois  de  prison;  en  Italie, 
amende  de  500  à  5,000  fr.  et  un  an  à  six  mois  de  prison  ; 
à  Hambourg,  amende  de  1,500  marks  et  jusqu'à  un  an  de 
prison.  A. -M.  B. 

Droit  internationaL  —  Le  droit  d'émigration  est 
une  conquête  relativement  récente.  Au  moyen  âge,  les  liens 
étroits  qui  reliaient  le  vassal  à  son  suzerain  et  le  serf  à  la 
terre,  l'absence  de  liberté  individuelle,  étaient  un  obstacle 
insurmontable  à  la  faculté  de  quitter  son  pays  à  son  gré, 
pour  aller  s'établir  ailleurs.  On  n'admit  que  lentement  cer- 
tains cas  oti  les  sujets  devaient  être  laissés  libres  de  s'expa- 
trier ;  ainsi  les  traités  de  Westphalie  (Osnabriick,  art.  5, 
§  30)  accordèrent  le  «  bénéfice  d'émigration  »  aux  personnes 
dont  la  religion  n'était  pas  autorisée  dans  leur  pays.  L'im- 
portance économique  de  l'émigration  date  de  la  colonisation 
du  Nouveau-Monde,  qui,  dès  le  xvi^  et  le  xvii°  siècle, 
exerça  ses  séductions  sur  les  peuples  maritimes  de  l'Europe 
occidentale.  Mais  il  s'en  faut  de  beaucoup  que,  dès  cette 
époque,  les  gouvernements  se  soient  montrés  favorables  à 
cette  expansion  coloniale  :  ils  voyaient,  au  contraire,  dans 
l'émigration  un  attentat  contre  les  droits  du  souverain,  une 
sorte  de  trahison  tombant  sous  le  coup  de  la  loi  et  méritant 
des  peines.  En  1669,  Louis  XIV  défendait  encore  expressé- 
ment à  ses  sujets  «  de  s'établir  sans  sa  permission  dans  les 
pays  étrangers  par  mariage,  acquisition  d'immeubles  et 
transport  de  leurs  familles  et  biens,  à  peine  de  confiscation 
de  corps  et  de  biens  et  d'être  censés  et  réputés  étrangers, 
sans  qu'ils  puissent  être  ci-après  rétablis  ni  réhabilités,  ni 
leurs  enfants  naturalisés  pour  quelque  cause  que  ce  soit  »  ; 
ceux  qui  allaient  servir  hors  du  royaume  de  pilotes,  cano- 
niers,  mariniers  ou  pêcheurs,  ou  comme  constructeurs  de 
navires,  encouraient  la  peine  de  mort;  il  n'était  même  pas 
permis  de  se  marier  à  1  étranger  sans  la  permission  du  roi, 
sous  peine   d'être  déclaré  coupable  «  d'infidélité  envers 
l'Etat  >>  et  puni  de  «  confiscation  de  corps  et  de  biens  ». 
L'édit  de  1669  demeura  en  vigueur  jusqu'à  la  promulga- 
tion de  la  constitution  de  1791.  Cette  constitution  proclama 
la  liberté  de  l'émigration  ;  mais  le  gouvernement  n'en  con- 
tinua pas  moins  de  publier  contre  les  émigrants  et  les  émi- 
grés toute  une  série  de  décrets  absolument  contraires  à 
cette  liberté.  L'un  des  plus  connus  et  des  plus  draconiens 
est  le  décret  du  26  août  1811,  qui  privait  de  leurs  droits 
civils  les  Français  qui  émigraient  sans  l'autorisation  du 
gouvernement,  les  excluait  de  toute  succession  ouverte  sur 
le  territoire  français,  leur  interdisait  de  rentrer  en  France 
sous  peine  d'expulsion  et  les  punissait  de  mort  s'ils  por- 
taient les  armes  contre  leur  pays  d'origine.  Le  décret  de 
1811  n'a  été  abrogé  que  tout  récemment,  par  la  loi  du 
26  juin  1889  sur  la  naturalisation.  Aujourd'hui,  et  grâce 
aux  modifications  apportées  par  ladite  loi  au  code  civil  de 
1804,  la  qualité  de  Français  ne  se  perd  plus  «  par  tout 
établissement  fait  en  pays  étranger  sans  esprit  de  retour  »  ; 
elle  ne  se  perd  même  plus  par  l'acceptation,  non  autorisée, 
de  fonctions  publiques   conférées  par   un  gouvernement 
étranger,  pourvu  qu'on  les  résigne  à  la  première  injonc- 
tion du  gouvernement  français  (C.  civ.,  nouvel  art.  17). 
La  matière  est,  d'ailleurs,  loin  d'être  régie  par  des  prin- 
cipes uniformes  dans  les  divers  Etats  de  l'Europe.  En  Alle- 
magne, pour  ne  citerque  deux  ou  trois  exemples,  la  liberté 
d'émigration  est  un  droit  garanti  par  la   constitution  de 
l'empire,  mais  sous  la  réserve  que  l'émigrant  ne  soit  pas 
sous  le  coup  de  la  loi  militaire  ;  celui  qui  émigré  pour 
se  soustraire  au  service  actif  est  passible  d'une  amende  de 
150  à  3,000  marks  ou  d'un  emprisonnement  d'un  mois  à 
un  an  ;  et  un  simple  réserviste  encourt,  s'il  émigré  sans 
autorisation,   une   amende   de   150  marks.  Les   Anglais 
rangent  parmi  leurs  libertés  personnelles  le  droit  de  s'éta- 
bUr  où  bon  leur  semble  sans  nulle  entrave  ;  mais  il  est  à 
remarquer,  d'une  part,  que,  sauf  naturalisation  à  l'étranger 
ou  renonciation  expresse,  la  qualité  d'Anglais  est  indélébile 


et  n'est  nullement  affectée  par  une  émigration,  d'autre  part, 
que  le  souverain,  en  vertu  de  sa  prérogative  royale,  peut, 
par  un  writ  ne  exeat  regno,  interdire  à  un  de  ses  sujets 
de  sortir  du  royaume  ;  c'est,  d'ailleurs,  un  droit  dont  il 
n'use  guère  que  pour  empêcher  un  prévenu  de  quitter 
l'Angleterre.  En  Russie,  nul  sujet  ne  paraît  avoir  la 
liberté  d'abandonner  légalement  sa  qualité  de  Russe  ;  car, 
d'après  le  code  pénal,  quiconque  quitte  sa  patrie  et  prend, 
sans  l'autorisation  du  gouvernement,  du  service  à  l'étran- 
ger, encourt  la  confiscation  de  ses  biens,  le  bannissement 
perpétuel  et,  s'il  revient  dans  le  pays,  la  déportation  en 
Sibérie.  Il  appartient  à  chaque  gouvernement  d'apprécier, 
suivant  les  conditions  locales,  les  inconvénients  ou  les 
avantages  de  l'émigration  et,  par  conséquent,  de  la  favo- 
riser onde  l'entraver.  Au  point  de  vue  international,  elle 
soulève  souvent  des  questions  délicates,  à  raison  du  chan- 
gement de  nationalité  qu'on  y  rattache  d'un  côté  et  qu'on 
y  méconnaît  de  l'autre  ;  il  serait  utile  que,  de  nos  jours, 
ces  questions  fussent  toujours  et  partout  résolues  d'avance 
par  des  conventions  internationales  afin  que  les  émigrants 
ne  soient  pas  exposés  à  posséder  une  double  nationahté  ou, 
ce  qui  est  pire,  à  n'avoir  plus  de  nationalité  du  tout,  leur 
départ  non  autorisé  ayant  suffi  parfois  à  leur  faire  perdre 
leur  nationalité  d'origine  sans  leur  en  assurer  une  dans  le 
pays  oti  ils  s'étaient  rendus.  Des  conventions  expresses 
seraient  d'autant  plus  nécessaires  qu'à  la  liberté  d'émigra- 
tion ne  correspond  pas  toujours  et  forcément  la  liberté 
d'immigration,  que  certains  Etats,  usant  d'un  droit  incon- 
testable, subordonnent  à  toute  sorte  de  conditions  l'admis- 
sion d'étrangers  sur  leur  territoire  et  qu'il  importe  à  tout 
le  monde  de  connaître  ces  conditions  par  avance  ;  en  prin- 
cipe, les  obstacles  à  l'immigration  ne  peuvent  être  motivés 
que  par  les  intérêts  légitimes  de  l'Etat,  par  des  raisons 
économiques  ou  politiques  sérieuses. 

Après  l'abolition  de  l'esclavage,  la  France  a  dû  se  préoc- 
cuper d'assurer  le  travail  dans  les  colonies  en  y  favorisant 
l'immigration.  Dans  la  convention  additionnelle  au  traité 
de  Tien-tsin  conclue  le  25  oct.  1860  avec  la  Chine,  il  a 
été  stipulé  que  les  Chinois  auraient  la  faculté  d'émigrer 
dans  nos  colonies,  et  des  règlements  devaient  être  élaborés 
entre  les  autorités  chinoises  et  le  ministre  de  France  pour 
assurer  aux  engagements,  toujours  volontaires,  toutes  ga- 
ranties de  moralité  et  de  sécurité  ;  ces  règlements  n'ayant 
jamais  été  faits,  il  a  été  recommandé  à  nos  consuls  de  sur- 
veiller les  Français  qui  se  livrent  en  Chine  aux  opérations 
d'émigration;  le  transport  des  coolies  chinois  est  donc 
licite  en  principe.  Le  1^^  juil.  1861,  la  France  a  conclu 
avec  l'Angleterre  une  autre  convention  (modifiée  en  1872) 
qui  l'autorise  à  recruter  également  dans  l'Inde,  sous  diverses 
conditions,  des  travailleurs  pour  ses  colonies  ;  cette  faculté 
est  accordée  exclusivement  au  gouvernement  et  ne  consti- 
tue pas  une  industrie  libre  ;  l'émigration  est  organisée  et 
surveillée,  d'accord  avec  les  autorités  anglaises,  par  des 
agents  du  gouvernement  français  ;  en  1877,  le  gouverne- 
ment anglais,  conformément  à  un  droit  qu'il  s'était  réservé, 
l'a  interdite  pour  la  Guyane,  en  1884,  pour  la  Réunion  et, 
en  1888,  pour  les  Antilles.  Ernest  Lehr. 

Histoire  de  la  Révolution.  —  Le  17  juil.  1789, 
trois  jours  après  la  prise  de  la  Bastille,  Louis  XVI 
s'était  rendu  à  l'Hôtel  de  Ville,  avait  pris  et  porté  à  son 
chapeau  la  cocarde  tricolore,  accepté,  en  un  mot,  la  Révo- 
lution :  le  lendemain,  on  apprenait  le  départ  pour  Turin 
du  second  frère  du  roi,  le  comte  d'Artois  ;  ses  deux  fils,  le 
duc  d'Angoulême  et  le  duc  de  Berry,  prenaient  avec  leur 
gouverneur,  de  Sérent,  le  chemin  des  Pays-Bas  autri- 
chiens, d'oii  ils  devaient  bientôt  rejoindre  leur  père.  Les 
jours  suivants,  cet  exemple  est  suivi  par  le  prince  de  Condé, 
qui  emmène  son  fils  le  duc  de  Bourbon,  son  petit-fils  le 
duc  d'Enghien.  Ces  princes  du  sang  entraînèrent  avec  eux, 
à  défaut  du  roi  qu'ils  n'avaient  pu  déterminer  à  venir  à 
Metz,  une  notable  partie  de  la  noblesse  de  cour.  Les  atta- 
ques des  paysans  contre  les  châteaux,  avant  et  même  après 
la  nuit  du  4  août,  mais  surtout  les  journées  d'octobre,  qui 


931  — 


EMIGRATION 


permirent  de  considérer  le  roi  comme  ramené  et  retenu 
de  force  à  Paris,  les  pressantes  invitations  que  le  marquis 
de  La  Queuille,  au  nom  de  Condé,  que  le  comte  d'Artois, 
conseillé  par  Galonné,  adressaient  aux  nobles  d'épée,  pré- 
cipitèrent le  mouvement  de  l'émigration.  La  mode  s'en 
mêla  ;  on  se  fit  un  point  d'honneur  de  sortir  du  royaume  : 
les  femmes  envoyaient  des  poupées  et  des  quenouilles  aux 
indécis,  comme  pour  les  taxer  de  lâcheté.  Dès  la  fin  de 
juillet,  bien  avant  le  décret  qui  mettait  les  biens  du  clergé 
à  la  disposition  de  la  nation,  l'abbé  Maury,  le  principal 
orateur  ecclésiastique  de  la  Gonstituante,  et  dont  le  courage, 
le  sang-froid,  ne  peuvent  être  mis  en  doute,  avait  essayé 
de  gagner  les  Pays-Bas  autrichiens  :  la  municipalité  de 
Péronne  l'avait  renvoyé  à  son  poste,  qu'il  devait  occuper 
si  brillamment.  Mais  la  plupart  des  prélats  de  cour,  des 
abbés  commendataires,  etc.,  firent  comme  la  caste  noble 
à  laquelle  ils  se  rattachaient,  même  avant  que  la  constitu- 
tion civile  du  clergé  leur  eût  fourni  un  prétexte  honnête. 
Le  18  févr.  1791,  les  tantes  du  roi,  filles  de  Louis  XV, 
partirent  pour  Rome  :  le  peuple  essaya  vainement  de  s'y 
opposer.  Sur  le  bruit  que  Monsieur,  l'aîné  des  frères  du 
roi,  déjà  compromis  un  an  auparavant  dans  l'affaire  Favras, 
se  disposait  également  à  la  fuite,  la  multitude  se  porta  à 
son  palais,  et  exigea  sa  parole  qu'il  demeurerait  en  France  : 
le  prince  le  promit  et  fut  couvert  d'applaudissements. 
Quatre  mois  après,  travesti  en  domestique  par  le  comte 
d'Avaray,  il  réussissait  à  franchir  la  frontière,  presque  au 
moment  où  la  berline  du  roi  et  du  reste  de  sa  famille  était 
arrêtée  à  Varennes  et  ramenée  à  Paris  (juin  1791).  L'en- 
semble des  faits,  la  suite  des  dates,  indiquent  que  le  roi, 
sans  encourager  ni  autoriser  formellement  l'émigration  en 
masse,  ne  s'y  opposa  pas  non  plus.  Plusieurs  gentilshommes, 
le  baron  (plus  tard  duc)  des  Gars,  le  duc  de  Duras,  le  duc 
de  Villequier,  le  baron  de  Breteuil,  avaient  même  reçu  de 
lui  des  permissions  individuelles  d'émigrer  qui  pouvaient 
être  regardées  comme  des  ordres;  de  même,  ses  aumôniers. 
Enfin,  sans  son  arrestation  à  Varennes,  il  eût  été  le  roi 
des  émigrés,  et  leur  aurait  donné  tout  au  moins  un  centre 
de  ralliement  qui  leur  fit  toujours  défaut. 

Ils  étaient  d'ailleurs  livrés  aux  plus  étranges  illusions. 
Persuadés  que  la  Révolution  aurait  son  temps,  que  ce 
n'était  qu'un  court  orage  à  traverser,  ils  se  figuraient 
n'avoir  à  s'exiler  que  pour  peu  de  temps,  revenir  triom- 
phalement et  rétablir  à  leur  profit  exclusif  l'ancien  état  de 
choses,  en  tenant  à  bonne  distance  les  tièdes,  les  modérés, 
les  partisans  des  deux  Ghambres,  les  impartiaux,  les 
monarchiens,  enfin  tous  ceux  qui  en  France  s'obstinaient 
à  chercher  un  terrain  de  conciliation  entre  le  privilège  et 
l'égalité.  L'émigration  nobiliaire  s'était  recrutée,  bien 
malgré  elle,  des  débris  des  minorités  politiques  mécon- 
tentes, pour  une  raison  ou  pour  une  autre,  des  votes  de 
l'Assemblée.  Soit  bouderie,  soit  prudence,  soit  espoir  d'une 
prompte  revanche,  beaucoup  de  députés  du  côté  droit 
s'étaient  munis  de  passeports  pour  un  exil  volontaire,  dont 
Mounier  et  Lally-Tollendal  avaient  donné  l'exemple.  La 
Gonstituante,  effrayée  de  cette  désertion,  avait  même  décrété 
qu'on  n'accorderait  plus  de  passeports  que  pour  affaires 
urgentes  ;  mais  elle  n'avait  osé  aller  plus  loin.  Le  comité 
de  constitution  ayant  été  chargé  de  préparer  un  projet  sur 
les  émigrations  (févr.  1791),  le  rapporteur,  Ghapelier, 
avait  demandé  qu'avant  de  lire  le  projet,  l'Assemblée  dé- 
cidât si  elle  voulait  une  loi  sur  ce  sujet  :  Mirabeau,  qui 
était  plus  étroitement  que  jamais  dans  la  confidence  de  la 
cour,  domina  l'opinion  de  ses  collègues  par  un  audacieux 
discours  tout  de  principes.  Il  invoqua  la  liberté  indivi- 
duelle :  <<  L'homme  ne  tient  pas  par  des  racines  à  la  terre  ; 
ainsi  il  n'appartient  pas  au  sol.  »  Il  imposa  «  silence  aux 
trente  voix  »,  et  osa  conclure  :  «  Si  vous  faites  une  loi 
contre  lesémigrants,  jejure  de  n'y  obéir  jamais.  »  L'ajour- 
nement du  projet  l'emporta,  mais  à  une  très  faible  majo- 
rité. Ce  fut  un  des  derniers  triomphes  de  Mirabeau  qui, 
de  longue  date,  avait  d'ailleurs  conseillé  au  roi  de  quitter 
Paris  non  pour  l'étranger,  mais  pour  une  ville  forte  de  son 


royaume.  Après  la  mort  de  Mirabeau  (2  avr.  1791),  et 
«  à  l'approche  du  moment  où  le  roi  devait  fuir,  les  émi- 
grations redoublèrent  ;  on  fit  disparaître  le  plus  d'argent 
qu'il  fut  possible;  on  tâcha,  dans  chaque  régiment,  de  dé- 
baucher beaucoup  de  soldats  ;  les  prêtres  redoublèrent  de 
soins  pour  diviser  les  familles;  plusieurs  officiers  quittèrent 
leurs  régiments  »  (Rabaut  Saint-Etienne)  ;  les  nobles  accou- 
rent alors  à  Paris,  qu'ils  afl'ectaient  de  regarder  pourtant 
comme  une  ville  d'exécration  ;  bref,  le  projet  d'émigration 
du  roi  n'est  un  secret  pour  personne.  Turin,  Bruxelles, 
Madrid,  Worms,  Goblentz,   Londres   en  sont  informés. 
Lorsque  les  émigrés  apprirent  que  le  roi  était  en  marche, 
«  les  témoignages  de  leur  joie  allèrent  jusqu'à  l'extrava- 
gance :  ils  étaient  persuadés  que  le  temps  des  proscriptions 
et  des  vengeances  était  arrivé  »,  que  le  roi  allait  rentrer 
dans  son  royaume  à  leur  tête  et  avec  des  corps  étrangers, 
qu'enfin  la  France  envahie  de  toutes  parts  retomberait  sous 
le  joug.  On  sait  comment  l'arrestation  du  roi  déjoua  ces 
espérances,  mais  aussi  comment  la  Gonstituante  l'ayant 
admis  à  prêter  serment  à  la  constitution  de  1791  pour  lui 
éviter  la  déchéance,  tout  fut  remis  en  question.  Dès  lors, 
les  frères  du  roi  accentuèrent  encore  leur  politique  de 
déclarer  que  Louis  XVI  n'était  pas  libre,  et  de  ne  pas 
reconnaître  ce  qu'il  ferait.  A  cette  date,  le  comte  d'Artois, 
le  «  premier  émigré  »,  avait  laissé  sa  femme  à  son  beau- 
père,  le  roi  de  Sardaigne,  et  s'était  rendu  à  Goblentz  avec 
Galonné  ;  il  avait  dans  son   entourage ,    entre   autres , 
Mirabeau  le  jeune,  l'évêque  d'Arras  de  Gonzié,  le  marquis 
de  Vaudreuil.  Il  fut  rejoint  le  7  juil.  1791  par  le  comte 
de  Provence,  lequel  fut  d'abord  mal  reçu  par  les  purs,  et 
traité  de  démocrate.  Les  deux  frères  habitèrent  ensemble 
le  château  de  Schœnburnlust  près  de  Goblentz;  M"^^  de  Po- 
lastron  y  vint  retrouver  le  comte  d'Artois,  avec  qui  elle 
vivait  ;  le  comte  de  Provence  vécut  entre  sa  femme  et  sa 
favorite,  M°»«  de  Balbi.  —  Le  château  de  l'électeur  de 
Trêves,  Louis-Wenceslas  de  Saxe,   frère  de  la  mère  de 
Louis  XVI,  avait  donné  asile  au  seul  homme  de  guerre  de 
l'émigration,  au  prince  de  Gondé,  âgé  alors  de  cinquante- 
cinq  ans,  à  sa  fille,  Louise  de  Bourbon,  à  son  fils  et  à  son 
petit-fils,   à  sa  maîtresse,  la  princesse  de  Monaco.  G'est 
principalement  à  Worms  que  s'enrôlaient  les  gentilshommes 
de  quelque  valeur  ;  mais  les  cent  premiers  inscrits  affec- 
taient du  mépris  pour  les  autres,  et  ainsi  de  suite.  La  réor- 
ganisation de  la  maison  militaire  de  Monsieur,  de  celle  du 
comte  d'Artois  (mousquetaires,  chevau-légers,  grenadiers 
à  cheval,  gendarmes)  ;  les  chevaliers  de  la  couronne,  sous 
le  comte  de  Bussy  ;  la  compagnie  de  Saint-Louis  des  gardes 
de  la  porte,  sous  le  marquis  de  Vergennes  ;  les  huit  com- 
pagnies bretonnes  (dont  une  du  tiers  état,  en  modeste  uni- 
forme gris  de  fer)  donnèrent  aux  émigrés  l'illusion  de 
leur  importance  et  de  leur  force.  Les  rangs  se  mainte- 
naient difficilement  dans  ce  milieu  factice.  On  tenait  compte 
surtout  du  zèle,  de  la  haine  ancienne  et  violente  contre  les 
rebelles  du  royaume.  Aussi  le  souverain,  qui  avait  dû 
plier  et  pactiser,  n'était  pas  ménagé  dans  les  conversations 
et  les  correspondances.  Le  sage  marquis  de  Vaudreuil  est 
obligé  d'écrire  au  comte  d'Antraigues  :  «  Si  la  Reine  a 
l'air  d'écouter  les  enragés,  c'est  à  coup  sûr  pour  les  en- 
dormir. Elle  est  mère  et  elle  est  femme.  Serons-nous  assez 
barbares  pour  ne  pas  lui  pardonner  des  terreurs  que  ses 
ennemis  n'ont  que  trop  justifiées?  D'ailleurs,  c'est  Louis  XVI 
et  Marie-Antoinette  que  nous  voulons  replacer  sur  le  trône  : 
il  faut  donc  dissimuler  leurs  torts  et  non  les  exagérer.  » 
(Lettre  du  U  août  1791.)  Tels  ne  furent  que  bien  rare- 
ment les  sentiments  des  émigrés,  chez  qui  prévalurent 
trop  les  préventions,   les  haines,  les  rivalités  de  cour  sur 
les  conseils  d'une  sage  ou  du  moins  d'une  décente  politique. 
Lorsque  arriva  Gazalès,  le  plus  brillant  défenseur  de  la 
noblesse  à  la  Gonstituante,  on  lui  fit  retenir  deux  chambres 
à  l'auberge  par  allusion  à  la  solution  constitutionnelle 
qu'il  avait  soutenue.  L'arrestation  de  Louis  XVI  à  Va- 
rennes ne  fut  pas  considérée  comme  un  malheur  par  tous 
les  émigrés  :  «  S'il  avait  échappé,  il  aurait  institué  les 


ÉMIGRATION 


932  - 


deux  Chambres.  »  De  son  côté  la  reine,  qui  détestait  Condé 
jusque  dans  sa  glorieuse  blessure,  répétait  :  «  Ce  serait 
dur  d'être  sauvés  par  ce  maudit  borgne.  »  De  part  et 
d*autre,  on  ne  songeait  et  on  ne  pouvait  songer  sérieuse- 
ment qu'à  une  chose  :  l'intervention  étrangère.  Mais  l'Eu- 
rope, prise  dans  son  ensemble,  avait  plaisir  à  croire  que 
tant  que  durerait  la  Révolution,  la  France  ne  compterait 
plus.  L'électeur  de  Cologne,  Maximilien,  frère  de  Marie- 
Antoinette,  pense  que  c'est  à  chacun  à  se  garder,  et  re- 
proche à  Louis  XVI  d'avoir  armé  l'Amérique,  soulevé  la 
Hollande,  la  Belgique.  L'autre  frère,  l'empereur  Léopold, 
veut  bien  que  Gustave  III  de  Suède,  le  chevalier  de  la 
royauté,  envoie  une  flotte  au  Havre,  mais  il  ne  veut  pas 
qu'elle  relâche  à  Ostende...  de  peur  que  les  Russes  ne  lui 
en  demandent  autant.  Il  ne  doute  pas  que  l'Autriche  ne 
gagne   à  l'affaiblissement  de  la  constitution  monarchique 
en  France  :   «  J'ai  une  sœur  en  France,  dit-il,  mais  la 
France  n'est  pas  ma  sœur.  »  Le  Bourbon  Ferdinand  de 
Naples  ne  compte  pas  devant  sa  femme  Caroline,  sœur  de 
Marie-Antoinette  ;  mais,  malgré  leurs  bonnes  intentions, 
ils  ne  sauraient  venir  qu'en  seconde  ligne.  Le  Bourbon 
Charles  IV  d'Espagne,  dominé  par  Godoï,ne  reculerait  pas 
devant  l'idée  de  devenir  roi  constitutionnel  de  France  : 
voilà  pour  les  parents.  —  En  Prusse,  Frédéric-Guillaume 
répond  au  baron  de  Roll,   agent  du  comte  d*Artois,  qu'il 
ne  peut  rien  avant  que  la  question  de  la  Pologne  et  de  la 
Turquie  ne  soit  résolue.  Catherine  II  accueillit  Richelieu, 
Damas,  Langeron,  etc.,  offrit  à  Bouille  un  traitement  de 
22,000  roubles  et  le  grade  qu'il  avait  en  France,  mais 
elle  comptait  battre  en  Pologne  les  rebelles  de  Paris.  Dès 
1791,  Genêt,  frère  de  M""®  Campan,  introducteur  officiel 
des  émigrés  à  Pétersbourg,  est  éconduit  et  remplacé  par 
les  agents  des  princes,   Esterhazy,  Bombelles.  Catherine 
s'efforce  de  faire  croire  à  sa  sympathie  pour  les  émigrés, 
afin  de  pousser  l'Autriche  et  la  Prusse  contre  la  France, 
■  et  d'avoir  les  mains  libres  en  Pologne.  En  Angleterre, 
George  III  prend  «  un  vif  intérêt  »  à  la  position  de 
Louis  XVI,  mais  le  duc  de  Leeds  et  son  successeur  lord 
Grenville  refusent  d'abord  toute  relation  avec  les  princes 
français  et  leur  agent  le  duc  d'Harcourt.  Aussi,  de  l'avis 
de  Breteuil,  «  Pitt  est  un  pauvre  homme  pour  les  affaires 
extérieures». 

Le  comte  d'Artois  qui,  de  Turin,  avait  pensé,  dès  déc. 
1790,  à  tenter  un  coup  de  main  sur  Lyon,  ne  fut  informé 
que  par  hasard  de  l'entrevue  de  Pilnitz,  et  n'eut  aucune 
influence  sur  les  décisions  du  ministre  autrichien  Kaunitz, 
lequel  aff'ectait  de  n'avoir  en  vue  que  les  indemnités  à  ob- 
tenir pour  les  princes  allemands  dépossédés  en  France. 
Quand  Louis  XVI  eut  accepté  la  constitution,  Noailles,  am- 
bassadeur de  France  à  Vienne,  reçut  de  Montmorin,  mi- 
nistre des  affaires  étrangères,  l'avis  formel  que«  les  frères 
du  roi  étaient  sans  mission  à  Vienne»  :  Mercy-Argenteau, 
le  baron  de  Breteuil,  Mallet  du  Pan,  principaux  agents  de 
Louis  XVI  à  cette  époque,  désavouent  les  émigrés,  princes 
ou  autres,  pour  ne  faire  appel  qu'aux  étrangers,  surtout  à 
l'Autriche  :  car  du  côté  de  la  Suède,  malgré  le  baron  des 
Cars,  la  mort  de  Gustave  HI,  assassiné  le  29  mars  1792, 
ne  laissait  plus  rien  à  espérer.  La  mort  de  Léopold,  la 
jeunesse  et  le  peu  de  capacité  politique  de  son  successeur 
François  II  (2  mars  1792)  tournaient  encore  au  profit  de 
la  Révolution. 

Cependant  la  Législative  ne  pouvait  plus  rester  dans 
l'attitude  expectante  de  l'Assemblée  constituante.  Les 
princes  avaient  solennellement  protesté  contre  l'acceptation 
de  l'acte  constitutionnel  par  Louis  XVI,  lui  contestant  le 
pouvoir  d'aliéner  les  droits  de  l'ancienne  monarchie.  Les 
officiers  refusaient  le  serment,  et  désertaient,  parfois  avec 
des  compagnies  entières.  Barentin,  ex-garde  des  sceaux, 
donnait  à  la  «  France  extérieure  »  son  parlement,  le  par- 
lement de  Mannheim,  formé  de  cinquante  magistrats  émi- 
grés, et  vite  dissous,  il  est  vrai,  par  la  police  palatine. 
Enfin,  la  question  religieuse  envenimait  tout  :  Rome  bénis- 
sait en  même  temps  le  clergé  réfractaire  et  l'émigration. 


Brissot,  alors  chef  du  parti  girondin,  distingua  les  émi- 
grés en  trois  classes  :  1°  les  princes  et  les  chefs;  2^  les 
fonctionnaires  publics  qui  abandonnaient  leurs  postes  et 
leur  pays  et  cherchaient  à  embaucher  leurs  collègues; 
3°  les  simples  particuliers  qui,  par  crainte  des  mouvements 
populaires  ou  par  simple  mécontentement  politique,  avaient 
passé  la  frontière.  C'étaient  les  seuls  auxquels  on  pouvait 
témoigner  quelque  indulgence.  Le  30  oct.,  le  frère  aîné 
du  roi,  Louis-Stanislas-Xavier,  fut  requis  aux  termes  de 
la  loi  de  rentrer  en  France  dans  les  deux  mois,  sous  peine 
de  perdre  ses  droits  à  la  régence  :  tous  les  partis  furent 
d'accord  sur  le  décret.  Quant  aux  émigrés,  il  n'y  eut  pas 
la  même  entente.  Le  9  nov., toutefois, la  majorité  de  l'As- 
semblée décréta  que  les  Français  assemblés  au  delà  des 
frontières  étaient  suspects  d'hostilité  contre  la  patrie  ;  que 
s'ils  ne  se  dispersaient  pas  avant  le  l^^janv.  1792,  ils 
seraient  traités  en  conspirateurs,  encourraient  la  peine 
capitale,  et  qu'après  leur  condamnation  par  contumace, les 
revenus  de  leurs  biens  seraient  perçus  par  l'Etat,  réserve 
étant  faite  des  droits  de  leurs  femmes,  de  leurs  enfants 
et  de  leurs  créanciers  reconnus.  Le  roi  sanctionna  le  pre- 
mier décret,  relatif  à  son  frère  :  il  mit  son  veto  sur 
l'autre,  d'accord  avec  les  constitutionnels.  Il  avait  cepen- 
dant désavoué  publiquement  l'émigration.  Il  avait  écrit  à 
ses  frères  :  «  Je  vous  saurai  gré  toute  ma  vie  de  m'avoir 
épargné  la  nécessité  d'agir  en  opposition  avec  vous,  parla 
résolution  invariable  où  je  suis  de  maintenir  ce  que  j'ai 
annoncé.  »  L'opinion  publique  ne  put  que  trouver  fort 
étrange  la  conduite  contradictoire  du  souverain  qui,  tout 
en  réprouvant  l'émigration,  se  refusait  à  adhérer  aux  me- 
sures prises  contre  les  émigrés.  Au  fond,  dit  Mignet,  «  la 
cour  attendait  toujours  des  temps  meilleurs,  ce  qui  l'em- 
pêchait d'agir  d'une  manière  invariable  et  lui  faisait  porter 
ses  espérances  de  tous  les  côtés  ».  La  reine,  si  odieuse- 
ment traitée  par  les    grands,  bien  avant  la  Révolution, 
sentait  peut-être  mieux  que   les   émigrés  ne  pouvaient 
servir  en  rien  la  royauté,  qu'ils  ne  pensaient  qu'à  eux, 
qu'ils  la  mettaient  en  danger  elle  et  le  roi  :  «  Les  lâches, 
après  nous  avoir  abandonnés,  veulent  exiger  que  seuls 
nous  nous  exposions,  et  seuls  nous  servions  tous  leurs 
intérêts.  »  Leur  conduite  nettement  agressive  ne  tarda  pas 
à  justifier  les  mesures  légales  proposées  parla  Législative. 
Le  parti  catholique  de  Strasbourg  s'était  montré  disposé 
à  ouvrir  au  comte  d'Artois  les  portes  de  la  France  ;  mais 
ce  prince  ayant  manqué  à  l'appel,  les  corps  de  Condé, 
Bussv,  Mirabeau  le  jeune  et  Rohan  s'approchèrent  inuti- 
lement delà  ville  (2  janv.  1792).  Six  mois  après,  Condé 
écrivait  à  son  fils  :  «  Nous  sommes  sans  tentes,  sans 
canons,,  sans  argent.  »   (11  août  1792.)  Il  y  avait  alors 
vingt-deux  mille  hommes  dispersés  entre  trois  cents  can- 
tonnements. Pour  les  solder,  Calonne  est  réduit  à  émettre 
de   faux  assignats  qu'il  fait  écouler  en  Angleterre  :  la 
preuve  de  cette  émission  est  l'arrêté  même  des  princes, 
qui,  sur  la  plainte  du  gouvernement  anglais,  interdit  d'en 
fabriquer  de  nouveaux  à  partir  de  nov.  1792.  Ils  étaient 
soi-disant  hypothéqués  sur  les  propriétés  confisquées  aux 
nobles  ;   seulement,  aucun  signe  ne  les  distinguait  des 
vrais  assignats  émis  par  le  gouvernement  français. 

Quand  la  guerre  eut  été  déclarée  (20  avr.  1792)  à  l'em- 
pereur et  à  la  Prusse,  nos  ennemis  se  gardèrent  de  cons- 
tituer une  armée  d'émigrants  :  ils  en  formèrent  trois  corps, 
l'un  qui  devait  marcher  sur  Thionville  (de  Broglie,  de 
Castries  et  le  comte  d'Artois),  l'autre  qui  devait  suivre 
Brunswick  (Condé)  et  le  troisième  qui  devait  opérer  en 
Belgique  (Bourbon).  Le  manifeste  de  Brunswick,  préparé 
par  le  comte  de  Fersen,  corrigé  par  Marie-Antoinette, 
remis  au  généralissime  prussien  par  le  comte  de  Limon, 
est  tout  entier  inspiré  par  l'esprit  de  l'émigration  et  non 
par  une  haine  nationale  qui  n'existait  pas  alors.  Après 
Valmy  et  la  retraite  des  Prussiens,  les  émigrés  déclarent 
que  Brunswick  étant  franc-maçon,  les  loges  lui  avaient 
interdit  de  marcher  sur  Paris.  Beurnonville,  chargé  de  la 
poursuite  des  fuyards,  fit  surtout  main-basse  sur  les  Fran- 


—  933  — 


ÉMIGRATION 


çais  qui  avaient  trahi  leur  patrie  et  qui  ne  furent  d'ailleurs 
pas  plus  épargnés,  dans  la  déroute,  par  les  paysans  d'Alle- 
magne. Le  comte  de  Provence  dut  se  retirer  près  de  Dus- 
seldorf,  à  Hamm-sur-la-Lippe  :  il  avait  remplacé  Galonné 
par  d'Avaray,  «  son  sauveur  ».  Le  comte  d'Artois,  très 
endetté,  fit  un  jour  de  prison  à  Maëstricht  sur  la  plainte 
de  ses  créanciers.  En  Belgique,  après  Jemappes,  les  émi- 
grés suivent  l'archiduchesse  Christine  dans  sa  fuite  ou  se 
retirent  en  Hollande,  la  plupart  à  pied. 

La  condamnation  et  l'exécution  de  Louis  XVI  laissèrent 
la  plupart  des  émigrés  fort  indifférents.  A  Maëstricht, 
d'après  Fersen,  on  en  vit  même  assister  au  spectacle  et  au 
concert  le  jour  de  la  funèbre  nouvelle.  A  Rome,  la  populace 
rendit  tous  les  Français  responsables  de  cet  événement  et 
les  émigrés  d'Osmont,  de  Roquefeuille  coururent  le  risque 
de  la  vie.  La  coalition  de  la  plupart  des  puissances  de 
l'Europe,  y  compris  l'Angleterre  longtemps  hésitante,  contre 
la  Convention,  rendit  naturellement  les  émigrés  encore  plus 
odieux  dans  leur  pays  natal  et  redoubla  la  sévérité  de  la  loi 
à  leur  égard. 

Dès  le  2  sept.  1792  (et  sans  doute  en  prévision  des 
excès  populaires  que  cette  mesure  n'empêcha  point),  la 
Législative  avait  confisqué  et  mis  en  vente  les  biens  des 
émigrés.  Le  23  oct.  1792,  la  Convention  prononça  contre 
eux  un  bannissement  perpétuel  :  elle  déclara  passibles  de 
mort  ceux  qui,  inscrits  sur  les  listes  de  l'émigration,  ren- 
treraient en  France  ;  la  présomption  légale  était  qu'ils  n'y 
pouvaient  rentrer  qu'en  ennemis.  Le  1^^  mars  1793,  ils 
sont  frappés  de  mort  civile  :  non  seulement  leurs  biens 
sont  acquis  à  l'Etat,  mais  aussi  leurs  successions  à  échoir 
pendant  cinquante  ans.  Tout  individu  convaincu  d'émigra- 
tion sera  exécuté  dans  les  vingt-quatre  heures  (décret  du 
18  mars).  Les  individus  sortis  de  France  avant  la  prise  de 
la  Bastille  et  qui  depuis  n'y  sont  pas  rentrés  sont  passibles 
de  la  confiscation  (1^^  nov.).  Les  parents  des  émigrés  sont 
exclus  des  fonctions  pubHques  jusqu'à  la  paix  générale 
(24  oct.  1795).  L'évasion  était  d'ailleurs  de  plus  en  plus 
dangereuse  :  celui  qui  demandait  un  passeport  devenait 
vite  suspect.  Des  étrangers  venaient  à  Paris  épouser  à  la 
municipalité  les  femmes  qui  voulaient  émigrer,  les  faisaient 
inscrire  sur  leurs  passeports  et  les  emmenaient  hors  des 
frontières,  puis  revenaient  contracter  de  nouveau.  On 
arrêta  un  Suisse  qui  en  était  à  son  dix-huitième  mariage 
simulé.  —  Les  parents  des  émigrés  qui  étaient  restés  en 
France  ne  correspondaient  avec  eux  qu'en  risquant  leur 
vie  :  de  Barbotan  fut  guillotiné  pour  avoir  fait  tenir 
de  l'argent  à  son  petit-fils  émigré.  Les  agents  de  la  Répu- 
blique en  pays  étranger  avaient  d'ailleurs  au  nombre  de 
leurs  devoirs  essentiels  l'observation  des  émigrés,  et  la 
police  française  ne  manquait  pas  de  renseignements  sur 
leurs  agissements  et  sur  leurs  projets. 

Après  Nerwinde,  les  émigrés  de  Belgique  mirent  leur 
espoir  dans  le  traître  Dumouriez  ;  ils  lui  offrirent  l'amnistie 
pour  lui  et  pour  ses  amis,  de  l'argent,  et,  peut-être,  une 
place  honorable  au  service  de  la  royauté,  si  elle  était  ré- 
tablie :  Dumouriez  ne  put  qu'émigrer  lui-même  avec  un 
millier  d'hommes  et  se  mettre  piteusement  au  service  de 
l'Autriche.  Le  prince  de  Lambesc,  le  héros  des  Tuileries  le 
12  juil.  1789,  fut  un  des  assiégeants  vainqueurs  de  Valen- 
ciennes  :  il  put  contempler  les  atrocités  des  Hongrois  et  des 
Croates  auxquels  cinq  heures  de  pillage  avaient  été  offi- 
ciellement accordées.  Cependant  les  armées  républicaines 
repoussent  sur  toutes  les  frontières  la  première  coalition  ; 
bientôt  la  Hollande  est  occupée  ;  la  plupart  des  volontaires 
des  régiments  d'émigrés  à  la  solde  de  la  Hollande  périssent 
sous  des  balles  françaises;  les  femmes,  réfugiées  au  Helder, 
sont  embarquées  pour  Hambourg. 

Après  les  folles  espérances  du  début,  après  les  fêtes  et 
les  chansons  de  victoire  prématurées,  commence  une  longue 
période  de  misère  et  d'humiliation  dont  témoignent  et  les 
rapports  des  agents  français  et  de  nombreux  mémoires 
publiés  depuis.  A  Londres,  un  magasin  de  modes  et  de 
fleurs,  créé  par  la  marquise  de  Buckingham,  donne  du 


travail  à  la  marquise  des  Réaux,  à  la  comtesse  de  Saisse- 
val,  à  la  comtesse  de  Lastic,  etc.,  devenues  ouvrières  et 
dames  de  comptoir.  En  Allemagne,  la  comtesse  de  Neuilly 
tient  aussi  un  magasin  de  modes.  Le  marquis  de  Romans 
et  la  comtesse  d'Asfeld  sont  associés  pour  un  commerce  de 
vin.  M°^^  de  Tessé  tient  une  grande  ferme  à  Ploen  (Olden- 
bourg) avec  sa  nièce.  M'"®  de  Montaigu.  Parmi  les  hommes, 
beaucoup  se  tuent,  ne  pouvant  obtenir  du  service  ni  sur- 
vivre à  leurs  espérances.  Beaumarchais  et  l'abbé  Louis 
fondent  à  Hambourg  un  bureau  d'affaires.  Charles  de  Viel- 
castel  rédige  le  Spectateur  du  Nord.  D'autres  se  font 
acteurs,  souffleurs,  hôteliers,  cafetiers,  cantonniers.  On 
ne  s'est  rendu  sans  doute  qu'à  la  dernière  extrémité,  après 
avoir  vendu,  à  des  prix  souvent  dérisoires,  bijoux,  den- 
telles, livres  rares,  et  vainement  attendu  de  l'argent  de 
France.  Parmi  les  émigrés  heureux  et  utiles,  on  peut  toute- 
fois citer  quelques  noms  :  celui  du  duc  de  Richelieu,  par 
exemple,  le  créateur  d'Odessa. 

Quant  à  essayer  de  rentrer,  il  n'en  pouvait  guère  être 
question  :  il  fallait  tout  attendre  des  victoires  de  l'étranger 
sur  le  pays  natal  et  l'étranger  prétendait  bien  se  faire 
payer.  Or,  l'agent  Macartney  l'affirme,  plus  d'un  royaliste 
«  aimerait  mieux  voir  en  France  une  république  puissante 
qu'une  monarchie  mutilée  »  (lettre  du  27  sept.  1795). 
Le  prince  de  Coudé,  à  la  solde  de  l'Autriche,  s'écrie  : 
«  Les  Autrichiens  sont  nos  ennemis  depuis  cinq  cents  ans.  » 
Louis  XVIII  (et  c'est  son  honneur)  se  refuse  à  prendre 
aucun  engagement  avec  l'Autriche.  Bref,  conclut  un  histo- 
rien éminent,  «  la  restauration  de  la  monarchie  est  le  seul 
objet  de  l'alliance  entre  les  émigrés  et  les  étrangers  :  et 
cette  alliance  a  pour  effet  de  rendre  la  restauration  impos- 
sible. »  (A.  Sorel.)  L'émigration  reste  flottante,  sans  point 
d'attache  à  l'intérieur,  sans  point  d'appui  au  dehors. 

Lorsque  Toulon  se  révolta  contre  la  Convention,  le  comte 
de  Provence,  devenu  régent  de  France  par  la  mort  de 
Marie-Antoinette,  eut  la  velléité  de  se  jeter  dans  la  place  ; 
les  Anglais,  qui  ne  visaient  qu'à  la  destruction  de  notre 
flotte,  furent  presque  indignés  de  ce  qu'il  ne  se  fût  pas 
concerté  d'avance  avec  le  cabinet  de  Londres  :  mais  la 
prompte  réduction  de  la  ville  par  Dugommier  et  Bonaparte 
mit  d'accord  Anglais  et  émigrés.  —  (Juant  à  la  Vendée,  les 
princes  la  laissèrent  agir;  ils  n'intervinrent  que  tard,  timi- 
dement, lorsque,  après  la  déroute  des  Vendéens,  le  comte 
de  Puisaye  et  Tinténiac  rallumèrent  l'insurrection  en  Bre- 
tagne ;  le  marquis  de  Dresnay  prépara  des  renforts  à 
Saint-Hélier.  Mais  le  projet  traîna,  par  suite  des  défiances 
réciproques  des  chefs  populaires  et  des  royalistes  du  dehors. 

Le  régent  s'était  installé  à  Vérone,  en  qualité  de  noble 
inscrit  sur  le  hvre  d'or  de  la  république  de  Venise  ;  moins 
bien  vu  des  émigrés  que  son  frère,  il  est  toutefois  mieux 
conseillé  et  beaucoup  plus  apprécié  par  les  hommes  de  sens 
qui  l'approchent,  comme  les  agents  anglais  Macartney  et 
Wickham.  Devenu  roi  par  la  mort  de  Louis  XVII,  il  publia 
en  1795  une  proclamation  qui  était  de  rigueur,  mais  qui, 
dans  les  circonstances,  fut  trouvée  naïve.  De  Venise,  le  comte 
d'Antraigues,  homme  peu  estimé,  mais  nécessaire  par  sa 
connaissance  des  langues  européennes  et  des  intrigues 
diplomatiques,  tient  les  chiffres  de  la  correspondance  avec 
les  agents  secrets  de  Paris,  les  abbés  Brotier  et  Lemaître, 
le  chevalier  de  Pomelles.  De  Thauvenay,  à  Hambourg, 
Fauche-Borel,  La  Maisonfort,  les  frères  Montgaillard,  toute 
une  nuée  d'intrigants  qui  souvent  reçoivent  des  deux  mains, 
imaginent  complots  sur  complots. 

Le  comte  d'Artois,  que  Catherine  II  avait  très  bien  reçu 
à  Saint-Pétersbourg  en  mai  1793,  se  donnait,  lui,  comme 
l'homme  d'action  du  royalisme.  Il  avait  demandé  à  lord 
Grenville,  qui  accepta,  l'autorisation  de  s'embarquer  pour 
la  Vendée  dont  les  chefs  l'appelaient  à  leur  tête.  L'empe- 
reur consentit  également  à  l'entreprise.  D'Artois  passa  par 
Hamm,  en  partit  au  mois  d'août  1794,  vint  à  Rotterdam, 
à  Osnabriick  et  prit  ses  quartiers  d'hiver  à  Bremenvorde, 
pendant  que  la  Vendée  attendait  son  prince.  Le  28  janv. 
1795,  il  se  décida  enfin  à  donner  de  pleins  pouvoirs  au 


EMIGRATION 


934 


comte  de  Puisaye  et  aux  chouans  et  promit  formellement 
d'intervenir  :  le  tout  avec  Taveu  et  l'appui  du  ministre 
Pitt  qui  avait  résolu  une  grande  expédition  contre  la  Bre- 
tagne. Au  printemps,  cent  cinquante  navires  vinrent  prendre 
à  Brème  les  émigrés  d'Allemagne  et  rallièrent,  à  Spithead, 
les  émigrés  d'Angleterre.  Mais  le  comte  d'Artois  envoya 
objections  sur  objections ,  prétendit  ensuite  mettre  le 
colonel  comte  d'Hervilly,  commandant  des  émigrés,  au-dessus 
de  Puisaye  et,  en  définitive,  par  son  abstention,  donna  un 
prétexte  de  s'abstenir  aussi  à  tous  ceux  qui  étaient  égaux 
ou  supérieurs  en  grade  à  d'Hervilly.  Le  25  juin,  les  An- 
glais vinrent  mouiller  à  Quiberon,  et  les  émigrés,  à  Carnac, 
turent  accueillis  par  des  milliers  de  paysans  mal  armés 
qui  réclamaient  toujours  leur  prince.  Hoche  avait  eu  tout 
le  temps  de  concentrer  les  bataillons  républicams  et  de 
refouler  Bretons  et  émigrés  dans  l'étroite  presqu'île. 
L'affaire  était  déjà  désespérée  pour  eux  lorsqu'un  second 
débarquement,  dirigé  par  Sombreuil,  vint  encore  ajouter 
au  désarroi  et  à  la  confusion.  Le  sang  anglais  ne  coula  pas, 
mais  quinze  cents  Français,  presque  tous  officiers  de  marine, 
furent  livrés  à  une  défaite  et  à  une  mort  certaines.  Capi- 
tulèrent-ils ?  c'est  possible  ;  en  tout  cas,  la  capitulation  ne 
fut  pas  écrite  et  la  loi  était  formelle.  Cinq  mois  de  suite, 
elle  fut  appliquée  aux  prisonniers  français  au  nombre  de 
sept  cents.  Pendant  ces  fusillades,  le  comte  d'Artois,  resté 
en  rade,  sur  le  Jason,  multipliait  ses  messages  à  Puisaye, 
à  Charette  qui  reprit  les  armes  en  septembre,  mais  il  ne 
voulut  pas  aller  «  chouanner  »  de  sa  personne,  suivant  son 
expression.  Il  revint  à  Londres  le  25  nov.  ;  le  séjour  de 
Holyrood  le  mit  à  l'abri  de  ses  créanciers,  au  moment  où 
Charette  et  Stofïlet  succombaient  en  Vendée  (févr.-mars 
4796).  Officiellement,  on  fit  retomber  sur  Puisaye  le  poids 
des  fautes  et  de  l'inertie  dont  l'opinion  européenne  accusa 
justement  le  seul  comte  d'Artois. 

Après  le  9  thermidor,  les  partisans  de  la  monarchie,  en 
-partie  confondus  avec  les  ennemis  de  la  Terreur,  avaient 
commencé  à  relever  la  tète.  Mais  ceux  qui  étaient  restés 
en  France  étaient  parfaitement  convaincus  qu'il  était  im- 
possible de  rétablir  l'ancien  régime;  au  contraire,  parmi 
les  émigrés,  les  royalistes  du  droit  divin  formaient  la  ma- 
jorité, sauf  en  Suisse,  dans  le  cant.  de  Vaud,  et  en  Angle- 
terre, dans  le  comté  de  Surrey  (à  Juniper  Hall,  asile  des 
constitutionnels).  Le  13  vendémiaire  fit  voir  à  tous  que  la 
République  serait  maintenue  par  la  force,  la  paix  de  Bâle, 
signée  avec  la  Prusse  et  l'Espagne,  que  la  coalition  euro- 
péenne n'était  pas  indissoluble  et  que  la  croisade  des  rois 
et  des  émigrés  contre  la  France  n'était  qu'un  mot. 

L'apparente  accalmie  du  Directoire,  en  ramenant  en 
France  un  certain  nombre  d'émigrés,  fit  de  nouvelles  vic- 
times parmi  eux.  «  Dans  le  jugement  d'un  émigré,  déclare 
le  ministre  de  la  justice  Merlin  de  Douai,  il  ne  s'agit  que 
de  constater  un  fait  ;  autoriser  un  avocat  serait  un  crime.  » 
Les  fusillades  de  la  plaine  de  Grenelle,  la  longue  et  mor- 
telle prison  des  naufragés  de  Calais,  témoignent  que  les 
décrets  de  la  Convention  sont  toujours  appliqués.  C'est  à 
cette  époque  que  Louis  XVIII  (ainsi  s'appelait-il  pour  ses 
partisans)  autorisa  les  relations  de  Condé  avec  le  général 
Pichegru  (V.  ces  noms)  :  mais  elles  furent  entravées  par 
l'Autriche  elle-même,  où  le  ministre  Thugut  songeait,  par 
le  mariage  projeté  de  Madame  Royale,  fille  de  Louis  XVI, 
avec  un  archiduc,  à  fonder  pour  la  France  repentie  une 
dynastie  nouvelle.  Les  émigrés  faisaient  alors  défection, 
même  dans  les  régiments  de  Condé.  Ils  s'efforçaient  de  se 
faire  rayer  des  listes  de  l'émigration  et  de  se  faire  inscrire 
sur  les  listes  de  surveillance,  afin  de  pouvoir  rentrer.  Les 
prêtres,  qui  avaient  été  les  plus  malheureux,  apprenant  la 
restauration  du  culte,  revenaient  en  masse.  Les  meilleurs 
évèques  prêchaient  la  soumission  aux  puissances  :  «  N'est- 
il  pas  à  craindre,  écrit  Condé  à  La  Fare,  évêque  de  Nancy, 
que  le  peuple  ne  s'accoutume  au  gouvernement  qui  tolérera 
la  religion,  et  qu'il  n'en  puisse  conclure  que  la  royauté 
n'est  pas  nécessaire  à  son  salut  ici-bas  ?  » 
Dès  l'entrée  en  campagne  de  Bonaparte  en  Italie,  le 


podestat  de  Vérone,  au  nom  du  Sénat  vénitien,  somma 
Louis  XVIII  de  quitter  le  territoire  de  la  République.  Le  roi 
se  rendit  à  Riegel,  auprès  de  Condé,  puis  à  Blankenburg 
dans  le  Brunswick  ;  il  se  rapprocha  de  plus  en  plus  des 
royahstes  constitutionnels,  congédia  La  Vauguyon  et  de 
Conzié  pour  Saint-Priest  ;  le  40  févr.  1797,  presque 
chassé,  il  est  obligé  de  gagner  Mittau.  Bonaparte,  entré  à 
Venise,  s'empara  de  la  personne  du  comte  d'Antraigues, 
auquel  il  fit  livrer  ses  papiers,  notamment  la  correspon- 
dance de  Pichegru.  —  Les  progrès  du  parti  monarchique 
ou  du  moins  modéré  aux  élections  partielles  des  Conseils 
(V.  Directoire)  encouragent  les  émigrés  à  rentrer.  Il  en 
est  qui  s'imaginent  pouvoir  corrompre  Bonaparte  par  sa 
femme.  Talleyrand  revient  à  Paris  en  sept.  4796.  M""®  de 
Staël  se  plaint  et  s'étonne  qu'on  oublie  son  père.  Mais  le 
coup  d'Etat  répubhcain  du  48  fructidor  «  fut  un  coup  de 
foudre  pour  les  émigrés  qui  se  préparaient  à  rentrer  » 
{Journal  de  Thibault^  p.  464)  ;  dès  le  lendemain  19  est 
portée  contre  eux  une  nouvelle  loi,  qu'aggravait  encore 
celle  du 6  messidor  an  VI  (6  juil.  4798)  autorisant  les  visites 
domiciliaires.  Le  Directoire  arrête  tant  de  personnes  en 
rupture  d'émigration  qu'il  recule  devant  de  nouvelles 
fusillades  :  il  déporte  en  Guyane  surtout  les  prêtres  mêlés 
aux  intrigues  royalistes. 

A  Mittau,  dans  l'empire  du  fantasque  Paul  P%  le  roi 
ne  fut  rejoint  par  la  reine  qu'au  bout  de  quatorze  mois  de 
négociations  :  Madame  Royale,  qui  avait  su  résister  aux 
intrigues  autrichiennes,  y  épousa  son  cousin  le  duc  d'An- 
goulême,  le  10  juin  1799  ;  Dumouriez  y  reçut  une  inutile 
mission  pour  Saint-Pétersbourg.  A  Paris,  après  l'auda- 
cieuse visite  du  duc  d'Enghien  à  Bernadotte  qui  lui  donna 
trois  jours  pour  repartir,  on  conspirait  surtout  avec 
Barras,  par  l'intermédiaire  de  Fauche-Borel.  A  Naples, 
quelques  émigrés  avaient  essayé  d'organiser  la  défense  du 
royaume  contre  Bonaparte:  ils  se  firent  tuer...  par  les 
Napolitains  eux-mêmes.  L'occupation  de  Rome  après  le 
meurtre  de  Duphot  ne  fit  cependant  pas  chasser  de  cette 
ville  le  marquis  de  Mirepoix,  de  Montchevreuil,  le  comte 
et  la  comtesse  de  Sade,  qui  y  étaient  réfugiés  :  Berthier 
consentit  à  tolérer  leur  présence. 

Lorsque  Bonaparte  revint  d'Egypte  pour  mettre  fin  au 
gouvernement  du  Directoire,  le  ministre  Saint-Priest  infor- 
mait gravement  l'agence  royaliste  de  Souabe  qu'il  était 
question  d'un  infant  d'Espagne  pour  la  couronne  de 
France.  Après  le  18  brumaire,  l'Angleterre  et  la  Russie 
seules  offrent  encore  quelque  dédaigneux  secours  aux 
émigrés  :  l'Angleterre  prit  à  sa  solde  les  débris  de  l'armée 
de  Condé  (1,007  officiers  et  5,840  volontaires).  La  mode 
fut  alors  de  rentrer,  comme  jadis  de  sortir.  Le  ministre 
de  la  justice  Abrial  est  favorable  aux  radiations  ;  Fouché 
les  fait  souvent  ajourner,  par  crainte  et  des  conspirations 
et  des  revendications  de  biens.  Bonaparte  exigea  absolu- 
ment la  radiation  des  anciens  constituants.  En  rayant  les 
morts,  ce  qui  lui  devint  facile,  il  pouvait,  dit  M*"®  de  Staël, 
rendre  leurs  propriétés  aux  héritiers  et  se  les  attacher. 
Cependant,  c'est  seulement  le  26  avr.  1802  (6  floréal 
an  X)  qu'un  décret  des  consuls  autorisa  la  rentrée  de  tous 
les  émigrés  non  exclus  nominativement.  Mais  ce  n'est 
.  là  qu'une  amnistie  toute  conditionnelle  ;  ceux  qui  en  béné- 
ficient sont  soumis  pendant  dix  ans  à  la  surveillance  de  la 
police,  et  cette  surveillance  peut  être  prolongée.  L'émigré 
fait  prisonnier  sur  un  champ  de  bataille  est  toujours  fusillé, 
ou,  s'il  obtient  sa  grâce,  c'est  pour  être  enfermé  sa  vie 
durant.  Le  15  nov.  1807  était  encore  pubhée  une  nou- 
velle et  dernière  liste  d'émigrés  sur  laquelle  sont  inscrits 
les  noms  de  d'Avaray,  du  duc  d'Havre,  du  duc  de  Duras, 
du  comte  de  Blacas,  de  Chateaubriand.  En  1810,  l'empe- 
reur renonça  aux  successions  des  émigrés  que  la  loi  du 
1^"*  mars  1793  attribuait  au  domaine,  et,  somme  toute,  les 
mesures  générales  continuèrent  à  présenter  un  caractère 
de  conciliation.  Mais,  quant  aux  mesures  individuelles,  rien 
n'en  égale  l'arbitraire.  Tenues  secrètes  pour  la  plupart, 
elles  ont  longtemps  échappé  à   l'histoire.   «  L'autorité, 


—  935  — 


ÉMIGRATION 


dit  M.  Trésor  de  La  Rocque,  reconnaissait  probablement 
un  corps  de  délit  puisqu'elle  infligeait  une  peine  ;  mais 
c'était  sans  information,  sans  instruction,  sans  interro- 
gatoire, sans  débats,  et  trop  souvent,  sans  jugement.  » 
En  nov.  1812,  un  émigré,  le  comte  de  Bar,  est  attiré  en 
Bretagne  par  des  agents  provocateurs  ;  on  cerne  la  maison 
où  il  dort,  on  le  tue,  lui  et  deux  compagnons,  et  le  préfet 
du  Morbihan  écrit  au  ministre  de  la  police  :  «  Le  fameux 
de  Bar  et  ses  deux  complices  n'existent  plus  »  (25  nov.  d  812). 
Ce  n'est  là  qu'un  simple  exemple  entre  mille.  «  L'Empire 
a  laissé,  en  1814, 2,500  exilés  ou  prisonniers  d'Etat.  Avant 
ou  avec  eux  avaient  été  enfermés,  déportés,  exilés,  fusil- 
lés des  milliers  de  suspects.  »  (Trésor  de  La  Rocque.)  Les 
anciens  émigrés  qui  ne  s'étaient  pas  ralliés  formèrent 
certainement  une  partie  de  ces  victimes. 

La  première  Restauration  abolit  (21  août  1814)  les 
inscriptions  sur  les  listes  des  émigrés,  lesquelles  se  sont 
élevées  peut-être  à  deux  ou  trois  cent  mille  noms  (mais 
personne  n'en  a  fait  le  compte  exact).  Louis  XVIII  restitua 
aux  ayants  droit  les  biens  non  vendus  (5  déc.  1814).  Enfin 
la  loi  du  27  mars  1825  affecta  aux  émigrés  dépossédés 
une  indemnité  de  30  millions  de  rente,  soit  un  milliard 
en  supposant  la  rente  capitalisée  à  3  °/o. 

Pour  juger  l'émigration  avec  l'impartialité  qui  convient 
à  l'histoire,  il  ne  faut  pas  confondre  le  point  de  vue  moral 
et  le  point  de  vue  politique.  Au  point  de  vue  moral,  on 
doit  essayer  de  se  mettre  à  la  place  des  émigrés,  d'entrer, 
s'il  est  possible,  dans  leurs  sentiments,  effet  de  leur  édu- 
cation et  de  leurs  préjugés  de  classe  :  «  On  a  publié  dans 
ces  derniers  temps,  écrivait  récemment  M.  de  Vogiié, 
beaucoup  de  mémoires  ou  de  correspondances  d'émigrés. 
Il  n'est  plus  permis  d'ignorer  aujourd'hui  que  ces  hommes 
très  loyaux,  sinon  très  éclairés,  croyaient  accomplir  le  plus 
strict  des  devoirs  en  prenant  les  armes  pour  leur  roi  contre 
leur  pays  rebelle.  Ils  suivaient  la  loi  féodale  qui  lie  le 
vassal  au  seigneur  et  non  à  la  terre.  La  conduite  opposée 
eût  été  forfaiture.  Si  nous  faisions  de  la  casuistique,  nous 
devrions  plutôt  réserver  nos  sévérités  morales  pour  ceux 
qui  ne  commirent  pas  le  crime  dont  leur  conscience  parti- 
culière leur  faisait  un  devoir.  »  (Remarques  sur  l'Expo- 
sition du  Centenaire,  p.  239.)  C'est  faire  retomber  non 
sans  raison  la  responsabilité  de  l'émigration  sur  le  roi, 
qui  cependant  eut  plus  à  s'en  plaindre  qu'à  s'en  louer  ; 
c'est  exagérer  aussi,  je  ne  dis  pas  chez  tous  les  émigrés, 
mais  chez  beaucoup,  la  part  du  devoir  et  du  sacrifice,  et 
diminuer  celle  de  l'intérêt  (mal  entendu,  il  est  vrai)  et  des 
sentiments  de  vengeance  qui  les  animaient.  —  Une  triste 
et  fausse  apologie  de  l'émigration  consiste  à  la  représen- 
ter comme  un  effet  de  la  crainte,  comme  un  résultat  iné- 
vitable des  excès  populaires,  lorsque  précisément  ce  fut 
l'émigration  qui  devint  ou  la  cause  ou  le  prétexte  de  la 
plupart  de  ces  excès.  Beaucoup  d'hommes  et  de  femmes  de 
tous  les  partis  et  de  toutes  les  classes  ont  fui  devant  la 
loi  des  suspects,  devant  la  guillotine,  devant  les  coups 
d'Etat  ou  les  journées  :  mais  ce  ne  sont  point  là  des 
émigrés  à  proprement  parler,  ce  sont  des  proscrits,  et 
c'est  un  jeu  puéril  de  confondre  sous  la  même  dénomina- 
tion Condé  et  Dulaure,  le  comte  d'Artois  et  Carnot  :  cepen- 
dant le  principal  historien  contemporain  de  l'émigration  ne- 
ne  s'en  est  pas  fait  faute.  Les  seuls  émigrés  sont  ceux-là 
qui  ont  cru  «  qu'on  emportait  sa  patrie  à  la  semelle  de 
ses  souliers  ».  W^^  de  Staël,  qui  avait  favorisé  le  départ 
de  Montmorency,  de  Jaucourt,  de  M"^^^  d'Hénin,  de  Poix, 
de  Simiane,  et  qui  avait  bien  fait,  vu  les  circonstances, 
n'en  a  pas  moins  écrit  des  pages  vertueuses  contre  l'émi- 
gration volontaire:  «  Au  milieu  des  uniformes  étrangers, 
s'écrie-t-elle,  les  émigrés  ne  voyaient-ils  pas  la  France 
tout  entière  se  défendant  sur  l'autre  bord  ?  »  Elle  refait 
dans  son  style  le  mot  de  Danton  :  «  Ah  !  l'on  ne  peut  trans- 
porter ses  dieux  pénates  dans  les  foyers  des  étrangers.  » 
Ajoutons  que  plus  d'un  émigré  apprit  le  patriotisme  dans 
l'exil  :  on  le  voit  par  la  plupart  de  leurs  mémoires  pos- 
thumes, et  mieux  encore  par  l'esprit  militaire  et  loyaliste. 


sinon  civique,  de  leurs  descendants.  —  Quant  au  point  de 
vue  politique,  l'erreur  de  l'émigration  est  trop  évidente 
dans  les  faits  pour  qu'il  soit  nécessaire  d'insister.  «  L'émi- 
gration, dit  M.  A.  Sorel,  c'est  l'ancien  régime  se  survivant 
et  se  condamnant  lui-même.  Ce  sont  les  causes  de  la  Révo- 
lution qui  continuent  de  se  développer  à  côté  de  la  Révo- 
lution, comme  pour  l'expliquer  à  ceux  qui,  dégoûtés  par 
ses  excès  et  trompés  par  ses  déviations,  ne  la  compren- 
draient plus  ou  en  méconnaîtraient  la  raison  d'être  et  la 
puissance.  »  La  Révolution,  en  fondant  l'unité  nationale 
et  le  patriotisme,  nous  dissimule  les  précédents  de  l'émi- 
gration dans  le  passé.  Rappelons-le  avec  M.  Edme  Cham- 
pion, «  on  distinguait  si  mal  la  patrie  de  la  couronne, 
que  pour  peu  que  l'on  fût  brouillé  avec  l'une,  on  n'hésitait 
pas  à  faire  cause  commune  avec  les  ennemis  de  l'autre  ». 
Le  duc  de  Guise,  les  ligueurs  et  les  frondeurs  alliés  de  l'Es- 
pagne, Turenne,  Condé,  Retz,  le  chevalier  de  Rohan,  voilà 
l'école  de  l'émigration.  «  Ceux  qui  n'avaient  pas  craint  de 
traiter  avec  les  ennemis  de  la  France  quand  elle  était  inti- 
mement unie  à  la  royauté  se  trouvèrent  tout  disposés  à  le 
faire  lorsqu'elle  commença  à  se  détacher  du  trône  et  que 
ses  intérêts  devinrent  distincts  de  ceux  de  la  couronne.  » 
(E.  Champion.)  On  ne  saurait  en  moins  de  mots  à  la  fois 
expliquer  et  condamner  l'émigration.  H.  Monin. 

BiBL.  :  GÉNÉRALITÉS.  —  DuvAL,  Histoîve  de  Véinigra- 
tion  européenne,  asiatique  et  africaine;  Paris,  1862.  — 
F.  Kapp,  Ueber  Auswanderung  ;  Berlin,  1871. —  Wap- 
p^us,  Die  deutsche  Auswanderung  und  Kolonisation  ; 
Leipzig,  1816  et  1848.  —  G^bler,  Deutsche  Auswande- 
rung  und  Kolonisation;  Berlin,  1850.  —  Frœbel,  Die 
deutsche  Auswanderung  und  ibre  national  und  kulturhis- 
torische  Bedeutung;  Leipzig,  1858.  —  Roscher  et  Jan- 
NAscH,  Kolonien,  Kolonialpotitifi  und  Auswanderung; 
Leipzig,  1885,  3«  édit.  —  Leroy-Beaulieu,  De  la  Colonisa- 
tion chez  les  peuples  modernes;  Paris,  1886.  —  Schade, 
Immigration  since  1190  (aux  Etats-Unis).  —  Bromwell, 
History  of  the  immigration  to  the  United  States.—  V.  aussi 
Annuat  Report  of  the  New-York  commissionners  of  émi- 
gration^ les  statistiques  officielles  publiées  dans  les  diffé- 
rents pays  et  le  compte  rendu  du  Congrès  de  Paris  (1889) 
sur  rintervention  des  pouvoirs  publics  dans  Témigration 
et  l'immigration  (Bibl.  des  Annales  économiques,  1890). 

Droit  international. —  Calvo,  Etude  sur  l'émigration 
et  la  colonisation;  Paris,  1875.  —  Laurent,  Droit  civil 
international,  t.  III,  §§  128  et  suiv.  —  Vincent  et  Penaud, 
Dictionnaire  de  droit  international  privé,  v°  Emigration. 

—  Holtzendorff,  Rechtslexicon,  v°  Aus-wanderung.  — 
Ellena,  Délia  emigrazione  et  délie  sueleggi;  Rome,  1877. 

—  F.  de  Martens,  Traité  de  droit  international,  t.  II,  §§  44 
et  suiv.  —  DuvAL,  Histoire  de  l'émigration  eur op.,  asiat. 
et  afric.  au  xix^  s.  ;  F^aris,  1862.  —  Robert,  Zur  Auswan- 
derungsfrage  ;  Vienne,  1879.  —  Seward,  Chinese  immi- 
gration in  ils  aspects;  New-York,  1881.  —  Neue  Awswan- 
derungszeitung ,  publiée  à  Leipzig  par  Voigt.  —  Loi 
italienne  sur  l'émigration  du  30  déc.  1888,  suivie  d'un  règle- 
ment du  10  janv.  1889. 

Histoire  de  la  Révolution.  —  Le  Commissionnaire 
de  la  ligue  d'outre-Rhin,  ou,  etc.,  par  un  Français 
qui  fait  sa  confession  générale  et  qui  rentre  dans  sa 
patrie  ;  Paris,  1792,  in-8.  —  Noms,  qualités  et  dernier 
domicile  des  personnes  dont  les  biens  ont  été  portés  sur 
la  liste  d'émigrés,  arrêtés  par  le  directoire  du  départe- 
ment de  Paris,  en  exécution  de  Vart.  8  de  la  loi  du  8  avr. 
1192  ;  Paris,  1792,  in-4.  —  Liste  générale  par  ordre  alpha- 
bétique des  émigrés  de  toute  la  République  ;  Paris,  an  II 
(1794),  4  vol.  in-fol.  (Il  y  a  eu  des  suppléments  à  cette  liste 
et  aussi  des  listes  de  noms  rayés;  cf.  le  catalogue  de 
VHist.  de  France  de  la  Bibl.  nat.,  La/34,  n»»  5,  6,  et  le  sup- 
plément).—Histoire  secrète  de  Coblence  dans  la  Révolution 
des  Français;  Londres,  1795,  in-8.  Cet  ouvrage  anonyme 
serait  de  Rocques  de  Mont^aillard,  revu  par  Rivaro'l.  — 
Mémoires  ducomte  Jos.  de  Puisaye,  lieutenant  général,  etc. ; 
Londres,  1803-1806,  7  vol.  in-8.  —  Mémoires  secrets  de 
J.-G.-M.  de  Montgaillard  pendant  les  années  de  son  émi- 
gration ;  Paris,  an  XII,  in-8.  —  Récit  de  ce  qui  s'est  passé 
de  plus  remarquable  à  l'armée  de  S.  A.  S.  Mgr  le  prince 
de  Condé,  par  B.  P...;  Paris,  1817, in-8.--  A. -H.  Dampmartin, 
Coup  d'œil  sur  les  campagnes  des  émigrés  ;  Paris,  1818, 
in-8.  —  De  l'Emigration,  par  un  émigré;  Paris,  1820,  in-8. — 
Comte  d'EcQUEviLLY,  Campagnes  du  corps  sous  les  ordres 
de  S.  A.  S.  Mgr  le  prince  de  Condé;  Paris,  1818,  3  vol. 
in-8,  carte  et  fac-similé.  —  Souvenirs  d'un  officier  roya- 
liste, par  M.  de  R...  (le  comte  de  Romain);  Paris,  1824- 
1829,  3  vol.  in-8.  —  F.  de  Montrol,  Histoire  de  l'émi- 
gration (1189-1825)  ;  Paris,  1825,  in-8.  —  De  Marcillac, 
'Souvenirs  de  l'émigration  ;  Paris,  1825,  in-8.  —  Antoine 
de  Saint-Gervais,  Histoire  des  émigrés  français  depuis 
1189  jusqu'en  1828  ;  Paris,  1828,  3  vol.  in-8.  —  H.  Forne- 
ron,  Histoire  générale  des  émigrés  pendant  la  Révolution 


ÉMIGRATION  -  EMIN 


—  9m 


française  ;  Paris,  1884,  2  vol.  in-8  (le  t.  III,  posthume, 
concernant  la  période  consulaire  et  impériale,  a  été  publié 
en  1890  par  M.  Trésor  de  La  Rocque).  —  Comte  de 
PuYMAiGRE,  Souvenirs  sur  l'émigration...;  Paris,  1884, 
in-8.  —  Correspondance  intime  du  comte  de  Vaudreuil  et 
ducomte  d'Arloispendantl'émigration(1189-1815),  publiée 
par  M.  Léonce  Pingaud  ;  Paris,  1890,  2  vol.  in-8.  —  Papiers 
d'un  émigré  (1789-1829)  ;  Lettres  et  notes  extraites  du 
portefeuille  du  baron  de  Guilhermy,  député  aux  Etats 
généraux,  conseiller  du  comte  de  Provence,  attaché  à  la 
légation  du  roi  à  Londres,  mises  en  ordre  par  le  colonel 
de  Guilhermy;  Paris,  1890,  in-8.  —  Ernest  Daudet,  His- 
toire de  l'émigration  :  I.  Les  Bourbons  et  la  Russie  pen- 
dant la  Révolution  française;  Paris,  1886,  in-8;  II.  Les 
Emiqrés  et  la  seconde  coalition  (1197-1800);  Pans,  1886, 
in-8;  III.  Coblentz  (1789-1793);  Paris,  1889,  in-8.  - 
André  Lebon,  l'Angleterre  et  l'émigration  française  de 
179fà  à  1801,  avec  une  préface  de  M.  Albert  Sorel;  Pans, 
1882,  in-8.  —  Comte  de  Sainte-Colombe  ,  Catalogue  des 
émigrés  français  à  Fribourg,  en  Suisse.,  de  1789  à  1798; 
Lyon,  1884,  in-8.  —  L.  Guibert,  les  Emigrés  limousins  à 
Quiberon;  Limoges,  1886,  in-8.  -  Mémoires  du  duc  des 
Cars...,  avec  une  introduction  par  le  comte  Henri  de 
l'Epinois  ;  Paris,  1890,  2  vol.  in-8.  —  Il  y  aurait  à  citer 
d'innombrables  mémoires  particuliers  et  un  certam  nombre 
de  correspondances  diplomatiques  ;  je  renvoie  aux  ou- 
vrages qui  les  ont  cités  et  utilisés,  prmcipalement  à  ceux 
de  ^orneron,  de  M.  Daudet  et  de  M.  Lebon. 

ÉMIGRÉS  (Hist.)  (V.  Emigration  [Hist.  de  la  Révol.]). 
EmUk  (Gens)  (V.  .&ilia). 

EMILIE  (lat.  Mmilia).  d^  ttalie  ancienne.  Ce  mot  a 
désigné  d'abord  la  via  Mmilia,  c.-à-d.  la  route  qu'en 
l'an  187  av.  J.-C.  le  consul  M.  iEmilius  Lepidus  fit  cons- 
truire au  N.  des  Apennins  depuis  Ariminum  (Rimini) 
jusqu'à  Placentia(V\'à\^2iUç,^)  sur  le  Pô.  Cette  route,  qui  à 
Rimini  rejoignait  la  voie  Flaminienne  venant  de  Rome, 
formait  une  espèce  de  boulevard  stratégique  le  long  du  Pô. 
Les  principales  stations  étaient  les  colonies  fortifiées^  de 
Rologne,  Modène,  Reggio,  Parme  et  Plaisance.  Elle  subsista 
jusque  dans  les  derniers  temps  de  l'Empire,  et  toujours 
sous  ce  nom  ;  elle  était  administrée  par  un  curator  spé- 
cial. Lorsque  sous  Auguste  l'Italie  fut  divisée  en  un  certain 
nombre  de  régions,  cette  partie  commença  à  s'appeler  la 
région  de  la  voie  Emilienne  :  elle  était  la  huitième  dans  le 
classement  fixé  par  Auguste.  A  partir  du  second  siècle,  on 
dit  couramment  l'Emilie,  et  dans  le  Ras-Empire  l'Emilie 
forme  une  province  italienne,  gouvernée  par  un  juridicus 
d'abord,  puis  par  un  corrector,  enfin  par  un  consulaire. 
Jusque  vers  l'an  395,  elle  paraît  avoir  été  réunie  à  la  pro- 
vince voisine  de  Ligurie.  Les  limites  de  l'Emilie  étaient 
marquées  par  l'Apennin,  la  Trébie,  le  Pô  :  Ravenne  y  fut 
rattachée  vers  395.  L'Emilie  a  subsisté,  comme  nom  et 
comme  limites,  bien  au  delà  de  l'empire  romain.     C.  J. 

2°  Italie  moderne.  Le  nom  d'Emilie  a  été  conservé  à 
la  région  de  l'Italie  située  au  S.  du  Pô  qui  embrasse  les 
anciens  duchés  de  Parme  et  de  Modène  et  une  partie  des 
anciens  Etats  pontificaux  (Romagne);  c.-à-d.  les  dép.  de 
Rologne,  Ferrare,  Forli,  Modène,  Parme,  Plaisance,  Ra- 
venne et  Reggio.  Sa  superficie  est  de  20.750  kil.  q.,  sa 
population  de  2,235,729  hab.  (en  1884)  (V.  Italie  et  les 
noms  des  divers  départements). 

BiBL.  :  Italie  ancienne.  —  Jlllian,  les  Transforma- 
tions de  l'Italie,  1884.  —  Corpus  inscrlptionum  latina- 
rum,  t.  XL 

ÉMILIEN  (Dialecte)  (V.  Italie  [Linguistique]). 
ÉMILIEN  (Scipion)  (V.  Scipion). 
ÉMILIEN  (M./Emilius  A^milianiis),  empereur  romain 
en  253-254.  Né  vers  207,  Maure  d'origine,  gouver- 
neur de  Pannonie  et  de  Mésie  sous  le  règne  de  Trebonia- 
nus  Gallus,  il  se  signala  par  des  succès  remportés  en  Pan- 
nonie sur  les  Goths,  au  moment  même  oti  l'empereur 
venait  de  signer  avec  ces  barbares  un  traité  honteux  avec 
la  promesse  d'un  subside  annuel.  Aussi  ses  soldats  le  sa- 
luèrent-ils du  titre  d'empereur,  vers  la  fin  de  253.  Il 
marcha  alors  en  Italie  et  défit  auprès  de  Terni  son  adver- 
saire Gallus  que  ses  soldats  massacrèrent  (févr.  254).  Mais 
lui-même  n'eut  que  quelques  jours  de  règne.  Il  fut  mis  à 
mort  par  ses  troupes  auprès  de  Spolète,  sur  un  pont  à  qui 
ce  meurtre  valut  le  nom  de  Pont-Sanglant.  Il  avait  régné  à 
peine  trois  mois.  —  Un  peu  plus  tard,  sous  le  règne  de 


Gallien,  en  262  ou  263,  il  y  eut  un  autre  empereur  de 
quelques  jours,  du  nom  d'Emilien.  l\  était  préfet  de 
l'Egypte  quand  il  prit  la  pourpre  ;  vaincu  par  Theodotus, 
général  de  Gallien,  il  fut  mis  à  mort.  G.  L.-G. 

ÉMILIEN  (Saint),  évêque-comte  de  Nantes,  né  proba- 
blement à  Nantes  à  la  fin  du  vii«  siècle,  mort  le  22  août 
725.11  s'est  illustré  surtout  par  l'expédition  qu'avec  l'aide 
des  Rretons  il  dirigea  contre  les  Sarrasins  qui  occupaient 
alors  tout  le  midi  de  la  France  et  qui  venaient  d'envahir 
la  Rourgogne.  Il  les  joignit  sous  les  murs  d'Autun  et  les 
obligea  à  lever  le  siège  de  cette  ville,  mais  en  les  poursui- 
vant il  s'exposa  à  leurs  coups  et  fut  tué,  suivant  la  tradi- 
tion, à  l'endroit  même  où  s'élève  aujourd'hui  le  village  de 
Saint-Emiland,  près  de  Couches-les-Mines.  L-x. 

BiBL.  :  Abbé  Cahour,  Notice  historique  et  antique  sur 
saint  Emilien;  Nantes,  1859,  in-12. 

EMILIENNE  (République)  (V.  Cisalpine). 

EMILIO  (Paolo)  ou  Paul-Emile,  historien  italien,  né  à 
Vérone,  mort  à  Paris  le  5  mai  1529.  Il  vint  en  France  où 
sa  réputation  d'excellent  latiniste  le  fit  bien  accueillir. 
Charles  VIII  lui  fit  une  pension,  continuée  par  Louis  XII  ; 
il  fut  nommé  chanoine  de  Notre-Dame  et  chargé  d'écrire, 
en  latin,  mais  en  latin  classique,  à  la  Tite-Live,  les  annales 
de  France.  Il  en  résulta  une  sorte  de  pastiche  bizarre  que 
la  contradiction  entre  le  genre  de  faits  à  narrer  et  le  style 
a  rendu  singulièrement  obscur  et  ennuyeux.  Cet  ouvrage 
longtemps  célèbre  a  eu  de  nombreuses  éditions  et  traduc- 
tions dont  voici  les  principales  :  De  Rébus  gestis  Fran- 
corum  usque  ad  ann.  i488  libri  X,  Additum  est 
Chronicon  Joan.  Tilii  (Paris,  1539,  in-fol.)  ;  avec  l'ad- 
jonction de  Arnoldi  Fer r ont  de  Rébus  gestis  Gallorum 
libri  IX  usque  ad  Henricum  II  (Paris,  1550  ,  in-fol.)  ; 
avec  la  continuation  de  Jac.-Henric.  Petrus  (Râle,  1601)  ; 
deux  livres  de  Paul-Emile,  de  l'Histoire  de  France,  traduits 
par  Simon  de  Monthière  (Paris,  1556,  in-4)  ;  les  cinq 
premiers  livres  de  V Histoire  françoise,  traduits  par  Jean 
Regnart,  Angevin  (Paris,  1556  et  1566,  in-fol.)  ;  l'His- 
toire des  faicts,  gestes  et  conquestes  des  roys,  princes, 
seigneurs  et  peuple  de  France  descripte  en  X  livres, 
mise  eii  françois  par  Jean  Regnart,  avec  la  suyte  de 
ladicte  histoire  tirée  du  latin  de  M.  Arnold  le  Fer  r  on 
et  autre  bons  auteurs,  etc.  (Paris,  1581,  in-fol.),  édi- 
tion de  beaucoup  la  meilleure,  la  plus  complète  et  la  plus 
commode  à  consulter  à  cause  de  la  table  des  matières  «  très 
ample  ».  R.  G. 

EMILY  (Vitic).  Cépage  américain  du  groupe  des  La- 
brusca,  sans  valeur  pour  la  France;  estimé  comme  raisin 
de  table  aux  Etats-Unis  d'Amérique. 

EMIN-MucKLis  Pacha,  diplomate  et  administrateur  otto- 
man, né  à  Smyrne  en  1811 ,  mort  à  Constantinople  en  1873. 
Issu  d'une  famille  distinguée,  il  reçut  une  instruction  assez 
étendue,  entra  au  ministère  des  affaires  étrangères  de 
Turquie  (1837)  comme  employé  au  bureau  des  traductions, 
accompagna  en  1838  le  sultan  Mahmoud  dans  son  voyage 
en  Roumélie  et  fut  secrétaire  d'ambassade  d'abord  à  Lon- 
dres, puis  à  Paris.  Commissaire  de  la  Porte  en  Serbie 
(1841),  il  ne  fut  pas  sans  contribuer  à  la  révolution  par 
laquelle  Michel  Obrenovitch  fut  expulsé  de  ce  pays  au 
profit  d'Alexandre  Karageorgevitch  (1842).  Rentré  au 
bureau  des  traductions,  nommé  en  1846  interprète  en 
chef,  il  fut,  en  1848,  adjoint  au  commissaire  ottoman 
chargé  de  la  pacification  de  la  Moldo-Valachie  et  prit  part 
à  la  conclusion  du  traité  de  Ralta-Liman  avec  la  Russie 
(1849).  Peu  après,  il  partit  pour  la  Syrie,  où  il  devait 
présider  aux  opérations  du  cadastre  dans  la  province  du 
Liban.  L'habileté  et  le  bonheur  avec  lesquels  il  s'acquitta 
de  cette  mission  et  d'une  autre  semblable  dans  la  province 
de  Reyrout  (1852-54)  lui  valurent  d'être  appelé  au  conseil 
suprême.  Nommé  plus  tard  gouverneur  de  Damas  dans  des 
circonstances  difficiles,  c.-à-d.  à  la  suite  des  troubles  poli- 
tiques et  religieux  dont  la  Syrie  venait  d'être  le  théâtre 
en  1860,  il  sut  remphr  sa  tâche  à  la  satisfaction  des  chré- 
tiens et  des  puissances  européennes.  Dans  ses  dernières 


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EMIN  —  ÉMISSIF 


années,  il  fut  gouverneur  de  Trébizonde,  puis  vice-pré- 
sident du  conseil  d'Etat,  et  enfin  gouverneur  d'Erzeroum. 
—  Son  frère  aîné,  Essacl  Pacha,  est  actuellement  (1892) 
ambassadeur  de  la  Porte  à  Paris.  A.  Debidour. 

ENIINPâchà,  explorateur  et  administrateur  égyptien 
(V.  Schnitzler). 

ÉMINE  (Fedor-Alexandrovitch),  écrivain  russe,  né  vers 
4735,  mort  en  1770.  Très  versé  dans  les  langues  orien- 
tales, il  voyagea  en  Turquie  et  fut  contraint  d'embrasser 
l'islamisme.  Après  son  retour  en  Russie,  il  fut  interprète 
du  cabinet  de  l'impératrice  et  professeur  à  l'Ecole  des 
cadets.  Il  a  écrit  un  certain  nombre  de  romans  et  une 
Histoire  de  Russie  qui  ne  va  que  jusqu'en  1213.  En 
1769,  il  avait  fondé  un  journal,  la  Poste  infernale. 

EMIN  EH  (Monts). Partie  orientale  des  Balkans,  terminée 
par  le  cap  du  même  nom  (V.  Bâlkan). 

ÉMINENCE.  Grégoire  le  Grand  avait  autorisé  tous  les 
prélats  à  prendre  ce  titre,  que  les  empereurs  s'étaient 
déjà  donné,  dans  les  derniers  temps  de  l'Empire.  En  1630, 
Urbain  VIII  le  réserva  exclusivement  aux  cardinaux,  aux 
trois  électeurs  ecclésiastiques  de  l'empire  d'Allemagne  et 
au  grand  maître  de  l'ordre  de  Malte.  On  les  qualifia  aussi 
ù'éminentissimes.  Aujourd'hui,  les  cardinaux  ont  seuls 
droit  à  ces  qualifications. 

EMINESCU  (Michel),  poète  roumain,  né  à  Ipatesti,  près 
deBotuchani,  le  20  déc.  1848,  mort  à  Bucarest  le  15  juin 
1889.  Il  fit  ses  études  universitaires  en  Autriche  et  en 
Allemagne;  revenu  en  Roumanie,  il  y  fut  quelque  temps 
professeur  d'allemand,  puis  inspecteur  des  écoles  (1874-6) 
et  bibliothécaire  à  Jassy.  Il  était  rédacteur  au  journal  le 
Temps  de  Bucarest,  quand  il  fut  frappé  d'un  accès  de  folie  : 
ce  fut  la  cause  de  sa  mort  quelques  années  plus  tard.  Emi- 
nescu  publia  ses  premiers  essais  en  vers  dans  la  Famille 
d'Oradia-Mare  (Hongrie)  :  ils  étaient  bien  loin  de  prédire 
son  génie  poétique.  Devenu,  quelque  temps  après,  membre 
de  la  société  littéraire  la  Jeunesse,  à  Jassy,  il  commença 
dans  les  Causeries  littéraires,  organe  du  groupe,  la 
publication  de  ses  plus  beaux  morceaux  lyriques,  Vénus 
et  Madone,  puis  Empereur  et  Prolétaire,  qui  valurent 
du  premier  abord  une  certaine  réputation  à  leur  auteur. 
Son  talent  ne  fit  que  s'accroître  :  ses  premières  incertitudes 
en  fait  de  langage  disparurent  bientôt;  son  pessimisme 
résigné  et  puissant  fit  école.  C'est  alors  qu'il  publia,  outre 
un  assez  grand  nombre  de  petites  poésies  lyriques,  ses 
admirables  Sonnets,  sa  Venise,  restée  classique,  son  Câlin, 
fragment  épique,  dans  le  genre  des  contes  populaires,  et 
surtout  les  Satires.  Les  Hirondelles  et  Kamadeva,  de 
beaucoup  inférieurs  à  ses  morceaux  de  maître,  furent  com- 
posés pendant  sa  maladie.  Il  écrivit  aussi  en  prose  :  le  Fat- 
Frumos  né  d'une  larme,  le  Pauvre  Denis,  etc.  Sa 
poésie  très  populaire,  depuis  sa  mort  surtout,  en  Roumanie, 
se  distingue  par  une  profonde  connaissance  et  un  habile 
maniement  du  langage,  par  l'élévation  des  aperçus  philo- 
sophiques et  la  suggestivité  étonnante  des  images.  Il  passe 
pour  le  premier  poète  de  son  pays.  Les  seules  éditions  de 
ses  œuvres  sont:  celle  de  Socec  et  C^^  3^  édit.  en  1890 
(elle  contient  les  poésies  publiées  dans  les  Causeries  lit- 
téraires, préface  du  critique  Maiorescu)  et  celle  de  Jassy, 
publiée  par  M.  V.  G.  Mortzun,  la  même  année  (on  y 
trouve  ses  premières  poésies  et  ses  œuvres  en  prose). 
Toutes  les  deux  sont  posthumes.  N.  Jorga. 

BiBL.  :  J.  Gherea,  Etudes  critiques;  Bucarest,  1890, 
pp.  85-187;  2"  éd.,  z5.,  1891,  etc.  —  J.-L.  Caragiale,  Nir- 
vana, dans  le  Constitutionnel  du  20  juin  1889. 

ÉMIR.  Mot  arabe  qui  signifie  commandant.  A  l'origine, 
ce  nom  ne  s'appliquait  guère  qu'aux  chefs  d'armée  ou  gé- 
néraux arabes  ;  cependant  les  Arabes  non  musulmans  don- 
naient déjà  au  prophète  Mahomet  la  qualification  d'émir 
de  La  Mecque  et  d'émir  du  Hedjaz,  ce  qui  imphque  qu'à 
cette  époque  lointaine  le  titre  d'émir  avait  déjà  cours  pour 
désigner  un  chef  politique.  Les  souverains  musulmans, 
dont  les  Etats  avaient  peu  d'étendue  et  qui  n'avaient  au- 
cune prétention  à  revendiquer  l'autorité  spirituelle  accor- 


dée aux  khalifes,  prirent  tantôt  le  titre  d'émir,  tantôt  celui 
de  sultan,  ce  dernier  titre  étant  toujours  considéré  comme 
supérieur  au  premier.  Le  plus  souvent  l'émir  n'exerçait 
son  autorité  que  sur  un  simple  district  qui  portait  le  nom 
de  son  chef-lieu  ;  ce  n'était  donc  en  réalité  qu'un  prince 
ou  chef  de  principauté.  Celui  qui  réussissait  à  s'annexer 
d'autres  districts  prenait  parfois  le  titre  à'émir  el-omara 
(commandant  des  commandants),  mais,  en  général,  cette 
désignation  a  été  réservée  aux  sortes  de  maires  du  palais 
qui  régnèrent  au  nom  des  derniers  khalifes  abbassides.  Le 
khalife  Omar  est  le  premier  qui  ait  pris,  parmi  les  Arabes, 
le  titre  de  émir  el-mouminin  (commandant  des  croyants), 
appellation  devenue  plus  tard  l'équivalent  de  celle  de  kha- 
life. On  raconte  que  cette  expression  fut  employée  pour  la 
première  fois  par  un  courrier  qui,  arrivé  à  Médine  pour 
annoncer  une  grande  victoire,  aurait,  en  cherchant  le  kha- 
life Omar,  demandé  à  tous  ceux  qu'il  rencontrait  sur  sa 
route  :  «  Où  donc  est  l'émir  el-mouminin?  »  Cette  expres- 
sion, employée  dès  lors  concurremment  avec  celle  de  kha- 
life, fut  par  la  suite  spécialement  réservée  aux  chefs  spiri- 
tuels de  l'islamisme.  En  dehors  des  Omeyyades  et  des 
Abbassides,  le  titre  d'émir  el-mouminin  a  été  successivement 
porté  par  les  Fatimites,  les  Omeyyades  d'Espagne  et  les 
Almohades.  Quant  aux  Almoravides  et  aux  Mérinides,  ils 
adoptèrent  une  formule  un  peu  différente,  celle  à' émir  el- 
moslimi7i  (commandant  des  musulmans),  titre  qui  avait 
été  décerné  autrefois  au  général  arabe  Saad  Ibu  Abi  Ouaq- 
qâs  à  la  suite  de  la  bataille  de  Cadéciya  (636).  Sous  les 
Almohades  Hafsides,  le  ministre  des  finances  portait  le  titre 
à' émir  el-achghal  ou  saheb  el-achghaL  De  nos  jours, 
le  chef  de  la  grande  caravane  des  pèlerins  qui  se  rendent 
chaque  année  à  La  Mecque  est  désigné  sous  le  nom  à^émir 
el'haddj  (commandant  du  pèlerinage).  Enfin  dans  l'extrême 
Orient  musulman,  les  grands  personnages  ajoutent  devant 
leur  nom,  en  manière  de  titre  honorifique,  le  mot  mir 
qui  n'est  autre  chose  qu'une  altération  remontant  pour  le 
moins  au  xii^  siècle  du  mot  émir.  O.K. 

ÉMIRNE  (V.  Imerina). 

ÉMISSAIRE  (Hydraul.).  Terme  désignant  surtout  de 
grands  travaux  d'hydraulique,  bassins  ou  canaux  artificiels, 
accomplis  par  les  anciens  Romains,  imitateurs  en  cela  des 
Egyptiens  et  des  Grecs,  pour  décharger  le  trop-plein  de 
lacs  et  de  cours  d'eau  ou  pour  faciliter  l'écoulement  d'eaux 
stagnantes.  Les  deux  plus  remarquables  travaux  de  ce 
genre,  dus  aux  Romains,  sont  les  émissaires  des  lacs  Albain 
et  Fucin.  Le  premier  de  ces  émissaires,  remplissant  encore 
de  nos  jours  son  office  primitif,  mais  remontant  au  siège  de 
Veies  vers  l'an  de  Rome  355,  consiste  en  un  canal  de  dé- 
charge creusé  sur  une  longueur  d'environ  2  kil.  dans  la 
masse  même  de  la  montagne  et  à  100  m.  au-dessous  du 
village  moderne  deCastel  Gandolfo,  qui  en  occupe  le  sommet  : 
il  porte,  de  l'autre  côté  de  cette  montagne,  l'excédent  d'eau 
du  lac  dans  des  champs  que  ces  eaux  fertilisent,  et  on  ne 
sait  ce  qu'il  faut  le  plus  admirer  de  la  promptitude  avec 
laquelle  il  fut  exécuté,  de  la  difficulté  qu'offrait  alors  un 
tel  percement  et  de  la  solidité  dont  ce  travail  fait  preuve 
encore  aujourd'hui.  L'émissaire  du  lac  Fucin  est  plus  extra- 
ordinaire encore  :  projeté  par  Jules  César,  il  date  de  l'em- 
pereur Claude  et  consiste  en  un  souterrain  de  4  kil.  de 
longueur  sur  plus  de  6  m.  de  hauteur  et  3  m.  de  largeur, 
souterrain  percé  à  300  m.  environ  au-dessous  du  sommet 
de  la  montagne  qui  sépare  la  rivière  du  Liri,  où  il  verse 
les  eaux  du  lac  Fucin,  du  petit  port  où  il  prend  naissance 
sur  les  bords  du  lac.  Laissé  inachevé  par  l'empereur  Néron, 
mais  continué  par  Adrien,  ce  canal,  obstrué  par  le  temps, 
fut  déblayé  et  terminé,  il  y  a  environ  quarante  années, 
par  le  dernier  roi  de  Naples.  Les  parties  extrêmes  de  ce 
canal  sont  voûtées  en  briques  du  côté  du  Liri  et  en  pierres 
appareillées  du  côté  du  lac.  Charles  Lucas. 

ÉMISSIF  (Pouvoir).  On  appelle  pouvoir  émissif  absolu 
d'un  corps  à  la  température  t  la  quantité  de  chaleur, 
évaluée  en  calories,  qui  est  rayonnée  pendant  l'unité  de 
temps  à  travers  une  surface  de  ce  corps  égale  à  l'unité  et 


ÉMISSIF  -  ÉMISSION 


-  938 


placée  dans  une  enceinte  portée  à  la  température  ^  + 1  et 
où  l'on  a  fait  le  vide.  Désignons  par  E  ce  pouvoir  émissif. 
Si  on  peut  appliquer  au  corps  la  loi  de  Newton,  c.-à-d.  si 
la  vitesse  de  refroidissement  du  corps  dans  le  vide  est 
proportionnelle  à  la  différence  de  température  du  corps  et 
de  l'enceinte,  on  pourra  déterminer  le  pouvoir  émissif  en 
déterminant  une  vitesse  de  refroidissement.  En  effet,  soient  S 
la  surface  du  corps,  6  l'excès  de  sa  température  sur  celle 
de  l'enceinte,  P  et  C  le  poids  et  la  chaleur  spécifique  du 
corps.  Pendant  un  temps  très  court  dx^  la  température 
s'abaisse  de  dt  et  en  égalant  deux  évaluations  différentes 
de  la  quantité  de  chaleur  perdue  par  le  corps,  on  aura 
l'égalité  suivante  : 

SEMx  =  —  ^Cdt 
d'où  l'on  tire  le  pouvoir  émissif  absolu  P  en  fonction  de 

la  vitesse  de  refroidissement  — r- 

dx 


E=:- 


v4 

dx 

S9 


En  exprimant  ces  quantités  en  centimètres,  grammes, 
secondes  et  degrés  centigrades,  Mac  Farlane  a  trouvé  pour 
le  noir  de  fumée  que  la  valeur  de  E  augmentait  avec 
l'excès  0  et  que,  par  suite,  la  loi  de  Newton  n'était  pas 
applicable.  En  prenant  Ô  assez  petit,  il  a  obtenu  pour  E  la 
valeur  0,025.  M.  Lehnebach  a  trouvé  0,015.  L'écart  est 
considérable  et  nécessite  de  nouvelles  expériences. 

On  appelle  pouvoir  émissif  relatif  d'un  corps  à  la  tem- 
pérature t  le  rapport  entre  son  pouvoir  émissif  absolu  et 
celui  d'un  corps  choisi  pour  unité  à  la  même  température. 
Le  corps  auquel  on  compare  tous  les  corps  est  le  noir  de 
fumée.  Les  pouvoirs  émissifs  relatifs  sont  plus  faciles  à 
déterminer  que  les  pouvoirs  émissifs  absolus.  Leslie  les 
déterminait  de  la  façon  suivante  :  il  plaçait  devant  un  mi- 
roir un  cube  métallique  plein  d'eau  bouillante  dont  trois 
faces  verticales  étaient  recouvertes  chacune  d'une  subs- 
tance dont  on  voulait  déterminer  le  pouvoir  émissif,  et 
dont  la  quatrième  était  recouverte  de  noir  de  fumée.  Au 
foyer  conjugué  du  miroir  était  placée  la  boule  d'un  ther- 
momètre différentiel.  Celui-ci  s'échauffait,  son  index  se 
déplaçait,  puis  devenait  stationnaire,  lorsque  le  thermo- 
mètre recevait  autant  de  chaleur  qu'il  en  perdait.  Soient  A' 
le  pouvoir  absorbant  de  la  boule  du  thermomètre ,  E^  son 
pouvoir  émissif,  6  l'excès  de  la  température  de  la  boule 
sur  la  température  ambiante,  E  le  pouvoir  émissif  absolu 
de  la  substance  considérée,  K  et  K^  deux  constantes  dépen- 
dant de  la  surface  de  la  boule,  des  dimensions  et  de  la 
position  du  miroir,  etc.  On  a,  lorsque  l'index  est  immobile, 
KA'E=K^E^Ô. 

Si  maintenant  on  tourne  vers  le  miroir  la  face  du  cube 
enduite  de  noir  de  fumée,  un  autre  équilibre  s'établit  cor- 
respondant à  une  température  6^,  et,  si  l'on  désigne  par  e 
le  pouvoir  émissif  absolu  du  noir  de  fumée,  on  a  : 
KA^^=:K^E^9^ 

d  ou  1  on  tire  -  =  r 

e      6j^ 

E 
or  -  est  la  valeur  du  pouvoir  émissif  relatif. 

Melloni  substitua  au  thermomètre  de  Leslie,  qui  était 
peu  sensible,  une  pile  thermo-électrique,  et  il  obtint  les 
pouvoirs  émissifs  d'un  certain  nombre  de  corps.  Le  tableau 
ci-après  donne  quelques  résultats  trouvés  par  ces  deux 
physiciens  et  par  MM.  de  La  Provostaye  et  Desains. 

Les  nombres  trouvés  par  Leslie  et  Melloni  pour  les  corps 
de  faible  pouvoir  émissif  sont  erronés  comme  le  montrent 
les  expériences  de  La  Provostaye  et  Desains,  faites  en 
évitant  diverses  causes  d'erreurs  qu'ils  ont  signalées  et  qui 
existaient  dans  les  expériences  de  Leslie  et  de  Melloni. 

Variation  du  pouvoir  émissif  avec  la  température. 
Il  est  difficile,  comme  nous  l'avons  vu,  de  déterminer  le 


SUBSTANCES 

POUVOIRS    ÉMI 

d'après 

SSIFS 

Desains 

Leslie 

Melloni 

Noir  de  fumée 

100 
)) 

98 
95 
» 

90 
88 
85 
80 
12 
12 
12 

100 
100 

)) 

)) 

91 

» 

85 

)) 

» 

12 

12 

12 

100 
» 

». 
» 
» 

)) 

2,2  à  5,4 
4,9 
4,3 

Blanc  de  céruse 

Papier 

Cire  à  cacheter 

Colle  de  poisson 

Verre 

Encre  de  Chine 

Glace 

Minium 

Argent 

Cuivre 

Or 

pouvoir  émissif  absolu  d'un  corps  avec  précision,  même 
pour  des  températures  peu  élevées  ;  les  difficultés  augmen- 
tent si  l'on  veut  faire  ces  déterminations  à  des  tempéra- 
tures plus  élevées  ;  aussi  ces  expériences  n'ont-elles  pas 
été  faites,  mais  MM.  de  La  Provostaye  et  Desains  ayant 
montré  que  les  rapports  entre  les  pouvoirs  émissifs  absolus 
d'une  substance  et  du  noir  de  fumée  variaient  avec  la  tem- 
pérature, on  peut  en  déduire  que  le  pouvoir  absolu  d'au 
moins  l'un  de  ces  corps  varie  avec  la  température.  L'un 
des  corps  qu'ils  ont  étudiés  était  le  borate  de  plomb  ; 
jusqu'à  100°  le  pouvoir  émissif  relatif  de  ce  corps  est 
resté  sensiblement  constant,  mais  à  550<*  il  avait  diminué 
d'un  quart  de  sa  valeur.  Les  expériences  de  LesHe,  de 
Melloni  et  de  Ritchie  ont  montré  que  les  pouvoirs  émissifs 
relatifs  étaient  égaux  aux  pouvoirs  absorbants  relatifs 
(V.  Absorbant  [Pouvoir]).  On  peut  donc,  au  lieu  de  déter- 
miner le  pouvoir  émissif  relatif  d'un  corps,  déterminer  son 
pouvoir  absorbant.  A.  Joannis. 

ÉMISSION.  I.  Physique. —  Emission  de  la  chaleur. 
—  Quand  plusieurs  corps  possédant  des  températures 
différentes  se  trouvent  en  présence,  on  constate  que,  même 
dans  le  vide,  il  y  a  échange  de  chaleur,  les  corps  les  plus 
froids  se  réchauffant,  les  plus  chauds  se  refroidissant.  On 
expliquait  autrefois  ces  phénomènes  par  l'émission  d'une 
substance  particulière  à  laquelle  on  avait  donné  le  nom  de 
calorique,  lors  de  la  réforme  de  la  nomenclature  chimique, 
c.-à-d.  à  la  fin  du  siècle  dernier.  Plus  la  température 
d'un  corps  était  élevée,  plus  il  renfermait  de  calorique; 
lorsque  deux  corps  inégalement  chauds  agissaient  l'un 
sur  l'autre,  en  revenant  à  la  même  température,  le 
plus  chaud  cédait  au  plus  froid  une  partie  de  son  calo- 
rique. Cette  idée  de  la  matérialité  de  la  chaleur  est  actuel- 
lement abandonnée  ;  on  considère  les  phénomènes  calo- 
rifiques, ainsi  que  les  phénomènes  lumineux,  électriques 
ou  magnétiques,  comme  des  manifestations  des  mouvements 
vibratoires  d'une  substance  particulière,  l'éther,  répandue 
dans  tous  les  corps  et  par  suite  sans  pesanteur  apparente 
possible.  L'émission  de  la  chaleur  ou,  pour  préciser,  la 
quantité  de  chaleur  émise  par  un  corps  dépend  à  la  fois  de 
la  température  et  de  la  nature  du  corps  ;  elle  n'est  pas 
non  plus  la  même  dans  toutes  les  directions,  à  moins  que 
le  corps  ne  soit  sphérique  ou  réduit  à  un  point.  L'inten- 
sité de  la  radiation  calorifique,  émise  par  une  portion  de 
surface  plane  d'un  corps  dans  une  direction  déterminée, 
est  proportionnelle  au  cosinus  de  l'angle  de  cette  direction 
avec  la  normale  à  la  surface  :  c'est  la  loi  du  cosinus 
énoncée  par  Lambert.  Si  l'on  considère  un  corps  chaud 
réduit  à  un  point  et  rayonnant  dans  l'espace,  et  si  on  dé- 
signe par  Q  la  quantité  de  chaleur  qu'il  émet  dans  l'unité 
de  temps,  Q  étant  exprimé  en  calories,  et  si  l'on  désigne 
par  I  l'intensité  de  l'émission  à  une  distance  r  du  point, 
on  a  pour  définir  I  la  relation  Q=z4:7zrH^  c.-à-d.  que 
l'intensité  de  l'émission  à  la  distance  r  est  la  quantité  de 
chaleur  reçue  sur  l'unité  de  surface  située  à  la  distance  r; 
en  effet,  la  quantité  de  chaleur  totale  Q  se  répartit  unifor- 
mément sur  la  surface  ^rzr^  d'une  sphère  de  rayon  r.  Si 


939  — 


ÉMISSION  -  EMLY 


nous  prenons  une  portion  de  surface  de  cette  sphère  égale 
à  S  et  si  nous  considérons  le  cône  ayant  pour  sommet  le 
centre  de  la  sphère  et  pour  directrice  le  contour  de  cette 
portion,  SI  est  la  quantité  de  chaleur  qui  chemine  à  l'in- 
térieur de  ce  cône.  Si  nous  coupons  maintenant  ce  cône 
par  un  plan  oblique  passant  par  le  centre  de  cette  portion 
de  surface,  nous  obtenons  une  nouvelle  surface  S^  donnée 

g 
approximativement  par  la  relation  S^  =  -; '  to  étant 

l'angle  de  S  et  de  S'.  Or  la  surface  S'  ne  reçoit  que  la 
quantité  de  chaleur  que  reçoit  S  ;  par  suite,  les  inten- 
sités I  et  r  de  la  radiation  sur  les  surfaces  S  et  S'  sont 
données  par  la  relation  SI  =  81^  ouI  =  Icosw.  Si  nous 
considérons  maintenant  non  plus  un  point,  mais  un  corps 
ayant  une  surface  finie,  par  exemple  un  petit  élément  plan, 
il  émettra  des  radiations,  et  l'expérience  montre  que  l'in- 
tensité de  la  radiation  reçue  dans  une  direction  déterminée 
variera  proportionnellement  au  cosinus  de  l'angle  de  la 
direction  avec  la  normale  au  plan.  Si  le  petit  élément 
considéré  n'est  pas  un  plan,  la  même  loi  subsistera,  la 
normale  au  plan  étant  remplacée  par  la  normale  à  la  sur- 
face. Cette  loi  peut  être  vérifiée  à  l'aide  du  banc  de  Mel- 
loni  (V.  Chaleur  rayonnante).  Lorsque,  au  lieu  de  radia- 
tions calorifiques,  on  considère  des  radiations  lumineuses, 
cette  loi  est  vérifiée  par  ce  fait  que  les  corps  sphériques 
lumineux,  comme  le  soleil  ou  une  boule  incandescente, 
nous  apparaissent  plats  comme  s'ils  étaient  des  disques 
plans.  La  quantité  de  chaleur  rayonnée  par  un  corps  dans 
l'unité  de  temps  dépend  de  l'étendue  de  sa  surface,  de  sa 
nature,  de  la  température  à  laquelle  il  est  porté  ;  l'étude 
des  relations  qui  existent  entre  ces  quantités  est  exposée 
plus  haut  (V.  Emissif  [Pouvoir]).  La  quantité  de  cha- 
leur rayonnée  par  un  corps  n'est  pas  la  seule  quantité  à 
considérer  dans  le  phénomène  de  l'émission  de  la  chaleur. 
Suivant  la  température,  la  nature  de  cette  chaleur  change; 
ainsi,  une  lame  de  cristal  de  roche  de  2™""Ô  d'épaisseur 
laisse  passer,  d'après  Melloni,  38  %  des  rayons  qui  pro- 
viennent d'une  lampe  Locatelli,  28  <^/o  de  ceux  qui  pro- 
viennent d'une  spirale  de  platine  incandescente,  6  ^Jo  de 
ceux  qui  proviennent  d'un  cube  noirci  à  390%  et  arrête 
complètement  ceux  qui  proviennent  d'un  cube  noirci  à 
100^.  Le  sel  gemme  laisse  passer,  au  contraire,  sensible- 
ment dans  la  même  proportion  les  rayons  calorifiques 
émanés  de  ces  diverses  sources  (92  %).  La  plupart  se 
comportent  comme  le  cristal  de  roche,  mais  dans  des  pro- 
portions diverses,  les  rayons  provenant  des  sources  à 
température  élevées  passant  toujours  en  plus  grande  quan- 
tité que  les  autres.  A.  Joannis. 

IL  Finances.  —  L'émission  de  titres  quelconques, 
actions  ou  obligations,  est  une  opération  financière  dont 
il  est  impossible  d'énoncer  les  règles  ;  le  crédit  de  la  mai- 
son qui  émet,  la  sécurité  plus  ou  moins  grande  offerte  par 
les  titres  émis,  l'état  du  marché  des  capitaux,  etc.,  sont 
autant  de  facteurs  dont  il  faut  tenir  compte.  Mais,  en 
dehors  des  agissements  particuliers  à  chaque  émission,  il  y 
a  des  prescriptions  auxquelles  il  faut  absolument  se  con- 
former. L'émission  d'actions  d'une  société  française  ne 
peut  être  faite  que  si  la  société  est  régulièrement  constituée; 
l'infraction  est  punie  d'une  amende  de  500  à  1,000  fr. 
(loi  du  24  juil.  1867,  art.  13);  il  n'en  est  pas  de  même 
pour  les  sociétés  étrangères,  dont  les  actions  n'ont  à  rem- 
plir des  conditions  déterminées  que  si  elles  doivent  être 
admises  à  la  cote  (V.  ce  mot).  Pour  les  obligations,  la  loi 
française  n'indique  aucune  limite,  ni  pour  l'importance  du 
titre,  ni  pour  le  montant  total  à  émettre  ;  il  n'y  a  donc 
aucune  prescription  à  suivre  pour  les  sociétés  qui  emprun- 
tent de  cette  manière,  sauf  en  ce  qui  regarde  le  timbre  ; 
il  est  toutefois  à  remarquer  que,  pour  les  chemins  de  fer 
d'intérêt  local,  les  décrets  qui  donnent  la  déclaration  d'uti- 
lité publique  prescrivent  en  général  que  le  montant  des 
obligations  émises  ne  pourra  être  supérieur  au  capital 
actions;  les  législations  étrangères,  notamment  les  lois 


commerciales  de  la  Belgique  et  de  l'Italie,  contiennent  des 
dispositions  spéciales  pour  les  émissions  d'obligations.  Pour 
les  obligations  émises  par  des  sociétés  étrangères,  on  peut 
faire  la  même  observation  que  pour  les  actions  de  la  même 
catégorie  ;  il  est  toutefois  à  remarquer  que,  d'après  la  loi 
du  30  mars  1872,  ces  titres  ne  peuvent  être  négociés  en 
France  sans  être  dûment  timbrés  au  droit  proportionnel  ; 
aucune  émission  ne  peut  donc  être  faite  sans  que  les  titres 
émis  aient  été  soumis  à  cette  formalité  ;  la  date  et  le  nu- 
méro du  visa  pour  timbre  doivent  être  mentionnés  sur  les 
prospectus  d'émission.  G.  François. 

III.  Chant.  —  L'art  d'attaquer  ou  d'émettre  le  son 
est  une  des  parties  les  plus  difficiles  de  la  science  du 
chant.  Pour  commencer  l'étude  de  l'attaque  des  sons,  il 
faut  d'abord  s'exercer  par  des  notes  dont  l'émission  se 
fera  sans  gêne  et  sans  fatigue.  Pousser  la  voix  vers  l'aigu 
ou  le  grave  au  commencement  des  études,  c'est  se  fatiguer 
inutilement.  Le  son  doit  être  attaqué  franchement,  mais 
avec  douceur,  ni  au-dessus  ni  au-dessous,  comme  on  le 
voit  par  cet  exemple  : 

BOD 


11  faut  bien  se  garder  d'émettre  le  son  mollement  ;  la 
voix  doit  toujours  rester  ferme  et  pour  ainsi  dire  intelli- 
gente, et  le  son  doit  être  articulé  sans  brusquerie,  par  un 
léger  mouvement  des  lèvres  et  de  la  glotte  et  sans  être 
amené  par  aucune  traînée;  émis  ainsi,  il  restera  rond, 
sonore  et  moelleux.  Il  ne  faut  pas  croire  que  toutes  les 
voyelles  soient  favorables  à  l'émission  du  son.  La  voyelle 
a,  par  exemple,  donne  beaucoup  d'éclat  et  de  sonorité  à 
certaines  notes  de  la  voix,  tandis  que  d'autres  notes  voi- 
sines de  celles-là  et  chantées  sur  la  même  syllabe  seront 
ternes,  sourdes  ou  rudes.  Pour  éviter  cet  inconvénient,  il 
faudra  chercher  les  voyelles  qui  donneront  au  son  la  cou- 
leur le  plus  en  rapport  avec  les  notes  déjà  émises. ^  C'est 
lorsque  l'émission  et  l'attaque  du  son  auront  atteint  un 
degré  suffisant  de  perfection  que  l'on  pourra  attaquer  cette 
autre  partie  délicate  de  l'art  du  chant  qui  a  nom  :  pose 
de  la  voix.  H*  Lavoix. 

BiBL.:  Chant.  —  Th.  Lemaire  et  Lavoix  fils,  le  Chant, 
l«"e  partie  et  bibliographie. 

EMLER  (Joseph),  historien  tchèque  contemporain,  né 
à  Liban  le  10  janv.  1836.  Il  fit  ses  études  à  Vienne  et  fut 
attaché  ensuite  aux  archives  du  royaume  de  Bohême  et  de 
la  ville  de  Prague  dont  il  est  devenu  directeur  en  1870. 
En  1879,  il  a  été  nommé  professeur  de  l'université  tchèque 
de  cette  ville.  Il  a  dirigé  depuis  1871  la  Revue  du  musée 
de  Prague.  11  a  publié,  en  tchèque,  en  latin  et  en  alle- 
mand, un  grand  nombre  de  documents  relatifs  à  l'histoire 
de  la  Bohème  :  Reliquiœ  tabularum  regni  Bohemiœ 
(en  cours  de  publication)  ;  Decem  Registra  censuum 
Bohemiœ  (1881)  ;  Regesta  diplomatica  nec  non  épis- 
tolaria  Bohemiœ  et  Moraviœ  (Prague,  1872-1890). 
Nommé  secrétaire  de  la  fondation  Palacky  pour  la  publi- 
cation des  Fontes  Rerum  Bohemicarum,  il  a  publié 
dans  cette  collection  un  grand  nombre  de  textes  impor- 
tants, notamment  :  la  Chronique  de  Cosmas,  la  Vie  de 
V empereur  Charles  IV,  la  Chronique  de  Pribik  de 
Pulkava,  etc.  Il  a  collaboré  activement  à  la  Revue 
archéologique  tchèque  et  donné  un  grand  nombre^  de 
monographies  historiques.  Il  est  secrétaire  de  la  Société  du 
musée  de  Prague,  membre  correspondant  de  l'Académie  de 
Saint-Pétersbourg,  etc.  L-  L- 

EMLY  (William  Monsell,  lord),  homme  politique  an-- 
glais,  né  en  1812.  Membre  du  Parlement  pour  le  comté 
de  Limerick,  de  1847  à  1874,  il  fut  créé  pair  à  cette  der- 


ËMLY  ~  EMMACS 


-  940 


nière  date.  Il  a  occupé  de  hautes  situations  officielles, 
celles  entre  autres  de  président  du  bureau  de  la  santé 
(1857),  vice-président  du  bureau  du  commerce  (1866), 
sous-secrétaire  d'Etat  des  colonies  (1868-70)  et  direc- 
teur général  des  postes  (1870-73).  Il  appartient  au  parti 
libéral. 

EMLYN  (Thomas),  premier  pasteur  unitairien  d'Angle- 
terre, né  en  1663,  mort  en  d  741.  Son  éducation  première, 
faite  par  des  dissidents,  lui  inculqua  des  doctrines  particu- 
lières qu'il  propagea  par  la  parole  avec  beaucoup  d'ardeur 
et  de  succès  ;  mais  il  fut  accusé  d'hérésie,  à  Dublin,  où  il 
avait  été  nommé  coadjuteur  de  Joseph  Boyse,  et  obligé  de 
se  démettre  de  sa  charge.  Des  brochures,  qu'il  publia  pour 
sa  défense,  lui  valurent  un  procès  devant  le  Banc  de  la 
reine,  et,  après  une  procédure  fort  irrégulière,  il  fut  con- 
damné à  la  prison  et  à  1,000  liv.  sterl.  d'amende  (1703). 
Il  ne  fut  relâché  qu'en  1703.  A  partir  de  ce  moment,  il 
gagna  des  adhérents  en  Angleterre  et  en  Irlande,  et  il  ne 
cessa  pas  un  moment  de  travailler  activement  à  la  diffu- 
sion de  ses  doctrines,  soit  par  ses  prédications,  soit  par 
ses  écrits.  Son  fils  a  publié  une  édition  collective  de  ceux- 
ci  en  3  vol.  in-8  (1746).  B.-H.  G. 

EMMA,  reine  de  France,  fille  de  l'impératrice  Adélaïde 
et  de  son  premier  mari  Lothaire  II,  roi  d'Italie.  Elle  épousa 
en  965  ou  966  le  roi  de  France  Lothaire,  et  fut  accusée, 
en  977,  par  son  beau-frère  Charles  de  Lorraine,  d'adultère 
avec  l'évêque  de  Laon,  Ascelin  ;  celui-ci  fut  acquitté  par  le 
synode  de  Saint-Macre  et  Emma  continua  à  jouir  de  la  con- 
fiance de  Lothaire.  Lorsqu'il  mourut,  en  986,  on  n'en 
accusa  pas  moins  sa  veuve  de  l'avoir  empoisonné  ;  Emma 
reçut  cependant  les  serments  de  fidélité  des  grands  en 
même  temps  que  son  fils  Louis  V,  sous  le  nom  duquel  elle 
semble  avoir  voulu  gouverner.  Mais  ses  relations  avec  la 
cour  impériale  et  son  intimité  avec  l'évêque  Ascelin  ne  tar- 
dèrent pas  à  la  faire  chasser  de  la  cour,  à  l'instigation  de 
Charles  de  Lorraine.  Elle  se  réfugia  auprès  de  Hugues 
Capet.  Après  l'avènement  de  celui-ci  au  trône,  elle  se  trou- 
vait à  Laon  lors  de  la  prise  de  la  ville  par  Charles  de 
Lorraine  (avr.  988)  ;  elle  fut  faite  prisonnière  et  ne  recouvra 
sa  liberté  qu'au  bout  de  huit  mois.  Elle  se  retira  alors  à 
Dijon  où  elle  mourut  sans  doute  peu  après. 

BiBL.  :  F.  Lot,  les  Derniers  Carolingiens  ;  Paris,  1891, 
in-8  (87^  fasc.  de  la  Bibl.  de  l'Ecole  des  hautes  études). 

EMMA,  reine  d'Angleterre  (appelée  aussi  i^//"^2'/z/). 
Elle  était  fille  du  duc  de  Normandie,  Richard  sans  Peur, 
et  fut  surnommée  la  Perle  de  la  Normandie,  à  cause  de  sa 
beauté.  Elle  épousa,  en  1002,  le  roi  des  Anglo-Saxons, 
Ethelred,  mariage  qui  prépara  les  voies  à  la  conquête  de 
l'Angleterre  par  les  Normands.  Elle  ne  fut  pas  heureuse 
avec  Ethelred,  bien  qu'elle  ait  eu  de  lui  deux  fils  :  Edouard 
(le  Confesseur)  et  Alfred.  Quand  les  Danois  conquirent 
l'Angleterre  en  1013,  elle  se  réfugia  auprès  de  son  frère, 
Richard  le  Bon,  duc  de  Normandie,  avec  ses  fils.  Elle 
retourna  cependant  en  Angleterre,  où  Ethelred  mourut  en 
1016.  La  haine  qu'elle  avait  éprouvée  pour  le  mari  rejail- 
lissait sans  doute  sur  les  enfants  qu'elle  en  avait  eus,  car 
elle  épousa  en  juil.  1017  l'usurpateur  danois  Cnut,  qui 
avait  dépouillé  les  fils  d'Ethelred  de  leur  héritage.  Elle 
promit  ainsi  de  faire  en  sorte  que  le  fils  qu'elle  aurait  de 
Cnut  lui  succédât  en  Angleterre  au  détriment  de  ceux 
qu'elle  avait  eus  du  premier  lit.  Harthacnut,  son  fils  par 
Cnut,  fut,  en  effet,  son  favori.  Au  milieu  de  l'anarchie  que 
déchaîna  la  mort  de  Cnut  en  1035,  elle  assura  à  Hartha- 
cnut le  royaume  de  Wessex,  tandis  que  les  sethelings, 
fils  d'Ethelred,  tentaient  une  expédition  malheureuse,  où 
l'un  d'eux,  Alfred,  périt.  Cependant  Harold,  descendant  de 
Cnut  par  une  autre  femme,  conquit  le  Wessex  :  Emma 
dut  se  réfugier  à  la  cour  de  Baudouin  de  Flandre.  Elle 
revint  avec  Harthacnut  en  1040,  et  exerça  la  plus  grande 
influence  pendant  le  court  règne  de  ce  prince.  Mais,  lorsque 
Edouard  le  Confesseur  eut  récupéré  le  trône  de  ses  pères, 
son  premier  soin  fut  de  dépouiller  de  ses  trésors  Emma, 
sa  mère  «  parce  qu'elle  avait  moins  fait  pour  lui  dans 


l'adversité  qu'il  ne  l'aurait  désiré  ».  La  vieille  reine,  in- 
ternée dans  l'ancien  palais  royal  de  Winchester,  mourut 
le  6  mars  1052,  et  fut  enterrée,  à  côté  de  Cnut,  dans 
rOldminster  de  la  capitale  saxonne.  Le  curieux  panégy- 
rique contemporain  qui  a  pour  titre  Encomium  Emmœ 
a  été  publié  dans  les  Moiiumenta  Germaniœ.     Ch.-V.  L. 

EMMANCHEMENT  (Peint,  et  sculpt.).  Manière  dont  les 
membres  et  les  extrémités  sont  articulés  dans  les  statues 
ou  les  figures  peintes  (V.  Attache). 

EMMANUEL,  c.-à-d.  Dieu  est  avec  nous.  Nom  sym- 
bolique donné  par  le  prophète  Isaïe  à  l'un  de  ses  fils  {Isaïe, 
VII,  14  ;  vin,  8,  18)  et  que  la  théologie  chrétienne  ap- 
pliqua au  Messie  {Saint  Mathieu,  i,  22-23). 

EMMANUEL,  roi  de  Portugal  (V.  Manoel). 

EMMANUEL,  ducs  de  Savoie  (V.  Charles-Emmanuel, 
t.  X,  p.  737). 

EMMANUEL  (Charles),  astronome  français,  né  à  Paris 
en  1810.  Il  étudia  d'abord  le  droit  et  la  littérature,  puis 
s'adonna  à  l'astronomie  et  entreprit  de  corriger  «  les 
erreurs  de  la  science  officielle  ».  Sa  nouvelle  théorie  des 
mouvements  des  corps  célestes,  qu'il  soutint  dans  les  con- 
férences et  dans  la  presse  avec  une  ardeur  et  un  acharne- 
ment dignes  d'un  meilleur  objet,  fut  examinée  en  1850  par 
une  commission  composée  de  mathématiciens  et  d'astro- 
nomes ;  les  rapporteurs,  Liouville  et  Babinet,  la  déclarèrent 
extravagante.  Emmanuel  s'adressa  alors  de  nouveau  au 
public  dans  plusieurs  opuscules  où,  tout  en  exposant  ses 
doctrines,  il  malmenait  quelque  peu  les  savants  de  l'Institut 
et  de  l'Observatoire  :  Astronomie  nouvelle  (Paris,  1851, 
in-18)  ;  Notices  astronomiques  (Paris,  1855-60,  2  vol. 
in-12);  Conférences  astronomiques  (Paris,  1860,  in-8)  ; 
la  Camarilla  scientifique  (Paris,  1865,  in-i2);  Reli- 
gion et  tolérance  de  M.  Le  Verrier  (Paris,  1865,  in-12); 
A  B  C  D  astronomique  (Paris,  1867,  in-12).  Ses  autres 
écrits  ont  pour  titres  :  Pantographe  astronom,ique  ou 
observatoire  portatif  (Paris,  1863,  in-12);  Lettre  à 
M.  Thiers  sur  la  suppression  de  l'impôt  (Paris,  1872, 
in-8)  ;  Sur  les  Mouvements  des  corps  flottants,  note 
intéressante  insérée  dans  les  Comptes  rendus  de  V Aca- 
démie des  sciences  de  Paris  (1871,  t.  LXXII,  p.  596). 

L.  S. 

EMMANUEL-PHILIBERT,  duc  de  Savoie  (1553-1580), 
né  à  Chambéry  le  8  juil.  1528,  mort  le  30  août  1580. 
Seul  survivant  de  neuf  enfants,  héritier  d'un  duché  occupé 
par  les  Français,  il  entra  dans  les  armées  de  Charles-Quint 
en  ^548,  servit  en  Flandre,  en  Piémont,  à  Metz.  Il  com- 
mandait l'armée  impériale  qui  prit  Hesdin  en  juil.  1553. 
C'est  à  ce  moment  qu'il  devint  duc  de  Savoie  par  la  mort 
de  son  père.  Il  continua  de  commander  les  armées  espa- 
gnoles et  impériales  et  c'est  lui  qui  gagna  la  bataille  de 
Saint-Quentin  le  10  août  d557,  après  laquelle  il  voulait 
marcher  sur  Paris.  Il  dut  ensuite  se  replier  sur  Maubeuge. 
Le  traité  de  Cateau-Cambrésis  lui  rendit  son  duché  et  il  vint 
à  Paris  épouser  Marguerite,  sœur  de  Henri  II  (9  juil.  1559). 
Au  sujet  de  son  rôle  historique,  V.  Savoie  (Histoire). 
Ce  fut  un  des  fondateurs  de  la  maison  de  Savoie. 

EMMAÙS,  aujourd'hui  Amouas,  près  de  Latroun,  sur 
la  route  de  Jaffa  à  Jérusalem.  Cette  localité  joue  un  rôle 
dans  les  guerres  des  Machabées,  reçoit  le  nom  de  Nico- 
poliset  pfus  tard  celui  de  Castellum  Emmaiis  ;  elle  com- 
mande la  principale  voie  qui  met  Jérusalem  en  communi- 
cation avec  la  mer.  On  a  proposé  d'y  voir  l'Emmaus 
mentionné  par  saint  Luc  dans  les  scènes  de  la  résurrec- 
tion (xxiv,  13  et  suiv.),  et,  malgré  la  difficulté  qui  provient 
de  la  distance  alléguée  en  cet  endroit,  cette  opinion  est 
encore  la  plus  probable.  M.  Vernes. 

EMMAÙS  (Monastère  d').  Monastère  de  Prague.  H  a 
joué  un  rôle  considérable  dans  l'histoire  religieuse  de  la 
Bohême.  Il  fut  fondé  en  1346  par  l'empereur  Charles  IV  ; 
il  y  établit  des  moines  bénédictins  qui  pratiquaient  la 
liturgie  slave.  Les  moines  furent  dispersés  pendant  les 
guerres  hussites,  puis  le  monastère  passa  aux  mains  de 


-  941  ~ 


EMMAUS  —  EMMERY 


moines  utraquistes.  Il  existe  encore  aujourd'hui  et  appar- 
tient à  Tordre  des  bénédictins.  L.  L. 

EMME  (L').  Deux  rivières  portent  ce  nom  en  Suisse  :  la 
grande  Emme  prend  sa  source  dans  la  chaîne  de  montagnes 
qui  borde  la  rive  droite  du  lac  de  Brienz,  traverse  l'impor- 
tante vallée  de  V Emmenthal  (V.  ce  mot),  d'où  elle  débouche 
à  Berthoud  et  va  se  jeter  dans  l'Aare  au-dessous  de  la  ville 
de  Soleure;  l'Ilfis,  torrent  impétueux,  est  son  principal 
affluent.  La  petite  Emme  vient  du  cant.  d'Untervvalden, 
traverse  le  cant.  de  Lucerne  jusqu'à  Lucerne  où  elle  se 
jette  dans  la  Reuss.  Toutes  deux  charrient  de  l'or  et  sont 
sujettes  à  des  débordements  qui  causent  presque  tous  les 
ans  des  ravages  importants.  L'endiguement  des  deux  Emme, 
surtout  celui  de  la  grande  Emme,  est  en  voie  d'exécution. 
EMMÉNAGEMENT  (Mar.).  Terme  d'architecture  navale 
indiquant  les  dispositions  intérieures  des  logements,  des 
aménagements  d'un  bâtiment.  Se  dit  toujours  au  pluriel, 
Ex.  :  Ce  paquebot  a  des  emménagements  superbes.  Il  faut 
ajouter  que,  depuis  quelques  années,  les  ingénieurs  ont  fait 
de  grands  progrès  dans  cet  ordre  d'idées,  et  nos  transports 
de  guerre,  type  Annamite,  Shamrock,  etc.,  nos  paquebots 
des  grandes  lignes  transatlantiques  ou  Messageries  mari- 
times, n'ont  rien  à  envier  comme  emménagements  et  sont 
même  supérieurs  aux  bâtiments  similaires  des  marines  étran- 
gères. Il  y  a  eu  de  ce  chef,  dans  les  vingt  dernières  années, 
un  progrès  considérable  accompli,  et  l'on  jouit  notamment 
à  bord  des  paquebots  d'un  véritable  confort. 

EMMÉNAGOGUE  (Thérap.).  Les  emménagogues  sont 
des  substances  médicamenteuses  qui  ont  pour  effet  de  con- 
gestionner l'utérus  et  d'y  provoquer  le  flux  menstruel.  Ils 
sont  employés  dans  les  cas  où  les  règles  sont  supprimées, 
tardives,  laborieuses  ou  peu  abondantes.  Les  plus  usités 
sont  l'absinthe,  l'apiol,  l'armoise,  Tergot  de  seigle,  la  rue, 
la  Sabine  et  le  safran.  Ces  médicaments  ont  habituellement 
besoin  d'être  secondés  dans  leur  action  par  les  toniques  et 
les  excitants  locaux  (V.  Aménorrhée  et  Avortement).  D^'A. 
EMMENDIN6EN.  Ville  d'Allemagne,  grand-duché  de 
Bade,  cercle  de  Fribourg,  sur  l'Ely,  au  pied  de  la  Forêt- 
Noire;  2,600  hab.  Il  y  fut  tenu,  en  4590,  un  colloque 
entre  catholiques  et  luthériens.  Les  Autrichiens  y  battirent 
les  Français  les  19  et  20  oct.  1796. 

EMMENTHAL.  Vallée  de  Suisse,  cant.  de  Berne.  Elle 
s'étend  du  versant  N.  du  Hohgant  jusqu'à  la  ville  de  Ber- 
thoud, qui  en  est  aussi  le  débouché  commercial.  Remar- 
quable au  point  de  vue  géologique  par  la  quantité  de  décombres 
de  toutes  espèces  qui  y  sont  accumulés.  Les  deux  versants 
sont  couverts  de  forêts  et  de  pâturages.  Grand  commerce  de 
bois  et  importante  fabrication  de  toiles.  L'Emmenthal,  re- 
nommé pour  son  fromage  de  gruyère,  est  le  centre  principal 
de  la  production  du  fromage  en  Suisse  ;  l'exportation  y  est 
considérable.  C'est  dans  l'Emmenthal  que  l'on  voit  les  plus 
beaux  chalets  du  cant.  de  Berne. 

EMMÉRAN  (Saint),  mieux  EM M ERAM  ou  HAIMAREM, 
mort  en  715  (22  sept.).  Voici  ce  qui  paraît  historique 
dans  la  légende  racontée  par  Aribon  de  Freysing  (dans 
Act.  sanct.  BolL,  sept.  VI,  pp.  454  et  suiv.,  et  dans 
Pertz,  Monum.  germ,  hist.,  Script.,  t.  VI)  au  viii^  siècle, 
le  seul  document  que  l'on  ait  sur  Emméran  :  Il  n'existe 
aucune  trace  d'un  évêque  de  Poitiers  de  ce  nom  ;  comme 
Corbinien  (V.  ce  nom)  et  Rupert,  Emméran  doit  avoir 
été  envoyé  en  Bavière  par  un  roi  franc  pour  rattacher,  au 
profit  de  la  politique  franque,  le  christianisme  récent  des 
Bavarois  à  l'église  franque.  Après  la  mort  de  Pépin  (714), 
Emméran  dut  battre  en  retraite  ;  peut-être  pensa-t-il  se 
couvrir  de  l'autorité  de  Rome.  Il  fut  assassiné  avant 
d'avoir  passé  les  Alpes,  sous  l'inculpation  d'avoir  séduit 
la  fille  du  duc  Théodore,  dit  Aribon.  On  sait,  en  tout  cas, 
que  Théodore  se  rendit  à  Rome  en  716  pour  affaires  ecclé- 
siastiques (Monum,  germ,  hist.,  Leges,  t.  III,  p.  451). 
L'abbaye  de  Saint-Emméran,  près  de  Ratisbonne,  où  Théo- 
dore doit  avoir  fait  ensevelir  les  restes  du  saint,  devint 
le  centre  de  la  réorganisation  ecclésiastique  opérée  par 
Boniface.  F.-H.  K. 


BiBL.  :  QuiTZMANN,  Die  œlteste  Geschichte  der  Baiern  ; 
Brunswick,  1873,  pp.  230  à  239.  —  Riezler,  Gesch.  Bayerns  ; 
Gotha,  1878,  t.  I. 

EMMERICH.  Ville  d'Allemagne, roy.  de  Prusse, district 
de  Dusseldorf  (Province  Rhénane),  à  droite  du  Rhin; 
8,900  hab.  Ancienne  colonie  romaine,  saint  Willibrord  y 
fonda  un  couvent.  La  ville  prospéra  à  la  fin  du  moyen  âge, 
grâce  surtout  à  la  Hanse;  elle  comptait,  au  xv®  siècle, 
40,000  hab.  Elle  passa  au  Brandebourg  avec  le  duché  de 
Clèves,  fut  occupée  par  les  Hollandais  de  1614  à  1672,  fit 
partie  du  grand-duché  de  Berg  en  1806.  Son  fameux 
collège  de  jésuites,  fondé  en  1592,  disparut  en  1811. 

BiBL.  :  Dederich,  Annalen  der  Stadt  Emmerich;  Em- 
merich,  1867. 

EMMERICH  (Frédér ic-Charles-Timothée) ,  théologien 
strasbourgeois,  né  à  Strasbourg  en  1786,  mort  à  Strasbourg 
le  1^^  juin  1820.  Il  professa  l'histoire  de  l'Eglise  à  la 
faculté  de  théologie  de  Strasbourg.  A  la  fois  érudit,  élo- 
quent et  d'une  piété  sympathique,  il  exerça  une  grande 
influence  sur  ses  élèves.  Mort  jeune,  il  ne  publia  que  sa 
thèse  de  doctorat,  De  Evangeliis  secundum  Hebrœos^ 
Mgyptios  atqiie  Justinum  Martyrem  (1807)  ;  on  a  publié 
après  sa  mort  un  volume  de  ses  Sermons  (1830).  C.  P. 
EMMERICIA(Malac.).  Genre  de  Mollusques  Gastéro- 
podes, de  l'ordre  des  Prosobranches-Pectinibranches,  établi 
en  1870  par  Brusina  pour  une  coquille  de  forme  conique, 
lisse,  subperforée,  à  spire  élevée  et  à  sommet  déprimé, 
presque  enfoncé.  Ouverture  ovale  piriforme,un  peu  grande, 
anguleuse  supérieurement  ;  bord  externe  arqué  ;  bord  co- 
lumellaire  épaissi  ;  péristome  continu  ;  un  opercule  ovale, 
paucispiré  et  à  nucleus  presque  marginal.  Type  :  Emme- 
ricia  patula  Brumati.  Les  espèces  de  ce  genre  vivent  dans 
les  eaux  douces  de  l'Europe  orientale.  J.  Mab. 

EMMERIN.  Com.  du  dép.  du  Nord,  arr.  de  Lille,  cant. 
de  Haubourdin  ;  1,595  hab. 

EMMERY  (Jean-Louis-Claude),  comte  de  Grozyeulx, 
homme  politique  français,  né  à  Metz  le  26  avr.  1742, 
mort  près  de  Metz  le  15  juil.  1823.  Avocat  au  Parlement  de 
Metz  (1760),  député  du  tiers  aux  Etats  généraux  en  1789, 
il  prit  une  part  importante  aux  discussions  de  l'Assem- 
blée nationale  dont  il  fut  élu  président  le  25  sept.  1790. 
Il  travailla  notamment  aux  questions  militaires,  fut  rap- 
porteur du  comité  militaire  et  s'opposa  le  4  janv.  1791  à 
la  destruction  de  l'hôtel  des  Invalides.  Membre  du  parti 
dit  des  re  viseur  s,  qui  tenta  sans  succès  de  relever  la 
popularité  de  Louis  XVI  avec  l'aide  de  la  liste  civile,  il  fut 
nommé,  après  la  session,  par  le  dép.  de  la  Moselle,  juge  au 
tribunal  de  cassation  dont  il  fit  partie  jusqu'en  mai  1797. 
Il  présida  la  section  civile  en  1793.  Arrêté  sous  la  Ter- 
reur, il  fut  déUvré  par  le  9  thermidor.  Elu  député  de  la 
Seine  au  conseil  des  Cinq-Cents  le  21  germinal  an  V,  il 
se  rangea  parmi  les  modérés  et  s'occupa  de  questions  juri- 
diques. Elu  secrétaire  le  l'^'^  thermidor  an  V,  il  appuya 
le  coup  d'Etat  du  18  brumaire  et  fut  appelé  le  4  nivôse 
an  VIII  à  la  section  judiciaire  du  conseil  d'Etat.  Il  fut  un 
des  rédacteurs  du  code  civil.  En  août  1803,  il  passa  au  Sénat 
conservateur,  fut  créé  comte  le  23  mai  1808,  ce  qui  ne 
l'empêcha  pas  de  signer  l'acte  de  déchéance  de  Napoléon  P^ 
Nommé  pair  de  France  par  la  Restauration  (4  juin  1814), 
il  rentra  au  conseil  d'Etat  pendant  les  Cent- Jours,  reprit 
son  siège  à  la  Chambre  des  pairs  en  1815  et  vota  pour 
la  mort  du  maréchal  Ney.  On  a  de  lui  :  Faits  concernant 
la  ville  de  Metz  et  le  pays  messin  (Metz,  1788,  in-8)  ; 
Recueil  des  édits,  déclarations .,  etc.,  enreg,  au  Parle- 
ment de  Metz  (1774-1788,  5  vol.  in-4);  Défense  de  la 
Constitution  'par  un  aîicien  magistrat  (1814,  in-8). 
BiBL.  :  Michel  Béer,  le  Comte  Emmery  ;  Paris,  1823. 
EMMERY  (Jean-Marie- Joseph,  chevalier),  homme  poli- 
tique français,  né  à  Dunkerque  le  16  janv.  1754,  mort  à 
Dunkerque  le  11  févr.  1825.  Négociant  dans  cette  ville,  il 
fut  élu  député  du  Nord  à  l'Assemblée  nationale  législative 
le  29  août  1791  et  s'y  occupa  surtout  de  questions  com- 
merciales et  notamment  du  canal  des  deux  mers.  Après 
la  session  il  fut  élu  maire  de  Dunkerque  ;  il  se  montra 


EMMERY  —  ÉMORITES 


-  942  — 


partisan  du  coup  d'Etat  du  18  brumaire,  et,  après  avoir  fait 
partie  du  conseil  général  du  Nord,  fut  désigné  par  le  Sénat 
comme  député  du  Nord  le  5  vendémiaire  an  XIV.  Il  fut 
réélu  en  4814. 

EMMERY  (Henri-Charles),  ingénieur  français,  né  à 
Calais  le  49  avr.  4789,  mort  à  Paris  le  27  mai  4842. 
Il  a  été  l'une  des  lumières  du  corps  des  ponts  et 
chaussées,  oti  sa  popularité  était  des  plus  grandes.  On  lui 
doit  le  souterrain  du  canal  Saint-Maur  et  l'écluse  aux 
abords,  la  gare  de  Charenton,  le  pont  d'Ivry  et  la  route 
qui  y  aboutit.  Mais  c'est  surtout  comme  secrétaire  de  la 
commission  des  Annales  des  ponts  et  chaussées  et 
comme  ingénieur  en  chef  du  service  municipal  de  Paris, 
qu'Emmery  a  marqué.  Dans  ce  dernier  service,  qu'il  a 
occupé  de  4832  à  4839,  il  a  dirigé  l'exécution  de  80  kil. 
d'égouts  et  de  400  kil.  de  conduites  d'eau,  quantité  consi- 
dérable pour  l'époque.  Il  a  présidé  au  creusement  du  puits 
de  Grenelle  et  à  l'établissement  de  grands  réservoirs  pour  la 
distribution  des  eaux.  Il  fut  nommé  inspecteur  divisionnaire 
le  29  déc.  4  839 .  On  trouvera  dans  les  J^lotiœs  de  Tarbé  {Eiicy- 
clopédie  des  travaux  publics)  la  liste  des  nombreux  arti- 
cles publiés  par  Emmery  dans  les  Annales  des  ponts  et 
chaussées;  citons  seulement  son  grand  rapport  de  4844 
sur  la  police  du  roulage,  fruit  de  longues  et  laborieuses 
recherches.  Un  mémoire,  publié  séparément  en  4837, 
traite  de  V Amélioration  du  sort  des  ouvriers  dans  les 
travaux  publics;  le  sujet  n'était  pas  alors  de  ceux  dont 
tout  le  monde  parle  et  le  mémoire  d'Emmery  témoigne  des 
bons  sentiments  qui  accompagnaient  chez  ce  savant  émé- 
rite  sa  haute  valeur  intellectuelle.  —  Emmery  a  laissé  un 
fils  connu  sous  le  nom  d'Emmery  de  Sept-Fontaines,  qui 
a  suivi  la  même  carrière  et  est  mort,  il  y  a  quelques 
années,  inspecteur  général  en  retraite  ;  il  a  coopéré  aux 
travaux  de  la  Seine  maritime,  puis  à  ceux  de  la  basse 
Seine  entre  Paris  et  Rouen,  et  enfin  est  devenu  inspecteur 
de  l'Ecole  des  ponts  et  chaussées.  M.-G.  L. 

EMMET  (Robert),  poUticien  irlandais,  né  à  Dublin  en 
4778,  mort  le  20  sept.  4803.  Il  fit  de  très  fortes  études  à 
Dublin,  voyagea  en  Belgique,  en  France  et  en  Espagne, 
faisant  une  active  propagande  pour  l'indépendance  de  l'Ir- 
lande. Il  entretint  à  ce  sujet  Napoléon  P^  et  Talleyrand, 
qui  lui  promit  son  concours.  De  retour  en  Irlande  en  4802, 
il  organisa  un  soulèvement  qui  éclata  le  23  juil.  1803  : 
lord  Kilv^arden  fut  assassiné.  Emmet,  arrêté  le  25  août, 
fut  condamné  à  mort  et  pendu  un  mois  après. 

EMMINGER  (E.),  peintre  et  lithographe  allemand  du 
xix^  siècle,  né  à  Riberach  (Wurttemberg).  Il  a  travaillé  aussi 
souvent  avec  des  collaborateurs  que  seul.  Parmi  ses  meil- 
leures œuvres,  on  cite  une  Vue  sur  le  Rothenberg,  près 
de  Stuttgart,  avec  Steinkopf  ;  des  Vues  de  la  Souabe,  de 
Rome,  etc.  Parmi  ses  lithographies  avec  figures  :  la  Mort 
de  Socrate,  avec  Wâchter  ;  le  Christ  et  les  Evangélistes, 
avec  Weitbrecht. 

EMMÉTRA6E  (Techn.).  On  fait  un  emmétrage  quand 
on  met  en  tas  des  matériaux,  de  manière  à  permettre  d'en 
mesurer  la  quantité  ;  ainsi,  les  pierres,  moellons,  briques, 
provenant  de  démolitions  sont  triés,  décrottés  et  arrangés 
ou  emmétrés.  Si  l'on  prend  comme  base  le  prix  de  0  fr.  40 
pour  l'heure  d'un  manœuvre,  l'emmétrage  d'un  mètre 
cube  de  moellon  ou  de  meulière,  demandant  1^30,  coû- 
tera 0  fr.  60.  L.  K. 

EMMIUS  (Ubbo),  historien  hollandais,  né  à  Grietzijl  le 
5  déc.  4547,  mort  à  Groningue  le  9  déc.  4625.  Fils  d'un 
pasteur  luthérien,  il  étudia  la  théologie  à  Rostock,  voyagea 
ensuite  en  France  et  en  Allemagne,  noua  des  relations 
avec  les  savants  les  plus  illustres  de  l'époque  et  s'arrêta 
longtemps  à  Genève  où  il  devint  l'élève  et  l'ami  de  Théo- 
dore de  Bèze.  En  4579,  il  rentra  dans  son  pays  et  fut  mis 
à  la  tête  de  l'école  latine  de  Norden  ;  mais  son  séjour  à 
Genève  avait  eu  pour  effet  de  le  convertir  aux  doctrines 
calvinistes  et  il  refusa  de  souscrire  à  la  confession  d'Augs- 
bourg  :  il  fut  destitué  par  les  administrateurs  de  Norden 
et  passa  à  l'école  de  Leer,  puis  à  Groningue.  Il  devint  rec- 


teur de  l'université  de  cette  ville  dès  son  érection,  en  4614, 
et  porta  l'institution  nouvelle  à  un  haut  degré  de  pros- 
périté. Son  œuvre  principale  est  une  histoire  de  la  Frise, 
Rerum  Frisicarum  historia,  divisée  en  six  décades, 
dont  les  cinq  premières  ont  paru  séparément  (Franeker, 
1596-98;  Leyde,  1599-1604;  Groningue,  1607)  et 
la  sixième  dans  l'édit.  complète  (Leyde,  1646,  in-fol.).  Il  y 
détruit  impitoyablement  les  légendes  et  les  fables  dont  les 
anciens  historiens  avaient  abusé.  Il  déchaîna  ainsi  contre 
lui  les  rancunes  de  l'esprit  local  ;  on  lui  reprocha  avec 
amertume  d'avoir  rabaissé  les  gloires  de  la  patrie  ;  il  se 
défendit  avec  infiniment  d'esprit  eî;  de  succès.  Ses  autres 
ouvrages  sont  :  De  Agro  Frisiœ  inter  Omastm  et  Lavi- 
cam  flumina  deque  urbe  Groninga  in  agro  eodem  et 
de  Jure  utriusque  syntagma  (Groningue,  4605,  in-8  ; 
rééd.,  Leyde,  4646, in-fol.,  Groningue, 4 646, in-8);  Chro- 
nologia  rerum  romanarum  cum  série  consulum  (Gro- 
ningue, 4619,  in-fol.);  Vêtus  Grœcia  illustrata  (Leyde, 
4626,  3  vol.  in-8;  inséré  dans  Gronovius,  Thésaurus 
antiquitatum  Grœcarum,  t.  IV)  ;  Historia  nostri  tem- 
poris;  cet  ouvrage,  publié  seulement  en  4732  à  Groningue, 
cent  sept  ans  après  la  mort  de  l'auteur,  fut  condamné 
à  être  brûlé  par  la  main  du  bourreau.  E.  H. 

BiBL.  :  S^EEKTiJj s,  Athènes  Belgicae;  Anvers,  1628,  in-fol. 
—  Paquot,  Mém.  pour  servir  à  Vhist.  litt.des  Pays-Bas; 
Louvain,  1765-1770,  3  vol.  in-fol.  —  Van  Kampen,  Histoire 
des  lettres  néerlandaises  (en  hollandais);  La  Haye,  1821- 
1826,3  vol.  in-8. 

ÉMOLLIENTS  (Thérap.).  Nom  donné  aux  médicaments 
qui  ont  la  propriété  d'amollir,  de  relâcher  les  tissus  en- 
flammés, d'en  diminuer  la  sensibilité.  Les  uns  agissent  lo- 
calement (cataplasmes,  lavements  émollients,  gargarismes 
émoUients,  etc.)  ;  les  autres  se  prennent  à  l'intérieur  :  ce 
sont  les  tisanes  émoUientes  (mucilagineuses  et  huileuses, 
gommes.  Un,  mauve  et  guimauve,  bouillon  blanc,  bour- 
rache, violette,  pariétaire,  tussilage,  réglisse,  orge,  chien- 
dent, riz,  gruau,  sucre,  fécules,  albumine,  miel,  lait, 
glycérine,  etc.).  Les  émollients  agissent  par  leur  tempéra- 
ture, comme  enduit  isolant,  et  par  une  action  délayante  due 
à  la  pénétration  endosmotique  dans  les  tissus  (cette  action, 
possible  pour  les  muqueuses,  ne  l'est  pas  pour  la  peau).  Ils 
font  à  un  certain  degré  partie  de  la  médication  antiphlo- 
gistique.  D^  L.  Hn. 

"EMOLUMENT  (Bénéficed')  (V.  Bénéfice, t. VI,  p.  447). 

ÉM0NDA6E  (Arboric).  L'émondage  consiste  à  couper 
les  branches  latérales  d'un  arbre  sauf  celles  du  sommet 
qui,  avec  la  flèche,  constituent  un  toupet  plus  ou  moins 
développé.  Les  branches  doivent  être  coupées  rez-tronc. 
Après  la  coupe,  les  bourgeons  situés  autour  des  sections 
s'allongent,  et,  lorsque  les  nouvelles  branches  ont  acquis 
des  dimensions  suffisantes,  on  les  coupe  à  leur  tour.  L'opé- 
ration va  donc  ainsi  se  répétant  périodiquement,  mais  à  des 
intervalles  plus  ou  moins  rapprochés  selon  l'espèce,  la 
vigueur  des  arbres  et  le  produit  qu'on  désire.  Le  feuillage 
des  branches  d'émonde  est  donné  au  bétail,  ou  bien  ces 
branches  servent  au  chauffage  ou  à  faire  des  échalas.  Dans 
le  premier  cas,  on  les  coupe  tous  les  deux  ou  trois  ans; 
tous  les  quatre  ou  six  ans  dans  les  deux  autres  cas.  C'est 
d'ordinaire  à  la  fin  de  l'hiver  qu'on  exécute  l'émondage. 
Mais,  quand  c'est  le  feuiUage  qu'on  veut  obtenir,  il  se  fait 
en  septembre  :  les  feuilles  n'ont  pas  alors  perdu  leurs 
réserves  nutritives.  L'émondage  est  donc  un  mode  d'exploi- 
tation appliqué  aux  arbres.  Ceux  qu'on  y  soumet  surtout 
sont  :  les  peupliers.  Faune,  les  saules,  le  frêne  et  aussi  le 
chêne.  Terme,  le  cliarme.  L'émondage  est  généralement 
poussé  trop  haut.  Les  arbres  s'allongent,  mais  leur  grossis- 
sement est  faible  ;  ils  restent  grêles  et  sont  plus  facilement 
rompus  par  le  vent.  Par  suite  d'ailleurs  des  coupes  suc- 
cessives, le  tronc  se  déforme,  se  couvre  de  nodosités  volu- 
mineuses; il  est  de  qualité  inférieure  et  ne  peut  être  utilisé 
le  plus  souvent  que  comme  bois  de  feu.         G.  Boyer. 

ÉMONDEVILLE.  Com.  du  dép.  de  la  Manche,  arr.  de 
Valognes,  cant.  de  Montebourg  ;  466  hab. 

ÉMORITES  (V.  Amorrhéens). 


-  943  - 


EMOTION  —  EMPATTEMENT 


ÉMOTION  (PsychoL).  I-<3  mot  émotion  vient  du  latin 
moiio,  mouvement,  e^  qui  vient  de,  et  cette  étymologie 
indique  très  exactement  le  sens  de  ce  mot.  L'émotion  est 
en  effet  un  mouvement  provoqué  par  une  excitation  exté- 
rieure. C'est  ce  qui  la  distingue  de  l'inclination  qui  est  un 
mouvement  provoqué  par  une  tendance  interne.  Il  suit  de 
là  que  l'émotion  est  toujours  accidentelle  et  est  précédée 
d'une  sensation  qui  l'excite.  De  cette  sensation  naît  un 
mouvement  psychique,  une  dissociation  des  états  de  cons- 
cience présents,  puis  une  réorganisation  des  états  cons- 
cients dans  un  système  dont  la  sensation  excitante  fournit 
l'axe  central  directement  par  elle-même  ou  indirectement 
par  des  habitudes  antérieures.  En  conséquence  de  ce  mou- 
vement psychique, il  se  produit  ordinairement  un  mouvement 
extérieur  correspondant.  Parfois  l'excitation  psychique 
n'actionne  que  les  nerfs  vaso-moteurs,  et  elle  se  borne  alors 
à  produire  une  accélération  de  la  circulation  et  de  la  respi- 
ration, la  rougeur  de  la  face  ;  parfois,  par  un  effet  inverse, 
la  pâleur,  des  constrictions  des  lèvres,  des  dilatations  de 
la  pupille  ;  d'autres  fois  l'excitation  psychique  plus  forte 
actionne  le  cervelet  et  les  nerfs  moteurs,  et  il  se  produit 
alors  des  vertiges,  des  tremblements.  Enfin,  quand  la  réor- 
ganisation psychique  qui  succède  à  l'émotion  est  complète 
et  se  rapporte  à  un  mouvement  ou  à  un  ensemble  de  mou- 
vements, ces  mouvements  s'exécutent  le  plus  souvent  sans 
qu'on  les  ait  expressément  voulus.  Si  nous  prenons  pour 
exemple  la  peur  qui  résulte  de  la  vue  subite  d'un  objet 
terrifiant,  nous  voyons  très  aisément  comment  la  sensation 
visuelle  imprévue  désorganise  nos  états  de  conscience  actuels  ; 
nous  savons  aussi  que  la  pâleur  arrive  aussitôt,  le  trem- 
blement, un  relâchement  général  de  la  peau  et  même  du 
sphincter,  puis,  peu  à  peu  nous  ressaisissons  nos  esprits, 
c.-à-d.  que  nos  états  de  conscience  se  groupent,  s'orga- 
nisent; nous  concevons  les  moyens  de  fuir  ou  de  résister 
et  alors  ou  nous  résistons  avec  le  courage  du  poltron 
révolté,  ou  nous  fuyons  avec  les  ailes  que  la  peur  nous 
donne.  G.  Fonsegrive. 

BiBL.  :  Paulhan,  les  Phénomènes  affectifs  et  les  lois  de 
leur  apparition;  Paris,  1887,  in-8.  —  Mosso,  la  Peur, 
trad.  fr.  ;  Paris,  1886,  in-8.  —  Bain,  les  Sentiments  et  la 
Volonté,  trad.  fr.  ;  Paris,  1885,  in-8. 

ÉNIOUCHET  (Ornith.).  Nom  vulgaire  que  l'on  donne, 
dans  nos  campagnes,  à  VEpervier,  à  la  Crécerelle  et  par- 
fois au  Coucou. 

ÉMOUCHETTES  (ArchéoL).  Forme  ancienne  du  mot 
moucliettes,  que  l'on  appelait  également  au  moyen  âge  : 
esmucette  (V.  Mouchettes). 

ÉIVIOUCHOIR(V.  EsMoucHom). 

EMOULAGE  (V.  Coutellerie,  t.  XIII,  p.  208). 

ÉMOUTIERS  (V.  Eymoutiers). 

EMOUY  (V.  Amoy). 

EMPAILLAGE.  L'empaillage  des  animaux  est  un  art 
dont  les  procédés  ont  fait  des  progrès  sensibles  dans  ces 
dernières  années.  Il  exige  de  l'ouvrier,  pour  être  pratiqué 
avec  succès,  non  seulement  la  connaissance  des  procédés 
matériels  de  conservation,  mais  encore  le  talent  de  repro- 
duire, d'une  façon  exacte  et  naturelle,  les  poses  et  les 
allures  variées  des  divers  animaux.  Pour  les  oiseaux,  l'ou- 
vrier commence  d'abord  par  dépouiller  et  vider  le  corps, 
en  ayant  soin  d'en  saupoudrer  abondamment  toutes  les 
parties  de  plâtre,  de  façon  à  éviter  leur  souillure  par  les 
produits  de  cette  opération.  Il  bourre  ensuite  l'intérieur 
du  squelette  avec  du  coton  ou  de  l'étoupe,  après  avoir 
préalablement  fait  usage  d'une  poudre  insecticide,  variable 
dans  sa  composition,  mais  presque  toujours  à  base  d'arse- 
nic et  de  camphre.  Il  place  et  maintient  chacune  des  par- 
ties dans  la  position  la  plus  voisine  possible  de  l'état  de 
nature  au  moyen  de  fils  de  fer,  qui  assurent  en  même 
temps  la  solidité  de  l'assemblage.  Pour  les  animaux  de 
grande  taille,  on  moule  les  parties  les  plus  caractéristiques 
du  corps  et  on  établit  ensuite  au  moyen  de  cire,  de  carton, 
de  plâtre,  de  cadres  en  bois,  un  squelette  creux  artificiel 
sur  lequel  l'ouvrier  applique  la  peau  préalablement  tannée 


à  l'alun  et  amincie  à  l'intérieur.  Cette  partie  de  l'opéra- 
tion est  d'autant  plus  difficile  que  le  squelette  est  plus 
grand  ;  elle  exige  de  l'ouvrier  un  véritable  travail  de  mo- 
delage pour  éviter  les  creux  et  arriver  à  une  tension  uni- 
forme de  la  peau.  Les  yeux  sont  formés  au  moyen  de  boules 
d'émail  ;  la  bouche  au  moyen  d'étoupes  et  de  mastic 
(V.  Taxidermie).  L.  K. 

EMPALEMENT  (V.  Pal). 

EMPAN  (Métrol.).  Fraction  de  la  coudée  égyptienne 
valant  0^225.  Ce  mot  est  quelquefois  employé  pour  dé- 
signer la  distance  de  l'extrémité  du  pouce  à  celle  du  petit 
doigt  quand  la  main  est  bien  ouverte.  C'est  aussi  quelque- 
fois la  distance  mesurée  par  les  deux  bras  étendus. 

EMPAN  NON  (Constr.).  Nom  que  l'on  donne,  dans  un 
comble  avec  croupe,  aux  chevrons  des  faces  triangulaires 
de  la  croupe  et  des  longs  pans  qui  diminuent  de  longueur 
à  mesure  qu'ils  se  rapprochent  des  angles  de  l'édifice.  Ces 
pièces  de  bois  qui  posent  sur  lasabhère,  comme  les  autres 
chevrons,  sont  assemblées,  à  leur  extrémité  supérieure, 
dans  les  chevrons  arêtiers.  L.  K 

EMPÂTAGE  (Industr.)  (V.  Bière,  t.  VI,  p.  778). 

EMPÂTEMENT.  I.  Peinture.  —  Manière  de  poser  la 
couleur  sur  la  toile  par  touches  épaisses,  grasses,  pour 
obtenir  un  coloris  puissant  et  vigoureux.  La  touche  qui  ne 
contient  qu'une  minime  proportion  d'huile,  et  dans  laquelle 
la  matière  colorante  a  l'épaisseur  et  la  consistance  d'une 
pâte  est  moins  sujette  à  noircir,  à  se  ternir,  à  se  décolorer 
qu'un  léger  frottis  à  peine  teinté.  La  peinture  dite  ^^^^^m^ 
pâte  présente  une  surface  solide,  homogène,  comme  celle 
de  l'émail.  Avec  l'empâtement,  la  touche  d'un  tableau  prend 
une  très  grande  importance  ;  son  épaisseur  la  rendant  très 
visible,  il  est  important  qu'elle  concoure  à  l'effet  général 
voulu  par  le  peintre.  Les  rochers  et  les  terrains,  empâtés 
d'une  façon  rugueuse,  dure  et  massive,  où  le  couteau  à 
palette  vient  parfois  s'employer  comme  une  truelle  de  maçon, 
doivent  contraster  par  leur  facture  avec  la  pâte  souple, 
coulante  et  unie  des  ciels.  Les  eaux,  transparentes  et  pro- 
fondes, sont  d'un  travail  encore  plus  délicat  que  celui  du  ciel, 
tandis  que  les  touches  multipliées  du  feuillage  des  arbres, 
d'une  pâte  variée  d'épaisseur,  doivent  aider,  par  leurs  mille 
petits  reliefs,  à  l'effet  des  ombres  et  des  lumières.  L'habi- 
leté de  l'empâtement  rend  les  plus  grands  services  au  paysa- 
giste et  arrive  parfois  à  des  effets  surprenants  de  puissance. 
Pour  la  peinture  de  figures,  l'empâtement  doit  être  beaucoup 
plus  égal;  ses  hardiesses,  ses  irrégularités  se  conciheraient 
mal  avec  les  exigences  d'un  dessin  sévère.  C'est  surtout  à 
ce  dernier  genre  de  peinture,  plus  encore  qu'aux  autres, 
qu'on  peut  appliquer  ce  précepte  :  les  lumières  doivent  être 
peintes  par  empâtements,  et  les  ombres  par  demi-pâtes  ou 
par  frottis.  Ad.  T. 

II.  Arboriculture.  —  C'est  la  base  d'insertion  des  ra- 
meaux et  des  branches  sur  la  tige.  L'empâtement  pré- 
sente des  bourgeons  très  petits,  à 'l'état  latent,  dont  on  a 
souvent  intérêt  à  provoquer  le  développement.  Par  exemple, 
lorsque  le  rameau  est  un  gourmand  ou  lorsqu'il  reste 
improductif,  on  le  rabat  sur  son  empâtement.  Les  bour- 
geons de  l'empâtement  s'allongent  alors  et  peuvent  être  mis 
à  fruit.  G.  B. 

EMPATTEMENT  ou  EMPATEMENT  (Constr.).  Plus 
grande  épaisseur  et  par  suite  saiUie  donnée  à  la  base  d'une 
partie  de  construction.  L'empattement  d'un  mur  est  la  plus 
grande  largeur  que  ce  mur  a  en  fondation  et  qui  forme 
ainsi,  de  chaque  côté  du  mur  en  élévation,  une  saillie  géné- 
ralement de  0"^05  à  O'^'OTS.  Lorsqu'il  s'agit  de  construc- 
tions peu  importantes,  de  cloisons  de  brique  dans  la  hau- 
teur d'un  rez-de-chaussée  par  exemple,  l'empattement,  sur 
leur  nu,  du  parpaing  en  pierre  qui  leur  sert  de  base,  n'est 
guère  que  de  0°"01  à  0"^02.  On  appelle  aussi  empattement 
la  surface  des  murs  en  fondation  d'un  édifice,  surface  sur 
laquelle  on  trace  le  plan  des  parties  en  élévation.  Enfin, 
en  serrurerie,  on  donne  le  nom  d'empattement  à  tout  élar- 
gissement d'une  pièce  de  quincaillerie,  barre,  gond,  ver- 
rou, etc.,  permettant  de  fixer  cette  pièce  avec  des  boulons  ou 


EMPATTEMENT  —  EMPÉDOCLE  —  94.4  — 

des  vis.  Souvent  l'empattement,  ou  plus  grande  épaisseur, 
à  la  base  de  certaines  parties  de  constructions  en  pierre, 
en  bois  ou  en  métal,  a  fourni  une  donnée  rationnelle  per- 
meltant  d'ornementer  le  raccord  de  Tempattement  à  la 
partie  principale  par  des  moulures  ou  des  motifs  décoratifs 
(V.  Amortissement).  Charles  Lucas. 

EM PATURE  (Mar.).  Espace  qui  sépare  le  pied  d'un  mât 
du  point  d'attache  sur  le  pont  des  grosses  cordes  appelées 
haubans  qui,  fixées  à  la  tête  du  mât,  servent  à  le  tenir 
dans  le  sens  transversal.—  Terme  employé  aussi  pour  dési- 
gner certaines  parties  de  la  charpente  intérieure  du  bâtiment 
nommée  vaigrage,  d'où  vaigres  d'empature.Il  ne  s'agit  ici, 
bien  entendu,  que  de  bâtiments  en  bois.  Les  vaigres  d'empa- 
ture  recouvrent  intérieurement  l'endroit  où  la  courbe  qui 
forme  le  contour  du  couple  se  relève,  où  la  muraille  devient 
plus  verticale.  C'est  une  des  parties  qui  fatiguent  le  plus;  aussi 
donne-t-on  à  ces  vaigres  une  épaisseur  plus  grande  qu'aux 
autres.  —  Dans  les  constructions  en  fer,  l'intérieur  du  bâti- 
ment est  consolidé,  au  lieu  de  vaigrage,  par  des  courbes,  des 
ceintures  composées  de  cornières  adossées,  renforcées  au 
besoin  par  des  tôles  à  boudin. 

ENIPAUMURE  (Vénerie)  (V.  Cerf,  t.  X,  p.  45). 
EM  PEAUX.  Corn,  du  dép.  de  la  Haute-Garonne,  arr. 
de  Muret,  cant.  de  Saint-Lys;  186  hab. 
EMPÊCHEMENT  de  Mariage  (V.  Mariage). 
EMPECINADO  (Juan-Martin  Diaz,  dit  F)  (V.  Diaz). 
EMPÉDOCLE,  philosophe  grec,  né  à  Agrigente,  à  une 
époque  qu'il  nous  est  impossible  de  fixer  avec  précision, 
probablement  un  peu  avant  l'an  484  av.  J.-C.  11  appar- 
tenait à  une  famille  riche  et  puissante.  Son  père,  Méton, 
était  le  chef  du  parti  démocratique,  et  Empédocle  paraît  lui 
avoir  succédé  dans  ce  rôle.  Il  est  assez  peu  vraisemblable 
qu'on  lui  ait,  comme  le  raconte  un  historien  ancien, 
offert  le  trône  et  qu'il  l'ait  refusé.  Pour  des  raisons  que 
nous  ne  connaissons  pas,  Empédocle  tomba  en  disgrâce  et 
dut  s'expatrier  :  il  se  réfugia  dans  le  Péloponèse  ;  c'est 
là  qu'il  mourut,  vers  424  av.  J.-C.  Bien  des  légendes  se 
sont  formées  au  sujet  de  sa  mort  :  on  a  raconté  qu'il  s'était 
pendu  et  qu'il  avait  disparu  à  la  suite  d'un  sacrifice  et 
qu'il  s'était  précipité  dans  l'Etna.  Nous  ne  savons  rien  de 
précis  sur  ce  point.  Ce  qui  est  certain,  c'est  qu'Empédocle 
fut  un  homme  remarquable,  doué  d'une  grande  activité, 
d'une  puissante  intelligence.  Il  fut  un  orateur  habile, 
peut-être  le  maître  de  Gorgias,  et  Aristote  le  signale  comme 
ayant  donné  à  la  rhétorique  la  première  impulsion.  Il  paraît 
s'être  donné,  à  l'exemple  de  Pythagore,  le  rôle  d'un  médecin, 
d'un  prêtre  et  d'un  prophète.  Dans  un  des  fragments  qui 
nous  ont  été  conservés,  il  se  vante  d'être  honoré  à  l'égal  d'un 
dieu  ;  quand  il  entre  dans  une  ville,  le  front  ceint  de  bande- 
lettes et  de  fleurs,  le  peuple  se  presse  autour  de  lui,  lui  de- 
mandant des  prédictions  ou  la  guérison  de  quelque  maladie. 
On  lui  attribuait  divers  prodiges,  comme  d'avoir  interdit  à 
des  vents  nuisibles  l'accès  d'Agrigente  ou  de  provoquer  la 
pluie  et  la  sécheresse  ou  de  ressusciter  des  morts.  Lui-même, 
ainsi  que  l'attestent  quelques-uns  de  ses  vers,  se  croyait 
doué  d'un  pouvoir  magique.  Aucun  des  ouvrages  qu'il  avait 
composés  (4>uaixa,Ka6apfjLo0nenous  est  parvenu  en  entier: 
les  fragments  que  nous  en  avons  ont  été  réunis  par  Sturz, 
Karsten  et  Mullach. 

On  a  pu  dire,  non  sans  raison,  que  la  doctrine  philoso- 
phique d'Empédocle  est  un  éclectisme.  Il  est  certain  en 
effet  qu'il  s'inspira  de  Parménide,  de  Pythagore  et  surtout 
d'Heraclite.  Cependant,  il  ne  se  borna  pas  à  faire  des  em- 
prunts à  ses  devanciers;  du  moins  il  y  ajouta  une  idée 
nouvelle  et  il  attacha  son  nom  à  une  théorie  qui,  jusqu'à  la 
création  de  la  chimie  moderne,  a  été  adoptée  par  presque  tous 
les  philosophes  et  les  médecins  :  celle  des  quatre  éléments. 
Parménide  avait  établi  que  l'être  ne  peut,  à  proprement 
parler,  ni  commencer  ni  finir,  et  la  démonstration  reste 
acquise  aux  yeux  d'Empédocle  ;  mais  Parménide  en  con- 
cluait qu'il  n'y  a  ni  changement,  ni  devenir  dans  le  monde  : 
Empédocle  se  refuse  à  le  suivre  jusque-là.  Pour  conciUer 
la  réalité  des  phénomènes  avec  la  permanence  immuable  de 


l'être,  il  admet  l'existence  de  quatre  éléments  :  terre,  eau, 
air,  feu,  indestructibles  et  éternels.  Les  combinaisons  va- 
riables de  ces  éléments  forment  tous  les  êtres  de  l'univers  : 
et  ainsi  on  peut  dire  avec  Parménide  que  rien  ne  com- 
mence ni  ne  finit,  puisque  les  éléments  sont  toujours  les 
mêmes  ;  et,  avec  Heraclite,  que  tout  change  sans  cesse, 
puisque  les  composés  formés  par  les  éléments  ne  restent 
pas  un  instant  identiques  à  eux-mêmes.  C'est,  au  fond,  la 
même  idée  que  Démocrite  devait  développer  plus  tard  et 
c'est  pourquoi  Lucrèce  parle  d'Empédocle  avec  admiration. 
La  différence  est  que,  pour  Démocrite,  les  atomes  sont  tous 
de  même  nature,  ne  diffèrent  que  par  la  grandeur  et  la 
forme,  c.-à-d.  quantitativement,  au  lieu  que,  pour  Empédocle, 
les  éléments  ont  déjà  des  qualités  radicalement  distinctes. 
Là  ne  s'arrête  pas  l'originalité  d'Empédocle.  Les  élé- 
ments étant  conçus  comme  des  substances  immuables,  il 
faut  chercher  en  dehors  d'eux  la  cause  de  leurs  mou- 
vements et  de  leurs  combinaisons.  Tandis  que  Démocrite 
trouvera  cette  cause  dans  le  tourbillon  éternel  qui  emporte 
toutes  choses,  et  Anaxagore  dans  l'intelligence  qui  gouverne 
le  monde,  Empédocle  croit  l'apercevoir  dans  deux  principes 
opposés,  l'Amitié  et  la  Discorde,  qui  agissent  tour  à  tour, 
l'un  pour  unir,  l'autre  pour  séparer  les  éléments.  Il  n'est 
pas  sûr  que  ces  principes  soient  à  ses  yeux  des  forces  mo- 
trices abstraites  :  il  paraît  plutôt  les  avoir  considérés 
comme  des  substances  corporelles,  des  éléments  étendus, 
analogues  et  égaux  aux  autres  éléments.  Ce  sont  des  mi- 
heux  doués  de  propriétés  spéciales,  au  sein  desquels  sont 
plongées  les  molécules  matérielles. 

A  l'origine,  tous  les  éléments,  unis  par  l'Amour,  for- 
maient une  masse  homogène  appelée  le  spherus.  La  Dis- 
corde y  pénètre  et  sépare  les  éléments  les  uns  des  autres  : 
le  philosophe  paraît  n'avoir  pas  insisté  beaucoup  sur  cette 
partie  de  son  système.  Puis,  après  cette  période  de  disso- 
lution, l'Amour  pénètre  de  nouveau  dans  le  monde  et  re- 
prend à  la  Discorde  les  éléments  dissociés.  Il  se  produit 
d'abord  en  un  point  (soit  par  l'action  de  l'Amour,  soit  à 
la  suite  d'une  rupture  d'équihbre  entre  le  feu  et  l'air,  si 
bien  que  le  commencement  du  monde  serait  le  résultat 
final  des  mouvements  désordonnés  imprimés  au  tout  par  la 
Discorde)  un  mouvement  tourbillonnant  en  vertu  duquel 
une  partie  des  substances  sont  mélangées  :  la  Discorde  se 
trouve  repoussée  au  dehors.  Le  tourbillon,  d'abord  très 
lent,  s'étend  sans  cesse  davantage  ;  les  substances  séparées 
sont  attirées  par  le  mélange  primitif  ;  la  Discorde  est  de 
plus  en  plus  chassée  vers  l'extérieur.  Ainsi  se  forme  le 
monde,  qui  doit  périr  de  nouveau  lorsque,  après  l'unifi- 
cation complète,  il  sera  revenu  à  l'état  primitif  du  spherus. 
Du  tourbillon  primitif  s'est  dégagé  d'abord  l'air,  puis 
le  feu,  qui  a  repoussé  l'air  sous  la  terre,  et  occupé  la 
moitié  de  la  sphère.  La  sphère  céleste,  mise  en  mouvement 
par  la  pression  du  feu,  se  compose  ainsi  de  deux  hémi- 
sphères, l'un  lumineux,  l'autre  obscur  :  il  fait  jour  quand 
la  moitié  ignée  est  en  haut,  nuit  quand  elle  est  en  bas. 
Le  soleil  est  comme  un  corps  vitreux,  à  peu  près  aussi 
gros  que  la  terre,  réunissant,  comme  dans  un  miroir  ardent, 
les  rayons  de  feu  répandus  dans  rhémisphère  igné.  La 
lune,  iprovenant  d'une  matière  cristalline  faite  d'air  durci, 
a  la  forme  d'un  disque.  Enfin  les  plantes  et  les  animaux 
sortent  d'abord  isolément  de  la  terre.  Le  mouvement  les 
rapproche;  mais,  comme  le  hasard  seul  préside  à  cette 
opération,  il  se  forme  d'abord  une  multitude  de  créatures 
monstrueuses  qui  ne  vivent  pas  parce  qu'elles  ne  sont  pas 
viables.  Après  un  grand  nombre  de  tâtonnements  appa- 
raissent enfin  des  êtres  harmoniques,  appropriés  au  milieu 
dans  lequel  ils  doivent  vivre  ;  c'est,  au  fond,  l'idée  à 
laquelle  le  darwinisme  devait  donner,  de  nos  jours,  un  si 
grand  développement.  Empédocle  paraît  avoir  étudié  atten- 
tivement tous  les  problèmes  de  la  vie  organique,  depuis  la 
génération  jusqu'à  la  sensation.  H  expliquait  cette  dernière 
par  le  principe  que  le  semblable  seul  agit  sur  le  semblable. 
Nous  connaissons  l'air  extérieur  par  l'air  qui  est  en  nous, 
et  le  feu  par  le  feu.  La  faculté  de  penser  est  formée  par 


—  945  — 


EMPEDOCLE  —  EMPHASE 


le  mélange  étroit  qui  se  fait  surtout  dans  le  cœur,  mais 
aussi  dans  toutes  les  parties  du  corps,  entre  les  quatre  élé- 
ments dont  nous  sommes  composés.  Plus  le  mélange  est 
intime,  plus  le  sens  et  Tesprit  sont  pénétrants.  Sans  bien 
s'expliquer  sur  ce  point,  le  philosophe  fait  une  différence 
entre  la  connaissance  sensible  et  la  connaissance  intellec- 
tuelle. Comme  Parménide,  il  se  défie  de  la  première,  lui 
refuse  toute  créance  et  veut  connaître  la  vérité  à  l'aide  de 
la  seule  intelligence. 

Nous  trouvons  encore  chez  Empédocle  des  théories  reli- 
gieuses, très  essentielles  à  ses  yeux,  mais  qui  n'ont  aucun 
rapport  assignable  avec  son  système.  Telle  est  la  doctrine 
de  la  transmission  des  âmes,  empruntée  sans  doute  à  Py- 
thagore.  Dans  des  vers  que  nous  avons  conservés,  Empé- 
docle déclare  se  souvenir  de  son  existence  passée  dans  le 
ciel  :  il  a  été  précipité  sur  la  terre  ;  mais  il  sait  que  les 
hommes  pieux  doivent  retourner  vers  les  dieux.  Dans  leurs 
transmigrations,  les  démons  réprouvés  entrent,  suivant  le 
degré  de  leurs  fautes,  dans  des  corps  d'animaux  ou  même 
de  végétaux.  A  cette  théorie  se  rattache  la  défense  de 
manger  la  chair  des  animaux  et  de  les  tuer  ;  ces  deux 
actes  sont  aussi  criminels  aux  yeux  d'Empédocle  que  de 
tuer  les  hommes  et  de  se  nourrir  de  leur  chair.  Enfin  le 
philosophe  parle  de  la  divinité  tantôt  d'Une  manière  popu- 
laire, tantôt  en  des  termes  qui  rappellent  le  langage  de 
Xénophane  :  il  obéit  visiblement  à  la  préoccupation  de 
combattre  les  idées  fausses  et  d'épurer  la  religion  popu- 
laire. Victor  Brochard. 

BiBL.  :  Sturz,  Empedocles  Agrigentinus  ;  Leipzig,  1805. 
—  Karsten,  Emp.  Agrig.  Carm.  ;  Amsterdam,  1838.  — 
Stein,  Emped.  Agrig.  Fragm.  ;  Bonn,  1842.  — Bergk,  De 
Proœm  Emped.  ;  Berlin,  1839.  —  Mullach,  De  Emped. 
proœm.  ;  Berlin,  1850.  —  Quœstion.  Emped.  spec.  secund.; 
Berlin,  1852.  —  P.  Tannery,  Pour  VHist.  de  la  science 
/leWéne,-  Paris,  1887. 

EMPEDOCLES  (Paléont.).  Cope  a  désigné  sous  ce  nom 
un  reptile  du  terrain  permien  du  Texas,  qui  a  de  {petits 
intercentraux  ;  l'hyposphène  est  bien  développé,  ainsi  que 
le  hypantrum  ;  la  zygapophyse  est  élevée  ;  l'expansion  de 
la  diapophyse  et  de  la  zygapophyse  postérieure  donne  à 
la  partie  postérieure  de  la  vertèbre  un  aspect  particulier  ; 
l'épine  neurale  est  très  robuste.  E.  Sauvage. 

BiBL.  :  Cope,  American  Philos.  Society,  1876. 
EMPEIGNE  (Cordon.).  Cuir  ou  étoffe  qui  forme  le  des- 
sus de  la  chaussure  depuis  le  cou-de-pied  jusqu'à  la  pointe 
(V.  Cordonnerie). 

EMPENNELA6E  (Mar.).  Lorsque  l'on  craint  qu'une 
ancre  ne  tienne  pas  assez  solidement  au  fond,  on  augmente 
sa  tenue  avant  de  la  mouiller  en  l'empennelant,  opération  qui 
consiste  à  attacher  à  la  jointure  des  pattes  et  de  la  verge  de 
la  première  ancre  une  forte  corde  qui,  par  son  autre  extré- 
mité, est  passée  dans  la  boucle  d'une  ancre  un  peu  plus 
faible.  Il  en  résulte  que,  pour  que  la  première  ancre  une  fois 
au  fond  puisse  traîner,  ou  chasser  suivant  l'expression 
consacrée,  il  faut  qu'elle  commence  par  déplacer  la  seconde  ; 
d'où  augmentation  énorme  de  résistance  de  tout  le  système. 
D'autant  que  l'effort  s'exerçant  horizontalement,  il  faut  une 
traction  considérable  pour  faire  mouvoir  la  deuxième  ancre. 
Quand  on  mouille  dans  ces  conditions,  le  navire  garde  de 
la  vitesse,  laisse  tomber  d'abord  la  plus  petite  ancre, 
élonge  bien  son  amarre,  puis  mouille  enfin  la  grosse,  sous 
laquelle  il  file  la  quantité  de  chaîne  voulue,  ordinairement 
trois  fois  la  hauteur  du  fond  donnée  par  la  sonde. 

EMPENOIR  (Menuis.).  Ciseau  recourbé  par  ses  deux 
extrémités  qui  sont  tranchantes,  mais  en  sens  inverse  et 
qui  sert  aux  menuisiers  pour  faire  les  entailles  destinées 
à  recevoir  les  serrures. 

EMPEREUR.  I.  Histoire  romaine.  —  Le  titre  d'em- 
pereur, imperator,  remonte  aux  temps  les  plus  anciens 
de  l'Etat  romain.  On  désignait  de  ce  nom  celui  qui  com- 
mandait en  chef  une  armée  romaine,  qui  avait  sur  elle 
Vimperium,  c.-à-d.  l'autorité  suprême.  Ce  n'était  d'ailleurs 
qu'un  titre  honorifique,  et  qui  n'avait  pas  sa  place  dans  la 
langue  officielle.  C'était  surtout,  semble-t-il,  une  expres- 
sion littéraire,  ou  peut-être  aussi  une  appellation  d'un 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —   XV. 


caractère  religieux  et  archaïque.  Plus  tard,  au  temps  de  la 
deuxième  guerre  punique,  on  prit  l'habitude  de  conférer  ce 
titre  au  général  en  chef,  après  sa  première  grande  victoire.  Le 
Sénat  le  lui  décernait  comme  un  titre  d'honneur;  souvent 
même,  les  soldats  proclamaient  de  leur  propre  initiative 
leur  chef  victorieux  imper ator  sur  le  champ  de  bataille.  Le 
premier  général  romain  (jui  fut  ainsi  appelé  paraît  avoir  été 
le  premier  Scipion  Africain.  Le  général  ainsi  honoré  por- 
tait ce  titre  dans  les  cérémonies  publiques  et  le  faisait 
graver  sur  les  inscriptions.  Il  pouvait  le  recevoir  plusieurs 
fois,  s'il  remportait  plusieurs  victoires.  Il  s'appelait  ainsi 
imper  ator.,  ou  imper  ator  II,  «  empereur  pour  la  seconde 
fois  »,  Cet  usage  persista  et  devint  un  des  fondements  du 
régime  impérial.  Jules  César  porta  le  titre  d' imper  ator 
d'une  manière  continue,  sans  qu'il  soit  possible  de  dire  s'il 
le  considéra  comme  un  simple  titre  d'honneur  ou  comme  la 
formule  d'un  pouvoir  suprême.  Toutefois,  il  est  à  remar- 
quer qu'il  le  mit  d'ordinaire  immédiatement  après  ses  noms 
propres  et  qu'il  le  rendit  inséparable  de  ses  qualifications 
oflîcielles.  Octave  prit  le  titre  àHmperator  dès  l'année  40. 
Il  en  modifia  seulement  l'usage.  Il  le  mit  toujours  en  tête 
de  tous  ses  noms,  comme  si  imperator  était  une  sorte  de 
prénom,  s'appelant  ainsi  :  Imperator  Cœsar  Divi  Julii 
filius.  Dès  lors  on  s'habitua  à  considérer  le  titre  dHmpe- 
rator  comme  une  espèce  de  prénom  héréditaire  et  perma- 
nent des  chefs  de  l'Etat,  et  on  disait  couramment  prœno- 
men  imperatoris.  Il  persista  comme  tel  autant  que  le 
régime  monarchique  lui-même.  Dans  l'empire  oriental,  on 
traduisit  imperator  par  auioxpaxcop.  A  côté  de  cela,  l'an- 
cien usage  de  décerner  le  titre  d'imperator  après  chaque 
victoire  subsista.  Il  subsista  d'abord  pour  les  simples 
généraux,  d'ailleurs  pour  peu  de  temps,  et,  à  partir  de 
l'an  22  de  notre  ère,  il  n'y  eut  plus  d'autre  salutation  im- 
périale que  celle  de  l'empereur.  Il  subsista  surtout  pour 
l'empereur.  Indépendamment  de  son  prœnomen  d'empe- 
reur, il  prit  encore  ce  titre  d'zm/?^m^or  dans  le  courant  de 
ses  appellations  officielles  ;  il  le  prit  après  sa  première  vic- 
toire, et  il  le  fit  suivre  d'autant  de  chiffres  qu'il  avait  rem- 
porté de  triomphes,  lui  et  les  généraux  qui  combattaient  sous 
ses  auspices.  On  disait  par  exemple  Imperator  Cœsar 
Trajanus  imperator  III ,  après  la  troisième  victoire  rem- 
portée par  Trajan.  Bien  que  ni  l'un  ni  l'autre  de  ces  deux 
titres  dHmperator  ne  comportât  véritablement  l'exercice 
d'une  autorité  supérieure,  et  qu'ils  fussent  essentiellement 
honorifiques,  on  s'habitua  cependant  à  appeler  le  chef  de 
l'Etat  du  nom  dHmperator,  Tout  d'abord  il  n'y  eut  que 
les  soldats  qui  le  nommèrent  ainsi.  Les  écrivains  du 
i^^  siècle  ne  l'appellent  imperator  que  lorsqu'il  s'agit 
d'affaires  militaires.  Tibère  affectait  de  dire  qu'il  n'était 
Vimperator  que  pour  les  soldats,  et  qu'il  était  seulement 
leprinceps,  le  premier  des  citoyens;  mais,  à  partir  du 
II®  siècle,  tout  le  monde  appela  couramment  imperator 
le  chef  de  l'Etat;  et  c'est  de  là  qu'est  venu  chez  les  anciens 
et  chez  nous  l'usage  du  titre  d'empereur  et  de  régime  im- 
périal pour  désigner  une  monarchie  absolue  fondée  sur  la 
puissance  militaire.  Le  titre  disparut  en  Occident  en  l'an 
476.  Charlemagne  le  fit  reparaître  en  800,  en  se  faisant 
proclamer  à  Rome  Imperator  Augustus.    C.  Jullian. 

[I.  Histoire  moderne  (V.  Empire). 

BiBL.  :  V.  surtout  les  exposés  lumineux  de  Mommsen 
dans  son  Droit  public 

EMPEREUR,  graveur  français  (V.  Lémpereur). 

EMPHASE  (Rhét.).  Ce  mot,  gui  vient  dugrec'ejx^aaiç, 
démonstration,  signification,  désigne  la  propriété  de  cer- 
tains termes  de  faire  comprendre  plus  qu'ils  n'expriment 
directement.  Ainsi,  lorsque  Virgile  dit  du  Cyclope  :  jacuit 
per  antrum  immensum^  il  donne  indirectement  la  mesure 
du  géant  lui-même.  Même  dans  certains  cas  l'écrivain  sug- 
gère ainsi  une  idée  qui  n'est  aucunement  exprimée.  Par 
exemple  Cicéron,  dans  le  Pro  Ligario,  dit  à  César  :  «  Si 
dans  une  si  grande  fortune  tu  ne  montrais  une  si  grande 
bonté  par  toi-même,  oui  par  toi-même,  je  sais  ce  que  je 
veux  dire.  »  Sans  prononcer  le  mot,  il  donne  à  entendre 

60 


EMPHASE  -  EMPHYSÈME 


946 


que  l'on  accuserait  César  de  cruauté.  Quintilien  fait  remar- 
quer que  Temphase  est  dans  la  nature  et  se  trouve  dans  les 
locutions  les  plus  familières  :  «  Il  faut  être  homme. 
Celui-là  est  un  homme.  Il  faut  vivre.  »  Dans  ce  cas  la  pro- 
nonciation donne  au  mot  toute  sa  valeur  ;  elle  est  empha- 
tique. Ce  même  auteur  place  l'emphase  parmi  les  figures 
de  pensée  ;  il  y  a  emphase,  dit-il,  lorsque  d'une  phrase  on 
tire  un  sens  caché  ;  par  exemple,  lorsque  Didon  s'écrie  : 
Non  licuit  thalami  expertem  sine  crimine  vitam 
Degere  more  ferœ. 
Quoiqu'elle  se  plaigne  du  mariage,  elle  donne  à  entendre 
sa  pensée  secrète,  que  la  vie  sans  lui  n'a  plus  rien  d'hu- 
main. Dans  un  sens  un  peu  différent,  l'emphase  désigne 
l'exagération  prétentieuse  du  langage;  le  style  est  empha- 
tique comme  la  voix  lorsqu'ils  soulignent  à  l'excès;  le  mot 
emphase  devient  alors  synonyme  d'enflure.         A.  W. 

EMPHYSÈM  E. I.  Médecine. -—L'emphysèmepulmonaire, 
alvéolaire  ou  vésiculaire  est  une  affection  particulière  du 
poumon  qui  consiste  dans  la  dilatation  anormale  des  alvéoles 
de  cet  organe.  Celle-ci  est  habituellement  le  résultat  d'une 
distension  forcée  du  tissu  pulmonaire.  On  l'observe  chez  les 
vieux  tousseurs,  ainsi  que  chez  les  malades  atteints  de 
coqueluche,  de  bronchite  chronique  ou  de  bronchite  capil- 
laire.  Cet  emphysème  est  dit  pathologique  par  opposition 
avec  l'emphysème  accidentel  qui  se  rencontre  chez  les 
individus  adonnés  à  des  professions  pénibles.  Le  mécanisme 
de  l'effort  explique  ici  la  production  de  l'emphysème.  Pour 
que  cet  acte  puisse  se  produire,  il  faut  en  effet  que  les 
muscles  qui  doivent  entrer  en  jeu  trouvent  un  solide  point 
d'appui  sur  le  thorax  ;  or,  pour  cela,  il  est  nécessaire  que 
le  poumon  se  dilate  largement  et  que  les  lèvres  de  la  glotte 
rapprochées  empêchent  la  sortie  de  l'air  introduit.  Il  existe 
donc  à  ce  moment  une  tension  excessive  des  alvéoles,  et  l'on 
s'explique  que  celles-ci  finissent  pas  se  dilater  à  la  longue, 
pour  peu  que  la  résistance  du  tissu  pulmonaire  ne  soit  pas 
normale.  La  dyspnée  ou  gêne  de  la  respiration,  le  change- 
ment de  forme  de  la  poitrine,  les  modifications  dans  les 
phénomènes  de  percussion  ou  d'auscultation,  les  tro^ubles 
consécutifs  du  système   circulatoire  sont  les  principaux 
symptômes  de  Temphysème  pulmonaire.  La  gêne  de  la 
respiration  est  l'un  des  signes  les  plus  évidents  de  l'emphy- 
sème ;  elle  s'explique  parole  rétrécissement  du  champ  res- 
piratoire qui  résulte  de  l'atrophie  du  tissu  pulmonaire,  de 
l'oblitération  d'une  partie  des  capillaires  et  de  la  perte 
d'élasticité  de  l'organe.  Cette  dyspnée  est  presque  caractéris- 
tique de  l'emphysème  ;  on  voit  le  malade  respirant  plus 
vite,  avec  peine,  d'une  façon  superficielle  et  dans  une  atti- 
tude très  particulière,  nécessitée  par  le  fonctionnement 
actif  des  muscles  auxiliaires  du  thorax.  La  déformation  de 
la  poitrine,  à  la  période  d'état  de  l'emphysème  est,  après 
la  dyspnée,  le  symptôme  le  plus  caractéristique  delà  maladie. 
Dans  les  cas  intenses,  la  poitrine  se  trouve  soulevée  par  en 
haut,  élargie  par  en  bas,  en  même  temps  que  les  espaces 
intercostaux  se  trouvent  agrandis  et  quelque  peu  bombés. 
Dans  les  formes  moins  marquées,  la  déformation  est  limitée 
au  siège  du  mal,  et,  comme  c'est  habituellement  par  la 
partie  supérieure  du  poumon  que  commence  l'emphysème, 
c'est  à  ce  niveau  que  se  montrent  les  signes  dus  à  l'ectasie 
pulmonaire,  signes  qui  se  manifestent  ici  par  l'effacement 
de  la  saillie  de  la  clavicule  ainsi  que  par  la  disparition  con- 
nexe des  creux  sus  et  sous-claviculaires.  Si  l'on  percute  la 
poitrine,  on  trouve  une  exagération  de  la  sonorité  au  niveau 
des  parties  du  poumon  qui  sont  modérément  distendues  par 
l'emphysème  ;  le  son  est  au  contraire  étouffé  et  presque 
mort  lorsque  la  distension  des  alvéoles  est  très  marquée. 
Dans  les  deux  cas,  mais  particulièrement  dans  le  dernier,  la 
zone  de  sonorité  se  trouve  en  outre  augmentée  par  suite  de 
l'abaissement  du  diaphragme.  Les  bruits  perçus  à  l'auscul- 
tation varient  suivant  que  l'emphysème  se  trouve  ou  non 
compliqué  de  bronchite  chronique.  Dans  le  dernier  cas,  qui 
est  l'exception,  l'inspiration  est  brève  et  presque  sifflante, 
l'expiration  rude  et  prolongée.  Le  murmure  vésiculaire  est 
affaibli  ou  même  absent.  Les  vibrations  de  la  voix  se  pro- 


pagent enfin  moins  bien  à  la  cage  thoracique  qu'à  l'état 
normal.  L'emphysème  est-il  accompagné  de  bronchite  chro- 
nique ?  on  perçoit  également  les  bruits  précédents,  mais 
associés  à  des  sibilances,  des  ronflements  et  des  râles  dus 
à  l'élément  inflammatoire  (V.  Bronchite).  Ces  symptômes 
ont  pour  cortège  habituel  la  toux  et  l'expectoration.  Les 
troubles  circulatoires  ^ui  complètent  la  symptomatologie 
de  l'emphysème  alvéolaire  sont  la  conséquence  de  l'atrophie 
du  tissu  pulmonaire  et  de  la  destruction  d'une  partie  de 
ses  capillaires.  La  partie  droite  du  cœur  éprouvant  une  plus 
grande  difficulté  pour  faire  pénétrer  le  sang  veineux  dans 
le  poumon,  il  se  produit  peu  à  peu  une  dilatation  de  cet 
organe,  puis  une  insuffisance  des  valvules.  Le  cœur  réagit 
bien  un  certain  temps  par  suite  d'une  hypertrophie  com- 
pensatrice, mais  comme  cette  compensation  arrive  souvent 
à  être  insuffisante  avec  les  progrès  de  la  maladie,  l'em- 
physémateux finit  assez  souvent  par  succomber  avec  tous 
les  signes  des  affections  organicjues  du  cœur  à  leur  période 
terminale.  L'emphysème  est  loin  cependant  d'aboutir  d*une 
façon  régulière  à  une  terminaison  aussi  funeste.  Les  formes 
légères,  qui  sont  fréquentes,  n'ont  presque  pas  de  reten- 
tissement sur  l'ensemble  de  l'économie  ;  c'est  à  peine  si  le 
sujet  est  essoufflé  après  la  marche  ou  un  effort  un  peu  pro- 
longé. L^emphysème  compliqué  de  la  bronchite  est  plus  sé- 
rieux, mais  il  peut  durer  de  longues  années  sans  gêner  le 
sujet  qui  en  est  atteint  outre  mesure.  La  mort,  lorsqu'elle 
survient  du  fait  de  la  maladie,  résulte  soit  de  la  brusque 
rupture  des  alvéoles  et  de  la  formation  d'un  emphysème 
interlobulaire  ou  sous-pleural  (V.  plus  bas),  soit  des  com- 
plications cardiaques,  soit  encore  de  l'asphyxie  lente  qui  est 
la  conséquence  du  catarrhe  chronique.  —  Le  diagnostic 
de  l'emphysème  est  assez  facile  ;  il  n^est  guère  nécessaire 
d'y  insister  ;  il  n'y  a  que  dans  les  formes  légères  que  la 
maladie  pourrait  être  méconnue,  mais,  [comme  ces  cas-là 
sont  sans  gravité,  cela  n'a  pas  grande  importance.  L'em- 
physème compliqué  de  bronchite  doit  être   traité  de  la 
même  façon  que  les  bronchites  (V.  ce  mot);  on  doit  cepen- 
dant insister  plus  particulièrement  sur  les  calmants,  les 
quintes  de  toux  favorisant  le  développement  de  l'emphy- 
sème. Conti'e  la  lésion  elle-même,  on  a  préconisé  la  strych- 
nine et  les  arsenicaux,  mais  leur  action  est  sujette  à 
contestation.  Les  bains  d'air  comprimé  ou  les  inhalations 
d'oxygène  ont  une  action  d'autant  plus  réelle  qu'ils  sup- 
pléent à  l'insuffisance  de  la  surface  respiratoire  et  relèvent 
l'ensemble  de  l'économie.  On  a  conseillé  dernièrement  d'ap- 
pliquer sur  le  haut  de  la  poitrine  du  malade  un  bandage 
double  destiné  à  faciliter  l'expiration.  Il  n'est  pas  prouvé 
que  cet  appareil  ait  une  influence  bien  marquée  sur  la 
marche  de  la  maladie,  mais  il  soulage  tout  au  moins  certains 
emphysémateux. 

L'emphysème  interlobulaire  ou  sous-pleural  est  cons- 
titué par  la  présence  de  l'air  dans  le  tissu  interlobulaire 
ou  sous-pleural.  Cette  variété  d'emphysème  se  produit  ha- 
bituellement à  la  suite  d'un  effort  de  voix  ou  d'une  quinte 
de  toux  ;  circonscrit,  Temphysème  interlobulaire  ne  donne 
pas  lieu  à  des  symptômes  particuliers  ^  et  passe  inaperçu. 
Etendu,  il  produit  une  gêne  respiratoire  considérable  et 
peut  même  amener  la  mort.  Cet  état  est  au-dessus  des  res- 
sources de  la  thérapeutique. 

II.  Chirurgie.  —  L'emphysème  chirurgical  est  cons- 
titué par  un  épanchement  gazeux  dans  l'épaisseur  du  tissu 
cellulaire.  L'emphysème  est  dit  spontané  ou  faux  lorsque 
les  gaz  qui  se  trouvent  dans  le  tissu  cellulaire  se  sont 
développés  spontanément  ;  il  est  dit  traumatique  ou  vrai 
lorsque  la  pénétration  gazeuse  s'est  opérée  à  la  suite  d'un 
traumatisme.  L'emphysème  spontané  est  assez  rare,  et 
sa  pathogénie  est  loin  d'être  élucidée  ;  il  est  habituelle- 
ment la  conséquence  d'un  violent  traumatisme  et  est  sou- 
vent suivi  de  gangrène.  L'emphysème  vrai  provient  soit 
d'une  plaie  des  téguments,  soit  de  la  communication  anor- 
male d'un  viscère  avec  le  tissu  cellulaire  sous-cutané. 
L'emphysème  consécutif  à  une  plaie  est  rare  ;  il  faut  en 
effet  que  l'air  soit  poussé  avec  force  par  la  solution  de 


947 


EMPHYSÈME  -  EMPHYTÉOSÉ 


continuité,  et  que  Touverture  soit  assez  étroite  pour  em- 
pêcher la  sortie  immédiate  de  l'air  introduit.  Les  bouchers 
qui  insufflent  les  animaux  pour  en  enlever  la  peau  ont 
soin  de  réaliser  ces  deux  conditions.  Il  en  est  de  même  des 
simulateurs  qui  emploient  assez  souvent  ce  moyen  fort 
simple  pour  paraître  atteints  d'une  infirmité  qui  a  au 
moins  le  mérite  d'être  aussi  facile  à  créer  qu'à  faire  dispa- 
raître. L'emphysème  qui  résulte  de  l'ouverture  d'une  ca- 
vité viscérale  est  le  plus  fréquent.  Il  peut  s'observer  à  la 
suite  d'une  plaie  des  fosses  nasales,  des  sinus  de  la  face, 
du  larynx,  de  la  trachée,  des  bronches,  des  poumons  ou 
de  l'intestin.  L'air  ou  les  gaz  contenus  dans  ces  organes 
se  trouvent  en  effet  soumis  à  une  pression  plus  forte  dans 
certains  actes  tels  que  l'effort,  la  toux,  le  cri,  l'expiration  ; 
aussi  peuvent-ils  pénétrer  peu  à  peu  dans  le  tissu  cellu- 
laire à  travers  l'orifice  accidentel.  Cette  variété  d'emphy- 
sème s'observe  surtout  dans  les  plaies  de  la  face  et  plus 
encore  dans  les  fractures  de  côte  avec  perforation  du  pou- 
mon. L'emphysème  peut  être  locahsé  ou  généralisé  ;  dans 
le  premier  cas,  le  tissu  cellulaire  distendu  par  les  gaz  se 
présente  sous  l'aspect  d'une  tumeur  blanche,  molle,  indo- 
lente, sonore,  s'affaissant  à  la  pression,  et  donnant  lieu  à 
une  sensation  particulière  de  crépitation  dite  crépitation 
emphysémateuse.  Cette  sensation  peut  assez  bien  se 
comparer  à  celle  que  donne  la  neige  écrasée  entre  les 
doigts.  Si  l'emphysème  est  généralisé,  le  corps  tout  en- 
tier se  trouve  déformé  d'une  façon  plus  singulière.  Toute 
dépression  normale  s'effaçant,  le  tronc  s'arrondit,  les 
membres  deviennent  cylindriques,  la  face  elle-même  toute 
bouffie  n'est  plus  connaissable.  C'est  dans  ces  cas  excep- 
tionnels que  la  mort  est  possible  tant  par  suite  de  la  gêne 
qu'éprouve  le  malade  à  respirer  que  par  l'existence  des 
lésions  qui  accompagnent  presque  toujours  un  état  aussi 
grave.  L'emphysème  circonscrit  est  ordinairement  bénin  ; 
les  gaz  épanchés  se  résorbent  peu  à  peu  sans  difficulté. 
L'emphysème  spontané  est  le  plus  souvent  mortel.  Le 
traitement  de  l'emphysème  doit  viser  d'abord  à  faire  ces- 
ser la  cause  déterminante  de  l'épanchement  gazeux,  à  faire 
disparaître  ensuite  les  gaz  existants.  On  atteint  le  premier 
résultat  en  empêchant  certains  mouvements,  en  retar- 
dant l'occlusion  de  la  plaie,  en  débridant  même  quelque- 
fois celle-ci.  Le  deuxième  effet  est  obtenu  par  des  fric- 
tions ou  des  compressions  méthodiques,  au  besoin  par  des 
mouchetures  ou  des  incisions.  L'emphysème  spontané  né- 
cessite souvent  l'amputation  immédiate.  On  doit  dans  tous 
les  cas  recourir  aux  toniques  et  aux  excitants  dans  le  but 
de  relever  l'état  général.  D^  Alphandéry. 

III.  Art  vétérinaire.  —  Nom  donné  à  un  état  pathologique 
caractérisé  par  l'infiltration  de  l'air  ou  de  fluides  gazeux 
dans  le  tissu  cellulaire  sous-cutané  ou  viscéral.  Sous-cu- 
tané, l'emphysème  succède  généralement  à  une  lésion  trau- 
matique  dont  il  est  la  conséquence  immédiate  ou  éloignée, 
et  sa  gravité  varie  suivant  la  nature  des  gaz  qui  le  pro- 
duisent ;  si  ces  gaz  sont  méphitiques  et  le  produit  d'une 
plaie  gangreneuse,  il  est  grave  ;  s'il  provient  de  l'air  at- 
mosphérique, il  est  généralement  sans  gravité,  alors  même 
qu'il  est  diffus  et  répandu  sur  une  grande  surface.  L'em- 
physème viscéral  ne  se  remarque  guère,  en  vétérinaire, 
que  dans  le  poumon  du  cheval,  dont  il  envahit  le  tissu 
cellulaire  interlobulaire  et  dont  il  dilate  anormalement  les 
vésicules.  L'emphysème  des  poumons  est  fréquent  chez 
le  cheval,  surtout  sur  les  chevaux  utilisés  aux  allures 
vives  ou  qui,  soumis  aux  allures  lentes,  sont  obligés  de 
faire  des  efforts  considérables  de  traction.  L'emphysème 
pulmonaire  débute  lentement,  et  dès  que  ses  premiers  symp- 
tômes apparaissent  par  des  signes  visibles,  ces  signes  ne 
sont  pas  les  indices  du  début  du  mal  mais  bien  de  la  vaste 
extension  qu'il  a  prise.  Il  se  traduit  alors  par  une  irré- 
gularité dans  les  phénomènes  mécaniques  de  la  respiration, 
irrégularité  consistant  dans  une  certaine  interruption  du 
mouvement  respiratoire  examiné  au  flanc.  S'il  y  a  em- 
physème, un  temps  d'arrêt  se  produit  dans  le  mouvement 
expirateur,  après  quoi  il  se  continue  et  s'achève.  Lorsque 


les  altérations  produites  par  l'emphysème  ont  envahi  la 
totalité  des  poumons,  elles  se  caractérisent  par  un  mou- 
vement beaucoup  plus  accusé  des  mouvements  respira- 
toires. La  poitrine  alors  est  violemment  soulevée  non  seu- 
lement dans  la  région  des  flancs,  mais  dans  tous  les 
muscles  qui  concourent  aux  actes  mécaniques  de  la  respi- 
ration. A  l'auscultation  des  chevaux  emphysémateux, 
l'oreille  perçoit  dans  la  poitrine  différents  bruits  anor- 
maux :  bruits  de  souffle,  bruits  de  frottement,  râle  crépi- 
tant sec.  L'emphysème  pulmonaire  est  une  maladie  d'une 
extrême  gravité.  On  le  traite  par  le  repos,  un  régime  vert, 
des  boissons  rafraîchissantes,  l'acide  arsénieux  à  la  dose 
de  1  ou  2  grammes  par  jour,  mais  la  plupart  du  temps 
sans  parvenir  à  le  guérir.  D'après  la  loi  du  2  août  4884, 
l'emphysème  pulmonaire  est  rangé  au  nombre  des  vices 
rédhibitoires  avec  neuf  jours  de  garantie.     L.  Garnier. 

EMPHYTÉOSÉ.  I.  Droit  grec.  —  On  ne  sait  pas  à  quelle 
époque  les  Grecs  ont  commencé  de  pratiquer  l'emphytéose.  Il 
faut  descendre  assez  bas  pour  en  saisir  la  trace  dans  les  au- 
teurs ;  mais  une  inscription  prouve  qu'elle  était  en  vigueur 
dès  le  v^  siècle  av.  J.-C.  On  ignore  d'ailleurs  si  à  ce  moment- 
là  elle  était  déjà  ancienne  ou  d'institution  récente.  La  plupart 
des  baux  emphytéotiques  que  nous  possédons  concernent 
des  terres  qui  appartenaient  à  une  cité,  un  temple  ou  une 
association.  Quelques-uns  laissent  dans  le  vague  le  caractère 
véritable  du  bailleur.  Mais  on  peut  affirmer  que  celui-ci  était 
toujours  une  personne  morale,  un  être  collectif  destiné  à  vivre 
éternellement.  Il  n'y  a  guère  qu'une  exception  à  cette  règle 
(Dittenberger,  Sylloge  inscr.  Grœcar.,  114)  ;  mais  le  docu- 
ment dont  il  s'agit  provient  de  l'Asie  Mineure  et  est  daté 
du  règne  d'Alexandre.  Les  Romains  ont  emprunté  aux 
Grecs  le  mot  emphytéose,  mais  on  ne  remarque  pas  que 
les  Grecs  s'en  soient  jamais  servi,  du  moins  à  l'époque  de 
leur  indépendance.  Ils  emploient  des  locutions  comme  àsv- 
jyawç,  ou  elç  tov  a^avra  ip6'/ov^  ou  elç  Tca-upi/a,  ou  encore 
xaià  (3iou.  Dans  tous  ces  cas,  la  concession  est  perpétuelle. 
L'emphytéote  n'est  pas  complètement  assimilé  à  un  proprié- 
taire. Le  contrat  d'Héraclée  lui  refuse  la  faculté  de  vendre  ou 
d'hypothéquer.  Cette  défense  figure  aussi  dans  un  contrat  de 
Mylasa.  Ici  même,  on  va  plus  loin,  et  on  prohibe  toute  ces- 
sion gratuite  du  fonds.  Les  autres  contrats  se  montrent, 
en  général,  moins  rigoureux  et  permettent  au  fermier  de 
faire  abandon  de  son  bien,  mais  sous  certaines  conditions. 
Il  ne  peut,  par  exemple,  le  diviser  en  plusieurs  lots  ;  il  ne 
peut  pas  non  plus  modifier  les  clauses  du  bail  primitif  ni 
stipuler  pour  lui-même  le  moindre  avantage.  Il  semble  enfin 
qu'il  n'ait  pas  le  droit  de  sous-louer.  Trois  sortes  d'obli- 
gations pèsent  sur  l'emphytéote  :  1°  il  paye  une  redevance 
annuelle,  soit  en  argent,  soit  en  nature.  Le  taux  de  cette 
rente  n'est  jamais  élevé  ;  il  est  surtout  plus  faible  que  dans 
les  fermages  temporaires,  et  il  demeure  invariable  pendant 
toute  la  durée  du  bail  ;  2°  le  fermier  acquitte  l'impôt  fon- 
cier ;  30  il  est  tenu  d'exploiter  sa  terre  de  telle  manière 
qu'au  lieu  de  dépérir  elle  s'améliore  entre  ses  mains.  Parfois 
on  entre  à  cet  égard  dans  les  plus  grands  détails.  Ainsi 
le  contrat  d'Amorgos  interdit  l'élève  du  bétail  ;  il  parle  d'un 
mur  de  clôture  à  réparer  et  d'un  autre  mur  à  bâtir  au- 
dessus  de  la  cave;  il  détermine  à  quel  moment  les  vignes 
seront  travaillées,  quelle  quantité  de  fumier  il  faudra 
répandre  sur  le  sol,  combien  il  faudra  chaque  année  plan- 
ter de  pieds  de  vigne  et  de  figuiers.  Le  contrat  d'Héraclée 
est  encore  plus  explicite. 

Des  précautions  étaient  prises  pour  garantir  les  droits 
respectifs  des  parties.  Si  le  fermier  ne  payait  pas  sa  rente 
au  terme  prescrit,  elle  était  tantôt  doublée,  tantôt  augmentée 
de  moitié.  Dans  quelques  villes,  le  bail  était  aussitôt  annulé  ; 
dans  d'autres,  il  fallait  que  le  ferm.ier  eût  été  insolvable 
deux  ans  de  suite.  La  terre  était  alors  remise  en  location 
sur  le  même  pied  que  précédemment.  Qu'arrivait-il  si  à  ce 
prix  elle  ne  trouvait  point  preneur  ?  Un  seul  texte  nous  le 
dit,  et  il  n'est  pas  sûr  que  cette  règle  existât  partout.  En 
pareil  cas,  on  avait  coutume  à  Héraclée  de  faire  payer  pen- 
dant cinq  ans  par  le  fermier  évincé  la  différence  entre  l'an- 


EWPHYTÉOSE 


—  948  — 


cienne  redevance  et  la  nouvelle.  On  n'était  pas  moins  atten- 
tif  à  punir  les  autres  violations  du  contrat.  Le  bail  du  Firee 
prononce  l'expulsion  du  fermier  et  lui  inflige  une  amende 
Laie  à  la  rente  s'il  ne  fait  pas  telle  réparation  dans  un  an. 
A  Amorsos,  à  Héraclée,  chaque  négligence  a  sa  sanction 
pécuniaire.  Suivant  l'usage  hellénique,  le  fermier  tourms- 
sait  des  cautions.  Celles-ci  devaient  être  solvables  et  agréées 
par  le  bailleur.  Leur  responsabilité  n'était  partois  renfer- 
mée dans  aucune  limite  de  temps;  parfois  aussi  elle  s  étei- 
gnait au  bout  d'un  certain  délai,  et  le  locataire  était  tenu 
d'en  présenter  d'autres.  Tant  que  le  premier  remplissait  ses 
obligations,  il  était  à  l'abri  de  toute  chance  d  éviction.  Le 
seul  document  qui  contienne  une  réserve  à  ce  sujet  est  1  ms- 
cription  du  Pirée.  Partout  ailleurs,  le  propriétaire  renonce 
au  droit  de  reprendre  son  bien.  Le  bail  ne  peut  être  résilie 
par  lui  que  si  le  fermier  enfreint  tel  ou  tel  article  du  con- 
trat. Quant  au  locataire,  il  est  autorisé  à  en  réclamer  dans 
certain  cas  l'annulation.  A  Héraclée,  s'il  était  chasse  par 
la  euerre  et  qu'il  fût  mis  dans  l'impossibilité  de  récolter, 
le  bail  était  rompu,  non  de  plein  droit,  j'imagine,  mais  sur 
sa  demande.  A  Chio,  la  guerre  était  également  un  motit  de 
résiliation  ;  mais  on  admettait  aussi,  même  en  temps  de  paix, 
d'autres  causes  qui  ne  sont  pas  spécifiées,  et  que  peut-être 
on  laissait  à  l'appréciation  des  parties.     Paul  Guiraud. 

IL  Droit  romain.  —  Le  droit  réel  d'emphytéose,  que 
les  textes  du  Bas-Empire  appellent  emphyteusis,  jus 
emphyteuticarium,  jus  emphyteuticum,  n'apparaît  avec 
ce  nom  qu'assez  tardivement.  On  le  trouve  mentionne  pour 
la  première  fois  dans  un  passage  d'Ulpien  où  ce  juriscon- 
sulte, faute  d'un  terme  latin  équivalent,  le  désigne  sous  le 
nom  qui  lui  avait  été  donné  dans  les  provinces  grecques 
de  l'Empire  :  pis  Iijloutsuti/ov.  Mais  si  le  mot  parait  être 
de  création  récente, 'il  n'en  est  pas  ainsi  de  l'mstiLution. 
On  retrouve  déjà  l'équivalent  dans  le  droit  réel  préto- 
rien appelé  jus  in  agro  vectigali.  Les  agri  vectigales 
étaient  des  fonds  appartenant  à  l'Etat,  aux  villes  ou  a  des 
colleqia  et  dont  la  jouissance  était  concédée  à  des  parti- 
culiers, à  charge  par  ceux-ci  de  payer  une  redevance, 
vectiqal.  Il  est  probable  qu'au  début  ces  concessions  ne 
furent  faites  que  pour  une  durée  annuelle  ou  quiquennale. 
Mais  plus  tard  et  afin  de  permettre  aux  concessionnaires 
des  travaux  d'amendement  et  une  exploitation  de  longue 
haleine,  le  délai  de  la  concession  ne  fut  plus  limite.  El  e 
était  censée  faite  in  perpetuum,  en  ce  sens  que  m  le 
concessionnaire  ni  ses  héritiers  ne  pouvaient  être  renvoyés 
tant  qu'ils  continuaient  à  payer  régulièrement  la  redevance. 
Ce  caractère  de  quasi-perpétuité  du  droit  conféré  au  déten- 
teur de  Vager  vectigalis  fit  qu'on  le  considéra  comme 
ayant  un  droit  réel  sur  la  chose  d'autrui,  jus  prœdii,  droit 
réel  que  le  préteur  garantit  au  concessionnaire  par  l  octroi 
d'un  interdit  et  d'une  action  in  rem,  Vactio  vectigalis. 

Ce  régime  de  concessions  à  longue  durée  fut  pratique 
dans  l'Orient  de  l'Empire  par  les  empereurs  désireux  de 
mettre  en  valeur  les  nombreuses  terres  incultes  faisant 
partie  de  leur  domaine,  fundi  patrimoniales,  ou  du  do- 
maine public.  Plus  tard,  les  grands  propriétaires  fonciers 
imitèrent  l'exemple  donné  par  le  prince,  et  c'est  ainsi  que 
prit  naissance  l'institution  à  laquelle  fut  donné  le  nom 
significatif  de  jus  £p.cpuT£uxr/.dv  (de  £[i.cpui£uw,  planter 
dans),  pour  bien  marquer  que  le  concessionnaire  reçoit  les 
terres  à  l'effet  de  les  mettre  en  culture.  L'analogie  entre 
ce  jus  et  le  jus  in  agro  vectigali  était  telle  que,  dans  la 
législation  du  Bas-Empire,  les  deux  institutions  ont  fini  par 
se  fondre  en  une  seule  qu'on  continua  à  désigner  sous  son 
nom  grec.  Le  droit  du  concessionnaire  ou  emphytéote  est 
un  jus  in  re  protégé  par  une  action  in  rem.  Semblable 
à  l'usufruit,  il  permet  à  l'emphytéote  d'user  de  la  chose, 
d'en  percevoir  les  fruits  et  de  les  garder  en  pleine  propriété. 
Toutefois  et  à  raison  même  du  but  qu'on  se  proposait  en 
faisant  de  semblables  concessions,  on  fut  amené  à  recon- 
naître à  l'emphytéote  des  droits  plus  étendus  que  ceux 
d'un  usufruitier.  C'est  ainsi  qu'il  pouvait  faire  sur  le  fonds 
les  améliorations  et  changements  qui  lui  paraissaient  utiles, 


modifier  même  sa  destination.  De  même,  Vintuitus  per- 
sonœ  ne  jouait  pas  ici  un  rôle  aussi  marque  qu  en  cas 
d'usufruit.  Aussi  le  droit  de  l'emphytéote  n'est-il  pas  viager; 
il  passe  à  ses  héritiers  et  il  peut  être  cède  par  lui  a  un 
tiers,  sauf  la  faculté  de  préemption  laissée  au  propriétaire. 
Toutefois,  et  malgré  l'étendue  des  droits  qui  lui  sont 
reconnus,  le  concessionnaire  ne  devient  pas  dormwws.  Le 
concédant  conserve  le  titre  dejpropriétaire,  et  il  a  au  surplus 
contre  le  concessionnaire  les  droits  qui  résultent  de  la 
convention  constitutive  de  l'emphytéose.  Il  peut  notamment 
reprendre  la  chose,  à  défaut  de  payement  de  la  redevance 
pendant  plusieurs  années  consécutives.  C'était  là  une  règle 
semblable  à  celle  qui  régissait  le  contrat  de  louage  avec 
lequel  la  convention  emphytéotique  présente  la  plus  grande 
analogie.  C'est  précisément  à  raison  de  cette  ressemblance 
que  certains  jurisconsultes  voulaient  qu'en  cas  de  perte  par 
cas  fortuit  des  récoltes,  le  concessionnaire  fût  considère 
comme  locataire  et  eût  droit  par  suite  à  la  remise  &MveC' 
tigal.  Mais,  dans  une  autre  opinion,  la  convention  d  em- 
phvtéose  devait  être  assimilée  à  la  vente,  à  raison  de  la 
quasi-perpétuité  du  droit  du  concessionnaire,  et,  comme 
conséquence,  les  risques  de  perte  par  cas  fortuit  devaient 
rester  à  la  charge  de  l'emphytéote  qui  contmuait  a 
être  tenu  au  payement  de  la  redevance.  La  controverse 
ne  prit  fin  que  sous  l'empereur  Zenon  qui,  pour  le 
règlement  de  la  question  des  risques,  fit  de  la  con- 
vention emphytéotique  un  contrat  à  part.  En  cas  de  perte 
totale  de  la  chose,  les  risques  furent  mis  à  la  charge  du 
dominus  comme  dans  le  louage;  au  cas  de  perte  partielle, 
on  les  laisse  à  la  charge  de  l'emphytéote,  comme  dans  la 

vente.  ^^^^^'^  ^^^' 

IIL*  Ancien  droit.  —  Bien  que  le  mot  emphytéose  se 
rencontre  dans  les  sources  et  qu'on  ne  puisse  ainsi^  mettre 
en  doute  son  existence  dans  notre  ancien  droit,  il  n  est  pas 
très  aisé  d'en  dégager  la  notion  à  raison  de  la  grande 
analogie  existant  entre  cette  institution  et  divers  autres 
droits  dont  les  auteurs  ne  l'avaient  pas  suffisamment  dis- 
tinsuée.  Deux  voies  s'ouvraient  en  effet  à  celui  qm  voulait 
démembrer  son  droit  sur  un  immeuble,  autrement  que  par  la 
constitution  d'une  servitude  :  il  pouvait  conférer  a  un  tiers 
le  domaine  utile  de  cet  immeuble,  c.-à-d.  un  droit  de 
jouissance  qui  devait  être  exercé  à  titre  de  propriétaire,  ou 
plus  exactement  à  titre  de  titulaire  de  ce  droit  sui  generis. 
mais  non  à  titre  de  servitude,  et  se  réserver  avec  le  domaine 
direct  les  autres  attributs  de  la  propriété  en  stipulant  de 
celui  qui  était  investi  du  domaine  utile  le  payement  d  une 
redevance  annuelle,  irrachetable  constituant  la  reconnais- 
sance du  domaine  direct.  Il  pouvait  aussi  transterer  a  un 
tiers  le  domaine  direct  et  le  domaine  utile  et  ne  se  reserver 
que  le  droit  à  une  redevance  annuelle  et  irrachetable,  assise 
sur  l'immeuble  constituant  un  droit  réel  immobilier,  et 
pouvant,  par  suite,  être  exigée  de  tout  détenteur  de  cet 
immeuble.  On  disait  dans  ce  second  cas  qu  il  y  avait  bail 
à  rente  foncière.  L'emphytéose  rentrait  au  contraire  dans 
la  première  catégorie  des  conventions  qui  viennent  d  être 
indiquées  et  dans  laquelle  on  trouvait  également  le  bail  a 
cens.  Il  importe  donc,  pour  en  préciser  la  nature  propre, 
de  la  distinguer  successivement  du  bail  à  rente  foncière  et 

du  bail  à  cens.  ,   ,   .,  ,       *    ^  « 

La  distinction  entre  l'emphytéose  et  le  bail  a  rente  ton- 
cière  paraît  au  premier  abord  des  plus  simples  et  des  plus 
importantes  :  dans  le  premier  cas,  en  effet,  le  propriétaire 
conservait  une  partie  de  son  droit,  le  domaine  direct,  1  em- 
phytéote ne  recevant  que  le  domaine  utile  ;  dans  le  second 
cas,  au  contraire,  le  propriétaire  abandonnait  le  domaine 
direct  et  le  domaine  utile  et  ne  conservait  sur  la  chose  qu  un 
simple  droit  réel.  Mais  en  réalité,  en  allant  au  tond  des 
choses,  on  s'aperçoit  que  les  conséquences  pratiques  de  cette 
différence  étaient  peu  sensibles  à  raison  du  peu  d  attributs 
qui  subsistait  au  profit  de  la  directe  emphytéotique.  Un 
était  en  effet  assez  généralement  d'accord  pour  retuser  au 
bailleur  du  fonds  concédé  en  emphytéose  la  cornmise  ou 
droit  de  rentrer  ipso  jure  dans  la  pleine  propriété  de  ce 


—  949  — 


E'MPHYTEOSE 


fonds  à  défaut  du  payement  de  la  redevance  (V.  le  mot 
Commise  emphytéotique).  De  même,  le  droit  de  retrait  ou  de 
prélation,  e.-à-d.  le  droit  pour  le  bailleur  de  se  substituer 
à  celui  à  qui  l'emphytéote  céderait  son  droit,  n'existait  que 
dans  deux  provinces,  en  Languedoc  et  en  Dauphiné.  Enfin, 
les  droits  de  lods  et  ventes,  perçus  par  les  seigneurs  à 
chaque  mutation  du  bien  inféodé  et  que  certains  textes 
avaient  reconnus  exister  au  profit  du  bailleur  à  emphytéose, 
étaient,  à  une  certaine  époque,  complètement  tombés  en 
désuétude,  c'est  Merlin  qui  nous  le  dit,  et  une  stipulation 
formelle  était  indispensable  pour  les  imposer  à  l'acquéreur 
du  domaine  utile.  L'obligation  d'améliorer  le^  fonds 
sous-entendue  dans  les  contrats  d'emphytéose  et  qui  devait 
être  formellement  exprimée  dans  les  baux  à  rente,  et  le 
droit  de  stipuler  les  droits  de  lods  et  ventes  étaient  donc 
les  seules  différences  séparant  l'emphytéose  du  bail  à  rente 
foncière. 

Si  nous  comparons  maintenant  l'emphytéose  au  bail  à 
cens  seigneurial,  la  distinction  devient  encore  plus  délicate, 
car  tous  deux  avaient  pour  effet  de  démembrer  la  propriété 
en  domaine  direct  et  domaine  utile;  tous  deux  supposaient 
une  redevance  ;  ils  entraînaient  l'un  et  l'autre  la  commise,  en 
théorie  du  moins,  puisque  nous  avons  dit  qu'en  pratique  ce 
droit  était  dénié  au  bailleur  en  cas  d'emphytéose  ;  tous  deux 
enfin  ne  pouvaient  avoir  pour  objet  qu'un  alleu,  car  il  était 
impossible  au  possesseur  d'un  fief  ou  au  censitaire  de  se 
réserver  une  directe  quelconque,  puisqu'ils  n'étaient  pleins 
propriétaires  ni  l'un  ni  l'autre.  L'emphytéose  n'existait 
comme  droit  spécial  et  propre  que  lorsqu'il  s'agissait  d'un 
alleu  roturier  sur  lequel  il  était  impossible  d'établir  une 
rente  seigneuriale.  Telle  était  la  seule  place  que  notre 
ancien  droit  avait  faite  à  l'emphytéose,  ce  qui  faisait  dire  à 
Argon  qu'il  y  en  avait  bien  peu  de  véritables. 

Droits  de  l'emphytéote.  L'emphytéote  avait  le  domaine 
utile,  c.-à-d.  les  principaux  attributs  de  la  propriété.  Il 
pouvait  vendre,  échanger  ou  hypothéquer  l'héritage  concédé 
en  emphytéose,  mais  les  droits  qu'il  transmettait  étaient 
afi'ectés  de  la  même  condition  que  le  sien  ;  le  bien  retour- 
nait donc  franc  et  libre  de  toute  charge  entre  les  mains  du 
bailleur  lorsque  le  temps  assigné  à  la  concession  emphy- 
téotique était  expiré  ou  bien  lorsque  le  contrat  venait  à 
être  résolu.  Il  ne  lui  était  toutefois  pas  permis  de  dégrader 
le  fonds  et,  d'une  manière  générale,  d'en  diminuer  la  valeur. 
On  était  assez  généralement  d'accord  pour  refuser  à  l'em- 
phytéote le  trésor  trouvé  dans  l'immeuble,  mais  certains 
auteurs  lui  attribuaient  les  produits  des  mines. 

Obligations  de  Vemphytéote,  La  principale  de  ces  obli- 
gations était  de  payer  le  canon  emphytéotique  (V.  Canon, 
t.  IX,  p.  56).  Il  devait  en  outre  entretenir  la  chose  en  bon 
père  de  famille,  et  il  répondait  par  suite  des  détériorations 
survenues  par  sa  faute.  Il  s'obligeait  même  à  construire  des 
bâtiments,  à  planter  des  bois,  des  vignes,  etc.,  en  un  mot, 
à  améliorer  le  fonds,  et  nous  avons  dit  que  cette  obligation 
sous-entendue  dans  le  contrat  était  un  des  traits  qui  dis- 
tinguait l'emphytéose  du  bail  à  rente  foncière. 

Durée  de  l'emphytéose.  L'emphytéose  était  perpétuelle 
ou  temporaire.  Dans  ce  dernier  cas  elle  durait,  nous  dit 
Argon,  trente,  cinquante  ou  quatre-vingt-dix-neuf  ans. 
Elle  pouvait  être  limitée  à  une  ou  plusieurs  vies  ;  celles  du 
preneur,  de  ses  enfants,  de  ses  petits-enfants.  L'emphytéote 
ne  pouvait  prescrire  la  directe  par  quelque  laps  de  temps 
que  ce  fût.  A  ce  point  de  vue,  il  était  considéré  comme  un 
preneur  possédant  pour  le  compte  du  propriétaire,  et,  par 
conséquent,  comme  un  possesseur  précaire. 

IV.  Droit  intermédiaire.  —  La  loi  des  18-29  déc.  1790 
conserva  à  l'emphytéose  tous  les  caractères  qui  lui  appar- 
tenaient antérieurement,  puisqu'elle  excepta  de  la  faculté  de 
rachat  les  rentes  dues  en  vertu  de  baux  emphytéotiques. 
Ce  privilège  lui  fut,  il  est  vrai,  retiré  par  la  loi  des  1  o  sept.- 
16  oct.  1791,  mais  l'emphytéose  n'en  subsista  pas  moins 
à  tous  autres  égards  telle  que  notre  ancien  droit  l'avait 
conçue,  car  la  loi  que  nous  venons  de  citer  la  qualifie  de 
propriété  réversible,  expression  qui  fait  bien  ressortir  la 


nature  spéciale  du  droit  du  preneur  emphytéotique.  Le 
mot  d'emphytéose  se  trouve  encore  prononcé  dans  les  lois 
du  9  messidor  an  III  (art.  15)  et  du  11  brumaire  an  VII 
(art.  6),  mais  cette  institution  n'y  est  envisagée  que  comme 
droit  réel  susceptible  d'hypothèque. 

V.  Droit  actuel.  —  Le  code  civil  est  absolument  muet 
sur  l'emphytéose.  Faut-il  déclarer  pour  cela  qu'elle  n'existe 
plus  aujourd'hui  ?  De  nombreux  auteurs  le  soutiennent  et 
considèrent  comme  investi  d'un  droit  purement  personnel  le 
preneur  dans  les  baux  à  longue  durée.  Ni  l'art.  Q'iQ  qui 
énumère  les  droits  réels  immobiliers,  ni  l'art.  21  d  8  qui 
mentionne  ceux  de  ces  droits  qui  sont  susceptibles  d'hypo- 
thèque ne  parlent  de  l'emphytéose.  Que  conclure  de  ce 
silence,  sinon  que  les  rédacteurs  du  code  qui  avaient  sous 
les  yeux  les  textes  où  l'existence  de  l'emphytéose  était 
proclamée  ont  manifesté,  par  leur  silence  à  cet  égard,  leur 
intention  d'abandonner  les  anciens  errements  ? 

La  jurisprudence  est  unanime  à  rejeter  cette  théorie  et  à 
admettre  l'existence  de  l'emphytéose  avec  tous  ceux  de  ses 
caractères  qui  ne  sont  pas  contraires  à  des  principes  d'ordre 
public.  On  ne  saurait  évidemment,  à  ce  dernier  point  de  vue, 
stipuler  que  la  redevance  emphytéotique  sera  irrachetable 
ou  que  l'emphytéose  sera  perpétuelle  ;  mais,  cette  réserve 
une  fois  admise,  pourquoi  ne  pas  permettre  aux  parties 
d'étabhr  sur  un  bien  tel  droit  réel  qu'il  leur  plaît?  N'est-ce 
pas  un  principe  que  la  liberté  des  conventions  reste  entière 
chaque  fois  qu'elle  ne  vient  pas  heurter  un  principe  d'ordre 
public?  Comme  le  dit  fort  bien  Demante,  il  faudrait  une 
prohibition  spéciale  et  formelle  pour  enlever  aux  proprié- 
taires la  faculté  de  constituer  un  droit  d'emphytéose.  Il  y 
aura  lieu  seulement  de  rechercher  dans  chaque  espèce  si  les 
parties  ont  bien  voulu  établir  un  droit  de  ce  genre  ou,  si, 
d'après  leur  intention,  le  bail  dit  emphytéotique  n'est  pas 
un  bail  ordinaire  consenti  seulement  pour  de  longues  années. 
Dans  ce  dernier  cas,  le  contrat  ne  donnera  au  preneur  qu'un 
droit  personnel  contre  le  bailleur;  dans  le  premier,  au 
contraire,  la  propriété  du  bailleur  sera  démembrée  :  le 
domaine  direct  lui  appartiendra  toujours,  mais  le  domaine 
utile  sera  transféré  au  preneur.  La  jurisprudence  a  tiré  de 
là  des  conséquences  fort  importantes  au  point  de  vue  civil 
en  classant  l'emphytéose  parmi  les  droits  réels  immobiliers, 
au  point  de  vue  fiscal,  en  décidant  que  le  bail  emphyléo- 
tique  doit  être  frappé  du  droit  proportionnel  de  vente  im- 
mobilière et  de  mutation  par  décès. 

Disons  en  terminant  que  les  baux  emphytéotiques  sont 
très  peu  nombreux  aujourd'hui.  On  les  rencontre  cependant 
dans  les  concessions  faites  par  l'Etat  aux  compagnies  de 
chemin  de  fer.  Dans  les  villes,  dit  M.  Garsonnet,  ce  bail 
vient  en  aide  aux  entrepreneurs  de  constructions  ;  ainsi,  à 
Paris,  toutes  les  maisons  de  la  rue  de  Rivoli  ont  été  cons- 
truites de  cette  manière.  Les  terrains  vagues  du  faubourg 
Montmartre  où  s'élèvent  aujourd'hui  de  magnifiques  de- 
meures ont  été  donnés  en  emphytéose  par  l'Assistance  pu- 
blique, à  qui  ces  immeubles  vont  revenir  au  fur  et  à  mesure 
de  l'extinction  des  baux. 

Une  loi  belge  du  11  janv.  1824  a  organisé  l'emphytéose 
et,  plus  récem'^ment,  la  loi  du  l'^^juil.  1885  sur  la  propriété 
foncière  en  Tunisie  a  consacré  l'existence  de  ce  droit  que 
le  projet  de  code  rural,  soumis  en  ce  moment  aux  Chambres 
françaises,  mentionne  également.  Paul  Nachbaur. 

BiBL.:  Droit  grec—  Caillemer,  le  Contrat  de  louage 
à  Athènes;  Paris,  1869.—  Euler,  De  Locatione  conduc- 
tione  atque  emphyteusi  Grœcoimm;  Giessen,  1882.  —  P. 
GuiRAUD,  Dict.  des  antiquités,  II,  pp.  605-609.      ^  ^^    ^ 

Droit  romain.  -  3,  §  4,  Dig.,  De  Reb.  eor.,  XXVII,  9.  -- 
Gaius,  III,  145.  —  1  pr.,  §  1,  Dig.,  Si  ager  vectigaL,Y\,  3. 
—  1,  §  1,  Dig.,  De  Loc.  public,  fruend.,  XLIII,  9.  —  71,  §  5, 
6,  Dig»,  De  Légat..  I,  xxx.-  15,  §  1,  Dig.,  Qui  satisdare  cog. 
n,  8.  — 13,  Cod.  Jùst.,  De  Prœd.et  aliis  reb.,  Y,  71.  —  2,  Cod. 
Just.,  De  Jureemphyt.,  IV,  66.  —  ^  3,  Institut.,  De  Locat, 
U\,  24.  —  Accarias,  Précis  de  droit  romain;  Pans,  188b- 
1891,  t.  I,  n»  283  bis,  t.  II,  n°  618,2  vol.  in-8,  4«  éd.-- G.  May, 
Eléments  de  droit  romain;  Paris,  1889-1890,  t.  I,  n»  218; 
t.  II,  n»  322,  2  vol.  in-8,  l-*"  éd.  —  Mainz,  Cours  de  droit 
romain;  Bruxelles,  1876, 1. 1,  §§  146-151,  3  vol.  in-8,  4«  ed  - 
KuNTZE,  Cursus  des  rômischen  Rechts;  Leipzig,  1879, 
^5^  583-587,  969,  in-8,  2«  éd.  -  R.  Sohm,  Institutionen;  Leipzig, 


EMPHYTEOSE  —  EMPIRE 


—  950  — 


1888,  §  57,  in- 8,  S"  éd.  —  Sciiulin,  Lehrbuch  der  Ge- 
schichte  des  rômischen  Rechts;  Stuttgart,  1889,  §83jin-8.— 
Pépin  le  Halleur,  Histoire  de  l'emphytéose;  Paris,  1843, 
in-8,  —  Laboulaye,  Histoire  du  droit  de  propriété  fon- 
cière en  Occident;  Paris,  1839,  chap.  xix,  p.  119,  in-8.  — 
Garsonnet,  Histoire  des  locat.  perpct.;  Paris,  1879,pp.l51 
et  suiv.,  in-8.  —  Daremberg  et  Saglio,  Dictionn.  des 
anliq.  grecques  et  romaines,  v»  Emphijteusis.—  P.  Viollet, 
Précis  de  l'hist.  du  droit  français.  Droit  privé;  Paris,  1886, 
p.  563,  in-8.  —  Muirhead,  Introduct.  au  droit  privé  de 
Rome^  trad.  Bourcart;  Paris,  1889,  sect.  86,  p.  531,  in-8. 

Ancien  droit.  —  Argou,  Listitutions  au  droit  fran- 
çais., t.  Il,  pp.  294  et  suiv.,  édit.  de  1739.  —  Guyot,  Réper- 
toire de  jurisprudence.,  v°  Emphytéose.  —  Merlin,  Ré- 
pertoire, id.  —  Laboulaye,  Histoire  de  la  propriété 
foncière  en  Occident,  passim.  —  Garsonnet,  Histoire 
des  locations  perpétuelles  et  des  baux  à  longue  durée  ; 
Paris,  1879,  pp.  413  et  suiv.,  540,  549  et  suiv.  —  Aubry  et 
Rau,  Cours  de  droit  civil  français,  t.  Il,  §§  224  et  224  bis, 
pp.  446-456. —  Demante,  Cours  de  code  civil,  t.  II,  n»  378 
bis,  IV  et  V.  —  Demolombe,  Cours  de  code  Napoléon, 
t.  IX,  n»"  490,  491,  529.  —  Valette,  Traité  des  privilèges 
et  hypothèques.,  pp.  191  et  suiv. 

EMPILAGE  (Pêche).  Empiler  un  hameçon,  c'est  l'atta- 
cher à  une  empile  ;  les  empiles  varient,  d'ailleurs,  comme 
les  hameçons,  pour  la  grosseur  et  la  longueur  ;  la  manière 
d'empiler  varie  également  suivant  la  grandeur  de  l'hame- 
çon et  le  genre  de  pêche  (V.  Hameçon,  Ligne). 

EMPILE  (Pêche).  On  désigne  ainsi  les  lignes,  souvent 
doubles  ou  triples,  auxquelles  on  attache  un  hain  et  qui 
s'adaptent  aux  lignes  ou  aux  cannes  ;  on  fait  les  empiles 
en  métal,  en  chanvre  pour  la  pêche  de  mer;  en  soie,  en 
crin  de  Florence,  en  corde  filée  pour  la  pêche  en  eau  douce. 

EMPIRE.  Généralités.  —  L'Empire  fut  l'institution 
politique  la  plus  considérable  des  races  européennes; 
sa  constitution  domine  encore  leur  histoire.  L*empire 
romain  proprement  dit  a  duré  près  de  quinze  siècles;  le 
saint-empire  romain  germanique  qui  en  était  issu  s'est 
prolongé  jusqu'au  commencement  du  xix®  siècle.  Bien  que 
le  mot  n'ait  plus  de  signification  spéciale  et  qu'on  compte 
au  moins  cinq  empires  et  empereurs  (Allemagne,  Autriche, 
Russie,  Inde  anglaise,  Chine),  il  ne  faut  pas  oublier  que 
cette  valeur  éminente  attachée  au  titre  impérial  est  un 
dernier  hommage  au  souvenir  de  l'Empire.  Celui-ci  était 
une  souveraineté  plus  haute,  dominant  ou  comprenant  les 
divers  royaumes.  C'est  seulement  à  partir  de  l'époque  mo- 
derne que  le  particularisme  national  a  prévalu  de  nouveau 
et  que  les  nations  se  sont  dégagées  des  cadres  généraux  de 
l'Empire  et  de  l'Eglise.  Le  moyen  âge  a  vécu  de  ces  idées 
générales.  C'est  l'empire  romain  qui,  par  le  caractère  uni- 
versel de  son  organisation,  fusionnant  les  nationalités  les 
plus  diverses,  avait  créé  cet  état  d'esprit  sur  les  ruines  des 
gouvernements  et  des  religions  particularistes  de  l'an- 
tiquité. 

Nous  décrirons  d'abord  l'empire  romain  et  les  régions 
dont  il  se  composait  ;  nous  dirons  comment  ces  vastes 
territoires  furent  organisés  sous  Auguste,  fondateur  de 
l'Empire  ;  nous  ferons  brièvement  l'histoire  de  cet  Empire 
dans  sa  première  période,  celle  du  principat  ;  nous  dirons 
comment  il  se  transforma  en  une  monarchie  bureaucra- 
tique au  ïii®  et  au  iv®  siècle.  Nous  verrons  quelle  était  alors 
l'idée  de  l'Empire  et  comment  elle  put  survivre  au  fait. 
L'invasion  des  Barbares  laissa  subsister  l'Empire  en  Orient, 
puis  il  fut  restauré  en  Occident  par  Charlemagne,  et  nous 
ferons  l'histoire  de  cette  institution  à  la  fois  ancienne  et 
nouvelle  du  saint-empire  romain  germanique. 

Géographie  de  l'empire  romain.  —  La  connais- 
sance du  cadre  géographique  de  l'empire  romain  est  indis- 
pensable pour  l'intelligence  de  son  histoire.  Celle-ci  continue 
non  seulement  l'histoire  de  la  cité  romaine,  mais  celle  de 
tous  les  peuples  que  les  Romains  s'étaient  successivement 
subordonnés.  C'est  l'histoire  de  tout  le  bassin  de  la  Médi- 
terranée, de  l'Europe,  de  l'Asie  occidentale,  de  l'Afrique 
septentrionale  durant  quatre  ou  cinq  cents  ans.  Comme  l'a 
dit  éloquemment  M.  Duruy,  les  hommes  et  les  choses  de 
l'avenir  «  ce  sont  les  provinciaux  qui  vont  arracher  à 
, l'Italie  ses  vieux  privilèges,  propager  dans  tout  l'Occident 
•barbare  la  civilisation  gréco-latine  et  faire  donner  à  cent 


millions  d'hommes,  par  des  empereurs  nés  à  Séville,  à 
Lyon,  à  Leptis,  des  lois  qu'on  appellera  la  raison  écrite. 
C'est  encore  la  rehgion  nouvelle  qui  se  formera  pour  cette 
nouvelle  société  ;  de  sorte  qu'au  temps  même  où  les  empe- 
reurs mettront  dans  la  loi  civile  le  principe  du  droit  indi- 
viduel qui  isole,  le  christianisme  s'efforcera  de  me^re  dans 
le  cœur  le  sentiment  de  la  fraternité  qui  réunit  :  deux 
grandes  idées  de  l'époque  impériale  que  l'Europe  moderne 
a  retrouvées  sous  les  ruines  du  moyen  âge.  Pour  mesurer 
cette  marche  des  provinces  vers  l'égalité  de  droits,  de 
civilisation,  de  richesse  et  plus  tard  de  religion,  il  convient 
de  marquer  nettement  le  point  d'où  chacune  d'elles  est 
partie.  On  jugera  mieux  ensuite  l'œuvre  des  empereurs  ; 
on  verra  s'ils  ont  su  faire  par  des  institutions  au  profit  de 
l'Etat  ce  que  le  christianisme  fit  par  ses  doctrines  au  profit 
de  l'Eglise  ;  si  enfin,  pour  prendre  le  langage  de  Bossuet, 
«  un  peuple  nouveau  va  naître  de  toutes  les  nations  enfer- 
«  mées  dans  l'enceinte  de  l'Empire  ».  L'empire  de  Rome, 
ou,  comme  disaient  ses  historiens  et  ses  légistes,  VUnivers 
romain^  était  assez  vaste,  quand  Auguste  en  devint  le 
maître,  pour  que  les  peuples,  sujets  ou  ennemis,  qui  appar- 
tiennent à  son  histoire,  représentassent  presque  toutes  les 
races  d'hommes  de  l'ancien  continent.  »  (Duruy,  t.  III, 
p.  660.)  C'est  même  là  ce  qui  donne  à  cet  empire  sa  phy- 
sionomie propre,  qu'aucun  autre  n'a  retrouvé  depuis. 
D'autres  dominations  se  sont  étendues  sur  de  plus  vastes 
surfaces  et  sur  des  hommes  plus  nombreux;  aucune  n'a 
ainsi  donné  des  institutions  communes  à  une  aussi  grande 
quantités  de  nations  d'origine  et  de  mœurs  différentes.  Ni 
l'immense  monarchie  des  Mongols,  ni  celle  des  Russes,  ou 
le  domaine  colonial  presque  universel  des  Anglais,  ne 
peuvent  être  comparés  à  l'Empire.  C'est  d'ailleurs  à  celui- 
ci  que  remontent  les  origines  de  la  civilisation  de  tous  les 
peuples  de  l'Europe  moderne,  directement  pour  les  races 
latine  et  grecque,  indirectement  pour  les  Germains  et  les 
Slaves. 

L'empire  romain  avait  été  fondé  par  les  Latins;  les  Ita- 
liens comprenant  la  race  ligure,  la  race  étrusque,  en 
étaient  les  premiers  sujets.  Dans  le  Sud,  ils  étaient  mé- 
langés de  Grecs  ;  dans  le  Nord,  de  Celtes.  Ceux-ci  occu- 
paient, outre  le  bassin  du  Pô,  les  Alpes  et  les  cantons  du 
haut  Danube,  la  Gaule  entre  la  Garonne  et  la  Somme,  la 
Grande-Bretagne  ;  ils  étaient  mélangés  aux  Germains  dans 
la  Gaule  septentrionale,  aux  Ibères  dans  l'Espagne  cen- 
trale, aux  populations  de  l'Asie  Mineure  dans  le  centre  de 
cette  péninsule-  Les  Ibères  occupaient  les  deux  versants 
des  Pyrénées,  de  l'Ebre  à  la  Garonne  ;  le  long  de  la  Médi- 
terranée, ils  étaient  mélangés  de  Phéniciens  ;  de  Gaulois 
dans  le  centre  de  l'Espagne.  Les  Germains  s'étendaient  dans 
la  plaine  de  l'Europe  centrale  et  septentrionale  jusqu'au 
Danube  supérieur  et  jusqu'aux  Alpes  ;  plus  à  l'E.,  après  la 
Vistule  et  la  Theiss,  venaient  les  Sarmates  ou  Slaves.  Les 
populations  grecques  ou  grécisées  tenaient  la  péninsule 
balkanique  et  les  rivages  de  la  Méditerranée  orientale  ;  les 
races  sémitiques  occupaient  la  Syrie  et  plus  loin  l'Arabie  ; 
de  l'Arménie  à  la  Mésopotamie  s'étendaient  les  populations 
d'origines  diverses,  débris  d'un  passé  lointain,  aryens, 
sémites,  touraniens,  etc.;  plus  à  l'E.,  la  race  iranienne  et 
la  race  touranienne,  puis  l'Inde  et  dans  le  lointain  les 
Sères  ou  Chinois.  En  Afrique,  derrière  l'Egypte,  on  tou- 
chait aux  Hamites  et  aux  nègres  ;  ceux-ci  étaient  mélangés 
de  sémites  sur  tout  le  littoral  méditerranéen,  du  Nil  aux 
colonnes  d'Hercule.  Sauf  l'Inde  et  la  Chine,  qui  n'auront 
que  des  relations  commerciales  avec  l'empire  romain,  tous 
les  autres  sont  sujets  de  l'Empire,  ou  ses  alliés  ou  ses 
ennemis,  et  leur  histoire  durant  cinq  siècles  se  confond 
avec  celle  de  l'empire  romain,  laquelle  se  trouve  ainsi  être 
presque  l'histoire  universelle. 

Dans  l'empire  romain  du  i^**  siècle,  il  n'y  a  pas  seu- 
lement des  différences  radicales  de  races  et  de  langues, 
mais  aussi  de  mœurs  et  de  civilisation.  «  Depuis  le  Can- 
tabre,  farouche  et  libre  dans  ses  montagnes,  jusqu'au  Grec 
d'Antioche  ou  d'Ephèse,  servile  et  efféminé,  il  y  avait  dans 


-  951  -- 


EMPIRE 


PROVINCES 

EN   117  APRÈS   JÉSUS-CHRIST 


DATE 

DE   LA  FORMATION 


Sicilia 

Sardinia  et  Corsica., 


Hispania  citerior  ou  Tarraco- 
nensis 

Hispania  ulterior  ou  Baetica.  . 
Lusitania 


Gallia  Narbonensis. 


Aquitania. 


Lugdunensis. 


Belgica 

Germania  superior. 
Germania  inferior. 
Alpes  Maritiniae.  . 
Alpes  Cottiae. .  .  . 


Alpes  Penninae. 
Britannia.  .  . 


Rsetia.  . 
Noricum. 


Pannonia  superior. 
Pannonia  inferior.. 


Illyricum  ou  Dalmatia. 


Mœsia  superior., 
Mœsia  inferior.  . 


Dacia.  . 
Thracia. 


Macedonia, 


Achaia., 
Epirus.. 


Asia. 


ADMINISTRATION 


U\  av.  J.-C. 
231  av.  J.-C. 

197  av.  J.-C. 

197  av.  J.-C. 
détachée  de  l'Hispania 
ulterior  en  27  av.  J.-C. 

120  av.  J.-C. 
17  ap.  J.-C. 


17  ap.  J.-C. 


17  ap.  J.-C. 

17  ap.  J.-C. 
17  ap.  J.-C. 
14  ap.  J.-C. 
sous  Néron 

au  11^  siècle  ap.  J.-C. 


43  ap.  J.-C. 

15  av.  J.-C. 
15  av.  J.-C. 


10  ap.  J.-C,  partagées 
entre  102  et  107 


entre  167  et  59  av.  J.-C. 

29  av.  J.-C. 
partagées  sous  Domilien 

107  ap.  J.-C. 
46  ap.  J.-C. 

146  av.  J.-C. 

146  av.  J.-C. 

probablement 
sous  Vespasien 

133  av.  J.-C. 


sénatoriale 

sénatoriale 

puis  impériale 

impériale 

sénatoriale 

impériale 

impériale  de  27  à  22 

av.  J.-C, 

puis  sénatoriale 

impériale 


impériale 

impériale 

impériale 
impériale 
impériale 
impériale 

impériale 
impériale 

impériale 
impériale 

impériale 
impériale 

sénator.  puis  impér. 
à  partir  de  11  av.  J.-C 


PROVINCES 

VERS   400  APRÈS    JÉSUS-CHRIST 


impériale 
impériale 


impériale 
impériale 


sénatoriale 

impériale  de  Tibère 

à  Claude 

sénatoriale 

impériale  de  15  a?,  J.-C.  à  14  ap.  J-C. 


sénatoriale 


Sicilia. 
Sardinia. 
Corsica. 
Tarraconensis. 
Carthaginiensis. 
Gallœcia  et  Asturia. 
Insulse  Baléares. 
Baîtica. 

Lusitania. 

Narbonensis  prima. 

Narbonensis  secunda. 

Viennensis. 

Aquitanica  prima. 

Aquitanica  secunda. 

Novempopulana. 

Lugdunensis  prima. 

Lugdunensis  secunda. 

Lugdunensis  tertia. 

Lugdunensis  Senonia. 

Maxima  Sequanorum. 

Belgica  prima. 

Belgica  secunda. 

Germania  prima. 

Germania  secunda. 

Alpes  Maritimse. 

Alpes  Cottiae  (annexée  à  Pltalie  par 

Dioclétien). 
Alpes  Graise  et  Penninae. 
Maxima  Caesariensis. 
Fia  via  Caesariensis. 
Britannia  prima. 
Britannia  secunda. 
Valentia. 
Baetia  prima. 
Rsetia  secunda. 
Noricum  mediterraneum. 
Noricum  ripense. 
Pannonia  prima. 
Pannonia  secunda. 
Savia. 
Valeria. 
Dalmatia. 
Praevalitana. 
Mœsia  prima. 
Dacia  ripensis. 
Dacia  mediterranea. 
Dardania. 

Mœsia  secunda  )     annexées  à  la 
Scytha  ]         Thracia. 

Evacuée  sous  Aurélien  (270-275). 
Europa. 
Thracia. 
Haemimontus. 
Rhodope. 
Macedonia  prima. 
Macedonia  secunda. 
Thessalia. 
Epirus  nova. 

Achaia. 

Epirus. 

Asia  proconsularis. 

Hellespontus. 

Lydia. 

Phrygia  salutaris. 

Phrygia  pacatiana. 

Caria. 

Insularum  provincia. 


EMPIRE 


-  952  - 


PROVINCES 

EN   117   APRÈS   JÉSUS-CHRIST 


Bithynia  et  Pontus. 


Galatia. 


Cappadocia. 


Pamphylia  et  Lyciu. 

Cilicia 

Cyprus  


Syria. 


Arabia.. 
Armenia. 


Mesopotamia. 
Assyria.  .  . 


^gyptus. 


Creta. 


et  Cviviiaica.   . 


Africa. 


Numidia. 


Mauretania  Caesariensis. 
Mauretania  Tingitana.  . 


DATE 

DE   LA   FORMATION 


74  av.  J.-C. 

accrue  en  63  av.  J.-C. 

et  7  av.  J.-G. 


25  av.  J.-C. 


47  ap.  J.-C. 


25  av.  J.-C,  la  Lycia 
annexée  en  43  ap.  J.-C. 

64  av.  J.-C. 

détachée  de  la  Cilicia 
en  27  av.  J.-C. 


64  av.  J.-C. 


405  ap.  J.-C. 

444  ap.  J.-C. 

445  ap.  J.-C. 
évacuée  en  447,  recon- 
quise en  465  ap.  J.-C. 

445  ap.  J.-C. 


30  av.  J.-C. 


74  av.  J.-C. 

67  av.  J.-C. 

réunies  en  27  av.  J.-C. 

446  av.  J.-C. 

46  av.  J.-C. 
province  particulière  à 
partir  de  Septime  Sévère 

40  ap.  J.-C. 

40  ap.  J.-C. 


ADMINISTRATION 


PROVINCES 

VERS   400  APRÈS   JÉSUS-CHRIST 


sénatoriale  ^ 

puis  impériale       < 

après  435  ap.  J.-C.  1 


impériale 


impériale 


impériale  jusqu'en  435  ( 
ap.  J.-C. 
puis  sénatoriale      ( 

impériale  < 

impériale  de  27  à  22  I 
av.  J.-C. 
puis  sénatoriale 


impériale 

impériale 
impériale 

impériale 

impériale 

impériale 

sénatoriale 
sénatoriale 

impériale 

impériale 
impériale 


Bithynia. 
Honorias. 
Paphlagonia. 
Helenopontus. 
Pontus  Polemoniacus. 
Galatia  prima. 
Galatia  salutaris. 
Lycaonia. 
Pisidia. 

Cappadocia  prima. 
Cappadocia  secunda. 
Armenia  prima. 
Armenia  secunda. 

Pamphylia. 
Lycia. 

Cilicia  prima. 
Cilicia  secunda. 
Isauria. 

Cyprus. 

Euphratensis. 

Syria  prima. 

Syria  secunda. 

Phaenicia  prima. 

Phsenicia  secunda. 

Palœstina  prima. 

Patestina  secunda. 

Palaestina  tertia. 

Arabia. 

Evacuée  en  447  ap.  J.-C. 

Osrhoëne. 
Mesopotamia. 

Evacuée  en  447  ap.  J.-C. 

iEgyptus. 

Augustamnica. 

Heptanomis  ou  Arcadia. 

Thebais. 

Libya  inferior. 

Creta. 

Libya  superior. 

Africa  proconsularis. 

Byzacena. 

Tripolitana. 

Numidia. 

Mauretania  prima  ou  Sitifensis. 
Mauretania  secunda  ou  Caesariensis. 
Tingitana. 


Italia  divisée  en  onze  régions 
par  Auguste 

Venetia  ou  Histria 

Italia  Transpadana 

Liguria 

^milia 

Etruria  et  Tuscia 

Umbria 

Picenum 


Samnium 

Bruttii  et  Lucania. 
Apulia  et  Calabria. 
Campania 


Venetia  et  Histria. 

Liguria. 

iEmilia. 

Tuscia  annonaria. 

Tuscia  suburbicaria. 

Flaminia  et  Picenum  annonarium. 

Valeria  et  Picenum  suburbicarium. 

Samnium. 

Lucania  et  Bruttii« 

Apulia  et  Calabria. 

Campania. 


—  953  — 


EMPIRE 


ces  populations  tous  les  degrés  par  lesquels  on  passe  de  la 
barbarie  la  plus  grossière  à  la  civilisation  la  plus  raffinée.  » 
L'œuvre  des  empereurs  fut  de  rapprocher  tous  ces  élé- 
ments, de  leur  donner  la  cohésion,  de  faire  régner  la  paix 
à  rintérieur  durant  deux  siècles,  donnant  ainsi  au  monde 
le  bienfait  inconnu  avant  et  après  lui  de  h  paix  romaine. 
Nous  passerons  rapidement  en  revue  les  différentes  parties 
de  Tempire  romain,  renvoyant  pour  les  détails  aux  articles 
consacrés  à  chaque  pays  (Espagne,  Italie,  etc.)  et  à  chaque 
province  (Bétique,  Lusitanie,  Rétie,  etc.).  Le  centre 
politique  et  géographique  était  Tltalie.  Epuisée  par  les 
guerres  de  la  conquête  romaine  et  par  les  guerres  sociales 
et  civiles  du  i^'  siècle  av.  J.-C,  elle  avait  plus  souffert 
que  profité  des  colonies  de  vétérans.  Tandis  que  Rome 
s'encombrait  d'une  foule  de  mendiants,  dans  les  campagnes 
les  pâturages  remplacent  les  champs.  La  population  ita- 
lienne conserve  encore  ses  privilèges.  11  n'y  a  plus  de  diffé- 
rence entre  Romains  et  Italiens.  Ce  qu'on  appelle  l'Italie, 
c'est  une  série  de  villes  libres  romaines  qui  ne  payent  pas 
de  contributions  foncières,  ne  fournissent  pas  à  l'armée  de 
contingent  régulier  et  par  conséquent  peuvent  se  passer 
d'une  administration  commune.  Seulement,  comme  la  sou- 
veraineté n'appartient  plus  au  peuple,  mais  à  l'empereur, 
les  Italiens  seront  progressivement  assimilés  aux  autres 
sujets.  L'Italie,  étendue  jusqu'aux  Alpes,  est  partagée  sous 
Auguste  en  onze  régions  qui,  plus  tard,  servirent  de  base 
à  son  organisation  administrative.  Les  défauts  des  admi- 
nistrations urbaines  obligèrent  à  les  priver  de  leur  auto- 
nomie. Elle  subsista  pourtant  jusqu'au  commencement  du 
second  siècle;  mais  alors  la  justice  était  si  mal  rendue, les 
finances  mal  gérées,  la  police  mal  faite,  qu'il  fallut  pro- 
céder à  une  réforme.  Limitée  d'abord  au  système  judiciaire, 
elle  entraîna,  vers  l'an  300,  la  division  de  l'Italie  en  pro- 
vinces ;  la  péninsule  fut  privée  de  son  exemption  d'impôts; 
la  région  septentrionale  entretint  la  cour  de  Milan  ou  de 
Ravenne,  la  région  méridionale  (suburbicaria)  entretint 
la  ville  de  Rome.  On  trouvera  le  détail  des  divisions  de 
l'Italie  dans  les  tableaux  ci-joints  (pp.  951  et  952)  auxquels 
nous  renvoyons  de  même  pour  tout  ce  qui  concerne  les 
divisions  administratives  de  l'empire  romain. 

Voici  le  tableau  des  grandes  divisions  administratives 
de  l'empire  romain  au  commencement  du  second  siècle  : 

PROVINCES   SÉNATORIALES 
Consulaires. 

Asie. 

Afrique. 

Prétoriennes, 

Bétique. 

Narbonnaise. 

Corse  et  Sardaigne. 

Sicile. 

Illyrie,  de  27  à  il  av.  J.-C. 

Macédoine. 

Achaïe. 

Crète  et  Cyrène. 

Chypre. 

Bithynie  (jusqu'en  35  ap.  J.-C). 

PROVINCES   IMPÉRIALES 
Consulaires, 
Tarraconaise. 
Germanie  supérieure. 
Germanie  inférieure. 
Bretagne. 

Pannonie  supérieure. 
Pannonie  inférieure. 
Mésie  supérieure. 
Mésie  inférieure. 
Dacie. 
Dalmatie. 

Cappadoce  (après  Vespasien). 
Syrie. 


De  plus,  l'Egypte  sous  un  préfet  investi  de  la  puissance 
consulaire. 

Prétoriennes, 
Lusitanie. 
Aquitaine. 
Lyonnaise. 
Belgique. 
Galatie. 

Pamphylie  et  Lycie  (jusqu'en  135  ap.  J.-C). 
Cilicie. 
Arabie. 
Numidie. 
Probablement  aussi  Arménie,  Assyrie,  Mésopotamie. 


Alpes 

r  rucurauur  wruivd , 

Maritimes. 

Alpes 

Cottiennes. 

Alpes 

Pennines. 

Rétie  (jusqu'à  Marc  Aurèle). 

Norique  (jusqu'à  Marc  Aurèle). 

Thrace. 

Epire 

Maurétanie  Tingitane. 

Maurétanie  Césarienne. 

Et  momentanément  Cappadoce  (avant  Vespasien),  Judée 

(jusqu'en  70 

ap.  J.-C). 

Voici  enfin 

,  d'après  Bœckine  et  Marquardt,  le  tableau 

des  divisions  administratives  romaines  et  des  fonctionnaires 

placés  à  leur  tête  vers  l'an  400  ap.  J.-C.  : 

PR^FECTUS   PR^TORIO    GALLIARUM 

(3  diocèses,  29  provinces) 

A.  Vicarius  Hispaniœ, 

1.  Consularis  Bœticae. 

2. 

—        Lusitaniœ. 

3. 

—        Gallaecise. 

4.     Praeses     Tarraconensis. 

5. 

—        Carthaginiensis. 

6. 

—        Tingitanae. 

7. 

—        Insularum  Balearium. 

B. 

Vicarius  septem  provinciarum. 

1.  Consularis  Viennensis. 

2. 

—        Lugdunensis. 

3*. 

—        Germanise  I. 

4. 

—        Germanise  IL 

5. 

—        Belgicae  I. 

6. 

—        Belgicae  IL 

7. 

Praeses     Alpium  Maritimarum. 

8. 

—        Alpium  Pœninarum  et  Graiarum. 

9. 

—        Maximae  Sequanorum. 

10. 

—        Aquitanicae  I. 

11. 

—        Aquitanicae  II. 

12. 

—        Novempopulan*. 

13. 

—        Narbonensis  I. 

14. 

—        Narbonensis  IL 

15. 

—        Lugdunensis  IL 

16. 

—        Lugdunensis  III. 

17. 

—        Lugdunensis  Senoni». 

C  Vicarius  Britanniarum, 

1.  Consularis  Maximœ  Csesariensis. 

2. 

—        Valentiae. 

3. 

Praeses     Britanniae  I. 

4. 

—        Britanniae  IL 

5. 

—        Flaviae  Cœsariensis. 

PR^FECTUS   PR^TORIO    ITALIE 

(3  diocèses  et  29  provinces,  30  en  comptant  le  proconsulat 

d'Afrique) 

A.  Vicarius  Urbis  Romœ, 

1.  Consularis  Campaniœ. 

2.  —        Tusciae  et  Umbriae. 

3.  —        Piceni  suburbicarii. 

4.  — •        Siciliae. 

5.  Corrector   Apuliae  et  Calabriae. 

6.  —        Bruttiorum  et  Lucaniae. 


EMPIRE 


—  954  — 


7. 

Prseses     Samnii. 

8. 

—        Sardinise. 

9. 

—        Corsicge. 

10. 

—        Valerise. 

B.  Vicarius  Italiœ, 

4. 

Consularis  Venetiae  et  Histriœ. 

2. 

—        iEmiliœ. 

3. 

—        Ligurise. 

4. 

—        Flaminiae  et  Piceni  Annonarii. 

5. 

—        Pannoniae  II. 

6. 

Corrector  Saviae. 

7. 

Praeses     Alpium  Cottiarum. 

8. 

—        Rœtise  I. 

9. 

—        Raetise  II. 

10. 

—        Pannoniae  I. 

11. 

—        Dalmatiae. 

12. 

—        Norici  mediterranei. 

13. 

—        Norici  ripensis. 

14. 

Dux       Valeriae  ripensis. 

C.  Vicarius  Africœ. 

1. 

Consularis  Byzacii. 

2. 

—        Numidiae. 

3. 

Praeses     Tripolitanae. 

4. 

—        Mauretaniae  Sitifensis. 

5. 

—        Mauretaniae  Caesariensis. 

Proconsul  A fricœ  (relewaint  directement  de  Tempereur). 

PR^FECTUS   PR^TORIO   ILLYRICI 

(2  diocèses  et  1   proconsulat,  12  provinces) 

A.  Le  diocèse  de  Dacie  est  sous  ses  ordres  directs,  sans 

vicaire  spécial. 

1 .  Consularis  Daciae  mediterranese. 

2.     Praeses     Mœsiae  I. 

3.        —        Praevalitanae. 

4.        —        Dardaniae. 

5.       Dux       Daciae  ripensis. 

B.  Proconsul  Achaïe. 

C.  Vicarius  Macedoniœ 

1.  Consularis  Macedoniae. 

2.        —        Cretae. 

3.     Praeses     Thessaliae. 

4.        —        Epiri  veteris. 

5.         —        Epiri  tiovae. 

6.        —        Macedoniae  salutaris. 

PR^FECTUS   PR^TORIO   ORIENTIS 
(5  diocèses  et  46  provinces,  49  en  comptant  celles  du  pro- 
consulat d'Asie) 

A.  Cames  Orientis. 

1.  Consularis  Palestinae  I. 

2.  —        Phœnices. 

3.  —        Syriae  I. 

4.  —        Ciliciae. 


5. 
6. 

Praeses 

Cypri. 
Palaestinae  II. 

7. 

— 

Palaeslinae  salutaris 

8. 

— 

Phœnices  Libani. 

9. 

— 

Euphratensis. 

10. 

— 

Syriae  salutaris. 

11. 

— 

Osrhoënae. 

12. 

— 

Mesopotamiae. 

13. 



Ciliciae  IL 

14. 

Cornes  rei 

militaris  Isauriae. 

15. 

Dux 

Arabiae. 

B.  Prœfectus  Augustalis, 

1. 

Corrector 

Augustamnicae, 

2. 

Praeses 

Arcadiae. 

3! 

— 

^gypti. 

4. 

— 

Thebaidos. 

5. 

— 

Libyae  superioris. 

6. 

— 

Libyae  inferioris. 

C.  Vicarius  dioceseos  Asiœ. 

1.  Consularis  Pamphyliae. 

2.  —  Lydiae. 

3.  Praeses     Cariae. 

4.  —  Lyciae. 

5.  —  Lycaoniae. 

6.  —  Pisidiae. 

7.  —  Phrygiae  Pacatae. 

8.  —  Phrygiae  salutaris. 

D.  Vicarius  Ponticœ. 

1.  Consularis  Bithyniae. 

2.  —        Galatiae. 

3.  Corrector  Paphlagoniae. 

4.  Praeses     Honoriados. 

5.  —  Galatiae  salutaris. 

6.  —  Cappadociae  I. 

7.  —  Cappadociae  IL 

8.  —  Helenoponti. 

9.  —  Ponti  Polemoniaci. 
dO.  —  Armeniae  I. 

11,        — •        Armeniae  IL 

E.  Vicarius  Tkraciarum. 

1.  Consularis  Europae. 

2.  —        Thraciae. 

3.  Praeses     Haemimonti. 

4.  —        Rhodopae. 

5.  —        Mœsiae  IL 

6.  —        Scythiae. 

PROCONSUL  ASI^ 

relevant   directement  de   l'empereur;  il  avait    sous    ses 

ordres  : 

1 .  Consularis  Hellesponti. 

2.  Praeses  insularum. 

Les  îles  italiennes  avaient  été  annexées,  dès  le  m®  siècle 
av.  J.-C.  La  Sicile,  pacifiée  depuis  longtemps  et  exploitée 
à  fond,  à  cause  de  sa  richesse  agricole,  comprenait  68  com- 
munes, dont  une  douzaine  de  colonies  romaines.  Les  autres 
conservaient  leur  constitution  grecque.  La  Sardaigne,  qui 
fut  alternativement  province  impériale  et  sénatoriale,  était 
entièrement  regardée  comme  pays  conquis  et  domaine  de 
l'Etat.  Les  communes  étaient  administrées  par  des  préfets 
que  nommait  le  gouverneur  romain. 

L'Espagne  ne  fut  définitivement  soumise  qu'en  l'an  19 
av.  J.-C,  dans  les  premières  années  de  l'Empire.  Le  Sud 
formant  la  province  de  Bétique  était  depuis  longtemps  pacifié  ; 
les  richesses  minières  et  agricoles  y  étaient  grandes  ;  dans 
le  centre,  les  Celtibériens  avaient  été  domptés;  de  ce 
côté,  les  villes  étaient  rares.  Au  N.-O.,  les  Gallaïques  et 
les  Astures  étaient  contenus  par  deux  légions;  sur  le 
rivage  du  golfe  de  Gascogne,  Astures  et  Cantabres 
étaient  de  véritables  sauvages,  comparables  aux  Peaux- 
Rouges.  La  Bétique  et  la  partie  limitrophe  de  la  Tarra- 
conaise  étaient  devenues  complètement  latines  de  mœurs  et 
de  langue  dès  le  premier  siècle  de  l'Empire  ;  les  routes, 
l'immigration  de  milliers  de  colons  romains,  le  service  mi- 
litaire agirent  avec  une  telle  rapidité  que,  dès  l'an  75,  on 
put  conférer  à  toute  l'Espagne  le  droit  latin  (jus  Latii), 
Bientôt  elles  donnèrent  à  l'Empire  deux  de  ses  meilleurs 
souverains,  Trajan  et  Adrien. 

La  Gaule  ne  fut  complètement  organisée  que  par  Auguste. 
Dans  les  années  38  et  27  av.  J.-C,  il  fallut  encore  com- 
primer des  révoltes  de  l'Aquitaine.  La  Narbonnaise,  romaine 
depuis  un  siècle,  était  docile;  le  reste  forma  trois  pro- 
vinces. Dans  son  ensemble,  le  pays  comprenait  300  à  400 
cantons  qui  furent  groupés  par  Auguste  en  64  cités  ;  il  se 
forma  de  grande  villes,  notamment  la  capitale  commune, 
Lyon,  où  le  culte  de  l'empereur  fut  centralisé,  ainsi  que 
l'administration  financière  des  trois  provinces.  Sur  la  fron- 
tière du  Rhin,  on  détacha  une  large  bande  de  territoire  qui 
forma  les  deux  provinces  de  Germanie.  Nous  y  reviendrons 
en  parlant  de  l'organisation  des  frontières.  Sauf  dans 
l'Aquitaine,  les  Gaulois  furent  d'abord  réfractaires  à  la 


-  955 


EMPIRE 


civilisation  romaine  ;  les  peuplades  avaient  leurs  privilèges 
garantis  par  des  traités  particuliers  et  y  tenaient,  l'aris- 
tocratie refusant  l'octroi  du  droit  de  cité  romaine.  Mais,  au 
bout  de  deux  générations,  la  résistance  s'atténua  ;  plusieurs 
régions  demandèrent  le  droit  de  cité,  et  la  romanisation, 
favorisée  par  quelques  colonies  (Cologne,Trèves,  Avenches), 
s'accéléra. 

Les  pays  alpestres  doivent  être  classés  à  part.  Les 
Romains  les  avaient  négligés,  malgré  les  continuels  actes 
de  brigandage  des  montagnards.  Ceux-ci  faisaient  même 
payer  aux  armées  un  tribut  pour  les  laisser  passer. 
Auguste  soumit,  en  14  av.  J.-C,  les  Alpes  Maritimes  et 
leurs  quatre  cités  des  deux  rives  du  Var  (Cimiez,  Vence, 
Senez  et  Castellane).  La  province  fut  plus  tard  agrandie 
au  N.  Dans  les  Alpes  Cottiennes,  le  royaume  de  Cottius  et 
ses  quatorze  cités  qu'il  gouvernait  furent  de  même  incor- 
porées à  l'Empire.  Comme  les  précédents,  ils  reçurent,  dès 
le  1®^  siècle,  le  droit  latin.  Dans  les  Alpes  Pennines,  la 
population  resta  très  indocile,  mais  fut  mise  à  la  raison 
par  Auguste;  la  province  ne  fut  bien  organisée  qu'au 
11^  siècle,  comprenant  le  Valais  avec  quatre  cités  et  une  partie 
de  la  Savoie  jusqu'à  la  Tarentaise. 

La  Grande-Bretagne  ne  fut  conquise  que  lentement. 
Auguste  y  exerçait  une  sorte  de  protectorat.  Claude  com- 
mença l'occupation  qui  fut  achevée  par  Agricola,  lequel 
fortifia  la  frontière  septentrionale,  renonçant  à  conquérir 
la  pointe  N.  de  l'île.  11  éleva  des  retranchements  entre  la 
Clyde  et  le  Forth.  Plus  tard,  Adrien  recula  la  frontière 
au  S.  entre  la  Tyne  et  le  golfe  de  Solway  où  il  traça  une 
double  ligne  de"  retranchements ,  celle  du  N.  flanquée 
de  80  redoutes.  Antonin  reporta  la  frontière  au  N.  et 
édifia  des  ouvrages  en  terre  sur  la  ligne  de  ceux  d'Agricola; 
Septime  Sévère  revint  au  mur  d'Adrien.  La  Bretagne  ne  fut 
que  peu  latinisée. 

Les  provinces  danubiennes  furent  ajoutées  à  l'empire 
romain  par  Auguste.  Elles  s'étendaient  entre  les  Alpes  et 
le  fleuve.  La  Rétie  allait  jusqu'à  l'Inn,  comprenant  l'E.  de 
la  Suisse,  le  S.  de  la  Bavière  et  le  N.  du  Tirol  actuel  ; 
elle  fut  conquise  en  l'an  15  av.  J.-C.  par  Drusus  et 
Tibère.  Les  Romains  y  fondèrent  quelques  villes,  surtout 
Augusta  Vindelicorum  (Augsbourg).  Elle  conserva  le  carac- 
tère de  gouvernement  militaire.  Le  royaume  de  Norique, 
réduit  en  province  à  la  même  époque,  conserva  son  auto- 
nomie jusqu'à  la  fin  du  second  siècle.  11  allait  de  l'Inn 
au  Kahlenberg  (Catius  mons)  et  correspond  aux  pays 
actuels  de  Salzbourg,  Carinthie,  etc.  Plus  à  l'E.,  la  Pan- 
nonie  résista  bien  plus  énergiquement  que  le  Norique.  La 
conquête  dura  plus  de  quinze  années  (35-9  av.  J.-C.)  et 
exigea  de  nouvelles  campagnes  de  l'an  6  à  l'an  9  de  l'ère 
chrétienne.  La  population  indigène  fut  décimée,  la  plupart 
des  adultes  tués  ou  vendus  au  loin.  C'était  le  pays  au  N. 
de  la  Saxe,  compris  dans  le  coude  du  Danube  (Hongrie 
occidentale);  les  Romains  y  créèrent  plusieurs  villes,  Sir- 
mium,  Mursa  (Eszeg),  Aquincum  (Ofen),  Savaria  (Szom- 
bathely),  Siscia  (Siszek),  Emona  (Laibach),  Vindobona 
(Vienne)  et  d'autres.  Cette  province,  subdivisée  plus  tard, 
acquit  une  grande  importance. 

L'Illyrie  comprenait  la  vaste  région  circonscrite  par  les 
Alpes,  le  Danube,  l'Adriatique,  les  Balkans  et  la  mer 
Noire.  Ce  nom  avait  été  emprunté  à  l'ancienne  ïllyrie 
(Albanie  septentrionale),  assujettie  vers  l'an  167  av.  J.-C. 
La  Dalmatie  fut  peu  à  peu  subjuguée,  définitivement  par 
Auguste.  Ces  farouches  montagnards  ne  furent  domptés 
qu'après  la  défaite  de  leurs  alliés  les  Pannoniens.  Voisine  de 
l'Italie,  la  Dalmatie  se  romanisa  ;  les  villes  s'y  multiplièrent, 
surtout  sur  le  rivage  oii  furent  établies  des  colonies  romaines. 
L'ancienne  Dalmatie  englobait  la  Bosnie  actuelle.  —  La 
Mésie  s'étendait  entre  le  bas  Danube  et  les  Balkans.  Elle 
fut  soumise  en  29  av.  J.-C.  sans  grande  difficulté.  On  en 
forma  une  province  bornée  à  l'O.  par  la  Drina  ;  plus  tard, 
elle  fut  subdivisée  en  Mésie  supérieure  (Serbie)  et  Mésie  infé- 
rieure à  rO.  du  Ciabrus  (Tzibritza).  Les  villes  sont  ou  des 
comptoirs  grecs  du  littoral  de  la  mer  Noire  ou  des  colonies 


romaines  comme  Singidunum  (Belgrade).  Au  m®  siècle,  ces 
contrées  deviennent  prospères  ;  sur  la  rive  droite  du  Danube 
se  multiplient  les  villes  romaines  qui  sont  encore  les  prin- 
cipales aujourd'hui,  Nicopolis,  Sistova,  Widdin.  Le  gou- 
verneur de  la  Mésie  inférieure  représentait  l'influence 
romaine  sur  la  côte  septentrionale  de  la  mer  Noire.  Les 
colonies  grecques  de  cette  région  étaient  tributaires  des 
rois  sarmates  ;  ceux-ci  étaient  sous  le  protectorat  de  Rome. 
La  ville  de  Tyras  (Akermann)  fit  partie  de  la  Mésie  jusqu'en 
237  ap.  J.-C.  Le  royaume  du  Bosphore  (Crimée)  reconnut 
l'autorité  romaine  jusqu'au  iv®  siècle  ;  ses  princes  plaçaient 
sur  la  monnaie  l'effigie  de  l'empereur  régnant.  Il  y  eut 
même  à  Chersonesos  une  garnison  romaine. 

Au  N.  du  Danube,  fut  organisée  par  Trajan  la  grande 
province  de  Dacie,  subdivisée  sous  Adrien  en  Dacie  supé- 
rieure à  l'O.  et  Dacie  inférieure  à  l'E.,  puis  sous  Marc 
Aurèle  en  trois  provinces.  Les  guerres  de  Trajan  avaient 
exterminé  le  peuple  dace,  et  pour  repeupler  ce  vaste  terri- 
toire compris  entre  le  Dniester  et  la  Temes,  il  fallut 
appeler  des  colons  de  toutes  les  parties  de  l'Empire.^  Cette 
œuvre  est  le  plus  extraordinaire  succès  de  la  colonisation 
romaine.  Bien  que  les  Romains  n'aient  gardé  le  pays  que 
durant  un  siècle  et  demi,  il  y  ont  créé  un  peuple,  le 
peuple  roumain,  le  seul  qui  ait  gardé  leur  nom.  Lorsque 
Aurélien  rappela  les  garnisons  de  la  Dacie,  il  transporta 
une  partie  des  habitants  sur  la  rive  droite  du  Danube  où 
il  transféra  également  le  nom  de  Dacie. 

Ou  donne  parfois  le  nom  d'illyrie  (lUyricum)  à  tout 
l'ensemble  des  provinces  danubiennes.  Elles  ont,  en  eff'et, 
une  physionomie  commune.  «  Autant  la  vie  romaine  se  déve- 
loppait avec  richesse  et  fécondité  dans  le  groupe  des  pro- 
vinces occidentales,  autant  sur  cette  pente  des  Alpes  et  de 
l'aemus  qui  descendait  du  Danube,  vers  la  barbarie  germa- 
nique et  slave,  les  mœurs  étaient  encore  grossières  et  vio- 
lentes. Peu  de  villes,  de  colonies  et  de  cités  privilégiées, 
mais  des  camps,  des  forteresses  et,  dans  les  peuplades 
indigènes,  l'habitude  des  armes  rendue  nécessaire  par  le 
voisinage  de  l'ennemi.  Cependant  l'Illyricum  deviendra  une 
des  parties  vitales  de  l'Empire,  parce  que  ses  habitants 
conservent  des  mœurs  guerrières  au  milieu  des  travaux  de 
la  paix.  De  là,  en  etFet,  sortirent  les  seuls  grands  princes, 
Théodose  excepté,  qui  arrêteront  quelque  temps  la  déca- 
dence romaine,  et  le  plus  illustre  des  empereurs  du  Bas- 
Empire,  Justinien.  »  (Duruy.) 

La  Thrace,  dont  l'importance  géographique  est  grande, 
en  raison  de  sa  situation  intermédiaire  entre  l'Europe  et 
l'Asie,  était  un  des  pays  les  plus  réfractaires  à  la  civili- 
sation. Le  rivage  méridional,  colonisé  par  les  Grecs,  était 
tombé  au  pouvoir  des  Romains  en  même  temps  que  la 
Macédoine  et  avait  été  rattaché  à  cette  province.  La  Cher- 
sonèse  fut  la  propriété  privée  d' Agrippa,  puis,  par  héritage, 
de  la  famille  impériale.  Dans  l'intérieur,  les  tribus  indigènes 
résistaient  à  toute  discipline.  Les  Romains  leur  firent  une 
guerre  méthodique,  les  obligèrent  tous  à  se  soumettre  sous 
le  nom  d'aUiés  et,  après  les  avoir  gouvernés  par  l'intermé- 
diaire de  princes  indigènes,  ils  mirent  à  la  tête  des  fonc- 
tionnaires et  réduisirent  la  Thrace  en  province  (46  ap.  J.-C). 
Les  cités  grecques  de  la  côte  (Abdère,  i^nos,  Byzance, 
Samothrace)  furent  déclarées  libres.  L'intérieur  du  pays 
fut  divisé  en  50  stratégies  entre  lesquelles  on  groupa 
les  tribus.  Des  colonies  romaines  furent  établies,  des 
villes  créées  ou  relevées.  Trajanopolis ,  PhiUppopolis , 
Hadrianopolis.  Les  progrès  de  la  vie  urbaine  et  de  la  pros- 
périté furent  grands  au  n®  et  au  m®  siècle,  et  la  Thrace, 
subdivisée  en  six  provinces,  était,  au  iv®  siècle,  une  des 
parties  les  plus  peuplées  et  les  plus  riches  de  l'Empire. 

La  Macédoine  s'étendait  du  Nestus  (Kara-sou)  à  l'E.  à 
la  mer  Adriatique  à  l'O.,  jusqu'au  Drin  et  au  mont  Scar- 
dus  (Tchar  Dagh)  au  N.,  jusqu'à  l'Œlta  et  au  golfe  Maliaque 
au  S.  ;  c'était  le  boulevard  de  la  puissance  romaine  dans 
cette  région  ;  les  anciens  Macédoniens,  divisés  en  quatre 
districts,  avaient  été  déclarés  libres  et  gardaient  leurs  lois,  . 
leurs  magistrats  électifs,  battant  monnaie,  percevant  les 


EMPIRE 


—  956  — 


impôts,  qu'ils  versaient  aux  Romains;  de  même,  les  cités 
de  Dyrrachium,  Amphipolis,  Thessalonique,  étaient  libres; 
la  première  devint  avec  Pella,  Philippis  Cassandria  (Poti- 
dée),  etc.,  une  colonie  romaine.  La  grande  voie  militaire 
de  la  péninsule  balkanique  {via  Egnatia)  traversait  la 
Macédoine  de  Dyrrachium  à  Thessalonique,  reliant  l'Italie 
à  l'Orient.  La  ipaix  assurée  par  la  compression  des  bar- 
bares voisins  (Dardaniens,  Thraces,  lUyriens)  ramenait  la 
prospérité  dans  ce  pays. 

L'Achaïe,  l'ancienne  Grèce,  ne  se  relevait  pas.  Toutes 
les  confédérations  avaient  été  dissoutes,  au  moins  en  tant 
que  pouvoirs  politiques  ;  les  cités  étaient  donc  isolées  ; 
quelques-unes  étaient  libres  (Athènes,  Sparte,  Delphes)  ; 
la  plupart  n'avaient  aucun  privilège.  Rattachée  d'abord  à 
la  Macédoine,  l'Achaïe  ne  devint  province  particulière 
qu'en  27  av.  J.-C.  L'Epire  lui  fut  rattachée  momentané- 
ment. Des  colonies  romaines  furent  fondées  à  Corinthe, 
Patras,  Actium  (Nicopolis).  Tandis  que  les  pays  occiden- 
taux, Espagne  et  Gaule,  et  les  provinces  danubiennes  tiraient 
grand  bénéfice  de  la  domination  romaine  et  développaient 
une  richesse  matérielle  et  une  civilisation  urbaine  qu'elles 
n'avaient  pas  encore  possédée,  en  Grèce,  la  ruine  de  la 
la  liberté  politique  acheva  la  ruine  matérielle.  La  popu- 
lation décrut  sans  cesse,  les  campagnes  désertes  se  trans- 
formaient en  pacages;  les  îles  n'étaient  plus  cultivées.  Le 
sort  de  l'Epire  et  des  cantons  montagneux  du  Nord  fut 
pire  encore  ;  les  tribus  de  cette  zone  retombaient  dans  la 
demi-barbarie  d'où  Rome  tirait  les  lUyriens  et  les  Thraces. 

L'Asie  Mineure  était  autrefois  et  est  restée  jusqu'à  la 
conquête  turque  un  pays  très  favorisé;  les  plateaux  du 
centre,  les  montagnes  et  les  belles  vallées  du  pourtour  ont 
abrité  bien  des  royaumes  et  bien  des  races.  Il  acceptèrent 
assez  facilement  la  domination  romaine  qui,  comme  celle 
des  Perses,  respectait  leurs  constitutions  particulières.  Au 
début,  les  Romains  n'occupèrent  que  les  plaines  occiden- 
tales et  les  côtes,  laissant  à  l'intérieur  les  dynasties  natio- 
nales qui  leur  obéissaient  servilement.  Ce  n'est  que  len- 
tement que  celles-ci  furent  l'une  après  l'autre  éliminées. 
La  première  province  était  celle  d'Asie,  l'ancien  royaume 
de  Pergame,  comprenant  l'ancienne  Lydie  avec  la  Mysie, 
la  Carie  et  les  colonies  grecques  d'Eolide,  lonie  et  Doride 
(moins  Rhodes,  incorporée  sous  Vespasien).  Les  limites 
vers  l'E.  changèrent  à  plusieurs  reprises.  Les  communes 
urbaines  très  nombreuses,  on  en  comptait  500,  furent 
groupées  en  44  districts  ;  beaucoup  des  cités  avaient  le  pri- 
vilège de  l'autonomie.  Ultérieurement,  l'Asie  fut  morcelée 
en  sept  petites  provinces.—  La  Bithynie  (du  Rhyndacus  au 
Sangarius  [Sakaria])  s'accrut  à  la  mort  de  Mithridate  du 
Pont  occidental  jusqu'à  l'Halys  (Kyzyl  Irmak),  mais  les 
deux  fractions  conservèrent  leurs  institutions  particulières  ; 
la  première  comprenait  12  cités,  la  seconde  il  cités; 
quelques-unes  jouissaient  de  privilèges,  à  titre  de  villes 
libres  ou  de  colonies.  Les  colonies  étaient  peu  nombreuses 
en  Asie  Mineure,  car  le  pays  n'avait  guère  résisté;  les 
armées  y  séjournèrent  peu  et  on  n'eut  pas  souvent  d'occa- 
sion d'y  établir  des  vétérans.  —  Le  royaume  de  Galatie, 
réduit  en  province  l'an  25  av.  J.-C,  comprenait  de  vastes 
territoires,  la  Galatie  proprement  dite  (Ancyre,  Pessinonte, 
Tavium),  la  Pisidie,  la  Phrygie  orientale,  la  Lycaonie, 
l'Isaurie,  la  Paphlagonie  méridionale,  une  partie  du  Pont 
(Amasia,  Comana),  et  l'on  y  adjoignit  encore  momentané- 
ment (63  ap.  J.-C.)  le  Pont  Polémoniaque,  dont  dépendait 
la  côte  jusqu'à  Trébizonde.  La  province  renfermait  deux 
cités  libres,  Sagalassus  et  Termessus,  plusieurs  colonies 
romaines,  Iconium,  Claudiopolis,  Antioche  de  Pisidie,  etc.  ; 
chacune  des  régions  énumérées  avait  gardé  son  adminis- 
tration propre  avec  sa  métropole  et  son  assemblée.  — 
Quand  le  royaume  de  Cappadoce  devint  province  romaine 
(17  ap.  J.-C),  on  lui  laissa  son  administration  avec  ses 
onze  stratégies  ;  la  province  fut  agrandie  plus  tard  par 
l'annexion  "du  Pont,  de  la  Petite- Arménie,  enfin  de  la 
,  Lycaonie  avec  Iconium;  elle  confinait  à  l'Euphrate  et  au 
Taurus.  C'était  un  pays  rural  ;  peu  de  villes  ;  aussi  l'in- 


fluence romaine  fut-elle  médiocre,  bien  moindre  qu'en 
Galatie.  Au  ii®  siècle,  les  bords  de  la  mer  Noire,  dans  la 
région  caucasique,  étaient  rattachés  à  la  Cappadoce,  jus- 
qu'à Pliasis  et  Dioscurias;  dans  les  montagnes  de  l'inté- 
rieur se  maintenaient  les  petits  princes  indigènes,  vassaux 
peu  fidèles.  La  Petite-Arménie  {Armenia  minor)  compre- 
nait la  vallée  supérieure  de  l'Euphrate  avec  Mélitène.  Cette 
province  de  Cappadoce  avait  une  réelle  importance  poli- 
tique, parce  qu'elle  était  contiguë  à  l'Arménie  et  à  la  Cau- 
casie. Nous  en  reparlerons  à  l'occasion  de  la  défense  des 
frontières.  Aux  quatre  anciennes  villes  (Tyane,  Mazaca, 
Ariarathia,  Archelais),  les  Romains  en  ajoutèrent  succes- 
sivement une  quinzaine  d'autres.  Aussi  put-on  subdiviser 
la  province  en  sept  autres  au  iv®  siècle  ap.  J.-C.  —  La 
province  de  Lycie  et  Pamphylie  date  seulement  de  Vespa- 
sien; la  Pamphylie,  annexée  en  103  av.  J.-C,  avait  été 
réunie  d'abord  à  la  Cilicie,  puis  à  la  Galatie,  et,  quant  à  la 
Lycie,  elle  demeura  libre  jusque  sous  Néron  et  sous  Galba. 
Les  deux  pays  conservèrent  leurs  nationalités  distinctes  ;  la 
Lycie  était  une  confédération  de  23  cités,  élisant  ses  fonc- 
tionnaires. —  La  Cilicie  ne  fut  bien  nettement  une  pro- 
vince particulière  que  depuis  Adrien.  Les  Romains  y  lais- 
sèrent vsubsister  longtemps  de  petites  dynasties  locales  ; 
celle  d'Elaiussa,  possédant  la  Cilicie  Trachée  ;  celle  d'Olbe, 
ancienne  théocratie  ;  celle  de  Tarcondimotus,  dans  les 
monts  Amanus;  six  villes  étaient  fibres.  Tarse,  Ana- 
zarbus,  Corycus,  Mopsus,  Seleucia  ad  Calycadnum  eXE^x^  ; 
on  cite  do  plus  trois  colonies  romaines.  La  province  de 
Cilicie  n'avait  en  somme  aucune  unité;  on  y  rencontre 
plus  de  douze  ères  différentes  pour  les  supputations  chro- 
nologiques. —  L'île  de  Chypre  comprenait  quinze  cités  ; 
Paphos  puis  Salamine  furent  les  principales. 

La  Syrie  avait  été  morcelée  d'une  manière  si  compliquée 
à  cause  des  diff'érences  de  races  ou  des  luttes  locales  que 
la  province  de  ce  nom  subit  des  remaniements  continuels. 
Les  Syriens  à  demi  hellénisés  allaient  jusqu'à  Damas; 
à  l'E.  et  au  S.,  on  trouvait  les  Arabes,  à  l'O.  les  Phéni- 
ciens, au  S.  les  Juifs,  parlant  des  langues  différentes.  Mais, 
de  plus,  chacun  de  ces  territoires  nationaux  comprenait  des 
villes  helléniques;  enfin  un  certain  nombre  de  dynasties 
locales  se  maintenaient  sur  des  districts  plus  ou  moins  vastes. 
Les  Romains,  se  substituant  aux  Séleucides,  respectèrent 
à  peu  près  ces  divisions  compliquées,  ramenant  graduelle- 
ment l'unité.  Aux  villes,  ils  donnèrent  une  constitution 
aristocratique  censitaire,  leur  laissant  l'administration  et 
la  gestion  de  leurs  revenus.  Dans  toute  la  région  maritime, 
ils  favorisèrent  et  restaurèrent  les  villes,  partageant  le 
pays  en  circonscriptions  urbaines.  Dans  l'intérieur,  au 
contraire,  ils  utilisèrent  les  dynasties  régnantes  comme 
agents  responsables.  Ces  petits  royaumes  furent  l'un  après 
l'autre  annexés.  Celui  de  Comagène  (entre  l'Euphrate,  l'Ama- 
nus  et  la  Syrie),  en  72  ap.  J.-C;  celui  de  Chalcis  (entre  le 
Liban  etl'Antiliban),  vers  92  ap.  J.-C;  la  tétrarchie  d'Abi- 
lène  (versant  oriental  de  l'Antiliban),  en  48  ou  49  ap.  J.-C; 
le  royaume  d'Aréthuseet  d'Emèse,  sous  Domitien;  celui  de 
Damas,  en  106  ap.  J.-C—  La  Judée,  organisée  comme  la 
Syrie,  redevint  bientôt  un  royaume  vassal,  subdivisé  en  trois 
lots  à  la  mort  d'Hérode(4  av.  J.-C),  réuni  entre  les  mains 
d'Hérode  Agrippa  en  41  ap.  J.-C  Mais,  dès  44,  il  est 
administré  par  des  procurateurs  romains,  et  les  révoltes  des 
Juifs  amènent  leur  extermination.  En  plein  désert,  dans 
l'oasis  de  Palmyre,  est  une  cité  grecque  que  l'Empire 
s'annexa  vers  l'an  106  av.  J.-C.  et  qui  prit  une  grande 
importance  au  point  commercial  et  stratégique.  La  Judée, 
ou  Syriœ  Palœstinœ,  fut  à  peu  près  toujours  une  pro- 
vince particulière;  la  Syrie  proprement  dite  fut  divisée, 
sous  Septime  Sévère,  en  Syria  Cœle  et  Syria  Phœnice, 
la  première  comprenant  le  N.  avec  Antioche  et  la  Coma- 
gène,  la  seconde  la  Phénicie,  Emèse,  Damas,  Palmyre, 
VAuranitis,  la  Batanea,  la  Trac/iomifi'.  Enfin,  au  temps 
du  Bas-Empire,  ces  trois  provinces  en  formèrent  sept.  La 
Syrie  fut  une  des  parties  principales  de  l'empire  romain, 
par  l'abondance  de  sa  population,  par  sa  richesse,  par  son 


957  — 


EMPIRE 


originalité.  L'élément  romain  \int  s'ajouter  aux  autres, 
syriaque,  araméen,  phénicien,  hébreu,  arabe,  grec.  — 
La  province  d'Arabie  comprenait  la  région  de  Bostra  et  de 
Petra  annexée  par  Trajan  en  105  ap.  J.-C. 

Les  provinces  de  l'Euphrate,  disputées  entre  les  Romains 
et  les  Parthes,  n'appartinrent  qu'irrégulièrement  à  l'Empire. 
L'Arménie,  de  l'Euphrate  à  la  mer  Caspienne,  était  un 
royaume  alternativement  vassal  de  ses  deux  puissants  voi- 
sins. Elle  ne  fut  réduite  définitivement  en  province  que  par 
l'empire  byzantin.  La  Mésopotamie  et  l'Assyrie,  conquises 
par  Trajan,  furent  évacuées  par  Adrien;  mais  Marc  Aurèle 
réoccupa  la  région  septentrionale  entre  l'Euphrate  et  le 
Tigre  et  rétabht  une  province  de  Mésopotamie;  la  zone 
orientale,  l'Osrhoëne,  fut  laissée  à  la  dynastie  indigène. 
Des  colonies  romaines  étaient  établies  à  Ninive,  Carrhes, 
Singara,  Edesse,  Nisibis.  En  363,  celle-ci  fut  cédée  aux 
Perses  par  Jovien  «  et  c'est  là  le  premier  exemple  de 
cession  forcée  de  territoire  qui  nous  ait  été  présenté  par 
l'histoire  romaine  ». 

Des  provinces  africaines,  la  première  était  l'Egypte,  le 
plus  ancien  des  Etats  méditerranéens.  Auguste  lui  fit  une 
place  à  part;  elle  fut  considérée  comme  domaine  des  empe- 
reurs et  l'on  prit  de  grandes  précautions  à  son  égard  ;  autant 
tous  les  pays  que  nous  venons  de  parcourir  étaient  hétéro- 
gènes avec  leurs  cités,  leurs  cantons,  de  race,  de  lang,ue, 
de  mœurs  différentes,  leurs  tribus  rivales  et  ennemies, 
autant  ce  vaste  pays  de  sept  ou  huit  millions  d'àmes  avait 
l'homogénéité  d'un  Etat  moderne.  On  lui  laissa  le  système 
administratif  des  Ptolémées;  la  langue  grecque  resta  langue 
officielle;  le  vice-roi  relevant  directement  de  l'empereur 
prit  la  place  des  anciens  rois  ;  les  institutions  religieuses 
furent  respectées  soigneusement.  La  nationalité  égyptienne 
fut  conservée,  et  l'on  ne  s'efforça  nullement  de  la  romaniser. 
Cependant  quelques  villes  grecques  avaient  leur  constitution 
particulière,  et  Alexandrie  fut  aussi  traitée  à  part. 

Les  anciens  ne  comptaient  dans  l'empire  romain  que 
quatre  provinces  africaines  :  la  Cyrénaïque,  l'Afrique,  la 
Numidie,  la  Maurétanie  ;  en  effet,  ils  rattachaient  l'Egypte 
à  l'Asie  et,  pour  l'administration  romaine,  cette  opinion 
prévalut  encore  au  iv*^  siècle.  La  Cyrénaïque  était  séparée 
de  l'Egypte  par  les  terrasses  presque  désertes  du  Cata- 
bathmus;  ces  solitudes  de  la  Marmarica  furent  cependant 
conquises  et  leurs  nomades  habitants  rattachés  à  la  pro- 
vince de  Cyrénaïque,  de  même  que  l'île  de  Crète.  La  Cyré- 
naïque était  en  décadence;  la  Crète  également.  —  L'Afrique, 
(aujourd'hui  Tunisie  et  Tripohtaine),  c.-à-d.  l'ancien  terri- 
toire de  Cartilage,  fut  agrandie  en  25  av.  J.-C.  par 
l'annexion  de  laNumidiequi  s'étendait  jusqu'à  l'Ampsaga; 
celle-ci  devint  une  province  particulière  sous  Septime 
Sévère  ;  sous  Dioctétien,  on  détacha  de  l'Afrique  la  Byza- 
cène  et  la  Tripolitaine.  Les  tribus  berbères  avaient  conservé 
une  partie  de  leur  autonomie  ;  l'élément  phénicien  demeu- 
rant prépondérant  dans  la  province  d'Afrique,  la  religion 
et  surtout  la  langue  persistèrent.  Toutefois,  l'élément  ro- 
main acquit  beaucoup  d'importance,  et  Carthage  devint  le 
centre  d'une  civilisation  latino-africaine  très  curieuse.  En 
Afrique  et  en  Numidie,  les  colonies  romaines  furent,  au 
temps  de  Pline,  au  nombre  de  six,  plus  quinze  villes  ayant 
le  droit  de  cité  romaine  et  trente  villes  libres. —  La  Mau- 
rétanie, royaume  vassal,  ne  fut  annexée  qu'en  40  ap.  J.-C. 
On  en  forma  deux  provinces;  un  grand  nombre  de  colonies 
y  furent  fondées,  et  la  civilisation  romaine  y  a  laissé  des 
traces  profondes. 

Les  frontières.  Une  des  premières  tâches  de  l'Empire 
fut  l'organisation  des  frontières.  Il  définit  son  territoire  et 
en  assura  la  défense  contre  l'ennemi  extérieur.  Auguste 
s'efforça  de  lui  donner  des  frontières  naturelles,  cours  d'eau 
ou  montagnes,  et,  dans  son  testament,  il  conseilla  de  s'en 
tenir  là.  Les  guerres  de  conquête  cessent  donc  ;  la  politique 
sera  surtout  défensive.  Cependant  Claude  annexa  la  Bre- 
tagne, Trajan  la  Dacie  et  la  Mésopotamie.  Mais  on  revint 
ensuite  à  la  tradition  du  fondateur.  On  s'efforça  d'avoir 
une  frontière  continue,  protégeant  l'Empire  soit  par  des 


barrières  naturelles,  soit  par  des  retranchements.  Comme 
l'indique  Marquardt,  le  but  semble  avoir  été  d'isoler  l'Em- 
pire, non  moins  que  de  le  défendre.  «  Ces  retranchements 
étaient  tels  qu'ils  semblaient  avoir  pour  objet  moins  de 
défendre  les  frontières  contre  une  invasion  nombreuse  que 
d'empêcher  en  général  toute  communication.  Dans  une  vue 
semblable,  on  imposa  entre  autres  conditions  de  paix  aux 
tribus  des  Quades,  des  Marcomans,  des  lazyges  et  des 
Buriens  qui  habitaient  au-dessus  du  Danube  l'obHgation  de 
laisser  au  N.  de  la  frontière  un  certain  nombre  de  milles 
inhabités  et  déserts,  même  de  n'avoir  aucun  bateau  sur  le 
fleuve,  alors  que  la  flottille  romaine  du  Danube  surveillait 
les  communications  par  eau  ;  et  la  rigueur  de  la  police 
exercée  aux  frontières  au  regard  des  personnnes  et  des 
marchandises  apparaît  dans  des  cas  nombreux  appartenant 
à  des  époques  très  différentes,  d'où  l'on  peut  conclure  à 
l'existence  de  certaines  règles  appliquées  pendant  toute  la 
durée  de  l'Empire.  Les  étrangers  ne  peuvent  franchir  les 
frontières  que  de  jour,  après  avoir  déposé  leurs  armes  et 
sous  une  escorte  militaire  qu'ils  doivent  payer;  de  temps 
en  temps  même  l'accès  des  frontières  était  interdit  à 
quiconque  n'apportait  pas  des  dépêches  à  l'empereur.  Au 
contraire,  la  circulation  des  marchandises  est  libre,  mais 
sous  certaines  conditions.  »  Les  précautions  prises  pour 
isoler  l'Empire  des  pays  voisins  contribuent  à  manifester 
son  homogénéité,  derrière  ses  frontières,  naturelles  ou 
artificielles. 

Au  N.,  en  Europe,  c'est  la  ligne  du  Rhin  et  du  Danube 
qui  le  sépare  des  peuples  germains  et  slaves.  Les  marécages 
des  bouches  du  Rhin  étaient  gardées  par  les  Bataves,  vas- 
saux des  Romains.  A  la  hauteur  de  Cologne,  grande  colonie 
et  place  d'armes,  Agrippa  avait  cantonné  les  Ubiens  et  les 
Tongres,  ennemis  des  Suèves  et  des  Cattes,  qui  défendront 
le  passage  du  fleuve.  Sur  la  répartition  des  forces  militaires 
dans  l'Empire,  nous  renvoyons  aux  art.  Armée  romaine  et 
Auguste.  A  partir  de  l'embouchure  du  Main,  la  frontière 
passait  sur  la  rive  droite  du  Rhin  et  un  retranchement  allait 
joindre  le  coude  du  Danube,  couvrant  les  Champs  décu- 
mates  (V.  t.  XIII,  p.  1097).  A  partir  de  ce  point  la  frontière 
suivait  le  Danube  jusqu'à  la  mer  Noire,  sauf  pendant  la 
période  où  fut  constituée  au  N.  du  fleuve  la  province  de 
Dacie  (V.  ce  mot).  De  fortes  colonies  romaines  avaient  été 
établies  dans  cet  angle  saillant  de  la  Pannonie,  dans  les 
vallées  de  la  Save  et  de  la  Drave,  de  manière  à  couvrir 
l'ItaHe  du  côté  vulnérable.  Sur  le  Danube  même  nous  trou- 
vons les  places  de  Taurunum  (Semlin)  et  Sirmium,  puis  les 
villes  de  la  Mésie.  Nous  avons  déjà  indiqué  sommairement 
l'extension  de  l'influence  romaine  autour  de  la  mer  Noire. 
—  En  Asie,  la  frontière  était  flottante  ;  l'ascendant  de 
l'Empire  s'étendait  sur  les  pays  du  Caucase,  mais  non  sur  sa 
domination  directe.  L'Arménie  lui  échappa  plusieurs  fois. 
Nous  avons  dit  comment  la  Mésopotamie  fut  disputée  avec 
les  Parthes,  puis  les  Perses.  La  hmite  de  la  Syrie  était  le 
désert,  Palmyre  servant  d'avant-poste.  —  En  Afrique,  de 
même,  la  frontière  méridionale  est  formée  par  le  désert; 
on  avait  multiplié  les  postes  au  débouché  des  vallées.  Pour 
toutes  ces  questions  des  limites  précises  et  successives  de 
chaque  province,  il  faut  se  reporter  aux  articles  spéciaux 
(Syrie,  Egypte,  etc). 

Les  voies  romaines.  Au  point  de  vue  stratégique,  la 
défense  de  l'empire  romain  n'était  pas  seulement  assurée 
aux  frontières  ;  les  mesures  prises  de  ce  côté  furent  com- 
plétées par  la  construction  d'un  vaste  réseau  de  routes, 
routes  militaires  d'abord,  mais  qui  servirent  à  tous  les 
besoins  d'une  circulation  d'hommes  et  de  marchandises  de 
plus  en  plus  active.  On  lira  dans  l'art.  Route  la  descrip- 
tion des  voies  romaines  qui  sont  encore  un  des  témoignages 
les  plus  persistants  de  la  grandeur  de  l'Empire.  Ici  nous 
ne  nous  en  occuperons  qu'au  point  de  vue  politique.  L'im- 
portance de  ces  grandes  voies  était  telle  qu'Auguste  s'en 
fit  attribuer  l'administration  par  une  loi  spéciale  (20  av. 
J.-C).  Il  lui  donna  un  grand  développement.  Toutes  par- 
taient  de   Rome,  du  Milliaire  d'or    que    l'empereur  fit 


EMPIRE 


958  - 


ériger  au  Forum  ;  de  là  elles  rayonnaient  vers  les  extré- 
mités de  l'Empire.  On  discerne  cinq  réseaux  principaux. 
Par  la  voie  Appienne,  on  se  rendait  en  Campanie,  puis  dans 
l'Italie  méridionale  jusqu'à  Rhegium  ;  de  là  on  passait  en 
Sicile  et  la  route  longeait  la  côte  septentrionale  de  l'île, 
par  Palerme,  gagnant  Lilybée;  on  s'y  embarquait  pour 
Carthage  d'où  partaient  deux  grandes  routes,  dont  l'une  fut 
prolongée  jusqu'à  Tingis  (Tanger)  vers  l'Atlantique,  l'autre 
jusqu'à  Alexandrie  en  Egypte.  D'Alexandrie,  deux  voies 
remontaient  le  long  des  deux  rives  du  Nil  jusqu'à  la  fron- 
tière éthiopienne  ;  une  troisième  chaussée  traversait  l'isthme 
de  Suez  et  par  la  Palestine  et  la  Syrie  arrivait  à  Antioche. 
—  Ceux  qui  voulaient  de  l'Italie  passer  dans  les  provinces 
orientales  suivaient  la  voie  Appienne  jusqu'à  Capoue,  bifur- 
quaient alors  vers  le  S.-E.  et  allaient  à  Brundusium,  tra- 
versaient l'Adriatique  et  débarquaient  à  Dyrrhachium.  Ce 
port  grec  était  la  tète  de  la  belle  voie  Egnatia  qui,  par  la 
Macédoine,  gagnait  Thessalonique  ;  deux  embranchements 
se  dirigeaient  par  la  région  occidentale  et  la  région  orien- 
tale de  la  péninsule  hellénique  et  se  réunissaient  à  Athènes 
où  ils  se  reliaient  au  système  routier  du  Péloponèse.  De 
Thessalonique,  la  voie  maîtresse  continuait  le  long  du  rivage 
de  la  mer  Egée,  par  les  villes  grecques  de  Thrace  vers 
Byzance  d'une  part  et  Callipolis  de  l'autre.  La  grande  route 
des  armées  était  celle-ci  :  elle  franchissait  l'Hellespont 
entre  Callipolis  et  Lampsaque,  traversait  toute  l'Asie 
Mineure  pour  aboutir  à  Antioche.  —  Trois  réseaux  routiers 
mettaient  en  communication  Rome  avec  les  contrées  septen- 
trionales. Par  la  voie  Flaminia,  on  allait  en  Ombrie  et  vers 
Ancône;  ensuite  la  voie  ^Emilia  ramenait  vers  le  N.-O.  à 
Milan.  De  celle-ci  se  détachait  à  Mutina  (Modène)  une 
chaussée  qui  conduisait  à  Aquilée  par  Vérone  ;  une  autre 
partie  de  Milan,  atteignait  le  même  but  par  Bergamum  et 
Brixia,  rejoignant  la  précédente  à  Vérone.  Du  grand  marché 
et  poste  militaire  d'Aquilée  partaient  une  série  de  routes  ; 
celle  de  la  Dalmatie  qui,  par  Pola  et  les  côtes  orientales  de 
l'Adriatique,  se  dirigeait  vers  Dyrrhachium;  celle  de  la 
péninsule  balkanique  qui  passait  par  Siscia,  Sirmium,  Sar- 
dique  et  Andrinople  pour  aboutir  à  Byzance  et  s'y  rattacher 
aux  routes  de  l'Asie  Mineure  ;  enfin  celle  de  la  Pannonie 
dont  l'extrémité  était  Carnuntum  (en  face  du  confluent  de 
la  March  et  du  Danube),  d'où  l'on  allait  à  l'E.  vers  Aquin- 
cum (Ofen),  à  rO.  vers  l'Enns.  L'affermissement  de  la 
domination  romaine  dans  les  Alpes  centrales  décida  la 
construction  de  nouvelles  routes  ;  l'une  d'Aquilée  à  Veldi- 
dena  (Wilden)  sur  l'Inn,  franchissait  les  Alpes  Carniques. 
Mais  la  grande  voie  était  celle  du  Brenner,  dont  la  tête 
était  Vérone  et  l'aboutissant  Augusta  Vindelicorum 
(Augsbourg)  ;  cette  ville  était  rattachée  à  Ratisbonne  et 
Enns  (et  par  là  à  Carnuntum)  vers  l'E.,  à  l'O.  avec  les 
établissements  romains  des  bords  du  Neckar  (Champs  décu- 
mates),  enfin  au  S.-O.,  avec  ceux  du  lac  de  Constance 
desservis  par  la  route  de  Milan  et  du  col  du  Splugen  vers 
Bregenz  et  Augusta  Rauracoriim  (vVugst-Bâle).  —  Les 
relations  entre  l'Italie  et  la  Gaule  se  faisaient  par  l'intermé- 
diaire de  Milan  et  de  Turin.  Les  voies  romaines  principales 
étaient  celle  du  mont  Genèvre,  par  où  l'on  se  rendait  à  Arles  ; 
celle  du  Petit-Saint-Bernard  qui  menait  à  Vienne,  à  Genève, 
à  Besançon  et  à  la  vallée  moyenne  du  Rhin;  celle  du 
Grand-Saint-Bernard  qui  se  détachait  de  la  précédente  à 
Augusta  Prœtoria  (Aoste),  passait  par  Martigny,  Vevey, 
Augusta  Rauracorum,  et  la  rive  gauche  du  Rhin  jusqu'à 
Moguntaciacum  (Mayence)  ;  on  la  prolongea  par  Trêves, 
Cologne,  Nimègue,  Utrecht,  jusqu'à  la  mer  du  Nord,  et, 
dans  un  autre  sens,  vers  Reims,  la  grande  place  de  la 
Gaule  septentrionale,  reliée  à  la  vallée  de  la  Seine  par 
Paris  et  Rouen,  à  celle  de  la  Loire  par  Orléans,  enfin  à 
celle  du  Rhône  par  Lyon  ;  de  Lyon,  centre  de  la  Gaule 
entière,  d'autres  routes  joignaient  Strasbourg  et  Bordeaux. 
—  La  dernière  grande  route  militaire  de  l'Italie  était  la 
voie  Aurélia  qui  longeait  le  rivage  de  la  mer  Tyrrhénienne, 
par  Centumcellse,  Pise,  Luna,  Gênes,  puis  suivant  le  trajet 
de  la  Corniche  conduisait  à  Marseille  et  Arles.  De  là  elle 


allait  à  Narbonne,  avec  embranchejnent  sur  Bordeaux  ;  elle 
franchissait  les  Pyrénées  à  Juncaria^  se  rendait  à  Bar- 
celone, Tarragone,  Tortose  où  elle  passait  l'Ebre  pour 
suivre  la  côte  méditerranéenne  jusqu'à  Gades  (Cadiz). 

En  somme,  les  cinq  réseaux  que  nous  venons  de  décrire 
sommairement,  rattachaient  la  capitale  de  l'Empire  à 
l'Afrique,  à  l'Orient  hellénique,  aux  pays  danubiens,  à  la 
Gaule,  à  l'Espagne.  Leur  raison  d'être  essentielle  était  le 
transport  rapide  des  légions  d'un  point  à  l'autre  des  pro- 
vinces. La  faiblesse  numérique  de  l'armée  romaine  était 
compensée  par  cette  mobilité.  Nous  avons  déjà  dit  que  ce* 
routes  furent  aussi  utilisées  pour  le  commerce  et  servirent 
au  développement  de  la  poste,  institution  publique  créée 
par  le  fondateur  de  l'Empire  (V.  Route,  Commerce,  Poste 
et  Auguste). 

Fondation  de  l'Empire.  —  Les  faits  relatifs  à  la 
fondation  de  l'Empire  ont  été  exposés  dans  l'art.  Auguste 
(V.  aussi  l'art.  César).  Nous  n'y  reviendrons  que  très 
brièvement .  On  a  dit  comment  le  vainqueur  d'Actium  trans- 
forma les  institutions  républicaines  et  s'efforça  de  dissi- 
muler le  principe  monarchique.  L'empire  romain  des  pre- 
miers siècles,  que  l'on  désigne  sous  le  nom  de  Haut-Empire, 
n'est  pas  à  proprement  parler  une  monarchie.  Mommsen 
l'a  désignée  sous  le  nom  de  dyarchie,  faisant  allusion  au 
partage  de  l'autorité  entre  l'empereur  et  le  Sénat  (V.  ce 
mot).  Le  terme  usuel  fut  celui  de  principat.  Nous  en  dé- 
crirons plus  loin  les  principes  et  l'organisation  (V.  le  §  V Or- 
ganisation de  l'Empire). 

Histoire  du  Haut-Empire.  —  Octave,  décoré  du 
nom  d'Auguste  en  27  av.  J.-C,  consacra  sa  vie  à  l'orga- 
nisation du  nouvel  empire.  Sous  la  forme  qu'il  lui  donna, 
celui-ci  dura  environ  trois  siècles,  jusqu'à  la  grande  ré- 
forme politique  et  administrative  de  Dioclétien.  Ces  trois 
premiers  siècles  embrassent  la  durée  du  Haut-Empire 
ainsi  nommé  pour  le  distinguer  du  Bas-Empire,  On  y  peut 
marquer  plusieurs  divisions  :  la  période  des  douze  Césars 
ou  du  premier  siècle  ;  la  période  des  Antonins  ou  du  second 
siècle  ;  la  période  des  princes  syriens,  et  enfin  la  période 
de  l'anarchie  et  des  empereurs  illyriens. 

La  période  des  douze  Césars  comprend  deux  groupes  de 
souverains,  d'abord  ceux  de  la  famille  Julienne  et  Clau- 
dienne  (Jules  César,  Auguste,  Tibère,  Caligula,  Claude, 
Néron)  ;  à  la  fin,  ceux  de  la  famille  Flavienne  (Vespasien, 
Titus,  Domitien).  Entre  ces  deux  dynasties  s'intercalent 
les  règnes  de  trois  empereurs  éphémères  (Galba,  Othon, 
Vitellius).  Auguste,  lorsqu'il  eut  pris  possession  officielle 
du  pouvoir  impérial  (27  av.  J.-C.)  et  ordonné  l'adminis- 
tration provinciale,  d'accord  avec  le  Sénat,  fut  un  des  princes 
les  plus  actifs  qu'ait  possédés  l'Empire.  En  dehors  de  son 
travail  d'organisation  politique  et  administrative,  de  la 
réforme  complète  de  V armée  romaine  (V.  ce  mot),  des 
réformes  financières,  de  la  réforme  religieuse,  de  la  protec- 
tion éclairée  donnée  aux  lettres  et  aux  arts,  de  ses  grands 
travaux  publics,  il  eut  une  politique  extérieure  méthodique, 
poussant  l'Empire  jusqu'à  ses  frontières  naturelles.  La 
conquête  de  l'Espagne  fut  achevée  par  la  défaite  des  Can- 
tabres,  et  les  Alpes  gauloises  pacifiées  par  celle  des  Salasses; 
l'Afrique  par  celle  des  Gétules  et  l'institution  du  royaume 
de  Maurétanie.  Après  une  première  série  de  voyages  qui 
achèvent  l'œuvre  de  la  fondation  du  gouvernement  impé- 
rial, Auguste,  pour  faire  jouir  ses  sujets  de  la  paix  romaine, 
travaille  à  la  frontière.  Du  côté  de  TEuphrate,  il  établit  en 
Arménie  un  roi  vassal,  intimide  les  Parthes  ;  il  noue  des 
relations  avec  l'Inde.  Les  Ethiopiens  sont  vaincus  sur  le 
haut  Nil;  les  nomades  africains  soumis  ou  châtiés.  Les 
grandes  difficultés  se  trouvaient  en  Europe,  sur  la  frontière 
septentrionale  du  monde  romain.  On  se  trouva  aux  prises 
avec  une  race  dont  l'entrée  dans  l'histoire  était  récente,  la 
race  germanique,  et  les  mesures  prises  à  ce  moment  furent 
décisives  pour  l'histoire  de  l'empire  romain.  On  débuta 
par  la  conquête  du  massif  alpestre  et  des  vallées  qui  en 
descendent  jusqu'au  Danube.  La  soumission  des  Rètes,  des 
Vindéliciens,  des  Pannoniens,  des  Dalmates,  la  formation 


-  959  - 


EMPIRE 


d'une  série  de  nouvelles  provinces  et  la  création  de  puis- 
santes colonies  militaires  ont  été  indiquées.  La  Germanie 
fut  alors  attaquée  à  la  fois  du  côté  du  Danube  et  du  côté 
du  Rhin.  Du  côté  du  Danube,  on  se  heurta  au  royaume  des 
Marcomans  ;  du  côté  du  Rhin  aux  Sicambres,  aux  Bruc- 
tères,  aux  Cattes,  aux  Chérusques.  La  Germanie  fut 
conquise  jusqu'à  l'Elbe.  L'expédition  décisive  contre  les 
Marcomans  fut  arrêtée  par  le  soulèvement  de  la  Panno- 
nie  et  de  la  Dalmatie.  A  peine  celui-ci  fut-il  comprimé  que 
la  Germanie  du  Nord  s'insurgea  ;  le  massacre  des  légions 
de  Varus  rejeta  les  Romains  sur  le  Rhin.  La  conquête  de 
la  Germanie  était  manquée  (V.  Auguste  et  Germanie).  Les 
dernières  années  du  règne  d'Auguste  furent  occupées  par 
la  question  de  sa  succession  ;  ses  grands  collaborateurs 
militaires,  Agrippa,  Drusus  et  Tibère,  avaient  été  tour  à 
tour  ses  successeurs  désignés  ;  la  mort  prématurée  de  ses 
petits-fils  laissait  la  place  libre  au  dernier. 

Auguste,  qui  avait  régné  de  l'an  30  av.  J.-C.  à  l'an  14 
ap.  J.-C.,  eut  donc  pour  successeur  son  beau-fils  Tibère 
(14-37).  Celui-ci  continue  la  politique  d'Auguste,  sans 
remédier  aux  défauts  de  la  première  organisation  de  l'Em- 
pire. L'aristocratie  romaine  n'avait  pas  de  motif  de  con- 
sidérer comme  une  institution  définitive  le  principal,  dont 
le  mode  de  succession  n'était  pas  réglé  ;  l'équivoque,  résul- 
tant du  maintien  des  formes  républicaines,  pèsera  sur  tout 
le  premier  siècle  de  l'Empire  et  sur  les  douze  Césars  dont 
la  moitié  auront  une  fin  violente  et  qui  tous  seront  en 
butte  à  des  conspirations  à  Rome  et  à  des  soulèvements 
de  l'un  ou  l'autre  des  groupes  de  leur  armée  permanente. 
Tibère  fut  d'abord  menacé  par  la  rivalité  de  Germanicus. 
Après  sa  mort  (19),  celle  du  fils  de  l'empereur,  Drusus 
(23)  isole  l'empereur  qui  devient  de  plus  en  plus  ombra- 
geux et  cruel.  C'est  l'époque  des  délateurs  ;  la  loi  de 
majesté  devient  une  arme  terrible.  D'autre  part,  la  con- 
centration de  la  garde  prétorienne  met  Rome  et  l'Empire 
à  la  merci  d'une  troupe  de  mercenaires.  En  revanche, 
l'administration  de  Tibère  fut  remarquable,  surtout  au 
point  de  vue  de  la  gestion  financière.  Sa  politique  exté- 
rieure fut  habile  ;  il  contint  les  Germains  en  les  divisant 
et  n'eut  pas  de  grande  guerre. 

Caligula  (37-41),  fils  de  Germanicus,  était  un  aliéné; 
après  d'heureux  commencements,  il  tourne  mal  ;  ses  atroces 
cruautés,  ses  folies  mettent  en  relief  la  bassesse  des  Romains 
de  son  temps;  cette  capricieuse  tyrannie  finit  par  l'assas- 
sinat du  maître.  Après  une  vaine  tentative  pour  restaurer 
la  liberté  républicaine,  on  lui  donne  pour  successeur  le 
timide  Claude  (41-54),  son  oncle.  Celui-ci  remet  le  gou- 
vernement à  ses  affranchis,  réalise  de  grandes  améliora- 
tions dans  la  législation  civile.  Il  signale  son  règne  par  la 
conquête  de  l'île  de  Bretagne,  les  progrès  de  la  colonisa- 
tion romaine  vers  le  Rhin  et  le  Danube.  Ridiculisé  par 
Messaline,  sa  première  femme,  dans  ses  dernières  années, 
il  est  dominé  par  la  seconde,  Agrippine,  qui  élève  au  trône 
son  fils  ^'éron  (54-68).  Celui-ci  eut  d'abord  cinq  bonnes 
années  (quinquennium  Neronis)  ;  à  l'extérieur,  la  guerre 
parthique  assure  la  prépondérance  romaine  en  Arménie. 
Mais,  arrivé  à  l'âge  d'homme,  Néron  s'abandonne  à  tous 
les  excès.  Il  désorganise  les  finances  ;  les  folies  criminelles 
de  cet  histrion  couronné  provoquent  une  série  de  soulève- 
ments, au  nom  du  Sénat.  Néron  est  tué  et  remplacé  par 
Galba  qui  a  été  proclamé  en  Espagne. 

La  mort  du  dernier  prince  de  la  famille  des  Césars  crée 
des  dangers  nouveaux.  Menacé  par  les  conspirateurs,  Tibère 
s'était  mis  sous  la  protection  de  la  garde  prétorienne.  Ces 
mercenaires  avaient  disposé  de  l'Empire;  mais,  lorsque  la 
famille  des  Césars  est  éteinte,  les  légions  des  provinces 
n'ont  plus  de  raison  pour  accepter  l'élu  des  prétoriens, 
celui  à  qui  ils  vendaient  la  monarchie  ;  chacune  des  armées 
songe  naturellement  à  porter  au  pouvoir  son  chef.  On 
revient  aux  révolutions  militaires  qui  avaient  désolé  le 
dernier  siècle  de  la  république  romaine.  En  dix-huit  mois, 
trois  empereurs  vont  se  succéder  et  tomber  au  profit  d'un 
quatrième.  Galba  (68-69)  ne  règne  que  sept  mois  ;  les 


prétoriens  l'égorgent  et  intronisent  OthoUy  qui  ne  gardera 
l'Empire  que  quatre-vingt-huit  jours.  Les  légions  de  Ger- 
manie amènent  leur  chef  Vitellius,  dont  la  victoire  de 
Bédriac  assure  le  triomphe.  Il  ne  voit  dans  l'Empire  qu'une 
proie  et  ne  laissera  d'autre  souvenir  que  celui  d'une  insa- 
tiable gloutonnerie.  Les  légions  d'Orient  proclament  Ves- 
pasien,  qui  dirigeait  la  guerre  de  Judée;  celles  d'Illyrie 
l'acceptent,  écrasent  les  soldats  de  VitelHus  près  de  Cré- 
mone, puis  à  Rome. 

Vespasien  (69-79),  le  premier  empereur  plébéien,  est 
le  fondateur  d'une  nouvelle  dynastie,  celle  des  Flaviens, 
qui  durera  peu,  mais  réorganise  l'Empire.  Il  achève  la 
soumission  de  la  Gaule  insurgée  à  la  mort  de  Néron,  par 
la  défaite  des  Bataves,  et  il  extermine  dans  Jérusalem  les 
Juifs  qui  avaient  tenté  une  lutte  suprême  pour  l'existence 
nationale.  Il  renouvelle  la  noblesse  romaine  en  ajoutant 
aux  deux  cents  génies  romaines,  mille  familles  italiennes 
ou  provinciales.  Le  Sénat,  avili  par  les  tyrans  de  la  géné- 
ration précédente,  reprend  sa  place  dans  le  système  impé- 
rial. Son  économie  sévère  répare  les  désastres  des  années 
antérieures.  Il  multiplie  les  colonies  et  les  fondations  de 
villes.  Titus  (79-81)  règne  juste  assez  pour  laisser  un 
souvenir  de  bonté  qui  contraste  avec  la  cruauté  soupçon- 
neuse de  son  frère  et  successeur,  Domitien  (81-96).  Ses 
guerres  défensives  contre  les  Germains  furent  sans  gloire. 
11  fit  construire  le  retranchement  qui  couvrait  les  Champs 
décumates  entre  le  Rhin  et  le  Danube  ;  mais  il  paya  tribut 
aux  Daces.  Les  dépenses  énormes  de  ses  constructions  et 
de  ses  spectacles  épuisent  le  trésor  laissé  par  Vespasien  ; 
«  le  besoin  le  rendit  avide  et  la  peur  le  rendit  cruel  ».  Il 
fut  assassiné.  Comme  tant  d'autres,  tyran  abominable  dans 
Rome,  il  fut  pour  les  provinces  un  administrateur  vigi- 
lant et  bienfaisant. 

Après  la  dit  parition  des  Flaviens,  s'ouvre  pour  l'empire 
romain  une  ère  nouvelle,  celle  des  empereurs  provinciaux 
se  recrutant  par  'e  système  de   l'adoption.  Ce  fut  la 
période  la  plus  prospère  de  l'empire  romain.  Le  court 
règne  de  Nerva  (96-98)  l'inaugure.  M.  Duruy  en  a  très 
bien  marqué  le  caractère  et  celui  de  la  première  époque 
«  Dix  empereurs  se  sont  partagés  les  quatre-vingt-deux 
années  écoulées  entre  l'avènement  de  Tibère  et  celui  de 
Nerva.  Cinq  provenaient  de  l'hérédité  ;  cinq  de  l'élection 
des  soldats  ;  l'une  donnait  par  exemple  Caligula  et  Néron  ; 
l'autre  Claude  et  Vitellius.  D'après  leurs  résultats,  les  deux 
systèmes  se  valaient.  C'est  qu'ils  différaient  seulement  par 
les  apparences.  Qu'Othon  achetât  l'Empire  aux  prétoriens  ou 
que  Domitien  héritât  de  son  père,  il  importait  peu.  Le  prince, 
de  quelque  façon  qu'il  le  fût  devenu,  était  maître  sans 
partage  dans  un  pays  qui  n'avait  cependant  pas  supprimé 
toute  trace  de  ses  institutions  libres,  et  dans  un  temps  où 
l'on  se  souvenait  encore  du  peuple,  du  Sénat,  des  comices 
avec  leurs  magistrats  annuels  et  responsables.  Ainsi  la 
la  forme  du  pouvoir  était  en  contradiction  avec  les  mœurs 
et  les  traditions,  deux  grandes  forces  qui  veulent  être  mé- 
nagées ;  mais  elle  paraissait  d'accord  avec  une  autre  puis- 
sance dont  il  faut  tenir  compte  :  les  intérêts,  car  partout 
régnait  un  immense  besoin  de  paix  et  d'ordre  public.  Il  y 
avait  donc,  pour  cette  société,  deux  questions  très  diffé- 
rentes ;  l'une,  politique  qui  se  débattait  à  Rome,  et  malheu- 
reusement aussi  dans  les  camps,  le  plus  souvent  au  milieu 
de  péripéties  sanglantes  :  celle  de  l'avènement,  du  maintien 
ou  de  la  chute  du  maître  ;  l'autre  économique,  qui  était  le 
seul  souci  des  provinciaux  :  la  paix  sans  concussions  ni 
violences,  la  sûreté  des  routes  et  l'activité  du  commerce, 
sans  impôts  trop  lourds.  Auguste  et   Vespasien  avaient 
satisfait  à  ce  double  besoin  ;  sous  eux,  Rome  avait  été 
tranquille,  la  loi  de  majesté  oubliée,  le  licteur  sans  emploi, 
et  il  y  avait  eu  :  à  l'armée,  de  la  discipline,  dans  les 
provinces,  du  bien-être;  dansl'Etat,  les  formes  extérieures 
de  la  liberté;  mais  ces  biens  provenaient  de  la  sagesse  de 
deux  hommes,  non  des  institutions,  et  ils  passèrent  avec 
eux.  »  Au  n^  siècle,  il  n'y  a  pas  de  transformation  radicale, 
mais  une  amélioration  sensible.  Cinq  princes  vont  régner 


EMPIRE 


—  960  - 


durant  quatre-vingt-cinq  années  et  aucun  ne  mourra  de 
mort  violente.  Ils  continuent  pourtant  la  même  politique 
générale  que  leurs  devanciers,  mais  en  la  perfectionnant. 
C'est  vis-à-vis  de  l'aristocratie  romaine  que  leur  plan  de 
conduite  est  différent.  Ils  ne  la  jalousent  plus,  mais  au 
contraire  l'entourent  d'égards.  Décimée  par  les  tyrans, 
reconstituée  par  Vespasien,  elle  se  groupe  autour  du  sou- 
verain. «  Ses  membres  remplissent  à  ce  moment  toutes 
les  hautes  charges  de  l'Etat.  Sans  rendre  aux  grands  le 
pouvoir,  les  Antonins  paraîtront  gouverner  avec  eux  et 
pour  eux.  Ils  feront  des  patriciens  afin  de  tenir  cette 
noblesse  au  complet.  Cela  suffira  pour  des  ambitions  deve- 
nues modestes  :  l'aristocratie  qui  était  contre  les  Césars, 
même  encore  contre  les  Flaviens,  en  état  de  conspiration 
permanente,  ne  formera  plus  que  de  rares  complots  dont 
pas  un  ne  réussira  ;  et  le  Sénat  qui  croit  avoir  recouvré  à 
jamais  le  droit  de  nommer  le  magistrat  suprême  de  la 
République  fera  frapper  des  médailles  avec  cette  légende  : 
Libertas  restituta,  »  Ce  sont  en  effet  les  sénateurs  qui 
désignèrent  Nerva.  Trop  faible  pour  gouverner,  son  grand 
mérite  est  d'avoir  adopté  Trajan. 

Traian  (98-117),  natif  d'Espagne,  général  éraérite,  fut 
le  dernier  des  empereurs  conquérants,  à  vrai  dire  le  seul 
depuis  Auguste;  il  conquit  la  Dacie  et  porta  la  frontière 
romaine  aux  Carpates  et  au  Dniester;  il  la  colonisa  et 
prépara  le  peuple  roumain  ;  il  annexa  l'Arabie  septentrionale 
à  la  fin  de  son  règne  et  il  faillit  détruire  la  monarchie  des 
Parthes,  subjuguant  momentanément  la  Mésopotamie  jus- 
qu'au golfe  Persique.  Ce  ne  sont  pas  là  ses  seuls  titres  : 
son  œuvre  législative  et  administrative  est  considérable, 
sans  parler  de  l'institution  alimentaire  au  profit  des 
enfants.  Ses  tendances  humanitaires  ne  sont  pas  moins 
remarquables  que  son  esprit  de  justice.  Son  règne  est  mar- 
qué par  de  nouveaux  progrès  de  la  centralisation  adminis- 
trative. —  Adrien  (117-138),  fils  adoptif  de  Trajan,  fut 
aussi  pacifique  que  son  prédécesseur  avait  été  belliqueux  ; 
ce  fin  lettré  fut  un  excellent  prince,  qui  consacra  presque 
tout  son  temps  aux  provinces.  Sauf  dans  les  dernières 
années,  il  passa  son  règne  à  voyager  à  travers  l'Empire, 
étudiant  sur  place  les  besoins  de  chaque  région  et  de 
chaque  cité.  Sa  politique  extérieure  reposa  sur  le  régime 
subsidiaire  et  la  fortification  des  frontières  ;  il  replia  les 
légions  à  l'abri  de  frontières  nettement  délimitées,  et  au 
delà  il  pensionna  les  rois  barbares  afin  de  s'assurer  de 
leur  fidéUté.  Les  places  fortes  qu'il  éleva,  surtout  le  long 
du  Danube,  seront  pendant  deux  siècles  les  boulevards  de 
l'empire  romain.  A  aucune  époque  l'ensemble  des  pays 
méditerranéens  n'a  été  aussi  tranquille  et  aussi  prospère 
qu'en  cette  apogée  de  l'Empire.  La  réorganisation  du  con- 
silium  principis,  le  recrutement  de  l'administration  cen- 
trale parmi  les  chevaliers  romains  et  non  plus  parmi^  les 
affranchis,  donnent  au  régime  impérial  le  caractère  d'une 
grande  monarchie  centralisée  et  lui  assurent  les  avantages 
du  gouvernement  impersonnel.  A  cet  égard  Adrien  prépare 
le  Bas-Empire,  la  centralisation  administrative  et  la  hiérar- 
chie bureaucratique  qu'il  a  légués  à  l'Europe  moderne.  — 
Antonin  (138-161)  laisse  se  détendre  les  ressorts  tendus 
par  Adrien  ;  son  excessive  bonté  et  la  sécurité  complète  dont 
jouit  alors  l'Empire  lui  valurent  une  immense  popularité  ; 
son  œuvre  législative  est  considérable.  —  Il  eut  pour  suc- 
cesseur son  gendre,  Marc  Aurèle  (161-180).  Ce  stoïcien 
vit  reparaître  le  danger  à  la  frontière.  Les  Parthes  furent 
défaits,  l'empereur  lui-même  dirigea  sur  le  Danube  une 
interminable  guerre  contre  les  barbares  et  réussit  à  arrêter 
une  invasion  dangereuse  et  dévastatrice.  Son  associé  au 
trône,  Lucius  Verus,  ne  régna  que  de  mm,  — Commode 
(180-193),  fils  et  successeur  de  Marc  Aurèle,  se  comporta 
en  gladiateur  couronné.  Avec  lui  finit  la  période  bénie  des 
Antonins.  Il  fut  assassiné. 

Il  y  eut  alors  une  période  de  troubles  et  de  guerres 
civiles  acharnées,  pire  que  celles  qui  avaient  suivi  la  mort 
de  Néron.  Le  grave  Pertinax  (193)  fut  bientôt  égorgé 
par  les  prétoriens  :  ceux-ci  vendirent  l'Empire  à  Didius 


Julianus,  Mais  les  légions  de  Syrie  proclamèrent  empereur 
Niger,  celles  de  Bretagne  Albinus,  celles  de  Pannonie 
Septime  Sévère.  Ce  dernier  l'emporta  ;  reconnu  à  Rome, 
il  défit  Niger  en  Asie,  puis  Albinus,  avec  qui  il  avait 
d'abord  partagé  l'empire  à  Trévoux  (196).  —  Septime 
Sévère  (193-211),  bien  que  d'origine  africaine,  est  le  pre- 
mier des  empereurs  orientaux  :  sa  femme  était  Syrienne  et 
exerça  une  grande  influence.  Ce  fut  un  prince  sévère  et 
énergique  qui  fit  de  grandes  réformes  ;  il  dépouilla  l'Italie 
de  la  plupart  de  ses  privilèges,  donna  une  grande  impor- 
tance au  préfet  du  prétoire  ;  le  travail  législatif  fut  consi- 
dérable. Néanmoins  ce  fut  avant  tout  un  prince  militaire, 
et  le  militarisme  acquit  alors  une  prépondérance  qui  ne  fut 
pas  une  des  moindres  causes  de  la  ruine  de  l'Empire  au 
111^  siècle.  Les  fils  de  Septime  Sévère,  Caracalla  et  Géta, 
régnent  ensemble  sous  la  tutelle  de  leur  mère  syrienne, 
Julia  Domna.  Caracalla  égorgea  son  frère  et  régna  seul 
(212-217).  Son  grand  acte  fut  l'extension  du  droit  de 
cité  romaine  à  tous  les  habitants  libres  de  l'Empire.  Il 
marque  le  terme  du  travail  d'assimilation  progressive  des 
vaincus  aux  vainqueurs.  Il  combattit  avec  succès  les  Ala- 
mans  et  les  Parthes.  Il  fut  assassiné  et  remplacé  par  Macrin 
(217-218).  Les  princesses  syriennes,  Julia  Domna,  Julia 
Mœsa,  Soœnias  et  Mammée  renversent  celui-ci  au  profit  d'un 
jeune  prêtre  d'Emèse,  Elagabal  (218-222).  Cet  enfant, 
n'ayant  d'autre  souci  que  la  propagande  de  son  dieu,  tente  de 
donner  à  Rome  une  nouvelle  religion  officielle  ;  ses  débauches 
le  déconsidèrent;  Mœsia  et  Mammée  le  remplacent  par  son 
cousin,  le  doux  Alexandre  Sévère  (222-235),  sous  le  nom 
duquel  gouverne  le  grand  jurisconsulte  Ulpien.  On  réalise 
une  réforme  grave  en  séparant  dans  l'administration  pro- 
vinciale l'autorité  militaire  de  l'autorité  civile.  Alexandre 
Sévère  rêve  des  réformes  religieuses  et  cherche  à  faire 
prévaloir  le  syncrétisme  qui  amalgamerait  toutes  les 
croyances  et  tous  les  cultes.  Après  une  guerre  contre  les 
Perses,  il  est  assassiné  par  le  soudard  Maximin,  un  géant 
d'origine  gothique.  Celui-ci  n'est  même  plus  un  provincial, 
c'est  un  barbare  romanisé. 

Maximin  (235-238)  ne  fut  pas  accepté  par  les  Romains; 
ni  l'aristocratie  ni  le  peuple  ne  le  supportèrent  longtemps, 
malgré  ses  victoires  sur  les  Germains.  Gordien  fut  pro- 
clamé en  Afrique  avec  son  fils  ;  le  Sénat  les  reconnut  tous 
deux;  ils  périrent  près  de  Carthage;  le  Sénat  élut  alors 
empereurs  Cœlius  Decius  Balbinus  et  Pupienus  Maximin, 
auxquels  on  associa  le  petit-fils  du  vieux  Gordien,  Gor- 
dien IIL  Maximin  fut  tué  par  ses  soldats,  les  deux  em- 
pereurs sénatoriaux  par  les  prétoriens;  Gordien  resta  seul 
(238-244).  Au  cours  d'une  expédition  contre  les  Perses, 
il  fut  tué  à  l'instigation  de  l'Arabe  Philippe  qui  prit  sa 
place.  Philippe  (244-249)  abandonna  l'Arménie  aux  Perses, 
célébra  à  Rome  le  jubilé  millénaire  de  la  fondation  de  la 
cité;  sa  grande  affaire  fut  la  lutte  contre  l'invasion  des 
Goths.  Les  légions  de  Mésie  et  de  Pannonie  proclamèrent 
empereur  Decius,  vaincu  à  Vérone.  Philippe  périt.  Decius 
(249-231)  est  le  premier  empereur  qui  ait  systématique- 
ment poursuivi  les  chrétiens  (V.  Persécution).  Il  périt  en 
combattant  les  Goths  dans  la  Dobroudja.  La  péninsule  bal- 
kanique était  ouverte  aux  envahisseurs.  L'Empire  faillit 
s'effondrer. 

Gallus  (231-254),  associé  à  son  fils  Volusianus  et  à 
celui  de  Decius,  Hostilius,  achète  la  retraite  des  Goths  et 
rentre  en  Italie.  Les  légions  de  Mésie  se  prononcent  pour 
leur  légat  /Emilianus  (233-254)  qui  bat  les  Goths  et 
renverse  Gallus.  Mais  Valérien  amène  les  légions  rhénanes 
et  succède  à  .Emilianus,  tué  par  ses  propres  soldats.  Valé- 
rien (254-260)  s'associe  son  fils  GalHenus.  Il  commence 
par  déblayer  des  envahisseurs  gothiques  la  péninsule  bal- 
kanique; "^il  se  porta  ensuite  contre  les  Perses,  mais  fut  fait 
prisonnier.  GalHenus  (254-268)  resté  seul  ne  put  suffire  à 
la  tâche.  De  toutes  parts  l'Empire  se  disloquait.  Le  système 
des  pronunciamentos  se  généralise  ;  chaque  armée,  chaque 
province  veut  avoir  ses  empereurs;  tous  les  chefs  niili- 
taires  prennent  la  pourpre.  C'est  l'époque  qu'on  désigne 


~  961  — 


EMPIRE 


par  l'appellation  caractéristique  des  Trente  Tyrans.  Le 
mouvement  commence  en  258,  par  les  légions  de  Pannonie 
qui  font  empereur  Ingenuus.  Il  est  vaincu  et  tué.  En 
Gaule,  Gallienus  avait  désigné  comme  césar  son  jeune  fils 
Saloninus.  Le  général  qui  avait  vaincu  les  Francs  et 
les  Alamans,  Postumus,  mit  à  mort  cet  enfant  et  prit  la 
pourpre  (260);  il  fut  reconnu  en  Gaule.  A  Fautre  extré- 
mité de  l'Empirer,  à  Palmyre,  Odenath,  qui  tenait  les 
Perses  en  échec,  se  rend  indépendant.  L'armée  d'Asie  Mi- 
neure élève  Macrianus;  celle  d'Achaïe  Valens,  puis 
Pison;  les  deux  derniers  sont  bientôt  assassinés;  Macria- 
nus fut  vaincu  et  tué  par  Aureolus,  général  de  Gallienus 
et  chef  des  légions  illyriennes  (262).  En  Egypte,  le  gou- 
verneur Mmilienus  est  proclamé  empereur^  (262).  Gal- 
lienus se  tourne  contre  la  Gaule,  s'entendant  seulement 
avec  Odenath  qu'il  accepte  comme  auguste  et  son  collègue 
pour  l'Orient  (264).  En  Gaule,  Postumus  est  forcé  de 
partager  l'Empire  avec  Victorinus.  Les  Pannoniens  se 
rangent  autour  d'un  nouvel  usurpateur,  Regalianus,  qui 
fut  tué  presque  aussitôt.  En  265,  Gallienus  reconquiert 
l'Egypte;  les  Isauriens  font  un  empereur,  Trebellianus, 
qui  succombe  peu  après.  Les  provinces  centrales  de  l'Em- 
pire étaient  dans  une  situation  pitoyable.  Dans  celles  de 
l'Ouest,  Postumus  eut  à  lutter  contre  un  concurrent,  Mlia- 
nus,  candidat  des  troupes  rhénanes  (266),  le  vainquit, 
mais  fut  tué  par  ses  soldats;  iElianus  de  même  (267). 
Alors  parut  Marins,  qui  eut  le  même  sort,  et  enfin  Vic- 
torinus. Sa  mère,  Victorina,  prend  sa  place  et  fait  élire 
empereur  Tetricus  (268)  auquel  la  Gaule,  la  Bretagne, 
la  moitié  de  l'Espagne  restent  fidèles.  En  Orient,  Odenath 
est  assassiné  avec  son  fils  Hérode,  et  les  meurtriers  accla- 
ment son  beau-fils,  Mœonius,  bientôt  abattu.  La  veuve 
d'Odenath,  Zénobie,  se  fait  obéir  par  l'armée  et  le  peuple 
de  Palmyre  sous  le  titre  de  reine  de  l'Orient;  elle  s'allie 
aux  Perses;  les  Romains  sont  rejetés  au  delà  de  l'Haly  par 
les  soldats  de  Zénobie.  Enfin  Aureolus  revêt  à  son  tour 
la  pourpre,  et  est  vaincu  par  Gallienus,  mais  les  généraux 
de  celui-ci  le  font  tuer  et  donnent  l'Empire  à  Claude. 

Claude  II  (268-270)  est  le  premier  de  ces  énergiques 
empereurs  illyriens  qui  vont  restaurer  l'empire  romain  et 
refouler  la  première  invasion.  Vite  débarrassé  d' Aureolus, 
il  fait  une  boucherie  des  Barbares  qui  avaient  passé  le  Da- 
nube et  menaçaient  la  péninsule  balkanique  par  terre  et 
par  mer.  La  terrible  bataille  de  Naissus  (iNisch,  sur  la  Nis- 
sawa)  sauve  la  domination  romaine.  Emporté  par  la  peste, 
Claude  a  pour  successeur  son  frère  Quintillus,  mais  les 
légions  désignent  Aurélien,  et  Quintillus  disparaît  au  bout 
de  trois  semaines.  Aurélien  (270-275)  évacue  la  Dacie 
qu'il  abandonne  aux  Goths,  mais  réorganise  et  défend  bien 
la  frontière  du  Danube.  Il  reconquiert  l'Orient  sur  Zénobie, 
la  Gaule  sur  Tetricus,  rétablit  ainsi  l'unité  de  l'Empire 
(274).  La  réforme  monétaire  remet  un  peu  d'ordre  dans 
la  vie  économique.  Victime  d'une  sédition,  ce  grand  empe- 
reur a  pour  successeur  le  vieux  Tacite  (275-276)  qui  a 
le  même  sort;  son  frère  Florianus  est  reconnu  en  Asie, 
mais  l'armée  se  prononce  pour  Probus  (276-282),  le  dernier 
des  grands  empereurs  illyriens;  il  repousse  les  Germains 
du  Rhin  et  du  Danube,  écrase  les  Isauriens,  colonise  les 
provinces  dépeuplées  en  y  transplantant  des  Barbares.  Il 
est  assassiné  dans  une  révolte  militaire.  Carus  (282-283) 
perd  les  Champs  décumates,  mais  bat  les  Perses;  il  est 
assassiné;  ses  fils,  Carinus  et  Numérien,  lui  succèdent. 
L|assassinat  de  Numérien  par  Aper  amène  l'élection  de 
Dioclétien,  le  fondateur  de  la  monarchie  administrative  et 
hiérarchisée  du  Bas-Empire  (284).  Avant  d'en  aborder 
l'histoire,  il  convient  d'étudier  les  institutions  politiques 
du  Haut-Empire. 

Organisation  de  l'Empire.  —  La  révolution  qui 
substitua  l'Empire  à  la  république  romaine  se  fit  par 
quelques  mesures  très  simples.  «  On  est  surpris,  écrit 
M.  Fustel  de  Coulanges,  de  la  facilité  avec  laquelle  ce 
nouveau  régime  s'établit,  et  du  peu  qu'il  fallut  pour  dresser 
le  pouvoir  le  plus  absolu  qui  fut  jamais.  Les  fondateurs  de 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —   XV. 


l'Empire  n'eurent  à  formuler  aucun  principe  nouveau.  C'est 
avec  les  vieux  principes  et  les  règles  de  la  Rome  républi- 
caine qu'ils  régnèrent;  c'est  au  nom  de  la  souveraineté  de 
la  République  qu'ils  furent  des  maîtres.  Les  jurisconsultes 
de  l'époque  impériale  proclament  cet  axiome  du  droit 
public  de  leur  temps  :  si  l'empereur  peut  tout,  c'est  parce 
que  le  peuple  romain  lui  confère  et  met  en  lui  toute  sa 
puissance.  Dans  les  idées  de  ces  générations,  le  vrai  sou- 
verain était  encore  le  Peuple  ;  l'Etat  s'appelait  encore  la 
République  ;  ce  Peuple  ou  cette  République  continuait  à 
déléguer  sa  souveraineté  au  prince  comme  il  l'avait  délé- 
guée autrefois  aux  consuls.  Cette  délégation  de  l'autorité 
n'était  pas  une  pure  fiction.  Elle  se  fit  au  temps  d'Auguste 
par  un  acte  formel  et  par  une  loi  régulière  du  Sénat  et  du 
peuple.  Elle  fut  renouvelée  ensuite  pour  chaque  prince  par 
le  Sénat,  qui  représentait  officiellement  la  république 
romaine.  Cet  acte  n'était  pas  différent  de  celui  qui  avait  été 
dressé  autrefois  pour  chaque  roi  et  chaque  consul  :  aussi 
continuait-on  de  l'appeler  lex  regia  de  imperio.  Il  n'y 
avait  donc  aucun  pouvoir  qui  ne  fût  aux  mains  du  prince. 
L'empereur  avait  dans  ses  mains  l'armée  et  les  finances  ; 
il  était  à  lui  seul  l'administration,  la  justice,  la  loi,  la  reli- 
gion même.  On  ne  saurait  imaginer  une  monarchie  plus 
complète.  Le  Sénat  était  une  sorte  de  conseil  d'Etat  ou 
de  commission  consultative.  Toute  l'action  politiqne  résidait 
dans  la  personne  du  prince,  sans  partage  et  sans  contrôle.  » 
Nous  allons  maintenant  examiner  les  différentes  attribu- 
tions du  souverain  et  le  fonctionnement  de  son  gouver- 
nement. 

La  souveraineté  des  empereurs  et  leur  despotisme,  un 
des  plus  illimités  que  l'Europe  ait  connus,  dérive  du  principe 
politique  des  anciens,  l'omnipotence  de  VEtat  (V.  ce  mot). 
Mais  ce  n'est  pas  en  vertu  d'un  acte  unique  et  définitif  que 
la  monarchie  se  substituant  à  la  république,  tous  les  droits 
et  pouvoirs  de  l'Etat  furent  concentrés  sur  une  tête.  Dans  sa 
forme  première,  celle  du  principat,  l'empire  romam  ne 
marqua  pas  une  révolution  si  radicale.  Le  principat  fut  une 
magistrature  ;  l'empereur  ou  prince  ne  fut  que  le  premier 
des  magistrats  de  l'Etat,  régnant  conformément  à  la  loi. 
C'est  à  ce  point  de  vue  qu'il  faut  se  placer,  avecMommsen, 
pour  bien  coniprendre  la  nature  de  l'autorité  impériale  dans 
les  premiers  siècles  de  l'ère  chrétienne,  et  pour  bien  appré- 
cier l'évolution  qui  conduisit  à  la  monarchie  du  Bas-Empire. 
L'Empire  est  né  le  13  janv.  de  l'an  27  av.  J.-C.  lorsque 
le  fils  de  César,  Octave,  abdiqua  ses  pouvoirs  dictatoriaux 
qu'il  avait  reçus  et  exercés  en  qualité  de  triumvir  reipu- 
blicœ  constituendœ  (V.  Triumvir).  Il  remit  le  pouvoir  au 
peuple  et  au  Sénat  ;  celui-ci,  le  16  janv.,  lui  conféra  le  sur- 
nom d'Augustus.  Ce  nom  restera  pour  désigner  les  empe- 
reurs, et  c'est  de  cette  année  que  datera  leur  ère.  La  période 
dictatoriale  qui  durait  depuis  vingt-deux  années,  l'entrée  de 
César  à  Rome,  fut  close  ;  sans  doute,  il  serait  absurde  de 
considérer  le  nouveau  régime  comme  un  gouvernement  par 
le  peuple  et  le  Sénat,  mais  il  ne  le  serait  guère  moins  de 
dire  qu'au  siècle  précédent  le  peuple  gouvernait.  Le  carac- 
tère originel  du  principat  fut  un  partage  d'attributions  entre 
le  Sénat  et  le  magistrat  suprême  ou  prince.  Ce  compromis 
régla  la  situation  de  l'Empire  jusqu'au  milieu  du  m®  siècle. 
Il  ne  fut  dénoncé  qu'alors,  quand  eut  lieu  l'organisation  d'une 
monarchie  proprement  dite  ;  celle-ci,  la  monarchie  de  Dio- 
clétien et  de  Constantin,  diffère  presque  autant  de  celle 
d'Auguste  et  de  Tibère  que  celle-ci  de  la  république  romaine. 
Le  principat  repose  sur  la  souveraineté  du  peuple  ;  tous 
les  pouvoirs  de  l'Etat  sont  exercés,  non  en  leur  nom  pro- 
pre, mais  comme  représentant  le  peuple,  et  le  prince  n'est 
qu'un  délégué  du  peuple  romain,  et  non  pas  un  délégué 
avec  mandat  illimité,  mais  un  délégué  dont  la  compétence 
est  nettement  définie.  Le  prince  est  soumis  aux  lois,  comme 
tous  les  autres  citoyens  ;  on  lui  a  sans  doute  accordé  de 
nombreux  privilèges,  sans  cesse  accrus,  mais  il  ne  peut 
s'affranchir  de  l'observation  de  la  loi  ;  pour  une  donation, 
une  adoption,  un  testament,  il  s'y  soumet  ou  demande  la 
dispense  selon  les  formalités  ordinaires.  Plus  tard,  ils  se 

61 


EMPIRE 


—  962  — 


feront  délier  des  obligations  des  lois  civiles  ;  Ton  admit 
qu'ils  étaient  implicitement  dispensés,  et  leurs  actes  con- 
traires à  une  loi  ou  ordonnance  furent  censés  en  contenir  la 
dispense.  Ils  sont  responsables  de  leurs  actes,  mais  selon  le 
principe  romain,  seulement  après  leur  sortie  de  charge;  on 
peut  donc  les  poursuivre  en  justice  après  déposition  ou 
abdication  ;  on  peut  surtout  attaquer  leurs  actes  après  leur 
mort  et,  à  maintes  reprises,  ils  ont  été  ainsi  blâmés  et  leurs 
actes  soumis  à  revision.  Cette  responsabilité  n'est  évidem- 
ment que  théorique,  mais  il  en  résulte  que  la  monarchie  de 
fait  n'est  pas  une  monarchie  de  droit  ;  la  personne  du 
prince  n'est  pas  effacée  par  l'institution  monarchique  ;  l  adage 
que  le  prince  ne  peut  rien  faire  d'illégal  est  contraire  à  la 
conception  romaine  du  principat.  C'est  seulement  quand  pré- 
valut la  conception  de  l'Orient  hellénisé  que  le  souverain 
fut  au-dessus  de  la  loi.  L'inviolabilité  du  magistrat  romain, 
le  prince  en  bénéficia  à  son  tour  ;  il  en  étendit  même  l'ap- 
plication en  assimilant  toute  attaque  contre  sa  personne  par 
parole  ou  par  écrit,  à  une  agression  directe,  mais  c'est  au 
nom  de  sa  puissance  tribunicienne  qu'il  revendiqua  cette 
inviolabilité.  Il  est  vrai  qu'on  alla  plus  loin  en  assimilant  à 
ces  crimes  la  violation  d'un  serment  fait  en  attestant  le 
génie  du  prince  et  surtout  en  appliquant  à  la  torture  les 
offenseurs  ;  la  torture  était  réservée  aux  esclaves  ;  mais  il 
faut  ajouter  que  c'est  seulement  au  temps  de  Sévère  qu  on 
inscrivit  dans  la  loi  que,  pour  les  attentats  contre  la  per- 
sonne impériale,  tous  les  accusés  seraient  traités  comme  des 
esclaves 

Cependant  l'idée  monarchique  d'une  différence  de  qualité 
entre  le  souverain  et  ses  sujets,  idée  incompatible  avec  la 
conception  d'une  magistrature,  apparaît  dès  l'origme  du 
principat,  et  l'importance  de  cet  élément  hétérogène  gran- 
dira sans  cesse.  Officiellement  écartée  d'abord,  elle  finira 
par  prévaloir.  César,  qui  projetait  de  restaurer  la  monarchie 
avec  le  titre  royal,  et  qui  était  imbu  des  idées  helléniques 
et  asiatiques,  s'est  fait  décerner  de  son  vivant  des  honneurs 
divins,  plaçant  sa  statue  dans  tous  les  temples  à  côté  de 
celles  des  dieux  et  se  nommant  un  prêtre  (flamme).  Apres 
sa  mort,  on  ne  mit  pas  de  côté  cette  manière  de  voir.  Son 
parti  victorieux  fit  placer  divus  Julius  au  rang  des  dieux 
de  la  cité  romaine.  Cette  décision  eut  la  plus  grave  influence 
sur  l'évolution  ultérieure  du  principat.  La  monarchie  que 
César  voulait  rétablir  ne  le  fut  pas  juridiquement,  mais  le 
caractère  sacré  que  lui  attribuaient  les  Orientaux  fut  trans- 
mis aux  successeurs  de  César.  Son  fils  adoptif  ne  se  fit  pas 
décerner  un  culte  de  son  vivant,  mais  il  laissa  faire  en 
Grèce  et  même  en  Italie  où  bien  des  cités  lui  dédièrent  des 
temples,  lui  nommèrent  des  flamines,  placèrent  son  effigie 
dans  les  chapelles  domestiques  ;  il  ne  se  fit  pas  appeler 
dieu,  mais  fils  de  dieu  ;  le  nom  d'Auguste  est  sigmhcatit  ; 
le  prince  se  place  auprès  des  dieux,  fils  de  dieu  il  sera 
divinisé  après  sa  mort.  Mais  de  même  qu'Auguste  avait  ete 
moins  loin  que  César,  Tibère,  esprit  positif ,  dédaigneux  des 
honneurs,  alla  moins  loin  que  lui.  Il  renonça  définitivement 
à  fonder  la  monarchie  impériale  sur  le  droit  divm.  La  légi- 
timité qui  en  fut  résultée  pour  la  famille  impériale  resta 
acquise  aux  membres  de  la  lignée  julienne  (Auguste,  Tibère, 
Caligula)  ;  leurs  parents  de  la  lignée  claudienne  (Claude, 
Néron)  l'eurent  encore,  mais  elle  disparut  avec  eux  pour  ne 
se  retrouver  qu'à  l'époque  de  Constantin.  Le  principat  resta 
une  institution  de  droit  public,  appuyée,  il  est  vrai,  sur  la 
religion.  Après  Tibère  et  Cahgula,  on  reprit  l'usage  de  placer 
l'imai^e  du  prince  à  côté  de  celle  des  Lares  et  des  Pénates, 
et  naturellement  dans  les  temples  des  provinces.  Mais  il  n  y 
eut  plus  de  second  fils  de  dieu  dans  la  longue  série  des  fon- 
dateurs de  dynasties  impériales  ;  la  consécration  ou  apo- 
théose de  l'empereur  passant  après  sa  mort  au  rang  des 
dieux  se  réduisit  de  plus  en  plus  à  une  cérémonie,  ridicu- 
lisée dès  l'époque  de  Claude  et  mal  vue.  Aucun  des  autres 
empereurs  ne  se  fit  plus  passer  pour  dieu  de  son  vivant  ; 
s'il  le  laissa  faire  dans  des  fêtes,  par  adulation,  aucun  ne 
le  fit  officiellement.  On  s'explique  d'ailleurs  cela  si  l'on 
réfléchit  que  le  sentiment  de  la  légitimité  et  l'orgueil  du 


droit  divin  ne  peuvent  guère  se  développer  que  chez  des 
souverains,  fils  de  souverains,  «  nés  dans  la  pourpre  », 
comme  on  dira  plus  tard  ;  or  le  principat  ne  connut  jamais 
ce  système  de  succession  héréditaire  fonctionnant  norma- 
lement. La  tentative  d'Auguste  pour  rattacher  par  la  con- 
sécration les  dieux  et  les  chefs  de  l'Etat,  d'illustrer  ceux-ci 
du  reflet  de  la  divinité  de  leurs  ancêtres,  cette  tentative 
échoua.  C'est  seulement  à  la  fin  du  ni«  siècle,  quand  pré- 
valent les  idées  orientales,  qu'Aurélien  se  déclare  homme- 
dieu,  que  Dioclétien  et  Maximien  se  disent  Jovien  et  ïïer- 
cuUen  ;  c'est  alors  qu'on  assimile  la  souveraineté  monarchique 
et  la  souveraineté  divine.  . 

Il  y  a  cependant  dans  les  usages  du  Haut-Empire  un 
autre  symptôme  contradictoire,  nous  voulons  dire  l'usage 
de  qualifier  de  maître  (dominus)  le  prince.  On  accentue 
ainsi  la  subordination  d'autant  que  de  maître  à  dieu  il  n  y 
a  qu'un  pas  et  que  les  deux  termes  sont  associés.  Auguste 
et  Tibère  avaient  décliné  cette  appellation;  les  flatteurs  la 
renouvellent  sous  Caligula;  Domitien  l'impose  dans  la  ter- 
minologie officielle  ;  Trajan  l'y  conserve  ;  quand  on  le 
harangue,  il  veut  être  appelé  dominus  ;  mdi\s  dans  les  actes 
publics  on  ne  l'écrit  pas  encore;  c'est  seulement  avec 
Sévère  et  les  empereurs  syriens  que  se  marque  par  là  un 
nouveau  progrès  de  l'idée  monarchique  ;  enfin  Aurélien  sur 
ses  monnaies  s'intitule  maître  et  dieu.  Dioclétien  impose  la 
formule;  enfin,  dans  le  courant  du  iv«  siècle,  les  empereurs 
se  qualifient  eux-mêmes  ainsi.  Le  christianisme  modifia 
cet  usage,  mais  en  un  temps  où  la  conception  de  la  monar- 
chie de  droit  divin  avait  complètement  prévalu. 

Le  prince  ne  reprit  pas  l'ancien  titre  de  roi,  pas  même 
dans  les  pays  où  il  gouvernait  au  lieu  d'un  roi,  comme  en 
Egypte;  bientôt,  d'ailleurs,  l'empereur  romain  ayant  une 
série  de  rois  sous  ses  ordres  considéra  sa  dignité  comme 
supérieure.  Cette  idée  se  répandit  tout  à  fait  à  l'époque  du 
Bas-Empire,  En  somme,  le  souverain  ne  prend  pas  de  titre 
spécial.  Mais,  d'autre  part,  il  modifie  son  nom  propre;  cette 
manière  de  se  distinguer  des  sujets  a  été  adoptée  par  Au- 
guste et  conservée  depuis  lors  par  les  monarques  jusqu  a 
notre  époque.  Les  premiers  empereurs  du  Haut-Empire 
abandonnent  leur  nom  de  gens,  à  l'exception  de  ceux  de 
la  gens  Claudia  et  de  ViteUius,  pour  se  désigner  par  leur 
cognomen.  Cet  usage  fut  suivi  exclusivement  par  les  princes 
et  par  leur  famille  mascuhne.  A  partir  d'Adrien,  ils  y 
renoncèrent,  tout  le  système  romain  de  dénomination  étant 
tombé  en  désuétude.  Le  prénom  àHmperator,  empereur, 
adopté  par  César  et  par  Auguste,  abandonné  par  Tibère, 
CaHsula  et  Claude,  fut  repris  par  Néron  et  devint  de  style 
après  Vespasien  (V.  l'art.  Empereur).  Le  surnom  {cogno- 
raen)  de  Cœsar  porté  par  le  fondateur  de  la  monarchie 
était  héréditaire  dans  la  gens  Julia  :  à  la  mort  de  son 
dernier  agnat,  Caius  CaUgula,  il  fut  repris  par  son  succes- 
seur Claude  ;  les  empereurs  suivants  continuèrent  de  le 
porter,  de  sorte  que  chaque  fois  il  fut  donné  non  seulement 
à  eux-mêmes,  mais  à  leurs  fils  et  petits-fils.  A  dater 
d'Adrien,  on  en  hmita  l'usage  au  successeur  désigné.  Le 
surnom  (cognomen)  d'Auguste  impliquait  son  caractère 
relisieux  ;  il  était  honorifique  et  n'était  pas  héréditaire. 
Mais,  à  la  mort  d'Auguste,  le  Sénat  attribua  à  son  succes- 
seur le  même  surnom  honorifique.  Il  l'accepta,  mais  sans  le 
conférer  à  aucun  membre  de  sa  famille.  Ce  surnom  devint 
donc  bientôt  une  caractéristique  de  la  fonction  impériale. 
La  quahfication  de  prince  {princeps)  qu'Auguste  s'attribua 
à  lui-même  exprime  à  merveille  la  situation  du  souverain 
dans  l'Empire  des  premiers  siècles.  Elle  indique  seulement 
une  primauté  individuelle,  sans  la  compétence  attachée  a 
une  magistrature.  Jamais  elle  ne  figura  dans  les  titres 
officiels.  Il  n'y  eut  donc  aucun  titre  spécial  désignant  la 
fonction  impériale.  Cependant,  il  y  eut  un  certain  nombre 
de  titres  qui  furent  particuUers  aux  empereurs;  deux  se 
rapportaient  à  leur  fonction  :  tribunicia  potestate  (myesii 
de  la  puissance  tribunicienne)  et  proconsul  (à  partir  de 
Trajan  et  réguhèrement  après  Sévère);  un  autre  était  ho- 
norifique, père  de  la  patrie,  et  ne  fut  décerné  qu  au  bout 


963  - 


EMPIRE 


de  quelque  temps;  mais,  après  Pertinax,  les  empereurs  le 
prirent  dès  leur  avènement;  enfin  les  empereurs  sont  encore 
les  seuls  qui  puissent  inscrire  parmi  leurs  titres  celui  de 
souverain  pontife  ;  ils  y  ajoutent  à  l'occasion  ceux  de 
consul,  de  censeur  et  répètent  celui  d'empereur  pris  dans 
le  vieux  sens  du  mot,  pour  les  féliciter  d'une  victoire.  Ces 
titres  sont  rangés  en  général  dans  l'ordre  suivant  :  ponti- 
[exmaximus,  tribimicia  potestate,  imperator,  consul, 
censor,  pater  patriœ,  proconsul. 

Pour  revêtir  officiellement  l'empereur  de  son  pouvoir, 
pour  effectuer  ce  qu'on  appelait  la  «  création  »  en  parlant 
des  magistrats  romains,  il  faut  deux  actes  différents,  le 
pouvoir  impérial  se  composant  théoriquement  de  l'addition 
du  pouvoir  proconsulaire  et  du  pouvoir  tribunicien.  C'est 
le  premier,  l'investiture  du  pouvoir  proconsulaire  et  simul- 
tanément la  prise  du  nom  d'Auguste  qui  représente  la 
«  création  »  de  l'empereur.  Aucune  condition  n'est  requise; 
au  m®  siècle,  le  titre  d'Auguste  fut  souvent  donné  à  des 
enfants  et,  dès  le  i®^,  Caligula  avait  désigné  pour  lui  suc- 
céder sa  sœur  Drusilla;  plusieurs  femmes  ont  eu  le  titre 
d'Aiigusta  auquel  était  incontestablement  lié  le  pouvoir, 
au  moins  pour  Livie  et  pour  Agrippine.  Ce  sont  les  circon- 
stances et  non  les  obstacles  juridiques  qui  ont  empêché  que 
Rome  n'eût  de  souverain  féminin.  Le  patriciat  était  oc- 
troyé par  le  Sénat  aux  empereurs  qui  ne  l'avaient  pas  ; 
et  d'abord  à  Vespasien,  qui  fut  le  premier  empereur  plé- 
béien ;  Macrin  fut  le  premier  empereur  de  la  classe  des 
chevaliers  (217)  ;  il  prit  soin  de  se  rattacher  à  la  famille 
des  Sévères  et  à  celle  desAntonins. 

Aucune  cérémonie  particulière  ne  marque  l'avènement 
ou  entrée  en  charge  du  prince;  les  premiers  actes  sont  son 
acclamation  comme  imperator  par  les  soldats,  la  prise  des 
titres  qui  lui  afféraient,  l'entrée  en  relation  avec  le  Sénat; 
mais  il  n'y  a  nulle  manifestation  comparable  à  la  prise 
d'auspices  ou  à  la  prise  des  faisceaux  par  les  anciens  ma- 
gistrats, au  couronnement  des  rois.  Le  prince  ne  prête 
aucun  serment  dont  la  formule  lui  soit  spéciale;  en  re- 
vanche, il  reçoit  celui  des  soldats,  en  sa  qualité  de  généra- 
lissime ;  sous  Tibère  et  Caligula,  la  population  tout  entière 
prêta  un  serment  de  fidélité. 

Le  principat  possède  la  condition  fondamentale  du  régime 
monarchique  ;  il  est  viager,  La  puissance  proconsulaire  n'a 
jamais  été  renouvelée  annuellement  à  Rome  comme  Tétaient 
la  plupart  des  magistratures.  Lorsque  Auguste  accepta 
Vimperium,  le  commandement,  il  le  fit  avec  cette  restric- 
tion qu'il  le  déposerait  quand  les  circonstances  le  permet- 
traient; il  fixa  même  plusieurs  fois  un  terme,  cinq  ou  dix 
années  ;  il  n'en  fut  pas  moins  un  empereur  perpétuel  {im- 
perator perpetuus),  et  le  fait  qu'il  incorpore  à  son  nom 
cette  appellation  àHmperator  est  significatif.  Tibère  renonce 
à  cette  limitation  apparente  et  accepte  Vimperium  à  titre 
définitif,  en  ajoutant  cependant  qu'il  s'en  dessaisira  quand 
il  sera  juste  qu'il  prenne  du  repos.  Après  lui,  la  fiction 
tombe  et  jamais  on  ne  contesta  la  perpétuité  du  pouvoir 
impérial.  D'ailleurs,  pour  l'autorité  civile,  Auguste  l'avait 
fondée  sur  la  puissance  tribunicienne,  et,  celle-ci,  on  la  lui 
avait  conférée  à  vie.  C'est  par  les  années  de  la  puissance 
tribucinienne  que  se  comptait  la  chronologie  impériale. 
Mais,  en  Egypte,  on  la  rattache  à  l'ancienne  année  royale, 
l'empereur  étant,  dans  la  forme,  le  remplaçant  et  continua- 
teur des  anciens  rois. 

Le  costume  impérial  est  emprunté  aux  anciens  magis- 
trats romains.  L'empereur  porte  leur  toge  avec  la  bande 
de  pourpre;  dans  les  grandes  fêtes,  la  toge  triomphale, 
entièrement  pourpre  et  brodée  d'or.  Il  ne  se  met  pas  en 
deuil.  Comme  général,  il  porte  le  manteau  rouge  [palu- 
damentum  ou  piirpura)  ;  à  partir  de  Sévère,  qui  éten- 
dit à  tout  l'Empire  le  pouvoir  proconsulaire,  l'empe- 
reur porta  toujours  et  partout  ce  costume  mihtaire;  la 
pourpre  devint  le  vêtement  impérial.  Tandis  que  les  ma- 
gistrats marchaient  tête  nue,  l'empereur  porte  une  cou- 
ronne de  laurier;  dans  les  fêtes,  une  couronne  d'or.  Con- 
stantin adoptera  le  diadème  des  monarques  orientaux.  Le 


port  de  l'épée  était  réservé  jadis  aux  officiers  et  magistrats 
fonctionnant  comme  tels  :  l'empereur,  en  sa  qualité  de 
généralissime,  la  porte  de  droit.  Il  ne  prend  le  sceptre  que 
dans  les  processions  triomphales.  Il  s'assied  toujours  sur 
la  chaise  curule;  quand  il  paraît  avec  les  consuls,  il  se 
place  au  milieu  d'eux.  Dans  les  fêtes  publiques,  il  a  son 
siège  doré  et  plus  haut,  parmi  les  places  réservées  aux 
magistrats  supérieurs  et  aux  tribuns  de  la  plèbe.  Il  n'a  pas 
en  ^principe  le  droit  de  parcourir  la  ville  en  voiture  attelée, 
mais  seulement  en  chaise  à  porteur  {sella).  Il  peut  se  faire 
précéder  d'un  flambeau.  Toujours  et  partout,  il  a  ses  lic- 
teurs et  ses  faisceaux,  douze,  puis,  après  Domitien,  vingt- 
quatre.  Ceux-ci  sont  décorés  de  laurier.  Il  a  aussi  ses 
appariteurs  {viatores,  prœcones).  Il  a  une  escorte  mili- 
taire fournie  par  les  cohortes  de  la  garde,  par  les  préto- 
riens  (V.  ce  mot)  ;  c'est  là  une  des  marques  distinctives 
de  son  pouvoir;  elle  manifeste  sa  qualité  de  chef  militaire. 
Il  a  de  plus  une  garde  du  corps  {corporis  custodes),  for- 
mée de  Germains,  qui  protège  sa  maison  et  celle  des  siens; 
cette  troupe  de  cavaliers  figure  parmi  la  domesticité  du 
prince. 

^^  Une  des  prérogatives  les  plus  graves  de  l'empereur,  c'est 
l'importance  attachée  au  serment  prêté  en  invoquant  son 
nom  :  ici,  encore,  nous  constatons  que  c'est  l'élément  reli- 
gieux du  pouvoir  impérial  qui  le  différencie  le  plus  profon- 
dément des  magistratures  romaines  et  en  fait  quelque  chose 
de  réellement  nouveau.  Jadis,  on  prêtait  serment  par  les 
dieux  de  la  cité  romaine,  Jupiter  et  les  Pénates  ;  on  leur 
associa  le  génie  {genius,  Ti5-/.r])  de  l'empereur  régnant, 
les  empereurs  divinisés,  La  formule  du  serment  de  la  ville 
de  Salpensa  est  caractéristique  ;  on  y  jure  «  par  Jupiter, 
et  le  divin  Auguste  et  le  divin  Claude  et  le  divin  Vespasien 
Auguste  et^  le  divin  Titus  Auguste  et  le  génie  de  l'empereur 
César  Domitien  Auguste  et  les  divins  Pénates  ».  Cette  for- 
mule fut  adoptée  pour  tous  les  serments  nécessités  par  les 
actes  de  l'Etat  ou  des  communautés  et  aussi  pour  les  ser- 
ments privés.  Le  serment  par  le  génie  de  l'empereur  ré- 
gnant est  une  prérogative  du  souverain,  car  on  regarde 
comme  un  attentat  de  jurer  par  le  génie  d'un  autre  homme; 
pourtant,  Séjan  sous  Tibère  et  Plautien  sous  Sévère  ac- 
quièrent une  telle  situation  qu'on  jura  par  les  génies  de 
Tibère  et  Séjan,  ceux  de  Sévère  et  Plautien.  Mais  ce  sont 
des  exceptions.  Les  conséquences  de  cette  modification  de 
la  formule  du  serment  par  la  mention  du  génie  de  l'empe- 
reur furent  considérables.   Dans  le  droit  criminel  de  la 
RépubHque,  on  ne  punissait  pas  le  faux  serment,  laissant 
aux  dieux  le  soin  de  venger  l'ofl'ense  qu'il  leur  faisait;  mais 
lorsque  le  faux  serment  devint  une  offense  à  l'empereur 
régnant  ou  à  un  de  ses  prédécesseurs,  il  tomba  sous  le  coup 
delà  loi  qui  protégeait  la  considération  {majestas)  du 
prince.  On  fait  officiellement  à  la  nouvelle  année  des  vœux 
pour  la  prospérité  de  l'empereur  ;  sa  fête  a  été  placée  au 
3  janv.;  dans  tous  les  actes  officiels  des  fonctionnaires  et 
des  prêtres,  on  appelle  la  bénédiction  divine  sur  l'empereur 
comme  sur  la  communauté.  Les  fêtes  privées  de  l'empereur 
et  de  sa  maison  prennent  rang  parmi  les  fêtes  publiques  ; 
en  premier  lieu,  on  fête  le  jour  anniversaire  de  sa  nais- 
sance, puis  celui  de  son  avènement,  ceux  où  il  a  échappé  à 
un  danger,  à  une  maladie.  Son  image  fut  placée  dans  tous 
les  temples  ou  chapelles  des  camps,  son  nom  figure  sur 
les  étendards,  à  côté  de  l'aigle.  C'est  en  plaçant  ces  effigies 
qu'on  reconnaît  le  prince,  en  les  enlevant  qu'on  s'insurge 
contre  lui.  Enfin,  un  des  signes  essentiels  de  la  souveraineté, 
c'est  le  fait  de  placer  sur  les  monnaies  la  tête  du  monarque! 
César  reçut  ce  privilège  du  Sénat;  les  triumvirs  le  con- 
servent, Auguste  ensuite.  Les  rois  vassaux  le  partagent  dans 
les  limites  de  leur  royaume  ;  certains  membres  de  la  famille 
impériale  l'ont  aussi  reçu  du  prince,  mais  l'image  d'aucun 
autre  personnage  vivant  ne  figure  sur  les  monnaies  de 
l'empire  romain.  Lorsqu'à  la  mort  de  Néron  on  essaya  de 
restaurer  la  République,  on  frappa  des  monnaies  à  l'effigie 
de  certains  magistrats;  cela  est  topique.  Enfin,  sur  ces 
monnaies,  on  inscrit  seulement  le  nom  et  les  titres  de 


EMPIRE 


—  964  — 


Tempereur  ou  de  son  parent  autorisé,  sauf  sur  les  pièces 
de  cuivre  où  on  laisse  figurer  jusqu'à  Aurélien  le  nom  du 
Sénat,  symbole  de  la  dyarchie. 

Le  dernier  privilège  honorifique  du  prmce  est  la  consé- 
cration ou  apothéose  (V.  ce  mot),  par  laquelle  il  prend 
rang  au  milieu  des  autres  dieux.  Elle  n'est  pas  accordée  à 
tous;  il  y  faut  une  sorte  de  jugement  du  Sénat  dont  nous 
reparlerons  plus  bas.  Au  milieu  du  iii^  siècle,  sur  les 
vingt  et  un  dieux  honorés  par  les  Annales,  quinze  étaient 
des  empereurs  divinisés  :  Auguste,  Claude,  Vespasien, 
Titus,  Néron,  Trajan,  Adrien,  Antonin,  Verus,  Marc- 
Aurèle,  Commode,  Pertinax,  Sévère,  Caracalla  et  Alexandre 
Sévère. 

Autour  de  l'empereur  se  range  sa  maison,  c.-à-d.  l'en- 
semble des  parents,  hommes  et  femmes,   qui  sont  les 
agnats  (V.  ce  mot)  ou  parents  en  ligne  masculine  du  fon- 
dateur de  la  dynastie  ;  de  plus,  la  femme  de  celui-ci  et  de 
ses  descendants  en  ligne  masculine.  On  a  commencé  par 
étendre  à  ces  personnes  le  privilège  de  l'inviolabilité  tri- 
bunicienne  ;  on  les  fait  aussi  figurer  dans  les  formules  de 
serment.  On  fit  jurer  aux  soldats,  aux  employés,  aux  sujets, 
d'aimer  et  de  défendre,  non  seulement  l'empereur,  mais 
toute  sa  maison.  Celle-ci  a  donc  une  situation  juridique 
privilégiée.  L'empereur  confère  d'ailleurs   à   sa  maison 
comme  à  d'autres  de  ses  parents  ou  des  gens  de  son  entou- 
rage, surtout  aux  femmes,  des  privilèges  honorifiques. 
Voici  quelles  sont  les  principales  de  ces  distinctions.  Le 
surnom  de  Caesar  est  donné  aux  hommes  de  la  maison 
impériale,  celui  d'Auguste  est  réservé  au  prince  ;  mais  en 
donne  aux  femmes  celui  à'Augusta,  à  Livie,  femme  d'Au- 
guste, à  Antonia,  grand'mère  de  Caligula,  puis  à  Agrip- 
pine,  femme  de  Claude  ;  à  partir  du  règne  de  Domitien,  on 
le  confère  régulièrement  aux  épouses  de  l'empereur,  même 
quand  elles  sont  mortes  avant  son  avènement  ;  on  le  con- 
féra également  à  la  mère  de  l'empereur,  à  sa  fille,  à  sa 
sœur,  mais  moins  constamment;  ainsi  à  la  mère  et  à  la 
erand'mère  d'Elagabal  (Julia  Mœsa  et  Julia  Sosemias),  aux 
sœurs  de  Néron  (Claudia),  de  Titus  (Julia),  de  Didms 
Julianus  (Didia  Clara),  à  Marciana,  sœur  de  Trajan,  à 
Matidia,  sa  nièce,  à  une  autre  Matidia,  sa  belle-sœur. 
Cette  quahfication  d'Augusta  fut  purement  honorifique, 
sauf  peut-être  pour  Livie,  Agrippine  et  les  femmes  de  la 
famille  de  Sévère.  La  femme  de  l'empereur  est  affranchie 
de  la  tutelle  ;  elle  est  souvent  appelée  Mère  des  camps 
(Mater  castrorum),  à  partir  delà  jeune  Faustme,  femme 
de  Marc  Aurèle.  Les  femmes  de  la  maison  impériale  ont 
fréquemment  reçu  les  privilèges  des  vestales.  Dans  les 
fêtes  publiques,  on  place  au  premier  rang,  à  côté  de  l'em- 
pereur, toute  sa  maison;  les  femmes  à  côté  des  vestales. 
Les  femmes  ont  plusieurs  fois  obtenu  une  garde  de  préto- 
riens (ou  de  gardes  du  corps),   comme   l'empereur   lui- 
même  ;  les  hommes  rarement.  On  a  mis  au  rang  des  fêtes 
publiques  les  fêtes  domestiques  de  plusieurs  femmes  de  la 
maison  impériale.  Enfin  on  a  fait  figurer  sur  les  monnaies 
l'efligie  de  diverses  personnes  de  ce  groupe,  ce  qui  mérite 
considération  ;  car  cet  usage  de  frapper  la  monnaie  à 
l'effigie  du  prince  est  caractéristique  de  la  monarchie.  On 
trouve  sur  les  monnaies  les  têtes  de  Germanicus  et  d'Agrip- 
pine  (père  et  mère  de  Caligula)  ;  d'Agrippine,  belle-sœur 
de  Claude,  et  de  Drusus  et  d'Antonia,  ses  parents;  du 
père  de  Yitellius,  de  Domitilla,  femme  de  Vespasien.  Cet 
usage  disparut  après  les  Flaviens  ;  mais,  dans  tous  ces 
cas,  il  s'agit  de  morts  ;  ceux  qui,  de  leur  vivant,  jouirent 
de  cet  honneur,  furent  :  Agrippa,  Tibère,  successeur  dési- 
gné d'Auguste,  investis  de  la  puissance  tribunicienne  ;  le 
jeune  Drusus,  fils  de  Tibère;  Néron,  beau-fils  de  Claude  ; 
enfin  Agrippine,  femme  de  Claude;  tous  ces  personnages 
avaient  une  part  de  l'autorité  impériale.  A  l'avènement  des 
Flaviens,  le  droit  d'images  perd  de  sa  valeur  politique  et 
est  décerné  à  titre  honorifique  ;  on  trouve  sur  des  mon- 
naies les  têtes  d'impératrices.  D'une  manière  générale,  on 
y  met  celle  du  successeur  désigné  et  déjà  associé  à  l'Em- 
pire. L'apothéose,  ordinairement  réservée  au  prince,  fut 


aussi  décernée  à  des  impératrices  ;  on  en  cite  sept  jusqu'à 
l'année  483,  à  savoir  Livie,  Poppée,  Domitille,  Plotine, 
Sabine  et  les  deux  Faustines  ;  en  éliminant  Poppée,  on 
arrive  au  chiffre  des  seize  dieux  (divi)  impériaux,  vénérés 
à  cette  époque  où  dix  empereurs  avaient  reçu  l'apothéose. 
Plus  tard,  on  l'octroya  encore  à  Julia  Domna.  Le  même 
honneur  fut  décerné  encore  à  d'autres  personnes  de  la 
famille  impériale,  mais  il  semble  qu'on  les  ait  laissées  en 
dehors  du  culte  officiel  ;  on  cite  Drusilla,  sœur  de  Caligula; 
Claudia,  sœur  de  Néron  ;  Julia,  nièce  de  Domitien  ;  Mar- 
ciana, sœur  de  Trajan;  Matidia,  mère  de  Sabine;  un  fils 
de  Domitien  mort  dès  l'enfance  ;  le  père  de  Trajan  ;  enfin 
Valérien,  fils  de  Gallienus. 

Après  la  famille  ou  maison  impériale,  il  nous  faut  par- 
ler de  sa  cour.  Les  amis  du  prince  (amici  Augusti)  sont 
d'abord  ceux  qui  sont  avec  lui  en  relations  privées,  puis 
ceux  à  qui  il  accorde  l'accès  de  sa  maison  ;  il  semble  que 
cette  qualification  ait  été  réservée  aux  ordres  privilégiés  et 
qu'on  ne  l'ait  jamais  étendue  aux  plébéiens  ni  surtout  aux 
non-Romains.  Cette  situation  d'ami  du  prince,  bien  qu'ho- 
norifique, n'a  pas  de  caractère  tout  à  fait  officiel,  n'im- 
plique pas  de  droits  spéciaux.  Mais  c'est  parmi  eux  qu'il 
prend  ses  conseillers,  et,  lorsqu'il  voyage  hors  d'Italie,  sa 
suite,  ses  compagnons  (comités  Augusti)  ;  celle-ci  fut, 
de  bonne  heure,  salariée  ;  les  compagnons  sont  couram- 
ment employés  dans  les  affaires  publiques  ou  forment  le 
conseil  du  prince.  Les  esclaves  et  affranchis  de  l'empereur 
n'ont  pas  de  situation  juridique  privilégiée  ;  ils  sont  les 
égaux  des  esclaves  et  affranchis  des  simples  particuliers 
et,  comme  eux,   exclus  des  situations  officielles  et  des 
emplois  publics;   on   ne  les  assimile  pas  aux  esclaves 
publics.  Une  des  différences  fondamentales  entre  le  prm- 
cipat  et  la  monarchie  de  Dioclétien,  c'est  que  les  services 
personnels  du  prince  ne  sont  pas  assimilés  à  des  fonctions 
publiques.  Parmi  les  serviteurs  du  prince,  il  faut  distinguer 
des  catégories  :  ceux  qui  appartiennent  à  l'ordre  sénatorial 
ne  peuvent,  par  définition,  être  salariés  et  sont  comparables 
à  des  officiers  publics  ;  ceux  de  l'ordre  équestre  sont  payes 
sur  la  caisse  privée  de  l'empereur,  le  fisc.  Tous  les  soldats 
et  officiers,    exception  faite  pour  les  commandants  des 
légions,  lesquels  appartiennent  à  l'ordre  sénatorial,  sont 
regardés  comme  des  serviteurs  personnels  de  l'empereur, 
l'armée  étant  la  chose  de  celui-ci  ;  on  envisage  de  même  le 
préfet  de  l'annone,  les  receveurs  de  l'impôt  des  provinces 
(procuratores  Augusti),  Les  services  privés  de  la  maison 
impériale,  confiés  d'abord  à  des  affranchis  ou  à  des  esclaves, 
furent  de  plus  en  plus  assimilés  à  l'administration  publique 
et  confiés  à  des  chevaliers.  La  correspondance  de  l'empe- 
reur fut  considérée  comme  affaire  privée  par  les  empereurs 
de  la  maison  julienne  et  claudienne;  les  inconvénients 
de  ce  système  furent  tels,  sous  Claude  et  Néron,  qu'on  prit 
le  parti  de  ranger  ce  service  parmi  les  fonctions  pubUques 
et  de  le  confier  à  des  chevaliers.  De  même,  la  gestion  du 
domaine  et  de  la  caisse  privée  de  l'empereur  passa  des 

comme 

c*xw"v.»v pouvoirs 

spéciaux;  au  contraire,  le  pouvoir  proconsulaire,  la  pos- 
session de  Vimperium,  du  droit  exclusif  de  commander 
aux  soldats  dans  tout  l'Empire,  suffit  à  constituer  l'autorité 
impériale;  quiconque  possède  ce  pouvoir  est  empereur, 
n'eût-il  que  celui-là  et,  rédproquement ,  les  empereurs 
prennent  plus  tard  le  pouvoir  tribunicien.  Il  peut  arriver 
qu'ils  ne  possèdent  jamais  ce  dernier  ;  tel  fut  le  cas  pour 
Pescennius  Niger,  qui  n'en  agit  pas  moins  comme  empe- 
reur. Puisque  l'Empire  est  lié  à  Vimperium,  il  faut  bien 
se  rendre  compte  delà  manière  dont  s'acquiert  et  se  perd 
celui-ci.  Vimperium  est  décerné  par  l'armée  et  le  Sénat  ; 
l'assemblée  du  peuple  n'a  rien  à  y  voir.  L'empereur  le 
prend  sur  invitation  du  Sénat  ou  sur  l'invitation  des 
troupes.  Sans  doute,  on  regarde  l'intervention  du  Sénat 
comme  plus  correcte  ;  mais,  en  droit,  nulle  différence  ;  ne 
fùt-on  invité  à  prendre  le  titre  d'empereur  que  par  les  sol- 


—  965  — 


EMPIRE 


dats,  rien  ne  vous  en  empêche.  En  fait,  il  faut  l'accord  de 
l'armée  et  du  Sénat  pour  créer  un  empereur,  attendu  qu'il 
n'a  de  pouvoir  légitime  qu'une  fois  accepté  par  les  deux. 
Les  soldats  qui  nomment  l'empereur  étant  censés  agir  au 
nom  de  l'armée  entière,  nul  ne  s'étonne  s'ils  sont  peu  nom- 
breux ou  de  rang  inférieur.  La  prise  du  pouvoir  impérial 
implique  une  décision  du  Sénat,  mais  surtout  le  concours 
des  troupes,  et  tout  soldat  armé  peut  se  dire  qu'il  a  un  droit 
égal  à  désigner  un  empereur.  Il  serait  probablement  impos- 
sible de  trouver  dans  l'histoire  un  autre  régime  qui  ait  à 
ce  point  dédaigné  la  légitimité.  Est  prince  ou  empereur 
légal  quiconque  a  été  reconnu  tel  par  l'armée  et  le  Sénat  ; 
il  continue  de  l'être  aussi  longtemps  que  le  Sénat  et  l'armée 
continuent  de  le  reconnaître. 

Uimperium  d'Auguste  et  des  princes  suivants  fut,  dès 
le  début,  regardé  comme  pouvoir  proconsulaire.  Ce  pou- 
voir est  le  noyau  du  pouvoir  impérial  ;  mais  il  s'exerce 
seulement  sur  les  provinces,  mais  non  pas  en  Italie  et  à 
Rome.  Durant  le  i^'  siècle,  l'empereur  ne  s'intitule  jamais 
proconsul  ;  après  Trajan,  il  le  fait  couramment,  mais  seu- 
lement hors  d'Italie  et,  jusqu'à  Alexandre  Sévère,  les  em- 
pereurs observent  cette  réserve  ;  vers  le  milieu  du  m®  siècle 
et  définitivement  à  dater  du  règne  de  Dioclétien,  cette 
appellation  de  proconsul  figure  parmi  les  titres  impériaux. 
Le  nom  d'Auguste  exprime  l'ensemble  du  pouvoir  impérial 
et  non  plus  seulement  sa  face  militaire  ;  on  le  prend  dès 
qu'on  a  été  appelé  à  l'Empire,  que  ce  soit  par  le  Sénat  ou 
par  l'armée.  Ce  qui  distingue  le  pouvoir  impérial  du  pou- 
voir proconsulaire,  c'est  qu'il  n'est  hmité  ni  dans  le  temps 
ni  dans  l'espace,  comme  celui  des  proconsuls  ordinaires. 
La  base  de  l'autorité  de  l'empereur,  c'est  que  dans  tout 
l'Empire  toutes  les  troupes  indistinctement  lui  prêtent  le 
serment  d'obéissance  comme  à  leur  général  commun.  Sans 
doute,  il  y  eut  jusqu'au  règne  de  Caligula  et  dans  quelques 
cas  après  lui,  des  troupes  assez  nombreuses  dans  les  pro- 
vinces sénatoriales  ;  elles  obéissent  aux  proconsuls,  mais 
ceux-ci  ne  commandent  pas  en  leur  nom  propre,  mais  en 
celui  de  l'empereur  auquel  a  été  prêté  le  serment  de  fidé- 
lité. Nul  dans  l'Empire  n'a  de  soldats  à  lui  que  le  prince. 
Le  droit  de  lever  des  troupes  et  de  les  organiser  est,  au 
plus  haut  degré,  une  prérogative  impériale  ;  le  gouverneur 
qui  lève  des  troupes  sans  ordre  du  souverain  tombe  sous  le 
coup  de  la  loi  de  majesté  ;  quand  il  y  procède,  l'empereur 
ne  consulte  même  pas  le  Sénat.  L'armée  étant  peu  nom- 
breuse, la  durée  du  service  militaire  très  longue,  on  n'eut 
guère  recours  à  la  conscription  obligatoire.  Le  recrutement 
se  fait  sur  l'ordre  et  avec  mandat  de  l'empereur  ;  il  en 
charge  soit,  en  Italie,  des  commissaires  spéciaux,  soit, 
dans  les  provinces,  le  gouverneur.  Tous  les  officiers  et 
sous-officiers  sont  nommés  par  l'empereur  ;  c'est  lui  qui 
leur  désigne  leur  poste  ;  c'est  encore  lui  qui  fixe  la  hiérar- 
chie militaire,  lui  qui  dispose  des  décorations  militaires  ; 
ce  dernier  droit,  d'abord  laissé  aux  proconsuls,  fut  de  moins 
en  moins  exercé  par  eux.  Quant  au  triomphe  et  aux  orne- 
ments triomphaux,  c'est  le  Sénat  qui  les  décerne,  mais,  à 
partir  du  règne  de  Vespasien,  sur  la  proposition  de  l'empe- 
reur. Le  congé  ne  peut  être  accordé  aux  soldats  que  par 
l'empereur  ;   tous  les  vétérans  sont  dénommés  vétérans 
d'Auguste  (veterani  Augusti),  Nous  avons  déjà  fait  re- 
marquer le  caractère  perpétuel  ou  viager  de  Vimperium. 
Il  n'est  plus  limité  comme  jadis  à  une  province,  mais 
s'étend  sur  toutes  les  provinces  ;  il  est  vrai  que  Rome  et 
l'Italie  jusqu'aux  Alpes  demeurent  en  dehors  ;  les  troupes 
ne  peuvent  être  casernées  que  hors  de  l'ItaHe.  Toutefois, 
Vimperium  s'applique  aux  forces  maritimes  et  aux  côtes 
d  Italie  comme  aux  autres  ;  c'est  même  dans  la  péninsule 
et  dans  ses  ports  de  guerre  que  sont  concentrées  les  forces 
navales.  D'autre  part,  le  général  était  toujours  accompagné 
de  son  escorte,  de  ses  prétoriens  ;  ceux  de  l'empereur 
furent  casernes  à  Rome  ou  sur  son  enceinte.  Des  forces  de 
police  furent  également  logées  dans  la  capitale.  Néanmoins, 
c'est  un  fait  important  que  Rome  et  l'Italie  soient  sous- 
traites à  l'autorité  militaire  de  l'empereur  et  qu'il  n'eut 


pas  le  droit  d'y  établir  des  légions.  Septime  Sévère  fut  le 
premier  qui  transgressa  ce  principe  en  faisant  stationner 
sur  le  mont  Albain  la  seconde  légion  parthique  ;  il  soumit 
l'Italie  à  son  pouvoir  proconsulaire,  l'assimilant  aux  pro- 
vinces. L'exercice  du  pouvoir  proconsulaire  de  l'empereur 
varie  selon  qu'il  s'applique  à  des  provinces  remises  à  son 
administration  exclusive,  à  des  pays  qui  ne  sont  pas  de 
véritables  provinces,  à  des  provinces  sénatoriales,  à  la 
flotte  ou  à  la  garde.  Les  premières  provinces  remises  à 
l'administration  impériale,  dès  l'an  27,  furent  celles  de  la 
Gaule,  la  Syrie,  l'Espagne  citérieure;  nous  verrons  plus 
loin  comment  l'empereur  et  son  délégué  ou  légat  s'y  com- 
portent; le  fait  capital,  c'est  que  l'appel  des  décisions  de  ce 
légat  est  porté  à  l'empereur  exclusivement.  Les  Etats  vas- 
saux, rattachés  à  l'Empire,  sans  y  être  précisément  incor- 
porés, villes  alliées,  principautés  ou  royaumes,  sont 
subordonnés  au  prince,  lequel  exerce  tous  les  droits  réser- 
vés à  l'Etat  romain  :  désignation  des  garnisons  (au  Bos- 
phore, en  Arménie,  comme  chez  Cottfus  et  en  Egypte)  ; 
désignation  ou  confirmation  du  roi  vassal  (chez  les  Armé- 
niens, les  Quades,  les  Thraces,  les  tribus  africaines)  ou  du 
gouverneur  romain  qui  a  remplacé  ce  dernier.  Dans  tous 
ces  Etats  vassaux,  le  prince  a  la  souveraineté  entière,  sans 
la  partager  avec  le  Sénat,  même  dans  la  mesure  limitée  où 
ce  partage  a  lieu  pour  les  provinces  impériales  ;  c'est  cette 
règle  qu'on  appliqua  à  l'Egypte,  aux  régions  alpestres 
(Alpes  Maritimes,  Alpes  Cottiennes,  Rétie,  Norique),  où 
l'on  ne  mit  pas  de  commandant  militaire  de  rang  sénato- 
rial, mais  de  modestes  délégués  du  prince,  pris  dans  l'ordre 
équestre,  ayant  le  titre  de  préfet  ou  p^rocurateur.  Dans  les 
provinces  sénatoriales,  l'empereur  a,  par  rapport  à  chacun 
des  proconsuls,  un  pouvoir  analogue,  mais  supérieur  (im- 
perium  majus)  ;  il  peut  leur  donner  des  instructions  ;  il 
leur  a  enlevé,  pour  se  les  réserver,  une  partie  des  droits 
proconsulaires  :  celui  de  lever  des  soldats,  de  faire  la  paix 
ou  la  guerre,  de  fixer  les  impôts.  Le  commandement  mari- 
time fut  rétabli  par  Auguste  à  son  profit  ;  il  s'étendait  à 
l'ensemble  des  mers  de  l'Empire  ;  l'empereur  nomme  les 
amiraux  des  deux  flottes  de  Misène  et  de  Ravenne. 

Quant  à  la  garde,  c'était  une  institution  de  l'époque 
républicaine  ;  dès  lors,  on  avait  admis  que  le  général  se 
formât  une  cohorte  de  soldats  ayant  le  droit  de  cité  romaine 
et  pourvus  d'avantages  particuliers,  dispense  de  corvées  et 
solde  plus  haute,  qui  étaient  spécialement  chargés  de  pro- 
téger sa  personne  et  son  quartier  général  (prœtorium). 
L'empereur  étant  venu  se  fixer  à  Rome,  son  quartier  géné- 
ral et  sa  prde  se  trouvèrent  dans  la  ville.  Auguste  n'en 
laissait  séjourner  que  le  tiers  et  non  caserne.  Tibère  établit 
toute  la  garde,  sous  les  ordres  de  Séjan,  dans  une  vaste 
caserne  bâtie  près  de  la  porte  Viminale  ;  cette  forteresse 
fut,  durant  trois  siècles,  une  menace  permanente  pour 
Rome  ;  une  foule  d'empereurs  furent  créés  ou  renversés 
par  des  mouvements  partis  de  là.  Cette  garde  fut  augmen- 
tée et  portée  à  la  force  d'une  légion  :  neuf  cohortes  sous 
Auguste  et  Vespasien,  puis  dix;  c'étaient  des  cohortes 
doubles,  ce  qui  faisait  un  total  de  9,000,  puis  d  0,000  sol- 
dats. On  les  recrutait,  par  engagement  volontaire,  parmi 
les  Italiens.  Pour  le  commandement,  l'empereur  était  sup- 
pléé par  le  préfet  du  prétoire  {prœfectus  prœtorio)  ; 
nommé  par  l'empereur,  il  devint  bientôt  un  des  personnages 
prépondérants  de  l'Empire  ;  on  en  nommait  généralement 
deux  ;  trois  sous  Commode,  Alexandre  Sévère  ;  pris  dans 
l'ordre  équestre,  la  durée  de  leur  fonction  était  illimitée. 
Leur  compétence  s'agrandit  beaucoup  au  m®  siècle  ;  mais, 
dès  l'origine,  leur  situation  à  la  tète  de  la  garde  impériale 
leur  assura  une  grande  influence  (V.  Préfet  du  prétoire). 
Le  pouvoir  proconsulaire  et  Vimperium  formaient  le 
noyau  du  pouvoir  impérial  ;  mais  ils  ne  suffisaient  pas  à  le 
constituer  entièrement,  étant  exclusivement  militaires  et 
administratifs  et,  théoriquement,  ne  s'étendaient  pas  sur 
Rome  et  l'Italie  ;  ce  pouvoir  fondait  bien  la  puissance  du 
prince  en  fait,  mais  non  en  droit.  Pour  compléter  celui-ci, 
il  fallait  la  rattacher  à  l'une  des  grandes  magistratures. 


EMPIRE 


-  966 


Auguste  songea  d'abord  au  consulat,  qu'il  garda  plusieurs 
années  de  suite,  puis  il  y  renonça.  Il  se  contenta  de  la 
puissance  tribunicienne  conférée  à  César,  puis  à  lui-même, 
durant  son  triumvirat,  pour  sa  vie  entière.  La  puissance 
tribunicienne  devint  ainsi,  dans  la  forme,  l'expression  com- 
plète de  la  souveraineté  impériale.  Le  prince  n'est  pas  tri- 
bun de  la  plèbe,  ni  collègue  des  tribuns;  il  hérite  de  cette 
vieille  magistrature  démocratique,  avec  son  pouvoir  d'ex- 
ception dans  la  limite  d'une  compétence  spéciale,  placée 
sous  la  protection  expresse  des  dieux.  C'était  bien,  si  on  y 
ajoutait  le  pouvoir  militaire  qui  avait  manqué  à  Caius  Grac- 
chus,  l'instrument  le  plus  efficace  de  la  souveraineté  mo- 
narchique. Voici  quelle  était  la  procédure  usitée  pour  con- 
férer la  puissance  tribunicienne  :  après  décision  du  Sénat, 
l'un  des  consuls  en  charge  proposait  la  chose  à  l'assemblée 
du  peuple  réuni  en  comices  centuriates.  C'est  là  ce  qui  a 
permis  aux  juristes  de  dire  que  le  pouvoir  souverain  était 
donné  à  l'empereur  par  le  peuple.  La  loi  qui  lui  accordait 
la  puissance  tribunicienne,  qu'on  appelle  à  partir  d'Ulpien 
loi  royale,  par  une  réminiscence  archaïque,  a  la  forme 
d'un  sénatus-consulte.  Celle  qui  fut  rendue  par  Vespasien 
a  été  conservée  ;  elle  spécifie  à  son  profit  une  série  de 
pouvoirs  spéciaux,  déjà  obtenus  par  ses  prédécesseurs. 
Sous  cette  forme,  le  pouvoir  impérial  est  donc  un  pouvoir 
tribanicien  accru  par  un  certain  nombre  de  clauses  spé- 
ciales. En  lui-même,  le  pouvoir  tribunicien  donne  les  droits 
des  anciens  tribuns  de  la  plèbe  (V.  Tribun),  le  droit  d'in- 
tercession ou  de  veto  contre  les  décisions  sénatoriales  sou- 
vent employé  au  i«^  siècle,  le  droit  de  coercition,  l'invio- 
labilité personnelle,  le  droit  illimité  de  protéger  les  opprimés, 
d'intervenir  contre  les  abus.  Mais  l'empereur  a  la  puissance 
tribunicienne  sans  les  restrictions  qui  la  limitaient  chez  les 
tribuns;  il  la  reçoit  non  pour  une  année,  mais  pour  sa  vie 
entière  ;  non  seulement  pour  la  ville  de  Rome,  mais  pour 
toute  l'étendue  de  l'Empire  ;  même  lorsqu'il  n'est  pas  per- 
sonnellement présent,  il  ne  peut  pas  être  tenu  en  échec  par 
l'intercession  d'un  collègue.  Quant  aux  clauses  annexes, 
nous  les  indiquerons  en  passant  en  revue  les  différents  droits 
de  l'empereur. 

L'empereur  a  une  part  de  la  puissance  législative.  Au- 
guste, qui  avait  reçu  le  pouvoir  constituant,  y  renonça  quand 
il  rétablit  l'ordre  de  choses  régulier,  ce  qu'on  appela  la 
restauration  de  la  République,  et  que  nous  appelons  le 
commencement  de  l'Empire.  Comme  par  le  passé,  l'initia- 
tive des  lois  appartient  aux  magistrats  supérieurs,  la  puis- 
sance législative  proprement  dite  à  l'assemblée  du  peuple. 
Le  prince  a  le  droit  d'initiative  en  vertu  de  sa  puissance 
tribunicienne  ;  les  lois  qu'il  propose  ont  le  caractère  de 
plébiscites.  D'ailleurs,  les  empereurs  usent  fort  peu  de  ce 
droit  ;  les  exemples  qu'on  peut  citer  sont  ceux  d'Auguste, 
de  Claude,  de  Nerva,  pour  une  loi  agraire  ;  à  l'origine,  ils 
laissent  plutôt  aux  autres  magistrats  l'initiative  apparente 
des  propositions  de  loi,  et  à  partir  du  milieu  du  règne  de 
Tibère,  sauf  trois  propositions  de  Claude  et  une  de  Nerva, 
on  n'en  peut  citer  aucune.  La  compétence  législative  de 
l'assemblée  du  peuple,  dernier  vestige  de  son  ancienne  sou- 
veraineté, disparaît  ;  on  ne  la  réunit  plus  que,  lors  de 
chaque  changement  de  prince,  pour  le  vote  de  la  loi  sur  la 
puissance  tribunicienne.  Le  droit  de  casser  les  lois  ou  de 
dispenser  de  leur  observation  appartenait,  en  principe,  aux 
comices  ;  il  avait  été,  dès  la  République,  transféré  au  Sénat  ; 
il  lui  fut  confirmé  dans  le  i^^  siècle  de  l'Empire,  et  c'est  là 
une  des  limitations  les  plus  nettes  de  l'autorité  impériale. 
Le  droit  de  grâce  —non  celui  de  remettre  la  peine  à  une 
date  indéterminée  ou  d'en  dispenser,  droit  que  possédait  à 
Rome  le  juge  qui  avait  prononcé  cette  peine  —  le  droit  de 
grâce,  attribut  de  la  souveraineté,  appartenait  jadis  au 
peuple  et  se  manifestait  par  la  provocatio  ou  appel  au 
peuple  ;  à  l'époque  impériale,  il  passe  au  Sénat,  pour  la 
forme,  du  moins  ;  en  fait,  c'est  le  prince  qui  l'exerce.  La 
dispense  des  conditions  d'éUgibilité  est  conférée  d'abord 
aux  candidats  par  le  Sénat,  mais  le  prince  s'en  empara 
bientôt  en  vertu  de  son  droit  de  vérifier  la  qualification 


des  candidats.  Le  triomphe  est  accordé  par  le  Sénat  ;  il  est 
vrai  qu'à  partir  de  Vespasien,  il  ne  le  décerne  que  sur  la 
proposition  du  prince,  saut  lorsqu'il  s'agit  de  celui-ci. 
Quant  à  la  consécration,  l'admission  d'un  dieu  nouveau 
parmi  le  cercle  des  dieux  romains,  il  faut  une  décision 
sénatoriale,  qu'il  s'agisse  d'un  dieu  étranger  ou  de  l'apo- 
théose d'un  empereur  défunt  ;  c'est  seulement  au  iii^  siècle 
que  ce  droit  fut  enlevé  au  Sénat  ;  il  était  important  parce 
qu'il  impliquait  le  jugement  des  actes  du  souverain  décédé. 
Le  Sénat  conférait  le  patriciat,  concurremment  avec  les 
censeurs;  après  Trajan,  ce  droit  passa  à  l'empereur.  Au- 
guste avait  supprimé  le  droit  d'association,  ne  tolérant 
d'exceptions  qu'en  Italie  et  après  autorisation  du  Sénat  ; 
celui-ci  a  en  eff'et  la  surveillance  des  municipalités  itahennes; 
les  associations  qu'on  tolère  étaient  limitées  au  territoire 
d'une  cité.  Le  droit  de  tenir  des  marchés  était  accordé  par 
le  Sénat  ;  de  même,  celui  de  s'affranchir  des  restrictions 
mises  aux  jeux  de  gladiateurs.  La  législation  d'Auguste  était 
très  dure  pour  les  célibataires  et  les  gens  sans  enfants; 
pour  s'affranchir  des  charges  et  des  incapacités  qu'elle  édic- 
tait,  on  s'adressait  au  Sénat,  et  même  les  empereurs  ou  les 
membres  de  leur  famille  s'adressent  à  lui.  Vers  le  temps 
de  Vespasien,  cette  prérogative  passa  à  l'empereur;  il 
venait  de  recevoir  l'administration  du  trésor  pubHc  (œra- 
rium)  auquel  étaient  attribuées  les  ressources  prélevées 
sur  les  célibataires  et  gens  sans  enfants. 

En  principe  donc,  dans  le  Haut-Empire,  le  pouvoir  légis- 
latif reste  à  l'assemblée  du  peuple,  le  pouvoir  de  dispenser 
des  lois  au  Sénat  ;  néanmoins,  dans  un  certain  nombre  de 
cas,  on  reconnut  au  prince  le  droit  de  prendre,  au  nom  du 
peuple,  des  décisions  constituant  des  privilèges  (V..  ce 
mot).  Autrefois,  c'étaient  bien  les  magistrats  qui,  sous  le 
contrôle  du  Sénat,  décidaient  de  la  situation  des  cités  su- 
jettes ou  vassales,  mais  la  décision  revenait  à  l'assemblée 
du  peuple  lorsqu'on  voulait  soit  créer  une  cité  nouvelle, 
soit  lui  donner  le  droit  latin,  le  droit  de  cité  romaine,  soit 
changer  une  colonie  en  municipe  ou  réciproquement,  etc. 
Tous'  ces  droits  revinrent  exclusivement  au  prince  en  vertu 
de  son  droit  de  décider  les  questions  de  paix,  de  guerre, 
d'alliance,  d'administrer  sans  contrôle  les  biens  de  l'Etat. 
C'est  le  prince  qui  fonde  les  nouvelles  colonies,  définit  la 
condition  juridique  de  chacune,  concède  le  droit  latin  aux 
cités  sujettes,  le  droit  romain  aux  cités  latines,  transforme 
les  colonies  en  municipes  et  réciproquement.  Ces  pouvoirs 
impliquent  celui  de  donner  aux  cités  leur  constitution  et 
de  la  modifier  ;  de  conférer  le  droit  de  cité  aux  individus 
soit  au  moment  de  la  fondation  d'une  colonie,  soit  en  qua- 
lité de  général  aux  soldats  qui  ont  accompli  leur  service, 
soit  même  dans  tout  autre  cas.  L'empereur  ne  pouvait  pas  au 
i^r  siècle  retirer  le  droit  de  cité,  sauf  en  agissant  comme 
censeur.  Il  a  le  droit  d'accorder  l'ingénuité,  c.-à-d.  d'assi- 
miler à  un  homme  né  libre  un  homme  de  classe  servile,  un 
affranchi  ;  il  y  faut  l'agrément  du  patron. 

Les  rapports  officiels  du  prince  avec  le  Sénat  sont  les 
suivants.  Il  est,  depuis  le  premier  recensement  fait  par 
Auguste,  «  prince  du  Sénat  »,  c.-à-d.  inscrit  en  tête  de 
la  liste  des  membres  du  Sénat  ;  il  siège  et  vote  dans  cette 
assemblée,  votant  soit  le  premier,  soit  le  dernier.  Il  a, 
comme  les  autres  magistrats,  le  droit  de  convoquer  le 
Sénat  et  de  lui  soumettre  des  propositions,  non  seulement 
au  nom  de  sa  puissance  tribunicienne,  mais  par  une  déci- 
sion spéciale  inscrite  dans  la  loi  rendue  à  son  avènement. 
Nous  renvoyons  le  lecteur  à  l'art.  Sénat,  où  seront  exposés  les 
attributions  et  le  rôle  du  Sénat  impérial.  Le  prince  fait  au  Sé- 
nat des  propositions,  mais  sans  avoir,  à  cet  égard,  de  compé- 
tence spéciale,  distincte  de  celle  des  autres  magistrats  ;  il  fait 
contrôler  les  procès-verbaux  par  un  délégué.  Il  prend,  à  l'oc- 
casion, pour  le  conseiller,  une  commission  de  sénateurs  : 
Auguste  et  Tibère  s'étaient  ainsi  adjoint  un  conseil  formé  de 
20  sénateurs  et  des  magistrats  en  fonctions  ;  cette  institution, 
si  elle  eût  persisté,  aurait  conduit  à  une  collaboration  com- 
plète du  prince  et  du  Sénat.  Mais  elle  disparut  après  Tibère 
et  ne  fut  reprise  qu'un  moment  par  Alexandre  Sévère. 


En  dehors  des  actes  officiels  accomplis  avec  le  concours 
du  peuple  ou  du  Sénat,  le  prince  prend  une  série  de  déci- 
sions qui  ont  une  valeur  législative  ;  ce  sont  ses  consti- 
tutions (V.  ce  mot).  Il  leur  donne  la  forme  de  Védit 
(V.  ce  mot),  comme  les  anciens  magistrats,  de  décrets  ou 
jugements,  ou  de  lettres  {epistiilœ  subscriptiones).  La 
question  juridique  étant  traitée  ailleurs,  nous  n'y  revenons 
pas  ici  ;  la  loi  de  Vespasien  nous  a  transmis  la  formule 
donnant  à  l'empereur  le  droit  et  le  pouvoir  de  faire  tout 
ce  qu'il  jugera  bon  pour  l'Etat  :  uti  quœcumque  exusu 
reipublicœ  majestateque  divinarum  humanarum  pu- 
blicarum  privatarumque  rerum  esse  censebit  ei  agere 
facete  jus  potestasque  sit  ita  uti  divo  Augudo.  Dans 
le  serment  imposé  aux  fonctionnaires  au  moment  de  leur 
entrée  en  charge,  renouvelé  par  les  sénateurs  et  eux  au 
1^^  janv.,  ils  juraient  d'observer,  outre  les  lois,  les  actes 
(acta)  de  CésUr  et  des  princes  ;  plus  tard  même,  on  ajouta 
la  mention  des  actes  à  venir  du  prince  régnant.  Cet  usage 
est  bien  caractéristique  de  la  puissance  absolue  ;  cependant, 
au  point  de  vue  formel,  il  convient  de  faire  des  réserves  ; 
en  somme,  le  prince  est  autorisé  à  prendre  toute  mesure 
qui  n'exige  pas  de  loi  ou  ne  va  pas  à  l'encontre  d'une  loi. 
Sauf  dans  les  matières  où  on  lui  a  concédé  exceptionnelle- 
ment la  compétence  législative,  ses  décisions  sont  toujours 
révocables  et  valables  seulement  pendant  la  durée  de  son 
gouvernement  ;  elles  ont  un  caractère  provisoire ,  ne  lient 
ni  lui-même  ni  ses  successeurs.  Il  y  a  donc  lieu  de  dis- 
tinguer dans  les  actes  législatifs  du  prince  ceux  qui  sont 
irrévocables  et  ceux  qui  ne  le  sont  pas.  Sont  irrévocables  : 
i^  ceux  qu'il  a  exécutés  en  vertu  des  pouvoirs  analysés 
ci-dessus,  par  exemple  l'octroi  du  droit  de  cité  à  une  ville 
ou  à  un  individu,  les  traités  conclus  avec  un  Etat  voisin  ; 
2°  les  décisions  judiciaires  ;  3^  les  interprétations  authen- 
tiques des  lois  existantes,  en  particulier  par  la  voie  du 
rescrit  {rescriptum)  au  ii®  siècle  ;  4*^  les  mesures  rela- 
tives aux  propriétés  de  l'Etat,  contrats ,  assignations  de 
terres.  —  En  revanche,  certaines  décisions  sont  nulles 
lorsque  l'empereur  n'est  pas  compétent  pour  les  prendre  ; 
par  exemple  l'octroi  du  patriciat  héréditaire,  au  temps  où 
on  ne  l'avait  pas  encore  autorisé  à  le  donner  ;  et,  d'une  ma- 
nière générale,  toutes  les  mesures  législatives  dont  les  con- 
séquences dépassent  forcément  la  durée  de  sa  vie.  Plus  on 
avance  dans  l'histoire  de  l'Empire,  plus  ce  cas  se  présentera 
rarement,  attendu  que  le  principat  se  transforme  en  monar- 
chie. Sont  révocables  toutes  les  décisions  que  le  prince  prend 
en  vertu  de  son  autorité  propre  ;  les  nominations  aux  em- 
plois militaires  et  civils;  dans  les  premiers  temps,  elles 
prenaient  sans  doute  fin  avec  le  prince  qui  les  avait  faites 
et  il  fallait  que  son  successeur  les  renouvelât.  La  concession 
de  droits  utiles  (bénéficia)  à  des  individus  ou  à  des  col- 
lectivités dut  être  renouvelée  à  chaque  changement  de  sou- 
verain ;  Titus  se  contenta  de  les  confirmer  en  bloc  ;  ses 
successeurs  suivirent  cette  méthode,  et  il  en  résulta  une 
plus  grande  stabilité  et  une  analogie  croissante  avec  le 
système  monarchique.  En  somme,  les  actes  du  gouver- 
nement de  l'empereur  sont  toujours  révocables  par  lui- 
même  ou  après  lui  ;  ils  conservent  le  caractère  personnel 
qu'avaient  jadis  ceux  des  magistrats,  et  c'est  là  une  diffé- 
rence bien  tranchée  entre  le  principat  et  la  monarchie  : 
dans  celle-ci  on  admet  que  la  volonté  du  monarque  régu- 
lièrement énoncée  a  force  de  loi  ;  c'est  la  théorie  du  Bas- 
Empire.  Comme  les  autres  magistrats,  l'empereur  est 
exposé  à  ce  qu'après  sa  sortie  de  charge  ses  actes  soient 
cassés  à  la  suite  d'un  jugement  au  criminel.  Cette  cassation 
(actorum  rescissio)  s'est  produite  plusieurs  fois  après  la 
mort  des  empereurs;  ce  fut  le  cas  pour  Tibère,  Galba, 
Othon,  Caracalla  ;  leurs  décisions  ne  sont  pas  mentionnées 
dans  la  formule  du  serment  cité  plus  haut  (in  leges  et 
acta  principum).  Les  bénéfices  concédés  par  eux  peuvent 
aussi  être  annulés  ;  ainsi  Claude  soumit  à  revision  ceux  de 
Caligula,  Vespasien  ceux  de  Néron  et  des  trois  empereurs 
venus  ensuite.  Vespasien  prononça  même  la  cassation  des 
procès  de  majesté  intentés  sous  le  règne  de  Néron. 


967  —  EMPIRE 

Les  règles  suivies  pour  la  nomination  des  fonctionnaires 
se  rapprochent  beaucoup  de  celles  qui  sont  relatives  aux 
décisions  législatives.  Nous  y  retrouvons  trois  catégories  : 
celle  où  le  peuple  intervient  directement,  celle  où  il  inter- 
vient indirectement,  celle  qui  résulte  du  choix  direct  du 
prince.  Les  magistrats  proprement  dits  sont  élus  par 
l'assemblée  du  peuple  ;  des  fonctionnaires  analogues  sont 
pris  par  l'empereur  dans  les  rangs  du  Sénat;  enfin, 
d'autres  sont  nommés  par  l'empereur  à  sa  fantaisie  et 
généralement  pris  en  dehors  du  Sénat.  L'élection  des  ma- 
gistrats par  les  comices,  suspendue  pendant  le  triumvirat, 
fut  rétablie  en  l'an  27  av.  J.-C.  Après  la  mort  d'Auguste, 
pour  la  plupart  des  élections,  le  Sénat  fut  substitué  au 
peuple;  ce  mode  d'élection  indirecte  laissa  subsister  tous 
les  droits  de  contrôle  donnés  à  l'empereur.  Celui-ci  a, 
d'une  part,  le  droit  de  vérifier  l'éligibilité  du  candidat, 
d'autre  part,  celui  de  le  recommander.  La  vérification  de 
l'éligibilité  (le  terme  technique  est  nomination)  continuait 
d'appartenir,  concurremment  avec  le  prince,  au  magistrat 
qui  présidait  les  comices  électoraux  ;  mais  il  va  de  soi  que 
les  candidats  désignés  par  l'empereur  avaient  l'avantage  ; 
et  couramment  il  n'en  nomme  qu'un  nombre  égal  à  celui 
des  places.  De  plus,  l'empereur  a  droit  de  recommandation, 
c.-à-d.  qu'il  peut  indiquer  au  corps  électoral  des  choix  que 
celui-ci  doit  ratifier  ;  sous  la  République,  on  admettait  déjà 
qu'un  homme  politique  important  pesât  sur  l'élection  ;  mais 
ici  le  passage  au  régime  monarchique  se  manifeste  parce 
que  la  recommandation  devient  un  acte  légal  et  juridique 
qui  supprime  la  liberté  électorale.  Auguste  se  présentait 
encore  avec  les  candidats  qu'il  recommandait  ;  bientôt  l'em- 
pereur se  contenta  d'aviser  par  écrit  le  Sénat  de  son  choix  ; 
enfin,  au  m®  siècle,  on  déclare  franchement  que  c'est  l'em- 
pereur qui  élit.  Le  consulat  ne  figure  pas  parmi  les  magis- 
tratures pour  lesquelles  César  et  Auguste  reçurent  le  droit 
de  recommandation.  C'est  seulement  au  temps  de  Vespasien 
que  ce  droit  fut  étendu  à  la  plus  haute  magistrature,  pour 
laquelle  on  avait  continué  jusqu'alors  de  faire  élire  les 
titulaires  par  l'assemblée  du  peuple.  Quant  aux  autres  ma- 
gistratures (préture,  questure,  édilité,  tribunat  de  la 
plèbe),  le  système  de  la  recommandation  a  pour  consé- 
quence de  partager  la  désignation  entre  le  prince  et  le 
Sénat  ;  c'est  seulement  une  partie  des  magistrats  qui  sont 
désignés  par  le  prince  et  se  distinguent  par  le  titre  de 
candidati  principis.  A  partir  de  ce  règne,  les  consuls 
furent  directement  nommés  par  l'empereur  sans  simulacre 
d'élection.  Au  m''  siècle,  il  arrive  que  l'empereur  désigne 
tous  les  magistrats.  Cependant  encore  au  iv*^  siècle,  dans 
la  monarchie  organisée  par  Dioctétien  et  Constantin,  les 
consuls  suppléants,  les  préteurs  et  les  questeurs,  seuls  ma- 
gistrats conservés  dans  le  nouveau  régime,  sont  toujours 
choisis  par  les  Sénats  de  Rome  et  de  Constantinople  et 
simplement  confirmés  par  l'empereur.  Le  droit  de  recom- 
mandation était  tombé  en  désuétude  et  avait  disparu.  — 
Le  prince,  n'élisant  pas  les  magistrats,  ne  pouvait  les 
déposer  ;  il  devait  provoquer  une  décision  du  peuple  à  cet 
effet;  mais,  au  nom  de  la  puissance  tribunicienne,  il  pouvait 
les  suspendre,  les  inviter  à  démissionner. 

Les  employés  de  l'empereur,  nommés  par  lui  sans  réserves, 
sont  affectés  soit  à  son  service  privé,  soit  à  des  services 
publics  ;  ce  sont  des  auxiHaires  qu'il  emploie  comme  bon  lui 
semble.  Mais  quelques-uns  ont  le  caractère  de  magistrats  : 
les  légats  pro  prœtore,  par  exemple.  On  établit  même  une 
hiérarchie  régulière  où  ils  prennent  place.  Cela  est  d'autant 
plus  utile  que  la  grande  majorité  des  fonctions  sont  dans 
ce  cas,  toutes  les  fonctions  militaires,  la  plupart  des  fonc- 
tions civiles,  administratives  ou  financières.  Ceux  des  fonc- 
tionnaires qui  sont  de  rang  sénatorial  sont  assimilés  aux 
magistrats  proprement  dits,  à  l'exception  des  militaires. 
Le  principal  effet  de  la  constitution  d'une  hiérarchie  mé- 
thodique et  de  règles  d'avancement  dans  l'ordre  civil  et 
militaire,  était  de  limiter  l'arbitraire  du  prince. 

La  nomination  des  sénateurs  est  une  question  d'impor- 
tance capitale  ;  car  le  pouvoir  étant  partagé  entre  le  prince 


EMPIRE 


-  968  — 


et  le  Sénat,  si  c'est  le  prince  qui  nomme  le  Sénat,  ce  par- 
tage est  illusoire.  —  Mais  jusqu'à  la  tin  du  i«^  siècle 
de  l'Empire,  il  n'en  fut  pas  ainsi  (V.  Sénat).  On  entrait  au 
Sénat  quand  on  avait  rempli  une  des  magistratures  prin- 
cipales auxquelles  on  arrivait  par  le  choix  du  Sénat  ou  par 
celui  du  prince  ;  en  second  lieu,  par  la  désignation  des 
censeurs  (adlectio)  inscrivant  sur  la  liste  du  Sénat  des 
membres  nouveaux  ;  Auguste,  Claude,  Vespasien,  Titus 
l'ont  fait  en  qualité  de  censeurs.  Mais  à  la  fin  dui^''  siècle, 
en  l'an  84,  Domitien  prit  la  censure  à  vie,  de  sorte  que  le 
droit  d'inscrire  sur  la  liste  du  Sénat  des  membres  nou- 
veaux appartint  à  l'empereur  ;  ceux  qui  suivirent  conser- 
vèrent ce  droit.  Ils  y  joignirent  celui  de  rayer  les  membres 
indignes;  ils  procédaient  à  une  revision  annuelle  de  la 
liste  ;  après  Domitien,  ils  purent  la  faire  à  tout  moment. 

Le  souci  de  l'administration  publique  appartient  essen- 
tiellement à  Tempereur  ;  en  sa  qualité  de  premier  magis- 
trat, il  faut  qu'il  agisse  personnellement.  Cette  action  per- 
sonnelle, qui  est  le  fait  capital  de  tout  le  gouvernement  de 
l'Empire,  nous  échappe  en  grande  partie.  L'empereur 
donne  l'impulsion  à  cette  énorme  machine  et  sa  tâche  est 
immense.  Il  n'a  pour  l'aider  dans  ce  travail  central  que 
les  auxiliaires  qu'il  prend  autour  de  lui  ;  rien  qui  res- 
semble aux  états-majors  de  nos  administrations  centrales. 
Dans  Tordre  militaire,  il  n'y  a  pas  de  plus  haut  fonction- 
naire que  le  légat  provincial  ;  dès  qu'une  guerre  dépasse 
les  limites  d'une  province,  il  faut  que  l'empereur  en  prenne 
personnellement  la  direction  ou  se  décharge  sur  un  délé- 
gué spécial  ;  cela  est  vrai  dans  tous  les  ordres.  Rien  ne 
fait  mieux  ressortir  la  distance  entre  le  principat  et  une 
monarchie,  telle  que  l'organisa  Dioclétien,  avec  tout  le  per- 
sonnel et  la  hiérarchie  de  l'administration  centrale.  Le 
Haut-Empire  n'a  qu'un  prince,  lequel  est  à  la  fois  seul 
ministre  et  seul  général  en  chef  pour  tout  le  territoire 
romain.  Il  ne  nomme  guère  de  fonctionnaires  extraordi- 
naires, ne  charge  même  pas  les  fonctionnaires  ordinaires 
de  traiter  les  affaires  extraordinaires  ;  il  se  les  réserve 
presque  toutes  et  les  décide  avec  l'aide  de  ses  conseillers 
personnels.  Les  fondations  de  colonies,  les  vastes  travaux 
publics  exécutés  aussi  bien  dans  les  provinces  qu'à  Rome, 
sont  dirigés  par  l'empereur,  auquel  seul  en  reviennent  la 
charge  et  l'honneur.  On  ne  peut  entrer  ici  dans  de  grands 
détails,  d'autant  plus  que  les  informations  nous  manquent, 
mais  il  faut  retenir  que  le  Haut-Empire  est  peut-être  le 
régime  politique  le  plus  personnel  que  l'histoire  rencontre. 
Ce  ne  fut  pas  une  des  moindres  causes  de  la  ruine  de 
l'empire  romain. 

Nous  dirons  successivement  comment  s'exerçait  l'action 
de  l'empereur  sur  les  affaires  étrangères,  sur  la  justice, 
sur  les  finances,  sur  l'administration  générale.  Sur  les 
affaires  étrangères,  c'était  jadis  le  Sénat  qui  décidait  ;  sous 
l'Empire,  ce  fut  le  prince.  Il  a  seul  et  sans  réserves  le  droit 
de  paix  et  de  guerre  ;  il  négocie  et  conclut  les  traités. 
Quelquefois  le  Sénat  reçoit  les  ambassades  ;  mais  nul 
fonctionnaire  n'a  le  droit  d'entreprendre  une  guerre  sans 
ordre  de  l'empereur  ;  il  y  va  de  sa  tête.  Il  s'ensuit  que 
toutes  les  mesures  pour  la  sécurité  de  l'empire  romain 
sont  l'affaire  du  prince,  qui  statue  personnellement.  C'est 
lui  qui  répartit  les  troupes,  qui  les  concentre  en  cas  de 
besoin  ;  il  tient  le  Sénat  au  courant  des  événements,  mais 
ses  lieutenants,  c.-à-d.  tous  les  chefs  mihtaires,  ne  cor- 
respondent qu'avec  lui,  même  dans  les  provinces  sénato- 
riales. 

La  juridiction  criminelle,  le  droit  de  punir,  attribut  de 
la  souveraineté,  n'appartient  plus  au  peuple.  Dès  le  début 
de  l'Empire,  il  en  est  privé.  Jusqu'aux  premières  années 

du  iii^  siècle,  tant  que  dure  le  système  des  jurys,  c'est 
l'empereur  qui  dresse  et  re vise  les  listes  des  jurés,  lesquels 

sont  nommés  à  vie.  Il  a  le  droit,  lorsqu'une  condamnation 
n'a  été  prononcée  qu'à  une  voix  de  majorité,  d'ajouter  la 

sienne  en  sens  contraire  et  de  déterminer  l'acquittement  ; 
il  assiste  souvent  aux  procès.  Mais,  ce  qui  est  bien  plus 
important,  c'est  le  droit  de  punir  qui  appartient  à  l'empe- 


reur ;  les  anciens  droits  du  peuple  romain  sont,  en  cette 
matière,  transférés  d'une  part  au  Sénat  et  aux  consuls,  de 
l'autre  au  prince.  Tout  le  monde,  même  un  sénateur,  peut 
être  cité  devant  le  tribunal  du  prince  et,  à  vrai  dire,  il 
offrait  autant  de  garanties,  ou  aussi  peu,  que  le  tribunal 
sénatorial.  A  la  fin  du  i^^'  siècle,  on  convint  que  les  procès 
des  sénateurs,  surtout  en  matière  capitale,  seraient  sous- 
traits au  tribunal  du  prince.  Cette  immunité  fut  inscrite 
dans  la  loi  au  temps  de  Sévère.  Toute  affaire  peut  être 
portée  au  tribunal  impérial,  lequel  connaît  le  plus  fréquem- 
ment de  celles  où  sont  impliqués  des  officiers,  des  fonc- 
tionnaires ;  en  cas  de  conflit  de  juridiction,  c'est  la  juri- 
diction impériale  qui  prime  celle  du  Sénat  ou  du  tribunal 
ordinaire  (quœstio).  Le  tribunal  impérial  siège  partout  où 
séjourne  l'empereur  ;  il  n'est  pas  public.  De  même  que  le 
Sénat,  l'empereur  peut  déléguer  son  autorité  judiciaire. 
Ces  délégations  ont  une  grande  importance,  parce  qu'elles 
sont  le  principal  fondement  de  la  juridiction  criminelle  des 
gouverneurs  et  le  seul  pour  les  préfets  de  la  ville  et  du 
prétoire  (V.  Province  et  Préfet). 

Dans  la  justice  civile,  l'influence  de  l'empereur  est 
limitée,  comme  celle  des  autres  magistrats  ;  il  a  le  choix 
des  jurés,  qui  revenait  jadis  au  préteur  urbain  ;  quelque- 
fois il  casse  des  arrêts,  mais  au  même  titre  que  les  anciens 
magistrats.  Le  progrès  du  régime  monarchique  se  marque 
du  reste  par  la  décadence  des  jurys,  qui  finissent  par  dis- 
paraître. La  juridiction  civile  de  l'empereur  est  surtout 
importante  dans  les  cas  d'appel  contre  l'arrêt  d'un  magis- 
trat. Absolu  en  principe,  puisque  l'empereur  a  une  puis- 
sance d'ordre  supérieur  (imperium  majus)^  ce  droit  est 
limité  dans  la  pratique  ;  l'empereur  le  délègue. 

L'empereur  imite  encore  les  magistrats  de  la  Rome  répu- 
blicaine en  ceci  qu'il  ne  statue  dans  les  affaires  juridiques 
importantes  qu'avec  le  concours  d'amis  et  de  conseillers. 
Auguste  et  ses  successeurs  agirent  ainsi.  Adrien  donna  à 
ce  conseil  (consilium^  plus  tard  appelé  consistorium) 
une  organisation  réguhère  (V.  l'art.  Consilium). 

Tout  ce  qui  concerne  le  domaine  et  les  finances  de  l'Etat 
romain  est  soumis  à  l'empereur  ;  non  seulement  il  statue 
souverainement  sur  les  litiges  relatifs  aux  limites  entre  les 
territoires  de  telle  ou  telle  communauté,  mais  il  dispose 
comme  il  veut  du  domaine  public  ;  il  fait  les  assignations 
de  terres  sans  s'assujettir  à  aucune  restriction  ;  il  ne  s'ar- 
rête que  devant  les  expropriations  de  propriétés  privées. 
Pour  l'administration  financière,  on  distingue  plusieurs 
caisses.  Le  prince  a  d'abord  la  sienne,  comme  chaque  pro- 
consul :  c'est  le  fisc  {fiscus  Cœsaris)  ;  mais  elle  lui  appar- 
tient sans  réserve  ;  il  en  dispose  comme  de  sa  fortune  privée. 
C'est  sur  le  fisc  qu'il  paye  les  dépenses  de  l'armée  de  terre 
et  de  mer,  de  l'administration  des  provinces  impériales,  de 
l'annone,  des  routes,  des  aqueducs,  etc.  Quant  aux  dépenses 
de  la  maison  impériale,  celles  de  ses  employés  personnels 
et  particulièrement  de  ceux  qu'il  emploie  à  l'administration 
financière,  ce  sont  des  dépenses  privées  du  souverain  ;  bien 
loin  d'être  appointé  par  l'Etat,  c'est  lui  qui  fait  les  frais 
de  véritables  services  publics.  Les  ressources  du  fisc  étaient 
fournies  par  les  revenus  des  provinces  impériales,  auxquels 
s'ajoutaient  une  partie  des  revenus  des  provinces  probablement 
sénatoriales  et  probablement  des  subventions  du  trésor  public 
(œrariiim).  Tout  balancé,  le  prince  donnait  plus  qu'il  ne 
recevait.  Auguste,  dans  son  testament,  nous  apprend  qu'il  a 
dépensé  sur  sa  fortune  personnelle  et  les  legs  qu'il  a  reçus, 
plus  de  4  milliards  de  sesterces  pour  l'Etat  et  ne  laisse 
ainsi  à  ses  héritiers  que  450  millions.  En  l'an  62,  le  fisc 
privé  de  l'empereur  versait  annuellement  60  miUions  de 
sesterces  de  plus  qu'il  ne  recevait.  Ces  témoignages  et  bien 
d'autres  démontrent  que  l'empereur  de  cette  époque  ne 
tire  pas  ses  revenus  de  l'Etat,  comme  fera  celui  du  Bas- 
Empire  ;  il  affecte  aux  services  publics  la  plus  grande  partie 
de  son  revenu  personnel,  lequel,  il  est  vrai,  lui  vient  en 
particuUer  de  royaumes  dont  il  est  censé  le  maître,  comme 
l'Egypte,  mais  aussi  par  héritage.  Le  système  d'Auguste 
avait  ce  grave  défaut  qu'il  n'avait  pas  créé  de  ressources 


-  969  - 


EMPIRE 


équivalentes  aux  dépenses  ;  le  déficit  était  donc  Tétat  normal  ; 
sous  les  bons  princes,  il  était  comblé  par  les  libéralités  im- 
périales, sous  les  mauvais,  on  recourait  à  des  confiscations, 
à  des  mesures  vexatoires  ou  à  des  économies  mal  entendues. 
-—  L'empereur  intervient  dans  la  gestion  du  trésor  public; 
sans  doute  Auguste  a  laissé  au  Sénat  le  trésor  (œrarium 
populi  Romani)  proprement  dit;  mais  il  a  constitué  à 
côté  un  trésor  de  guerre  (œrarium  militare)  géré  par 
des  préfets.  L'autre,  auquel  on  appliqua  le  nom  d' œrarium 
Saturni,  fut  contrôlé,  et,  dès  le  règne  de  Néron  (56), 
confié  à  deux  préfets  subordonnés  encore  au  Sénat,  mais 
davantage  au  prince.  La  distinction  du  fisc  et  du  trésor 
public  subsista  jusqu'à  Dioclétien  probablement,  mais  elle 
était  désormais  de  pure  forme.  ■—  Le  droit  de  créer  des 
impôts  nouveaux  sur  le  peuple  romain  n'appartenait  pas  en 
principe  aux  empereurs  ;  en  fait,  ils  n'en  créèrent  presque 
pas  jusqu'au  règne  de  Dioclétien,  lequel  remania  tout  le 
système  financier.  En  revanche,  c'est  l'empereur  seul  qui 
règle  la  répartition,  c'est  lui  qui  surveille  la  levée  de 
l'impôt,  soit  que  ses  employés  y  procèdent,  comme  pour 
l'impôt  foncier,  soit  qu'il  soit  affermé. 

Le  prince  et  le  Sénat  ont  des  droits  égaux  pour  le  mon- 
nayage; mais,  dès  l'an  15  av.  J.-C,  où  l'on  reprit  la 
frappe  du  cuivre,  on  convint  que  la  monnaie  de  cuivre 
serait  frappée  par  le  Sénat,  celle  d'argent  et  d'or  par  l'em- 
pereur. La  monnaie  de  cuivre  d'abord,  puis  la  monnaie 
d'argent  après  les  altérations  de  Néron,  ne  fut  autre  chose 
qu'une  monnaie  fiduciaire;  il  en  résulta  de  grands  maux, 
surtout  au  m®  siècle,  et  c'est  seulement  le  Bas-Empire  qui 
y  mit  fin  en  rétablissant  une  bonne  monnaie;  elle  fut  uni- 
quement frappée  par  l'empereur  (V.  Monnaie). 

A  l'administration  financière  de  l'Empire,  il  faut  encore 
rattacher  la  poste,  création  d'Auguste,  uniquement  affectée 
d'abord  aux  besoins  des  services  publics  (V.  Poste).  C'est 
une  des  innovations  importantes  de  l'Empire. 

L'histoire  de  l'administration  de  la  ville  de  Rome  est  très 
intéressante  parce  qu'elle  permet  de  suivre  les  accroisse- 
ments successifs  de  l'autorité  impériale  ;  bornée  d'abord  à 
une  surveillance  conforme  à  celle  qu'exerçaient  les  consuls  et 
les  tribuns,  elle  se  développa  rapidement  dès  le  règne  d'Au- 
guste ;  la  raison  en  fut  la  même  que  celle  qui  explique  les 
progrès  de  la  centralisation  administrative,  la  nécessité  de 
pourvoir  à  des  besoins  en  souffrance  ;  une  famine  décida 
l'empereur  à  se  charger  de  l'approvisionnement  de  la  ville 
(cura  annonœ);  il  se  chargea  ensuite  de  l'entretien  des 
routes,  puis  des  aqueducs,  puis  des  édifices  publics  ;  il  fut 
conduit  à  organiser  le  corps  des  pompiers,  puis  à  s'occuper 
de  régulariser  le  cours  du  Tibre,  d'entretenir  les  égouts; 
enfin  Tibère  organise  la  police  urbaine.  Cette  dernière  ins- 
titution était  une  des  plus  contraires  à  l'ancien  esprit  répu- 
blicain et  de  caractère  ouvertement  monarchique  ;  d'autant 
plus  que  la  compétence  de  cette  juridiction  administrative, 
la  préfecture  urbaine  (V.  Préfet),  se  développa  aux  dépens 
de  celle  des  jurys.  Dès  le  i^'  siècle  de  l'Empire,  toute 
l'administration  urbaine  de  Rome  a  pris  un  aspect  monar- 
chique. Pour  le  détail,  nous  renvoyons  à  l'art.  Rome, 
rappelant  seulement  le  mot  cruel  d'après  lequel  le  pain  et 
les  jeux  étaient  tout  ce  que  le  peuple  demandait  à  l'empe- 
reur. Il  lui  assurait  l'un  et  l'autre  et  de  plus  la  sécurité. 
Claude  fit  décerner  à  l'empereur  la  prérogative  monarchique 
de  reculer  le  pomerium,  l'enceinte  religieuse  de  Rome. 

A  l'époque  républicaine,  les  cités  italiennes  avaient  l'au- 
tonomie administrative.  L'Empire  la  respecta  mieux  que 
celle  de  Rome,  où  la  vie  municipale  avait  péri  depuis  long- 
temps. Cependant,  pour  avoir  été  plus  lente,  l'évolution  fut 
la  même,  et  la  monarchie  finit  par  absorber  toute  l'admi- 
nistration des  communautés  italiennes.  Nous  étudierons 
dans  l'art.  Italie  la  condition  privilégiée  de  la  péninsule 
et  la  manière  dont  elle  fut  assimilée  aux  autres  provinces 
de  l'Empire.  Cette  transformation  politique,  qui  s'acheva 
sous  le  Bas-Empire,  attesta  la  fusion  complète  des  vain- 
queurs et  des  vaincus  dans  un  Etat  nouveau  qui  est  la  con- 
tinuation de  l'Etat  romain,  mais  qui  a  son  originalité 


propre,  l'Empire.  L'extension  de  la  juridiction  de  la  pré- 
fecture urbaine  sur  l'Italie  fut  suivie  de  l'institution  de 
fonctionnaires  préposés  aux  routes  (curatores  viarum)  ; 
ceux-ci  furent  peu  à  peu  chargés  de  surveiller  les  revenus 
de  l'institution  alimentaire  (de  Nerva),  puis  les  douanes, 
l'annone.  On  créa  ensuite  des  curateurs  pour  contrôler  les 
administrations  municipales  ;  les  abus  qui  se  produisaient 
inévitablement  donnèrent  lieu  à  l'intervention  de  l'empe- 
reur, auquel  on  faisait  souvent  appel.  C'est  au  temps  de 
Trajan  que  se  généralisent  ces  empiétements.  Ils  ne  sont 
pas  limités  aux  municipalités  italiennes;  les  communes 
libres  des  provinces  sont  également  en  cause.  Partout  on 
établit,  au  iii^  siècle,  ces  fonctionnaires  dont  le  titre  est 
significatif  :  correctores  civitatum  liberarum  (V.  Muni- 
cipe).  On  finit  par  donner  à  l'ItaUe  des  administrateurs 
analogues  à  ceux  des  autres  provinces.  , 

L'administration  provinciale,  qui  fut  le  grand  bienfait 
de  l'Empire  et  son  œuvre  propre,  sera  exposée  avec  tous 
les  développements  qu'elle  comporte  dans  l'art.  Province. 
Nous  avons  déjà  dit  que  la  puissance  proconsulaire  de 
l'empereur  était  le  fondement  de  son  autorité  dans  les  pro- 
vinces, mais  que,  dans  quelques-unes,  il  gouverne  à  la  place 
des  anciens  rois  et  comme  souverain  territorial  ;  c'est  à  ce 
titre  qu'il  confère,  par  exemple,  le  droit  de  bourgeoisie 
d'Alexandrie.  Dans  cette  catégorie  de  provinces,  la  pro- 
priété du  sol  appartient  à  l'empereur.  On  généralisa,  et  au 
milieu  du  ii«  siècle  les  juristes  soutinrent  que,  dans  toutes 
les  provinces  impériales,  le  sol  n'appartenait  pas  à  l'Etat, 
mais  à  l'empereur.  Il  en  résulta  que  les  privilèges  dont 
jouit  la  propriété  publique  furent  étendus  aux  biens  prives 
du  prince.  Cette  confusion  entre  le  domaine  de  l'Etat  et  le 
domaine  du  souverain  montre  une  fois  de  plus  comment  le 
principal  est  devenu  une  monarchie  dans  toute  la  force  du 
fppme 

Après  avoir  passé  en  revue  les  différentes  attributions 
du  prince,  en  tant  que  tel,  il  reste  à  dire  un  mot  des  diffé- 
rentes magistratures  qu'il  prenait  temporairement.  En  pre- 
mier lieu,  le  consulat  :  l'empereur  le  prenait  dans  l'année 
de  son  avènement  ;  à  plusieurs  reprises,  on  songea  à  le 
lui  conférer  tous  les  ans,  mais  seulement  parce  que  l'usage 
s'étant  conservé  de  désigner  les  années  par  le  nom  des 
consuls,  on  voulait  procurer  l'avantage  de  cette  éponymie 
au  souverain.  D'ailleurs,  l'empereur  prend  le  consulat 
lorsque  cela  lui  plaît  et  sans  suivre  de  règle  constante, 
(îuant  à  la  censure,  tant  qu'elle  ne  fut  pas  absorbée  par 
le  principat,  l'empereur  la  prit  à  plusieurs  reprises.  Quand 
elle  disparut,  on  cessa  de  faire  le  recensement  du  peuple  ; 
celui  des  chevaliers  et  du  Sénat  fut  fait  annuellement  par 
le  prince  à  partir  d'Auguste.  L'empereur  attacha  un  certain 
prix  à  la  possession  des  sacerdoces  ;  il  fait  partie  des 
grands  collèges  (pontifes,  augures,  quindécemvirs,  épulons, 
augustales,  arvales)  ;  outre  les  droits  qu'il  exerce  comme 
grand  pontife,  il  a  pris  celui  de  nommer  des  membres  de 
ces  collèges  recrutés  en  principe  par  cooptation. 

Le  prince  n'a  pas  de  suppléant  désigné  ;  rien  qui  res- 
semble à  la  régence  dans  les  Etats  monarchiques  ;  rien  non 
plus  d'analogue  à  la  situation  des  ministres  dans  nos 
monarchies  constitutionnelles.  Quand  le  prince  se  fait 
représenter,  c'est  seulement  pour  un  cas  défini,  comman- 
dement de  la  garde,  d'une  légion,  d'une  province,  juge- 
ment des  appels  d'une  province  ;  pas  de  délégation  géné- 
rale de  ses  pouvoirs.  Les  conseillers  les  plus  influents 
n'eurent  pas  de  titre  spécial,  de  pouvoir  formellement 
énoncé.  Cependant  il  y  eut  un  personnage  qui,  plus  que 
tout  autre,  devint  dans  l'Empire  le  suppléant  de  l'empe- 
reur :  ce  fut  le  commandant  de  sa  garde,  le  préfet  du 
prétoire.  Comme  l'idée  romaine  supposait  l'action  person- 
nelle du  magistrat  suprême,  quand  celui-ci  ne  peut  venir 
lui-même,  il  fait  porter  ses  ordres  par  ses  employés  les  plus 
sûrs,  au  premier  rang  desquels  est  le  chef  de  la  garde  ; 
d'autre  part,  dans  ce  régime  militaire,  celui-ci  a  une  situa- 
tion très  forte  ;  l'empereur  doit  avoir  confiance  en  lui,  et, 
d'autre  part,  s'en  méfier,  car  l'influence  du  préfet  du  pré- 


EMPIRE 


—  970 


loire  est  une  menace  permanente  pour  lui  ;  cet  antagonisme 
domine  l'histoire  du  Haut-Empire.  Pour  s'en  délivrer,  on 
affaiblit  l'institution  de  la  préfecture  du  prétoire  en  y  appli- 
quant le  principe  des  anciennes  magistratures,  la  collégia- 
lité. Plus  tard,  dans  la  monarchie  du  Bas-Empire,  on 
complète  la  précaution  en  revenant  au  second  principe  de 
l'époque  républicaine,  la  brève  durée  de  la  fonction.  En 
revanche,  on  lui  attribua  une  compétence  et  une  autorité 
de  plus  en  plus  vastes  (V.  Pbéfet). 

Nous  voici  parvenus  au  terme  de  l'étude  analytique  du 
pouvoir  impérial.  Il  nous  reste  à  voir  comment  se  termi- 
nait le  principal  :  par  la  mort,  l'abdication  ou  la  déposition 
du  titulaire.  L'empereur  acquérant  son  pouvoir  par  la 
volonté  populaire  manifestée  par  l'organe  du  Sénat  et  de 
l'armée,  il  le  perd  de  même.  L'expression  de  la  volonté 
populaire  se  confond  avec  le  droit  du  plus  fort.  La  situation 
est  donc  toujours  révolutionnaire  ;  le  peuple  souverain  peut 
élever  ou  renverser  le  prince  quand  et  comme  il  lui  plaît. 
Tibère  songea  à  abdiquer,  Dioclétien  et  Maximien  abdiquè- 
rent, Vitellius  et  Didius  Julianus,  offrirent  de  le  faire  afin 
d'avoir  la  vie  sauve.  Le  Sénat  reconnut  Galba  du  vivant  de 
Néron,  de  même  Septime  Sévère  du  vivant  de  Julianus,  et 
les  Gordiens  du  vivant  de  Maximien.  La  responsabilité  du 
prince  n'est  efficacement  mise  en  jeu  qu'après  sa  mort; 
mais  cependant,  s'il  survit  à  sa  déposition,  il  peut  lui  être 
intenté  une  action  criminelle;  elle  le  fut  contre  Néron, 
Julianus,  Maximien  et  son  fils  Maxime.  Mais  un  procès  de 
ce  genre  peut  être  intenté  aux  morts  ;  c'est  pourquoi  on 
prit  l'habitude  de  juger  le  prince  après  sa  mort  ;  la  sanc- 
tion était  la  condamnation  de  sa  mémoire  ou  du  moins  la 
cassation  de  ses  actes.  La  cassation  des  actes  entraînait 
l'omission  du  nom  dans  la  formule  du  serment  imposé  aux 
magistrats  à  leur  entrée  en  fonctions.  Ce  fut  le  cas  pour 
Caracalla.  La  condamnation  de  la  mémoire  était  plus  grave  : 
le  condamné  était  assimilé  à  un  criminel  de  haute  trahison, 
privé  de  sépulture,  les  monuments  élevés  en  son  honneur 
supprimés,  son  nom  rayé  des  lieux  où  il  figurait  officielle- 
ment. Lorsque  aucune  de  ces  condamnations  n'était  en- 
courue, on  prononçait  la  consécration  de  l'empereur  mort, 
qui  était  inscrit  au  nombre  des  dieux. 

Le  principat  n'a  pas  eu  de  règle  de  succession,  ni  l'hé- 
rédité, ni  la  désignation  d'avance.  L'hérédité  ne  fut  jamais 
admise  en  principe  ;  Tibère  dans  son  testament  se  borne  à 
léguer  ses  biens  privés  à  ses  deux  neveux.  L'hérédité  qui 
tendit  à  s'établir,  car  il  y  eut  une  série  d'efforts  pour  créer 
des  dynasties  impériales,  ne  prévalut  jamais.  Elle  était  en 
contradiction  avec  ce  fait  que  le  principat  était  une  magis- 
trature. Lorsque  l'empereur  indique  son  successeur,  cette 
indication  n'a  rien  d'obligatoire.  Tandis  que,  pour  les  magis- 
tratures républicaines,  le  successeur  était  désigné,  tandis 
que  fonctionnait  son  prédécesseur,  il  n'en  est  pas  ainsi 
pour  l'Empire.  Le  pouvoir  impérial  n'a  pas  de  durée  fixe; 
nul  ne  peut  donc,  tant  que  le  titulaire  vit,  en  désigner  un 
autre,  à  moins  d'éliminer  le  premier.  Il  y  a  donc  là  une 
situation  qui  est  particulière  à  l'empire  romain  ;  alors  que 
dans  la  république,  comme  dans  une  monarchie,  le  gouver- 
nement n'est  jamais  vacant  et  que  dès  que  disparaît  celui 
gui  l'exerce  il  est  aussitôt  remplacé,  dans  le  principat  il 
?en  est  pas  ainsi.  Entre  chaque  règne  il  y  a  une  vacance 
plus  ou  moins  longue  pendant  laquelle  nul  ne  possède  Vim- 
perium.  Il  n'existe  pas  d'institution  comparable  à  celle  de 
l'interrègne  dans  la  période  républicaine.  Ce  fut  là  le  pire 
défaut  du  Haut-Empire;  ce  système  hybride,  cette  monar- 
chie hypocrite  eut  tous  les  inconvénients  de  l'équivoque  et 
cumula  ceux  de  la  république  et  de  la  monarchie  ;  nulle 
sécurité  dans  la  désignation  de  l'empereur  :  la  violence  y 
joue  le  principal  rôle.  Et  telle  est  la  difficulté  qu'il  y  a  à 
réparer  une  faute  originelle  que  jusqu'à  l'époque  byzantine 
l'empire  romain  continua  de  souffrir  du  manque  d'un  sys- 
tème régulier  pour  la  transmission  du  pouvoir.  Il  avait  été 
facile  de  prévoir  celle-ci  conformément  aux  habitudes  adop- 
tées pour  les  autres  magistratures  romaines.  Les  fonda- 
teurs du  nouveau  régime  n'avaient  eu  confiance  ni  en  eux- 


mêmes  ni  dans  l'institution  qu'ils  créaient  ;  le  second  de 
ceux-ci,  Tibère,  en  fut  la  première  victime  ;  sa  vie  en  fut 
empoisonnée,  et  pourtant,  malgré  cet  exemple,  on  ne  put 
revenir  en  arrière  ;  le  mal  était  fait,  l'institution  dura  des 
siècles  et  jusqu'au  bout  elle  subit  les  conséquences  de  la 
faiblesse  d'Auguste. 

Il  y  eut  cependant  des  tentatives  faites  pour  pallier  ces 
inconvénients  ;  à  défaut  d'un  successeur  proprement  dit, 
l'empereur  prit  un  associé,  qui,  ayant  part  à  son  autorité, 
était  tout  désigné  pour  lui  succéder.  Cet  associé  n'était  pas 
l'égal  du  prince,  quoique  le  cas  se  soit  présenté  à  partir  de 
la  fin  du  II®  siècle.  Le  plus  souvent  on  confère  cette  qua- 
lité au  fils  de  l'empereur,  fils  légitime  ou  adoptif,  ce  qui 
revenait  à  préparer  une  succession  dynastique  et  à  créer 
des  familles  factices  comme  celle  des  Antonins  oii  Caracalla 
put  se  regarder  comme  le  septième  empereur  de  sa  maison. 
Comme  le  prince,  son  associé  renonce  à  son  nom  de  gens^  il 
prend  celui  de  la  famille  impériale  et  tout  d'abord  le  sur- 
nom de  Cœsar,  A  partir  d'Adrien,  celui-ci  est  réservé  à 
l'associé  à  l'Empire,  héritier  présomptif;  le  nom  de  César 
prend  ainsi  un  sens  politique  défini.  Ce  qu'il  faut  noter 
comme  un  nouveau  pas  vers  la  monarchie,  c'est  que  la 
qualité  de  césar  n'implique  aucune  attribution  de  magis- 
trat et  que  le  césar  est  un  héritier  présomptif,  mais  n'est 
plus  un  associé.  D'autre  part,  ce  titre  ne  confère  pas  de 
droit  légal  à  l'Empire  et  quand  celui-ci  devient  vacant,  il  y 
est  pourvu  par  le  peuple,  l'armée  et  le  Sénat,  selon  le  mode 
usuel.  Quant  aux  pouvoirs  dont  était  investi  l'associé  de 
l'empereur,  il  n'y  a  pas  grand  intérêt  à  les  passer  en  revue 
dans  le  détail  ;  ce  sont  ceux  de  l'empereur,  mais  à  un  de- 
gré inférieur,  puissance  tribunicienne  et  proconsulaire,  etc. 
Cette  puissance  proconsulaire  atténuée  fut  conférée  en  der- 
nier lieu  à  Commode;  au  m®  siècle  elle  disparaît  et  l'im- 
portance de  la  puissance  tribunicienne  secondaire  paraît 
accrue.  Les  césars  du  iii^  siècle  ne  reçoivent  pas  celle-ci, 
ou  du  moins  ne  la  reçoivent  qu'avec  une  association  à  l'au- 
torité réelle  de  l'auguste.  Néanmoins,  l'associé  à  l'Empire, 
même  lorsqu'on  lui  avait  conféré  la  puissance  proconsu- 
laire et  la  puissance  tribunicienne,  ne  succédait  pas  de  plein 
droit  ;  il  fallait  l'agrément  du  Sénat  et  du  peuple. 

Le  dernier  cas  qui  se  présente  est  celui  du  partage  du 
pouvoir  impérial  entre  deux  souverains  ayant  également  le 
titre  d'augustes.  Ce  fut  une  innovation  de  Marc  Aurèle  qui 
s'associa  ainsi  Lucius  Verus,  puis  Commode  ;  après  lui 
l'usage  persista  ;  repris  par  Sévère  pour  ses  deux  fils,  il 
fut  constamment  appliqué  dans  le  courant  du  iii^  siècle. 
En  général,  cependant,  le  premier  en  date  des  augustes 
conservait  une  certaine  primauté,  surtout  lorsqu'il  s'agis- 
sait du  père  et  du  fils.  On  sait  que  Dioclétien  tenta  d'ériger 
en  système  ce  partage  du  gouvernement  entre  deux  ou 
plusieurs  empereurs  et  que  cela  conduisit  au  partage  ter- 
ritorial de  l'Empire. 

Administration  de  l'Empire  (V.  les  art.  Administration, 
MuNiciPE,  Province).  Pour  tout  ce  qui  concerne  la  défense  de 
l'Empire  et  son  organisation  mihtaire,  V.  les  art.  Armée,  Au- 
guste et  Légion.  Pour  l'état  social,  V.  l'art.  Classes  sociales. 

Le  culte  des  empereurs.  —  Le  culte  des  empereurs  est 
une  des  particularités  de  l'empire  romain  ;  c'était  le  seul 
culte  qui  fût  pratiqué  dans  toute  l'étendue  de  cet  Empire  où 
coexistaient  les  religions  les  plus  diverses  (V.  Religion 
[Antiquité  gréco-romaine]).  Toutes  les  villes  et  les  provinces 
rivalisaient  de  zèle  en  faveur  de  ce  culte,  plus  encore  que 
de  leurs  cultes  locaux  ou  nationaux.  Les  dieux  protecteurs 
de  chaque  peuple  ou  de  chaque  cité  avaient  perdu  de  leur 
crédit  par  la  suppression  de  l'indépendance  ;  la  puissance 
romaine  qui  avait  tout  plié  sous  son  ascendant  avait  inspiré 
aux  vaincus  un  respect  presque  religieux  ;  incorporée  dans 
la  personne  de  l'empereur,  elle  fut  aisément  adorée.  Le 
culte  des  empereurs  a  été  la  religion  officielle  de  l'Empire, 
car,  si  Rome  resta  fidèle  à  ses  dieux  nationaux,  elle  ne  connut 
pas  le  prosélytisme  religieux  et  laissa  chaque  pays  adorer 
les  siens  ;  au  contraire,  elle  les  traitait  avec  bienveillance. 
La  nécessité  d'un  culte  commun  à  toutes  les  parties,  si 


974 


EMPIRE 


diverses  de  FEmpire,  n'en  existait  pas  moins,  la  vie  reli- 
gieuse étant  étroitement  associée  à  la  vie  publique.  Il  fallait 
avoir  une  religion  administrative  ;  ce  fut  le  culte  des  em- 
pereurs. Nous' en  avons  déjà  indiqué  les  origines  et  parlé 
du  serment  que  tous  les  magistrats  et  fonctionnaires  prê- 
taient au  nom  de  Jupiter,  des  divins  augustes  et  des  Pénates. 
C'est  l'hostilité  marquée  par  les  Juifs  et  les  chrétiens  à  ce 
culte  du  génie  de  l'empereur  et  des  divins  augustes  ses  pré- 
décesseurs qui  explique  qu'on  les  ait  considérés  comme  des 
ennemis  de  l'Etat.  Les  bienfaits  de  la  paix  romaine  valu- 
rent à  l'Empire  et  à  sa  religion  une  profonde  popularité. 
Elle  se  manifeste  au  ii^  et  au  iii^  siècle.  L'influence  gran- 
dissante des  Orientaux,  de  longue  date  accoutumés  à  rendre 
aux  souverains  des  honneurs  divins,  celle  des  Grecs  qui 
divinisaient  les  hommes  sans  répugnance,  donnent  au  culte 
des   empereurs  dans  la  moitié  orientale  de  l'Empire  un 
caractère  particuHer  qui  prépare  la  monarchie  byzantine. 
L'empereur  est  qualifié  de  divin,  de  très  saint  ;  les  impéra- 
trices syriennes  sont  de  même  adorées  de  leur  vivant.  Bien- 
tôt Dioclétien  exigera  de  tous  les  honneurs  divins  et  fera 
prosterner  ses  sujets  devant  lui.  Les  associations  religieuses 
fondées  pour  desservir  le  culte  des  empereurs  sont  partout 
répandues  et  très  actives:  aux  Augustales  sont  venus 
s'ajouter  les  collèges  ou  sodalités  des  Flaviales  et  des  An- 
toniniani  ;  chaque  empereur  ou  impératrice  divinisé  a  son 
prêtre  ou  sa  prêtresse.  Aux  corporations  oflicielles,  il  faut 
ajouter  une  foule  d'associations  privées  qui  se  proposent  le 
même  objet,  vénérant  soit  tous  les  augustes  divins,  soit 
l'un  d'entre  eux  ;  on  en  compte  autant  dans  les  provinces 
et  leurs  principales  villes  qu'à  Rome.  Elles  prennent  rang 
dans  la  société  et  en  forment  une  classe  ;  au-dessous  de 
l'ordre  des  décurions  qui  est  fermé  et  héréditaire,  se  place 
un  second  ordre  privilégié,  celui  des  Augustales  ou  sévir i 
Augustales,  Ces  associations  fournissent  donc  aux  petites 
gens  une  occasion  de  s'élever,  revêtus  des  charges  honori- 
tiques  ;  nouvelle  cause  de  popularité  pour  le  culte  qui  leur 
procure  ces  avantages.  Les  divins  augustes  sont  de  tout 
point  assimilés  aux  autres  dieux  ;  ils  ont  leurs  temples, 
leurs  autels,  leurs  images,  leurs  fêtes.  On  célébrait  l'anni- 
versaire de  leur  naissance,  de  leur  consécration,  de  la 
dédicace  de  leur  temple,  celui  de  l'avènement  de  Tempereur 
régnant  :  on  lui  apportait  ses  vœux  le  3  janv.,  et  plus 
solennellement  tous  les  cinq  ans,  tous  les  dix  ans,  tous  les 
quinze  ans.  Le  peuple  prenait  une  part  très  grande  à  ces 
réjouissances  ;  on  allumait  des  lampes  à  la  porte  des  mai- 
sons, on  les  décorait  de  feuillage,  on  se  réunissait  entre  gens 
du  même  quartier  pour  banqueter.  «  Dans  ce  culte,  dit 
Fustel  de  Coulanges,  tout  n'était  pas  public,  tout  n'était 
pas  pour  l'apparat.  Beaucoup  d'hommes  dans  le  secret  de 
leur  maison,  loin  des  regards  de  la  foule  et  sans  nul  souci 
des  fonctionnaires  impériaux,  adoraient  la  divinité  de  l'em- 
pereur associé  à  leurs  dieux  pénates.  Il  est  impossible  d'at- 
tribuer tout  cela  à  la  servilité  ;  des  peuples  entiers  ne  sont 
pas  servîtes  et  ne  le  sont  pas  durant  trois  siècles.  Ne  sup- 
posons pas  que  ce  culte  fut  un  simple  cérémonial,  une  règle 
d'étiquette  ;  le  palais  impérial  était  presque  le  seul  endroit  au 
monde  où  il  n'existait  pas.  Ce  n'étaient  pas  les  courtisans 
qui  adoraient  le  prince,  c'était  Rome.  Ce  n'était  pas  Rome 
seulement,  c'était  la  Gaule,  c'était  l'Espagne,  c'étaient  la 
Grèce,  l'Asie.  Si  l'on  excepte  les  chrétiens  qui  vivaient 
alors   obscurs  et  cachés,  il  y  avait  dans  tout  le  genre 
humain  un  concert  d'adoration  pour  la  personne  du  prince. 
Ce  culte  étrange  se  comprend  et  l'on  en  sent  toute  la  sin- 
cérité et  toute  la  force  si  l'on  songe  à  l'état  psychologique 
de  ces  générations.  Les  hommes  étaient  fort  superstitieux. 
Dans  la  société  de  l'empire  romain,  les  pratiques  de  la  dévo- 
tion étaient  universelles  ;  les  plus  hautes  classes  s'y  Hvraient 
avec  la  même  ferveur  que  les  classes  ignorantes.  L'esprit 
humain  tremblant  voyait  la  divinité  partout.  Son  besoin 
d'adorer  s'appliqua  naturellement  à  ce  qu'il  trouvait  de  plus 
puissant  dans  les  choses  humaines,  à  l'autorité  impériale. 
Nous  ne  devons  pas  d'ailleurs  confondre  les  pensées  de  ce 
temps-là  avec  la  doctrine  du  droit  divin  des  rois  qui  n'a 


appartenu  qu'aune  autre  époque.  Il  ne  s'agit  pas  ici  d'une 
autorité  établie  par  la  volonté  divine  ;  c'est  l'autorité  elle- 
même  qui  était  divine.  Elle  ne  s'appuyait  pas  seulement  sur 
la  religion  ;  elle  était  une  religion.  Le  prince  n'était  pas  un 
représentant  de  Dieu;  il  était  un  dieu.  Ajoutons  même  que 
s'il  était  dieu,  ce  n'était  pas  par  l'effet  de  cet  enthousiasme 
irréfléchi  que  certaines  générations  ont  pour  leurs  grands 
hommes.  Il  pouvait  être  un  homme  fort  médiocre,  être  même 
connu  pour  tel,  ne  faire  illusion  à  personne  et  être  pourtant 
honoré  comme  un  être  divin.  Il  n'était  nullement  nécessaire 
qu'il  eût  frappé  les  imaginations  par  de  brillantes  victoires 
ou  touché  les  coeurs  par  de  grands  bienfaits.  Il  n'était  pas 
dieu  en  vertu  de  son  mérite  personnel  ;  il  était  dieu  parce 
qu'il  était  empereur.  Bon  ou  mauvais,  grand  ou  petit,  c'était 
l'autorité  pubhque  qu'on  adorait  en  sa  personne.  Cette  re- 
ligion n'était  pas  autre  chose  en  effet  qu'une  singulière  con- 
ception de  l'Etat.  La  puissance  suprême  'se  présentait  aux 
esprits  comme  une  sorte  de  providence  divine.  Elle  s'asso- 
ciait dans  la  pensée  des  hommes  avec  la  paix  dont  on 
jouissait  après  de  longs  siècles  de  troubles,  avec  la  pros- 
périté et  la  richesse  qui  se  multipHaient,  avec  les  arts  et 
la  civilisation  qui  s'étendaient  partout.  L'âme  humaine, 
par  un  mouvement  qui  lui  était  alors  naturel  et  instinctif, 
divinisa  cette  puissance.  De  même  que  dans  les  vieux  âges 
de  l'humanité  on  avait  adoré  le  nuage  qui,  se  répandant 
en  eau,  faisait  germer  la  moisson,  et  le  soleil  qui  la  faisait 
mûrir,  de  même  on  adora  l'autorité  suprême  qui  apparais- 
sait aux  peuples  comme  la  garantie  de  toute  paix  et  la 
source  de  tout  bonheur.  »  Les  considérations  développées 
par  Fustel  de  Coulanges  prouvent  combien  l'esprit  des 
hommes  du  ii*^  et  du  in®  siècle  était  profondément  monar- 
chique. L'autocratie  avait  été  organisée  par  Auguste  avec 
des  formes  républicaines  afin  de  ménager  les  scrupules  des 
Romains  ;  mais,  à  mesure  que  l'Empire  prévaut  sur  Rome, 
que  celle-ci  et  l'Italie  s'y  absorbent,  le  principe  monarchique 
s'affirme  davantage  dans  les  mœurs  et  les  institutions,  et 
c'est  par  une  évolution  continue  et  fatale  qu'on  aboutit  à 
la  monarchie  sacro-sainte  de  Dioclétien  et  de  ^Constantin. 
V^La  monarchie  du  m''  et  du  iv®  siècle.  —  Le  prin- 
cipat,  tel  que  l'avait  institué  Auguste  et  que  nous  venons 
de  le  décrire,  subsista  jusqu'à  la  grande  crise  du  ni®  siècle, 
laquelle  marque  la  fin  du  Haut-Empire.  Lorsqu'il  fallut  recon- 
struire sur  les  ruines  laissées  par  un  demi-siècle  de  guerres 
étrangères,  de  guerres  civiles  et  d'anarchie,  il  parut  inu- 
tile de  conserver  les  formes  qui  dissimulaient  mal  la  mo- 
narchie absolue.  C'est  celle-ci  que  proclama  sans  scrupule 
et  sans  réticence  Dioclétien,  le  fondateur  du  Bas-Empire. 
Il  commença  par  supprimer  la  fiction  d'après  laquelle  le 
pouvoir  était  délégué  par  le  peuple  à  l'empereur.  Il  se 
considéra  comme  empereur  par  la  volonté  des  dieux,  non 
point  par  le  choix  du  peuple,  de  l'armée  et  du  Sénat.  Il 
ne  demanda  à  celui-ci  nulle  confirmation  de  son  titre.  Il 
gouverna  et  légiféra  seul.  C'est  en  vertu  de  son  droit  propre 
qu'il  procéda  à  la  réorganisation  complète  de  l'Empire.  Il 
ne  faudrait  pas,  sans  doute,  lui  attribuer  l'œuvre  tout 
entière  ;  elle  ne  fut  consommée  que  par  Constantin,  et  elle 
avait  été  préparée  depuis  longtemps.  «  Plus  d'un  empe- 
reur avant  Dioclétien  avait  senti  la  nécessité  de  prendre 
un  collègue,  de  diviser  les  grands  gouvernements,  même 
de  partager  l'Empire  et  d'affaiblir  les  prétoriens  ;  plus  d'un 
s'était  laissé  nommer  seigneur  ou  dieu,  et  les  monnaies  de 
Trajan  et  d'Antonin  le  Pieux  les  représentent  avec  la  cou- 
ronne radiée.  Les  peuples  ne  s'indignaient  ni  de  ces  titres, 
ni  de  ces  couronnes,  car  la  religion  officielle  leur  faisait  un 
devoir  d'adorer  l'empereur  vivant,  et  ils  élevaient  des 
temples  à  l'empereur  mort.  Un  siècle  et  demi  avant  Dio- 
clétien, Adrien  avait  fait  de  son  consilium  le  rouage  prin- 
cipal   de  l'administration.    »    (Duruy.)  Caracalla  avait 
séparé  les  fonctions  civiles  des  fonctions  militaires;  le 
repeuplement  des  provinces  frontières  par  des  colons  ger- 
mains, le  recrutement  de  l'armée  parmi  les  Barbares,  qui 
seront  deux  causes  essentielles  de  la  ruine  de  l'Empire, 
ont  été  inaugurés  avant  Dioclétien  ;  de  même,  il  a  consacré 


EMPIRE 


--  972 


plutôt  que  créé  la  hiérarchie  des  titres  et  la  nomenclature 
nobiliaire.  La  chancellerie  impériale  était  depuis  longtemps 
le  vrai  pouvoir  central  et  le  moteur  de  tout  l'Empire. 
«  Dioctétien  n'a  donc  pas  créé  de  toutes  pièces  un  nouvel 
édifice  politique  et  social  ;  au  fond  il  n'accomplit  qu'une 
grande  réforme  administrative.  Mais  les  apparences  répu- 
blicaines si  soigneusement  prises  par  Auguste,  conservées 
par  beaucoup  de  ses  successeurs  et  que  Carus  gardait  en- 
core, tombèrent;  rien  ne  cacha  plus  le  maître,  el  rey 
netto,  et  la  république  autocratique  d'Auguste  revêtit  sa 
forme  dernière,  celle  d'une  monarchie  orientale.  »  (Duruy.) 

La  monarchie  absolue  fut  affirmée  en  principe  ;  le  sou- 
verain règne  en  vertu  d'un  droit  divin  ;  il  est  la  loi  vivante, 
supérieur  à  toutes  les  lois  écrites.  On  doit  l'appeler  maître 
et  le  qualifier  de  saint  et  de  sacré.  Pour  le  saluer,  on  plie 
les  genoux  à  la  mode  orientale.  Il  est  paré  du  diadème 
comme  les  anciens  rois  perses,  dont  il  adopte  le  fastueux 
costume  surchargé  de  pierreries.  Il  s'entoure  d'une  cour 
dont  l'étiquette  rigoureuse  marque  la  distance  entre  lui  et 
les  autres  hommes.  Une  foule  d'employés,  de  gardes,  s'in- 
terposent entre  ses  sujets  et  lui  ;  on  ne  peut  obtenir  l'ac- 
cès auprès  de  l'empereur  que  selon  les  règles  d'un  céré- 
monial minutieux.  Il  garantit  ainsi  sa  sécurité  personnelle 
et  frappe  les  esprits  en  s'entourant  d'une  sorte  de  mystère. 
En  même  temps,  Dioclétien  essaye  d'assurer  la  succession 
régulière  par  un  système  ingénieux  qui  dura  peu,  celui  de 
la  tétrarchie.  Il  répartit  les  affaires  de  l'Empire  selon  une 
division  territoriale,  et,  pour  en  diviser  la  charge,  il  se 
donne  des  collègues.  L'un  de  ceux-ci  sera  auguste  comme 
lui  ;  à  chacun  des  augustes  est  adjoint  un  césar  plus  jeune, 
son  successeur  désigné.  De  cette  manière,  le  pouvoir  ne 
sera  jamais  vacant  ;  sa  transmission  est  assurée  et  un  usur- 
pateur, fût-il  vainqueur  dans  un  quart  de  l'Empire,  aura 
toujours  à  lutter  contre  trois  princes  et  trois  armées.  L'in- 
convénient du  système,  on  le  vit  tout  de  suite,  c'est  la 
rivalité  entre  ces  quatre  empereurs  qui  se  feront  la  guerre  ; 
de  sorte  qu'au  lieu  de  garantir  la  régularité  de  la  succes- 
sion, Dioclétien  préparait  un  conflit  permanent.  Le  résul- 
tat de  ce  partage  de  l'Empire  sera  pourtant  de  faire  écla'* 
ter  les  dissidences  entre  la  moitié  occidentale  ou  latine  et 
la  moitié  orientale  ou  grecque  de  l'Empire,  lesquelles  fini- 
ront par  se  séparer. 

Un  des  premiers  actes  de  la  monarchie  absolue  du  Bas- 
Empire  fut  de  faire  disparaître  les  derniers  restes  de  la 
prépotence  romaine.  L'Italie  fut  assimilée  aux  autres  ré- 
gions, partagée  en  provinces  auxquelles  on  préposa  des 
gouverneurs  (consulaires  ou  correcteurs)  et  son  privilège 
de  l'exemption  d'impôt  foncier  lui  fut  enlevé.  Rome  cessa 
d'être  la  capitale.  Celle-ci  fut  d'abord  la  résidence  de 
Tempereur  ;  tour  à  tour,  Sirmium,  Antioche  et  Nicomédie 
du  temps  de  Dioclétien  ;  plus  tard,  Constantinople,  en 
Orient  ;  Milan  et  Ravenne,  en  Occident.  La  garde  préto- 
rienne fut  réduite  et  Rome  soumise  à  l'autorité  d'un  préfet 
de  police.  Le  Sénat,  qui  avait  partagé  le  gouvernement 
avec  le  prince,  fut  mis  de  côté  ;  il  ne  subsiste  guère  qu'à 
titre  honorifique;  on  lui  témoigne  encore  quelques  égards. 
Des  anciennes  magistratures,  on  supprime  le  tribunat  et 
l'édilité,  on  conserve  le  consulat,  la  préture  et  la  ques- 
ture, dignités  plutôt  que  fonctions. 

Si  l'on  débarrasse  le  terrain  des  vestiges  du  passé,  il 
n'en  faudrait  pas  conclure  que  le  rôle  personnel  de  l'empe- 
reur est  accru  ;  loin  de  là,  il  diminue  ;  l'institution  monar- 
chique absorbe  la  personnalité  du  monarque,  si  prépondé- 
rante au  temps  du  Haut-Empire.  Le  Bas-Empire  est  une 
monarchie  administrative  et  bureaucratique,  à  la  manière 
du  moderne  empire  russe  (V.  Etat  et  Monarchie).  Les 
employés  y  deviennent  les  vrais  maîtres  ;  on  constitue  de 
grands  départements  ministériels  avec  des  bureaux  et  un 
personnel  hiérarchisé.  En  haut,  à  la  place  du  Sénat,  est 
le  conseil  secret  du  prince,  qu'on  appelle  officiellement 
consistorium  sacri^im  L'organisation  administrative,  mili- 
taire et  financière,  fut  achevée  par  Constantin.  C'est  donc 
à  cette  époque,  c.-à-d.  au  milieu  du  iv®  siècle,  qu'il  faut 


se  placer  pour  décrire  les  rouages  du  Bas-Empire.  Sur 
l'œuvre  personnelle  de  Dioclétien  et  de  Constantin,  on 
trouvera  des  détails  dans  les  biographies  de  ces  empereurs. 

Au  point  de  vue  de  l'administration  intérieure,  l'empire 
romain  resta  partagé  en  quatre  groupes  de  provinces  assem- 
blés deux  à  deux  dans  les  empires  d'Occident  (Gaule,  Italie) 
etd'Orient  (Illyrie,  Orient)  (V.  le  tableau  desp.p.  953-954). 
Il  comprend  quatre  grandes  préfectures  :  celle  d'Orient, 
subdivisée  en  5  diocèses  et  46  provinces  ;  celle  d'IUyrie, 
subdivisée  en  2  diocèses  et  11  provinces;  celle  d'Italie, 
subdivisée  en  4  diocèses  et  30  provinces  ;  celle  de  Gaule, 
subdivisée  en  3  diocèses  et  29  provinces.  De  plus,  les  petites 
provinces  proconsulaires  d'Asie  et  d'Afrique  relevaient 
directement  du  pouvoir  central,  et  les  deux  capitales,  Rome 
et  Constantinople,  a\  aient  leurs  préfets,  égaux  hiérar- 
chiques de  ceux  des  grandes  préfectures.  La  préfecture 
d'Orient  comprenait,  en  outre,  l'Asie,  l'Egypte  et  la  Thrace; 
celle  d'IUyrie  n'embrassait  plus  les  provinces  illyriennes 
proprement  dites,  lesquelles  formaient  le  diocèse  de  Pan- 
nonie  ou  d'IUyrie  occidentale  dépendant  de  l'Itahe,  à 
laquelle  on  rattachait  encore  les  pays  alpestres  et  l'Afrique. 
La  tendance  au  morcellement  des  provinces  ne  s'arrête  pas  ; 
Auguste  en  avait  14,  Dioclétien  96,  Constantin  120. 

A  la  tête  de  l'Empire  est  le  pouvoir  central,  la  cour  avec 
ses  offices.  L'entourage  personnel  de  l'empereur,  particu- 
lièrement les  femmes  et  les  prêtres,  auront  une  grande 
influence  dans  le  Bas-Empire.  Celui-ci  représente,  à  ses 
débuts,  un  compromis  entre  l'organisation  de  la  monarchie 
orientale  des  cours  de  Suse  et  de  Ctésiphon  et  les  usages 
de  l'empereur  romain,  chef  militaire,  vivant  autant  dans 
les  camps  qu'en  sa  demeure  du  Palatin.  Bien  qu'il  se  forme 
de  véritables  dynasties,  on  n'arrive  pas  à  constituer  soli- 
dement la  monarchie  héréditaire  ;  la  succession  ne  sera 
jamais  aussi  bien  réglée  que  chez  les  Perses  ou  les  Egyp- 
tiens. La  conception  absolutiste  prévaut  de  plus  en  plus  ; 
l'Etat,  c'est  l'empereur.  Il  s'entoure  d'une  bureaucratie 
ordonnée  en  de  grands  ministères.  Mais  ces  charges  pu- 
bliques se  confondent  avec  les  offices  de  la  cour.  Cinq  per- 
sonnages se  partagent  les  principaux  départements.  Le 
grand  chambellan^  chargé  du  service  privé  de  la  maison 
de  l'empereur,  a  sous  ses  ordres  les  quatre  classes  de  ser- 
viteurs, les  cubicularii,  le  comte  du  palais,  les  pages,  les 
architectes  et  gens  de  service,  le  comte  de  la  garde-robe, 
l'intendant  des  résidences  impériales,  les  silentiaires,  les 
médecins,  les  gardes  du  corps  à  pied  et  à  cheval,  protec- 
tores  et  domestici. —  Le  maître  des  offices  est  à  la  fois  un 
maréchal  du  palais  et  un  chancelier  d'Etat  :  il  a  la  juridic- 
tion sur  tout  le  personnel  de  la  cour  ;  il  commande  aux 
écoles  militaires,  aux  3,500  scolares  qui  montent  la  garde 
au  palais  ;  une  section,  celle  des  agentes  in  rébus,  qui 
comprit  plus  tard  240  officiers,  250  sous-officiers  et 
750  agents,  fournit  les  courriers  et  le  personnel  de  la 
police  secrète.  En  même  temps,  le  maître  des  offices  a  sous 
ses  ordres  la  poste,  les  manufactures  d'armes  de  l'Empire, 
contrôle  l'administration  militaire.  Comme  chancelier,  il 
préside  au  travail  législatif,  à  la  justice,  à  l'administration, 
aux  affaires  étrangères,  commande  aux  interprètes,  règle 
les  audiences  des  ambassadeurs  étrangers.  Il  dispose  de 
quatre  grands  bureaux  (scrinia)  avec  150  employés  : 
scrinium  memoriœ,  bureau  qui  expédie  les  résolutions 
impériales  et  les  ordres  de  cabinet,  les  grâces,  etc  ;  scri- 
nium epistolarum,  service  de  chancellerie  pour  les  affaires 
extérieures  ;  scrinium  libellorum,  pour  les  affaires  judi- 
ciaires ;  scrinium  dispositionum,  pour  la  besogne  admi- 
nistrative. A  la  tête  de  ce  dernier  est  un  comte  ;  à  la  tête 
de  chacun  des  autres,  un  sous-secrétaire  d'Etat.  Le  maître 
des  offices  est  moins  puissant  que  ne  l'indiquerait  cette 
énumération  parce  que  les  préfets  du  prétoire  partagent 
une  partie  de  ses  attributions  ;  de  plus,  la  durée  de  ses 
fonctions  est  assez  courte,  et  il  ne  peut  s'adresser  à  l'em- 
pereur que  par  écrit.  —  Le  questeur  du  palais  sacré 
est  une  sorte  de  ministre  d'Etat  ;  il  est  le  seul  qui  commu- 
nique verbalement  avec  l'empereur  ;  il  reçoit  les  requêtes 


—  973 


EMPIRE 


et  transmet  les  réponses  ;  il  prépare  les  lois  ou  les  ordres 
impériaux  qui  seront  discutés  en  conseil  et  il  les  contre- 
signe. Il  n'a  pas  de  bureau,  mais  prend  pour  son  service 
\ingt-six  employés  du  maître  des  offices.  —  Le  ministre 
des  finances  (cornes  sacrarum  largitionum)  est  un  grand 
personnage  auquel  incombe  toute  la  direction  de  l'ensemble 
des  impôts  directs  et  indirects,  la  surveillance  des  four- 
nitures en  nature,  des  transports  pour  les  approvisionne- 
ments, la  surveillance  fiscale  du  commerce,  celle  des  mines, 
de  la  monnaie,  des  magasins  et  des  manufactures  publiques, 
celle  du  trésor  de  l'Etat.  Il  est  vrai  que  les  autorités  pro- 
vinciales ont  la  responsabilité  de  la  répartition  et  de  la 
perception  de  l'impôt  et  que  la  caisse  centrale  ne  reçoit 
que  les  excédents  des  caisses  des  préfectures  du  prétoire. 
Dans  chaque  diocèse,  le  ministre  des  finances  a  un  direc- 
teur des  finances,  dans  chaque  province  des  employés 
(rationales)  ;  au  centre,  il  dispose  de  quinze  bureaux 
(en  Orient,  treize  en  Occident).  —  Le  trésorier  de  l'em- 
pereur (cornes  rerum  privatarum)  administre  la  caisse 
privée  de  l'empereur,  les  domaines  publics,  palais  impé- 
riaux, haras,  forêts,  etc.,  les  biens  confisqués  ou  tombés 
en  déshérence.  —  On  doit  encore  mettre  auprès  des  cinq 
ministres  les  deux  chefs  de  la  garde  impériale  (domestici 
et  protectores)  ;  cette  garde  est  formée  soit  de  vétérans, 
soit  de  jeunes  gens  de  bonne  naissance  qui  y  font  leur 
apprentissage.  Enfin,  les  maîtres  de  la  milice  (magistri 
militum),  généraux  en  chef,  dont  nous  reparlerons  tout 
à  l'heure.  A  côté  des  ministres  détenteurs  des  grandes 
charges  de  la  cour,  il  faut  nommer  le  primicerius  des 
notaires  ou  grand  notaire  ;  c'est  lui  qui  tient  le  grand 
livre  des  fonctions  et  offices  publics  constatant  et  contrô- 
lant l'avancement  et  la  situation  hiérarchique  de  chacun. 
—  Le  conseil  de  l'empereur  (consistorium  sacrum)  com- 
prend le  préfet  du  prétoire  de  la  résidence,  les  généraux 
en  chef  présents,  le  maître  des  offices,  le  questeur,  les 
deux  ministres  des  finances,  un  certain  nombre  de  comtes 
ou  de  conseillers  secrets.  Il  arrive  qu'on  y  adjoigne,  pour 
des  circonstances  spéciales,  des  employés  supérieurs  ou  des 
personnages  de  haut  rang  spécialement  compétents. 

Au-dessous  de  l'administration  centrale  vient  la  hiérar- 
chie de  la  bureaucratie  provinciale.  A  la  tête  de  celle-ci 
sont  les  quatre  préfets  du  prétoire  ;  ce  sont,  chacun  dans 
sa  circonscription,  de  véritables  vice-empereurs  ;  ils  pro- 
mulguent les  lois  impériales,  édictent  en  certains  cas  en 
leur  nom  propre.  Ils  président  à  l'administration  et  aux 
finances  ;  ils  ont  le  droit  de  vie  et  de  mort,  la  juridiction 
suprême,  mais  ne  peuvent  statuer  sur  les  affaires  de  plus 
de  50  livres  d'or.  Leurs  décisions  ne  sont  pas  susceptibles 
d'appel  à  l'empereur.  Les  sièges  des  quatre  préfectures 
étaient  :  Constantinople  pour  l'Orient;  Sirmium  pour  l'illy- 
rie;  Milan  pour  l'Italie;  Trêves  pour  la  Gaule.  A  Rome  ne 
réside  que  le  vicaire  du  diocèse  d'Italie.  —  Dans  chaque 
diocèse,  le  préfet  est  représenté  par  un  vicaire  (sauf  dans 
ceux  de  Dacie  et  d'Illyrie,  administrés  directement  par  le 
préfet  du  prétoire  d'Illyrie  et  par  celui  d'Italie).  Le  vicaire 
est  un  fonctionnaire  nouveau  interposé  par  Dioclétien  entre 
le  gouverneur  de  province  et  l'empereur  que  supplée  au 
temps  de  Constantin  le  préfet  du  prétoire.  Au-dessous  des 
vicaires  viennent  les  administrateurs  civils  :  37  consulaires, 
71  présidents,  5  correcteurs  (V.  le  tableau  des  pp.  953-954); 
les  trois  proconsuls  relèvent  immédiatement  des  préfets  du 
prétoire.  Ces  gouverneurs  de  province  sont  des  administra- 
teurs et  des  juges,  soit  en  première  instance,  soit  définiti- 
vement pour  certaines  catégories  d'affaires,  soit  en  appel 
des  juridictions  des  cités.  L'appel  de  leurs  décisions  est 
porté  au  vicaire  ou  au  préfet  du  prétoire.  Ceux-ci  ont  des 
bureaux  considérables;  le  préfet  d'Orient  occupait  150  em- 
ployés, le  vicaire  d'Egypte  50.  Le  préfet  du  prétoire  a  un 
pouvoir  disciplinaire  sur  les  vicaires  et  les  gouverneurs 
qu'il  peut  suspendre,  mais  ils  sont  nommés  par  l'empereur 
et  ils  correspondent  directement  avec  le  maître  des  offices. 
A  tous  les  degrés  de  la  hiérarchie  administrative,  nous 
retrouvons  de  grands  bureaux  ;  ils  sont  répartis  en  trois 


sections  principales  :  affaires  judiciaires,  affaires  financières, 
expéditions.  Les  emplois  supérieurs  sont  encore  réservés 
aux  chevaliers,  mais  on  sentit  bientôt  qu'il  était  fâcheux 
d'exclure  la  noblesse  sénatoriale  de  l'administration.  D'autre 
part,  on  renonça  complètement  à  l'emploi  des  esclaves  ou 
des  affranchis.  La  petite  bourgeoisie  recruta  donc  les  carrières 
administratives,  et  il  se  forma  une  classe  sociale  d'employés 
pubHcs.  Ce  n'est  pas  le  lieu  de  nous  en  occuper  (V.  Classes 
SOCIALES  et  Etat).  Il  est  toutefois  très  intéressant  de  re- 
marquer comment  l'empire  romain,  qui  était  d'abord  un 
Etat  militaire,  se  transforma  en  monarchie  bureaucratique 
par  une  évolution  progressive. 

La  hiérarchie  de  rangs  et  de  titres  achevée  par  Cons- 
tantin eut  une  importance  décisive.  Les  consuls  restent  en 
dehors,  avec  le  titre  de  gloriosus.  Le  patriciat  est  devenu 
une  dignité  que  l'on  confère  un  peu  comme  les  grands'- 
croix  de  nos  ordres  modernes  ;  le  titre  de  nobilissime  est 
réservé  aux  princes  du  sang.  Les  plus  hauts  fonctionnaires 
sont  dits  viri  illustres  (les  six  préfets,  les  maîtres  de  la 
milice,  les  cinq  ministres)  ;  puis  viennent  les  spectabiles, 
qui  occupent  les  hautes  charges  de  la  cour  :  notaire  supé- 
rieur, sous-secrétaire  d'Etat,  proconsuls  d'Asie,  d'Afrique 
et  d'Achaïe,  vicaires  des  diocèses  et  généraux;  les  claris- 
simi,  parmi  lesquels  figurent  les  gouverneurs  de  province, 
les  sénateurs,  etc.;  les  perfectissimi,  qui  répondent  à  peu 
près  à  nos  chefs  de  bureau  ;  on  vend  aussi  ce  titre  ;  celui 
d'egregii  est  donné  aux  chevaliers,  celui  d'honorati  à 
ceux  qui  ont  reçu  le  titre  d'une  fonction  sans  l'exercer  en 
fait.  Un  grand  nombre  des  personnages  de  cette  hiérarchie 
sont  qualifiés  de  comtes  (comités),  c.-à-d.  compagnons  du 
prince,  on  pourrait  traduire  conseillers.  C'est  le  cas  pour 
les  membres  du  conseil,  les  ministres  des  finances,  le  vicaire 
d'Orient,  les  commandants  de  la  garde  et  plusieurs  chefs 
militaires.  Il  va  de  soi  que,  pour  chacun  des  degrés  de  la 
hiérarchie,  on  admettait  des  différences  de  grade,  d'an- 
cienneté, etc.  On  multiplie  les  décorations,  les  insignes 
extérieurs  de  chaque  fonction  ;  c'est  dans  ces  images  sym- 
boliques qu'on  trouve  une  origine  de  notre  blason. 

Le  personnel  administratif  fut  très  favorisé  dans  le  nou- 
veau régime.  Outre  le  salaire  ou  traitement,  les  employés 
bénéficièrent  d'une  série  de  privilèges  et  d'exemptions  ; 
rien  de  plus  contraire  à  nos  idées  démocratiques.  Ces  pri- 
vilèges, par  l'extension  qu'ils  prirent,  devinrent  très  nui- 
sibles au  reste  de  la  population  (V.  Classes  sociales). 
Il  se  constitue  une  noblesse  administrative  à  côté  de  la 
vieille  noblesse  sénatoriale  et  municipale.  D'autre  part,  le 
pouvoir  a  conservé  vis-à-vis  de  ses  agents  la  méfiance  de 
l'époque  républicaine  et  du  principat.  Il  redoute  leur  am- 
bition et  leurs  intrigues.  Il  ne  les  nomme  que  pour  un 
certain  délai,  ne  les  laisse  en  fonctions  qu'un  temps  assez 
court,  déplace  constamment  les  employés  inférieurs.  En  un 
mot,  il  repose  sur  la  bureaucratie,  mais  il  ne  se  décide  pas 
à  accepter  les  conséquences  de  son  système  et  il  en  paralyse 
les  principaux  mérites.  Il  ne  se  trompait  pas  sur  la  valeur 
morale  de  ces  employés  qui  était  des  plus  médiocres  :  à 
tous  les  degrés  de  la  hiérarchie  sévissent  l'intrigue,  la 
fourberie,  la  violence,  la  corruption,  les  exactions.  D'autant 
plus  lourdement  pèse  sur  le  peuple  cette  énorme  machine. 
Les  embarras  fiscaux  seront  une  des  causes  de  la  ruine  de 
l'Empire.  Pour  surveiller  ce  personnel  bureaucratique  et 
administratif,  Constantin  et  ses  successeurs  cherchent  à 
relever  les  assemblées  provinciales  (V.  Province). 

Nous  avons  déjà  signalé  la  gravité  de  la  réforme  qui 
sépara  les  carrières  civiles  des  carrières  militaires.  Le 
résultat  fut  de  faire  de  l'armée  un  Etat  dans  l'Etat.  A 
d'autres  égards  encore,  l'armée  du  Bas-Empire  est  orga- 
nisée sur  un  tout  autre  modèle  que  celle  du  Haut-Empire  ; 
les  nécessités  ne  sont  plus  les  mêmes.  Auguste  avait  pu 
concentrer  toutes  les  forces  aux  frontières  ;  cela  n'est  plus 
possible  maintenant.  A  la  tête  de  l'armée  sont  deux  géné- 
ralissimes, les  maîtres  de  la  milice  de  la  cavalerie  et  de 
l'infanterie,  dont  le  nombre  fut  porté  à  quatre  sous  Cons- 
tance II.  Ils  dirigent  l'administration  centrale  de  l'armée  ; 


EMPIRE  —  974 

ravancement,  les  déplacements,  la  juridiction  sont  réglés 
par  eux.  Pour  ne  pas  se  mettre  à  leur  discrétion,  l'empe- 
reur a  laissé  les  chefs  de  troupe  de  la  frontière  sous  l'au- 
torité du  maître  des  offices,  et  une  fraction  de  l'état-major 
est  à  la  nomination  du  questeur.  Le  système  militaire  est 
nouveau.  Aux  frontières,  on  a  bâti  des  forteresses  et  l'on 
y  a  caserne  des  troupes,  une  milice  locale  (riparienses  ou 
castricianï)  qui  arrête  le  premier  choc  d'une  invasion  et 
suffit  contre  les  incursions  de  simples  pillards.  On  recrute 
cette  milice  dans  la  population  de  la  frontière,  et  on  com- 
plète celle-ci  par  l'établissement  de  colons  empruntés  gé- 
néralement aux  Barbares.  Ces  milices  de  la  frontière  sont 
spécialement  affectées  à  la  garde  de  leur  district.  En  arrière 
est  l'armée  proprement  dite,  la  force  mobile.  On  la  partage 
en  deux  groupes,  l'armée  palatine  et  l'armée  des  comita- 
tenses;  celle-ci  forme  la  véritable  armée  de  ligne  et  com- 
prend les  deux  tiers  au  moins  de  la  cavalerie  et  les  quatre 
cinquièmes  des  légions.  Pour  le  détail  de  l'organisation, 
V.  Armée  et  Légion.  A  côté  de  ces  forces  régulières,  il  faut 
citer  les  auxiliaires  barbares  et  des  troupes  spéciales  comme 
celle  des  Lœti;  enfin,  sur  chaque  fleuve  important  et  même 
sur  les  lacs,  on  a  armé  une  flottille.  La  force  numérique 
des  unités  tactiques  a  diminué,  puisqu'on  compte  maintenant 
175  légions.  Cette  armée  conserve  encore  quelque  chose  de 
son  ancien  prestige,  mais  elle  est  de  plus  en  plus  recrutée 
parmi  les  Barbares  ou  les  gens  qui  n'ont  rien  à  perdre  ; 
tous  les  privilégiés  échappent  à  l'impôt  du  sang.  L'élément 
germanique  y  deviendra  prédominant,  au  moins  en  Occident, 
dès  la  fin  du  iv«  siècle  (V.  Armée,  t.  III,  p.  999), 

Cette  armée  plus  nombreuse  qu'autrefois  est  une  lourde 
charge,  non  moins  que  la  bureaucratie  et  la  cour.  Il  a  donc 
fallu  procéder  à  une  réorganisation  financière,  afin  d'ac- 
croître les  ressources  du  budget  impérial  (V.  ^rarium, 
t.  I,  p.  66,  et  CoNTRiRUTioNS,  t.  XII,  pp.  829  et  suiv.). 
Dioclétien  a  réformé  l'impôt  foncier,  assis  sur  un  cadastre 
soigneusement  dressé.  Il  a  conservé  tous  les  anciens  impôts, 
monopoles,  droits  réguliers,  capitation,  et  les  a  étendus  à 
ritahe,  sans  parler  des  corvées  et  des  impôts  indirects.  On 
en  trouvera  ailleurs  la  nomenclature  et  l'étude  détaillée. 
Ce  qu'il  faut  constater  ici,  c'est  que  le  gouvernement  coûtait 
très  cher;  que  l'impôt  direct  sur  lequel  il  vivait  était  une 
charge  écrasante,  aggravée  par  le  mode  de  perception  qui 
en  rendait  responsables  les  autorités  municipales  et  la 
classe  des  Curiales  (V.  ce  mot).  En  Occident,  au  moins, 
celle-ci  en  fut  écrasée.  L'empire  romain  succomba  autant 
sous  le  déficit  financier  que  sous  la  décadence  de  l'esprit 
militaire  qui  livra  ses  armées  aux  barbares. 

Nous  avons  négligé  à  dessein  de  parler  des  rapports  de 
l'Empire  avec  les  chrétiens,  lesquels  contribuèrent  beau- 
coup à  sa  ruine.  On  en  trouvera  l'exposé  dans  les  art. 
Etat  (§  Rapports  de  l'Eglise  et  de  l'Etat),  Persécu- 
tion, où  l'attitude  des  chrétiens  envers  l'Empire  sera  indi- 
quée, et  nous  y  reviendrons  dans  l'art.  Saint-Empire.  On 
ne  doit  pas  oublier  que  c'est  dans  la  monarchie  byzantine 
que  l'empire  romain  a  trouvé  sa  dernière  expression  et 
que  le  Bas-Empire  a  parachevé  son  organisation  (V.  Byzan- 
tin [Empire] ,  Justinien,  Constantinople,  Etat,  Monarchie)  . 
Histoire  du  Bas-Empire.  —  Dioclétien  (284-305) 
est  le  fondateur  du  Bas-Empire.  Il  triompha  de  Carinus  en 
Mœsie  et  fut  reconnu  par  tout  l'Empire.  Il  s'occupa  sur-le- 
champ  de  la  défense  des  frontières  et  pour  la  faciliter  par- 
tagea l'Empire  avec  Maximien  qui  prit  l'Occident  avec  le 
titre  d'auguste;  ensuite  ils  s'adjoignirent  deux  césars. 
Galère  et  Constance  Chlore,  Maximien  eut  Fltahe  et 
l'Afrique,  Constance  la  Gaule,  Galère  l'Illyrie,  Dioclétien 
l'Orient.  Celui-ci,  après  avoir  supprimé  l'influence  du  Sénat 
et  des  prétoriens,  réorganise  l'Empire  (V.  ci-dessus).  En 
305,  il  abdique  avec  Maximien.  Constance  Chlore  et  Galère 
deviennent  augustes.  Sévère  et  Maximin  césars.  Mais  le 
fils  de  Constance  (mort  en  306),  Constantin,  revendique  sa 
succession  à  titre  de  césar  ;  celui  de  Maximien,  Maxence, 
se  fait  proclamer  à  Rome  où  Maximien  reparaît  en  307. 
Licinius  succède  d'autre  part  à  Sévère  tué  par  ceux-ci.  Il 


y  eut  alors  six  empereurs  :  Constantin^  Maximien, 
Maxence,  Maximin,  Galère,  Licinius;  tous  prennent  le 
titre  d'auguste.  Maximien,  chassé  par  son  fils,  est  tué  par 
Constantin  (310),  qui  enlève  l'Italie  et  la  vie  à  Maxence 
(312),  vaincu  au  pont  Milvius  devant  Rome;  Galère  meurt 
en  311  et  Licinius  bat  Maximin,  qui  périt  dans  la  fuite 
(313).  Constantin  traite  avec  Licinius  vaincu  en  314,  puis 
le  défait  et  le  tue  en  324,  rétablissant  l'unité  de  l'Empire. 
Constantin  règne  seul  de  324  à  337.  Il  achève  l'œuvre  de 
Dioclétien  et  transfère  sa  capitale  sur  les  rives  du  Bosphore, 
enfin  il  adopte  le  christianisme  et  en  fait  la  religion  offi- 
cielle. C'est  le  dernier  des  grands  empereurs.  Il  laisse 
l'Empire  à  ses  fils  :  Constantin  (337-340),  Constance 
(337-361)  et  Constant  (337-350);  le  premier  reçoit  la 
Gaule,  le  second  l'Orient,  le  troisième  l'Italie  et  l'Illyrie; 
Constantin  périt  en  340  en  combattant  Constant  ;  celui-ci 
est  tué  en  350  par  l'usurpateur  Magnence,  et  Constance 
vainqueur  de  ce  dernier  et  de  deux  autres  compétiteurs 
règne  seul  jusqu'en  361.  Son  neveu,  Julien  (360-363), 
proclamé  en  Gaule  en  360,  lui  succède  ;  il  essaye  de  restaurer 
l'ancien  polythéisme  et  combat  vainement  le  christianisme  ; 
il  périt  dans  une  guerre  contre  les  Perses  avec  lesquels 
son  successeur  Jovien  (363-364)  signe  une  paix  honteuse. 
Valentinien  P'^  (364-375)  règne  alors  en  Occident,  lais- 
sant l'Orient  à  son  frère  Fa/^ws  (364-378).  Gratien  (367- 
383),  fils  et  associé  de  Valentinien,  s'associe  à  son  tour 
le  jeune  Valentinien  II  (375-392).  A  ce  moment,  la 
frontière  de  l'Empire  est  définitivement  forcée  par  les  Bar- 
bares. Refoulés  par  les  Huns,  les  Visigoths  passent  le 
Danube.  Valens  est  vaincu  est  tué  par  eux  à  Andrinople 
(378)  ;  la  péninsule  ballvanique  est  dévastée.  Gratien  nomme 
empereur  en  Orient  Théodose  (379-395)  qui  refoule  les 
Goths  et  les  cantonne  en  Thrace  et  en  Mœsie.  Il  venge 
Gratien  tué  par  l'usurpateur  Maxime  qu'il  renverse  (388); 
Valentinien  II  ayant  été  tué  par  son  général  Arbogast  qui 
fait  empereur  Eugène  (392),  Théodose  défait  et  met  à  mort 
Arbogast  et  Eugène.  Il  réunit  alors  pour  une  année  la 
totalité  de  l'empire  romain  et  achève  la  victoire  du  chris- 
tianisme en  poursuivant  les  anciens  cultes.  A  sa  mort  a 
lieu  le  partage  définitif  de  l'empire  romain  entre  ses  fils, 
Arcadius,  qui  règne  sur  l'Orient,  et  Honorius,  qui  règne 
sur  l'Occident.  L'histoire  des  empereurs  orientaux  a  été 
traitée  à  l'art.  Byzantin  ^Empire).  Celle  des  empereurs 
occidentaux  est  brève.  Il  ne  faudrait  pas  croire  qu'il 
y  eut  à  ce  moment  deux  empires  romains  ;  il  y  a  seulement 
un  partage  territorial  de  l'empire  entre  deux  souverains. 
Ce  partage  ne  fut  que  provisoire,  car,  avant  la  fin  du 
iv^  siècle,  les  conquêtes  des  Barbares  ont  amené  l'extinction 
de  l'Empire  en  Occident  et  rétabli  l'unité  au  profit  du 
souverain  de  Constantinople. 

En  Occident,  Honorius  (395-423)  ne  peut  résister  à 
l'invasion  des  Barbares  (V.  ce  mot,  t.  V,  pp. -342-343) 
qui  forcent  toutes  les  frontières  et  s'étaMissent  dans  toutes 
les  provinces  occidentales.  Il  s'enferme  dans  Ravenne, 
tandis  que  son  général,  Stilicon,  combat  pour  lui.  Après 
sa  mort  et  le  châtiment  de  l'usurpateur  Jean,  monte  sur 
le  trône  un  enfant  de  six  ans,  fatentinien  /// (425-455), 
sous  lequel  les  dévastations  et  l'invasion  continuent.  Il  est 
tué  par  Petionius  Maximus  qui  lui  succède  (455),  mais 
est  renversé  par  Avitus  (456)  ;  ce  dernier  est  culbuté  par 
Ricimer,  chef  des  auxiliaires  barbares,  qui  fait  et  défait 
les  empereurs  suivants  :  Majorien  (457-461),  Libius 
Severus  (461-465);  puis,  après  un  interrègne  de  deux 
ans,  Anthemius  (467-472),  protégé  de  la  cour  d'Orient. 
Il  disparaît  ainsi  que  Ricimer  et  l'empereur  Olybrius 
(472)  dans  les  combats  qu'on  se  livre  à  Rome.  Après  le 
règne  de  Julius  Nepos  (474-475),  le  patrice  Oreste  revêt 
de  la  pourpre  son  fils  Romulus  Augustule  (475)  ;  Oreste 
est  tué  et  Romulus  Augustule  déposé  par  l'Hérule  Odoacre, 
qui  renvoie  à  Constantinople  les  insignes  impériaux.  Ainsi 
finit  l'Empire  en  Occident. 

L'empire  romain  ne  se  termine  pas  en  476  ;  il  se  pro- 
longe en  Orient  jusqu'en  1453,  où  la  prise  de  Cônstanti- 


975 


EMPIRE 


nople  par  les  Turcs  y  met  fin.  Mais,  dans  l'intervalle,  on 
avait  restauré  en  Occident  une  copie  de  TEmpire.  Les 
populations  soumises  aux  Barbares  et  même  ceux-ci  ne 
concevaient  pas,  en  efîet,  que  l'Empire  pût  cesser  d'être. 
Il  semblait  que  ce  fût,  non  pas  un  gouvernement,  mais 
une  manière  d'être  du  monde.  Aussi,  tandis  que  l'Empire 
meurt  en  fait  dans  les  provinces  orientales,  l'idée  de 
l'Empire  se  perpétue  en  Occident.  Lorsque  Charlemagne  a 
réuni  sous  sa  domination  presque  tous  les  pays  de  cette 
partie  de  l'Europe,  d'accord  avec  la  papauté  et  l'Eglise,  il 
restaure  l'Empire  en  Occident;  mais  il  crée  ainsi  une 
institution  nouvelle,  le  Saint-Empire  romain  germa- 
nique, dont  l'histoire  sera  exposée  plus  loin.  Nous  dirons 
alors  quelle  fut  la  persistance  de  l'idée  de  l'Empire  et 
comment  elle  se  combina  avec  les  théories  ecclésiastiques 
et  domina  toute  l'histoire  du  moyen  âge.         A.-M.  B. 
Bas-Empire  (V.  ci-dessus  et  Byzantin  [Empire]). 
Saint-Empire   romain    germanique   (V.  Saint- 
Empire). 
Empire  français  (V.  Constitution  et  Napoléon). 
Empire  mongol,  russe,  chinois,  etc.  (V.  Mongols, 
Russie,  CmNE,  etc.). 
Empire  fédératif  (V.  Confédération, t.  XII,  p.  372). 
Style  Empire.  —  Le  caractère  de  l'art,  les  formes 
du  mobilier  et  du  costume,  en  un  mot  ce  que  l'on  nomme 
le  style^  tout  cela  fut  complètement  modifié  par  la  crise 
de  la  Révolution.  Aux  galanteries  du  règne  de  Louis  XV, 
aux  ornements  contournés,  aux  commodes  ventrues,  avait 
succédé  déjà,  sous  Louis  XVI,  des  lignes  plus  simples, 
une  décoration  toujours  gracieuse,  mais  moins  agitée,  et 
dont  la  sobriété  était  inspirée  par  une  connaissance  plus 
exacte  de  l'antiquité,  vers  laquelle  tous  les  artistes,  sti- 
mulés par  l'influence  de  M^®  de  Pompadour,  portaient  leurs 
regards.  Le  xviii®  siècle  n'était  pas  achevé  que  David 
Leroy  'avait  publié  les  Ruines  des  plus  beaux  monu- 
ments de  la  Grèce,  Delagardette  ses  Temples  de  Pœs- 
tum.   L'architecte  Antoine   avait  construit  à  Paris   la 
Monnaie;  Louis,  le  Théâtre-Français  et  le  Grand-Théâtre 
de  Bordeaux;  Gondoin,  l'Ecole  de  médecine;  Soufflet,  le 
Panthéon  ;  enfin  Peyre,  de  Wailly,Desprez,  etc.,  des  monu- 
ments  dans  lesquels  se  manifestaient  les  tendances  de 
l'esprit  nouveau.  La  Révolution  ne  fit  qu'accentuer  le  mou- 
vement. Le  besoin  de  réforme  passe  du  livre  dans  les 
mœurs,  et  celles-ci  se  reflètent  immédiatement  dans  les 
arts.  Aux   esprits  afl'amés  de  liberté,  la  Grèce  et  Rome 
apparaissent  comme  les  uniques  modèles  qu'il  convienne 
de  copier  servilement,  même  dans  des  applications  que  ces 
anciennes  république^  n'avaient  pas  eu  à  réaliser,  puisque 
la  vie  sociale,  les  habitations,  le  climat  y  avaient  été  diffé- 
rents.  C'est  alors  que  l'on  vit  en  France  les  maisons 
prendre  les  allures  de  temples.  Le  fronton  antique  s'accom- 
mode assez  mal  du  voisinage  de  la  cheminée,  le  toit  en 
pente  jure  avec  l'entablement  horizontal.  Peu  importe  1 
Dans  la  demeure,  on  ressuscite  Herculanum  et  Pompéi  ; 
sur  les  murailles  apparaissent  des  peintures  archaïques, 
imitant  la  fresque,  et,  sur  des  fonds  noirs,  bistres  ou  rou- 
geâtres,  s'enlèvent  des  arabesques  ou  bien  se  groupent  des 
faunes  dansants.  La  forme  des  meubles  affecte  celle  des 
monuments  antiques.  Le  fauteuil  devient  une  chaise  curule. 
Le  pied  d'une  paisible  chaise  prend  l'apparence  d'une  griffe 
formidable.  Pour  supports  de  la  table,  voici  le  quatuor  de 
sphynx  inquiétants.  Les  montants  de  la  glace  seront  figu- 
rés niaisement  par  des  torches  enflammées.  Partout,  des 
ornements  d'une  imagination  prétentieuse,  d'un  symbolisme 
ridicule.    Sous  prétexte  de  respect  pour  la  simphcité  et 
d'amour  pour  la  nature,  on  a  des  lits  à  corbeille  dont  les 
rideaux  sont  jetés  négligemment  sur  une  flèche.  Bien  plus, 
on  particularise  la  forme  des  lits  en  l'appropriant  aux  goûts, 
à  la  profession  de  celui  qui  les  commande,  et  on  a  le  lit 
pour  le  militaire,  surmonté  d'un  trophée  auquel  s'attachent, 
non  pas  des  rideaux,  mais  «  des  draperies  d'étoffes  destinées 
à  le  garantir  de  l'air  et  des  insectes  pendant  la  nuit  »  ; 
on  a  fe  lit  type  du  chasseur,  et  comme  les  attributs  du 


fusil,  de  la  poire  à  poudre  ou  de  la  cartouchière  n'auraient 
rien  eu  d'  «  antique  »,  on  n'y  autorise  que  les  javelots, 
l'arc  et  le  carquois.  Il  va  sans  dire  que  «  la  dépouille  d'un 
animal  sauvage  »  était  la  seule  courtepointe  d'une  couche 
aussi  redoutable.  Il  y  avait  également  le  lit  type  du  marin, 
lit  à  la  Neptune,  semblable  à  un  navire  des  temps  homé- 
riques. Puis,  aux  ornementations  de  casques,  de  boucliers, 
de  sabres,  succèdent  des  couronnes,  des  palmettes,  des  cols 
de  cygne  ;  l'Empire  s'adoucit,  l'orage  se  calme  et  les  déco- 
rations admettent  la  figuration  des  amours  et  des  attributs 
souriants  sur  les  meubles  pacifiés. 

Dans  le  costume,  même  affectation  de  réminiscence  an- 
tique (V.  Costume). 

Ce  fut  le  peintre  Louis  David  qui,  le  premier,  prit 
l'initiative  de  faire  exécuter  pour  son  usage  un  mobilier 
hardiment  conçu  d'après  ses  idées  personnelles.  Dès  l'an- 
née 4789,  on  put  voir  dans  son  ateher,  au  Heu  des  sièges 
alors  à  la  mode,  bergères  Marie -Antoinette  ou  cau- 
seuses coquettement  recouvertes  d'étoffes  à  ramages,  des 
chaises  en  bois  d'acajou  accompagnées  de  coussins  en 
laine  rouge  avec  des  palmettes  noires  près  des  coutures.  Il 


Berceau  du  roi  de  Rome. 

avait  aussi  une  chaise  curule  en  bronze  dont  les  extrémités 
figuraient  des  têtes  et  des  pieds  d'animaux.  Le  lit  était  à 
l'avenant.  L'ébéniste  Jacob,  qui  avait  fabriqué  ce  mobiUer 
d'après  les  dessins  de  David  et  de  Moreau,  eut  bientôt,  et 
surtout  à  partir  de  l'année  1797,  à  fournir  toute  sa  clien- 
tèle de  modèles  analogues.  C'est  à  dater  de  ce  moment  qu'il 
s'adressa  aux  architectes  Percier  et  Fontaine  (V.  ces 
noms),  qu'on  doit  considérer  comme  les  véritables  inven- 
teurs du  style  empire.  Ces  deux  hommes  de  grand  talent 
devinrent  les  inspirateurs  de  toutes  les  industries  de  cette 
époque.  Ils  dessinèrent  non  seulement  des  ameublements, 
mais  aussi  des  étoffes,  des  tapis,  des  papiers  peints  ;  ils 
composèrent  des  modèles  pour  l'orfèvrerie,  pour  le  bronze, 
pour  les  cristaux.  Sans  doute,  on  pourrait  citer,  à  côté 
d'eux,  d'autres  artistes  qui  suivirent  la  même  voie.  C'est 
ainsi  que  le  peintre  Prud'hon  fit,  à  la  demande  de  Napo- 
léon P^,  les  dessins  du  mobilier  de  l'impératrice  Marie- 
Louise,  le  berceau  du  roi  de  Rome,  etc.  De  même,  un 
grand  nombre  de  sculpteurs  travaillèrent  aux  orfèvreries, 
aux  garnitures  de  cheminées,  aux  innombrables  pendules 


—  976 


EMPIRE  -  EMPIRISME 

que  les  Auguste,  les  Odiot,  les  Thomire  exécutèrent  alors. 
Mais  c'est  à  Percier  qu'est  due  l'adoption  du  principe  dé- 
coratif, de  la  méthode  ornementale,  pour  ainsi  parler,  qui 
caractérise  le  style  de  cette  période. 

Ce  principe,  Percier  lui-même,  dans  la  préface  du  volume 
publié  par  lui  en  1842  (Recueil  de  décorations  inté- 
rieures, etc.),  a  essayé  d'en  préciser  la  formule  :  «  Quelle 
que  soit,  dit-il,  la  manière  d'imiter  ou  de  faire  qui  domine 
dans  un  temps  ou  dans  un  pays,  l'œil  éclairé  du  connais- 
seur en  distingue,  en  suit  l'effet  et  les  conséquences  dans 
les  plus  grandes  entreprises  de  l'art  de  peindre,  de  sculpter 
et  de  bâtir,  comme  dans  les  moindres  œuvres  des  arts 
industriels,  qui  se  mêlent  à  tous  les  besoins  et  à  toutes  les 
jouissances  de  l'état  social.  »  Pour  parvenir,  contmue-t-il, 
à  une  sorte  de  critérium  du  bon  goût  dans  la  composition 
des  œuvres  industrielles,  pour  échapper  aux  trompeuses 
illusions  de  la  mode  et  aux  influences  fugitives,  il  est  de 
toute  nécessité  de  donner  au  jugement,  en  matière  d'art, 
un  point  d'appui  solide.  Ce  point  d'appui,  pour  lui,  il  le 
voit  dans  le  sacrifice  des  caprices  de  l'invention  aux  cal- 
culs de  la  logique.  «  La  nature,  c.-à-d.  le  vrai  modèle  de 
chaque  objet,  de  chaque  meuble,  de  chaque  ustensile,^  est 
pour  l'artiste  cette  raison  d'utilité,  de  commodité  qu'en- 
seigne son  emploi.  »  Il  suit  de  là,  selon  Percier,  qu'une 
composition  architecturale  quelconque,  soit  pour  un  monu- 
ment, soit  pour  un  meuble,  ne  doit  pas  tant  être  inspirée 
par  le  désir  de  plaire  (car  ce  serait  céder  à  l'anarchie  du 
caprice)  que  par  le  respect  des  proportions,  le  sentiment 
de  la  convenance  ou  de  la  destination  des  objets.  Par 
exemple,  la  forme  d'un  siège  sera  imposée  d'abord  par  la 
forme  de  notre  corps,  par  des  rapports  de  nécessité  ou  de 
commodité.  De  même,  un  membre  d'architecture  ne  devra 
jamais  être  remplacé  par  l'ornement  conçu  simplement  pour 
le  décorer.  Un  motif  décoratif  ne  peut  que  s'adapter  aux 
formes  essentielles  sans  jamais  dissimuler  la  fonction  de 
celles-ci  ni  dénaturer  le  principe  qui  leur  donne  naissance. 
C'est  pour  cette  raison,  conclut  Percier,  qu'il  faut  demander 
aux  anciens  leur  secret  de  composition,  car,  dans  tous 
leurs  ouvrages,  depuis  les  plus  grands  jusqu'aux  plus 
plus  petits,  depuis  les  temples  jusqu'aux  vases  d'argile,  les 
anciens  ont  appliqué  ce  principe  qui  «  consiste  à  conserver 
dans  tout  objet  ce  qui  en  est  le  type  originaire,  le  principe 
ou  la  raison  nécessaire,  et  à  varier,  sans  blesser  le  fond, 
les  formes  accessoires,  les  détails,  les  circonstances,  de 
manière  que  l'essentiel  soit  invariable  et  que  l'accidentel 

seul  change  ».  .  .,  -on». 

Comme  théoricien,  Percier  avait-il  tort  ou  raison  /  C  est 
là  un  problème  sur  lequel  l'accord  est  loin  d'être  fait  et 
qui  divisera  longtemps  encore  les  esthéticiens  en  deux 
camps  bien  tranchés  ;  il  y  a  ceux  qui  n'admettent  point 
dans  l'œuvre  d'art  le  despotisme  de  la  logique  au-dessus  de 
la  fantaisie  et  de  l'imagination,  et  il  y  a  ceux  qui  pensent 
que  le  rationalisme  est  l'unique  principe  auquel  il  soit  sage 
de  se  rattacher.  Quoi  qu'il  en  soit,  en  invoquant  l'exemple 
des  anciens,  Percier  ne  se  trompait  pas.  A  l'heure  qu'il 
est,  on  remet  en  faveur  des  idées  identiques,  desquelles 
l'illustre  Yiollet-le-Duc  s'est  fait  l'apôtre  éloquent  et  obstmé. 
On  délaisse  les  fantaisies  romantiques  pour  revenir  à  cette 
règle  prêchée  par  l'initiateur  du  style  empire,  à  savoir  que 
toute  œuvre  décorative  est  soumise  aux  conditions  d'usage, 
de  destination  et  de  matière  servant  à  son  exécution.  Si 
l'on  s'accorde  à  reconnaître  que  Percier  a  poussé  jusqu'à 
l'abstraction  le  respect  du  principe  par  lui  adopté  ;  si  l'on 
trouve  ses  lignes  trop  dures,  ses  contours  trop  arides,  ses 
figures  trop  sèches,  ses  formes  trop  indigentes  ;  si  l'on 
constate  le  plus  souvent  son  manque  de  grâce,  on  doit, 
d'autre  part,  proclamer  la  justesse  des  théories  dont  il 
s'est  inspiré.  Il  est  vrai  qu'en  art  il  y  a  loin  de  la  théorie 
à  la  pratique  et  que  les  formules  ne  suflisent  pas  à  faire 
éclore  des  chefs-d'œuvre.  Le  style  empire  est  la  démons- 
tration éclatante  de  cette  vérité.  Victor  Champier. 

Ordre  de  l'Empire  indien.  —  Cet  ordre  a  été  fondé 
dans  le  royaume  de  la  Grande-Bretagne  par  la  reine 


Victoria  P^,  impératrice  des  Indes,  le  l®»*  janv.  1878; 
les  statuts  ont  été  modifiés  le  2  août  1886  et  le  1®'  janv. 
1887;  il  ne  comporte  qu'une  seule  classe  de  décorés,  qui 
portent  en  sautoir  un  ruban  pourpre  (sans  plaque).  G.  G. 
BiBL.  :  Empire  romain.—  On  trouvera,  dans  le  Manuel 
d'antiquités  romainesde  Marquardt  et  Mommsen,  traduit 
sous  la  direction  de  M.  Humbert,  des  notices  bibliogra- 
phiques très  complètes  et  très  détaillées.  Nous  nous  con- 
tentons donc  de  rappeler  les  histoires  de  l'empire  romain 
les  plus  remarquables.  —  Hœck,  Rœmische  Geschichte 
von  Verfall  der  Republik  bis  zur  Vollendung  der  Monar- 
chie untev  Konstantin;  Brunswick,  1841-1850.—  Merivale, 
History  ofthe  Romans  under  the  Empire,  1865, 8  vol.,  2"  éd. 

—  DuRUY,  Histoire  des  Romains;  Paris,  1879-1885,  7  vol. 

—  Hertzberg  ,  Geschichte  des  rœmischen  Kaiserreichs  ; 
Berlin,  1881.  —  Mommsen,  Rœmische  Geschichte;  Berlin, 
1885,  t.  V.  —  V.  aussi  le  t.  I  des  Institutions  politiques 
de  Vancienne  France,  de  Fustel  de  Coulanges,  et  l'His- 
toire universelle  {Weltgeschichte),  de  Ranke. 

Beaux-Arts.  —  Comte  de  Laborde,  Rapports  sur  les 
beaux-arts  à  l'Exposition  universelle  de  1851.  —  Per- 
cier, Préface  de  son  Recueil  de  décoratioiis  intérieures, 
1812,in-fol.—  L.  David,  Rapports  à  la  Convention.  —  Er- 
nest Chesneau,  Dessins  de  décoration,  1880,  in-foL— Henry 
Havard,  l'Art  à  travers  les  mœurs.  —  Ch.  Blanc,  Gram- 
tnaire  des  arts  décoratifs. 

EMPIRE  City.  Non  fréquemment  donné  à  la  ville  de 
New-York.  —  Petite  localité  des  Etats-Unis,  Etat  d'Orégon, 
située  sur  le  rivage  de  l'océan  Pacifique,  ou  plus  exactement 
sur  la  rive  méridionale  de  la  baie  de  Coos  qui  débouche  dans 
l'océan  Pacifique,  centre  de  la  région  limitée  au  N.  par  la 
rivière  Umpqua,  au  S.  par  la  rivière  Rouge.       Aug.  M. 

EMPIRE  State  (Vitic).  Hybride  nouveau  d'Hartford 
prolific  et  de  Clinton,  créé  par  J.-H.  Rickett.  Ce  cépage, 
à  fruits  blancs  et  foxés,  a  eu  de  la  vogue  en  Amérique  ;  il 
n'a  aucune  valeur  pour  la  France. 

EMPIRIQUE  (Math.)  (V.  Fonction). 

EMPIRISME.  I.  Philosophie.  —  On  appelle  empirisme 
la  théorie  de  la  connaissance  qui  soutient  que  toutes  les 
idées  que  nous  avons,  tous  les  jugements  que  nous  formons 
nous  sont  dictés  par  l'expérience.  Or,  l'expérience  est 
essentiellement  constituée  parles  données  de  la  conscience 
et  des  sens,  du  sens  interne  et  du  sens  externe.  11  s'ensuit 
donc  qu'au  regard  des  empiristes  nous  n'avons  aucune 
idée,  nous  ne  formons  aucun  jugement  que  nous  n'en  ayons 
auparavant  trouvé  le  modèle  dans  quelque  fait  de  la  cons- 
cience ou  dans  quelque  impression  des  sens.  Dans  l'histoire 
de  la  philosophie,  l'empirisme  a  subi  une  évolution  qui  l'a 
amené,  par  des  raffinements  successifs,  du  matérialisme 
objectiviste  le  plus  grossier  au  phénoménisme  subjectif  le 
plus  quintessencié.  —  Arorigine,en  eff'et,rempirisme  admet 
que  nous  ne  connaissons  rien  en  dehors  des  données  des 
sens.  Or,  les  sens  n'atteignent  que  des  corps.  Nous  ne  con- 
naissons rien  que  des  corps  et  il  n'y  a  rien  qui  ne  soit 
exclusivement  matériel.  Bien  plus,  Epicure  admet  que  ce 
sont  des  résidus  matériels  des  corps,  des  sortes  de  pelli- 
cules atomiques  qu'il  nomme  el'SwXa,  qui  pénètrent  réelle- 
ment dans  cet  assemblage  d'atomes  ronds  et  glissants  qu'est 
notre  âme.  Ces  ôrScoXa  sont  nos  idées  mêmes,  nos  connais- 
sances. Ainsi  non  seulement  nous  ne  connaissons  rien  qui 
ne  soit  corps,  mais  nos  connaissances  elles-mêmes  sont  des 
corps.  C'est  bien  le  matérialisme  le  plus  objectif  qu'on  puisse 
rencontrer,  puisque  la  connaissance  elle-même  est  un  objet, 
et  un  objet  matériel. 

Dans  la  philosophie  du  moyen  âge  l'empirisme  est  repré- 
senté par  les  nominalistes  (V.  ce  mot),  dont  les  plus 
célèbres  sont  Roscelin  au  xii^  siècle  et  Ockam  au  xiv^  siècle 
(V.  ces  noms).  Ces  nominaHstes  admettaient  que  les  objets 
extérieurs  produisaient  dans  l'âme,  à  travers  les  organes 
sensoriels,  une  représentation  ou  sprcies.  Cette  species 
sensibiiis,  se  combinant  avec  toutes  les  autres  species 
sensibiles  qui  lui  ressemblaient,  donnait  naissance  soit  à 
une  simple  et  unique  tendance  à  désigner  tous  les  objets 
semblables  par  le  même  nom,  soit  à  une  représentation 
nouvelle  qu'on  appela  un  concept  (conceptus).  Seuls,  les 
conceptualistes  (V.  ce  mot)  admettaient  l'existence  de  ce 
concept  ;  les  nominalistes  purs  comme  Ockam  ne  l'admet- 
taient pas  ;  pour  eux,  toute  la  généralisation  se  bornait  à 


—  977  — 


EMPIRISME  —  EMPIS 


la  dénomination  et  à  la  tendance  qui  en  résulte.  On  est 
frappé  en  étudiant  ces  vieux  auteurs  de  la  ressemblance 
que  présente  leur  système  avec  celui  que  M.  Taine  a  déve- 
loppé dans  son  livre  De  Vhitelligence,  Mais  il  y  a  entre 
ces  scolastiques  et  notre  contemporain  une  différence  capi- 
tale. Ils  sont  dogmatiques  et  objectivistes;  pour  eux,  la 
species  reproduit  l'objet  ;  ce  n'est  pas  à  titre  de  fait  de 
conscience  qu'elle  les  intéresse,  mais  à  titre  de  représen- 
tation (reprœsentatio),  de  substitut  réel  et  adéquat  de 
l'objet,  sur  l'existence  duquel  ils  n'élèvent  pas  plus  de  doutes 
que  sur  son  exacte  correspondance  avec  la  species  qui  le 
représente.  M.  Taine,  au  contraire,  s'intéresse  surtout  au 
fait  de  conscience  ;  la  valeur  de  la  connaissance  est  presque 
tout  entière  dans  la  sensation  et  dans  l'image  ;  non  seule- 
ment l'objet  externe  ne  correspond  très  probablement  pas 
à  l'image  intérieure  de  la  conscience,  mais  même  peut-être 
il  n'existe  pas.  La  perception  extérieure  se  définit  «  une 
hallucination  vraie  ».  Entre  le  subjectivisme  de  M.  Taine  et 
l'objectivisme  des  anciens  nominalistes,  quelles  que  soient 
les  ressemblances  apparentes,  il  y  a  donc  des  différences 
très  importantes. 

C'est  que  des  nominalistes  à  nos  jours  l'évolution  de 
l'empirisme  s'est  poursuivie.  Locke  est  le  premier  des  mo- 
dernes qui  marque  un  pas  en  avant.  Il  admet  le  principe 
essentiel  de  l'empirisme,  à  savoir  que  nos  idées  dans  leur 
totalité  et  dans  leur  intégrité  viennent  des  sens,  mais  il 
reconnaît  deux  sortes  d'idées,  celles  qu'il  appelle  les  idées 
de  la  sensation  et  celles  qu'il  nomme  les  idées  de  la  réflexion. 
Les  idées  de  cette  seconde  espèce  ne  sont  sans  doute  rien 
de  plus  que  des  résultats  de  la  rencontre  dans  l'âme  des 
idées  de  la  sensation  ;  mais,  comme  cette  rencontre  s'est 
produite  dans  la  conscience,  il  ne  saurait  y  avoir  au  dehors 
des  objets  de  ces  idées  ;  elles  sont  subjectives,  et  voilà  le 
premier  pas  fait  par  l'empirisme  en  dehors  du  dogmatisme 
objectiviste.  Locke  est  du  reste  tout  près  d'en  faire  d'autres. 
Il  reconnaît  que  les  qualités  secondes  des  objets  :  la  cou- 
leur, le  son,  l'odeur,  la  saveur,  sont  très  différentes  dans 
la  conscience  et  dans  les  objets  eux-mêmes.  Il  accorde  une 
importance  très  grande  à  toutes  les  modifications  intérieures 
révélées  par  l'observation  consciente.  Cependant  il  n'arrive 
pas  encore  à  considérer  toutes  choses  du  point  de  vue  de 
la  conscience,  du  point  de  vue  intérieur  et  subjectif.  Par 
conséquent,  il  demeure  dogmatique  avec  des  tendances  au 
matérialisme. 

C'est  à  David  Hume  qu'était  réservée  la  gloire  de  con- 
duire l'empirisme  à  la  dernière  étape  de  son  évolution.  Il 
ne  considère  plus  dans  la  sensation  que  la  sensation  même, 
dans  l'idée  que  l'idée,  dans  le  jugement  que  le  jugement. 
Par  un  coup  de  génie  il  comprend  qu'admettre  quelque 
chose  hors  de  la  sensation,  hors  de  la  conscience  c'est  se 
mettre  en  contradiction  avec  les  principes  essentiels  de 
l'empirisme.  Rien  ne  doit  être  affirmé  que  ce  qui  est  expé- 
rimenté. Or  peut-on  expérimenter  quoi  que  ce  soit  en 
dehors  de  l'état  de  conscience  ?  L'expérience  a  la  même 
sphère  que  la  conscience.  Elle  ne  saurait  aller  au  delà.  Elle 
ne  peut  même  dépasser  la  conscience  présente.  Car  la  cons- 
cience passée  n'existe  qu'en  tant  qu'elle  est  expérimentée, 
et  elle  n'est  expérimentée  qu'autant  qu'elle  est  présente 
dans  un  acte  de  mémoire.  Par  conséquent,  il  n'y  a  rien  au 
delà  du  phénomène  de  conscience,  du  point  de  conscience 
présent,  et  le  reste  des  choses  ne  saurait  être  que  la  pro- 
longation des  perspectives  dans  l'espace  et  dans  le  temps 
de  ce  présent  en  lui-même  intemporel  et|  inétendu.  —  Voilà 
bien  l'empirisme  amené  à  un  phénoménisme  idéaliste.  — 
Hume  explique  ainsi  que  les  principales  idées  de  l'esprit, 
celles  dont  avait  constamment  argué  la  doctrine  adverse, 
telles  que  les  idées  de  substance  et  de  cause,  sont  des  idées 
que  nous  devons  à  une  expérience  répétée,  à  des  associa- 
tions habituelles.  Ainsi  l'idée  de  cause  se  ramène  à  l'im- 
pression de  détermination  éprouvée  par  la  conscience 
lorsque,  étant  dans  un  certain  état,  elle  attend  un  autre 
état  qui  se  produit  habituellement  après  le  premier  ou 
lorsque,  étant  dans  un  état,  elle  s'en  représente,  elle  en  sup- 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —   XV. 


pose  un  autre  qui  se  produit  habituellement  avant.  La  cause 
est  ainsi  l'antécédent  invariable,  l'effet  un  invariable  con- 
séquent. La  loi  de  causalité  se  réduit  à  une  association 
entre  des  termes  que  l'habitude  rend  inséparables.  C'est 
pour  cela  que  l'école  empirique  anglaise  contemporaine, 
dont  les  principaux  représentants  sont  Stuart  Mill  et  Bain, 
et  qui  n'a  guère  fait  qu'étendre  et  développer  la  doctrine 
de  Hume,  a  reçu  le  nom  à' école  de  Vassociation  (V.  Asso- 
ciation [Philosophie]).  Pour  tous  les  partisans  de  cette 
école,  les  principes  universels  et  nécessaires  ne  sont  que 
des  habitudes  mentales  indissolubles.  Tous  les  hommes  en 
contact  avec  les  mêmes  séries  de  phénomènes  doivent 
prendre  ces  habitudes,  voilà  pourquoi  ces  principes  sont 
universels  ;  tous  les  hommes  subissent  ces  habitudes  qui,  à 
force  de  se  répéter,  deviennent  tout  à  fait  invincibles,  voilà 
pourquoi  ces  principes  paraissent  nécessaires.  Ainsi  rien 
n'est  inné  dans  l'intelligence  humaine,  rien  n'est  absolu- 
ment nécessaire.  La  causalité  universelle,  sans  laquelle  il 
ne  saurait  y  avoir  de  lois  de  la  nature,  ni  d'induction, 
ni  par  conséquent  de  science,  n'est  qu'un  postulat,  une  habi- 
tude de  notre  conscience  dont  rien  ne  peut  absolument 
garantir  la  certitude.  C'est  sur  ce  point  qu'insistent  tous 
les  nativistes  (V.  ce  mot),  quand  ils  veulent  discuter 
l'empirisme  et  lui  contester  la  possibilité  de  servir  de  base 
à  une  science  certaine. 

Avec  M.  Herbert  Spencer  l'empirisme  a  pris  une  forme 
encore  plus  savante  et  plus  solide.  Pour  Stuart  Mill  les 
principes  sont  des  associations  inséparables  formées  par 
chaque  individu.  Or  la  conscience  semble  bien  au  contraire 
nous  montrer  que,  dès  que  nous  pensons,  nous  sommes  en 
possession  de  ces  principes.  M.  Herbert  Spencer  n'admet 
donc  pas  que  nous  les  ayons  formés  individuellement,  il 
soutient  que  nous  les  avons  hérités  de  l'évolution  antérieure. 
D'après  sa  formule,  les  principes  sont  innés  dans  l'individu, 
mais  acquis  par  la  race. 

En  France,  les  sensualistes  dont  Condillac  fut  au  siècle 
dernier  le  plus  brillant  représentant,  n'ont  pas  fait  autre 
chose  que  continuer  d'une  façon  claire,  brillante  et  un  peu 
superficielle,  les  traditions  de  l'empirisme.  De  nos  jours 
enfin,  le  positivisme  français,  dont  Auguste  Comte  (V.  ce 
nom)  est  le  fondateur,  est  aussi  un  empirisme,  puisqu'il 
n'admet  comme  vrai  que  ce  qui  peut  être  expérimentalement 
vérifié.  —  En  face  de  l'empirisme,  dans  tout  le  cours  de 
l'histoire  de  la  philosophie,  on  voit  se  développer  la  doc- 
trine opposée  qui  soutient  que,  dans  les  idées  universelles, 
il  se  trouve  d'autres  facteurs  que  les  sensations  purement 
passives.  Ces  autres  facteurs,  ou  l'intelligence  les  porte 
directement  en  elle  et  les  impose  comme  une  forme  aux 
intuitions  sensibles,  c'est  la  théorie  de  Kant,  ou  elle  les 
constitue  par  un  acte  propre,  à  l'aide  des  données  sensibles, 
c'est  la  théorie  d'Aristote  et  de  saint  Thomas.  D'autres  phi- 
losophes enfin,  tels  que  Descartes,  admettent  que  certaines 
de  nos  idées  sont  purement  innées,  et  qu'elles  ne  doivent 
rien  à  la  sensation.  On  trouvera  l'exposé  de  ces  doctrines 
au  nom  de  chacun  de  ces  philosophes.  G.  Fonsegrive. 
II.  Médecine  (V.  Médecine  [Histoire]). 

BiBL.  :  DiOGÈNE  Laerte,  Yita  philosophorum^  lib.  X. 

—  Gassendi,  Logica.  —  Locke,  Essais  sur  l'entendement 
humain.  — Leibniz,  Nouveaux  Essais.  —  Hume,  Traité 
de  la  nature  humaine.  Essais  sur  Ventendeme^it  humain. 

—  Huxley,  Philosophie  de  Hume;  Paris,  1885,  in-8.  — 
Condillac,  Traité  des  sensations.  —  Comte,  Cours  de 
philosophie  positive.  —  Stuart  Mill,  Système  de  logique 
inductive  et  déductive.,  tr.  fr.;  Paris,  1864,  2  vol.  in-8.  — 
Philosophie  de  Hamilton^  tr.  fr.;  Paris,  1866,  in-8.  —  Bain, 
les  Sens  et  V Intelligence,  tr.  fr.  ;  Paris,  1874,  in-8.  —  Her- 
bert Spencer,  Principes  de  philosophie.,  tr.   fr.  ;  Paris, 

1868,  2  voL  in-8.  —  Les  Premiers  Principes,  tr.  fr.;  Paris, 

1869,  in-8.  —  Ferri,  la  Psychologie  de  Vassociation;  Paris, 
1885,  in-8.  —  Lachelier,  Du  Fondement  de  l'induction  ; 
Paris,  1872,  in-8.  —  Piat,  De  l'Intellect  actif;  Paris,  1890,  in-8. 

EMPIS  (Paléont.)  (V.  Diptères  [Paléont.]). 

EMPIS  (Adolphe-Dominique-Florent- Joseph  Simonis-)  , 
littérateur  français,  né  à  Paris  le  29  mars  1795,  mort  à 
Paris  le  11  déc.  1868.  Successivement  chargé,  par  la 
Restauration,   de  divers  emplois  ressortissant  à  la  liste 

62 


EMPIS  —  EMPLOI 


—  918.  — 


civile,  il  fut,  de  1856  à  1859,  administrateur  de  la 
Comédie-Française  et  reçut,  après  sa  retraite,  le  titre  d'ins- 
pecteur général  des  bibliothèques.  Elu,  en  1847,  membre 
de  TAcadémie  française  où  il  remplaça  de  Jouy,  il  eut  lui- 
même  pour  successeur  Auguste  Barbier.  Outre  V Agiotage 
ou  le  Métier  à  la  mode,  comédie  en  cinq  actes,  écrite 
avec  Picard  (1 826)  et  un  certain  nombre  de  livrets  d'opéras, 
les  principales  œuvres  dramatiques  d'Empis,  dont  Mazères 
fut  le  collaborateur  habituel,  sont  :  Lambert  Simmel  ou 
le  Mannequin  politique  (1826);  la  Mère  et  la  Fille 
(1830);  Un  Changement  de  ministère  (1831);  Ine 
Liaison  (1834);  Lord  Novart  (1836);  Julia  ou  une 
Séparation  (1837);  V Héritière  ou  un  Coup  de  parti 
(1844).  Empis  a  réuni,  sous  le  titre  collectif  de  Théâtre, 
onze  de  ses  pièces  (1840,  2  vol.  in-8)  et  publié  depuis /^5 
Six  Femmes  de  Henri  VHI,  scènes  historiques  (1854, 
2  vol.  in-8).  ^   ^    M.  Tx. 

EMPIS  (Adolphe-Georges-Gaspard-Joseph  Simonis-),  ne 
à  Paris  le  22  mars  1824,  fils  du  précédent.  Interne  des 
hôpitaux  en  1846,  docteur  en  médecine  en  1850,  médecin 
des  hôpitaux  en  1856,  agrégé  delà  Faculté  au  concours  de 
1857,  membre  de  l'Académie  de  médecine  depuis  1875. 
De  ses  travaux  originaux  nous  citerons  :  Sur  la  Paralysie 
du  membre  supérieur  à  la  suite  de  la  luxation  du  bras 
(1850);  Sur  la  Diphtérie  (1850)  ;  Recherches  sur  Ven- 
céphalopathie  saturnine  (1 851)  ;  Sur  les  Varioles  irré- 
gulières (1852);  Sur  les  Dysenteries  épidémiques  (1 861); 
Du  Carnage  bro7icho-trachéal  chez  r homme  (iSQI)  ;  Sur 
le  Catarrhe  bronchique  pseudo-gangreneux  (1863)  ; 
De  la  Granulée  ou  maladie  granuleuse  connue  sous  les 
noms  de  ftèvre  cérébrale,  de  méningite  granuleuse,  etc. 
(1865).  On  lui  doit  d'avoir  indiqué  et  pratiqué  le  premier, 
en  1863,  dans  les  hôpitaux,  l'isolement  des  accouchées 
lors  de  l'épidémie  de  fièvre  puerpérale  et  d'avoir  institué 
contre  cette  maladie  des  mesures  prophylactiques  de  haute 
valeur,  consignées  dans  son  important  travail  intitulé  :  De 
la  Statistique  du  service  des  accouchem£nts  de  l'hôpital 
de  la  Pitié  et  des  mesures  hygiéniques  instituées  dans 
cet  hôpital  contre  la  fièvre  puerpérale  (1 867) . 

EMPLANTURE  (Mar.).  On  désigne  par  ce  mot  l'en- 
semble des  pièces,  bois  ou  fer,  disposées  pour  recevoir  le 
pied  des  mats,  qui  généralement  reposent  tout  à  fait  dans 
les  fonds  du  navire,  presque  sur  la  quille,  et  sont  encastrés 
dans  un  massif  en  bois  composé  de  plusieurs  pièces  très 
fortes.  Quelquefois,  à  cause  des  machines,  les  mâts  ne 
descendent  pas  si  bas;  ils  reposent  alors  dans  des  espèces 
de  fourches  en  fer  qui,  présentant  beaucoup  moins  de 
diamètre,  donnent  ainsi  un  plus  grand  espace  disponible,  et 
qui  sont  fortement  chevillées  et  boulonnées  dans  les  fonds 
sur  lesquels  ils  s'appliquent  par  des  pattes.  Dans  les  nou- 
velles constructions,  les  mâts  sont  en  tôle  creuse,  et  les 
modes  de  fixation,  dans  l'emplanture,  diffèrent  un  peu,  sui- 
vant la  force  de  la  mâture  et  les  poids  qu'elle  supporte.  A 
bord  des  cuirassés,  les  mâts  ne  sont  plus  appelés  à  résister 
à  l'effort  de  la  voilure  qui  n'existe  plus,  mais  doivent  sup- 
porter les  canons-revolvers  ou  à  tir  rapide  des  hunes,  la 
mousqueterie,  etc. 

EMPLÂTRE  (Pharm.).  On  donne  le  nom  à: emplâtres 
proprement  dits  à  des  médicaments  pour  usage  externe, 
ayant  pour  base  les  composés  qui  résultent  de  la  combi- 
naison de  l'oxyde  de  plomb  avec  les  acides  gras,  spéciale- 
ment les  acides  stéarique,  palmitique,  oléique  et  Mnoléique. 
On  donne  aussi  par  extension  ce  nom  aux  écussons  (V.  ce 
mot),  ainsi  qu'à  certains  onguents  résineux  ou  rétinolés. 
Les  savons  plombiques  constituent  l'emplâtre  simple;  ce 
dernier,  additionné  de  diverses  substances  médicamenteuses, 
comme  des  corps  gras,  des  gommes-résines,  de  la  cire,  des 
essences,  des  sels  métalliques,  du  mercure,  etc.,  constitue 
les  masses  emplastiques  usitées  en  médecine.  On  ks  divise 
en  deux  séries  :  1°  ceux  qui  sont  obtenus  par  l'intermé- 
diaire de  l'eau  et  dont  le  type  est  l'emplâtre  simple  ;2<'  ceux 
qui  sont  préparés  sans  eau,  ou  emplâtres  brûlés,  comme 
V onguent  de  la  Mère  (V.  ce  mot). 


Emplâtre  simple 
Litharge  en  poudre,  axonge,  huile  d'olive  ââ..    1  p. 

Eau  commune ^  ~~ 

On  chauffe  dans  une  grande  bassine  de  cuivre  l'axonge, 
l'huile  et  l'eau.  Après  liquéfaction,  on  ajoute  la  litharge  en 
la  faisant  passer  à  travers  un  tamis  et  en  remuant  cons- 
tamment avec  une  spatule  de  bois,  jusqu'à  ce  que  l  oxyde 
ait  disparu  et  que  la  masse  ait  acquis  une  couleur  blanche 
uniforme.  L'opération  est  terminée  lorsqu'une  petite  por- 
tion jetée  dans  l'eau  prend  une  consistance  sohde  et  se 
laisse  pétrir  avec  les  doigts,  sans  y  adhérer.  On  laisse  re- 
froidir la  masse,  et,  tandis  qu'elle  est  encore  chaude,  on 
la  malaxe  dans  les  mains  pour  séparer  l'eau,  et  on  la  roule 
en  magdaléons.  L'emplâtre  simple  étant  un  mélange  de 
stéarate,  de  palmitate  et  d'oléate  de  plomb,  on  doit  pou- 
voir le  préparer  par  double  décomposition,  à  la  manière  des 
sels  insolubles.  C'est  ce  qui  a  été  fait  par  Gélis  en  traitant 
une  dissolution  de  savon  par  une  dissolution  d'acétate  de 
plomb  ;  mais  l'emplâtre  ainsi  obtenu  n'est  pas  identique 
avec  l'emplâtre  ordinaire,  ce  qui  tient  à  ce  qu'il  est  forme  de 
sels  neutres,  alors  que  le  dernier  renferme  des  sels  ba- 
siques. L'emplâtre  simple  sert  à  préparer  les  autres  masses 
emplastiques,  ces  dernières  étant  aujourd'hui  beaucoup 
moins  nombreuses  qu'autrefois.  La  complication  des  for- 
mules anciennes  est  due  à  ce  que  les  pharmacologistes 
avaient  appliqué  aux  emplâtres  les  idées  qui  avaient  préside 
à  la  confection  des  autres  médicaments  galéniques,  des 
électuaires  (V.  ce  mot).  Les  emplâtres  les  plus  employés 
actuellement  sont  les  suivants  :  emplâtre  de  Nuremberg 
(emplâtre  de  minium)  ;  emplâtre  diachylon  gomme  ;  em- 
plâtre de  Canet  (aucolcothar);  emplâtre  de  Vigo  (emplâtre 
mercuriel)  ;  emplâtre  diapalme  (à  l'oxyde  de  zmc)  ;  emplâtre 
résolutif  (emplâtre  des  quatre  fondants).     Ed.  Bourgoin. 

EMPLECTONEMA  (ZooL).  Genre  de  Némertiens  créé 
par  Stimpson  en  1857,  dont  l'espèce  type  est  JE.  Camillea, 
Il  est  probable  que  ce  genre  ne  devra  pas  être  conserve  et 
que  les  espèces  qui  y  sont  décrites  devront  rentrer  dans  le 
fi^enre  Cerebratulus.  L.  J. 

EMPLEURUM  (Empleurum  Soland.)  (Bot.).  Genre 
de  Rutacées,  du  groupe  des  Diosmées,  essentiellement  carac- 
térisé par  les  fleurs  monoïques,  apétales  et  tétramères,  et 
par  l'ovaire  excentrique  et  uniloculaire.  L'unique  espèce, 
E.  serrulatum  Ait.  {Diosma  ensata  Thunb.),  est  un 
arbuste  de  l'Afrique  australe,  dont  les  feuilles  ont  ete  par- 
fois substituées  au  vrai  Buchu  (V.  ce  mot).      Ed.  Lef. 

EMPLOI  (Théâtre).  Tout  comédien  ne  peut  pas  jouer 
toute  espèce  de  rôles,  et  il  faut  que  ceux  dont  il  est  charge 
rentrent  dans  la  nature  de  son  sexe,  de  ses  quahtés  phy- 
siques, de  son  âge,  de  sa  voix  et  de  ses  aptitudes  person- 
nelles. Il  est  évident  qu'un  vieillard  ne  pourrait  se  montrer 
dans  les  amoureuses,  non  plus  qu'une  jeune  fille  ne  pour- 
rait paraître  dans  un  personnage  de  père  ou  de  tuteur.  Il 
a  donc  fallu  établir  des  catégories  de  rôles  qui,  dans  leur 
ensemble,  convinssent  à  tel  ou  tel  individu,  et  c'est  a  ces 
séries  de  rôles  qu'on  donne,  au  théâtre,  le  nom  d'emplois. 
Il  y  a  les  emplois  sérieux,  les  emplois  comiques,  les  em- 
plois jeunes,  les  emplois  marqués,  mais  chacun  d'eux  a 
d'ailleurs  son  nom  bien  particulier.  Depuis  la  création  du 
théâtre  régulier,  ces  noms  ont  changé,  comme  le  théâtre 
lui-même  a  changé.  Jadis,  les  emplois  tenaient  leur  nom 
de  la  qualité  des' personnages  représentés  d'ordinaire  par 
tel  ou  tel  acteur.  Ainsi,  dans  la  tragédie  et  dans  1  opéra, 
on  avait  les  rois,  les  reines,  les  princesses,  et  dans  la 
comédie  les  valets,  les  petits-maîtres,  les  paysans 
(comme  on  a  encore  aujourd'hui  les  financiers  et  les 
soubrettes).  D'autres  fois,  c'était  une  particularité  du  cos- 
tume qui  servait  à  caractériser  l'emploi  ;  on  avait  alors  les 
rôles  à  baguette  (reines  d'opéra),  les  rôles  â  manteau 
(premiers  rôles  et  pères  de  comédie),  les  rôles  a  tablier 
(basses  d'opéra-comique,  personnifiant  d'ordinaire  un  ou- 
vrier avec  un  tablier  de  cuir),  les  rôles  â  corset  (villa- 
geoises d'opéra-comique,  qui  se  jouaient  en  corset  et  en 


—  979 


jupon),  etc.  Il  arrivait  enfin  que  Temploi  prenait  son  nom 
du  personnage  qui  semblait  le  caractériser  dans  un  grand 
nombre  de  pièces  où  il  portait  ce  même  nom  ;  c'est  ainsi 
qu'on  disait  les  Colins  (amoureux  d'opéra-comique),  les 
Frontins  {\dlQts  d'opéra-comique),  les  ^^^m  (ingénuités 
de  vaudeville),  les  Margots  (duègnes  d'opéra-comique), 
d'autres  encore. 

Il  faut  encore  remarquer  que  les  noms  d'emplois  dif- 
fèrent selon  le  genre  représenté,  c.-à-d.  selon  qu'il  s'agit 
du  genre  purement  dramatique  ou  du  genre  lyrique.  Pour 
ce  dernier,  ils  se  divisent  même  en  deux  catégories,  rela- 
tives l'une  à  l'opéra  ou  drame  lyrique,  l'autre  à  l'opéra- 
comique.  Voici  du  reste  comme,  aujourd'hui,  les  emplois 
sont  régulièrement  établis  dans  chaque  genre  :  4°  Opéra, 
premier  fort  ténor  ;  ténor  léger  ;  deuxième  ténor  ;  baryton  ; 
première  basse  ou  basse  noble;  deuxième  basse  ;  troisième 
basse  ;  première  forte  chanteuse  (soprano);  première  chan- 
teuse (contralto);  chanteuse  légère,  ou  chanteuse  à  rou- 
lades ;  seconde  chanteuse  ;  seconde  chanteuse  légère,  jouant 
les  pages.  —  2^  Opéra-comique  :  premier  ténor  léger  ; 
second  ténor;  trial,  ténor  comique  ;  baryton;  basse  chan- 
tante; laruette,  seconde  basse;  troisième  ténor  et  second 
trial;  première  chanteuse  légère;  ^v^miQv^  dugay^on ; 
seconde  chanteuse  ;  seconde  dugazon  ;  jeune  mère  dugazon  ; 
duègne.  —  3<*  Drame,  comédie,  vaudeville  :  grand  pre- 
mier rôle  ;  fort  jeune  premier  amoureux,  jeune  premier 
rôle  ;  second  amoureux  ;  premier  comique  ;  second  comique  ; 
troisième  rôle,  raisonneur  ;  financier,  père  noble;  grime; 
caricature;  troisième  amoureux,  second  au  besoin  ;  troi- 
sième comique,  second  au  besoin;  grand  premier  rôle 
(femme);  forte  jeune  première  amoureuse,  jeune  premier 
rôle  ;  ingénuité  ;  seconde  amoureuse,  jeune  première  au 
besoin  ;  grande  coquette,  rôles  de  convenance  ;  première 
soubrette,  déjazet,  rôles  travestis;  seconde  soubrette; 
mère  noble,  seconds  rôles  ;  duègnes,  rôles  de  caractère. 

On  remarquera,  dans  cette  énumératioh,  les  noms  de 
certains  artistes  :  Trial,  Laruette,  M°^^  Dugazon,  Mii«Dé- 
jazet,  dont  les  noms  ont  servi  de  type  à  l'emploi  jadis 
tenu  par  eux,  ce  qui  suffit  à  donner  une  idée  de  leur  valeur 
et  du^  talent  qu'ils  déployaient  dans  cet  emploi.  Il  ne  se 
produit  guère,  d'ailleurs,  à  Paris,  de  comédien  remar- 
quable, sans  qu'aussitôt  son  nom  serve  à  caractériser  le 
genre  de  rôles  auquel  il  s'est  attaché.  C'est  ainsi  qu'on  a 
dit  successivement  les  Elleviou,  les  Martin,  les  Lays,  les 
Sohé,  les  Gavaudan,  les  Philippe,  les  Juliet,  les  Dozain- 
ville,  les  Potier,  les  Tiercehn,  les  Brunet,  les  Levassor, 
les  Achard,  les  Arnal,  les  Bouffé,  les  Dressant,  et  pour  les 
femmes  les  Philis,  les  Saint-Aubin,  les  Minette,  les  Aldé- 
gonde,  les  Rose  Chéri,  etc.  Mais  toutes  ces  dénominations 
disparaissent  à  mesure  que  disparaissent  les  artistes  qui 
y  ont  donné  lieu.  Seuls,  les  quatre  noms  cités  plus  haut  ont 
résisté  au  temps  et  continuent  de  qualifier  des  emplois  très 
P^^^^s.  Arthur  Pougin. 

EMPLOMBAGE  (ArtilL).  Opération  qui  consiste  à  gar- 
nir un  projectile  d'une  chemise  en  plomb  ou  de  cordons 
de  plomb  destinés,  pendant  le  tir,  à  se  forcer  dans  les 
rayures  du  canon.  Le  projectile  étant  préalablement  écroulé, 
on  visse  dans  l'œil  une  tige  en  fer  qui  sert  à  le  manier;  on 
le  fait  chauffer  et  on  le  trempe  successivement  :  'P  dans 
un  bain  de  sel  ammoniac  pour  décaper  sa  surface;  2»  dans 
un  bain  de  zinc  pour  faciliter  l'adhérence  ultérieure  du 
plomb.  On  le  porte  ensuite  dans  un  moule  en  fonte  com- 
posé de  deux  parties  symétriques  juxtaposées  et  l'on  verse 
autour  de  lui  du  plomb  fondu.  Le  projectile,  refroidi  et 
couvert  d'une  épaisse  couche  de  plomb,  est  d'abord  ébarbé, 
c.-à-d.  débarrassé  des  bavures,  puis  ébauché  de  manière 
à  ne  conserver  l'enveloppe  de  plomb  qu'aux  emplacements 
des  cordons,  enfin  tourné  suivant  le  profil  à  donner  à  ces 
cordons^  Les  projectiles  des  canons  en  bronze  de  5,  de  7 
et  de  138  sont  les  seuls  qui  soient  emplombés;  tous  les 
a-utres  sont  munis  de  ceintures  de  cuivre  (V.  Ceinture). 

EMPLOYE.  En  économie  politique,  celui  qui  cède  son 
travail  à  un  autre,  par  opposition  à  celui  qui  le  fait  faire, 


EMPLOI  —  EMPLOYÉ 


et  que  l'on  nomme  employeur  ;  au  sens  usuel  :  commis  de 
bureau.  —  La  physionomie  des  employés,  leur  position 
sociale,  leur  manière  de  vivre  et  leurs  habitudes  ont  souvent, 
sinon  toujours  sérieusement,  occupé  nos  peintres  de  mœurs 
et  nos  romanciers  depuis  que  la  centrahsation  et  le  dévelop- 
pement des  affaires  ont  nécessité  un  personnel  considérable. 
Mais,  si  nous  nous  reportons  vers  des  époques  reculées^ 
nous  sommes  à  peu  près  dépourvus  à  leur  sujet  de  ce 
qu'on  appelle  aujourd'hui  les  documents  humains.  A 
Rome,  les  écritures  publiques  étaient  entre  les  mains  des 
scribes,  analogues  aux  logographes  grecs  ;  les  écritures 
privées  étaient  confiées  aux  librarii.  Dans  la  Grèce  démo- 
cratique, la  fonction  de  l'employé  semble  avoir  été  plus 
considérée  qu'à  Rome  ;  toutefois,  le  scribe  latin  était  de  con- 
dition libre,  tout  au  plus  affranchi  ;  aucun  de  ceux  dont  il 
est  incidemment  question  dans  les  auteurs  ne  porte  de  nom 
étranger,  preuve  qu'ils  comptaient  parmi  les  citoyens. 
Quant  à  la  considération,  elle  fut  assez  mince,  le  labeur 
salarié  ne  trouvant  pas  grâce  devant  l'orgueil  patricien  ;  à 
part  deux  ou  trois  exemples,  on  ne  voit  pas  de  scribes  par- 
venir aux  premières  charges  de  l'Etat. 

Il  y  avait  différentes  catégories  de  scribes,  suivant  qu'ils 
étaient  attachés  aux  consuls,  aux  préteurs,  aux  édiles,  aux 
pontifes  ;  ceux  des  pontifes  étaient  les  plus  considérés.  En 
somme,  ils  appartenaient  à  la  classe  moyenne,  comme  nos 
fonctionnaires  actuels,  pour  qui  la  chance  n'est  guère  plus 
grande  de  s'élever  bien  haut.  Il  y  a  tout  lieu  de  croire 
cependant  que  la  valeur  de  l'homme,  la  nature  de  ses  ser- 
vices, le  caractère  de  ses  patrons,  rapprochait  les  distances, 
surtout  dans  les  relations  privées  ;  même  en  public,  Cicéron 
ne  jette  pas  sur  eux  un  regard  trop  dédaigneux  ;  lorsqu'il 
a,  comme  avocat,  consulté  leurs  dossiers,  il  s'autorise  de 
leur  compétence,  fait  valoir  que  leurs  impressions  person- 
nelles sont  en  faveur  de  sa  partie.  Si  nous  classons  les 
suppôts  du  fisc  parmi  les  employés,  constatons  qu'il  s'élève 
contre  eux  des  malédictions  et  des  cris  de  haine.  Les  Ver- 
rines  nous  apprennent  du  reste  à  quelles  opérations  mal- 
propres ils  prêtaient  la  main.  En  Judée,  ni  les  impôts  ni  les 
agents  préposés  à  leur  prélèvement  n'étaient  populaires, 
même  quand  c'était  un  coreligionnaire  qui  mettait  ses 
aptitudes  financières  au  service  des  traitants.  Cependant  le 
Christ  préfère  le  publicain  au  pharisien,  et  un  publicain, 
Mathieu,  devient  un  des  douze  apôtres.  Quant  au  librarius, 
il  ne  sert  que  les  particuliers,  ou  encore  il  est  admis  en 
sous-ordre  dans  les  bureaux  du  scribe.  Il  y  restera  simple 
expéditionnaire,  car  il  porte  la  tare  de  l'esclavage;  du 
caprice  de  son  maître  dépend  tout  son  avenir  ;  peut-être 
pourra-t-il  mériter  l'affranchissement  par  sa  fidélité  et  son 
intelligence. 

Le  nombre  et  l'importance  des  employés  publics  au  moyen 
âge  vont  augmenter  à  mesure  que  la  royauté  grandira. 
Mais  l'histoire  ne  s'attache  guère  qu'à  nous  renseigner 
sur  l'impopularité  et  les  dangers  de  l'employé  fiscal. 
Quand  on  conduit  à  Montfaucon  les  trésoriers  royaux 
disgraciés  ou  que  l'émeute  se  déchaîne  à  travers  les  rues, 
les  agents  de  la  maltôte  ne  sont  plus  en  sûreté  dans 
leurs  bureaux  ;  malavisé  celui  qui  brave  le  courroux  popu* 
laire.  En  Espagne,  à  la  veille  du  xvii«  siècle,  Cervantes, 
réduit  à  accepter  une  fonction  infime  dans  les  gabelles, 
est  jeté  en  prison  par  ses  administrés;  son  génie  ne  lui 
évite  pas  même  la  honte  d'être  soupçonné  par  l'autorité 
royale.  Dans  notre  premier  Dictionnaire  de  l'Académie, 
peu  s'en  fallut  que  figurât  cette  définition  de  Richelet  : 
«  Tout  comptable  est  pendable  »;  «  rayé  quoique  vrai  », 
ajouta-t-il  sur  les  registres. 

Avec  Colbert  et  Louvois  apparaissent  les  grands  admi- 
nistrateurs ;  l'employé  s'appelle  commis,  même  au  sommet 
delà  hiérarchie;  Colbert  a  été  commis  avant  de  devenir 
ministre.  Le  commis  à  Versailles  est  pourvu  de  larges  trai- 
tements et  très  honoré;  le  titre  sonnait  haut  alors,  et  la 
chose  bien  plus  encore.  C'était  une  espèce  de  seigneur 
qu'un  commis  de  la  monarchie  absolue  ;  on  savait  son 
nom  ;  il  pouvait  parvenir  à  tout  ;  aujourd'hui,  c'est  moins 


EMPLOYÉ 


—  980 


que  rien.  Ni  Colbert  ni  Louvois,  ces  rudes  travailleurs, 
ne  devaient  prendre  pour  collaborateurs  les  premiers  venus. 
Nous  voyons,  par  exemple,  un  fort  galant  homme  et  à 
vues  très  larges,  l'académicien  Charles  Perrault,  diriger 
sous  Colbert  le  service  des  bâtiments  et  des  beaux-arts. 

Mercier,  ordinairement  si  précieux  à  consulter  sur  l'état 
social  de  son  temps,  ne  s'élève  pas  au-dessus  des  lieux 
communs  contre  l'administration,  et  il  ne  voit  que  celle 
des  finances.  L'employé,  pour  lui,  n'a  qu'une  mission, 
remplir  le  Trésor  et  pressurer  le  contribuable.  Des  flots 
d'encre  et  de  papier,  des  plumes  occupées  à  griffonner,  un 
tiers  de  la  ville  enrôlé  sous  le  drapeau  de  la  maltôte  :  <<  Le 
moindre  commis  à  600  livres,  a  le  canif  en  poche  etl'épée 
au  côté  ;  il  fait  un  peu  d'arithmétique,  voilà  sa  science, 
voilà  son  gagne-pain  »  ;  et  ailleurs  :  «  Quelles  tètes  fortes 
et  privilégiées  que  celles  qui,  tel  le  balancier  d'une  hor- 
loge, font  tous  les  jours  exactement  ce  qu'elles  ont  fait  la 
veille  !  »  Soulignons  du  moins  un  trait  ;  ces  automates  por- 
tent l'épée,  donc  ils  ont  un  rang  ;  leur  commission  les  tire 
de  la  roture. 

La  République  et  l'Empire  ne  furent  pas  une  mauvaise 
époque  pour  l'employé,  qui  avait  du  reste  à  créer  de  nou- 
veaux services,  à  organiser  tout  un  système  gouverne- 
mental. L'Empire  condamna  les  commis  à  une  besogne 
excessive,  et  sévit  sans  pitié  contre  les  paresseux  et  les 
malhonnêtes;  la  discipline  des  armées  régnait  dans  les  bu- 
reaux. Mais  les  gens  de  mérite  avaient  de  belles  chances  ; 
un  habile  mémoire,  une  lettre  bien  tournée  suffisaient 
quelquefois  pour  attirer  sur  eux  la  faveur  impériale  ;  le 
maître,  qui  avait  l'œil  ouvert  sur  tout,  allait  chercher 
l'employé  de  talent  dans  le  fond  ignoré  de  quelque  mi- 
nistère, et  relevait  sans  transition  à  un  siège  au  conseil 
d'Etat.  Quel  est  le  ministre,  aujourd'hui,  qui  s'astreindrait 
à  faire  quelques  tournées  dans  ses  bureaux,  à  chercher 
si  dans  la  foule  anonyme  ne  se  trouve  pas,  fourvoyée  et 
découragée,  quelque  intelligence  d'élite  ?  —  La  Restau- 
ration elle-même  eut  du  bon.  Elle  avait  de  grandes  ma- 
nières et  se  montrait  paternelle  et  généreuse. 

L'employé  contemporain  est  moins  bien  traité  par  l'Etat 
et  plus  ridiculisé  par  l'opinion.  Des  écrivains,  plus  ou 
moins  soucieux  de  l'exactitude,  mais  jaloux  surtout  de  pro- 
voquer le  rire  et  de  flatter  les  goûts  frondeurs  et  les  vel- 
léités réformatrices  de  leurs  lecteurs,  ont  donné  l'employé 
en  pâture  au  gros  public.  Automatisme,  esprit  routinier, 
paresse,  déformation  de  l'espèce  humaine  dès  qu'elle  appar- 
tient à  la  gent  paperassière,  voilà  sur  quel  thème  on  a 
brodé  des  variations  multiples,  mais  assez  semblables  les 
unes  aux  autres.  Les  différents  types  d'employés  ridicules 
furent  créés  vers  182o.  Un  écrivain  spirituel,  Imbert, 
traça  des  mœurs  administratives  un  tableau,  peut-être 
ressemblant  à  sa  date.  A  la  suite  d'Imbert  est  venu  Henri 
Monnier,  dont  le  crayon  s'est  inspiré  de  la  même  verve 
railleuse  et  a  chargé  les  portraits.  Texte  et  dessins  sont 
à  peu  près  calqués,  pendant  un  demi-siècle  ;  tant  que 
le  lecteur  ne  se  lasse  pas,  on  l'accable  de  physiologies, 
de  caricatures  ;  le  Tableau  de  Paris,  par  Edmond  Texier 
(1853),  est  un  des  derniers  ouvrages  où  figure  l'employé. 
Mais  le  public  n'a  pas  cessé  de  se  le  représenter  sous 
les  traits  de  M.  Bellemain;  la  tradition  était  établie  et 
l'on  croyait  l'administration  assez  frappée  d'immobilité 
pour  échapper  à  la  transformation  graduelle  des  mœurs  ! 
Qui  ne  connaît  ce  chef  de  division,  sorte  de  croquemitaine, 
cambré,  gourmé,  impotent,  occupé  uniquement  à  donner 
des  signatures,  à  tenir  des  audiences,  heureux  de  laisser 
entendre  que  le  ministre,  c'est  lui  ?  Le  chef  de  bureau 
s'enferme  pour  tailler  des  plumes  et  travaille  moins  qu'il 
ne  fait  travailler.  Le  commis  d'ordre  n'a  d'humain  que  la 
face  ;  son  crâne  est  un  casier  à  étiquettes.  L'expéditionnaire 
e^t  un  vieillard  misérable  d'aspect.  La  plus  piteuse  physio- 
nomie est  celle  du  surnuméraire  placé  au  dernier  rang  de 
cette  galerie,  et  que  l'on  exhume  aujourd'hui  encore,  bien 
qu'il  ait  disparu  de  la  hiérarchie  :  à  l'heure  du  déjeuner, 
il  tirera  de  sa  poche  deux  flûtes  qu'il  arrosera  d'un  verre 


d'eau  ;  car  il  est  de  tradition  également  que  le  bureau  se 
transforme  en  un  réfectoire  oii  chacun  se  repaît  maigre- 
ment, et  cuisine,  au  besoin,  sur  le  poêle.  Les  ronds  de  cuir, 
les  conserves,  l'abat-jour  vert,  les  manches  de  lustrine,  les 
plumes  d'oie  et  le  canif  passeront  longtemps  encore  pour 
les  attributs  indispensables  du  bureaucrate. 

Il  y  a  cependant  des  traits  de  caractère  qui  n'ont  pu 
changer,  parce  qu'ils  tiennent  au  fond  permanent  de  la 
nature  humaine  ;  c'est  le  souci  constant  d'améliorer  une 
position  insuffisante;  c'est  l'ardeur  des  compétitions  en 
face  d'un  poste  vacant  ;  ce  sont  encore  les  jalousies,  les 
déboires,  le  découragement  et  la  mauvaise  humeur,  trop 
motivés  par  l'indifférence  des  chefs,  les  passe-droits  et 
les  injustices  criantes.  Le  favoritisme  et  le  népotisme  sont 
une  plaie  toujours  incurable.  Nul  règlement  qu'on  ne 
puisse  tourner  ;  nuls  droits  qu'il  n'y  ait  moyen  de  mécon- 
naître. 

Dans  la  balance  où  se  pèsent  les  titres,  les  protections 
sont  toujours  prépondérantes  ;  en  vain  les  ministres  ont-ils 
parfois  cherché  à  s'armer  contre  les  influences  en  se  dé- 
pouillant d'une  partie  de  leurs  prérogatives  pour  déléguer 
des  conseils  ou  des  commissions  à  leur  place  ;  amis  ou 
ennemis  leur  forcent  la  main  ;  à  choisir  entre  deux  mé- 
contentements, on  s'expose  à  celui  qui  est  sans  danger. 
Balzac,  dans  sa  Comédie  humaine^  a  consacré  une  longue 
étude  aux  employés.  Il  choisit  précisément  l'époque  où  la 
mort  vient  de  laisser  vide  une  place  de  chef  de  division. 
Les  bureaux  sont  en  pleine  crise  ;  tout  le  personnel  est  dans 
l'attente  et  calcule  les  chances,  cherche  à  saisir  les  détails 
d'une  lutte  où  chacun  prend  parti.  Les  sourdes  menées, 
les  perfidies,  les  scélératesses  même  amènent  le  triomphe 
d'un  demi-idiot;  le  candidat  qui  s'imposait  par  son  talent 
et  son  caractère  est  sacrifié  et  réduit  à  donner  sa  démission. 
Voilà  cette  fois  un  sérieux  tableau  de  mœurs,  une  profonde 
étude  des  physionomies.  En  réduisant  le  roman  à  de  justes 
proportions,  on  aura  l'image  fidèle  de  la  réalité. 

L'insuffisance  de  presque  tous  les  appointements  est  de 
notoriété  publique.  Tout  homme  doit  vivre  de  son  métier, 
dit  un  adage  ;  si  l'employé  vit  du  sien,  il  en  vit  tout  juste. 
Les  améliorations  sont  lentes  à  venir,  et  elles  ne  suivent 
que  de  loin,  et  dans  des  proportions  insuffisantes,  renché- 
rissement de  toutes  choses.  Bon  nombre  d'ouvriers  ont  à 
s'imposer  moins  de  privations  ;  des  obligations,  des  charges 
inconnues  au  manœuvre  pèsent  sur  le  fonctionnaire  con- 
damné à  sauver  les  apparences,  à  se  montrer  honora- 
blement. La  chose  est  malaisée,  même  pour  le  célibataire  ; 
le  père  de  famille  doit  exécuter  des  tours  de  force,  s'il  n'a 
d'autre  ressource  que  ses  émoluments.  Lorsque  M.  E.  Zola 
met  en  scène,  dans  Pot- Bouille,  un  chef  de  bureau, 
rongé  de  soucis,  vrai  forçat,  condamné  à  faire  des  écritures 
pour  gagner  des  sommes  dérisoires,  ce  sont  les  folles 
dépenses  de  sa  femme  et  de  ses  filles  qui  l'ont  amené  là, 
et  il  serait  injuste  d'en  rendre  la  société  ou  le  gouverne- 
ment responsables  ;  mais  que  de  ménages  besogneux, 
quoique  exemplaires,  se  soutiennent  à  peine  par  de  sem- 
blables expédients  ;  que  d'employés  condamnés,  après  une 
journée  de  travail,  à  tenir  des  livres  ou  à  entrer  dans  un 
orchestre  ! 

On  dira  que  du  moins  l'employé  a  la  sécurité  et  la  pers- 
pective d'une  retraite  pour  ses  vieux  jours.  Ces  avantages 
deviennent,  hélas  !  de  plus  en  plus  problématiques.  Quant 
à  la  sécurité ,  que  peut-elle  être  dans  un  temps  où 
les  empiétements  de  la  politique  sur  le  pouvoir  adminis- 
tratif menacent  d'aboutir  à  une  omnipotence  redoutable  ? 
Si  l'employé  ne  compte  que  pour  une  unité  aux  élections, 
il  n'est  point  tenu  compte  de  lui.  Si,  au  contraire,  il  peut 
avoir,  par  ses  fonctions,  de  l'influence  sur  le  suffrage 
universel,  son  sort  devient  une  question  intéressante  au 
premier  chef.  Mais,  devenu  un  instrument  du  pouvoir,  il 
payera  demain  l'avancement  qu'il  reçoit  aujourd'hui.  Fai- 
sons des  vœux  pour  que  nos  administrations  ne  descendent 
pas  davantage  sur  cette  pente.  L'Espagne  et  l'Amérique 
l'ont  suivie  jusqu'au  bout.  Là,  chaque  changement  de  cabi- 


—  981  — 


EMPLOYE 


net  amène  un  renouvellement  complet  du  personnel.  Sur  le 
pavé  de  Madrid,  il  n'est  pas  rare  d'entendre  les  doléances 
d'un  mendiant  déguenillé,  chef  de  division  mis  à  pied. 

Quoique  le  personnel  de  la  Banque  de  France  et  des 
grandes  administrations  financières  soit  plus  nombreux 
encore  que  celui  des  ministères  et  se  trouve  en  contact 
encore  plus  immédiat  avec  le  public,  il  ne  s'est  pas  encore 
établi  à  son  sujet  de  légendes  aussi  caractérisées  ;  la  satire 
a  respecté  les  manieurs  d'argent.  Elle  aurait  eu  cepen- 
dant beau  jeu  contre  eux  ;  mais  elle  les  a  laissés  en  paix 
dresser  leurs  colonnes  de  chiffres,  épingler  leurs  valeurs 
en  papier,  ranger  en  bataille  leurs  rouleaux  de  louis.  Si 
le  sort  de  ces  employés  n'est  pas  plus  brillant  que  celui 
des  fonctionnaires  publics,  la  somme  de  travail  qu'ils  don- 
nent est  certainement  plus  considérable  ;  les  non-valeurs 
sont  impitoyablement  éhminées,  les  administrations  par- 
ticulières n'admettant  pas  le  salarié  improductif.  Si  nous 
passons  aux  employés  de  commerce,  la  différence  est  plus 
accentuée,  les  origines  et  l'éducation  étant  difierentes. 
Préjugé  ou  non,  la  bourgeoisie,  qui  s'honore  de  vouer  son 
fils  au  servage  de  l'Etat,  souffrirait  de  dire  qu'il  gagne 
derrière  un  comptoir  des  appointements  beaucoup  plus 
élevés  que  ceux  du  bureaucrate  :  végéter  dans  un  bureau 
n'est  pas  déroger  ;  on  ne  cesse  pas  d'appartenir  aux  pro- 
fessions libérales. 

C'est  à  peu  près  tout  ce  qui  reste  de  la  tradition  établie 
par  les  commis  de  l'ancien  régime.  Leur  nom  même  a  été 
usurpé  par  l'employé  de  commerce,  et,  dans  la  hiérarchie 
des  ministères,  il  a  été  réservé  pour  des  fonctions  spéciales. 

Que  le  destin  préserve  mes  amis 
D'avoir  affaire  à  messieurs  les  commis, 

disait  VAlmanach  des  Muses ^  en  1789.  Panard  ajoutait  : 

On  y  voit  des  commis 

Mis 
Comme  des  princes. 
Qui  jadis  sont  venus 

Nus 
De  leurs  provinces. 

Que  messieurs  les  commis  de  nouveauté  ne  commettent 
pas  l'anachronisme  de  croire  qu'il  s'agit  d'eux  ;  à  cette 
époque,  ils  étaient  moins  nombreux  qu'aujourd'hui  et  s'ap- 
pelaient modestement  garçons,  quand  on  ne  les  traitait 
pas  de  courtauds  ;  il  est  vrai  que  le  magasin  était  boutique, 
le  patron  n'avait  pas  remplacé  le  maître,  et  la  pratique 
n'avait  pas  encore  l'honneur  d'être  la  clientèle.  Les  grands 
magasins  se  sont  montés,  pour  le  malheur  des  commis, 
leur  enlevant  à  peu  près  toute  possibilité  de  s'établir  à 
leur  tour  ;  enrégimentés  par  centaines,  perdus  dans  la 
masse,  condamnés  au  prolétariat,  ils  peuvent  à  bon  droit 
regretter  le  régime  des  petits  magasins.  Leur  âge  d'or, 
leur  ère  de  gaieté  et  de  folle  insouciance  remonte  àl'époque 
où  Paul  de  Kock  faisait  du  calicot  le  héros  de  ses  romans, 
la  coqueluche  des  grisettes  et  de  la  bourgeoisie  ;  où  Musard 
et  Valentino  lui  voyaient  déployer  ses  talents  chorégra- 
phiques. Ses  bonnes  fortunes  ne  défrayent  plus  la  litté- 
rature ;  au  roman  joyeux  a  succédé  le  roman  réaliste. 
Voyez  les  noires  colonnes  d'employés  qui  se  dirigent  le 
matin  vers  l'immense  édifice  où  ils  doivent  rester  debout 
jusqu'au  soir;  leur  physionomie  porte,  par  avance,  l'em- 
preinte de  la  fatigue  qui  les  attend.  Le  soir,  la  lassitude  est 
encore  plus  visible;  pour  tout  répit,  ils  sont  venus  par  four- 
nées prendre  place  le  long  des  tables  dressées  dans  un 
réfectoire  au  sous-sol  et  rappelant  la  caserne.  Le  chiffre  de 
la  mortalité  passe  pour  très  élevé  dans  le  personnel  de  ces 
grands  magasins.  En  outre  la  discipline  y  est  dure  et  l'avan- 
cement précaire.  A  quoi  bon  augmenter  le  salaire?  Que 
l'employé  mécontent  disparaisse,  mille  autres  se  présentent 
pour  le  remplacer  au  rabais.  Les  rides  et  les  cheveux 
blancs  sont  un  vice  rédhibitoire  ;  ce  qu'on  deviendra  après 
la  mise  en  réforme,  les  chefs  s'en  préoccupent  peu.  La 
clientèle  féminine,  sur  qui,  dit-on,  le  vendeur  masculin 
exerce  une  fascination  profitable  à  la  vente,  ne  se  laisserait 
plus  aussi  facilement  induire  en  dépense,  si  c'était  un 


homme  trop  mûr  qui  faisait  l'article.  Quant  à  la  jeunesse, 
elle  ne  perd  pas  tous  ses  droits.  Si  les  commis  ont  tenu 
si  fort  à  conquérir  la  Hberté  du  soir  et  celle  du  dimanche, 
ce  n'est  sans  doute  pas  avec  l'intention  de  les  consacrer  à 
un  repos  sans  distraction.  Passe  encore  de  dépenser  une 
partie  de  leur  budget  dans  les  cafés,  les  concerts,  les 
théâtres  et  autres  lieux  de  plaisir  ;  mais  malheur  à  eux 
s'ils  fréquentent  les  champs  de  course  !  C'est  la  misère  à 
courte  échéance,  et  parfois,  pis  encore.  Ne  faut-il  pas 
conclure  par  le  mot  de  M.  Vacherot  :  «  Le  commis  «st 
plus  indépendant  que  le  domestique,  moins  que  l'ouvrier?  » 
et  n'y  a-t-il  pas  lieu  d'ajouter  que  pour  lui  souvent  il  eût 
mieux  valu  être  valet  ou  manœuvre  ? 

Mais  les  magasins  ont  un  état-major,  et  les  positions  de 
chef  de  rayon,  de  caissier,  surtout  d'acheteur,  sont  des 
plus  enviables  ;  tel  acheteur  se  fait  les  appointements  d'un 
ministre  ;  les  chefs  de  rayon  ne  changeraient  pas  leurs 
bénéfices  contre  la  solde  d'un  général.  Seulement,  combien 
de  soldats  deviennent  colonels  ?  Il  ne  suffit  pas  de  désirer 
le  grade  ;  il  faut  encore  être  de  taille  à  le  porter.  Sur 
l'acheteur  repose  tout  le  succès  de  la  maison.  S'il  a  du 
goût,  du  flair,  une  certaine  divination  qui  lui  permettent 
de  pressentir  la  mode,  de  lancer  à  coup  sûr  de  nouvelles 
créations,  de  risquer  sans  chance  d'échec  une  grosse  affaire, 
s'il  sait  traiter  avantageusement  avec  la  fabrique,  devancer 
la  concurrence  en  accaparant  un  article  destiné  à  être  très 
demandé,  la  saison  sera  magnifique,  et  on  lui  en  saura  gré  ; 
mais,  si  les  acquisitions  restent  en  solde,  si  la  vogue  de  la 
maison  est  compromise,  le  désastre  lui  est  imputable.  Le 
chef  de  rayon  assure  l'écoulement  des  articles,  dirige  une 
escouade,  a  l'œil  sur  elle,  apporte  au  besoin  son  renfort. 
Il  ne  s'agit  plus  de  copier  le  Gaudissart  de  Balzac,  de 
recourir  à  des  boniments  et  à  des  procédés  de  vente  qui 
sentent  le  charlatan  ou  même  le  fripon  et  qui  déshonore- 
raient une  maison  moderne  ;  il  n'y  a  plus  à  vendre  le  châle 
invendable.  C'est  avec  un  art  plus  délicat  et  une  probité 
commerciale  suffisante  qu'il  doit  décider  la  clientèle,  faire 
succéder  la  tentation  à  la  tentation,  prouver  que  l'argent 
bien  dépensé  est  de  l'argent  bien  placé,  déjouer  tous  les 
plans  d'économie.  De  son  savoir-faire,  de  l'entrain  com- 
muniqué à  ses  sous-ordres  dépend  sa  fortune;  lui  aussi,  il 
mérite  de  sortir  des  rangs,  de  se  retirer  avec  des  capitaux, 
de  faire  bonne  figure.  Quant  à  ses  humbles  subordonnés, 
qu'ils  laissent  toute  espérance  à  la  porte  des  magasins  ;  qu'ils 
se  résignent  à  ne  connaître  du  luxe  que  les  tentations,  de 
l'élégance  que  le  vernis,  obligatoire  pour  eux. 

Durant  des  siècles,  le  mot  employé  a  eu  cours  seulement 
au  masculin  dans  les  administrations  publiques.  Depuis 
plusieurs  années,  la  direction  des  postes  et  télégraphes 
a  été  amenée,  par  la  multipHcation  de  ses  services,  à 
introduire  des  employées  dans  ses  bureaux.  Cette  mesure 
—  imitée  bientôt  par  des  administrations  privées  —  a  été 
un  acte  non  seulement  d'équité  envers  la  femme,  mais 
de  bonne  gestion  à  tous  égards.  Il  n'est  question  ici  que  de 
la  direction  centrale,  car  depuis  longtemps,  hors  de  Paris, 
des  femmes  sont  placées  comme  receveuses  dans  un  certain 
nombre  de  bureaux.  La  femme  a  des  qualités  et  des  apti- 
tudes qui  auraient  pu  être  utilisées  plus  tôt.  Elle  fait  vite 
et  bien  ;  la  légèreté  du  doigté  la  prédestinait  au  rôle  de 
télégraphiste;  elle  est  bonne  calculatrice,  en  tout  soigneuse 
et  ponctuelle,  d'autant  plus  attentive  à  son  devoir  qu'elle 
apprécie  mieux  l'avantage,  inespéré  pour  son  sexe,  d'assurer 
par  un  labeur  honorable  sa  subsistance  et  au  besoin  celle 
de  sa  famille.  Les  inspecteurs  affirment  du  reste  qu'on  n'a 
qu'à  se  louer  du  service  féminin  et  insistent  sur  ce  point 
qu'entre  employées  règne  une  concorde  rare  entre  agents 
de  l'autre  sexe  et  une  grande  solidarité.  Une  seule  réserve 
est  faite  à  cet  éloge.  Très  dociles  quand  un  homme  les 
dirige,  les  femmes  n'aiment  pas  à  être  commandées  par  des 
femmes.  Est-ce  la  jalousie  qui  se  réveille  alors  ?  Est-ce  que 
la  femme,  investie  du  droit  de  commander,  aurait  une  ten- 
dance trop  marquée  à  devenir  autoritaire,  à  s'exagérer  soit 
la  responsabihté,  soit  le  prestige  du  pouvoir  ?  Elle  serait 


EMPLOYÉ  —  EMPOISONNEMENT 


—  982  — 


en  ce  cas  un  chef  de  bureau  fort  redouté.  Mais  il  n'est  pas 
encore  question  de  lui  ouvrir  toutes  les  portes  ;  lui  procurer 
des  positions  modestes,  mais  appréciées  d'elles,  voilà  ce  que 
commande  tout  d'abord  l'humanité. 

Quelques  maisons  de  commerce  prêtèrent  les  femmes 
comme  caissières.  La  comptabilité  n'est  pas  moins  bien  tenue 
et  il  y  a  plus  de  sécurité  à  leur  confier  les  clefs  du  coffre- 
fort.  Les  caissiers  infidèles  ne  sont  que  trop  nombreux  et, 
derrière  eux,  il  faut  presque  toujours  chercher  la  femme  à 
laquelle  ils  ont  sacrifié  leur  honneur.  Une  mère  de  famille 
est  à  l'abri  des  tentations  qui  amènent  un  comptable  à  la 
Bourse  et  des  entraînements  de  la  passion  désordonnée.  Sa 
probité  ne  sombre  pas  du  jour  au  lendemain.—  Quant  aux 
demoiselles  de  magasin,  dont  le  rôle  n'est  pas  moins  impor- 
tant dans  les  grandes  maisons  que  celui  des  commis,  leur 
sort  est  des  plus  dignes  d'intérêt.  La  littérature  légère  ne 
les  a  guère  ménagée's  et  elles  n'ont  que  trop  souvent  fait  les 
frais  de  plaisanteries  faciles  et  de  railleries  peu  justifiées. 
Si  l'employée  commet  des  fautes,  bien  des  circonstances 
commandent  la  pitié,  et  la  culpabilité  n'est  que  trop  par- 
tagée par  ceux  qui  n'ont  aucune  part  à  l'expiation.  Mieux 
vaut  exagérer  le  respect  pour  la  femme,  et  pour  la  femme 
qui  travaille,  qui  accepte  un  labeur  souvent  au-dessus  de 
ses  forces  et  dont  le  salaire  ne  correspondra  ni  à  ses  be- 
soins, ni  aux  services  rendus.  La  jeunesse,  la  grâce,  les 
façons  avenantes  ont  une  action  incontestée  sur  la  chentèle 
du  magasin.  Si  le  commis  plaît  davantage  aux  acheteuses, 
le  réciproque  est  vrai  pour  la  clientèle  masculine  ;  de  plus, 
il  est  des  comptoirs  oîi  la  clientèle  féminine  elle-même  ne 
peut  être  servie  que  par  des  femmes;  qu'il  s'agisse  de  ma- 
nier de  légers  objets,  de  faire  valoir  des  modes,  de  chiffonner 
artistement  une  dentelle,  une  pièce  de  soie,  il  y  faut  le  goût 
féminin.  L'essayeuse  doit  être  encore  plus  artiste,  sans 
parler  de  sa  patience  et  de  sa  complaisance  mises  à  de 
rudes  épreuves  ;  c'est  la  confidente,  la  conseillère  ;  auprès 
des  grandes  clientes,  elle  remplit  le  rôle  de  Pétrone  auprès 
de  Néron  ;  elle  est  la  maîtresse  des  élégances  {arbiter 
elegantiarmn);  tantôt  elle  transporte  ses  cartons  à  domi- 
cile, tantôt  elle  introduit  son  sujet,  suivant  la  destination 
des  costumes,  soit  dans  le  salon  ouvert  au  grand  jour,  soit 
dans  le  salon  éclairé  par  des  bougies.  Mercier  parle  de  la 
fameuse  poupée,  habillée  par  les  couturières  de  son  temps 
et  destinée  à  faire  le  tour  des  capitales  européennes  pour  y 
révéler  chaque  année  les  créations  du  goût  parisien.  11 
s'agit  bien  de  poupée,  aujourd'hui,  pour  faire  apprécier 
l'effet  d'une  toilette.  Une  belle  fille,  digne  par  la  correction 
des  formes  de  poser  devant  un  maître,  remplace  la  poupée. 
On  la  soumet  à  l'appréciation,  après  quoi  on  la  dépouille 
de  sa  parure  provisoire.  Mettons  hors  de  pair  la  première 
et  quelques  demoiselles   convenablement  traitées,  parce 
qu'elles  sont  plus  difficiles  à  remplacer  ;  les  autres  n'ont 
guère  à  se  féliciter  de  leur  emploi.  Si  l'atmosphère  des 
magasins  est  délétère  pour  les  hommes,  quels  n'y  sont  pas 
les  ravages  de  l'anémie  sur  le  tempérament  féminin  !  Les 
règlements  ne  ménagent  aucun  sexe  ;  la  consigne  de  rester 
toujours  debout  n'admet  pas  d'exception;  même  quand  le 
comptoir  est  inoccupé,  il  faut  qu'il  présente  l'aspect  de 
l'activité.  Marcel  Charlot. 

Dans  l'armée,  la  direction  et  le  contrôle  des  différents 
services  appartiennent  à  des  officiers  (artillerie,  génie)  ou 
à  des  fonctionnaires  miUtaires  (intendants,  contrôleurs),  la 
gestion  ou  V exécution,  le  travail  des  bureaux,  la  garde  et 
la  conservation  du  matériel  sont  assurés  par  des  employés 
7mlitaires.  Ce  sont  :  1°  les  archivistes  d'état-major  char- 
gés de  la  tenue  des  archives  et  de  l'expédition  des  travaux 
de  chancellerie  dans  les  états-majors  ;  2<*  les  officiers  d'ad- 
ministration, gestionnaires  des  magasins  administratifs  ou 
attachés  aux  bureaux  des  fonctionnaires  de  l'intendance  ; 
3<^  les  gardes  d'artillerie  et  les  adjoints  du  génie  chargés 
des  mêmes  fonctions  dans  les  services  de  l'artillerie  et  du 
génie  ;  4*^  les  contrôleurs  d'armes  et  les  chefs  ouvriers  d'état 
employés  dans  les  manufactures  d'armes  et  les  fonderies  ; 
5**  les  greffiers  delà  justice  militaire.  Tous  ces  employés  miH- 


taires  ont  rang  d'officier  et  leurs  grades  sont  garantis  par 
la  loi  sur  l'état  des  officiers  (V.  ce  mot),  mais  ils  ont  dans 
chaque  service  une  hiérarchie  spéciale  sans  assimilation 
avec  les  grades  des  officiers  combattants.  On  donne  égale- 
ment la  qualification  d'employé  militaire  aux  gardiens 
de  batterie,  aux  portiers-consigne,  aux  commis  greffiers 
et  aux  surveillants  des  prisons  militaires,  qui  ont  rang  de 
sous-officiers  (V.  Administration  de  l'armée,  Artillerie, 
Génie,  Justice  militaire).  E.  Feller. 

EMPO  (Paléont.).  Ce  genre,  qui  appartient  à  la  famille 
des  Stratodontidées,  a  été  établi  par  Cope  pour  des  pois- 
sons des  terrains  crétacés  du  Kansas,  ayant  deux  rangées 
de  dents  au  prémaxillaire,  le  maxillaire  court,  le  dentaire 
muni  d'une  rangée  de  larges  dents  de  même  grandeur  et  de 
dents  en  brosse.  .  E.  Sauvage. 

BiBL.  :  U.  S.  Geol.  Survey,  1875. 
EMPOINTURE  (Mar.).  Coins  de  la  voile  ou  points  qui 
servent  à  la  fixer  sur  les  vergues  qui  doivent  la  tendre,  si 
la  voile  est  carrée ,  ou  sur  les  mâts  si  elle  est  aurique 
(forme  d'un  quadrilatère).  Dans  ces  coins  se  trouvent 
enchâssés  dans  la  toile,  et  soutenues  par  un  entourage  en 
corde ,  de  fortes  bagues  en  fer  appelées  cosses.  A  pro- 
prement parler,  c'est  l'ensemble  du  coin  et  de  la  cosse  qui 
forme  l'empointure.  Ces  cosses  sont  attachées  à  la  vergue 
ou  au  mât  par  un  fort  amarrage  et  retenues  par  des 
adents  entaillés  à  l'extrémité  de  la  vergue.  La  voile  se 
trouve  ainsi  tendue  par  le  haut  et  fixée  d'une  façon  ina- 
movible. Le  mot  empointure  s'applique  aussi  aux  cosses 
fixées  à  l'extrémité  de  chaque  bande  de  ris,  et  cela  par 
analogie  (V.  Ris). 

EMPOIS  (Chim.  indust.).  L'amidon  possède  la  propriété 
curieuse  de  gonfler  considérablement  dans  l'eau  chaude, 
jusqu'à  former  une  masse  épaisse  à  laquelle  on  donne  le 
nom  d'empois.  L'action  de  l'eau,  autrefois  discutée,  est 
aujourd'hui  bien  connue  ;  elle  commence  à  se  faire  sentir 
vers  50°,  température  à  laquelle  les  grains  d'amidon  com- 
mencent à  gonfler,  à  se  déformer.  Entre  60°  et  70<*,  la  dilata- 
tion augmente  de  telle  façon  qu'un  seul  grain  peut  arriver  à 
occuper  25  à  30  fois  son  volume  primitif;  puis  il  éclate  et 
une  partie  entre  en  solution  ;  le  liquide  s'épaissit,  les  tégu- 
ments dilatés  se  soudent  et  forment  une  masse  gélatineuse. 
Il  est  facile  de  se  rendre  compte  de  la  marche  du  phéno- 
mène en  examinant  au  microscope  l'empois  fortement  dilué. 
On  aperçoit  les  membranes  qui  enveloppent  le  grain  ;  par- 
fois, quand  la  chaleur  a  été  ménagée,  on  peut  encore 
retrouver  des  grains  déformés,  simplement  entr'ouverts,  à 
côté  de  grains  intacts  à  peine  gonflés.  C'est  la  série  des 
transformations  par  lesquelles  passe  l'amidon  avant  de  se 
transformer  en  empois. 

La  façon  d'opérer  a  une  grande  importance  sur  la  con- 
sistance de  l'empois  ;  cette  consistance  est  beaucoup  plus 
considérable  lorsque  la  température  est  élevée  brusque- 
ment. Ainsi  15  gr.  d'amidon  délayés  dans  une  très  petite 
quantité  d'eau  de  façon  à  former  une  pâte  peu  épaisse, 
versée  dans  300  centigr.  d'eau  bouillante  en  agitant,  don- 
nent un  empois  aussi  consistant  que  20  gr.  du  même  ami- 
don portés  lentement  à  la  même  température  dans  la  même 
quantité  d'eau.  Cette  propriété  est  très  importante  à  con- 
naître pour  la  préparation  industrielle  des  empois.  Les 
alcalis  caustiques  facilitent  et  augmentent  la  propriété  de 
l'amidon  de  se  gonfler  dans  l'eau.  Mis  dans  une  solution 
froide  de  potasse  ou  de  soude  caustique  très  faible,  il  aug- 
mente de  60  à  70  fois  de  volume.  Les  empois  servent, 
dans  l'industrie,  à  l'encollage  des  papiers,  des  fils  et  des 
tissus;  ils  sont  fréquemment  employés  par  les  fleuristes, 
les  feuillagistes,  les  relieurs  et  les  blanchisseuses.  Ces  der- 
nières l'additionnent  généralement  de  borax.  Ch,  G. 
EMPOISONNEMENT. L  Histoire  (V.  Poison). 

II.  Toxicologie  (V.  Intoxication). 

III.  Droit  criminel.  —  Dans  notre  législation  pénale, 
l'empoisonnement  est  considéré  à  plusieurs  points  de  vue 
différents,  et  fait  l'objet  d'autant  de  dispositions  dis- 
tinctes :  1^  L'art.  301  du  C.  pén.  prévoit  l'homicide  par 


9SH  - 


EMPOISONNEMENT  —  EMPORIA 


empoisonnement.  Ce  texte  qualifie  empoisonnement  «  tout 
attentat  à  la  \ie  d'une  personne,  par  l'effet  de  substances 
qui  peuvent  donner  la  mort  plus  ou  moins  promptement, 
de  quelque  manière  que  ces  substances  aient  été  employées 
ou  administrées,  et  quelles  qu'en  aient  été  les  suites  ». 
Comme  éléments  constitutifs,  cet  attentat  suppose  qu'il 
y  a  eu  intention  de  donner  la  mort,  que  les  substances 
vénéneuses  ont  été  administrées,  enfin  que  ces  substances 
étaient  de  nature  à  donner  la  mort.  La  loi  incrimine 
l'empoisonnement  à  l'égal  de  l'assassinat  et,  dans  Fart.  302 
du  C.  pén.,  elle  le  punit  de  mort.  De  tout  temps,  juris- 
consultes et  moralistes  ont  considéré  l'homicide  par  le 
poison  comme  le  plus  odieux  des  crimes  contre  la  vie  hu- 
maine. —  2°  La  dernière  partie  de  l'art.  317  du  C.  pén., 
suite  et  complément  de  l'art.  301,  ajoutée  par  la  loi  du 
28  avr.  1832,  dans  le  but  de  suppléer  à  une  omission  du 
code,  est  spéciale  aux  maladies  et  accidents  causés  par 
l'emploi  et  l'administration  volontaires,  «  de  quelque  ma- 
nière que  ce  soit,  de  substances  qui,  sans  être  de  nature  à 
donner  la  mort,  sont  nuisibles  à  la  santé  ».  L'incrimina- 
tion offre  deux  degrés  :  elle  ne  constitue  qu'un  simple  délit, 
puni  d'un  emprisonnement  d'un  mois  à  cinq  ans  et  d'une 
amende  de  16  à  500  fr.,  si  la  maladie  ou  incapacité  de 
travail  n'a  duré  que  vingt  jours;  elle  prend,  au  contraire, 
le  caractère  d'un  crime,  puni  de  la  réclusion,  si  la  maladie 
ou  incapacité  de  travail  s'est  prolongée  pendant  plus  de 
vingt  jours.  Toutefois,  si  la  victime  est  l'un  des  ascen- 
dants du  coupable,  celui-ci  est  puni,  au  premier  cas,  de  la 
réclusion,  et  au  second  cas,  des  travaux  forcés  à  temps.  — 
3°  L'art.  452  du  C.  pén.  s'occupe  de  l'empoisonnement, 
dans  un  but  coupable,  des  animaux  domestiques  et  bes- 
tiaux, «  chevaux  ou  autres  bêtes  de  voiture,  de  monture 
ou  de  charge,  bestiaux  à  cornes,  moutons,  chèvres  ou 
porcs  ».  La  peine  est  un  emprisonnement  de  un  à  cinq  ans, 
une  amende  de  16  à  300  fr.  et,  en  outre,  l'interdiction 
facultative  de  séjour  pendant  deux  ans  au  moins  et  cinq 
ans  au  plus.  —  4°  Sous  le  coup  de  l'art.  452  du  C.  pén., 
tombe  également  l'empoisonnement  volontaire  des  poissons, 
s'il  s'agît  de  poissons  placés  dans  des  étangs,  viviers  ou 
réservoirs  :  ces  poissons  constituent  alors  une  véritable  pro- 
priété. Quant  aux  poissons  des  fleuves  et  rivières  navi- 
gables ou  flottables,  des  canaux,  ruisseaux  ou  cours  d'eau 
quelconques,  ils  sont,  à  ce  même  point  de  vue,  protégés  par 
l'art.  25  de  la  loi  du  15  avr.  1829  sur  la  pêche  fluviale, 
qui  défend  de  les  enivrer  ou  de  les  détruire  en  jetant  dans 
les  eaux,  à  cet  effet,  des  drogues  et  appâts,  à  peine  d'une 
amende  de  30  à  300  fr.  et  d'un  emprisonnement  de  un  à 
trois  mois.  Louis  André. 

BiBL.  •  Briand  et  Chaude,  Médecinelég.,  t.  I,  pp. 622  et 
suiv.  —  Barse,  Manuel  de  la  cour  d'assises  dans  les  ques- 
tions d'empoisonnement  ;  Paris,  1845.  —  Flandin,  Traité 
des  poisons  ou  Toxicologie  appliquée  à  la  médecine  légale; 
Paris,  1846-1853.  —  Tardieu  et  Roussin,  Etude  médico- 
léqale  et  clinique  sur  l'empoisonnement  ;  Paris,  1874, 
2ô  éd.  —  Blanche,  C.  pén.,  t.  IV,  pp.  590  et  suiv.  —  Boi- 
TARD,  c.  pén.,  n°8  385  et  403.  —  Chauveau  et  Hélie,  Théo- 
rie C.  pén.,  t.  III,  pp.  520  et  suiv.  —  Garraud,  Dr.  pén.,  t.  IV, 
n°8  269  et  suiv. 

EMPOISSONNEMENT  (Piscicult.).  On  nomme  ainsi  le 
repeuplement  d'un  étang,  soit  en  déposant  dans  cet  étang 
des  touffes  d'herbes  chargées  d'œufs,  soit  à  l'aide  d'alevins 
provenant  de  fécondation  artificielle,  soit  encore  en  y  in- 
troduisant des  reproducteurs  adultes.  Quatre  espèces  sont 
principalement  exploitées  danslesétangs  :  la  carpe,  la  perche, 
la  truite,  l'anguille.  Pour  être  propre  à  l'élevage  delà  carpe, 
un  étang  doit  être  alimenté  par  les  eaux  pluviales  ou  par  des 
ruisseaux  ;  il  est  nécessaire  que  les  eaux  de  l'étang  puis- 
sent s'échauffer  facilement  de  manière  à  atteindre  en  été 
une  température  de  18  à  20*^  ;  les  eaux  doivent  être,  en 
effet,  tièdes  et  stagnantes,  le  fond  un  peu  vaseux  ;  les  bords 
doivent  être  garnis  de  plantes,  de  manière  à  ce  que  le 
poisson  puisse  frayer.  Avant  l'hiver,  et  après  avoir  fait 
disparaître  le  plus  possible  les  poissons  carnassiers,  tels 
que  brochets,  perches  et  anguilles,  on  jette  dans  l'étang  à 
empoissonner,  et   par   hectare  de   superficie,  six  carpes 


femelles  et  quatre  mâles  d'un  poids  moyen  de  500  à 
1,000  gr.  Vers  le  mois  de  juin  ou  juillet,  suivant  que  la 
température  est  plus  ou  moins  élevée,  les  carpes  déposent 
leurs  œufs  sur  les  plantes  qui  garnissent  les  bords  de 
l'étang  ;  chaque  carpe  pond  environ  cent  mille  œufs  ;  en 
admettant  qu'un  quart  seulement  de  ces  œufs  arrive  à  éclo- 
sion,  on  aura  donc  par  hectare,  cent  cinquante  mille  ale- 
vins ou  feuilles  dans  l'étang.  Ces  alevins  doivent  être 
nourris  avec  un  mélange  ainsi  formé  :  poudre  de  viande, 
60  ;  gâteau  de  sésame,  20  ;  gâteau  de  lin,  4  ;  avoine,  16. 
Lorsque  l'étang  est  bien  aménagé,  la  carpe  à  l'âge  de 
10  centim.  doit  trouver  seule  sa  nourriture. 

Lorsque  l'on  veut  faire  en  grand  l'élevage  de  la  carpe, 
il  est  utile  d'avoir  quatre  étangs  distincts,  pouvant  com- 
muniquer entre  eux  :  1°  étang  à  feuilles  ou  à  alevins,  d'une 
profondeur  de  1  m.,  bien  exposé  au  soleil,  dans  lequel  les 
reproducteurs  sont  mis  au  printemps  ;  2"^  étang  à  nour- 
rains  ou  empoissonnages,  ayant  environ  2  m.  de  profon- 
deur ;  on  y  met  environ  cinq  cents  poissons  par  hectare  ; 
d'habitude  on  y  introduit  8  à  10  kilogr.  de  tanches  adultes 
et  dix  brochetons  de  250  gr.  par  cent  empoissonnages  ; 
3^  étang  à  carpes  destiné  à  recevoir  l'empoissonnage  qu'y 
attend  la  taille  marchande  ;  4^  étang  ou  vivier  d'hiver- 
nage, à  fond  vaseux,  à  eau  profonde  dans  lequel  le  poisson 
passe  l'hiver  dans  une  sorte  de  torpeur.  L'empoissonne- 
ment des  étangs  à  carpes  est  principalement  pratiqué  en 
grand  en  Allemagne,  par  le  système  de  Dubisch,  qui  repose 
en  partie  sur  l'assèchement;  ce  système  est  appliqué  en 
France  dans  les  Bombes.  Un  étang  de  bon  fond,  péché  tous 
les  deux  ans,  rapporte  en  moyenne  278  fr.  pour  28  fr.  de 
dépense  par  hectare. 

Les  étangs  à  truites  doivent  être  alimentés  par  des  eaux 
froides,  limpides  et  courantes  ;  le  fond  doit  être  exempt 
de  vase,  pierreux  ou  couvert  de  graviers  dans  une  partie 
au  moins  de  sa  superficie  ;  les  bords  doivent  être  plantés 
d'arbustes  touffus  ;  de  petits  ruisseaux,  à  fond  de  gra- 
vier, à  courant  assez  rapide,  devront  être  aménagés  pour 
servir  de  frayères.  Pour  pourvoir  à  la  nourriture  des 
futurs  habitants  de  l'étang,  on  met  au  printemps  une  cen- 
taine de  gardons  parhectare  de  superficie  d'étang,  en  ayant 
soin  de  ménager  à  ces  poissons  des  frayères.  Au  commen- 
cement de  l'automne  on  peuplera  l'étang  de  truites  adultes, 
sept  ou  huit  mâles  et  autant  de  femelles  par  hectare.  Les 
étangs  destinés  à  la  reproduction  de  l'anguille  doivent  être 
établis  sur  fond  argileux  ;  les  bords  seront  plantés  d'arbres 
et  d'arbustes  à  racines  fortes  et  abondantes  entre  lesquelles 
le  poisson  pourra  se  cacher  ;  toutes  les  eaux  conviennent  à 
l'anguille,  mais  on  doit  se  rappeler  que  sa  chair  est  d'au- 
tant plus  délicate  que  les  eaux  sont  plus  fraîches  et  plus 
limpides  ;  il  est  utile  d'avoir  près  de  l'étang  une  prairie 
touffue  où  puissent  se  rendre  les  anguilles.  On  favori- 
sera dans,  l'étang  la  production  des  grenouilles  et  de  petits 
poissons.  L'empoissonnement  se  fera  en  mettant  par  hec- 
tare, soit  environ  mille  cinq  cents  anguilles  âgées  d'un 
an,  soit  un  seau  plein  de  montée.  On  nourrit  l'anguille 
en  lui  donnant  des  vers  de  terre,  des  larves  d'insectes, 
des  détritus  d'abattoir.  Lorsqu'il  est  bien  pratiqué,  l'éle- 
vage de  l'anguille  est  lucratif.  Pour  les  étangs  à  perches, 
on  se  contente  de  disposer  des  frayères  de  distance  en 
distance.  E.  Sauvage. 

EMPOLL  Ville  d'itahe  (Toscane),  ch.-lieu  de  circondario 
de  Florence,  sur  la  rive  gauche  de  l'Arno,  bifurcation  des 
deux  grandes  lignes  de  Florence  à  Pise  et  de  Florence  à 
Sienne  et  à  Rome;  16,439  hab.  (avec  la  com.).  Le  sol 
des  environs  est  plus  fertile  et  l'air  plus  pur  qu'à  Florence. 
Fabriques  de  chapeaux  de  paille,  de  pâtes  et  de  cotonnades 
peu  importantes.  Une  éghse  du  xii^  siècle  avec  quelques 
fresques  des  commencements  de  la  Renaissance  et  des  restes 
de  tours  et  de  fortifications  attestent  son  ancienne^impor- 
tance  au  moyen  âge. 

EMPOLI  (Jacopo  CmMENTi  da),  peintre  italien  (V.  Chi- 

MENTl). 

EMPORIA.  On  appelait  de  ce  nom  une  partie  du  rivage 


EMPORIA  —  EMPRISONNEMENT 


—  984  - 


de  TAfrique  septentrionale,  avoisinant  les  Syrtes.  Cette 
région  correspond  à  une  partie  de  la  Tripolitaine  actuelle. 
Occupée  et  exploitée  par  Carthage,  conquise  par  les  Nu- 
mides, puis  annexée  par  les  Romains  à  leur  provmce 
d'Afrique,  elle  passait  pour  un  des  territoires  les  plus 
fertiles  de  l'Afrique.  Elle  était  en  outre  le  point  d'arrivée 
de  toutes  les  caravanes  qui  apportaient  de  l'Afrique  cen- 
trale l'or,  rivoire,  l'ébène,  les  esclaves.  Elle  a  été  pour 
Carthage  une  source  incomparable  de  richesse.  Aussi  s'ar- 
rangea-t-elle  de  manière  à  n'y  permettre  le  développement 
d'aucune  cité  qui  pût  lui  porter  ombrage.  C.  J. 

BiBL.  :  Perroud,  De  Syriicis  Emporiis,  1881. 
EMPORION.  Bourg  de  l'île  de  Santorin  (Cyclades),  au 
pied  du  mont  Saint-Hélie;  1,480  hab.  Au  N.-E.,  on  trouve 
les   ruines  d'OEa,   qui  renferment  des  inscriptions  très 
anciennes  et  des  débris  d'enceinte  cyclopéenne. 

EMPORIUM  (Géogr.  anc).  Ville  maritime  de  l'an- 
cienne Espagne,  aujourd'hui  Castellon  de  Ampurias. 
C'était  une  colonie  des  Phocéens  de  Marseille  ;  elle  fit 
partie  de  la  Tarraconaise.  C'est  là  que  débarqua  en  21 8 
Cn.  Scipion. 

EMPORTE-PIÈCE.  I.  Technologie.  —  Instrument  qui 
est  une  des  formes  de  Toutil  désigné  sous  le  nom  général  de 
découpoir  et  qui  sert  à  découper  les  matières  suivant  une 
forme  déterminée.  L'emporte-pièce  s'emploie  pour  découper 
au  corps  même  de  la  matière.  La  forme  de  l'outil,  le  nom, 
la  manière  de  s'en  servir  varient  suivant  les  usages  aux- 
quels il  est  destiné.  S'il  s'agit  de  percer  un  trou  dans  une 
pièce  de  cuir,  on  se  sert  du  marteau  pour  faire  pénétrer 
Poutil,  quiaffecte  alors  la  forme  d'un  poinçon.  Faut-il,  au 
contraire,  découper  une  feuille  de  tôle  ou  de  cuivre,  on 
emploie  les  presses  à  vis  ou  à  balancier  ;  dans  ce  cas, 
l'emporte-pièce  prend  le  nom  à'étampe.  Il  se  compose 
alors  d'une  vis,  à  laquelle  une  traverse  horizontale  munie 
de  deux  boules  de  fonte  à  ses  extrémités,  permet  d'im- 
primer un  mouvement  de  descente  très  brusque.  En  s'abais- 
sant,  la  vis  entraîne  une  tige  qui  en  est  le  prolongement 
et  qui  porte  à  son  extrémité  inférieure  un  piston  en  acier. 
Sur  la  face  interne  de  ce  piston  se  trouve  exactement  en 
relief  le  dessin  qu'il  s'agit  d'obtenir.  La  contre-étampe  est 
semblable  à  l'étampe,  mais  elle  est  fixe  et  porte  en  creux 
le  dessin  que  l'étampe  porte  en  relief.  Les  emporte-pièces 
se  font  en  acier  ;  la  partie  coupante  est  trempée  dure  et 
est  généralement  à  double  biseau;  en  tous  cas,  le  côté  le 
plus  incliné  du  biseau  doit  se  trouver  du  côté  où  l'on  re- 
jette la  matière.  L.  K. 

II.  Chirurgie.  —  On  donne  ce  nom  à  des  instruments 
destinés  à  opérer  une  incision  ou  une  section  avec  enlè- 
vement d'un  lambeau  de  tissu.  Il  y  en  a  de  divers  modèles, 
appropriés  au  genre  d'opération  que  l'on  veut  pratiquer. 
C'est  ainsi  que  l'emporte-pièce  de  Richet  a  été  imaginé 
pour  opérer  les  rétrécissements  du  rectum ,  la  pince  em- 
porte-pièce de  Nélaton  pour  la  section  mousse  des  polypes 
de  l'utérus.  L'emporte-pièce  de  Duchenne  (de  Boulogne), 
qui,  introduit  sous  la  peau,  permet  de  ramener  une  por- 
tion de  tissu,  destiné  à  l'examen  histologique,  est  un  em- 
porte-pièce explorateur.  Celui  de  Desmarres  est  employé 
pour  opérer  le  déplacement  de  l'iris  par  enclavement,  dans 
des  cas  d'opacité  de  la  cornée.  D»^  A.  Coustan. 

EMPOUTAGE  (Tiss.).  Opération  par  laquelle  on  passe 
les  cordes  d'arcades  dans  les  trous  de  la  planche  d'empou- 
tage  pour  établir  la  concordance  qui  doit  exister  entre  les 
crochets  d'une  mécanique  Jacquard  et  les  fils  de  la  chaîne 
qu'ils  actionnent  (V.  Jacquard).  Suivant  l'ordre  dont  il 
s'effectue,  l'empoutage  prend  différents  noms  :  empoutage 
bâtard,  empoutage  suivi,  à  pointe,  à  pointe  et  retour,  à 
ailes,  empoutage  composé,  sur  plusieurs  corps,  etc. 

ENI  PREI  NTE.I.  Technologie.  —  Quand  on  applique  deux 
corps  l'un  sur  l'autre  avec  une  certaine  pression,  si  les  deux 
corps  sont  d'inégale  dureté,  le  plus  dur  laissera  son  image, 
sa  figure,  sur  le  plus  mou.  Les  images  ainsi  obtenues  sont 
des  empreintes.  La  technologie  tire  chaque  jour  partie  de 
ce  moyen  si  simple  de  se  procurer  les  traits  sensibles  des 


objets  ;  une  foule  d'industries  ont  besoin  de  prendi^e  des 
empreintes.  Chacune  d'elles  a  recours  pour  cela  à  des 
moyens  souvent  fort  différents  et  dont  la  description  nous 
entraînerait  trop  loin  (V.  Clichage,  t.  XI,  pp.  669  et  suiv.  ; 
Estampage,  Galvanoplastie,  etc.).  L.  K.^ 

IL  Beaux-Arts.  —  Impression  en  creux  et  en  relief 
d'une  médaille,  d'une  intaille  ou  d'un  objet  quelconque. 
On  obtient  les  empreintes  des  médailles  ou  des  bas-reliefs 
de  faibles  dimensions  au  moyen  de  la  cire,  du  plâtre  ou  du 
soufre;  cette  dernière  matière  est  la  plus  fréquemment 
employée  et  présente  l'avantage  de  pouvoir  se  colorer  le 
plus  souvent  d'une  manière  identique  à  l'original.  On  peut 
aussi  prendre  des  empreintes  au  moyen  de  la  cire  à  mode- 
ler et  de  la  terre  glaise  ;  ce  procédé  constitue  plus  spécia- 
lement Vestampage  (V.  ce  mot).  Ad.  T. 

m.  Artillerie.  —  Dans  la  visite  intérieure  des  bouches 
à  feu,  il  est  prescrit,  toutes  les  fois  qu'on  a  reconnu  dans 
l'âme  des  défauts  graves,  d'en  prendre  des  empreintes  à  la 
gutta-percha.  Le  procédé  à  suivre  pour  cette  opération  est 
indiqué  dans  V Aide-Mémoire  a  l'usage  des  officiers  d'ar- 
tillerie (chap.  i). 

EMPRISONNEMENT.  I.  Histoire  du  droit  et  droit 
criminel  actuel.  —  L'emprisonnement  consiste  à  tenir 
enfermée  une  personne,  accusée  d'une  infraction  à  la  loi 
pénale  et  non  encore  jugée ,  ou  condamnée  à  être  privée 
de  la  liberté,  pendant  un  temps  plus  ou  moins  long,  à 
raison  d'une  infraction  à  la  loi  pénale  dont  elle  a  été  re- 
connue coupable.  Dans  le  premier  cas,  l'emprisonnement 
n'est  qu'une  mesure  de  précaution  destinée  à  empêcher  le 
prévenu  d'échapper  au  jugement;  dans  le  second  cas, 
c'est  une  véritable  peine.  L'emprisonnement  est  également 
un  moyen  de  coercition  contre  les  débiteurs  insolvables, 
du  moins  pour  certaines  catégories  de  dettes.  L'emprison- 
nement est  aujourd'hui  considéré  par  tous  les  criminalistes 
comme  la  clef  de  voûte  de  tout  régime  pénal  rationnel.  La 
peine  de  mort,  en  effet,  ne  peut  être  prononcée  que  pour 
un  petit  nombre  de  crimes  graves;  les  châtiments  corpo- 
rels, si  fréquents  autrefois,  sont  unanimement  écartés  des 
législations  modernes,  comme  avilissants  et  cruels  :  les 
peines  pécuniaires  ne  présentent  pas  un  caractère  d'inti- 
midation suffisant.  Reste  la  prison,  qui,  rationnellement 
organisée,  réunit  les  qualités  que  l'on  considère  générale- 
ment comme  devant  être  celles  d'une  bonne  pénalité  ;  elle 
est  afïlictive,  elle  a  un  pouvoir  réel  d'intimidation:  elle  est 
divisible  ;  égale,  dans  la  mesure  du  possible  :  elle  peut  être 
rendue  non  corruptrice,  et  même  morahsatrice. 

Il  n'en  était  pas  ainsi  dans  l'ancien  droit  français,  où 
l'emprisonnement  ne  tenait  que  fort  peu  de  place  dans  le 
système  pénal.  Dans  l'énumération que  fait  Jousse  [Traité 
de  la  Justice  criminelle  de  France  (i""^  partie,  titre  III, 
chap.  Il)  des  peines  qui  sont  en  usage  en  France,  au  miUeu 
des  innombrables  supphces  corporels  qu'il  mentionne,  nous 
ne  trouvons  comme  peines  privatives  de  la  liberté  que  les 
galères  à  temps  ou  à  perpétuité  et  la  réclusion  à  temps 
ou  à  toujours  dans  une  maison  de  force.  Et  encore,  cette 
dernière  peine  n'est-elle  établie  normalement  que  contre 
les  femmes  et  les  filles,  pour  leur  tenir  lieu  de  la  peine 
des  galères  perpétuelles,  auxquelles  elles  ne  peuvent  être 
condamnées  à  cause  de  la  faiblesse  de  leur  sexe  (Jousse, 
loc.  cit.,  n«  41).  Quant  à  la  prison,  elle  n'existe  que  pour 
la  garde  des  criminels,  pendant  l'instruction  de  leur  pro- 
cès et  non  pour  les  punir,  suivant  cette  maxime  :  Carcer 
ad  continendoshomines,  non  ad  puniendos  haberi débet 
(Jousse,  ibid,,  n°  124).  Elle  n'est  employée  à  titre  de  peine 
que  tout  à  fait  exceptionnellement  (Jousse,  ibid,,  n«^  124, 
125  et  126).  De  plus,  les  juges  ecclésiastiques  pouvaient 
condamner  à  être  renfermés  en  prison,  soit  dans  un  mo- 
nastère, soit  ailleurs.  Le  régime  intérieur  des  prisons  était 
déplorable:  prévenus  et  condamnés,  simples  débiteurs,  cri- 
minels endurcis,  tous  les  prisonniers  vivaient  dans  une 
promiscuité  complète  :  renfermés  dans  des  cachots  mal- 
sains, humides,  sans  air  et  sans  lumière,  souvent  brutalisés 
par  les  geôliers,  laissés  dans  une  oisiveté  démorahsatrice, 


—  985  — 


EMPRISONNEMENT 


ils  subissaient  une  mort  lente  et  douloureuse  :  le  corps 
était  frappé  durement  ;  rien  n'était  fait  pour  redresser 
l'âme  ni  même  l'empêcher  de  se  corrompre. 

L'Assemblée  constituante  fit  de  l'emprisonnement  une 
véritable  peine  et  lui  donna  une  place  importante  dans  la 
répression.  Elle  créa  quatre  espèces  de  prisons  :  les  prisons 
préventives  ;  les  prisons  pénales  criminelles,  comprenant 
les  bagnes,  les  maisons  de  force  et  les  maisons  de  gène  ; 
les  prisons  pénales  correctionnelles  ;  les  prisons  de  jeunes 
délinquants,  pour  les  mineurs  au-dessous  de  seize  ans. 
Mais,  en  fait,  ni  les  maisons  de  gêne,  qui  eussent  été  de 
véritables  prisons  cellulaires,  ni  les  prisons  de  jeunes  dé- 
linquants ne  furent  organisées.  Il  ne  suffit  pas,  en  effet, 
d'une  loi  ou  d'un  décret  pour  accomplir  une  réforme  péni- 
tentiaire :  il  faut  du  temps  et  des  crédits.  Le  code  de  bru- 
maire an  IV  ne  changea  pas  le  système  d'emprisonnement 
établi  parle  code  de  1791.  Les  choses  restèrent  dans  le 
même  état  jusqu'à  la  rédaction  du  code  pénal  en  1810.  11 
faut  signaler  toutefois  un  arrêté  du  8  pluviôse  an  IX,  or- 
ganisant des  ateliers  de  travail,  et  un  arrêté  du  20  oct.  1810 
supprimant  les  cachots  et  tous  les  logements  malsains. 

Le  code  pénal  de  1810  divisa  les  prisons  en  cinq  classes 
différentes  :  les  maisons  de  détention  ou  maisons  centrales 
destinées  aux  condamnés  à  la  réclusion  ;  les  bagnes,  des- 
tinés aux  condamnés  aux  travaux  forcés  ;  les  maisons  de 
correction,  ou  prisons  départementales  ;  les  maisons  de 
justice;  les  maisons  d'arrêt,  destinées  aux  individus  en  état 
de  détention  préventive.  En  fait,  les  prisons  départemen- 
tales furent  tout  ensemble  maisons  de  correction,  de  jus- 
tice et  d'arrêt.  Il  y  avait  aussi  les  prisons  d'Etat,  où  l'on 
renfermait,  par  mesure  administrative,  les  individus  que 
l'on  jugeait  également  dangereux  de  laisser  en  liberté  et  de 
déférer  aux  tribunaux  :  elles  étaient  au  nombre  de  huit. 
Enfin,  tant  que  la  déportation  ne  s'exécuta  pas  par  la 
transportation  effective,  certaines  forteresses  (le  Mont- 
Saint-Michel,  Doullens)  furent  affectées  aux  condamnés  à 
la  déportation.  Dans  tous  ces  établissements,  le  régime  était 
celui  de  la  vie  en  commun,  de  jour  et  de  nuit.  On  voyait 
mêlés  ensemble  et  vivant  dans  un  état  de  promiscuité  dé- 
plorable, non  seulement  des  condamnés  de  différentes  ca- 
tégories, mais  des  prévenus  en  état  de  détention  préventive 
et'même  des  mineurs.  Déplus,  le  mal  était  encore  aggravé 
dans  les  bagnes  par  le  mode  d'exécution  de  la  peine,  qui 
consistait  en  travaux  à  l'extérieur,  au  vu  et  au  contact  de 
la  populationhbre.  Ce  régime,  non  seulement  était  impuis- 
sant pour  obtenir  l'amélioration  morale  des  condamnés, 
mais  il  était  profondément  dégradant  et  corrupteur.  Depuis 
le  commencement  du  siècle,  des  efforts  considérables  ont 
été  faits,  tant  par  le  législateur  que  par  l'administration 
pour  atténuer  les  vices  de  nos  institutions  pénitentiaires  ; 
des  résultats  ont  été  obtenus:  malheureusement  la  réforme 
n'a  pas  été  conçue  suivant  un  plan  d'ensemble,  ^ni  pour- 
suivie avec  méthode.  Aussi  sommes-nous  loin  d'avoir  un 
régime  pénitentiaire  satisfaisant,  ce  qu'atteste  surabondam- 
ment le  nombre  croissant  des  récidives. 

Le  gouvernement  de  Juillet  avait  entrepris  une  réforme 
d'ensemble  et  se  proposait  de  faire  voter  une  loi  générale 
sur  les  prisons.  Le  système  adopté  devait  être  celui  de 
Temprisonnement  cellulaire,  de  jour  et  de  nuit,  connu  sous 
le  nom  de  système  de  Philadelphie.  Le  projet  de  loi  pré- 
senté en  1840,  objet  de  deux  rapports  de  M.  de  Tocque- 
ville  et  d'une  longue  discussion  à  la  Chambre  des  députés 
en  1840  et  1843,  adopté  par  elle  le  18  mai  1844,  com- 
muniqué aux  cours  royales  et  à  la  cour  de  cassation,  ob- 
jet d'un  rapport  de  M.  Bérenger  à  la  Chambre  des  pairs 
(1848),  allait  y  être  discuté,  quand  la  révolution  de  1848 
emporta  la  loi  avec  le  gouvernement.  L'introduction  en 
France  du  régime  de  l'emprisonnement  cellulaire  en  fut 
retardé  de  trente  années. 

Le  prince-président,  en  effet,  comptait  surtout,  pour 
purger  le  territoire  des  criminels  dangereux,  sur  la  trans- 
portation dans  les  colonies.  Dès  lors,  tous  les  efforts  de 
l'administration  tendirent  à  organiser  cette  transportation. 


Plusieurs  bagnes  avaient  été  fermés  successivement.  Un 
décret  du  21  févr.  1851,  puis  la  loi  du  30  mai  1854,  dé- 
cidèrent que  désormais  les  travaux  forcés  seraient  subis 
sous  la  forme  de  la  transportation  dans  les  colonies  fran- 
çaises :  la  Guyane  et  la  Nouvelle-Calédonie.  La  réclusion 
se  subit  dans  les  maisons  centrales,  où  sont  également 
internés  les  condamnés  à  plus  d'un  an  et  jour  d'emprison- 
nement correctionnel.  Quelques  maisons  centrales,  en  Corse 
et  en  Algérie,  sont  organisées  sous  la  forme  de  péniten- 
ciers agricoles.  Quant  aux  prisons  départementales,  desti- 
nées aux  autres  condamnés  correctionnels,  elles  sont  léga- 
lement, depuis  la  loi  du  5  juin  1875,  sous  le  régime 
cellulaire,  à  séparation  continue  entre  détenus  ;  en  fait, 
comme  le  nombre  des  cellules,  existant  à  cette  époque  ou 
construites  depuis,  est  tout  à  fait  insuffisant,  la  loi  de  1875 
est  restée,  en  grande  partie,  lettre  morte,  et  la  généralité 
des  condamnés'correctionnels  à  un  an  et  jour  ou  moins, 
continue  à  vivre  en  commun.  Les  prévenus  et  accusés  en 
état  de  détention  préventive  devraient  être  aussi  en  cellule: 
sur  ce  point  encore  la  loi  de  1875  n'est  pas  appliquée. 
Enfin  les  condamnés  à  plus  d'un  an   et   jour  peuvent 
demander  à  subir  leur  peine  en  cellule  ;  c'est  là  non  un 
droit,  mais  une  faveur  qui  peut  leur  être  refusée.  La  du- 
rée des  peines  subies  dans  le  régime  de  l'emprisonnement 
individuel  sera,  de  plein  droit,  réduite  d'un  quart,  pourvu 
qu'il  s'agisse  d'une  peine  supérieure  à  trois  mois.  La  loi 
française  admet  donc  comme  maximum  normal  d'emprison- 
nement cellulaire  une  durée  de  neuf  mois  ;  à  cet  égard, 
elle  est  restée  bien  au-dessous  de  plusieurs  autres  législa- 
tions qui  admettent  la  cellule  pour  un  temps  bien  plus 
long  :  en  Belgique,  par  exemple,  le  maximum  est  de  dix 
ans.    L'emprisonnement  cellulaire,    au  moins  pour   les 
peines  de  courte  durée,   est  aujourd'hui  presque  univer- 
sellement considéré  comme  la  forme  la  plus  recomman- 
dable  de  l'emprisonnement.  Il  ne  s'agit  pas  d'établir  un 
régime  d'isolement  absolu,  ce  qui  serait  un  supplice  cruel  ; 
mais  un  régime  qui   sépare  le  détenu  de  toute  influence 
mauvaise  pour  lui  et  laisse  au  contraire  l'accès  ouvert  le 
plus  librement  possible  à  toute  influence  morahsante.  La 
prison  commune  actuelle  a  pour  résultat,  presque  néces- 
saire, la  corruption  des  détenus  les  uns  par  les  autres,  la 
formation  d'associations  de  malfaiteurs,  la  difficulté  du 
reclassement  des  libérés,  la  multiplication  des  récidives. 
Quant  aux  objections  tirées  du  danger  de  la  cellule  pour 
la  santé  et  pour  l'état  mental  des  détenus,  une  expérience 
déjà  longue,  tant  en  France  qu'à  l'étranger,  en  a  fait  en- 
tièrement justice,  surtout  en   ce  qui  concerne  les  peines 
de  courte  durée.  Les  rapports  des  directeurs  des  prisons, 
des  aumôniers,  des  instituteurs,  des  médecins  sont  una- 
nimes pour  constater  la  supériorité  de  la  détention  indivi- 
duelle sur  l'emprisonnement  en  commun.  Le  nombre  des 
cellules  existantdans  les  382  prisons  départementales  était, 
en  1888,  de  3,716  pour  17  prisons,  d'après  le  rapport  au 
Sénat  de  M.  Bérenger,  sur  le  projet  de  loi  sur  la  réforme 
des  prisons  de  courte  peine  et  sur  les  moyens  préven- 
tifs de  combattre  la   récidive.   Le  rapporteur  évalue   à 
16,000  au  total  le  nombre  de  cellules  nécessaires.  La 
moyenne  du  prix  des  dernières  construites  est  de  3,429  fr. 
En''tenant  compte  des  appropriations  possibles,  la  dépense 
est  évaluée,  mobiher  compris,  à  environ  40  millions  de 
francs.  Il  est  désirable  que  le  projet  de  loi  sorti  des  déli- 
bérations de  la  commission,  dont  M.  Bérenger  était  rap- 
porteur, aboutisse  enfin  et  permette  de  hâter  l'application 
de  la  loi  de  1875  sur  les  prisons  départementales.  Com- 
biné avec  la  libération  conditionnelle,  avec  l'augmentation 
progressive  de  la  peine  en  cas  de  récidive  et  la  possibilité 
pour  les  tribunaux  de  suspendre  l'exécution  de  la  peine, 
en  cas  de  premier  défit,  le  régime  cellulaire,  largement  pra- 
tiqué, contribuerait  efficacement  à  réduire  le  nombre  sans 
cesse  grandissant  des  malfaiteurs  dangereux.  E.  Gardeil. 
IL  Droit  canon.  —  Suivant  un  usage  très  ancien,  les 
clercs  coupables  de  crimes  graves  étaient  renfermés  dans 
un  monastère  ou  même  dans  une  véritable  prison,  appelée 


EMPRISONNEMENT  —  EMPRUNT  —  986 

decania  par  les  constitutions  ecclésiastiques,  pour  y 
pleurer  leurs  péchés  et  faire  pénitence.  Cet  usage  a  été 
confirmé  par  le  droit  des  Décrétâtes,  qui  considère  Fem- 
prisonnement  temporaire  et  même  perpétuel  des  clercs 
comme  une  peine  ecclésiastique.  En  conséquence,  la  plu- 
part des  canonistes,  même  les  gallicans,  enseignent  que 
la  prison  perpétuelle  est  une  peine  canonique  à  laquelle  les 
juges  de  l'Eglise  peuvent  condamner.  Mais  un  arrêt  du 
Parlement  du  26  juin  1629  reçut  un  appel  comme  d'abus 
contre  une  condamnation  de  ce  genre.  Dès  lors,  les  offi- 
ciaux  s'appliquèrent  à  éluder  les  réclamations  des  juges 
royaux  et  le  conflit,  en  évitant  d'employer  dans  leurs  sen- 
tences le  mot  prison  ;  ils  condamnaient  le  coupable  à  se 
retirer  dans  un  séminaire  ou  monastère  pour  y  être 
retenu  et  y  jeûner,  etc.  D'autre  part,  une  déclaration  du 
roi  (15  déc.  1698)  statua  que  les  ordonnances  par  les- 
quelles les  évêques  auraient  estimé  nécessaire  d'enjoindre, 
dans  le  cours  de  leurs  visites  et  sur  les  procès-verbaux,  à 
des  curés  et  aux  ecclésiastiques  ayant  charge  d'âmes,  de  se 
retirer  dans  des  séminaires  jusques  et  pour  le  temps  de 
trois  mois,  pour  des  causes  graves,  mais  ne  méritant  pas 
une  instruction  dans  les  formes  de  la  procédure  criminelle, 
seraient  exécutées,  nonobstant  toutes  appellations,  oppo- 
sitions quelconques  et  sans  y  préjudicier.  —  D'après  les 
canons  de  l'Eglise,  les  clercs  ne  doivent  être  traduits,  pour 
aucun  crime,  devant  la  juridiction  laïque  ;  en  conséquence, 
ils  ne  peuvent  être  ni  arrêtés  ni  emprisonnés  par  ordre  des 
séculiers.  Dans  les  concordats  qui  ont  concédé  aux  juges 
civils  le  droit  de  condamner  des  clercs  à  l'emprisonnement, 
il  est  stipulé  que  leur  arrestation  se  fera  avec  toutes  les 
formes  exigées  par  le  respect  de  la  condition  cléricale  et 
qu'ils  subiront  leur  peine  dans  des  lieux  séparés  des  sécu- 
liers (Concordat  d'Autriche,  art.  14;  de  Guatemala, 
art.  16).  Pour  complément,  V.  Immunités  ecclésiastiques 
et  In  Page.  E.-H.  Vollet. 

EMPRUNT.  I.  Finances.  ~  L'emprunt  est  la  consé- 
quence naturelle  du  crédit,  et,  sous  différentes  formes,  on  le 
retrouve  comme  un  des  premiers  actes  économiques  dans 
toutes  les  associations  humaines.  Pour  les  particuliers,  il  est 
à  peu  près  le  seul  moyen  de  fournira  l'entrepreneur  les  capi- 
taux qui  lui  manquent  ;  pour  les  Etats,  il  est  souvent  indis- 
pensable, lorsque  des  sommes  importantes  doivent  être  payées 
pour  frais  de  guerre,  pour  travaux  publics,  ou  pour  régler  des 
dettes  antérieures  trop  importantes.  A  l'origine,  les  em- 
prunts effectués  par  l'Etat  affectaient  trop  souvent  la  forme 
spoliatrice  ;  mais  au  fur  et  à  mesure  que  se  formait  une 
plus  complète  connaissance  des  droits  et  des  devoirs  de 
chacun,  ces  errements  disparurent,  et  actuellement,  au 
moins  chez  les  nations  civilisées,  les  emprunts  sont  libre- 
ment contractés,  et  c'est  par  leur  volonté  seule  que  les 
prêteurs  se  constituent  créanciers  de  l'Etat.  En  France,  on 
prend  comme  origine  des  emprunts  publics  l'édit  du  10  oct. 
1522,  quoique  la  somme  demandée  l'ait  été  plutôt  comme 
une  contribution  spéciale  que  comme  un  véritable  emprunt, 
avec  cette  distinction  toutefois  que  les  sommes  ainsi  pré- 
levées devaient  porter  intérêt  jusqu'à  leur  remboursement; 
quelques  années  plus  tard  (1536),  un  véritable  emprunt 
était  émis,  par  la  constitution  de  rentes  sur  l'hôtel  de 
ville.  Ces  rentes  obtinrent  une  vogue  extraordinaire  ;  mais 
quelque  temps  après,  les  guerres  et  les  dilapidations  des 
finances  vinrent  arrêter  le  payement  de  ces  rentes.  Malgré 
tout,  les  emprunts  se  continuèrent  sous  toutes  les  formes 
possibles  :  rentes  perpétuelles,  temporaires,  viagères,  sur 
l'hôtel  de  ville,  gagées  sur  les  aides,  les  gabelles,  les  cinq 
grosses  fermes,  sur  les  généralités,  sur  le  clergé  même  ; 
billets  d'Etat,  anticipation,  et  surtout  ventes  des  charges, 
création  de  nouveaux  offices,  dont  on  ne  devenait  titulaire 
que  moyennant  finance,  etc.  La  période  révolutionnaire  vit 
les  contributions  patriotiques,  les  emprunts  forcés  sur  les 
riches,  le  cours  forcé  donné  aux  assignats  et  aux  bons  ter- 
ritoriaux; en  dehors  de  l'emprunt  sur  les  aisés  (10  déc. 
•1795)^  le  Directoire  ne  connut  que  les  bons  de  toutes 
sortes  ;  le  Consulat  et  l'Empire  virent  surtout  les  avances 


demandées  à  la  Banque  de  France  et  aux  banquiers  ;  on 
peut  à  peine  citer  comme  un  emprunt  l'avance  de  12  mil- 
lions faite  par  des  banquiers  sur  le  produit  d'une  augmen- 
tation de  25  cent,  par  franc  sur  le  principal  des  contribu- 
tions foncière,  personnelle,  mobilière  et  somptuaire  (1799). 
C'est  sous  la  Restauration  que  se  présentèrent  des  emprunts 
sous  une  forme  analogue  à  celle  qu'ils  affectent  aujourd'hui. 
En  dehors  des  contributions  et  taxes  levées  directement, 
l'emprunt,  de  son  origine  à  nos  jours,  a  affecté  des  formes 
diverses.  Pour  présenter  ces  divers  systèmes,  il  faudrait 
écrire  une  histoire  du  crédit  chez  les  divers  peuples  ;  mais 
on  peut  au  moins  citer  :  les  rentes  viagères,  qui  n'existent 
plus  en  France,  mais  qu'on  retrouve  encore  en  Angleterre, 
avec  un  mode  d'emploi  qui  rappelle  plutôt  les  placements  à 
fonds  perdus;  les  tontines,  rentes  dont  la  quotité  se  par- 
tage en  un  nombre  de  plus  en  plus  petit  de  titulaires,  jus- 
qu'au décès  du  dernier  survivant;  les  loteries,  qu'on 
retrouve  encore  en  quelques  pays  comme  une  ressource 
budgétaire  ;  les  annuités  terminables,  usitées  en  Angle- 
terre, emprunts  contractés  moyennant  le  payement,  pen- 
dant un  certain  nombre  d'années,  d'une  annuité  déter- 
minée, le  taux  d'intérêt  étant  naturellement  plus  élevé  que 
le  taux  courant  ;  l'emprunt  se  trouvait  éteint  avec  le  paye- 
ment de  la  dernière  annuité;  les  rentes  amortissables, dont 
l'annuité  comprend  l'intérêt  au  taux  convenu  et  une  somme 
suffisante  pour  rembourser  le  capital  après  un  certain 
nombre  d'années,  type  de  rentes  existant  maintenant  en 
France  ;  enfin  les  rentes  perpétuelles.  Il  existe  aussi  des 
emprunts  à  court  terme  comme  les  bons  5-20  des  Etats- 
Unis,  remboursables  au  plus  tôt  cinq  ans  après  leur  émis- 
sion, mais  qui  devaient  être  complètement  remboursés  dans 
les  vingt  ans  ;  des  bons  de  ce  genre  (5-10)  ont  été  émis 
en  France  vers  la  fin  de  l'Empire  ;  on  peut  y  comprendre 
aussi  les  bons  du  Trésor,  et  en  général  tout  ce  qui  alimente 
la  dette  flottante  ;  il  y  a  également  ce  qu'on  pourrait  appe- 
ler les  emprunts  dissimulés,  fonds  des  caisses  d'épargne, 
de  la  caisse  des  dépôts  et  consignations,  fonds  des  com- 
munes, dont  le  Trésor  fait  emploi,  mais  qui  sont  rembour- 
sables à  vue  ou  à  très  court  délai,  et  pourraient  en  cas  de 
crise  susciter  de  graves  difficultés.  Les  émissions  ont  lieu 
soit  par  intermédiaires,  banquiers  syndiqués  prenant  la 
totalité  de  l'emprunt  à  un  taux  déterminé  pour  le  placer 
ensuite  dans  le  public  au  mieux  de  leurs  intérêts  ;  soit  par 
adjudication,  la  préférence  étant  donnée  à  ceux  qui 
offrent  les  meilleures  conditions,  système  fréquemment 
employé  en  Angleterre  ;  soit  enfin  par  souscription  pu- 
blique, avec  versements  échelonnés.  Ce  dernier  mode  a 
l'avantage  de  permettre  aux  petits  souscripteurs  d'obtenir 
un  placement  à  des  conditions  plus  favorables  ;  il  permet 
également  à  l'Etat  emprunteur  d'obtenir  un  taux  un  peu 
plus  élevé,  puisqu'il  n'y  a  plus  à  tenir  compte  du  bénéfice 
des  intermédiaires  ;  mais  il  a  l'inconvénient  de  favoriser  la 
spéculation  par  suite  de  souscriptions  uniquement  faites 
pour  profiter  de  la  prime.  Il  est  souvent  avantageux  d'émettre 
un  emprunt  important  sur  les  marchés  étrangers  en  même 
temps  que  dans  le  pays  emprunteur,  le  mouvement  des  ca- 
pitaux ayant  moins  d'inconvénients  lorsqu'il  se  produit  sur 
une  plus  grande  étendue  ;  mais  il  faut  considérer  pourtant 
que  les  souscriptions  reçues  de  l'étranger  constituent  une 
charge  annuelle,  en  dehors  du  remboursement  final  ou  du 
retour  des  titres  vers  leur  pays  d'origine,  et  que  la  baisse 
du  change  qui  en  résulte  peut  imposer  des  charges  plus 
lourdes  que  celles  qui  résultent  directement  des  conditions 
de  l'emprunt.  Il  est  avantageux  que  le  taux  nominal  de 
l'emprunt  soit  à  peu  près  le  taux  réel  que  peut  obtenir 
l'Etat  emprunteur,  et  qui  permet  une  émission  à  un  prix 
se  rapprochant  du  pair  ;  la  charge  pour  l'intérêt  est  la 
même,  mais  en  cas  de  remboursement  la  somme  à  payer 
ne  diffère  que  peu  du  montant  reçu;  il  est  vrai,  par  contre, 
que  la  prime  à  espérer  étant  plus  faible,  le  classement  d'un 
tel  emprunt  est  un  peu  plus  difficile.  La  quasi-totalité  des 
emprunts  qui  existent  actuellement  ont  été  émis  au-dessous 
du  pair,  et  souvent  même  avec  des  différences  considérables, 


—  987  — 


EMPRUNT  —  EMPUSA 


imposant  ainsi  aux  Etats  d'énormes  sacrifices,  qui  se  chif- 
freraient par  centaines  de  millions  si  ces  divers  emprunts 
devaient  être  remboursés  au  pair.  Il  est  vrai  de  dire  que 
ce  moyen  a  pu  être  employé  pour  se  conformer,  en  appa- 
rence, aux  lois  qui  interdisaient  comme  usuraires  les  taux 
supérieurs  à  6  *^/o. 

Emprunts  des  établissements  de  bienfaisance.  —  Les 
emprunts  doivent  être  demandés  par  délibération  des  com- 
missions administratives,  qui  sont  exécutoires  par  arrêté  du 
préfet,  après  avis  conforme  du  conseil  municipal,  lorsque 
l'emprunt  est  remboursable  dans  un  délai  de  douze  ans  et 
que  son  montant  n'est  pas  supérieur  au  chiffre  des  revenus 
de  l'établissement.  Autrement  l'emprunt  ne  peut  être  auto- 
risé que  par  un  décret  ;  il  faut  une  loi  si  la  somme  à  em- 
prunter est  supérieure  à  500,000  fr. 

Emprunts  des  départements.  —  Les  conseils  généraux 
peuvent  décider  des  emprunts  non  soumis  à  la  ratification 
législative  lorsque  l'amortissement  est  compris  dans  une 
période  de  quinze  années  et  que  l'emprunt  trouve  un  gage 
dans  les  ressources  normales  du  département.  Le  service 
de  l'intérêt  et  de  l'amortissement  peuvent  être  assurés  sur 
le  budget  ordinaire  et  extraordinaire,  mais  sans  dépasser 
le  maximum  des  centimes  fixé  par  la  loi  de  finances.  Si 
l'amortissement  comprend  une  période  plus  longue,  ou  si 
le  maximum  des  centimes  est  dépassé,  une  loi  est  néces- 
saire. Dans  tous  les  cas,  une  copie  des  délibérations  du 
conseil  général  approuvée  par  le  préfet  doit  être  soumise 
au  ministre  de  l'intérieur.  Les  départements  sont  libres  de 
contracter  les  emprunts  par  le  mode  qu'ils  jugent  le  plus 
avantageux  ;  mais,  en  cas  de  lots  et  primes,  l'autorisation 
législative  est  nécessaire. 

'Emprunts  communaux.  —  En  cas  de  nécessité,  les  villes 
et  communes  peuvent  contracter  des  emprunts  rembour- 
sables soit  sur  des  centimes  extraordinaires,  soit  sur  les 
ressources  ordinaires  quand,  dans  ce  dernier  cas,  l'amor- 
tissement ne  dépasse  pas  trente  années.  Tout  emprunt  rem- 
boursable sur  le  produit  d'une  contribution  extraordinaire 
dépassant  le  maximum  voté  par  le  conseil  général  doit  être 
autorisé  par  décret  ;  le  décret  est  rendu  en  conseil  d'Etat 
si  la  contribution  est  établie  pour  plus  de  trente  ans,  ou 
si  l'emprunt  remboursable  sur  ressources  extraordinaires 
excède  cette  durée  ;  il  est  statué  par  une  loi  si  l'emprunt 
dépasse  un  million  ou  si,  réuni  au  montant  d'autres  em- 
prunts non  encore  remboursés,  le  montant  est  supérieur  à 
un  million.  Les  pièces  suivantes  doivent  accompagner  tout 
décret  ou  projet  de  loi  tendant  à  autoriser  un  emprunt 
communal  :  i^  copie  de  la  délibération  par  laquelle  le  con- 
seil municipal  a  voté  l'emprunt  ;  2°  certificat  du  maire 
faisant  connaître  le  chiffre  de  la  population  et  le  nombre 
des  membres  du  conseil  municipal  ;  3°  le  budget  de  la 
commune  de  l'exercice  courant;  4"  certificat  du  maire 
constatant  les  impositions  communales  de  toute  nature  qui 
peuvent  grever  la  commune,  les  emprunts  non  encore  rem- 
boursés, les  autres  dettes  et  enfin  le  montant  des  fonds 
placés  au  Trésor,  et  leur  destination  ;  5<*  les  pièces  justi- 
ficatives de  la  dépense  en  vue  de  laquelle  l'emprunt  est 
voté  ;  6^  un  tableau  d'amortissement  dudit  emprunt  et  un 
état  présentant  dans  trois  colonnes  :  a,  les  sommes  à  payer 
chaque  année  jusqu'à  complète  libération  pour  le  service  des 
emprunts  et  des  dettes  antérieurement  contractées;  ^,  les 
ressources  extraordinaires  affectées  annuellement  à  l'extinc- 
tion de  ce  passif  ;  c,  les  prélèvements  à  opérer  sur  les 
revenus  ordinaires  pour  compléter  les  annuités  de  rem- 
boursement ;  7<>  un  relevé  présentant,  d'après  les  trois 
derniers  comptes,  les  recettes  et  les  dépenses  communales 
séparées  en  ordinaires  et  en  extraordinaires  ;  8°  l'avis 
motivé  du  préfet. 

Emprunts  à  la  caisse  des  dépôts  et  consignations» 
La  Hmite  d'amortissement  est  de  quinze  années  ;  l'intérêt 
est  variable.  En  dehors  des  pièces  indiquées  ci-dessus,  il 
y  a  lieu  de  produire  une  copie  de  la  délibération  du  con- 
seil municipal  autorisant  le  maire  à  contracter  avec  la 
caisse  des  dépôts  et  consignations. 


Emprunts  à  la  caisse  des  lycées  et  collèges.  Ces  em- 
prunts sont  réglés  par  un  contrat  synallagmatique  signé 
par  le  maire  et  le  directeur  général  de  la  caisse  des  dépôts. 
Le  remboursement  s'effectue  au  maximum  en  trente  années 
et  se  fait  par  versements  semestriels  comprenant  l'intérêt 
et  l'amortissement. 

Emprunts  à  la  caisse  des  chemins  viciiiaux.  Les 
emprunts  faits  ainsi  doivent  être  exclusivement  affectés  à 
l'achèvement  des  chemins  vicinaux  ou  pour  le  rachat  des 
ponts  à  péage.  Les  remboursements  doivent  être  effectués 
dans  un  délai  maximum  de  trente  années. 

Emprunts  au  Crédit  foncier.  Ces  emprunts  sont  con- 
sentis avec  ou  sans  affectation  hypothécaire  et  sont  rem- 
boursables soit  à  long  terme  par  annuités,  soit  à  court 
terme  avec  ou  sans  amortissement.  La  durée  des  prêts 
peut  varier  de  cinq  à  cinquante  ans.  Les  pièces  à  produire 
sont  :  l''  la  copie  de  la  déhbéralion  par  laquelle  l'emprunt 
a  été  voté  ;  2*^  l'ampliation  de  l'acte  approbatif  de  l'em- 
prunt (loi  ou  décret)  ;  S^'  le  relevé  des  recettes  et  dépenses 
de  la  commune  d'après  les  bordereaux  détaillés  des  trois 
derniers  exercices  ;  4<^  un  état  certifié  des  dettes  ;  5<*  la 
copie  de  la  délibération  dûment  approuvée  par  le  préfet, 
portant  que  l'emprunt  sera  réalisé  auprès  du  Crédit  foncier. 

Emprunts  par  voie  d'adjudication  publique  ou  de 
gré  à  gré.  Le  cahier  des  charges,  en  cas  d'adjudication 
publique,  ou  les  conditions  des  souscriptions  à  ouvrir  et 
des  traités  de  gré  à  gré  doivent  être  soumis  à  l'approbation 
préfectorale.  Les  communes  peuvent  émettre  des  obliga- 
tions au  porteur  ou  transmissibles  par  endossement  ;  ces 
titres  sont  soumis  aux  droits  et  impôts  ordinaires. 

G.  François. 

II.  Droit  civil  et  commercial  (V.  Prêt). 

Certificat  d'emprunt  (V.  Certificat). 

Emprunt  par  anticipation  (V.  Anticipation). 

EiViPSON  (William),  publiciste  anglais,  né  en  1791, 
mort  à  Hailesbury  le  10  déc.  1852.  11  prit  ses  grades  à 
Cambridge  et  entra  dans  la  rédaction  de  VEdinburgh 
lieview  en  1823. 11  donna  à  ce  recueil,  entre  cette  date  et 
1849,  une  foule  d'articles  politiques,  littéraires  et  juridiques. 
En  1824,  il  devint  professeur  de  politique  générale  et  de 
législation  anglaise  à  VEast  India  Collège  d'Hailesbury,  et, 
en  1847,  prit  la  direction  de  VEdinburgh  Review. 

EiVlPURANY.  Com.  du  dép.  de  l'Ardèche, arr.  de  Tour- 
non,  cant.  de  La  Mastre;  1,794  hab. 

EMPURÉ.Com.  du  dép. de  la  Charente,  arr.  de  Ruffec, 
cant.  de  Villefagnan;  292  hab. 

EMPURY.  Com.  du  dép.  de  la  Nièvre,  arr.  deClamecy, 
cant.  de  Lormes  ;  307  hab. 

ENIPUSA.  I.  Mythologie  grecque.  —  Fantôme  très 
redouté;  il  apparaissait  la  nuit  sous  les  formes  les  plus 
variables,  avec  un  ou  deux  pieds,  un  pied  d'âne  et  un  pied 
d'airain.  C'est  une  création  voisine  des  Lamies  et  des 
Mormolyces  qu'on  supposait  envoyées  par  Hécate  (V.  ces 
mots). 

II.  Botanique.  —  Genre  de  Champignons  de  la  famille 
des  Entomophtorées  (ordre  des  Oomycètes),  vivant  en 
parasites  sur  les  larves  des  insectes.  Ses  spores  sont  portées 
à  l'extrémité  d'un  filament  simple  ou  ramifié  et  lancées  en 
l'air  à  la  maturité.  E.  muscce  se  développe  en  automne 
sur  le  corps  des  mouches.  H.  F. 

III.  Entomologie.  —  Genre  d'Orthoptères,  de  la  famille 
des  Mantides,  dont  les  représentants,  voisins  des  Mantes 
(V.  ce  mot) ,  s'en  distinguent  surtout  par  leur  tête  petite, 
triangulaire,  à  vertex  prolongé  en  avant  en  forme  de  fer 
de  lance.  De  plus,  les  hanches  sont  armées  d'une  épine 
et  les  cuisses  des  pattes  intermédiaires  et  postérieures  sont 
munies,  à  leur  extrémité,  d'un  lobe  foliacé.  L'espèce  type, 
E.  egena  Charp.  (E.pauperata  IHig.),  n'est  pas  rare  en 
Provence.  Elle  est  d'un  vert  jaunâtre,  avec  les  élytres  d'un 
vert  opaque  dans  leur  région  antérieure,  transparentes  dans 
leur  région  postérieure  et  nuancées  d'incarnat  à  la  base  ; 
les  pattes,  d'un  vert  jaunâtre,  sont  annelées  de  brun  ver- 
dâtre.  Ed.  Lef. 


EMPYËME  —  EMS 


—  988 


EM  PYÈM  E  (Pathol.).  Ce  terme  s'applique  indifféremment 
à  la  pleurésie  jfuriilente  (V.  ce  mot)  et  à  l'opération  qu'elle 
nécessite  parfois.  Nous  ne  nous  occuperons  ici  que  de  cette 
dernière.  L'opération  de  l'empyème  ou  pleurotomie  a  pour 
objet  d'ouvrir  au  travers  d'un  espace  intercostal  un  pas- 
sage au  pus  collecté  dans  la  plèvre  ;  elle  était  déjà  employée 
du  temps  d'Hippocrate  ;  elle  fut  reprise  puis  abandonnée  au 
commencement  de  ce  siècle,  mais  depuis  vingt  ans  elle  entre 
de  plus  en  plus  dans  la  pratique  courante.  Tantôt  elle  se 
fait  au  lieu  de  nécessité,  au  point  où  le  pus  est  venu  faire 
saillie  sous  la  peau,  tantôt  au  lieu  d'élection,  dans  le  sep- 
tième ou  le  huitième  espace  intercostal.  L'incision  doit  par- 
tir de  la  ligne  axillaire  et  de  là  se  diriger  en  arrière  et 
porter  sur  la  partie  moyenne  de  l'espace  intercostal  pour 
ne  pas  blesser  l'artère  ;  elle  suit  le  bord  supérieur  de  la 
côte  inférieure  et  se  fait  couche  par  couche  jusqu'à  la 
plèvre  ;  celle-ci  est  débridée  avec  un  bistouri  boutonné.  Le 
pus  s'échappe  alors  en  abondance,  et  quand  la  plèvre  est 
vidée  on  y  introduit  de  gros  drains  que  l'on  fixe  solidement 
au  dehors  et  qui  servent  à  faire  des  lavages.  Autrefois  ces  la- 
vages étaient  faits  journellement,  mais  ils  ralentissaient  la 
guérison  et  pouvaient  provoquer  des  accidents  nerveux  tels 
que  des  crises  d'épilepsie,  de  l'hémiplégie,  de  l'hémichorée, 
ou  des  complications  pulmonaires.  On  préfère  aujourd'hui 
pratiquer  l'empyème  avec  une  antisepsie  rigoureuse  et  ne 
faire  ensuite  qu'un  seul  lavage  avec  une  solution  de  sublimé 
jusqu'à  ce  que  tout  le  pus  soit  sorti;  un  pansement  de  Lis- 
ter est  ensuite  placé  sur  la  plaie  et  n'est  renouvelé  que  le 
plus  rarement  possible.  On  obtient  souvent  ainsi  la  réunion 
par  première  intention  des  deux  feuillets  de  la  plèvre.  La 
blessure  de  l'artère  intercostale,  du  diaphragme  ou  du 
cœur,  et  la  hernie  du  poumon  sont  des  accidents  fort  rares 
que  l'on  peut  toujours  éviter.  Il  est  préférable  de  prati- 
quer l'empyème  dès  que  la  pleurésie  purulente  est  recon- 
nue et  de  ne  pas  attendre  qu'elle  ait  affaibli  le  malade  et 
provoqué  la  fièvre  hectique.  Cependant  on  s'asbtiendra 
souvent  quand  elle  est  due  à  une  tuberculose  déjà  avancée. 
Il  est  également  inutile  d'opérer  quand  la  pleurésie  est  liée 
à  un  état  général  tel  que  la  pyohémie  ou  la  fièvre  puerpé- 
rale. Quand  il  y  a  intérêt  à  ouvrir  très  largement  la  plèvre 
pour  en  faire  la  désinfection  complète,  l'opé.'ation  de  l'em- 
pyème est  précédée  de  la  résection  d'une  ou  plusieurs  côtes  ; 
elle  prend  alors  le  nom  d'opération  de  Letiévant  ou  d'Est- 
lander.  Pour  réussir,  l'opération  demande  à  être  faite  lar- 
gement ;  l'essentiel  est  de  ménager  les  deux  premières  et 
les  deux  dernières  côtes  qui  sont  indispensables  pour  sou- 
tenir le  sternum.  Cette  opération  a  de  beaux  succès  à  son 
actif,  mais  elle  n'est  ni  inoffensive  ni  toujours  efficace. 

Georges  Lemoine. 

EMPYRÉE.  Nom  donné  par  les  anciens  à  la  sphère 
céleste  supérieure,  où  s'assemble  le  feu,  l'élément  le  plus 
léger  et  le  plus  subtil  ;  de  là  le  nom  qui  signifie  «  séjour 
du  feu  ».  Sous  l'influence  du  christianisme,  le  mot  a  pris, 
par  exemple  dans  la  Divine  Comédie  du  Dante,  le  sens  de 
«  lieu  de  la  lumière  »  et  séjour  des  bienheureux  (V.  Pa- 
radis). 

EMPYROMANCIE  (V.  Divination). 

EMS  (holl.  Eems,  lat.  Amisia),  Fleuve  d'Allemagne, 
tributaire  de  la  mer  du  Nord.  Il  prend  sa  source  dans  le 
Teutoburgerwald  et  coule  vers  le  N.  à  travers  une  plaine 
marécageuse  parsemée  de  tourbières;  son  cours  est  assez 
sinueux;  il  a  une  longueur  de  330  kil.,  dont  224  navi- 
gables et  277  flottables.  Il  débouche  dans  le  golfe  de  Dol- 
lart,  près  d'Emden  ;  ses  eaux  forment  dans  les  sables  du 
golfe  un  double  chenal,  Oster  et  Wester-Ems^  profond 
de  7  m.  ;  entre  les  deux  est  l'île  de  Borkum.  Ses  princi- 
paux affluents  sont  :  à  droite,  la  Haase,  la  Leda,  toutes 
deux  navigables,  et  l'Ahe  ;  à  gauche,  la  Werse.  Son  bas- 
sin, très  tourbeux,  est  sillonné  par  de  nombreux  canaux 
qui  le  drainent. 

EMS.  Ville  d'Allemagne,  roy.  de  Prusse,  district  de 
Wiesbaden,  sur  la  Lahn;  6,943  hab.  C'est  une  des  plus 
anciennes  et  des  plus  célèbres  villes  d'eaux  de  l'Europe. 


Les  Romains  y  avaient  formé  un  établissement  et  on  a 
retrouvé  les  ruines  de  leurs  thermes  ;  la  XXIP  légion  y 
était  campée.  Au  x^  siècle,  Ems  fut  acquis  par  les  arche- 
vêques de  Trêves,  passa  ensuite  aux  comtes  d'Arnstein, 
puis  de  Nassau.  Le  premier  étaWissement  balnéaire  mo- 
derne fut  bâti  en  1382.  Ems  appartenait  en  commun 
aux  comtes  de  Nassau  (maison  d'Orange)  et  à  la  Hesse- 
Darmstadt.  En  1803,  les  Nassau  se  le  firent  attribuer 
entièrement.  En  1866,  Ems  fut  annexé  à  la  Prusse.  Outre 
le  congrès  de  1786  (V.  ci-dessous),  il  faut  rappeler  que 
c'est  à^'Ems  qu'eurent  lieu  entre  le  roi  Guillaume  et  l'am- 
bassadeur français  Benedetti  l'entretien  et  la  discussion 
qui  amenèrent  la  guerre  de  1870-71.  A.-M.  B. 

Eaux  minérales.  —  Les  eaux  d'Ems  (plus  de  vingt 
sources)  sont  thermales  (29^5  à  47, °o  C),  bicarbonatées 
sodiques  moyennes,  chlorurées  sodiques  moyennes  ou  faibles, 
carboniques"^  fortes  ;  on  les  emploie  en  boissons,  bains, 
douches  et  inhalations  ;  elles  sont  plus  toniques  que  les 
bicarbonatées  sodiques  franches  et  conviennent  surtout  chez 
les  malades  dont  le  sang  est  peu  plastique,  tandis  que  les 
eaux  de  Vichy  s'adressent  de  préférence  aux  malades  fran- 
chement sanguins  ;  elles  exercent  une  action  sédative  sur 
le  système  nerveux  et  ne  provoquent  jamais  les  accidents 
nerveux  que  produisent  parfois  les  eaux  de  Vichy.  Elles 
exercent  une  action  spécifique  sur  les  affections  catarrhales 
chroniques,  catarrhe  pulmonaire,  bronchites,  laryngites  ; 
elles  doivent  être  préférées  aux  eaux  sulfureuses  trop  exci- 
tantes chez  les  malades  pléthoriques  et  névropathiques.  Les 
eaux  d'Ems  sont  surtout  recommandables  dans  le  catarrhe 
sec  de  Laënnec  avec  emphysème  et  dyspepsie;  elles  ne 
guérissent  pas  la  phtisie,  comme  on  l'a  prétendu,  mais  sont 
éminemment  utiles  dans  cette  forme  où  les  malades  sont 
sujets  aux  congestions  sanguines,  aux  épistaxis,  oppression, 
palpitation,  à  l'enrouement,  ou  bien  présentent  un  vif  éré- 
thisme  du  système  vasculaire.  Elles  rendent  également  de 
grands  services  dans  les  catarrhes  des  voies  digestives  où 
Vichy  est  trop  excitant,  dans  les  congestions  chroniques  du 
foie,  les  hépatites  chroniques,  l'hypertrophie  simple  du  foie, 
les  catarrhes  des  voies  urinaires  et  des  organes  génitaux  ; 
elles  guérissent  l'aménorrhée  et  la  dysménorrhée.  D'"  L.  Hn. 

Congrès  et  punctation  d'Ems.  —  Acte  de  protesta- 
tion de  la  part  des  archevêques  allemands,  en  1786, 
contre  les  empiétements  de  la  cour  de  Rome.  Dès  1763, 
le  coadjuteur  de  l'évêché  de  Trêves,  Nie.  Hontheim  (V.  ce 
nom)  avait  exposé  dans  un  livre  fameux  les  principes  de 
l'autonomie  épiscopale  menacée  depuis  la  création  des  non- 
ciatures à  la  fin  du  xvi«  siècle.  En  1769,  les  archevêques  de 
Cologne,  de  Mayence  et  de  Trêves  s'étaient  adressés  à  l'em- 
pereur Joseph  II  pour  obtenir  la  cessation  des  abus,  mais 
sans  succès.  Quand,  sur  le  désir  de  l'électeur  Charles- 
Théodore  de  Bavière,  la  nonciature  de  Munich  fut  établie 
en  1785,  et  que,  malgré  la  note  envoyée  à  Rome  par  plu- 
sieurs archevêques,  le  nonce  Ces.  Zoglio  occupa  son  poste 
en  mai  1786,  les  archevêques  de  Mayence,  Trêves,  Cologne 
et  Salzbourg  firent  formuler  par  des  délégués  réunis  à  Ems 
les  prérogatives  que  le  droit  canonique  réserve  à  l'épisco- 
pat.  Cet  acte  signé  le  25  août  1786  par  les  quatre  arche- 
vêques et  envoyé  simultanément  à  l'empereur  et  au  pape, 
a  recule  nom  de  punctation  {punctatio^^^ro'iei)  d'Ems. 
Les  points  principaux  de  ce  remarquable  document  sont 
les  suivants  :  renonciation  de  la  part  du  pape  à  tous  droits 
et  réserves  issus  des  fausses  dêcrétales  ;  application  des 
principes  fébroniens  (V.  Hontheim  [Nie.]),  à  savoir:  autono- 
mie complète  de  l'épiscopat  ;  nulle  juridiction  ecclésias- 
tique autre  que  l'épiscopale,  nul  recours  à  Rome  autre 
que  par  la  voie  épiscopale,  mais  création  de  synodes  pro- 
vinciaux. On  demandait  de  plus  la  convocation  d'un  con- 
cile général  avant  deux  ans.  Depuis  les  grands  conciles 
duxv«  siècle,  les  représentants  autorisés  de  l'Eghse  catho- 
lique n'avaient  pas  dirigé  un  coup  droit  aussi  formidable 
contre  Rome.  La  cour  de  Rome  fut  aussi  habile  qu'on 
pouvait  l'attendre  :  elle  ignora  les  propositions  des  arche- 
vêques et  donna  aux  nonces  l'ordre  d'agir  comme  si  de 


-  989  - 


EMS  -  EMULATION 


rien  n'était.  L'empereur,  qui  était  favorable  aux  arche- 
vêques, leur  conseilla  de  gagner  le  clergé  et  de  généraliser 
le  mouvement  ;  mais  les  évèques  se  déclarèrent  contre  la 
punctation  d'Ems  :  ils  redoutaient  plus  le  pouvoir  métro- 
politain augmenté  que  celui  de  Rome  qu'ils  ne  voyaient  que 
de  loin.  De  plus,  le  gouvernement  prussien  pria  les  arche- 
vêques de  Cologne  et  de  Mayence  de  se  désister.  La  diète 
de  Ratisbonne  (1788)  conseilla  aux  prélats  de  traiter  per- 
sonnellement et  séparément  avec  le  saint-siège.  C'était  la 
fin.  Un  ou  deux  ans  plus  tard,  en  nov.  1789,  Pie  VI 
répondit  par  une  lettre  imprimée,  intitulée  Sanctiss.  dom. 
nostri  PU  papœ  VI  responsio  ad  metropolitanos  Mo- 
gunt.,  Trevir.,  Colon,  et  Salisburg.  super  nuntiatu- 
ras  (Rome,  1789)  :  le  pape  maintient  les  principes^  des 
décrétales  d'Isidore  et  reproche  aux  prélats  leur  oubli  du 
serment  de  Grégoire  VIL  F.-H.  Kruger. 

BiBL.  :  GÉOGRAPHIE.— V. les Gwides de Braun,  Dœring, 
Panthel,  Orth,  etc.  _         ,,.   ^ 

Congrès  d'Ems.  —  Ch.-Fr.  Weidenfels,  Grûndliche 
Eniwickelung  u.  aktenmœssige  Geschichte  des  Nuntia- 
tursireites,  etc.,  s.  1.,  1788.  —  Munch,  Geschichte  des 
Emser  Congresses  u.  seiner  Punktate:  Karlsruhe,  1840.— 
O.  Mejer,  Zur  Geschichte  der  rœmisch-deutschen  Frage; 
Rostock,  1871,  l'-^  partie,  pp.  33  et  suiv.,  pp.  89  et  suiv. 

EMS.  Gros  village  de  Suisse,  cant.  des  Grisons,  à  8  kil. 
à  rO.  de  Coire;  1,400  hab.  catholiques  et  parlant  ro- 
manche. Les  environs  sont  fort  beaux.  En  1630,  les  Ligues 
grises  tinrent  à  Ems  un  congrès  où  fut  prise  la  décision  de 
secouer  le  joug  autrichien  et  de  reconquérir  la  Valteline. 
Un  incendie  y  détruisit  trois  cents  bâtiments  en  1776. 

EMS-OcciDENDAL  (Département  de  F).  Il  fut  formé,  en 
181 0,  d'une  partie  de  la  Hollande  réunie  à  l'empire  français 
et  eut  pour  ch.-l.  Groningue.  Il  avait  pour  limites  :  au  N. 
la  mer  du  Nord,  àl'E.  les  dép.  de  l'Ems-Oriental  et  del'Ems- 
Supérieur,  au  S.  le  dép.  des  Bouches-de-l'Yssel,  à  l'O.  le 
dép.  de  la  Frise. 

EMS-OrieiVTAl  (Département  de  1').  Il  fut  formé  à  la 
même  époque  que  le  précédent  avec  Aurich  pour  ch.-l.  Ses 
limites  étaient  :  au  N.  la  mer  du  Nord,  au  S.-O.  le  dép.  de 
l'Ems-Occidental,  au  S.  celui  de  l'Ems-Supérieur,  à  l'E. 
le  dép.  des  Bouches-du-Weser. 

EWIS-SupÉRiEUR  (Département  de  1').  Il  fut  formé  à  la 
même  époque  que  les  précédents  d'une  partie  du  Hanovre 
et  eut  Osnabruck  pour  ch.-l.  Il  était  borné  au  N.  par  le 
dép.  de  l'Ems-Oriental,  à  l'E.  par  celui  des  Bouches-du- 
Weser,  au  S.  par  le  dép.  de  la  Lippe  et  le  royaume  de 
Westphalie,  à  l'O.  par  les  dép.  de  l'Ems-Occidental  et  des 
Bouches-de-l'Yssel. 

ÉMULATION  (Psychol.  et  pédag.).  Aux  mots  Composi- 
tion et  Concours  nous  avons  fait  déjà  des  réserves  sur 
l'abus  qu'on  fait  souvent,  dans  l'éducation,  de  l'esprit  de 
rivahté  naturel  aux  hommes  en  général  et  particuHèrement 
vif  chez  les  enfants.  Au  mot  Discipline,  nous  avons  signalé 
le  danger  qu'on  fait  courir  au  caractère  des  enfants  en  les 
habituant  à  se  comparer  sans  cesse  et  en  leur  donnant  pour 
sentiment  dominant  le  désir  de  se  surpasser  les  uns  les 
autres.  Il  n'est  que  juste,  cependant,  de  commencer  ici 
par  avouer  que  l'émulation  est  à  part  entre  toutes  les 
formes  que  revêt  l'esprit  de  rivalité.  Le  mot  ne  se  prend 
qu'en  bonne  part.  Il  désigne,  à  rencontre  de  la  jalousie  et 
de  l'envie,  le  désir  actif  et  généreux,  le  besoin  avoué  et 
même  noble  d'égaler  d'abord,  de  surpasser,  s'il  se  peut, 
toujours  par  de  bons  moyens,  les  mérites,  les  talents,  les 
succès  d'un  autre  en  ce  qu'ils  ont  de  parfaitement  hono- 
rable. C'est  un  sentiment  très  vif ,  qui  suppose  de  l'énergie, 
mais  qui  excite  au  plus  haut  point  celle  que  l'on  a ,  et  en 
augmente  beaucoup  l'effet.  Un  bon  cheval  ne  souffre  pas 
d'être  dépassé  à  la  course,  et  donne,  pour  ne  pas  l'être,  son 
maximum  de  vitesse.  L'indifférence  à  cet  égard  est,  au 
contraire,  le  signe  d'une  grande  pauvreté  de  sang.  De 
même  pour  les  enfants  :  les  mieux  doués  sont,  au  travail 
comme  au  jeu,  pleins  d'une  émulation  joyeuse,  qui  seule 
leur  fait  donner  toute  leur  mesure  ;  manquer  tout  à  fait 
de  ce  sentiment  n'est  certes  pas  un  signe  de  supériorité  ni 
une  promesse  de  brillant  développement.  On  comprend 


donc  à  merveille  qu'une  tendance  si  générale  à  la  fois  et  si 
honorable  ait  été  utilisée  dans  l'éducation.  Une  infériorité 
notoire  des  éducations  privées  est  que  l'émulation  y  fait 
défaut,  et  l'on  croit  souvent,  avec  raison,  devoir  y  re- 
médier en  donnant  par  exemple  aux  jeunes  princes  des 
compagnons  d'études.  Au  contraire,  parmi  les  avantages  de 
l'éducation  en  commun,  et  principalement  des  écoles  pu- 
bliques, on  compte  à  bon  droit  celui  de  placer  l'enfant  dans 
les  conditions  mêmes  de  la  vie  sociale  et  de  le  préparer  à 
ses  luttes. 

Il  y  a  pourtant  une  mesure  à  garder.  V éducation  (V.  ce 
mot)  ne  doit  pas  seulement  former  l'individu  pour  la  vie 
telle  qu'elle  est,  mais  préparer  autant  que  possible  une  vie 
meilleure.  Il  est  très  vrai  que  l'esprit  de  lutte  et  de  riva- 
lité joue  un  rôle  immense  dans  nos  sociétés,  et  ce  serait 
déjà  un  progrès  que  d'y  faire  prédominer  l'émulation  de 
bon  aloi  sur  les  rivalités  mauvaises.  Mais  on  n'en  est  pas 
toujours  maître  ;  et  si  l'on  développe  chez  les  enfants  l'ha- 
bitude de  se  comparer  sans  cesse,  la  rage  de  l'emporter  les 
uns  sur  les  autres,  personne  ne  peut  dire  à  coup  sûr  quel 
tour  prendra  ni  où  s'arrêtera  ce  sentiment.  Il  n'est  pas 
nécessairement  bon  par  lui-même  ;  il  varie  en  qualité  selon 
les  caractères  :  généreux  et  fécond  chez  les  natures  mora- 
lement élevées,  amer  et  stérile  chez  les  natures  basses  et 
disposées  à  l'envie.  Tels  émules  de  collège  continuent  toute 
leur  vie  à  rivaliser  d'ardeur  dans  la  poursuite  des  honneurs 
et  des  fonctions  ;  bien  qu'un  peu  puéril,  cela  n'a  pas  d'in- 
convénients sociaux  quand  la  lutte,  ouverte  et  loyale, 
pousse  chacun  uniquement  à  se  surpasser  lui-même,  au 
grand  profit  de  la  chose  publique.  Mais  quelques-uns  cher- 
chent moins  à  s'élever  qu'à  rabaisser  leur  émule,  moins  à 
faire  mieux  que  lui  qu'à  déprécier  tout  ce  qu'il  fait  :  c'est 
pitié  alors  de  voir  un  ancien  «  fort  en  thème  »  parler  avec 
amertume,  à  quarante  ans,  du  renversement  des  rangs  que 
les  affaires  ou  la  politique  ont  produit  entre  lui  et  un  cama- 
rade autrefois  dédaigné,  comme  si  la  vie  était  tenue  de 
respecter  à  jamais  les  places  du  collège  et  ne  mettait  pas  en 
jeu  d'autres  facteurs  que  les  quahtés  écolières.  Cette  ému- 
lation morose,  si  c'en  est  encore,  6u  ce  triste  effet  de 
l'émulation,  n'est  évidemment  un  bien  ni  pour  l'individu 
ainsi  aigri,  ni  pour  la  société,  que  ces  rivalités  troublent 
et  affaibhssent. 

Il  faut  donc  tout  faire  pour  modérer,  tout  en  l'utilisant, 
durant  l'enfance  et  la  jeunesse ,  pour  maintenir  pur  et 
généreux  un  sentiment  dont  la  perversion  a  ces  dangers. 
Le  moyen?  Guizot  l'indique  {Conseils  d'un  père  sur 
V éducation^  III)  :  c'est  d'inspirer  en  général  aux  enfants, 
le  désir  d'être  estimés,  considérés,  loués,  mais  en  évitant 
de  mettre  aux  prises  leurs  amours-propres.  Vémidation 
d'un  à  plusieurs,  dit-il,  est  à  ce  point  de  vue  relati- 
vement saine;  l'émulation  d\m  a  un  est  toujours  dange- 
reuse. «  Lorsqu'une  rivalité  s'établit  entre  deux  enfants, 
on  a  à  traiter  avec  deux  amours-propres,  un  amour- 
propre  mécontent  et  un  amour-propre  satisfait  :  de  l'amour- 
propre  satisfait  peuvent  naître  l'orgueil,  l'arrogance,  la 
dureté ,  toutes  les  passions  hautaines  ;  l'amour- propre 
mécontent  peut  conduire  au  découragement,  à  l'indifférence, 
à  la  jalousie,  à  l'aigreur,  aux  passions  basses  et  faibles.  » 
En  un  mot,  il  faut  éviter  et  d'humilier  et  d'enorgueillir. 
Si  le  but  est  de  fortifier  les  enfants  pour  les  luttes  de  la 
vie,  le  meilleur  moyen  n'est  pas  de  les  y  jeter  prématu- 
rément; et  c'est  une  lourde  faute  de  prendre  l'excitation 
pour  la  force,  de  substituer  une  ardeur  factice  qui  fait 
dépenser  à  un  moment  toute  l'énergie  qu'on  a,  à  la  chaleur 
qui  seule  féconde,  c.-à-d.  à  l'amour  désintéressé  de  l'étude. 
Ce  qui  importe,  c'est  de  faire  bien,  c'est  de  faire  mieux 
aujourd'hui  qu'hier  ;  ce  n'est  pas  de  faire  moins  mal  qu'un 
autre.  Sans  doute  en  cherchant  à  surpasser  les  autres  on 
arrive  à  se  surpasser  soi-même  :  mais  ce  n'est  pas  du  tout 
la  même  chose,  ni  pour  la  quaUté  du  travail,  ni  surtout 
pour  le  pli  qu'en  prend  le  caractère,  de  chercher  à  faire 
bien  absolument  et  toujours  de  son  mieux,  advienne  que 
pourra,  ou  de  mettre  toute  son  ambition  à  l'emporter  sur  un 


ÉMULATION  ~  ÉNACITES 


99Ô  - 


mal.  Car,  même  honnête  et  scrupuleuse,  cette  ambition 
toute  relative  n'est  jamais  la  plus  fière,  et  elle  se  satisfait 
souvent  à  trop  bon  marché.  H.  Marion. 

ÉMULSEUR  (Techn.)  (V.  Photographie). 

ÉMULSINE  (Chim.).  L'émulsion  ou  synaptase  est  un 
principe  azoté  qui  appartient  à  la  classe  des  ferments  so- 
lubles  et  qui  est  caractérisée  par  la  propriété  de  dédoubler, 
au  contact  de  l'eau,  l'amygdaline  en  essence  d'amandes 
amères,  acide  cyanhydrique  et  glucose  ;  elle  existe  dans 
les  amandes  douces  et  dans  les  amandes  amères  en  compa- 
gnie de  la  caséine  végétale,  composé  albuminoïde  également, 
mais  sans  action  sur  l'amygdaline.  L'émulsine  a  été  dis- 
tinguée de  la  caséine  en  4838  par  Robiquet  qui  lui  donna 
le  nom  de  synaptase  (auvaTuxw,  je  réunis)  ;  c'est  Liebig 
qui  a  proposé  le  nom  à'émulsine  pour  rappeler  qu'elle  se 
rencontre  dans  les  amandes  douces.  Pour  la  préparer,  on 
fait  avec  ces  dernières  un  tourteau  qu'on  délaye  dans  deux 


_„  précipite  l'èmuisme  par  ^ 

besoin  par  de  l'eau,  et  on  précipite  une  seconde  fois  par 
l'alcool  (Robiquet).  L'émulsine  est  une  poudre  blanche,  très 
soluble  dans  l'eau,  insoluble  dans  l'alcool  et  dans  l'éther. 
Sa  solution  aqueuse,  qui  se  coagule  vers  60%  précipite  par 
le  tanin,  mais  non  par  les  acides;  elle  se  putréfie  facilement 
à  l'air  en  donnant  plusieurs  produits,  notamment  de  l'acide 
acétique;  sa  propriété  caractéristique,  c'est  de  dédoubler 
l'amygdaline  en  présence  de  l'eau,  propriété  qu'elle  perd 
lorsqu'elle  a  été  coagulée  par  les  acides;  elle  dédouble 
également  la  salicine  en  glucose  et  saligénine  ou  alcool- 
phénol  p-oxybenzylique,  propriété  qui  appartient  égale- 
ment à  la  ptyaline  de  la  salive  (Piria).     Ed.  Bourgoin. 

BiBL.  :  Bull.  An.  der  Ch.  und  Phann.,  t.  LXIX,  145.  — 
RiCHARDSON  et  Thomson,  id.,  t.  XXIX,  180.  —  Robiquet, 
Joiirn.  pharm.,  t.  XXIV,  326.  —  Ortloff,  Archives  de 
pharm..  t.  XLVIII,  16. 

ÉMULSION.  1.  Chimie  (V.  Photographie). 
IL  Pharmacie.  —  On  donne  en  pharmacie  le  nom 
à'ëmulsion  à  des  liquides  d'apparence  laiteuse  tenant  en 
suspension  des  matières  huileuses,  résineuses  ou  gommo- 
résineuses.  Le  mot  vient  de  emulsum,  emulgere,  traire, 
tirer  du  lait  ;  le  lait  n'est  d'ailleurs  autre  chose  qu'une 
émulsion  de  matières  grasses  finement  divisées  au  sein  d'un 
liquide  albumineux  et  sucré.  On  divise  les  émulsions  en 
naturelles  et  artificielles.  Les  premières  se  préparent  à 
l'aide  des  semences  émulsives  :  amandes,  pistaches,  noix, 
noisettes,  chènevis,  etc.  ;  les  secondes  se  préparent  dans 
les  officines  avec  des  mucilages,  du  jaune  d'œuf  ou  du 
blanc  d'œuf,  du  lait,  des  solutés  de  saponine,  etc.  La 
division  de  l'huile  est  due  dans  les  amandes  à  la  pré- 
sence des  matières  albuminoïdes,  notamment  à  l'émulsine 
et  à  la  caséine  végétale.  Citons,  comme  exemple,  la  prépa- 
ration de  l'émulsion  simple. 

Emulsion  simple  ou  lait  d'amandes 
Amandes  douces  mondées.  ...        50  gr. 

Sucre  blanc SO   — 

Eau  ordinaire  filtrée 4000   — 

On  pile  les  amandes  mondées  de  leurs  pellicules  dans 
un  mortier  de  marbre  avec  une  partie  du  sucre  et  un  peu 
d'eau,  de  manière  à  les  réduire  en  une  pâte  fine,  qu'on 
délaye  peu  à  peu  avec  le  reste  de  l'eau  ;  on  passe  à  travers 
une  étamine.  On  prépare  de  la  même  manière  les  émul- 
sions de  chènevis,  semences  fraîches,  pistaches,  pignons 
doux,  noisettes,  concombres,  etc. 

Les  émulsions  artificielles  se  préparent  avec  un  muci- 
lage de  gomme  arabique  ou  de  gomme  adragante,  avec  un 
blanc  d'œuf  ou  un  jaune  d'œuf;  on  peut  même  opérer 
avec  le  lait  d'amande,  ou  même  le  lait,  qui  renferment 
plus  de  matières  albuminoïdes  qu'il  n'est  nécessaire  pour 
émulsionner  les  substances  grasses  qu'ils  contiennent  natu- 
rellement. Toutes  ces  préparations  doivent  être  faites  à  froid 
et  au  moment  du  besoin.  Au  bout  d'un  certain  temps,  elles 
perdent  leur  homogénéité  et  l'huile  monte  peu  à  peu  à  la 


surface.  Leur  stabilité  dépend  de  causes  variées  qui  sont  : 
la  tension  superficielle  des  liquides,  la  densité,  la  viscosité, 
la  propriété  de  mousser  comme  le  savon.  L'émulsion  est 
d'autant  plus  stable  que  les  tensions  superficielles  des 
liquides  hétérogènes  sont  plus  voisines,  que  leur  visco- 
sité est  plus  considérable  et  que  l'un  d'eux,  ou  les  deux 
à  la  fois  donnent  plus  facilement  une  mousse  persistante. 
C'est  à  cette  dernière  propriété  que  le  savon  et  la  tein- 
ture de  bois  de  Panama,  ainsi  que  toutes  les  solutions 
alcooliques  qui  renferment  de  la  saponine,  doivent  leur 
efficacité  bien  connue  pour  former  des  émulsions  d'une 
grande  stabilité.  Ed.  Bourgoin. 

EMUND  l'Ancien  ou  le  Mauvais,  roi  de  Suède,  mort 
vers  4060.  Fils  du  roi  Olof  Skœtkonung  et  d'une  prin- 
cesse captive,  il  se  vit  primé  par  son  frère  cadet  Anund 
Jacob  et  ne  régna  qu'après  ce  dernier  (4030).  Ses  surnoms 
lui  viennent  sans  doute,  l'un  de  ce  qu'il  fut  le  dernier 
agnat  de  l'ancienne  branche  upsalienne  des  Lodbrokides, 
l'autre  soit  de  ce  qu'il  fut  en  lutte  avec  l'archevêque 
de  Hambourg,  alors  primat  du  Nord,  soit  de  ce  qu'au 
congrès  de  Danaholm  il  aurait  cédé  au  Danemark  le  Ble- 
king.  Par  suite  du  prédécès  de  son  fils,  qui  périt  avec 
toute  son  armée  dans  une  expédition  contre  les  Qvsenes 
(Finnois  de  la  Bothnie),  il  eut  pour  successeur  son  gendre 
Stenkil,  tige  d'une  nouvelle  dynastie.  B-s. 

ÉMYDlbÉS  (V.  Emys). 

ÉMYDINE  (Chim.).  Nom  donné  par  Fremy  et  Valen- 
ciennes  à  une  substance  particulière  qui  existe  dans  le 
jaune  d'œuf  des  tortues.  En  recevant  ce  dernier  dans  une 
grande  quantité  d'eau,  il  se  fait  un  dépôt  qu'on  lave  par 
décantation,  avant  de  l'épuiser  par  l'alcool  et  par  l'éther. 
L'émydine  reste  sous  forme  de  petits  grains  blancs,  durs, 
transparents,  très  solubles  dans  la  potasse  diluée  ;  l'acide 
acétique  la  gonfle  sans  la  dissoudre,  tandis  que  l'acide 
chlorhydrique  la  dissout  avec  une  coloration  violette, 
comme  les  matières  albuminoïdes.  Ed.  B. 

EM  YS.I.  Erpétologie. — Genre  de  Tortues  Pleurodères^ 
dont  les  caractères  se  rapprochent  des  Cistudes  (V.  ce  mot), 
mais  s'en  séparant  par  la  complète  immobilité  de  la  partie 
inférieure  du  plastron  ne  pouvant  clore  la  dossière  en  tout 
ou  en  partie.  Les  Emides  ont  en  outre  cinq  ongles  aux 
pattes  de  devant  et  quatre  à  ceux  de  derrière  ;  elles  ont  deux 
écailles  axillaires  et  deux  inguinales  ;  enfin  la  queue  est 
longue.  Les  formes  de  ce  genre  sont  assez  nombreuses,  et 
propres  à  l'Amérique  du  Nord  et  aux  parties  chaudes  de 
l'Asie.  La  plus  connue  est  FEmide  Sigris  (Emys  leprosa), 
propre  à  l'Algérie,  le  Maroc,  la  Tunisie,  où  elle  vit  dans 
les  endroits  marécageux  ;  elle  se  nourrit  de  Poissons.  Le 
dessus  du  corps,  est  ohvàtre,  orné  de  taches  orangées,  cerclées 
de  noir  ;  la  tête  est  d'un  vert  ohve  uniforme  ;  le  cou  porte 
des  Hgnes  d'un  beau  jaune  orangé  ;  le  sternum  est  noir  ou 
brun,  bordé  d'une  ligne  ondulée  d'un  jaune  vert.  Les  mem- 
bres et  la  queue  sont  d'un  orangé  vif.  Elle  peut  atteindre 
20  à  25  centim.  Rocher. 

IL  Paléontologie.  —  Les  Emydidœ  ne  sont  pas  con- 
nues avec  certitude  avant  l'époque  tertiaire.  Les  genres 
Ptychogaster  (Pomel)  et  Dithyrosternon  (Pictet  et  Humb.) 
sont  du  miocène  d'eau  douce  du  S.  de  la  France  et  de  la 
Suisse.  Le  genre  Emys  a  de  nombreux  représentants  à  la 
même  époque  (E.  parisiensis  Cuv.  du  gypse  de  Mont- 
martre). Palœochelys  (von  Meyer)  est  du  miocène  d'Alle- 
magne. Le  miocène  des  monts  Siwaliks  est  aussi  très  riche 
en  types  de  cette  famille.  Le  genre  Cistudo  remonte  à 
l'époque  oligocène  (C.  anhaltina  Giebel),  et  la  Cist,  lu- 
taria^  encore  vivante  dans  le  S.  de  l'Europe,  se  trouve 
dans  les  dépôts  quaternaires  du  N.  du  continent  et  jusqu'en 
Angleterre.  E.  Trt. 

BiBL.  :  Erpétologie.  —  Sauvage,  dans  Brehm,  éd. 
française.  Reptiles.  —  Duméril  et  Bibron,  Erpét.  génér. 

ÉNACITES  ou  ANAQITES.  Nom  d'une  population  pré- 
tendue de  géants,  qui  aurait  précédé  les  plus  anciennes 
races  connues  du  pays  de  Chanaan. 

BiBL.  :  Vernes,  les  Populations  primitives  de  la  Pales- 
tine, dans  Essais  bibliques  ;  Paris,  1891,  pp.  263  et  suiv. 


991  — 


ENADELPHIE  -  ENBOM 


ÉNADELPHIE  (Téràtol.).  Monstruosité  caractérisée  par 
rinclusion  d'un  fœtus  arrêté  dans  son  développement,  dans 
le  corps  d'un  autre  individu  (V.  Inclusion  fœtale  et 
Monstre  double), 

ÉNALIOSAURIENS  (Paléont.).  La  plupart  des  paléon- 
tologistes réunissent  dans  cette  sous-classe  les  reptiles  des 
temps  secondaires  généralement  gigantesques,  qui  ont  des 
dents  nombreuses,  préhensiles,  des  membres  transformés 
en  nageoires.  Les  caractères  anatomiques  de  ces  animaux 
seront  donnés  lorsque  l'on  fera  connaître  les  trois  groupes 
admis  chez  lesEnaliosauriens,  savoir  :  les  Ichthyosauriens, 
les  Nothosauriens,  les  Sauroptérygiens. 

ÉNAMBUC  (Pierre  Belain  d')  ou  sieur  de  Nambuc,  navi- 
gateur français,  né  à  Allonville  (Seine-Inférieure)  en  4585, 
mort  à  Saint-Christophe  (Antilles)  en  1636.  Il  gouverna 
pour  le  compte  du  roi  les  colonies  de  la  Dominique,  de 
la  Martinique  et  de  Saint-Christophe.  Il  fut,  dit-on,  le 
premier  gouverneur  des  Antilles.  On  lui  donna  pendant 
longtemps  le  nom  de  Diel,  qui  appartenait  à  son  neveu, 
Jacques  Diel  du  Parquet,  qui  fut  après  lui  gouverneur  des 
Antilles  et  mourut  à  Saint-Pierre  (Martinique)  en  1658. 
ENANTIA  (ZooL).  Genre  de  Turbellariés  de  l'ordre  des 
Dendrocdes,  tribu  des  PoUijclades,  créé  en  1889  par 
Ludwig  von  Graff  pour  une  planaire  fort  curieuse ,  trouvée 
à  Trieste  sous  les  pierres.  Le  genre  ne  comprend  jusqu'à 
présent  qu'une  seule  espèce,  E,  spinifera,Qt  est  lui-même 
le  seul  représentant  de  la  famille  des  Enantiadées.  La 
marge  du  corps  est  pourvu  de  fortes  épines  chitineuses, 
pointues,  à  large  base  appliquée  sur  le  tégument.  Les  ca- 
ractères donnés  par  von  Graff  sont  les  suivants  :  corps 
ovale,  lisse,  dépourvu  de  ventouses  et  de  tentacules  ; 
bouche  vers  l'extrémité  antérieure,  immédiatement  en 
arrière  du  cerveau  ;  pharynx  en  forme  de  cloche  dirigé  en 
avant.  Pas  d'intestin  antérieur  médian,  les  ramifications 
intestinales  anastomosées.  Appareil  copulateur  mâle  simple 
avec  vésicules  séminales  musculaires  dirigées  en  avant, 
situées  immédiatement  en  arrière  de  la  vésicule  pharyn- 
gienne et  là  ouverte  au  dehors.  Appareil  copulateur  femelle 
s'ouvrant  en  arrière  des  organes  mâles,  avec  une  puis- 
sante bourse  séminale  incîibatrice  (vésicule  accessoire). 
Quatre  amas  ocuUformes  sur  la  région  cérébrale,  mais  pas 
d'yeux  sur  la  marge  du  corps.  L.  Joubin. 

ENARE  ou  INARE.  Lac  de  Finlande,  dans  le  gouverne- 
ment d'Uleaborg;  sa  superficie  est  d'environ  2,500  kil.  q. 
ENAREA.  Royaume  du  S.  de  l'Abyssinie  proprement 
dite,  par  8°  de  lat.  N.  Sa  capitale  Saka  est  située  par 
8<>  12'  30''  de  lat.  N.  et  W  18'  36  de  long.  E.  L'Enarea 
est  compris  entre  le  Choa  au  N.,  le  pays  des  Gallas  à  l'E., 
et  le  Kaffa  au  S.  L'Enarea  passe  pour  être  riche  en  or  ; 
l'Abyssinie  en  tire  en  grandes  quantités  des  esclaves  et  de 
l'ivoire. 

ÉNARME  (Archéol.).  Courroie  fixée  à  l'intérieur  du 
bouclier  et  qui  sert  à  passer  le  bras  ou  à  être  empoignée 
(V.  Bouclier).  Les  énarmes  n'existent  que  dans  les  grands 
boucliers  tels  que  ceux  des  Romains  ou  dans  les  écus  ; 
dans  les  rondaches  et  les  petits  broquels  ou  rondelles  à 
poing,  il  n'existait  qu'une  poignée  située  au  centre  de 
l'arme.  Les  énarmes  étaient  ordinairement  bouclées  à  des 
anneaux  rivés  à  l'intérieur  du  disque  ;  elles  se  passaient 
au  bras  gauche  et  permettaient  de  porter  le  bouclier,  de 
s'en  couvrir,  en  gardant,  même  au  besoin,  l'usage  des 
deux  mains.  Mais,  dans  le  cas  le  plus  ordinaire,  les  énarmes 
occupent,  l'une,  le  centre  du  disque,  et  l'on  y  passe 
l'avant-bras,  l'autre,  la  région  rapprochée  du  bord,  et  on 
l'empoigne  avec  la  main  gauche.  Le  bouclier  grec  portait 
parfois  en  son  milieu  une  grande  énarme  attachée  à  ses 
deux  bords  extérieurs  et  traversant  un  quadrilatère  irré- 
guher  formé  par  un  lien  fixé  en  quatre  points  sur  la  con- 
cavité du  champ,  la  grande  énarme  du  centre  pouvant 
même  manquer.  Dans  les  écus,  les  énarmes  étaient  souvent 
disposées  en  croix.  Maurice  Maindron. 

ÉNARMURE  (V.  Enarme). 
ÉNAULT  (Etienne),  littérateur  français,  né  en  1807, 


mort  à  Paris  le  21  août  1883.  Il  a  écrit  un  très  grand 
nombre  de  romans-feuilletons,  soit  seul,  soit  avec  la  colla- 
boration de  M.  L.  Judicis  :  la  Vallée  des  pervenches 
(1847,  2  vol.  in-8),  recueil  de  nouvelles;  l'Homme  de 
minuit  (1857,  4  vol.  in-8);  le  Vagabond (iS^9,  2  vol. 
in-8);  Comment  on  aime  (1859,  3  vol.  in-8);  le  Porte- 
feuille du  diable  (1860,  3  vol.  in-8);  le  Dernier  Amour 
(1863,  in -12);  le  Lac  des  cygnes  (1864,  in-12); 
Scènes  dramatiques  du  mariage  (1865,  in-12);  le  Ro- 
man d'une  abbesse  (1866,  in-18);  VEnfant  trouvé 
(1867,  2  vol.  in-12);  V Amour  à  vingt  aîis  (1868, 
in-18);  Mademoiselle  de  Champrosay  (1869,  in-18); 
Gabrielle  de  Célestange  (1873,  in-18)  ;  Diane  deKerdo- 
fa^l 880,  in-12),  etc.  Plusieurs  de  ces  romans  furent 
l'objet  de  réimpressions  populaires  avec  illustrations.  On 
a  parfois  confondu  Etienne  Enault  avec  son  cousin  M.  Louis 
Enault  (V.  l'art,  suivant).  M.  Tx. 

ÉNAULT  (Louis),  littérateur  français,  cousin  du  précé- 
dent, né  à  Isigny  (Calvados)  en  1824.  Reçu  avocat  et  inscrit 
au  barreau  de  Paris,  il  fut  un  instant  inquiété  après  les 
journées  de  juin  1848  à  raison  de  ses  liaisons  avec  le  parti 
légitimiste  et  quitta  la  France  à  l'issue  d'une  courte  déten- 
tion. Il  visita  d'abord  l'Angleterre,  l'Ecosse,  l'Irlande  et 
l'Allemagne,  parcourut,  en  1852,  la  Judée  et  la  Turquie, 
puis,  l'année  suivante,  le  Danemark,  la  Suède  et  la  Nor- 
vège. Ces  longues  pérégrinations  lui  ont  fourni  les  éléments 
de  toute  une  série  de  récits  de  voyages  et  le  sujet  d'un 
grand  nombre  de  romans  et  de  nouvelles.  Parmi  les  pre- 
miers nous  rappellerons  :  Promenade  en  Belgique  et  sur 
les  bords  du  Rhin  (1852,  in-8);  la  Terre  Sainte^  his- 
toire de  quarante  pèlerins  (1854,  in-18);  Constanti- 
nople  et  la  Turquie  (1855,  in-18);  la  Norvège  (1857, 
in-18);  la  Méditerranée^  ses  îles  et  ses  bords  (1862, 
gr.  in-8 ,  ill.) ,  ainsi  que  le  texte  d'une  publication  de 
Gustave  Doré  :  Londres  (1876,  gr.  in-4).  Les  principaux 
romans  de  M.  Louis  Enault  sont  les  suivants  :  Christine 
(1857,  in-18);  Nadèje  (1859,  in-18),  fiction  à  laquelle 
le  siège  de  Sébastopol  sert  de  cadre;  Alba  (1859,  in-18)  ; 
épisode  de  la  domination  autrichienne  en  Italie  ;  l'Amour 
en  voyage  (1860,  in-8),  recueil  de  trois  nouvelles;  Her- 
mine (1860,  in-18);  l'Amour  enLaponie  (1861,  in-8); 
Pêle-Méle,  nouvelles (1862,  in-18);  5^^//a  (1863, in-18); 
En  province  (iSQ^!,  in-18);  0/^^^(1864,  in-18);  Irène 
(1865,  in-18);  Un  Drame  intime  (1866,  in-18);  le 
Roman d'u7ie veuve (i^l ,  in-18);  le  Baptême  du  sang 
(1873,  in-18);  la  Veuve  (1877,  in-18);  l'Amour  et  la 
Guerre  (1882,  2  vol.  in-18);  Cordoval  (1882,  in-18); 
Histoire  d'amour  (1884,  in-18)  ;  Valneige  (1887,  in-18); 
leChâtiment(iSSl,m'iS);leSacrifice{iS90,m-iS),etc. 
On  cite  encore  de  M.  Louis  Enault  un  compte  rendu  du 
Salon  de  1852  (1853,  in-18)  ;  des  traductions  de  l'Oncle 
Tom  (1853,  in-18)  et  de  Werther  (1855,  in-18);  une 
édition  tronquée  des  Mémoires  de  M"'*'  d'Epinay  (1854, 
in-18);  un  volume  de  circonstance:  Paris  brûlé  (1871, 
in-18)  et  toute  une  série  de  comptes  rendus  des  Salons 
annuels  avec  gravures  en  phototypie  :  Paris-Salon  (1880- 
1890,  11  vol.  in-8).  M.  Tx. 

EN  B ERG  (Lars-Magnus),  écrivain  suédois,  né  le  3  nov. 
1787  à  Millesvik  (Vaermland) ,  mort  à  Stockholm  le 
20  nov.  1 865.  Lecteur  en  philosophie  et  recteur  du  gym- 
nase de  Stockholm  (1821-1843),  il  fut  l'un  des  membres 
actifs  du  comité  scolaire  et  publia  des  manuels  peu  origi- 
naux, mais  fort  répandus,  de  Psychologie  (1824;  4^  éd., 
1860)  ;  de  Philosophie  morale  (1830,  2^  éd.  1831)  ;  de 
Philosophie  théorique  (1848);  de  Logique  (1862).  Ses 
éloges  de/.  Banér  (1814)  et  de  Magnus  Stenhock  (1817), 
et  un  Essai  sur  le  goût  (1815),  lui  valurent  trois  fois  le 
grand  prix  de  l'Académie  suédoise  et,  plus  tard  (1824),  un 
des  dix-huit  fauteuils  de  cette  compagnie,  qui  le  chargea 
de  rédiger  sa  Grammaire  (1836).  Il  prit  part  aux  travaux 
du  Dictionnaire  et  traduisit  en  vers  les  Méditations 
nocturnes  de  Young  (1850).  B-s. 

ENBOM  (Peter-Ulrik),  littérateur  suédois,  né  à  Stock- 


ENBOM  -  ENCARTACIONES 


—  992  - 


holm  le  14  août  1739,  mort  vers  i8d0.  Simple  maître 
d'école,  admirateur  de  la  Révolution  française,  servile  imi- 
tateur de  Thorild,  il  osa  s'attaquer  aux  écrivains  en  renom 
et  à  l'Académie  suédoise  qui  avait  dédaigné  son  poème  en 
prose  sur  V Immortalité  (iWd),  Leopold le  ridiculisa  dans 
une  chanson  qui  devint  populaire  (4795),  mais  plus  tard, 
lorsque  le  trop  réel  sans-culottes  fut  tombé  dans  la 
misère,  il  lui  tendit  généreusement  la  main,  lui  chercha  un 
éditeur  et  le  secourut  avec  délicatesse.  Outre  de  nombreux 
articles  de  critique,  écrits  d'un  style  clair,  coulant  et  coupé 
à  la  française,  Enbom  publia  :  Chansons  amoureuses  et 
religieuses  (1794),  où  la  mesure  et  la  rime  sont  rem- 
placées par  le  phébus;  l'Ouvrière,  drame  philanthropique 
(1796);  Pièces  de  vers  (1796,  1799,  1806,  3  fasc.)  ; 
Eloge  du  paysan  (1809).  Il  traduisit  les  Idylles  de  Gessner 
(1794)  et  édita  (1794)  les  Nouvelles  Œuvres  de  Lidner, 
où  il  inséra  deux  pièces  de  sa  composition,  qui  furent 
louées  comme  les  meilleures  du  recueil.  Beàuvois. 

ENCABLURE  (Mar.)  Ancienne  mesure  de  longueur  qui 
tombe  en  désuétude  et  mesurait  exactement  120  brasses  ou 
193  m.  Les  hausses  des  canons  étaient  autrefois  graduées 
en  encablures.  Avec  la  précision  de  tir  des  pièces  modernes , 
cette  mesure  a  disparu.  On  y  a  substitué  la  graduation  en 
centaines  de  mètres,  avec  ses  sous-muhiples.  Ce  mot  enca- 
blure venait  de  la  longueur  qu'avaient  autrefois  les  anciens 
câbles.  Encore  aujourd'hui  les  grosses  cordes  employées  en 
marine,  pour  remorques,  amarrages  à  terre,  mouillage  des 
petites  ancres,  etc.,  sont  confectionnées  par  bouts  d'une 
longueur  de  200  m. 

ENCADREMENT. I.  Beaux-Arts.  —  Art  d'encadrer  un 
tableau,  un  dessin,  une  glace,  et  aussi  bordure  servant 
d'entourage  à  ces  objets.  Les  premiers  cadres  (V.  ce  mot) 
furent  de  bois  sculpté  et  relevaient  plutôt  des  sculpteurs 
que  des  encadreurs  tels  que  nous  les  connaissons  aujour- 
d'hui ;  à  notre  époque,  la  généraUsation  du  goût  des  œuvres 
d'art  a  fait  adopter  pour  l'encadrement  des  tableaux  un 
procédé  plus  rapide  et  moins  coûteux.  C'est  une  bordure 
composée  généralement  de  moulures  dorées  faites  à 
l'avance,  de  profils  et  de  modèles  très  variés,  qu'on  se 
borne  à  couper  et  assembler  dans  les  dimensions  voulues  ; 
les  ornements  en  pâte  qui  décorent  ces  moulures  sont 
ensuite  raccordés  aux  angles.  Si  l'encadrement  des  tableaux 
est  passé  des  mains  de  l'artiste  dans  celles  de  l'ouvrier,  on 
ne  peut  pas  en  dire  autant  de  celui  des  gravures  et  dessins. 
Quoique  la  bordure  extérieure  s'achète  en  fabrique  ainsi 
que  celle  des  tableaux,  les  dimensions  plus  restreintes  des 
œuvres  permettent  l'adjonction  de  nombreux  enjolivements 
où  peut  se  manifester  le  goût  et  l'habileté  de  l'encadreur. 
La  forme  et  la  dimension  des  marges,  les  métaux,  les  riches 
étoffes,  les  émaux,  les  imitations  de  pierreries  même,  con- 
courent à  faire  de  ces  petits  encadrements  de  véritables 
écrins  et  en  font,  à  notre  époque,  un  élément  de  décora- 
tion bien  plus  important  que  les  cadres  relativement  simples 
et  sévères  des  siècles  passés.  Ad.  T. 

IL  Art  militaire  (V.  Cadre). 

ENCADREUR.  Ouvrier  dont  la  profession  est  d'enca- 
drer les  peintures  à  l'huile,  dessins,  estampes,  aqua- 
relles, etc.  (V.  Cadre  et  Encadrement).  A  Paris,  le  métier 
d'encadreur  est  confondu  avec  celui  de  doreur  sur  bois. 
Presque  tous  les  doreurs  font  de  l'encadrement,  et  il  n'y  a 
qu'un  nombre  très  restreint  d'encadreurs  proprement  dits. 
On  peut  comprendre  dans  les  travaux  à  exécuter  par  l'en- 
cadreur le  rentoilage  des  tableaux  (V.  ce  mot).  —  Les 
ateliers  d'encadrement  sont  composés  des  mouleurs,  qui 
préparent  la  pâte  et  l'appliquent  sur  le  cadre  ;  des  repas- 
seurs, qui  retouchent  le  moulage  et  lui  donnent  le  fini,  la 
régularité  et  le  poli  voulus  ;  des  doreurs,  qui  commencent 
par  appliquer  un  vernis  gras  au  jaune  de  chrome,  puis  y 
étendent  des  feuilles  d'or  battu  au  moyen  d'un  large  pin- 
ceau ;  des  brunisseurs,  qui  rendent  certaines  parties  bril- 
lantes, tandis  que  les  autres  restent  mates  ;  enfin  des  enca- 
dreurs. Le  personnel  de  ces  ateliers  est  en  général  peu 
nombreux,  à  l'exception  pourtant  des  maisons  qui  joignent 


à  l'encadrement  la  dorure  de  meubles,  d'appartements,  de 
salles  de  café,  etc.  —  Les  ouvriers  sont  payés  à  l'heure 
(50  à  90  cent.).  Dans  beaucoup  d'ateliers,  les  doreurs  re- 
çoivent 7  fr.  50  par  jour  :  les  repasseurs  7  fr.  et  les  bru- 
nisseurs 5  fr.  Dans  le  bâtiment,  le  prix  de  la  journée  est 
delOfr.  On  compte  à  Paris  de  3,000  à  4,000  ouvriers 
encadreurs. 

ENCAISSE.  I.  Commerce.  —  C'est  le  montant  qui,  à  un 
moment  donné,  se  trouve  dans  les  caisses  d'un  négociant, 
d'une  maison  de  banque,  etc.;  on  y  ajoute  le  plus  souvent 
les  sommes  à  disposition  dans  les  grandes  banques  d'émis- 
sion (Banque  de  France,  Banque  d'Angleterre,  etc.)  ou 
dans  les  banques  de  dépôts,  sommes  qui  sont  en  fait  aussi 
disponibles  que  si  elles  se  trouvaient  réellement  en  caisse. 
L'encaisse  doit  être  suifisante  pour  faire  face  à  toutes  les 
demandes,  mais  en  ne  laissant  qu'une  marge  aussi  réduite 
que  possible,  puisque  les  capitaux  sous  cette  forme  sont 
naturellement  improductifs.  C'est  en  Angleterre,  et  grâce 
à  l'utilisation  rationnelle  des  banques,  que  l'encaisse  se 
trouve  réduite  au  plus  strict  minimum.  Pour  les  banques 
d'émission,  l'encaisse  a  une  importance  bien  plus  grande. 
Pour  certaines  d'entre  elles,  l'encaisse  détermine  le  mon- 
tant des  billets  qu'il  est  possible  d'émettre  ;  en  outre,  cette 
encaisse  doit  quelquefois  être  composée  d'or  et  d'argent 
dans  une  proportion  déterminée  (V.  Emission).  Précisément 
à  cause  de  ces  diverses  circonstances,  l'état  de  l'encaisse 
des  grandes  banques  permet  de  prévoir  les  variations  du 
taux  de  V escompte  (V.  ce  mot)  et  fait  comprendre  l'intérêt 
qui  s'attache  à  la  publication  des  bilans  hebdomadaires. 

II.  Finances  (V.  Banque). 

ENCAISSEMENT.  A  proprement  parler,  l'encaissement 
est  l'action  de  mettre  en  caisse  le  montant  d'une  traite, 
d'une  quittance,  etc.,  qu'on  vient  de  recevoir  ;  mais,  en 
matière  de  banque  et  de  finance,  le  mot  a  une  signification 
moins  étroite  et  devient  presque  synonyme  du  mot  recou- 
vrement. C'est  en  ce  sens  qu'on  dit  qu'un  changeur  se 
charge  de  l'encaissement  des  coupons,  qu'un  banquier  se 
charge  de  l'encaissement  des  effets  de  commerce,  alors 
que  l'un  et  l'autre  sont  quelquefois  obligés  de  les  faire 
présenter  au  payement  par  un  intermédiaire.  Lorsque  les 
valeurs  remises  ainsi  ne  sont  pas  encaissées,  celui  qui  en 
fournit  le  montant  au  préalable  a  un  droit  de  répétition  ; 
s'il  s'agit  d'effets  de  commerce  remis  en  compte  courant,  la 
clause  sauf  encaissement  est  toujours  au  moins  sous- 
entendue,  sauf  convention  expresse,  de  sorte  que  le  mon- 
tant d'un  effet  non  payé  doit  être  porté  en  compte  courant 
au  débit  de  celui  qui  l'a  remis,  et  venir  en  due  compensa- 
tion sur  les  sommes  dont  il  pourrait  être  créditeur  ;  cette 
compensation  est  admise  même  en  matière  de  faillite.  Pour 
éviter  toute  contestation  à  cet  égard,  les  banquiers  ont 
l'habitude  de  stipuler  sur  les  imprimés  qui  servent  à  éta- 
blir les  bordereaux  tout  ce  qui  a  trait  à  la  clause  de  sauf 
encaissement  et  à  ses  conséquences.  G.  F. 

ENCAN  (Vente  à  l')  (V.  Vente). 

ENCANTADA  (Ciudad).  La  cité  enchantée  que  l'on  cher- 
chait au  S.  de  la  République  Argentine  et  qu'on  rechercha 
jusqu'à  la  fin  du  xviii®  siècle. 

ENCARAMADA.  Localité  du  Venezuela,  sur  la  rive 
droite  de  l'Orénoque,  à  15  kil.  en  amont  du  confluent  de 
l'Apure  et  à  318  m.  d'alt.  Là  se  trouvent  des  rochers 
couverts  de  gravures  et  de  figures  hiéroglyphiques  dont  on 
ignore  la  provenance. 

ENCART  (Typogr.  et  reliure).  Carton  simple  ou  double 
qui,  dans  les  feuilles  de  certains  formats  divisibles  par 
cahiers,  se  détache  à  la  pliure  pour  être  intercalé  dans  la 
partie  principale  d'un  cahier. 

ENCARTACIONES.  Territoire  d'Espagne, dans  la  partie 
0.  de  la  province  de  Biscaye  ;  40  kil.  de  longueur  sur  20 
environ  de  largeur.  Il  est  couvert  de  hautes  montagnes 
boisées  et  parsemé  de  ravins  où  coulent  d'innombrables 
rivières;  le  pays,  très  pittoresque,  produit  des  fruits  et 
du  bois,  a  des  mines  de  fer  dont  les  plus  connues  sont 
celles  de  Somorrostro,  et  des  eaux  minérales,  notam- 


ment  celles  de  Carranza.  Les  habitants,  très  laborieux, 
s'adonnent  à  Tagriculture,  au  travail  des  mines,  à  la  navi- 
gation, et  beaucoup  vont  chercher  fortune  dans  l'Amérique 
espagnole  pour  revenir  ensuite  au  pays  natal.  Le  territoire 
de  Encartaciones  comprend  les  dix  vallées  ou  communes 
de  :  Très  concejos  de  Somorrostro,  Cuatro  concejos  de  So- 
morrostro,  Carranza,  Gordejuelas,  Trucios,  Arcentales, 
Giiénes,  Zalla,  Galdàmes,  Sopuerta.  E.  Cât. 

ENCARTEUSE  (Techn.)  (V.  Epingle). 

ENCASTAGE.  Mise  en  cazettes  des  pièces  céramiques 
au  moment  de  leur  mise  au  four  (V.  Cuisson  et  Cazette). 

EN  CASTE  LU  RE  (Art  vétér.).  Affection  des  pieds  du 
cheval  qui  consiste  dans  un  rétrécissement  plus  ou  moins 
accusé  des  talons  et  des  quartiers,  affection  qui  trouve  sa 
cause  dans  la  conformation  même  du  pied  du  cheval,  com- 
posé de  trois  parties  distinctes,  la  paroi,  le  fourchette  et 
la  sole.  La  corne  qui  constitue  le  sabot  est  susceptible  de 
rétractilité,  et  cette  force  de  rétractilité  est  telle  que  rien 
ne  peut  en  arrêter  les  effets  quand  l'ongle  est  privé  des 
parties  qu'il  Fenferme,  tel  le  sabot  qu'on  remplit  de  plâtre 
et  qu'on  consolide  au  moyen  d 'étais  en  fer  placés  dans  son 
intérieur.  La  force  de  rétractilité  est  si  considérable  qu'elle 
courbe  les  étais  et  que  le  sabot  se  rétrécit  malgré  l'obstacle 
mis  à  son  rétrécissement.  Maintenant,  qu'une  cause  quel- 
conque agisse  sur  la  paroi  :  travail  excessif  sur  un  terrain 
brûlant,  structure  défectueuse  de  la  corne,  fourchette  trop 
faible,  mauvaise  ferrure  fatiguant  le  pied  et  y  entretenant  une 
chaleur  anormale,  le  pied  peut  se  rétrécir,  ses  talons  s'éle- 
ver, et  l'encastelure  se  produire.  On  a  accusé  la  ferrure  à 
chaud  de  provoquer  l'encastelure  ;  la  mauvaise  ferrure  sans 
doute,  mais  la  ferrure  à  chaud  rationnellement  appliquée  ne 
cause  pas  plus,  moins  probablement,  d'accidents  de  pied  que 
la  ferrure  à  froid,  qui  a  été  depuis  de  longues  années  à  peu 
près  partout  délaissée.  Diminution  de  la  dimension  normale 
du  pied,  forme  ovalaire  du  sabot,  rétrécissement  brusque 
de  l'ongle  depuis  le  centre  des  quartiers  jusqu'à  l'extrémité 
des  talons,  hauteur  exagérée  de  la  paroi,  en  arrière  sur- 
tout, dureté  et  sécheresse  de  l'ongle,  atrophie  de  la  four- 
chette, difficulté  de  la  locomotion  :  tels  sont  les  signes  de 
l'encastelure.  Comme  moyens  de  traitement,  on  a  employé 
tour  à  tour  le  fer  à  lunettes,  le  fer  en  demi-lune,  le  fer 
à  étampures  unilatérales  de  JamesTurner,  le  fera  planche, 
le  fer  du  professeur  Coleman,  fer  ayant  pour  but,  en  com- 
primant la  fourchette,  de  maintenir  l'écartement  des  talons, 
le  fer  de  de  La  Broue,  de  Ruini,  de  Belleville,  le  désencaste- 
leur  de  Defays,  de  Jarrier.  Tous  ces  procédés  divers,  qui 
tendent  tous  au  même  but:  opérer  l'écartement  des  talons, 
ont  produit,  dans  quelques  circonstances,  des  résultats 
favorables  ;  mais,  dans  d'autres,  tous  ont  également  échoué. 
Tenir  les  pieds  frais  et  gras,  entretenir  la  nourriture  du 
sabot  au  moyen  d'applications  irritantes  à  la  couronne; 
pratiquer  sur  les  quartiers,  en  dedans  comme  en  dehors, 
des  rainures  longitudinales  pour  permettre  la  dilatation 
de  la  muraille,  tels  sont  les  meilleurs  moyens,  joints  à 
une  bonne  ferrure,  de  prévenir  l'encastelure  dans  les 
sabots  prédisposés,  et  d'en  arrêter  les  ravages  dans  ceux 
qui  en  sont  atteints.  L.  Garnier. 

ENCASTREMENT  (Constr.).  Enfoncement  d'une  pièce 
de  construction  dans  une  autre  sans  qu'il  y  ait  possibilité 
de  jeu  (V.  Embrèvement)  :  une  poutre  de  plancher  est 
dite  encastrée  dans  un  mur  quand  une  de  ses  extrémités, 
engagée  dans  ce  mur,  y  est  entourée  de  maçonnerie  de 
tous  côtés.  Les  conditions  d'encastrement  des  poutres  dans 
les  murs  mitoyens  ont  donné  heu,  depuis  plusieurs  siècles, 
à  une  législation  spéciale  :  ainsi  l'art.  90  de  la  Coutume 
de  Paris  (édition  de  4510)  permettait  de  placer  des  poutres 
dans  la  moitié  seulement  de  l'épaisseur  du  mur  mitoyen, 
tandis  que  l'art.  657  du  C.  civ.  permet  de  placer  ces  pou- 
tres dans  toute  l'épaisseur  dudit  mur,  à  deux  pouces 
(0^^^054)  près,  mais  sans  préjudice  du  droit  qu'a  le  voisin 
de  faire  réduire  à  l'ébauchoir  les  poutres  jusqu'à  la  moitié 
du  mur,  dans  le  cas  où  il  voudrait  lui-même  asseoir  des 
poutres  dans  le  même  lieu  ou  y  adosser  une  cheminée.  Il 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.  —  XV. 


993  —  ENCARTACIONES  —  ENCAUSTIQUE 

est  bien  entendu  que  cette  faculté  de  placer  des  poutres 
dans  toute  l'épaisseur  du  mur  mitoyen  à  0"^054  près,  ne 
peut  s'appliquer  qu'aux  poutres  en  bois  qu'il  est  possible 
au  voisin  de  faire  réduire  à  l'ébauchoir,  et  que  les  poutres 
en  fer,  dont  l'usage  était  presque  inconnu  lors  de  la  ré- 
daction du  code  civil,  ne  doivent  pas  être  encastrées  au  delà 
de  la  moitié  de  l'épaisseur  du  mur  mitoyen,  vu  l'impossi- 
bilité de  les  réduire  à  l'ébauchoir.  On  ne  peut  encastrer, 
dans  un  mur  mitoyen,  les  solives  en  bois  d'un  plancher, 
solives  dont  le  nombre  produirait  trop  de  vides  quand  le 
bois  viendrait  à  se  détériorer;  en  revanche,  on  peut  y 
encastrer  des  solives  en  fer,  vu  leur  plus  grand  écartement 
et  leur  incorruptibilité.  Enfin,  il  est  interdit  de  faire  dans 
les  murs  mitoyens  des  tranchées  verticales  pour  y  encastrer 
des  pièces  de  bois  posées  dans  le  sens  de  leur  hauteur  ; 
mais  on  peut  y  faire  de  semblables  tranchées  pour  y  liai- 
sonner  les  murs  aboutissants.  Charles  Lucas. 

BiBL.  :  Socicté  centrale  des  Architectes,  Manuel  des 
lois  du  bâtiment;  Paris,  1879,  t.  I,  in-8,  fig. 

ENCAUSSE.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Garonne,  arr. 
de  Saint-Gaudens,  cant.  d'Aspet,  sur  le  ruisseau  du  Job,  à 
362  m.  d'alt.  ;  540  hab.  Ce  village  s'appelait  autrefois  Codz 
ou  Cotz,  dont  on  a  fait  Encausse,  en  y  joignant  la  parti- 
cule honorifique  E7i.  Les  seigneurs  de  Codz  eurent  de  longs 
démêlés  avec  les  templiers,  puis  les  hospitaliers  de  Mont- 
saunés  pour  la  possession  de  Soueich  ;  les  deux  partis  fini- 
rent par  se  partager  la  seigneurie  de  ce  dernier  village. 
Les  eaux  minérales,  connues  dès  l'antiquité  (on  a  trouve  à 
Encausse  nombre  de  débris  romains),  ont  été  très  fréquentées 
à  la  Renaissance;  il  en  est  parlé  dans  les  œuvres  de  Du 
Bartas  et  dans  le  voyage  de  Chapelle  et  Bachaumont.  Dès 
1619,  on  publiait  un  traité  technique  sur  leur  efficacité.— 
Ruines  du  château  de  Notre-Dame  sur  la  colline  du  Plech; 
grotte  d'Argut.  A.  Molinier. 

Eaux  minérales.  —  Ces  eaux,  hypothermales  (23^  à 
290c.),  sulfatées  calciques  moyennes  (2,1p.  1,000),  azo- 
tées et  carboniques  moyennes,  se  prennent  en  boisson  et  en 
bains;  elles  jouissent  de  propriétés  diurétiques,  laxalives 
et  diaphorétiques,  excitent  l'appétit,  favorisent  la  nutrition, 
rendent  de  grands  services  dans  la  gravelle  hépatique  et 
rénale,  dans  les  affections  utérines  avec  état  subinflam- 
matoire, dans  l'hystérie  et  l'hypocondrie,  enfin  dans  les 
manifestations  consécutives  aux  fièvres  intermittentes. 

ENCAUSSE.  Com.  du  dép.  du  Gers,  arr.  de  Lombez, 
cant.  de  Cologne;  618  hab. 

ENCAUSTIQUE.  L  Technologie.  --  Préparation  à  base 
de  cire,  destinée  à  enduire  les  parquets,  carreaux,  meubles 
ou  tout  autre  objet  qu'on  veut  cirer.  L'encaustique  a  le 
grand  avantage  sur  la  cire  de  s'étendre  facilement  en  une 
couche  mince  et  uniforme.  Nous  donnons  ci-après  les 
principales  recettes  et  formules  employées  dans  l'industrie 
pour  préparer  les  encaustiques  : 

Encaustique  à  l'essence.  Faire  fondre  dans  une  bas- 
sine de  cuivre  500  gr.  de  cire  jaune  que  l'on  porte  ensuite 
presque  à  l'ébullition  ;  on  retire  du  feu  et  l'on  ajoute  peu 
à  peu  en  remuant  sans  cesse  1  kilogr.  d'essence  de  téré- 
benthine préalablement  tiédie.  Pour  avoir  un  encaustique 
rouge,  il  suffit  de  faire  infuser  la  veille  30  gr.  d'orcanète 
dans^  le  kilogr.  d'essence  à  employer,  et  de  filtrer  avant 
de  s'en  servir.  Cette  préparation  s'applique  facilement  à 
l'aide  d'un  tampon  de  laine,  et  est  susceptible,  après  frot- 
tement, d'acquérir  un  beau  brillant,  mais  a  l'inconvénient  de 
sentir  fortement  l'essence. 

Encaustique  à  la  potasse.  Mettre  dans  une  bassine 
de  cuivre  500  gr.  de  cire  jaune  en  morceaux,  1  kilogr. 
d'eau  et  60  gr.  de  carbonate  de  potasse  ;  on  fait  ensuite 
bouillir  en  remuant  sans  cesse  jusqu'à  ce  que  la  masse  soit 
bien  homogène  et  ne  contienne  plus  de  grumeaux  ;  on  re- 
tire du  feu  en  continuant  de  remuer  jusqu'à  entier  refroi- 
dissement. 

Encaustique  liquide.  On  fait  dissoudre  125  gr.  de 
savon  dans  5  litres  d'eau,  on  y  ajoute  500  gr.  de  cire  jaune 
coupée  en  petits  morceaux,  et  l'on  fait  fondre  à  chaud.  On 

63 


ENCAUSTIQUE  -  ENCEINTE 


—  994  — 


met  alors  dans  le  mélange  60  gr.  de  carbonate  de  potasse; 
on  agite  avec  une  spatule,  et  on  laisse  refroidir  en  remuant 
de  temps  à  autre,  afin  que  les  parties  de  densité  différentes 
soient  mélangées  en  une  sorte  d'émulsion  épaisse.  Cette 
composition  peut  recouvrir  une  surface  de  48  à  56  m.  On 
peut  frotter  quinze  à  vingt  heures  après  son  application. 

Encaustique  ou  fommade  de  cire  dure  à  V es- 
sence. Cette  préparation  est  particulièrement  recomman- 
dable.  On  fait  fondre  1  kilogr.  de  cire  jaune  dans  une 
bassine;  on  y  ajoute  120  gr.  de  litharge  en  poudre  et  on 
mélange  intimement  avec  une  spatule.  Lorsque  la  prépara- 
tion a  pris  une  teinte  marron  et  qu'une  goutte  posée  sur 
une  assiette  s'écrase  en  poussière  sous  la  pression  de 
l'ongle,  on  laisse  refroidir.  En  retournant  la  masse  solidifiée 
on  enlève  le  culot  de  litharge  déposé  pendant  le  refroidis- 
sement. Ilsufit  alors  de  dissoudre  500  gr.  de  ce  produit 
dans  1  kilogr.  d'essence  pour  obtenir  un  encaustique  pos- 
sédant après  son  application  l'éclat  et  la  solidité  d'un  bon 
vernis  à  l'alcool  sans  en  présenter  les  inconvénients. 

Encaustique  pour  cuirs  et  gibernes.  Faire  fondre 
400  gr.  de  cire  jaune,  ajouter  400  gr.  d'essence  de  téré- 
benthine, 400  gr.  de  colophane  et  incorporer  après  agita- 
lion  40  gr.  de  noir  animal.  Ch.  Girard. 

II.  Peinture  (V.  Peinture). 

ENCEINTE.  I.  Archéologie  préUistoriquë.  —  Les  crom- 
lechs  (V.  ce  mot)  sont  des  enceintes  de  pierres  plantées  ou 


posées  sur  le  sol,  entourant  habituellement  un  ou  plusieurs 
tombeaux.  On  comprend,  sous  le  nom  d'enceintes  proprement 
dites,  des  monuments  qui  sont  en  certain  nombre  du  même 
genre  que  les  cromlechs,  mais  qui  ont  eu  visiblement  une 
autre  destination.  Ce  sont  pour  la  plupart  des  sortes  de 
camps  retranchés.  Les  uns,  construits  en  terre,  sont  formés 
d'une  terrasse  entourée  de  fossés  qui  domine  une  coUine. 
D'autres  ont  un  entourage  de  pierres  dressées  ou  de  mu- 
railles en  pierres  sèches.  On  rencontre  de  ces  enceintes  en 
particulier  en  Alsace  et  dans  le  midi  de  la  France.  Les 
unes  et  les  autres  appartiennent  à  différentes  époques, 
depuis  l'époque  néolithique  jusqu'à  l'époque  romaine.  Au 
centre  des  Etats-Unis,  pays  de  plaine  où  les  défenses 
naturelles  sont  rares,  les  ouvrages  en  terre,  édifiés  dans 
un  but  défensif,  sont  particulièrement  importants.  Dans 
rOhio,  il  y  a  un  de  ces  ouvrages  qui  consiste  en  un  paral- 
lélogramme renfermant  444  acres  et  en  un  carré  enfer- 
mant 76  acres.  Les  portes  d'entrée  sont  protégées  par 
un  petit  tertre,  et  il  y  a  dans  la  grande  enceinte  plusieurs 
tertres  et  plusieurs  petites  enceintes.  Cet  ouvrage  a  dû 
nécessiter  l'emploi  de  3  millions  de  pieds  cubes  de  terre, 
sans  doute  apportée  dans  des  corbeilles  ou  des  sacs.  Les 
enceintes  placées  au  sommet  de  collines  n'ont  pas  néces- 
sité ces  terrassements.  Elles  consistent  quelquefois  uni- 
quement en  un  cercle  de  pierres  ou  en  une  muraille  édifiée 
à  une  petite  distance  du  sommet.  Il  y  a,  en  outre,  mais 


Porte  et  mur  d'enceinte  de  Faléries. 


uniquement  dans  les  plaines,  de  grandes  enceintes  du  même 
genre  qu'on  a  distinguées,  peut-être  sans  motifs  suffisants, 
sous  le  nom  d'enceintes  sacrées.  Tous  ces  monuments  de 
l'Amérique  du  Nord  sont  fort  anciens  et  probablement  an- 
térieurs aux  Peaux-Rouges.  Zaborowski. 

IL  Architecture.  —  Les  ouvrages  mihtaires  exécutés, 
soit  en  maçonnerie  sèche  ou  reliée  par  du  mortier,  soit  en 
blocs  bruts  ou  en  pierres  d'appareil,  pour  servir  à  la  défense 
des  villes  ou  des  palais,  ont  donné  Heu,  dès  la  plus  haute 
antiquité,  à  des  travaux  d'architecture,  murs,  tours  et 
portes,  souvent  remarquables  par  le  soin  apporté  dans  leur 
construction  et  parfois  aussi  par  les  détails  de  leur  orne- 
mentation. Le  mur  d'enceinte,  percé  d'une  porte  flanquée 
de  deux  pavillons,  qui  précède  encore  de  nos  jours  le  pa- 
lais bâti  à  Medinet-Abou  par  Ramsès  III  ;  les  textes  de  Dio- 
dore  de  Sicile  et  les  fouilles  de  M.  Dieulafoy  nous  font  con- 
naître, pour  l'ancienne  Egypte  et  pour  les  villes  de  Persépolis 
et  de  Suze,  le  développement  pris  par  les  enceintes  fortifiées 
dans  les  anciens  empires  de  l'Orient,  tandis  que  les  élèves 
de  l'Ecole  d'Athènes  et  les  pensionnaires  de  l'Académie  de 
France  à  Rome  ont,  dans  leurs  missions  archéologiques  en 
Italie,  en  Grèce,  en  Macédoine  et  en  Asie  Mineure,  relevé 
nombre  d'enceintes  de  villes  ou  d'acropoles  encore  exis- 
tantes, et  nous  pouvons  voir,  par  l'enceinte  de  Faléries, 
comment  les  anciens  Etrusques,  au  temps  des  premiers 
consuls  romains,  fortifiaient  leurs  villes  avec  une  science 
et  une  sobriété  n'excluant  pas  un  certain  style  et  même 


une  note  d'art.  L'enceinte  de  Faléries  est  construite  en 
grands  blocs,  taillés  en  parallélépipèdes  rectangles,  posés  à 
sec  et  dont  un  grand  nombre,  formant  boutisses,  ont  toute 
l'épaisseur  du  mur.  Une  archivolte,  d'un  style  simple,  orne 
la  porte  dont  l'arc  est  appareillé  en  voussoirs  extradossés 
et  dont  la  clef  est  décorée  d'une  tête  saillante,  sculptée  en 
ronde  bosse,  comme  sur  d'autres  portes  étrusques  de  la 
môme  époque.  Après  les  Etrusques,  les  Romains,  puis  les 
Byzantins  maintinrent  les  traditions  d'architecture  mih- 
taire  des  anciens  jusqu'au  moment  où,  dans  l'Occident,  se 
créa  tout  un  nouveau  système  d'enceintes  fortifiées  pour 
les  villes,  les  abbayes  et  les  châteaux,  système  qui  dura 
jusqu'à  l'invention  de  la  poudre  à  canon  et  au  rôle  prédo- 
minant joué  par  l'artillerie  dans  les  attaques  des  villes  et 
des  places  fortes.  Charles  Lucas. 

m.  Art  militaire.  —  Retranchement  continu  ^établi 
autour  d'une  place  ou  d'une  position  fortifiée.  Dans  l'anti- 
quité et  au  moyen  âge  les  enceintes  des  forteresses  étaient 
constituées  par  de  hautes  murailles  précédées  quelquefois 
d'un  fossé  et  renforcées  de  distance  en  distance  par  des 
tours  en  saillie  rondes  ou  carrées,  sur  lesquelles  les  as- 
siégés installaient  leurs  machines  de  jet.  Ces  tours  avaient 
en  général  un  relief  supérieur  à  celui  des  murailles  qui  les 
réunissaient  et  étaient,  pour  cette  raison,  considérées  comme 
les  points  forts  de  l'enceinte.  Pour  battre  le  pied  des  es- 
carpes, on  se  contenta  d'abord  de  percer  des  meurtrières 
dans  les  flancs  des  tours;  puis,  à  la  suite  des  croisades,  on 


—  995  — 


ENCEINTE  —  ENCENS 


garnit  le  sommet  des  remparts  de  hourds  et  de  mâchi- 
coulis (V.  Créneau).  Yersle milieu  duxv^siècle,  les  progrès 
accomplis  par  l'artillerie  obligèrent  à  modifier  radicalement 
le  profil  et  le  tracé  des  enceintes  ;  on  renonça  à  ces  grands 
reliefs  auxquels  depuis  tant  de  siècles  on  avait  attaché  une 
importance  capitale  ;  on  renforça  les  murailles  en  y  ap- 
puyant des  parapets  en  terre  et,  pour  couvrir  les  escarpes, 
on  les  enfonça  en  creusant  par  devant  un  fossé  profond, 
qui  d'obstacle  accessoire  devint  une  partie  essentielle  de  la 
fortification.  D'autre  part,  les  défenseurs  ne  pouvant  plus 
s'établir  au  sommet  de  l'escarpe  pour  en  surveiller  le  pied, 
il  fallut  recourir  exclusivement  au  flanquement  latéral.  On 
augmenta  donc  la  saillie  et  les  dimensions  des  tours  qui 
prirent  la  forme  de  lunettes  (deux  faces  et  deux  flancs)  et 
le  nom  de  bastions.  A  l'origine,  ces  bastions  étaient  creux 
et  avaient  leurs  flancs  casemates;  mais,  comme  leurs  em- 
brasures livrèrent  plusieurs  fois  passage  aux  assiégeants 
(prise  de  Thion ville  par  Montluc),  on  finit  par  leur  pré- 
férer le  flanquement  à  ciel  ouvert.  C'est  par  cette  dernière 
modification  que  fut  enfin  constitué  le  tracé  bastionné, 
le  seul  qui  assure  un  flanquement  complet  des  fossés  par 
les  crêtes  du  corps  de  place.  Les  premières  enceintes  bas- 
tionnées  sont  l'œuvre  d'ingénieurs  italiens.  A  la  fin  du 
XVI®  siècle,  Errard  introduisit  en  France  le  nouveau  tracé  ; 
Deville  et  Pagan  l'améliorèrent,  et  Vauban  après  eux  le 
consacra  de  l'autorité  de  son  génie.  Jusqu'au  xix®  siècle, 
ce  système  de  fortification  fut  presque  exclusivement  em- 
ployé pour  la  construction  des  forteresses  ;  toutefois,  on  se 
servait  aussi  quelquefois  d'un  autre  tracé  plus  simple,  mais 
moins  perfectionné,  le  tracé  tenaillé,  qui  se  compose  d'une 
série  de  saillants  et  de  rentrants  alternatifs,  chaque  face 
servant  de  flanc  à  la  face  voisine  et  réciproquement. 

A  la  fin  du  xvin®  siècle,  le  marquis  de  Montalembert 
imagina  pour  le  tracé  des  enceintes  un  nouveau  système 
qui  prit  le  nom  de  fortification  polygonale  et  dans  lequel 
le  flanquement  des  fossés  est  obtenu,  non  plus  par  une  bri- 
sure de  l'escarpe,  mais  par  un  ouvrage  casemate,  appelé 
caponnière  et  placé  en  avant  du  corps  de  place,  soit  au  mi- 
lieu, soit  à  une  extrémité  du  front.  Après  1815,  les  Alle- 
mands appliquèrent,  pour  la  construction  de  leurs  forte- 
resses, les  idées  de  Montalembert,  pendant  qu'en  France  on 
restait  fidèle  à  l'ancien  système  bastionné.  Le  général  belge 
Brialmont  devint  l'ardent  champion  du  nouveau  tracé  et 
le  fit  adopter  pour  la  place  d'Anvers.  Jusqu'en  1870  les 
ingénieurs  militaires  restèrent  partagés  en  deux  camps  sys- 
tématiquement attachés  à  l'une  ou  l'autre  des  deux  fortifi- 
cations rivales.  Mais,  depuis  cette  époque,  les  grandes  portées 
obtenues  par  l'artillerie  ayant  obligé  à  entourer  les  places 
fortes  d'une  ceinture  d'ouvrages  détachés,  c'est  sur  cette 
nouvelle  ligne  que  la  défense  a  dû  concentrer  tous  ses 
moyens  d'action.  Ces  nouvelles  conditions  ont  fait  perdre 
aux  enceintes  une  grande  partie  de  leur  importance  ;  quelques 
militaires  en  ont  même  contesté  l'utilité.  La  plupart  des 
places  fortes  modernes  possèdent  néanmoins  en  arrière  de 
la  ligne  des  forts  un  noyau  central  entouré  d'une  enceinte 
continue  ;  toutefois  on  admet  qu'il  suffit  de  mettre  cette 
dernière  à  l'abri  d'une  attaque  de  vive  force,  et  on  lui 
donne,  en  conséquence,  une  organisation  des  plus  simples 
pour  laquelle  les  procédés  de  flanquement  sont  empruntés 
indifféremment  au  système  bastionné  ou  au  système  poly- 
gonal. 

BiDL.  :  Architecture.  —  J.  Gailhabaud,  Monuments 
anciens  et  modernes;  Paris,  1850, 1. 1,  in-4,  pi. 

EN  CE  LAD  E.  Un  des  géants,  fils  du  Tartare  et  de  la 
Terre.  Dans  la  lutte  contre  les  dieux,  il  succombe  ou  frappé 
par  la  foudre  de  Zeus  ou  sous  les  coups  d'Athéna,  munie 
de  l'égide.  D'autres  le  montrent  écrasé  sous  la  Sicile  que 
la  déesse  jette  sur  lui  ;  Virgile  le  relègue  au  fond  de  l'Etna, 
où  ses  mouvements  produisent  les  tremblements  de  terre, 
tandis  que  son  souffle  lance  les  flammes  par  le  cratère. 

ENCENS.  L  Pharmacie.  — Vencens  ou  oliban  est  une 
gomme-résine  fournie  par  plusieurs  espèces  de  Boswellia 
(Térébinthacées),  qui  croissent  dans  les  parties  chaudes  et 


arides  de  l'Afrique  orientale ,  notamment  le  côté  S.  de 
l'Arabie.  Son  emploi  comme  aromate  remonte  à  la  plus 
haute  antiquité,  comme  le  prouvent  les  nombreuses  allusions 
faites  à  l'encens  dans  les  écrits  mosaïques  de  la  Bible,  ainsi 
que  les  détails  donnés  par  Théophraste.  Plutarque  rapporte 
qu'Alexandre  le  Grand  trouva  dans  Gaza  cinq  cents  talents 
d'oliban  qu'il  envoya  en  Macédoine  comme  une  matière 
précieuse.  Suivant  Carter,  la  gomme-résine  s'obtient  en  fai- 
sant des  incisions  longitudinales  dans  l'écorce  des  Boswellia; 
il  s'écoule  un  liquide  laiteux,  qui  se  concrète  peu  à  peu  à 
l'air,  avant  d^être  récolté  par  les  Somalis.  L'encens  est 
généralement  en  lames  isolées,  plus  ou  moins  globuleuses, 
parfois  agglutinées,  d'une  teinte  légèrement  jaunâtre.  Il  se 
ramollit  dans  la  bouche,  en  développant  une  saveur  téré- 
benthineuse,  non  désagréable  ;  son  odeur,  qui  est  agréable 
et  aromatique,  ne  se  développe  bien  qu'à  chaud.  Vers  100^ 
il  se  ramollit  sans  entrer  en  fusion  ;  à  une  température 
plus  élevée,  il  se  décompose,  émet  des  vapeurs  aromatiques, 
dernière  propriété  qui  le  fait  employer  dans  les  églises  du 
culte  grec  et  catholique.  Il  est  formé  de  28  à  35  %  d'une 
matière  gommeuse,  analogue  ou  identique  avec  la  gomme 
arabique  (Hambury)  ;  le  reste  est  constitué  par  une 
matière  résineuse,  soluble  dans  l'alcool,  insoluble  dans 
les  alcalis  et  à  laquelle  Hlasiwetz  attribue  la  formule 
(^8ojj[30()i2^  Il  existe,  en  outre,  dans  l'encens  une  petite 
quantité  d'huile  essentielle  (5  <*/o),  qui  n'est  autre  chose 
qu'un  térébenthène,  G'^*^H^^,  bouillant  à  158^  et  possédant 
une  odeur  agréable  (Braconnot). 

Dans  le  commerce  on  connaît  deux  sortes  d'encens  :  ïeri^ 
cens  de  F  Inde,  formé  de  larmes  choisies,  jaune  pâle,  demi- 
transparentes  ;  Veîîcens  d'Afrique,  moins  estimé  que  le  pré- 
cédent ,  se  présente  en  fragment  jaunes  opaques.  On  le 
falsifie  au  moyen  d'un  certain  nombre  de  résines,  du  ben- 
join particuHèrement.  L'encens  est  aujourd'hui  peu  employé 
comme  médicament.  Il  fait  partie  de  quelques  préparations 
galéniques,  comme  les  pilules  de  cynoglosse,  la  thériaque, 
l'emplâtre  de  Vigo,  l'emplâtre  céroène,  etc.  Ed.  Bourgoin. 

Encens  de  Java  (V.  Benjoin). 

II.  Liturgie.  —  La  fumée  de  l'encens  montant  vers  le 
ciel  paraît  avoir  été  considérée,  dès  une  haute  antiquité, 
comme  le  symbole  du  vœu  que  l'homme  porte  en  son  cœur, 
lorsqu'il  rend  un  culte  à  la  divinité  :  «  Que  ma  requête 
monte  vers  toi  comme  le  parfum,  et  l'élévation  de  mes  mains 
comme  l'oblation  du  soir  {Psaumes,  CLI,  2).  Le  livre  de 
VExode  prescrit  la  manière  de  compo'ser  le  parfum  qui 
doit  être  brûlé  dans  le  tabernacle  et  défend  sévèrement  de 
l'employer  à  un  usage  profane  (XXX,  34-37).  Les  prêtres 
brûlaient  l'encens  sur  l'autel  des  holocaustes  et  sur  l'au- 
tel des  parfums  (I  Chroniques,  VI,  49).  Les  païens  brû- 
laient aussi  de  l'encens  dans  leurs  temples  et  devant  les 
statues  de  leurs  dieux.  Jeter  des  grains  d'encens  dans  le 
foyer  d^un  autel  était,  suivant  eux,  un  acte  de  religion. 
Quand  un  chrétien  consentait  à  le  faire,  on  tenait  cette 
action  comme  un  signe  d'apostasie.  C'est  pourquoi  les  apolo- 
gistes des  quatre  premiers  siècles,  Athénagoras,  Clément 
d'Alexandrie,  Tertullien,  Arnobe  déclarent  que  les  chré- 
tiens ne  brûlent  point  d'encens  pour  leur  culte.  Mais  ils 
faisaient  un  grand  usage  de  substances  aromatiques  pour 
les  ensevelissements  (Tertullien,  Apologia,  XLII)  ;  ils  sem- 
blent même  les  avoir  employées  pour  chasser  les  mauvaises 
odeurs  de  leurs  assemblées  (Tertullien,  De  Corona  mili- 
tari, X).  La  Liturgie  de  saint  Clément,  qui  est  généra- 
lement considérée  comme  représentant  les  olTices  du  iv®  siècle, 
n'indique  aucun  encensement.  La  première  mention  du  fait, 
comme  rite  ecclésiastique,  se  trouve  dans  le  traité  deDenys 
VAréopagite  (V.  ce  nom),  De  Hierarchia  ecclesiastica 
(III,  sect.  2  et  3).  Depuis  lors,  les  encensements  se  sont 
multipliés  de  siècle  en  siècle  dans  les  églises  catholiques 
et  sont  devenus  les  objets  de  prescriptions  liturgiques  mi- 
nutieuses. On  encense  l'autel,  la  croix,  les  images,  le  livre 
des  Evangiles,  les  offrandes,  les  reliques  des  saints,  les 
morts,  les  tombeaux,  les  fidèles  eux-mêmes  et  tout  parti- 
culièrement les  évêques,  les  prêtres,  les  princes,  les  magis- 


ENCENS  -  ENCEPHALE 


996  - 


trats  et  les  autres  personnes  de  distinction.  Des  significa- 
tions allégoriques  plus  ou  moins  ingénieuses  ont  été  attri- 
buées à  chacune  de  ces  pratiques.  —  Comme  la  plupart 
des  mires  droits  honorifiques  (V.  ce  mot),  l'encensement 
se  réglait  sur  l'usage  et  la  possession.  Par  arrêt  du  28  juin 
4676,  il  fut  ordonné  que  le  curé  de  Tallemoi,  étant  sur 
les  marches  de  l'autel,  serait  tenu  de  se  tourner  du  côté 
de  la  chapelle  du  seigneur,  de  l'encenser  lui  et  sa  femme, 
chacun  une  fois  séparément  (d'autres  arrêts  disent  trois 
fois),  ensuite  leurs  enfants  une  fois  pour  eux  tous.  A 
vêpres,  au  chant  du  Magnificat,  après  les  encensements 
ordinaires,  il  devait  se  rendre  à  la  chapelle  du  seigneur  et 
l'encenser  lui  et  sa  femme  chacun  une  fois,  et  leurs  enfants 
une  fois,  en  quelque  nombre  qu'ils  fussent  (Mémoires  du 
Clergé,  t.  Xll,  pp.  343-363).  E.-H.  Vollet. 

ENCENSOIR  (ArchéoL).  L'usage  de  l'encensoir  remonte 
aux  premiers  temps  du  christianisme  qui  l'avait  emprunté 
aux  cultes  orientaux.  Il  se  compose  d'un  récipient  ovoïde 
dans  lequel  on  met  des  charbons  ardents  destinés  à  brûler 
l'encens  que  l'on  y  répand;  au-dessus  vient  s'adapter  un 
second  récipient  ajouré  pour  donner  passage  à  la  fumée.  Il 
est  suspendu  à  plusieurs  chaînes  se  réunissant  à  une  boucle 


Encensoir  en  cui\rc  fondu  ci  doré  (lin  du  xii^  siècle). 

que  le  thuriféraire  tient  à  la  main.  Les  plus  anciennes 
représentations  d'encensoirs  que  l'on  connaisse  sont  tirées 
des  bas-reliefs  et  des  sculptures  des  églises  du  xi^  siècle. 
Ce  n'est  qu'au  siècle  suivant  que  l'on  peut  attribuer  les 
beaux  spécimens  qui  sont  conservés  dans  les  trésors  des 
cathédrales  de  Trêves  et  de  Lille,  pièces  liturgiques  qui 
ont  été  souvent  reproduites  par  nos  fabricants  de  vases 
sacrés.  Celui  de  Lille  représente  :  Ananias,  Misaël  et  Aza- 
rias  sauvés  de  la  fournaise  par  l'ange  du  Seigneur.  Ces 
deux  précieux  ustensiles  sont  des  chefs-d'œuvre  de  l'art 
roman,  si  original  dans  ses  formes  et  si  varié  dans  son 
ornementation.  A  partir  du  xiii^  siècle,  les  encensoirs  reçu- 
rent invariablement  la  forme  d'édifices  à  fenêtres  et  à  tou- 
relles plus  ou  moins  simples,  en  métal  repercé  à  jour,  dont 
le  travail  et  la  matière  variaient  suivant  les  ressources  des 
établissements  religieux.  Cette  tradition  religieuse  se  per- 
dit à  l'époque  de  la  Renaissance,  et  l'on  vit  des  encensoirs 
répéter  les  dispositions  des  édifices  antiques  et  les  portiques 
à  arabesques  des  palais  italiens.  Vers  la  même  date  l'Es- 


pagne fabriquait  des  encensoirs  d'une  grande  richesse  dont 
les  proportions  architecturales  réunissaient  tout  à  la  fois 
les  ogives. du  moyen  âge  et  les  ornements  du  nouveau  style. 
Les  dessinateurs  Meissonnier  et  les  frères  Slodtz  compo- 
sèrent, sous  le  règne  de  Louis  XV,  des  encensoirs  dans  le 
goût  rocaille,  qui  furent  exécutés  par  les  orfèvres  Ger- 
main et  par  les  fabricants  contemporains.  La  Révolution  a 
amené  la  destruction  de  toutes  ces  pièces  conçues  en  dehors 
de  toute  tradition  liturgique  et  dans  lesquelles  étaient  oubliées 
les  règles  fondamentales  de  la  destination  des  objets  ;  mais 
les  gravures  qui  nous  en  restent  en  font  saisir  l'exécution 
gracieuse  et  originale.  Après  avoir  été  longtemps  réduite  à 
n'être  qu'une  industrie  grossière,  la  fabrication  des  encen- 
soirs a  tiré  profit  des  études  historiques  qui  ont  remis  en 
honneur  le  moyen  âge  et  les  arts  qu'il  cultivait.  Nos  sacris- 
ties actuelles  possèdent  toutes  des  encensoirs  qui  sont  imités 
des  meilleurs  modèles  que  nous  aient  laissés  les  anciens 
maîtres  orfèvres.  A.  de  Champeaux. 

BiBL.  :  DiDRON,  les  Annales  archéologiques.  —  L'abbé 
]^OTTiER,  Etude  sur  les  Encensoirs  —  L'abbé  Barraud, 
les  Encensoirs.  —  Rohaut  de  Fleury,  la  Messe. 

ENCEPHALARTOS  (Encephalartos  Lehm,).  I.  Bota- 
nique.— Genre  de  Cycadacées,  dont  on  connaît  une  douzaine 
d'espèces  de  l'Afrique  tropicale  et  australe.  Ce  sont  des  arbres 
dioïques  à  tronc  cylindrique,  quelquefois  renflé  au  milieu 
et  couvert  des  bases  persistantes  des  feuilles  tombées.  Leur 
tissu  médullaire  renferme  une  grande  quantité  de  fécule, 
qui  est  utilisée  comme  alimentaire.  VE.  caffer  Lehm.  et 
VE.  Altcnsteînii  Lehm.  sont  cultivés  en  Europe  dans  les 
serres  tempérées.  Ed.  Lef. 

IL  Paléontologie.  —  On  rencontre  plusieurs  espèces 
d'Encephalartos  dans  les  terrains  tertiaires,  entre  autres 
VE.  longifolius  Lehm. ,  VE.  Lehmanni  Eckl.  et  VE. 
Gorceixianus  Sap.  Ce  dernier,  trouvé  parGorceix  dans  le 
dépôt  miocène  de  Koumi  (Eubée),  constitue  la  Cycadacée  la 
plus  septentrionale  trouvée  en  Europe.  Il  est  donc  certain 
que  les  Encephalartos,  refoulés  aujourd'hui  dans  le  S.  de 
l'Afrique,  faisaient  partie  de  la  flore  européenne  à  l'époque 
tertiaire.  -  D^L.  Un. 

III.  Horticulture.  —  La  culture  de  ces  arbres  ne 
peut  être  essayée  que  sous  le  climat  de  l'oranger.  Ailleurs 
il  faut  les  placer  en  serre  chaude  ou  tempérée  tout  en  les 
éclairant  et  aérant  largement.  Cette  condition  essentielle 
assurée ,  ils  s'élèvent  aisément  en  caisses  remplies  de 
terre  franche  substantielle,  bien  drainée,  qu'il  suffit  de 
maintenir  fraîche.  Pendant  la  saison  de  repos  on  diminue 
les  arrosages  et  on  abaisse  la  température  de  la  serre.  On 
les  multiplie  quelquefois  de  graine,  mais  la  multiplication 
se  fait  surtout  par  le  bouturage  des  œilletons  ou  bourgeons 
nés  sur  la  tige.  On  réussit  encore,  en  plantant  dans  une 
terre  tiède  et  humide  des  rondelles  de  la  tige,  à  faire  déve- 
lopper les  bourgeons  rudimentaires  que  portent  ces  ron- 
delles et  à  obtenir  ainsi  de  nouveaux  sujets.         G.  B. 

ENCÉPHALE.  I.  Anatomœ.  —  Chez  tous  les  verté- 
brés, sauf  chez  l'amphioxus,  l'extrémité  antérieure  renflée 
du  tube  médullaire  de  l'embryon  contenu  dans  la  cavité 
crânienne,  dont  le  développement  est  corrélatif  du  sien, 
subit  d'intéressantes  modifications.  Deux  sillons  circulaires 
qui  l'étreignent,  la  divisent  d'avant  en  arrière  en  trois  vési- 
cules, dites  primitives,  qui  prennent  les  noms  de  cerveau 
antérieur,  de  cerveau  moyen  et  de  cerveau  postérieur.  Cette 
division  opérée,  il  s'en  produit  une  autre  qui  affecte  le 
cerveau  antérieur  et  le  cerveau  postérieur.  Le  cerveau 
antérieur  donne  ainsi  naissance  à  deux  vésicules  symé- 
triques et  symétriquement  placées,  les  futurs  hémisphères 
cérébraux,  qui  se  distinguent  du  cerveau  intermédiaire  ou 
région  du  troisième  ventricule. 

Aux  dépens  du  cerveau  postérieur  se  forment  le  cer- 
velet, la  région  du  quatrième  ventricule  et  la  moelle 
allongée.  Les  parois  de  ces  divers  renflements  en  même 
temps  s'épaississent  en  certains  de  leurs  points,  constituant 
ainsi  les  corps  striés,  les  couches  optiques  et  les  tuber- 
cules  quadrijumeaux,  tandis   que,  de   leur   surface,   se 


—  997  — 


ENCEPHALE 


Fig.  1.  —  Schéma  des 
ventricules.  —  vh,  vé- 
sicule iiémisphérique; 
sv,  ventricule  latéral; 
z/i,  cerveau  intermé- 
diaire ;  em,  trou  de 
Monro  ;  m/i,  cerveau 
moyen;  hl,  troisième 
ventricule;  aq,  aque- 
duc de  Sylvius;  hh, 
cerveau  postérieur; 
n/i,  arrière  -  cerveau  ; 
iv,  quatrième  ventri- 
cule ;  Ce,  canal  de 
répendyme;  ?%  moelle 
épmière. 


détachent  des  appendices,  des  prolongements,  les  uns  pairs 
et  symétriquement  placés,  les  nerfs  optiques  et  leurs 
aboutissants  (les  rétines) ,  les  lobes  olfactifs,  les  nerfs  crâ- 
niens, les  autres  symétriques  et 
médians  tels  que  la  glande  pinéale 
et  l'hypophyse  cérébrale.  A  cet 
état  de  développement  rudimen- 
taire  et  de  différenciation  de  ses 
différents  éléments,  l'encéphale 
représente  encore  une  sorte  de 
tube  sensiblement  rectiligne  et 
symétrique,  dont  la  cavité  est 
quelque  peu  sinueuse  (la  fig.  1 
en  donne  bien  l'idée)  et  dont  on 
reconnaît  la  continuité  avec  le 
canal  de  l'épendyme.  A  quelques 
variantes  près,  constituées  par 
la  prépondérance  du  développe- 
ment (par  exemple  les  lobes 
optiques  des  oiseaux,  les  lobes 
olfactifs)  de  certaines  parties 
n'altérant  pas  sensiblement  les 
principaux  traits  du  schéma  mor- 
phologique que  nous  venons 
d'esquisser,  l'encéphale  ne  subit 
guère  de  modifications  dans  la 
série  animale  avant  que  l'on 
n'arrive  aux  vertébrés  supé- 
rieurs. La  symétrie  par  rapport 
au  plan  médian  antéro-postérieur 
du  corps  constitue  le  caractère 
le  plus  essentiel  de  la  struc- 
ture de  l'encéphale  (fig.   3  et  6). 

Chez  les  animaux  supérieurs  se  manifeste  une  tendance 
à  la  concentration  d'autant  plus  accusée  que  l'intelligence 
de  l'être  augmente  davantage.  L'extrémité  céphalique  du 
tube  nerveux  de  Tembryon 
subit  une  doubleinflexion  con- 
temporaine de  la  coudure  de 
la  capsule  crânienne,  néces- 
sitée par  l'augmentation  du 
volume  de  certaines  de  ses 
parties  et  déterminée  par  les 
diverses  connexions  de  celles- 
ci.  Le  tube  nerveux  décrit 
ainsi  une  sorte  de  S  majus- 
cule bien  représentée  par  la 
fig.  2.  Les  vésicules  hémis- 
phériques se  développant  alors 
recouvrent  de  plus  en  plus 
les  parties  situées  en  arrière 
d'elles,  pendant  que  la  cavité 
primitive  se  rétrécit  de  plus 
en  plus.  L'attitude  bipède 
étant  réalisée  chez  l'homme, 
elles  recouvrent  même  Tar- 
rière-cerveau  (cervelet);  leurs 
parois  externes  s'étant  épais- 
sies au  point  de  représenter 
la  plus  grande  partie  de  la 
masse  totale  de  l'encéphale, 
il  se  dessine  à  leur  sur- 
face, par  suite  d'un  plisse- 
ment régulier  et  nécessaire,  des  anfractuosités  et  des  plis 
(V.  Circonvolution).  Les  connexions  des  diverses  par- 
ties de  l'encéphale  entre  elles,  que  nous  ferons  connaître 
avec  soin  et  en  détail,  en  décrivant  les  dispositions  géné- 
rales du  système  nerveux,  sont  d'abord  très  simples  et 
peu  développées  dans  le  sens  transversal.  Dans  de  pré- 
cédents articles,  nous  avons  décrit  le  cerveau  et  ses  cir- 
convolutions, le  cervelet,  le  bulbe  rachidien.  A  ces  parties, 
viennent  s'ajouter  des  commissures  transversales  ;  la  com- 
missure antérieure,  le  corps  calleux  (V.  Cerveau),  la  pro- 


Fig.  2.  —  Flexion  crânienne 
de  Tembryon  des  mam- 
mifères. —  d/i,  cerveau 
antérieur;  zh,  cerveau 
intermédiaire  ;  s5,  cou- 
dure  encéphali(|ue;  mh^ 
cerveau  moyen;  h/i,  cer- 
veau postérieur;  nh,  ar- 
riére-cerveau ;  n5,  cou- 
dure  de  la  nu(iue;  bb, 
coudure  antérieure  cor- 
respondant au  pont  de 
Varole. 


FM 


tubérance  annulaire  ou  pont  de  Varole,  qui  joint  les  deux 
moitiés  du  cervelet  l'une  avec  l'autre,  en  passant  en  avant 
des  faisceaux  fibreux  résidant  du  bulbe  au  cerveau  et 
qui,  au-dessus  de  lui,  prennent  le  nom  de  pédoncules 
cérébraux  (V.  ce  mot).  Les  pédoncules  cérébelleux  supé- 
rieurs unissent  le  cerveau  au  cervelet,  qui  lui-même  se 
rattache  à  la  moelle  par  l'intermédiaire  des  pédonculse 
cérébelleux  inférieurs.  Les 
fig.  5  et  6  donnent  une 
bonne  idée  delà  disposition 
et  de  la  configuration  de 
l'encéphale  et  de  ses  par- 
ties constituantes.  Les  nerfs 
que  l'on  voit  naître  à  la 
base  de  l'Encéphale  seront 
décrits  ultérieurement  sous 
le  nom  de  nerfs  crâniens. 
L'encéphale  humain  est 
pourvu  d'un  réseau  vas- 
culaire  très  riche.  Les  ar- 
tères vertébrales  s'unis- 
sent pour  former  le  tronc 
basilaire,  qui  commence  au 
bord  inférieur  de  la  protu- 
bérance annulaire,  dont  il 
suit  la  face  antérieure  sur 
la  ligne  médiane.  Après 
avoir  fourni  de  chaque 
côté  les  artères  cérébel- 
leuses inférieure  et  anté- 
rieure et  supérieure,  il  se 
divise  au  niveau  de  l'origine  des  pédoncules  cérébraux  en 
deux  artères  cérébrales  postérieures  s'infléchissant  en 
dehors.  Ces  dernières  sont  reliées  par  les  communicantes 
postérieures  aux  artères  cérébrales  antérieures,  branches  de 
la  carotide  interne,  ainsi  que  les  artères  cérébrales  moyennes 


Fitr.  3,  —  Section  diagram- 
matique  horizontale,  (Les 
lettres  ont  la  même  signi- 
fication que  dans  la  lig.  4). 


//j;jp     ThE\     Jltl 


Vin 


m  VL 


Fig-  4.  —  Encéphale  d'un  vertébré,  section  longitudinale 
et  verticale.  —  Mb,  cerveau  moyen;  Hmp^  vésicules 
hémisphéri(|ues;  Olf,  lobes  olfactifs;  CS,  corps  striés; 
FAf,  trou  de  Monro  ;  Th,  couches  opti({ues  ou  thala- 
mencéphale  ;  CQ^  corps  ou  tubercules  ([uadrijumeaux  ; 
Cb,  cervelet;  CC^  pédoncules  cérébraux;  PV,  pont  de 
Varole  ;  MO,  moelle  allongée  ;  Pn,  glande  pinéale  ;  Pt/, 
corps  pituitaire;  /,  nerfs  olfactifs;  II,  nerfs  optii^ues; 
I//,  lieux  de  sortie  des  nerfs  moteurs  oculaires  com- 
muns; i,  ventricule  olfactique;  2,  ventricule  latéral;  5, 
troisième  ventricule;  4,  (juatrieme  ventricule. 

qui  cheminent  au  fond  de  la  scissure  de  Sylvius.  Les  céré- 
brales antérieures  elles-mêmes  sont  solidarisées  par  l'inter- 
médiaire de  la  communicante  antérieure,  transversalement 
étendue  de  l'une  à  l'autre.  Ainsi  se  trouve  constitué  l'hepta- 
gone artériel  de  Willis.  Les  artères  des  corps  optostriés  pro- 
viennent des  cérébrales  antérieures  ;  leur  disposition  et  leur 
mode  de  ramification  ont  été  bien  étudiés  par  le  D*^  Daret. 
Les  diverses  parties  de  l'encéphale  sont  fixées  en  place 
par  des  replis  fibreux  fournis  par  la  dure-mère,  l'un  ver- 
tical, antéro-postérieur  et  médian,  séparant  les  faces  internes 
des  deux  hémisphères  jusqu'au  niveau  du  corps  calleux  ; 
le  second,  horizontal  et  perpendiculaire  au  premier,  la  tente 
du  cervelet,  isolant  la  face  supérieure  de  cet  organe  des 
lobes  occipitaux  du  cerveau.  Ces  dispositions  seront  étudiées 
avec  plus  de  détails  avec  les  méninges,  ces  enveloppes  de 
l'encépbale,  analogues  aux  enveloppes  de  la  moelle,  dont 
elles  sont  la  continuation.  Ce  sera  également  le  lieu  de 


ENCÉPHALE  -  ENCHANTEMENT 


—  998 


traiter  de  la  circulation  veineuse  de  l'encéphale  et  du 
liquide  céphalo-rachidien. 


CJi 


.4 
Cm 


Fiii.  5.  — Pr, protubérance; P.cé, pédoncule  cérébral;  U,co^ 
nerf  moteur  oculaire  commun;  T.ma^  tubercule  mamil- 
] aire;  G. pi,  glande  pituitaire  ;  iV.  op^  nerf  ojjtique;  2,  ï)e- 
doncules  postérieurs  de  la  glande  pinéale;  Ca,  commis- 
sure antérieure  ;  4,  trou  de  Monro  ;  C.  ir,  cloison  trans- 
parente; Tr^  trigone  cérébral;  C.  Ca,  corps  calleux;  5, 
circonvolution  du  corps  calleux;  Co,  couche  optique; 
Cm.  commissure  molle  ;  5,  pédoncule  antérieur  de  la 
glande  pinéale;  G.vU  glande  pinéale;  Tg ,  tubercule 
quadrijumeau;  A.Sy,  acqueduc  de  Sylvius  ;  Y,vï,  val- 
vule de  Vieussens;  Eu,  Bulbe. 

On  a  recherché  les  indications  qui  pouvaient  être  tirées 
de  l'étude  du  poids  de  l'encéphale,  sans  grand  succès,  pour 
diverses  raisons.  L'étude 
de  la  capacité  crânienne, 
représentant  le  volume 
de  l'encéphale,  plus  facile 
à  manier,  est  devenue 
plus  fructueuse  parce 
qu'elle  a  pu  s'exercer  sur 
de  nombreuses  séries, 
tout  en  laissant  encore 
prise  à  l'erreur.  Variable 
suivant  le  développement 
de  l'intelligence,  le  poids 
et  le  volume  du  corps,  le 
sexe,  l'âge  et  surtout  sui- 
vant la  race,  la  capacité 
crânienne  paraît  ne  pou- 
voir franchir  le  maximum 
de  1,800  centim.  c.  sans 
anomalie.  Mais  ce  serait 
empiéter  sur  le  domaine 
de  l'anthropologie  ana- 
tomique  et  de  l'ethnolo- 
gie que  d'entrer  dans  les 
détails  de  cette  ques- 
tion.        D**  G.  KUHFF. 

II.  Physiologie.  — 
L'encéphale  est  le  centre 
d'innervation  du  corps 
tout  entier,  et  c'est  lui 
qui  préside  à  toute  acti- 
vité d'ordre  nerveux  et 

d'ordre  psychique.  Aux  art.  Cerveau,  Cervelet,  Bulbe,  les 
fonctions  spéciales  de  ces  organes  ont  été  énumérées  en  détail  : 
ici,  il  suffira  d'une  vue  d'ensemble.  L'encéphale  préside 
d'abord  à  toute  la  vie  mentale  des  organismes.  Sans  lui,  point 
de  pensée  ou  d'inteUigence,  telles  que  nous  les  connaissons 
chez  l'homme  et  les  animaux  supérieurs.  C'est  évidemment 
dans  le  cerveau  proprement  dit,  les  circonvolutions,  que  s'éla- 
borent celles-ci,  bien  qu'assurément  le  fonctionnement  har- 
monieux et  l'intégrité  des  autres  parties  de  l'encéphale 
soient  nécessaires   à  leur  production  normale;  sans  ce 


fonctionnement  et  sans  cette  intégrité  il  manque  un  certain 
nombre  des  éléments  qui  sont  à  la  base  de  FinteUigence;  il 
lui  manque  telle  ou  telle  donnée,  et  par  suite  toute  l'intel- 
ligence est  troublée.  En  second  lieu,  c'est  à  l'encéphale 
qu'aboutit  toute  vibration  nerveuse  née  à  la  périphérie. 
Là  se  fait  la  sensation  et  la  perception.  Ces  vibrations 
peuvent  ne  pas  arriver  toutes  dans  le  domaine  de  la 
conscience  et  néanmoins  déterminer  des  effets  parfaite- 
ment nets  :  les  vibrations  de  ce  genre  s'arrêtent,  pour 
ainsi  dire,  dans  des  centres  inférieurs,  comme  le  bulbe  ou 
la  protubérance,  et  déterminent  des  réflexes.  Cela  a  lieu 
par  exemple,  pour  certaines  vibrations  d'origine  pulmonaire, 
ou  digestive,  ou  circulatoire,  et  le  bulbe  et  la  protubé- 
rance^ voire  même  le  cervelet  et  le  cerveau,  contiennent  de 
ces  centres  réflexes  en  grand  nombre.  D'autres  vibrations, 
qui  déterminent  des  sensations,  passent  plus  haut,  dans  le 
cerveau,  où  elles  sont  perçues,  tout  en  pouvant  agir  sur 
des  centres  réflexes  aussi.  C'est  ainsi  que  les  sensations 
visuelles  sont  le  résultat  de  modifications  dans  des  organes 
nerveux  très  variés,  comme  les  tubercules  quadrijumeaux, 
les  couches  optiques  et  l'écorce  des  hémisphères.  Les 
centres  les  plus  élevés  sont  les  centres  sensitifs  de  l'écorce; 
ce  semble  être  dans  ces  points  que  se  fait  la  sensation, 
soit-elle  spéciale,  comme  celle  de  l'odorat  ou  du  goût,  ou 
générale  comme  celle  du  toucher,  du  sens  thermique,  etc. 
L'encéphale  préside  en  troisième  lieu  à  la  production  des 
vibrations  nerveuses  qui  se  traduisent  par  des  mou- 
vements, généraux  ou  particuliers,  réflexes  ou  volontaires, 
conscients  ou  inconscients.  Mouvements  des  membres 
ou  mouvements  phonateurs,  mouvements  expressifs  ou 
mouvements  inconscients  d'équilibre,  tout  cela  a  son  ori- 
gine dans  l'encéphale,  les  uns  dans  l'écorce    cérébrale 

(mouvements  volontai- 
res), les  autres  dans  le 
cervelet,  le  bulbe  ou  la 
protubérance  (mouve- 
ments des  organes  non 
soumis  à  la  volonté, coor- 
dination des  mouvements 
volontaires,  etc.).  Enfin 
Tencéphale  préside  dans 
une  mesure  encore  peu 
connue  à  la  nutrition,  au 
métabolisme  des  tissus  et 
organes,  et  aux  phéno- 
mènes qui  constituent  leur 
vie  propre.  Pour  détails, 
V.  Cerveau,  Cervelet, 
Bulre,  Protubérance. 

ENCÉPHALITE  (Méd.) 
(V.  Cerveau,  t.  X, 
p.  418). 

ENCÉPHALOGÈLE 
(V.  Anencéphaliê). 

ENCEPHALOGRAPHA 
(Bot*)*  Genre  de  Lichens 
Ascosporés ,  ^ymnocar- 
pes,  à  thalle  hétéromère, 
crustacé,  à  asques  petits, 
contenant  huit  spores, 
avec  des  paraphyses  gra- 
nuleuses, mucilagineuses, 
peu  visibles.  La  lamepro- 
ligère  est  mince,  subcylindrique  et  l'excipule  propre  est 
noir,  charbonneux.  H.  F. 

ENCHANTEMENT.  Effet  mystérieux  produit  par  cer- 
taines paroles  chantées  ou  simplement  prononcées,  avec  ou 
sans  accompagnement  de  rites  accessoires.  La  foi  en  cet 
effet  se  retrouve  au  fond  des  superstitions  de  tous  les  peuples 
et  aussi  au  fond  de  la  plupart  des  religions.  On  y  voit 
l'enchantement  s'exercer  sur  les  éléments,  sur  les  forces 
de  la  nature,  sur  les  animaux,  spécialement  les  oiseaux, 
les  serpents  et  les  crapauds,  suf  les  hommes  vivants  où 


V.  ïnf. 
Fig.  6.  —  Lf,  lobe  frontal;  S.  Sy,  scissure  de  Sylvius;  T .ci^ 
tubercule  cinereum;  T. ma,  tubercule  mamillaire;  P.ce^  tu- 
bercule cérébral;  Pr.an,  protubérance  annulaire;  Py.an, 
pyramide  ant.;  Oi,  olive;  C.re^  corps  restiforme;  Bu,  bulbe; 
Ce,  cervelet;  N.hg,  nerf  hupoglosse;  N.sp,  nerf  spinal; 
N.p.ga^  nerf  pneumogastrique;  N.g.ph,  nerf  glosso-pha- 
ryngien  ;  N.  ac,  nerf  acoustique  ;  N.  fa,  nerf  facial  ;  N.  m.  ex, 
nerf  oculaire  externe;  N.ti\  nerf  trijumeau;  iV.pa,  nerf 
pathétique;  N.m.co,  nerf  moteur  oculaire  commun;  iV.op, 
nerf  optique;  N.ol,  nerf  olfactif. 


ddd 


ENCHANTEMENT  ^  ENCHÈRE 


morts,  sur  les  démons,  sur  les  génies,  sur  les  anges,  même 
sur  la  divinité.  H  opère  au  moyen  des  pratiques  des  sor- 
ciers et  des  magiciens  :  des  évocations;  des  exorcismes; 
des  formules  sacramentelles  de  bénédiction  ou  de  malédic- 
tion, d'absolution  et  de  consécration.  Il  paraîtrait  peut-être 
irrespectueux  de  constater  les  caractères  de  l'enchantement 
dans  l'effet  attribué  aux  paroles  qui  changent  le  pain  en 
chair  et  le  vin  en  sang  ;  néanmoins  il  est  fort  difficile  de 
ne  pas  les  y  reconnaître.  —  Le  Deutéronome  (XVÏII,  41) 
interdit  les  enchantements  aux  Israélites.  Dans  les  docu- 
ments catholiques,  ce  nom  désigne  généralement  toutes  les 
paroles  et  toutes  les  cérémonies  destinées  à  évoquer  les  dé- 
mons et  à  produire  des  prestiges  et  des  maléfices.  Elles 
sont  sévèrement  condamnées  par  les  lois  ecclésiastiques  et 
par  les  anciennes  lois  civiles.  Une  déclaration  en  forme 
d'édit  (juil.  1683,  enregistrée  le  31  août)  prononce  les 
peines  les  plus  fortes  contre  les  devins,  magiciens  et  les 
enchanteurs.  E.-H.  Vollet. 

ENCHASTRAYES.  Com.  du  dép.  des  Basses-Alpes,  arr. 
et  cant.  de  Barcelonnette  ;  482  hab. 

E  N  C  H ÂTR  E  (Mobilier) .  Ce  mot  servait  à  désigner  les  com- 
partiments ou  les  divisions  intérieures  d'un  meuble.  Les 
anciens  inventaires  citent  souvent  des  coffrets  et  des  écrins 
à  une  ou  plusieurs  enchâtres  fermant  à  clef.  —  En  cons- 
truction, l'enchàtre  est  une  pièce  qui  sert  à  encastrer  un 
panneau. 

.  ENCHAUSSÉ  (Blas.).  Atribut  d'un  écu  taillé  oblique- 
ment au  milieu  d'un  côté  à  la  pointe  du  côté  opposé. 

ENCHELIDIUM  (Zool.).  Genre  créé  par  Ehrenberg  en 
1837  pour  de  petits  Nématodes  marins  non  parasites, 
irangés  actuellement  dans  la  famille  des  Enoplidœ  (V.  ce 
mot).  La  cavité  buccale  fait  défaut  ;  l'œsophage  est  sur- 
monté d'un  gros  œil.  On  connaît  huit  espèces  :  E.  acumi- 
natum  Eberth,  E.  Eberthi  de  Man,  E.  exile  Marion, 
E.  Grubei  Bastian,  E.  marinum  Ehrenberg,  E,  obtu- 
SLim  Grube,  E.  subrotundum  Eberth,  E,  tenuicolle 
Eberth.  Toutes  ces  espèces  sont  des  mers  d'Europe.     R.  Bl. 

ENCHELYODON  (Zool.).  Genre  d'infusoiresholotriches, 
de  la  famille  des  Trachélophyllides,  établi  par  Claparède 
et  Lachmann  ;  il  ne  diffère  des  Trachelophyllum  que  par 
la  portion  antérieure  du  corps,  qui  n'est  pas  différenciée 
en  une  sorte  de  col.  Eau  douce  et  eau  salée.       R.  Mz. 

ENCHELYOPUS  (Paléont.).  Agassiz  a  établi  ce  genre 
pour  un  poisson  des  formations  de  Monte-Bolca  {E.  ti- 
grinus)  dont  le  caractère  est  de  réunir  aux  traits  généraux 
de  l'anguille  une  dorsale  prolongée  jusqu'à  la  nuque,  et 
d'avoir  une  ceinture  thoracique  très  grêle.      E.  Sauvage. 

BiBL.  :  Agassiz,  Poissons  fossiles^  t.  V,  p.  131. 

ENCHELYS  (Zool.).  Genre  d'infusoires  holotriches, 
type  d'une  famille,  établi  par  O.-F.  Millier,  modifié  dans  son 
acception  par  Ehrenberg.  Ce  sont  des  animaux  d'eau  douce 
au  corps  ovale,  mais  changeant  de  forme  à  la  volonté  de 
l'animal  ;  l'extrémité  antérieure  porte  la  bouche,  tronquée 
obliquement,  l'anus  est  au  bout  opposé  ;  toute  la  surface 
de  la  cuticule  est  finement  ciliée,  mais  les  cils  sont  plus 
longs  à  la  région  buccale.  Type  :  E.  farcimen  Ehr.  Le 
genre  Enchelys  de  Dujardin  ne  correspond  pas  à  celui 
d'Ehrenberg,  mais  contient  des  formes  qu'il  est  mieux  de 
compter  au  nombre  des  Cyclidliim^  selon  Sav.  Kent. 

ENCHÈRE.  On  appelle  enchère,  dans  les  ventes  pu- 
bliques faites  par  autorité  de  justice,  toute  offre  supérieure 
à  la  mise  à  prix  ou  excédant  une  autre  offre  précédemment 
faite  :  l'adjudication  est  faite  au  profit  du  plus  offrant  ou 
dernier  enchérisseur.  L'enchère  porte  quelquelois  le  nom 
d'encan,  dont  l'étymologie  vient  du  mot  incantare,  crier, 
ces  sortes  de  vente  se  faisant,  en  effet,  à  la  criée.  Le  sys- 
tème des  enchères  remonte  aux  temps  les  plus  reculés. 
Usité  à  Athènes  pour  les  concessions  de  mines,  il  était 
pratiqué  à  Rome  pour  la  vente  des  esclaves,  pour  l'adju- 
dication des  travaux  publics  ou  de  la  ferme  des  impôts. 
En  France,  les  adjudications  aux  enchères  ont  été  en 
usage  de  temps  immémorial.  Elles  pouvaient  avoir  lieu 
pour  toutes  sortes  d'objets  ;  elles  étaient  obligatoires  pour 


la  vente  ou  le  fermage  des  biens  domaniaux  ou  commu- 
naux. Aujourd'hui,  toute  vente,  soit  mobilière,  soit  immo- 
bilière; qui  a  lieu  par  autorité  de  justice,  doit  se  faire  aux 
enchères.  Les  cas  les  plus  fréquents  sont  ceux  de  saisie  et 
de  succession.  Quant  aux  ventes  à  l'amiable,  elles  peuvent 
aussi  être  faites  dans  cette  forme. 

Les  formes  de  la  vente  aux  enchères  varient,  selon  qu'il 
s'agiyie  vente  de  meubles  ou  de  vente  d'immeubles.  S'il 
s'agit  de  meubles,  la  vente  aux  enchères  est  faite  par  les 
commissaires-priseurs,  dans  les  ville  où  ils  sont  établis, 
et,  concurremment  avec  eux,  parles  greffiers  ou  les  huis- 
siers, dans  l'étendue  de  ^arrondissement  ou  dans  les  com- 
munes rurales.  Dans  ce  cas,  toute  personne  est  admise  à 
enchérir.  S'il  s'agit  d'immeubles,  les  enchères  sont  faites 
par  le  ministère  des  notaires,  si  la  vente  a  lieu  à  l'amiable, 
et  par  le  ministère  d'avoués  et  à  l'audience,  si  la  vente  a 
lieu  par  autorité  de  justice.  Dans  ce  dernier  cas,  il  n'ap- 
partient qu'aux  avoués  d'enchérir.  Dans  les  ventes  mobi- 
lières, c'est  la  personne  qui  procède  k  la  vente  qui  met  la 
première  enchère  ;  dans  les  ventes  immobilières,  c'est  le 
poursuivant  qui  met  au  greffe  la  première  enchère;  sinon, 
la  mise  à  prix  est  faite  par  le  tribunal.  Pour  les  ventes  de 
meubles,  la  loi  ne  détermine  pas  exactement  le  laps  de 
temps  qui  doit  s'écouler  après  la  dernière  offre  faite,  pour 
que  cette  offre  soit  considérée  comme  non  couverte,  et  par 
conséquent  définitive  :  ce  point  est  abandonné  à  la  discré- 
tion et  à  la  probité  de  l'officier  public  qui  procède  à  la 
vente.  Avant  de  prononcer  le  mot  sacramentel  :  adjugé, 
il  doit  laisser  s'écouler  un  laps  de  temps  suffisant  pour  que 
les  assistants  puissent  se  convaincre  que  l'offre  qui  vient 
d'être  faite  n'a  plus  de  chance  d'être  couverte.  L'art.  624 
du  C.  de  proc.  civ.  se  borne  à  disposer  que  «  l'ad* 
judication  sera  faite  au  plus  offrant  et  dernier  enchéris- 
seur ».  Mais,  pour  les  ventes  publiques  d'immeubles,  la 
loi  édicté  certaines  formalités  qui  ont  pour  but  de  laisser 
aux  offres  supérieures  le  temps  de  se  produire.  L'art.  705 
du  C.  de  proc.  civ.  dispose,  en  effet,  que,  dès  que  les 
enchères  sont  ouvertes,  il  doit  être  allumé  successive- 
ment des  bougies,  préparées  de  manière  que  chacune  ait 
environ  une  durée  d'une  minute.  Et  l'art.  706  ajoute  que 
l'adjudication  ne  peut  être  faite  qu'après  l'extinction  de 
trois  bougies  allumées  successivement.  S'il  ne  survient  pas 
d'enchères  pendant  la  durée  de  ces  bougies,  le  poursui- 
vant est  déclaré  adjudicataire.  Si,  pendant  la  durée  d'une 
des  trois  premières. bougies,  il  survient  des  enchères,  l'ad- 
judication ne  peut  être  faite  qu'après  l'extinction  de  deux 
i30ugies  sans  nouvelle  enchère  survenue  pendant  leur 
durée.  La  loi  du  2  juin  1841,  qui  a  remanié  les  dispo- 
sitions du  C.  de  proc.  en  matière  de  saisie  immobilière, 
avait  disposé  que  l'emploi  des  bougies  pourrait  être  rem- 
placé par  un  autre  moyen  chronométrique,  en  vertu  d'une 
ordonnance  rendue  en  forme  de  règlement  d'administra- 
tion publique  :  le  moyen  en  question  n'a  pas  encore  été 
trouvé,  et  la  pratique  en  est  toujours  à  l'usage  tradition- 
nel des  bougies. 

L'enchère  constitue  un  contrat  que  l'enchérisseur  passe 
avec  la  partie  qui  poursuit  la  vente  et  par  lequel  il  s'oMige 
à  prendre  la  chose  au  prix  par  lui  offert,  s'il  n'est  couvert 
par  une  enchère  plus  forte  ou  surenchère.  Le  précédent 
enchérisseur  est  déchargé,  dès  que  son  enchère  est  cou- 
verte par  une  surenchère,  car  cette  surenchère  emporte 
rejet  de  ses  offres  et  acceptation  des  offres  nouvelles.  L'ad- 
judication prononcée  oblige  l'adjudicataire  jusqu'à  concur- 
Vencc  delà  somme  par  lui  offerte.  Dans  les  ventes  publiques 
d'immeubles,  l'avoué  dernier  enchérisseur  est  tenu,  dans 
les  trois  jours  de  l'adjudication,  de  déclarer  l'adjudicataire 
et  de  fournir  son  acceptation,  sous  peine  d'être  réputé 
adjudicataire  en  son  nom.  Dans  ces  mêmes  ventes,  toute 
personne  peut,  dans  les  huit  jours  de  l'adjudication,  faire, 
par  le  ministère  d'un  avoué,  une  nouvelle  surenchère, 
pourvu  qu'elle  soit  du  sixième  au  moins  du  prix  principal 
delà  vente  :  c'est  ce  qu'on  appelle  la  surenchère  du  sixième. 
Si  au  jour  indiqué  pour  la  nouvelle  adjudication,  il  ne  se 


ENCHÈRE  —  ENCHONDROME  _  lOOO  — 

présente  pas  d'enchérisseurs,  le  surenchérisseur  du  sixième 
est  déclaré  adjudicataire.  Les  enchères,  lorsqu'il  s'agit  de 
vente  de  meubles,  ont  toujours  lieu  au  comptant,  et  l'otii- 
cier  pubhc  est  responsable  du  prix  vis-à-vis  de  celui  qui 
poursuit  la  vente.  Mais,  en  matière  de  vente  immobilière, 
lorsque  le  dernier  enchérisseur  ne  satisfait  point  aux  con- 
ditions de  son  adjudication  dans  les  délais  prescrits,  on 
procède  à  la  revente  aux  enchères  de  l'immeuble  :  cette 
opération  s'appelle  folle  enchère.  Si,  dans  ce  cas,  l'en- 
chère produit  un  prix  inférieur  à  celui  qu'avait  offert  l'ad- 
judicataire évincé,  celui-ci  est  tenu  de  payer  la  différence 
de  son  prix  avec  celui  de  la  vente  nouvelle.  La  loi  ne  se 
contente  pas  de  réglementer  les  enchères  ;  elle  en  assure 
encore  la  liberté.  L'art.  412  du  C.  pén.  punit,  en  effet, 
d'un  emprisonnement  de  quinze  jours  à  trois  mois  et  d'une 
amende  de  100  fr.  à  5,000  fr.  ceux  qui  dans  les  adjudica- 
tions entravent  ou  troublent  la  liberté  des  enchères  par 
voies  de  fait,  violences  ou  menaces,  soit  avant,  soit  pendant 
les  enchères.  La  même  peine  est  édictée  contre  ceux  qui,  par 
dons  ou  promesses,  écartent  les  enchérisseurs  (V.  Adju- 
dication ,  Saisie  et  Soumission)  .       Georges  Lagrésille  . 

ENCHEVÊTREMENT  (Art  vétér.).  Appelé  plus  com- 
munément enchevêtrure  ou  prise  de  longe,  l'enchevê- 
trement désigne  la  blessure  plus  ou  moins  grave  que  le 
cheval  peut  se  faire  avec  la  longe,  soit  sur  le  pli  du  paturon, 
soit  sur  la  face  postérieure  du  canon.  Si  l'enchevêtrure  est 
profonde,  si  la  peau  est  entamée,  la  plaie  peut  se  cicatri- 
ser d'emblée,  laissant  après  elle,  dans  le  pli  du  paturon, 
un  bourrelet  saillant,  inégal,  que  recouvre  un  épiderme 
épais,  d'apparence  et  de  consistance  cornée.  La  peau  du 
paturon,  à  la  suite  de  la  prise  de  longe,  parfois  s'escarrifie 
dans  une  étendue  plus  ou  moins  grande  ;  des  complications 
peuvent  survenir  alors  :  décollements  et  chutes  de  peau, 
javarts  cutanés  et  javarts  cartilagineux,  nécrose  des  liga- 
ments et  des  tendons.  Si  la  plaie  est  plus  profonde  encore, 
les  tendons  peuvent  être  directement  atteints,  ainsi  que  l'os 
du  paturon  lui-même.  Le  traitement  de  la  prise  de  longe 
est  des  plus  simples  :  repos  absolu,  bains  d'eau  froide  ou 
légèrement  astringente,  cataplasmes  émollients,  lotions  aro- 
matiques, et,  aux  accidents  consécutifs,  comme  nécrose  ou 
carie,  les  soins  indiqués  en  pareil  cas.         L.  Garnier. 

ENCHEVÊTRURE  (Constr.).  Ce  mot  désigne,  dans  les 
planchers  en  charpente  de  bois  ou  de  fer,  un  assemblage 
composé  de  trois  pièces,  destiné  à  éviter  les  chances  d'in- 
cendie et  interrompant,  à  cet  effet,  la  disposition  générale 
du  plancher  afin  de  réserver  une  trémie  ou  vide  danslequel 
passent  les  tuyaux  de  fumée  ou  sur  lequel  est  établi  un 
âtre  de  cheminée.  Des  trois  pièces  formant  l'enchevêtrure, 
deux  sont  des  soUves,  dites  d'enchevêtrure,  perpendicu- 
laires au  mur  le  long  duquel  passent  les  tuyaux  de  fumée 
ou  contre  lequel  on  veut  appliquer  une  cheminée,  et  la 
troisième,  appelée  chevêtre  (V.  ce  mot),  s'assemble  avec 
les  deux  premiers  et  reçoit  l'about  des  solives  de  remplis- 
sage. —  La  largeur  et  la  longueur  de  la  trémie  sont  ré- 
glées par  les  dimensions  de  la  cheminée  à  établir  ou  par 
le  nombre  et  la  dimension  des  tuyaux  à  faire  passer;  mais 
il  faut  toujours  réserver  une  distance  de  0°^16  (l'ancien 
demi-pied)  entre  les  bords  du  châssis  de  charpente  formé 
par  l'enchevêtrure  et  les  jambages  de  la  cheminée  ou  les 
boisseaux  formant  les  tuyaux  de  fumée.  Charles  Lucas. 

ENCHIR.  Ce  mot,  qui  entre  dans  la  composition  d'un 
grand  nombre  de  localités  barbaresques,  paraît  signifier 
«  les  ruines  ».  L'origine  en  est  obscure.  Il  n'a  pas  la 
physionomie  d'un  mot  arabe  et  pourrait  bien  provenir  de 
quelque  dialecte  berbère.  Citons,  parmi  les  endroits  ainsi 
dénommés  :  Enchir-Cheragnac,  Enchir-el-Bey,  Enchir- 
Halloufa,  dans  les  environs  de  la  Meskiana  (dép.  de  Cons- 
tantine),  Enchir-Djendeli,  près  de  Batna  (dép.  de  Constan- 
tine),  Enchir-el-Abassi  et  Enchir-Mamra,  près  Khenchela 
(dép.  de  Constantine) ,  Enchir-el-Amara,  près  Aïn-Beida 
(dép.  de  Constantine),  Enchir-Kasria,  Enchir-Merouana  et 
Enchir-Encedda,  au  S.  de  Sétif  (dép.  de  Constantine),  Enchir- 
bou-Djadi,  Enchir-Zouïra-Sidi-Median ,  Enchir-Smidia, 


Enchir-el-Hamira,  Enchir-si- Ahmed  et  Enchir-Tungar, 
dans  la  vallée  de  la  Medjerda  (Tunisie),  Enchir-Tindja,  près 
Bizerte  (Tunisie),  Enchir-Teboursouk ,  Enchir-el-Meden, 
Enchir-Khanga,  sur  la  route  de  Tunis  à  Sousse  (Tu- 
nisie), etc.  Toutes  ces  locaUtés  ont  des  ruines  ro- 
maines. E.  Cat. 

ENCHIR-SAÏD.  Village  d'Algérie,  dép.  de  Constan- 
tine, arr.  de  Guelma,  à  22  kil.' de  cette  ville,  dans  une 
région  montueuse,  bien  arrosée,  qui  produit  des  oliviers, 
des  céréales  et  un  peu  de  vin;  ch.-l.  d'une  com.  de  plein 
exercice  d'une  superficie  de  8,361  hect.  et  d'une  pop.  de 
1462  hab.  dont  64  Européens  (rec.  de  1891).     E.  Cat. 

ENCHODUS  (Paléont.).  Agassiz  a  étabU  ce  genre  pour 
des  poissons  qui  ont  les  dents  fortes,  à  bords  tranchants, 
à  face  externe  plus  plane  que  l'interne  ;  le  bord  des  mâ- 
choires est  garni  de  dents  en  brosse  ;  les  os  prémaxillaires 
sont  massifs  ;  les  maxillaires  sont  armés  de  fortes  dents. 
Ce  genre,  que  l'on  rapproche  des  Trichiauridées,  est  des  ter- 
rains crétacés  de  Hollande,  d'Angleterre,  des  Etats-Unis. 

BiBL.  :  Agassiz,  Poissons  fossiles,  t.  V,  p.  64.  —  Cope, 
The  Vertebrataof  tJie  cretaceous  formations  of  the  v;est, 
dans  U.  S.  Geol.  Survey,  1875. 

ENCHONDROME  (Pathol.).  Sous  le  nom  à'enchon--' 
drames  ou  de  chondromes,  on  désigne  des  tumeurs  pré- 
sentant la  structure  du  tissu  cartilagineux.  Ces  tumeurs, 
désignées  autrefois  sous  le  nom  de  spina  ventosa,  siègent 
de  préférence  sur  les  os,  trois  à  quatre  fois  contre  une  fois 
dans  les  parties  molles,  d'après  les  statistiques  de  Lebert 
et  Heurtaux,  et  les  os  qui  sont  le  plus  fréquemment  atteints 
sont  ceux  de  la  main  et  du  pied,  puis  les  extrémités  des 
os  longs  des  membres.  Tantôt  elles  naissent  dans  l'épais- 
seur même  de  l'os,  enchondromes  proprement  dits  ;  tantôt 
à  sa  périphérie,  périchondromes.  Les  chondromes  des  par- 
ties molles  sont,  en  général,  encapsulés  par  une  coque 
fibreuse,  plus  rarement  diffus  ;  leur  siège  de  prédilection 
est  le  testicule,  la  glande  parotide,  mais  on  peut  aussi  les 
rencontrer  dans  les  autres  glandes,  les  mamelles,  les  pou- 
mons, etc.  Leur  forme  est  d'ordinaire  arrondie,  bosselée, 
leur  volume  nécessairement  très  variable  ;  mais,  de  tous 
les  néoplasmes,  le  chondrome  est  peut-être  celui  qui  peut 
acquérir  de  plus  grandes  dimensions.  Témoins  ceux  de 
Lugol  et  Nélaton,  celui  de  Philip  Crampton  qui  avaient, 
les  premiers  1°^75,  le  second  2™15  de  circonférence.  Leur 
consistance  est  tantôt  ferme  et  élastique,  d'autres  fois 
molle,  et  ailleurs  fluctuante.  La  structure  de  la  tumeur 
expUque  ces  différents  états.  Si  on  en  pratique  une  sec- 
tion, on  aperçoit  sur  cette  coupe  des  îles  d'une  substance 
gris  bleuâtre  séparées  les  unes  des  autres  par  des  bandes 
de  tissu  fibreux  où  courent  des  vaisseaux  sanguins.  Ces 
îles,  ce  sont  les  lobes   du  chondrome,  constitués  eux- 
mêmes  par  du  tissu  cartilagineux  divers,  depuis  le  cartilage 
hyalin  jusqu'au  cartilage  réticulé  ou  même  à  cellules  ra- 
mifiées (V.  Cartilage).  Dans  certains  cas,  le  cartilage 
embryonnaire  prédomine,  et  l'on  a  la  forme  appelée  chon- 
dro-myxome  ;  d'autres  fois,  c'est  le  tissu  fibreux,  chondro- 
fibrome  ;  ailleurs,  le  tissu  sarcomateux,  chondro-sarcome  ; 
dans  certains  cas,  le  chondrome  s'ossifie  en  partie,  chondro- 
ostéome  ou  chondrome  ostéoïde.  Il  peut  aussi  se  mélanger 
à  du  tissu  glandulaire,  chondro-adénome  ;  devenir  kys- 
tique,   chondro-kystome,  ou  très  vasculaire,  chondrome 
télangiectasique.  Le  plus  ordinairement,  l'enchondrome  reste 
une  tumeur  locale,  mais  il  faut  savoir  qu'il  peut  infecter  le 
système  lymphatique  et  sanguin  et  aboutir  à  une  véritable 
genérahsation  avec  tumeurs  secondaires  dans  les  poumons, 
îa  plèvre,  le  foie,  la  rate,  le  cerveau,  etc.,  ainsi  que  l'ont 
observé  Paget,  Bichet,  Virchow,  Yerneuil,  Wolckmann, 
Michaloff,  etc.  Walsdorff  a  bien  étudié  {Thèse  de  Paris, 
1878)  ces  types  mahns  du  chondrome,  ces  cancers  car- 
tilagineux. 

L'enchondrome  se  montre  de  préférence  chez  les  jeunes 
sujets.  Il  se  développe  ordinairement  lentement  et  insi- 
dieusement sans  provoquer  de  phénomène  douloureux  ni 
altérer  la  santé  générale.  La  gêne  fonctionnelle  qu'il  pro- 


—  1001 


ENCHONDROME  -  ENCISO 


voque  est  fatalement  en  rapport  avec  son  siège  anatomique. 
A  la  longue,  il  peut  comprimer  les  nerfs,  donner  lieu  à 
des  phénomènes  inflammatoires  du  côté  de  la  peau  et 
même  amener  l'ulcération  de  celle-ci.  Il  évolue  en  une 
marche  presque  fatalement  progressive,  mais  il  met  sou- 
vent dix,  quinze  et  vingt  ans  avant  d'acquérir  un  gros 
volume.  Il  faut  savoir  toutefois  qu'il  existe  des  enchon- 
dromes  maUns  à  marche  rapide.  Les  formes  myxomateuses 
paraissent  surtout  prendre  ce  cachet  pernicieux.  L'exis- 
tence d*un  chondrome  sera  soupçonnée  à  la  dureté  et  à 
l'élasticité  de  la  tumeur,  à  la  lenteur  de  son  évolution. 
Seul,  l'enchondrome  des  doigts  permet  un  diagnostic  sûr, 
que  l'on  fait  même  ordinairement  à  distance.  Le  seul  trai- 
tement curatif  de  l'enchondrome  est  l'ablation,  méthode 
courante  pour  les  enchondromes  des  parties  molles,  et 
l'extirpation  suivie  d'évidement  pour  ceux  qui  siègent  dans 
les  os.  Enfin,  dans  certains  cas,  le  chirurgien  ne  pourra 
débarrasser  le  malade  de  sa  tumeur  que  par  la  résection 
ou  même  l'amputation.  Ch.  Debierre. 

ENCHYTRAEUS  (ZooL).  Genre  créé  par  Henleeni837 
pour   des  Annélides  oligochètes  limicoles.  Ce  genre  est 
devenu    le  type  d'une  famille  spéciale,   caractérisée  par 
l'absence  d'anses  vasculaires  contractiles  et  par  la  présence 
de  quatre  rangées  de  soies  courtes,  ordinairement  recour- 
bées à  leur  extrémité  et   au  nombre  de  deux  à  dix  par 
rangée.  Du  troisième  au  sixième  segment,  les  organes  seg- 
mentaires  sont  réunis  et  transformés  en  glandes  salivaires. 
Les  testicules  sont  situés  dans  les  segments  10  et  11  ;  les 
ovaires,  dans  la  cloison  qui  sépare  les  segments  11  et  12. 
Les  réceptacles  séminaux  débouchent  entre  les  segments  4 
et  5.  Les  pores  génitaux  s'ouvrent  sur  le  segment  12  ;  le 
canal  déférent  aboutit  parfois  entre  les  segments  12  et  13. 
Ces  Vers  vivent  dans  la  terre  humide,  dans  le  bois  pourri 
et  dans  les  eaux  vaseuses  ;  ils  pondent  des  œufs  très  gros, 
renfermés  chacun  dans  un  cocon.  Trois  genres  principaux  : 
i«  Anachaeta  Vejdovsky,  1879  (V.  ce  mot).  —  2o  Pachy- 
drilus  Claparède,  1862.  Le  sang  est  rouge  ;  les  soies  sont 
fortement  recourbées  ;  la  rangée  dorsale  de  pores  fait 
défaut;  les  organes  segmentaires  existent  dans  tous  les 
segments,  à  partir  du  troisième  ;  les  testicules  sont  pédon- 
cules ;  l'extrémité  inférieure  du  canal  déférent  joue  le  rôle 
d'organe  copulateur.  Pack.  KrohiniChi^.  vit  en  Allemagne; 
P.  verrucosus  Clap.,   en  Ecosse.  —  3°  Enchytraeus 
Henle.  Le  sang  est  incolore  ;  on  voit  un  pore  sur  la  ligne 
médio-dorsale  de  chaque  segment  ;  les  soies  sont  ordinai- 
rement droites.  Les  principales  espèces  sont  :  E,  vermi- 
cularis  0.  Miiller,  E,  albidus  Henle,  E.  galba  Hoffmann, 
E,  appendiculatus  Buchholz,  E.  Buchholzi, 

Les  Enchytraeus  peuvent  s'observer  chez  l'Homme  à 
l'état  de  pseudo-parasites.  En  1839,  Curling  a  décrit 
VE,  albidus  comme  un  nouvel  helminthe,  sous  le  nom  de 
Dactylius  aculeatus  :  une  fillette  de  cinq  ans  rendait  avec 
l'urine  des  Vers  de  cette  espèce.  Nous  pensons  qu'ils  ne 
provenaient  pas  de  la  vessie,  mais  que,  amenés  préalable- 
ment au  niveau  de  la  vulve  par  une  ablution  ou  par  quelque 
autre  manœuvre,  ils  étaient  simplement  balayés  par  le  jet 
de  l'urine.  —  Plus  récemment,  en  1885,  R.  Bergh  a  rap- 
porté l'observation  d'une  paysanne  de  vingt-neuf  ans  qui, 
à  la  fin  de  sa  seconde  grossesse,  vit  la  production  de  sa 
salive  s'exagérer,  en  même  temps  qu'elle  ressentait  des 
chatouillements  dans  la  bouche  et  le  pharynx  ;  ses  glandes 
salivaires  n'étaient  pas  tuméfiées.  La  salive  renfermait  une 
masse  de  petits  Vers  appartenant  à  l'espèce  E.  Buchholzi; 
ils  avaient  sans  doute  été  introduits  dans  l'estomac  par  l'eau 
de  boisson,  puis  s'en  étaient  échappés  en  remontant  le  long 
de  l'œsophage.  R.  Bi- 

ENGIN  A  (Juan  de  La),  poète  espagnol,  né  au  village 
de  la  Encina  (d'où  lui  vint  son  nom)  en  1468  ou  1469, 
mort  à  Salamanque  en  1534.  Il  étudia  d'abord  à  Sala- 
manque,  quitta  sa  province  pour  habiter  Madrid  ;  à  l'âge 
de  vingt-cinq  ans,  il  était  attaché  à  D.  Fadrique  de  To- 
lède, premier  duc  d'Albe.  Plus  tard,  Encina  s'établit  à 
Rome ,   fut   ordonné    prêtre   et  nommé   directeur  de  la 


musique,  dans  la  chapelle  de  Léon  X  ;  il  abandonna  l'Italie 
(1519),  visita  Jérusalem  en  pèlerin,  adora  le  Saint-Sé- 
pulcre, et  ne  retourna  de  ce  pieux  voyage  qu'en  1521. 
Vers  1534,  il  obtint  un  prieuré  dans  le  royaume  de 
Léon,  et  alla  résider  à  Salamanque.  Six  éditions  de  ses 
œuvres  [Cancionero  de  todas  obras)  et  de  son  poème  allé- 
gorique, Vision  del  Templo  de  la  Fama  y  glorias  de  Cas- 
tilla,  parurent  de  1496  à  1516.  Mais  la  véritable  origina- 
lité d'Encina,  ce  sont  ses  églogues  dramatiques,  sacrées 
ou  profanes,  au  nombre  de  onze,  dont  les  premières  furent 
représentées  l'année  même  de  la  prise  de  Grenade  et  de  la 
découverte  de  l'Amérique  (1492),  comme  le  remarquent 
Rodrigo  Mendez  de  Silva  et  Augustin  de  Rojas.  Malgré  la 
primitivité  de  ces  essais,  leur  manque  d'action  et  surtout 
d'intérêt,  ils  contiennent  de  ravissants  passages  idylliques, 
au  milieu  des  bizarreries  et  des  anachronismes  (l'apôtre 
saint  Jean  fait  l'éloge  du  duc  d'Albe  à  propos  de  la  nais- 
sance de  Jésus).  Encina  écrivit  une  poétique,  qui  sert  d'in- 
troduction à  son  Cancionero,  et  une  médiocre  relation  de 
son  pèlerinage  à  Jérusalem  {Tribagia  6  via  sagra  de  Hieru- 
salem;  Rome,  1521,  et  autres  édit.).  Lucien  Dollfus. 
ENCINAS  (Francisco  de)  (V.  Dryander). 
ENCINAS  (Juan  de),  poète  espagnol  du  xvi®  siècle. 
Il  pubha  les  Didlogos  de  amor,  intitulado  (sic)  Dolo- 
rida,  por  donde  pue  de  justamente  un  amante ,  sin 
ser  notado  de  inconstante,  retirarse  de  su  amor,  etc. 
(Burgos,1593,in-8).Cet  ouvrage,  curieux  à  quelques  points 
de  vue,  et  intéressant  pour  la  connaissance  des  idées  de 
l'époque,  manque  absolument  de  valeur  littéraire  et  n'a 
jamais  été  réimprimé  depuis. 

ENCINAS  (Pedro  de),  poète  espagnol  du  xvi«  siècle, 
moine  de  l'ordre  de  Saint- Augustin.  Il  essaya  d'écrire 
des  églogues  mystiques  (les  bergeries  étaient  alors  fort  à 
la  mode)  et  en  composa  six,  en  tercets  et  en  octaves, 
mais  il  échoua  complètement  dans  sa  tentative.  Ses  autres 
productions  lyriques,  sur  des  sujets  profanes,  sont  de 
beaucoup  supérieures.  Les  œuvres  poétiques  de  Pedro  de 
Encinas  forment  un  volume,  Versos  espirituales  (Cuenca, 
1596,  in-8).  On  ne  sait  rien  sur  la  vie  de  cet  auteur. 

Lucien  Dollfus. 
EN C ISO  (Martin -Fernandez  de),  navigateur  et  géo- 
graphe espagnol,  né  au  xv^  siècle,  mort  dans  la  première 
moitié  du  xvi«.  C'est  à  bord  d'un  de  ses  navires  que  s'embar- 
qua secrètement  Vasco  Nufiez  de  Balboa,  et  que  le  conquis- 
tador quitta  Haïti  pour  le  continent  américain.  Dans  la 
suite,  Balboa  força  son  chef  à  lui  céder  le  commandement 
de  l'expédition.  Dépouillé  de  l'autorité,  Enciso  revint  en 
Espagne  et  porta  plainte  devant  Ferdinand  le  Catholique. 
Les  richesses  du  Nouveau-Monde,  apportées  par  Colmenares, 
eurent  raison  des  scrupules.  Enciso,  qui  exerçait  la  charge 
à'alguacil  mayor,  dans  la  Castille  d'Or,  et  qui  l'avait 
explorée  en  tous  sens,  a  écrit  un  livre,  fort  rare  aujour- 
d'hui, Suma  de  geografia,  etc.  (Séville,  1519),  réim- 
primé également  à  Séville  en  1846(in-fol.). 

ENCISO  (Bartolomé-Lopez  de),  poète  espagnol  du 
xvi^  siècle,  né  à  Tendilla.  Il  est  auteur  d'un  long  roman 
pastoral,  en  six  livres,  mélangé  de  prose  et  de  vers,  inti- 
tulé Desengano  de  celos  (Madrid,  1586,  in-8),  œuvre 
de  sa  jeunesse.  On  y  voit  les  bergers  du  Tage  discourir 
en  langage  alourdi  de  vaine  érudition  sur  des  subtilités 
amoureuses,  et,  quoique  l'action  se  passe  à  une  époque 
reculée,  cet  étrange  ouvrage  finit  par  l'éloge  de  Charles- 
Quint,  de  Philippe  H,  et  même  de  Philippe  lU,  qui  ne 
régnait  pas  encore.  Enciso  promet  au  lecteur  une  seconde 
partie;  elle  n'a  jamais  été  publiée,  ni  probablement  écrite. 
Ticknor  lui  attribue  une  pièce  de  théâtre,  Juan  Latino. 
Dans  l'examen  satirique  des  livres  de  D.  Quichotte,  le  curé 
fait  jeter  par  la  fenêtre  le  Desengano  de  celos. 

ENCISO  (Diego-Ximenez  de),  poète  espagnol  du  xyii^  siè- 
cle, chevalier  de  Santiago,  né  à  Séville,  dont  il  fut  l'un  des 
«  vingt-quatre  ».  La  volumineuse  collection  :  Comedias 
escogidas  de  los  mejores  iîigenios  (Madrid,  1652-1704, 
in-4),  renferme  plusieurs  œuvres  de  lui,  entre  autres 


ENCISO  —  ENCLAVE 


-  1002  - 


deux  drames  :  El  Principe  D.  Cdrlos  et  la  Mayor 
Hazana  de  Cdrlos  Quint o,  dont  l'un  met  en  scène  D.  Car- 
los et  Philippe  II,  l'autre  l'abdication  et  la  mort  de  Charles- 
Quint  à  Yuste.  Ces  pièces  sont  remarquables  par  la  vérité 
des  caractères  et  la  gravité  de  l'action.  Montalvan  les  pro- 
pose comme  modèles  à  ceux  qui  veulent  faire  des  comedias 
grandes. 

ENCISO  Y  MoNzoN  (Juan-Francisco  de),  poète  espagnol 
de  la  fin  du  xvii®  siècle.  Il  écrivit  une  épopée  sacrée  sur  le 
Christ,  la  Cristiada,  pocma  sacro  tj  vida  de  Jésus 
Cristo,  etc.  (Cadiz,  1694,  in-4).  Comme  beaucoup  de 
poèmes  de  cette  époque,  cette  production  est  pleine  d'em- 
phase et  d'un  goût  détestable.  Lucien  Dollfus. 

ENCKE  (Jonann-Franz),  astronome  allemand,  né  à  Ham- 
bourg le  28  sept.  1791,  mort  à  Spandau,  près  de  Berlin, 
le  26  août  1865.  Fils  d'un  pasteur  protestant,  il  vint  suivre 
à  Gcettingue,  en  1811,  les  leçons  de  Gauss,  s'engagea  en 
1813,  comme  canonnier,  dans  la  légion  hanséatique,  reprit 
du  service  en  1815,  comme  lieutenant  d'artillerie,  dans  l'ar- 
mée prussienne,  et  entra  en  1816,  avec  le  titre  d'aide- 
astronome,  à  l'observatoire  de  Seeberg,  près  de  Gotha.  Il 
dirigea  effectivement  cet  établissement  dès  1811,  en  fut 
nommé  vice-directeur  en  i  820,  directeur  en  1822.  En  1818, 
il  entreprit  sur  la  comète  de  1680  une  série  de  calculs  qui 
lui  valurent  le  prix  Cotta.  En  1819,  il  détermina  les  élé- 
ments elliptiques  et  annonça  la  périodicité  de  la  comète  que 
Pons  avait  découverte  à  Marseille  le  26  nov.  1818  et  qui 
est  connue  sous  le  nom  de  comète  d'Encke  (V.  t.  XII, 
p.  20).  La  décroissance  lente  et  régulière  de  la  période  de 
révolution  de  cet  astre  l'amena  à  supposer  l'existence  d'un 
miheu  interplanétaire  pondérable,  qui  occasionnerait  par 
sa  résistance  une  diminution  progressive  du  grand  axe  de 
l'orbite  ;  mais  cette  explication  de  V accélération  séculaire 
devait  soulever  de  nombreuses  objections,  notamment  de 
la  part  de  Bessel.  Plus  tard,  il  déduisit  de  ses  études  sur 
les  perturbations  causées  à  sa  comète  par  Mercure  et  Jupi- 
ter les  masses  exactes  de  ces  deux  planètes  (1838).  En 
1822,  il  essaya  de  déterminer,  par  une  discussion  nouvelle 
des  passages  de  Vénus  de  1761  et  1769,  la  véritable  dis- 
tance de  la  terre  au  soleil;  il  trouva  152,921,984  kil., 
correspondant  à  une  parallaxe  de  8^''57  (les  plus  récents 
travaux  la  fixent  à  8'"86  environ).  Appelé  en  1825  à  la 
direction  de  l'observatoire  de  Berlin,  qu'il  partagea  durant 
les  premiers  mois  avec  Bode,  il  fut  nommé  la  même  année 
membre  et  secrétaire  de  l'Académie  des  sciences  de  cette 
ville,  membre  correspondant  de  l'Académie  des  sciences  de 
Paris,  et,  en  1844,  professeur  d'astronomie  à  l'université 
de  Berlin.  Il  conserva  ces  diverses  fonctions  jusqu'en  1863, 
année  où  il  prit  sa  retraite.  Cette  deuxième  partie  de  sa 
brillante  carrière  ne  fut  pas  du  reste  la  moins  active.  Il 
découvrit  de  1827  à  1835  plusieurs  étoiles  doubles,  donna 
une  nouvelle  méthode,  avantageusement  remplacée  depuis, 
pour  la  détermination,  par  quatre  observations  complètes, 
des  éléments  des  orbites  de  ces  couples  stellaires,  indiqua 
une  autre  méthode  (1 854)  pour  le  calcul  des  orbites  et  des 
perturbations  planétaires  et  réforma  à  cette  occasion  la 
théorie  de  l'astéroïde  Vesta.  Il  poursuivit  encore  beaucoup 
d'autres  travaux,  eut  une  grande  part  à  l'élaboration  de 
l'atlas  des  cartes  célestes  (1829-1859)  et  dirigea,  à  partir 
de  1830,  le  Berliner  astronomischer  Jahrimch,  fondé 
par  Bode.  Outre  deux  cents  mémoires  ou  articles  parus 
dans  ce  dernier  recueil  (avant  et  après  1830),  dans  la 
Monatlicher  Correspondent  de  Zach,  dans  les  Astrono- 
mische  Nachrichten,  dans  les  Abhandlungen  de  l'Aca- 
démie de  Berlin,  dans  les  Comptes  rendus  de  l'Académie 
des  sciences  de  Paris ^  etc.,  il  a  écrit  :  Die  Entfernung 
der  Sonne  (Gotha,  1822-24,  2  vol.);  Astronomische 
Beobachtungen  aiif  der  Sternwarte  zu  Berlin  (Berlin, 
1840-57,  4  vol.);  Ueber  die  Bestimmung  der  Èntfer- 
nungen  im  Weltgebàude  (Berlin,  1842);  Be  Formulis 
dioptricis{BQv[m,  1844);  Ueber  die  Anordnung  des  Ster- 
nensy stems  (Berlin  1 844);  Ueber  das  Verhâltniss  der  As- 
tronomie zu  den  anderen  Wissenschaften  (Berlin,  1 846) . 


Parmi  ses  mémoires  les  plus  importants,  il  convient  de 
citer  :  Sur  la  Comète  de  Van  illi  (Corresp.  de  Zach, 

1821,  V);  Ueber  die  Balm  der  Vesta  {Abhandlungen 
de  l'Académie  de  Berhn,  1826)  ;  Ueber  die  geographische 
Lange  und  Breite  der  Berliner  Sternwarte  (ib.,  1829); 
Ueber  die  Begrilndung  der  Méthode  der  kleinsten  qua- 
drate {Berlin.  a^^mz./a/irZ?.,  1834-35-36);  Constanten 
fur  Berlin  {ib.,  1839);  Ueber  den  Cometen  von  Pons 
{Abhandlungen,  1844, 1854, 1859)  ;  Ueber  die  Astrœa 
{ib.^Wil);  Eine  neue  Méthode  der  Berechnvng  der 
Planelenstôrungen  {Astron.  nachr.,  1852,  XXXIII); 
On  a  Neiv  Method  of  Computing  the  perturbation  of 
planets  {Nautical  Alman.,  1856);  Ueber  die  magne- 
tische  Deklination  in  Berlin  {Abhandlungen,  1857). 

Léon  Sagnet. 
BiBL.  :  G.  Hagen,  Notice  nécrol.  dans  les  Abhandlun- 
gen de  l'Académie  des  sciences  de  Berlin,  année  1866, 
p.  1.  —  Bruhns,  J-F,  Encke,  sein  Leben  und  Wirken; 
Leipzig,  1869.  —  Pour  la  liste  des  mémoires  d'Encke,  cf. 
Catalogue  of  scientific  papers,  by  the  Royal  Society; 
Londres,  1868,  t.  II,  in-4.  ^  ^       '     ^  ^  ^' 

ENCKE  (Erdmann),  sculpteur,  né  à  Berlin  le  26  janv. 
1843,  élève  d'Albert  Wolf.  C'est  un  artiste  de  talent  dont 
les  œuvres  énergiques  ont  été  de  bonne  heure  très  appré- 
ciées. On  lui  doit  une  statue  de  bronze  du  margrave 
Frédéric  F''  de  Brandebourg;  la  statue  de  la  reine 
Louise-,  un  buste  de  l'actrice  Jackmann-Wagner,  etc. 
11  est  professeur  à  l'Académie  de  Berlin  depuis  1883. 

ENCKHAUSEN  (Heinrich-Friedrich),  organiste  et  com- 
positeur allemand,  né  à  Celle  le  28  août  1799,  mort  le 
15  janv.  1885.  Il  travailla  avec  son  père,  instrumentiste 
de  quelque  valeur.  En  1816,  il  fit  partie  de  la  musique  des 
cuirassiers  de  la  garde  en  garnison  à  Celle.  En  1826,  il 
se  rendit  à  Berlin  et  travailla  la  musique  avec  Aloïs  Schmitt 
qu'il  suivit  à  Hanovre,  quand  celui-ci  fut  nommé  organiste 
de  la  cour.  Il  succéda  à  son  maître  comme  organiste  de  la 
cour  et  directeur  de  l'école  de  chant.  Il  composa  environ 
soixante-dix  œuvres  :  musique  d'harmonie  militaire,  pièces 
de  piano,  quelques  œuvres  d'orchestre  et  un  grand  nombre 
de  pièces  chorales  à  quatre  voix  d'hommes  ainsi  que  des 
psaumes  et  des  cantiques  pour  les  églises  du  royaume.  Il  fit 
représentera  Hanovre  en  1832  un  opéra,  Der  Savoyarde, 

ENCLAVE.  I.  Architecture.  —  Nom  donné  générale- 
ment à  un  terrain  enfermé  de  tous  côtés  dans  la  propriété 
d'autrui  ;  mais  on  appelle  encore  ainsi  toute  partie  de  terrain 
ou  de  construction  formant  avancée  ou  angle  saillant  dans 
un  terrain  ou  dans  un  bâtiment  ;  ainsi  la  partie  circulaire 
d'un  escalier  prise  aux  dépens  d'un  appartement  et  y  en- 
traînant une  disposition  spéciale.  —  En  architecture  hydrau- 
lique, on  désigne  sous  ce  même  nom  d'enclaves  le  ren- 
foncement ménagé  dans  les  parois  d'une  chambre  d'écluse 
pour  recevoir  les  vantaux  des  portes  de  cette  écluse  lors  de 
leur  ouverture.  Charles  Lucas. 

II.  Droit  civil.  —  Dans  le  langage  juridique,  le  nom 
d'enclave  désigne  l'état  d'un  fonds  entouré  de  tous  côtés 
par  des  fonds  appartenant  à  autrui.  Cette  situation  de  fait 
donne  lieu  à  la  servitude  de  passage,  dont  traitent  les 
art.  682  et  suivants  du  C.  civ.  Aux  termes  de  ces  ar- 
ticles, le  propriétaire  d'un  fonds  enclavé  peut  réclamer, 
pour  l'exploitation  de  son  fonds,  un  passage  sur  les  fonds 
voisins,  à  la  cliarge  d'une  indemnité  proportionnée  au  dom- 
mage que  peut  occasionner  l'exercice  de  cette  servitude. 
On  admet  généralement  qu'on  doit  considérer  comme  en- 
clavés, non  seulement  les  fonds  qui  sont  privés  de  toute 
issue  sur  la  voie  publique,  mais  encore  ceux  qui  n'ont  pas 
une  issue  suffisante  pour  leur  exploitation.  Le  passage 
peut  être  réclamé  par  l'usufruitier  ou  l'usager,  aussi  bien 
que  par  le  propriétaire  ;  mais  il  ne  pourrait  l'être  par  un 
simple  fermier,  sauf  à  celui-ci  à  s'adresser  au  propriétaire 
pour  se  le  faire  procurer.  La  servitude  de  passage  est  im- 
posée à  tous  les  fonds  voisins  du  fonds  enclavé,  quelles  que 
soient  d'ailleurs  la  nature  physique  et  la  condition  juri- 
dique de  ces  fonds  :  ainsi  les  enclos  tenant  ou  non  aux 
habitations,  tels  que  parcs,  cours  et  jardins,  y  sont  soumis 


—  1003  — 


ENCLAVE  —  ENCLUME 


uussi  bien  que  les  terrains  ordinaires  et  non  clos  ;  de 
même  les  fonds  dotaux  sont,  malgré  leur  inaliénabilité,  su- 
jets à  cette  servitude.  Toutefois,  lorsque  renclave  est  le 
résultat  de  la  division,  par  suite  de  partage  ou  d'aliénation 
partielle,  d'un  fonds  qui,  dans  son  intégrité,  avait  accès  sur 
la  voie  publique,  le  passage  devant  être  fourni,  en  vertu 
d'une  convention  tacite,  par  le  propriétaire  de  la  portion 
de  ce  fonds  qui  touche  à  la  voie  publique,  il  ne  peut  plus 
être  réclamé  des  autres  voisins.  Comment  s'établit  le  pas- 
sage ?  En  principe  il  doit  être  pris  sur  les  fonds  voisins 
qui  présentent  le  trajet  le  plus  court  pour  arriver  à  la  voie 
publique.  Ce  principe  n'est  pas  toutefois  tellement  absolu 
que  les  juges  ne  puissent  s'en  écarter,  soit  dans  l'intérêt 
des  fonds  voisins,  soit  même  dans  celui  du  fonds  enclavé, 
si  la  situation  des  lieux  ou  des  circonstances  particulières 
l'exigent.  Dans  tous  les  cas,  le  passage  doit  être  fixé  dans 
l'endroit  le  moins  dommageable  à  celui  sur  le  fonds  duquel 
il  est  accordé.  Le  droit  de  réclamer  le  passage  nécessaire 
à  l'exploitation  d'un  fonds  enclavé  est  de  sa  nature  impres- 
criptible ;  au  contraire,  le  droit  de  demander  l'indemnité 
due  à  raison  du  passage  est  soumis  à  la  prescription  de 
trente  ans,  qui  commencent  à  courir  du  jour  où  le  passage 
a  été  exercé.  Quant  à  la  servitude  de  passage  elle-même, 
comme  elle  est  établie  par  la  loi,  elle  ne  peut  être  acquise 
par  la  prescription  ;  mais,  à  défaut  de  règlement  conven- 
tionnel ou  judiciaire  sur  l'assiette  du  passage,  la  posses- 
sion trentenaire  a  pour  effet  de  la  déterminer  d'une  ma- 
nière irrévocable.  La  loi  n'accordant  au  propriétaire  du 
fonds  enclavé  le  droit  de  passage  sur  les  fonds  voisins  qu'à 
raison  de  Tenclave,  ce  droit  ne  peut  plus  être  réclamé, 
lorsque  l'enclave  vient  à  cesser,  soit  par  l'établissement 
d'un  chemin,  soit  par  la  réunion  du  fonds  originairement 
enclavé  à  un  fonds  ayant  accès  sur  la  voie  publique.  Il  en 
est  autrement  lorsque  l'enclave  est  le  résultat  d'un  par- 
tage ou  d'une  aliénation  partielle  ;  la  servitude  de  passage 
due,  en  pareil  cas^  par  suite  d'une  convention  tacite,  con- 
tinue de  subsister  malgré  la  cessation  de  l'enclave. 

Georges  Lagrésille. 

III.  Droit  international.  —  En  droit  international,  on 
dit  qu'un  territoire  est  enclavé  lorsqu'il  est  entièrement  en- 
touré par  le  territoire  d'un  autre  Etat.  Ainsi,  en  Italie,  la 
république  de  Saint-Marin  est  enclavée  dans  le  royaume  d'Ita- 
lie. En  France,  au  contraire,  la  principauté  de  Monaco,  Etat 
indépendant,  et  la  république  d'Andorre,  Etat  vassal  à  la 
fois  de  la  France  et  de  l'Espagne,  ne  sont  pas  enclavés  ; 
le  premier  a  un  débouché  sur  la  Méditerranée  et  le  second 
est  situé  entre  la  France  et  l'Espagne.  En  Allemagne,  les 
duchés  d'Anhalt  sont  des  enclaves  de  la  Prusse.  —  On 
donne  encore  le  nom  d'enclave  à  de  simples  portions  de 
territoire  qui  relèvent  de  souverains  différents  de  celui  des 
territoires  d'alentour.  Ce  fait,  autrefois  très  fréquent  en 
Allemagne,  n'y  a  pas  encore  complètement  disparu. 

ENCLAVE-de-la-Martinière  (L').  Com.  du  dép.  des 
Deux-Sèvres,  arr.  et  cant.  de  Melle;  560  hab. 

ENCLIQU ETAGE  (Mécan.).  Dispositif  ayant  pour  but 
de  transformer  un  mouvement  circulaire  alternatif  en  un 
mouvement  circulaire  discontinu,  mais  dirigé  constamment 
dans  le  même  sens.  Les  encliquetages  employés  dans  les 
ateliers  sont  généralement  de  deux  sortes  :  à  rocket  ou  à 
frottement.  Dans  les  encliquetages  à  rochet,  qu'on  em- 
ploie surtout  pour  la  transmission  des  efforts  de  faible 
importance,  l'arbre  conduit  porte  une  roue  dentée  dont  les 
dents  formant  un  angle  aigu,  ont  une  face  dirigée  dans  le 
prolongement  du  rayon,  tandis  que  l'autre  est  oblique  sur 
celle-ci  et  forme  une  sorte  de  plan  incliné  par  rapport  à 
elle.  Un  levier  articulé  sur  l'arbre,  et  qui  peut  se  mouvoir 
indépendamment  de  celui-ci,  porte  une  branche  articulée 
formant  cliquet  à  rochet  dont  la  pointe  recourbée  vient 
s'intercaler  dans  l'un  des  espaces  libres  laissés  entre  les 
dents  successives  de  la  roue,  et  elle  est  maintenue  dans 
cette  position  par  un  ressort  fixé  au  levier.  Lorsqu'on  fait 
mouvoir  le  levier  dans  un  sens  déterminé,  il  entraîne  la 
roue  par  le  rochet,  qui  s'appuie  sur  la  face  radiale  de  la 


dent  correspondante  ;  mais,  lorsqu'on  relève  le  levier  en  le 
faisant  tourner  en  sens  contraire,  l'entraînement  s'arrête, 
la  dent  du  rochet  glisse  en  effet  sur  le  plan  incliné  formé 
par  la  face  oblique  de  la  dent  de  roue,  jusqu'à  ce  qu'elle 
aille  tomber  dans  le  vide  suivant  :  la  roue  reste  immobile 
et  elle  est  entraînée  à  nouveau  seulement  dans  le  sens  ini- 
tial. Le  mouvement  ainsi  déterminé  est  assez  lent,  car  la 
roue  ne  tourne  que  pendant  une  demi-oscillation  du  levier. 
Dans  les  encliquetages  à  frottement,  la  disposition  des  or- 
ganes en  contact  assure  l'entraînement  par  frottement  dans 
un  sens  déterminé  de  rotation,  tandis  que,  dans  le  sens 
opposé,  certaines  pièces  se  trouvent  coincées  par  le  mou- 
vement même  et  opposent  ainsi  une  résistance  absolue  à 
l'entraînement.  L.  K. 

ENCLOUURE  (Art  vétér.).  Blessure  des  tissus  intra- 
cornés  faite  par  les  clous  qui  attachent  le  fer.  Les  causes  sont 
l'inattention  ou  l'inhabileté  des  ouvriers  maréchaux.  Cer- 
tains pieds  sont  plus  que  d'autres  prédisposés  à  l'enclouure  : 
tels  sont  les  pieds  maigres,  chez  lesquels  la  corne  est  très 
mince,  et  peu  éloignée  des  tissus  sous-jacents.  Elle  pro- 
vient aussi  de  la  façon  dont  le  fer  est  percé  ou  étampé  ; 
que  si,  par  exemple,  le  fer  est  étampé  trop  gras,  il  y  a 
chance  pour  que  le  clou  meurtrisse  et  détermine  l'enclouure. 
Le  clou  mal  affilé,  le  mauvais  clou  dont  la  lame  est  pail- 
leuso,  peut  s'infléchir  également  sur  le  tissu  vivant  et 
causer  l'enclouure.  Si  un  cheval  est  encloué,  le  premier 
signe  qui  en  est  la  manifestation  est  la  boiterie,  boiterie 
qui  apparaît  tantôt  immédiatement  après  la  ferrure,  tantôt 
plusieurs  jours,  ou  même  plusieurs  semaines  après.  Si^  la 
boiterie  apparaît  de  suite  après  la  ferrure,  la  première 
indication  est  de  déferrer  l'animal,  d'enlever  les  clous  et 
de  s'assurer  lequel  lui  cause  de  la  souffrance.  Une  goutte 
de  sang  apparaît  à  la  paroi  dans  le  point  piqué;  on  dégage 
la  paroi  et  la  sole  à  l'endroit  correspondant,  on  panse 
avec  de  l'étoupe  imbibée  d'essence,  et  on  remet  le  fer 
avec  des  clous,  mais  en  évitant  d'en  placer  un  à  l'endroit 
qui  a  été  piqué.  Si  la  boiterie  se  manifeste  quelque  temps 
après  le  ferrage,  on  déferrera  le  pied,  on  le  parera  et  par 
la  pression  des  tricoises  on  reconnaîtra  facilement  le  point 
douloureux.  Ce  point  trouvé,  on  dégage  sole  et  paroi,  on 
fait  écouler  la  suppuration,  on  incise  les  parties  malades, 
cariées  ou  nécrosées,  on  les  cautérise  à  l'acide  nitrique,  on 
applique  un  pansement  et  on  remet  le  fer.  Il  est  rare  que 
le  mal  ne  guérisse  pas.  L.  Garnier. 

ENCLUME.  L  Technologie.  —  Masse  en  fonte  ou  en 
fer  sur  laquelle  on  forge  les  métaux  à  froid  ou  à  chaud. 
L'enclume  en  fonte,  composée  d'un  métal  cassant,  est  pour- 
tant employée  dans  les  grosses  forges  par  suite  de  l'avan- 
tage qu'elle  présente  qu'on  peut  en  repasser  les  morceaux 
aux  fours  d'affinage  ou  de  fusion.  L'enclume  ordinaire  est 
en  fer  aciéré  ;  la  surface  doit  être  dure  et  lisse,  présentant 
au  milieu  une  partie  plane  en  forme  de  parallélogramme 
qu'on  appelle  la  table  avec  un  trou  carré  destiné  à  rece- 
voir un  tranchet  pour  couper  le  fer.  Les  deux  extrémités 
portent  le  nom  de  «  bigornes  »  et  sont  terminées  en  pointe, 
l'une  ronde,  l'autre  quadrangulaire,  afin  de  permettre  au 
forgeron  d'ébaucher  des  objets  en  métal  de  formes  diverses, 
ronds  ou  à  angles  vifs.  La  fabrication  des  enclumes  exige 
l'emploi  de  fers  et  d'aciers  de  natures  diverses.  La  surface 
doit  être  en  acier  trempé;  on  la  forme  avec  des  bouts 
d'acier  assemblés  par  un  lien  en  fer,  qui  sont  soudés  sur 
le  paquet  en  fer  formant  le  corps  de  l'enclume,  et  comme 
la  haute  température  nécessaire  pour  la  soudure  dénature 
l'acier,  on  est  obhgè  de  cémenter  la  surface  en  faisant 
chauffer  l'enclume  dans  une  boîte  de  cément  et  on  ^  la 
trempe  en  la  maintenant  sous  l'action  d'un  courant  continu 
d'eau  froide.  L»  K. 

IL  Musique.  —  L'imitation  du  bruit  de  l'enclume  ou 
plutôt  du  rythme  des  coups  de  marteau  sur  l'enclume  a  été 
souvent  tentée  par  les  musiciens  descriptifs,  aussi  bien  en 
des  opéras  ou  des  poèmes  symphoniques  qu'en  des  fantaisies 
pour  piano  et  des  morceaux  de  musique  dansante.  A  la 
scène,  on  a  plusieurs  fois  associé,  sur  des  rythmes  prévus 


ENCLUME  —  ENCOiMIUM 


1004  — 


et  s'accordant  avec  ceux  de  l'orchestre,  le  son  même  de  l'en- 
clume à  la  symphonie  insirumentale.  L'enclume  joue  alors 
le  rôle  d'un  instrument  à  percussion  où  la  hauteur  absolue 
du  son  est  indiiférente,  l'effet  utile  ne  provenant  que  de  la 
sonorité  métallique,  claire  et  brève  qui  est  produite,  et  de 
son  rôle  rythmique  dans  l'ensemble.  C'est  du  reste  aussi 
le  cas  du  triangle.  Verdi  s'est  servi  de  cet  effet  pittoresque 
dans  un  chœur  du  Trovatore,  et  M.  Georges  PleifFer  dans 
un  petit  opéra-comique,  précisément  intitulé  l'Enclume, 
Mais  les  exemples  les  plus  typiques  de  cet  emploi  se  trou- 
vent dans  r Anneau  du  Nibelung  de  R.  Wagner;  Mime 
d'abord,  Siegfried  ensuite,  au  premier  acte  de  Siegfried^ 
martèlent  l'acier  sur  l'enclume,  et,  au  troisième  tableau  du 
Rheingold,  dix-huit  enclumes  doivent  se  faire  entendre 
derrière  la  scène,  pendant  l'interlude  qu'on  appelle  quel- 
quefois «  la  descente  à  Nibelheim  ».         Alfred  Ernst. 

ENCLUMETTE  (ArtilU).  Nom  donné  àla  petite  enclume 
que  contient  le  culot  des  cartouches  pour  canon  à  balles  ; 
sous  l'action  d'un  des  percuteurs  du  mécanisme  du  canon, 
elle  se  porte  en  avant,  frappe  l'amorce  et  la  fait  détoner. 

ENCOCHE  (Techn.).  Généralement  petite  entaille  pra- 
tiquée sur  une  pièce  de  mécanique  ;  en  serrurerie,  l'en- 
coche est  l'entaille  faite  sur  le  pêne  ou  sur  la  gâchette 
d'une  serrure  pour  former  arrêt  (V.  Serrure). 

ENC0I6NÉ  (V.  Encoignure). 

ENCOIGNURE  (Archit.).  Angle  rentrant  ou  saillant 
formé  par  deux  parties  de  mur  et  nécessitant  des  dispositions 
spéciales  dans  l'appareil  de  leur  maçonnerie.  Lorsque  même 
l'angle  saillant  formé  par  la  rencontre  de  ces  deux  parties 
est  trop  aigu,  on  fait  ce  que  l'on  appelle  un  pan  coupé,, 
c.-à-d.  que  l'on  coupe  l'encoignure  sur  un  plan  vertical 
et  suivant  un  plan  perpendiculaire  à  la  bissectrice  de 
l'angle  formant  cette  encoignure.  On  donne  aussi  le  nom 
d'encoignure  aux  angles  saillants  d'un  bâtiment  ou  aux 
angles  formés  par  un  corps  de  logis  principal  avec  des  bâ- 
timents en  aile  formant  avant-corps  ou  arrière-corps. 

ENCOLLAGE.  I.  Beaux-Arts.  —  Opération  consistant  à 
enduire  d'une  ou  plusieurs  couches  de  colle  de  parchemin  les 
toiles  à  peindre,  destinées  ensuite  à  recevoir  une  couche 
de  blanc  de  céruse.  On  fait  aussi  subir  l'encollage  aux  bois 
destinés  à  être  dorés  à  la  détrempe.  Les  papiers  destinés 
au  lavis  et  à  l'aquarelle  sont  encollés  à  l'aide  d'un  mélange 
fait  de  savon  blanc,  de  colle  de  Flandre,  d'alun  et  d'une 
faible  partie  d'alcool. 

IL  Tissage  (V.  Apprêt). 

E  N  C 0  L P 1 A  (Reliquaires)  ( Archéol.  chét .) .  Ety mologique- 
ment  ce  mot,  qui  vient  de  xoXtûoç,  poitrine,  signifie  tout 
ce  que  l'on  porte  sur  la  poitrine  ;  dans  l'archéologie  chré- 
tienne, il  a  pris  un  sens  plus  particulier  et  désigne  de 
petites  boîtes  en  métal,  destinées  à  recevoir  des  rehques 
ou  des  versets  de  l'Evangile  inscrits  sur  un  bout  de  par- 
chemin, et  que  l'on  portait  suspendues  au  cou  par  une 
chaînette.  Les  textes  anciens  attestent  que  de  très  bonne 
heure  les  chrétiens  firent  usage  de  ces  encolpia.  Saint 
Grégoire  de  Nazianze,  Paulin  de  Noie,  saint  Jean  Chrysos- 
tome  en  mentionnent  l'existence  ;  plus  tard,  Grégoire  de 
Tours  en  parle  fréquemment,  et  le  patriarche  Nicéphore 
déclare  qu'à  l'époque  des  empereurs  iconolastes  la  chré- 
tienté était  pleine  de  ces  petits  monuments.  Les  encolpia^ 
généralement  formés  de  métal  précieux,  parfois  aussi  de 
bronze  ou  de  verre,  affectent  des  formes  diverses  :  les  uns 
sont  carrés,  d'autres  ovales;  à  partir  du  iv®  siècle,  ils 
prennent  fréquemment  la  forme  d'une  croix.  —  Un  assez 
grand  nombre  de  ces  petits  monuments  nous  ont  été  con- 
servés. Parmi  eux,  il  faut  nommer  les  deux  encolpia 
trouvés  en  1571  à  Rome  dans  les  tombeaux  du  Vatican; 
ce  sont  des  boîtes  carrées,  pourvues  d'une  boucle  à  la 
partie  supérieure,  et  portant  sur  une  de  leurs  faces  une 
colombe,  sur  l'autre  le  monogramme  du  Christ  entre  les 
lettres  A  et  w  (fig.  i).  Un  autre  encolpium  en  forme  de 
bulla  a  été  trouvé  dans  le  tombeau  de  l'impératrice  Maria, 
femme  d'Honorius;  on  y  voit  le  monogramme  du  Christ  et 
le  nom  de  la  princesse  et  de  son  époux  avec  l'inscription 


Vivatis.  Beaucoup  à'encolpia  en  forme  de  croix  nous  sont 
parvenus.  Le  plus  ancien  de  cette  sorte  est  une  croix  pec- 
torale en  or  trouvée  à  Rome 
dans  les  fouilles  de  Saint- 
Laurent-hors-les-Murs  ;  elle 
est  munie  de  vis  fermant 
une  cavité  où  était  contenue 
la  relique,  probablement  une 
parcelle  de  la  vraie  croix 
(fig.  2).  Le  musée  chrétien 
du  Vatican  conserve  plu- 
sieurs croix  de  cette  sorte, 
décorées  d'inscriptions  ou 
de  figures;  le  trésor  de 
Monza  possède  encore  celle 
que  le  pape  Grégoire  le 
Grand  envoya  à  la  reine 
Théodelinde.  On  peut  également  considérer  comme  des 
encolpia  les  petites  fioles  renfermant  des  huiles  recueillies 
au  tombeau  du  Christ  ou  des  martyrs,  et  dont  le  trésor  de 


Monza  (îonserve  plusieurs  exemplaires,  également  adressés 
par  Grégoire  le  Grand  à  Théodelinde,  et  les  clefs  d'or  ren- 
fermant de  la  limaille  des  chaînes  de  saint  Pierre,  dont  il 
est  question  en  plusieurs  passages  de  la  correspondance  de 
Grégoire  le  Grand. 

Dans  un  sens  plus  général,  le  mot  encolpium  désigne 
tous  les  objets  religieux,  médaillons,  pierres  gravées, 
figures  symboliques,  médailles  de  dévotion,  que  les  fidèles 
portaient  suspendus  au  cou  par  piété.  Il  faut  citer  dans 
cette  seconde  classe  d' encolpia  les  poissons  symboliques 
en  or,  en  bronze,  en  ivoire  ou  en  cristal,  les  médaillons 
de  verre  portant  des  figures  religieuses,  les  croix  et  sur- 
tout les  médailles  commémoratives  du  baptême  ou  d'un 
autre  événement  considérable,  et  sur  lesquelles  sont  repré- 
sentées des  scènes  fréquemment  rencontrées  dans  les  pein- 
tures des  catacombes  :  le  Bon  Pasteur,  le  Sacrifice 
d'Abraham,  etc.  Les  plus  anciennes  de  ces  médailles  datent 
du  iii^  siècle.  Ch.  Diehl. 

ENCOMIUM.  Ce  mot  grec  (£yxc6|jliov)  veut  dire  éloge  et 
vient  de  */6lj[xo;  (procession).  Il  désignait  spécialement  des 
poèmes  chantés  en  l'honneur  des  vainqueurs  des  jeux  publics 
par  le  cortège  de  leurs  amis  ;  mais  les  encomia  se  distin- 
guaient des  epinicia,  qui  avaient  un  caractère  plus  élevé, 
plus  solennel,  et  s'exécutaient  souvent  dans  les  temples. 
Héphestion  appelle  encomiologicos  un  vers  qui  fut  pro- 
bablement employé  dans  ces  sortes  de  poèmes  ;  il  est  d'un 
mouvement  rythmique  bien  marqué  où  alternent  avec  grâce 
une  mesure  rapide  et  une  autre  plus  lente  ;  il  est  composé 
de  deux  dactyles  et  demi,  plus  deux  iambes  et  demi.  D'ail- 
leurs on  appelait  aussi  encomia  des  éloges  funèbres,  tels 
que  l'éloge  que  fit  Simonide  des  guerriers  morts  aux 
Thermopyles  [Diod,,  XI,  11).  On  employa  même  ce  terme 
pour  désigner  des  éloges  quelconques  en  vers  ou  en  prose. 


iOOo  — 


ENCOMIUM  ~  ENCRE 


par  exemple  rencomium  d'Hélène,  attribué  au  sophiste  Gor- 
gias,  différents  discours  d'Isocrate,  etc.  A.  W. 

ENCONTRE  (Daniel),  savant  géomètre  et  théoloî>ien 
protestant,  né  le  30  juil.  1762,  mort  le  46  sept.  1818, 
tils  de  Pierre  Encontre,  pasteur  du  désert.  Destiné  par  ses 
parents  à  la  carrière  ecclésiastique,  Encontre  fit  à  Lau- 
sanne et  à  Genève  de  brillantesé^tudes  théologiques  (1780- 
1788)  et,  à  son  retour,  desservit  d'abord  comme  «  propo- 
sant »  quelques  églises  du  Bas-Languedoc,  puis  comme 
pasteur  l'égHse  des  Vans.  Mais,  contramt  par  une  laryngite 
de  renoncer  à  la  prédication ,  il  alla  se  perfectionner  à 
Paris  dans  l'étude  des  mathématiques ,  pour  lesquelles  il 
avait  de  si  bonne  heure  montré  des  aptitudes  remarquables. 
Au  moment  de  la  Terreur,  Encontre  se  réfugia  à  Mont- 
pellier et  se  livra  tout  entier  à  l'enseignement,  occupant 
la  chaire  de  belles-lettres  à  l'école  centrale  de  cette  ville, 
puis  celle  de  mathématiques  à  la  faculté  des  sciences  dont 
il  fut  nommé  doyen  (1808).  Sa  carrière  semblait  devoir  se 
terminer  par  l'étude  des  sciences,  quand  il  fut  appelé  à 
remplir  la  chaire  de  dogme  à  la  faculté  de  théologie  de 
Montauban  (1814).— Depuis  1809,  il  préparait  avec  quel- 
ques collaborateurs  une  nouvelle  édition  de  la  Bible  quand 
il  fut  surpris  par  la  mort.  Daniel  Encontre  a  écrit  sur  les 
branches  les  plus  diverses  des  sciences  et  des  lettres  ;  voici 
un  aperçu  de  la  Hste  de  ses  ouvrages  :  Mémoire  sur  la 
théorie  des  probabilités  ;  Recherches  sur  la  botanique 
des  anciens;  Commentaire  sur  la  mécanique  céleste  de 
Laplace;  Dissertation  sur  le  vrai  système  du  monde, 
comparé  avec  le  récit  que  Moïse  fait  de  la  création  (Mont- 
pellier, 1807)  ;  Lettres  à  M.  Combes-Dounous,  sur  Platon 
et  les  apôtres  (Paris,  1811);  Traité  de  l'Eglise  (en 
latin)  ;  Mémoires  sur  sa  propre  vie.      G.  Bonet-Maury. 

ENCONTRE  (Pierre-Antoine),  fils  du  précédent,  né  à 
Anduze  le  1 0  juin  1798,  mort  à  Montpellier  le  9  févr.  1 847 . 
Il  professa  la  médecine  jusqu'en  1823,  puis  occupa,  à  la 
faculté  de  théologie  de  Montauban,  la  chaire  de  littérature 
grecque.  Savant  aussi  modeste  qu'habile  à  enseigner,  il  sut 
attirer  à  ses  cours  une  affluence  considérable  d'élèves  assi- 
dus et  dévoués.  Encontre  n'a  laissé  que  des  ébauches  de 
travaux  théologiques,  parmi  lesquelles  il  faut  signaler  un 
Discours  sur  la  patristique  (1839)  et  une  llevue  théo- 
logique, fondée  par  lui  à  Montauban,  qui  parut  en  1840 
et  en  1841. 

BiBL.  :  LiCHTENBERGER,  Encyclopédie  des  sciences  reli- 
gieuses. —  Haag,  la  France  prolestante. 

ENCORE  Agassiz  (Zool.).  Genre  d'Echinodermes,  classe 
des  Echinoïdes,  famille  des  Scutellides,  appartenant  à  ce 
groupe  que  caractérisent  des  perforations  ou  des  incisures 
dans  les  rayons  et  une  perforation  impaire  derrière  l'anus 
qui  est  situé  près  de  la  bouche  ;  ce  genre  est  très  voisin 
des  Melitta,  dont  il  diffère  principalement,  entre  autres 
caractères,  par  les  pores  génitaux,  au  nombre  de  cinq  au 
lieu  de  quatre,  et  parce  que  la  cavité  intestinale  est  parta- 
gée en  deux  étages  par  une  cloison  horizontale.  Toutes  les 
espèces  à'Encope  appartiennent  à  l'époque  actuelle  et 
vivent  sur  les  côtes  d'Amérique.  R.  Moniez. 

ENCORBELLEMENT.  L  Architecture.— Toute  saillie, 
corniche,  balcon,  tourelle  et  même  partie  avancée  d'étage 
qui  porte  à  faux  hors  le  nu  d'un  mur.  Les  encorbellements 
reposent  généralement  sur  des modillons,  des  corbeaux,  des 
consoles,  des  cariatides  ou  des  parties  de  solives  encastrées 
dans  le  mur  de  face  où  saillit  l'encorbellement.  La  cons- 
truction en  encorbellement  remonte  à  la  plus  haute  anti- 
quité, car  les  plus  anciens  constructeurs  eurent  recours  à 
ce  système  de  construction  pour  diminuer  les  portées  des 
linteaux  formant  les  baies  et  pour  créer,  au-dessus  de  ces 
baies,  des  parties  triangulaires  ajourées  formant  décharge. 
Les  maisons  de  Rome  et  de  Pompéi  avaient  des  balcons 
dont  la  saillie  réglée  par  la  loi  était  portée  en  encorbelle- 
ment sur  des  abouts  de  solives  et,  pendant  tout  le  moyen 
âge  et  la  Renaissance,  dans  les  rues  étroites  des  cités,  les 
étages  supérieurs  s'avançaient  en  encorbellement  sur  l'étage 
inférieur;  enfin,  de  nos  jours,  il  n'est  pas  rare  de  voir  un 


corridor  de  dégagement  créé  par  encorbellement  au  long 
d'une  façade.  La  construction  en  encorbellement  a  produit 
les  motifs  les  plus  pittoresques  de  l'architecture  du  moyen 
âge  et  de  la  Renaissance,  et  si,  à  notre  époque,  il  est  interdit 
dans  les  villes  de  construire  des  étages  en  encorbellement 
formant  saillie  sur  la  voie  publique,  il  faut  reconnaître 
que  les  encorbellements  autorisés  pour  saillies  de  couver- 
ture, de  corniche,  de  balcon,  de  tourelle  et  même  d'angle 
de  bâtiment  apportent  une  heureuse  diversité  sur  les  façades 
souvent  trop  nues  et  manquant  de  relief  de  nos  construc- 
tions urbaines.  Charles  Lucas. 

IL  Marine.  ^-  Construction  en  saillie  et  en  porte  à 
faux  des  demi-tourelles  qui  servent  pour  le  tir  des  canons 
du  pont  à  bord  de  certains  bâtiments,  et  qui  débordent  la 
paroi  verticale  de  la  muraille.  Cette  construction  augmente 
énormément  le  champ  de  tir  de  la  pièce  qui  peut  battre 
alors  près  de  180^,  depuis  l'extrême  arrière  jusqu'à  l'extrême 
avant. 

ENCOTYLLABE  (Zool.).  Genre  de  Trématodes  mono- 
génèses  tristomiens,  créé  par  Diesing  en  1850.  Monticelli 
considère  ces  Vers  comme  constituant  une  famille  particu- 
lière. Le  corps  est  allongé,  un  peu  rétréci  en  arrière  ;  les 
deux  ventouses  antéro-latérales  sont  grandes,  pédonculées, 
à  bord  rephé  ;  la  ventouse  postérieure  est  également  pédon- 
culée  et  armée  de  deux  gros  crochets.  Ces  Vers  vivent  dans 
les  cavités  buccale  et  pharyngienne  des  Poissons  de  mer. 
Deux  espèces  :  E.  Nordmanni  Diesing,  dans  le  gosier  de 
la  Castagnole  (Brama  Raii)  ;  E.  pagelli  Van  Beneden  et 
Hesse,  dans  la  cavité  et  les  commissures  de  la  bouche  du 
Rousseau  (Pagellus  centrodontus).  Parona  et  Perugia 
signalent  aussi,  sans  la  décrire,  une  espèce  qui  vit  sur  les 
branchiesdu  Crenilabruspavo,  dans  la  Méditerranée.  R.  Bl. 
ENCOUBERT  (V.  Tatou). 

ENCOUNTER  (Baie).  Baie  del'Australie  du  Sud,  entre  le 
cap  Bernouilli,  le  cap  Jervis  et  l'Ile  des  Kangourous,  par 
33«  30'  et  37«  lat.  S.,  13B«  40'  et  137«  38'  long.  E.  ; 
elle  communique  par  le  détroit  de  Backstairs  avec  la  baie 
Saint-Vincent  au  N.  0.  ;  elle  reçoit  le  fleuve  Murray  et 
renferme  d'excellents  mouillages  :  Port  Victor  au  N.,  la 
baie  Lacépède  au  S.  —  Près  du  rivage  septentrional,  sur  le 
Murray,  est  une  ville  du  même  nom. 

ENCOURTIECH.  Com.  du  dép.  de  l'Ariège,  arr.  et 
cant.  de  Saint-Girons;  301  hab. 

ENCOURTINEIViENT(Ameubl.).  Garniture  d'une  cham- 
bre, d'un  lit  ou  d'un  siège  en  étoffe  ou  en  papier  de  ten- 
ture. L'encourtinement  désignait  spécialement  la  pose  des 
courtines  autour  du  lit.  On  l'étendit  par  la  suite  à  la  déco- 
ration des  rues  ou  des  édifices  qu'à  l'occasion  des  fêtes 
on  encourtinait  de  tapisseries  ou  de  pièces  d'étoffes. 
Depuis  le  xvi*  siècle,  ce  terme  fréquent,  au  moyen  âge,  a 
cessé  d'être  en  usage. 

ENCRATISTES  (V.  Apotactique,  Marcion,  Saturnin, 
Sévère). 

ENCRE  (Chim.  ind.).  L'emploi  de  l'encre  remonte  à 
plusieurs  siècles  avant  l'ère  chrétienne  ;  elle  devait  être 
connue  dès  la  plus  haute  antiquité,  puisqu'il  en  est  fait 
mention  dans  le  Pentateuque  de  Moïse,  sous  le  nom  de 
dego,  et  dans  Jérémie,  chap.  xxxvi,  v.  18.  Sa  composition 
se  rapprochait  beaucoup  de  l'encre  de  Chine  ordinaire  ;  il 
y  entrait  du  charbon  très  divisé,  ou  du  noir  de  fumée  dé- 
layé dans  de  l'eau  additionnée  de  gommes  végétales.  Les 
empereurs  se  servaient  d'une  encre  pourpre  qu'ils  avaient 
seuls  le  droit  d'employer,  et  deux  célèbres  peintres  athé- 
niens, PolygnoteetMycon,  inventèrent  l'encre  de  marc  de 
raisin,  nommé  truginon,  qui  veut  dire  fait  de  lie  de  vin. 
On  peut  diviser  les  encres  en  cinq  classes  principales  : 
\^  encres  noires  liquides  et  communicatives  pour  écrire 
sur  le  papier  ;  2°  encre  sèche  dite  de  Chine  ou  à  dessin  ; 
3"  encres  colorées  ;  4**  encres  à  marquer  le  linge  et  les 
étoffes  ;  5^  encres  autographiques,  lithographiques,  typo- 
graphiques, pour  taille-douce,  et  toutes  les  encres  pour  écrire 
sur  la  pierre,  le  zinc,  le  cuivre  et  autres  métaux  poli  est 
grenés.  Une  bonne  encre  à  écrire  doit  satisfaire  aux  condi- 


ENCRE 


1006  — 


lions  suivantes  :  1°  les  caractères  formés  avec  elle  doivent 
être  suffisamment  foncés,  nets  et  d'un  noir  bleuté  ;  2°  la 
matière  colorante  doit  pénétrer  à  une  certaine  profondeur 
dans  le  papier  ;  S"*  ne  pas  s'enlever  par  un  simple  lavage  à 
l'eau  ;  4""  ne  pas  s'altérer  à  l'air  ni  dans  l'encrier  ;  5«  le 
liquide  doit  adhérer  à  la  plume  et  ne  couler  que  par  l'ap- 
position de  celle-ci  sur  le  papier. 

Les  encres  noires  sont  généralement  composées  de  tan- 
nate  et  de  gallate  de  peroxyde  de  fer  en  suspension  dans 
de  l'eau  contenant  un  peu  de  gomme  ou  autres  épaisissants 
destinés  à  empêcher  ou  retarder  la  précipitation  de  la  ma- 
tière colorante,  à  donner  du  corps  et  un  certain  vernis  aux 
caractères.  En  résumé,  la  base  est  toujours  formée  d'un 
principe  colorant  dissous  ou  intimement  mêlé  à  un  véhicule 
liquide,  additionné  de  gomme,  de  sucre  et  de  quelques 
corps  destinés  à  la  préserver  des  altérations  dues  à  la  for- 
mation de  microzoaires  et  de  champignons;  ces  corps  sont 
l'acide  phénique,  salicylique,  le  sublimé,  la  créosote,  les 
huiles  essentielles,  etc.,  mais  on  ne  saurait  approuver 
l'emploi  de  substances  toxiques  par  la  raison  que  les  en- 
fants et  même  les  grandes  personnes  ont  souvent  l'habi- 
t»de  de  porter  fréquemment  les  plumes  à  leur  bouche  et 
qu'il  pourrait  résulter  des  accidents  de  l'addition  de  sub- 
stances très  actives.  Sans  citer  ici  toutes  les  formules  de 
préparation  de  l'encre  ordinaire,  nous  donnerons  la  sui- 
vante comme  type  d'une  encre  d'un  très  beau  noir  : 

Noix  de  galle  concassée 2  kilogr. 

Sulfate  de  fer  cristallisé, |     — 

Gomme  arabique ^1     ~" 

Eau  de  pluie •  •  •      /^f  ^^j; 

On  épuise  complètement  la  galle  avec  20  à  ^io  lit.  d  eau. 
On  passe  à  travers  une  toile  ;  on  ajoute  à  la  liqueur  claire 
d'abord  la  gomme,  puis  le  sulfate  de  fer,  que  l'on  a  fait 
dissoudre  séparément  dans  le  reste  de  l'eau.  On  agite  le 
mélange  de  temps  en  temps,  et  on  l'abandonne  au  contact 
de  l'air  jusqu'à  ce  qu'il  ait  acquis  une  belle  teinte  noir 
bleuâtre.  On  laisse  alors  reposer,  on  décante  et  on  enferme 
l'encre  dans  des  bouteilles  bien  bouchées.  Dans  le  com- 
merce, cette  encre  est  appelée  encre  double,  celle  dite 
simple  contient  son  volume  d'eau  en  plus.  Les  dépôts  noirs 
de  tannate  et  de  gallate  de  fer  résultant  de  la  décantation 
sont  vendus  comme  boues  d'encre  aux  emballeurs  et  mar- 
queurs de  caisses.  L'encre  préparée  d'après  cette  formule 
générale  est  un  peu  terne  ;  on  lui  donne  du  brillant  par 
l'addition  d'un  peu  de  sucre  et  de  sulfate  de  cuivre,  mais 
ce  dernier  corps  a  l'inconvénient  de  précipiter  du  cuivre 
sur  les  plumes  métalliques,  ce  qui  les  empâte^  et  les  rend 
cassantes.  Souvent  aussi  l'encre  jaunit,  ce  qui  est  dû  à  un 
excès  d'acidité  du  sulfate  de  fer  ;  on  y  remédie  en  ajoutant 
un  alcali  pour  neutraliser  l'acide  libre.  La  noix  de  galle 
qui  est  assez  chère  est  fréquemment  remplacée  par  d'autres 
écorces  riches  en  tanins,  telles  que  le  sumac,  le  bois  de 
campêche,  l'écorce  de  chêne,  etc.,  mais  le  noir  obtenu  est 
moins  beau  et  l'encre  plus  altérable.  Voici  quelques-unes  de 
ces  recettes  économiques  : 

Noix  de  galle 96  gr. 

Bois  de  campêche "^^ 

Couperose  verte 'j^ 

—      bleue 32 

Gomme  arabique 32 

Sucre ^  ,. 

Eau 21^t. 

On  peut  obtenir  avec  le  bois  de  campêche  seul  une  encre 
presque  aussi  bonne  que  l'encre  ordinaire,  telle  que  l'encre 
de  Bunge,  d'Erdmann,  qui  est  une  combinaison  d'hémateine 
et  d'oxyde  de  chrome  ;  on  la  prépare  en  mélangeant  4,000  p. 
de  décoction  de  bois  de  campêche  (1  p.  de  bois  pour  7  p. 
d'eau)  avec  d  p.  de  chromate  jaune  de  potasse  dissous 
dans  1  p.  d'eau  et  0s25  de  bichlorure  de  mercure.  Cette 
encre,  d'un  noir  pur,  se  distingue  par  sa  soKdité,  sa  beauté 
et  son  bas  prix. 

L*encre  communicative  ou  de  transport  dont  le  com- 
merce fait  grand  usage  pour  la  copie  des  lettres  à  la  presse 


86  ^T. 

96  gr. 

82 

33^ 

32 

32 

dO 

» 

32 

64 

40 

» 

2  lit. 

2  lit. 

est  composée  de  3  p.  d'encre  ordinaire  additionnée  de  4  p. 
de  sucre  candi  et  quelquefois  d'un  peu  de  glycérine.  Depuis 
que  Lewis  fit  paraître,  en  4764,  un  traité  sur  les  encres 
et  les  procédés  de  les  rendre  indélébiles,  il  a  été  publié  une 
foule  de  travaux  sur  le  même  sujet  ;  mais  toutes  les  encres 
essayées  dans  ce  but  ont  le  défaut  d'être  trop  épaisses,  de 
s'écouler  difficilement  de  la  ylume  sans  pénétrer  le  papier  et 
de  donner  des  dépôts  considérables  qui  finissent  par  laisser 
une  encre  presque  incolore.  En  outre,  ces  encres  ont  le 
grand  inconvénient  de  pouvoir  s'effacer  mécaniquement  et 
résistent  mal  à  un  grattage.  Celles  vendues  comme  indélé- 
biles contiennent,  pour  la  plupart,  une  certaine  dose  de 
carbone  incorporé  et  participent  alors  au  défaut  de  sépara- 
tion du  principe  décolorant  par  la  décantation.  L'Académie 
des  sciences  a  conseillé  l'encre  de  Chine  en  solution  éten- 
due et  légèrement  acide  ou  alcaline  ;  le  milieu  alcalin  est 
préférable  pour  les  plumes  métalliques,  et  ce  produit  a 
l'avantage  de  faire  pénétrer  l'encre  dans  le  papier.  M.  Graille 
a  fait  connaître  une  encre  indélébile  composée  en  faisant 
dissoudre  du  gluten  frais  dans  de  l'acide  pyroligneux  et 
incorporant  au  liquide  savonneux  ainsi  obtenu  une  petite 
quantité  de  noir  de  fumée  et  d'indigo.  Cette  encre  résiste  à 
la  plupart  des  réactifs  qui  altèrent  l'encre  ordinaire.  L'encre 
nouvelle  de  Mathieu  Plessy  est  aussi  donnée  comme  inal- 
térable ;  elle  est  préparée  avec  des  matières  colorantes  dé-' 
rivées  de  la  fabrication  de  l'acide  pyroligneux.  M.  Crè,  de 
Lyon,  a  composé  une  encre  dite  encre  diplomatique,  qui 
résiste  aux  alcalis,  aux  acides,  au  chlore,  et  est  ineffaçable 
par  lavage  ou  grattage  ;  elle  est  préparée  avec  un  carbone 
particulier.  On  a  expérimenté  en  ces  derniers  temps  une 
encre  à  base  de  matières  vitrifiables  en  suspension  dans  un 
Hquide  épaissi,  et  destinée  à  être  employée  concurremment 
avec  du  papier  d'amiante,  ce  qui  offrirait  l'indestructibi- 
lité  ;  la  pratique  n'a  pas  encore  sanctionné  son  emploi. 

Eiicre  de  Chine.  L'encre  de  Chine,  dont  l'importation 
en  Europe  remonte  fort  loin,  est  originaire  de  l'Inde.  Ac- 
tuellement, on  l'imite  parfaitement  en  France  comme  qua- 
lité, et  voici  une  recette  qui  donne  de  bons  résultats  : 

Noir  de  fumée  purifié 4  p. 

Suc  de  réglisse 4 

Colle  de  poisson 6 

Eau 42 

On  dissout  le  suc  de  réglisse  dans  une  petite  quantité 
d'eau  ;  d'un  autre  côté,  on  fait  fondre  la  colle  dans  le  reste 
de  l'eau  et,  après  avoir  mélangé  les  deux  liquides,  on^  y 
incorpore  le  noir  de  fumée.  La  pâte  qui  en  résulte  est  mise 
dans  des  moules  enduits  de  cire  et  séchée  soit  au  soleil, 
soit  à  l'étuve.  La  pâte  peut  être  aromatisée  par  du  musc  ou 
du  camphre,  marquée  et  dorée  avant  entière  dessiccation. 
De  la  pureté  du  charbon  employé  dépend  la  qualité  de 
l'encre  et  sa  solidité  ;  le  noir  de  fumée  purifié  par  des  dis- 
solvants énergiques,  potasse,  acides,  carbures  liquides,  et 
calciné  en  vase  clos,  donne  les  meilleurs  résultats. 

Encres  de  couleur.  Les  encres  de  couleur  sont,  soit 
des  décoctions  de  bois  de  Brésil,  de  campêche, _  addition- 
nées de  gomme,  d'alun,  d'acétate  de  cuivre,  soit  des  dis- 
solutions de  cochenille,  de  carmin  ou  de  laque  de  garance 
pour  les  encres  rouges;  la  graine  d'Avignon,  la  gomme- 
gutte  pour  les  encres  jaunes  ;  l'indigo,  le  bleu  de  Prusse  en 
solution  oxalique  pour  l'encre  bleue,  et  le  mélange  de 
celle-ci  avec  la  gomme-gutte  pour  l'encre  verte.  Voici 
quelques  recettes  d'encres  rouges  les  plus  employées  : 
Encre  rouge  de  Ferrari 

Bois  de  Brésil 96  gr. 

Alcool  à  22« 250 

Après  macération  pendant  quelque  temps,  on  filtre  et  on 

ajoute  40  gr.  d'alun  et  40  gr.de  gomme  avec  un  peu  de  sucre. 

Encre  pourpre 

Bois  de  campêche 42  gr. 

Eau 420 

Verdet 4 

Alun 44 

Gomme. .....  o 4 


—  1007  — 


ENCRE  —  ENCRIER 


Même  préparation  que  ci -dessus. 

L*encre  de  Kuhlmann  est  composée  d'une  décoction  de 
cochenille  additionnée  de  silicate  de  potasse;  la  solution 
de  la  laque  de  garance  dans  l'acide  pyroligneux  donne  aussi 
une  belle  encre  rouge.  La  plupart  des  couleurs  d'aniline 
sont  actuellement  employées  et  fournissent  directement  des 
encres  colorées  de  bonne  qualité  qui  remplacent  avanta- 
geusement dans  beaucoup  de  cas  les  couleurs  végétales. 

V encre  d'imprimerie,  ainsi  que  les  encres  lithogra- 
phiques, sont  essentiellement  composées  de  charbon  et 
d'huile  siccative,  le  plus  souvent  d'huile  de  lin  épurée  et 
rendue  siccative  en  la  faisant  bouillir  dans  des  chaudières 
de  fonte  ou  mieux  de  cuivre,  jusqu'à  ce  qu'elle  laisse  dé- 
gager des  vapeurs  combustibles  que  l'on  fait  brûler  quel- 
ques minutes  pour  obtenir  l'huile  ou  vernis  à  la  flamme, 
puis  on  éteint  en  appliquant  le  couvercle  sur  la  chaudière. 
Dans  d'autres  fabriques,  on  chauffe  l'huile  dans  des  chau- 
dières fermées  jusqu'à  consistance  voulue  et  sans  enflam- 
mer les  vapeurs.  Après  avoir  subi  cette  sorte  de  cuite, 
l'huile  est  devenue  épaisse  et  visqueuse  ;  elle  n'est  plus 
bue  par  le  papier  et  sèche  rapidement.  Souvent  on  aug- 
mente encore  sa  viscosité  en  y  dissolvant  de  la  poix  noire 
ou  de  la  résine  colophane.  Le  point  exact  de  la  cuisson  de 
l'huile  exige  une  grande*  pratique  et  beaucoup  de  soins, 
sous  peine  d'obtenir,  au  lieu  de  vernis,  un  produit  caout- 
chouté qui  ne  peut  être  utilisé  ;  c'est  le  point  délicat  de  la 
fabrication  des  encres  grasses. 

L'encre  d'imprimerie  n'est,  en  somme,  qu'une  sorte  de 
vernis  très  siccatif,  composé  d'huile,  de  noir  de  fumée  et 
quelques  autres  substances  destinées  à  lui  donner  du  mor- 
dant et  plus  de  brillant.  Sa  préparation  comprend  trois 
opérations  principales  :  1°  fabrication  du  noir  ;  2*^  prépa- 
ration de  l'huile  cuite  ou  vernis  ;  3°  mélange  et  broyage 
du  vernis  avec  le  noir.  Le  noir  est  préparé  par  la  combus- 
tion des  huiles  lourdes,  riches  en  carbures  d'hydrogène, 
dans  des  cornues  ad  hoc  ;  les  gaz  sont  enflammés  et  le 
noir  recueilli  dans  des  grandes  chambres  qui  ont  jusqu'à 
3,000  m.  c.  ;  pour  le  priver  des  goudrons  et  huiles  qui  se 
sont  condensés  en  même  temps,  on  le  calcine  en  vase  clos. 
Le  mélange  et  le  broyage  de  l'huile  cuite  avec  le  noir  s'opè- 
rent à  l'aide  de  broyeuses  à  cylindres  de  granit  pour  éviter 
réchauffement  et  l'altération  de  la  pâte.  Il  faut  plusieurs 
passages  pour  obtenir  l'homogénéité  et  la  finesse  de  grain 
nécessaire.  Ainsi,  à  l'Imprimerie  nationale,  les  encres  fines 
à  vignettes  subissent  de  dix  à  douze  passages  et  tritura- 
tions successives. 

Pour  l'imprimerie  en  taille-douce,  qui  exige  une  encre 
grasse  spéciale,  l'huile  ne  doit  pas  être  cuite  aussi  loin,  et 
rester  susceptible  de  ne  pas  adhérer  ;  le  noir  est  formé, 
dans  ce  cas,  par  un  mélange  de  noir  d'os  et  de  noir  de  lie 
de  vin.  Les  encres  lithographiques  et  autographiques  dif- 
fèrent peu  des  précédentes  ;  la  base  colorante  est  toujours 
le  carbone,  le  vernis  seul  est  plus  léger,  surtout  pour  le 
dessin;  voici  deux  formules  courantes  : 


I 

Savon 93 

Cire  vierge 125 

Suif  de  mouton 62 

Gomme  laque  blonde  93 

Noir q.  s. 


II 

Savon n 

Cire  vierge 40 

Mastic  en  larmes .. .  10 

Gomme  laque  blonde  28 

Noir 9 


Les  encres  pour  écrire  sur  le  zinc  et  le  fer-blanc,  ainsi 
que  les  étiquettes  de  jardin  exposées  à  l'humidité,  sont  com- 
posées par  des  sels  métalliques  en  solution  additionnés  de 
noir  de  fumée  et  recouverts  ou  non  d'un  vernis  inaltérable. 
On  a  une  bonne  encre  pour  écrire  sur  le  zinc  en  prenant  : 

Acétate  de  cuivre  en  poudre  (verdet). 

Sel  ammoniac  —  

Noir  de  fumée 

Eau 

On  mêle  ces  poudres  dans  un  mortier  et  on  y  ajoute  peu 
à  peu  la  quantité  d'eau  indiquée.  Pour  l'emploi,  il  faut 
avoir  soin  de  l'agiter  ;  les  caractères  formés  ne  tardent  pas 


Ip. 
1 

1/2 
10 


à  noircir  et  à  acquérir  une  grande  solidité.  On  peut  rem- 
placer le  noir  de  fumée  par  toute  autre  matière  colo- 
rante minérale.  Pour  écrire  sur  le  fer-blanc,  on  peut 
employer  une  solution  étendue  d'azotate  de  cuivre  addi- 
tionnée d'un  épaississant  et  de  noir  de  fumée. 

Enfin  les  encres  de  sympathie,  connues  depuis  fort 
longtemps,  sont  composées  de  liquides  qui  ne  laissent 
aucune  trace  visible  sur  le  papier  et  que  des  agents  chi- 
miques font  apparaître  avec  diverses  couleurs.  Tous  les  sels 
métalliques  peuvent  servir  à  cet  usage  en  employant  comme 
révélateur  des  réactifs  susceptibles  de  produire  soit  un 
précipité,  soit  une  coloration.  L'encre  de  sympathie  la  plus 
sensible  est  composée  avec  une  dissolution  très  étendue  de 
chlorure  de  cobalt  additionné  d'un  peu  de  chlorure  de  fer. 
Les  caractères  tracés  avec  cette  encre  sont  invisibles  et 
apparaissent  en  vert  foncé  par  laction  de  la  chaleur;  ils 
disparaissent  de  nouveau  sous  l'influence  de  l'air  humide. 

Ch.  GmARD. 

ENCRE  (V.  Albert,  1. 1,  p.  1149). 

ENCRIER.  I.  Archéologie.  —  Petit  réservoir  destiné  à 
recevoir  et  à  conserver  l'encre  pour  écrire  :  faisait  autre- 
fois partie  de  Vescritoire,  d'où  est  venu  qu'on  a  souvent  con- 
fondu les  deux  objets.  Dans  Vescritoire,  c'était  une  petite 
bouteille  de  verre  ou  de  corne,  généralement  placée  près  des 
pennes  (plumes),  du  canivet  (canif),  du  style  de  plomb  à 
régler  le  parchemin  :  séparé,  il  s'appelait  cornet.  A  par- 
tir du  xiv^  siècle,  on 
le  trouve  mentionné, 
seul,  dans  les  inven- 
taires. Charles  VI 
avait  un  encrier  d'ar- 
gent doré  :  les  plombs 
trouvés  dans  la  Seine 
et  conservés  au  musée 
de  Clunyne  nous  font 
connaître  que  les  en- 
criers du  XV®  et  du 
xvi®  siècle.  Jusqu'au 
XVIII®  siècle,  comme 
ils  étaient  mal  fermés, 
ils  se  répandaient  fré- 
quemment. Baradelle, 
ingénieur  du  roi,  in- 
venta en  1735  un  en- 
crier à  fermeture  hermétique  qui  prit  son  nom  :  les  encriers 
à  pompe  font  leur  apparition  en  1791.      F.  de  Mély. 

IL  Technologie.  —  On  a  donné  aux  encriers  toutes 
sortes  de  formes  et  on  en  fabrique  avec  toutes  sortes  de 
de  matériaux  :  verre,  porcelaine,  marbre,  bronze,  etc. 
Parmi  les  diverses  espèces  ^ui  ont  été  ou  qui  sont  encore 
le  plus  employées,  il  faut  citer  l'encrier  siphoïde,  l'en- 
crier à  pompe  et  V encrier  inversable ,  (jui  ont  pour 
but  de  soustraire  l'encre  à  l'action  de  l'air  qui  la  décom- 
pose lentement  et  de  ne  jamais  permettre  à  la  plume  de 
prendre  une  quantité  d'encre  trop 
considérable.  L'encrier  siphoïde 
consiste  en  un  réservoir  en  verre 
fermé  par  le  haut  et  muni  par 
le  bas  d'un  tube  latéral  qui  fait 
siphon  avec  le  réservoir  et  qui  sert 
de  godet.  —  V encrier  à  pompe 
(fig.  2)  se  compose  d'un  vase 
ordinairement  en  porcelaine,  dans 
lequel  plonge  un  cylindre  plein 
soutenu  par  une  vis  fixée  au 
couvercle;  ce  réservoir  est  percé 
latéralement  au-dessus  du  niveau 
habituel  du  liquide  d'un  petit 
trou  qui  vient  aboutir  au  fond  du  godet  où  l'on  plonge  la 
plume.  Le  vase  étant  plein,  si  l'on  tourne  le  bouton  qui 
forme  la  tête  de  la  vis,  le  cylindre  s'enfonce  dans  l'encre 
qu'il  déplace  et  force  à  remonter  dans  l'intervalle  annu- 
laire compris  entre  le  cylindre  et  la  paroi  du  réservoir  ; 


Fig.  1.  -Encrier  en  ploml)  (xv«  s.) 
(Musée  de  la  Ville  de  Paris.) 


Fig.  2.  —  Encrier  à 
pompe  (Coupe.) 


ENCRIER  -  ENCYCLOPÉDIE 


—  1008  — 


dans  ce  mouvement  ascensionnel,  le  niveau  de  Tencre  atteint 
le  trou  latéral  qui  communique  avec  le  ^odet  où  elle  s'élève 
plus  ou  moins  suivant  le  degré  d'immersion  du  cylindre.  En 
tournant  le  bouton  en  sens  inverse,  on  fait  remonter  le  cy- 
lindre et  l'encre  rentre  dans  le  réservoir  :  on  a  ainsi  l'avan- 
tage de  conserver  l'encre  à  l'abri  de  l'air  et  de  la  poussière. 
—  L'encrier  inver sable  est  le  type  le  plus  perfectionné  :  il 
se  compose  d'un  récipient  en  verre  à  large  base  fermé  par 
une  monture  en  étain  sur  laquelle  se  visse  un  couvercle  de 
même  métal,  au  centre  duquel  se  trouve  un  cylindre  creux 
dont  l'extrémité  inférieure,  en  forme  de  cône,  va  presque 
toucher  le  fond  de  l'encrier.  L'encre  pénètre  par  la  petite 
ouverture  conique  dans  le  cylindre  oii  la  plume  va  la 
puiser.  Il  suffit  de  dévisser  le  bouchon  d'un  demi-tour,  puis 
de  le  revisser  pour  faire  remonter  l'encre  au  fur  et  à 
mesure  des  besoins  journaliers.  —  Citons  enfin  les  encriers 
de  poche  à  fermeture  hermétique,  double  ou  simple,  petits 
réservoirs  de  verre  enfermés  dans  un  étui  en  bois  ou  en 
fer-blanc  recouvert  d'une  peau. 

BiBL.  :  Archéologie.  —  Lacurne  de  Sainte-Palaye, 
Dictionnaire  raisonné  de  Vancien  langage  finançais,  v°  En- 
crier. —  Havard,  Dictionnaire  de  l'ameublement  et  de  la 
décoration,  t.  II,  p.  398. 

EN  CRI  NE  (Encrinus)  (Paléont.).  Genre  de  Crinoïdes 
(V.  ce  mot)  fossiles  créé  en  1735  par  Guettard,  sous  le 
nom  d'Encrinites,  et  devenu  pour  les  modernes  le  type 
d'une  famille  (E?icrinidœ),  qui  ne  renferme  que  des  formes 
éteintes.  Les  caractères  de  cette  famille  sont  :  calice  sur- 
baissé cupuliforme,  à  base  dicyclique.  Iiifrabasalia  très 
petits,  au  nombre  de  cinq,  recouverts  par  l'article  supérieur 
de  la  tige.  Cinq  parabasalia  grands  et  cinq  radialia.  Les 
bras  au  nombre  de  dix  ou  de  vingt,  robustes,  non  divisés, 
sont  accolés  les  uns  aux  autres  formant  une  pyramide  : 
ils  ont  deux  rangées  d'articles  ou  sont  à  rangées  alter- 
nantes. La  tige  est  ronde.  Le  type  est  Encrinus  lilii- 
formis  du  Muschelkalk,  que  nous  avons  figuré  au  mot  Cri- 
noïdes (V.  ce  mot).  Tous  les  Crinoïdes  de  ce  genre  sont 
du  trias,  et  ce  sont  les  plus  anciens  des  Articulata.  Les 
têtes  d'Éncrines  se  rencontrent  dans  les  couches  de  cette 
époque,  notamment  dans  les  Vosges  (près  de  Lunéville), 
dans  les  Alpes  méridionales,  le  Brunswick,  les  environs  de 
Berlin,  la  Silésie  supérieure,  le  Wurttemberg,  etc.  On  en 
trouve  aussi  dans  le  trias  d'Asie  (Himalaya).  Les  ar- 
ticles détachés  de  la  tige  forment  dans  certaines  localités 
de  véritables  bancs  (calcaire  à  Encrines  ou  Trochites)  qui 
attestent  l'abondance  de  ces  Echinodermes  qui  formaient 
de  véritables  forêts  sous-marines,  et  la  longueur  de  la  tige 
qui  s'accroissait  presque  indéfiniment.  Les  genres  C  'lelo- 
crinus,  Dadocrimis,  Calathocrinus  et  Porocrinus  ap- 
partiennent à  la  même  famille  et  diffèrent  i^en  à' Encrinus. 
Les  têtes  d'Encrines  avaient  déjà  attiré  l'attention  des 
anciens,  et  Agricola  les  considère  comme  le  résultat  d'infil- 
trations semblables  à  des  stalactites.  Les  noms  vulgaires 
de  Grains  de  rosaire,  Larmes  de  géants.  Pierres  étoilées, 
Entrochites,  etc.,  leur  ont  été  appliqués  au  moyen  âge. 
Lhuid,  Ellis,  Guettard  ont  été  les  premiers  à  reconnaître 
leur  véritable  nature.  Linné  en  faisait  sa  Pennatula  en- 
crinus, et  plaçait  le  seul  Crinoïde  vivant  que  l'on  connût 
(Pentacrinus)  dans  son  genre  Isis.  Le  genre  Encrinus 
de  Guettard  a  été  définitivement  adopté  par  Lamarck,  Cu- 
vier  et  tous  les  auteurs  modernes.  E.  Trouessart. 

ENCRINOÏDES  ou  ENCRiNID>€  (V.  Encrine  et  Eucri 

NOÏDES). 

ENCRINURUS  (Paléont.).  Genre  de  Trilobites  type  de 
la  famille  des  Encriiiuridœ  qui  présente  les  caractères  sui- 
vants :  carapace  trilobée,  enroulable;  tête  assez  grande, 
tuberculée,  à  coins  postérieurs  arrondis  ou  pointus  ;  gla- 
belle bien  limitée,  grande  suture  partant  du  bord  externe 
en  avant  des  coins  et  traversant  le  bord  frontal.  Thorax  de 
onze  à  douze  segments,  parfois  terminés  en  pointe.  Pygi- 
dium  assez  grand,  sans  limbe,  à  segments  nombreux,  à 
lobes  latéraux  couverts  de  côtes.  Les  genres  Cybele,  Den- 
dymene,  Encrinurus  et  Cromus  composent  cette  famille 


qui  est  du  silurien  inférieur  et  supérieur  de  Suède,  de 
Russie,  de  Bohême,  de  Grande-Bretagne  et  de  l'Amérique 
du  Nord  (V.  Trilobites).  E.  Trt. 

ENCUVAGE  (Blanch.).  Opération  par  laquelle  on  dépose 
les  pièces  de  tissus  dans  les  chaudières  à  blanchir  ou  à 
aviver.  Il  est  nécessaire  d'observer  certaines  règles  pour 
l'encuvage,  surtout  dans  le  blauchiment.  Il  importe  de 
donner  à  la  marchandise,  en  boyau,  une  inclinaison  de 
43^  environ  dans  un  sens  pour  la  première  couche  et  la 
même  inclinaison  dans  le  sens  opposé  pour  la  deuxième 
couche  et  ainsi  de  suite  ;  le  liquide  pénètre  plus  facilement 
et  plus  régulièrement.  En  retorsant  les  pièces,  comme 
elles  sortent  des  clapets,  sans  observer  cet  agencement,  on 
a  de  grandes  inégalités  dues  à  la  circulation  imparfaite  du 
bain  dans  les  tissus.  L.  K. 

ENCUVEMENT  (Trav.  publics).  Conduite  en  maçonne- 
rie établie  dans  le  sol  des  voies  publiques,  pour  recevoir 
les  conduites  d'eau  ou  de  gaz.  Ces  canaux  souterrains, 
dont  il  n'a  encore  été  fait  qu'un  usage  restreint,  ont  pour 
objet  de  remédier  notamment  aux  inconvénients  nombreux 
que  présentent  les  conduites  de  gaz  placées  dans  des  tran- 
chées faites  au  milieu  des  rues  ;  il  faut,  à  chaque  abonne- 
ment nouveau,  ouvrir,  dans  le  trottoir  et  dans  la  chaussée, 
une  tranchée  pour  poser  le  tuyau  communiquant  avec  la 
conduite  centrale  ;  il  en  est  de  même  quand  on  veut  chan- 
ger les  dispositions  premières  ou  réparer  une  fuite;  ce  der- 
nier cas  exige  de  plus  de  longues  recherches,  le  tout  au 
grand  détriment  de  la  salubrité  publique  et  de  la  circula- 
tion. L'encuvement,  maçonné  et  recouvert  de  dalles  faciles 
à  enlever,  simplifiele  problème.  Nous  pouvons  citer  une  ap- 
plication qui  a  été  faite  de  ce  système  au  Palais-Royal,  à 
Paris,  sous  la  direction  de  M.  Chabrol.  L.  K. 

ENCYCLIQUE.  Lettre  adressée  par  le  pape  à  tous  les 
évêques  de  l'Eglise  catholique  romaine  ou  unis  à  elle,  or- 
dinairement avec  cette  suscription  :  Venerabilibus  Fra- 
tiibus  Patriarchis  Primatibus  Archiepiscopis  et  Episco- 
piscatholici  Orbis  universis  gratiam  et  commumonem 
cum  Apostolica  Sede  habentibus,  l>lè3inmoms  l'encyclique 
In  plurimis  sur  l'esclavage  n'a  été  adressée  qu'aux 
évêques  du  Brésil.  Dans  les  encycliques,  le  pape  commu- 
nique aux  évêques  ses  vues  sur  les  droits  et  les  devoirs, 
les  besoins  et  les  épreuves  de  l'Eglise  ;  il  parle  comme  le 
pasteur  suprême,  chargé  d'instruire,  d'exhorter  et  de 
diriger.  —  Dans  les  constitutions  dogmatiques  et  les 
brefs  dogmatiques,  il  agit  comme  législateur  et  juge,  et 
il  s'adresse  à  tous  les  chrétiens  :  Universis  Christi  fide- 
libus.  E--H.  V. 

ENCYCLOPÉDIE.  Généralités.  —  On  appelle  encyclo- 
pédie un  ouvrage  embrassant  l'ensemble  des  connaissances 
humaines  ;  ces  enseignements  sont  distribués  sous  une 
forme  méthodique,  de  manière  à  faire  ressortir  la  cohésion 
intime  des  diverses  sciences  et  des  divers  arts  et  à  les 
ordonner  selon  des  cadres  rationnels.  Une  encyclopédie  est 
donc  plus  et  mieux  qu'un  dictionnaire,  lequel  se  borne  à 
réunir  le  plus  de  renseignements  possibles  sur  un  sujet 
donné.  En  dehors  des  encyclopédies  générales  ou  univer- 
selles, il  existe  des  encyclopédies  spéciales  exposant  seu- 
lement une  science  ou  un  groupe  de  sciences,  mais  toujours 
d'un  point  de  vue  d'ensemble  et  en  rattachant  les  faits  de 
détails  aux  principes  fondamentaux. 

Le  mot  d'encyclopédie  ne  fut  appliqué  à  ces  traités 
universels  qu'à  partir  de  la  seconde  moitié  du  xyi®  siècle  ; 
cependant  le  mot  et  la  chose  remontent  à  l'antiquité.  Ce 
que  les  anciens  appelaient  encyclopédie  (Ij/uyAio;  Tuaiôsta), 
c'était  l'ensemble  des  connaissances  générales  que  tout 
homme  instruit  devait  posséder  avant  d'aborder  la  vie 
pratique  ou  de  se  consacrer  à  une  étude  spéciale.  On  y 
comprenait  la  grammaire,  la  musique,  la  géométrie,  l'as- 
tronomie, la  gymnastique;  c'était  à  peu  près  la  même 
chose  que  ce  qu'on  dénommait  les  arts  libéraux,  dont  le 
nombre  fut  fixé  à  sept  après  Marcianus  Capella  :  gram- 
maire, dialectique,  rhétorique,  arithmétique,  géométrie, 
musique,  astronomie.  Terentius  Yarro ,  dans  son  grand 


—  1009  — 


ENCYCLOPÉDIE 


ouvrage  (Disciplinarum  libri  IX),  et  Marcianus  CapeQa, 
dans  le  Satiricon  (vers  415  ap.  J.-C),  donnent  des  ency- 
clopédies au  sens  ancien  du  mot,  c.-à-d.  quelque  chose 
d'analogue  à  nos  manuels  du  baccalauréat.  Il  existait  aussi 
des  encyclopédies  spéciales,  comme  celle  rédigée  par 
Speusippe,  disciple  de  Platon,  le  traité  d'archéologie  de 
Varron  (Rerum  humanarum  et  divinarum  antiqui- 
tates)  et  V Histoire  naturelle  de  Pline. 

Au  moyen  âge,  on  a  rédigé  de  véritables  encyclopédies. 
On  a  essayé  de  rassembler  en  un  ouvrage  la  totalité  des 
connaissances  humaines,  et,  à  mesure  que  domina  davan- 
tage l'esprit  philosophique,  on  s'efforça  de  les  coordonner 
à  des  points  de  vue  généraux.  Les  Originum  seu  etymo- 
logiarum  libri  XX  d'Isidore  de  Se  ville  (vers  l'an  600)  ne 
sont  guère  dépassées  par  le  De  Universo  de  Raban  Maure, 
mais  le  sont  tout  à  fait  par  les  ouvrages  de  Vincent  de 
Beauvais,  dont  le  Spéculum  majus,  rédigé  vers  1260, 
est  une  œuvre  colossale. 

Au  temps  de  la  Renaissance,  lorsque  l'imprimerie  se 
fut  répandue,  on  vit  paraître  plusieurs  compilations  ency- 
clopédiques, celles  de  Ringelberg  {Cyclopœdia,  Bâte, 
1559),  de  Scalich  (Encyclopœdia,  Bâle,  1559),  de  Mar- 
tini (1606),  d'Alsted  (Encyclopœdia,  Herborn,  1620). 
Elles  sont  d'une  valeur  médiocre  :  l'esprit  philosophique 
leur  manque,  et  la  classification  est  défectueuse.  Celui  qui 
prépara  les  encyclopédies  vraiment  dignes  de  ce  nom,  en 
établissant  les  principes  de  la  classification  des  sciences, 
fut  le  fameux  Bacon.  C'est  d'après  la  même  méthode  que 
fut  composée  la  fameuse  Encyclopédie  de  Diderot  et 
d'Alembert.  Pour  tout  cet  exposé  général,  nous  renvoyons 
à  la  Préface  de  notre  Grande  Encyclopédie,  où  le  lecteur 
trouvera  d'abondants  renseignements. 

L'Encyclopédie  (de  Diderot  et  d'Alembert).  — 
Pour  les  contemporains,  V Encyclopédie  fut  avant  tout 
l'œuvre  de  d'Alembert  et  plus  encore  de  Diderot,  mais  ce 
jugement,  que  la  postérité  a  ratifié,  ne  serait  qu'à  demi 
équitable  si  une  large  part  n'était  faite  aux  collabo- 
rateurs, dont  les  chefs  ont,  d'ailleurs,  aussi  longtemps 
qu'ils  l'ont  pu,  proclamé  bien  haut  les  services.  Ainsi  qu'il 
arrive  souvent  pour  des  œuvres  très  célèbres,  la  gestation 
de  celle-ci  a  été  singulièrement  laborieuse,  et  les  compé- 
titions n'ont  pas  manqué  pour  réclamer  la  paternité  de 
l'idée  première.  Sans  remonter  jusqu'à  Bacon,  ni  même  à 
Chrestophle  de  Savigny,  le  «  gentilhomme  rethelois  »,  au 
profit  de  qui  Delisle  de  Sales  voulait  déposséder  le  chan- 
celier d'Angleterre,  il  est  certain  que  la  conception  de 
V Encyclopédie  ne  germa  pas  inopinément  dans  le  cerveau 
de  ceux  qui  lui  donnèrent  sa  forme  définitive  et  qu'il 
s'agissait  en  principe,  dans  la  pensée  de  ses  éditeurs,  d'une 
simple  spéculation  de  librairie.  On  a  dit  plus  haut  (V.  Di- 
derot) comment  le  bruit  du  succès  de  la  Cyclopœdia, 
de  Cbambers,  étant  venu  à  la  connaissance  de  Briasson  et 
de  Le  Breton,  ceux-ci  sollicitèrent  et  obtinrent  un  privi- 
lège pour  donner  de  ce  dictionnaire  une  traduction  abrégée 
qu'ils  avaient  confiée  à  un  Anglais  nommé  John  Mills  et  à 
un  Allemand  nommé  Godefroy  Sellius.  Bientôt  Le  Breton 
rompit  le  traité,  non  sans  violence,  si  l'on  en  croit  une 
plainte  déposée  par  Mills  devant  le  Châtelet,  et  s'adressa, 
pour  traiter  la  même  matière,  à  un  mathématicien,  l'abbé 
Gua  de  Malves,  esprit  ingénieux  et  hardi,  mais  paresseux 
et  inconstant.  Gua  de  Malves,  après  avoir,  dit-on,  conseillé 
aux  libraires  un  plan  tout  différent  et  beaucoup  plus  vaste, 
se  déroba  quand  il  fallut  l'exécuter  et  leur  présenta 
Diderot.  Sous  l'impulsion  de  celui-ci,  l'œuvre  projetée 
changea  définitivement  de  proportions  et  de  but  ;  un  nou- 
veau privilège  fut  obtenu  pour  vingt  ans,  un  autre  titre 
fut  adopté,  un  codirecteur  (d'Alembert)  fut  adjoint  à 
Diderot,  et  tous  deux,  après  avoir  déterminé  respectivement 
les  parties  qu'ils  entendaient  traiter,  recrutèrent  les  adhé- 
sions des  écrivains  ou  des  savants  les  plus  qualifiés  pour 
mener  à  bien  une  tâche  gigantesque  :  Voltaire  s'enrôla  des 
premiers  et  avec  l'ardeur  qu'il  apportait  en  toutes  choses. 
Montesquieu  promit  plus  qu'il  ne  put  donner,  mais  laissa 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —   XV. 


en  mourant  l'article  Goût.  Rousseau  prit  pour  sa  part  la 
théorie  et  la  pratique  de  la  musique.  Dans  son  célèbre 
Discours  préliminaire,  et  plus  tard  dans  V Avertissement 
du  t.  VII,  d'Alembert  a  énuméré  presque  tous  les  noms 
de  ceux  qui  avaient  concouru  à  l'entreprise  ;  mais,  faute  de 
place,  on  ne  saurait  ici  rappeler  que  les  principaux  d'entre 
ces  ouvriers  de  la  première  heure  :  Daubenton  s'était  chargé 
de  l'histoire  naturelle,  l'abbé  Mallet  de  la  théologie,  l'abbé 
Yvon  de  la  métaphysique,  de  la  logique  et  de  la  morale, 
Dumarsais  de  la  grammaire,  l'abbé  de  La  Chapelle  de  l'arith- 
métique et  de  la  géométrie  élémentaire.  Le  Blond  des  ar- 
ticles de  fortification,  de  tactique  et  d'art  militaire,  Gous- 
sier  de  la  coupe  des  pierres,  d'Argenville  du  jardinage  et 
de  l'hydraulique,  J.-N.  Bellin  de  la  marine,  J.-B.  Le  Roy 
de  l'horlogerie  et  de  la  description  des  instruments  d'as- 
tronomie. Tarin  de  l'anatomie  et  de  la  physiologie,  Van- 
denesse  de  la  matière  médicale  et  de  la  pharmacie,  Louis 
de  la  chirurgie,  Malouin  de  la  chimie,  Landois  de  la  pein- 
ture, sculpture  et  gravure,  Blondel  de  l'architecture, 
Cahusac  de  la  chorégraphie  et  de  la  technique  théâtrale,  etc. 
Mais,  fidèles  au  but  qu'ils  s'étaient  fixé,  les  directeurs  de 
V Encyclopédie  n'avaient  pas  un  instant  perdu  de  vue  que 
la  description  des  arts  mécaniques  et  la  représentation 
exacte  de  leur  fonctionnement  était  la  partie  la  plus  neuve 
et  la  plus  essentielle  du  travail  auquel  ils  s'étaient  engagés. 
Aussi,  après  les  metteurs  en  œuvre  des  matériaux  accu- 
mulés, viennent  les  noms  de  ceux  qui  les  avaient  fournis. 
D'Alembert  n'oublie  personne,  depuis  les  savants  qui 
s'étaient  contentés  de  fournir  des  notes  ou,  comme  on 
disait  alors,  des  «  mémoires  »,  tels  que  le  vieux  médecin 
Camille  Falconet,  le  fermier  général  Dupin,  le  comte  d'Hé- 
rouville  de  Claye,  lieutenant  général,  jusqu'aux  industriels 
et  aux  ouvriers  qui  avaient,  devant  Diderot  et  ses  aides, 
démonté  et  remonté  leurs  métiers,  fourni  toutes  les  expli- 
cations nécessaires  et  donné  des  croquis  dont  Goussier  se 
servait  pour  dessiner  les  planches  destinées  à  accompagner 
chaque  description.  C'est  la  première  fois  que  ce  légitime 
hommage  était  rendu  à  des  travailleurs  obscurs,  et  ce  sim- 
ple détail  a,  par  sa  date,  une  importance  capitale.  On  pres- 
sent que  des  temps  nouveaux  sont  proches. 

D'après  le  prospectus  rédigé  par  Diderot,  VEncyclo- 
pédie  ne  devait  primitivement  comporter  que  dix  volumes 
in-folio,  dont  deux  de  planches;  mais  ce  chiffre  fut  promp- 
tement  reconnu  insuffisant,  et  le  premier  tome  fut  d'ailleurs 
accueilli  avec  un  tel  succès  que  ni  les  libraires  ni  les  sous- 
cripteurs ne  se  plaignirent  alors  des  développements  néces- 
saires qu'elle  devait  prendre.  Ce  n'était  pas  toutefois  sans 
peines  et  sans  dangers  que  l'œuvre  était  enfin  venue  à 
terme  et  promettait  d'être  viable  :  la  détention  de  Diderot 
à  Vincennes  (1749),  la  suspension  provisoire  du  tome  I, 
les  polémiques  intéressées,  les  critiques  justifiées  ou  per- 
fides avaient  salué  sa  naissance  et  entravé  ses  premiers 
pas.  Mais  elle  réussit  à  conjurer  tous  les  périls  jusqu'aux 
fameux  arrêts  du  10  oct.  1758,  qui  prononçait  l'exa- 
men du  septième  volume  par  une  commission  de  théolo- 
giens, du  8  mars  1759  qui  révoquait  le  privilège,  et  du 
21  juillet  suivant  qui  prescrivait  le  remboursement  aux 
souscripteurs  des  72  livres  qu'ils  avaient  versées  à  titre 
d'avance  pour  les  volumes  restant  à  paraître.  En  apparence, 
c'en  était  fait  de  V Encyclopédie,  et  ses  détracteurs  pous- 
sèrent de  retentissants  cris  de  triomphe  ;  mais  ils  comp- 
taient sans  l'énergie  de  son  principal  «  entrepreneur  »  et 
aussi  sans  la  bienveillance  (d'autres  diraient  la  connivence) 
du  directeur  général  de  la  librairie,  Lamoignon  de  Males- 
herbes,  et  du  lieutenant  de  police  Sartines,  sans  la  pro- 
tection secrète,  mais  efficace  de  M°^^  de  Pompadour,  sans 
la  générosité  de  M^^  Geoffrin.  Si  Malesherbes  et  Sartines 
n'avaient  point  volontairement  fermé  les  yeux  sur  l'im- 
pression et  le  tirage  des  planches  qui  se  poursuivaient  dans 
l'atelier  des  libraires  associés,  si  M"'^  de  Pompadour  n'avait 
point  obtenu  de  l'indolence  naturelle  du  roi  qu'il  n'eût 
point  égard  aux  dénonciations  parvenues  jusqu'à  lui,  si 
M"^^  Geoffrin  n'eût  pas  avancé,  plusieurs  fois,  d'assez 

64 


ENCYCLOPÉDIE 


—  1040  — 


fortes  sommes  pour  parer  aux  dépenses  que  les  souscrip- 
tions ne  pouvaient  plus  couvrir,  le  zèle  de  Diderot  et  du 
chevalier  de  Jaucourt,  son  infatigable  auxiliaire,  se  serait 
heurté  à  d'insurmontables  obstacles.  Personne,  d'ailleurs, 
plus  que  Diderot,  ne  se  rendait  mieux  compte  de  tous  les 
disparates  que  devait  présenter  une  publication  de  cette 
importance  poursuivie  et  achevée  dans  des  conditions  aussi 
défavorables.  Le  jugement  qu'il  portait  sur  l'ensemble,  pré- 
cisément au  mot  Encyclopédie,  il  le  confirmait  en  termes 
non  moins  sévères  dans  une  conversation  qu'il  eut  en  1768 
avec  Panckouke  et  d'autres  libraires  au  sujet  d'un  supplé- 
ment, dont  il   refusa  d'ailleurs  de  se  charger.   Encore 
n'avouait-il  que  devant  ses  amis  les  plus  intimes  la  véri- 
table cause  du  mécompte  et  du  découragement  que  trahis- 
saient ses  propos,  les  mutilations  clandestines  accomplies 
par  Le  Breton  ou  son  prote,  sur  les  épreuves  revêtues  du 
dernier  bon  à  tirer.  «  Il  était  convaincu  que  le  public  voyait 
comme  lui  ce  qui  manquait  à  chaque  article,  et  l'impossi- 
bilité de  réparer  ce  dommage  lui  donnait  encore  de  Thumeur 
vingt  ans  après  »,  dit  M^«  de  Vandeuil,  dont  le  témoignage 
a  éfé  confirmé  en  termes  presque  identiques  parNaigeon.  — 
«  Chose  inouïe,  dit  Grimm  en  racontant  la  stupeur  de 
Diderot  et  en  transcrivant  sa  véhémente  lettre  à  Le  Breton, 
je  n'ai  jamais  entendu  aucun  des  auteurs  maltraités  se 
plaindre  ;  l'intervalle  des  années  qui  s'est  écoulé  entre  la 
composition  et  l'impression  de  leurs  articles  leur  avait  sans 
doute  rendu  leur  ouvrage  moins  présent,  et  l'on  mit  tant 
d'entraves  à  la  publication  des  dix  volumes  que  l'édition  se 
trouva  vendue  aux  souscripteurs  de  province  et  des  pays 
étrangers  avant  que  les  auteurs  en  eussent  pu  hre  une  seule 
ligne  !  »  Grimm  écrivait  ceci  au  mois  de  janv.  1771.  L'im- 
pression de  V Encyclopédie  était  terminée  depuis  1765. 
Diderot  semblait  avoir  le  droit  de  revenir  à  ses  travaux 
personnels,  quand  il  se  trouva  mêlé,  par  son  imprudence 
habituelle,  à  un  procès  qui  pouvait  gravement  compromettre 
son  repos.  Un  homme  de  lettres  qui  s'était,  de  son  auto- 
rité privée,  institué  éditeur  d'un  Cours  d'histoire  natu- 
relle et  de  géographie  et  d'autres  livres  d'éducation, 
Luneau  de  Boisjermain,  s'était  vu  inquiéter  par  Briasson  et 
Le  Breton,  syndics  de  la  librairie,  en  raison  de  ses  pubh- 
cations,  contraires  aux  règlements  en  vigueur  de  la  corpo- 
ration. Usant  de  représailles,  il  engagea  contre  eux  une 
longue  instance  tendant  à  se  faire  restituer,  à  lui  et  aux 
autres  souscripteurs  de  V Encyclopédie,  le  surplus  des 
souscriptions  que  les  éditeurs  de  cet  ouvrage,  légalement 
supprimé,  n'avaient  pas  remboursé.  A  ce  grief,  en^ appa- 
rence fondé,  il  rattacha  mille  chicanes  de  détail  et,  qui  plus 
est,  produisit  dans  les  factums  dont  il  accabla  ses  adver- 
saires (avec  la  collaboration  de  Lin  guet,  au  moins  pour  le 
premier  mémoire),  plusieurs  lettres  où  Diderot  donnait  tort 
aux  libraires.  Profitant  d'un  voyage  de  Grimm  en  Angle- 
terre, «  parce  que,  dit  celui-ci,  lorsqu'on  veut  faire  une 
sottise,  il  faut  savoir  s'en  cacher  de  ses  amis  »,  Diderot 
répondit  en  termes  hautains  aux  dénonciations  de  Luneau 
et  revendiqua  pour  lui  seul  la  responsabilité  de  tous  les 
accroissements  de  V Encyclopédie.  Bien  plus,  dans  une 
brochure  intitulée  iit  public  et  aux  magistrats  et  signée 
de  son  nom  (1771,  in-8),  il  affirma  de  nouveau  cette  res- 
ponsabilité. Les  libraires  donnèrent  tout  au  long,  à  la  suite 
de  leur  factum,  la  lettre  que  Diderot  leur  avait  adressée  et 
que  Luneau  s'efi'orça  de  nouveau  de  réfuter.  Mais  la  bro- 
chure, sans  doute  sur  un  conseil  officieux,  fut  supprimée 
avec  tant  de  soins  qu'on  n'en  connaît  présentement  qii'un 
seul  exemplaire  (à  la  Bibliothèque  impériale  de  Saint- 
Pétersbourg).  Après  plusieurs  années  de  lutte,  Luneau  fut 
définitivement  débouté  de  ses  prétentions  et  condamné  aux 
dépens  (juil.  1778). 

Une  autre  accusation  qui  poursuivit  longtemps  les 
libraires  et  l'éditeur  de  V Encyclopédie,  fut  celle  que 
fomenta  et  propagea  l'architecte  Patte,  au  sujet  des  plan- 
ches destinées  à  accompagner  les  descriptions  d'arts  et 
métiers  et  copiées,  selon  lui,  sur  celles  dont  l'Académie 
des  sciences  avait  ordonné  l'exécution.  Chargée  par  Colbert 


de  rédiger  une  série  de  monographies  des  diverses  sciences 
et  professions  manuelles,  l'Académie  avait  quelque  peu 
oublié  la  tâche  assignée  par  son  protecteur  ;  la  renommée 
de  V Encyclopédie  naissante  vint  secouer  sa  torpeur  et 
les  matériaux  préparés  par  Filleau  des  Billettes  (1634-1720) 
furent  confiés  à  Béaumur  dont  la  mort  seule  (1756)  inter- 
rompit le  zèle,  puis  à  Duhamel  du  Monceau  et  à  un  grand 
nombre  de  collaborateurs  recrutés  parmi  les  membres  de 
l'Académie,  ses  correspondants,  ou  de  simples  particuliers. 
La  publication,  interrompue  par  la  Révolution,  ne  fut 
jamais  reprise,  malgré  les  efforts  de  Camus  qui  dressa,  en 
1798,  dans  les  Mémoires  de  l'Institut  naissant,  la  liste 
des  Arts  qui  restaient  à  traiter.  Voici,  dans  l'ordre  alpha- 
bétique des  noms  de  leurs  auteurs,  un  tableau  sommaire 
des  descriptions  mises  au  jour  avec  la  date  de  leur  publi- 
cation. Toutes  sont  de  format  in-folio  et  ornées  de  plan- 
ches plus  ou  moins  nombreuses. 

Beauvais-Raseau,  Indigotier  (1770,  11  pL).  —  Bedos 
de  Celles  (Dom  Fr.),  Facteur  d'orgues  (1766-73, 137  pi.). 

—  Blakey  (W.),  Ressorts  démontres  (1780,  \1  pi.).— 
Chaulnes  (duc  de).  Instruments  de  mathématiques 
(1768),  Description  d'un  microscope  (1768,  6  pi.).  — 
Demachy  (Jacques-François),  Distillateur  d'eau- forte 
(1775,  12  pi.);  Distillateur-liquoriste  (1773,  12  pi.). 

—  Dudin,  Relieur  et  doreur  de  livres  (1772,  16  pi.). 

—  Duhamel  du  Monceau  (H.-L.),  Colles  (différentes  sortes 
de)  (1774,  3  pi.);   Amidon  (1775);   Pipes  à  fumer 
(1771,  11  pi.);  Tapis  faconde  Turquie  connus  sous  le 
nom  de  tapis  de  la  Savonnerie  (1766,  4  pi.);  Etofl'es 
de  laine  (1766,  5  pL);  Corderie  (4764,  8  pi.)  ;  Dra- 
perie (draps  fins)  (1765,  15  pi.);  Raffmeur  de  sucre 
(1790,   10  pi.);   Fil  d'archal  (1768,  5  pL);  Cartier 
(1762,  5  p].);  Chandelier  (1761,  3  pi.);  Charbonnier 
(1771);  Cirier  (1762,  8  pi.);  Couvreur  (1766,  4  pL); 
Potier  de  terre  (1773, 17  pL);  Savonnier  (1774,  6  pi.); 
Serrurier  (1767,  42  pi.);  Tuilier  et  briquetier  (1760, 
10  pi.),  avec  Fourcroy   de   Ramecourt  et  Gallon   (V. 
aussi  Jars).  —  Fougeroux  d'Angerville,  Criblier  (suite 
du  Parcheminier  de  Lalande)  (1772,  2  pi.).  —  Fouge- 
roux de  Bondaroy   (Auguste-Denis),   Pierre  d'ardoise 
(1762,  4  pi.);  Cuirs  dorés  et  argentés  (1762,  2  pi.); 
Coutelier  en  ouvrages  communs  (1772,  7  pi.);  Jonne-- 
lier  (1763,  6  pL).  —  Fourcroy  de  Ramecourt  (Ch.-Bi- 
chard).  Chaufournier  (1766^15  pi.);  Tuilier  et  brique- 
tier (V.  Duhamel  du  Monceau).  —  Gallon  ou  Galon, 
Cuivre  rouge  (1764,  18  pi.).  —  Garsault  (Fr.-Alex.), 
Rourrelier  et  sellier  (1774,  15  pi.);  Cordonnier  (1767, 
5    pi.);  Lingère   (1771,  4  pi.);    Paumier-raquetier 
(1767,  5  pi.);  Perruquier  et  baigneur-étuviste  (1767, 
5  pi.);  Tailleur,  culottier ,  couturière  et  marchande  de 
modes  (1769,  16  pi.).  —  Hulot,  Tourneur-mécanicien 
(1^^  partie,  seule  parue)  (1775,  44  pi.).  —  Jars  (Ga- 
briel), Brique  et  tuile  de  Hollande  (fabrication  et  cuis- 
son) (1767,  1  pi.)  (V.  Duhamel).  —  Lagardette  (A.-M. 
de),  mombier-fontainier  (1773,  23  pL).  Anonyme.  — 
Lalande   (Joseph-Jérôme  Le  François   de),   Cartonnier 
(1763,  30  pi.);  Chamoiseur  (1763,  4  pi.);  Corroyeur 
(1767,  2  pi.);  Maroqimùer  (1766,  1  pL);  Papier  (fabri- 
cation du)  (1761,  16  pi.);  Parcheminier  (1762,  5  pL); 
Hongroyeur  (1766,  1  pi.);  Mégissier  (1765,  2  pi.); 
Tanneur  (1764,  3  pi.).  —  Lemonnier  (P.-C),  histru- 
ments  d'astronomie  (4774).  —  Le  Vieil  (P.),  Peinture 
sur  verre  (1774, 13  pi.).  —  Lucotte  (J.-R.),  Maçonnerie 
(1783, 18pl.).—Macquer  (Pierre-Joseph), T^m^wr^msofg 
(1763,  7  pi.).  —  Malouin  (?.-L), Meunier,  Vermicellier, 
Boulanger  (1767,  6  pi.).  —  Milly  (Nicolas -Christiern 
de  Thy,  comte  de),  Porcelaine  (1771,  8  pi.).  —  Morand 
(J.-F.-Clément),  Charbon  déterre  (1768-1779,  4  sections 
et  une  table  des  matières  suivie  d'additions,  72  pi.).  — 
Nollet  (l'abbé  Jean-Antoine),  Chapelier  (1775,  6  pL).  — 
Paulet  (de  Nîmes),  Fabricant  d'étoffes  de  soie  (7  sec- 
tions, 1773-4789,  195  pL).  —  Perret  (J.-J.),  Coutelier 
et  instruments  de  chirurgie  (1771-1772,  deux  sections, 


—  1011  — 


ENCYCLOPÉDIE 


122  pi. ).  —  Réaumur  (René- Antoine  Ferchault  de),  Fer 
fondu  (nouvel  art  d'adoucir  le)  (1762,  15  fig.);  Epin- 
glier  (avec  additions  et  remarques,  par  Duhamel  du  Mon- 
ceau et  Perronnet  [1762, 10  pi.]);  Ancres  (di\ec  additions 
par  Duhamel  du  Monceau).  — Roland  de  LaPlatière(J.-M.), 
Etoffes  en  laine  (deux  parties,  1780, 17  pi.)  —  Romme 
(Charles)  et  Chapmann,  Voilerie  (1781,  9  pL).  —  Roubo, 
Layetier  (1782,  7  pL);  Menuisier  (3  parties  et  4  sec- 
tions, 1769-1775,  28  pi.).  —  Saint-Aubin  (Ch.-Germain 
de).  Brodeur  (1777,  10  pL).  —  Salmon  (de  Chartres), 
Potier  d'étain  (1788,  32  pL). 

Toutes  ces  Descriptions  des  arts  et  métiers  faites  et 
approuvées  par  MM.  de  r Académie  des  sciences  ont 
été  réimprimées  à  Neufchâtel  (1771-1783,  19  vol.  in-4), 
avec  observations  et  augmentations  par  J.-E.  Bertrand. 
Les  analogies  inévitables  que  Ton  pouvait  constater  entre 
les  planches  commandées  par  l'Académie  et  celles  àeV En- 
cyclopédie ne  justifiaient  nullement  l'accusation  de  plagiat 
imaginée  par  Patte.  La  plupart  avaient  été  gravées  anté- 
rieurement au  début  de  la  mise  au  jour  des  Descriptions 
et  pour  un  très  grand  nombre  d'arts  se  trouvaient  être 
plus  nombreuses 'et  plus  détaillées  dans  V Encyclopédie. 
Aussi  Panckouke  et  divers  autres  libraires  pensèrent-ils 
faire  et  firent,  en  effet,  une  excellente  affaire  en  rachetant 
aux  libraires  associés  les  planches  au  prix  de  250,000  fr. 
Tout  d'abord,  Panckouke  avait  proposé  une  refonte  de  V En- 
cyclopédie^ avant  même  que  la  première  édition  de  celle- 
ci  ne  fût  achevée;  mais,  dit  Grimm  avec  raison,  les  sous- 
cripteurs ne  se  souciaient  pas  de  concourir  par  de  nou- 
velles avances  à  rendre  celle-ci  inutile,  et  Panckouke  dut 
renoncer  à  son  projet.  Une  réimpression  intégrale  du  texte 
primitif,  accompagnée  d'un  supplément  qui  devait  se  vendre 
séparément  aux  possesseurs  de  la  première  édition,  fut 
mieux  accueillie.   La  distribution   en   était   commencée 
lorsque  l'assemblée  du  clergé,  tenue  en  1770,  se  plaignit 
de  cette  tolérance  au  roi,  et  les  trois  premiers  volumes  fu- 
rent saisis,  transportés  à  la  Bastille,  d'où  ils  ne  sortirent 
qu'en  1777.  En  même  temps,  un  pasteur  de  l'Eghse  fran- 
çaise de  Bâle,  Pierre  Mouchon,  rédigeait  une  table  ana- 
lytique qui  pouvait  s'adapter  aux  diverses  éditions  françaises 
de  V Encyclopédie.  Un  exemplaire,  pour  être  complet,  doit 
donc  comporter  les  dix-sept  volumes  du  texte  de  Diderot  et 
de  ses  collaborateurs,  quatre  volumes  de  Supplément, 
onze  volumes  de  planches,  dont  un  afférent  au  supplément, 
et  deux  volumes  de  tables.  L'Encyclopédie  a  été  en  outre 
l'objet  de  réimpressions  multiples,  les  unes  conformes  au 
texte  authentique,  les  autres  très  modifiées  et  parfois  même 
entièrement  dénaturées.  Parmi  les  premières,  on  cite  celles 
de  Genève  et  Lucques  (1751-1767),  avec  notes  d'Octavien 
Diodati,  de  Genève  (1777,  39  vol.  in-4,  dont  3  de  pi.); 
de  Lausanne  et  de  Berne  (1777-1779,  36  vol.  gr.  in-8  et 
3  vol.  de  pi.  in-4).  L'édition  donnée  par  Fortuné-Barthélémy 
de  Felice  à  Yverdon  (1770-1780,  58  vol.  in-4)  a  eu  de 
nombreux  collaborateurs  dont  la  dernière  édition  du  i)îc- 
tionnaire  des  anonymes  de  Barbier  donne  la  liste.  En 
dépit  de  ces  contrefaçons  d'une  introdution  d'ailleurs  tou- 
jours^ difficile  en  France,  le  succès  de  VEncyclopédie 
n'était  pas  encore  épuisé  quand  Panckouke  singénia  à  le 
renouveler  sous  une  autre  forme  :  renonçant  cette  fois  à 
l'ordre  alphabétique,  le  plus  commode  à  coup  sûr,  mais 
assurément  le  moins  scientifique,  il  lança,  en  1781,  le 
prospectus  d'une  refonte  générale  par  ordre  de  matières. 
La  spéculation  au  début  s'annonça  comme  excellente,  mais 
les  événements  politiques,  aussi  bien  que  le  progrès  des 
sciences,  la  rendirent  par  la  suite  singulièrement  onéreuse, 
et,  quand  elle  fut  enfin  achevée  (1832),  cinquante  ans 
s'étaient  écoulés  entre  la  publication  du  premier  et  celle 
du  dernier  de  ses  166  volumes,  accompagnés  de  6,439 
planches  !   Diderot,   qui  avait  pu  voir  le  début  de  cette 
entreprise  colossale,  avait  autorisé  Naigeon  à  insérer,  en 
les  retouchant  au  besoin,  ses  articles  sur  l'histoire  de  la 
philosophie  ;  ceux  de  d'Alembert  sur  les  sciences  exactes 
avaient  également  reparu  avec  des  additions  par  Condorcet, 


Bossut,  La  Chapelle,  etc.  Aussi  Panckouke  avait-il  légiti- 
mement décoré  le  frontispice  de  VEncyclopédie  métho- 
dique d'une  très  belle  planche  d'Augustin  de  Saint-Aubin 
offrant,  avec  les  médaillons  accolés  de  Diderot  et  de  d'Alem- 
bert, ceux  des  principaux  coopérateurs  de  l'ancienne  et  de 
la  nouvelle  Encyclopédie  :  Voltaire,  Rousseau,  Daubenton, 
La  Marck,  Condorcet,  Dumarsais,  Marmontel,  etc. 

Les  principales  divisions  de  VEncyclopédie  métho^ 
dique  se  répartissent  ainsi  qu'il  suit  : 

Agriculture,  par  l'abbé  Tessier,  Thouin,  Fougeroux  de 
Bondaroy,  Bosc  et  Baudrillard  (1787-1821,  7  vol.  in-4). 

—  Anatomique  (système),  par  Yicq  d'Azyr  et  Cloquet 
(Termes  d'anatomie  et  de  physiologie.  (Juadrupèdes,  mam- 
mifères et  oiseaux,  reptiles,  mollusques,  poissons,  etc.) 
(1792-1830,  4  vol.  in-4  et  1  vol.  de  pi.,  1825).  — 
Animaux  (histoire  naturelle  des),  par  Daubenton,  Mau- 
duit,  Latreille,  Godard,  Lamarck,  Bory  de  Saint-Yincent, 
Bonnaterre,  etc.  (1782-1832,  d4  vol.  in-4  et  16  t.  en 
14  vol.  de  pi.).  —  Antiquités,  mythologie,  diplomatique 
et  chronologie,  par  Mongez  (1786-an  II,  5  vol.  in-4  et 
1  vol.  de  ]^\.).  — Aratoire  (art)  et  jardinage,  par  Jacques 
Lacombe(an  Y, in-4,  et  1  vol.  de  pL,  i^{)^ï) , -^  Arbres  et 
arbustes  (Y.  Forêts).  —  Architecture,  par  Quatremère 
de  Quincy  (1788-1825,  3  vol.  in-4).  —  Art  militaire, 
par  Kéralio  (1784-1797  et  1  vol.  de  pi.).  Le  ¥  vol.  ren- 
ferme un  Supplément  par  Lacuée  de  Cessac  et  Joseph  Ser- 
van.  —  Artillerie,  par  le  colonel  IL  Cotty  (1822,  in-4). 

—  Arts  et  métiers  mécaniques  (1782-1791,  8  vol.  in-4 
et  8  t.  en  6  vol.  de  pi.).  —  Assemblée  nationale  consti- 
tuante, par  Peuchet  (t.  II,  seul  paru,  1792,  in-4).  —  Atlas 
encyclopédique  contenant  la  géographie  ancienne  et  la 
géographie  moderne,  par  Bonne  et  Desmarets  (1787- 
1788,  2  vol.  in-4).  —  Beaux-Arts,  par  Watelet  et 
Lévesque  (1788-1791,  2  vol.  in-4  et  un  vol.  de  pi.).  — 
Blason  et  Chronologie  (1787-1804,  6  vol.  in-4  et  1  vol. 
de  pi.).  —  Botanique,  par  Lamarck  et  Poiret  (1783- 
182-^,  11  vol.  in-4  et  4  vol.  de  pi.).  —  Chasses  et  Pêches 
(dictionnaire  de  toutes  les  espèces  de)   (an  III,  in-4  et 

1  vol.  de  pi.).  —  Chimie,  pharmacie  et  métallurgie, 
par  Guyton-Morveau,  Maret,  Duhamel,  Fourcroy,  Chaussier, 
Yauquelin  (1786-1815,  6  vol.  in-4  et  1  vol.  de  pL).  — 
Chirurgie,  par  La  Roche   et  Petit-Radel   (1790-1792, 

2  vol.  in-4  et  1  vol.  de  pL).  —  Economie  politique  et 
diplomatique,  par  Démeunier  (1784-1788, 4  vol.  in-4).— 
Encyclopœdiana  ou  Dictionnaire  encyclopédique  des 
Ana  (1791,  in-4).  —  Equitation,  escrime,  danse  et 
art  de  nager  (1786,  in-4).  —  Finances,  par  Rousselot 
de  Surgy  (1784-1787,  3  vol.  in-4).  —  Forets  et  bois, 
arbres  et  arbustes,  par  L.-M.  Blanquart  de  Septfontaines 
et  Jean  Senebier  (Physiologie  végétale)  (1791-1815, 
t.  P^).  —  Géographie  ancienne,  par  Mentelle  (1787- 
1792,  3  vol.  in-4  et  pi.  dans  V Atlas  de  Bonne  et  Des- 
marest).  —  Géographie  moderne,  par  Robert  et  Masson 
de  Morvilliers  (1782-1788,  3  vol.  in-4  et  pi.  dans  VAtlas 
de  Bonne  et  Desmarest).  —  Géographie  et  physique, 
par  N.  Desmarest,  Bory  de  Saint-Yincent,  Doin,  Ferry 
et  ïluot  (an  111-1828,  5\-ol.  in-4  et  un  atlas).  —  Gram- 
maire et  littérature,  par  Marmontel  (1782-1786,  3  vol. 
in-4).  —  Jeux  mathématiques  (et  jeux  de  société)., 
par  Jacques  Lacombe  (an  Yll,  in-4).  —  Jurisprudence, 
par  Lerasle  et  Peuchet  (1782-1791,  10  vol.  in-4).  — 
Logique,  métaphysique  et  morale,  par  Lacretelle  (1786- 
1791,  4  vol.  in-4).  —  Manufactures,  arts  et  métiers, 
par  Roland  de  La  Platière,  Doin  et  Pontet  (1785-1828, 
4  vol.  in-4  et  2  vol.  de  pi.).—  Marine,  par  Yial  de 
Clairbois  (1793,  4  vol.  in-4  et  175  pL).  —  Mathéma-^ 
tiques,  par  d'Alembert,  l'abbé  Bossut,  Lalande,  Condor- 
cet, Charles,  etc.  (1784-1789,  3  vol.  in-4).  —  Musique, 
par  Framery,  Ginguené  et  de  Momigny  (1791-1818, 
2  vol.  in-4).  —  Pêches  (Y.  Chasses).  —  Philosophie 
ancienne  et  moderne,  par  Naigeon  (1791-an  II,  3  vol. 
in-4).  —  Physique,  par  Monge,  Cassini,  Bertholon,  Has- 
senfratz  (1793-1822,  4  vol.  in-4  et  1  vol.  de  pi.  en  deux 


ENCYCLOPÉDIE 


—  10  J  2 


oarlies).  —  Théologie,  par  l'abbé  Bergier  (1780-1790, 
3Yol.m-4).  Maurice  TouRNEUx. 

Les  Encyclopédies  aux  viii'^  et  au  xix^  siècle.  — 
L'œuvre  des  encyclopédistes  français  du  xyiii«  siècle  est 
l'Encyclopédie  par  excellence,  et  toutes  les  publications  ana- 
logues qui  se  sont  multipliées  depuis  l'ont  plus  ou  moins 
imitée.  Cependant  on  continua  encore  quelque  temps  a 
donner  le  nom  d'encyclopédie  à  de  simples  traités  de  clas- 
sification des  sciences,  comme  celui  de  Schmid  {Allgemeine 
EncMopœdie  und  Méthodologie  der  Wissenschaften; 
léna,  1810)  ou  de  Schaller,  dont  le  litre  indique  bien  le 
caractère  élémentaire  (Emyklopœdie  und  Méthodologie 
der  Wissenschaftenfûr  angehende  Studierende;mâg- 
débours,  1812),  les  ouvrages  de  Kirchner  (Akademische 
Propœdeutik;  Leipzig,  1^842,  et  Hodegetik;  Leipzig, 
1852),  ont  été  rédigés  sur  le  même  plan.  Enfin,  les  Alle- 
mands ont  très  souvent  donné  le  titre  d'encyclopédie  et 
méthodologie  à  des  traités  relatifs  à  l'ensemble  dune 
science,  comme  les  traités  de  philologie  classique  de 
Bœckh,  de  philologie  romane  de  Kœrting,  de  théologie 
de  Haeenbach,  Raebiger,  Zœckler,  de  sciences  juridiques 
d'Arndt,  Holtzendorff,  Merkel,  de  sciences  politiques  de 
Mohl,  de  pédagogie  de  Stoy,  d'agriculture  de  Dunkelberg. 
Ce  sont  là  plutôt  des  manuels  généraux,  et  nous  ne  leur 
conservons  pas  le  nom  d'encyclopédie,  appliqué  de  préfé- 
rence aux  ouvrages  conçus  sur  le  plan  de  V Encyclopédie  de 
Diderot  et  d'Alembert.  Celle-ci  a  été,  ainsi  que  nous  l'avons 
expliqué,  ordonnée  tour  à  tour  selon  l'ordre  méthodique  et 
selon  l'ordre  alphabétique.  Les  publications  postérieures 
ont  suivi  tantôt  l'un,  tantôt  l'autre.  Cependant  la  grande 
majorité  ont  adopté  l'ordre  alphabétique,  lequel  est  plus 
commode  et  assure  mieux  la  vente  de  l'ouvrage  entier  et 
l'homogénéité  de  la  rédaction. 

L'ordre  alphabétique,  mis  à  la  mode  par  1  Encyclopédie 
de  Diderot  avait  été  employé  déjà  par  les  lexicographes 
byzantins,  tels  que  Suidas.  Il  l'avait  été  plus  récemment 
dans  les  Dictionnaires  de  Furetière  (Rotterdam,  1690, 
2  vol.)  et  de  Thomas  Corneille  (Paris,  1694,  2  vol.),  prin- 
cipalement consacrés  aux  sciences  et  aux  arts,  et  dans  ceux 
de  Moreri  (Paris,  1673;  20«  éd.,  1759,  10  vol.)  et  de 
Bayle  (Dictionnaire  historique  et  critique,  1696),  prin- 
cipalement consacrés  à  l'histoire,  à  la  biographie,  à  la 
géographie.  Le  succès  du  dictionnaire  de  Bayle  (V.  ce 
nom)  fut  remarquable.  Parmi  les  lexiques  ou  dictionnaires 
universels  du  même  genre,  il  faut  citer  le  Lexicon  uni- 
versale  de  Hoffmann  (Bâle,  1677,  4  vol.);  celui  de  Zedler 
(Leipzig,  1731-1750,  64  vol.  et  4  vol.  supplém.);  celui 
de  Jablonski,  Allgemeinen  Lexikon  der  Kûnste  und 
Wissenschaften  (Leipzig,  1721);  enfin,  en  Angleterre,  la 
Cyclopœdia  d'Ephraïm  Chambers  (Londres,1728,2  vol.). 
On  sait  que  le  succès  de  librairie  obtenu  par  cette  dernière 
publication  contribua  à  faire  décider  par  Diderot,  d'Alem- 
bert et  leurs  amis,  celle  de  leur  fameuse  Encyclopédie  ou 
Dictionnaire  raisonné  des  scie7ices,  des  arts  et  des 
métiers  (1751-1772). 

On  a  dit  l'immense  influence  exercée  par  cette  œuvre 
géniale,  d'une  portée  philosophique  exceptionnelle.  Aus- 
sitôt, non  contents  de  la  traduire,  les  pays  voisins  cher- 
chèrent à  l'imiter.  En  Allemagne,  Kœster  et  Roos  com- 
mencèrent une  Deutsche  Encyklopœdie  (Francfort, 
1778-1804,  t.  I  à  XXIID  nui  demeura  inachevée;  Ersch 
et  Gruber  en  entreprirent  une  autre  à  Leipzig,  en  1818  ; 
mais  leur  Allgemeine  Encyklopœdie  der  Wissenschaften 
und  Kiinste,  divisée  en  trois  sections,  n'est  pas  encore 
terminée,  malgré  les  efforts  successifs  de  Brockhaus  et  de 
Leskien;  en  1886,  il  en  avait  paru  162  volumes.  Sur  un 
plan  différent,  conservant  l'ordre  méthodique,  Snell,  moins 
ambitieux,  avait  été  plus  heureux,  et  il  put  mener  à  bien 
son  Encyklopœdie  sœmmtlicher  Kenntnisse  oder  SchuU 
wissenschaften  (Giessen,  1805-1815,  19  vol.).  Mais, 
dès  ce  moment,  un  plan  un  peu  différent  et  un  titre  nou- 
veau avaient  été  adoptés  en  Allemagne.  Lœbel  publia  un 
Konversations-Lexikon{\196)  dont  Brockhaus  fit  l'acqui- 


sition en  1808.  La  treizième  édition  publiée  en  1882  en 
atteste  le  succès  persistant  ;  il  est  d'ailleurs  très  mérité 
par  le  soin  apporté  à  la  rédaction  et  l'abondance  des  ren- 
seignements. A  titre  de  complément,  le  même  libraire  a 
publié  Bilder-Atlas  (Leipzig,  1868-1874  ;  2-  éd.,  8  vol.) 
et  une  revue  intitulée  Die  Gegenwart  (1848-1856),  puis 
Unsere  Zeit  (1857  et  suiv.).  Un  résumé  en  deux  volumes 
du  Konversations-Lexikon  de  ?yïoc\^hdiUS  s'est  aussi  beau- 
coup vendu  (4^  éd.,  1885).  La  concurrence  suscita  des 
dictionnaires  encvclopédiques  analogues  à  celui  de  Brock- 
haus. Pierer  publia  Universal-Lexikon  oder  vollstœn- 
diges  encyklopœdisches  ^c^r^^r/?w^/i  (Altenburg,1822- 
1836,  26  vol.;  14  vol.  de  supplém.  parurent  de  1840  à 
1856).  La  sixième  édition  en  a  été  donnée  (Oberhausen, 
1873-79,  18  vol.);  le  dictionnaire  de  Pierer  est  complété 
par  des  revues  annuelles  :  /a/ir^wc/i^rc^^r  Wissenschaften, 
Kûnste  und  Gewerbe.  La  librairie  juive  a  opposé  au 
Brockhaus  un  Konversations-Lexikon  SiU  moins  aussi  bien 
fait  et  dont  la  dernière  édition,  plus  récente,  est  plutôt 
supérieure,  celui  de  Meyer  (Hildburghausen,  1840-18o2, 
46  vol.,  plus  6  vol.  supplém.),  réédité  à  Leipzig  (1857- 
1860,  15  vol.;  4«  éd.,  1885-87,  16  vol.);  il  est  com- 
plété par  des  suppléments  annuels  et  un  abrège  en  a  ete 
donné  {Meyers  Handlexikon  des  allgemeinen  Wissens., 
2  vol.;  3«  éd.,  1885).  Les  grands  dictionnaires  de  la  con- 
versation de  Brockhaus  et  de  Meyer  sont  des  ouvrages  très 
remarquables  et  répondant  pleinement  au  but  que  se  propose 
l'acheteur  d'avoir  sous  la  main  un  magasin  de  renseignements 
sur  toutes  les  questions.  Ils  font  une  très  grande  place  à 
la  géographie  et  à  l'histoire  contemporaine.  Ils  sont  rela- 
tivement courts,  se  composant  d'une  quinzaine  de  volumes 
in-8  de  1,000  pages  sur  deux  colonnes,  mais,  en  raison 
de  leur  format,  très  maniables  et  d'un  usage  facile. 
D'autre  part,  le  côté  encyclopédique  est  un  peu  sacrifie  ; 
la  philosophie  générale  y  tient  peu  de  place;  les  différents 
groupes  de  connaissances  sont  isolément  bien  exposés,  mais 
ne  sont  guère  reliés  les  uns  aux  autres.  Ce  sont,  comme 
leur  titre  l'indique,  d'excellents  lexiques  plutôt  que  des 
encyclopédies.  Cette  remarque  s'applique  à  plus  forte  raison 
aux  publications  analogues  de  l'Allemagne  ;  deux  sont 
spécialement  destinées  aux  catholiques:  Allgemeine  real- 
encyklopœdie  oder  Konversations-Lexikon  fur  das 
kalholische  Deulschland  (Ratisbonne,  1 846-1 850 , 1 2  vol .  ; 
4«  éd  1880  et  suiv.)  et  Konversations-Lexikon,  de 
Herder  (Fribourg,  1853-57,  5  vol.;  2«  éd.,  1876-1879, 
4  vol.).  Citons  encore  Die  deutsche  Encyklopœdie 
(Leipzig,  1885  et  suiv.,  8  vol.)  et  l'ouvrage  de  vulgari- 
sation de  Spamer  llllustriertes  Konversations-Lexikon 
fur  dus  Volk  (Leipzig,  1869-1880,  8  vol.  in4  et  2  vol. 
de  supplément).  Sur  un  plan  plus  méthodique  et  renonçant 
à  l'ordre  alphabétique  fut  publiée  Neue  Encyklopœdie 
der  Wissenschaften  und  Kûnste  {Sintlgort,  1847-1 8o2, 

8  vol.).  ^,,,     ,     ^ 

En  Angleterre,  l'imitation  de  Diderot  et  dAlemberta 
produit  un  chef-d'œuvre,  la  célèbre  Encyclopœdia  Bri- 
tannica publiée  à  Edimbourg  ;  la  première  édition  qui 
parut  en  1771  n'avait  que  3  vol.  in-4.  La  seconde  (177«- 
1783)  en  comptait  10;  la  troisième  (1797)  en  comp- 
tait 18  auxquels  vinrent  s'ajouter  2  vol.  de  supplément. 
La  neuvième  édition  a  paru  de  1875  à  1889  (24  vol. 
in-4).  Cette  publication  est  parfaitement  digne  de  son 
titre  d'encyclopédie  ;  les  questions  y  sont  traitées  avec  es 
développements  les  plus  complets  en  de  grands  articles 
dont  chacun  forme  un  petit  traité  dépassant  de  beaucoup 
l'étendue  d'un  livre  ordinaire  ;  le  vocabulaire  est  donc 
assez  restreint,  et  les  petits  articles  tiennent  peu  de  place 
dans  l'ensemble  ;  c'est  tout  le  contraire  d'un  dictionnaire. 
Ajoutons  que  tous  les  articles  sont  signés  et  plusieurs  de 
noms  très  connus.  L'Angleterre  avait  produit  au  cours  de 
ce  siècle  une  autre  encyclopédie  non  moins  remarquable, 
pour  laquelle  on  s'en  était  tenu  à  l'ordre  méthodique,  sans 
classement  alphabétique,  V Encyclopœdia  metropolitana 
(Londres,  1818-1845,  3  vol.)  rédigée  d'après  le  plan  de 


—  1013  — 


ENCYCLOPÉDIE 


S.  Taylor  Coleridge.  Sur  un  plan  analogue  furent  com- 
posés les  132  vol.  de  la  Cabinet  Cijclopœdia  de  Lardner 
(Londres,  4830  etsuiv.).  Les  autres  encyclopédies  an- 
glaises n'ont  pas  le  mérite  exceptionnel  de  VEncyclo- 
pœdia  Britannica  et  de  VEncyclopedia  metropolitana  ; 
elles  se  rapprochent  plutôt  du  type  du  Dictionnaire  de 
la  conversation.  Citons  The  English  Cyclopœdia  de  C. 
Knight  (Londres,  4853-1862;  2<^  éd.,  4866-68,  23  vol. 
supplém.  depuis  4869)  ;  Chambers  Encyclopœdia 
(Londres,  4860-68,  dO  vol.,  rééd.  en  4874);  VEncy- 
clopœdic  Dictionary  de  H  un  ter  (Londres,  4879  et  suiv.). 
Aux  Etats-Unis,  on  publia  d'abord  :  Encyclopœdia  Ame- 
ricana  (Philadelphie,  2«  éd.,  4829-4846,  44  vol.)  ; 
Touvrage  le  plus  remarqué  fut  celui  d'Appleton,  New 
American  Cyclopœdia  (New-York,  4858-4863,  46  vol.), 
complété  depuis  4864  par  des  suppléments  annuels, 
d'après  le  système  allemand  (Annual  Cyclopœdia)  ;  on 
peut  encore  mentionner  la  National  Encyclopœdia  de 
L.  Colange  (New-York,  4872  et  suiv.),  Vlllustrated 
Universal  Cyclopœdia  de  Johnson  (New-York,  4874-78, 
4  vol.  in-4),  \  Encyclopœdia  Americana  de  Stoddart 
(Philadelphie,  4883  et  suiv.),  enfin  le  Deutsch-Amerika- 
nische  Konversations-Lexikon  de  Schem  (New-York, 
4870-74). 

En  France,  il  faut  arriver  au  milieu  du  xix®  siècle  pour 
retrouver  des  dictionnaires  encyclopédiques  originaux  ;  ils 
se  rapprochent  autant  du  type  de  celui  de  Brockhaus  que 
de  celui  de  Diderot.  L'Encyclopédie  des  gens  du  monde 
(Paris,  4833-4845,  22  vol.);  VEncyclopédie  du 
xix«  siècle  (Paris,  4836-4859,  75  vol.  pet.  in-8,  rééd. 
en  4883  ;  V Encyclopédie  moderne  de  L.  Renier  (Paris, 
4846-4854,  30  vol.,  plus  42  vol.  de  supplém.,  4856-62) 
reçurent  un  accueil  assez  médiocre  :  bien  supérieur  est  le 
Dictionnaire  de  la  conversation  et  de  la  lecture  (2^  éd., 
4854-58,  46  vol.,  plus  5  vol.  de  supplém.,  d 864-4882) 
par  la  qualité  de  ses  articles.  Tous  furent  éclipsés  par  le 
Grand  Dictionnaire  universel  du  xix^  siècle  de  P.  La- 
rousse (Paris,  4864-4876,  45  vol.  et  2  vol.  supplém., 
4878-4890).  Cette  énorme  compilation  dut  à  son  caractère 
anecdotique  et  aux  facilités  qu'elle  offrait  aux  journalistes 
pour  la  rédaction  de  leurs  chroniques  une  vogue  très 
grande.  C'est  encore  un  très  amusant  dictionnaire,  mais  le 
manque  de  plan  méthodique  et  de  proportion  entre  les 
articles^  l'absence  presque  complète  d'esprit  critique  en 
rendent  l'usage  hasardeux  pour  les  travailleurs  ;  ce  n'est, 
d'ailleurs,  en  aucune  manière,  une  encyclopédie.  On  a 
tenté  de  compléter  le  Dictionnaire  Larousse  et  de  le 
tenir  au  courant  par  une  Revue  encyclopédique  qui  paraît 
depuis  déc.  4890.  Le  Dictionnaire  des  mots  et  des 
choses  (Paris,  4884-86,  3  vol.  in-4)  semble  particulière- 
ment destiné  aux  étabhssements  scolaires. 

En  Italie,  nous  trouvons  Nuova  Encyclopedia  ita- 
liana  (Turin,  4844-4854,  44  vol.;  6**  éd.,  par  Boccardo, 
4875  et  suiv.,  25  vol.)  ;  Dizionario  universale  di 
scienze,  lettere  ed  arti  de  MM.  Lessona  et  C.-A.  Valle 
(Milan,  4873  et  suiv.)  et  V Enciclopedia  popolare  eco- 
nomicaàe  G.  Berri  (Milan,  4874  et  suiv.).  —  En  Espagne, 
V Enciclopedia  moderna  de  Melledos  (Madrid,  4848- 
1854, 34  vol.).  —  En  Portugal,  le  Diccionario  universal 
portuguez  de  Costa.  Aucun  de  ces  ouvrages  n'est  compa- 
rable aux  grandes  publications  françaises,  allemandes  ou 
anglaises.  —  La  Russie  possède  les  encyclopédies  en  langue 
russe  de  Startschewski  (Saint-Pétersbourg,  4847-4855, 
12  vol.)  et  de  Pljuschar,  Krajewski  et  Beresin  (Saint- 
Pétersbourg,  d880,  15  vol.)  ;  celles  en  langue  polonaise 
de  S.  Orgeïbrand  (Encyklopedya  powszechna  (Varsovie, 
1859-1868, 28  vol.;  abrégée  en  12  vol.,  1871  et  suiv.).  — 
Les  Tchèques  ont  celle  de  L.  Rieger  et  Maly  (Prague,  1854- 
1874, 12  vol.;  abrégée  en  1873).  —  Les  Hollandais  ont  : 
Nieuwenhuis'  woordenbœk  van  kunsten  en  wetenschap- 
peu  (La  Haye  et  Leyde,  1851-1868, 10  vol.);  Algemeene 
Nederlandsche  Encyclopédie  vor  den  beschaafden  stand 
(Zutphen,  1865-68,  15  vol.);  Geillustreerde  Encyclo- 


pédie de  A.  Wintler-Prins  (Amsterdam,  1868-1882, 
15  vol.).—  Les  Danois  ont Nor disk  Conversationslexikon 
(Copenhague;  3^ éd.,  1883  etsuiv.)  et  Kortfattet  Conver- 
sationslexikon (Copenhague,  1880,  2  vol.)  ;  les  Suédois, 
Nordisk  familjebok  (Stockholm,  1875  et  suiv.)  et  les 
Norvégiens,  Norsk  Uaandlexikon  (Christiania,  1879  et 
suiv.).  —  Rappelons  enfin  la  tentative  faite  par  Bistany 
(Beirout,  1876)  pour  publier  une  encyclopédie  arabe. 

Nous  n'avons  parlé  ici  que  des  encyclopédies  univer- 
selles, négligeant  à  dessein  les  dictionnaires  et  les  ency- 
clopédies spéciales  qui  ne  traitent  que  d'une  science  ou 
d'un  groupe  de  connaissances.  On  en  trouvera  l'indication 
dans  l'article  Bibliographie,  auquel  nous  renvoyons  pour 
compléter  les  informations  contenues  dans  cet  article. 

La  Grande  Encyclopédie.  —  De  l'exposé  historique 
qui  précède,  il  résulte  que,  sauf  en  Angleterre,  il  n'a  été 
publié  depuis  un  siècle  aucun  ouvrage  comparable  à  VEn- 
cyclopédie de  Diderot  et  d'Alembert.  En  1882,  une  société 
de  savants  et  de  gens  de  lettres  entreprit,  à  l'instigation 
de  M.  Camille  Dreyfus  et  de  l'éditeur  Baer,  de  combler 
cette  lacune.  Il  ne  s'agissait  d'abord  que  de  réaliser  une 
entreprise  analogue  à  celle  de  Brockhaus  et  d'Appleton. 
Mais  bientôt  le  plan  fut  élargi  par  M.  Dreyfus,  d'accord 
avec  les  directeurs,  aux  proportions  d'une  véritable  ency- 
clopédie. Il  prit  son  extension  définitive  lorsque  M.  Lami- 
rault  assuma  l'exécution  de  cette  grande  entreprise.  Ce 
plan  a  été  exposé  dans  la  Préface,  et  nous  n'avons  rien 
à  ajouter  aux  considérations  générales  qu'elle  renferme. 
Ce  qui  caractérise  l'œuvre,  c'est  son  impartialité  com- 
plète ;  elle  veut  être  l'inventaire  exact  et  précis  des  faits 
connus  et  des  doctrines  acceptées  ou  discutées  à  notre 
époque.  Lorsqu'elle  sera  achevée,  en  1896  probablement, 
elle  comprendra  28  volumes  de  1,200  pages,  chacune  de 
ces  pages  renfermant  146  lignes  de  50  lettres.  Rien  n'a  été 
abandonné  au  hasard  ;  l'œuvre  est  dirigée  par  un  comité 
de  douze  membres  :  M.  Berthelot  pour  les  sciences  phy- 
siques et  chimiques;  MM.  Laurent  et  Laisant  pour  les 
sciences  mathématiques  et  leurs  applications;  le  D"^  Hahn 
pour  les  sciences  naturelles  et   médicales  ;  M.    Camille 
Dreyfus  pour  les  sciences  pohtiques,  l'administration  et  les 
finances;  M.  Glasson  pour  le  droit;  M.  Marion  pour  la 
philosophie;  M.  Levasseur  pour  la  géographie;  M.  Waltz 
pour  l'antiquité  classique;  M.  Derenbourg  pour  la  philolo- 
gie orientale  ;  M.  Giry  pour  l'histoire  de  France  et  d'Eu- 
rope; M.  Miintz  pour  les  beaux-arts.  Avec  l'aide  de  leurs 
collaborateurs  et  du  secrétariat  de  la  rédaction,  les  direc- 
teurs dressent  d'abord,  pour  chaque  lettre  de  l'alphabet, 
la  liste  des  articles  qui  devront  être  traités  ;  ce  vocabulaire 
est  imprimé  ;  on  sait  d'avance  quelle  doit  être  la  part  de 
chaque  lettre  dans  l'ensemble;  on  répartit  entre  les  direc- 
tions le  total  des  lignes  disponibles.  Chacun  des  directeurs 
procède  alors  à  la  distribution  entre  ses  collaborateurs  des 
articles  à  traiter,  en  indiquant  à  chacun  le  nombre  de 
lignes  qui  lui  est  assigné  et  la  date  de  livraison  des  articles. 
Ceux-ci  sont  visés  en  manuscrit  parle  directeur;  le  secré- 
tariat vérifie  ensuite  s'ils  ne  dépassent  pas  les  limites 
fixées,  s'ils  traitent  bien  la  question  sans  empiéter  sur  une 
spéciaUté  voisine,  ni  sur  un  mot  déjà  traité  ou  qui  le  sera 
ultérieurement.  Ils  sont   alors   envoyés   à  l'imprimerie. 
Après  les  corrections  d'épreuves,  on  établit  une  mise  en 
pages  provisoire  qui  est  soumise  à  une  double  revision  par 
chacun  des  directeurs,  de  telle  sorte  qu'ils  puissent  con- 
trôler non  seulement  leur  spécialité,  mais  ses  rapports  avec 
l'ensemble.  Ces  contrôles  multiples  assurent  l'homogénéité 
de  la  Grande  Encyclopédie  ;  les  articles  sont  groupés 
d'après  un  système  de  renvois  tel  que  de  chacun  on  puisse 
se  reporter  à  tous  ceux  qui  traitent  d'une  question  et 
remonter  aisément  aux  principes  généraux  et  philosophiques 
de  chaque  art  et  de  chaque  science.  La  qualité  de  chacun 
des  articles  pris  isolément  est  garantie  par  le  fait  que  tous 
ceux  de  quelque  importance  sont  signés  et  que  les  colla- 
borateurs de  la  Grande  Encyclopédie  comptent  parmi  les 
écrivains  les  plus  illustres.  Outre  les  directeurs,  qui  tous 


ENCYCLOPÉDIE  —  ENDERLEIN 


—  1014  — 


ont  contribué  largement  à  la  rédaction,  quelques-uns  par 
de  véritables  ouvrages  (art.  Alchimie  de  M.  Berthelot, 
Alpes  de  M.  Levasseur,  Cassation  et  Dot  de  M.  Glasson, 
Commune  de  M.  Giry,  etc.),  nous  mentionnerons  MM.  Liard 
(art.  Descartes),  Boutroux  (art.  Aristote),  Sarrau  (art. 
Energie),  Brunetière  (art.  Boileau,  Bossuet,  Cor- 
neille, etc.),  Oppert  (art.  Assyrie,  Babylone),  etc. 

Chacun  des  articles  est  d'ailleurs  accompagné  d'une  notice 
bibliographique  qui  permet  aux  travailleurs  de  vérifier  ses 
assertions  et  de  trouver  tous  les  renseignements  complé- 
mentaires dont  ils  auraient  besoin.  Enlin,  à  côté  de  près 
de  15,000  gravures,  VEncyclopédie  contiendra  plus  de 
200  cartes  formant  un  atlas  presque  unique  en  France. 
Elle  réunit  les  avantages  des  dictionnaires  spéciaux  ou  des 
ouvrages  comme  le  Conversations-Lexikon  de  Brockhaus 
à  ceux  d'une  encyclopédie,  car  elle  a  un  vocabulaire  plus 
riche  qu'aucune  autre.  Achevée,  elle  comptera  plus  de 
200,000  articles  ;  un  grand  développement  a  été  donné  à 
la  partie  biographique  et,  par  une  innovation  remarquable, 
on  a  fait  autant  de  place  aux  illustrations  de  l'étranger 
qu'aux  illustrations  nationales;  les  biographies  espagnoles, 
italiennes,  anglaises,  russes,  Scandinaves,  sont  plus  com- 
plètes que  dans  nul  autre  dictionnaire  de  France  ou  de 
l'étranger.  Ce  qui  est  remarquable,  c'est  que  le  comité  de 
direction  a  pu  donner  cette  abondance  et  cette  variété 
de  détails  sans  rien  sacrifier  du  caractère  encyclopédique 
de  l'œuvre.  Celui  qui  lira  les  art.  Allemagne,  Chine, 
Espagne,  Etats-Unis,  ou  bien  les  art.  Art,  Botanique, 
Chimie,  ou  encore  les  art.  Académie,  Constitution, 
Ecole,  Enseignement,  s'en  convaincra  aisément  et  verra 
comment  tous  se  complètent  sans  double  emploi,  ainsi  que 
doivent  se  raccorder  les  pièces  et  les  engins  d'un  grand 
navire.  A. -M.  B. 

BiBL  •  V.  Tart.  Bibliographie  et  les  noms  cités  dans 
l'article*:  sur  VEncyclopédie  de  Diderot  et  d'Alembert, 
consulter  la  plupart  des  travaux  mentionnes  à  la  biblio- 
graphie de  Farticle  Diderot. 

ENCYONEMA  (Kiitzing  1834)  (Bot.).  Genre  de  Diato- 
macées,  de  la  tribu  des  Cymbellées,  dont  les  frustules,  à 
valves  cymbiformes  et  non  symétriques  par  rapport  au 
raphé,  sont  renfermés  dans  un  mucus  filamenteux  et  tubu- 
liform'e,  à  l'intérieur  duquel  ils  se  meuvent  et  se  multi- 
plient par  division.  Ce  genre  se  distingue  des  autres  Cym- 
bellées par  son  raphé  droit  et  par  ses  nodules  terminaux, 
qui  sont  assez  distants  des  extrémités  de  la  valve.  Toutes 
les  espèces  d'ailleurs  peu  nombreuses,  appartiennent  aux 

eaux  douces. 

BiBL.  :  KûTziNG,  Synopsis  Diatomearu77i.  —  Du  même, 
Bacillariœ,  p.  82.-  W.  Smith,  Brit.  Diat.,  t.  II,  p.  bb. 

ENDACTIS  (Paléont.).  Egerton  a  établi  ce  genre  pour 
un  Poisson  des  terrains  liasiques  de  Lyme  Régis  {E.  Agas- 
sizi),  chez  lequel  la  tête  est  petite,  la  dorsale  opposée  aux 
ventrales,  l'anale  située  non  loin  des  ventrales,  la  caudale 
échancrée  ;  les  écailles  sont  petites,  arrondies,  légèrement 
pectinées  au  bord  postérieur,  qui  est  orné  de  lignes  sail- 
lantes. Les  Endactis  se  placent  près  des  Pachycormus. 
BiBL.  :  Memoirs  of  the  Geological  Survey,  1858,  IX. 
ENDADELPHIE  (Tératol.)  (V.  Monstre  double). 
EN  DAM  EN  ES.  Habitants  sauvages  de  l'intérieur  de  la 
Nouvelle-Guinée.  Noirs  à  cheveux  droits  et  lisses,  ils  parais- 
sent appartenir  à  la  même  race  que  les  Australiens.  Les  En- 
damènes  sont  nus  ;  ils  s'incisent  les  bras  et  la  poitrine. 

ENDEAVOUR.  Fleuve  d'Australie,  colonie  de  (Jueens- 
land,  qui  se  jette  dans  le  Grand  Océan  (mer  de  Corail),  à 
l'E.  de  la  presqu'île  d'York,  par  450^  lat.  S.  ;  là  se  trouve 
le  port  de  Cookstown.  —  Au  N.  de  la  presqu'île  d'York, 
est  le  détroit  d'Endeavour,  qui  forme  la  passe  méridio- 
nale du  détroit  de  Torrès. 

ENDECOTT  (John),  administrateur  anglais,  né  à  Dor- 
chester  vers  4588.  Il  s'entendit,  en  4628,  avec  cinq 
autres  «  religieuses  personnes  »  pour  constituer  une  com- 
pagnie d'exploitation  de  la  Nouvelle- Angleterre  américaine. 
Accompagné  d'une  trentaine  d'émigrants  et  de  sa  femme, 
il  aborda  à  Naumkeag  (Salem)  le  6  sept.  4628.  Là,  son 


puritanisme  l'engagea  dans  des  querelles  continuelles  avec 
les  colons  antérieurs  :  il  voulut  empêcher  la  culture  du 
tabac,  comme  contraire  à  la  morale,  l'usage  du  Prayer 
Book,  les  «  habitudes  profanes  »  des  gens  de  Quincy  ;  il 
protesta  contre  la  présence  d'une  croix,  la  croix  rouge  de 
Saint-George,  sur  le  drapeau  de  la  milice,  sous  prétexte 
que  la  croix  était  un  emblème  papiste.  Endecott,  le  «  puri- 
tain des  puritains  »,  fut  fait  néanmois  gouverneur  de  la 
colonie  en  4644,  et,  depuis  4649  jusqu'à  sa  mort,  la  colonie 
prospéra  sous  son  administration,  malgré  la  sévère  police 
religieuse  qu'il  y  institua,  notamment  contre  les  quakers. 
11  eut  quelques  difficultés  avec  le  gouvernement  de  la  Res- 
tauration, mais  il  mourut  le  d5  mars  4665,  avant  qu'elles 
n'eussent  atteint  de  fâcheuses  extrémités.  Endecott  est  un 
des  «  pères  »  des  Massachusetts.  Ch.-V.  L. 

ENDÉMIE  (Méd.).  L'endémie  embrasse  l'ensemble  des 
circonstances  multiples  qui  engendre  ou  entretient  des  mala- 
dies spéciales  dans  certaines  contrées.  Les  endémies  sont 
liées  à  des  conditions  particulières  soit  du  sol,  soit  de  la 
nourriture  ;  mais  plus  nos  connaissances  sur  les  modes 
de  propagation  des  maladies  acquièrent  de  précision,  plus 
aussi  les  causes  mystérieuses  des  endémies  disparaissent. 
On  a  divisé  les  maladies  endémiques  en  plusieurs  classes  : 
4°  endémies  causées  par  un  vice  de  l'alimentation  :  ergo- 
tisme,  scorbut;  2<>  endémies  provenant  de  l'influence  du  sol 
et,  par  suite,  de  la  qualité  des  eaux  :  goitre,  crétinisme  ; 
3«  endémies  d'origine  parasitaire  :  tœnia,  dragonneau, 
distome  ;  4<>  endémies  d'origine  inconnue  :  éléphantiasis  ; 
5<^  endémies  miasmatiques  :  dysenterie,  typhus,  peste, 
choléra,  suettemiliaire,  fièvre  jaune,  fièvre  typhoïde  :  mala- 
ria. Presque  toutes  ces  maladies  sont  susceptibles  de  devenir 
épidémiques  et  d'émigrer  en  dehors  de  leurs  foyers  habituels. 
L'état  endémique  qu'elles  présentent  dans  certaines  contrées 
est  dû  uniquement  à  la  persistance  de  l'agent  de  contage, 
qu'une  sage  hygiène  parviendrait  à  détruire.  C'est  ainsi  que 
la  fièvre  typhoïde,  jadis  à  l'état  endémique  dans  certaines 
villes,  a  presque  complètement  disparu  le  jour  où  l'on  a  . 
assuré  une  eau  pure  aux  habitants  et  où  de  sages  mesures 
de  désinfection  ont  été  prises.  De  toutes  les  maladies  endé- 
miques, celle  qui  constitue  encore  le  type  le  plus  parfait  est 
la  malaria  ou  plutôt  le  groupe  malarique  :  fièvre  palu- 
déenne, fièvre  intermittente,  etc.       D^  P.  Langlois. 

ENDENTÉ  (Blas.).  Attribut  de  pièces  héraldiques  hono- 
rables couvertes  de  longs  triangles  alternés  d'émaux  diff*é- 
rents.  C'est  à  tort  que  ce  mot  est  parfois  écrit  endenché. 
ENDER  (Thomas),  peintre  et  graveur  autrichien,  né  à 
Vienne  le  4  nov.  4793,  mort  à  Vienne  le  28  sept.  4875. 
11  compte  au  nombre  des  plus  marquants  paysagistes  de 
son  pays,  et  il  professa  pendant  longtemps  à  l'Académie 
des  beaux-arts  dont  il  avait  été  élève. 

ENDER  (Johann),  portraitiste  et  peintre  d'histoire,  frère 
jumeau  du  précédent,  né  à  Vienne  le  4  nov.  4793,  mort 
à  Vienne  le  46  mars  4854. 11  étudia  à  l'Académie  de  Vienne 
et  remporta  plusieurs  prix.  En  4848,  il  fit  un  voyage  en 
Italie  et  en  Grèce  avec  le  comte  Szechenyi,  et,  en  4820, 
obtint  le  prix  de  Rome,  c.-à-d.  une  pension  accordée  par 
l'empereur  pendant  plusieurs  années  pour  lui  permettre  de 
visiter  Rome,  Florence,  et,  plus  tard,  Paris.  En  4829,  il  fut 
nommé  professeur  à  l'Académie.  Au  Belvédère  de  Vienne, 
on  a  de  lui  une  Vierge  avec  V enfant  Jésus  et  un  paysage. 
Il  s'occupa  aussi  d'illustrations.  Sa  dernière  grande  œuvre 
est  la  fresque  du  Crucifiement  à  la  cathédrale  de  Vienne. 
ENDER  (Eduard) ,  fils  et  élève  de  Johann,  peintre  de  genre 
et  d'histoire,  né  à  Vienne  en  4824.  On  cite  de  lui  :  Fran- 
çois P** dans  V atelier  de  Benvenuto  Cellini  ;  Shakespeare 
à  la  cour  d'Elisabeth,  etc. 

ENDERBURY  (Ile).  Ile  du  Grand  Océan,  dans  l'archi- 
pel des  îles  Phœnix,  par  3«  8^  lat.  S.  et  486«  31^  long.  E. 
EN  DERBY  (Terre  d').  Terre  de  la  région  polaire  antarc- 
tique, entre  Qi^""  et  67"  lat.  S.,  par  48^  long.  E.  Elle  fut 
explorée  par  le  capitaine  Biscoe  sur  un  navire  que  lui 
avait  confié  l'armateur  Enderby  (mort  en  4876). 

ENDERLEIN  (Kaspar),  fondeur  et  ciseleur  allemand,  né 


—  1015  — 


ENDERLEIN  —  ENDOCARDITE 


à  Baie,  mort  à  Nuremberg  en  1633.  On  lai  doit  les  fonts 
baptismaux  de  l'église  Samt-Laurent  de  Nuremberg. 

ENDERLIN  (Joseph-Louis),  sculpteur  français,  né  à 
Baie  (Suisse)  de  parents  français.  Elève  de  Jouffroy  et  de 
Roubaut  jeune,  il  expose  depuis  1878.  Citons  son  Joueur 
de  billes  (S.  1880  et  1888).  Au  Salon  de  1891, il  a  exposé 
Poverîno  (buste  bronze)  et  Paternité  (groupe  plâtre). 

ENDERMO,  ENDOMO,  EDOMO,  YEDOMO.  Baie  à  l'en- 
trée orientale  du  golfe  des  Volcans,  au  S.  de  l'île  de  Yeso 
(Japon),  province  de  Ibouri.  Moro-ran,  petite  ville  de 
1,000  hab.  située  près  du  cap  Endomo,  otFre  un  beau  port 
d'où  l'on  s'embarque  généralement  pour  traverser  le  golfe 
des  Volcans  et  se  rendre  en  face,  à  Mori,  dans  la  province 
d'Osima  qui  forme  au  S.  de  Yeso  une  péninsule  au  S.  de 
laquelle  est  Hakodaté.  H.  C. 

ENDIGUEMENT  (Hydraul.)  (V.  Digue). 

ENDIVE  (Bot.)  (V.  Chicorée). 

ENDJA  (Oued).  Rivière  d'Algérie,  dép.  de  Constantine, 
formée  par  la  réunion  de  l'oued  Bou-Salah  et  de  l'oued 
Kebir,  qui  lui  amènent  les  eaux  du  Ferdjioua  et  des  pla- 
teaux au  N.-E.  de  Sétif.  Elle  se  dirige  de  l'O.  à  l'E.,  for- 
mant comme  un  fossé  au  revers  méridional  du  prolon- 
gement oriental  de  la  chaîne  des  Babors  et  finit  dans 
l'oued  el-Kebir,  près  des  gorges  des  Beni-Haroun.  E.  Cat. 

ENDLICHER    (Stephan-Ladislas) ,    célèbre    botaniste 
allemand,  né  à  Presbourgle  24  juin  1804,  mort  (suicidé) 
à  Vienne  le  28  mars  1849.  Bibliothécaire  de  la  cour  de 
Vienne  en  1828,  conservateur  du  cabinet  d'histoire  natu- 
relle de  la  cour  en  1836,  professeur  de  botanique  à  l'Uni- 
versité, et  directeur  du  Jardin  des  plantes  depuis  1840  ; 
il  prit  part,  pour  son  malheur,  aux  événements  politiques 
de  1848.  Son  grand  ouvrage,  Gênera  plantarum,  etc.,  avec 
cinq  suppléments  (Vienne,  1836-1850,  pet.  in-4),  et  illustré 
par  VIconographia  g  enerum  plant  arum  (Vienne,  1838, 
125   pi.    in-fol.),  puis  VEnchiridion  botanicuni,  etc. 
(Leipzig,  1841,  in-8),  ont  rendu  d'éminents  services  à  la 
science  des  familles  naturelles.  Citons  encore:  Grundzilge 
der  Théorie der  Pflanzenzeugung  (Vienne,  1838,  in-8)  ; 
avec  von  Martius  :  Flora  brasiliensis^  etc.  (Vienne  et 
Leipzig,  1840-46,  6  fasc.  in-fol.);  avec  Unger:  Grund- 
zilge der  Botanik  (Vienne,  1843,  in-8,  av.  1  pi.)  ;  Sy- 
nopsis coniferarum  (Vienne,  1847,  in-8),  etc.  Endlicher 
a  donné  des  plantes  des  caractères  plus  précis  et  plus 
exacts  que  la  plupart  de  ses  devanciers  ;  les  érudits  van- 
tent la  pureté  de  son  style  latin  et  considèrent  à  ce  titre 
le  texte  de  son  Enchiridion  comme  un  modèle.  Plusieurs 
jardins  botaniques  et  quelques  herbiers,  notamment  celui 
de  Vienne  et  du  Muséum  de  Paris,  sont  classés  suivant  la 
méthode  d'Endlicher.  Ce  savant  s'est  également  occupé  de 
linguistique  ;  citons  de  lui  à  cet  égard  :  De  Ulpiano  ins- 
titutionum  Fragmento  in  Bibl.  Palat.  niiper  reperto 
(Vienne,  1835)  ;  Fragm,  theotisca  versionis  antiquiss. 
Evangelii  Mathœi  (av.  Fallersleben,  Vienne,   1834)  ; 
Analecta  grammatica^  1836  ;  Anfangsgrilnde  der  chi- 
nesischen  Grammatik  (Vienne,  1845),  etc.     D""  L.  Hn. 

ENDOCARDE  (Anat.).  L'endocarde  est  une  membrane 
lisse,  brillante,  mince  et  blanchâtre,  de  la  nature  des 
séreuses,  qui  tapisse  les  cavités  du  cœur  en  formant  un 
manteau  à  toutes  les  saillies  et  en  s'enfonçant  dans  toutes 
les  anfractuosités  et  dépressions  pour  les  revêtir.  Une  fois 
le  trou  de  Botal  fermé,  il  y  a  donc  un  endocarde  droit  et 
un  endocarde  gauche,  comme  il  y  a  deux  cœurs,  l'un 
droit,  l'autre  gauche,  et  chacun  des  deux  endocardes  n'est 
que  la  tunique  de  Bichat  des  vaisseaux  ou  plutôt  l'endo- 
veine  qui  se  continue  à  travers  le  cœur.  Très  adhérent 
aux  parois  du  cœur,  l'endocarde  est  plus  épais  dans  le 
cœur  gauche  ou  artériel  que  dans  le  cœur  droit  ou  vei- 
neux. Il  comprend,  dans  sa  texture,  de  la  face  superfi- 
cielle ou  libre  à  la  face  profonde  ou  adhérente  :  l*'  un 
épithélium  pavimenteux  à  une  seule  couche  (endothélium 
vasculaire)  ;  2^*  une  membrane  basale,  d'aspect  amorphe, 
mais  en  réalité  composée  d'une  nappe  de  cellules  étoilées 
et  anastomosées    (lame  striée  des  Allemands)  ;  3<*  une 


couche  élastique,  constituée  par  des  réseaux  de  fibres  élas- 
tiques ou  même  de  véritables  membranes  fenêtrées  ;  4°  une 
couche  de  tissu  conjonctif  qui,  par  des  transitions  ména- 
gées, se  continue  en  dedans  avec  la  couche  élastique  pré- 
cédente, et  en  dehors  avec  le  tissu  conjonctif  interstitiel 
du  muscle  cardiaque.  Cette  dernière  couche  est  la  seule 
qui  soit  vasculaire.  Dans  l'endocarde  ventriculaire,  on  ren- 
contre çà  et  là  chez  l'homme,  et  d'une  façon  constante  et 
régulière  chez  un  grand  nombre  de  mammifères,  des  fibres 
grises,  ramifiées,  nucléées  et  légèrement  striées,  connues 
sous  le  nom  de  fibres  de  Purkinje,  qu'on  a  considérées 
comme  intimement  liées  à  la  néoformation  de  fibres  mus- 
culaires. Ch.  Debierre. 

ENDOCARDITE  (Méd.).  Sous  le  nom  d'endocardite  on 
désigne  l'inflammation  aiguë  ou  chronique  de  l'endocarde  ; 
il  est  bon  seulement  de  remarquer  que  l'élément  inflam- 
matoire a  perdu  de  son  importance  depuis  que  le  rôle  des 
microorganismes  pathogènes  est  mieux  connu.  L'endocar- 
dite peut  donc  aujourd'hui  être  divisée  en  simple  (aiguë  ou 
chronique)  et  en  infectieuse  ;  cette  division  permet  à  peu 
près  de  classer  les  formes  cliniques  de  l'endocardite. 

I.  Endocardite  aiguë  simple.  —  Etiologie.  Rarement 
primitive  et  alors  due  au  refroidissement,  elle  est  plus 
souvent  secondaire  ;  elle  apparaît  dans  le  rhumatisme  sous 
toutes  ses  formes,  et  surtout  dans  le  rhumatisme  articu- 
laire aigu  ;  puis  vient  la  scarlatine,  qui  agit  probablement 
par  l'élément  rhumatismal ,  puis  la  variole,  l'érythème 
noueux,  la  chorée,  l'érysipèle  de  la  face,  les  phlegmasies 
pleuro-pulmonaires  ;  la  myocardite  et  la  péricardite  peu- 
vent gagner  l'endocarde.  L'endocardite  est  surtout  fré- 
quente à  l'âge  adulte  et  dans  l'enfance. 

Anatomie  pathologique.  L'endocardite  a  pour  lieu 
d'élection  le  cœur  gauche,  le  ventricule  gauche  ;  elle  est 
souvent  limitée  aux  valvules,  surtout  à  la  mitrale,  et  atteint 
de  préférence  la  face  qui  regarde  le  courant  sanguin  ;  les 
altérations  sont  celles  de  toute  séreuse  enflammée  ;  il 
y  a  hyperémie,  proHfération  et  chute  des  épithéliums,  pro- 
lifération du  tissu  conjonctif,  formation  d'un  exsudât  plas- 
tique, d'oîi  des  végétations  qu'on  avait  d'abord  prises  pour 
des  agglomérations  fibrineuses,  mais  qui  sont  en  réalité 
constituées  par  un  tissu  embryonnaire  de  nouvelle  forma- 
tion, recouvert  d'une  couche  relativement  mince  de  fibrine. 
Ces  végétations  sont  friables,  molles  et  transparentes  dans 
l'endocardite  aiguë  et  parfois  renferment  à  leur  centre 
des  vaisseaux  en  voie  de  formation.  Lorsque  les  végéta- 
tions sont  petites,  l'endocarde  prend  un  aspect  dépoli  et 
chagriné,  car  elles  sont  toujours  très  nombreuses  ;  en 
même  temps  il  devient  rugueux  au  toucher,  opaque  et 
épaissi.  Les  végétations  siègent  de  préférence  à  une  petite 
distance  des  bords  hbres  des  valvules,  et  forment  quelque- 
fois comme  une  guirlande  tout  autour  ;  elles  peuvent  deve- 
nir une  source  d'embolies,  mais  le  fait  est  exceptionnel 
dans  l'endocardite  simple  aiguë.  Lorsque  les  végétations 
contractent  des  adhérences  entre  elles  et  se  rétractent,  elles 
déforment  les  valvules,  les  fixent  contre  les  parois  ventri- 
culaires  et  transforment  l'orifice  en  un  canal  étroit  à  pa- 
rois immobiles.  En  général,  l'endocardite  est  accompagnée 
de  myocardite  de  voisinage.  Le  processus  n'a  pas  toujours 
cette  forme  plastique  et  proliférante  ;  parfois  il  aboutit 
vite  à  des  ulcérations,  à  la  perforation  des  valvules,  à  des 
anévrysmes  valvulaires  ;  les  tendons  de  la  valvule  mitrale 
peuvent  être  ulcérés,  la  cloison  interventriculaire  perforée. 
Ces  ulcérations  sont  bien  plus  fréquentes  dans  l'endocar- 
dite infectieuse  que  dans  l'endocardite  simple. 

Symptômes.  L'endocardite  a  des  débuts  insidieux  ;  les 
phénomènes  d'invasion,  frissons,  élévation  de  température, 
dyspnée,  palpitations,  peuvent  passer  inaperçus,  surtout 
si  le  malade  est  atteint  par  exemple  de  rhumatisme  arti- 
culaire aigu.  A  l'auscultation,  l'épaississement  des  val- 
vules et  l'imperfection  de  leur  jeu  se  traduit  par  des  bruits 
de  souffle  en  rapport  avec  le  siège  de  la  lésion  (V.  Cœur)  ; 
le  souffle  est  perçu  à  la  pointe  du  cœur,  car  c'est  l'orifice 
mitral  qui  est  le  plus  souvent  atteint  ;  ce  souffle  est  gêné- 


ENDOCARDITE  —  ENDŒOS 


1016  — 


ralement  systolique,  l'insuffisance  mitrale  étant  la  règle, 
le  rétrécissement  l'exception  dans  l'endocardite  aiguë.  La 
durée  de  la  maladie  est  de  quelques  jours  à  deux  semaines  ; 
au  bout  de  ce  temps  la  séreuse  recouvre  son  intégrité  ou 
Taffection  devient  chronique  ;  dans  le  premier  cas,  le  souffle 
disparaît;  dans  le  second,  il  peut  disparaître  pour  des 
années,  mais,  fatalement,  il  reparaîtra  lorsque  les  lésions 
valvulaires  seront  constituées. 

Traitement,  Le  traitement  de  l'endocardite  est  à  peu 
près  celui  de  la  péricardite.  On  fait  des  émissions  san- 
guines locales  et  générales,  on  applique  des  révulsifs,  vési- 
catoires,  etc.,  à  la  région  précordiale,  et  on  donne  de  la 
digitale,  parfois  du  tartre  stibié  ou  des  alcalins.  Comme  il 
y  a  toujours  lieu  de  craindre  le  passage  à  l'état  chronique, 
il  faut  continuer  à  appliquer  des  révulsifs  (cautérisation, 
cautères)  sur  la  paroi  thoracique  longtemps  après  la  dis- 
parition des  phénomènes  aigus. 

IL  Endocardite  chronique.  —  Etiologie.  I /endocardite 
chronique  ou  bien  est  consécutive  à  l'endocardite  aiguë,  ou 
elle  prend  naissance  sous  l'influence  des  mêmes  conditions 
qui  déterminent  l'athérome  artériel  (vieillesse,  alcool,  sy- 
philis, etc.)  ;  les  phlegmasies  de  l'appareil  respiratoire 
paraissent  y  prédisposer. 

Anatomie  pathologique.  Les  lésions  constatées  dans 
Tendocardite  chronique  sont  celles  de  l'endocardite  aiguë 
devenues  persistantes  par  la  transformation  calcaire  et  la 
dégénérescence  graisseuse  ;  il  peut  arriver  çjue  les  foyers 
graisseux  se  vident  dans  le  ventricule  et  laissent  des  ca- 
vités et  des  ulcérations  ;  souvent  les  valvules  sont  comme 
criblées  de  trous  ;  des  fragments  détachés  des  végétations 
peuvent  être  eutrainés  par  la  circulation,  et  par  oblitération 
donner  lieu  à  l'anémie  ou  au  sphacèle  de  la  région  irriguée 
(V.  Embolie  et  Gangrène). 

Les  symptômes  de  l'endocardite  chronique  ont  été  dé- 
crits à  l'art.  Coeur. 

III.  Endocardite  infectieuse  (Endocardite  ulcéreuse, 
typhoïde,  maligne,  diphtéroide,  etc.).  — Etiologie  et  pa- 
thogénie.  L'endocardite  infectieuse  accompagne  ou  suit 
des  affections  telles  que  l'ostéomyélite,  la  septicémie,  la 
pyémie,  les  fièvres  infectieuses,  la  diphtérie  et  le  rhuma-- 
tisme  articulaire  suraigu.  Il  paraît  démontré  aujourd'hui 
qu'elle  est  le  résultat  presque  mécanique  du  dépôt  de  bac- 
téries en  nombre  considérable  sur  les  valvules  (Cornil), 
bactéries  provenant  des  foyers  d'ostéomyélite,  de  septicé- 
mie, etc.  ;  dans  les  conditions  de  misère  physiologique, 
dans  l'alcoolisme,  la  puerpéralité,  etc.,  le  terrain  est 
favorable  à  la  malignité  de  l'aff'ection,  et,  au  lieu  d'une  en- 
docardite simple,  c'est  une  endocardite  infectieuse  (souvent 
par  auto-infection)  qui  éclate,  que  le  malade  soit  ou  ne  soit 
pas  rhumatisant. 

Anatomie  pathologique.  L'endocardite  infectieuse  a 
pour  siège  d'élection  les  valvules  et  de  préférence  les 
valvules  mitrale  et  aortique,  et  les  lésions  en  occupent  soit 
les  bords  seulement,  soit  toute  la  surface.  On  constate  sur 
la  valvule  une  couche  de  fibrine  homogène  réticulée  avec 
des  masses  de  bactéries  dans  les  mailles  ;  dans  certaines 
formes  se  produisent  très  rapidement  des  végétations  vo- 
lumineuses, bourgeonnantes,  des  érosions,  des  ulcérations, 
des  perforations  des  valvules,  du  septum  interventricu- 
laire,  des  mortifications  de  l'endocarde  ventriculaire,  des 
anévrismes  valvulaires  ;  des  débris  des  valvules  sont  lan- 
cés au  loin  par  la  circulation  et  vont  former  des  embolies 
ou  des  infarctus  dans  les  reins,  le  foie,  la  rate,  l'intes- 
tin, etc.  Ces  lésions  prennent  ici  une  extension  et  une  gra- 
vité bien  plus  grandes  que  dans  l'endocardite  simple  aiguë, 
et  comme  elles  peuvent  se  présenter  chez  de  francs  rhuma- 
tisants, c'est,  si  l'on  veut,  l'endocardite  aiguë  ordinaire 
devenue  maligne  sous  l'influence  des  mauvaises  conditions 
dans  lesquelles  est  placé  le  malade.  On  peut  donc  décrire  une  : 

Endocardite  ulcéreuse,  dans  laquelle  la  lésion  locale  a 
été  le  point  de  départ  des  accidents,  sans  qu'il  y  ait  lieu 
d'invoquer  un  état  général  primitivement  grave.  Cette  va- 
riété d'endocardite  est  facile  à  reconnaître  pendant  la  vie. 


grâce  aux  bruits  de  souffle  ;  ces  bruits  prennent  un  timbre 
musical  nommé  piaulement  (Bouillaud),  dû  à  la  vibration 
d'un  corps  flottant  (pilier,  cordage  ou  végétation)  au-de- 
vant d'un  orifice  ;  ce  caractère  a  permis  plusieurs  fois  d'an- 
noncer à  l'avance  l'explosion  des  accidents  de  l'embolie. 
Dans  ses  autres  formes,  l'endocardite  mérite,  plutôt  que 
dans  celle-ci,  le  nom  d'infectieuse,  car  les  ulcérations,  si 
elles  sont  représentées  en  général,  peuvent  être  insigni- 
fiantes et  même  manquer;  dans  ce  dernier  cas,  il  est  évi- 
dent que  l'endocardite  n'est  plus  qu'un  épiphénomène  d'un 
état  général  grave  prédominant.  Reste  à  décrire  deux 
types  d'endocardite  : 

Endocardite  typhoïde.  C'est  en  général  l'endocardite 
ulcéreuse  prenant  la  forme  typhoïde  ;  on  constate  la  plupart 
des  symptômes  de  la  fièvre  typhoïde  :  prostration,  diar- 
rhée, ballonnement  de  l'abdomen,  taches  rosées  lenticu- 
laires, congestion  pulmonaire,  urines  albumineuses,  etc. 
Le  diagnostic  est  fondé  sur  l'irrégularité  de  la  courbe  des 
températures,  sur  les  bruits  morbides  qu'on  perçoit  au  ni- 
veau des  orifices  du  cœur,  sur  les  douleurs  rhumatismales 
(si  elles  existent),  sur  l'apparition  de  certains  désordres 
spéciaux,  telles  que  les  paralysies  par  embolie,  sans  compter 
que  l'invasion  n'est  pas  la  même.  L'endocardite  typhoïde 
tue  fatalement  en  deux  ou  trois  semaines. 

Endocardite  pyohémique  ou  pyémique.  Elle  a  toutes 
les  allures  de  l'infection  purulente:  frissons  répétés  et 
hyperthermie,  teinte  terreuse,  subictérique,  formation 
d'abcès  sous  la  peau,  autour  des  articulations,  dans  les 
articulations  ;  la  mort  survient  au  milieu  du  délire  au  bout 
de  huit  à  dix  jours.  Le  diagnostic  est  basé  sur  l'absence  de 
traumatisme  capable  de  développer  l'infection  purulente  et 
sur  les  bruits  morbides  du  cœur. 

Traitement,  Le  traitement  de  ces  difi'érentes  formes  est 
celui  de  l'endocardite  simple  et  des  affections  qu'elle  com- 
plique. D"*  L.  Hahn. 

ENDOCARPES  (Bot.).  Tribu  de  Lichens  Ascosporés 
Angiocarpes,  à  thalle  hétéromère,  foHacé,  à  apothécies  très 
petites,  punctiformes,  enfoncées  dans  le  réceptacle. 

ENDOCARPON  (Bot.).  Genre  de  Lichens,  de  la  tribu 
des  Endocarpes,  à  thalle  foliacé  et  à  noyau  subglobuleux, 
gélatineux, renfermé  dans  des  verrues  superficielles  ouvertes 
par  un  ostiole  proéminent. 

ENDOCERAS  (Paléont.)  (V.  Orthoceras  et  Nautile 
[Paléont.]). 

ENDOCHROME  (Bot.).  Protoplasma  coloré  par  la 
chlorophylle  et  propre  aux  cellules  allongées  ordinaires  qui 
constituent  les  filaments  des  Conferves.  Ce  protoplasma  est 
diversement  distribué  dans  les  cellules  ;  il  y  forme  parfois 
des  rubans  spiraux  ou  des  amas  ;  du  reste,  l'endochrome 
se  contracte  à  un  moment  donné  pour  former  une  sorte  de 
noyau  susceptible  de  se  diviser.  Ce  protoplasma  se  rajeunit 
ainsi  en  formant  une  ou  plusieurs  cellules  nouvelles  qui 
s'échappent  dans  l'eau  ambiante  par  une  ouverture  de  la 
cellule  mère,  ou  par  résorption  de  cette  membrane.  Ces 
cellules  ne  sont  autre  chose  que  des  zoospores,  d'abord 
mobiles,  qui  se  fixent  après  un  temps  variable  et  germent 
(V.  Conferve).  Dr  L.  Hn. 

ENDOCRÂNE(V.  Crâne). 

ENDOCYMIENS  (Térat.).  (V.  Inclusion  fœtale  et 
Monstre  double  parasitaire). 

ENDŒOS  ou  ENDOIOS,  sculpteur  athénien  qui  vivait 
dans  la  seconde  moitié  du  vi^  siècle  av.  J.-C.  La  tradition 
le  présentait  comme  ayant  été  l'élève  du  légendaire  Dédale, 
ce  qui  signifie  simplement  qu'on  le  rattachait  à  la  période, 
obscure  pour  les  Grecs,  des  premiers  essais  de  la  plastique 
(V.  Dédale).  Il  était  célèbre  par  une  statue  d'Athéna  assise 
que  Callias  avait  consacrée  sur  l'Acropole,  statue  dont  les 
anciens  nous  ont  laissé  une  description  assez  précise  (Pau- 
sanias,  VII,  5,  9)  et  dont  on  possède  une  copie  retrouvée 
sur  l'Acropole  même.  Il  y  avait  encore  de  lui  sur  l'Acropole 
une  statue  de  femme  dont  il  nous  reste  la  base  avec  la 
dédicace  suivie  de  la  signature  de  l'artiste.  Le  style  d'En- 
doios  était  celui  de  l'école  attique  à  la  fin  du  vi«  siècle. 


—  1017  — 


ENDOEOS  —  ENDOSCOPE 


élégant  mais  un  peu  sec  et  un  peu  grêle,  curieux  du  détail, 
minutieux  surtout  dans  le  rendu  de  la  chevelure  et  des 
draperies.  J.  M. 

BiBL.  :  OvERBECK,  GescMchte  d.  gr.  Plastik.  —  Colli- 

GNON,  Manuel  d'archéologie  grecque. —  Murray,  Hislory 

of  ihe  greek  sculpture  from  ihe  earliest  limes  down  the 

âge  o/"  P/ieidias. —  Loewy,  Inschriften  gr.  Bildhauer^  p.  11. 

END06AIVI1E  (Ethnogr.)  (V.  Famille,  Mariage). 

ENDOGÈNES  (Vésicules)  (Zool.)  (V.  Vésicule). 

ENDOGONE  (Bot.).  C'est  le  sac  sporifère  des  mousses 

au  moment  de  leur  floraison  ;  recouvert  par  Vépigone,  il 

constitue  l'archégone  (fleur  femelle)  ;  dans  la  fig.  1  de  Fart. 

Archégone,  on  voit  en  a^^  l'endogone,  sorte  de  membrane 

celluleuse,  dont  l'extrémité  a  plus  ou  moins  l'apparence 

soit  d'un  stigmate,  soit  de  l'exostome   d'un  ovule.  A  la 

maturité,  la  base  de  l'endogone  s'allonge  en  pédicelle  et 

constitue  la  capsule  ou  urne,  tandis  que  l'épigone  forma 

la  coijfe.  D»*  L.  Hn. 

ENDOMORPHISME  (GéoL).  Beaucoup  de  roches  érup- 
tives  ayant  subi  au  contact  et  sous  l'influence  des  terrains 
traversés  des  modifications  physiques  ou  chimiques  plus 
ou  moins  profondes, il  en  résulte  un  métamorphisme  spé- 
cialement désigné  sous  le  nom  à'endomorphe  (ou  endo- 
morphisme),  par  opposition  à  celui  d' exomorphe  qu'elles 
exercent  sur  les  roches  encaissantes  (V.  Métamorphisme). 
ENDOMYCHUS.  I.  Zoologie.  —  (Endomychus  Panz.). 
Genre  de  Coléoptères-Phytophages,  qui  a  donné  son  nom  à  la 
famille  des  Endomychides.  Cette  famille  a  de  grands  rap- 
ports avec  celle  des  Coccinellides  (V.  Coccinelle)  ;  elle  en 
diffère  surtout  par  le  corps  oblong,  le  dernier  article  des 
palpes  maxillaires  oblong  ou 
ovoïde,  les  antennes  allon- 
gées, non  rétractiles,  insé- 
rées sur  le  front  en  avant 
des  yeux ,  le  prothorax  présen- 
tant toujours  en  arrière  deux 
sillons  bien  marqués,  les 
épimères  du  mésosternum  en 
forme  de  trapèze,  les  hanches 
antérieures  globuleuses,  les 
cuisses  non  sillonnées  en 
dessous  et  les  tarses  terminés 
par  des  crochets  simples.  Les 
Endomychides  vivent  presque 
exclusivement  dans  les  productions  cryptogamiques  (Bolets, 
Agarics,  moisissures,  etc.).  Ils  sont  surtout  répandus 
dans  les  régions  équatoriales  de  l'Amérique  et  dans  les 
grandes  îles  de  l'archipel  Indien.  D'après  la  monographie 
de  Gerstœcker,  publiée  en  1858,  le  groupe  renferme  plus 
de  trois  cents  espèces  réparties  en  une  cinquantaine  de 
genres,  dont  les  principaux  sont  :  Eumorphus  Web. , 
Dapsa  Latr.,  Mycetina  Muls.,  Lycoperdina  Lâir,,  Ste- 
notar su  s  y  eviy,  Mycetœa  Steph.,  et  Endomychus  Vam, 
Une  revision  des  espèces  européennes  a  été  publiée  en  1867 
par  de  Marseul  (Abeille,  t.  V).  Le  genre  Endomychus  a 
pour  espèce  type  VE.  coccineus  L.,  que  Ton  trouve  sous 
les  écorces  de  certains  arbres  lorsqu'elles  sont  détachées 
du  tronc  et  revêtues  de  productions  cryptogamiques.  Sa 
larve  a  été  décrite  par  Kirby  et  Spence,  Curtis,  Westwood 
et  Gerstaecker.  Ed.  Lef. 

II.  Paléontologie.  —  On  trouve  dans  l'ambre  tertiaire 
des  représentants  de  la  famille  des  Endomychidœ, 

ENDOMYXÉES  (Bot.).  Famille  de  Champignons  Myxo- 
mycètes,  constituant  la  plus  grande  partie  de  l'ordre  et 
ayant  pour  principal  caractère  la  formation  des  spores  par 
division  à  l'intérieur  d'un  sporange.  Celui-ci,  solitaire,  est 
tantôt  sessile,  globule  ou  allongé  verticalement,  rarement 
appliqué  horizontalement  contre  le  support  de  la  plante, 
tantôt  muni  d'un  pédicelle  creux  à  membrane  dure,  ridée 
et  plissée  dans  sa  longueur.  La  cavité  du  pédicelle  est 
séparée  ou  non  du  sporange  suivant  les  espèces.  La  forma- 
tion des  spores  se  fait  en  nombre  aussi  grand  qu'il  y  a  de 
noyaux  dans  la  masse  protoplasmique  du  sporange,  ou  bien 
aux  dépens  de  certains  filaments  constitués  aux  dépens  de 


Endomychus  coccineus  L. 
(très  grossi). 


certaines  parties  de  cette  masse  et  dont  l'ensemble,  entre- 
mêlé aux  spores,  forme  ce  qu'on  appelle  le  capillitium.  Les 
spores  prennent,  dès  leur  formation,  leur  dimension  défini- 
tive. Elles  sont  toujours  rondes,  mais  se  creusent  d'un  côté 
d'une  concavité  par  le  dessèchement.  A  la  maturité,  la 
membrane  du  sporange  s'ouvre  pour  laisser  passer  les 
spores  qui  peuvent  germer  presque  aussitôt  après  leur 
sortie.  Une  fois  humectée,  la  spore  s'ouvre  et  laisse  échapper 
son  protoplasma  qui  bientôt  s'allonge,  pousse  un  cil  vibra- 
tile  à  l'une  de  ses  extrémités  qui  est  effilée  et  renferme  le 
noyau.  Elle  devient  une  zoospore  qui  devient  myxamibe 
par  rétraction  de  son  fil  et  se  divise  en  deux  autres.  Par 
fusion  de  ces  myxamibes  se  forment  des  symplastes  qui 
réunis  constituent  le  plasmode,  lequel  prend  une  forme 
réticulée  et  continue  à  garder  les  mouvements  amiboïdes 
très  actifs  qui  caractérisaient  isolément  les  myxamibes. 
Cette  conservation  des  mouvements  explique  son  déplace- 
ment à  travers  le  milieu  qui  le   contient,    terre,   bois 
pourri,  feuilles  mortes,  etc.  Pendant  la  période  de  crois- 
sance du  thalle,  les  éléments  épais,  zoospores  et  myxamibes, 
peuvent  s'enkyster  sous  l'influence  du  froid,  de  la  séche- 
resse, etc.  Dans  les  mêmes  conditions,  les  plasmodes  peuvent 
plus  tard  subir  à  leur  tour  la  même  transformation.  Alors 
ils  rentrent  tous  leurs  prolongements  et  chacune  de  leurs 
cellules  s'entoure  d'une  membrane  de  cellulose.  Ces  kystes 
peuvent  se  conserver  pendant  une  très  longue  durée  et,  au 
retour  de  circonstances  favorables,  rendre  la  vie  au  plas- 
mode reconstitué  par  dissolution  des  membranes  et  fusion 
nouvelle  des  corps  protoplasmiques.  On  connaît  environ 
une  quarantaine  de  genres  dans  la  famille  des  Endomyxées. 
On  peut  les  répartir  en  cinq  sections  d'après  la  coloration 
des  spores,  la  présence  ou  l'absence  de  columelle,  de  capilli- 
tium, l'infiltration  calcaire  du  pédicelle,  etc.  Chacune  des  cinq 
sections  ainsi  constituées  est  elle-même  divisée  en  types  à 
sporange  simple  et  à  sporange  composé.      H.  Fournier. 

ENDOPARASITE  (V.  Parasite). 

ENDOPHYLLUM  (Bot.).  Champignon  de  l'ordre  des 
Urédinées,  dont  le  conceptacle  produit  des  écidioles  et  des 
écidies,  mais  ne  donnant  ni  urédospores,  ni  téleutospores. 
C'est  le  seul  genre  de  l'ordre  qui  n'ait  pas  de  spores 
d'hiver.  Elles  sont  remplacées  au  printemps  par  des  fila- 
ments courts,  munis  de  sporidies,  émanant  des  écidios- 
pores.  L'Endophyllum  est  parasite  de  la  Joubarbe,  du 
Sedum  et  de  l'Euphorbe.  H.  F. 

EN DOPLASME  CELLULAIRE  (V. Cellule, t.  IX, p.  1058). 

ENDOPROCTES  (Zool.).  Division  des  Bryozoaires  créée 
par  Nitsche  à  la  suite  de  ses  travaux  sur  la  Pédicelline.  A 
l'inverse  des  Ectoproctes,  les  animaux  de  ce  groupe  ont 
l'anus  situé  en  dehors  du  lophophore,  et  celui-ci  n'est  pas 
rétractile.  Ils  ne  comprennent  qu'un  petit  nombre  de  genres 
répartis  dans  les  familles  des  Pedicellidœ  et  des  Loxo- 
somidœ  (V.  ces  mots).  L.  Chabry. 

EN  DUR.  Localité  de  l'ancienne  Palestine,  située  dans  la 
plaine  de  Jezrahel  et  où  se  place  la  scène  de  la  consultation 
d'une  pythonisse  par  le  roi  Saiil,  à  la  veille  de  la  bataille 
où  il  devait  perdre  la  vie  (1  Samuel,  ch.  xxviii). 

ENDOSCOPE.  L'endoscope  est  un  instrument  imaginé 
en  1853  par  Désormeaux  dans  le  but  de  permettre  l'exa- 
men intérieur  des  cavités  physiologiques  ou  pathologiques 
du  corps.  Il  est  particulièrement  employé  pour  explorer 
l'urèthre,  la  vessie  ou  le  point  d'abouchement  des  uretères 
dans  la  vessie,  mais  il  peut  servir  également  à  examiner 
les  fosses  nasales,  l'œsophage,  l'intérieur  du  col  ou  du 
corps  de  l'utérus  ainsi  que  toutes  les  cavités  accidentelles, 
qu'elles  soient  d'origine  kystique,  inflammatoire  ou  trau- 
matique.  L'endoscope  de  Désormeaux  (fig.  1)  se  com- 
pose essentiellement  :  i^  d'un  tube  AB  renfermant  un 
miroir  métallique  CD  incliné  de  45<>  sur  l'axe  de  l'ins- 
trument et  percé  à  son  centre  d'un  petit  orifice  circu- 
laire. Ce  tube  porte  à  son  extrémité  B  une  douille  E 
dans  lequel  peut  s'introduire  une  sonde  telle  que  FG  ou 
toute  autre  de  forme  appropriée  à  l'objet  de  l'examen.  Il 
présente  en  A  un  diaphragme  percé  à  son  centre  d'un  petit 


ENDOSCOPE  —  ENDOSMOSE 


-  1018 


trou  tout  comme  le  miroir  CD  ;  2°  d'une  petite  lampe  H  qui 
se  réunit  à  la  pièce  précédente  à  l'aide  d'un  tube  latéral. 
Cette  lampe  est  munie  d'un  réflecteur  concave  J  disposé  de 
façon  à  renvoyer  les 
rayons  lumineux  sur  le 
miroir  incliné  qui  les 
dirige  à  son  tour  sur  la 
partie  à  éclairer;  3°  enfin 
d'une  lentille  I  destinée 
à  faire  converger  en  un 
même  point  la  lumière 
de  la  lampe  et  par  suite 
à  rendre  cette  partie 
plus  visible.  Pour  se 
servir  de  cet  appareil, 
on  fixe  dans  la  douille 
E  la  sonde  dont  on  a 
besoin  ;  on  met  en  place 
la  lampe  allumée  dont 
la  flamme  a  été  soi- 
gneusement montée  à  la 
hauteur  du  centre  du 
miroir  et  l'on  regarde  par 
l'orifice  A  muni  ou  non 
d'une  lentille  grossissante.  Les  parties  qui  se  trouvent 
placées  à  l'extrémité  de  la  sonde  apparaissent  ainsi  à 
l'œil  très  facilement,  et  il  est  possible  de  faire  le  diagnostic 
des  lésions  dont  elles  sont  le  siège.  Dans  certains  cas,  l'en- 
doscope facilite  l'opération,  le  'chirurgien  n'agissant  plus 
à  l'aveuglette,  mais  conduisant  de  l'œil  son  instrument. 

L'appareil  de  Désormeaux,  comme  ceux  qu'ont  construit 
ou  fait  construire  Bruck,  Fonssagrives,  MiUiot,  Trouvé  et 
tant  d'autres,  présente  l'inconvénient  capital  de  ne  rendre 
accessible  à  l'œil  que  l'espace  très  restreint  qui  se  trouve 
au  bout  de  la  sonde.  Il  n'en  est  pas  de  même  du  mégalos- 
cope  de  Boisseau  du  Rocher  qui,  par  une  disposition  optique 


Fig.  1.  —  Endoscope  de  Désormeaux. 


tste^ 


Fia:.  2 


Môgaloscope  du  docteur  Boisseau  du  Rocher. 

fort  heureuse,  permet  l'examen  d'une  surface  bien  plus 
étendue.  Dans  cet  appareil  (fig.  2),  le  système  éclairant 
se  trouve  constitué  par'  une  petite  chambre  L  dans  laquelle 
est  placée  une  lampe  électrique  à  incandescence.  La  partie 
optique  comprend  un  prisme  de  3  millim.  de  côté  A,  en 
rapport  immédiat  avec  un  double  système  de  lentilles 
à  court  foyer  BB^  Elle  se  trouve  complétée  par  une 
lunette  CD  montée  à  l'extrémité  supérieure  de  l'instru- 
ment ,  et  dont  le  but  est  de  grossir  l'image  réelle  et 
renversée  ff  de  la  surface  FF^  La  lentille  terminale  D^ 
est  mobile  ;  elle  fait  fonction  de  lampe,  et  permet  par  suite, 
s'il  est  besoin,  d'avoir  une  image  agrandie  de  la  partie  exa- 
minée. Le  mégaloscope  de  Boisseau  du  Rocher  sert  aux 
mêmes  usages  que  l'endoscope  dont  il  constitue  un  ingé- 
nieux perfectionnement.  D^  Alphândéry. 

EN  DOS  M  G  M  ÊTRE.  Cet  instrument  a  été  imaginé  par 
Dutrochet  pour  étudier  l'endosmose  des  liquides.  C'est  un 
instrument  qui  ne  permet  que  de  constater  le  phénomène 
et  nullement  de  le  mesurer.  Il  se  compose  d'un  flacon  sans 
fond  bouché  par  une  membrane  (vessie  de  cochon,  papier, 
parchemin,  etc.).  Le  goulot  de  la  bouteille  est  fermé  par 
un  bouchon  qui  laisse  passer  un  tube  le  long  duquel  se 
trouve  une  planchette  portant  une  division.  La  bouteille 


contenant  de  l'alcool,  si  on  la  plonge  dans  l'eau,  on  voit 
le  niveau  du  liquide  monter  peu  à  peu  par  un  phénomène 
à' endosmose  (V.  ce  mot).  Mais  la  division  à  laquelle  s'ar- 
rête le  liquide  n'a  pas 
de  signification  ;  l'indi- 
cation de  l'instrument 
ne  donne,  en  effet,  que 
la  diflérence  de  deux 
phénomènes  d'osmose  ; 
en  outre,  les  conditions 
de  l'expérience  varient 
constamment  pendant 
sa  durée  puisque  la 
pression  augmente,  ce 
qui  favorise  l'un  des 
phénomènes  d'osmose  et 
entrave  l'autre.  Il  faut 
donc  considérer  cet  ap- 
pareil comme  un  instru- 
ment de  démonstration 
et  non  comme  un  ins- 
trument de  mesure  ; 
c'est  donc  plutôt  un 
endosmoscope  qu'un 
endosmomètre  :  encore  n'indique-t-il  que  les  difi'érences 
d'endosmose,  et,  si  l'on  avait  deux  liquides  se  diô'usant  très 
rapidement  à  travers  les  membranes,  mais  avec  la  même 
vitesse,  et  si  on  les  essayait  avec  l'endosmomètre,  celui-ci 
resterait  au  zéro.  A.  Joannis. 

ENDOSMOSE  (Phys.).  Les  phénomènes  d'endosmose 
ont  été  découverts  par  Nollet  ;  ayant  placé  un  vase  entière- 
ment plein  d'alcool  et  fermé  par  une  vessie  dans  un  récipient 
plein  d'eau,  il  constata  au  bout  de  quelques  heures  que  la 
membrane  primitivement  plane  était  gonflée  et  convexe  ; 
il  fit  alors  l'expérience  inverse  consistant  à  remplir  d'eau 
la  bouteille  et  à  la  mettre  dans  un  vase  plein  d'alcool  ; 
il  obtirft  le  résultat  inverse  ;  la  membrane  se  déprima  et 
présenta  une  surface  concave.  Nollet  abandonna  ces  expé- 
riences ;  on  ne  pouvait  en  déduire  que  le  passage  de  l'alcool 
à  travers  la  membrane  ;  mais  si  on  analyse  dans  les  deux 
expériences  de  Nollet  les  liquides  qui  sont  de  chaque  côté 
de  la  membrane,  on  trouve  que  l'eau  est  devenue  alcoo- 
lisée et  que  l'alcool  contient  plus  d'eau  qu'auparavant  ;  il 
y  a  donc,  en  réalité,  passage  des  deux  liquides  avec  des 
vitesses  difî'érentes.  Dutrochet,  qui  a  beaucoup  étudié  ces 
phénomènes,  désigne  ces  deux  courants  sous  les  noms 
d'endosmose  et  d'exosmose.  L'eau  et  l'alcool  ne  jouissent 
pas  seuls  de  cette  propriété  ;  tous  les  liquides  miscibles  la 
possèdent;  les  sels  métalliques  ont  donné  lieu  à  un  grand 
nombre  d'expériences  et  on  a  cherché  à  en  déduire  des 
lois.  Il  faut  remarquer  tout  d'abord  qu'on  doit  opérer  dans 
des  conditions  exactement  semblables,  ce  qui  est  souvent 
difficile.  La  membrane,  en  eff'et,  joue  un  rôle  considérable 
dans  ces  expériences,  rôle  mal  connu  et  variable.  Dans  les 
expériences  de  Nollet  et  dans  celles  que  Dutrochet  a  faites 
avec  Vendosmomètre  (V.  ce  mot),  on  ne  mesurait  que  la 
diff'érence  de  deux  phénomènes  d'osmose  ;  or,  cette  diff'é- 
rence  variait  avec  la  nature  de  la  membrane,  et,  si  on  prenait 
toujours  une  vessie  de  cochon,  elle  variait  d'un  animal  à 
l'autre.  Dans  une  même  vessie  les  diverses  régions  ne  don- 
naient pas  les  mêmes  phénomènes.  M.  Gayon  a  montré 
qu'en  prenant  pour  membrane  cette  pellicule  fine  qui 
tapisse  l'intérieur  des  œufs  d'oiseaux,  on  obtenait  avec 
l'eau  et  l'eau  sucrée  des  phénomènes  d'une  intensité  très 
diff'érente,  selon  que  la  surface  extérieure  de  la  membrane 
était  tournée  du  côté  de  l'eau  sucrée  ou  du  côté  de  l'eau. 
Avec  une  lame  de  caoutchouc,  la  vitesse  relative  de  diff'u- 
sion  de  l'eau  et  de  l'alcool  change  de  signe.  On  voit  com- 
bien est  complexe  et  obscur  le  rôle  de  la  membrane  et 
combien  il  doit  être  difficile  de  trouver  les  lois  de  ces 
phénomènes. 

Expériences  de  Jolly.  Ce  savant  opérait  à  l'aide  d'un 
tube  de  0^20  de  long,  de  0^^015  de  large  fermé  en  bas  par 


—  1019  — 


ENDOSMOSE  —  ENDOTHERMIQUES 


une  vessie  ;  dans  ce  tube  il  mettait  la  solution  saline  sur 
laquelle  il  voulait  opérer,  et  il  le  plaçait  dans  un  vase  con- 
tenant de  Teau,  de  façon  que  le  niveau  du  liquide  dans  le 
tube  fût  le  même  qu'à  l'extérieur,  non  seulement  au  début, 
mais  pendant  toute  l'expérience.  L'eau  pénétrait  dans  le 
tube,  la  substance  saline  en  sortait  peu  à  peu,  mais  le 
poids  total  du  tube  augmentait  ;  il  le  pesait  une  fois  par 
jour  jusqu'à  ce  qu'il  n'y  eût  plus  changement  ;  il  n'y  avait 
plus  alors  de  sel  dans  le  tube  intérieur.  Ayant  fait  une 
série  d'expériences  de  ce  genre,  il  trouva  que  le  poids 
d'eau  qui  remplaçait  un  certain  poids  de  sel  était  propor- 
tionnel à  ce  poids  ;  aussi  4^'34  d'eau  s'introduisaient  dans 
l'appareil  pendant  que  1  gr.  de  chlorure  de  sodium  en 
sortait.  Si  on  admet,  avec  Jolly,  cette  proportionnalité,  il 
y  a  lieu  de  déterminer  pour  chaque  sel  ce  qu'il  appelle 
l'équivalent  osmotique,  c.-à-d.  le  poids  d'eau  qui  pénètre 
dans  l'appareil  quand  4  gr.  du  sel  en  sort.  Il  faudrait 
ensuite,  pour  que  ces  nombres  aient  une  signification, 
qu'en  employant  une  autre  membrane,  on  retrouvât  ou  les 
mêmes  nombres  ou  au  moins  des  nombres  proportionnels  ; 
il  n'en  est  rien.  Il  résulte  des  expériences  de  Graham  et  de 
Eckhard  que  les  équivalents  osmotiques  n'existent  pas. 
Mais,  si  la  théorie  de  ces  phénomènes  est  peu  avancée,  du 
moins  on  a  pu  les  appliquera  divers  usages,  en  particuKer 
pour  réparer  les  substances  inégalement  endosmotiques, 
soit  dans  un  but  d'analyse  qualitative,  soit  dans  des  appli- 
cations industrielles  ;  ïosmogène  de  Dubrunfaut  sépare 
les  sels  minéraux  contenus  dans  les  jus  sucrés  incristalli- 
sables  par  l'endosmose  à  travers  du  papier  parchemin  ; 
la  dissolution  de  sucre  en  partie  privée  de  ses  sels  peut 
alors  cristalliser  de  nouveau.  A.  Joannis. 

ENDOSPORE  (Bot.)  (V.  Spore). 
ENDOSSEMENT.  L'endossement  est  la  mention,  écrite 
au  dos  d'un  titre  auquel  cette  formalité  est  applicable,  et 
qui  en  constate  la  cession.  Suivant  les  cas,  cette  mention 
doit  ou  non  comprendre  certaines  indications  déterminées. 
Lorsqu'il  s'agit  de  valeurs  mobilières  (actions  ou  oMigations), 
transmissibles  par  endossement,  celui-ci  ne  comprend,  en 
général,  que  le  nom  du  cessionnaire,  la  date  de  la  cession 
et  la  signature  du  cédant  ;  il  est  souvent  complété  par  une 
transcription  sur  un  registre  ad  hoc  tenu  au  siège  social. 
En  matière  d'effets  de  commerce,  les  énonciations  exigées 
sont'i)lus  nombreuses  et  leur  omission  modifie  profondé- 
ment les  effets  de  l'endossement.  Pour  produire  tout  son 
effet,  Tendossement  doit  comprendre  :  le  nom  du  bénéfi- 
ciaire, renonciation  de  la  valeur  fournie,  la  date  de  la 
cession  ;  il  est  naturellement  signé  par  le  cédant.  Si  l'une 
de  ces  énonciations  fait  défaut,  l'endossement  est  irrégu- 
lier ;  il  ne  constitue  plus  qu'un  mandat  donné  par  le  cédant 
à  celui  qui  est  indiqué  comme  cessionnaire,  et  expose  celui- 
ci,  en  cas  de  faillite  du  cédant,  à  une  revendication  de 
l'effet  cédé,  s'il  en  est  resté  propriétaire.  On  admet  pour- 
tant que,  si  l'omission  relevée  ne  provient  que  d'une  négli- 
gence, l'endossement  même  irrégulier  produira  tout  son 
effet  entre  les  parties,  mais  non  à  l'égard  des  tiers  qui 
ignorent  les  conventions  faites.  L'endossement  en  blanc, 
c.-à-d.  celui  qui  consiste  uniquement  dans  la  signature  du 
cédant,  est  évidemment  irrégulier  ;  mais,  tandis  qu'en  géné- 
ral l'endossement  auquel  manque  une  des  énonciations  obli- 
gatoires ne  peut  être  complété,  on  reconnaît  au  porteur 
d'un  effet  de  commerce  endossé  en  blanc  le  droit  d'écrire 
un  endossement  régulier  à  son  profit,  étant  admis  que  cette 
inscription  est  faite  de  bonne  foi  et  à  une  époque  oii  le 
cédant  est  encore  investi  du  droit  de  transférer  les  effets 
qui  lui  appartiennent.  En  matière  de  chèque,  les  prescrip- 
tions des  art.  137  et  138  du  C.  de  comm.  ne  sont  pas 
applicables,  la  loi  de  486o  disant  expressément  que  le 
chèque  peut  être  transmis  même  par  voie  d'endossement 
en  blanc.  Il  est  à  remarquer  que  les  législations  étrangères, 
et  surtout  les  législations  anglaise  et  allemande,  donnent 
à  la  transmission  des  effets  de  commerce  des  facilités  beau- 
coup plus  grandes,  et  sont  loin  de  reproduire  toutes  les 
restrictions  qui  existent  encore  en  France. 


Effets  de  V endossement.  Par  le  fait  de  l'endossement 
d'une  valeur  mobilière,  résultant  d'une  opération  faite  de 
bonne  foi,  le  cessionnaire  en  acquiert  la  complète  et  abso- 
lue propriété,  au  même  titre  que  son  cédant.  S'il  s'agit 
d'une  lettre  de  change,  et  en  général  d'un  effet  de  com- 
merce, l'endossement' régulier  donne  au  porteur,  de  plein 
droit,  la  propriété  du  titre,  avec  tous  les  droits  accessoires. 
C'est  ainsi  que,  si  le  payement  de  la  lettre  de  change  a  été 
garanti  par  une  hypothèque,  le  porteur  aura  le  droit  de 
s'en  prévaloir  ;  il  obtient,  en  outre,  la  garantie  de  tous  les 
endosseurs  ayant  figuré  sur  le  titre  transmis,  en  plus  de 
celle  du  tireur  et  du  tiré  accepteur,  et  en  cas  de  non-paye- 
ment, il  peut,  après  protêt  en  temps  utile,  exercer  son 
action  en  garantie  individuellement  contre  chacun  des  obli- 
gés, ou  collectivement  contre  tous.  Il  en  est  de  même  de 
l'endosseur  qui  a  remboursé  à  l'égard  de  tous  ceux  qui,  par 
le  fait  de  l'endossement,  étaient  devenus  ses  garants.  Le 
recours  doit  être  exercé  par  le  porteur  dans  la  quinzaine 
de  la  date  du  protêt,  délais  de  distance  non  compris, ^  et 
par  les  autres  endosseurs,  dans  la  quinzaine  de  la  citation 
en  justice,  ou  de  la  date  du  payement  si  le  remboursement 
a  été  fait  sans  citation.  Dans  tous  les  cas,  il  y  a  lieu 
d'ajouter  les  délais  de  distance.  G.  François. 

ENDOTHÉLIUM  (Anat.).  Les  surfaces  libres  des  sé- 
reuses, la  surface  postérieure  de  la  cornée  et  la  surface 
antérieure  de  l'iris,  les  tendons  et  les  gaines  tendineuses, 
les  sacs  lymphatiques  des  amphibies,  la  cavité  du  cœur, 
les  vaisseaux  sanguins  et  lymphatiques  sont  tapissés  par 
une  membrane  faite  de  cellules  minces  et  transparentes 
comme  du  verre  (cellules  endothéliales)  à  laquelle  on  donne 
le  nom  d'endothélium  (V.  Epithélium).  Les  endothéliums 
dérivent  du  feuillet  moyen  du  blastoderme.  Les  uns  ne  sont 
que  la  transformation  de  l'épithélium  de  la  cavité  pleuro- 
'péritonéale  (V.  Péritoine,  Plèvre,  Péricarde,  Ovaire, 
Testicule,  Rein)  et  dérivent  par  conséquent  de  l'entéro- 
cœlome.  Seul,  l'endothélium  de  l'arachnoïde  provient  d'un 
schyzocèle  (V.  Cornée,  Cœur  et  Vaisseaux). 

ENDOTHERMIQUES  et  EXOTHERMIQUES  (Compo- 
sés et  réactions).  Il  existe  en  chimie  deux  ordres  de  réac- 
tions et  de  combinaisons,  savoir  :  4«  les  réactions  et  com- 
binaisons directes,  c.-à-d.  susceptibles  d'être  réalisées  par 
l'action  réciproque  des  éléments  et  autres  composants  libres  ; 
soit  immédiatement,  soit  lentement;  soit  par  la  simple 
réaction  des  composés  mis  en  présence  ;  soit  avec  le  con- 
cours d'énergies  auxiliaires ,  empruntées  à  réchauffement, 
à  la  lumière,  à  l'électricité,  aux  agents  dits  de  contact,  etc. 
2°  les  7'éactions  et  combinaisons  indirectes^  c.-à-d. 
les  combinaisons  qui  ne  peuvent  être  produites  par  l'action 
réciproque  des  composants  libres. 

Soient  d'abord  les  combinaisons  dont  la  formation  peut 
avoir  heu  directement  sans  le  concours  d'une  énergie  étran- 
gère, et  au  moyen  des  corps  composants  pris  à  l'état  de 
liberté.  La  formation  de  cet  ordre  de  composés  a  lieu  avec 
dégagement  de  chaleur.  Ce  sont  les  combinaisons  exother- 
miques. Leur  formation  s'effectue  en  vertu  d'un  travail 
positif  des  affinités,  c.-à-d.  qu'il  y  a  perte  d'énergie,  en 
passant  des  corps  composants  au  corps  composé, ^  Réci- 
proquement, la  décomposition  de  ces  combinaisons  exige  une 
dépense  de  travail,  une  absorption  de  chaleur  ;  pour  repro- 
duire les  corps  primitifs,  il  faut  restituer  au  système  l'éner- 
gie perdue  :  leur  décomposition  est  donc  endothermique. 
Telles  sont  les  combinaisons  de  l'oxygène  avec  l'hydrogène, 
le  phosphore,  le  carbone,  les  métaux  ;  celles  du  chlore  avec 
l'hydrogène  et  les  métaux  ;  celles  des  acides  avec  les 
bases,  etc.  C'est  cet  ordre  de  composés  que  l'on  a  cou- 
tume d'envisager,  lorsqu'on  raisonne  en  général  sur  la 
combinaison  chimique. 

Les  combinaisons  endothermiques  sont  au  contraire 
formées  par  voie  indirecte,  et  leur  décomposition  directe 
donne  lieu  à  un  dégagement  de  chaleur ,  c.-à-d.  qu'il  y  a 
pe7'te  d'énergie  en  passant  du  corps  composé  à  ses 
composants.  Réciproquement,  la  formation  directe  de  ces 
combinaisons  exige  une  certaine  dépense  de  travail,  c.-à-d. 


ENDOTHERMIQUES  —  ENDUIT 


1020 


qu'elle  répond  à  une  absorption  de  chaleur.  Il  ne  faudrait 
pas  croire  que  la  chaleur  ainsi  mise  en  jeu  ait  été  absor- 
bée par  le  simple  fait  du  rapprochement  des  particules 
élémentaires  :  son  absorption  répond  à  de  certains  travaux 
effectués  pour  disposer  ces  particules  suivant  un  arrange- 
ment spécial.  On  peut  prendre  une  idée  de  tels  composés, 
en  les  comparant  à  un  ressort  tendu  ;  pour  bander  le  res- 
sort, il  faut  exécuter  un  travail  équivalent  à  une  certaine 
quantité  de  force  vive,  que  la  détente  du  ressort  fera 
reparaître.  Un  corps  composé  de  cet  ordre  renferme  plus 
d'énergie  que  le  simple  mélange  de  ses  composants.  C'est 
là  un  caractère  commun  au  cyanogène,  à  l'acétylène,  au 
bioxyde  d'azote,  tous  corps  qui  jouent  le  rôle  de  véritables 
radicaux  composés.  Or  le  caractère  que  je  viens  de  signa- 
ler tend  à  rendre  compte  de  cette  propriété  de  radical  com- 
posé effectif,  manifestant  dans  ses  combinaisons  ultérieures 
une  énergie  plus  grande  que  celle  de  ses  éléments  libres. 
En  effet,  l'énergie  de  ceux-ci  se  trouve  exaltée  par  l'effet 
de  cette  absorption  de  chaleur,  au  lieu  d'être  affaiblie, 
comme  il  arrive  dans  les  combinaisons  qui  dégagent  de  la 
chaleur  ;  et  cet  accroissement  d'énergie  rend  le  système 
comparable  aux  éléments  les  plus  actifs. 

Cet  ordre  de  composés,  plus  rare  en  chimie  que  le  précé- 
dent, se  présente  toutefois  assez  souvent  et  son  étude  offre  un 
grand  intérêt.  Tels  sont,  par  exemple,  en  chimie  minérale,  le 
bioxyde  et  les  autres  oxydes  d'azote,  l'hydrazine,  l'hydro- 
gène arsénié,  le  chlorure  d'azote,  les  composés  oxygénés 
du  chlore,  l'acide  permanganique,  etc.  Tels  sont  encore  en 
chimie  organique  :  l'acétylène  (C^H)^,  formé  depuis  les 
éléments  avec  une  absorption  de  60  calories  ;  le  sulfure 
de  carbone,  CS^,  formé  avec  absorption  de  IS^'^^d;  le  cya- 
nogène (G^Az)^,  formé  avec  absorption  de  74«^i.  Lesmêmes 
propriétés  appartiennent  aussi  à  un  grand  nombre  de  com- 
posés, en  tant  que  formés  par  l'union  de  deux  composants 
plus  simples  avec  élimination  des  éléments  de  Teau.  Ainsi, 
les  éthers  composés  dérivés  des  acides  organiques  sont 
formés  avec  absorption  de  chaleur  :  soit  pour  l'éther  acé- 
tique —  2^^^0,  depuis  l'acide  et  l'alcool  générateurs.  De 
même  les  amides  et  les  nitriles,  en  tant  que  dérivés  des  sels 
ammoniacaux,  etc.  On  voit  par  là  toute  la  généralité  des 
combinaisons  formées  avec  absorption  de  chaleur  dans  la 
chimie  organique.  Il  n'est  pas  douteux  que  leur  formation 
et  leur  décomposition  ne  jouent  un  grand  rôle  dans  les  mé- 
tamorphoses de  la  matière  qui  s'accomplissent  au  sein  des 
êtres  vivants  ;  leur  décomposition  en  particulier  peut  s'ef- 
fectuer sous  l'influence  de  simples  agents  déterminants, 
sans  le  concours  d'une  énergie  étrangère.  Elle  rend  pos- 
sibles, au  sein  des  êtres  vivants,  des  dégagements  de  cha- 
leur en  apparence  spontanés,  comme  ceux  que  l'on  observe 
dans  les  fermentations.  M.  Berthelot. 

ENDOTHIODON  (Paléont.).  Genre  de  Reptiles  fossiles 
créé  par  Owen,  et  appartenant  au  groupe  des  Theromor- 
pha  (V.  ce  mot),  dans  lequel  il  doit  constituer  une  famille 
à  part  dont  les  caractères  sont  :  intermaxillaire  dépourvu 
de  dents  ;  mâchoire  supérieure  n'ayant  qu'une  seule  canine  ; 
palais  revêtu  de  plusieurs  rangées  de  dents.  Le  type 
E.  bathystoma  est  des  couches  triasiques  de  Karoo,  dans 
l'Afrique  australe.  E.  Trt. 

ENDOUFIELLE.  Com.  dudép.  du  Gers,  arr.  deLombez, 
cant.  de  L'Isle-en-Jourdain  ;  679  hab. 

ENDOXYLA  (Bot.).  Genre  de  Champignons  de  la  famille 
des  Sphériacés,  à  périthèces  réunis  en  séries,  à  asçjues  lon- 
guement stipitées,  à  spores  d'un  brun  clair,  cylindriques 
et  courtes.  Habite  le  bois  de  chêne. 

ENDRA6T  (Terre  d').  Région  côtière  d'Australie,  colo- 
nie de  l'Australie  occidentale,  entre  les  golfes  d'Exmoulh 
et  de  Shark  ;  elle  fut  découverte  en  oct.  4616  par  le  Hol- 
landais Hartog  qui  montait  ÏEndragi. 

EN  DR  ES.  Bourg  de  la  Turquie  d'Asie,  vilayetde  Sivas; 
600  hab.,  aune  heure  et  demie  de  l'ancienne  Nicopolis 
qui,  ainsi  que  l'a  prouvé  Taylor  en  1866,  fut  bâtie  par 
Pompée  après  sa  victoire  sur  Mithridate.  — Village  près  de 
Mossoul,  où  les  Israélites  vont  en  pèlerinage. 


ENDRŒDY  (Jean),  écrivain  hongrois, né  en  1756,  mort 
en  1824.  Il  appartenait  à  l'ordre  des  piaristes,  et  s'est 
occupé  de  philosophie.  Mais  son  principal  service  littéraire 
fut  de  travailler  à  un  recueil  des  œuvres  dramatiques  en 
magyar  composées  jusqu'aux  premières  années  de  notre 
siècle. 

ENDROMIDIS  (V.  Chaussure,  t.  X,  p.  971). 

ENDROMIS  (Endromis  Ochs.)  (Entom.).  Genre  de 
Lépidoptères-Hétérocères,  qui  a  donné  son  nom  au  groupe 
des  Endromides,  intermédiaire  entre  les  Bombycides  et 
les  Attacides  (V.  Bombyx  et  Attacus).  L'unique  espèce 
connue,  E,  versicolora  L.,  est  un  Papillon  de  petite  taille 
aux  antennes  pectinées,  aux  ailes  antérieures  allongées,  fer- 
rugineuses, avec  deux  lignes  noires  transversales  sinueuses  ; 
les  postérieures  sont  courtes,  d'un  jaune  brunâtre  avec 
une  hgne  noire  en  S  et  deux  petites  taches  blanches  vers 
le  sommet.  Le  papillon  se  trouve  dans  toute  la  France  ;  il 
vole  en  plein  jour  avec  beaucoup  de  rapidité.  La  chenille, 
d'un  brun  verdâtre,  avec  des  lignes  blanches  sur  le  dos, 
vit  principalement  sur  le  bouleau,  le  tilleul,  l'aulne,  le 
noisetier,  etc.  ;  son  pénultième  anneau  est  élevé  en  forme 
de  pyramide.  Ed.  Lef. 

EN  DRU  LAI  (Bernhard),  écrivain  allemand,  né  à  Berlin 
le  24  août  1828,  employé  aux  archives  prussiennes.  Il  a 
écrit  des  poésies  (Hambourg,  1857),  des  nouvelles  en  prose 
et  en  vers,  Geschichtenund  G^sfa/^^n  (Hambourg,  1863), 
traduit  Flaubert,  etc. 

ENDUIT  (Chim.  industr.).  On  donne  le  nom  d'enduits 
aux  corps  ou  compositions  employés  pour  préserver  les 
murs,  les  cloisons,  le  bois,  le  fer,  etc.,  de  l'humidité,  de 
l'action  de  l'air,  ou  pour  rendre  leur  surface  plus  unie  ou 
plus  agréable  à  l'œil.  On  peut  les  classer  en  deux  caté- 
gories :  1<»  les  enduits  simples  ;  2°  les  enduits  hydrofuges. 
Les  premiers  sont  usités  depuis  fort  longtemps.  A  Rome, 
où  les  lambris  étaient  inconnus,  on  apportait  le  plus  grand 
soin  à  la  confection  des  enduits.  Ils  consistaient  en  couches 
d'épaisseu?s  et  de  compositions  différentes,  généralement 
au  nombre  de  trois.  Les  deux  premières  se  composaient 
simplement  de  chaux  et  de  sable,  et  la  troisième,  beaucoup 
moins  épaisse,  de  chaux  et  de  marbre  pulvérisé.  Malheu- 
reusement, ces  couches,  en  raison  des  différences  de  com- 
position, se  soudaient  mal  entre  elles  et  se  séparaient  assez 
rapidement  par  plaques.  On  retrouve  cependant  dans  plu- 
sieurs ruines  romaines  quelques-uns  de  ces  enduits  qui 
ont  partiellement  résisté  à  l'action  du  temps  et  des  intem- 
péries. Aujourd'hui,  les  enduits  simples  sont  très  variés  ; 
on  les  fait  en  mortier  de  chaux  grasse  ou  hydraulique,  en 
plâtre,  en  ciment  ordinaire  ou  romain,  etc.  Les  mortiers 
de  chaux  s'appliquent  principalement  sur  les  murs  de 
clôture  qui  ont  peu  à  craindre  de  l'humidité;  ils  ont 
surtout  pour  but  d'empêcher  les  pluies  de  pénétrer  les 
pierres  gélives  ou  s'infiltrer  dans  les  joints.  Les  enduits  en 
plâtre  servent  à  peu  près  dans  les  mêmes  circonstances  que 
les  mortiers  de  chaux  ;  ils  sont  appliqués  comme  eux  d'une 
façon  un  peu  grossière  sur  les  murs  de  clôture  en  couches 
de  10  à  14  centim.  ou  pour  garnir  le  dessus  et  l'intérieur 
des  cheminées.  Pour  les  ouvrages  plus  soignés,  on  enduit 
sur  crépi  ;  le  plâtrage  est  alors  fait  en  trois  couches,  savoir 
le  gobetage^  le  crépi  et  l'enduit  proprement  dit. 

Les  chaux  hydrauliques,  le  ciment  ordinaire  et  le  ciment 
romain  s'emploient  de  préférence  pour  enduire  l'extrados 
des  voûtes,  les  murs  de  soubassement,  qui  sont  toujours 
humides.  D'une  façon  générale  on  les  applique  à  toutes  les 
constructions  devant  se  trouver  en  contact  immédiat  avec 
l'eau,  telles  que  bassins,  citernes,  fosses,  aqueducs,  etc. 
On  emploie  très  souvent  un  mélange  de  chaux  et  de  ciment 
appelé  mortier  bâtard  qui  préserve  suffisamment  en  coûtant 
beaucoup  moins  cher.  Dans  certains  pays,  les  enduits  sont 
faits  en  mortier  de  bourre  qui  se  compose  de  bourre  et  de 
chaux  éteinte  depuis  plusieurs  mois.  Cette  extinction  pro- 
longée est  nécessaire  pour  avoir  un  mortier  fin  et  de  bonne 
qualité.  Les  plus  appréciés  sont  faits  avec  de  la  bourre  de 
veau  ou  celle  provenant  de  la  tonte  des  draps.  Pour  pré- 


—  1021  — 


ENDUIT  —  Ex\EE 


parer  le  mortier,  on  commence  par  battre  la  bourre  avec 
des  baguettes.  Puis  on  fait  le  mélange  d'eau,  de  chaux  et 
de  sable  fin  dans  les  proportions  convenables  ;  on  agite 
avec  soin  de  façon  à  avoir  un  mélange  bien  homogène; 
puis  on  ajoute  la  bourre  par  portions  en  continuant  d'agi- 
ter jusqu'à  ce  que  la  masse  ait  pris  la  consistance 
nécessaire  pour  permettre  son  emploi.  Cet  enduit  est  assez 
résistant.  Tous  les  enduits  que  nous  venons  de  citer  re- 
çoivent leurs  applications  dans  la  grosse  construction  pour 
les  murs  exposés  directement  à  l'air  et  à  l'humidité.  Dans 
l'intérieur  des  appartements  on  demande  moins  de  solidité, 
mais  plus  d'aspect.  Le  plâtre  est  le  plus  souvent  employé 
pour  enduire  les  parties  non  lambrissées,  seul,  ou  re- 
couvert de  peinture  à  l'huile  ou  à  la  colle  de  papier 
ou  de  tentures.  On  lui  substitue  parfois  des  compositions 
telles  que  le  mélange  de  plâtre  et  de  colle  appelé  stuc 
de  plâtre  ;  de  chaux  et  de  marbre  ou  stuc  de  chaux.  On 
a  essayé  aussi  de  préconiser  l'emploi  des  plâtres  alunés  et 
de  l'oxychlorure  de  zinc  qui  se  rapprochent  beaucoup  des 
stucs  précédents,  mais  sans  grand  succès. 

Enduits  hydrofuges.  Les  enduits  hydrofuges  ont  pour 
but  de  préserver  complètement  de  l'humidité  la  pierre,  le 
bois  ou  le  fer  sur  lesquels  ils  sont  appliqués.  On  les  emploie 
presque  toujours  à  chaud,  parfois  comme  peinture,  délayés 
dans  de  l'huile  de  lin  ou  de  l'essence  de  térébenthine.  Sur 
les  métaux,  l'enduit  ne  forme  qu'une  couche  imperméable  à 
l'humidité  et  à  l'air  ;  c'est  en  quelque  sorte  un  vernis  qui, 
le  plus  souvent,  s'écaille  avec  le  temps.  Les  peintures 
appliquées  sur  les  murs  des  maisons  sont  généralement 
dans  ce  cas.  Pour  que  l'enduit  ait  toute  sa  puissance,  que 
sa  durée  soit  presque  inimitée  et  que  la  préservation 
de  l'humidité  soit  absolue,  il  faut  que  la  composition 
pénètre  dans  la  pierre,  forme  avec  elle  une  masse  homo- 
gène, de  telle  sorte  que  la  dernière  couche,  qui,  elle,  sert  de 
vernis,  soit  intimement  liée  à  la  pierre  et  ne  puisse  par  le 
temps  ni  se  détacher  ni  s'écailler.  Toutes  ces  conditions  ont 
été  réunies  au  Panthéon,  où  l'on  a  hydrofugé  le  plafond  en 
1813  pour  recevoir  les  peintures  du  baron  Gros.  Depuis 
près  de  quatre-vingts  ans  que  l'enduit  a  été  posé,  il  a  con- 
servé toute  sa  solidité,  et  les  peintures  sont  admirable- 
ment conservées.  Cet  enduit  hydrofugé  est  dû  à  Thénard 
et  Darcey  ;  pour  le  préparer  on  fond  1  kilogr.  de  cire 
dans  laquelle  on  incorpore  5  kilogr.  d'huile  de  lin  cuite 
et  100  gr.  de  litharge,  ou  bien  on  fait  fondre  deux  parties  de 
résine  dans  laquelle  on  ajoute  une  partie  d'huile  de  lin  cuite 
et  un  dixième  de  litharge.  Cette  composition  a  été  employée 
à  la  faculté  des  sciences  de  Paris  pour  préserver  de  l'hu- 
midité des  murs  se  recouvrant  constamment  de  salpêtre. 
Pour  appliquer  cet  enduit,  on  gratte  fortement  la  surface 
de  façon  qu'elle  soit  lisse  et  bien  nette,  puis  on  la  chauffe 
assez  fortement  et  on  passe  une  couche  de  la  composition 
qui  se  trouve  assez  rapidement  absorbée,  on  en  passe  ainsi 
une  seconde,  puis  une  troisième,  etc.,  jusqu'à  ce  que  le 
calcaire  ou  l'enduit  simple  refuse  d'en  absorber.  Les  com- 
positions d'enduits  varient  à  l'infini  ;  nous  citons  les  princi- 
pales, quelques-unes  avec  leur  prix  de  revient  au  mètre  carré: 

Enduit  ruolz.  Oxyde  de  zinc,  366  gr.  ;  oxyde  de  fer, 
273  gr.  ;  carbonate  de  zinc,  233  gr.  ;  silice,  70  gr.  ; 
charbon,  47  gr.  ;  zinc,  14  gr.;  argile,  10  gr.  Ces  matières 
porphyrisées  et  mélangées  sont  broyées  avec  2  parties 
d'huile  de  lin  et  7  parties  d'huile  d'œillette.  On  l'emploie 
à  chaud  ou,  comme  la  peinture  ordinaire,  délayé  dans  l'es- 
sence de  térébenthine.  —  Enduit  Dondemi.  Huile  de  lin, 
15  gr.  ;  résine,  15  gr.  ;  suif,  15  gr.  ;  oxyde  de  zinc, 
12  gr.  ;  minium,  10  gr.  ;  peroxyde  de  fer,  8  gr.  ;  chaux 
éteinte,  6  gr.  ;  ciment,  6  gr.  ;  résidu  de  couleurs,  4  gr.  ; 
litharge,  2  gr.  ;  gutta-percha,  2  gr.  ;  colle  forte,  2  gr. 
Tous  ces  corps  sont  intimement  mélangés  et  cuits  jusqu'à 
réduction  de  un  dixième.  —  Enduit  ou  mastic  Nachabé. 
Poix  grasse,  60  gr.  ;  bitume  de  Bastennes,  19  gr.  ;  chaux 
hydraulique  fusée  à  l'air,  6  gr.  ;  ciment  romain,  6  gr.  ; 
cire,  4  gr.  ;  suif  de  Russie,  3  gr.  ;  galipot,  2  gr.  Les 
matières  grasses  et  résineuses  sont  fondues  ensemble  et 


additionnées  de  matières  solides  pulvérisées.  —  Enduits 
divers.  Cire  jaune,  100  gr.  ;  huile  de  lin  cuite,  300  gr.  ; 
litharge,  30  gr.  ;  pénétration,  12  millim.  Prix,  4  fr.  le  m.  q. 
—  100  gr.  de  savon,  de  suif  et  de  chaux  dans  400  gr. 
d'huile  de  lin  cuite  et  10  gr.  de  litharge.  Prix,  2  fr.  05 
le  m.  q.. —  100  gr.  de  résine,  100  gr.  d'huile  de  lin  cuite, 
10  gr.  de  litharge.  Prix,  1  fr.  50.  —  Savon  de  suif  et  de 
chaux,  300  gr.  ;  acide  oléique,  400  gr.  Prix,  2  fr.  25.  — 
Oléate  de  chaux  (100  gr.  acide  oléique,  8  gr.  de  chaux). 
Prix,  1  fr.  75.  —  On  emploie  aussi  les  goudrons  pour 
enduire  les  bois  servant  à  la  construction  des  navires  ou 
employés  comme  pilotis,  la  paraffine,  les  solutions  de  gutta- 
percha,  de  caoutchouc,  de  celluloïd,  etc.  ;  on  peut  dire,  en 
général,  tous  les  corps  imperméables  à  l'eau  résistant  assez 
longtemps  à  l'influence  de  l'air.  Ch.  Girârt). 

ENDYMATA  (V.  Costume,  t.  XII,  p.  1154). 

EN DYWI ION.  I. Mythologie.  FilsdeZeus  ou d'iEthlios et 
Kalyké,  jeune  homme  d'une  rare  beauté  ;  il  fut  aimé  de 
Séléné,  déesse  de  la  lune  ;  elle  venait  le  trouver  pendant 
son  sommeil  sur  le  mont  Latmus,  où  il  se  reposait  après 
la  chasse  ;  elle  eut  de  lui  cinquante  filles  et  obtint  de  Zeus 
que  son  amant  s'endormît  d'un  sommeil  éternel  en  conser- 
vant sa  jeunesse  et  sa  beauté.  Une  autre  légende  fait  Endy- 
mion  un  roi  de  l'Elide.  Il  y  a  encore  d'autres  versions. 
Les  mythologues  ont  fait  de  grands  efforts  d'imagination 
pour  interpréter  ce  mythe  (V.  Lune). 

II.  Botanique.  —  (Endijmion  Dum.,  Agraphis  Link). 
Genre  de  Liliacées,  voisin  des  Scilla  (V.  Scille)  dont 
il  diffère  par  les  divisions  du  périanthe  dressées  et 
conniventes  en  tube  dans  une  grande  partie  de  leur  éten- 
due. L'espèce  type,  E,  niitans  Dum.  (Hyacinthus  non 
scriptus  L.  ;  Agraphis  niitans  Link),  est  extrêmement 
commune  au  printemps  dans  les  bois  des  environs  de  Paris. 
On  l'appelle  vulgairement  Jacinthe  des  bois,  J.  sauvage. 
Ses  fleurs,  d'un  beau  bleu,  exhalent  une  odeur  faible  de 
Jacinthe.  Ed.  Lef. 

ENE.  Rivière  du  Pérou  qui  forme  le  Tambo  par  sa  jonc- 
tion avec  le  rio  Perene  ;  le  Tambo  uni  à  l'Urubamba  forme 
l'Ucayali.  L'Ene  lui-même  est  formé  par  la  jonction 
du  Mantaro  et  du  Catongo  ou  Apurimac.  Ce  n'est  donc 
qu'un  tronçon  fluvial  assez  court,  d'une  des  branches 
maîtresses  de  l'Amazone  ;  il  sépare  les  dép.  de  Junin  et  de 
Cuzco. 

ENEBER6  (Carl-Fredrik),  poète  et  orientaliste  finnois, 
né  à  Nerpes  le  19  mars  1841,  mort  à  Mossoul  le  23  mai 
1876.  Après  avoir  étudié  à  Helsingfors,  Saint-Pétersbourg, 
Leipzig,  Paris,  Londres,  il  partit  avec  l'expédition  anglaise 
de  Smith  (1876)  pour  recueillir  des  inscriptions  cunéiformes 
en  Assyrie.  On  lui  doit  un  poème  (Karin,  1869)  et  des 
Poésies  en  suédois  (1869)  et  en  finnois  dans  Kirjallinen 
Kuukauslehti;  deux  thèses  enlatin  (Des  Pronoms  dans  la 
langue  arabe,  iSl^.iSl^)  qui  lui  valurent  le  grade  de  doc- 
teur et  le  titre  de  docent  ;  enfin  un  mémoire,  dans  le  Jour- 
nal asiatique,  sur  une  inscription  de  Tiglat  Pilezer.     B-s. 

ÉNÉE,  fils  d'Aphrodite  et  d'Anchise,  un  des  héros  prin- 
cipaux der//mc^^,  devenu,  par  un  concours  extraordinaire 
de  circonstances,  une  des  figures  les  plus  importantes 
de  l'histoire  légendaire  dans  l'antiquité   gréco-romaine. 

1<^  Enée  chez  Homère.  Dans  VIliade  Enée  est, 
parmi  les  héros  de  second  rang,  un  des  plus  remarquables, 
sinon  par  le  rôle  militant  qu'il  y  joue,  du  moins  par  les 
destinées  exceptionnelles  auxquelles  le  poète  le  réserve  et 
pour  la  protection  particulière  dont  le  couvrent  Aphro- 
dite, Apollon,  Poséidon.  C'est  surtout  dans  l'épisode  du 
XX*^  chant  (156  à  352)  qu'il  apparaît  avec  le  caractère 
imposant  d'un  prédestiné  ;  il  y  prend  même  une  impor- 
tance qui  n'est  pas  en  rapport  avec  le  reste  du  poème  ;  sa 
généalogie  y  est  détaillée  tout  au  long,  de  sorte  qu'il  est, 
par  les  auteurs  premiers  de  sa  race,  Zeus  et  Dardanos, 
sur  le  même  rang  que  Hector,  l'héritier  de  Priam,  tandis 
que  sa  qualité  de  fils  d'Aphrodite  le  rend  supérieur  à  tous 
ses  parents.  Cet  épisode  est  d'accord  avec  l'hymne  homé- 
rique à  Aphrodite  et  semble  issu  de  la  même  inspiration, 


ÉNÉE 


1022  — 


c.-à-d.  qu'il  a  été,  vers  le  ix^  siècle,  interpolé  dans  V Iliade 
par  quelque  rapsode  qui  se  fait  prophète  après  coup.  Le 
berceau  de  la  légende  d'Enée  est  la  région  du  mont  Ida  ; 
c'est  là  qu'il  est  né,  fruit  de  l'amour  d'x\phrodité  pour  le 
prince  le  plus  aimable  de  la  contrée.  Quoique  Priam,  roi 
de  la  Troade,  possède  une  nombreuse  lignée,  la  déesse 
prédit  qu'il  régnera  un  jour  sur  les  Troyens.  Elle  le  fait 
élever  jusqu'à  sa  cinquième  année  par  les  nymphes  de  la 
montagne,  avant  de  le  remettre  aux  mains  de  son  père.  Il 
est  arrivé  à  l'âge  viril  au  moment  de  la  guerre  de  Troie  ; 
une  première  fois,  il  se  mesure  avec  Achille,  qui  Ta  surpris 
gardant  ses  troupeaux  sur  les  pentes  de  l'Ida,  et  il  échappe 
à  ses  coups  par  la  protection  de  Zeus.  Dans  V Iliade,  nous 
le  voyons  remplir  vaillamment  ses  devoirs  de  soldat  ;  il 
s'expose  dans  maints  combats,  s'attaquant  aux  plus  rudes 
adversaires,  à  Achille  en  personne,  après  Sthenelos,  Dio- 
mède  et  Idoménée  ;  toujours  la  protection  de  quelque  divi- 
nité l'arrache  aux  dangers.  Tandis  que  la  race  de  Priam 
est  vouée  à  la  destruction,  Enée  est  sauvé  en  vue  d'une 
royauté  future  qui  doit  se  perpétuer  dans  ses  enfants.  Il 
est  évident  qu'au  moment  où  les  Homérides  célèbrent  ainsi 
sa  fortune  et  sa  gloire,  la  descendance  d'Enée  règne  sur 
une  partie  de  la  Troade,  non  loin  des  régions  où  sombra 
la  royauté  de  Priam.  Les  mêmes  poèmes  lui  donnent  vis-à- 
vis  de  ce  prince  les  allures  d'un  prétendant  dynastique  qui 
fait  de  l'opposition  dans  l'occurrence  et  est  regardé  d'un 
mauvais  œil  à  la  cour.  Enée,  disait-on,  avait  désapprouvé 
la  guerre  à  l'origine,  et  les  logographes  citaient  une  tra- 
dition en  vertu  de  laquelle  Aphrodite  n'aurait  suscité  cette 
guerre  que  pour  faire  passer  le  pouvoir  aux  mains  de  son 
fils. 

2°  Enée  chez  les  Cycliques.  Arctinos,  dans  VEthio- 
pide,  poème  aujourd'hui  perdu,  mais  qu'on  lisait  encore 
au  siècle  d'Auguste,  racontait  que  Enée,  après  le  prodige 
des  serpents  qui  étouffèrent  Laocoon,  quitta  la  ville  de 
Troie  condamnée  par  les  dieux  et  se  réfugia  dans  la  Dar- 
danie  ;  d'autres  ne  l'en  font  partir  qu'après  l'occupation 
de  la  ville  par  les  Grecs.  Tous  les  témoignages  qui  vont 
d'Homère  aux  temps  de  Périclès  s'accordent  à  cons- 
tater qu'Enée  échappa  à  la  ruine  de  Troie  et  fonda  au 
pied  du  mont  Ida  une  royauté  nouvelle.  Le  premier  docu- 
ment qui  le  fasse  sortir  de  la  Troade  après  ces  événements 
est  une  monnaie  d'Jîlnia,  qui  est  à  peine  postérieure  à 
600  av.  J.-C.  La  tradition  généralement  reçue,  celle  que 
Virgile  suivra  plus  tard  dans  la  conclusion  du  IP  chant  de 
VEiiéide^  a  été  consacrée  par  un  poète  épique  du  nom  de 
Pisandre,  un  Rhodien  du  vn^  siècle  avant  notre  ère.  En 
ce  moment,  on  ne  fait  pas  encore  sortir  Enée  de  la  Troade, 
mais  il  est  considéré  comme  le  fondateur  d'une  royauté  à 
laquelle  se  rapportent,  suivant  toute  vraisemblance,  les 
prédictions  et  les  louanges  que  nous  Hsons  dans  les  poèmes 
homériques  et  dont  l'écho  se  prolonge  jusque  dans  la  poésie 
du  vi^  et  du  ve  siècle. 

3^  Enée  chez  les  poètes  lyriques  et  dramatiques. 
Le  premier  poète  qui  ait  fait  entreprendre  à  Enée  un 
lointain  voyage  après  la  guerre  de  Troie  est  le  Sicilien 
Stésichore  ;  du  moins  son  témoignage  semble  invoqué  en 
faveur  d'une  tradition  de  ce  genre  par  un  morceau  de 
sculpture  connu  sous  le  nom  de  Table  iliaque.  C'est  là 
que  l'on  voit  Enée  en  compagnie  d'Anchise,  d'Ascagne 
et  de  Misène,  mettant  à  la  voile  pour  l'Hespérie  et  empor- 
tant dans  ses  bras  Pédicule  qui  renferme  les  divinités 
protectrices  de  Troie.  Quoique  cette  œuvre  soit  du  i*^^  siècle 
de  notre  ère,  il  n'y  a  pas  de  raison  pour  ne  pas  rapporter 
l'épisode  au  poète  Stésichore,  grand  novateur  en  matière 
de  mythes  et  porté  par  ses  origines  mêmes  à  y  faire  inter- 
venir les  régions  italiques.  Cependant  longtemps  encore 
après  Stésichore,  Sophocle,  dans  la  tragédie  de  Laocoon^ 
maintient  la  tradition  d'une  royauté  des  Enéades  en  Phry- 
gie;  elle  survit  également,  dans  certains  récits  d'Hella- 
nicus,  un  contemporain  d'Hérodote,  et  dans  un  passage  de 
Xénophon  où,  pour  la  première  fois,  la  piété  d'Enée,  sau- 
vant les  images   divines  du  désastre,  est  l'objet  d'une 


mention  spéciale.  D'un  grand  nombre  de  citations  tirées 
par  Denys  d'Halicarnasse  d'auteurs  grecs  aujourd'hui  per- 
dus résulte  ce  fait  qu'aux  temps  de  la  guerre  du  Pélopo- 
nèse,  Popinion  générale  est  qu'Enée  n'était  point  sorti  de 
l'Asie  Mineure  ;  on  montrait  même  son  tombeau  à  Bere- 
cynthia  en  Phrygie. 

4^  Les  voyages  d'Enée.  C'est  à  l'aide  de  Denys  d'Hali- 
carnasse et  de  Virgile,  qui  utilisent  tous  les  deux,  pour 
les  concilier,  les  témoignages  d'un  grand  nombre  d'écri- 
vains grecs,  que  nous  pouvons  refaire  la  carte  de  ces 
voyages  vers  l'Occident.  Remarquons  d'abord  que,  dès 
les  temps  d'Homère  et  d'Hésiode,  l'Hespérie  s'emparait 
comme  une  région  mystérieuse  des  imaginations  hellé- 
niques. On  y  avait  localisé  certains  épisodes  célèbres  de 
VOdyssée,  et  Ulysse  lui-même  est,  par  Hésiode,  associé  à 
la  généalogie  des  plus  anciens  héros  de  l'Italie.  Le  Troyen 
Enée  lui  dérobe  la  gloire  d'avoir  porté  la  civilisation  gréco- 
asiatique  dans  ces  parages.  Il  n'y  va  pas  tout  droit,  mais 
il  aborde  successivement  sur  les  côtes  de  la  Thrace,  où  il 
fonde  la  ville  d'/Enos,  puis  dans  la  presqu'île  de  Pallène 
où  s'élève  zEnea.  De  là  il  s'arrête  dans  l'île  de  Délos,  où 
il  rencontre  un  roi  du  nom  d'Anius  dont  il  épouse  la  fille. 
Nous  le  retrouvons  à  Cythère,  au  S.  du  Péloponèse,  où 
il  institue  le  culte  d'Aphrodite  ;  à  Zacynthe,  à  Leucas,  à 
Actium,  à  Ambracie  ;  il  pousse  jusqu'à  Dodone  en  Epire 
pour  y  consulter  l'oracle  ;  il  se  repose  à  Buthrote,  en  face 
de  Corcyre,  où  Helenos  a  fondé  une  autre  Troie  ;  partout 
il  laisse  un  autel  d'Aphrodite  comme  marque  de  son  pas- 
sage. En  partant  des  côtes  d'Epire,  il  sort  au  plus  vite  des 
parages  inhospitaliers  de  l'Adriatique,  débarque  à  Thurium 
en  Lucanie,  remonte  la  côte  du  Bruttium  et  de  la  Cam- 
panie  jusqu'à  Cumes,  laissant  son  nom  à  l'île  d'Aenaria  et 
celui  de  son  pilote  au  cap  Misène.  Puis  il  revient  sur  ses 
pas  jusqu'en  Sicile  où  il  visite  les  Troyens  Elyme  et  Egeste, 
touche  au  cap  Palinure,  après  avoir  franchi  à  nouveau  la 
mer  Tyrrhénienne,  enterre  sa  tante  à  Fîle  de  Leucosie,  une 
autre  parente  à  l'île  de  Prochyte  et  sa  nourrice  au  pro- 
montoire d'Epityché,  tous  ces  lieux  recevant  les  noms  que 
portaient  les  personnages  mêlés  à  la  légende.  Enfin,  il 
débarque  à  proximité  de  Laurente,  sur  la  côte  du  Latium, 
et  le  lieu  où  il  campe  porte  longtemps  après  le  nom  de 
Troie. 

5°  Interprétation  du  voyage  d'Enée,  Deux  faits 
méritent  d'attirer  notre  attention  dans  ces  pérégrinations 
diverses  d'Enée;  le  premier,  c'est  que  partout  où  il  aborde 
se  rencontrent  les  vestiges  d'un  culte  d'Aphrodite  ;  le 
second,  c'est  que  tantôt  les  lieux  mêmes,  tantôt  les  per- 
sonnalités fabuleuses  fixées  dans  ces  lieux  portent  un  nom 
qui  rappelle  celui  d'Enée.  Or  Aphrodite  est  une  des  divi- 
nités protectrices  des  navigateurs  ;  l'étoile  qui  annonce 
l'aurore  lui  est  spécialement  consacrée,  et  le  ciel,  où  les 
pilotes  cherchent  des  guides  dans  les  constellations,  est  son 
domaine.  Comme  telle,  elle  est  honorée  sous  le  vocable  de 
Aïneias,  dont  le  sens  n'a  pu  être  nettement  déterminé, 
mais  qui  semble  être,  pour  les  Grecs,  en  rapport  avec  le 
radical  a'ivsw,  al'vr)  ou  aivoç,  c.-à-d.  que  Aïneias  signifie- 
rait ou  la  Glorieuse  (Uschold)  ou  la  Secourable  (Klau- 
sen).  L'hymne  homérique  lui-même  se  réfère,  pour  inter- 
préter le  nom  que  Aphrodite  donne  à  son  fils,  au.  mot 
aivo;,  qui  signifie  gloire  ou  stupeur.  Des  linguistes  récents 
l'ont  mis  en  rapports  avec  la  déesse  sémitique  Anaitis 
(V.  ce  nom)  qui  correspond  à  l'Aphrodite  Urania.  Polybe 
mentionne  cette  divinité  sous  le  nom  hellénisé  de  At'vT)  et 
nous  dit  qu'elle  possédait,  au  voisinage  d'Ecbatane,  un 
temple  encore  en  grande  faveur  du  temps  d'Antiochus  le 
Grand.  Il  est  d'autant  plus  naturel  de  chercher  un  rap- 
port entre  cette  déesse  et  l'Aphrodite  Aïneias  que  d'autres 
personnalités  héroïques  de  VIliade  ont  une  origine  sémi- 
tique. Aineias  s'est  séparé  par  dédoublement  du  nom  de 
la  divinité  et  en  est  venu  à  prendre,  comme  d'autres  noms 
à  désinence  semblable,  une  signification  patronymique,  il 
signifie  :  fils  d'Aîné.  Le  culte  d'Aphrodite  a  propagé  le 
nom  d'Enée  et  donné  après  coup,  aux  peuples  que  ce  culte 


a  visités,  Fillusion  d'un  voyage  accompli  par  un  héros 
imaginaire,  iils  de  la  déesse.  L'opinion  vulgaire  renversa 
les  termes  ;  pour  elle,  Enée,  dans  ses  voyages,  propagea 
le  culte  d'Aphrodite,  sa  mère  ;  il  faut  dire  qu'Aphrodite, 
transportée  d'Orient  en  Occident,  abordant  un  peu  sur 
toutes  les  côtes  et  dans  toutes  les  îles,  répandit  partout  le 
nom  d'Enée. 

6^  Stations  principales  du  culte  d'Aphrodite  :  la 
Sicile,  la  Campanie,  le  Latium.  C'est  en  Sicile  et  à 
Cumes,  en  Campanie,  que  le  culte  d'Aphrodite  JEneade 
fut  surtout  en  honneur.  De  là  deux  systèmes  destinés  à 
expliquer  comment  il  fut  implanté  dans  le  Latium,  où  il 
se  mêla  à  la  légende  des  origines  de  Rome.  Le  premier 
système,  qui  est  celui  de  Preller,  remarque  que  non 
loin  d'Eryx,  dont  la  fable  rapportait  la  fondation  à  des 
Troyens  échappés  au  sa(î  de  leur  ville,  s'élevait  un  temple 
d'Aphrodite,  plus  tard  appelée  Erycine,  et  qui  était  en 
réalité  un  temple  d'Aphrodite  Mneaàe,  fondé  par  quelque 
colonie  gréco-asiatique.  C'est  dans  ces  parages  que  la  civi- 
lisation hellénique  entra  en  contact  avec  les  Phéniciens,  et 
que  les  Etrusques,  maîtres  d'une  grande  partie  de  l'Italie, 
eurent  à  lutter,  à  l'aurore  des  temps  historiques,  contre 
les  Grecs  et  les  Carthaginois.  Le  culte  d'Aphrodite,  d'une 
tendance  antihellénique,  dut  servir  de  trait  d'union  entre 
ces  derniers  et  les  plus  anciens  habitants  de  l'Italie.  C'est 
ainsi  que  les  navigateurs  étrusques  transplantèrent  ce  culte 
sur  les  côtes  du  Latium,  à  Ardée,  dans  le  pays  des  Ru- 
tules,  d'où  il  arriva  à  Lavinium,  chez  les  Latins  propre- 
ment dits.  La  Vénus  de  cette  dernière  ville  s'appelait, 
originairement  et  longtemps  encore  dans  la  langue  popu- 
laire, Frutis,  nom  où  il  est  facile  de  reconnaître  une  alté- 
ration d'Aphrodite.  Ce  système,  qui  rend  compte  de  l'ar- 
rivée, dans  l'Italie  centrale,  du  nom  d'Enée  accolé  à  celui 
de  sa  mère,  est  plus  admissible  de  beaucoup  que  celui 
d'O.  MuUer  qui  fait  aborder  le  nom  du  héros  par  Cumes, 
en  Campanie,  et  le  met  en  rapport  avec  le  culte  d'Apollon 
(V.  Sibylle).  Il  est  vrai  que  la  sibylle  de  Cumes,  en  Italie, 
est  apparentée  à  la  fois  à  celle  de  Cymé,  en  Anatolie,  et  à 
la  sibylle  de  Gergithe,  en  Troade  ;  mais  il  n'est  pas  pro- 
bable que  le  nom  d'Enée  ait  été  prononcé  dans  les  plus 
anciens  oracles  sibyllins,  et  la  légende  du  héros  troyen  n'a 
que  fort  peu  de  rapports  avec  le  culte  d'Apollon,  alors 
qu'elle  est  inséparable  de  celui  d'Aphrodite.  Du  reste,  ce 
n'est  pas  l'influence  de  Cumes  qui  a  fait  entrer  Enée  dans 
l'histoire  des  origines  fabuleuses  de  Rome  ;  c'est  celle  de 
Lavinium,  ville  des  Latins.  L'époque  où  cette  translation 
s'opéra  ne  saurait  être  déterminée  avec  certitude.  C'est  en 
247,  l'année  de  la  bataille  du  lac  Trasimène,  que  les 
Romains  dédièrent  un  temple  sur  le  Capitole  à  Vénus  Ery- 
cine et  à  Mens,  mais  les  temples  d'Ardée  et  de  Lavinium 
sont  plus  anciens  et  paraissent  remonter  jusqu'à  l'époque 
des  luttes  entre  Rome  et  le  Latium;  le  rôle  considérable 
que  le  sanctuaire  de  cette  dernière  ville  joua  pour  la  cons- 
titution de  la  confédération  latine  invite  à  placer  la  popu- 
larité naissante  du  culte  de  Vénus  associé  à  celui  des 
Pénates  vers  le  miheu  du  iv®  siècle  de  Rome.  C'est  à  partir 
de  cette  époque  que  le  nom  d'Enée  dut  prendre  place  dans 
les  annales  du  Latium. 

7^  Enée  à  Lavinium.  Comment  le  héros  troyen  passa- 
t-il  du  temple  de  Vénus  Frutis,  sa  mère,  dans  celui 
des  Pénates  (V.  ce  mot)  de  la  confédération  latine? 
C'est  en  s'identifiant  avec  une  divinité  locale,  qui  fut  ou 
Latinus,  l'ancêtre  divinisé  de  la  race,  ou  Numicius,  per- 
sonnification d'un  petit  fleuve  qui  arrose  la  contrée, 
ou  un  Divus  Pater  Indiges,  sorte  de  Jupiter  topique 
que  l'on  avait  successivement  identifié  avec  tous  les  deux. 
A  côté  de  ce  Jupiter,  les  Latins  invoquaient  Vesta  et  les 
Lares  publics,  dont  le  culte  fut  le  trait  d'union  rehgieux 
avec  Rome,  lorsque  fut  établie  la  confédération  latine. 
Enée  mis  à  part,  Lavinium  possède,  à  l'aurore  des  temps 
historiques,  une  religion  politique  formée  d'éléments  pure- 
ment indigènes,  qui  en  fait  la  ville  sainte  des  Latins.  Cette 
religion  n'admet  à  aucun  degré,  avant  l'intervention  des 


—  1023  —  ENÉE 

Grecs,  le  culte  des  ancêtres  nominativement  divinisés  ; 
lorsque  l'hellénisme  religieux,  tant  à  la  faveur  des  poèmes 
homériques  qui  furent  colportés  de  bonne  heure  tout  le 
long  des  côtes  de  l'Itahe,  que  des  pratiques  et  des  croyances 
d'ordre  général  apportées  par  les  navigateurs,  eut  accli- 
maté l'idée  des  héros  éponymes,  la  personnalité  d'Enée 
reçut,  dans  le  culte  de  Lavinium,  un  rôle  déterminé. 
L'historien  Timée,  qui  écrit  vers  260,  fixe  la  tradition  qui, 
se  rattachant  au  témoignage  de  Stésichore  (V.  plus  haut), 
fait  importer  de  Troie  dans  le  Latium  par  Enée  les  dieux 
protecteurs  de  l'antique  Ilion  et  identifie  ces  dieux  avec 
les  Pénates  publics  de  Lavinium.  Enée  devient  le  fonda- 
teur de  Lavinium,  l'allié  et  le  gendre  de  Latinus,  roi  des 
Aborigènes,  qu'il  assiste  dans  sa  lutte  contre  Turnus,  roi 
des  Rutules,  et  Mézence,  roi  de  Cœré,  en  Etrurie.  C'est 
dans  la  bataille  décisive  livrée  sur  les  bords  du  Numicius 
que  le  héros  troyen  disparaît  mystérieusement,  changé  en 
divinité  locale.  Le  détail  de  ces  événements,  arrangé  avec 
ingéniosité  par  les  savants  grecs,  qui  fabriquèrent  aux 
Romains  leur  première  histoire  en  mêlant  aux  antiquités 
nationales  du  Latium  les  fables  helléniques  qui  cadraient 
tant  bien  que  mal  avec  elles,  a  pris  place  dans  les  œuvres 
des  plus  anciens  annalistes,  en  particulier  dans  les  Ori- 
gines de  Caton  et  dans  le  poème  de  Naevius  sur  la  première 
guerre  punique.  Il  est  probable  qu'il  faut  attribuer  à  ce 
dernier  écrivain  la  partie  de  la  légende  qui  mêle  Enée  à  la 
fondation  de  Carthage  et  aux  aventures  de  Bidon  (V.  ce 
nom).  Varron  et  finalement  Denys  d'HaHcarnasse  ont  cher- 
ché à  donner  la  vraisemblance  historique  à  cet  ensemble  de 
fables,  en  supprimant  ou  en  expliquant  les  impossibilités  et 
les  contradictions;  mais  Virgile  seul,  par  la  magie  de  son 
talent  et  aussi  par  la  solidité  de  son  érudition,  a  réussi  à 
leur  procurer  la  vraisemblance  poétique. 

8^  Enée  à  Rome,  Lorsque  Pyrrhus  vint  faire  la  guerre 
en  Italie,  la  légende  d'Enée  était  encore  toute  neuve  ; 
c'est  alors  que  sa  signification  antihellénique  la  recom- 
manda surtout  à  la  piété  des  Latins  menacés.  Sa  popu- 
larité ne  commence  qu'aux  temps  des  guerres  puniques, 
et  le  sentiment  des  masses  l'accommode  aux  préoccupations 
suscitées  par  les  victoires  d'Annibal.  Alors  seulement  une 
croyance,  jusque-là  individuelle  et  flottante,  fut  fixée  et 
définie  par  l'intervention  des  pouvoirs  pubhcs,  qui  lui 
donnèrent  la  consécration  officielle.  Nous  voyons,  en  250 
avant  notre  ère,  le  Sénat  de  Rome  demander  aux  Eto- 
liens  la  liberté  des  Acarnaniens,  en  se  fondant  sur  les 
bons  rapports  que  le  peuple  eut  jadis  avec  les  Troyens, 
ancêtres  de  la  nation  romaine.  Cinquante  ans  plus  tard, 
le  même  Sénat  réclame  aux  Phrygiens  l'image  de  Cybèle, 
vénérée  à  Pessinonte,  en  invoquant  la  communauté  des 
races  romaine  et  troyenne  avec  le  nom  d'Enée.  Les  deux 
Africains  en  allant  combattre  contre  Antiochus  ;  Flaminius, 
en  proclamant  la  liberté  de  la  Grèce,  se  réfèrent  égale- 
ment à  la  descendance  troyenne  des  Romains.  Il  est  pro- 
bable que,  dès  cette  époque,  les  familles  patriciennes  de 
Rome  se  fabriquèrent,  à  la  faveur  des  oraisons  funèbres 
prononcées  devant  les  rostres,  des  parchemins  qui  ratta- 
chaient leur  noblesse  aux  héros  troyens  de  la  poésie 
grecque.  Bientôt  Varron  pourra  consacrer  un  ouvrage  en- 
tier m\  familles  troyennes,  et  Denys,  au  temps  d'Auguste, 
en  comptera  une  cinquantaine  qui,  suivant  lui,  pouvaient 
revendiquer  cette  illustre  origine.  Celle  qui  réussit  le  mieux 
à  l'imposer  à  l'opinion  fut,  grâce  à  César,  la  gens  Julia  ; 
elle  prétendait  remonter,  par  Julius,  consul  en  323  de 
Rome,  à  Ascagne  ou  Juins,  fils  d'Enée.  Quand  César  pro- 
nonça l'éloge  funèbre  de  sa  tante,  il  donna  pour  ancêtres 
à  sa  race  le  roi  Ancus  Marcius,  par  sa  mère,  qui  fut  de 
la  gens  Marcia,  et  Vénus,  qui  est  la  mère  des  Jules,  «  de 
sorte  qu'ils  brillent  encore  de  l'éclat  des  dieux  qui  fait 
pâlir  celui  des  rois  ».  Quand  il  dédia  plus  tard  un  temple 
à  Vénus  sous  les  vocables  de  Victrix  et  de  Genitrix^  il  se 
donna  lui-même  comme  l'Enée  des  temps  nouveaux,  comme 
le  fils  et  le  favori  de  la  déesse  qui  avait  garanti  aux  des- 
cendants d'Anchise  la  royauté  universelle.  Dès  ce  moment 


ÉNÉE  —  ÉNEKGIE 


—  1024  — 


l'origine  troyenne  des  Romains  devint  une  sorte  de  dogme 
national,  et  le  poème  de  Virgile  eut  en  partie  pour  but  de 
l'imposer  à  l'opinion.  Mais  la  faveur  de  ce  dogme  ne  fut 
pas  longue  ;  elle  ne  survécut  guère  à  la  race  des  Jules, 
c.-à-d.  à  l'empereur  Claude  ;  à  la  fin  du  i®^  siècle,  le  pres- 
tige en  était  tombé.  Sans  le  talent  de  Virgile,  on  peut 
affirmer  qu'il  n'en  serait  pas  resté  grand'chose,  même  dans 
la  latinité  païenne.  Cependant,  l'imitation  poétique  et  le 
grand  renom  de  l'auteur  de  VEnéide  a  donné  à  toute  la 
légende  et  par  suite  à  Enée,  le  héros  principal,  une  impor- 
tance particubère  :  cette  légende  est  dans  son  genre  un 
spécimen  unique,  résultante  complexe  de  toutes  les  actions 
religieuses,  politiques,  historiques  et  morales  qui  propa- 
gent, en  les  modifiant,  les  croyances  fabuleuses. 

9^^  Enée  dans  Vavt,  Le  plus  ancien  des  monuments  artis- 
tiques où  figure  la  personnabté  d'Enée  transplantée  dans  un 
cadre  autre  que  celui  des  fictions  homériques  est,  après  la 
monnaie  d'^nia  que  nous  avons  citée,  une  ciste  trouvée  à 
Palestrina  en  4861  et  expliquée  pour  la  première  fois  par 
H.  Brunn.  L'opinion  à  peu  près  incontestée  des  savants 
est  que  cette  œuvre  d'art  n'est  guère  postérieure  à  la 
seconde  guerre  punique.  Comme  on  y  voit  figurer  les  per- 
sonnages principaux  que  Virgile  a  mis  dans  la  conclusion 
de  son  Enéide,  c.-à-d.  Enée,  Turnus,  le  roi  Latinus, 
Amata  et  Lavinie,  il  en  faut  conclure  que  dès  cette  époque 
la  légende  a  reçu  sa  forme  presque  définitive,  sous  la  seule 
réserve  que  la  gens  Julia  n'y  réclame  encore  aucune 
part.  Le  groupe  d'Enée,  emportant  son  père  Anchise,  peut 
revendiquer  une  antiquité  beaucoup  plus  haute  ;  outre 
qu'il  a  fourni  le  motif  de  la  monnaie  d'^nia,  on  le  ren- 
contre sur  un  certain  nombre  de  vases  peints.  Auguste  en 
avait  fait  dresser  une  représentation  monumentale  sur  le 
forum  romain.  A  Pompéi  figurait  une  statue  d'Enée  divi- 
nisé ;  c'est  également  dans  cette  ville  qu'a  été  découverte 
la  fresque  caricaturale  qui  nous  montre  Enée,  Anchise  et 
le  petit  Ascagne  sous  les  traits  de  singes.  Nous  avons  déjà 
cité  la  Table  iliaque  qui  nous  off're  le  motif,  souvent 
traité,  d'Enée  emportant  vers  l'Hespérie  ou  le  Palladium 
ou  les  dieux  Pénates.  Presque  toutes  ces  représentations 
sont  postérieures  au  temps  d'Auguste  et  s'arrêtent  au  règne 
d'Antonin  le  Pieux.  J.-A.  Hild. 

BiBL.  :  Aux  ouvrages  que  nous  avons  cités  dans  notre 
Légende  d'Enée  avant  Virgile  (Paris,  1883,  et  Revue  de 
l'histoire  des  religions,  1882  et  1883),  il  faut  ajouter  les 
suivants  :  Rubino,  Beitrœge  zur  Vorgeschichte  Italiens  ; 
Leipzig,  1868.—  Zœller,  Laiium  und  Rom^  ibid.,  1878.  — 
Jackel,  Zur  JEneassage  ;  Freistadt,  1881.  —  E.  Wœrner, 
Die  Sage  von  den  Wanderungen  des  Aineias  ;  Leipzig, 
1882,  et  Fart,  Aineias^  dans  le  Dictionnaire  de  mythologie 
de  Roscher  ;  ibid.,  1884,  fasc.  I.  —  Fr.  Cauer,  De  Fabulis 
grœcis  ad  Romam  conditam  pertinentibus  ;  Berlin,  1884, 
et  Die  Rœmische  JEneassage  ;  Leipzig,  1886.  —  Boissier, 
Nouvelles  Promenades  archéologiqnes.  —  Pour  la  discus- 
sion de  la  ciste  de  Palestrina,  V.  H.  Brunn,  Monum.  des 
archœoL  Instit.,  VIII,  t.  VII  et  VIII  ;  Ann.  de  Inst., 
XXXVI,  p.  356,  et  H.  Nissen,  Zur  Kritik  der  JEneassage, 
dans  les  Jahrb.fûr  Klass.  PhiL,  XLVIII,  pp.  375  et  suiv. 
—  Cf.  Dictionnaire  de  Daremberg  et  Saglio,  I,  p.  107, 
art.  de  M.  de  Ronchaud. 

ÉNÉE  DE  Gaza,  philosophe  néoplatonicien  de  la  seconde 
moitié  du  v®  siècle  ap.  J.-C,  élève  d'Hiéroclès  à  Alexandrie. 
Lui-même  y  professa  la  rhétorique  et  la  philosophie.  Il  se 
convertit  au  christianisme,  qu'il  essaya  d'accommoder  avec 
ses  idées  néoplatoniciennes.  On  a  de  lui  vingt-cinq  lettres 
et  un  dialogue  (Théophraste)  sur  l'immortaUté  de  l'âme 
(édité  par  Boissonnade,  Paris,  1836). 

EN  E  M  AN  (Michael),  orientaliste  et  voyageur  suédois, 
né  à  Enkœping  le  1®^  févr.  1676,  mort  à  Upsala  le  5  oct. 
1714.  Après  avoir  étudié  les  langues  orientales  sous  Olof 
Rudbeck  le  Jeune  et  reçu  la  prêtrise  (1706),  il  suivit 
Charles  XII  comme  greffier  du  consistoire  auHque  (1707- 
1709),  fut  envoyé  à  Constantinople  comme  aumônier  delà 
légation  (1710)  et  de  là  en  Asie  Mineure,  en  Syrie,  en 
Arabie  et  en  Egypte  (1711-13)  et  ne  rentra  en  Suède 
qu'en  1714,  pour  occuper  la  chaire  de  langues  orientales  à 
Upsala.  Il  n'a  été  publié  qu'un  spécimen  de  sa  volumineuse 
relation  de  voyage  (1740)  et   deux   lettres    de    Damas 


(dans  Svenska  Bibliotheket  de  Gjœrwell,  1757,  1758, 
t.  I  et  II). 

ÉNENCOUR-Léage.  Com.  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de 
Beauvais,  cant.  deChaumont;  162  hab. 

ÉNENCOUR-le-Sec.  Com.  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de 
Beauvais,  cant.  de  Chaumont;  141  hab. 

ÉNERGIE.  I.  MÉCANIQUE.  —  Dénomination  attribuée 
à  deux  grandeurs  mécaniques,  le  travail  des  forces  et  la 
force  vive,  qui  jouent  un  rôle  capital  dans  la  mécanique 
appliquée  et  dans  les  théories  physiques.  On  trouvera,  dans 
l'exposé  suivant,  le  résumé  des  principes  de  mécanique 
rationnelle,  qui  servent  de  base  à  la  théorie  de  l'énergie, 
ainsi  que  des  applications  de  cette  théorie  à  quelques  phé- 
nomènes naturels. 

1.  Le  travail  des  forces.  —  1.  Définitions.  Lorsque 
le  point  d'application  d'une  force  F  parcourt  un  élément 
de  chemin  ds,  dont  la  direction  fait  un  angle  a  avec  la 
direction  de  la  force,  le  produit  F  cos  a  ds  s'appelle  le 
travail  élémentaire  de  la  force.  Le  travail  ainsi  défini  est 
une  grandeur  susceptible  d'un  signe  qui  sera  4-  ou  — 
suivant  que  les  directions  de  la  force  et  du  déplacement 
font  entre  elles  un  angle  aigu  ou  obtus.  Le  travail  élémen- 
taire, s'exprimant  par  F  Xds  cos  a  ou  par  ds  X  F  cos  a, 
peut  être  défini  comme  le  «  produit  de  la  force  par  la  pro 
jection  du  déplacement  sur  la  force  »  ou  comme  le  «  pro- 
duit du  déplacement  par  la  projection  de  la  force  sur  le 
déplacement  ». 

2.  Si  l'on  considère  un  déplacement  fini  du  point  d'ap- 
plication d'une  force  et  si  l'on  divise  l'arc  parcouru  en 
éléments  infiniment  petits,  l'intégrale  f¥  cos  (xds  des  tra- 
vaux élémentaires  correspondants  s'appelle  le  travail  total 
de  la  force. 

3.  Lorsque  des  points  matériels  en  nombre  quelconque 
sont  soumis  à  l'action  d'un  système  de  forces,  la  somme 
des  travaux  de  ces  forces  s'appelle  le  travail  du  système. 

4.  Théorème.  Le  travail  de  plusieurs  forces  appli- 
quées à  un  point  est  égal  au  travail  de  leur  résultante. 
Considérons,  en  effet,  un  déplacement  élémentaire  du  point; 
la  projection  de  la  résultante  sur  la  direction  de  ce  dépla- 
cement est  égale  à  la  somme  des  projections  des  compo- 
santes sur  la  même  direction.  En  multipfiant  toutes  ces 
projections  par  le  déplacement,  on  obtient  une  égalité  qui 
établit  le  théorème  pour  le  travail  élémentaire,  et  il  suffit 
de  prendre  l'intégrale  des  deux  membres  pour  passer  au 
cas  du  travail  total. 

5.  Théorème.  Le  travail  élémentaire  de  deux  forces 
égales  et  directement  opposées  est  égal  au  produit  de 
leur  intensité  par  V accroissement  de  la  distance  de 
leurs  points  d'application.  Soient  deux  forces,  ayant  la 
même  intensité  F,  qui  agissent  sur  deux  points  A  et  A^  en 
sens  contraires,  suivant  la  ligne  qui  les  joint  ;  cherchons  la 
somme  des  travaux  de  ces  forces  dans  un  déplacement  infi- 
niment petit  qui  amène  AA^  à  la  position  BB'.  Désignons  par 
p,p^  les  projections  des  déplacements  AB  et  A^B'  sur  la  di- 
rection AA';  en  supposant  que  les  forces  soient  répulsives, 
c.-à-d.  tendent  à  éloigner  l'un  de  l'autre  leurs  points 
d'application,  les  travaux  élémentaires  de  ces  forces,  appli- 
quées aux  points  A  et  A^  sont  —  ¥p  et  Fp\  ce  qui  donne 
la  somme  ¥(p^ — p).  Mais,  si  l'on  désigne  par  r  la  dis- 
tance AA^  et  par  p^^  la  projection  de  BB'  sur  AA',  on  a, 
par  le  théorème  des  projections,  r  ^=ip-\-p^^  —  p';  enfin 
l'angle  des  directions  AA',  BB^  étant  infiniment  petit,  la 
longueur  BB^  z=.r-{-dr  ne  diffère  de  sa  projection  //'' 
que  par  un  infiniment  petit  du  second  ordre  ;  on  a  donc 
r=ip-{-r-hdr—p\  d'où p^  —  p  =^  dr.  Le  travail  des 
deux  forces  est  donc  Vdr.  —  Dans  le  cas  de  forces  attrac- 
tives, ce  travail  change  de  signe;  l'expression  Fc^/'  s'ap- 
plique donc  à  tous  les  cas  en  convenant  de  considérer 
comme  négatives  les  forces  d'attraction. 

6.  Expression  du  travail  élémentaire  en  coordon- 
nées rectangulaires.  Soient,  par  rapport  à  trois  axes  rec- 
tangulaires, X,  Y,  Z  les  composantes  d'une  force  F,  x^ 
?/,  %  les  coordonnées  de  son  point  d'application,  dx,  dy,  dz 


—  1025 


ENERGIE 


les    projections  d'un  déplacement  élémentaire  ds  de  ce 

point.  L'expression  F  cos  a  ds  du  travail  élémentaire  devient 

^,/Xdx       Y  dy    ,    Z  dz\  , 

^[Wd^  +  jd^  +  fdl)'^'^ 

c.-à-d.  Xdx  +  Ydy  +  7dz.  Il  en  résulte  que  le  travail 
élémentaire  d'un  système  de  forces  a  pour  expression  : 

(^T  =  S  (Xdx  +  Ydy  +  Mz), 
Je  S  s'étendant  à  toutes  les  forces  du  système. 

7.  Fonction  des  forces.  Un  système  de  forces  peut  être 
tel  que  le  travail  de  ces  forces,  pour  un  déplacement  infi- 
niment petit  des  points  d'application,  soit  la  différentielle 

exacte  d'une  fonction  f(x,  y,  z,  x\  y\  z',  )  des 

coordonnées  de  ces  points  considérées  comme  variables 
indépendantes.  Dans  ce  cas,  lorsque  le  système  des  points 
d'application  passe  de  l'état  caractérisé  par  l'indice  zéro  à 
un  état  quelconque,  le  travail  total  est  égal  à  l'accroissement 

f(x,  y,  z,  x\  y",  z\ )  —  f(Xo,  î/o,  :^-o,  ^'o.  .V'o^'o. ) 

ou  simplement  f  ■—  fo-  La  fonction  /"des  coordonnées  dont 
la  variation  mesure  le  travail  s'appelle  la  fonction  des 
forces.  Cette  fonction  a  pour  dérivées  partielles  les  com- 
posantes de  la  force  appliquée  à  chaque  point,  car,  si  l'on 
désigne  par  x,  y,  %  les  coordonnées  de  l'un  des  points  et 
par  X,  Y,  Z  les  composantes  de  la  force  qui  lui  est  appli- 
quée, on  doit  avoir,  quels  que  soient  dx^  dy^  dz, 


dy 


dy- 


'H 


S (X dx  +  Ydy  +  Mz) ^^  (%, àx 

et  cette  équation  entraîne  les  suivantes  : 

Xz=:^       Y=^       Z=i^ 
dx  dy       '      dz 

qui  ont  lieu  pour  tous  les  points  du  système.  La  fonction 

des  forces,  n'entrant  dans  le  calcul  que  par  ses  dérivées, 

n'est  définie  qu'à  une  constante  additive  près,  et  on  peut 

choisir  cette  constante  de  manière  que  la  fonction  ait  une 

valeur  arbitraire  pour  un  état  déterminé  du  système  de 

points. 

8.  Systèmes  conservatifs.  Lorsque  la  fonction  des 
forces  est  uniforme,  c.-à-d.  n'a  qu'une  valeur  pour  chaque 
système  de  valeurs  des  variables,  la  différence  f —  /o  a  une 
valeur  déterminée,  quels  que  soient  les  chemins  parcourus 
par  les  points  entre  leurs  positions  initiale  et  finale.  Il  en 
résulte  que  «  le  travail  des  forces  ne  dépend  que  des  états 
extrêmes  et  reste  le  même,  quelle  que  soit  la  série  des 
états  intermédiaires  ».  En  particulier,  si  le  système  de  points 
revient  à  son  état  primitif,  on  a  /'=/'o  et  le  travail  est 
nul.  —  Les  systèmes  de  forces  qui  admettent  une  fonction 
uniforme  sont  dits  conservatifs. 

9.  Forces  centrales.  Un  exemple  de  fonction  de  forces 
se  présente  dans  le  cas  où  les  points  mobiles  agissent  les 
uns  sur  les  autres,  de  telle  sorte  que  l'action  mutuelle  de 
deux  points  se  compose  de  deux  forces,  égales  et  opposées, 
appliquées  à  ces  deux  points  suivant  la  droite  qui  les  joint 
et  dont  l'intensité  ne  varie  qu'avec  leur  distance.  —  En 
effet,  soient  r  la  distance  de  deux  points  et  9  (r)  l'inten- 
sité de  leur  action  mutuelle  ;  pour  un  déplacement  infini- 
ment petit,  le  travail  de  cette  action  est  o(r)dr  (n^  5),  ou 
bien  c^(r)  en  posant  ^  (r)  :=z  fo(r)dr.  Le  travail 
élémentaire  des  forces  agissant  sur  l'ensemble  des  points 
mobiles  sera  donc  ^d^7')=z  d^^r),  le  S  s'étendant 
aux  combinaisons  deux  à  deux  de  tous  les  points.  —  Les 
forces  considérées  dans  cet  exemple  jouent  un  rôle  impor- 
tant dans  la  théorie  des  phénomènes  naturels  ;  M.  Helmholtz 
leur  a  donné  le  nom  de  forces  centrales.  —  La  fonction 
/  =z=  S  t|<  (r)  d'un  système  de  forces  centrales  ne  dépend 
que  des  distances  des  points  et  elle  reprend  la  même 
valeur  quand  ces  distances  deviennent  les  mêmes.  Un  tel 
système  est  donc  conservatif,  et  son  travail  est  nul  quand 
le  système  des  points  d'application  part  d'un  état  et  y 
revient.  Pour  que  le  travail  soit  nul,  il  n'est  même  pas 
nécessaire  que  les  points  reviennent  à  leurs  positions  pri- 
mitives, il  suffit  qu'ils  conservent  leurs  positions  relatives. 

II.  La  force  vive.  —  iO.  Définition. 'Nous  appellerons 
dans  cet  article  force  vive  d'un  point  matériel  la  moitié  du 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —    XV. 


produit  de  sa  masse  par  le  carré  de  sa  vitesse.  La  force 
vive  d'un  système  de  points  est  la  somme  des  forces  vives 
de  ses  points. 

M.  Théorème  de  la  force  vive.  Désignons  par  m  et  y 
la  masse  et  la  vitesse  d'un  point,  par  R  la  résultante  des 
forces  qui  agissent  sur  lui  et  par  a  l'angle  compris  entre 
la  direction  de  cette  résultante  et  la  direction  de  la  vitesse. 

:Rcosa;  on  a  aussi  î;(^^=:(/s, 

ds  étant  le  chemin  parcouru  pendant  le  temps  dt.  En  mul- 
tipliant ces  deux  relations  membre  à  membre,  il  vient 
mvdv  m  R  cos  a  ds^  c.-à.-d. 


-  On  a  la  relation  m  -^ 
dt 


d 


{\^nv^)  =  K 


cos  a  ds. 


Donc,  pendant  un  temps  infiniment  petit,  l'accroissement 
de  la  force  vive  est  égal  au  travail  élémentaire  de  la  résul- 
tante, c.-à-d.  à  la  somme  des  travaux  élémentaires  des 
forces  appliquées.  Il  en  résulte  que,  pendant  un  temps 
fini  quelconque,  l'accroissement  de  la  force  vive  d'un  point 
est  égal  au  travail  total  des  forces.  —  Enfin,  si  l'on  fait 
la  somme  de  toutes  les  relations  analogues  pour  tous  les 
points  d'un  système  en  mouvement,  on  a  ce  théorème  : 
L'accroissement  de  la  force  vive  d'un  système  matériel 
pendant  un  temps  quelconque  est  égal  au  travail  des 
forces  qui  agissent  sur  ce  système  pendant  ce  temps. 
—  Si  donc  on  désigne  par  6  la  force  vive  et  par  T  le 
travail,  on  a  la  relation  Ao  =  T. 

12.  Lorsque  le  système  tout  entier  des  forces  appli- 
quées admet  une  fonction  /*,  leur  travail  pour  un  déplace- 
ment quelconque  est  égal  à  l'accroissement  correspondant 
de  la  fonction;  on  a  donc  A6  =  A/";  on  en  conclut 
A(6  —  /):=:  0  et  9  —  /"zz:  c,  en  désignant  par  c  une  cons- 
tante arbitraire.  Par  suite,  lorsque  toutes  les  forces  qui 
agissent  sur  un  système  matériel  admettent  une 
fonction^  la  différence  de  la  force  vive  et  de  la  fonc- 
tion  reste  constante  pendant  le  mouvement. 

13.  Si  de  plus  la  fonction  f  est  uniforme,  on  a  A/*z=:  0 
lorsque  le  système  matériel  part  d'un  état  particulier  et  y 
revient  ;  on  a  donc  aussi  AO 1=  0,  ce  qui  exprime  que  «  la 
force  vive  redevient  la  même  toutes  les  fois  que  le  système 
repasse  par  le  même  état  ».  —  C'est  en  cela  que  consiste 
le  principe  de  la  conservation  de  la  force  vive. 

14.  Stabilité  de  r  équilibre.  Lorsque  toutes  les  forces 
qui  agissent  sur  un  système  matériel  admettent  une  fonc- 
tion, on  a  encore  ce  théorème  :  «  Tout  état  du  système 
correspondant  à  un  maximum  de  la  fonction  des  forces  est 
un  état  d'équilibre  stable.  »  On  voit  d'abord  que  si  la 
fonction  des  forces  est  un  maximum  il  y  a  équilibre.  En 
effet,  les  valeurs  correspondantes  des  dérivées  partielles 
sont  nulles;  par  suite,  la  résultante  des  forces  appliquées 
à  un  point  quelconque  est  nulle,  et  ce  point  est  en  équi- 
libre. —  Pour  démontrer  que  l'équilibre  est  stable,  il  faut 
établir  que,  si  l'on  abandonne  le  système  à  l'action  des 
forces  après  avoir  écarté  infiniment  peu  tous  les  points  de 
leur  position  d'équilibre  et  leur  avoir  donné  des  vitesses 
infiniment  petites,  les  déplacements  restent  toujours  infini- 
ment petits.  —  Désignons  par  a  la  valeur  de  la  fonction 
des  forces  dans  l'état  d'équilibre  ;  si  l'on  déplace  infiniment 
peu  le  système,  cette  valeur  devient  a  —  s,  s  étant  infi- 
niment petit  et  positif,  puisque  a  est  un  maximum.  —  Si 
l'on  abandonne  ensuite  le  système  à  l'action  des  forces, 
après  avoir  communiqué  à  ses  points  des  vitesses  infini- 
ment petites,  il  se  met  en  mouvement  et,  après  un  certain 
temps,  la  fonction  des  forces  est  devenue  a  —  w.  La  va- 
riation de  la  force  vive  est  égale  à  l'accroissement  de  la 
fonction  des  forces  ;  si  donc  on  désigne  par  G  et  Ôq  les 
forces  vives  actuelle  et  initiale,  on  a  6  —  Oo=:a  —  oj 
—  (a  —  s) ,  et  par  suite  0  =  G^  +  s  —  w.  Mais  G  est 
positif;  donc  w  ne  peut  pas  dépasser  Gq  +  s  et  reste  infi- 
niment petit.  Il  en  résulte  que  les  coordonnées  diffèrent 
infiniment  peu  de  celles  qui  correspondent  à  l'état  d'équi- 
libre et  cet  équilibre  est  stable. 

65 


ÉNERGIE 


-  10^6  - 


III.  L'ÉNERGIE.  —  IS.  Définition.  Imaginons  que, 
parmi  les  forces  qui  agissent  sur  un  système  matériel,  les 
unes  soient  regardées  comme  résultant  d'actions  exté- 
rieures, les  autres  comme  dues  aux  actions  mutuelles  des 
points  du  système,  et  supposons  que  celles-ci,  dites  forces 
intérieures,  admettent  une  fonction.  L'introduction  de 
cette  fonction,  que  nous  appellerons  —  w ,  donne  une 
forme  nouvelle  au  théorème  de  la  force  vive.  En  effet,  si 
l'on  désigne  par  T^  le  travail  des  forces  intérieures,  T^  le 
travail  des  forces  extérieures,  le  théorème  de  la  force 
vive  donne  la  relation  A6=T^  +  T^;  mais,  d'après  la 
définition  de  la  fonction  u,  on  a  T^  =  —  ^u.  On  peut 
donc  écrire  A6  =  —  ^u  +  T^,  ou  A  (O  +  tt)  =  T^,  ou 
bien  enfin  AH  =:  T^,  en  posant  H  =  6  +  w.  —  On  peut 
adopter,  pour  désigner  les  quantités  ô,  u,  H,  les  dénomi- 
nations introduites  par  Rankine  et  appeler  énergie  actuelle 
ou  énergie  cinétique  la  force  vive  6,  énergie  potentielle  la 
quantité  u  qui  est  la  fonction  changée  de  signe  des  forces 
intérieures,  énergie  totale  ou  simplement  énergie  la  somme 
H=:ô+w  des  énergies  cinétique  et  potentielle.  —  Le 
résultat  exprimé  par  l'équation  AH  =  T^  s'énonce  alors 
comme  il  suit  :  Dans  un  système  matériel,  V accrois- 
sement de  l'énergie  est  égal  au  travail  des  forces 
extérieures. 

16.  Quand  il  n'y  a  pas  de  forces  extérieures,  l'accrois- 
sement de  l'énergie  est  égal  à  zéro  ;  donc,  dans  un  sys- 
tème isolé,  V énergie  est  invariable.  C'est  en  cela  que 
consiste  le  principe  de  la  conservation  de  l'énergie. 

17.  Energie  potentielle.  Il  importe  de  préciser  la 
signification  de  la  fonction  u.  Admettons  qu'il  existe  un 
état  particulier  du  système  pour  lequel  la  valeur  Uq  de 
l'énergie  potentielle  soit  un  minimum  absolu;  dans  cet 
état,  la  fonction  des  forces  intérieures,  égale  à  —  u^,  est 
un  maximum  et  le  système,  supposé  soustrait  à  toute 
action  extérieure,  est  en  équilibre  stable  (n^  14).  Si  l'on 
imagine  que  le  système  parte  d'un  état  quelconque  et 
vienne  à  cet  état  d'équilibre,  le  travail  des  forces  inté- 
rieures, pour  ce  déplacement,  est  égal  à  i^  — Wq-  I^'^i^" 
leurs,  d'après  une  remarque  déjà  faite  (n^  7),  l'énergie 
potentielle,  qui  est  la  fonction  des  forces  intérieures  changée 
de  signe,  n'est  définie  qu'à  une  constante  additive  près,  et 
l'on  peut  choisir  cette  constante  de  manière  que  la  valeur 
Uq  soit  précisément  égale  à  zéro.  La  fonction  u  est  ainsi 
essentiellement  positive,  et  on  peut  dire  que  V énergie 
potentielle  d'un  système  dans  un  état  quelconque  est 
égale  au  travail  des  forces  intérieures  lorsqu'il  passe 
de  cet  état  a  son  état  d'équilibre.  —  Ce  travail,  essen- 
tiellement positif,  est  le  plus  grand  que  les  forces  intérieures 
puissent  produire  à  partir  de  l'état  considéré. 

18.  Les  notions  précédentes  permettent  de  préciser  le 
mode  suivant  lequel  le  travail  se  transmet  par  l'intermé- 
diaire d'un  système  matériel.  —  Concevons  ^ue  ce  sys- 
tème soit  d'abord  au  repos,  dans  son  état  d'équilibre  stable. 
Si  on  lui  applique  des  forces  extérieures,  il  se  mettra  en 
mouvement,  et,  après  un  certain  temps,  son  énergie  totale, 
primitivement  nulle,  aura  une  valeur  H  égale  au  travail 
des  forces  extérieures  (n<>  15).  Si  l'on  supprime  alors  les 
forces  extérieures,  l'énergie  devient  invariable.  Cette  énergie 
se  compose  de  deux  parties  positives,  l'une  cinétique, 
l'autre  potentielle,  dont  la  somme  reste  constante.  Ces 
deux  parties  se  transforment  l'une  dans  l'autre;  quand 
l'une  d'elles  diminue,  l'autre  augmente  d'une  quantité 
égale.  Si  l'on  introduit  enfin  de  nouvelles  forces  exté- 
rieures, de  manière  à  ramener  le  système  au  repos  dans 
son  état  d'équilibre,  l'énergie  passe  de  la  valeur  H  à  la 
valeur  zéro.  Le  travail  correspondant  des  forces  extérieures 
est  égal  à  —  H  et,  par  suite,  si  ces  forces  émanent  de 
corps  extérieurs,  le  travail  des  réactions  du  système  sur 
ces  corps  est  égal  à  H.  On  voit  ainsi  comment  l'énergie 
totale  d'un  système  représente  le  travail  maximum  que  ce 
système  puisse  développer  sur  les  corps  extérieurs  ;  elle 
représente  donc  sa  puissance  mécanique,  ce  qui  justifie  la 
dénomination  adoptée.  D'ailleurs,  les  deux  parties  de  l'éner- 


gie, force  vive  et  travail,  jouant  le  même  rôle,  il  était 
utile  de  donner  à  ces  grandeurs  une  dénomination  com- 
mune rappelant  leur  analogie  mécanique. 

IV.  Les  fonctions  des  forces  naturelles.  —  19.  La 
nature  présente  certains  phénomènes  que  les  géomètres  et 
les  physiciens  ont  expliqués  en  réduisant  à  des  forces 
centrales  les  actions  qui  s'exercent  entre  les  particules 
élémentaires  des  corps  ;  de  ce  nombre  sont  les  attractions 
et  répulsions  électriques  et  magnétiques,  ainsi  que  la  gra- 
vitation universelle.  Mais  on  ne  peut  en  dire  autant  des 
actions  mutuelles  des  courants  électriques  si  l'on  regarde, 
avec  Ampère,  deux  éléments  de  courants  comme  agissant 
l'un  sur  l'autre,  dans  la  direction  de  la  ligne  qui  les  joint, 
suivant  une  loi  qui  dépend  non  seulement  de  leur  dis- 
tance, mais  encore  de  leurs  positions  relatives.  De  même, 
l'action  d'un  élément  de  courant  sur  un  pôle  magnétique 
dépend  à  la  fois  de  leur  distance  et  de  l'angle  que  cette 
distance  fait  avec  la  direction  de  l'élément  ;  de  plus,  la 
force,  au  lieu  d'être  dirigée  suivant  la  Hgne  de  jonction, 
est  perpendiculaire  au  plan  déterminé  par  le  pôle  et  l'élé- 
ment. Il  est  toutefois  remarquable  que,  si  l'on  ne  consi- 
dère que  des  courants  fermés,  les  systèmes  de  forces 
électrodynamiques  et  électromagnétiques  admettent  des 
fonctions  qui  servent  à  mesurer  le  travail  de  ces  systèmes 
comme  si  les  forces  élémentaires  mises  en  jeu  étaient 
réellement  des  forces  centrales.  Voici  le  résumé  des  résul- 
tats relatifs  à  cet  objet.  n    ^     x. 

20.  Forces   électrostatiques.  D'après  Coulomb,   on 
considère  l'action  mutuelle  de  deux  points  électrisés  comme 
s'exerçant,  suivant  la  distance  de  ces  points,  avec  une 
intensité  représentée  par  la  formule 
,  ,       ,  mmf 

en  désignant  par  k  une  constante  positive,  par  r  la  dis- 
tance des  points,  par  m,  m'  leurs  charges  électriques, 
prises  avec  leurs  signes  de  telle  sorte  que  l'action  soit 
positive  ou  négative,  c.-à-d.  répulsive  ou  attractive,  quand 
m,  m'  sont  de  mêmes  signes  ou  de  signes  contraires.  — 
Dans  ce  cas,  la  fonction  ^(r):==i  f<?(r)dr  du  n<>  9  est 

_  fc  ^H:^  et  on  a,  par  suite,  pour  la  fonction  des  actions 

r 
mutuelles  d'un  système  électrisé 

le  S  s' étendant  aux  combinaisons  deux  à  deux  de  tous  les 
points.  La  variation  de  cette  fonction,  lorsque  les  points 
se  déplacent  en  conservant  leurs  charges,  représente  le 
travail  correspondant  des  forces  électriques.  —  Des  expres- 
sions analogues  s'appliquent  aux  actions  magnétiques  et  à 
la  gravitation  universelle.  ^      •  ^ 

21.  Forces  électrodynamiques.  A  la  déformation  infi- 
niment petite  d'un  courant  fermé  correspond  un  travail 
des  actions,  égales  et  opposées,  que  deux  éléments  de  ce 
courant  exercent  l'un  sur  l'autre,  suivant  la  loi  élémen- 
taire d'Ampère.  Si  l'on  calcule  l'intégrale  de  ces  travaux 
élémentaires  pour  tous  les  éléments  du  circuit  considères 

deux  à  deux,  on  trouve  une  expression  de  la  forme  ^  i^dl , 

en  désignant  par  i  l'intensité  du  courant  et  par  X  une 
quantité  dépendant  seulement  de  la  forme  du  circuit.  H  en 
résulte  que  la  variation  de  la  fonction 

représente  le  travail  des  actions  que  le  circuit  exerce  siir 
lui-même  lorsqu'il  se  déforme  en  conservant  son  intensité. 
—  On  trouve  de  même  que,  lorsque  deux  courants  fermés, 
dont  les  intensités  t,  i^  restent  invariables,  se  déplacent  et 
se  déforment,  le  travail  des  actions  qu'ils  exercent  1  un 
sur  l'autre  est  la  variation  d'une  fonction  u^,  la  quantité 
[i.  dépendant  seulement  des  positions  relatives  des  circuits; 


—  1027  — 


ENERGIE 


d'où  il  résulte  que  l'ensemble  des  deux  courants  admet 
une  fonction  de  forces  électrodynamiques 

et  on  a,  en  général >  pour  un  système  de  courants  à  inten- 
sités constantes, 

le  premier  2  s'étendant  à  tous  les  courants  et  le  second  à 
leurs  combinaisons  deux  à  deux. 

22.  Forces  électromagnétiques.  De  même,  en  admet- 
tant la  loi  élémentaire  de  Laplace,  le  travail  élémentaire 
des  actions  s'exerçant  entre  un  courant  fermé  et  un  pôle 
magnétique  est  de  la  forme  zmc^v,  en  désignant  par  i  Fin- 
tensité  du  courant,  par  m  la  charge  positive  ou  négative 
du  pôle  et  par  v  une  fonction  dépendant  seulement  des 
positions  relatives  du  circuit  et  du  pôle.  Par  suite,  les 
forces  qui  s'exercent  entre  un  système  de  courants  fermés 
et  un  système  de  pôles  magnétiques  admettent  une  fonction 

f:z=:  Tiimv 
lorsque  les  quantités  i,  m  restent  constantes. 

23.  Dans  le  cas  le  plus  général,  la  fonction  d'un  système 
de  forces  électriques  ou  magnétiques  s'obtient  en  addition- 
nant les  expressions  précédentes;  mais  il  importe  de  se 
rappeler  que  la  variation  finie  de  cette  fonction  ne  repré- 
sente le  travail  que  lorsque  les  intensités  et  les  charges 
sont  invariables.  Ces  quantités  varient,  en  général,  par 
influence  ou  induction,  lorsque  les  systèmes  matériels  où 
résident  les  phénomènes  électriques  et  magnétiques  se  dé- 
placent et  se  déforment;  la  fonction  des  forces  donne 
alors  le  travail  pour  chaque  déplacement  élémentaire  par 
la  seule  variation  résultant  de  ce  déplacement,  sans  tenir 
compte  de  la  variation  des  intensités  et  des  charges. 

V.  L'énergie  des  systèmes  naturels.  —  24.  Hypo- 
thèses sur  la  matière.  On  se  figure  les  corps  comme  des 
assemblages  de  molécules  et  on  conçoit  ces  molécules  comme 
formées  d'atomes  analogues  aux  points  matériels  de  la  méca- 
nique rationnelle.  Entre  ces  points,  on  imagine  des  actions 
attractives  ou  répulsives  que  l'on  appelle  forces  molécu- 
laires ou  atomiques,  suivant  qu'elles  s'exercent  entre  des 
molécules  différentes  ou  entre  les  atomes  d'une  même  mo- 
lécule et  les  effets  de  ces  forces  hypothétiques  correspon- 
dent à  la  cohésion  et  à  l'affinité.  On  admet  que  ces  forces 
ne  sont  sensibles  qu'à  des  distances  très  petites  et  qu'elles 
constituent  un  système  conservatif  (n°  8),  de  sorte  que  leur 
travail  est  nul  quand  le  corps  part  d'un  état  et  y  revient. 
2o.  Hypothèses  sur  la  chaleur.  On  considère  généra- 
lement l'état  thermique  d'un  corps  comme  constitué  par 
des  mouvements  internes  d'amplitude  très  petite  ;  la  force 
vive  de  ces  mouvements,  inappréciable  autrement  à  nos  sens, 
déterminerait  la  température.  Suivant  ces  vues,  un  corps 
au  repos,  dans  son  état  naturel,  possède  une  énergie  totale 
qui  est  la  somme  de  l'énergie  cinétique  du  mouvement 
thermique  et  de  l'énergie  potentielle  des  forces  intérieures 
définies  au  numéro  précédent.  Si  le  corps  est  en  mouve- 
ment, il  faut  comprendre  dans  son  énergie  cinétique  la 
force  vive  correspondant  aux  vitesses  sensibles  de  ses 
points;  si  on  désigne  cette  force  vive  par  ô,  l'énergie 
totale  peut  être  mise  sous  la  forme  /H-  6,  /i  étant  ce  que 
nous  appellerons  l'énergie  thermique  du  corps.  —  On 
admet  enfin  que  tout  corps  recevant  de  la  chaleur  est  né- 
cessairement soumis  à  l'action  de  forces  extérieures  et  que 
la  quantité  de  chaleur  q  reçue,  dans  une  modification 
quelconque,  par  suite  de  l'action  de  ces  forces,  est  pro- 
portionnelle à  la  somme  T^  de  leurs  travaux  ;  de  sorte 
que  l'on  a  Eg  —  T^,  le  coefficient  E  ne  dépendant  que 
des  unités  adoptées  pour  la  mesure  du  travail  et  des 
quantités  de  chaleur. 

26.  Equivalence  thermodynamique*  Ces  hypothèses 
conduisent  à  appliquer  aux  modifications  thermiques  le 
principe  suivant  lequel  la  variation  de  l'énergie  d'un  sys- 
tème matériel  est  égal  au  travail  des  forces  extérieures 


(n^  15).  — Supposons  que  certaines  de  ces  forces  émanent 
d'une  source  de  chaleur  ;  soit  T^  leur  travail  et  soit  T^  le 
travail  des  autres  forces  extérieures.  En  désignant  par 
/i  +  ô  (n°  25)  l'énergie  du  système,  on  a 

ou  bien,  puisque  T^  =  E^, 
(1)  ^         E^zz:A/i  +  Aô-T,. 

De  la  relation  ainsi  obtenue  résulte  le  principe  d'équiva- 
lence thermodynamique  :  «  L'énergie  calorifique  absorbée 
par  un  corps  est  égale  à  la  variation  de  l'énergie  ther- 
mique augmentée  de  la  variation  de  la  force  vive  sensible 
et  diminuée  du  travail  des  forces  extérieures.  »  —  Ordi- 
nairement, les  forces  extérieures  résultent  d'actions  exer- 
cées sur  le  système  considéré  A  par  d'autres  corps  B,  le 
travail  T^  de  ces  actions  est  alors  égal  et  de  signe  contraire 
au  travail  T  des  réactions  du  corps  A  sur  les  corps  B.  La 
relation  précédente  devient  ainsi 
(2)^  _  E^_=iA/i  +  Aô  +  T, 

T  désignant  le  travail  accompli  par  le  système. 

27.  Corollaire  1.  Si  le  système  décrit  un  cycle, 
c.-à-d.  part  d'un  état  et  y  revient,  avec  la  même  force 
vive  sensible,  on  a  A  /i  =  0,  et  par  suite  Eq=z  —  T^, 

ou  -~-  r=z  E.  —  Donc,  quand  un  système  décrit  un 

cycle  sans  variation  de  force  vive,  le  rapport  du  tra- 
vail des  forces  extérieures  à  la  chaleur  dégagée  est 
une  constante.  La  vérification  expérimentale  de  ce  fait  est 
la  base  de  la  thermodynamique.  Quand  un  corps  décrit  un 
cycle,  on  peut  mesurer  en  kilogrammètres  le  travail  exté- 
rieur et  en  calories  la  chaleur  absorbée  ou  dégagée  ;  on 
constate  que  le  rapport  de  ces  deux  quantités  est  une 
constante,  quelles  que  soient  les  conditions  de  l'expérience. 
—  La  valeur  numérique  de  cette  constante,  qui  est  l'équi- 
valent mécanique  de  la  chaleur,  est  425  environ.  Elle  se 
réduirait  à  l'unité  si  l'on  exprimait  les  quantités  de  chaleur 
et  de  travail  avec  la  même  unité,  calorie  ou  kilogrammètre. 

28.  Corollaire  H.  En  faisant  A/i  —  0,  T/=  0,  on  a 
Eg  ==  AG.  Donc,  quand  un  système  part  d'un  état  et  y 
revient,  sans  forces  extérieures,  la  chaleur  dégagée  est 
proportionnelle  à  la  perte  de  force  vive.  Ce  résultat 
s'applique  au  choc  des  corps  non  élastiques. 

29.  Chaleur  interne.  Le  rapport  —  est  souvent  désigné 

sous  le  nom  de  chaleur  interne  ;  c'est  l'énergie  thermique 
exprimée  en  calories.  La  thermodynamique  permet  d  en 
calculer  l'expression.  Pour  un  corps  isotrope,  dont  tous 
les  points  sont  à  la  même  température,  la  chaleur  interne 
est  une  fonction  de  cette  température  et  des  paramètres, 
tels  que  les  densités,  chaleurs  spécifiques,  coefficients 
d'élasticité...,  qui  définissent  l'état  physique  et  chimique 
du  corps.  Pour  qu'un  corps  décrive  un  cycle,  il  faut  que, 
non  seulement  sa  température,  mais  tous  les  paramètres 
dont  dépend  sa  chaleur  interne  reprennent  la  même  valeur. 
Or,  les  transformations  subies  par  le  corps  peuvent  amener 
la  modification  persistante  de  ces  paramètres  ;  tel  est 
l'eflet  de  l'écrouissage  sur  les  métaux.  Il  importe  de  tenir 
compte  de  cette  circonstance  dans  l'application  des  propo- 
sitions précédemment  établies. 

30.  Principes  thermochimiques.  La  transformation 
d'un  corps  ou  d'un  système  de  corps  peut  résulter  d'un 
changement  d'état  physique,  d'un  changement  d'état  chi- 
mique, d'un  changement  de  structure  et  d'arrangement 
moléculaire  enfin  de  la  dissolution.  —  Une  série  quel- 
conque de  transformations  de  cette  nature  amène  l'énergie 
thermique  du  système  d'une  valeur  initiale  h^  à  une  valeur 
finale  /i.^  et,  si  les  états  extrêmes  sont  des  états  d'équi- 
libre, l'équation  (1)  devient,  en  faisant  Aô  —  0, 

(3)  Ery.^/i,-/.,-T,. 

Cette  valeur  de  q  n'étant  nulle  que  dans  le  cas  très  partie 
culier  où  la  variation  de  l'énergie  serait  égale  au  travail 
extérieur,  on  voit  que  toute  transformation  est  accompa- 
gnée d'une  absorption  ou  d'un  dégagement  de  chaleur.  •— 


ÉNERGIE 


4028  — 


Les  forces  extérieures  se  réduisent  souvent  à  une  pression 
normale  et  uniforme  sur  la  surface  du  système;  en  dési- 
gnant par  p  la  pression  par  unité  de  surface  et  par  v  le 
volume,  on  a  dans  ce  cas  T,  =  -  fpdv.  Si  le  système 
se  transforme  à  volume  constant,  T^— Oj^  si  le  système 
se  transforme  sous  pression  constante,  T^  —  —piv^ --  Vi)^ 
i»^  et  ^2  étant  les  valeurs  initiale  et  tinale  du  volume; 
dans  le  premier  cas  la  relation  (3)  se  réduit  à  Eg  —  /12  —  h^; 
dans  le  second  cas,  elledevientE^z=  /12  — /^i+?^(^2  — ^i)- 
Dans  les  deux  cas,  la  chaleur  q  est  déterminée  par  les 
valeurs  que  présentent  l'énergie  et  le  volume  aux  états 
extrêmes  ;  on  en  conclut  cet  énoncé  :  La  chaleur  absorbée 
ou  dégagée  par  un  système  qui  se  transforme  à  volume 
constant  ou  sous  pression  constante  dépend  unique- 
ment de  Vétat  initial  et  de  Vétat  final  du  système; 
elle  est  la  même  quelle  que  soit  la  série  des  états  in- 
"tpvYïi  édzaires  • 

A  ce  principe  thermochimique  fondamental,  dont  il  a 
développé  les  nombreuses  conséquences,  M.  Berthelot 
adjoint  un  second  principe,  basé  sur  l'expérience,  dont 
voici  l'énoncé  :  Tout  changement  chimique  accompli 
sans  Vintervention  d'une  énergie  extérieure  tend  vers 
la  production  du  corps  ou  du  système  de  corps  qui 
dégage  le  plus  de  chaleur.  —  Dans  un  changement  d  état 
accompli  sans  travail  extérieur,  l'énergie  calorique  déga- 
gée —  E^  est  égale,  d'après  l'équation  (3),  à  l'excès  /ij  —  h^ 
de  l'énergie  initiale  sur  l'énergie  finale.  Si  donc  la  chaleur 
dégagée  est  un  maximum,  l'énergie  de  l'état  final  est  un 
minimum.  — On  peut  donc  énoncer  le  principe  de  M.  Ber- 
thelot en  disant  que  tout  changement  chimique,  accompli 
sans  l'intervention  d'une  énergie  extérieure,  tend  vers  la 
production  du  système  dont  l'énergie  est  un  minimum 
(V.  au  mot  Chaleur,  le  §  Chimie;  Chaleurs  spécifiques, 
de  M.  Berthelot,  t.  X,  p.  257). 

31.  Principe  général  d'équivalence.  Supposons  main- 
tenant que  le  système  dont  on  considère  la  transformation 
soit  le  siège  de  phénomènes  électriques  et  magnétiques.  ~ 
On  peut  admettre  que  ces  phénomènes  modifient,  à  partir 
de  l'état  naturel,  la  structure  interne  du  système  et  y  font 
naître  des  mouvements  spéciaux,  analogues  au  mouvement 
thermique;  ils  introduisent  de  plus  des  actions  à  dis- 
tance. Les  énergies  cinétique  et  potentielle  reçoivent  ainsi 
de  nouvelles  valeurs,  de  telle  sorte  que  l'énergie  totale 
est  de  la  forme  H  —  U  +  6,  ô  étant  la  force  vive  sensible 
et  U  une  fonction  dépendant,  non  seulement  des  variables 
de  l'état  thermique  (n«  29),  mais  aussi  de  nouveaux  para- 
mètres déterminant,  pour  chaque  point  du  système,  la 
charge  électrique  ou  magnétique  qui  peut  s'y  trouver, 
ou  bien  l'intensité  et  la  direction  du  courant  qui  peut  y 

Quand  un  tel  système  se  transforme,  il  est  généralement 
soumis  à  des  forces  extérieures  dont  le  travail  peut  se 
manifester  sous  forme  d'électricité,  comme  sous  forme  de 
chaleur  ;  si  l'on  désigne  alors  par  Q  la  quantité  totale 
d'énergie  qui  est  ainsi  empruntée  ou  cédée,  sous  ces 
diverses  formes,  par  le  système  aux  corps  extérieurs  et 
par  Tg  le  travail  des  autres  forces  extérieures,  le  prin- 
cipe général  de  l'énergie  (n«  15)  conduit  à  la  relation 
Q  +  T,=:  AU+ AÔ,  ou  bien 
(4)  Qz=AU  +  Aô-T,. 

La  fonction  U,  dont  l'énergie  thermique  h  est  une  forme 
particulière,  est  désignée  sous  le  nom  d'énergie  interne. 
—  La  relation  (4)  établit  le  principe  général  d'équiva- 
lence, qui  s'énonce  comme  il  suit  :  Vénergie  fournie 
directement  à  un  système,  sous  forme  de  chaleur  ou 
d'électricité  par  les  corps  extérieurs,  est  égale  à  la 
variation  de  son  énergie  interne,  augmentée  de  la 
variation  de  sa  force  vive  sensible  et  diminuée  du 
travail  des  forces  extérieures. 

32.  On  peut  mettre  cette  relation  sous  une  autre  forme  ; 
désignant  par  T^  le  travail  des  forces  intérieures  qui, 
composées  avec  les  forces  extérieures,  produisent  la  force 


vive  sensible  Ô,  on  a  Aô  ==  T^  4-  T,  et  de  l'équation  (4) 

résulte  cette  nouvelle  relation 

(5)  Qz=:AU  +  T„ 

dont  on  trouvera  ultérieurement  l'application. 

33.  Energie  électrostatique.  Quand  un  système  est 
composé  de  corps  sur  lesquels  on  peut  modifier  la  distri- 
bution électrique  sans  changer  leur  état  physique  et  chi- 
mique, on  admet  que  de  l'électrisation  de  ce  système 
résulte  une  variation  de  son  énergie  interne,  égale  et  de 
siene  contraire  à  la  fonction  f  (n^  20)  qui,  d'après  la  loi 
de  Coulomb,  sert  à  évaluer  le  travail  des  forces  électro- 

,.  \^^nm^    ^    .  ,, 
statiques.  -  Si  donc  on  pose  W  ==  K  >^  -y-  et  si  1  on 

désiene  par  h  l'énergie  du  système  à  l'état  naturel,  l'énergie 

du  système  électrisé  est  /i  +  W.  La  quantité  W  est  alors 

considérée  comme  une  fonction  des  distances  r  et  des 

charges  m  ;  c'est  l'énergie  électrostatique.  La  relation  (4) 

devient  ainsi 

(6)  Q  — A/i  +  AW  +  AO-T,; 

en  voici  une  application  : 

Supposons  qu'une  décharge  se  produise,  sans  travail 
extérieur,  entre  des  conducteurs  maintenus  immobiles  dans 
un  milieu  isolant.  Il  en  résulte  une  variation  AW  de 
l'énergie  électrique,  et,  lorsque  l'énergie  thermique  h  a 
repris  la  valeur  qu'elle  avait  avant  la  décharge,  la  rela- 
tion (6),  réduite  à  Q=  AW,  montre  que  l'énergie  calo^ 
rikque  dégagée  est  égale  à  la  diminution  d  énergie 
électrique  produite  par  la  décharge.  Cette  proposition, 
due  à  Clausius,  est  vérifiée  par  les  expériences  de  ^jess. 

34.  Energie  électrodynamique.  Rappelons  d  abord 
les  lois  fondamentales  des  courants.  Quand  un  courant 
permanent  parcourt  un  circuit  linéaire  immobile  sans  en 
modifier  l'état  physique  ou  cbimique  et  sans  produire  un 
travail  extérieur  :  1°  l'intensité  i  du  courant  est  propor- 
tionnelle à  une  quantité  e,  dite  force  électromotnce, 
ne  dépendant  que  de  la  pile,  et  elle  est  inversement  pro- 
portionnelle à  une  quantité  r,  dite  résistance,  ne  dépen- 
dant que  de  la  nature  et  des  dimensions  du  circuit  ;  d  ou 

résuhe  la  relation  i  1=  ^,  ou  (?  =  n  (loi  de  Ohm)  ;  2o  dans 

les  mêmes  conditions,  il  y  a  production  dans  le  circuit, 
pendant  l'unité  de  temps,  d'une  quantité  de  chaleur  pro- 
portionnelle à  la  résistance  du  circuit  et  au  carre  de  1  in- 
tensité du  courant  (loi  de  Joule).  Il  résulte  de  cette  der- 
nière loi  que,  si  le  circuit  est  dans  un  milieu  imperméable 
à  la  chaleur,  son  énergie  thermique  s'accroît,  pendant 
l'unité  de  temps,  d'une  quantité  proportionnelle  à  n  ,  ou 
étxale  à  ri^  par  un  choix  convenable  des  unîtes.  On  a 
donc,  pour  l'accroissement  de  l'énergie  thermique  h  pen- 
dant le  temps  t,  ^h  ■==.  riH  ;  3^  en  multipliant  par_2^  les 
deux  membres  de  l'équation  e:=.n,  il  vient  eit  —  ri-t, 
ou  eit  =:  A/i.  Cette  dernière  relation  devant  se  contondre 
avec  la  relation  (4)  du  n^  31,  réduite  à  Q  =:  AV,  on  en 
conclut  d'abord  Q  =  eit,  ce  qui  montre  que  1  énergie 
cédée  par  la  pile,  ou  énergie  voltaïque,  pendant  1  unité  de 
temps,  est  égale  au  produit  de  la  force  électromotrice 
par  l'intensité  (loi  de  Faraday).  -  On  en  conclut  aussi 
que  l'énergie  interne  U  diff'ère  de  l'énergie  thermique  h 
par  une  quantité  W  dont  la  valeur  est  constante  lorsque 
l'intensité  du  courant  et  la  forme  du  circuit  sont  inva- 
riables et  qui  est,  par  conséquent,  une  fonction  de  ces 
seules  variables  ;  cette  quantité  est  l'énergie  electrodyna- 
mique  du  courant.  . 

35.  Si,  au  heu  d'un  courant,  on  en  considère  plusieurs, 
on  est  de  même  conduit  à  admettre  que,  lorsque  1  exis- 
tence de  ces  courants  ne  modifie  pas  l'état  physique  ou 
chimique  des  circuits,  l'énergie  interne  U  de  leur  ensemble 
est  de  la  forme  h  +  W,  h  étant  l'énergie  thermique  et  W 
l'énergie  électrodvnamique  qui  est  une  fonction  des  inten- 
sités des  courants  et  des  positions  relatives  des  circuits. — 
Cette  nouvelle  forme  de  l'énergie  s'introdmt  dans  la  rela- 
tion générale  (4)  lorsque  les  intensités  varient  et  lorsque 


—  1029 


ÉNERGIE 


les  circuits  se  déplacent  et  se  déforment  sous  l'action  de 
forces  extérieures  quelconques.  Cette  relation  devient  alors 

(7)  Q  =3  A/i  +  AW  +  A6  -  T, 

en  désignant  par  Q  l'énergie  voltaïque  cédée  par  les  piles. 
A  cette  relation  on  peut  substituer  l'équation  (5)  du  n<*  32 

(8)  QzzA/i  +  AW+T,, 

T^  désignant  le  travail  des  forces  intérieures  qui,  avec  les 
forces  extérieures  données,  produisent  la  force  vive  sen- 
sible du  système.  Ces  forces  sont  les  forces  électrodyna- 
miques d'Ampère  et  les  forces  élastiques  des  circuits,  et  les 
premières  de  ces  forces  sont  seules  à  considérer  si,  comme 
on  le  fait  généralement,  on  assimile  les  circuits,  soit  à  des 
systèmes  rigides,  soit  à  des  systèmes  parfaitement  flexibles. 

36.  Pour  une  modification  infiniment  petite,  l'équation 

(8)  devient 

(9)  cl(i=:dh-hd^Y-]-dTi. 

Si  l'on  suppose  que  la  loi  de  Faraday  soit  encore  appli- 
cable, l'énergie  cédée  à  l'un  des  circuits,  pendant  le  temps 
dt,  est  eidt  et  l'on  a,  pour  le  système  tout  entier, 
dQ  =  lieidt.  On  a  de  même ,  en  admettant  la  loi  de 
Joule,  dh  ==  Hri^dt,  Enfin,  si  Ton  suppose  que  le  tra- 
vail T^  soit  dû  aux  seules  forces  électrodynamiques,  le 
travail  élémentaire  dl^  sera  la  variation  de  la  fonction  /' 
du  n"  21  correspondant  à  la  seule  variation  des  para- 
mètres X,  [JL,  les  intensités  i  restant  constantes  (n^  23). 
On  désignera  cette  variation  partielle  par  8  en  réservant, 
comme  à  l'ordinaire,  la  lettre  c^  à  la  variation  ou  différen- 
tielle totale.  La  relation  (9)  devient  ainsi 
(i  0)  Heidt  —  IiriHt  +  cZW  +  B/", 

et,  en  la  combinant  avec  les  lois  expérimentales  de  l'in- 
duction, on  détermine  comme  il  suit  la  forme  de  la  fonc- 
tion W. 

37.  Phénomènes  d'induction.  Pour  plus  de  simplicité, 
réduisons  d'abord  à  deux  le  nombre  de  courants.  Quand 
ces  courants  sont  permanents  et  immobiles,  la  loi  de  Ohm 
donne  les  deux  relations  e  —  rt  =  0,  e^  —  rY  =:  0. 
Quand  les  circuits  se  déplacent  et  se  déforment,  les  inten- 
sités deviennent  variables  par  suite  de  l'induction,  et  ces 
deux  relations  cessent  d'avoir  lieu  ;  la  discussion  des  faits 
d'expérience  conduit  à  admettre  qu'elles  sont  remplacées 
par  les  suivantes  : 

e  —  n^ri'jj  {ai  +  ht')       e'  -^fi^—^  (M  +  a^f) , 


dt' 


dt 


a,  b,  a'  désignant  des  quantités  purement  géométriques, 
dépendant  de  la  forme  et  de  la  position  relative  des  cir- 
cuits. Ces  relations  s'écrivent  aussi 


d 
dt 


02 
di 


■  A. 
'  dt 


bii' 


i 


en  posant  o  =  -  ai' 

4  -z 

38.  Ces  propriétés  s'étendent  à  un  système  de  n  cou- 
rants, et,  si  l'on  pose,  suivant  une  notation  analogue  à  celle 
du  n^  22, 

1 

o  zzz  -^i'^a-\-I;ifb, 

on  a  un  système  de  n  équations  de  la  forme 
d  d^ 
dtW 
d'où  l'on  déduit,  pour  l'ensemble  des  circuits, 

Par  suite  de  cette  équation,  la  relation  (10)  devient 

On  a  d'ailleurs,  par  le  théorème  des  fonctions  homogènes, 
29  =  I»W'»"^=Il»W-<?- 


En  différentiant  totalement  cette  dernière  équation,  on 
trouve  après  réduction 

§9  désignant  la  variation  de  o  correspondant  à  la  seule 
variation  des  quantités  a,  b.  Par  suite,  la  relation  (10) 
peut  définitivement  s'écrire  sous  la  forme 

d:p  -4-  Sep  =1  dW  +  8/". 
Supposons  que  les  intensités  i  varient  seules  ;  of  et  89 
disparaissent  et  la  relation  précédente,  réduite  à  ^9  =  dSY, 
montre  que  l'énergie  W  ne  diffère  de  9  que  par  une  quan- 
tité ne  dépendant  pas  des  intensités  et,  comme  W  doit  se 
réduire  à  zéro  avec  les  variables  z,  cette  quantité  est  nulle. 
On  a  donc  \V  =  o  et,  par  conséquent,  8cp  =  8/".  Cette 
dernière  identité  entraîne  les  suivantes  c?a=:c^X,  db=zdii, 
d'où  l'on  conclut  a  =  X,  Z>  =  jx ,  tous  les  coefficients 
devant  s'annuler  quand  les  circuits  sont  à  une  distance 
infinie.  En  résumé,  la  fonction  9  ne  diffère  pas  de  la  fonc- 
tion f  et  l'expression  commune  de  ces  deux  fonctions  est 
aussi  celle  de  l'énergie  électrodynamique  du  système  des 
courants.  Cette  énergie  s'exprime  donc  par  la  formule 


W 


'=^X^''^~^^^^''^''^ 


les  coeflîcients  X,  p.  étant  ceux  qui  servent  à  évaluer  le 
travail  des  forces  électrodynamiques  d'Ampère.  Cette  expres- 
sion est  alors  envisagée  commefune  fonction  des  intensités  i 
et  des  paramètres  X,  p.,  considérés  au  même  titre  comme 
variables  indépendantes. 

39.  Il  est  à  remarquer  que  l'énergie  W  est,  dans  le  cas 
des  courants,  égale  à  la  fonction  f  prise  avec  son  signe, 
tandis  que,  dans  le  cas  des  forces  électrostatiques,  elle  est 
égale  à  la  fonction  analogue  f  prise  avec  le  signe  con- 
traire (no  33).  Il  en  résulte  que,  dans  le  premier  cas,  con- 
trairement à  ce  qui  a  lieu  dans  le  second,  la  différentielle 
de  l'énergie  relative  à  la  seule  variation  des  paramètres  de 
position  n'est  pas  égale,  prise  avec  le  signe  contraire,  au 
travail  élémentaire  des  forces  électriques.  Cette  remarque 
conduirait  à  supposer  que  les  forces  électrodynamiques  ne 
sont  pas,  pour  le  système  des  circuits,  des  forces  inté- 
rieures; elles  seraient  plutôt  assimilables,  conformément 
à  une  hypothèse  admise  dans  quelques  théories,  à  des 
pressions  exercées  sur  ces  circuits  par  un  milieu  envi- 
ronnant. E.  Sarrau. 

IL  CHIMIE.— Energies  électriques  (réactions  chi- 
miques).—Les  énergies  électriques  sont,  après  les  énergies 
calorifiques,  celles  que  Ton  emploie  le  plus  fréquemment 
pour  produire  les  décompositions  chimiques  ;  le  mécanisme 
de  leurs  actions  et  la  nature  spéciale  des  effets  qu'elles  déter- 
minent méritent  au  plus  haut  degré  notre  attention.  Sans 
chercher  à  pénétrer  la  nature  intime  et  jusqu'ici  fort  obs- 
cure du  mouvement  électrique,  mouvement  auquel  semblent 
participer  à  la  fois  la  matière  pondérable  et  le  fluide  éthéré, 
nous  distinguerons  quatre  modes  principaux,  suivant  lesquels 
l'électricité  intervient  en  chimie,  savoir  :  1°  l'électrolyse  ; 
2<^  l'action  de  l'arc  électrique  ;  3°  l'action  de  l'étincelle 
électrique  ;  4«  les  réactions  exercées  par  influence,  autre- 
ment dit  l'effluve  électrique. 

Electrolyse.— Un  courant  électrique  traversant  un  corps 
composé  binaire,  liquide  et  doué  de  conductibilité,  tel 
qu'un  chlorure  métallique  ou  un  sulfure  métallique  fondu, 
le  résout  en  ses  deux  éléments.  L'un  de  ceux-ci,  soufre, 
chlore,  oxygène,  se  rend  au  pôle  positif  :  c'est  l'élément 
électro-négatif;  tandis  que  l'autre  élément,  ordinairement 
métallique,  se  rend  au  pôle  négatif  :  c'est  l'élément  électro- 
positif. Tel  est  le  type  le  plus  simple  de  la  décomposition 
électrolytique.  Elle  est  effectuée  en  vertu  d'un  certain  tra- 
vail chimique,  travail  mesuré  précisément  par  la  chaleur 
de  combinaison  de  l'élément  négatif  avec  le  métal.  — 
L'électrolyse  étant  étudiée  dans  un  article  spécial,  nous  ne 
nous  y  arrêterons  pas. 

Arc  voltaïque.—  L'arc  se  produit  dans  une  pile  lorsque 
le  potentiel  surpasse  une  certaine  grandeur.  Les  effets  chi- 


ENERGIE 


—  4030 


miques  produits  par  l'arc  électrique  sont  dus  à  la  fois  au 
courant  Yoltaïque  et  à  la  température  excessive  qui  se 
développe  dans  Tare  lui-même  :  température  plus  élevée 
qu'aucune  de  celles  que  nous  savons  produire,  et  à  laquelle 
tous  les  corps  simples,  le  carbone  lui-même,  sont  réduits 
en  vapeur  ;  l'acide  carbonique  s'y  résout  en  oxygène  et 
oxyde  de  carbone,  l'eau  en  hydrogène  et  oxygène,  etc. 
Quant  à  ces  effets  chimiques,  la  plupart  sont  analogues  à  ceux 
que  produit  l'étincelle.  Parmi  ceux  que  l'arc  seul  est  apte 
à  réaliser,  on  peut  citer  les  changements  isomériques  du 
carbone  et  sa  combinaison  directe  avec  l'hydrogène. 

Changements  isomériques  du  carbone.  Le  carbone 
des  crayons  qui  servent  à  développer  l'arc  électrique  ré- 
sulte de  la  décomposition  pyro^^énée  des  carbures  d'hydro- 
gène ;  il  a  été  appelé  quelquefois  graphite  artificiel,  mais  à 
tort,  car  il  ne  renferme  pas  la  moindre  trace  de  graphite 
véritable,:  ce  dernier  étant  défini  par  son  aptitude  à  four- 
nir sous  certaines  influences  oxydantes  un  composé  spécial 
et  explosif,  l'oxyde  graphitique.  Au  contraire,  quand  le 
charbon  de  cornue  a  servi  à  transmettre  pendant  quelque 
temps  l'arc  électrique  et  éprouvé  réchauffement  excessif 
que  cet  arc  développe,  le  charbon,  dis-je,  se  trouve  changé 
en  un  graphite  véritable,  doué  de  propriétés  spécifiques.  Le 
carbone  extrait  du  charbon  de  bois,  aussi  bien  que  les  car- 
bones pyrogénés  et  le  diamant  lui-même,  se  change  pareil- 
lement en  graphite  sous  l'influence  de  l'arc  voltaïque.  Cet 
effet  paraît  dû  principalement  à  la  température  excessive 
de  l'arc,  plutôt  qu'à  l'action  électrique  proprement  dite. 

Combinaison  directe  du  carbone  pur  avec  l'hydro- 
aène  libre.  Cette  combinaison  engendre  le  protohydrure 
de  carbone,  autrement  dit  acétylène  : 

2(C2  +  H)=r(C2H)2. 
Elle  se  réalise  dans  l'arc  électrique.  C'est  là  une  réaction 
fondamentale  et  le  point  de  départ  de  la  synthèse  orga- 
nique. Elle  paraît  due  à  l'union  du  carbone  gazeux  sur 
l'hydrogène  libre,  la  réaction  étant  accomplie  à  une  tem- 
pérature assez  élevée  pour  réduire  le  carbone  à  l'état  de 
gaz.  Ce  dernier  phénomène  mérite  quelque  attention,  sur- 
tout si  l'on  remarque  qu'il  a  déjà  été  précédé  par  un  cer- 
tain changement  isomérique,  attesté  par  les  observations 
que  l'on  vient  de  rappeler.  Nous  avons  ici  l'exemple  d'une 
combinaison  directe,  accomplie  avec  une  absorption  de  cha- 
leur considérable  :  —  30  X  2  calories.  Une  telle  absorp- 
tion est  due  nécessairement  au  travail  accompli  par  l'arc 
électrique.  Mais  deux  effets  distincts  sont  produits  ici  :  la 
vaporisation  du  carbone  et  la  combinaison  proprement 
dite.  La  vaporisation  du  carbone  ne  paraît  pas  pouvoir  être 
assimilée  à  la  vaporisation  d'un  élément  solide  ordinaire, 
tel  que  l'iode  ou  le  mercure  ;  elle  représente  en  outre  toute 
la  série  des  travaux  nécessaires  pour  détruire  l'effet  des 
condensations  et  polymérisations  successives  qui  ont  mis  le 
carbone  dans  son  état  actuel,  en  le  ramenant  à  un  état 
comparable  à  celui  d'un  gaz  non  condensé,  tel  que  l'hydro- 
gène. On  réalise  ainsi  tout  d'abord  un  travail  supérieur  à 
l'absorption  totale  de  chaleur  observée  dans  la  combinai- 
son. Puis,  la  combinaison  elle-même,  devenue  possible, 
s'effectue  directement  et  avec  ses  caractères  ordinaires, 
c.-à-d.  avec  dégagement  de  chaleur,  entre  le  carbone 
gazeux  et  l'hydrogène  gazeux. 

Admettons  encore,  pour  simplifier,  qu'à  partir  de  l'état 
gazeux  du  carbone,  la  formation  de  l'oxyde  de  carbone 
dégage  la  même  quantité  de  chaleur  que  celle  de  l'acide 
carbonique,  soit  68,6  calories.  Il  y  aurait  — 42,2  calories 
absorbées,  par  le  double  fait  de  la  volatilisation  et  du  chan- 
gement isomérique  de  12  gr.  de  carbone,  changement  que 
nous  supposons  précéder  la  combinaison.  Or  ce  chiffre  suffit 
pour  que  la  formation  directe  de  l'acétylène  avec  le  carbone 
gazeux  et  l'hydrogène  gazeux  puisse  avoir  lieu  avec  dégage- 
ment de  chaleur  (+  20<^  C),  à  la  façon  de  toutes  les 
autres  combinaisons  directes. 

■  Actions  chimiques  de  l'étincelle  électrique.  —  Effets 
généraux.  L'étincelle  électrique  résulte,  comme  on  le 
sait,  de  la  recombinaison  instantanée  des  deux  électricités 


de  signe  contraire,  amenées  à  une  tension  excessive.  Cette 
tension  l'emporte  généralement  de  beaucoup  sur  celle  qui 
produit  l'arc.  Avec  les  fortes  et  longues  étincelles,  la  ten- 
sion s'élève  souvent  jusqu'à  un  potentiel  égal  à  celui  de 
50,000  ou  100,000  volts.  L'étincelle  sur  son  trajet  déve- 
loppe à  la  fois  une  température  excessive  et  des  effets 
électroly tiques.  De  là  résultent  divers  phénomènes  chi- 
miques, tels  que  :  la  combinaison  des  gaz  combustibles 
avec  l'oxygène  ;  la  décomposition  totale  ou  partielle  de  tous 
les  corps  composés  ;  la  formation  partielle  de  quelques-uns 
(acétylène,  acide  cyanhydrique,  bioxyde  d'azote)  ;  la  trans- 
formation isomérique  permanente  (oxygène  en  ozone),  ou 
momentanée  (carbone  solide  en  carbone  gazeux)  de  cer- 
tains corps  simples.  Il  convient  de  distinguer  ici  entre  les 
effets  d'une  seule  étincelle  ou  ceux  d'une  série  d'étincelles. 
Supposons  d'abord  qu'il  s'agisse  d'un  mélange  non  explo- 
sif, afin  d'écarter  les  comphcations  dues  à  la  propagation 
de  la  réaction. 

Chaque  étincelle  ne  transforme  sur  son  trajet  qu'une 
petite  quantité  de  matière  ;  mais  les  effets  s'accumulent 
sous  l'influence  d'une  série  prolongée  d'étincelles,  de  telle 
sorte  que,  si  aucune  complication  n'intervient,  le  système 
tend  vers  un  état  final  déterminé,  qui  est  précisément  l'état 
d'équilibre  développé  sur  le  trajet  même  de  l'étincelle. 
Tantôt  cet  état  répond  à  une  réaction  unique,  telle  que 
l'éUmination  totale  à  l'état  solide  de  l'un  des  composants 
primitifs.  C'est  ainsi  que  le  cyanogène,  l'hydrogène  phos- 
phore, l'hydrure  de  silicium  et  les  hydrures  métalliques  sont 
complètement  décomposés  en  leurs  éléments.  Inversement, 
l'oxyde  de  carbone  ou  l'hydrogène,  mis  en  présence  d'un 
excès  quelconque  d'oxygène,  se  combinent  entièrement  pour 
former  :  l'un,  de  l'acide  carbonique  ;  l'autre,  de  l'eau.  La 
réaction  qui  s'accomplit  ainsi  jusqu'au  bout  peut  être  exo- 
thermique (décomposition  du  cyano^^ène,  union  de  l'oxyde  de 
carbone  et  de  l'oxygène),  ou  endothermique  (décomposition 
de  l'hydrogène  phosphore  ou  de  l'hydrogène  silice).  Tantôt 
l'état  final  résulte  de  deux  réactions  contraires  qui  se 
limitent  l'une  l'autre  :  ce  qui  arrive  pour  les  mélanges 
binaires  d'acétylène  et  d'hydrogène,  et  pour  les  mélanges 
plus  complexes  d'acétylène,  d'azote,  d'hydrogène  et  d'acide 
cyanhydrique  ;  ou  bien  encore  pour  les  mélanges  d'acide 
carbonique,  d'oxyde  de  carbone,  d'hydrogène  et  de  vapeur 
d'eau.  L'une  des  deux  réactions  contraires  que  nous  envi- 
sageons dégage,  en  général,  de  la  chaleur  ;  tandis  que 
l'autre  action,  qui  est  souvent  une  combinaison  (acétylène, 
acide  cyanhydrique),  absorbe  de  la  chaleur  :  le  travail 
nécessaire  pour  accomplir  cette  dernière  réaction  étant  con- 
tinuellement fourni  par  l'électricité. 

Mais  il  peut  arriver  que  l'une  des  actions  chimiques 
provoquées  par  l'étincelle  le  soit  également  par  une  simple 
élévation  de  température.  Or  l'étincelle  agit  de  deux  ma- 
nières :  sur  son  trajet  même,  elle  développe  un  certain  équi- 
libre chimique  ;  mais  elle  élève  en  même  temps  la  tempé- 
rature des  portions  voisines  de  son  trajet.  Si  l'élévation 
de  température  est  suffisante,  celle-ci  pourra  provoquer 
par  elle-même  une  nouvelle  réaction  dans  les  portions  voi- 
sines. Admettons  maintenant  que  cette  dernière  réaction 
dégage  une  grande  quantité  de  chaleur  et  qu'elle  se  produise 
dans  un  temps  très  court,  elle  élèvera,  à  son  tour,  la  tem- 
pérature des  régions  environnantes;  à  un  certain  degré, 
l'action  se  propagera  de  proche  en  proche  et  deviendra 
explosive.  Une  seule  étincelle  développera  de  tels  effets,  et 
ses  effets  chimiques  directs,  produits  sur  une  très  petite 
quantité  de  matière,  s'effaceront  devant  les  effets  secon- 
daires produits  par  l'élévation  de  température  qu'elle  a 
provoquée  autour  d'elle.  On  conçoit  d'ailleurs  que  la  pré- 
sence d'un  grand  excès  de  l'un  des  composants,  ou  bien 
encore  celle  d'un  gaz  inerte,  puisse  empêcher  le  mélange 
d'être  porté  par  les  réactions  exercées  au  voisinage  de 
l'étincelle  jusqu'à  la  température  qui  provoque  la  combi- 
naison. Le  mélange  cesse  alors  d'être  explosif  sous  l'in- 
fluence d'une  seule  étincelle.  Mais,  sous  l'influence  d'une 
série  prolongée  d'étincelles ,  on  voit  apparaître  l'action 


^  i034  — 


ENERGIE 


propre  de  Tétincelle.  Si  cette  action  détermine  une  décom- 
position, comme  il  arrive  avec  l'acide  carbonique  ou  la 
vapeur  d'eau,  la  proportion  des  gaz  décomposés  ira  sans 
cesse  en  croissant,  et  jusqu'à  reconstituer  un  mélange 
explosif.  Cependant,  avant  que  ce  terme  soit  atteint  par  la 
masse  entière,  il  arrive  en  général  qu'il  se  trouve  réalisé 
au  voisinage  du  trajet  de  l'étincelle,  par  suite  du  mélange 
immédiat  des  gaz  formés  à  l'instant  même  avec  ceux  qui 
résultent  des  étincelles  antérieures.  De  là,  une  recombi- 
naison partielle,  irrégulière,  variable  avec  l'intensité  des 
étincelles.  Tels  sont  les  divers  phénomènes  que  l'étincelle 


électrique  provoque  dans  les  mélanges  gazeux.  On  les 
observe  notamment  dans  l'action  de  l'étincelle  électrique 
sur  l'acide  carbonique  et  sur  la  vapeur  d'eau,  sur  les  car- 
bures d'hydrogène  et  spécialement  sur  l'acétylène,  sur 
l'acide  cyanhydrique,  enfin  sur  les  composés  hydrogénés  et 
oxydés  de  l'azote. 

L'appareil  employé  dans  ces  expériences  est  formé  par 
une  éprouvette  renfermant  le  gaz  et  placée  sur  une  petite 
cuve  à  mercure  (fig.  1). 

Réactions  électro-chimiques  exercées  par  in- 
fluence (effluve  électrique).  —  Mécanismes  physiques 
GÉNÉRAUX.  —  Au  lieu  de  faire  agir  l'électricité  sur  les  gaz 
sous  la  forme  du  courant  voltaïque,  d'arc,  ou  d'étincelle, 
on  peut  opérer  par  influence.  Ce  mode  d'action  lui-même 
s'exerce  de  plusieurs  manières  ;  par  exemple  en  faisant 
varier  brusquement  le  potentiel  par  l'effet  de  décharges 
rapides,  tantôt  toutes  de  même  sens,  tantôt  de  sens  alter- 
natif. On  peut  encore  maintenir  le  potentiel  constant  pen- 
dant toute  la  durée  de  l'expérience. 

Potentiel  brusquement  variable.  Décharge  silen- 
cieuse. L'électricité  accumulée  à  la  surface  des  parois  des 
vases  qui  renferment  les  gaz  que  l'on  veut  influencer,  peut 
éprouver  une  série  de  décharges  et  reprendre  aussitôt  sa 
tension,  à  la  suite  de  chaque  décharge.  Le  potentiel  des 
corps  électrisés  passe  ainsi,  dans  un  temps  très  court,  par 
toutes  les  grandeurs,  depuis  zéro  jusqu'à  une  limite  qui 
peut  être  extrêmement  élevée.  Il  en  est  ainsi,  par  exemple, 
lorsqu'on  emploie  la  machine  de  Holtz  pour  produire  les 
décharges  directes,  et  que  les  deux  électricités  contraires 
fournies  par  cet  appareil  se  trouvent  accumulées  sur  des 
condensateurs  séparés  par  de  très  petites  distances,  autour 
d'un  espace  rempli  par  les  gaz  influencés.  On  réalise  ce  ré- 
sultat en  enfermant  les  gaz  dans  des  espaces  annulaires 
compris  entre  deux  cyHndres  de  verre  mince.  Sur  la  face 
extérieure  du  cylindre  enveloppant,  on  place  un  corps  conduc- 
teur, lame  métallique  ou  liquide,  avec  lequel  un  des  pôles  des 
appareils  électriques  est  mis  en  contact  ;  les  mêmes  dispo- 
sitions sont  adoptées,  d'autre  part,  à  la  surface  intérieure 
du  cylindre  enveloppé.  Le  potentiel  de  l'électricité  dans  le 
gaz  influencé  sera  d'autant  plus  grand  que  l'espace  inter- 
polaire sera  moindre. 

Etant  adoptées  ces  dispositions,  l'influence  des  décharges 
successives  peut  s'exercer  de  deux  manières  bien  diffé- 
rentes. En  effet,  elle  peut  agir  toujours  dans  le  même  sens, 


chacun  des  pôles  étant  chargé  constamment  avec  la  même 
électricité  :  ce  que  l'on  peut  obtenir  avec  la  machine  de 
Holtz.  Au  contraire,  si  l'on  a  recours  à  l'appareil  de  Ruhm- 
korff,  le  signe  des  pôles  change  à  chaque  décharge,  plu- 
sieurs fois  par  seconde.  Dans  tous  les  cas,  les  réactions 
exercées  par  influence  ont  lieu  sans  qu'il  se  produise, 
dans  le  milieu  influencé,  d'étincelles  bruyantes  et  lumi- 
neuses, capables  de  porter  une  portion  notable  de  gaz  à  une 
température  excessivement  élevée,  pendant  un  temps  appré* 
ciable.  On  a  désigné  quelquefois  ces  effets  sous  le  nom  de 
décharge  obscure  ou  décharge  silencieuse.  Le  premier  nom 
n'est  pas  exact  :  en  effet,  les  gaz  influencés  par  les  variations 
subites  et  considérables  du  potentiel  électrique  deviennent 
lumineux  dans  l'obscurité,  ou  plutôt  phosphorescents, 
comme  s'ils  étaient  le  siège  de  milliers  de  petites  décharges 
disséminées  et  s'effectuant  de  molécule  à  molécule. 

Potentiel  constant.  Il  est  facile  de  déterminer  une  dif- 
férence constante  et  définie  de  potentiel  entre  les  deux  sur- 
faces de  verre,  dont  l'intervalle  renferme  le  gaz  électrisé  : 
cette  différence  est  produite  et  maintenue,  par  exemple,  à 
l'aide  d'une  pile  à  courant  constant,  dont  on  ne  ferme  pas 
le  circuit.  Le  potentiel,  toutes  choses  égales,  croît  avec  le 
nombre  d'éléments,  et  il  peut  être  maintenu,  pour  ainsi 
dire  indéfiniment,  si  la  pile  ne  développe  point  de  réaction 
chimique  pendant  qu'elle  demeure  ouverte.  Dans  ces  con- 
ditions, il  se  développe  encore  des  actions  chimiques,  telles 
que  la  fixation  lente  de  l'azote  et  la  formation  lente  de 
l'ozone. 

On  peut  concevoir  les  effets  observés,  en  admettant  que 
la  différence  du  potentiel  qui  existe  entre  les  deux  arma- 
tures détermine  l'orientation  des  molécules  du  gaz  inter- 
posé, phénomène  assimilable  à  l'électrisation  du  gaz.  Mais 
c'est  là  une  explication  plutôt  virtuelle  que  réelle".  En  réa- 
lité, les  théories  actuellement  reçues  sur  les  mouvements 
propres  des  particules  gazeuses,  mouvements  sans  cesse 
troublés  par  leurs  chocs  "et  réactions  mutuelles,  ne  per- 
mettent guère  d'admettre  une  orientation  permanente  et 
uniforme  de  ces  particules.  Cependant  il  suffit  que  l'in- 
fluence électrique  s'exerce  d'une  manière  constante  et  sui- 
vant un  sens  invariable  sur  une  masse  gazeuse,  pour  que 
les  effets  dynamiques  résultants  puissent  être  assimilés  aux 
effets  statiques  d'une  orientation  permanente.  A  ce  point 
de  vue,  ce  qui  suit  deviendra  plus  facile  à  comprendre. 
En  effet,  dans  certaines  expériences ,  telles  que  la  formation 
endothermique  de  l'ozone,  il  y  a  consommation  d'énergie, 
soit  —  i4<^^\8  pour  24  gr.  d'oxygène  changés  en  ozone. 
Cette  énergie  ne  saurait  être  fournie  que  par  la  pile  ; 
c.-à-d.  qu'il  doit  se  produire  un  flux  électrique  très  lent, 
destiné  à  maintenir  ou  à  reproduire  incessamment  l'orien- 
tation des  molécules  gazeuses.  Le  flux  a  lieu  entre  les 
deux  pôles,  à  travers  le  verre  d'abord,  et  puis  à  travers 
la  couche  gazeuse  interposée.  Les  molécules  des  gaz,  inces- 
samment agitées,  s'électrisent  au  contact  du  verre  et  trans- 
mettent aux  autres  molécules  la  charge  qu'elles  viennent 
d'acquérir.  On  voit  par  là  que  l'on  n'a  pas  affaire  à  un 
mode  de  propagation  strictement  comparable  au  courant 
voltaïque  et  aux  électrolyses  qui  l'accompagnent.  Les  phé- 
nomènes développés  par  l'effluve  sont  d'autant  plus  inté- 
ressants qu'ils  offrent  la  plus  grande  analogie  avec  les 
réactions  incessantes  de  l'électricité  atmosphérique. 

L'électricité  atmosphérique,  en  effet,  agit  continuellement 
sur  tous  les  corps  situés  à  la  surface  du  sol,  l'atmosphère 
étant  le  plus  ordinairement  positive  et  le  sol  négatif.  Les 
transformations  produites  sous  cette  influence  sont  de  natures 
diverses  et  qui  répondent  aux  multiples  actions  signalées 
plus  haut  :  l^Il  arrive  parfois  que  l'électricité  s'accumule 
jusqu'à  produire  des  décharges  violentes,  sous  forme  de 
tonnerre  et  d'éclairs,  décharges  capables  de  faire  naître  les 
acides  nitrique,  nitreux  et  leurs  sels  ammoniacaux  :  c'est 
en  effet  ce  que  l'on  observe  dans  les  pluies  d'orage.  Mais 
c'est  là  un  phénomène  accidentel,  local  et  relativement 
rare.  2^  Pendant  l'intervalle  de  temps  qui  précède  l'instant 
où  les  décharges  sillonnent  une  certaine  ligne  dans  l'atmo- 


ÉNERGIE 


—  1032 


sphère,  des  surfaces  extrêmement  étendues  s'électrisent 
peu  à  peu  par  influence  ;  puis  elles  se  déchargent  brusque- 
ment au  moment  des  explosions  (choc  en  retour)  :  sur  ces 
surfaces  peuvent  et  doivent  s'exercer  certames  reactions 
chimiques,  analogues  à  celles  de  l'effluve  à  potentiel  brus- 
quement variable  et  à  haute  tension.  Mais  ce  sont  encore 
là  des  effets  momentanés.  3^  Au  contraire,  l'électricité 
atmosphérique  agit  incessamment  et  en  tout  temps  avec  de 
faibles  tensions,  pour  produire  des  réactions  analogues  à 
celles  de  l'effluve  à  potentiel  fixe.  Dans  ces  conditions  plus 
générales,  il  n'est  pas  nécessaire  d'ailleurs  que  l'électricité 
atmosphérique  conserve  un  potentiel  constant  ;  mais  il  sutiit 
que  ce  dernier  varie  lentement  et  d'une  manière  continue. 

Ces  renseignements  acquis,  étudions  de  plus  près  les 
effets  chimiques  de  l'effluve  électrique.  Ces  effets  peuvent 
être  des  changements  isomériques,  des  décompositions  et 
des  combinaisons.  Nous  allons  signaler  les  principaux. 

Changements  isomériques  provoqués  par  l'effluve.  — 
Ozone,  Le  plus  remarquable  des  changements  isomériques 

que   développe  let- 
fluve    électrique   est 


celui  de  l'oxygène 
ordinaire  en  ozone. 
L'appareil  de  M.  Ber- 
thelot  (fig.  2)  peut 
produire  l'ozone;  il 
est  formé  de  deux 
tubes  de  verre  con- 
centriques ajustés  à 
l'émeri  en  c.  L'oxy- 
gène arrive  en  a  et 
sort  en  b. 

La  formation  de 
l'ozone  répond  à  une 
condensation  molé- 
culaire, la  densité  de 
l'ozone  étant  égale  à 
une  fois  et  demie  celle 
de  l'oxygène,  d'après 
M.  Soret.  En  même 
temps  que  l'oxygène 
se  change  en  ozone, 
il  se  produit  une 
absorption  de  cha- 
leur :  3  0  =  (Oz) 
absorbe  pour  24  gr.: 

Formation  et  dé- 
composition DES  com- 
posés   BINAIRES     PAR 

l'effluve.  —  Ces 
expériences  ont  été 
exécutées  surtout 
avec  les  fortes  ten- 
sions, et  au  moyen 
de  l'appareil  de 
Ruhmkorff.  Elles  comprennent  à  la  fois  des  décompositions, 
des  combinaisons  et  des  équilibres.  Telles  sont  les  reactions 
de  l'azote  sur  l'hydrogène,  sur  l'oxygène,  sur  1  eau,  sur 
les  matières  hydrocarbonées  ;  puis  la  décomposition  de 
divers  composés  binaires,  hydrogénés  et  oxygènes  ;  enhn 
les  transformations  des  carbures  d'hydrogène. 

Azote  et  hydrogène.  M.  Chabrier  et  M.  A.  Thénard 
ont  reconnu  que  la  formation  de  l'ammoniaque  a  lieu  lors- 
qu'on soumet  à  l'effluve  un  mélange  d'azote  et  d'hydro- 
gène. M.  Berthelot  a  cherché  à  mesurer  la  limite  de  cette 
réaction.  Elle  est  beaucoup  plus  élevée  qu'avec  l'étincelle. 
En  effet,  tandis  que  celle-ci  développe  tout  au  plus  quelques 
cent  millièmes  de  gaz  ammoniac,  la  proportion  de  gaz 
ammoniac,  formée  au  bout  d'un  temps  considérable  sous 
l'influencedel'effluve,  peut  s'élever  à  trois  centièmes  environ, 
dans  un  mélange  de  volume  d'azote  et  de  trois  volumes 
d'hydrogène.  On  a  vérifié  en  outre  que  la  décomposition  du 


gaz  ammoniac  par  l'effluve,  en  opérant  avec  les  mêmes 
appareils,  tend  précisément  vers  la  même  limite  ;  3  cen- 
tièmes. Cette  identité  des  deux  limites,  produites  par  les 
actions  inverses  de  l'effluve,  exercées  dans  les  mêmes  con- 
ditions de  tension,  est  un  fait  important  à  constater,  aussi 
bien  que  la  diversité  entre  l'action  de  l'effluve  et  celle  de 
l'étincelle.  D'après  cette  diversité  même,  il  est  probable  que 
la  limite  d'équilibre  varie  avec  la  tension  électrique. 

Azote  et  oxygène.  L'azote  et  l'oxygène  se  combinent 
sous  l'influence  des  très  fortes  tensions,  développées  dans 
l'appareil  de  Ruhmkorff  muni  d'un  condensateur;  il  se 
forme  par  là  de  l'acide  hypoazotique.  Mais  cette  formation 
est  bien  plus  lente  et  plus  difficile  qu'avec  l'étincelle.  Ajou- 
tons enfin  que  l'azote  pur  et  l'ozone,  secs  ou  humides, 
avec  ou  sans  le  concours  des  alcalis,  ne  se  combinent  point 
pour  former  les  acides  nitrique  ou  nitreux.  Réciproque- 
ment, les  oxydes  de  l'azote  sont  décomposés,  jusqu'à  une 
certaine  limite,  par  l'effluve  à  haute  tension. 

Azote  et  eau.  L'azote  pur  et  l'eau,  soumis  pendant  huit 
à  dix  heures  à  l'effluve  d'une  très  puissante  bobine  de 
Ruhmkorff,  ont  fourni  de  l'azotite  d'ammoniaque.  Mais  ce 
résultat  ne  paraît  pas  pouvoir  être  réalisé  sous  l'influence 
de  faibles  tensions.  Les  azotates  et  azotites  contenus  dans 
l'atmosphère,  et  signalés  par  tant  d'observateurs,  paraissent 
donc  résulter  exclusivement,  ou  à  peu  près,  des  décharges 
électriques  proprement  dites,  effectuées  sous  forme  d'éclairs 
et  de  tonnerres,  l'électricité  atmosphérique,  sous  des  ten- 
sions plus  faibles,  telle  qu'elle  agit  d'une  manière  continue, 
n'ayant  pas  la  propriété  de  déterminer  la  combinaison  de 
l'azote  libre,  soit  avec  la  vapeur  d'eau,  soit  avec  l'oxygène. 
L'acide  carbonique  est  partiellement  décomposé  sous  l'in- 
fluence de  l'effluve.  Celui-ci  résout  l'oxyde  de  carbone  en 
oxygène  et  sous-oxyde  brun;  il  produit  de  l'acétylène 
avec  les  carbures  d'hydrogène. 

En  résumé,  l'action  de  l'effluve,  comme  celle  de  l'étin- 
celle, tend  à  résoudre  les  gaz  composés  dans  leurs  élé- 
ments. Dans  un  cas,  comme  dans  l'autre,  la  décomposition 
a  heu  avec  certains  phénomènes  d'équilibre,  dus  à  la  ten- 
dance inverse  de  recombinaison,  la  durée  inégale  de 
réchauffement  paraissante  cause  principale  des  variations 
observées.  Cette  similitude  des  effets  les  plus  généraux 
n'a  rien  qui  doive  surprendre  :  l'effluve  représentant  en 
quelque  sorte  la  dissémination  de  l'étincelle  ordinaire  en 
des  milliers  de  décharges,  dont  chacune  est  trop  faible 
pour  fournir  un  trait  de  lumière  ;  mais  leur  ensemble  pro- 
duit dans  l'obscurité  une  lueur  très  visible.  L'analyse  spec- 
trale, autant  qu'elle  est  possible  avec  un  si  faible  éclairage, 
indique  que  les  raies  de  cette  lumière  sont  les  mêmes  pour 
l'effluve  que  pour  l'étincelle  ordinaire.  Chacune  de  ces 
décharges  parcourt  un  intervalle  bien  plus  petit  que  l'étin- 
celle proprement  dite  :  la  durée  de  chaque  décharge  isolée, 
produite  par  effluve,  doit  être  dès  lors  bien  plus  courte 
que  la  durée  de  l'étincelle  ordinaire.  En  même  temps  la 
masse  de  matière  influencée  est  plus  faible  et  son  refroi- 
dissement plus  rapide.  Ce  sont  là  des  circonstances  fort 
importantes  pour  expliquer  les  différences  qui  existent  entre 
un  certain  nombre  des  réactions  spéciales  développées  par 
l'effluve.  . 

Jusqu'ici  nous  avons  étudié  les  léactions  de  1  effluve  au 
point  de  vue  général  des  décompositions  et  des  équihbres 
chimiques  qu'elle  détermine  ;  nous  allons  maintenant  nous 
attacher  plus  spécialement  à  l'étude  des  combinaisons  que 
l'effluve  provoque  entre  l'hydrogène,  l'azote,  l'oxygène  et 
les  composés  organiques. 

En  effet  l'hydrogène,  sous  l'influence  de  l'effluve  pro- 
prement dit,  se  combine  à  l'azote  et  à  d'autres  éléments, 
tandis  qu'il  s'unit  bien  plus  difficilement  à  l'oxygène  :  ce 
qui  est  remarquable.  L'hydrogène  pur  est  également  absorbé 
par  les  matières  organiques,  sous  l'influence  de  l'effluve, 
telle  que  la  benzine,  l'acétylène,  l'oxyde  de  carbone. 

RÉACTIONS  de  l'azote  LIBRE  SUR  LES  MATIÈRES  ORGA- 
NIQUES, PROVOQUÉES  PAR  l'effluve.  —  C'cst  ici  uu  dcs  sujets 
les  plus  intéressants  pour  l'étude  des  réactions  de  l'effluve, 


—  4033 


ENERGIE  —  ENFANT 


à  cause  de  T  importance  des  com[)osés  azotés  au  sein  des 
êtres  vivants  et  de  l'obscurité  qui  règne  encore  sur  leur 
origine  dans  la  nature.  Rappelons  d'abord  que  l'azote 
libre  se  combine  directement  avec  l'acétylène,  sous  l'in- 
fluence de  l'étincelle,  pour  former  l'acide  cyanhydrique, 
réaction  qui  se  reproduit  avec  tous  les  composés  orga- 
niques volatils,  en  raison  de  leur  métamorphose  préalable 
en  acétylène.  Mais  cette  réaction  n'a  pas  lieu  avec  l'effluve  ; 
même  sous  l'influence  des  plus  fortes  tensions,  il  ne  se 
développe  avec  l'azote  aucune  trace  d'acide  cyanhydrique. 
Ce  n'est  pas  cependant  que  l'azote  cesse  de  réagir  sur  les 
composés  organiques.  Au  contraire,  la  réaction  de  ce  gaz 
continue  à  s'efi'ectuer,  même  sous  les  tensions  les  plus 
faibles  ;  mais  les  produits  en  sont  diff'érents  et  plus  rap- 
prochés de  la  composition  de  la  matière  mise  en  expérience. 
Ainsi  l'azote  libre  et  pur  est  absorbé  à  la  température 
ordinaire  sous  l'influence  de  l'effluve,  par  les  composés 
organiques  en  général,  tels  que  la  benzine,  l'essence  de 
térébenthine,  le  formène,  les  composés  oxygènes,  cellulose 
et  dextrine  en  particulier.  Il  se  forme  ainsi  des  composés 
azotés  très  condensés.  Ces  effets  ont  lieu,  d'après  les  obser- 
vations de  M.  Berthelot,  non  seulement  avec  le  concours 
d'un  potentiel  variable,  mais  aussi  avec  des  appareils  à 
très  faibles  tensions^  non  seulement  avec  des  appareils 
condensateurs  à  haute  tension  électrique,  mais  aussi  avec 
des  appareils  à  potentiel  fixe. 

On  a  observé  la  fixation  de  l'azote  sur  les  mêmes  com- 
posés organiques,  sous  l'influence  de  cinq  éléments  Leclan- 
ché  formant  une  pile  dont  le  circuit  n'était  pas  fermé. 
Quelques-unes  de  ces  expériences  ont  été  faites  dans  des 
conditions  quantitatives,  de  façon  à  mesurer  les  poids  d'azote 
absorbés  dans  un  temps  donné  par  la  cellulose  (papier)  et 
par  la  dextrine.  Ces  expériences  sont  d'une  grande  impor- 
tance pour  la  physiologie  végétale. 

Avec  cinq  éléments  Leclanché,  pendant  sept  mois,  la 
température  extérieure  s'étant  élevée  peu  à  peu  jusqu'à 
atteindre  par  moments  30°,  on  a  trouvé  sur  i  ,000  parties  : 

Papier Azote  =  0,35 

Dextrine Azote  =  1 ,85 

doses  comparables  à  celle  de  l'azote  contenu  dans  les  tissus 
herbacés. 

L'électricité  atmosphérique  agissant  par  son  potentiel 
ordinaire,  en  dehors  de  tout  orage,  produit  les  mêmes  effets, 
ainsi  qu'il  a  été  constaté  par  expérience. 

L'azote  se  fixe  ainsi,  on  le  répète,  en  vertu  d'une  réac- 
tion chimique  aussi  générale  que  l'action  oxydante  de  l'at- 
mosphère sur  les  végétaux,  réaction  exercée  sur  les  prin- 
cipes mêmes  de  leurs  tissus  et  qui  s'effectue  sans  faire 
intervenir  une  influence  autre  que  la  différence  naturelle 
de  potentiel  électrique,  développée  incessamment  dans  l'at- 
mosphère libre  entre  le  sol  électrique  et  les  couches  d'air 
situées  à  2  m.  plus  haut.  On  se  trouve  par  là  dans  des  con- 
ditions analogues  à  celles  de  la  végétation. 

Ces  expériences  mettent  en  lumière  l'influence  d'une 
cause  naturelle  à  peine  soupçonnée  jusqu'ici  et  cependant 
des  plus  considérables  sur  la  végétation.  Jusqu'à  ce  jour, 
lorsqu'on  s'est  préoccupé  de  l'électricité  atmosphérique  en 
agriculture,  ce  n'a  guère  été  que  pour  s'attacher  à  ses 
manifestations  lumineuses  et  violentes,  telles  que  la  foudre 
et  les  éclairs.  Dans  toute  hypothèse,  on  a  envisagé  unique- 
ment la  formation  des  acides  azotique,  azoteux,  et  de 
l'azotate  d'ammoniaque,  et  il  n'y  a  pas  eu  d'autre  doctrine 
relative  à  l'influence  de  l'électricité  atmosphérique  pour  fixer 
l'azote  sur  les  végétaux.  Or,  il  s*agit,  dans  les  expériences 
actuelles,  d'une  action  toute  nouvelle,  absolument  inconnue 
auparavant,  action  qui  fonctionne  incessamment  sous  le  ciel 
le  plus  serein,  avec  la  même  nécessité  que  l'action  oxydante 
de  l'air  et  qui  détermine  une  fixation  directe  de  l'azote 
fibre  sur  les  principes  mêmes  des  tissus  végétaux. 

Dans  l'étude  des  causes  naturelles  capables  d'agir  sur 
la  fertilité  du  sol  et  sur  la  végétation,  causes  que  l'on 
cherche  à  définir  avec  tant  de  sollicitude  par  les  observa- 
tions météorologiques,  il  conviendra  désormais,  non  seule- 


ment de  tenir  compte  des  variations  observées  dans  les 
actions  lumineuses  ou  calorifiques,  mais  aussi  de  faire  inter- 
venir celles  de  l'état  électrique  de  l'atmosphère. 

M.  Berthelot. 
BiBL.  :  I,  MÉCANIQUE.  —  Macquorn  Rankine,  Outlines 
of  the  Science  of  Energetics^  dans  Edinburgh  Journal^ 
2"  série,  t.  IL—  On  the  General  Law  o/'  the  transformation 
of  energy,  dans  Philosophical  Magazine^  4"  série,  t.  V.  — 
E.   Verdet,  Théorie  mécanique  de    la  chaleur;  Paris. 

—  Ch.  Briot,  Théorie  mécanique  de  la  chaleur;  Paris, 
1869.  —  E.  J  ouFFRET,  Introduction  à  la  théorie  de  l'énergie  ; 
Paris,  1883.—  Maurice  Lévy,  Sur  le  Principe  de  l'énergie^ 
dans  Nouvelles  Annales  de  mathématiques^  1887,  3^  série, 
t.  VI.  —  Balfour-Stewart,  Conservation  de  l'énergie^ 
dans  Bibliothèque  scientifique  internationale;  Paris,  1875. 

—  M.  Berthelot,  Essai  de  mécanique  chimique  fondé  sur 
la  thermochimie;  Paris,  1879.  —  H.  Poincaré,  Leçons 
professées  à  la  Faculté  des  sciences  ;  Paris,  1890-1891-1892. 

ÉNERGIQUES  ou  ÉNERGISTES.  Nom  donné  à  des 
sacramentaires  qui  enseignaient  que  l'Eucharistie  n'est  que 
V énergie  ou  la  vertu  de  Jésus-Christ  et  non  son  propre 
corps  et  son  propre  sang. 

ÉNERGUMÈNES.  Personnes  atteintes  de  maladies  attri- 
buées à  la  possession  des  démons.  Suivant  l'ancienne  dis- 
cipline ecclésiastique,  les  énergumènes  étaient  tenus  dans 
la  classe  des  pénitents  et  soumis  à  des  prières  particu- 
lières et  à  des  exorcismes.  Le  canon  XXIX  du  concile 
d'Elvire  défend  de  réciter  leurs  noms  à  l'autel,  et  leur 
interdit  tout  service,  même  manuel,  dans  Téglise.  En 
Afrique,  au  contraire,  on  leur  laissait  balayer  les  lieux  de 
culte.  Le  canon  XXXVII  du  même  concile  permet  de  don- 
ner, à  l'article  de  la  mort,  le  baptême  aux  catéchumènes 
qui  sont  devenus  énergumènes.  S'ils  ont  été  admis  parmi 
les  fidèles,  il  défend  de  les  priver  de  la  communion, 
pourvu  qu'ils  n'allument  point  publiquement  les  lampes. 
S'ils  s'opiniàtrent  à  le  faire,  on  les  retranchera  de  la  com- 
munion. —  C'est  une  règle  générale  que  tous  ceux  qui 
ont  été  possédés  du  démon  soient  exclus  ou  destitués  de 
toute  fonction  des  ordres,  quoiqu'ils  aient  été  délivrés 
depuis.  E.-H.  V. 

ENEROTH  (Per-Olof-Emmanuel),  horticulteur  et  écri- 
vain suédois,  né  à  Br?ennkyrka  le  15  avr.  1825,  mort  en 
1881.  Secrétaire  de  la  Société  horticole  de  Suède  (1856), 
il  en  dirigea  l'école  et  le  jardin  de  1858  à  1863,  et  en 
rédigea  Y  Annuaire  de  1851  à  1861.  On  lui  doit  des  tra- 
vaux estimés  :  le  Jardin  (1857  ;  3^  éd.,  1866)  ;  VHorti- 
culture  et  V Embellissement  de  la  nature  (1857-63); 
la  Culture  des  arbres  fruitiers  en  Suède  (1862)  ;  Des 
Jardins  d'écoles  primaires  et  normales  (i^H)',  Manuel 
de  pomologie suédoise  (1865-66, 1880,  avecdes  planches 
coloriées).  Il  cultiva  aussi  la  httérature  :  outre  le  poème 
épique  sur  le  Viki7ig  Hake,  couronné  par  l'Académie  sué- 
doise en  1846,  il  publia  :  la  Hollande  (1860)  ;  Litté- 
rature et  Art  (1860  et  1876)  ;  VEcole  pour  le  'peuple 
en  Suède  (1863-69)  ;  le  texte  des  Châteaux  du  Sœder- 
manland  (1864-69)  ;  Chants  et  Chansons  pour  le  foyer 
et  l'école  (1871)  et  de  nombreux  articles  de  revue  sur 
réducation  des  femmes.  B-s. 

EN  FAÎTEAU  et  ENFAÎTEMENT  (Archit.).  Recouvre- 
ment en  plomb  ou  en  zinc  du  faîte  d'un  comble  dont  les 
versants  sont  couverts  en  ardoise.  Les  enfaîtements  étaient 
souvent  autrefois,  comme  ils  le  redeviennent  de  nos  jours, 
l'objet  d'une  ornementation  variée  et  parfois  ajourée  for- 
mant comme  une  balustrade,  ainsi  qu'on  en  peut  voir  un 
bel  exemple  au  château  de  Versailles.  Ch.  L. 

ENFANCE  (Sœurs  de  la  Sainte-)  (V.  Ecoles  chré- 
tiennes [Sœurs  des]). 

ENFANT.  I.  PSYCHOLOGIE.  —  A  mesure  que  se 
développait  la  psychologie  expérimentale,  se  sont  détachées 
d'elle,  comme  autant  de  rameaux  destinés  à  l'étendre,  les 
psychologies  spéciales.  La  psychologie  de  l'enfant,  science 
nouvelle  et  de  fait  et  de  nom,  est  peut-être  une  des  plus 
importantes.  Nous  en  indiquerons  brièvement  l'objet,  les 
tendances,  l'utilité  théorique  et  pratique. 

Mais  nous  devons,  au  préalable,  discuter  quelques  objec- 
tions auxquelles  ont  donné  lieu  les  premiers  essais  pour 


ENFANT 


—  4034 


constituer  cette  psychologie.  Elle  risque  fort,  a-t-on  dit, 
de  n'être  jamais  une  science  dans  la  rigoureuse  acception 
du  mot.  «  Tous  les  enfants  ne  naissent  pas  avec  les  mêmes 
aptitu'des  physiques,  intellectuelles,  morales  ;  les  influences, 
profondément  ignorées  encore,  de  l'hérédité,  de  la  race, 
du  tempérament,  font  que  toutes  les  prétendues  lois  aux- 
quelles on  se  flatterait  de  ramener  les  faits  constatés,  seront, 
tout  au  plus,  des  groupes  d'expériences  individuelles  ayant 
donné  des  résultats  semblables  :  toujours  des  faits  con- 
traires pourront  être  invoqués,  qui  infirmeront  les  pré- 
cédents. »  Il  y  a  là  une  évidente  exagération,  que  l'auteur 
de  ces  lignes  atténuait,  semble-t-il,  en  se  contredisant  lui- 
même  :  «  Il  est  cependant  quelques  lois  très  générales 
de  psychologie  enfantine,  que  l'instituteur  ne  saurait  impu- 
nément ignorer  ou  méconnaître.  »  (L.  Carrau,  De  r Edu- 
cation, pp.  388  et  389.)  En  raisonnant  ainsi,  on  pourrait 
aussi  bien  contester  le  droit  d'existence  à  toutes  les  psy- 
chologies  spéciales,  et  je  ne  vois  pas  que  les  mêmes  objec- 
tions ne  valussent  aussi  contre  la  psychologie  générale. 
Plus  nombreuses  sont  les  différences  individuelles  à  cons- 
tater, plus  elles  permettront,  quand  elles  seront  recueillies 
en  grand  nombre,  de  trouver  les  rapports  qui  les  unissent 
entre  elles,  et  de  passer  de  la  diversité  à  l'unité.  Il  serait 
malheureux  que  la  psychologie  de  l'enfant  ne  pût  pas  tenir 
ses  promesses,  car  on  prévoit  déjà  quels  services  elle  pourrait 
rendre,  soit  à  la  psychologie  de  l'adulte,  soit  à  la  pédagogie. 

La  psychologie  de  l'enfant  fait  partie  intégrante  de  la 
psychologie  humaine.  «  Il  y  a,  dit  M.  Compayré,  une  psy- 
chologie de  l'enfant,  puisqu'il  y  a  une  enfance  de  l'âme. 
Il  reste  évident  que  l'esprit  se  développe,  se  forme  d'après 
certaines  lois  de  croissance  qui  constituent  précisément  la 
psychologie  de  l'enfant.  Elle  sert  à  nous  montrer  l'évolution 
progressive  de  l'âme.  »  Les  commencements  et  les  tâton- 
nements de  cette  âme  à  demi  instinctive,  ses  idées  et  ses 
tendances  si  simples  par  rapport  aux  nôtres,  établissent 
des  différences  tout  au  moins  de  degré.  M.  Maillet  voit 
même  une  différence  plus  essentielle  entre  les  facultés  mo- 
rales de  l'enfant  et  celles  de  l'adulte.  «  Ce  n'est  pas  seu- 
lement, comme  on  pourrait  le  croire  au  premier  abord,  le 
développement  qui  est  moindre,  c'est,  à  vrai  dire,  la  forme 
qui  est  autre.  »  On  ne  connaîtrait  pas  tout  l'homme,  si  on 
ne  connaissait  pas  tous  les  âges  de  sa  vie.  Un  des  premiers 
avantages  de  la  psychologie  comparée  de  l'homme  et  de 
l'enfant,  c'est  qu'elle  nous  permettra  de  découvrir,  sur  cer- 
tains points  obscurs,  une  conciliation  naturelle  entre  des 
théories  qui  semblaient  d'abord  inconciliables.  Ainsi  Locke 
avait  déjà  trouvé,  dans  la  psychologie  de  l'enfant,  de 
bonnes  raisons  pour  réfuter  l'innéité  des  idées  telle  que 
Descartes  l'avait  comprise  ;  mais,  de  nos  jours,  la  théorie 
de  l'hérédité  accorde  parfaitement  la  table  rase  avec  une 
certaine  innéité  des  facultés,  et  ce  qu'on  sait  de  l'enfant 
confirme  en  tous  points  cette  théorie  psychologique. 

La  psychologie  de  l'enfant,  en  effet,  confine  à  la  psy- 
chologie de  la  race.  «  La  doctrine  de  l'évolution,  dit 
M.  James  Sully,  nous  présente  le  développement  actuel  de 
l'intelligence  humaine  comme  préparé  par  de  longs  siècles 
d'existence.  L'individu  civilisé  est  comme  un  mémento, 
une  sorte  d'abrégé  du  lointain  travail  de  la  vie  consciente. 
Les  premières  années  de  l'enfant  nous  offrent  un  intérêt 
spécial  d'antiquité.  Elles  correspondent  réellement  aux 
premières  périodes  connues  de  l'histoire  humaine.  Comme 
il  est  curieux  de  voir  les  naïves  conceptions  de  la  nature, 
les  idées  fantaisistes  et  animistes  des  choses,  que  l'on  a  de 
bonnes  raisons  d'attribuer  aux  premiers  ancêtres  humains, 
se  refléter  dans  le  langage  de  l'enfant  !  Il  est  probable  que 
les  recherches  sur  le  début  de  la  civilisation  humaine,  sur 
l'origine  du  langage,  les  idées  et  les  institutions  primitives, 
avanceront  beaucoup  plus  qu'elles  n'ont  fait,  grâce  à  une 
sérieuse  enquête  sur  les  événements  de  la  vie  enfantine.  » 
^  A  ces  avantages  tout  théoriques  de  la  psychologie  de 
l'enfant  s'ajoutent  des  avantages  d'ordre  pratique  et,  en 
premier  lieu,  ceux  qui  intéressent  la  pédagogie.  «  Si  la 
psychologie  de  l'enfant  était  dès  maintenant  en  possession 


d'une  méthode  rigoureuse,  si  elle  était  parvenue  à  formu- 
ler des  lois  sans  exception,  elle  serait  presque  à  elle  seule 
toute  la  pédagogie,  et  celle-ci  aurait  le  même  caractère  de 
précision,  de  certitude,  d'universalité,  que  les  sciences  phy- 
siques et  naturelles.  »  A  la  suite  de  Rousseau,  deux  de 
nos  plus  grandes  éducatrices,  W^^  Necker  de  Saussure  et 
M"^^  Guizot,  ont  essayé  de  satisfaire  à  cette  exigence  de  la 
pédagogie.  On  trouve  en  germe  chez  elles  comme^une  étude 
théorique  de  l'enfance.  Mais,  quelque  lumière  qu'elles  aient 
jetée  sur  le  développement  des  facultés  dans  la  première 
et  la  seconde  enfance,  il  manquait  encore  à  cette  étude 
une  base  et  une  méthode  scientifiques,  la  pénétration  psy- 
chologique des  faits  et  les  vues  d'ensemble  sur  la  nature 
enfantine.  On  peut  en  dire  autant,  à  plus  forte  raison,  des 
mémoires^  des  confessions  et  des  romans^  dans  lesquels 
Rousseau,  Marmontel,  Chateaubriand,  Lamartine,  G.  Sand, 
Dickens,  les  de  Concourt,  M.  et  M"^^  Daudet,  Jules  Vallès, 
G.  Eliot,  Tolstoï,  etc.,  nous  ont  laissé  de  si  intéressantes 
peintures  de  l'enfant  qu'ils  avaient  été  ou  qu'ils  avaient 
observé.  C'était  là  simplement  une  riche  mine  où  le  psy- 
chologue de  profession  pourrait  un  jour  puiser  à  pleines 
mains. 

C'est  seulement  dans  les  quinze  ou  vingt  dernières  années 
que  la  psychologie  de  l'enfant  pouvait  naître.  La  psycho- 
logie évolutionniste  et  physiologique,  la  psychologie  déjà 
ébauchée  de  l'animal,  lui  avaient  préparé  le  terrain.  Darwin 
lui-même  avait  étudié  de  la  plus  remarquable  façon  l'ex- 
pression de  la  physionomie  et  des  mouvements  chez  l'en- 
fant, avant  de  tracer  son  esquisse  très  suggestive  sur 
le  développement  intellectuel  d'un  de  ses  fils.  Taine,  au 
courant  de  toutes  les  nouvelles  directions  de  la  pensée 
philosophique,  et  qui  en  a  pour  son  compte  inauguré  un 
assez  grand  nombre,  avait  déjà  montré  dans  son  livre  De 
V Intelligence,  à  propos  des  idées  générales  et  du  langage, 
comment  la  psychologie  parlerait  désormais  des  facultés  de 
l'enfant.  De  leur  côté,  quelques  médecins,  en  parlant  de 
l'hygiène  du  premier  âge,  ne  s'étaient  pas  fait  faute  de 
considérer  comme  à  eux  le  domaine  de  l'âme  enfantine  : 
citons,  entre  autres,  M.  Fonssagrives,  qui,  le  premier, 
à  ma  connaissance,  a  prononcé  le  mot  de  psychologie 
infantile.  Mais  il  restait  encore  quelques  efforts  à 
faire  pour  que  la  psychologie  de  l'enfant,  conduite  selon 
l'esprit  et  la  méthode  scientifique,  commençât  à  tendre  vers 
cet  idéal  que  le  Mémoire  de  Tiedemann,  écrit  à  la  fin  de 
l'autre  siècle,  avait  pu  faire  entrevoir  aux  rares  personnes 
qui  le  connaissaient  en  France  ou  à  l'étranger.  Enfin, 
l'impulsion  décisive  fut  donnée  il  y  a  environ  quinze  ans. 
Des  hommes  de  goûts  et  d'habitudes  scientifiques,  physi- 
ciens, physiologistes,  naturalistes,  psychologues,  philo- 
logues, ont  contribué  à  fonder,  dans  ses  premières  assises, 
cette  science  de  l'âme  enfantine  :  ceux-ci  par  des  mono- 
graphies, ceux-là  par  des  études  d'ensemble,  d'autres  par 
des  observations  sur  certains  aspects  du  premier  développe- 
ment des  facultés.  Quoique  le  recueil  des  observations  déjà 
pubhées  soit  très  ample  et  que  les  interprétations  proposées 
soient  en  grand  nombre  acquises,  la  psychologie  de  l'enfant 
ne  peut  avoir  encore,  on  le  comprend,  qu'un  caractère  pro- 
visoire, et  le  moment  n'est  pas  venu  de  former  la  synthèse 
de  ces  matériaux  plus  ou  moins  précieux.      B.  Pérez. 

II.  HYGIÈNE  (V.  Hygiène). 

m.  JURISPRUDENCE.  -  Enfant  légitime.  -  On 
appelle  ainsi  l'enfant  issu  de  personnes  mariées  ;  on  l'op- 
pose à  l'enfant  naturel,  et  on  appelle  d'une  manière  générale 
filiation  le  rapport  qui  unit  un  enfant  à  ses  deux  auteurs 
ou  à  l'un  d'eux.  La  filiation  est  donc  légitime  lorsque  le 
rapport  qui  la  constitue  a  sa  source  dans  le  mariage  ;  elle 
est  naturelle  dans  le  cas  contraire.  A  un  autre  point  de 
vue  la  filiation  est  paternelle  ou  maternelle  suivant  qu'on 
envisage  les  rapports  de  l'enfant  avec  son  père  ou  avec  sa 
mère.  La  filiation  légitime,  la  seule  dont  nous  ayons  à 
nous  occuper  dans  cet  article,  est  elle-même  un  fait  très 
complexe  :  elle  se  compose  d'éléments  divers  dont  celui 
qui  prétend  à  la  légitimité  aura  à  établir  l'existence.  Quels 


—  403S  — 


ENFANT 


sont  ces  éléments  et  quels  moyens  sont  donnés  pour  en 
justifier  :  c'est  ce  que  nous  aurons  tout  d'abord  à  recher- 
cher. Nous  verrons  ensuite  sommairement  quels  sont  les 
effets  que  la  loi  attache  à  la  filiation  légitime,  en  ren- 
voyant pour  les  détails  aux  mots  correspondants. 

Eléments  constitutifs  de  la  filiation  légitime  et  ma- 
nière DE  les  établir.  —  La  filiation  légitime  est,  avons- 
nous  dit,  paternelle  ou  maternelle;  mais,  tandis  que  celle- 
ci  résulte  d'un  fait  matériel  qu'il  est  très  aisé  de  constater, 
l'accouchement  de  la  mère,  la  première,  qui  a  sa  base  dans 
la  conception,  échappe  totalement  à  nos  investigations,  car 
il  est  absolument  impossible  de  déterminer  d'une  façon 
précise  quand  elle  a  eu  lieu  et  quel  en  est  l'auteur.  La  loi 
devait  donc  nécessairement  procéder  par  induction  et  con- 
clure de  la  filiation  maternelle  à  la  filiation  paternelle, 
lorsque  l'époque  de  la  conception  peut  se  placer  pendant 
le  mariage.  Nous  allons  donc  un  instant  supposer  constant 
le  fait  de  la  filiation  maternelle  et  nous  verrons  com- 
ment et  dans  quels  cas  la  loi  conclut  de  là  à  la  filiation 
paternelle.  Nous  rechercherons  ensuite  comment  s'établit 
la  fihation  maternelle. 

Filiation  'paternelle,  S'inspirant  de  cette  idée  qu'une 
femme  mariée  n'a  de  relations  qu'avec  son  mari,  car 
l'adultère  ne  peut  pas  se  présumer,  la  loi  a  décidé  que 
l'enfant  dont  la  conception  remonterait  à  l'époque  du  ma- 
riage devrait  être  considéré  comme  l'enfant  du  mari.  C'est 
ce  que  nous  dit  l'art.  312  du  C.  civ.,  aux  termes  duquel 
«l'enfant  conçu  pendant  le  mariage  a  pour  père  le  mari  ». 
Mais  une  nouvelle  difficulté  s'élevait  alors  ;  comment 
connaître  l'époque  de  la  conception  que  rien  ne  vient  ré- 
véler à  nos  yeux  ?  Ici  encore  la  loi  a  dû  procéder  par  pré- 
somptions. Partant  de  cette  donnée  fournie  par  la  science 
que  la  durée  maxima  d'une  grossesse  est  de  trois  cent 
jours  et  sa  durée  minima  de  cent  quatre-vingts  jours,  elle 
a  posé  en  principe  que  si  un  moment  quelconque  de  la 
période  de  cent  vingt  jours,  différence  entre  la  gestation  la 
plus  longue  et  la  gestation  la  plus  courte,  se  plaçait  pen- 
dant le  mariage,  l'enfant  serait  réputé  conçu  pendant  le 
mariage  ;  elle  a  décidé  en  d'autres  termes  que  si  en  remon- 
tant en  arrière  trois  cents  jours  au  plus  et  cent  quatre- 
vingts  jours  au  moins,  à  dater  de  la  naissance,  on  trouvait 
dans  la  période  de  cent  vingt  jours,  différence  entre  ces 
deux  chiffres,  un  moment  quelconque  auquel  la  mère  de 
l'enfant  aurait  été  mariée,  la  conception  de  l'enfant 
pourrait  être  reportée  à  ce  moment.  Comme  conséquence, 
cet  enfant  aura  pour  père  le  mari  de  la  mère.  Ces  règles 
découlent  des  art.  314  et  315  du  C.  civ.  Le  premier  de 
ces  articles  prévoyant  le  cas  d'un  entant  né  moins  de 
cent  quatre-vingts  jours  après  la  célébration  du  mariage, 
autorise  le  mari  à  le  désavouer  péremptoirement  et  se 
borne  à  indiquer  les  cas  exceptionnels  oti  ce  désaveu  ne 
sera  pas  admis  (pour  plus  de  détails  V.  le  mot  Désaveu). 
C'est  donc  qu'il  ne  considère  pas  la  conception  comme 
ayant  pu  avoir  lieu  pendant  le  mariage  et  qu'il  n'admet 
pas  que  l'enfant  ait  pu  rester  moins  de  cent  quatre-vingts 
jours  dans  le  sein  de  sa  mère.  L'art.  315  permet  de  con- 
tester la  légitimité  d'un  enfant  né  plus  de  trois  cents  jours 
après  la  dissolution  du  mariage;  il  considère  donc,  lui 
aussi,  comme  impossible  que  la  conception  ait  pu  avoir 
lieu  pendant  le  mariage,  et  il  n'admet  pas,  par  suite,  que 
l'enfant  ait  pu  rester  plus  de  trois  cents  jours  dans  le  sein 
de  sa  mère. 

Les  présomptions  édictées  par  les  art.  312,  314  et  315 
sont  en  principe  irréfragables,  ce  qui  veut  dire  qu'en  règle 
générale  on  ne  peut  pas  les  faire  tomber  au  moyen  de  la 
preuve  contraire.  Exceptionnellement,  cependant,  cela  est 
possible  :  la  loi  permet  en  certains  cas,  minutieusement 
déterminés  par  elle,  de  faire  tomber  la  présomption  de  pa- 
ternité résultant  des  règles  qui  viennent  d'être  indiquées. 
C'est  ce  que  l'on  appelle  le  désaveu  de  'paternité  (V.  ce 
mot).  Il  est'un  cas  où  la  filiation  paternelle  s'étabhra  en 
dehors  des  règles  qui  viennent  d'être  posées  :  nous  ver- 
rons en  effet  que  la  possession  d'état  qui  peut  être  invoquée 


par  l'enfant,  à  défaut  d'acte  de  naissance,  à  l'appui  de  ses 
prétentions  à  la  légitimité,  a  pour  effet  nécessaire  d'établir 
sa  filiation  aussi  bien  vis-à-vis  du  père  que  vis-à-vis  de  la 
mère. 

Filiation  maternelle.  Le  raisonnement  qui  précède 
suppose  que  la  filiation  maternelle  est  constante.  Nous 
avons  donc  maintenant  à  déterminer  comment  on  peut 
arriver  à  l'établir.  Dire  qu'il  existe  entre  telle  femme  et 
moi  des  rapports  de  filiation  légitime,  c'est  dire  :  1°  que 
cette  femme  est  ou  a  été  mariée  ;  2^  qu'elle  est  accouchée 
d'un  enfant  et  que  cet  enfant  c'est  moi  ;  3^  que  ma  con^ 
ception  remonte  à  une  époque  où  existait  le  mariage. 
Comment  se  fera  cette  triple  preuve?  Aucune  difficulté  ne 
peut  s'élever  en  ce  qui  touche  le  premier  et  le  troisième  de 
ces  faits.  Le  mariage  se  prouve  par  l'acte  de  mariage  sous 
réserve  des  dispositions  des  art.  46,  199  et  200  duC.  civ. 
(V.  Actes  de  l'état  civil.  Mariage).  Ouant  à  la  concep- 
tion pendant  le  mariage,  nous  n'avons  qu'à  rappeler  ce  qui 
a  été  dit  sur  ce  point  à  propos  de  la  filiation  paternelle. 
Reste  la  preuve  de  l'accouchement  de  la  femme  et  celle 
de  l'identité  du  réclamant  avec  l'enfant  dont  cette  femme 
est  accouchée.  Les  art.  319,  320  et  323  du  C.  civ.  nous 
indiquent  les  trois  manières  dont  se  fera  cette  preuve  : 
acte  de  naissance,  possession  d'état,  preuve  testimoniale. 
Acte  de  naissance.  Nous  n'avons  rien  à  dire  en  ce  qui 
concerne  l'acte  de  naissance  ;  observons  cependant  que  la 
seule  conséquence  que  l'on  pourra  tirer  de  ses  énonciations, 
c'est  que  tel  jour,  à  telle  heure,  telle  femme  est  accouchée 
d'un  enfant.  Il  faudra  donc  que  celui  qui  prétend  en  béné- 
ficier prouve  que  cet  acte  de  naissance  qu'il  invoque  est 
bien  le  sien;  il  faudra,  en  d'autres  termes,  qu'il  étabUsse 
son  identité  avec  l'enfant  dont  il  est  question  dans  l'acte. 
Cette  preuve  il  pourra  la  fournir  par  tous  moyens. 

Possession  d'état.  Lorsque  l'enfant  qui  veut  établir  sa 
filiation  maternelle  ne  peut  produire  son  acte  de  naissance, 
soit  parce  que  les  registres  sur  lesquels  il  avait  été  inscrit 
ont  été  perdus,  soit  parce  qu'il  n'a  pas  été  tenu  de  registres, 
soit  pour  toute  autre  cause,  car  la  loi  est  absolument  gé- 
nérale, il  prouvera  cette  filiation  par  la  possession  d'état. 
«  A  défaut  de  titre,  nous  dit  l'art.  320,  la  possession  cons- 
tante de  l'état  d'enfant  légitime  suffit  »,  et  l'art,  sui- 
vant définit  la  possession  d^etat  :  «  une  réunion  suffisante 
de  faits  qui  indiquent  le  rapport  de  filiation  et  de  parenté 
entre  un  individu  et  la  famille  à  laquelle  il  prétend  appar- 
tenir ».  Les  principaux  de  ces  faits  sont,  ajoute  la  loi,  que 
l'individu  a  toujours  porté  le  nom  du  père  auquel  il  pré- 
tend appartenir,  qu'il  a  toujours  été  traité  par  ce  dernier 
comme  son  enfant,  enfin  que  cette  qualité  lui  a  toujours  été 
reconnue  par  la  famille  et  par  la  voix  publique.  On  a  résumé 
ces  faits  qui  d'ordinaire  constitueront  la  possession  d'état 
dans  ces  trois  mots  :  Nomen,  tractatus,  fama.  Les  juges 
ont  d'ailleurs  toute  latitude  pour  en  admettre  d'autres.  La 
possession  d'état  doit  être  constante  (art.  320),  c.-à-d. 
continue  sans  lacune;  il  faudra  que  celui  qui  l'invoque  ait 
toujours  passé  pour  l'enfant  de  ceux  à  l'égard  de  qui  il 
s'en  prévaut.  Nous  disons  de  ceiix^  car  la  possession  d'état 
envisagée  comme  mode  de  preuve  delà  filiation  des  enfants 
légitimes  ne  se  conçoit,  à  raison  même  de  l'indivisibilité 
delà  légitimité,  que  si  elle  existe  non  seulement  vis-à-vis 
de  la  mère,  mais  aussi  vis-à-vis  du  père.  Les  faits  qui  la 
constituent  supposent  bien  qu'il  doit  en  être  ainsi,  car  la 
plupart  s'appliquent  surtout  au  père  (art.  321).  La  con- 
séquence à  tirer  de  là  et  à  laquelle  nous  avons  fait  allusion 
plus  haut,  c'est  que  la  possession  d'état  prouvera  simul- 
tanément la  filiation  paternelle  et  la  filiation  maternelle. 
La  possession  d'état  supplée  à  l'acte  de  naissance,  mais 
elle  ne  peut  en  détruire  la  portée.  Donc,  en  cas  de  colli- 
sion entre  l'acte  de  naissance  et  la  possession  d'état,  le 
premier  l'emportera  sur  la  seconde,  sauf  au  réclamant  à 
établir  sa  filiation  par  la  preuve  testimoniale.  Lorsque  le 
titre  et  la  possession  d'état  seront  conformes  l'un  à  l'autre, 
la  preuve  qui  en  résultera  sera  irréfragable  en  ce  sens  que 
la  filiation  ainsi  établie  ne  pourra  pas  être  attaquée  comme 


ENFANT 


1036  — 


mensongère  (art.  32^).  Il  ne  faudrait  donc  pas  dire  que,  si 
le  titre  et  la  possession  d'état  ont  pour  effet  d'attribuer  à 
un  enfant  la  qualité  d'enfant  légitime,  la  légitimité  de  cet 
enfant  sera  à  l'abri  de  toute  critique.  On  pourra  parfaite- 
ment contester  cette  légitimité  soit  par  application  de 
l'art.  31  o  s'il  est  né  plus  de  trois  cents  jours  après  la  dis- 
solution de  mariage,  soit  en  faisant  annuler  le  mariage  dont 
il  est  issu.  L'art.  322  ne  ferait  même  pas  obstacle  à  une 
action  en  désaveu,  mais  il  est  difficile  de  concevoir  à  raison 
de  la  brièveté  des  délais  dans  lesquels  cette  action  doit  être 
intentée  qu'un  enfant  ayant  un  titre  et  une  possession  con- 
formes puisse  y  être  exposé. 

Preuve  testimoniale.  L'art.  321  nous  indique  les  cas 
dans  lesquels  elle  est  admissible  pour  établir  une  filiation. 
Il  résulte  de  ses  dispositions  que  ce  mode  de  preuve  pourra 
être  employé  lorsque  l'enfant  se  trouvera  dans  l'impossibi- 
lité de  produire  son  acte  de  naissance  où  d'y  suppléer  par 
la  possession  d'état,  ou  encore  loi'sque  l'acte  de  naissance 
et  la  possession  d'état  seront  contradictoires.  Remarquons 
toutefois  que  l'individu,  qui,  en  l'absence  de  toute  posses- 
sion d'état,  prétend  établir  une  filiation  contraire  à  celle 
que  lui  donne  son  titre  de  naissance,  devra  au  préalable 
démontrer  qu'il  a  été  inscrit  sous  de  faux  noms  ou  comme 
nés  de  père  ou  mère  inconnus  (art.  223).  Le  caractère  de 
la  preuve  testimoniale  est  d'être  subsidiaire;  la  loi  s'en 
méfie  et  cette  méfiance  apparaît  très  clairement  dans  les 
conditions  auxquelles  elle  en  a  subordonné  l'usage.  D'après 
les  principes  généraux,  en  effet,  la  preuve  testimoniale  est 
admissible  de  ;?/«7io,  c.-à-d.  sans  aucune  condition,  lorsque 
le  réclamant  s*est  trouvé  hors  d'état  de  se  procurer  une 
preuve  écrite.  Bien  que  telle  soit  la  situation  de  l'enfant 
qui  veut  établir  sa  filiation,  la  loi  s'est  montrée  plus 
exigeante  :  elle  ne  lui  permet  de  recourir  à  la  preuve  tes- 
timoniale que  si  sa  prétention  est  rendue  vraisemblable  par 
un  commencement  de  preuve  par  écrit.  Il  faut  entendre 
parla,  nous  dit  l'art.  324,  les  titres  de  famille,  les  registres 
et  papiers  domestiques  du  père  ou  de  la  mère,  les  actes 
publics  ou  privés  émanés  d'une  personne  engagée  dans  la 
contestation  ou  qui  y  aurait  intérêt  si  elle  était  vivante. 
Ainsi  des  lettres  émanées  de  la  mère  et  où  le  réclamant 
serait  considéré  comme  son  enfant,  des  lettres  émanées  d'un 
autre  enfant  de  la  même  mère  qui  lui  attribueraient  la  même 
qualité  pourraient  autoriser  l'emploi  de  la  preuve  testimo- 
niale, car  elles  rendraient  très  vraisemblable  la  prétention 
du  réclamant.  Les  personnes  intéressées  à  ce  que  cette 
prétention  ne  triomphe  pas  pourront  toujours  chercher  à 
établir  par  tous  moyens  que  «  le  réclamant  n'est  pas 
l'enfant  de  la  mère  ou  même,  la  maternité  prouvée,  qu'il 
n'est  pas  l'enfant  du  mari  de  la  mère  »  (art.  325).  La 
loi  attache  une  énergie  moins  considérable  à  la  présomp- 
tion que  l'enfant  né  pendant  le  mariage  a  pour  père  le 
mari  (art.  312),  lorsque  la  maternité  n'est  établie  que  par 
témoins,  que  lorsque  la  preuve  de  cette  maternité  résulte 
de  l'acte  de  naissance  ou  de  la  possession  d'état,  et  elle 
permet  de  la  combattre  en  dehors  des  conditions  auxquelles 
est  subordonné  l'exercice  de  l'action  en  désaveu.  Les 
motifs  de  cette  solution  ont  été  donnés  dans  les  travaux 
préparatoires.  «  Lorsque  l'enfant,  disait  Bigot  de  Préame- 
neu,  n'a  ni  possession  constante  ni  titre,  ou  lorsqu'il  a  été 
inscrit  soit  sous  de  faux  noms,  soit  comme  né  de  père  et 
mère  inconnus,  il  en  résulte  une  présomption  très  forte 
qu'il  n'appartient  pas  au  mariage.  »  La  filiation  mater- 
nelle étant  constante,  il  en  résultera,  comme  nous  le  disions 
en  commençant  et  sauf  la  preuve  du  contraire  lorsque 
cette  filiation  aura  été  étabhe  par  témoins,  que  la  filiation 
paternelle  sera  par  là  même  prouvée  grâce  à  la  présomp- 
tion de  l'art.  312.  Il  faudra  toutefois,  pour  qu'il  en  soit 
ainsi,  que  le  père  ait  été  mis  en  cause  dans  l'instance.  C'est 
là  une  conséquence  du  principe  de  l'effet  relatif  de  la  chose 
jugée  (V.  Chose  jugée). 

Toutes  les  règles  qui  j  viennent  d'être  exposées  étaient 
déjà  admises  en  droit  romain  et  dans  notre  ancien  droit. 
Notons  seulement  que  la  filiation  maternelle  ne  pouvait  pas 


s'établir  par  témoins.  Soli  testes  ad  ingenuitatis proba- 
tionem  non  sufficiunt.  L.  2,  C.  De  test.  (V.  Désaveu, 
Etat).  Paul  Nachbaur. 

Enfant  naturel.  —  On  désigne  sous  ce  nom  l'enfant 
issu  de  personnes  non  mariées.  On  l'appelle  plus  spécia- 
lement enfant  naturel  simple  lorsqu'il  est  issu  du  com- 
merce de  deux  personnes  libres  de  tout  lien  matrimonial, 
et  de  tout  lien  de  parenté  au  degré  prohibé  pour  le  ma- 
riage ;  il  est  dit  enfant  adultérin  lorsqu'il  est  le  fruit 
d'un  adultère  et  incestueux  lorsque  ses  père  et  mère 
sont  parents  à  un  degré  qui  s'opposerait,  le  cas  échéant, 
à  leur  mariage.  Pour  savoir  si  Ton  se  trouve  en  présence 
d'un  enfant  rentrant  dans  l'une  ou  l'autre  de  ces  catégories, 
c'est  au  moment  de  la  conception  que  l'on  devra  se  placer. 
La  situation  respective  de  ses  auteurs  à  cette  époque  dé- 
terminera sa  qualité  et,  pour  fixer  le  moment  précis  de 
cette  conception,  on  suivra  les  règles  posées  par  les 
art.  312  et  suiv.  du  C.  civ.  qui  ont  été  exposées  au 
mot  Enfant  légitime.  La  distinction  des  enfants  naturels 
en  enfants  naturels  simples  et  en  enfants  adultérins  ou  in- 
cestueux est  très  importante  :  tandis  que  les  premiers  ont 
une  certaine  situation  dans  la  famille,  la  loi  ignore  les  se- 
conds ;  elle  défend  la  constatation  officielle  de  leur  filiation 
et  ne  leur  accorde,  lorsque  cette  filiation  vient  à  être  acci- 
dentellement établie,  qu'un  droit  à  des  aliments.  On  peut 
caractériser  la  condition  des  enfants  naturels  simples  en 
disant  que  ceux-ci  se  trouvent  vis-à-vis  des  enfants  lé- 
gitimes dans  un  état  d'infériorité  manifeste.  Cela  s'impo- 
sait, car  il  était  impossible,  dans  l'intérêt  du  mariage, 
de  mettre  sur  le  même  pied  les  enfants  issus  d'une  union 
régulière  et  ceux  dont  la  naissance  est  due  à  un  com- 
merce illicite.  Les  différences  qui  séparent  la  situation  des 
uns  de  celle  des  autres  se  rattachent,  soit  à  la  manière 
de  constater  le  rapport  de  filiation  qui  unit  l'enfant  à  son 
auteur,  soit  à  la  nature  et  à  l'étendue  de  ses  droits  succes- 
soraux, soit  à  certaines  incapacités  dont  il  est  frappé,  soit 
à  ses  rapports  avec  ses  père  et  mère. 

Comment  s'établit  la  filiation  naturelle.  —  L'exis- 
tence de  rapports  de  filiation  dûment  constatés  est  la 
condition  indispensable  pour  qu'on  puisse  dire  de  tel  indi- 
vidu qu'il  est  l'enfant  naturel  de  telle  personne.  Faute  par 
cet  individu  d'établir  ces  rapports,  il  ne  pourra  se  préva- 
loir d'aucun  des  droits  dont  nous  parlerons  plus  loin,  et 
réciproquement  on  ne  pourra  invoquer  contre  lui  aucune 
des  incapacités  qui  viennent  frapper  les  enfants  naturels. 
On  peut  poser  en  principe  que  la  loi  ne  reconnaît  qu'une 
seule  manière  d'établir  la  filiation  naturelle  :  l'aveu  de  l'au- 
teur ou  des  auteurs  de  l'enfant.  Elle  a  écarté  implicitement 
l'acte  de  naissance  en  ne  lui  attribuant  force  probante  que 
s'il  contient  la  reconnaissance  de  l'enfant  (C.  civ.,  art.  334 
cbn.  art.  319);  elle  a  écarté  également,  suivant  une  juris- 
prudence constante,  la  preuve  par  la  possession  d'état; 
quant  à  la  preuve  testimoniale,  l'art.  345,  al.  2,  l'admet  sans 
doute,  mais  uniquement  pour  corroborer  des  indications  im- 
pliquant un  aveu.  Lorsque  l'aveu  de  la  paternité  ou  de  la 
maternité  par  le  père  ou  la  mère  de  l'enfant  naturel  est 
spontané  et  formel,  on  l'appelle  reconnaissance;  lorsqu'au 
contraire  il  est  complexe  et  se  compose  d'éléments  divers 
tirés  des  circonstances  et  dont  l'enfant  aura  à  administrer 
la  preuve,  on  dit  qu'il  y  a  de  la  part  de  ce  dernier  re- 
cherche de  la  paternité  ou  de  la  maternité.  Dans  tous 
les  cas,  la  constatation  de  la  filiation  ne  peut  être  considérée 
comme  faisant  entrer  l'enfant  dont  il  s'agit  dans  la  famille 
de  ses  auteurs  ;  il  n'en  résulte  de  lien  qu'entre  l'enfant 
et  celui  qui  l'a  reconnu  ou  vis-à-vis  duquel  sa  filiation  a 
été  établie.  La  loi  paraît  toutefois  reconnaître  un  certain  * 
lien  de  parenté  entre  l'enfant  naturel  et  les  autres  enfants 
également  naturels  issus  du  même  père  ou  de  la  même 
mère  que  lui,  et  qu'elle  désigne  sous  le  nom  de  frères  et 
sœurs  naturels  (C.  civ.,  art,  766).  La  reconnaissance 
d'un  enfant  naturel  doit  être  faite  par  un  acte  authen- 
tique qui  peut  être  dressé  par  un  notaire  ou  un  officier  de 
l'état  civil.  On  admet  aussi  que  la  reconnaissauce  pourrait 


—  1037  — 


ENFANT 


être  reçue  par  le  juge  de  paix  siégeant  comme  magistrat 
conciliateur  et  assisté  de  son  greffier.  En  Tabsence  de  la 
forme  authentique,  elle  serait  inexistante;  elle  rentre  donc 
dans  la  catégorie  des  actes  solennels.  Même  accomplie 
suivant  les  formes  qui  viennent  d'être  indiquées,  la  recon- 
naissance n'a  de  valeur  qu'autant  qu'elle  est  conforme  à 
la  vérité  :  c'est  ce  que  dit  l'art.  339  lorsqu'il  porte  que 
toute  reconnaissance  de  la  part  du  père  ou  de  la  mère 
pourra  être  contestée  par  ceux  qui  y  ont  intérêt.  L'intérêt 
dont  il  s'agit  peut  être  simplement  moral,  par  exemple 
lorsque  c'est  l'enfant  qui  agira,  ou  pécuniaire  lorsque  ce 
seront  les  héritiers  présomptifs  de  l'auteur  de  la  reconnais- 
sance qui,  pour  écarter  de  la  succession  de  celui-ci  l'enfant 
reconnu,  attaqueront  comme  mensongère  la  reconnaissance 
qui  constitue  son  titre.  Ce  titre,  l'enfant  pourra  l'invoquer 
erga  omnes,  sauf  cependant  l'exception  prévue  par 
l'art.  337  du  G.  civ.  Ce  texte  suppose  une  reconnaissance 
d'enfant  naturel  effectuée  par  un  individu  pendant  la  durée 
d'un  mariage  qu'il  aurait  contracté  avec  une  autre  per- 
sonne que  celle  dont  est  issu  l'enfant,  et  il  décide  que 
l'enfant  ainsi  reconnu  ne  sera  pas  fondé  à  se  prévaloir  de 
cette  reconnaissance  pour  faire  valoir  les  droits  attachés  à 
sa  qualité  d'enfant  naturel  reconnu,  en  tant  que  ces  droits 
pourraient  nuire,  soit  au  conjoint  de  l'auteur  de  la  recon- 
naissance, soit  aux  enfants  issus  du  mariage. 

Lorsqu'un  enfant  n'a  pas  été  reconnu,  la  loi  lui  donne 
le  droit  de  rechercher  sa  filiation,  en  d'autres  termes  de 
faire  établir  par  décision  judiciaire  qu'il  est  bien  l'enfant 
de  telle  ou  telle  personne  déterminée.  Il  faut  toutefois  dis- 
tinguer à  cet  égard  entre  la  filiation  paternelle  et  la  filia- 
tion maternelle.  La  recherche  de  la  filiation  paternelle  est 
interdite  par  l'art.  340  C.  civ.  Une  seule  exception  est 
admise  à  cette  règle  dont  les  raisons  sont  trop  connues 
pour  que  nous  insistions  à  cet  égard.  Lorsqu'une  femme  a 
été  victime  d'un  enlèvement  et  que  l'époque  de  la  concep- 
tion de  l'enfant  dont  elle  accouche  ensuite  se  rapporte  à 
celle  de  l'enlèvement,  le  ravisseur  pourra,  nous  dit  la  loi 
(art.  340,  al.  2),  sur  la  demande  des  parties  intéressées,  être 
déclaré  père  de  Tenfant.  Quant  à  la  recherche  de  la  filia- 
tion maternelle,  elle  est  possible,  mais  la  preuve  testimo- 
niale n'est  autorisée  par  la  loi  qu'autant  qu'il  existe  un 
commencement  de  preuve  par  écrit  (art.  1347). 

Droits  successoraux  de  l'enfant  naturel.  —  Les 
droits  successoraux  des  enfants  naturels  sont  restreints  à 
un  triple  point  de  vue  :  1**  au  point  de  vue  du  titre  au- 
quel ces  enfants  succèdent;  2°  au  point  de  vue  des  per- 
sonnes auxquelles  ils  succèdent  ;  3°  enfin  en  ce  qui  touche 
rétendue  de  leurs  droits. 

L  Les  enfants  naturels  ne  sont  point  de  véritables  héri- 
tiers^ mais  seulement  des  successeurs  aux  biens  ;  en  d'au- 
tres termes,  la  saisine  ne  leur  appartient  pas.  Cela  veut 
dire  que,  s'ils  sont,  comme  les  héritiers  légitimes,  investis, 
dans  la  mesure  de  leurs  droits,  de  la  propriété  des  biens  qui 
leur  sont  échus,  ils  n'ont  pas  immédiatement  la  possession 
de  ces  biens  et,  d'une  manière  plus  générale,  ['exercice 
des  droits  héréditaires.  Cet  exercice  ne  leur  appartiendra 
que  lorsqu'ils  auront  été  envoyés  en  possession  confor- 
mément à  l'art.  724  du  C.  civ. 

IL  Les  enfants  naturels  ne  peuvent  succéder  en  tant 
qu'enfants  naturels^  c.-à-d.  dans  les  cas  où  leur  voca- 
tion héréditaire  se  fonde  exclusivement  sur  cette  qualité, 
qu'aux  père  et  mère  qui  les  ont  reconnus  (art.  756)  et, 
lorsque  ceux-ci  sont  prédécédés,  à  leurs  frères  et  sœurs  na- 
turels (art.  766).  Il  va  de  soi  que,  si  l'enfant  naturel  a  fondé 
une  famille  en  se  mariant,  il  pourra  succéder  à  ses  enfants 
conformément  aux  principes  généraux  du  droit.  En  pareil 
cas,  sa  qualité  d'enfant  naturel  est  hors  de  cause. 

III.  La  quotité  des  droits  successoraux  des  enfants  na- 
turels est  déterminée  par  les  art.  757  et  suiv.  du  C.  civ. 
S'il  s'agit  de  la  succession  de  leurs  père  ou  mère,  la 
loi  distingue  suivant  la  qualité  de  ceux  avec  qui  ils  viennent 
en  concours.  Se  trouvent-ils  en  présence  d'enfants  légi- 
times ?  leur  part  est  d'un  tiers  de  celle  qu'ils  auraient  eue 


s'ils  avaient  été  eux-mêmes  légitimes  ;  elle  est  de  la  moitié 
lorsque  celui  auquel  ils  succèdent,  le  de  cujus  en  d'au- 
tres termes,  ne  laisse  que  des  ascendants  ou  des  frères  et 
sœurs  ;  elle  est  des  trois  quarts  lorsque  leurs  père  et  mère 
ne  laissent  ni  descendants  ni  ascendants,  ni  frères  ni 
sœurs,  et  de  la  totalité  lorsqu'ils  ne  laissent  aucun  parent 
au  degré  successible. 

(iuand  l'enfant  naturel  se  trouvera,  en  cas  de  prédécès 
des  père  et  mère,  appelé  à  la  succession  de  ses  frères  et 
sœurs  naturels,  il  prendra  tous  les  biens  ayant  appartenu 
à  ces  derniers,  déduction  faite  seulement  de  ceux  qui  leur 
auraient  été  donnés  par  les  père  et  mère  et  qui  passeront 
aux  enfants  légitimes  de  ces  derniers  (C.  civ.,  art.  766). 
Les  droits  successoraux  de  l'enfant  naturel  sont  complétés 
par  une  réserve  que  la  loi  lui  accorde  implicitement  sur 
les  biens  de  ses  père  et  mère.  L'art.  761  du  C.  civ.  porte 
en  effet  que  ceux-ci  pourront,  par  des  libéralités  entre  vifs, 
réduire  l'enfant  naturel  à  la  moitié  de  la  part  que  lui 
accordent  les  art.  757  et  suiv.  Cela  suppose  évidemment 
qu'il  n'est  pas  en  leur  pouvoir  de  les  priver  complètement, 
ou  même  au  delà  de  cette  moitié,  du  droit  de  participer  à 
leurs  biens.  Il  est  certain  enfin  que  l'enfant  naturel  qui  se 
trouverait  dans  le  besoin  pourrait  réclamer  des  aliments  à 
ses  père  et  mère  et  que  ceux-ci  auraient  les  mêmes  droits 
dans  les  mêmes  circonstances  (C.  civ.,  arg.  art.  207). 

Incapacités  frappant  l'enfant  naturel.  —  Aux  termes 
de  l'art.  908  du  C.  civ.,  les  enfants  naturels  ne  peuvent 
recevoir  par  donations  entre  vifs  ou  par  testament  une 
part  supérieure  à  celle  que  leur  attribue  la  loi  au  titre  des 
successions.  Ce  texte  sert  de  sanction  aux  dispositions  limi- 
tatives des  droits  des  enfants  naturels  dans  la  succession 
de  leurs  père  et  mère.  Comme  on  l'a  fait  remarquer,  l'iné- 
galité de  condition  que  le  législateur  a  voulu  étabhr  entre 
les  enfants  légitimes  et  les  enfants  naturels  eût  été  pure- 
ment nominale,  s'il  avait  été  au  pouvoir  des  parents  de 
compléter  par  des  dispositions  entre  vifs  ou  testamentaires 
la  part  assignée,  dans  leur  succession,  à  l'enfant  illégitime. 
Toute  donation  ou  tout  legs  dont  l'effet  serait  de  dépasser 
le  montant  de  cette  part  devra  être  réduit  à  la  mesure  per- 
mise, et,  pour  atteindre  plus  sûrement  le  but  qu'elle  s'est 
proposé,  la  loi  autorise  les  intéressés  à  rendre  leur  véri- 
table caractère  aux  libéralités  qui  auraient  été  faites  à  l'en- 
fant naturel  sous  l'apparence  d'un  contrat  à  titre  onéreux, 
d'une  vente, par  exemple;  elle  leur  permet,  en  outre,  d'état 
blir  que  la  personne  à  laquelle  a  pu  être  faite  une  libéralité 
n'était  en  réalité  qu'un  prête-nom,  une  personne  inter- 
posée, le  bénéfice  devant  en  revenir  définitivement  à  l'en- 
fant naturel.  Elle  établit  même  des  présomptions  d'inter- 
positions de  personnes.  Dans  tous  ces  cas,  si  la  fraude  est 
démontrée  la  libéralité  sera  réduite. 

A  l'incapacité  dont  nous  venons  d'esquisser  les  traits  gé- 
néraux, certains  auteurs  ont  voulu  en  ajouter  une  autre. 
Suivant  eux,  l'enfant  naturel  ne  pourrait  être  adopté  par  les 
père  ou  mère  qui  l'auraient  reconnu.  Une  jurisprudence 
constante  repousse  cette  doctrine. 

Situation  de  l'enfant  naturel  dans  ses  rapports  avec 
SES  PARENTS.  —  La  situatiou  des  enfants  naturels  vis- 
à-vis  de  leurs  parents  n'a  pas  été  nettement  précisée  par 
le  législateur.  Il  est  certain  que  l'enfant  naturel  se  trouve, 
en  ce  qui  concerne  l'obhgation  de  demander  à  ses  parents 
leur  consentement  à  son  mariage,  ou  du  moins  de  requérir 
leur  conseil,  assimilé  à  l'enfant  légitime  (C.  civ.,  art.  158). 
Il  est  certain  aussi  que  ses  parents  jouissent,  à  son  égard, 
du  droit  de  correction  (art.  383).  Ce  droit  est  même,  en 
pareil  cas,  plus  absolu  qu'en  règle  générale,  puisqu'il  n'est 
pas  soumis  aux  restrictions  qui  découlent  des  art.  380  et 
382.  Le  droit  de  garde  et  d'éducation,  dont  le  droit  de 
correction  n'est  que  le  corollaire,  leur  appartient  également 
sans  aucun  doute.  Mais  les  textes  font  défaut  lorsqu'il 
s'agit  de  préciser  les  droits  des  parents  relativement  à  la 
gestion  du  patrimoine  de  leurs  enfants  naturels.  On  est 
d'accord  pour  leur  refuser  l'usufruit  légal  (art.  384)  et 
l'administration  légale  (art.  389),  ces  différents  droits  sup- 


ENFANT 


-  1038  -- 


posant  l'existence  d'un  mariage.  11  importe  cependant  que 
les  biens  qu'ils  peuvent  avoir  soient  administrés.  La  solu- 
tion qui  nous  paraît  préférable  sur  ce  point  est  la  sui- 
vante :  on  considérera  l'enfant  naturel  comme  en  tutelle 
dès  sa  naissance  ou  du  moins  dès  qu'il  aura  un  patrimoine 
à  gérer,  et,  puisqu'il  ne  peut  être  question  pour  lui  de  tu- 
telle légitime  (arg.  art.  390),  ni  de  celle  des  ascendants, 
on  attribuera  cette  gestion  à  un  tuteur  nommé  par  le  con- 
seil de  famille,  composé  lui-même  des  parents  ou  amis 
des  père  et  mère.  Paul  Nachbaur. 

Enfant  adultérin  ou  incestueux.  —  On  entend  par 
enfant  adultérin  celui  qui  est  né  de  deux  personnes  qui  ne 
pouvaient  pas  se  marier  par  la  raison  que  l'une  d'elles  ou 
toutes  deux  étaient  déjà  engagées  dans  les  liens  du  ma- 
riage. Si  l'enfant  était  né  de  personnes  qui  ne  pouvaient 
pas  se  marier  entre  elles  à  cause  de  la  parenté  ou  l'alliance, 
il  aurait  été  incestueux.  La  loi  défend  absolument  la  preuve 
de  la  filiation  adultérine  ou  incestueuse.  Les  enfants  adul- 
térins ou  incestueux  ne  peuvent  donc  avoir  ni  père  ni 
mère  connus  ni  aucune  famille.  Cependant,  dans  certains 
cas  et  par  la  force  même  des  choses,  la  filiation  adultérine 
ou  incestueuse  est  légalement  établie.  C'est  ce  qui  a  lieu 
notamment  si  un  mariage  contracté  de  mauvaise  foi  est 
annulé  ensuite  pour  cause  de  bigamie  ou  d'inceste;  dans 
ce  cas,  les  enfants  nés  de  ce  mariage  sont  adultérins  ou 
incestueux,  et  cependant  la  preuve  de  leur  filiation  est 
faite.  De  même  lorsque  le  mari  intente  l'action  en  désaveu 
contre  l'enfant  de  sa  femme  et  réussit  dans  sa  demande, 
par  cela  même,  la  filiation  adultérine  est  prouvée,  en  ce  qui 
concerne  l'enfant.  De  même  encore  lorsque,  par  erreur  de 
fait  ou  de  droit,  un  jugement  qui  n'est  plus  susceptible 
d'aucune  voie  de  recours,  a  admis  à  tort  la  preuve  d'une 
filiation  adultérine  ou  incestueuse,  la  preuve  de  cette  filia- 
tion n'en  reste  pas  moins  définitivement  acquise.  Dans  ces 
cas  exceptionnels,  où  la  loi  est  bien  obligée  de  reconnaître 
le  lien  de  parenté  entre  l'enfant  et  ses  père  et  mère,  elle 
ne  lui  fait  d'ailleurs  produire  que  des  effets  très  restreints. 
Et  d'abord,  même  dans  ces  cas,  la  filiation  se  limite  au 
père  et  à  la  mère;  elle  ne  produit  aucun  effet  vis-à-vis  des 
autres  parents.  Les  père  et  mère  adultérins  ou  incestueux 
ne  doivent  à  leurs  enfants  que  des  aliments  s'ils  sont  dans 
le  besoin  ;  après  leur  mort,  cette  dette  alimentaire  se 
transmet  à  leurs  héritiers  ;  mais  les  enfants  adultérins  ou 
incestueux  n'ont  d'ailleurs  aucun  autre  droit  sur  la  suc- 
cession de  leurs  parents,  et  de  plus  toute  réclamation,  même 
à  titre  d'aliments,  contre  les  héritiers,  leur  est  interdite, 
lorsque  le  père  ou  la  mère  leur  a  assuré  des  aliments  ou 
les  a  mis  en  état  de  pourvoir  à  leurs  besoins,  ne  serait-ce 
que  par  un  simple  art  mécanique.  Les  père  et  mère  adul- 
térins ou  incestueux  ne  peuvent  même  pas  tourner  ces 
prohibitions  au  moyen  de  donations  ou  de  legs,  car  la  loi 
déclare  les  enfants  incestueux  ou  adultérins  incapables  de 
recevoir  ces  libéralités  de  leurs  parents,  à  moins  qu'elles 
n'aient  un  caractère  alimentaire.  Les  enfants  incestueux 
ou  adultérins  ne  peuvent  pas  non  plus  être  légitimés  parle 
mariage  subséquent  de  leurs  parents  ;  ainsi  Penfant  né  de 
deux  personnes  qui  ne  sont  pas  mariées  entre  elles  ne  sera 
pas  légitimé  si  plus  tard  ces  personnes  se  marient  Tune  à 
l'autre.  De  même,  les  enfants  incestueux  issus  de  deux 
personnes  parentes  ou  alliées  au  degré  prohibé  ne  seront 
pas  légitimés  par  le  mariage  subséquent  de  leurs  parents 
en  supposant  que  ceux-ci  aient  obtenu  des  dispenses  à  cet 
effet.  Quant  à  la  question  de  savoir  si  le  père  ou  la  mère 
peut  adopter  son  enfant  adultérin  ou  incestueux,  elle  est 
très  vivement  controversée  à  cause  du  silence  que  la  loi 
garde  sur  ce  point.  E.  Glasson. 

Enfant  abandonné.  —  I.  Histoire  du  droit  (V.  Bâ- 
tard). 

II.  Droit  actuel.  —  Nous  n'aurons  pas  à  nous  occuper  ici 
de  la  situation  des  enfants  dont  les  parents  ont  été  déchus 
de  îa  puissance  paternelle.  Cette  situation,  réglée  par  le 
titre  P^  de  la  loi  du  24  juil.  4889  sur  la  protection  des  en- 
fants maltraités  ou  moralement  abandonnés,  sera  examinée 


aux  mots  Puissance  paternelle  et  Tuïelle.  Nous  ne  trai- 
terons ici  que  de  ce  qui  concerne  les  enfants  confiés  direc- 
tement par  les  parents  à  des  établissements  d'assistance  ou 
à  des  particuliers,  ou  recueillis  par  eux  sans  intervention 
des  parents  (titre  II  de  la  loi  précitée).  L'idée  du  législa- 
teur en  cette  matière  a  été  d'autoriser  ces  établissements 
ou  ces  particuliers  à  se  faire  conférer  l'exercice  de  la 
puissance  paternelle  sur  les  enfants  qu'on  leur  confierait  ou 
qu'ils  recueilleraient,  et  l'exposé  des  motifs  nous  indique 
assez  nettement  le  but  qu'il  a  voulu  atteindre  :  «  Un  père 
obtient  l'admission  de  son  enfant  dans  un  établissement 
de  bienfaisance.  L'enfant  est  trop  jeune  pour  se  livrer  à 
un  travail  productif;  il  constitue  donc  une  charge.  Il 
grandit;  il  est  pourvu  d'une  instruction  élémentaire  ;  il 
devient  au  sens  économique  du  mot  une  valeur.  C'est  alors 
qu'il  est  réclamé  par  son  père.  L'œuvre  oppose  à  ce  der- 
nier un  engagement  qu'il  a  souscrit.  Le  père  s'est  engagé 
en  effet  à  laisser  l'enfant  dans  l'établissement  jusqu'à  sa 
majorité  ou  à  rembourser  à  l'œuvre  le  montant  des  frais 
d'entretien  et  d'éducation...  Le  père  s'il  retire  son  enfant 
devient  débiteur  de  l'étaWissement,  mais,  fût-il  insolvable, 
la  personne  de  l'enfant  ne  saurait  être  le  gage  de  la  créance. 
Dans  l'étatactuel  de  la  législation,  le  juge  ne  pourrait  pas 
ne  pas  ordonner  la  remise  de  l'enfant  au  père  si  indigne 
que  soit  ce  père.  »  Le  législateur  de  1889  a  paré  à  cet 
inconvénient  ;  il  a  considéré  les  droits  dont  l'ensemble  cons- 
titue la  puissance  paternelle  comme  la  contre-partie  des 
charges  de  l'éducation  et  de  l'entretien  des  enfants,  et, 
partant  de  ce  principe,  il  a  permis  à  ceux  qui  se  seraient 
chargés  de  cet  entretien  et  de  cette  éducation  de  se  faire 
substituer  aux  parents  pour  l'exercice  de  cette  puissance. 
Quelque  chose  d'analogue  existait  déjà  dans  la  législation 
antérieure  :  en  vertu  des  lois  du  i  5  pluviôse  an  XIII  et  du 
décret  du  19  janv.  1811,  la  puissance  paternelle  sur  les 
enfants  admis  dans  les  hospices  était  attribuée  aux  com- 
missions administratives  des  hospices.  La  loi  nouvelle  est 
beaucoup  plus  générale  :  elle  organise  tout  d'abord  un  ser- 
vice départemental,  dont  la  surveillance  appartient  au  pré- 
fet ;  elle  permet  en  second  lieu  de  conférer  l'exercice  de  la 
puissance  paternelle  à  tous  autres  établissements  que  des 
hospices,  sous  une  certaine  condition  que  nous  examine- 
rons plus  loin,  et  même  à  des  particuliers  ;  si  ces  établis- 
sements ont  recueilli  l'enfant  ou  si  celui-ci  leur  a  été 
confié  par  ses  père,  mère  ou  tuteur,  elle  donne  aux  parents 
ou  tuteur  le  droit  de  se  faire  rendre  l'enfant  ;  enfin, 
appliquant  le  principe  que  l'état  des  personnes  ne  peut  être 
modifié  sans  une  décision  des  tribunaux,  et  qu'il  ne  doit 
exister  en  pareille  matière  aucune  place  pour  le  pouvoir 
discrétionnaire  de  l'administration,  elle  a  attribué  à  l'au- 
torité judiciaire  le  droit  d'ordonner  toutes  les  mesures 
qui  viennent  d'être  indiquées.  Ces  mesures  ne  doivent 
d'ailleurs  avoir  pour  base  que  l'intérêt  de  l'enfant;  par 
suite,  leur  caractère  est  d'être  essentiellement  provisoire. 
Comme  le  dit  la  circulaire  ministérielle  du  16  août  1889 
sur  l'application  de  la  loi  nouvelle,  c'est  l'intérêt  de  l'en- 
fant qui  seul  motive  la  délégation  initiale  de  la  puissance 
paternelle,  c'est  le  même  intérêt  qui  seul  en  justifie  le 
maintien  ;  la  permanence  de  l'investiture  ne  se  légitime 
que  par  la  continuité  du  bienfait. 

Cela  posé,  examinons  rapidement  les  dispositions  de  la 
loi  nouvelle  et  demandons-nous  successivement  :  1°  dans 
quels  cas  il  y  a  lieu  à  délégation  de  la  puissance  paternelle 
et  au  profit  de  qui  cette  délégation  intervient  ;  2°  quel  est 
le  tribunal  compétent  pour  prononcer  la  délégation  et 
quelle  est  la  procédure  à  suivre  pour  arriver  à  ce  résultat. 

1°  Dans  quels  cas  y  a-t-il  lieu  à  délégation  de  la 
puissance  paternelle?  au  profit  de  qui  cette  délégation 
peut-elle  intervenir?  Les  art.  17  et  19  de  la  loi  du 
24  juil.  1889  répondent  à  la  question,  et  deux  hypothèses 
doivent  être  distinguées.  La  loi  suppose  en  premier  lieu 
que  celui  qui  se  trouve  actuellement  investi  de  la  puissance 
paternelle,  c.-à-d.  le  père,  à  défaut  du  père  la  mère  et  à 
défaut  de  celle-ci  le  tuteur,  a  confié  l'enfant  sur  lequel 


—  1039  — 


ENFANT 


cette  puissance  paternelle  s'exerce  à  un  établissement  de 
bienfaisance  ou  à  un  particulier  ;  si  la  remise  de  l'enfant 
émane  d'un  tuteur,  celui-ci  devra  être  pourvu  de  l'autori- 
sation du  conseil  de  famille.  Elle  suppose  en  second  lieu 
que  des  établissements  de  bienfaisance  ou  des  particu- 
liers ont  recueilli  un  enfant  abandonné  par  ses  parents 
sans  l'intervention  de  ceux-ci.  Dans  ces  deux  cas  elle  au- 
torise les  tribunaux  à  déléguer  à  l'assistance  publique  les 
droits  de  puissance  paternelle  auxquels  les  parents  ont 
ainsi  renoncé  et  à  en  conférer  Veœercice  à  l'établissement 
de  bienfaisance  ou  au  particulier  qui  aura  accepté  la 
charge  de  l'enfant.  La  loi  distingue  ainsi  la  jouissance  de 
la  puissance  paternelle  et  Veœercice  de  cette  puissance  et 
elle  les  confie  à  deux  personnes  différentes.  On  peut  criti- 
quer à  cet  égard  le  législateur  de  1889  en  ce  qu'il  a  attri- 
bué à  l'assistance  publique  la  jouissance  de  la  puissance 
paternelle.  En  effet,  l'assistance  publique  n'existe  pas  en 
tant  que  pouvoir  propre  et  indépendant.  En  réalité,  la  cir- 
culaire ministérielle  précitée  le  reconnaît  formellement  :  ce 
sont  les  préfets  et  les  inspecteurs  départementaux  des  en- 
fants assistés  qui  sont  investis  de  la  puissance  paternelle, 
et  c'est  sous  leur  contrôle,  comme  nous  le  dirons  plus  loin, 
que  cette  puissance  est  exercée.  La  délégation  de  la  puis- 
sance paternelle  peut  fort  bien  n'être  que  partielle,  c.-à-d. 
ne  s'appliquer  qu'à  certains  des  droits  qui  la  constituent. 
L'art.  20  le  dit  expressément  et  l'art.  17  le  supposait  déjà. 
Ce  texte  prévoit  Thypothèse  où  les  parents  d'un  enfant 
abandonné  ou  confié  à  un  établissement  de  bienfaisance  ou 
à  un  particulier  ont  conservé  le  droit  de  consentir  au  ma- 
riage de  cet  enfant  dans  les  termes  de  l'art.  143  du  C.civ. 
et  refusent  de  donner  leur  consentement.  En  pareil  cas, 
l'assistance  publique,  qui  a  la  jouissance  des  autres  droits 
de  puissance,  a  la  faculté  de  les  faire  citer  devant  le  tribu- 
nal de  leur  domicile  qui  donne  ou  refuse  le  consentement. 
Il  y  a  là,  remarquons-le  en  passant,  une  grave  dérogation 
au  droit  commun,  car  en  principe  le  droit  pour  les  parents 
de  consentir  ou  de  ne  pas  consentir  au  mariage  de  leurs 
enfants  n'est  soumis  à  aucun  contrôle. 

Des  conditions  de  capacité  sont  exigées  dans  la  personne 
de  ceux  à  qui  peut  être  confié  l'exercice  de  la  puissance 
paternelle.  S'il  s'agit  d'un  établissement  de  bienfaisance, 
il  faut  qu'il  soit  spécialement  autorisé  à  cet  effet  :  la  re- 
connaissance qui  lui  a  conféré  l'existence  et  la  personnalité 
ne  saurait  suffire.  Cette  reconnaissance,  porte  à  cet  égard 
l'exposé  des  motifs,  n'a  pas  été  donnée  en  vue  d'une  subs- 
titution possible  de  ces  établissements  aux  familles  ;  si  donc 
une  autorisation  nouvelle  n'était  pas  nécessaire,  il  résulte- 
rait de  là  à  leur  profit  une  condition  toute  nouvelle  et 
tout  imprévue.  On  peut  contester  l'exactitude  de  cette 
observation.  Une  faut  pas  oublier,  en  effet,  que  c'est  aux 
tribunaux  qu'il  appartient  de  déléguer  l'exercice  de  la 
puissance  paternelle,  et  il  est  vraisemblable  qu'ils  n'use- 
ront de  ce  droit  qu'en  faveur  d'établissements  qui  leur  pa- 
raîtront présenter  toutes  les  garanties  possibles.  Pourquoi 
dès  lors  restreindre  leur  liberté  d'action  et  entraver  la 
charité  ?  Lorsqu'il  s'agira  de  confier  l'exercice  de  la  puis- 
sance paternelle  à  un  particulier,  la  loi  décide  que  ce 
particulier  devra  jouir  de  ses  droits  civils,  ce  qui  aboutit 
à  refuser  aux  étrangers  le  droit  de  recevoir  ou  de  re- 
cueillir des  enfants  abandonnés.  Si  nous  nous  plaçons 
maintenant  dans  la  personne  de  l'enfant,  nous  remarque- 
rons que  la  délégation  de  l'exercice  de  la  puissance 
paternelle  ne  peut  s'appliquer  qu'à  des  mineurs  de  seize 
ans.  Passé  cet  âge,  on  ne  peut  dire  raisonnablement  que 
l'on  se  trouve  en  présence  d'un  enfant  abandonné.  Des 
conditions  spéciales  sont  formulées  parles  art.  19  et  20 de 
la  loi  pour  l'hypothèse  oii  il  s'agit  d'un  enfant  recueilli  par 
un  établissement  de  bienfaisance  ou  par  un  particulier  hors 
de  toute  intervention  des  parents.  En  pareil  cas,  une  dé- 
claration devra  être  faite  à  peine  d'une  amende  de  5  à 
15  fr.,  par  le  représentant  de  l'établissement  ou  par  la 
personne  qui  aura  recueilli  l'enfant,  au  maire  de  la  com- 
mune où  l'enfant  aura  été  recueilli  et  à  Paris  au  commis- 


saire de  police  du  quartier.  Ce  n'est  que  si,  dans  les  trois 
mois  à  dater  de  cette  déclaration,  l'enfant  n'a  pas  été  ré- 
clamé par  ses  père,  mère  ou  tuteur,  que  la  demande  en  vue 
de  l'obtention  de  la  puissance  paternelle  pourra  être  for- 
mée devant  les  tribunaux.  Les  établissements  de  bienfai- 
sance ou  les  particuliers  qui  ont  recueilli  ou  à  qui  a  été 
confié  un  enfant,  n'ayant  que  l'exercice  de  la  puissance 
paternelle,  il  est  tout  naturel  qu'ils  soient  placés  sous  la 
surveillance  de  ceux  qui  en  ont  la  jouissance.  Cette  sur- 
veillance doit  donc  appartenir  aux  représentants  de  l'Etat 
et  de  Fassistance  publique,  c.-à-d.  à  Paris  au  directeur 
de  l'Assistance  publique;  dans  les  départements  aux  pré- 
fets et  aux  inspecteurs  départementaux  des  enfants  assis- 
tés (art.  22,  al.  1).  Comme  corollaire  de  ce  droit  de  sur- 
veillance, les  fonctionnaires  que  nous  venons  d'indiquer 
sont  fondés  à  provoquer  le  retrait  de  l'exercice  de  la  puis- 
sance paternelle  conféré  aux  conditions  énoncées  plus  haut. 
Le  même  droit  est  accordé  par  la  loi  aux  père,  mère  et 
tuteur  de  l'enfant  (art.  23,  al.  1). 

2^^  Du  tribunal  compétent  pour  prononcer  la  délé- 
gation et  de  la  procédure  à  suivre.  Deux  hypothèses 
sont  à  distinguer  quant  à  la  compétence.  Si  les  père,  mère 
ou  tuteur  interviennent,  la  demande  doit  être  portée  devant 
le  tribunal  de  leur  domicile.  Dans  le  cas  contraire,  elle  est 
soumise  au  tribunal  du  domicile  de  l'établissement  ou  du 
particulier  quia  recueilli  l'enfant  (art.  17  et  20).  Dans 
tous  les  cas  elle  est  formée  par  voie  de  requête  visée  pour 
timbre  et  enregistrée  gratis.  Le  tribunal  l'examine  en 
chambre  du  conseil  en  présence  de  tous  les  intéressés  ;  le 
ministère  public  donne  ses  conclusions,  et  le  jugement  est 
rendu  en  audience  publique  (art.  21).  La  même  procédure 
est  suivie  lorsqu'il  s'agit  de  retirer  l'exercice  de  la  puis- 
sance paternelle  à  celui  qui  en  a  été  investi  (art.  20).  Si 
la  demande  en  retrait  émane  du  père,  mère  ou  tuteur,  le 
tribunal  peut,  s'il  la  rejette,  prononcer  à  l'encontre  de  ces 
personnes  la  déchéance  de  la  puissance  paternelle.  S'il  y 
fait  droit  il  ordonne  la  remise  de  l'enfant  et  fixe,  sauf  le 
cas  d'indigence,  l'indemnité  due  à  celui  qui  en  a  la  charge 
(art.  21). 

Les  jugements  rendus  en  notre  matière  sont  toujours 
susceptibles  d'appel  de  la  part  des  intéressés,  c.-à-d.  par 
les  père  et  mère,  tuteur,  par  l'établissement  de  bienfaisance 
ou  le  particuHer  qui  a  recueilli  l'enfant ,  enfin  par  les 
fonctionnaires  dont  il  a  été  question  plus  haut.  L'appel 
n'est  pas  suspensif  (art.  23).  Signalons  en  terminant  une 
loi  anglaise  du  26  août  1889  (Annuaire  de  lég,  étr., 
1890,  p.^  28)  qui  contient  des  dispositions  analogues  à 
celles  qui  viennent  d'être  indiquées.      Paul  Nachbaur. 

IV.  ECONOMIE  SOCIALE.  -  Enfants  assistés  (V.  As- 
sistance PUBLIQUE,  t.  IV,  p.  276). 

Enfants  moralement  abandonnés  (V.  Assistance 

PUBLIQUE,  t.  IV,  p.  276). 

Enfants  trouvés.—  On  a  toujours  étalé  beaucoup  de 
sentimentalité  à  propos  de  l'enfance,  dit  le  D^  Thuliê  ;  elle 
a  été  le  sujet  des  plus  pathétiques  discours  et  des  poésies 
les  plus  attendrissantes,  mais  on  n'a,  le  plus  souvent,  fait 
que  cela  pour  elle.  Et,  plus  on  remonte  les  âges,  plus  on 
recule  vers  les  civilisations  primitives,  plus  on  voit  le  souci 
de  l'enfance  manquer  absolument.  Dans  l'antiquité  histo- 
rique même,  nous  retrouvons  les  preuves  de  la  rigueur  du 
traitement  réservé  aux  nouveau -nés.  Platon  et'Aristote 
demandaient  le  sacrifice  des  enfants  difformes,  en  même 
temps  que  la  limitation  du  nombre  de  ceux  qui  devaient 
vivre  et  préconisaient  l'avortement  pour  arrêter  l'essor  de 
la  natalité.  Les  lois  de  Lycurgue,  de  Selon  et  plus  tard 
celles  de  Romulus  et  de  Numa  et  des  décemvirs  autori- 
saient l'infanticide.  Sénèque  lui-même  s'efforce  de  démon- 
trer que,  lorsque  la  société  supprime  un  enfant,  elle  n'obéit 
qu'à  la  raison,  et  Plutarque  excuse  l'infanticide  dans  les 
classes  pauvres  en  disant  que  l'on  évite  ainsi  de  faire  de  leurs 
enfants  des  hommes  vulgaires  et  communs,  mal  nourris. 

Le  relèvement  de  la  dignité  humaine  chez  l'enfant  se 
fait  jour  lentement  dans  le  droit  romain.    L'empereur 


ENFANT 


—  1040  — 


Alexandre  Sévère  commence  le  premier  à  défendre  l'enfance, 
puis  Dioclétien  complète  ses  dispositions  en  ôtant  au  père 
le  droit  de  vendre,  de  donner  ou  d'engager  les  enfants, 
Valens  et  Gratien  obligèrent  les  pères  à  élever  leurs  enfants. 
Chez  les  Francs,  le  meurtre  d'un  enfant  était  puni  d'une 
amende  et  les  Visigoths  infligeaient  la  peine  de  mort  pour 
toute  tentative  d'avortement.  Les  lois  des  barbares  étaient, 
sur  ce  point,  moins  sauvages  que  celles  de  Rome.  L'Eglise 
adopta  le  droit  romain  :  les  enfants  trouvés  étaient  esclaves. 
Mais  le  code  de  Justinien,  en  534,  proclama  la  liberté 
absolue  des  enfants  trouvés  ;  toutefois  le  père,  très  misé- 
rable, peut  encore  vendre  son  enfant  à  la  naissance.  Mais, 
dans  tout  l'Occident,  l'enfant  trouvé  resta  esclave.  Au 
VI®  siècle,  pour  la  première  fois,  on  rencontre  à  Trêves 
quelques  traces  d'une  fondation  en  faveur  des  enfants 
trouvés;  puis  auvii'',  une  autre  fondation  à  Angers,  établie 
par  saint  Maimbœuf  ;  on  n'a  d'ailleurs  sur  ces  tentatives 
aucun  renseignement  précis.  On  a  des  documents  certains 
sur  la  création  d'un  hospice  pour  les  enfants  trouvés  faite 
à  Milan,  en  787,  par  l'archiprêtre  Datheus.  A  partir  du 
XI®  siècle,  les  fondations  de  même  nature  se  multiplient  ; 
en  1316,  un  magnifique  hospice  s'élève  à  Florence;  en  1331, 
un  simple  bourgeois  en  fonde  un  à  Nuremberg,  et,  en  J362, 
est  créé  à  Paris  l'hospice  du  Saint-Esprit.  En  1443,  des 
lettres  patentes  du  roi  Charles  VII  réservent  ce  dernier  aux 
seuls  enfants  légitimes.  L'institution  est  dès  lors  déviée. 
Et,  d'ailleurs,  la  grande  rareté  des  hospices  ne  réserva 
jamais  aux  enfants  trouvés  assez  de  place  pour  leur  assurer 
une  existence  régulière  dans  la  société.  La  plupart  des 
enfants  exposés  mouraient  de  faim  et  de  froid,  les  autres 
devenaient  la  proie  de  mendiants,  qui  leur  brisaient  les 
membres  et  les  couvraient  de  plaies  pour  exciter  la  pitié 
publique,  ou  des  bateleurs  qui  les  dressaient,  les  disloquaient, 
pour  les  faire  servir,  filles  ou  garçons,  aux  plaisirs  de  la 
foule.  C'était  une  effroyable  hécatombe  et  une  honteuse  ex- 
ploitation. A  peine  quelques-uns  plus  heureux  tombaient  dans 
des  mains  vraiment  charitables.  Lyon  est  la  première  ville 
de  France  où  l'autorité  ait  porté  secours  aux  enfants  aban- 
donnés, sans  s'inquiéter  s'ils  étaient  bâtards  ou  enfants 
légitimes  (dès  d526,  ils  étaient  recueillis  indistinctement 
et' gardés  jusqu'à  sept  ans  au  Grand  Hôtel-Dieu  de  Notre- 
Dame-de-Pitié  du  pont  du  Rhône).  L'hospice  des  Enfants- 
Dieu  ou  des  Enfants-Rouges,  créé  à  Paris  en  lo36,  fut 
réservé  aux  orphelins  enfants  légitimes. 

C'est  à  saint  Vincent  de  Paul  qu'il  faut  attribuer  tout  le 
mérite  d'avoir  attiré  sérieusement  l'attention  publique  sur 
le  sort  des  enfants  trouvés.  En  1636,  une  pauvre  veuve 
aidée  de  deux  domestiques  seulement  commença  à  recueillir 
les  enfants  trouvés  dans  sa  maison  située  dans  la  rue  Saint- 
Landry.  La  veuve  ne  tarda  pas  à  mourir;  les  deux  domes- 
tiques continuèrent  à  recevoir  les  enfants.  Mais  les  pauvres 
petits  êtres  recueillis  mouraient  en  foule  ;  la  Maison  de 
la  Couche  devint  pour  le  peuple  la  Maison  de  la  Mort  ; 
un  commerce  régulier  d'enfants  s'y  établit  avec  les  bate- 
leurs, les  mendiants,  les  nécromanciens  qui  venaient  s'ap- 
provisionner de  sujets,  et  aussi  avec  d'autres  gens,  les 
femmes  syphilitiques  qui  voulaient  se  guérir  en  commu- 
niquant leur  maladie  à  un  nourrisson,  les  vieillards  qui 
espéraient  se  rajeunir  dans  le  sang  des  petits  enfants.  Le 
prix  courant  ne  dépassait  pas  une  livre  par  tête.  Quand 
saint  Vincent  de  Paul  alla  visiter  la  Maison  de  la  Mort,  il 
fut  révolté  par  l'horrible  spectacle  qui  se  présenta  à  ses 
yeux  ;  un  monceau  d'enfants  gisaient  pêle-mêle,  vivants, 
agonisants  et  morts,  sur  des  grabats  puants.  Vincent  de 
Paul  fit  connaître  ces  faits  aux  dames  de  charité  de  l'Hôtel- 
Dieu,  parmi  lesquelles  on  comptait  M"^^^  de  Marcillac,  dé  La 
Peltrie,  de  Lamoignon,  de  Chantai,  de  Miramon,  Fouquet, 
M^^^  Legras,  nièce  du  garde  des  sceaux  de  Marillac.  Le 
27  janv.  1640,  elles  consentirent  à  se  charger  de  la  Mai- 
son de  la  Couche,  et  W^^  Legras  en  assuma  la  direction. 
Vincent  de  Paul  ne  s'en  tint  pas  là  ;  il  continua  à  réunir 
des  ressources  pour  son  œuvre.  Il  s'adressa  d'abord  à  la 
reine   Anne  d'Autriche  et  obtint  de  Louis  XIII  par  son 


intercession  une  pension  annuelle  de  3,000  livres.  En  1646, 
Louis  XIV,  âgé  de  huit  ans,  porta  la  pension  à  12,000  livres. 
C'était  la  première  fois  que  l'Etat  s'occupait  des  enfants 
trouvés.  11  fallut  lutter  longtemps  encore  pour  maintenir 
l'oeuvre  créée  contre  le  découragement,  le  défaut  de  res- 
sources, car  les  enfants  affluaient  et  le  déficit  arrivait 
aisément.  Vincent  de  Paul  s'employa  sans  relâche  et  tou- 
jours avec  le  même  enthousiasme  à  cette  double  tâche  ;  il 
eut  la  volonté  de  réussir  et  réussit.  Les  tours  n'exis- 
taient pas  alors;  ils  ne  furent  établis  en  France  que 
parle  décret  de  1811,  et  Paris  ne  les  a  connus  en  réalité 
qu'en  1827. 

La  Révolution  se  signale  par  une  loi  du  27  frimaire 
an  V,  en  cinq  articles  seulement,  qui  est  fort  nette  et  qui 
pose  les  vrais  principes  en  la  matière  :  «  Art.  l®'".  Les 
enfants  abandonnés,  nouvellement  nés,  seront  reçus  gra- 
tuitement dans  tous  les  hospices  civils  de  la  République. 
—  Art.  2.  Le  Trésor  national  fournira  à  la  dépense  de  ceux 
qui  seront  portés  dans  les  hospices  qui  n'ont  pas  de  fonds 
aff'ectés  à  cet  objet...  »  Les  enfants  furent  admis  à  bureau 
ouvert  sur  la  simple  présentation  de  leur  acte  de  nais- 
sance. Mais,  malheureusement,  on  réagit  bientôt.  Par  une 
circulaire  du  23  ventôse  an  IX,  le  ministre  de  l'intérieur, 
Chaptal,  prenant  pour  prétexte  l'abus  dans  l'exécution  de 
la  loi  de  l'an  V,  prescrit  «  de  ne  conserver  à  la  charge  de 
la  nation  que  les  enfants  de  parents  inconnus  ».  C'est  au 
décret  du  19  janv.  1811,  complété  par  la  loi  du  5  mai 
1869,  que  remonte  la  législation  qui  fixe  actuellement  la 
condition  des  enfants  trouvés  et  abandonnés.  Le  décret-loi 
de  1811  détermine  les  pupilles  dont  l'éducation  est  confiée 
à  la  charité  publique  :  ce  sont  les  enfants  trouvés,  les  aban- 
donnés et  les  orphelins  pauvres.  Les  dépenses  d'entretien 
de  ces  enfants  qui,  avant  la  Révolution,  incombaient  aux 
seigneurs  haut-justiciers,  étaient  répartis  entre  l'Etat  qui 
s'engageait  à  fournir  une  subvention  annuelle  de  4  millions, 
et  les'  hospices  dépositaires  qui  devaient  pourvoir  à  la 
dépense  sur  leurs  revenus.  Le  nombre  de  ces  hospices  était 
limité  à  un  par  arrondissement,  et  chacun  d'eux  devait 
ouvrir  un  tour  destiné  à  recevoir  les  enfants.  Une  série 
de  lois  de  finances  déchargea  l'Etat  des  dépenses  dites 
extérieures  et  les  mit  à  la  charge  des  départements  avec 
le  concours  éventuel  des  communes.  Ce  décret  de  181i, 
qui  instituait  les  tours  et  diminuait  en  même  temps  le 
nombre  des  hospices  dépositaires,  était  destiné,  dans  l'esprit 
de  ses  auteurs,  à  diminuer  le  nombre  des  abandons  d'en- 
fants, car  il  faisait  un  sort  rigoureux  à  ceux  qui  y  étaient 
livrés;  les  conséquences  en  furent  tout  opposées,  les 
abandons  se  multiplièrent  considérablement  ;  en  outre,  on 
constata  une  eff'royable  mortalité,  résultant  de  l'entassement 
des  enfants  dansées  hôpitaux.  Une  nouvelle  réaction  se 
produisit  donc,  et  elle  fut  due,  quelque  pénible  qu'en  soit 
l'aveu,  à  un  besoin  d'économie,  plutôt  qu'à  un  sentiment 
d'humanité  :  «  On  s'inquiéta  d'abord,  dit  M.  d'Hausson- 
ville,  de  savoir  ce  que  la  trop  grande  facilité  des  abandons 
coûtait  aux  finances  publiques,  avant  de  se  demander  ce 
que  les  abandons  coûtaient  aux  enfants  eux-mêmes.  »  Les 
tours,  condamnés  par  l'intérêt  financier,  le  furent  aussi  au 
nom  de  la  morale  sociale  par  Gérando  et  J.-R.  Say.  Aussi 
leur  nombre  décrut-il  rapidement.  Lors  de  l'enquête 
générale  de  1860  sur  les  enfants  assistés,  on  n'en  comp- 
tait plus  que  vingt-cinq  ;  les  conclusions  de  cette  en- 
quête achevèrent  de  les  discréditer,  et  ils  ne  purent  lui 
survivre. 

Le  service  des  enfants  assistés  constitue  aujourd'hui  un 
service  départemental  ;  de  là  une  certaine  diversité  dans  la 
méthode  d'assistance.  La  pratique  avait  inauguré  un  nou- 
veau système  destiné  à  prévenir  tout  à  la  fois  l'abandon  et 
l'infanticide  :  celui  des  secours  temporaires  accordés  aux 
mères  d'enfants  naturels  dont  l'indigence  était  constatée  et 
qui  consentaient  à  garder  leurs  enfants.  Ce  système  a  été 
législativement  consacré  par  la  loi  du  5  mai  1869.  La 
dépense  est  inscrite  au  budget  départemental  et  ressortit  à 
l'administration  départementale,  mais  l'Etat  et  les  com- 


1041     — 


ENFANT 


munes  doivent  y  contribuer  ;  il  y  est  affecté,  en  outre,  le 
produit  des  amendes  delà  police  correctionnelle.  Ces  secours 
temporaires  constituent  aujourd'hui  le  mode  d'assistance 
le  plus  habituel  des  enfants  naturels  de  nos  campagnes. 
C'est  dans  un  rapport  de  M.  de  Gasparin  au  roi,  en  1837, 
que  l'institution  a  d'abord  été  recommandée.  «  La  débauche, 
disait-il,  peuple  sans  doute  les  hospices  d'enfants  trouvés, 
mais  la  misère  est  aussi  l'une  des  causes  les  plus  fréquentes 
des  abandons.  Si  la  mère  pouvait  nourrir  son  enfant,  si, 
au  moment  de  sa  naissance,  elle  n'était  pas  souvent  dépour- 
vue du  plus  strict  nécessaire,  elle  se  déterminerait  diffici- 
lement à  l'abandonner...;  il  s'agirait  donc  de  remplacer, 
par  un  bon  système  de  secours  à  domicile  pour  la  mère, 
les  secours  que  l'on  donne  aujourd'hui  à  l'hospice;  il  s'agi- 
rait de  payer  à  la  mère  les  mois  de  nourrice  qu'on  paye 
actuellement  à  une  nourrice  étrangère.  »  La  loi  de  1869  a 
beaucoup  diminué  le  nombre  des  abandons  et  a  aussi  gran- 
dement contribué  à  diminuer  la  mortalité  infantile,  au 
moins  à  la  campagne,  car,  dans  les  villes,  la  question  est 
encore  discutable.  D'autre  part,  une  autre  transformation 
s'opérait.  Les  enfants  assistés  ont  cessé  d'être  élevés  tris- 
tement dans  les  hôpitaux  où  la  mortalité  était  très  forte  ; 
ils  ont  été  placés  à  la  campagne,  dans  les  familles  de  culti- 
vateurs honnêtes,  où,  en  même  temps  que  leur  santé  s'amé- 
liore, ils  apprennent  le  métier  agricole.  Les  nouveau-nés 
ne  séjournent  plus  que  quelques  jours  à  l'hospice  ;  ils  sont 
aussitôt  confiés  à  des  femmes  de  la  campagne.  Le  choix  de 
ces  nourrices  peut  avoir  une  grande  influence  sur  le  sort 
futur  de  l'enfant,  ainsi  que  le  fait  remarquer  M.  Lalle- 
mand.  Si,  d'abord,  le  nourrisson  est  considéré  comme  une 
source  de  revenus,  il  peut  arriver  et,  en  fait,  il  arrive 
fréquemment  qu'en  grandissant  il  soit  peu  à  peu  considéré 
comme  de  la  maison,  trouve  une  famille  absente  et,  en 
même  temps,  des  relations,  des  sympathies  qui  lui  manquent 
totalement  :  un  foyer  lui  est  ouvert.  Si,  au  contraire,  l'en- 
fant est  fréquemment  changé  de  nourriciers  une  fois  le 
sevrage  terminé,  loin  de  se  créer  une  nouvelle  famille,  il 
devient  vagabond,  mauvais  sujet  et  peut  rendre  en  mal  à 
la  société,  indépendamment  du  sort  triste  qui  lui  est  fait 
personnellement,  tous  les  sacrifices  que  la  société  a  faits 
pour  lui  dans  un  but  essentiellement  louable.  L'abandon 
est  relativement  fréquent  dans  les  grandes  villes,  à  Paris 
surtout  ;  il  est  rare,  au  contraire,  à  la  campagne.  Cette 
différence  tient  non  seulement  au  degré  de  moralité,  mais 
encore  à  ce  que  beaucoup  de  mères  de  la  province  viennent 
à  Paris,  où  l'assistance  est  largement  organisée,  accoucher 
clandestinement  et  abandonner  leur  enfant.  En  effet,  depuis 
la  suppression  des  tours,  l'abandon  des  enfants  ne  peut  se 
faire  qu'après  des  enquêtes  minutieuses  au  cours  desquelles 
on  risque  de  violer  le  secret  des  familles.  A  Paris,  l'en- 
quête se  borne  à  un  interrogatoire  fait  par  une  femme 
chargée  de  recevoir  les  enfants  abandonnés,  qui  exhorte 
souvent  les  déposants  à  s'adresser  aux  secours  administra- 
tifs plutôt  qu'à  ce  moyen  extrême,  mais  qui  ne  refuse  jamais 
l'enfant,  et  qui  de  plus  est  tenue  au  secret,  étant  spéciale- 
ment assermentée  à  cet  effet. 

Les  enfants  nés  hors  mariage  sont  les  plus  menacés 
d'abandon  ;  ce  sont  ceux  qui  sont  le  plus  souvent  privés 
de  soutiens  ;  ce  sont  les  plus  exposés  à  la  mortalité  par 
suite  de  la  misère,  par  défaut  de  soins  et  même  par  infan- 
ticide. Les  infanticides  sont  presque  exclusivement  commis 
par  les  filles-mères,  et  il  est  constant  en  outre  que  le 
nombre  des  mort-nés  illégitimes  est  bien  supérieur  à  celui 
des  mort-nés  légitimes.  Les  accouchements  inféconds  n'ont 
souvent  d'autre  cause  qu'un  avortement,  un  infanticide 
plus  ou  moins  déguisé.  Les  statistiques,  hélas  !  trop  pro- 
bantes que  nous  pourrions  citer  à  l'appui  de  ces  faits  ne 
démontrent  que  trop  amplement  tout  ce  que  nous  avançons 
ici.  Mais  les  enfants  illégitimes  ne  sont  pas  les  seuls  sur 
lesquels  doit  se  concentrer  la  sollicitude  de  l'administra- 
tion ;  les  orphelins  pauvres  y  ont  les  mêmes  droits,  ainsi 
que  tous  ceux  qui  ont  été  victimes  d'un  abandon  de  la 
part  de  leurs  parents.  Aussi,  cette  assistance  des  enfants 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —    XV. 


délaissés  est  (avec  celle  des  aliénés)  la  seule  dont  la  loi 
française  fasse  un  droit  et  une  obligation  (V.  Assistance, 
t.  IV,  p.  278).  De  là  la  division  logique  du  décret  de  1811. 
De  là  aussi  cette  dualité  que  l'on  a  voulu  voir  entre  la 
morale  stricte  et  la  philanthropie  à  propos  de  l'intermi- 
nable discussion  relative  à  l'existence  des  tours  sur  laquelle 
nous  devons  dire  quelques  mots  maintenant. 

«  L'humanité,  disait  Lamartine,  proclame  ce  principe  : 
que  l'enfant  illégitime  est  un  hôte  à  recevoir  ;  la  famille 
humaine  doit  l'envelopper  de  son  amour  ;  car  la  véritable 
famille  ne  s'arrête  pas  à  ces  degrés  arbitraires  de  parenté 
fixés  à  plus  ou  moins  de  distance  par  la  loi  ;  elle  s'étend 
aussi  loin  que  l'humanité  tout  entière  ;  si  tous  les  hommes 
sont  frères  par  la  chair  et  par  le  sang,  la  paternité  sociale 
devient  un  dogme  aussi  vrai  et  aussi  pratique  que  la  fra- 
ternité humaine...  Qu'est-ce  qu'un  tour?  Une  ingénieuse 
invention  de  la  charité  chrétienne,  qui  a  des  mains  pour 
recevoir  et  qui  n'a  point  d'yeux  pour  voir,  point  de  bouche 
pour  révéler.  Institués  pour  protéger  un  acte  souvent  né- 
cessaire, quoique  déplorable;  inventés  pour  couvrir  la  honte, 
la  pudeur,  le  scandale  qui  se  cachent,  ils  ont  pour  objet, 
pour  mérite,  le  secret...  »  Tous  les  partisans  de  la  sup- 
pression des  tours,  on  s'en  rend  compte  aisément,  font 
valoir  que  cette  institution  facilite,  encourage  la  débauche, 
aide  à  fuir  des  responsabilités  acceptées.  Les  principes  sont 
en  face  des  sentiments.  Conclure  ne  semble  pas  facile.  Cela 
est  cependant  beaucoup  plus  aisé  si  l'on  considère  l'objet 
propre  de  la  discussion.  L'enfant  trouvé  lui-même  ne  sau- 
rait être  mis  en  cause  :  la  société  n'a  qu'à  le  recueillir, 
l'adopter  et  l'élever,  en  faire  un  homme,  un  citoyen  ;  on 
ne  saurait,  en  aucune  manière,  le  rendre  responsable  de  la 
situation  qui  lui  est  faite.  Dans  tous  les  cas,  il  n'est  qu'une 
résultante  ;  doit-on  en  faire  une  victime  expiatoire  ?  Peut-on 
venger  sur  lui,  châtier  sur  son  existence  les  erreurs,  les 
mauvais  instincts  ou  la  faiblesse  de  ses  procréateurs  ?  Il 
tombe  sous  les  sens  que  soutenir  cette  absurdité,  c'est 
s'écarter  de  toute  logique.  Si  l'on  veut  relever  la  morale 
publique,  empêcher  la  misère  d'en  arriver  à  cette  extrémité, 
presque  contre  nature,  l'abandon  des  enfants,  c'est  à  d'au- 
tres procédés  qu'il  faut  avoir  recours  ;  les  moyens  répressifs 
doivent  être  écartés  à  priori  du  problème  ;  il  faut  se  borner 
aux  moyens  préventifs.  Dans  cette  voie  seulement,  il  est  pos- 
sible de  concilier  la  philanthropie  et  la  vraie  morale.  Ces 
principes  ont  été  si  lents  à  se  faire  jour  que  le  traitement 
même  des  enfants  trouvés  en  a  porté  la  trace  jusqu'à  nos 
jours.  Nous  les  avons  vus  complètement  délaissés,  traités 
en  parias,  puis,  à  peine  recueillis,  porter  ce  costume 
bizarre  qui  leur  valut  le  nom  d'enfants  rouges,  mais  qui, 
comme  le  fait  observer  M.  Othenin  d'Haussonville,  «  ne 
leur  assurait  pas  toujours  l'affectueuse  protection  qu'il  leur 
garantit  dans  les  pays  où  cet  usage  est  conservé,  en  Hol- 
lande, par  exemple  ».  Puis,  sous  la  Révolution,  ils  se 
virent  proclamés  «  enfants  de  la  patrie  »  et  assimilés  un 
moment  aux  enfants  légitimes. 

Aujourd'hui,  on  les  oriente,  pour  la  plupart,  vers  les 
professions  agricoles,  mais  un  assez  grand  nombre  de  ceux 
recueillis  à  Paris  sont  dirigés  vers  les  carrières  militaires. 
—  En  tant  qu'il  s'agit  seulement  des  enfants  recueilhs 
comme  abandonnés  ou  comme  orphelins  pauvres,  la  ques- 
tion que  nous  venons  de  débattre  n'a  jamais  été  soulevée  ; 
on  a  toujours  veillé  avec  plus  ou  moins  de  sollicitude  sur 
leur  sort  (V.  ci-dessous).  François  Bernard. 

Protection  des  enfants  du  premier  âge.  —  La 
mortalité  excessive  des  enfants  en  bas  âge  et  des  nourrissons 
est  un  fait  connu  sur  lequel  l'unanimité  des  appréciations 
a  fini  par  agiter  l'opinion  publique,  et  dont  le  législateur,  à 
son  tour,  a  eu  à  tenir  compte.  Toutes  les  statistiques  de  la 
mortalité  infantile  montrent  que,  de  tous  les  enfants,  ceux 
élevés  par  leur  mère  fournissent  le  plus  grand  nombre  de 
survivances  et  peuvent  plus  aisément  arriver  à  l'âge  adulte  ; 
ceux  qui  sont,  au  contraire,  les  plus  menacés  de  dispa- 
raître sont  les  enfants  confiés  à  l'industrie  nourricière 
et  les  enfants  illégitimes  ou  les  enfants  assistés.  Les  soins 

66 


ENFANT 


4042  — 


étrangers  ne  valent  évidemment  pas  ceux  de  la  famille,  et 
l'enfant  auquel  on  s'intéresse  le  plus,  celui  que  l'on  aime 
le  mieux,  que  Ton  entoure  des  soins  les  plus  affectueux, 
est  celui  qui  a  le  plus  de  chances  de  survivre. 

Sous  l'ancien  régime,  l'industrie  nourricière  avait  déjà 
donné  lieu  à  une  réglementation  extrêmement  minutieuse. 
En  1781  fut  même  publié  un  code  des  nourrices  dans 
lequel,  au  milieu  d'un  grand  nombre  de  dispositions  suran- 
nées, on  peut  relever  quelques  prescriptions  excellentes, 
notamment  l'obligation,  pour  les  nourrices  venant  quérir 
un  nourrisson,  d'avoir  un  certificat  du  curé  (c'était  l'officier 
de  l'état  civil)  constatant  l'âge  de  la  nourrice  et  indi- 
quant si  elle  était  ou  non  chargée  d'autres  nourrissons  ; 
la  défense  d'avoir  en  même  temps  deux  nourrissons,  ainsi 
que  la  visite  de  la  nourrice  et  du  nourrisson  par  le  méde- 
cin de  police  pour  préserver  éventuellement  la  première  ou 
le  second  de  toute  maladie  contagieuse.  Mais  ce  code  tomba 
en  complète  désuétude,  et,  déjà  appliqué  exceptionnellement, 
il  n'eut  bientôt  plus  aucune  action. 

Dès  I808,  le  docteur  Bertillon  fit  à  l'Académie  de  méde- 
cine de  Paris  une  communication  qui  signalait  la  morta- 
lité excessive  des  enfants  du  premier  âge.  Au  mois  d'oct. 
1863,  un  médecin  de  campagne  qui,  depuis  de  longues 
années,  se  livrait  personnellement  à  l'étude  des  enfants 
nourris  dans  son  pays,  M.  Monot,  envoyait  à  cette  même 
Académie  une  note  terrifiante  sur  l'industrie  des  nourrices 
telle  qu'elle  se  pratiquait,  depuis  1850,  dans  le  Morvan,  et 
démontrait  que  la  mortalité  des  enfants  de  un  jour  à  un 
an  s'élevait  à  la  proportion  monstrueuse  de  70  °/o. 

A  son  tour,  le  docteur  Roussel,  député  de  la  Lozère  à 
l'Assemblée  nationale  (depuis  sénateur),  porta  la  question 
sur  le  terrain  plus  pratique  de  la  législation  et  appela  sur 
elle  l'attention  des  pouvoirs  publics  par  une  proposition 
de  loi  sur  la  protection  des  enfants  du  premier  âge.  Nommé 
rapporteur  de  la  commission  parlementaire  chargée  d'étu- 
dier son  projet,  le  docteur  Roussel  constatait,  dans  son 
rapport  désormais  célèbre,  que,  dans  certaines  régions,  la 
mortalité  des  enfants  en  nourrice  atteignait  réellement  la 
proportion  considérable  de  70  à  80  %.  Il  ajoutait  que  dans 
les  conditions  les  plus  humbles  de  la  vie  de  province,  en 
Creuse,  par  exemple,  la  moyenne  des  décès  des  enfants  en 
bas  âge  n'était  que  de  13  ^jo'-,  elle  descendait  même  à 
5  °/o  dans  plusieurs  localités  où  l'allaitement  maternel  était 
resté  général.  Et  il  concluait  que,  si  les  conditions  de  l'hy- 
giène maternelle  et  nourricière  étaient  observées,  la  mor- 
talité des  nouveau-nés  ne  devrait  guère  dépasser  10  <^/o. 
—  De  ces  terribles  constatations  est  née  la  loi  du  23  déc. 
1874,  à  laquelle  a  été  donné  le  nom  de  loi  Roussel.  Grâce 
à  cette  initiative,  qui  constitue  pour  son  promoteur  un  vrai 
titre  à  la  reconnaissance  de  ses  concitoyens,  l'intérêt  de  la 
société  bien  compris  est  aujourd'hui  protégé.  Le  législa- 
teur ne  pouvait  que  réglementer,  surveiller  l'industrie  des 
nourrices  ;  il  ne  pouvait  imposer,  par  exemple,  aux  mères 
l'obligation  d'allaiter  leurs  enfants  elles-mêmes,  mais  il 
pouvait  s'assurer  par  des  prescriptions  que  les  enfants  rece- 
vraient pendant  leur  première  enfance  les  soins  de  bonne 
alimentation  et  d'hygiène  qui  leur  sont  nécessaires.  Ce  but 
est  en  voie  d'être  atteint  aujourd'hui. 

La  mortalité  infantile  subit,  en  effet,  une  décroissance 
marquée  depuis  les  quelques  années  que  l'on  a  pu  suivre 
et  relever  les  effets  de  la  loi  Roussel.  La  proportion  des 
décès  de  0  à  1  pour  1 00  naissances  donne  une  moyenne 
de  18,44  pour  la  période  de  1868  à  1872  ;  16,62  pour 
celle  de  1873  à  1877  ;  16,75  pour  celle  de  1878  à  1882  ; 
16,50  pour  1883. 

La  loi  de  1874  a  donc  pour  conséquence  d'arrêter  un 
mouvement  inquiétant  de  dépopulation  et  de  conserver  au 
pays  des  existences  précieuses.  Elle  n'est  pas  seulement 
une  loi  humanitaire  ;  elle  est  au  premier  chef  une  loi 
d'intérêt  patriotique  et  social,  et,  à  ce  titre,  elle  justifie  son 
utilité,  les  sacrifices  qu'elle  réclame,  les  dévouements  aux- 
quels elle  fait  appel  et  commande  à  tous  la  stricte  obser- 
vation de  ses  prescriptions.  Son  exécution  n'est  encore 


assurée  que  très  incomplètement  malheureusement  ;  l'orga- 
nisation qu'elle  nécessite  n'est  pas  encore  achevée,  mais 
on  s'achemine  de  plus  en  plus  rapidement  vers  son  plein 
fonctionnement  ;  l'élévation  progressive  des  crédits  votés 
annuellement  dans  ce  but  par  les  conseils  généraux  qui 
ont  la  charge  de  la  moitié  des  dépenses  en  témoigne.  Ces 
crédits  ont  suivi  la  progression  suivante  : 


1878... 

.  543.346  fr. 

1883... 

1.278.160  fr. 

1879... 

..  718.808  — 

1884... 

1.394.199  — 

1880... 

.  764.055  — 

1885... 

1.464.044  — 

1881... 

.  851.570  - 

1886... 

1.532.531  - 

1882... 

.  971.071  - 

1887... 

1.615.236  - 

La  population  des  enfants  au-dessous  de  deux  ans,  élevés 
moyennant  salaire  horsdu  domicile  de  leurs  parents,  qu'il 
faut  protéger,  est  beaucoup  plus  nombreuse  qu'on  ne  l'avait 
d'abord  supposé  sur  la  foi  de  recensements  imparfaits  ; 
elle  ne  paraît  pas  être  inférieure  au  chiffre  de  deux  cent 
mille  enfants,  soit  le  double  du  maximum  présumé  lors  du 
vote  de  la  loi. 

La  protection  des  enfants  du  premier  âge  n'est  pas 
assurée  seulement  par  la  loi  Roussel  ;  l'initiative  privée 
avait  précédé  sa  promulgation,  et  elle  lui  a  survécu  avec 
une  action  parallèle.  Il  existe,  en  effet,  des  sociétés  pro- 
tectrices de  l'enfance,  dont  le  but  est  d'organiser  pour  les 
nourrissons  placés  hors  de  leur  famille  une  surveillance 
médicale  sérieuse  et  de  propager  l'allaitement  maternel. 
Les  médecins,  qui  leur  prêtent  un  concours  gratuit,  visi- 
tent régulièrement  les  enfants  et  adressent  chaque  mois  un 
bulletin  de  visite  détaillé  qui  constate  l'état  général  des 
enfants  et  la  manière  dont  ils  sont  soignés. 

L'économie  de  la  loi  Roussel  est  la  suivante  :  «  Tout 
enfant  âgé  de  moins  de  deux  ans,  dit  l'art.  1^^,  qui  est 
placé  moyennant  salaire  en  nourrice,  en  sevrage  ou  en 
garde  hors  du  domicile  de  ses  parents,  devient,  par  ce  fait, 
l'objet  d'une  surveillance  de  l'autorité  publique,  ayant  pour 
but  de  protéger  sa  vie  et  sa  santé.  »  Cette  surveillance 
s'étend  sur  les  bureaux  de  placement  et  tous  les  inter- 
médiaires qui  s'emploient  au  placement  des  enfants  en 
nourrice,  en  sevrage  ou  en  garde,  et  surtout  sur  toutes  les 
personnes  ayant  chez  elles  un  nourrisson,  un  ou  plusieurs 
enfants  en  sevrage  ou  en  garde,  dont  elles  ont  la  charge 
moyennant  salaire.  C'est  aux  personnes  qui  placent  un 
enfant,  aux  nourrices  ou  gardeuses  qui  le  reçoivent  chez 
elles  qu'incombe  l'obligation  de  faire  au  maire,  dans  les 
trois  jours,  la  déclaration  de  placement.  Les  nourrices 
doivent  être  pourvues  d'un  certificat  délivré  par  le  maire  et 
d'un  certificat  médical.  Le  certificat  du  maire  constate  que 
l'enfant  de  la  nourrice  a  atteint  sept  mois,  s'il  est  encore 
vivant  ou  qu'il  est  allaité  par  une  autre  femme  et  il  men- 
tionne l'état  de  l'habitation.  Le  certificat  médical  atteste  que 
la  nourrice  est  en  bonne  santé  et  qu'elle  rempHt  les  condi- 
tions nécessaires  pour  élever  un  nourrisson.  La  surveillance 
est  également  administrative  et  médicale. 

Les  secrétaires  de  mairie  sont  chargés  de  la  tenue  des 
registres  et  de  l'envoi  des  notifications  du  médecin  inspec- 
teur qui  permettent  de  suivre  l'enfant  dans  tous  ses  dépla- 
cements successifs,  et  les  juges  de  paix  doivent  vérifier 
aux  mairies  mêmes  les  registres  destinés  à  recevoir  les 
déclarations  des  nourrices  et  des  parents  ;  ils  signalent  la 
mauvaise  tenue,  les  erreurs,  les  irrégularités  qu'ils  relèvent. 
L'établissement  d'une  inspection  médicale  des  enfants 
en  nourrice,  en  sevrage  ou  en  garde,  constitue  une  inno- 
vation capitale,  mais  la  loi  n'en  fait  pas  une  obligation  for- 
melle; aussi  est-elle  encore  quelquefois  négligée.  Les  visites 
médicales  sont  des  plus  nécessaires  au  début  d'un  place- 
ment, la  période  la  plus  critique  pour  l'enfant,  celle  oti  la 
mortalité  est  la  plus  grande  étant  celle  des  premiers  mois. 
Des  commissions  locales  embrassant  la  commune  con- 
courent à  l'apphcation  des  mesures  de  protection  ;  elles 
peuvent,  lorsqu'elles  jugent  que  la  vie  ou  la  santé  d'un  en- 
fant est  compromise,  retirer  l'enfant  à  la  nourrice  et  le 
placer   provisoirement  chez  une   autre  personne  ;   elles 


—  1048  — 


ENFANT 


signalent  au  préfet,  dans  leur  rapport  annuel,  les  nourrices 
qui  méritent  une  mention  spéciale  pour  les  bons  soins 
qu'elles  donnent  aux  enfants  qui  leur  sont  confiés.  Il  existe 
en  outre  un  comité  départemental  et  un  inspecteur  dépar- 
temental qui  surveillent  les  intérêts  généraux  et  dépouillent 
les  rapports  qui  leur  sont  envoyés  par  les  commissions 
locales.  Et  au  sommet  de  toute  cette  organisation  se  trouve 
un  comité  supérieur  siégeant  à  Paris,  au  ministère  de  l'in- 
térieur, qui  centralise  et  contrôle  tous  les  renseignements 
relatifs  à  l'exécution  de  la  loi  de  4874,  donne  son  avis,  et 
dont  le  rapport  annuel  doit  être  publié  conformément  à 
l'art.  4.  Ajoutons  que  des  pénalités  diverses  sont  édictées 
pour  assurer  la  régulière  exécution  de  la  loi.  Il  est  à  re- 
gretter malheureusement  que  cette  loi  du  23  déc.  1874 
n'ait  pas  un  caractère  plus  nettement  impératif,  qu'elle 
soit  incomplète  encore  sur  bien  des  points,  et  surtout  que 
les  tribunaux  hésitent  presque  toujours  à  l'appliquer  dans 
toute  sa  rigueur  lorsqu'ils  ont  à  relever  des  infractions. 
Celles-ci  sont  d'ailleurs  d'autant  plus  fréquentes  que  la 
sanction  est  moins  rigoureuse. 

La  loi  de  protection  infantile  appelle  des  compléments 
nécessaires.  Il  n'est  pas  douteux  que  les  privations  prolon- 
gées ou  l'excès  de  travail  pendant  la  grossesse  de  la  mère 
exercent  une  influence  désastreuse  sur  la  conformation  et  la 
santé  de  l'entant,  et  sont  une  des  causes  principales  de  la 
mortalité  de  la  première  enfance.  Le  nonibre  des  mort-nés 
et  celui  des  décès  dans  le  premier  mois  après  la  nais- 
sance s'élève  à  un  neuvième  à  peu  près  des  enfants  con- 
çus. On  pourrait  chercher  à  atténuer  ce  mal,  à  protéger  la 
vie  de  l'enfant  en  assistant  et  en  protégeant  plus  efficace- 
ment la  mère  pendant  sa  grossesse.  En  Allemagne,  en  Au- 
triche, en  Suisse,  la  loi  qui  règle  le  travail  réglemente 
aussi  le  travail  des  femmes  enceintes,  leur  interdit  certaines 
industries  et  réserve  un  espace  de  temps,  qui  varie  de  six  à 
huit  semaines,  pendant  lequel  avant  ou  après  l'accouche- 
ment elles  ne  peuvent  travailler  dans  les  usines.  Naturelle- 
ment, il  faut,  corrélativement  à  ces  prescriptions,  organiser 
des  caisses  de  secours  et  de  prévoyance.  La  création  d'asiles 
de  convalescence  dans  les  villes,  celle  d'asiles  maternels 
peuvent  élargir  considérablement  les  bienfaits  de  la  loi. 
De  nombreuses  fondations  privées  existent  à  cette  inten- 
tion, et  des  sociétés  se  sont  organisées  sur  tous  les  points 
du  territoire  rivalisant  de  zèle  pour  assurer  le  même  but 
philanthropique. 

La  première  institution  que  l'on  rencontre  est  celle  des 
sociétés  de  chanté  maternelle  qui  ont  pour  mission  de 
secourir  les  mères  pauvres  au  moment  de  leurs  couches  et 
de  soustraire  ainsi  au  dénuement  et  à  l'abandon  l'être  qui 
vient  au  monde.  La  plus  ancienne  de  ces  sociétés  est 
celle  de  Paris,  dont  la  fondation  remonte  à  1785.  Il  en 
existe  plus  de  80  dans  toute  la  France,  réparties  dans 
50  départements,  et  les  résultats  qu'elles  obtiennent  sont 
dignes  de  tout  éloge.  Leur  budget,  entretenu  par  la  charité 
privée  et  par  des  subventions  de  l'Etat,  des  départements 
et  des  communes,  leur  a  permis  de  secourir  plus  de  80,000 
femmes  en  cinq  ans. 

Après  l'accouchement,  il  faut  s'occuper  de  l'entretien  du 
nouveau-né;  les  crècte  pourvoient  à  cet  objet;  elles  sont 
destinées  à  recevoir  les  enfants  de  quinze  jours  à  trois  ans 
pendant  que  la  mère  travaille  hors  de  son  domicile.  Les 
crèches  sont  une  institution  essentiellement  française.  La 
première,  modèle  de  toutes  celles  qui  se  sont  fondées 
depuis  dans  tous  les  pays  civilisés,  a  été  organisée  à  Paris, 
le  14  nov.  1844,  par  M.  Firmin  Marbeau.  Le  nombre  des 
crèches  ne  répond  pas  encore  aux  besoins  manifestes  de  la 
classe  ouvrière.  Il  n'en  existait,  en  1886,  que  53  dans  la 
Seine  et  136  dans  les  départements.  La  crèche  est  le  plus 
souvent  une  institution  privée,  quoique  alimentée  presque 
toujours  par  la  charité  publique.  La  salle  cTasile  appelée 
aujourd'hui  école  maternelle  et  qui  prend  l'enfant  après 
la  crèche,  est,  à  l'inverse,  une  institution  publique  dans  la 
plupart  des  cas.  Les  crèches  et  les  écoles  maternelles 
s'adressent  évidemment  à  tous  les  enfants,  qu'ils  soient 


nourris  par  leur  mère  ou  confiés  à  des  mains  mercenaires, 
mais  surtout  aux  premiers. 

Les  sociétés  protectrices  de  l'enfance  ont  organisé  pour 
les  nourrissons  placés  hors  de  la  famille  une  surveillance 
médicale  sérieuse,  mais  elles  s'efforcent  le  plus  possible 
de  propager  l'allaitement  maternel.  Elles  sont  au  nombre 
de  11  et  ont  leur  siège  à  Paris,  Le  Havre,  Rouen,  Mar- 
seille, Tours,  Pontoise,  Lyon,  Reims,  Essonnes,  Bordeaux 
et  Alger. 

Terminons  cet  exposé  par  le  résumé  suivant  du  dernier 
rapport  concernant  la  protection  de  la  première  enfance 
dans  le  dép.  de  la  Seine.  Les  femmes  qui  se  livrent 
à  l'élevage  des  enfants  sont  nourrices  sur  lieu  ou  nour- 
rices à  emporter.  Les  premières  sont  celles  qui  restent 
à  Paris  ;  pour  1,000  d'entre  elles,  il  y  en  a  222  originaires 
de  la  Seine,  fréquemment  venues  seulement  à  Paris  pour 
cacher  une  faute  et  obtenir  les  secours  de  l'Assistance 
publique  ;  puis  viennent,  par  ordre  d'importance,  les  nour- 
rices originaires  de  la  Nièvre  (152,50),  de  Saône-et- 
Loire  (75,60),  du  Nord  (65,20),  du  Pas-de-Calais  (63), 
du  Cher  (50,40), du  Loiret(30,80),  del' Allier  etdel'Indre. 

Le  relevé  des  bureaux  de  placement  nous  donne  pour 
une  année,  l'année  1885,  un  total  de  3,239  de  ces  nour- 
rices dites  sur  lieu.  En  huit  ans,  il  y  a  eu  81,756  nour- 
rices venues  à  Paris  pour  se  procurer  un  nourrisson; 
56,393  étaient  mariées,  24,100  célibataires,  1,263  veuves. 
A  côté  de  ces  nourrices  au  sein,  il  y  a  les  nouriices  à  em- 
porter au  biberon  ;  sur  31 ,507  nourrices  au  biberon, 
27,083  étaient  mariées,  2,224  célibataires,  2,200  veuves. 
Ce  sont,  paraît-il,  les  mêmes  femmes  qui,  céHbataires, 
mariées,  veuves,  se  livrent  à  l'élevage  au  biberon  ;  cette 
industrie  spéciale  a  pour  siège  principalement  le  Loiret, 
Eure-et-Loir,  la  Sarthe,  Loir-et-Cher,  Seine-et-Oise,  le 
Cher,  l'Orne,  Seine-et-Marne,  le  Pas-de-Calais,  l'Yonne, 
l'Aisne,  la  Mayenne  :  ces  départements  sont  rangés  par  ordre 
d'importance. 

Les  statistiques,  dans  leur  sécheresse,  font  de  curieuses 
révélations  :  elles  nous  montrent,  par  exemple,  les  enfants 
légitimes  mis  en  nourrice  dans  une  zone  rapprochée  de 
leurs  parents  :  Seine-et-Oise,  Seine-et-Marne,  Marne,  Loi- 
ret ;  les  enfants  illégitimes  envoyés  au  loin,  dans  le  Cher, 
dans  le  Nord,  le  Pas-de-Calais,  la  Mayenne.  Ce  qu'elles 
apprennent  de  plus  lamentable,  c'est  ce  qui  touche  à  la 
mortahté:  sur  13,830  enfants  de  Paris  placés  en  nourrice 
en  province,  27,52  ^/o  sont  morts  avant  d'avoir  atteint 
l'âge  d'un  an,  et  à  cet  âge  d'un  an  il  n'en  reste  que 
10,161.  Etant  donnés  14,094  enfants  sans  distinction 
d'état  civil,  de  sexe  et  de  mode  d'élevage,  la  mortalité  a 
été,  pour  les  deux  premières  années  de  vie,  de  28,07  °/o, 
c.-à-d.  que  sur  les  14,097  enfants,  3,971  sont  morts 
avant  d'avoir  atteint  l'âge  de  deux  ans  et  qu'à  cet  âge  il 
n'en  restait  que  10,126.  François  Bernard. 

Travail  des  enfants.  —  Dans  les  relations  entre  ou- 
vriers et  patrons,  l'Etat  a  parfois  à  intervenir  pour  sauve- 
garder un  principe  supérieur  à  l'intérêt  individuel,  ou  bien 
pour  hnposer  sa  protection  quand  il  est  reconnu  que  son 
intervention  ne  serait  suppléée  par  aucune  autre.  L'inter- 
vention de  l'autorité  publique  est  autant  un  devoir  qu'un 
droit  qu'elle  tient  de  la  société  elle-même,  dont  elle  a  la 
délégation.  L'Etat  est  ainsi  le  protecteur  des  faibles,  et  il 
est  bien  prouvé  qu'ils  ne  sont  efficacement  protégés  que 
par  lui.  L'enfant  surtout  est  plus  exposé  que  tout  autre  à 
être  la  victime  d'abus  :  il  peut  n'avoir  plus  de  protecteurs 
naturels  ;  ses  parents  mêmes  peuvent  d'ailleurs  trop  sou- 
vent être  portés  à  le  faire  travailler  prématurément  au  delà 
de  ses  forces  en  vue  du  gain  qu'ils  en  retirent.  L'usine 
ou  l'atelier  peuvent  supprimer  l'école  avant  que  l'enfant 
ait  acquis  un  minimum  d'instruction  suffisant  pour  qu'il 
puisse  se  conduire  dans  la  vie;  enfin,  certaines  industries 
peuvent  être  trop  insalubres,  certains  travaux  trop  fati- 
gants pour  que  sa  santé  et  son  développement  physique 
ultérieur  en  soient  affectés  irrémédiablement.  L'autorité 
paternelle  est  limitée  par  les  lois  ;  on  a  par  analogie  étendu 


ENFANT 


—  1044  — 


au  contrat  de  prestation  du  travail  des  enfants,  consenti 
par  leurs  parents,  le  droit  d'intervention  de  l'Etat.  En  réa- 
lité, lorsqu'ils  disposent  du  travail  de  leurs  enfants,  les 
parents  disposent  du  travail  d'autrui,  et  les  enfants  sont 
inaptes  à  juger  eux-mêmes  sainement  de  leurs  intérêts.  La 
tutelle  gouvernementale  se  justifie  ainsi  pleinement,  sans 
qu'il  soît  nécessaire  d'invoquer  pour  ou  contre  cette  inter- 
vention aucun  des  grands  principes  économiques. 

L'intérêt  personnel  de  l'enfant  est  donc  que  ses  forces 
soient  ménagées  dans  sa  jeunesse,  pour  assurer  son  plein 
développement  physique  et  l'expansion  de  ses  facultés 
intellectuelles.  L'intérêt  social,  absolument  conforme  à  celui 
de  l'individu,  ne  saurait  non  plus  être  trop  attentif  à  assu- 
rer à  la  nation  des  hommes  forts,  vigoureux,  sains  de  corps 
et  d'esprit  et  non  usés  prématurément  ou  incomplètement 
développés,  en  vue  de  la  conservation  de  la  race,  de  l'hy- 
giène publique  et  de  la  défense  nationale.  De  là  des  mesures 
de  protection  pour  réglementer  le  travail  des  enfants  ;  de 
là  aussi  des  mesures  de  protection  plus  restreintes  en 
faveur  des  femmes,  car  protéger  la  femme,  c'est  encore 
protéger  l'enfant  (V.  Femme).  En  France,  avant  1789,  des 
ordonnances  royales  intervenaient  fréquemment  pour  pré- 
ciser ou  modifier  les  conditions  du  travail  pour  chaque  cor- 
poration de  métier,  déterminant  les  droits  et  les  devoirs 
des  apprentis,  des  compagnons  et  des  maîtres.  Les  corpo- 
rations, on  le  sait,  furent  supprimées  à  la  Révolution  au 
nom  de  la  liberté  du  travail  ;  mais  bientôt  le  développe- 
ment des  travaux  publics  et  de  l'industrie  appela  de  nou- 
veau l'attention  du  législateur  sur  la  protection  du  travail. 

Ces  mesures  de  protection  s'expliquent  d'autant  plus 
légitimement  aujourd'hui  que  le  développement  de  l'indus- 
trialisme dans  notre  siècle  les  a  rendues  plus  nécessaires. 
C'est  sous  l'influence  dominante  de  cette  transformation 
économique  que  les  diverses  législations  ont  été  amenées 
à  faire  une  place  de  plus  en  plus  grande  à  la  réglementa- 
tion du  travail.  L'outillage  industriel  a  adopté  des  machines 
d'une  puissance  considérable,  quelquefois  dangereuses; 
souvent  ces  machines  ont  simphfié  le  travail  de  l'homme  à 
tel  point  que  l'apprentissage  est  devenu  inutile  dans  beau- 
coup d'emplois  et  que  l'on  a  avantage  à  substituer  des 
enfants  faiblement  rémunérés  à  des  ouvriers  arrivés  à  la 
pleine  maturité,  qui  auraient  le  droit  de  prétendre  à  un 
salaire  plein.  Il  y  a  en  fait  beaucoup  plus  de  place  à  l'heure 
actuelle  pour  les  enfants  et  les  filles  mineures  dans  les  ate- 
liers et  les  manufactures  qu'il  n'y  en  avait  au  commence- 
ment de  ce  siècle,  et  l'obligation  de  la  concurrence,  l'esprit 
de  calcul,  de  lucre  des  patrons,  poussent  sans  cesse  ceux-ci, 
quoi  qu'ils  en  aient,  à  rechercher,  le  plus  souvent  possible, 
la  main-d'œuvre  la  moins  chère,  celle  des  enfants.  Partout 
où  il  ne  faut  déployer  que  peu  de  force,  l'enfant  présente 
cet  avantage  de  pouvoir  remplacer  un  homme  dont  la  force 
serait  en  partie  inutilisée.  Mais,  s'il  y  a  abus,  l'enfant  sur- 
mené peut  devenir  à  l'âge  adulte  une  non-valeur  qui  retom- 
bera à  la  charge  de  la  société  ou  qui,  en  tous  cas,  aura 
perdu  une  partie  de  sa  puissance  productrice,  et  se  sera 
fait  une  situation  sociale  inférieure  à  celle  à  laquelle  il 
aurait  eu  le  droit  de  prétendre.  Tous  les  pays  industriels 
ont  reconnu  ces  vérités  et  les  ont  sanctionnées  dans  leur 
législation. 

L'Angleterre  a  ouvert  la  voie  par  une  série  de  factory  acts 
s'appliquant  chacun  à  une  ou  plusieurs  industries  spéciales. 
Dès  la  fin  du  xviii®  siècle  les  dangers  résultant  de  l'emploi 
d'enfants  trop  jeunes  dans  les  manufactures  avaient  été 
signalés  par  les  docteurs  Aithin  et  Perce  val.  Quelques 
années  plus  tard,  un  industriel,  sir  Robert  Peel,  le  père  du 
célèbre  ministre,  après  avoir  constaté  dans  ses  propres 
manufactures  des  faits  de  nature  à  attirer  l'attention  des 
pouvoirs  pubhcs,  faisait  adopter,  en  1802,  un  bill  destiné 
«  à  préserver  la  société  et  la  moralité  des  enfants  et  autres 
employés  dans  les  fabriques  de  coton  et  de  laine».  Ce  bill, 

qui  limitait  à  douze  heures  la  journée  du  travail  des  enfants 
et  leur  interdisait  le  travail  de  nuit,  resta  inappliqué.  De 
nouvelles  lois  furent  votées  en  1815,  en  1819,  en  1825 


et  en  1833;  cette  dernière  plus  complète  inspira  en  France 
notre  loi  fondamentale  du  23  mars  1841.  La  Prusse  avait 
déjà,  en  1839,  dans  une  ordonnance  royale,  reproduit  les 
principales  dispositions  de  la  loi  anglaise  de  1833.  «  La 
première  disposition  législative  protectrice  du  travail  des 
enfants,  dit  le  docteur  Napias,  fut  prise  en  Prusse  sur  les 
instances  d'un  officier  de  recrutement,  nommé  de  Horn, 
qui  avait  signalé  le  faible  contingent  fourni  par  les  districts 
manufacturiers  où  de  nombreux  enfants  travaillaient  aux 
fabriques.  » 

En  France,  dès  1827,  la  société  industrielle  de  Mul- 
house, sur  la  proposition  de  l'un  des  principaux  filateurs 
alsaciens,  appela  l'attention  des  pouvoirs  publics  sur  la 
même  question,  et  c'est  par  l'agitation  qui  s'ensuivit  que 
l'on  aboutit  à  la  loi  de  1841.  Comme  la  loi  de  1841  n'avait 
trait  qu'aux  grandes  industries,  on  étendit  dans  la  loi  du 

22  févr.  1851,  relative  au  contrat  d'apprentissage,  la  sur- 
veillance du  gouvernement  aux  établissements  de  la  petite 
industrie.  Mais  cette  surveillance,  peu  ou  point  organisée 
par  suite  de  l'insuffisance  de  l'inspection,  amena  au  vote 
de  la  loi  du  19  mai  1874.  Aujourd'hui  une  législation  assez 
complète  sur  la  matière  existe  dans  les  pays  suivants  : 
Angleterre  :  loi  du  27  mai  1878  (Factory  and  Workshop 
Act)  ;  Allemagne  :  loi  du  l^''  juil.  1883;  Autriche  :  loi  du 
8  mars  1885  ;  Danemark  :  loi  du  23  mai  1873  ;  Relgique  : 
loi  du  13  déc.  1889  ;  Espagne  :  loi  du  24  juil.  1873  ;  Italie  : 
loi  du  11  févr.  1886;  Pays-Bas  :  loi  du  5  mai  1889; 
Suède  :  loi  du  18  nov.  188l  ;  Suisse  :  loi  fédérale  du 

23  mars  1877.  Tout  récemment,  au  cours  de  l'année 
1890,  une  conférence  internationale,  réunie  à  Berlin  sur 
l'initiative  de  l'empereur  Guillaume  II,  pour  l'étude  des 
améliorations  à  apporter  au  régime  du  travail,  et  à  laquelle 
ont  participé  la  plupart  des  pays  manufacturiers  de  l'Eu- 
rope, s'est  occupée  de  cette  grave  question  du  travail  des 
enfants. 

Les  résolutions  adoptées  par  la  commission  spéciale  ont 
été  les  suivantes  :  «  Il  est  désirable  que  les  enfants  des 
deux  sexes  n'ayant  pas  atteint  un  certain  âge  ne  puissent 
travailler  dans  les  établissements  industriels  ;  que  la  limite 
d'âge  soit  fixée  à  douze  ans,  sauf  pour  les  pays  méridio- 
naux où  la  limite  serait  de  dix  ans  ;  que  les  limites  d'âge 
soient  les  mêmes  pour  tout  établissement  industriel;  que 
les  enfants  aient  préalablement  satisfait  aux  prescriptions 
de  l'enseignement  primaire  ;  que  les  enfants  au-dessous  de 
quatorze  ans  ne  travaillent  ni  la  nuit  ni  le  dimanche  ;  que 
leur  travail  ne  dépasse  pas  dix  heures  par  jour  et  soit 
interrompu  par  un  repos  d'une  demi-heure  au  moins;  que 
ces  enfants  ne  puissent  travailler  à  des  occupations  insa- 
lubres ou  dangereuses,  sauf  avec  certaines  garanties  pro- 
tectrices. Il  est  désirable  que  les  jeunes  ouvriers  des  deux 
sexes  de  quatorze  à  seize  ans  ne  travaillent  ni  la  nuit  ni 
le  dimanche;  que  leur  travail  eff'ectif  ne  dépasse  pas^dix 
heures  par  jour  et  soit  interrompu  par  des  repos  d'une 
heure  et  demie  ;  que  des  exceptions  soient  admises  pour 
certaines  industries;  que  des  restrictions  soient  prévues 
pour  les  occupations  insalubres  ou  dangereuses  ;  qu'une 
protection  soit  assurée  aux  jeunes  garçons  de  seize  à  dix- 
huit  ans  pour  la  durée  maxima  du  travail,  le  travail  de 
nuit,  le  travail  du  dimanche  et  les  occupations  insalubres  ou 
dangereuses.  » 

Cette  conférence  n'a  pu  avoir  qu'un  rôle  purement  con- 
sultatif; elle  a  néanmoins  posé  des  bases  (jue  toiites  les 
législations  particulières  viseront  plus  ou  moins  rapidement 
à  adopter,  et  surtout,  elle  a,  pour  la  première  fois,  laissé 
pressentir  pour  l'avenir  que  des  accords  internationaux  en 
ce  qui  concerne  la  réglementation  du  travail  ne  sont  pas 
impossibles.  Dans  notre  pays,  les  vœux  que  nous  reprodui- 
sons sont  pour  la  plupart  déjà  consacrés  par  la  loi,  et  sur 
bien  des  points  ils  sont  dépassés.  La  loi  anglaise  de  1878, 
qui  codifie  la  matière,  est  une  des  plus  minutieusement  régle- 
mentaires de  l'Europe  :  l'entrée  des  ateUers  et  des  manu- 
factures est  interdite  aux  enfants  au-dessous  de  dix  ans  ; 
de  dix  à  quatorze  ans,  le  travail  est  permis,  mais  avec  un 


1045  — 


ENFANT 


maximum  de  cinq  heures  par  jour  ou  dix  heures  tous  les 
deux  jours  ;  de  quatorze  à  dix-huit  ans,  la  journée  des  ado- 
lescents ne  peut  dépasser  dix  heures  de  travail  effectif;  le 
travail  de  nuit  et  le  travail  du  dimanche  sont  interdits.  Les 
patrons  doivent  veiller  à  ce  que  les  enfants  suivent  l'école  ; 
ils  sont  tenus  en  conséquence  à  retirer  et  à  produire  des 
certificats  d'assiduité.  La  majorité  industrielle  est  acquise  à 
dix-huit  ans.  Cette  loi  est  en  voie  de  re  vision,  l'âge  mini- 


mum pour  l'admission  dans  les  ateliers  est  élevé  par  le 
nouveau  projet  à  onze  ans  ;  il  est  déjà  de  douze  ans  dans 
les  mines.  L'âge  minimum  n'est  d'ailleurs  pas  le  même  par- 
tout. Nous  reproduisons  ci-dessous,  d'après  un  rapport  parle- 
mentaire rédigé  sur  ce  sujet  par  M.  Tolain  au  nom  de  la 
commission  du  Sénat  chargé  de  préparer  la  refonte  de  la  loi 
de  1874,  le  tableau  suivant  qui  présente  le  plus  grand  inté- 
rêt, et  qui  résume  les  législations  étrangères  à  ce  point  de  vue. 


Age  d'admission  des  enfants  et  des  adolescents  et  durée  de  la  journée  de  travail. 

PAYS 

AGE 

HEURES 

de   travail 

AGE 

HEURES 

de    travail 

Allemagne 

13  à  14 
12  à  14 
12  à  14 
12  à  16 
10  à  16 
10  à  13 
10  à  14 
10  à  13 

9  à  12 

12  à  16 

12  à  16 

10  et    12  à  14  et  15 

12  à  14 

14  à  16 

re  et  religieux. 

6 

8 

10 
12 

6  1/2 

5 

5 

5 

8 

Durée  fixée  par  le 

Gouvernement 

11 

6 

6 
11* 

14  k  16 

14  à  16 
14  à  16 

16  à  18 

13  à  15 

14  à  18 
14  à  18 

» 

» 

14  à  18 
» 

10 
11 
12 

» 
12 
8 
8 
10  ou  101/2 
» 

» 

» 

» 

10 

» 

Autriche 

Hon^^rie 

Belgique 

Danemark 

Espagne  (garçons) 

(filles)  .          

Grande-Bretagne 

Italie 

I^iUxembouror      

Pays-Bas 

Russie 

Suède  

Suisse 

*  Compris  renseignement  scolai 

Les  pénalités  sont  le  plus  souvent  des  amendes.  Les 
Pays-Bas,  l'Allemagne  et  la  Suisse  admettent  cependant 
l'emprisonnement  de  courte  durée.  Ce  sont  généralement 
les  patrons  seuls  qui  sont  déclarés  responsables,  mais  la 
loi  danoise  et  la  loi  anglaise  atteignent  aussi  les  parents. 
En  France,  la  loi  de  4874  complétée  par  des  règlements 
d'administration  publique,  ceux  notamment  décrétés  sous 
les  dates  du  27  mars  4875  et  du  4«^  mars  4877,  établit 
une  réglementation  assez  complexe  dont  les  différentes  sti- 
pulations visent  en  même  temps  à  assurer  la  protection  de 
l'enfant  et  à  lui  laisser  les  moyens  de  gagner  sa  vie  toutes 
les  fois  que  sa  santé  ne  doit  pas  en  souffrir.  Les  enfants 
ne  peuvent  être  occupés  par  des  patrons  avant  l'âge  de 
douze  ans  ;  exceptionnellement  cette  limite  est  abaissée  à 
dix  ans  pour  certains  emplois  spécialement  dénommés,  qui 
sont  faciles  et  qui  ne  présentent  aucun  danger,  tels  que  le 
dévidage  des  cocons,  le  moulinage  de  la  soie,  la  filature  du 
lin  et  du  coton,  la  papeterie,  les  tulles  et  dentelles.  Ils  ne 
peuvent  non  plus,  avant  l'âge  de  seize  ans,  être  employés 
dans  les  industries  comprenant  un  outillage  mécanique  qui 
puisse  présenter  quelque  danger  (décret  du  43  mai  4875). 
Une  police  spéciale  pour  l'exécution  de  cette  loi  a  été  orga- 
nisée. Des  commissions  locales  nommées  par  le  préfet  fonc- 
tionnent dans  chaque  département,  lesquelles  doivent  com- 
prendre cinq  ou  sept  membres  et  parmi  ceux-ci  un  ingé- 
nieur civil  ou  un  ingénieur  des  mines  dans  les  régions 
minières  et  un  inspecteur  de  l'instruction  primaire.  Une 
commission  supérieure  composée  de  neuf  membres  est  insti- 
tuée à  Paris  pour  assurer  la  parfaite  exécution  de  la  loi, 
surveiller  le  personnel  et  donner  son  avis  chaque  fois  qu'il 
y  a  utilité.  Toutes  ces  fonctions  de  commissaires  sont  gra- 
tuites. Les  commissions  visitent  les  ateUers  et  établisse- 
ments industriels  ;  mais  cette  mission  est  plus  particuliè- 
rement dévolue  à  un  corps  d'inspecteurs  spéciaux  créé  par 
la  loi  de  1874.  Le  territoire  français  est  divisé  pour  cet 
objet  en  vingt  et  une  circonscriptions,  chacune  dirigée  par 
un  inspecteur  divisionnaire.  Les  conseils  généraux  dans  les 
départements  nomment  fréquemment  de  leur  côté  des  ins- 
pecteurs départementaux  en  nombre  plus  ou  moins  grand. 

La  commission  supérieure  du  travail  des  enfants  et  des 
filles  mineures  employés  dans  l'industrie  siège  à  Paris  au- 
près du  ministre  du  commerce  et  de  l'industrie.  Elle  doit 
chaque  année  rendre  compte  dans  un  rapport  spécial  du 


fonctionnement  de  l'inspection  et  donner  son  avis,  tant  sur 
la  situation  matérielle  des  usines  et  ateliers  et  du  régime  du 
travail,  que  sur  l'exécution  des  prescriptions  relatives  à  l'ins- 
truction des  enfants.  La  loi  de  4874  se  refait  à  l'heure  même 
où  nous  écrivons  (4892).  Le  projet  nouveau  qui  paraît  devoir 
être  consacré  comporte  quelques  innovations  importantes. 
i^  k  l'exception  des  établissements  classés  comme  dange- 
reux, insalubres  ou  incommodes,  les  travaux  effectués  dans 
les  ateliers  où  ne  sont  employés  que  les  membres  de  la 
famille  sous  l'autorité  soit  du  père  ou  de  la  mère,  soit  du 
tuteur,  sont  exemptés  des  obligations  de  la  loi.  Néanmoins, 
si  le  travail  s'y  fait  à  l'aide  de  chaudière  à  vapeur  ou  de 
moteur  mécanique,  l'inspecteur  aura  le  droit  de  prescrire 
des  mesures  pour  assurer  la  sécurité  des  personnes  proté- 
gées. ^^  Les  enfants  ne  peuvent  être  employés  par  les 
patrons  avant  l'âge  de  treize  ans  révolus.  Toutefois,  ceux 
pourvus  du  certificat  d'études  primaires  institué  parla  loi  de 
4  882  peuvent  être  employés  à  partir  de  l'âge  de  douze  ans. 
Les  exceptions  à  cette  limite  d'âge,  prévues  par  la  loi  de 
4874,  disparaissent  pour  l'avenir.  Aucun  enfant  de  moins 
de  treize  ans  ne  peut  être  admis  dans  l'industrie  s'il  n'est  muni 
d'un  certificat  d'aptitude  physique  délivré  à  titre  gratuit  par 
l'un  des  médecins  chargés  de  la  surveillance  du  premier  âge 
ou  l'un  des  médecins  inspecteurs  des  écoles.  3<*  Les  enfants 
âgés  de  moins  de  dix-huit  ans,  les  filles  mineures  de  vingt  et 
un  ans  et  les  femmes  ne  peuvent  être  employés  à  aucun  tra- 
vail de  nuit  dans  les  établissements  énumérés  à  l'art.  4®'*. 
Tout  travail  entre  neuf  heures  du  soir  et  cinq  heures  du  ma- 
tin est  considéré  comme  travail  de  nuit,  sauf  exceptions  tem- 
poraires jusqu'à  onze  heures  du  soir  pendant  soixante  jours 
au  plus  et  pour  certaines  industries.  4^^  Les  inspecteurs  du 
travail  prêtent  serment  de  ne  point  révéler  les  secrets  de  fa- 
brication et  en  général  les  procédés  d'exploitation  dont  ils 
pourraient  prendre  connaissance  dans  l'exercice  de  leurs 
fonctions.  Toute  violation  de  ce  serment  est  punie  conformé- 
ment à  l'art.  378  du  C.  pén.  5<*  Les  commissions  locales 
instituées  par  la  loi  de  4874  et  nommées  par  les  préfets  sont 
supprimées  ;  elles  sont  remplacées  par  des  commissions  nom- 
mées par  les  conseils  généraux.        François  Bernard. 

V.  LITURGIE.  —  Enfants  de  chœur.  —  Enfants 
attachés  au  service  d'une  église  pour  les  cérémonies  ou  pour 
le  chant.  Ils  doivent  précéder  aux  offrandes,  aspersions, 
distribution  de  pain  bénit,  etc.,  tous  les  laïques,  quels  qu'ils 


ENFANT 


—  4046 


soient,  comme  faisant  partie  du  clergé  {Mémoires  du  clergé, 
t.  Y,  p.  1474;  t.  VI,  p.  242).  Cette  préséance  résulte  d'une 
règle  générale,  en  conséquence  de  laquelle  les  laïques, 
quels  qu'ils  soient,  portant  le  surplis  et  aidant  le  service 
divin,  font  alors  partie  du  clergé  et  précèdent  tous  les 
autres  M({ues(ibid.,  t.  XIÏ,  pp.2i2  etsuiv.).  —  Aujour- 
d'hui, le  costume  le  plus  ordinaire  des  enfants  de  chœur 
se  compose  d'une  soutanelle  rouge,  d'un  amict,  d'une 
aube,  d'une  ceinture  rouge  ou  bleue,  d'une  calotte  rouge,  et 
en  hiver  d'un  camail.  —  Les  enfants  de  chœur  sont  compris 
parmi  les  serviteurs  de  l'église  ;  leur  rétribution  est  à  la 
charge  de  la  fabrique,  qui  est  aussi  obligée  de  fournir  tout 
ce  qui  constitue  leur  costume  et  d'en  faire  les  frais  de  blan- 
chissage. —  Ils  sont  sous  les  ordres  immédiats  du  curé  ;  le 
droit  de  les  choisir  lui  est  réservé.         E.-H.  Vollet. 

VI.  ADMINISTRATION  MILITAIRE.  —  Enfants  de 
troupe.  —  On  appelle  «  enfants  de  troupe  »  tous  les  en- 
fants au-dessous  de  dix-huit  ans  qui  figurent  sur  les  con- 
trôles de  l'armée  de  terre. 

Histoire.  —  Le  premier  document  officiel  concernant 
les  enfants  de  troupe  est  l'ordonnance  du  4^^  mai  4766. 
Elle  fixait  leur  âge  d'admission  de  dix  à  seize  ans,  en  auto- 
risait un  par  compagnie  et  lui  allouait  la  solde  de  soldat. 
Lorsqu'il  avait  atteint  sa  seizième  année,  le  jeune  pupille 
était  admis,  s'il  le  voulait,  à  contracter  un  engagement  de 
huit  ans.  L'institution  était  créée  par  cette  ordonnance  ; 
mais,  conséquence  de  la  formation  des  armées  perma- 
nentes, elle  avait  surgi  spontanément.  Depuis  de  longues 
années,  les  régiments  avaient  adopté  les  fils  de  leurs 
soldats  ou  de  leurs  sous-officiers  morts  à  l'ennemi,  et 
c'est  parmi  eux  que  se  recrutaient  les  fifres  et  les  tam- 
bours. En  4779,  le  comte  de  Saint-Germain  voulut,  à 
l'instar  de  ce  qui  se  passait  au  dépôt  des  gardes  françaises, 
faire  élever  les  enfants  nés  dans  les  corps  aux  frais  de 
l'Etat;  il  échoua  dans  ses  projets,  et  l'ordonnance  du 
40  août  4786,  qui  créa  les  écoles  des  enfants  de  Varmée^ 
n'eut  pas  non  plus  de  conséquences  pratiques. 

Les  enfants  de  troupe  furent  supprimés  le  4^^  janv. 
479d,  puis  rétabhsle  7  thermidor  an  VIII,  à  peu  près 
dans  les  mêmes  conditions  qu'avant  la  suppression.  Sauf 
des  détails,  rien  ne  fut  changé  sous  l'Empire  et  la  Restau- 
ration. Napoléon  incorpora  un  grand  nombre  de  ces  enfants 
dans  les  pupilles  de  la  garde,  dont  la  légion  atteignit  jus- 
qu'à l'eftectif  de  8,000  rationnaires.  L'ordonnance  ^du 
44  avr.  4832  vint  exiger  le  service  obligatoire,  sous  peine 
de  radiation,  mais  elle  admit  les  enfants  d'officiers,  qui, 
jusque-là,  n'avaient  pas  joui  de  cette  faveur.  Elle  resta 
en  vigueur,  avec  quelques  modifications,  jusqu'au  décret 
du  22  mai  4858,  qui  réglementa  sur  de  nouvelles  bases 
les  conditions  d'âge,  de  nombre  et  d'admission,  mais  ne 
changea  rien  aux  conditions  morales  de  l'institution. 

Les  inspecteurs  généraux  s'étaient^  émus  de  la  promis- 
cuité dans  laquelle  les  enfants  vivaient  à  la  caserne  et, 
dès  4868,  le  maréchal  Niel  s'était  préoccupé  d'une  réforme 
radicale.  L'étude  de  cette  question  fut  confiée,  par  ordre 
du  ministre,  en  4873,  à  une  commission  présidée  par  le 
général  Lebrun,  et  le  général  Chareton,  rapporteur  du  pro- 
jet de  loi  sur  les  cadres  de  l'armée,  proposa  de  créer  une 
école  d'enfants  de  troupe  à  l'instar  de  celles  qui  fonction- 
naient en  Russie,  en  Allemagne,  en  Angleterre  et  d'en- 
lever les  enfants  aux  régiments.  L'art.  28  de  la  loi  du 
43  mars  4875  créa  le  principe  des  écoles  d'enfants  de 
troupe  ;  la  loi  du  49  juil.  4884  l'a  consacré.  Une  école 
d'essai  fut  fondée  à  Rambouillet  par  décret  du  24  avr. 
4875,  et  c'est  sur  les  résultats  obtenus  que  l'on  a  calqué 
l'organisation  définitive. 

Admission  des  enfants  de  troupe.  —  Aux  termes  de  la 
loi  du  49  juil.  4884  et  du  décret  du  42  avr.  4888  sont 
admis  à  concourir  aux  places  d'enfants  de  troupe  :  4^  les 
fils  des  soldats,  caporaux  ou  brigadiers,  sous-officiers,  offi- 
ciers jusqu'au  grade  de  capitaine  inclusivement  ou  assi- 
milés et  les  fils  d'officiers  supérieurs  décédés  ;  2°  les  fils 
de  militaires  retirés  du  service,  étant  ou  ayant  été  en  pos- 


session d'une  pension  de  retraite,  d'une  pension  de  réforme 
pour  infirmités  ou  blessures  ou  ayant  contracté  un  renga- 
gement de  cinq  ans  au  moins  ;  3°  les  fils  des  militaires  de 
la  réserve  de  l'armée  active,  de  l'armée  territoriale  ou  de 
la  réserve  tués  à  l'ennemi  ou  morts  de  leurs  blessures. 

Les  enfants  doivent  avoir  deux  ans  au  moins  et  treize 
ans  au  plus  au  4^^  août  pour  être  proposés  pour  enfants  de 
troupe.  Les  demandes  d'admission  formées  par  les  parents 
ou  tuteurs  sont  adressées  :  au  président  du  conseil  d'admi- 
nistration pour  les  fils  de  militaires  appartenant  à  un  corps 
de  troupe  ;  au  général  commandant  le  corps  d'armée  par  l'in- 
termédiaire du^chef  de  service  pour  les  fils  de  militaires  n'ap- 
partenant pas  à  un  corps  ;  au  même  officier  général  pour  les 
militaires  des  troupes  de  terre  ou  de  mer  retirés  du  service 
et  résidant  dans  la  région,  par  l'intermédiaire  de  l'autorité 
militaire  locale  ou  de  la  gendarmerie.  Ces  demandes  doivent 
être  accompagnées  de  six  pièces  énumérées  dans  l'instruction 
du  42  juil.  4888  :  engagement  de  reversement  au  Trésor 
de  la  moitié  des  indemnités  perçues  si  l'enfant  renonce  à 
entrer,  à  l'âge  de  quatorze  ans,  dans  une  école  militaire 
préparatoire  ;  certificat  du  maire  ou  du  conseil  d'adminis- 
tration constatant  la  moralité,  les  moyens  d'existence  et 
les  charges  des  parents  ;  acte  de  naissance  de  l'enfant  ; 
état  des  services  du  père  ;  acte  de  mariage  des  parents  ; 
certificat  de  vaccine. 

Les  généraux  commandants  les  corps  d'armée  font  ins- 
truire les  demandes  par  les  conseils  d'administration  des 
corps  placés  sur  leur  territoire  ;  celles  qui  sont  transmises 
après  le  4^'  juil.  sont  ajournées  à  Tannée  suivante.  Une  com- 
mission, nommée  par  le  général  commandant  le  corps  d'armée, 
présidée  par  un  lieutenant-colonel  d'infanterie  et  composée 
de  quatre  autres  membres  du  grade  de  commandant  ou 
assimilés,  se  réunit  vers  le  45  juil.  Elle  examine  et  classe 
les  demandes  et  transmet  son  classement  au  ministre  avant 
le  i^^  sept.  Le  ministre  nomme  aux  places  d'enfants  de 
troupe  et  notifie  aux  commandants  de  corps  d'armée  les 
corps  où  les  enfants  doivent  être  immatriculés.  Les  enfants 
de  troupe  sont  laissés  à  leurs  parents  qui  reçoivent  an- 
nuellement :  400  fr.  pour  les  enfants  de  deux  à  cinq  ans  ; 
450  fr.  pour  les  enfants  de  cinq  à  huit  ans  et  480  fr.  pour 
les  enfants  de  huit  à  treize  ans.  Ils  ne  paraissent  plus  au 
régiment.  A  treize  ans  révolus,  ils  doivent  entrer  dans  une 
école  militaire  préparatoire  ou  à  l'orphelinat  Hériot  (V. 
Ecoles  militaires  préparatoires). 

A  l'âge  minimum  fixé  par  la  loi  de  recrutement  (dix- 
huit  ans),  ils  doivent,  s'ils  sont  reconnus  aptes  au  service 
militaire,  contracter  un  engagement  volontaire  sous  peine 
de  voir,  en  cas  de  refus,  le  ministre  exercer  sur  le  traite- 
ment des  parents  ou  les  ressources  personnelles  de  l'enfant 
une  répétition  égale  à  la  moitié  des  frais  payés  par  l'Etat. 
La  durée  de  l'engagement  est  calculée  sur  l'époque  de  la 
libération  de  la  classe  à  laquelle  l'enfant  appartient  par 
son  âge. 

BiBL.  :  Psychologie.  —  Th.  Tiedemann,  Mémoire  sur 
le  développement  des  facultés  chez  son  jeune  fils  pendant 
les  deux  premières  années,  publié  à  la  fin  du  siècle  dernier, 
tracl.  en  français  par  Michelant  dans  le  Journal  général  de 
Vinstr.  publ.  (18G3).  —  Lôbisch,  Entwicklungsgeschichte 
der  Seele  des  Kindes  ;  Vienne,  1851.—  Sigismund,  Kind  und 
Welt  ;  Rudolstadt,  1856.—  Kûssmaul,  l'Ame  du  nouveau-né, 
1859.  V.  Lange,  Hist.  du  Mater. ,t,  1,  p.  413.  —  Taine,  De  la 
Généralisation  chez  l'enfant.  Intelligence,  t.  II;  VAcquisi- 
iion  du  langage,  dans  Rev.  phil.,  janv.  1876.  —  Darwin, 
l'Expression  des  énnotions,  passim,  et  Esquisse  biogra- 
phique d'un  petit  enfant,  dans  Rev.  scient.,  juin  et  cet.  1877. 
—  Bernard  Pérez,  les  Trois  Premières  Années  de  l'enfant  ; 
Paris,  1878;  4^  éd.,  1888  ;  l'Education  morale  dès  le  berceau; 
Paris,  1880,  2«  éd.,  1888  ;  l'Enfant  de  trois  à  sept  ans;  Paris, 
1886  ;  2«  éd.,  1888  ;  l'Art  et  la  Poésie  chez  l'enfant,  1888  ;  le 
Caractère  (de  l'enfant  à  l'homme),  1892.  —  Pollock,  les 
Progrès  d'un  enfant  dans  le  langage;  Mind,  juil.  1878.  — 
Egger,  Observations  et  réflexions  sur  le  développement 
de  l'intelligence  et  du  langage  chez  les  enfants;  Paris, 
1§79.  —  L.  Ferri,  trois  articles  sur  le  développement  de 
r Intelligence,  de  la  volonté  et  du  sentiment  moral,  du 
sentiment  du  beau,  dans  la  Phil.  des  écoles  italiennes, 
oct.  1879,  oct.  1881,  juin  1883.  —  Preyer,  l'Ame  de  l'enfa'nt, 
observations  sur  le  Développement  psychique  des  pre- 
mières  années;   léna,  1881,   traduit  d'après  la  deuxième 


1047  — 


ENFANT  -  ENFARINE 


édition  allemande  par  M.  de  Varigny  ip  -  Sikorski 
le  Lanqage  chez  l'enfant,  dans  fîeu.  phiL,XVn,  589,  et  ie 
n^velovvement  psychique  de  Venfant,  dans  Revue  phiL, 
XIX  241,  403,  533.  —  E.  Maillet,  Eléments  de  psycho- 
loaié  de  l'homme  et  de  l'enfant,  appliquée  à  la  pédagogie; 
1890  —  Enfin,  et  rien  ne  prouve  mieux  Timportance  qu  a 
pris'e  chez  nous  cette  étude,  M.  Henri  Marion  a  fait  de  la 
Psychologie  de  l'enfant  Fobjet  de  son  cours  pendant  toute 
une  année  à  la  Sorbonne,  1889-90. 

Jurisprudence.  —  Enfant  légitime.  Aubry  et  Rau, 
Cours  dedroit  civil  français,  t.  VI,  §§  543  et  544.  -  Demo- 
LOMBE,  Cours  de  Code  civil,  t.  V,  pp.  23  et  suiv.  ;  192  et 
suiv  —  Laurent,  Principes  de  droit  civil  français,  t.  III, 
n»»  363  et  suiv.,  393  et  suiv.  —  Baudry-Lacantinerie,  Pré- 
cis de  droit  ciiil,  t.  le-,  n-  814-819  et  856-870,  3^  édit. 

Enfant  naturel.  Aubry  et  Rau,  Cours  de  droit  civil 
français,  t.  VI,  pp.  150  et  suiv.,  §§  565  et  suiv.;  pp.  322 
et  suiv  ^^  605  et  606.  —  Demolombe,  Traité  de  la  paternité 
et  de  lafiiation,  pp.  377  et  suiv.,  n-  318  et  suiv.;  et  Traité 
des  successions,  t.  II,  pp.  12  et  suiv.,  nos  12  et  suiv.  -  Bau- 
dry-Lacantinerie,  Précis  de  droit  civil,  t.  I,  PP.  533  et 
suiv.,  n<"*  892  et  suiv.,  et  p.  680,  n»  1153;  t  II,  pp.  65_et  suiv., 
n°»  101  et  suiv.  —  Laurent,  Principes  de  droit  civil  fran- 
çais, t.  IV,  pp.  5  et  suiv.,  n°«  1  et  suiv.  ^      ^ 

Enfant  adultérin.  Aubry  et  Rau,  Cours  de  droit  civil 
français,  t.  VI,  pp.  32,  66,  120,  216,  4^  éd.  -  Herold, 
De  la  Preuve  de  la  filiation  adultérine  ou  incestueuse  par- 
la possession  d'état,  dans  la  Revue  pratique,  t.  l,  p.  193, 
et  t  II  p.  145.  —  Rousse,  Preuve  de  la  filiation  inces- 
tueuse 'ou  adultérine  par  la  possession  d'état,  dans  la 
même  revue,  t.  I,  p.  347,  et  t.  X,  p.  385.-  De  ^olleville, 
Simple  Note  à  propos  de  la  légitimation  des  enfants  inces- 
tueux; Paris,  187,  1  broch.  in-8.  ^ 
Enfant  abandonné.  Léon  Lallemand,  Notice  sur  la  loi 
du  24  mil  1889,  dans  Annuaire  de  législation  française, 
1889,  pp.  270  et  suiv.  —  G.  Melin,  De  la  Protection  de  l  en- 
fance; Nancy,  1889. 

Economie  sociale.  —  Enfants  trouvés.  D»-  H.  Thulie, 
les  Enfants  assistés  de  la  Seine;  Paris,  1887.  —  Nouveau 
Dict.  d'Ec.  poL,  art.  Enfance,  1890.  —  Léon  Lallemand, 
Histoire  des  enfants  abandonnés  et  délaissés  ;  Pans,  1887. 
—  Enquête  générale  ouverte  en  1860  sur  les  enfants  assis- 
tés, rapport  de  la  commission  publié  par  le  ministère  de 
l'intérieur  ;  Paris,  1863. 

Enfants  du  premier  âge.—  Th.  Roussel,  Rapport  pré- 
paratoire sur  la  loi  du  23  mars  iS74.  —  Rapports  annuels 
sur  Texécution  de  la  loi  du  23  déc.  1874,  publiés  par  le  mi- 
nistre de  rintérieur.  .   /,r  t  x 

EN  FA  NT  (Jean  F),  peintre-graveur  français  (V.  Lenfant). 

EN  FANT  Jésus  (Frères  et  sœurs  de  V)  (V.  Ecoles  chré- 
tiennes ET  charitables).  —  Le  recensement  spécial  de 
4861  mentionne  :  4°  des  sœurs  de  la  Congrégation  de 
r Enfant  Jésus,  49  maisons,  440  sœurs  ;  2«  des  filles  de 
r Enfant  Jésus,  S6  maisons,  506  filles;  3^  des  sœurs  de 
l'Enfant  Jésus,  74  maisons,  ^i  maisons  mères,  237  sœurs. 

ENFANT  DU  DIABLE  (Bot.).  Nom  vulgaire  du  Phallus 
impudicus. 

ENFANTS  (Croisade  des)  (V.  Croisade). 

ENFANTS  (Collège  des  Bons-)  (V.  Bons-Enfants). 

ENFANTS  DE  Frange.  On  donnait  ce  nom  sous  l'ancienne 
monarchie  aux  enfants  et  petits-enfants  légitimes  des  rois 
de  France,  sans  distinction  de  sexe.  Les  frères  et  sœ.urs  des 
rois  régnants  conservaient  ce  titre  et  le  transmettaient  à 
leurs  enfants,  mais  il  ne  s'étendait  pas  au  delà.  Les  princes 
et  princesses  des  autres  branches  de  la  famille  royale  ne 
portaient  que  le  titre  de  princes  ou  princesses  du  sang. 
Depuis  le  xiii®  siècle,  la  coutume  s'était  établie  de  donner 
des  apanages  aux  enfants  de  France  puînés,  mais  les  filles 
en  étaient  exclues;  elles  étaient  dotées  en  argent. 

ENFANTS  SANS  souci  (V.  Comédie,  t.  XI,  p.  4485). 

ENFANTIN  (Barthélemy-Prosper),  socialiste  français, 
né  à  Paris  le  8  févr.  4796,  mort  à  Paris  le  34  mai  4864. 
Fils  d'un  banquier,  il  entra  comme  boursier  à  l'Ecole  poly- 
technique en  4843,  et  fut,  en  4844,  un  des  élèves  de  cette 
école  qui  contribuèrent  à  la  défense  de  Paris  contre  les 
armées  «  alliées  ».  L'Ecole,  au  début  de  la  Restauration,  se 
ferma  pour  toujours  à  ceux  qui  avaient  combattu  aux  buttes 
Montmartre  et  Chaumont.  Enfantin  chercha  à  se  créer  une 
autre  carrière  et  devint,  successivement,  commis  voyageur 
en  Russie,  employé  chez  un  banquier  en  France,  et  directeur 
de  la  Caisse  hypothécaire.  Présenté,  vers  4825,  par  Olinde 
Rodrigues  au  philosophe  Saint-Simon  près  d'expirer,  tous 
deux  reçurent  les  dernières  paroles  du  chef  de  la  doctrine 


saint-simonienne.  Ils  fondèrent,  bientôt  après,  le  Proc^wci^^wr, 
journal  d'économie  politique,  autour  duquel  se  groupèrent 
peu  à  peu  un  assez  grand  nombre  d'adeptes.  Les  saint- 
simoniens  étaient  à  peine  connus  lorsque,  à  la  fin  de  4828, 
ils  organisèrent  des  réunions  publiques  et  ouvrirent  des 
salles  où  l'on  «  prêcha  »  les  doctrines  de  Saint-Simon, 
adoptées  par  Enfantin,  par  Bazard,  par  Olinde  Rodrigues. 
Après  la  révolution  de  4830,  ils  se  manifestèrent  ouverte- 
ment par  des  affiches,  qui  attirèrent  l'attention  publique, 
et  Enfantin  se  mêla  à  la  politique  avec  Bazard.  Ils  étaient 
qualifiés  alors  de  «  Pères  suprêmes  »  par  Olinde  Rodrigues. 
De  là  deux  camps  dans  le  saint-simonisme.  Bazard,  l'or- 
ganisateur du  carbonarisme  en  France,  poussa  la  doctrine 
vers  le  côté  politique,  et  Enfantin  s'appliqua  surtout  à  dé- 
velopper son  influence  sur  les  relations  d'homme  à  homme, 
à  respecter  les  individualités,  à  les  comprendre  et  à  les 
harmoniser.  Il  y  eut  parfois  de  vives  discussions  entre  les 
deux  «  Pères  suprêmes  ».  Une  rupture  éclata  à  propos  des 
affections  mobiles  et  des  affections  constantes,  qu'Enfantin 
voulait  satisfaire,  et  qui  lui  donnèrent  l'idée  de  faire  siéger  à 
ses  côtés  la  femme,  représentant  l'affection  mobile,  comme 
l'homme  représentait  généralement  l'afiection  constante.  Des 
adeptes,  les  uns  suivirent  Bazard,  les  autres  Enfantin,  qui 
recherchait  la  «  femme-Messie  »,  qui  se  faisait  appeler 
la  «  loi  vivante  »,  qui  garda  pour  lui  tout  seul  le  titre  de 
«  Père  suprême  »,  et  dont  le  journal  doctrinaire,  le  Globe  y 
prôna  la  domination  pontificale.  Enfantin  déclara  la  religion 
saint-simonienne  constituée  sous  le  régime  de  la  commu- 
nauté des  biens  et  des  talents.  Vainement  plusieurs  mem- 
bres de  l'ancienne  école,  Hippolyte  Carnot,  Jules  Lechevalier, 
Jean  Reynaud,  et  d'autres  attaquèrent  la  loi  nouvelle.  Le 
«  Père  suprême  »  vit  son  groupe  s'augmenter,  multiplia 
les  publications  et  les  missions  à  travers  l'Europe  et,  durant 
l'hiver  de  4832,  dépensa  plusieurs  centaines  de  mille  francs 
en  fêtes,  destinées  à  découvrir  la  «  femme-Messie  »,  la- 
quelle ne  se  présenta  pas.  Enfantin  réalisa  un  emprunt  de 
82,000  fr.,  qu'il  engloutit;  le  Globe  cessa  de  paraître, 
faute  de  subsides  ;  la  police  ferma  l'établissement  et  les 
ateliers.  Il  fonda  à  Ménilmontant  une  communauté  modèle 
où  les  femmes  jouèrent  un  rôle  tel  que  le  «  Père  suprême  » 
et  ses  fidèles  furent  traduits  en  cour  d'assises  pour  réu- 
nion iUicite  et  outrages  aux  mœurs.  Enfantin  demanda 
à  être  défendu  par  deux  saint-simoniennes,  Cécile  Fournel 
et  Aglaé  Saint-Hilaire.  La  cour  n'admit  pas  ces  femmes 
pour  conseils,  et  l'accusé  fut  [condamné  à  une  année  de 
prison  et  à  400  fr.  d'amende.  La  religion  nouvelle 
succomba  ;  les  saints-simoniens  se  dispersèrent  ;  gracié 
au  bout  de  quelques  mois,  le  «  Père  suprême  »  alla  en 
Egypte,  où  il  ne  réussit  pas  à  barrer  le  Nil  et  à  changer 
le  système  économique  du  pays.  Revenu  en  France,  retiré 
à  Tain,  dans  la  Drôme,  chez  un  de  ses  parents,  il  «  bêcha 
son  jardin  »,  fut  maître  de  poste  et  cultivateur  à  Lyon, 
puis  membre  de  la  commission  scientifique  de  l'Algérie,  et 
enfin  directeur  du  chemin  de  fer  de  Paris  à  Lyon  (1845) 
jusqu'après  4848,  époque  où  le  gouvernement  racheta 
cette  ligne.  Enfantin  se  mit  à  diriger,  avec  son  collègue 
Charles  Duveyrier,  le  journal  le  Crédit,  disparu  en  4850. 
Il  fut  nommé  administrateur  au  chemin  de  fer  de  Lyon, 
et  occupa  cette  place  jusqu'à  sa  mort.  Enfantin  a  laissé, 
par  l'intermédiaire  de  M.  Arlès-Dufour,  sa  bibliothèque  à 
la  bibliothèque  de  l'Arsenal,  où  elle  formera  pendant 
trente  ans  un  fonds  spécial  sous  le  nom  de  salle  Enfantin, 
avec  catalogue  spécial  et  insertion  des  articles  au  catalogue 
général.  Elle  comprend  4,048  volumes,  63  manuscrits  et 
lettres  autographes.  Les  manuscrits  ne  doivent  être  livrés 
au  public  que  trente  années  après  4864.       Challamel. 

ENFARINÉ  (Vitic).  Ce  cépage,  spécial  au  Jura,  doit 
son  nom  à  la  pruine  abondante  qui  recouvre  ses  fruits.  Il 
produit  beaucoup,  mais  donne  des  vins  de  qualité  inférieure; 
il  résiste  à  la  pourriture  et  à  la  coulure,  et  réussit  surtout 
sur  les  coteaux  bien  exposés  et  dans  la  plupart  des  terrains. 
On  doit  le  conduire  à  la  taille  longue.  L'Enfariné  présente, 
à  la  maturation  et  à  la  véraison,  des  phénomènes  de  varia- 


ENFARINE  —  ENFERS 


1048 


tion  de  couleur  qui  ont  été  étudiés  la  première  fois  par 
M.  Pasteur.  —  Son  bourgeonnement  est  duveteux;  ses 
feuilles  sont  très  foncées,  bien  découpées  et  épaisses;  sa 
grappe  est  cylindrique  et  serrée, moyenne  de  grosseur;  ses 
grains,  moyens,  sont  noirs  et  sphériques  et  à  goût  un  peu 
acerbe.  Il  mûrit  un  peu  tardivement  pour  les  régions  où 
on  le  cultive. 

ENFERS.  I.  Mythologie  générale. —  L'appellation  d'en- 
fers désigne  la  demeure  souterraine  des  morts.  La  grande 
majorité  des  races  humaines  ont  admis  la  survivance  de 
l'âme  au  corps  ;  ces  idées  et  leur  origine  présumée  seront 
étudiées  à  l'art.  Mort  (§  Religion).  On  commença  sans 
doute  par  croire  que  les  morts  continuent  de  résider  auprès 
des  vivants ,  soit  qu'ils  errent  parmi  eux ,  soit  qu'ils 
habitent  leur  tombe  et  en  sortent  fréquemment  pour  se 
mêler  à  la  vie  de  leurs  contemporains  ou  de  leurs  descen- 
dants. On  en  vint  ensuite  à  leur  assigner  une  demeure  spé- 
ciale, soit  dans  les  montagnes  au  milieu  des  nuages  et,  par 
une  généralisation  facile  à  comprendre,  dans  le  ciel;  soit 
dans  une  région  éloignée,  située  le  plus  souvent  au  delà 
des  mers,  soit  dans  un  monde  souterrain.  Ces  idées  se 
rattachent  étroitement  aux  usages  suivis  pour  les  funé- 
railles (V.  ce  mot)  et  aux  idées  sur  la  mort  (V.  ce  mot). 
Nous  n'insisterons  ici  que  sur  les  deux  principales,  celle 
d'après  laquelle  «  l'autre  monde  »,  le  monde  des  morts, 
est  situé  dans  une  région  éloignée  et  celle  d'après  laquelle 
il  est  souterrain. 

La  première  de  ces  conceptions  est  née  des  émigrations 
accomplies  autrefois  par  les  peuples  chez  qui  elle  domine. 
Les  émigrants  ont  laissé  au  pays  d'origine  leurs  morts; 
eux-mêmes  rêvent  souvent  de  cette  terre  où  ils  ont  com- 
mencé leur  vie  et  des  personnes  qui  y  sont  restées.  Ils  se 
figurent  que,  pendant  leur  sommeil,  leur  âme  est  allée  revoir 
ce  pays  lointain  et  ses  habitants.  Lorsque  l'âme  abandonne 
définitivement  le  corps,  au  moment  de  la  mort,  ils  suppo- 
sent qu'elle  est  retournée  pour  toujours  aux  lieux  d'où  elle 
était  originaire  et  qu'elle  allait  voir  en  rêve  de  temps  à 
à  autre.  Les  Chonos  de  la  Patagonie  croient  être  venus  de 
l'Ouest,  au  delà  de  l'océan  Pacifique  :  c'est  de  ce  côté  qu'ils 
placent  le  séjour  des  morts  ;  d'autres  peuples  qui  se  sont 
déplacés  en  remontant  des  fleuves  jettent  leurs  morts  à 
l'eau  pour  qu'ils  retournent  au  pays  des  ancêtres.  Les  Bre- 
tons de  la  presqu'île  française,  qui  sont  venus  de  la  Grande- 
Bretagne,  plaçaient  le  séjour  des  morts  à  l'O.,  par  delà 
l'océan  Atlantique.  Plusieurs  légendes  se  rapportent  à  cet 
embarquement  des  morts  vers  la  BriUia  mythique.  Elles 
se  sont  localisées  à  la  pointe  du  Raz,  en  face  de  l'île  de 
Sein,  près  de  l'Enfer  de  Plogoô'.  Près  de  l'embouchure  de 
la  Meuse,  on  cite  une  autre  bouche  de  l'enfer,  Helvoets 
fuiss,  que  Pline  désigne  sous  le  nom  d'Hélium. 

Ces  croyances  paraissent  avoir  été  communes  aux  popu- 
lations de  l'Armorique  et  jusqu'à  la  Hollande  actuelle. 
Tzetzès  raconte  que  sur  cette  côte,  en  face  de  la  Grande- 
Bretagne,  vit  un  peuple  de  pêcheurs  qui  se  charge  de  trans- 
border les  morts.  La  nuit  on  les  appelle  et  on  frappe  à  leur 
porte  ;  ils  se  lèvent  et  trouvent  des  barques  étrangères  sur 
lesquelles  sont  les  âmes  invisibles  des  morts  ;  ils  les  con- 
duisent avec  une  célérité  miraculeuse  à  l'île  de  Brittia  ;  ils 
y  débarquent  leurs  passagers  et,  sans  voir  personne,  enten- 
dent des  voix  qui  appellent  chacun  par  son  nom  ;  ils  repar- 
tent alors  sur  les  barques  qui  sont  très  allégées.  Procope 
place  l'île  mythique  de  Brittia  à  200  stades  des  bouches 
du  Rhin  entre  la  Grande-Bretagne  et  Thulé.  Claudien  con- 
naissait aussi  ces  récits  qu'il  embrouille  avec  ceux  de 
V Odyssée.  Philémon  disait  que  les  Cimbres  appelaient 
l'océan  Septentrional  merdes  Morts  (mare mortuum);  on 
trouve  dans  le  roman  de  Lancelot  du  Lac  et  dans  VHamlet 
(acte  III,  se.  i)  de  Shakespeare  des  échos  de  ces  vieilles 
croyances.  On  trouve  dans  Plutarque  des  détails  sur  un 
continent  transatlantique,  séjour  des  bienheureux.  Les 
poèmes  celtiques  du  moyen  âge  sont  remplis  de  récits  du 
même  genre.  Mais  les  imaginations  se  compliquent  par  la 
distinction  morale  d'un  enfer  et  d'un  paradis  et  même  d'un 


purgatoire;  on  réserve  alors  aux  méchants  le  monde  sou- 
terrain. Mais  la  vieille  croyance  populaire,  plus  simpliste, 
s'est  conservée  dans  le  peuple  jusqu'au  xix«  siècle.  Ainsi  à 
Plouguel,  sur  la  rivière  de  Tréguier,  on  faisait  faire  aux 
morts  un  détour  pour  aller  au  cimetière,  traversant  un 
petit  bras  de  mer  appelé  «  passage  de  l'Enfer  ».  Chez  un 
grand  nombre  de  peuples  sauvages,  on  retrouve  des  usages 
analogues  qui  attestent  la  croyance  en  un  autre  monde  situé 
au  delà  des  mers  (V.  Funérailles,  Mort). 

Non  moins  répandue  est  la  croyance  qui  relègue  les 
morts  dans  un  monde  souterrain  ;  c'est  celle  qui  a  prévalu 
parmi  les  races  européennes.  L'origine  en  est  facile  à 
retrouver.  On  sait  que  les  hommes  d'autrefois  habitaient 
souvent  des  grottes  ou  des  cavernes.  Beaucoup  de  ces 
cavernes  paraissent  sans  fond,  soit  à  cause  de  leurs  dimen- 
sions, comme  celle  du  Mammouth  aux  Etats-Unis,  de  Han 
en  Belgique,  d'Adelsberg  en  Autriche,  etc.,  soit  parce  que 
les  éboulements  ou  le  manque  de  lumière,  ou  toute  autre 
cause,  arrête  les  explorateurs.  Dans  les  terrains  calcaires 
qui  sont  très  répandus,  l'eau  a  creusé  d'immenses  galeries; 
celui  qui  y  pénètre  est  bientôt  arrêté  par  des  crevasses  ou 
des  gouffres  où  grondent  les  eaux  souterraines.  Il  n'en  faut 
pas  davantage  pour  donner  naissance  à  l'idée  d'un  monde 
souterrain  mystérieux  dont  on  ignore  l'étendue.  Quand  les 
hommes  abandonnèrent  les  cavernes  où  ils  avaient  habité, 
ils  continuèrent  néanmoins  d'y  ensevelir  leurs  morts  ;  ils 
se  figurèrent  naturellement  qu'elles  étaient  habitées  par  les 
âmes  de  leurs  ancêtres.  Le  monde  souterrain,  en  connexion 
étroite  avec  ces  cavernes,  devint  le  monde  des  morts.  Ce 
sont  ces  idées  qui  donnèrent  probablement  naissance  au 
Chéol  des  Hébreux  et  à  l'Hadès  des  Grecs.  Ultérieurement, 
on  en  vint  à  se  représenter  la  vie  future  comme  un  idéal, 
un  moment  où  l'on  peut  jouir  enfin  de  tous  les  biens  qu'on 
désirait  de  son  vivant.  Cette  imagination,  liée  aux  idées 
morales,  conduisit  à  restreindre  la  part  du  monde  souter- 
rain, de  l'enfer;  on  le  réserva  aux  méchants;  les  bons 
furent  placés  dans  l'empyrée,  tant  la  notion  du  bonheur 
paraît  inséparable  de  la  lumière  (V.  Paradis).     A. -M.  B. 

II.  Egypte.  —  La  région  d'outre-tombe  est  appelée  en 
égyptien  nuter-kher^  littéralement  «  le  divin  dessous  », 
la  «  divine  région  inférieure  »,  mais  elle  porte  aussi  le 
nom  de  Tuàou  dans  les  manuscrits  spéciaux  qui  sont  con- 
sacrés à  sa  description  :  c'est  la  contrée  mystérieuse,  le 
domaine  des  ombres,  que  le  soleil  parcourt  pendant  les 
douze  heures  de  la  nuit.  Pas  plus  que  d'autres  peuples  pri- 
mitifs, les  Egyptiens  n'ont  eu  l'idée  d'un  enfer  tel  que 
nous  le  comprenons  ;  il  parait  difificile  de  leur  attribuer  la 
double  conception  d'un  enfer  et  d'un  paradis.  Les  âmes 
sont  uniformément  parquées  dans  le  sombre  domaine  par- 
couru par  le  soleil  à  qui  elles  font  escorte  dans  les  limites 
de  la  région  consacrée  à  telle  heure  de  la  nuit  dans  laquelle 
elles  se  trouvent.  Nous  n'y  voyons  ni  récompense  de^  la 
vertu  ni  punition  des  crimes,  car  les  personnages  qui  y 
sont  torturés  par  le  feu  ne  sont  autres  que  les  ennemis  du 
soleil,  les  alliés  d'Apophis,  qui  ont  cherché  à  retarder  sa 
marche,  c.-à-d.  la  personifîcation  des  ténèbres.  En  somme, 
la  Tuàou  ressemble  bien  plus  au  Chéol  des  Hébreux, 
exempt  de  douleur  ainsi  que  de  jouissances,  qu'à  l'Hadès 
des  Grecs  où  des  localités  différentes  étaient  réservées  aux 
bons  et  aux  méchants  ;  on  n'y  trouve  pas,  ainsi  que  dans 
l'Enfer  de  Virgile,  à  droite  l'Elysée  et  à  gauche  le  Tartare  ; 
on  n'y  rencontre  autre  chose  que  des  scènes  mjjthologiques 
fort  difficiles  à  interpréter.  Cependant  les  Egyptiens  avaient 
une  morale  trop  élevée  pour  laisser  le  crime  sans  châti- 
ment et  la  vertu  sans  récompense.  Le  châtiment,  c'était 
en  réalité  la  seconde  mort,  l'anéantissement  définitif,  car  la 
fin  de  l'existence  terrestre  n'était  qu'un  passage  à  une  autre 
vie  ;  les  morts  étaient  appelés  des  vivants.  L'observance 
des  prescriptions  du  rituel  assurait  à  chacun  de  ne  pas 
mourir  à  nouveau,  de  vivre  éternellement.  En  résumé, 
telle  est  la  doctrine  :  pour  les  impies,  l'anéantissement 
final,  pour  les  justes,  la  durée  éternelle.  Mais  le.  bonheur 
d'outre-tombe  n'était  pas  une  glorification  métaphysique, 


—  1049 


ENFERS 


une  épuration  idéale,  une  contemplation  de  la  divinité  ; 
c'était  une  vie  terre  à  terre  où  l'on  se  bâtirait  des  maisons, 
où  Ton  boirait,  où  Ton  mangerait,  où  l'on  jouerait  aux 
dames  pour  abréger  le  temps  de  l'éternité.  Ajoutons  que 
le  mercantilisme  de  la  caste  sacerdotale  et  son  trafic  des 
articles  religieux  assimilaient  aux  justes  quiconque  pouvait 
faire  la  dépense  d'un  ensevelissement  complet,  comprenant  : 
exemplaire  du  Livre  des  Morts,  formules  talismaniques, 
amulettes  placées  sous  les  bandelettes,  poupées  d'argile 
munies  d^outils  aratoires,  lesquelles  étaient  destinées  à 
labourer  dans  l'autre  monde  à  la  place  du  riche  défunt,  de 
manière  qu'il  eût  son  pain  assuré  sans  se  donner  de  mal. 
Gardons-nous  d'altérer  la  vérité  historique  en  idéalisant 
les  Egyptiens,  qui  étaient,  avant  tout,  un  peuple  essentielle- 
ment pratique  (V.  Egypte,  t.  XV,  p.  671).     Paul  Pierret. 

III.  Hébreux.  —  La  Bible  connaît  l'enfer  sous  le  nom 
de  Chéol  (V.  Hébreux  [Histoire  et  religion  des]). 

IV.  Inde.  —  Le  lieu  où  les  méchants  reçoivent,  après 
leur  mort,  la  punition  de  leurs  méfaits,  s'appelle  indif- 
féremment, en  pâli  comme  en  sanscrit,  Naraka  ou 
JSiraya,  On  en  compte  plusieurs  qui  sont,  dit-on,  les  uns 
chauds,  les  autres  froids  ;  cependant  les  descriptions  qu'on 
en  donne  ne  se  rapportent  guère  qu'au  suppUce  du  feu. 
Leur  forme  est  carrée  ou  plutôt  cubique  ;  leur  dmiension 
est  de  40,000  yodjanas  en  longueur,  largeur  et  hauteur; 
l'éclat  de  leurs  murs  éblouit  à  la  distance  de  100  yodjanas. 
Il  n'est  pas  possible  de  s'échapper  de  ces  prisons. 

Nombre  et  noms  des  Narakas.  Il  y  a  huit  Narakas 
principaux,  savoir  :  1°  Sandjiva,  où  ceux  qui  ont  donné 
des  coups  sont  constamment  battus  comme  des  gens  «  pleins 
de  vie  »  ;  2°  Kâlasoûtra,  où  les  menteurs  et  les  traîtres 
sont  coupés  sans  cesse  comme  des  troncs  d'arbres,  suivant 
un  «  fil  noir  »  ;  3^  Sanghâta,  où  il  se  fait  un  «  carnage 
complet  »  des  meurtriers  d'animaux  ;  4°  Rorouva,  où  les 
menteurs  et  les  violents  sont  brûlés  par  un  feu  qui  leur 
arrache  des  «  cris  »;  5^  Mahâroroiiva,  où  une  souffrance 
semblable,  mais  plus  forte,  arrache  aux  impies  de  plus 
«  grands  cris  »  ;  6^  Tapana,  où  les  brûleurs  de  forêts 
sont  «  cuits  »  par  le  feu  ;  7<^  Pratâpana,  où  les  docteurs 
d'impiété  sont  soumis  à  une  «  cuisson  plus  intense  »  ; 
8«  Avîtchi,  où  l'outrage  aux  pères,  mères  et  précepteurs 
est  puni  par  un  feu  qui  brûle  les  coupables  et  disjoint  leurs 
os.  A  chacun  de  ces  huit  Narakas  principaux  sont  atte- 
nants quatre  Narakas  secondaires  où  tombent  ceux  qui 
sortent  des  différents  lieux  de  supplice  :  l'^  Milhakoupa, 
«  puits  d'excréments  » ,  où  ils  sont  mangés  de  vers  ; 
2^»  Koukkoula,  «  cendres  chaudes  »,  où  ils  sont  cuits  comme 
des  grains  de  moutarde  ;  3^  Asipatravana,  «  forêt  de 
lames  d'épée  »  où  des  feuilles  d'arbre  en  fer,  des  dents 
d'animaux  en  fer  tranchant  déchirent  incessamment  les 
batailleurs  et  les  adultères  ;  4«  Vaitaranî,  fleuve  de  cuivre 
liquéfié  et  brûlant  où  sont  plongés  les  destructeurs  de  pois- 
sons et  d'animaux  aquatiques.  Ces  quatre  Narakas  secon- 
daires, ajoutés  à  chacun  des  huit  Narakas  principaux,  font 
un  total  de  quarante  Narakas;  mais,  selon  une  autre 
interprétation,  les  quatre  secondaires  s'ajoutent  à  chacun 
des  quatre  côtés  des  huit  principaux.  Ceux-ci  se  trouvant 
ainsi  entourés  chacun  de  seize  dépendances ,  le  nombre 
total  des  Narakas  serait  de  cent  trente-six.  Et  ce  n'est  pas 
tout  :  à  la  suite  des  huit  Narakas  principaux  sus-mentionnés 
on  en  énumère  huit  autres  :  Arbouda,  Nirarbouda,  Atata, 
Hahava,  Hoiihouva,  Outpala,  Padma,  Mahâpadma  : 
aux  trois  derniers  noms  (qui  sont  des  noms  du  Lotus)  on 
ajoute  quelquefois  les  synonymes  Koumouda  et  Sogan- 
dhika  (en  substituant  Poundarîka  à  Mahâpadma)  ;  ce 
qui  porte  à  dix  le  nombre  de  ces  Narakas,  qui  seraient 
les  enfers  froids  ou  glacés.  D'autres  veulent  que  ces  huit 
ou  dix  noms  nouveaux  désignent  non  pas  des  Narakas, 
mais  les  durées  diverses  de»  séjours  que  les  damnés  font 
dans  ces  lieux  de  tourments,  durées  effroyablement  longues, 
qui  vont  en  progressant  par  dizaines  de  millions  d'années, 
la  première  étant  exprimée  par  l'unité  suivie  de  cinquante- 
six  zéros,  et  ce  nombre  de  zéros  augmentant  de  sept  à 


chaque  nouveau  nombre  jusqu'à  ce  qu'il  s'élève  à  cent  dix- 
neuf.  Malgré  ces  chiffres  formidables,  qui  expriment  des 
milliards  d'années,  le  Naraka  n'est  pas  un  séjour  défi- 
nitif. Les  êtres  finissent  par  en  sortir  pour  revivre  comme 
animaux,  hommes  ou  dieux.  Rien  n'est  permanent  à 
toujours  dans  le  bouddhisme,  les  suppUces  infernaux  pas 
plus  que  le  reste.  Toutefois,  une  secte  japonaise  impor- 
tante, l'école  Gio-do,  admet  l'éternité  des  peines  du  Na- 
raka aussi  bien  que  celle  des  jouissances  de  Soukhavatî,  le 
paradis  d'Amitabha;  mais  c'est  contraire  aux  principes  du 
bouddhisme. 

Situation  des  Narakas,  L'opinion  commune  paraît  être 
que  les  Narakas  sont  des  compartiments  souterrains.  En 
effet,  on  voit  la  terre  s'entr'ouvrir  sous  les  pas  de  Devadatta 
qui  tombe  dans  l'Avîtchi.  Cependant  certains  textes  racon- 
tent des  histoires  de  personnages  entraînés  par  une  course 
désordonnée  et  aventureijse  vers  les  régions  méridionales, 
et  se  trouvant,  sans  s'en  douter,  sans  avoir  quitté  le  sol 
où  ils  cheminaient,  transportés  dans  les  demeures  infer- 
nales. Les  deux  données  ne  sont  pas  absolument  inconci- 
liables. Puisqu'il  y  a  au  moins  huit  enfers  principaux, 
sans  compter  les  secondaires,  il  se  peut  que  les  uns  soient 
au-dessous,  les  autres  au  niveau  du  sol.  Il  peut  aussi^  y 
avoir,  au  Midi,  une  entrée  conduisant  aux  lieux  souterrains 
par  une  pente  insensible.  Du  reste  on  compte,  parmi  les 
Narakas,  le  Lokantarika,  demeure  des  Prêtas,  qu'on  dit 
situé  dans  l'interstice  entre  trois  Tchakravâla,  c.-à-d.  à 
l'extrême  limite  du  monde  habité  ;  mais  ce  Naraka  forme 
un  monde  à  part,  en  réalité  distinct  des  autres  enfers. 

Population  des  Narakas.  Voici  un  trait  qui  donne  une 
idée  de  la  multitude  qui  peuple  les  Narakas  :  Avalokites- 
vara,  dans  sa  grande  compassion,  avait  fait  vœu  de  déli- 
vrer, par  la  puissance  de  sa  méditation,  les  êtres  qui  y 
sont  renfermés.  Il  y  réussit  ;  mais  à  peine  les  Narakas 
étaient-ils  vides  qu'ils  furent  immédiatement  remplis  par 
de  nouveaux  arrivants  ;  Avalokitesvara  n'avait  rien  fait. 
Tel  étant  l'enseignement  bouddhique  sur  l'enfer ,  on  est 
étonné  de  lire  à  la  page  82  (n^  123)  d'un  Catéchisme 
bouddhique,  publié  à  Paris  en  1889  :  «  N'y  a-t-il  pas 
d'enfer,  pas  de  ciel  ?—  Non  »  —  Il  est  vrai  que  ce  «  non  » 
est  accompagné  de  réserves  qui  en  font  un  <<  oui  »  ;_  mais 
c'est  «  oui  »  qu'il  fallait  répondre,  sauf  à  faire  ensuite  les 
réserves  auxquelles  on  pouvait  tenir.  Du  reste,  tout  ce 
qu'on  pourra  dire  ne  fera  pas  qu'il  n'y  ait  un  enfer  boud- 
dhique, comme  il  y  a  un  ciel  bouddhique.         L.  Feer. 

V.  Grège.—  Dans  les  poèmes  homériques,  qui  nous  four- 
nissent les  plus  anciens  témoignages  sur  la  rehgion  des 
Grecs,  l'enfer  ou  Hadès  est  pour  les  morts  un  séjour  peu 
enviable.  Ils  ne  sont  plus  que  des  ombres  vaines,  réduites 
à  un  minimum  d'existence  physique  et  intellectuelle,  privées 
de  mémoire;  l'autre  monde  n'est  qu'un  pâle  reflet  de 
celui-ci.  La  version  de  V Iliade  et  celle  de  V Odyssée  sont 
en  désaccord  ;  dans  Vlliade,  l'Hadès,  sur  lequel  règne  le 
dieu  du  même  nom,  est  un  monde  souterrain,  communi- 
quant par  des  soupiraux  avec  la  surface  terrestre  où  s'agi- 
tent les  vivants  ;  dans  VOdyssée,  l'enfer  est  situé  à 
l'extrême  occident,  au  delà  de  l'Océan,  dans  une  région 
que  n'éclairent  pas  les  rayons  du  soleil.  On  a  vainement 
essayé  de  concilier  ces  deux  conceptions.  La  première  a 
prévalu  dans  la  mythologie  grecque.  On  accorda  bientôt 
aux  ombres  une  conscience  et  une  existence  plus  intenses. 
Cela  était  nécessaire  pour  que  les  criminels  dont  le  châti- 
ment continuait  après  leur  mort  pussent  le  ressentir.  D'ail- 
leurs, dans  les  poèmes  homériques,  perce  déjà  l'opinion 
(contradictoire  avec  celle  que  nous  venons  d'indiquer)  que 
la  mort,  affranchissant  l'âme  des  liens  du  corps,  lui  pro- 
cure des  connaissances  surnaturelles.  On  est  alors  bien 
près  d'admettre  que  la  situation  des  morts  est  supérieure 
à  celle  des  vivants.  Ce  qui  y  incline,  c'est  qu'on  s'occupe 
surtout  des  morts  illustres,  des  héros.^  Dans  VOdyssée,  il 
est  déjà  question  du  champ  élyséen  (rjXuatov  tusB^ov),  où 
ils  jouissent  d'un  bonheur  perpétuel.  Le  passage  est  peut- 
être  interpolé;  maison  peut  en  dire  autant  de  la  Nekyia, 


ENFERS 


—  1050  — 


l'évocation  des  morts,  où  ceux-ci  apparaissent  presque 
dénués  de  toute  existence  réelle. 

Les  idées  des  Grecs  sur  la  vie  future  furent  complète- 
ment modifiées  par  Vorphisme  (V.  ce  mot)  ;  la  théologie 
orphique  enseigne  le  panthéisme  et  la  transmigration  des 
âmes;  ces  enseignements  se  rapprochent  de  ceux  de  la 
religion  éleusinienne  et  des  mystères.  La  philosophie 
achève  en  affirmant  Fimmatérialité  et  la  nature  divine  de 
l'âme.  Il  ne  reste  plus  grande  place  pour  l'enfer  homérique. 
Pindare  cherche  à  combiner  ces  théories  avec  celles  de 
V Iliade  et  de  ï Odyssée,  Il  raconte  la  félicité  des  bienheu- 
reux d'après  les  mythes  d'Eleusis  ;  le  soleil  les  éclaire 
pendant  qu'il  fait  nuit  sur  la  terre  ;  leur  cité  est  entourée 
d'ombrages  aromatiques  et  d'arbres  chargés  de  fruits  d'or; 
ils  passent  leur  temps  en  divertissements.  Quant  aux 
pécheurs,  ils  descendent  dans  l'obscur  enfer  où  ils  ren- 
contrent un  juge  sans  merci  ;  toutefois,  on  leur  accorde 
l'expiation  ;  ils  peuvent  au  bout  de  neuf  ans  être  renvoyés 
par  Perséphone  et  recommencer  une  autre  vie  terrestre  avec 
le  caractère  de  héros  ;  ceux  qui  se  sont  préservés  trois  fois 
de  tout  péché  durant  leur  vie,  comme  dans  l'Hadès,  sont 
envoyés  dans  l'île  des  bienheureux,  auprès  de  Pelée,  de 
Cadmus,  d'Achille.  Tandis  que  Pindare  insiste  surtout  sur 
les  récompenses  et  le  bonheur  des  bons,  les  poètes  tragiques 
parlent  principalement  des  châtiments  infligés  aux  méchants. 
Homère  ne  punissait  après  la  mort  que  les  parjures.  Il  n'a 
pas  connaissance  d'un  jugement  des  morts  ;  Minos  n'est 
pas  juge  des  morts,  mais  juge  parmi  les  morts  ;  il  continue 
d'exercer  dans  l'enfer  sa  vocation,  comme  le  chasseur 
Orion,  par  exemple.  Hésiode  n'a  pas  davantage  connais- 
sance d'un  jugement  des  morts.  Il  considère  la  déportation 
des  âmes  dans  l'Hadès  comme  une  punition  infligée  aux 
hommes  du  second  et  du  troisième  âge  ;  celles  des  hommes 
de  l'âge  d'or  sont  restées  à  la  surface  de  la  terre  et  sont 
devenues  des  démons  ;  celles  des  hommes  du  quatrième  âge, 
l'âge  héroïque,  sont  transférées  par  Zeus  dans  les  îles  des 
bienheureux.  La  descente  dans  l'enfer  est  donc  un  châti- 
ment ;  mais  il  n'est  pas  question  de  châtiments  spéciaux  à 
subir  ensuite  pour  les  criminels.  Cependant  des  passages 
interpolés  au  XP  livre  de  V Odyssée,  d'autres  empruntés  à 
un  poème  cyclique,  la  Minyade,  mentionnent  ces  châti- 
ments pour  certains  contempteurs  des  dieux,  comme  Am- 
phyon  et  Thamyris.  C'est  Pindare  qui,  le  premier,  introduit 
l'idée  d'une  punition  générale  de  tous  les  péchés  commis 
sur  la  terre  ;  Eschyle  l'admet  également.  On  arrive  ainsi 
à  une  conception  de  l'enfer  plus  complexe  que  celle  d'Ho- 
mère ;  on  y  distingue  des  catégories  :  d'une  part,  les  princes 
deviennent  de  puissants  héros,  sorte  de  demi-dieux  qui 
agissent  sur  le  monde  terrestre,  où  on  peut  les  évoquer  ; 
d'autre  part,  les  criminels  subissent  la  peine  de  leurs  mé- 
faits. Mais  même  les  héros  ne  jouissent  dans  l'Hadès  d'au- 
cune félicité;  ils  sont  puissants,  mais  non  pas  bienheureux. 
La  mort  met  un  terme  aux  maux  terrestres,  mais  n'apporte 
aucun  bonheur  positif.  La  conception  orphique  et  éleu- 
sienne  ne  prévaut  pas  et,  en  tout  cas,  celle  de  l'enfer  se 
maintient  à  côté  d'elle.  Il  nous  reste  à  voir  comment  on  se 
représentait  ce  monde  souterrain. 

Voici  la  description  d'Homère  :  à  l'entrée,  le  bois  de 
Perséphone,  formé  d'arbres  infertiles  ;  puis  la  demeure 
d'Hadès,  arrosée  par  quatre  fleuves,  le  Styx,  par  lequel 
les  immortels  prêtent  serment,  le  Cocyte  qui,  avec  le  Pyri- 
phlégéthon,  se  jette  dans  l'Achéron  au  pied  du  rocher 
Leucade.  Plus  avant  est  la  prairie  d'asphodèles,  où  se 
tiennent  les  morts,  dans  l'obscure  région  de  l'Erèbe  ;  plus 
profondément,  sont  les  gouffres  du  Tartare,  fermés  par 
une  porte  de  fer,  où  sont  enfermés  Japet  et  Kronos,  les 
anciens  dieux  supplantés  par  les  Olympiens.  Toute  cette 
description  est  calquée  sur  celle  d'une  localité  de  Thes- 
protie  où  coulent  l'Achéron  et  le  Cocyte,  Les  habitants  de 
l'enfer  ou  Hadès  sont  les  dieux  infernaux  et  les  morts.  Les 
principaux  dieux  sont  Hadès,  Aidés  ou  Aidoneus,  sa  femme 
Perséphone  et  les  Erinyes  ;  tous  peuvent  intervenir  dans 
les  affaires  terrestres.  Les  morts  ne  sont  plus  que  des 


ombres  vaines  ;  leur  existence  est  un  pâle  reflet  de  l'exis- 
tence terrestre  ;  ils  n'ont  plus  de  corps,  plus  de  mémoire 
ni  d'intelligence  ;  ils  conservent  l'aspect  qu'ils  avaient  au 
moment  de  la  mort  et  continuent  tant  bien  que  mal  leurs 
occupations  d'autrefois.  Déjà,  dans  la  seconde  Nekyia, 
placée  à  la  fin  de  VOdyssée,  les  morts  qu'Hermès  conduit 
à  leur  séjour  ne  sont  plus  ces  vains  fantômes  ;  ils  conservent 
la  parole  et  l'intelligence.  —  Hésiode  accepte  la  description 
homérique.  Il  parle  plus  longuement  du  Styx  et  du  chien 
qui  garde  l'entrée,  mais  sans  lui  donner  encore  le  nom  de 
Cerbère.  Il  s'étend  surtout  sur  le  Tartare,  où  sont  enfer- 
més les  Titans  vaincus.  C'est  un  abîme  si  profond  qu'un 
disque  tomberait  pendant  neuf  fois  vingt-quatre  heures 
avant  de  toucher  le  fond,  si  vaste  qu'en  une  année  on  n'en 
pourrait  faire  le  tour;  les  Titans  y  sont  murés  par  des 
remparts  de  fer  et  d'airain  que  gardent  les  Géants  Héca- 
tonchires.  —  Les  poètes  postérieurs  (H)t  donné  plus  de 
détails  sur  le  séjour  des  morts  ordinaires. 

On  place  l'entrée  en  différents  lieux  où  s'ouvraient  des 
crevasses  insondables  :  au  pied  du  Ténare  en  Laconie  ; 
près  de  Pylos  en  Messénie  ;  dans  la  Thesprotie  ;  en  Carie 
auprès  de  Thymbria,  etc.  ;  plusieurs  légendes  se  ratta- 
chaient à  l'une  ou  l'autre  ;  l'enlèvement  de  Proserpine  par 
Pluton  ou  Hadès,  s'enfonçant  sous  la  terre,  permettait  aux 
Athéniens,  aux  Argiens,  aux  Siciliens  d'Enna  et  à  d'autres 
de  revendiquer  avec  le  théâtre  de  cette  scène  une  entrée 
du  monde  souterrain.  Les  gens  d'Hermione  en  Argolide, 
sachant  qu'ils  en  possédaient  une,  ne  donnaient  pas  à 
leurs  morts  d'obole  pour  payer  les  frais  du  voyage  ;  le  lac 
Alcyon  en  Argolide,  le  lac  Averne  en  Campanie  revendi- 
quaient aussi  ce  triste  privilège.  On  admit  le  récit  de  la 
Minyade,  d'après  lequel  les  fleuves  de  l'enfer  en  formaient 
la  limite,  de  sorte  que  pour  y  pénétrer  il  fallait  se  faire 
transporter  sur  la  barque  de  Charon.  On  ajouta  à  la  liste 
des  fleuves  le  Léthé  dont  l'eau,  bue  par  les  âmes  mortes, 
leur  faisait  oublier  l'existence  terrestre.  Nous  avons  déjà 
dit  qu'Hésiode  détache  de  l'enfer  souterrain  l'Elysée,  séjour 
des  héros,  pour  transférer  ceux-ci  dans  l'île  des  bienheureux 
où  règne  Kronos.  Pindare  la  décrit,  Hérodote  la  placera  dans 
le  désert  de  Libye,  cherchant  à  confondre  la  mythologie 
grecque  et  égyptienne. 

Les  divinités  du  monde  souterrain  ont  été  complètement 
transfigurées  par  la  combinaison  des  religions  de  Déméter 
et  Dionysos  avec  la  vieille  religion  des  Grecs  homériques  ; 
la  conception  même  de  la  mort  avait  été  modifiée,  comme 
nous  l'avons  dit,  par  les  théories  mystiques  et  philoso- 
phiques. On  eut  l'idée  de  l'expiation  après  la  mort.  On 
soumit  toutes  les  âmes  au  jugement  d'un  tribunal  suprême 
où  siégeaient  Minos,  Eaque  et  Rhadamanthe.  La  vieille 
idée  que  les  morts  ne  peuvent  ni  jouir  ni  souffrir  subsiste 
encore  dans  le  peuple,  mais  le  mysticisme  la  combat  ;  les 
initiés  d'Eleusis  pensent  s'assurer  des  privilèges  par  delà 
la  mort.  On  continue  d'admettre  que  la  vie  souterraine  est 
une  prolongation  de  la  vie  terrestre  ;  (Edipe  s'aveugle 
afin  de  ne  pas  voir  son  père  aux  enfers  ;  on  admet  qu'aux 
orifices  du  monde  inférieur  on  peut  évoquer  les  morts,  par 
exemple  au  Ténare,  en  Thesprotie,  près  de  Trœzène,  à 
Héraclée  en  Asie  Mineure,  à  Cumes,  etc.  (V.  aussi  sur  les 
oracles  des  morts  l'art.  DiviNATmN,  t.  XIV,  p.  742).  En 
somme,  la  grande  innovation  introduite  à  l'époque  histo- 
rique dans  la  conception  des  enfers  et  du  sort  des  morts, 
c'est  le  jugement,  la  récompense  et  la  punition  des  âmes. 
Celles  des  bons  vont  habiter  l'Elysée  ;  celles  des  méchants 
sont  torturées.  Sur  les  modifications  nécessaires  de  ces 
théories,  V.  l'art.  Mort. 

Les  représentations  figurées  relatives  aux  enfers  et  à 
leurs  habitants  sont  assez  nombreuses  sur  les  vases  peints  ; 
elles  ne  nous  apprennent  pas  grand'chose  ;  beaucoup  se 
rapportent  aux  descentes  aux  enfers  d'Héraklès,  d'Orphée 
ou  de  Pirithoùs.  C'est  à  ces  descriptions  que  le  peintre 
Polygnote  avait  emprunté  les  scènes  terrifiantes  dont  il 
décora  les  murs  de  la  Lesché.  Le  palais  d'Hadès  et  Persé- 
phone est  représenté  sur  le  vase  d'Altamura  (musée  de 


—  1051 


ENFERS  —  ENFIDA 


Naples)  comme  une  sorte  de  dais  porté  par  des  colonnes  ; 
les  dieux  assistent  à  un  banquet  ;  Orphée  leur  joue  de  la 
lyre  ;  auprès  sont  les  Erinyes  (UohoLi)  et  les  trois  juges 
Eaque,  Rhadamanthe  et  Triptolème  ;  au-dessous  est 
l'Achéron  avec  ses  affluents,  Cocyte  et  Pyriphlegéthon , 
couverts  de  plantes  aquatiques  ;  Heraklès  et  Hermès  luttent 
contre  Cerbère  ;  des  deux  côtés  sont  les  criminels,  Sisyphe 
roulant  son  rocher  ;  les  Danaïdes  ;  dans  le  haut  les  âmes 
bienheureuses  de  Mégara,  femme  d'Heraklès,  de  Pélops,  etc. 
Parmi  les  divinités  infernales,  Hadès-Pluton  est  rarement 
représenté,  sauf  dans  le  mythe  de  l'enlèvement  de  Coré- 
Perséphone.  A  l'époque  gréco-romaine,  il  figure  souvent 
sur  les  sarcophages,  soit  comme  dieu  invisible,  le  manteau 
couvrant  sa  tête,  soit  comme  souverain  des  enfers,  d'allure 
majestueuse.  Il  existe  aussi  des  représentations  d'Hécate 
(V.  ce  nom).  En  somme,  toutes  ces  images  de  l'Hadès  et 
de  ses  dieux  se  réfèrent,  non  aux  croyances  populaires, 
mais  aux  récits  des  poètes. 

VI.  Mythologie  romaine.  —  La  religion  romaine  était 
animiste;  elle  a  attribué  un  grand  rôle  aux  âmes  des  morts, 
mais  sans  les  reléguer  dans  un  autre  monde.  C'est  à  la 
mythologie  grecque  qu'elle  a  emprunté  ses  représentations 
de  l'enfer.  L'idée  que  les  Mânes  habitent  sur  la  terre  est 
répandue,  mais  ils  n'y  sont  pas  enfermés.  On  nous  dit  for- 
mellement qu'ils  se  trouvent  partout  (eos  per  omnia  ma- 
nare  credebant).  Les  Romains  ont  accepté  la  conception 
étrusque  du  mundus,  qui  impliquait  la  croyance  à  un 
enfer,  opposé  au  ciel.  A  la  fondation  de  chaque  ville,  on 
creusait  au  centre,  sur  une  place  publique,  une  fosse  pro- 
fonde qui  représentait  la  voûte  du  ciel  retournée.  On  en 
consacrait  le  fond  aux  dieux  Mânes,  c.-à-d.  aux  âmes  des 
morts,  et  aux  dieux  infernaux  Orcus,  Ceres,  Tellus;  puis 
on  la  fermait  par  une  pierre  {lapis  manalis)  qui  était 
censée  la  porte  de  l'enfer.  Toutes  ces  cérémonies  se  rap- 
portent plutôt  à  une  religion  tellurique  qu'au  culte  des 
morts,  mais  elles  témoignent  de  conceptions  analogues  à 
celles  des  Hellènes. 

Il  faut  aussi  se  souvenir  que  la  religion  grecque  et  la 
religion  italique,  si  elles  n'ont  pas  eu  une  origine  com- 
mune, ont  fusionné  dans  l'Italie  méridionale  et  centrale 
longtemps  avant  l'époque  de  la  rédaction  des  écrits  par 
lesquels  nous  sommes  informés  sur  les  cultes  et  les  légendes 
de  Rome  et  des  contrées  voisines.  Nous  n'avons  pas  à 
traiter  ici  du  culte  des  morts  ;  mais  nous  dirons  quelques 
mots  des  divinités  du  monde  souterrain.  Les  dieux  du 
monde  souterrain  sont  les  divinités  telluriques  :  Tellus, 
Terra  mater,  Ceres,  Dispater,  Orcus,  Saturne,  etc.  ; 
ce  sont  en  même  temps  des  dieux  de  l'obscurité,  de  la  nuit, 
et  des  dieux  de  la  fécondité  végétale.  Parmi  eux,  les  dieux 
des  morts  sont  Orcus  et  Dispater;  ce  dernier  fut  assimilé 
au  Pluton  des  Grecs  et  on  lui  donna  pour  épouse  Proser- 
pine.  La  mythologie  étrusque,  qui  fait  une  si  large  place 
aux  divinités  chtoniennes,  connaît  deux  dieux  des  morts, 
Mantîis  et  Charun  ou  Charon  ;  les  images  de  celui-ci 
sont  nombreuses  sur  les  vases  peints,  les  sarcophages  et 
les  peintures  funéraires  ;  toutes  attestent  l'existence  d'un 
enfer  où  Charon  entraîne  ses  victimes.  Les  idées  étrusques 
et  grecques  sur  l'enfer  ont  si  bien  pénétré  dans  la  religion 
italienne  et  romaine  qu'elles  la  dominent  tout  à  fait  au 
temps  des  grands  écrivains  latins.  Dans  certaines  régions, 
comme  celle  de  Cumes,  spécialement  vouées  au  culte  des 
morts,  on  montrait  des  soupiraux  de  l'enfer. 

Virgile  a  donné,  au  VI^  livre  de  V Enéide,  un  long  récit 
de  la  descente  d'Enée  dans  le  monde  souterrain.  Sa  des- 
cription servit  de  modèle  aux  poètes  postérieurs  ;  elle  est  à 
peu  près  entièrement  empruntée  à  la  mythologie  grecque. 
Conduit  par  la  sibylle  prêtresse  d'Artémis,  Hécate,  le  héros 
troyen  pénètre  dans  le  bois,  consacré  à  la  reine  des  enfers, 
qui  entoure  le  lac  Averne;  il  y  cueille  un  rameau  doré  qui 
lui  ouvrira  l'accès  du  royaume  des  ombres.  Il  le  remet  à 
son  guide  et  tous  deux  s'approchent  d'une  grotte  au  bord 
du  lac;  ils  offrent  un  sacrifice  à  Hécate  et  aux  divinités 
infernales,  puis  ils  s'enfoncent  dans  la  grotte,  Enée  l'épée 


à  la  main.  Ils  traversent  un  bois  sombre  éclairé  par  la  lune 
et  arrivent  au  seuil  d'Orcus,  où  veillent  les  divinités  qui 
personnifient  le  deuil  et  le  souci,  les  maladies  et  la  vieillesse, 
la  crainte  et  la  faim,  le  sommeil  et  la  mort,  la  guerre,  la 
discorde,  les  Furies;  sur  un  orme  sont  penchés  les  songes; 
auprès  sont  les  monstres  mythologiques,  les  centaures, 
Scylla,  Rriarée,  l'hydre  de  Lerne,  la  Chimère,  les  Gorgones, 
les  Harpyes,  Geryon.  Ils  parviennent  aux  fleuves  de  l'enfer; 
l'Achéron,  affluent  du  Cocyte,  est  traversé  sur  la  barque 
de  Charon  ;  là  se  pressent  les  ombres  des  morts  sans  sépul- 
ture auxquelles  le  sinistre  nocher  refuse  le  passage  ;  il  faut 
qu'ils  attendent  cent  années.  Après  avoir  traversé  l'Aché- 
ron, Enée  rencontre  Cerbère,  puis  les  âmes  des  enfants 
mort- nés,  celles  des  suicidés,   des  hommes  condamnés 
injustement;  elles  ne  peuvent  remonter  au  jour  comme  elles 
le  voudraient.  Un  peu  plus  loin  sont  les  champs  où  errent 
autour  de  buissons  de  myrte  les  âmes  des  morts  d'amour. 
On  atteint  ensuite  le  domaine  des  héros  tués  devant  Thèbes 
et  devant  Troie.  On  se  hâte  et  on  arrive  à  la  bifurcation 
de  la  route  des  Champs-Elysées  et  de  l'enfer  ou  Tartare. 
A  droite,  le  palais  de  Pluton  et  de  Proserpine,  autour  du- 
quel sont  les  bienheureux  ;  à  gauche,  la  descente  vers  le 
Tartare.  De  ce  côté,  Enée  aperçoit  une  triple  enceinte  au- 
tour de  laquelle  le  Phlégéthon  roule  ses  flots  brûlants  ;  la 
porte  est  surveillée  par  Tisiphone  ;  on  entend  des  hurle- 
ments et  un  cliquetis  de  chaîne.  Dans  ce  château,  Rhada- 
manthe torture  les  coupables  jusqu'à  ce  qu'ils  avouent;  ils 
sont  ensuite  livrés  aux  Furies  et  précipités  dans  l'enfer, 
dont  nul  ne  sort;  cet  abîme  est  deux  fois  plus  profond  que 
la  hauteur  du  ciel;  tout  au  fond  sont  les  Titans  et  autres 
ennemis  des  dieux,  les  Aloïdes,  Salmoneos,  Ixion  et  Piri- 
thoùs;  là  sont  aussi  châtiés  ceux  qui  ont  haï  leurs  frères, 
frappé  leur  père,  témoigné  faussement  contre  leurs  clients, 
les  avares,  les  adultères  et  tous  les  traîtres.  Enée  se  pré- 
cipite du  côté  opposé,  dans  le  bois  de  Proserpine,  et  parvient 
à  la  cité  des  bienheureux.  Il  en  franchit  le  seuil  et  le  voici 
dans  les  Champs-Elysées,  sous  un  ciel  resplendissant  de 
la  lumière  la  plus  pure,  par  un  jour  éternel  et  un  printemps 
sans  fin.  Les  héros  se  divertissent  sans  fin  ;  les  exercices 
gymnastiques  ou  militaires,  les  danses,   le  chant,  la  mu- 
sique, les  banquets  leur  procurent  un  plaisir  sans  cesse 
nouveau.  A  quelque  distance  est  la  source  du  Léthé,  où  les 
âmes  vont  boire  l'oubh  du  passé  avant  de  remonter  sur  la 
terre.  Enée,  après  avoir  vu  son  père  Anchise,  qui  lui  prédit 
la  destinée  de  leur  race,  remonte  sur  la  terre  par  une  des 
deux  portes  du  rêve.  Bien  que  cette  description  du  séjour 
souterrain  des  morts  ne  soit  qu'un  développement  poétique, 
elle  nous  montre  comment  on  se  figurait  l'enfer  au  temps 
d'Auguste,  et  le  récit  de  Virgile  a  été  reproduit  ou  imité  un 
grand  nombre  de  fois  jusqu'au  xvni®  siècle  par  les  Uttéra- 
teurs,  sans  parler  des  artistes  qui  s'en  sont  inspirés. 

VII.  Mythologie  celtique,  germanique,  Scandinave, 
SLAVE  (V.  Celtes,  t.  IX,  p.  1077,  Germanie  et  les  art. 
Mythologie,  Mort  et  Religion).  A.-M.  B. 

VIII.  Christianisme  (V.  Eschatologie  et  Descente  aux 
enfers,  t.  XIV,  p,  'm), 

BiBL.  :     1°     GÉNÉRALITÉS.     —     V.     MYTHOLOGIE,     MORT, 

Religion. 

2*'  Egypte.  —  V.  Egypte. 

S»  Inde.  —  San  Germano,  A  Description  of  the  burmese 
empire;  Rome,  1833,  in-4.  —  Abel  Rémusat,  Fo  Koue-ki; 
Paris,  1836,  in-4.  —  Eug.  Burnouf,  Intr.  à  l'hist.  du  Buddh. 
indien;  Paris,  1844 et  1876.  —Du  même, Lotus  de  la  bonne 
loi;  Paris,  1852, in-4.—  Sp.  Hardy,  A  M anual  ofBudhism; 
Londres,  1853,  in-8.  —  L.  Feer,  Fragments  du  Kandjour, 
1883.  —  Du  même,  Avadâna-Sataka,  1891,  t.  V.  et  XIV  des 
Annales  du  musée  Guimet,  in-4.—  DeMillouè, Catalogue 
du  musée  Guimet;  Paris,  1882,  in-12. 

4°  Grèce.  —  Wissowa,  Ueber  die  Vorstellungen  der 
Altenvon  dem  Leben  nach  dem  Tode;  Breslau,  1825.  — 
Limburg-Brouwer,  Histoire  de  la  civilisation  morale  et 
religieuse  des  Grecs.  —  Eggers,  De  Orco  Homeri; 
Altona,  1836.  —  Nœgelsbach,  Homerische  Théologie  et 
Nachhomerische  Théologie  ;  Nuremberg,  1857.  —  Ger- 
hard, Die  Griechische  Unterv;elt  auf  Vasenbildern, 
Arch.  Zeitung,  1843  et  1844.  — V.  aussi  les  ouvrages  géné- 
raux cités  aux  art.  Mythologie  et  Religion. 

ENFIDA  (L').  Vaste  domaine  de  Tunisie,  au  S.-S.-E.  de 


ENFIDA  —  ENGADDl 


—  1052  — 


Tunis,  sur  la  route  de  Sousse,  près  du  golfe  de  Hammamet  ; 
145,080  hect.  Il  fut  donné  par  le  bey  Mohammed-es-Sadok 
au  général  Kheireddine  qui  le  vendit  2,500,000  fr.  à  une 
compagnie  de  Marseille,  la  Compagnie  franco-africaine. 
Elle  n'exploite  directement  qu'une  petite  partie  de  cette 
immense  surface;  le  reste  l'est  par  des  colons  européens  ou 
indigènes.  25,000  hect.  environ  sont  cultivés  en  céréales, 
500  en  vignes  qui  donnent  déjà  un  bon  rapport  ;  le  reste  est 
en  forêts,  pâturages  et  landes  ;  on  estime  à  15,000  indigènes 
et  400  Européens  la  population  qui  vit  sur  les  terres  de 
l'Enfida  ;  le  centre  de  l'exploitation  est  VEnfidaville  ou  Dar 
el  Bey^  où  il  y  a  d'importantes  constructions,  un  haras,  un 
marché  hebdomadaire  très  fréquenté,  etc.  E.  Cat. 

ENFIELD.  Ville  d'Angleterre,  comté  de  Middlesex,  à 
16  kil.  au  N.  du  pont  de  Londres  ;  19,199  hab.  (en  1881). 
Manufacture  d'armes  de  l'Etat.  La  forêt  d'Enfield,  jadis 
très  giboyeuse,  a  disparu. 

ENFIELD  (William),  théologien  anglais,  né  en  1741, 
mort  en  1797.  Il  appartenait  à  l'Eglise  presbytérienne  et  y 
a  laissé  la  réputation  d'un  homme  aimable,  d'un  prédica- 
teur persuasif  et  d'un  écrivain  vigoureux.  On  a  souvent 
réimprimé  une  de  ses  compilations  intitulée  The  Speaker, 
or  Miscellaneous  Pièces  selected  from  the  best  Englisfi 
Writers  (1774).  B.-H.  G. 

EN  FI  LA  DE. I.  Architecture.  —  Disposition  sur  un  même 
axe  ou  dans  une  même  ligne  droite  des  portes  donnant  accès 
aux  diverses  pièces  d'un  même  appartement,  lesquelles  pièces 
sont  dites,  elles  aussi,  en  enfilade.  Cette  disposition  très 
habituelle  dans  les  palais  italiens  et  dans  les  châteaux  fran- 
çais de  la  Renaissance,  ainsi  que  dans  les  grands  apparte- 
ments de  l'époque  de  Louis  XIV,  parce  qu'elle  donnait  aux 
appartements  de  réception  un  air  de  grandeur  et  de  magni- 
ficence, est  quelque  peu  tombée  en  désuétude  depuis  plus 
d'un  siècle,  au  fur  et  à  mesure  que  plus  de  réserve  dans 
la  vie  privée  et  des  habitudes  de  confortable,  en  même 
temps  que  l'exiguïté  des  terrains  dans  les  villes,  ont  amené 
des  changements  notables  et  une  certaine  complication  dans 
la  distribution  des  intérieurs.  Cependant,  la  distribution  en 
enfilade  s'impose  toujours  pour  les  salons  de  réception  des 
palais  et  des  édifices  publics  ;  mais  une  plus  grande  lar- 
geur des  pièces  permet  aujourd'hui  de  créer,  dans  ces 
salons,  une  double  enfilade  de  portes  assurant  une  double 
circulation.  Charles  Lucas. 

IL  Artillerie.  —  Tir  d'enfilade  (V.  Tir). 

ENFLÉCHURE(Mar.).Nom  donné  aux  petits  échelons 
en  corde  qui  servent  à  monter  dans  la  mâture  et  qui  sont 
fixés  sur  les  haubans. 

ENFLEURAGE  (Chim.  industr.)  (V.  Essence). 

ENFONVELLE.  Corn,  du  dép.  de  la  Haute-Marne,  arr. 
de  Langres,  cant.  de  Bourbonne-les-Bains ;  462  hab. 

ENFOUISSEMENT  (Econ.  rur.).  L  L'enfouissement 
consiste  à  enterrer  une  récolte  en  vert  sur  le  champ  qui 
l'a  fait  pousser,  dans  le  but  d'amender  ou  de  fertiliser  la 
terre  sans  qu'il  soit  besoin  d'y  transporter  des  engrais. 
Quelquefois  l'enfouissement  se  fait  avec  des  plantes  qu'on 
a  cultivées  spécialement  dans  ce  but  ;  d'autres  fois  on  enfouit 
les  récoltes  maigres  ou  mal  venues  qu'on  n'aurait  pas 
d'avantages  à  rentrer.  La  pratique  des  enfouissements  vé- 
gétaux est  très  ancienne  et  elle  rend  des  services  évidents 
dans  la  culture  des  terres  pauvres  d'un  accès  difficile  ou 
éloignées  de  l'exploitation  pour  lesquelles,  par  conséquent, 
les  charrois  de  fumiers  et  autres  matières  fertilisantes 
seraient  trop  onéreux.  Ce  système  des  enfouissements 
végétaux  est  surtout  pratiqué  dans  le  Midi;  il  fournit 
en  outre  de  la  matière  organique  ou  humus  à  la  terre  et 
la  tient  dans  un  état  de  fraîcheur  favorable  à  la  végéta- 
tion. Il  est  essentiel  de  choisir  avec  soin  les  plantes  qui 
devront  être  enfouies  ;  autant  que  possible  elles  réuniront 
les  qualités  suivantes  :  1*^  être  en  rapport  avec  le  cHmatet 
la  nature  du  sol  ;  2^  croître  sur  des  terres  maigres  ; 
3*^  avoir  une  végétation  rapide  ;  4°  avoir  un  système  radi- 
culaire  et  aérien  très  développé.  Les  plantes  de  la  famille 
des   légumineuses,  le  trèfle,  la  luzerne,  le  lupin,  etc., 


réunissent  la  plupart  de  ces  conditions.  Cependant, on  em- 
ploie aussi  dans  ce  but  le  sarrasin,  l'anthyllide,  le  colza,  la 
moutarde  noire.  L'époque  de  l'enfouissement  doit  être  celle 
où  la  plante  commence  à  fleurir  ;  alors  on  passe  un  fort 
rouleau  sur  la  récolte  pour  coucher  les  plantes,  puis  on  fait 
passer  la  charrue  qui  enterre  les  végétaux  dans  les  sil- 
lons. Quelquefois,  mais  plus  rarement,  on  fauche  d'abord 
la  plante  et  on  l'enfouit  ensuite  ;  ce  surcroît  de  besogne 
n'est  recommandable  que  lorsque  les  plantes  sont  trop 
touffues  et  trop  abondantes. 

IL  L'enfouissement  des  cadavres  des  animaux  morts  de 
maladies  contagieuses  est  ordonné  par  le  décret  d  u  22  juin 
1882,  lorsqu'on  se  trouve  dans  l'impossibilité  de  les  faire 
transporter  dans  un  clos  d'équarrissage.  L'enfouissement 
se  pratique  sur  la  terre  du  propriétaire  ou  dans  un  terrain 
communal  spécialement  affecté  à  cet  usage.  Les  cadavres 
doivent  être  recouverts  d'une  couche  de  terre  d'au  moins 
l'^50  d'épaisseur,  et,  sous  aucun  prétexte,  on  ne  peut  les 
déterrer  sans  une  autorisation  spéciale  du  préfet. 

A.  Larbalétrier. 

ENFOURCHEMENT  (Constr.).  Lorsque  deux  douelles 
de  voûtes  se  rencontrent,  l'angle  qu'elles  forment  s'appelle 
enfourchement,  parce  que  les  voussoirs  qui  se  trouvent  sur 
l'arête  ont  deux  branches  présentant  la  forme  d'une  fourche. 
On  voit  un  exemple  de  cette  disposition  dans  les  premières 
retombées  des  angles  des  voûtes  d'arête.  —  En  charpente, 
on  désigne  ainsi  l'un  des  modes  d'assemblage  employés 
pour  enter,  c.-à-d.  pour  reher  bout  à  bout,  dans  le  sens 
vertical,  deux  pièces  de  charpente  en  bois.  On  distingue 
plusieurs  sortes  d'enfourchement.  L'enfourchement  par 
quartier  à  mi-bois  sur  les  quatre  faces,  dans  lequel  les 
quartiers  conservés  diagonalement  sur  une  pièce  entrent 
dans  les  emplacements  de  ceux  qu'on  a  supprimés  sur 
l'autre.  L'enfourchement  en  fausse  coupe,  dans  lequel  les 
fourchons  sont  triangulaires  ;  chaque  pièce  en  porte  deux 
avec  deux  entailles,  les  fourchons  d'une  pièce  s'appliquant 
aux  entailles  de  l'autre  et  les  deux  bois  se  joignant  par  un 
about  carré,  dont  les  angles  répondent  aux  milieux  de 
leurs  faces  ;  les  abouts  des  fourchons  sont  en  coupe,  afin 
qu'ils  ne  s'écartent  pas.  Le  plus  usité  est  le  double  en- 
fourchement carré,  formé  de  quatre  mortaises,  une  sur 
chaque  face  du  poteau  et  de  quatre  tenons  épaulés.  Ces  di- 
vers assemblages  exigent  une  armature  en  frettes  de  fer 
au  droit  des  joints.  L.  K. 

ENFOURNEMENT  (Céram.)  (V.  Cuisson). 

EN  FOU  S  (Ksar).  Petit  ksar  d'Algérie,  prov.  d'Oran,  à 
20  kil.  au  S.  d'Aflou,  sur  le  plateau  ou  gada  d'Enfous,  à 
environ  1 ,300  m.  d'alt.  et  à  la  tête  d'un  oued  du  même 
nom,  afïï.  de  l'oued  Richa.  Le  ksar  contient  quelques  mai- 
sons habitées  par  des  Oulad  Yacoub  el  Gharaba. 

ENFUMAGE  (Céram.)  Nom  donné  généralement  à  la  cou- 
leur jaune,  accidentelle,  de  la  couverte  blanche  des  objets 
céramiques.  On  l'attribue,  en  efiét,  au  passage  de  la  fumée 
dans  le  four  :  on  devrait  bien  plutôt  l'appliquer  à  l'opé- 
ration de  la  cuisson  des  flambés,  au  moment  où  l'artiste 
lance  dans  le  four  des  torrents  de  fumée,  qui  enveloppent 
les  pièces,  absorbent  par  places  l'oxygène  des  oxydes  mé- 
talliques qui  les  décorent,  et,  transformant  inégalement  ainsi 
leurs  couleurs,  produisent  des  colorations  marbrées  d'un 
si  curieux  aspect  (V.  Cuisson).  F.  M. 

ENFUTA6E  (Techn.  agric).  L'enfutage  consiste  à 
mettre  en  fût  ou  en  tonneau  un  liquide,  tel  que  le  vin,  le 
cidre,  la  bière,  l'eau-de-vie,  etc.,  soit  pour  le  conserver, 
soit  pour  lui  faire  subir  une  fermentation  lente.  Lorsque 
la  quantité  de  liquide  à  enfuter  est  peu  considérable,  on 
verse  ce  liquide  dans  un  grand  entonnoir  en  bois  dont  le 
tuyau  est  introduit  dans  la  bonde  du  fût  ;  mais,  lorsqu'il 
faut  déverser  dans  des  fûts  plusieurs  hectolitres  d'un 
liquide,  on  se  sert  généralement  de  tuyaux  partant  du  ré- 
servoir pour  aboutir  à  la  bonde.  C'est  au  son  plus  ou 
moins  clair  que  rend  le  Kquide  en  tombant  dans  le  fût  qu'on 
voit  si  celui-ci  est  à  peu  près  plein  (V.  Fût). 

ENGADDl.  LocaUté  de  l'ancienne  Palestine,  située  sur 


—  4053  — 


ENGADDI  —  ENGAGEMENT 


le  bord  occidental  de  la  mer  Morte  et  qui  subsiste,  aujour- 
d'hui encore,  sous  le  nom  parfaitement  conservé  de  Aïn- 
Djiddi.  Des  sources  y  développent  une  végétation  d'une 
nature  tropicale,  qui  a  été  célèbre  dès  les  temps  les  plus 
reculés. 

ENGADINE.  Vallée  de  Suisse,  cant.  des  Grisons,  longue 
de  90  kil.  environ,  large  de  2  seulement,  qui  s'étend  du 
S.-O.  au  N.-E.  entre  deux  chaînes  des  Alpes  grisonnes, 
le  long  de  l'inn,  affluent  du  Danube.  On  distingue  la  Haute- 
Engadine  et  la  Basse-Engadine.  La  première  commence  au 
Maloggiaet  s'étend  jusqu'à  Samaden,  qui  en  est  le  chef-lieu. 
Son  point  culminant  est  à  1,856  m.  Il  s'y  trouve  quatre 
lacs  :  de  Sils,  de  Silvaplana,  de  Campfer  et  de  Saint- 
Maurice.  Le  climat  est  rude,  la  culture  du  sol  à  peu  près 
nulle  ;  la  pomme  de  terre,  l'avoine  et  le  seigle  ne  mûrissent 
que  dans  les  bonnes  années.  Cependant,  grâce  à  son  air  pur 
et  fortifiant,  à  la  beauté  grandiose  du  site  et  aux  eaux 
ferrugineuses  de  Saint-Maurice,  la  Haute-Engadine  est  une 
station  de  premier  ordre.  Les  nombreux  hôtels  dont  elle  est 
parsemée  rivahsent  en  grandeur  et  en  confort  avec  ceux 
d'Interlaken  et  de  Lucerne.  L'affluence  des  touristes  et  des 
baigneurs  est  très  considérable.  La  Basse-Engadine,  qui 
s'étend  de  Samaden  au  Tirol,  est  moins  attrayante,  parce 
que  les  pics  neigeux  et  les  glaciers  y  sont  moins  nombreux. 
C'est  dans  cette  partie  que  se  trouvent  les  bains  de  Tarasp. 
La  population  indigène  de  l'Engadine,  qui  est  en  majorité 
protestante,  parle  l'idiome  ladin  ;  elle  est  industrieuse  et 
adroite.  La  plupart  des  jeunes  gens  émigrent,  mais  reviennent 
finir  leur  carrière  dans  leur  vallée  natale,  ce  qui  fait  que 
cette  contrée,  au  rude  climat,  au  sol  presque  improductif,  est 
riche  par  le  bien-être  de  ses  habitants.  Au  commencement 
du  xvii^  siècle,  l'Engadine  fut  le  théâtre  de  longues  guerres. 
Les  Autrichiens  qui  l'avaient  occupée  et  dévastée  en  furent 
chassés  par  Henri  de  Rohan  qui  lui  rendit  son  indépendance. 

ENGAGÉ  CONDITIONNEL.  L'engagement  conditionnel, 
institué  par  la  loi  du  27  juil.  1872,  permettait  à  un  cer- 
tain nombre  de  jeunes  gens  placés  dans  des  conditions 
déterminées  de  ne  faire  qu'un  an  de  service  au  lieu  de 
cinq.  Les  jeunes  gens  pourvus  de  certains  diplômes  (bac- 
calauréats, diplômes  de  fin  d'études  de  l'enseignement 
spécial,  élèves  des  écoles  vétérinaires,  etc.)  étaient  admis 
de  droit  à  contracter  cet  engagement,  sans  limitation  de 
nombre  (art.  53  de  la  loi).  Les  hommes,  non  pourvus  de 
diplôme,  pouvaient  également  bénéficier  de  cette  dispense, 
s'ils  satisfaisaient  à  un  examen  institué  parla  loi,  mais  le 
ministre  de  la  guerre  limitait  chaque  année  le  chiffre  de 
ces  engagements,  en  fixant  le  nombre  des  points  nécessaires 
pour  être  déclaré  admissible.  L'examen  était  subi  au  chef- 
lieu  du  département  devant  une  commission;  il  comprenait 
une  partie  écrite  et  une  partie  orale  ;  les  matières  du  pro- 
gramme de  l'examen  oral  formaient  trois  séries  :  agricul- 
ture, commerce  et  industrie.  Les  candidats  étaient  inter- 
rogés sur  les  matières  de  la  série  choisie  par  eux  (art.  54 
et  suiv.).  Les  engagés  conditionnels  admis  de  droit  ou  à 
la  suite  de  l'examen  devaient  verser  une  somme  de 
1,500  fr.  ;  l'exonération  totale  ou  partielle  du  versement 
de  cette  somme  pouvait  être  accordée  à  quelques  jeunes 
gens  très  méritants.  Il  fallait  d'ailleurs  rempHr  les  condi- 
tions exigées  pour  les  engagements  volontaires,  excepté 
celle  d'être  célibataire,  et  n'avoir  pas  encore  tiré  au  sort. 
Sans  cette  dernière  exigence  du  législateur,  beaucoup  de 
jeunes  gens  auraient  attendu  ce  moment  pour  contracter 
l'engagement  conditionnel,  dans  l'espoir  que  leur  numéro 
de  tirage  les  placerait  dans  la  seconde  portion  du  contin- 
gent et  leur  permettrait  ainsi  de  ne  faire  qu'un  an  de  ser- 
vice sans  verser  1,500  fr.  et  sans  être  astreint  aux  tra- 
vaux spéciaux  exigés  des  engagés  conditionnels.  Mais  dans 
le  but  de  ne  pas  interrompre  les  études  des  jeunes  gens, 
notamment  des  étudiants  en  médecine  et  des  vétérinaires,  la 
loi  avait  institué  des  sursis  renouvenables  d'année  en  année, 
leur  permettant,  après  avoir  contracté  leur  engagement,  de 
n'accomplir  l'année  de  service  qu'à  vingt-quatre  ans. 

Les  engagés  conditionnels  étaient  répartis  dans  les  diffé- 


rentes armes,  d'après  leur  demande  et  suivant  leurs  apti- 
tudes. Ils  comptaient  dans  l'effectif  entretenu  et  étaient 
légalement  soumis  au  même  régime  que  les  autres  soldats  ; 
mais,  comme  ils  versaient  1,500  fr.,  ils  recevaient  toujours 
des  effets  d'habillement  neufs,  qui  devenaient  leur  pro- 
priété à  la  fin  de  leur  année  de  service.  Au  point  de  vue 
de  l'instruction  militaire,  et  bien  qu'ils  comptassent  dans 
les  compagnies,  escadrons  ou  batteries,  ils  formaient  un 
peloton  spécial  dirigé,  suivant  son  effectif,  par  un  capi- 
taine ou  un  lieutenant  aidé  par  des  sous-officiers  et  capo- 
raux choisis  avec  soin.  Le  programme  de  cette  instruction 
comprenait  les  règlements  sur  les  manœuvres  et  les  divers 
services  et  des  cours  de  tir,  d'administration,  de  topogra- 
phie, de  fortification  et  de  législation  militaire.  Les  enga- 
gés conditionnels  subissaient  à  la  fin  de  chaque  trimestre 
un  examen  devant  une  commission  nommée  parle  chef  de 
corps  et  présidée  par  un  chef  de  bataillon  ou  d'escadrons. 
Ceux  qui  satisfaisaient  à  l'examen  de  fin  d'année  étaient 
libérés  avec  le  grade  de  sous-officier  ou  de  caporal  ou 
comme  simples  soldats,  suivant  la  mention  qu'ils  avaient 
obteime  (très  bien,  bien  ou  assez  bien).  Ceux  qui  ne 
satisfaisaient  pas  à  cet  examen  ou  qui  avaient  subi  pendant 
l'année  plus  de  trente  jours  de  prison  pouvaient  être 
conservés  au  corps  une  seconde  année.  Si  après  ces  deux 
ans  de  service  ils  n'étaient  pas  encore  jugés  dignes  de 
jouir  des  avantages  accordés  aux  engagés  conditionnels,  ils 
suivaient  le  sort  de  leur  classe.  Préoccupés,  à  juste  titre, 
d'assurer  le  recrutement  des  officiers  de  réserve,  les  légis- 
lateurs de  1872  accordaient  le  grade  de  sous-lieutenant 
dans  la  réserve  aux  engagés  conditionnels  qui,  nommés 
sous-officiers  à  la  fin  de  leur  première  année  de  service, 
consentaient  à  faire  une  seconde  année  en  cette  qualité. 

Mais,  comme  il  fallait  s'y  attendre,  le  nombre  de  ces 
jeunes  gens  a  été  extrêmement  faible,  et,  comme  la 
plupart  des  hommes  susceptibles  par  leur  instruction 
générale  et  leur  position  sociale  d'être  officiers  dans  la 
réserve  n'avaient  servi  qu'un  an  en  qualité  d'engagés 
conditionnels,  il  a  bien  fallu  se  rabattre  sur  eux  pour  re- 
cruter cette  catégorie  d'officiers.  Les  anciens  engagés  con- 
ditionnels passés  dans  la  réserve  et  qui  avaient  obtenu  le 
grade  de  sous-officier  ou,  à  défaut,  la  mention  très  bien, 
ont  donc  été  admis  à  subir  les  examens  nécessaires,  et  ce 
sont  eux  qui  aujourd'hui  occupent  la  plupart  des  emplois 
d'officier  dans  la  réserve  et  dans  l'armée  territoriale.  Ils 
sont  généralement  inférieurs,  je  ne  dirai  pas  aux  anciens 
officiers  de  l'armée  active  retraités  ou  démissionnaires,  ce 
qui  est  évident  à  priori,  mais  même  aux  anciens  sous- 
officiers  ayant  une  bonne  instruction  primaire,  qui  ont 
accompli  trois  ou  quatre  ans  de  service.  L'institution  des 
engagés  conditionnels  a  vécu  ;  elle  a  été  supprimée  par  la 
loi  du  15  juil.  1889  sur  le  recrutement  de  l'armée,  et  les 
derniers  engagés  conditionnels  ont  été  appelés  en  1888- 
89.  Il  ne  faut  pas  la  regretter.  Maladroitement  copiée  sur 
le  volontariat  d'un  an  qui  fonctionne  en  Allemagne  depuis 
le  commencement  du  siècle,  elle  a  toujours  paru,  ce  qu'elle 
était  en  réalité,  une  forme  nouvelle  du  remplacement 
(V.  Armée,  Exonération,  Recrutement).       E.  Feller. 

ENGAGEMENT.  I.  Législation  militaire  (V.  Recru- 
tement) . 

II.  Instruction  publique.  —Engagement  décennal 
—  L'engagement  décennal  contracté  par  les  membres  de 
l'enseignement  public  les  dispensait  autrefois  des  obliga- 
tions du  service  militaire.  La  loi  du  15  juil.  1889  sur 
le  recrutement  de  l'armée  a  maintenu  cet  engagement, 
mais  elle  n'y  attache  plus  les  mêmes  effets.  Désormais, 
l'engagement  de  servir  l'enseignement  public  pendant  dix 
ans  ne  dispense  plus  comme  autrefois  de  tout  service 
militaire  ;  il  permet  seulement  à  celui  qui  l'a  contracté  de 
demander  et  d'obtenir,  en  temps  de  paix,  d'être  envoyé 
en  congé  dans  ses  foyers,  après  un  an  de  présence  sous 
les  drapeaux,  jusqu'à  la  date  de  son  passage  dans  la 
réserve  (art.  23).  Cette  dispense  de  deux  années  de  pré- 
sence sous  les  drapeaux  étant  corrélative  à  un  service 


ENGAGEMENT  —  ENGAGISTE 


—  105/é 


public,  celui  qui  ne  remplirait  pas  une  des  fonctions  dans 
lesquelles  peut  être  réalisé  l'engagement  décennal  (profes- 
seur, maître,  répétiteur,  instituteur)  ou  qui  cesserait  de 
la  remplir  avant  l'expiration  de  cet  engagement,  est  tenu 
d'accomplir  les  deux  années  de  service  dont  il  avait  été 
dispensé  (art.  U).  En  outre,  les  jeunes  gens,  qui,  pendant 
leur  année  de  service,  n'auraient  pas  satisfait  aux  condi- 
tions de  conduite  et  d'instruction  militaire  exigées  par  le 
ministre  delà  guerre,  sont  tenus  d'accomplir  sans  délai  les 
deux  autres  années  de  service.  L'engagement  décennal  au 
titre  de  l'instruction  publique  est  contracté  devant  les  recteurs 
d'académie.  Le  délai  pour  produire  les  pièces  justificatives 
exigées  s'étend  jusqu'au  moment  de  l'incorporation  (règle- 
ment du  23  nov.  1889).  L'âge  minimum  à  partir  duquel 
l'engagement  décennal  peut  être  contracté  est  l'âge  de  dix- 
huit^  ans.  Les  économes,  commis  d'économat,  commis  aux 
écritures  des  lycées,  ne  sont  pas  admis  à  contracter  l'en- 
gagement décennal;  leurs  emplois  ne  sont  pas  des  emplois 
d'enseignement,  les  seuls  pour  lesquels  la  loi  du  recrute- 
ment a  admis  des  dispenses.  Le  dispensé  doit  justifier 
chaque  année,  du  15  sept,  au  15  oct.,  par  un  certificat 
que  délivrent  les  recteurs  et  qui  est  adressé  aux  comman- 
dants des  bureaux  du  recrutement,  qu'il  exerce  et  continue 
d'exercer  l'emploi  qui  lui  a  valu  la  dispense  de  deux  années 
de  service.  L'année  passée  sous  les  drapeaux  ne  compte  pas 
dans  la  réalisation  des  dix  ans  d'engagement.  Il  en  est 
autrement  des. congés  accordés  pour  cause  de  maladie, mais 
de  ceux-là  seulement,  et  à  condition  que  la  maladie  soit 
constatée  par  deux  médecins,  dont  l'un  désigné  par  l'auto- 
rité militaire.  Le  règlement  admet  d'ailleurs  que  la  réa- 
lisation de  l'engagement  décennal  peut  comporter  des 
solutions  de  continuité  ;  que  des  congés  peuvent  être 
accordés  pour  d'autres  causes  que  la  maladie,  que  le  dis- 
pensé peut  remplir  provisoirement  d'autres  fonctions  que 
celles  pour  lesquelles  il  a  été  dispensé,  à  condition  que  ces 
congés  ou  ces  fonctions  ne  reculent  pas  de  plus  de  trois  ans 
l'accomplissement  de  l'engagement  décennal. 

Il  est  d'ailleurs  à  remarquer  que  le  ministère  de  l'ins- 
truction publique  n'est  pas  le  seul  où  des  dispenses  peuvent 
être  accordées  en  vertu  d'un  engsfgement  décennal  :  des 
engagements  décennaux  peuvent  être  reçus  soit  par  le 
ministre  de  l'intérieur  pour  les  institutions  des  sourds- 
muets  et  des  jeunes  aveugles,  soit  par  le  ministre  des 
affaires  étrangères  pour  les  écoles  françaises  d'Orient  et 
d'Afrique  subventionnées  par  le  gouvernement  français. 
Il  en  résulte  que  l'engagé  décennal  de  l'instruction  publique 
peut  réaliser  son  engagement  dans  ces  écoles,  et  récipro- 
quement. Enfin  l'engagé  décennal  universitaire  peut  encore 
accomplir  ses  dix  ans  de  service  dans  l'enseignement,  à  titre 
d'instituteur,  de  professeur  et  de  maître  répétiteur,  dans 
les  écoles  d'enseignement  professionnel  visées  par  l'art.  10 
de  la  loi  du  30  juil.  1875  et  dans  l'une  des  écoles  pré- 
parant aux  diplômes  compris  dans  la  nomenclature  du  §  2 
de  l'art.  23  de  la  loi  du  15  juil.  1889  :  Ecole  des  chartes. 
Ecole  des  langues  orientales  vivantes.  Ecole  d'administra- 
tion de  la  marine,  Ecole  des  ponts  et  chaussées,  Ecole 
supérieure  des  mines.  Ecole  du  génie  maritime,  Institut 
national  agronomique,  Ecole  des  haras  du  Pin,  Ecoles 
nationales  d'agriculture  de  Grand-Jouan,  de  Grignon  et  de 
Montpellier,  Ecole  des  mines  de  Saint-Etienne,  Ecoles  des 
maîtres  ouvriers  mineurs  d'Alais  et  de  Douai,  Ecoles  na- 
tionales des  arts  et  métiers  d'Aix,  d'Angers  et  de  Châlons, 
Ecole  des  hautes  études  commerciales  et  Ecoles  supérieures 
du  commerce  reconnues  par  l'Etat.  Il  est  probable  que  des 
efforts  seront  tentés  pour  étendre  encore  cette  longue  liste, 
et  en  ce  moment  même  il  est  question,  au  Parlement,  d'ad- 
mettre au  bénéfice  de  la  dispense  par  engagement  décennal 
les  élèves  des  Ecoles  pratiques  d'agriculture.   G.  Compayré. 

III.  Droit  civil.  —  Engagement  théâtral  (V.  Artiste, 
t.  IV,  p.  30). 

IV.  Tactique.  —  Combat  de  peu  d'importance  et  de 
durée.  Dans  une  bataille,  les  troupes  ne  sont  engagées^ 
c.-à-d.  mises  aux  prises  avec  l'ennemi,  que  successive- 


ment, l'importance,  pour  un  général,  d'avoir  toujours  des 
réserves  sous  la  main,  étant  capitale.  En  thèse  générale, 
dans  une  action  offensive,  l'infanterie  de  l'avant-garde  tire 
les  premiers  coups  de  feu,  et  la  cavalerie  divisionnaire  re- 
foule la  cavalerie  ennemie  et  essaye  de  gagner  les  flancs  de 
l'adversaire.  L'artillerie  de  l'avant-garde  commence  le  feu 
pour  appuyer  le  mouvement  de  l'infanterie.  Puis  les  unités 
du  gros  entrent  en  ligne,  et  enfin,  s'il  en  est  besoin,  les 
troupes  en  réserve.  Savoir  engager  ses  troupes  est  d'une 
grande  importance  pour  un  général  en  chef. 

V.  Escrime  (V.  Escrime). 

ENGAGISTE.  On  appelait  ainsi  le  détenteur  précaire 
d'un  fief  faisant  partie  du  domaine  de  la  couronne.  Souvent, 
pour  se  procurer  de  l'argent,  les  rois  engageaient  à  un 
tiers  une  partie  de  leur  domaine.  Pasquier,  dans  ses  Re- 
chei'ches,  fait  remonter  cet  usage  à  des  lettres  patentes 
de  Charles  VIII  datées  d'oct.  1494,  au  cours  de  la  cam- 
pagne d'Italie.  Chopin  en  attribue  l'invention  à  François  P^ 
(1519).  Pour  être  valable,  l'engagement  exigeait  trois  con- 
ditions :  1°  l'ahénation  à  deniers  comptants  ;  2*^  des  lettres 
patentes  enregistrées  ;  3°  la  faculté  de  rachat  perpétuel. 
Cette  dernière  condition  était  imposée  par  le  principe,  dé- 
finitivement établi  à  la  fin  du  xvi^  siècle,  de  l'inaliénabi- 
lité  du  domaine  royal.  L'engagement  put  d'abord  être 
consenti  par-devant  notaires  ;  Henri  IV  établit  des  com- 
missaires qui  présideraient  des  enchères  en  vertu  des- 
quelles il  serait  consenti  au  plus  offrant  et  dernier  enché- 
risseur. Dans  la  situation  respective  des  parties,  l'enga- 
giste  était  un  prêteur  de  sommes  d'argent  à  qui  les  biens 
engagés  servaient  de  garantie.  C'était  une  situation  ana- 
logue à  celle  de  l'antéchrésiste.  Le  roi,  jouant  le  rôle  d'em- 
prunteur, conservait  toujours  le  droit  de  rembourser  et  de 
retirer  le  gage.  Le  roi  restait  donc  propriétaire  ;  l'enga- 
giste,  simple  détenteur  précaire,  ne  pouvait  prescrire. 
Celui-ci  n'avait  que  les  droits  utiles,  producteurs  de  fruits, 
et  non  les  droits  honorifiques  et  personnels.  Seuls  les  pre- 
miers étaient  comptés  dans  l'estimation  que  l'on  pouvait 
faire  du  droit  d'engagement.  Les  uns  dépendaient  du  fief, 
droits  seigneuriaux  ou  fires  :  cens,  rentes,  loyers,  fermages, 
taillis,  arbres  fruitiers  morts  ou  arrachés  par  l'orage  ; 
droit  annuels  ou  casuels  comme  les  mutations.  Les  autres 
suivaient  la  justice  :  amendes,  confiscations,  déshérence, 
bâtardise. 

Mais  l'engagiste  n'avait  point  droit  à  recevoir  la  foi  des 
vassaux  qui  devaient  la  porter  à  la  chambre  des  comptes 
(ord.  Moulins,  art.  15)  ;  plus  tard,  au  bureau  des  finances 
de  chaque  généralité  (arrêt  du  conseil  du  roi  du  27  mars 
1687).  Il  ne  peut  exercer  ni  le  retrait  féodal,  ni  le 
retrait  censuel,  ni  la  saisie  féodale  sans  clause  spéciale 
de  son  contrat  d'engagement.  Sauf  cette  condition,  il  n'a 
ni  droit  de  patronage,  ni  droit  de  nommer  aux  offres 
et  aux  bénéfices  (ord.  Blois,  art.  331  ;  édit  mai  1715). 
Pourtant  plusieurs  édits  de  Louis  XIV  accordèrent  tout 
ou  partie  de  ces  divers  droits  aux  en  gagistes  antérieurs 
à  ces  édits.  L'engagiste  ne  peut  disposer  des  bois  de 
haute  futaie  (édit  juin  d611;  ord.  1667).  Il  n'a  pas  la 
garde  des  mineurs,  qui  appartient  au  roi  d'une  façon 
incommutable,  en  principe.  Si  un  héritage  devient  de  main- 
morte, il  n'a  pas  droit  à  l'amortissement,  réservée  tacite- 
ment au  roi  ;  à  plus  forte  raison  à  l'indemnité  en  deniers 
qui  représente  le  fief  et  constitue  un  droit  réel  attaché  au 
domaine  de  la  couronne.  Mais  des  arrêts  admirent  ou  qu'on 
lui  en  servirait  les  intérêts  ;  ou  qu'on  en  acquerrait  des 
héritages  dont  il  jouirait  tant  que  durerait  l'engagement. 
L'engagiste  ne  portait  pas  le  titre  de  la  seigneurie  dont  les 
biens  lui  étaient  engagés  ;  il  n'était  ni  duc,  ni  marquis,  ni 
comte.  Il  se  quahfiait  seulement  parfois  de  seigneur  par 
engagement  de  tel  duché,  ou  marquisat,  etc.  Il  ne  pouvait 
placer  ses  armes  dans  Féghsc;  mais  certains  lui  reconnais- 
saient le  droit  de  les  attacher,  en  place  publique,  à  un  po- 
teau, au-dessous  de  celles  du  roi.  —  Les  charges  corres- 
pondaient à  ses  droits  :  les  uns  se  rattachaient  au  fief,  les 
autres  à  la  justice.  Il  devait  donc  tenir  les  mouHns  et 


—  10^5  — 


ENGAGISTE  —  ENGEL 


autres  édifices,  les  fiefs,  les  aumônes  et  autres  charges  et 
faire  certification  de  trois  ans  en  trois  ans  à  la  chambre 
des  comptes  (ord.  12  oct.  4601  ;  déclar.  22  déc.  46o7). 
Il  devait  également  faire  dresser  procès-verbal  de  l'état  des 
bois  et  forêts  par  les  officiers  des  eaux  et  forêts  (édit 
d'avr.  4667)  et  fournir  un  état  détaillé  de  la  situation 
matérielle  des  domaines  (arr.  4  9  sept.  4687).  Bien  que  la 
justice  ne  lui  appartînt  pas,  l'engagiste  devait  pourvoir 
aux  frais  de  nourriture,  de  garde,  de  conduite  des  pri- 
sonniers, aux  frais  d'instruction  et  de  procédure  que  sup- 
])ortait  le  roi,  avant  l'engagement  (ord.  4667,  art.  44  et 
47);  à  l'entretien  des  prisons  (déclar.  7  nov.  4724);  aux 
appointements  des  officiers  de  justice  que  le  roi  payait 
auparavant. 

Par  contre,  comme  ils  tenaient  pour  le  roi  qui  restait 
seigneur  et  propriétaire,  il  ne  lui  devait  ni  foi,  ni  hommage, 
ni  droit  de  mutation,  aucun  droit  seigneurial.  La  saisie 
féodale  ne  pouvait  les  atteindre.  Cependant,  en  Bretagne 
et  en  Normandie,  ils  étaient  illogiquement  soumis  aux 
droits  de  mutation;  l'édit  de  nov.  4637  les  en  frappa 
également,  et,  dans  beaucoup  de  contrats  d'engagement, 
on  insérait  la  charge  des  lods  et  ventes.  A  la  mort  de 
Tengâgiste,  l'engagement  était  continué  par  ses  enfants 
moyennant  finances.  Les  engagistes  disparurent  avec  l'an- 
cien régime.  Declareuil. 

ENGALLAGE  (Teint.).  Opération  de  teinture  quiapour 
but  de  disposer  sur  les  tissus  une  certaine  quantité  de 
tanin.  L'engallage  contribue  à  donner  de  la  solidité  aux 
rouges  d'Andrinople,  mais  aujourd'hui  où  ces  rouges  se 
font  couramment  à  l'alizarine  artificielle,  on  a  en  partie 
supprimé  l'engallage.  Pourtant  quelques  fabriques  rem- 
ploient tout  en  teignant  sur  alizarine  artificielle.  Difi'é- 
rentes  méthodes  d'engallage  ont  été  employées  :  après 
l'huilage  et  le  passage  en  potasse  pour  dégraisser,  on  trai- 
tait les  pièces  par  un  bain  contenant  80  gr.  de  noix  de 
galle,  420  gr.  de  savon  dissous  dans  quatre  ou  cinq  litres 
d'eau,  quantité  reconnue  nécessaire  pour  4  kilogr.  de 
tissu  ;  l'engallage  ainsi  compris  se  fait  à  chaud  et  précède 
l'alunage.  On  a  aussi  employé  le  sumac  à  6°  mêlé  à  une 
décoction  de  divi-divi  à  6°  également  dans  la  proportion 
de  4  de  sumac  pour  2  de  divi-divi.  On  foularde  alors  les 
pièces  six  à  huit  fois,  afin  qu'elles  s'imprègnent  bien  de  la 
matière  astringente.  L.  K. 

EN  G  AN  0.  Ile  de  la  Sonde,  dans  l'océan  Indien  (Ma- 
laisie),  au  S.-E.  de  Sumatra.  Lat.  S.  5o24^  long.  E.  400«. 
Elle  a  40  kil.  de  circonférence  et  est  très  élevée  au-dessus 
du  niveau  de  la  mer.  Côtes  peu  abordables  à  cause  des 
récifs  de  corail.  Productions  semblables  à  celles  de  Suma- 
tra. Les  naturels  de  cette  lie,  quoique  appartenant  à  la 
race  malaise,  sont  cependant  plus  grands  et  plus  blancs  que 
ceux  des  autres  îles  de  la  Malaisie.  Ils  ont  les  cheveux 
noirs  et  courts  ;  les  femmes  les  portent  longs  et  relevés  à 
la  chinoise.  Les  deux  sexes  sont  nus  entièrement,  à  l'ex- 
ception de  la  ceinture  qu'ils  entourent  de  feuilles  de  pal- 
mier. Comme  les  sauvages  de  ces  pays,  ils  se  percent  les 
oreilles  pour  y  suspendre  des  anneaux  et  adorent  les  ver- 
roteries européennes.  Leur  nourriture  consiste  en  cocos, 
sagou  et  poisson  cru  ;  ils  ne  boivent  que  de  l'eau  et  du  vin 
de  palmier.  Leurs  habitations  ressemblent  à  des  ruches 
élevées  sur  des  piliers.  Leurs  armes  sont  la  lance  et  le 
couteau  de  Java.  Leur  rehgion  est  inconnue.  Leur  langue 
n'est  pas  comprise  même  par  les  habitants  de  Sumatra, 
leurs  plus  proches  voisins.  Les  Hollandais  et  les  Anglais 
ont  fait  des  expéditions  à  Engano,  mais  leurs  tentatives 
n'ont  pas  réussi.  Meyners  d'Estrey. 

EN6AU  (Johan-Rudolf),  jurisconsulte  allemand,  né  à 
Erfurt  en  4708,  mort  le  48  janv.  4755.  Il  fit  ses  premières 
études  à  Erfurt  avec  Langguth,  puis  il  étudia  à  Weimar, 
sous  Jean-Mathias  Gesner,  et  ensuite  à  léna.  Il  y  fut  reçu 
docteur  en  4734  et  y  devint  professeur  ordinaire  en  4740, 
puis  recteur  en  4745.  On  a  de  lui  :  Kurze  Betrachtung 
von  den  Verjdhrmigen  in  peinlichen  Fâllen  (léna, 
4733,  in-8  ;  4772,  in-8)  ;  Elementa  juris  Germanici 


civilis  (léna,  4736,  in-8)  ;  Elementa  juris  criminalis 
Germanico-Carolini  (léna,  4738,  in-8)  ;  Instnimentum 
pacis  Osnabrugensis  recognitum^  et  notis  margina- 
libus  et  indice  instructum  (léna,  4739,  in-8)  ;  Elementa 
juris  eanonico-pontificio-ecclesiastici  (léna,  4739  et 
4753,  in-8)  ;  Abhandlung  vont  Recht  evangelischer 
Filrsten  ilber  die  auf  den  Kanzeln  stehende  Lehrer 
(4787,  in-8).  G.  R. 

ENGAYRÂC.  Com.  du  dép.  de  Lot-et-Garonne,  arr. 
d'Agen,  cant.  de  Beauville;  354  hab. 

ENGEL  (Karl-Emmanuel),  organiste  et  maître  de  cha- 
pelle de  l'électeur  de  Saxe  et  directeur  de  la  musique  de 
l'opéra  de  Leipzig,  né  à  Technitz  près  de  Dœbeln  en  4740, 
mort  en  4795.  Ce  fut  un  compositeur  studieux. 

ENGEL  (Johann- Jacob),  écrivain  allemand,  né  à  Parchim 
(Mecklembourg)  le  44  sept.  4744,  mort  à  Parchim  le 
28  juin  4802.  On  le  cite  comme  un  exemple  d'intelligence 
précoce.  Dès  sa  jeunesse,  il  sembla  promettre  à  l'Allemagne 
un  grand  écrivain  ;  il  ne  tint  qu'en  partie  cette  promesse. 
Il  attira  d'abord  l'attention  par  une  poésie  qu'il  composa 
sur  la  mort  de  son  oncle,  professeur  à  l'université  de  Ros- 
tock,  qui  s'était  occupé  de  son  instruction  (4758).  En  4763, 
à  l'occasion  des  fêtes  où  l'on  célébra  la  fin  de  la  guerre  de 
Sept  ans,  il  prononça  un  discours  dont  on  admira  le  style 
et  l'heureuse  ordonnance.  L'éloquence  allemande,  qui  n'avait 
jeté  qu'un  éclat  passager  au  temps  de  la  Réforme,  était 
encore  dans  l'enfance.  Engel,  s'il  avait  persévéré  dans  la 
voie  où  il  s'était  engagé,  n'aurait  pu  être,  en  tout  cas, 
qu'un  orateur  du  genre  tempéré.  C'était  un  esprit  ferme  et 
lucide,  mais  sec,  sans  passion  et  sans  élan.  Ses  opinions 
rationalistes  lui  ayant  fermé  la  carrière  ecclésiastique,  vers 
laquelle  Pavaient  dirigé  ses  premières  études,  il  se  rendit 
à  Leipzig  (4765),  où  il  s'occupa  de  philosophie  et  de  litté- 
rature ancienne  et  moderne.  Quelques  comédies,  qu'il  fit 
représenter  au  théâtre  de  la  ville,  et  le  premier  volume  de 
son  Philosophe  pour  le  monde  (Leipzig,  4775),  dont  plu- 
sieurs chapitres  avaient  déjà  paru  dans  des  revues,  eurent 
un  tel  succès  que  la  Saxe,  le  Hanovre  et  la  Prusse  cher- 
chèrent à  se  l'attacher.  Il  accepta  une  chaire  au  gym- 
nase de  Joachimsthal  à  Berlin  (4776),  fut  nommé  membre 
de  l'Académie  des  sciences  et  précepteur  du  prince  héré- 
ditaire qui  régna  plus  tard  sous  le  nom  de  Frédéric- 
Guillaume  ni.  Ses  Idées  sur  la  mimique  (BerHn,  4785- 
4786,  2  vol.)  lui  procurèrent  la  direction  du  théâtre 
(4787),  mais  sa  santé  affaiblie  le  fit  renoncer  à  cet  emploi 
(4794)  ;  il  se  retira  à  Schwerin,  auprès  de  son  frère. 
Frédéric-Guillaume  III,  aussitôt  après  son  avènement,  le 
rappela  à  Berlin  et  lui  donna  une  pension  (4798).  Les 
fatigues  d'un  voyage  qu'il  fit  pour  revoir  sa  mère  hâtèrent 
sa  fin.  Ses  œuvres  complètes  ont  paru  à  Berlin  (4804-4806, 
42  vol.;  nouvelle  éd.,  Francfort,  4857).  Le  Philosophe 
pour  le  monde,  dont  le  second  volume  parut  en  4777,  est 
un  ouvrage  de  morale  famihère  et  pratique  sous  forme  de 
récits,  de  dialogues,  de  lettres,  d'un  style  très  châtié; 
c'est  la  prose  de  Lessing,  moins  la  vigueur  et  l'entrain  ; 
quelques  parties,  comme  Tobias  Witt  et  la  Grotte  d'An- 
tiparos,  sont  devenues  classiques.  Les  mêmes  qualités  et 
les  mêmes  défauts  se  retrouvent  dans  le  roman  Herr 
Lorenz  Stdrk  (Berlin,  4804)  qui  a  été  jugé  trop  sévè- 
rement par  Gœthe  et  Schiller  et  qui  offre  une  peinture  par- 
fois attachante  de  la  vie  bourgeoise  en  Allemagne  au 
xviii^  siècle.  Les  Idées  sur  la  mimique  sont  une  sorte 
de  continuation  de  la  dramaturgie  de  Lessing  ;  Jansen  en 
a  donné  une  traduction  fort  défectueuse  dans  son  Recueil 
de  pièces  intéressantes  (Paris,  4787).  Il  faut  citer  encore 
d'Engel  :  Fûrstenspiegel  (Berlin,  4798  ;  2^  éd.,  4802)  ; 
Anfangsgrilnde  einer  Théorie  der  Dichtungsarien  (Ber- 
lin et  Stettin,  4783  ;  2^  éd.,  Berlin,  4804)  ;  Lobrede  auf 
Friedrich  IL  (Berlin,  4784).  A.  B. 

ENGEL  (Johann-Christian),  historien  hongrois,  né  à 
Levocs  en  4770,  mort  à  Vienne  en  4844.  Il  remplit  en 
Transylvanie  diverses  fonctions  administratives  et  a  publié 
de  nombreux  travaux  sur  l'histoire  de  la  Hongrie  et  des 


ENGEL  —  ENGELBREKT 


—  d056  — 


pays  voisins.  Les  principaux  sont  :  Geschichte  van  Ha- 
litschund  Wladûnirbis  ^77:^  (Vienne,!  792);  Geschichte 
der  Ukraine  (Halle,  ^796);  Geschichte  des unganschen 
Reiches  und  Seiner  Nebenldnder  (Halle,  4797-1804, 
4  vol.);  Geschichte  der  Freistaats  Ragusa  (Vienne,  1807); 
Geschichte  des  Kœnigreichs  Ungarn  (iS\3,  5  vol.). 
Tous  ces  travaux  ont,  pour  l'époque  où  ils  ont  paru,  une 
valeur  considérable.  L.  L. 

ENGEL  (Carl-Ludwig),  architecte  allemand,  né  à 
Berlin  le  3  juil.  1778,  mort  à  Helsingfors  le  14  mai 
1840.  D'abord  architecte  à  Revel  (1809),  puis  à  Samt- 
Pétersbourg  (1815),  il  fut  appelé  à  Helsingfors  en  1816. 
En  dressant  les  plans  de  plusieurs  édifices  :  le  sénat, 
l'hôtel  de  ville,  l'hôtel  du  gouverneur  général,  l'hôtel  Hei- 
denstrauch,  plus  tard  palais  impérial,  il  contribua  beau- 
coup à  l'embellissement  de  cette  ville,  devenue  capitale 
politique  et  militaire  en  1812,  et  intellectuelle  en  1827.  H 
y  édifia  l'université  et  l'observatoire,  achevés  en  1832, 
et  la  bibliothèque  (1836),  dont  on  admire  les  belles  pro- 
portions. Ses  plans  (1818)  pour  la  belle  église  de  Samt- 
Nicolas  ont  été  peu  avantageusement  modifiés  dans  la 
construction,  qui  dura  de  1830  à  1852.  Son  style  est 
celui  de  la  Renaissance,  qu'il  développa  successivement 
d'une  manière  aussi  originale  que  grandiose.         B-s. 

ENGEL  (Josef),  anatomiste  autrichien  contemporam,  né 
à  Vienne  le  29  janv.  1816,  professeur  successivement  à 
Zurich,  à  Prague  et  à  Vienne,  a  pris  sa  retraite  en  1874.  Ses 
ouvrages  sont  nombreux  et  ont  été  utiles  aux  progrès  de 
l'anatomie  pathologique  ;  citons  :  Das  Knochengerûst  des 
menschlichen  Antlitzes  (Vienne,  1850,  in-8),  son  ou- 
vrage le  plus  ingénieux  ;  Spez.  pathol.  Anat.  (Vienne, 
1856,  in-8,  t.  I);  Lehrbuch  der  patholog.  Anat. 
(Vienne,  1865,  in-8)  ;  Compendium  der  topograph, 
Aîiat.  (Vienne,  1853,  in-8),  excellent  ouvrage  d'anatomie 
des  régions,  longtemps  classique  en  Autriche.  D^  L.  Hn. 
ENGEL  (Jacob-Karl),  chef  d'orchestre  et  compositeur 
allemand,  né  à  Pest  le  4  mars  1821.  Il  fit  ses  études 
musicales  dans  sa  ville  natale,  ainsi  qu'à  Vienne  où  il  tra- 
vailla avec  Bohm  le  violoniste.  Il  se  fit  entendre  fortjeune 
comme  instrumentiste  à  Pest  et  à  Vienne.  En  1851,  il 
fut  engagé  à  Saint-Pétersbourg.  A  son  retour,  il  se  fixa  à 
Beriin  où  il  succéda  à  Gung'l  comme  chef  d'orchestre.  Il 
devint  directeur  de  l'établissement  Kroll  et  acquit  une 
grande  renommée  comme  chef  d'orchestre.  Il  composa  un 
grand  nombre  de  marches  et  de  danses. 

ENGEL  (Ernst),  économiste  allemand,  né  à  Dresde  le 
26  mai  1821.  Chef  du  bureau  de  statistique  de  Dresde,  il 
se  fit  connaître  par  la  publication  de  Statistische  Mittei- 
lungen  ans  dem  Kœnigreich  Sachsen  (4  vol.),  d'un 
journal  et  d'un  annuaire  de  statistique.  Il  démissionna  et 
fonda  ensuite  une  société  d'assurances  hypothécaires  (1858), 
puis  fut  appelé  à  remplacer  Dieterici  à  la  tête  du  bureau  de 
statistique  de  Beriin  (1860).  Il  a  publié  un  très  grand 
nombre  de  travaux  statistiques  très  estimés  :  Zeitschrift 
des  statistischen  Rûreaus  (depuis  1860);  Jahrbuchfiir 
amtliche  Statistik  des  preussischen  Staats  (depuis 
1863);  Preussische  Statistik  (depuis  1861),  des  rap-- 
ports  sur  les  grands  congrès  de  statistique;  il  présida  celui 
de  Berlin  en  1863.  H  a  donné  un  grand  nombre  d'études  : 
sur  les  pertes  des  armées  allemandes  en  1870-71  ;  sur  les 
machines  à  vapeur  du  monde  entier.  Citons  encore  Die  Mo- 
derne Vohnungmot  (Leipzig,  1873);  Der  Preis  der 
Arbeit  (2^  éd.,  Beriin,  1872);  Der  Wert  des  Menschen 
(Beriin,  1883).  H  a  fondé  un  institut  de  statistique  qui  a 
formé  d'excellents  fonctionnaires.  Il  prit  sa  retraite 
en  1882. 

ENGEL  (Emile),  chanteur  scémque  français,  ne  vers 
1845.  Doué  d'une  joUe  voix  de  ténor,  il  commença  sa 
carrière  en  1867,  au  gentil  petit  théâtre  des  Fantaisies- 
Parisiennes,  depuis  lors  disparu.  De  là  il  passa  dans  diver- 
ses villes  de  province  et  de  l'étranger  ;  de  retour  à  Pans 
en  1876,  il  entra  au  Théâtre-Lyrique,  puis,  après  la  décon- 
fiture de   ce  théâtre,    à  l'Opéra-Comique    (1877),  qu'il 


quitta  au  bout  de  deux  ans  pour  parcourir  avec  succès  les 
villes  d'Europe.  Engagé  au  théâtre  de  la  Monnaie,  de 
Bruxelles,  en  1885,  il  y  resta  jusqu'en  1889  et  y  fit  plu- 
sieurs créations  importantes  (la  Valkyrie  de  Wagner). 
Après  une  courte  excursion  à  Genève  pour  y  jouer  Lohen- 
grin,  il  revint  encore  à  Paris,  et  fut  engagé  à  l'Opéra- 
Comique,  où  il  créa  d'une  façon  remarquable  le  rôle  de 
Félicien  dans  le  Fève,  de  M.  Bruno.  M.  Engel  est  un  artiste 
de  talent,  comédien  aussi  habile  que  chanteur  expressif  et 
expérimenté.  A.  P. 

ENGELBERG.  Vallée  de  Suisse,  cant.  d'Unterwalden, 
entourée  de  tous  côtés  de  hautes  montagnes  couvertes  de 
neige  et  de  glaciers ,  accessible  seulement  par  quelques 
gorges  étroites  et  quelques  cols.  Elevée  de  plus  de  1,000  m. 
au-dessus  de  la  mer,  son  climat  est  rude  et  la  culture  du 
sol  fort  réduite.  Néanmoins  le  village  d'Engelberg,  qui 
compte  1,978  hab.,  est  une  importante  station  climalé- 
rique  ;  on  y  trouve  de  beaux  et  vastes  hôtels.  Engelberg 
possède  une  abbaye  de  bénédictins,  à  laquelle  est  annexé 
un  gymnase  fréquenté  par  environ  80  élèves. 

ENGELBERGE,  impératrice,  morte  en  890.  Femme  de 
Louis  n,  fils  de  Lothaire,  roi  d'Italie  et  empereur,  elle  ne 
lui  donna  pas  d'enfant  mâle.  Accusée  d'adultère,  elle  fut 
défendue  par  Boson  qui,  à  ce  qu'on  raconte,  défit  ses  accu- 
sateurs dans  le  duel  judiciaire  et  devint  le  mari  de  sa  fille 
Ermengarde.  Elle  brouilla  son  mari  avec  plusieurs  grands  ; 
après  sa  mort  elle  ne  put  conserver  de  rôle  politique  et  fut 
envoyée  par  Charles  le  Chauve  dans  un  monastère  d'Alle- 
magne. 

ENGELBRECHTSEN  ou  ENGELBRECHTSZ  (Cor- 
nelisz),  peintre  hollandais,  né  à  Leyde  en  1468,  mort 
à  Leyde  en  1533.  Surtout  connu  comme  ayant  été  le 
maître  de  Lucas  de  Leyde,  il  jouit  de  son  temps  d'une 
réputation  considérable.  Van  Mander  en  parie  avec  grand 
éloge.  Son  père,  Engelbert  ou  mieux  Engelbrecht,  était 
menuisier  ;  d'autres  disent,  mais  sans  preuve,  graveur  sur 
bois  ou  même  peintre.  D'après  Van  Mander,  CorneHs  serait 
un  des  premiers  à  Leyde  qui  aurait  peint  à  l'huile.  On  le 
range  généralement  dans  l'école  de  Van  Eyck  ;  mais  il 
appartient  plutôt  au  groupe  des  artistes  déjà  romanisants 
et  légèrement  italianisés ,  au  moins  dans  l'architecture , 
à  la  tête  desquels  se  place  Gossaert,  par  l'influence 
qu'il  a  exercée  en  Hollande  aussi  bien  qu'en  Flandre. 
Il  ne  nous  reste  malheureusement  que  deux  œuvres  abso- 
lument sûres  d'Engelbrechtsen ,  deux  triptyques  cités 
par  Van  Mander,  provenant  du  couvent  de  Marienpoel,  et 
aujourd'hui  au  musée  de  Leyde  ;  l'un  représentant  une 
Descente  de  croix,  avec  les  donateurs  sur  les  volets  ; 
l'autre  un  Christ  en  croix  entre  le  Sacrifice  d'Abraham 
et  le  Serpent  d'airain,  les  mêmes  donateurs  figurant  sur 
la  prédelle.  Les  tableaux  qui  lui  sont  attribués  en  diffé- 
rents autres  musées  sont  sujets  à  caution.  Il  paraît  n'avoir 
jamais  quitté  sa  ville  natale,  sauf  peut-être  en  de  courts 
voyages,  car  on  trouve  son  inscription  dans  la  garde 
civique  à  dates  répétées  (et  encore  les  registres  sont  in- 
complets), pendant  une  période  de  près  de  vingt-cinq  ans, 
de  1499  à  1522.  —  \\  eut  trois  fils,  qui  furent  également 
peintres  :  l'aîné,  Pierre-Cornelisz,  peintre  verrier  et  ami 
de  Lucas  de  Leyde,  sur  lequel  on  a  peu  de  renseignements  ; 
les  deux  autres,  auxquels  Van  Mander  a  consacré  des  bio- 
graphies spéciales,  Corneille-Cornelisz ,  dit  Corneille 
Kimst,  et  Lucas-Corne lisz  (V  Cornelisz). 

BiBL.:  Van  Mander,  trad.  Hymans,t.  I,  pp.  123-126,  176- 
180.  —  Taurel,  VArt  chrétien  en  Hollande  et  en  Flandre, 
t.  I,  pp.  175-192  (tirav.).—  WoLTMANN  et  Woeraiann,  Ge- 
schichte der  Malerei,  t.  II,  pp.  530-531.  —  Havard,  Hist.  de 
la  peinture  hollandaise. 

ENGELBREKT  Engelbrektsson,  président  de  l'Etat  et 
grand  patriote  suédois,  assassiné  le  27  avr.  1436.  Simple 
écuyer  dalékariien  délégué  par  les  paysans  auprès  du  roi 
de  l'Union  Scandinave,  Erik  de  Poméranie,  pour  porter 
plainte  contre  la  tyrannie  de  la  noblesse  et  les  exactions 
du  bailli  Jœsse  Eriksson  (1432),  il  fut  durement  repoussé 
et  se  mit  à  la  tête  des  mécontents,  qui,  deux  fois,  se  lais- 


-  1057  - 


ENGELBRECKT  —  ENGELHARDT 


sèrent  calmer  par  de  vaines  promesses.  Une  troisième  fois, 
en  1434,  le  soulèvement  prit  de  plus  grandes  proportions 
et  s'étendit  au  Vestmanland  et  à  l'Upland.  Des  nobles 
mêmes,  comme  Erik  Puke,  s*y  associèrent  ;  toutes  les  places 
de  la  Suède  supérieure  furent  prises  par  les  insurgés,  et  le 
Riksrâd,  réuni  à  Vadstena,  fut  forcé  d'adresser  au  roi  une 
lettre  de  désaveu.  Après  s'être  emparée  des  provinces  mé- 
ridionales et  même  d'un  pays  danois,  le  Halland,  l'armée 
insurrectionnelle  fut  licenciée,  mais  rassemblée  de  nouveau 
à  la  fin  de  la  même  année,  après  l'arrivée  du  roi  à  Stock- 
holm, et  la  diète  d'Arboga  appela  Engelbrekt  à  la  prési- 
dence de  l'Etat  (1435).  Les  grands  ménagèrent  un  com- 
promis d'après  lequel  Erik  XIIÎ  s'engagea  à  faire  exercer 
le  pouvoir  en  son  absence  par  un  drots  et  un  maréchal 
suédois  ;  à  s'abstenir  désormais  de  confier  à  des  étrangers 
le  gouvernement  des  forteresses  ;  enfin  à  donner  à  Engel- 
brekt l'investiture  du  fief  d'OErebro.  Mais  comme  il  viola 
la  seconde  de  ces  promesses  et  qu'en  retournant  en  Dane- 
mark il  pilla  les  côtes  suédoises,  le  maréchal  nommé  par 
lui,  Cari  Knutsson,  et  Engelbrekt  se  partagèrent  la  tâche 
de  délivrer  le  royaume.  Celui-là  assiégea  Stockholm,  celui-ci 
s'empara  du  Smâland  et  occupa  le  Bleking  et  le  Halland, 
mais  la  maladie  le  força  de  retourner  à  OErebro  ;  il  se  rendait 
à  Stockholm,  lorsqu'il  fut  assassiné  dans  un  Ilot  du  lac 
Hjelmare  par  Mans  Bengtsson  Natt  och  Dag,  fils  d'un  sei- 
gneur du  voisinage,  avec  lequel  il  venait  de  se  réconcilier. 
A  sa  bravoure  militaire  il  joignait  un  véritable  esprit  poli- 
tique ;  il  travailla  à  fortifier  son  parti,  à  l'extérieur  par 
des  alliances,  à  l'intérieur  en  s'appuyant  sur  les  ordres 
inférieurs  (le  bas  clergé,  la  bourgeoisie,  les  paysans),  et 
en  les  convoquant  aux  diètes,  d'oii  ils  avaient  été  exclus 
par  l'aristocratie.  Un  de  ses  projets  était  de  creuser  un 
canal  à  Sœdertelje  pour  mettre  le  lac  Mœlare  en  communi- 
cation avec  la  Baltique.  Ce  héros  de  l'indépendance  a  été 
chanté  par  son  contemporain,  l'évêque  Thomas,  qui  parle 
de  miracles  faits  sur  son  tombeau  dans  l'église  d'Œlre- 
bro;  et  plus  récemment  célébré  dans  des  drames  de 
Ling  (1819),  d'Àkerhjelm  (1820),  de  Blanche  (1846)  ;  dans 
un  poème  cyclique  de  Gumselius  (1858);  dans  un  roman  de 
Starbaeck  (1868-69)  ;  dans  des  dissertations  de  Faut  (180d  ) 
et  de  J.-J.  Palm  (1802)  ;  dans  des  discours  de  C.-J.  von 
Schantz  (1836)  et  deGumœlius  (1865).  Son  histoire  a  été 
écrite  par  E.  Tuneld  (1784),  et  sa  statue  en  bronze  par 
Qvarnstrœm  a  été  érigée  à  OErebro.  Be\uvois. 

EN6ELBREKTSDÀTTER  (Dorthe),  femme  poète  nor- 
végienne (V.  Dorthe). 

ENGELBRETH  (Wolf-Frederik),  théologien  et  érudit 
danois,  né  à  Korsœrle  11  avr.  1771,  mort  à  Lille-Heddinge 
le  22  mai  1862.  Après  un  long  séjour  à  l'étranger  (1791- 
95),  surtout  à  Gœttingue  et  à  Rome,  où  il  étudia  le  copte 
sous  Zoëga,  il  devint  pasteur  de  Lyderslev  et  Frœslev  (1 795- 
1859).  On  lui  doit  :  Lettre  àM,  Allioni^  en  français,  sur  les 
collections  du  cardinal  Borgia  à  Velletri  (Rome,  1795)  ; 
Fragmenta  Basmurico-coptica  Veteris  et  Novi  Testa- 
menti  (Copenhague,  1811,  in-4)  ;  Fragmenta  Apoca- 
lypseos  Thebaico-Coptica,  dans  les  Actes  du  synode  du 
diocèse  de  Sélande  (1819);  Dissertations  théologiques 
(1826)  ;  rEcriture  sainte  et  VEglise  (1854).  Dans  la 
Défense  de  Luther  (1825)  et  V Exorcisme  (1834)  il  prit 
parti  pour  N.-Fr.-S.  Grundtvig  contre  les  attaques  de 
H.-N.  Clausen,  et  il  commenta  en  latin  le  Livre  de  la  sa- 
gesse (1815-16),  et  en  danois  le  Livre  de  Rut  h  (1818),  le 
Cantique  des  cantiques  (1 852)  eiV  Apocalypse  (1 855). 

ENGELEN  (Guillaume  Van),  dit  Gulielmus  ah  An- 
gelis,  théologien  belge,  né  à  Bois-le-Duc  en  1583,  mort  à 
Louvain  en  1649.  Il  fut  appelé,  dès  1606,  à  professer  la 
théologie  à  Louvain  et  devint  successivement  président  des 
collèges  du  Porc,  de  VigUus  et  d'Adrien  VI;  il  venait  d'être 
nommé  évêque  de  Ruremonde  quand  il  mourut.  La  solidité 
de  son  enseignement  lui  avait  acquis  une  grande  réputation, 
et  il  était  considéré  comme  un  des  maîtres  de  la  théologie 
dogmatique.  Il  joua  un  rôle  important  dans  les  longues  et 
bruyantes  querelles  suscitées  par  le  jansénisme  ;  aussi  fut-il 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.  — XV. 


fort  applaudi  par  les  catholiques  et  vivement  attaqué  par 
les  admirateurs  de  l'évêque  d'Ypres.  On  aurait  tort  de 
juger  Van  Engelen  d'après  les  satires  de  ses  adversaires  oii 
sa  personne  et  ses  doctrines  sont  attaquées  souvent  avec 
beaucoup  d'esprit,  mais  aussi  avec  beaucoup  d'injustice. 
Les  œuvres  principales  de  Van  Engelen  sont  :  le  Manteau 
de  la  foi  catholique  arraché  à  la  doctrine  des  prédicants 
calvinistes  de  Bois-le-Duc  (Louvain,  1630,  in-12,  en 
flamand)  ;  Declaratio  sive  protestatio  theologorum  et 
professorum  lovaniensium  (Louvain,  1642,  in-8).  Nous 
citerons  encore  de  lui  une  intéressante  relation,  en  latin, 
des  troubles  suscités  à  Louvain  par  l'impression  de  VAu- 
gustinus.  Elle  fut  adressée  à  Urbain  VIII  et  se  trouve  dans 
le  Disquisitio  historico-theologica  per  Jacobum  de 
Mo7ibron  (Cologne,  1692,  in-12).  E.  H. 

BiBL.  :  Dave,  Oratio  funebris  in  parentalibus  G.  ab  An- 
gelis;  Louvain,  1649, in-4.—  Foppk:<s^  Bibliotheca  belgica; 
Matines,  1739,  2  vol.  in-4.—  Pacquot,  Mémoires  pour  ser- 
vir à  Vhist.  littéraire  des  dix-sept  provinces  des  Pays-Bas: 
Louvain,  1765-1770,  3  voL  in-Ibl. 

ENGELHARD  (Friedrich- Wilhelm),  sculpteur  allemand, 
néàGrunhagen,  près  de  Lunebourg,  le  9  sept.  1813.  Elève 
de  l'Ecole  polytechnique  de  Hanovre,  il  quitta  cette  ville 
en  1839  pour  étudier  la  sculpture  sous  la  direction  de 
Thorwaldsen.  En  1840,  on  le  trouve  à  Munich,  où  il 
étudia  cinq  ans  avec  Schwanthaler.  Il  voyagea  ensuite 
pendant  quelques  années  et  fut  rappelé  à  Hanovre,  en  i  859, 
par  le  roi  George  IV.  On  cite  de  lui  :  une  Loreley  pour 
l'Ecosse;  un  Amour  avec  le  Cygne;  une  statue  de  la 
Duchesse  Sophie  de  Hanovre,  etc. 

ENGELHARDT  (Georg-Reinhold-Gustav  von),  admi- 
nistrateur et  écrivain  livonien,  né  à  Riga  le  23  août  1775, 
mort  à  Pétersbourg  en  1862.  Il  servit' dans  l'armée,  puis 
au  ministère  des  affaires  étrangères  et  au  conseil  de  l'em- 
pire, n  fut  directeur  de  l'Institut  pédagogique  (1811) 
et  du  lycée  de  Tsarskoe  Selo.  Il  fut  mis  à  la  retraite 
en  1823  à  cause  de  ses  opinions  libérales.  Il  a  collaboré 
à  l'ouvrage  de  Storch,  Russland  unter  Alexander  /(Riga, 
1803-11);  à  celui  d'Erdmann,  Beitràge  zur  Kenntniss 
des  Innern  von  Russland  (Leipzig,  1822-1826).  H  a 
publié  en  outre  Russische  Misce lien  zur  genauern  Kennt- 
niss Russlands  (Pétersbourg,  1828-32)  et  édité  l'ou- 
vrage de  Wrangell,  Reise  lângs  der  Nordkilste  von  Sibi- 
rien  (Rerlin,  1839). 

ENGELHARDT  (Maurice),  géologue  russe,  d'origine 
allemande,  né  en  1779,  mort  en  1842.  H  fut  professeur 
de  minéralogie  à  l'université  de  Dorpat  et  fonda  le  cabinet 
minéralogique  de  cette  université.  Il  fit  plusieurs  voyages 
scientifiques,  notamment  dans  les  régions  de  l'Oural  et  du 
Transbaïkal  (1826-1828).  Il  a  publié  entre  autres  :  Zur 
Geognosie,  Darstellungen  aus  dem  Felsgebœude  Russ- 
lands (Berlin,  1820)  ;  Die  Lagerstdtte  des  Goldes  und 
Platin  ini  Ural  Gebirge  (Riga,  1828)  ;  Die  Lagerstdtte 
der  Diamenten  im  Ural-Gebirge,  etc. 

ENGELHARDT  (Johann-Georg-Veit),  théologien  alle- 
mand, né  à  Neustadt-an-der-Aisch  le  12  nov.  1791,  mort  à 
Erlangen  le  13  sept.  1855.  Il  fit  ses  études  à  Erlangen, 
où  il  devint  ensuite  professeur  de  théologie.  Il  acquit  de  la 
célébrité  par  ses  ouvrages  sur  l'histoire  de  l'Eglise,  no- 
tamment sur  la  patristique  et  la  théologie  mystique.  Nous 
mentionnons  :  Leitfaden  zu  Vorlesungen  ûber  Patristik 
(Erlangen,  1823)  ;  Handbuch  der  Kirchengeschichte 
(Erlangen,  1833-34,  4  vol.);  Dogmengeschichte  (1839, 
2  vol.)  ;  Richard  von  Saint-Victor  und  Joh.  Ruysbroek 
(Erlangen,  1838).  C.  P. 

ENGELHARDT  (Frédéric-Auguste),  homme  politique 
français,  né  à  Strasbourg  le  31  oct.  1796,  mort  à  Nieder- 
bronn  (Bas-Rhin)  le  17  mars  1874.  Docteur  es  sciences, 
il  s'adonna  d'abord  à  l'enseignement  et  notamment  ouvrit 
à  Strasbourg  un  cours  gratuit  de  technologie  pour  les 
ouvriers.  Il  devint  ensuite  directeur  des  forges  de  Nie- 
derbronn.  Très  populaire  dans  la  région,  il  fut  élu  le 
23  avr.  1848  représentant  du  Bas-Rhin  à  la  Constituante, 
où  il  s'occupa  surtout  des  questions  ouvrières  et  où  il 

67 


ENGELHARDT  -  ENGELMANN 


1Ô58  - 


appuya  Cavaignac.  Il  combattit  vivement  la  politique  de 
l'Elysée  et  ne  fut  pas  réélu  à  la  Législative. 

ENGELHARDT  (Maurice),  homme  politique  français, 
fils  du  précédent,  né  à  Strasbourg  en  1820,  mort  à  Paris 
le  43  mai  1891.  Avocat,  il  devint,  après  le  4  sept.  1870, 
préfet  de  Maine-et-Loire.  Le  10  oct.  1876  il  fut  élu  con- 
seiller municipal  de  Paris  par  le  quartier  de  la  Sorbonne. 
Réélu  en  1878  et  en  1881,  il  fut  nommé  cette  dernière 
année  président  du  conseil  général  de  la  Seine.  Il  échoua  aux 
élections  de  1884.  Nous  citerons  de  lui  :  Des  Banques 
agricoles  (Strasbourg,  1850,  in-8)  ;  la  Chasse  dans  la 
vallée  du  Rhin  (Paris,  1864,  in-12)  ;  la  Réforme  de  la 
magistrature (iSSO.m-i'i);  Souvenirs  d'Alsace (iSS% 
in-12)  ;  la  Contrebande  politique  sur  la  frontière  du 
Rhin  pendant  le  second  empire  (1883,  gr.  in-8)  ;  les 
Chevreuils,  Bécasses  et  Bécassines  (Nancy,  1884,  in-8). 

ENGELHARDT  (Helvig-Conrad-Ghristian),  archéologue 
danois,  né  à  Copenhague  le  20  sept.  1825,  mort  le  11  nov. 
1881.  Maître  de  français  et  d'anglais  au  lycée  de  Flensborg 
(1851)  et  conservateur  du  Musée  des  antiquités  slesvi- 
goises,  il  enrichit  considérablement  ce  dernier  par  d'im- 
portantes trouvailles  de  l'âge  de  fer  qu'il  fit  dans  les  tour- 
bières de  Thorsbjerg  et  de  Nydam  et  qu'il  décrivit  avec 
perspicacité  et  érudition  dans  Sœnderjydske  Mosefund 
(Copenhague,  1863  et  1865,  in-4,  avec  de  belles  planches 
par  MagnusPetersen,  aussi  sous  le  titre  de  Ancient  Den- 
mark  in  early  iron-age,  Londres,  1866,  in-4).  Lors  du 
rapt  des  duchés  nordalbingiens  par  les  Austro-Prussiens, 
il  tâcha  vainement  de  soustraire  aux  ravisseurs  ses  chères 
et  précieuses  collections,  et  il  travailla  à  en  former  de 
même  genre  par  ses  fouilles  dans  les  tourbières  fioniennes 
de  Kragehul  près  Assens  et  de  Vimose  près  Odense  (Fynske 
Mosefund,  1867,  1869).  Attaché  au  Musée  des  antiquités 
septentrionales  de  Copenhague  (1867),  dont  il  publia  un 
Guide  (1868,  7«  éd.,  1878  ;  en  français,  1868,  2^  éd. 
1870),  et  élu  secrétaire  de  la  Société  des  antiquaires  du 
Nord  (1868),  il  a  donné  dans  les  Aarbœger  de  cette  société 
de  nombreuses  et  savantes  études  sur  les  antiquités  danoises 
des  premiers  siècles  de  notre  ère,  en  partie  traduites  en 
français  par  E.  Beauvois  dans  les  Mémoires  de  la  même 
société.  B-s. 

ENGELHOLM.  Ville  de  Suède,  Isen  de  Christianstad, 
sur  le  Cattégat,  à  l'embouchure  du  Runne-Aa;  2,000  hab. 
Cordonnerie.  Très  disputée  entre  la  Suède  et  le  Danemark, 
la  ville  fut  huit  fois  détruite  par  le  feu  durant  ces  guerres. 

ENGELMANN  (Godefroy),  l'introducteur  de  la  litho- 
graphie en  France  et  l'inventeur  de  la  chromolithographie, 
né  à  Mulhouse  le  16  août  1788,  mort  à  Paris  le  24  avr. 
1839.  Mis  d'abord  dans  le  commerce,  il  n'y  prit  aucun 
goût  et  vint  à  Paris  apprendre  le  dessin  dans  l'atelier  de 
Regnault.  De  retour  à  Mulhouse  en  1811,  il  ne  tarda  pas 
à  devenir  le  chef  de  la  partie  du  dessin  dans  la  fabrique 
d'indiennes  de  son  beau-père.  En  1814,  il  alla  à  Munich  étu- 
dier chez  Stuntz  les  procédés  de  la  lithographie  naissante, 
dont  les  résultats  l'avaient  vivement  passionné.  Dès  l'année 
suivante,  il  monta  un  atelier  dans  sa  ville  natale  et  ce  fut 
le  premier  établissement  lithographique  créé  en  France, 
les  tentatives  antérieures  étant  demeurées  sans  résultat. 
En  1816,  il  installa  une  maison  à  Paris.  L'art  lithogra- 
phique, presque  tombé  en  oubli,  doit  sa  régénération,  ses 
perfectionnements  et  ses  destinées  ultérieures  au  génie  et 
à  la  persévérance  d'Engelmann  (V.  Lithographie).  Les 
plus  grands  artistes  de  l'époque  lui  confiaient  leurs  des- 
sins à  reproduire  et  il  en  interpréta  personnellement  un 
grand  nombre  qu'on  admira  aux  Salons  de  1817,  1819, 
1822.  En  1837,  il  résolut  pratiquement  le  problème  de 
l'impression  lithographique  polychrome  à  laquelle  il  donna 
le  nom  de  chromolithographie  (V.  ce  mot).  Il  n'eut  pas 
le  temps  de  donner  tout  l'essor  à  ce  nouveau  procédé.  On 
lui  doit  les  ouvrages  professionnels  :  Manuel  du  dessina- 
teur-lithographe (Paris,  1823,  in-8  ;  2«  édit.,  suivie 
d'une  Instruction  sur  le  nouveau  procédé  du  lavis 
lithographique  [inventé  par   l'auteur]  ;    1824,  in-8  ; 


3®  édit.,  1830);  Traité  théorique  et  pratique  de 
lithographie  (Mulhouse  et  Paris,  1839-40,  in-4,  avec  pL). 
—  Après  sa  mort,  son  fils  Godefroy  (vivant  encore  en 
1892)  prit  la  direction  de  la  maison  de  Mulhouse  (actuel- 
lement la  propriété  de  la  veuve  Bader  et  C^«).  —  Le  frère 
de  celui-ci,  Jean  Engelmann  (mort  en  sept.  1875),  apporta 
d'énormes  perfectionnements  à  la  chromolithographie  et 
il  inventa  un  nouveau  genre  d'impression  appelé  la  dia- 
phanie  (V.  Chromolithographie).— Il  eut  pour  successeur 
son  fils,  Robert,  auquel  on  doit  l'impression  de  plusieurs 
belles  publications  en  couleurs.  G.  Pawlowski. 

BiBL.  :  Bellier  de  La  Chavignerie  et  Auvray,  Dict. 
des  artistes  de  VEcole  française.  —  Gazette  des  beaux- 
arts,  passim,  et  Chronique  de  Gaz.  des  B.-A.,  25  sept. 
1875.  —  Ouvrages  cités  dans  la  bibliogr.  de  Fart.  Litho- 


graphie. 


ENGELMANN  (Wilhelm) ,  célèbre  libraire  et  bibliographe 
allemand,  né  à  Lemgo  (Lippe-Detmold)  le  l^^aoùt  1808, 
mort  à  Leipzig  le  23  déc.  1878.  Fils  d'un  libraire  de 
Leipzig,  le  jeune  Engelmann  se  forma  à  sa  profession  au- 
près d'Enslin,  éditeur  fort  instruit  de  Berlin,  puis  auprès 
de  Gerold  à  Vienne  ;  il  se  perfectionna  encore  à  Brème  et 
à  Francfort-sur-le-Main.  En  1833,  il  succéda  à  son  père, 
et  dès  lors  il  fit  preuve  d'une  activité  extraordinaire.  Pos- 
sédant une  instruction  étendue  et  variée,  lié  avec  les  nom- 
breux savants  dont  il  éditait  les  œuvres,  il  acquit  une 
réputation  considérable,  surtout  par  la  publication  d'excel- 
lentes bibhographies  scientifiques,  dont  quelques-unes  seu- 
lement sont  son  œuvre  propre,  et  dont  les  autres  ont  été 
soit  refondues  par  lui  d'après  le  libraire  Enslin,  qui  les 
entreprit  le  premier,  soit  composées  par  divers  érudits  qui 
l'avaient  choisi  pour  leur  éditeur.  En  1 858,  W.  Engelmann 
devint  docteur  honoris  causa  de  l'université  d'Iéna,  à  l'oc- 
casion des  fêtes  du  jubilé  de  cette  université.  A  sa  mort,  le 
service  de  sa  librairie  à  Leipzig  est  passé  entre  les  mains 
de  sa  veuve  et  de  son  fils  aîné  Rudolf  Engelmann.  Aujour- 
d'hui la  librairie  Engelmann  s'occupe  spécialement  d'éditer 
des  ouvrages  relatifs  à  l'histoire  naturelle. 

Parmi  les  bibliographies  scientifiques  publiées  par  la 
librairie  Engelmann,  les  plus  importantes  sont  :  Biblio- 
theca  scriptorum  classicorum,  dont  W.  Engelmann  est 
l'auteur  et  qui  a  été  refondue  dans  une  huitième  édition  par 
les  soins  de  Preuss  (1880-1882,  2  vol.  in-8)  ;  elle  em- 
brasse la  bibliographie  des  auteurs  grecs  et  latins  depuis 
1700  jusqu'à  1878  ;  —  Bibliotheca  juridica  (1750-1839), 
éd.  d'abord  par  Enslin,  puis  par  W.  Engelmann  (1840,  in-8) 
avec  deux  suppléments  par  Wuttig  et  Rossberg,  comprenant 
le  premier  les  ouvrages  édités  de  1849  à  1867,  et  le 
second  les  ouvrages  qui  ont  paru  de  1867  à  1876;  — 
Bibliotheca  historico-naturalis,  index  librorum  his- 
toriam  naturalem  spectantium  ab  anno  MDCC  ad 
MDCCCXLVI  in  Germania,  Scandinavia,  Anglia, 
Belgio,  Italia  atque  Hispania  impressorum  (1 846,  in-8)  ; 
le  principal  supplément  de  ce  recueil  porte  le  titre  de  Bi- 
bliotheca zoologica  (4846-60),  éd.  par  J.-Victor  Carus 
et  W.  Engelmann  (1861,  2  vol.  in-8);  il  a  été  continué 
pour  la  période  de  1861  à  1880  par  0.  Taschenberg 
(1  vol.  en  4  parties,  1886-1891)  ;  —  Bibliotheca  mecha- 
nico-technologica  (jusqu'à  1843),  pul)lié  par  W.  En- 
gelmann, 2«  éd.  (1844,  in-8,  avec  suppl.)  ;  —  Biblio- 
theca medico-chirurgica  et  anatomica,  physiologica 
(1750-1847),  publié  par  W.  Engelmann,  6^  éd.  de  la 
Bibliotheca  medico-chirurgica  d'Enslin  (1848,  in-8, 
avec  suppl.)  ;  —  Bibliotheca  geographica  (1750-1856), 
publié  en  1858,  in-8,  etc.  Indépendamment  des  recueils 
bibliographiques  que  l'on  vient  d'énumérer,  la  librairie 
Engelmann  a  édité  les  œuvres  d'historiens,  d'archéologues, 
de  philosophes  ou  de  naturalistes  bien  connus,  tels  que 
Gervinus,  Georg  Weber,  Overbeck,  W.  Wundt,  Kôlliker, 
ou  bien  encore' dirigé  la  publication  d'importants  recueils 
périodiques  relatifs  à  l'histoire  naturelle.  Enfin  Engelmann 
a  publié  en  1857  un  excellent  catalogue  de  l'œuvre  com- 
plet du  célèbre  graveur  Chodowiecki.  —  Le  fils  aîné  et 
successeur  d'Engelmann,  Rudolf,  astronome  de  profession 


—  1059  - 


ENGELMANN  -  ENGELSTOFT 


et  professeur  libre  à  Tuniversité  de  Leipzig,  a  publié  per- 
sonnellement plusieurs  ouvrages  relatifs  à  l'astronomie.  — 
Le  frère  de  celui-ci,  Th,-Wilhelm,  né  en  4843,  est 
professeur  de  physiologie  à  l'université  d'Utrecht  (1892). 

BiBL.  :  Pfau,  Biographisches  Lexicon  des  deiUschen 
Buchhandels  der  Gegenvoart,  nach  Originalquellen  bear- 
beiieif;  Leipzig,  1890,  in-8. 

ENGELMODE,  poète  latin,  évêque  intrus  de  Soissons 
en  862,  mort  vers  864  ;  il  est  connu  par  un  poème  latin 
en  l'honneur  de  Paschase  Ratbert,  abbé  de  Corbie,  qui  est 
généralement  publié  avec  les  œuvres  de  cet  auteur. 

ENGELŒ.  Ile  de  Norvège,  dans  le  Westfjord;  elle  est 
assez  fertile  ;  son  plus  haut  sommet  a  660  m.  de  haut. 

ENGELRAMS  (Cornelis),  ENGHELRAMS  ou  INGEL- 
RAMS,  peintre  flamand,  né  à  Malines  en  1527,  mort  à 
Malines  le  8  juin  1580.  Il  entra  dans  la  gilde  de  Saint- 
Luc  le  17  sept.  1546.  Il  peignait  généralement  à  la  dé- 
trempe. Les  églises  de  Malines  possédaient  autrefois  de  ses 
œuvres.  Van  Mander  signale  les  Sept  Œuvres  de  misé- 
ricorde k  Saint-Rombaut,  um  Conversion  de  saint  Paul 
à  Sainte-Catherine.  Beaucoup  de  ses  tableaux  passèrent  en 
Allemagne,  particulièrement  à  Hambourg.  Il  fit  également 
de  la  décoration.  Ainsi,  il  exécuta  pour  Guillaume  P^, 
prince  d'Orange,  au  château  d'Anvers,  une  suite  de  V His- 
toire de  David,  d'après  les  dessins  de  Lucas  de  Hecre, 
et  avec  l'aide  de  Jean  Vredeman  de  Vries  pour  les  parties 
d'architecture  peinte.  Aucune  de  ses  œuvres  ne  nous  est 
parvenue.  M.  Emmanuel  Neeffs  a  relevé  dans  le  catalogue 
delà  vente Pierets de  Croonenburgh,  à  Malines,  en  4830, 
un  curieux  tableau  d'Engelrams  (Procureur  lisant  une 
requête  présentée  par  deux  bourgeois),  qui  ferait  peut- 
être  de  lui  un  peintre  de  portraits  à  la  manière  de  Van 
Oost.  —  Il  eut  un  fils,  André,  qui  fut  également  peintre, 
entra  dans  la  gilde  en  1571,  et  mourut  prématurément 
avant  1595.  Paul  Leprteur. 

BiBL.  :  Van  Mander,  tracl.  Hymans,  t.  I,p.  258.  —Emm- 
^^B¥F?i,  Histoire  delà  peinture  et  de  la  sculpture  à  Malines  ; 
Gand,  1876,  t.  I,  pp.  215-217.  —Biographie  nationale  belge, 
1876,  t.  VI  (article  du  môme). 

ENGELS  (Friedrich),  socialiste  allemand,  né  à  Barmen 
en  1818.  Fils  d'un  commerçant  et  commerçant  lui-même, 
un  séjour  en  Angleterre  (1842-45)  le  confirma  dans  ses 
idées  socialistes;  il  collabora  aux  Deutsch-franzœsische 
Jahrbûcher  de  Ruge  et  Marx  (1884)  et  publia  jDz'^  Lage 
der  arbeitenden  Klassen  in  England  (Leipzig,  1845), 
puis,  en  collaboration  avec  Marx,  Die  heilige  Familie 
(1847)  et  le  fameux  manifeste  aux  prolétaires  de  tous  les 
pays  (1847).  Engels  fut  secrétaire  de  la  commission  cen- 
trale formée  à  Londres,  puis  à  Bruxelles.  Compromis  dans 
les  insurrections  du  Palatinat  et  Bade,  en  1849,  il  se 
réfugia  en  Angleterre  et  prit  une  part  active  à  la  fondation 
de  l'Internationale.  Il  a  écrit  surtout  dans  la  revue  socia- 
liste Vorwaerts  et  a  condensé  ses  théorie  dans  Der  Ur- 
sprung  der  Familie,  des  Privateigentums  und  des  Staats 
(Zurich,  1884).  Il  a  édité  le  second  volume  du  grand 
ouvrage  de  Marx,  Das  Kapital,  Kritik  der  politischen 
OEkonomie  (Hambourg,  1885). 

ENGELSPACH  (Auguste),  dit  Larivière,  homme  poli- 
tique belge,  né  à  Bruxelles  en  1799,  mort  à  Bruxelles  en 
1831.  Il  s'adonna  d'abord  à  l'étude  de  la  géologie,  fit 
pendant  plusieurs  années  des  voyages  scientifiques  dans 
toute  l'Europe  septentrionale  et  publia  le  résultat  de  ses 
observations  en  plusieurs  mémoires  dont  les  plus  importants 
sont  :  le  Silicate  d'alumine  considéré  sous  les  rapports 
chimique,  minéralogique  et  géognostique  (Bruxelles, 

1828,  in-8);  Description  géognostique  du  grand-duché 
du  Luxembourg  (Bruxelles,  1829,  in-4);  Considérations 
sur  les  blocs  erratiques  déroches  primordiales  (Bruxelles, 

1829,  in-8).  Lorsque  la  révolution  éclata  à  Bruxelles  en 

1830,  Engelspach  se  jeta  dans  le  mouvement  et  devint  chef 
d'état-major  de  la  garde  bourgeoise.  Il  contribua,  en  cette 
qualité,  à  sauver  le  palais  de  l'Industrie  et  le  domaine  de 
Tervueren  menacés  par  la  populace.  Le  gouvernement  pro- 
visoire lui  conféra  ensuite  le  titre  d'agent  général  chargé 


de  la  direction  des  services  relatifs  à  l'approvisionnement 
et  à  la  défense  de  la  ville  de  Bruxelles.  C'était  une  lourde 
charge,  donnant  de  grands  pouvoirs,  mais  entraînant  aussi 
de  graves  responsabilités  ;  Engelspach  s'en  acquitta  avec 
un  zèle,  un  courage  et  un  désintéressement  auxquels  la 
population  rendit  unanimement  hommage.  Il  mourut  presque 
subitement,  au  lendemain  du  couronnement  de  LéopoldP^. 
Voulant  donner  à  Engelspach  un  suprême  témoignage  de 
satisfaction  pour  les  services  éminents  qu'il  avait  rendus 
au  pays,  les  Chambres  législatives  votèrent  à  sa  veuve  une 
pension  annuelle  de  1,500  florins.  E.  H. 

BiBL.  :   DEhEVTRE,  Histoire  de  la  7'évolution  de  1830; 
Bruxelles,  1851,  in-8.  —  Moniteur  belge  du  23  déc.  1833. 

ENGELSTOFT  (Laurids),  historien  danois,  né  au  pres- 
bytère de  Gislum,  près  d'Hobro,  le  2  déc.  1774,  mort  à 
Copenhague  le  14  mars  1851.  Après  avoir  été  couronné  par 
l'université  de  Copenhague  pour  un  élégant  mémoire  sur 
la  Condition  des  femmes  chez  les  anciens  Scandinaves 
(1798)  et  s'être  fait  remarquer  par  une  thèse  latine  sur 
Saint  Jérôme  (1797),  il  voyagea  avec  diverses  subventions 
(1798-1800)  et  écrivit  d'Allemagne  et  de  France  d'inté- 
ressantes lettres  publiées  en  partie  dans  le  tome  III  de  ses 
Œuvres  choisies  (1862).  A  son  retour,  il  devint  adjoint 
(1800),  professeur  d'histoire  et  de  géographie  (1803)  à 
l'université  de  Copenhague;  secrétaire  (1805),  membre 
(1812-1832  et  1840-1848)  de  la  direction  des  écoles 
savantes  ;  historiographe  des  ordres  royaux  (1 836)  ;  mem- 
bre d'une  foule  de  commissions  et  de  sociétés.  Il  est  à 
regretter  que  ses  fonctions  absorbantes  l'aient  détourné  de 
sa  véritable  voie,  la  narration  historique.  On  lui  doit  en 
ce  genre,  outre  le  mémoire  cité  :  Philippe- Auguste  et 
Ingeborg  (1801)  ;  Situation  périlleuse  de  Copenhague 
dans  r été  de  1100  (1804)  ;  De  Re  Byzantinorum  mili- 
tari sub  Justiniano  I  (1808,  remanié  en  danois,  1815)  ; 
Siège  de  Vienne  en  i68S  (1817)  ;  Histoire  de  la 
construction  de  l'université  de  Copenhague  (1836).  Il 
publia  des  recueils  universitaires  et  édita  Scriptores  rerum 
Danicarum  (1834,  t.  Vlll,  in-fol.)  et  Glossarium  der 
Friesischen  Sprache  de  N.  Outzen  (1837,  in-4).  C'est  un 
des  derniers  savants  danois  qui  aient  réussi  dans  la  poésie 
et  l'éloquence  latines.  Un  Choix  de  ses  écrits  a  été  publié 
par  Allen  (1859-1862,  3  vol.  in-8).  Wegener  a  donné 
une  notice  sur  lui  (1852)  et  Fr.  Schiern,  des  Engelstof- 
tiana  (1880).  B-s. 

ENGELSTOFT  (Christian  Thorning),  évêque  et  érudit 
danois,  fils  adoptif  et  neveu  du  précédent,  né  à  Naesborg 
(diocèse  de  Viborg)  le  8  août  1805,  mort  à  Odense  le 
25  janv.  1889.  Lecteur  (1833),  professeur  extraordinaire 
(1834),  ordinaire  (1845)  en  théologie  à  l'université  de 
Copenhague,  dont  il  fut  recteur  (1847-48),  il  devint 
évêque  de  Fionie  en  1851  et  fut  ministre  du  culte  et  de 
l'instruction  publique  (31  déc.  1863  au  11  juil.  1864)  dans 
le  cabinet  Monrad.  Outre  plusieurs  thèses  et  programmes 
en  latin  (Historia  populi  Judaici  biblica  ad  relationes 
peregrinas  examinata,  1832  ;  Reformantes  et  catho" 
lici  in  Dania  concertantes,  1836;  De  Confutatione 
latina,  quœ  Apologiœ  concionatorum  Evangelicorum 
iîi  comitiis  Hafniensibus  anno  iÔSO  traditœ  opposita 
est,  1847),  on  lui  doit  de  bons  ouvrages  d'érudition  en 
danois  :  Histoire  de  la  liturgie  en  Danemark  (1840); 
Paulus  Eliœ,  biographie  (1848)  ;  Histoire  de  r  Ordon- 
nance ecclésiastique  (1860);  Histoire  d' Odense  (1862; 
2^  éd.,  1878-80),  et  nombre  de  mémoires  dans  Historisk 
Tidsskrift;  Recueil  de  la  Société  littéraire  du  diocèse 
de  Fionie,  dans  le  tome  X  (1890)  duquel  se  trouve  une 
notice  sur  ses  travaux  historiques  ;  Recueil  d'histoire 
ecclésiastique,  et  surtout  dans  Theologisk  Tidsskrift  qu'il 
édita  avec  C.-E.  Scharlins,  de  1837  à  1862.  Il  donna 
une  édition  remaniée  (1851)  du  traité  de  Kolderup- 
Bosenvinge  sur  le  Droit  ecclésiastique,  qu'il  enseigna  au 
séminaire  de  Copenhague  (1850).  Comme  orateur,  il  publia 
une  Oraison  funèbre  de  Christian  Vlll  (1848)  et  des 
Discours  prononcés  en  1852  (1853).  Peâuvois. 


ENGELURE  —  ENGERTH 


—  1060 


ENGELURE  (Méd.).  Les  engelures  sont  des  lésions 
de  la  peau  constituées  par  l'apparition  rapide,  en  certains 
points  du  corps,  principalement  aux  doigts  et  aux  orteils, 
puis  aux  talons,  aux  oreilles,  au  nez,  aux  joues,  de  plaques 
érythémateuses  plus  ou  moins  étendues  qui  sont  le  siège 
de  cuissons  et  de  démangeaisons  intolérables.  Chez  certains 
sujets  ce  stade  érythémateux  peut  être  dépassé  ;  au  centre 
des  plaques  naît  une  phlyctène ,  puis  une  ulcération  lui 
succède,  et  la  cicatrisation  ne  s'opère  que  très  lentement. 
Le  passage  rapide  de  la  chaleur  au  froid  et  réciproquement 
semble  favoriser  leur  développement.  Une  foule  de  remèdes 
ont  été  préconisés  contre  les  engelures.  Les  décoctions  qui 
ont  été  les  plus  recommandées  pour  les  lavages  des  mains 
sont  l'infusion  chaude  de  céleri,  la  décoction  de  feuilles  de 
noyer,  l'eau  de  savon,  l'eau  sinapisée,  etc.  Les  topiques 
sont  des  plus  nombreux.  Ils  comprennent  des  lotions  à 
l'alun,  à  l'alcool,  au  nitrate  d'argent  au  cent  cinquantième, 
des  pommades  au  borax,  à  l'acide  phénique,  au  tanin, 
des  coUodions  iodés,  et,  s'il  y  a  des  ulcérations,  des  em- 
plâtres rouges  de  Vidal  ou  ceux  à  l'oxyde  de  zinc.  Person- 
nellement ,  nous  préférons  les  poudres  d'iodol ,  d'aristol , 
d'iodoforme,  après  lavage  des  parties  malades  dans  une 
décoction  de  feuilles  de  noyer  ou  dans  l'eau-de-vie.  Nous 
recommandons  aussi  l'essuyage  parfait  des  mains  et  des 
pieds  chez  les  gens  prédisposés  qui  auront  bien  soin  en 
outre  d'éviter  les  brusques  changements  de  température. 
L'état  général  des  porteurs  d'engelures  devra  être  très 
surveillé.  Les  strumeux,  en  particulier,  adopteront  une  mé- 
dication tonique  et  reconstituante  dont  l'huile  de  foie  de 
morue  et  le  sirop  d'iodure  de  fer  for-meront  la  base  prin- 
cipale. Henri  Fournier. 

EN6ELVIN  (Joseph -Marie-Louis),  écrivain  religieux, 
né  à  Rochefort  (Puy-de-Dôme)  le  26  janv.  1795,  mort 
en  1861.  Ordonné  prêtre,  il  entra  en  1852  dans  l'ordre 
de  Saint-François  de  Jérusalem  ;  puis  il  fonda  un  couvent 
de  récollets,  près  de  Bourg-Saint-Andéol.  Nous  citerons 
de  lui  :  les  Fleurs  à  Marie  (Paris,  1834,  in-12)  ;  le 
Voyant  (Clermont,  1839,  in-8);  rAmi  des  peuples 
(1840,  in-8);  le  Prêtre  (1846,  in-12)  ;  De  l'Esprit 
républicain  (1848,  in-12);  le  Sage  ou  Promenade  aux 
vasques  de  Salomon  dans  les  environs  de  Bethléem 
(1857,  in-12)  ;  Saintes  Larmes  (Clermont,  1850,  in-18); 
le  Soleil  de  la  Terre  sainte  (Paris,  1861,  in-12),  etc. 
Il  collabora  en  outre  à  la  Biographie  universelle  et  au 
Mercure  du  xix®  siècle. 

EN  G  EN.  Bourg  d'Allemagne,  grand-duché  de  Bade, 
cercle  de  Constance;  1,600  hab.  Cité  dès  le  ix^  siècle, 
il  fut  le  théâtre  d'un  combat  entre  les  Français  sous 
Moreau  et  les  Autrichiens  sous  Kray  (3  mai  1800).  Au 
S.-O.  culmine  le  Hohenœmen  avec  les  ruines  d'un  vieux 
château. 

EN  G  ENTE.  Com.  du  dép.  de  l'Aube,  arr.  et  cant.  de 
Bar-sur-Aube  ;  126  hab. 

ENGENVILLE.  Com.  du  dép.  du  Loiret,  arr.  de  Pithi- 
\iers,  cant.  de  Malesherbes;  609  hab. 

EN6ERAND  (Auguste -Alexandre),  homme  politique 
français,  né  à  Caen  le  23  avr.  1841.  Avocat  à  Caen 
(1862),  un  des  chefs  du  parti  bonapartiste  dans  le  Cal- 
vados (l'empereur  et  l'impératrice  avaient  été  parrain  et 
marraine  de  son  fils  aîné),  il  fonda  en  1875,  dans  l'in- 
térêt de  ce  parti,  le  journal  rAmi  de  V Ordre,  A  partir 
de  1888,  il  fut  un  des  partisans  les  plus  fidèles  du  général 
Boulanger  et  fut  élu  député,  avec  un  programme  révision- 
niste, par  la  1^®  circonscription  de  Caen,  le  6  oct.  1889 
(2®  tour  de  scrutin),  par  6,146  voix  contre  6,004  à 
M.  Henry,  républicain. 

ENGERBAGE  (Econ.  rurale)  (V.  Gerbe). 

ENGERBEMENT  (ArtilL).  Les  bouches  à  feu  qui  ne 
doivent  pas  être  emmenées  immédiatement  par  les  troupes, 
en  temps  de  guerre,  sont  réunies  par  espèces  et  par  cali- 
bres et  couchées  sur  des  chantiers.  Quant  aux  affûts  et 
voitures,  ils  sont  erigerbés  dans  les  magasins  de  manière 


à  occuper  peu  de  place.  La  méthode  d'engerbement  varie 
avec  l'espace  dont  on  dispose  et  la  rapidité  avec  laquelle  il 
peut  être  nécessaire  de  mettre  le  matériel  en  état;  dans 
tous  les  cas,  les  deux  trains  de  chaque  voiture  sont  sépa- 
rés, et  le  plus  souvent  les  coffres  à  munitions  sont  enlevés. 
Lorsque  les  voitures  sont  engerbées  sur  roues^  elles  sont 
plus  promptement  prêtes  à  sortir  des  magasins,  mais  cette 
méthode  exige  beaucoup  plus  d'espace  :  les  affûts  et  arrière- 
trains  de  caissons  sans  coffres  sont  placés  en  rang,  tous 
dans  le  même  sens,  la  flèche  à  terre  dans  la  direction  du 
rang,  les  roues  sur  deux  lignes  parallèles,  aussi  rapprochées 
que'  possible,  se  touchant  par  les  cercles  ou  même  se  croi- 
sant alternativement;  les  avant-trains,  sans  roues  ni  coffres, 
sont  placés  sur  les  arrière-trains,  les  fusées  d'essieu  por- 
tant sur  le  haut  des  roues,  le  timon  s'appuyant  sur  la  voi- 
ture suivante.  Les  voitures  sans  roues,  et  en  général  les 
objets  qui  ont  une  épaisseur  à  peu  près  uniforme,  peuvent 
être  engerbés  par  piles  :  ils  sont  placés  par  couches  pa- 
rallèles au  sol,  avec  bouts  alternés  d'une  couche  à  l'autre 
si  c'est  nécessaire  ;  cette  méthode  est  applicable  aux  avant- 
trains,  aux  arrière-trains  de  caissons  sans  coffres,  aux 
coffres  et  caisses  à  munitions.  On  peut  enfin  engerber  de- 
bout :  les  trains  des  voilures  sont  dressés  sur  la  tête  ou 
sur  le  derrière  des  armons  ou  des  brancards;  le  dessous 
des  voitures  est  tourné  vers  le  mur  contre  lequel  s'appuie 
la  première  du  rang  ;  les  autres  se  soutiennent  mutuelle- 
ment au  moyen  de  cales  qui  les  maintiennent  parallèles. 
L'engerbement  des  projectiles  porte  plus  spécialement  le 
nom  d'empilage. 

ENGERN.  Village  d'Allemagne,  roy.  de  Prusse; 
2,000  hab.  Vieille  église  de  l'an  903  où  Charles  IV  fit 
ériger  en  1377  un  monument  au  duc  saxon  Wittekind, 
qui  se  serait  retiré  à  Engern  après  sa  conversion.  L'impé- 
ratrice Mathilde  y  fonda  un  couvent  qui  fut  annexé  à  Iler- 
ford  en  1414.  Ce  fut  le  chef-lieu  d'un  duché  qui  releva 
l'ancien  nom  des  Angrivariens,  une  des  tribus  principales 
du  peuple  saxon.  En  eflet,  à  l'époque  carolingienne,  le 
pays  d'Engern  ou  Engergau  s'étendait  au  N.  de  l'Eder, 
sur  les  deux  rives  du  Weser,  entre  l'Ostphalie  et  la  West- 
phalie.  Il  perdit  son  individualité  après  la  conquête  de  la 
Saxe  par  Charlemagne.  Mais,  lorsqu'au  xii®  siècle  le  grand- 
duché  de  Saxe  fut  démembré,  on  releva  le  titre  de  duc 
d'Engern  au  profit  des  ducs  ascaniens  et  des  archevêques 
de  Cologne.  Il  fut  porté  par  la  branche  de  Saxe-Lauen- 
bourg  et  revint  à  son  extinction  (1689)  à  la  maison  de 
Wettin  (V.  Saxe). 

ENGERRAN  (Jacques),  homme  politique  français,  né  à 
Villedieu-les-Poëles  (Manche)  le  1^"*  mars  1751,  mort  à 
Avranches  le  24  nov.  1843.  Homme  de  loi  à  Avranches, 
il  fut  député  de  la  Manche  à  la  Convention,  où  il  siégea 
parmi  les  modérés,  puis  au  conseil  des  Cinq-Cents,  enfin, 
pendant  le  Consulat,  au  Corps  législatif.  Il  rentra  ensuite 
dans  la  vie  privée.  F.-A.  A. 

EN  G  ERS.  Bourg  d'Allemagne,  roy.  de  Prusse,  district 
de  Coblentz  (Province  Rhénane);  2,100  hab.  Beau  château 
moderne.  L'ancien  château  fort  de  Kunostein,  bâti  par 
l'archevêque  Kuno  de  Trêves  (1368)  a  été  rasé  en  1758. 
Les  grès  d'Engers^  qui  forment  un  banc  de  3  à  6  m.  d'épais- 
seur, sont  exploités. 

ENGERT  (Erasmus),  peintre  autrichien,  né  à  Vienne 
en  1796,  mort  à  Vienne  le  13  avr.  1871,  surtout  connu 
par  les  restaurations  de  tableaux  du  musée  du  Belvé- 
dère auquel  il  fut  attaché  en  1843  et  qu'il  dirigea  à  partir 
de  1857. 

ENGERTH  (Wilhelm,  baron  d'),  ingénieur  et  adminis- 
trateur autrichien,  né  à  Pless  (Silésie  prussienne)  le 
26  mai  1814,  mort  à  Baden,  près  de  Vienne,  le  4  sept.  1884. 
Successivement  élève  de  l'Institut  polytechnique  (1834)  et 
de  l'Académie  des  beaux-arts  de  Vienne,  il  exerça  quelque 
temps  la  profession  d'architecte,  retourna  à  l'Institut  po- 
lytechnique et  s'adonna  dès  lors  exclusivement  à  l'étude 
de  la  science  de  l'ingénieur.  Il  fut  de  1840  à  1844  pro- 
fesseur adjoint   de  mécanique  dans  le  dernier  de   ces 


—  1061  — 


ENGERTH  -  ENGHIEN 


établissements,  de  1844  à  1850  professeur  de  mécanique 
à  l'Ecole  industrielle  de  Gratz.  Il  occupa  ensuite  les  fonc- 
tions officielles  les  plus  élevées  :  membre  du  comité  des 
voies  de  communication  (1850),  commissaire  à  l'Exposition 
de  Londres  (1851),  directeur  de  l'industrie  au  ministère  du 
commerce  (1853),  directeur  adjoint  (1855),  puis  direc- 
teur général  des  chemins  de  fer  autrichiens,  commissaire 
de  la  réforme  douanière  (1859),  conseiller  du  gouverne- 
ment (1860),  conseiller  aulique  (1869),  membre  à  vie  de 
la  Chambre  des  seigneurs  (1874).  En  1875,  il  fut  créé 
baron.  Ses  travaux  sont  nombreux  et  lui  ont  valu  une 
grande  célébrité.  On  lui  doit  tout  d'abord  l'invention  (réa- 
lisée en  1850  en  vue  de  l'exploitation  du  chemin  de  fer  à 
fortes  rampes  du  Semmering,  entre  Vienne  et  Trieste)  de 
l'excellente  machine  qui  porte  son  nom  (V.  Locomotive)  et 
qui,  tout  de  suite  employée  sur  les  diverses  lignes  acciden- 
tées de  l'Europe  centrale,  a  été  aussi  adoptée  par  notre 
Compagnie  du  Nord  pour  ses  lourds  convois  de  houille;  elle 
pèse,  avec  son  tender,  56,000  kilogr.  et  a  cinq  paires  de 
roues  de  même  diamètre,  qui  peuvent  toutes  concourir  à 
produire  l'adhérence,  grâce  à  un  ingénieux  engrenage  de 
trois  roues  dentées  interposé  entre  les  deux  trains  articulés 
de  la  machine  et  du  tender.  Il  a  d'autre  part  largement 
contribué  aux  beaux  travaux  entrepris  depuis  1867,  sur- 
tout dans  les  environs  de  Vienne,  pour  la  régularisation  et 
la  rectification  du  cours  du  Danube.  Il  est  enfin  Fauteur 
d'importantes  améliorations  apportées  tant  dans  les  pro- 
grammes de  l'enseignement  industriel  que  dans  les  con- 
ditions de  travail  et  d'existence  des  ouvriers.  Il  a  publié 
plusieurs  articles  intéressants  dans  des  recueils  spéciaux  ; 
nous  citerons  :  Ueber  die  Théorie  des  Montgolflerschen 
Stosshebers^  dans  Bericht  ilber  die  Versammlung  der 
Naturforscher  (1843);  Ueber  ein  neues  Perpetuum  mo- 
bile^âsim  Verhandl.  des  Niederôsterreichischen  Gewerb- 
Vereins  (Vienne,  1 844)  ;  Note  sur  les  locomotives  du 
Semmering,  dans  Bulletin  de  la  Société  d'encourage- 
ment de  Paris  {iS^6).  Léon  Sagnet. 

ENGERTH  (Eduard,  chevalier  d'),  peintre  d'histoire 
autrichien,  né  à  Pless,  en  Silésie,  en  1818,  d'une  famille 
autrichienne  qui  comptait  déjà  plusieurs  artistes.  Engerth 
étudia  à  l'Académie  de  Vienne  et,  en  1847,  fut  envoyé 
comme  pensionnaire  du  gouvernement  à  Rome  où  il  fit  un 
long  séjour  et  peignit  le  célèbre  tableau,  la  Famille  de 
Manfred  après  la  bataille  de  Bénévent.  En  1854,  il 
devint  directeur  de  l'Académie  de  Prague.  On  lui  doit  la 
plus  grande  partie  des  fresques  de  l'église  d'Alterchenfeld 
à  Vienne,  une  série  de  peintures  tirées  du  Mariage  de 
Figaro,  à' Orphée,  etc.,  à  l'Opéra  de  Vienne;  le  Prince 
Eugène  après  la  bataille  de  Zenta,  etc.  Depuis  1871, 
il  est  directeur  de  la  galerie  du  Belvédère.  Engerth  a  été 
élu,  en  1875,  membre  correspondant  de  l'Académie  des 
beaux-arts,  à  Paris. 

ENGESTRŒM  (Johan),  évêque  et  orientaliste  suédois, 
né  à  Lilla-Slâgarp  (Skanie)  le  21  nov.  1699,  mort  le 
16  mai  1777.  Après  avoir  étudié  sous  des  hébraïsants  et 
des  rabbins  de  Hambourg,  il  fut  adjoint  (1729),  professeur 
de  langues  orientales  (1732),  puis  de  théologie  (1742)  à 
l'université  de  Lund,  dont  il  devint  vice-chancelier  en  1748. 
La  même  année,  il  succéda  à  son  beau-père,  J.  Benzelius, 
comme  évêque  de  Lund  et,  en  cette  qualité,  il  persécuta 
aussi  bien  les  piétistes  que  les  Herrnhutes.  Parmi  ses  dis- 
sertations, on  remarque  :  Grammatica  hebrœa  biblica 
(en  8  fasc,  1731-33)  ;  De  Cultrisveterum  lapideis  (Lund, 
1735,  in-4,  avec2  pL).  B-s. 

ENGESTRŒM  (Jacob  von),  homme  politique  et  érudit 
suédois,  fils  du  précédent,  né  à  Lund  le  1®^  nov.  1735, 
mort  à  Upsala  le  14  nov.  1802.  Secrétaire  d'ambassade 
(1764),  de  cabinet  (1766),  vice-gouverneur  du  Isen  d'Up- 
sala  (1783),  il  ne  put  être  promu  ni  à  une  légation  ni  à 
un  gouvernement,  et  il  était  connu  comme  mécontent,  lors- 
qu'il fut  arrêté  comme  comphce  de  l'assassinat  de  Gustave  III 
(1792)  et  condamné  à  la  prison  perpétuelle,  mais  bientôt 
gracié.  Il  publia  des  mémoires  d'histoire  et  de  numismatique 


et  des  éloges  dans  les  Actes  (t.  I,  II,  IV-VI)  de  l'Académie 
des  belles-lettres  de  Stockholm,  dont  il  était  membre 
(1786),  et  il  laissa  en  manuscrit  un  projet  de  constitution 
dans  lequel  les  quatre  ordres  devaient  être  représentés  par 
des  députés  élus  pour  trois  ans.  B-s. 

ENGESTRŒM  (Gustaf  von),  minéralogiste  suédois, 
frère  du  précédent,  né  à  Lund  le  1^^  août  1738,  mort  à 
Upsala  le  12  août  1813.  Elève  de  Brandt  et  de  Cronstedt, 
dont  il  traduisit  en  anglais  la  Minéralogie  (Londres,  1770), 
et  instruit  par  des  voyages  d'études  faits  en  Norvège  (i  760), 
en  Angleterre,  en  Hollande  et  en  Prusse  (1764-67),  il  fut 
essayeur  (1764),  gardien  de  la  monnaie  (1768-1794), 
assesseur  (1774)  et  conseiller  au  collège  des  mines  (1781). 
On  lui  doit  :  Description  d'un  laboratoire  minéralo^ 
gique  (d'abord  en  anglais,  Londres,  1770  ;  ensuite  en  sué- 
dois, Stockholm,  1773;  en  allemand  par  Weigel,  Greifs- 
wald,  1774, 1782);  Laboratoriumchemicum  (il Si-S^!, 
3  vol.)  ;  Guide  du  voyageur  aux  carrières  et  mines  de 
Suède,  en  français  (1796)  ;  et  onze  expériences  dans  les 
Actes  de  l'Académie  des  sciences  de  Stockholm,  dont  il 
était  membre  (1770)  et  qu'il  présida  en  1774  et  1782.  B-s. 

ENGESTRŒM  (Johan  von),  homme  politique  et  mémo- 
rialiste suédois,  frère  des  précédents,  né  à  Lund  le  13  oct. 
1743,  mort  à  Lina  (Sœdermanland)  le  30  déc.  1807. 
Attaché  aux  bureaux  de  l'administration  militaire  en  1762, 
il  y  devint  secrétaire  du  protocole  (1773).  Comme  membre 
né  de  la  Chambre  des  nobles,  qui  le  désigna  plusieurs  fois 
pour  faire  partie  des  comités  surtout  financiers,  il  joua  un 
rôle  important  dans  le  parti  des  Chapeaux  et  aux  diètes 
de  d769  à  1800.  Lors  des  coups  d'Etat  de  1772  et  de 
1782,  il  fut  arrêté  par  ordre  de  Gustave  III,  qui  le  regar- 
dait comme  son  ennemi  personnel,  et,  après  le  meurtre  de 
ce  monarque  (1792),  suspendu  pour  un  an  de  ses  fonc- 
tions de  secrétaire  du  protocole.  Il  laissa  des  Mémoires 
historiques,  qui  ont  été  publiés  avec  des  lettres  de  1771 
à  1805,  par  E.-W.  Montan  (Stockholm,  1871).      B-s. 

ENGESTRŒM  (Lars,  comte  von),  homme  politique, 
diplomate  et  mémorialiste  suédois,  frère  des  précédents,  né 
à  Stockholm  le  24  déc.  1751,  mort  le  19  août  1826  dans 
son  domaine  de  Jankowicz,  en  Posnanie,  où  se  perpétue 
sa  descendance.  Du  cabinet  de  la  correspondance  étrangère 
(1773-1782),  il  passa  à  la  légation  de  Vienne  et,  de  là,  à 
celle  de  Varsovie  (1788).  Devenu  gentilhomme  polonais  et 
même,  plus  tard  (1808),  staroste,  par  suite  de  son  mariage 
avec  la  comtesse  Chlapowska,  il  se  fit  apprécier  de  la 
noblesse  du  pays  et  amena  la  conclusion  d'un  traité  entre 
la  Suède,  la  Pologne  et  la  Prusse  (1790).  A  l'avènement 
de  Gustave  IV,  il  fut  chancelier  de  la  cour  (1792),  puis 
envoyé  à  Londres  (1793-95).  La  cour  de  Vienne  ayant 
refusé  de  l'accueillir  comme  ministre  à  cause  de  ses  sym- 
pathies pour  la  France,  il  passa  avec  le  même  titre  à  Berlin 
(1798-1803).  Sous  Charles  XIH,  il  devint  président  de  la 
chancellerie,  ministre  des  affaires  étrangères,  baron,  cheva- 
lier de  l'ordre  des  Séraphins  (1809),  comte  (1813),  chan- 
celier de  l'université  de  Lund  (1810-1824),  à  laquelle  il 
témoigna  le  plus  vif  intérêt  et  qui,  de  son  temps,  brilla 
d'un  vif  éclat.  Il  se  démit  de  toutes  ses  fonctions  en  1824. 
La  riche  collection  de  manuscrits  et  de  livres  formée  par 
les  Engestrœm,  les  Benzelius,  les  Benzelstjerna  et  consi- 
dérablement augmentée  par  lui,  fut  léguée  par  son  petit-fils 
à  la  bibliothèque  royale  de  Stockholm  en  1864;  ses  Sou- 
venirs et  Notes  onf  été  édités  par  Elof  Tegnér  (Stockholm, 
1876,  2  vol.  in-8).  B-s. 

ENGHIEN-les-Bains.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Oise, 
arr.  de  Pontoise,  cant.  de  Montmorency;  sur  le  bord  du 
lac,  vaste  de  35  hect.,  qui  porte  le  même  nom;  stat.  du 
ch.  de  fer  du  Nord  (ligne  de  Paris  à  Pontoise)  ;  tête  de 
ligne  de  l'embranchement  d'Enghien  à  Soisy  et  à  Montmo- 
rency ;  1 ,875  hab.  Le  territoire  actuel  de  la  com.  d'Enghien 
faisait  autrefois  partie  des  deux  paroisses  de  Montmorency 
et  de  Saint-Gratien  ;  le  nom  même  d'Enghien  avait  été 
donné  par  Louis  XIV,  en  sept.  1689,  à  la  ville  de  Mont- 
morency ;  mais  l'usage  ne  put  ratifier  la  volonté  royale. 


ENGHIEN 


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Au  siècle  dernier,  il  n'y  avait  encore,  dans  le  lieu  dont 
nous  parlons,  qu'un  moulin  situé  près  du  lac  et  sur  un  ruis- 
seau qui  s'y  jetait.  En  1766,  Cotte,  curé  de  Montmorency, 
reconnut  que  l'eau  de  ce  ruisseau  était  éminemment  suit u- 
reuse  et  fit  part  de  cette  découverte  à  l'Académie  des 
sciences,  qui  en  reconnut  l'exactitude.  Toutefois,  une  sta- 
tion thermale  ne  fut  créée  à  Enghien  qu'en  1821,  par  les 
soins  de  Péligot,  administrateur  de  l'hôpital  Saint-Louis. 
Il  s'y  ruina,  mais,  plus  tard,  la  vogue  et  la  mode  favori- 
sèrent l'entreprise  qui,  depuis,  a  toujours  été  en  pros- 
pérant. Enghien  n'est  cependant  devenu  une   commune 

qu'en  1851.  , .  ^*  u* 

Eaux  minérales.  —  Les  eaux  d'Enghien  sont  ather- 
males,  sulfatées  calciques  taibles  (0s^l76  à  0gr,38o),  car- 
boniques moyennes,  sulfureuses  faibles. Ce  sont  huit  sources 
qui  émergent  d'un  banc  de  calcaire  grossier  à  un  mveau 
inférieur  de  3  m.  à  celui  du  lac;  leur  minéralisation  parait 
être  accidentelle,  produite  par  l'action  réciproque  du  sultate 
de  chaux  et  des  matières  organiques.  Enghien  possède  deux 
établissements  thermaux  bien  installés.  Les  eaux  s  emploient 
en  boisson  et  en  bains  et  sont  aisément  transportables. 
D'après  de  Puisaye  et  Lecomte,  les  eaux  d'Enghien  repré- 
sentent une  médication  stimulante,  perturbatrice,  révulsive, 
modificatrice,  tonique,  adjuvante  suivant  leur  mode  d  em- 
ploi. Mais  leur  véritable  spécialisation  réside  dans  les  attec- 
tions  catarrhales  et  herpétiques,  bronchite  chronique, 
auffine  glanduleuse,  engorgement  des  ganglions  bronchiques, 
pharyn-o-laryngite,  phtisie  des  lymphatiques  ou  des  scro- 
fuleux,  catarrhes  de  l'appareil  génito-urmaire,  metrite 
chronique,  diarrhées  chroniques,  certaines  dyspepsies  ; 
dermatoses  chroniques  et  de  forme  humide  (les  atiections 
cutanées  de  forme  squameuse  sont  rebelles).    D-^  L.  Hn. 

ENGHIEN.  Ville  de  Belgique,  prov.  de  Hainaut,  arr.  de 
Soic^nies,  sur  la  Marcq,  affl.  de  la  Dendre;  4,800  hab. 
Stat.  du  ch.  de  fer  de  Bruxelles  à  Calais.  Fabriques  de 
tapis,  de  dentelles  «  point  de  Paris  »,  de  toiles,  de  tissus 
de  laine;  tanneries  et  teintureries.  —  Enghien  était  la  plus 
ancienne  baronnie  du  comté  de  Hainaut;  on  en  a  fait  re- 
monter l'origine  jusqu'à  Charlemagne.  Elle  entra  dans  la 
maison  de  Bourbon  par  le  mariage  de  Françoise  de  Luxem- 
bourg avec  le  comte  de  Vendôme,  aïeul  de  Henri  IV.  Celui-ci 
vendit  cette  propriété  à  Charles  de  Ligne,  pnnce  d  Aren- 
berg,  dont  la  famille  la  possède  encore  aujourd  hui.  Les 
armoiries  d'Enghien  sont  :  gironné  d'argent  et  de  sable 
de  dix  pièces;  chaque  pièce  de  sable  chargée  de  trois 
croisettes  recroisettées  au  pied  fiché  d'or.  Le  prmcipal 
monument  de  la  ville  est  le  château,  entouré  d'un  parc  de 
300  hect.,  entièrement  emmuraillé,  appartenant  aux  ducs- 
princes  d'Arenberg;  il  est  célèbre  par  la  beauté  de  ses  mas- 
sifs de  ses  pelouses,  de  ses  serres  et  de  ses  pièces  d  eau.  La 
petite  église  des  capucins  contient  le  magnifique  mausolée 
en  marbre  de  Giiill.  de  Croy,  mort  à  Worms  en  lo21. 
Enghien  a  donné  le  jour  aux  historiens  Hassard,  f  1^^^» 
et  Bourgogne,  dit  Burgundius,  •}-  1643.  E.  H. 

BiBL  •  E.  Matthieu,  Histoire  de  la,  ville  d'Enghien  ; 
Mons  Ï877,  3  vol.  in-8.  -  C.  Rahlenbeck,  les  Villes  pro- 
testantes de  la  Belgique;  Bruxelles,  1884. 

ENGHIEN  (Jean  d'),  dit  de  Kestergat,  chroniqueur 
belge,  mort  en  1478.  H  entra  au  service  de  Philippe  le 
Bon  et  devint  en  1430  amman  de  la  ville  de  Bruxelles. 
Meilleur  courtisan  que  citoyen,  il  n'usa  de  sa  charge  que 
pour  étendre  les  prérogatives  du  prince  au  détriment  des 
privilèges  de  la  cité;  aussi, détesté  du  peuple,  faillit-il être 
massacré  pendant  l'émeute  de  1477.  Jean  d'Enghien  ayant 
lu  plusieurs  travaux  sur  l'histoire  du  Brabant  conçut  le 
projet  de  les  traduire  du  flamand  en  français  et  de  les 
condenser  en  un  seul  volume  qu'il  appela  le  Livre  des 
Cronicques  de  Brabant,  Son  manuscrit,  déposé  d'abord 
à  la  bibliothèque  de  Bourgogne,  avait  disparu  depuis  deux 
siècles  quand  Borgnet  (V.  ce  nom)  le  retrouva  dans 
les  archives  du  comte  Ch.  d'Aspremont-Lynden  en  18o0. 
L'auteur  a  largement  profité  des  travaux  de  Boendale  et 
de  de  Dynter  (V.  ces  noms),  ainsi  que  du  poème  de  la 


guerre  de  Grimberghe  et  n'y  a  rien  ajouté  de  bien  neuf. 
Le  sixième  et  dernier  livre  traitait  de  l'histoire  du  Brabant 
sous  la  dynastie  bourguignonne.  Jean  d'Enghien,  mêlé 
activement*^ aux  intrigues  politiques,  aurait  pu  fournir  sur 
cette  période  bien  des  renseignements  intéressants  ;  mal- 
heureusement, cette  partie  de  son  œuvre  n'a  pu  être  re- 
trouvée. ^'^'   M 

BiBL.  :  Henné  et  WAUTERS,Hzsf.  de  la  ville  de  Bruxelles; 
Bruxelles,  1843-45,  3  vol.  in-8.-  A.  Wauters,  Histoire  des 
environs   de  Bruxelles  ;  Bruxelles,  1850-57,  3  vol.  in-b. 

ENGHIEN  (François  de   Bourbon,    comte  d'),   né  le 
23  sept.  1519,  mort  en  1546.  Il  était  le  troisième  fils 
de  Charles  de  Bourbon,  duc  de  Vendôme,  et  de  Françoise 
d'Alençon.  Nommé  par  François  P""  au  commencement  de 
1544  sous-lieutenant  général  en  Piémont,  il  inaugura  son 
commandement  en  remportant,  le  14  avril,  sur  le  marquis 
del  Vasto,   gouverneur  du   Milanais  pour  l'empereur,  la 
grande  victoire  de  Cérisoles.  De  là  il  alla  prendre  Cari- 
gnan,  où  il  fit  prisonnier  Pietro  Colonna,  autre  général 
de  Charles-Quint,  et  n'échoua  devant  Nice,  au  mois  de  sep- 
tembre, que  par  suite  de  l'insuffisance  de  son  matériel  de 
siège.  Là  s'arrêtèrent  ses  succès.  «  Il  estoit  beau,    dit 
Brantôme,  et  monstroit  en  lui  toute  générosité,  sagesse  et 
vaillance,  qui  promettoient  qu'un  jour  il  seroit  un  grand 
capitaine,  comme  il  s'en  alloit  l'être  sans  l'envie  qui  lui  fut 
portée.  »  En  efi'et,  le  23  févr.  1546,  de  jeunes  seigneurs, 
dont  il  était,  se  trouvant  au  château  de  La  Roche-Guyon 
par  un  rude  temps  d'hiver  et  ayant  par  amusement  engagé 
entre  eux  un  combat  à  coups  de  boules  de  neige,  tandis 
que  François  de  Bourbon  se  reposait  un  instant  sur  un 
banc,  un  coffre  plein  de  linge,  jeté  d'une  fenêtre  placée 
juste  au-dessus  de  lui,  lui  tomba  sur  la  tête  et  lui  fit  de 
profondes  blessures  dont  il  mourut  peu  de  jours  après. 
L'auteur  de  ce  déplorable  accident  était  Cornelio  Bentivo- 
glio,  un  ami  intime  de  François  de  Lorraine,  alors  comte 
d'Aumale,  le  futur  «  grand  duc  de  Guise  »,  qui  jalousait 
fort  la  gloire  du  comte  d'Enghien.  Aussi  Brantôme,  bien 
qu'inféodé  au  parti  des  Guises,  termine-t-il  ainsi  sa  bio- 
graphie de  la  victime  :  «  Aucuns  disent  que  ce  fut  incon- 
vénient (accident),  aucuns  que  ce  fut  à  poste  (à  dessein).  » 
—  Son  frère  puîné,  Jean,  échangea  contre  celui  de  comte 
d'Enghien  le  titre  de  comte  de  Soissons  qu'il  portait  aupa- 
ravant et  sous  lequel  il  est  cependant  plus  connu.     L.  M. 

BiBL.  :  Mémoires  de  Martin   du  Bellay.  —  Commen- 
taires de  MoNLUC.  —  Brantôme. 

ENGHIEN  (Louis-Antoine-Henri  DE  Bourbon,  duc  d'), 
né  au  château  de  Chantilly  le  2  août  1772,  fusillé  à  Vin- 
cennes  le  21  mars  1804.  Fils  de  Louis-Henri-Joseph  de 
Bourbon  et  de  Louise-Marie-Thérèse-Bathilde  d'Orléans, 
son  éducation  fut  confiée  à  des  maîtres  de  valeur  tels  que 
le  comte  de  Virieu  et  l'abbé  Millot.  Sous  l'intelligente  im- 
pulsion de  ce  dernier,  le  jeune  prince  prit  un  goût  parti- 
culier pour  l'étude.  11  avait  un  esprit  ardent  et  primesau- 
tier,  «  une  tête  pétrie  de  salpêtre  ».  Le  nom  du  grand 
Condé  exerçait  sur  lui  un  pouvoir  surprenant  et  suffisait 
pour  calmer  ses  vivacités  et  ses  étourderies.  Dès  l  âge  de 
neuf  ans,  il  montrait  une  sensibilité  et  un  enthousiasme 
précoces.  Il  témoignait  déjà  du  vif  désir  de  suivre  la  car- 
rière des  armes.  Son  grand-père,  Louis-Joseph  de  Bour- 
bon, l'initiait  en  maître  à  la  pratique  des  choses  militaires. 
Au  lendemain  du  14  juil.  1789,  le  duc  d'Enghien  fut 
emmené  par  son  père  en  Belgique  où  les  autres  princes  le 
rejoignirent.  C'était  le  commencement  de  l'émigration, 
l'exil  et  ses  premières  épreuves.  Le  jeune  prince  était  pour 
toujours  éloigné  de  sa  mère,  la  duchesse  de  Bourbon,  qui 
s'était  séparée  en  1780  de  son  mari,  par  incompatibihté 
d'humeur  et  par  divergence  d'opinions  politiques.  De  Bel- 
gique les  princes  vont  dans  le  Piémont  où  ils  essayent  de 
former  un  conseil  que  le  cabinet  des  Tuileries  voit  d'un 
mauvais  œil.  Parmi  les  membres  de  ce  conseil  figurait  le 
frivole  de  Galonné  qui,  moins  que  tout  autre,  était  capable 
de  leur  préparer  un  retour  honorable  en  France.  Sans  se 
mêler  à  ces  intrigues,  le  duc  d'Enghien  apprenait  la  langue 
italienne  et  trouvait  le  temps,  au  milieu  des  plaisirs  de  son 


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ENGHIEN 


uge,  de  compléter  son  éducation.  LeGjanv.  1791,  il  quitte 
subitement  la  ville  de  Turin  avec  ses  parents,  se  dirigeant 
sur  l'Allemagne.  Ne  voyant  dans  les  idées  nouvelles  que 
des  idées  de  rébellion,  les  princes  vont  demander  l'appui 
de  l'étranger  et  croient  avoir  le  droit  de  combattre  avec  lui 
les  adversaires  de  la  monarchie.  Ils  ne  comprennent  pas 
que  cette  alliance  funeste  est  de  nature  à  compromettre 
à  jamais  leur  cause,  quelles  que  soient  les  précautions  et 
les  restrictions  qu'ils  emploient.  Le  duc  d'Enghien,  jeune 
prince  de  dix-sept  ans,  n'avait  point  à  discuter  les  ordres 
du  chef  de  la  famille,  qui  commandait  en  maître.  Mais  plus 
d'une  fois  dans  le  cours  de  ces  tristes  campagnes,  il  pro- 
testera contre  la  fatalité  à  laquelle  il  est  soumis.  Il  aurait 
préféré  combattre  avec  des  Français  seulement,  et  il  s'écriera 
un  jour  :  «  Ah!  la  Vendée,  si  on  l'avait  soutenue,  c'était 
là  notre  espoir  !  » 

C'est  à  Worms  que  commence  l'histoire  de  l'armée  de 
Condé.  Le  duc  d'Enghien  s'y  fait  remarquer  par  sa  bra- 
voure, et  c'est  un  réel  motif  de  chagrin  que  de  voir  tant  de 
valeur  utilisée  contre  des  compatriotes.  De  1792  à  1801, 
le  jeune  prince  sera,  comme  les  siens,  à  la  solde  des  alliés. 
Il  se  verra,  lui  et  ses  soldats,  réduit  à  passer  par  mille 
épreuves  plus  douloureuses  les  unes  que  les  autres.  Mal 
équipés,  mal  payés,  mal  soutenus,  ils  seront  l'objet  de  la 
défiance  des  étrangers  qui  ne  leur  pardonnent  pas  de  con- 
sidérer leur  entrée  en  France  comme  une  invasion  et  non 
comme  une  conquête,  et  de  ne  point  se  faire  à  l'idée  de  la 
cession  de  la  moindre  partie  du  territoire.  Ainsi  Macartney 
écrit  à  Pitt  que  la  résolution  formelle  de  Louis  XVIII  et  des 
siens  est  de  maintenir  l'intégrité  de  la  France.  Et  il  ajoute  : 
«  Il  y  a  bien  des  royalistes  qui,  revenus  au  pouvoir,  au- 
raient assez  peu  de  scrupules  pour  participer  aux  crimes 
de  la  Convention  et  profiter  de  ses  conquêtes!  »  Les 
Russes  s'étonnaient,  eux  aussi,  des  sentiments  français  que 
conservaient  la  plupart  des  émigrés.  Woronzov  n'écrivait- 
il  pas  un  jour  à  Widworth  :  «  Quoique  émigrés,  ils  sont 
plus  ou  moins  infectés  des  opinions  qui  dominent  dans  leur 
pays.  »  Le  31  mars  1801,  les  alliés,  las  d'être  battus, 
abandonnent  l'armée  de  Condé.  Ce  jour-là,  c'en  est  fait 
d'elle.  Les  Anglais  concèdent  un  asile  au  prince  de  Condé 
qui  accepte  et  va  rejoindre  son  fils,  le  duc  de  Bourbon.  Le 
duc  d'Enghien  ne  veut  point  partager  cette  inaction  loin- 
taine. Il  préfère  sa  liberté,  mais  il  s'écrie  avec  douleur  : 
«  Tout  vaut  mieux  que  prince  émigré  !  Etre  émigré  fran- 
çais, ce  n'est  être  rien.  »  Il  essaye  un  moment  d'entrer  au 
service  du  gouvernement  autrichien,  puis,  rebuté  et  las  de 
tout,  il  va  s'installer  le  29  sept.  1801  avec  la  princesse 
de  Rohan-Rochefort,  à  Ettenheim,  près  du  cardinal  de 
Rohan,  dans  les  Etats  de  l'électeur  de  Bade.  Là  ses  distrac- 
tions favorites  sont  la  lecture,  la  chasse,  la  promenade.  Le 
margrave  Charles-Frédéric  lui  avait  donné  une  permission 
de  chasse  très  étendue  que,  bientôt  après  l'adhésion  du 
jeune  prince  à  la  réponse  faite  par  Louis  XVIII  aux  offres 
pécuniaires  de  Bonaparte,  il  lui  retirera,  espérant  ainsi  dé- 
barrasser l'électorat  d'un  hôte  gênant. 

Le  bruit  avait  couru  en  1803  que  le  duc  d'Enghien  allait 
faire  parfois  des  excursions  sur  le  sol  français.  Le  prince 
de  Condé  y  crut  un  instant  et  interrogea  son  petit-fils  qui 
protesta  de  la  façon  la  plus  énergique.  De  documents  au- 
thentiques il  appert  en  effet  que  jamais,  depuis  l'émigration, 
le  duc  d'Enghien  n'a  pénétré  en  France.  Tandis  que  de 
fougueux  royalistes  cherchaient  à  tout  prix  à  renverser  le 
gouvernement  consulaire,  le  duc  se  refusait  à  conspirer. 
«  Ce  sont,  disait-il,  un  tas  de  bêtises  puantes  auxquelles 
je  ne  me  mêlerai  jamais...  Je  méprise  tout  cela.  Moi  je 
vais  droit  mon  chemin,  et,  s'il  faut  m'exposer  pour  notre 
.maître,  je  l'ai  fait  et  le  ferai  de  bon  cœur  sans  me  ca- 
cher. Je  ne  sais  pas  servir  mon  roi  en  frac,  à  moins  que 
ce  ne  soit  l'uniforme  de  la  Vendée.  »  Les  conspirations 
surgissent  de  toutes  parts  et  menacent  réellement  la  vie  du 
premier  consul.  Le  duc  d'Enghien  ne  s'y  mêle  point.  Il  ne 
veut  pas  conspirer,  mais  combattre,  et  c'est  ainsi  qu'il  écrit 
le  lo  févr.  1804  à  sir  Charles  Stuart  pour  lui  exprimer  le 


désir  d'être  employé  dans  la  guerre  prochaine.  Mais  il  de- 
meure évident  que  les  machinations  imprudentes  de  cer- 
tains émigrés  ont  pu  prêter  une  apparence  de  vérité  aux 
premiers  soupçons  de  la  police  consulaire  dirigés  contre  le 
duc  d'Enghien.  Un  sieur  Troche,  récemment  arrêté,  révèle 
un  prochain  débarquement  conduit  par  un  prince  de  la 
maison  de  Bourbon.  Il  raconte  qu'un  individu  mystérieux 
vient  souvent  chez  Cadoudal.  Bouvet  de  Lozier,  arrêté  aussi, 
dit  que  ce  personnage  est  Pichegru.  La  police  croit  plutôt 
que  c'est  le  duc  d'Enghien.  On  saisit  bientôt  Lajolais, 
Moreau,  Pichegru.  Le  premier  consul,  furieux,  jure  de  faire 
un  exemple  terrible.  Un  sous-officier  de  gendarmerie  va 
dans  l'électorat  de  Bade  prendre  des  renseignements  sur 
le  duc  d'Enghien.  Il  apprend  que  le  prince  est  à  Ettenheim 
avec  Dumouriez.  L'accent  allemand  avait  fait  confondre  le 
nom  de  Thumery  avec  celui  de  Dumouriez.  Or  jamais  ce 
général  n'était  venu  à  Ettenheim.  Mais  la  police  et  le  pre- 
mier consul  ajoutent  foi  à  cette  nouvelle.  La  vengeance  de 
Bonaparte  va  s'exercer  à  son  aise.  Le  général  Moncey 
transmet  le  rapport  du  sous-officier  au  premier  consul  qui 
se  plaint  vivement  à  Real  et  à  Talleyrand  d'être  mal  ren- 
seigné. Ce  dernier  accuse  le  chargé  d'affaires  à  Karlsruhe  et, 
pour  se  disculper,  le  calomnie.  Sur  ces  entrefaites,  on 
arrête  Cadoudal.  Celui-ci  déclare  aux  juges  qu'il  attendait 
pour  agir  qu'un  prince  fût  venu  à  Paris.  La  police  persiste 
à  croire  que  c'est  le  duc  d'Enghien.  Et  cependant  le  duc 
venait  d'écrire  au  marquis  de  Vauborel  à  propos  de  ces  in- 
trigues et  de  ces  complots  :  «Je  ne  suis  pas  fâché,  si  Ton 
a  cru  à  propos  d'ouvrir  mes  lettres,  que  l'on  y  ait  reconnu 
ma  façon  de  voir  et  de  penser,  et  la  désapprobation  for- 
melle que  fai  toujours  donnée  à  des  mesures  en  des- 
sous et  indignes  de  la  cause  que  nous  servons  L..  » 
Cette  lettre  figurait  dans  les  papiers  du  conseiller  Real, 
chargé  de  la  police.  Mais  il  fallait  un  exemple,  et  le  pre- 
mier consul  trouve  autour  de  lui  des  gens  qui  non  seule- 
ment l'approuvent,  mais  le  conseillent.  Ainsi  Talleyrand, 
en  docile  courtisan,  se  range  à  cet  avis,  d'abord  par  une 
note  rédigée  par  lui  le  8  mars,  puis  par  un  discours  appro- 
batif  prononcé  dans  le  conseil  du  10  mars,  conseil  qui  ne 
faisait  que  corroborer  une  décision  arrêtée  depuis  plusieurs 
jours  chez  Bonaparte.  On  pénètre  malgré  le  droit  des  gens 
sur  le  territoire  badois.  Caulaincourt  enlève  les  conspira- 
teurs à  Offenbourg,  etOrdener,le  duc  d'Enghien  et  ses  amis 
à  Ettenheim.  On  conduit  le  duc  à  Strasbourg,  puis  à  Vin- 
cennes.  La  fosse  de  la  victime  est  creusée  et  la  condam- 
nation décrétée  à  l'avance.  Il  est  peu  d'événements  plus 
lamentables.  Ce  n'est  pas  un  jugement  qu'a  rendu  la  com- 
mission militaire.  En  effet,  quelle  était  la  compétence  des 
juges?  Nulle.  Où  était  l'arrêt  motivé?  Nulle  part.  Les 
témoins?  Il  n'y  en  avait  pas.  Le  défenseur?  Il  n'y  en  avait 
pas.  Le  public?  Il  n'y  en  avait  pas.  Les  lois  qui  condam- 
naient? Il  n'y  en  avait  pas.  La  sentence?  Elle  était  rédigée 
en  blanc.  Les  preuves?  Aucune.  Les  pièces?  Aucune...  Ce 
n'est  donc  pas  un  jugement,  mais  un  assassinat. 

Le  21  mars,  à  trois  heures  du  matin,  le  duc  d'Enghien 
tombait  fièrement  sous  les  balles  de  seize  gendarmes  dans 
les  fossés  de  Vincennes.  On  a  dit  qu'au  dernier  moment  le 
premier  consul  avait  eu  l'idée  de  faire  grâce  et  avait  pres- 
crit à  Real  d'aller  à  Vincennes  pour  un  supplément  d'in- 
formations. On  a  afiirmé  que  Real  dormait  au  moment  où 
était  venue  la  lettre  de  Bonaparte  et  qu'il  ne  l'avait  ou- 
verte que  trop  tard.  J'ai  démontré,  pièces  en  mains,  que 
cette  affirmation  est  fausse. 

La  responsabilité  de  l'enlèvement  et  de  l'exécution  som- 
maire du  duc  d'Enghien  retombe  directement  sur  le  premier 
consul,  puis  sur  Talleyrand,  puis  sur  Savary,  Real,  Hulin, 
Harel.  Ils  ont  tous,  comme  Talleyrand  qui  a  vainement 
tenté  de  se  justifier  dans  ses  Mémoires^  obtenu  les  faveurs 
du  maître  pour  leur  complaisance  et  leur  complicité.  Le 
20  mars  1816,  sous  la  seconde  Restauration,  les  restes  du 
duc  d'Enghien  furent  solennellement  exhumés  des  fossés 
de  Vincennes  et  déposés  dans  la  chapelle  du  château.  Le 
sculpteur  Deseine  composa  un  monument  funèbre  qui  se 


ENGHIEN  —  ENGLESQUEVILLE 


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trouve  actuellement  dans  une  petite  sacristie  voisine  de  la 
chapelle  et  qui  ne  répond  guère  à  la  grandeur  du  sujet.  La 
princesse  Charlotte  de  Rohan-Rochefort,  qui  avait  épousé 
secrètement  le  duc  d'Enghien  à  Ettenheim  après  le  licen- 
ciement de  l'armée  de  Condé,  mourut  le  1®^  mai  d841, 
ayant  pieusement  conservé  le  culte  du  prince.  Aucune  con- 
solation n'avait  pu  ni  adoucir  sa  douleur  ni  diminuer  ses 
regrets.  Henri  Welschinger. 

BiBL.  :  Firmas-Perriès,  Notice  historique  sur  le  duc 
d'Enghien  ;  Paris,  1814,  in-8.  —  Marguerit,  De  l'Assas- 
sinat de  M.  le  duc  d'Enghien;  Paris,  1814,  in-8.  —  L'abbé 
DE  BouvENs,  Notice  sûr  le  duc  d'Enghien  et  Oraison 
funèbre  ;  Paris,  1814,  in-8.  — Mémoires  pour  servir  à  l'his- 
toire de  la  maison  de  Condé  ;  Paris,  1820,  2  vol.  in-12.  — 
Boudard  de  l'Hérault,  Mémoires,  lettres  et  pièces  au- 
thentiques ;  Paris,  1823,  in-8.  —  Dupin,  Pièces  judiciaires; 
Paris,  1823,  in-8.  —  Mémoires  historiques  sur  la  catas- 
trophe du  duc  d'Enghien;  Paris,  1824,  in-8.  —  Roux  de 
Laborie,  Eloge  du  duc  d'Enghien  ;  Paris,  1827,  in-8.  — 
Mémoires  du  duc  de  Rovigo  ;  Paris,  1828,  8  vol.  in-8.  — 
Comte  de  Choulot,  Mémoires  et  voyages  du  duc  d'En- 
ghien; Paris,  1841,  in-8.  —  Nougarède  de  Fayet,  Re- 
cherches historiques  ;  Paris,  1844,  2  vol.  in-8.  —  Théodore 
Muret,  Histoire  de  l'armée  de  Condé  ;  Paris,  1844,  2  vol. 
in-8.  —  Crétineau-Joly,  Histoire  des  trois  derniers 
princes  de  la  vfiaison  de  Condé  ;  Paris,  1867,    2  vol.  in-8. 

—  Constant,  le  Duc  d'Enghien  ;  Paris,  1869,  in-12.  — 
Comte  BouLAY  de  la  Meurtre,  les  Dernières  Années 
du  duc  d'Enghien;  Paris,  1886,  in-12.  —  Henri  Wels- 
CHINGER,  le  Duc  d'Enghien  {1763-180^);  Paris,  1888,  in-8. 

—  Du  môme,  l'Europe  et  Vexécution  du  duc  d'Enghien; 
Amiens,  1890,  in-12  (extrait  de  la  Revue  des  Etudes  his- 
toriques). —  Talleyrand,  Ménfioires,  t.  HI,  Appendice; 
Paris,  1891,  in-8.  —  Voir  aussi  Mémoires  de  Meneuai, 
Méynoires  d'outre- tombe.,  le  Consulat  et  l'Empire  de 
Thiers  ,  l'Histoire  de  la  Restauration  de  Lamartine, 
Mémoires  de  Fauriel,  le  Quérard  (art.  Savary)^  etc. 

ENGIN  (Techn.).  Nom  générique  sous  lequel  on  dési- 
gnait à  l'origine  toutes  les  machines  et  qui  a  donné  nais- 
sance au  mot  ingénieur^  par  corruption  du  mot  enginieur 
qui  est  d'ailleurs  employé  textuellement  encore  dans  cer- 
taines langues  étrangères.  Le  mot  engin  est  en  principe  syno- 
nyme du  mot  machine,  appareil,  etc.  Cependant  l'usage  a 
aujourd'hui  plus  spécialement  consacré  cette  dénomination 
aux  objets  de  destruction  comme  le  matériel  d'artillerie,  etc. 
Inversement,  le  mot  machine  est  plus  spécialement  appliqué 
aux  objets  destinés  à  la  production  d'un  travail  utile.  Cepen- 
dant, nous  le  répétons,  il  n'y  a  dans  tout  cela  que  des  ques- 
tions de  nuances  adoptées  par  l'usage  et  qui  ne  présentent 
rien  d'absolu.  Enfin,  on  appelle  spécialement  appareils,  les 
machines  ou  parties  de  machines  plus  finies,  plus  parache- 
vées, destinés  à  produire  un  travail  plus  délicat  ou  à  servir 
aux  expériences  de  laboratoire.  L.  K. 

ENGINS.  Com.  du  dép.  de  l'Isère,  arr.  de  Grenoble, 
cant.  de  Sassenage;  406  hab. 

EN  G!  S  (Crâne  d')  (Anthrop.).  Ce  crâne  humain  assez 
bien  conservé  et  fort  connu  sous  le  nom  d'une  caverne  de 
la  Meuse  fouillée  par  Schmerling  (V.  Belgique  [Anthrop.]) 
est  un  des  débris  humains  fossiles  les  plus  anciennement 
discutés.  Tous  les  anthropologistes  de  marque  s'en  sont 
occupés  tour  à  tour.  Il  consiste  en  une  voûte  qui,  malgré 
son  front  fuyant,  est  bien  au-dessus  du  crâne  de  Néander- 
thal  par  sa  hauteur  et  sa  capacité.  H.  Huxley  disait  qu'il 
aurait  pu  loger  la  cervelle  d'un  philosophe  tout  comme 
celle  d'un  sauvage.  Il  a  rappelé  à  Virchow  le  type  des 
Esquimaux.  Ces  appréciations  divergentes  n'ont  fait  qu'aug- 
menter les  incertitudes  relativement  à  son  ancienneté  réelle. 
Si  l'on  admet  que  la  grotte  d'Engis,  remplie  à  l'époque 
quaternaire,  a  servi  de  sépulture  postérieurement,  le  crâne 
qui  y  a  été  recueilli  peut  fort  bien  passer  pour  néolithique, 
tout  en  se  rattachant  à  la  race  de  Cro-Magnon.  Z. 

EN  GIS  (Engis  Payk)  (Entom.).  Genre  de  Coléoptères, 
de  la  famille  des  Erotylides  (V.  Erotylus),  caractérisé 
surtout  par  le  premier  article  des  palpes  maxillaires  plus 
court  que  les  deux  suivants  pris  ensemble.  L'espèce  type, 
E.  humeralis  Fabr.,  est  commune  en  Europe,  principa- 
lement sous  les  écorces  d'ormes  recouvertes  de  productions 
cryptogamiques.  Sa  larve  a  été  décrite  d'abord  par  West- 
wood,  puis  par  M.  Bedel,  dans  V Abeille  de  de  Marseul, 
V,  p.  o.  Ed.  Lef. 


ENGiSTOME  (Erpét.)  (V.  Engystome). 

EN  G  LAN  COURT.  Com.  du  dép.  l'Aisne,  arr.  deVervins, 
cant.  de  La  Capelle;  502  liab. 

EN  GLAND  (Sir  Richard),  général  anglais,  né  à  Détroit 
(Canada)  en  1793,  mort  le  19  janv.  1883.  Il  entra  dans 
l'armée  en  1808  comme  enseigne  et  servit  pour  la  pre- 
mière fois  dans  l'expédition  contre  Walcheren,  puis  en 
Sicile  (1810-1811).  Il  n'assista  pas  à  la  bataille  de  Wa- 
terloo, mais  rejoignit  son  régiment  à  Paris  en  1815  ;  il 
resta  en  France  jusqu'à  l'évacuation  (1818).  Lieutenant- 
colonel  du  75*^  régiment  (1825),  il  le  conduisit  au  Cap 
(1833)  et  dirigea  comme  brigadier  général  les  campagnes 
contre  les  Cafres,  de  1836  et  1837.  En  1841,  il  fut  chargé 
de  secourir  le  général  Nott,  enfermé  à  Kandahar  ;  il  s'ac- 
quitta assez  mal  de  cette  mission  et  subit  plusieurs  échecs 
partiels  :  Nott  se  plaignit  amèrement  de  lui  ;  il  fut,  en 
conséquence,  laissé  en  disponibilité  jusqu'en  1 849 .  Toutefois, 
sa  conduite  en  Afghanistan  était  suffisamment  oubliée  au 
moment  de  la  guerre  de  Crimée  pour  qu'on  lui  confiât  le 
commandement  de  la  troisième  division  en  qualité  de  major 
général.  Il  contribua  beaucoup  à  la  victoire  d'Inkermann 
et  se  distingua  à  l'attaque  du  Grand-Redan.  Il  fut  nommé 
général  le  6  juil.  1863.  Ch.-V.  L. 

ENGLANTÉ  (Blas.).  Attribut  du  chêne  représenté  avec 
des  glands  d'un  émail  particulier. 

ENGLEBELMER.  Com.  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  de 
Doullens,  cant.  d'Acheux  ;  445  hab. 

ENGLEFIELD  (Sir  Henry-Charles),  savant  et  littéra- 
teur anglais,  né  en  1752,  mort  en  1822.  Il  joua  un  rôle 
important  comme  vice-président  et  président  de  la  Society 
of  Antiquaries,  qui  publia  sous  sa  direction  les  cathé- 
drales et  églises  d'Angleterre  (1797-1813).  Collectionneur 
distingué,  il  possédait  un  choix  précieux  de  vases  antiques 
qui  ont  été  dessinés  et  gravés  par  H.  Moses  {Vases  from 
the  collection  of  sir  H.  Englefleld,  1820,  in-4).  Il  s'oc- 
cupait aussi  de  science  pure,  et  envoya  plusieurs  mémoires 
à  la  Royal  et  à  la  Linnean  Society;  on  lui  doit  encore  des 
recherches  intéressantes  sur  les  couleurs  (Discovery  of  a 
Lake  from  Madder).  Parmi  ses  principaux  ouvrages,  nous 
citerons  :  Description  of  the  Priîicipal  Picturesque 
Beauties,  Antiquities^  and  Geological  Phenomena  of 
the  Isle  of  Wight  (1816)  ;  A  Walk  through  Southamp- 
ton  (1801)  et  une  traduction  de  Térence,  The  Andrian 
(1814).  B.-H.  G. 

ENGLEFONTAINE.  Com.  du  dép.  du  Nord,  arr.  d'A- 
vesnes,  cant.  (E.)  du  Quesnoy;  1,899  hab. 

ENGLEHEART  (Francis),  graveur  anglais,  né  à  Londres 
en  1775,  mort  à  Londres  le  15  févr.  1849. Neveu  du  minia- 
turiste George  Engleheart,  il  fut  élève  de  Jos.  CoUyer,  puis 
collaborateur  de  James  Heath.  Il  a  gravé  d'après  des  ar- 
tistes contemporains  de  son  pays,  tels  que  Stothard,  Cook, 
Wilkie,  etc.,  entre  autres  des  portraits  des  poètes  anglais, 
et  des  illustrations  pour  un  Don  Quichotte^  d'après  Smirke. 

EN  G  LE R  (Johann-Gottlieb-Benjamin),  habile  facteur 
d'orgues  allemand,  né  à  Breslau  le  28  sept.  1775,  mort 
à  Breslau  le  15avr.  1829.  Son  père,  Théophile-Benjamin 
et  son  grand-père  Michel  s'étaient  déjà  distingués  dans  la 
même  carrière  et  avaient  construit  de  belle  orgues  à  Olraûtz, 
Breslau,  Brieg,  Glogau,  Posen,  etc.  Moins  inventif  qu'eux, 
peut-être,  et  manquant  de  connaissances  premières,  il  n'en 
parvint  pas  moins  à  fabriquer  des  instruments  extrêmement 
remarquables,  conçus  et  exécutés  avec  le  soin  le  plus  mi- 
nutieux. Il  a  imaginé  divers  perfectionnements  pour  l'har- 
monie des  jeux  et  pour  la  soufflerie.  Sa  vie  se  passa  dans 
la  gêne  et  presque  l'indigence,  car  il  travaillait  très  lente- 
ment et  n'admettait  pas  de  collaborateurs.  On  trouve  des 
orgues  de  valeur  dues  à  ce  laborieux  artiste  dans  les  églises 
de  Schwartzau  près  deLûben,  de  Schweilsch,  de  Peterwitz 
près  de  Schweidnitz,  etc.  Il  a  également  construit  l'orgue  de 
l'église  du  faubourg  Nicolaï  à  Breslau,  et  restauré,  dans  la 
même  ville,  celui  de  l'église  Sainte-Marie-Madeleine.    A.  E. 

ENGLESQUEVILLE.  Com.  du  dép.  du  Calvados,  arr. 
de  Baveux,  cant.  d'Isigny,  à  2  kil.  de  la  mer  ;  355  hab. 


—  1065  — 


ENGLESQUEVILLE  —  ENGOULEVENT 


Sémaphore  à  la  pointe  de  la  Percée.  Eglise  de  l'épqque  de 
transition.  Ancien  château  de  Beaumont,  défiguré  par  des 
remaniements  duxvii®  siècle,  mais  où  subsistent  des  parties 
du  XII®  siècle  et  notamment  une  chapelle  romane. 

ENGLESQUEVILLE.  Com.  du  dép.  du  Calvados,  arr. 
et  cant.  de  Pont-d'Evèque;  487  hab. 

EN  6  LIS  H  (Josias),  graveur-amateur  anglais,  né  à  Mort- 
lake  (Surrey)au  xvii«  siècle,  mort  à  Mortlake  en  1718.  Ce 
fut  un  imitateur  de  W.  Hollar,  qu'il  ne  put  toutefois  égaler. 
On  cite  de  lui  le  Christ  à  Emmaûs^  d'après  le  Titien,  et 
le  Buveur^  d'après  Cleyn  (1654). 

ENGLISH  (William),  poète  irlandais,  né  à  Newcastle, 
dans  le  comté  de  Limerick,  mort  en  1778.  Après  avoir  été 
maître  d'école,  il  entra  dans  l'ordre  des  augustins.  Ses  poé- 
sies galloises,  descriptives  de  la  vie  des  basses  classes  en 
Irlande  et  en  Angleterre,  ont  une  réputation  méritée.  On 
trouvera  dans  les  Lays  of  the  Western  Gael,  de  sir  Sa- 
muel Ferguson  (1865),  la  traduction  en  anglais  de  sa  bal- 
lade la  plus  célèbre,  Cashel  of  Munster,         B.-H.  G. 

ENGLISH  Harbour.  Mouillage  de  l'île  anglaise  d'Anii- 
gua  (Petites-Antilles),  à  l'E.  de  la  baie  de  Falmouth;  c'est 
une  station  navale  très  sûre,  bien  abritée  et  défendue,  où 
les  Anglais  ont  des  arsenaux  et  des  magasins  importants. 
ENGLOS.  Com.  du  dép.  du  Nord,  arr.  de  Lille,  cant. 
d'Haubourdin  ;  482  hab. 

ENGLUEMENT  (Arboric).  Les  engluements  sont  desti-- 
nés  à  favoriser  la  reprise  des  greffes,  en  mettant  à  l'abri 
de  l'air,  du  froid,  de  l'humidité,  de  la  dessiccation,  les  sur- 
faces en  contact  du  greffon  et  du  sujet.  Ils  doivent  être 
onctueux,  faciles  à  étendre  et  sécher  rapidement  sur  les 
points  greffés  sans  les  comprimer.  On  emploie  souvent  la 
pâte  formée  de  terre  glaise  pure  ou  mélangée  d'un  tiers  de 
bouse  de  vache  et  dite  alors  onguent  de  Saint- Fiacre. 
Ces  engluements  sont  simplement  étalés  sur  la  greffe,  mais, 
le  plus  souvent,  on  les  enserre  d'un  peu  de  filasse,  et  on  lie 
tout  autour  un  chiffon  de  toile.  On  se  sert  encore  de  mas- 
tics dont  la  résine,  la  térébenthine,  le  suif,  la  cire,  etc., 
sont  les  principaux  ingrédients.  Les  recettes  données  pour 
leur  préparation  sont  nombreuses.  Les  uns,  mastics  à 
froidy  demi-liquides  à  la  température  ordinaire,  s'appliquent 
avec  un  pinceau,  ou  bien  solides  à  une  basse  température, 
se  ramollissent  assez  par  la  chaleur  de  la  main  pour  être 
étendus  sur  les  greffes.  Parmi  ces  derniers  se  recommande 
le  mastic  de  l'Homme-Lefort.  Les  autres,  dits  mastics  à 
chaud,  trop  durs  à  la  température  ordinaire  pour  être 
employés  directement,  sont  fondus  sur  le  feu  et  appliqués 
lorsqu'on  juge  au  toucher  que  leur  température  n'est  plus 
assez  élevée  pour  brûleries  greffes.  G.  Boyer. 

ENGOBE  (Céram.)  (V.  Céramique,  t.  IX,  p   H88). 
EN 60 MER.  Com.  du  dép.  de  l'Ariège,  arr.  de  Saint- 
Girons,  cant.de  Castillon;  712  hab. 

EN  GOMMAGE  (Céram.).  Action  de  semer  sous  la  base 
des  pièces,  recouvertes  d'émail  pulvérulent,  au  moment  de 
les  mettre  au  four  sous  des  cazettes,  du  sable  fin  qui 
empêche  l'émail  en  se  fondant  d'adhérer  aux  rondeaux  qui 
supportent  les  pièces. 

ENGONASIS(Astron.).  Un  des  noms  delà  constellation 
boréale  plus  connue  sous  le  nom  à' Hercule  (V.  ce  mot). 

ENGORGEMENT  (Techn.).  Obstruction  d'un  tuyau  de 
conduite,  de  descente  ou  de  chausses  d'aisances  par  quelque 
dépôt  qui  gêne  l'écoulement.  On  dit  aussi  qu'une  moulure 
est  engorgée  lorsqu'elle  a  perdu  une  partie  de  sa  forme  par 
la  quantité  de  peinture  dont  on  l'a  recouverte. 

ENGOULÉ  (Blas.).  Attribut  des  pièces  dont  une  ou  les 
extrémités  entrent  dans  la  gueule  d'un  animal  :  d'azur  y  à  la 
bande  d'or,  engoulée  mr  deux  têtes  de  lion  du  même, 
ENGOULEVENT.  I.  Ornithologie.  —  Les  Engoulevents 
dont  Linné  ne  faisait  qu'un  seul  genre  (Caprimulgus),  mais 
qui,  pour  les  ornithologistes  modernes,  constituent  une 
famille  naturelle  (Caprimulgidés),  offrent,  sur  la  conforma- 
tion du  squelette,  des  affinités  incontestables  avec  les  Mar- 
tinets et  les  Oiseaux-Mouches.  En  revanche,  par  leur 
aspect  extérieur,  par  leurs  formes  générales,  par  leurs  dimen- 


sions, par  la  nature  et  le  mode  de  coloration  de  leur  plumage 
et  par  leur  genre  de  vie,  ils  diffèrent  considérablement  de  ces 
derniers  oiseaux.  Les  Engoulevents  sont,  en  effet,  au  moins 
de  la  taille  d'un  Merle  et  quelques-uns  d'entre  eux  attei- 
gnent la  grosseur  d'un  Faucon;  leur  bec,  fendu  jusqu'aux 
oreilles,  est  muni  d'un  crochet  à  la  pointe  de  la  mandibule 
supérieure  et  de  soies  raides  à  la  base  ;  leurs  yeux  sont  gros 
et  saillants;  leur  tête,  aplatie  comme  celle  d'un  Crapaud, 
est  enfoncée  dans  les  épaules;  leur  corps  élancé,  porté  sur 
des  pattes  courtes  et  faibles,  se  prolonge  en  arrière  par 
une  queue  tantôt  coupée  carrément,  tantôt  disposée  en  lyre 
ou  ornée  de  longs  filaments,  et  leur  plumage,  de  couleurs 
douces,  varié  de  gris,  de  fauve,  de  brun  et  de  noir,  s'har- 
monise avec  les  teintes  du  terrain  ou  de  l'arbre  sur  lequel 
ces  oiseaux  se  tiennent  accroupis.  Par  leur  livrée  et  par  la 


Engoulevent  d'Europe. 

nature  molle  de  leurs  plumes,  les  Engoulevents  rappellent 
les  Chouettes,  dont  il^  ont  les  habitudes  nocturnes.  Ils  vi- 
vent isolés  ou  par  couples,  dans  les  bois  ou  au  milieu  des 
steppes  et,  d'un  vol  silencieux,  poursuivent  dans  les  ténè- 
bres les  Coléoptères  et  les  Papillons  de  nuit.  Lorsqu'on 
vient  aies  surprendre,  ils  se  montrent  tout  ahuris  et  se  con- 
tentent, pour  toute  défense,  d'ouvrir  le  bec  et  de  souffler 
avec  colère.  Sur  le  sol,  leurs  mouvements  sont  d'ailleurs 
d'une  certaine  gaucherie.  Les  Engoulevents  des  contrées 
tropicales  sont  les  seuls  qui  séjournent  pendant  toute  l'an- 
née dans  le  même  pays  ;  ceux  des  régions  tempérées  émi- 
grent,  au  contraire,  en  bandes  plus  ou  moins  nombreuses, 
à  l'approche  de  la  mauvaise  saison,  et  ne  reviennent  qu'au 
printemps  suivant.  Peu  de  temps  après  leur  retour,  ils 
pondent,  sur  la  terre  nue,  un  ou  deux  œufs  d'un  blanc  pur 
ou  maculés  de  brun.  Les  parents  ont  le  plus  grand  soin  de 
leur  progéniture  et  savent  mettre  leurs  œufs  ou  leurs  petits 
à  l'abri  du  danger  en  les  transportant  dans  leur  gueule 
énorme. 

La  famille  des  Caprimulgidés,  qui  est  répandue  sur  la 
plus  grande  partie  du  globe,  se  partage  en  plusieurs  tri- 
bus, savoir  :  l*»  les  Podarginés  comprenant  les  Batrachos- 
tomes  et  les  Podarges  (V.  ces  mots)  des  Moluques,  des 
îles  de  la  Sonde,  de  la  Malaisie,  de  la  Papouasie  et  de 
l'Australie  ;  2°  les  Stéatornithidés  dont  le  Guacharo  (V.  ce 
mot)  de  l'Amérique  chaude  est  le  seul  représentant  ;  3°  les 
Nyctibiinés  qui  se  rencontrent  également  dans  les  régions 
tropicales  du  Nouveau-Monde  ;"  4«  les  Caprimulgidés  ou 
vrais  Engoulevents  qui  sont  presque  cosmopolites  ;  5<*  les 
Podargerinés  qui  se  trouvent  les  uns  dans  l'Amérique  méri- 
dionale, les  autres  dans  l'Indo-Chine,  à  Bornéo,  aux  Phi- 
lippines, à  Célèbes  et  en  Australie.  —L'Engoulevent  d'Eu- 
rope {Caprimulgus  europœus  L.),  qui,  à  l'âge  adulte, 
mesure  environ  30  centim.  de  long  et  porte  un  costume 
gris,  tacheté  et  vermiculé  de  noir,  de  brun,  de  fauve  et  de 
blanc,  est  connu  dans  nos  campagnes  sous  les  noms  de 
Crapaud  volant  et  de  Tette-Chèure,  parce  qu'on  l'accuse  à 
tort,  cela  va  sans  dire,  de  teter  le  lait  des  Chèvres.  Ce  pré- 
jugé, auquel  le  nom  latin  de  Caprimulgus  fait  également 
allusion,  tire  sans  doute  son  origine  de  l'habitude  qu'a 
l'Engoulevent  de  fréquenter  les  pâturages  pour  chercher 
dans  les  bouses  de  petits  Coléoptères  coprophages. 

Parmi  les  représentants  les  plus  remarquables  de  la  fa- 
mille des  Caprimulgidés  nous  citerons  les  Macrodipteryx 


ENGOULEVENT  —  ENGRAIS 


—  d066  — 


africains  qui  se  distinguent  par  la  présence,  chez  le  mâle, 
d'une  longue  plume  terminée  en  palette,  sortant  du  milieu 
de  l'aile,  les  Hydropsalis  du  Brésil  qui  ont  les  deux  plumes 
latérales  de  la  queue  démesurément  allongées,  les  Ibijaux 
ou  Nyctibius  dont  une  espèce,  l'Ibijau  géant  {Nyctibius 
grandis  Gm.)  de  la  Guyane  et  du  S.-E.  du  Brésil,  mesure 
plus  de  50  centim.  de  long  et  4 "^30  d'envergure,  les  Po- 
darges  aussi  robustes  que  des  oiseaux  de  proie  et  les  Gua- 
charos  {Steatornis)  qui  s'écartent  notablement  des  Engou- 
levents ordinaires  par  leur  aspect  extérieur  et  par  leur 
genre  de  vie.  E.  Oustalet. 

II.  Art  culinaire.  —  La  chair  de  l'engoulevent  forme 
un  manger  très  apprécié  de  certains  gourmets,  malgré  un 
léger  goût  musqué  de  fourmi  qu'on  y  trouve  ;  on  mange 
l'engoulevent  rôti  ou  préparé  comme  la  bécasse  (V.  ce  mot). 

BiBL.  :  Ornithologie.  — ■  Cassin,  Cat.  of  the  Caprimul- 
gidas  in  the  collection  of  the  Acad.  of  Nat.  Se;  Philadel- 
phie, 1851,  et  Notes  and  Examination  of  the  Birds  of  the 
family  Caprimulgidœ^  dans  Proc.  Acad.  Nat.  Se.  Philad., 
1851,  t.  V,  p.  175.  —  Degland  et  Gerbe,  Ornith.  Europ.^ 
1867,  t.  I,  p.  603,  2"  éd.  —  G.-P.  Gray,  Handlist  of  Gênera 
and  Species  of  Birds,  1870,  t.  II,  p.  53. 

ENGRAIN  (V.  Blé). 

ENGRAIS  (Agric.  et  chim.  agric).  Rien  ne  vient  de 
rien;  aussi  les  végétaux,  tout  comme  les  animaux,  ont-ils 
besoin,  pour  vivre,  se  développer  et  se  multiplier,  d'une 
nourriture  appropriée  à  leurs  besoins.  Ce  sont  ces  aliments 
des  plantes  qu'on  nomme  les  engrais.  De  même  que  dans 
les  ahments  des  animaux  tout  n'est  pas  utile  à  l'organisme, 
mais  seulement  une  partie  des  principes  immédiats  qu'ils 
renferment,  de  même  dans  les  divers  engrais  mis  à  la 
disposition  des  plantes  tout  n'est  pas  nécessaire  à  leur 
subsistance.  Les  principes  utiles  des  engrais  sont  :  l'azote, 
l'acide  phosphorique,  la  potasse,  la  chaux  et  la  magnésie. 
Suivant  qu'une  matière  fertilisante  renferme  une  de  ces 
substances  en  excès  sur  les  autres,  l'engrais  est  dit  azoté, 
phosphaté,  potassique,  calcique  ou  magnésien. 

Les  plantes  puisent  leur  nourriture  à  deux  sources  bien 
différentes  :  d'abord  dans  l'atmosphère,  où  elles  prennent, 
à  l'aide  de  leurs  organes  aériens,  l'acide  carbonique,  source 
du  carbone  des  végétaux,  ainsi  qu'une  partie  de  l'azote 
dont  elles  ont  besoin  ;  l'autre  source  est  le  sol.  C'est  dans 
l'air,  toutefois,  que  les  végétaux  prennent  la  plus  grande 
quantité  de  principes  utiles,  plus  des  deux  tiers  en  poids 
de  leur  masse.  L'atmosphère  constitue  donc  pour  l'agri- 
culteur une  source  d'engrais  absolument  gratuite  et  dont 
il  n'a  pas  à  se  préoccuper.  Mais  il  n'en  est  pas  de  même 
des  matières  fertilisantes  du  sol  que  les  plantes  puisent  par 
leurs  racines  à  la  faveur  de  leur  dissolution  dans  l'eau  ; 
la  réserve  du  sol  s'épuise  à  la  longue,  même  dans  les  terres 
les  plus  fertiles,  c.-à-d.  les  plus  abondamment  pourvues, 
et  il  devient  indispensable,  les  végétaux  ne  pouvant  se  dé- 
placer, de  remplacer  ces  engrais.  Mais  ces  engrais,  en 
qualité  et  en  quantité,  doivent  être  appropriés  aux  besoins 
des  diverses  plantes  cultivées  et  c'est  là  ce  qui  constitue  la 
question  des  engrais.,  qui  est  aujourd'hui  de  beaucoup  la 
plus  importante  de  tout  le  problème  agricole.  De  ce  qui 
précède,  on  peut  donc  adopter  la  détinition  des  engrais  telle 
que  l'a  donnée  M.  Dehérain  :  «  L'engrais  est  la  ma- 
tière utile  à  la  plante  et  qui  manque  au  sol.  »  De  toutes 
les  définitions  qui  ont  été  données,  et  elles  sont  nombreuses, 
celle-ci  est,  croyons-nous,  la  plus  exacte  et  la  plus  judi- 
cieuse. En  effet,  elle  comporte  trois  termes  différents  dont 
il  faut  absolument  tenir  compte  dans  la  pratique  :  4°  pré- 
sence dans  le  sol  d'un  élément  semblable  à  celui  qu'on 
ajoute  et  qui  enlève  toute  utilité  à  ce  dernier  ;  2^*  nature 
du  sol  qui  favorise  ou  non,  dans  l'engrais  ajouté,  des  mé- 
tamorphoses favorables  à  son  utilisation  par  les  plantes  ; 
?>^  nature  de  la  plante  elle-même,  sur  laquelle  l'engrais  est 
ajouté. 

Classification  des  engrais.  —  On  a  donné  un  grand  nom- 
bre de  classifications  des  matières  fertilisantes,  mais  toutes 
sont  plus  ou  moins  artificielles.  On  les  avait  d'abord  par- 
tagées en  engrais  organiques  et  en  engrais  minéraux  ;  or 


les  premiers  renferment  eux  aussi  des  matières  minérales. 
Puis,  suivant  la  prédominance  de  tel  ou  tel  élément  utile, 
on  a  proposé  la  classification  suivante  :  \^  engrais  azotés  ; 
2<>  engrais  phosphatés  ;  3<»  engrais  potassiques  ;  4<*  engrais 
calcaires  ;  cette  manière  de  faire  ne  vaut  guère  mieux  que 
la  précédente,  car  une  foule  d'engrais  renferment  ces  quatre 
éléments  ou  tout  au  moins  deux  ou  trois  en  quantité  équi- 
valente. MM.  Payen  et  Boussingault  les  ont  classés  d'après 
leur  richesse  en  azote  et,  plus  récemment,  d'après  leur 
teneur  en  acide  phosphorique;  appliquant  même  à  l'étude 
des  engrais  la  notion  d'équivalence  qui  présente  une  si 
grande  importance  en  chimie,  ils  ont  essayé  d'établir 
l'équivalent  des  engrais  en  comparant  la  quantité  d'azote 
qu'ils  renferment  à  celle  que  contient  le  fumier  de  ferme 
qui  est  considéré  comme  le  type  des  engrais.  On  conçoit, 
en  effet,  fait  remarquer  à  ce  sujet  M.  Dehérain,  que  si 
l'on  représente  par  100  l'équivalent  du  fumier  de  ferme 
qui  contient  en  moyenne  0,6  °/o  d'azote,  on  pourra  déter- 
miner l'équivalent  d'un  engrais  par  un  nombre  obtenu  par 

100      a       ,        ,       .,    ,, 
la  proportion  :  -r—  z=z  -,  a  étant  le  poids  d  azote  contenu 

dans  100  parties  de  l'engrais  en  question.  On  a  fait  un 
raisonnement  analogue  pour  déterminer  l'équivalent  d'un 
engrais  phosphaté  par  rapport  au  fumier  déforme.  M.  Payen 
avait  ainsi  adopté  pour  un  grand  nombre  d'engrais,  un 
équivalent  particulier  dont  nous  donnons  ci-dessous  quel- 
ques exemples  : 

Engrais  à  l'état  normal       Azote  "/oo      Equivalent 
^  '°^     pour  1  hect. 

Fumier  de  ferme 4  10 .  000 

Urines  humaines 7.2  5 .  600 

Colombine 83.0  500 

Rognures  de  cuir 93.1  429 

Chiffons  de  laine 159 . 9  250 

Râpures  de  cornes 143 . 6  280 

Marcs  de  raisins 1 8 .  22  2 . 1 95 

Fanes  de  betteraves  vertes. . .         5.0  8 .  000 

Tourteaux  de  colza 49.2  813 

—       de  navette 46.4  862 

Ces  équivalents  ne  peuvent  être  utiles  que  lorsqu'ils 
s'établissent  entre  des  engrais  de  même  nature  ;  leur  usage 
est  d'ailleurs  tout  à  fait  abandonné  et  la  notion  d'équiva- 
lence des  engrais  n'a  plus  aujourd'hui  qu'un  intérêt  histo- 
rique. Nous  adopterons  une  autre  classification  qui  est  loin, 
elle  aussi,  d'être  parfaite,  mais  qui  présente  moins  de  chances 
d'erreur  que  les  précédentes.  Nous  diviserons  les  matières 
fertihsantes  en  deux  grands  groupes  :  1*^  les  amendements, 
qui  agissent  surtout  sur  les  propriétés  physiques  de  la 
terre,  rendant  ainsi  les  engrais  assimilables  ;  2''  les  engrais 
proprement  dits,  précédemment  définis  et  comprenant  : 
a,  engrais  d'origine  végétale  ;  Z>,  engrais  d'origine  animale  ; 
c,  engrais  mixtes  (végétaux  et  animaux)  ;  d,  engrais  chi- 
miques ou  minéraux. 

Amendements.  —  Les  principaux  sont  :  la  chaux,  la 
marne  et  le  plâtre  (V.  ces  mots  et  Amendement). 

Engrais  végétaux.  —  On  trouvera  dans  le  tableau  de 
la  p.  1073  la  composition  chimique  moyenne  des  principaux 
engrais  provenant  du  règne  végétal  ;  nous  n'y  reviendrons 
donc  pas.  Le  type  de  ces  engrais  est  l'engrais  vert  incor- 
poré au  sol  dans  la  pratique  des  enfouissements  végétaux 
(V.  ce  mot).  Les  plantes  cultivées  dans  ce  but  comprennent  : 
les  engrais  verts  d'été,  tels  que  le  lupin,  le  sarrazin,  qu'on 
sème  en  mai  et  qu'on  enterre  en  août-septembre  ;  la  mou- 
tarde blanche,  la  spergule,  la  navette,  se  sèment  en  juillet 
et  sont  enfouies  en  octobre.  Ces  engrais  servent  de  préfé- 
rence à  la  fumure  des  céréales  d'hiver.  Quant  aux  engrais 
de  printemps,  ce  sont  :  le  colza,  le  seigle,  la  vesce  d'hiver, 
la  féverole  d'hiver,  qu'on  sème  de  septembre  à  octobre  et 
qu'on  enfouit  en  mars,  avril  et  mai  ;  ces  plantes  peuvent 
donc  servir  de  fumure  aux  cultures  sarclées  :  pomme  de 
terre,  betterave,  maïs,  etc.,  qui  se  sèment  au  printemps 
(V.  Enfouissement). 


—  1067 


ENGRAIS 


C'est  en  se  basant  sur  cette  pratique  des  engrais  verts 
que  M.  George  Ville  a  édifié  ce  qu'il  nomme  la  sidé- 
ration»  Partant  de  ce  fait  que  les  légumineuses,  trètle, 
vesce,  lupin,  etc.,  puisent  leur  azote  dans  l'atmosphère, 
il  suffit  alors  de  fournir  au  sol  qu'on  veut  fertiliser  de 
l'acide  phosphorique,  de  la  potasse  et  de  la  chaux,  d'y 
semer  une  de  ces  plantes  et  d'enfouir  la  récolte  lors  de  la 
floraison.  On  se  procure  ainsi  de  l'azote  à  un  prix  de  re- 
vient aussi  bas  que  possible,  puisqu'il  est  puisé  dans  l'air, 
et  on  diminue,  par  cela  même,  notablement,  la  dépense 
d'achat  des  engrais,  puisque  l'azote,  le  plus  coûteux  d'entre 
eux,  est  fourni  par  l'engrais  vert. 

Un  autre  engrais  végétal  qu'on  ne  doit  pas  négliger  est 
fourni  par  les  résidus  des  récoltes,  tels  que  les  feuilles  de 
betteraves  à  sucre  et  les  fanes  de  pommes  de  terre.  On 
compte  qu'une  récolte  de  betteraves  de  50,000  kilogr.  par 
hectare  laisse  25,000  kilogr.  de  feuilles  et  de  collets,  qui 
renferment  95  kilogr.  d'azote,  63  kilogr.  d'acide  phos- 
phorique et  270  kilogr.  de  potasse.  On  aurait  donc  grand 
tort  de  donner  ces  feuilles  au  bétail,  d'autant  plus  qu'elles 
constituent  un  médiocre  fourrage  ;  par  contre,  en  les  en- 
fouissant par  les  labours,  on  restitue  au  sol  la  presque 
totalité  des  éléments  qui  avaient  été  prélevés  par  les  bet- 
teraves, puisque  les  racines  sont  surtout  tormees  d'élé- 
ments empruntés  à  l'atmosphère  par  l'intermédiaire  des 
feuilles. 

Plantes  marines.  Les  plantes  marines,  fucus,  va- 
rechs, etc.,  sont  utilisées  comme  engrais  dans  les  pays 
voisins  de  la  mer;  on  les  incorpore  au  sol  soit  directement, 
soit  après  les  avoir  brûlées  (V.  Goémon). 

Tourteaux,  Les  résidus  laissés  par  les  graines  oléagi- 
neuses, pressées  en  vue  de  l'extraction  de  l'huile,  consti- 
tuent les  tourteaux.  Ceux-ci  ont  deux  emplois  en  agricul- 
ture :  on  s'en  sert  pour  l'alimentation  du  bétail  (V.  Tourteau) 
et  comme  engrais.  Pour  ce  dernier  usage,  leur  valeur  fer- 
tilisante dépend  surtout  de  leur  richesse  en  azote  et  en 
acide  phosphorique,  qui  varie  avec  la  nature  du  tourteau  ; 
de  plus,  les  meilleurs  sont  ceux  qui  sont  le  mieux  débar- 
rassés d'huile.  Les  tourteaux  ne  conviennent  pas  également 
à  toutes  les  terres  ;  dans  les  sols  froids  et  tenaces,  leur 
décomposition  est  très  lente  et  les  plantes  n'en  tireraient 
que  peu  de  profit  ;  il  en  est  de  même  dans  les  terres 
acides;  dans  toutes  les  autres,  ils  donnent  généralement  de 
bons  résultats.  Le  plus  souvent,  on  applique  les  tourteaux 
en  petits  fragments  gros  comme  une  noisette  ;  on  les  répand 
en  automne  et  on  les  enfouit  par  un  labour,  à  la  dose  de 
600  à  800  kilogr.  par  hectare.  Quelquefois,  on  les  répand 
au  commencement  du  printemps  ;  dans  ce  cas,  il  est  pré- 
férable de  les  appliquer  en  poudre.  En  tout  cas,  il  faudra 
se  garder  de  les  mettre  en  terre  en  même  temps  que  les 
semences,  à  cause  de  l'huile  qu'ils  renferment  et  qui  nuit 
à  la  végétation.  C'est  pour  avoir  méconnu  ce  principe 
qu'on  a  "quelquefois  vu  les  tourteaux  produire  des  effets 
nuisibles. 

Marcs  de  raisins  et  de  pommes.  Dans  les  pays  vigno- 
bles, les  marcs  de  raisins  épuisés  sont  appliqués  comme 
engrais  au  pied  des  vignes  ;  ils  donnent  de  bons  eiïets,  mais 
leur  action  est  lente.  Les  marcs  de  pommes,  provenant  de 
la  fabrication  du  cidre,  préalablement  additionnés  de  chaux 
pour  neutraUser  leur  acidité,  sont  avantageusement  enfouis 
au  pied  des  pommiers.  Ces  matières  fertilisantes  sont  très 
employées  en  Picardie,  en  Bretagne  et  surtout  en  Nor- 
mandie. 

Engrais  animaux.— Le  règne  animal  fournit  un  grand 
nombre  de  matières  fertilisantes  précieuses  à  bien  des  titres. 
Nous  étudierons  les  principales. 

Os,  Les  os  employés  dans  l'industrie  pour  la  confection 
des  manches  de  couteaux,  boutons,  dominos,  etc.,  laissent 
une  foule  de  débris  qui  sont  utilisés  par  les  fabricants 
d'engrais.  Les  os  agissent  surtout  par  l'acide  phosphorique 
qu'ils  renferment  ;  Us  sont  employés  à  l'état  frais  ou  bien 
après  avoir  été  dégraissés  par  l'eau  bouillante  ;  sous  ce 
dernier  état,  leur  action  est  beaucoup  plus  rapide.  Les  os 


broyés  sont  généralement  employés  à  la  dose  de  800  à 
1,200  kilogr.  par  hectare  ;  leur 'effet  se  prolonge  pendant 
trois,  quatre  et  même  six  ans.  En  Angleterre,  c'est  surtout 
sur  les  navets  et  les  turneps  qu'on  en  fait  usage  ;  on  les 
répand  généralement  avec  la  graine. 

Noir  animal.  Le  noir  animal,  employé  comme  engrais, 
est  le  résidu  obtenu  après  décoloration  des  sirops  dans  les 
sucreries  et  les  raffineries.  C'est  un  engrais  fortement  phos- 
phaté qui  réussit  très  bien  dans  les  terrains  acides  et  sur 
les  sols  granitiques.  On  l'applique  à  la  dose  de  4  à  10  hec- 
tol.  par  hectare.  Son  action  ne  dure  guère  plus  d'une  année. 
C'est  surtout  en  Angleterre  et  en  Bretagne  que  l'emploi  de 
cette  matière  fertilisante  est  répandu. 

Sang.  Dans  les  fabriques  d'engrais,  on  dessèche  le  sang 
des  abattoirs  et  on  obtient,  à  la  suite  de  diverses  manipu- 
lations, un  engrais  très  sec,  très  concentré,  riche  en  azote, 
pulvérulent,  brun  noirâtre,  dégageant  une  odeur  repous- 
sante, mais  dont  les  propriétés  fertilisantes  sont  manifestes. 
Cet  engrais,  qui  en  raison  de  sa  nature  pulvérulente  est 
très  facile  à  répandre,  est  appliqué  à  la  dose  de  50  à 
150  kilogr.  par  hectare,  au  printemps,  avant  les  pluies; 
en  raison  de  l'énergie  de  cet  engrais,  la  dose  de  150  kilogr. 
ne  doit  pas  être  dépassée  ;  son  action  est  très  rapide. 

Ckair  musculaire.  Généralement  les  cadavres  des  ani- 
maux morts  dans  la  ferme  sont  mis  dans  des  fosses  avec 
de  la  chaux  et  des  matières  terreuses;  après  quelques 
mois,  on  obtient  ainsi  une  masse  pulvérulente,  terreuse, 
qu'on  applique  à  la  dose  de  150  à  300  kilogr.  par  hectare. 
Cet  engrais  est  d'une  action  très  rapide.  En  1883,  M.  Aimé 
Girard  a  préconisé  un  autre  mode  d'emploi  de  ces  cadavres. 
Ce  procédé  consiste  à  dissoudre  complètement  les  animaux 
morts  en  les  immergeant  à  froid  dans  l'acide  sulfurique 
de  concentration  moyenne  ;  l'acide,  une  fois  la  dissolution 
opérée,  est  employé  à  la  fabrication  des  superphosphates 
de  chaux  dont  il  est  question  plus  bas.  On  obtient  ainsi 
des  superphosphates  azotés  très  fertilisants. 

Engrais  de  poissons.  Les  résidus  des  grandes  pêches, 
morue,  sardine,  hareng,  cuits,  puis  pressés,  enfin  desséchés 
et  pulvérisés,  donnent  une  poudre  d'une  grande  richesse. 
Ces  engrais  de  poissons  sont  très  employés  dans  les  contrées 
voisines  de  la  mer  ;  leur  action  est  rapide,  mais  cependant 
persistante.  C'est  surtout  dans  les  terres  sablonneuses  que 
les  engrais  de  poissons  donnent  de  bons  résultats.  On  les 
répand  en  automne  le  plus  souvent,  surtout  sur  les  céréales 
d'hiver,  à  la  dose  de  400  à  600  kilogr.  par  hectare.  Les  cul- 
tivateurs de  la  Saxe  en  consomment  annuellement  près  de 
4  millions  de  kilogr.,  qu'ils  appliquent  surtout  sur  les  bet- 
teraves. 

Déchets  de  laine  et  de  cuir.  On  emploie  depuis  long- 
temps comme  engrais,  fait  remarquer  M.  Dehérain,  dans 
diverses  régions,  particulièrement  dans  les  pays  vignobles, 
les  chiffons  de  laine.  Dans  l'Hérault,  le  prix  des  chiffons 
varie  suivant  le  prix  du  vin.  En  1860,  année  de  cherté,  le 
prix  du  chiffon  a  valu  de  18  à  20  fr.  ;  en  1864,  le  prix 
était  tombé  à  12  fr.  Le  chiffon  de  laine  se  consomme  len- 
tement dans  le  sol  ;  son  action  dure  plusieurs  années  et  on 
conçoit  qu'on  ait  trouvé  avantageux  de  hâter  ses  transfor- 
mations ;  c'est  à  quoi  on  a  réussi  par  la  fabrication  de  la 
laine  dite  dissoute  ;  on  l'obtient  en  soumettant  la  laine 
soit  à  l'action  de  l'acide  sulfurique,  soit  à  celle  de  la  va- 
peur surchauffée,  puis  l'amenant  à  sec  ;  la  laine  dissoute 
forme  alors  une  poudre  couleur  brun  foncé,  presque  noire, 
assez  hygroscopique,  douée  d'une  odeur  caramélée  et  pres- 
que entièrement  soluble  dans  l'eau.  Les  déchets  et  rognures 
de  cuirs,  ainsi  que  les  vieux  cuirs  hors  d'usage,  sont  éga- 
lement employés  comme  engrais,  soit  directement,  soit  après 
désagrégation  par  l'action  de  la  vapeur,  suivie  de  la  dessic- 
cation el  de  la  mouture.  Ces  engrais  sont  en  général  d'une 
décomposition  lente  ;  ils  conviennent  surtout  aux  cultures 
arbustives,  telles  que  la  vigne. 

Guano.  Il  y  a  une  trentaine  d'années,  le  guano  du  Pé-- 
rou  a  été  employé  sur  une  très  grande  échelle  ;  aujourd'hui 
cet  engrais  est  quelque  peu  abandonné  (V.  Guano). 


ENGRAIS 


—  4068  — 


Colomhine  et  pouline.  Les  déjections  des  oiseaux  de 
basse-cour  constituent  une  excellente  matière  fertilisante, 
d'une  grande  énergie  et  dont  les  effets  ont  beaucoup  d'ana- 
logie avec  ceux  du  guano.  Les  excréments  de  pigeons,  ou 
colombine^  sont  les  plus  estimés,  parce  qu'ils  sont,  en 
général,  plus  concentrés.  On  estime  qu'un  pigeon  peut 
fournir  par  an  une  moyenne  de  2^fe'^500  d'excréments. 
Les  déjections  de  poules,  ou  'pouline^  sont  moins  riches 
en  azote,  mais  ils  renferment  plus  d'acide  phosphorique. 
Une  poule  donne  par  an  environ  5  kilogr.  de  déjections. 
Ces  engrais,  très  chauds  et  d'une  décomposition  rapide, 
conviennent  surtout  aux  cultures  maraîchères.  La  colom- 
hine est  très  employée  dans  le  N.  de  la  France,  où  les 
colombiers  sont  très  nombreux. 

Déjections  de  Vhomme.  Les  déjections  humaines  sont 
employées  sous  trois  formes  :  4°  les  urines  des  urinoirs 
publics  ;  2^  les  excréments  solides  et  liquides  mélangés, 
employés  directement  et  constituant  V engrais  flamand  ; 
3°  les  excréments  séchés  sous  forme  de  poudrette.  Les 
urines  recueillies  dans  les  grandes  villes  sont  rarement 
employées  seules;  le  plus  souvent  on  leur  fait  subir  un 
traitement  chimique  pour  en  extraire  du  sulfate  d'ammo- 
niaque. Les  déjections  solides  et  liquides  réunies  constituent 
l'engrais  flamand  ;  c'est  un  engrais  très  puissant,  mais 
dont  l'emploi  ne  s'est  pas  généralisé  comme  on  pouvait  le 
souhaiter  ;  il  reste  confiné  dans  les  contrées  où  l'utilisation 
des  matières  fécales  remonte  à  la  plus  haute  antiquité. 
D'après  les  expériences  de  Barrai,  la  quantité  moyenne 
d'excréments  solides  et  liquides  émise  par  un  seul  individu 
serait  de  4  ^«'^224  par  jour,  soit  446''S'760  par  an,  ce  qui 
fait  45,768,000  tonnes  pour  la  population  totale  de  la 
France,  quantité  renfermant  209  millions  de  kilogr. 
d'azote  (43^sr3  par  tonne)  et  40,445,000  kilogr.  d'acide 
phosphorique  (2^»'^665  par  tonne).  Dans  plusieurs  con- 
trées, surtout  dans  les  Flandres,  aux  environs  de  Lille 
notamment,  on  utilise  depuis  longtemps  ces  matières.  Les 
déjections  amenées  de  la  ville  où  les  cultivateurs  les  achètent 
à  raison  de  30  ou  50  cent,  l'hectolitre,  sont  conservées 
dans  des  citernes  que  l'on  trouve  dans  le  voisinage  de  tous 
les  domaines  un  peu  étendus.  Ces  fosses,  en  maçonnerie, 
présentent  une  capacité  de  250  à  400  hectol.  et  sont  munies 
de  deux  ouvertures,  l'une  en  haut  pour  l'introduction  de 
l'engrais,  l'autre,  disposée  au  N.,  permet  l'accès  de  l'air 
jugé  nécessaire  pour  la  fermentation.  La  valeur  de  l'engrais 
flamand  est  assez  variable;  on  la  diminue  souvent  par 
des  additions  d'eau  considérables  ;  d'après  M.  Girardin,  cet 
engrais  ne  doit  pas  marquer  au-dessous  de  3"  de  l'aréo- 
mètre B.  Voici  d'ailleurs,  d'après  ce  chimiste,  la  composi- 
tion comparée  de  cet  engrais  et  de  l'engrais  fraudé  par 
addition  d'eau  : 

Engrais  pur    Engrais^additionné^^eau 
—  De  Lille     DuQuesnoy 


Eau 

950.89 
49.44 

984.55 
48.45 

989.52 

Matières  solides . 

40.48 

Azote  total .... 

8.88 

6.53 

4.83 

Sous  -  phosphate 

de  chaux .... 

6.85 

2.05 

0.55 

Potasse 

2.07 

4.50 

3.46 

L'engrais  flamand,  très  étendu  d'eau,  est  quelquefois 
mélangé  à  des  tourteaux  qui  s*y  décomposent  assez  rapide- 
ment ;  quelquefois  aussi  il  est  employé  sans  addition  de 
tourteaux.  Les  cultivateurs  du  Nord  conduisent  l'engrais 
liquide  sur  leurs  terres,  dans  des  tonneaux  qui  sont  vidés 
peu  à  peu  dans  un  baquet  placé  sur  l'un  des  coins  du 
champ  qu'il  faut  fumer  ;  l'engrais  est  alors  lancé  tout  au- 
tour du  baquet  à  l'aide  d'écopes  munies  de  longs  manches. 
On  transporte  ensuite  le  baquet  en  un  autre  point  et  on 
recommence  la  même  opération.  C'est  principalement  sur 
le  lin,  l'œillette  et  le  tabac  que  cet  engrais  est  le  plus  com- 
munément appliqué.  La  quantité  à  employer  par  hectare 
varie  beaucoup  ;  elle  oscille,  suivant  les  cultures,  entre  20 


et  60  m.  c.  par  hectare  ;  l'action  de  cet  engrais  est  très 
rapide,  mais  elle  ne  dure  qu'une  année.  D'après  Hermstaed 
et  Schubler,  un  sol  qui  reproduit,  sans  aucun  engrais, 
3  fois  la  semence  qui  lui  a  été  confiée,  donne,  pour  une 
superficie  égale,  lorsqu'il  est  fumé  avec  des  engrais  végé- 
taux, 5  fois  la  semence;  du  fumier  d'étable,  7  fois;  de  la 
colomhine,  9  fois;  du  fumier  de  cheval,  40  fois;  des 
excréments  humains,  44  fois.  Liebig  s'est  livré  à  des 
études  comparatives  des  cendres  des  aliments  de  l'homme 
et  de  ses  excréments  mixtes  (solides  et  liquides).  Voici  les 
résultats  obtenus  : 


Potasse 

Soude  

Chaux  

Magnésie 

Dans 
les  aliments 

39775 
3.69 
2.44 
7.42 
0.79 

42.52 
4.86 
4.42 
0.44 

Dans  les 
excréments 

26769 
5.53 

42.48 
6.66 

Oxyde  de  fer 

Acide  phosphorique . . . 

—  sulfurique 

—  carbonique 

Silice 

0.97 

35.62 

9.05 

2.97 

» 

On  voit  qu'il  y  a  d'assez  grandes  diff'érences  pour  la 
potasse,  la  chaux  et  l'acide  sulfurique;  elles  tiennent  pro- 
bablement à  l'influence  des  boissons  dont  les  matières 
salines  n'ont  pas  été  comptées  dans  l'analyse  des  aliments. 

Poudrette,  Les  matières  fécales,  débarrassées  de  leurs 
parties  liquides  et  séchées,  constituent  la  poudrette.  Les 
vidanges  sont  amenées  dans  des  établissements  appelés  dé- 
potoirs^ situés  à  peu  de  distance  des  grandes  villes.  Ce 
sont  de  grands  bassins,  dans  lesquels  on  déverse  les  ma- 
tières qui  ne  tardent  pas  à  fermenter  ;  il  se  forme  alors 
trois  couches  :  4°  à  la  surface,  une  mousse  épaisse,  qu'on 
enlève  pour  la  sécher  ;  2<^  au-dessous,  une  couche  liquide 
à'eaux  vannes  renfermant  beaucoup  de  sels  ammonia- 
caux ;  ces  eaux  sont  décantées  dans  plusieurs  bassins  suc- 
cessifs, puis  on  les  traite  industriellement  pour  en  extraire 
du  sulfate  d'ammoniaque  ;  3<*  enfin,  un  dépôt  solide, 
qu'on  enlève  avec  des  dragues  et  qui,  après  dessiccation, 
constitue  la  poudrette.  Cette  poudrette  a  beaucoup  perdu 
de  ses  principes  utiles.  Cet  engrais  est  beaucoup  moins 
employé  aujourd'hui  qu'il  y  a  quelques  années  ;  cependant 
certains  cultivateurs  l'utilisent  encore  lorsqu'ils  la  trouvent 
à  un  prix  avantageux,  correspondant  à  sa  teneur  en  prin- 
cipes utiles.  On  l'applique  à  la  dose  de  20  à  25  hectol.  à 
l'hectare.  Son  action  ne  dure  qu'une  année. 

Engrais  mixtes.  —  Les  engrais  mixtes  sont  formés  par 
l'association  des  matières  animales  et  végétales.  Les  prin- 
cipaux sont  le  fumier  de  ferme  et  les  composts  (V.  ces 
mots)  ;  le  premier  surtout  a  une  très  grande  importance. 

Mode  d'action  des  engrais  organiques.  —  Presque  tous 
les  engrais  organiques  dont  il  vient  d'être  question,  et  sur- 
tout les  engrais  d'origine  animale,  doivent  leur  valeur  fer- 
tilisante principalement  à  l'azote  qu'ils  renferment.  Aussi- 
tôt incorporés  au  sol,  ces  engrais  forment  des  matières 
analogues  à  l'humus,  mais  dont  l'azote  n'est  pas  soluble  ; 
ces  substances  renfermant  ce  qu'on  est  convenu  d'appeler 
l'azote  organique,  doivent,  dans  le  sol,  subir  l'action  du  fer- 
ment nitrique  qui,  oxydant  la  matière  carbonée,  transforme 
en  acide  nitrique  immédiatement  assimilable  l'azote  qui  y 
était  combiné.  Cette  nitrification,  ou  plutôt  cette  solubili- 
sation  de  l'azote  s'effectue  plus  ou  moins  vite  suivant  la 
nature  des  terres  ;  dans  les  terres  de  landes,  terres  tour- 
beuses, argileuses  pures  et,  en  général,  dans  les  terres  non 
calcaires,  cette  nitrification  est  fortement  contrariée,  ce 
qui  explique  les  résultats  souvent  négatifs  obtenus  par  les 
engrais  organiques  employés  dans  les  terres  dépourvues 
de  carbonate  de  chaux.  Dans  les  terres  légères,  dont  la 
perméabilité  est  très  grande,  la  nitrification  est,  au  con- 
traire, très  rapide. 

Engrais  chimiques  ou  minéraux.  —  Ce  qui  caractérise 
essentiellement  ces  engrais,  c'est  l'absence  de  matière 


—  1069 


ENGRAIS 


organique  ;  ils  fournissent  aux  plantes  l'azote,  l'acide  phos- 
phorique,  la  potasse  et  même  la  chaux,  sous  une  forme 
plus  directement  et  plus  rapidement  utilisable  ;  en  un  mot, 
ils  subissent  beaucoup  moins  de  transformations  dans  le  sol 
que  les  engrais  dont  il  vient  d'être  question.  Parmi  les 
engrais  chimiques,  les  uns  sont  fournis  par  le  règne  miné- 
ral, les  autres,  au  contraire,  constituent  des  produits  de 
l'industrie  ;  ce  sont  généralement  des  sels  chimiques,  dont 
on  utihse  soit  la  base,  soit  l'acide,  soit  même  l'un  et 
l'autre.  On  les  divise  en  quatre  groupes  bien  distincts  : 
l*'  engrais  azotés;  2°  engrais  phosphatés;  3°  engrais 
potassiques;  4«  engrais  magnésiens. 

i^  Engrais  chimiques  azotés.  Le  rôle  de  l'azote  dans 
la  végétation  n'est  pas  à  mettre  en  doute  ;  cependant  les 
récoltes  en  prélèvent  plus  ou  moins  selon  leur  nature  ;  c'est 
ainsi  que  les  céréales  se  trouvent  fort  bien  de  l'apport  des 
engrais  azotés,  tandis  que  les  légumineuses  s'y  montrent 
beaucoup  moins  sensibles,  par  ce  fait  même  que  ces  plantes 
puisent  la  plus  grande  quantité  d'azote  qui  leur  est  néces- 
saire dans  l'air  atmosphérique.  Voici  d'ailleurs  quelques 
chiffres  qui  montrent,  pour  les  principales  plantes  cultivées, 
les  quantités  d'azote  enlevées  au  sol  : 


Récolte 


Rendement  à  Thectare         Azote 


Blé. 


45  hectol.  38    kilogr. 

40       —  402      — 

Seigle 20       —  40      -- 

Avoine 25       -—  31^«5 

Orge 25       —  38    kilogr. 

Colza 30       —  93      — 

Pommes  de  terre.   48.000  kilogr.  78^-5 


Vigne  (vin). 


40    hectol.         34*^^7 


Ces  chiffres  montrent  les  quantités  d'azote  qu'on  doit 
apporter  au  sol  pour  obtenir  de  bonnes  récoltes.  Dans  les 
engrais  chimiques,  l'azote  est  contenu  sous  deux  formes  : 
4 '^  forme  nitrique;  2<*  forme  ammoniacale.  —  Les  subs- 
tances qui  livrent  l'azote  sous  ce  premier  état  sont  :  le 
nitrate  de  soude  et  le  nitrate  de  potasse  ;  l'azote  ammo- 
niacal est  principalement  fourni  par  le  sulfate  d'am- 
moniaque. 

Nitrate  de  soude.  Ce  sel,  encore  appelé  nitre  cubique 
ou  salpêtre  du  Chili,  forme  de  puissants  gisements  au 
Pérou  et  au  Chili;  il  s'y  trouve  presque  à  fleur  déterre,  en 
dépôts  appelés  caliche  (V.  ce  mot).  L'extraction  du  ni- 
trate a  lieu  en  soumettant  d'abord  le  cahche  au  broyage, 
puis  on  le  pulvérise  et  on  traite  par  l'eau  qu'on  concentre 
et  que  l'on  abandonne  à  la  cristallisation.  C'est  un  sel  blanc, 
cristallisé,  très  solubleetimmédiatement  assimilable.  A  l'état 
de  pureté  absolue,  il  renferme  46,47  d'azote;  mais,  dans  le 
commerce,  cet  engrais  est  toujours  mélangé  à  certains  sels 
étrangers  tels  que  sulfate  de  soude,  de  magnésie,  de  chlo- 
rure de  sodium,  etc.,  matières  terreuses  et  sable,  qui  dimi- 
nuent ce  degré  de  pureté  ;  il  y  en  a  environ  5  à6  ^/q.  De  tous 
les  engrais  chimiques  azotés,  le  nitrate  de  soude  est  sans  con- 
tredit le  plus  important  ;  c'est  en  4825  qu'il  a  été  découvert 
et  aujourd'hui  c'est  par  milliers  de  tonnes  qu'il  est  importé 
en  France.  En  4873,  nous  en  avons  reçu  42.670  tonnes  et 
70,000  tonnes  en  4882;  la  Belgique,  l'Angleterre  et 
l'Allemagne  en  reçoivent  aussi  d'énormes  quantités,  qui 
d'ailleurs  vont  toujours  en  croissant.  C'est  ainsi  qu'il  a  été 
expédié  des  ports  occidentaux  de  l'Amérique  du  Sud  : 
en  4830,  850  tonnes  de  nitrate  de  soude;  en  4840, 
40,250;  en  4860,  64,650;  en  4870,  432,450;  en  4886, 
550,000.  Le  nitrate  de  soude  ne  subit  pas  de  transformation 
dans  le  sol  ;  il  est  immédiatement  assimilable  ;  par  cela 
même  aussi  ses  effets  sont-ils  de  peu  de  durée  ;  appliqué 
aux  récoltes,  il  pousse  surtout  au  développement  du  sys- 
tème foHacé  ;  aussi,  sur  les  céréales,  par  exemple,  doit-il 
être  appliqué  avec  parcimonie,  autrement  la  paille  prend 
un  trop  grand  développement  aux  dépens  du  grain  qui  reste 
maigre  et  peu  nourri;  de  plus,  la  récolte  verse.  Les  doses 
à  appliquer  varient  entre  400  et  250  kilogr.  par  hectare; 


il  est  prudent  de  ne  pas  en  mettre  davantage.  On  répand 
le  nitrate  de  soude  au  printemps,  en  couverture,  c.-à-d. 
sur  les  plantes  levées;  indépendamment  de  son  action 
comme  matière  fertihsante,  il  agit  aussi  comme  excitant 
et  stimulant  de  la  végétation  et  convient  particulièrement 
aux  blés  et  aux  seigles  qui  ont  eu  à  souffrir  des  rigueurs 
de  l'hiver. 

Nitrate  de  potasse.  Le  nitrate  de  potasse,  ou  salpêtre, 
est  beaucoup  moins  employé,  d'abord  à  cause  de  son  prix  : 
40  à  45  fr.  les  400  kilogr.,  soit  le  double  du  précédent, 
et  puis  à  cause  de  sa  faible  teneur  en  azote,  qui,  dans  le 
sel  pur,  s'élève  à  43,86  °/o;  par  contre,  il  renferme 
46,54  de  potasse:  c'est  donc  bien  plutôt  un  engrais  potas- 
sique qu'un  engrais  azoté.  Il  est  assez  souvent  falsifié  avec 
du  nitrate  de  soude.  On  a  importé  pendant  quelques  temps 
en  Europe,  de  la  province  de  Tarapaca  (Pérou),  un  nitrate 
de  soude  potassique  renfermant  de  6  à  8  ^jo  de  potasse, 
mais  ces  dépôts  ont  été  bien  vite  épuisés. 

Sulfate  d'ammoniaque.  Le  sulfate  d'ammoniaque  se 
présente  sous  forme  de  cristaux  blanchâtres,  solubles  dans 
l'eau  ;  c'est  le  plus  riche  des  engrais  azotés,  puisque,  à 
l'état  de  pureté,  il  dose  24,75  d'azote.  Toutefois  le  sul- 
fate d'ammoniaque  du  commerce  renferme  toujours  des 
impuretés,  et  sa  richesse  en  azote  est  généralement  com- 
prise entre  20  et  21  %.  Ce  n'est  pas  un  produit  naturel 
comme  les  nitrates  de  soude  et  de  potasse,  mais  bien  un 
sel  produit  par  l'industrie  chimique.  Quand  le  sulfate 
d'ammoniaque  est  de  bonne  fabrication,  il  renferme,  au 
maximum,  3  à  4  %  de  matières  étrangères.  On  extrait  cette 
substance  :  4<*  des  eaux  d'épuration  des  usines  à  gaz  ;  2°  des 
eaux  vannes  provenant  de  la  fabrication  des  poudrettes  et 
des  urines  humaines.  Les  gaz  ammoniacaux  renfermés  dans 
ces  eaux  sont  traités  par  l'acide  sulfurique  qui  neutrahse 
l'ammoniaque.  Un  grand  nombre  d'appareils  sont  employés 
dans  ce  but  :  les  principaux  sont  ceux  de  Mallet,  de  Mar- 
gueritte  et  Sourdeval,  de  Chevalet  et  enfin  de  Lair.  Ce 
dernier,  qui  est  un  des  plus  perfectionnés  (fig.  4),  se 
compose  essentiellement  d'une  colonne  distillatoire  en  fonte 
C,  de  5^50  de  haut  sur  90  centim.  de  diamètre,  formés 
de  vingt-cinq  plateaux,  munis  chacun  d'une  calotte  sur- 
baissée en  fonte,  dentelée  sur  les  bords  ;  un  tuyau  V  permet 
d'injecter  de  la  vapeur  dans  le  bas  de  la  colonne,  qui  re- 
çoit en  a,  au  vingtième  plateau,  les  eaux  ammoniacales 
à  traiter.  Ces  eaux  descendent  dans  la  colonne,  se  dépouil- 
lent d'abord  de  leur  carbonate  d'ammoniaque,  puis  reçoivent 
par  le  tuyau  B  une  certaine  quantité  de  lait  de  chaux 
injecté  par  une  pompe.  La  chaux  décompose  les  sels  ammo- 
niacaux, sulfate,  phosphate,  chlorhydrate,  qui,  n'étant  pas 
volatiles  comme  le  carbonate,  resteraient  dans  les  eaux 
épuisées,  et  le  sulfhydrate,  aussi  volatil  que  le  carbo- 
nate, viendrait  finalement,  en  se  décomposant  dans  l'acide 
sulfurique,  dégager  de  l'acide  sulfhydrique  et  déposer  du 
soufre.  Arrivées  au  bas  de  la  colonne,  les  eaux  troubles, 
chargées  de  chaux  en  excès,  se  rendent  par  un  tuyau  suc- 
cessiVement  dans  deux  vases  D  et  D'  appelés  débourbeurs, 
où  elles  déposent  les  matières  en  suspension.  Ces  vases  ont 
2  m.  de  hauteur  et  4^80  de  diamètre;  ils  portent  à  la 
partie  inférieure  un  tuyau,  par  lequel,  au  moyen  de  robi- 
nets, on  peut,  au  besoin,  faire  écouler  la  boue  dans  un 
wagonnet.  Les  eaux  épuisées,  à  la  sortie  du  second  débour- 
beur,  se  rendent  dans  deux  appareils  d'échange  de  chaleurs 
RR^  ou  réchauffeurs,  sortes  de  chaudières  tubulaires  ver- 
ticales, autour  des  tubes  desquelles  circulent  les  eaux 
vannes  épuisées  et  bouillantes,  tandis  que  les  eaux  vannes 
neuves  et  froides  injectées  par  la  pompe  P  circulent  en 
sens  inverse  dans  les  tubes. 

Après  avoir  traversé  ces  deux  réchauffeurs,  les  eaux 
épuisées,  parfaitement  claires  et  refroidies,  s'écoulent  par 
un  tuyau  ;  pendant  ce  temps,  les  eaux  vannes  neuves  sont 
portées  à  24°  et  sont  dirigées  vers  la  colonne  où  elles 
arrivent  en  A.  Les  tuyaux  gg^  donnent  issue  aux  gaz  in- 
fects qui  se  produisent.  Les  vapeurs  de  carbonate  d'ammo- 
niaque et  d'ammoniaque  libre,  mélangées  de  vapeurs  d'eau, 


ENGRAIS 


1070  — 


Fig.  1.  —  Appareil  Lair  pour  la  fabrication  du  sulfate  d'ammoniaque. 


qui  se  dégagent  par  le  tuyau  K,  vont  se  rendre  dans  un 
bac  en  bois  doublé  de  plomb,  renfermant  de  l'acide  siilfu- 
rique  à  53^  B.  Le  sulfate  d'ammoniaque  formé  se  dépose 
peu  à  peu  en  cristaux.  Lorsque  l'acide  est  neutralisé,  on 
laisse  refroidir  le  sel,  et  on  l'égoutte  sur  un  égouttoir  en 
plomb  chauffé  à 
la  vapeur.  Cet 
appareil  peut 
traiter  50  m.  c. 
d'eaux  vannes 
par  vingt-quatre 
heures.  Les 
eaux  pauvres  de 
Bondy  traitées 
ainsi  et  renfer- 
mant2,5  d'azote 
ammoniacal  par 
litre,  donnent 
11^8400  de  sul- 
fate d'ammo- 
niaque à  21  ""lo 
d'azote  par  m.  c. 
Quatre  appa- 
reils de  ce  genre 
sont  installés  à 
Bondy  et  per- 
mettent de  trai- 
ter par  jour 
200  m. c.  d'eaux 
donnant 2, 300  à 
2,500  kilogr.de 
sulfate  d'ammo- 
niaque d'un  très  bel  aspect.  Le  sulfate  d'ammoniaque  s'em- 
ploie à  la  dose  de  100  à  200  kilogr.  par  hectare  sur  l'avoine, 
l'orge,  le  blé;  on  le  répand  soit  au  printemps  en  couver- 
ture, soit  en  automne  lors  des  labours.  Il  faut  se  garder 
d'employer  cet  engrais  sur  des  sols  très  calcaires  ou  fraî- 
chement chaulés,  car  l'ammoniaque  serait  déplacé  et  se 
volatiliserait  dans  l'atmosphère.  Dans  la  culture  des  céréales, 
le  sulfate  d'ammoniaque  semble  donner  des  grains  de  meil- 
leure qualité  que  le  nitrate  de  soude  ;  sur  les  prairies, 
il  réussit  également  très  bien  ;  pour  les  plantes-racines,  le 
nitrate  paraît  préférable. 

2°  Engrais  chimiques  phosphatés.  C'est  à  la  suite 
d'expériences  faites  en  1843  par  le  duc  de  Richmond  que 
l'attention  fut  appelée  sur  l'utilité  de  l'acide  phosphorique 
dans  la  végétation.  Les  diverses  plantes  cultivées  pré- 
lèvent de  13  à  HO  kilogr.  d'acide  phosphorique  par  hectare, 
et  cet  élément  est  exclusivement  pris  à  la  terre,  l'atmos- 
phère n'en  renfermant  pas  trace  ;  il  est  donc  essentiel  de 
le  restituer  au  sol  par  les  engrais.  Dans  les  récoltes,  l'acide 
phosphorique  se  localise  surtout  dans  les  graines  ;  les  tiges 
et  les  feuilles  en  renferment  de  moindre  quantité  ;  il  est  égale- 
ment peu  abondant  dans  les  racines.  Voici  d'ailleurs,  d'après 
MM.  Mûntz  et  Girard,  la  teneur  en  acide  phosphorique 
rapportée  à  100  des  principales  plantes  cultivées  : 

Récoltes  Grain  Paille 

Blé 0.82  0.23 

Seigle 0.82  0.25 

Orée 0.72  0.19 

Avoine 0.55  0.28 

Haricots 0.94  0.38 

Pois 0.88  0.38 

Féveroles 1.16  0.41 

Colza 1.64  0.27 

Lin 1.30  0.43 

Chanvre 1.75  0.35 

Carottes 0.11  0.10 

Turneps 0.11  0.13 

Betteraves  fourragères 0 .  08  0 .  08 

—        à  sucre 0.11  0.10 

Pommes  de  terre 0.18  0.10 

Herbe  de  prairie »  0.17 


Récoltes 

Maïs  fourrage 

Choux  (feuilles) .... 

Luzerne 

Sainfoin 


Grain 


II 


Paille 
0.07 
0.20 
0.51 
0.47 
est  facile 
de  voir  par  ces 
chiffres  que  les 
différences  sont 
assez  grandes  ; 
toutefois  ce 
sont  les  légu- 
mineuses qui  se 
montrent  les 
plus  riches  en 
acide  phospho- 
rique, ainsi  que 
les  graines  de 
céréales.  C'est 
sous  forme  de 
phosphate  de 
chaux  que  ce 
corps  est  fourni 
aux  végétaux. 
On  l'applique 
sous  trois  for- 
mes principales  : 
phosphates  na- 
turels, super- 
phosphates , 
phosphates  pré- 
cipités. 


Phosphate  de  chaux.  Le  phosphate  de  chaux  engrais 
est  tribasique,  c.-à-d.  insoluble  dans  l'eau;  il  ne  devient 
soluble  dans  la  terre  que  très  lentement.  On  le  demande 
aux  apatites,  phosphorites  et  aux  nodules  phosphatées 
(V.  ces  mots).  Ces  phosphates  de  chaux  sont  appliqués 
en  automne,  après  avoir  subi  une  pulvérisation  aussi  com- 
plète que  possible;  on  les  répand  à  la  dose  de  800-  à 
1,000  kilogr.  par  hectare.  Leur  action  se  prolonge  pen- 
dant plusieurs  années.  Les  scories  de  déphosphoration, 
résidus  de  la  fabrication  de  l'acier  par  le  procédé  Thomas 
Gilchrist,  ont  beaucoup  de  rapport  avec  les  phosphates  de 
chaux  naturels  ;  elles  renferment  de  7  à  20  %  d'acide 
phosphorique  et  après  pulvérisation  peuvent  être  employées 
comme  engrais  dans  les  mêmes  conditions. 

Superphosphates.  Les  phosphates  que  nous  venons 
d'étudier  étant  tricalciques  ne  sont  que  très  lentement 
assimilables;  c'est  pourquoi,  en  1840,  Liebig  conseilla  de 
les  traiter  par  l'acide  sulfurique  pour  les  ramener  à  l'état 
de  phosphate  acide  soluble  dans  l'eau.  Le  produit  ainsi 
obtenu  porte  le  nom  de  superphosphate.  La  théorie  de 
la  transformation  d'un  phosphate  naturel  ou  d'un  phos- 
phate d'os  en  superphosphate  peut  être  ainsi  exprimée  : 
Ph0^3CaO  -+-  2S03H0   ==   2S03CaO  +  PhO^Ca02HO 

''Phospîîr  Acide  sulfate  de  Phosphate 

tricalcique        sulfurique  chaux  acide 

Néanmoins  la  richesse  en  acide  phosphorique  des  su- 
perphosphates varie  nécessairement  avec  la  teneur  des 
phosphates  qui  ont  servi  à  les  fabriquer  ;  elle  oscille  entre 
10  et  28  %.  Voici  d'ailleurs,  d'après  le  D"*  Vœlcker,  l'ana- 
lyse complète  d'un  superphosphate  provenant  du  traitement 
d'une  poudre  d'os  par  l'acide  sulfurique  : 

Eau 24.33 

Matière  organique 5 .  04 

Biphosphate  de  chaux  (soluble) 17.00 

Equivalent  au  phosphate  tricalcique (26 .  52) 


Phosphates  insolubles  . 

Magnésie,  sels  alcalins 

Sulfate  de  chaux 

Matières  siliceuses  insolubles. 


9.89 
2.81 

39.25 
1.68 

100.00 


-^  1074  — 


ENGRAIS 


Fig.  2.  —  Appareil  Thibaut  pour  la  fabrication  des  superphosphates. 


La  fabrication  du  superphosphate  ne  varie  guère  qu'en 
raison  de  la  cohésion  des  matières  premières  :  os  frais  ou  des- 
séchés, phosphate  naturel,  nodules,  apatites  pulvérisées,  etc. 
Si  les  os  sont  frais,  on  les  coupe  et  on  les  fait  bouillir,  puis 
on  les  broie  dans  des  mouhns  à  cylindres,  après  quoi  on 
les  malaxe  avec  leur  poids  d'acide  sulfurique  à  52°.  Ce 
malaxage  se  fait  dans  des  cylindres  en  fonte  tournants.  Au 
bout  d'une  demi-heure  on  vide  le  cylindre  sur  un  plan  in- 
cliné qui  conduit  le  mélange  dans  un  bac  en  pierre.  Les 
phosphates  minéraux,  assez  tendres  pour  être  pulvérisés 
sous  des  meules  verticales  en  fonte,  donnent  également  une 
poudre  qui,  tamisée,  est  traitée  par  l'acide  sulfurique. 
Pendant  ce  traitement  il  se  dégage  des  vapeurs  acides  très 
incommodes  et 
insalubres,  car 
les  phosphates 
de  chaux  ainsi 
traités  renfer- 
ment du  car- 
bonate de  chaux 
et  de  magnésie, 
du  fluorure  de 
calcium,  des 
matières  orga- 
niques, etc.  On 
évite  en  partie 
ces  odeurs  et 
leurs  inconvé- 
nients en  pla- 
çant au-dessus 
du  pétrisseur 
mécanique  une 
enveloppe  mu- 
nie d'un  large 
tube  aboutis- 
sant à  une  cheminée  de  grande  ''section.  Cette  fabrica- 
tion de  superphosphate  continuant  sans  cesse,  on  emplit 
successivement  plusieurs  vastes  récipients  en  maçonnerie 
du  produit  obtenu,  qui  se  prend  en  masse;  alors  on 
défonce  à  la  pioche  la  croûte  formée  et  on  écrase  le  super- 
phosphate, qui  est  ensuite  emballé  dans  des  sacs  de  toile 
grossière.  M.  Thibaut  a  inventé  un  appareil  (fig.  2)  pour 
la  fabrication  des  superphosphates,  dans  lequel  les  va- 
peurs fluorhydrique,  chlorhydrique,  sulfureuse,  si  gênantes 
pour  le  voisinage,  sont  condensées  ;  cet  appareil  fonc- 
tionne dans  un  grand  nombre  de  fabriques.  Il  se  com- 
pose d'un  malaxeur  en  fonte  M,  recevant  d'une  manière 
continue  la  poudre  de  phosphate  naturel  à  l'aide  d'une 
noria  N  et  l'acide  à  53<^  dans  un  rapport  constant.  Dans 
l'appareil  existant,  l'acide  est  également  monté  et  mesuré 
par  une  noria  en  gutta-percha  ou  par  un  monte-acide 
à  air  a,  qui  le  verse  dans  un  réservoir  A  muni  d'un  flot- 
teur b.  Le  mélange  est  effectué  dans  le  malaxeur  M  et 
s'écoule  par  un  tuyau  mobile  ou  dans  une  des  chambres 
en  brique  G,  C,  où  il  se  solidifie  en  tas.  Lorsqu'une  chambre 
est  suffisamment  remplie,  on  dirige  le  mélange  dans  une 
des  autres  chambres  en  déplaçant  le  tuyau  m.  Un  ventila- 
teur V  aspire  les  vapeurs  acides  et  l'air  pour  les  refouler 
dans  une  colonne  en  tôle  remplie  de  coke  arrosé  d'eau,  et  de 
là  dans  une  cheminée  ;  les  gaz  sont  aspirés  dans  les  cham- 
bres par  un  conduit  /  muni  de  registres  qu'on  peut  ouvrir 
ou  fermer,  selon  que  l'on  veut  aspirer  dans  une  chambre 
ou  dans  une  autre.  Dans  le  cas  de  l'appareil  Thibaut,  le 
même  liquide  repasse  plusieurs  fois  dans  la  colonne  et  finit 
par  être  riche  en  iodure  ferreux,  le  fer  étant  fourni  par 
les  parois  mêmes  de  la  colonne.  L'iodure  de  fer  impur  est 
transformé  par  du  sulfate  de  cuivre  en  iodure  cuivreux  in- 
soluble qu'on  décompose  ensuite  par  l'acide  sulfurique  à 
QQ^  pour  mettre  l'iode  en  liberté.  On  peut  facilement  ainsi 
recueillir  l'iode  dégagé  à  l'état  gazeux  pendant  le  traite- 
ment du  phosphate.  Le  mélange  acide  se  soHdifie  plus  ou 
moins  dans  les  chambres  suivant  la  nature  du  phosphate 
employé.  Au  bout  de  trente-six  heures  on  ouvre  la  porte  P 


et  on  retire  la  masse  à  la  pelle  et  à  la  pioche.  Le  superphos- 
phate ainsi  obtenu  est  réduit  en  poudre  aussi  homogène 
que  possible  à  l'aide  d'un  broyeur  ou  de  meules. 

Dans  les  terres  relativement  pauvres  en  acide  phospho- 
rique,  on  emploie  les  superphosphates  de  préférence  aux 
phosphates.  Les  doses  à  appliquer  varient  entre  300  et 
600  kilogr.  par  hectare  ;  on  les  répand  en  automne  ou 
au  printemps,  suivant  les  cultures. 

Phosphates  précipités.  En  traitant  les  phosphates  de 
chaux,  non  plus  par  l'acide  sulfurique,  mais  par  l'acide 
chlorhydrique,  on  obtient  les  phosphates  précipités  ;  ils 
renferment  surtout  du  phosphate  de  chaux  bicalcique  et  leur 
assimilabilité  est  intermédiaire  entre  celle  des  phosphates  et 

des  superphos- 
phates. On  ré- 
pand ces  en- 
grais en  au- 
tomne, à  la  dose 
de  300  à  400 
kilogr.  par 
hectare. 

Phospho- 
guano.  Le 
phospho-guano 
est  un  engrais 
très  répandu  , 
obtenu  par  le 
traitement  des 
guanos  phos  - 
phatés  par 
l'acide  sulfu- 
rique, c.-à-d. 
lavés  par  les 
pluies  et  ren- 
fermant de  50 
à  60  "/o  de  phosphate  de  chaux  ;  le  guano  renfermant  toujours 
de  l'azote,  le  phospho-guano  constitue  par  cela  même  un  en- 
grais à  la  fois  phosphaté  et  azoté.  La  composition  du  phos- 
pho-guano varie  avec  la  nature  du  guano  qui  a  servi  à  le  fabri- 
quer; mais,  en  général,  il  renferme  de  45  à  46  ^/o  d'acide 
phosphorique  et  2  à  4  «/o  d'azote.  D'après  M.  J.-A.  Barrai, 
sa  composition  serait  exprimée  par  les  chiffres  suivants  : 

Eau 43.48 

Matières  organiques  azotées,  non  compris 

l'ammoniaque  (2,43  «/o  d'azote) 24.42 

Acide  phosphorique  soluble 46.50 

Acide  phosphorique  insoluble 2 .  04 

Acide  sulfurique  (anhydre) 47.43 

Silice 4.22 

Chaux 20.50 

Magnésie 0 .  46 

Potasse 0.50 

Ammoniaque  toute  formée 2 .  79 

Alumine,  oxyde  de  fer,  etc 0. 99 

400.00 
Comme  on  le  voit  c'est  un  engrais  très  riche,  qu'on  peut 
employer  seul,  mais  qui,  le  plus  souvent,  est  mélangé  au 
fumier.  La  quantité  à  répandre  varie  entre  450  et450  kilogr. 
à  l'hectare. 

3^  Engrais  potassiques.  On  trouve  la  potasse  dans  toutes 
les  plantes,  mais  en  plus  ou  moins  grande  quantité  ;  voici 
quelques  chiffres  à  ce  sujet  : 

Récolte  Potasse 

à  l'hectare      contenue 


Plantes 


kil.  kil. 

,,         ,  (  grain 3.000    46.50)    o^ 

^'^«"^^^M  paille 4.000    49.50)    ^^ 

Betteraves,  racines 50 .  000                 200 

Pommes  de  terre,  tubercules  4  5 .  000                   84 

Luzerne 42.000                 482 

P  ,      S  paille 6.000    58.00 

^^^^^  ^  grain 2.000    48.00 


76 


ENGRAIS 


—  4072 


Mais,  contrairement  à  ce  qui  se  passe  pour  l'acide  phos- 
phorique,les  terres  renferment  généralement  d'assez  fortes 
proportions  de  potasse  ;  aussi  les  nécessités  de  la  restitu- 
tion sont-elles  moins  urgentes.  Les  engrais  à  base  de  po- 
tasse le  plus  couramment  employés  sont  les  cendres  de 
bois,  le  nitrate  de  potasse,  précédemment  étudié,  le  sulfate 
de  potasse,  le  chlorure  de  potassium  et  la  kaïnite. 

Chlorure  de  potassium.  C'est  l'engrais  potassique  le 
plus  communément  employé;  il  subit  dans  le  sol  des  modi- 
fications par  lesquelles  le  potassium  se  transforme  en  po- 
tasse ;  on  le  tire  des  raffineries  de  mélasse,  des  sels  potas- 
siques de  Stassfurth  qui  en  contiennent  d'assez  grandes 
quantités,  et  des  eaux  mères  des  marais  salants.  A  l'état 
de  pureté,  il  renferme  52.41  «/o  de  potassium,  soit  63.44 
de  potasse  ;  mais,  dans  le  commerce,  il  contient  de  5  à  20  «/o 
d'impuretés.  On  répand  ce  sel  à  la  dose  moyenne  de  450 
à  200  kilogr.  par  hectare  à  l'entrée  du  printemps,  de  pré- 
férence sur  les  pommes  de  terre  et  les  betteraves  qui  y 
sont  très  sensibles.  C'est  surtout  sur  les  sols  calcaires 
qu'il  donne  de  bons  résultats. 

Sulfate  de  potasse.  A  l'état  de  pureté,  ce  sel  renferme 
54  «/o  de  potasse;  mais,  dans  le  commerce,  il  contient  tou- 
jours de  5  à  3  «/^  d'impuretés.  Sur  la  vigne,  le  tabac,  la 
pomme  de  terre  et  le  houblon,  il  donne  d'excellents  résul- 
tats. On  l'applique  à  la  dose  de  450  à  300  kilogr.  par 
hectare,  généralement  en  automne  ;  on  l'incorpore  par  un 
coup  de  charrue  ou  un  fort  hersage. 

Le  sulfate  de  potasse  du  commerce  est  extrait  des  salins 
de  betteraves,  des  cendres  et  des  sels  de  Stassfurth. 

La  kaïnite  est  un  sel  double  naturel  de  sulfate  de  potasse 
et  de  sulfate  de  magnésie,  renfermant  du  chlorure  de 
magnésium  et  un  peu  de  chlorure  de  sodium.  La  kaïnite 
brute  de  Stassfurth,  encore  appelée  Adler  Kaïnite,  ren- 
ferme les  substances  suivantes  : 

Sulfate  de  potasse 22  à  24 

Chlorure  de  potassium 2  à    5 

Sulfate  de  magnésie 46  à  48 

Chlorure  de  sodium 30  à  40 

Son  prix  est  de  2  fr.  50  les  400  kilogr.,  ce  qui  fait 
ressortir  la  potasse  à  Of^24  le  kilogr.  Mais  la  kaïnite  sous 
cet  état  renferme  toujours  de  40  à  42  «/^  de  chlorure 
de  magnésium,  qui  est  nuisible;  aussi  le  plus  souvent  on  la 
vend  à  l'état  de  kaïnite  préparée,  c.-à-d.  après  calcination. 
Cet  engrais  est  avantageusement  appliqué  sur  la  vigne 
et  la  pomme  de  terre  ;  il  profite  également  aux  prairies. 
On  le  répand  à  la  dose  de  400  à  600  kilogr.  par  hectare. 

Cendres.  Les  cendres  de  bois  sont  très  riches  en  po- 
tasse ;  elles  contiennent,  en  outre,  de  l'acide  phosphorique 
et  de  la  chaux  (V.  Cendre).  Les  cendres  lessivées  ou 
charrées  donnent  d'excellents  résultats  dans  les  terres  gra- 
nitiques auxquelles  elles  apportent  les  éléments  qui  leur 
manquent.  On  les  emploie  surtout  en  Bretagne  et  en  Ven- 
dée ;  on  en  met  de  25  à  30  hectol.  par  hectare  pour  une 
durée  de  quatre  ou  cinq  ans. 

4*^  Engrais  magnésiens.  La  magnésie  se  rencontre 
dans  tous  les  organes  végétaux,  mais  surtout  dans  les 
graines  où  elle  se  trouve  en  compagnie  de  l'acide  phospho- 
rique. Voici  quelques  chiffres  à  ce  sujet  : 

Plantes 

grain 

Blé 0.22 

Orge 0.48 

Avoine 0.18 

Féveroles 0.20 

Colza 0.46 

Lin 0.42 

Pommes  de  terre  (tubercules) .  0.04 

Choux  (feuilles) 

Luzerne 

Sainfoin 


gnésie  "/o 

Magnésie 

cnleTée 

paille 

par  hectare 

0.44 

51^7 

0.44 

6.0 

0.48 

5.9 

0.30 

44.3 

0.24 

30.2 

0.23 

40.2 

■      0.27 

18.5 

0.05 

28.5 

0.35 

35.0 

0.30 

43.5 

Néanmoins,  les  terres  sont  généralement  assez  pourvues 
de  magnésie  pour  que  l'agriculteur  n'ait  pas,  dans  la  plupart 


des  cas,  à  s'occuper  de  leur  en  fournir;  il  n'en  est  pas 
moins  vrai  que,  depuis  quelques  années,  on  fait  entrer  le 
sulfate  de  magnésie  à  très  petites  doses,  dans  un  grand 
nombre  de  formules  d'engrais  chimiques.  La  même  remar- 
que peut  s'appliquer  au  sulfate  de  fer  qui  apporte  l'élément 
ferrugineux  aux  récoltes  et  contribue  surtout  à  la  formation 
de  la  matière  verte  ou  chlorophylle  des  végétaux. 

Epandage  des  engrais.  —  L'épandage  des  engrais  se  fait, 
suivant  leur  nature,  en  automne  ou  au  printemps  ;  on  les 
répand,  soit  à  la  main,  soit  à  l'aide  de  semoirs  mécaniques 
ou  distributeurs  d'engrais.  Lorsqu*on  a  de  petites  doses  à 
appliquer,  et  afin  que  l'épandage  soit  bien  uniforme,  on 
les  mélange  avec  de  la  tourbe,  du  plâtre,  des  tourteaux 
en  poudre  ou  même  avec  du  sable.  Les  sels  chimiques 
étant,  en  général,  solubles  dans  l'eau,  on  a  tout  avantage 
à  ne  pas  les  semer  en  même  temps  que  les  graines,  mais 
bien  avant  ou  encore  après.  L'engrais  sera  enfoui  à  une 
profondeur  convenable  ;  on  y  parvient  avec  la  charrue,  le 
scarificateur  ou  la  herse.  Enfin,  il  est  essentiel  de  se  con- 
former aux  trois  prescriptions  qui  suivent  :  4^  choisir  pour 
l'épandage  un  temps  calme,  et  ajourner  l'opération  si  le 
vent  souffle  trop  fort  ;  2°  éviter  les  accumulations  d'en- 
grais par  places  qui  produisent  des  inégalités  de  fertilisa- 
tions ;  3°  donner  un  coup  de  herse  ou  de  charrue  après 
avoir  semé  l'engrais,  pour  éviter  qu'il  soit  entraîné  par  le 
vent. 

Valeur  des  engrais.  — Dans  les  journaux  agricoles,  on 
trouve  toutes  les  semaines  le  prix  moyen  de  la  plupart  des 
engrais  commerciaux  ;  néanmoins,  il  nous  faut  revenir  sur 
cet  important  sujet.  En  effet,  X^prix  d'achat  d'un  engrais, 
d'après  les  mercuriales,  ne  fixe  pas,  par  cela  même,  sa  valeur. 
Celte  dernière  dépend  de  Tefficacité  de  la  substance  même, 
du  mode  d'emploi  et  surtout  de  la  nature  de  la  terre  qui 
reçoit  la  matière  fertilisante.  La  détermination  de  la  valeur 
d'un  engrais  peut  être  déterminée  par  une  série  de  cul- 
tures comparatives  constituant  un  champ  d'expériences; 
M.  Dehérain  a  particulièrement  étudié  ce  problème,  et 
voici  la  marche  générale  qu'il  conseille  de  suivre.  Nous 
supposons  que  le  cultivateur  qui  veut  être  fixé  sur  la  va- 
leur d'un  engrais  a  disposé  un  champ  d'expériences  ;  il  a 
employé  sur^  une  parcelle  un  poids  P  d'engrais,  et  il  a 
obtenu  une  récolte  R  ;  pour  plus  de  simplicité,  nous  sup- 
posons les  nombres  rapportés  à  l'hectare.  Une  parcelle, 
voisine  de  la  première,  a  reçu  les  mêmes  façons  ;  on  lui  a 
distribué  les  mêmes  graines,  mais  sans  engrais;  il  est  clair 
que  la  comparaison  sera  d'autant  plus  exacte  que  les  deux 
parcelles  seront  plus  homogènes  ;  s'il  en  est  ainsi,  les  dif- 
férences constatées  seront  justement  attribuées  à  l'engrais 
employé.  Nous  supposons  qu'on  ait  obtenu,  sur  cette  se- 
conde parcelle,  une  récolte  R^;  si  la  qualité  de  la  récolte  est 
la  même,  que,  par  suite,  le  prix  de  vente  V  soit  identique,' 
la  valeur  de  la  récolte  sur  les  deux  parcelles  sera  RV  et 
R^V.  La  difi'érence  de  valeur  sera  donc  (R  —  RO  V  ;  et 
enfin,  si  nous  divisions  le  chiffre  ainsi  trouvé  par  P,  le 
poids  d'engrais  employé,  nous  aurons  l'expression  ; 

p  —  «^î 

ce  qui  donnera  en  argent  la  valeur  de  x.,  unité  du  poids 
de  l'engrais.  Comparant  enfin  x  à  E,  le  prix  de  l'engrais 
sur  le  marché,  nous  pouvons  conclure  que  son  acquisition 
a  été  utile,  indifiérente  ou  onéreuse,  suivant  que  ^  >  E, 
^  =::  E,  ou  a;  <  E.  Nous  avons  supposé,  dans  le  cas  pré- 
cédent, que  l'effet  de  l'engrais  a  été  épuisé  en  une  seule 
récolte  ;  très  habituellement,  il  n'en  est  pas  ainsi  :  l'en- 
grais agit  encore  l'année  suivante  ;  si  les  deux  parcelles 
précédentes  sont  restées  sans  nouvel  apport  d'engrais,  les 
récoltes  qu'elles  fournissent  la  seconde  année  pourront  ser- 
vir à  déterminer  une  seconde  valeur  x^  qui  devra  être 
ajoutée  à  la  première;  si,  à  la  troisième  année,  sans  nou- 
velle apport  d'engrais,  il  y  a  des  différences  sensibles  entre 
les  deux  parcelles,  on  aura  une  troisième  valeur  x^\^  qui 
viendra  encore  s'ajouter  aux  précédentes.  On  aura  ainsi. 


—  4073  — 


ENGRAIS 


pour  la  valeur  totale  de  ^,  la  somme  x  -\-  x^  -i-  x^\  Ces 
calculs  conduisent  à  une  conséquence  importante.  Jusqu'à 
présent,  les  cultivateurs  n'ont  aucune  méthode  précise 
pour  connaître  la  reparution  d'un  engrais  entre  plusieurs 


cultures  successives,  et  c'est  tout  à  fait  arbitrairement  qu'ils 
fixent  à  la  moitié  ou  au  tiers  de  la  fumure  ce  qu'il  con- 
vient de  porter  à  la  plante  qui  vient  immédiatement  après 
cette  fumure.  La  comparaison  des  valeurs  successives  de 


TABLEAU    DE    LA    RICHESSE    DES    PRINCIPAUX    ENGRAIS    ORGANIQUES 

(VÉGÉTAUX,  ANIMAUX,    MIXTES) 


ENGRAIS 


I.  Engrais  végétaux 

a.  Colza 

Œillette 

Buis 

Fougère  

Lupin  blanc 

Sarrazin 

Genêt 

Spergule 

Fugus  digitatus 

—  serratus  

Trèfle  en  fleur 

b.  Tourteaux  de  lin 

—  de  colza 

—  d'arachide 

—  de  madia 

—  de  cameline 

—  de  chènevis 

—  de  pavot 

—  de  faîne 

—  de  noix 

—  de  coton 

—  de  sésame 

Touraillons :   

Pulpe  de  betterave 

—  de  raisin 

—  de  houblon 

II.  Engrais  animaux 

î.  Chair  musculaire 

Sang  liquide 

Poudre  d'os 

Noir  animal 

Râpures  de  cornes 

Plumes  d'oiseaux 

Chiffons  de  laine 

Guano  du  Pérou 

Urine  humaine 

—  de  cheval 

—  de  vache 

—  de  mouton 

—  de  porc 

Excréments  humains 

—  de  cheval.. .  • 

—  de  vache  

—  de  mouton 

—  de  porc 

b.  Fumier  de  cheval 

—  de  bovidés 

—  de  mouton 

—  de  porc 

Fumier  mixte 

III.  Pailles 

Pailles  de  froment 

—  de  maïs 

—  de  seigle 

—  d'orge 

—  d'avoine 

—  de  millet 

—  de  pois 

—  de  lentilles 

—  de  féveroles 

—  de  vesces  

—  de  sarrazin 


Pour  1000k, 

à  l'état 

ordinaire 

de  matière 

sèche 


880 
870 
410 


330 
610 
600 
800 
870 
900 
930 
890 
930 
950 
940 
950 
940 
890 
890 
960 
350 
320 
270 


910 
190 
920 

» 

910 
880 
890 
800 

66 
123 

96 

50 
220 
243 
240 
145 
124 
160 
326 
282 
384 
272 
200 


815 
850 
880 
900 
800 
810 
920 
910 
800 
900 
890 


Pour  1000  k.  de  matière  séch( 


Azote 


8.6 
11.0 
28.9 
16.0 
18.7 

5.4 
13.7 
11.0 
14.0 
22.9 
21.0 
60.0 
55.0 
88.0 
57.0 
59.0 
48.0 
57.0 
35.0 
55  0 
45.0 
74.0 
49.0 
12.6 
20.0 
21.0 


142.0 

155.0 

71.0 

13.0 

157.0 

176.0 

202.0 

622.0 

216.0 

126.0 

75.0 

93.0 

110.5 

14.8 

22.0 

20.07 

17.0 

44.0 

25.0 

18.8 

21.4 

28.9 

20.0 


3.0 

2.4 

2.0 

2.6 

3.6 

9.7 

19.5 

11.2 

23.1 

12.0 

5.4 


Acide 
phosphorique 


3.1 


4.6 
1.9 
5.5 
38.3 
49.0 
12.0 
38.0 
42.0 
10.8 
63.0 
11.6 
14.8 

32^0 


8.0 


24.0 

16.0 

203.0 

355.0 


140.0 
38.0 


0.01 
20.5 
8.2 
12.2 
7.4 
15.2 
38.7 
7.13 
7.11 
5.29 
7,64 
9.70 


2.2 
» 

15.0 
2.0 
2.1 
7.8 
» 

10.0 
3.0 
2.5 


Potasse 


12.0 


3.0 


41.0 

5.0 
5.0 
15.0 
12.0 


2.0 
1.0 


33.0 
240.0 
400.0 
312.0 
214.0 
186.0 
110.0 
88.0 
96.0 
109.0 
300.0 
21.7 
19.05 
21.55 
62  50 
25.10 


5.0 

3.2 

2.5 

10.0 

11.0 

6.0 

35.0 

3.2 

31.0 

19.0 

3.0 


Equivalent  pour  1000 
à  l'état 


humide 


670 
)) 

680 
3.610 
1.420 

1.390 
850 
» 

330 
350 
210 
340 
330 
410 
340 
550 
350 
320 
» 
400 

1.550 
570 


135 

» 
260 
960 
128 
120 

95 
315 

85 
155 
510 


840 


l.OOO 


3.670 

9.750 
7.500 
5.420 
2.030 
1.000 
1.740 


3.010 


560 

2.480 

8.801 

330 

460 
290 

82.5 

80 

45 

80 

72.5 

95 

75 
120 

75 
100 

90 
350 
230 


30 
132.50 

60 
380 

30 

32.5 

22.5 
800 
560 
153 
910 


2.100 

730 

1.250 


1.000 


820 

2.350 

1.740 

1.430 

510 

222 

400 


830 


^,  x^  et  x^^  indiquera,  au  contraire,  comment  va  en  dimi- 
nuant Pefiicacité  de  l'engrais,  et,  par  suite,  quelle  est  la 
fraction  de  sa  valeur  totale  utilisée  par  chaque  récolte; 
cette  détermination  ne  sera  plus  arbitraire,  mais  reposera, 
au  contraire,  sur  une  donnée  expérimentale. 

Quant  à  la  valeur  marchande  d'un  engrais,  elle  se  dé- 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —    XV. 


termine  suivant  sa  teneur  en  azote,  acide  phosphorique  et 
potasse  ;  le  cours  de  ces  éléments  est  assez  variable  ;  néan- 
moins, actuellement  (1892),  il  peut  être  ainsi  fixé  :  azote 
organique,  2  fr.  le  kilogr.  ;  azote  nitrique,  i  fr..60  ;  azote 
ammoniacal,  i  fr.  53  ;  acide  phosphorique  soluble,  0  fr.  60  ; 
acide  phosphorique  insoluble,  0  fr.  20  :  potasse,  0  fr.  45. 

G8 


ENGRAIS  —  ENGRAISSEMENT 


—  1074 


Donc,  dans  un  mélange  d'engrais  ou  dans  un  engrais  com- 
plexe, renfermant,  d'après  l'analyse  garantie  sur  facture, 
les  éléments  qui  suivent  : 

Azote  organique 8  "/o 

—     ammoniacal 4  ^/o 

Acide  phosphorique  soluble 16  ""/o 

Potasse 6  "/q, 

nous  aurons  comme  valeur  réelle  pour  les  100  kilogr.  : 

2f.      z=  16f. 
1    5o  ==    6   20 
0    60  zrr     9    60 
45  =    2   70 


8  X 

4X 

16  X 

6X 


0  

Total....  =1  34f.50 

Falsification  DES  engrais.  —  Abusant  de  la  crédulité  des 
cultivateurs  et  de  leur  ignorance  en  ce  qui  concerne  les 
choses  de  la  chimie,  quelques  fabricants  d'engrais  peu  scru- 
puleux n'ont  pas  hésité  à  falsifier  les  engrais  commerciaux, 
livrant  aux  acheteurs  des  matières  inertes,  n'ayant  que 
peu  ou  même  pas  d'influence  sur  la  fertilisation.  Cette  ma- 
nière de  faire  n'a  pas  peu  contribué  à  discréditer  les  en- 
grais du  commerce  et  surtout  les  engrais  chimiques.  La 
fraude  atteignait  même  de  telles  proportions  que,  dès 
1851,  les  pouvoirs  publics  avaient  édicté  une  loi  répres- 
sive ;  mais,  à  la  suite  de  l'enquête  sur  les  engrais  indus- 
triels faite  en  1864,1a  commission  présidée  par  M.  Dumas 
avait  demandé  la  revision  de  cette  loi,  qui  était  notoire- 
ment insuffisante.  Satisfaction  a  été  donnée  à  cette  juste 
requête;  le  pouvoir  législatif,  en  1867,  vota  une  loi  plus 
sévère;  celle-ci  est  restée  en  vigueur  jusqu'en  1888,  où  la 
question  a  été  reprise  et  une  autre  loi  édictée  ;  c'est  celle 
que  nous  reproduisons  ci-dessous. 

Loi  répressive  des  fraudes  dans  le  commerce  des 
engrais.  Art,  1^^  Seront  punis  d'un  emprisonnement  de 
six  jours  à  un  mois  et  d'une  amende  de  50  à  2,000  fr.,  ou 
de  l'une  ou  l'autre  de  ces  deux  peines  seulement  :  ceux 
qui,  en  vendant  ou  en  mettant  en  vente  des  engrais  et  des 
amendements,  auront  trompé  ou  tenté  de  tromper  l'ache- 
teur, soit  sur  leur  nature,  leur  composition  ou  le  dosage 
des  éléments  utiles  qu'ils  contiennent,  soit  sur  leur  pro- 
venance, soit  par  l'emploi,  pour  les  désigner  ou  les^quali- 
fier,  d'un  n^ra  qui,  d'après  l'usage,  est  donné  à  d'autres 
substances  fertilisantes.  En  cas  de  récidive,  dans  les  trois 
ans  qui  ont  suivi  la  dernière  condamnation,  la  peine  pourra 
être  élevée  à  deux  mois  de  prison  et  4,000  fr.  d'amende. 
Le  tout  sans  préjudice  de  l'application  du  paragraphe  3  de 
l'art,  l^""  de  la  loi  du  27  mars  1851  relatif  aux  fraudes 
sur  la  quahté  des  choses  livrées,  et  des  art.  7,  8  et  9  de 
la  loi  du  23  juin  1857  concernant  les  marques  de  fa- 
brique et  de  commerce.  —  Art.  3.  Seront  punis  d'une 
amende  de  11  à  15  fr.  ceux  qui,  au  moment  de  la  livrai- 
son, n'auront  pas  fait  connaître  à  l'acheteur,  dans  les 
conditions  indiquées  à  Fart.  4  de  la  présente  loi,  la 
provenance  naturelle  ou  industrielle  de  l'engrais  ou  de 
l'amendement  vendu  et  sa  teneur  en  principes  fertilisants. 
—  Art.  4.  Les  indications  dont  il  est  parlé  à  l'art.  3  seront 
fournies,  soit  dans  le  contrat  même,  soit  dans  le  double  de 
commission  délivré  à  l'acheteur  au  moment  de  la  vente, 
soit  dans  la  facture  remise  au  moment  de  la  livraison.  La 
teneur  en  principes  fertilisants  sera  exprimée  par  les 
poids  d'azote,  d'acide  phosphorique  et  de  potasse  contenus 
dans  100  kilogr.  de  marchandise,  facturée  telle  qu'elle  est 
livrée,  avec  l'Indication  de  la  nature  ou  de  l'état  de  com- 
binaison de  ces  corps.  Toutefois,  lorsque  la  vente  aura  été 
faite  avec  stipulation  du  règlement  du  prix  d'après  l'ana- 
lyse à  faire  sur  l'échantillon  prélevé  au  moment  de  la 
livraison,  l'indication  préalable  de  la  teneur  exacte  ne  sera 
pas  obligatoire,  mais  mention  devra  être  faite  du  prix  du 
kilogr.  d'azote,  de  l'acide  phosphorique  et  de  la  potasse 
contenus  dans  l'engrais  tel  qu'il  est  livré,  et  de  l'état  de 
combinaison  dans  lequel  se  trouvent  ces  principes  fertili- 
sants. —  Art.  5.  Les  dispositions  des  art.  3  et  4  de  la 


présente  loi  ne  sont  pas  applicables  à  ceux  qui  auront 
vendu,  sous  leur  dénomination  usuelle,  des  fumiers,  des 
matières  fécales,  des  composts,  des  gadoues  ou  boues  de 
la  ville,  des  déchets  de  marchés,  des  résidus  de  brasseries, 
des  varechs  et  autres  plantes  marines  pour  engrais,  des 
déchets  frais  d'abattoir,  de  la  marne,  des  faluns,  de  la 
tangue,  des  sables  coquilliers,  des  chaux,  des  plâtres,  des 
cendres  ou  des  suies  provenant  des  houilles  ou  autres 
combustibles.  —  Art.  8.  La  présente  loi  est  applicable  à 
l'Algérie  et  aux  colonies.  La  loi  du  27  juil.  1867  est  et 
demeure  abrogée.  —  Pour  les  détails,  V.  Compost,  Egout, 
Enfouissement,  Fumier,  (tOémon,  Guano,  Nodule,  Tour- 
teau, etc.  Albert  Larbalétrier. 
Engrais  pour  les  blés  (V.  Blé,  t.  VI,  p.  1071). 

BiBL.  :  Barral  et  Sagnier,  Dictionnaire  d'Aginculture^ 
t.  II,  art.  Engrais,  par  P. -P.  Dehérain  ;  Paris,  1888.  —  A. 
MÛNTz  et  A.-Ch.  Girard,  les  Engrais;  Paris,  1888-91, 3  vol. 

—  Payen  et  Ch.  ViNCEiNT,  Précis  de  chimie  industrielle  ; 
Paris,  1888,  t.  II.  —  A.  Larbalétrier,  les  Engrais  et  la 
Fertilisation  du  sol;  Paris,  1891.  -  Girardin,  ies  Engrais 
animaux;  Paris,  1882.  —Fagot  et  Fiévet,  les  Engrais 
chimiques  {Guide  élémentaire).  —  Wolff,  les  Engrais, 
trad.  par  A.  Damseaux;  Bruxelles,  1888.  —  P.-P.  Dehé- 
rain, les  Annales   agronomiques  ;  Paris,  1881,  1882,  1884. 

—  C.-V.  Garoi.a,  De  VEmplot  des  engrais  ;  Amiens,  1890. 

—  D*-  P.  Wagner,  la  Question  des  engrais;  Paris,  1886.  — 
L.  Grandeau,  VEpuisement  du  sol  et  les  récoltes;  Paris, 
1889.  —  G.  Ville,  la  Doctrine  des  engrais  chimiques; 
Paris,  1890.  —  Boussingault,  Comptes  rendus  de  l'Aca- 
démie des  sciences  ;  Paris,  1872.—  Joulie,  les  Engrais 
chimiques;  Paris,  1886.  —  Pagnoul,  Bulletin  de  la  station 
agronomique  du  Pas-de-Calais  ;    Arras,  1886,   1889,  1890. 

—  Quesneville,  Moniteur  scientifique  ;  Paris,  1884.  — 
Frémy,  Encyclopédie  ctiimique;  Paris,  1883.  —  Gran- 
DEAu,  Instruction  pratique  sur  l'emploi  du  nitrate  de 
soude  en  agriculture;  Paris,  1889.  —  E.  Menault,  les 
Engrais;  Paris,  1SS8.  —  A.  Larbalétrier,  V Agriculture 
et  la  science  agronomique;  Paris,  1888.  —  L.  Gaillot, 
Guide  pratique  pour  Vachat  et  Vemploi  des  engrais  com- 
merciaux; Amiens,  1889.  —  Vœlcker,  Travaux  et  expé- 
riences du  D^  Vœlcker,  trad.  parRoNNA;  Pans,  1887. 

ENGRAISSEMENT  du  bétail  (Econ.  rur.).  Avant  d'être 
livrés  à  la  boucherie,  les  animaux  comestibles,  bœufs, 
moutons,  porcs,  volailles,  etc.,  doivent  être  engraissés. 
Or  cette  pratique  de  l'engraissement  n'a  pas  seulement 
pour  objet  d'augmenter  le  poids  des  animaux,  mais  encore 
de  bonifier  leur  chair,  la  formation  de  la  graisse  dans  l'or- 
ganisme produisant  une  modification  très  sensible  dans  la 
composition  chimique,  et,  par  suite,  dans  la  valeur  nutri- 
tive de  la  chair  musculaire.  En  effet,  prenant  comme 
exemple  la  viande  de  bœuf,  nous  voyons  que  la  viande 
maigre  renferme  60  «/o  d'eau  ;  il  n'y  en  a  plus  que  40  «/o 
dans  la  viande  d'un  bœuf  engraissé  :  la  différence  de  40  à 
60,  dans  la  proportion  d'eau,  se  comble  par  de  la  graisse, 
et  la  valeur  nutritive  de  la  chair  se  trouve  augmentée  non 
seulement  du  fait  de  la  présence  de  la  graisse,  mais  encore 
par  l'accroissement  proportionnel  de  la  matière  sèche. 

Théorie  physiologique  de  V engraissement.  Les  ani- 
maux à  l'engrais  absorbent,  par  leurs  aliments,  des  ma^ 
tières  grasses  toutes  formées,  mais  celles-ci,  dans  les 
végétaux,  sont  en  quantités  trop  minimes  pour  expliquer 
l'engraissement.  C'est  ainsi  que  M.  Persoz,  en  expérimen- 
tanf  sur  des  oies,  a  trouvé,  après  vingt-huit  jours,  2,04.^  gr. 
de  graisse  dans  l'organisme,  alors  qu'il  n'en  avait  introduit 
que  d,420  gr.  par  les  aliments  consommés.  Il  est  donc 
évident,  d'après  cela,  ainsi  que  le  fait  remarquer  M.  A. 
Sanson,  que  l'organisme  animal  a  la  propriété,  comme  celui 
des  végétaux,  d'élaborer  les  matières  grasses  en  transfor- 
mant quelqu'un  ou  quelques-uns  des  principes  immédiats 
qui  entrent  dans  la  composition  de  ses  aliments.  On  s'est 
beaucoup  préoccupé  de  la  question  de  savoir  quel  pouvait 
être  le  principe  immédiat  qui  se  transforme  ainsi  en  graisse. 
Aujourd'hui,  on  admet  assez  généralement  que  ce  sont  les 
hvdrates  de  carbone  des  aliments  (amidon,  dextrine, 
sucre,  etc.)  qui  se  transforment  en  graisse.  Comment  leur 
transformation  s'effectue-t-elle  ?  L'hypothèse  la  plus  plau- 
sible parait  être  qu'il  s'agit  là  de  phénomènes  de  synthèse 
comme  ceux  qu'il  est  possible,  depuis  les  découvertes  de 
Berthelot.  de  réaliser  dans  le  laboratoire.  D'autre  part,  on 


—  1075 


ENGRAISSEMENT 


sait  aujourd'hui  que,  dans  l'organisme  animal,  la  graisse 
se  détruit  en  se  décomposant  pour  dégager  l'énergie  mani- 
festée sous  forme  de  travail  et  subsidiairement  sous  forme 
de  chaleur  pour  l'entretien  de  la  température  animale. 
C'est  le  travail  musculaire,  intérieur  ou  extérieur,  qui  en 
provoque  la  décomposition.  Lorsque  la  graisse,  introduite 
directement  par  l'aHmentation  ou  formée  aux  dépens  des 
hydrates  de  carbone,  est  en  quantité  suffisante  pour  fournir 
l'énergie  nécessaire  à  l'accomplissement  de  ce  travail,  elle 
se  détruit  à  mesure  de  son  introduction  ou  de  sa  forma- 
tion. Si  elle  est  surabondante,  l'excédent  se  dépose  dans 
le  tissu  conjonctif,  pour  constituer  une  réserve  d'énergie. 
Si,  au  contraire,  elle  est  insuffisante,  la  réserve  couvre  le 
déficit  et  l'amaigrissement  se  produit.  Il  suit  de  là  que 
l'engraissement  ou  l'accumulation  de  la  graisse  ne  peut 
résulter  que  de  la  combinaison  d'une  alimentation  suffisam- 
ment riche  avec  le  repos  corporel  aussi  complet  que  pos- 
sible, la  quiétude,  la  tranquillité  parfaite,  en  somme,  avec 
l'absence  de  toute  cause  intérieure  ou  extérieure  d'excita- 
tion des  mouvements.  A  ce  prix,  la  graisse  ne  se  détruit 
pas  à  mesure  de  sa  formation,  et,  n'étant  point  détruite, 
elle  s'accumule  en  réserve  à  ses  lieux  d'élection,  en  pro- 
portion de  l'aptitude  individuelle. 

Pratique  de  Vejigraissement.  Tous  les  individus  d'une 
même  espèce  animale  ne  sont  pas  également  aptes  à  s'en- 
graisser facilement,  car,  au  point  de  vue  pratique,  (îc  qu'il 
faut  surtout  chercher,  c'est  à  réaliser  l'accumulation  de  la 
graisse  dans  le  moins  de  temps  possible.  Les  animaux  à 
peau  dure  s'engraissent  avec  peine  ;  ceux  à  peau  tendre  et 
souple,  molle  et  spongieuse,  prennent,  au  contraire,  la 
graisse  avec  facilité.  11  est  de  toute  évidence  qu'il  y  a  des 
degrés  dans  l'engraissement.  Ainsi,  en  ce  qui  concerne  le 
bœuf,  on  dit  qu'il  est  en  chair  lorsque,  pour  100  de 
poids  vif,  il  donne  50  à  55  de  viande  nette  et  de  4  à  5 
de  suif  ou  graisse  ;  il  est  dit  gras  lorsqu'il  fournit  55  à 
60  de  viande  nette  et  5  à  8  de  suif;  fin  gras,  s'il  rend  de 
60  à  65  de  viande  nette  et  8  à  12  de  suif.  Mais  il  faut  se 
garder  de  pousser  l'engraissement  à  l'extrême,  autrement 
la  graisse  étant  trop  abondante,  la  qualité  de  la  viande  en 
soutfre.  Pour  se  rendre  compte  du  progrès  de  l'engraisse- 
ment, on  pratique  sur  l'animal  des  maniemeîits  (V.  ce 
mot),  c.-à-d.  qu'on  tâte  avec  la  main  certaines  parties  du 
corps  où  se  forment  les  principaux  dépôts  de  graisse.  Ce 
serait  une  erreur  d'acheter  des  animaux  absolument  maigres 
pour  les  engraisser,  en  se  laissant  séduire  par  leur  bas 
prix .  L'expérience  a  permis  de  reconnaître  que  les  ani- 
maux, dans  cette  condition,  coûtent  fort  cher  à  engraisser. 
Il  faut  que  la  bète  soit  déjà  en  chair  ;  c'est  une  preuve 
qu'elle  a  un  bon  tempérament  et  un  robuste  appétit.  C'est 
pour  ce  même  motif  qu'on  doit  se  garder  d'acheter  des  ani- 
maux trop  jeunes. 

Engraissement  des  bêtes  tournes.  Il  y  a  trois  mé- 
thodes pour  engraisser  les  bœufs  :  1°  le  pâturage  ;  2*^  la 
stabulation  permanente  ;  3^  le  régime  mixte.  Dans  la  pre- 
mière méthode,  les  bêtes  bovines  sont  laissées  au  pâturage 
pendant  toute  la  saison  de  l'herbe,  et  les  animaux,  une 
fois  à  l'herbage,  n'en  sortent  plus  que  pour  aller  à  la  vente. 
Cette  méthode  est  appli({uée  en  Normandie,  dans  le  Niver- 
nais, la  Vendée,  etc.  Le  temps  ordinaire  d'un  engraisse- 
ment à  l'herbage  est  de  quatre  à  cinq  mois  ;  le  poids  ini- 
tial augmente  de  20  ^j^  environ;  mais,  pour  cela,  il  faut 
que  l'herbe  soit  jeune  et  tendre.  C'est  dans  le  Charolais  et  le 
Nivernais  que  la  pratique  de  l'engraissement  au  pâturage  a 
surtout  une  grande  importance;  c'est  là  qu'on  trouve  ces 
magnifiques  prairies,  principalement  réservées  aux  bêtes 
bovines  et  qui  portent  le  nom  d'embouche;  l'herbe  en  est 
particulièrement  savoureuse  et  nutritive.  Dans  la  stabulation 
permanente,  l'animal  restant  à  l'étable,  l'engraissement  peut 
être  eifectué  plus  rapidement.  Il  doit  s'appliquer  à  des 
animaux  déjà  bien  en  chair,  à  raison  du  prix  élevé  des 
aUments  qu'on  est  appelé  à  leur  fournir.  Les  étables  doivent 
avoir  une  température  comprise  entre  14  et  18®;  elles 
doivent  être  plutôt  obscures  pour  éviter  toute  excitation 


toujours  nuisible  et  contraire  à  la  formation  du  tissu  adi- 
peux. L'engraissement  commence  par  des  farineux  et  se 
continue  par  des  aliments  plus  concentrés  lorsque  l'appétit 
vient  à  diminuer  par  suite  de  l'engraissement.  On  fera,  de 
préférence,  cuire  les  pommes  de  terre  et  les  racines. 
M.  A.  Sanson  propose  les  rations  suivantes,  admettant 
trois  périodes  dans  cet  engraissement  :  i^^  période  :  foin 
de  pré,  5  kilogr.  ;  betteraves  ou  pulpe,  36  kilogr.  ;  balles 
d'avoine,  4  kilogr.  ;  tourteaux  de  colza,  2^^500  ;  son  de 
froment,  1^^75;  graine  de  lin  moulue,  0'^35;  sel  marin, 
50  gr.  2^  période  :  foin,  5  kilogr.  ;  betteraves  ou  pulpe, 
33  kilogr.;  balles  d'avoine,  4  kilogr.;  tourteaux  de  colza, 
3^5;  son,  1^75;  farine  de  lin,  0H5;  sel,  60  gr.  3^  pé- 
riode :  foin,  5  kilogr.  ;  betteraves  ou  pulpe,  25  kilogr. , 
balles  d'avoine,  2  kilogr.  ;  tourteaux,  3^^5  ;  son,  2  kilogr.  ; 
farine  de  lin,  0^4-5  ;  sel,  80  gr.  Quant  à  la  troisième  'mé- 
thode ou  régime  mixte,  elle  consiste  à  combiner  le  pâturage 
et  la  stabulation  permanente  ;  ou  bien  on  commence,  sur 
les  regains  d'automne,  un  engraissement  au  pâturage  qu'on 
termine  à  l'étable  pendant  l'hiver,  ou  bien  on  commence 
à  l'étable  à  la  fin  de  l'hiver,  et  on  termine  dans  les  her- 
bages au  printemps.  —  L'engraissement  des  veaux  se  fait 
avec  du  lait  qu'on  offre  en  abondance  aux  jeunes  animaux 
qu'on  tient  dans  un  endroit  obscur  et  un  peu  resserré. 
Lorsqu'on  se  sert  de  lait  écrémé,  on  ajoute  à  la  ration  de 
la  graine  de  lin,  de  la  farine  d'orge  ou  de  maïs  pour 
remplacer  le  beurre  disparu. 

Engraissement  des  bêtes  ovines.  On  choisira  des  mou- 
tons en  chair  ;  le  meilleur  mode  d'engraissement  se  fait  au 
pâturage  ;  c'est  celui  qui  fournit  la  viande  la  plus  recher- 
chée. Les  moutons  nourris  dans  les  herbages  voisins  de  la 
mer  ont  une  qualité  supérieure;  ce  sont  eux  qu'on  appelle  les 
prés  salés.  A  défaut  d'herbages,  on  engraisse  le  mouton 
à  la  bergerie  :  c'est  ce  qui  constitue  l'engraissement  de 
poiiture;  on  donnera  de  la  farine  d'avoine,  d'orge,  du  son 
et,  autant  que  possible,  on  divisera  la  ration  en  un  grand 
nombre  de  repas.  Voici  un  exemple  de  ration  pour  cent 
moutons  :  par  jour,  100  kilogr.  de  foin,  50  kilogr.  de  tour- 
teaux de  lin,  50  kilogr.  d'orge  moulue  ;  drèche  de  distille- 
rie ou  pulpe  de  sucrerie  à  discrétion,  sel  à  discrétion  pour 
augmenter  l'appétit;  on  obtient  ainsi  l'engraissement  après 
six  semaines  ou  deux  mois. 

Engraissement  des  bêtes  porcines.  On  choisira  de 
préférence  des  porcs  longs,  à  corps  cylindrique,  aussi  droit 
que  possible,  à  peau  fine  ;  l'époque  la  plus  favorable  est  le 
printemps  et  l'hiver.  Un  cochon  peut  manger  par  100  ki- 
logr. de  son  poids  brut,  i  0  kilogr.  de  pommes  de  terre 
cuites  par  jour,  nourriture  qui  convient  très  bien  à  l'en- 
graissement; mais  il  est  utile  d'y  ajouter  des  grains  con- 
cassés. L'engraissement  des  porcs  dure,  en  moyenne,  trois 
mois.  Entre  les  repas,  il  faut  aux  porcs  à  l'engrais  le  repos 
le  plus  complet  ;  rien  ne  doit  les  inquiéter.  Une  ration  qui 
convient  très  bien  aux  porcs  à  l'engrais  est  la  suivante, 
qu'on  distribuera  en  quatre  repas  :  pommes  de  terre  cuites, 
4  kilogr.  ;  farine,  4  lit.  ;  eaux  grasses,  6  lit. 

Engraissement  des  lapins.  Les  lapins  sont  bons  à  en- 
graisser vers  l'âge  de  cinq  ou  six  mois.  Pour  y  parvenir, 
on  les  place  isolément  dans  des  cases  assez  étroites,  peu 
éclairées,  avec  une  litière  propre,  et  on  leur  donne  à  dis- 
crétion des  épluchures  de  carottes,  de  pommes  de  terre 
cuites  avec  du  son,  des  herbes  savoureuses,  etc.  L'engrais- 
sement ainsi  conduit  dure  environ  un  mois. 

Engraissement  des  volailles.  Les  poulets  s'engraissent 
en  les  plaçant  dans  une  cage  peu  éclairée  et  en  leur  don- 
nant à  manger  à  discrétion  des  grains,  criblures  de  blé, 
pommes  de  terre  cuites,  etc.  Après  quinze  jours,  le  résul- 
tat est  obtenu.  Pour  engraisser  les  oies,  on  leur  fait  man- 
ger de  l'avoine  avec  de  l'eau  farineuse  ;  on  y  ajoute  des 
pommes  de  terre  bouillies  et  écrasées  avec  du  lait  caillé, 
de  la  farine  d'orge  ou  des  pois  cuits  (V.  Gaveuse). 

Albert  L arbalétrier. 
BiBL.  :  A.  Sanson,  art.  Engraissement  du  Dictionnaire 
d'agriculture  de  Barral  et  Sagnier  ;  Paris,  1888,  t.  II.  — 


ENGRAISSEMENT  -  ENGRENAGE  -  i076 

E  Gayot,  les  Animaux  de  la  ferme;  Paris,  1890,  in-16  — 
Magne,  Hygiène  vétérinaire  appliquée;  Pans,  t.  II,  III  et 
IV  in-18.—  A.  Larbalétrikr^  Manuel  pratique  de  l  achat 
et  de  la  vente  du  bétail  ;  Paris,  1888,  in-18. 

ENGRAMELLE  (Le  P.  Marie-Dominique- Joseph),  moine 
et  mécanicien  français,  né  à  Nedonchel  en  Artois  le  24 
mars  4727,  mort  en  1781.  Il  est  l'auteur  du  premier 
livre  publié  sur  la  fabrication  des  instruments  de  musique 
mécaniques,7a  Tonotechnie,  ou  VArt  dénoter  les  cylin- 
dres (^ârh,  ill^,  in-8).  On  a  attribué  au  P.  Engramelle 
l'invention  d'un  mécanisme  enregistreur  pour  noter  les 
improvisations  au  clavecin. 

ENGRAULIS  (Ichtyol.)  (V.  Anchois). 
ENGRAVlÈS.Com.du  dép.de  l'Ariège,  arr.  dePamiers, 
cant.  de  Mirepoix;  225  hab. 

ENGRÊLU  RE.  Bande  de  dentelle  bordée  de  dents  aiguës 
dont  les  pointes  sont  reliées  par  un  fil. 

ENGRENAGE  (Mécan.).  Le  moyen  le  plus  généralement 
adopté  pour  communiquer  le  mouvement  de  rotation  d'un 
arbre  à  un  autre  consiste  dans  l'emploi  de  roues  dont  les 
jantes  sont  garnies  de  saillies  qui  s'engagent  réciproquement 
les  unes  entre  les  autres  et  rendent  ainsi  le  mouvement  de 
l'une  des  pièces  solidaire  de  celui  de  l'autre.  Ce  dispositif 
est  ce  qu'on  nomme  un  engrenage.  Les  diverses  parties 
dont  il  se  compose  prennent,  suivant  leurs  formes,  leurs 
dimensions  et  leur  usage,  des  noms  différents.  De  deux 
roues  qui  engrènent  l'une  avec  l'autre,  la  plus  grande  se 
nomme  roue  ou  rouet  et  la  plus  petite  pignon.  Les  saillies 
au  moyen  desquelles  elles  se  conduisent  s'appellent  dents; 
lorsqu'elles  ne  font  pas  corps  avec  la  roue,  comme  cela 
arrive  pour  les  roues  en  fonte  garnies  de  dents  en  bois,  on 
les  désigne  sous  le  nom  d'alluchons.  Au  lieu  de  pignons, 
on  emploie  quelquefois  un  système  composé  de  deux  pla- 
teaux circulaires  qu'on  nomme  tourteaux,  placés  parallèle- 
ment l'un  à  l'autre  sur  un  arbre  tournant  et  réunis  par 
des  cylindres  en  bois  ou  en  métal  nommés  fuseaux;  l'appa- 
reil entier  s'appelle  lanterne.  Lorsque  l'engrenage  doit 
produire  un  mouvement  alternatif  ou  intermittent,  les  dents 
ont  des  dimensions  particulières  ordinairement  beaucoup 
plus  grandes  que  dans  l'engrenage  continu,  et  elles  prennent 
alors  le  nom  de  cames.  Les  dents  des  deux  roues  d'engre- 
nage s'engageant  les  unes  entre  les  autres,  il  doit  exis- 
ter entre  celles  d'une  même  roue  un  intervalle  suffisant 
pour  le  passage  de  celles  de  l'autre  roue  ;  cet  intervalle 
s'appelle  le  creux.  Quand  les  axes  des  deux  roues  à  faire 
conduire  l'une  par  l'autre  sont  parallèles  et  que,  par 
suite,  les  faces  de  ces  deux  roues  sont  comprises  entre 
deux  plans  perpendiculaires  à  leurs  axes,  on  dit  que  l'en- 
grenage est  plan.  Lorsque,  au  contraire,  les  axes  se  cou- 
pent, on  a  ce  qu'on  nomme  un  engrenage  d'angle  ou  engre- 
nage conique,  par 
suite  de  la  forme 
qu'on  lui  donne. 
Nous  n'expose- 
rons pas  ici  la 
théorie  détaillée 
du  tracé  des  en- 
grenages qu'on 
trouvera  dans  tous 
les  traités  de  ciné- 
matique, et  nous 
nous  bornerons  à 
rappeler  sommai- 
rement les  princi- 
pales méthodes 
qu'on  déduit  de 
cette  étude.  Etant 
donnés  deux  axes  parallèles  A  et  A''  (fig.  1)  auxquels 
on  veut  communiquer  des  vitesses  de  rotation  de  sens 
inverse  v  et  v^  qui  soient  entre  elles  dans  un  rapport  donné 

-7,  on  partage  la  distance  AA^  par  un  point  0,  et  que  ses  dis- 
tances respectives  aux  deux  axes  A  et  A'  soient  en  Ire  elles 


dans  le  rapport  inverse  de  celui  des  vitesses,  c.-à-d.  qu'on  ait 
OA  __(/ 
0A^~  a* 

On  trace  des  points  A  et  A''  les  deux  circonférences  de 
rayon  OA  et  OA',  tangentes  en  0,  et  on  démontre  facile- 
ment qu'on  obtiendra  le  mouvement  demandé  en  faisant 
rouler  au  contact,  sans  glissement,  les  deux  circonférences 
ainsi  déterminées  qui  prennent  le  nom  de  circonférences 
primitives.  On  pourrait  réaliser  pratiquement  cette  dispo- 
sition par  des  cylindres  de  friction  ;  mais  cette  combinaison 
entraînerait  des  frottements  considérables  *t  on  préfère 
assurer  l'entraînement  par  des  dents  dont  le  profil  est 
déterminé  par  la  condition  que  le  mouvement  s'opère  par 
leur  intermédiaire,  comme  si  les  deux  circonférences  pri- 
mitives roulaient  l'une  sur  l'autre  sans  glisser.  Cette  con- 
dition permet  de  tracer  le  profil  d'une  dent  dès  qu'on  a 
donné  le  profil  de  la  dent  qui  la  conduit  :  on  reconnaît  en 
effet,  par  la  méthode  dite  des  enveloppes,  que  le  profil  de 
la  dent  conduite  est  l'enveloppe  des  positions  successives 
occupées  par  la  courbe  formant  profil  de  la  dent  conduc- 
trice, lorsque  l'on  fait  rouler  la  circonférence  primitive 
correspondante  sur  la  circonférence  conjuguée  supposée 
fixe.  Il  faut  remarquer  enfin  que  ces  deux  profils  roulant 
au  contact  sans  glisser  comme  les  circonférences  primitives, 
ils  doivent  toujours  se  trouver  tangents  en  un  point  quel- 
conque, et,  commeja  rotation  élémentaire  s'opère  conti- 
nuellement autour  "du  point  de  contact  des  circonférences 
primitives,  on  en  déduit  facilement  que  la  normale  commune 
aux  deux  profils  passe  toujours  en  ce  point  qui  est  le  centre 
instantané  de  rotation,  d'après  une  propriété  connue  du 
déplacement  élémentaire  des  figures  planes.  Cette  remarque 
permet  de  tracer  le  profil  conjugué  d'un  profil  donné, 
puisqu'on  connaît  ainsi  la  normale  en  chaque  point.  On 
tracera  en  effet  quelques-unes  des  positions  de  la  courbe 
donnée  supposée  entraînée  avec  la  circonférence  correspon- 
dante dans  son  mouvement  relatif  autour  de  la  circonférence 
fixe;  on  abaissera,  du  point  de  contact  des  deux  circonfé- 
rences, une  normale  sur  la  courbe  mobile  dans  sa  position 
correspondante  ;  cette  ligne  sera  en  même  temps  normale 
à  la  courbe  conjuguée,  et  son  pied  sur  la  courbe  mobile 
fournira  un  point  de  celle-ci.  On  obtiendra  ainsi  autant  de 
points  qu'on  voudra  de  la  courbe  cherchée,  ce  qui  per- 
mettra de  la  tracer.  On  peut  remarquer  d'ailleurs  qu'il 
suffira  de  mener,  en  chaque  point  de  la  circonférence  fixe, 
des  normales  respectivement  égales  à  celles  qu'on  mènera 
des  points  correspondants  de  la  circonférence  mobile  jus- 
qu'au profil  donné  et  on  déterminera  complètement  ces 
normales  en  leur  donnant  une  inclinaison  égale  sur  la  cir- 
conférence, puisqu'elles  doivent  se  confondre  avec  les  pre- 
mières dans  la  rotation.  On  pourra  ainsi  tracer  la  courbe 
par  points.  Plus  simplement,  on  décrira  en  chaque  point 
de  la  circonférence  fixe  pris  comme  centre,  un  arc  de  cercle 
de  rayon  égal  à  la  normale  correspondante.  L'enveloppe  de 
ces  arcs  de  cercle  sera  le  profil  cherché.  Un  théorème,  dû 
à  Savary,  établit  une  relation  entre  les  rayons  R  et  R'  des 
circonférences  primitives,  les  rayons  de  courbure^  et  r'des 
profils  conjugués  et  la  longueur  /  de  la  normale  commune 
comptée  à  partir  du  point  de  contact  des  circonférences 
primitives  jusqu'à  son  pied  sur  les  profils  considérés.  Ce 
théorème  se  résume  en  effet  par  l'équation  suivante  : 

yr      1  ,  1       \  11 

Xr  —  p^r'-^-p/  R      R 

Cette  relation  permet  de  déterminer  le  rayon  de  courbure  r' 
du  profil  cherché  et  de  tracer,  par  suite,  le  cercle  oscula- 
teur.  Le  théorème  de  Savary  s'applique  même  au  cas  où 
les  circonférences  primitives  sont  remplacées  par  des  courbes 
quelconques,  et  on  pourrait  y  avoir  recours  également  pour 
le  tracé  des  engrenages  correspondants,  mais  c'est  un  cas 
qui  se  présente  rarement  en  pratique.  On  a  ainsi  la  possi- 
bilité, comme  on  voit,  de  donner  aux  engrenages  un  profil 
quelconque,  mais  il  pourrait  arriver  souvent  que  ce  profil, 


—  1077 


ENGRENAGE 


s'il  était  choisi  au  hasard,  ne  soit  plus  acceptable  au  point  de 
vue  mécanique.  En  réalité,  on  n'applique  que  trois  types 
différents  de  profils  qui  fournissent  les  engrenages  à  flancs 
rectilignes,  à  développante  de  cercle  et  à  lanterne. 

La  forme  la  plus  simple  qu'on  puisse  donner  à  la  courbe 
servant  de  point  de  départ  est  une  ligne  droite  et  radiale, 
et  on  démontre  alors  que  la  courbe  conjuguée  est  un  épi- 
cycloïde  qu'on  peut  tracer  sans  difficuîté'.  M.  Poncelet  a 
donné  un  tracé  approximatif  de  cette  courbe  que  nous  ne 
reproduirons  pas  ici,  car  en  pratique  on  le  simplifie  encore 
en  remplaçant  la  courbe  par  une  circonférence  dont  le  centre 
est  à  la  naissance  de  la  dent  suivante.  Bien  qu'une  seule 
dent  suffise  au  point  de  vue  géométrique  pour  assurer 
l'entraînement,  on  comprend  qu'il  n'en  est  pas  de  même 
au  point  de  vue  pratique.  D'autre  part,  pour  diminuer  les 
frottements,  il  convient  d'adopter  des  dents  à  faible  saillie 
qui  se  trouvent  alors  en  assez  grand  nombre  sur  les  cir- 
conférences primitives.  On  donne  en  général  à  chaque  dent 
un  profd  symétrique  pour  assurer  la  marche  dans  les  deux 
sens,  et  on  s'attache  à  disposer  les  dents  de  chaque  roue  de 
manière  qu'elles  puissent  l'une  ou  l'autre  conduire  le  mou- 
vement. Dans  le  cas  de  l'engrenage  épicycloïdal,  chaque 

dent  reçoit  un 
,^  '  "  '^  profil  en  forme 

d'épicycloïdeOB 
à  partir  delà  cir- 
.  '  "  conférence  pri- 

mitive en  0  pour 
la  roue  OA  (fig. 
2)  et   ce  profil 
^^-.^  se    prolonge    à 

~"--^::-^  rintérieur  par 

.".".-"-"■"-"-''"^/\     une  droite   ra- 
diale 01   qui 
porte  le  nom  de 
flanc.  L'enve- 
loppe du  flanc 
est  donnée  par 
l'épicycloïde  OC 
de  la  dent  de  la 
seconde  roue 
OA'  et  le  flanc 
OFde  celle-ci  se  développe  à  son  tour  sur  l'épicycloïde  OB 
de  la  première,  de  sorte  que  l'engrenage  est  bien  réci- 
proque, chaque  roue  pouvant  devenir  conductrice  à  son 
tour.  L'inconvénient  de  ce  type  d'engrenage  tient  à  ce  que 
les  roues  qui  en  sont  munies  ne  pouvant  engrener  qu'avec 
les  roues  conjuguées  établies  d'après  ce  tracé,  elles  n'ad- 
mettent pas  de  roues  de  diamètre  différent  de  celui  pour  * 
lequel  elles  ont  été  construites;  le  tracé  de  l'épicycloïde 
varie  en  effet  avec  le  diamètre  de  la  circonférence  primi- 
tive. L'intensité  des  pressions  exercées  sur  les  dents  aug- 
mente à  mesure  que  le  point  de  contact  s'éloigne  davantage 
de  la  ligne  du  centre,  ce  qui  tend  à  les  faire  user  inégalement. 
Une  autre  solution  du  problème  des  engrenages,  exempte 
de  ces  inconvénients,  est  celle  où  Ton  donne  aux  dents  la 
forme  de  développantes  de  cercle.  Elle  est  fondée  sur  la 
construction  suivante.  Par  le  point  de  contact  des  circon- 
férences primitives  (fig.  3),  on  mène  une  droite  sécante  00 
qui  pourrait  être  quelconque,  mais  à  laquelle  on  donne 
ordinairement  une  inclinaison  de  Id""  sur  la  ligne  des 
centres.  Des  centres  L  et  L\  on  mène  deux  circonférences 
tangentes  en  V  et  Y''  à  la  droite  ainsi  tracée  ;  on  construit 
ensuite  pour  chacune  de  ces  circonférences  la  développante 
correspondante  :  AFBpour  celle  du  centre  L  et  B'FA'  pour 
celle  du  centre  U.  Les  développantes  ainsi  tracées  coupent 
la  droite  00  en  un  point  F  ;  elles  sont  tangentes  en  ce 
point,  puisqu'elles  ont  la  même  normale  00,  et  il  est  facile 
de  démontrer  qu'elles  le  resteront  toujours  lorsque  les  deux 
circonférences  primitives  rouleront  l'une  sur  l'autre  sans 
glisser.  D'après  la  génération  de  la  développante,  la  droite 
tixe  restera  toujours  normale  à  cette  courbe  et  par  suite  à 
la  courbe  conjuguée  qui  sera  elle-même  la  développante 


Fi- 


tangente  à  la  première  on  chaque  point  de  cetteTdroite. 
Cette  courbe  peut  donc  servir  de  profil  ;  elle  est  prolongée 


Fig.  3. 

jusqu'à  la  circonférence  intérieure  LV,  ce  qui  dispense 
d'établir  des  flancs  en  ligne  droite.  Les  dents  reçoivent 
deux  profils  symétriques  qui  sont  deux  arcs  de  dévelop- 
pante, et  on  voit  immédiatement  que  le  contact  persiste 
avant  et  après  le  contact  sur  la  ligne  des  centres;  par  suite, 
chaque  roue  peut  conduire  l'autre  dans  les  deux  sens.  Ce 
type  d'engrenage  présente,  en  outre,  les  avantages  suivants 
qui  lui  sont  particuliers.  On  peut  éloigner  les  deux  centres 
de  rotation  sans  avoir  à  changer  les  dents,  car  la  forme 
des  dents  de  chaque  roue  ne  dépend  aucunement  des  rayons 
de  l'autre  roue.  On  peut  aussi,  pour  la  même  raison,  faire 
engrener  une  même  roue  avec  une  série  de  roues  de  diffé- 
rents diamètres  munies  d'engrenages  à  développante.  La 
pression  mutuelle  des  dents  en  prise  s'exerce  à  peu  près 
normalement  aux  profils  en  contact,  et  le  contact  a  toujours 
lieu  sur  une  même  droite  qui  est  la  droite  ayant  servi  au 
tracé  de  la  développante.  Il  en  résulte  que  la  pression  reste 
sensiblement  constante,  et  par  suite  l'usure  des  profils  est 
égale  en  tous  points  ;  comme  les  développantes  d'un  même 
cercle  sont  des  courbes  parallèles,  la  forme  des  profils  ne 
change  pas  par  l'usure.  Cette  pression,  qui  s'exerce  suivant 
la  droite  00,  a  par  suite  une  direction  oblique  par  rapport 
à  la  normale,  à  la  ligne  des  centres,  ce  qui  est  une  mau- 
vaise condition  au  point  de  vue  dynamique  ;  on  doit  donc 
éviter  les  obliquités  trop  fortes. 

Nous  avons  supposé  jusqu'à  présent  que  les  deux  axes 
en  présence  devaient  tourner  en  sens  contraire,  et  nous 
avons  parlé  des  engrenages  extérieurs  ;  mais,  si  les  deux 
rotations  devaient  avoir  lieu  dans  le  même  sens,  il  faudrait 
adopter  les  engrenages  intérieurs,  c.-à-d.  qu'on  placerait 
l'une  des  roues  dentées  à  l'intérieur  de  l'autre  qui  l'em- 
brasse alors  comme  un  anneau.  Le  tracé  des  dents  s'opère 
dans  les  mêmes  conditions  que  pour  les  engrenages  exté- 
rieurs, mais  il  se  trouve  soumis  cependant  à  quelques  res- 
trictions particulières  en  raison  de  la  disposition  de  ces 
engrenages  :  on  reconnaît  ainsi  que,  avec  le  profil  épicy- 
cloïdal, on  ne  peut  pas  donner  de  flancs  rectilignes  aux 
dents  de  la  grande  roue;  on  peut  les  conserver  néanmoins 
sur  les  dents  du  pignon,  mais  alors  la  conduite  n'est  pos- 
sible que  sur  un  côté  de  la  ligne  des  centres.  Pour  que 
l'engrenage  puisse  marcher  dans  les  deux  sens  indifférem- 
ment, il  faut  remplacer  le  flanc  rectiligne  par  un  épicy- 
cloïde  concave  d'un  tracé  spécial.  Les  tracés  à  développante 
de  cercle  s'appliquent  également  aux  engrenages  intérieurs 
et  permettent  la  conduite  dans  les  deux  sens.  La  dent  de 
la  grande  roue  présente  alors  une  section  concave  embras- 
sant la  dent  du  pignon  ;  elle  a  donc  une  épaisseur  qui  va 
en  diminuant  en  se  rapprochant  de  la  jante.  Ce  serait  même 
là  un  inconvénient  assez  grave,  mais  la  différence  d'épais- 
seur est  presque  insensible  lorsque  les  dents  sont  nom- 
breuses. Nous  ne  ferons  que  signaler  la  méthode  des  rou- 
lettes pour  la  détermination  des  engrenages,  car  on  n'y  a 
presque  jamais  recours  en  pratique.  On  prend  une  courbe 
quelconque  qu'on  fait  rouler  successivement  sur  chacune 
des  deux  circonférences  primitives,  et  on  considère  la  courbe 
décrite  par  un  point  quelconque  dans  chacun  des  deux  cas. 


ENGRENAGE 


—  4078  — 


On  démontre  que  les  deux  trajectoires  ainsi  obtenues  sont 
susceptibles  de  former  deux  courbes  conjuguées  et  peuvent 
être  adoptées  comme  profils  des  dents. 

Nous  citerons  seulement  sans  nous  y  arrêter  le  type 
d'engrenage  à  lanterne  auquel  on  a  renoncé  généralement 
et  qu'on  ne  rencontre  plus  que  sur  d'anciens  appareils. 
La  courbe  mobile  est  un  cercle  dont  le  centre  est  sur  la 
circonférence  primitive,  et  la  courbe  conjuguée  est  une 
développante  d'épicycloïde.  Ces  dents  prennent  le  nom 
d'alluchons  et  la  roue  à  dents  circulaires  reçoit  le  nom  de 
lanterne.  Cette  disposition  présente  l'inconvénient  grave 
que  les  alluchons  ne  peuvent  conduire  la  lanterne  qu'au 
delà  de  la  ligne  des  centres,  et  réciproquement  la  lanterne 
ne  peut  les  conduire  à  son  tour  qu'en  deçà  de  cette  ligne. 
Comme  le  frottement  est  toujours  beaucoup  plus  grand  dans 
le  second  cas,  il  est  préférable  de  faire  conduire  là  lanterne 
par  l'autre  roue. 

Dans  tous  les  tracés  que  nous  venons  d'étudier,  le  con- 
tact des  dents  en  prise  a  lieu  sur  toute  l'épaisseur  de  la 
dent,  c.-à-d.  suivant  toute  la  hauteur  de  la  génératrice 
d'un  cylindre  dont  le  profil  de  la  dent  serait  la  section 
droite.  Cette  disposition,  intéressant  à  la  fois  toute  la  dent 
au  travail  qu'elle  doit  supporter,  permet  de  transmettre 
ainsi  des  effets  très  considérables,  mais  elle  entraîne  d'autre 
part  des  frottements  importants,  d'autant  plus  que,  par  la 
construction  même,  le  contact  des  dents  en  prise  doit  s'opé- 
rer un  pas  en  avant  et  se  poursuivre  un  pas  après  la  ligne 
des  centres.  Il  y  aurait  donc  intérêt  à  diminuer  le  pas,  et 
on  démontre,  en  effet,  que  les  frottements  sont  d'autant 
moindres  que  les  dents  sont  moins  écartées  de  la  ligne  des 
centres.  On  réussit  à  maintenir  le  point  de  contact  sur  la 
ligne  même  des  centres  au  moyen  de  l'artifice  suivant 
indiqué  par  Hooke  au  xvii^  siècle  et  repris  plus  tard  par 
White  en  1808.  Cette  disposition,  qui  concentre  la  pression 
en  un  point  unique,  ne  peut  s'appliquer  d'ailleurs  que  pour 
la  transmission  d'efforts  très  faibles  ;  elle  ne  vaut  rien  en 
pratique  pour  des  efforts  considérables,  à  cause  de  la  diffi- 
culté qui  en  résulte  pour  la  division  exacte  et  l'ajustage 
des  dents.  Supposons  d'abord  que  l'on  ait  plusieurs  roues 
identiques  juxtaposées  sur  le  même  axe  et  placées  en  re- 
trait les  unes  par  rapport  aux  autres;  s'il  y  a.  n  roues,  le 
retrait  d'une  roue  à  l'autre  est  égal  à  une  fraction  du  pas 

i 
de  -  et  il  y  a  toujours  ainsi  une  dent  en  prise,  chacune 

4 

l'étant  seulement  pendant  -  de  pas.  La  dent  supérieure 

rentre  en  prise  au  moment  où  le  contact  cesse  avec  la  dent 
inférieure.  Supposons  qu'il  grandisse  indéfiniment  pendant 
qu'en  même  temps  l'épaisseur  des  roues  accolées  tend  vers 
zéro,  nous  aurons  à  la  limite  une  dent  hélicoïdale  pour 
laquelle  le  contact  aura  toujours  lieu  sur  le  plan  des  axes, 
ce  qui  annulera  le  glissement  naturel.  L'effort  transmis 
par  ce  contact  donne  une  composante  parallèle  à  l'axe  qui 
pourrait  fatiguer  les  pivots  ;  on  peut  annuler  cette  compo- 
sante par  l'emploi  d'un  engrenage  à  deux  hélices  enroulées 
en  sens  contraire  sur  le  même  cyhndre;  on  détermine 
ainsi  deux  forces  égales  et  de  sens  contraire  qui  s'annulent. 
Nous  passerons  maintenant  aux  engrenages  coniques. 
Les  surfaces  des  dents  sont  ordinairement  elles-mêmes  des 
surfaces  coniques  ayant  pour  sommet  le  point  d'intersec- 
tion des  axes  des  deux  roues  qui  doivent  se  conduire  mu- 
tuellement. Il  en  résulte  que  les  sections  obtenues  dans  ces 
dents  par  des  sphères  ayant  pour  sommet  le  point  d'inter- 
section des  axes  sont  semblables  entre  elles  et  que  les 
profils  obtenus  par  une  même  sphère  dans  deux  dents  en 
contact  appartenant,  l'une  à  l'une  des  deux  roues  et  l'autre 
à  l'autre  roue,  doivent  satisfaire  à  cette  condition  générale 
que  la  normale  commune  en  ce  point,  aux  surfaces  des 
deux  dents  considérées,  soit  située  dans  le  même  plan  que 
la  génératrice  de  contact  des  deux  cônes  primitifs.  Cette 
condition  générale  est  nécessaire  et  suffisante  pour  que  le 
rapport  des  vitesses  angulaires  des  deux  roues  soient  cons 


tants.  Soient  MB  et  MB^  deux  axes  concordants  qui  doivent 
être  animés  de  mouvements  de  rotation  de  sens  contraire 
avec  des  vitesses  v  et  i/  (fig.  4).  On  démontre  facilement 
que  le  mouvement  instantané  dû  au  déplacement  relatif 


M 

y^ 

r" 

y'' 

""-^ 

a       / 

/ 

\ 

/ 

Fl' 

' 

c 

D' 


Fig.  4. 

d'un  des  axes  par  rapport  à  l'autre  est  une  rotation  autour 
d'une  droite  située  dans  le  plan  des  deux  axes  et  passant 
par  leur  point  de  contact  ;  on  se  trouve  ramené  ainsi  à  une 
solution  analogue  à  celle  que  nous  avons  rappelée  plus  haut 
à  propos  des  axes  parallèles.  On  partage  l'angle  BMB^  en 
deux  angles  a  et  a^,  tels  que 

sin  o!  __  R^C  _  y 

sin  a       RG       v''' 

et  on  considère  deux  cônes  de  friction  ayant  pour  sommet 
commun  le  point  M  et  pour  axes  MB  et  MB'.  On  démontre 
alors  que  le  mouvement  déterminé  par  l'entraînement  de 
ces  cônes  tournant  au  contact  le  long  de  la  génératrice 
commune  MC  répond  à  la  condition  demandée.  On  a  donc 
là  une  solution  du  problème  ;  mais,  en  pratique,  on  remplace 
ces  cônes  par  des  profils  dentés.  Le  tracé  de  dents  conju- 
guées s'obtiendrait  aussi  par  des  méthodes  analogues  : 
il  y  aurait  à  chercher  par  exemple  la  courbe  enveloppe 
d'un  profil  donné  dans  le  mouvement  relatif  des  deux  cônes, 
mais  c'est  là  une  question  de  géométrie  sphérique  délicate 
et  on  se  contente  habituellement  d'appliquer  un  tracé  dû 
à  Tredgold.  Menons  par  le  point  C  la  normale  à  la  géné- 
ratrice commune  prolongée  jusqu'à  la  rencontre  des  deux 
axes  en  B  et  en  B^  Les  points  ainsi  déterminés  peuvent 
être  considérés  comme  les  sommets  des  deux  cônes  dont  les 
axes  se  confondent  avec  les  axes  donnés.  Dans  le  mouve- 
ment de  rotation  des  deux  cônes  primitifs,  les  génératrices 
du  cône  B  et  celles  du  cône  B'  viennent  successivement  se 
confondre  avec  la  normale  BB'  tracée  du  plan  tangent 
commun.  Au  moment  oîi  s'opère  le  contact,  les  éléments 
infiniment  petits  de  surface  qui  sont  en  présence  au  point  C 
tournent  l'un  sur  l'autre  sans  glisser,  comme  s'ils  appar- 
tenaient à  des  circonférences  de  rayon  BC  et  B'C  contenues 
dans  ce  plan  tangent  commun.  L'approximation  consiste  à 
supposer  qu'ils  s'y  maintiennent  pendant  tout  le  temps  du 
contact,  bien  qu'en  réalité  ils  s'en  éloignent  d'un  infiniment 
petit,  puisqu'ils  sont  solidaires  avec  le  cône.  On  détermine 
dès  lors  le  profil  des  dents  en  opérant  comme  nous  l'avons 
fait  plus  haut  pour  les  engrenages  cylindriques.  On  dérou- 
lera la  surface  de  ces  cônes  sur  les  plans  tangents  et  on 
obtiendra  ainsi  des  sections  de  cercle  de  rayons  BG  et  B'C  ; 
on  aura  soin  de  prendre  pour  pas  de  l'engrenage  des 
parties  aliquotes  de  ces  secteurs.  Chaque  secteur  armé  de 
ses  dents  deviendra  ainsi  une  portion  qu'on  appliquera  sur 
la  surface  des  cônes.  On  prend  ensuite  pour  dents  des  roues 
des  surfaces  coniques    ayant  le   point  M  pour  sommet 
et  ses  profils  pour  directrices.  On  les  termine  à  une  sphère 


—  1079 


ENGRENAGE 


arbitraire  ayant  le  point  M  pour  centre.  Le  cas  le  plus 
fréquent  dans  la  pratique  est  celui  des  roues  d'angle  qui 
servent  à  assurer  la  transmission  du  mouvement  entre  deux 
axes  rectangulaires.  Si  les  axes  ne  sont  pas  concordants, 
on  est  obligé  presque  toujours,  pour  assurer  la  transmission 
du  mouvement,  de  faire  usage  d'un  axe  auxiliaire  qui  ren- 
contre les  deux  premiers.  On  est  arrivé  cependant  à  donner 
une  solution  de  ce  problème,  mais  c'est  là  une  question  de 
géométrie  pure  peu  susceptible  d'applications  pratiques, 
sauf  peut-être  sur  certains  types  de  machines  de  filatures. 
Les  surfaces  primitives  de  rotation  qui  jouent  le  rôle  des 
circonférences  primitives  sont  des  hyperboloïdes  de  révo- 
lution à  une  nappe  sur  lesquels  doivent  être  fixées  les  sur- 
faces formant  les  dents  de  l'engrenage.  Dans  le  cas  d'une 
transmission  du  mouvement  entre  deux  axes  non  concor- 
dants, mais  perpendiculaires  entre  eux,  on  reconnaît  qu'on 
peut  appliquer  l'engrenage  de  la  vis  sans  fin  à  filets  unis 
conduisant  la  roue  dentée.  La  vis  sans  fin  est  constituée 
par  une  surface  hélicoïdale  et  le  profil  conjugué  de  la  dent 
de  la  roue  est  alors  une  développante  du  cercle.  Comme 
cette  dent  doit  être  tangente  en  outre  au  point  de  contact 
à  la  surface  de  l'hélicoïde  réglé,  on  reconnaît  facilement 
que  la  surface  de  la  dent  doit  être  formée  elle-même  par 
un  hélicoïde  développable.  Nous  ne  décrirons  pas  le  type 
d'engrenage  connu  sous  le  nom  de  trains  différentiels. 
Ces  engrenages,  qui  sont  une  application  des  trains  épicy- 
cloïdaux,  permettent  d'établir  un  rapport  absolument  quel- 
conque entre  la  vitesse  de  la  roue  conductrice  et  celle  de 
la  roue  conduite,  condition  indispensable  dans  l'établis- 
sement des  engrenages  d'horlogerie  astronomique,  par 
exemple. 

L'engrenage  sert  encore  à  transformer  le  mouvement  cir- 
culaire en  mouvement  rectiligne  ;  c'est  l'engrenage  à  crémail- 
lère. On  donne  un  axe  tournant  0  animé  d'une  vitesse  angu- 
laire a  et  un  corps  animé  d'un  mouvement  de  translation 
rectiligne,  dans  une  direction  LL^  perpendiculaire  à  cet  axe 
et  avec  une  vitesse  v.  Si  on  trace  du  point  0  comme  centre 

V 

la  circonférence  de  rayon  égal  à  -,  il  est  aisé  de  voir  que 

les  deux  corps  se  meuvent  respectivement  avec  les  vitesses 
indiquées,  si  la  circonférence  et  la  droite  tangente  LL^ 
roulent  l'une  sur  l'autre  sans  glisser.  Ces  deux  lignes  de- 
viennent en  quelque  sorte  les  circonférences  primitives  des 
engrenages  cylindriques,  et  il  serait  facile  de  faire  rentrer 
ce  cas  dans  celui  de  deux  mouvements  circulaires,  en  con- 
sidérant la  droite  comme  une  circonférence  dont  le  centre 
est  reporté  à  l'infini  dans  la  direction  du  rayon  normal 
passant  au  point  de  contact.  On  voit  par  là  que  les  tracés 
d'engrenage  indiqués  plus  haut  sont  applicables  dans  ce 
sens.  Si  on  prend,  par  exemple,  le  rayon  même  de  la  cir- 
conférence pour  profil  de  la  dent  de  la  roue,  on  trouvera 
un  cycloïde  pour  profil  conjugué  de  la  dent  de  la  cré- 
maillère, et,  si  l'on  prend  également  un  rayon  pour  le  flanc 
de  celle-ci,  on  trouvera  un  arc  de  développante  pour  le 
profil  correspondant  de  la  dent  du  pignon.  Ces  profils  sont 
reproduits  symétriquement  de  chaque  côté  de  la  dent  et  on 
voit  immédiatement  que,  dans  ces  conditions,  l'engrenage 
est  bien  réciproque,  le  pignon  et  la  crémaillère  pouvant  se 
conduire  mutuellement  dans  les  deux  sens.  Ce  tracé  pré- 
sente un  inconvénient  provenant  de  ce  que  le  contact  a 
toujours  lieu  au  même  point  des  dents  de  la  crémaillère  et 
que,  par  suite,  celles-ci  s'usent  seulement  dans  cette  ré- 
gion. On  préfère  en  général  opérer  par  la  méthode  des 
roulettes  en  prenant  pour  profils  conjugués  les  deux  courbes 
engendrées  par  un  point  d'une  circonférence  arbitraire 
roulant  sans  glisser  sur  la  droite,  puis  sur  la  circonférence 
du  pignon. 

Nous  ne  décrirons  pas  d'autres  variétés  d'engrenages 
spéciaux  rarement  employés  dans  la  pratique,  et  nous  passe- 
rons aux  dimensions  adoptées  dans  l'industrie  pour  les 
principales  pièces  des  engrenages.  Disons  d'abord  quelques 
mots  du  frottement  de  ces  pièces.  La  formule  habituelle- 


ment employée  pour  calculer  le  frottement  des  engrenages 
est  la  suivante  : 


T^=^N-6+^')- 


Dans  cette  formule,  Tf  représente  le  travail  de  frottement 
pour  une  rotation  égale  au  pas  de  l'engrenage  ;  f  est  le 
coefficient  de  frottement,  N  la  pression  normale  exercée  au 
point  de  contact,  a  le  pas  de  l'engrenage,  n  et  n^  le  nombre 
des  dents  des  deux  roues  en  présence.  Dans  la  pratique, 
il  y  a  toujours  deux  couples  de  dents  en  prise,  mais  N  est 
réduit  de  moitié  pour  chacune,  de  sorte  que  l'expression 
de  T;.  reste  la  même.  On  voit  par  cette  formule  que  le 
frottement  est  d'autant  moindre  que  le  pas  est  plus  petit  et 
le  nombre  de  dents  plus  élevé.  La  formule  a  été  établie 
pour  les  engrenages  extérieurs,  mais,  dans  le  cas  desengre- 

nages  intérieurs,  le  terme  -^,  où  s'exprime  le  nombre  des 

dents  de  la  grande  circonférence,  devient  négatif,  et  la  for- 
mule est  alors  : 


'^=^^'^{l-'n)- 


Le  travail  de  frottement  est  sensiblement  réduit,  comme 
on  voit,  pour  les  engrenages  intérieurs.  La  formule  peut 
être  appliquée  également  au  calcul  du  travail  de  frottement 
des  engrenages  coniques,  mais  il  faut  la  modifier  en  faisant 
apparaître,  au  lieu  du  nombre  de  dents,  les  rayons  \r  et  r 
des  circonférences  primitives,  et  on  obtient  alors  l'expres- 
sion suivante  : 


T.=  |Naf-  +  l,). 


On  remplace  r  et  /  par  les  rayons  primitifs  des  secteurs 
circulaires  qui  ont  servi  de  patrons  pour  tailler  l'engre- 
nage :  ces  rayons  sont  donnés,  comme  nous  l'avons  dit, 
par  les  longueurs  des  normales  à  la  génératrice  commune 
menées  à  partir  du  point  de  contact  des  dents  jusqu'aux 
axes  des  deux  cônes  primitifs.  Le  travail  moteur  total 
transmis  par  la  roue  motrice  est  donné,  pour  une  rotation 
égale  à  un  pas,  par  l'expression  suivante  : 

T„  =  N«  +  T,; 
dans  cette  formule,  Na  est  le  produit  de  la  pression  nor- 
male N  par  le  chemin  parcouru,  a  représente  le  travail 
utile  transmis  et  T^  est  le  travail  absorbé  par  le  frottement 
des  deux  dents  en  prise,  comme  nous  venons  de  le  dire. 
On  a  donc 


=n4'+/K^+^7)]- 


Nous  ajouterons  sur  la  construction  des  dents  quelques 
détails  qui  s'appliquent  à  tous  les  types  d'engrenages.  On 
laisse  entre  deux  dents  successives  un  vide  suffisant  pour 
insérer  la  dent  conjuguée  ;  on  y  ajoute  même  un  certain  jeu 
variable  de  ^/^g  à  ^I^q  environ.  La  distance  comptée  sur  la 
circonférence  primitive  qui  sépare  la  naissance  des  épicy- 
cloïdes  de  deux  dents  successives  est  le  pas  de  l'engrenage 
égal  à  la  somme  des  épaisseurs  de  deux  dents  conjuguées 
augmentées  du  jeu  ;  le  sens  est  le  même  pour  les  deux 
roues  et  doit  se  retrouver  compris  un  nombre  exact  de  fois 
dans  les  circonférences  primitives  de  chacune  des  deux 
roues.  Il  s'ensuit  que  le  rapport  du  diamètre,  et  par  suite 
celui  des  vitesses,  est  exprimé  nécessairement  par  le 
rapport  de  deux  nombres  entiers.  L'épaisseur  des  dents  est 
déterminée  par  des  calculs  de  résistance  des  matériaux  en 
tenant  compte  des  efforts  qu'elles  doivent  transmettre.  Si 
ces  dents  sont  de  même  nature  dans  les  deux  roues,  elles 
reçoivent  une  même  épaisseur  égale  à  la  moitié  du  pas 
diminué  du  jeu,  mais  autrement  on  leur  donnera  des  épais- 
seurs en  raison  inverse  de  la  résistance  de  la  matière  qui 
les  constitue  ;  on  adopte  par  exemple  le  rapport  de  4  à  3 
pour  des  dents  en  bois  engrenant  avec  des  dents  en  fonte. 
On  doit  s'attacher  à  ce  qu'il  y  ait  toujours  deux  dents  en 
prise  pour  éviter  dans  la  marche  cle  l'engrenage  toute 
interruption  brusque  susceptible  d'amener  la  rupture  des 


ENGRENAGE  —  ENHUBER 


—  1080 


dents  ;  il  faut  donc  assurer  le  contact  des  dents  un  pas 
avant  et  le  faire  terminer  seulement  un  pas  après  la  ligne 
des  centres.  Cette  condition  oblige  à  tronquer  l'extrémité 
des  dents  qui  est  interrompue  avant  l'intersection  des  deux 
épicycloïdes  servant  de  faces  latérales;  les  dents  d'une 
même  roue  sont  tronquées  à  la  même  hauteur  par  une  cir- 
conférence concentrique  à  la  circonférence  primitive  et  on 
ne  néglige  jamais  de  prendre  cette  disposition  quel  que  soit 
d'ailleurs  le  profil  adopté.  On  en  trouve  un  exemple  dans 
le  tracé  représenté  (fig.  2)  ;  les  dents  de  la  roue  A  sont 
tronquées  par  la  circonférence  AB,  et  celles  de  la  roue  A'' 
par  la  circonférence  A^C.  A  l'intérieur  des  circonférences 
primitives,  les  flancs  rectilignes  des  dents  sont  limités 
également  par  des  circonférences  concentriques  AI  et  Al' 
laissant  un  jeu  suffisant  pour  le  passage  des  dents  de  la 
roue  conjuguée.  Les  dents  d'engrenage  se  font  en  métal, 
fer,  fonte,  acier,  bronze  ou  en  bois.  Les  dents  en  fer  sont 
taillées  à  la  circonférence  d'un  disque  plein  ;  celles  en  fonte, 
en  acier  et  en  bronze  sont  coulées  avec  la  roue,  puis  ajus- 
tées. Celles  en  bois  sont  taillées  dans  des  coins  et  enfoncées 
solidement  dans  des  trous  pratiqués  à  cet  effet  sur  une 
jante  de  poulie  en  fonte.  Les  dents  d'engrenage  des  ins- 
truments de  précision  s'exécutent  en  cuivre  ou  en  laiton. 
La  largeur  des  dents  d'engrenage  est  en  général  quadruple 
de  leur  épaisseur  ;  on  peut  la  déterminer  aussi  par  la  for- 
mule suivante  : 


^  =  ^(^4  + 0,075  ^V 


dans  laquelle  e  est  l'épaisseur  mesurée  par  la  circonférence 
primitive,  N  la  force  de  la  machine  en  chevaux  et  V  la 
vitesse  de  la  roue.  L.  Knab. 

ENGRENURE  (Constr.).  On  désigne  ainsi,  dans  un  axe 
formé  d'une  double  rangée  de  claveaux,  une  disposition 
telle  que  ces  claveaux  se  trouvent  insérés  les  uns  dans  les 
autres  ou  en  manière  de  coins.  Ce  mode  de  construction, 
qui  peut  être  utilisé  au  point  de  vue  décoratif,  se  rencontre 
assez  fréquemment  dans  les  édifices  de  l'époque  romane. 

ENGSTRŒM  (Johan),  écrivain  suédois,  né  à  Fliseryd 
(lœn  de  Kalmar)  le  7  avr.  1794,  mort  à  Ryssby  le  27jany. 
1870.  Après  avoir  été  médecin  militaire  (1818-1825),  il 
établit  d'importantes  scieries,  même  sur  les  cours  d'eau  qui 
ne  lui  appartenaient  pas  et  se  délassa  des  affaires  et  des 
procès  par  la  culture  des  lettres.  Il  publia  :  Poésies  septen- 
trionales d'Eivin  (Upsala,  1821);  la  Harpe  d'Eole  et 
échos  du  passé  (Stockholm,  1830,  2  fasc,  contenant 
avec  de  petites  poésies,  deux  drames  :  Erik  Segersœll  et 
Hjalmar  et  Ingeborg  ;  la  seconde  édition  de  ce  dernier  a 
paru  avec  Styrbjœrn  dans  Poèmes  dramatiques,  1832- 
33,  2  fasc.)  ;  les  Confédérés,  roman  (1833-34,  4  vol.)  ; 
Voyage  en  Norrland  et  en  Laponie  (1834,  2  fasc.); 
Voyage  dans  la  Laponie  méridionale,  à  Throndhjem 
et  en  Dalécarlie  (Kalmar,  1835-36,  2  fasc);  le  Colon 
et  ses  noces  (1838)  ;  et  Bjœrn  Ulftand  (1840),  roman 
à  clef,  qu'il  s'efforça  plus  tard  de  supprimer.  De  1841  à 
1 851 ,  il  rédigea  le  Baromètre  de  Kalmar,  journal  fondé 
par  lui.  Beâuvois. 

EN  G  LIERA.  Ville  d'Espagne,  prov.  de  Valence,  ch.-l. 
d'un  district  qui  comprend  douze  communes;  6,358  hab. 
Dans  une  région  montagneuse  et  ravinée,  en  partie  cou- 
verte de  pins,  en  partie  improductive,  à  cause  du  manque 
d'eau.  L'industrie  consiste  dans  l'élevage  du  mouton  et  la 
fabrication  d'étoffes  de  laine  assez  grossières.        E.  Cat. 

ENGUERRAND  de  Marigny  (V.  Marigny). 

ENGUEULEWIENT  (Charp.).  Assemblage  de  l'extrémité 
des  arêtiers  et  de  leurs  contre-fiches  dans  le  poinçon  d'un 
comble  à  l'aide  d'une  entaille  conique  qui  laisse  de  chaque 
côté  une  barbe  ou  fausse  coupe,  taille  que  les  charpentiers 
appellent  faire  un  dégueulement.  Ch.  L. 

ENGUIALÈS.  Corn,  du  dép.  de  l'Aveyron,  arr.  d'Espa- 
lion,  cant.  d'Entraygues  ;  1,192  hab. 

ENGUICHURE.  Cordon  passé  dans  trois  anneaux  d'un 
cor  de  chasse  et  servant  à  le  porter. 


ENGUINEGATTE  ou  GUINE6ATTE.  Com.  du  dép.  du 
Pas-de-Calais,  arr.  de  Saint-Omer,  canton  de  Fauquem- 
bergues  ;  490  hab.  Le  village  est  bâti  sur  un  plateau  entre 
les  vallées  de  la  Lys  et  de  la  Laquette.  Il  remonte  au 
XII®  siècle.  La  vaste  plaine  située  à  l'O.  du  village  a  été 
le  théâtre  de  trois  batailles.  Le  7  août  1479,  les  maré- 
chaux d'Esquerdes  et  de  Gié,  venant  au  secours  de  la 
place  de  Tliérouanne,  y  furent  battus  par  l'archiduc  Maxi- 
milien  d'Autriche.  Ce  fut  la  journée  des  Démanchés.  Le 
18  août  i531,  le  duc  de  Longueville  et  le  maréchal  de  la 
Palisse  furent  surpris  et  mis  en  déroute  dans  les  mêmes 
conditions  par  Henri  VIII  et  l'empereur  Maximilien .  Cette 
journée,  oti  Bayard  fut  fait  prisonnier,  a  été  appelée  la 
journée  des  Eperons,  Enfin  le  6  juil.  1537,  un  engage- 
ment de  moindre  importance  eut  lieu  entre  les  impériaux 
et  la  cavalerie  du  seigneur  d'Annebault  qui  essayait  de 
faire  passer  de  la  poudre  aux  défenseurs  de  Thérouanne. 
Ce  fut  la  journée  des  Sacquelets.  Enguinegatte  faisait 
partie  du  bailliage  de  Saint-Omer.  R.  Fonte. 

BiBL.  :  Dictionnaire  historique  et  archéologique  du  Pas- 
de-Calais.  Arr.  de  Saint-Omer;  Arras,  1883,  t.  III,  in-8. 

ENGYSTOME  (Erpét.).  Genre  de  Batraciens  anoures, 
de  la  famille  des  Èngystomatidœ  ayant  tous  les  caractères 
de  la  famille,  et  ne  comprenant  qu'une  seule  forme  propre 
à  l'Afrique  tropicale.  Rocher. 

EN6ZELL  (Gustaf),  poète  suédois,  né  le  25  janv.  1757 
à  Vika  (Dalécarlie),  mort  le  2  mai  1797  à  OEstra-Torp 
(Skanie),  où  il  était  pasteur  depuis  1790,  après  avoir  été 
aumônier  de  régiment  (1788).  Il  fut,  comme  Enbom,  un 
maladroit  imitateur  de  Thorild.  Sa  traduction  (1787)  des 
Chants  non  rimes  de  Gerstenberg  est  meilleure  que  ses 
propres  poésies,  oti  il  y  a  pourtant  de  beaux  passages,  mais 
trop  de  pathos  et  peu  de  composition  :  Mort  du  duc 
Maximilien-Julius- Léopold  (Stockholm,  1785)  ;  les 
Dalécar liens  (1786);  Poésies  détachées  (1786);  Nou- 
velles OEuvres  (1790)  ;  Lettre  poétique  aux  aspirants 
à  l'immortalité  (Falun,  1793).  On  loue  davantage  ses 
Discours  patriotiques  (ibid.,  1788-91,  4  fasc).  B-s. 
ENHARMONIE  (Mus.).  Dans  la  technique  moderne,  le 
mot  enharmonie  désigne  l'assimilation  que  font  fréquem- 
ment les  musiciens  d'une  note  diésée  avec  la  note  diatoni- 
quement  supérieure  bémolisée,  ou,  inversement,  d'une 
note  bémolisée  avec  la  note  diatoniquement  inférieure  diésée. 
On  a  vu  au  mot  Comma  quelle  différence  le  calcul  ma- 
thématique établit  entre  ce  dièse  et  ce  bémol  ;  mais  on  a 
pu  se  rendre  compte  en  même  temps  de  la  faiblesse 
de  cette  différence  et,  par  suite,  de  la  tolérance  de  l'oreille, 
surtout  dans  un  ensemble  harmonique,  à  admettre  l'assi- 
milation de  ces  deux  sons  très  voisins.  C'est  ainsi  que 
l'accord  fa  dièse,  la  dièse,  ut  dièse  pourra  être  lu  sol 
bémol,  si  bémol,  ré  bémol,  et  sera  devenu  l'accord  par- 
fait de  tonique  de  sol  bémol  majeur  après  avoir  été  con- 
sidéré comme  l'accord  de  tonique  de  fa  dièse  majeur, 
sans  parler  de  toutes  les  autres  interprétations  qu'il  com- 
porte, si  on  le  considère  comme  appartenant  à  d'autres 
tons.  Les  modulations  et  changement  de  tons  se  trouvent 
facilités  et  rendus  pour  ainsi  dire  immédiats  par  l'usage  de 
l'enharmonie  :  c'est  ce  qu'on  appelle  la  modulation  enhar- 
monique. Il  résulte  aussi  de  son  emploi  des  changements 
très  aisés  et  très  heureux  dans  cet  effet  presque  indéfinis- 
sable que  les  musiciens  appellent  la  «  couleur  »;  de  plus, 
la  convention  enharmonique  permet  à  certains  instruments 
de  jouer  facilement  en  des  tons  auxquels  ils  semblent 
d'abord  ne  pas  se  prêter.  Des  instruments  à  vent,  par 
exemple,  dont  les  tons  naturels  sont  si  bémol  ou  mi 
bémol,  \omYox\i  plus  facilement  en  ré  bémol  qu'en  w^ 
dièse  et  ces  deux  tons  pourront  cependant  être  assimilés 
l'un  à  l'autre,  en  vertu  de  l'enharmonie.  —  Dansla  tech- 
nique des  Grecs,  le  mot  enharmonie  avait  un  tout  autre 
sens;  on  en  trouvera  l'explication  à  l'art.  Musique,  §  Mu- 
sique enharmonique.  Alfred  Ernst. 

ENHUBER  (Karl  von),  peintre   allemand,   né  à  Hof 
(Bavière)  le  16  déc.  1811,  mort  à  Munich  le  6  juil.  1867. 


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ENHUBER  —  ENISE 


Il  étudia  à  l'Académie  de  Munich,  et,  après  avoir  été  pen- 
dant quelque  temps  peintre  animalier,  se  tourna  vers  le 
genre  romantique  et  les  sujets  humoristiques.  On  cite  :  le 
Canonnier  mourant  (1836);  le  Bûrgergardist  de  Mu- 
nich (1844),  à  la  National  Gallery,  etc. 
ENHYDRE  (V.  Loutre). 

EN  HYDROSOMA  (ZooL).  Bœck  (1872)  a  établi  ce  genre 
de  Crustacés  Entomostracés  de  l'ordre  des  Copépodes, 
famille  des  Harpactides,  pour  deux  espèces  marines  voi- 
sines des  Cletodes,  qui  ne  diffèrent  guère  de  ce  dernier 
genre  que  par  les  secondes  antennes  qui  ont  une  branche 
accessoire.  E.  curtkauda  et  longicaudata  Bock,  fiordde 
Christiania,  E,  curvatumBmô'j  et  Rob.,  commun  sur  les 
côtes  d'Angleterre.  R.  Mz. 

EN  IF  (Astron.).  Nom  de  l'étoile  de  deuxième  grandeur 
située  à  la  bouche  de  Pégase.  Elle  est  marquée  s  dans  les 
catalogues,  et  les  coordonnées  de  sa  position  moyenne  pour 
1892  sont,  d'après  la  Connaissance  des  temps  : 
M  =:  21^^  38"^  52%88  ;  P  =  80*^  37M1'^3. 
ÉNIGME.I.  Généralités.  — Description  d'une  chose  en 
termes  obscurs,  assez  ambigus  pour  voiler  le  sens  caché,  que 
l'on  propose  à  deviner.  Les  énigmes  ont  été  très  appréciées 
dans  l'antiquité  et  depuis  les  temps  les  plus  reculés  :  c'était 
alors  une  sentence  mystérieuse  cachée  sous  des  termes  qui 
semblaient  contradictoires.  On  connaît  la  redoutable  énigme 
du  sphynx  :  «  Quel  est  l'animal  qui  le  matin  marche  sur 
quatre  pieds,  vers  le  milieu  du  jour  sur  deux  et  le  soir  sur 
trois  ?  »  Les  oracles  ne  parlaient  que  par  énigmes 
(V.  Oracle),  et  l'on  prétend  que  les  rois  d'Orient  s'en- 
voyaient des  énigmes  à  deviner.  Les  Grecs  s'amusaient  à 
proposer  à  leurs"  convives  des  gryphes,  sortes  d'énigmes 
plaisantes.  L'Anthologie  nous  en  a  conservé  plusieurs  ;  on 
peut  lire  les  Analectes  de  Brunck.  Les  Romains  prirent 
aussi  le  goût  des  énigmes  ;  Quinlilien  raconte  que  Virgile 
s'y  plaisait  et  que  Cicéron  composa  un  recueil  de  jeux  de 
mots.  Au  xvii®  siècle,  les  énigmes  revinrent  à  la  mode  ; 
Fénelon,  selon  l'usage  antique,  faisait  éprouver  la  sagesse 
de  Télémaque  par  des  énigmes.  Boileau  a  fait  l'énigme  de 
la  Puce,  Dufresny  celle  de  l'Orange,  J.-J.  Rousseau  celle 
du  Portrait,  l'abbé  Blanchet  celle  du  Fiacre  ;  on  doit  à 
Schiller  beaucoup  de  bonnes  énigmes.  L'abbé  Cotin  publia 
un  Recueil  des  énigmes  de  ce  temps  (1646)  ;  le  père 
Ménétrier  composa  le  Traité  des  énigmes  (1694)  ;  le 
libraire  Duchesne  fit  paraître  le  Magasin  énigmatique 
(1767),  etc.  Ces  jeux  d'esprit  se  retrouvent  chez  tous  les 
peuples.  Les  Chinois  les  affectionnaient  ;  ils  ont  des  recueils 
intitulés  Ya-mi  (Ruses  de  mots  pour  rire)  (V.  Charade, 
LoGOGRiPHE,  Rérus,  ctc).  Ph.  B. 

IL  Antiquité.  —  Enigme  sirylline.  —  On  lit  dans  les 
Livres  sibyllins,  œuvre  alexandrine  écrite  aux  premiers 
siècles  de  l'ère  chrétienne,  l'énigme  suivante  :  «  J'ai  neuf 
lettres  et  quatre  syllabes,  entends-moi.  Les  trois  premières 
syllabes  ont  chacune  deux  lettres,  etc.  Sachant  qui  je 
suis,  tu  seras  initié  à  la  divine  sagesse  que  je  contiens.  » 
Cette  énigme  a  été  reproduite  par  Stephanus,  auteur  alchi- 
mique du  vil®  siècle  et  par  divers  autres,  et  il  paraît,  en 
effet,  avoir  eu  dès  l'origine  une  signification  alchimique. 
Les  auteurs  du  xvi®  et  du  xvii*^  siècle.  Cardan  et  Leibniz, 
notamment,  s'en  sont  occupés  et  en  ont  proposé  diverses 
interprétations.  La  plus  vraisemblable  est  le  mot  arse- 
nicon.  M.  B. 

III.  Musique  (V.  Musique). 

ENINGEN.  Bourg  d'Allemagne,  roy.  de  V/urttemberg, 
cercle  de  la  Forêt-Noire,  au  pied  de  TAchalm  ;  3,400  hab. 
Très  pittoresque,  il  est  surtout  connu  comme  lieu  de  ren- 
dez-vous des  colporteurs  de  l'Allemagne  du  Sud  et  de 
l'Ouest,  de  la  Suisse,  des  Pays-Bas  ;  ils  s'y  réunissent 
pour  traiter  leurs  affaires  dans  ce  qu'on  appelle  le  Congrès 
d'Eningen, 

EN  I S  El  (on  écrit  aussi  Ienisseï  ou  Yeîiiseï),  Fleuve 
de  Sibérie ,  l'un  des  plus  importants  cours  d'eau  du 
globe,  tant  par  sa  longueur  que  par  le  volume  d'eau  qu'il 
débite.  Il  prend  naissance  dans  les  montagnes  à  l'E.  de 


l'Altaï,  par  plusieurs  branches,  dont  deux  seulement  sont 
connues  jusqu'à  présent  :  le  Beï-kem  et  le  Khoua-kem. 
Ces  deux  cours  d'eau  réunis  forment  l'Oulou-kem  (en 
mongol,  grande  rivière)  ou  l'Eniseï  propre.  Ce  dernier  tire 
son  nom  du  mot  toungouze  «  loanesi  »  (grande  rivière), 
que  les  Russes  ont  transformé  en  Eniseï.  L'entrée  du  fleuve 
sur  le  territoire  russe  se  trouve  près  de  son  confluent  avec 
le  Kemtchik.  C'est  à  partir  de  ce  point  que  l'Eniseï  a  été 
sérieusement  exploré.  Il  coule  du  S.  auN.,  en  ligne  presque 
droite,  jusqu'à  l'océan  Glacial,  dans  lequel  il  se  jette  en 
traversant  un  delta  formé  à  quelques  centaines  de  kil. 
avant  l'embouchure.  La  longueur  totale  du  fleuve  est 
d'environ  4,000  kil.  La  superficie  de  son  bassin  atteint 
près  de  3  millions  de  kil.  q.  Le  courant,  très  rapide  dans 
son  cours  supérieur  à  travers  les  défilés  des  monts  Sayan, 
devient  relativement  calme  dès  son  entrée  dans  les  plaines. 
L'eau,  d'abord  très  claire,  est  à  un  certain  moment  telle- 
ment bourbeuse  qu'on  distingue  facilement  le  cours  de 
divers  affluents,  comme  l'Angara  et  la  Toungouzka,  qui 
coulent  parallèlement  et  sur  une  assez  longue  distance, 
dans  le  même  lit,  sans  se  mélanger  avec  les  eaux  du  cours 
principal.  La  largeur  du  fleuve  est  considérable,  500 
à  2,000  m.  A  environ  200  kil.  avant  l'embouchure,  sa 
largeur  atteint  près  de  60  kil.  Sa  profondeur,  10  à  12  m. 
dans  le  cours  moyen,  près  de  20  m.  dans  le  cours  infé- 
rieur, permettrait  la  navigation  aux  navires  de  gros  ton- 
nage (la  longueur  du  cours  navigable  est  de  2,900  kil.). 
Cette  navigation  est  pourtant  très  peu  développée  et  réduite 
aux  seuls  bâtiments  de  pêche.  Six  vapeurs  naviguent  en  ce 
moment  sur  le  fleuve  entre  Minoussinsk  et  Touroukhansk. 
La  navigation  ne  dure  d'ailleurs,  sauf  sur  certaines  parties 
en  amont  du  fleuve, que  des  mois  de  juin  à  octobre;  durant 
la  plus  grande  partie  de  l'année,  le  fleuve  reste  gelé.  La 
glace  acquiert,  par  endroits,  une  épaisseur  de  2  m.  50  ; 
des  naledi  (mares  d'eau  formées  sur  la  glace,  de  près  de 
50  centim.  de  hauteur)  rendent  souvent  les  communica- 
tions très  difficiles.  Pareil  à  la  plupart  des  cours  d'eau  de 
Sibérie,  l'Eniseï  coule  entre  deux  rives  dont  l'une,  la  rive 
droite,  est  plus  élevée  que  la  rive  gauche.  Les  riverains, 
pour  la  plupart  Toungouzes,  s'occupent  principalement  de 
la  pêche  qui  est  assez  fructueuse.  Le  genre  de  pois- 
sons le  plus  fréquent  est  le  saumon.  On  pêche  aussi 
l'esturgeon  et  diverses  espèces  ordinaires  qui  servent  à 
l'alimentation  des  animaux  ;  des  phoques  et  des  dauphins 
(Delphinus  leucas)  s'avancent  parfois  jusqu'à  une  grande 
distance  de  la  mer.  Les  villes  principales  situées  le  long  de 
l'Eniseï  sont  :  Minoussinsk,  Krasnoiarsk,  Eniseïsk  et  Tou- 
roukhansk. Ses  principaux  affluents  sont  :  à  droite,  l'Ous, 
la  Touba,  la  Sida,  la  Mana,  l'Angara  inférieure  ou  haute 
Toungouzka,  la  Bakhta,  la  Toungouzka  inférieure,  laKou- 
reïka;  à  gauche  :  l'Abakan,  le  Sim,  l'Eloughi  et  le 
Touroukhan.  P.  Lemosof. 

ENISEÏ  (on  écrit  aussi  leniseï  ou  Y  eniseï).  Gouver- 
nement de  la  Sibérie  occidentale,  borné  au  N.  par  l'océan 
Glacial,  à  l'E.  par  le  gouvernement  d'Irkoutsk,  au  S.  par 
la  chaîne  des  monts  Sayan  qui  le  séparent  de  l'empire  chi- 
nois, à  rO.  par  les  gouvernements  de  Tobolsk  et  de  Tomsk. 
Superficie,  2,671,428  kil.  q.,  soit  près  de  cinq  fois  l'éten- 
due de  la  France  ;  421 ,000  hab.  Ch.-l.  Krasnoiarsk.  Le  sol 
est  généralement  pauvre  ;  une  bande  de  terrain  à  l'extré- 
mité S.  de  la  région,  soit  la  vingtième  partie  environ  du 
gouvernement,  est  seule  propre  à  la  culture.  Des  essais  de 
culture  de  la  betterave,  faits  récemment  sur  les  bords  de 
l'Eniseï,  près  de  Minoussinsk,  ont  donné  des  résultats  très 
satisfaisants.  Par  contre,  les  richesses  minérales  récem- 
ment découvertes  assurent  à  cette  région  un  grand  avenir 
(V.  Sibérie).  Outre  le  grand  fleuve  Eniseï  qui  traverse  le 
gouvernement  en  entier,  la  région  est  arrosée  par  un  cer- 
tain nombre  de  cours  d'eau  appartenant  presque  tous  au 
bassin  de  l'océan  Glacial  :  le  Taz,  la  Piacina,  la  Khatanga, 
l'Anabar.  Le  gouvernement  est  divisé  en  cinq  cercles  : 
Krasnoiarsk,  Minoussinsk,  Atchinsk,  Kansk,  Eniseïsk  ;  il 
renferme  environ  treize  cents  lieux  habités.     P.  Lemosof. 


ENISEISK  -  ENJUBAULT 


—  1082  - 


ENISEÏSK, lENlSÉISK ou  YENISÊISK.Villede  Sibérie, 
ch.-l.  du  district  du  même  nom,  située  sur  la  rive  gauche 
de  TEniseï  ;  4 1 ,000  hab.  La  fondation  de  cette  ville  remonte 
à  1619.  —  Le  district  d'Eniseïsk  occupe  454,084  kil.  q. 
Il  produit  de  l'or,  du  sel,  du  fer,  du  graphite  ;  le  com- 
merce principal  est  celui  du  poisson  et  des  fourrures.  Il 
est  habité  en  grande  partie  par  des  Samoyèdes  et  des 
forçats.  P.  Lemosof. 

EN  ISPA  (Zool.).  Genre  de  Crustacés  Isopodes,  famille  des 
Cymothoides,  établi  par  Schiôdte  et  Meinert  pour  des  ani- 
maux de  la  mer  des  Indes,  qui  diffèrent  des  Telotha  (V.  ce 
mot)  par  leur  pléon  presque  cylindrique  [E.  triangularis). 

ENJA  (Ouad).  Rivière  du  Maroc  appelée  Nza  par  de 
Foucault,  et  qui  arrose  la  plaine  de  Fez.  L'ouad  Enja 
est  un  affluent  de  l'ouad  Mehedouma  ;  le  chemin  de 
Fez  à  Meknas  la  franchit  sur  un  pont.  Elle  prend  sa 
source  dans  les  montagnes  des  Béni  Metir  au-dessus  des 
Ait  Ouellal,  et  conserve  une  eau  courante  même  en  plein 
été.  H.-P.-M.  DE  La  Martinière. 

ENJAMBEMENT.  L'enjambement,  appelé  aussi  rejet 
(mais  ce  mot  est  réservé  de  préférence  aux  langues  an- 
ciennes), estV empiétement  de  la  fin  d'une  phrase,  dont 
le  commencement  se  trouve  dans  un  vers,  sur  une  par- 
tie du  vers  qui  suit.  Exemple  : 

Mais  j'aperçois  venir  madame  la  comtesse 

De  Pimbesche.  (Racine.) 

Les  classiques  condamnaient  l'enjambement,  et  Boileau, 

dans  les  vers  bien  connus  : 

Enfin  Malherbe  vint... 

Et  le  vers  sur  le  vers  n'osa  plus  enjamber... 

fait  un  mérite  à  ce  poète  d'en  avoir  purgé  la  versification. 
Néanmoins  ils  le  toléraient  :  1*^  Dans  le  style  delà  comédie  et 
des  genres  qu'ils  tenaient  pour  inférieurs,  la  fable,  le  conte, 
Tépître  légère,  etc.  Ils  lui  trouvaient  même  une  certaine 
grâce  dans  les  décasyllabes.  La  Harpe  emprunte  quelques 
enjambements  à  l'épître  de  Marot  Au  Roy,  pour  avoir 
esté  desrobé,  et  il  conclut  ainsi  :  «  Cette  coupe  est  très  gra- 
cieuse dans  cette  espèce  de  vers,  pourvu  qu'on  ne  la  pro- 
digue pas  trop  ».  2^^  Quand  le  rejet  était  suivi  d'un  déve- 
loppement qui  remplissait  le  vers  tout  entier.  Soit  cet 
exemple  de  Racine  : 

Ainsi  ce  roi  qui,  seul,  a  durant  quarante  ans 
Lassé  tout  ce  que  Rome  eut  de  chefs  importants, 
Et  qui,  dans  TOrient  balançant  la  fortune. 
Vengeait  de  tous  les  rois  la  querelle  commune, 
Meurt... 

Arrêtés  là,  encore  que  le  sens  soit  complet,  ces  vers 
n'eussent  point  été  reçus  d'une  censure  rigoureuse  ;  le  dé- 
veloppement qu'y  ajoute  Racine  les  rendait  parfaitement 
réguliers  : 

Meurt,  et  laisse  après  lui,  pour  venger  son  trépas, 
Deux  fils  infortunés  qui  ne  s'accordent  pas. 

3*^  Quand  le  rejet  avait  la  valeur  d'une  suspension  : 

Faut-il  qu'en  un  moment  un  scrupule  timide 
Perde...  Mais  quel  bonheur  nous  envoie  Atalide? 

En  dehors  de  ces  trois  cas  et  sauf  de  très  rares  excep- 
tions, l'enjambement  était  proscrit  de  la  versification  clas- 
sique. «  La  raison  de  cette  règle,  dit  Richelet,  se  tire  de  ce 
que  dans  la  lecture  on  est  obligé  de  s'arrêter  sensiblement 
à  la  fin  de  chaque  période  et  de  chaque  membre  de  période. 
Et,  comme  d'ailleurs  on  est  obligé  de  s'arrêter  sensiblement 
à  la  fin  du  vers,  afin  de  pouvoir  faire  sentir  la  rime,  si  ces 
deux  pauses  ne  concourent  point  ensemble,  celle  qui  se 
fera  à  la  fin  du  vers  semblera  peu  naturelle,  parce  que  le 
sens  n'y  sera  pas  fini,  et  celle  qui  se  fera  avant  la  fin  du 
vers  sera  peu  harmonieuse,  à  cause  qu'elle  ne  sera  pas  à 
la  place  de  la  rime.  Pour  éviter  cet  inconvénient,  on  doit 
terminer  le  sens  sur  un  mot  qui  serve  de  rime  et  par  ce 
moyen  l'esprit  et  l'oreille  seront  également  satisfaits.  »  Et 
La  Harpe  dit  à  son  tour  :  «  Notre  hexamètre  doit  se  repo- 
ser sur  lui-même  ;  il  perd  toute  sa  noblesse  si  on  le  fait 
marcher  par  sauts  et  par  bonds.  Si  la  fin  d'un  vers  se  re- 


joint souvent  au  commencement  de  l'autre,  l'effet  de  la 
rime  disparaît,  et  l'on  sait  qu'elle  est  essentielle  à  notre 
rythme  poétique.  » 

L'enjambement,  que  les  poètes  antérieurs  à  Malherbe 
pratiquaient  sans  scrupule,  a  repris  ses  droits  dans  la  poé- 
sie française  avec  André  Chénier  et  les  romantiques.  Le 
vers,  qui  s'était  affranchi  déjà  du  repos  médian,  s'est  affran- 
chi du  repos  final.  Mais  brisé  à  l'intérieur,  lié  par  les  rejets 
au  vers  qui  suit,  en  perdant  son  unité  rythmique,  il  a  fallu, 
pour  qu'il  restât  sensible  à  l'oreille,  qu'il  la  frappât  par  des 
sonorités  jumelles  plus  étendues.  La  richesse  de  la  rime, 
dans  la  versification  romantique,  pas  plus  qu'autrefois  dans 
la  versification  marotique,  brisée  comme  elle  et  sautillante, 
n'a  donc  point  été  le  résultat  d'un  caprice  ;  il  y  faut  voir 
une  nécessité  de  cette  versification.  Le  sens  de  la  phrase 
se  continuant  avec  des  retards  et  des  anticipations  de  mots 
dans  une  série  de  vers,  l'oreille  n'arrivera,  par  exemple,  à 
distinguer  deux  alexandrins  l'un  de  l'autre  qu'à  condition 
qu'on  la  frappe  davantage  par  une  articulation  syllabique 
plus  prononcée.  Aussi  bien  ne  faudrait-il  pas  croire  que  la 
versification  romantique  n'a  usé  de  l'enjambement  qu'avec 
discrétion  et  en  vue  de  certains  effets.  Le  cas  se  présente 
sans  doute  ;  ainsi  dans  ces  vers  de  Victor  Hugo  : 

Lorsque  la  lourde  tombe  a  clos  notre  paupière, 
L'âme  lève  du  doigt  le  couvercle  de  pierre 
Et  s'envole... 

Mais  il  n'est  point  toujours  aussi  aisé  de  déterminer 
dans  quelle  intention  sont  étabhs  les  enjambements.  Ce- 
pendant, dit  M.  Sully  Prudhomme,  l'enjambement  «  doit 
toujours  procéder  d'une  intention  d'art  ;  ce  qui  l'autorise, 
ce  n'est  pas  sa  commodité,  c'est  uniquement  sa  puissance 
expressive.  Il  peut  témoigner  d'un  travail  maladroit,  né- 
gUgé  ou  hâtif,  tout  autant  que  d'un  travail  habile  et  cons- 
ciencieux ».  Observation  excellente  et  que  ne  sauraient  trop 
méditer  les  apprentis  versificateurs. 

On  donne  encore  quelquefois  le  nom  d'enjambement  au 
rejet  intérieur  qui,  au  lieu  de  commencer  au  temps  fort  de 
la  rime,  commence  au  temps  fort  de  la  césure.  Soit  ces  vers 
de  Victor  Hugo  : 

Comme  par  une  main  noire,  dans  de  la  nuit 
Nous  nous  sentîmes  prendre... 

Mais  la  discussion  qu'il  faudrait  instituer  sur  cette  sorte 
de  rejet,  extrêmement  fréquent  chez  les  romantiques  et  les 
parnassiens,  risquerait  de  faire  double  emploi  avec  ce  qui 
a  été  dit  ici  même  à  l'art.  Césure.  Nous  ne  pouvons  qu'y 
renvoyer  le  lecteur.  Charles  Le  Goffic. 

Bibl.  :  Stramwitz,  Ueber  Strophen  und  Vers  Enjam- 
bement im  altfr.  —  Quicherat,  Traité  de  versification 
française.  —  F.  de  Gramont,  les  Vers  français  et  leur  pro' 
sodie.  —  Becq  de  Fouquières,  Traité  général  de  versi- 
fication française.  —  Le  Goffig  et  Thieulin,  Nouveau 
Traité  de  versification  française.  —  Sully  Prudhomme, 
Réflexions  sur  l'art  des  vers. 

ENJOLIVEMENT  (Beaux -Arts).  Détails,  ornements, 
accessoires  élégants  et  gracieux  que  l'on  ajoute  à  une  œuvre 
d'art  pour  en  hausser  le  mérite. 

ENJ0NCA6E  (Vitic).  Cette  opération  culturale  n'est 
pratiquée  que  dans  les  vignobles  établis  sur  des  sables 
mouvants.  Elle  a  pour  but  de  prévenir  l'entraînement  du 
sable  par  les  vents  et  de  s'opposer  à  la  formation  de  dunes 
et  à  la  mise  à  nu  des  racines  de  la  vigne.  On  pratique 
l'enjoncage  chaque  année,  après  le  labour  unique  qui  est 
donné  dans  les  vignobles  des  terrains  sableux.  On  répand 
alors  sur  le  sol  un  paiUis  assez  dense  de  roseau  de  Pro- 
vence, de  triangle  ou  d'autres  plantes  que  l'on  enfonce 
partiellement  dans  le  sol,  à  leurs  deux  extrémités,  par  des 
coups  de  bêche  plate  et  pleine.  Il  existe  aussi  des  instru- 
ments attelés  pour  pratiquer  cette  opération  ;  ce  sont  des 
rouleaux  à  disques  en  lame  que  l'on  roule  au-dessus  des 
paillis  et  qui  enfoncent  suffisamment  ceux-ci.     P.  Viala. 

EN  J  U  BAU  LT  de  La  Roche  (René-Urbain-Pierre-Charles- 
Félix),  magistrat  et  homme  pohtique  français,  né  à  Laval 
(Mayenne)  le  18  mai  1737,  décapité  à  Laval  le  13  févr. 
1794.  Il  exerçait  les  fonctions  de  juge  ordinaire  du  comté- 


pairie  de  Laval  lorsqu'il  fut,  le  25  mars  1789,  élu  député 
du  tiers  aux  Etats  généraux  par  la  sénéchaussée  du  Maine. 
Le  8  juin,  il  fut  nommé  un  des  adjoints  du  doyen  des 
communes.  Membre  du  comité  des  domaines,  il  eut,  à 
l'Assemblée  constituante,  la  spécialité  de  la  législation  do- 
maniale. La  faiblesse  de  sa  voix  lui  interdisait  la  tribune, 
où  il  ne  montait  que  pour  lire  des  rapports.  Le  13  août 
1790,  il  proposa  de  remplacer  par  une  pension  les  apa- 
nages des  fils  de  France;  du  8  au  11  nov.,  il  présenta  un 
rapport  et  un  projet  de  décret  sur  la  législation  doma- 
niale; le  22,  il  lut  un  code  général  composé  de  tous  les 
articles  décrétés  en  différents  temps  sur  cette  question  ;  le 
20  déc,  il  fit  décréter  le  payement  aux  frères  du  roi  d'une 
rente  apanagère  d'un  million;  enfin,  le  28  sept.  1791,  il 
fit  le  rapport  sur  la  réunion  du  pays  de  Bombes  à  la 
France.  Après  la  session,  il  se  retira  dans  son  pays  et 
devint  président  du  tribunal  du  district  de  Laval.  Lors  des 
élections  à  la  Convention,  il  refusa,  à  cause  de  sa  mauvaise 
santé,  la  candidature  qui  lui  était  offerte  (cf.  son  interro- 
gatoire aux  Archives  nationales,  W332,  n°  561).  Notable 
de  Laval,  il  se  montra  favorable  aux  idées  fédéralistes.  Il 
avait  deux  fils;  l'alné,  René-Pierre,  était  procureur  général 
syndic  de  la  Mayenne;  le  second  avait  embrassé  la  carrière 
militaire  et  avait  été  tué  sous  les  murs  de  Tirlemont  le 
18marsl793.Enjubaultde  La  Roche  fut  compromis  avec  son 
fils,qui  dut  donner  sa  démission  et  s'engager  comme  dragon. 
Arrêté  à  Laval,  il  subit,  les  9,  10  et  11  pluviôse  an  II 
(28  au  30  janv.  1794)  un  long  interrogatoire,  où  il  pro- 
testa contre  les  accusations  de  fédéralisme  et  de  modéran- 
tisme.  Il  périt  sur  l'échafaud  le  13  févr.  1794,  par  les 
ordres  du  représentant  Esnùe-Lavallée,  qui  fut  arrêté  pour 
ce  fait  le  5  prairial  an  III  (cL  Procès-verbal  de  la  Conven- 
tion, p.  87).  —  Son  fils  aîné,  René-Pierre,  fut  décapité  à 
Paris  le  2  mars  4794,  à  l'âge  de  trente  ans.  —  Les  bio- 
graphes ont  toujours  confondu  ce  constituant  avec  son 
homonyme,  Mathurin-Etienne  Enjubault,  député  de  la 
Mayenne  à  la  Convention  et  au  conseil  des  Cinq-Cents,  et 
la  table  du  Moniteur  n'a  qu'un  article  pour  ces  deux  per- 
sonnages. Etienne  Charavay. 

EN  KEN  BACH.  Village  d'Allemagne,  roy.  de  Bavière, 
prov.  du  Palatinat  rhénan;  1,600  hab.  Vieille  église  cu- 
rieuse; combat  entre  Français  et  Prussiens  (1794). 

EN KHUIZEN.  Village  des  Pays-Bas,  Hollande  septen- 
trionale, sur  le  Zuyderzée;  6,500  hab.  Port  ensablé; 
raffinerie  de  sel,  commerce  de  bois,  beurre  et  fromage  ; 
pêche  du  hareng. 

EN  LAÇAGE  (Tiss.).  L'enlaçage  est  une  opération  qui 
consiste  à  placer  d'abord  les  cartons  Jacquard,  les  uns  à 
la  suite  des  autres  sur  un  long  cadre  rectangulaire  qu'on 
appelle  table  à  enlacer,  puis  à  les  maintenir  ainsi  juxtapo- 
sés à  l'aide  d'une  couture  faite,  soit  avec  des  lacets,  soit 
avec  des  cordes  de  chanvre  ou  de  coton.  Ces  cordes  sont 
passées  dans  des  trous  spéciaux  qui  ont  été  percés  au 
centre  et  aux  extrémités  de  chaque  carton.  La  couture 
exige  deux  cordes  pour  chacune  des  places  où  elle  s'opère. 
Les  deux  cordes  doivent  faire  spire,  non  seulement  entre 
deux  cartons  voisins,  mais  encore  entre  deux  trous  d'en- 
laçage  consécutifs  d'un  même  carton.  Les  spires  exécutées 
ainsi  pour  chacune  des  coutures  fournissent  une  char- 
nière d'une  grande  souplesse  entre  deux  bandes  succes- 
sives, et  elles  maintiennent  toujours  les  cartons  bien  éga- 
lement distants  les  uns  des  autres.  L.  K. 

ENLAÇURE(Charp.).  Trou  rond  de  2  centim.  de  dia- 
mètre, que  l'on  perce  à  travers  les  jours  de  la  mortaise  et 
du  tenon  d'un  assemblage,  pour  y  loger  une  cheville  en 
bois  qui  est  d'un  diamètre  un  peu  plus  fort  que  l'enlaçure, 
de  manière  à  entrer  de  force  et  à  serrer  l'assemblage.  Ce 
trou  se  fait  sur  la  mortaise  obliquement,  au  moyen  d'une 
tarière  spéciale  appelée  lasceret,  de  façon  que  la  couture 
ou  distance  qui  existe  entre  le  joint  et  l'enlaçure  soit  plus 
grande  à  la  joue  de  dessous  qu'à  la  joue  de  dessus.  Le 
tenon  doit,  au  contraire,  être  percé  d'un  trou  oblique  tel 
que  la  couture  soit  moins  longue  en  dessous  qu'en  dessus  ; 


_  1083  -  ENJUBAULT  -  ENLÈVEMENT 

de  la  sorte,  les  bois  sont  amenés  à  joints,  c.-à-d.  que  les 
arasements  se  joignent  avec  les  jours  et  que  les  assem- 
blages sont  solidement  fixés.  C'est  ce  qu  on  appelle  donner 
de  la  tire  à  l'enlaçure.  .     .    .  .     ^.  ri. 

ENLART  (Nicolas-François-Marie),  homme  politique 
français,  né  à  Montreuil-sur-Mer  le  25  mars  1760,  mort  à 
Montreuil  le  25juil.  1842.  Avocat  au  Parlement,  il  adopta 
les  principes  de  la  Révolution,  fut  élu  le  oO  jum  1790 
administrateur  du  Pas-de-Calais,  devint  président  du  dis- 
trict de  Montreuil  en  17  92  et  fut  élu  le  8  sept,  députe  du 
Pas-de-Calais  à  la  Convention.  Il  ne  vota  pas  la  mort 
du  roi  et  témoigna  constamment  d'opimons  très  modérées 
sans  s'attirer  de  persécutions.  Juge  de  paix  de  Montreuil 
en  l'an  IV,  président  du  tribunal  civil  en  l  an  VIII,  il  tut 
élu  député  du  Pas-de-Calais  à  la  Chambre  des  Cent-Jours 
le  13  mai  1815.  La  Restauration  ne  lui  rendit  son  siège 
au  tribunal  qu'en  1818. 

ENLEVAGE(Impress.).  Opération  par  laquelle  on  pro- 
duit du  blanc  ou  une  autre  couleur  sur  un  tissu  préalable- 
ment teint  ou  uni.  Ainsi,  en  imprimant  une  couleur  à  base 
de  sel  d'étain  sur  du  bistre  ou  manganèse,  ce  dernier  est 
dissous,  enlevé,  et  l'étoffe  redevient  blanche  aux  endroits 
imprimés  ;  on  fait  ainsi  des  enlevages  sur  noir  campeche, 
sur  fond  rouille,  sur  bleu  d'indigo,  sur  fond  de  garan- 
cine,  sur  rouge  d'ahzarine,  etc.  Presque  toutes  les  cou- 
leurs se  prêtent  bien  au  genre  enlevage;  cependant  il  en 
est  quelques-unes,  telles  que  le  bleu  méthylène,  que  1  on 
n'a  encore  pu  ronger  ou  enlever  convenablement.      L.  K. 
ENLÈVEMENT  de  mineurs.  Dans  l'ancien  droit  fran- 
çais, l'enlèvement  avec  violence  d'un   mineur   du  sexe 
masculin  était  qualifié  «  rapt  de  violence  ».  Commis  sur 
une  femme  ou  une  fille,  ce  crime  était  considéré  comme  un 
viol  :  on  présumait  que  le  viol  était  son  mobile.  Consomme 
sans  violence,  mais  contre  la  volonté  et  à  l'insu  des  pa- 
rents, il  n'était  plus  qu'un  «  rapt  de  séduction  »  o\xrap- 
tus  in  parentes.  Cette  distinction  fort  équitable  entre  l  acte 
violent  et  l'acte  perpétré  sans  l'emploi  de  la  force  avait 
été  abandonnée  par  le  droit  intermédiaire  (C.  peu.  du 
25  sept.  1791,  titre  II,  section  I,  art.  31).  Elle  fut  ré- 
tablie par  le  code  pénal  de  1810,  qui,  toujours  en  vigueur, 
réffit  la  matière  dans  ses  art.  354  à  357   inclus.  Ces  ar- 
ticles, à  l'exception  du  §  2  de  l'art.  355  et  du  prescrit  de 
l'art.  356,  édictent  des  peines  (travaux  forces  ou  réclu- 
sion) qui  rendent  justiciables  de  la  cour  d'assises  les  au- 
teurs des  actes  par  eux  réprimés.  Par  suite,  et  c'est  là  un 
principe  absolu  en  droit   criminel,  les  infractions  dont 
s'agit  ne  sont  constituées  que  par  un  acte  matériel  d  enlè- 
vement et  par  une  intention  criminelle  quelconque.  —  En 
effet,  il  n'est  pas  nécessaire  que  le  ravisseur  ait  eu  l'inten- 
tion de  violer  la  victime  ou  de  la  prostituer.  —  Quant  à  l  acte 
matériel,  il  est  répressible  encore,  bien  qu'il  ne  soit  pas 
commis  directement  sur  le  mineur  :  il  suffit  que  ce  dernier 
ait   été  entraîné,  détourné  ou   déplacé  (art.  354,    Cass. 
cr.,  24  mars  1838,  D.  J.  G.,  Crimes  contre  les  per- 
sonnes, n«   288,  et  Cass.  cr.,   30  mars  1850,  D.  P., 
1850,  V,  p.  197).  La  peine  applicable   est  la  réclusion, 
sauf  pour  le  rapt  d'une  fille  de  moins  de  seize  ans  :^ceUe 
infraction  est  punie  des  travaux  forcés  à  temps  (art.  35t>); 
lors  même  que  la  mineure  aurait  «  consenti  à  son  enlève- 
ment ou  suivi  volontairement  le  ravisseur,  si  celui-ci  était 
majeur  de  vingt  et  un  ans  (art.  356)  ».  Si  l'agent  crimi- 
nel est  un  mineur  de  vingt  et  un  ans,  il  n'encourt  qu  un 
emprisonnement  de  deux  à  cinq  années  (même  art.,  §2). 
Enfin  lorsque  le  ravisseur  épouse  la  fille  qu'il  a  enlevée,  il 
ne  peut  être  poursuivi  «  que  sur  la  plainte  des  personnes 
qui,  d'après  le  code  civil,  ont  le  droit  de  demander  la  niil- 
hté  du  mariage,  ni  condamné  qu'après  que  la  nullité  du 
mariage  aura  été  prononcée  (art.  357)   ».  Une  règle 
commune  aux   quatre  articles  que  nous  venons  d'ana- 
lyser  est  l'impossibilité  de  les  rendre  applicables  à  la 
séduction,  exercée  sans  l'aide  de  la  violence,  de  la  fraude 
ou  de  l'attentat  à  la  pudeur  que  réprime  l'art.  331  du 
C.  pén.  ^  •  Berlet. 


ENLEVURE  —  ENNEMI 


—  1084  — 


ENLEVURE  (Peint.).  Partie  d'un  tableau  ou  d'un  pan- 
neau peint  à  l'huile,  qui  se  soulève,  se  boursoufle  et  finit  par 
tomber  en  écailles.  Le  mauvais  encollage  ou  la  mauvaise 
impression  des  surfaces  destinées  à  recevoir  la  peinture 
engendre  souvent  cet  inconvénient,  qui  est  dû  quelquefois 
aussi  à  l'humidité. 

ENLUMINAGE  (Techn.).  Dans  les  premiers  temps  de 
la  fabrication  des  toiles  peintes,  on  ne  pouvait  terminer 
l'opération  en  une  seule  fois  ;  on  imprimait  d'abord  les 
couleurs  solides  qui  formaient  le  fond  ou  le  contour,  puis 
on  rentrait  les  autres  couleurs,  d'abord  au  moyen  des 
pinceauteuses  et  plus  tard  par  les  planches  à  main.  Ces 
dernières  couleurs,  couleurs-vapeur  en  général,  étaient 
moins  solides  que  les  premières  :  on  leur  donnait  le  nom  de 
couleurs  d'enluminage.  Aujourd'hui  on  emploie  encore 
l'expression  d'enluminage,  mais  dans  une  autre  acception  : 
l'enluminage  représente  les  couleurs  qui  sont  en  moindre 
quantité  sur  l'étoffe  et  dont  le  rôle,  tout  en  paraissant  se- 
condaire, est  pourtant  très  important,  car  c'est  de  l'har- 
monie des  couleurs  d'enluminage  que  dépend  souvent  le 
succès  d'un  dessin.  On  est  arrivé  ces  derniers  temps  à  im- 
primer jusqu'à  vingt-deux  couleurs  à  la  fois  ;  on  comprend 
donc  facilement  quelles  sont  les  difficultés  à  surmonter 
pour  produire  un  bon  enluminage.  L.  K. 

ENLUMINEMENTou  ENLUMINURE  (V.  Miniature). 
ENNA.  Ancienne  ville  de  Sicile  (auj.  Castrogiovanni), 
située  au  centre  de  File,  près  de  la  rivière  Himera.  Elle  se 
trouvait  sur  une  hauteur,  entourée  de  lacs  et  de  bosquets 
magnifiques,  et  les  Siciliens  prétendaient  que  Proserpine  y 
avait  été  enlevée  ;  on  voyait,  non  loin  de  là,  une  caverne 
profonde  par  où  Pluton  aurait  disparu  avec  la  jeune  déesse. 
Cérès  et  Proserpine  avaient  deux  temples  à  Enna,  avec  plu- 
sieurs statues;  Verres  s'empara  de  Tune  d'elles.  La  Cérès 
d'Enna  était  vénérée  dans  toute  la  Sicile,  et  même  chez  les 
peuples  grecs.  D'après  Stéphane  de  Byzance,  Enna  aurait  été 
une  colonie  de  Syracuse,  créée  environ  quatre-vingts  ans  après 
la  fondation  de  la  métropole  ;  mais  Thucydide,  qui  cite  les 
colonies  de  Syracuse  à  cette  époque,  ne  fait  pas  mention  de 
cette  ville.  Il  est  permis  de  croire  qu'Enna  était  une  ville 
sicilienne  et  non  grecque.  Denys  de  Syracuse  y  établit  la 
tyrannie  avec  Aimnestus,  puis  fit  périr  celui-ci  et  s'empara  de 
la  ville  quelque  temps  après,  par  trahison.  Plus  tard,  lorsque 
les  Carthaginois  occupèrent  la  Sicile,  Enna  s'aUia  contre  eux 
à  Agrigente.  En  259  av.  J.-C,  x\milcar  s'en  empara  sur  les 
Romains,  mais  le  consul  Attilius  Calatinus  la  reprit,  grâce 
à  la  trahison  de  quelques  habitants.  Pendant  la  deuxième 
guerre  punique,  en  l'année  214,  comme  les  habitants  d'Enna 
semblaient  disposés  à  chasser  la  garnison  romaine  ou  à  la 
livrer  aux  Carthaginois,  le  chef  delà  garnison  fit  massacrer 
une  partie  du  peuple  et  conserva  ainsi  la  ville  aux  Romains. 
Vers  134,  un  esclave,  Eunus,  fit  révolter  ses  compagnons 
dans  Enna  et  livra  la  ville  au  pillage  ;  Rupilius  repoussa 
les  rebelles  et  rentra  dans  la  ville.  Sur  l'emplacement  d'Enna 
se  trouve  aujourd'hui  la  ville  de  Castrogiovanni^  oîi  l'on 
ne  voit  plus  de  traces  de  l'ancienne  ville.  On  a  retrouvé  des 
monnaies  d'Enna  sous  la  domination  romaine,  portant  la 
légende  Mun  (Municipium)  Henna.  La  plus  ancienne  mon- 
naie grecque  de  cette  ville  donne  le  nom  de  HENNAION. 

C.  Ganiayre. 
BiBL.  :  CicÉRON,  Verr.,  IV,  48.  —  Diodore,  XIV,  14,  78; 
XXIII;  9  ;  XXXIV,  3,  —  Eckhel,  vol.  I,  p.  206. 

EN  NE  (Francis),  publiciste  français,  né  à  Nesle  (Somme) 
le  21  sept.  1844,  mort  à  Alger  le  12  mai  1891.  Il  se  lança 
de  bonne  heure  dans  le  journalisme,  collabora  aux  journaux 
littéraires  la  Critique^  la  Jeunesse^  à  la  Rue  de  Vallès,  à 
la  Marseillaise  de  Rochefort,  au  Journal  du  peuple,  au 
Radical^  devint  rédacteur  en  chef  du  Républicain  du 
Finistère,  fonda  la  République  de  la  Sarthe  et  occupa 
les  fonctions  de  secrétaire  delà  rédaction  à  la  Marseillaise, 
au  Mot  d'ordre,  au  Réveil  et  au  Radical.  En  1887,  il 
prit  la  rédaction  en  chdàeVEcho  d'Or  an  et  fonda  VEcho 
de  l'Algérie.  Parmi  les  ouvrages  qu'il  a  publiés,  nous 
citerons:  le  Panthéon  républicain  (Paris,  1873-1875, 


in-4)  en  collaboration  avec  0.  Monprofit  ;  D'Après  Nature 
(Bruxelles,  1879,  in-18)  ;  l'Abbé  Delacollonge  (1881, 
in-12)  ;  la  Vie  simple  (Paris,  1883,  in-12)  ;  la  Com- 
tesse Dynamite  (1883,  in-12)  en  collaboration  avec 
F.Delisle;  Rrutalités,  histoires  waz^s (1883, in-12),  etc., 
sans  compter  quelques  romans-feuilletons. 

ENNEA  (Malac).  Genre  de  Mollusques  Gastéropodes, 
de  l'ordre  des  Pulmonés-Géophiles,  établi  par  H.  et  A. 
Adams,  en  18oo,  pour  une  petite  coquille  allongée,  sub- 
cylindrique, très  finement  striée,  brillante,  à  sommet  obtus. 
Tours  de  spire  nombreux,  déprimés.  Ouverture  semi-ovale, 
étroite,  munie  de  dents  et  de  lamelles  sur  la  paroi  apertu- 
rale  et  sur  le  bord  externe.  Type  :  Ennea  bicolor  Hutton. 
Les  espèces  du  genre  Ennea  vivent  dans  l'Inde  et  en  Afri- 
que, sous  les  pierres,  les  vieux  bois  et  les  plantes  à  demi 
décomposées.  J.  Mab. 

ENNEA CROUNOS.  Source  appelée  aussi  Callirrhoé 
(V.  ce  mot)  qui  jaillissait  à  Athènes,  dans  le  quartier 
Limnœ,  près  l'Ilissus. 

ENNÉADÉCATERIDE.  Période  de  dix-neuf  années,  éta- 
blie dans  la  84^  olympiade,  par  Méton,  fils  de  Pausanias, 
savant  astrologue.  Il  fit  commencer  cette  période  le  13  du 
mois  athénien  scirophorion,  équivalant  à  peu  près  au  mois 
de  juin.  D'après  Méton,  les  phases  de  la  lune  arrivent  aux 
mêmes  époques  pendant  chaque  révolution  de  dix-neuf  ans; 
cette  révolution  cyclique  formait  ainsi  une  sorte  de  grande 
année,  dite  année  de  Méton  (V.  Année  et  Cycle).  C.  G. 
ENNÉAPYLEouPELASGIKON  ENNEAPYLON  (lesneuf 
portes).  Série  d'ouvrages  de  défense  et  de  portes  qui,  à 
l'origine,  protégeaient  l'entrée  de  l'Acropole  d'Athènes.  Ces 
vieilles  fortifications  étaient  l'œuvre  des  Pélasges.  Neuf 
portes,  disposées  l'une  derrière  l'autre,  fermaient  de  dis- 
tance en  distance  le  long  chemin,  taillé  dans  le  rocher,  qui 
serpentait  entre  deux  murs  jusqu'en  haut  du  plateau.  On 
voit  encore,  entre  les  Propylées  et  l'enceinte  d'Artémis 
Brauronia,  une  ligne  d'énormes  blocs  grossièrement  ajustés 
et  le  seuil  d'une  porte  qui  semblent  avoir  appartenu  à 
l'Ennéapyle  pélasgique.  A  20  m.  en  avant  des  Propylées 
se  trouve  un  autre  mur  pélasgique,  qui  a  été  découvert  par 
Beulé  en  1853.  Ces  fortifications  primitives  paraissent 
avoir  été  détruites  à  la  fin  du  vi^  siècle,  après  l'expulsion 
des  Pisistratides.  Sur  les  débris  de  ces  antiques  murailles 
s'élevèrent  plus  tard  les  Propylées.  Mais  on  conserva  une 
partie  de  l'ancien  chemin  creux,  où  les  processions  conti- 
nuèrent de  défiler  ;  c'est  par  ce  sentier  qu'aujourd'hui 
encore  on  monte  à  l'Acropole.  Depuis  le  v^  siècle,  on  dé- 
signa sous  le  nom  de  Pelasgikon  non  seulement  la  muraille 
nord  de  l'Acropole,  mais  encore  tout  le  terrain  accidenté 
qui  de  ce  côté  dominait  le  quartier  d'Athènes  où  étaient  re- 
légués les  descendants  des  Pélasges.       Paul  Monceaux. 

BiBL.  :  Beulé,  V Acropole  d'Athènes  ;  Paris,  1862,  in-8, 
2«  édit.  —  A.  BoTTiCHER,  Die  Akropolis  von  Athen  ;  Ber- 
lin, 1888, in-8. 

EN N EDI.  Pays  du  Soudan  oriental,  au  N,  du  Darfour 
et  du  Ouàdaï.  Il  est  coupé  par  le  16°  lat.  N.  et  le  20«  de 
long.  E.  L'Ennedi  occupe  la  partie  S.-E.  de  la  hgne  de 
hauteurs  et  de  plateaux  qui  paraît  traverser  le  Sahara  en 
écharpe  du  Darfour  au  Touat.  On  ne  connaît  l'Ennedi 
que  par  les  récits  des  caravaniers.  Les  deux  tribus  les 
plus  considérables  qui  l'habitent  sont  les  Dâzas  et  les  Bêles 
(ou  Baélés). 

ENNEMAIN.  Corn,  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  de  Pé- 
ronne,  cant.  de  Ham  ;  381  hab. 

EN  N  EIVII.  I.  Tactique.  —  Dans  tout  exercice  ou  manœuvre 
de  guerre,  il  est  de  règle  absolue  de  tenir  compte  de  l'ennemi, 
soit  en  admettant  simplement  qu'il  existe  et  occupe  telle 
position  :  dans  ce  cas  l'ennemi  est  dit  supposé;  soit  en 
chargeant  quelques  troupes  déjouer  le  rôle  de  l'adversaire  : 
alors  il  est  dit  figuré;  soit  en  le  faisant  représenter  par 
des  forces  égales  à  celles  qu'il  aurait  dans  la  réalité  :  au- 
quel cas  il  est  dit  représenté.  Quand  un  exercice  a  lieu 
avec  un  ennemi  figuré  ou  représenté,  il  est  toujours  pres- 
crit que  les  deux  adversaires  ne  devront  pas  trop  se  rappro- 


1085  — 


ENNEMI  —  ENNIUS 


cher  l'un  de  l'autre,  afin  d'éviter  les  accidents,  et  ne  ja- 
mais arriver  au  contact.  La  distance  minima  qui  doit  être 
gardée  entre  deux  troupes  marchant  l'une  contre  l'autre 
est  généralement  fixée  à  400  m.  Les  arbitres  ont  pour  mis- 
sion expresse  d'y  veiller, 

IL  Droit  international  (V.  Guerre). 

ENNEMOND  (Saint)  (V.  Chamond). 

EN  N  END  A.  Bourg  de  Suisse,  cant.  de  Glaris,  au  S.-E. 
du  ch.-l.  dont  elle  îbrme  comme  un  faubourg;  2,700  hab. 
presque  tous  protestants.  D'importantes  fabriques  d'impres- 
sions sur  étoffes  qui  occupent  800  ouvriers  ont  rendu  ce 
bourg  florissant. 

ENNERY.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Oise,  arr.  et  cant. 
de  Pontoise;  512  hab. 

ENNERY  (Michelet  d'),  archéologue  français,  né  à  Metz 
en  1709,  mort  à  Paris  le  8  avr.  1786.  Elève  des  jésuites, 
il  devint  trésorier  de  sa  ville  natale,  fonctions  dont  il  se 
démit  pour  s'occuper  exclusivent  de  numismatique.  Il 
voyagea  en  Allemagne,  en  Italie,  en  France  etrecueiUit  vingt- 
deux  mille  médailles,  dont  vingt  mille  étaient  antiques.  Il  se 
rendit  ensuite  à  Paris,  s'y  fixa,  fut  secrétaire  du  roi,  infa- 
tigable collectionneur,  et  l'un  des  fondateurs  de  l'Académie 
de  Metz.  Son  magnifique  cabinet  fut  vendu  aux  enchères 
et  dispersé.  Un  catalogue  fut  toutefois  publié  en  1788 
(in-4,  avec  fig.).  Avant  sa  mort,  il  publia  l'ouvrage  pos- 
thume de  P.  Âncher  Tobiezen-Duby,  numismatiste  suisse  : 
Recueil  général  des  pièces  obsidionales  et  de  nécessité^ 
gravées  dans  l'ordre  chronologique  des  événements^ 
avec  V explication  des  faits  historiques  qui  ont  donné 
lieu  à  leur  fabrication  (Paris,  1786,  in-4,  avec  31  pL), 
ouvrage  est  suivi  de  Récréations  numismatiques. 

BiBL.  :  Templum  Metensium.  —  Dom  Mangeart,  His- 
toire de  Metz.  —  Bégin,  Biographie  de  la  Moselle. 

ENNERY  (Adolphe  d')  (V.  Dennery). 

EN  NES  (Berthold-Anders) ,  historien  suédois,  né  le 
23  oct.  1764,  mort  à  Vernamo  (Isen  de  Jœnkœping)  le 
20  mars  1841.  Après  avoir  fait  comme  officier  les  cam- 
pagnes de  Finlande  (1788-90),  de  Poméranie  (1806-1807) 
et  de  Norvège  (1808),  il  se  retira  avec  le  grade  de  major 
dans  son  domaine  de  Naesbyholm.  Là  il  se  voua  tout  entier 
à  des  recherches  archéologiques  dont  profitèrent  Liljegren, 
Brunius  et  Sjœborg,  et  à  de  sérieux  travaux  d'érudition, 
dont  il  publia  les  résultats  dans  Finheden  (Jœnkœping, 
1809)  ;  Souvenirs  biographiques  des  guerriers  et  fonc- 
tionnaires de  Charles  XII  (Stockholm,  1818-19, 2  vol.)  ; 
Notices  historiques  sur  les  anciens  régiments,  dans  Her- 
mathènè,  revue  militaire,  publiée  par  Greiff.  Bs. 

ENNET1ÈRES-en-Weppes.  Com.  du  dép.  du  Nord,  arr. 
de  Lille,  cant.  d'Haubourdin  ;  1,733  hab. 

ENNEVELIN.  Com.  du  dép.  du  Nord,  arr.  de  Lille, 
cant.  de  Pont-en-Marcq;  1,507  hab. 

ENNEZAT.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  du  Puy-de-Dôme, 
arr.  de  Riom,  1,301  hab.  Ancienne  ville  où  les  comtes 
d'Auvergne  avaient  un  château,  et  qui  paraît  avoir  été  en 
partie  reconstruit  sur  un  plan  régulier  au  xm®  siècle.  En 
1588,  elle  fut  agrégée  aux  treize  bonnes  villes  de  la  Basse- 
Auvergne.  —  La  seigneurie  fut  démembrée  au  xii^  siècle. 
Les  comtes  d'Auvergne,  Pierre  Flotte,  chancelier  de  Phi- 
lippe le  Bel,  et  sa  descendance,  le  comte  de  Randan  et  le 
maréchal  d'Effiat  furent  parmi  les  seigneurs  de  la  ville. 
Le  château  compte  parmi  les  siens  :  d'abord  les  comtes 
d'Auvergne,  puis,  de  1279  à  1789,  les  seigneurs  do  Mont- 
gascon.  Aux  environs,  était  la  motte  d'Ennezat,  tumulus 
détruit  en  1851-52.  — Ennezat  est  la  patrie  du  sculpteur 
Mombur.  L.  F. 

ENNISCORTHY.  Ville  d'Irlande,  comté  de  Wenford,  sur 
le  Slaney  qui  est  navigable  ;  5,666  hab.  Brasseries,  distil- 
leries. Prise  en  1649  par  Cromwell,  elle  fut  prise  d'assaut 
et  brûlée  en  1793  par  les  Irlandais  insurgés. 

ENN1SKILLEN.  Ville  d'Irlande,  comté  de  Fermanagh, 
dans  une  île  de  l'Erne,  entre  le  lac  Erne  supérieur  et  le  lac 
Erne  inférieur;  5,712  hab.  Deux  forts  gardent  le  passage 
de  la  rivière.  En  aval,  dans  l'île  Devenish,  sont  les  ruines 


d'une  vieille  tour  et  d'édifices  religieux  ;  en  amont,  celles 
de  l'abbaye  de  Lisgoole.  Enniskillen  a  une  fabrique  de 
toile,  des  brasseries  et  distilleries  ;  le  commerce  des  den- 
rées agricoles  y  est  assez  actif.  On  cite  son  hôtel  de  ville 
où  sont  suspendus  des  drapeaux  pris  à  la  bataille  de  la 
Boyne  et  son  école  secondaire  (Portora  school), 

ENNIUS  ((iuintus),  poète  latin,  néà  Rudies,  en  Calabre, 
l'an  229,  mort  en  169  av.  J.-C.  Pendant  la  seconde  guerre 
punique,  il  combattit  dans  les  rangs  des  peuples  alliés  avec 
Rome,  et  c'est  alors  que  Caton,  alors  questeur  du  proconsul 
Scipion  Nasica,  le  rencontra  en  Sardaigne.  Amené  à  Rome, 
il  alla  se  loger  dans  le  quartier  plébéien  de  l'Aventin,  où 
le  temple  de  Minerve  réunissait  déjà  les  poètes  en  assem- 
blées régulières.  Il  gagna  sa  vie  en  enseignant  le  grec  et 
le  latin,  et  se  lia  avec  les  Romains  des  grandes  familles, 
amis  de  la  littérature  hellénique,  entre  autres  Scipion  l'Afri- 
cain, Scipion  Nasica,  M.  Fulvius  Nobilior  qui  l'emmena 
dans  sa  cohorte  pendant  la  guerre  contre  les  Etoliens  (189); 
il  assista  ainsi  au  siège  d'Ambracie,  mais  ne  rapporta 
d'autre  butin  qu'une  chlamyde  de  pourpre.  Cinq  ans  plus 
tard,  le  fils  de  Nobilior  lui  fit  obtenir  une  petite  propriété 
parmi  les  colons  militaires  qu'il  établit  dans  le  Picenum, 
et  le  titre  de  citoyen.  Il  mourut  de  la  goutte  à  soixante- 
dix  ans  ;  sa  maladie  et  son  goût  pour  le  vin  sont  attestés 
par  lui-même  {nunquam  poetor  nisi  sim  j)odager),  et 
par  Horace  qui  dit  avec  une  manifeste  exagération  : 

Ennius  ipse  pater  nunquam  nisi  potus  ad  arma 
Prosiluit  dicenda. 

(Ep.  I,  19,  7.) 

Né  dans  un  pays  où  l'on  parlait  le  grec  et  le  latin,  sans 
compter  l'osque,  ayant  ainsi  trois  âmes,  tria  corda,  comme 
il  disait  lui-même,  il  semblait  désigné  pour  conduire  la  muse 
romaine  aux  sources  grecques.  Son  activité  littéraire  fui  pro- 
digieuse; il  n'y  a  guère  de  genres  qu'il  n'ait  abordés  ;  le  suc- 
cès de  ses  innovations  et  l'universalité  de  ses  tentatives  l'ont 
fait  considérer  comme  le  véritable  père  de  la  poésie  latine. 

Il  se  lança  naturellement,  au  théâtre,  sur  les  traces  de 
Livius  et  de  Nsevius.  Nous  connaissons  les  titres  de  vingt- 
deux  de  ses  tragédies  grecques  ;  la  moitié  environ  de  ces 
drames  sont  tirés  du  cycle  des  légendes  troyennes.  Mais  il 
traita  aussi  d'autres  sujets  ;  le  premier  il  présenta  aux  Ro- 
mains la  figure  surhumaine  de  Médée.  Parmi  les  fragments 
qui  nou^  "sont  parvenus  (400  vers  environ) ,  quelques- 
uns  nous  permettent  de  juger  qu'il  excellait  dans  l'expres- 
sion du  pathétique  et  la  peinture  des  sentiments  violents. 
Il  s'exerça  aussi  dans  le  drame  moderne  et  patriotique  ;  nous 
connaissons  de  lui  deux  tragédies  prîêtextes  :  l'une  a  pour 
matière  l'enlèvement  des  Sabines,  l'autre  la  prise  d'Am- 
bracie par  Fulvius  Nobilior.  Les  tragédies  d'Ennius  eurent 
grand  succès  ;  ainsi  son  Andromaque  captive  obtint  encore 
les  applaudissements  près  de  deux  siècles  après  sa  mort, 
lors  des  jeux  Apollinaires  de  l'an  54.  Il  réussit  moins  dans 
la  comédie  ;  nous  n'avons  que  les  titres  et  d'insignifiants 
fragments  de  deux  pièces  comiques,  Cupuncula  et  Pan- 
cratiastes. 

Malgré  le  succès  de  ses  drames,  c'est  surtout  par  la  poésie 
épique  qu'Ennius  conquit  un  rang  à  part  dans  la  littérature 
romaine.  Après  y  avoir  préludé  par  un  poème  narratif  où 
il  glorifiait  Scipion  l'Africain, en  vers  septénaires  trochaïques, 
plus  rigoureux  que  ceux  du  théâtre,  il  entreprit  sa  grande 
œuvre  nationale,  les  Annales,  appelée  encore  Romais. 
Suivant  le  plan  adopté  par  les  premiers  historiens,  ses  con- 
temporains, L.  Fabius  Pictor  et  L.  Cincius  Alimentus,  qui 
essayèrent  de  rapporter  en  grec,  dans  un  récit  sommaire, 
l'histoire  des  temps  antérieurs  depuis  l'établissement  d'Enée, 
puis  avec  plus  de  développement  l'histoire  de  leur  époque 
y  compris  la  guerre  d'Annibal,  Ennius  voulut  construire  à 
la  gloire  de  Rome  un  vaste  monument  et  rêva  de  donner  à 
la  République  son  Homère.  Il  abandonna  le  vers  saturnien 
dont  Naevius  s'était  contenté  dans  sa  Guerre  punique,  pour 
adopter  l'hexamètre  homérique,  innovation  qui,  à  cause  de 
la  nécessité  de  fixer  la  quantité  des  syllabes  longues  et 
brèves,  sauva  pour  longtemps  la  langue  latine,  menacée 


ENNIUS  -  ENNODIUS 


—  1086  - 


dès  lors  de  perdre  ses  désinences,  de  subir  ces  abréviations 
sourdes  et  ces  contractions  qui  plus  tard  revinrent  en  usage 
et  finirent  par  triompher  aux  siècles  de  la  barbarie.  Au  début 
de  son  poème,  il  raconte  qu'Homère,  dont  l'âme  revit  en 
lui  en  vertu  de  la  métempsychose,  lui  a  révélé  les  mystères 
de  la  nature,  puis  il  invoque  les  muses  de  l'Olympe,  et 
promet  à  son  œuvre,  faite  d'art  et  de  science  autant  que  de 
génie  une  eloire  immortelle.  Il  représente  le  conseil  des 
dieux' où,  mVlgré  l'opposition  de  Junon,  Jupiter  promet  a 
Mars  les  plus  glorieuses  destinées  pour  le  peuple  qui^ sortira 
de  son  sang.  Puis  viennent  les  légendes  relatives  à  l  arrivée 
d'Enée  en  Italie,  à  la  naissance  et  au  règne  de  Romulus. 
dont  la  mort  et  l'apothéose  terminaient  le  premier  hvre, 
Les  deux  livres  suivants  comprenaient  l'histoire  des  rois. 
Le  quatrième  livre  menait  le  lecteur  jusqu'à  la  prise  de 
Rome  par  les  Gaulois  ;  le  cinquième  était  consacre  a  la 
euerre  des  Samnites;  le  sixième  à  celle  de  Pyrrhus.  Au 
septième  commençait  une  nouvelle   série  d'événements; 
dissant  sur  la  première  guerre  punique,  qu'avait  célébrée 
Nœvius,  Ennius,  après  une  nouvelle  introduction,  racontait 
longuement  la  lutte  contre  Annibal.  Le  dixième,  où  finit 
la  deuxième  guerre  punique,  est  consacré  surtout  a  la  gloire 
de  Scipion,  comme  le  quinzième  chantait  encore  une  lois  e 
vainqueur  des  Etoliens,  Fulvius  Nobilior,  déjà  célèbre  dans  le 
dranie  à'Ambracie.  Dans  les  derniers  livres,  en  effet,  étaient 
racontées  les  différentes  expéditions  qui  suivirent  la  défaite 
de  Carthage;  le  dix-huitième  et  dernier  s'arrêtait  al  anlTi. 
Ennius  suivait  donc  l'accroissement  de  la  puissance  romaine 
jusqu'à  son  temps.  Il  paraît  avoir  divisé  son  vaste  ouvrage 
en  triades,  ou  2;roupes  de  trois  livres.  Dans  les  derniers, 
les  souvenirs  pe'rsonnels  occupent  une  grande  place  et  les 
récits  qui  'se  succèdent  glorifient  divers  personnages  con- 
temporains. C'est  ainsi  qu'Ennius  est  devenu  l'Homère  du 
peuple  romain  et  des  familles  romaines,  témoignant  sa  gra- 
titude pour  l'adoption  dont  il  était  fier.  Son  œuvre  com- 
prenait environ  trois  mille  vers  dont  six  cents  à  peine  nous 
sont  parvenus,  mais  suffisent  à  nous  donner  une  idée  de 
la  variété  des  couleurs,  de  la  vigueur  des  traits,  de  la  viva- 
cité des  détails  qui  caractérisaient  ses  tableaux.  H  donne 
aux  Romains  l'exemple  d'une  phrase  sonore,  vigoureusement 
enchaînée.  Si  ses  vers  gardent  encore  une  inévitable  rudesse, 
ou  quelquefois  des  hardiesses  bizarres  et  des  formes  suran- 
nées, ses  successeurs,  à  qui  il  ne  restera  qu'à  polir  et  a 
perfectionner,  trouveront  déjà  chez  lui  d'admirables  modèles 
de  style  et  de  versification.  Les  Annales  eurent  un  succès 
immense.  Peu  après  sa  mort,  L.  Vargunleius  les  lisait  régu- 
lièrement à  certains  jours  fixés  devant  un  public  nombreux; 
elles  furent  commentées  par  M.  Antonius  Gniphon,le  maître 
de  Jules  César,  et  par  M.  Pompilius  Andronicus  ;  louées  avec 
enthousiasme  par  Lucrèce,  Cicéron,  Vitruve.  Ce  n  est  que 
lentement  que  V Enéide  les  a  réléguées  au  second  plan  ;  si 
Horace  et  Ovide  sont  frappés  surtout  de  leurs  imperfections, 
elles  excitent  encore  le  respect  de  Quintilien  (X,  I)  et  1  ad- 
miration d'Adrien  qui  préfère  Ennius  à  Virgile  ;    Aulu- 
Gelle  nous  parle  d'ennianistes  qui,  semblables  aux  rapsodes, 
récitaient  des  morceaux  des  Annales  dans  les  théâtres  [Nuits 
ait,,  XVni,  5)  ;  mais  aucun  témoignage  n'a  l'importance 
des  emprunts  nombreux  que  lui  a  faits  Virgile.  Ennius  avait 
encore  écrit  entre  autres  ouvrages  :  l*^  plusieurs  hvres  de 
satires,  c.-à-d.  de  poèmes  sur  des  sujets  très  varies  en  mètres 
divers,  iarabiques  et  trochaïques  ;  le  troisième  comprenait 
probablement  le  poème  sur  Scipion  dont  nous  avons  parle  ; 
^2°  un  poème  intitulé  Epicharme,  où  le  poète  sicilien  exposait 
les  principes  de  la  philosophie  pythagoricienne  en  tétramètres 
trochaïques  ;  3«  une  traduction  en  prose  de  l'histoire  sacrée 
à'Evhémère  (V.  ce  mot)  ;  nous  en  possédons,  pour  le  fond 
au  moins,  quelques  passages  cités  ou  plutôt  paraphrases 
par  Lactance  ;  4«  à  la  littérature  philosophique  se  rattache 
encore  un  recueil  de  maximes  sous  le  titre  de  Proteptica 
(et  en  latin  prœcepta)  ;  un  fragment  que  nous  possédons 
renterme  un  conseil  pour  les  agriculteurs,  à  moins  qu  il  ne 
faille  le  prendre  au  figuré;  5«  quelques  fragments  insi- 
gnifiants appartiennent  à  un  ouvrage  licencieux  traduit  du 


grec  et  intitulé  Sota;  6^  onze  hexamètres,  où  sont  décrits 
les  parages  habités  par  les  poissons  divers,  sont  tirés  de 
Vlledijphagetica  imité  de  Vrfi^Ki^iicc  d'Archestrate,  et  qui 
faisait  peut-être  partie  des  Satires,  ainsi  que  la  fable  de 
V Alouetteavec  ses  petits  dont  Aulu-Gelle  nous  a  conservé 
une  paraphrase  en  prose  [Mits  att.,  II,  29),  et  différents 
frao-ments  ;  7^  enfin  il  a  été  le  premier  Romain  qui  se  soit 
essayé  dans  le  distique  élégiaque  ;  par  exemple  dans  deux 
épigrammes  ou  elogia  sur  Scipion,  et  l'épitaphe  qu'il  a 
composée  lui-même. 

Nemo  me  dacrumis  decoret  nec  funera  fîetu 
Faxit.  Cur?  Volito  vivo'  per  ora  vivum. 

Parmi  les  nombreux  poètes  qui  se  sont  comme  lui  promis 
l'immortalité,  il  n'y  en  a  point  qui  aient  eu  plus  de  titres 
qu'Ennius.  Ses  livres  ont  subsisté  longtemps,  et  les  débris 
qui  en  ont  été  sauvés  nous  inspirent  le  même  respect  que 
les  chênes  antiques  auxquels  le  compare  Quintilien.  Les  frag- 
ments transmis  par  les  littérateurs  et  les  grammairiens 
ont  été  recueillis  en  4o98  par  H.  Columna(éd.  deNaples). 
Cinq  ans  après, P.  Merula  publia  à  Liège  un  texte  des  An- 
nales, malheureusement  enrichi  de  fragments  apocryphes, 
faussement  et  sciemment  attribués  par  lui  à  Ennius  et  à 
d'autres  vieux  poètes  ;  il  a  servi  de  base  à  l'édition  d'E. 
Span'yenbergius  (4825);  les  éditions  modernes  sont  celle 
de  J.\ahlen  (Leipzig,  1834)  et  celle  de  L.  Muller  (Saint- 
Pétersbourg,  4883).  A.  Waltz. 

BiBL.  :  Outre  les  textes  cités  plus  haut,  on  peut  con- 
sulter :  Patin,  Etudes  sur  la  poésie  latine.  —  W.  Ieuf- 
FEL,  Histoire  de  la  littérature  romaine.  —  0.  Ribbeck, 
Histoire  de  la  poésie  latine,  trad.  de  E.  Droz  et  A.  Kontz  ; 
Paris,  1891.  —  L.  Muller,  Q.  Ennius,  Eine  Einleitung  in 
das  Stud.  d.  rôm.  Poésie  ;  Pétersbourg,  1884. 

ENNODIUS  (Magniis  Félix  Ennodius),  évêque  de 
Pavie,  né  en  474,  mort  en  321.  Rhéteur  et  évêque,  pro- 
sateur et  poète,  c'est  un  des  hommes  qui  représentent  le 
mieux  la  vie  et  la  littérature  du  iv«  et  du  v«  siècle,  à  la 
fois  chrétienne  et  païenne.  Né  dans  le  S.  de  la  Gaule, 
probablement  à  Aries,  il  appartenait  à  une  famille  noble, 
alliée  à  des  personnages  tels  que  Faustus  et  Boèce;  En- 
nodius, proconsul  d'Afrique  entre  408  et  421,  était  peut- 
être  son  grand-père.  Venu  très  jeune  en  Ligurie,  il  avait 
dû  être  élevé  à  Pavie  ;  quoique  chrétien,  il  reçut  une  édu- 
cation presque  exclusivement  païenne.  Accueilli  après  la 
mort  de  ses  parents  dans  la  famille  de  sa  fiancée,  qu'il  ne 
paraît  pas  d'ailleurs  avoir  épousée,  il  y  vécut  quelque 
temps  dans  l'opulence,  puis  ruiné,  on  ne  sait  pour  quelle 
cause,  il  entra  presque  maigre  lui  dans  l'Eglise,  avant  494. 
Il  passa,  vers  496,  de  Pavie  à  Milan,  sous  l'évêque  Lau- 
rentius,  son  parent  et  son  protecteur,  et  fut  ordonné  diacre 
entre  499  et  302.  Son  éducation  soignée,  son  talent  ora- 
toire le  mirent  en  relief;  il  fit  de  nombreux  voyages  à 
Ravenne,  à  Rome,  en  Gaule,  continua  d'autre  part  à  ensei- 
gner la  rhétorique  à  un  certain  nombre  d'élèves.  Il  joua 
un  certain  rôle  dans  le  schisme  de  498  et  dans  la  longue 
lutte  qu'il  amena  entre  les  deux  papes  Symmaque  et  Lau- 
rentius.  C'est  lui  qui  fut  chargé,  en  303,  d'écrire  le  Liber 
apologeticus  contre  ceux  qui  attaquaient  les  décisions 
prises  par  le  svnode  romain  de  302  en  faveur  du  pape 
Symmaque;  le'^synode  de  303  approuva  l'écrit  d'Ennodius 
qui  était  fort  habile  et  le  fit  insérer  dans  les  actes.  On 
peut  encore  rattacher  à  ce  schisme,  outre  de  nombreuses 
lettres,  plusieurs  traités  d'Ennodius,  entre  autres  un  pané- 
gyrique de  l'évêque  de  Milan  Laurentius,  six  lejtres  à 
Févêque  schismatique  d'Aquilée  et  une  lettre  (n«  338)  qui 
est  une  première  esquisse  du  panégyrique  de  Théodoric. 
Ce  panégvrique  fut  écrit  quelque  temps  après,  vers  oOT, 
ainsi  que"  la  vie  d'Epiphane  de  Pavie.  Ennodius,  après 
avoir  été  très  gravement  malade  vers  311,  fut  consacré 
évêque  de  Pavie  vers  313.  Il  jouissait  alors  d'une  grande 
autorité  dans  l'Eglise  et  aussi  auprès  de  Théodoric,  puis- 
qu'il fut  deux  fois,  en  313  et  317,  le  chef  de  l'ambassade 
envoyée  par  le  pape  Hormisdas  IH,  à  l'instigation  de  Théo- 
doric, à  l'empereur  Anastase.  Il  y  a  encore  son  épitaphe  a 
Pavie,  dans  la  basilique  de  Saint-Michel  {Corp.  inscr. 


—  1087  — 


ENNODIUS  —  ENNUI 


lat,,  V,  2,  n°  6664).  Ennodius  a  laissé  des  œuvres  en 
vers  et  en  prose.  Ses  poésies  sont  la  partie  la  moins 
importante.  On  les  a  divisées  en  deux  livres  ;  le  premier 
comprend  neuf  poèmes,  en  mètres  variés,  distiques,  hexa- 
mètres, strophes   saphiques,  vers  adoniques,    et  douze 
hymnes  en  iambiques  dimètres.   Ces  poèmes  offrent  les 
sujets  les  plus  divers  :  épithalames,  panégyriques,  descrip- 
tions ;  le  style  en  est  généralement  boursouflé  ;  il  y  a 
peu  d'inspiration.  Le  deuxième  livre  comprend  151  épi- 
grammes  sur  les  sujets  les  plus  divers,  soit  religieux,  soit 
profanes,  des  épitaphes  chrétiennes,  des  poèmes  sur  des 
monuments  ecclésiastiques,  des  églises,  des  baptistères,  des 
morceaux  adressés  à  des  évêques,  à  des  saints,  des  épi- 
grammes,  imitées  de  Martial,  contre  des  débauchés,  des 
eunuques  ;  de  petites  satires,  des  descriptions  de  paysages, 
des  pièces  sur  les  amours  de  Pasiphaé.  Les  œuvres  en 
prose  d'Ennodius  ont  beaucoup  plus  de  valeur  que  ses  vers. 
Elles  comprennent  d'abord  vingt-huit  dictiones^  sortes  de 
sermons  ;  huit  roulent  sur  les  matières  religieuses,  par 
exemple  le  discours   sur   l'anniversaire  de  Laurentius, 
évêque  de  Milan,  les  deux  sermons  sur  la  dédicace  d'une 
basilique,  le  sermon  de  début  d'un  évêque,  le  sermon  sur 
l'hérésie  des  Eglises  d'Orient  ;  sept  autres  traitent  de  ma- 
tières profanes,  par  exemple  le  discours  sur  la  translation 
d'une  salle  des  cours,  d'un  auditorium  à  Rome,  les  dis- 
cours à  des  jeunes  gens  qui  commencent  leurs  études  ;  on 
peut  ranger  parmi  ces  dernières  pièces  celle  qu'on  appelle 
généralement  hparœnesis  didascalica  ad  Ambrosium  et 
Beatum,  écrite  en  prose  et  en  vers  et  qui  a  une  importance 
historique  considérable;  c'est  une  sorte  de  guide  pour 
l'éducation  de  la  jeunesse.  Ennodius  recommande  la  gram- 
maire, qui  prépare  à  la  rhétorique,  laquelle  est  la  mère 
de  toutes  les  sciences,  et  finit  en  énumérant  les  principaux 
rhéteurs  de  Rome.  Les  autres  dictiones  sont,  soit  des  dis- 
cours mis  dans  la  bouche  de  personnages  historiques  ou 
mythologiques,  soit  des  controverses  dont  presque  tous  les 
sujets  sont  empruntés  aux  Controverses  de  Sénèque  le 
père  ou  aux  Déclamations  attribuées  à  Quintihen  et  à  Cal- 
purnius  Flaccus.  Viennent  ensuite  neuf  Hvres  de  lettres; 
elles  ont  beaucoup  moins  d'intérêt  que  celles  de  Sidoine 
Apollinaire  ;    cependant  elles    fournissent  de   nombreux 
détails  historiques.  Mais  les  œuvres  les  plus  importantes 
d'Ennodius   sont,    pour  sa  biographie  personnelle,  une 
espèce  de  confession  à  laquelle  Sirmond  a  donné  le  nom 
dEuctiaristicum  de  vita  sua,  et  pour  l'histoire  de  son 
temps,  le  panégyrique  de  Théodoric,  le  libelle  apologétique 
pour  le  synode  et  la  vie  d'Epiphane,  évêque  de  Pavie.  Le 
panégyrique  de  Théodoric  est  un  document  de  premier 
ordre  qui  complète  les  Varice,  de  Cassiodore,  et  prouve 
l'union  temporaire  du  clergé  italien  et  des  Ostrogoths.  La 
vie  d'Epiphane  est  une  source  capitale  pour  l'histoire  des 
derniers  empereurs,  d'Euric,  roi  des  Visigoths,  et  d'Odoacre. 
La  biographie  d'Antoine,  moine  de  Lérins,  n'est  qu'un 
panégyrique  presque  vide  de  faits.  Ses  écrits  ont  été  publiés 
bien  des  fois  partiellement  ;  les  éditions  collectives  de  ses 
œuvres  ont  été  données  par  Sirmond  (Paris,  1611,  in-8), 
par  Hartel,  dans  le  Corpus  script,  eccles.,  t.  Yl  (Vienne, 
1882),  et  par  Vogel,  dans  les  Monumenta  Germanice 
historica  (Berlin,  1885).  A.  Lécrivain. 

BiBL.  :  Fertig,  Magnus  Félix  Ennodius  und  seine  Zeit  ; 
Passau,  1855.  -- Ebert,  Allgemeine  Geschichte  der  Lite- 
ratur  des  Mittelalters  im  Abendlande  ;  Leipzig,  1890. 

EN  NOM.  Plus  exactement  Guê-Hinnom,  vallée  de  Hin- 
nom  ou  vallée  des  fils  de  Hinnom,  ravin  qui  borne  Jéru- 
salem au  S.  La  présence  en  ce  lieu  d'un  sanctuaire  dédié 
à  Moloch,  fit  de  cette  vallée  le  synonyme  de  lieu  maudit, 
et,  par  corruption,  le  nom  hébreu  gué-hinnora  a  donné 
naissance  au  grec  yssvva  et  au  français  géhenne. 

ENNORDRES.  Com.  du  dép.  du  Cher,  arr.  de  Sancerre, 
cant.  de  La  Chapelle-d'Angillon  ;  796  hab. 

ENNS.  Rivière  d'Autriche,  affluent  de  droite  du  Danube, 
torrent  violent  qui  naît  dans  la  prov.  de  Salzbourg,  au  N. 
des  Radstsedter  Tauern,    coule  au  N.,  arrose  Radstadt 


(806  m.  d'alt.),  puis  s'infiéchit  à  l'E.  et  traverse  la  partie 
septentrionale  de  la  Styrie,  où  elle  baigne  Haus,  Steinach, 
Liezen.  Après  des  rapides,  l'Enns  s'engage  dans  un  défilé 
étroit  où  il  descend  245  m.  en  15  kil.;  il  se  grossit 
ensuite  de  l'Erzbach,  tourne  au  N.  et  franchit  la  barrière  de 
la  chaîne  calcaire  septentrionale  ;  elle  reçoit  encore  la  Salza 
à  droite  et  le  Steyer  à  gauche,  arrose  Steyer  et  débouche 
dans  la  plaine  pour  se  jeter  dans  le  Danube  en  aval  de  la 
ville  d'Enns.  Depuis  fort  longtemps  son  cours  inférieur 
sépare  l'ancien  archiduché  d'Autriche  en  deux  parties, 
sépare  la  Haute- Autriche,  ou  pays  au-dessus  de  l'Enns,  la 
Rasse-Autriche  ou  pays  au  delà  de  l'Enns. 

ENNS.  Ville  d'Autriche,  prov.  de  la  Haute-Autriche,  sur 
l'Enns;  4,438  hab.  La  vieille  ville  est  petite,  entre  ses  cinq 
faubourgs,  mais  pittoresque  avec  sa  grande  place  centrale, 
au  centre  de  laquelle  s'élève  la  tour  du  Guet,  bâtie  en 
1565,  son  église  gothique  dont  on  admire  le  portail,  son 
hôtel  de  ville.  Ses  remparts  datent  du  xn®  siècle  et  furent 
construits  avec  l'argent  payé  pour  la  rançon  de  Richard 
Cœur  de  Lion.  Le  château  d'E?i/is^^^  (aux  comtes  d'Auers- 
perg)  domine  la  ville.  Il  renferme  une  collection  d'anti- 
quités romaines.  Enns  a  remplacé  la  cité  romaine  de  Lau- 
reacum  où  il  y  eut  des  chrétiens  dès  le  ni"^  siècle  ;  saint 
Elorian  y  fut,  dit-on,  martyrisé  par  les  Romains.  En  900, 
les  Ravarois,  à  la  place  du  camp  romain,  bâtirent  une  for- 
teresse pour  tenir  en  respect  les  Hongrois  et  l'appelèrent 
A7iasi  ou  Anesburg^  d'où  dériva  le  nom  d'Ennsburg.  La 
ville  grandit  sous  les  comtes  de  Steyer  (de  la  maison  de 
Traungau),  margraves  et  ducs  de  Styrie.  C'est  à  Enns  que 
fut  conclu  en  1186  un  traité  fameux,  par  lequel  Léopoldll 
d'Autriche  se  vit  assurer  l'héritage  d'Ottokar  VI,  dernier 
prince  de  la  maison  de  Traungau.  En  1212,  Léopold  donna 
une  charte  urbaine  à  Enns.  Dévastée  par  les  Hongrois,  elle 
se  donna  en  1275  à  Rodolphe  de  Habsbourg.  Elle  a  été 
prise  par  les  Français  en  1741,  et  le  5  nov.  1805  ils  y 
ont  battu  les  Autrichiens. 

ENNUI  (Psych.).  L'ennui  est  un  sentiment  de  tristesse 
inquiète  et  confuse  qui  provient  d'un  sentiment  de  lassitude 
et  d'impuissance.  Ainsi  l'ennui  accompagne  d'ordinaire  la 
faiblesse.  Il  est  commun  dans  les  maladies  de  langueur  ;  il 
est  fréquent  dans  la  chlorose  et  dans  l'anémie.  Mais  il  peut 
naître  aussi  de  causes  presque  exclusivement  psycholo- 
giques. Cela  arrive  toutes  les  fois  que  les  désirs  sont  exaltés 
au  point  de  ne  pouvoir  être  satisfaits.  L'âme  alors  prend 
conscience  de  sa  faiblesse  et  retombe  sur  elle-même, 
ennuyée.  Presque  toujours  après  avoir  joui  d'un  plaisir, 
l'âme  qui  réfléchit  s'étonne  de  le  sentir  si  vide  et  si  peu  pro- 
portionné à  son  espérance,  et  cela  l'ennuie.  C'est  l'ennui 
que  chantait  Lucrèce  dans  les  vers  fameux  : 

Medio  de  fonte  leporum 

Surgit  amari  aliquid. 

Quand  cette  disproportion  entre  l'espérance  et  la  réalité, 
entre  le  plaisir  qu'on  se  promet  et  celui  qu'on  éprouve  a 
été  maintes  fois  constatée,  il  arrive  alors  que  l'âme  érige 
cette  disproportion  en  loi  et  que  cette  loi  l'accable,  lui 
enlève  tout  ressort  pour  l'action.  A  ce  moment  l'ennui  est 
à  son  comble  :  il  devient  l'état  constant  de  l'esprit.  C'est 
l'état  de  Tantale  qui,  de  guerre  lasse,  a  renoncé  à  pour- 
suivre les  fruits  décevants  et  les  eaux  trompeuses,  et  s'est 
assis  impuissant.  C'est  l'état  d'esprit  de  René  si  bien  ana- 
lysé par  Chateaubriand.  C'est  l'état  dont  Chateaubriand 
lui-même  offrit  durant  sa  vie  le  triste  exemplaire.  Cet  état 
vient  donc  surtout  de  ce  que  l'on  a  placé  le  bonheur  dans 
la  satisfaction  du  désir  sensible  ;  la  profession  d'épicuréisme 
engendre  l'ennui.  Le  remède  consiste  d'abord  à  croire  que  le 
véritable  bonheur  réside  dans  la  paix  de  la  conscience,  dans 
l'accomplissement  du  devoir.  Le  devoir  ne  demande  que  la 
bonne  volonté.  Nous  pouvons  donc  toujours  l'accomplir;  il 
ne  fuira  pas  hors  de  nos  prises.  Par  suite,  si  nous  le  vou- 
lons, notre  eff'ort  ne  peut  nous  donner  le  sentiment  de 
notre  impuissance,  puisque  notre  faiblesse  est  vaincue  par 
notre  effort  même.  Et  ce  souci  du  devoir,  cet  effort  tout 
intérieur  pour  faire  ce  qui  est  dû  ou  pour  nous  résigner 


ENNUI  —  ENQUÊTE  —  l^^^  — 

à  ne  rien  faire  si  les  forces  physiques  nous  manquent,  suf- 
fisent à  donner  la  paix  intérieure  même  aux  malades  et  à 
dissiper  leur  ennui.  — Dans  l'éducation,  l'ennui  est  un  fléau. 
Comme  il  naît  toujours  de  la  torpeur  et  de  l'oisiveté,  le 
remède  en  est  dans  les  méthodes  qui  vivifient,  et  qui,  en 
classe    à  l'étude,  au  jeu,  rendent  l'élève  essentiellement 

actif.  '  ^'  FoNSEGRiVE. 

ENNUYE.  Rivière  de  France  (V.  Drôme  [Dép.  de  la], 
t.  XIV,  p.  1122). 

ENOCH  (Louis),  humaniste  français,  né  à  Issoudun, 
mort  vers  1370.11  vint  à  Genève  en  1550,  appelé  par  Cal- 
vin pour  professer  au  collège.  Il  fut  reçu  bourgeois  en 
1536  ministre  l'année  suivante,  et  en  1563  recteur  de 
l'Académie  après  Théodore  de  Bèze.  Trois  ans  après,  il 
retourna  dans  sa  ville  natale  et  accepta  le  poste  d'aumônier 
de  la  fille  de  Louis  XII,  Renée  de  France,  qui  avait  em- 
brassé le  protestantisme.  Enoch  était  un  homme  «  docte  es 
langues  »  et  il  a  laissé  plusieurs  ouvrages  relatifs  à  l'étude 
du  grec  et  du  latin.  1^- ^• 

ENOCH  (Pierre),  sieur  de  La  Meschinerie,  poète  gene- 
vois, fils  du  précédent,  mort  en  1590.  On  cite  de  lui  trois 
recueils  inspirés  par  un  amour  malheureux  :  Opuscules 
poétiques  (1572),  la  Céocyre  et  les  Tableaux  de  la  vie 
et  de  la  mort,  collection  de  cinq  cents  quatrains  sur  les 
misères  de  la  nature  humaine  et  dont  le  titre  seul  a  été  con- 

E.  K. 

serve. 

EN  ON.  Bourg  de  la  colonie  du  Cap,  district  d'Alexan- 
dria,  sur  un  aftluent  du  Sonday,  au  versant  méridional  du 
Zuurbero-,  dans  une  région  couverte  de  bois,  où  l'on  trouve 
des  éléphants  et  des  buffles  ;  station  de  missionnaires. 

EN  0  P  Ll  D  ES  (Zool. ) .  Famille  de  petits  Nématodes  marins 
non  parasites,  vivant  dans  la  vase,  sous  les  pierres,  parmi 
les  AWues,  au  voisinage  immédiat  des  côtes  ;  un  petit 
nombre  d'espèces  habitent  les  eaux  douces.  Ils  ont  fréquem- 
ment des  yeux,  une  armature  buccale,  des  glandes  caudales 
et  une  ventouse  caudale  ;  leur  œsophage  n'a  point  de  ren- 
flement postérieur.  Chez  nombre  d'espèces,  l'appareil  géni- 
tal mâle  est  symétrique  ;  on  peut  observer  aussi  des  soies 
et  des  papilles  autour  de  la  bouche.  Ce  groupe  comprend  une 
vingtaine  de  genres  distincts,  dont  nous  nous  bornerons  à 
énumérer  les  principaux  :  ^  .     ,.     .o,-  , 

1°  Dorylairnus  (V.  ce  mot)  Dujardm,  184o,  comprend 
environ  60  espèces.  Aux  Indes,  D.  palustris  Carter  vit  dans 
l'eau  saumâtre  et  a  été  considéré  comme  étant  l'état  jeune 
delà  Filaire  de  Médine  (V.  Dracontiase).  En  Europe,  D. 
staqnalis  vit  dans  la  vase  des  eaux  douces.  —  2«  Tripyla 
Bastian,  1865,  et  Trilobus  B.,  chacun  avec  6  ou  7  es- 
pèces ;  Monohystera  Bastian,  avec  une  trentaine  d'espèces, 
sont  voisins  du  premier.  —  3^^  Enchelidium  (V.  ce  mot). 
_  4«  Enoplus  Dujardin,  1845  (nec  Reiche,  1859),  avec 
25  espèces.  La  cavité  buccale  est  indistincte  et  est  entourée 
de  trois  dents  en  forme  de  mâchoires  ;  le  mâle  a  deux  spi- 
cules  avec  deux  pièces  accessoires  postérieures.  En.  tri- 
dentatus  Dujardin  vit  dans  l'Océan,  la  Méditerranée, 
l'étano  de  Thau  ;  En.  rivalis  vit  dans  les  rivières  et  les 
fontaines.  —  5°  Symplocostoma  Bastian,  1865,  avec  6  es- 
pèces. —  6*  Oncholaimus  Duidivàln,  avec  15  espèces.  La 
cavité  buccale  est  large,  armée  de  trois  dents  et  souvent 
entourée  de  papilles  ;  l'utérus  est  parfois  asymétrique  ;  les 
spicules  ont  ou  non  une  pièce  accessoire.  Une  espèce  par- 
ticulière, 0.  echini  Leydig,  a  été  trouvée  dans  Fintestin 
d'un  Oursin  (Echinus  esculentus).  —  7«  Odontobius 
Roussel,  avec  3  espèces.  — Citons  encore  les  genres  i^z^f- 
coma  Bastian  (10  esp.),  Cijatholaimm  (13  esp.),  Chro- 
madorai^O  esp.),  Diplogaster  (16  esp.)  et  Mononchus 
(10  esp.).  Ces  Vers  ont  été  spécialement  étudiés  par  Dujar- 
din et  Marion  en  France,  Bastian  en  Angleterre,  Butschli 
en  Allemagne,  de  Man  en  Hollande  et  en  France.  R.  Bl. 
BiBL  •  Pour  les  publications  les  plus  récentes,  Voir 
J-G  DE  Man,  dans  Mémoires  de  la  Soc.  Zoologique  de 
France,  1888-1890, 1-tlI. 

ENOPLOPS   (Enoplops  Km.-^er\.)   (Entom.).  Genre 
d'Hémiptères-Hétéroptères,  de  la  famille  des   Goréides, 


voisin  des  Syromastes  (V.  ce  mot),  dont  il  diffère  sur- 
tout par  i'épistome  libre,  avancé  en  pointe  entre  les  joues. 
L'espèce  type,  E.  scapha  Fabr.,  est  longue  de  13  à 
15  millim.,  jaunâtre  en  dessous,  d'un  brun  noirâtre  en  des- 
sus, avec  le  deuxième  article  des  antennes  et  la  majeure 
partie  du  troisième  rougeâtres.  On  la  trouve  dans  une 
grande  partie  de  la  France,  surtout  dans  le  Midi,  sur  di- 
verses plantes.  C'est  la  Punaise  à  ailerons  de  Geoffroy. 
EN  OS  (autrefois  /Enos).  Ville  de  la  Turquie  d'Europe, 
vilayet  d'Andrinople  (Roumélie),  chef-lieu  de  district,  au 
bord  de  la  mer  Egée,  sur  le  bras  oriental  du  delta  de  la 
Marilza;  8,000  hab.,  en  grande  majorité  de  race  grecque. 
Son  port  est  ensablé  et  fréquenté  seulement  par  des  cabo- 
teurs ;  celui  de  la  vieille  cité  à'Mms  est  transformé  en 
lagune  (lac  d'Embodismeni).  Les  Inavires  mouillent  au 
large  dans  une  baie  peu  sûre.  Le  commerce  de  blés,  de 
laines,  de  coton,  de  safran,  de  cuir,  de  cire  qu'on  apporte 
par  le  fleuve  est  encore  actif.  La  fièvre  rend  le  séjour  de 
la  ville  assez  insalubre.  La  citadelle  byzantine  occupe  l'an- 
cienne acropole  ;  à  15  kil.  au  N.  sont  les  ruines  de  Tra- 
janopolis. 

ENO-SIMA  ou  YENO-SIMA.  Petite  île  de  lacôteorien- 
tale  de  Nippon,  province  de  Sagami,  dans  la  baie  du  même 
nom,  dépendance  elle-même  du  grand  golfe  où  est  situé 
Yokohama,  près  de  Kamakoura.  Lieu  de  pèlerinage  célèbre, 
site  fameux  par  sa  beauté,  en  vue  de  la  célèbre  montagne 
Fousi-yama. 

ENOTAEVSK.  Ville  de  Russie,  ch.-l.   de  district  du 
gouvernement  d'Astrakhan,  située  sur  la  Volga;  2,510hab. 
ENOVESI.  Lac  de  Finlande  (Russie),  prov.  de  Saint- 
Michel;  3,600  kil.  q. 

ENQUERRE(A)  (Blas.).  Terme  dont  on  se  sert  pour 
désigner  un  blason  qui  n'est  pas  composé  selon  les  règles 
héraldiques  et  particulièrement  lorsqu'il  contient  soit  une 
figure  bleue  sur  un  fond  rouge,  ou  d'or  sur  un  fond  d'ar- 
gent, c.-à-d.  émail  sur  émail  ou  métal  sur  métal  ;  comme 
il  peut  se  faire  que  cette  irrégularité  soit  volontaire,  on 
dit  que  ce  blason  est  à  enquerre,  parce  qu'il  y  a  lieu  de 
s'enquérir  du  motif;  ce  fut  ainsi  que  la  ville  de  Jérusalem 
reçut  pour  armoiries  d'argent,  à  la  croix  potencée  d'or, 
cantonnée  de  quatre  croisettes  aussi  d'or,  de  façon 
que,  frappé  par  ce  mélange  d'or  et  d'argent,  le  chercheur 
s'enquît  du  pourquoi  et  apprit  de  la  sorte  l'éclat  et  la 
difficulté  de  la  conquête  de  Jérusalem.  G.  G. 

ENQUÊTE.  I.  Jurisprudence.  —  L'enquête  est  une 
procédure  d'instruction  qui  a  pour  objet  l'audition  des 
témoins.  Aussi  se  retrouve-t-elle  dans  toutes  les  législations 
où  la  preuve  testimoniale  est  admise.  Mais  les  lois  de  la 
procédure  variant  souvent  suivant  l'esprit  et  les  mœurs  d'un 
pays  ou  d'une  époque,  il  ne  faut  pas  s'étonner  que  les  formes 
de  la  procédure  d'enquête  soient  parfois  très  diverses.  Ainsi, 
à  l'époque  franque,  cette  procédure  était  essentiellement 
formaliste,  et  elle  a  conservé  ce  caractère  dans  les  justices 
laïques  de  l'époque  féodale.  Les  solennités  de  ces  procé- 
dures étaient  si  compliquées  qu'on  permettait  à  un  pro- 
locuteur, homme  de  loi  au  courant  des  pratiques  judi- 
ciaires, déparier  à  la  place  du  témoin.  L'enquête  se  divisait 
en  deux  parties  :  la  première  était  consacrée  à  la  déposi- 
tion (dire  la  garantie),  la  seconde  au  serment  (jurer  la 
garantie).  La  déposition  devait  exactement  concorder  avec 
Fes  termes  dans  lesquels  le  témoignage  avait  été  offert. 
Cette  déposition  du  témoin  aurait  été  nulle  si  la  concor- 
dance avait  fait  défaut,  et  c'est  précisément  pour  évi- 
ter ces  chances  de  nullité  qu'on  avait  imaginé  de  faire 
parler  un  prolocuteur  à  la  place  du  témoin.  Pour  se 
rendre  compte  du  formaUsme  de  ce  temps,  il  suffit  de 
prendre  comme  exemple  le  système  de  procédure  organisé 
dans  l'ancienne  coutume  d'Amiens.  Le  plaideur  qui  pro- 
duisait un  témoin  devait  le  tenir  par  le  pan  de  son  vête- 
ment et  le  prolocuteur  en  faisait  autant.  Celui-ci  prenait 
ensuite  la  parole  et  reproduisait  scrupuleusement  tous 
les  mots  de  la  demande  ;  le  témoin  attestait  de  la  sin- 
cérité de  cette  déclaration  et  s'off'rait  à  en  prouver  par 


1089 


ENQUÊTE 


serment  l'exactitude,  en  posant  la  main  sur  les  Saintes 
Ecritures.  Le  prolocuteur  se  trompait  moins  facilement 
que  le  témoin  par  cela  même  qu'il  avait  l'habitude  des 
pratiques  judiciaires.  D'un  autre  côté,  les  vices  de  forme 
commis  par  le  prolocuteur  pouvaient  être  réparés  au 
moyen  d'une  procédure  spéciale  connue  sous  le  nom 
(V amendement,  tandis  que  les  paroles  prononcées  par  le 
témoin  étaient  immédiatement  irrévocables. 

Bien  différente  était  la  procédure  de  l'enquête  dans  les 
justices  ecclésiastiques  :  on  évitait  tout  formalisme  inutile 
et  dangereux,  mais  on  avait  le  tort  de  faire  l'enquête  en 
secret  et  par  écrit.  La  partie  devait  avant  tout  demander 
l'enquête  au  juge  et  lui  faire  connaître  les  faits  sur  les- 
quels les  témoins  seraient  appelés  à  déposer.  Il  ne  pouvait 
pas  être  d'ailleurs  question  d'enquête  avant  la  contestation 
en  cause,  car  le  défaut  de  l'une  des  parties  avant  ce  mo- 
ment aurait  dispensé  l'autre  de  toute  preuve.  L'enquête 
à  futur,  c.-à-d.  en  vue  d'un  procès  à  naître,  était  permise, 
sans  condition  de  la  part  du  défendeur  ;  de  la  part  du 
demandeur,  à  la  condition  qu'il  se  trouvât  dans  l'impossi- 
bilité actuelle  d'agir.  D'ailleurs  cette  enquête  à  futur  était 
faite  sans  observation  des  formalités  ordinaires,  en  l'ab- 
sence et  à  l'insu  de  l'adversaire;  seulement,  si  elle  avait  été 
ordonnée  au  profit  de  celui  qui  aurait  été  demandeur  au 
procès,  ce  dernier  devait,  dans  l'année,  la  dénoncer  à  son 
adversaire  ou  intenter  son  action,  sous  peine  d'être  déchu 
du  droit  d'invoquer  les  témoignages.   Lorsqu'une   partie 
avait  demandé  une  enquête  à  un  juge  d'Eglise,   celui-ci 
décidait  quels  témoins  seraient  entendus,  sur  quels  faits, 
dans  quels  délais  à  partir  du  jour  où  la  partie  adverse 
aurait  reçu  communication  de  la  demande.  Nul  ne  pouvait 
se  dispenser  de  comparaître  comme  témoin,  à  la  différence 
de  ce  qui  avait  lieu  dans  la  procédure  féodale.  Cette  diffé- 
rence s'explique  facilement  :  dans  la  procédure  féodale,  la 
déposition  d'un  témoin  pouvait  le  conduire  à  un  combat 
judiciaire  pour  défendre  son  témoignage,  et  on  comprend 
dès  lors  que  toute  personne  eût  le  droit  de  refuser  ce  rôle  ; 
mais,  dans  la  procédure  canonique,  tout  ce  qu'on  demandait 
à  un  témoin,  c'était  de  dire  la  vérité  sous  la  foi  du  ser- 
ment. D'ailleurs,  un  grand  nombre  de  personnes   étaient 
incapables  d'être  témoins.  En  outre,  l'adversaire  avait  le 
droit  de  reprocher  les  témoins  assignés  par  l'autre  partie 
pour  certaines  causes  déterminées,  par  exemple  en  cas  d'ini- 
mitié avec  un  témoin,  si  celui-ci  était  engagé  dans  un  procès 
semblable,  s'il  était  soupçonné  de  parjure,  etc.  Enfin  on 
ne  permettait  pas  à  une  partie  d'assigner  plus  de  neuf 
témoins  sur  un  même  fait.  C'était  le  juge  qui  interrogeait 
les  témoins.  D'après  le  droit  romain  de   Juslinien,    cet 
interrogatoire  devait  avoir  lieu  en  présence  des  deux  plai- 
deurs; mais  on  n'adopta  pas,  dans  la  procédure  canonique, 
ces  dispositions,  et  on  prescrivit,  au  contraire,  d'écarter  les 
plaideurs,  sous  prétexte  de  mieux  assurer  l'indépendance 
des  témoins.  Le  juge  dressait  procès-verbal  des  dépositions 
et  portait  ce  procès-verbal  à  la  connaissance  des  parties 
qui  plaidaient  ensuite  sur  le  résultat  des  dépositions. 

Ce  sont  précisément  ces  formes  de  l'enquête  dans  les 
juridictions  d'Eglise  qui  se  sont  substituées  à  la  procédure 
féodale;  elles  ont  passé,  à  partir  du  xiii^  siècle,  dans  les 
justices  laïques  et  se  sont  ensuite  transmises  au  travers 
des  âges,  à  ce  point  qu'on  les  retrouve  encore  aujourd'hui 
en  grande  partie  dans  le  code  de  procédure.  On  ne  con- 
serva pendant  quelque  temps  un  certain  formalisme  qu'à 
Toccasion  des  procès-verbaux  d'enquête.  Le  greffier  dres- 
sait deux  procès-verbaux  ;  l'un  contenait  l'exposé  de  la 
procédure  suivie,  l'autre  reproduisait  les  dépositions  des 
témoins.  Les  parties  étaient  appelées  pour  être  présentes 
à  la  clôture  du  sac  qui  avait  lieu  après  la  rédaction  de  ces 
procès-verbaux  :  le  procès-verbal  contenant  les  dépositions 
était,  en  présence  des  plaideurs,  mis  dans  un  sac  qu'on 
scellait  ensuite  et  qu'on  déposait  au  greffe  de  la  justice.  Au 
bout  d'un  certain  temps,  on  procédait  à  l'ouverture  du  sac 
en  observant  diverses  formalités.  En  dernier  lieu,  ces  formes 
de  l'enquête  ont  passé  dans  l'ordonnance  de  1 667  sur  la  pro-   i 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.  —  XV^^ 


cédure  civile.  L'enquête  a  continué  à  se  faire  en  secret  et 
par  écrit,  mais  l'ordonnance  de  1667  interdit  formellement 
les  enquêtes  à  futur  et  les  enquêtes  par  turbe  (V.  Coutume, 
t.  XIII,  p.  212)  à  cause  des  abus  qu'elles  avaient  fait  naître. 
Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  d'exposer  comment  étaient  appréciées 
les  dépositions  des  témoins  dans  notre  ancienne  procédure. 
Aujourd'hui  le  juge,  au  civil  comme  au  criminel,  se  déter- 
mine par  son  intime  conviction  :  au  lieu  de  compter  les  témoi- 
gnages, il  les  pèse  et  les  apprécie.  Les  canonistes  avaient 
cru  emprunter  aux  jurisconsultes  romains  un  système  qui 
imposait  au  juge  sa  conviction  :  deux  témoins  complets 
faisaient  preuve,  mais  un  seul  témoin  ne  suffisait  pas.  Les 
deux  témoins  d'une  même  partie  étaient-ils  en  désaccord, 
leursdépositions  n'avaient  plus  aucune  valeur.  Lorsque  les 
témoins^ avaient  été  produits  par  les  deux  parties,  le  juge 
devait  s'attacher  à  concilier  leurs  dépositions.  S'il  n'y  par- 
venait pas,  il  pouvait  apprécier  les  témoignages,  mais 
d'après  des  règles  imposées  par  la  loi  et,  par  exemple,  de 
deux  témoins  en  sens  contraire,  il  devait  préférer  le  plus 
âgé  ou  le  plus  élevé  en  dignité.  Ce  système  des  preuves 
légales  avait  passé  sans  difficulté  dans  notre  ancien  droit  et 
a  fonctionné  jusqu'à  la  Révolution.  Le  législateur  moderne 
l'a,  avec  raison,  supprimé  et  remplacé  par  celui  de  l'in- 
time conviction  ;  mais,  pour  les  formes  de  l'enquête  civile, 
il  ne  s'est  guère  écarté  des  prescriptions  contenues  dans 
l'ordonnance  de  1667. 

Sous  l'empire  du  code  de  procédure  actuellement  en 
vigueur,  devant  les  tribunaux  d'arrondissement,  en  ma- 
tière civile  ordinaire,  l'enquête  a  Heu  en  secret,  devant  un 
juge-commissaire,  et  il  en  est  toujours  nécessairement  dressé 
procès-verbal,  car  c'est  précisément  par  la  lecture  de  ce 
procès-verbal  faite  ensuite  à  l'audience  que  le  tribunal  a 
connaissance  des  dépositions  des  témoins.   Au    contraire, 
en  matière  civile  sommaire,  dans  les  aff'aires  commerciales, 
en  justice  de  paix,  les  témoins  sont  entendus  en  public,  à 
l'audience,  comme  en  matière  criminelle,  et  il  n'est  pas 
toujours  dressé  procès-verbal  de  leurs  dépositions,  mais 
seulement  lorsque   Faff'aire    est    susceptible   d'appel.   A 
l'époque  de  la  rédaction  du  code  de  procédure  on  s'est 
demandé  si  en  matière  civile  ordinaire  l'enquête    devrait 
être  pubUque  et  orale  ou  resterait  secrète  et  écrite.   Les 
partisans  de  cette  seconde  opinion  l'ont  emporté  par  des 
raisons  qui  ne  paraissent  pourtant  pas  décisives  ;  ils  ont 
dit  que  l'enquête  publique  pourrait  intimider  les  témoins 
et  provoquer  parfois  des  troubles  à  l'audience.  Si  ces  rai- 
sons étaient  bonnes,  elles  devraient  logiquement  conduire 
à  décider  qu'il  faut  toujours  et  en  toute  matière,  même  dans 
les  procès  commerciaux,  même  dans  les  affaires  criminelles, 
entendre  les  témoins  à  huis  clos.  Le  législateur  a  cepen- 
dant décidé  le  contraire,  et  jamais  dans  la  pratique  il  ne 
s'est  produit  de  troubles.  De  nos  jours  on  a  encore  dit  en 
faveur  des  enquêtes  civiles  secrètes   qu'elles  permettent 
aux  tribunaux  d'administrer  plus  rapidement  la  justice,  et 
en  effet  pendant  que  des  juges-commissaires  instruisent 
chacun  une  enquête,  rien  ne  s'oppose  à  ce  que  les  autres 
juges  du  tribunal  jugent  à  l'audience  ;  il  faudrait  augmen- 
ter sensiblement  le  nombre  des  audiences  si  les  enquêtes 
se  faisaient  en  public  et  devant  le  tribunal  tout  entier. 
Cette  raison  ne  manque  pas  de  gravité  pour  les  tribunaux 
surchargés  d'aff'aires,  mais  il  en  est  aussi  un  grand  nombre 
qui  sont  peu  occupés  et  tiennent  avec  peine  deux  ou  même 
une  audience  civile  par  semaine.  Le  mieux  serait  donc 
d'introduire  dans  le  code  de  procédure,   à  l'époque  où  il 
sera  réformé,  une  disposition  permettant  aux  tribunaux 
civils  de  faire  l'enquête  à  l'audience  ou  de  la  déléguer  à  un 
juge-commissaire  selon  les  circonstances. 

Toute  partie  engagée  dans  une  affaire  peut  demander  une 
enquête  pourvu  que  les  faits  par  elle  invoqués  soient  per- 
tinents et  concluants  et  que  la  loi  n'interdise  pas  la  preuve 
testimoniale.  Le  tribunal  peut  toujours  aussi  ordonner 
d'office  une  enquête.  Mais  c'est  une  question  sérieusement 
discutée  que  celle  de  savoir  si  une  enquête  peut  être  de- 
mandée par  une  personne  en  dehors  de  tout  procès  actuel 

69 


ENQUÊTE 


—  1090 


et  en  \ue  d'une  contestation  à  naître  dans  l'avenir.  Ainsi 
une  personne  se  dit  créancière,  mais  craint  que  son  droit 
ne  soit  contesté  en  justice  ;  il  existe  bien  un  ou  plusieurs 
témoins  connaissant  les  faits  qui  ont  donné  naissance  à  son 
droit,  mais  ces  témoins  sont  en  danger  de  mort  ou  sur  le 
point  de  s'embarquer  pour  des  pays  lointains.  Peut-on  dès 
maintenant  demander  une  enquête  à  la  justice  pour  cons- 
tater les  dépositions  de  ces  témoins,  bien  qu'aucun  procès 
ne  soit  actuellement  engagé?  Dans  notre  ancienne  France, 
ces  enquêtes  dites  à  futur  (m  futuriim)  avaient  été  per- 
mises jusqu'en  4667.  Mais,  ainsi  qu'il  vient  d'être  dit,  on 
en  avait  abusé.  D'une  part,  on  faisait  entendre  ses  témoins 
sans  prévenir  l'adversaire  éventuel  au  procès  ;  d'autre  part, 
on  simulait  des  maladies  ou  des  projets  de  voyage  pour  obtenir 
de  la  justice  une  autorisation  de  faire  entendre  les  témoins, 
et  ainsi  la  preuve  pouvait  être  faite  à  l'avance  contre  un 
adversaire  à  son  insu.  Cela  était  d'autant  plus  facile  qu'on 
admettait  alors  le  système  des  preuves  légales  qui  consis- 
tait à  compter  les  témoignages  au  lieu  d'en  peser  la  valeur. 
Pour  mettre  un  terme  à  ces  abus,  l'ordonnance  de  4667 
sur  la  procédure  civile  défendit  à  l'avenir  les  enquêtes  à 
futur.  Le  code  actuel  a  gardé  le  silence,  et  la  jurisprudence 
en  conclut  que  ces  enquêtes  à  futur  sont  encore  aujour- 
d'hui interdites;  si  la  loi  avait  voulu  les  permettre,  elle  les 
aurait  consacrées  par  un  article  formel.  La  plupart  des  au- 
teurs combattent  cependant  cette  solution.  Ils  invoquent 
le  principe  suivant  lequel  tout  ce  qui  n'est  pas  défendu  est 
p  ermis.  Ils  font  ensuite  remarquer  que  les  enquêtes  à  fu- 
tur ne  sauraient  plus  offrir  aujourd'hui  les  dangers  qu'elles 
présentaient  autrefois  ;  d'une  part,  en  effet,  on  doit  obliger 
le  demandeur  à  l'enquête  à  assigner  le  défendeur,  de  sorte 
que  celui-ci  peut  empêcher  la  preuve  de  se  former  contre 
lui  ;  d'autre  part,  les  juges  ne  comptent  plus,  comme  au- 
trefois, les  témoignages,  mais  se  décident  par  leur  intime 
conviction  ;  enfin  le  code  de  procédure  lui-même,  en  ma- 
tière de  preuve  écrite,  permet  la  vérification  d'écriture  in 
futurum  et  en  dehors  de  toute  contestation  sur  l'existence 
de  la  créance.  De  son  côté  la  jurisprudence  permet  tous  les 
jours  au  juge  des  référés  d'ordonner  une  expertise  in  fu- 
turum. N'y  a-t-il  pas  contradiction  à  interdire  l'enquête  de 
même  nature  ?  —  Quoi  qu'il  en  soit,  l'enquête  civile  ordi- 
naire et  incidente  s'entame  par  un  simple  acte  de  conclu- 
sions signifié  à  l'adversaire   avec  mise  en  demeure   de 
reconnaître  ou  de  dénier  les  faits  dans  les  trois  jours.  Si 
le  défendeur  reconnaît  les  faits,  l'enquête  n'a  pas  lieu,  à 
moms  que  l'ordre  public  ne  soit  intéressé,  comme  par 
exemple  en  cas  de  demande  en  divorce  ou  en  séparation  de 
corps.  Dans  ces  circonstances,  l'enquête  doit  avoir  lieu 
même  d'office,  car  autrement  rien  ne  serait  plus  facile  à 
deux  personnes  que  de  se  mettre  d'accord  pour  tourner  une 
loi  d'ordre  public,  en  simulant  un  procès  dans  lequel  l'une 
invoquerait  des  faits  qui  ne  seraient  pas  contestés  par 
l'autre  et,  par  exemple,  les  époux  simuleraient  des  excès, 
sévices  ou  injures  graves  pour  obtenir  un  divorce  par  con- 
sentement mutuel,  alors  que  la  loi  ne  permet  le  divorce  que 
dans  trois  cas  déterminés.  Si  le  défendeur  ne  répond  pas, 
le  tribunal  peut  tenir  les  faits  pour  reconnus,  à  moins 
encore  que  l'ordre  puWic  ne  soit  intéressé,  auquel  cas  l'en- 
quête a  nécessairement  lieu  même  d'office.  Enfin  le  défen- 
deur peut  répondre  en  niant  les  faits  ou  en  soutenant  que 
la  loi  défend  la  preuve  par  témoins.  Dans  ce  cas,  le  tribunal 
examine  ces  prétentions  des  plaideurs.  Il  ne  peut  ordonner 
l'enquête  par  un  jugement  interlocutoire  qu'autant  que  les 
faits  sont  pertinents  et  concluants  et  que  la  loi  n'interdit 
pas  la  preuve  testimoniale.  Cette  preuve  a  un  caractère 
exceptionnel  dans  notre  droit  actuel  :  elle  est  en  principe 
interdite  au-dessus  de  450  fr.  en  matière  civile  et  dès  que 
la  partie  a  pu  se  procurer  un  écrit.  Mais  il  est  bien  des 
circonstances  dans  lesquelles  on  devient  créancier  sans 
pouvoir  constater  son  droit  par  écrit.  C'est   ce  qui  a  heu 
par  exemple  si  la  créance  résulte  d'un  déUt  ou  d  un  quasi- 
délit  civil  ou  criminel,  et  alors  la  loi  permet  la  preuve  par 
témoins*  Cette  preuve  est  encore  autorisée,  quelle  que  soit 


la  valeur  du  procès,  s'il  existe  un  commencement  de 
preuve  par  écrit,  c.-à-d.  un  écrit  émanant  de  l'adversaire 
et  qui  rend  vraisemblable  le  fait  allégué.  Enfin,  en  matière 
commerciale,  à  la  différence  de  ce  qui  a  lieu  en  matière 
civile,  la  preuve  par  témoins  est  de  droit  commun  et  peut 
toujours  être  autorisée  par  le^  tribunal  qui  jouit  à  cet 
égard  d'un  pouvoir  discrétionnaire. 

Le  jugement  interlocutoire  qui  ordonne  l'enquête,  in- 
dique les  faits  sur  lesquels  elle  portera  et  nomme  un  juge- 
commissaire    chargé    de    recevoir    les    dépositions   des 
témoins.  Lorsque  ceux-ci  sont  domiciliés  à  une  grande  dis- 
tance, le  tribunal  peut  donner  commissio7i  rogatoire 
(V.  ce  mot)  à  un  autre  tribunal.  Toutes  les  fois  que  le 
demandeur  a  ainsi  obtenu  une  enquête  pour  y  faire  en- 
tendre ses  témoins,  la  contre-enquête  est  de  droit.  En 
d'autres  termes,  le  tribunal  ne  peut  pas  se  refuser  à  au- 
toriser le  défendeur  à  l'enquête  à  faire  assigner  de  son 
côté  des  témoins  à  l'effet  de  contredire  directement  les 
faits  invoqués  par  son  adversaire.  Par  exemple,  une  femme 
demanderesse  en  séparation  de  corps  ou  en  divorce  réclame 
l'enquête  dans  le  but  d'établir,  par  les  dépositions  de  ses 
témoins,  qu'elle  a  été,  de  la  part   de  son  mari,  Fobjet 
d'excès,  sévices  ou  injures  graves  ;  celui-ci  a,  de  son  côté, 
le  droit  d'appeler  des  témoins  pour  prouver  que  ces  faits 
n'existent  pas.  La  contre-enquête  étant  de  droit,  il  n'est 
même  pas  nécessaire  de  la  demander;  l'opinion  contraire 
de  certains  auteurs  qui  obligent  le  défendeur  à  l'enquête  à 
demander  la  contre-enquête  avant  la  fin  de  l'enquête,  est 
aussi  contraire  à  l'esprit  qu'au  texte  de  la  loi.  Mais  si,  au 
heu  de  se  borner  à  contredire  les  faits  invoqués  par  son 
adversaire,  le  défendeur  à  l'enquête  voulait  établir  d'autres 
faits,  il  devrait  alors,  de  son  côté,  demander  une  seconde 
enquête  dans  laquelle  il  jouerait  le  rôle  de  demandeur.  La 
loi  ne  voulant  pas  que  les  plaideurs  aient  un  temps  trop 
long  pour  s'entendre  avec  les  témoins  et  peut-être  même 
pour  les  suborner,  exige  que  l'enquête  soit  commencée 
dans  un  délai  très  court  et  rigoureux  qu'indique  l'art.  257. 
Commencer  l'enquête,  c'est  obtenir  du  juge-commissaire 
une  ordonnance  fixant  le  jour  où  il  recevra  les  déposi- 
tions des  témoins.  Ceux-ci  sont  assignés  à  personne  ou  à 
domicile,  un  jour  au  moins  avant  leur  audition,  plus  un 
jour  par  cinq  myriamètres  pour  ceux  qui  sont  domiciliés 
au  delà  de  cinq  myriamètres  du  lieu  où  l'enquête  doit  être 
faite.  Là  encore  la  loi  se  méfie  des  témoins,  et  elle  veut 
qu'ils  soient  assignés  à  très  bref  délai  pour  qu'ils  ^n'aient 
pas  le  temps  de  s'entendre  entre  eux  ou  avec  l'un  des 
plaideurs.  Néanmoins  on  donne  copie  à  chaque  témoin  de  la 
partie  du  jugement  relatant  les  faits  sur  lesquels  l'enquête 
portera,  car  autrement  si  le  témoin  ne  connaissait  les  faits 
qu'au  moment  de  comparaître  devant  le  juge-commissaire, 
il  pourrait  arriver  alors  qu'il  ne  fût  pas  prêt  à  répondre  et 
qu'il  se  trouvât  dans  la  nécessité  de  demander  un  délai 
pour  rafraîchir  ses  souvenirs.  Le  défendeur  à  l'enquête  est 
également  assigné  à  comparaître  devant  le  juge-commis- 
saire, mais  cette   assignation,  au  lieu  d'être    signifiée 
suivant  le  droit  commun,  à  personne  ou  à  domicile  de  la 
partie,  est  signifiée  au  domicile  de  l'avoué,  trois  jours  au 
moins  avant  l'audition  des  témoins.  Avant  la  même  époque, 
il  faut  notifier  au  défendeur  la  liste  des  témoins,  soit  dans 
l'assignation   elle-même,  soit  par  acte  séparé.  Les  par- 
ties peuvent  se  faire  assister  devant  le  juge-commissaire 
de  leurs  avoués.  Mais  on  discute  la  question  de  savoir  si 
leurs  avocats  peuvent  être  présents.  Le  code  de  procédure 
a  Hmité  les  pouvoirs  du  juge-commissaire  et,  sauf  le  droit 
de  prononcer  une  amende  contre  le  témoin  défaillant  et 
celui  de  punir  la  partie  qui  interrompt  un  témoin  dans  sa 
déposition,  il  ne  lui  a  conféré  aucun  pouvoir  en  dehors^  de 
l'instruction  proprement  dite  de  la  cause;  il  lui  a  même 
refusé  formellement  le  droit  de  statuer  sur  la  capacité  des 
témoins  (art.  285),  sur  les  reproches  (art.  284,  287, 
290) ,  sur  les  moyens  de  nullité  proposés  contre  l'enquête 
(art.  292,293);  en  un  mot,  il  a  entendu  interdire  au 
juge-commissaire  de  statuer  sur  les  incidents  contentieux 


qui  pourront  se  présenter  au  cours  de  son  instruction. 
Ces  incidents  devront  donc  être  renvoyés  au  tribunal,  car 
le  juge-commissaire  est  incompétent  d'une  manière  absolue 
sur  ces  questions.  Les  témoins  sont  entendus  séparément. 
GVvacun  d'eux  déclare  ses  noms,  profession,  âge  et  de- 
meure ;  s'il  est  parent  ou  allié  de  l'une  des  parties,  à  quel 
degré,  s'il  est  domestique  ou  serviteur  de  l'une  d'elles.  Il 
prête  serment  de  dire  la  vérité  ;  le  refus  de  serment  équi- 
vaudrait au  refus  de  comparution  ;  le  témoin  est-il  con- 
vaincu de  parjure,  il  encourt  une  peine  de  deux  à  cinq  ans 
de  prison  et  une  amende  de  50  à  2,000  fr.  Si  le  témoin 
avait  reçu  ou  s'était  fait  promettre  une  récompense,  il 
encourrait,  ainsi  que  celui  qui  l'aurait  suborné,  la  peine  de 
la  réclusion  (C.  pén.,  art.  353  à  365).  Lorsque  le  témoin 
ne  connaît  pas  la  langue  française ,  un  interprète  est 
chargé  de  traduire  sa  déposition.  Certains  dignitaires  ou 
fonctionnaires,  les  ministres,  les  agents  diplomatiques,  les 
sénateurs,  les  préfets,  les  maires,  les  conseillers  d'Etat, 
les  caissiers  et  contrôleurs  du  trésor  public  sont  dispensés 
de  se  présenter  devant  le  juge-commissaire  et  peuvent  en- 
voyer leurs  dépositions  par  écrit  (G.  instr.  crim.,  art.  510)  ; 
décret  du  4  mai  4812;  loi  du  20  fructidor  an  VII;  avis 
du  conseil  d'Etat  du  4  germinal  an  VII,  arrêté  du  7  ther- 
midor an  XI).  Sauf  ces  exceptions,  tout  témoin  doit 
comparaître.  Celui  qui  est  défaillant  est  condamné  par 
ordonnance  du  juge-commissaire,  exécutoire  nonobstant 
opposition  ou  appel,  à  une  somme  qui  ne  peut  être  moindre 
de  10  fr.  à  titre  de  dommages  et  intérêts  au  profit  de 
l'adversaire,  et  il  peut  en  outre  être  condamné  à  une 
amende  de  100  fr.  Le  témoin  défaillant  est  réassigné 
à  ses  frais  et,  s'il  fait  encore  une  fois  défaut,  il  encourt 
une  seconde  amende  de  100  fr.  et  peut  être  l'objet 
d'un  mandat  d'amener  lancé  contre  lui  par  le  juge-com- 
missaire. Le  refus  de  déposer  équivaut  au  refus  de  com- 
paraître et  produit  les  mêmes  effets ,  à  moins  qu'il  ne 
s'agisse  d'une  personne  tenue  au  secret  professionnel  et, 
comme  telle,  dispensée  de  dire  ce  qu'elle  sait.  Nous  re- 
viendrons d'ailleurs  sur  cette  particularité,  qui  se  ren- 
contre aussi  dans  l'enquêta  de  la  procédure  criminelle. 
Le  témoin  commence  par  dire  spontanément  ce  qu'il  sait, 
et  le  juge-commissaire  l'interroge  ensuite.  Le  greffier 
dresse  procès- verbal,  en  donne  lecture  au  témoin,  qui  peut 
y  faire  tous  les  changements  qu'il  croit  nécessaires  ;  le 
témoin  est  ensuite  requis  de  signer  ;  s'il  ne  le  veut  pas  ou  ne 
le  peut  pas,  on  en  fait  mention.  11  est  défendu  au  témoin 
de  lire  une  déposition  préparée  à  l'avance,  et  aux  parties 
d'interrompre  le  témoin  dans  sa  déposition  ;  mais  elles 
peuvent,  une  fois  cette  déposition  terminée,  lui  faire  poser 
des  questions  par  le  juge-commissaire.  De  même  que  la 
loi  prescrit  de  commencer  l'enquête  dans  un  certain  délai 
pour  empêcher  les  subornations  de  témoins,  de  même  et 
par  identité  de  motif,  elle  veut  que  l'enquête  soit  terminée 
dans  la  huitaine  du  jour  oti  elle  a  été  commencée,  c.-à-d. 
du  jour  fixé  par  le  juge-commissaire  pour  l'audition  des 
témoins.  Il  peut  arriver  que  ce  délai  pour  terminer  l'enquête 
soit  trop  court.  La  loi  permet  à  la  partie  de  demander,  par 
l'intermédiaire  du  juge-commissaire,  une  prorogation  au  tri- 
bunal, mais  jamais  celui-ci  ne  saurait  accorder  une  seconde 
prorogation.  La  loi  ne  fixe  pas  le  nombre  des  témoins  que 
le  demandeur  peut  appeler  dans  l'enquête  et  le  défendeur 
dans  la  contre-enquête;  mais  pour  éviter  les  abus  elle  décide 
(art.  281),  que,  si  un  plaideur  fait  venir  plus  de  cinq 
témoins  pour  un  seul  fait,  les  frais  des  dépositions  des 
témoins  dépassant  ce  nombre  de  cinq,  n'entrent  pas  en  taxe, 
c.-à-d.  restent  définitivement  à  la  charge  du  plaideur  qui 
a  fait  assigner  ces  témoins,  même  dans  le  cas  où  il  vien- 
drait à  gagner  son  procès.  Une  fois  l'audition  des  témoins 
terminée,  les  procês-verbaux  d'enquête  et  de  contre- 
enquête  sont  déposés  au  greffe  ;  l'avoué  de  la  partie  la 
plus  diligente  les  fait  signifier  à  l'avoué  de  la  partie  adverse 
et  on  revient  à  l'audience  au  moyen  d'un  simple  avenir 
pour  plaider  sur  les  résultats  de  l'enquête.  Devant  le  tri- 
bunal, l'avoué  ou  l'avocat  en  son  nom  donne  lecture  du 


—  1091  —  ENQUÊTE 

procès-verbal  d'enquête,  et  c'est  ainsi  que  le  tribunal  a 
connaissance  des  dépositions  des  témoins.  On  voit  tout  de 
suite  les  inconvénients  de  ce  système  :  le  tribunal  ne  con- 
naissant les  dépositions  que  par  une  lecture  plus  ou  moins 
monotone  du  procès-verbal,  n'est  pas  aussi  vivement  im- 
pressionné que  si  les  témoins  venaient  déposer  devant  lui. 
Les  dépositions  des  témoins  ne  valent  pas  seulement  par 
les  paroles  qui  sont  prononcées,  mais  encore  par  les 
gestes  et  les  attitudes  de  ceux  qui  parlent.  Il  vaudrait 
donc  bien  mieux  que  l'enquête  civile  ordinaire  fût  faite 
directement  devant  le  tribunal. 

Les  personnes  qui  ne  peuvent  pas  être  témoins  dans 
un  procès  civil  se  divisent  en  trois  classes  :  les  unes  sont 
indignes,  les  autres  sont  incapables,  d'autres  encore  repro- 
chables.  Sont  indignes  d'être  témoins  tous  ceux  qui  ont 
encouru  la  dégradation  civique,  que  cette  peine  soit  prin- 
cipale ou  accessoire,  et  aussi  ceux  qui  ont  encouru 
en  matière  correctionnelle  les  incapacités  édictées  par 
l'art.  42  du  C.  pén.  (G.  pén.,  art.  28,  34,  42).  Toutefois 
les  personnes  indignes  peuvent  être  entendues  à  titre  de 
simple  renseignement,  sans  prestation  de  serment  préa- 
lable. Cette  disposition,  empruntée  à  la  législation  anté- 
rieure, est  assez  bizarre.  Aujourd'hui,  en  eifet,  le  juge  se 
déterminant  par  son  intime  conviction,  il  pourra  bien 
arriver  que  les  déclarations  d'une  personne  indigne  pro- 
duisent sur  son  esprit  plus  d'eff'et  que  la  déposition  d'un 
témoin  véritable.  D'un  autre  côté,  les  personnes  indignes 
ne  prêtant  pas  serment,  il  suit  de  là  qu'elles  peuvent 
mentir  impunément  sans  encourir  les  peines  du  parjure. 
Sont  incapables  d'être  témoins,  les  parents  ou  alliés  en 
ligne  directe  de  l'une  des  parties  ou  son  conjoint,  même 
divorcé.  Toutefois,  en  matière  de  divorce  ou  de  séparation 
de  corps,  on  admet  comme  témoins  les  ascendants;  mais 
les  descendants  continuent  à  être  incapables  (C.  civ., 
nouvel  art.  245,  et  la  loi  du  18  avr.  1886).  L'incapa- 
cité et  l'indignité  d'un  témoin  peuvent  être  proposées  par 
les  deux  parties,  même  par  celui  qui  a  assigné  ce  témoin  ; 
le  juge-commissaire  et  après  lui  le  tribunal  peuvent  les 
relever  d'office.  Il  va  sans  dire  que,  si  l'on  avait  fait  prêter 
serment  à  un  indigne,  la  déposition  serait  nulle,  en  ce 
sens  qu'elle  ne  vaudrait  pas  comme  témoignage,  mais 
elle  resterait  dans  la  cause,  à  titre  de  simple  renseignement. 
Au  contraire,  la  déposition  d'un  incapable  devrait  être 
purement  et  simplement  supprimée.  Cette  différence  tient 
à  ce  que  les  effets  de  l'indignité  et  ceux  de  l'incapacité  ne 
sont  pas  les  mêmes  :  l'incapable  ne  doit  pas  être  entendu, 
tandis  que  l'indigne  peut,  on  s'en  souvient,  l'être  à  titre 
de  simple  renseignement.  D'un  autre  côté,  l'incapacité  est 
relative,  tandis  que  l'indignité  est  absolue  :  l'incapable 
ne  dépose  pas  dans  le  procès  de  son  parent,  mais  il  peut 
être  témoin  dans  toutes  les  autres  contestations;  l'indigne, 
au  contraire,  ne  peut  déposer  comme  témoin  dans  aucune 
affaire.  Enfin  on  aura  remarqué  que  l'incapacité,  à  la 
différence  de  l'indignité,  n'entache  en  rien  l'honorabilité 
de  la  personne  qu'elle  frappe.  11  y  a  aussi  des  personnes 
qui  sont  simplement  reprochables.  Cette  théorie  des  re- 
proches a  été,  bien  à  tort,  empruntée  par  le  législateur 
moderne  à  notre  ancien  droit.  Elle  s'expliquait  autrefois  à 
l'époque  où  le  juge,  sous  le  système  des  preuves  légales, 
devait  compter  les  témoignages  au  lieu  de  les  peser,  de 
sorte  qu'un  seul  témoin  ne  suffisait  pas  pour  fournir  la 
preuve  et  que  deux  témoinsfaisaient  nécessairement  preuve, 
quelle  que  fût,  dans  l'un  et  l'autre  cas,  la  conviction  du 
juge.  Il  était  nécessaire  alors  d'écarter  certaines  personnes 
dont  les  dépositions,  par  des  raisons  très  diverses,  auraient 
pu  paraître  suspectes.  Mais,  aujourd'hui,  le  juge  se  déter- 
minant par  son  intime  conviction  pourrait  très  bien  tenir 
compte  lui-même  de  ces  circonstances  en  appréciant  les 
témoignages,  et  dès  lors  la  théorie  des  reproches  a  perdu  sa 
raison  d'être  ;  elle  n'est  plus  qu'une  source  malencontreuse 
de  lenteurs  et  de  frais  inutiles.  Quoi  qu'il  en  soit,  l'art.  283 
du  C.  de  procéd.  donne  une  longue  énumération  des  per- 
sonnes reprochables,  et  il  semble  bien,  par  cela  même  qu'elle 


ENQUÊTE  -  1092  - 

crée  une  sorte  d'incapacité,  que  cette  énumération  devrait 
être  considérée  comme  limitative.  Il  n'en  est  pourtant 
rien  et  la  jurisprudence  permet,  au  contraire,  aux  tribu- 
naux d'ajouter  d'autres  causes  de  reproches  à  ceux  qui 
sont  énumérés  par  la  loi.  Il  résulte  de  là  qu'il  existe  deux 
sortes  de  reproches  :  les  uns  dérivent  directement  de  la  loi 
et  doivent  par  cela  même  être  accueillis  s'ils  sont  proposés, 
les  autres  sont  abandonnés  au  pouvoir  discrétionnaire  de 
la  justice.  D'ailleurs  la  théorie  des  reproches,  à  la  différence 
de  celle  de  l'indignité  et  de  celle  de  l'incapacité,  est  d'intérêt 
privé  et  non  pas  d'ordre  public.  L'adversaire  de  celui  qui  a 
assigné  le  témoin  peut  donc  seul  le  reprocher,  et  rien  ne 
s'oppose  à  ce  qu'il  renonce  à  ce  droit.  Le  témoin  doit  être 
reproché  devant  le  juge-commissaire  et,  s'il  y  a  difficulté  sur 
ce  point,  on  s'engage  dans  une  procédure  incidente  organisée 
parles  art.  281  et  suiv.  du  C.  de  procéd.  Ce  n'est  pas  le 
juge-commissaire  qui  peut  statuer  sur  le  bien  ou  mal  fondé 
du  reproche,  mais  seulement  le  tribunal.  Aussi,  au  moment 
oii  le  reproche  est  proposé  devant  le  juge-commissaire  et 
contesté  par  l'autre  partie,  ce  magistrat  n'en  reçoit  pas 
moins  la  déposition  du  témoin;  seulement  si,  plus  tard, 
le  reproche  est  reconnu  bien  fondé  par  le  tribunal,  alors, 
au  moment  de  la  lecture  du  procès-verbal  d'enquête,  à  la 
barre  de  ce  tribunal,  on  supprime  la  déposition  de  ce  té- 
moin valablement  reproché.  On  aura  remarqué  que  la  loi 
ne  frappe  d'aucune  incapacité  les  mineurs;  ils  peuvent 
donc  déposer,  même  s'ils  sont  âgés  de  moins  de  quinze  ans. 
Mais  la  loi  les  dispensant  jusqu'à  cet  âge  du  serment  en 
matière  criminelle,  on  étend  par  argument  à  fortiori, 
la  même  solution  aux  enquêtes  civiles  (C.  de  procéd., 
art.  285;  C.  d'instr.  crim.,  art.  79). 

Un  des  inconvénients  les  plus  graves  de  ces   enquêtes 
écrites  que  nous  venons  de  faire  connaître,  consiste  dans 
la  multiplicité  des  formalités  et  dans  les  nulUtés  qui  leur 
servent  de  sanction  ;  on  éviterait  aussi  ces  inconvénients 
si  les  enquêtes  civiles  ordinaires  avaient  lieu  oralement  à 
la  barre  du  tribunal.  Mais  il  a  bien  fallu  prescrire  pour 
l'enquête  écrite  des  formalités  minutieuses,  et  la  loi  s'est 
montrée  rigoureuse  à  ce  point  que  presque  toutes  celles 
dont  nous  avons  donné  l'énumération  sont   imposées  à 
peine  de  nullité.  Tantôt  cette  nullité  porte  sur  toute  l'en- 
quête, tantôt  elle  frappe  seulement  certaines  dépositions. 
Ainsi,  par  exemple,  l'enquête  sera  nulle  tout  entière  si  elle 
n'a  pas  été  commencée  ni  terminée  dans  les  délais  pres- 
crits par  la  loi,  si  le  défendeur  n'y  a  pas  été  régulièrement 
assigné,  si  le  procès-verbal  d'enquête  n'est  pas  daté  ou 
bien  encore  s'il  n'est  pas  signé  du  juge  ou  du  greffier.  Au 
contraire,  a-t-on  omis  d'assigner  un  témoin  qui  est  venu 
spontanément,  de  faire  représenter  par  un  témoin  la  copie 
de  son  assignation,  de  lui  déférer  le  serment,  de  lui  donner 
lecture  de  sa  déposition  ou  de  lui  demander  s'il  y  persiste, 
cette  déposition  seule  est  nulle  et  toutes  les  autres  parties 
de  l'enquête  sont  valables.  On  aura  remarqué  que  l'enquête 
peut  être  nulle,  en  totalité  ou  en  partie,  soit  par  la  faute 
du  juge-commissaire,  soit  par  celle  d'un  officier  ministé- 
riel. Ici  apparaissent  encore  de  nouvelles  sévérités  de  la  loi  : 
si  l'enquête  est  nulle  par  la  faute  du  juge-commissaire, 
elle  est  recommencée  à  ses  frais  ;  si  elle  est  nulle  par  la 
faute  d'un  officier  ministériel,  la  loi,  toujours  hostile  à  la 
preuve  testimoniale,  et  redoutant  les  subornations  de  té- 
moins, défend  de  la  recommencer  ;  mais  rien  ne  s'oppose 
à  ce  que  le  tribunal  ordonne  une  seconde  enquête  d'office. 
En  outre,  la  nullité  de  l'enquête  est,  en  général,  purement 
relative  et  peut,  comme  telle,  se  couvrir.  Il  n'y  aurait 
nullité  d'ordre  public  qu'autant  qu'on  aurait  entendu  un 
capable  ou  un  indigne  ou  que  le  juge-commissaire  aurait 
procédé  en  dehors  des  limites  de  sa  juridiction  territoriale. 
En  matière  civile  sommaire,  l'enquête  est  elle-même 
sommaire  et  elle  diffère,  sous  de  nombreux  rapports,  de 
l'enquête  ordinaire  (C.  de  procéd.,   art.  407    et   suiv.). 
L'enquête  sommaire  a  lieu  devant  le  tribunal  tout  entier  ; 
il  n'est  pas  nommé  de  juge-commissaire  ;   le  demandeur  à 
Tenquête  articule  les  faits  à  l'audience  et  en  donne  une 


simple  indication  dans  ses  conclusions;  le  tribunal  fixe  le 
jour  où  il  entendra  les  témoins,  mais  la  loi  n'impartit 
aucun  délai  pour  commencer  ni  pour  terminer  l'enquête 
sommaire.  Il  faut,  bien  entendu,  assigner  les  témoins  comme 
en  matière  ordinaire,  mais  la  loi  ne  prescrit  pas  d'assigner 
le  défendeur.  Les  reproches  contre  certains  témoins 
doivent  être  articulés  à  l'audience  et,  s'ils  sont  admis,  ces 
témoins  ne  déposent  pas.  Enfin,  on  ne  dresse  pas  toujours 
procès-verbal  de  l'enquête  sommaire.  Lorsque  le  jugement 
n'est  pas  susceptible  d'appel,  on  se  borne  à  faire  mention, 
dans  ce  jugement,  du  résultat  des  dépositions  des  témoins. 
Si  au  contraire  l'affaire  est  susceptible  d'appel,  on  dresse 
procès-verbal  ;  c'est  une  précaution  utile  qui  dispensera 
les  juges  du  second  degré  de  recommencer  l'enquête  par 
cela  même  qu'ils  auront  le  procès-verbal  des  premiers 
juges  à  leur  disposition.  Sous  tous  les  autres  rapports, 
notamment  pour  l'assignation  des  témoins,  pour  leur  au- 
dition, pour  les  peines  encourues  par  les  témoins  défail- 
lants, pour  les  personnes  indignes,  incapables  ou  repro- 
chables,  on  applique  les  mêmes  règles  que  dans  l'enquête 
ordinaire.  —  Lorsqu'il  s'agit  d'une  affaire  commerciale,  que 
cette  affaire  soit  portée  devant  un  tribunal  de  commerce 
ou  qu'elle  soit  différée  à  un  tribunal  civil  en  l'absence  d'un 
tribunal  de  commerce,  l'enquête  prend  toujours  la  forme 
sommaire:  elle  a  donc  lieu  devant  le  tribunal,  et  on  n'en 
dresse  procès- verbal  qu'autant  que  l'affaire  est  susceptible 
d'appel  (C.  de  procéd.,  art.  432). 

Les  enquêtes  se  font  encore  plus  simplement  en  justice 
de  paix.  Les  témoins  peuvent  être  entendus  même  sur  les 
lieux  contentieux,  et  on  ne  dresse  procès-verbal  qu'autant 
que  la  voie  de  l'appel  est  ouverte  (C.  de  procéd.,  art.  34 
et  suiv.). 

En  matière  pénale,  les  témoins  peuvent  être  entendus 
soit  devant    les   juridictions  d'instruction,   soit   devant 
les  juridictions    de   jugement.    Lorsque  le   juge   d'ins- 
truction veut  entendre  des  témoins,  il  remet  au    pro- 
cureur de  la  République  une  ordonnance  appelée  cédille, 
et  à  la  requête  du  procureur  de  la  République  les  témoins 
sont  cités  par  un  huissier  ou  par  un  agent  de  la  force 
publique.  Le  juge  d'instruction  est   tenu  de  faire  citer 
tous  les  témoins  dont  le  procureur  de  la  Répubhque  de- 
mande l'audition.  Quant  aux  témoins  indiqués  par  le  pré- 
venu ou  par  la  partie  civile,  il  a  pleine  liberté,  et  en  fait  il 
fait  venir  seulement  ceux  qu'il  croit  en  état  de  donner  des 
renseignements  utiles.  Comme  il  ne  s'agit  que  d'instruc- 
tion préparatoire,  on  permet  au  juge  d'appeler   et  d'en- 
tendre même  les  personnes   qui   seraient   incapables    de 
déposer  dans  l'instruction  définitive.  D'ailleurs,  la  citation 
n'indique   pas  au  témoin  le  but  de  l'information  ;  on  ne 
veut  pas  qu'il  puisse  préparer  sa  déposition  à  l'avance. 
Si  le  témoin  assigné    ne  comparaît  pas  au   jour  fixé,  le 
juge  d'instruction  peut  prononcer  contre  lui  une  amende 
qui  ne  saurait  dépasser  100  fr.  et  ordonner  qu'il  sera 
tenu,  même  par  corps,  de  se  présenter  (C.  instr.  crim., 
art.  80).  Mais,  si  le  témoin  comparaît  sur  la  seconde  cita- 
tion et  fait  valoir  une  excuse   pour  justifier  son  défaut 
antérieur,  le  juge  d'instruction  peut,  sur  les  conclusions 
du  ministère  public,  le  décharger  de   l'amende  encourue. 
Le  juge  d'instruction  apprécie  souverainement  la  valeur 
des  excuses  ;  mais  dans  le  cas  où  le  témoin  invoque  une 
maladie,  il  doit  présenter  un  certificat  délivré  par  |un  mé- 
decin ou  par  un  officier  de  santé  (C.  instr.  crim.,  art.  83). 
Parfois  la  déposition  du  témoin,  qui  ne  peut  se  présenter 
pour  cause  de  maladie  ou  autre  est  cependant  d'une  im- 
portance toute  particulière.  Dans  ce  cas,  le  juge  d'instruc-- 
tion  doit  se  transporter  au  domicile  du  témoin   empêche 
pour  recevoir  sa  déposition  si  ce  témoin  habite  dans  le 
canton  de  la  justice  de  paix  du  domicile   du  juge  d'ins- 
truction ;  s'il  habite  dans  un  autre  canton  de  l'arrondisse- 
ment du  juge  d'instruction,  ce  magistrat  donne  commission 
rogatoire  au  juge  de  paix  du  canton  où  est  domicilié  le 
témoin  ;  enfin  il  peut  arriver  que  ce  témoin  habite  dans 
un  autre  arrondissement,  et  alors  c'est  le  juge  d'mstruc- 


—  1093  — 


ENQUÊTE 


tion  de  cet  autre  arrondissement  qui   reçoit   commission 
rogatoire  (C.  instr.  crim.,  art.  83  à  86). 

Lorsque  le  témoin  se  présente  pour  déposer,  il  doit 
avant  tout  remettre  au  greffier  la  citation  qu'il  a  reçue 
(C.  instr.  crim.,  art.  74).  Le  juge  assisté  de  son  gref- 
fier entend  les  témoins  séparément  et  hors  de  la  présence 
du  prévenu.  Il  ne  lui  est  toutefois  pas  interdit  de  con- 
fronter les  témoins  entre  eux  ou  avec  le  prévenu.  Malgré 
le  silence  de  la  loi  sur  ce  point,  il  semble  bien  que  la  par- 
tie civile  ne  puisse  pas  assister  à  l'audition  des  témoins. 
C'est  la  conséquence  de  l'absence  du  prévenu;  il  faut 
maintenir  l'égalité  entre  les  deux  parties.  11  semble  bien, 
par  analogie  de  motif,  qu'on  devrait  donner  la  même  so- 
lution pour  le  ministère  public,  mais  cependant  la  juris- 
prudence décide  le  contraire,  en  se  fondant  sur  ce  que, 
d'après  l'art.  80,  l'amende  doit  être  prononcée  contre  le 
témoin  défaillant  sur  les  conclusions  du  ministère  public. 
Cette  disposition,  dit-on,  suppose  donc  bien  qu'il  est  pré- 
sent. Avant  d'entendre  le  témoin,  le  juge  d'instruction  lui 
fait  prêter  le  serment  de  dire  toute  la  vérité,  rien  que  la 
vérité;  il  lui  demande  ses  nom,  prénoms,  âge,  état,  pro- 
fession, demeure,  s'il  est  domestique,  parent  ou  allié  des 
parties  et  à  quel  degré  (art.  75)  ;  puis  ensuite,  si  le  juge 
veut  se  conformer  à  l'esprit  de  la  loi,  il  doit  laisser  dépo- 
ser le  témoin  spontanément  sur  l'affaire  et  enfin,  en  der- 
nier lieu,  l'interroger.  Le  greffier,  sous  la  dictée  du  juge, 
dresse  procès- verbal.  Il  en  est  donné  lecture  au  témoin 
qui  doit  déclarer  s'il  persiste  dans  sa  déposition.  Le  pro- 
cès-verbal est  signé  du  juge  d'instruction,  du  greffier  et 
du  témoin  ;  si  celui-ci  ne  sait  pas  ou  ne  veut  pas  signer, 
on  se  borne  à  faire  mention  de  son  ignorance  ou  de  son 
refus.  La  loi  veut  même  que  chaque  page  du  cahier  d'in- 
formation soit  signée  du  juge  et  du  greffier.  Mais  ces  dis- 
positions relatives  à  la  rédaction  du  procès-verbal  n'étant 
pas  substantielles,  leur  inobservation  n'entraîne  pas  nul- 
lité et  donne  seulement  lieu  à  une  amende  de  50  fr. 
contre  le  greffier  (art.  74  à  76). 

Tout  témoin  est  tenu  de  déposer  en  justice;  son  refus 
constituerait  un  délit,  à  moins  qu'il  ne  fût  au  nombre  des 
personnes  tenues  au  secret  professionnel,  comme  les  mé- 
decins, les  pharmaciens,  les  prêtres,  les  magistrats,  avo- 
cats, avoués,  notaires,  agréés.  D'ailleurs  ces  personnes 
doivent,  comme  les  autres,  comparaître  lorsqu'elles  sont 
citées  en  justice  et  même  prêter  serment;  c'est  ensuite 
seulement  qu'elles  peuvent  invoquer  le  secret  profession- 
nel pour  refuser  de  répondre  aux  questions  (V.  Secret 
professionnel)  .  On  admet  aussi  que  les  parents  dont  les 
dépositions  ne  seraient  pas  reçues  à  l'audience  si  le  minis- 
tère public  ou  l'accusé  s'y  opposait,  peuvent  refuser  de 
déposer  devant  le  juge  d'instruction  (C.  instr.  crim., 
art.  156  et  192).  Mais,  sauf  ces  exceptions,  tout  témoin 
récalcitrant  encourt  les  sévérités  de  la  loi,  et  on  assimile 
au  refus  de  déposer  celui  de  prêter  serment.  Une  fois 
que  le  témoin  a  terminé  sa  déposition,  il  peut,  s'il  le 
demande,  obtenir  une  indemnité  que  taxe  le  juge  d'ins- 
truction (C.  instr.  crim.,  art.  82,  décret  du  8  juin  1814, 
art.  1  et  suiv.;  décret  du  7  avr.  1813,  art.  1  et  suiv.). 

La  seconde  juridiction  d'instruction  est  la  chambre  des 
mises  en  accusation  ;  mais  il  ne  peut  pas  être  question 
devant  elle  d'enquête  ni  d'audition  de  témoins,  car  elle 
statue  seulement  sur  pièces,  sans  entendre  le  prévenu  ni 
aucune  autre  personne  (C.  instr.  crim.,  art.  222  et  suiv.). 
L'enquête  existe  au  contraire  devant  les  juridictions  de 
jugement,  et  elle  a  toujours  lieu  à  l'audience  publique,  à 
moins  que  le  huis  clos  n'ait  été  ordonné.  Devant  le  tribu- 
nal de  simple  police,  on  commence  par  lire  les  procès- 
verbaux  s'il  en  existe  ou  la  citation.  On  entend  ensuite 
les  témoins,  d'abord  ceux  qui  sont  .produits  par  le  minis- 
tère public  ou  par  la  partie  civile,  ensuite  ceux  qui  ont  été 
cités  ou  amenés  par  le  prévenu.  Les  parents  du  prévenu 
en  ligne  directe,  ses  frères  et  sœurs,  ses  beaux-frères  et 
belles-sœurs,  son  conjoint  ne  peuvent  pas  être  entendus 
comme  témoins  si  les  parties  s'opposent  à  leur  déposition 


(C.  instr.  crim.,  art.  156).  La  loi  ne  parle  pas  de  la  par- 
tie civile,  des  officiers  du  ministère  public  et  du  greffier  ; 
mais  il  est  bien  certain  qu'on  ne  doit  pas  les  admettre  à 
déposer,  car  il  est  de  principe  fondamental  qu'une  même 
personne  ne  puisse  pas  être  à  la  fois  juge  ou  partie  ou 
officier  chargé  d'une  fonction  publique  et  témoin  dans  la 
même  affaire.  Mais  rien  ne  s'oppose  à  ce  que  le  plaignant 
ne  vienne  déposer  ;  aucune  loi  ne  permet  de  le  récuser.  De 
même  le  code  admet  ici  les  dépositions  des  domestiques, 
par  cela  même  qu'aucun  texte  ne  les  écarte.  Avant  d'être 
entendu  à  l'audience  par  le  juge  de  simple  police,  le  témoin 
doit,  à  peine  de  nullité,  prêter  serment  de  dire  toute  la 
vérité  et  rien  que  la  vérité.  Cette  formalité  est  sacramen- 
telle, et  il  n'est  même  pas  permis  de  changer  la  formule  du 
serment.  Aussi  le  greffier  doit-il  avoir  bien  soin  de  men- 
tionner dans  les  jugements  ou  dans  les  notes  d'audience 
qu'elle  a  été  observée.  Le  serment  doit  être  prêté  même 
par  les  témoins  qui  ont  été  amenés  à  l'audience  sans 
citation  préalable.  Le  juge  de  simple  pohce  ne  peut  pas 
entendre  un  témoin  en  le  dispensant  de  prêter  serment  et 
à  titre  de  simple  renseignement  ;  ce  droit  n'appartient  qu'au 
président  de  la  cour  d'assises  et  est  une  conséquence  de 
son  pouvoir  discrétionnaire. 

En  police  correctionnelle,  les  formes  de  l'audition  des 
témoins  sont  les  mêmes  qu'en  simple  police  (C.  instr. 
crim.,  art.  189).  —  On  sait  qu'il  est  en  principe  permis 
d'appeler  des  décisions  des  tribunaux  de  simple  police  et 
de  celles  des  tribunaux  correctionnels.  Dans  ces  causes 
d'appel  l'audition  des  témoins  ne  présente  aucune  particu- 
larité importante  :  elle  a  lieu  dans  les  mêmes  formes  qu'en 
première  instance.  Le  juge  d'appel  peut  admettre  l'audition 
de  témoins  qui  n'ont  pas  été  précédemment  entendus  comme 
il  a  le  droit  de  refuser  d'entendre  des  témoins  qui  ont 
précédemment  déposé.  La  loi  lui  a  donné  à  cet  égard  un 
pouvoir  discrétionnaire,  pour  éviter  les  déplacements  de 
témoins  qui  seraient  souvent  dispendieux  à  cause  de  l'éloi- 
gnement  de  la  juridiction  d'appel.  Lorsque  le  témoin  déjà 
entendu  en  première  instance  ne  vient  pas  en  appel,  on  en 
donne  lecture  de  la  déposition  qu'il  a  précédemment  faite. 

En  cour  d'assises  l'enquête,  c.-à-d.  l'audition  des  témoins, 
a  lieu  immédiatement  après  l'interrogatoire  de  l'accusé. 
On  entend  d'abord  les  témoins  à  charge,  puis  ensuite  les 
témoins  à  décharge.  Les  témoins  déposent  séparément 
dans  l'ordre  fixé  par  le  ministère  public.  Avant  de  déposer 
ils  prêtent  serment  «  de  parler  sans  haine  et  sans  crainte, 
de  dire  toute  la  vérité  et  rien  que  la  vérité  ».  Ce  serment 
et  sa  formule  sont  sacramentels.  Il  y  aurait  donc  nullité  si 
on  ne  les  observait  pas.  Le  président  demande  à  chaque 
témoin  ses  nom,  prénoms,  âge,  profession,  domicile  ou 
résidence,  s'il  connaissait  l'accusé  avant  le  fait  qui  l'a 
amené  en  cour  d'assises,  s'il  est  son  parent  ou  allié  et  à 
quel  degré,  s'il  est  parent  ou  allié  de  la  partie  civile  et  à 
quel  degré,  s'il  est  attaché  au  service  de  l'accusé  ou  de  la 
partie  civile.  Le  témoin  ne  doit  pas  être  interrompu  dans 
sa  déposition.  Lorsqu'il  a  terminé,  le  président  peut  l'in- 
terroger; le  mêmedroitappartient  aux  juges,  au  ministère 
public  et  aux  jurés,  mais  à  la  condition  qu'ils  aient  au 
préalable  demandé  la  parole  au  président.  Au  contraire, 
l'accusé,  son  conseil  et  la  partie  civile  n'ont  pas  le  droit  de 
s'adresser  directement  au  témoin  ;  ils  ne  peuvent  le  ques- 
tionner que  par  l'organe  du  président.  L'accusé,  le  minis- 
tère public  et  la  partie  civile  peuvent  s'opposer  à  ce  qu'on 
entende  les  dépositions  des  parents  ou  alliés  de  l'accusé 
en  ligne  directe,  de  ses  frères  et  samrs,  de  son  conjoint 
ainsi  que  celles  des  dénonciateurs  dont  la  dénonciation  est 
récompensée  en  argent  par  la  loi.  Mais,  s'ils  ne  font  pas 
opposition,  ces  personnes  sont  valablement  entendues. 
Après  chaque  déposition,  le  président  doit  demander  au 
témoin  si  c'est  bien  de  l'accusé  présent  qu'il  a  entendu 
parler.  Une  fois  sa  déposition  finie,  le  témoin  reste 
néanmoinsdans  l'auditoire  jusqu'à  la  clôture  des  débats,  à 
moins  que  le  président,  du  consentement  de  toutes  les 
parties,  ne  l'autorise  à  se  retirer.  En  outre,  l'accusé  peut 


ENQUÊTE 


—  4094 


demander  qu'un  témoin  entendu  se  retire  de  l'auditoire 
ou  bien  qu'il  soit  introduit  et  entendu  de  nouveau,  soit 
séparément,  soit  en  présence  des  autres  témoins.  Le 
procureur  général  a  la  môme  faculté,  et  de  son  côté  le 
président  de  la  cour  d'assises  peut  l'exercer  d'office.  Si  la 
déposition  d'un  témoin  paraît  fausse,  le  président  peut,  sur 
la  réquisition  du  ministère  public,  de  la  partie  civile  ou  de 
l'accusé  et  même  d'office,  faire  sur-le-champ  mettre  le 
témoin  en  état  d'arrestation,  et  dans  ce  même  cas  le 
ministère  public,  la  partie  civile  et  l'accusé  peuvent 
immédiatement  requérir  et  la  cour  ordonner  le  renvoi  à 
une  prochaine  session  (pour  plus  de  détails,  V.  C.  d'instr. 
crim.,  art.  317).  E.  Glasson. 

II.  Administration  civile.  —  Enquête  administra- 
tive. —  L'administration  fait  procéder  à  des  enquêtes  : 
1«  en  matière  de  travaux  pubKcs  ;  T  lorsqu'il  s'agit  d'étu- 
dier à  fond  une  question  qui  doit  faire  l'objet  d'une  loi  ou 
d'un  décret;  3°  en  matière  d'accidents  lorsqu'il  s'agit  d'en 
rechercher  les  causes   et  d'étabhr  les  responsabihtés  ; 
4°  lorsque  la  conduite  d'un  fonctionnaire,  les  plaintes  sus- 
citées par  la  gestion  d'un  étabhssement  ou  d'un  service, 
nécessitent  un  contrôle  ou  une  vérification  de  cette  nature. 
1"  Lorsque  les  travaux  publics  amènent  des  expropria- 
tions, il  y  a  enquête  pour  la  déclaration  d'utilité  pubhque; 
les  particuliers  sont  consultés  sur  les  avantages  de  l'entre- 
prise et  sur  les  moyens  d'exécution  les  plus  avantageux; 
les  habitants  du  lieu  où  doit  s'exécuter  l'entreprise  sont 
appelés  à  donner  leur  avis  sur  les  avantages  et  les  résultats 
des  travaux;  les  propriétaires  soumis  à  l'expropriation 
peuvent  faire  valoir  l'intérêt  qu'il  pourrait  y  avoir  à  faire 
les  travaux  sur  d'autres  points  que  sur  leurs  propriétés,  etc. 
(V.  pour  les  détails  Expropriation).  Même  procédure  pour 
les  plans  d'alignement,  les  tracés  de  trottoirs,  la  position 
de  stations  de   chemins  de  fer,  les  concessions  de  toute 
nature,  pour   les   travaux   d'assèchement,  de   drainage, 
d'irrigation,  de  curage  et  autres  à  exécuter  parles  syndicats 
agricoles,  pour  les  dessèchements  de  marais  à  exécuter  par 
des  entrepreneurs.  Les  concessions  de  mines,  la  création 
d'usines  à  eau  ou  à  feu,  celle  d'étabhssements  dangereux, 
insalubres  ou  incommodes,  donnent  lieu  à  des  enquêtes 
plus  importantes  encore  et  cela  se  conçoit,  car  les  intérêts 
généraux  sont  plus  gravement  affectés  en  ces  divers  cas. 
Enfin,  il  y  a  encore  enquête  en  matière  de  pêche  fluviale 
et  côtière  (détermination  des  emplacements  où  la  pêche  est 
exercée  au  profit  de  l'Etat),  pour  les  parcs  à  huîtres,  les 
dépôts  de  coquillages,  l'établissement  d'échelles  dans  les 
barrages,  etc.  Lorsqu'il  y  a  Ueu  de  réunir  des  communes, 
de  partager  des  biens  communaux  ou  de  les  aliéner,  de 
vendre  des  biens  appartenant  à  des  étabUssements  de  bien- 
faisance, de  transférer  un  cimetière,  d'ériger  une  cha- 
pelle, etc.,  les  habitants  et  les  propriétaires  que  ces  diverses 
questions  intéressent  sont  appelés  à  donner  leur  opinion  sur 
leur  utilité  ou  leur  désavantage.  Cette  sorte  d'enquête  est 
souvent  désignée  par  les  termes  à'enqiiête  de  commodo 
et  incommodo. 

Les  enquêtes  doivent  être  annoncées  par  des  afliches  appo- 
sées pendant  un  délai  assez  long  (de  quatre  mois  à  vingt 
jours)  ;  les  mêmes  annonces  doivent  être  faites  à  son  de 
trompe  ou  de  caisse  lorsqu'il  s'agit  de  grands  travaux  publics, 
de  pêche,  concession  de  mines,  insérées  dans  les  journaux  et 
notifiées  aux  propriétaires  intéressés.  Des  registres  sont 
déposés  dans  les  préfectures  et  sous-préfectures  pour 
recueillir  les  observations  du  public;  des  plans  parcellaires 
sont  déposés  dans  les  mairies  pour  être  consultés  ;  de  même 
les  plans  d'alignement,  les  procès-verbaux  de  curage  de 
rivières  et  ruisseaux,  etc. ,  durant  un  délai  qui  varie  suivant 
l'objet  de  l'enquête.—  Lorsqu'il  s'agit  de  travaux  importants 
devant  s'exécuter  dans  plusieurs  départements,  les  préfets 
de  ces  départements  nomment  chacun  une  commission  com- 
posée de  neuf  à  treize  membres  qui  recueille  toutes  les 
déclarations  et  tous  les  renseignements  préliminaires  et 
donne  ensuite  son  avis  sur  les  travaux.  Une  fois  que  les 
plans  parcellaires  sont  dressés,  une  nouvelle  commission 


de  sept  membres  est  chargée  de  recevoir  pendant  un  délai 
de  huit  jours  les  observations  des  propriétaires  et  de  donner 
également  son  avis.  Il  y  a  des  commissions  spéciales  pour 
les  dessèchements  de  marais,  les  inondations  de  mines,  les 
constructions  de  routes,  la  pêche  fluviale. 

'T  Les  enquêtes  administratives  sur  des  questions  d'in- 
térêt général  ont  lieu  suivant  des  formes  prescrites  par 
l'acte  même  qui  ordonne  l'enquête  et  forme  la  commission 
chargée  d'y  procéder.  Ces  enquêtes  sont  verbales  et  con- 
tradictoires. Les  dépositions  des  témoins  appelés  par  la 
commission  ou  entendus  sur  leur  demande  sont  recueillies, 
des  délégations  sont  envoyées  au  besoin  dans  les  départe- 
ments ou  à  l'étranger,  enfin  un  rapport  est  joint  aux 
procès-verbaux  de  toutes  ces  opérations.  Comme  exemple 
de  ces  sortes  d'enquêtes,  parfois  extrêmement  importantes, 
nous  citerons  :  V Enquête  sur  les  principes  et  les  faits 
généraux  qui  régissent  la  circulation  monétaire  et 
fiduciaire  (Paris,  4867,6  vol.  in-Â);  T Enquête  agricole 
(Paris,  1869,  39  vol.  in-4);  l'Enquête  sur  la  situation 
des  ports  français  de  la  Manche  au  point  de  vue  de  la 
concurrence  avec  les  ports  étrangers  (1883,  in-4); 
r Enquête  sur  le  régime  des  boissons  (1882,  in-8); 
r Enquête  sur  les  moyens  de  prévenir  les  accidents  de 
chemins  de  fer  (1882,  in-foL);  l'Enquête  sur  les  asso- 
ciations ouvrières  (1883,  2  vol.  in-4);  VEnquête  sur 
les  modifications  à  apporter  aux  lois  sur  le  travail 
dans  l'industrie  (1885,  in-4);  VEnquête  sur  la  réforme 
de  la  prestation  (1889,  in-4);  VEnquête  sur  le  régime 
douanier  (1890,  3  vol.  in-4),  etc. 

3^  Les  enquêtes  en  matière  d'accidents  et  autres  de 
même  nature,  qu'elles  soient  faites  par  les  soins  de  la 
police  ou  par  ceux  des  administrations  compétentes,  ne 
donnent  lieu  à  aucune  observation  spéciale. 

4^  Lorsqu'il  s'agit  de  statuer  sur  le  cas  d'un  fonction- 
naire dont  la  gestion  a  donné  lieu  à  des  plaintes  ou  à  des 
soupçons  ou  sur  la  gestion  d'un  établissement  ou  mênie 
d'un  des  services  d'un  établissement  dans  les  mêmes  cir- 
constances (par  exemple  :  réclamations  contrôles  postes  et 
télégraphes,  contre  le  Crédit  foncier,  etc.),  le  ministre 
compétent  charge  de  l'enquête  soit  une  commission,  soit 
un  fonctionnaire  qui  procède  aux  interrogations,  auditions 
de  témoins,  vérifications,  etc.,  dans  les  formes  qui  lui  con- 
viennent le  mieux  ou  dans  les  formes  prescrites  spéciale- 
ment par  le  ministre.  Cette  commission  ou  ce  commissaire 
enquêteur  dépose  un  rapport  avec  des  conclusions  et  pro- 
positions, pièce  à  laquelle  est  annexé  le  procès-verbal  de 
l'enquête. 

III.  Administration  militaire.  —  Conseil  d'enquête 
(V.  Conseil,  t.  XI,  p.  468). 

IV.  Parlementarisme.  —  Enquête  parlementaire.  — 
De  même  que  l'administration,  le  Parlement  peut  procéder 
à  des  enquêtes  ayant  pour  objet,  soit  des  abus  administra- 
tifs, soit  des  événements  politiques,  soit  des  questions  agri- 
coles, commerciales,  industrielles.  Mais  il  faut  remarquer 
que  la  séparation  des  pouvoirs  interdit  absolument  aux 
assemblées  législatives  de  faire  des  enquêtes  judiciaires.  En 
fait,  toutes  les  Chambres  en  France  ont  joui,  sans  conteste, 
de  ce  droit,  sauf  le  Corps  législatif  du  premier  Empire,  qui 
était  privé  de  tout  pouvoir  politique.  Au  point  de  vue  de  la 
procédure  parlementaire,  les  enquêtes  ont  pour  origine, 
soit  des  lois,  soit  des  résolutions,  soit  des  ordres  du  jour 
motivés.  Toute  commission  spéciale  peut  d'ailleurs  pro- 
céder à  une  enquête  pour  éclairer  ses  travaux.  Les  com- 
missions d'enquête  sont  autorisées  à  recueillir  des  déposi- 
tions écrites  ou  orales,  à  demander  aux  ministres  les 
documents  lés  plus  complets,  même  à  réclamer  des  dossiers 
judiciaires.  Elles  peuvent  envoyer  des  sous-commissions 
dans  les  départements  et  à  l'étranger.  Même  elles  peuvent 
s'adjoindre  des  membres  étrangers  au  Parlement,  mais,  en 
ce  cas,  il  faut  qu'elles  y  aient  été  autorisées  formellement 
par  les  Chambres. 

Il  n'est  point  sans  intérêt  de  connaître  quelles  ont  été 
les  principales  enquêtes  ordonnées  par  le  Parlement  depuis 


que  fonctionne  réellement  le  système  parlementaire.  Les 
rapports  imprimés  forment,  en  général,  des  travaux  fort 
complets  et  remplis  de  documents  curieux.  Enquête  sur 
les  tabacs  (1835);  enquête  sur  les  événements  de  juin 
(1848);  enquête  sur  la  marine  (1849)  ;  enquête  sur  la 
production  et  la  consommation  de  la  viande  de  boucherie 
(1851)  ;  enquête  sur  les  actes  du  gouvernement  de  la  Dé- 
fense nationale  (1871-1875)  ;  enquête  sur  l'insurrection  du 
18  mars  (1871)  ;  enquête  sur  le  régime  des  établissements 
pénitentiaires  (1872)  ;  enquête  sur  l'assistance  publique 
(1872)  ;  enquête  sur  les  chemins  de  fer  (1871-1875)  ; 
enquête  sur  les  classes  ouvrières  (1872-1875)  ;  enquête 
sur  l'exploitation  du  monopole  du  tabac  et  des  poudres 
(1873-1875);  enquête  sur  les  souffrances  du  commerce  et 
de  l'industrie  (1877-1878);  enquête  sur  le  régime  disci- 
plinaire des  établissements  pénitentiaires  de  la  Nouvelle- 
Calédonie  (1879)  ;  enquête  sur  l'affaire  Jung-Wœstyne  et 
général  de  Cissey  (1880-1881)  ;  enquête  sur  le  repeuple- 
ment des  eaux  (1879)  ;  enquête  sur  la  situation  des  ouvriers 
de  l'agriculture  et  de  l'industrie  en  France  (1884)  ;  enquête 
sur  la  consommation  de  l'alcool  (1886-1887);  enquête 
générale  sur  les  faits  touchant  à  l'administration  qui  pa- 
raissent de  nature  à  mériter  soit  un  blâme,  soit  une  répres- 
sion (1887-1889);  enquête  (actuellement  en  cours,  1892) 
sur  l'Algérie. 

Enquêtes  sur  des  questions  électorales.  A  fortiori, 
les  Chambres  ont  le  droit  d'ouvrir  des  enquêtes  parlemen- 
taires sur  les  élections  contre  lesquelles  se  sont  élevées  des 
protestations  sérieuses  et  dont  la  sincérité  ou  la  moralité 
paraît  sujette  à  caution.  Et  il  se  peut  même  qu'une  com- 
mission spéciale  soit  investie  d'un  mandat  général  embras- 
sant un  ensemble  d'élections.  Comme  il  s'agit  alors  d'une 
mesure  grave,  il  faut  que,  sur  le  rapport  d'une  commission, 
une  proposition  de  résolution  soit  présentée  à  l'Assemblée 
qui  l'accepte  ou  la  refuse  après  délibération.  Les  pouvoirs 
des  commissions  d'enquête  sont  très  étendus.  Après  avoir 
examiné  les  dossiers  d'élections,  elles  entendent  les  parle- 
mentaires intéressés  et  leurs  concurrents,  convoquent  des 
témoins  appartenant  aux  arrondissements  électoraux  en 
question,  se  transportent,  au  besoin,  sur  les  lieux  mêmes. 
La  comparution  des  fonctionnaires  devant  les  commissaires 
enquêteurs  a  donné  lieu  à  de  continuels  obstacles.  En  pra- 
tique, on  a  fini  par  admettre  la  procédure  suivante.  Le 
gouvernement  reconnaît  qu'une  commission  d'enquête  peut 
s'adresser  à  des  fonctionnaires  placés  sous  les  ordres  des 
procureurs  généraux,  leur  demander  la  révélation  des  faits 
qu'ils  connaissent  ou  la  communication  des  documents  judi- 
ciaires qui  leur  sont  confiés  ;  il  autorise  les  fonctionnaires 
à  se  mettre  en  rapport  avec  les  membres  de  la  commission 
et  à  leur  fournir  notamment  les  moyens  matériels  d'accom- 
plir leur  mission.  Cependant  les  pièces  et  documents  offi- 
ciels ne  doivent  être  mis,  par  les  préfets,  à  la  disposition 
de  la  commission  qu'après  qu'ils  auront  pris  les  instruc- 
tions du  ministre  de  l'intérieur  sur  chaque  fait  particulier 
donnant  lieu  à  une  demande  de  communication.  La  plus 
grande  enquête  de  ce  genre  a  été  celle  qui  fut  faite,  après 
les  élections  d'oct.  1877  qui  renversèrent  le  gouverne- 
ment du  16  mai. 

BiBL.  :  Jurisprudence.  —  Glasson,  les  Sources  de  la 
procédure  civile  française,  pp.  44  et  93.  —  Boitard, 
Colmet-Daâge  et  Glasson,  Leçons  de  procédure  civile^ 
t.  I,  p.  511,  15»  éd.  —  Rousseau  et  Laisney,  Dictionnaire 
de  procédure,  v»  Enquête.  —  Dalloz,  Jurisprudence  géné- 
rale, v°  Enquête.  —  Garraud,  Précis  de  droit  criminel, 
pp.  571,  616,  627,  664,  725,  3«  éd. 

ENQUÊTES  (Chambre  des)  (V.  Chambre,  t.  X,  p.  380). 

ENQUÊTEURS  royaux  (inquisitores  domini  régis) . 
Titre  que  portaient  aux  xni^  et  xiv®  siècles  des  agents  royaux 
chargés  de  faire  enquête  sur  la  conduite  des  fonctionnaires 
dans  les  provinces.  On  les  a  comparés  aux  missi  dominici 
de  l'époque  carolingienne,  mais  il  serait  imprudent  de 
pousser  tro[)  loin  la  comparaison.  Le  vice  le  plus  ordinaire 
de  l'administration  du  moyen  âge  était  la  vénalité  ;  mal 
surveillés  à  cause  de  la  difficulté  des  communications,  les 


—  1095  —  ENQUÊTE  -  ENQUÊTEURS 

fonctionnaires  abusaient  de  leur  pouvoir.  Au  xu®  siècle 
déjà,  la  royauté  capétienne  délègue  de  temps  à  autre  dans 
les  provinces  éloignées  des  agents  extraordinaires,  chargés 
d'une  mission  déterminée;  un  peu  plus  tard,  la  cour  du 
roi,  qui  commence  à  se  constituer,  envoie  ses  membres  faire 
enquête  sur  tel  ou  tel  fait  particulier.  Enfin,  en  1190,  dans 
le  testament  de  Philippe-Auguste,  il  est  parlé  des  clercs 
qui  seront  chargés  de  juger  les  forfaits  des  baillis.  Toute- 
fois, c'est  à  saint  Louis  qu'il  faut  attribuer  l'institution 
régulière  des  enquêteurs,  et  c'est  à  une  pensée  pieuse  que 
cette  institution  doit  sa  naissance.  Avant  de  partir  pour  la 
Terre  sainte,  les  croisés  éprouvaient  généralement  le  besoin 
de  mettre  leur  conscience  en  repos.  Joinville  raconte  com- 
ment, au  moment  de  son  départ,  il  convoqua  tous  ses  voi- 
sins, écouta  leurs  plaintes  et  fit  droit  à  leurs  réclamations. 
Saint  Louis,  qui  avait  la  conscience  chatouilleuse,  fit  la 
même  chose  dans  les  domaines  royaux,  et,  il  faut  l'avouer, 
il  y  avait  matière  à  réforme.  Si  dans  les  anciens  domaines 
de  la  couronne,  l'Ile-de-France,  l'Orléanais,  l'administra- 
tion fonctionnait  à  peu  près  régulièrement,  il  en  allait  tout 
autrement  dans  les  pays  nouvellement  annexés,  en  Ver- 
mandois,  en  Normandie,  en  Touraine  et  surtout  dans  les 
domaines  royaux  du  Midi.  La  Normandie  avait  été  horri- 
blement foulée  par  les  routiers  de  Philippe- Auguste  ;  beau- 
coup de  familles  attachées  à  la  cause  anglaise  avaient  perdu 
leurs  héritages  et  les  baillis  royaux  avaient  traité  tout  le 
pays  en  terre  conquise.  Mais  dans  la  partie  de  l'ancien 
duché  de  Narbonne,  cédée  à  la  couronne  par  le  traité  de 
1229,  la  situation  était  cent  fois  pire  ;  une  grande  partie 
du  sol  avait  été  confisquée  sous  prétexte  d'hérésie  des  pos- 
sesseurs; les  prises  d'armes  de  1240  et  de  1242  avaient 
amené  de  nouvelles  dépossessions,  et  les  habitants,  même 
cathoKques,  étaient  en  butte  aux  violences  et  aux  excès  de 
tous  les  agents  administratifs. 

Les  enquêteurs  royaux  eurent  charge  de  recevoir  les 
plaintes  des  sujets  du  roi  et  de  réparer  les  torts  commis 
par  les  agents  de  tout  ordre,  sénéchaux  et  baillis,  bailes  et 
prévôts.  On  n'a  pas  les  lettres  de  commission  à  eux  déli- 
vrées par  le  prince,  mais  on  les  voit  condamner  les  officiers 
administratifs  à  des  restitutions,  indemniser  les  plaignants, 
faire  rendre  des  terres,  juger,  en  un  mot,  au  contentieux  et 
au  civil.  Ils  n'ont  aucune  autorité  directe  sur  les  séné- 
chaux et  les  officiers  inférieurs,  mais  ils  peuvent  les  obliger 
à  comparaître  devant  eux,  et  fréquemment  sur  leur  rap- 
port le  roi  prononce  la  destitution  des  agents  infidèles.  Le 
plus  souvent,  Louis  IX  charge  de  ces  enquêtes  des  ecclé- 
siastiques, frères  prêcheurs  et  mineurs,  dignitaires  des 
églises  du  Nord;  on  leur  adjoint  parfois  des  chevaHers  de 
petite  noblesse,  attachés  à  la  cour  du  roi.  Les  frais  de 
voyage  et  d'enquête  sont  à  la  charge  du  prince. 

La  première  enquête,  effectuée  en  1247  et  1248,  donna 
des  résultats  excellents,  et,  dans  la  grande  ordonnance  de 
1254  sur  l'administration,  saint  Louis  tint  compte  dans 
une  certaine  mesure  du  travail  de  ses  clercs.  Dès  lors, 
l'institution  fonctionne  d'une  façon  assez  régulière.  Les 
tournées  des  enquêteurs  reprennent  de  temps  à  autre  ;  la 
plus  importante  fut  celle  de  1238-1262  dans  le  Midi;  elle 
eut  pour  résultat  la  restitution  de  leurs  biens  à  une  foule 
de  chevaliers  du  Carcasses  et  du  Bitterrois,  dépouillés  jadis 
comme  complices  d'hérésie.  Les  instructions  de  Louis  IX 
à  ces  enquêteurs  nous  ont  été  conservées  et,  malgré  quel- 
ques réserves  imputables  à  l'esprit  du  temps,  elles  font 
honneur  au  prince  qui  sut  les  inspirer  et  aux  conseillers  qui 
les  ont  rédigées.  Alphonse  de  Poitiers,  frère  de  saint  Louis, 
qui  prenait  volontiers  exemple  sur  son  frère,  eut  aussi  ses 
enquêteurs,  le  plus  souvent  des  frères  mineurs  et  prêcheurs  ; 
mais  Alphonse  était  trop  jaloux  de  son  autorité  pour  donner  à 
ces  agents  extraordinaires  des  pleins  pouvoirs.  Au  lieu  de 
juger  en  dernier  ressort,  ses  enquêteurs  furent  simplement 
chargés  de  recueillir  les  plaintes  et  de  proposer  au  prince 
et  à  ses  conseillers  les  décisions  à  prendre.  En  général, 
leurs  propositions  sont  agréées  et  leurs  décisions  ratifiées, 
mais  souvent  aussi  Alphonse  y  apporte  des  restrictions, 


ENQUÊTEURS  —  ENREGISTREMENT 


1096 


modifie  le  libellé,  diminue  la  somme  à  verser  à  titre  de 
restitution.  Enfin,  dans  bien  des  cas,  les  clercs  enquêteurs 
d'Alphonse  sont  chargés  non  seulement  de  réparer  les  torts 
et  d'extirper  les  abus,  mais  encore  de  procurer  de  l'argent 
à  leur  maître. 

Cette  tendance  ne  fera  que  s'accentuer  plus  tard.   Sous 
Philippe  III,  le  pouvoir  royal  reste  encore  fidèle  aux  tradition^ 
de  Louis  IX,  et  les  enquêteurs  qui  parcourent  les  provinces 
travaillent  activement  à  extirper  les  abus  ;  on  les  voit  rece- 
voir les  plaintes,  diminuer  le  nombre  des  sergents,  régler 
minutieusement  le  salaire  des  notaires  et  autres  gens  de 
justice.  Sous  Philippe  le  Bel,  tout  change  ;  jamais  les  en- 
quêteurs n'ont  été  plus  nombreux  que  sous  ce  règne  ;  sans 
cesse  ils  parcourent  la  France,  et  leurs  lettres  de  commission 
annoncent  en  termes  pompeux  l'intention  du  roi  de  soulager 
ses  sujets  et  de  réparer  les  fautes  de  ses  agents.  Mais  la 
réalité  est  tout  autre.  Le  pouvoir  central  a  besoin  d'argent 
et  les  enquêteurs  sont  chargés  de  lui  en  procurer.  Amendes 
infligées  aux  fonctionnaires  prévaricateurs,  aux  usurpateurs 
du  domaine  public,  vente  de  grâces,  aUénation  de  terres  et 
de  droits  du  fisc,  ils  mettent  en  œuvre  tous  les  moyens,  si 
bien  que  leur  passage  dans  une  province  devient  un  véri- 
table fléau,  redouté  à  l'égal  d'une  invasion.  A  mesure  que 
s'accroissent  les  besoins  du  Trésor,  l'avidité  des  gens  du 
roi  devient  plus  grande.  On  finit  par  oublier  les  seryices 
rendus  jadis  par  les  commissaires  enquêteurs,  on  en  arrive  à 
acheter  leur  départ  à  prix  d'argent,  et  les  villes  composent 
avec  eux  pour  éviter  toute  recherche.  Passé  1400,  l'insti- 
tution disparaît;  elle  est  remplacée  :  au  point  de  vue  admi- 
nistratif par  l'envoi  de  maîtres  du  conseil  du  roi,  au  point 
de  vue  judiciaire  par  des  tribunaux  extraordinaires,  grands 
jours  et  autres.  C'est  ainsi  que  le  pouvoir  royal,  infidèle  à 
sa  mission,  avait  corrompu  l'une  des  plus  belles  institu- 
tions   de  saint  Louis  et  transformé  en  exacteurs  et  en 
oppresseurs  les  ofîiciers  chargés  par  ce  grand  prince  de 
protéger  le  peuple  et  de  réparer  les  excès  des  agents  admi- 
nistratifs. —  Les  actes  des  enquêteurs  de  saint  Louis  figu- 
reront dans  le  tome  XXIV  des  Historiens  de  France, 
publiés  par  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  ;  la 
partie  de  ces  actes  relative  au  domaine  royal  dans  le  Midi 
a  été  imprimée  dans  la  nouvelle  édition  de  V Histoire  géné- 
rale de  Languedoc  (t.  VII,  2^  part.).       A.  Molinier. 

BiBL.  :  Les  sources  du  règne  de  saint  Louis.  —  V.  égale- 
ment BouTARic,  A ip/ionse  de  Poitiers,  pp.  307  et  suiv.  —  Du 
môme,  Mémoires  présentés  par  divers  savants.  —  A.  Mo- 
linier, dans  Hist.  de  Languedoc,  nouv.  édit.,  VIL  l'-^part., 
pp.  505  et  suiv.,  et  t.  IX  et  X,  passim.  —  Bruel,  Notes  de 
Vyon  d'Hérouval,  dans  Bibl.  de  l'Ecole  des  chartes.  XXVIII, 
p.  609.  —  DucANGE,  Glossarium,  v°  Inquisitores. 

ENQUIN.  Com.  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  de  Mon- 
treuil-sur-Mer,  cant.  de  Hucqueliers  ;  154  hab. 

ENQUIN.  Com.  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  deSaint- 
Omer,  cant.  de  Fauquembergues,  sur  la  Laquette  ;  1 ,002  hab. 
Au  hameau  de  Fléchinelle,  mines  de  houille  de  la  Lys-Supé- 
rieure reliées  par  un  embranchement  au  chemin  de  fer  du 
Nord.  L'ancien  château  féodal  de  Fléchinelle  qui  fut,  sui- 
vant la  tradition,  une  commanderie  de  temphers,  a  été 
converti  en  ferme. 

ENRAYAGE.  I.  Technologie  (V.  Charronnâge) . 
IL  Artillerie  (V.  Frein). 

ENRAYURE  (Charp.).  En  général,  assemblage  de  pièces 
de  bois  ou  de  fer  horizontales,  sur  lesquelles  s'appuie  la 
charpente  d'un  comble.  On  donne  particulièrement  ce  nom 
aux  planchers  qui  portent  les  croupes.  Ces  pans  sont  com- 
posés des  entraits  ou  coyers  des  arêtiers,  des  entrai ts  des 
maîtresses  fermes  et  des  croupes  (V.  Croupe).  Les  char- 
pentes des  combles  coniques  ou  sphériques,  tels  que  les 
combles  de  pavillons,  de  clochers,  de  dômes,  etc.,  reposent 
sur  des  enrayures.  Une  même  charpente  peut  avoir  plu- 
sieurs enrayures  étagées  les  unes  au-dessus  des  autres, 
soit  pour  permettre  d'adopter  une  nouvelle  combinaison, 
soit  pour  relier  tout  le  système.  L.  K. 

ENREGISTREMENT.  L  Ancien  droit  (V.  Acte,  1. 1, 
p.  m6). 


IL  Administration  et  finances.  —  L'enregistrement 
est  un  droit  qui  se  perçoit  au  profit  du  trésor  public  sur 
les  actes  et  sur  les  mutations  de  propriété  ou  de  jouis- 
sance, à  raison  de  l'inscription  qui  se  fait  des  uns  et  des 
autres  sur  les  registres  à  ce  destinés.  C'est  donc  à  la  fois 
un  impôt  et  une  formalité.  Comme  contribution  publique, 
l'enregistrement  est  une  variété  de  l'impôt  indirect,  puis- 
qu'au  lieu  d'être  établi  directement  sur  les  personnes  ou 
sur  les  propriétés,  il  ne  prend  naissance  qu'au  fur  et  à 
mesure  des  actes  ou  conventions  par  lesquels  la  richesse 
mobilière  ou  immobilière  change  de  mains  et  révèle  son 
existence.  Comme  formalité,  l'enregistrement  ne  se  ren- 
ferme pas  dans  une  fonction  purement  fiscale,  il  produit 
certains  effets  civils  dans  l'intérêt  des  parties  contractantes 
et  de  la  société  elle-même.  A  ce  point  de  vue,  il  est  vrai 
de  dire  avec  Portails,  que  l'enregistrement  est  «  une  de 
ces  institutions  fiscales,  qui  offrent  à  la  fois  et  le  bien  de  la 
finance  et  celui  des  citoyens  »  (Locré,  Discours  prélimi- 
naire sur  le  Code  civil,  I,  308).  Une  administration 
spéciale,  ressortissant  au  ministère  des  finances,  l'admi- 
nistration de  l'enregistrement,  des  domaines  et  du  timbre, 
est  préposée  à  l'accomplissement  de  la  formalité  de  l'enre- 
gistrement et  au  recouvrement  des  taxes  qui  y  sont  atta- 
chées. Pour  apprécier  exactement  l'importance  de  la  mis- 
sion dévolue  à  ce  service  financier,  pour  en  comprendre  le 
mécanisme  administratif,  il  est  nécessaire  de  présenter  en 
raccourci  l'histoire  des  transformations  que  l'enregistre- 
ment a  subies  dans  sa  longue  marche  à  travers  les  siècles 
et  les  peuples,  de  marquer  les  diverses  phases  de  son  évo- 
lution et  d'interroger  les  causes  générales  ou  particulières 
qui  l'ont  conduit  d'étape  en  étape,  après  bien  des  vicissi- 
tudes, jusqu'aux  conceptions  du  droit  moderne.  Ce  n'est 
pas  à  dire  que  l'on  doive  chercher  dans  les  institutions 
fiscales  de  l'antiquité,  la  source  de  notre  système  actuel 
d'enregistrement.  Mais,  entre  la  législation  française   et 
celleque  nous  allons  explorer,  il  existe,  qu'on  le  veuille 
ou  non,  de  nombreuses  ressemblances,  d'autant  plus  re- 
marquables qu'elles  sont  pour  ainsi  dire  fortuites  et  que 
l'hypothèse  d'un  emprunt  direct  de  l'une  à  l'autre  organi- 
sation doit  être  rejetée. 

L'impôt  des  mutations,  qui  est  aujourd'hui  une  des 
branches  les  plus  importantes  du  droit  d'enregistrement, 
fut  perçu  à  Rome,  pendant  plusieurs  siècles.  On  sait,  par 
Dion  Cassius  et  par  l'historien  grec  Appien,  contemporain 
de  Pline  le  Jeune,  que  les  triumvirs  établirent  un  impôt 
sur  les  successions  testamentaires.  Cette  contribution, 
décrétée  en  l'an  744  de  Rome  (40  ans  av.  J.-C),  sous  le 
consulat  de  Marcius  Censorinus  et  de  Calvisius  Sabinus, 
provoqua  une  émeute  et  n'eut  qu'une  existence  éphémère. 
Les  droits  de  mutation  ne  s'organisèrent  définitivement  à 
Rome  que  sous  le  règne  d'Auguste.  Pour  subvenir  à  la 
solde  de  l'armée  et  alimenter  Vœrarium  militare,  cet  em- 
pereur créa  d'abord  un  droit  du  cinquantième  du  prix  des 
esclaves  vendus,  puis  une  taxe  du  centième  des  biens  ahé- 
nés  par  adjudication  {centesima  auctionum  vectigal 
rerum  venalium).  Et  comme  ces  impositions  étaient 
insuffisantes  pour  assurer  l'entretien  du  trésor  militaire, 
Auguste  fit  voter  par  le  Sénat,  en  l'an  759  de  Rome 
(5  ap.  J.-C),  sous  le  consulat  d'iEmihus  Lepidus  et 
Arruntius  Nepos,  la  hi  Julia  vicesimahœreditatum^qm 
assujettissait,  comme  son  nom  l'indique,  les  transmissions 
par  décès  à  un  impôt  du  vingtième  de  la  valeur  de  l'héré- 
dité. La  loi  Julia  s'appliquait  aux  successions  légitimes 
comme  aux  testaments,  mais  elle  ne  frappait  que  les  citoyens 
romains,  à  l'exclusion  des  habitants  de  la  province,  déjà 
grevés  de  l'impôt  foncier  ou  tributum  soli.  Les  agents 
chargés  de  la  perception  évaluaient  eux-mêmes  d'office  la 
valeur  passible  de  la  vicesima,  sauf  l'action  en  restitution 
du  double,  ouverte  au  profit  du  redevable  qui  aurait  été 
victime  d'une  extorsion.  Les  frais  funéraires  étaient  dé- 
duits pour  le  calcul  de  la  taxe.  L'usufruit  était  estimé 
d'après  l'âge  du  légataire.  Faute  de  s'être  mis  en  règle 
avec  le  Trésor  dans  les  quatre  mois  de  son  envoi  en  pos- 


—  1097 


ENREGISTREMENT 


session,  l'héritier  encourait  les  intérêts  de  retard  fixés  à 
d2  «/o.  Etaient  exempts  de  l'impôt  les  très  proches  parents 
et  ceux  qui  recueillaient  une  succession  pauvre.  La  pre- 
mière de  ces  immunités  se  fondait,  suivant  la  remarque  de 
Pline,  sur  ce  que  les  héritiers  appelés  à  en  profiter  étaient 
considérés  par  la  loi  civile  comme  ayant  la  copropriété 
du  patrimoine  du  défunt  et  comme  se  succédant  à  eux- 
mêmes.  Si  l'on  devait  ajouter  foi  au  témoignage  de  Pline  et 
de  Dasumius,  on  pourrait  conjecturer  que  l'impôt  du 
vingtième  faisait  partie  des  contributions  affermées  par 
voie  d'adjudication,  aux  sociétés  vectigaliennes  et,  en  con- 
séquence, était  recouvré  par  les  publicains.  Mais  de  nom- 
breux textes  de  Macer  et  de  Lampride,  le  rescrit  adressé  par 
Caracalla  aux  procuratores  hereditatum,  les  inscriptions 
où  il  est  fréquemment  question  de  ces  procuratores,  tout 
nous  porte  à  penser  que  la  perception  de  la  vicesima  était 
opérée  par  les  agents  directs  de  l'empereur.  Il  y  avait  un 
prociirator  dans  chaque  chef-Heu  de  quelque  importance. 
Ce  fonctionnaire,  qui  était  chargé  de  centraliser  les  recou- 
vrements, avait  sous  ses  ordres  un  personnel  de  tabellio- 
nes,  de  prœsignatores,  à'exactores  et  de  commentarii, 
préposés,  les  uns  à  la  recette  de  l'impôt,  les  autres  aux 
opérations  de  contrôle.  A  Rome,  le  titulaire  du  bureau  cen- 
tral ajoutait  à  son  titre  de  procurator  celui  de  magister 
vicesimœ. 

Le  droit  du  centième  des  ventes  fut  abrogé  par  Caligula 
et  remplacé  par  une  taxe  judiciaire  fixée  au  quarantième 
de  la  valeur  des  objets  en  litige  (Suétone,  liv.  XL).  L'im- 
pôt sur  les  ventes  d'esclaves  paraît  également  s'être  ren- 
fermé dans  une  période  d'application  assez  courte  (Tacite, 
Annales,  liv.  XIIL  ch.  xxxi).  Quant  à  la  vicesima  des 
successions,  elle  subit,  sous  les  successeurs  d'Auguste, 
plusieurs  modifications,  dont  la  plus  notable  fut  l'exten- 
sion de  cet  impôt  aux  habitants  de  la  province,  que  la  loi 
Julia  en  avait  expressément  affranchis.  En  financier  avisé, 
Caracalla  réalisa  cette  grave  réforme,  par  une  voie  indi- 
recte, en  accordant  le  droit  de  cité  à  tous  les  sujets  de  l'Em- 
pire (L.  17,  Dig.  De  Statu  hominum,  I,  5).  L'admission 
des  provinciaux  au  jus  italicum  entraînait  pour  eux,  de 
plein  droit,  l'obligation  de  contribuer  désormais  au  paye- 
ment de  la  vicesima.  Comme  pour  mieux  accentuer  le  ca- 
ractère fiscal  de  cette  mesure,  Caracalla  étendit  la  percep- 
tion du  droit  de  mutation  aux  dons  entre  vifs  et  en  porta 
le  taux  du  vingtième  au  dixième.  De  là,  le  nom  de  décima 
donné  à  cet  impôt  par  le  jurisconsulte  Ulpien. 

L'impôt  sur  les  successions,  qui  était  encore  en  vigueur 
vers  la  fin  du  iv*^  siècle,  sous  le  règne  de  Valons,  paraît 
avoir  été  supprimé,  sinon  par  Justinien  lui-même,  au  moins 
par  son  prédécesseur  Justin  (L.  23,  Cod.  De  Testamentis, 
VI,  23).  En  Gaule,  où  elle  avait  été  introduite,  en  212, 
par  redit  de  Caracalla,  la  vicesima  hereditatum  dispa- 
rut au  lendemain  de  la  conquête  franque.  Les  rois  barbares 
suppléèrent  aux  impôts  implantés  dans  la  Gaule  par  les 
Romains,  au  moyen  des  revenus  de  leurs  domaines  et  des 
cens  ou  redevances  exigées  de  leurs  colons  et  tenanciers. 
Mais,  à  partir  de  l'avènement  du  régime  féodal,  on  voit  re- 
naître le  droit  de  mutation,  non  plus  avec  le  caractère 
d'impôt  public,  mais  sous  la  forme  de  profits  seigneuriaux 
dus  au  suzerain  par  le  vassal  ou  censitaire.  La  perception 
de  ces  redevances  seigneuriales  découlait  des  principes 
mêmes  du  pacte  féodal.  Originairement,  le  droit  du  vassal 
prenait  fin  avec  sa  vie  et  faisait  retour  au  suzerain.  Pour 
rentrer  dans  le  fief,  l'héritier  devait  se  faire  agréer  par  le 
seigneur  direct  et  lui  payer,  comme  prix  de  cette  investi- 
ture, un  droit  de  rachat*^ou  de  relief,  ainsi  nommé  parce 
que  le  nouveau  vassal  était  censé  racheter  ou  relever  sa 
tenure  du  droit  de  réversion  dont  elle  était  grevée  au  pro- 
fit du  suzerain.  Par  la  suite,  les  fiefs  devinrent  héréditaires. 
Mais,  en  perdant  le  droit  de  retour,  les  seigneurs  se  ré- 
servèrent, outre  la  foi  et  hommage,  la  redevance  de  relief 
ou  de  rachat  attachée  au  renouvellement  de  l'investiture. 
D'autre  part,  l'hérédité  des  fiefs  n'emporta  pas  immédiate- 
ment pour  le  vassal  le  droit  de  vendre  sa  tenure.  Rien 


qu'héréditaires,  les  fiefs  furent  longtemps  exclus  du  com- 
merce. Dans  le  principe,  le  vassal  ne  pouvait  aliéner  son 
fief  qu'avec  la  permission  du  seigneur,  sous  peine  d'en- 
courir la  commise  ou  confiscation,  et  cette  autorisation 
n'était  accordée  qu'à  prix  d'argent.  La  somme  payée  par 
le  tenancier  pour  obtenir  ce  consentement  s'appelait  (jî^mi^, 
en  matière  de  vente  de  fiefs,  et  lods  et  ventes,  dans  les 
aliénations  de  biens  roturiers  ou  censives.  A  la  longue,  les 
fiefs  devinrent  librement  transmissibles,  et  les  anciennes 
exigences  se  réduisirent  à  TobUgation  purement  fiscale 
d'acquitter,  lors  de  la  vente,  1^  droit  de  quint. 

On  le  voit,  les  droits  de  mutation  dans  la  période  du 
moyen  âge  étaient  de  deux  sortes.  Les  uns,  spéciaux  aux 
transmissions  par  décès,  à  savoir  les  droits  de  relief  ou  de 
rachat;  les  autres,  perçus  sous  le  nom  de  quint  ou  lods 
et  ventes,  sur  les  aliénations  à  titre  onéreux.  Il  s'en  faut 
que  ces  redevances  féodales  fussent  perçues  suivant  un 
taux  uniforme.  Le  droit  de  vente,  primitivement  fixé  au 
cinquième  du  prix,  était  du  quart  en  Nivernais,  du  hui- 
tième en  Guyenne,  du  sixième  en  Périgord,  du  douzième 
dans  le  Maine,  du  treizième  en  Normandie.  Quant  au  droit 
de  succession,  il  consistait  généralement  en  une  somme  égale 
au  revenu  d'une  année  des  biens  transmis  :  «  Quand  aucun 
meurt,  porte  l'art.  67  de  la  coutume  de  Rretagne,  en 
quelque  âge  que  soient  ses  héritiers,  le  prince  ou  autre 
ayant  droit  de  rachat  prendra  et  lèvera,  pour  un  an,  les 
fruits  et  issues  des  terres,  héritages  et  rentes  du  décédé.  » 
Ce  droit  de  relief  était  calculé  sur  la  totalité  du^  revenu 
brut,  sans  distraction  des  charges.  Les  successions  en 
ligne  directe  en  étaient  exemptées.  Toutefois,  ces  hérédi- 
tés étaient,  elles-mêmes,  assujetties  au  droit  de  rehef  dans 
quelques  coutumes,  notamment  dans  les  comtés  de  Mantes 
et  de  Meulan .  Rien  qu'elle  eût  été  réglementée  par  la  coutume , 
la  perception  de  ces  diverses  redevances  était  entachée  du 
plus  odieux  arbitraire  et  n'avait  guère  d'autre  limite  que 
le  bon  plaisir  du  seigneur.  Tous  nos  anciens  feudistes  en 
témoignent  :  «  Dieu  sait,  nous  dit  Loyseau,  dans  son  livre 
sur  VAbus  des  justices  de  village,  comment  le  seigneur 
usurpe  hardiment  et  impunément  sur  ses  sujets,  sous  des 
prétextes  dont  les  pauvres  gens  n'osent  se  plaindre;  et 
quand  ils  s'en  plaindraient,  leurs  juges  n'en  oseraient  taire 
justice,  et  si  on  les  saurait  bien  attraper  au  passage.  Et 
c'est  pourquoi  on  dit  que  le  seigneur  de  paille  mange  le 
vassal  d'acier  ^ 

Ce  n'était  pas  seulement  contre  la  rapacité  des  seigneurs 
que  les  tenanciers  avaient  à  défendre  leur  bourse;  ils  étaient 
aussi  en  butte  aux  exactions  du  fisc  royal.  Prenant  exemple 
sur  les  seigneurs,  nos  rois  à  court  d'argent  imposèrent  aux 
transmissions  d'immeubles  une  contribution  de  1  %.  Cette 
taxe,  connue  sous  le  nom  de  centième  denier,  avait  e 
tort  grave  de  se  superposer  aux  redevances  féodales  de 
relief  ^i&Q  quint.  Pour  justifier  le  nouvel  impôt  de  ce 
reproche  de  double  emploi,  les  financiers  royaux  imagi- 
nèrent d'en  rattacher  la  perception  à  la  formalité  de  1  insi- 
nuation qui  avait  été  introduite  en  France  par  un  edit  de 
François  P^  de  1S39,  en  vue  d'assurer  la  publicité  des 
donations  et  de  garantir  contre  la  fraude  les  tiers  créan- 
ciers et  acquéreurs.  Restreinte,  dans  le  prmcipe,  aux  do- 
nations entre  vifs,  l'insinuation  fut  étendue,  par  un  editde 
déc.  1703,  à  «  tout  contrat  de  vente,  échange,  décret  et 
autres  actes  translatifs  de  biens  immeubles,  tenus  en  fiet 
ou  en  censive  »,  et  le  centième  denier  constitua  le  salaire 
de  cette  formalité.  Ainsi  subordonné  à  l'accomplissement 
de  l'insinuation  des  titres  de  transfert,  le  centième  denier 
semblait  n'être  que  le  prix  d'un  service  rendu,  la  rémuné- 
ration des  avantages  procurés  aux  particuliers  par  la  pu- 
blicité des  contrats.  Mais,  en  réalité,  c'était  bien  un  impôt. 
En  déclarant  l'insinuation  obhgatoire  pour  les  actes  qui  en 
étaient  primitivement  affranchis,  Louis  XIV  n'avait  d'autre 
but  que  d'accroître  les  ressources  du  Trésor.  Il  le  recon- 
naissait lui-même,  à  mots  couverts,  en  expliquant,  dans  lés 
préambules  des  édits,  que  le  centième  denier  permettrait 
de  «  subvenir  aux  dépenses  excessives  de  la  guerre  ».  Le 


ENREGISTREMENT 


—  1098 


caractère  fiscal  du  centième  denier  finit,  d'ailleurs,  par 
apparaître  au  grand  jour.  Dans  le  dernier  état  de  la  juris- 
prudence, cette  taxe  était  pour  ainsi  dire  indépendante  de 
la  formalité  de  l'insinuation;  elle  frappait  les  mutations 
immobilières,  à  titre  gratuit  ou  onéreux,  par  succession 
ou  autrement,  même  dans  le  cas  où  la  transmission  se 
réalisait  sans  écrit  et  où,  par  conséquent,  il  ne  pouvait 
être  question  d'acte  à  insinuer.  Les  seules  mutations  qui 
fussent  affranchies  du  centième  denier  étaient  les  succes- 
sions en  ligne  directe  et  les  donations  par  contrat  de  ma- 
riage faites  aux  futurs  époux  par  leurs  père  et  mère  (édit 
de  d703;  déclaration  du  19  juil.  1704). 

A  la  même  époque  et  parallèlement  au  centième  denier, 
fonctionnait  une  autre  taxe,  également  établie  au  profit  du 
trésor  royal  sur  les  actes  et  les  conventions  civiles,  mais 
d'une  portée  différente  :  nous  voulons  parler  du  droit  de 
contrôle.  Tandis  que  l'insinuation,  accompagnée  du  centième 
denier,  ne  concernait  que  les  mutations,  le  contrôle  était 
exigé  pour  tous  les  actes  des  notaires,  des  huissiers  et  des 
greffiers,  ainsi  que  pour  les  actes  sous  seing  privé  énoncés 
dans  les  contrats  authentiques  ou  produits  en  justice.  D'autre 
part,  le  contrôle  avait  spécialement  pour  but,  non  d'assurer 
la  publicité  des  actes  qui  en  étaient  susceptibles,  mais  de 
prévenir  les  falsifications  et  antidates  :  «  Cette  formalité, 
lit-on  dans  le  Dictionnaire  de  droit  de  Ferrière,  a  pour 
objet  d'établir  la  vérité  et  l'authenticité  des  actes  notariés 
et  de  prévenir  les  fraudes,  les  faussetés,  suppositions  et 
antidates  que  les  notaires  pourraient  pratiquer.  »  Tel  est, 
en  effet,  le  motif  louable  que  proclamait  l'ordonnance  con- 
stitutive du  contrôle  donnée  à  Blois  par  Henri  III,  en  juin 
1581.  Mais,  au  fond,  le  véritable  mobile  de  la  mesure  était 
de  battre  monnaie  au  moyen  du  trafic  des  offices  du  con- 
trôle. A  chaque  instant,  le  spécieux  prétexte  de  la  date 
certaine  à  conférer  aux  actes  était  démenti  pa-r  les  nom- 
breuses déclarations  qui  affranchissaient  de  la  bienfaisante 
formalité  plusieurs  villes  de  province,  à  la  charge  de  payer 
une  somme  fixe  ou  une  sorte  d'abonnement. 

Nous  ne  mentionnerons  que  pour  mémoire  les  taxes  pa- 
rasites qui,  sous  le  nom  de  droits  réservés,  d'amortisse- 
ment, nouvel  acquêt,  franc-fief,  droits  de  sceau,  frappaient 
les  actes  et  mutations  déjà  assujettis  aux  droits  de  con- 
trôle et  de  centième  denier.  Toutes  ces  contributions  de 
l'ancien  régi  aie  avaient  ce  caractère  d'épargner  les  riches 
et  les  puissants  pour  retomber  de  tout  leur  poids  sur  les 
«  bourgeois,  laboureurs,  marchands  et  autres_  personnes  du 
commun  ».  Ainsi,  pour  ne  parler  que  du  droit  de  contrôle, 
un  certain  nombre  de  provinces  rachetèrent  cet  impôt 
moyennant  une  indemnité  payée  une  fois  pour  toutes. 
D'autres  contractèrent  des  abonnements  dérisoires.  Quel- 
ques-unes, notamment  la  Flandre,  le  Hainaut  et  l'Artois, 
furent  exemptées  gratuitement.  Il  va  sans  sans  dire  que 
les  nombreux  privilégiés  de  l'ancien  régime,  les  nobles  et  les 
gens  de  cour,  pour  qui  payer  l'impôt  eût  été  déroger,  réussis- 
saient le  plus  souvent  à  éluder  les  prescriptions  des  édits  et 
à  passer  à  travers  les  mailles  du  fisc.  Quand  l'abbé  Terray 
s'avisa  de  graduer  le  taux  des  contributions,  à  raison  de 
la  qualité  des  personnes  et  des  degrés  de  noblesse,  on  vit 
affluer  dans  les  bureaux  de  recettes  «  une  foule  de  nobles 
venant  déclarer,  sous  l'empire  d'une  sordide  inquiétude, 
qu'ils  n'étaient  pas  nobles,  qu'ils  ne  voulaient  pas  l'être, 
et  ce  mouvement  d'abdication  morale  revêtit  un  caractère 
de  plus  en  plus  honteux  »  (Louis  Blanc,  Histoire  de  la 
Révolution,  II,  p.  36).  Les  choquantes  immunités  accor- 
dées à  la  noblesse  eurent  pour  contre-coup  de  grossir  dé- 
mesurément la  cote  des  roturiers.  Par  suite  du  cumul  des 
droits  royaux  et  des  redevances  seigneuriales,  les  taxes  de 
mutation  imposaient  aux  possesseurs  de  la  terre  une  charge 
ruineuse,  équivalant  à  une  véritable  confiscation.  Nous 
lisons  dans  un  mémoire  remis  à  l'Assemblée  nationale  par  la 
Société  royale  d'agriculture  que,  pour  une  acquisition  immo- 
bilière de  26,000  livres,  on  payait,  d'abord  6,240  livres 
pour  le  quint  du  seigneur,  puis  850  livres  pour  le  cen- 
tième denier,   enfin  260  livres  pour  les  frais  de  l'acte, 


soit  en  tout  7,090  livres,  c.-à-d.  27  <>/o  du  prix  de  vente. 
Mais  l'impopularité  du  centième  denier,  du  contrôle  et  des 
autres  droits  similaires  venait  moins  de  leur  taux  excessif 
que  de  l'arbitraire  et  de  la  dureté  avec  lesquels  la  percep- 
tion en  était  organisée.  Les  droits  de  mutation  et  de  contrôle 
n'étaient  pas  recouvrés  par  les  agents  du  trésor  royal.  Au 
fur  et  à  mesure  de  l'établissement  ou  de  l'augmentation 
des  diverses  taxes,  le  roi  instituait  des  offices  de  contrô- 
leurs dont  il  faisait  le  trafic  par  l'intermédiaire  de  traitants 
ou  partisans.  Le  traitant,  qui  était  d'ordinaire  un  banquier 
juif  ou  itahen,  payait  au  Trésor  le  tiers  ou  le  quart  du  pro- 
duit présumé  de  la  vente  des  nouveaux  offices  et  s'arrogeait 
tout  le  surplus.  Un  pareil  système  de  perception  ne  manqua 
pas  d'ouvrir  la  porte  aux  abus  les  plus  criants.  Directe- 
ment intéressés  au  recouvrement  de  l'impôt,  les  traitants 
et  les  acquéreurs  d'offices  étaient  naturellement  portés  à 
forcer  le  sens  de  la  loi  pour  la  rendre  plus  productive  et 
accroître  leurs  profits.  Montesquieu  n'a  rien  exagéré  en 
écrivant,  au  sujet  du  droit  de  contrôle,  que  les  traitants 
préposés  au  recouvrement  de  cette  taxe  «  exerçaient  un 
pouvoir  arbitraire  sur  les  fortunes  »  (Esprit  des  lois, 
liv.  XIII,  ch.  ix).  Il  est  avéré  que  les  maltôtiers  usèrent  et 
abusèrent  de  ce  pouvoir  dangereux  sans  le  moindre  scru- 
pule. Dès  1589,  un  orateur  des  Etats  généraux  dénonçait 
publiquement  les  exactions  des  «  courtiers  et  maquignons 
d'offices,  vermine  d'hommes  et  couvée  d'aspics,  éclos  en 
une  nuit,  lesquels  ont  fureté  le  royaume  jusqu'aux  cendres 
des  maisons,  inventant  toutes  sortes  d'impositions  nouvelles 
sur  le  pauvre  peuple,  ne  lui  laissant  que  la  langue  toute 
sèche  pour  crier  à  Dieu  et  les  yeux  pour  pleurer  ». 

Pour  remédier  à  cette  déplorable  situation,  Colbert  subs- 
titua à  l'organisation  qu'on  vient  de  décrire  celle  de  la 
ferme  générale  (ordonn.  du  15  sept.  1661).  Désormais, 
les  droits  de  centième  denier  et  de  contrôle,  au  heu  d'être 
exploités  par  les  traitants,  en  vertu  de  conventions  parti- 
culières, furent  affermés  par  voie  d'adjudication,  avec  les 
autres  droits  domaniaux  de  la  couronne,  à  une  association 
de  financiers,  chargée  d'en  opérer  le  recouvrement  pour 
son  propre  compte  et  à  ses  risques  et  périls.  Les  soixante 
fermiers  généraux  ne  se  rendaient  pas  personnellement 
adjudicataires  ;  le  bail  était  passé  au  nom  d'un  commis  quel- 
conque, qu'ils  déléguaient  à  cet  effet.  C'est  cet  adjudica- 
taire apparent  qui  signait  le  procès-verbal  d'adjudication  ; 
c'est  en  son  nom  et  à  sa  requête  que  se  faisaient  les  pour- 
suites contre  les  débiteurs  de  l'impôt.  Les  fermiers  géné- 
raux ne  jouaient,  officiellement,  d'autre  rôle  que  de  cau- 
tionner l'adjudicataire,  de  payer  le  prix  du  bail  et  de 
compter,  le  jour  de  la  signature  du  traité,  un  pot-de-vin  de 
150,000  livres  au  contrôleur  des  finances.  Mais,  en  réahté, 
ces  personnages  avaient  la  haute  main  sur  toutes  les  parties 
du  service  de  la  ferme  ;  ils  nommaient  aux  emplois  et  assu- 
raient par  les  quarante-cinq  directeurs,  les  cent  quarante 
et  un  receveurs  particuliers  et  les  innombrables  commis 
placés  sous  leurs  ordres,  la  rentrée  des  droits  et  impôts 
compris  dans  l'adjudication.  La  réforme  inaugurée  par 
Colbert  n'eut  pas  les  heureux  résultats  qu'on  pouvait  en 
attendre.  La  gestion  des  fermiers  généraux  ne  fut  guère 
moins  scandaleuse  que  celle  des  anciens  traitants.  Ces 
agioteurs,  que  Le  Sage  a  stigmatisés  dans  sa  comédie  de 
furcaret,  réalisèrent  dans  le'maniement  des  deniers  publics 
des  profits  si  considérables,  qu'ils  en  vinrent  à  occuper 
dans  la  hiérarchie  sociale  de  leur  temps  une  place  prépon- 
dérante, prenant  le  pas  sur  la  noblesse  et  les  grands  du 
rovaume  par  leur  faste  royal  et  leurs  folles  prodigahtés. 
Tous  les  fermiers  généraux  donnaient  des  fêtes  somptueuses 
et  recevaient  magnifiquement.  C'est  de  l'un  d'eux,  La  Popeli- 
nière,  que  Marmontel  aimait  à  redire  :  «  Jamais  bourgeois 
n'a  mieux  vécu  en  prince.  »  La  table  de  Samuel  Bernard 
lui  coûtait  150,000  Uvres  par  an.  Chez  le  fermier  général 
Dupin,  à  Chenonceaux,  la  vie  n'était  pas  moins  large 
et  fastueuse  :  «  On  y  faisait  très  bonne  chère,  a  écrit 
J.-J.  Rousseau  ;  j'y  devins  gras  comme  un  chanoine.  »  Mais 
les  indulgents  panégyristes  des  Dupin,  des  Bernard,  des 


—  4099  — 


ENREGISTREMENT 


La  Popelinière  oublient  de  nous  dire  que  les  frais  de  cette 
existence  épicurienne  étaient  payés  par  les  malheureux 
contribuables.  Pendant  que  Rousseau  composait  des  can- 
tates pour  la  belle  et  spirituelle  châtelaine  de  Chenonceaux, 
la  ferme  générale  poursuivait  le  cours  de  ses  rapines  légales, 
«  levant  des  taxes  sèches,  les  augmentant  arbitrairement 
quand  on  tardait  à  les  acquitter,  multipliant  les  frais  et 
faisant  jeter  dans  les  cachots  jusqu'aux  maires  et  échevins 
des  villes  et  des  communes  récalcitrantes  »  (Saint-Simon, 
Mémoires,  xxviii,  209).  De  toutes  les  taxes  en  vigueur  à 
cette  époque,  celles  qui  se  prêtaient  le  mieux  aux  percep- 
tions abusives  étaient,  sans  contredit,  les  droits  de  con- 
trôle  et  de  centième  denier.  Nous  n'en  voulons  d'autre 
témoignage  que  les  célèbres  remontrances  faites  au  roi, 
en  1775,  par  Malesherbes,  au  nom  de  la  cour  des  aides  : 
«  Votre  Majesté  saura,  disait  ce  magistrat,  que  tous  les 
droits  de  contrôle,  d'insinuation,  de  centième  denier,  qui 
portent  sur  tous  les  actes  passés  entre  les  citoyens,  s'arbi- 
trent suivant  la  fantaisie  des  fermiers  ou  de  leurs  préposés  : 
que  les  prétendues  lois  sur  cette  matière  sont  si  obscures 
et  si  incomplètes  que  celui  qui  paye  ne  peut  jamais  savoir 
ce  qu'il  doit  ;  que  souvent  le  préposé  ne  le  sait  pas  mieux 
et  qu'on  se  permet  des  interprétations  plus  ou  moins  rigou- 
reuses suivant  que  le  préposé  est  plus  ou  moins  avide... 
Un  impôt  établi  sous  le  spécieux  prétexte  d'augmenter 
l'authenticité  des  actes  et  de  prévenir  les  procès,   force 
souvent  vos  sujets  à  renoncer  aux  actes  publics  et  les  en- 
traîne dans  des  procès  qui  sont  la  ruine  de  leur  famille.  » 
Ces  énergiques  et  courageuses  réclamations  ne  restèrent 
pas  sans  écho.  Par  un  arrêtde  règlement  du  9  janv.  4780, 
Necker  supprima  la  ferme  générale  et  lui  substitua,  du 
moins  en  ce  qui  concerne  le  contrôle,  l'insinuation,  le 
centième  denier,  l'amortissement,  le  nouvel  acquêt  et  les 
autres  droits  domaniaux,  le  système  de  la  régie  intéressée. 
Une  compagnie  spéciale,  l'administration   générale   des 
domaines,  fut  préposée  au  recouvrement  de  ces  diverses 
impositions.  Les  perceptions  mises  en  régie  étaient  en- 
caissées pour  le  compte  de  l'Etat,  et  c'est  par  là  que  l'or- 
ganisation instituée  par  Necker  se  séparait  nettement  du 
système  de  la  ferme  générale.  Les  régisseurs  avaient  une 
participation  dans  les  produits  de  l'impôt.  Indépendamment 
d'un  traitement  fixe,  il  leur  était  alloué  une  part  ou  remise 
dans  les  recouvrements,  lorsque  la  recette  montait  au- 
dessus  du  minimum  fixé  dans  le  cahier  des  charges  du  baih 
En  4787,  cette  participation  était  du  tiers  de  la  plus-value. 
Ce  mode  d'administration  était,  sans  contredit,  do  beaucoup 
préférable  à  celui  de  la  ferme.  Comme  on  l'a  fait  remar- 
quer, «  l'intérêt  des  régisseurs  dans  les  produits  n'était 
pas  assez  grand  pour  qu'ils  missent  dans  la  perception 
toute  la  rigueur  dont  on  avait  accusé  les  fermiers,  et  il 
l'était  assez  pour  qu'ils  veillassent  à  ce  que  le  Trésor  ne 
perdît  rien  des  droits  qui  lui  étaient  acquis  »  (Dalloz, 
n«  48). 

Si  méritoire  qu'elle  fût,  l'innovation  réalisée  par  Necker 
resta  en  deçà  du  but  à  atteindre.  C'est  qu'en  effet  il  ne 
suffisait  pas,  pour  alléger  la  situation  des  redevables  et 
introduire  l'équité  dans  l'application  de  l'impôt,  d'améliorer 
l'outillage  administratif.  Ce  qui  importait  avant  tout  c'était 
de  renouveler  les  bases  de  la  législation  fiscale  elle-même, 
de  fixer  les  tarifs  dans  de  plus  justes  proportions  avec  l'im- 
portance des  actes  et  des  mutations,  de  simplifier  et  d'uni- 
fier les  règles  de  perception,  en  les  dégageant  des  dispo- 
sitions obscures  et  contradictoires  où  les  redevables  et  les 
préposés  avaient  peine  à  se  conduire.  Il  était  réservé  au 
législateur  de  la  Révolution  d'opérer  cette  réforme  si  im- 
patiemment attendue.  Après  avoir,  dans  la  nuit  historique 
du  4  août  1789,  prononcé  l'abolition  des  privilèges  féodaux, 
l'Assemblée  constituante  confia  à  Talleyrand  le  soin  de 
préparer  un  projet  de  revision  de  la  législation  du  contrôle 
et  du  centième  denier.  Ce  projet  fut  déposé  sur  le  bureau 
de  l'Assemblée  en  nov.  1790,  décrété  le  5  déc.  suivant  et 
promulgué  par  Louis  XVI,  le  19  du  même  mois.  Aux 
termes  de  cette  loi,  la  Constituante  supprimait  les  droits 


de  contrôle,  d'insinuation,  de  centième  denier  et  autres 
droits  royaux  établis  sur  les  conventions  civiles  et  les  trans- 
missions de  propriété.  Mais,  en  même  temps  qu'elle  pro- 
nonçait l'abrogation  des  anciennes  taxes,  l'Assemblée  assu- 
jettissait à  la  formahté  de  l'enregistrement  les  actes  et  les 
mutations  «  pour  assurer  leur  existence  et  constater  leur 
date  »,  et  décidait  que  cette  formalité  aurait  lieu  moyennant 
la  perception  d'un  droit  proportionnel  à  la  valeur  des  biens 
transmis  ou  gradué  à  raison  de  l'importance  présumée  des 
contrats.  Le  droit  d'enregistrement  créé  par  le  décret  des 
3  et  19  déc.  1790  n'était  donc,  à  vrai  dire,  qu'une  trans- 
formation, un  perfectionnement  des  droits  de  contrôle  et  de 
centième  denier  dont  il  prenait  la  place.  Il  atteignait, 
comme  ceux-ci,  les  actes  des  officiers  pubUcs  et  ministériels, 
les  actes  judiciaires,  les  mutations  d'immeubles  entre  vifs 
et  les  successions.  Mais,  à  la  différence  des  anciens  édits, 
qui  graduaient  le  taux  des  droits  d'acte  d'après  la  dignité 
delà  personne,  le  code  fiscal  de  1790  prenait  pour  base 
des  tarifs  la  fortune  du  contribuable  et  posait  nettement, 
pour  la  première  fois,  le  principe  de  la  proportionnante  du 
droit  à  l'importance  des  valeurs  transmises  ou  énoncées 
dans  les  contrats.  D'autre  part,  la  loi  nouvelle  substituait 
des  règles  de  perception  aussi  claires  que  méthodiquement 
coordonnées  aux  procédés  d'interprétation  empiriques  et 
arbitraires  qui  étaient  en  honneur  sous  le  contrôle.  Pour 
compléter  son  œuvre,  la  Constituante  réorganisa,  par  décret 
des  18-27  mai  1791,  le  mécanisme  administratif  de  la 
perception,  en  instituant  la  régie  des  droits  d'enregistre- 
ment et  autres  y  réunis.  Les  employés  de  cette  régie  con- 
tinuèrent à  être  rétribués,  à  tous  les  degrés  de  la  hiérarchie, 
par  des  remises  sur  le  montant  des  recettes.  Mais,  contrai- 
rement à  ce  qui  avait  heu  sous  l'empire  de  la  réglemen- 
tation antérieure,  la  régie  de  1791,  au  lieu  de  constituer 
une  compagnie  financière,  interposée  entre  le  Trésor  et  le 
contribuable,  fut  rattachée  directement  à  l'Etat,  en  tant 
qu'administration  publique  et  service  ressortissant  au 
ministère  des  finances.  Le  personnel  de  la  régie  compre- 
nait douze  régisseurs  ayant  le  droit  de  nommer  à  toutes 
les  places  ;  de  quatre-vingt-trois  directeurs  départementaux, 
assistés  d'un  nombre  suffisant  d'inspecteurs  et  de  vérifica- 
teurs ;  de  gardes-magasin  du  timbre  et  de  trois  mille  cinq 
cents  receveurs  do  l'enregistrement,  opérant  une  recette 
annuellede  60  milKons  environ  et  dont  les  remises  s'élevaient 
à  4,200,000  fr.,  soit  à  7  °/o  des  recouvrements. 

Issue  d'un  mouvement  de  réaction,  d'ailleurs  très  légi- 
time, contre  les  abus  et  les  exactions  auxquels  se  prêtaient 
les  anciens  droits  de  contrôle  et  de  centième  dernier,  la  lé- 
gislation de  1790  s'était  montrée  plus  libérale  pour  le 
contribuable  que  prévoyante  pour  le  Trésor.  Animée  du 
louable  désir  d'éviter  dans  l'application  du  droit  d'enre- 
gistrement toute  apparence  d'inquisition,  la  Constituante 
s'était  quelque  peu  désintéressée  des  mesures  à  prendre 
pour  prévenir  la  fraude  et  assurer  le  recouvreinent  des 
taxes  dissimulées  aux  agents  du  Trésor.  L'expérience  dé- 
montra bientôt  la  nécessité  de  combler  cette  lacune  et  de 
reprendre  en  sous-œuvre  le  code  de  1790.  Cette  réforme 
fut  réalisée  sous  le  Directoire,  par  la  loi  du  22  frimaire 
an  VII.  Préparée  et  rapportée  devant  le  conseil  des  Cinq-- 
Cents  par  Duchâtel,  ancien  directeur  des  domaines,  la  loi 
de  l'an  VII,  qui  constitue  encore  de  nos  jours  le  code  or- 
ganique de  l'enregistrement,  est  une  œuvre  des  plus  remar- 
quables. Par  la  clarté  et  le  juste  équihbre  de  ses  disposi- 
tions, par  l'ampleur  des  vues  philosophiques  qui  dominent 
et  justifient  ses  habiles  classifications,  elle  reste,  malgré  les 
déformations  partielles  qu'elle  a  subies,  le  chef-d'œuvre 
de  notre  législation  financière.  C'est  cette  loi  qui  formule 
la  division  fondamentale  des  taxes  d'enregistrement  en 
droits  fixes  et  en  droits  proportionnels.  Le  droit  fixe  est  le 
prix  de  la  formalité  de  l'enregistrement  pour  les  actes  qui 
ne  sont  pas  de  nature  à  comporter  l'impôt  proportionnel. 
Il  s'applique  à  tous  les  actes  civils,  judiciaires  ou  extraju- 
diciaires ne  contenant  aucune  stipulation  de  sommes  ou 
valeurs,  tels  que  les  actes  purement  déclaratifs,  inventaires, 


ENREGISTREMENT 


—  diOO  — 


procès- verbaux,  procurations,  consentements,  ratifications, 
renonciations,  acceptations.  La  quotité  en  est  graduée  à 
raison  de  l'utilité  que  l'acte  est  censé  offrir  aux  parties. 
Quant  au  droit  proportionnel,  il  n'est  pas  seulement  le  prix 
d'une  formalité,  c'est,  de  plus,  une  contribution  assise  sur 
les  valeurs.  Toute  mutation  de  propriété  ou  de  jouissance, 
tout  acte  portant  obligation,  libération,  condamnation,  col- 
location  ou  liquidation  de  sommes  et  valeurs,  est  assujetti 
à  l'impôt  proportionnel.  Ainsi  ce  droit  est  exigible  sur  les 
ventes,  échanges,  donations,  baux,  adjudications,  marchés, 
emprunts,  quittances,  cautionnements,  jugements  de  con- 
damnation, ordres  et  collocations  judiciaires.  Rigoureuse- 
ment proportionnel  à  l'importance  des  valeurs  transmises 
ou  stipulées,  le  droit  proportionnel  atteint  la  circulation 
des  biens  ;  il  frappe  la  richesse  au  moment  où  elle  change 
de  mains  par  l'effet  des  conventions  ou  par  voie  de  décès. 
Fixes  ou  proportionnels,  les  droits  d'enregistrement  doivent 
être  acquittés  dans  un  délai  déterminé  par  la  loi,  sous 
peine  d'amende.  L'obligation  de  l'enregistrement  incombe 
aux  notaires,  huissiers  ou  greffiers,  pour  les  actes  de  leur 
ministère,  et  aux  parties  elles-mêmes,  pour  les  actes  sous 
seing  privé.  Le  payement  des  droits  de  succession  est  effec- 
tué par  les  héritiers  ou  légataires,  dans  les  six  mois  du 
décès.  Telle  est,  à  grands  traits,  la  structure  de  la  loi  du 
22  frimaire  an  VIL  Cette  loi  est  encore  debout,  et  elle  forme 
la  clef  de  voûte  de  notre  législation  sur  l'enregistrement. 
Elle  a  toutefois  reçu,  depuis  sa  promulgation,  d'assez  sen- 
sibles atteintes.  L'accroissement  prodigieux  de  la  richesse 
mobilière,  les  progrès  du  commerce  et  de  l'industrie,  l'ac- 
tivité sociale  du  monde  contemporain  ont  créé  une  matière 
imposable  pour  ainsi  dire  inconnue  dulégislateur  de  l'an  VIL 
De  là  les  lois  complémentaires  successivement  édictées 
pour  assujettir  au  droit  d'enregistrement  les  rentes  sur 
l'Etat,  les  fonds  publics  étrangers  elles  actions  des  sociétés 
étrangères  transmis  par  décès  (loi  du  18  mai  4850)  ;  les 
cessions  de  titres  d'actions  ou  d'obligations  des  sociétés  ou 
compagnies  (loi  du  23  juin  4857)  ;  les  valeurs  mobilières 
étrangères  dépendant  des  successions  de  Français  ou 
d'étrangers  résidant  en  France,  et  les  assurances  mari- 
times ou  contre  l'incendie  (loi  du  23  août  4874)  ;  les  obli- 
gations des  communes,  départements,  établissements  pu- 
Mies  et  celles  du  Crédit  foncier  (loi  du  46  sept.  4874)  ;  les 
ventes  de  fonds  de  commerce  ou  de  clientèles  (loi  du 
28  févr.  4872)  ;  les  transmissions  par  décès  de  capitaux 
ou  rentes  provenant  d'assurances  sur  la  vie  (loi  du  24  juin 
4875).  A  côté  de  ces  modifications  qui  correspondent  au 
développement  de  la  vie  économique  du  pays  se  placent 
malheureusement  plusieurs  majorations  de  tarifs  dont  la 
seule  justification  est  de  pourvoir  aux  besoins  du  Trésor. 
De  ce  nombre  sont  la  plupart  des  surtaxes  édictées  au  len- 
demain de  l'invasion,  en  4846  et  en  4874.  Les  décimes 
ajoutés  au  principal  des  droits  de  toute  nature  ;  Taugmen- 
tation  considérable  des  divers  droits  fixes  (lois  des  28  avr. 
4846  et  28  févr.  4872)  ;  le  remplacement  du  droit  fixe 
des  partages,  des  mariages  et  de  quelques  autres  actes  dé- 
claratifs, par  un  tarif  gradué,  participant  du  droit  fixe  et 
du  droit  proportionnel,  toutes  ces  innovations,  qui  altèrent 
si  fâcheusement  l'économie  de  la  loi  de  l'an  VII,  nous  ont 
été  léguées  par  la  guerre  et  n'ont  d'autre  fondement  que 
l'inéluctable  nécessité  d'équihbrer  le  budget.  Nous  devons 
toutefois  mentionner  quelques  lois  de  dégrèvement  :  celles 
du  8  sept.  4  830  et  du  24  mai  4834  qui  réduisent  le  droit 
des  actes  de  prêts  sur  dépôts  de  marchandises  et  des  actes 
passés  après  faillite;  celle  du  24  mai  4836  qui  accorde  le 
tarif  exceptionnel  de  4  fr.  aux  actes  concernant  les  che- 
mins vicinaux  ;  celle  du  3  mai  4844,  qui  admet  à  l'enre- 
gistrement gratuit  tous  les  contrats  faits  en  vue  d'une 
expropriation  pour  cause  d'utilité  publique  ;  celle  du  3juil. 
'1846,  qui  affranchit  de  toute  perception  les  actes  dont 
la  production  serait  nécessaire  pour  la  célébration  du  ma- 
riage des  indigents  ;  celle  du  22  janv.  4854  sur  l'assis- 
tance judiciaire  ;  celles  du  27  juil.  4870  et  du  3  nov. 
4884  qui  favorisent,  par  une  sensible  atténuation  du  droit 


proportionnel,  les  échanges  d'immeubles  ruraux  contigus 
ou  situés  dans  la  même  commune  ;  celle  du  23  oct.  4884 
qui  autorise  le  remboursement  des  droits  perçus  sur  les 
actes  de  procédure  préparatoires  aux  ventes  judiciaires 
d'immeubles  n'excédant  pas  2,000  fr.  Ces  diverses  lois 
d'exception  se  justifient  par  des  motifs  d'intérêt  général, 
puisqu'elles  tendent,  les  unes  à  régulariser  l'état  civil  des 
indigents,  les  autres  à  activer  la  libre  circulation  des 
biens  et  le  mouvement  des  affaires  commerciales.  Il  faut 
citer  aussi  les  lois  particulières  qui  ont  dû  êtr§  édictées,  à 
plusieurs  reprises,  pour  supprimer  certaines  immunités 
fiscales,  contraires  au  principe  de  l'égalité  des  citoyens 
devant  l'impôt  :  nous  voulons  parler  de  la  loi  du  48  avr. 
4834,  qui  a  ramené  sous  l'empire  de  la  règle  commune  les 
acquisitions  et  donations  réalisées  par  les  départements, 
hospices,  séminaires  et  congrégations  ;  la  loi  du  20  févr. 
4849  qui  impose  aux  biens  dits  de  mainmorte  des  éta- 
blissements publics,  des  congrégations  et  des  sociétés 
anonymes  une  taxe  représentative  des  droits  de  mutation, 
entre  vifs  et  par  décès  ;  enfin  les  lois  du  28  déc.  4880 
et  du  29  déc.  4884  qui  assujettissent  les  communautés 
religieuses,  autorisées  ou  non  autorisées,  à  un  droit  de  mu- 
tation de  9  7o  sur  les  accroissements  que  détermine  le 
décès  ou  la  retraite  de  leurs  membres  (V.  Contributions 
DIRECTES,  Congrégation,  Mainmorte). 

Ce  n'est  pas  seulement  au  point  de  vue  de  la  gradua- 
tion des  tarifs  et  de  la  détermination  de  la  matière  impo- 
sable que  la  législation  organique  de  l'enregistrement  a 
été  modifiée.  Des  changements  non  moins  appréciables  ont 
été  introduits  dans  le  régime  de  l'administration  préposée 
au  recouvrement  de  l'impôt.  Le  système  de  régie  intéres- 
sée, institué  par  le  décret  des  48-27  mai  4794,  fut  aboli 
par  une  ordonnance  du  47  mai  4847.  A  partir  de  cette 
époque,  le  directeur  général  de  l'enregistrement,  les  admi- 
nistrateurs et  les  employés  supérieurs  du  service  central 
et  des  départements  n'eurent  plus  que  des  traitements  fixes, 
indépendants  de  la  recette.  Seuls,  les  receveurs  continuèrent 
à  être  rétribués  par  des  remises  sur  les  recouvrements.  Mais, 
de  ce  que  ce  dernier  mode  de  rémunération  a  été  maintenu 
pour  les  agents  de  perception,  il  ne  faut  pas  conclure  que 
les  receveurs  de  l'enregistrement  constituent  des  régis- 
seurs au  sens  strict  du  mot  et  soient  accessibles  aux  pré- 
occupations pécuniaires  qu'on  a  pu  reprocher,  avec  plus  ou 
moins  de  raison,  à  leurs  devanciers  de  4794.  Les  remises 
de  ces  comptables  sont  en  effet  calculées  d'après  un  tarif 
décroissant,  de  sorte  qu'au-dessus  d'un  certain  chiffre,  la 
progression  des  receltes  ne  détermine  qu'une  augmenta- 
tion insignifiante  de  traitement.  Ainsi,  à  partir  de  6  mil- 
lions, une  perception  de  40,000  fr.  ne  procure  au  receveur 
qu'une  remise  de  4  fr.  D'un  autre  côté,  on  ne  doit  pas 
oublier  que  toutes  les  opérations  de  recette  des  comptables 
sont  soumises  à  la  revision  attentive  d'employés  supérieurs 
dont  la  mission  spéciale  est  de  redresser  toute  erreur  de 
perception  commise  aussi  bien  au  préjudice  du  contri- 
buable que  du  Trésor.  C'est  donc  se  servir  d'une  expres- 
sion impropre  que  de  qualifier  de  régie,  comme  on  le  fait 
quelquefois,  le  corps  des  employés  de  l'enregistrement.  Ce 
service  financier  est  une  administration,  au  même  titre  que 
la  direction  générale  des  contributions  directes  ou  celle 
des  contributions  indirectes. 

Actuellement,  l'administration  de  l'enregistrement  com- 
prend un  service  central  et  un  service  départemental.  Le 
service  central,  dont  le  siège  est  à  Paris,  sous  la  dépen- 
dance directe  du  ministre  des  finances,  se  compose  de 
4  directeur  général,  de  3  administrateurs,  40  chefs  de 
bureau,  45  sous-chefs,  20  rédacteurs  et  24  commis 
ou  expéditionnaires.  Conformément  à  l'ordonnance  du 
47  déc.  4844  et  aux  décrets  réglementaires  du  4  9  janv. 
4885  et  du  4®^  déc.  4890,  le  directeur  général  dirige  et 
surveille  toutes  les  parties  de  l'administration  et  nomme 
aux  emplois  de  receveur  et  de  sous-inspecteur.  Il  a  sous 
ses  ordres  immédiats,  indépendamment  du  bureau  du  per- 
sonnel, le  bureau  central  où  s'élaborent  les  projets  de  loi 


—  1404 


ENREGISTREMENT 


sur  l'enregistrement  et  les  autres  impôts  recouvrés  par 
l'administration,  les  requêtes  et  les  mémoires  en  défense 
devant  la  cour  de  cassation,  les  notes  et  rapports  concer- 
nant les  propositions  de  loi  communiquées,  pour  observa- 
tions et  avis,  par  le  ministre  des  finances,  enfin  les  ins- 
tructions et  circulaires.  Les  administrateurs,  qui  sont 
nommés  par  décret  du  président  de  la  République,  sont 
choisis  parmi  les  chefs  de  bureau  ou  les  directeurs  dépar- 
tementaux. Ils  dirigent  chacun  la  division  qui  leur  est 
confiée  et  se  réunissent,  sous  la  présidence  du  directeur 
général,  en  conseil  d'administration  pour  aviser  aux  me- 
sures d'ordre  général  ou  de  discipline  qui  sont  déférées  à 
ce  conseil.  Les  chefs,  sous-chefs  et  rédacteurs,  distribués 
entre  les  trois  divisions,  le  bureau  du  personnel  et  le  bu- 
reau central,  sont  chargés  de  la  surveillance  et  de  la  suite 
du  travail  des  agents  de  tout  grade  dans  les  départements  ; 
d'examiner  les  opérations  de  contrôle  des  employés  supé- 
rieurs et  de  préparer  la  correspondance  échangée,  soit 
avec  le  ministre,  soit  avec  les  directeurs  départementaux, 
au  sujet  des  questions  intéressant  la  perception  de  l'impôt 
et  la  gestion  du  domaine  de  l'Etat.  C'est  le  ministre  qui 
nomme  aux  emplois  de  chef  de  bureau,  de  sous-chef  et  de 
rédacteur.  Les  chefs  se  recrutent  parmi  les  sous-chefs  et 
ceux-ci  parmi  les  rédacteurs,  qui  sont  eux-mêmes  choisis, 
à  la  suite  d'un  concours  des  plus  difficiles,  parmi  les  sous- 
inspecteurs  des  départements. 

Le  service  départemental  du  continent,  celui  de  l'Algérie 
et  de  nos  possessions  coloniales,  comprenait,  au  l^"^  janv. 
4891  :  89  directeurs,  99  inspecteurs,  479  sous-inspec- 
teurs, 96  receveurs-rédacteurs,  50  contrôleurs,  439  gardes- 
magasin  du  timbre  et  contrôleurs  de  comptabilité, 
330  conservateurs  des  hypothèques,  40  receveurs-conser- 
vateurs, 2,957  receveurs  de  l'enregistrement  et  644  sur- 
numéraires. Dans  chaque  département,  un  directeur  est  à 
la  tête  de  l'administration.  Ce  chef  de  service  dirige  les 
employés  de  tout  grade  du  département,  correspond  avec 
le  directeur  général,  assure  l'exécution  des  décisions  de 
radministration  supérieure,  instruit  le  contentieux  et  les 
pétitions  en  remise,  centralise  la  comptabilité  des  receveurs 
et  en  adresse  l'état  ou  bordereau  récapitulatif  à  la  compta- 
bilité publique.  La  correspondance  du  directeur  est  pré- 
parée par  le  receveur-rédacteur  attaché  à  ses  bureaux.  Les 
travaux  de  comptabilité,  la  garde  des  papiers  timbrés  et 
l'expédition  de  ces  papiers  aux  divers  bureaux  du  départe- 
ment sont  confiés  au  garde-magasin,  contrôleur  de  comp- 
tabilité de  la  direction.  L'inspecteur  a  pour  mission  de 
surveiller  les  receveurs,  de  vérifier  l'état  de  leur  caisse  et 
de  reviser  les  opérations  de  contrôle  des  sous-inspecteurs. 
Il  rend  compte  du  résultat  de  ses  investigations  au  direc- 
teur, son  supérieur  immédiat.  Les  sous-inspecteurs  sont 
chargés  de  vérifier  annuellement,  dans  tous  ses  détails, 
la  comptabilité  des  receveurs  d'enregistrement  et  de  s'as- 
surer que  toutes  les  perceptions  ont  été  régulièrement 
établies.  Une  de  leurs  attributions  les  plus  importantes 
consiste  dans  le  contrôle  extérieur  qu'ils  exercent  chez  les 
notaires  et  autres  officiers  publics,  au  siège  des  sociétés  par 
actions,  des  congrégations  et  des  établissements  publics. 
Leurs  recherches  dans  les  archives  des  notaires  et  des  autres 
personnes  soumises  au  droit  de  communication  des  agents 
du  Trésor,  permet  fréquemment  à  l'administration  de  cons- 
tater l'exigibilité  de  droits  d'enregistrement  ou  de  timbre 
dérobés  à  la  connaissance  des  receveurs,  et  d'en  poursuivre 
la  rentrée.  Il  y  a  généralement  un  sous-inspecteur  dans 
chaque  arrondissement.  Quant  aux  receveurs,  ils  sont  pré- 
posés, dans  chaque  canton,  à  la  gestion  des  bureaux  de 
recette;  ils  accomplissent  les  formalités  de  l'enregistre- 
ment et  du  visa  pour  timbre  sur  les  actes  qui  y  sont 
assujettis  et  encaissent  les  droits  attachés  à  ces  formalités. 
Il  est  à  remarquer  que  les  receveurs  n'ont  pas  à  se  déplacer 
pour  opérer  le  recouvrement  de  l'impôt.  C'est  au  bureau 
même  de  l'enregistrement  que  les  redevables  doivent  se 
présenter  pour  acquitter  les  taxes  dont  ils  peuvent  être 
tenus.  Les  délais  impartis  pour  le  payement  des  droits 


varient  suivant  la  nature  des  actes  et  des  mutations.  En 
ce  qui  concerne  les  actes  notariés,  ce  délai  est  de  dix  ou 
de  quinze  jours,  suivant  que  l'officier  public  réside  ou  ne 
réside  pas  dans  la  commune  oii  le  bureau  d'enregistrement 
est  établi.  Pour  les  procès-verbaux  et  les  actes  des  huis- 
siers, le  délai  est  réduit  à  quatre  jours.  Il  est  porté  à 
vingt  jours  pour  les  actes  judiciaires  et  administratifs  ;  à 
trois  mois  pour  les  transmissions  verbales  ou  sous  seing 
privé  d'immeubles  ou  de  fonds  de  commerce;  à  six  mois 
pour  les  mutations  par  décès.  Lorsque  les  officiers  publics 
ou  ministériels  et  les  redevables  laissent  expirer  ces  dé- 
lais sans  s'être  mis  en  règle  avec  le  Trésor,  le  receveur 
relève  les  amendes  de  retard  qu'ils  ont  encourues  et  fait 
les  diligences  nécessaires  pour  obtenir  la  rentrée  des  droits 
en  souffrance.  Il  est  d'ailleurs  assez  facile  aux  agents  du 
Trésor  de  réprimer  les  infractions  commises  à  cet  égard 
par  les  notaires  et  les  officiers  ministériels,  puisque  ceux-ci 
sont  tenus  de  consigner  jour  par  jour  leurs  actes  sur  un 
répertoire  qui  est  vérifié  trimestriellement  par  le  receveur. 
Quant  aux  insuffisances  ou  dissimulations  dans  les  prix  de 
vente  et  déclarations  de  mutation,  la  surveillance  en  est 
assurée  au  moyen  du  répertoire  général  des  enregistre- 
ments établi  dans  chaque  bureau.  Ce  document  fait  res- 
sortir, activement  et  passivement,  la  situation  de  tout  con- 
tribuable ayant  figuré  dans  un  acte  enregistré  ou  dans  une 
mutation  déclarée  au  bureau.  Le  receveur  y  inscrit  les 
successions  échues  au  titulaire  du  compte,  les  acquisitions 
immobihères  consenties  à  son  profit,  les  aliénations,  consti- 
tutions de  créances  à  terme,  en  un  mot  tous  les  actes  et 
faits  juridiques  révélant  ou  produisant  un  changement 
quelconque  dans  la  fortune  du  contribuable.  Grâce  à  ce 
répertoire  individuel,  qui  est  constamment  tenu  à  jour, 
l'administration  est  en  mesure  de  suivre  les  mouvements 
de  la  propriété  foncière  et  de  contrôler  l'exactitude  des 
déclarations  de  succession.  Lorsqu'il  y  a  lieu,  pour  assurer 
le  payement  des  droits,  de  recourir  à  des  poursuites,  le 
receveur  décerne  contrainte  contre  le  débiteur  du  Trésor. 
Cette  contrainte,  rendue  exécutoire  par  le  juge  de  paix, 
est  signifiée  par  huissier;  elle  interrompt  la  prescription 
et  peut  servir  de  base  à  une  saisie  mobilière,  à  une  saisie- 
arrêt  ou  à  tout  autre  mode  d'exécution  du  droit  commun. 
Le  redevable  doit,  pour  arrêter  la  poursuite,  former  oppo- 
sition à  la  contrainte  et  assigner  l'administration  devant  le 
tribunal  civil  de  l'arrondissement  du  bureau.  L'instance  est 
instruite  sans  plaidoirie,  sur  simples  mémoires  ;  le  minis- 
tère des  avocats  est  interdit.  S'il  s'agit  d'un  droit  indûment 
perçu,  le  contribuable  est  fondé  à  en  demander  la  restitu- 
tion, soit  par  la  voie  amiable  d'une  pétition,  soit  par  voie 
d'assignation  devant  le  tribunal. 

Les  receveurs  de  l'enregistrement  fournissent,  avant 
d'entrer  en  fonctions,  un  cautionnement  en  numéraire  fixé 
au  double  des  remises  moyennes  de  leur  bureau.  Ils  sont 
nommés  par  le  directeur  général,  au  fur  et  à  mesure  de  la 
vacance  des  emplois,  parmi  les  surnuméraires  âgés  de 
vingt  et  un  ans.  Les  surnuméraires,  qui  forment  le  premier 
échelon  de  la  hiérarchie  administrative,  sont  nommés  au 
concours;  ils  doivent  justifier  du  diplôme  de  bachelier 
es  Tettres  ou  es  sciences  complet.  Ces  jeunes  gens  accom- 
plissent leur  stage  dans  les  bureaux  d'enregistrement  entre 
lesquels  ils  sont  répartis. 

Dans  les  villes  les  plus  importantes,  les  receveurs  de  l'en- 
registrement sont  secondés  par  des  receveurs-contrôleurs, 
pour  la  recherche  des  mutations  secrètes  d'immeubles  ou 
de  fonds  de  commerce  et  les  insuffisances  d'évaluation. 
Ajoutons  que,  depuis  l'an  VII,  le  personnel  des  conser- 
vateurs hypothécaires  se  recrute  exclusivement  parmi  les 
receveurs  et  les  employés  supérieurs  de  l'enregistrement. 
Il  existe  même  un  assez  grand  nombre  d'arrondissements 
oti  les  fonctions  de  receveur  sont  réunies  à  celles  de  con- 
servateur des  hypothèques.  Nous  avons  déjà  fait  connaître 
quelle  est  la  mission  dévolue  aux  titulaires  des  conser- 
vations hypothécaires.  Il  serait  sans  intérêt  de  revenir  sur 
ces  explications  (V.  Conservateur  des  hypothèques). 


ENREGISTREMENT  —  1^02 

Telle  est,  à  grands  traits,  l'organisation  du  service  de 
Tenref^istrement.  Parmi  les  attributions  nombreuses  et 
complexes  dont  cette  administration  est  investie,  les  unes 
n'intéressent  que  le  Trésor,  les  autres  ont  un  caractère 
d'utilité  publique  et  profitent  à  la  généralité  des  citoyens. 
En  tant  que  service  financier  et  comme  préposée  à  la  ges- 
tion du  domaine  (V.  ce  mot),  l'administration  de  l'en- 
registrement est  une  des  sources  les  plus  productives  des 
revenus  de  l'Etat.  Elle  recouvre,  en  outre  des  droits 
d'enregistrement,  les  droits  de  timbre  de  toute  nature,  la 
taxe  de  4  °/o  sur  le  revenu  des  valeurs  mobilières,  les  pro- 
duits domaniaux  et  certains  produits  forestiers  (V.  Forêts, 
Impôt  sur  le  revenu).  L'ensemble  des  recettes,  qui  ne 
s'élevait  guère  qu'à  450  millions  en  1820,  approche 
aujourd'hui  de  800  miUions.  Cette  progression  énorme 
résulte  tant  du  rehaussement  des  tarifs  que  du  déve- 
loppement de  la  matière  imposable  et  de  l'expansion  des 
forces  économiques  du  pays.  En  1890,  dernier  exercice 
financier  dont  les  résuUats  soient  connus,  le  total  des 
constatations  a  été  de  781,846,772  fr.  Cette  somme  se 
répartit  ainsi  qu'il  suit  :  ^^^^^^ 

Transmissions  à  titre  onéreux  (ventes,  etc.).  16o.717.289 

Donations  entre  vifs }^r^nl'\^^^- 

Droits  de  succession •  ^-^l'I.i'ill^, 

Transmissions  de  jouissance  (baux,  etc.)..     ^-^^^-^^^ 

Obhgations,  quittances,  marchés o  Von  oa7 

Condamnations,  collocations ^f  •  f 2]  ,  ^n 

Droits  fixes  (actes  civils,  exploits,  etc.). . .  o4.8K.liU 
Droits  gradués   (mariages,  p^artages ,  so- 

ciétés,etc.) ^\if~ 

Droits  et  demi-droits  en  sus 4 .  i^o .  «o J 

Ameadesfixes \'n,iVÀ 

Droitsdegreffe l'ifç,' ^fa 

Droits  d'hypothèque ^Ito-^, 

Assurances  maritimes ^  '  ^  •  ^^-^ 

Droits  de  transmission  sur  les  actions  et 

obligations, Vmm 

Perceptions  diverses z.ni.Kji^ 

Total  des  droits  d'enregistrement..   539.799.690 

Droits  de  timbre ^?^oAn*!ot 

•    Impôt  de  4  °/o  sur  le  revenu bO .  800 .  5ol 

Produits  du  domaine 17 .  228 .  381 

Produits  forestiers ;•.••••       '^  •  n?!  *  vm 

Retenue  sur  les  pensions  civiles. .  918.501 

Produits  divers I^M^) 

Ensemble 781 .846.772 

Comme  on  le  voit,  les  droits  d'enregistrement  repré- 
sentent les  soixante-neuf  centièmes  de  la  recette  totale.  La 
plus  fructueuse  des  branches  d'impôt  est,  sans  contredit, 
le  droit  de  mutation  entre  vifs  et  par  décès  qui,  à  lui 
seul,  assure  au  budget  un  produit  annuel  de  426  millions, 
Y  compris  la  taxe  de  transfert  sur  les  actions  et  obligations. 
La  prospérité  du  produit  des  transmissions  est  sous  la 
dépendance  directe  et  immédiate  des  événements  qui  affectent 
la  vie  économique  de  la  nation.  Nul  autre  impôt  n'est  plus 
sensible  à  l'action  des  causes  générales  qui  dominent  le 
marché  et  qui,  tour  à  tour,  précipitent  ou  paralysent 
l'essor  des  affaires  civiles  et  commerciales.  Il  suffit,  pour 
s'en  convaincre,  d'interroger  les  statistiques  officielles  du 
ministère  des  finances  :  on  verra  que  les  moins-values 
du  droit  de  mutation  atteignent  leur  maximum  d  intensité 
aux  époques  de  crise,  sous  l'influence  des  perturbations 
politiques  ou  sociales  qui  alarment  les  capitaux  de  place- 
ment et  déprécient  la  valeur  de  la  propriété. 

L'administration  de  l'enregistrement,  on  vient  de  le  dire, 
n'a  pas  que  des  attributions  fiscales.  A  plusieurs  égards, 
notamment  en  ce  qui  concerne  la  gestion  du  domaine  de 
l'Etat  et  la  conservation  des  hypothèques,  elle  est  chargée 
d'un  véritable  service  public.  Même  en  matière  d'enregistre- 
ment, il  est  vrai  de  dire  que  cette  administration  remplit 
un  rôle  éminemment  favorable  aux  intérêts  des  contrac- 


tants et  de  la  société  en  général.  Si,  en  effet,  l'enregistre- 
ment n'a  plus,  sous  le  rapport  de  l'existence  et  de  l'authen- 
ticité des  contrats,  l'importance  que  lui  assignait  l'ancienne 
législation  du  contrôle,  toujours  est-il  que  cette  formalité 
sert  encore  à  donner  date  certaine  aux  actes  sous  seing 
privé  (C.  civ.,  art.  1328;  C.  comm.,  art.  42;  décr. 
1«^  oct.  1862,  art,  8,  XL  série,  B,  n°^  1063-40674).  Elle 
est  prescrite,  dans  certains  cas,  comme  condition  de  l'exer- 
cice d'un  droit  ou  d'un  privilège  (C.  civ.,  art.  2074  et 
2075;  loi  du  28  nivôse  an  XIII,  art.  3).  D'autre  part, 
l'enregistrement  fixe  l'état  matériel  des  actes  ;  il  permet 
aux  préposés  de  veiller  à  la  stricte  observation  des  règles 
tracées  pour  la  forme  des  actes  authentiques  par  la  loi  sur 
le  notariat.  Aujourd'hui,  comme  au  temps  du  contrôle, 
les  receveurs  de  l'enregistrement  sont  tenus  de  parafer 
les  rôles  et  les  renvois,  ainsi  que  les  mots  rayés,  d'en 
prendre  note  sur  leurs  registres  et  de  signaler  aux  magis- 
trats du  parquet  les  surcharges,  interlignes  et  autres  irré- 
gularités relevées  dans  le  corps  de  l'acte.  Grâce  à  ce 
contrôle  des  préposés  de  l'enregistrement,  les  parties  con- 
tractantes n'ont  pas  à  craindre  que  leurs  conventions 
soient  dénaturées,  après  coup,  par  des  altérations  ou  des 
changements  opérés  à  leur  insu.  On  ne  saurait  nier  qu'à 
ce  point  de  vue,  l'administration  do  l'enregistrement  n'exerce 
une  mission  protectrice  d'une  haute  portée  morale,  puis- 
qu'elle tend  à  garantir  la  stabilité  des  conventions  et  à 
barrer  la  route  à  la  fraude.  Ajoutons  que  l'enregistrement 
a  ce  caractère  spécial  entre  les  autres  impôts  d'être  à  chaque 
instant  en  contact  avec  le  droit  civil  et  de  nécessiter,  de 
la  part  des  pré^)osés,  l'exercice  de  toutes  les  facultés  du 
jurisconsulte.  La  perception  de  ce  droit  ne  découle  pas  seu- 
lement des  textes  do  la  loi  fiscale.  Si  la  loi  de  l'impôt  rè^le 
la  quotité  des  taxes  à  percevoir,  le  droit  civil  en  détermine 
l'exigibilité.  C'est  par  ce  caractère  scientifique  que  l'enre- 
gistrement affirme  sa  prééminence  sur  les  autres  formes 
d'impôt  et  mérite  d'être  envisagé  «  comme  la  plus  noble, 
et,  pour  mieux  dire,  la  seule  noble  des  lois  fiscales  » 
(Troplong,  Fieviie  de  législation,  X,  p.  147). 

Assurément,  l'institution  financière  qui  vient  d'être  dé- 
crite n'est  pas  à  l'abri  de  toute  critique.  Ce  qu'on  peut 
lui  reprocher  avec  le  plus  de  raison,  c'est  le  taux  parfois 
excessif  et  l'assiette  défectueuse  des  nombreux  droits  fixes 
perçus  sur  les  actes  qui  ne  contiennent  aucun  mouvement 
de  valeur.  Ces  taxes,  qui  étaient  très  modérées  à  l'origine, 
ont  été  triplées  et  quadruplées  par  les  lois  qui,  à  plusieurs 
reprises,  ont  remanié  le  tarif  de  l'an  VIL  Le  droit  fixe, 
dont  le  minimum  est  généralement  de  3  fr.  75,  est  inva- 
riable, quelle  que  soit  la  fortune  du  débiteur  ;  aussi  frappe- 
t-il  aveuglément  les  situations  qui  mériteraient  le  plus  de 
faveur,  les  ventes  judiciaires,  les  petites  successions,  les 
actes  intéressant  les  mineurs,  les  actes  relatifs  à  l'état  civil 
des  personnes.  Les  droits  fixes  établis  sur  les  actes  judi- 
ciaires sont  absolument  incompatibles  avec  le  principe  de 
la  gratuité  de  la  justice  :  «  Ces  taxes,  a  écrit  Bentham, 
sont,  dans  plusieurs  cas,  un  déni  de  justice,  une  contribu- 
tion levée  sur  la  détresse  ;  elles  font  peser  le  fardeau,  non 
sur  ceux  qui  retirent  le  plus  de  bénéfice  des  t^ribunaux, 
mais  sur  ceux  qui  en  ont  le  moins  ;  et,  bien  loin  d'avoir 
une  tendance  à  diminuer  le  nombre  des  procès,  elles  offrent 
un  encouragement  direct  aux  plaideurs  de  mauvaise  foi.  » 
(Protest  agaiîist  law  taxes.)  Les  économistes  les  plus 
autorisés,  J.-B.  Say  [Cours  d'économie  politique,  II, 
p.  516),  Sismondi  (Nouveaux  Principes  d' économie  po- 
litique, liv.  VI),  Stuart  Mill,  partagent  sur  ce  point  l'ap- 
préciation de  Bentham  :  «  Lever  un  impôt  sur  les  dettes 
d'un  homme  ou  sur  les  procès,  a  dit  Sismondi,  ne  paraît 
guère  moins  déraisonnable  que  d'en  lever  un  sur  les  mala- 
dies. »  Mais  le  tort  le  plus  grave  des  droits  fixes  est  de 
se  grefter  sur  le  droit  proportionnel  qui  grève  les  prêts 
hypothécaires  et  les  transmissions  d'immeubles  à  titre  oné- 
reux. Ce  cumul  des  diverses  taxes  a  pour  effet  de  fausser 
les  tarifs  et  de  rendre  l'impôt  progressif  à  rebours.  Ainsi, 
tandis  que  les  frais  d'une  obhgation  sur  hypothèque  ne 


1103  — 


ENREGISTREMENT 


sont,  en  moyenne,  que  de  2  fr.  51  «/^  pour  les  prêts  de 
10,000  fr.,  la  proportion  monte  à  5  fr.  42  °/o,  lorsqu'il 
s'agit  d'une  obligation  de  500  fr.  ;  à  7  fr.  86  «/o  si  l'em- 
prunt est  de  300  fr.,  et  jusqu'à  19  «/o  en  ce  qui  concerne 
les  prêts  de  100  fr.  Quant  au  tarif  des  frais  de  vente,  il 
est  de  20  «/o  pour  les  ventes  de  100  fr.,  de  11  fr.  50  «/o 
pour  les  ventes  de  300  fr.,  de  9  fr.  60  Vo  pour  celles  de 
500  fr.  Pour  une  vente  de  10,000  fr.,  le  coût  du  contrat 
s'abaisse  à  7  «/o.  Il  n'y  a  donc  aucune  exagération  à  affir- 
mer que,  dans  les  transactions  relatives  à  la  propriété  fon- 
cière, c'est  le  petit  contribuable  qui  est  le  plus  maltraité. 
Et  cette  choquante  disproportion  ne  vient  pas  du  droit  de 
mutation  ou  d'obligation,  qui  est  toujours  proportionnel  aux 
sommes  ou  valeurs  ;  elle  résulte  des  nombreux  droits  fixes  de 
toute  nature  qui  font  cortège  à  l'impôt  proportionnel.  Le  droit 
proportionnel  lui-même  est  justiciable  de  notre  critique.  On  ne 
peut  nier,  par  exemple,  que  le  droit  des  ventes  d'immeubles, 
qui  est  de  6  fr.  88  «/o,  n'impose  une  charge  exagérée  à  la 
propriété  rurale.  Le  revenu  net  de  la  terre,  la  rente  du 
sol,  oscille  de  3  à  3  fr.  50  «/o.  La  taxe  de  6  fr.  88  «/o 
prélève  donc,  à  chaque  vente,  près  de  deux  annuités  du 
revenu  de  l'immeuble  transmis.  Il  est  évident  qu'un  tel 
impôt,  qui  absorbe  l'intégralité  de  la  rente  foncière  et  qui 
entame  le  capital,  entrave  la  circulation  des  biens  et  em- 
pêche, plus  d'une  fois,  la  terre  d'aller  aux  mains  de  ceux 
qui  en  tireraient  le  meilleur  parti.  Enfin,  la  loi  actuelle  de 
l'enregistrement  consacre  une  injustice  vraiment  révol- 
tante, en  décidant  que  les  héritiers  payeront  les  droits  de 
mutation  sur  la  valeur  brute  des  biens  de  la  succession, 
sans  déduction  des  dettes.  De  toutes  les  inégaUtés  de  notre 
système  fiscal,  il  n'en  est  pas  qui  ait  suscité  de  si  pres- 
santes et  si  justifiées  réclamations  que  la  règle  de  la  non- 
distraction  des  charges.  Il  faut  espérer  que  cet  abus  dis- 
paraîtra dans  un  prochain  avenir,  puisque  le  Parlement 
est  saisi  d'un  projet  de  loi  tendant  à  autoriser  la  déduction 
du  passif  pour  le  calcul  des  droits  de  succession. 

Mais  les  imperfections  que  nous  venons  de  relever  dans 
la  législation  de  l'enregistrement  ne  sont  pas  irréparables, 
et  elles  ne  prouvent  rien  contre  le  principe  même  de  cette 
institution.  Tout  compte  fait  entre  ses  qualités  et  ses  dé- 
fauts, l'enregistrement  est,  au  point  de  vue  économique  et 
financier,  une  bonne  sorte  d'impôt.  Assis  sur  les  valeurs, 
perçu  au  moment  où  les  capitaux  changent  de  mains  et  où 
se  produit  un  accroissement  de  fortune,  se  confondant  en 
quelque  sorte  avec  le  prix  des  transmissions,  il  est  par 
cela  même  moins  pénible  à  supporter.  Ainsi  que  le  décla- 
rait l'Assemblée  nationale,  dans  son  adresse  aux  Français, 
du  24  juin  1791,  les  droits  d'enregistrement  «  n'exigent 
pas  que  le  percepteur  aille  troubler  la  paix,  ils  donnent 
au  contraire  au  citoyen  motif  et  intérêt  d'aller  chercher  le 
percepteur  dont  il  reçoit  un  service  public,  utile,  pour  as- 
surer la  date  des  actes  qui  constatent  ses  propriétés  et  pour 
donner  à  ses  actes  une  authenticité  plus  grande,  de  sorte 
que  ces  droits  unissent  à  une  imposition  une  fonction  de 
magistrature  ».  De  toutes  les  taxes  existantes,  l'impôt  de 
l'enregistrement  est  celui  dont  le  recouvrement  est  le  plus 
économique.  Tandis  que  les  frais  de  gestion  s'élèvent,  pour 
les  contributions  directes,  à  3  fr.  30  °/o,  pour  les  contri- 
butions indirectes,  à  4  «/o,  et,  pour  les  douanes,  à 
7  fr.  60  «/o ,  la  proportion  se  réduit  à  2  fr.  20  ^/o  pour 
l'enregistrement.  Ce  qui  démontre,  d'ailleurs,  mieux  que 
toute  autre  considération,  l'excellence  de  cette  forme  d'im- 
position, c'est  la  place  importante  qui  lui  est  faite  dans  la 
plupart  des  systèmes  financiers  du  monde  contemporain. 
L'enregistrement  est  établi  en  Italie  (loi  du  13  sept.  1874), 
en  Espagne  (loi  du  31  déc.  1881)  ;  en  Grèce  (lois  de  1887 
et  1889)  ;  en  Roumanie  (lois  des  14  mai  1877  etl^^  juil. 
1881)  ;  en  Serbie  (loi  du  22  juin  1884)  ;  en  Portugal  (Im 
du  9  mai  1888)  ;  en  Belgique  (lois  des  27  déc.  1817  et 

17  déc.  1851);  en  Hollande  (lois  des  13  mai  1859  et 
31  déc.  1885)  ;  en  Suisse;  en  Angleterre  (lois  des  17  juin 
1780  et  19  mai  1863)  ;   en  Prusse;  en  Bavière  (lois  des 

18  août  1879,  29  mai  1886  et  8  mars  1888);  dans  le 


grand-duché  de  Bade  (ordonn.  du  18  mai  1855)  ;  en  Au- 
triche (lois  des  9  fév.  1850  et  31  mars  1890)  ;  en  Dane- 
mark (lois  des  19  fév.  1861,  25  mai  1868)  ;  en  Norvège 
(ordonn.  du  12  sept.  1792,  loi  du  13  sept.  1830);  en 
Russie  (oukase  de  juil.  1882),  et  dans  nombre  de  pays 
situés  hors  de  l'Europe,  tels  que  le  Chili,  l'Equateur,  la 
RépubHque  de  Guatemala,  le  Japon  et  l'Egypte.  Un  impôt 
qui  manifeste  une  pareille  force  d'expansion  n'est  pas  de 
ceux  dont  il  soit  opportun  de  faire  table  rase  ou  de  boule- 
verser l'économie  par  des  réformes  hâtives  et  imprudentes. 
Il  se  peut  que  l'enregistrement  soit  destiné  à  disparaître 
progressivement  devant  les  formes  d'impôt  supérieures  que 
l'avenir  tient  en  réserve.  Mais,  telle  qu'elle  est,  cette  ins- 
titution fiscale  a  l'indéniable  mérite  d'être  depuis  long- 
temps entrée  dans  les  mœurs  de  la  population,  de  fonction- 
ner sans  difficulté  et  à  peu  de  frais,  et  de  faire  au  budget 
un  apport  annuel  de  800  millions.  C'est  par  cet  ensemble 
de  qualités  que  l'impôt  de  l'enregistrement  rachète  ses  im- 
perfections théoriques  et  se  justifie  aux  yeux  des  hommes 
d'Etat  qui  ont  la  difficile  et  patriotique  mission  d'équiUbrer 
le  budget.  Emmanuel  Besson. 

in.  Contributions  indirectes.  —  Droit  d'enre- 
gistrement   EN  MATIÈRE   DE    CONTRIBUTIONS  INDIRECTES.    — 

Dispositions  spéciales  a  divers  actes.  —  1*^  Procès-ver- 
baux. Les  procès-verbaux  doivent  être  enregistrés  dans 
les  quatre  jours  de  leur  date  (loi  du  22  frimaire  an  VII, 
art.  20);  ceux  qui  ne  font  foi  en  justice  que  jusqu'à 
preuve  contraire  ne  sont  pas  nuls  pour  défaut  d'enre- 
gistrement dans  le  délai  (A.  C.  du  18  févr.  1820).  Les 
copies  du  procès- verbal  qui  se  notifient  à  partie  ou  par 
affiche  peuvent  être  délivrées  avant  l'enregistrement  (loi 
du  22  frimaire  an  VII,  art.  41).  La  délivrance  de  cette 
copie  et  la  mention  qui  en  est  faite  ne  donnent  lieu  à  aucun 
droit  particulier  ;  elles  sont  parties  intégrantes  du  procès- 
verbal  (instr.  de  l'enreg.  n^  390).  Mais  un  huissier  ne 
pourrait  pas  signifier  un  procès-verbal  avant  l'enregistre- 
ment de  cet  acte  (instr.  de  l'enreg.,  n^'400).  Le  droit  d'en- 
registrement de  cette  signification  serait  de  1  fr.  50  en 
principal,  et  il  serait  du  alors  même  que  l'objet  de  la 
demande  n'excéderait  pas  100  fr.,  selon  la  doctrine  adop- 
tée en  matière  de  jugements.  Il  doit  être  perçu  un  droit 
spécial  quand  le  procès-verbal  porte  établissement  d'un 
gardien  des  objets  saisis  autre  que  le  délinquant  ou  un 
agent  delà  régie  (lett.  du  dir.  gén.  de  l'enreg.  du  30  avr. 
1821).  Quand  c'est  un  des  préposés  saisissants  qui  est 
nommé  gardien,  il  n'est  pas  dû  de  droit  pour  cette  dispo- 
sition (lett.  du  dir.  gén.  de  l'enreg.  du  18  sept.  1818). 
2»^  Assignations.  Ces  exploits  sont  soumis  aux  mêmes 
dispositions  que  les  procès-verbaux  (loi  du  22  frimaire 
an  VII,  art.  20,  26  et  34).  Un  droit  fixe  spécial  de  1  fr.  50 
est  dû  s'il  y  a  constitution  d'avoué  au  nom  de  l'adminis- 
tration (lett.  du  dir.  gén.  de  Tenreg.  du  30  avr.  1821). 
Les  assignations  pour  sommes  dues  à  l'Etat  sont  sujettes 
au  droit  fixe  de  1  fr.  50,  lorsque  l'objet  de  la  demande 
excède  100  fr.  ;  elles  doivent  être  enregistrées  gratis  dans 
le  cas  contraire  ;  mais  les  assignations  dont  l'objet  est  de 
taire  prononcer  une  peine  sont  dans  tous  les  cas  passibles 
du  droit  fixe  de  1  fr.  50  (décis.  de  l'adm.  de  l'enreg.  du 
19  prairial  an  VII).  L'omission  de  la  mention  du  coût  de 
l'acte  dans  les  exploits  dressés  par  les  agents  de  la  régie 
n'entraîne  pas  d'amende  (lett.  du  dir.  gén.  de  l'enreg.  du 
13  sept.  1821).  Les  assignations  peuvent  être  données  par 
les  commis  (cire,  du  28  déc.  1835). 

3^  Contraintes.  Saisie-exécution.  Ventes  de  meubles. 
Les  notifications  de  contraintes  sont  soumises  aux  mêmes 
dispositions  que  les  procès-verbaux  (loi  du  22  frimaire 
an  VU,  art.  20,  26  et  34).  L'enregistrement  est  gratis 
lorsqu'il  s'agit  de  cotes,  droits  et  créances  ne  dépassant 
pas  au  total  la  somme  de  100  fr.  (loi  du  16  juin  1824, 
art.  6).  Mais  il  suffit  que  le  montant  primitif  de  la  créance 
dépasse  100  fr.  pour  que  l'enregistrement  ne  soit  pas  gratis, 
quoique,  par  l'effet  d'acomptes  payés,  la  contrainte  ne  soit 
décernée  que  pour  une  somme  au-dessous  de  cette  quotité. 


ENREGISTREMENT 

40  Baux  relatifs  à  lapêcheet  aux  francs-bords.  Les 
procès-verbaux  d'adjudication  des  baux  relatifs  aux  bacs, 
à  la  pêche  et  aux  francs-bords  et  les  actes  de  cautionne- 
ment qui  s\  rapportent  sont  soumis  au  droit  proportion- 
nel (D.  M.  F.  du  19  janv.  1808).  Ces  actes  doivent  être 
enresistrés  dans  les  vingt-quatre  heures  de  l'adjudication 
(cire!  des  contr.  indir.  du  20  avr.  1855).  Tout  acte  sujet 
à  une  approbation  supérieure  ne  peut  être  considéré  comme 
parfait  et,  par  suite,  ne  peut  acquérir  son  caractère  défi- 
nitif que  lorsqu'il  a  été  revêtu  de  cette  approbation  (instr. 
de  l'enreg.,  nM577).  ,    ,      ,  a 

5<>  Jugement.  Il  ne  faut  pas  confondre  les  amendes 
prononcées  avec  les  sommes  dues.  Un  délinquant  ne  doit 
rien  lorsqu'il  est  traduit  devant  un  tribunal.  S'il  intervient 
contre  lui  une  condamnation  à  une  amende,  le  titre  du 
Trésor  ne  réside  que  dans  le  jugement  qui  prononce  cette 
confiscation  (instr.  de  l'enreg.,  n^  1256).  Toutes  les  con- 
traventions en  matière  de  contributions  indirectes  étant  de 
la  compétence  du  tribunal  correctionnel,  tout  jugement 
rendu  sur  ces  contraventions  est  passible  du  droit  fixe  (mstr. 
de  l'enreg.,  n°  13B6).  Les  jugements  en  matière  de  con- 
tributions indirectes  ne  doivent  pas  être  enregistrés  gra- 
tis lors  même  que  l'objet  de  la  demande  n'excède  pas 
100  fr.,  car  l'art.  6  de  la  loi  du  16  juin  1824  n'est  relatif 
qu'aux  actes  de  poursuites  et  à  tous  autres  actes  tant  en 
action  qu'en  défense,  et  il  s'agit  ici  d'un  acte  de  répression 
des  infractions  commises  aux  lois  sur  les  impôts  indirects 
(Journ.  de  Venreg.,  n°  12646). 

Tarif  des  droits.  —  Les  divers  droits  fixes  auxquels 
sont  assujettis  les  actes  civils  administratifs  ou  judiciaires, 
autres  que  ceux  dénommés  en  l'art.  1«^  de  la  loi  du  28  févr. 
1872,  ont  été  augmentés  de  moitié  en  principal  par 
l'art.  4  de  cette  loi,  et  les  droits  fixes  ci-après  ne  figurent 
pas  à  l'art.  1«^  11  a  été  tenu  compte  de  cette  augmenta- 
tion dans  le  tarif  qui  suit  et  qui  représente  ainsi  le  mon- 
tant des  droits,  en  principal,  auquel  doivent  être  ajoutes, 
depuis  la  loi  du  30  déc.  1873,  deux  décimes  et  demi. 

Procès-verbaux  de  saisie,  quel  que  soit  le  nombre  des 
contrevenants  (loi  sur  l'enreg.  du  28  avr.  1816,  nombre  16 
de  l'art.  43  ;  D.  M.  F.  du  31  oct.  1817  ;  lett.  du  dir.  gén. 
de  l'enreg.  des  7  avr.  1821  et  30  du  même  mois;  cire, 
des  contr.  indir.  du  20  août  1819),  3  fr.  — Actes  d'affir- 
mation des  procès-verbaux  (loi  du  22  frimaire  an  VU, 
nombre  12  du  §  3  de  l'art.  70),  exempts. 

Transactions  emportant  abandon  d'objets  saisis  destines 
à  être  vendus  (lett.  comm.  du  21  nov.  1877),  1  fr.  50. 

—  Cautionnement  d'un  tiers,  intervenant  dans  le  procès- 
verbal  ou  postérieurement  par  acte  distinct  (cire,  des 
contr.  indir.  du  20  août  1859),  1  fr.  50.  —  Citations 
ou  assignations,  en  matière  correctionnelle,  soit  au  tribu- 
nal de  première  instance,  soit  à  une  cour  (loi  du  22  fri- 
maire an  VII,  nombre  48  du  §  l^''  de  l'art.  68),  1  tr.  50. 

—  Il  est  dû  autant  de  droits  fixes  qu'il  y  a  d'exploits 
signifiés  aux  délinquants,  bien  que  la  poursuite  soit  col- 
lective et  qu'il  s'agisse  d'un  seul  délit.—  Contraintes,  cita- 
tions, assignations  et  tous  autres  actes  tant  en  action  qu'en 
défense,  ayant  pour  objet  soit  le  recouvrement  des  contri- 
butions publiques,  soit  le  recouvrement  des  sommes  dues 
à  l'Etat  :  pour  les  cotes  excédant  100  fr.,  1  fr.  50;  — 
pour  les  cotes,  droits  et  créances  non  excédant  en  total 
100  fr.  (loi  du  16  juin  1824,  art.  6;  instr.  de  l'enreg., 
n«  1012),  gratis. 

Droits  fixes  sur  les  jugements.  —  1<*  Jugements  et 
arrêts  en  matière  civile.  Jugements  préparatoires  que 
l'on  désigne  sous  le  nom  de  jugements  avant  dire  droit  (loi 
du  28  avr.  1816,  art.  44),  1  fr.  50.  —  Arrêts  avant  dire 
droit  (art.  45),  7  fr.  50.  —  Jugements  définitifs  en  der-- 
nier  ressort,  qui  ne  donnent  pas  heu  à  un  droit  plus  élevé 
(art.  44  et  45),  4  fr.  50.  —  Jugements  définitifs  en  pre- 
mier ressort,  qui  ne  donnent  pas  lieu  à  un  droit  plus  élevé 
(art.  45),  7  fr.  50.  —  Arrêt  définitif  des  cours  d'appel 
dont  le  droit  proportionnel  ne  s'élèverait  pas  à  15  fr. 
(art.  46),  15  fr.  —  Arrêts  préparatoires  de  la  cour  de  cas- 


1104  — 


sation  (art.  47),  15  fr.  —  Arrêt  définitif  de  la  cour  de  cas- 
sation (art.  48),  37  fr.  50.—  Dispositions  indépendantes. 
Pluralité.  La  même  aff"aire  peut  présenter  à  résoudre  plu- 
sieurs questions  de  nature  ditFérente.  Le  jugement  est  tenu 
de  statuer  sur  chacun  des  chefs  par  autant  de  dispositions 
distinctes,  et  ces  dispositions  diverses  d'un  même  jugement 
sont  présumées  devoir  constituer  autant  de  jugements  sépa- 
rés pour  la  perception  (A.  C.  du  10  août  1829). 

2°  Jugonents  et  arrêts  en  matière  correctionnelle. 
Jugements  portant  condamnation  d'amendes  au  profit  de 
l'Etat  (instr.  de  l'enreg,,  n«  1256),  1  fr.  50.  —  Les 
jugements  correctionnels  portant  condamnation  à  l'amende, 
à  des  dommages  et  intérêts  et  aux  dépens  ne  sont  égale- 
ment assujettis  qu'au  droit  fixe,  à  moins  que  le  droit  de 
2  %  sur  les  dommages  et  intérêts  ne  produisent  un  droit 
proportionnel  supérieur  (Mir??.  de  l'enreg.,  u^  3278). 

Droit  proportionnel  sur  les  jugements.  —  Les  juge- 
ments des  tribunaux  civils,  correctionnels,  criminels,  por- 
tant condamnation  de  sommes  et  valeurs  mobilières  dues  à 
l'Etat  (loi  du  22  frimaire  an  VII,  nombre  9  du  §  2  de 
l'art.  69;  loi  sur  l'enreg.  du  27  avr.  1816,  art.  39), 
50  cent,  par  100  fr.  —  Dans  aucun  cas  et  pour  aucun  de 
ces  jugements,  le  droit  proportionnel  ne  pourra  être  au- 
dessous  du  droit  fixe,  tel  qu'il  est  réglé  ci-dessus  pour  les 
jugements  des  divers  tribunaux  (ibïd.).  Les  jugements 
correctionnels  portant  condamnation  d'amendes  ne  sont 
passibles  que  du  droit  fixe  de  1  fr.  50.^  Les  jugements 
correctionnels  portant  condamnation  à  l'amende,  à  des 
dommages  et  intérêts  et  aux  frais  ne  sont  assujettis  qu'au 
droit  de  2  ^o  sur  le  montant  des  dommages  et  intérêts,  si 
ce  droit  est  plus  élevé  que  le  droit  fixe  de  1  fr.  50. 

Droit  de  titre.  —  Lorsqu'une  condamnation  est  pro- 
noncée sur  une  demande  non  établie  par  titre  enregistré  et 
susceptible  de  l'être,  le  droit  auquel  l'objet  de  la  demande 
aurait  donné  lieu  s'il  avait  été  convenu  par  acte  public  est 
per(,'U  indépendamment  du  droit  dû  pour  l'acte  ou  le  juge- 
ment qui  a  prononcé  la  condamnation  (loi  du  22  frimaire 
an  VII,  nombre  9  du  §  2  de  l'art.  69).  Jugements  et  arrêts 
de  remise  de  cause  (D.  M.  F.  du  15  oct.  1816),  exempts. 
Lorsque  le  droit  proportionnel  a  été  acquitté  sur  un  juge- 
ment rendu  par  défaut,  la  perception  sur  le  jugement  con- 
tradictoire, qui  peut  intervenir,  n'a  lieu  que  sur  le  supplé- 
ment des  condamnations  (loi  du  22  frimaire  an  VII,  §  2  de 
l'art.  69).  Il  en  est  de  même  des  jugements  rendus  sur 
appel  et  des  exécutoires.  Mais,  en  aucun  cas,  le  droit  de 
condamnation  exigible  sur  le  supplément  des  condamna- 
tions ne  peut  être  au-dessous  du  droit  fixe,  tel  qu'il  est 
réglé  par  la  loi  pour  les  jugements  des  divers  tribunaux 
(instr.  de  l'enreg.,  n°  1528).  Mandats  de  dépôt  déhvrés  par 
le  juge  d'instruction  (cire,  des  douanes  du  6  avr.  1840), 
exempts.  Actes  d'écrou,  quel  que  soit  le  nombre  des  déhn- 
quants  solidaires  {ibid.),  2  fr.  —  Actes  de  vente  (loi  du 
22  frimaire  an  VII,  nombre  1  du  §  5  de  l'art.  69),  2  7o- 
—  Pour  les  ventes  de  meubles  saisis.  Ordonnances  ren- 
dues par  les  juges  de  paix  pour  autoriser  la  vente  d'objets 
périssables  (lett.  comm.  des  contr.  indir.  du  21  nov.  1877), 
I  fj.  50  —  Protêt  d'une  obhgation  cautionnée  (décis.  du 
cons.  de  l'enreg.  du  14  avr.  1848),  1  fr.  50.  —  Notifi- 
cation, soit  de  la  requête  tendant  à  fixer  l'abonnement 
individuel  d'un  débitant  de  boissons,  soit  de  l'arrêté  du 
conseil  de  préfecture,  lorsque  l'abonnement  est  supérieur  à 
1 00  fr.  (cire,  des  contrib .  indir.  du  1«^  mars  1 836) ,  1  fr .  50  ; 
lorsqu'il  est  inférieur  à  100  fr.  (ibid.),  exempte.  Pour  les 
actes  civils  et  administratifs,  autres  que  les  certificats  de 
vie  et  de  résidence,  le  moindre  droit  fixe  d'enregistrement 
a  été  porté  à  3  fr.  (loi  du  15  mai  1850,  art.  8;  loi  du 
28  févr.  1872,  art.  4).  L'affectation  hypothécaire  consen- 
tie par  un  redevable  à  un  comptable,  au  profit  du  Trésor, 
au  sujet  des  crédits  de  droits  ou  pour  sûreté  des  impôts 
dont  il  peut  être  débiteur,  n'est  pas  passible  du  droit  pro- 
portionnel. L'acte  qui  constate  cette  aff'ectation  ne  donne 
ouverture  qu'au  droit  fixe  d'enregistrement  de  3  fr.,  en 
principal  (D.  M.  F.  du  24  déc.  1883). 


—  1105 


ENREGISTREMENT  —  ENRIQUEZ 


Portatifs  à  communiquer.  —  Les  préposés  de  l'enregis- 
trement  sont  autorisés  à  consulter  les  portatifs  des  agents 
des  contributions  indirectes  pour  contrôler  les  déclarations 
de  succession  des  marchands  et  débitants  de  boissons,  des 
débitants  de  tabacs  et  de  poudres  (instr.  de  l'enreg.  du 
25  juil.  1855).  Il  est  fourni  des  états  trimestriels  aux 
directeurs  de  Tenregistrement  pour  le  contrôle  des  décla- 
rations de  succession  des  redevables  et  assujettis  de  la  régie 
(cire,  des  contr.  ind.,  30  août  1875).      Aimé  Trescaze. 

BiBL.  :  Administration  et  Finances.  —  Burmann, 
De  Vectigalibus  populi  romani  ;  Amsterdam ,  1694.  — 
BouciiAub,  De  l'Impôt  du  vingtième  sur  les  succes- 
sions à  Rome  (mémoire  à  l'Académie  des  inscriptions 
et  belles-lettres)  ;  Paris,  1766.  —  Laboulaye,  Des  Im- 
positions de  la  Gaule  dans  les  derniers  temps  de  Vern- 
pire  romain,  dans  Revue  historique  du  droit,  1861,  pp.  365- 
406.  —  Marcq.uardt,  Handbuch  des  romischen  Rechts  ; 
Leipzig,  1875.  —  Vigie,  Etude  sur  les  impôts  indirects  ro- 
mains; Paris,  1881.—  Bosquet,  Dictionnaire  raisonné 
des  domaines  et  droits  domaniaux  ;  Paris,  1775,  2  vol.  in-4. 
—  Championnière  et  Rigaud,  Traité  des  droits  d'enre- 
gistrement ;  Paris,  1835,  4  vol.  in-8.  —  Fessard,  Diction- 
naire de  l'enregistrement  et  des  domaines  ;  Paris,  1844, 
2  vol.  in-4.  —  Dalloz,  Jurisprudence  générale  ;  Paris,  1844, 
t.  XXI  et  XXII.  —  Vuarnier,  Traité  de  la  manutention 
des  employés  de  l'enregistrement  et  des  domaines;  Paris, 
1848,  2  vol.  in-8.  —  Masson  de  Longpré,  Code  annoté  de 
l'enregistrement;  Paris,  1858,  2  vol.  in-8,  4°  éd.—  Marquis 
d'AuDiFFRET,  la  Libération  de  la  propriété  ;  Pans,  1875, 
in-8.  —  Caron,  Réforme  de  la  législation  de  Venregis- 
ment;  Paris,  1872,  in-8.  —  Bonnefon,  Etude  historique 
sur  l'impôt  et  l'administration  de  l'enregistrement;  Paris, 
1882,  in-8.  —  G.  Demante,  Principes  de  l'enregistrement  ; 
Paris,  1888,  2  vol.  in-8,  4«  éd.  —  Emm.  Besson,  les  Livres 
fonciers  et  la  Réforme  hypothécaire  ;  Paris,  1891,  in-8. 

Contributions  indirectes.  —  Trescaze,  Dictionnaire 
général  des  contributions  indirectes. 

ENREGISTREURS.  Ces  appareils  se  composent  le  plus 
souvent  d'un  cylindre  animé  d'un  mouvement  de  rotation 
sensiblement  uniforme  par  un  mécanisme  d'horlogerie  ; 
ces  cylindres  sont  recouverts  d'une  feuille  de  papier  por- 
tant des  divisions  ou  recouverte  de  noir  de  fumée  ;  un  style 
formé  d'une  pointe  ou  d'une  plume  pleine  d'une  encre  spé- 
ciale, se  desséchant  lentement,  se  meut  devant  le  cylindre 
en  le  touchant  légèrement.  Le  plus  souvent,  il  se  déplace 
parallèlement  à  une  génératrice  du  cylindre,  sous  l'influence 
du  phénomène  à  enregistrer  ;  ces  déplacements  sont,  en 
général,  proportionnels  à  la  grandeur  du  phénomène  ;  lors- 
qu'ils ne  le  sont  pas,  il  faut  connaître  la  loi  qui  lie  le 
déplacement  à  la  grandeur  de  la  quantité  à  mesurer.  Dans 
tous  les  cas,  les  ordonnées,  parallèles  aux  génératrices  du 
cylindre,  représentent,  avec  ou  sans  calcul,  la  grandeur 
du  phénomène  à  enregistrer;  les  abscisses,  perpendiculaires 
aux  ordonnées,  représentent  les  temps  ;  elles  sont,  en 
effet,  proportionnelles  aux  quantités  dont  le  cylindre 
tourne,  si  le  mouvement  est  uniforme.  Dans  les  cas  où  la 
connaissance  exacte  des  temps  est  d'une  grande  importance, 
en  même  temps  que  le  phénomène  s'inscrit  sur  le  cylindre 
tournant,  un  diapason,  muni  d'un  style  inscripteur,  entre- 
tenu en  vibrations  à  l'aide  d'un  électro-aimant,  trace  sur 
le  cylindre  une  sinusoïde  ;  si  le  diapason  fait  mille  vibra- 
tions doubles  par  seconde,  l'intervalle  entre  deux  dents 
consécutives  de  cette  courbe  représente  alors  la  quantité 
dont  le  cylindre  a  tourné  en  un  millième  de  seconde  ;  dans 
ce  cas,  on  n'a  plus  besoin  que  le  mouvement  d'horlogerie 
soit  uniforme;  les  temps  s'évalueront  en  mesurant  non  pas 
la  distance  des  abscisses  entre  deux  points,  mais  le  nombre 
de  dents  compris  entre  ces  deux  points.  Quand  le  style 
qui  enregistre  ce  phénomène  ne  se  déplace  pas  parallèle- 
ment à  une  génératrice  du  cylindre,  mais  suivant  un  arc 
de  cercle,  le  papier  de  l'enregistreur,  au  lieu  d'être  un 
papier  quadrillé  ordinaire,  porte  des  lignes  parallèles  et  des 
arcs  de  cercle  équidistants  de  même  rayon  que  ceux  que 
décrit  le  style  ;  c'est  la  disposition  que  présentent  les  ap- 
pareils enregistreurs  de  MM.  Richard. 

L'enregistrement  des  phénomènes  est  possible  dans  un 
grand  nombre  de  cas  ;  il  est  surtout  nécessaire  pour  ceux 
dont  la  durée  est  trop  faible  pour  permettre  d'en  mesurer 
directement  les  diverses  phases  :  tels  sont  les  mouvements 
des  projectiles,  les  vibrations  des  plaques;  le  phonographe 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.  —  XV. 


d'Edison  n'est  qu'un  enregistreur  des  vibrations  d'un  style 
fixé  à  une  plaque  vibrante.  Beaucoup  de  phénomènes 
physiologiques  ont  des  durées  trop  courtes  ou  sont  trop 
compliquées  pour  pouvoir  être  étudiés  en  détail  autrement 
qu'avec  des  enregistreurs  ;  tels  sont  les  mouvements  du 
cœur,  du  pouls,  etc.  Il  est  un  autre  genre  de  phénomènes 
qui  nécessitent  l'emploi  des  enregistreurs  :  ce  sont  ceux 
dont  la  durée  est  longue  ;  telles  sont  les  observations  mé- 
téorologiques, pression  barométrique,  température,  degré 
hygrométrique,  direction  et  force  du  vent,  etc.  Pour  ce 
genre  d'appareil,  les  mouvements  d'horlogerie  sont  con- 
struits de  façon  à  pouvoir  marcher  une  huitaine  de  jours 
sans  être  remontés  ;  les  cylindres  enregistreurs  tournent 
très  lentement,  ce  qui  ne  présente  pas  d'inconvénient,  les 
phénomènes  à  mesurer  ne  variant  que  lentement.  Le  lec- 
teur trouvera  décrits  ces  divers  appareils  aux  mots  Ané- 
momètre, Baromètre,  Hygromètre,  Thermomètre,  etc. 

Pour  que  les  phénomènes  puissent  être  enregistrés  de 
cette  façon,  il  faut  qu'ils  puissent  agir  avec  assez  de  force 
sur  le  stylet  pour  le  faire  déplacer,  en  frottant  sur  le  papier 
de  l'enregistreur  ;  il  n'en  est  pas  toujours  ainsi.  Dans  ces 
cas,  on  emploie  généralement  un  procédé  photographique  : 
ainsi,  pour  enregistrer  les  variations  dans  la  direction  et 
l'intensité  du  magnétisme,  on  munit  l'aimant  mobile  d'un 
miroir  qui  envoie  un  rayon  lumineux  dans  une  longue 
fente  pratiquée  dans  une  boîte.  Derrière  cette  fente,  se 
déroule,  à  l'aide  d'un  mouvement  d'horlogerie,  un  papier 
photographique  sensible;  le  rayon  lumineux  de  cette 
disposition  remplace  le  style  des  appareils  précédents  ;  il 
inscrit  sur  le  papier  une  courbe  représentative  du  phéno- 
mène. Ce  procédé  est  plus  compliqué  parce  qu'il  néces- 
site que  l'appareil  soit  placé  dans  l'obscurité  et  qu'il  faut 
développer  le  papier  impressionné,  mais  il  a  l'avantage 
de  s'appliquer  à  l'enregistrement  des  phénomènes  les  plus 
délicats.  A.  Joannis. 

Enregistreur  Le  Boulengé  (V.  Chronographe). 
ENRICHISSEMENT  (Mines)  (V.  Minerais  [Préparation 
mécanique  des]). 

ENRIQUEZ  (Fadrique),  homme  d'Etat  espagnol  du 
xvi^  siècle.  D'une  famille  illustre  qui  a  fourni  à  l'Espagne  de 
nombreux  officiers,  il  avait  sous  Charles-Quint  la  haute 
dignité  d'almirante  de  Castille.  Il  fut  un  des  trois  per- 
sonnages chargés  par  le  roi  de  gouverner  son  royaume 
pendant  son  absence,  de  1319  à  1522.  Dans  la  répression 
de  la  révolte  des  Comuneros,  il  montra  plus  de  générosité 
et  de  clémence  que  ses  collègues.  E.  Cat. 

ENRIQUEZ  (Crisostomo),  hagiographe  espagnol,  né  à 
Madrid  en  1594,  mort  en  1632.  Il  entra  dans  l'ordre  de 
Cîteaux,  vécut  dans  divers  couvents  de  Galice  et  de  Bel- 
gique et  écrivit  sur  l'histoire  et  sur  les  saints  de  son 
ordre  de  nombreux  ouvrages  en  latin  ou  en  espagnol,  dont 
on  trouvera  une  énumération  dans  le  t.  I  de  la  Biblioteca 
Hispana  Nova  d'Antonio.  Bornons-nous  à  mentionner  ici 
celui  intitulé  Vidas  de  los  padres  del  desierto  de  Dimas, 
en  que  se  refleren  muchas  antiguedades  de  varias  pro- 
vincias,  en  particular  de  las  de  Flandes  (Anvers, 
1629,  in4).  E.  Cat. 

ENRIQUEZ  (Diego).  Il  y  a  sous  ce  nom,  dans  les 
recueils  de  comédies  espagnoles  du  xvii^  siècle,  une  pièce 
intitulée  No  puede  mentir  el  cielo,  qui  est  quelquefois 
attribuée  à  un  Rodrigo  Enriquez,  auteur  d'une  autre 
comédie,  Sufrir  mds  por  querer  menos.  E.  Cat. 

ENRIQUEZ  ( Andrès-Gil) ,  poète  dramatique  espagnol  du 
xvii®  siècle.  Il  fit  jouer  divers  entremeses  qui  ont  été 
imprimés  dans  les  recueils  dramatiques  de  1668  à  1680. 
Citons  :  El  Ensayo  (1668),  £/  Amigo  verdadero(i6S0). 
Il  composa  aussi  deux  loas  en  l'honneur  de  la  duchesse 
de  Médina  de  las  Terres  (1670  et  1671),  au  service  de 
laquelle  il  était  attaché,  publiés  dans  Ramillete  de  sai- 
netes  (Saragosse,  1672);  une  comédie  intéressante  :  £/ 
Lazo,  banda  y  retrato  (Comedias  nuevas,  escogidas, 
t.  XXIV)  et  peut-être  aussi  celle  intitulée  No  hay  pre- 
venciôn  contra  el  hado,  qui  a  paru  anonyme;  enfin,  avec 

70 


ENRIQUEZ  —  ENSAISINEMENT  —  1106  - 

Matos  Fregoso  et  Diamante,  il  collabora  à  la  pièce  El 
Vaquera  emperador,  Tamerlan  de  Persia,  à  laquelle  il 
fournit  la  3^  jornada.  E.  Cat. 

ENRIQUEZ  DE  FoNSECA  (Luis),  poète  dramatique  espa- 
gnol, né  en  1620  d'une  famille  portugaise.  Il  étudia  à 
Séville  et  en  1640  avait  fait  une  comédie  de  Viriato,  qui 
devait  être  représentée  par  la  compagnie  de  Pedro  de  la 
Rosa,  quand  l'auteur  la  retira.  Il  passa  plus  tard  en  Italie 
et  en  1683  enseignait  la  médecine  à  l'université  de  Naples. 
Il  y  publia  un  volume  intitulé  Ocios  de  los  estudios 
(Naples,  1683,  in-4),  qui  comprend  des  discours,  des 
poésies  lyriques  et  cinq  pièces  dramatiques,  dont  celle 
mentionnée  ci-dessus.  E.  Cat. 

ENRIQUEZ  DE  GuzMAN  (Feliciana),  poétesse  espagnole 
du  xvn®  siècle,  née  à  Séville.  Elle  étudia  à  Salamanque, 
déguisée  en  homme,  et  écrivit  la  Tragicomedia  de  los 
jardines  y  campos  sabeos.  Dans  le  t.  XLII  de  la  Biblio- 
'teca  Rivadenexjra^  on  trouve  trois  courtes  poésies  d'elle, 
dont  un  fragment  curieux  intitulé  Censura  de  las  antiguas 
comedias  espanolas,  où  elle  critique  avec  justesse  l'école 
dramatique  espagnole.  Lope  de  Vega,  dans  le  Laurel,  de 
Apolo,  a  parlé  de  ses  amours.  E.  Cat. 

ENRIQUEZ-GoMEz  (Antonio),  écrivain  espagnol,  dont 
le  vrai  nom  était  Enriquez  de  Paz,  né  vers  1600,  à  Lis- 
bonne, selon  Barbosa,  à   Ségovie,  selon  Amador  de  los 
Rios.  On  ne  connaît  que  peu  de  détails  sur  sa  vie  qui  semble 
avoir  été  assez  aventureuse  ;  il  était  d'une  famille  juive 
portugaise  qui  avait  embrassé  le  catholicisme,  et  entra 
dans  l'armée  où  il  parvint  au  grade  de  capitaine.  Pour- 
suivi par  l'Inquisition,  il  dut  s'enfuir  d'Espagne  en  1638, 
vécut  depuis  lors  en  France,  puis  à  Amsterdam,"  où  il  revînt 
à  la  religion  de  ses  pères.  Il  fut  brûlé  en  effigie  par  l'In- 
quisition, à  Séville,  le  14  avr.  1660.  Il  a  laissé  plusieurs 
ouvrages  :  Academias  morales  de  las  Musas  (Bordeaux, 
1642,  et  autres  édit.),  où  l'on  remarque  quatre  comédies 
sans  grande  valeur,  sauf  peut-être,  dit  Ticknor,  celle  qui 
a  pour  titre  A  lo  que  obliga  el  honor  ;  La  Culpa  del 
primer  peregrino  (Rouen,  1644,  in-4),  poème  moitié 
lyrique,  moitié  narratif;  El  Siglo  pitagôrico,  poème  sati- 
rique en  stances  irrégulières,  où  il  dépeint  divers  types  de 
son  temps,  et  où  se  trouve  intercalée  La  Vida  de  D.  Gre- 
gorio  Guadaûa,  conte  en  prose  dans  le  genre  de  ceux  de 
Quevedo  et  de  Mateo  Aleman,  assez  agréable  parce  que 
l'auteur  semble  y  avoir  représenté  des  personnages  et  des 
faits  réels  (Rouen,  li'î44,  in-4,  et  plusieurs  autres  édit.); 
Sanson  Nazareno  (Rouen,  1636),  poème  héroïque,  plein 
de  gongorisme,  où  l'auteur  donne  une  liste  de  ses  œuvres. 
On  trouvera  des  détails  sur  ce  poète  et  quelques-unes  de  ces 
poésies  dans  les  t.  XLII  et  XL VII  de  la  Biblioteca  Rivade- 
neyra.  E.  Cat. 

ENROBAGE  (V.  Conserve,  t.  XIÏ,  p.  543). 
ENROCHEMENT  (Constr.).  Amas  de  pierres  que  l'on 
pose  autour  de  la  fondation  d'un  travail  hydraulique  pour 
empêcher  les  affouillements.  On  étabUt  des  enrochements 
à  pierres  perdues  autour  du  pied  des  piles  de  pont. 
ENRÔLEMENT  (Armée)  (Y.  Recrutement). 
ENROULEMENT  (Archit.).  Terme  très  usité  pour  dési- 
gner la  disposition  de  certains  ornements  dont  les  lignes 
contournées  forment  une  sorte  de  spirale,  comme  dans  les 
volutes  des  chapiteaux  ioniques,  corinthiens,  composites, 
et  dans  certaines  consoles,  ou  une  suite  continue  comme 
dans  certains  ornements  formés  de  rinceaux  ou  dans  des 
ouvrages  de  ferronnerie.  D'origine  assyrienne  et  égyptienne, 
l'enroulement  passa  en  Grèce  et  à  Rome  et  se  trouve  assez 
communément  dans  les  ornements  du  moyen  âge  jusqu'à 
l'ère  ogivale;  il  reprit  ensuite  faveur  sous  la  Renaissance 
et,  depuis  cette  époque,  ne  cessa  de  tenir  une  grande  place 
dans  la  décoration  sculptée  ou  peinte.     Charles  Lucas. 

ENROULOIR  (Impress.).  L'enrouloir  par  lui-même 
constitue  un  appareil  défini,  mais  souvent  aussi  il  est  le 
terme  final  d'autres  machines  employées  dans  les  fabriques 
d'impression  sur  étotfe  et  facilite  alors  la  manipulation. 


Dans  les  ateliers  organisés  à  la  continue,  les  machines  à 
imprimer,  les  tambours,  les  machines  à  oxyder  sont  mu- 
nis d'enrouloirs.  L'enrouloir  proprement  dit  est  destiné  à 
mettre  le  tissu,  en  large,  sur  de  petits  rouleaux  appelés 
bobines;  il  sert  à  diverses  fins,  d'abord  à  faire  sortir  les 
plis  qui  peuvent  se  trouver  dans  le  tissu,  les  couches  con- 
centriques de  l'étoffe  exerçant  une  certaine  pression  les 
unes  sur  les  autres,  aplatissent  la  fibre  et  égalisent  le  tissu  ; 
l'enrouloir  sert  encore  à  faciliter  la  conduite  de  l'étoffe, 
laquelle,  à  l'état  flottant,  entre  irrégulièrement  dans  les 
appareils  à  imprimer  ou  autres,  tandis  qu'enroulée  elle  est 
contrainte  de  suivre  une  voie  donnée.  L'enrouloir  est 
presque  toujours  muni  d'un  appareil  accessoire,  de  façon 
à  exécuter  plusieurs  opérations  en  un  seul  passage  ;  ainsi 
on  emploie  les  enrouloirs  avec  brosses,  avec  humecteuse, 
avec  élargisseur,  etc.  L.  K. 

EN  S.   Com.-  du  dép.  des   Hautes-Pyrénées,  arr.   de 
Bagnères-de-Bigorre,  cant.  de  Vieille-Aure  ;  64  hab. 
ENSABLEMENT  des  puits  j;V.  Puits). 
ENSAISINEMENT.  L'ensaisinement  est,  dans  sa  con- 
ception la  plus  élémentaire,  la  mise  en  possession  d'un  bien 
quelconque.  Dans  le  très  ancien  droit  français  où  le  seul 
consentement  ne  suffisait  pas  à  transférer  la  propriété, 
l'ensaisinement  était  nécessaire.  Il  équivalait  à  la  tradition 
du  droit  romain.  Mais,   de  bonne  heure,  il  ne  fut  dans 
notre  ancien  droit  qu'une  fiction.  Il  s'opérait  au  moyen 
d'un  symbole  :  par  la  remise  d'une  motte  de  terre  ou  d'une 
branche  d'arbre,  par  le  couteau,  le  fétu  ou  l'attouchement 
du  bâton,  etc.  L'indication  cumulative,  dans  certains  actes 
remontant  au  moins  aux  x<^  et  xi^  siècles,  a  fait  penser  que 
l'acte  matériel  n'était  pas  toujours  accompli  et  qu'on  se 
contentait  de  l'indiquer  dans  l'acte  écrit  qui  constatait  le 
transfert.   L'ensaisinement  pouvait  aussi   résulter  de  la 
comparution  des  parties  contractantes  devant  les  officiers 
de  justice  qui  recevaient  leur  déclaration  et  en  donnaient 
acte.  Avec  le  temps,  il  y  eut  une  sorte  de  scission  entre 
les  coutumes.  Les  unes  conservèrent  l'usage  de  l'ensaisi- 
nement par  l'autorité  judiciaire.  Ce  furent  les  coutumes 
d'ensaisinement  :  ainsi, Péronne,  art.  264;  Laon,  art.  126, 
133;  Valois,  art.  13  et  14;  Sedan,  art.  258  et  suiv., 
Clermont-en-Beauvoisis,  1539,  art.  48.  Avec  quelques  diffé- 
rences de  détail,  les  formahtés  se  résumaient  en  une  com- 
parution devant  le  bailli  ou  lieutenant  du  lieu  dont  les 
héritages  étaient  mouvants,  et  une  déclaration  en  présence 
du  greffier  et  de  deux  témoins  du  contrat  passé  entre  les 
parties,  le  tout  avec  adjonction  ou  non  de  quelque  moyen 
matériel  comme  l'attouchement  du  bâton  ou  la  rupture  de 
la  paille.  Dans  ces  coutumes  du  N.-E.  de  la  France  , 
l'ensaisinement  était  exigé  pour  tout  transfert  de  droit  réel. 
L'édit  de  1671  sur  les  hypothèques  (art.  35)  abrogea  cet 
usage  en  ce  qui  concerne  les  concessions  d'hypothèques, 
au  moins  pour  les  coutumes  comprises  dans  le  ressort  du 
parlement  de  Paris  ;  car  l'édit  ne  fut  point  enregistré  par 
celui  de  Douai.  Dans  la  plupart  des  coutumes  et  dans  les 
pays  de  droit  écrit,  l'ensaisinement  devint  tout  à  fait  illu- 
soire ;  il  consista  très  vite  en  une  simple  clause  de  dessai- 
sine-saisine ou  de  vest  ou  de  devest  que  l'on  insérait  dans 
l'acte.  La  coutume  de  Lorris,  qui  fut  beaucoup  plus  pasti- 
chée, avait  admis  cette  doctrine  et  contribua  à  la  répandre 
(tit.  2,  art.  7;  Orléans,  art.  278).  Souvent  la  clause  de 
dessaisine-saisine  était  suivie  de  celle  de  constitut  ou  de 
précaire  qui  expliquait  que,  bien  que  la  propriété  fût  trans- 
mise à  l'acquéreur,  la  chose  restât  aux  mains  de  l'aliéna- 
teur.  On  admit  en  outre  que  «  l'appréhension  de  fait  équi- 
pable   à  la  saisine  »  (Loisel,  2 ,  745),  ou  encore  que 
«  jouissance  de  dix  ans  vaut  saisine  »  (ibid.,  2, 748  ;  C. 
Vermandois,  art.  13;  Reims,  art.  68,  etc.).  Mais  le  prin- 
cipe qui  domina  dans  la  plupart  des  coutumes,  même  dans 
celles  qui  conservèrent  l'usage  de  la  vêture  par  le  seigneur 
ou  ses  officiers  —  et  telle  était  celle  de  Paris  —  fut  que  <<  ne 
prend  saisine  qui  ne  veut  »  (Loisel,  2,  744).  La  saisine 
cessant  d'être  obligatoire,  la  propriété  et  tout  droit  réel 
étaient  transférés  par  le  consentement  seul.  Mais  l'ensaisine- 


—  4107  — 


ENSAISLNEMENT  —  ENSEIGNE 


ment  gardait  certains  avantages  :  il  faisait  courir  Tan  et 
jour  pendant  lesquels  pouvait  être  exercé  le  retrait  ligna- 
ger;  en  outre,  de  deux  acquéreurs  successifs  du  même 
bien,  le  premier  ensaisiné  l'emportait  sur  l'autre.  Le  sei- 
gneur de  qui  il  était  requis  y  procédait  par  une  déclaration 
solennelle,  écrite  au  bas  de  l'acte  qui  lui  était  présenté  : 
il  exigeait  un  droit  de  42  deniers  d'après  la  coutume  de 
Paris.  Mais  jusqu'à  la  fin  de  l'ancien  régime,  l'ensaisine- 
ment  solennel  par  vest  et  devest  fut  en  vigueur  et  indispen- 
sable pour  les  fiefs  :  il  portait  le  nom  àHnféodation  (V.  ce 
mot).  —  Une  sorte  d'ensaisinement  spécial  aux  rentes  cons- 
tituées était  pratiqué  dans  quelques  coutumes  :  Senlis, 
Clermont,  Valois.  La  constitution  de  ces  rentes  devait  être 
inscrite  sur  un  registre  public.  C'était  une  application  du 
vest  et  du  dé  vest,  car,  jadis,  les  rentes  avaient  emporté 
aliénation  du  fonds,  d'où  nécessité  dans  ces  coutumes  de 
l'ensaisinement.  L'effet  en  était  de  donner  un  droit  de  pré- 
férence aux  rentes  ensaisinées  les  premières  sur  celles  qui 
ne  l'étaient  pas,  ou  l'étaient  postérieurement.  La  dispari- 
tion de  l'ancien  régime  entraîna  celle  de  tout  ensaisinement 
qui  fut  abrogé  par  l'art.  4^^  de  la  loi  des  o  et  47  déc.  4790. 
Ensaisinement  des  actes  d'aliénation  des  biens  si- 
tués dans  les  mouvances  du  roi.  Cet  ensaisinement  fut 
exigé  par  arrêt  du  conseil  d'Etat  du  7  août  4703.  Destiné 
à  faire  connaître  aux  administrateurs  du  domaine  les  pos- 
sesseurs des  biens  et  à  assurer  la  perception  des  droits  de 
mutation  et  autres,  il  s'appliquait  dans  toute  la  France, 
sauf  en  Lorraine,  acquise  postérieurement,  aussi  bien  aux 
censeurs  qu'aux  fiefs  et  aux  biens  tenus  dans  la  main  du 
roi  qu'aux  biens  engagés,  et  même  aux  biens  dont  le  roi 
n'avait  qu'une  partie  de  la  directe,  car  les  droits  devaient 
être  alors  payés  en  totalité  entre  les  mains  des  receveurs 
généraux  des  domaines  et  bois  chargés  de  procéder  à  l'en- 
saisinement et  à  en  délivrer  quittance.  Abrogé  par  la  loi 
des' 5  et  47  déc.  4790.  J.  Declareuil. 

ENSCHEDÉ.  Famille  d'imprimeurs  hollandais,  établie 
d'abord  à  Groningue.  Isaac  Enschedé  (né  en  4684,  mort 
en  4764)  fonda  en  4703  à  Harlem  un  établissement  typo- 
graphique qui  fut  illustré  par  son  fils  Jean  (né  en  4708, 
mort  en  4784).  Celui-ci  acquit  en  4734  la  fonderie  de 
Wetstein,  puis  (4767-69)  les  célèbres  types  des  Elzeviers, 
mais  il  s'était  surtout  passionné  pour  les  caractères  du 
graveur  allemand  Michel  Fleisschmann,  dont  il  avait  le 
monopole.  Il  forma  une  précieuse  bibliothèque  de  livres 
anciens,  riche  surtout  en  incunables,  qui  fut  accrue  par 
son  fils  Jean  (né  en  4750,  mort  en  4799)  et  son  petit-fils 
du  même  prénom  (4783-4866),  après  la  mort  duquel  elle 
fut  dispersée  aux  enchères  (4867).  La  fonderie  Enschedé 
s'est  surtout  fait  connaître  dans  ce  siècle  par  la  création 
des  types  javanais,  et  elle  est  toujours  en  possession  des 
matrices  célèbres  des  temps  passés.  G.  P-i. 

ENSEIGNE.  L  Archéologie.  —  Les  maisons  anciennes 
étaient  désignées  par  des  enseignes  sur  lesquelles  se  trou- 
vaient des  images  de  saints  ou  des  indications  empruntées 
à  la  topographie  de  la  ville  et  à  la  profession  des  habitants. 
Le  plus  souvent,  ces  enseignes  étaient  supportées  par  des 
potences  en  fer  forgé,  dont  quelques-unes,  décorées  d'en- 
roulements et  d'ornements  en  tôle  repoussée,  ont  mérité 
d'être  conservées  dans  les  musées  publics  et  dans  les  col- 
lections particulières.  Les  dessinateurs  Bérain,  Hastié,  For- 
drin  et  d'autres  serruriers  du  xvn^  siècle  ont  publié  des 
modèles  de  potences  qui  sont  d'une  très  gracieuse  invention. 
Il  existait  aussi  des  enseignes  de  maisons  sculptées  dans  la 
pierre,  qui  ont  été  recueillies  par  suite  de  l'intérêt  qu'elles 
offraient  pour  l'étude  des  mœurs  et  des  costumes  du  moyen 
âge  et  de  la  Renaissance.  Ce  sont,  en  réalité,  des  enseignes 
parlantes,  sur  lesquelles  sont  représentés  des  intérieurs  de 
boutiques,  des  scènes  historiques,  des  ouvriers  à  leur  tra- 
vail et  des  animaux  fantastiques.  Plusieurs  de  nos  peintres 
ont  parfois  employé  leurs  pinceaux  à  tracer  des  enseignes. 
Avant  Chardin  et  Géricault,  on  peut  citer  Antoine  Watteau, 
dont  le  tableau  qu'il  avait  exécuté  pour  la  boutique  de  son 
ami,  Ger saint,  marchand  de  tableaux  au  pont  Notre-Dame, 


est  aujourd'hui  conservé  dans  le  palais  de  Berlin.  On  voit 
encore,  au-dessus  de  l'entrée  des  auberges  de  province,  les 
panneaux  de  tôle  peinte  qui  servent  d'indication  aux  voya- 
geurs et  aux  étrangers  en  quête  de  domiciles  momentanés. 
IL  Histoire  militaire.  —  Au  xvi^  siècle,  on  dési- 
gnait sous  ce  terme  le  drapeau  de  l'infanterie  et  les 
étendards  de  la  gendarmerie,  l'officier  qui  le  portait,  l'unité 
militaire  qui  se  groupait  autour  de  ce  drapeau.  «  L'en- 
seigne, dit  le  général  Susane,  était  l'officier  chargé  de 
porter  le  drapeau  de  la  compagnie  dans  les  actions  de 
guerre.  Dans  tout  autre  moment,  il  remplissait  les  fonc- 
tions de  deuxième  lieutenant,  et  le  drapeau  était  porté  par 
un  sergent.  Le  sous-lieutenant,  quand  il  y  en  avait  qu'un, 
ne  marchait  qu'après  l'enseigne.  »  Dans  une  masse  profonde 
d'infanterie  rangée  en  ordre  de  bataille,  c.-à-d.  en  carré 
plein,  les  rangs  du  centre  étaient  dits  rangs  des  enseignes, 
car  c'était  là  que  se  plaçaient  les  officiers  porte-drapeaux, 
tenant  leurs  enseignes.  Les  enseignes,  en  tant  que  dra- 
peaux, étaient  faites  de  soie  ou  de  taffetas,  carrées,  très 
grandes,  ayant  deux  fois  la  dimension  de  nos  drapeaux 
modernes.  Montées  sur  des  piques,  elles  étaient  munies 
d'écharpes  ou  de  cravates,  mais  n'étaient  point  frangées 
comme  les  étendards  de  la  cavalerie.  Leurs  couleurs  étaient 
très  diverses  suivant  les  corps  :  ainsi  les  grandes  bandes 
de  Picardie  portaient  l'enseigne  rouge  à  croix  blanche,  etc. 
(V.  Drapeau). 

On  entendait  par  enseigne -colonelle  une  enseigne  toute 
blanche,  qui  apparaît  sous  François  P',  et  qui  était  l'en- 
seigne du  colonel   général  des  gens  de  pied.  Lors  des 
essais    d'organisation  régimentaire,  l'usage  s'établit  de 
donner  à  un  régiment  une  enseigne  blanche  dans  une 
compagnie  désignée  sous  le  nom  d'enseigne -colonelle. 
Parfois  cependant  il  y  en  eut  deux  ;  ainsi  sous  le  colonel 
général  de  Tays  ;  mais  l'une  était  en  France  avec  ce  qui 
restait  du  régiment,  l'autre  étant  en  Piémont  avec  la 
seconde  partie  des  effectifs.  Coligny,  durant  l'exercice  de 
sa  charge,  permit  au  capitaine  Valleron,  quand  il  partit 
pour  Sienne  avec  douze  enseignes  des  vieilles  bandes, 
d'arborer  l'enseigne  blanche,  mais  seulement   quand   il 
sortit  de  France  (Brantôme,  Couronnels,  Coligny^  VI, 
pp.  24  et  4645).  —  En  4563,  le  colonel  général  d'An- 
delot,  abusant  des  difficultés  du  moment,  obtint  d'avoir 
autant  d'enseignes-colonelles  qu'il  y  avait  de  régiments  en 
pied  dans  l'étendue  de  son  commandement,  ce  qui  lui 
donnait,  dans  chaque  régiment,  une  compagnie  dévouée  à 
ses  intérêts.  De  là  est  venu  l'usage  de  donner  le  drapeau 
blanc  à  tout  régiment  d'infanterie  qui,  de  bande  provi- 
soire, devenait  permanent.  Pendant  les  guerres  de  reli- 
gion, la  confusion  des  enseignes  devint  excessive  ;  tout 
homme  qui  en  eut  les  moyens  fit  des  levées  et  se  déclara 
capitaine,  mestre  de  camp,  voire  colonel,  et  arbora  une 
enseigne,  très  souvent  blanche,  même  dans  le  parti  catho- 
lique. Ce  droit  que  s'arrogeaient  certains  d'arborer  l'en- 
seigne blanche  donna  lieu  parmi  les  catholiques  aux  plus 
graves  conflits,  et  beaucoup  de  chefs,  qui  se  joignaient 
aux  armées  royales,  préférèrent  remmener  leurs  hommes 
plutôt  que  de  renoncer  à  ces  enseignes  blanches  qu'on  leur 
défendait  de  faire  flotter.  Quant  aux  huguenots,  ils  avaient 
arboré  les  enseignes  blanches  dès  les  premiers  troubles, 
comme  ils  portaient  casaques  blanches  et  écharpes  blanches. 
Mais  ces  enseignes  difiëraient  des  enseignes-colonelles  en 
ce  qu'elles  étaient  pleines,  c.-à-d.  unies,  tandis  que  celles 
du  roi  étaient  chargées  d'une  croix  également  blanche. 
Mais  bien  des  chefs  avaient  fait  broder  des  devises  et  des 
emblèmes  sur  ces  enseignes  blanches  :  ainsi  le  prince  de 
Condé,  Crussol-d'Acier,  Montbrun,  d'autres  encore.  Les 
enseignes-colonelles  étaient  très  grandes,  grandes  comme 
quatre  de  nos  drapeaux  actuels  ;  la  croix  blanche  y  était 
dessinée  par  un  liséré  également  blanc.  Au  reste,  la  croix 
blanche  se  trouvait  sur  toutes  les  enseignes  de  l'armée  du 
roi,  comme  sur  la  plupart  des  écharpes  et  des  casaques. 
En  4640,  l'enseigne  blanche  du  colonel  général  de  l'in- 
fanterie était  représentée  dans  douze  régiments  sur  treize, 


ENSEIGNE  -  ENSEIGNEMENT  -  1108  - 

et  en  1635  dans  dix-neuf  régiments  sur  quatre-vingt-dix  ; 
en  1636  dans  vingt-deux  sur  trente-sept;  en  1643,  les 
cent  trente-trois  régiments  composant  l'infanterie  française 
avaient  chacun  une  compagnie  colonelle.    Cette  mesure 
ne  s'était  point  appliquée  sans  quelque  résistance,  car  sous 
Louis  XIII  le  colonel  général  ne  voulait  avoir  de  compa- 
gnie colonelle  que  dans  les  régiments  anciens.  «  De  cette 
manière,  la  possession  d'un  drapeau  blanc  devint  le  pri- 
vilège et  la  marque  des  corps  permanents,  mais  on  laissait 
entrevoir  aux  formations  temporaires  la  possibilité  d'ob- 
tenir ce  drapeau  blanc,  si  elles  s'en  montraient  dignes. 
C'est  ainsi  que  le  mot  drapeau  blanc  est  devenu  et  est 
resté,  pendant  quelque  temps,  le  synonyme  de  régiment 
entretenu  et  payé  par  l'ordinaire  des  guerres.  »  (General 
Susane.)  Les  enseignes  des  autres  compagnies  étaient  aux 
couleurs  de  leurs  propriétaires,  à  celles  des  vieilles  bandes, 
à  celles  même  des  princes  étrangers.  Quand  ces  chets 
mouraient,  parfois  on  mettait  des  cravates  de  deuil  aux 
enseio-nes;  notamment  quand  les  Guises  furent  mis  à  mort 
par   Henri  111,  les  ligueurs  mirent  des  cravates  noires  à 
leurs  enseignes;  certaines  même  furent  entièrement  noires 
avec  la  croix  de  Lorraine  jaune  ou  blanche.  Auparavant 
elles  étaient  vertes,  à  la  couleur  de  la  maison  de  Lorraine; 
et  cette  couleur  se  retrouve  dans  les  cravates  vertes  des 
enseignes  des  ligueurs  dont  certaines  étaient  noires  avec 
un  crucifix  au  centre  et  la  devise  Auspice  Christo. 

Enseignes  de  la  gendarmerie.  Les  étendards  des  com- 
pagnies de  gendarmerie  ne  portaient  guère  le  nom  de 
truidons,  encore  moins  celui  de  cornettes  ;  on  les  nommait 
plutôt  enseignes,  et  l'unité  se  groupant  autour  se  nommait 
rarement  enseigne,  mais  plutôt  compagnie.  L'enseigne  était 
montée  sur  un  fût  de  lance  assez  long  et  se  portait  attachée 
avec  une  chaîne  de  fer  en  bandoulière,  devant  l'estomac  de 
l'officier  qui  se  nommait  aussi  enseigne.  Une  confusion 
continuelle  est  faite,  dans  la  gendarmerie,  entre  les  mots 
enseigne  et  guidon,  dans  les  auteurs  contemporains.  L  en- 
seigne des  gens  d'armes  écossais  était,  en  4445,  blanche 
avec  lévrier  courant,  brodé  en  or,  et  la  devise  :  în  omni 
modo  fidelis.  Celle  des  gens  d 'armes  de  La  ïrémoille  (1 534) , 
jaune  avec  une  roue  et  bordure  noire  à  deux  hsérés  blancs, 
devise  :  Sans  sortir  de  V ornière,  etc.  La  grande  enseigne 
blanche,  dite  aussi  cornette  de  France,  était  celle  du  con- 
nétable (V.  Etendard).  ... 

Enseignes  de  la  garde  du  roi.  C'est  le  nom  originaire 
des  tardes  françaises  qui  ne  reçurent  ce  dernier  nom  que 
sous^Henri  III.  En  août  1563,  Catherine  de  Médicis  choisit 
une  garde  pour  le  roi  Charles  IX  dans  les  compagnies 
des  régiments  de  Charry  et  Richelieu.  Cette  garde  composa 
un  corps  de  dix  enseignes  sous  le  commandement  du  mestre 
de  camp  Charry  qui  refusa  au  colonel  général,  M.  d'An- 
delot,  le  droit  d'y  créer  une  compagnie  colonelle.  Apres 
la  mort  de  Charry,  Strozzi  lui  succéda  dans  la  charge. 
En  1566,  Charles  IX,  après  l'assemblée  des  notables  de 
Melun,  cassa  sa  garde  pour  faire  droit  aux  réclamations 
sans  nombre  qu'avait  soulevées  cette  formation,  et  en 
envoya  les  compagnies  en  diverses  garnisons  de  Picardie. 
Ces  enseignes  de' la  garde  du  roi  furent  remplacées  par 
les  Suisses  de  Pfyffer  qui  portèrent  l'étendard  bleu  de 
France. Mais, avant  son  licenciement, la  garde  de  Charles IX 
avait  obtenu  une  compagnie  colonelle  dont   elle  garda 
récharpe  blanche  ;  une  autre  compagnie  garda  l'étendard 
royal  bleu  d'azur,  semé  de  fleurs  de  lis  d'or,  traversé 
d'une  croix  blanche  divisant  le  tableau  en  quatre  cantons, 
avec  une  couronne  d'or  à  l'extrémité  de  chaque  branche. 
Cet  étendard  devint  dans  la  suite  le  drapeau  des  gardes 
françaises.  Les   enseignes  aux  couleurs  particulières  de 
Charles  IX  étaient  rouges,  blanches  et  bleues;  ces  couleurs 
demeurèrent  désormais  celles  du  roi,  et  toujours  on  les 
retrouve  dans  les  livrées  et  harnais  de  sa  maison. 

Maurice  Maindron. 
III.  Marine.  —  Titre  du  deuxième  grade  de  la  hié- 
rarchie des  officiers  de  vaisseau;  il  est  compris  entre 
celui  d'aspirant  de  marine,  qui  est  le  premier  échelon, 


et  celui  de  Ueutenant  de  vaisseau.  L'enseigne  est  assimilé 
dans  l'armée  au  lieutenant  en  premier  d'artillerie.  Les  sous- 
officiers  de  la  marine,  on  premiers  maîtres  qui  ont  passé 
les  examens  nécessaires  pour  obtenir  le  grade  d'officier  et 
Y  ont  satisfait,  sont  nommés  enseignes.  Par  une  anomalie 
qui  s'exphque  en  marine,  ils  sautent  le  grade  d'aspirant, 
ce  dernier  étant  réservé  aux  élèves  sortant  de  l'Ecole 
navale,  et  considéré  comme  un  grade  d'apprentissage  pour 
ainsi  dire.  Vu  ses  exigences,  d'ailleurs,  il  ne  peut  être  rem- 
pli que  par  des  jeunes  gens,  et  les  premiers  maîtres  ne 
peuvent  guère  se  présenter  avant  une  trentaine  d'années. 

—  On  donne  aussi  le  nom  d'enseigne  au  grand  pavillon  que 
les  bâtiments  de  guerre  arborent  à  l'arrière  les  jours  de 
fête  et  pendant  le  combat.  Il  ne  diffère  du  reste  des  pavil- 
lons ordinaires  que  par  ses  dimensions. 

BiBL.  :  Histoire  militaire.—  Comte  de  Bouille,  les  Dra- 
peaux français  ;  Paris,  1875,  in-8.-  Desjardins,  Rec/ierches 
historiques  sur  les  drapeaux  français  ;  Pans,  l8bU,  in-«.  — 
Chaligny,  Tableau  militaire  des  drapeaux,  étendards  et 
quidons.  —  Jean  d'AuTON,  Chroniques  de  Louis  AI,  dans 
Soc.  Hist.  de  France,  1889,  pp.  89,  99,114,  notes.  —  Go- 
defroy,  le  Cérémonial  français  ;  Paris,  1649.  —  Brantôme, 
Vies  des  Couronnels,  etc.  (édition  Lalanne),  t.  V,  pp.  ébô, 
421  •  t  VI  pp.  24,  165, 136, 140,  77,  229.  —  Collection  Hennin 
(Biblioth.  nation.  Estampes),  t.  V,  VI,  VU  et  VIII.  -  Duc 
d'AuMALE,  Histoire  des  princes  de  ConJe;  Pans,  l««5;t- A> 
p.  135.—  R.  François,  la  Guerre;  Pans,  1644,  §§  31  et  33. 

—  Pour  les  autres  ouvrages,  V.  la  bibliographie  du  mot 
Drapeau. 

ENSEIGNEMENT.I.  GÉNÉRALITÉS.  — Philosophie. 

—  L'enseignement  est  la  partie  de  l'éducation  qui  a  pour 
objet  le  développement  intellectuel  et  la  transmission  des 
connaissances.  Ce  n'est  qu'une  partie  àeVéducation(\.  ce 
mot)  et  non  la  première  ni  peut-être  la  principale,  car  un 
homme  vaut  par  le  caractère,  le  cœur,  les  habitudes  plus 
encore  que  par  l'intelligence  et  le  savoir.  Mais  l'enseigne- 
ment est  à  coup  sûr  une  partie  essentielle  de  l'éducation,  et 
l'on  s'explique  même  qu'aux  yeux  de  tant  de  gens,  il  prime 
et  supplée  pour  ainsi  dire  tout  le  reste.  Un  être  comme 
l'homme,  en  effet,  chez  qui  la  pensée  est  une  des  facultés 
maîtresses,  ne  peut  évidemment  atteindre  que  par  la  cul- 
ture intellectuelle  toute  la  perfection  que  sa  nature  com- 
porte. Et  ce  qui  est  vrai  du  développement  individuel,  l'est 
encore  plus  du  progrès  collectif  :  le  facteur  capital  de  ce 
qu'on  appelle  civilisation,  n'est-ce  pas  la  diffusion  et  l'ac- 
croissement des  connaissances?  L'esprit  et  le  savoir  ne 
suffisent  sans  doute  ni  au  bonheur  ni  à  la  perfection,  soit 
de  l'individu  soit  de  la  société,  mais  ils  y  contribuent, 
toutes  choses  égales  d'ailleurs.  Connaître  et  comprendre  est 
un  bien  en  soi,  une  des  joies  les  plus  pures  et  dont  on  se 
lasse  le  moins  ;  et  ce  bien  est  la  condition  de  beaucoup 
d'autres,  non  temporels  seulement   mais  aussi  moraux, 
puisqu'il  n'est  pas  jusqu'à  la  bonté  qui  ne  gagne  à  être 
éclairée,  et  que  la  vertu  elle-même  perdrait  de  son  prix, 
perdrait  son  nom  à  être  par  trop  inconsciente.  Quelque 
idéal  qu'on  se  fasse  de  la  vie  humaine,  n'accordât-on  de 
valeur  qu'à  l'action,  faisant  fi  de  la  pensée  spéculative, 
chacun  sait  que  l'on  agit  toujours  un  peu  comme  on  pense, 
et  que  les  idées  se  traduisent  dans  la  conduite.  Si  elles  ne 
mènent  pas  le  monde  à  elles  seules,  comme  on  l'a  dit,  à 
coup  sûr,  elles  influent  sur  les  sentiments  et  sur  les  pas- 
sions qui  le  mènent.  . 

Aussi  les  nations,  dès  qu'elles  prennent  conscience  d  elles- 
mêmes  et  souci  de  leur  lendemain,  aussi  les  partis  poli- 
tiques, les  églises,  les  sectes,  ont-ils  à  cœur  de  donner 
l'enseignement,  d'avoir  leurs  écoles  tout  au  moins,  s'ils 
ne  peuvent  avoir  la  haute  main  sur  les  écoles  publiques. 
V école  {V.  ce  mot)  n'agit  pas  par  l'enseignement  seul  ; 
elle  a,  même  chez  nous,  elle  avait  surtout  dans  l'antiquité 
d'autres  modes  d'action  sur  les  âmes  ;  mais,  de  tous  les 
movens  dont  nous  disposons  pour  façonner  les  générations 
qui*^nous  suivent,  pour  modeler  les  caractères  et  orienter 
les  cœurs,  l'enseignement  est  le  plus  général,  sans  contre- 
dit, et  le  plus  direct.  Sans  doute,  il  y  a  quelque  chose  de 
plus  fort  que  l'enseignement  :  c'est  le  milieu,  ce  sont  les 
mœurs,  et  Herbert  Spencer  se  moque  non  sans  raison  de 


—  4109 


ENSEIGNEMENT 


ceux  qui  comptent  sur  la  vertu  de  Tinstruction,  surtout  de 
l'instruction  élémentaire,  sur  la  magie  des  préceptes  et  des 
livres  pour  transformer  du  jour  au  lendemain  individus  et 
sociétés.  Mais,  si  sa  critique  porte  bien  contre  l'engoue- 
ment de  certains  naïfs,  elle  serait  très  faible  et  superfi- 
cielle appliquée  à  la  culture  en  général,  dont  les  effets  avec 
le  temps  sont  profonds  et  même  incalculables.  De  quoi  ré- 
sultent en  effet  les  mœurs  et  les  coutumes,  sinon  de  l'opi- 
nion, des  croyances,  des  façons  de  penser  depuis  long- 
temps dominantes  dans  un  milieu  donné  ?  Mais  l'opinion 
change  ou  persiste,  les  croyances  se  perpétuent  ou  s'al- 
tèrent, les  façons  de  juger  se  communiquent  essentiellement 
par  l'action  des  adultes  sur  l'esprit  des  jeunes.  Comment 
la  jeunesse  ne  subirait-elle  pas  profondément  l'influence 
des  leçons,  des  lectures,  des  exercices  auxquels  elle  est 
soumise  avec  suite  durant  toutes  les  années  où  la  plasticité 
intellectuelle  est  la  plus  grande  ?  Ceux  qui  exagèrent  à 
plaisir  l'impuissance  de  l'enseignement  nous  rendent  ser- 
vice en  rappelant,  ce  qu'on  oublie  trop,  qu'il  n'est  pas  tout 
à  lui  seul;  mais,  excès  pour  excès,  ceux-là  seraient  plus 
près  de  la  vérité,  qui  le  dénoncent  comme  une  sorte  de 
mainmise  sur  Tesprit,  la  conscience  et  la  libertéde  l'enfant. 

C'est  ce  qu'il  est  en  effet,  quand  il  n'est  qu'un  dressage 
mécanique  de  la  pensée,  une  transmission  de  notions  et 
d'opinions  toutes  faites,  une  suggestion  de  croyances  irrai- 
sonnées. Mais  tout  autre  est  l'effet,  tout  autre  le  but  de 
l'enseignement  libéral,  le  seul  dont  il  sera  ici  question. 
Son  objet  essentiel  est  de  cultiver  la  raison,  de  développer 
et  d'affermir  le  jugement  personnel.  A  ce  titre,  il  est  la 
condition  et  la  meilleure  garantie  de  la  liberté. 

Il  faut  distinguer  en  effet  dans  l'enseignement  deux 
choses  :  l'éducation  intellectuelle  et  l'instruction  ;  deux 
choses  que  les  bonnes  méthodes  et  les  programmes  bien 
faits  n'ont  garde  de  séparer,  mais  deux  choses  profondé- 
ment distinctes  et  qui  répondent  à  des  besoins  très  diffé- 
rents. Il  est  nécessaire  à  un  homme  en  effet  et  de  savoir 
beaucoup  et  de  bien  juger  ;  mais  chacun  sait  que  ce  n'est 
pas  la  même  chose  ;  et,  s'il  fallait  choisir,  nous  avons  bien 
autrement  besoin  d'un  esprit  droit  que  de  connaissances 
étendues.  La  grande  affaire  dans  renseignement,  ce  n'est 
donc  pas  tant  d'apprendre  aux  enfants  ceci  ou  cela  (quoi- 
qu'il y  ait  pour  chaque  condition  des  connaissances  in- 
dispensables) ;  c'est  de  leur  donner  de  bonnes  habitudes 
d'esprit,  en  développant  harmonieusement  et  en  fortifiant 
toutes  leurs  facultés.  Des  sens  exercés,  l'habitude  d'obser- 
ver et  de  réfléchir,  une  raison  ferme  ne  généralisant  qu'à 
bon  escient,  mais  tirant  bravement  des  principes  ce  qu'ils 
contiennent,  une  mémoire  docile,  une  imagination  forte,  mais 
réglée;  d'un  seul  mot,  un  excellent  esprit,  à  la  fois  large  et 
précis,  souple  et  vigoureux,  alerte  et  sûr,  voilà  qui  vaut 
mieux  que  toute  l'érudition  d'une  académie.  Un  tel  esprit 
en  effet  est  un;«  merveilleux  instrument  »,  quelque  emploi 
qu'on  ait  à  en'  faire  ;  et  non  seulement  il  est  de  plus  de 
ressource  que  toute  routine,  mais  seul  il  fait  un  homme  au 
sens  plein  et  noble  de  ce  mot.  Montaigne  a  donc  cent  fois 
raison  de  le  dire,  le  but  est  de  former  l'esprit  encore  bien 
plus  que  de  le  munir  :  une  «  tête  bien  pleine  »  n'est  rien 
au  prix  d'une  «  tête  bien  faite  ». 

Mais  ce  qui  est  distinct  n'est  pas  nécessairement  séparé. 
La  culture  et  l'instruction  doivent  marcher  de  pair  à  tous 
les  degrés .  Elles  diffèrent  comme  la  forme  et  la  matière  ; 
mais  matière  et  forme  ne  vont  l'une  sans  l'autre  ni  dans 
la  nature  ni  dans  l'art.  Il  est  bien  vrai  qu'un  bon  esprit 
excellemment  exercé  se  passerait  mieux  de  connaissances 
qu'un  esprit  bourré  de  connaissances  ne  se  passerait  de 
justesse;  mais,  en  fait,  l'esprit  ne  fonctionne  pas  à  vide,  et, 
le  pùt-on,  il  serait  absurde  de  vouloir  l'exercer  sans  le 
nourrir,  le  façonner  sans  lui  rien  apprendre  :  nous  avons 
besoin  de  connaître  pour  nous  conduire,  de  «  savoir  afin 
de  prévoir  et  de  pourvoir  ».  Une  pédagogie  toute  formelle 
qui  prétendrait  développer  toutes  les  qualités  de  l'intelli- 
gence sans  souci  de  la  substance  qu'elle  réclame,  serait  donc 
fausse  par  l'exagération  d'une  vérité,  comme  le  serait  en 


sens  inverse  une  pédagogie  toute  matérielle,  qui  croirait 
faire  assez  en  ingurgitant  à  l'esprit  tout  le  savoir  utile, 
sans  souci  de  la  façon  dont  il  le  digère  et  de  ce  qu'il  y  gagne 
ou  non  en  qualité.  C'est  une  bonne  formule  de  dire  qu'à 
tout  âge  et  dans  toute  condition  il  faut  apprendre  à  l'élève 
ce  qui  lui  sera  le  plus  utile,  pourvu  qu'il  soit  bien  entendu 
que  le  plus  utile  de  tout  est  de  savoir  penser.  Il  n'y  a  pas 
là  antinomie.  Car,  à  part  les  notions  élémentaires  de  la  lec- 
ture, de  l'écriture  et  du  calcul,  aussi  peu  éducatives  en 
elles-mêmes  qu'elles  sont  nécessaires  comme  conditions  et 
instruments  de  toute  culture  ultérieure,  on  peut  dire  qu'en 
général  tout  ce  qui  est  bon  à  savoir  est  bon  à  apprendre  : 
et  réciproquement  les  exercices  salutaires  à  la  belle  crois- 
sance de  l'esprit  le  sont  d'autant  plus  qu'ils  sont  moins 
artificiels,  qu'ils  mettent  plus  la  pensée  en  commerce  avec 
les  choses  dont  la  connaissance  lui  est  utile. 

Mais  la  vertu  éducative  d'un  enseignement  dépend  moins 
de  sa  matière  que  de  sa  forme  :  elle  est  bien  plus  affaire 
de  méthode  que  de  programme.  Il  y  a  une  façon  absurde 
et  stérile  d'enseigner  les  plus  belles  choses  ;  il  y  en  a  une 
judicieuse  et  féconde  d'enseigner  les  plus  humbles.  Pour 
les  trois  degrés  d'enseignement  tour  à  tour,  nous  aurons 
à  considérer  le  programme  d'une  part,  de  l'autre  la  mé- 
thode ;  l'un  qui  détermine  les  matières  à  enseigner,  l'autre 
les  moyens  ;  l'un  et  l'autre  régis  par  les  principes  généraux 
de  la  pédagogie  diversement  appliqués  aux  différents  be- 
soins. Le  programme  implique  déjà,  jusqu'à  un  certain  point, 
la  méthode  par  l'ordre  dans  lequel  il  dispose  les  matières; 
mais  tout  maître  digne  de  ce  nom  doit  revendiquer  et  obte- 
nir de  plein  droit  unelarge  part  d'initiative  dans  sa  marche. 
A  tout  degré,  et  de  plus  en  plus  à  mesure  qu'on  s'élève, 
la  liberté  est  l'âme  de  l'enseignement.  H.  M. 

Pédagogie  générale. — Enseignement  mutuel.  — C'est 
ce  que  les  Anglais  appellent  plus  exactement  le  système  des 
moniteurs  (monitorial  System)  :  il  consiste  à  se  servir  des 
élèves  les  plus  avancés  pour  enseigner  aux  autres  ce  qu'on 
vient  de  leur  apprendre  à  eux-mêmes.  Il  n'y  a  pas  là  mu- 
tualité au  sens  propre,  c.-à-d.  échange  réciproque  :  car  si 
le  moniteur  transmet  à  ses  petits  camarades  ce  qu'il  a  reçu, 
il  ne  rend  rien  au  maître  de  qui  il  l'a  reçu,  et  ses  cama- 
rades ne  lui  rendent  rien  en  retour,  sauf  dans  le  cas,  excep- 
tionnel, où  ils  sont  eux-mêmes  moniteurs  pour  une  autre 
partie  de  l'enseignement.  On  sait  comment  cet  usage  fut  sys- 
tématisé en  Angleterre  à  la  fois  par  Andréas  Bell  (V.  ce 
nom) ,  qui  l'apportait  des  Indes,  et  par  Lancaster  son  émule. 
A  vrai  dire,  ce  n'était  pas  une  idée  neuve,  que  celle  d'utiliser, 
comme  dit  La  Chalotais  «  les  disciples  les  plus  avancés  pour 
faire  des  démonstrations  aux  plus  jeunes  ».  Erasme  le  con- 
seille, M"^^  de  Maintenon  le  recommandait  à  Saint-Cyr, 
Rollin  l'approuve.  Dans  certaines  écoles  d'Allemagne,  au 
xviii*^  siècle,  on  employait  les  bons  élèves  comme  auxiliaires 
(Hilfkinder)  ;  et  même  les  frères  de  la  doctrine  chrétienne 
ont  leurs  «  officiers  ».  La  nouveauté  était  de  suppléer  sys- 
tématiquement par  les  moniteurs  au  manque  de  maîtres  et 
à  rindiff'érence  de  l'autorité  pour  l'instruction  du  peuple  : 
c'est  ce  qui  explique  et  l'engouement  des  libéraux,  en  An- 
gleterre d'abord,  puis  en  France,  et  la  résistance  du  parti 
adverse,  comme  aussi  l'hostilité  de  certains  maîtres  qui 
craignaient  de  paraître  moins  nécessaires. 

En  France,  la  Société  pour  Vinstruction  élémentaire 
(V.  ce  mot),  en  se  fondant  à  la  fin  des  Cent-Jours,  fit  sa 
chose  de  l'enseignement  mutuel,  pour  lequel  s'enthousiasma 
l'aristocratie  libérale.  L'Académie  française,  en  1818,  le 
proposa  pour  sujet  du  concours  de  poésie.  On  y  voyait,  à 
tout  le  moins,  un  moyen  de  répandre  l'instruction,  dans  un 
temps  où  plus  de  la  moitié  des  communes  de  France 
n'avaient  pas  d'écoles,  et  où  dans  les  écoles  existantes 
nombre  d'élèves,  même  assidus,  étaient  comme  aban- 
donnés, faute  de  maîtres.  L'enseignement  simultané  étant 
quasi  inconnu,  le  mode  individuel  seul  en  usage,  il  était  de 
toute  nécessité  de  multiplier  les  aides  pour  faire  lire  et 
compter,  au  moins  par  procuration,  les  enfants  qui  payaient 
pour  l'apprendre.  Les  moniteurs  étaient  préparés  chaque 


ENSEIGNEMENT 


—  1110  — 


matin  par  une  classe  faite  exprès  pour  eux  :  l'instituteur 
se  reposait  sur  eux  le  reste  de  la  journée.  Il  avait  auprès 
de  sa  chaire  les  moniteurs  généraux  pour  transmettre  ses 
ordres.  Les  moniteurs  particuliers  se  tenaient  dans  la 
salle,  chacun  auprès  du  groupe  dont  il  avait  la  charge, 
ayant  sous  sa  main  un  tableau,  des  modèles  et  le  livre  de 
lecture  où  les  enfants  étaient  appelés  tour  à  tour.  Tout  se 
faisait  au  commandement.  Des  conducteurs  présidaient  aux 
mouvements,  auxquels  on  s'efforçait  de  donner  une  préci- 
sion militaire.  Le  soin  même  de  la  discipline  était  en  partie 
confié  aux  moniteurs,  lesquels,  dans  les  cas  graves,  for- 
maient une  sorte  de  jury.  C'est  à  bon  droit,  on  le  voit,  que 
de  si  utiles  auxiliaires  recevaient  une  légère  rémunération  : 
leurs  familles  surtout  étaient  fières  d'eux. 

De  fait,  le  profit  le  plus  sûr  était  pour  eux,  qui  appre- 
naient en  enseignant,  et  qui  mûrissaient  moralement  par 
l'exercice  du  commandement  et  de  la  responsabilité.  Mais 
pour  eux-mêmes,  le  profit  était  payé  cher  par  la  médiocrité 
inévitable  du  savoir  ainsi  hâtivement  acquis  et  transmis 
mécaniquement  au  jour  le  jour,  par  l'arrêt  de  développement 
qu'entraîne  une  maturité  précoce  et  qui  n'empêche  pas  tou- 
jours la  morgue,  alors  insupportable.  Quant  aux  enfants 
instruits  par  les  moniteurs,  tout  ce  qu'on  peut  dire  de 
mieux  c'est  que  cette  instruction  valait  mieux  que  rien.  Ils 
pouvaient,  à  la  rigueur,  apprendre  les  premiers  éléments, 
être  dressés  tant  bien  que  mal  à  lire,  à  écrire,  à  compter  ; 
mais  il  y  a  loin  de  ce  maigre  savoir,  aussi  éphémère  que 
pauvre  le  plus  souvent,  à  l'enseignement  vraiment  éducatif 
que  nous  voulons  aujourd'hui  pour  tout  le  monde  et  pour 
lequel,  malgré  des  progrès  à  peine  croyables,  nous  ne  pen- 
sons pas  encore  avoir  assez  de  bons  maîtres.  Pour  former 
des  hommes,  c'est  des  hommes  qu'il  faut,  non  des  enfants. 
Sous  Louis-Philippe,  à  mesure  que  l'enseignement  mutuel 
cessa  d'être  en  butte  aux  passions  réactionnaires,  on  en  vit 
mieux  l'insuffisance  et  le  péril.  Il  tomba  de  lui-même,  peut- 
on  dire,  avant  d'être  condamné  officiellement.  Ce  qu'il  en 
faut  retenir,  c'est  le  grand  mouvement  de  bonne  volonté 
dont  il  fut  l'expression  à  un  moment  donné  ;  c'est  aussi  cette 
idée  applicable  à  tous  les  degrés  de  l'enseignement,  qu'il  y 
a  lieu  d'appeler  discrètement  les  élèves  à  s'aider  les  uns  les 
autres,  de  se  servir  des  forts  pour  soutenir,  guider,  animer 
les  faibles.  H.  M. 

Enseignement  par  l'aspect  (V.  Choses  [Leçons  de] 
et  Intuition). 

Enseignement  intuitif  (V.  Choses  [Leçons  de]  et  In- 
tuition). 

Enseignement  des  aveugles  (V.  Aveugle). 

Historique. —  On  trouvera  les  principaux  faits  de  l'his- 
toire de  l'enseignement  dans  les  art.  Instruction  et  Péda- 
gogie. Ceux-ci  indiqueront  les  renvois  aux  articles  spéciaux 
où  sont  traitées  à  part  un  grand  nombre  de  questions.  Pour 
l'enseignement  supérieur,  V.  les  art.  Faculté,  Jurispru- 
dence, Lettres,  Médecine,  Sciences  ;  V.  aussi  l'art.  Ecole. 
Enfin  dans  chacune  des  subdivisions  de  l'art,  actuel  sont 
mentionnés  les  principaux  renvois. 

Politique.  —  L'intervention  de  l'Etat  dans  les  questions 
d'enseignement  soulève  des  problèmes  qui  comptent  parmi 
les  plus  controversés  «t  les  plus  graves  de  la  politique.  Ils 
posent  de  la  manière  la  plus  nette  la  question  du  rôle 
moral  de  l'Etat  et  des  pouvoirs  politiques  préposés  à  la 
société  ;  cette  question  sera  étudiée,  avec  tous  les  déve- 
loppements qu'elle  comporte,  dans  l'art.  Etat,  où  l'on 
examinera  également  les  diverses  solutions  qu'elle  a  reçues 
dans  la  pratique  et  les  théories  émises  par  les  diverses 
écoles  philosophiques  et  les  divers  partis  politiques.  Pour 
le  moment,  nous  nous  contenterons  de  constater  que  nul 
des  Etats  modernes  ne  croit  pouvoir  se  désintéresser  de 
renseignement.  Ils  ne  jugent  pas  suffisant  de  le  contrôler 
là  où  il  se  donne,  ils  jugent  indispensable  de  l'assurer.  La 
civilisation  moderne  étant  fondée  sur  la  science,  dont  les 
découvertes  ont  transformé  l'humanité  et  ont  accru  dans 
des  proportions  imprévues  la  puissance  de  l'homme  vis- 
à-vis  des  forces  naturelles,  et  celle  des  races  européennes 


vis-à-vis  des  autres,  il  serait  surprenant  qu'il  en  fût  autre- 
ment. L'instruction  est  un  besoin  social,  et  l'intervention 
de  l'Etat  est  motivée  d'abord  parce  qu'il  juge  nécessaire 
d'assurer  l'instruction  à  ses  nationaux.  Il  y  a  tout  d'abord 
un  minimum  d'instruction  indispensable  à  tous,  c'est  celui 
que  donne  aux  enfants  l'enseignement  primaire  élémen- 
taire, aux  adolescents  ou  aux  adultes  l'enseignement  dit 
complémentaire.  L'Etat  prend  des  mesures  pour  assurer  ce 
minimum  d'instruction  et  souvent  il  se  charge  de  le  donner. 
En  ce  qui  concerne  l'enseignement  supérieur  par  lequel  se 
maintient  et  progresse  la  haute  culture  scientifique,  philo- 
sophique, esthétique  d'un  pays,  il  a  presque  toujours  été 
admis  que  le  bénéfice,  non  seulement  moral  mais  matériel 
qu'en  retirait  le  pays  était  énorme  et  qu'il  y  avait  un 
intérêt  primordial  à  garantir  la  transmission  des  idées 
directrices  en  rémunérant  ceux  qui  les  professent,  d'autant 
plus  qu'ils  n'en  tirent  généralement  aucun  profit  et  qu'il 
y  a  un  intérêt  public  à  les  dispenser  de  gagner  leur  vie 
dans  les  appUcations.  L'existence  d'un  enseignement  supé- 
rieur a  été  une  des  causes  les  plus  efficaces  du  progrès,  et 
on  conçoit  que,  lorsque  les  fondations  particulières  ne  suf- 
fisent pas  à  le  soutenir,  l'Etat  intervienne.  Il  intervient  de 
même  dans  beaucoup  de  pays,  pour  garantir  la  valeur  des 
diplômes  ou  certificats  déhvrés  par  les  établissements 
d'instruction  ;  pour  assurer  le  recrutement  du  personnel 
enseignant,  la  formation  des  maîtres  étant  une  des  prin- 
cipales tâches  de  l'enseignement  ;  enfin,  l'Etat  a  créé  ou 
soutenu  un  grand  nombre  d'établissements  d'instruction  de 
toute  nature  et  de  destination  très  variée.  Toujours  au  nom 
du  principe  de  la  nécessité  de  l'instruction,  il  en  est  venu 
à  se  charger  de  la  donner  sous  toutes  ses  formes;  en 
France,  par  exemple,  l'enseignement  public  est  prépondé- 
rant à  tous  les  degrés  et  dans  tous  les  ordres  :  enseigne- 
ment primaire,  secondaire,  supérieur,  artistique,  tech- 
nique, etc.  Dans  d'autres  pays,  comme  l'Angleterre,  le 
rôle  des  pouvoirs  publics  est  bien  moindre,  surtout  celui 
de  l'Etat,  du  pouvoir  central  ;  mais  il  ne  se  contente  pas 
de  contrôler  ;  il  est  des  enseignements  qui,  par  leur  nature 
même,  sont  des  enseignements  d'Etat,  tel  l'enseignement 
mihtaire. 

Nous  ne  nous  attardons  pas  ici  à  ces  considérations  ;  le 
lecteur  trouvera  dans  l'art.  Etat  l'exposé  des  princi- 
pales théories  et  notamment  sur  la  fameuse  question  de 
savoir  si  l'Etat  peut  avoir  une  doctrine,  s'il  peut  choisir 
ce  qu'il  fait  enseigner,  discerner  la  vérité  de  l'erreur  ;  il 
n'y  a  pas  de  question  plus  délicate  et,  semble-t-il,  plus 
insoluble.  Les  problèmes  purement  poHtiques  sont  aussi 
très  complexes,  et  les  solutions  varient  selon  la  nature  de 
l'enseignement.  Ainsi  il  est  de  toute  évidence  qu'on  ne 
peut  déclarer  obligatoire  que  l'enseignement  primaire.  La 
gratuité  de  l'enseignement  est  évidemment  désirable.  Toute- 
fois, on  a  pu  soutenir  qu'il  était  juste  que  celui  qui  reçoit 
le  bienfait  de  l'instruction  la  paye  et  qu'il  suffisait  d'assu- 
rer la  gratuité  à  celui  qui  ne  pourrait  payer.  On  tend 
cependant  à  admettre  la  gratuité  absolue  pour  l'enseigne- 
ment primaire  ;  c'est  le  système  français  ;  elle  ne  semble 
guère  moins  désirable  pour  l'enseignement  supérieur  ;  on 
l'a  établie,  puis  supprimée  en  France  ;  le  principe  paraît 
être  de  le  faire  payer  lorsqu'il  prépare  à  une  carrière  pro- 
fessionnelle. D'ailleurs,  pour  l'enseignement  secondaire, 
l'enseignement  technique  et  dans  les  grandes  écoles  où 
se  donne  en  grande  partie  l'enseignement  supérieur,  on 
réahse  les  avantages  de  la  gratuité  par  le  système  des 
bourses  (V.  ce  mot).  L'enseignement  pubhc  peut-il  avoir 
un  caractère  confessionnel  ?  On  l'a  discuté  passionnément  ; 
la  solution  qui  prévaut  en  France  est  qu'il  doit  être 
strictement  neutre  et  laïque,  ce  qui  implique  à  la  fois  la 
laïcité  des  programmes  et  la  laïcité  du  personnel.  Un 
article  spécial  sera  consacré  à  cette  question  de  l'école 
confessionnelle  et  de  la  neutrahté  scolaire  (V.  Laïcité). 
Mais  nous  rappelons  que  chacun  de  ces  problèmes  se  pose 
d'une  manière  différente  dans  l'enseignement  primaire, 
secondaire  et  supérieur.  Il  en  sera  donc  reparlé  dans 


—  iiii  — 


ENSEIGNEMENT 


chacun  de  ces  paragraphes,  et,  pour  la  France,  nous  étu- 
dierons séparément  les  rapports  de  renseignement  public 
et  de  l'enseignement  libre  dans  chacun  des  trois  ordres.  La 
question  a  été  traitée  de  main  de  maître  dans  le  Diction- 
naire de  pédagogie  de  M.  Buisson  (1^®  partie,  t.  Il, 
p.  1575).  Ce  qu'on  entend  par  liberté  de  l'enseignement, 
ce  n'est  ni  la  liberté  pour  le  père  de  famille  de  refuser 
l'instruction  à  ses  enfants,  ni  la  liberté  d'indifférence  de 
la  commune  ou  de  l'Etat  ;  c'est  le  droit  égal  pour  tous  de 
donner  l'enseignement,  l'interdiction  de  tout  monopole  qui 
mettrait  l'enseignement  aux  mains  d'individus  privilégiés, 
d'une  corporation  comme  l'Eglise,  ou  même  de  l'Etat,  à 
l'exclusion  de  tout  autre.  Mais  il  ne  s'ensuit  pas  que  le 
droit  d'enseigner  soit  un  droit  de  nature  illimité,  dont 
l'exercice  ne  puisse  être  subordonné  à  aucun  contrôle. 
Non,  cela  ne  se  peut,  car  il  s'agit  d'un  droit  qui  s'exerce 
envers  des  mineurs  dont  l'Etat  est  le  protecteur  naturel  ; 
de  plus,  la  société  ayant  posé  le  principe  de  la  nécessité  de 
l'enseignement,  imposant  à  tous  un  minimum  d'instruction, 
ne  peut  accorder  au  premier  venu  le  droit  de  réunir  des 
enfants  sous  prétexte  d'enseignement.  «  Le  seul  sens  rai- 
sonnable du  mot  de  liberté,  c'est  l'exercice  d'un  droit  qui  a 
pour  limite  le  droit  d'autrui,  la  société  restant  le  juge  et 
le  garant  du  respect  réciproque  de  cette  limite  de  part  et 
d'autre.  Il  est  donc  non  seulement  légitime,  mais  néces- 
saire, que  l'Etat  intervienne  pour  s*assurer  que  celui  qui 
réclame  la  liberté  d'enseigner  n'ait  pas  tout  simplement 
l'intention  d'exploiter  l'enfant  avec  le  concours  de  l'indiffé- 
rence ou  de  l'ignorance  des  familles.  Chacun  est  Hbre 
d'enseigner,  mais  à  condition  de  remplir  les  obligations, 
de  fournir  les  garanties,  les  preuves  de  capacité  et  de  mo- 
ralité que  la  société  considère  comme  le  minimum  de  pré- 
cautions à  exiger,  sous  peine  de  livrer  l'enfance  ou  la 
jeunesse  à  des  imposteurs.  »  C'est  la  loi  de  chaque  pays 
qui  détermine  les  conditions  d'exercice  de  la  liberté  de 
l'enseignement.  Ce  ne  sont  pas  plus  des  atteintes  à  la 
liberté  individuelle  que  les  règlements  de  police  et  de  salu- 
brité publique.  Cette  liberté  d'enseigner  sous  certaines 
conditions  légales  communes  pour  tous  est  celle  qui  pré- 
vaut pour  presque  tous  les  pays  civiHsés.  Les  différences 
résident  dans  la  nature  des  garanties  exigées  et  des 
moyens  de  contrôle  employés,  lesquels  varient  selon  les 
degrés  de  l'enseignement.  Nous  reproduisons  le  résumé 
donné  par  M.  Buisson  de  ces  grands  débats  :  «  Si  l'Etat 
n'enseigne  point  lui-même,  la  question  se  borne  pour  lui  à 
maintenir  l'égalité  entre  les  citoyens  qui,  à  leurs  risques 
et  périls,  sous  le  contrôle  des  lois,  se  chargent  de  l'ensei- 
gnement :  on  ne  peut  lui  demander  que  de  ne  point  créer 
de  monopole,  de  n'exclure  arbitrairement  personne.  —  Si 
l'Etat  enseigne  et  se  trouve  seulement  en  présence  d'indi- 
vidus et  d'associations  libres  qui  se  partagent  avec  lui  le 
vaste  champ  de  l'enseignement,  c'est  un  devoir  de  stricte 
et  facile  équité  d'assurer  à  tous  les  établissements  libres  ou 
pubUcs,  à  tous  les  professeurs,  à  tous  les  élèves,  l'égalité 
devant  la  loi.  Dans  les  examens  qui  donnent  droit  à  des 
grades  ou  qui  ouvrent  l'accès  des  carrières,  aucun  privi- 
lège ne  doit  être  réservé  aux  établissements  de  l'Etat  ou  à 
leurs  élèves.  La  concurrence  doit  être  Hbre  et  loyale.  Gou- 
vernement, sociétés,  mdividus,  tous  ceux  c[ui  entreprennent 
d'enseigner  doivent,  sans  distinction  d'origine,  de  culte  ou 
d'opinion,  se  soumettre  pour  la  vérification  des  résultats 
obtenus  à  un  même  critérium,  dans  les  conditions  d'impar- 
tialité les  plus  complètes.  Reste  un  troisième  cas  :  c'est  le 
plus  difficile  ou  plutôt  c'est  celui  qui  fait  à  lui  seul  toute 
la  difficulté  du  problème  de  la  liberté  d'enseignement.  C'est 
la  situation  des  pays  oii  jusqu'à  nos  jours  l'enseignement 
était  le  privilège  exclusif  de  l'EgHse  ou  de  corporations 
issues  de  l'Eglise  ;  une  révolution  est  survenue  qui  a  plus 
ou  moins  complètement  brisé  ce  monopole,  soit  en  y  subs- 
tituant le  monopole  de  l'Etat,  soit  ensuite  en  supprimant 
tout  monopole.  Dans  ces  pays,  par  un  étrange  renverse- 
ment des  termes  qui  pourtant  s'explique  assez  aisément 
comme  tactique  de  parti,  la  liberté  de  l'enseignement  a  été 


revendiquée  par  ceux-là  mêmes  dont  le  monopole  était  ou 
détruit  ou  menacé.  Sous  les  apparences  de  la  liberté,  il 
s'agissait  essentiellement  du  pouvoir  ;  et  ce  qu'on  se  dis- 
putait de  part  et  d'autre,  ce  n'était  pas  le  droit  abstrait 
d'enseigner,  c'était  une  forte  organisation  permettant  de 
s'emparer  à  peu  près  entièrement  de  l'instruction  de  la 
jeunesse  à  tous  les  degrés.  La  liberté  si  impérieusement 
et  parfois  si  éloquemment  réclamée  par  les  adversaires 
avoués  de  toutes  les  libertés,  c'était  celle  de  traiter  d'égal 
à  égal  avec  l'Etat,  bien  plus,  de  se  substituer  à  l'Etat,  de 
maintenir  sous  le  nom  d'équivalences  de  véritables  immu- 
nités, de  perpétuer,  sous  prétexte  de  droits  acquis,  les 
antiques  prérogatives  de  l'Eglise.  De  là  l'extrême  compli- 
cation des  débats  où  les  mots  signifiaient  souvent  presque 
le  contraire  des  choses.  Pour  avoir  raison  des  sophismes 
qui  se  cachaient  sous  cette  revendication  de  liberté,  il 
fallait  commencer  par  faire  disparaître  jusqu'au  dernier 
vestige  de  monopole  au  profit  de  l'Etat  ;  c'était  le  seul 
moyen  de  pouvoir  attaquer  de  front  celui  de  l'Eghse.  Tel 
a  été  le  résultat  en  France  des  lois  de  1833  pour  l'ensei- 
gnement primaire,  de  1850  pour  l'enseignement  secondaire 
et  de  1880  pour  l'enseignement  supérieur.  Elles  ont  posé 
le  principe  de  la  liberté  de  l'enseignement  ;  celle  de  1850 
avait  même,  sous  ce  nom,  consacré  quelques-unes  des 
prétentions  excessives  de  l'Eglise.  Quelles  que  fussent  leurs 
imperfections  de  détail,  ces  lois,  en  abolissant  tous  les  pri- 
vilèges des  établissements  d'Etat,  ont  permis  en  somme  de 
dégager  et  d'affirmer  une  notion  tout  à  fait  différente,  celle 
du  droit  de  contrôle  de  l'Etat.  Ce  droit  de  contrôle  avait 
été  jusque-là  intentionnellement  confondu  avec  les  anciens 
privilèges  de  l'Université  de  l'Etat.  La  distinction  a  claire- 
ment apparu  à  tous  les  yeux  aussitôt  que  l'Etat  eut  soumis 
franchement  ses  maîtres  et  ses  élèves  au  droit  commun. 
Il  a  été  aussitôt  manifeste  qu'il  pouvait  y  soumettre  de 
même  tous  ceux  des  étabhssements  rivaux.  Et  du  même 
coup  a  éclaté  à  tous  les  yeux  le  véritable  objet  de  la 
querelle  et  le  véritable  dessein  des  prétendus  champions  de 
la  liberté  d'enseignement  ;  ce  qu'ils  demandaient,  ce  qu'ils 
avaient  obtenu  et  ce  qu'il  a  fallu  leur  reprendre  par  des 
lois  spéciales,  c'était  l'exemption  pour  leur  personnel  des 
garanties  exigées  de  tous,  c'était  le  privilège  d'enseigner 
comme  instituteur  primaire  sans  avoir  le  brevet  d'institu- 
teur primaire  ;  c'était  le  privilège  d'ouvrir  un  établissement 
secondaire  sans  être  tenu  aux  justifications  exigées  de  tout 
chef  d'étabhssement  secondaire  ;  c'était  le  privilège  de  sous- 
traire leurs  écoles  aux  conditions  ordinaires  de  l'inspection 
et  de  la  surveillance  imposées  à  toutes  les  autres;  c'était  le 
privilège  de  conférer  des  grades  auxquels  l'Etat  eût  été 
obligé  de  reconnaître  la  même  valeur  qu'à  ceux  de  ses 
propres  facultés  en  se  contentant  d'être  admis  au  jugement 
pour  moitié  et  de  pair  avec  les  représentants  de  l'ensei- 
gnement libre  ;  c'était  le  privilège  pour  l'Eglise  d'avoir 
dans  tous  les  conseils  de  l'Université  une  place  prépondé- 
rante et  des  représentants  de  droit  qui  missent  dans  ses 
mains  ou  la  direction  des  affaires  ou  une  résistance  invin- 
cible à  tout  progrès  suspect.  Le  législateur  a  pu  faire  jus- 
tice de  toutes  ces  prétentions  dès  qu'il  a  pu  les  mettre  en 
pleine  lumière  et  faire  voir  combien  elles  diffèrent  de  la 
véritable  liberté  de  renseignement.  Tout  Français  est  libre 
d'enseigner,  mais  tout  Français  est  tenu  de  prouver  devant 
les  mêmes  juges  et  de  la  même  manière  qu'il  est  capable 
d'enseigner  ;  tout  Français  est  libre  d'enseigner,  mais  il 
n'est  pas  libre  de  réclamer  pour  son  enseignement  le  pri- 
vilège d'être  clandestin,  d'échapper  à  tous  les  regards,  de 
produire  tels  résultats  que  bon  lui  semble  et  de  se  refuser 
à  les  laisser  constater  dans  les  formes  que  fixe  la  loi  elle- 
même.  »  C'est  la  troisième  République  qui,  par  l'ensemble 
de  la  nouvelle  législation  de  l'enseignement,  a  fait  ainsi 
prévaloir  les  principes  libéraux  et  démocratiques.  Avant 
d'aborder  l'exposé  méthodique  et  statistique  de  notre  ensei- 
gnement, nous  retracerons  sommairement  l'histoire  de  ses 
rapports  avec  l'Etat  depuis  un  siècle. 

Les  hommes  de  la  Ré\olution  française  proclamèrent  le 


ENSEIGNEMENT 


—  4412  — 


devoir  pour  l'Etat  de  créer  une  «  instruction  publique  » 
commune  à  tous  les  citoyens  ;  ils  voulaient  à  la  fois  assurer 
à  tous  le  bienfait  des  connaissances  indispensables  à  tout 
homme  digne  de  ce  nom,  et  garantir  les  droits  de  la  libre 
recherche,  émanciper  la  science  de  la  tyrannie  de  l'Eglise. 
Ils  poursuivirent  donc  un  double  but  :  l'organisation  d'un 
système  d'éducation  nationale  et  la  garantie  de  la  liberté 
de  penser  et  d'enseigner  en  face  de  l'autorité  séculière  ou 
ecclésiastique. 

La  Constitution  de  4794  inscrivit  au  titre  P^  intitulé 
Dispositions  fondamentales  garanties  par  la  Consti- 
tution :  «  Il  sera  créé  et  organisé  une  instruction  publique, 
commune  à  tous  les  citoyens,  gratuite  à  l'égard  des  parties 
d'enseignement  indispensables  à  tous  les  hommes,  et  dont 
les  établissements  seront  distribués  graduellement,  dans 
un  rapport  combiné  avec  la  division  du  royaume.  »  La 
Constitution  de  4793  ou  de  l'an  I  se  borna  à  une  déclara- 
tion générale  :  «  L'instruction  est  le  besoin  de  tous.  La 
société  doit  favoriser  de  tout  son  pouvoir  les  progrès  de  la 
raison  publique,  et  mettre  l'instruction  à  la  portée  de  tous 
les  citoyens.  »  La  Constitution  de  4795  ou  de  l'an  III  dit 
à  l'art.  46  :  «  Les  jeunes  gens  ne  peuvent  être  inscrits 
sur  le  registre  civique,  s'ils  ne  prouvent  qu'ils  savent  lire 
et  écrire,  et  exercer  une  profession  mécanique.  Les  opéra- 
tions manuelles  de  l'agriculture  appartiennent  aux  profes- 
sions mécaniques.  —  Cet  article  n'aura  d'exécution  qu'à 
compter  de  l'an  XII  de  la  République.  »  En  outre,  le 
titre  X,  comprenant  6  articles,  est  consacré  tout  entier  à 
l'instruction  publique.  En  voici  les  principales  dispositions  : 
«  Il  y  a  dans  la  République  des  écoles  primaires  où  les 
élèves  apprennent  à  lire,  à  écrire,  les  éléments  du  calcul 
et  ceux  de  la  morale.  La  République  pourvoit  aux  frais  de 
logement  des  instituteurs  préposés  à  ces  écoles.  Il  y  a,  dans 
les  diverses  parties  de  la  République,  des  écoles  supérieures 
aux  écoles  primaires,  et  dont  le  nombre  sera  tel  qu'il  y  en 
ait  au  moins  une  pour  deux  départements.  —  H  y  a  pour 
toute  la  République  un  Institut  national  chargé  de  recueillir 
les  découvertes,  de  perfectionner  les  arts  et  les  sciences, 
—  Les  citoyens  ont  le  droit  de  former  des  établissements 
particuliers  d'éducation  et  d'instruction,  ainsi  que  des 
sociétés  libres  pour  concourir  aux  progrès  des  sciences, 
des  lettres  et  des  arts.  » 

Dans  les  constitutions  ultérieures,  sauf  celle  de  4848, 
nous  ne  retrouverons  plus  de  dispositions  analogues,  ce  qui 
tient  à  la  moindre  extension  de  ces  actes  législatifs,  dont  le 
dernier  se  borne  à  régler  le  fonctionnement  des  grands 
pouvoirs  publics  (V.  l'art.  Constitution,  t.  XII,  p.  6oo). 
Mais  les  gouvernements  républicains  n'ont  cessé  de  pour- 
suivre avec  énergie  l'exécution  du  plan  de  la  Constituante 
et  de  la  Législative.  Les  plus  illustres  auteurs  de  ce  plan 
furent  Talleyrand  et  Condorcet.  La  Convention,  qui  élabora 
un  vaste  système  d'enseignement,  dont  la  savante  ordon- 
nance nous  étonne  encore,  se  fit  scrupule  de  rien  faire  qui 
limitât  la  liberté  d'enseignement.  Elle  voulut  que  tout 
citoyen  ou  citoyenne  put  être  instituteur  ou  institutrice 
moyennant  une  simple  déclaration  à  la  municipalité.  Le 
Directoire  sentit  les  dangers  de  la  liberté  illimitée  et  pres- 
crivit d'inspecter  une  fois  par  mois  les  écoles  libres.  Le 
Consulat,  par  la  loi  du  44  floréal  an  X,  abolit  la  liberté 
pour  l'enseignement  secondaire,  en  disant  :  il  ne  pourra 
être  étabU  d^'écoles  secondaires  sans  l'autorisation  du  gou- 
vernement. Enfin,  un  des  premiers  actes  de  l'Empire  fut  la 
création  d'un  monopole.  Le  décret  du 40  mai 4 806  disait: 
«  Il  sera  formé,  sous  le  nom  d'Université  impériale,  un 
corps  chargé  exclusivement  de  l'enseignement  et  de  l'édu- 
cation publiques  dans  tout  l'Empire.  » 

Le  décret  du  47  mars  4808  réalise  cette  conception  : 
«  L'enseignement  public,  dans  tout  l'Empire,  est  confié 
exclusivement  à  l'Université.  —  Aucune  école,  aucun  éta- 
blissement quelconque  d'instruction  ne  peut  être  formé 
hors  de  l'Université  impériale  et  sans  l'autorisation  de  son 
chef.  —  Nul  ne  peut  ouvrir  d'école,  ni  enseigner  publique- 
ment, sans  être  membre  de  l'Université  impériale  et  gradué 


par  l'une  de  ses  facultés.  Néanmoins  l'instruction  dans  les 
séminaires  dépend  des  archevêques  et  des  évêques,  chacun 
dans  son  diocèse  ;  ils  en  nomment  et  révoquent  les  direc- 
teurs et  professeurs  ;  ils  sont  seulement  tenus  de  se  con- 
former aux  règlements  pour  les  séminaires.  —  L'Univer- 
sité impériale  sera  composée  d'autant  d'académies  qu'il  y 
a  de  cours  d'appel.  —  Les  écoles  appartenant  à  chaque 
académie  seront  placées  dans  l'ordre  suivant  :  y  les 
facultés,  pour  les  sciences  approfondies  et  la  collation  des 
grades;  2^  les  lycées,  pour  les  langues  anciennes,  l'his- 
toire, la  rhétorique,  la  logique  et  les  éléments  des  sciences 
mathématiques  et  physiques  ;  3«  les  collèges,  écoles  secon- 
daires communales,  pour  les  éléments  des  langues  anciennes 
et  les  premiers  principes  de  l'histoire  et  des  sciences  ;  4°  les 
institutions,  écoles  tenues  par  des  instituteurs  particuliers, 
où  l'enseignement  se  rapproche  de  celui  des  collèges  ;  5*^  les 
pensions]  pensionnats  appartenant  à  des  maîtres  parti- 
culiers, et  consacrés  à  des  études  moins  fortes  que  celles 
des  institutions  ;  6<^  les  petites  écoles,  écoles  primaires, 
où  l'on  apprend  à  lire,  à  écrire,  et  les  premières  notions 
du  calcul.  —  Toutes  les  écoles  de  l'Université  impériale 
prendront  pour  base  de  leur  enseignement  :  4^  les  pré- 
ceptes de  la  religion  catholique;  2"^  la  fidélité  à  l'empereur, 
à  la  monarchie  impériale,  dépositaire  du  bonheur  des  peu- 
ples, et  à  la  dynastie  napoléonienne,  conservatrice  de 
l'unité  de  la  France  et  de  toutes  les  idées  libérales  pro- 
clamées par  les  constitutions;  3°  l'obéissance  aux  statuts 
du  corps  enseignant,  qui  ont  pour  objet  l'uniformité  de 
l'instruction,  et  qui  tendent  à  former,  pour  l'Etat,  des 
citoyens  attachés  à  leur  religion,  à  leur  prince,  à  leur 
patrie  et  à  leur  famille;  4^  tous  les  professeurs  de  théo- 
logie seront  tenus  de  se  conformer  aux  dispositions  de  l'édit 
de  4682,  concernant  les  quatre  propositions  contenues  en 
la  déclaration  du  clergé  de  France  de  ladite  année.  —  Les 
membres  de  l'Université  impériale  contracteront  par  ser-- 
ment  les  obligations  civiles,  spéciales  et  temporaires,  qui 
doivent  les  lier  au  corps  enseignant.  Ils  promettront  obéis- 
sance au  grand  maître  dans  tout  ce  qu'il  leur  commandera 
pour  notre  service  et  pour  le  bien  de  l'enseignement.  Ils 
s'engageront  à  ne  quitter  le  corps  enseignant  et  leurs  fonc- 
tions qu'après  en  avoir  obtenu  l'agrément  du  grand  maître. 
Le  grand  maître  pourra  dégager  un  membre  de  l'Univer- 
sité'de  ses  obligations,  et  lui  permettre  de  quitter  le  corps  ; 
en  cas  de  refus  du  grand  maître  et  de  persistance  de  la 
part  d'un  membre  de  l'Université  dans  la  résolution  de 
quitter  le  corps,  le  grand  maître  sera  tenu  de  lui  délivrer 
une  lettre  d'exeat  après  trois  demandes  consécutives,  réi- 
térées de  deux  mois  en  deux  mois.  Celui  qui  aura  quitté  le 
corps  enseignant  sans  avoir  rempli  ces  formalités,  sera 
rayé  du  tableau  de  l'Université  et  encourra  la  peine  atta- 
chée à  cette  radiation.  —  Les  membres  de  l'Université 
seront  tenus  d'instruire  le  grand  maître  et  ses  officiers  de 
tout  ce  qui  viendrait  à  leur  connaissance  de  contraire  à  la 
doctrine  et  aux  principes  du  corps  enseignant  dans  les 
étabhssements  d'instruction  publique.  —  L'Université  impé- 
riale sera  régie  et  gouvernée  par  le  grand  maître,  qui  sera 
nommé  et  révocable  par  nous.  —  Il  y  aura,  immédiate-- 
ment  après  le  grand  maître,  deux  titulaires  de  l'Université 
impériale  ;  l'un  aura  le  titre  de  chancelier,  et  l'autre  celui 
de  trésorier;  ils  seront  nommés  et  révocables  par  nous.  — 
Le  conseil  de  l'Université  sera  composé  de  trente  membres. 
Dix  de  ces  membres,  dont  six  choisis  parmi  les  inspecteurs, 
et  quatre  parmi  les  recteurs,  seront  conseillers  à  vie  ou 
conseillers  titulaires  de  l'Université  ;  ils  seront  brevetés  par 
nous.  Les  conseillers  ordinaires,  au  nombre  de  vingt,  se- 
ront pris  parmi  les  inspecteurs,  les  doyens  et  professeurs 
des  facultés,  et  les  proviseurs  des  lycées  ;  tous  les  ans,  le 
grand  maître  fera  la  liste  des  vingt  conseillers  ordinaires 
qui  doivent  compléter  le  conseil  pendant  l'année.  —  Il  sera 
établi  au  chef-lieu  de  chaque  académie  un  conseil  composé 
de  dix  membres,  désignés  par  le  grand  maître.  Les  conseils 
académiques  seront  présidés  par  les  recteurs.  —  Les  ins- 
pecteurs généraux  de  l'Université  seront  désignés  par  le 


1113 


ENSEIGNEMENT 


grand  maître  ;  leur  nombre  sera  de  vingt  au  moins  et  ne 
pourra  excéder  trente.  —  Il  y  aura  dans  chaque  académie 
un  ou  deux  inspecteurs  particuliers  ;  ils  seront  nommés  par 
le  grand  maître,  sur  la  présentation  des  recteurs.  —  Chaque 
académie  sera  administrée  par  un  recteur,  sous  les  ordres 
immédiats  du  grand  maître,  qui  le  nommera  pour  cinq 
ans.  —  A  l'avenir,  et  après  l'organisation  complète  de 
l'Université,  les  proviseurs  et  censeurs  du  lycée,  les  prin- 
cipaux et  régents  des  collèges,  ainsi  que  les  maîtres  d'étude 
de  ces  écoles,  seront  astreints  au  célibat  et  à  la  vie  com- 
mune. Les  professeurs  des  lycées  pourront  être  mariés.  — 
Les  frères  des  écoles  chrétiennes  seront  brevetés  et  encou- 
ragés par  le  grand  maître,  qui  visera  leurs  statuts  intérieurs, 
les  admettra  au  serment,  leur  prescrira  un  habit  particulier, 
et  fera  surveiller  leurs  écoles.  Les  supérieurs  de  ces  con- 
grégations pourront  être  membres  de  l'Université.  —  Il 
est  créé,  parmi  les  gradués  fonctionnaires  de  l'Université, 
des  titres  honorifiques  destinés  à  distinguer  les  fonctions 
éminentes  et  à  récompenser  les  services  rendus  à  l'ensei- 
gnement. Ces  titres  seront  au  nombre  de  trois,  savoir  : 
ï^  les  titulaires  ;  2*^  les  officiers  de  l'Université;  3°  les 
officiers  des  académies.  —  Seront  titulaires  de  l'Université  : 
le  grand  maître,  le  chancelier,  le  trésorier  et  les  dix  con- 
seillers à  vie.  —  Seront,  de  droit,  officiers  de  l'Université  : 
les  conseillers  ordinaires,  les  inspecteurs  de  l'Université, 
les  recteurs,  les  inspecteurs  des  académies,  les  doyens  et 
professeurs  des  facultés.  Le  titre  d'officier  de  l'Université 
pourra  aussi  être  accordé  par  le  grand  maître  aux  provi- 
seurs, censeurs  et  aux  professeurs  des  deux  premières 
classes  des  lycées,  les  plus  recommandables  par  leurs  talents 
et  par  leurs  services.  —  Seront,  de  droit,  officiers  des 
académies,  les  proviseurs,  censeurs  et  professeurs  des  deux 
premières  classes  des  lycées,  et  les  principaux  des  collèges. 
Le  titre  d'officier  des  académies  pourra  aussi  être  accordé 
par  le  grand  maître  aux  autres  professeurs  des  lycées, 
ainsi  qu'aux  régents  des  collèges  et  aux  chefs  d'institution, 
dans  le  cas  où  ces  divers  fonctionnaires  auraient  mérité 
cette  distinction  par  des  services  éminents.  —  Les  profes- 
seurs et  agrégés  des  lycées,  les  régents  des  collèges  et  les 
chefs  d'institution  qui  n'auraient  pas  les  titres  précédents, 
porteront,  ainsi  que  les  maîtres  de  pensions  et  les  maîtres 
d'études,  le  seul  titre  de  membres  de  l'Université.  —  Il 
sera  établi  à  Paris  un  pensionnat  normal,  destiné  à  recevoir 
jusqu'à  trois  cents  jeunes  gens  qui  y  seront  formés  à  l'art 
d'enseigner  les  lettres  et  les  sciences.  Les  aspirants,  dans 
le  cours  de  leurs  deux  années  d'études  au  pensionnat  nor- 
mal, ou  à  leur  terme,  devront  prendre  leurs  grades,  à 
Paris,  dans  la  faculté  des  lettres  ou  dans  celle  des  sciences. 
Ils  seront  de  suite  appelés  par  le  grand  maître  pour  remplir 
des  places  dans  les  académies.  —  Les  maîtres  d'études 
des  lycées  et  les  régents  des  collèges  seront  admis  à  con- 
courir entre  eux  pour  obtenir  l'agrégation  au  professorat 
des  lycées.  Il  sera  reçu  successivement  un  nombre  d'agrégés 
suffisant  pour  remplacer  les  professeurs  des  lycées;' ce 
nombre  ne  pourra  excéder  le  tiers  de  celui  des  professeurs. 
Les  agrégés  auront  un  traitement  annuel  de  400  fr.,  qu'ils 
toucheront  jusqu'à  ce  qu'ils  soient  nommés  à  une  chaire  de 
lycée  ;  ils  seront  répartis  par  le  grand  maître  dans  les 
académies  ;  ils  remplaceront  les  professeurs  malades.  » 

Nous  avons  reproduit  les  dispositions  essentielles  de  ce 
fameux  décret  parce  qu'il  fut  la  charte  de  renseignement 
public  et  que  beaucoup  de  ses  créations  subsistent  encore 
partiellement.  La  pensée  apparaît  clairement.  Napoléon 
voulut  créer  une  Eglise  laïque,  une  corporation  analogue  à 
l'Eglise  catholique.  Il  attachait  beaucoup  plus  d'importance 
à  l'enseignement  secondaire  et  supérieur  qu'à  l'enseigne- 
ment primaire,  et  les  décrets  et  règlements  qui  suivirent 
(17  sept.  1808,  10  sept.  1809,  16  févr.  1810,  15  nov. 
1811)  sont  relatifs  à  la  collation  des  grades  et  à  l'organi- 
sation des  lycées  et  collèges.  L'Université  de  France,  telle 
que  l'avait  créée  Napoléon,  dura  une  quarantaine  d'années, 
jusqu'à  la  loi  du  15  mars  1850  qui  en  réalité  l'abolit,  bien 
que  le  nom  ait  été  conservé.  Elle  fut  attaquée  à  la  fois  par 


l'Eglise  et  par  les  libéraux  au  nom  de  la  liberté  de  l'ensei- 
gnement. L'histoire  administrative  sera  retracée,  conformé- 
ment au  plan  de  la  Grande  Encyclopédie,  dans  l'art.  Ins- 
truction PUBLIQUE.  Pour  l'histoire  de  la  législation  scolaire, 
nous  renvoyons  à  l'excellent  art.  Lois  scolaires ,  du 
Dictionnaire  de  pédagogie  de  M.  Buisson,  où  l'on 
trouvera  la  liste  complète  des  lois  et  décrets  relatifs  à  la 
matière  et  la  reproduction  des  principaux  textes  (pp.  1674 
à  1706  de  la  première  partie).  On  trouvera  ci-dessous  les 
renseignements  relatifs  à  l'obligation  et  à  la  gratuité  sco- 
laire ;  les  faits  et  les  débats  relatifs  à  l'école  confession- 
nelle, tant  pour  la  France  que  pour  l'étranger,  seront 
exposés  dans  l'art.  Laïcité.  Nous  n'avons  donc  à  parler  ici 
que  de  la  liberté  de  l'enseignement,  de  la  situation  respec- 
tive de  l'enseignement  public  et  de  l'enseignement  libre. 
Le  monopole  attribué  par  Napoléon  à  l'Université  fut 
sur-le-champ  battu  en  brèche  par  l'Eglise  catholique,  qui 
voulait  le  partager.  Les  petits  séminaires  ou  écoles  secon- 
daires ecclésiastiques  avaient  été  soumises  au  régime  uni- 
versitaire par  le  décret  du  9  avr.  1809,  qui  ne  laissa  en 
dehors  que  les  écoles  spéciales  de  théologie  ou  grands 
séminaires.  La  Restauration  conserva  le  monopole  octroyé 
à  l'enseignement  public  ;  mais,  dès  le  5  oct.  1814,  une 
ordonnance  mit  les  petits  séminaires  hors  de  la  juridiction 
universitaire;  celle  du  15  févr.  1815  les  dispensa  d'en- 
voyer leurs  élèves  pensionnaires  aux  classes  des  collèges 
royaux,  alors  qu'elle  confirmait  pour  les  autres  institutions 
et  pensions  cette  obligation  décrétée  le  15  nov.  1811.  Les 
libéraux  protestaient  vainement,  et  l'on  affirmait  contre  eux 
que  le  gouvernement  avait  le  droit  de  maintenir  un  corps  de 
doctrines  religieuses  philosophiques  et  politiques  (V.  Etat). 
L'Eglise  catholique,  après  avoir  essayé  de  dominer  l'Univer- 
sité, à  la  tète  de  laquelle  elle  fit  placer  quelque  temps  l'évêque 
d'Hermopolis,  accentua  l'antagonisme  en  rappelant  les 
jésuites  qui  furent  mis  à  la  tête  de  plusieurs  petits  séminaires. 
L'indignation  fut  telle  que  Charles  X  dut  signer  les  ordon- 
nances du  16  juin  1828,  dont  la  première  interdisait  l'ensei- 
gnement aux  membres  des  congrégations  religieuses  non  auto- 
risées :  «  A  dater  du  l^'^  oct.  prochain,  nul  ne  pourra 
être  ou  demeurer  chargé  soit  de  la  direction,  soit  de  l'en- 
seignement dans  une  des  maisons  d'éducation  dépendant  de 
l'Université  ou  dans  une  des  écoles  secondaires  ecclésias- 
tiques, s'il  n'a  affirmé  par  écrit  qu'il  n'appartient  à  aucune 
congrégation  religieuse  non  légalement  établie  en  France.  » 
Les  évêques  réclamèrent,  mais  le  roi  refusa  d'accueillir 
leur  mémoire.  La  révolution  de  1830  fut  favorable  à  la 
liberté  de  l'enseignement  que  la  charte  promit  d'établir. 
Fait  imprévu,  ce  fut  le  parti  catholique  qui  s'empara  de 
cette  promesse  et  s'en  fit  une  arme  pendant  la  monarchie 
de  Juillet.  Nous  avons  indiqué  ci-dessus  par  quelle  équi- 
voque. La  loi  du  28  juin  1833  sur  l'enseignement  primaire 
réalisait  la  liberté,  puisque  tout  Français  âgé  de  dix-huit 
ans  put  être  instituteur  et  diriger  une  école  primaire,  à  la 
seule  condition  de  produire  un  brevet  de  capacité  et  un 
certificat  de  moralité.  Le  clergé  jugea  la  concession  insuffi- 
sante, puisque  l'Etat  se  réservait  de  juger  de  la  capacité. 
La  lutte  concentrée  surtout  sur  le  terrain  de  l'enseignement 
secondaire  se  prolongea  sous  la  monarchie  de  Juillet,  sans 
qu'aucun  projet  pût  aboutir.  L'assemblée  réactionnaire, 
élue  en  1849,  où  M.  Thiers  se  mit  au  service  des  catho- 
liques, vota  la  fameuse  loi  du  15  mars  1850.  Les  petits 
séminaires  et  leurs  professeurs  furent  complètement  atfran- 
chis  de  toute  condition  légale  d'examen  de  capacité,  de 
morahté,  de  stage,  etc.  L'enseignement  secondaire  put  être 
donné  par  tout  bachelier;  on  admit  même  qu'on  pût  s'en 
passer  en  ayant  un  brevet  de  capacité  donné  par  le  conseil 
départemental  ;  le  stage  ne  fut  exigé  que  du  chef  de  l'éta- 
blissement ;  les  membres  des  congrégations  religieuses 
non  reconnues  par  l'Etat  purent  enseigner  partout  ;  les 
écoles  libres  ne  furent  soumises  qu'à  une  surveillance 
d'ordre  public.  Les  communes,  les  départements,  l'Etat 
purent  subventionner  les  établissements  libres.  Quant  à 
l'enseignement  primaire,  dont  on  s'était  moins  occupé  dans 


ENSEIGNEMENT 


—  1114  — 


les  débats  antérieurs,  les  concessions  faites  à  l'Eglise  étaient 
plus  graves  encore.  Les  associations  religieuses   purent 
fournir  d'instituteurs  les  écoles  publiques  ;  leurs  supérieurs 
exerçaient  le  droit  de  présentation  et  de  révocation  à 
regard  de  tous  leurs  sujets,  lesquels  étaient  exemptés  du 
service  militaire;  le  stage,  et,  même  pour  les  religieuses, 
une  simple  lettre  d'obédience,  tinrent  lieu  du  brevet  de 
capacité.  L'instituteur  communal  perdit  son  inamovibilité  ; 
il  était  mis  sous  la  surveillance  immédiate  et  directe  du 
curé  pour  la  direction  morale  de  son  enseignement.  L'Em- 
pire accrut  un  peu  la  force  du  pouvoir  central  en  mettant 
l'instituteur  sous  l'autorité  des  préfets,  mesure  dange- 
reuse qui  n'a  pas  été  rapportée  (loi  du  15  juin  1854). 
L'Eglise  ayant  conquis  dans  renseignement  primaire  et 
secondaire,  non  pas  la  liberté,  mais  un  monopole  équi- 
valent à  celui  de  l'Etat  et  des  privilèges  exceptionnels  au 
profit  de  ses  membres,  les  progrès  de  son  enseignement 
furent  très  rapides  (V.  ci-dessous  les  §§  Enseignement 
primaire   et   Enseignement  secondaire).  Elle   voulut 
alors  obtenir  les  mêmes  avantages  dans  l'enseignement 
supérieur,  non  pas  la  liberté  de  professer  toute  doctrine, 
mais  le  partage  avec  l'Etat  de  la  collation  des  grades, 
lesquels  confèrent  des  droits  légaux.  L'Assemblée  natio- 
nale élue  en  1871  lui  fit  ce  cadeau,  et  la  loi  de  1875  pro- 
clama la  liberté  de  l'enseignement  supérieur  au  profit  de 
tous  les  Français,  mais  en  exceptant  les  cours  isolés,  de 
telle  sorte  que,  seule  ou  à  peu  près  seule,  l'Eglise  put  user 
de  la  liberté.  Des  jurys  formés  par  moitié  de  professeurs 
des   facultés  de  l'Etat   et   de  professeurs  des  universités 
libres,  devaient  décerner  les  grades.  La  loi  du  18  mars  1880 
supprima  cette  clause  et  affranchit  les  cours  isolés.  L'art.  7, 
proposé  par  M.  Jules  Ferry,  pour  interdire  l'enseignement 
aux  membres  des  congrégations  religieuses  non  autorisées, 
fut  repoussé  par  le  Sénat.  La  loi  du  16  juin  1881  rétablit 
l'égalité  pour  l'enseignement  primaire  en  rétablissant  pour 
tous  le  brevet  de  capacité,  dont  les  équivalents,  certificat 
de  stage  et  lettre  d'obédience,  disparurent.  On  trouvera  à 
la  fin  des  pages  consacrées  à  l'enseignement  primaire,  dans 
le  §  Politique,  l'indication  de  la  situation  légale  de  l'en- 
seignement primaire  public  et  de  l'enseignement  primaire 
libre,  telle  qu'elle  résulte  de  la  loi  du  30  oct.  1886.  Des 
mesures  analogues  furent  prises  pour  l'enseignement  secon- 
daire libre,  tandis  que,  d'autre  part,  l'Etat  et  les  communes 
complétaient  le  cadre  de  ses  établissements  d'enseignement 
par  la  création  de  l'enseignement  secondaire  pour  les  jeunes 
filles,  par  le  développement  de  l'enseignement  secondaire 
moderne  et  de  l'enseignement  technique  et  professionnel. 
Examinons  maintenant  rapidement  ce  qui  a  été  fait  à 
l'étranger  au  sujet  de  l'enseignement  public  et  de  l'ensei- 
gnement libre.  —  En  Angleterre,  tout  citoyen  peut  ouvrir 
une  école  et  y  enseigner  ce  que  bon  lui  semble.  L'Etat  se 
désintéressa  totalement  de  l'enseignement  jusqu'en  1833. 
Il  accorda  alors  des  subventions  aux  écoles  privées,  d'abord 
seulement  à  celles  de  l'Eglise  anglicane,  puis  aussi  à  celles 
des  dissidents  (1 846).  Depuis  1870,  l'intervention  de  l'Etat 
est  devenue  plus  efficace.  La  loi  fondamentale  rendue  alors 
(Elementary  éducation  act)  donna  aux  bourgs  et  pa- 
roisses constitués  en  districts  scolaires  le  droit  de  créer 
des  écoles  primaires  publiques  aux  frais  des  contribuables, 
mais  en  même  temps  on  décida  que  les  écoles  privées  qui 
se  soumettraient   à   l'inspection   de  l'Etat   acquerraient 
le   caractère    d'écoles   publiques   et  auraient   part    aux 
subventions  de  l'Etat.   —  En  Autriche,  la  constitution 
a  proclamé  la  liberté  de   l'enseignement,  en   réservant 
le  droit  de  direction  et  de  haute  surveillance  de  l'Etat,  et 
exigeant  des  citoyens  la  preuve  de  leur  capacité  ;  celle-ci 
réside  dans  un  certificat  de  maturité  et,  pour  la  nomina- 
tion définitive,  un  brevet  de  capacité,  qui  ne   peut  être 
obtenu  qu'après  un  stage  de  deux  ans.  —  En  Bavière,  on 
exige  des  garanties  analogues,  les  mêmes  pour  Tinstituteur 
libre  et  l'instituteur  public.  —  En  Belgique,  la  liberté  de 
l'enseignement  est  inscrite  dans  la  constitution  ;  la  légis- 
lation varie  selon  que  libéraux  ou  cléricaux  sont  au  pouvoir. 


Les  communes  peuvent  adopter  une  ou  plusieurs  écoles 
privées  pour  tenir  lieu  d'écoles  communales  ;  elles  jouissent 
des  mêmes  avantages.  Aucune  garantie  de  capacité  n'est 
exigée  du  personnel  enseignant  des  écoles  libres.  —  La  loi 
du  17  juil.  1857  stipule  qu'en  Espagne  l'enseignement 
peut  être  public  ou  privé  ;  les  religieux  piaristes  jouissent 
des  privilèges  pour  l'enseignement  primaire  ;  la  liberté  a 
été  proclamée  après  la  révolution  de  1868.  —  En  Grèce, 
la  liberté  d'enseigner  est  subordonnée  à  l'autorisation 
préalable  du  ministère  de  l'instruction  publique  ;  il  inspecte 
les  écoles  libres,  dont  les  programmes  doivent  être  les 
mêmes  que  ceux  des  écoles  publiques.  —  En  Italie,  on  a 
adopté,  dans  la  loi  du  13  nov.  1859,  le  système  allemand 
pour  la  surveillance  de  renseignement  privé  pour  lequel 
on  demande  les  mêmes  titres  que  pour  l'enseignement  public 
(sauf  dans  les  écoles  du  dimanche,  les  écoles  techniques 
et  les  cours  d'adultes).  —  Dans  les  Pays-Bas,  la  consti- 
tution déclare  qu'il  sera  donné  dans  tout  le  royaume,  par 
les  soins  de  l'autorité,  une  instruction  publique  suffisante; 
les  instituteurs  libres  sont  soumis  aux  mêmes  conditions  que 
les  instituteurs  publics,  et  les  écoles  libres  peuvent  être  sub- 
ventionnées par  les  communes.  —  En  Prusse,  la  constitu- 
tion prévoit  la  création  d'écoles  publiques;  elle  formule 
l'obligation  de  l'instruction  primaire;  elle  affirme  le  droit 
universel  de  surveillance  du  gouvernement,  qui  juge  de 
l'aptitude  de  ceux  qui  veulent  enseigner  ou  fonder  des  éta- 
blissements d'instruction.  —  En  Suisse,  la  constitution 
fédérale  de  1874  prévoit  que  la  Confédération  s'occupera 
de  l'enseignement  supérieur  et  charge  les  cantons  de  l'ensei- 
gnement primaire,  lequel  doit  être  suffisant  et  placé  exclu- 
sivement sous  le  contrôle  de  l'autorité  civile. 

Pour  compléter  ces  renseignements,  on  devra  se  reporter 
au  §  Instruction  publique  de  l'article  consacré  à  chaque 
pays,  au  §  Enseignement  primaire  de  Tarticle  actuel,  et 
aux  mots  Ecole,  Laïcité,  etc.  A. -M.  B. 

IL  ENSEIGNEMENT  PRIMAIRE.  —  Pédagogie.  — 
La  division  de  l'enseignement  en  trois  degrés  (primaire, 
secondaire  et  supérieur)  est  déterminée  à  la  fois  par  l'âge 
et  le  développement  des  élèves,  par  leur  condition  sociale 
et  leurs  besoins  probables,  par  les  besoins  supérieurs  de 
la  culture  en  général  et  de  la  nation.  Bien  que  cette  divi- 
sion résulte  à  tous  égards  de  la  nature  des  choses,  la  com- 
plexité des  facteurs  qui  la  déterminent  fait  qu'elle  n'est 
pas  partout  conçue  tout  à  fait  de  même  ni  toujours  avec 
une  parfaite  netteté.  Si  nous  voulons,  par  exemple,  dé- 
finir l'enseignement  primaire  :  le  premier  degré  de  la  cul- 
ture, base  nécessaire  des  deux  autres,  l'instruction  du 
premier  âge  scolaire,  indispensable  à  tous  indistinctement, 
nous  nous  heurtons  à  une  double  objection. 

Il  y  a  en  effet  une  conception  aristocratic[ue  de  l'ensei- 
gnement secondaire  qui  ne  veut  pas  qu'il  ait  pour  base  le 
primaire,  qui  le  veut  secondaire  déjà  et  distinct,  pour  ainsi 
dire,  dès  les  éléments  ;  et  il  y  a  une  conception  correspon- 
dante de  l'enseignement  primaire  lui-même  qui  n'admet  pas 
qu'il  soit  seulement  un  échelon.  Selon  ces  vues,  renseigne- 
ment primaire,  c'est  essentiellement  l'enseignement  du  peuple 
(Volksschule).  Il  peut  et  doit  recevoir  de  grands  déve- 
loppements, garder  jusqu'à  la  puberté  et  au  delà  les  enfants 
du  peuple  qui  ont  du  loisir  et  des  moyens  ;  mais,  plus  ou 
moins  complet,  il  forme  toujours  un  monde  à  part,  il 
donne  à  une  classe  déterminée  de  citoyens  une  culture  qui 
est  un  tout  par  elle-même,  appropriée  aux  besoins  les  plus 
généraux  de  ceux  qui  s'appellent  eux-mêmes  les  travail-- 
leurs.  L'enseignement  secondaire,  conséquemment,  est  aussi 
une  culture  à  part,  radicalement  différente  dès  le  principe  ; 
il  s'adresse  aux  enfants  de  la  bourgeoisie,  et  il  forme  un  tout 
distinct,  à  son  tour,  devant  avoir  en  vue  dès  le  premier 
jour  des  besoins  plus  relevés  et  plus  raffinés  et  préparer 
d'une  manière  générale  à  toutes  les  fonctions  dirigeantes. 
En  France,  pourtant,  cette  conception  répugne  de  plus  en 
plus  à  nos  mœurs  démocratiques.  Il  n'y  a  plus  de  barrières 
entre  les  classes.  Non  seulement  nous  admettons,  mais  nos 
institutions  favorisent  l'accession  de  l'enfant  du  peuple  à 


—  1115 


ENSEIGNEMENT 


toutes  les  charges.  Nous  devons  vouloir  dès  lors  qu'au  lieu 
d'être  voué  à  la  culture  primaire  par  je  ne  sais  quelle  pré- 
destination, il  puisse,  s'il  y  a  lieu,  de  l'école  du  village 
passer  de  plain  pied  au  lycée.  L'idéal  serait  même  que  tous 
les  enfants  du  pays  pussent  se  trouver  réunis,  pour  faire 
l'apprentissage  de  l'égalité,  d'abord  sur  les  bancs  de  l'école 
primaire,  comme  plus  tard  dans  les  rangs  de  l'armée  ;  et 
tout  ce  qu'on  peut  faire  en  ce  sens  est  semence  de  paix 
sociale  et  de  bien  public. 

Il  est  bien  vrai,  cependant,  que  pour  cet  avantage,  si  grand 
qu'il  soit,  il  ne  faudrait  pas  fausser  toute  la  notion  de  l'en- 
seignement public,  oubliant  et  les  besoins  divers  des  diverses 
catégories  de  citoyens,  et  les  services  très  distincts  que  le 
pays  doit  demander  à  ses  enfants,  services  qui  réclament 
une  préparation  très  différente.  Mais ,  en  fait ,  à  quelque 
fonction  qu'on  doive  être  un  jour  appelé,  quelque  haute 
culture  qu'on  doive  recevoir,  il  faut  toujours  commencer 
par  apprendre  à  lire,  à  écrire,  à  compter,  à  manier  correc- 
tement la  langue  maternelle  ;  et  ces  choses,  qu'elles  fassent 
ou  non  l'objet  total  de  l'enseignement  primaire,  font  à  coup 
sûr  l'objet  premier  de  toute  culture.  On  a  beau  dire  qu'il 
faut  partir  d'un  autre  pas  quand  on  doit  fournir  d'autres 
étapes,  il  n'est  pas  du  tout  évident  que  les  commencements 
doivent  tout  d'abord  différer  selon  le  but  final,  ni  (ju'il 
faille  apprendre  les  mêmes  éléments  d'une  autre  manière, 
plus  hâtive  par  exemple  et  plus  superficielle ,  parce  qu'on 
aura  plus  à  édifier  dessus.  Les  raisons  pédagogiques,  comme 
les  raisons  morales  et  sociales,  sont  donc,  en  réalité,  toutes 
en  faveur  d'un  enseignement  primaire  conçu  et  défini  comme 
la  base  commune  et  unique  de  toute  éducation  publique. 

Cet  enseignement,  il  n'y  a  pas  lieu,  à  coup  sûr,  de  le 
maintenir  trop  longtemps  identique  pour  tous  ;  mais  il  n'y 
a  non  plus  aucune  bonne  raison  de  le  différencier  avant  l'âge 
où  peuvent  apparaître  vraiment  les  aptitudes  et  commencer 
utilement  des  études  plus  relevées.  Je  poserais  bien  en 
principe,  ce  que  d'ailleurs  les  faits  prouvent  chaque  année, 
que  le  lycée  d'abord,  la  faculté  plus  tard  n'ont  pas  en 
général  de  meilleures  recrues  que  les  jeunes  gens  qui, 
jusqu'à  dix  ou  onze  ans,  ont  fait  tout  simplement,  fût-ce  à 
Fécole  de  leur  village,  les  meilleures  études  fondamentales. 
Ce  qui  est  vrai,  c'est  qu'il  faut  bien  distinguer  l'enseigne- 
ment primaire  élémentaire  de  l'enseignement  primaire 
supérieur  et  que  celui-là  seul,  bien  entendu,  répond  à 
notre  définition,  est  le  premier  échelon,  la  base  nécessaire 
et  commune  de  toute  culture.  De  plus,  il  faut  admettre 
comme  vérité  de  simple  bon  sens,  que  les  jeunes  gens  des- 
tinés à  pousser  beaucoup  plus  loin  leurs  études,  peuvent  et 
doivent  assimiler  la  substance,  épuiser  le  bienfait  de  cet 
enseignement  en  moins  de  temps  qu'il  n'en  faut,  par  hypo- 
thèse, à  ceux  qui  n'en  recevront  jamais  d'autre.  L'article 
de  la  loi  qui  permet  de  prendre  à  onze  ans  le  certificat 
d'études  primaires  est  sage ,  appliqué  à  l'élite  ;  il  ne  serait 
funeste  que  si,  par  la  faiblesse  de  ceux  qui  en  ont  la  garde, 
il  devenait  une  prime  offerte  aux  préparations  de  mauvais 
aloi,  une  porte  dérobée  pour  échapper  à  la  loi  de  l'obligation. 

I.  Enseignement  primaire  élémentaire  (France).  —  Dans 
les  écoles  publiques,  il  est  partagé  en  trois  cours  :  cours 
élémentaire,  de  sept  à  neuf  ans  ;  cours  moyen,  de  neuf  à 
onze  ;  cours  supérieur  de  onze  à  treize  (arrêté  du  27  juil. 
1882)  ;  sans  préjudice  de  la  classe  enfantine  qui  peut  rece- 
voir les  enfants  dès  cinq  ans  dans  les  communes  qui  n'ont 
pas  d'école  maternelle  (loi  du  16  juin  1881,  art.  7),  et  du 
cours  complémentaire  d'une  année,  qui  peut  retenir  au 
delà  du  cours  supérieur  les  élèves  munis  du  certificat 
d'études,  s'ils  sont  plus  de  dix  (décret  et  arrêté  du  15janv. 
1881).  Chacun  des  trois  cours  peut  être  divisé  en  deux 
classes  si  le  nombre  des  maîtres  le  permet. 

Il  y  a  trente  heures  de  classe  par  semaine,  ainsi  répar- 
ties. Au  moins  une  leçon  chaque  jour  est  consacrée  à 
l'instruction  morale.  L'enseignement  du  français  (lecture, 
grammaire,  orthographe,  composition)  occupe  tous  les  jours 
environ  deux  heures  ;  l'enseignement  scientifique  une  ou 
une  et  demie,  dont  la  plus  grande  partie  donnée  à  l'arithmé- 


tique et  aux  exercices  qui  s'y  rattachent,  le  reste  aux 
sciences  physiques  et  naturelles.  L'histoire  et  la  géographie 
obtiennent  environ  une  heure  chaque  jour,  conjointement 
avec  l'instruction  civique.  Le  temps  consacré  aux  exercices 
d'écriture,  d'abord  une  heure  au  moins  par  jour,  décroît 
ensuite  graduellement.  L'enseignement  du  dessin,  au  con- 
traire, commencé  par  leçons  très  courtes,  occupe  ensuite 
deux  ou  trois  leçons  par  semaine.  Celui  du  chant  obtient  par 
semaine  de  une  à  deux  heures,  indépendamment  des 
exercices  quotidiens  mêlés  à  toute  la  vie  scolaire.  Il  y  a  de 
même  une  séance  expresse  de  gymnastique  tous  les  deux 
jours  ;  enfin  deux  ou  trois  heures  par  semaine  sont  consa- 
crées aux  travaux  manuels.  —  Voilà  pour  les  matières  de 
l'enseignement,  les  mêmes  pour  les  deux  sexes,  à  l'excep- 
tion des  travaux  manuels  qui  diffèrent.  Le  programme 
détaillé  a  été  fixé  par  le  plan  d'études  du  27  juil.  1882, 
remanié  toutefois  et  allégé  en  1886  :  par  exemple  les 
notions  de  droit  usuel  et  d'économie  politique,  d'abord 
jointes  à  l'instruction  civique,  ont  été  renvoyées  à  l'ensei- 
gnement primaire  supérieur. 

Ce  qui  frappe  dans  ce  plan  d'études,  c'est  l'absence  de 
l'instruction  religieuse.  Dans  le  programme  de  morale 
figurent  bien  les  «  devoirs  envers  Dieu  »,  et  soit  en  lui- 
même,  soit  par  les  instructions  fort  élevées  qui  l'accom- 
pagnent, on  peut  dire  que  ce  programme  a  quelque  chose 
de  religieux.  Mais  à  dessein,  tout  catéchisme  particulier, 
tout  enseignement  confessionnel  a  été  exclu.  En  dehors  des 
classes,  un  temps  est  laissé  libre,  le  jeudi  notamment,  pour 
l'instruction  religieuse  ;  mais  cette  instruction  est  l'affaire 
des  familles  et  des  églises,  non  de  l'école  nationale,  qui 
doit  faire  œuvre  essentiellement  générale  et  humaine,  et 
rester  fermée  atout  ce  qui  divise  (V.  Laïcité), 

Quant  à  la  méthode,  c'est  dans  l'enseignement  primaire 
ou  jamais,  en  raison  à  la  fois  de  l'âge  des  élèves  et  du 
miheu,  qu'il  convient  d'éviter  l'abus  de  l'abstraction ,  les 
formules  ambitieuses,  l'entassement  dans  la  mémoire  de 
notions  qui  ne  serviraient  ni  à  nourrir  l'esprit  ni  à  fortifier 
le  jugement.  «  Peu  de  préceptes,  beaucoup  de  pratique.  » 
De  même  qu'au  physique  il  ne  s'agit  pas  de  dresser  l'enfant 
à  telle  ou  telle  besogne,  mais  de  fortifier  son  corps  d'une 
manière  générale  en  le  faisant  grandir  dans  les  meilleures 
conditions  hygiéniques,  de  lui  donner  les  notions  et,  avant 
tout,  les  habitudes  tutélaires  de  la  santé,  puis,  par  l'exer- 
cice, les  quahtés  d'adresse  et  d'agihté,  la  dextérité  de  la 
main,  la  promptitude  et  la  sûreté  des  mouvements  qui 
servent  à  tout  dans  la  suite  ;  de  même,  intellectuellement 
et  moralement,  le  but  est  moins  d'enseigner  ceci  ou  cela, 
quoique  tout  enfant  doive  emporter  de  l'école  le  savoir  pra- 
tique nécessaire  à  tous  dans  la  vie,  que  de  former  l'esprit 
et  le  caractère,  de  cultiver  en  les  exerçant  toutes  les  facultés. 
La  leçon  de  choses,  l'intuition  directe,  puis  le  passage  gra- 
duel du  connu  à  l'inconnu,  avec  appel  incessant  à  l'attention 
et  au  jugement  de  l'élève,  à  son  bon  sens  et  à  son  cœur, 
voilà  le  moyen  de  lui  donner  à  la  fois,  nettes  et  fermes,  les 
connaissances  dont  il  a  besoin,  indélébiles,  les  bonnes  habi- 
tudes d'esprit  dont  il  a  plus  besoin  encore.  Et  comme  tous 
ont  droit  à  ce  minimum  de  connaissances  ou  du  moins  à  leur 
part  d'exercice  et  de  soins,  l'enseignement  primaire  public 
est,  en  sa  forme,  nécessairement  collectif  et  simultané.  Il 
faut  atteindre  chacun,  mais  s'adresser  et  penser  à  tous. 
L'abus  du  système  individuel,  si  choquant  dans  l'enseigne- 
ment secondaire,  serait  intolérable  dans  des  classes  où  tous 
viennent  chercher  obligatoirement  la  culture  indispensable 
que  la  société  elle-même  reconnaît  devoir  à  tous  ses  enfants. 

D'après  les  statistiques  publiées  en  1889  à  l'occasion  de 
l'Exposition  universelle,  et  qui  expriment  l'état  des  choses 
en  1887,  les  enfants  d'âge  scolaire,  c.-à-d.  de  six  à  treize 
ans,  étaient  en  France  au  nombre  de  4,729,511  pour  les 
deux  sexes  (les  garçons,  dans  ce  total,  l'emportant  de 
21,323  sur  les  filles).  Le  nombre  des  enfants  inscrits  aux 
écoles  s'élevait  à  5,526,365,  parce  qu'on  les  accepte  avant 
l'âge  scolaire  proprement  dit  et  qu'on  en  conserve  au  delà. 
Mais  ce  n'est  pas  à  dire  que  la  loi  de  l'obligation  eût  dès 


ENSEIGNEMENT 


—  1116 


lors  son  plein  effet  ;  car  la  présence  effective  est  toujours 
inférieure  au  chiffre  des  inscriptions  ;  elle  était  de  88  °/o 
en  1887.  11  y  avait  à  la  même  date  80,209  écoles  primaires 
publiques  desservies  par  103,000  maîtres.  Le  nombre  des 
maîtres  enseignant  dans  les  écoles  privées  était  de  42,660 
(V.  Ecole  primaire). 

Un  historique  de  l'enseignement  élémentaire,  seulement 
en  France,  nous  mènerait  à  Tinfini,  à  moins  de  le  faire 
tenir  en  quelques  lignes ,  ce  qui  lui  ôterait  tout  intérêt. 
On  trouvera  d'ailleurs  à  leur  place  dans  la  Grande  Ency- 
clopédie autant  d'articles  spéciaux  qu'il  y  a  eu  de  grandes 
questions  résolues ,  de  grandes  initiatives  prises ,  ou  sim- 
plement de  faits  notables  et  de  tentatives  originales  au  cours 
de  cette  histoire.  Quel  historien,  par  exemple,  ne  verrait 
pas  un  des  principaux  titres  de  gloire  de  Guizot  dans  cette 
loi  de  1833  qui  a  été  la  grande  étape  du  développement  de 
l'instruction  primaire  en  France,  entre  la  Révolution  fran- 
çaise et  l'œuvre  de  la  troisième  République  ?  11  sera  plus 
intéressant,  croyons-nous,  de  chercher  à  caractériser  cette 
œuvre  décisive  et  à  en  donner  une  idée  nette.  Que  l'on 
compare  la  législation  actuelle,  telle  qu'elle  résulte  des  lois 
des  16  juin  1881,  28  mars  1882  et  30  oct.  1886,  à  la 
fameuse  loi  de  1850  ;  le  dernier  budget,  l'état  présent  des 
bâtiments  et  du  matériel  scolaire  sur  toute  la  surface  du 
pays,  la  condition  des  maîtres,  le  programme  et  les  mé- 
thodes, à  l'état  des  choses ,  je  ne  dis  pas  sous  la  Restau- 
ration ou  le  ministère  Fortoul,  mais  il  y  a  vingt  ans,  dix 
ans  même  :  ce  simple  coup  d'œil  suffira  à  faire  juger  du 
mouvement  d'opinion  qu'il  a  fallu  pour  accomplir  une  telle 
transformation.  Transformation  politique  et  sociale  autant 
que  pédagogique,  mais  opérée  avec  un  entrain  et  un  ensemble 
qui  à  la  fois  témoignent  d'un  singulier  progrès  dans  les 
idées  et  en  promettent,  avec  le  temps,  un  non  moins  grand 
dans  les  mœurs.  En  deux  mots,  l'idée  qui  a  triomphé  avec 
cet  éclat  (car,  au  fond,  c'en  est  une  seule),  c'est  l'idée  des 
droits  et  des  devoirs  de  l'Etat  en  matière  d'éducation; 
l'idée  de  Condorcet  et  de  Lakanal,  oubliée  sous  l'Empire, 
honnie  sous  la  Restauration,  réalisée  en  partie  par  Guizot, 
reprise  par  Carnot  en  1848,  mais  étouffée  en  1850  par  la 
pire  des  réactions  ;  l'idée  vaillamment  relevée,  mais  en 
vain,  par  M.  Duruy,  puis  par  M.  J.  Simon,  et  toujours 
condamnée  à  attendre,  jusqu'au  jour  où  l'avènement  défi- 
nitif de  la  Répubhque  fit  clairement  voir  à  tous  dans 
l'instruction  universellement  répandue  la  garantie  néces- 
saire de  l'ordre  social  et  du  relèvement  de  la  nation. 

Sans  doute,  il  y  a  encore  des  Français  sincèrement 
scandalisés  par  la  formule  de  l'instruction  primaire  obliga- 
toire^ gratuite  et  laïque  ;  mais  leur  nombre  décroît  de 
jour  en  jour,  tandis  que  va  croissant  le  nombre  de  ceux 
qui  la  comprennent  et  qui  l'acceptent.  Que  la  société  puisse 
et  doive  exiger  de  ses  membres  certaines  garanties,  quand 
tous  tiennent  son  sort  dans  leurs  mains  ;  —  qu'elle  soit 
tenue  dès  lors  d'assurer  à  frais  publics  un  service  public 
destiné  à  lui  assurer  ces  garanties;  —  qu'un  enseigne- 
ment, d'autre  part,  donné  au  nom  de  la  communauté  tout 
entière  ne  puisse  être  livré  aux  sectes  et  aux  partis  :  ce  sont 
là  des  vérités  de  sens  commun.  Elles  choquent  les  passions 
confessionnelles  dans  un  pays  qui  a  vécu  de  longs  siècles 
sous  le  régime  d'une  religion  d'Etat,  mais  elles  ne  pou- 
vaient manquer  de  paraître  bientôt  élémentaires  dans  une 
société  essentiellement  civile,  jalouse  de  toutes  ses  libertés 
et,  avant  tout,  de  l'indépendance  de  l'Etat.  Ces  vérités  sont 
devenues  si  familières  à  tout  le  monde,  que  ceux  mêmes  qui 
les  attaquent  y  opposent  plutôt  leur  mauvaise  humeur  que 
des  raisons.  Il  n'est  plus  guère  à  craindre  que  même  une 
réaction  politique  puisse  en  détacher  les  esprits. 

En  même  temps,  on  s'est  habitué  à  voir  dans  l'ensei- 
gnement primaire  non  pas  seulement  un  minimum  d'ins- 
truction pour  les  classes  laborieuses,  mais  le  premier 
degré  de  la  culture  complète,  et  déjà,  au  sens  vrai  du  mot, 
une  éducation  libérale.  Mettre  en  valeur  toutes  les  forces 
vives  du  pays  est  de  l'intérêt  comme  de  l'essence  d'une 
démocratie.  L'enseignement  populaire,  comme  on  l'appelle 


ailleurs,  manquerait  donc  en  partie  à  ses  fins,  si,  sous 
prétexte  de  mieux  convenir  aux  enfants  qui  n'en  recevront 
jamais  d'autre,  il  était  constitué  de  façon  à  ne  donner  à 
personne  ni  le  goût  ni  le  moyen  de  s'élever  à  une  plus 
haute  culture.  Pour  tous  d'ailleurs  indistinctement,  tout  en 
étant  simple  et  pratique  avant  tout,  il  convient  que  cet 
enseignement  soit  large  et  élevé.  A  tous  les  enfants,  pour 
que  leur  croissance  soit  normale,  il  faut,  au  moral  comme 
au  physique  un  aliment  complet,  et  cela  d'autant  plus 
peut-être  que  leur  régime  intellectuel  doit  être  plus  maigre 
dans  la  suite.  Telle  est  la  clef  de  ces  programmes  excel- 
lents, qu'on  a  trouvés  démesurés  et  ambitieux  et  qui  le 
seraient  en  effet  si  on  les  appliquait  inintelligemment. 
Rien  d'étroit,  rien  de  professionnel  :  l'école  n'est  pas 
l'atelier,  l'instruction  n'est  pas  l'apprentissage.  Même  les 
travaux  manuels  sont  enseignés  moins  comme  préparation 
prochaine  aux  métiers  que  pour  leur  valeur  éducative, 
comme  donnant  avec  l'habileté  générale  de  la  main  le 
goût  et  le  respect  du  travail.  Les  leçons  de  choses  sont 
préconisées  non  pour  le  savoir  qu'on  en  garde,  mais  pour 
l'habitude  qu'elles  donnent,  et  qui  sert  en  tout,  de  voir 
et  d'observer  par  soi-même,  de  ne  juger  que  sur  pièces, 
de  ne  se  prononcer  qu'à  bon  escient.  Ce  n'est  pas  là  une 
matière  d'enseignement,  c'est  la  forme  la  plus  concrète  et 
la  plus  simple  de  la  méthode  active  et  intuitive  recom- 
mandée pour  tous  les  enseignements.  Car  on  a  tout  fait 
pour  soustraire  maîtres  et  élèves  au  mécanisme,  au  savoir 
purement  verbal  et  mnémonique,  au  psittacisme  qui  sont 
partout  les  fléaux  de  l'école.  Les  retours  en  sont  toujours 
à  craindre,  car  le  mécanisme  a  pour  lui  la  plus  grande  des 
forces,  la  seule  infatigable,  l'inertie.  Mais  jamais  effort  plus 
grand  et  plus  général  n'a  été  fait  pour  y  échapper,  pour 
rendre  aussi  bienfaisante  que  possible  l'action  de  l'école, 
et  général  le  triomphe  de  la  vie  morale  sur  la  routine. 

Dès  qu'il  s'agit  d'appeler  tout  enfant  à  la  vie  complète, 
d'en  faire  un  homme  capable  de  se  conduire,  un  citoyen 
d'un  pays  libre,  le  plus  pur  aliment  intellectuel  et  moral 
n'est  pas  un  luxe,  pourvu  qu'il  soit  adapté  à  l'âge  et  au 
milieu,  de  façon  à  être  assimilé.  Voilà  pourquoi,  à  côté  de 
ce  qui  est  étroitement  nécessaire  au  peuple,  on  a  mis 
autant  que  possible  ce  qui  est  de  nature  à  relever,  à 
embellir  et  adoucir  sa  vie.  Tout  enseignement  d'ailleurs, 
bien  donné,  sert  aux  deux  fins  :  l'arithmétique  sert  à 
compter,  la  géométrie  à  mesurer;  mais  l'une  et  l'autre 
aussi  donnent  à  l'esprit  des  habitudes  exactes.  Les  notions 
de  physique,  d'hygiène,  d'histoire  naturelle,  en  même 
temps  qu'elles  sont  d'une  utilité  quotidienne,  donnent  le 
sentiment  de  la  causalité  naturelle,  de  l'ordre  universel, 
des  lois,  inappréciable  leçon  de  sagesse,  qui  déshabitue  à 
la  fois  de  craindre  sans  raisons  et  de  compter  sur  le  hasard 
ou  le  miracle.  Tout  ce  qui  est  éducatif  en  même  temps 
qu'utile,  tout  ce  qui  fortifie,  épure  et  élève,  est  à  sa  place 
dans  l'éducation  du  peuple.  La  difficulté  est  de  se  borner, 
dans  cette  voie,  de  garder  présent  le  sentiment  du  niveau 
actuel  et  des  besoins  les  plus  urgents,  surtout  d'avoir  en 
nombre  suffisant  des  maîtres  à  la  hauteur  d'une  telle 
tâche.  Optima  simpliciter;  ce  n'est  pas  trop  du  meilleur, 
mais  présenté  simplement.  Or,  la  simplicité  dans  l'éléva- 
tion, c'est  la  fleur  des  aptitudes  pédagogiques  et  le  dernier 
fruit  de  l'expérience.  Ce  qu'on  a  fait  pour  former  un  per- 
sonnel digne  de  sa  mission,  nous  en  avons  donné  un  aperçu 
aux  mots  Ecoles  normales  primaires.  Ecole  normale  de 
Saint-Cloud,  Ecole  normale  de  Fontenây-aux-Roses. 

Ce  qui  a  soulevé  le  plus  de  critiques,  c'est  d'abord  la 
part  faite  à  l'art  dans  l'enseignement  primaire,  c'est 
ensuite  l'introduction  de  l'instruction  morale  et  civique. 
Mais  on  a  pu  entendre  un  maître  de  la  philosophie  con- 
temporaine, M.  Ravaisson,  dans  une  conférence  faite  à 
l'Ecole  normale  supérieure  d'institutrices,  expliquer  dans 
le  plus  beau  langage  pourquoi  l'art  doit  avoir  sa  place 
jusque  dans  nos  plus  humbles  écoles,  comment  il  élève  et 
civilise,  et  que  l'enfant  du  peuple  doit  d'autant  moins  être 
sevré  des  pures  joies  qu'il  donne,  que  la  vie  lui  en  promet 


—  1417 


ENSEIGNEMENT 


moins  d'autres.  Quelle  réponse  aux  esprits  étroits  qui  ne 
font  grâce  au  dessin  qu'en  raison  de  ses  applications  pra- 
tiques, et  surtout  aux  critiques  moroses  qui  se  plaignent 
qu'on  élève  les  enfants  pour  les  planches  parce  qu'on  leur 
apprend  à  chanter  et  à  lire  intelHgemment,  ou  qu'on  veut 
en  faire  autant  de  tapissiers  décorateurs,  parce  qu'on 
leur  apprend  à  dessiner  !  Quant  à  l'enseignement  moral 
et  civique,  le  jour  n'est  pas  loin  (car  déjà  l'apaisement  se 
fait)  où  l'on  s'étonnera  que  la  chose  la  plus  simple,  la 
plus  urgente,  ait  pu  être  dénoncée  comme  un  si  grand 
scandale.  Cela  ne  peut  s'expliquer  que  par  les  divisions 
religieuses  et  politiques  dont  notre  pays  est  si  lent  à 
guérir.  Ce  qui  était  seul  de  nature  à  les  faire  cesser  était 
précisément  ce  qu'on  pouvait  le  moins  souffrir  (V.  Civique 
[Instruction]).  La  morale,  en  particulier,  est  moins  l'objet 
d'un  enseignement  distinct  que  Fàme  même  de  tout  l'en- 
seignement ;  mais  il  était  d'autant  plus  nécessaire  de  lui 
faire  une  place  à  part,  et  une  large  place,  que  la  religion 
cessait  d'être  enseignée  à  l'école.  Que  penser  d'un  ensei- 
gnement primaire  qui  ne  donnerait  aucune  nourriture 
morale,  aucun  précepte  de  conduite  ?  Le  souverain  service 
que  doit  rendre  au  contraire  l'école  publique,  c'est  d'ap- 
prendre aux  enfants  qu'indépendamment  des  credos  reli- 
gieux qui  diffèrent,  le  commun  devoir  de  tous  est  d'être 
premièrement  d'honnêtes  gens  dans  les  relations  humaines 
et  des  citoyens  dans  la  cité. 

Qu'adviendra-t-il,  en  fin  de  compte,  d'intentions  si 
élevées  et  de  tant  d'efforts  ?  On  ne  le  verra  bien  que  dans 
une  vingtaine  d'années,  et  à  condition  que  les  efforts 
soient  suivis.  Mais  on  peut  dès  maintenant  rendre  ce 
témoignage  aux  hommes  qui  ont  présidé  à  cette  grande 
œuvre  de  l'éducation  de  la  démocratie  française,  qu'ils  ont 
eu  une  noble  idée  de  leur  tâche.  On  ne  refait  pas  en 
quelques  années  les  mœurs  publiques  d'une  vieille  nation, 
fût-elle  la  plus  souple  et  la  plus  vive  du  monde.  Mais  avec 
de  la  patience  on  peut  avoir  bon  espoir.  L'œuvre  scolaire 
de  la  République,  en  dépit  des  critiques  violentes  et  pas- 
sionnées, sera  toujours  un  de  ses  titres  d'honneur  et  peut- 
être  le  principal.  Tout  esprit  sincèrement  ami  de  la  liberté 
et  dévoué  à  la  démocratie,  peut  être  mis  au  défi  de  n'avoir 
pas  au  moins  du  respect  pour  la  conception  généreuse  qui 
a  dirigé  ce  grand  mouvement  et  pour  les  sacrifices  que  la 
nation  s'est  imposés  en  vue  de  faire  de  tous  ses  enfants 
des  hommes  libres. 

II.  Enseignement  primaire  supérieur  (France).  —  L'ins- 
truction élémentaire  doit  pouvoir  suffire,  à  la  rigueur,  mais 
elle  ne  constitue  qu'un  minimum  strict,  «  la  dette  étroite 
du  pays  envers  tous  ses  enfants  ».  Parmi  ceux  mêmes  à 
qui  manque  le  loisir  ou  l'aptitude  pour  aborder  les  études 
secondaires,  un  grand  nombre  sentent  le  besoin  d'appro- 
fondir et  d'étendre  un  peu  ce  qu'ils  ont  appris  à  l'école 
primaire  et  disposent  pour  cela  encore  de  deux  ou  trois 
ans  avant  que  le  souci  du  gagne-pain  les  réclame.  Il  est 
de  l'intérêt  de  tous  que  ce  besoin  trouve  satisfaction,  et 
c'est  afin  d'y  pourvoir  que  Guizot  institua,  en  1833,  l'en- 
seignement primaire  supérieur.  L'objet  en  est  admirable- 
ment déterminé  dans  son  exposé  des  motifs.  Il  s'agit  de 
mettre  les  enfants  du  peuple,  qui  n'aspirent  pas  à  s'élever 
au-dessus  de  leur  condition,  en  mesure  de  se  développer 
complètement  dans  leur  sphère  même,  de  façon  à  honorer 
leur  profession  quelle  qu'elle  soit  et  à  la  relever  au  besoin. 
L'ouvrier  d'élite,  le  contremaître,  le  petit  patron,  le  com- 
merçant, pour  être  à  la  hauteur  de  leur  tâche,  pour 
exercer  autour  d'eux  l'autorité  et  l'influence  désirables,  ne 
doivent-ils  pas  avoir,  indépendamment  de  l'habileté  profes- 
sionnelle, une  instruction  générale  supérieure  à  celle  des 
manœuvres  qu'ils  emploient  ?  Cette  instruction  n'est  pas 
l'apprentissage  et  n'en  tient  pas  lieu  ;  elle  le  précède  et  le 
retarde  même,  sauf  à  le  faciliter  indirectement.  Elle  peut 
bien  être,  elle  doit  être  même  professionnelle,  grâce  par 
exemple  à  des  cours  spéciaux  variables  selon  les  régions  ; 
mais  elle  est  essentiellement  un  complément  de  cul- 
ture générale.  C'est,  avant  tout,  une  étude  plus  appro- 


fondie de  la  langue  et  de  la  littérature  nationales,  de  l'his- 
toire et  de  la  géographie,  des  sciences,  du  dessin.  A  ce 
programme  fondamental  de  l'enseignement  primaire,  repris 
et  élargi,  s'ajoutent  l'étude  d'une  langue  vivante  (si  utile 
pratiquement  et  si  propre  à  ouvrir  l'esprit),  des  notions  de 
droit  usuel  et  d'économie  politique,  la  comptabilité,  la 
tenue  des  livres.  L'étude  des  sciences  est  poussée  plus 
loin,  sans  cesser  d'être  surtout  pratique  ;  et  on  y  rattache 
les  connaissances  les  plus  directement  utiles  à  l'agricul- 
ture, à  l'industrie,  au  commerce,  selon  les  milieux.  Dans 
tous  ces  enseignements,  la  méthode,  tout  en  restant  con- 
crète avant  tout,  et  réaliste,  prend  pourtant  un  caractère 
plus  théorique. 

Il  serait  à  désirer  que  tout  chef-lieu  de  canton  eût  son 
école  primaire  supérieure.  Tel  était  l'idéal  fixé  déjà  par 
Guizot  ;  mais  on  ne  s'y  était  acheminé  que  fort  lentement 
quand  la  loi  de  1850,  funeste  au  développement  de  l'en- 
seignement primaire  en  général,  ruina  l'institution  émi- 
nemment libérale  qui  en  faisait  le  couronnement.  Elle  a  été 
relevée  en  1878,  1887,  1889,  d'une  façon  qu'on  peut 
croire  définitive  et  avec  un  développement  assuré,  grâce  à 
la  large  base  que  lui  offre  l'instruction  élémentaire  partout 
répandue  et  fortement  organisée.  Il  s'en  faut  encore  que  tous 
les  cantons  soient  pourvus,  mais  beaucoup  le  sont  d'une 
manière  excellente,  sans  parler  des  écoles  modèles  de  cer- 
taines grandes  villes,  comme  à  Paris,  le  collège  Chaptal 
(qui  est,  à  vrai  dire,  d'un  ordre  à  part),  et  les  écoles 
Turgot,  Arago,  Jean-Baptiste-Say,  pour  les  garçons  ; 
l'école  Sophie-Germain  pour  les  filles.  Si  l'enseignement 
primaire  supérieur  répond  à  un  besoin  public,  ce  qui  fait 
que  l'Etat  en  institue  et  en  nomme  les  maîtres,  il  répond 
aussi  à  des  besoins  particuhers  et  locaux,  ce  qui  fait  qu'il 
ne  peut  se  développer  que  par  le  zèle  intelligent  des  auto- 
rités locales  et  le  soin  des  municipalités.  Celles-ci  en  com- 
prendront mieux  l'intérêt  à  mesure  qu'elles  seront  elles- 
mêmes  plus  éclairées  et  que  la  culture  intellectuelle  plus 
répandue  sera  plus  généralement  appréciée. 

Si  l'on  demande  ce  que  deviennent,  en  fait,  les  élèves 
des  écoles  primaires  supérieures,  la  statistique,  incomplète, 
il  est  vrai,  et  qui  porte  surtout  sur  les  villes,  indique  une 
proportion  considérable  de  jeunes  gens  devenus  institu- 
teurs, employés  des  postes  et  télégraphes,  petits  fonction- 
naires, en  un  mot,  ce  qui  répond  imparfaitement  au  but 
de  l'institution,  lequel  est  plutôt  de  relever  le  niveau  de 
ceux  qui  se  destinent  aux  carrières  libres,  à  l'agriculture, 
à  l'industrie,  au  commerce.  Mais  il  en  est  de  même  en 
tous  pays.  La  BurgerschiUe  en  Allemagne  et  partout  les 
écoles  du  même  degré  fournissent  des  recrues  aux  fonc- 
tions publiques  inférieures,  en  même  temps  qu'aux  arts 
industriels.  Qu'importe?  L'intérêt  du  pays  n'est-il  pas 
que  tous,  autant  que  possible,  fonctionnaires  aussi  bien 
que  simples  particuliers,  reçoivent  la  meilleure  éducation 
générale,  spécialement  dans  cette  partie  du  peuple  qui 
confine  à  la  bourgeoisie  et  fournit  pour  ainsi  dire  à  la 
démocratie  ses  cadres  ?  Du  reste,  la  statistique  de  l'ensei- 
gnement primaire  supérieur  au  31  déc.  1890  (fascicule 
n^  119  de  la  collection  des  mémoires  et  documents  sco- 
laires publiée  par  le  Musée  pédagogique)  témoigne  à  cet 
égard  d'un  progrès.  Sur  12,830  élèves  sortis  de  cet  ensei- 
gnement en  1890,  374  seulement,  soit  2,92  «/^  étaient 
entrés  dans  les  administrations  de  l'Etat;  158  dans  les 
chemins  de  fer,  soit  1,23  °/o,  et  661,  soit  5,15  ^l^  dans 
les  écoles  normales  primaires.  Au  contraire,  1,403,  soit 
10,93  ^/o  étaient  entrés  dans  l'agriculture  ;  2,344,  soit 
18,27  «/o  dans  le  commerce,  et  3,776,  soit  29,39  «/^ 
dans  l'industrie.  —  A  cette  même  date  du  31  déc.  1890, 
les  écoles  primaires  supérieures  proprement  dites  étaient 
au  nombre  de  280,  savoir  :  203  pour  les  garçons,  77  pour 
les  filles.  Il  existait  en  outre  334  cours  complémentaires 
de  garçons  et  134  de  filles.  Soit  en  tout  748  établisse- 
ments donnant  l'enseignement  primaire  supérieur.  Le 
nombre  total  des  élèves  de  cet  enseignement  était  de 
40,572,  dont  29,473  garçons  et  11,099  filles,  savoir: 


ENSEIGNEMENT 


—  1118  — 


20,144  garçons  et  7,068  filles  dans  les  écoles  primaires 
supérieures  ;  9,329  garçons  et  4,031  filles  dans  les  cours 
complémentaires.  Les  boursiers  étaient  au  nombre  de 
2,139,  dont  1,385  garçons  et  754  filles.  Enfin  le  per- 
sonnel enseignant  et  dirigeant  s'élevait  en  tout  à  4,017 
maîtres  ou  maîtresses,  savoir  :  2,023  dans  les  écoles  pri- 
maires supérieures  de  garçons  et  722  dans  celles  de  filles, 
le  reste  dans  les  cours  complémentaires  (V.  Ecoles  pri- 
maires SUPÉRIEURES,  t.  XV,  p.  373).  H.  M. 

III.  Enseignement  primaire  a  l'étranger.  —  Le  pro- 
gramme de  l'enseignement  primaire  est,  dans  ses  grandes 
lignes,  le  même  dans  tous  les  pays  ;  cependant,  il  y  a  à  ce 
sujet,  de  l'un  à  l'autre,  des  divergences  notables.  Nous 
plaçons  donc  ici  quelques  indications  générales  à  ce  sujet. 
Allemagne.  En  Prusse,  on  enseigne  à  l'école  primaire  : 
la  religion,  la  langue  allemande  (langue,  lecture,  écriture), 
le  calcul  avec  éléments  de  géométrie,  le  dessin,  l'histoire, 
la  géographie,  l'histoire  naturelle,  le  chant,  la  gymnas- 
tique pour  les  garçons,  les  travaux  à  l'aiguille  pour  les 
filles  (règlement  du  15  oct.  1872);  dans  les  écoles  com- 
plémentaires professionnelles  au  premier  degré,  on  répète 
renseignement  de  l'école  primaire  élémentaire;  au  second, 
on  donne  un  enseignement  professionnel  (V.  ci-après). 
L'école  moyenne  (Mittelschule),  qui  répond  à  notre  école 
primaire  supérieure,  enseigne  la  religion,  l'allemand  (lec- 
ture et  écriture),  l'arithmétique  et  la  géométrie,  l'histoire 
naturelle,  la  physique,  la  chimie,  la  géographie,  l'histoire, 
les  langues  étrangères  (français  ou  anglais)  et,  de  plus,  le 
latin  (facultatif),  le  dessin,  le  chant,  la  gymnastique.  — 
En  Bavière,  on  classe  les  branches  d'enseignement  de  l'école 
primaire  en  nécessaires  (refigion,  lecture,  écriture,  langue 
allemande,  calcul)  et  utiles  (histoire,  géographie,  histoire 
naturelle,  chant,  dessin,  arboriculture,  gymnastique  ou 
couture).  Dans  la  division  élémentaire  des  écoles  complé- 
mentaires professionnelles,  on  fait  de  plus  des  exercices  de 
style  et  de  composition.  Dans  les  écoles  complémentaires 
agricoles,  on  s'occupe  des  connaissances  applicables  à  la 
vie  agricole.  —  En  Wurttemberg,  les  branches  obligatoires 
sont  les  suivantes  :  religion  et  morale,  lecture,  écriture, 
langue  allemande,  calcul,  chant  et,  de  plus,  le  Realieti 
(histoire,  géographie,  sciences  naturelles);  le  dessin  est 
facultatif.  Aux  écoles  du  soir  d'hiver,  on  ajoute  quelques 
notions  relatives  à  l'agriculture  et  à  l'industrie.  —  En 
Saxe,  l'école  primaire  enseigne  la  rehgion  et  la  morale,  la 
langue  allemande,  la  lecture  et  l'écriture,  le  calcul,  la 
géométrie,  l'histoire  naturelle,  l'histoire,  la  géographie,  le 
chant,  le  dessin,  la  gymnastique  pour  les  garçons  et,  si  la 
chose  se  peut,  les  travaux  à  l'aiguille  pour  les  filles.  Les 
écoles  primaires  supérieures  ont  un  programme  plus  étendu, 
notamment  pour  les  langues  étrangères  et  la  littérature 
allemande.  —  Dans  le  grand-duché  de  Bade,  le  programme 
de  l'école  primaire  comprend  la  religion,  la  lecture,  l'écri- 
ture, la  langue  allemande,  le  calcul,  le  chant,  le  dessin, 
des  notions  de  géométrie,  de  géoijraphie,  d'histoire  natu- 
relle, de  sciences  physiques  et  d'histoire  ;  de  plus,  la  gym- 
nastique pour  les  garçons  et  des  travaux  à  l'aiguille  pour 
les  filles.  Dans  les  écoles  primaires  supérieures,  les  matières 
d'enseignement  sont  :  religion,  langue  allemande,  langue 
française,  langue  anglaise,  géographie,  histoire,  arithmé- 
tique, géométrie  et  trigonométrie,  histoire  naturelle,  phy- 
sique, chimie,  calligraphie,  dessin,  chant,  gymnastique. 

Angleterre,  D'après  le  nouveau  code  de  1881 ,  les 
matières  obligatoires  de  l'enseignement  primaire  sont  la 
lecture,  Técrfture  et  l'arithmétique  ;  pour  le  chant,  on  a 
créé  une  prime  spéciale.  Enfin,  d'autres  matières  sont 
facultatives  ;  on  les  divise  en  deux  groupes  :  les  class 
subjects^  comprenant  la  grammaire,  les  travaux  à  l'aiguille, 
la  géographie,  l'histoire  naturelle,  la  physique  du  globe, 
la  physique,  l'histoire,  l'économie  politique  ;  les  spécifie 
subjects,  comprenant  la  littérature  anglaise,  les  mathéma- 
tiques, le  latin,  le  français,  l'allemand,  la  mécanique,  la 
physiologie  animale,  la  cosmographie,  la  botanique  et  l'éco- 
nomie domestique  (pour  les  filles)» 


Autriche-Hongrie.  En  Autriche,  l'école  primaire  a  pour 
but  de  donner  aux  enfants  une  éducation  morale  et  reli- 
gieuse, de  développer  leurs  facultés  intellectuelles,  de  les 
munir  des  connaissances  et  des  aptitudes  dont  le  perfec- 
tionnement ultérieur  doit  les  préparer  à  la  vie  et  de  jeter 
les  fondements  de  la  culture  qui  doit  faire  d'eux  des 
hommes  et  des  membres  utiles  de  la  société.  Les  matières 
obligatoires  sont  les  suivantes  :  refigion,  langue,  calcul, 
éléments  d'histoire  naturelle,  de  géographie  et  d'histoire, 
particulièrement  d'histoire  nationale,  avec  notions  de  droit 
constitutionnel ,  écriture  ,  géométrie  ,^  chant ,  gymnas- 
tique et,  pour  les  filles,  travaux  à  l'aiguille  et  économie 
domestique.  A  l'école  primaire  supérieure,  on  enseigne  : 
religion,  langue  et  composition ,  géographie  et  histoire,  en 
ayant  surtout  en  vue  la  patrie  et  sa  constitution,  histoire 
naturelle,  sciences  physiques,  arithmétique,  géométrie, 
comptabilité,  dessin  artistique  et  mathématique,  calhgraphie, 
chant,  gymnastique  ;  pour  les  jeunes  filles,  travaux  à  l'ai- 
guille et  économie  domestique.  Dans  les  écoles  de  nationalité 
non  allemande,  la  langue  allemande  doit  être  enseignée.  — 
En  Hongrie,  les  matières  obligatoires  d'enseignement  à 
l'école  primaire  élémentaire  sont  les  suivantes  :  religion 
et  morale,  lecture  et  écriture,  arithmétique  et  calcul  men- 
tal, système  légal  des  poids  et  mesures  et  système  moné- 
taire ,  grammaire,  exercices  de  langage,  géographie  ^  et 
histoire  nationales,  notions  de  géographie  et  d'histoire 
générales,  éléments  de  physique  et  d'histoire  naturelle, 
notions  pratiques  d'agriculture  et  d'horticulture,  principes 
élémentaires  d'instruction  civique,  chant,  gymnastique, 
avec  application  aux  exercices  militaires  (loi  du  5  déc. 
1868,  art.  55).  Les  matières  d'enseignement  à  l'école  pri- 
maire supérieure  sont  :  pour  les  garçons,  religion  et  mo- 
rale, calligraphie  et  dessin,  langue  maternelle,  plus  le 
hongrois  dans  les  écoles  où  cette  langue  n'est  pas  la  langue 
d'enseignement,  arithmétique  et  géométrie,  avec  exercices 
pratiques,  physique  et  histoire  naturelle,  appropriées  à 
l'agriculture  et  à  l'industrie,  géographie  et  histoire,  tant 
nationales  que  générales,  notions  d'agriculture,  droit  cons- 
titutionnel, tenue  des  livres  en  partie  simple,  gymnastique 
avec  application  aux  exercices  militaires,  chant  ;  —  pour 
les  filles,  religion  et  morale,  calligraphie  et  dessin,  arith- 
métique, langue  maternelle,  plus  le  hongrois  ^  dans  les 
écoles  où  cette  langue  n'est  pas  la  langue  d'enseignement, 
géographie  et  histoire,  physique  et  histoire  naturelle 
appropriées  au  jardinage  et  aux  occupations  des  femmes, 
chant,  travaux  à  l'aiguille. 

Belgique.  L'enseignement  primaire  comprend  nécessai- 
rement la  morale,  la  lecture,  l'écriture,  les  éléments  du 
calcul,  le  système  légal  des  poids  et  mesures,  les  éléments 
de  la  langue  française,  flamande  ou  allemande,  selon  les 
besoins  des  localités,  la  géographie,  l'histoire  de  la  Bel- 
gique, les  éléments  du  dessin,  la  connaissance  des  formes 
géométriques,  les  notions  élémentaires  des  sciences  natu- 
relles, la  gymnastique,  le  chant  et,  pour  les  filles,  les 
travaux  à  l'aiguille.  L'enseignement  primaire  peut  recevoir 
des  extensions  dans  les  localités  où  elles  sont  reconnues 
possibles  et  utiles. 

Danemark.  Les  matières  obligatoires  de  l'enseignement 
primaire  se  réduisent  à  la  religion,  à  la  lecture,  à  l'écri- 
ture, au  calcul,  au  chant  et  à  la  gymnastique.  En  général, 
on  y  ajoute  l'histoire,  la  géographie,  l'histoire  naturelle, 
le  dessin  pour  les  garçons  et  les  travaux  à  l'aiguille  pour 
les  filles. 

Espagne.  La  loi  du  9  sept.  1857  donne  la  liste  des  ma- 
tières obligatoires  de  l'enseignement  primaire  élémentaire  : 
doctrine  chrétienne  et  notions  d'histoire  sainte,  lecture,  écri- 
ture, principes  de  grammaire  castillane  avec  exercices  d'or- 
thographe, principes  d'arithmétique  avec  le  système  légal  des 
monnaies,  poids  et  mesures,  courtes  notions  d'agriculture, 
d'industrie  et  de  commerce,  selon  les  locaUtés.  —  L'ensei- 
gnement primaire  supérieur  porte  en  outre  sur  les  principes 
de  géométrie,  de  dessin  linéaire  et  d'arpentage,  les  rudi- 
ments d'histoire  et  de  géographie,  les  notions  générales  de 


—  1149  — 


ENSEIGNEMENT 


physique  et  d'histoire  naturelle  appropriées  aux  nécessités 
les  plus  ordinaires  de  la  vie  ;  aux  filles,  on  apprend  les 
travaux  à  l'aiguille,  les  éléments  de  dessin  et  un  peu 
d'hygiène  domestique. 

Grèce.  On  enseigne  partout  le  catéchisme,  les  éléments 
de  la  langue  grecque,  l'écriture,  l'arithmétique,  le  système 
légal  des  poids  et  mesures,  le  dessin  linéaire,  le  chant,  la 
gymnastique,  les  connaissances  agricoles  élémentaires  et, 
pour  les  filles,  les  travaux  à  l'aiguille;  on  y  joint,  lors- 
qu'on le  peut,  les  éléments  de  la  géographie,  de  l'histoire 
grecque  et  des  sciences  naturelles. 

Italie,  L'instruction  primaire  est  de  deux  degrés  :  infé- 
rieur et  supérieur.  Le  cours  primaire  inférieur  comprend 
les  premières  notions  des  devoirs  de  l'homme  et  du  citoyen, 
la  lecture,  la  calligraphie,  les  rudiments  de  la  langue  ita- 
henne,  de  l'arithmétique  et  du  système  métrique.  Le  degré 
supérieur  comprend,  outre  le  développement  des  matières 
du  degré  inférieur,  les  règles  de  la  composition,  la  calli- 
graphie, la  tenue  des  livres,  la  géographie  élémentaire,  les 
faits  les  plus  marquants  de  l'histoire  nationale,  les  notions 
des  sciences  physiques  et  naturelles  applicables  aux  usages 
ordinaires  de  la  vie.  Dans  les  écoles  supérieures  de  garçons, 
on  enseigne  en  outre  les  éléments  de  la  géométrie  et  le 
dessin  linéaire;  dans  celles  de  filles,  les  travaux  à 
l'aiguille. 

Pays-Bas,  La  loi  du  47  août  4878  comprend  dans  l'en- 
seignement primaire  les  matières  suivantes  :  lecture,  écri- 
ture, calcul,  éléments  de  géométrie,  éléments  de  la  langue 
hollandaise,  de  l'histoire  nationale,  de  la  géographie,  des 
sciences  naturelles,  chant,  travaux  à  l'aiguille  (pour  les 
filles).  De  plus,  les  écoles  primaires  peuvent  enseigner 
facultativement  les  éléments  de  la  langue  française,  ceux 
de  la  langue  allemande,  ceux  de  la  langue  anglaise,  ceux 
de  l'histoire  universelle,  ceux  des  mathématiques,  le  dessin, 
les  éléments  de  l'agriculture,  la  gymnastique,  les  travaux 
d'agrément  pour  les  filles.  L'instruction  scolaire  doit  tendre, 
non  seulement  à  faire  acquérir  aux  élèves  des  connais- 
sances utiles,  mais  aussi  à  développer  leurs  facultés  intel- 
lectuelles et  à  les  conduire  à  l'exercice  de  toutes  les  vertus 
chrétiennes  et  sociales.  —  L'enseignement  primaire  supé- 
rieur se  confond  avec  l'enseignement  secondaire  où  l'on 
classe  les  Burgerschoolen  :  on  y  enseigne  aux  jeunes  gens 
de  la  classe  ouvrière  ou  agricole  les  mathématiques,  les 
éléments  de  mécanique  théorique  et  appliquée,  des  sciences 
physiques  et  naturelles,  de  la  technologie  ou  de  l'astro- 
nomie, de  la  géographie,  de  l'histoire,  de  la  langue  hollan- 
daise, de  l'économie  sociale,  le  dessin  artistique  et  linéaire, 
la  gymnastique. 

Portugal,  L'enseignement  primaire  se  divise  en  deux 
degrés  :  degré  élémentaire  et  degré  complémentaire.  Le 
de^ré  élémentaire,  pour  les  garçons,  comprend  les  matières 
suivantes  :  la  lecture,  l'écriture,  les  quatre  règles  sur  les 
nombres  entiers  et  les  fractions,  les  éléments  de  la  gram- 
maire portugaise,  les  principes  du  système  métrique 
décimal,  les  principes  du  dessin,  la  morale  et  la  doctrine 
chrétienne.  Pour  les  filles,  en  outre,  les  travaux  à  l'aiguille. 
Le  degré  complémentaire,  pour  les  garçons,  comprend  : 
4°  lecture  et  récitation  de  prose  et  de  vers;  2®  calligraphie 
et  exercices  d'écriture  ;  S^  arithmétique  et  géométrie  élé- 
mentaire avec  les  applications  les  plus  usuelles  ;  4^  gram- 
maire et  exercices  de  langue  portugaise  ;  5<>  système  légal 
des  poids  et  mesures  ;  6°  éléments  de  chronologie,  de  géo- 
graphie et  d'histoire  portugaise  ;  7«  dessin  linéaire  et  ses 
applications  les  plus  communes  ;  8°  morale  et  histoire 
sainte;  9"^  notions  élémentaires  d'hygiène;  40°  notions 
élémentaires  d'agriculture;  44»  gymnastique  ;  42^  chant 
choral;  43<>  droits  et  devoirs  du  citoyen.  Pour  les  filles,  le 
programme  comprend  les  matières  désignées  sous  les  n°^  4 
à  9  inclusivement,  et  de  plus  les  devoirs  de  la  mère  de 
famille,  et  l'art  de  broder,  de  prendre  mesure,  de  couper 
les  patrons  et  de  faire  des  dentelles  et  des  fleurs. 

Russie,  En  Russie,  il  n'y  a  de  programme  officiel  que 
pour  les  écoles  primaires  urbaines  régies  par  le  statut  du 


34  mai  4872.  L'enseignement  dans  les  écoles  urbaines 
comprend  :  l'instruction  religieuse,  la  lecture  et  l'écriture, 
la  langue  russe  et  le  slavon  d'église  ,  l'arithmétique,  la 
géométrie  pratique,  la  géographie  et  l'histoire  de  la  Russie 
avec  les  notions  indispensables  de  l'histoire  et  de  la  géo- 
graphie universelles,  des  notions  d'histoire  naturelle  et  de 
physique,  le  dessin  Iméaire  et  celui  d'imitation,  le  chant, 
la  gymnastique. 

Pays  Scandinaves.  En  Suède,  le  programme  des  écoles 
élémentaires  ou  petites  écoles  (Smaskolan)  comprend  la 
religion,  la  langue  maternelle,  le  calcul,  des  exercices  d'in- 
tuition, le  dessin,  le  chant,  la  gymnastique.  Celui  des 
écoles  primaires  proprement  dites  (Folkskolan)  comprend 
la  rehgion,  la  langue  maternelle,  le  calcul,  la  géométrie, 
la  géographie,  l'histoire,  les  sciences  naturelles,  le  dessin, 
le  chant  et  la  gymnastique.  —  En  Norvège,  les  écoles  pri- 
maires urbaines  sont  régies  par  la  loi  du  42  juil.  4848  dont 
voici  le  libellé.  Le  but  des  écoles  primaires  doit  être  d'appuyer 
l'éducation  domestique  en  donnant  à  la  jeunesse  une  vraie 
instruction  chrétienne  et  en  lui  procurant  en  même  temps 
la  connaissance  et  les  aptitudes  que  tout  membre  de  la 
société  doit  posséder.  Les  objets  de  l'enseignement  sont  les 
suivants  :  lecture  et  exercices  intellectuels,  religion  et 
histoire  sainte  d'après  les  livres  autorisés,  lecture  de  la 
Bible  et  récitation  des  psaumes,  chant,  écriture,  lecture 
de  morceaux  écrits,  et  calcul.  Lorsque  les  circonstances  le 
permettront,  la  commission,  de  concert  avec  les  parents, 
tuteurs  et  autres  intéressés,  veillera  à  ce  que  l'enseigne- 
ment puisse  s'étendre  au  delà  des  objets  précités,  et  notam- 
ment à  l'orthographe  et  aux  compositions.  Elle  cherchera 
en  même  temps  à  réunir  aux  écoles  primaires  des  écoles 
d'ouvrages  manuels,  surtout  pour  les  jeunes  filles,  et  à 
faire  donner  aux  garçons  des  leçons  de  gymnastique.  —  Les 
écoles  primaires  des  campagnes  sont  régies  par  la  loi  du 
46  mai  4860.  Il  y  en  a  de  deux  degrés  :  les  écoles  primaires 
proprement  dites  et  les  écoles  secondaires  ou  écoles  pri- 
maires supérieures.  Dans  les  écoles  primaires  proprement 
dites,  on  enseigne  les  matières  suivantes  :  lecture,  religion, 
morceaux  choisis  du  livre  de  lecture,  notamment  sur  la 
géographie,  les  premiers  éléments  des  sciences  naturelles, 
et  l'histoire,  chant,  écriture,  calcul.  Dans  les  écoles  pri- 
maires supérieures,  on  enseigne  la  langue  norvégienne,  la 
géographie,  l'histoire,  les  sciences  naturelles,  le  dessin  et 
l'arpentage,  et  facultativement  les  mathématiques,  l'éco- 
nomie politique  et  une  langue  étrangère. 

Suisse,  L'étendue  des  programmes  de  l'instruction  pri- 
maire varie  selon  les  cantons.  A  Genève,  on  enseigne  obli- 
gatoirement la  lecture,  l'écriture,  la  langue  française, 
l'arithmétique  et  les  notions  usuelles  de  géométrie,  la 
géographie,  l'histoire  nationale,  les  ouvrages  à  l'aiguille 
(pour  les  filles).  Mais  on  enseigne  en  outre  dans  les  écoles 
publiques  les  matières  suivantes  :  notions  élémentaires  sur 
les  devoirs  de  l'enfance,  la  constitution  du  pays,  les  sciences 
naturelles,  dessin,  chant  et  gymnastique.  Dans  les  écoles 
secondaires,  qui  répondent  à  nos  écoles  primaires  supé- 
rieures, on  enseigne  en  outre  la  composition,  la  lecture 
expressive,  la  comptabilité  élémentaire,  l'histoire  générale, 
les  éléments  des  sciences  physiques,  de  la  géographie  géné- 
rale, de  l'hygiène,  la  calligraphie  ;  pour  les  garçons  seuls, 
l'instruction  civique,  les  éléments  de  géométrie  applicables 
au  toisé  et  au  cubage,  des  notions  d'agriculture,  le  dessin, 
la  gymnastique  ;  pour  les  filles  seules,  des  notions  d'hor- 
ticulture, l'économie  domestique  et  les  ouvrages  à  l'aiguille. 

Etats-Unis,  L'organisation  de  l'enseignement  primaire 
comporte  une  infinie  variété  de  programmes,  car  chaque 
ville,  chaque  district  règle  à  sa  fantaisie  celui  de  ses  écoles, 
et  les  systèmes  scolaires  sont  très  différents  d'un  endroit  à 
l'autre . 

IV.  Enseignement  complémentaire.  —  On  appelle  ensei- 
gnement complémentaire  les  diverses  formes  d'enseigne- 
ment destinées  à  réparer  les  lacunes  de  l'instruction  pri- 
maire ou  à  compléter  celle-ci  lorsqu'elle  a  été  écourtée.  On 
peut  donc  classer  sous  cette  rubrique  :  4®  les  classes  ou 


ENSEIGNEMENT  —  1120  — 

cours  destinés  aux  enfants  qui  ont  dépassé  treize  ans,  no- 
tamment aux  apprentis  dont  l'éducation  a  été  négligée; 
on  s'en  occupe  surtout  de  treize  à  seize  ans,  mais  c'est  un 
désir  général  que  de  continuer  à  instruire  les  futurs 
citoyens  dans  la  période  d'adolescence  qui  s'écoule  depuis 
l'âge  scolaire  jusqu'à  l'âge  adulte  où,  pour  les  hommes  du 
moins,  les  écoles  régimentaires  assurent  un  minimum  d'ins- 
truction ;  2^  les  classes  et  cours  à  l'usage  des  adultes  qui 
n'ont  pas  reçu  l'instruction  primaire  ou  qui  en  ont  perdu 
le  souvenir  ou  bien  qui  désirent  la  compléter  et  l'appro- 
fondir ;  30  les  moyens  auxiliaires  de  l'enseignement  pri- 
maire, bibliothèques  populaires,  conférences  et  lectures 
publiques,  musées  scolaires,  etc.  Nous  laisserons  de  côté 
cette  troisième  acception  renvoyant  aux  articles  spéciaux 
pour  ne  parler  ici  que  des  deux  formes  du  véritable  ensei- 
gnement complémentaire,  celui  qui  s'adresse  aux  adoles- 
cents et  celui  qui  s'adresse  aux  adultes. 

En  France,  l'enseignement  complémentaire  n'est  pas 
organisé  pour  les  adolescents,  bien  que  l'utilité  en  soit 
généralement  reconnue  ;  ce  ne  pourrait  guère  être  d'ailleurs 
le  fait  que  de  l'initiative  privée  ou  des  communes.  Toute- 
fois, on  a  pris  des  mesures  pour  les  apprentis  ;  il  ne  s'agit 
pas  de  leur  instruction  professionnelle  ou  technique  (V.  ci- 
dessous  le  §  Enseignement  technique),  mais  de  leur  ins- 
truction primaire.  La  loi  exige  que,  s'ils  sont  illettrés,  ils 
continuent  à  fréquenter  soit  l'école  primaire  dans  les 
classes  communales  «  ouvertes  à  certaines  heures  et  dans 
des  conditions  déterminées  à  ce  public  spécial  qui  alterne 
entre  l'atelier  et  l'école  »,  soit  dans  les  écoles  spéciales 
établies  par  le  patron  au  siège  de  l'établissement  indus- 
triel (V.  Ecole,  t.  XV,  p.  460).  On  sait  que  les  cours 
d'adultes  sont  aussi  fréquentés  par  des  enfants  et  des 
adolescents. 

Ce  qui  n'a  pas  été  fait  en  France,  d'autres  pays  l'ont 
réalisé  en  créant  un  enseignement  complémentaire  qui  ne 
se  confond  ni  avec  les  cours  d'adultes  ni  avec  les  écoles 
d'apprentis.  C'est  surtout  en  Allemagne  qu'on  a  déve- 
loppé ce  système  des  Fortbildungs  ou  Ergœnzungs- 
Schulen.  En  Prusse,  elles  remontent  à  Frédéric  II,  mais 
son  règlement  de  1763  tomba  en  désuétude.  Dans  la  plu- 
part des  autres  pays,  la  fréquentation  des  écoles  complé- 
mentaires est  obligatoire,  tout  comme  celle  des  écoles  pri- 
maires. ~  En  Bavière,  dans  les  écoles  du  dimanche  et  des 
jours  fériés,  comprenant  le  programme  de  l'école  primaire 
plus  la  comptabilité  et  l'instruction  civique,  l'instruction 
est  donnée  par  l'instituteur  ;  elles  remontent  à  la  fin  du 
xvui«  siècle,  et  la  fréquentation  en  est  obligatoire  jusqu'à 
l'âge  de  seize  ans,  à  moins  qu'on  n'aille  à  une  école  com- 
plémentaire industrielle  ou  agricole.  —  En  Wurttemberg, 
l'école  du  dimanche,  obligatoire  pour  tous  les  célibataires, 
existe  depuis  1739.  En  1836,  on  restreignit  l'obligation 
aux  jeunes  gens  de  quatorze  à  dix-huit  ans  ;  en  1858,  on 
admit  comme  équivalent  l'école  du  soir  ;  les  deux  institu- 
tions subsistent  côte  à  côte,  la  première  dans  toutes  les 
communes.  L'enseignement  est  donné  par  les  instituteurs 
primaires.  —  En  Saxe,  la  loi  du  26  avr.  1873  a  créé  des 
Fortbildungs-Schulen  dans  tous  les  districts  scolaires  et 
astreint  les  jeunes  gens  à  les  fréquenter  depuis  leur  sortie  de 
l'école  primaire  jusqu'à  dix-huit  ans.  Le  nombre  des  leçons 
est  de  deux  à  six  par  semaine.  —  Bade,  la  Hesse,  plusieurs 
des  Etats  de  Thuringe  ont  des  lois  analogues.  —  En  Hon- 
grie, il  existe  des  écoles  de  répétition  pour  les  enfants 
de  douze  à  quinze  ans  (5  heures  par  semaine  en  hiver, 
2  heures  en  été).  —  En  Suède,  on  n'admet  dans  les  écoles 
de  continuation  que  les  élèves  sortis  de  l'école  pri- 
maire avec  des  notes  satisfaisantes.  L'enseignement  dure 
180  heures  par  an  au  moins.  Elles  se  développent  lente- 
ment. —  Dans  presque  tous  les  cantons  de  la  Suisse,  on  a 
organisé  l'enseignement  complémentaire  ;  il  est  tantôt  obli- 
gatoire, tantôt  facultatif,  et  les  règlements  varient  selon  les 
lieux.  —  Dans  les  autres  pays  d'Europe,  l'enseignement 
complémentaire  se  confond  avec  les  cours  d'adultes.  Aux 
Etats-Unis,  l'âge  scolaire  dure  en  général  jusqu'à  dix-huit 


ans  et  même  jusqu'à  vingt  et  un  ans,  ce  qui  a  donné  lieu 
à  un  grand  nombre  d'institutions  scolaires  de  types  divers. 

L'instruction  primaire  des  adultes  fut  en  France  un  des 
principaux  objectifs  de  l'initiative  privée.  En  1709,  J.-B.  de 
La  Salle  et  le  curé  de  Saint-Sulpice,  La  Chétardie,  créaient 
des  cours  d'adultes.  En  1783,  Philipon  de  La  Madelaine 
voulut  faire  donner  par  les  curés  une  conférence  mensuelle 
à  leurs  paroissiens.  Mais  l'organisation  de  vrais  cours 
d'adultes  remonte  à  la  Restauration.  M.  de  Chabrol,  préfet 
de  la  Seine,  en  créa  à  Paris  un  en  1820,  un  autre  en  1821, 
quatre  en  1822  dont  un  pour  les  femmes.  Le  mouvement 
était  donné.  La  Société  pour  l'instruction  élémentaire 
le  favorisa,  créant  elle-même  des  cours  du  soir  et  du 
dimanche  pour  les  adultes  (1828),  d'après  le  système  de 
l'enseignement  mutuel.  Les  congréganistes  imitèrent  cet 
exemple  en  1831.  En  1837,  on  comptait  en  France  1,800 
cours  d'adultes  ayant  37,000  élèves.  En  1841,  il  y  en 
avait  3,403,  entretenus  par  3,090  communes  et  possédant 
68,500  élèves.  En  1848,  6,913  cours  et  117,000  élèves. 
La  loi  de  1850  leur  porte  un  coup  sensible  et  l'Etat  s'en 
désintéresse  presque  complètement.  M.  Rouland  projeta  et 
M.  Duruy  décida  le  relèvement  des  cours  d'adultes  à  qui 
la  loi  du  10  avr.  1867  assura  une  subvention  de  l'Etat. 
En  1867,  on  comptait  28,586  cours  d'adultes  hommes,  et 
en  1869,  5,466  cours  d'adultes  femmes.  Il  y  avait  plus 
de  800,000  élèves  inscrits.  Malheureusement,  il  y  avait  là 
un  trompe-l'œil,  et  il  s'en  fallait  de  beaucoup  que  ces 
chiffres  répondissent  à  la  réalité.  Ils  décroissent  bientôt  ; 
en  1883-84,  on  ne  compte  que  20,645  classes  d'adultes 
hommes(dans  16,1 74  communes)et  4,574  d'adultes  femmes 
(dans  3,713  communes);  mais,  lorsqu'on  voulut  exiger  des 
garanties  rigoureuses  pour  l'action  des  subventions  de 
l'Etat,  les  deux  tiers  de  ces  classes  disparurent;  dès 
1884-85,  on  n'en  compte  plus  que  7,751  pour  leshommes 
et  1,487  pour  les  femmes.  En  1886-87,  le  total  général 
des  élèves  est  de  184,612  dont  156,590  hommes  et  28,022 
femmes.  On  les  distingue  en  deux  groupes:  classes  élémen- 
taires (1,579)  pour  les  illettrés,  32,030  hommes  et  8,352 
femmes  ;  classes  spéciales  ou  complémentaires  (7,474), 
125,219  hommes  et  19,011  femmes.  Il  faut  y  ajouter  les 
auditeurs  des  conférences  populaires  et  des  cours  ou  classes 
organisés  par  des  Sociétés  comme  V Association  polytech- 
nique, l'Association  philotechnique,  V Union  française 
de  la  jeunesse,  etc.,  lesquelles  fonctionnent  surtout  à 
Paris.  —  Les  écoles  ou  classes  d'adultes  sont  ouvertes 
aux  garçons  de  quinze  ans,  aux  filles  de  douze  ans.  Presque 
toutes  sont  dirigées  par  des  instituteurs  publics  auxquels 
les  communes  et  l'Etat  allouent  une  indemnité  annuelle. 
La  principale  difficulté  pédagogique  vient  de  la  diversité 
des  auditeurs,  diversité  d'âge,  de  condition,  d'instruction. 

L'Allemagne  n'a  pas  de  cours  d'adultes,  la  nécessité 
s'en  fait  peu  sentir  en  raison  de  l'universalité  de  l'instruc- 
tion primaire.  —  En  Angleterre,  en  Ecosse  et  en  Irlande, 
on  a  beaucoup  fait  pour  l'instruction  des  adultes.  Dans 
toutes  les  grandes  villes,  on  a  créé  des  cours  du  soir  et 
des  écoles  d'apprenfis.  L'enseignement  technique  leur  est 
donné  par  de  puissantes  institutions  ;  l'œuvre  de  1'  «  exten- 
sion »  généralise  l'enseignement  supérieur  et  en  fait  con- 
naître les  principaux  résultats  aux  ouvriers  et  à  tous  ceux 
qui  désirent  ce  complément  d'instruction.  L'initiative  privée 
a  réalisé  de  magnifiques  résultats,  surtout  pour  les  ouvriers 
manufacturiers  auxquels  sont  destinés  les  meckanics  ins- 
titutions, athénées,  cercles  et  bibliothèques  dont  on  compte 
près  d'un  millier.  En  aucun  autre  pays  du  monde,  les 
classes  instruites  ou  dirigeantes  n'ont  autant  fait  pour  les 
autres,  multipliant  les  classes  du  soir  et  du  dimanche.  — 
L'Autriche-Hongrie  n'a  rien  fait  officiellement  pour  l'ins- 
truction des  adultes.  —  En  Belgique,  celle-ci  a  été  orga- 
nisée par  un  règlement  du  1^^  sept.  1866  et  un  arrêté  du 
11  sept.  1868.  Les  écoles  d'adultes  sont  organisées  par 
les  communes  dans  les  locaux  des  écoles  primaires  et  par 
le  personnel  de  ces  écoles  dont  on  diminue  d'une  heure  la 
durée  des  classes  le  jour  oii  le  maître  doit  s'occuper  des 


1121  — 


ENSEIGNEMENT 


DÉPARTEMENTS 

DANS  LES 

Garçons 

ENFA^ 

ITS    DE 

DANS  LE 

Garçons 

SIX    A 

s  ÉCOLES 

Filles 

TREIZE    ANS 

TOTAL                          1 
d'après  le  recensement 
de  décembre  1886             1 

5  ÉCOLES  F 

Filles 

UBLIQUES 

Total 

PRIVÉES 

Total 

m 

H    O  03  S 
H            ^ 

Ain 

Aisn(^ 

22.603 
29.763 
2L849 
7.200 
8.871 
n.773 
19.833 
18.352 
13.608 
11.986 
17.131 
27.681 
5.100 
20.452 
21.100 
11.458 
20.652 
24.593 
22.739 
21.309 
17.729 
19.405 
37.121 
18.306 
28.155 
19.735 
16.131 
16.626 
15.785 
38.396 
16.693 
20.347 
12.682 
31.583 
17.152 
33.347 
16.994 
16.575 
32.421 
16.760 
16.884 
16.799 
31.259 
16.086 
32.132 
21.639 
13.496 
13.104 
9.804 
24.473 
28.892 
22.112 
13.531 
19.231 
22.611 
15.371 
24.435 
21.570 

102.564 
22.410 
17.306 
55.016 
26.947 
23.635 
13.813 
12.863 
25.235 
17.236 
37.369 
21.143 
16.775 
18.841 

103.990 
19.625 

18.260 
26.988 
17.276 
6.785 
8.666 
9.363 
17.152 
16.883 
10.989 
10.380 
12.452 
24.975 
4.381 
15.357 
19.116 
13.396 
15.978 
19.856 
17.223 
18.050 
12.441 
16.700 
29.964 
15.609 
22.411 
18.199 
14.4f)2 
13.915 
12.739 
28.859 
14.226 
14.385 
9.018 
25.355 
12.714 
25.401 
13.031 
12.928 
28.943 
15.671 
13.369 
12.282 
27.080 
8.470 
21.607 
17.983 
11.877 
9.176 
8.650 
18.470 
26.516 
19  912 
11.968 
18.137 
21.158 
14.383 
20.388 
15.382 
85.781 
19.911 
15.282 
43.474 
21 . 435 
18.391 
10.231 
10.373 
22.412 
15.453 
26.818 
17.518 
15.250 
16.278 
82.878 
16.483 

40.863 
56.751 
42.125 
13  985 
17.537 
21.136 
36.985 
35,235 
24.597 
22.366 
29.583 
52.659 
9.481 
35.809 
40.216 
27.854 
36.630 
44.449 
39.962 
39.359 
30.170 
36.105 
67.085 
33.915 
50.566 
37.934 
30.593 
30.541 
28.524 
67.255 
30.919 
34.732 
21.700 
58.938 
39.866 
56.748 
20  025 
29.503 
61.364 
32.431 
30.253 
29.081 
58.339 
24.556 
53.739 
39.622 
25.373 
22  280 
18.454 
42.943 
55.438 
42.024 
25.499 
37.368 
43.769 
29.754 
44.823 
36.952 

188.318 
42.351 
32.588 
98.490 
48.382 
42.026 
24.044 
23.236 
47.647 
32.689 
64.187 
38.661 
32.025 
35.119 

186.868 
36.108 

2.097 
2.024 
3.547 

557 

567 

945 
5.571 

942 
1  313 
1.220 
2.220 
4.066 

237 
10.285 
1.925 
2.950 
1.083 
1.928 
2.086 
2.112 

203 
1.813 
1.784 

758 
1.681 

991 
3.016 

881 

729 
6.680 
6.188 
3.910 
1.392 
6.969 
5.821 
9.187 

894 
1.271 
4.561 
1.366 
1.002 

888 
11.010 
3.859 
8.5ii3 
1.939 
1.046 
1.851 
1.059 
3.931 
2.668 
3.907 

820 
1.868 
2.917 
1.110 
6.458 
2.017 
21.759 
1.481 

747 
7.757 
5.864 
2.645 

937 

1.765 

12.861 

954 
6.677 
1.750 
1.765 
2.100 
31.548 
1.198 

5.415 
3.933 
9.632 
1.201 
655 
3.174 
7.246 
2.316 
2.016 
2.721 
6.475 
6.481 
815 

15.298 
5.119 
3.152 
4.847 
5.986 
6.278 
4.466 
1.220 
4.772 
6.330 
2.541 
5.020 
2.701 
4.219 
3.468 
4.233 

10.797 
8.837 
9.294 
4.179 

14.012 

10.131 

15.744 
4.414 
4.890 
7.933 
2.231 
2  886 
5.350 

12.208 
6.610 

18.160 
6.252 
2.633 
5.447 
1.889 
9.985 
4.568 
6.312 
2.324 
2.719 
4.521 
1.971 
8.470 
6.633 

33.056 
4.064 
3.781 

15.272 

10.494 
6.950 
3.422 
3.055 

16.977 
1.745 

15.501 
5.608 
3.241 
3.619 

61.396 
4.780 

7.512 
5  957 

13.179 
1.758 
1.222 
4.119 

12.817 
3.258 
3.329 
3.911 
8.695 

10.547 
1.052 

25.583 
7.041 
6.102 
5.930 
7.914 
8.364 
6.578 
1.423 
6.585 
8.114 
3.299 
6.701 
3.692 
7.235 
4.349 
4.962 

17.477 

15.325 

13.234 
5.571 

20.981 

15.952 

25.231 
5.308 
6.161 

12.494 
3.597 
3.888 
6.238 

23.218 

10.469 

26.663 
8.191 
3.679 
7.298 
2.948 

13.916 
7.236 

10.219 
3.144 
4.587 
7.438 
3.081 

14.928 
8.650 

54.815 
5.545 
4.528 

23.029 

16.358 
9.595 
4.359 
4.820 

29.841 
2.699 

22.178 
7.358 
5.006 
5.719 

92.944 
5.978 

569 

1.768 
614 
190 
74 
539 
696 

1.002 
162 
649 
447 
628 
201 

2.223 
559 
101 
583 
681 
855 
145 
430 
773 

1.039 
183 
256 
834 
651 
358 
210 

1.122 

1.322 
815 
240 

2.820 
970 
777 
414 
402 

1.360 
537 
355 
474 
979 
267 
668 

1.258 

93 

328 

87 

1.180 
432 

1.439 
434 
718 

1.909 
572 

1.024 
367 

9.333 
547 
453 

4.376 
193 
546 
234 
194 

2.549 
628 
954 
750 
328 
251 
15.651 
766 

48.944 
64.476 
55.918 
15.933 
18.833 
25.794 
50.498 
39.495 
28.088 
26.956 
38.725 
63.834 
10.734 
63.615 
47.819 
31.057 
43.143 
53.044 
49.181 
46.082 
32.023 
43.463 
76.238 
37.397 
57.523 
42.460 
38.479 
35.248 
33.726 
85.854 
47.566 
48.781 
27.511 
80.739 
46.788 
84.756 
35.747 
36.066 
75.218 
36.565 
34.496 
35.793 
82.536 
35  292 
81.070 
49.071 
29.145 
29.906 
21.489 
58.039 
63.106 
53.682 
29.077 
42.673 
53.116 
33.407 
60.775 
45.969 

252.496 
48.443 
37.569 

125.895 
64.933 
52.167 
28.637 
28.250 
80.037 
36.016 
87.319 
46  769 
37.359 
41.089 

295  463 
42.852 

46.733 
67.609 
58.099 
16.037 
17.809 
25.272 
53.887 
40.334 
28.420 
25.681 
40.575 
60.687 
11.128 
70.150 
47.702 
33.048 
40.027 
56.505 
50.447 
43.505 
38.110 
42.449 
92  834 
45.235 
66.207 
39.653 
35.256 
37.269 
34.203 

100.711 
51.619 
47.562 
28.375 
79.680 
49.187 
91.381 
38.957 
37.572 
65.988 
37.841 
50.575 
35.720 
90.859 
41.722 
86.293 
47.959 
30.260 
31.456 
18.850 
62.133 
63.652 
47.314 
31.476 
45.599 
51.892 
32.949 
76.374 
48.709 

250.017 
46,333 
41.270 

121.223 
66  868 
55.192 
29.298 
27.815 
75.732  ' 
36.356 
95.695 
46.172 
35.549 
40.011 

278.332 
42.039 

Allier ' 

Alpes  (Basses-) [ 

Alpes  (Hautes-) * 

Alpes-Maritimes 

Ardéche 

Ardenncs  

Ariège 

Aube 

Aude 

Aveyron 

Belfort  (Territ.  de) 

Bouches-du-Rhôn(> 

Calvados 

Cantal 

Charente 

Charente-Inférieur(> 

Cher 

Corrèze 

Corse 

Côte-d'Or 

Côtes-du-Nord 

Creuse  

Dordogne  

Doubs  

Drôme 

Eure  .... 

Eure-et-Loir 

Finistère 

Gard  .... 

Garonne  (Haute-j 

Gers 

Gironde 

Hérault 

Ille-et-Vilaine 

Indre  

Indre-et-Loire 

Isère  

Jura 

Landes 

Loir-et-Cher 

Loire 

Loire  (Haute-) 

Loir(;-Inférieure 

Loiret 

Lot 

Lot-et-Garonne 

Lozère  

Maine-et-Loire 

Manche 

Marne 

Marne  (Haute-^ 

Mayenne 

M(nirthe-et-Mosell(> 

M(^use 

Morbihan 

Nièvre 

Nord 

Oise 

Orne 

Pas-de-Calais •   .  .  . 

Puy-de-Dôme 

Pyrénées  (Basses-) 

Pyrénées  (Hautcîs-) 

Pyrénées-Orientales 

Rhône 

Saône  (Haute-) 

Saône-et-Loire              ,      .  . 

Sarthe 

Savoie 

Savoie  (Haute-).  .  .         .  .  .  . 

Seine.   .  .               .               .  .  . 

Seine-et-Marne 

A  reporter 

1.704.226 

1.395.306 

3.099.532 

267.064 

526.091 

793.155 

78.566 

3.971.253 

4.075.438 

GRANDE   ENCYCLOPEDIE. 


—  XV. 


71 


ENSEIGNEMENT  . 


—  4122  — 


i 


DÉPARTEMENTS 


Report. 


Soine-et-Oiso  .  .  , 
Seine-Inférieure^  , 
Sèvres  (Deux-) .  . 

Somme 

Tarn 

Tarn-et-Garonne 

Var 

Vaucluse 

Vendée   

Vienne 

Vienne  (Haute-    , 

Vosges '.  . 

Yonne  


Totaux  pour  la  France 


Alger 

Constantine  , 
Oran 


Totaux  pour  TAIg-érie.  . 
Totaux  généraux  (1888-89) 


ENFANTS     DE    SIX    A    TREIZE    ANS 


DANS  LES  ECOLES  PUBLIQUES 


Garçons 


1.704.226 

31.150 
45.334 
20.406 
27.947 
19.313 

8.755 
11.015 

8.939 
26.658 
19.430 
23.228 
25.077 
18.985 


1.990.413 


12.917 

9.058 
11.902 


33.877 


2.024.290 


Fille 


1.395.306 

24.506 

39.863 

15.089 

24.889 

14.547 

6.192 

8.678 

7.994 

18.934 

12.156 

17.979 

24.172 

15.892 


1.6. 6.197 


7.952 
5.863 
8.425 


22.240 


1.648.437 


Total 


3.099.532 

55.656 
85.197 
35.495 
52.836 
33.860 
14.947 
19-693 
16  933 
45.592 
31.586 
41.207 
49  249 
34  827 


3.616.610 


20  869 
14.921 
20.327 


56.117 


3.672.727 


DANS  LES  ECOLES  PRIVEES 


Total 


Garçons 

Filles 

267.064 

526.091 

4.373 

11.581 

6.089 

13.133 

2.555 

6.923 

1.786 

5.533 

2.004 

6.092 

1.494 

3.879 

2.616 

5.052 

3.301 

4.509 

4.273 

10.919 

2.859 

7.969 

2.530 

5.203 

1.365 

2.538 

877 

4.411 

303.186 

613.833 

1.373 

2.708 

423 

1.495 

7.^9 

1.554 

2.525 

5.  757 

305.711 

619.590 

793.155 

15.954 

19.222 

9.478 

7.319 

8.096 

5  373 

7.668 

7.810 

15.192 

10.828 

7.733 

3.903 

5.288 


917.019 


4  081 
1.918 
2  283 


8.282 


925.301 


78.566 

2.124 

1.995 
341 
886 
453 
229 
609 
509 
717 
559 
622 

1.071 
309 


88.990 


1  531 
1.118 
1.551 


4.200 


93.190 


o  «5 


Z    7J  Sh  ^ 

Pu  «  c:  k? 

^    W^  MO 


S]  t*  ^ci 


3.971.253 

73.734 
106.414 
45.314 
61.041 
42.409 
20.549 
27.970 
25.252 
61.501 
42.973 
49.562 
54.223 
40.424 


4.622.619 


26.481 
17.957 
24.161 


68.599 


4.691.218 


4.075.438 

75.717 
106.131 
43.746 
63.700 
43.572 
22.302 
27.913 
26.256 
54.281 
42.671 
54.291 
53.210 
40.283 


4.729.511 


adultes.  U enseignement  comprend  dans  la  division  élémen- 
taire le  programme  de  l'école  primaire  ;  dans  la  division 
supéiieure,  il  est  plus  compréhensif.  —  En  Danemark,  en 
Suède,  les  communes  entretiennent  des  cours  d'adultes  où 
l'instituteur  repasse  les  matières  de  l'enseignement  pri- 
maire. —  En  Espagne,  on  a  beaucoup  décrété,  mais  peu 
fondé  de  cours  d'adultes  le  soir  ou  le  dimanche.  —  En 
Portugal,  ce  sont  des  cours  du  soir  qui  donnent  lieu  à  la 
délivrance  d'un  diplôme,  après  examen.  —  Aux  Pays-Bas, 
les  écoles  de  répétition  ou  du  dimanche  existent  dans  beau- 
coup de  communes.  —  En  Italie,  on  a  institué  en  4862, 
développé  après  4866  les  cours  d'adultes  que  l'Etat  sub- 
ventionne. —  Aux  Etats-Unis,  les  classes  d'adultes  sont 
assez  peu  nombreuses,  sauf  dans  les  grandes  villes  ;  mais 
elles  sont  florissantes  :  ce  sont  des  écoles  du  soir  ;  les 
classes  de  dessin  sont  les  plus  suivies  avec  celles  des  écoles 
dites  supérieures  dont  le  programme  scientifique  répond  à 
celui  des  écoles  primaires  supérieures  de  la  ville  de  Paris. 
La  conclusion  que  nous  pouvons  tirer  de  cette  revue,  c'est 
que  l'enseignement  complémentaire  des  adultes  n'est  une 
nécessité  que  dans  le  pays  où  l'enseignement  primaire  est 
encore  insuffisant.  Dans  les  autres,  il  devrait  être  surtout 
un  enseignement  populaire  supérieur  comme  celui  organisé 
à  THôtel  de  Ville  par  le  conseil  municipal  de  Paris,  ou  en 
Angleterre  par  le  personnel  des  universités.  Les  conférences 
répondent  à  ce  besoin,  mais  sans  avoir  l'efficacité  des  cours 
proprement  dits. 

Statistique.  —  Le  premier  élément  de  la  statistique  de 
l'enseignement  primaire,  c'est  la  population  d'âge  scolaire 
de  la  France.  Au  sens  strict  des  mots,  elle  ne  comprend 
que  les  enfants  de  6  à  43  ans  révolus  qui  sont  obligés 
de  fréquenter  une  école,  à  moins  qu'il  ne  soit  prouvé  qu'ils 
reçoivent  l'instruction  dans  leur  famille  ou  qu'ils  n'aient 
obtenu  le  certificat  d'études  primaires.  Mais  on  y  ajoute 
les  enfants  de  4  à  6  ans  qui  fréquentent  les  écoles 
maternelles;   ceux  de  2  à  4  ans  qui  sont  admis  dans 


ces  écoles  ;  enfin  les  enfants  de  43  à  4(i  ans  dont  une 
fraction  fréquente  à  un  titre  quelconque  les  écoles  pri- 
maires. Les  enfants  de  6  à  43  ans  révolus,  soumis 
à  l'obligation  scolaire,  étaient  en  4884  au  nombre  de 
4,586,349  ;  en  4886,  au  nombre  de  4,729,544.  En  voici 
la  répartition  : 

De  6  ans  révolus  à  7  ans  révolus. .     679.467    enfants. 


6  ans  révolus 

à  7  ans 

révolus . . 

679.467 

7          - 

8 

,  _ , 

677.656 

8          - 

9 



676.570 

9          - 

40 

— 

675.566 

40          - 

44 

— 

686.386 

44          - 

42 

—      . . . 

661.472 

42          - 

43 

—      . . . 

672.394 

Le  rapport  à  la  population  totale  était  de  42,4  '^/o 
en  4886  ;  de  42,2  «/^  en  4884.  Il  était  maximum  dans  le 
dép.  des  Landes,  où  il  atteignait  16,7  «/o  ;  minimum  dans 
celui  de  la  Seine,  où  il  s'abaissait  à  9,4  %.  On  comptait 
sur  le  total  2,375,457  garçons  et  2,354,054  filles. 

Les  enfants  de  4  à  6  ans  révolus  étaient  4,383,443, 
dont  691,504  garçons  et  694,609  filles;  ceux  de  2  à 
4  ans  étaient  4,434,894.  Enfin  ceux  de  43  à  46  ans  étaient 
4,947,465,  dont  984,409  garçons  et  966,056  filles. 
L'ensemble  des  trois  groupes  de  population  scolaire  était 
en  4886  de  8,059,789  enfants,  soit  24,09  «/o  de  la  popu- 
lation totale  de  la  France  ;  la  proportion  s'élevait  à  28,36  «/o 
dans  les  Landes,  à  26  o/o  dans  la  Creuse,  puis  venaient  : 
Saône-et-Loire,  Loire,  Nord,  Haute-Vienne,  Côtes-du- 
Nord,  Ille-et- Vilaine  ;  en  revanche,  la  proportion  s'abaissait 
à  46,43  «/o  dans  la  Seine;  le  Var,  le  Rhône,  l'Aube,  le 
Lot-et-Garonne,  le  Gers  et  l'Eure  sont  aussi  très  au- 
dessous  de  la  moyenne. 

La  densité  de  la  population  d'âge  scolaire  (de  6  à  43  ans) 
est  d'environ  9  enfants  par  kil.  q.  La  Seine  en  compte  584, 
le  Nord  44  ;  au  dernier  rang  est  le  dép.  des  Basses-Alpes, 
qui  n'en  a  que  2  par  kil.  q.  La  population  scolaire  moyenne 


—  11^3 


ENSEIGNEMENT 


par  commune  est  de  131  enfants  de  6  à  13  ans,  223  de 
4  à  16  ans  (Y.  les  tableaux  des  pp.  1121  et  1122). 

Si  nous  passons  maintenant  aux  moyens  d'instruction, 
nous  constatons  que  l'on  comptait,  en  1887,  456  inspec- 
teurs primaires,  soit  1  par  1,159  kil.  q.  pour  146  écoles 
primaires  publiques,  211  classes  et  213  maîtres  de  ces 
écoles  ou,  pour  189  écoles  de  toute  nature,  286  classes  et 
319  maîtres  et  maîtresses.  Les  inspections  les  plus  fortes 
sont  celles  de   Marseille  (860  et  579  classes),  de  Lille 


(829  et  701  classes),  de  Valenciennes  (644  classes),  de 
Rouen  (634  classes),  de  Courbevoie-Neuilly  (630)  ;  les 
moins  fortes  sont  celles  de  Loudun  (118  classes),  de  Cas- 
teilane  (120)  et  de  Sisteron  (127). 

Les  écoles  maternelles,  qui  correspondent  aux  anciennes 
salles  d'asile,  ont  été  en  progression  rapide  jusqu'en  i  886  ; 
en  1837,  on  en  comptait  en  France  251  ;  en  1850  1,737  ; 
en  1866,  3,689  ;  en  1881-82,  5,052  ;  en  1888-89,  5,31 2. 
Le  personnel  dirigeant  comprenait  en  1888-89  :  pour  les 


DEPARTEMENTS 


Ain 

Aisne  

Allier 

Alpes  (Basses-)  . 
Alpes  (Hautes-)  . 
Alpes-Maritimes. 

Ardéche 

Anciennes 

Ariége 

Aube 

Aude 

Aveyron 

Belfort  (Territ.de) 
Bouches-du-Rli  . 

Calvados 

Cantal 

Charente 

Charente-Infér.   . 

Cher 

Corrèze 

Corse 

Côte-d'Or 

Côtes-du-Nord  ,  . 

Creuse 

Dordogne 

DouHs  

Drôme 

Eure 

Eure-et-Loir  .  .  . 

Finistère 

Gard 

Garonne  (Haute-) 

Gers 

Gironde 

Hérault 

llie-et-Vilaine  .  . 

Indre 

Indre-tt-Loire  .  . 

Isère 

Jura 

Landes 

Loir-et-Cher.  .  .  . 

Loire 

Loire  (Haute-)  .  . 
Loire-Inférieure  . 

Loiret 

Lot 

Lot-et-Garonne.  . 

A  reporter.  .  . 


ENFANTS  REÇUS  DANS  LES  ÉCOLES 
maternelles,  publiques  et  privées. 


TOTAL    DES  INSCRITS 


2.543 
4.4G6 
2.724 

756 

422 
2.249 
2.337 
3.626 

901 
1.857 
1.982 
3.032 
1.052 
8.070 
1.856 

561 
1.835 
3.181 
3.045 

992 

996 
2.821 
2.744 

658 
1.317 
2.873 
2.338 
1.143 
1.5(Jl 
4.365 
5.454 
3.529 

959 
8.116 
5.978 
2.546 
1.841 
2.446 
4.189 
2.542 
1.246 
2.199 
8.675 
1,842 
3.515 
4.013 

733 
1.524 


2.762 
4.656 
2.513 

769 

390 
2.443 
2.450 
3.821 

961 
1.578 
2.079 
3.290 
1.025 
7.625 
1.594 

465 
1.732 
3.250 
3.022 

969 
1.380 
2.844 
2.989 

664 
1.353 
2.749 
2.487 
1.014 
1.443 
4.254 
5.712 
3.778 

928 
7.288 
5.821 
2.854 
1.940 
2.185 
4.606 
2.756 
1.271 
2.099 
8.865 
2.083 
3.365 
3.980 

813 
1.588 


5.305 
9.122 
5.237 
1.525 
812 
4.692 
4.7<^7 
7.447 
1.862 
3.435 
4.061 
6.322 
2.077 

15.695 
3.450 
1.026 
3.567 
6.431 
6.067 
1.961 
2.376 
5.665 
5.733 
1.322 
2.670 
5.622 
4.825 
2.157 
2.944 
8.619 

11.166 
7.307 
1.887 

15.404 

11.799 
5.400 
3.781 
4.631 
8.795 
5.298 
2.517 
4.298 

17.540 
3.925 

6  880 

7  993 
1.546 
3.112 


129.590  201.403  330. 9d3  105.938  155.181 


SUR    CE   TOTAL 

combien 
d'inscrits  dans 

les  écoles 
maternelles. 


1.466 
4.263 
3.222 

345 

» 
1.224 
1.683 
3.156 

612 
1.896 
1.212 

382 
1.381 
8.876 

900 

274 

401 
2.904 
3.034 
1.223 

795 
2.730 

651 

299 
1.139 
3.606 
2.010 
1.298 
1.352 
3.466 
4  148 
2.274 

134 
7.460 
7.198 
1.095 
1.212 
1.660 
4.278 
3.157 

279 
2.163 
8.099 

311 
2  263 
2.248 

401 

742 


3.839 
4.859 
2.015 
1.180 

812 
3.468 
3.101 
4.291 
1  250 
1.539 
2.849 
5.940 

696 
6.819 
2.550 

752 
3.166 
3  527 
3.033 

738 
1.581 
2.935 
5.082 
1.023 
1.531 
2.016 
2.815 

859 
1.592 
5.153 
7.018 
5. 033 
1.753 
7.944 
4.601 
4.305 
2.569 
2.971 
4.517 
2.141 
2.238 
2.135 
9.441 
3.614 
4.617 
5.745 
1.115 
2.370 


DEPARTEMENTS 


Report.  .  .  . 

Lozère 

Maine-et-Loire  .  . 

Manche 

Marne 

Marne  (Haute-).  . 
Mayenne.  ..... 

Meurthe-et-xMos. . 

Meuse 

Morbihan 

Nièvre 

Nord 

Oise 

Orne 

Pas-de-Calais  .  . 
Puy-de-Dôme .  .  . 
Pyr.  (B'isses-) .  . 
Pry.  (Hautes-)  .  . 
Pyr.-Orientales   . 

Rhône  

Saône  (Haute-).  . 
Saône-et-Loire.  . 

Sarthe 

Savoie 

Savoie  (Haute-)  . 

Seine 

Seine-et-Marne.  , 
Seine-et-Oise.  .  . 
Seine-Inférieure  . 
Sèvres  (Deux-).  . 

Somme 

Tarn 

Tarn-et-Garonne. 

Var 

Vaucluse 

Vendée  

Vienne 

Vienne  (Haute-.. 
Vosges  ...... 

Yonne  

Totaux  pour    la 
France.   .  . 

Alger 

Constantine .... 

Oran 

Totaux  pour  l'Al- 
gérie  

Totaux  généraux. 


ENFANTS  REÇUS  DANS  LES  ÉCOLES 

maternelles,  publiques   et  privées. 


TOTAL  DES  INSCRITS 


m 

c 

m 

o 

O) 

^ 

03 

fe 

O 

129.590 

201.403 

575 

625 

4.845 

4.864 

2.446 

2.061 

6.312 

5.999 

2.239 

2.215 

1.992 

2.073 

6.909 

7.090 

3.092 

3.190 

3.838 

3.92 

2.084 

2.092 

38.152 

41.897 

3.111 

3.078 

1.444 

1.370 

12.627 

13.377 

1.607 

1.960 

3.135 

2.982 

1.248 

1.274 

1.660 

1.632 

10.643 

10.278 

2. 416 

2.425 

4  761 

4.905 

2.692 

2.531 

1.115 

1.145 

794 

859 

41.593 

38.692 

3.325 

3.394 

8.253 

8.182 

8.100 

8.053 

1.876 

1.805 

3.510 

3.527 

2.216 

2.260 

1.568 

1.441 

3.710 

3.754 

2.528 

2.162 

2.734 

2.912 

2.381 

2.158 

2.242 

2.076 

4.820 

5.243 

2.472 

2.479 

330.993 

1.200 
9.709 
4.507 

12  341 
4.454 
4.065 

13.999 
6.282 
7.758 
4.176 

80.049 
6.189 
2.814 

26.004 
3  567 
6.117 
2.522 
3.292 

20.921 
4.841 
9.666 
5.223 
2.260 
1.653 

80.285 
6.719 

16.435 

16.153 
3.681 
7.037 
4.476 
3.009 
7.464 
4.690 
5.646 
4.539 
4.318 

10.063 
4.951 


SUR   CE   TOTAL 

combien 
d'inscrits  dans 

les  écoles 
maternelles. 


340.685  342.483 


4.684 
2.770 
4.085 


11.539 


352.224 


4.84:) 
3.205 
4.770 


12.815 


355.298 


105.938 

73 
2.541 
1.558 
6.573 
1.495 

642 
5.494 
1.409 
1.900 
1.316 
30.491 
2.497 

622 
12.777 

323 
1.551 

175 
2.246 
10.742 
2.223 
2.279 
1.659 

548 

379 
65.001 
2  029 
7.365 
9.143 
1.672 
2.691 

707 
1.007 
5.529 
2.231 

851 

868 
2.857 
3.264 
1.960 


683.168 


9.524 
5.975 
8.8.55 


24.354 


707.522 


155.181 

1.127 
7.168 
2.949 
5.768 
2.959 
3.423 
8.505 
4.873 
5.858 
2.860 

49.558 
3.692 
2.192 

13.227 
3.244 
4.566 
2.347 
1.046 

10.179 
2.618 
7.387 
3.564 
1,712 
1.274 

15.284 
4.690 
9.070 
7.010 
2.009 
4.346 
3.769 
2.002 
1.935 
2.459 
4.795 
3.671 
1.461 
6.799 
2.991 


303.610 


i  .523 
3.126 

6.188 


14.837 


318.447 


379.558 


4.001 
2.849 
2.667 


9.517 


389.075 


écoles  maternelles  publiques,  1,644  directrices  et  1,840 
sous-directrices  laïques,  et  1,010  directrices  et  606  sous- 
directrices  congréganistes  ;  soit  3,488  laïques  et  1,61 6  con- 
gréganistes  ;  pour  les  écoles  privées,  215  directrices  et 
78  sous-directrices  laïques,  2,412  directrices  et  737  sous- 
directrices  congréganistes;  soit  323  laïques  et  3,149  con- 
gréganistes; en  tout,  3,811  laïques  et  3,755  congréga- 
nistes. Quant  aux  élèves,  on  en  comptait  464,110  dans 
les  écoles  publiques  (305,557  laïques  et  158,553  congré- 


ganistes) et  243,412  dans  les  écoles  privées  (12,890  laïques 
et  230,552  congréganistes),  soit  un  total  de  707,522  en- 
fants dont  318,447  confiés  aux  institutrices  laïques  et 
379,075  aux  congréganistes  (V.  le  tableau  ci-dessus). 

Le  total  des  écoles  primaires  élémentaires  et  supérieures 
(mais  non  compris  les  écoles  maternelles),  publiques  et 
privées,  laïques  et  congréganistes,  était  en  1  §88-89  de 
81,671  dont  67,340  écoles  publiques  et  14,331  écoles 
privées.  Si  Ton  compare  ces  chiffres  à  ceux  de  1881-82, 


ENSEIGNEMENT 


—  11-24 


DÉPARTEMENTS 


Ain 

Aisne 

Allier 

Alpes  (Basses-)  .  .  . 
Alpes  (Hautes-) .  .  . 
Alpes-Maritimes  .   .  . 

Ardèche 

Ardennes 

Ariège 

Aube 

Aude 

Aveyron 

Belfort  (Territoire  de) 
Bouches-du-Rhône  .  . 

Calvados 

Cantal 

Charente 

Charente-Inférieure.  . 

Cher 

Corrèze  

Corse 

Côte-dU^ 

Côtes-du-Nord .  .  .  . 

Creuse 

Dordogne  

Doubs 

Drôme 

Eure 

Eure-et-Loir 

Finistère 

Gard 

Garonne  (Haute-)  .  . 

Gers 

Gironde 

Hérault 

Ille-et-Yilaine.  ,  .  . 

Indre  

Indre-et-Loire.   ,  .  . 

Isère  

Jura 

Landes  

Loir-et-Cher 

Loire 

Loire  (Haute-).  .  .  . 

Loire-Inférieuro .   .   . 

Loiret 

Lot 

Lot-et-Garonne  .  .  . 

Lozère  

Maine-et-Loire  .  .  . 

Manche 

Marne 

Marne  (Haute-)  .  .  . 

Mayenne 

Meurthe-et-Moselle.  . 

Meuse 

Morbihan 

Nièvre 

Nord     

Oise,  .  .  , 

Orne 

Pas-de-Calais 


ÉCOLES    PUBLIQUES 


de 

garçons 


A  reporter. 


324 
347 
294 
131 
163 
133 
274 
221 
201 
157 
203 
475 
51 
192 
317 
217 
333 
350 
244 
250 
238 
262 
278 
227 
420 
323 
244 
199 
209 
319 
257 
287 
232 
401 
266 
248 
190 
234 
490 
280 
236 
206 
304 
255 
235 
233 
313 
234 
115 
347 
434 
248 
244 
241 
314 
311 
201 
239 
665 
284 
264 
491 

16.897 


de 
tilles 


198 
221 
232 
111 
121 
105 
134 
162 
159 
107 
186 
223 
32 
161 
195 
197 
317 
312 
170 
219 
223 
170 
147 
218 
338 
208 
185 
103 
141 
207 
209 
215 
199 
342 
232 
71 
136 
137 
341 
231 
161 
158 
143 
179 
128 
161 
162 
218 
88 
91 
251 
178 
84 
38 
132 
125 
93 
178 
483 
202 
117 
348 

11.331 


229 

552 

61 

323 
248 
112 
176 
338 
317 
303 
268 
179 

54 

32 
300 
230 
128 
154 

73 
161 
258 
495 

83 

75 
262 
311 
237 
351 
217 

49 
184 
359 
277 
120 
159 

30 

81 

84 
222 
381 
122 
122 

92 
224 

13 
125 
104 
137 
502 

31 
150 
442 
298 

26 
318 
279 

54 
106 
123 
465 
203 
475 

12.884 


Total 


751 
1.120 
587 
565 
532 
350 
584 
721 
677 
567 
657 
877 
137 
385 
812 
644 
778 
816 
487 
630 
719 
927 
508 
520 
1.020 
842 
666 
653 
567 
575 
650 
861 
708 
863 
657 
349 
407 
455 
1.053 
892 
519 
486 
539 
658 
376 
519 
579 
589 
705 
469 
835 
868 
626 
305 
764 
715 
348 
523 
1.271 
951 
584 
1.314 

41.112 


CONGREGANISTES 


de 
garçons 


4 
5 
2 
5 

4 

31 

3 


40 
» 
3 
1 

10 
» 
1 
» 
1 
2 
» 

55 
1 
» 
3 

11 
3 
2 
2 

11 
5 
4 
6 
5 

58 
1 
2 

30 
4 
5 
» 

48 

18 

23 
1 
7 
» 

20 

15 

11 
3 
5 
8 
1 
4 

13 
» 

17 

1 

5 

4_ 

526 


de 
filles 


mixtes 


115 
112 

48 

21 

42 

24 

150 

61 

35 

42 

12 

251 

19 

24 

95 

22 

10 

36 

55 

28 

11 

91 

172 

4 

70 

104 

68 

71 

38 

99 

68 

48 

21 

66 

27 

159 

39 

84 

158 

53 

62 

21 

190 

14 

87 

64 

128 

10 

41 

200 

184 

68 

152 

197 

175 

187 

96 

35 

163 

68 

134 

98_ 

5.027 


» 
3 
» 

69 
» 
3 


39 
6 
5 

12 
» 
» 
3 


37 
» 

11 
2 
4 

12 
» 
6 

12 
7 
» 
3 
» 

46 
» 
9 
5 
1 
» 
1 

23 
9 
1 
2 
7 
» 
6 

23 

82 
1 
» 

17 
3 
» 

40 
1 
1 
» 

33 
i_ 

549 


Total 


121 

117 

51 

26 

45 

28 

250 

64 

38 

42 

14 

330 

25 

32 

108 

32 

10 

40 

55 

29 

13 

91 

264 

5 

81 

109 

83 

86 

40 

107 

91 

60 

25 

75 

32 

263 

40 

95 

193 

58 

67 

22 

261 

41 

111 

67 

142 

10 

67 

238 

277 

72 

157 

222 

179 

191 

149 

36 

181 

69 

172 

103 

6.112 


1 


TOTAL 

des 

écoles 

publiques 


872 
1.237 
638 
591 
577 
378 
834 
785 
715 
609 
671 

1.207 
162 
417 
920 
676 
788 
856 
542 
659 
732 
018 
772 
525 

1.101 
951 
749 
739 
607 
682 
741 
921 
733 
938 
689 
612 
447 
550 

1.246 
950 
586 
508 
800 
699 
487 
586 
721 
599 
772 
707 

1.112 
940 
783 
527 
943 
906 
497 
559 

1.452 

1.020 
756 

1.417 


47.224 


—  1125 


ENSEIGNEMENT 


DÉPARTEMENTS 

ÉCOLI 

:s  PUB 

c 

de 
garçons 

LIQUES 

T  0  TA  L 

des 

écoles 

publiques 

de 
garçons 

LAÏQ 

de 
filles 

UES 

mixtes 

Total 

G  N  G  R  É  G 

de 
filles 

A  N  I  s  T  E  s 

mixtes 

Total 

Report 

Puy-de-Dôme 

Pyrénées  (Basses-).  .  . 
Pyrénées  (Hautes-),  .   . 
Pyrénées-Orientales  .   . 
Rhône 

46.897 

415 

318 
277 
141 
284 
357 
429 
307 
281 
294 
302 
241 
346 
465 
287 
382 
223 
162 
438 
134 
312 
247 
220 
340 
259 

11.331 

327 
202 
234 
137 
172 
263 
332 
161 
238 
229 
269 
186 
263 
202 
237 
205 
153 
134 
130 
96 
189 
170 
182 
188 
220 

12.884 

239 

357 

235 

114 

31 

331 

180 

66 

311 

222 

12 

319 

358 

315 

141 

521 

295 

113 

39 

60 

55 

87 

91 

355 

300 

41.112 

981 
877 
746 
392 
487 
951 
941 
534 
830 
745 
583 
746 
967 
982 
665 
1.108 
673 
409 
307 
290 
556 
504 
493 
883 
779 

526 

17 

3 

2 
» 

25 
2 
3 
4 
4 
5 
» 
1 
4 
5 
1 
3 

17 
2 
1 
2 
8 
2 
» 
» 
» 

637 

5.027 

67 

76 

28 

2 

122 
92 
69 

129 
41 
45 
11 
43 
50 

230 
32 

147 
63 
22 
6 
38 
96 
37 
33 

158 
28 

549 

6 
1 

» 
» 

14 
2 
6 

21 
» 
1 
» 
1 
1 
» 
1 
» 
9 
4 
1 
2 
2 
2 
» 
2 
» 

6.112 

90 

80 

30 

2 

161 
96 
78 

154 
45 
51 
11 
45 
55 

235 
34 

150 

89 

28 

8 

42 

106 
41 
33 

160 
28 

47.224 

1.071  , 
957 
776 
394 
648 

1.047 

1.019 
688 
875 
796 
594 
791 

1.022 

1.217 
699 

1.258 
762 
437 
315 
332 
682 
545 
526 

1.043 
807 

Saône  (Haute-)  .... 
Saône-el-Loire  .... 

Sarthe 

Savoie . 

Savoie  (Haute-)  .... 
Seine 

Seine-et-Marne 

Seine-et-Oise 

Seine-Inférieure  .... 
Sèvres  (Deux-)  .... 

Somme 

Tarn 

Tarn-et-Garonne .... 
Var 

Vaucluse 

Vendée  ........ 

Vienne 

Vienne  (Haute-).  . 

Vosges  

Yonne 

Totaux  pour  la  France. 
Alo-er 

24.058 

16.452 

18.031 

58.541 

6.692 

625 

7.954 

66.495 

144 

89 
95 

80 
37 
71 

83 

109 

80 

307 
235 

246 

1 

» 
» 

22 

20 

8 

5 
1 

» 

28 
21 

8 

335 
256 
254 

Constantine 

Oran 

Totaux  pour  l'Algérie. 
Totaux  généraux  (1888-89). 

328 

188 

272 

788 

1 

50 

6 

57 

845 

24.386 

16.640 

18.303 

59.329 

638 

6.742 

631 

8.011 

67.340 

DÉPARTEMENTS 

ECO 

LES    PB 

lIVÉES 

de 
garçons 

LAÏC 

de 
filles 

iUES 

mixtes 

Total 

( 

DON  G  R  É( 

3  A  N  I  s  T  i: 

s 

TOTAL 

des  écoles 
privées 

de 
garçons 

de 
filles 

mixtes 

Total 

Ain.  ...  

2 
11 
9 
» 
» 
7 
1 
2 
1 
3 
6 
8 
1 
62 
5 
3 
9 
6 
5 

8 

24 

12 

2 

» 

30 

5 

7 

4 

14 

34 

7 

3 

124 

19 

7 

35 

42 

9 

3 

10 
1 
1 

2 
1 
1 

1 

» 
1 

2- 
13 
» 
7 
2 
8 
2 
» 
1 

13 
45 

22 
3 
2 
38 
7 
10 
5 

18 
42 
28 
4 
193 
26 
18 
46 
48 
15 

24 
14 
25  ' 

7 

5 

5 
59 

6 

9 

8 
17 
27 

2 

63 
10 
27 

5 

15 
14 

120 
70 

130 
33 
13 
39 

143 
35 
38 
51 
89 

111 
12 

187 
77 
38 
66 
93 
81 

1 

2 
4 
3 
2 
2 

10 
» 
» 
» 
1 
6 
4 
6 
6 
3 
» 
» 
1 

145 
86 

159 
43 
20 
46 

212 
41 
47 
59 

107 

144 
18 

256 
93 
68 
71 

108 
96 

158 
131 
181 

46 

22 

84 

219 

51 

52 

77 

149 

172 

22 

449 

119 

86 

117 

156 

111 

Aisne.  ........ 

Allier 

Alpes  (Basses-)  .  .  .  . 
Alpes  (Hautes-).  .  .  . 
Alpes-Maritimes.  .  . 

Ardèche 

Ardennes  

Ariège 

Aube 

Aude 

Aveyron 

Belfbrt  (Territoire  de).. 
Bouches-du-Rhône.  .  . 

Calvados 

Cantal 

Charente 

Charente-Inférieure  .  . 
Cher 

A  reporter.  .  .  . 

141 

1.386 

56 

583 

342 

1.426 

51 

1.819 

2.402 

ENSEIGNEMENT 


—  4126  — 


DEPARTEMENTS 


Report.  .  . 

Corrèze  

Corse 

/lôte-d'Or 

Côtes-du-Nord.  .  . 

Creuse  

Dordogne  

Doubs 

Drôme 

Eure 

Eure-et-Loir  .  .  . 

Finistère  

Gaid 

Garonne  (Haute-)  . 

Gers 

Gironde 

Hérault 

lile-et- Vilaine .  .  . 

Indre  

Indre-et-Loire.  .  . 

Isère  

Jura 

Landes  

Loir-et-Cher. .  .  . 

Loire 

Loire  (Haute-).  .  . 
Loire-Intërieure  ,  . 

Loiret 

Lot 

Lot-et-Garonne  .  . 

Lozère 

Maine-et-Loire  .  . 

Manche  

Marne 

Marne  (Haute-)  .  . 

Mayenne 

Meurthe-et-Moselle 

Meuse 

Morbihan 

Nièvre 

Nord 

Oise 

Orne 

Pas-de-Calais .  .  . 
Puy-de-Dôme  .  .  . 
Pyrénées  (Basses-). 
Pyrénées  (Hautes-). 
Pyrénées-Orientales 

Rhône 

Saône  (Haute-)  .  . 
Saône-et-Loire.  .  . 

Sarthe 

Savoie 

Savoie  (Haute-)  .  . 

Seine 

Seine-et-Marne  .  . 
Seine-et-Oise  .  .  . 
Seine-Inférieure .  . 
Sèvres  (Deux-)   .  . 

Somme 

Tarn , 

Tarn-et-Garonne.  .  , 
Var. 


ECOLES    PRIVÉES 


de 
garçons 


A  reporter.  . 


Ui 
1 

3 

6 

[ 

» 

5 

3 

2 

4 

4 

5 

14 

10 

7 

13 

25 

2 

5 

11 

9 
O 

2 
2 
2 
9 
» 
6 
6 
3 
3 
1 
4 
4 
6 
4 
2 

12 
2 
3 
4 

28 

10 
3 

21 
5 
9 
7 
4 

53 
2 

13 
3 
» 
» 
191 
8 

33 

23 

vl 

9 
11 

2 
11 

"^787" 


de 
filles 


386 

1 

13 
25 

8 

6 
20 
11 
13 
12 
13 
30 
62 
70 
25 
94 
96 
11 
11 

9 
18 
12 

3 

9 
28 

» 
34 
20 

7 
20 

3 
10 
10 
16 

7 

6 
20 

8 
31 

9 
31 
24 

4 
47 
17 
28 
13 
32 
92 

5 
31 
11 

9 

1 
556 
21 
76 
48 
13 
24 
25 

5 
45_ 

2.315 


56 

4 
6 
» 
3 
1 
» 
6 
3 
4 
» 
2 
2 
4 
4 
4 
7 
4 
1 
» 
4 
2 
2 


2 
1 

11 
2 
8 
» 
2 
2 
3 
1 
4 
2 
4 
» 
9 
8 
1 
1 
2 
7 
6 
3 

10 
1 
5 
» 
1 
2 
197 
2 

12 

25 


8 
2 
9 

477 


Total 


583 
6 
22 
31 
12 
7 
25 
20 
18 
20 
17 
37 
78 
84 
36 

m 

98 
17 
17 

20 
25 
16 

7 
11 
38 

» 
42 
27 
21 
25 
12 
14 
16 


CONGREGANISTES 


de 
garçons 


342 

14 

1 

13 
12 

7 

11 

6 

31 

6 

4 

30 

47 

30 

17 

42 

38 

55 

4 

9 

57 

12 

7 

6 

75 

32 

46 

11 

10 

17 

9 

38 

21 


24 

21 

14 

7 

9 

12 

36 

16 

12 

9 

38 

42 

13 

11 

68 

79 

42 

9 

8 

8 

69 

45 

24 

48 

44 

20 

26 

5 

39 

12 

155 

103 

8 

9 

49 

35 

14 

9 

10 

20 

3 

21 

944 

85 

31 

6 

121 

17 

96 

27 

14 

25 

37 

13 

44 

18 

9 

12 

65 

24 

3.579 

1.828 

de 
filles 


1.426 
61 
14 

107 

77 

43 

74 

51 

96 

83 

80 

84 

148 

177 

84 

170 

172 

136 

58 

83 

160 

40 

42 

111 

145 

167 

150 

84 

55 

114 

36 

163 

65 

56 

60 

39 

60 

33 

79 

85 

258 

76 

63 

207 

182 

105 

62 

39 

251 

37 

218 

77 

63 

66 

230 

94 

192 

150 

116 

118 

99 

82 

69 

7.812 


51 
4 


3 
6 
7 
2 
3 
2 
1 
2 
1 
5 
2 
» 
1 
7 
3 
2 
7 
6 
2 
2 
7 
1 
2 
5 
1 
1 
1 


Total 


5 
5 

6_ 

216 


TOTAL 

des  écoles 
privées 


1.819 

2.402 

79 

85 

15 

37 

120 

151 

92 

1U4 

50 

57 

87 

112 

57 

77 

132 

150 

93 

113 

84 

101 

116 

153 

196 

274 

207 

291 

101 

137 

215 

326 

216 

314 

198 

215 

64 

81 

95 

115 

219 

244 

53 

69 

51 

58 

118 

129 

225 

263 

201 

201 

196 

238 

96 

123 

72 

93 

134 

159 

47 

59 

208 

222 

92 

108 

79 

103 

69 

83 

58 

67 

77 

113 

44 

56 

126 

164 

97 

110 

338 

406 

86 

128 

73 

81 

252 

321 

238 

262 

125 

169 

71 

97 

51 

90 

358 

513 

51 

59 

256 

305 

90 

104 

83 

93 

90 

93 

322 

1.266 

101 

132 

210 

331 

180 

276 

142 

156 

131 

168 

122 

166 

99 

108 

99 

164 

9.856 


13.435 


—  1127  — 


ENSEIGNEMENT 


DÉPARTEMENTS 


Report 

Vaucluse . 

Vendée .  . 

Vienne 

Vienne  (Haute-) .... 

Vosges  

Yonne 

Totaux  pour  la  France. 

Alger 

Constantine 

Oran 

Totaux  pour  l'Algérie. 

Totaux  généraux  .  . 


de 

garçons 


787 
1 
8 

10 
9 

5 


842 


829 


ÉCOLES    PRIVÉES 


laïques 


de 
filles 


2.3i5 
6 

8 
12 

18 

3 

14 


2.376 


2.385 


477 
3 
1 


492 


497 


Total 


3.579 
10 
17 

22 

35 

8 

19 


3.690 


13 

2 
6 


21 


3.711 


CONGREGANISTES 


de 
garçons 


36 
29 
17 
14 

7 


1.939 


16 

4 
5 


25 


1.964 


de 
filles 


7.812 

77 

127 

120 

54 

53 

106 


8.359 


37 
14 
15 


Q6 


8.425 


216 
2 
1 
3 
1 
6 
1 


230 


231 


Total 


9.856 
115 
157 
140 
69 
66 
115 


10.528 


54 

18 
20 


92 


10.620 


TOTAL 

des  écoles 
privées 


Î.435 
125 
174 
162 
104 
74 
134 


14.218 


67 
20 
26 


113 


14.331 


ÉCOLES 

PRIMAIRES   ÉLÉMENTAIRES     | 

(188S-89) 

DEPARTEMENTS 

_-— — — - 

_^«^_ 

_ 

de 
garçons 

de 
filles 

mixtes 

Total 
général 

Ain 

354 

441 

235 

1.030 

Aisne 

377 

427 

564 

1.368 

Allier 

330 

422 

67 

819 

Alpes  (Basses-).  .  . 

143 

167 

327 

637 

Alpes  (Hautes-)..  . 

168 

176 

255 

599 

Alpes-Maritimes  .  . 

149 

198 

115 

462 

Ardèche 

365 

432 

256 

1.053 

Ardennes 

232 

265 

339 

8361 

Ariège 

2  H 

236 

320 

767 

Aube 

168 

214 

304 

686 

Aude 

228 

321 

271 

8201 

Avevron 

550 

592 

237 

1.379! 

Bel  fort  (Territ.  de). 

54 

66 

64 

184! 

Bouches-du-Rhône., 

320 

496 

50 

866' 

Calvados 

333 

386 

320 

1.039 

Cantal 

257 

264 

241 

762 

Charente 

347 

428 

130 

905 

Charente-Inférieure. 

372 

483 

157 

1.012 

Cher 

263 

305 

75 

643 

Corrèze 

266 

319 

169 

754 

Corse 

244 

261 

264 

769 

Côte-d'Or 

281 

393 

495 

1.169 

Côles-du-Nord..   .   . 

346 

404 

126 

876 

Creuse 

235 

271 

76 

582 

Dordogne 

436 

502 

275 

1.213 

Doubs 

335 

374 

319 

1.028 

Drôme 

288 

362 

249 

899 

Eure 

212 

269 

371 

852 

Eure-et-Loir.  . 

219 

272 

217 

708 

Finistère 

356 

420 

59 

835 

Gard 

329 

487 

199 

1.015 

Garonne  (Haute-).  . 

332 

510 

370 

1.21^! 

Gers 

260 

329 

281 

870 

Gironde 

462 

672 

130 

1.264 

Hérault 

334 

497 

172 

1.003 

Ille-et-Vilaine.  .  .  . 

363 

377 

87 

827 

Indre  

200 

244 

84 

528 

Indre-et-Loire.  .  . 

256 

313 

96 

665 

Isère 

A  reporter.  .  . 

580 

677 

233 

1.490 

11.555 

14.272 

8.599 

34.426 

ÉCOLES 

PRIMAIRES   ÉLÉMENTAIRES 

(1888-89) 

DÉPARTEMENTS 

^_ ■ 

- 

^.^  Il 

de 
garçons 

de 
filles 

mixtes 

Total 
général 

Report.  .  .  , 

11.555 

14.272 

8.599 

34.426 

Jura 

298 

336 

385 

1  019 

Landes. ...... 

250 

268 

126 

644 

Loir-et-Cher.  .  .  . 

214 

299 

124 

637 

Loire 

436 

506 

121 

1.063 

Loire  (Haute-).  .  . 

305 

360 

235 

900 

Loire-Inférieure..   . 

310 

399 

16 

725 

Loiret 

251 

329 

129 

709 

Lot 

333 

352 

129 

814 

Lot-et-Garonne.  .  . 

254 

362 

142 

758 

Lozère 

145 

168 

518 

831 

Maine-et-Loire.  .  . 

404 

464 

6i 

929 

Manche 

470 

510 

240 

1.220 

Marne 

278 

318 

447 

1.043 

Marne  (Haute-).  .   . 

260 

303 

303 

866 

Mayenne 

263 

280 

51 

594 

Meurthe-et-Moselle 

343 

387 

326 

1.056 

Meuse 

326 

353 

283 

962 

Morbihan 

259 

299 

103 

671 

Nièvre 

254 

307 

108 

669 

Nord 

789 

935 

134 

1.858 

Oise 

304 

370 

474 

1.148 

Orne 

280 

318 

239 

837 

Pas-de-Calais.  .  .  . 

561 

700 

477 

1.738 

Puy-de-Dôme.  .  .  . 

485 

593 

255 

i.333 

Pyrénées  (Basses-). 

350 

411 

365 

1.1^^6 

Pyrénées  (Hautes-). 

291 

337 

245 

873 

Pyrénées-Orientales 

157 

210 

117 

484 

Rhône 

465 

637 

59 

1.161 

Saône  (Haute-).  .  . 

370 

397 

339 

1.106 

Saône-et-Loire .  .  . 

480 

650 

194 

1.324 

Sarthe 

323 

378 

91 

792 

Savoie 

305 

351 

312 

968 

Savoie  (Haute-)..  . 

320 

341 

228 

889 

Seine 

578 

1.066 

216 

1.860 

Seine-et-Marne. .  . 

256 

344 

323 

923 

Seine-et-Oise. .  .  . 

400 

581 

372 

1.353 

Seine-Inférieure..  . 

520 

630 

343 

1.493 

Sèvres  (Deux-).  .  . 
A  reporter.  .  . 

314 

398 

143 

855 

24.756 

30.519 

17.372 

72.647 

ENSEIGNEMENT 


—  1128  -^ 


DÉPARTEMENTS 


Report.  .  .  . 

Somme 

Tarn 

Tarn-et-Garoiine.  . 

Var 

Vaucluse 

Vendée 

Vienne 

Vienne  (Haute-).    . 

Vosges 

Yonne 

Totaux    pour    la 
France  .... 

Alger  

Constantine 

Oran 

Totaux  pour  l'Al- 
gérie  

Totaux   généraux 

(1888-89).  .  .  . 


ECOLES    PRIMAIRES    ELEMENTAIRES 

(1888-89) 


de 

garçons 


24, 


756 
407 
271 

178 
174 

173 

357 

276 

243 
349 

272 


27 


456 

93 
101 


361 


27.817 


de 
filles 


30.519 
494 
340 
243 
250 
217 
420 
339 
287 
402 
368 


33.879 


143 
71 

99 


313 


34.192 


17 


.372 

525 

317 

124 

55 

67 

59 

92 

100 

366 

301 


19.378 


92 
112 

80 


284 


19.662 


Total 
iiénéral 


72.647 
1.426 
928 
545 
479 
457 
836 
707 
630 
1.117 
941 


80.713 


402 

276 
280 


95^ 


M.  671 


on  constate  une  notable  amélioration,  puisqu'à  cette  date 
il  n'y  avait  que  75,635  écoles  dont  62,997  écoles  pu- 
bliques et  12,638  écoles  privées.  Dans  la  période  répu- 
blicaine, on  a  donc  créé  en  moyenne  915  écoles  par  an: 
sous  Louis-Philippe,  après  la  loi  de  1833,  on  en  créait 
520  par  an,  et,  sous  l'Empire,  la  moyenne  fut  de  481  créa- 
tions annuelles.  Les  écoles  publiques  forment  les  cinq  sixièmes 
des  écoles  primaires  (V.  les  tableaux  des  pp.  1124-1127). 

Le  total  du  personnel  enseignant  des  écoles  primaires, 
non  compris  les  écoles  maternelles,  s'élevait  en  1888-89 
à  142,660  maîtres,  dontl00,913pour  les  écoles  publiques 
et  41.747  pour  les  écoles  privées.  Le  total  des  classes  était 
de  136,562,  dont  99,540  dans  les  écoles  publiques  et 
37,022  dans  les  écoles  privées  ;  85,577  classes  des  écoles 
publiques  recevaient  moins  de  50  élèves  et  695  en  rece- 
vaient plus  de  80  (V.  les  tableaux  des  pp.  1129  et  1130). 

On  se  fera  une  idée  de  la  transformation  de  l'enseigne- 
ment libre  par  les  relevés  suivants  ;  ils  montrent  comment 
les  congréganistes  s'en  sont  emparés:  en  1832,  on  comptait 
9,572  écoles  privées  ;  en  1833,  le  chiffre  monte  à  11,054  ; 
en  1837,  à  18,023,  dont  9,417  pour  les  garçons  et  8,606 
pour  les  filles. 


ECO 

LES 

ÉCOLES 

DE     GARÇONS 

DE    FILLES 

DATES 

^ -.^^ 

^— , 

,-^ 

TOTAL 

Laïques 

Congré- 
ganistes 

Laïques 

Congré- 
ganistes 

1843 

7.371 

290 

6.759 

2.698 

17.118 

1850 

4.563 

399 

8.325 

3.449 

16.736 

1863 

2.572 

536 

7.637 

5.571 

16.316 

1866 

2.944 

655 

7.079 

6.036 

16.714 

1872 

2.088 

780 

5.292 

5.706 

13.866 

1875 

1.760 

843 

4.236 

4.476 

11.315 

1880-81.. 

1.579 

1.504 

3.428 

6.403 

12.914 

1883-84.. 

1.322 

1.647 

2.756 

7.135 

12.860 

En  1833,  le  nombre  des  écoles  privées  représen le  23  ^j^ 
du  total  général  des  écoles  ;  en  1850,  27  «/o  (21  o/^  laïques, 
6  %  congréganistes);  en  1883-84,  la  proportion  descend 
à  16  o/o  (5  o/o  laïques  et  11  ^/o  congréganistes. 

Si  nous  examinons  le  personnel  enseignant,  nous  voyons 


qu'en  1837  le  nombre  des  instituteurs  privés  représente 
36  ^lo  du  personnel  enseignant  (28  «/o  laïques  et  8  ^/o 
congréganistes)  ;  en  1883-84,  il  représente  seulement 
29  °/o  (7  °/o  laïques  et  22  ^/o  congréganistes.  Voici  le 
détail  : 


LAÏQUES 

CONGRÉGANISTES 

DATES 

Institu- 

Institu- 

Institu- 

Institu- 

TOTAL 

teurs 

trices 

teurs 

trices 

1837 

8.038 

8.460 

527 

4.245 

21.270 

1840 

7.221 

9.784 

546 

5.015 

22.566 

1843 

7.736 

10.010 

770 

6.573 

25.089 

1863 

4.360 

12.550 

2.447 

19.001 

38.358 

1872 

3.165 

9.733 

2.925 

19.353 

35.176 

1876-77.. 

2.716 

8.069 

2.601 

17.260 

30.646 

1878-79.. 

2.578 

8.616 

3.590 

20.324 

35.108 

1879-80.. 

2.522 

8.698 

4.305 

20.764 

36.289 

1880-81.. 

2.303 

8.276 

5.019 

21.711 

37.309 

1881-82.. 

2.143 

7.682 

5.286 

21.634 

36.745 

1882-83.. 

2.215 

7.281 

5.630 

22.231 

37.357 

1883-84.. 

1.944 

7.200 

5.829 

22.823 

37.796 

Enfin,  en  ce  qui  concerne  les  élèves,  on  remarque  que 
l'enseignement  primaire  privé  comptait  365,598  garçons 
en  1833;  643,580  garçons  et  filles  en  1837;  680,167 
en  1840;  756,872  en  1843. 


LAÏQUES 

CONGRÉGANISTES 

DATES 

TOTAL 

Garçons 

Filles 

Garçons 

Filles 

1850 

168.772 

274.895 

60.064 

217.073 

720.804 

1863 

125.779 

296.132 

82.803 

417.824 

922.538 

1865 

133.372 

289.808 

89.947 

445.801 

958.928 

1866 

131.895 

299.064 

73.898 

450.401 

978.258 

1875 

90.838 

191.958 

96.646 

380.333 

759.775 

1878-79... 

79.896 

182.859 

122.324 

501.206 

886.285 

1879-80... 

76.718 

179.649 

157.713 

520.414 

934.494 

1880-81... 

71.248 

171.782 

182.340 

544.025 

969.395 

1881-82. . . 

65.997 

152.091 

199.932 

563.935 

981.955 

1882-88... 

63.759 

140.042 

224.415 

594.625 

1.022.841 

1883-81... 

63.141 

132.735 

238.153 

613.440 

1.047.469 

En  1833,  le  nombre  des  élèves  inscrits  dans  les  écoles 
privées  représentait  22  °/o  du  total  général  des  élèves  ins- 
crits dans  les  écoles  primaires;  en  1850,  la  proportion 
était  de  22  «/o  (13  %  laïques  et  9  %  congréganistes)  ; 
en  1883-84,  elle  tombe  à  19  «^o  (4  ^/o  laïques  et  15  «/o 
congréganistes  (V.  les  tableaux  des  pp.  1131-1134). 

Le  total  des  élèves  inscrits  dans  les  écoles  primaires 
était,  en  1888-89,  de  5,623,401,  dont  4,446,851  pour  les 
écoles  publiques  et  1,176,550  pour  les  écoles  privées.  Les 
congréganistes,  qui  sont  expulsés  de  l'enseignement  public, 
s'emparent  de  plus  en  plus  de  l'enseignement  privé  où 
l'élément  laïque  perd  sans  cesse  du  terrain.  C'est  surtout 
l'enseignement  des  filles  qui  reste  aux  mains  des  congré- 
ganistes, tant  dans  les  écoles  publiques  que  dans  les  écoles 
privées;  de  1843  à  1850,  les  écoles  laïques  ont  perdu 
4  «/o  ;  de  1850  à  1866,  elles  ont  gagné  4  «/«  ;  de  1877 
à  1882,  elles  gagnent  8,8  %  et  de  1882  à  1887,  9,5*^/0. 
Quant  aux  écoles  congréganistes,  elles  ont  gagné  13,5  ^jo 
de  1843  à  1865  ;  11,2  o/o  de  1865  à  1877  ;  perdu  2,3  «/o 
de  1877  à  1882  et  3,9  «/o  de  1882  à  1887.  Nous  revien- 
drons sur  ce  sujet  dans  l'art.  Laïcité. 

L'enseignement  primaire  supérieur  réglementé  par  la  loi 
du  28  juin  1833  progressa  jusqu'en  1850,  où  l'on  comp- 
tait 436  écoles  de  ce  degré  pour  les  garçons  et  271  pour 
les  filles.  La  loide  1850  supprima  ladistinction.Depuisl  878, 
on  en  favorisa  le  développement  et  la  loi  du  30  oct.  1886 
lui  a  fait  sa  place.  L'enseignement  primaire  supérieur  est 


—  1129  — 


ENSEIGNEMENT 


DÉPARTEMENTS 


Ain 

Aisne 

Allier 

Alpes  (Basses-).  . 
Alpes  (Hautes-). . 
Alpes-Maritimes.  . 

Ardèche  

Ardennes 

Ariège 

Aube 

Aude 

Aveyron 

Belfort(Territ.  de) 
Bouches-du-Rliône 
Calvados.  .  .  , 
Cantal.  .  .  .  , 
Charente.  .  . 
Charente-Infér. .   . 

Cher 

Corrèzi' 

Corse 

Côte-d'Or..  .   . 
Côtes-du-Nord. 

Creuse 

Dordogno.  .   .   . 
Doubs.    .... 

Drônie 

Eure 

Eure-el-Loir.  . 
Einistère.  .   .   . 

Gard 

Garonne  (Haute-). 

Gers 

Gironde..  .  . 
Hérault. .  .  . 
Hle-et-Vilaine..  . 

Indre 

Indre-et-Loire. 

Isère 

Jura 

Landes 

Loir-et-Cher.   . 

Loire 

Loire  (Haute-). 
Loire-Inférieure. 

Loiret 

Lot 

Lot-et-Garonne . 

Lozère 

Maine-et-Loire. 

Manche 

Marne 

Marne  (Haute-). 
Mayenne.  .  .  . 
Meurthe-et-Mos. 
Meuse.  .  ,  .  . 
Morbihan.  .  .   . 

Nièvre 

Nord 

Oise 

Orne 


INSTITUTEURS    ET    INSTITUTRICES 


INSTITUTEURS 
PUBLICS 


laïques 


congré- 
ganistes 


Il   A  reporter. 


731 
1.037 
561 
340 
307 
295 
499 
682 
495 
520 
560 
619 
152 
505 
608 
331 
582 
651 
493 
477 
508 
863 
468 
438 
728 
665 
556 
598 
496 
667 
511 
718 
502 
778 
602 
434 
378 
410 
916 
629 
434 
436 
670 
447 
472 
500 
428 
469 
379 
493 
601 
825 
610 
397 
768 
658 
358 
515 
1.870 
840 
490 


34.950 


INSTITUTRICES 
PUBLIQUES 


laïques 


11 
12 

3 
9 
» 

22 
61 
18 


7 
102 
» 
6 
3 

19 
» 
3 
» 
2 

30 

120 

3 

» 

12 

25 

7 

10 

6 

31 

13 

9 

16 

22 

100 

2 

9 

69 

11 

12 

» 

111 

54 

61 

4 

18 

45 
41 

19 
9 

18 

20 
1 
7 

27 
» 

86 
5 

11 


congrc- 
ganistes 


356 
369 
385 
283 
286 
219 
320 
299 
303 
159 
336 
411 
77 
409 
419 
499 
467 
457 
272 
MO 
388 
266 
342 
367 
629 
403 
408 
174 
200 
430 
445 
427 
309 
642 
454 
161 
204 
228 
664 
463 
217 
265 
395 
321 
250 
269 
262 
327 
351 
166 
469 
325 
11 
75 
227 
185 
213 
272 
1.233 
314 
258 


T0TA.L 

des 
maîtres 

des 

écoles 

publiques 


1.312  20.837 


188 

204 
64 
32 
80 
55 

274 

134 
49 
49 
14 

378 
35 
58 

1 
38 
1 

53 
74 
42 
34 

115 

368 
4 

115 

161 

110 

103 
63 

181 

141 
65 
35 
94 
47 

441 
56 

108 

290 
87 
98 
32 

360 
33 

239 
124 
166 
12 
61 
412 
336 
112 
207 
448 
297 
282 
19 
69 
493 
102 
207 


INSTITUTEURS 
PRIVÉS 


laïques 


congre- 
ganistes 


1.286 

1.622 

1.013 

664 

673 

591 

1.154 

1.133 

847 

728 

917 

1.510 

26 

978 

1.215 

887 

1.067 

1.164 

839 

931 

960 

1.244 

1.298 

812 

1.472 

1.241 

1.099 

882 

769 

1.284 

1.128 

1.223 

855 

1.530 

1.125 

4.136 

640 

75 

1.939 

1.190 

761 

733 

1.536 

855 

1.022 

897 


8.966 


874 

808 

836 

1.112 

1.425 

1.271 

948 

940 

1.293 

1.132 

792 

856 

3.682 

1.261 

966 

66.065 

INSTITUTRICES 
PRIVÉES 


3 

43 


1 

2 
2 
6 

10 

8 

2 

124 

9 

1 

14 

7 

8 

2 

5 

7 

2 

» 

5 

10 

2 

17 

4 

5 

16 

13 

8 

30 

39 

2 

7 

14 

9 

4 

6 

3 

16 

» 

29 
12 
4 
6 
2 
4 
7 
16 
6 
2 

33 
9 
2 
6 

86 

18 

5 

"l29 


laïques 


76 
51 
85 
22 
19 
24 
182 
23 
38 
23 
52 
143 
16 
232 
49 
90 
17 
48 
49 
53 
3 
67 
49 
25 
36 
27 
103 
22 
26 
154 
158 
93 
36 
182 
158 
182 
15 
29 
183 
63 
21 
21 
293 
134 
163 
57 
38 
50 
40 
88 
61 
94 
22 
40 
61 
34 
127 
50 
388 
50 
23 

4j638 


congre- 
ganistes 


20 

76 

45 
o 
o 

3 
51 
11 
12 
4 
51 
76 
21 
5 
251 
68 
33 
76 
76 
35 
4 
30 
65 
19 
14 
49 
19 
26 
31 
53 
74 
98 
136 
47 
233 
107 
34 
37 
32 
40 
38 
18 
23 
50 
» 
61 
70 
19 
41 
12 
40 
17 
63 
21 
21 
77 
18 
58 
31 
107 
66 
11 


TOTAL 

des 
maîtres 

des 
écoles 
privées 


342 
212 
320 
87 
42 
136 
359 
131 
87 
135 
271 
371 
57 
633 
296 
159 
206 
294 
216 
195 
71 
264 
264 
132 
221 
158 
263 
182 
179 
353 
346 
423 
192 
479 
534 
55 
152 
217 
450 
122 
119 
221 
553 
478 
519 
217 
143 
248 
129 
425 
295 
230 
162 
146 
234 
142 
269 
256 
1.074 
205 
229 


TOTAL 

Général 
des 
insti- 
tuteurs 
et  des 
insti- 
tutrices 


2,937  16.426  24.730 


441 

382 
458 
112 
84 
219 
550 
168 
131 
215 
409 
543 
80 
1.240 
422 
283 
313 
425 
308 
254 
109 
403 
334 
171 
311 
214 
394 
252 
262 
586 
618 
665 
283 
924 
838 
772 
211 
292 
682 
227 
164 
268 
912 
612 
772 
356 
204 
345 
183 
557 
380 
403 
211 
209 
405 
203 
456 
343 
1.655 
339 
268 


1.727 
2.004 
1.471 
776 
757 
810 
1.704 
1.301 
978 
943 
1.326 
2.053 
344 
2.218 
1.637 
1.170 
1.380 
1.589 
1.147 
1.185 
1.069 
1.647 
1.632 
983 
1.783 
1 .  455 
1.494 
1.134 
1.031 
1.870 
1.746 
1.888 
1.138 
2.454 
1.963 
1.908 
851 
1.047 
2.621 
1.417 
925 
l.OOl 
2.448 
1.467 
1.794 
1.253 
1.078 
1.153 
1.019 
1.669 
1.805 
1.674 
1.159 
1.149 
1.698 
1.335 
1.248 
1.199 
5.337 
1.600 
1.234 


90.795 


ENSEIGNEMENT 


—  4130  — 


DEPARTEMENTS 


Report.  .  .  . 
Pas-de-Calais.  .  . 
Puy-de-Dôme.  .  . 
Pyrénées  (Basses-) 
Pyrénées  (Hautes-) 
Pyrénées-Orient.  . 

Rhône 

Saône  (Haute-).  . 
Saône-et-Loire..  . 

Sarthe 

Savoie 

Savoie  (Haute-)    . 

Seine 

Seine-et-Marne.  . 
Seine-et-Oise.  .  . 
Seine-Inférieure. . 
Sèvres  (Deux-).  , 

Somme 

Tarn 

Tarn-et-Garonne. 

Var 

Vaucluse 

Vendée 

Vienne.  .  .  .  ,  . 
Vienne  (Haute-).  . 

Vosges 

Yonne 

Totaux   pour   la 
France.   .  .  . 

Alger 

Constantine.  .  .  . 

Oran 

Totaux  pour  PiVl- 
gérie 

Totaux  généraux . 


INSTITUTEURS    ET    INSTITUTRICES 


INSTITUTEURS 
PUBLICS 


laïques 


34.950 

i.3H 

714 

697 
531 
354 
636 
703 
899 
498 
574 
494 

2.114 
669 
914 

1.225 
589 
123 
474 
302 
314 
294 
568 
474 
499 
868 
672 


1. 


53.470 


329 
250 

264 


843 


54.313 


congré- 
ganistes 


1.312 
11 

49 

16 

8 

» 

58 

7 

7 

17 

12 

11 

» 

2 

10 

18 

1 

7 

74 

6 

8 

4 

20 

4 


1.672 


1.674 


INSTITUTRICES 
PUBLIQUES 


laïques 


20.837 
616 
555 
359 
305 
253 
403 
423 
555 
284 
494 
462 
1.943 
315 
446 
476 
337 
380 
299 
234 
303 
235 
289 
255 
331 
293 
380 


32.072 


250 
171 

218 


639 


32.711 


congré- 
ganisies 


.966 

204 

193 

95 

42 

2 

250 

120 

142 

272 

79 

87 

3 

75 

91 

356 

44 

221 

101 

45 

11 

68 

209 

60 

54 

270 

45 


12.096 


58 
41 
20 


119 


12.215 


TOTAL 

des 
maîtres 

des 

écoles 

publiques 


66.065 

2.142 

1.511 

1.167 

886 

609 

1.337 

1.253 

1.603 

1.071 

1.159 

1.054 

4.091 

1.061 

1.461 

2.075 

971 

1.731 

948 

587 

636 

601 

1.086 

793 

884 

1.431 

1.097 


99.310 


639 
462 
502 


1.603 


100.913 


INSTITUTEURS 
PRIVÉS 


laïques 


729 

51 

6 

12 

11 

4 

102 

4 

41 

18 

1 

3 

377 

9 

72 

67 

1 

22 

22 

3 

14 

1 

8 

9 

5 


congre 
ganistes 


1.605 


13 


1.618 


4.638 

14 

188 
72 
17 
34 

404 
30 

153 
31 
89 
72 

542 
33 
89 

121 
71 
44 
53 
57 
78 

118 
90 
66 
64 
42 
34 


7.495 


44 

15 

22 


7.576 


INSTITUTRICES 
PRIVEES 


laïques 


2.937 

159 

37 

70 

26 

83 

205 

16 

85 

35 

19 

3 

1.972 

70 

200 

157 

31 

75 

56 

10 

69 

25 

18 

35 

54 

19 


6.511 


12 
1 

16 


29 


congré- 
ganistes 


16.426 
599 
682 
298 
155 
102 
848 
111 
613 
280 
191 
171 
1,280 
239 
510 
514 
255 
275 
277 
221 
232 
234 
352 
318 
186 
162 
247 


25.768 


108 
68 
69 


245 


TOTAL 

des 
maîtres 

des 
écoles 
privées 


24.730 
954 
913 
452 
209 
223 

1.559 
161 
892 
364 
300 
249 

4.171 
351 
871 
859 
358 
416 
408 
291 
393 
378 
468 
428 
309 
228 
344 


41.379 


173 

85 

110 


368 


6.540  26.013 


41.747 


TOTAL 

général 
des 
insti- 
tuteurs 
et  des 
insii- 
tutrices 


90.795 
3.096 
2.424 
1.619 
1.095 

832 
2.896 
1.414 
2.495 
1.435 
1.459 
1.303 
8.262 
1.412 
2.332 
2.934 
1.329 
2.147 
1.356 

878 
i.029 

979 
1.554 
1.221 
1.193 
1.659 
1.441 


140.689 


812 
547 
612 


1.971 


142.660 


donné  soit  dans  les  cours  complémentaires  annexés  à  une 
école  primaire  élémentaire,  soit  dans  une  école  primaire 
supérieure.  Le  nombre  total  des  élèves  recevant  cet  ensei- 
gnement était  en  1888-89  de  34,434;  à  savoir  :  écoles 
primaires  supérieures  (22,927),  garçons,  17,359;  filles, 
5,568;  —  cours  complémentaires  (11 ,507),  garçons,  8,123; 
filles,  3,384.  L'enseignement  primaire  supérieur  est  pres- 
que exclusivement  public.  En  1887,  on  comptait  539  éta- 
blissements publics  contre  20  établissements  privés  ; 
239  écoles  et  320  cours  complémentaires  ;  sur  les  559  éta- 
blissements, 419  étaient  destinés  aux  garçons  et  140  aux 
filles  (V.  les  tableaux  des  pp.  1134-1136). 

Les  institutions  annexes  de  l'enseignement  primaire  sont 
en  progrès.  Au  31  janv.  1890,  on  comptait  37,469  biblio- 
thèques populaires  des  écoles  avec  4,897,213  livres  de 
lecture  ;  le  nombre  des  prêts  en  1889  avait  été  de 
6,064,857.  Les  2,687  bibliothèques  pédagogiques  renfer- 
maient 938,287  volumes;  51,880  écoles  possédaient  un 
jardin  ;  5,949  un  gymnase  et  seulement  739  un  atelier  de 
travail  manuel. 

Le  total  des  certificats  d'études  primaires  élémentaires 
obtenus  en  1889  a  été  de  165,211  (90,663  garçons  et 
74,548  filles)  pour  220,610  candidats  (123,598  garçons 
et   97,012   filles).    En   1883,    on    n'avait   donné   que 


107,060  certificats.  Le  progrès  est  considérable.  Quant 
aux  certificats  d'études  primaires  supérieures,  il  en  a  été 
donné,  en  1889, 1,491,  dont  960  à  des  garçons  et  531  à 
des  filles  ;  2,550  candidats  s'étaient  présentés  (1,652  gar- 
çons et  898  filles). 

Les  cours  ou  classes  d'adultes  hommes  étaient  au  nombre 
de  7,683,  avec  155,781  élèves,  ceux  d'adultes  femmes 
étaient  au  nombre  de  1 ,324,  avec  25,3 1 8  élèves. 

Les  résultats  de  l'enseignement  primaire  et  de  l'ensei- 
gnement complémentaire  sont  manifestés  par  l'instruction 
des  conscrits  et  celle  des  conjoints.  Pour  la  classe  de  1888, 
la  moyenne  était  de  90,6  °/o  de  conscrits  sachant  au  moins 
lire,  le  progrès  sur  1887  étant  de  0,8  <*/o.  Il  y  a  59  dé- 
partements dépassant  90  «/o,  8  dépassant  98  %  ;  l'Hérault 
atteint  99,2  ^/o.  Les  plus  mauvais  rangs  sont  occupés  par 
le  Morbihan  (66,9  ^/o),  la  Haute-Vienne,  le  Finistère,  les 
Landes,  les  Côtes-du-Nord,  etc.  Pour  l'instruction  des  con- 
joints, on  trouve  que  la  moyenne  des  hommes  ayant  signé 
leur  acte  de  mariage  en  1886  est  de  88,4  «/o,  celle  des 
femmes  est  de  81,3  ;  le  progrès  sur  l'année  précédente  est 
de  1,1  o/o  pour  les  hommes  et  1,5  pour  les  femmes  (V.  les 
tableaux  des  pp.  1136  et  suiv.). 

Pour  le  recrutement  du  personnel,  on  a  les  chiffres  des 
brevets  de  capacité  élémentaire  et  supérieur  :  6,686  aspi- 


—  4434 


ENSEIGNEMENT 


DÉPARTEMENTS 


Ain 

Aisne 

Allier 

Alpes  (Basses-) . 
Alpes  (Hautes-). 
Alpes-Maritimes. 

Ardèche 

Ardennes .... 

Ariège 

Aube 

Aude 


Aveyron 

Belfort  (Territoire  de). 
Bouches-du-Rhône.  .  . 

Calvados 

Cantal 

Charente 

Charente-Inférieure  .  . 

Cher 

Corrèze 

Corse 

Côte-d'Or 

Côtes-du-Nord   .  .  .  . 

Creuse  

Dordogne 

Doubs   

Drôme 

Eure 

Eure-et-Loir 

Finistère  

Gard 

Garonne  (Haute-)  .  .  . 

Gers 

Gironde 

Hérault 

Ille-et-Vilaine 

Indre 

Indre-et-Loire 

Isère  

Jura 

Landes  

Loir-et-Cher 


Loire 

Loire  (Haute-).  .  . 
Loire-Inférieure.  . 

Loiret 

Lot 

Lot-et-Garonne  .  . 

Lozère  

Maine-et-Loire  .  . 

Manche 

Marne 

Marne  (Haute-)  .  . 

Mayenne 

Meurthe-et-Moselle 

Meuse 

Morbihan 

Nièvre 

Nord 

Oise 


ÉLÈVES  DES  ÉCOLES  PUBLIQUES  ET  ÉLÈVES  DES  ÉCOLES  PRIVÉES 


ECOLES  PUBLIQUES 


Garçons 


28 
37 
28 

9 
42 
43 
24 
23 
47 
45 
24 
33 

6 
23 
24 
48 
25 
29 
25 
25 
23 
25 
43 
22 
34 
27 
20 
20 
49 
45 
ÎO 
25 
45 
36 
20 
37 
49 
48 
44 
24 
49 
20 
36 
24 
35 
26 
48 
45 
44 
27 
34 
27 
47 
24 
28 
20 
28 
26 
449 
27 


.986 
.328 
.291 
.387 
.820 
.620 
.695 
.629 
.868 
.485 
.458 
,878 
.084 
.332 
.966 
.478 
.392 
.874 
.762 
.976 
.798 
.672 
.335 
.866 
.246 
.048 
.628 
.299 
.467 
.285 
.227 
.818 
.511 
.126 
.457 
.854 
.291 
.685 
.155 
.628 
.285 
.489 
.266 
.114 
.473 
.216 
.024 
.659 
.186 
.274 
.526 
.125 
.494 
.612 
.292 
.521 
.647 
.042 
.207 
.361 


A  reporter 1.594.481  4 


Filles 


22.872 
33.607 
49.892 

8.720 
44.710 
40.870 
20.807 
24.305 
43.682 
43.268 
45.676 
30.379 

5.495 
48.042 
22.440 
17.426 
49.389 
23.205 
49.527 
21.698 
46.370 
24.266 
34.992 
48.810 
27.280 
24.006 
48.494 
47.419 
45.478 
33.463 
47.094 
48.066 
44.029 
29.724 
45.434 
28.246 
44.905 
44.674 
35 . 51 4 
21.980 
15.321 
14.963 
31.440 
11.073 
23.815 
22.029 
15.630 
44.189 
42.436 
20.537 
31.687 
24.498 
14.802 
20.327 
26.254 
18.905 
23.560 
18.600 
99.923 
24.122 


.276.215 


Total 


51.858 
70.935 
48.183 
18.107 
24.530 
24.490 
45.502 
44.934 
31.550 
28.753 
36.834 
64.257 
11.279 
41.344 
47.376 
35.604 
44.781 
53.076 
45.289 
47.674 
40.168 
46.938 
78.327 
41.H76 
61.526 
51.024 
38.822 
37.418 
34.945 
78.748 
37.321 
43.884 
26.540 
65.850 
35.591 
66.400 
34.196 
33.356 
76.669 
46.608 
34.606 
35.452 
67.376 
32.187 
59.288 
48.245 
33.654 
26.848 
26.322 
47.811 
66.213 
51.623 
32.296 
41.939 
54.546 
39.426 
52.207 
44.642 
219.130 
51.483 


2.870.396 


ÉCOLES    PRIVÉES 


Garçons 


2.683 
2.576 
4.177 

706 

788 
1.060 
6.588 
1.139 
4.552 
1.531 
2.824 
5.113 

496 
12.159 
2.330 
3.811 
1.245 
2.301 
2.370 
2.610 

335 
2.394 
2.445 

931 
2.008 
1.419 
3.495 
1.172 

945 
8.567 
7.539 
4.796 
4.795 
8.210 
7.242 
44.444 

998 
4.910 
5.741 
4.844 
4.247 

989 
42.818 
5.481 
9.930 
2.268 
4.484 
2.248 
4.493 
4.28, 
3.240 
4.877 
4.015 
2.423 
3.853 
4.451 
7.661 
2.296 
25.062 
2.043 


442.341 


Filles 

Total 

7.233 

9.916 

5.720 

8.296 

44.516 

45.693 

4.653 

2.359 

4.036 

4.824 

4.042 

5.402 

9.240 

45.828 

3.406 

4.245 

2.574 

4.423 

4.029 

5.560 

8.594 

44.418 

9.222 

14.335 

4.256 

1.752 

49.372 

31.531 

7.006 

9.336 

4.784 

8.592 

6.562 

7.807 

7.755 

10.056 

•     7.627 

9.997 

5.755 

8.365 

4.812 

2.147 

6.317 

8.711 

8.353 

10.798 

3.672 

4.603 

6.739 

8.747 

3.757 

5.176 

5.678 

9.173 

4.752 

5.924 

5.477 

6.422 

43.605 

22.172 

40.948 

18.457 

42.447 

17.243 

5.617 

7.412 

17.362 

25.572 

43.408 

20.650 

49.043 

30.157 

5.402 

6.400 

6.065 

7.975 

40.033 

15.774 

3.429 

4.973 

3.623 

4.840 

6.462 

7.451 

44.389 

27.207 

40.305 

15.486 

20.758 

30.688 

7.895 

10.163 

3.734 

5.218 

7.000 

9.248 

2.758 

4.251 

44.893 

16.176 

6.943 

40.423 

8.426 

43.003 

3.486 

4.504 

3.613 

5.736 

6.234 

40.087 

2.839 

4.290 

40.366 

48.027 

8.312 

40.608 

40.373 

65.435 

5.636 

7.679 

319.328 

464.639 

TOTAL 

général 

des 

élèves 


64.774 
79.234 
63.876 
20.466 
26.3e54 
29.592 
64.330 
49.479 
35.673 
34.343 
48.252 
78.592 
43.034 
72.875 
56.742 
44.496 
52.588 
63.432 
55.286 
56.039 
42.345 
55.649 
89.425 
46.279 
70.273 
56.200 
47.995 
43.342 
41.367 

400.920 
55.778 
64.427 
33.952 
91.422 
56.241 
96.257 
40.596 
41.331 
92.443 
51.581 
39.446 
42.903 
94.583 
47.673 
89.976 
58.408 
38.872 
36.096 
30.573 
63.987 
76.336 
64.626 
36.797 
47.675 
64.633 
43.716 
70.234 
55.250 

284.565 
59.462 


3.332.035 


ENSEIGNEMENT 


1132  — 


DÉPARTEMENTS 

ÉLÈVES  DES  ÉCOLES  PUBLIQUES  ET  ÉLÈVES  DES  ÉCOLES  PRIVÉES 

ÉCOLES 

PUBLIQUES 

ÉCOLES     F 

RIVJ 

S 

ES 

TOTAL 

général 

des 

élèves 

Garçons 

Filles 

Total 

Garçons 

Fille 

Total 

Report 

Orne 

1.594.181 
20.825 
66.025 
34.772 
28.432 
16.()26 
16.133 
29.741 
25.221 
45.720 
24.767 
23.748 
22.771 
112.243 
23.951 
36.799 
53.001 
29.763 
36.681 
22.804 
10.697 
12.957 
10.722 
31.537 
23.971 
27.744 
31.280 
25.579 

2.418.695 

1.276.215 
18.560 
52.165 

27.442 
21.658 
12.214 
12.638 
26.384 
21.540 
33.191 
20.458 
21.018 
19.486 
90.191 
20.528 
28.889 
46.191 
19.678 
32.062 
16.999 

7.529 
10.023 

9.686 
22.291 
14.581 
20.888 
29.172 
21.594 

1.960.228 

2.870.396 
39.385 

118.190 
62.214 
50.090 
28.840 
28.771 
56.125 
46.761 
78.911 
45.225 
44.766 
42.257 

202.434 
44.479 
65.688 
99.192 
49.441 
68.743 
39.803 
18.226 
22.980 
20.408 
53.828 
38.552 
48.632 
60.452 
47.173 

142.311 
1.131 
9.513 

7.278 
3.234 
1.365 
2.140 

15.747 
1.363 
7.772 
2.000 
2.550 
2.518 

39.764 
1.495 
5.724 
7.431 
3.301 
2.288 
2.527 
1.886 
3.174 
3.870 
4.831 
3.374 
3.087 
1.763 
1.185 

319.328 
5.313 

19.800 

14.556 
8.829 
4.680 
4.355 

21.839 
2.503 

18.980 
7.139 
4.401 
4.580 

83.270 
6.190 

15.287 

17.080 
8.534 
7.886 
8.163 
5.048 
6.385 
5.597 

12.658 
9.676 
6.867 
3.621 
6.091 

461.639 

6.444 

29.313 

21.834 

12.063 

6.045 

6.495 

37.586 

3.866 

26.752 

9.139 

6.951 

7.098 

123.034 

7.685 

21.011 

24.511 

11.835 

10.174 

10.690 

6.934 

9.559 

9.467 

17.489 

13.050 

9.954 

5.384 

7.276 

3.332.035 
45.829 

147.503 
84.048 
62.153 
34.885 
35.266 
93.711 
50.627 

105.663 

54.364 

51.717 

,     49.355 

325.468 
52.164 
86.699 

123.703 
61.276 
78.917 
50.493 
25.160 
32.539 
29.875 
71.317 
51.602 
58.586 
65.836 
54.449 

Pas-de-Calais 

Puy-de-Dôme 

Pyrénées  (Basses-) 

Pyrénées  (Hautes-) 

Pyrénées-Orientales  .... 
Rliône 

Saône  (Haute-) 

Saône-et-Loire  ...... 

Sartlie 

Savoie 

Savoie  (Haute-) 

Seine 

Seine  -et-Marne 

Seine-et-Oise 

Seine-Inférieure 

Sèvres  (Deux-) 

Somme 

Tarn 

Tarn-et-Garoîine 

Var 

Vancluse 

Vendée  

Vienne 

Vienne  (Haute-) 

Vosges 

Yonne 

Totaux  pour  la  France. 
Al<^er 

4.378.923 

370.772 

795.705 

1.166.477 

5.545.400 

15.418 
11.310 
14.074 

40.802 

9.788 

7.231 

10.107 

25.206 
18.541 
24.181 

67.928 

1.585 
490 

874 

3.227 
1.988 
1.909 

4.812 

2.478 
2.783 

30.018 
21.019 

26.964 

Constantine 

1  Oran 

Totaux  pour  l'Algérie.  . 
Totaux  généraux  (1888-89). 

27.126 

2.949 

7.124 

10.073 

78.001 

2.459.497 

1.987.354 

4.446.851 

373.721 

802.829 

1.176.550 

5.623.401 

DÉPARTEMENTS 

ÉLÈVES  D 

ES  ÉCOLES  LAÏ()UE 

S  ET  ÉLÈV 

ES  DES  ECO 

LES  CONGRÉGANISTES 

É 

LAÏq 

Garçons 

COLES     PUl 

UES 

Filles 

ÎLIQUES 
CONGRI 

Garçons 

IGANISTES 

Filles 

LAÏ 

Garçons 

ÉC 

QUES 

Fil 

OLES 
les 

PRIVÉE 
CONGRE 

Garçons 

S 
GANISTES 

Filles 

Ain 

28.397 
36.179 
28.089 

9.030 
12.520 
12.206 
19.130 
22.546 
17.783 
15.356 
20.687 
27.864 

5.828 

14.733 

24.782 

16.205 

7.625 

8.572 

8.045 

9.154 

16.050 

11.811 

10.680 

14.975 

11.240 

3.882 

58( 

1.141 

20^ 

35' 

30( 

1.41^ 

5.56. 

1.08 

8 

12 

47 

6.01 

25 

17.61 

)      8.139 
)      8.825 
l      3.687 
7      1.095 
)      3.138 
i      2.825 
3    11.653 
3      5.255 

3  1.871 
d      2.588 
i          701 

4  19.139 
6      1.313 

83 

870 

363 

9 

21 
192 

27 

57 
120 
353 
234 
338 
9 

1 
1 

288 

.350 

745 

21 

23 
913 
131 
163 

77 
908 
.282 
282 

75 

2.600 

1.706 

3.814 

697 

767 

868 

6.561 

1.082 

1.432 

1.178 

2.590 

4.775 

487 

6.945 
4.370 
10.771 
1.632 
1.013 
3.129 
9.109 
2.943 
2.494 
3.121 
7.312 
8.940 
1.181 

Aisne 

Allier .      ... 

Alpes  (Basses—) 

Alpes  (Hautes-) 

Alpes-Maritimes 

Ardèche  

Ardennes 

Arièee 

Aube 

Aude 

Aveyron 

Bel  fort  (Territoire  de) 

A  reporter 

255.615 

157.764 

3    70.228 

2.676 

6 

.258 

28.557 

62.860 

—  1133  - 


ENSEIGNEMENT 


ÉLÈVES  DES  ÉCOLES  LAÏQUES  ET  ÉLÈVES  DES  ÉCOLES  CONGRÉGANISTES 


DÉPARTEMENTS 


Report.  .  .  . 
Bouches-du-Rhône  . 

Calvados 

Cantal 

Charente 

Charente -Inférieure. 

Cher 

Corrèze 

Corse 

Côte-d'Or 

Côtes-du-Nord.  .  .  . 

Creuse  

Dordogne 

Doubs 

Drôme 

Eure 

Eure-et-Loir  .... 

Finistère  

Gard 

Garonne  (Haute-).  . 

Gers 

Gironde 

Hérault 

lUe-et-Vilaine.  .  .  . 

Indre 

Indre-et-Loire.  .  . 

Isère 

Jura 

Landes 

Loir-et-Cher  .... 

Loire 

Loire  (Haute-).  .  .  . 
Loire-Inférieure.  ,  . 

Loiret 

Lot 

Lot-et-Garonne.  .  . 

Lozère 

Maine-et-Loire  .  .  . 

Manche 

Marne 

Marne  (Haute-).   .  . 

Mayenne  

Meurthe-et-Moselle  . 

Meuse 

Morbihan 

Nièvre 

Nord 

Oise 

Orne 

Pas-de-Calais.  .  .  . 
Puy-de-Dùme.  .  .  . 
Pyrénées  (Basses-). 
Pyrénées  (Hautes-). 
Pyrénées  -  Orientales. 

Rhône 

Saône  (Haute-).  .  . 
Saône-et-Loire.  .  .  . 

Sarthe 

Savoie 

Savoie  (Haute-).  .  . 


ÉCOLES    PUBLIQUES 


laïques 
Garçons  Filles 


A  reporter. 


255. 

22. 
24. 
17. 
25. 
29. 
25. 
25. 
2 

25. 
32. 
22. 
33. 
26. 
19. 
19. 
18. 
44 
18 
24 
14 
35 
19 
27 
19 
17 
37 
24 
18 
20 
28 
18 
31 
25 
16 
15 
11 
24 
31 
26 
16 
19 
26 
19 
24 
25 
112 
26 
19 
64 
32 
27 
16 
16 
26 
24 
45 
23 
23 
22 


615 
872 
333 
424 
358 
663 
736 
807 
990 
363 
395 
724 
914 
013 
.311 
.457 
.710 
.542 
.406 
.972 
.923 
.186 
.549 
.800 
.156 
.967 
.758 
.035 
.659 
.483 
.648 
.159 
.168 
.726 
.986 
.639 
.655 
.298 
.580 
.186 
.601 
.712 
.991 
.014 
.384 
.964 
.125 
.737 
.765 
.641 
.147 
.445 
.120 
.133 
.646 
.689 
.1 

.343 
.136 
.069 


CONGREGANISTES 


Garçons       Filles 


157.764 
15.737 
15.228 
14.875 
18.332 
20.325 
14.838 
19.049 
14.571 
16.673 
13.638 
18.504 
21.770 
16.929 
13.645 
12.179 
12.359 
20.980 
12.346 
15.283 
9.573 
24.793 
13.522 
6.977 
11.237 
9.156 
23.501 
18.455 
10.179 
13.158 
13.827 
9.834 
10.880 
15.320 
8.067 
10.690 
9.198 
5.150 
17.348 
19.777 
7.624 
2.379 
14.467 
10.113 
9.691 
15.086 
68.635 
19.715 
10.535 
40.996 
20.928 
15.774 
10.454 
12.559 
16.743 
17.064 
26.159 
10.453 
17.747 
15.239 


.  1.812.916  1.088.018  115.550 


17.613 

460 

633 

1.054 

34 

208 

26 

169 

1.808 

309 

10.940 

142 

332 

1.005 

1.317 

842 

757 

743 

1.821 

846 

588 

940 

908 

10.054 

135 

718 

3.397 

593 

626 

6 

7.618 

2.955 

4.305 

490 

1.038 

20 

2.531 

2.976 

2.946 

939 

893 

1.900 

1.301 

1.507 

4.263 

11 

7.082 

624 

1.060 

1.384 

2.625 

987 

506 


3.095 
532 
532 

1.424 
612 
702 


ECOLES     PRIVEES 


Garçons 


70.228 
2.275 
7.182 
2.251 
1.057 
2.880 
4.689 
2.649 
1.799 
4.593 

21.354 
306 
5.510 
7.077 
4.549 
4.940 
3.119 

12.483 
4.748 
2.783 
1.456 
4.931 
1.612 

21.269 
3.668 
5.515 

12.013 
3.525 
5.142 
1.805 

17.283 
1.239 

12.935 

6.709 

7.563 

499 

2.938 

15.387 

14.339 
4.721 
7.178 

17.948 

11.787 
8.792 

13.869 
3.51 

31.288 
4.407 
8.025 

11.169 
6.514 
5.884 
1.760 
79 
9.641 
4.476 
7.032 

10.005 
3.271 
4.247 


Filles 


Garçons 


481.908 


2.676 

3.352 
301 
175 
381 
308 
296 
93 
176 
120 
123 
» 

260 
397 
71 
365 
201 
591 
427 
639 
246 
920 

1.022 
106 
327 
796 
230 
103 
161 
135 
409 
» 

1.110 
327 
146 
173 
56 
172 
302 
528 
129 
152 

1.045 
125 
197 
196 

5.605 
403 
181 

2.108 
112 
394 
539 
187 

2.577 
105 

1.015 

281 

11 

24 


33.619 


CONGREGANISTES 


6.258 

3.272 

1.006 

492 

1.453 

1.091 

561 

55 

433 

902 

620 

326 

808 

394 

409 

639 

679 

1.830 

1.470 

2.028 

874 

3.919 

1.761 

738 

686 

566 

576 

624 

296 

379 

743 

» 

1.133 

1.209 

246 

494 

81 

716 

376 

1.094 

493 

389 

1.060 

272 

1.049 

537 

2.191 

1.032 

146 

2.959 

550 

1.194 

533 

1.527 

2.546 

263 

1.204 

591 

260 

50 


Filles 


28.557 
8.807 
2.029 
3.636 

864 
1.993 
2.074 
2.517 

159 
2.274 
2.322 

931 
1.748 
1.022 
3.424 

807 

744 
7.976 
7.112 
4.157 
1.549 
7.290 
6.220 
11.008 

671 
1.114 
5.511 
1.741 
1.056 

854 
12.409 
5.181 
8.820 
1.941 
1.338 
2.075 
1.437 
4.111 
2.908 
4.349 

886 
1.971 
2.808 
1.326 
7.46. 
2.100 
19.457 
1.640 

950 
7.405 
7.166 
2.840 

826 
1.953 
13.170 
1.258 
6.757 
1.719 
2.539 
2.494 


59.893  251.465  535.069 


62.860 

16.100 

6.000 

4.289 

5.109 

6.664 

7.066 

5.700 

1.379 

5.415 

7.733 

3.346 

5.931 

3.363 

5.269 

4.113 

4.798 

11.775 

9.448 

10.419 

4.743 

13.443 

11.647 

18.305 

4.716 

5.499 

9.457 

2.505 

3.327 

6.083 

13.646 

10.305 

19.625 

6.686 

3.488 

6.306 

2.677 

11.177 

6.537 

7.032 

2.993 

3.224 

5.174 

2.567 

9.317 

7.775 

38.182 

4.604 

5.167 

16.841 

14.006 

7.635 

4.147 

2.828 

19.293 

2.240 

17.776 

6.548 

4.141 

4.530 


ENSEIGNEMENT 


—  1134  — 


DÉPARTEMENTS 


ÉLÈVES  DES  ÉCOLES  LAÏQUES  ET  ÉLÈVES  DES  ÉCOLES  CONGRÉGANISTES 


ECOLES     PUBLIQUES 


Garçons 


Report 

Seine 

Seine-et-Marne 

Seine-et-Oise 

Seine-Inférieure 

Sèvres  (Deux-) 

Somme 

Tarn 

Tarnel-Garonne 

Var 

Vaucluse 

Vendée 

Vienne 

Vienne  (Haute-) 

Vosges 

Yonne 

Totaux  pour  la  France. 

Alger 

Constantine 

Oran 

Totaux  pour  l'Algérie. 

Totaux  généraux  (1888-89) 


1.812 
112 

23 
35 
ol 
29 
36 
18 
10 
12 
10 
30 
23 
27 
31 

9n 


.916 

.243 

.495 

.997 

.334 

.63 

.162 

.432 

.312 

.639 

.493 

.031 

.630 

.668 

.000 

.493 


2.291.620 


14.866 
11.116 
13.993 


Filles 


.088.018 
89.011 
17.311 
24.232 
27.746 
16.323 
22.301 
11.683 
6.127 
9.703 
7.133 
11.073 
11.481 
17.034 
17.r93 
19.746 


CONGREGANISTES 


Garçons 


1.396.980 


39.973 


2.331.393 


8.038 
3.856 
9.237 


23.171 


.420.151 


115.530 


456 
802 

1.667 
112 
519 

4.352 


318 

227 

1.506 

341 

76 
280 

84 


127.07^ 


552 
194 

81 


827 


Filles 


481 
1 

3 
4 
18 
3 
9 
5 
1 

2, 
11, 

3, 

3, 
11. 

1. 


908 

180 

217 

637 

445 

155 

56 

316 

402 

320 

533 

216 

100 

834 

576 

848 


563.248 


1.730 

1.375 

850 


.955 


127.902  567.203 


ECOLES     PRIVEES 


Garçons 


33.619 

15.977 

398 

1.972 

1.378 

58 

534 

693 

82 

594 

63 

397 

394 

351 

157 

205 


36.860 


270 

23 

100 


393 


57.253 


Filles 


59.893 

33.190 

1.032 

2.62- 

2.154 

477 

1.209 

956 

146 

1.299 

293 

280 

617 

718 

295 

859 


106.432 


163 

3 

318 


484 


106.916 


CONGREGANISTES 


Garçons 


251 

23 
1 
3 
6 
3 
1 
1 
1 
2 
3 
4 
2 
2 
1 


.465 
.787 
.097 
,752 
,053 
,243 
,  754 
,834 
.804 
580 
807 
434 
980 
736 
606 
980 


313.912 


1.315 

467 

774 


2.556 


316.468 


B^illes 


535.069 

50.080 

5.158 

12.663 

14.926 

8.057 

6.677 

7.207 

4.902 

5.086 

5.304 

12.378 

9.059 

6.149 

3.326 

5.232 


689.273 


3.064 
1.985 
1.591 


6.640 


695.913 


rants,  3,145  admis;  18,773  aspirantes, dont  9,904 admises 
au  brevet  élémentaire  ;  pour  le  brevet  supérieur,  2,622  aspi- 
rants, 1,354  admis  ;  3,947  aspirantes,  2,123  admises. 


Enfin  pour  compléter  ces  renseignements  statistiques 
sur  la  France,  nous  donnons  aux  pp.  1139-40  les  dé- 
penses de  l'enseignement  primaire,  y  compris  celles  de 


DEPARTEMENTS 


Ain , 

Aisne 

Allier 

Alpes  (Basses-) 

Alpes  (Hautes-) 

Alpes-Maritimes 

Ardècbe 

Ardennes 

Ariège 

Aube 

Aude 

Aveyron  

Belfort  (Territoire  de).  .  . 

Bouches-du-Rhône 

Calvados 

Cantal 

Charente 

Charente-Inférieure.  .  .  . 
Cher 

A  reporter 


KLÈVES  DE  L'ENSEIGNEMENT  PRIMAIRE  SUPÉRIEUR  PUBLIC 


DANS   LES   ECOLES   PRIMAIRES 
SUPÉRIEURES 

Garçons         Filles  Total 


93 

182 

221 

28 

» 

» 

181 

500 

55 

31 

» 

46 

43 

274 

29 

» 

37 

» 

173 


1.893 


53 


54 


27 
208 


93 
182 

274 
28 


235 

588 
55 
31 

» 

46 

70 

482 

29 

» 

37 

» 

173 


DANS   LES   ( 

:OURS  COMPL 

Garçons 

Filles 

134 

41 

242 

» 

78 

48 

9 

34 

36 

20 

31 

» 

134 

63 

284 

53 

73 

» 

42 

13 

93 

40 

228 

» 

64 

» 

137 

43 

32 

» 

147 

83 

93 

» 

78 

32 

59 

46 

1.994 

516 

Total 


175 

242 

126 

43 

56 

31 

197 

337 

73 

55 

133 

228 

64 

180 

32 

230 

93 

110 

105 


2.510 


TOTAL 

général 

des 

élèves 

de 

Tenseicrne 

ment 
primaire 
supérieur 


268 

424 

400 

71 

56 

31 

432 

925 

128 

86 

133 

274 

134 

662 

61 

230 

130 

110 

278 


4.833 


1135 


ENSEIGNEMENT 


DÉPARTEMENTS 

ÉLÈVES  D 

DANS    LE 

Garçons 

E  L'ENSEK 

s   ÉCOLES    PI 
SUPÉRIEURES 

Filles 

xNEMENT  ] 

UMAFRES 

Total 

PRIMAIRE 

DANS   LES   C 

Garçons 

SUPÉRIEU 

OURS  COMPL 

Filles 

R  PUBLIC 

ÉxMENTAIRES 

Total 

TOTAL 

général 
des 
élèves 
de 
renseigne- 
ment 
primaire 
supérieur 

Report 

Corrèze 

1.893 

32 

» 

278 

118 

102 

256 

183 

385 

41 

105 

113 

37 

173 

» 

340 

307 

30 

» 

183 

567 

89 

113 

168 

647 

» 

212 

220 

171 

171 

» 

112 

77 

296 

88 

» 

127 

» 

» 

169 

1.318 

» 

310 

136 

361 

» 

98 
423 

39 
159 
262 
277 
308 
3.174 

76 

31 
634 

62 
324 

430 

» 

» 

28 

56 

» 

67 

120 

311 

» 

13 

» 

174 

51 

» 

283 

227 

» 

» 

104 

195 

35 

» 

45 

271 

» 

115 

120 

80 

» 

» 

» 

» 

» 

30 

» 

247 

» 

» 

» 

398 

» 

» 

» 

105 

» 

» 

» 

372 

» 

» 

38 

42 

193 

326 

56 

» 

363 

65 

146 

2.323 
32 

» 
306 
174 
102 
323 
303 
696 
41 
118 
113 
211 
224 

» 

623 

534 

30 

» 
287 
762 
124 
113 
213 
918 

» 
327 
340 
251 
171 

» 

112 

77 

296 

118 

» 
374 

» 

» 

169 

1.716 

» 

» 
310 
241 
361 

» 

98 

795 

39 

159 

300 

319 

501 

3.500 

132 

31 

997 

127 

470 

1.994 
124 

87 

74 

» 

20 

213 

187 

125 

33 

99 

» 

362 

233 

91 

82 

56 

198 

60 

» 

109 

42 

» 

17 

» 

» 

52 

65 

» 

50 

» 

28 

20 

66 

16 

85 

39 

97 

42 

48 

379 

71 

45 

237 

186 

57 

70 

>> 

35 

36 

20 

50 

373 

226 

501 

96 

68 

149 

58 

64 

516 

» 
21 
15 

» 

» 

188 

53 

48 

32 

36 

» 

24 

109 

45 

28 

» 

50 

» 

» 

84 

17 

» 

13 

» 

» 

22 

72 

» 

30 

» 

» 

21 

39 

» 

» 

» 

5 

41 

» 

88 

27 

76 

70 

22 

19 

» 

» 

» 

» 

12 

13 

150 

110 

964 

» 

24 

» 

75 

2.510 
124 

108 

89 

» 

20 

401 

2i0 

173 

65 

135 

» 

386 

342 

136 

110 

56 

248 

60 

» 

193 

59 

» 

30 

» 

» 

74 
137 

80 

» 

28 

41 

105 

16 

85 

39 

102 

83 

48 

467 

98 

121 

307 

208 

66 

70 

» 

35 

36 

32 

63 

523 

336 

1.465 

96 

92 

149 

133 

64 

4.833 
156 
108 
395 
174 
122 
724 
543 
869 
106 
253 
113 
597 
566 
136 
733 
590 
278 

60 
287 
955 
183 
113 
243 
918 
» 
401 
417 
251 
2-51 
» 
140 
118 
401 
134 

85 
413 
102 

83 

217 

2.183 

98 
121 
617 
449 
427 

70 

98 
830 

75 
191 
363 
842 
837 
4.965 
228 
123 
1.146 
260 
534 

Corse 

Côte-d'Or. .  , 

Côtes-du-Nord  ........... 

Creuse 

Dordogne 

Doubs 

Drôme 

Eure 

Eure-et-Loir 

Finistère 

Gard 

Garonne  (Haute-) 

Gers. 

Gironde ... 

Hérault 

1  Hle-et-Yilaine. 

;  Indre 

■  Indre— et— Loire 

Isère 

Jura 

Landes 

Loir-et-Cher 

Loire 

Ivoire  (Haute-^ 

Loire— Inférieure . 

Loiret 

Lot 

Lot-et-Garonne 

Lozère 

M  aine -et— Loire 

Manche 

Marne 

Marne  (Haute—). 

Mavenne 

IVlftiirthe-et— Moselle. 

Meuse 

Morbihan.  .   .          

Nièvre 

Xord 

Oise 

Orne « 

Pas-de-Calais 

Puy-de-Dôme 

Pvrénées  (Basses—^ 

Pvrénées  (Hautes-^ 

Pvrénées-Orientalcs. 

Rh(^ne 

Saône  (Haute— \ 

Saône— et— Loire 

Sarthe 

Savoip                . 

Savoie  Hlaute-^ 

Seine 

Seine-et-Marne 

Seine-et-Oise 

Seine— Inférieure              

QAyppo    /  r)ft|lY_\            ,     , 

Somme 

A  reporter 

15.795 

5.106 

20.901 

7.525 

3.159 

10.684 

31.585 

ENSEIGNEMENT 


4436  ~- 


DÉPARTEMENTS 

ÉLÈVES  E 

DANS   LE 

E  L'ENSEl 

GNEMENT 

PRIMAIRE  SUPÉRIEUR  PURLIC 

DANS   LES   COURS  COMPLÉMENTAIRES 

TOTAL 

général 
des 
élèves 
de 
l'enseigne- 
ment 
primaire 
supérieur 

s   ÉCOLES   P 
SUPÉRIEURE 

RIMAIRES 
5 

Total 

Garçons 

Filles 

Garçons 

Filles 

Total 

[Report.  ...... 

Tarn          

45.795 

57 

» 

546 

80 

82 

90 

345 

459 

98 

5.406 
» 

89 

406 

» 

54 
» 
» 
» 

89 

20.904 

57 

89 

652 

80 

436 

90 

345 

459 

487 

7.525 
35 
57 
45 
76 

» 
54 

» 

234 

64 

3.459 

» 

20 

48 

54 

» 

» 

» 

56 
47 

40.684 

35 

77 

33 

430 

» 

54 

» 

290 

81 

34.585 
92 
466 
685 
240 
436 
444 
345 
449 
268 

Tarn— fit— (Taronno 

Var 

Vaiicliise 

Vendée 

Vienne 

Vipnnp  (^Haiite— ^ 

Vo^cps    .              

Yonne 

Totaux  pour  la  France.  .   .  . 

Alapr         ,....' 

47.252 

5.444 

22.696 

8.060 

3.324 

44.384 

34.080 

» 
72 
35 

» 
424 

» 

» 

496 

35 

» 
48 
45 

24 
45 
24 

24 
63 
36 

24 

259 

74 

Constantine 

Oran 

Totaux  pour  l'Algérie  .... 
Totaux  généraux  (4888-89) 

407 

424 

231 

63 

60 

123 

354 

47.359 

5.568 

22.927 

8.423 

3.384 

44.507 

34.434 

DÉPARTEMENTS 

NOMRRE  DE  CONSCRITS  DE  LA  CLASSE  I 

)E  4888 

sachant 

au   moins 

lire 

COMBIEN 

pour   cent 

sachant 

au  moins 

lire 

examinés 

dont 
on   n'a  pu 

vérifier 
rinstruc- 

tion 

Total 

ne 

sachant 

pas  lire 

^in        ,      .      

2.854 
4.443 

3.728 
928 
966 
1.568 
3.355 
2.343 
4.879 
4.632 
2.408 
3.408 
743 
4.495 
2.999 
4.536 
2.807 
3.209 
3.008 
2.285 
4.893 
2.762 
5.650 
2.540 
3.825 
2.382 
2.443 
2.278 
2.406 
5.310 
2.962 
3.396 

43 

47 

429 

32 

62 

62 

» 

4 

38 

34 

7 

466 

27 

84 

423 

482 

46 

442 

27 

497 

325 

44 

393 

48 

84 

57 

4 

94 

25 

683 

43 

48 

2.864 
4.460 
3.857 

960 
4.028 
4.630 
3.355 
2.347 
4.947 
4.666 
2.415 
3.574 

740 
4.276 
3.422 
2.018 
2.853 
3.351 
3.035 
2.782 
2.248 
2.773 
6.043 
2.558 
3.906 
2.439 
2.444 
2.369 
2.434 
5.993 
2.975 
3.444 

90 
445 

468 

49 

49 
222 
381 

68 
402 

54 
139 
499 
9 
275 
200 
444 
397 
223 
451 
436 
463 

48 

4.349 

207 

657 

34 
213 
234 

96 

4.392 

4{^5 

265 

2.764 
3.698 
3.260 
879 
947 
4.346 
2.974 
2.245 
4.477 
1.578 
2.269 
3.209 
704 
3.920 
2.799 
1.422 
2.440 
2.986 
2.557 
4.849 
4.430 
2.744 
4.334 
2.303 
3.168 
2.354 
2.200 
2.044 
2.040 
3.948 
2.777 
3.434 

96,8 
89,9 
87,4 
94,7 
94,9 
85,8 
88,6 
97,4 
78,6 
96,7 
94,2 
94,2 
98,7 
93,4 
93,3 
92,6 
85,9 
93,4 
85,0 
80,9 
75,5 
98,3 
76,7 
94,8 
82,8 
98,7 
94,2 
89,7 
95,4 
73,8 
93,8 
92,2 

Aisne 

Allier 

Alnp<N  (^Rasses— ^              

AInps  (Manies-^       

A|npc_Maritiiries ,   .   .   . 

4rdèohe ....   

Ardennes  

Arièo'e 

Aube               

A  n/Jû                   ....               

Avpvrnn                .                  .   .       .    .    .    . 

nplfnrt  (Territoire  de^ 

P>ouches-du-Rhône 

r'alvndn<>                          

(iîmtnl 

Charente               

Charente— Inférieure.  . 

Cher , 

Corrèze 

Corse                         •  '   

Côte-d'Or                       

Cfites  dn-Nord 

Creuse    

Dordogne '  •  • 

Doubs                       

DrAme                      

i^^yre      

Eure— et— Loir 

Finistère 

Gard                      

Garonne  (Haute-) 

A  reporter.  .......... 

87.388 

3.765 

94.453 

9.754 

77.837 

90,0 

—  4137  — 


ENSEIGNEMENT 


DEPARTEMENTS 


Report.  . 

Gers 

Gironde 

Hérault 

Ille-et- Vilaine  .  .  . 

Indre 

Indre-et-Loire.  .  . 

Isère  

Jura 

Landes 

Loir-et-Cher.  .  .  . 

Loire 

Loire  (Haute-).  .  . 
Loire-Inférieure  .  . 

Loiret 

Lot 

Lot-et-Garonne  .  . 

Lozère ' 

Maine-et-Loire.  .  . 

Manche 

Marne 

Marne  (Haute-).  .  . 

Mayenne 

Meurthe-et-Moselle. 

Meuse 

Morbihan 

Nièvre 

Nord ,  . 

Oise 

Orne 

Pas-de-Calais  .  .  . 
Puy-de-Dôme  .  .  . 
Pyrénées  (Basses-), 
Pyrénées  (Hautes-). 
Pyrénées-Orientales , 

Rhône 

Saône  (Haute-).  .  . 
Saône-et-Loire.  .  . 

Sarthe 

Savoie 

Savoie  (Haute-)  .  . 

Seine 

Seine-et-Marne.  .  . 
Seine-et-Oise  .  .  . 
Seine-Inférieure  .  . 
Sèvres  (Deux-).  .  . 

Somme.  , 

Tarn. ...*... 
Tarn-et-Garonne.  . 

Var 

Vaucluse 

Vendée  

Vienne 

Vienne  (Haute-)  .  , 

Vosges 

Yonne 


Totaux  pour  la  France. 

Alger 

Constantine 

Oran 


Totaux  pour  l'Algérie . 


Totaux  généraux.    \  ^\^'''  f  |^f!- 
^  l  Classe  de  188/. 


NOMBRE  DE  CONSCRITS  DE  LA  CLASSE  DE  4888 


examinés 


87.388 
4.805 
5.378 
2.922 
5.244 
2.548 
2.202 
4.588 
2.303 
2.554 
2.219 
4.956 
2.705 
5.252 
3.050 
2.007 
4.929 
1.252 
3.852 
4.002 
2.908 
1.728 
2.879 
3.365 
2.064 


4.790 
3.215 

13.134 
2.907 
2.648 
7.157 
4.578 
3.451 
1.698 
1.586 
4.859 
2.209 
5.334 
3.237 
2.219 
2.418 

17.702 
2.592 
4.056 
6.160 
2.726 
4.136 
2.812 
1.483 
1.762 
1.582 
3.654 
2.747 
3.109 
3.387 
2.659 


287 

.107 

874 
643 
623 

2 

.140 

289.247 
302.393 


dont 
on  n'a  pu 
vérifier 
l'instruc- 
tion 


3.765 

» 

313 

102 

89 

37 

32 

14 

74 

85 

74 

195 

228 

261 

3 

16 

87 

60 

35 

56 

26 

23 

117 

35 

18 

61 

» 

227 

22 

21 

213 

150 

247 

46 

65 

144 

110 

401 

37 

85 

226 

393 

14 

112 

165 

11 

70 

20 
86 
110 
82 
61 
53 
96 
13 


8.786 


207 
40 

274 


494 


9.277 
8.990 


Total 


94.153 
1.805 
5.691 
3.024 
5.333 
2.585 
2.234 
4.602 
2.377 
2.639 
2.293 
5.151 
2.933 
5.513 
3.053 
2.023 
2.016 
1.312 
3.887 
4.058 
2.934 
1.751 
2.996 
3.400 
2.082 
4.851 
3.215 

13.361 
2.929 
2.669 
7.370 
4.728 
3.698 
1.744 
1.651 
5.003 
2.319 
5.435 
3.274 
2.304 
2.644 

18.095 
2.606 
4.168 
6.325 
2.737 
4.206 
2.812 
1.503 
1.848 
1.692 
3.736 
2.808 
3.162 
3.483 
2.672 


295.893 


1.081 
653 

897 


2.631 


298.524 
311,383 


ne 

sachant 

pas  lire 


GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —  XV. 


9.751 
139 
431 

24 
647 
416 
157 
426 

37 
624 
233 
456 
524 
633 
226 
459 
442 

89 
325 
249 
424 

43 
238 

50 

27 
1.587 
465 
4.424 
485 
438 
643 
235 
434 

57 

76 
406 

64 
382 
422 

88 

48 
373 

89 
443 
735 
276 
407 
272 

87 
142 
144 
550 
369 
838 

54 

79 


26.773 


147 

40 
119 


306 


77.079 
30.764 


sachant 

au  moins 

lire 


77.837 
1.666 
4.947 
2.898 
4.597 
2.132 
2.045 
4.462 
2.266 
1.930 
1.986 
4.500 
2.184 
4.619 
2.824 
1.848 
4.787 
4.463 
3.527 
3.753 
2.787 
4.685 
2.644 
3.315 
2.037 
3.203 
2.750 

44.713 
2.722 
2.510 
6.514 
4.343 
3.017 
1.641 
1.510 
4.753 
2.145 
4.952 
2.815 
2.131 
2.370 

17.329 
2.503 
3.913 
5.425 
2.450 
3.729 
2.540 
1.396 
1.620 
1.438 
3.104 
2.378 
2.271 
3.333 
2.580 


260.334 


727 
603 
504 


1.834 


262.168 
271.629 


COMBIEN 

pour  cent 

sachant 

au  moins 

lire 


90,0 
92,3 
92,0 
99,2 
87,7 
83,7 
92,9 
97,3 
98,4 
75,6 
89,5 
90,8 
80,7 
87,9 
92,6 
92,1 
92,6 
92,9 
91,6 
93,8 
95,8 
97,5 
91,7 
98,5 
98,7 
66,9 
85,5 
89,2 
93,6 
94,8 
91,0 
94,9 
87,4 
96,6 
95,2 
97,8 
97,1 
92,8 
87,0 
96,0 
98,0 
97,9 
96,6 
96,5 
88,1 
89,9 
90,2 
90,3 
94,1 
91,9 
90,9 
84,9 
86,6 
73,0 
98,4 
97,0 


90,7 


83,2 
93,8 
80,9 


85,7 


90,6 
89,8 


72 


ENSEIGNEMENT 


—  113B  — 


DÉPARTEMENTS 

NOMBRE   D'HOMMES 

ayant  signé    ayant  déclare            .    •     . 
leur  acte       ne  pas  savoir     ^>^;;;1  .f  .Ç,"^ 
de  mariage          signer             ^^^^  ^^^^ 

NOMBRE   DE  FEMMES 

ayant  signé    ayant  déclaré            ^    •  ^ 
leur  acte      ne  pas  savon-    ^sm' 100 
de  mariage         signer 

Ain                                      

2.516 
3.674 
2.401 
775 
734 
1.348 
2.354 
2.193 
1.131 
1.848 
2.031 
2.625 
507 
4.139 
3.124 
1.655 
2.221 
3.089 
2.059 
1.800 
1.850 
2.399 
3.032 
1.911 
3.119 
2.101 
1.989 
2.355 
1.927 
4.640 
2.772 
2.827 
1.544 
5.813 
2.739 
3.762 
1.614 
2.140 
4.054 
1.979 
1.685 
1.790 
4.018 
2.094 
3.971 
2.592 
1.559 
1.680 
954 
3.295 
3.785 
3.193 
1.570 
2.058 
3.018 
1.946 
2.541 
2.206 
10.183 
2.629 
2.252 
5.821 
3.996 
2.255 
1.227 
1.273 
5.752 
1.735 
4.029 
2.866 
1.666 
1.560 
24.909 
2.570 
4.350 
5.758 
2.275 
3.634 
2.078 
1.251 
2.038 
1.539 
2.356 
1.962 
2.006 
3.051 
2.472 

135 

287 
913 
76 
41 
308 
700 
42 
345 
18 
289 
184 
1 
434 
73 
142 
554 
275 
563 
681 
491 
35 
1.478 
394 
1.166 
9 
550 
172 
102 
1.408 
242 
416 
300 
933 
286 
959 
593 
346 
188 
21 
507 
261 
270 
278 
745 
238 
558 
279 
29 
536 
75 
69 
18 
353 
18 
12 
1.517 
427 
1.743 
114 
99 
792 
569 
280 
64 
276 
113 
10 
396 
601 
38 
49 
500 
57 
105 
750 
297 
195 
357 
136 
257 
206 
829 
637 
1.044 
9 
103 

94,9 

92,7 

72,5 

91,1 

91,7 

81,4 

77,1 

98,1 

76,6 

99,0 

87,5 

93,4 

99,8 

90,5 

97,7 

92,1 

80,0 

91,8 

78,5 

72,6 

79,0 

98,6 

67,2 

82,9 

72,8 

99,6 

78,3 

93,2 

95,0 

76,7 

92,0 

87,2 

83,7 

86,2 

90,5 

79,7 

73,1 

86,1 

95,6 

99,0 

76,9 

87,3 

93,7 

88,3 

84,2 

91,6 

73,6 

85,8 

97,0 

86,0 

98,1 

97,9 

98,9 

85,4 

99,4 

99,4 

62,6 

83,8 

85,4 

95,8 

95,8 

88,0 

87,5 

89,0 

95,0 

82,2 

98,1 

99,4 

91,1 

82,6 

97,8 

97,0 

98,0 

97,8 

97,6 

88,5 

88,5 

94,9 

85,3 

90,2 

88,8 

88,2 

74,0 

75,5 

65,8 

99,7 

96,0 

2.380 
3.442 
2.183 
759 
714 
1.192 
2.274 
2.169 
834 
1.797 
1.720 
2.286 
505 
3.671 
3.093 
1.604 
1.840 
2.697 
1.819 
1.479 
1.162 
2.379 
2.618 
1.707 
2.857 
2.078 
1.603 
2.287 
1.911 
2.274 
2.573 
2.469 
1.393 
5.527 
2.516 
d.4U 
1.454 
2.031 
3.907 
1.962 
1.399 
1.736 
3.875 
1.814 
3.358 
2.435 
1.268 
1.511 
943 
3.360 
3.783 
3.129 
1.520 
2.005 
3.003 
1.938 
1.912 
2.150 
8.999 
2.587 
2.271 
5.165 
3.588 
1.908 
1.101 
864 
5.589 
1.699 
3.854 
2.734 
1.634 
1.497 
24.508 
2.515 
4.264 
5.364 
1.986 
3.434 
1.792 
1-139 
1.934 
1.333 
2.057 
1.691 
1.487 
3.033 
2.428 

271 
519 
1.131 
92 
61 
464 
780 
66 
642 
69 
600 
523 
3 
902 
104 
193 
935 
667 
803 
1.002 
1.179 
55 
1.892 
598 
1.428 
■  32 
936 
240 
118 
3.774 
441 
774 
451 
1.219 
509 
1.287 
753 
455 
335 
38 
793 
315 
413 
558    ■ 
1.358 
395 
849 
448 
40 
471 
77 
133 
68 
406 
33 
20 
2.116 
483 
2.927 
156 
80 
1.448 
977 
627 
190 
'     685 
276 
46 
571 
736 
70 
112 
901 
112 
191 
1.144 
586 
395 
643 
248 
361 
412 
1.128 
908 
1.563 
27 
147 

89,8 

86,9 

65,9 

89,2 

92,1 

72,0 

74,5 

97,0 

56,5 

96,3 

74,1 

81,4 

99,4 

80,3 

96,7 

89.3 

66,3 

80,2 

69,4 

59,6 

49,6 

97,7 

58,0 

74,1 

66,7 

98,5 

63,1 

90,5         ! 

94,2 

37,6 

85,4 

76,1 

75,5 

81,9 

83,2 

72,7 

65,9 

81,7 

92,1 

98,1 

63,8 

84,6 

90,4 

76,5 

71,2 

86,0 

59,9 

77,1 

95,9 

87,7 

98,0 

95,9 

95,7 

83,2 

98,9 

99,0 

47,1 

îhl 

7b, 5 
94,3 
96,6 
78,1 
78,6 
75,3 
85,3 
55,8 
95,3 
97,4 
87,1 
78,8 
95,9 
93,0 
96,5 
95,7 
95,7 
82,4 
77,2 
89,7 
73,6 
82,1 
84,3 
76,4 
64,6 
65,1 
48,8 
99,1 
94,3 

AUior 

Alpes  (Ilautos-) 

Alpos-Maritimes 

Arcléchc               .             

ArdeniKîS 

Arié'^o     . 

Aube 

Avovron     .                  

Belfort  (Territoire  de) 

Calvados      .       

Cantal 

Charente-InCérieure 

Cher. 

Corse                                    

Coto-d'Or                                       

Creuse       . .         

Dordoo"ne                                

Eure     

Kure-et-Loii'                

Finistère 

Gard 

Gers 

Hérault     .                   

]llp.(^t- Vilaine                     

Indre  

Isère 

Landes  

Loir-et-Cher 

Loire 

1  oiro-Inf  érieure             

Loiret 

Lot      

T  nt-ot-Caronne     

Manche 

Mayenne 

Meurthe-et-Moselle 

Nord     

Oise                      .    .         

Orne                                  

Pas-de-Calais 

Pyrénées  (Basses-) 

Pvréné(^s   THautos  ]                         

Sann(^  ('Hnntc-'l                                       .  •  .  . 

Savoie  fHaut(^-^                   

Sèvres  (Deux-) 

Snmm(^                                   

Tarn 

Var 

Vendée 

Vienne                           .       .          ..... 

Vienne  (Haute-) .    

Vosges 

Yonne 

Totaux  pour  la  France  en  1886 

250.239 

32.969 

88,4 

230.194 

53.014 

81,3 

—  1139  — 


ENSEIGNEMENT 


DEPARTEMENTS 


Am 

Aisne 

Allier 

Alpes  (Basses-) 
Alpes  (Hautes-) 
Alpes-Maritimes 
Ardèche.  .  .  . 
Ardennes.   .  . 

Ariège 

Aube 

Aude 

Aveyron. .  .  . 
Belfort  (Territoire  de) 
Bouches-du-Rhône 
Calvados  .... 

Cantal 

Charente  .... 
Charente- In  férieui 

Cher 

Corrèze 

Corse 

Côte-d'Or 

Côtes-du-Nord.   . 

Creuse  

Dordogne .... 

Doubs 

Drôme 

Eure 

Eure-et-Loir.  .  . 
Finistère  .... 

Gard 

Garonne  (Haute-) 

Gers 

Gironde 

Hérault 

Ille- et -Vilaine  . 

Indre 

Indre-et-Loire.  . 

Isère  

Jura 

Landes 

Loir-et-Cher.  . 

Loire 

Loire  (Haute-)  . 
Loire-Inférieure. 

Loiret 

Lot 

Lot-et-Garonne. 

Lozère 

Maine-et-Loire. 

Manche 

Marne 

Marne  (Haute-)  . 


TRAITEMENTS 

LÉGALEMENT    GARANTIS 

y  compris  Téventuel 

aux  directeurs,  directrices,  adjoints 

et  adjointes 


des 

écoles  primaires 

élémentaires 

de 

garçons  et  de  filles, 

écoles  mixtes, 

écoles  enfantines 

et  écoles 

maternelles 


i 


A  reporter. 


1.161.364^02 

1.749.800  71 

943.860  14 

592.699  18 

532.066  72 

517.225  07 

999.575  04 

1.025.843  34 

806.646  21 

759.591  80 

912.673  87 

1.395.010  43 

232.049  85 

941.701  45 

126.164  63 

773.657  36 

1.057.635  41 

1.218.699  27 

949.944  08 

863.033  57 

882.735  42 

1.208.050  36 

1.252.320  56 

779.629  31 

1.383.978  11 

1.052.264  58 

1.012.354  05 

922.574  81 

791.577  23 

1.218.274  76 

988.163  97 

1.149.217  64 

830.927  22 

1.569.522  19 

090.130  37 

974.211  51 

621.345  28 

779.409  72 

1.863.802  52 

1.040.628  26 

707.334  13 

721.493  05 

1.391.207  99 

738.011  69 

943.185  48 

908.817  30 

787.008  42 

778.683  33 

723.209  57 

1.000.532  79 

1.308.040  14 

1.302.503  61 

844.933  84 


1 


52.125.020  46 


des 
écoles    pri- 
maires supé- 
rieures 
de  garçons 

et  de  filles, 
cours     com- 
plémentaires 
d'un  an 


23.188^34 
44.482  77 
35.997  46 
14.695  79 
2.310  00 

55.030  54 

76.070  54 

15.828  66 

9.740  00 

10.333  31 
19.535  00 
12.926  69 
49.398  33 
10.271  00 
19.123  33 

7.053  30 

» 

22.362  48 

14.750  00 

8.560  00 
20.586  60 
21.032  25 
14.735  66 
42.315  74 
45.598  52 
90.418  78 

15.067  50 
35.728  16 

7.051  35 
53.208  74 
50.184  85 

1.020  00 
43.171  59 
35.179  70 
16.707  96 

9.164  00 
27.186  82 
87.383  79 
18.130  00 

14.334  50 

30.068  33 
74.774  85 


43.255  33 
32.449  45 
33.572  92 

» 
13.566  66 
13.868  00 
57.635  82 
10.240  24 


TOTAL 

des  traitements, 

allocations 
et   indemnités 


1.409.195  95 


1.230. 
1.871. 
1.013. 

636. 
556. 
530, 
1.093. 
1.170, 
862, 
819. 
957. 
1.447. 
260. 
1.026. 
1.170. 
814. 
1.093. 
1.241. 
994. 
904. 
925. 
1.285. 
1.288 
812 
1.468 
1.156 
1.153 
971 
862 
1.242 
1.072 
1.247 
867 
1.653 
1.172 
1.006 
648 
838 
2.016 
1.121 
749 
781 
1.529 
762 
950 
984 
841 
852 
751 
1.027 
1.349 
1.440 
899 


884^09 

244  83 

139  11 

183  50 

587  68 

,659  80 

,845  25 

.862  38 

,691  96 

072  60 

768  46 

931  35 

840  09 

126  64 

654  25 

818  37 

439  35 

167  09 

669  38 

776  19 

559  92 

746  06 

,981  82 

.422  49 

,989  61 

,531  61 

,363  99 

215  00 

871  28 

829  70 

145  66 

193  72 

230  52 

500  85 

466  36 

.181  59 

.827  84 

.073  26 

.614  98 

.353  75 

.503  65 

.221  67 

,666   38 

.976  14 

.315  95 

.405  63 

917  76 

.065  22 

316  16 

405  99 

.091  01 

.505  64 

864  53 


55.429.708  32 


LOYERS 

de 

maisons  d'école 

ou  indemnités 

de  logement 

et 
frais  d'impres- 


21.352^00 
21.795  00 
16.060  00 
14.263  00 
24.986  00 
69.541  00 
11.561  85 

5.712  00 
48.570  81 
14.511  80 
29.155  00 
106.531  00 
18.393  20 
339.713  75 
14.433  00 
26.482  73 
33.374  84 
49.835  00 
16.027  60 
51.397  00 
106.785  00 
17.415  50 
38.711  93 
25.549  00 
57.204  00 
24.134  20 
39.528  50 

9.504  00 

2.750  00 
44.675  50 
13.391  78 
408.392  61 
22.540  00 
45.478  50 
69.998  00 
15.918  06 

6.306  25 
51.425  37 
72.833  89 
11.843  00 
16.755  00 

5.201  24 
87.100  23 
25.546  00 
12.070  00 
12.303  00 

9.418  75 
21.851  64 
^0.861  50 

4.118 

6.931 
31.142  00 

4.851  10 


«5 
00 


2.076.231  98 


TOTAL 

GÉNÉRAL 


1.252 

1.893 

1.029 

650 

581 

600 

1.105 

1.176 

911 

833 

986 

1.554 

279 

1.365 

1.185 

841 

1.126 

1.291 

1.010 

956 

1.032 

1.303 

1.327 

837 

1.526 

1.180 

1.192 

980 

865 

1.287 

1.085 

1.355 

889 

1.698 

1.242 

1.022 

655, 

889, 

2.089, 


1.133 

766 

786 

1.616 

788 

962 

996 

851 

873 

772 

1.031 

1.356 

1.471 

904 


.236^09 
.039  83 
.199  11 
.446  50 
.573  68 
.200  80 
.407  10 
.574  38 
.262  77 
.584  40 
.923  46 
.462  35 
.233  29 
.840  39 
.087  25 
.301  10 
.814  19 
.002  09 
.696  98 
.173  19 
.344  92 
.161  56 
.693  75 
.971  49 
.193  62 
.665  81 
.892  49 
.719  00 
.621  28 
.505  20 
.537  44 
.586  33 
.770  52 
.979  35 
.464  36 
.099  65 
.134  09 
.498  63 
.448  87 
.196  75 
.258  65 
.422  91 
.766  61 
.522  14 
.385  95 
.708  63 
.336  51 
.916  86 
.177  66 
.524  84 
.022  01 
,647  64 
,715  63 


57,505.940  30 


ENSEIGNEMENT 


—  4140  — 


DÉPARTEMENTS 


Report. 
Mayenne  .  .  . 
Meurthe-et-Moselle 

Meuse 

Morbihan.  .  .  . 
Nièvre  ..... 
Nord.  ..... 

Oise 

Orne 

Pas-de-Calais.  . 
Puy-de-Dôme  .  . 
Pyrénées  (Basses- 
Pyrénées  (Hautes- 
Pyrénées-Orientales 

Rhône 

Saône  (Haute-)  . 
Saône-et-Loire.  . 

Sarthe 

Savoie 

Savoie  (Haute-) . 

Seine 

Seine-et-Marne . 
Seine-et-Oise.  . 
Seine-Inférieure. 
Sèvres  (Deux-). 

Somme 

Tarn 

Tarn-et-Garonne 

Var 

Vaucluse  .... 

Vendée 

Vienne 

Vienne  (Haute-). 

Vosges 

Yonne 


TRAITEMENTS 

LÉGALEMENT     GARANTIS 

y  compris  Féventuel 

aux  directeurs,  directrices,  adjoints 

et  adjointes 


des 

écoles  primaires 

élémentaires 

de 

garçons  et  de  filles, 

écoles    mixtes, 

écoles   enfantines 

et  écoles 

maternelles 


Totaux  pour  la  France, 

Alger 

Co'nstantine 

Oran 

Totaux  pour  FAlgérie, 
Totaux  généraux    .  .  . 


des 
écoles  pri- 
maires supé- 
rieures 
de  garçons 
et  de  filles, 
cours    com- 
plémentaires 
d'un  an 


52.125. 

761. 

1.176 

990 


828 

3.627 

4.382 

940. 

2.041. 

1.312. 

1.086 

794. 

626 

1.457 

1.054 

1.567 

943 

952 

847 

6.506 

1.218 

1.739 

1.968 

985 

1.704 

884 

535 

634 

517 

997 

764 

843 

1.225 

1.166 


020^6 
031  90 
594  48 
175  41 
712  55 
592  70 
156  22 
793  11 
188  77 
821  18 
263  68 
291  43 
124  36 
286  88 
.324  46 
.202  06 
.517  28 
.413  60 
.697  69 
.702  97 
.649  67 
.590  75 
.196  62 
.517  14 
635  14 
559  73 
418  28 
530  46 
.122  30 
.815  25 
.757  77 
.105  41 
.913  10 
538  88 
927  00 


TOTAL 

des  traitements, 

allocations 

et   indemnités 


96.953.489  59 


965.074  07 
641.610  57 

804.943  74 


2.411.628  38 


99.365.117  97 


.409.195^95 

2.170  00 

36.254  71 

11.150  00 

6.846  00 

17.292  99 

153.132  13 

9.771  33 

6.790  00 

19.760  96 

47.533  23 

36.223  59 

8.446  58 

7.374  40 
15.206  11 
44.048  83 
61.413  00 
82.731  60 

29.874  99 
7.892  00 
79.226  67 
20.314  76 
47.294  29 
12.010  20 
32.499  39 
43.799  90 
20.008  00 
17.071  06 
15.930  00 
26.171  65 
39.125  00 
29.723  00 


2.396.282  02 


17.282  81 


LOYERS 

de 

maisons  d'école 
ou  indemnités 
de   logement 

et 

frais    d'impres 
sion 


17.282  81 


2.413.564  83 


55.429. 

777. 

1.284. 

1.048 

762 

869. 

3.872. 

1.450. 

977. 

2.125. 

1.400 

1.172 

823 

653 

1.485 

1.106 

1.622 

1.010 

1.044 

968 

6.520 

1.294 

1.797 

2.164 

1.033 

1.830 

932 

594 

701 

559 

1.035 

804 

894 

1.322 

1.236 


2. 


708^32 
744  85 
548  24 
780  91 
189  77 
738  00 
536  18 
231  16 
574  99 
095  85 
.806  21 
.603  81 
.131  69 
.135  63 
.527  65 
.275  92 
.977  90 
.932  10 
155  35 
.381  50 
607  67 
.514  16 
.722  77 
.275  70 
.123  00 
354  61 
.163  39 
.060  96 
.601  03 
.916  24 
.937  00 
.415  23 
.144  19 
.187  90 
.896  00 


102.608.005  68 


980.406  56 
673.497  82 
816.643  74 


2.470.548  12 


105.078.553  80 


076.231^98 

2.866  66 

10.912  00 

4.558  00 

23.040  30 

3.648  00 

8.433  70 

7.379  00 

21.852  05 

27.421  65 

64.260  07 

38.329  00 

22.070  00 

58.667  08 

104.802  33 

3.172  17 

63.267  00 

6.565  66 

16.641  00 

19.640  70 

.073.048  00 

2.562  66 

17.396  77 

106.522  17 
13.156  79 
64.097  11 
49.243  00 
26.339  00 
43.875  00 
29.128  00 
18.434  00 
25.004  11 
55.779  99 
2.707  00 
8.084  00 


7.019.135 


TOTAL 


GÉNÉRAL 


57.505. 

780 

1.295 

1.053. 

785. 

873. 

3.880. 

1.457 

999. 

2.152. 

1.465 

1.210 

845 

711 

1.590 

1.109 

1.686 

1.017 

1.060 

988 

10.593 

1.297 

1.815 

2.270 

1.046 

1.894 

981 

620 

745 

589 

4.054 

829 

949 

1.324 

4.244 


940^30 
611  51 
/i50  24 
348  91 
230  07 
386  00 
969  88 
610  16 
427  04 
517  50 
066  28 
932  81 
201  69 
802  71 
329  98 
,448  09 
244  90 
,497  76 
.796  35 
.022  20 
.655  67 
.076  82 
.119  54 
.797  87 
.279  79 
451  72 
.406  39 
.399  96 
.476  03 
.044  24 
.371  00 
419  34 
924  18 
.894  90 
.980  00 


208.561  43 

63.581  80 

104.119  60 


376.262  53 


7.395.398  48 


109.627.141  63 


1.188.967  69 
737.079  62 
920.763  34 


2.846.810  65 


112.473.952  28 


TAlgérie;  elles  s'élèvent  à  112,473,952  fr.  28  pour  les 
dépenses  obligatoires  et  en  y  ajoutant  les  dépenses  facul- 
tatives (suppléments  de  traitement  votés  par  les  communes, 
9  317,104  fr.  55;  entretien  des  écoles  facultatives, 
845,879  fr.  79;  entretien  des  locaux  et  du  mobilier, 
fournitures  classiques,  prix,  etc.,  31,180,770  fr.  50),  on 
atteint  un  total  de  153,817,707  fr.  12,  effectuées  pour 
l'année  1888. 

Sur  l'enseignement  primaire  dans  les  pays  étrangers, 
il  faut  consulter  le  paragraphe  consacré  à  l'instruction 
dans  chacun  des  articles  relatifs  à  ces  pays  ;  toutefois 


nous  plaçons  ici  quelques  détails  statistiques  complémen- 
taires : 

En  Allemagne,  on  compte  environ  8,600,000  enfants 
d'âge  scolaire  (en  1885);  il  y  avait,  en  1887,  58,000 
écoles  avec  120,000  instituteurs  et  7,100,000  élèves. 
L'instruction  des  conscrits  était  telle  qu'en  1889-90  seule- 
ment 0,51  °/o  ne  savaient  ni  lire  ni  écrire  ;  la  proportion 
s'élevait  à  3  ^/o  en  Posnanie,  à  2  1/2  dans  la  Prusse  orien- 
tale et  occidentale  ;  elle  était  de  0,26  «/^  en  Alsace-Lor- 
raine. Voici  le  détail  par  pays.  Prusse  :  il  y  avait,  en  1885, 
5,240,116  enfants  d'âge  scolaire  (6  à  14  ans),  34,016 


1141  — 


ENSEIGNEMENT 


écoles  primaires  élémentaires  publiques  (en  1886)  avec 
65,933  maîtres  et  4,838,247  élèves  ;  il  y  faut  ajouter 
248  écoles  privées  avec  446  maîtres  et  8,763  élèves. 
Les  écoles  moyennes  étaient  au  nombre  de  1,537,  dont 
576  publiques  et  961  privées,  les  premières  comptant 
4,589  maîtres  et  134,937  élèves  ;  les  secondes,  6,120 
maîtres  et  68,373  élèves.  En  1822,  la  Prusse  n'avait  que 
20,440  écoles  primaires  ;  en  1864,  25,056;  en  1878, 
31,963.  Le  budget  de  l'instruction  primaire  en  1890-91 
était  de  55,822,310  marcs.  —  En  Bavière,  les  écoles 
primaires  étaient  en  1888  au  nombre  de  7,277,  dont  5,060 
catholiques,  1,893  protestantes,  134  mixtes,  90  juives.  — 
EnWurttemberg,on  comptait,  en  1889,  plus  de  2,000  écoles 
primaires  publiques  avec  4,496  maîtres  et  324,833  élèves. 
—  En  Saxe,  il  existait,  en  1890,  2,171  écoles  publiques 
protestantes,  39  écoles  catholiques,  77  écoles  privées  et 
1,943  écoles  complémentaires,  soit  un  total  de  423  écoles 
avec  670,354  élèves.  —  A  Bade,  on  comptait,  en  1890-91, 
1,616  écoles  primaires  élémentaires  avec  5,408  maîtres 
et  318,235  élèves;  30  écoles  primaires  supérieures  avec 
330  maîtres  et  4,628  élèves. 

En  Autriche-Hongrie,  on  relevait  les  chiffres  suivants  : 
Autriche  (1890)  :  18,598  écoles  primaires,  64,222  insti- 
tuteurs ou  institutrices,  2,872,929  élèves  pour  3,478,015 
enfants  d'âge  scolaire.  Sur  le  total  des  écoles,  7,251  étaient 
de  langue  allemande,  4,490  de  langue  tchèque,  4,442  de 
langues  slaves  diverses,  823  italiennes,  91  roumaines, 
3  magyares,  519  mixtes.  87  %  des  enfants  fréquentaient 
l'école  primaire.  —  Hongrie  :  16,737  écoles,  24,622 
maîtres,  2,013,539  élèves  pour  2,470,923  enfants  d'âge 
scolaire;  1,037,399  recevaient  l'instruction  en  langue 
magyare,  308,538  en  allemand,  242,257  en  roumain, 
270,396  en  slovène,  1 54,949  en  serbe,  croate,  ruthène,  etc.; 
81  1/2  <*/o  des  enfants  fréquentaient  l'école  primaire. 

En  Belgique,  à  la  fin  de  1890,  les  statistiques  relevaient 
les  chiffres  suivants:  écoles  primaires,  5,673  avec  616,091 
élèves;  écoles  maternelles,  1,145  avec  113,172  élèves; 
classes  d'adultes,  1,745  avec  67,675  élèves.  Le  total  des 
dépenses  de  l'instruction  primaire  était  de  27,711,132  fr. 
(en  1889);  en  1891,  l'Etat  fournissait  10,764,301  fr. 
Sur  56,174  conscrits,  on  constata  en  1890  que  7,289  ne 
savaient  ni  lire  ni  écrire  et  1,605  lire  seulement. 

Le  Danemark  avait,  en  1889,  2,940  écoles  avec  231,940 
élèves.  La  Suède,  10,516  écoles  primaires  avec  13,285 
maîtres  et  690,253  élèves  et  dépensait  12,514,821  cou- 
ronnes. Il  n'y  avait  guère  que  0,1  ^/^  de  conscrits  illettrés. 
La  Norvège  avait,  en  1888,  6,330  écoles  avec  295,239 
élèves  et  dépensait  pour  cela  4,843,068  couronnes. 

La  Grande-Bretagne  a  donné  les  chiffres  suivants  :  Au 
1^'  avr.  1891,  il  y  avait  en  Angleterre  2,287  bureaux 
d'éducation  {school  boards)  embrassant  une  population  de 
16,580,279  personnes,  et  777  comités  {school  attendance 
commutées)  embrassant  une  population  de  9,394,160  per- 
sonnes. L'organisation  scolaire  était  donc  presque  com- 


plète; de  même  en  Ecosse.  On  comptait  en  Angleterre 
6,124,519  enfants  d'âge  scolaire  (5  à  14  ans)  et  en  Ecosse 
841,982.  Les  tableaux  suivants  indiquent  les  progrès  réa- 
lisés depuis  1885,  au  moins  en  Angleterre  et  en  Ecosse  : 


NOMBRE 

NOMBRE 

des 

des 

NOMBRE 

ANNEES 

ENFANTS 

des 

ECOLES 

qui  peuvent 

ÉLÈVES 

inspectées 

y  être  reçus 

[  1884-188,^ 

18.895 

4.998.718 

3.371.325 

|l  1885-1886 

19.022 

5.145.272 

3.438.425 

«11886-1887 

19.154 

5.278.992 

3.527.381 

S)  1887-188^ 

19.221 

5.356.554 

3.614.967 

i/ 1888-1889 

19.310 

5.440.441 

3.682.625 

^[  1 889-1 89C 

19.419 

5.539.285 

3.717.917 

/  1884-1885 

3.081 

660.101 

455.655 

„    1885-1886 

3.092 

691.405 

476.890 

^)  1886-1887 

3.111 

677.984 

491.735 

2)1887-1888 

3.105 

687.297 

496.239 

«/ 1888-1889 

3.116 

706.085 

503.100 

\  1889-1890 

3.117 

723.840 

519.738 

NOMBRE 

ANNEES 

ÉCOLES 

des 

ÉLÈVES 

/     1885 

7.936 

502.454 

«L     1886 

8.024 

490.484 

g)    1887 

8.112 

515.388 

2]    1888 

8.196 

493.883 

2/    1889 

8.251 

507.865 

\    1890 

8.298 

489.144 

On  comptait  en  Angleterre  (en  1890)  101,227  insti- 
tuteurs, y  compris  3,294  qui  achevaient  leurs  études  dans 
les  écoles  normales  (training  collège)  ;  en  Ecosse,  il  y  en 
avait  13,805  dont  857  aux  écoles  normales.  Il  existait 
44  écoles  normales  en  Angleterre,  7  en  Ecosse  et  4  en 
Irlande  avec  599  élèves.  —  En  Angleterre,  il  existait,  en 
1890,  4,714  écoles  primaires  publiques  relevant  directe- 
ment des  bureaux  d'éducation;  11,922  dépendant  de  la 
Société  nationale  ou  de  l'Eglise  anglicane  ;  551  apparte- 
nant aux  wesleyens,  946  aux  catholiques,  1,365  à  diverses 
sectes  ou  sociétés.  En  Ecosse,  il  existait  2,651  écoles 
publiques,  62  relevant  de  l'Eglise  d'Ecosse,  1 Q^  de  l'Eglise 
catholique  et  environ  250  des  sectes  ou  sociétés  diverses. 
Le  budget  de  l'enseignement  primaire  était  le  suivant.  Il 
est  évalué  en  livres  sterling  : 


1887 

Angleterre 3.079.685  £ 

Ecosse 445.845 

Irlande 886.051 

Grande-Bretagne    (frais  d'ins- 
pection et  c.) 419.508 


1^ 


Total. 


4.831.089 


3.110.210£ 
474.759 
911.792 

426.004 
4.925.765 


1889 

3.245.450£ 

488.686 
902.333 

433.748 
5.070.217 


1890 
3. 326. 220  £- 
493.354 
902.391 

439.506 
5.161.471 


1891 

3.415. 183£ 
522.951 
958.063 

454.803 
5.351.000 


Pour  avoir  le  total  des  dépenses  de  l'enseignement  pri- 
maire, il  y  faut  ajouter  les  revenus  provenant  de  dotations, 
rétributions  scolaires,  taxes  locales,  souscriptions  volon- 
taires, etc.,  dont  le  total  s'élevait  en  1890  :  pour  l'Angle- 
terre à  4,286,154  livres,  pour  l'Ecosse  à  627,231,  pour 
l'Irlande  à  126,145  ;  soit  en  tout  10,390,530  livres. 

Aux  Pays-Bas,  on  a  recensé,  en  1889-90,  2,952  écoles 
primaires  publiques  et  1,263  écoles  privées  ayant  respec- 
tivement 12,575  et  4,949  maîtres,  454,926  et  188,052 


élèves  ;  de  plus,  129  écoles  enfantines  (ou  maternelles) 
publiques  et  840  privées  ayant  respectivement  770  et 
2,467  maîtres,  23,198  et  80,353  élèves.  En  1889,  on 
constata  que  7,22  7o  des  conscrits  étaient  complètement 
illettrés  ;  la  proportion  s'élevait  à  11  ^/^  dans  le  Brabant 
septentrional.  Sur  les  enfants  d'âge  scolaire,  enjanv.  1890, 
11  %  ne  recevaient  pas  d'instruction  primaire. 

L'Espagne  comptait,  en  1885,  24,529  écoles  primaires 
publiques  et  5,576  privées  ;  en  1850,  il  n'y  avait  que 


ENSEIGNEMENT  —  ^1^2 

13,334  écoles  publiques  et  4,100  privées;  en  1870, 
22,711  écoles  publiques  et  5,406  privées.  Ces^  chiffres 
comprennent  les  écoles  du  dimanche  et  les  cours  d'adultes. 
En  1885,  on  recensait  1,843,183  élèves  inscrits.  En  1877, 
on  comptait  encore  30,64  °/o  des  hommes  et  41,37  des 
femmes  ne  sachant  ni  lire  ni  écrire. 
Le  Portugal,  où  les  quatre  cinquièmes  des  habitants  sont 


complètement  illettrés,  avait,  en  1887,  3,739  écoles  pri- 
maires publiques  avec  179,089  élèves  et  1,600  écoles 
privées  avec  60,725  élèves. 

L'Italie  a  réahsé  de  grands  progrès,  puisqu'on  vingt- 
cinq  ans  la  population  scolaire  a  passé  de  1  mil- 
lion à  2,326,000  enfants.  Voici  les  chiffres  pour  1888- 
1889: 


NOMBRE 

MAÎTRES 

ÉLÈVES 

DÉSIGNATION 

GARÇONS 

FILLES 

TOTAL 

^flllp«!  d'asile          '. 

2.220 
44.664 
2.908 
7.975 
8.797 

5.720 
45.694 
2.875 
8.499 
8.942 

136.139 
1.118.217 

48.397 

63.246 

205.028 

132.047 
941.172 

36.775 
118.585 

86.192 

268.186 

2.059.389 

85.172 

181.831 

291.220 

Ecoles  primaires  publiques  régulières 

—                   irrégulières .... 

Ecoles  du  soir  et  du  dimanche 

Les  tableaux  suivants  indiquant  la  proportion  des  illet- 
trés montrent  les  progrès  effectués  : 


ANNEES 


1861  ... 
1871  . . 

1881  . . . 


AU-DESSUS 

de  5  ans 


Garçons      Filles 


68,09 
61,86 

54,56 


81,27 
71,73 
69,32 


ANNEES 


1866  , 
1871 

1881  , 
1889 


CONSCRITS 

illettrés 


64,01 
56,74 

47,74 
42,04 


AU-DESSUS 

de  20  ans 


Hommes  Femmes 


65,47 
60,17 

53,89 


81,52 

77,18 
72,93 


CONJOINTS 

illettrés 


Hommes  Femmes 


59,96 
57,73 
48,24 
41,21 


78,97 
76,73 
69,90 
60,45 


La  proportion  des  illettrés  de  tout  âge  (6  ans  et  plus) 
est,  en  1881,  maxima  dans  la  Basilicate  où  elle  atteint 
85^18  ""1  et  minima  dans  le  Piémont  où  elle  descend  à 
32^27  «r.  Dans  la  haute  Italie,  elle  est  de  40,85  «/^  ; 
dans  l'ItaUe  centrale,  de  64,61  ;  dans  l'Italie  méridionale, 
de  79,46  et,  dans  les  îles,  de  80,91  o/^. 

En  Grèce,  on  constatait  en  1879  que  86,06  %  des 
hommes,  mais  seulement  23,08  %  des  femmes  savaient 

lire  et  écrire.  .        o  aaa  '    i 

En  Roumanie,  il  y  a  environ  3,000  écoles  primaires 
avec  130,000  élèves;  le  rapport  à  la  population  totale 
n'est  que  de  2  «/«  (au  lieu  de  12,4  «/,  en  France  et  12,3 
dans  la  Grande-Bretagne).  ,     . 

La  Serbie  avait,  en  1888-89,  668  écoles  primaires  avec 
1,194  maîtres  et  52,358  élèves  ;  en  1874,  il  n'y  avait  que 
4  %  des  habitants  sachant  lire  et  écrire  ;  en  1884,  la 
proportion  s'élevait  à  10  «/o. 

En  Russie,  les  chiffres  sont  encore  peu  satisfaisants, 
sauf  en  Finlande.  En  1887,  il  n'y  avait  pas  plus  de 
2,500,000  enfants  dans  les  écoles  primaires,  dont  527,570 
filles.  Même  en  admettant  que  ces  relevés  sont  trop  faibles, 
on  arrive  à  cette  conclusion  que  la  population  scolaire 
forme  2  ^/o  de  la  population  totale  au  lieu  de  12  «/o  qui 
est  la  moyenne  de  l'Europe  occidentale.  Les  écoles  pri- 
maires publiques  sont  au  nombre  de  24,329,  recevant 
1,219,663  garçons  et  339,514  filles;  les  écoles  parois- 


siales, au  nombre  de  15,471  avec  408,721  élèves  ;  les 
écoles  du  clergé,  dont  les  instituteurs  reçoivent  des  lettres 
d'obédience  de  l'évêque,  étaient,  en  1890,  au  nombre  de 
19,058  avec  600,000  élèves.  Les  zemstvos  entretiennent 
22,000  écoles.  Pour  les  détails  sur  les  différents  modes 
d'instruction  primaire,  V.  l'art.  Russie. 

En  Suisse,  on  n'a  trouvé  en  1889  que  3  ^/o  de  cons- 
crits illettrés  ;  les  8,101  écoles  primaires  ont  9,031  maîtres 
et  471,916  élèves  ;  les  451  écoles  secondaires  (de  12  à 
15  ans)  ont  1,349  maîtres  et  26,146  élèves. 

Aux  Etats-Unis,  sans  entrer  dans  le  détail.  Etat  par  Etat, 
nous  constaterons  que  12,688,467  enfants  ou  adolescents 
(de  4  à  21  ans)  figurent  sur  les  listes  de  l'enseigne- 
ment et  que  8,15l';810  fréquentent  l'éeole  quotidienne. 
11  y  faut  ajouter  1,200,000  élèves  des  écoles  privées 
ou  paroissiales.  Le  total  des  dépenses  pour  les  écoles  pu- 
bliques élémentaires  s'élevait,  en  1889-90,  à  140,268,987 
dollars,  chiffre  formidable,  qui  dépasse  de  beaucoup  les 
sacrifices  faits  par  les  Etats  européens.  En  1880,  on  cons- 
tatait que,  sur  36,761,607  habitants  de  plus  de  10  ans, 
il  y  en  avait  4,823,431  ne  sachant  pas  lire  et  6,239,958 
ne  sachant  pas  écrire.  Depuis  1870,  on  avait  gagné  3  «/o, 
réduisant  la  proportion  des  illettrés  de  16  à  13  «/o  et  celle 
des  personnes  ne  sachant  pas  écrire  de  20  à  17  °/o  ;  ce  qui 
abaisse  la  moyenne,  c'est  l'ignorance  des  nègres  ;  pour  les 
blancs,  au  heu  de  17  «/o,  on  n'en  trouve  que  9,4  «/o  ne 
sachant  pas  écrire  (parmi  les  indigènes,  8,7  «/o;  parmi  les 
immigrés,  12  °/o),  alors  que  dans  certains  districts  il  y  a 
plus  de  70  «/o  des  noirs  qui  ne  savent  pas  écrire. 

Politique.  —  Ainsi  que  nous  l'avons  fait  observer 
précédemment,  le  principe  sur  lequel  repose  l'intervention 
de  l'Etat  en  matière  d'enseignement  primaire  est  le  principe 
de  la  nécessité  de  l'instruction.  Son  corollaire  est  l'obli- 
gation scolaire.  Nul  ne  peut,  dans  la  société,  se  passer 
d'enseignement,  et  l'enfant  n'ayant  d'ailleurs  pas  qualité 
pour  se  prononcer,  il  est  inadmissible  que  ses  parents  ou 
tuteurs  puissent  le  priver  de  l'instruction.  Il  y  a  un  mini- 
mum d'instruction  jugé  indispensable;  il  doit  être  donné  à 
tout  enfant,  et  l'Etat  doit  prendre  toutes  les  mesures  pour 
le  lui  assurer.  On  est  ainsi  conduit  à  déclarer  l'enseigne- 
ment primaire  obligatoire  ;  la  conséquence  est  qu'il  doit 
être  gratuit  au  moins  pour  ceux  tjui  ne  peuvent  payer  ; 
l'Etat  sera  conduit  à  l'organiser  ou  à  en  surveiller  l'orga- 
nisation par  les  collectivités  partout  où  l'initiative  privée 
ne  sufiît  pas  à  la  tâche.  L'idée  de  renseignement  obligatoire 
est,  en  effet,  inséparable  de  celle  de  l'enseignement  public. 
Nous  prenons  ce  terme  dans  son  acception  la  plus  large  ; 
il  s'agit  ici  non  pas  de  l'Etat  créant  un  personnel  d'insti- 
tuteurs publics,  mais  des  pouvoirs  publics,  communaux  ou 
provinciaux  aussi  bien  que  gouvernementaux,  créant  des 
écoles  où  sera  donné  aux  enfants  le  minimum  d'instruction 


—  1143  — 


ENSEIGNEMENT 


qui  leur  est  dû.  Nous  examinerons  successivement  la 
question  de  l'obligation  et  celle  de  la  gratuité  en  indiquant 
la  solution  qui  leur  a  été  donnée  dans  les  divers  pays. 
Quant  à  la  question  politique,  la  plus  grave  qui  soit  en 
jeu,  celle  de  l'école  confessionnelle  et  de  la  neutralité  sco- 
laire, il  en  sera  traité  séparément  dans  l'art.  Laïcité. 

Obligation.  —  Le  principe  de  l'obligation  scolaire  fut 
affirmé  en  France  dès  1560  par  la  noblesse  aux  Etats 
généraux  d'Orléans.  L'Assemblée  constituante  et  l'Assemblée 
législative  étaient  imbues  d'idées  très  optimistes  et  con- 
vaincues que  toutes  les  familles  désiraient  faire  participer 
leurs  enfants  aux  bienfaits  de  l'instruction  ;  elles  se  con- 
tentèrent donc  de  prendre  des  mesures  pour  que  tous  pus- 
sent l'obtenir  et  être  admis  à  l'école  ;  elles  ne  songèrent 
pas  à  obliger  les  enfants  à  y  aller.  La  Convention  s'ache- 
mina vers  cette  conception  par  le  décret  du  29  vendémiaire 
an  II,  oti  l'on  décida  :  Tout  individu  depuis  l'âge  de  six 
ans  est  inscrit  dans  les  écoles  nationales.  Elle  décréta 
l'obligation  scolaire  par  le  décret  du  29  frimaire  an  II,  sur 
la  proposition  de  Charlier,  appuyée  par  Danton.  Ce  décret 
établit  à  la  fois  l'obligation  et  la  gratuité,  tout  en  affirmant 
le  principe  de  la  liberté  de  l'enseignement,  c.-à-d.  le  droit 
pour  chacun  d'ouvrir  une  école  et  celui  des  parents  de  choisir 
celle  qu'ils  préféraient.  Mais  ils  étaient  tenus  d'envoyer 
leurs  enfants  avant  huit  ans  aux  écoles  du  premier  degré, 
en  déclarant  à  la  municipalité  leurs  noms  et  prénoms  et 
ceux  des  instituteurs  ou  institutrices  qu'ils  choisissaient  ; 
ils  devaient  les  y  laisser  durant  trois  années  ;  la  sanction  était 
une  amende  du  quart  des  contributions  et,  en  cas  de  réci- 
dive, la  privation  des  droits  de  citoyen  pendant  dix  années. 
Ce  décret  ne  fut  appliqué  que  partiellement;  le  décret  du 
27  brumaire  an  lit  stipule  seulement  un  examen  pour  les 
enfants  qui  n'auront  pas  été  envoyés  aux  écoles  publiques  ; 
s'ils  n'ont  pas  les  connaissances  nécessaires  aux  citoyens 
français,  ils  seront  écartés,  jusqu'à  ce  qu'ils  les  aient 
acquises,  de  toutes  les  fonctions  publiques.  La  consti- 
tution de  l'an  III  contient  une  prescription  analogue,  mais 
en  ajourne  l'application  à  l'an  XII.  Le  triomphe  des  réac- 
tionnaires à  la  Convention  se  marque  par  la  loi  du  3  bru- 
maire an  IV,  laquelle  supprime  le  traitement  des  institu- 
teurs, la  gratuité  et  même  l'obligation  pour  les  communes 
d'entretenir  une  école.  Le  Directoire  essaya  d'assurer  une 
fréquentation  scolaire  régulière  par  un  arrêté  du  27  bru- 
maire an  VIL  Le  Consulat  et  l'Empire  se  désintéressent 
de  l'enseignement  primaire  ;  sous  la  Restauration  on  exerce 
une  certaine  pression  morale  sur  les  parents  pour  faire 
appeler  les  enfants  à  l'école  (ordon.  du  16  févr.  1816). 
Lors  de  la  discussion  de  la  loi  du  28  juin  1833,  la  Chambre 
des  députés  se  prononça  contre  l'obligation  à  laquelle 
Guizot  était  opposé.  Cousin,  au  contraire,  se  déclara  pour 
l'obligation  à  la  Chambre  des  pairs.  En  1848,  Carnot 
déposa  un  projet  tendant  à  rendre  obligatoire  l'instruction 
primaire.  Mais,  quand  la  question  vint  devant  l'Assemblée 
législative  le  19  févr.  1850,  l'obligation  fut  repoussée  par 
485  voix  contre  182.  Mais  l'opinion  publique  devenait  de 
plus  en  plus  favorable  à  cette  mesure,  au  point  que  dès 
1853  le  débat  reprenait.  C'étaient  surtout  des  pétitions 
venant  d'Alsace  qui  réclamaient  l'obligation  scolaire.  La 
question  fut  traitée  à  fond  au  congrès  international  de 
Francfort  entre  M.  deMolinari,  qui  soutint  le  devoir  pour 
l'Etat  d'assurer  l'instruction,  et  M.  Frédéric  Passy,  qui  s'y 
opposa  au  nom  de  la  liberté  du  père  de  famille.  Au  Corps 
législatif,  les  républicains  revendiquaient  l'obligation.  Enfin, 
en  1865,  M.  Duruy  obtint  de  l'empereur  qu'on  publiât  au 
Moniteur  un  rapport  où  il  demandait  que  l'instruction  pri- 
maire fût  obligatoire  et  gratuite.  Dès  le  lendemain.  Napo- 
léon III  recula  et  le  désavoua.  Cependant  le  général  Niel 
imposait  l'école  régimentaire  aux  soldats  illettrés,  et  l'amiral 
Rigault  de  Genouilly  en  faisait  autant  pour  les  marins  (mai 
18'70).  La  Ligue  de  l'enseignement  prit  la  direction  du 
mouvement  ;  le  comité  de  Strasbourg,  le  cercle  havrais 
avaient  recueilli  des  centaines  de  milliers  de  signatures  ;  le 
cercle  parisien  en  obtint  plus  encore  en  1872.  On  deman- 


dait à  la  fois  l'obligation,  la  gratuité  et  la  laïcité,  les  trois 
conditions  s 'enchaînant  presque  nécessairement.  Lorsque  les 
républicains  eurent  triomphé,  ils  reprirent  leurs  projets  et 
les  firent  triompher.  La  loi  du  28  mars  1882,  présentée 
par  M.  Jules  Ferry,  rendit  l'instruction  primaire  obligatoire  ; 
elle  établit  de  plus  la  laïcité  des  programmes. 

Voici  quelles  sont  les  clauses  relatives  à  l'obligation 
scolaire.  L'instruction  primaire  est  obligatoire  pour  les 
enfants  des  deux  sexes  âgés  de  six  ans  révolus  à  treize 
ans  révolus  ;  elle  peut  être  donnée  soit  dans  les  établisse- 
ments d'instruction  primaire  ou  secondaire,  soit  dans  les 
écoles  publiques  ou  libres,  soit  dans  les  familles  par  le  père 
de  famille  lui-même  ou  par  toute  personne  qu'il  aura 
choisie.  Une  commission  municipale  scolaire  est  instituée 
dans  chaque  commune  pour  surveiller  et  encourager  la 
fréquentation  des  écoles.  Elle  se  compose  du  maire,  prési- 
dent ;  d'un  des  délégués  du  canton  ;  de  membres  désignés 
par  le  conseil  municipal  en  nombre  égal  au  plus  au  tiers 
des  membres  de  ce  conseil.  Pour  les  grandes  villes,  le  sys- 
tème est  légèrement  différent.  L'inspecteur  primaire  fait 
partie  de  droit  de  toutes  les  commissions  scolaires  insti- 
tuées dans  son  ressort.  On  peut  obtenir,  dès  l'âge  de  onze 
ans,  après  examen  public,  le  certificat  d'études  primaires 
qui  dispense  de  la  scolarité  obligatoire.  —  Le  père,  le 
tuteur,  la  personne  qui  a  la  garde  de  l'enfant,  le  patron 
chez  qui  l'enfant  est  placé,  devra,  quinze  jours  au  moins 
avant  l'époque  de  la  rentrée  des  classes,  faire  savoir  au 
maire  de  sa  commune  s'il  entend  faire  donner  à  l'enfant 
l'instruction  dans  la  famille  ou  dans  une  école  publique  ou 
privée  ;  dans  ces  deux  derniers  cas,  il  indiquera  l'école 
choisie.  Les  familles  domiciliées  à  proximité  de  deux  ou 
plusieurs  écoles  publiques  ont  la  faculté  de  faire  inscrire 
leurs  enfants  à  l'une  ou  à  l'autre  de  ces  écoles,  qu'elle  soit 
ou  non  sur  le  territoire  de  leur  commune,  à  moins  qu'elle 
ne  compte  déjà  le  nombre  maximum  d'élèves  autorisés  par 
les  règlements.  En  cas  de  contestation  et  sur  la  demande, 
soit  du  maire,  soit  des  parents,  le  conseil  départemental 
statue  en  dernier  ressort.  —  Chaque  année,  le  maire 
dresse,  d'accord  avec  la  commission  municipale  scolaire,  la 
liste  de  tous  les  enfants  âgés  de  six  à  treize  ans,  et  avise  les 
personnes  qui  ont  charge  de  ces  enfants  de  l'époque  de  la 
rentrée  des  classes.  En  cas  de  non-déclaration,  quinze 
jours  avant  l'époque  de  la  rentrée,  de  la  part  des  parents 
et  autres  personnes  responsables,  il  inscrit  d'office  l'enfant 
à  l'une  des  écoles  publiques  et  en  avertit  la  personne  res- 
ponsable. Huit  jours  avant  la  rentrée  des  classes,  il  remet 
aux  directeurs  d'écoles  publiques  et  privées  la  liste  des  en- 
fants qui  doivent  suivre  leurs  écoles.  Un  double  de  ces 
listes  est  adressé  par  lui  à  l'inspecteur  primaire.  —  Lors- 
qu'un enfant  quitte  l'école,  les  parents  ou  les  personnes 
responsables  doivent  en  donner  immédiatement  avis  au 
maire  et  indiquer  de  quelle  façon  l'enfant  recevra  l'ins- 
truction à  l'avenir.  —  Lorsqu'un  enfant  tnanque  momen- 
tanément l'école,  les  parents  ou  les  personnes  responsables 
doivent  faire  connaître  au  directeur  ou  à  la  directrice  les 
motifs  de  son  absence.  Les  directeurs  et  les  directrices 
doivent  tenir  un  registre  d'appel  qui  constate,  pour  chaque 
classe,  l'absence  des  élèves  inscrits.  A  la  fin  de  chaque 
mois,  ils  adresseront  au  maire  et  à  l'inspecteur  primaire 
un  extrait  de  ce  registre,  avec  l'indication  du  nombre  des 
absences  et  des  motifs  invoqués.  Les  motifs  d'absence 
seront  soumis  à  la  commission  scolaire.  Les  seuls  motifs 
réputés  légitimes  sont  les  suivants  :  maladie  de  l'enfant, 
décès  d'un  membre  de  la  famille,  empêchements  résultant 
de  la  difficulté  accidentelle  des  communications.  Les  autres 
circonstances  exceptionnellement  invoquées  seront  égale- 
ment appréciées  par  la  commission.  —  Tout  directeur 
d'école  privée  qui  ne  se  sera  pas  conformé  aux  prescrip- 
tions qui  précèdent  sera,  sur  le  rapport  de  la  commission 
scolaire  et  de  l'inspecteur  primaire,  déféré  au  conseil 
départemental.  Le  conseil  départemental  pourra  prononcer 
les  peines  suivantes  :  1<*  l'avertissement;  2*^  la  censure; 
3°  la  suspension  pour  un  mois  au  plus  et,  en  cas  de  réci- 


ENSEIGNEMENT 


—  1144 


dive  dans  Tannée  scolaire,  pour  trois  mois  au  plus.  -— 
Lorsqu'un  enfant  se  sera  absenté  de  l'école  quatre  fois 
dans  le  mois,  pendant  au  moins  une  demi-journée,  sans 
justification  admise  parla  commission  municipale  scolaire, 
le  père,  le  tuteur  ou  la  personne  responsable,  sera  invité, 
trois  jours  au  moins  à  l'avance,  à  comparaître  dans  la  salle 
des  actes  de  la  mairie,  devant  ladite  commission,  qui  lui 
rappellera  le  texte  de  la  loi  et  lui  expliquera  son  devoir. 

En  cas  de  non-comparution,  sans  justification  admise,  la 
commission  appliquera  la  peine  énoncée  pour  le  cas  de  réci- 
dive. —  Dans  le  cas  de  récidive  dans  les  douze  mois  qui 
suivent  la  première  infraction,  la  commission  municipale 
scolaire  ordonne  l'inscription  à  la  porte  de  la  mairie  des 
nom,  prénoms  et  qualités  de  la  personne  responsable  avec 
indication  des  faits  relevés  contre  elle.  En  cas  de  nouvelle 
récidive,  la  commission  scolaire  ou,  à  son  défaut,  l'inspec- 
teur primaire  devra  adresser  une  plainte  au  juge  de  paix. 
L'infraction  est  considérée  comme  une  contravention.  La 
commission  scolaire  peut  accorder  aux  enfants,  sur  demande 
motivée  des  parents  ou  du  tuteur,  des  dispenses  de  fré- 
quentation scolaire  ne  pouvant  dépasser  trois  mois_  par 
année  en  dehors  des  vacances.  Lorsque  les  enfants  suivent 
leurs  parents  ou  tuteurs  dans  un  déplacement  temporaire, 
il  suffit  que  ceux-ci  en  donnent  avis  au  maire  ou  à  l'ins- 
tituteur. La  commission  peut  aussi,  avec  l'approbation  du 
conseil  départemental,  dispenser  les  enfants  employés  dans 
l'industrie  et  arrivés  à  l'âge  de  l'apprentissage,  d'une  des 
deux  classes  de  la  journée  ;  la  même  faculté  sera  accordée 
à  tous  les  enfants  employés,  hors  de  leur  famille,  dans 
l'agriculture.  —  Les  enfants  qui  reçoivent  l'instruction  dans 
la  famille  doivent,  chaque  année,  à  partir  de  la  fin  de  la 
deuxième  année  d'instruction  obligatoire,  subir  un  examen 
qui  portera  sur  les  matières  de  l'enseignement  correspon- 
dant à  leur  âge  dans  les  écoles  publiques,  dans  des  formes 
et  suivant  des  programmes  qui  seront  déterminés  par 
arrêtés  ministériels  rendus  en  conseil  supérieur.  Le  jury 
d'examen  sera  composé  de  :  l'inspecteur  primaire  ou  son 
délégué,  président;  un  délégué  cantonal;  une  personne 
munie  d'un  diplôme  universitaire  ou  d'un  brevet  de  capa- 
cité ;  les  juges  seront  choisis  par  l'inspecteur  d'académie. 
Pour  l'examen  des  filles,  la  personne  brevetée  devra  être 
femme.  Si  l'examen  de  l'enfant  est  jugé  insuffisant  et 
qu'aucune  excuse  ne  soit  admise  par  le  jury,  les  parents 
sont  mis  en  demeure  d'envoyer  leur  enfant  dans  une  école 
publique  ou  privée  dans  la  huitaine  de  la  notification,  et  de 
faire  savoir  au  maire  quelle  école  ils  ont  choisie.  En  cas 
de  non-déclaration,  l'inscription  aura  lieu  d'office.  La  résis- 
tance organisée  par  les  réactionnaires  et  les  cléricaux 
contre  la  loi  en  a  retardé  l'application  complète.  Les  com- 
missions scolaires  furent  dans  beaucoup  de  communes 
composées  en  partie  d'adversaires  de  la  loi.  Ceux-ci  firent 
tout  ce  qu'ils  purent  pour  en  entraver  le  fonctionnement. 
Aussi  a-t-on  dû  inscrire  dans  la  loi  organique  sur  l'en- 
seignement primaire  du  30  oct.  1886  des  dispositions 
nouvelles. 

La  commission  scolaire  se  réunit  au  moins  une  fois  tous 
les  trois  mois  sur  la  convocation  de  son  président  ou,  à  son 
défaut,  de  l'inspecteur  primaire.  Elle  ne  peut,  en  aucun 
cas,  s'immiscer  dans  l'appréciation  des  matières  et  des  mé- 
thodes de  l'enseignement.  L'inspecteur  primaire,  les  pa- 
rents ou  les  personnes  responsables  peuvent  faire  appel  de 
ses  décisions  devant  le  conseil  départemental,  dans  les  dix 
jours  et  par  simple  lettre. 

Dans  la  pratique,  on  s'est  efforcé  de  simplifier  les  for- 
malités ;  on  se  borne  à  demander  aux  familles,  dont  les 
enfants  ne  sont  inscrits  sur  les  registres  d'aucune  école, 
comment  elles  entendent  pourvoir  à  leur  instruction  ;  si 
elles  déclarent  s'en  charger  elles-mêmes,  on  fait  subir  aux 
enfants,  à  partir  de  la  deuxième  année,  à  la  rentrée  des 
classes,  un  examen  annuel  destiné  à  savoir,  non  le  degré 
de  l'instruction,  mais  s'il  y  a  une  instruction  ;  le  père  peut 
se  borner  à  présenter  les  cahiers  de  son  enfant,  avec  une 
attestation  d'authenticité  signée  par  lui  ou  par  l'enfant. 


L'obligation  scolaire  de  l'enseignement  primaire  a  pré- 
valu dans  presque  tous  les  pays  d'Europe  et  dans  plusieurs 
d'Amérique.  Nous  les  passerons  rapidement  en  revue. 

Allemagne.  La  fréquentation  obligatoire  de  l'école  fut 
imposée  en  Allemagne  presque  dès  la  création  de  l'école. 
Luther  la  demandait  énergiquement.  A  Bade,  l'obligation 
dure  de  6  à  14  ans  et  la  sanction  est  une  amende  de  10 
florins  et  un  emprisonnement  de  trois  jours.  En  Bavière, 
l'obhgation  scolaire  dure  de  6  à  16  ans  et  s'étend  aux  en- 
fants des  étrangers.  En  Prusse,  le  règlement  de  Frédéric  II, 
promulgué  en  1763,  rend  l'école  obligatoire  de  5  à  13  et 
^  4  ans  ;  les  sanctions  et  la  répression  varient  d'une  pro- 
vince à  l'autre.  En  Saxe,  l'obligation  dure  de  6  à  1 7  ans  (y 
compris  l'école  complémentaire);  la  sanction  est  une  amende 
de  10  thalers  qu'on  peut  transformer  en  prison.  En  Wurt- 
temberg,  l'obligation  dure  de  6  à  18  ans. 

Angleterre.  En  Angleterre,  le  principe  de  l'obligation 
a  triomphé  en  1870,  oti  l'on  autorisa  les  schools  boards 
à  inscrire  dans  les  règlements  de  leurs  écoles  l'obligation 
pour  les  parents  d'envoyer  à  l'école  publique  les  enfants 
d'âge  scolaire  qui  ne  recevraient  pas  ailleurs  une  instruc- 
tion suffisante.  V Education  Actde  1876  généralisa  en 
déclarant  qu'il  est  du  devoir  des  parents  de  pourvoir  à  ce 
que  leurs  enfants  reçoivent  une  instruction  sufli santé  en 
lecture,  écriture  et  arithmétique;  s'ils  négligent  de  le 
faire,  l'autorité  locale  fera  délivrer  par  une  cour  de  justice 
un  ordre  de  fréquentation  scolaire  à  l'adresse  de  l'enfant  ; 
si  cet  ordre  n'est  pas  obéi,  la  cour  peut  condamner  les  pa- 
rents à  une  amende  de  5  shillings  et  faire  enfermer 
l'enfant  dans  une  école  de  correction,  dite  école  industrielle. 
Enfin  V Education  Act  de  1880  a  enjoint  aux  autorités 
locales  scolaires  de  promulguer  sur-le-champ  des  règle- 
ments rendant  obligatoire  la  fréquentation  de  l'école;  à  la 
fin  de  l'année  le  département  d'éducation  rédigea  lui-même 
un  règlement  qui  fut  imposé  d'office  à  toutes  les  paroisses 
dont  les  comités  avaient  négligé  de  se  conformer  à  ces 
prescriptions.  —  En  Ecosse,  l'obligation  a  été  proclamée 
en  1872.  —  En  Irlande,  on  ne  l'a  pas  encore  introduite. 
—  Elle  existe  dans  toute  l'Australasie  britannique. 

Argentine  (République).  L'instruction  primaire  n'est 
pas  obligatoire. 

Autriche -Hongrie.  La  fréquentation  de  l'école  est  obli- 
gatoire à  partir  de  l'âge  de  7  ans  pendant  une  période  de  6  ans 
au  moins.  Ce  sont  les  législatures  provinciales  qui  arrêtent 
les  mesures  d'exécution  et  les  sanctions.  —  En  Hongrie, 
l'obligation  existe  de  6 à  15  ans;  la  sanction  est  une  série 
d'amendes  successives  de  1/2  à  4  florins;  à  la  cinquième 
contravention,  l'enfant  peut  être  placé  par  le  conseil  com- 
munal sous  l'autorité  d'un  tuteur  spécial. 

Belgique.  L'obligation  scolaire  n'existe  pas;  le  parti 
clérical  la  rejette  absolument  ;  les  libéraux  l'avaient  pro- 
posée. 

Bolivie.  L'instruction  primaire  n'est  pas  obligatoire. 

Brésil.  L'instruction  primaire  est  obligatoire  en  prin- 
cipe, mais  on  laisse  chaque  Etat  libre  de  statuer. 

Bulgarie.  La  fréquentation  de  l'école  primaire  est  obli- 
gatoire pendant  quatre  ans. 

Canada.  L'instruction  primaire  n'est  obligatoire  que 
dans  la  province  d'Ontario  (de  5  à  16  ans,  quatre  mois 
par  an). 

Chili.  L'instruction  primaire  n'est  pas  obligatoire. 

Colombie.  L'obligation  a  été  proclamée,  mais  sans 
sanction. 

Costa  Rica.  L'obligation  n'existe  pas. 

Danemark.  L'instruction  est  obligatoire  depuis  7  ans 
jusqu'à  l'âge  de  la  confirmation,  sous  peine  d'une  amende 
3  skillings  (9  cent.)  qui  se  double  ou  triple  en  cas  de  ré- 
cidive. 

Dominicaine  (Repu  blique).Vins{rnctïon  primaire  n'est 
pas  obhgatoire. 

Equateur.  L'instruction  primaire  n'est  pas  obligatoire. 

Espagne.  L'instruction  primaire  élémentaire  est  obli- 
gatoire depuis  la  loi  du  9  sept.  1857  ;  mais  celle-ci  n'est 


1145  - 


ENSEIGNEMENT 


pas  exécutée,  en  raison  de  l'opposition  du  parti  conser- 
vateur. 

Etats-Unis.  L'obligation  n'existait  en  1884  que  dans 
14  Etats  (Massachusetts,  1851  ;  Vermont,  1867  ;  Mi- 
chigan,  1871;  New  Hampshire,  1871  ;  Nevada,  1873; 
Wisconsin,  1873  ;  Californie,  1874;  Kansas,  1874  ;  New 
Jersey,  1874;  New  York,  1874;  Maine,  1875;  Ohio, 
1877;  Connecticut,  1882;  Illinois,  1883);  et  cinq  Terri- 
toires (Columbia  District,  1864;  Wyoming,  1873;  Was- 
hington, 1877;  Dakota,  1883  ;  Nouveau-Mexique).  L'âge 
scolaire  est  en  général  de  8  à  14  ans  ;  la  sanction  consiste 
en  une  série  d'amendes. 

Grèce.  L'obligation  a  été  proclamée  en  1834  sous  peine 
d'une  amende  de  10  cent,  à  50  fr.  par  heure  d'absence  ; 
la  loi  n'est  pas  exécutée. 

Guatemala,  L'obligation  n'existe  pas. 

Hawaii  (Iles).  Une  loi  de  1865  a  rendu  l'instruction 
primaire  obligatoire. 

Haïti.  L'obligation  n'existe  pas. 

Honduras.  L'obligation  n'existe  pas. 

Italie.  L'obligation,  proclamée  en  1859,  n'a  été  réalisée 
que  par  la  loi  du  15  juil.  1877  ;  elle  n'est  imposée  que  de 
7  à  9  ans  dans  les  communes  pourvues  d'écoles  et  dans 
un  rayon  de  2  kil.  de  l'école  ;  en  1882,  sur  1,735,185 
enfants  d'âge  scolaire,  1,735,185  étaient  inscrits  sur  les 
registres  scolaires,  mais  232,929  seulement  s'étaient  pré- 
sentés à  l'examen  de  fin  d'année.  Il  n'y  a  d'ailleurs  pas 
de  sanction  pénale. 

Luxembourg.  L'obligation  a  été  rendue  réelle  par  une 
loi  du  20  avr.  1881  ;  le  système  est  analogue  à  celui  de 
la  France. 

Mexique.  La  plupart  des  Etats  ont  rendu  l'instruction 
primaire  obligatoire. 

Monténégro.  Depuis  1879,  l'instruction  primaire  est 
obligatoire  de  7  à  12  ans. 

Nicaragua.  L'obligation  n'existe  pas. 

Paraguay.  L'obligation  n'existe  pas. 

Pays-Bas.  L'instruction  primaire  n'est  pas  obligatoire  ; 
la  violence  des  discussions  sur  l'école  confessionnelle  a  fait 
reculer  les  pouvoirs  législatifs. 

Pérou.  L'obligation  n'existe  pas. 

Portugal.  L'instruction  primaire  est  obligatoire  (en 
principe  mais  non  en  fait)  de  6  à  12  ans,  sauf  pour  les 
familles  situées  à  plus  de  2  kil.  de  l'école  ou  trop  pauvres 
et  non  assistées.  Les  sanctions  sont  l'affichage,  une  amende 
de  la  valeur  de  une  à  quatre  journées  de  travail. 

Roumanie.  L'obligation  n'existe  pas. 

Russie.  L'instruction  primaire  n'est  obligatoire  que  dans 
les  provinces  bal  tiques  de  Courlande,  Esthonie  et  Livonie. 
Pour  les  détails,  V.  Russie. 

San  Salvador.  L'obligation  n'existe  pas. 

Pays  Scandinaves.  En  Suède,  l'obligation  existe  de  7  à 
14  ans  et  les  parents  réfractaires  peuvent  être  privés  de  la 
garde  des  enfants.  En  Norvège,  l'obligation  existe  depuis  7 
ou  8  ans  jusqu'à  l'âge  de  la  confirmation  (pendant  12  ou 

9  semaines  par  an  dans  les  campagnes).  Les  absences  sont 
punies  d'une  amende  de  24  skillings  à  3  speciedalen 
(de  1  fr.  12  à  16  fr.  80).  Un  examen  annuel  a  lieu  pour 
tous  les  enfants.  Si  une  personne  de  19  ans  n'est  pas  en- 
core confirmée,  la  commission  scolaire  peut  employer  des 
moyens  coercilifs  pour  procurer  l'instruction  (placement 
dans  une  maison  de  travail  ou  un  établissement  d'amélio- 
ration). 

Serbie.  L'obligation  a  été  inscrite  dans  la  loi  du  31  déc. 
1 882  ;  elle  dure  6  ans  ;  la  sanction  est  une  amende  pro- 
noncée par  la  commission  scolaire;  elle  s'élève  de  4  à 

10  fr.,  puis  peut  être  doublée  pour  chaque  absence. 
Suisse,  La  constitution  fédérale  de  1874  a  établi  l'obli- 
gation déjà  admise  pour  la  plupart  des  cantons  en  s'en 
remettant  à  ceux-ci  pour  l'application.  La  durée  de  l'âge 
scolaire  et  la  nature  des  sanctions  varient.  Le  canton  de 
Soleure  oblige  tous  les  enfants  sans  exception  à  fréquenter 
l'école  publique. 


Turquie.  La  loi  de  1869  a  rendu  l'instruction  obliga- 
toire de  6  à  11  ans  pour  les  garçons,  de  6  à  10  ans  pour 
les  filles.  Elle  n'est  pas  appliquée. 

Uruguay.  L'instruction  est  obligatoire,  sous  peine 
d'amende,  dans  les  localités  où  existe  une  école. 

Venezuela.  L'obligation  n'existe  pas. 

Gratuité.  —  Le  système  de  la  gratuité  de  l'enseigne- 
ment primaire  est  celui  où  l'enseignement  est  donné  sans 
que  celui  qui  le  reçoit  (ou  ses  représentants)  ait  à  rétribuer 
directement  le  service  qui  lui  est  rendu.  Dans  ce  cas,  la 
rétribution  est  donnée  par  les  pouvoirs  publics  ;  dans  le 
système  opposé,  celui  de  la  rétribution  scolaire,  l'enseigne- 
ment est  payé  par  celui  qui  le  reçoit  ou  par  ses  parents, 
tuteurs,  etc.  La  gratuité  de  l'enseignement  est  absolue  ou 
partielle  ;  «  absolue,  quand  le  service  est  assuré  pour  tous 
sans  rétribution  personnelle  et  spéciale  de  celui  qui  en 
bénéficie,  pendant  le  temps  qu'il  en  bénéficie  ;  partielle, 
lorsque  cette  rétribution  est  exigée  de  ceux  qui  sont  consi- 
dérés comme  pouvant  les  fournir,  les  autres  en  étant 
exemptés  ».  Le  principe  de  la  nécessité  sociale  de  l'ensei- 
gnement primaire  conduit  à  la  gratuité,  et  c'est  au  nom  de 
l'égalité  entre  tous  les  citoyens  que  la  Constituante  l'ins- 
crivit dans  le  premier  titre  de  la  constitution  de  1791. 
Jusqu'alors  les  écoles  des  villages  étaient  payantes,  et  les 
bureaux  de  bienfaisance  ou  les  communes  se  chargeaient 
de  la  rétribution  des  enfants  pauvres  ;  les  écoles  gratuites 
s'appelaient  écoles  de  charité.  Le  nom  est  significatif.  La 
loi  du  3  brumaire  an  IV  revint  à  cette  conception  et 
n'exempta  de  la  rétribution  scolaire  que  les  enfants  indi- 
gents, cette  exemption  ne  pouvant  excéder  le  quart  des 
enfants  reçus  dans  les  écoles  primaires.  La  loi  du  11  flo- 
réal an  X  réduisit  cette  exemption  au  cinquième  des  élèves. 
La  loi  de  1833  accorda  l'exemption  à  tous  les  enfants  dont 
les  parents  seraient  désignés  par  les  conseils  municipaux 
comme  ne  pouvant  pas  payer.  La  loi  de  1850  confirma  ce 
système  ;  le  nombre  des  élèves  gratuits  était,  en  1850, 
de  35  ^jo  ;  en  1852,  il  monta  à  40  ^/o  ;  il  diminua  sous 
l'Empire,  parce  qu'on  décida  que  les  préfets  détermineraient 
chaque  année  le  nombre  maximum  des  élèves  gratuits 
dans  chaque  commune.  M.  Duruy  facilita  aux  communes 
rétablissement  d'écoles  entièrement  gratuites.  Les  pro- 
grès furent  rapides  et,  en  1870,  M.  Bourbeau  prépara  un 
projet  de  loi  pour  rendre  l'instruction  primaire  gratuite; 
elle  l'était  pour  les  deux  tiers  des  enfants.  Pourtant, 
c'est  seulement  la  loi  du  16  juin  1881  qui  réalisa  cette 
application  du  principe  de  l'égalité.  La  Ligue  de  Vensei-^ 
gnement  avait  recueilli  des  millions  de  signatures  en  sa 
faveur. 

Pour  l'étranger,  l'enseignement  primaire  public  est  gra- 
tuit en  Italie,  en  Portugal,  en  Norvège,  en  Suisse,  aux 
Etats-Unis  ;  de  plus,  dans  toutes  les  provinces  d'Autriche, 
excepté  la  Bohême,  la  Moravie,  la  Silésie,  le  Tirol  et  la 
ville  de  Laibach.  En  Danemark,  il  y  a  des  écoles  gratuites 
pour  les  pauvres.  En  Prusse,  la  gratuité  est  inscrite  dans 
la  constitution,  mais  n'est  pas  appliquée,  sauf  dans  quelques 
villes.  En  Angleterre,  un  school  hoard  peut  décréter  la 
gratuité  de  son  école.  Aux  Pays-Bas  et  dans  certains  pays 
allemands,  les  communes  peuvent  établir  la  gratuité  de 
l'instruction  primaire,  mais  du  même  coup  elles  renon- 
cent aux  subsides  de  l'Etat  pour  compléter  la  dotation 
scolaire. 

Enseignement  public  et  enseignement  libre.  —  La  situa- 
tion officielle  de  l'enseignement  primaire  public  et  libre  a 
été  réglée  par  la  loi  du  30  oct.  1886.  Nous  en  reprodui- 
sons donc  les  principales  dispositions  : 

L'enseignement  primaire  est  donné  :  1°  dans  les  écoles 
maternelles  et  les  classes  enfantines  ;  2**  dans  les  écoles 
primaires  élémentaires  ;  3**  dans  les  écoles  primaires  supé- 
rieures et  dans  les  classes  d'enseignement  primaire  supé- 
rieur annexées  aux  écoles  élémentaires  et  dites  «  cours 
complémentaire  »  ;  4^  dans  les  écoles  manuelles  d'appren- 
tissage. 

Les  établissements  d'enseignement  primaire  de  tout  ordre 


ENSEIGNEMENT 


iU6  — 


peuvent  être  publics,  c.-à-d.  fondés  et  entretenus  par  TEtat, 
les  départements  ou  les  communes,  ou  privés,  c.-à-d.  fondés 
et  entretenus  par  des  particuliers  ou  des  associations.  Des 
règlements  spéciaux,  délibérés  en  conseil  supérieur  de  Tins- 
truction  publique,  déterminent  les  règles  d'après  lesquelles 
seront  réparties,  entre  les  diverses  sortes  d'écoles,  les 
matières  de  l'enseignement  primaire  ainsi  que  les  condi- 
tions d'admission  et  de  sortie  des  élèves  dans  chacune  de 
ces  écoles  (V.  ci-dessus  et  l'art.  Ecole). 

Nul  ne  peut  être  directeur  ou  adjoint  chargé  de  classe 
dans  une  école  primaire  publique  ou  privée  s'il  n'est  Fran- 
çais et  s'il  n'a  obtenu  le  brevet  de  capacité  et  ne  remplit 
les  conditions  d'âge  établies  par  la  loi  (18  ans  pour  être 
instituteur,  17  ans  pour  être  institutrice,  24  ans  pour 
diriger  une  école,  25  ans  pour  diriger  une  école  primaire 
supérieure  ou  une  école  recevant  des  internes).  —  Toute- 
fois, les  étrangers  remplissant  les  deux  ordres  de  condi- 
tions précitées,' et  admis  à  jouir  des  droits  civils  en  France, 
peuvent  enseigner  dans  les  écoles  privées,  moyennant  une 
autorisation  donnée  par  le  ministre,  après  avis  du  conseil 
départemental.  Les  étrangers,  munis  seulement  de  titres 
de  capacité  étrangers,  devront  obtenir,  au  préalable,  la 
déclaration  d'équiValence  de  ces  titres  avec  les  brevets 
français. 

Dans  le  cas  particulier  d'écoles  exclusivement  destinées 
à  des  enfants  étrangers  résidant  en  France,  des  dispenses 
de  brevet  de  capacité  pourront  être  accordées  par  le  mi- 
nistre de  l'instruction  publique,  après  avis  du  conseil  supé- 
rieur, aux  étrangers  admis  à  jouir  des  droits  civils  en 
France,  qui  demanderaient  à  les  diriger  ou  à  y  enseigner. 
Sont  incapables  de  tenir  une  école  publique  ou  privée  ou 
d'y  être  employés,  ceux  qui  ont  subi  une  condamnation 
judiciaire  pour  crime  ou  pour  délit  contraire  à  la  probité 
ou  aux  mœurs,  ceux  qui  ont  été  privés  par  jugement  de 
tout  ou  partie  des  droits  civils  ou  politiques  et  ceux  qui 
ont  été  frappés  d'interdiction  absolue. 

L'enseignement  est  donné  par  des  instituteurs  dans  les 
écoles  de  garçons,  par  des  institutrices  dans  les  écoles  de 
filles,  dans  les  écoles  maternelles,  dans  les  écoles  ou  classes 
enfantines  et  dans  les  écoles  mixtes.  Dans  les  écoles  de 
garçons,  des  femmes  peuvent  être  admises  à  enseigner  à 
titre  d'adjointes,  sous  la  condition  d'être  épouse,  sœur  ou 
parente  en  ligne  directe  du  directeur  de  l'école.  Toutefois, 
le  conseil  départemental  peut,  à  titre  provisoire  et  par  une 
décision  toujours  révocable  :  4°  permettre  à  un  instituteur 
de  diriger  une  école  mixte,  à  la  condition  qu'il  lui  soit 
adjoint  une  maîtresse  de  travaux  de  couture  ;  2°  permettre 
à  une  femme  d'enseigner  dans  une  école  de  garçons  sans 
les  restrictions  énoncées  ci-dessus. 

De  rinspection.  L'inspection  des  établissements  d'ins- 
truction primaire  publics  ou  privés  est  exercée  : 

i^  Par  les  inspecteurs  généraux  de  l'instruction  pu- 
blique ;  2  «par  les  recteurs  et  les  inspecteurs  d'académie  ; 
8«  par  les  inspecteurs  de  l'enseignement  primaire  ;  4«  par 
les  membres  du  conseil  départemental  désignés  à  cet  effet  ; 
toutefois,  les  écoles  privées  ne  pourront  être  inspectées 
par  les  instituteurs  et  institutrices  publics  qui  font  partie 
du  conseil  départemental  ;  S"*  par  le  maire  et  les  délégués 
cantonaux;  6«  dans  les  écoles  maternelles,  concurrem- 
ment avec  les  autorités  précitées,  par  les  inspectrices  géné- 
rales et  les  inspectrices  départementales  des  écoles  mater- 
nelles ;  7°  au  point  de  vue  médical,  par  les  médecins  ins- 
pecteurs communaux  ou  départementaux. 

L'inspection  des  écoles  publiques  s'exerce  conformé- 
ment aux  règlements  délibérés  par  le  conseil  supérieur. 
Celle  des  écoles  privées  porte  sur  la  moralité,  l'hygiène, 
la  salubrité  et  sur  l'exécution  des  obligations  iD)posées  à 
ces  écoles  par  la  loi  du  28  mars  4882.  Elle  ne  peut  porter 
sur  l'enseignement  que  pour  vérifier  s'il  n'est  pas  contraire 
à  la  morale,  à  la  constitution  et  aux  lois. 

Toutes  les  classes  de  jeunes  filles,  dans  les  internats 
comme  dans  les  externats  primaires  publics  et  privés, 
tenues  soit  par  des  institutrices  laïques,  soit  par  des  asso- 


ciations religieuses  cloîtrées  ou  non  cloîtrées,  sont  sou- 
mises, quant  à  l'inspection  et  à  la  surveillance  de  l'ensei- 
gnement, aux  autorités  instituées  par  la  loi.  Dans  tous  les 
internats  de  jeunes  filles  tenus  par  des  institutrices  laïques 
ou  par  des  associations  cloîtrées  ou  non  cloîtrées,  l'inspec- 
tion des  locaux  affectés  aux  pensionnaires  et  du  régime 
intérieur  du  pensionnat  est  confiée  à  des  dames  déléguées 
par  le  ministre  de  l'instruction  publique. 

De  renseignement  public.  Toute  commune  doit  être 
pourvue  au  moins  d'une  école  primaire  publique.  Toutefois, 
le  conseil  départemental  peut,  sous  réserve  de  l'approbation 
du  ministre,  autoriser  une  commune  à  se  réunir  à  une  ou 
plusieurs  communes  voisines  pour  l'établissement  et  l'en- 
tretien d'une  école.  Un  ou  plusieurs  hameaux  dépendant 
d'une  commune  peuvent  être  rattachés  à  l'école  d'une  com- 
mune voisine.  Cette  mesure  est  prise  par  délibérations  des 
conseils  municipaux  des  communes  intéressées.  En  cas  de 
divergence,  elle  peut  être  prescrite  par  décision  du  conseil 
départemental.  Lorsque  la  commune  ou  la  réunion  de  com- 
munes compte  500  habitants  et  au-dessus,  elle  doit  avoir 
au  moins  une  école  spéciale  pour  les  filles,  à  moins  d'être 
autorisée  par  le  conseil  départemental  à  remplacer  cette 
école  spéciale  par  une  école  mixte.  La  circonscription  des 
écoles  de  hameau  pourra  s'étendre  sur  plusieurs  com- 
munes. Dans  ces  cas,  les  communes  intéressées  contri- 
buent aux  frais  de  construction  et  d'entretien  de  ces  écoles 
dans  les  proportions  déterminées  par  les  conseils  munici- 
paux, et,  en  cas  de  désaccord,  par  le  préfet  après  avis  du 
conseil  départemental. 

Le  conseil  départemental  de  l'instruction  publique,  après 
avoir  pris  l'avis  des  conseils  municipaux,  détermine,  sous 
réserve  de  l'approbation  du  ministre,  le  nombre,  la  nature 
et  le  siège  des  écoles  primaires  pubhques  de  tout  degré 
qu'il  y  a  lieu  d'établir  ou  de  maintenir  dans  chaque  com- 
mune, ainsi  que  le  nombre  des  maîtres  qui  y  sont  attachés. 

L'établissement  des  écoles  primaires  élémentaires  pu- 
bliques est  une  dépense  obligatoire  pour  les  communes. 
Sont  également  dépenses  obligatoires  dans  toute  école  régu- 
lièrement créée  :  le  logement  de  chacun  des  membres  du 
personnel  enseignant  attaché  à  ces  écoles  ;  l'entretien  ou 
la  location  des  bâtiments  et  de  leurs  dépendances  ;  l'acqui- 
sition et  l'entretien  du  mobilier  scolaire  ;  le  chauffage  et 
l'éclairage  des  classes  et  la  rémunération  des  gens  de  ser- 
vice, s'il  y  a  lieu. 

Sont  mises  au  nombre  des  écoles  primaires  publiques, 
donnant  lieu  à  une  dépense  obligatoire  pour  la  commune  : 
4°  les  écoles  publiques  de  filles  déjà  établies  dans  les  com- 
munes de  plus  de  400  âmes  ;  2"  les  écoles  maternelles 
publiques  qui  sont  ou  seront  établies  dans  les  communes 
de  plus  de  2,000  âmes  et  ayant  au  moins  4,200  âmes  de 
population  agglomérée;  3«  les  classes  enfantines  publiques, 
comprenant  des  enfants  des  deux  sexes  et  confiées  à  des 
institutrices. 

L'enseignejnent  dans  les  écoles  publiques  est  donné 
conformément  aux  prescriptions  de  la  loi  et  d'après  un 
plan  d'études  délibéré  en  conseil  supérieur. 

Dans  les  écoles  publiques  de  tout  ordre,  l'enseignement 
est  exclusivement  confié  à  un  personnel  laïque.  Nul  ne 
peut  être  nommé  dans  une  école  publique  à  une  fonction 
quelconque  d'enseignement  s'il  n'est  muni  du  titre  de  capa- 
cité correspondant  à  cette  fonction  et  tel  qu'il  est  prévu 
soit  par  la  loi,  soit  par  les  règlements  universitaires.  On 
trouvera  des  détails  sur  ces  titres  de  capacité  dans  les 
articles  spéciaux  qui  leur  sont  consacrés.  Ce  sont  :  le  bre- 
vet élémentaire,  le  brevet  supérieur,  le  certificat  d'apti- 
tude pédagogique,  le  certificat  d'aptitude  au  professorat 
des  écoles  normales  et  des  écoles  primaires  supérieures, 
les  diplômes  spéciaux  pour  les  enseignements  accessoires  : 
dessin,  chant,  gymnastique,  travaux  manuels,  langues 
vivantes,  etc.  (V.  aussi  l'art.  Instituteur)  ;  on  y  trouvera 
également  l'indication  des  peines  disciplinaires  applicables 
au  personnel  de  l'enseignement  primaires  pubhc. 

De  renseignement  privé.  Les  directeurs  et  directrices 


^  1147  — 


ENSEIGNEMENT 


d'écoles  primaires  privées  sont  entièrement  libres  dans  le 
choix  des  méthodes,  des  programmes  et  des  livres,  réserve 
faite  pour  les  livres  qui  auront  été  interdits  par  le  conseil 
supérieur  de  renseignement  public  comme  contraires  à  la 
morale,  à  la  constitution  ou  aux  lois. 

Aucune  école  privée  ne  peut  prendre  le  titre  d'école  pri- 
maire supérieure  si  le  directeur  ou  la  directrice  n'est 
muni  des  brevets  exigés  pour  les  directeurs  ou  directrices 
des  écoles  primaires  supérieures  publiques.  Aucune  école 
privée  ne  peut,  sans  l'autorisation  du  conseil  départemen- 
tal, recevoir  d'enfants  des  deux  sexes,  s'il  existe,  au  même 
lieu,  une  école  publique  ou  privée  spéciale  aux  filles. 
Aucune  école  privée  ne  peut  recevoir  des  enfants  au-dessous 
de  six  ans  s'il  existe  dans  la  commune  une  école  maternelle 
publique  ou  une  classe  enfantine  publique,  à  moins  qu'elle- 
même  ne  possède  une  classe  enfantine. 

Tout  instituteur  qui  veut  ouvrir  une  école  privée  doit 
préalablement  déclarer  son  intention  au  maire  de  la  com- 
mune où  il  veut  s'établir  et  lui  désigner  le  local.  Le  maire 
remet  immédiatement  au  postulant  un  récépissé  de  sa  décla- 
ration et  fait  afficher  celle-ci  à  la  porte  de  la  mairie  pen- 
dant un  mois.  Si  le  maire  juge  que  le  local  n'est  pas 
convenable,  pour  des  raisons  tirées  de  l'intérêt  des  bonnes 
mœurs  ou  de  l'hygiène,  il  forme,  dans  les  huit  jours,  oppo- 
sition à  l'ouverture  de  l'école  et  en  informe  le  postulant. 
Les  mêmes  déclarations  doivent  être  faites  en  cas  de  chan- 
gement du  local  de  l'école  ou  en  cas  d'admission  d'élèves 
internes.  Le  postulant  adresse  les  mêmes  déclarations  au 
préfet,  à  l'inspecteur  d'académie  et  au  procureur  de  la 
République  ;  il  y  joint,  en  outre,  pour  l'inspecteur  d'aca- 
démie, son  acte  de  naissance,  ses  diplômes,  l'extrait  de 
son  casier  judiciaire,  l'indication  des  lieux  où  il  a  résidé  et 
des  professions  qu'il  y  a  exercées  pendant  les  dix  années 
précédentes,  le  plan  des  locaux  affectés  à  l'établissement 
et,  s'il  appartient  à  une  association,  une  copie  des  statuts 
de  cette  association. 

L'inspecteur  d'académie,  soit  d'office,  soit  sur  la  plainte 
du  procureur  de  la  République,  peut  former  opposition  à 
l'ouverture  d'une  école  privée  dans  l'intérêt  des  bonnes 
mœurs  ou  de  l'hygiène.  Lorsqu'il  s'agit  d'un  instituteur 
public  révoqué  et  voulant  s'établir  comme  instituteur  privé 
dans  la  commune  où  il  exerçait,  l'opposition  peut  être 
faite  dans  un  intérêt  d'ordre  public.  A  défaut  d'opposition, 
l'école  est  ouverte  à  l'expiration  du  mois,  sans  autre 
formalité. 

Les  oppositions  à  l'ouverture  d'une  école  privée  sont 
jugées  contradictoirement  par  le  conseil  départemental  dans 
le  délai  d'un  mois.  Appel  peut  être  interjeté  de  la  décision 
du  conseil  départemental,  dans  les  dix  jours  à  partir  de  la 
notification  de  cette  décision.  L'appel  est  reçu  par  l'inspec- 
teur d'académie  :  il  est  soumis  au  conseil  supérieur  de 
l'instruction  publique  dans  sa  plus  prochaine  session,  et 
jugé  contradictoirement  dans  le  plus  bref  délai  possible. 
L'instituteur  appelant  peut  se  faire  assister  ou  représenter 
par  un  conseil  devant  le  conseil  départemental  et  devant 
le  conseil  supérieur.  En  aucun  cas,  l'ouverture  ne  pourra 
avoir  lieu  avant  la  décision  d'appel. 

Quiconque  aura  ouvert  ou  dirigé  une  école,  sans  remplir 
les  conditions  prescrites  ou  sans  avoir  fait  les  déclarations 
exigées  ou  avant  l'expiration  du  délai  d'un  mois  ou  enfin 
en  contravention  avec  les  prescriptions  édictées  ci-dessus, 
sera  poursuivi  devant  le  tribunal  correctionnel  du  lieu  du 
délit  et  condamné  à  une  amende  de  100  à  1,000  fr. 
L'école  sera  fermée.  En  cas  de  récidive,  le  délinquant  sera 
condamné  à  un  emprisonnnement  de  six  jours  à  un  mois, 
et  à  une  amende  de  500  à  2,000  fr.  Les  mêmes  peines 
seront  prononcées  contre  celui  qui,  dans  le  cas  d'opposition 
formée  à  l'ouverture  de  son  école,  l'aura  ouverte  avant 
qu'il  ait  été  statué  sur  son  opposition  ou  malgré  la  déci- 
sion du  conseil  départemental  ou  avant  la  décision  d'appel. 

Tout  instituteur  privé  pourra,  sur  la  plainte  de  l'inspec- 
teur d'académie,  être  traduit,  pour  cause  de  faute  grave 
dans  l'exercice  de  ses  fonctions,  d'inconduite  ou  d'immo- 


ralité, devant  le  conseil  départemental  et  être  censuré  ou 
interdit  de  l'exercice  de  sa  profession,  soit  dans  la  com- 
mune où  il  exerce,  soit  dans  le  département,  selon  la 
gravité  de  la  faute  commise.  Il  peut  même  être  frappé 
d'interdiction  à  temps  ou  d'interdiction  absolue  par  le  con- 
seil départemental,  dans  la  même  forme  et  suivant  la 
même  procédure  que  l'instituteur  pubUc.  L'instituteur 
frappé  d'interdiction  peut  faire  appel  devant  le  conseil 
supérieur,  dans  la  même  forme  et  selon  la  même  procé- 
dure que  l'instituteur  public.  Tout  directeur  d'école  privée 
qui  refusera  de  se  soumettre  à  la  surveillance  et  à  l'ins- 
pection des  autorités  scolaires,  dans  les  conditions  établies 
par  la  présente  loi,  sera  traduit  devant  le  tribunal  correc- 
tionnel et  condamné  à  une  amende  de  50  à  500  fr.  En 
cas  de  récidive,  l'amende  sera  de  100  à  1,000  fr.  Si  le 
refus  a  donné  lieu  à  deux  condamnations  dans  l'année,  la 
fermeture  de  l'établissement  sera  ordonnée  par  le  jugement 
qui  prononcera  la  seconde  condamnation. 

Sont  assujetties  aux  mêmes  conditions  relativement  au 
programme,  au  personnel  et  aux  inspections,  les  écoles 
ouvertes  dans  les  hôpitaux,  hospices,  colonies  agricoles, 
ouvroirs,  orphelinats,  maisons  de  pénitence,  de  refuge  ou 
autres  établissements  analogues  administrés  par  des  par- 
ticuliers. 

Pour  ce  qui  concerne  l'organisation  de  l'enseignement  pri- 
maire public  et  privé  à  l'étranger,  V.  ci-dessus  les  §§  Géné- 
ralités, Politique,  l'art.  Ecole,  les  art.  spéciaux  et  ceux 
consacrés  à  chaque  pays,  Belgique,  Russie,  etc.     A.-M.  B. 

III.  ENSEIGNEMENT  SECONDAIRE.  —  Pédagogie. 
—  Ce  qui  caractérise  extrinsecusV enseignement  secondaire, 
c'est  d'abord  d'être  l'instruction  générale  de  la  bourgeoisie  ou 
des  classes  dirigeantes  (chez  nous  d'ailleurs  ouvertes  à  tous); 
c'est  ensuite  de  constituer,  à  la  suite  de  l'enseignement  pri- 
maire, une  culture  plus  élevée  et  profondément  distincte,  pour 
les  jeunes  gens  capables  ou  censés  tels,  qui  peuvent  donner 
une  longue  suite  d'années  à  l'étude  sans  aucune  préoccu- 
pation professionnelle.  Dans  l'usage,  qui  est  à  peu  près  le 
même  partout,  les  études  secondaires  durent  en  moyenne 
jusqu'à  l'âge  de  dix-huit  ans,  soit  qu'on  en  demande  en- 
suite le  complément  aux  facultés  ou  aux  écoles  spéciales, 
soit  qu'on  entre  directement  du  collège,  lycée  ou  gymnase 
dans  la  carrière  de  son  choix.  Elles  commencent  logique- 
ment quand  l'enfant  est  maître  des  éléments  de  l'instruc- 
tion primaire.  C'est  bien  à  tort,  selon  nous,  qu'on  en  hâte 
le  début  avant  la  dixième  ou  la  onzième  année,  ce' qui  rend 
difficile  aux  bons  élèves  de  l'école  primaire  de  rejoindre  et 
de  suivre,  et  ce  qui  est  d'un  avantage  problématique  pour 
tous.  Car  une  des  grandes  règles  de  la  pédagogie  est  de 
laisser,  autant  que  possible,  l'enfant  grandir  en  paix  près 
de  la  nature  avant  de  le  soumettre  aux  exercices  d'une 
culture  abstraite  et  raffinée,  et  c'est  du  temps  gagné  que 
celui  qu'on  accorde  à  sa  libre  croissance,  condition  de  sa 
santé  dans  la  suite,  pourvu  qu'on  donne  le  pli  qui  convient 
à  son  caractère  et  de  bonnes  habitudes  à  son  esprit. 

Mais  qu'est-ce  qui  constitue  essentiellement  la  culture 
secondaire  et  la  caractérise  comme  telle  intrinsèquement  ? 
L'histoire  nous  répond  :  avant  tout,  l'étude  des  langues 
anciennes,  du  latin  en  particulier  et  de  l'antiquité  gréco- 
romaine.  Cette  étude,  en  effet,  constitue  de  deux  manières 
une  culture  à  la  seconde  puissance.  En  lui-même,  l'effort 
d'apprendre  à  fond  une  langue  parfaite,  à  la  fois  parente 
et  très  différente  de  la  nôtre,  la  traduction  serrée,  scrupu- 
leuse de  beaux  textes  riches  en  pensées  simples  et  fortes 
et  d'une  valeur  éternelle,  constitue  pour  l'esprit  une  admi- 
rable gymnastique,  qui  le  fortifie  à  la  fois  et  l'assouplit, 
lui  donne  au  plus  haut  point  la  précision,  la  finesse  et  le 
goût  et  la  pleine  conscience  de  lui-même.  D'autre  part, 
avec  cette  clef  des  langues  anciennes,  on  pénètre  dans  une 
civilisation  mère  de  la  nôtre  et  cependant  profondément 
distincte,  et  rien  n'est  plus  propre  à  élargir  la  pensée,  à 
révéler  à  l'individu  l'humanité.  —  En  fait,  cependant, 
l'étude  des  humanités  n'est  plus  nulle  part  tout  l'enseigne- 
ment secondaire  à  elle  seule,  et  l'on  peut  contester  et  l'on 


ENSEIGNEMENT 


—  1148 


conteste  partout  plus  ou  moins  qu'elle  en  soit  la  base  né- 
cessaire. 

Elle  ne  suffit  plus,  c'est  un  fait  ;  car  partout  l'his- 
toire, la  géographie,  les  langues  vivantes,  les  sciences 
et,  chez  nous  surtout,  la  philosophie,  ont  fait  irruption 
dans  les  programmes,  où  elles  tiennent  une  place  telle  que, 
d'un  élève  qui  ne  les  aurait  pas  apprises,  nul  n'oserait  dire 
qu'il  a  fait  ses  études.  Et  en  revanche,  la  valeur  de  ces 
divers  enseignements,  je  ne  dis  pas  seulement  leur  utilité, 
mais  leur  vertu  éducative  est  si  évidente,  qu'à  celui  qui 
en  aurait  épuisé  vraiment  tout  le  bénéfice  sans  apprendre 
le  latin  ni  le  grec,  seuls  les  fanatiques  de  la  tradition,  de 
plus  en  plus  rares  aujourd'hui,  oseraient  refuser  le  brevet 
d'études  secondaires  fort  dignes  de  ce  nom.  N'est-il  pas 
clair,  par  exemple,  sans  faire  intervenir  les  considérations 
d'utilité,  non  à  dédaigner  cependant,  et  dont  il  est  ridicule 
de  faire  fi,  que  l'étude  approfondie  d'une  langue,  d'une 
grammaire  et  d'une  littérature  étrangères  peut  rendre  des 
services  analogues  (je  ne  dis  pas  égaux)  à  ceux  que  rend 
l'étude  du  latm,  pourvu  qu'il  s'agisse  d'une  langue  clas- 
sique à  sa  manière,  c.-à-d.  ayant  sa  perfection  propre  et 
ses  chefs-d'œuvre,  et  qu'on  l'apprenne  par  une  méthode 
rigoureuse,  avec  tous  les  scrupules  d'exactitude  absolue  et 
de  précision  ?  Et  pénétrer  par  les  langues  modernes  dans  la 
conscience  des  grands  peuples,  nos  voisins,  n'est-ce  pas 
une  manière  aussi  de  sortir  de  nous-mêmes  et  de  connaître 
l'humanité  ?  L'histoire  et  la  géographie  universelle  bien 
enseignées,  la  philosophie  par-dessus  tout,  ne  sont-elles 
pas  propres  à  ouvrir  l'esprit,  à  étendre  l'horizon  de  la 
pensée  autant  que  certaine  façon,  tout  au  moins,  d'appren- 
dre le  latin  et  le  grec  ?  Que  dire  des  sciences,  l'école  par 
excellence  du  raisonnement?  Tant  qu'une  des  marques 
principales  de  la  culture  sera  l'habitude  de  tirer  exactement 
les  conséquences  de  principes  donnés,  les  mathématiques 
feront  au  premier  chef  partie  des  études  éducatives  ;  et 
de  même  les  sciences  physiques  et  naturelles,  aussi  long  - 
temps  que  le  respect  des  faits,  le  scrupule  à  généraliser, 
le  sûr  discernement  de  ce  qui  est  prouvé  et  de  ce  qui  ne 
l'est  pas,  seront  les  traits  essentiels  d'un  bon  esprit  dûment 
cultivé.  Tout  cela,  sans  parler  de  la  nécessité  qu'il  y  a 
pour  tous  aujourd'hui  à  être  informés  de  mille  choses  qu'un 
homme  éclairé  n'a  plus  le  droit  d'ignorer  ;  sans  parler 
aussi  des  besoins  immédiats  de  la  jeunesse,  dont  l'élite, 
pour  moitié,  demande  surtout  à  l'enseignement  secondaire 
de  la  préparer  aux  grandes  écoles  scientifiques. 

Aussi  a-t-on  vu  d'abord  l'enseignement  classique  tradi- 
tionnel, même  où  il  est  resté  le  plus  en  honneur,  faire 
une  part  croissante  à  ces  divers  enseignements,  puis  des 
plans  d'enseignement  secondaire  se  produire  et  peu  à  peu 
passer  dans  la  pratique,  qui  ne  font  plus  de  part  du  tout 
aux  langues  mortes.  On  peut  le  regretter  ;  et,  pour  notre 
part,  sans  entrer  ici  dans  le  débat,  nous  aurions  peine  à 
admettre,  dans  un  pays  latin  comme  le  nôtre,  la  suppres- 
sion radicale  des  études  latines,  partout  ailleurs  jugées 
encore  nécessaires.  Mais  il  n'est  nullement  nécessaire  qu'un 
seul  type  d'études  soit  imposé  à  tous,  et  il  y  a  quelque 
chose  de  contradictoire  à  infliger  invita  Minerva  aux  uti- 
litaires et  aux  sceptiques  cette  belle  culture  gréco-latine, 
qui  ne  donne  ses  fruits  qu'à  ceux  qui  l'aiment.  Nous  ne 
croyons  pas  qu'on  soit  en  droit  de  refuser  le  titre  d'études 
secondaires  à  celles  qu'on  vient,  par  exemple,  de  constituer 
en  France  sous  le  nom  d'enseignement  secondaire  moderne. 
Enseignées  par  des  méthodes  vraiment  éducatives  et  pen- 
dant un  nombre  suffisant  d'années,  il  est  incontestable  que 
les  langues,  l'histoire,  les  sciences  et  la  philosophie  ont 
largement  de  quoi  nourrir,  tremper  et  affiner  les  esprits. 
Peut-être  n'oserions-nous  en  dire  autant  d'études  scienti- 
fiques, historiques  et  philosophiques,  même  fortes,  à  la 
base  desquelles  il  n'y  aurait  que  la  langue  maternelle  et 
la  littérature  nationale  ;  parce  qu'à  nos  yeux  l'initiation 
profonde  à  une  façon  étrangère  de  penser  et  de  dire,  la 
comparaison  de  deux  grammaires,  la  traduction  exacte 
d'une  langue  dans  une  autre  est  par  excellence  le  carac- 


tère propre  et  le  premier  bienfait  de  l'enseignement  se- 
condaire. Mais  M.  Berthelot  a  magistralement  établi  qu'à 
côté  de  l'enseignement  classique,  fondé  essentiellement  sur 
les  lettres  anciennes,  avec  une  certaine  culture  scientifique 
subordonnée,  il  y  a  place  aujourd'hui  pour  un  enseigne- 
ment parallèle  fondé  sur  les  sciences,  avec  une  culture 
littéraire  moderne.  Cette  dualité  dans  l'enseignement  se- 
condaire ne  paraît  pas  seulement  possible  et  légitime  ;  elle 
est  conforme  aux  besoins  de  notre  temps. 

Quoi  qu'il  en  soit,  ces  considérations  théoriques  suffiront 
à  faire  comprendre  l'évolution  passée  et  la  situation  actuelle 
de  l'enseignement  secondaire  en  France,  telles  qu'elles  se 
dégagent  des  données  historiques  et  des  statistiques  ré- 
centes. Remarquons  d'abord  qu'en  France,  bien  que  l'en- 
seignement élémentaire  soit  seul  obligatoire,  l'Etat,  bien 
loin  d'abandonner  plus  ou  moins  aux  entreprises  privées 
les  autres  degrés  de  la  culture  comme  il  le  fait,  par  exem- 
ple, en  Angleterre  et  aux  Etats-Unis,  regarde  comme  un 
de  ses  devoirs  d'organiser  l'enseignement  public  à  tous  les 
degrés.  Sans  porter  atteinte  à  la  liberté  de  l'enseignement 
secondaire,  vis-à-vis  de  laquelle  il  ne  se  réserve  qu'un 
droit  de  police  et  la  collation  des  grades,  l'Etat  français  a 
ses  établissements  propres,  les  lycées  (V.  ce  mot)  où  il 
applique  ses  programmes  et  ses  méthodes,  et  il  en  gouverne 
pédagogiquement  d'autres,  les  collèges  (V.  ce  mot),  qui 
sont  la  propriété  des  villes.  En  188T,  il  y  avait  106  lycées, 
renfermant  53,816  élèves,  et  246  collèges,  renfermant 
36,086  élèves.  La  population  des  établissements  libres 
(ecclésiastiques  pour  la  plupart,  les  autres  subsistant  avec 
une  extrême  difficulté)  n'est  pas  exactement  connue,  mais 
elle  est  au  moins  égale  à  celle  des  lycées  et  des  collèges 
réunis.  C'est  donc  un  total  de  près  de  200,000  jeunes  gens 
qui  feraient  en  France  des  études  secondaires  :  un  peu 
moins,  si  l'on  en  défalque  ceux  qui  ne  font,  en  réalité,  que 
les  classes  primaires  dans  les  collèges.  Quelques  élèves,  en 
revanche,  mais  en  très  petit  nombre,  font  leurs  études 
dans  leur  famille.  En  somme,  à  peu  près  8  ^/o  des  jeunes 
Français,  soit  1  garçon  sur  12  ou  13,  s'élèvent  au-dessus 
de  l'instruction  primaire.  Dans  ce  nombre,  1  sur  200  en- 
viron font  leurs  études  aux  frais  publics,  car  il  y  a  5,700 
boursiers  dans  les  lycées  (4, 600 internes  et  1,1 00  externes), 
et  4,700  boursiers  dans  les  collèges  (2,300  internes  et 
2,400  externes).  La  proportion  exacte  du  nombre  total  des 
internes  à  celui  des  externes  serait  intéressante  à  connaître, 
mais  elle  n'est  bien  connue  que  pour  les  lycées,  où  elle  est 
de  25,000  à  28,000.  L'externat  semble  gagner  généra- 
lement. 

L'enseignement  secondaire  est  double  en  France  aujour- 
d'hui :  il  se  divise  en  enseignement  secondaire  classique  et 
enseignement  secondaire  moderne,  appelé  hier  encore  en- 
seignement spécial  :  considérons-les  tour  à  tour. 

L  Enseignement  secondaire  classique.  —  L'enseigne- 
ment dit  classique,  qui  a  pour  base  les  langues  mortes,  a 
été  presque  jusqu'à  nous  l'unique  type  d'enseignement 
secondaire,  mais  il  s'est  transformé  continuellement.  Au 
moyen  âge  (c'est  vers  la  fin  du  xii*^  siècle  qu'il  se  constitue 
avec  les  universités),  il  comprend  d'abord  uniquement  le 
latin  et  la  dialectique.  On  est  déterminant^  c.-à-d.  à  peu 
près  bachelier  dès  quatorze  ou  quinze  ans,  lorsqu'on  sait 
la  grammaire  latine  et  qu'après  avoir  suivi  les  cours  régle- 
mentaires sur  Aristote,  Porphyre  et  Priscien,  on  peut  ar- 
gumenter, disputer  en  latin  sur  la  logique.  Dès  1275,  on 
ajoute  aux  épreuves  une  dispute  contre  un  régent  sur  un 
sujet  de  morale.  Enseignement  tout  formel  et  tout  verbal, 
qui  ne  devient  un  peu  substantiel  que  dans  les  facultés,  où 
d'ailleurs  presque  toute  la  jeunesse  étudiante  poursuit  soit  la 
maîtrise  es  arts,  soit  les  grades  en  théologie,  en  droit,  en 
médecine.  Au  xv®  siècle,  l'enseignement  devient  plus  litté- 
raire ;  on  fait  une  part  à  l'éloquence  d'abord,  puis  à  la 
poésie  :  le  vers  latin  apparaît,  le  grec  commence  à  être 
enseigné  à  la  faculté  des  arts.  En  même  temps,  s'établis- 
sent sous  la  direction  des  pédagogues,  des  pensions  où  sont 
réunis  les  écoliers,  jusque-là  libres  dans  les  familles  ;  c'est 


1449  — 


ENSEIGNEMENT 


l'origine  des  grands  collèges  d'internes  dont  l'histoire  dès 
lors  se  confond  presque,  en  France,  avec  celle  des  études 
secondaires.  Vers  le  même  temps  se  fixe  la  division  des 
années  d'études  en  classes  régulièrement  échelonnées, 
grand  progrès  pour  l'emploi  du  temps.  A  la  Renaissance, 
la  culture  proprement  littéraire  l'emporte  décidément  sur 
la  scolastique  :  on  apprend  le  grec,  sinon  bien,  du  moins 
généralement.  C'est  l'avènement  des  longues  et  élégantes 
compositions  en  latin,  le  triomphe  des  humanités.  Mais  au- 
cune part  n'est  faite  encore  à  l'étude  du  français,  de  l'his- 
toire, de  la  géographie. 

Il  faut  arriver  au  milieu  du  xvii®  siècle,  pour  voir  ces 
enseignements  introduits  discrètement  comme  de  hardies 
nouveautés  dans  les  collèges  des  oratoriens.  Port-Royal 
fait  résolument  du  français  un  des  buts  principaux  et  l'in- 
strument général  de  la  culture.  L'université  suit  ce  mou- 
vement, avec  une  extrême  lenteur.  Avec  Rollin  seulement, 
au  commencement  du  xviii^  siècle,  sans  cesser  de  regarder 
comme  inférieures  les  études  d'un  caractère  moderne,  elle 
commence  à  leur  faire  une  part.  Dès  lors,  celle  du  latin  va 
décroître,  et  d'autant  plus  vite  qu'il  cesse  à  ce  moment 
même  d'avoir  une  fonction  vivante.  Mais,  jusqu'à  la  Révo- 
lution, le  but  des  études  secondaires  est  à  peu  près  uni- 
quement d'aiguiser  et  d'orner  l'esprit,  de  le  former  au 
bien  dire.  Les  sciences,  toutes  formelles  elles-mêmes  et 
presque  vides  de  substance  (ce  sont  les  mathématiques  et 
la  physique,  mais  la  physique  d'Aristote  ou  peu  s'en  faut), 
ne  s'enseignent  que  dans  les  deux  années  de  philosophie, 
c.-à-d.  plutôt  à  la  suite  des  classes  que  dans  leur  cours. 
Elles  n'ont  point,  en  général,  de  professeurs  spéciaux  dans 
les  collèges.  L'enseignement  est  étonnamment  dégagé  des 
préoccupations  d'intérêt  prochain.  Pourtant  l'utilité  pu- 
blique n'en  est  pas  plus  méconnue  qu'aujourd'hui,  car,  en 
1719,  pour  assurer  aux  régents  un  salaire  fixe  et  aux 
élèves  la  gratuité,  le  roi  a  donné  comme  subvention  aux 
collèges  de  la  faculté  des  arts  le  vingt-huitième  du  produit 
de  la  ferme  des  postes,  et  il  y  a  plus  de  huit  cents  bour- 
siers dans  ces  collèges.  Mais,  jusqu'à  la  Révolution,  l'idéal 
unique  de  la  culture  reste,  en  fait,  l'humanisme  pur,  l'édu- 
cation par  la  grammaire,  la  poésie  et  la  rhétorique,  en 
dépit  de  Diderot  qui,  déjà,  se  plaint  qu'on  étudie  si  long- 
temps les  langues  mortes  «  sans  même  les  apprendre,  qu'on 
enseigne  l'art"  de  parler  avant  l'art  de  penser  et  celui  de 
bien  dire  avant  que  d'avoir  des  idées  ». 

La  Révolution,  sans  parler  des  projets  qu'elle  élabore 
(et  dont  quelques-uns,  comme  celui  de  Condorcet,  sont 
d'une  ampleur  toute  nouvelle),  institue  les  écoles  centrales 
(V.  ce  mot)  pour  remplacer  les  collèges  disparus.  Simples 
externats  où  l'uniforme  série  des  classes  fait  place  à  un 
système  de  cours  parallèles  entre  lesquels  l'élève  a  le  choix, 
les  écoles  centrales  difi'èrent  en  cela  d'abord  des  anciens 
collèges,  mais  plus  encore  peut-être  par  le  peu  de  place 
qu'elles  laissent  anx  langues  mortes  parmi  toutes  les  sciences, 
mathématiques,  physiques,  naturelles,  économiques  et  so- 
ciales, historiques  et  morales,  philosophiques  et  pratiques. 
Quand  Napoléon  fonde  l'Université,  il  rétablit  dans  ses 
lycées  un  type  unique  d'enseignement  secondaire,  presque 
iâentique  en  apparence  au  type  traditionnel,  différent  cepen- 
dant, en  ce  que  l'étude  des  sciences  y  est  organisée  et  va  de 
pair  avec  celle  des  langues  anciennes.  Or  les  sciences,  depuis 
lors,  n'ont  cessé  de  réclamer  et  d'obtenir  une  part  toujours 
croissante.  Si  la  bifurcation  (V.  ce  mot)  a  été  un  essai 
maladroit  et  manqué  de  culture  principalement  scientifique 
à  partir  d'un  certain  âge,  il  n'en  a  pas  moins  fallu  per- 
mettre presque  à  la  moitié  des  élèves,  à  tous  ceux  notam- 
ment qui  se  préparent  aux  grandes  écoles  scientifiques,  de 
consacrer  à  peu  près  exclusivement  aux  sciences  leurs 
dernières  années  de  lycée.  En  même  temps,  les  langues 
vivantes  obtenaient,  à  grand'peine,  il  est  vrai,  et  avec  d'in- 
croyables vicissitudes,  une  part  longtemps  insuffisante,  long- 
temps contestée,  mais  toujours  croissante,  elle  aussi.  Quant 
au  français,  non  seulement  il  devenait  peu  à  peu  un  des 
objets  principaux  de  l'enseignement  classique,  mais  il  don- 


nait bientôt  son  nom  à  un  nouveau  type  d'enseignement 
introduit  à  côté  de  l'autre  dans  les  lycées.  Les  modestes 
«  classes  de  français  »,  en  effet,  instituées  d'abord  pour 
étendre  du  côté  des  familles  agricoles  et  industrielles  le 
champ  de  recrutement  de  l'Université,  allaient  être  le  germe 
de  l'enseignement  secondaire  spécial  (V.  ci-dessous)  fondé 
en  4865  par  M.  Duruy. 

La  réforme  de  4880,  qu'avait  préparée  de  loin  la  cir- 
culaire de  M.  Jules  Simon  en  487*2,  fut  essentiellement 
une  tentative  pour  rajeunir  et  vivifier  l'enseignement  clas- 
sique en  renouvelant  ses  méthodes,  en  l'allégeant  des  exer- 
cices trop  surannés  (comme  le  vers  latin  et  le  discours  latin) 
et  en  y  introduisant  toutes  les  études  modernes  et  positives 
aujourd'hui  nécessaires  à  un  homme  vraiment  éclairé.  Mais 
cette  tentative  même  a  prouvé,  et  d'autant  plus  qu'elle  a 
été  plus  sincère,  l'impossibilité  désormais  évidente  d'orga- 
niser un  type  unique  d'enseignement  secondaire  répondant 
à  la  fois  à  tous  les  besoins  ;  d'accumuler  dans  huit  ou  neuf 
ans  d'études,  sans  un  préjudice  mortel  pour  la  santé  des 
esprits  et  la  qualité  du  savoir,  tous  les  exercices  gramma- 
ticaux et  littéraires,  toutes  les  connaissances  scientifiques, 
toutes  les  notions  théoriques  et  pratiques  indispensables 
aujourd'hui  pour  mettre  la  jeunesse  cultivée  d'une  grande 
nation  à  la  hauteur  de  toutes  ses  responsabilités.  Il  est 
vrai  que  cette  préparation  est,  pour  une  bonne  part,  affaire 
d'éducation  morale,  et  qu'on  a  tâché  d'y  pourvoir  par  une 
réforme  de  la  discipline  (V.  ce  mot)  tendant  à  fortifier 
les  mœurs  et  les  caractères  ;  mais  rien  ne  fera  qu'on  puisse 
enseigner  utilement  aux  mêmes  esprits  dans  un  temps  borné 
tout  ce  qu'il  est  aujourd'hui  nécessaire  de  savoir.  De  là  la 
conviction  de  plus  en  plus  générale  qu'un  seul  type  d'en- 
seignement secondaire  ne  peut  suffire  ;  et  de  là,  la  création 
{)iQ  l'enseignement  secondaire  moderne  (V.  ci-dessous), 
consécration  et  forme  dernière  (ce  qui  ne  veut  pas  dire 
définitive)  de  tous  les  essais  antérieurs,  terme  actuel  de 
l'évolution  qui  a  si  lentement  transformé,  mais  si  profon- 
dément à  la  fin,  la  vieille  culture  gréco-latine. 

La  statistique  attribuait  à  l'enseignement  classique,  pour 
l'année  4887, 42,594  élèves  dans  les  lycées  et  47,588  dans 
les  collèges;  en  tout,  60,442,  plus  du  double  encore  de  ceux 
de  l'enseignement  spécial.  Mais  un  fait  très  important  et 
trop  peu  remarqué,  c'est  qu'un  nombre  considérable  de  ces 
élèves  (près  des  deux  tiers  dans  les  collèges  !)  ne  dépassent 
pas  la  classe  de  quatrième.  Les  parents  qui  n'ont  voulu, 
pour  leurs  enfants,  que  l'apparence  et  comme  le  baptême 
de  l'enseignement  secondaire,  les  retirent  alors  pour  les 
diriger  vers  une  profession,  sans  paraître  se  douter  qu'une 
culture  de  longue  haleine  et  à  longue  portée  ne  peut  don- 
ner ses  fruits  à  ceux  qui  la  délaissent  à  mi-chemin.  Ceux- 
là,  certes,  sont  autant  que  les  autres  dignes  d'intérêt  ; 
seulement,  il  faut  bien  avouer  qu'un  système  d'études  plus 
modeste  en  apparence,  mais  conforme  à  leurs  besoins,  com- 
plet dans  le  nombre  d'années  dont  ils  disposent,  ferait  in- 
finiment mieux  leur  affaire.  En  tout  cas,  le  souci  de  ces 
élèves  qui  veulent  avoir  l'honneur  et  le  bienfait  des  études 
se(;ondaires  sans  prendre  le  temps  et  la  peine  de  les  faire, 
ne  saurait,  sans  dommage  pour  tout  le  monde,  peser  sur 
l'organisation  de  ces  études.  Il  semble  chimérique,  par 
exemple,  de  rêver,  avec  certains  réformateurs,  un  système 
unique  dans  lequel  les  études  secondaires,  diversifiées  à 
l'infini  dans  les  dernières  années,  auraient  pour  base  com- 
mune jusqu'à  quatorze  ans  environ  un  programme  analogue 
à  celui  de  l'enseignement  primaire  supérieur.  Conception 
excellente  assurément  pour  les  élèves  qui,  de  gré  ou  de 
force,  quittent  le  lycée  à  quatorze  ans;  mais  conception 
qui  serait  déplorable  pour  les  autres,  funeste  à  la  culture 
esthétique  et  littéraire,  et  on  peut  dire  au  niveau  intellec- 
tuel du  pays. 

Jusqu'en  4890,  un  autre  partage  s'opérait  après  la  troi- 
sième, la  seconde,  la  rhétorique  entre  les  élèves  de  l'ensei- 
gnement classique  :  les  uns  continuaient  leurs  études  litté- 
raires pour  aboutir  au  baccalauréat  es  lettres  par  deux 
séries  d'épreuves  subies  à  la  fin  de  la  rhétorique,  puis  à 


ENSEIGNEMENT 


—  lioO  — 


la  fin  de  la  philosophie,  les  autres  passaient  dans  des  classes 
presque  exclusivement  scientifiques  que  couronnait  le  bac- 
calauréat es  sciences.  Une  petite  élite  seulement  avaient  le 
temps  et  le  zèle  d'achever  d'abord  leurs  études  de  lettres 
et  d'entrer  ensuite  en  mathématiques  élémentaires.  La  ré- 
forme de  4890  a  cherché  à  rendre  l'unité  autant  que  pos- 
sible à  l'enseignement  classique  en  imposant  à  tous  ses 
élèves  la  série  complète  des  études  littéraires  jusqu'à  la 
fin  de  la  rhétorique,  terme  où  elle  a  placé  le  baccalauréat 
es  lettres  désormais  exigé  de  tous,  mais,  malheureusement, 
découronné  des  épreuves  philosophiques  et  des  garanties 
qu'elles  offraient.  Le  diplôme  de  bachelier  es  lettres  ne 
sera  d'ailleurs  délivré  qu'avec  une  de  ces  mentions  spé- 
ciales :  philosophie,  mathématiques,  sciences  physiques  et 
naturelles,  c.-à-d.  après  une  année  au  moins  d'études  spé- 
ciales dans  une  de  ces  trois  directions,  complément  obligé 
des  études  littéraires  communes.  Une  bifurcation  étant 
nécessaire  en  tous  cas,  on  a  voulu  la  régulariser,  la  retar- 
der le  plus  possible,  et  on  a  cru  ainsi  en  atténuer  les  incon- 
vénients. Mais  c'en  est  un  immense,  et  dont  l'opinion  s'est 
justement  émue,  que  de  dispenser  de  toute  étude  philoso- 
phique les  jeunes  gens  qui  se  destinent  aux  écoles  et  aux 
carrières  scientifiques,  à  la  médecine  même  et  à  la  science 
pure.  Ce  n'est  pas  que  la  philosophie  fasse  nécessairement 
partie  des  études  secondaires  ;  dans  les  pays,  comme  l'Al- 
lemagne, où  toute  la  jeunesse  éclairée  passe  par  l'ensei- 
gnement supérieur,  la  philosophie  est  aussi  bien  à  sa  place 
dans  l'université  que  dans  le  gymnase;  mais  il  n'en  est  point 
ainsi  chez  nous  où  un  si  petit  nombre  de  jeunes  gens  de- 
viennent élèves  des  facultés  des  lettres.  L'immense  majo- 
rité ne  reçoivent  d'autre  culture  générale  que  celle  du  lycée  ; 
or,  qu'est-ce  qu'une  culture  générale  sans  philosophie  ? 

Il  se  pourrait  donc,  en  fin  de  compte,  que  cette  suprême 
tentative  pour  sauver  et  restaurer  l'unité  du  vieil  ensei-- 
gnement  classique,  au  moment  où  l'on  allait  fonder  à  côté 
de  lui  l'enseignement  moderne,  n'aboutît  qu'à  faire  voir 
définitivement  l'impossibilité  de  maintenir  dans  un  même 
plan  d'études  tous  les  enseignements  aujourd'hui  encore 
réunis  dans  ses  programmes.  Il  faudrait  alors,  avec  M.  Ber- 
thelot,  prévoir  pour  lui  tôt  ou  tard  de  nouvelles  transfor- 
mations, dans  lesquelles  probablement  une  part  croissante 
sera  faite  aux  sciences.  Souhaitons  seulement  qu'elles  triom- 
phent avec  et  pour  leur  vertu  éducative,  que  ce  maître 
a  si  bien  établie,  non  avec  les  méthodes  mécaniques  qui 
leur  ôtent  cette  vertu,  ni  pour  leur  seule  utilité  pratique. 
Surtout  souhaitons  qu'elles  ne  triomphent  jamais  aux  dé- 
pens des  lettres,  et  j'ose  dire  des  lettres  anciennes,  qui 
seront  toujours  incomparables  pour  former  le  goût,  l'esprit 
de  finesse  et  le  sentiment  délicat  des  choses  humaines. 

II.  Enseignement  secondaire  moderne.  — ■  C'est  le  nom 
nouveau  de  renseignement  spécial,  depuis  le  décret  du 
4  juin  4891,  qui  porte  :  «  Art.  4^**  :  L'enseignement  secon- 
daire spécial  prend  le  nom  d'enseignement  secondaire  mo- 
derne. »  L'origine  de  cet  enseignement,  dont  la  raison  d'être 
et  le  but  ont  été  suffisamment  établis  plus  haut  par  nos  con- 
sidérations générales  sur  l'enseignement  secondaire  et  son 
évolution  historique,  se  trouve  dans  les  classes  de  français 
instituées  dans  les  lycées  et  collèges  à  côté  des  études  clas- 
siques dès  l'époque  de  la  Restauration.  Le  succès  de  ces 
classes  avait  été  médiocre  assurément,  et  petit  était  leur 
prestige  ;  mais  cela  même,  et  le  fait  qu'elles  avaient  sub- 
sisté malgré  les  dédains,  prouvait  qu'elles  répondaient  à 
un  besoin,  qu'une  partie  notable  de  la  clientèle  naturelle 
des  lycées  tenait  à  la  fois  à  l'éducation  de  l'Etat  et  à  un 
système  d'études  organisé  par  lui  en  dehors  des  classes  de 
latin  et  de  grec.  Ce  besoin  était  d'autant  plus  sensible  quand 
l'enseignement  primaire  supérieure  n'existait  pas  ;  mais 
depuis  qu'il  existe,  au  lieu  de  diminuer,  le  besoin  s'est  plu- 
tôt accru,  la  difiusion  de  la  culture  et  le  progrès  écono- 
mique et  social  'n'ayant  fait  qu'augmenter  le  nombre  des 
familles  auxquelles  il  s'agit  de  donner  satisfaction.  M.  Duruy 
fit  dans  ce  sens  l'effort  le  plus  décisif  en  créant  l'enseigne- 
ment secondaire  spécial  (loi  du  24  juin  4865). 


Il  serait  superflu  d'entrer  ici  dans  le  détail  de  cette  ins- 
titution telle  qu'il  l'avait  conçue,  puisque  cela  n'aurait 
plus  qu'un  intérêt  rétrospectif  ;  on  en  verra  quelques  traits 
essentiels  aux  mots  Cycles  concentriques  et  Ecole  nor- 
male DE  Cluny.  L'idée  était  féconde,  mais  un  peu  indécise  : 
de  là  les  réformes  successives  qui  viennent  d'aboutir  à  une 
transformation  presque  complète.  Les  conditions  budgé- 
taires et  autres  dans  lesquelles  M.  Duruy  opérait,  ne  per- 
mettent d'appeler  faute  rien  de  ce  qu'il  tenta  pour  réor- 
ganiser l'instruction  publique.  Il  faut  plutôt  s'étonner  du 
bonheur  comme  de  la  hardiesse  de  ses  initiatives.  Il  fit  ce 
qu'il  put,  et  fit  même  l'impossible.  Cependant,  le  nom  de 
son  nouvel  enseignement  était  fâcheux,  car  un  enseigne- 
ment ne  peut  être  vraiment  secondaire  qu'à  la  condition  de 
n'être  pas  spécial.  On  voulait  marquer  par  là  qu'on  le  des- 
tinait et  l'appropriait  plus  particulièrement  aux  enfants  de 
la  bourgeoisie  agricole,  industrielle  et  commerciale.  Mais 
l'appeler  spécial,  c'était  lui  donner  un  air  à  demi  profession- 
nel :  de  là,  en  partie,  la  situation  inférieure  de  cet  ensei- 
gnement dans  les  lycées,  où  beaucoup  ne  le  trouvaient  pas 
à  sa  place.  Malgré  tout,  il  y  prit  si  bien  racine,  qu'au  bout 
de  trois  ans,  ni  la  chute  du  ministre,  ni  les  désastres 
publics  bientôt  après,  ni  la  tiédeur  et  parfois  l'hostilité  du 
pouvoir  ne  l'empêchèrent  de  subsister  et  même  de  se  déve- 
lopper, jusqu'au  jour  où  fut  mise  à  l'étude  la  refonte  com- 
plète de  notre  système  d'instruction  secondaire.  La  réforme 
de  4880  n'ayant  porté  que  sur  l'enseignement  classique, 
l'enseignement  spécial  eut  la  sienne  en  4884  (décret  du 
4  août).  Elle  consistait,  en  somme,  à  lui  donner  un  carac- 
tère plus  général  et  plus  littéraire,  six  années  au  lieu  de 
cinq,  et  pour  sanction  finale  un  baccalauréat.  L'assimila- 
tion complète  de  ses  professeurs  agrégés  à  ceux  de  l'en- 
seignement classique  était  accordée,  non  sans  résistance. 
En  4885-86,  nouveau  pas  dans  le  même  sens;  décrets  du 
24  déc.  4885  et  du  8  août  4886.  L'enseignement  spécial 
devient  de  plus  en  plus  un  enseignement  secondaire  com- 
plet, sans  latin  ni  grec,  mais  à  cela  près  analogue  à  l'autre. 
Son  baccalauréat  obtenait  d'emblée  l'équivalence  avec  le 
baccalauréat  es  sciences,  ouvrait  l'accès  des  mêmes  grandes 
écoles  et  de  toutes  les  mêmes  carrières.  Pour  rendre  com- 
plète l'égahté,  le  ministre  voulait  qu'un  nouveau  baptême 
annonçât  au  pubhc  tous  ces  changements  :  au  nom  d'ensei- 
gnement spécial  plus  impropre  que  jamais,  il  proposait  de 
substituer  celui  d'enseignement  classique  français.  Le  con- 
seil supérieur  s'y  refusa,  et  peut-être  faut-il  attribuer  à  ce 
refus  l'obstination  de  l'opinion  publique  à  regarder  la  ques- 
tion comme  ouverte  jusqu'à  ce  qu'une  réforme  plus  pro- 
fonde encore  de  l'enseignement  nouveau  et  de  son  bacca- 
lauréat eût  achevé  de  le  rendre  analogue,  parallèle  et  autant 
que  possible  égal  à  son  rival. 

Voici  les  dispositions  essentielles  du  décret  du  4  juin 
4894,  qui  consacre  le  nom  d'enseignement  secondaire  mo- 
derne. Les  classes  jusque-là  désignées  sous  les  noms  de 
première  année,  deuxième  année,  etc.,  prennent  respec- 
tivement les  noms  de  classe  de  sixième,  classe  de  cin- 
quième, etc.  La  classe  de  première  est  divisée  en  deux  sec- 
tions, l'une  littéraire,  appelée  première  (lettres),  l'autre 
scientifique,  appelée  première  (sciences).  L'enseignement 
comprend  :  la  langue  et  la  littérature  française,  les  langues 
et  les  littératures  allemandes  et  anglaises,  la  philosophie 
et  la  morale,  les  principes  du  droit  et  des  notions  d'écono- 
mie politique,  l'histoire,  la  géographie,  les  mathématiques, 
la  physique  et  la  chimie,  les  sciences  naturelles,  le  dessin, 
la  comptabilité.  Dans  certains  établissements,  l'étude  de 
l'anglais  peut  être  remplacée  par  celle  de  l'italien  ou  de 
l'espagnol.  A  l'issue  de  la  classe  de  troisième,  les  élèves  peu- 
vent recevoir  un  certificat  qui  leur  est  délivré  conformément 
au  décret  du  8  août  4886,  art.  2,  §  2.  A  l'issue  de  la 
classe  de  seconde,  les  élèves  peuvent  entrer  soit  dans  l'une 
des  sections  de  la  classe  de  première,  soit  dans  la  classe 
de  mathématiques  élémentaires.  Cet  article  a  pour  objet  de 
raccorder  à  la  fin  l'enseignement  moderne  à  l'enseignement 
classique,  avec  lequel  il  a  déjà  pour  base  commune  à  Tori- 


4451 


ENSEIGNEMENT 


gine  les  classes  dites  élémentaires.  A  partir  de  l'année 
4894,  il  ne  sera  plus  ouvert  de  concours  pour  l'agrégation 
de  l'enseignement  spécial,  ni  de  session  d'examen  pour  le 
certificat  d'aptitude  au  dit  enseignement.  Cet  article  pré- 
pare l'unification  du  personnel  de  l'enseignement  secondaire 
tant  moderne  que  classique,  à  laquelle  acheminait  déjà  la 
suppression  de  l'Ecole  normale  de  Cluny. 

Le  décret  du  5  juin  4894  organise  le  baccalauréat  de 
l'enseignement  secondaire  moderne  en  analogie  étroite  avec 
le  baccalauréat  de  l'enseignement  classique.  L'examen  est 
subi  au  siège  des  facultés  devant  un  jury  présidé  par  le 
doyen  ou  par  le  plus  ancien  professeur  de  la  faculté.  Le 
bénéfice  de  l'admissibilité  aux  épreuves  orales,  après  échec 
à  ces  épreuves,  est  acquis  aux  candidats  pendant  l'année 
suivante,  pourvu  qu'ils  se  présentent  devant  le  même  jury. 
Les  candidats,  en  se  faisant  inscrire,  peuvent  produire  un 
livret  scolaire.  Pour  les  épreuves  écrites,  sauf  celle  de 
langues  vivantes,  il  est  donné  trois  sujets  entre  lesquels  les 
candidats  ont  le  choix.  L'examen  est  divisé  en  deux  parties 
séparées  par  un  an  d'intervalle,  tout  au  moins  par  une 
année  scolaire,  de  la  session  d'octobre-novembre  à  celle  de 
juillet-août.  Les  épreuves  de  la  première  partie  sont  : 
épreuves  écrites  :  un  thème  anglais  et  une  version  alle- 
mande, ou,  au  choix  des  candidats,  un  thème  allemand  et 
une  version  anglaise,  italienne  ou  espagnole,  le  tout  sans 
lexique  à  partir  de  la  session  de  nov.  4893,  et  une  compo- 
sition française.  Epreuves  orales  :  4^  l'explication  d'un 
texte  français  ;  2°  celle  d'un  texte  allemand  ;  3<>  celle  d'un 
texte  anglais,  italien  ou  espagnol,  au  choix  des  candidats; 
ces  exphcations  sont  accompagnées  ou  suivies  d'une  con- 
versation dans  celles  des  langues  vivantes  sur  lesquelles  les 
candidats  sont  interrogés  (dans  l'académie  d'Alger,  l'arabe 
peut  être  substitué,  au  choix  du  candidat,  à  l'une  des  langues 
inscrites  au  programme)  ;  4<*  une  interrogation  d'histoire  et 
de  géographie  ;  5°  une  interrogation  sur  les  mathématiques  ; 
6*^  une  sur  la  physique  et  la  chimie.  Toutes  ces  épreuves 
ont  pour  base  les  programmes  de  la  classe  de  seconde 
(moderne). 

Les  candidats  à  la  deuxième  partie  ont  le  choix  entre 
trois  séries  d'épreuves,  donnant  lieu  à  autant  de  mentions 
distinctes  sur  le  diplôme  :  Première  série  :  lettres,  philo- 
sophie ;  deuxième  série  :  lettres,  sciences  ;  troisième  série  : 
lettres,  mathématiques.  —  Les  épreuves  de  la  première 
série  ont  pour  base  le  programme  de  la  classe  de  première 
(lettres).  Ce  sont  :  pour  l'écrit,  une  dissertation  de  philo- 
sophie ;  pour  l'oral,  des  interrogations  sur  la  philosophie, 
sur  l'histoire  contemporaine,  sur  la  géographie,  sur  la  lit- 
térature, sur  l'histoire  naturelle.  — •  Les  épreuves  de  la 
deuxième  série  ont  pour  base  le  programme  de  la  classe  de 
première  (sciences) .  Ce  sont  :  pour  l'écrit,  une  composition 
de  mathématiques  et  de  physique  ;  pour  l'oral,  des  interro- 
gations sur  les  mathématiques  ;  la  physique,  la  chimie  et 
l'histoire  naturelle  ;  l'histoire  contemporaine  ;  la  philoso- 
phie; la  géographie.  — Les  épreuves  de  la  troisième  série 
ont  pour  base  le  programme  des  mathématiques  élémen- 
taires des  lycées.  Ce  sont  :  pour  l'écrit,  une  composition 
de  mathématiques  et  de  physique;  pour  l'oral,  des  inter- 
rogations sur  les  mathématiques,  la  physique,  la  chimie, 
l'histoire  contemporaine,  la  philosophie.  Les  dispositions 
du  décret  sont  applicables,  en  ce  qui  concerne  la  première 
partie  des  épreuves,  à  dater  de  juil.-aoùt  4892;  en  ce  qui 
concerne  la  seconde  partie,  à  dater  de  juil.-août  4893. 

Quant  à  la  question  de  savoir  si  l'enseignement  moderne 
et  le  classique  doivent  habiter  séparément  ou  être  seule- 
ment distincts  sous  un  même  toit,  l'opinion  semble  se  pro- 
noncer dans  le  sens  de  la  séparation,  partout  où  elle  est 
possible.  Une  condition  de  prospérité  pour  un  enseigne- 
ment, c'est  en  effet  de  se  sentir  chez  lui  là  où  il  est,  d'avoir 
toute  la  liberté  de  ses  mouvements  et  surtout  sa  direction 
propre,  dont  ni  la  sympathie,  ni  l'attention  ne  soient  par- 
tagées. Et  comme,  d'autre  part,  on  sent  au  vif  aujourd'hui 
l'inconvénient  des  lycées  trop  vastes  et  trop  peuplés,  quel 
mode  de  dédoublement  serait  plus  indiqué  que  celui  qui 


consiste,  au  moins  dans  les  villes  comportant  plusieurs 
lycées,  à  faire  des  lycées  de  types  distincts  ?  Tel  est  le  vœu 
exprimé  par  le  conseil  supérieur  dès  4881.  Quelques-uns 
craignent,  il  est  vrai,  pour  l'unité  morale  du  pays,  si  l'on 
établit  de  ces  divisions  dans  la  jeunesse.  Mais  l'expérience  ne 
semble  pas  justifier  ces  craintes.  En  quoi  l'unité  nationale 
serait-elle  mise  en  péril  par  des  mesures  assurant  une  meil- 
leure distribution  de  nos  forces  et  une  meilleure  économie 
de  nos  ressources  ?  Ce  qui  fait  naître  l'hostilité,  c'est  bien 
plutôt  le  commensalisme  forcé,  avec  les  froissements  qui  en 
résultent,  qu'une  indépendance  parfaite  d'où  résulterait  une 
égale  prospérité.  Quand  on  n'a  rien  à  se  reprocher,  rien  à 
s'envier,  l'émulation  subsiste  ;  il  n'y  a  point  de  raison  pour 
que  la  rivalité  s'envenime  :  on  le  voit  bien  par  nos  grandes 
écoles,  si  diverses,  et  toutes  si  françaises.  Tels  sont  les 
motifs  pour  lesquels,  tout  en  laissant  les  deux  types  d'en- 
seignement secondaire  coexister  dans  la  plupart  des  lycées, 
on  a  voulu  qu'une  partie  des  étabhssements  nouveaux,"  dans 
les  grandes  villes  surtout,  fussent  exclusivement  consa- 
crés à  l'enseignement  moderne,  comme  d'autres  le  sont 
à  l'enseignement  classique.  Le  lycée  Voltaire,  ouvert  à 
Paris  en  oct.  4890,  est  le  principal  de  ces  lycées  tout 
modernes. 

m.  Enseignement  secondaire  des  jeunes  filles.  —  L'idée 
d'instituer  en  France  un  enseignement  secondaire  des 
filles,  distinct  de  celui  des  pensionnats  et  des  couvents, 
remonte  au  ministère  Duruy  (circulaire  du  30  oct.  4867). 
Mais  des  cours  libres  organisés,  à  cet  appel,  par  des  asso- 
ciations de  professeurs  dans  un  assez  grand  nombre  de 
villes,  il  ne  restait  guère  de  florissants  que  ceux  de  la  Sor- 
bonne,  quand  M.  Camille  Sée,  député,  déposa  le  28  oct. 
4878  sur  le  bureau  de  la  Chambre  le  projet  qui,  soutenu 
aussitôt  par  Paul  Bert,  bientôt  adopté  et  vigoureusement 
défendu  par  M.  Jules  Ferry,  ministre,  est  devenu  la  loi  du 
24  déc.  4880. 

L'appui  de  Paul  Bert  avait  consisté  à  faire  inscrire  au 
budget  de  4879  un  crédit  de  400,000  fr.  pour  subven- 
tions aux  villes  qui  ouvriraient  des  cours  secondaires  de 
jeunes  filles.  Maintenu  en  4880  et  porté  à  300,000  fr.  en 
4881,  ce  crédit  permit  d'organiser  aussitôt  un  grand 
nombre  de  cours  secondaires,  pierres  d'attente  pour  les 
lycées  et  collèges  de  filles  que  la  loi  allait  instituer.  Ces 
cours  secondaires  étaient  encore  en  4887  au  nombre  de 
76  comptant  ensemble  4,694  élèves;  mais  il  y  en  avait  eu 
jusqu'à  405  à  la  fois  en  4883-84,  et  449  établissements 
divers  avaient  reçu  depuis  4879  ce  titre  et  les  encoura- 
gements de  l'Etat.  Sur  ce  nombre,  44  avaient  été  trans- 
formés en  lycées,  et  45  en  collèges  ;  44  étaient  devenus 
de  simples  écoles  primaires  supérieures,  et  5  des  éta- 
blissements libres;  enfin  34  avaient  été  supprimés,  soit 
par  les  conseils  municipaux,  soit  par  les  associations  fon- 
datrices découragées,  soit  par  l'Etat,  obHgé  de  réserver 
ses  subventions  pour  les  cours  susceptibles  d'être  bientôt 
érigés  en  lycées  ou  collèges.  Trois  causes  surtout  ont 
contribué  à  la  ruine  des  cours  qui  n'ont  pas  été  viables, 
indépendamment  de  l'hostilité  violente  partout  opposée 
par  les  anciens  partis  à  l'institution  d'un  système  d'édu- 
cation élevée  et  rationnelle  pour  les  femmes.  Ce  sont  : 
la  gratuité,  que  certaines  municipafités  avaient  cru  bien 
faire  d'établir,  ou  complète  ou  à  peu  près,  et  qui  écarta 
précisément  la  chentèle  à  laquelle  l'enseignement  s'adres- 
sait; l'absence  de  classes  élémentaires  pour  recevoir  les 
élèves  dès  le  début  de  leurs  études,  car  comment  se  flatter 
de  les  attirer,  une  fois  prises  par  d'autres  maisons?  enfin 
le  manque  d'unité  dans  la  direction  ou  de  prestige  dans  l'or- 
ganisation, ces  cours  seuls  ayant  subsisté,  en  général,  qui 
ont  eu  une  directrice  d'une  autorité  suffisante  et  un  local 
distinct,  bien  à  eux.  La  nécessité  d'une  direction  unique  et 
féminine  n'implique  d'ailleurs  nullement  l'exclusion  des 
professeurs  hommes  :  au  contraire,  leur  concours  a  été 
partout  un  élément  de  succès,  à  tel  point  que  de  bons  juges 
ont  pu  se  demander  si  ce  n'était  pas  une  erreur,  de  for- 
mer un  personnel  uniquement  féminin  pour  les  lycées  de 


ENSEIGNEMENT 


—  1152  - 


filles.  Mais  la  question  n'est  pas  purement  pédagogique; 
elle  est  sociale.  Si  c'est  une  nécessité  morale  et  d'ordre 
public  d'offrir  au  plus  grand  nombre  possible  de  femmes  le 
moyen  de  subsister  avec  dignité  et  indépendance,  quelle 
fonction  est  pour  elles  plus  indiquée  que  celle  de  l'éducation, 
et  surtout  l'éducation  des  filles  ?  Quoi  qu'il  en  soit  de  ce 
point  particulier,  l'expérience  des  cours  secondaires  a  pro- 
fité à  l'Etat  pour  l'organisation  des  lycées  de  filles.  Une 
rétribution  scolaire,  modérée  d'ailleurs,  et  variable  selon 
les  villes,  a  été  exigée  par  principe  sauf  à  être  tempérée 
par  quelques  bourses,  mais  moins  nombreuses  que  dans  les 
lycées  de  garçons.  Les  classes  élémentaires,  dont  la  loi  per- 
mettait l'institution  sans  y  pourvoir,  ont  été  le  plus  souvent 
annexées  aux  classes  proprement  secondaires.  Enfin  les  villes 
n'ont  obtenu  l'érection  de  leurs  cours  en  lycées  ou  collèges 
qu'à  condition  de  fournir  les  bâtiments  et  de  subvenir  pour 
moitié  aux  frais  d'une  installation  convenable. 

En  1886-87,  il  existait  seize  lycées  et  dix-neuf  collèges 
de  filles,  en  tout  35  établissements,  dont  9  seulement 
avaient  été  créés  d'emblée,  et  non  éprouvés  d'abord 
à  titre  de  cours  secondaires.  Le  premier  lycée  ouvert  fut 
celui  de  Montpellier  (3  oct.  1881)  et  le  premier  collège, 
celui  d'Auxerre  (6  déc.  1881).  On  ouvrit  en  moyenne 
6  lycées  ou  collèges  par  an  pendant  les  six  premières  années, 
et  cette  proportion  se  maintint  quelque  temps  encore,  mais 
devait  nécessairement  décroître.  La  population  totale  s'était 
élevée  de  342  élèves  en  1881,  à  6,000  à  la  fin  de  1887; 
elle  était  en  moyenne  de  172  élèves  par  lycée  et  116  par 
collège.  Lycées  et  collèges,  aux  termes  de  la  loi  (art.  2), 
ne  peuvent  être  que  des  externats.  L'Etat,  à  qui  ses 
grands  internats  de  garçons  ont  été  plus  d'une  fois 
reprochés  et  ont  souvent  causé  des  embarras,  n'a  pas  voulu 
prendre  la  responsabilité  de  multiplier  ces  institutions 
bien  autrement  contestables,  les  internats  de  filles.  Cepen- 
dant, le  recrutement  de  purs  externats  ne  pouvait  être 
qu'extrêmement  restreint  dans  l'état  de  nos  mœurs,  et  la 
passion  même  avec  laquelle  les  adversaires  de  la  loi 
tenaient  à  cet  article  en  faisait  bien  voir  le  danger.  Aussi 
fut-il  corrigé  par  un  deuxième  paragraphe,  portant  qu'aux 
lycées  et  collèges,  des  internats  pourraient  être  annexés, 
au  compte  des  municipalités  et  sur  la  demande  des  conseils 
municipaux,  après  entente  avec  l'Etat.  Or,  au  milieu  de 
1887,  dix-sept  villes  avaient  fondé  de  tels  internats.  De 
plus,  des  pensions  privées  peuvent  recevoir  les  boursières 
de  l'Etat  et  envoyer  au  lycée  ou  collège  la  totalité  ou  une 
partie  de  leurs  élèves.  L'externat  surveillé  est  d'ailleurs 
organisé  presque  partout,  et  même  la  demi-pension  dans 
les  lycées  de  Paris. 

Partout  où  les  locaux  le  permettaient,  on  a  établi  les 
classes  primaires  prévues,  mais  non  instituées  par  la  loi  et 
par  le  décret  organique  du  28  juil.  1881  ;  le  fait  a  prouvé 
qu'à  cette  condition  était  lié  en  grande  partie  l'avenir  des 
établissements  nouveaux,  car  le  rapport  entre  l'effectif  de 
ces  classes  primaires  et  le  total  de  la  population  scolaire 
était  en  1887,  de  40  ^jo  sur  l'ensemble.  Chaque  établisse- 
ment règle  ces  classes  à  sa  manière  sous  le  contrôle  du 
recteur.  Au  contraire,  l'enseignement  secondaire  propre- 
ment dit,  divisions,  programmes,  diplômes,  emploi  du 
temps,  régime  intérieur,  est  régi  par  des  décrets  et  arrêtés 
délibérés  en  conseil  supérieur  de  l'instruction  publique, 
notamment  les  décrets  du  28  juil.  1881  et  du  14  janv. 
1882,  et  les  arrêtés  des  14  janv.  1882,  28  juil.  1882, 
28  juil.  1884.  Le  plan  d'études  comprend  cinq  années  et  se 
divise  en  deux  périodes.  La  première  est  de  trois  années 
durant  lesquelles  toutes  les  matières,  également  obligatoires, 
sont  enseignées  dans  des  classes  proprement  dites,  à  raison 
de  vingt  par  semaine,  aucune  classe  ne  pouvant  durer  plus 
d'une  heure.  Au  terme  de  cette  période,  c.-à-d.  vers  l'âge 
de  quinze  ans,  les  jeunes  filles  peuvent  obtenir,  après  exa- 
men, un  premier  certificat  d'études  secondaires.  Dans  la 
deuxième  période  qui  est  de  deux  ans  au  moins,  et  qui 
peut  être  de  trois,  des  cours  facultatifs  sont  substitués  aux 
classes.  Les  élèves  ont  le  choix  entre  ces  cours,  peuvent 


notamment  pousser  leurs  études  ou  dans  les  lettres  parti- 
cuHèrement,  ou  dans  les  sciences,  ce  qui  a  été  regardé 
comme  un  progrès  dans  les  pays  mêmes  où  l'enseignement 
supérieur  des  femmes  est  le  plus  florissant.  Les  éléments 
du  latin  font  l'objet  d'un  de  ces  cours  facultatifs  ;  non  qu'on 
se  propose  de  former  des  femmes  savantes,  mais  parce 
qu'un  peu  de  latin  complète  la  connaissance  du  français  et 
qu'une  mère  instruite  aimera  à  pouvoir  suivre  les  premières 
études  de  son  fils.  Un  diplôme  de  fin  d'études  secondaires 
couronne  cette  deuxième  période.  Il  diffère  du  baccalauréat, 
en  ce  qu'il  est  délivré  comme  le  certificat  de  la  troisième 
année  par  la  maison  même  où  s'achèvent  les  études,  et 
dans  des  conditions  de  scolarité  qui  excluent  les  prépara- 
tions factices  et  l'aléa.  Ce  diplôme  permet  de  se  présenter 
au  concours  d'admission  à  l'école  normale  de  Sèvres,  où 
d'aspirer  à  un  emploi  soit  d'institutrice,  soit  de  maîtresse 
répétitrice  dans  les  lycées  et  collèges  de  jeunes  filles. 

Le  cours  d'études  secondaires  comprend  :  la  morale,  la 
lecture  à  haute  voix,  la  langue  et  la  littérature  française  ; 
la  littérature  ancienne  et  quelques  notions  de  latin;  les 
langues  vivantes  et  les  littératures  modernes  ;  l'histoire  gé- 
nérale, l'histoire  de  France,  la  géographie  et  la  cosmogra- 
phie ;  l'économie  domestique,  le  droit  usuel,  l'hygiène,  l'his- 
toire naturelle,  la  physique  et  la  chimie,  l'arithmétique,  la 
géométrie  et  les  éléments  de  l'algèbre,  le  dessin,  la  musi- 
que vocale,  la  gymnastique,  la  couture,  la  coupe  et  l'as- 
semblage. Il  y  a  des  examens  d'entrée  et  des  examens  de 
passage.  Les  classes  d'une  heure  (il  y  en  a  deux  le  matin 
et  deux  le  soir)  sont  séparées  par  un  quart  d'heure  de  ré- 
création. L'instruction  religieuse  ne  figure  pas  dans  les 
programmes,  mais  elle  est  donnée  dans  les  lycées  et  col- 
lèges par  les  ministres  des  différents  cultes  aux  élèves  dont 
les  parents  le  désirent. 

Les  crédits  alloués  au  budget  du  ministère  de  l'instruc- 
tion publique  pour  les  dépenses  ordinaires  des  lycées  et 
collèges  de  jeunes  filles  étaient  de  762,000  fr.  en  1887. 
—  En  1889,  ils  étaient  de  852,000  fr.  sans  compter 
100,000  fr.  pour  les  bourses.  Les  subventions  des  villes 
montaient  à  245,630  fr.,  celles  des  départements  à  10,050. 
La  rétribution  scolaire,  déduction  faite  des  bourses  de 
l'Etat,  donnait  806,258  fr.  —  A  cette  date,  21  lycées  et 

25  collèges  fonctionnaient,  4  lycées  et  1  collège  allaient 
s'ouvrir.  La  population  totale  était  de  6,634  jeunes 
filles. 

Pour  former  un  personnel  enseignant  tout  féminin  et 
bien  distinct  de  celui  de  l'enseignement  primaire,  la  loi  du 

26  juil.  1881,  dont  l'initiative  revient  encore  à  M.  Camille 
Sée,  a  fondé  l'école  normale  de  Sèvres  (V.  Ecole  normale). 
Les  décrets  et  arrêtés  des  5  et  7  janv.  1884,  la  circulaire 
du  24  janv.  de  la  même  année  ont  à  la  fois  affermi  et  élargi 
cette  base  de  recrutement,  en  organisant  solidement  les 
grades  spéciaux  institués  pour  ce  personnel  spécial,  savoir: 
l'agrégation  de  l'enseignement  secondaire  des  jeunes  filles, 
et  le  certificat  d'aptitude  à  ce  même  enseignement,  titres 
conquis  un  peii  facilement  peut-être  à  l'origine,  mais  dont 
la  valeur  n'a  cessé  de  grandir,  et  qui  mériteront  bientôt, 
par  la  sévérité  croissante  des  jurys  et  le  nombre  restreint 
des  élues,  d'être  assimilés,  comme  ils  le  sont  en  fait,  à  la 
licence  et  à  l'agrégation  des  hommes.  Les  traitements  des 
fonctionnaires  femmes  dans  les  lycées  et  collèges  de  jeunes 
filles  ont  été  fixés,  en  effet,  parle  décret  du  13  sept.  1883, 
d'une  façon  relativement  Ubérale.  Une  agrégée  débute  à 
3,000  fr.  comme  professeur  de  lycée,  à  5,000  fr.  comme 
directrice. 

En  somme,  l'enseignement  secondaire  des  filles  est  une  des 
créations  de  la  République  les  plus  importantes  et  les  plus 
caractéristiques.  Il  a  réussi  d'abord  et  plus  qu'on  n'osait 
l'espérer.  De  plus  en  plus  il  dissipera  les  préventions  sin- 
cères dont  il  a  pu  être  l'objet  et  triomphera  des  critiques 
intéressées.  Le  moment  n'est  pas  venu  encore  de  recher- 
cher les  améliorations  qu'il  pourra  recevoir.  On  a  commencé 
toutefois  à  Paris,  en  oct.  1891,  à  tenter  une  organisation 
plus  souple,  en  admettant,  par  exemple,  une  distribution  du 


—  1153  — 


ENSEIGNEMENT 


temps  qui  n'appellerait  l'élève  au  lycée  qu'une  fois  par  jour 
et  pour  une  moitié  de  la  journée,  laissant  l'autre  libre  pour 
le  travail  personnel,  les  études  d'art  et  la  vie  de  famille. 
C'est  un  moyen,  entre  autres,  de  différencier  l'éducation  des 
filles  de  celle  des  garçons,  de  bien  marquer  qu'on  ne  veut 
faire  ni  des  savantes  ni  des  brevetées,  mais  simplement 
des  femmes  du  monde,  éclairées  et  sérieuses,  amies  du 
savoir  solide  et  de  la  raison,  des  Françaises  ouvertes  à  tous 
les  progrès,  prêtes  à  être  pour  leurs  maris  les  meilleures 
compagnes,  pour  leurs  enfants  les  meilleures  éducatrices. 
Nous  renvoyons  aux  art.  Femme  (Psychologie)  et  Fille 
(Education),  les  considérations  théoriques  que  comporte  ce 
vaste  sujet.  H.  Marion. 

Statistique .  —  Enseignement  secondaire  des  garçons 
(France).  —  Il  existait  en  France,  en  1887,  un  total  de 
997  établissements  d'instruction  secondaire,  savoir  : 
Etablissements  publics  : 

Lycées 100 

Collèges  communaux 246 

Etablissements  libres  : 

Laïques 302 

Ecclésiastiques 3^9 


346 


651 


Total. 


87.979 


997 

Ces  établissements  réunissaient  ensemble  158,238  élèves 
répartis  ainsi  qu'il  suit  : 

Etablissements  publics  : 

Lycées 52.124 

Collèges  communaux 35 .  855 

Non  compris  les  élèves  des  établissements 
libres  suivant  les  classes  des  lycées  et  collèges, 
et  dont  il  a  été  fait  déduction  pour  qu'ils  ne 
soient  pas  comptés  deux  fois. 

EtabUssements  libres  : 

Laïques 20.174 

Ecclésiastiques 50 .  085 

Total 158.238 


70.259 


Depuis  1876,  il  a  disparu  139  établissements;  cette 
diminution  porte  exclusivement  sur  les  établissements  laï- 
ques libres  dont  192  ont  disparu. 

Le  nombre  des  élèves  des  étabUssements  publics  d'en- 
seignement secondaire  a  été  supérieur  en  1887  à  celui  de 
1876  (89,899  élèves  en  1887  et  79,231  en  1876).  En 
1876,  on  comptait  333  établissements  :  81  lycées  et  252 
collèges;  en  1887,  leur  nombre  est  de  346,  savoir  :  100 
lycées  et  246  collèges.  Il  y  a  donc  13  établissements  en 
plus  (19  lycées  en  plus  et  6  collèges  en  moins).  Le  chiffre 
des  élèves,  qui  était  en  1876  de  79,231,  savoir  :  internes, 
36,472  ;  externes,  42,759,  a  été,  en  1887,  de  89,899  : 
internes,  39,638;  externes,  50,261. 

Voici  les  chiffres  relatifs  aux  établissements  libres  d'en- 
seignement secondaire  : 


On  comptait  en  1876. . . 

On  compte  en  1887.. . 

Différences  pour  1887 

En  plus 

En  moins 


ETABLISSEMENTS 


laïques 


494 
30*2 


192 


ecclésias- 
tiques 


309 
349 


40 


total 

des 
établis- 
sements 
libres 


803 
651 


152 


Ainsi,  pendant  la  période  de  onze  années  qui  s'est  écoulée 
de  1876  à  1887,  le  nombre  des  établissements  laïques  a 
diminué  de  192,  celui  des  établissements  ecclésiastiques  a 
au  contraire  augmenté  de  40,  ce  qui  fait  une  diminution 
de  152  sur  le  nombre  total  des  établissements  libres. 

Si  maintenant  nous  comparons  le  nombre  des  élèves 
fréquentant  ces  établissements  en  1876  et  en  1887,  nous 
trouvons  les  résultats  suivants  :  le  nombre  total  des  élèves 
était  en  1876  de  78,065;  en  1887,  il  est  seulement  de 
70,259,  savoir  : 


En  1876 

En  1887 

Différences  pour  1887..  j  ^^  P|^"f^g 


ÉTABLISSEMENTS 

LAÏQUES 


internes     externes 


16.870 
11.530 


5.340 


14.379 
8.644 


5.735 


31.249 
20.174 


11.075 


ETABLISSEMENTS 

ECCLÉSIASTIQUES 


internes 


33.092 
33.482 


390 


13.724 
16.603 


2.879 


46.816 
50.085 


3.269 


De  ces  chiffres,  il  ressort  que,  de  1876  à  1887,  le 
nombre  des  élèves  fréquentant  les  établissements  libres  a 
diminué  de  7,806,  savoir  :  4,950  internes,  2,856 
externes. 

Les  établissements  ecclésiastiques  se  répartissent  en  trois 
catégories  :  1**  établissements  diocésains  ;  2^  établissements 
appartenant  aux  congrégations  autorisées  ;  3^  établisse- 
ments possédés  par  les  prêtres  séculiers.  —  1°  Le  nombre 
des  établissements  diocésains  était  de  91  en  1876;  il  est 
de  61  en  1887,  soit  une  diminution  de  30.  Le  chiffre  de 
la  population  scolaire  de  ces  maisons  était  de  12,200  en 
1876,  savoir  :  8,600  internes  et  3,600  externes.  Il  est 
en  1887  de  9,941,  savoir:  6,710  internes  et  3,231 
externes,  soit  au  total  une  diminution  de  2,259  élèves.  — 
2<^  En  1887,  le  nombre  des  maisons  possédées  par  les 
congrégations  autorisées  s'élève  à  35  et  leur  population 
scolaire  est  de  6,315  élèves  dont  4,386  internes  et  1,929 
externes.  —  3°  En  1876,  les  maisons  dirigées  par  des 
prêtres  séculiers  et  par  des  ministres  des  autres  cultes 
étaient  au  nombre  de  129  :  122  appartenaient  au  culte 

GRANDE  encyclopédie.    —   XV. 


catholique  et  7  au  culte  protestant;  elles  comptaient 
14,655  élèves,  dont  9,880  internes  et  4,775  externes, 
soit  une  moyenne  par  établissement  de  113  élèves,  savoir  : 
76  internes,  37  externes.  En  1887,  les  établissements 
de  cette  nature  sont  au  nombre  de  253  ;  245  appartien- 
nent au  culte  catholique  et  8  au  culte  protestant  ;  ils 
comptent  22,386  internes,  11,443  externes,  soit  au  total 
33,829  élèves,  soit  une  moyenne  par  établissement  de  134 
élèves,  89  internes  et  45  internes. 

Au  31  déc.  1887,  le  nombre  total  des  élèves  des  100 
lycées  nationaux  était  de  53,816,  savoir  : 

Boursiers  nationaux.  .  .  2.827  \ 

,  Boursiers  départementaux  733  j 

\  Boursiers  communaux.  .  890  / 

Internes.   .  Boursiers  par  fondations  )  25.706 

I      particulières ^  206  \ 

f  Pensionnaires  libres.  .  .  15.364  ] 

\  Demi-pensionnaires  .  .  .  5.686  / 

A  reporter 25.706 

73 


ENSEIGNEMENT 


-  1154  - 


Externes. 


Report 25.706 

Boursiers  nationaux.  .  .  209  \ 
Boursiers  départementaux  472  J 
Boursiers  communaux  .  .  758  / 
Externes  surveillés  ...     2.673      28.110 

Externes  libres 22.606  \ 

Externes    des   établisse- 
ments libres  .....     1 .  692  / 


Total.  .  , 53.816 


Les  53,816  élèves  que  possédaient  les  100 
31  déc.  1887  se  répartissaient  ainsi  qu'il  suit  : 

Enseignement  classique 

Enseigneniint  spécial 

Lycées,  Enseignement  classique.  11  y  avait 
lycées  à  la  fin  de  l'année  1887  : 

Dans  les  classes  primaires 

En  huitième 

En  septième 

En  sixième 

En  cinquième 

En  quatrième 

En  troisième 

En  seconde 


lycées  au 

42.594 
11.222 
dans  les 


5.714 

3.045 
3.765 
4.132 
4.058 

4.237 
3.720 
2.394 


■p     , -.    .        <  Nouveaux 2.391  )     c\  ono 

En  rhétorique. I  ^.,,^^,^3 _      g(,7  (  _^^ 

A  reporter 33.963 


En  philosophie. 

En    mathéma- 
tiques. 
En  mathémati- 
ques spéciales 


Report 33.963 

Nouveaux 1.527 

Vétérans 192 


1.719 


J  Préparatoires  .  .  .  .  1 .  574  J 
(  Elémentaires  ....  3.786  J 

{  Nouveaux 814  j 

Vétérans 738  \ 


5.360 
1.552 


Total 42.594 

Les  élèves  suivant  l'enseignement  préparatoire  aux  écoles 
spéciales  du  gouvernement  étaient  au  nombre  de  365  en 
1842,  de  1,566  en  1865  et  de  1,678  en  1876. 

En  1887,  2,799  élèves  se  sont  présentés  aux  examens 
d'admission  aux  écoles  du  gouvernement,  savoir  : 

Ecole  normale  supérieure 454 

Ecole  polytechnique 950 

Ecole  de  Saint-Cyr 812 

Ecole  navale  .  ." 319 

Ecole  forestière 51 

Ecole  centrale 148 

Ecole  normale  de  Cluny 41 

Total 2.779 

Le  nombre  des  admissions,  en  1887,  aux  Ecoles  po- 
lytechnique et  de  Saint-Cyr  se  partage  de  la  manière 
suivante  entre  les  lycées,  les  collèges  communaux  et  les 
établissements  Hbres  : 


Ecole  polytechnique  (promotion  de 

220  élèves) 

Ecole  de  Saint-Cyr  (promotion  de 
449  élèves) 


dans 


LES    LYCEES 


146 

260 


ELEVES   AYANT   FAIT   LEURS    ETUDES 

dans 


dans 

LES    COLLÈGES? 

communaux 


au 

l'RYTANÉE 

de  La  Flèche 


2 
30 


LES   irrABLlSSEMENTS  LIBRES 


laïques 


23  (i) 

'il  0 


ecclésiastiques 

(Stanislas, 
Ste-Geneviève 
Carmes, 
Immaculée- 
Conception 
de  Toulouse,  etc. 


38 
136 


Ces  25  élèves  se  répartissent  ainsi  : 

(1)  Institution  Sainte-Barbe  (dont  les  élèves  suivent,  en  grande  partie,  les  cours  du  lycée  Louis-lc-Grand),  9;  école 
Monge,  14  ;  divers,  2. 

(2)  Dont  11  élèves  de  Sainte-Barbe. 


Lycées.  Enseignement  spécial  {on  français  moderne). 
Les  11,222  élèves  qui,  en  1887,  suivaient  dans  les  lycées 
les  cours  de  l'enseignement  secondaire  spécial  se  répartis- 
sent ainsi  : 

l"*®  année 341 

2"    — 690 

^^'    — 1.188 

f    — .  ^ 2.299 

'^'    — 3.487 

6^    ■- 3.217 

Total 11.222 

Collèges  communaux.  Le  nombre  total  des  élèves  des 
collèges  communaux  de  garçons  au  31  déc.  1887  était 
de  36,086,  savoir  : 

!  Boursiers  nationaux  .  .  1 .  594  \ 

Boursiers    départemen-  { 

taux 469  \     ^'"^"^^ 

Boursiers  communaux*  .  161  ; 

A  reporter 2.224 


Report.  ......       2.224 

i  Boursiers  par  fondations  ^ 

PeSSreTiibres."  .'  9.611      ^^'"'^^ 

Demi-pensionnaires.  .  .  2.039  j 

/  Boursiers  nationaux.  .  .  56 
j    Boursiers   départemen- 

i       taux 49  j 

\  Boursiers  communaux.  .  2.316  f 

Externes.  '  Boursiers  par  fondations  ;  22.154 

j      particulières 43 

f  Externes  libres 19.459 

Externes  des  institutions 

et  pensions 231  / 

Total 36.086 

Les  36,086  élèves  des  collèges  communaux  se  répar- 
tissent ainsi  qu'il  suit  : 

Enseignement  classique.  .  .  .  , 17.368 

Enseignement  spécial 11.665 

Enseignement  primaire 7.053 

Total 36.086 


1155  — 


ENSEIGNEMENT 


Parmi  ces  établissements,  il  faut  faire  une  place  à  part 
au  collège  Rollin  qui  est,  pour  l'enseignement,  assimilable 
aux  lycées  de  Paris.  C'est  le  seul  collège  communal  où  soit 
réellement  développée  la  préparation  aux  écoles  du  gou- 
vernement. 

Le  personnel  administratif  et  enseignant  des  lycées,  en 
1887,  était  de  3,741  fonctionnaires  :  100  proviseurs,  94  cen- 
seurs, 546  professeurs  de  sciences  de  l'enseignement  clas- 
sique (mathématiques  spéciales,  45  ;  mathématiques  élémen- 
taires et  préparatoires,  301;  sciences  physiques  et  natu- 
relles, 200),  107  professeurs  de  philosophie,  172  d'histoire, 
367  de  la  division  supérieure  de  lettres  (rhétorique, 
seconde,  troisième),  443  de  la  division  de  grammaire, 
417  de  langues  vivantes,  287  de  la  division  élémentaire 
(septième  et  huitième).  Il  y  avait  261  maîtres  primaires. 
L'enseignement  moderne  comptait  239  professeurs  de 
sciences,  158  de  lettres,  135  maîtres  élémentaires.  Il  y 
faut  ajouter  :  165  professeurs  de  dessin,  105  de  gymnas- 
tique, 96  surveillants  généraux  et  21  préparateurs.  Sur  ce 
total,  on  trouve  1,417  agrégés,  77  docteurs.  Il  y  avait 
au  31  déc.  1887  un  total  de  1,804  maîtres  répétiteurs 
stagiaires  et  auxiliaires  en  exercice,  dont  i  ,578  pour  l'en- 
seignement classique.  Le  personnel  des  collèges  commu- 
naux comprenait  :  246  principaux  et  3,069  professeurs, 
savoir  :  2,142  professeurs  de  l'enseignement  classique, 
553  de  l'enseignement  moderne,  374  des  classes  pri- 
maires ;  de  plus,  398  professeurs  de  dessin  et  de  gymnas- 
tique. Dans  l'enseignement  classique,  il  y  avait  512  pro- 
fesseurs de  sciences,  1,343  de  lettres  et  287  de  langues 
vivantes.  Enfin,  les  collèges  communaux  avaient  719  maîtres 
d'études. 

Au  point  de  vue  de  l'enseignement,  les  établissements  libres 
se  décomposent  ainsi  qu'il  suit  en  1887  :  Etablissements 
laïques  ayant  un  enseignement  classique  complet,  67  ; 
ayant  une  division  supérieure  incomplète,  84  ;  n'ayant  que 
la  division  do  grammaire,  127.  Sur  ce  nombre,  18  mai- 
sons ont  un  enseignement  préparatoire  aux  écoles  du  gou- 
vernement ;  152  ont  un  enseignement  secondaire  spécial, 
et  184  une  classe  primaire.  Etablissements  ecclésiastiques 
ayant  un  enseignement  classique  complet,  158;  ayant  une 
division  supérieure  incomplète,  77  ;  n'ayant  que  la  divi- 
sion de  grammaire,  103.  De  plus,  16  maisons  ont  un 
enseignement  préparatoire  aux  écoles  du  gouvernement, 
125  un  enseignement  secondaire  spécial  et  171  une  classe 
primaire.  Parmi  les  bâtiments  affectés  aux  étabhssements 
libres  :  2  appartiennent  à  l'Etat,  29  aux  communes,  72  aux 
diocèses,  435  à  des  particuliers,  113  aux  directeurs  des 
établissements.  Dans  418  maisons,  l'état  des  bâtiments  est 
bon;  dans  214,  il  est  passable;  l'installation  matérielle 
de  19  maisons  aurait  besoin  de  notables  améliorations.  Le 
nombre  total  des  répétiteurs  ou  surveillants  employés  dans 
l'enseignement  libre  est  de  7,559,  savoir  :  2,340  (dont 
301  ecclésiastiques)  pour  les  maisons  laïques,  5,219  (dont 
3,947  ecclésiastiques)  pour  les  maisons  ecclésiastiques. 
Des  651  établissements  libres  d'enseignement  secondaire, 
31  sont  subventionnés  par  les  communes. 

En  1887,  le  total  des  dépenses  faites  pour  l'instruction 
secondaire  par  l'Etat,  les  départements,  les  communes  et 
les  familles,  a  été  de  75,695,246  fr.  74,  savoir  : 

Dépenses  à  la  charge  de  l'Etat 13.231.572^81 

—  des  départements.  706.958  48 

—  des  communes. . .  4.926.977  96 

—  des  familles 55.593.737  48 

Total 74.459.246  74 

Ces  dépenses  se  subdivisent  ainsi  qu'il  suit  : 
Fonds  de  l'Etat  (13.231.572  fr.  81)  : 
aux  lycées  (pour  dépenses 

ordinaires) 7.823.755^98 

aux  collèges  communaux.      2.530.662  58 

dans  les  lycées 1 .  992 .  464  69 

dans  les  collèges  commu- 
naux   884.689  56 


Subventions  < 

Bourses    J 
nationales  i 


Fonds  départementaux  (706.958  fr.  48)  : 


Subventions 


Bourses 
entretenues 


aux  lycées . 
î  aux  collèges  communaux. 

aux  établissements  libres 

dans  les  lycées  

dans  les  collèges  commu- 
naux   

dans  les  établissements 
libres 


13.228  10 

75.672  00 

8.200  00 

383.394  24 

203.511  39 


22.952  75 


Fonds  communaux  (4.926.977  fr.  96)  : 


i  aux  lycées 

Subventions  <  aux  collèges  communaux. 

(  aux  établissements  libres. 

dans  les  lycées 

Bourses    ]  ^^^^  ^^^  collèges  commu- 

entretenues  )  ,  "^^î  *  '  *,;  ''. / 

dans    les  établissements 

libres 


83.645  00 

3.847.740  18 

78.006  00 

726.312  75 

137.345  03 

53.929  00 


Sommes  payées  par  les    familles  (74.459.246  fr.  74)  : 
1°   Pour   les    élèves    internes  (44.667.269  fr.  58)  : 

Dans  les  lycées 15.712.047^22 

—  collèges  communaux 5.563.985  07 

—  établissements  libres 23 .  391 .  237  29 

Le  prix  de  la  pension  dans  les  lycées  comprend  toutes 
les  dépenses  à  la  charge  des  familles  ;  il  n'en  est  pas  de 
même  dans  les  autres  établissements,  où  les  frais  d'habil- 
lement, de  blanchissage,  d'infirmerie,  etc.,  font  l'objet 
d'une  rétribution  spéciale,  qui  est  acquittée  directement 
par  les  familles  sous  forme  d'abonnements  annuels.  Ces 
frais  ne  sont  pas  compris  dans  les  deux  derniers  totaux 
ci-dessus. 

2^*  Pour  les  externes  (frais  d'études  et  rétributions 
accessoires,  10,926,467  fr.  91)  : 

Dans  les  lycées 3.799.483^  06 

—  collèges  communaux 2.117. 668  96 

—  les  établissements  libres ...       5 .  009 .  31 5  89 

Les  dépenses  ont  atteint  20,230,587  fr.  95  dans  le 
dép.  de  la  Seine,  2,533,022  fr.  62  dans  la  Gironde, 
2,265,994  fr.  61  dans  le  Nord,  dépassent  un  million  dans 
six  autres  et  n'ont  été  inférieures  à  100.000  fr.  que  dans 
le  seul  dép.  de  la  Lozère. 

Les  frais  d'entretien  et  d'instruction  par  élève  sont  très 
différents  d'un  établissement  à  l'autre.  Cependant  on  a 
essayé  d'établir  une  moyenne.  Voici  les  chiffres  donnés 
par  la  statistique  officielle  de  l'enseignement  secondaire. 

En  1887,  le  taux  moyen  de  la  pension  a  été,  pour  les 
élèves  internes  : 

Dans  les  lycées  nationaux,  de 687^  83 

—  collèges  communaux,  de 521  40 

Dans  les  établissements  libres,  savoir  : 

Laïques,  de 792^98 

Ecclésiastiques,  de 644  16 

Et  pour  les  élèves  externes,  le  taux  moyen  des  rétribu- 
tions scolaires  a  été  : 

Dans  les  lycées,  de 130^  85 

—  collèges  communaux,  de 78  39 

Dans  les  établissements  libres,  savoir  : 

Laïques,  de 169^  10 

Ecclésiastiques,  de 149  70 

C'est  donc  dans  les  établissements  libres  laïques  que  les 
frais  de  pension  seraient  le  plus  élevés,  ensuite  dans  les 
lycées  et  dans  les  établissements  ecclésiastiques  et  enfin 
dans  les  collèges.  Mais  si  les  tarifs  des  lycées  comprennent 
toutes  les  dépenses  à  la  charge  des  familles,  il  n'en  est  pa? 
de  même  dans  les  collèges  communaux  et  les  établissements 
libres,  où  les  frais  d'habillement,  de  literie,  de  blanchis- 
sage, etc.,  restent  complètement  en  dehors  de  la  pension 
et  sont  payés  directement  aux  fournisseurs.  Ces  dépenses 


ENSEIGNEMENT 


—  4156 


supplémentaires,  qui  atteignent  parfois  unjchiffre  très  élevé, 
ne  sauraient  être  évaluées  à  moins  de  435  fr.  par  an.  ^ 

Si  l'on  en  tient  compte,  les  résultats  ci-dessus  seraient 
modifiés  ainsi  qu'il  suit  : 

Lycées 687^  83 

Collèges 656  40 


Etablissements  libres  laïques 927^  98 

Etablissements  libres  ecclésiastiques 779  46 

Enseignement  secondaire  des  filles.  —  L'enseignement 
secondaire  des  jeunes  filles  est  d'organisation  récente  et 
n'est  réellemenfdonné  que  dans  les  établissements  publics. 
Ce  sont  les  seuls  sur  lesquels  nous  ayons  des  données  sta- 


ÉTABLISSEMENTS 

NOMBRE 

NOMBRE  DES  CLASSES 

NOMBRE    DES    ÉLÈVES                 j 

ANNÉES 
secondaires 

CLASSES 

primaires 

TOTAL 

dans 

LES   ANNÉES 

secondaires 

dans 

LES     CLASSES 

primaires 

TOTAL 

Lycées 

20 
,23 

69 

446 

408 
202 

54 
65 
76 

470 
473 

278 

2.005 
4.481 
3.105 

4.325 
4.497 
4.290 

3.330  (32o;o) 

2.678  (26  «/o) 
4.395  (42  0/,) 

Collèges 

Cours  secondaires 

Totaux 

442 

426 

495 

621 

6.591 

3.842 

10.403 

tistiques.  Le  tableau  ci-dessus  donne  le  nombre  des  éta- 
blissements de  divers  ordres  et  celui  de  leurs  élèves  en  1887. 


Voici  comment  se  répartissent  les   élèves   entre  les 
diverses  catégories  : 


DESIGNATION 


Élèves 
des  lycées 

et 
des  collèges 


n     .        •  S  des  institutions  privées. . . 

Pensionnaires j  ^^^  ^^^^^^^^^  municipaux . 

T,     .        .       .       i  des  internats  municipaux . 
Demi-pensionnaires.  |  ^^^  ^^^^^^^^^ '^^ 

Élèves  familiales 

T.  .  {  surveillées 

Externes ^ 


ÉLÈVES    BOURSIÈRES 


libres 
Totaux  (lycées  et  collèges) . . . 


Élèves 
des  cours 
secondaires 


Exonérées. 
Payantes. . 


Totaux  (lycées,  collèges  et  cours  secondaires) . 


79 

494 

3 

44 

7 

443 


470 


58 


4 

6 
9 

26 

» 

245 


260 


402 

227 

45 

70 

7 

367 
» 


788 


702 


1.490 


244 

599 
62 

289 
» 

.244 

.845 

"220 


.693 
79Ï3 


Si  1-^^^^ 
■S  ^-^^ 


6.008 


6.008 


.S'!  ^-^9^ 


.403 


10.403 


Les  lycées  déjeunes  filles  avaient,  en  4887,  un  personnel 
de  443  fonctionnaires,  dont  350  femmes  et  93  hommes.  Le 
corps  enseignant  comprenait  :  53  professeurs  de  sciences, 
dont  40  femmes  ;  409  de  lettres,  dont  51  femmes  ;  42  de 
langues  vivantes,  dont  37  femmes  ;   20  de  dessin,  dont 
43  femmes;  17  de  gymnastique  (femmes)  ;  20  de  couture 
(femmes)  ;  48  de  chant,  dont  44  femmes  ;  plus  54  insti- 
tutrices primaires  et  64  répétitrices.  Les  collèges  commu- 
naux occupaient   385  fonctionnaires,  dont  283  femmes 
et  402  hommes.  Les  cours  secondaires,  957  personnes, 
dont  280  femmes  et  677  hommes.  Les  recettes  des  lycées 
étaient  de  4,064,074  fr.,  dont  553,455  fr.  fournis  par 
la  rétribution  scolaire,  le  reste  par  les  subventions  de 
l'Etat  (496,820  fr.)  et  des  villes.  Les  recettes  des  collèges 
étaient  de  587,229  fr.,  dont  375,539  fr.  de  subventions 
et    244,690   représentant  la  rétribution  payée  par  les 
élèves  ;  les  recettes    des   cours  secondaires    étaient   de 
906,850  fr.,  dont  280,650  fournis  par  les  rétributions 
scolaires.  A. -M.  B. 

IV.  ENSEIGNEMENT  SUPÉRIEUR.  —  Pédagogie.  — 
L'enseignement  supérieur  se  donne  surtout  dans  les  Fa- 
cultés ;  c'est  à  ce  mot  et  aussi  au  mot  Université  que 
nous  exposerons  en  détail  son  organisation  actuelle  et  l'his- 
torique sommaire  de  ses  progrès  en  France  ;  nous  nous 


bornerons  ici  à  déterminer  de  notre  mieux  sa  nature  propre 
et  ce  qui  lé  caractérise  par  rapport  aux  deux  autres  ordres 
d'enseignement,  non  sans  finir  par  des  indications  générales 
sur  sa  physionomie  à  notre  époque  et  ses  formes  diverses  en 
dehors  même  des  facultés. 

L'enseignement  supérieur  succède  aux  deux  autres  et 
les  couronne,  ce  qui  ne  veut  pas  dire  qu'il  ait  apparu  le 
dernier  au  cours  des  temps  ;  on  serait  bien  plus  près  de 
la  vérité,  au  contraire,  en  posant  en  fait  que  les  trois 
degrés  d'enseignement  se  sont  constitués,  en  général,  dans 
Tordre  descendant,  qu'il  y  a  eu  en  tous  pays  des  universités 
avant  qu'il  y  eût  des  collèges,  et  des  collèges  avant  qu'il 
y  eût  des  écoles  primaires.  En  effet,  l'enseignement  supé- 
rieur est  l'âme  même  d'un  système  d'éducation  publique. 
S'il  est,  en  un  sens,  le  dernier  fruit  d'une  civilisation 
élevée,  il  en  est  aussi  et  d'abord  la  condition.  Le  savoir 
descend  et  ne  remonte  pas.  L'institution  qui  a  pour  but  de 
conserver  et  d'accroître,  s'il  se  peut,  le  trésor  des  con- 
naissances, de  communiquer  les  notions  les  plus  hautes  et 
d'en  assurer  la  transmission,  d'entretenir  surtout  le  feu 
sacré  de  la  recherche  et  la  tradition  des  méthodes,  est 
évidemment  le  foyer  de  toute  vie  intellectuelle  dans  un  pays, 
la  source  où  s'alimente  tout  autre  ordre  d'enseignement. 
On  peut  dire  d'elle  avec  un  philosophe  américain  qu'elle 


1157 


ENSEIGNEMENT 


est,  entre  tous  les  organes  de  la  culture,  the  first  in  time^ 
ihe  first  in  raîik  and  the  first  in  necessity.  Mais,  à 
considérer  ceux  qui  le  reçoivent,  l'enseignement  supérieur 
succède  aux  deux  autres  ;  il  s'adresse  non  plus  à  l'enfant, 
non  plus  à  l'adolescent,  mais  au  jeune  homme  (ou  à  la  jeune 
femme,  car  chez  nous  aujourd'hui  ies  femmes  aussi  se 
pressent  autour  de  ses  chaires),  à  l'adulte,  en  un  mot,  et 
à  l'adulte  déjà  cultivé,  exigeant  même  de  ses  étudiants 
réguliers  le  diplôme  qui  témoigne  d'une  culture  secondaire 
complète. 

Il  suit  de  là,  en  premier  lieu,  qu'il  se  caractérise  néces- 
sairement par  plus  d'ampleur  et  de  profondeur  et  par 
quelque  chose  de  plus  viril.  C'est  la  dernière  initiation  au 
savoir  et  l'émancipation  complète  de  la  pensée  ;  la  preuve 
en  est  qu'il  aboutit  comme  terme  extrême  au  doctorat, 
grade  qui  témoigne  qu'on  est  non  seulement  dodus,  mais 
doctor,  non  seulement  maître  de  tout  un  ordre  de  connais- 
sances, mais  capable  de  faire  des  maîtres  à  son  tour.  Ce- 
pendant, si  l'enseignement  supérieur  doit  élever  les  esprits 
très  haut  et  leur  donner  de  larges  vues  sur  les  choses,  la 
compréhension  n'est  pas  ce  qui  le  caractérise  principale- 
ment. Les  maximes  :  Peu  et  bien^  Non  multa  sed  mul- 
tum,  valent  encore  ici  comme  aux  degrés  inférieurs.  Il  doit 
faire  dominer  de  plus  haut  l'ensemble  des  sciences,  en 
pénétrant  à  fond  dans  l'esprit  de  quelques-unes  et  non  pas 
dans  le  détail  de  toutes.  «  Nous  ne  savons  le  tout  de  rien,  » 
dit  Pascal,  et  celui  qui  saurait  le  tout  de  quelque  chose 
saurait  tout  ;  eh  bien,  l'objet  propre  de  l'enseignement 
supérieur  est  de  nous  faire  aller  aussi  loin  que  possible 
dans  l'intelligence  du  tout,  non  en  touchant  au  plus  de 
choses  possible,  mais  en  poussant  au  bout  un  certain  genre 
d'études.  Celui  qui,  mûr  déjà  et  dûment  préparé,  se  don- 
nant tout  entier  à  une  étude  de  son  choix,  s'y  avance  sous 
une  direction  virile  et  selon  les  méthodes  viriles,  aussi  loin 
qu'il  peut  aller,  à  loisir,  sans  autre  préoccupation  que  de 
savoir  plus  et  de  voir  plus  clair,  celui-là  reçoit  ou  plutôt  se 
donne,  dans  toute  la  force  du  terme,  une  culture  supérieure. 

Je  dis  se  donne,  pour  bien  marquer  le  caractère  essen- 
tiellement libre,  nullement  dogmatique  ni  autoritaire  de  la 
méthode  dans  cet  enseignement.  Si  dans  les  autres  déjà 
les  meilleures  méthodes  sont  les  méthodes  actives,  comme 
on  les  appelle,  c.-à-d.  celles  qui  mettent  le  plus  en  œuvre 
les  facultés  actives  de  l'élève,  à  combien  plus  forte  raison 
n'en  va-t-il  pas  ainsi  quand  il  s'agit  non  plus  d'élèves, 
mais  d'étudiants  qui  sont  des  hommes.  La  docilité,  ici, 
n'est  plus  de  mise,  si  ce  n'est  en  tant  que  désir  d'apprendre, 
souplesse  d'esprit  et  confiance  dans  le  maître  librement 
choisi.  Elle  deviendrait  vite  un  défaut  si  elle  ôtait  tant  soit 
peu  l'esprit  critique.  L'étudiant  n'apprend  plus  seulement 
pour  savoir,  comme  à  l'école  primaire,  ni  pour  savoir 
apprendre,  comme  au  lycée  ;  il  apprend  surtout  à  chercher 
pour  son  compte  et  à  découvrir  à  son  tour.  Le  professeur 
n'est  plus  qu'un  guide  et  un  exemple.  Il  doit  mener  l'étu- 
diant aux  sources  du  savoir,  lui  montrer  la  voie,  lui 
apprendre  à  manier  les  instruments  de  la  recherche.  Cela 
suppose,  de  part  et  d'autre,  la  plus  grande  liberté  :  auto- 
rité sans  doute,  d'un  côté,  mais  l'autorité  du  savoir  avant 
tout  et  du  caractère  ;  zèle  et  respect,  de  l'autre,  mais  pour 
la  vérité  par-dessus  tout. 

La  forme  par  excellence  de  l'enseignement  supérieur, 
c'est  donc  la  causerie  famihère,  la  «  conférence  »,  au  sens 
propre  du  mot,  c.-à-d.  le  travail  en  commun.  Il  s'agit  de 
faire  des  esprits,  non  bourrés  de  connaissances,  mais  ca- 
pables de  chercher  et  de  penser  par  eux-mêmes  ;  il  faut 
les  exercer  à  tout  contrôler,  même  ce  qu'on  leur  dit,  à 
critiquer  un  texte  ou  une  expérience,  à  démasquer  les 
erreurs  d'une  théorie  ou  à  en  trouver,  au  contraire,  la 
confirmation,  à  découvrir  des  faits,  à  substituer  une  inter- 
prétation à  une  autre.  Le  modèle  d'un  tel  enseignement, 
c'est  l'entretien  animé  et  l'active  collaboration  d'un  grand 
savant  avec  ses  élèves  dans  son  laboratoire.  Mais  tout  ordre 
d'enseignement  comporte  quelque  chose  d'analogue.  En 
philologie,  en  histoire,  on  manie  les  textes  et  les  documents 


au  lieu  de  la  cornue  et  du  microscope  ;  le  travail,  à  cela 
près,  est  le  même.  En  philosophie,  on  pousse  à  fond  l'étude 
des  systèmes,  la  libre  discussion  des  opinions,  qui  se  pro- 
duisent en  toute  sincérité.  Chacun  paye  de  sa  personne, 
apporte  le  fruit  de  ses  réflexions  et  de  ses  études.  Quelle 
leçon  oratoire  pourra  jamais  valoir  un  tel  échange  ? 

Cependant,  ni  en  fait,  chez  nous  du  moins,  ni  en  droit, 
l'enseignement  supérieur  n'est  tout  entier  dans  les  confé- 
rences closes.  La  leçon  ex  cathedra  y  a  sa  place,  parce 
que  le  public  curieux  des  choses  de  l'esprit  a  le  droit  de 
n'être  pas  néglige.  Assurément,  c'était  une  grande  misère 
quand,  il  y  a  vingt  ans,  les  facultés  des  lettres  et  des 
sciences,  n'ayant  point  d'élèves,  n'avaient  affaire  qu'au 
grand  public.  Le  pubhc,  même  le  plus  éclairé,  ne  saurait 
goûter  ni  exclusivement,  ni  même  principalement  les  re- 
cherches profondes  et  originales.  N'en  étant  pas  bon  juge, 
il  n'y  incite  pas  sufiisamment.  Sensible  uniquement  aux 
résultats  acquis  et  à  l'intérêt  de  l'exposition,  les  tâtonne- 
ments du  laboratoire,  les  menus  travaux  d'érudition,  les 
discussions  serrées  de  la  critique  l'ennuient  ou  le  laissent 
indifférent  ;  or  c'est  là  précisément  ce  qui  constitue  la  vie 
de  la  science,  et,  du  jour  où  l'on  voulut  rappeler  l'ensei- 
gnement supérieur  à  sa  véritable  destination,  la  propaga- 
tion de  l'esprit  scientifique  par  la  pratique  et  par  l'exemple, 
il  fut  nécessaire  de  lui  donner,  en  dehors  de  ses  auditoires 
d'amateurs,  de  vrais  étudiants  (ce  qu'on  fit  par  l'institution 
des  bourses)  et  d'établir  à  côté  des  cours  publics  les  cours 
et  conférences  fermés.  Mais,  dans  la  vivacité  de  la  réac- 
tion contre  l'abus  des  leçons  oratoires,  c'eût  été  une  faute, 
croyons-nous,  d'aller,  comme  quelques-uns  le  voulaient, 
jusqu'à  la  suppression  des  cours  publics.  Sans  doute,  aux 
auditoires  libres  se  mêlent  nombre  d'amateurs  mal  préparés, 
d'irréguhers,  voire  de  simples  passants,  contre  lesquels  ne 
manquent  pas  les  justes  griefs.  Ces  passants  mêmes,  pour- 
tant, il  peut  arriver  qu'on  les  retienne  ;  ces  auditoires 
flottants,  en  tout  cas,  abstraction  faite  des  services  qu'on 
peut  leur  rendre,  contribuent,  à  leur  manière,  à  la  vie  du 
haut  enseignement,  en  lui  donnant  d'abord  une  certaine 
popularité  qui  n'est  pas  étrangère  à  son  prestige,  et,  ce 
qui  vaut  mieux  encore,  en  le  maintenant  en  communication 
directe  avec  le  grand  courant  de  la  vie  nationale.  Les 
mœurs  sont  autres  en  d'autres  pays  ;  mais,  en  France,  la 
curiosité  éclairée  et  sympathique  du  public  pour  les  hautes 
études  est  trop  honorable,  à  tout  prendre,  pour  n'être  pas 
digne  de  respect.  Nos  plus  grands  savants  n'ont  pas  dédai- 
gné d'exposer  pour  lui  leurs  découvertes,  et  on  ne  voit  pas 
que  cela  ait  nui  à  la  solidité  ni  à  la  profondeur  de  leurs 
travaux  ;  il  est  bien  plus  à  croire  que  cette  nécessité  de 
tirer  au  clair  leurs  idées,  que  cet  effort  constant  pour  être 
intéressants  et  lucides,  ont  contribué  à  entretenir  les 
meilleures  qualités  de  l'esprit  français  et  le  bon  renom  de 
la  science  française.  Il  est  fort  bon  que  chaque  professeur, 
chaque  année,  ait  à  produire  publiquement,  avec  ou  sans 
apparat,  selon  les  époques,  les  modes  et  les  tempéraments, 
mais  à  produire  avec  suite  et  avec  ordre,  dans  des  leçons 
proprement  dites,  d'une  manière  plus  ou  moins  heureuse, 
ample  et  excitante  pour  les  esprits,  le  meilleur  de  ses 
découvertes,  si  découvertes  il  y  a,  le  meilleur  de  ses 
recherches  et  réflexions  en  tout  cas  sur  une  partie  déter- 
minée du  champ  de  ses  études.  En  quoi  vaudrait-il  mieux 
que  les  gens  cultivés,  avides  de  s'instruire,  trouvassent 
partout  portes  closes  dans  nos  facultés?  et  que  de  ces 
foyers  de  chaleur  et  de  lumière  pas  un  rayon  ne  perçât 
directement  au  dehors?  Il  est  bon  aussi  c[ue  les  étrangers 
trouvent  libre  accès  auprès  de  nos  chaires.  L'esprit  qui 
souffle  là,  même  quand  il  n'est  remarquable  ni  de  puissance 
ni  d'originalité,  n'est  pas  pour  donner  mauvaise  opinion  de 
la  France,  et  plus  d'un  a  emporté  de  quelques  leçons  en- 
tendues au  passage  quelque  chose  de  nos  aspirations  natio- 
nales, l'amour  ou  du  moins  le  respect  de  notre  pays. 

Voilà  pour  la  forme  de  l'enseignement  supérieur  ;  sa 
matière,  ce  n'est  rien  de  moins  que  le  cercle  entier  des 
connaissances.  «  La  philosophie  et  l'histoire  traitée  philo- 


•ENSEIGNEMENT 


—  4158  — 


sophiquement  tiennent  la  clef  du  temple  »,  dit  le  professeur 
Laurie.  Excellente  manière  d'exprimer  deux  vérités  essen- 
tielles :  4°  que  la  préparation  professionnelle  des  étudiants 
aux  diverses  carrières,  si  elle  est  un  des  objets  de  rensei- 
gnement supérieur,  n'en  est  pas  le  but  essentiel,  et  2«  que 
les  spécialités  scientifiques  les  plus  abstruses  ne  relèvent 
de  l'enseignement  supérieur,  qu'autant  qu'elles  sont  étu- 
diées dans  un  esprit  philosophique,  avec  la  conscience  claire 
de  leur  place  dans  le  tout,  de  leurs  relations  avec  les  do- 
maines voisins.  Les  nécessités  de  la  vie  pressent  le  plus 
grand  nombre  des  jeunes  gens  d'aboutir  à  une  profession 
et  ceux  mêmes  qui  pourraient  s'en  passer  n'ont  pas  tous 
la  passion  des  études  désintéressées  :  leur  ambition  sou- 
vent se  borne  à  l'obtention  des  grades.  De  là  un  côté  pro- 
fessionnel assez  humble  parfois  dans  les  études  mêmes  qui, 
par  leur    objet,    sont  supérieures  au  premier   chef.  La 
faculté  de  droit  doit  faire  des  avocats,  des  avoués,  des  no- 
taires. La  faculté  de  médecinedoit  faire  des  médecins,  celles 
des  sciences  et  des  lettres  doivent  faire  des  professeurs. 
Mais,  si  elles  s'en  tenaient  là  et  à  délivrer  des  diplômes,  si 
elles  n'aspiraient  pas  à  former  des  jurisconsultes,  des  phy- 
siologistes, des  savants,  elles  manqueraient  à  leur  plus 
haute  fonction.   Un  vrai  savant,  d'autre  part,  n'est  pas 
l'homme  d'une  seule  étude.  S'absorber  exclusivement  dans 
l'étude  de  son  choix,  c'est  risquer  de  perdre  le  sentiment 
du  relatif,  de  la  proportion  des  choses  et  de  leur  lien  ; 
rien  n'expose  plus  à  rester  un  esprit  court  et  intolérant. 
La  spécialité  des  recherches  est  une  condition  de  la  pro- 
fondeur, mais  une  spécialité  unique,  exclusive,  sans  jour 
sur  les  choses  voisines,  ne  donne  que  ce  genre  de  proton- 
feur  sans  lumière  et  sans  air  qui  est  celle  des  caves  ou  des 
puits.  Voilà  pourquoi  la  philosophie  doit  animer  et  vivifier 
dans  toutes  ses  parties  l'enseignement  supérieur.   L'im- 
mense avantage  des  universités  (V.  ce  mot)  non  seu- 
lement sur  les  écoles  spéciales  et  fermées,  mais  sur  les 
facultés  éparses,  c'est  de  comporter  un  plus  hbre  jeu,  des 
communications  plus  larges  et  plus  variées  entre  les  diverses 
branches  d'études,  si  bien  qu'un  étudiant,  tout  en  pous- 
sant aussi  loin  que  possible  celle  de  son  choix,  puisse 
prendre  une  teinture  de  toutes  celles  qui  s'y  rapportent. 
Ainsi  seulement  chacun  peut  devenir  un  vrai  maître  dans 
sa  science,  et  tous  ceux  qui  ont  une  aptitude  sont  assurés 
de  trouver  leur  voie. 

En  dehors  des  facultés,  ces  organes  réguliers  de  l'en- 
seignement supérieur  en  tous  pays,  en  dehors  des  univer- 
sités, ces  organismes  complets  formés  par  la  réunion  de 
toutes  les  facultés  en  un  même   corps,   l'enseignement 
supérieur  se  donne  en  France  dans  un  très  grand  nombre 
d'écoles  et  d'établissements  d'une  physionomie  originale, 
dont  il  suffira  d'indiquer  ici  les  principaux,  chacun  étant 
l'objet  d'un  article  particulier.  L'Ecole  normale  supérieure 
et  l'Ecole  polytechnique,  pour  n'en  nommer  que  deux, 
sont  au  plus  haut  chef  des  écoles  d'enseignement  supé- 
rieur, puisque  les  études,  purement  théoriques,  ou  peu 
s'en  faut,  y  sont  en  grande  partie  les  mêmes  que  dans 
les  facultés  des  lettres  et  des  sciences.  C'est  une  grave 
question  que  de  savoir  jusqu'à  quel  point  de  telles  écoles 
seront  encore  nécessaires  quand  sera  complète  la  régé- 
nération de  nos  facultés ,   régénération  à  laquelle  leur 
suppression  ou  du  moins  leur  transformation  contribuerait 
d'une  manière  si  évidente.  Mais  leur  glorieux  passé  les  dé- 
fend. Elles  ont  le  grand  mérite  de  prospérer  et  de  rendre 
depuis  longtemps  de  brillants  services.  On  ne  touche  pas  à 
de  telles  institutions  tant  qu'une  modification  profonde  du 
milieu  ne  leur  a  pas  ôté  toute  raison  d'être.  Le  Collège  de 
France,  le  Muséum  d'histoire  naturelle,  l'Ecole  des  hautes 
études,  l'Ecole  libre  des  sciences  politiques,  sont  par  excel- 
lence des  établissements  d'enseignement  supérieur  ;  et  on 
pourrait  y  ajouter  l'Ecole  du  Louvre,  le  Conservatoire  des 
arts  et  métiers,  l'Institut  agronomique,  sans  parler  de  tant 
de  cours  épars  et  de  conférences  libres.  Quelle  université 
on  ferait  en  coordonnant  toute  cette  activité  scientifique  de 
Paris  !  Le  conseil  municipal  de  cette  ville,  non  content  de 


contribuer  par  des  subventions  aux  dépenses  de  plusieurs 
de  ces  établissements,  non  content  d'avoir  fondé  deux 
chaires  dans  les  facultés  de  l'Etat,  a  encore  entrepris 
récemment  d'organiser  un  «  enseignement  populaire  supé- 
rieur »  à  l'Hôtel  de  ville.  Cinq  chaires  ont  été  successi- 
vement créées,  chaires  de  biologie  et  d'histoire  naturelle 
en  4889,  chaires  d'histoire  nationale  et  d'histoire  de  Paris 
en  4890,  chaire  d'histoire  du  travail  en  4891. 

Il  faut  encore  mentionner  les  sociétés  savantes  qui  sont 
en  si  grand  nombre  :  M.  Duruy  rêvait  de  les  rattacher  aux 
facultés,  pour  affirmer  l'unité  et  la  solidarité  de  tous  les 
intérêts  scientifiques  du  pays.  Mais  peut-être  suflît-il  que 
l'Etat  encourage  les  travaux  de  ces  sociétés  d'étude,  aux- 
quelles une  liberté  complète  est  nécessaire,  et  qui  n'ont 
d'ailleurs  avec  l'enseignement  qu'un  rapport  assez  indirect. 
Signalons  enfin  l'existence  de  la  Société  pour  l'étude  des 
questions  d'enseignement  supérieur,  fondée  en  4880  et 
qui  a  pour  organe  l'importante  Revue  internationale  de 
l'enseignement. 

Quant  à  la  question  de  la  liberté  de  l'enseignement,  c'est 
une  question  toute  politique  que  nous  avons  éliminée  à 
dessein  de  nos  considérations  sur  les  trois  degrés  de  l'en- 
seignement (V.  §§  Enseignement  libre,  Enseignement 
public).  Les  données  statistiques  précises  trouveront  leur 
place  naturelle  au  mot  Faculté;  il  n'y  en  a  pas  de  pos- 
sibles, on  le  comprend,  quant  au  nombre  des  auditeurs  de 
toutes  sortes  qui  reçoivent  plus  ou  moins  l'enseignement 
supérieur  sous  les  différentes  formes  qu'il  revêt.  Disons 
seulement  qu'on  peut  évaluer  approximativement  les  élèves 
proprement  dits  de  cet  enseignement  à  un  dixième  à  peine  de 
ceux  de  l'enseignement  secondaire  et  à  7  ®/oo  du  chiffre  total 
des  enfants  qui  font  les  études  primaires.  H.  Marion. 
Statistique  (V.  les  art.  Faculté  et  Université). 
Histoire  et  Politique  (V.  ci-dessus  le  §  Généralités 
et  les  art.  Ecole,  Faculté,  Jurisprudence,  Lettres,  Méde- 
cine, Sciences  et  Université). 

V.  ENSEIGNEMENT  PROFESSIONNEL  ou  TECHNIQUE. 
—  France.  —  Les  formes  d'enseignement  dont  nous 
nous  sommes  occupés  jusqu'à  présent  ont  de  commun  leur 
caractère  général;  il  s'agit  d'instruction,  d'éducation,  de  la 
culture  générale  de  l'esprit,  non  pas  de  la  préparation  ^ 
à  l'exercice  d'une  profession  déterminée.  Sans  doute,  on  y 
trouve  des  enseignements  d'un  caractère  professionnel,  mais 
il  s'agit  seulement  des  professions  dites  libérales  et  des 
services  publics  pour  l'exercice  desquels  les  connaissances 
générales  suffisent  à  peu  près.  D'ailleurs,  la  partie  tech- 
nique ou  professionnelle  de  ces  enseignements,  de  la  méde- 
cine, de  la  jurisprudence,  de  la  pharmacie,  etc.,  est  traitée 
ailleurs.  Il  reste  maintenant  à  parler  d'une  dernière  forme 
d'enseignement,  comportant  une  grande  variété  d'établisse- 
ments, l'enseignement  qui  prépare  directement  ses  élèves 
à  l'exercice  de  tel  ou  tel  métier.  Pour  le  désigner,  on  a 
souvent  adopté  le  terme  d'enseignement  professionnel  ;  nous 
préférons  celui  d'enseignement  technique,  car  le  premier 
prête  à  une  équivoque  ;  il  a  été  employé  pour  désigner 
un  enseignement  qui  n'a  rien  de  technique,  l'enseignement 
général  qui  convenait  aux  élèves  se  destinant  aux  diverses 
professions  du  commerce  et  de  l'industrie,  par  opposition 
à  l'enseignement  classique. 

En  France,  la  Révolution  française  projeta  la  création 
d'un  enseignement  professionnel  ;  le  seul  produit  de  cet  effort 
fut  l'organisation  des  écoles  cVarts  et  métiers  (M.  ce  §  de 
l'art.  Ecole).  Ultérieurement,  on  crut  répondre  au  même 
besoin  en  organisant  les  écoles  primaires  supérieures,  puis 
l'enseignement  dit  spécial,  qu'on  appelle  maintenant  ensei- 
gnement secondaire  français  ou  moderne.  Ce  n'était  pas  là 
un  enseignement  technique.  Celui-ci  n'a  été  organisé  mé- 
thodiquement que  par  la  troisième  République.  On  le  défi- 
nit en  disant  qu'il  a  pour  objet  la  pratique  des  arts  utiles 
et  l'application  aux  diverses  branches  de  l'industrie  et  du 
commerce,  des  études  scientifiques  et  artistiques  qui  s'y 
rapportent  ;  il  est  spécialement  dirigé  vers  les  besoins  de 
la  profession  industrielle  et  commerciale  à  laquelle  l'élève 


1159  — 


ENSEIGNEMENT 


se  destine.  La  France  est  amplement  dotée  d'établissements 
donnant  renseignement  technique  supérieur  ;  on  trouvera 
à  ce  sujet  les  détails  les  plus  étendus  dans  l'art.  Ecole  ; 
quant  au  degré  secondaire,  il  est  représenté  par  les  écoles 
nationales  d'arts  et  métiers  et  par  un  bon  nombre  d'écoles 
spéciales  (V.  à  l'art.  Ecole  la  nomenclature  pp.  363-66  et 
les  §§  spéciaux  consacrés  à  chaque  école).  Le  degré  pri- 
maire est  représenté  par  les  écoles  d'apprentis,  les  écoles 
manuelles  d'apprentissage.  Outre  les  écoles  publiques,  il  faut 
mentionner  un  grand  nombre  d'institutions  libres  créées 
par  l'initiative  privée  des  particuliers,  des  chambres  de 
commerce,  des  syndicats,  par  les  communes,  les  départe- 
ments ;  les  programmes  et  l'organisation  sont  appropriés 
aux  besoins  locaux  et  varient  avec  eux.  De  ce  côté,  les  pro- 
grès sont  rapides;  en  4885,  on  comptait  130  écoles  ou 
cours  de  ce  genre  avec  près  de  20,000  élèves.  Ces  chiffres 
sont  largement  dépassés.  Les  efforts  faits  pour  l'enseigne- 
ment commercial  ont  donné  les  meilleurs  résultats  ;  ce  qui 
concerne  l'enseignement  industriel  a  soulevé  de  plus  graves 
contestations  ;  on  s'est  demandé  si  le  résultat  ne  pouvait 
pas  être  de  dégoûter  l'élève  du  travail  manuel  et  si  l'ap- 
prentissage ne  se  ferait  pas  mieux  à  l'atelier  que  dans 
toute  école.  Le  caractère  de  plus  en  plus  scientifique  de 
notre  grande  industrie  conduit  partout  à  développer  l'en- 
seignement technique.  Pour  les  détails,  nous  renvoyons  à 
l'art.  Ecole,  notamment  aux  §§  Ecoles  d'apprentissage 
Ecoles  manuelles  d'apprentissage  ;  les  pages  449  à  475 
sont  consacrées  à  l'enseignement  technique,  industriel, 
commercial,  agricole. 

Etranger.  —  L'enseignement  technique  est  organisé 
d'une  manière  très  inégale  dans  les  différents  pays  d'Eu- 
rope et  d'Amérique,  et  partout  on  s'efforce  de  le  déve- 
lopper. 

Allemagne,  En  Prusse,  Fenseignemeut  technique  com- 
mence dans  les  écoles  complémentaires  {gewerbliche 
Forbildungschulen)  dont  quelques-unes  sont  particulière- 
ment destinées  aux  ouvriers  manuels  ;  la  place  la  plus 
grande  est  faite  au  dessin.  Au-dessus  sont  les  écoles  tech- 
niques spéciales  {gewerbliche  Fachschulen),  lesquelles  ne 
se  contentent  plus  d'un  enseignement  général,  mais  sont 
destinées  spécialement  à  telle  ou  telle  industrie.  L'Etat  les 
entretient  ou  les  subventionne  ;  il  y  en  a  pour  les  méca- 
niciens, l'industrie  textile,  la  céramique,  l'industrie  du  bois, 
les  arts  industriels  ;  parmi  celles-ci  on  peut  signaler  les 
écoles  provinciales  d'art  et  du  travail  manuel.  Les  princi- 
pales villes  ont  des  écoles  de  commerce.  Enfin,  l'enseigne- 
ment technique  supérieur  est  donné  à  l'Ecole  technique 
supérieure  de  Berlin  et  aux  écoles  polytechniques  provin- 
ciales. —  En  Bavière,  les  trois  degrés  d'enseignement 
technique  sont  représentés  :  1^  par  les  écoles  complémen- 
taires destinées  aux  apprentis,  par  celles  qui  forment  leurs 
élèves  à  une  profession  spéciale,  tissage,  vannerie,  céra- 
mique, sculpture  sur  bois,  etc.;  2^  par  les  écoles  d'indus- 
trie de  Munich,  Augsbourg,  Nuremberg  et  Kaiserslautern 
(comprenant  des  sections  de  mécanique,  chimie,  architec- 
ture et  commerce)  et  par  les  écoles  d'art  industriel  ;  3°  par 
l'Ecole  polytechnique  de  Munich. —  En  Wurttemberg,  l'en- 
seignement est  bien  organisé  ;  aux  écoles  primaires  sont 
annexées  des  classes  où  l'on  enseigne  aux  filles  les  travaux 
à  l'aiguille,  aux  garçons  le  dessin  et  les  travaux  agricoles. 
Les  écoles  complémentaires  comprennent  :  des  écoles  d'ap- 
prentissage au  nombre  de  162,  où  l'on  enseigne  le  dessin 
et  auxquelles  sont  annexés  des  ateliers  dans  lesquels  on 
apprend  une  profession  spéciale,  ciselure,  gravure,  sculp- 
ture sur  ivoire  ou  sur  bois,  etc.  ;  des  écoles  de  commerce 
au  nombre  de  7  ;  des  écoles  d'apprentissage  pour  les 
femmes  et  les  jeunes  filles  au  nombre  de  27  ;  au-dessus 
sont  l'Ecole  d'art  industriel  et  l'Ecole  polytechnique  de 
Stuttgart.  —  Pour  le  grand-duché  de  Bade,  l'enseigne- 
ment technique  se  donne  d'abord  dans  les  écoles  complé- 
mentaires de  quatorze  à  dix-sept  ans,  pendant  six  heures 
par  semaine.  Sur  plusieurs  points,  l'Etat  subventionne  des 
écoles  spéciales  pour  l'apprentissage  de  l'horlogerie,  de  la 


sculpture  sur  bois,  du  tressage  de  la  paille.  Il  n'y  a  pas 
d'enseignement  technique  du  second  degré.  On  trouve  à 
Karlsruhe  une  école  polytechnique  et  une  école  supérieure 
d'art  industriel.—  En  Saxe,  il  existait,  en  1884  :  au  degré 
primaire,  31  écoles  pour  le  tricot  et  le  lacet,  3  écoles  pour 
le  tressage  de  la  paille,  3  écoles  de  filage,  30  écoles  pour 
l'industrie  domestique  (dans  la  Suisse  saxonne)  ;  de  plus, 
22  écoles  complémentaires  donnaient  l'enseignement  tech- 
nique ;  9  autres  étaient  destinées  aux  femmes  et  jeunes 
filles.  On  comptait,  en  outre,  48  écoles  d'apprentissage 
dont  28  pour  le  tissage  et  la  passementerie,  les  autres 
pour  la  fabrication  des  jouets,  la  meunerie,  la  vannerie, 
l'horlogerie,  etc.;  6  écoles  de  navigation,  2  écoles  des  mines, 
25  écoles  de  commerce.  Au  degré  secondaire,  il  y  a  5  écoles 
royales  d'architecture,  1  école  industrielle  municipale  à 
Leipzig  et  1  école  technique  de  l'Etat  à  Chemnitz.  Au  degré 
supérieur,  les  deux  écoles  d'art  industriel  {Kunstgewerbe- 
schulen)  de  Dresde  et  Leipzig  et  le  Polytecheihum  de 
Dresde. 

Angleterre.  A  renseignement  technique  est  préposée  une 
administration  spéciale  {Science  and  Art  department)  ; 
elle  subventionne  les  divers  cours  ou  écoles  organisées  par 
l'initiative  privée,  cours  de  sciences  appliquées  à  l'indus- 
trie, d'art  industriel,  etc.  Le  fameux  musée  de  South 
Kensington  a  été  créé  par  cette  administration  ;  il  existe  à 
Londres  et  dans  les  grandes  villes  des  écoles  d'enseigne- 
ment technique,  mais  il  y  a  encore  beaucoup  à  faire  et 
voici  ce  que  relatait,  en  1884,  un  rapport  officiel  :  «  L'en- 
seignement technique  en  Grande-Bretagne  est  encore  dans 
la  période  d'enfance  ;  les  institutions  pour  l'enseignement 
technique  supérieur  sont  malheureusement  rares  et  isolées  ; 
quant  à  celles  des  degrés  primaire  et  intermédiaire,  on 
peut  dire  qu'elles  n'existent  pas.  » 

Autriche-Hongrie,  En  Autriche,  l'enseignement  tech- 
nique est  donné  dans  de  nombreuses  écoles  municipales  ; 
elles  comprennent  trois  degrés  :  cours  préparatoires,  écoles 
complémentaires  techniques  pour  les  apprentis  et  les  jeunes 
filles,  écoles  spéciales  avec  ateliers  d'apprentissage  ;  il  y 
a  à  Vienne  7  de  ces  écoles  professionnelles  spéciales  (des- 
sin manufacturier  et  tissage,  passementerie,  horlogerie, 
tour,  imprimerie,  orfèvrerie,  commerce)  ;  viennent  ensuite 
les  écoles  de  commerce  élémentaires  et  supérieures,  la 
grande  école  d'art  industriel  de  Vienne  et  les  4  écoles 
supérieures  techniques  de  Prague,  Reichenberg,  Salzbourg 
et  Gratz.  —  En  Hongrie,  dans  beaucoup  d'écoles,  l'institu- 
teur enseigne  un  métier  aux  élèves  ;  on  compte  une  qua- 
rantaine d'écoles  de  commerce,  quelques  ateliers  d'appren- 
tissage, une  école  de  constructeurs-mécaniciens  à  Kaschau, 
une  école  industrielle  à  Budapest  ;  dans  cette  capitale  sont 
deux  établissements  d'enseignement  technique  supérieur, 
une  section  de  l'Ecole  de  dessin  et  l'Ecole  polytechnique. 
Belgique.  Il  existe  des  écoles  industrielles  qui  sont  des 
classes  d'adultes  pour  les  ouvriers,  mais  on  n'y  fait  pas  de 
travail  manuel  ;  en  Flandre,  dans  une  cinquantaine  à' ate- 
liers d'apprentissage^  on  enseigne  le  travail  de  la  laine. 
Citons  encore  les  écoles  de  commerce,  les  écoles  profes- 
sionnelles de  jeunes  filles,  où  l'on  enseigne  la  confection 
de  vêtements,  la  peinture  sur  porcelaine,  la  fabrication  des 
fleurs  artificielles,  etc.  L'enseignement  technique  supérieur 
est  donné  dans  les  universités. 

Italie,  Dans  quelques  écoles  du  soir,  on  enseigne  le 
dessin  industriel,  le  modelage,  la  mécanique,  la  techno- 
logie. L'Etat  subventionne  un  bon  nombre  d'écoles  d'arts 
et  métiers  qui  avaient,  en  1885,  environ  15,000  élèves  : 
11  avec  ateliers,  33  sans  ateliers,  64  d'art  industriel, 
15  écoles  spéciales  et  13  écoles  professionnelles  de  jeunes 
filles.  Les  scuole  tecnici  correspondent  aux  Realschulen 
d'Allemagne.  Les  istituti  tecnici  ont  un  certain  carac- 
tère technique.  L'enseignement  technique  supérieur  est 
représenté  par  l'Institut  technique  supérieur  de  Milan,  les 
écoles  d'application  pour  les  ingénieurs  de  Turin  et  de 
Naples,  l'Ecole  supérieure  de  commerce  de  Venise. 
Pays-Bas,  Les  Burgerschoolen  ont  un  certain  caractère 


ENSEIGNEMENT  —  ENSEMBLE  —  ^1160  — 

technique,  moins  pourtant  que  les  écoles  profestionnelles 
(Ambachtsschoolen)  créées  par  l'initiative  privée.  11 
existe  une  école  polytechnique  à  Delft. 

Suède.  Les  écoles  techniques  du  dimanche  ou  du  soir 
n'existent  que  dans  les  villes  ;  on  trouve  une  école  d'arts 
et  métiers  (Slôjdskolau)  à  Stockholm,  quatre  écoles  tech- 
niques élémentaires  et  deux  écoles  inférieures  des  mines  : 
le  degré  supérieur  est  représenté  par  l'Ecole  polytechnique 
de  Stockholm  et  l'école  Chalmers  de  Goteborg. 

Suisse,  Outre  les  cours  du  soir,  où  l'on  apprend  aux 
ouvriers  le  dessin  et  certaines  connaissances  techniques,  on 
a  créé  des  écoles  d'apprentissage  spéciales  à  telle  ou  telle 
industrie,  horlogerie,  tissage,  sculpture  sur  bois,  etc.,  des 
écoles  d'art  industriel,  une  grande  école  technique  à  Win- 
terthur,  etc.  Il  existe  à  Zurich  une  école  polytechnique. 

Etats-Unis.  Les  écoles  primaires  supérieures  donnent 
un  enseignement  professionnel  appliqué.  L'Etat  a  favorise 
la  création  d'une  cinquantaine  de  «  collèges  d'agriculture 
et  d'art  mécanique  »  ;  ceux-là  seuls  qui  ont  un  caractère 
franchement  technique  ont  réussi.  11  existe  beaucoup 
d'écoles  de  commerce,  avec  plus  de  30,000  élèves.  L'en- 
seignement technique  supérieur  est  donné  dans  plusieurs 
institutions  hbres  ou  rattachées  aux  universités. 

VI.  ENSEIGNEMENT  ARTISTIQUE.  —  L'enseignement 
artistique  est  assuré  en  France  par  un  ensemble  d'écoles, 
écoles  des  beaux-arts,  des  arts  décoratifs,  etc.,  sur  les- 
quelles on  trouvera  des  notices  étendues  dans  l'art.  Ecole 
(t.  XV,  pp.  387-399).  Sur  les  institutions  analogues  d'au- 
trefois et  de  l'étranger,  V.  l'art.  Académie  ;  pour  ce  qui 
concerne  la  musique,  V.  les  art.  Musique  et  Conservatoire. 
Quant  aux  méthodes  et  aux  théories,  on  les  trouvera  indi- 
quées dans  l'art.  Dessin  et  dans  les  articles  consacres  à 
chacun  des  principaux  arts.  A. -M.  B. 

VU.  ENSEIGNEMENT  MILITAIBE  (V.  l'art.  Instruc- 
tion MILITAIRE,  OÙ  il  sera  traité  de  l'instruction  donnée  et 
des  méthodes  employées  pour  former  les  soldats  et  les 
officiers  aux  diverses  époques  et  dans  les  différents  pays). 
BiBL.  :  Enseignement  primaire.  —  V.  les  art.  Ecole  et 
PÉDAGOGIE.  —  Buisson,  Dictionnaire  de  pédagogie  ; 
Paris  1885. 

Enseignement  secondaire.  —  M.  Bréal,  Quelques 
Mots  sur  l'Instruction  publique  en  France jPb-tis,  i»^f, 
in-12.  —  J.  Simon,  Circulaire  de  sept.  1872,  et  la  Re- 
forme de  lEns.  second.;  Paris,  1874,  in-12.  -  Tn.  bER- 
NEUIL  (Fernand  Samazeuilh),  la  Réforme  de  lEns.  secon- 
daire; Parvis,  1879,  in-18;  2"  édit. ,  1881.  -  Frary,  la 
Question  du  latin;  Paris,  1885,  in-12-,  et  les  nombreux 
écrits  suscités  par  cet  ouvrage,  notamment  ceux  de 
MM  Vessiot,  Ch.  Bigot,  E.  Lavisse.  -  Ed.  Maneuvrier, 
l'Education  de  la  bourgeoisie  sous  la  Républi(iue  ;  Pans, 
1887,  in-12.  —  H.  Marion,  le  Mouvement  des  idées  peda- 
Qoqiques  en  France  depuis  1810  ;  Paris,  1889,  in-8.  —  La 
collection  du  Bulletin  de  la  Société  pour  l'étude  des  quest. 
d'enseiqnement  secondaire  fondée  en  1880  ;  celles  de  la 
Revue  de  Vens.  secondaire  et  de  la  Revue  internationale  de 


A.  Fouillée,  l'Enseignement  au  point 
dTvue  national;  Paris,  ISdl,  inA2.  -  M._  Berthelot,  Za 


renseignem.ent.  ■ 


Crise  de  l'enseignement  secondaire,  la  Science  educatrice, 
dans  Rev.  (ie«  Deux  Mondes,  15  mars  1891. 

Enseignement  secondaire  des  jeunes  filles. —  u. 
Gréard,  l'Enseignement  secondaire  des  jeunes  filles; 
Paris  1882,  in-4.  —  A.  Villemot,  Etude  sur  l  organi- 
sation, le  fonctionnement  et  les  progrès  de  l'enseignement 
secondaire  des  jeunes  filles;  Paris,  1887,  m-8.  -  L  En- 
seignement secondaire  des  jeunes  filles,  revue  fondée  et 
diru?ée  par  M.  Camille  Sée  en  1881.  -  Camille  SEE,Lycees 
et  Collèges  déjeunes  filles,  recueil  de  tous  les  documents 
officiels;  Paris,  1891,  in-8.  r^.^,,.^^ 

Enseignement  supérieur.—  Y.  les  art.  Ecole,  faculté 
et  Université. 

ENSELLÉ  (Art  vétér.)  (V.  Dos). 
ENSELLURE  (Anthrop.).  Nom  que  l'on  donne  à  la 
courbure  fortement  prononcée  de  la  région  dorso-lombo- 
sacrée.  Le  degré  de  l'inflexion  des  deux  courbes  rachi- 
diennes  du  tronc,  l'une  lombo-sacrée,  à  laquelle  Duchenne 
de  Boulogne  donne  plus  spécialement  le  nom  de  l'ensel- 
lure,  l'autre  dorsale,  paraît  varier  par  compensation  sui- 
vant les  races.  La  première,  à  concavité  postérieure,  s'exa- 
gère dans  certaines  races  et  diminue  dans  les  autres.  «  J'ai 
vu,  dit  Duchenne  de  Boulogne,  des  dames  espagnoles  dont 
l'incurvation  lombaire  était  telle,  et  les  mouvements  de 


vertèbres  lombaires  si  étendus,  qu'elles  pouvaient  se  ren- 
verser en  arrière  jusqu'à  toucher  le  sol.  »  Il  a  retrouve  la 
même  disposition  chez  les  femmes  de  Lima  et  chez  les 
femmes  du  Portel,  près  de  Boulogne.  En  général,  1  en- 
sellure  est  plus  prononcée  dans  la  race  nègre  que  dans  la 
race  blanche,  et  dans  cette  dernière  elle  est  plus  manifeste 
dans  la  variété  brune  de  cette  race  habitant  l'Europe 
méridionale,  par  comparaison  avec  les  races  blanches  du 
Nord,  et  cela  dans  les  deux  sexes.  De  même,  elle  peut  être 
naturelle  et  accidentelle,  c.-à-d.  consécutive  à  la  gros- 
sesse, à  la  stéatopygie  (chez  les  Boschimans  et  les  Hotten- 
tots),  à  l'obésité  abdominale,  etc.  ,  'w 

ENSEMBLE.  I.  Mathématiques.  —  La  théorie  mathé- 
matique des  ensembles,  constituée  récemment  par  M.  Georg 
Cantor,  offre  un  certain  nombre  de  définitions  et  de  pro- 
positions intéressantes  que  nous  allons  résumer  d'après  les 
mémoires  de  l'auteur  publiées  dans  les  Acta  mathematica 
de  1883.  —  Soient  deux  ensembles  d'objets  bien  définis  et 
en  nombre  illimité,  par  exemple  la  série  des  nombres  entiers 
positifs  et  celle  des  nombres  pairs  positifs;  il  peut  se  taire, 
comme  dans  l'exemple  choisi,  que  l'on  puisse  faire  corres- 
pondre ces  deux  ensembles,  élément  à  élément,  par  une 
opération  à  sens  unique,  c.-à-d.  que  l'un  quelconque  des 
éléments  étant  pris,  il  ait  dans  l'autre  série  un  correspon- 
dant et  un  seul  déterminé  sans  ambiguïté  (ainsi  dans  les 
deux  séries  prises  pour  exemple,  on  fera  correspondre  un 
nombre  entier  quelconque  avec  le  pair  qui  est  son  double); 
si  une  telle  correspondance  peut  être  réalisée,  on  dira  que 
les  deux  ensembles  sont  de  même  puissance  ou  esquiva- 
lents.  —  Si,  comme  dans  l'exemple  choisi,  tous  les  élé- 
ments d'un  des  ensembles  sont  en  même  temps  éléments 
de  l'autre,  le  premier  ensemble  est  dit  partie  intégrante 
du  second.  —  Si  deux  ensembles  n'ont  pas  la  même  puis- 
sance, l'un  des  deux  sera  toujours  équivalent  à  une  partie 
intégrante  de  l'autre;  dans  ce  cas,  la  puissance  du  premier 
sera  dite  plus  petite  que  celle  du  premier.  —  Pour  tous 
les  ensembles  infinis,  la  plus  petite  pmssance  qui  se  pré- 
sente, celle  qu'on  qualifiera  de  première,  est  celle  de  la  série 
des  nombres  entiers  positifs.  —  L'ensemble  de  tous  les 
nombres  rationnels  et  même  celui  de  tous  les  nombres 
algébriques  (c.-à-d.  ceux  qui  satisfont  à  une  équation  algé- 
brique de  degré  quelconque  à  coefficients  rationnels)  ne 
sont  que  de  première  puissance.  Toute  somme  d  ensembles 
de  première  classe  est  un  ensemble  de  première  classe.  La 
seconde  puissance  des  ensembles,  c.-à-d.  celle  qui  se  pré- 
sente comme  immédiatement  supérieure  à  la  première  est 
celle  de  l'ensemble  des  points  d'une  droite  limitée  de  on- 
ffueur  égale  à  l'unité  par  exemple  ou,  si  l'on  veut,  de  1  en- 
semble de  toutes  les  valeurs  arithmétiques  possibles  entre  U 
et  d.  —  L'ensemble  des  points  d'une  droite  illimitée  n  est 
lui-même  que  de  seconde  puissance.  Si,  par  exemple,  on 
détermine  les  points  par  leur  distance  à  l'origine,  ^r  pour 
la  droite  limitée  égale  à  l'unité,  y  pour  une  droite  ilhmitee 
dans  un  seul  sens,  on  peut  établir  la  correspondance  par 
la  relation 

!/  = 1  OU  X=^  — --7 , 


X  étant  <i.  —  L'ensemble  de  tous  les  points  d'un  plan, 
de  tous  les  points  de  l'espace  et  même  de  tous  les  points 
d'une  multiplicité  de  n  dimensions  n'est  lui-même  que  de 
seconde  puissance.— Si  donc  on  appelle  ^ns^m/?/^  linéaire 
tout  ensemble  imaginable  de  quantités  réelles,  distinctes 
entre  elles  et  en  nombre  indéfini,  tous  les  ensembles 
linéaires  se  partagent  en  deux  classes  seulement  qui  ont 
pour  types  la  série  des  nombres  entiers  positifs  et  l'ensemble 
des  valeurs  arithmétiques  possibles  de  0  à  1.  —  On  peut 
cependant  s'élever  à  la  considération  d'ensembles  de  puis- 
sance supérieure,  mais  ils  ne  peuvent  plus  être  qualifies  de 
linéaires  au  sens  qui  vient  d'être  défini. 

On  appelle  système  un  ensemble  bien  ordonne,  c-a-d. 
tel  que  tous  les  éléments  en  sont  soumis  à  une  succes- 
sion donnée  et  déterminée  d'après  laquelle  il  y  a  un  pre- 


—  416i  — 


ENSEMBLE  —  ENSIMAGE 


mier  élément  du  système  et  d'après  laquelle  aussi  chaque 
élément  qui  n'est  pas  le  dernier  est  suivi  d'un  autre  élé- 
ment bien  déterminé.  --  Cette  succession,  qu'il  peut  être 
impossible  de  régler  par  ordre  de  grandeur,  est  d'ailleurs 
arbitraire  ;  ainsi,  pour  l'ensemble  des  nombres  rationnels 
de  0  à  4 ,  on  peut  les  ordonner  en  système  en  adoptant  la 
règle  que  la  somme  du  numérateur  et  du  dénominateur 
prendra  successivement  toutes  les  valeurs  entières  et  que 
les  fractions  pour  lesquelles  la  somme  est  la  même  seront 
rangées  par  ordre  de  grandeur.  —  Un  système  linéaire  de 
points  sera  dit  bien  enchaîné  quand  pour  deux  pomts 
quelconques  t  et  f  définis  par  des  valeurs  arithmétiques 
(représentant  leur  distance  à  l'origine  sur  la  ligne  où  on 
peut  les  supposer)  et  pour  un  nombre  e  aussi  petit' que  l'on 
voudra,  il  y  a  toujours,  et  cela  de  plusieurs  manières,  un 
nombre  fini  de  points  ^i,  ^2  •••  ^n^  ^^^  ^^e  les  distances 
tti,  t^t^,  hh  -  V  soient  toutes  plus  petites  que  e,  — 
On  appelle  point  limite  à' un  système  un  point  tel  que 
dans   son  voisinage  (à   une   distance   donnée  si   petite 
qu'elle  soit)  il  y  ait  un  nombre  infini  de  points  appartenant 
au  système.  —  Ce  point  limite  peut  ou  non  appartenir  au 
système.  —  Un  système  composé  d'un  nombre  infini  de 
points  a  toujours  un  point  limite.  —Tout  point  limite  d'un 
système  qui  n'en  est  pas  en  même  temps  un  point  est 
dit  isolé.  —  Le  système  des  points  limites  d'un  système  P 
est  lui-même  un  système  bien  défini  P'  qu'on  appelle  pre- 
mier dérivé  de  P.  —  Le  premier  dérivé  de  P'  sera  le 
second  dérivé  de  P  et  ainsi  de  suite.  —  Si  un  système  est 
de  première  classe,  le  dérivé  peut  être  formé  d'un  nombre 
fini  de  points  isolés  et  n'avoir  pas  par  conséquent  lui- 
même  de  dérivé;  en  tous  cas, au  bout  d'un  certain  nombre 
de  dérivations,  on  tombera  sur  un  tel  système  fini.  —  Si 
le  premier  dérivé  d'un  système  est  de  seconde  classe,  on 
peut  toujours  le  décomposer,  et  cela  d'une  seule  manière, 
en  deux  systèmes  R  et  S,  tels  que  R  soit  de  la  première 
puissance  et  n'ait  pas  de  point  commun  avec  l'un  au  moins 
de  ses  dérivés  successifs  et  que  S  soit  de  seconde  puissance 
et  identique  avec  ses  propres  dérivés  successifs.  —  Un 
système  tel  que  S  est  dit  parfait.—  Un  système  peut  être 
bien  enchaîné  sans  être  parfait  et  inversement.  —  Le  sys- 
tème de  tous  les  points  d'une  droite  est  bien  enchaîné  et 
parfait;  on  l'appelle  continu.—  Un  système  continu  dont 
on  retranche  un  système  de  première  puissance,  par  exemple 
le  système  de  points  correspondants  aux  nombres  rationnels, 
reste  de  seconde  puissance,  bien  enchaîné,  mais  non  par- 
fait; on  l'appelle  semi-continu.—  Pour  la  suite  des  travaux 
de  M.  Georg  Cantor,  V.  Infini  (Nombre).     Paul  Tannery. 
IL  Musique.  —  Ce  terme  désigne  un  passage  de  mu- 
sique vocale  où  plusieurs  voix  se  réunissent  pour  chanter 
en  même  temps.  Au  sens  rigoureux,  le  mot  ensemble  s'ap- 
plique aux  duos,  trios,  quatuors,  quintettes,  sextuors,  etc., 
comme  aux  effets  produits  par  de  véritables  masses  cho- 
rales. Cependant  sa  plus  fréquente  signification  comporte 
l'adjonction  d'un  ou  deux  chœurs  à  la  réunion  des  chan- 
teiirs  solistes. 

III.  Beaux-Arts.  —  Union  des  parties  d'un  tout  ;  élé- 
ments divers  d'une  œuvre  d'art  comprise  dans  une  seule 
conception  ou  dans  un  seul  coup  d'œil.  L'ensemble  d'un 
tableau  est  l'union  de  toutes  les  parties  de  l'art  d'imiter  les 
objets  ;  le  sentiment  de  l'ensemble  est  l'une  des  qualités 
les  plus  essentielles  de  l'art.  Il  peut  être  considéré  à  divers 
points  de  vue  :  sous  le  rapport  des  idées,  de  l'effet,  des 
lignes,  des  modelés,  des  valeurs,  des  tons,  etc.  Ce  mot,  d'un 
sens  général  et  très  large  lorsqu'on  l'appHque  à  un  tableau, 
devient  plus  précis  dans  sa  signification  lorsqu'on  l'ap- 
plique spécialement  au  dessin  d'une  figure  ;  dans  ce  sens, 
c'est  l'union  des  parties  du  corps  et  leur  correspondance 
réciproque.  On  dit  un  bon  ou  un  mauvais  ensemble,  selon 
le  plus  ou  moins  d'accord  des  parties  qui  le  composent. 
Le  terme  d'ensemble,  pour  une  figure,  est  commun  au 
modèle  et  à  l'imitation  qu'on  en  fait;  il  y  a  nombre  de 
personnes  qui  sont  d'un  mauvais  ensemble,  parce  qu'une 
nature  appauvrie  ou  un  développement  vicieux  leur  a  donné 


les  bras  trop  courts,  le  buste  trop  long,  la  tête  trop  grosse, 
ou  les  jambes  déviées.  Ces  difformités  peuvent  se  retrouver 
souvent  aussi  dans  l'œuvre  d'un  dessinateur  maladroit  et 
inexpérimenté,  bien  que  le  modèle  placé  devant  ses  yeux 
présente  cette  gracieuse  harmonie  déformes  que  l'antiquité 
grecque  nous  en  a  enseignée,  et  que  les  grands  artistes  ont 
dès  longtemps  acceptée  comme  le  type  même  du  beau.  La 
connaissance  approfondie  de  l'anatomie  est  de  la  plus  haute 
importance  dans  les  arts  pour  l'exécution  d'un  bon  en- 
semble ;  elle  seule  peut  donner  une  compréhension  parfaite 
des  attaches  osseuses  et  musculaires,  si  importantes  dans 
le  rendu  de  la  figure  humaine.  Ad.  T. 

ENSEMENCEMENT  (V.  Céréales). 
ENSENADA  (V.  Plata  [La]). 
ENSENADA  (Zenon  de  Somodevilla  y  Bengœchea,  plus 
connu  sous  le  titre  de  marquis  de  La),  homme  d'Etat  espa- 
gnol, né  à  Hervias,  dans  la  Rioja,  le  25  avr.  1702,  mort 
à  Médina  del  Campo  le  2  déc.  1781.  D'une  famille  assez 
pauvre,  il  était  en  1720  surnuméraire  au  ministère  de  la 
marine,  en  1725,  commissaire  de  matricules  sur  la  côte  de 
Catalogne  ;  malgré  son  jeune  âge,  on  lui  confia  des  mis- 
sions importantes,  et  en  1732  il  fut  administrateur  de 
l'escadre  qui  alla  reprendre  Oran  ;  peu  après,  nous  le 
voyons  intendant  de  l'armée  qui  alla  conquérir  pour  l'infant 
Carlos  le  royaume  de  Naples,  et  au  retour  il  reçoit,  pour 
prix  de  ses  services,  le  titre  de  marquis  de  La  Ensenada 
(marquis  des  ports,  dit-on).  A  la  mort  de  Patino,  son  pro- 
tecteur, il  devint,  sous  le  titre  de  secrétaire  de  l'amirauté 
et  intendant,  un  vrai  ministre  de  la  marine  (1737).  Il  fit 
d'importantes  réformes  et  prit  part  à  l'expédition  de  l'in- 
fant Philippe  en  Lombardie  (1741)  ;  c'est  au  milieu  de  cette 
campagne  qu'il  reçut,  par  suite  de  la  mort  de  Campillo,  le 
brevet  de  ministre  de  la  guerre,  de  la  marine,  des  Indes, 
des  finances,  gouverneur  du  conseil,  etc.  Malgré  ses  résis- 
tances, il  dut  accepter  ces  lourdes  fonctions.  Il  les  conserva 
à  la  mort  de  Philippe  V,  sous  son  fils  Ferdinand  (1746), 
remettant  de  l'ordre  dans  l'administration  des  finances, 
supprimant  les  douanes  intérieures,  donnant  plus  de  liberté 
au  commerce  avec  l'Amérique,  créant  des  routes,  le  canal 
de  Castille,  encourageant  la  marine  marchande,  développant 
la  marine  de  guerre"  fondant  le  collège  des  gardes-marine, 
les  arsenaux  du  Ferrol  et  de  Carthagène,  le  collège  de 
médecine   et   l'observatoire  de  Cadix;  il  protégeait   les 
lettrés,  les  savants,  les  artistes,  ordonnait  les  explorations 
scientifiques  de  Jorge  Juan,  d'UUoa,  de  Burriel,  négociait 
le  concordat  de  1753  avec  le  pape  Benoît  XIV  et  mettait  à 
l'étude  la  rédaction  d'un  code  et  le  levé  d'une  carte  géné- 
rale de  l'Espagne  quand  il  fut  renversé.  A  l'extérieur,  il 
était  partisan  de  l'union  avec  la  France.,  tandis  que  les 
autres  ministres,  Carvajal,  d'origine  angl^se,  et  Wal,  de 
famille  irlandaise,  penchaient  vers  l'alliance  avec  l'An- 
gleterre. Les  intrigues  de  ce  parti  aboutirent,  après  la 
mort  de  Carvajal,  à  obtenir  de  Ferdinand  VI  qu'il  renvoyât 
son  actif  et  habile  ministre  ;  par  un  décret  signé  dans  la 
nuit  du  21  juil.  1754,  Ensenada  fut  privé  de  tous  ses 
emplois  et  exilé  à  Grenade  ;  on  voulait  même  lui  faire  un 
procès,  mais  la  reine  s'y  opposa,  et  il  reçut  plus  tard  une 
pension.  En  1759,  Charles  III,  en  montant  sur  le  trône, 
rappela  à  la  cour  Ensenada,  mais  il  n'eut  pas  le  ministère 
que  détenait  le  marquis  d'Esquilache  ;  plus  tard,  comme  on 
le  savait  favorable  aux  jésuites,  il  dut,  par  l'ordre  de 
d'Aranda,  se  retirer  à  Médina  del  Campo.  Toutefois,  on  le 
consultait  assez  souvent.  Il  laissa  la  réputation  d'un  bon 
ministre  et  d'un  homme  désintéressé,  les  gros  traitements 
dont  il  jouissait  justifiant  très  bien  le  luxe  qu'il  aimait  à 
étaler.  Sa  vie  a  été  écrite  avec  détails  par  D.  Martin  Fer- 
nandez  Navarrete.  E.  Cat. 

ENSEVELISSEMENT  (V.  Funérailles). 
ENSIGNE.  Com.  du  dép.  des  Deux-Sèvres,  arr.  deMelle, 
cant.  de  Brioux;  560  hab. 
ENSILAGE  (V.  Silo). 

ENSIMAGE  (Filature).  Le  cardage  des  fibres  de  la  laine 
ne  peut  s'effectuer  qu'en  les  lubréfiant  de  manière  à  rendre 


ENSIMAGE  -  ENSOR 


—  il62  — 


facile  les  glissements  qu'elles  doivent  effectuer  les  unes  sur 
les  autres;  à  cet  effet  on  les  imprègne  d'un  liquide  onc- 
tueux dans  les  proportions  qui  varient  suivant  la  nature 
des  laines  et  le  mode  de  filage  que  l'on  doit  appliquer. 
Cette  opération,  qui  porte  le  nom  d'ensimage,  se  fait  en 
général  mécaniquement  au  moyen  d'appareils  qui  font 
tomber  goutte  à  goutte  ou  qui  projettent  à  l'état  de  pluie 
fine  le  corps  gras  sur  la  laine  à  sa  sortie  des  laveuses  ou 
des  séchoirs.  On  emploie  des  huiles  d'olive,  de  colza,  d'ara- 
chide, ou  de  l'oléine  ou  de  la  glycérine,  ou  des  émulsions 
de  ces  corps,  dans  la  proportion  environ  de  2  à  o%  de  la 
laine  quand  elle  doit  être  peignée  et  de  15  à  25  ^/^  dans 
la  filature  du  cardé. 

EN  SINGER  (Les).  Famille  d'architectes  bernois  qui 
florissait  aux  xiv*^  et  xv^  siècles  et  dont  les  noms  se  trouvent 
liés  à  la  construction  des  cathédrales  de  Berne,  de  Stras- 
bourg et  d'Ulm.  Le  plus  anciennement  connu,  Ulrich  Heintz 
d'Ensinger,  était  maître  des  œuvres  et  expert  de  la  ville 
de  Strasbourg  en  même  temps  que  maître  de  l'œuvre  de 
la  cathédrale  de  cette  ville  de  4405  à  4429.  C'est  lui  qui 
aurait  construit  la  partie  centrale  de  la  façade  occidentale 
entre  les  naissances  des  tours  et  une  partie  de  la  tour  octo- 
gonale de  cette  cathédrale,  tour  commencée  par  les  Junker 
de  Prague  et  terminée  par  Nicolas  Klaus.  Ulrich  Heintz  fit 
partie  des  architectes  appelés  en  4394  par  la  fabrique  de 
la  cathédrale  de  Milan  ;  mais  on  ne  sait  s'il  répondit  à  cet 
appel,  car  on  le  trouve  travaillant,  dès  cette  époque  et 
jusqu'à  sa  mort,  à  la  construction  de  la  cathédrale  d'Ulm 
dont  il  aurait  donné  les  plans  et  dont  ses  fils  et  l'un  de 
ses  petits-fils  auraient  dirigé  l'exécution  pendant  tout  le 
cours  du  xv^  siècle.  L'écu  d'Ulrich  Heintz  d'Ensinger,  re- 
produit par  Ad.  Lance  (Dici,  des  architectes  français^ 
pi.  I,  n°  2)  porte  un  H  gothique,  initiale  des  Heintz,  nom 
de  famille  de  l'artiste.  —  Des  trois  fils  d'Ulrich,  Caspar 
travailla  en  4429  et  4430  à  la  cathédrale  d'Ulm  ;  Ma- 
thœus,  qui  fut  l'architecte  de  celle  de  Berne  de  4430 
à  4435,  devint  architecte  de  la  cathédrale  d'Ulm  de  4446 
à  4463  et  y  acheva  les  voûtes  du  chœur  ainsi  que  les 
piliers  et  les  arcs  de  la  nef  et  une  grande  partie  de  la 
façade;  enfin  Vinzenz  dirigea,  à  partir  de  4446,  la  cons- 
truction delà  cathédrale  de  Berne  et  travailla,  de  4460 
à  4484,  à  la  construction  de  l'égKse  Saint-Martin  de  Cons- 
tance. —  Un  fils  de  Caspar,  Mathias^  travailla  dès  4446  à 
la  cathédrale  de  Berne  et  ensuite  à  celle  de  Strasbourg; 
un  fils  de  Mathœus,  il/ori^:^,  acheva,  de  4465  à  4480,  les 
voûtes  de  la  cathédrale  d'Ulm.  Charles  Lucas. 

ENSISHEIM.  Ch.-l.  de  cant.  de  la  Haute-Alsace,  arr. 
de  Guebwiller,  sur  l'Ill;  relié  à  Mulhouse  par  un  tramway 
à  vapeur;  2,708  hab.  Fabrique  de  quincaillerie.  —  Ensis- 
heim,  d'origine  celtique,  à  en  juger  par  ses  nombreux 
tumuli,  mentionné  pour  la  première  fois  dans  un  docu- 
ment de  823  (Einsiegesheim)^  n'acquit  de  l'importance 
que  lorsque  au  xiii^  siècle  les  comtes  de  Plabsbourg  le  for- 
tifièrent et  y  construisirent  le  château  de  Kœnigsbourg. 
Plus  tard,  la  ville  libre  impériale,  qui  avait  le  droit  de 
battre  monnaie,  devint  la  capitale  des  possessions  autri- 
chiennes en  Alsace  et  le  siège  de  la  régence  archiducale. 
Pendant  la  guerre  de  Trente  ans,  elle  fut  trois  fois  prise 
d'assaut  et  pillée.  Cédée  à  la  France  en  4648,  elle  devint 
de  4657  à  1674  le  siège  du  conseil  souverain  d'Alsace. 
Des  anciennes  fortifications  avec  leurs  six  tours,  il  ne  reste 
plus  que  des  vestiges  insignifiants.  Ensisheim  possède  un 
certain  nombre  de  belles  maisons  du  xv®  et  du  xvi^  siècle. 
L'hôtel  de  ville  (Rathhaus),  construit  en  4535  en  partie 
en  style  gothique,  en  partie  en  style  renaissance  et  qui 
servit  pendant  quelque  temps  de  palais  de  régence,  passe 
pour  être  un  des  monuments  les  plus  intéressants  de  l'ar- 
chitecture profane  en  Alsace.  En  4614,  l'archiduc  Maximi- 
lien  d'y^utriche  fit  construire  à  Ensisheim  un  collège  de 
jésuites  qui,  après  la  proscription  de  ces  religieux,  fut  con- 
verti en  maison  de  travail  pour  les  vagabonds,  servit,  à 
partir  de  1811,  de  maison  centrale  de  force  pour  les  con- 
damnés des  deux  sexes,  simultanément  d'hôpital  militaire 


en  1814  et  1815  et  à  partir  de  1823  de  maison  centrale 
pour  hommes  seuls  et  fut  en  partie  transformée  en  4886 
en  prison  cellulaire.  Aux  archives  de  la  ville  on  montre 
un  aérolithe  tombé  le  7  nov.  4492,  qui,  pendant  long- 
temps se  trouvait  à  l'église  paroissiale,  et  qui  a  donné 
lieu  à  de  nombreuses  dissertations.  Patrie  du  jésuite  Jac- 
ques Balde,  poète  néo-latin  (4604-4668)  et  du  maréchal 
de  camp  Virot  de  Sombreuil,  gouverneur  des  Invalides,  né 
en  4727  et  exécuté  à  Paris  le  47  juin  4794.  —Ensisheim 
porte  de  gueules  à  une  fasce  d'argent,       L.  Will. 

Traité  d'Ensisheim.  —  Après  la  sanglante  victoire  que 
les  Armagnacs,  commandés  par  le  dauphin  (Louis  XI), 
avaient  remportée  à  Saint-Jacques,  près  de  Bâle,  sur  les 
Suisses  confédérés,  tués  jusqu'au  dernier  homme  (28  août 
4444),  une  députa tion  du  concile,  alors  assemblé  à  Bâle, 
vint  sur  le  champ  de  bataille  implorer  la  clémence  du 
prince  victorieux.  Celui-ci,  frappé  de  la  prodigieuse  valeur 
des  montagnards  suisses,  céda  et  se  retira  dans  la  Haute- 
Alsace.  Il  sentit  combien  la  position  de  ce  petit  peuple 
pouvait  en  faire  un  allié  utile  à  la  France,  et,  le  28  oct. 
4444,  à  Ensisheim  où  il  avait  pris  son  quartier  général,  il 
conclut,  tant  en  son  nom  qu'en  celui  du  roi  Charles  VII, 
son  père,  un  traité  de  «  bonne  intelligence  et  ferme  ami- 
tié »  d'une  part  avec  les  cant.  de  Berne,  Soleure, 
Lucerne,  Uri,  Schwyz,  Unterwalden,  Zug  et  Claris,  et 
d'autre  part,  par  l'entremise  de  Louis  P^,  duc  de  Savoie, 
avec  la  ville  de  Bâle,  que  toutefois  il  ne  put  déterminer  à 
se  donner  à  la  France,  comme  il  l'essaya  au  mépris  des 
droits  de  l'Empire.  On  prétend  que  par  ce  traité  les  Suisses 
s'engagèrent  secrètement  à  servir  le  dauphin,  quand  11 
voudrait,  avec  4,000  combattants. 
BiBL.  :  ScHOEPFLiN,  Als.  Ul.,  I,  715,  720;  II,  65,  276,  737. 

—    SCHWEIGHAEUSER   et    GOLBÉRY,    Aut.     cVAlS.^   I,  120.   — 

M.  DE  Ring,  les  Tombes  celtiques  d'Ensisheim,  Strasbourg^ 
1859,  in-fol.,  2»  éd.  —  Merklen,  Hist.  de  la  ville  d'Ensis- 
heim; Colmar,  1840-1841, 2  vol.  in-S.  — Bull,  de  la  Soc.  pour 
la  conserv.  des  m.on.  hist.  en  Als.,  P^  série,  II,  pp.  235  et 
suiv.  —  Rev.  d'Als.,  1858,  pp.  331  et  suiv.  ;  1872,  pp.  231  et 
suiv.  —  Rev.  cath.  d'Als.,  1886,  pp.  555  et  suiv.  —  Lubke, 
Geschichte  der deutschenRenaissance.,U,%2. —  X.Kravs, 
Kunst  und  Alterthum  in  Els.-Lothr.;  Strasbourg,  1884,  II, 
76-87.  t.,         ,     , 

ENSIVAL.  Com.  de  Belgique,  prov.  de  Liège,  arr.  de 
Verviers,  sur  la  Vesdre,  affl.  de  l'Ourthe;  6,600  hab. 
Stat.  du  ch.  de  fer  de  Bruxelles  à  Cologne.  Importantes 
fabriques  de  draps  et  d'étoffes  de  laine  ;  teintureries. 

ENSLEN  (Karl),  peintre,  né  à  Vienne  en  4792,  mort 
à  Lille  en  4866.  Cet  artiste  étudia  à  l'Académie  de  Berlin 
et  voyagea  ensuite  en  Italie,  en  Suède,  en  Norvège,  en 
Danemark.  Il  est  connu  par  ses  panoramas.  Enslen  fut 
professeur  à  l'Académie  de  Berlin, 

ENSMINGEN  (Godefroi  d')  (V.  Ellenhard,). 

ENSOMHEDEN.  Ile  de  l'océan  Arctique,  par  77«  42^ 
lat.  N.  et  83«40Mong.  E.,  au  N.-O.  du  cap  Tamiyr  et 
à  370  kil.  E.  de  la  Nouvelle-Zemble,  découverte  le 
46  août  4878  par  le  capitaine  norvégien  Johannesen;  elle 
est  longue  de  48  kil.  et  mesure  202  kil.  q. 

BiBL.  :  MoHN,  dans  Mittheilunqen,  de  Petermann,  1879, 
t.  II,  pp.  67-59. 

ENSOR  (George),  écrivain  pohtique  anglais,  né  à  Dublin 
en  4769,  mort  à  Ardress  (comté  d'Armagh)  le  3  déc.  4843. 
^  11  est  connu  par  ses  écrits  politiques,  dirigés  surtout  contre 
le  gouvernement  anglais  en  Irlande,  et  par  son  caractère 
insociable.  Nous  citerons  de  lui  :  Ttie  Independent  Man 
(1806, 2  vol.)  ;  On  National  Government  (4840,  2  vol.)  ; 
Defects  of  the  english  laws  and  tribunals  (4842)  ; 
An  Ansiuer  to  the  Speeches  of  M.  Abbot  on  the  catholic 
question  (Dublin,  4843)  ;  0/^  the  State  of  Europe  in 
January  iSiô  (4846)  ;  An  Inquiry  concerning  the  po- 
pulation of  nations  (4818),  où  il  réfute  les  théories  de 
Malthus;  Radical  Reform,  restoration  ofusurped  rights 
(4819)  ;  Addresses  to  the  people  of  Ireland  on  the  de- 
gradation  and  misery  oftheir  country  (Dublin,  4823)  ; 
The  Poor  and  their  relief  (iS^^)  ;  A  Defence  of  the 
Irish  and  the  means  of  their  rédemption  (  Dublin , 
4825)  ;  Irish  Affairs  at  the  close  of  1S25  (4826)  ;  Let- 


—  4163  — 


ENSOR  —  ENTABLEMENT 


ters  showing  the  inutility  and  exhihitmg  the  absurd- 
ity  of  what  is  fantastically  called  the  new  Reforma- 
^ion(1818)  ;  Anti-Union,  Ireland  as  the  ought  to  be 
(1834)  ;  A  Review  of  the  miracles,  prophéties  and 
mysteries  of  the  old  and  new  Testaments  (1835)  ;  Be- 
fore  and  after  the  reform  bill  (1842);  Of  Property 
and  of  its  equal  distribution  (1844),  etc.         R.  S. 

ENSOUPLE  (Tiss.).  Rouleau  garni  de  plateaux  vers  ses 
extrémités,  et  formant  une  sorte  de  grande  bobine,  autour 
duquel  on  enroule  les  chaînes  pour  les  monter  sur  les 
métiers  à  tisser  (V.  Tissage). 

EN  STATUE  (Miner.).  L'enstatite  est  un  des  membres 
de  la  famille  des  pyroxènes  rhombiques  répondant  à  la 
formule  RSiO^.  Le  nom  d'enstatite  est  réservé  à  la  variété 
purement  magnésienne  ou  ne  renfermant  pas  plus  de 
5  °/o  de  protoxyde  de  fer.  La  variété  renfermant  de  5  à 
14  °/o  de  protoxyde  de  fer  est  appelée  bronzite.  On  dé- 
signe sous  le  nom  d'hyperstliène  tous  les  pyroxènes  rhom- 
biques renfermant  plus  de  14  «/o  de  protoxyde  de  fer. 
Tous  ces  minéraux  possèdent  des  propriétés  cristallogra- 
phiques  identiques.  Ils  cristallisent  sous  la  forme  d'un 
prisme  orthorhombique  de  91^40^. 

a  : /^  :  c -H  0,971  :  1  :  0,570. 
Ils  possèdent  un  clivage  facile  suivant  g^,  des  clivages 
difficiles  suivant  m  et  h^.  On  observe  parfois  des  macles 
en  croix  suivant  aS  a  7-2^  ^  ^U^  ^^^  groupements  com- 
plexes de  pyroxène  rhombique  et  de  pyroxène  monocli- 
nique dans  lesquels  le  g^  du  premier  coïncide  avec  le  h^ 
du  second.  Le  plan  des  axes  optiques  est  parallèle  à  g^ 
dans  tous  les  pyroxènes  rhombiques  ;  mais,  tandis  que  la 
bissectrice  aiguë  est  positive  et  perpendiculaire  à  p  dans 
l'enstatite,  elle  est  négative  et  perpendiculaire  à  ¥  dans 
rhypersthène.  L'angle  des  axes  optiques  (2  V)  varie  de 
70«  (enstatite)  à  90^  (bronzite)  et  50*"  (hypersthène).  La 
dispersion  est  p  >  v  autour  de  la  bissectrice  aiguë  de  l'ens- 
tatite p  <v  autour  de  celle  Thypersthène.  Dureté,  5,5  ; 
densité  3,10  (enstatite)  à  3,35  (hypersthène).  Les  carac- 
tères extérieurs  de  ces  minéraux  sont  un  peu  différents 
dans  les  diverses  variétés  :  l'enstatite  est  blanche,  verdâtre 
de  diverses  nuances;  elle  possède  l'éclat  vitreux.  Elle 
constitue  un  élément  essentiel  des  péridotites  et  particuliè- 
rement de  la  Iherzolite,  des  serpentines  qui  résultent  de  la 
décomposition  de  ces  roches,  des  bombes  à  olivine  rejetées 
par  un  grand  nombre  de  roches  volcaniques  basiques  (Au- 
vergne, bords  du  Rhin,  etc.),  de  certains  gabbros.  La 
variété  bronzite  se  trouve  dans  les  mêmes  conditions  géo- 
logiques. La  chladnite  et  la  victorite  sont  des  variétés 
d'enstatite  trouvés  dans  des  météorites.  L'enstatite  nor- 
male est  fréquente  dans  les  météorites  ayant  une  compo- 
sition analogue  à  celle  des  péridotites  :  dans  ces  roches, 
elle  affecte  souvent  des  formes  cristallitiques  désignées 
sous  le  nom  de  chondres.  L'hypersthène  est  de  cou- 
leur foncée  et  possède  souvent  des  inclusions  brunes  dis- 
posées en  grand  nombre  dans  le  clivage  facile  ^^  auquel 
elles  donnent  un  aspect  métalloïde  très  caractéristique  et 
très  analogue  à  celui  du  diallage.  R  possède  un  poly- 
chroïsme  net  dans  les  teintes  brunes  et  vertes.  L'hyper- 
sthène est  l'élément  caractéristique  des  norites;  on  le 
rencontre  aussi  dans  les  gabbros,  etc.  (île  Saint-Paul,  Labra- 
dor, Arvieu  [Aveyron],"  Norvège,  Suède,  etc.).  Le  même 
minéral  se  trouve  en  petits  cristaux,  transparents  et 
riches  en  faces  dans  les  géodes  d'enclaves  gneissiques  des 
trachytes  du  Capucin  (Mont-Dore),  du  lac  de  Laach,  etc. 
Les  pyroxènes  rhombiques  sont  inattaquables  par  les 
acides  ;  l'enstatite  est  à  peu  près  infusible  au  cha- 
lumeau, l'hypersthène  très  difficilement  fusible  sur  les 
bords  en  un  émail  noir  magnétique.  La  germarite  et  l'am- 
blystégite  sont  des  variétés  très  ferrifères  d'hypersthène. 
L'enstatite  et  plus  rarement  l'hypersthène  se  transforment 
par  altération  en  un  silicate  hydraté  de  magnésie  et  de  fer, 
désigné  sous  le  nom  de  bastite.  La  bastite  est  vert  clair, 
moins  réfringente  et  plus  biréfringente  que  les  minéraux 
précédents.  Elle  est  orthorhombique.  Son  clivage  facile  h^ 


coïncide  avec  le  clivage  ^^  de  l'enstatite.  Le  plan  des  axes 
optiques  est  dans  g^  et  la  bissectrice  aiguë  négative  per- 
pendiculaire au  clivage  facile  h^.  La  bastite  est  surtout 
fréquente  dans  les  serpentines  provenant  de  la  décomposi- 
tion des  péridotites.  La  diaclasite  est  une  enstatite  impar- 
faitement transformée  en  bastite.  A.  Lacroix, 

ENTABLEMENT  (Archit.).  Ensemble  de  membres  d'ar- 
chitecture empruntés  à  un  ordre  (V.  ce  mot)  et  placés 
horizontalement  au-dessus  de  colonnes,  de  piliers  ou  de 
masses  pleines  de  construction.  L'entablement  est  un  élé- 
ment essentiel  et  constitutif  des  ordres  d'architecture  et 
peut,  par  sa  nature,  ses  proportions,  l'importance  et  la 
richesse  décorative  des  moulures  qui  composent  ses  diffé- 
rentes parties,  servir  à  déterminer  l'ordre  auquel  il  appar- 
tient. Il  comprend  généralement  trois  parties  :  Varchitrave 
ou  partie  intérieure,  la  frise  ou  partie  intermédiaire,  et  la 
corniche  ou  partie  supérieure  (V.  ces  mots).  Quelquefois 
cependant  la  corniche  est  réunie  à  l'architrave  par  la  sup- 
pression de  la  frise  et  forme  ainsi  ce  que  l'on  appelle  une 
corniche  architravée,  comme  dans  le  couronnement  du  por- 
tique de  l'Erechthéion  à  Athènes  (V.  ARcmTRAVE,  t.  III, 
p.  741,  fig.  2),  et  quelquefois  aussi,  au-dessus  des  parties 
pleines  de  construction,  se  profilent  une  astragale  ou  quelques 
autres  moulures  surmontées  d'une  frise  et  d'une  corniche 
sans  la  moindre  architrave  proprement  dite,  comme  au 
palais  Strozzi,  à  Florence.  En  fait,  la  corniche,  cette  partie 
essentielle  du  couronnement  des  édifices,  est  la  partie  indis- 
pensable et  invariable  de  l'entablement,  dont  l'origine,  bien 
facile  à  reconnaître  dans  les  constructions  primitives  de 
bois,  est  l'about  des  solives  portant  le  plancher  ou  des  che- 
vrons portant  la  couverture.  A  l'intérieur  des  constructions, 
dans  les  vestibules  et  les  salles  des  appartements,  la  cor- 
niche, couronnant  les  murs,  les  lambris  ou  les  encadre- 
ments de  baies,  se  trouve  aussi  constituer  souvent,  à  elle 
seule,  tout  l'entablement.  C'est  surtout  dans  les  ordres  an- 
tiques, dorique,  toscan,  ionique,  corinthien  et  composite, 
et  plus  particulièrement  dans  l'application  réglée  de  ces 
ordres  aux  édifices  religieux  ou  aux  monuments  pubhcs, 
qu'il  est  possible  d'étudier,  dans  tous  leurs  détails  mul- 
tiples, les  différentes  parties  des  entablements  ainsi  que  les 
proportions  et  la  décoration  de  ces  parties  :  la  Grèce  et  le 
monde  romain  après  l'Egypte  et,  depuis  la  Renaissance,  les 
nations  dont  l'architecture  s'est  inspirée  des  monuments 


Entablement  du  temple  dit  de  Jupiter  Stator,  à  Rome. 

antiques,  fournissent  donc  de  nombreux  exemples  d'enta- 
blements, simples  ou  riches,  mais  d'une  infinie  variété  dans 
leur  composition,  leurs  proportions  et  leur  ornementation. 
Nous  voulons  seulement,  après  avoir  rappelé  l'entablement 
si  simple  d'aspect  mais  d'un  effet  si  puissant  de  l'ordre 


ENTABLEMENT  —  ENTALOPHORA 


—  4164  — 


dorique  grec  du  Parthénon,  à  Athènes  (V.  Architecture 
GRECQUE,  t.  III,  p.  699,  fig.  4),  donner  ici  un  remarquable 
exemple  d'entablement  emprunté  à  la  belle  époque  de  l'art 
romain,  entablement  dont  un  fragment  surmonte  encore 
de  nos  jours  trois  colonnes  corinthiennes  restées  debout  sur 
remplacement  de  l'ancien  forum  romain  et  que  les  archéo- 
logues croient  avoir  fait  partie  d'un  temple  dédié  à  Jupiter 
Stator  ou  à  Castor  et  PoUux,  peut-être  même  de  la  Grœ- 
costasis,  lieu  de  résidence  à  Rome  des  ambassadeurs  de 
nationalité  grecque.  Cet  entablement,  qui  comprend  les  trois 
parties  habituelles,  architrave,  frise  et  corniche,  est,  malgré 
la  nudité  de  la  frise,  ce  qui  fait  encore  valoir  la  richesse 
des  autres  parties,  des  plus  magnifiquement  ornés.  Des 
perles  et  des  pirouettes,  ainsi  que  des  raies  de  cœur,  sépa- 
rent les  faces  de  l'architrave  dont  la  seconde  est  couverte 
d'un  gracieux  enroulement  de  fleurons  et  de  palmettes;  des 
oves  et  des  raies  de  cœur  séparant  également  les  divers 
membres  de  la  corniche,  laquelle  comprend  des  denticules 
et  des  modillons  au-dessous  d'un  larmier  décoré  de  canaux 
et  surmonté  d'une  cimaise  portant  des  têtes  de  lions  ;  enfin 
le  dessous  du  larmier,  entre  les  modillons,  est  refouillé 
pour  former  des  caissons,  eux-mêmes  d'une  riche  orne- 
mentation. 

Pendant  tout  le  moyen  âge,  on  n'observa  d'entablement 
que  dans  les  monuments  du  midi  de  l'Europe,  où  s'était 
conservé  un  ressouvenir  des  traditions  antiques,  et  encore, 
ont  écrit  MM.  Mérimée  et  Alb.  Lenoir,  dans  les  Instruc- 
tions du  Comité  historique  des  Arts  et  Monuments,  en 
reproduisant  une  corniche  architravée  de  la  cathédrale 
d'Avignon,  «  la  mauvaise  proportion  des  profils  et  l'oubli 
de  quelque  partie  importante  trahissent-ils  toujours  le  peu 
de  savoir  et  d'habitude  de  l'imitateur  ».  Seule  des  trois 
parties  constitutives  de  l'ancien  entablement,  une  sorte  de 
corniche,  parfois  richement  décorée,  subsista  à  l'état  de 
couronnement  des  édifices  pendant  toute  cette  longue  pé- 
riode ;  mais,  dès  le  xvi^  siècle,  on  vit  reparaître  des  copies 
ou  des  imitations  plus  ou  moins  pures  et  plus  ou  moins 
heureuses  des  entablements  antiques,  comme  au  tombeau 
de  Brezé,  dans  la  cathédrale  de  Rouen  et,  depuis  cette 
époque,  des  entablements,  le  plus  souvent  complets,  repri- 
rent place  dans  les  ordonnances  des  édifices  de  tous  les 
pays  où  l'architecture  s'inspira  des  traditions  antiques 
(V.  au  mot  Ordre,  les  ordres  d'après  Palladio,  Yignole, 
Scamozzi,  etc.).  —  En  dehors  des  ordres  antiques  ou  imités 
de  l'antique  et  appliqués  à  la  décoration  de  monuments 
publics  dans  la  construction  desquels  la  pierre  joue  un 
rôle  important,  on  conçoit  que  le  caractère  de  certains  édi- 
fices privés  et  les  procédés  modernes  de  construction  ainsi 
que  l'emploi  rationnel  de  nouveaux  matériaux  naturels  ou 
artificiels,  fassent  subir  de  nos  jours  de  singulières  modi- 
fications aux  entablements  plus  ou  moins  complets  qui  ser- 
vent de  couronnement  aux  bâtiments  et  aux  dépendances 
des  édifices  d'utilité  publique  ou  des  maisons  d'habitation 
et  des  établissements  industriels.  Aussi  n'est-ce  que  dans 
les  ordonnances  d'architecture  inspirées  des  monuments  de 
l'antiquité  ou  des  maîtres  de  la  Renaissance  que  l'on  peut 
étudier  les  origines,  les  développements,  le  complet  épa- 
nouissement et'aussi  la  décadence  des  entablements  appar- 
tenant à  ces  ordonnances. 

Quelques  entablements  ont  reçu  des  dénominations  spé-^ 
ciales,  telles  que  :  entablement  à  la  capucine,  celui  qui, 
au  lieu  d'être  mouluré,  est  chanfreiné  ;  entablement  de  cou- 
ronnement ou  simulé,  celui  qui,  au  sommet  d'une  façade 
dans  la  composition  de  laquelle  n'entre  aucun  ordre,  est 
seulement  un  motif  de  décoration  masquant  parfois  la  pente 
d'un  toit,  un  chéneau  ou  une  gouttière  ;  enfin  entablement 
recoupé,  l'entablement  qui  fait  retour  en  avant-corps  sur 
une  colonne  ou  un  pilastre,  comme  aux  arcs  de  Titus  ou 
de  Constantin,  à  Rome.  —  Les  saillies  des  entablements 
ou  des  corniches  de  couronnement  sont  soumises  à  une 
réglementation  spéciale  qui  les  limite  à  0^'16  pour  les  en- 
tablements ou  corniches  en  bois  ou  en  plâtre  et  à  une 
saillie  égale  à  l'épaisseur  du  mur  au  sommet  lorsque  ces 


saillies  sont  en  pierres  de  taille  et  reposent  sur  des  murs 
en  pierres  ou  en  moellons.  Charles  Lucas. 

BiBL.  :  Ch.  Chipiez,  Dict.  des  antiquités  grecques  et 
romaines,  art.  Columna;  Paris,  1884,  in-4. 

ENTADA  (Entada  Adans.)  (Bot.).  Genre  de  Légumi- 
neuses-Mimosées,  du  groupe  des  Adénanthérées,  dont  on 
connaît  une  dizaine  d'espèces  des  régions  tropicales  des 
deux  mondes.  La  plus  importante,  E.  scandens  Benth., 
ou  Liane  à  bœufs,  est  un  arbrisseau  sarmenteux  qui  a  été 
répandu  par  la  culture  dans  tous  les  pays  chauds.  Ses 
feuilles  bipinnées,  accompagnées  de  deux  stipules  laté- 
rales, sont  terminées  par  des  vrilles.  Ses  fleurs  ont  la 
même  conformation  que  celles  des  Adénanthères  (V.  ce 
mot),  mais  leur  réceptacle  est  cupuliforme  et  pourvu 
d'un  disque.  Ses  gousses,  très  longues  et  très  grosses, 
sont  aplaties  et  renferment  une  substance  mucilagineuse 
que  les  Indiens  emploient,  étendue  d'eau,  pour  nettoyer  la 
tête  et  empêcher  la  chute  des  cheveux.  En  Amérique,  on 
les  donne  à  manger  aux  bœufs,  qui,  dit-on,  en  sont  très 
friands.  Les  graines,  appelées  vulgairement  Châtaignes  de 
mer,  sont  mangées  grillées,  par  les  naturels  de  Java  et  de 
Sumatra,  bien  qu'elles  aient  un  goût  extrêmement  amer. 
On  leur  attribue  des  propriétés  vomitives.        Ed.  Lee. 

ENTAI LLE.I.  Technologie.  — Evidement  pratiqué  dans 
un  objet.  Les  entailles  s'emploient  couramment  en  char- 
penterie,  en  maçonnerie  et  en  serrurerie.  On  fait,  dans  les 
pièces  de  bois,  des  entailles  à  paume,  circulaires  ou  de  toute 
autre  forme,  pour  y  loger  des  corbeaux,  des  étriers  ou 
d'autres  pièces  de  bois.  Ainsi,  l'on  nomme  assemblage  à 
entaille  ou  entaille  simple  la  jonction  carrée  ou  oblique  de 
plusieurs  pièces  de  bois  qui  s'affleurent  en  se  croisant.  Les 
moises  sont  aussi  des  assemblages  en  entailles  ;  les  joints 
sur  queue  d'aronde  également.  En  maçonnerie,  on  désigne 
sous  le  nom  d'entailles  les  évidements  ou  tranchées  prati- 
quées dans  la  pierre,  la  meulière,  le  moellon  ou  la  brique 
pour  loger  l'extrémité  d'une  pièce  de  fer  ou  de  bois.  Dans 
les  travaux  en  pierre,  au  règlement  des  prix  des  ouvrages, 
on  mesure  les  entailles  au  mètre  linéaire  et  on  les  évalue 
en  unités  de  taille.  Les  serruriers  pratiquent  aussi  des  en- 
tailles sur  les  pièces  de  charpente,  pour  y  affleurer  des 
pièces  métalliques;  par  exemple,  sur  les  portes  cochères, 
pour  le  passage  du  fil  de  fer  et  chaîne  de  tirage.  Les  entailles 
sont  alors  recouvertes  de  plaques  de  tôle  ou  platines.  Les 
pièces  de  serrurerie  ainsi  posées  sont  dites  entaillées  et 
sous  platine.  L.  K. 

II.  Gravure.  —  Instrument  en  bois,  en  forme  de  cadre, 
qui  sert  aux  graveurs  à  assujettir  les  petites  pièces  de 
buis  qu'ils  ne  pourraient,  à  cause  de  leurs  petites  dimen- 
sions, aisément  tenir  entre  les  doigts  (V.  Gravure). 

III.  Arboru.ulture.  —  L'entaille  enlève  transversalement 
sur  les  branches,  en  pénétrant  jusqu'au  bois,  une  étendue 
plus  ou  moins  grande  des  tissus  qui  recouvrent  cette  région. 
Elle  a  pour  but  de  modifier  la  marche  de  la  sève,  de  la 
porter  sur  certains  rameaux  ou  de  l'en  détourner,  par  suite 
d'en  favoriser  ou  d'en  ralentir  le  développement.  L'entaille 
est  donc  un  moyen  de  maintenir  l'équilibre  dans  la  char- 
pente des  arbres.  Faite  au-dessus  d'un  rameau, elle  excite 
sa  vigueur.  Faite  au-dessous,  elle  l'affaiblit.  Les  entailles 
se  pratiquent  au  printemps.  G.  B. 

ENTALOPHORA.  I.  Zoologie.  —  Genre  de  Bryozoaires 
Gymnolœmes,  de  la  famille  des  Tubuliporidie,  créé  par  La- 
mouroux  et  ainsi  nommé  à  cause  de  la  ressemblance  de  la 
zoœcie  avec  une  coquille  du  Dentalium  entale.  On  peut 
lui  assigner  les  caractères  suivants  :  le  zoarium  érigé  et 
ramifié  porte  sur  une  base  plus  ou  moins  étalée  et  formé  de 
branches  cylindriques.  Les  zoœcies  tubulaires  sont  dispo- 
sées tout  autour  des  branches  et  ont  la  forme  de  tubes 
légèrement  retombants.  L.  C. 

II.  Paléontologie.  —  Les  Bryozoaires  de  la  famille  des 
Entalophoridœ  apparaissent  pour  la  première  fois  dans 
le  jurassique  brun.  Entalophora  est  plus  commun  dans 
le  crétacé.  Les  genres  Filisparsa,  Spiropora,  Cyrtopora, 
Terebellaria,   Nodelea,  Multelea^  etc.,  tous  éteints, 


—  1165  — 


ENTALOPHORA  —  ENTÉRALGIE 


D'argent,  enté 
en  pointe  de  gueules. 


sauf  Spiropora,  sont  crétacés  ou  tertiaires,  et  font  partie 
de  la  même  famille.  E.  Trt. 

ENTAQUAGE  (Tiss.).  Chaque  ensouple,  dérouleuse  et 
enrouleuse,  contient  dans  un  sens  longitudinal  une  rainure 
destinée  à  recevoir  une  baguette  de  même  longueur  qu'elle. 
Lorsque  cette  baguette  passe  dans  les  boucles  faites  à 
l'extrémité  finale  d'une  chaîne,  ou  qu'elle  s'appuie  sur  un 
pli  fait  dans  le  premier  chef  d'une  étoffe  en  voie  de  fabri- 
cation, elle  sert,  soit  à  assujettir  les  fils  à  l'ensouple  dé- 
rouleuse, soit  à  fixer  le  tissu  à  Tensouple  enrouleuse,  afin 
d'obtenir  une  tension  plus  ou  moins  énergique  dans  l'en- 
semble. L'opération  qui  consiste  à  exécuter  ces  genres 
d'adaptation  s'appelle  entaquage.  Cette  expression  s'ap- 
plique du  reste  à  tous  les  procédés  du  même  genre,  qui  ont 
pour  but  de  maintenir  en  tension  les  cordes  des  semples  ou 
chaînes  volantes  du  lisage,  les  pièces  à  tondre,  à  lustrer, 
à  garnir,  etc.  La  boite  dite  d'entaquage  est  une  sorte  d'en- 
caissement faisant  partie  de  l'ensouple  enrouleuse  ;  elle  est 
destinée  à  enrouler  les  velours  coupés  de  manière  à  éviter 
une  superposition  susceptible  de  nuire  au  poil.  L.  K. 
ENTE.  L  Stéréotomie  (V.  Antes). 
IL  Botanique  (V.  Greffe). 

ENTÉ  en  pointe  (Blas.).  Entaille  faite  au  bas  de  l'écu 
par  deux  traits  concaves  partant  du  centre  pour  gagner  les 
angles  de  la  pointe  ;  c'est  une 
sorte  de  chevron  plein  dont  les 
côtés  sont  recourbés  en  dedans 
et  qui  ne  doit  avoir  en  hauteur 
que  le  tiers  au  plus  de  l'écu  : 
d'argent,  enté  en  pointe  de 
gueules.  G.  G. 

ENTÉLÉCHIE.  Cemot  est  la 
traduction  littérale  du  mot  grec 
hz{kiyj.ict.,  souvent  employé  par 
Aristote.  Etymologiquement,  en- 
téléchie  veut  dire  ce  qui  a  sa 
fin  en  soi  (s'x^^^  tAoç  sv),  ce 
qui  est  achevé,  parfait,  et  c'est  bien  ainsi  qu'Aristote 
semble  l'entendre  d'ordinaire.  Dans  un  assez  grand  nombre 
de  textes  (mais  surtout  Métaphysique,  l.  VIII,  c.  in, 
1047^30,  et  c.  vm,  1050^^23),  il  distingue  l'entéléchie 
de  l'énergie  (Ivs'pYsia)  en  ce  que  l'énergie  désigne  l'ac- 
tion par  laquelle  une  chose  est  amenée  du  possible  à  sa 
pleine  et  parfaite  réalisation,  tandis  que  Tentéléchie  signi- 
fie cette  perfection  elle-même.  Mais  la  plupart  du  temps 
Aristote  emploie  indiff'éremment  les  deux  mots  l'un  pour 
l'autre.  Entéléchie  a  alors  le  sens  du  mot  acte  (V.  ce 
mot)  pris  dans  son  acception  péripatéticienne,  c.-à-d. 
qu'il  désigne  une  chose  qui  a  été  amenée  par  la  cause 
efficiente  motrice  à  revêtir  une  certaine  forme  actuelle. 
Cette  forme  considérée  comme  terme  au  moins  provi- 
soire du  mouvement  constitue  l'acte  ou  l'entéléchie  de  la 
chose.  L'âme  dans  les  vivants  est  ainsi  une  entéléchie,  la 
première  entéléchie  du  corps  organique  {De  Anima,  1.  II, 
c.  i,  412^^27,  ^'5).  Leibniz  s'est  aussi  servi  du  mot  enté- 
léchie ou  perfectihabie  pour  désigner  ses  monades  (Mo- 
nadologie.  18,  Essais  de  Théodicée,  §  87).  V.  les  mots 
Aristote,  Leibniz,  Ame. 

ENTELODON  (Paléont.)  (V.  Chéropotame  [Paléont.]). 
ENTELOMORPHUS  (Paléont.)  (V.  Toxodon). 
ENTELOPS  (Paléont.).  Genre  de  Mammifères  Edentés 
fossiles  créé  par  Ameghino  (1887)  pour  un  type  qui  se 
distingue  de  tous  les  Edentés  connus  par  la  présence  d'in- 
cisives aux  deux  mâchoires.  Ces  incisives  sont  au  nombre 
de  trois  paires  en  haut  et  en  bas,  et  portent  à  leur  sommet 
une  couche  d'émail  qui  disparaît  par  l'usure  de  la  dent.  Les 
canines,  de  la  même  forme  que  les  incisives,  sont  cylindro- 
coniques.  Toutes  les  dents  forment  une  série  continue.  La 
symphyse  de  la  mandibule  est  comprimée  latéralement.  Ce 
genre  est  le  type  d'une  famille  distincte,  Entelopsidœ,  et 
du  groupe  des  Pleiodonta  qui  renfermerait  les  progéni- 
teurs des  Edentés  actuels,  et  contient  deux  genres,  E7ite- 
lops  et  Dideilotheriwm.  VEntelops  dispar  (Amegh.), 


encore  mal  connu,  est  de  l'éocène  inférieur  de  la  Patagonie 
australe.  La  forme  et  la  dimension  de  ses  mandibules  le 
rapprochent  du  genre  Bradype  (V.  ce  mot).  Le  Dideilo- 
therium  venerandum  (Ameghino),  qui  est  du  même  gi- 
sement, avait  également  une  dentition  complète,  en  série 
continue  ;  les  molaires  ne  difîeraient  pas  des  incisives  par 
leur  forme  (V.  Edentés).  E.  Trouessart. 

ENTENDEMENT.  Le  mot  entendement  traduit  assez 
exactement  le  mot  latin  intellectus;  aussi  lui  donne-t-on 
souvent  pour  synonyme  le  mot  intellect.  L'entendement 
est  donc  constitué  par  l'ensemble  des  opérations  par  les- 
quelles nous  entendons  ou  comprenons  une  vérité.  Il  a  à  son 
origine  la  sensation,  l'état  de  conscience  qui  lui  fournit 
comme  la  matière  de  son  opération,  puis  la  perception  lui 
donne  la  connaissance  des  objets  sur  lesquels  il  opère,  enfin 
la  raison  lui  fournit  les  règles,  lois  ou  principes  d'après 
lesquelles  s'exerce  son  activité  ;  cette  activité  elle-même 
se  nomme  V intelligence.  L'entendement  comprend  donc 
quatre  opérations  :  1»  la  sensation;  2°  la  perception; 
3«  la  raison;  4**  l'intelligence.  Les  idéalistes  suppriment 
la  perception  comme  opération  primitive  et  naturelle  ;  ils 
la  ramènent  en  général  à  une  application  directe  de  la 
raison  à  la  sensation  (Kant)  ;  d'autres  (laine)  en  font  une 
simple  variété  de  la  sensation.  Les  empiristes  à  leur  tour 
(V.  Empirisme)  suppriment  la  raison  et  l'inteUigence,  et  en 
font  de  simples  transformations  de  la  sensation.  Cependant 
il  est  bien  difficile  de  ne  pas  admettre  dans  l'esprit  une  cer- 
taine élaboration  active  des  données  sensibles.  Il  y  aura 
donc  au  moins  une  opération  passive,  la  sensation,  et  une 
opération  active,  l'intelligence  :  la  raison  en  elle-même 
n'est  ni  purement  passive,  ni  tout  entière  active,  elle  est 
régulatrice  et  contemplative.  Le  résultat  des  opérations  de 
l'entendement  est  le  concept  ou  Vidée,  c.-à-d.  la  vue  clai- 
rement intelHgible  de  l'objet  auquel  l'entendement  s'est 
appliqué.  Toutes  nos  expériences,  tous  nos  raisonnements 
n'ont  en  efi'et  d'autre  but  que  de  nous  apprendre  si  nous 
devons  joindre  ou  ne  pas  joindre  tel  attribut  à  tel  sujet,  et 
par  conséquent  si  nous  devons  modifier  ou  non  la  compré- 
hension (V.  ce  mot)  et  par  suite  l'idée  du  sujet.      G.  F. 

ENTÉRALGIE  (Méd.).  L'entéralgie,  quelquefois  encore 
appelée  colique  nerveuse,  est  une  douleur  intestinale  sine 
materia,  ordinairement  intermittente  et  liée  le  plus  sou- 
vent à  un  trouble  fonctionnel  du  système  nerveux,  quelque- 
fois d'origine  diathésique  (Laure)  ;  l'entéralgie  est  à  l'in- 
testin ce  que  la  gastralgie  est  à  l'estomac.  Toute  espèce  de 
trouble  du  système  nerveux  peut  retentir  sur  l'intestin, 
aff'ections  nerveuses,  émotions  vives,  chagrins,  etc.,  etc.  ; 
l'influence  des  diathèses  syphilitique,  rhumatismale,  gout- 
teuse, arthritique,  est  incontestable,  celle  de  l'anémie,  de 
la  cachexie  palustre,  des  afi'ections  rénales  (surtout  rein 
flottant),  ne  l'est  pas  moins.  Enfin  Glénard  assigne  à  la 
gastralgie  et  à  l'entéralgie  une  origine  toute  mécanique, 
V enter optose,  sorte  de  prolapsus  de  l'intestin,  dont  les 
moyens  de  fixité  entraînés  par  le  poids  de  l'organe  agiraient 
à  la  manière  de  cordes  tendues,  et  brideraient  en  certains 
points  le  tube  digestif,  d'où  obstacle  au  libre  cours  des 
produits  de  la  digestion  et  des  gaz.  La  ceinture  hypogas- 
trique  guérirait  ainsi  les  gastralgies  et  les  entéralgies"  re- 
belles. —  Laxrise  d'entéralgie  éclate  subitement,  après  une 
fatigue  nerveuse  par  exemple,  avec  ballonnement  énorme, 
douleurs  profondes  et  vives,  particulièrement  autour  de 
l'ombilic  avec  irradiations  variées,  pouls  faible,  angoisse, 
sueurs  froides,  parfois  syncope  ;  en  même  temps  il  y  a 
ténesme,  souvent  éréthisme  des  organes  génitaux  ;  la  crise 
peut  durer  plusieurs  jours  ;  elle  se  termine  par  des  évacua- 
tions abondantes  de  gaz  ou  de  matières  alvines.  Cette  ma- 
ladie est  essentiellement  intermittente  ;  la  constipation  est 
habituelle  dans  les  intervalles  des  crises.  L'entéralgie  n'est 
pas  grave  :  il  faut  la  traiter  principalement  par  l'hygiène, 
l'exercice  au  grand  air,  le  séjour  des  altitudes,  l'hydro- 
thérapie ;  pas  de  diète;  les  narcotiques,  belladone,  etc., 
diminuent  la  constipation  ;  tous  les  antispasmodiques  sont 
utiles,  ainsi  que  les  courants   continus.  On  recommande 


ENTÉRALGIE  -  ENTÉRINEMENT 

aux  entéralgiquesles  eaiix-de  Néris,  de  Royat  et  de  Baden 
enArgOYie.  ,      ,  .    D'^L-Hn- 

ENTÉRECTOMIE  (Chir.).  L'enterectomie  consiste  dans 
la  résection  plus  ou  moins  étendue  d'une  partie  de  l'intestin 
srêle  Cette  opération  est  toujours  immédiatement  suivie  d'une 
suture  des  deux  bouts  de  l'intestin  ou  de  l'établissement  d'un 
anus  artificiel.  La  colectomie  est  une  entérectomie  portant  sur 
le  côlon.  Observant  les  efforts  faits  par  la  nature  pour  l'éli- 
mination d'une  anse  gangrenée  dans  un  sac  hermaire,  les 
anciens  chirurgiens  réséquèrent  l'anse  malade  et  établirent 
un  anus  artificiel.  Bientôt  ils  essayèrent  d'aboucher  par  la 
suture  les  deux  bouts  de  l'intestin,  opération  que  les 
recherches  de  Jobert  (deLamballe)  et  de  Lembert  rendirent 
plus  facile  et  plus  sûre.  Enfin,  grâce  aux  progrès  de  la 
chirurgie  abdominale,  les  opérateurs  ne  s'en  tiennent  plus 
aux  parties  déjà  sorties  du  ventre,  mais  vont  résolument 
dans  l'abdomen  chercher  l'anse  malade  et  la  réséquer. 

Indications  et  opérations.  L'enterectomie  a  ete  faite 
dans  les  plaies  de  l'intestin,  surtout  les  plaies  contuses  par 
balle  par  coup  de  pied  de  cheval;  dans  le  cas  d  occlusion 
intestinale  (rétrécissement  de  l'intestin,  invagination  chro- 
nique) dans  les  tumeurs  de  l'intestin,  surtout  dans  le 
cancer  où  malgré  la  récidive  fréquente  elle  supprime  du 
même  coup  l'obstruction  et  le  néoplasme;  dans  les  cas  de 
ffanerène  de  l'intestin,  soit  dans  un  sac  herniaire,  smt  dans 
le  ventre  (occlusion  par  bride)  ;  enfin  dans  les  cas  d'anus 
contre  nature  de  cure  difficile.  Cette  opération  peut  être 
faite  en  un  temps  :  excision  du  segment  malade  de  l'intes- 
tin réunion  par  la  suture  des  deux  bouts  divises  séance 
tenante  réduction  dans  l'abdomen  de  l'anse  suturée  et  fer- 
meture de  la  plaie  abdominale.  On  peut  opérer  en  deux 
temps  :  excision  du  segment  malade  et  suture  des  deux 
bouts  divisés  aux  lèvres  de  la  plaie  cutanée  ou  suture  par- 
tielle des  deux  bouts,  avec  adossement  de  l'ouverture  res- 
tante à  la  plaie  cutanée  (Bouilly),  et  on  a  ainsi  un  anus 
artificiel  que  l'on  traitera  ultérieurement.  On  peut,  au  lieu 
d'exciser  l'anse  malade,  l'abandonner  dans  l'abdomen  en 
suturant  ses  deux  bouts  à  la  plaie  cutanée,  formant  amsi 
un  anus  artificiel  borgne,  pendant  qu'on  abouche  et  suture 
les  deux  bouts  de  l'intestin  (Hochenegg).  Les  deux  modes 
opératoires  en  un  temps  et  en  deux  temps  ont  donne  des 
succès,  mais  il  semble,  d'après  les  statistiques,  que  1  ope- 
ration  en  un  temps  doit  être  réservée  aux  cas  oîi  1  mtestin 
est  normal  et  où  le  malade  a  toutes  ses  forces.  Dans  les 
cas  d'occlusion,  l'indication  urgente  est  d'assurer  le  cours 
des  matières;  dans  la  gangrène,  il  est  difficile  d  apprécier 
l'étendue  du  segment  à  exciser;  aussi  l  opération  en 
deux  temps  est  l'opération  de  choix.  Elle  est  ainsi 
plus  facile,  plus  supportable  pour  un  malade  épuise  et, 
d'ailleurs,  d'après  Reichel,  qui,  à  ce  pomt  de  vue,  a  étudie 
un  erand  nombre  de  cas,  l'établissement  d'un  anus  tem- 
poraire est  un  élément  très  important  de  succès.  Après  la 
laparotomie,  toujours  médiane,  et  la  recherche  toujours 
difficile  et  minutieuse  de  l'anse  malade,  l'excision  est  taite 
perpendiculairement  à  l'axe  ou  obliquement  (Nicaise)  en 
deux  coups  de  ciseaux,  en  prenant  toutes  les  précautions 
possibles  pour  éviter  l'extravasation  des  matières  fécales  dans 
l'abdomen.  Consécutivement,  on  résèque  le  segment  trian- 
gulaire du  mésentère  qui  porte  l'anse  malade  ;  dans  les  cas 
de  tumeur  maligne,  on  enlève  les  ganglions  mésenteriques 
altérés.  Enfin,  suivant  que  l'opération  est  faite  en  un  ou  en 
deux  temps,  on  fait  la  suture  des  deux  bouts  ou  on  les  fixe 
aux  lèvres  de  la  plaie.  Dans  le  premier  cas,  après  suture, 
l'anse  est  réduite  et  la  plaie  abdommale  fermée.  Cette 
opération  est  difficile  et  grave,  mais,  dans  le  cas  ou  son 
indication  se  présente,  elle  peut  rendre  de  réels  services. 
Les  statistiques  de  Reichel  (121  cas  donnant  6o  succès), 
de  Petit  (200  cas  avec  86  succès),  mises  en  regard  des 
circonstances  où  cette  opération  est  faite,  sont  encoura- 
geantes ^'  ^-  MORER. 

BiBL  '•  Treeves,  Intestinal  Obstruction  ;  Londres,  1880. 

—  H    Petit  Dict.  encyclopédique  des  sciences  médicales. 

—  E  *  FoRGUE  et  Castan,  Traitement  des  occlusions  intes- 
tinaies;  Montpellier,  1890.   -  G.  Bouilly,  De  TEniéror- 


—  1166  — 


raphie   et   de   l'enterectomie,  dans  Revue   de  chirurgie, 
lOjanv.  1881. 

ENTÉRINEMENT.  L  Ancien  droit.—  Entériner  équi- 
vaut à  approuver,  confirmer,  parfaire.  L'entérinement  était 
un  jugement  qui  ordonnait  l'exécution  soit  des  lettres  de 
chancellerie,  soit  des  actes  procédant  de  justice  qui  étaient 
soumis  à  l'examen  d'un  juge.  Par  là,  ces  actes  étaient, 
en  quelque  sorte,  complétés,  rendus  en  tiers.  L'entéri- 
nement ne  s'appliquait  point  aux  lettres  privées,  mais 
aux  lettres  de  chancellerie  et  aux  actes  de  la  juridiction 
contentieuse  seuls  et  aussi  aux  rapports  d'experts.  Les 
lettres  de  chancellerie  nécessitant  l'entérinement  étaient 
les  lettres  de  bénéfice  d'inventaire,  d'émancipation,  de  re- 
quête eivile,  de  rescision,  en  matière  civile;  de  justice  et 
de  grâce  en  matière  criminelle,  etc.  A  la  différence  de  l'en- 
registrement, qui  était  prononcé  sur  simple  communication 
au^ministère  public,  l'entérinement  ne  pouvait  l'être  qu'après 
assignation  à  comparaître  adressée  aux  personnes  intéres- 
sées'par  les  bénéficiaires  des  lettres  ou  des  actes  à  entériner. 
11  y  avait  débat  contradictoire,  sauf  pour  les  lettres  de  bé- 
néfice d'inventaire  qui  ne  pouvaient  être  refusées  et  dont 
la  délivrance  était  simplement  une  occasion  de  profit  pour 
le  fisc.  Le  rôle  du  juge  à  qui  l'entérinement  était  demandé 
consistait  à  vérifier  si  les  causes  sur  lesquelles  les  lettres 
étaient  fondées  étaient  vraies;  dans  ce  cas,  d'approuver  et 
d'entériner,  sinon  de  débouter  le  demandeur  de  sa  préten- 
tion. La  plupart  des  lettres  exigeaient,  par  clause  spéciale, 
cette  vérification  comme  condition  du  bénéfice  qu'elles 
procuraient.  Pour  quelques-uns,  cependant,  cette  vérifica- 
tion n'avait  pas  lieu,  en  vertu  de  l'ordonnance  de  1670, 
titre  XVI,  art.  7.  Pour  les  lettres  de  rappel  de  ban,  de 
galères,  de  commutation  de  peine,  de  réhabilitation,  même 
les  cours  souveraines  devaient  entériner  sans  examen,  sauf 
après  l'examen  du  droit  de  représentation.  Hors  ces  cas, le 
jury  peut  non  seulement  refuser  d'entériner,  mais  modifier 
et  soumettre  à  des  conditions  le  bénéfice  accordé  par  les 
lettres,  alors  même  qu'une  clause  de  celles-ci  ne  lui^  en 
donnerait  pas  expressément  le  pouvoir.  L'entérinement  n'en- 
traînait pas  une  transcription  complète  de  l'acte,  comme 
l'enregistrement,  mais  une  simple  mention,  sauf  quelquefois 
pour  les  lettres  de  grâce  (arrêt  du  18  mai  1737). 

IL  Droit  actuel.  —  Sorte  d'homologation  par  laquelle 
on  s'approprie  une  mesure  prise  par  un  autre  :  c'est  en  ce 
sens  qu'on  dit,  par  exemple,  l'entérinement  des  lettres  de 
grâce,  ou  l'entérinement  d'un  rapport  d'experts.  L'art.  20 
du  décret  du  8  juil.  1810  charge  les  cours  d'appel  de  pro- 
céder à  l'entérinement,  à  Tenregistrement  des  lettres 
patentes  par  lesquelles  le  chef  du  pouvoir  exécutif  accorde 
à  un  condamné  à  mort  la  commutation  de  sa  peine  :  ce 
n'est  là  qu'une  simple  formalité  que  les  cours  d'appel  doi- 
vent accompUr  sans  pouvoir  modifier  en  rien  la  mesure 
dont  le  condamné  est  l'objet.  A  cet  effet,  les  lettres  de 
grâce  sont  adressées  à  la  cour  dans  le  ressort  de  laquelle 
la  peine  avait  été  prononcée  :  la  cour  se  réunit  alors  en 
audience  solennelle  à  laquelle  sont  convoqués  tous  les  con- 
seillers, même  ceux  de  la  chambre  des  mises  en  accusation 
et  des  chambres  des  appels  correctionnels;  la^force^  armée 
amène  le  gracié  qui  se  tient  debout  pendant  qu'on  lui  donne 
lecture  des  lettres  qui  commuent  sa  peine  et  qui  sont 
enregistrées.  En  matière  correctionnelle,  il  n'j  a  pas  d'en- 
térinement :  le  ministre  de  la  justice  donne  directement  au 
procureur  de  la  République  l'ordre  de  faire  transcrire  la 
grâce  en  marge  du  jugement  qu'elle  modifie.  —  Dans  un 
sens  détourné,  le  mot  entériner  signifie  aussi  admettre  : 
ainsi  l'art.  501  du  C.  de  proc.  civ.  parle  du  jugement  qui 
entérine  la  requête  civile,  c.-à-d.  du  jugement  qui  recon- 
naît que  cette  voie  de  recours  est  bien  fondée,  qu'il  y  a  heu 
de  l'admettre,  d'annuler,  de  rescinder  la  décision  judiciaire 
contre  laquelle  elle  est  dirigée.  —  C'est  encore  dans  le 
même  sens  qu'on  dit  entériner  un  rapport  d'experts.  Le 
jugement  qui  prononce  cet  entérinement  s'approprie  le  tra- 
vail des  experts  :  c'est  un  jugement  d'homologation  (art.  971 
et  987  C.  de  proc.  civ.).  J.  Declareuil. 


—  4167 


ENTÉRINEMENT  —  ENTEROSTOMA 


BiBL.  :  Droit  actuel.  —  Trébutien,  Cours  de  droit 
criminel,  n»  746.  —  Bertauld,  Cours  de  droit  pénale 
p.  557.  —  Boitard,  Colmet-Daage  et  Glasson,  Leçons 
de  procédure  civile,  sous  les  art.  501^  911  et  981. 
ENTÉRIQUE  (Suc)  (V.  Digestion). 
ENTÉRITE  (Pathol.).  Inflammation  catarrhale  de  la 
muqueuse  intestinale.  Elle  peut  coexister  avec  l'inflamma- 
tion de  l'estomac  (gastro-entérite)  ou  du  gros  intestin  (en- 
téro-colite) .  Limitée,  elle  prend  les  noms  de  colite,  de 
duodénite,  de  typhlite,  de  rectite,  suivant  le  siège  (V.  In- 
testin, Typhlite,  Rectum).  D^  Alphandéry. 

ENTÉRO-COLITE  des  pays  chauds  (V.  Diarrhée  de 
Cochinchine). 

ENTÉROLITHÈ  (Pathol.).  On  appelle  ainsi  des  pierres 
qui  se  forment  dans  l'intestin  de  l'homme  quand  des  ma- 
tières calcaires  viennent  revêtir  un  calcul  bihaire,  un  noyau 
de  fruit,  un  corps  étranger,  passés  dans  le  canal  digestif. 
Outre  le  noyau  central  originel,  ils  se  composent  de  car- 
bonate de  magnésie  et  de  phosphate  ammoniaco-magnésien. 
Leur  poids  varie  de  4  à  1,000  gr.  et  au  delà.  Durs  ou 
spongieux,  rugueux,  bruns,  rougeâtres  ou  blancs,  ils  pro- 
voquent des  douleurs,  fixes  ou  erratiques,  coliques  suivies 
de  diarrhée  ou  de  constipation.  Parfois  ces  accidents  sont 
suivis  de  l'excrétion  de  pierres  par  l'anus,  parfois  encore 
de  péritonite  ou  d'obstruction  intestinale  mortelles.  Ces 
calculs,  fréquents  chez  les  animaux,  se  nomment  Mwar<i5. 
Le  traitement  se  réduit  à  des  purgations  répétées,  boissons 
délayantes,  eaux  minérales  de  Wiesbaden,  Niederbronn, 
Kissingen,  etc.  Quand  de  volumineux  calculs  sont  arrêtés 
au  rectum,  on  facilite  leur  sortie  au  moyen  d'injections 
forcées  ;  sinon  on  les  extrait  avec  la  curette  ;  en  cas  d'in- 
succès, on  élargit  la  voie  rectale  par  l'intervention  san- 
glante. D^  A.  Coustan. 

ENTEROMORPH A  (Bot.).  Genre  d'Algues  Confervacées, 
de  la  tribu  des  Ulvées,  à  thalle  tubuleux,  aminci  à  la  base 
et  formé  d'une  couche  de  cellules  disposées  symétriquement 
dans  le  sens  de  la  longueur. 

ENTÉROPLASTIE  (Chir.).  L'entéroplastie  est  l'ensem- 
ble des  opérations  destinées  à  remédier  aux  difformités 
congénitales  de  l'intestin  ou  à  ses  déformations  éventuelles, 
pathologiques  ou  accidentelles  (V.  Anus,  Anus  artificiel, 
Entérectomie,  Entérorraphie,  Intestin,  Rectum). 

ENTÉROPROCTIE  (Chir.).  L'entéroproctie  est  Topé- 
ration  qui  a  pour  but  de  pratiquer  un  anus  artificiel 
(V.  ce  mot  et  Entérostomie) .  Entéroproctie  et  entéro- 
stomie  sont  deux  mots  qui  indiquent  la  même  intervention 
chirurgicale. 

ENTÉROPSIDÉS  (ZooL).  Aurivillius  a  fondé  cette 
famille  de  Crustacés  sur  trois  espèces  rapportées  par  l'expé- 
dition de  la  Vega  et  trouvées  à  l'état  de  parasitisme  dans 
des  Tuniciers  arctiques.  Les  Entéropsidés  sont  intermé- 
diaires aux  Corycéides  types,  dont  ils  s'éloignent  par  la 
structure  de  leurs  antennes  postérieures  et  par  l'absence 
d'une  paire  de  pattes-mâchoires,  et  aux  Ergasilides.  Ex.  : 
Enteropsis  sphinx,  dans  le  sac  branchial  de  la  Molgula 
ampuUoides,  E.  pilosus  Canu,  chez  la  Diazona  hebri- 
dica,  Haligryps  teres  et  aciUeatus^  qui  se  trouvent  dans 
le  même  hôte.  R.  Moniez. 

ENTÉRORRAPHIE  (Méd.).  L'entérorraphie  consiste 
dans  la  suture  de  l'intestin.  Destinée  à  parer  aux  accidents 
produits  par  les  plaies  du  tube  digestif,  cette  opération 
fut,  sans  doute,  mise  en  pratique  avant  toutes  les  autres 
opérations  sur  l'intestin,  dès  les  temps  les  plus  reculés. 
Déjà  au  xiii^  siècle,  Guy  de  Chauliac  et  Fabrice  d'Aqua- 
pendente  critiquaient  la  pratique  des  auteurs  qui  les  avaient 
précédés,  et  qui,  préoccupés  de  conserver  le  calibre  de 
l'intestin,  suturaient  par-dessus  un  corps  cylindrique 
creux.  Ramdhor,  en  1727,  fit  la  première  tentative  sérieuse 
d'entérorraphie,  après  invagination  du  bout  supérieur  dans 
rinférieur,  pratique  que  devait,  plus  tard,  imiter  Reybard. 
Mais  c'est  aux  recherches  des  auteurs  modernes,  surtout 
de  Jobert  (de  Lamballe)  et  de  Lembert  (1826)  qu'est  dû  le 
principe   de  l'adossement  des  séreuses,  sur  lequel  sont 


basés  tous  les  procédés  de  suture  employés  aujourd'hui , 
procédés  qui,  grâce  aux  pratiques  antiseptiques,  ont  donné, 
malgré  la  gravité  des  cas,  des  résultats  remarquables. 

Indications  et  opérations.  L'entérorraphie  est  indiquée 
dans  les  cas  de  plaies  de  l'intestin  par  armes  blanches  ou 
par  armes  à  feu  et  aussi  dans  les  contusions  violentes  de 
l'abdomen  avec  plaie  intestinale.  Elle  est  le  complément 
obligé  de  l'entérotomie  faite  pour  extraction  d'un  corps 
étranger,  de  l'entérotomie  de  Nélaton  avec  anus  artificiel, 
lorsque  la  simple  opération  de  Dupuytren,  aidée  des  pro- 
cédés autoplastiques,  ne  peut  guérir  l'ouverture  intestinale 
et  qu'on  est  obligé  de  recourir  à  la  mobilisation  de  l'intes- 
tin. Elle  suit  toute  opération  d'entérectomie,  soit  qu'on  se 
décide  à  aboucher  immédiatement  les  deux  bouts  divisés, 
soit  qu'on  ne  suture  l'intestin  qu'après  l'établissement  tem- 
poraire d'un  anus  artificiel.  Quand  on  veut  procéder  à  la 
suture  intestinale,  on  doit,  avant  toute  autre  manœuvre, 
mettre  en  contact  les  bords  de  l'intestin  divisé.  Des  instru- 
ments spéciaux  ou  les  mains  d'aides  habiles  et  intelligents 
assurent  ce  temps  de  l'opération  dans  le  cas  de  plaies 
transversales  ;  pour  les  plaies  longitudinales,  l'afi'ronte- 
ment  des  bords  se  fait  pour  ainsi  dire  de  lui-même.  Les 
aiguilles  employées  doivent  être  fortement  recourbées,  fines 
et  rondes,  de  façon  à  ne  pas  couper  les  fibres  des  diff'é- 
rentes  tuniques  intestinales,  mais  seulement  à  les  écarter. 
Le  fil  sera  du  fin  cordonnet  de  soie,  parfaitement  aseptique  ; 
le  catgut,  la  soie  plate,  le  crin  de  Florence  sont  d'un  em- 
ploi moins  commode  et  moins  sûr.  On  s'aidera,  pour  passer 
les  aiguilles,  d'un  cyhndre  de  gélatine  introduit  dans  l'in- 
testin, ou  bien  d'un  cylindre  de  pâte  comme  Hohenhausen, 
ou  bien  d'un  os  décalcifié,  suivant  la  pratique  de  Neubauer, 
ou  bien,  redoutant  le  séjour  plus  ou  moins  prolongé  d'un 
corps  étranger  au  niveau  de  la  suture,  on  passera  les 
aiguilles  sans  aucun  artifice  adjuvant,  malgré  la  flaccidité 
de  l'intestin.  La  suture  employée  est  basée  sur  le  principe 
de  l'adossement  des  séreuses  :  c'est  la  suture  en  piqué  de 
Gély  ou  la  suture  plus  facile,  plus  rapide,  et,  partant,  plus 
employée  de  Lembert.  Cette  suture  de  Lembert  s'exécute  à 
points  séparés  :  l'aiguille,  introduite  à  4  ou  5  millim.  du  bord 
de  la  plaie,  traverse  la  séreuse,  la  musculeuse  et  n'atteint 
pas  la  muqueuse,  qu'elle  rase  ;  elle  ressort  à  2  millim.  du 
bord  de  la  plaie,  sur  le  même  bout  intestinal.  Elle  est  alors 
portée  sur  l'autre  bout,  à  2  millim.  du  bord  de  la  plaie; 
elle  pénètre  jusqu'à  la  muqueuse,  qu'elle  rase  encore,  pour 
ressortir  à  4  ou  5  millim  du  bord.  Ainsi  est  passé  le  pre- 
mier point  de  Lembert  ;  on  continue  jusqu'à  ce  qu'on  ait 
clos  toute  la  plaie  intestinale.  Il  faut  multiplier  le  nombre 
de  points;  20  ou  25  sont  nécessaires  pour  l'intestin  grêle. 
Si  l'on  devait  aboucher  l'intestin  grêle  au  gros  intestin,  il 
y  aurait  lieu  de  faire  à  celui-ci  un  pli  longitudinal  main- 
tenu par  des  sutures,  afin  de  ramener  son'^calibre  à  celui 
de  l'intestin  plus  petit  (Billroth).  La  suture  de  Lembert  a 
donné  quelques  mécomptes  ;  elle  ne  tient  pas  toujours  ;  aussi 
certains  chirurgiens  ont-ils  cherché  à  renforcer  la  suture 
de  Lembert  par  une  suture  surajoutée  (suture  préalable  de 
la  muqueuse  de  Treeves,  suture  à  étages  de  Czerny).  — 
Après  la  suture,  on  assurera  l'immobilité  de  l'intestin  par 
des  lavements  laudanisés,  la  diète  absolue,  et  on  calmera 
les  vomissemejits  par  le  Champagne  frappé.  Au  bout  de 
huit  jours,  on  provoquera  des  selles  par  des  lavements 
progressivement  plus  abondants  d'eau  tiède.  D^  S.  Morer. 

Bibl.  :  FoLLiN  et  Duplay,  Traité  élémentaire  de  patho- 
logie externe  ;  Paris,  1883,  t.  VI.  —  G.  Bouilly,  De  VEn- 
térorraphie  et  de  V entérectomie,  dans  Revue  de  chirurqiei 
lOjanv.  1881. 

ENTEROSTOMA.  Genre  de  Turbellariés  de  la  tribu  des 
Alloiocèles  (Graff),  famille  des  Plagiostomidœ,  créé  par 
Claparède  en  1862,  caractérisé  par  un  orifice  génital  ven- 
tral situé  près  de  l'extrémité  postérieure  ;  deux  ovaires, 
deux  glandes  vitellines  allongées.  Pharynx  bien  développé 
situé  dans  la  deuxième  moitié  du  corps  avec  son  ouver- 
ture dirigée  en  arrière.  Corps  uniformément  cilié,  sans 
sillon  circulaire  cilié  céphalique.  Espèce  type  :  Ent.  Finga- 
lianum  découverte  par  Claparède  sur  la  côte  E.  de  Sky 


ENTEROSTOMA  —  ENTÉROTOMIE 


-  1168  — 


Enterostoma.  —  c,  cerveau  ;  z, 
intestin;  p/i,  pharynx;  ^, 
testicules  vésiculaires  ;  cd, 
canal  déférent;  ce,  conduit 
excréteur  des  glandes  ac- 
cessoires mâles;  p,  pénis; 
ov,  ovaires;  stv,  glande 
vitelline;  ovd,  oviducte;  rs, 
réceptacle  séminal  ;  '^  9  ? 
orifices  génitaux. 


et  par  Hallez  sur  la  côte  du  Boulonnais.  La  figure  ci-jointe 
de  cette  espèce  est  empruntée  au  catalogue  des  lurbei- 

lariés  du  N.  de  la  France 
de  Hallez  (Revue  biolo- 
gique du  nord  de  la 
France,  2®  année,  n^lO, 
p.  398).  L.J. 

ENTÉROSTOMIE 
(Chir.).  L'entérostomie 
est  une  opération  qui  con- 
siste dans  la  création  sur 
Fintestin  d'une  ouverture, 
véritable  bouche,  par  la- 
quelle des  aliments  seront 
introduits.  Afin  de  laisser 
aux  aliments  une  longueur 
•d'intestin  à  parcourir , 
suffisante  pour  leur  éla- 
boration et  leur  absorp- 
tion, elle  doit  siéger  aussi 
haut  que  possible  (duo- 
dénostomie,  jéjimosto- 
mie).  C'est  l'opération  de 
Wôlfler  des  Allemands. 
De  date  récente,  l'enté- 
rostomie fut  proposée  par 
Richardson  en  1875  à  la 
Société  médicale  de  Lon- 
dres, mais  elle  ne  fut 
faite,  de  propos  délibéré, 
qu'en  1878,  par  Surmay 
(de  Ham).  Abandonnée 
depuis,  par  suite  de  la  vogue  de  la  gastrectomie,  elle  fut 
reprise  comme  une  ressource  suprême  dans  les  cas  où,  en 
raison  des  lésions,  cette  dernière  opération  était  impossible. 
Indications  et  opérations.  Résultats,  Elle  a  été  faite 
dans  les  cas  d'obstruction  de  l'intestin  très  voisine  de 
l'estomac,  dans  les  cas  de  lésions  inopérables  de  l'estomac 
et  même  dans  les  cas  de  lésions  de  l'œsophage  (rétrécisse- 
ments cancéreux,  tuberculeux,  cicatriciels  de  l'œsophage 
et  du  pylore  ;  cancer  inopérable  de  l'estomac).  Surmay 
pratique  une  incision  de  5  centim.  à  1  centim.  en  dedans  de 
la  quatrième  fausse  côte,  en  comptant  à  partir  du  bas,  ouvre 
le  péritoine  après  une  hémostase  absolue,  attire  l'intestin 
dans  la  plaie,  le  fixe  à  la  façon  de  Nélaton  et  l'ouvre.  On 
introduit  ensuite  dans  le  bout  inférieur  une  canule,  par 
laquelle  on  injecte  d'abord  une  petite  quantité  de  liquides 
nutritifs  que  l  on  augmente  graduellement.  L'entérostomie 
est  une  opération  difficile,  faite  comme  une  suprême  res- 
source dans  des  cas  absolument  graves  ;  la  mortalité  est 
considérable,  la  survie  faible.  Sur  27  cas  réunis  par  Petit, 
dont  22  pour  cancer,  4  pour  rétrécissement  cicatriciel, 

I  pour  rétrécissement  tuberculeux,  on  compte  9  guérisons 
et  18  morts,  avec  des  survies  maxima  de  troisàcmq  mois. 
La  mort  a  été  souvent  la  conséquence  d'une  faute  opéra- 
toire, plus  souvent  encore  du  marasme  et  d'un  épuisement 
particulier,  survenant  alors  qu'on  commençait  à  espérer  le 

succès.  D'*  S.  MORER. 

BiBL.  :  H.  Petit,  Dict.  encyclopédique  des  sciences  mé- 
dicales. —  Du  même,  De  la  Gastrotomie,  dans  Revue  de^ 
sciences  médicales,  1880-1881. 

ENTÉROTOME  (Chir.).  L'entérotome  est  l'instrument 
inventé  par  Dupuytren  pour  détruire  l'éperon  de  l'anus 
contre  nature,  opération  improprement  appelée  entérotomie. 

II  se  compose  de  deux  branches  rectilignes  s'articulant 
comme  celles  d'un  forceps.  L'une,  branche  femelle,  présente 
deux  gouttières  latérales  qui  reçoivent  les  bords  de  la 
branche  mâle  :  gouttière  et  bords  offrent  des  ondulations 
opposées.  Une  vis  de  pression  commande  le  rapprochement 
des  branches.  On  introduit  séparément  chaque  branche  par 
l'ouverture  anormale  en  se  guidant  sur  le  doigt,  et  on  pince 
entre  elles  l'éperon  intestinal.  On  serre  l'instrument  de 
façon  à  empêcher  toute  circulation  dans  la  partie  comprimée. 


Plusieurs  modifications  ont  été  apportées  à  l'entérotome  de 
Dupuytren,  qui  rempHt  néanmoins  convenablement  toutes 
les  indications.  L'emploi  de  cet  instrument  ne  présente  pas 
de  dangers  sérieux  ;  malheureusement,  la  section  de  l'épe- 
ron ne  réussit  pas  toujours  à  amener  la  cure  de  l'anus 
contre  nature.  D^'  S.  Morer. 

BiBL.  :  H.  Petit,  Dict.  encyclopédique  des  sciences  mé- 
dicales. —  FoLLiN  et  DuPLAY,  Traité  élémentaire  de  patho- 
logie externe;  Paris,  1883,  t.  VI. 

ENTÉROTOMIE  (Chir.).  I/entérotomie  consiste  dans  la 
section,  toujours  longitudinale,  de  l'intestin  grêle.  La  colo- 
tomie  (V.  ce  mot)  est  une  entérotomie  portant  sur  le  côlon. 
Tantôt  elle  constitue  tout  l'acte  opératoire,  tantôt  elle  pré- 
cède ou  suit  une  série  de  manœuvres  plus  complexes.  De 
date  récente  et  née  de  l'impuissance  des  chirurgiens  devant 
les  cas  d'occlusion  intestinale  après  l'abandon  de  la  laparo- 
tomie qui  avait  donné  des  échecs  retentissants,  l'entéro- 
tomie  entra  dans  la  pratique  grâce  aux  travaux  de  Nélaton, 
qui  lui  a  donné  son  nom.  Mais  les  progrès  de  la  chirurgie 
abdominale  ont  rendu  à  l'ouverture  du  ventre  l'importance 
qu'elle  avait  anciennement. 

Indications  et  opérations.  L'entérotomie  a  été  appli- 
quée un  peu  aveuglément  dans  les  circonstances  fort 
diverses  où  l'indication  principale  était  de  donner  issue  aux 
matières  fécales  arrêtées  dans  l'intestin.  Laissant  à  la  lapa- 
rotomie les  cas  de  grand  appareil  symptomatique  avec 
occlusion  serrée,  ceux  de  diagnostic  obscur  pour  lesquels 
la  recherche  de  l'obstacle  «  fait  tout  gagner  et  ne  peut  rien 
faire  perdre  »  (Forgue),  ceux  où  l'obstacle  peut  être  levé, 
l'entérotomie  est  réservée  aux  cas  d'obstruction  fécale,  à 
certains  volvulus,  aux  cas  où  l'on  ne  peut  rien  contre  l'obs- 
tacle (tumeurs  inopérables,  cancer  étendu,  adhérences  mul- 
tiples), aux  malades  affaiblis,  refroidis,  hors  d'état  de  sup- 
porter l'ouverture  du  ventre.  Elle  permettra  l'extraction 
des  corps  étrangers  de  l'intestin  et  viendra  heureusement 
tirer  d'embarras  le  chirurgien  qui,  après  la  laparotomie, 
tombe  sur  des  lésions  au-dessus  des  ressources  de  Part. 
Opération  habituellement  de  nécessité,  elle  est  rarement 
une  opération  de  choix.  En  raison  de  l'indication  pressante 
de  donner  issue  aux  matières  arrêtées,  l'entérotomie  est 
faite  en  un  temps,  au-dessus  et  aussi  près  que  possible  de 
Pobstacle,  laissant  à  l'absorption  la  plus  grande  longueur 
possible  d'intestin  et  évitant  la  formation  d'un  cloaque 
gênant  au-dessus  de  l'obstacle.  Voici  comment  Nélaton  a 
réglé  l'opération  :  on  fait  une  incision  de  7  centim.  un  peu 
au-dessus  et  parallèlement  à  la  moitié  externe  de  l'arcade 
de  Fallope  droite,  de  façon  à  respecter  l'épigastrique.  On 
divise  les  parties  molles  jusqu'au  péritoine  et  on  assure, 
chemin  faisant,  l'hémostase.  Le  péritoine  bien  découvert, 
on  y  fait  une  boutonnière  et  on  Pincise.  On  prend  alors  la 
première  anse  d'intestin  grêle  qui  se  présente,  on  Pattire 
entre  les  lèvres  de  la  plaie,  où  on  la  fixe  sans  la  sortir  au 
dehors.  Les  sutures  faites,  on  ouvre  l'intestin  et  on  favo- 
rise l'évacuation  du  contenu  intestinal  à  l'aide  d'une  grosse 
canule  introduite  dans  le  bout  supérieur  et  d'injections  laxa- 
tives  et  antiseptiques.  On  a  ainsi  créé  un  anus  artificiel 
iliaque  droit.  Il  y  aura  intérêt  à  pratiquer  les  premiers 
temps  de  l'opération  en  prenant  les  précautions  ordinaires 
d'asepsie,  surtout  si  l'opération  est  faite  en  deux  temps, 
suivant  les  enseignements  de  Maydl  et  de  Stuttsgard.  L'an- 
tisepsie intestinale  sera  aussi  fort  utile. 

Cette  opération  n'est  que  palliative  dans  la  plupart  des 
cas  ;  l'occlusion  persiste,  en  effet,  le  plus  souvent  après 
l'entérotomie  qui,  si  elle  a  pu  faire  cesser  quelque  symp- 
tôme pénible,  n'a  guère  retardé  l'issue  fatale  ;  mais,  dans 
quelques  circonstances  (obstruction  fécale  ou  par  corps 
étrangers,  certains  volvulus  maintenus  par  le  gonflement 
de  l'intestin),  elle  est  réellement  curative  et  remplit  toutes 
les  indications.  Etant  donnée  la  gravité  des  cas  où  elle  est 
indiquée,  l'opération  donne  de  bons  résultats.  D'après  les 
statistiques  de  Treeves,  lorsque  l'opération  a  été  faite  pour 
les  formes  non  malignes  d'obstruction,  la  guérison  survient 
dans  33  *^/o  des  cas,  et  la  survie,  dans  les  cas  suivis  de 


mort,  va  de  deux  jours  à  deux  mois.  Dans  les  formes  ma- 
lignes (cancer),  le  nombre  des  guérisons  (10  °/o)  ne  doit 
être  accepté  qu'avec  réserve,  mais  la  survie  va  de  deux 
jours  à  sept  mois.  En  dehors  des  circonstances  où  elle  est 
faite  secondairement,  après  la  laparotomie,  où  le  chirurgien 
voit  et  choisit  l'anse  à  ouvrir,  l'entérotomie  d'emblée  est 
une  opération  obscure,  hasardeuse  dans  ses  indications, 
dans  l'acte  opératoire,  dans  ses  résultats  définitifs.  Malgré 
ces  défauts,  cependant,  et  en  raison  des  résultats  inespérés 
quelquefois  obtenus,  de  la  facilité  de  son  exécution,  l'enté- 
rotomie mérite  d'occuper  une  place  importante  dans  la  pra- 
tique chirurgicale.  —  On  appelle  encore  entérotomie  l'opé- 
ration qui  consiste  dans  la  destruction  de  l'éperon  dans  la 
cure  de  l'anus  contre  nature  par  l'emploi  de  l'entérotome. 
Cette  opération  serait,  avec  plus  d'avantage,  appelée  «  opé- 
ration de  Dupuytren  »,  du  nom  du  chirurgien  qui  l'a  pro- 
posée et  qui  a  inventé  l'instrument.         D^  S.  Morer. 

BiBL.  :  FoLLiN  et  Duplay,  Traité  élémentaire  de  patho- 
logie externe;  Paris,  1883,  t.  VI.  —  Bouilly,  Manuel  de 
pathologie  externe;  Paris,  1888,  2«  éd.  —  Forgue  et  Cas- 
tan,  Traitement  des  occlusions  intestinales  ;  Montpellier, 
1890.—  Treeves,  Intestinal  Obstruction;  Londres,  1884.  — 
Peyrot,  De  l'Intervention  chirurgicale  dans  les  obstruc- 
tions de  l'intestin^  thèse  d'agrégation  ;  Paris,  1880. 

ENTERREMENT  (V.  Funérailles). 

ENTHOUSIASME.  Les  anciens  désignaient  par  ce  mot 
l'état  d'âme  des  devins  inspirés  par  les  dieux  (Ivôouaiaa- 
[xoç).  Platon  l'a  employé  dans  le  Phèdre  pour  désigner 
l'état  d'esprit  de  Socrate  possédé  des  grandes  vérités  qu'il 
enseigne,  mais  il  le  lui  fait  attribuer  encore  aux  nymphes 
du  fleuve,  sur  les  bords  duquel  s'entretient  le  dialogue. 
Aristote  enfin  se  sert  du  même  mot  pour  désigner  le  même 
état  de  l'âme  passionnée  pour  la  vérité,  mais  il  ne  l'attri- 
bue plus,  même  par  jeu,  à  aucune  divinité.  Le  caractère 
propre  de  l'enthousiasme  est  de  posséder  l'âme,  de  l'arra- 
cher à  elle-même,  de  mettre  hors  de  soi  celui  qui  en  est 
animé.  Il  a  cela  de  commun  avec  la  passion  poussée  à 
l'extrême.  Mais,  tandis  que  la  passion  met  l'homme  hors  de 
lui  en  l'abaissant  à  une  nature  inférieure,  l'enthousiasme 
le  met  hors  de  lui  en  l'élevant  à  une  nature  supérieure  :  la 
passion  bestialise,  s'il  est  permis  de  parler  ainsi  ;  l'enthou- 
siasme divinise.  C'est  pour  cela  que  les  anciens  y  voyaient 
une  intervention  de  la  divinité.  Ce  qui  caractérise  l'enthou- 
siasme c'est  donc  que  son  objet  est  idéal,  élevé,  universel. 
Il  y  a  l'enthousiasme  du  dévouement,  du  patriotisme  et  de 
la  vertu.  Enfin  l'enthousiasme  ne  va  pas  sans  un  vif  élan 
de  l'être,  sans  une  activité  qui  le  porte  à  réaliser  ce  dont  il 
a  l'âme  possédée.  Ainsi  l'enthousiasme  met  en  jeu  :  1°  l'in- 
telligence, puisque  son  objet  est  avant  tout  idéal  ;  2°  la 
sensibilité,  puisque  la  vue  de  son  objet  émeut  profondé- 
ment l'enthousiaste  et  l'arrache  à  lui-même  ;  S*'  la  volonté, 
qu'il  ébranle  et  pousse  à  réaliser  son  objet.  Cet  élan  de  la 
volonté  est  d'autant  plus  fort  que  l'enthousiasme  est  plus 
vif.  On  a  pu  dire  qu'aucune  œuvre  importante  ne  pouvait 
être  réalisée  sans  enthousiasme.  Cela  est  vrai  surtout  des 
œuvres  désintéressées  qui  doivent  porter  avec  elles-mêmes 
leur  satisfaction.  L'enthousiasme  ne  doit  pas  être  confondu 
avec  des  excitations  passagères  de  l'imagination  qui  s'éprend 
fortement  d'une  chimère  ou  d'un  rêve.  Ces  excitations 
tombent  dès  que  disparaît  l'image  qui  les  avait  excitées. 
Leur  objet  était  trompeur  et  faux,  l'objet  du  véritable 
enthousiasme  est  une  idée,  une  vérité  et  ne  risque  pas  de 
manquer.  Aussi  reconnaît-on  l'enthousiasme  moins  à  ses 
transports  qu'à  sa  durée.  Il  doit  être  surtout  au  dedans, 
animer  la  volonté  d'une  flamme  et  ne  pas  s'évaporer  en  ma- 
nifestations extérieures.  G.  Fonsegrive. 

ENTHYMÈME.  I.  Logique.  —  On  appelle  enthymème 
un  syllogisme  (V.  ce  mot)  dans  lequel  on  sous-entend  une 
des  prémisses.  Le  vers  de  Racine  : 

Je  t'aimais  inconstant,  qu'eussé-je  fait  fidèle  ? 

est  un  enthymème  où  est  sous-entendue  la  majeure  :  un 
amant  doit  être  beaucoup  plus  aimé  fidèle  qu'inconstant. 
De  même  :  on  pend  les  déserteurs,  tu  seras  donc  pendu, 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.  —  XV. 


—  1169  —  ENTÉROTOMIE  —  ENTIER 

est  un  enthymème  où  est  sous-entendue  la  mineure  :  tu 
es  un  déserteur.  G.  F. 

II.  Rhétorique.  —  L'enthymème  ou  syllogisme  tronqué 
(V.  ci-dessus)  est  d'un  grand  usage  dans  le  discours. 
Aristote  l'appelle  le  syllogisme  de  l'orateur.  Port-Royal 
fait  observer  que  cette  abréviation  du  discours  le  rend 
plus  fort  et  plus  vif.  Il  va  de  soi  que  le  vers  de  la  Médée 
d'Ovide  : 

Servare  potui,  perderc  an  possim  rogas 
perdrait  toute  sa  valeur  à  être  énoncé  en  un  syllo- 
gisme régulier.  L'orateur  ne  conserve  cette  dernière 
forme  que  pour  les  raisonnements  sur  des  matières  diflTi- 
ciles.  L'enthymème  se  présente  tantôt  nu  et  sans  amplifi- 
cation, comme  lorsque  Bourdaloue  dit  :  «  L'homme  dans 
la  pénitence  fait  l'office  de  Dieu  se  jugeant  lui-même  ;  il  doit 
donc  se  juger  dans  sa  rigueur  »  (Sermon  sur  la  pénitence). 
Tantôt  il  est  développé  dans  l'une  de  ses  propositions,  sinon 
dans  les  deux  à  la  fois.  Il  est  évident  que  le  conséquent 
peut  être  énoncé  avant  l'antécédent.  Quelquefois  on  ren- 
ferme les  deux  propositions  dans  une  seule  ;  c'est  ce  qu' Aris- 
tote appelle  une  sentence  enthymématique  {Rhét,,  II,  21). 
Exemple  :  mortel,  ne  garde  pas  une  haine  immortelle.  Pour 
s'assurer  si  ces  raisonnements  sont  réellement  concluants, 
il  faut  reproduire  la  proposition  supprimée  et  soumettre 
ensuite  l'argument  aux  règles  du  syllogisme.      A.  W. 

ENTICK  (John),  érudit  anglais,  né  vers  1703,  mort  en 
1773.  Il  enseigna  longtemps  les  belles-lettres  et  a  laissé 
des  dictionnaires  latins  et  anglais  et  une  grammaire  an- 
glaise, conçus  d'après  un  plan  nouveau.  On  lui  doit  en 
outre  une  édition  de  Phèdre,  une  histoire  navale  (1757), 
et  The  Présent  State  of  the  British  Empire^  qui  ne  fut 
publié  qu'après  sa  mort  (1774,  4  vol.).  Il  collabora  très 
activement  au  journal  antiministériel  The  Monitor,  de 
Shebbeare  et  Jonathan  Scott,  et  s'attira,  par  ses  articles, 
une  visite  de  police,  qu'il  dénonça  comme  illégale  aux  tri- 
bunaux et  pour  laquelle  il  obtint  une  indemnité  de  300  liv. 
sterl.  (1765).  B.-H.  G. 

ENTIER  (Arith.).  On  appelle  nombres  entiers  ceux  qui 
servent  à  désigner  les  quantités  résultant  de  l'addition 
d'unités  (V.  Nombre). 

Polynômes  entiers  ou  fonctions  entières.  : —  On  appelle 
polynômes  entiers  en  x  ou  fonctions  entières  de  x  les 
expressions  de  la  forme 

Œq  +  a^x  -h  a^x"^  -I-. . .  +  a^x"^ 
dans  lesquelles  Uq,  a^,  «^,...  sont  des  termes  indépendants 
de  ^  ;  un  polynôme  peut  être  entier  par  rapport  à  plusieurs 
lettres  ou  quantités  x,  y,  z.,.  ;  les  quantités  x,  y,  z  en 
question  sont  les  variables  du  polynôme.  Dans  chaque 
terme  d'un  polynôme  on  distingue  deux  facteurs  :  l'un 
contient  les  variables,  c'est  Vargument;  l'autre  en  est 
indépendant,  c'est  le  coefficient.  Le  degré  d'un  terme  est  n 
quand  la  somme  des  exposants  des  variables  dans  ce 
terme  est  n  ;  le  degré  d'un  polynôme  entier  est  le  degré  de 
celui  de  ses  termes  qui  a  le  plus  grand  degré.  Les  poly- 
nômes entiers  ou  fonctions  entières  jouissent  de  propriétés 
remarquables  dont  nous  allons  seulement  énoncer  les  plus 
importantes. 

Lorsqu'un  polynôme  entier  en  x  n'a  pas  tous  ses  coeffi- 
cients nuls,  on  peut  toujours  trouver  une  valeur  de  x  telle 
que  le  polynôme  prenne  une  valeur  diff'érente  de  zéro  ;  par 
suite,  un  polynôme  identiquement  nul,  c.-à-d.  nul  quelle 
que  soit  sa  variable,  a  ses  coefficients  nuls.  —  Un  poly- 
nôme entier  en  x,  y,  z,..,  nul  identiquement,  c.-à-d. 
nul  quels  que  soient  x^  y,z^...^  a  tous  ses  coefficients 
nuls.  Deux  polynômes  identiquement  égaux,  c.-à-d.  égaux 
quelles  que  soient  les  valeurs  attribuées  aux  variables,  ont 
les  mêmes  coefficients.  —  Un  polynôme  entier  en  x  s'an- 
nule pour  autant  de  valeurs,  au  plus,  de  x  qu'il  y  a 
d'unités  dans  son  degré  ;  il  n'est  infini  que  pour  les  valeurs 
infinies  de  ^  ;  il  reste  fini  continu  et  bien  déterminé  pour 
toutes  les  valeurs  finies  de  ^  ;  sa  dérivée  est  d'ailleurs  un 
autre  polynôme  entier  et,  par  suite,  le  polynôme  entier 

74 


ENTIER  -  ENTITÉ 


—  1170  — 


est  une  fonction  monogène.  —  Réciproquement,  toute 
fonction  monogène  et  bien  déterminée,  qui  ne  devient 
infinie  que  pour  des  valeurs  infinies  de  sa  variable  sans 
avoir  ce  qu'on  appelle  des  points  essentiels,  est  un  poly- 
nôme entier.  —  On  peut  dire  que  le  but  de  l'algèbre  pro- 
prement dite  est  en  quelque  sorte  l'étude  des  polynômes 
entiers.  Pour  l'étude  des  polynômes  entiers,  nous  renver- 
rons le  lecteur  à  tous  les  traités  d'algèbre. 

Racines  entières.  —  Lorsqu'une  équation  algébrique  a 
des  racines  commensurables,  on  peut  toujours  lui  faire 
subir  une  transformation  telle  que  ces  racines  commensu- 
rables soient  remplacées  par  des  racines  entières,  et  Ton 
trouve  ces  dernières  comme  nous  allons  l'expliquer.  Lorsque 
l'on  veut  trouver  les  racines  d'une  équation  algébrique,  il 
faut,  en  définitive,  supposer  ses  coefficients  commensu- 
rables, c.-à-d.  fractionnaires  et,  par  suite,  entiers,  si, 
pour  la  commodité  du  calcul,  on  fait  évanouir  les  dénomi- 
nateurs. En  général,  l'équation  à  résoudre  étant  ainsi  pré- 
parée, le  coetficient  de  la  plushaute  puissance  de  l'inconnue  .a; 
est  différent  de  l'unité  ;  soit 

(1)  A^o"^  -^  k,x^'-^  +  ...  +  A,,,  =  0, 

une  équation  à  coefficients  entiers  Ay,  A^   ...;   posons 

x=:  -^;  cette  équation  deviendra 

ce  que  l'on  peut  écrire  en  multipliant  par  Ao^'    ^ 

(2)  2/^  +  k,y  +  ...  +  A^Ao^-^  =  0. 

Cette  équation  (2)  a  pour  racines  les  racines  de  (i)  mul- 
tipliées par  Ao;  j'ajoute  qu'elle  n'a  plus  de  racines  frac- 
tionnaires, en  sorte  que  la  recherche  des  racines  commen- 
surables de  (1)  est  ramenée  à  la  recherche  des  racines 
entières  de  (2).  On  démontre,  en  effet,  qu'une  équation 
algébrique  à  coefficients  entiers,  dans  laquelle  le  coefficient 
de  la  plus  haute  puissance  de  l'inconnue  est  1 ,  ne  saurait 
avoir  de  racines  fractionnaires.  ,        .       , 

Pour  trouver  les  racines  entières  d'une  équation  à 
coefficients  entiers,  telle  que 

(3)  ^"^4-Airr^-^+A2.c^---i-...+A,^=:0, 

on  cherche  les  racines  entières  parmi  les  diviseurs  du  der- 
nier terme  A^,  en  écartant  les  diviseurs  plus  grands  que 
les  limites  supérieures  des  racines  bien  entendu;  pour 
essayer  si  a  diviseur  de  A,^  est  racine,  on  divise  le  pre- 
mier membre  de  l'équation  a  —  x  m  ordonnant  le  quo- 
tient suivant  les  puissances  croissantes  de  ci;  ;  si  la  division 
se  fait  exactement,  a  est  racine  ;  le  quotient  devant  avoir 
des  coefficients  entiers,  on  rejette  la  racine  essayée  a  dès 
que  l'on  rencontre  un  coefficient  fractionnaire.  On  diminue 
beaucoup  le  nombre  des  essais  à  faire  en  faisant  l'appli- 
cation du  théorème  suivant  :  soit  F(^)  le  premier  membre 
de  l'équation  (3),  pour  que  a  soit  racine  entière  de 
Y(a)z=z(},  il  faut  que  F(l)  soit  un  nombre  divisible  par 
a  —  i  et  que  F  (—  1)  soit  divisible  par  a  +  1.  Ce 
théorème  porte  le  nom  de  règle  d'exclusion. 

Séries  ENTIÈRES.  — On  appelle  quelquefois  séries  entières 
celles  dont  les  différents  termes  sont  des  polynômes  entiers  ; 
les  fonctions  qu'elles  représentent  dans  les  domaines  dans 
lesquels  elles  convergent  sont  dites  entières  dans  ces 
domaines.  H-  Laurent. 

ENTlERCEiVlENT.  Acte  judiciaire  par  lequel  celui  qui 
trouvait  une  chose  dont  il  se  prétendait  propriétaire  en  la 
possession  d'un  autre  la  saisissait  ou  la  faisait  saisir  et 
arrêter  pour  la  séquestrer  en  main  tierce.  Cet  usage  re- 
monte aux  plus  anciennes  coutumes  germaniques  et  se 
rattache  d'une  façon  générale  à  la  saisie  privée  du  droit 
primitif.  Suivant  les  diverses  époques  de  notre  histoire, 
Fentiercement  prépara  la  poursuite  délictuelle,  les  actions 
de  nature  douteuse  de  chose  adnée  ou  emblée,  la  revendi- 
cation des  meubles  corporels,  car,  par  sa  nature  même,  il 
ne  s'applique  qu'à  ce  genre  de  biens.  Il  persista  dans  quel- 
ques coutumes  jusqu'à  la  fin  de  Fancien  régime,  notamment 


dans  les  coutumes  d'Orléans,  art.  454  et  suiv.  et  du  Du- 
nois,  art.  93.  Dans  quelques  lois  barbares,  le  défendeur 
sur  qui  se  faisait  Fentiercement  était  constitué  séquestre 
de  la  chose  et  devait  la  garder,  sans  pouvoir  en  disposer, 
et  la  produire  en  justice  au  jour  du  procès  :  à  cet  effet,  le 
demandeur  la  marquait  d'un  signe,  sorte  de  scellé  rudi- 
mentaire.  Il  en  fut  de  même  au  moyen  âge  dans  certaines 
coutumes.  Mais,  dans  celle  d'Orléans,  en  principe,  la  justice 
se  constituait  séquestre  ou  nommait  un  tiers.  Ce  n'était 
que  sur  l'opposition  du  défendeur,  solvable  ou  offrant  une 
caution  sérieuse,  que  la  main-levée  de  Fentiercement  était 
accordée.  L'entiercé  reprenait  la  chose,  mais  sans  pouvoir 
en  disposer  et  avec  l'obligation  de  la  représenter  à  toute 
réquisition.  L'entiercement  s'opérait  par  ministère  d'huis- 
sier avec  autorité  de  justice  si  la  chose  était  dans  une  pro- 
priété privée  (Orléans,  art.  443),  sur  la  seule  initiative  de 
l'entierceur  si  la  chose  «  était  vue  à  l'œil  »,  c.-à-d.  était 
sur  un  chemin  public  ou  sur  un  marché.  A  l'insu  du  pro- 
cès sur  le  fond,  l'entiercement  cessait,  et  la  chose  deyait 
être  restituée  à  celui  qui  en  avait  été  reconnu  propriétaire. 

J.  Declareuil. 

ENTIÈRE  (Math.)  (V.  Entier). 

ENTI  FA.  Grande  tribu  berbère  du  Maroc,  généralement 
soumise  à  l'autorité  du  sultan,  à  123  kil.  N.-N.-E.  de 
Merràkech.  Les  Entifa  sont  arabisants  ;  ils  habitent  un  des 
derniers  chaînons  du  moyen  Atlas,  succession  de  plateaux 
à  côtes  douces  et  d'un  sol  sablonneux.  Leur  territoire  est 
bien  arrosé  et  assez  cultivé  ;  il  s'étend  de  Foum  Djoumâa 
ou  Djoumàa-Entifa  jusqu'aux  environs  de  la  ville  de 
Demnat.  Djoumàa-Entifa  est  une  localité  de  1,300  hab. 
dont  200  Israélites;  des  jardins,  vraie  forêt  d'oliviers, 
l'entourent;  il  s'y  fait  un  commerce  actif  avec  Bezzou  et 
Demnat  et  aussi  avec  les  tribus  du  Sud,  car  le  district 
d'Entifa  sert  de  passage  stratégique  vers  Tizi  n'Mouïnil 
par  le  grand  Atlas,  point  de  contact  par  le  Dadès  avec 
l'extrême  Sud  marocain.  La  juridiction  du  gouverneur  des 
Entifa  est  limitée  au  N.  par  les  Srarna  et  Fouad  el  Abid, 
à  FE.  par  Fouad  el  Abid  et  les  Ait  Messat,  au  S.  par  les 
Ait  bou  Ougemmez  et  les  Ait  bou  Ououlh,  à  FO.  par  la  pro- 
vince de  Demnat  et  les  Srarna  ;  elle  comprend  outre  les 
Entifa,  Bezzou,  localité  de  2,000  hab.,  au  N.  les  Ait  Abbes 
et  les  Ait  bou  Harazen,  au  S.-E.  On  compte  environ  cent 
dix  familles  juives  chez  les  Entifa.  A  trois  heures  de  mar- 
che en  amont  du  confluent  de  Fouad  el  Abid  avec  Foum 
er  Rebia-  se  trouve  le  gué  de  Bou  Aqba  célèbre  par  la 
bataille  qui  s'y  livra.  L'ouad  el  Abid  forme  la  limite  entre  les 
Entifa  et  les  Béni  Mousa.     H.-P.-M.  de  La  Martinïère. 

ENTIMUS  (Entom.).  Genre  de  Coléoptères-Rliynco- 
phores,  de  la  famille  des  Curculionides  et  du  groupe 
des  Entimides  dont  les 
représentants,  tous  de 
grande  taille,  sont  re- 
marquables par  leur  ros- 
tre très  court,  épais,  in- 
fléchi, par  le  prothorax 
beaucoup  plus  étroit  que 
les  élytres,  qui  sont  très 
développées  aux  épaules, 
puis  rétrécies  en  arrière. 
VE.  imper ialis  L.,  que 
nous  figurons,  est  un 
très  bel  insecte ,  long 
de  23  à  28  millim., 
d'un  noir  bleuâtre  et 
recouvert  presque  par- 
tout d'écaillés  d'un  beau 
vert  métallique  doré , 
placées  dans  des  points 
enfoncés.  On  le  trouve  communément  à  la  Guyane  et  au 
Brésil.  Ecl-  Lef. 

ENTITÉ.  On  appelle  entité  un  élément  abstrait  de  la 
substance  composée.  Ainsi,  par  exemple,  la  force  considé- 
rée seule,  en  dehors  de  l'être  qui  est  le  sujet  de  Fénergie, 


Entimus  imperiaUs  L. 


—  1171  - 


ENTITE  -  ENTOMOLOGIE 


est  une  entité.  C'est  ce  que  les  anciens  philosophes  appe- 
laient un  être  de  raison,  ens  rationis.  C'est  un  être,  car 
la  force  n'est  pas  rien  ;  elle  est  quelque  chose  ;  mais  cet 
être  n'existe  séparé  que  dans  la  représentation  rationnelle, 
car  la  force  n'existe  pas  sans  quelque  chose  qui  soit  fort. 
Les  philosophes  du  moyen  âge  qui  professaient  une  philo- 
sophie de  la  qualité  (V.  ce  mot)  et  tâchaient  de  tout  expli- 
quer par  des  analyses  idéales  faisaient  un  grand  usage  des 
entités.  La  matière  et  la  forme  étaient  les  deux  premières 
par  lesquelles  ils  expliquaient  tous  les  êtres  matériels.  Puis 
venaient  les  propriétés  (V.  ce  mot)  de  la  substance,  qui 
devenaient  des  facultés  (V.  ce  mot)  dans  les  animaux  su- 
périeurs et  dans  l'homme.  On  leur  a  beaucoup  reproché 
cette  façon  de  procéder.  On  les  a  accusés  de  réaliser  des 
abstractions.  Peut-être  n'a-t-on  pas  assez  réfléchi  qu'une 
philosophie  de  la  qualité  ne  saurait  se  servir  dans  l'expli- 
cation d'une  procédure  différente,  et  que  ce  n'est  point 
réaliser  une  abstraction  que  de  reconnaître  la  réalité  dis- 
tincte d'un  élément  qualitatif  composant,  tout  ,en  procla- 
mant que  cet  élément  ne  saurait  exister  seul  et  séparé. 
Distinction  n'est  point  séparation.  Ainsi  dans  un  corps  la 
masse  est  incontestablement  distincte  de  la  composition 
chimique;  l'une  est  aussi  réelle  que  l'autre.  Cependant 
Técole  de  Duns  Scot,  plus  tard  les  nominalistes  et  les  sco- 
lastiques  du  xv®  siècle,  ont  évidemment  abusé  des  entités. 
Dès  qu'ils  avaient  une  explication  à  donner,  ils  transfor- 
maient en  cause  le  phénomène  à  expliquer  en  lui  accolant 
le  suffixe  ité.  C'est  ainsi  qu'ils  méritèrent  qu'on  leur  attri- 
buât la  dormitivité  de  l'opium,  etc.     G.  Fonsegrive. 

ENTLEBUCH.  Vallée  de  la  Suisse,  cant.  de  Lucerne, 
arrosée  par  la  petite  Emme,  couverte  de  belles  prairies 
et  bordée  de  montagnes  boisées  parmi  lesquelles  on 
remarque  le  Napf,  point  de  vue  bien  connu.  Les  habitants 
se  distinguent  par  leur  amour  de  l'indépendance.  Bien  que 
dotés  de  nombreux  privilèges,  ils  se  révoltèrent  à  plusieurs 
reprises  contre  Lucerne.  L'Entlebuch  fut  le  foyer  de  la 
guerre  des  paysans  en  Suisse  au  xvii®  siècle. 

ENTO D I N I U  M  (Zool.).  Genre  d'Infusoires,  de  l'ordre  des 
Péritriches,  établi  par  Stein  pour  des  parasites  de  la  panse 
des  Ruminants  ;  rangé  d'abord  dans  la  famille  des  Ophryo- 
scolécides,  des  travaux  récents  semblent  avoir  montré  qu'il 
est  plus  voisin  des  Spirochonines,  division  de  la  famille 
des  Vorticellides.  Ces  animaux  ne  sont  pas  fixés  ;  leur 
forme  est  ovale,  plus  ou  moins  aplatie;  leur  cuticule  est 
résistante  ;  l'ouverture  buccale  et  le  péristome  ressemblent 
à  ceux  des  Ophryoscolex  ;  l'anus  est  à  l'extrémité  posté- 
rieure ;  il  n'existe  pas  de  ceinture  de  cils  ;  l'endoplaste  est 
rubané;  la  vésicule  contractile  est  double  d'ordinaire,  l'une 
située  en  avant,  l'autre  en  arrière.  Trois  espèces,  les 
E,  bursa  et  caudatum  Stein  et  E.  minimum  Schuberg. 
Ce  dernier  auteur  a  créé  le  genre  Diplodinium  avec  VE. 
dentatum  de  Stein,  qui  possède  une  ceinture  de  cils 
(V.,  au  sujet  de  ces  intéressants  parasites,  les  mémoires 
de  Schuberg,  dans  Zool.  Jahrb.,  1888).  R.  Moniez. 

ENTOILAGE  (Peint.).  Opération  consistant  à  coller  sur 
une  toile  un  plan,  un  dessin,  une  carte,  pour  lui  donner 
plus  de  solidité  et  prévenir  les  déchirures.  Les  dessins  et 
cartons  des  maîtres,  conservés  dans  les  musées,  sont  presque 
tous  entoilés,  dès  qu'ils  atteignent  une  certaine  dimen- 
sion. Les  plans  des  architectes,  des  constructeurs  de  ma- 
chines, etc.,  le  sont  également  (V.  Rentoilage).     Ad.  T. 

ENTOMO  ou  SOYA  ou  SAUYA  MISAKL  Cap  au  N. 
de  l'île  de  Yeso,  province  de  Kitami,  séparé  du  cap  Notoro 
(Sakhalin)  par  le  détroit  de  La  Pérouse.  Soya,  qui  donne 
son  nom  au  cap,  n'est  qu'un  village  de  pêcheurs  de  700  hab. 

ENTOMOLOGIE.  Dans  son  acception  la  plus  étendue, 
le  mot  entomologie  s'applique  à  cette  partie  de  la  Zoologie 
qui  a  pour  objet  l'étude  des  Insectes,  des  Myriopodes,  des 
Arachnides  et  des  Crustacés,  c.-à-d.  des  animaux  com- 
posant l'embranchement  des  Arthropodes  et  que  Linné 
réunissait  sous  la  dénomination  à'hisecta.  Mais,  depuis 
longtemps  déjà,  l'étude  des  Arachnides  est  devenue 
V  arachnologie ,  celle  des  Crustacés  a  reçu  le  nom  de  car- 


cinologie,  de  sorte  qu'aujourd'hui  l'entomologie  a  spécia- 
lement pour  objet  l'étude  des  Insectes  proprement  dits,  à 
laquelle  on  rattache,  par  extension,  celle  des  Myriopodes. 
Ainsi  circonscrite,  l'entomologie  constitue  encore  une 
branche  très  importante  de  Thistoire  naturelle.  Contraire- 
ment à  l'opinion  trop  généralement  répandue,  elle  n'est  pas 
une  science  frivole  et  propre  seulement  à  satisfaire  une 
vaine  curiosité,  mais  bien  une  science  réellement  utile, 
digne  des  recherches  des  savants,  des  méditations  des  phi- 
losophes et  de  l'attention  des  esprits  les  plus  sérieux,  soit 
qu'ils  l'étudient  au  point  de  vue  purement  théorique,  soit 
qu'ils  la  considèrent  dans  ses  rapports  avec  les  arts  indus- 
triels, la  médecine,  l'agriculture,  la  sylviculture  et  l'éco- 
nomie domestique. 

Le  but  que  se  propose  l'entomologie  purement  théorique 
est  de  connaître  non  seulement  les  noms  des  Insectes,  leur 
classification,  leur  organisation  intérieure  et  extérieure,  leur 
distribution  géographique,  mais  encore  leurs  mœurs,  leurs 
instincts  et  le  rôle  que  chacun  d'eux  est  appelé  à  jouer  dans 
la  nature.  Ce  rôle,  plus  ou  moins  caché  ou  obscur,  souvent 
très  important,  est  toujours  réel,  bien  que  parfois  il  nous 
échappe.  C'est  ainsi  que  les  uns  hâtent  la  décomposition  des 
substances  végétales  et  les  transforment  en  un  terreau 
fécond  ;  les  autres  font  disparaître  les  excréments,  les  ma- 
tières animales  en  putréfaction  et  les  cadavres  des  animaux  ; 
ceux-ci  empêchent  la  trop  grande  multiplication  de  tel  ou 
tel  végétal  et  sa  prédominance  sur  les  autres  ;  ceux-là  com- 
battent à  leur  tour  le  trop  grand  nombre  des  premiers,  afin 
qu'ils  ne  puissent  faire  disparaître  complètement  l'espèce  à 
laquelle  ils  s'attaquent.  Admirable  harmonie,  qui  a  motivé 
cette  exclamation  enthousiaste  de  Linné,  devenue  l'épigraphe 
de  la  Société  entomologique  de  France  :  ISatura  maxime 
miranda  in  minimis  ! 

Quand  on  songe  au  nombre  prodigieux  d'Insectes  répan- 
dus sur  la  surface  du  globe,  on  a  peine  à  comprendre  com- 
ment on  a  pu  parvenir  à  connaître  dans  leurs  caractères, 
dans  leurs  habitudes,  dans  leurs  métamorphoses,  dans  leur 
organisation,  tous  ces  êtres,  dont  la  plupart  ont  des  dimen- 
sions fort  exiguës.  Aujourd'hui,  cependant,  on  est  bien 
avancé  à  cet  égard.  Mais,  pour  arriver  à  ce  résultat,  il  a 
fallu  une  longue  suite  de  siècles  et  la  coopération  d'une  foule 
d'hommes  éminents  en  même  temps  que  d'aptitudes  diverses. 
Dès  l'antiquité  la  plus  reculée,  les  mœurs  et  l'organisa- 
tion de  certains  Insectes  avaient  frappé  l'imagination  de 
quelques  contemplateurs  de  la  nature.  VExode  nous 
apprend,  en  effet,  que  le  Seigneur  fit  des  Sauterelles 
(Acridiens)  une  des  plus  terribles  plaies  infligées  à  l'Egypte. 
Moïse  paraît  même  avoir  distingué  des  genres  très  voisins 
les  uns  des  autres,  comme  les  Gryllons,  les  Locustes,  les 
Truxales,  etc.  D'autre  part,  on  a  retrouvé,  peints  ou 
sculptés  sur  les  monuments  de  l'antique  Egypte,  des  Sca- 
rabées, des  Abeilles,  des  Sphex,  sans  parler  de  quelques 
Arachnides  et  Crustacés.  Il  y  a  également  de  très  anciennes 
observations  des  Chinois  sur  les  insectes.  Mais  ce  fut  seu- 
lement avec  Aristote  que  l'entomologie  commença  à  prendre 
une  forme  déterminée.  Pour  cet  illustre  naturaliste,  les 
Insectes  faisaient  partie  des  ilwima/m  exsanguia  minora 
et  du  groupe  des  Entoma,  mot  que  les  Latins  ont  traduit 
littéralement  par^ celui  à'insecta.  Il  reconnaît,  en  outre, 
les  principaux  ordres,  en  séparant  les  Coléoptères,  à  four- 
reaux alaires  cornés,  les  Orthoptères  sauteurs,  les  Hémip- 
tères, les  Papillons  ou  Psychœ,  les  Insectes  à  quatre  et  à 
deux  ailes  membraneuses,  les  Insectes  à  la  fois  ailés  et 
aptères  comme  les  Fourmis  et  les  Lampyres,  enfin  ceux 
complètement  dépourvus  d'ailes.  C'est  ce  qui  ressort 
d'ailleurs  du  tableau  de  la  page  suivante,  étabU  par  Kirby 
et  Spence,  d'après  les  indications  éparses  dans  son  His- 
toire des  Animaux  (lib.  I,  IV,  V,  YIII  et  IX). 

Comme  on  le  voit,  les  notions  entomologiques  d'Aristote, 
quoique  mélangées  d'erreurs,  étaient  déjà  assez  étendues, 
au  moins  en  ce  qui  concerne  l'organisation  externe  des 
Insectes.  Quant  à  leur  organisation  interne  et  à  leur  mode 
de  production,  il  n'en  connaissait  que  fort  peu  de  chose, 


ENTOMOLOGIE 


—  1172  — 


Pterota 
vel 
I  Ptilota 


Coleoptera. 

Pedetica  {Orthoptères  sauteurs). 
Astomata  [Hémiptères). 
Psychœ  (Lépidoptères). 

(  l  Névroptères. 

\  majora..]  Orthoptères 
Tetraptera.<  (        coureurs. 

/  opisthocentra   {Hymeno- 
,  .  [       ptères). 

Insecta.<  |  /  minora  (Mouches,  Tipules). 

Diptera.j  emprosthocentra  {Cousins, 
(        Stomoxes,  Taons). 
Pterota'  simul  \  Myrmex  {Fourmis). 
et  Aptera.      (  Pygolampis  {Lampyres). 

pour  ainsi  dire  presque  rien,  car,  imbu  de  cette  grave 
erreur  de  l'antiquité,  celle  de  la  génération  spontanée,  il 
faisait  naître  les  Insectes  du  bois,  des  feuilles,  de  la  boue 
ou  bien  du  fumier,  des  excréments  des  animaux,  quelques- 
uns  même  de  la  rosée  et  de  la  neige  ancienne.  Seuls,  les 
Phalanges,  les  Araignées,  les  Criquets  et  les  Cigales  pro- 
venaient d'animaux  semblables  à  eux.  Et  pourtant  l'illustre 
précepteur  d'Alexandre  n'ignorait  pas  que  les  Insectes 
s'accouplent;  mais  il  regardait  cet  accouplement  tantôt 
comme  n'étant  suivi  d'aucun  résultat,  tantôt  comme  don- 
nant naissance  à  des  vers  qui  ne  produisent  rien,  quoiqu'il 
dise,  d'autre  part,  que  tous  les  Insectes  naissent  de  vers. 
A'partir  d'Aristote,  jusque  vers  le  milieu  du  xvii^  siècle, 
l'entomologie  ne  fit  pour  ainsi  dire  aucun  progrès.  Dans  l'en- 
thousiasme qu'avait  inspiré  ce  grand  homme,  les  savants,  se 
figurant  que  tout  était  contenu  dans  ses  écrits,  se  bornèrent 
à  y  étudier  la  nature  en  la  négligeant  elle-même.  Cepen- 
dant, il  convient  de  mentionner  certains  auteurs,  comme 
Isidore  de  Séville,  évêque  d'Hispana,  qui,  au  vii«  siècle, 
composa  un  traité  de  VOrigine  et  de,^  étymologies  des 
choses,  et  Albert  le  Grand  qui,  au  xiii«  siècle,  consacra  un 
des  volumes  de  son  œuvre  à  l'histoire  naturelle.  Plus  tard, 
nous  trouvons  Conrad  Gesner  (1516-58),  dont  l'ouvrage 
intitulé  Insectorum  sive  minorum  animalium  thea- 
trwm,  publié  soixante-seize  ans  après  sa  mort  par  Théodore 
de  Mayerne,  l'un  des  médecins  de  la  cour  de  Charles  P%  n'est 
remarquable  qu'en  ce  qu'il  a  été  le  premier  travail  consacre 
exclusivement  aux  Insectes;  puis  Ulysse  Aldrovandi,  noble 
de  Bologne,  dont  les  écrits  ont  puissamment  contribué  à 
propager  le  goût  de  l'entomologie  et  à  augmenter  par  con- 
séquent le   nombre  des  entomologistes.   Cet  -infatigable 
compilateur  avait  notamment  établi  la  classification  sui- 
vante, que  nous  ne  reproduisons  qu'à  titre  de  curiosité  et 
parce  qu'elle  a  été  suivie  pendant  assez  longtemps  : 
I.   INSECTA   TERRESTRIA. 
*  Pedestria. 
a.  Anelytra. 
4-  Alas  membranaceas  habentia. 
Favifica  :  Apis. 
Alee  farinosœ  :  Papilio. 
4-4-2  Alas  habentia  :  Musca,  Tabanus,  Culex. 

h.  Obtecta. 
Coleoptera  ;  Gryllus,  Scarabseus,  Cantharis,  Buprestis, 
Blatta. 

c.  Aptera. 
Pedes  6  :  Ricinus,  Cimex,  Formica. 
Pedes  8  :  Scorpio,  Aranea. 
Multipeda  :  Eruca,  Geometra. 
Miilipeda  :  Oniscus,  Scolopendra,  Julus. 

**  Apoda. 
Vermes,  Teredo,  Lumbricus,  Limax. 

II.   INSECTA  AQUATICA. 
Peds^ta,  :  Tipula,  Tinea,  Pulex.  . 

Apoda  :  Vermis,  Hippocampus,  Uva  marina,  btella  ma- 
rina, Nereis,  Asterias. 

D'ailleurs,  à  cette  époque,  les  idées  émises  par  Aristote 
et  ses  disciples  concernant  la  génération  spontanée  étaient 
admises  sans  contestation  et  rien  n'était  plus  capable 
d'écarter  les  observateurs,  d'empêcher  toute  étude  sérieuse 
des  Insectes.  L'illustre  Harvey,  le  premier,  ébranla  ces 
idées  en  posant  comme  axiome  que  tout  ce  qui  vivait  pro- 
venait d'un  œuf  :  Omne  vivum  ex  ovo.  Toutefois,  la 
preuve  directe  manquait  pour  les  Insectes.  Francesco  Redi, 
célèbre  médecin  d'Arezzo,  la  donna  en  1668.  Il  démontra, 
d'une  part,  que  la  chair  en  putréfaction,  toujours  envahie 
par  des  vers  pendant  la  saison  chaude  si  elle  est  exposée 


à  l'air  libre,  est  constamment  à  l'abri  de  toute  atteinte  de 
ces  animaux  si  elle  est  conservée  dans  des  vases  clos  ; 
d'autre  part,  que  ces  vers,  ayant  atteint  toute  leur  crois- 
sance, se  changent  en  pupes  d'où  sortent  de  grosses  mouches 
bleues,  vertes  ou  noires,  avec  des  rayures  blanches;  enfin 
que  ces  mêmes  mouches  déposent  leurs  œufs  sur  la  viande 
et  que  de  ces  œufs  naissent  des  vers  ou,  pour  parler  exac- 
tement, des  larves  absolument  semblables  aux  premières. 
C'est  à  la  suite  des  expériences  de  Redi  et  de  celles  publiées 
une  année  après  par  Swammerdam  que  disparurent  enfin 
de  la  science  les  idées  émises  par  Aristote  concernant  la 
génération  spontanée. 

A  la  même  époque,  c.-à-d.  vers  1669,  parut  à  Londres 
le  beau  travail  de  Marcello  Malpighi  sur  le  Bombyx  du 
mûrier.  Dans  cet  ouvrage,  le  premier  qui  ait  été  publie 
sur  l'anatomie  interne  des  Insectes,  Malpighi  décrivit  et 
représenta  les  difi'érents  appareils  organiques  de  la  Chenille 
et  du  Papillon.  Non  seulement  il  reconnut  la  disposition 
des  principaux  centres  nerveux,  les  particularités  essen- 
tielles de  l'appareil  alimentaire  et  les  formes  des  organes 
de  la  reproduction,  mais  encore  il  découvrit  le  vaisseau 
dorsal  qu'il  considéra  avec  raison  comme  un  organe  respi- 
ratoire et  qu'il  désigna  sous  le  nom  de  cœur.  D'un  seul 
coup  la  science  avait  fait  un  grand  pas;  elle  en  fit  un  bien 
plus  grand  encore  à  la  suite  des  admirables  travaux  de 
Swammerdam.  Né  en  1637  à  Amsterdam,  où  il  mourut 
en  1680  dans  l'isolement  et  presque  ignoré,  Jean  Swam- 
merdam doit  être  considéré  comme  le  véritable  créateur  de 
l'anatomie  entomologique.  Il  étudia  d'une  manière  toute 
spéciale  non  seulement  l'organisation  interne  des  Insectes, 
mais  encore  leurs  métamorphoses  et  leurs   mœurs.    Le 
premier  ouvrage  qu'il  publia  fut  une  Histoire  générale 
des  Insectes  (Ùtrecht,  1669),  dans  laquelle  il  s'attacha  a 
démontrer,  par  de  nombreux  exemples,  combien  étaient 
fausses  les  idées  admises  relativement  aux  transformations 
de  ces  animaux.   Puis  parut  en  1675  son  Histoire^  de 
l'Ephémère,  où  il  décrivit  en  détail  les  transformations 
que  subit  cet  Insecte  sous  ses  différents  états  de  larve  et 
d'adulte.  Ces  deux  ouvrages  sont  les  seuls  qui  virent  le 
jour  de  son  vivant.  A  sa  mort,  ses  nombreux  manuscrits 
et  les  magnifiques  dessins  qu'il  avait  exécutés  à  1  appui 
passèrent,  en  France,  entre  les  mains  du  célèbre  voyageur 
Jean  Thévenot;  celui-ci  les  légua  à  son  tour  à  Joseph  Du- 
vernoy,  alors  professeur   d'anatomie   au  Jardin   royal. 
L'illustre  Boerhaave  les  racheta  en  1729  et,  après  |es  avoir 
mis  en  ordre,   les  publia,  à  ses  frais,  de  1737  a  173», 
sous  le  titre  de  Biblia  naturœ,  avec  une  traduction  latme 
en  regard  du  texte  hollandais  faite  par  Gaubius,  protes- 
seur  à  Leyde.  Cet  admirable  ouvrage,  formé  de  deux  vo- 
lumes in-folio  et  accompagné  de  cinquante-trois  planches 
supérieurement  gravées  sur  cuivre,  est  encore  indispensable 
aujourd'hui  à  quiconque  veut  connaître  l'anatomie  des 
Insectes.  Il  renferme  en  outre  une  ébauche  de  classification, 
remarquable  en  ce  sens  que  la  considération  des  métamor- 
phoses s'y  trouve  combinée  avec  les  caractères  tires  des 
Insectes  parfaits.  Parmi  les  Insectes  qui  ne  subissent  pas 
de  métamorphoses  et  qui  changent  simplement  de  peau  en 
conservant  pendant  toute  leur  vie  la  forme  qu'ils  avaient  en 
sortant  de  l'œuf,  Swammerdam  range  les  Araignées,  la  Iique, 
le  Cloporte,  la  Scolopendre,  etc. ,  et  donne  en  particulier  une 
histoire  très  détaillée  de  la  structure  et  de  l'organisation 
des  Poux.  Dans  un  second  ordre,  comprenant  les  Insectes 
asiles  sous  leurs  trois  états  de  larve,  de  nymphe  et  d  adulte, 
il  place  ceux  qu'on  a  nommés  depuis  Névroptères,  Ortho- 
ptères et  Hémiptères;  c'est  là  que  se  trouvent  décrites  no- 
tamment les  métamorphoses  de  la  Demoiselle  et  de  la  iNepe 
ou  Scorpion  d'eau.  Dans  son  troisième  ordre  sont  ranges, 
d'une  part  les  Hyménoptères  et  les  Coléoptères,  dont  les 
nymphes,  quoique  munies  de  membres,  restent  immobiles; 
il  donna,  pour  exemples,  l'organisation  et  les  métamor- 
phoses de  la  Fourmi,  de  l'Abeille,  du  Scarabée  nasicorne 
(Oryctes  nasicornis  L.)  ;  d'autre  part,  les  Insectes  a 
chrysalides  emmaillotées,  et  à  cette  occasion  il  décrit  en 


-  1173 


ENTOMOLOGIE 


détail  Torganisation  et  les  métamorphoses  de  plusieurs 
Papillons,  notamment  de  la  Petite  Tortue  (Vanessa  ur- 
ticœ  L.)  et  de  la  Piéride  du  chou.  Enfin,  dans  son  qua- 
trième ordre  sont  rangés  les  Insectes  à  chrysalide  obtectée 
ou  semblable  à  un  œuf,  c.-à-d.  les  Diptères;  l'auteur  donne 
à  ce  sujet  l'histoire  d'un  Stratiotome  et  celle  de  la  Mouche 
du  fromage.  L'ouvrage  contient  en  outre  un  grand  nombre 
de  faits  nouveaux  pour  l'histoire  naturelle  en  général  et 
pour  l'anatomie  des  animaux. 


Un  autre  système  entomologique,  antérieur  pour  la  pu- 
bhcation  à  celui  de  Swammerdam,  mais  beaucoup  plus 
complexe,  était  fondé  également  sur  les  métamorphoses. 
Nous  voulons  parler  de  celui  de  John  Ray,  l'un  des  plus 
grands  naturalistes  que  l'Angleterre  ait  produits.  Voici  un 
abrégé  de  ce  système,  qui  a  paru  à  Londres  en  1705  et 
dont  les  divisions  primaires  (les  seules  que  nous  mention- 
nons) sont  partagées  en  un  grand  nombre  de  groupes  se- 
condaires, pour  la  plupart  peu  naturels  : 


Apoda. 


I.  Ametamor- 
phota. 


II. 

Metamorphota. 


(  terrestria j Annélides. 

•)  aquatica j  ^. 

,  ,  (  terrestria Diverses  larves. 

!  hexapoda j  aquatica Nymphons,  etc. 

\  octopoda Arachnides. 

Pedata <  quatuordecerBpoda Ecrevisses  et  Crabes. 

j  (  terrestria Myriapodes. 

f  polypoda aauatica  i  Annélides  et  Crustacés   Am- 

\^    -^  ^  (  aquatica |      phipodes  et  Isopodes. 

Larvis  et  pupis  immobilibus Orthoptères,  Hémiptères. 

{  Coleoptera Coléoptères. 

^.,.)  (  alis  farinaceis Lépidoptères. 

^  Pupa.mmobU.j  ^„,,y^,, j  ^,, „,,„,,,„,,,., j  bip<3nma-„v;;;:::  g»p,,,,, 

III.  Metamorphosi  simplici  e  vermiculo  )  yQiatici  interposita   aliqua  quiète Libellules. 

in  animalculum.  J 

jamais  décrits  d'une  manière  précise,  et  ce  défaut  de  pré- 
cision a  même  rendu  inutiles  un  certain  nombre  de  ces 
observations,  attendu  qu'on  ne  sait  plus  aujourd'hui  à 
quelles  espèces  elles  s'appliquent.  Quoi  qu'il  en  soit, 
l'œuvre  de  Réaumur  a  eu  pour  résultat,  et  ce  n'est  pas  là 
son  moindre  mérite,  d'avoir  rendu  l'entomologie  attrayante 
et  populaire. 

Ainsi  donc,  à  cette  époque,  les  notions  acquises  sur 
l'anatomie,  la  physiologie,  les  mœurs  et  les  métamorphoses 
des  Insectes  étaient  déjà  très  importantes.  Mais  leur  clas- 
sification était  encore  dans  l'enfance.  Ce  fut  Linné  qui 
posa  les  véritables  bases  de  cette  classification.  Dans  la 
première  ébauche  de  son  Systema  naturœ^  publiée  en 
Hollande  en  1735,  ce  grand  maître  de  la  science,  créateur 
à  la  fois  de  la  méthode  et  de  la  nomenclature  dans  toutes 
les  branches  de  l'histoire  naturelle,  fit  le  premier  usage  du 
caractère  primaire,  dont  il  ne  s'est  plus  départi  depuis, 
caractère  emprunté  aux  organes  du  vol  et  non  plus  aux 
métamorphoses,  comme  l'avaient  fait  Swammerdam,  Ray 
et  leurs  disciples.  Pour  la  première  fois  aussi  apparurent, 
dans  cet  ouvrage,  des  caractères  génériques  précis,  chose 
inconnue  jusqu'alors  en  zoologie.  Ce  premier  essai  était  et 
devait  nécessairement  être  imparfait.  Lyonnet,  l'immortel 
auteur  du  Traité  anatomique  de  la  Chenille  du  Saule 
(La  Haye,  1760),  en  a  fait  une  critique  fort  judicieuse 
dans  les  notes  qu'il  a  ajoutées  à  la  Théologie  des  Insectes, 
de  Lesser  (Leyde,  1742).  Mais  dans  chacune  des  éditions  du 
Systema  naturœ,  Linné  y  apporta  des  perfectionnements 
successifs  et,  dans  la  d2®  édition,  la  dernière  publiée  de 
son  vivant  (Stockholm,  1767),  il  divisa  finalement  les  In- 
sectes en  sept  ordres,  de  la  manière  suivante  : 

f  crustacées,    avec     la 

les         1      suture  droite Coleoptera. 

^supérieures]  demi -crustacées,  in- 

(      combentes Hemiptera. 

couvertes  d'écaillés r  Lepidoptera. 

membre- J  point  d'aiguillon Neuroptera. 

neuses  (  un  aiguillon Hymenoptera. 

des  balanciers  remplaçant  la  deu- 
xième paire Diptera. 

nulles Aptera. 

Cette  classification,  de  beaucoup  supérieure  à  tout  ce 
qui  avait  été  proposé  jusqu'alors,  fut  généralement  adoptée 
par  tous  les  naturalistes,  et  il  convient  de  remarquer  qu'à 
l'exception  des  Aptères,  dans  lesquels  étaient  compris,  non 
seulement  les  Insectes  privés  d'ailes,  mais  encore  les  My- 
riopodes,  les  Arachnides  et  les  Crustacés,  tous  les  ordres 
qui  y  sont  énumérés  subsistent  encore  aujourd'hui.  Si  l'on 
tient  compte,  en  outre,  des  définitions  claires  et  rigou- 
reuses données  à  chaque  groupe,  de  la  substitution  des 
noms  générique  et  spécifique  aux  longues  phrases  des- 


Dans  la  même  période,  l'entomologie  s'était  encore  enri- 
chie de  plusieurs  travaux  d'un  grand  intérêt.  Citons 
notamment  l'ouvrage  sur  les  Araignées,  publié  par  Martm 
Lister  en  1678;  les  métamorphoses  complètes  de  la  Puce 
de  l'homme,  décrites  en  1695  par  le  Hollandais  Antoine 
de  Leuwenhoeck,  dont  les  recherches  microscopiques  ont, 
en  outre,  dévoilé  l'organisation  des  parties  les  plus  déli- 
cates de  quelques  Insectes;  les  observations  d'Antonio 
Vallisneri  sur  les  métamorphoses  et  le  développement  des 
Insectes,  ouvrage  paru  à  Venise  en  1700  et  dans  lequel 
sont  décrites  beaucoup  d'espèces  qui  n'avaient  pas  encore 
été  observées  ;  enfin  le  beau  livre  de  Marie  Sybille  de 
Mérian  sur  les  métamorphoses  des  Insectes  de  Surinam, 
publié  en  1705.  Mais,  quelles  que  soient  la  valeur  et  l'im- 
portance de  ces  travaux,  ils  ne  peuvent  être  comparés  à 
l'œuvre  de  Swammerdam. 

Depuis  ce  moment,  jusqu'en  1734,  il  ne  fut  publié  aucun 
ouvrage  qui  ait  exercé  une  grande  influence  sur  la  marche 
de  la  science.  Toutefois,  pendant  cette  période,  l'entomo- 
lode  se  popularisa  jusqu'à  un  certain  point  et  beaucoup  d'au- 
teurs, notamment  Derham  (1720),  Petiver  (1702-17H), 
Hans  Sloane  (1707-1725),  Eléazar  Albin  (1720),  firent 
connaître  leurs  observations  particulières  ou  bien  figurèrent 
nombre  d'Insectes,  tant  indigènes  qu'exotiques,  souvent 
même  avec  un  grand  luxe  de  gravures. 

C'est  alors  que  parut,  en  1734,  le  premier  volume  d'un 
vaste  ouvrage  qui,  sous  le  titre  modeste  de  Mémoires  pour 
servir  à  r  histoire  des  Insectes,  devait  contribuer  d'une 
manière  éclatante  au  progrès  de  la  science  entomologique. 
L'auteur  de  cet  ouvrage  était  Ferchault  de  Réaumur,  Tun 
des  savants  les  plus  distingués  et  l'un  des  premiers  physi- 
ciens de  son  temps.  Le  nombre  d'observations  contenues  dans 
ses  Mémoires  est  immense  et  suffirait  pour  illustrer  plu- 
sieurs entomologistes.  Personne  n'a  montré  plus  de  sagacité 
dans  l'art  de  disposer  ses  expériences,  plus  de  patience  pour 
les  suivre  jusque  dans  leurs  dernières  conséquences,  plus 
d'exactitude  dans  la  narration  des  faits  recueillis.  En  un  mot, 
l'œuvre  de  Réaumur  est  un  chef-d'œuvre  et,  comme  l'a  dit 
avec  raison  M.  le  prof.  E.  Blanchard,  «  on  se  demanderait 
comment  ce  chef-d'œuvre,  où  tant  de  pages  sont  consacrées 
à  la  narration  des  phénomènes  les  plus  curieux  de  la  vie  des 
animaux,  n'est  pas  connu  de  tout  le  monde,  comment  de 
telles  pages  n'ont  pas  acquis  la  popularité  des  descriptions 
de  Buffon,  si  l'explication  n'était  facile.  Dominé  par  le 
désir  de  tout  rapporter  avec  une  extrême  exactitude  et  de 
n'omettre  aucun  détail,  l'auteur  des  Mémoires  sur  les 
Insectes  est  lent  dans  son  récit,  et  cette  lenteur  ne  fait  pas 
toujours  rayonner  la  clarté.  »  D'un  autre  côté,  il  était  peu 
pénétré  des  avantages  de  la  méthode.  Les  animaux  dont 
il  trace  l'histoire  avec  tant  de  fidélité  ne  sont  presque 


ENTOMOLOGIE 

criptives  jusque 


—  H74  — 


à  en  usage,  de  la  concision  et  de  la 
netteté  du  style,  on  comprendra  facilement  combien  a  été 
immense  l'influence  de  Linné  sur  la  marche  de  la  science. 
Pendant  que  ce  grand  législateur  de  la  zoologie  et  de  la 
botanique  procédait  si  heureusement  aux  réformes  systé- 
matiques, un  grand  nombre  d'auteurs  publiaient  d'impor- 
tants ouvrages  qui  ont  puissamment  contribué  au  progrès 
de  l'entomoiogie.  Parmi  ces  auteurs,  il  convient  de  men- 
tionner surtout  :  le  philosophe  Charles  Bonnet,  de  Genève, 
célèbre  par  ses  nombreuses  expériences  sur  la  respiration 
des  Chenilles  et  ses  belles  découvertes  sur  le  mode  de 
reproduction   des  Pucerons    (Paris,   n45);   Rœsel   de 
Rosenhof,  peintre  en  miniature,  dont  le  grand  ouvrage 
(Die  monatlich  herausgegeben  Insekten  Belustigung  ; 
Nuremberg,  1746-1761)  est  enrichi  de  nombreuses  plan- 
ches parfaitement  exécutées  et  coloriées  ;  Jacob  l'Admirai, 
auteur  des  Observations  curieuses  sur  les  métamor- 
phoses de  beaucoup  d'Insectes  (Amsterdam,  1740-1762); 
Scopoli,  prof,  à  Pavie,  dont  VEntomologia  carniolica 
(Vindobonse,  1763)  renferme  une  étude  spéciale  très  im- 
portante sur  l'organisation  de  la  bouche  des  Diptères  ; 
Geoffroy,  surnommé  à  juste  titre  le  Linné  français,  à  qui 
Ton  doit  d'avoir  fait  usage,  le  premier,  du  nombre  des 
articles  des  tarses  pour  diviser  les  Coléoptères  en  familles. 
Son  Histoire  abrégée  des  Insectes  des  environs  de 
Paris  (Paris,  1762-1764)  est  une  des  premières  faunes 
entomologiques  locales  qui  aient  été  publiées;  mais  il  eut 
le  grand  tort,  dans  la  partie  descriptive,  de  s'écarter  de 
la  nomenclature  linnéenne,  reculant  ainsi  la  date  de  ses 
noms  nouveaux  jusqu'à  Fourcroy,  son  traducteur  en  1785; 
Thrane  Brunnich,  dont  VEntomologia,  sistens  Insec- 
torum  tabulas  systematicas(^'àîm^,il^^),  est  accom- 
pagnée d'une  planche  représentant,  au  trait,  les  parties 
caractéristiques  des  Insectes  et  d'une  introduction  dans 
laquelle  se  trouve  une  classification  très  curieuse  des  ento- 
mologistes (Insectistœ);  Christian  Schseffer,  qui  a  publié, 
notamment,  un  recueil   iconographique  représentant  les 
insectes  des  environs  de  Rastibonne  (Regensburg,  1766- 
1779);  Jean-Baptiste  Schluga,  auteur  d'Eléments  d^ento- 
mologie  (Primœ  lineœ  cognitionis  Insectorum;  Vienne, 
1767),  dans  lesquels  on  remarque  beaucoup  d'ordre  et 
de  précision  ;  enfin,  le  baron  Charles  de  Geer,  maréchal 
de  la  cour  de  la  reine  de  Suède,  qui  avait  conçu  l'ambition 
d'être  le  continuateur  de  Réaumur.  Dans  ses  nombreux 
mémoires,  écrits  en  langue  française  et  publiés  de  1732  à 
1778,  de  Geer  adopta,  en  effet,  dans  ses  recherches,  la 
forme  et  le  plan  de  l'ouvrage  de  notre  illustre  compatriote. 
Il  eut,  sur  lui,  le  mérite,  non  seulement  de  faire  connaître 
un  plus  grand  nombre  de  faits  relatifs  aux  mœurs  et  aux 
métamorphoses  des  Insectes,  mais  encore  de  nommer  et  de 


I  Vaginata. , 

Diptera  

Saltatoria.... 

Aptera./  Gressoria.. . . 


décrire  plus  exactement  les  espèces  qui  avaient  été  Tobjet 
de  ses  observations.  Il  avait,  en  outre,  imaginé  une  classi- 
fication des  Insectes,  de  beaucoup  inférieure,  il  est  vrai, 
à  celle  de  Linné,  mais  remarquable  en  ce  sens  que,  pour 
la  première  fois,  les  parties  de  la  bouche  étaient  prises  en 
considération  et  qu'elle  est,  pour  ainsi  dire,  intermédiaire 
entre  le  système  de  Linné  et  celui  proposé,  un  peu  plus 
tard,  par  Fabricius.  Voici  cette  classification  telle  qu'elle 
a  été  exposée  par  Retzius,  en  1783  : 

1.  Lepidoptera. 

2.  Elinguia  {Ephémères, 
Phryganes). 

Gymnoptera./    3.  Neuroptera. 

4.  Hymenoptera. 

5.  Si'phonata  {Pucerons  et  Ci- 
gales). 

6.  Dermaptera  {Punaises  ter- 
/              /                          V  restres  et  aquatiques). 
/Alata  .  ]  vaerinata ^    7.  Hemiptera  {Blattes  et  Sau- 
terelles). 

8.  Coleoptera. 

9.  Halterata  {Diptères). 

10.  Proboscidea  {Cochenilles). 

11.  Suctoria  {Puces). 

12.  Aucenata  {Lépismes.,  Po- 
dures,  Termites,  Poux- 
Ricins). 

13.  Atrachelia  {Araignées  et 
Crabes). 

14.  Crustacea  {Isopodes,  Am- 
phipodes,  Myriopodes). 

Mais,  si  de  Geer  avait  ajouté  aux  caractères  tirés  des 
métamorphoses  et  de  la  nature  des  organes  du  vol  d'autres 
caractères  tirés  des  parties  de  la  bouche,  il  ne  l'avait  fait 
que  d'une  manière  secondaire  et  sans  paraître  y  attacher 
une  grande  importance.  Jean-Christian  Fabricius,  profes- 
seur à  Kiel,  et  un  des  élèves  les  plus  distingués  de  Linné, 
conçut  au  contraire  l'idée  d'étabhr  un  système  exclusive- 
ment basé  sur  la  disposition  des  pièces  buccales.  La  pre- 
mière ébauche  de  ce  système  parut,  en  1775,  dans  son 
Systema  entomologiœ^  sistens  Insectorum  classes.,  etc. 
Elle  dénotait  une  observation  plus  précise,  plus  approfondie 
des  caractères.  Les  ordres,  seulement  au  nombre  de  huit, 
étaient  désignés  sous  le  nom  de  classes,  et  les  dénomi- 
nations établies  par  Linné  étaient  remplacées  par  d'autres 
dénominations  exprimant  les  modifications  que  présentent 
les  organes  buccaux.  Cet  essai  fut  accueilli  peu  favora- 
blement, d'abord  parce  qu'il  renversait  le  système  de 
Linné,  dont  l'influence  était  alors  à  son  apogée,  ensuite 
parce  qu'il  présentait  de  trop  grandes  difficultés  d'appli- 
cation, surtout  pour  les  commençants,  étant  donnée  la 
petitesse,  parfois  microscopique,  des  parties  à  observer. 
Fabricius  lui  fit  subir  de  nombreux  changements  dans  ses 
divers  ouvrages  et,  finalement,  dans  le  supplément  qu'il 
publia  en  1798,  il  établit  la  classification  suivante  : 


I. 
II. 

III. 

IV. 

V. 

VI. 

VII. 

VIII. 


IX. 
X. 

XI. 

XII. 
XIII. 


Eleutherata.  —  Mâchoires  nues,  libres,  palpigères 

Ulonata.  —  Mâchoires  couvertes  par  une  galète  (ou  lobe)  obtuse 

Synistata.  —  Mâchoires  soudées  à  leur  base  et  soudées  avec  la  lèvre 

PiEZATA.  —  Mâchoires  cornées,  comprimées,  souvent  allongées 

Odonata.  —  Mâchoires  cornées,  dentées,  munies  de  deux  palpes 

MiTOSATA.  —  Mâchoires  cornées,  voûtées,  non  palpigères 

Ugonata.  —  Mâchoires  cornées,  armées  d'un  crochet .•••/•■ 

POLYGONATA.  —  Six  palpcs  dans  la  plupart;  mâchoires  nombreuses,  situées 
en  dedans  de  la  lèvre 

Kleistognatha.  —  Mâchoires  nombreuses,  situées  en  dehors  de  la  lèvre  et  fer- 
mant la  bouche 

ExocHNATA.  —  Mâchoires  nombreuses,  situées  en  dehors  de  la  lèvre  et  couvertes 
par  les  palpes • •  •  •  • 

Glossata.  —  Bouche  munie  d'une  langue  spirale  située  entre  des  palpes 
redressés •.•*'* 

Rhyngota.  —  Bouche  formée  par  un  rostre  à  gaine  articulée 

Antliata.  '  —  Bouche  formée  par  un  suçoir  sans  articulation 


Coléoptères . 
Orthoptères. 
Névroptères  (moins  les  Libellules)., 

Termites  et  Thysanoures. 
Hyménoptères. 
Libellules. 
Myriopodes . 
Arachnides  pulmonaires. 

Crustacés  (Isopodes  et  Branchio- 
podesj. 

Crustacés  (Décapodes-brachyures) 

Crustacés  {Dêcapodes-macrures). 

Lépidoptères. 
Hémiptères,  Puces. 
Diptères.,  Acariens^  Poux.,  Arach- 
nides trachéennes,  etc. 


Ainsi  établie,  cette  classification  offrait  moins  de  certi- 
tude que  la  méthode  de  Linné.  Des  rapprochements  peu 
naturels  étaient  effectués,  et  les  véritables  Insectes  étaient 
séparés  en  deux  séries,  les  broyeurs  et  les  lécheurs,  puis 
les  suceurs,  et  entre  ces  deux  séries  se  trouvaient  inter- 
calés les  Myriopodes,  les  Crustacés,  les  Arachnides.  Il  en 


résulte  que  le  système  de  Fabricius  n'a  pas  résisté  à 
l'épreuve  du  temps  et  que  les  noms  imposés  aux  divers 
ordres  par  Linné  ont  prévalu  sur  les  siens.  Quoi  qu'il  en 
soit,  ce  célèbre  auteur  a  rendu  un  immense  service  à  l'en- 
tomologie, et  le  nombre  considérable  de  genres  qu'il  a  créés 
ont  tous  été  adoptés. 


—  1175 


ENTOMOLOGIE 


Après  Fabricius,  plusieurs  savants,  notamment  lUiger, 
en  Allemagne  (Kœfer  Preussens;  Halle,  1798),  Olivier, 
en  France  (Entomologie  ou  Histoire  naturelle  des 
Insectes;  Paris,  1789-1808),  et  Clairville,  *en  Suisse, 
essayèrent  de  combiner  son  système  avec  celui  de  Linné, 


Bouche  munie 
d'organes  masticateurs 

Bouche 
munie  d'un  suçoir 


I. 


en  conservant  les  noms  des  ordres  de  ce  dernier.  De  ces 
tentatives,  la  plus  importante  est  celle  de  ClairviUe,  que 
nous  reproduisons  ci-dessous  telle  qu'elle  a  été  établie  dans 
son  Entomologie  helvétique  (Zurich,  1798-1806). 
Du  reste,  a  dit  Lacordaire  (Introduction  à  VEntomO' 

..    INSECTES    AILÉS   (Pterophora). 

, .,  ,^  .  (  cornées 1.  Elytroptera  (Coléoptères). 

Ailes  antérieures i  coriaces  2.  Deraiopiera  (Orthoptères). 

{  réticulées 3.  DycLioptera  (Névroptères). 

Ailes  à  nervures rameuses    4.  P/iZe&opfera  (Hyménoptères). 

'  Des  ailes  et  des  balanciers 5.  Halteriptera  (Diptères). 

*,  Ailes. couvertes  d'écaillés 6.  Lepidoptem.        ,„ .     •   . ._„^ 

Ailes  à  structure  variée 7.  Hemimeroptera  (Hémiptères). 

H.    INSECTES    SANS   AILES.  ^^       .         ^  .    . 

Des  organes  buccaux  suceurs  ^'  ^e'dTite^a  mTi^^^^^^^^^ 

Des  organes  buccaux  masticateurs ^-  i^eaoaunafd  [mynuyu       , 

définitivement  la  séparation  des  Crustacés  d'avec  les  Insectes, 
Latreille  fit  paraître,  dans  son  Gênera  Crustaceorum  et 
Insectorum  (Paris,  1806-1807),  une  deuxième  classifica- 
tion où  les  Insecta  de  Linné  se  trouvent  partagés  en  deux 
groupes  égaux  :  les  Crustacés  et  les  Insectes,  et  ces  der- 
niers divisés  ainsi  qu'il  suit  en  légions,  ordres  et  familles  : 
I.  Aptères  (Point  de  métamorphoses). 
Légions.  Ordres.  Familles. 

I  Asellotes. 
'  Cloportides. 

Aranéides. 
I  Pédipalpes. 

Scorpionides. 

Phalangiens. 
,  Pycnogonides. 


logie,  II,  p.  655),  un  mouvement  extraordinaire,  qui  n'a 
fait  que  s'accroître  depuis,  régnait  à  cette  époque  dans  les 
sciences  naturelles.  Une  foule  de  sociétés  savantes,  unique- 
ment occupées  de  leurs  progrès,  couvraient  TEurope.  Les 
recueils  consacrés  exclusivement  à  l'entomologie  étaient  en 
particulier  très  nombreux.  Les  faunes  locales  surtout  se 
multipliaient.  D'autres  auteurs,  au  contraire,  s'occupaient 
de  tous  les  Insectes  sans  exception  ou  au  moins  d'un  ordre 
spécial.  L'un  des  premiers  ouvrages  et  l'un  des  plus  remar- 
quables à  cet  égard  est  celui  de  Denis  et  Schiffermiiller  sur 
les  Lépidoptères  des  environs  de  Vienne  (1776)  ;  le  grand 
nombre  de  Chenilles  qui  y  sont  décrites  et  classées  a  plus 
avancé  la  lépidoptérologie  que  tout  ce  qu'on  avait  fait  jus- 
qu'alors. Les  grands  recueils  iconographiques  d'Engramelle 
et  Ernst  (1779-1793),  d'Esper  (1777-1798)  pour  les  Pa- 
pillons d'Europe,  ceux  de  Cramer  (1779-1782),  de  Stoll 
(1791),  de  Smith  et  Abbot  (1797)  sur  les  Papillons  exo- 
tiques le  suivirent  de  près.  D'un  autre  côté,  Herbst  (1783- 
1795)  et  Olivier  (1789-1808)  sont  les  principaux  auteurs  de 
cette  époque  pour  les  Coléoptères,  comme  Stoll  (1788)  l'est 
pour  les  Hémiptères  et  les  Orthoptères  exotiques.  Enfin, 
presque  toutes  les  contrées  de  l'Europe  eurent  leurs  faunes 
ou  leurs  catalogues  entomologiques.  Ainsi,  Panzer  (1792- 
1809)  décrivait  les  Insectes  de  l'Allemagne  en  général  ; 
Illiger  et  Kugellan  (1798),  ceux  de  la  Prusse  ;  Schrank, 
ceux  de  l'Autriche  ;  Preyssler  (1779),  ceux  de  la  Bohême  ; 
Thunberg  (1784-1795)  et  Paykull  (1778-1800),  ceux  de 
Suède  ;  Cederhielm  (1798),  ceux  de  l'Ingrie  ;  Fuessly 
(1775),  ceux  de  Suisse  ;Laicharting  (1781-1784),  ceux 
du  Tirol  ;  Cyrillo  (1787),  ceux  de  Naples  ;  Petagna  (1787), 
ceux  de  la  Calabre  ;  Rossi  (1790-1794),  ceux  de  l'Italie 
supérieure  ;  Pallas  (1781-1782),  ceux  de  la  Russie  et  de 
la  Sibérie  ;  enfin,  Donovan  (1792),  ceux  de  l'Angleterre. 
Tel  était  l'état  de  la  science  en  ce  qui  concerne  la  clas- 
sification et  la  connaissance  des  Insectes,  quand  notre 
illustre  Latreille  fit  paraître  en  1796  son  Précis  des  carac- 
tères génériques  des  Insectes,  Cet  ouvrage,  dans  lequel 
étaient  appliqués  pour  la  première  fois  à  ces  animaux  les 
principes  de  la  méthode  naturelle  mis  en  pratique  par 
A.  Laurent  de  Jussieu  pour  la  botanique,  contenait  en  germe 
une  révolution  aussi  grande  en  entomologie  que  celle  qui 
avait  été  opérée  peu  de  temps  auparavant  par  l'œuvre  de 
Fabricius.  Ce  premier  essai  se  rapprochait  encore  beau- 
coup du  système  de  Linné,  en  ce  sens  que  les  Arachnides, 
les  Myriopodes  et  les  Crustacés  se  trouvaient  toujours 
compris  parmi  les  Insectes  ;  mais  l'ordre  des  Orthoptères 
était  ajouté  à  ceux  de  l'illustre  Suédois,  et  son  ordre  des 
Aptera,  dont  Fabricius  avait  déjà,  d'ailleurs,  opéré  la 
suppression,  était  divisé  en  sept  ordres  nouveaux  de  la 
manière  suivante  : 

1.  Suceurs Puces. 

2.  Thysanoures...   Lépismes  et  Podures. 

3.  Parasites Poux,  avec  les  Ricins  de  de  Geer. 

4.  Acéphales Araignées,  Scorpions  et  Acariens. 

5.  Entomostracés.  Cypris,  Daphnies. 

6.  Crustacés Kleistognathes  et  Exochnates  de  Fa- 

bricius. 

7.  Myriopodes Scolopendres,  Iules,  Cloportes,  etc. 

Dix  ans  plus  tard,  après  que  l'illustre  Lamark  eut  opéré 


Tétracères.. 
Myriopodes. 


(  Chilognathes. 
(  Syngnathes. 


Acères  . 


^    ,,      ,.    .  {  Thysanoures. 

Apterodicères |  Parasites. 

II.  Ailés  (Des  métamorphoses). 

Coléoptères. 

Orthoptères. 

Hémiptères. 
„,,,..  )  Névroptères. 

Ptérodiceres <  Hyménoptères. 

Lépidoptères. 

Diptères. 

Suceurs  (genre  Puce), 

Bien  qu'elle  fût  de  beaucoup  supérieure  à  toutes  celles 
qui  l'avaient  précédée,  cette  classification  contenait  encore 
certaines  imperfections.  Aussi  Latreille  s'attacha-t-il,  par 
la  suite,  à  la  remanier  dans  ses  divisions  primaires 
et  secondaires,  en  la  modifiant  soit  d'après  ses  propres 
observations,  soit  d'après  celles  des  autres  entomologistes. 
C'est  ainsi  qu'il  adopta,  en  1810,  la  classe  des  Arachnides 
proposée  par  Lamark  dès  1801  ;  en  1819,  la  classe  des 
Myriopodes  et  l'ordre  des  Dermaptères  créés  par  Leach 
en  Angleterre;  enfin,  l'ordre  des  Strepsiptères  que  Kirby 
avait  fondé  pour  des  Insectes  très  singuliers  (genres  S ^?//o;?s 
et  Xenos),  qui  vivent  en  parasites  sur  les  Hyménoptères.  Il 
en  résulte  que  finalement,  dans  la  dernière  méthode  qu'il 
publia  en  1832,  un  an  à  peine  avant  sa  mort,  les  Articulés 
de  G.  Cuvier,  désignés  par  lui  sous  le  nom  de  Condylopes, 
sont  divisés  de  la  manière  indiquée  dans  le  tableau  de  la 
pafi^e  suivante. 

Cette  classification  a  subi,  parla  suite,  des  changements 
notables  que  nous  ferons  connaître  au  mot  Insectes,  mais 
c'est  de  son  apparition  que  date  la  méthode  naturelle  en 
entomologie. 

Après  que  Fabricius,  puis  Latreille,  se  furent  appHqués 
à  donner  le  signalement  exact  de  toutes  les  espèces  d'In- 
sectes qu'ils  pouvaient  connaître  et  à  imposer  à  ces  espèces 
une  nomenclature  fixe  et  précise,  les  collections  se  multi- 
plièrent et  il  y  eut  un  grand  zèle  de  la  part  des  collection- 
neurs pour  décrire  les  espèces  nouvelles.  De  plus,  les 
recherches  toujours  constantes  sur  l'anatomie,  la  physio- 
logie, les  métamorphoses,  enrichirent  la  science  d'un  grand 
nombre  de  faits  du  plus  haut  intérêt.  Enfin,  les  voyages 
s'étant  multipliés  dans  toutes  les  parties  du  monde,  beau- 
coup de  ces  voyages  ayant  été  effectués  dans  le  seul  but  de 


ENTOMOLOGIE  —  ENTONISCUS 


—  1176  — 


I.  Apiropodes.  —  Condylopes  ayant  plus  de  six  pattes. 
Classe  1,  Crustacés.  —  Classe  2,  Arachnides.  —  Classe  3,  Myriopodes. 

II.  Hexapodes.  —  Condylopes  ayant  six  pattes. 
Classe  4,  Insectes. 

iT^  .   .  j         , ,             ,            (  Des  mandibules 1. 

Point  de  métamorphoses.  I  u^e  trompe 2. 

Des  métamorphoses  complètes 3. 

Les  supérieures     [                   /  Elytres  cornées.  —  Métamorphoses  complètes 4. 

recouvrant         \  Insectes   )  Elytres  cornées.  —  Métamorphoses  incomplètes 5. 

les  inférieures      <  broyeurs.  ) 

^  comme  un  fourreau  i                    \  Elytres  coriaces.  —  Métamorphoses  incomplètes 6. 

(Elytroptèves) .     \  Insectes  suceurs. 7. 

/                         (  Organes  buccaux  j  Ailes  réticulées 8. 

Quatre  ailes.]         broyeurs.         \  Ailes  à  nervures  rameuses 9. 

(  Organes  buccaux  suceurs 10. 

r  T^  -1         \  Des  appendices  mobiles  au  prothorax 11. 

Deux  ailes.  .D^gi^^ï^^^^i^^g ^ 12. 


Ailes.  ,; 


Semblables 
(Gymnoptères)  .\ 


thysa.noures. 
Parasites. 

SiPHONAPTÈRES. 

Coléoptères. 
Dermaptères 
(Forficules) . 
Orthoptères. 
Hémiptères, 
névroptères. 
Hyménoptères, 
lépidoptères. 
Strepsiptères. 
Diptères. 


recueillir  des  objets  d'histoire  naturelle,  les  collections 
des  musées  d'Europe  et  même  les  collections  spéciales  de 
certains  amateurs  prirent  d'immenses  proportions.  Tout 
cet  ensemble  de  circonstances  amena  la  publication  d'un 
nombre  si  considérable  d'ouvrages  ou  de  mémoires  qu'il 
faudrait  un  volume  entier  pour  les  mentionner,  dût-on  se 
borner  aux  plus  importants.  Au  premier  rang,  cependant, 
brillent  ceux  des  Illiger,  Gyllenhall,  Scœnherr,  Hubner, 
Duftschmidt,  Gravenhorst,  François  et  Pierre  Huber  (les 
célèbres  historiens  des  Abeilles  et  des  Fourmis),  G.  Cuvier, 
Savigny,  Moriz  Herold,  Victor  Audouin,  Milne  Edwards, 
Carus,  qui  a  démontré  l'existence  de  la  circulation  du  sang 
chez  les  Insectes  ;  Léon  Dufour,  George  Newport,  Mac- 
Leay,  Newmann,  Niztsch,  Kirby  et  Spence,  Burmeister, 
Westwood,  Ratzeburgh,  Perris,  Fabre,  etc.,  etc.  En  un 
mot,  l'entomologie  est  devenue  de  nos  jours  une  science 
tellement  complexe  qu'il  est  impossible  à  un  seul  homme 
d'embrasser  cette  science  dans  toute  son  étendue,  de  se  li- 
vrer à  l'étude  complète  de  tout  l'ensemble  et  de  descendre 
dans  les  détails.  Au  train  dont  marchent  aujourd'hui  les  scru- 
tateurs passionnés  des  Insectes  des  deux  hémisphères,  il 
n'y  a  pas,  il  ne  peut  pas  y  avoir  un  entomologiste  dans 
l'acception  de  ce  nom.  Il  n'y  a  plus  que  des  spécialistes, 
tels  que  coléoptéristes,  hémiptéristes ,  hyménopté- 
ristes,  lépidoptéristes,  etc.  La  plupart  même  ne  s'oc- 
cupent que  de  l'étude  d'une  famille,  ce  qui  constitue  encore 
un  travail  long  et  minutieux.  Mais  chacun,  dans  ses  études 
limitées,  sonde  toutes  les  profondeurs  du  sujet  ;  il  en  ré- 
sulte des  monographies  précieuses,  et  ces  monographies 
contribuent  au  plus  haut  degré  à  faire  connaître  les  Insectes 
qui  peuplent  le  monde  et  à  permettre  de  désigner  ces  ani- 
maux d'une  manière  précise.  Par  suite,  le  nombre  des 
ouvrages  d'entomologie  est  tel  et  leur  publication  se  suc- 
cède si  rapidement  que  ces  mêmes  spéciaUstes  éprouvent 
les  plus  grandes  difficultés  pour  se  tenir  au  courant  de  la 
science.  Enfin,  ce  qui  témoigne  encore  plus  hautement  de 
la  marche  toujours  ascendante  de  l'entomologie,  ce  sont  les 
publications  périodiques  dont  elle  est  l'unique  objet,  les 
représentants  distingués  qu'elle  possède  dans  tous  les  corps 
savants  de  l'univers,  l'existence  de  nombreuses  sociétés 
exclusivement  consacrées  à  sa  culture.  Son  côté  pratique 
n'est  pas  non  plus  négligé  et,  à  cet  égard,  elle  mérite  les 
encouragements  du  gouvernement  ainsi  que  la  protection 
de  l'administration.  En  effet,  si  quelques  Insectes  seule- 
ment sont  utiles  à  la  médecine,  comme  les  Cantharides,  les 
Mylabres,  les  Méloés,  ou  bien  aux  arts  et  à  l'industrie,  comme 
les  Abeilles,  le  Ver  à  soie,  la  Cochenille,  le  Cynips  de  la 
galle  à  teinture,  etc.,  le  nombre  des  espèces  nuisibles  est 
absolument  prodigieux.  Il  convient  donc  de  rechercher,  sans 
relâche,  les  moyens  les  plus  aptes  à  combattre  ou,  du  moins, 
à  atténuer  les  dommages  souvent  si  considérables  qu'ils 
causent  à  l'agriculture,  à  l'horticulture,  à  la  sylviculture, 
à  l'économie  domestique.  Pour  arriver  à  ce  résultat,  il  faut 
nécessairement  avoir  une  connaissance  exacte  des  mœurs 
de  chaque  espèce,  et  c'est  à  cela  que  s'attachent  bon  nombre 
d'entomologistes.  Malheureusement,  le  champ  est  si  vaste 
qu'il  ne  sera  guère  possible,  avant  longtemps,  d'obtenir  ce 
résultat.  Toutefois,  nous  possédons  déjà  sur  la  matière  de 
précieux  travaux  et  il  est  à  désirer  qu'à  l'exemple  de  Ratz- 


burg  en  Allemagne,  un  entomologiste  français  les  réunisse 
bientôt,  afin  d'en  composer  un  ouvrage  simple,  pratique  et 
peu  coûteux,  qui  permette  aux  agriculteurs  de  reconnaître 
sûrement  les  espèces  nuisibles  et,  par  ses  illustrations, 
vienne  en  aide  même  aux  moins  instruits.  E.  Lefèvre. 
BiBL.  :  Gravenhorst,  Dissertatio  sistens  conspectum 
historiée  entomologiœ^  imprimis  systematum  entomologi- 
corum,  1801.  —  Spix,  Geschichte  und  Beurtheilung  aller 
System  in  der  Zoologie^  etc.  —  Latreille,  Cours  d'ento- 
mologie^ 1830.  —  Kirby  et  Spence,  Introduction  to  Ento- 
mology^  1822,  t.  IV.— Duméril,  Considérations  générales 
sur  les  Insectes,  1825.  —  Burmeister,  Handbuch  der  En- 
tomologie, 1832.  —  Eiselt,  Geschichte,  Systematik  und 
Litteratur  der  Insektenhunde,  1836.  —  Th.  Lacordaire, 
Introduction  à  l'Entomologie,  t.  H,  1838.  —  Jacquelin  Du- 
vAL,  Gênera  des  Coléoptères  d'Europe,  1857,  Introduction, 
p.  185.  —  E.  Blanchard,  Métamorphoses  des  Insectes, 
1877,  p.  17. 

ENTOMOPHILE  (Bot.)  (V.  Fécondation). 

ENTOMOPHTHORA  (Bot.).  Genre  de  Champignons,  de 
la  famille  des  Entomophthorées,  vivant  sur  les  animaux,  à 
thalle  rameux  uniquement  interne  poussant,  à  travers  la  peau 
des  larves,  d'une  part  des  branches  en  forme  des  crampons 
qui  fixent  le  cadavre  au  support,  de  l'autre  des  filaments 
aériens  qui  se  terminent  par  une  spore.  La  formation  des 
œufs  se  fait  par  anastomose  de  deux  tubes  voisins.  Les 
protoplasmes  combinés  s'entourent  d'une  membrane  qui 
s'épaissit,  puis  ils  passent  à  l'état  de  vie  latente.  On  n'a 
pas  encore  vu  la  germination  de  ces  œufs.  Il  se  produit 
aussi  dans  des  filaments  isolés  et  non  conjugués  des  agglo- 
mérations de  protoplasma  en  masses  sphériques  qui  bientôt 
ressemblent  à  des  œufs  et  rappellent  les  azygospores  des 
Mucorinées.  Ce  genre  est  très  voisin  du  genre  Empusa, 
mais  celui-ci  a  un  support  sporifère  uniquement  interne,  et 
les  œufs  n'y  ont  pas  même  été  observés.  H.  F. 

ENTOMOPHTHORÉES  (Bot.).  Famille  de  Champignons, 
de  l'ordre  des  Myxomycètes,  vivant  en  parasites  à  l'intérieur 
des  animaux  ou  des  végétaux,  à  spores  portées  à  l'extré-- 
mité  d'un  filament  simple  ou  ramifié  et  lancées  en  l'air  à 
la  maturité.  Zygospores  dans  quelques  espèces.  Les  Ento- 
mophthorées vivant  sur  les  animaux  sont  les  genres 
Empusa,  Entomophthora  et  Tarichium,  Les  autres, 
Coniobolus,  Basidiobolus,  Completoria  vivent  sur  les 
végétaux  ou  saprophytes.  H.  F. 

ENTOMOSTRACÉS.  I.  Zoologie.  —  Nom  donné  à  une 
vaste  série  de  Crustacés  opposée  à  celle  des  Malacostracés, 
diversement  comprise  par  les  auteurs  et  dans  laquelle 
nous  ferons  rentrer  les  ordres  des  Phyllopodes,  Ostra- 
codes,  Copépodes  et  Cirrhipèdes.  Ce  sont  pour  la 
plupart  des  animaux  de  petite  taille,  moins  élevés  en  or- 
ganisation que  les  Malacostracés,  mais  dont  les  caractères 
sont  excessivement  variables,  ce  qui  rend  impossible  l'exposé 
sommaire  des  attributs  de  la  série.  R.  Moniez. 

IL  Paléontologie.  —  Tous  les  groupes  des  Entomos- 
tracés  (sauf  les  Copépodes)  ont  laissé  des  restes  fossiles 
(V.  Cirrhipède,  Ostracode,  Phyllopode  et  Trilobite). 

ENTONISCUS  (ZooL).  Genre  de  Crustacés  Isopodes,  du 
groupe  des  Bopyriens,  créé  en  1862  par  Fritz  Mûller  ; 
type  d'une  petite  famille  qui  comprend,  en  outre,  les  genres 
Entione,  Grapsion,  Cancrion,  Portunion,  Priapion, 
et  au  total  une  quinzaine  d'espèces.  Ce  sont  de  fort  curieux 
parasites  qui  pénètrent  par  la  cavité  branchiale  dans  la 


—  1177  — 


ENTONÏSCUS  —  ENTORSE 


cavité  viscérale  des  Crustacés  brachyures,  où  l'on  trouve  le 
mâle  et  la  femelle  réunis.  Chez  les  Entoniscus,  la  femelle, 
qui  peut  atteindre  15  millim.  de  long,  a  le  corps  très  dé- 
formé par  le  parasitisme  :  la  tête  est  renflée  en  une  double 
sphère,  les  antennes  sont  transformées  en  lèvres  ;  l'appareil 
buccal  est  formé  d'un  labre,  d'un  hypostome  et  d'une  paire 
de  mandibules,  les  pattes-mâchoires  sont  lamelleuses  ;  les 
pattes  thoraciques  sont  rudimentaires;  les  pattes  abdominales 
lamelleuses  ou  en  forme  de  sabre  ;  une  chambre  incuba- 
trice,  très  vaste,  est  formée  des  cinq  paires  d'oostégites  ;  le 
mâle,  très  réduit,  se  trouve  toujours  sur  la  femelle,  en 
différents  points  du  corps  ;  fixé  par  les  griffes  de  ses  pattes 
thoraciques,  il  se  meut  très  difficilement  ;  sa  forme  géné- 
rale est  celle  d'un  Isopode  typique  ;  la  tète  a  deux  yeux 
rudimentaires,  les  antennes  externes  sont  atrophiées,  les 
internes  réduites  à  deux  bouquets  de  poils;  les  pattes- 
mâchoires  sont  rudimentaires;  les  testicules  débouchent 
au  septième  segment,  qui  est  apode  ;  il  n'existe  pas  de 
pattes  abdominales.  En  outre  de  ce  mâle  ordinaire,  on 
trouve  généralement,  en  les  recherchant  sur  la  femelle 
des  Entonisciens  avec  beaucoup  de  soin,  deux,  trois,  six 
ou  huit  autres  mâles  :  ils  sont  dispersés  dans  les  lamelles 
incubatrices  ou  dans  les  lamelles  pleurales  et  sont  à  peu 
près  invisibles  à  l'œil  nu  ;  ce  sont  les  mâles  complémen- 
taires, individus  qui,  au  stade  cryptoniscien,  avaient  ac- 
quis déjà  la  maturité  sexuelle  et  qui  conservent  cette  forme: 
leur  tète  porte  deux  yeux  très  différenciés,  les  antennes 
internes  sont  courtes,  les  externes  longues,  les  pattes- 
mâchoires  sont  rudimentaires  ;  il  existe  sept  paires  de 
pattes  thoraciques,  cinq  paires  de  pattes  abdominales,  bi- 
furquées  et  terminées  par  de  longs  poils  ;  le  pygidium  a 
deux  uropodes  bien  développés.  Les  Entoniscus  (s.  str.) 
vivent  sur  les  Porcellanes.  Ex.  :  E,  porcellance  Fr.  Millier, 
Brésil,  E,  Mûlleri Gd.  et  J.  Bonn.,  Concarneau.  R.  MoxMez. 

ENTONNOIR.  L  Archéologie.  —  Instrument  à  large 
orifice,  terminé  par  un  tuyau  étroit,  dont  on  se  sert  pour 
transvaser  le  vin  du  tonneau  dans  des  bouteilles.  Il  y  en  a 
également  qui  sont  destinés  à  remplir  les  tonneaux  du  vin 
sortant  de  la  cuve.  De  nos  jours,  l'entonnoir  est  en  fer-blanc  ; 
il  y  en  avait,  au  moyen  âge,  qui  étaient  en  cuir.  Les  dames 
élégantes  se  plaisaient  parfois  à  leur  donner  une  parure 
plus  luxueuse,  quand  elles  devaient  s'en  servir  pour  trans- 
vaser des  liqueurs  fines  ou  des  eaux  odorantes. 

Mines.  —  Excavation  en  forme  d'entonnoir  que  produit, 
dans  le  terrain  naturel,  l'explosion  d'un  fourneau  de  mine 
(V.  ce  mot)  à  l'endroit  où  cette  explosion  a  eu  lieu.  La 


base  de  l'entonnoir  à  la  surface  du  sol  est  généralement 
un  cercle  dont  le  rayon  CA  =  CB,  représenté  ordinaire- 
ment par  la  lettre  r,  s'appelle  le  rayon  de  Ventonnoir. 
Le  vide  réel,  qu'on  nomme  entonnoir  réel,  produit  par 
l'explosion,  serait  ABDHE,  si  les  terres  en  retombant  ne 
venaient  pas  en  partie  combler  ce  vide.  L'excavation  finale 
ACB  constitue  Ventonnoir  apparent,  ou  simplement  Ven- 
tonnoir, 

ENTOPTYCHUS  (Paléont.)  (V.  Geomys). 

ENTOPYLA  (Ehremberg,  1848)  (Bot.).  Genre  de  Diato- 
macées,  de  la  tribu  des  Achnanthées,  dont  les  frustules  sont 
stipités  et  réunis  en  chaînes  courtes.  Les  valves  sont  dis- 
semblables et  plus  ou  moins  arquées,  munies  de  zones 
formées  par  un  certain  nombre  d'anneaux  fortement  sou- 
dés les  uns  aux  autres.  La  valve  convexe  porte,  dans  toute 
sa  longueur,  des  côtes  interrompues  par  une  ligne  médiane 


privée  de  nodules.  La  valve  concave  porte  des  côtes  vers 
le  milieu  seulement,  et  ces  côtes  se  prolongent  sous  forme 
d'épaississement  siliceux  à  Tintérieur  des  premiers  anneaux. 
Les  espèces,  peu  nombreuses,  qui  constituent  ce  genre, 
sont  marines  et  se  rencontrent  sur  les  Algues,  dans  le  voi- 
sinage de  la  Nouvelle-Zélande.  P.  Petit. 

BiBL.  :  Ehremberg,  Bericht.  Berl  A/iad.,1848.  — W.  Ar- 
NOTT,  Quart.  Microsc.  Journal,  1858,  p.  89.  —  A.  Grunow, 
Verhand.  zool.-bot.  Gesellsch.  in  Wien,  1862,  p.  428. 

ENTORSE  (Pathol.).  On  appelle  entorse  l'ensemble  des 
phénomènes  que  des  mouvements  forcés  provoquent  dans 
une  jointure  (P.  Reclus).  L'entorse  résulte  d'une  contrac- 
tion musculaire  assez  énergique  ou  d'une  violence  exté- 
rieure assez  puissante  pour  distendre  ou  déchirer  les 
Ugaments,  mais  trop  faible  pour  empêcher  les  extrémités 
osseuses  de  reprendre  leurs  rapports  normaux.  Vidal  de 
Cassis  disait  qu'il  y  a  eu  «  luxation  temporaire  ». 

Siège.  L'entorse  atteint  de  préférence  les  jointures 
serrées,  à  surfaces  étroitement  maintenues  par  des  liga- 
ments courts  et  résistants  :  coude,  poignet,  genou,  pied. 
Dans  les  articulations  dont  la  capsule  prête  à  des  mouve- 
ments étendus  {enarthroses),  comme  l'épaule,  la  hanche,  on 
l'observe  peu  ou  point  du  tout.  Dans  une  étude  inédite  que 
nous  avons  faite  sur  la  vulnérabilité  du  soldat  en  temps  de 
paix,  basée  sur  le  dépouillement  de  1,700  lésions  obser- 
vées pendant  dix  ans  dans  trente-cinq  régiments  ou  unités 
tactiques,  nous  avons  relevé  208  entorses  ou  diastasis.  Ces 
traumatismes  sévères  se  classent  ainsi  suivant  leur  siège  : 
entorse  de  la  colonne  cervicale,  1  ;  du  poignet,  18  ;  du 
genou,  26;  tibio- tarsienne,  144;  médio-tarsienne,  12; 
diastasis  tibio-tarsien,  6. 

Causes.  Comme  causes  prédisposantes,  il  faut  citer  les 
entorses  antérieures,  qui  rendent  moins  solides  les  moyens 
d'union  de  la  jointure.  Les  adultes  surtout  sont  sujets  à  ces 
lésions,  car,  chez  les  enfants,  les  capsules  articulaires, 
leurs  ligaments,  sont  flexibles,  élastiques,  et  résistent  sans 
rupture  à  des  tractions  énergiques  et  à  des  mouvements 
exagérés.  Sur  les  208  entorses  relevées  ci-dessus,  121 
avaient  eu  pour  facteur  le  saut  des  pistes  ;  63  reconnais- 
saient pour  cause  une  chute  de  cheval.  Dans  la  cavalerie, 
sur  26  entorses  observées,  19  étaient  dues  à  des  chutes 
de  cheval,  4  à  des  coups  de  pied.  La  fente  exagérée, 
l'écart  trop  prononcé  des  jambes,  à  l'escrime  et  à  la  boxe, 
ont  été  six  fois  cause  d'une  entorse  du  genou.  Si  l'en- 
torse la  plus  fréquente  est  celle  du  pied,  c'est  que  le 
poids  du  corps  porte  sur  la  jointure  et  que  les  mouve- 
ments des  membres  inférieurs  sont  énergiques,  étendus 
surtout  et  violents  à  leurs  extrémités.  L'entorse  du  pied 
est  plus  souvent  externe  qu'interne,  mais  il  y  a  Heu  de  re- 
marquer qu'autour  du  cou-de-pied,  on  peut  distinguer  plu- 
sieurs sortes  d'entorses  :  l'entorse  tibio-tarsienne,  l'entorse 
médio-tarsienne,  le  diastasis  de  la  jointure  tibio-péronière. 

Anatomie  pathologique.  Dans  les  mouvements  exa- 
gérés de  la  jointure,  les  surfaces  articulaires  s'écartent  ou 
glissent  l'une  sur  l'autre.  Quand  les  ligaments  sont  larges 
et  peu  épais,  quelquefois  ils  sont  déchirés  à  leur  partie 
moyenne.  Si  les  ligaments  sont  courts,  serrés,  une  par- 
celle de  l'os  sur  lequel  ils  sont  insérés  peut  être  arrachée. 
S'il  existe  une  capsule  large  et  épaisse,  elle  est  déchirée, 
et  il  y  a  en  même  temps  arrachement  d'une  parcelle  d'os 
(disques  intervertébraux).  Souvent  il  n'y  a  ni  arrachement, 
ni  déchirure,  mais  simple  tiraillement  et  distension.  La 
synoviale  est  le  plus  souvent  à  peu  près  intacte,  et  fait 
tout  au  plus  hernie  à  travers  les  solutions  de  continuité  de 
la  capsule.  Le  traumatisme  provoque  quelquefois  un  léger 
degré  d'arthrite,  ainsi  qu'un  épanchement  intra-articulaire; 
on  observe  parfois  au  genou  une  véritable  hémarthrose 
(V.  ce  mot).  Quant  auxligaments,  ils  se  déchirent  parfois 
dans  l'entorse,  de  même  que  le  tissu  cellulaire  qui  entoure 
l'articulation,  et  on  trouve  dans  ses  mailles  un  épanchement 
sanguin,  peu  abondant  d'habitude,  une  infiltration  due  à 
la  rupture  de  quelques  capillaires.  Les  ramuscules  nerveux 
qui  rampent  dans  les  travées  conjonctives  sont  dilacérés  et 


ENTORSE  —  ENTR'ACTE 


—  1178  — 


rompus  ;  les  gros  vaisseaux  et  les  gros  nerfs  restent  presque 
toujours  intacts.  Enfin  les  muscles  sont  déchirés,  quel- 
quefois loin  du  lieu  de  l'entorse,  la  rupture  ayant  lieu  au 
niveau  de  leur  point  d'attaclie  au  tendon.  11  peut  même  y 
avoir  arrachement  des  apophyses  articulaires. 

Symptômes,  Une  douleur,  très  vive  d'abord,  se  fait 
sentir  dans  l'article  entorse,  parfois  suivie  de  syncope. 
L'impuissance  du  membre  devient  presque  absolue.  La 
douleur  est  fixe,  au  niveau  de  l'interligne  articulaire  et  au 
lieu  d'implantation  des  ligaments  de  la  jointure.  Puis  sur- 
vient un  gonflement  ;  l'articulation  est  empâtée  et  rouge, 
déformée,  sans  dépressions  ni  saillies  anormales,  mais  ayant 
certains  mouvements  de  latéralité,  rendus  possibles  par 
des  déchirures  ligamenteuses.  Quelquefois,  il  se  fait  un 
épanchement  dans  la  synoviale  ;  c'est  tantôt  de  la  séro- 
sité lentement  accumulée,  tantôt  du  sang  rapidement 
collecté. 

Pronostic.  Les  entorses  légères  guérissent  vite  ;  mais, 
lorsqu'il  y  a  des  déchirures  étendues  ou  des  arrachements 
osseux,  une  arthrite  peut  survenir,  laissant  après  elle  de  la 
raideur,  une  ankylose  ;  chez  les  débiles,  les  cachectiques 
et  les  strumeux,  l'affection  prend  peu  à  peu  les  allures 
d'une  tumeur  blanche.  —  Sédillot  a  formulé  que  la  moitié 
des  amputations  de  la  jambe  sont  la  suite  d'entorses  négli- 
gées. La  même  opinion  a  été  récemment  émise  par  Robert, 
du  Val-de-Grâce.  Et  M.  Sée  a  pu  écrire  avec  raison  «  qu'une 
entorse  est  une  affection  sérieuse,  qui  mérite  toute  notre 
attention,  quelque  bénigne  qu'elle  puisse  paraître  ». 

Diagnostic,  Les  luxations,  les  fractures  peuvent  seules 
être  confondues  avec  les  entorses.  Il  est  souvent  difficile 
d'y  voir  clair  à  travers  un  gonflement  considérable  ;  on 
peut  confondre,  au  cou-de-pied  surtout,  certaines  fractures 
du  péroné  avec  une  entorse  tibio-tarsienne.  Mais  l'ecchy- 
mose, rare  dans  l'entorse,  habituelle  dans  les  fractures,  le 
siège  précis  de  la  douleur  sur  les  ligaments  articulaires 
dans  l'entorse,  à  3,  5,  7  centim.  du  sommet  de  la  malléole 
dans  la  fracture,  suffisent,  en  général,  pour  le  diagnostic. 
Traitement.  Jusqu'au  milieu  de  ce  siècle,  on  appliquait 
des  émollients  ;  on  fomentait  avec  le  mélange  d'alcool  cam- 
phré et  d'eau  blanche,  on  infligeait  la  saignée  (Forgue  et 
Reclus),  on  prescrivait  des  sangsues  contre  l'élément  san- 
guin. Plus  tard,  avec  Baudens,  ce  fut  l'immersion  dans 
l'eau  froide  pendant  plusieurs  heures  ou  plusieurs  jours. 
Les  méthodes  actuelles  de  traitement  ont  presque  toutes 
pour  base  celle  du  vétérinaire  Girard,  déjà  ancienne.  C'est 
le  massage  et  la  compression  élastique  qui  doivent  être  le 
pivot  d'un  traitement  méthodique  et  rationnel.  Les  anciens, 
si  exposés  à  l'entorse  par  les  exercices  du  gymnase,  et  si 
préoccupés  du  libre  fonctionnement  de  leurs  muscles  et  de 
leurs  articulations,  avaient  dès  longtemps  apprécié  les  bons 
effets  du  massage  ;  mais,  en  dépit  des  efforts  des  meilleurs 
maîtres,  la  chirurgie  officielle  refusa  de  naturaliser  ce 
moyen  de  traitement,  qui  n'avait  pour  parrains  que  des 
rebouteurs  non  diplômés.  Aujourd'hui,  le  massage  est 
entré  dans  les  habitudes  chirurgicales,  mais  si,  à  l'étranger, 
on  masse,  on  effleure,  on  frôle,  on  pétrit  l'articulation, 
selon  des  règles  plus  précises  et  plus  étroites,  il  faut  avouer 
que  cette  pratique  y  a  été  par  trop  compliquée  et  surchargée. 
Ce  n'est  pas  à  dire  que  le  massage  soit  l'apanage  de  quel- 
ques individus,  de  «  rares  adeptes  instruits  des  passes  se- 
crètes, des  rites  efficaces  mystérieusement  transmis  »,  ainsi 
que  le  font  remarquer  Forgue  et  Reclus  ;  non,  il  est  à  la 
portée  de  tous,  entre  les  mains  de  médecins  expérimentés  et 
instruits,  spéciahstes  masseurs,  comme  à  la  portée  d'ignares 
personnages  qui  pétrissent  les  arthrites  ou  les  luxations  et 
estropient  les  fracturés.  Et  si  les  chirurgiens  ne  pratiquent 
pas  tous  le  massage,  c'est  que  les  séances  nécessitent  trop  de 
temps  et  que  le  manuel  du  parfait  masseur  a  été  surchargé  de 
prescriptions  trop  minutieuses  et  d'un  argot  professionnel 
trop  compliqué.  L'objet  du  massage  est  de  provoquer  par  des 
pressions  graduellement  augmentées  la  résorption  plus  rapide 
des  liquides  épanchés  axitour  ou  à  l'intérieur  d'une  jointure 
entorsée.  Il  faut  bien  savoir  que,  dans  l'entorse,  il  n'y  a 


pas  de  tendons  à  remettre  en  place.  Par  des  manipulations 
très  douces  d'abord,  puis  graduellement  appuyées,  le  liquide 
infiltré  dans  les  tissus  péri-articulaires  est  expulsé  et  se 
diffuse  (pour  la  manière  d'opérer,  V.  Massage).  L'appli- 
cation d'une  bande  en  caoutchouc  peut  aider  ou  même 
remplacer  le  massage.  Par  sa  pression  douce  et  continue, 
elle  exprime  de  la  partie  qu'elle  serre  tous  les  liquides 
qui  remplissent  les  interstices  des  tissus  et  les  refoule  dans 
les  parties  non  comprimées  et  saines,  où  leur  absorption 
s'opère  plus  facilement.  Son  action  est,  de  plus,  continue, 
et  elle  s'exerce  même  dans  l'immobilité  complète  du 
membre,  ce  qui  la  rend  applicable  aux  cas  les  plus  graves 
comme  les  plus  légers.  Cette  bande  ne  doit  pas  être  trop 
serrée  ;  on  doit  la  relâcher  si  le  malade  se  plaint  de  sa 
constriction.  En  résumé,  massage  et  bande  caoutchoutée, 
tels  sont  les  moyens  curatifs  les  plus  sûrs  de  l'entorse.  Les 
cures  hydro thermales,  les  eaux  sulfureuses,  l'iodure  de  po- 
tassium, la  médication  antirhumatismale  sont  indiquées 
chez  les  arthritiques,  chez  ceux  dont  l'articulation  restera 
sensible  aux  variations  atmosphériques  et  quelque  peu 
enraidie.  D^  A.  Coustan. 

BiBL.  :  P.  Reclus,  Manuel  de ip lithologie  externe;  Paris, 
1888,  2«  éd.  —  Forgue  et  Reclus,  Traité  de  thérapeu- 
tique chirurgicale  ;  Paris,  1892,  2  vol.  in-8. 

ENTOZOAIRES  (V.  Helminte  et  Parasite). 

ENTR'ACTE.  L'entr'acte  est  l'espace  de  temps  qui 
s'écoule  entre  deux  actes  d'une  pièce  et,  par  une  exten- 
sion naturelle,  entre  deux  pièces  différentes.  Tout  inflexi- 
ble que  fût  en  apparence  la  rigueur  de  l'ancienne  loi  des 
trois  unités,  il  est  de  toute  évidence  que  la  limite  extrême 
de  vingt-quatre  heures,  pendant  la  durée  de  laquelle  devait 
s'écouler  l'action  d'une  pièce  quelconque,  tragédie  ou  comé- 
die, devait  laisser  forcément  des  vides  dans  cette  action. 
De  là,  naturellement,  la  nécessité  des  entr'actes,  pendant 
lesquels  certains  faits,  souvent  fort  importants,  mais, 
pour  diverses  raisons,  impossibles  à  présenter  aux  regards 
du  public,  sont  censés  s'être  produits  hors  de  sa  vue  et  lui 
sont  expliqués  par  la  suite.  L'entr'acte,  indispensable  pour 
les  raisons  que  nous  venons  d'indiquer,  est  donc  un  repos 
de  quelques  minutes  pendant  lequel  le  rideau  se  baisse  et 
vient  intercepter  la  vue  de  la  scène  aux  yeux  du  specta- 
teur. A  la  Comédie-Française  pourtant,  où,  dans  les 
ouvrages  du  répertoire  classique,  l'unité  de  lieu  est  rigou- 
reusement observée,  dans  les  pièces  de  Corneille  et  de 
Racine,  de  Mohère  et  de  Regnard,  le  rideau  ne  se  baisse 
pas;  la  scène  se  vide  seulement,  et  l'entr'acte,  qui  n'est 
en  quelque  sorte  que  fictif,  dure  à  peine  une  minute  ;  la 
scène  une  fois  libre  par  la  sortie  des  personnages,  le  régis- 
seur frappe  les  trois  coups  dans  la  coulisse,  et  l'action 
reprend  son  cours. 

Mais  dans  les  ouvrages  modernes,  où  généralement  la 
décoration  change  à  chaque  acte,  il  n'en  va  plus  de  même. 
Dans  certains  théâtres  et  pour  certaines  pièces  surtout,  où 
la  mise  en  scène  matérielle  est  très  compliquée,  l'entr'acte, 
qui  est  pour  le  spectateur  un  utile  moment  de  repos  et  de 
détente  d'esprit,  est  au  contraire  une  période  d'excessive 
activité  et  de  véritable  remue-ménage  derrière  le  rideau, 
qui  lui  cache  ce  travail  de  branle-bas  très  particulier  et 
très  curieux.  C'est  alors  que  les  machinistes  s'emparent 
de  la  scène,  où  pour  un  instant  ils  régnent  en  maîtres  et 
où  personne  autre  qu'eux  n'a  le  droit  de  circuler  ;  ils 
déplacent  le  décor  de  l'acte  qui  vient  de  finir,  le  rempla- 
cent par  celui  qui  doit  figurer  à  l'acte  nouveau,  pendant 
qu'un  ou  deux  hommes  de  peine  arrosent  et  balayent  avec 
soin  le  plancher.  Le  chef  machiniste,  qui  a  pris  place  au 
centre  de  la  scène,  commande  la  manœuvre,  que  ses 
hommes  exécutent  avec  une  célérité  prodigieuse  ;  les  toiles, 
les  fermes,  les  fils  sont  en  mouvement  ;  les  praticables  se 
posent  ou  s'enlèvent  ;  les  herses  s'allument,  ou  s'éteignent, 
ou  se  déplacent  ;  les  trappes  et  les  trappillons  s'ouvrent  ou 
se  ferment  selon  le  besoin  ;  les  châssis  se  posent,  et  en 
quelques  minutes  l'aspect  de  la  scène  s'est  complètement 
transformé.  Pendant  ce  temps,  ceux  des  acteurs  qui  doi- 


-  4479 


ENTR'ACTE  —  ENTRAIGUES 


vent  changer  de  costume  sont  remontés  dans  leur  loge  pour 
procéder  rapidement  à  ce  travail,  tandis  que  les  autres  vont 
dans  le  foyer  prendre  un  instant  de  repos.  Puis,  quand 
tout  est  prêt,  quand  le  nouveau  décor  a  pris  définitive- 
ment la  place  de  l'ancien,  quand  les  artistes  ont  revêtu 
leur  nouveau  costume,  quand  le  souffleur  a  réintégré  son 
trou,  quand  enfin  les  musiciens,  prévenus,  sont  de  retour 
à  l'orchestre,  les  machinistes  vident  la  scène  à  leur  tour, 
le  régisseur,  placé  derrière  le  rideau,  prononce  à  haute 
voix  le  sacramentel  Place  au  théâtre!  frappe  majestueu- 
sement les  il  ois  coups  et  donne  ainsi  le  signal  du  com- 
mencement de  Tacte  nouveau. 

Il  est  à  remarquer,  et  le  fait  est  assez  singulier,  que  ce 
qui  se  produit  aujourd'hui  dans  deux  de  nos  grands  théâ- 
tres est  précisément  le  contraire  de  ce  qu'on  y  voyait  jadis. 
En  effet,  c*est  à  la  Comédie-Française,  où  le  décor  ne 
changeait  jamais  pendant  le  cours  d'une  pièce,  que  l'on 
faisait  des  entr'actes,  tandis  que  l'Opéra,  théâtre  où  la 
mise  en  scène  fut  toujours  extrêmement  compliquée,  n'en 
connaissait  point,  et  que  chaque  acte  se  trouvait  relié  au 
suivant  par  un  divertissement  dansé,  le  rideau  ne  tombant 
pas  une  seule  fois  dans  le  cours  de  la  soirée.  Rémond  de 
Saint-Mard,  dans  ses  Réflexions  sur  l'Opéra,  donnait  à 
ce  sujet,  il  y  a  cent  cinquante  ans,  des  détails  très  précis. 
Ce  qu'on  ne  sait  guère  dans  le  public,  c'est  que  cette  cou- 
tume de  l'Opéra  de  ne  jamais  baisser  le  rideau  pendant 
la  durée  d'un  spectacle,  s'est  perpétuée  presque  jusqu'à 
nos  jours,  et  qu'elle  n'a  pris  fin  qu'en  4834,  c.-à-d.  à  la 
première  représentation  d'un  opéra  de  Scribe  et  Auber,  le 
Philtre,  C'est  depuis  lors  seulement  qu'à  ce  théâtre  les 
changements  de  décor  ne  se  font  plus  à  la  vue  et  en  pré- 
sence du  public. 

Le  mot  d'entr'acte  a  pris  aussi  une  autre  signification. 
On  le  donne  à  la  petite  pièce  musicale,  au  petit  morceau, 
généralement  court,  que  l'orchestre  exécute  précisément  à 
la  fin  de  l'entr'acte,  pour  annoncer  et  amener  le  lever  du 
rideau.  Dans  les  ouvrages  lyriques,  les  compositeurs  atta- 
chent, en  général,  assez  peu  d'importance  à  ce  morceau  ; 
on  peut  signaler  pourtant  quelques  exceptions  qui  viennent 
infirmer  cette  règle.  C'est  ainsi  que,  dans  r Epreuve  villa- 
geoise, Grétry  a  écrit  un  entr'acte  qui  est  un  bijou  mélo- 
dique d'une  adorable  légèreté,  et  chacun  sait  que  M.  Am- 
broise  Thomas  a  placé  comme  entr'acte,  dans  sa  partition 
de  Migno7i,  une  gavotte  absolument  exquise.  Il  faut  remar- 
quer que,  quand  il  se  trouve  en  présence  d'un  morceau  de 
ce  genre,  le  public,  agréablement  surpris,  ne  manque 
jamais  de  le  redemander  à  grands  cris.     Arthur  Pougin. 

ENTRAGES.  Com.  du  dép.  des  Basses-Alpes,  arr.  et 
cant.  de  Digne;  242  hab. 

ENTRAGUES  (Catherine-Henriette  de  Balzac  d'),  mar- 
quise de  Verneuil,  née  en  4579,  morte  le  9  févr.  4633. 
—  Henri  IV  s'éprit  d'elle  en  août  4599,  pendant  une 
visite  qu'il  fit  à  son  père  le  comte  d'Entragues,  au  châ- 
teau de  Malesherbes,  alors  que,  au  plus  fort  de  ses  regrets 
de  la  perte  de  Gabrielle  d'Estrées,  morte  deux  mois  aupa- 
ravant, il  cherchait  en  vain  l'oubli  dans  d'incessants 
déplacements  de  chasse.  Ensorcelé  dès  la  première  ren- 
contre, il  n'eut  plus  désormais  qu'elle  en  tête.  Vraie  famille 
Cardinal,  les  d'Entragues,  la  fille  comme  le  père,  le  père 
comme  la  fille,  —  ajoutons  :  le  père  et  la  fille  comme  la  mère, 
Marie  Touchet,  l'ex-maîtresse  de  Charles  IX,  qui  aurait  eu 
vraiment  mauvaise  grâce  à  faire  la  prude,  —  n'avaient  pas 
sollicité  dans  un  autre  but  l'honneur  de  recevoir  leur  sou- 
verain. Il  ne  s'agissait  plus  que  de  tirer  tout  le  parti  possible 
de  la  situation  créée  par  eux-mêmes,  et  ils  le  firent  avec 
une  incontestable  habileté.  Henri  IV  n'obtint  les  faveurs  de 
la  belle  que  moyennant  une  somme  de  400,000  écus 
payés  comptant  et,  chose  plus  grave,  une  promesse  de  ma- 
riage en  bonne  et  due  forme  si  elle  tombait  enceinte  sous 
six  mois  et  si  ensuite  il  lui  naissait  un  fils.  —  Le  piquant, 
c'est  qu'à  ce  moment  même  ses  ambassadeurs  étaient  en 
train  de  négocier  son  union  avec  Marie  de  Médicis,  nièce 
du  grand-duc  de  Toscane.  —  Devenue  grosse  dans  le  délai 


voulu,  elle  accoucha  par  bonheur  avant  terme  (juin  4600), 
et  les  difficultés  où  l'aberration  passionnelle  aurait  pu  jeter 
ce  prince  en  furent  considérablement  atténuées  :  il  en 
coûta  le  repos  à  l'homme,  mais  du  moins  la  dignité  du  roi 
resta  sauve. 

Lorsque  la  nouvelle  reine  eut  été  installée  au  Louvre, 
Henriette,  récemment  pourvue  du  marquisat  de  Verneuil, 
eut  la  fantaisie  de  lui  être  présentée.  Ce  fut  le  début  de 
la  longue  période  d'orages  qui  transforma  en  un  enfer  la 
vie  privée  du  Vert-Galant,  jadis  si  douce  au  temps  des 
Gabrielle  et  des  Corisande.  Les  affaires  achevèrent  de  se 
gâter  quand,  à  quelques  semaines  de  distance,  dans  l'au- 
tomne de  4604,  Marie  de  Médicis  et  Gabrielle  d'Entragues 
lui  donnèrent  chacune,  suivant  la  formule,  un  gros  garçon. 
«  La  Florentine  tient  son  fils ,  s'écria  cette  dernière  ; 
moi,  je  tiens  le  dauphin.  Le  roi  est  mon  mari  :  j'ai  en 
main  sa  promesse.  »  Et,  Henri  IV  ayant  manifesté  le 
désir  que  le  nouveau-né  fût  élevé  à  Saint-Germain  avec 
ses  autres  enfants,  elle  répondit  insolemment  :  «  Je  ne 
veux  pas  qu'il  soit  en  compagnie  de  tous  ces  bâtards.  » 
De  dépit  elle  se  jeta  dans  une  conspiration  qui  s'était  our- 
die contre  le  roi  dès  les  premiers  jours  de  sa  faveur  entre 
le  duc  de  Savoie  et  le  maréchal  de  Biron  et  où  étaient  en- 
trés, depuis,  son  père  et  son  frère  bâtard,  Charles  de  Valois, 
comte  d'Auvergne.  On  sait  comment  elle  fut  découverte, 
comment  Biron  paya  son  ambition  de  sa  tête,  comment, 
grâce  à  la  protection  dont  les  couvrait  la  complicité  d'Hen- 
riette, Auvergne  et  Entragues  en  furent  quittes  pour  quel- 
ques semaines  d'emprisonnement. 

On  le  voit,  Henri  IV  aimait  toujours  cette  indigne.  Ren- 
dons-lui cette  justice,  il  n'épargnait  rien  pour  se  détacher 
d'elle,  mais  il  n'y  réussissait  pas.  «  Un  seul  rernède  était 
possible,  dit  le  dernier  historien  de  sa  fatale  passion,  celui 
qui,  après  la  mort  de  Gabrielle,  lui  avait  trop  bien  réussi  : 
se  guérir  par  les  semblables,  remplacer  l'ancienne  maîtresse 
par  une  nouvelle.  »  De  cette  époque  datent  ses  liaisons  avec 
M^^®  de  Bueil,  créée  comtesse  de  Moret,  et  avec  M^^®  des 
Essarts,  faite  comtesse  de  Romorantin,  liaisons  éphémères 
qu'il  ne  chercha  qu'un  prétexte  pour  rompre,  ayant  hâte, 
quoi  qu'il  fît,  de  revenir  à  Henriette.  Avec  elle  seule,  en 
effet,  il  trouvait  le  charme  de  la  conversation  qu'il  recher- 
chait autant  que  l'assouvissement  des  sens.  Il  s'était  un  jour 
expliqué  lui-même  à  ce  sujet  avec  Rosny,  en  des  termes 
qui  font  un  peu  excuser  l'immoralité  de  son  ménage  en  par- 
tie double  :  «  Elle  est  de  si  agréable  compagnie  quand  elle 
veut.  Elle  a  toujours  quelque  bon  mot  pour  me  faire  rire. 
Je  ne  trouve  rien  de  cela  auprès  de  ma  femme.  Elle  ne  se 
prête  ni  à  mon  humeur  ni  à  mes  goûts.  Tout  au  contraire, 
si  je  m'approche  d'elle  familièrement  pour  la  caresser,  elle 
me  fait  si  froide  mine  que  je  m'en  vais  chercher  fortune 
ailleurs.  »  Il  renoua  donc  (mars  4608),  mais  pour  peu  de 
mois.  En  décembre,  à  bout  de  forces  en  présence  de  ces 
querelles  sans  cesse  renaissantes,  il  finit  par  congédier  défi- 
nitivement la  marquise,  qui  ne  demandait  pas  mieux  que  de 
reprendre  sa  liberté,  ayant  pour  l'instant  d'autres  visées 
ténébreuses.  Elle  était  en  effet  engagée  très  avant  dans 
ces  intrigues  avec  l'Espagne,  auxquelles  il  faut  demander 
le  secret  de  la  fin  tragique  de  Henri  IV.  Grâce  à  la  réus- 
site du  crime,  ni  elle,  ni  ses  complices,  Epernon  et  les 
Guises,  ne  furent  inquiétés.  Mais  l'impunité  fut  son  der- 
nier triomphe.  Elle  ne  parvint  point,  suivant  son  ardent 
désir,  à  se  faire  épouser  par  le  duc  de  Guise.  Elle  dut  se 
résigner  à  la  retraite  et  tromper,  par  la  pratique  de  la 
gourmandise,  dans  ce  qu'elle  a  de  plus  grossier,  sa  soif 
dévorante  de  cet  encens  délicat  qui  monte  vers  les  trônes. 

Léon  Marlet. 
BiBL.  :  M.   DE  Lescure,  les  Amours  de  Henri  IV.   — 
I.oiSELEUR,  Problèmes  historiques  duxviv  siècle  :  RavcLil- 
lac  et  ses  complices,  etc.  —  Comte  Hector  de  La  Per- 
rière, Henri  IV;  le  roi,  l'amoureux. 

ENTRAIGUES.  Com.  du  dép.  de  l'Isère,  arr.  de  Gre- 
noble, cant.  de  Valbonnais  ;  587  hab.  Très  ancien  vil- 
lage, autrefois  chef-lieu  de  canton,  situé  au  confluent  des 
torrents  de  la  Bonne  et  de  la  Maldagne,  à  la  base  0.  des 


ENTRAIGUES  —  ENTRAINS 


4480 


derniers  contreforts  du  Pic-Vert  (2,5S7  m.).  L'étroite 
vallée  d'Entraigues  est  arrosée  par  deux  canaux  dont 
l'un  a  été  construit  au  xni«  siècle.  Ils  prennent  leurs  eaux 
dans  la  Bonne  et  vont  se  déverser  dans  la  Malsanne.  On 
remarque  une  belle  grotte  dans  les  environs  (montagne 
du  Vet)  et  une  cascade  formée  par  le  torrent  de  la  Maldagne. 
Entraigues,  comme  beaucoup  de  villages  du  Dauphiné,  est 
composé  de  plusieurs  hameaux  (Chabran,  Le  Villard,  Gra- 
gnolet)  dont  les  maisons  sont  dispersées  au  milieu  de  bou- 
quets de  noisetiers,  de  bouleaux  et  de  noyers.  Centre 
d'excursion  pour  le  massif  de  Pelvoux.  G.  Fâliès. 

ENTRAIGUES.  Com.  du  dép.  du  Puy-de-Dôme,  arr.  de 
Riom,  cant.  d'Ennezat;  869  hab. 

ENTRAIGU ES-suR-LÂ-SoRGUEs.  Com.  du  dép.  de  Vau- 
cluse,  arr.  et  cant.  (S.)  de  Carpentras;  4,940 hab. 

ENTRAÎNEMENT.  I.  Mathématiques.  —  Mouvement 
d'entraînement  (V.  Relatif). 

II.  Gymnastique.  —  L'entrahiement  est  l'art  de  s'em- 
parer du  mouvement  nutritif  et  de  le  diriger  méthodique- 
ment dans  un  sens  déterminé.  Considéré  au  point  de  vue 
gymnastique  proprement  dit,  Fentraînement  ne  s'adresse 
ni  aux  êtres  faibles,  ni  aux  valétudinaires,  ni  aux  enfants. 
C'est  à  des  hommes  jeunes,  ardents  et  robustes  qu'il 
convient.  A  sa  faveur  il  ne  s'agit  pas  de  constitutions 
à  fortifier  ou  à  refaire  ;  il  s'agit  de  qualités  acquises  à 
mettre  en  plein  rapport,  afin  d'en  obtenir  tout  le  ren- 
dement. C'est  dans  l'enseignement  de  la  gymnastique  dite 
militaire  que  ses  applications  et  ses  procédés  trouvent 
leur  véritable  place.  Soumettre  le  sujet  à  des  exercices  et 
à  un  régime  appropriés  au  but  que  l'on  se  propose,  sa- 
voir :  le 'développement  intégral  des  forces,  et  ne  jamais 
omettre  de  tenir  compte  du  degré  individuel  de  résistance, 
en  sont  les  règles  fondamentales.  Son  but  suprême  est  de 
mettre  la  vigueur  corporelle  au  service  du  courage,  de  la 
résolution  et  du  sang-froid.  Si,  enfin,  la  gradation  dans 
les  exercices  de  force  inséparables  d'une  éducation  mili- 
taire normale  est  une  nécessité  universellement  reconnue, 
la  préparation  à  ces  exercices  par  un  entraînement  ration- 
nellement progressif  n'est  pas  une  nécessité  moins  impé- 
rieuse. Telle  est  la  base  même  de  la  méthode,  et  c'est  à 
cette  condition  expresse  que  cet  enseignement  viril  aura 
chance  de  porter  fruit. 

Les  procédés  gymnastiques  d'entraînement  consistent  en 
exercices  qui  s'exécutent  soit  en  rase  campagne,  soit  en 
champ  clos.  Les  appareils  spéciaux  qu'exige  l'exécution  des 
exercices  d'entraînement  en  champ  clos  se  peuvent  réduire 
à  trois.  Ce  sont  :  la  bascule  brachiale,  le  pavillon  d'es- 
calade et  le  portique.  Inventée  parNap.  Laisné,  la  bascule 
brachiale  mérite,  pour  deux  raisons,  de  figurer  dans  le  ma- 
tériel de  la  gymnastique  d'entraînement.  En  premier  lieu, 
les  exercices  qui  s'exécutent  à  l'aide  de  cet  engin  sont 
pour  les  élèves  d'un  très  vif  attrait.  Or,  à  se  placer  au  point 
de  vue  militaire  spécialement,  si  l'on  veut  que  le  jeune 
homme  prenne  goût  au  nouveau  genre  de  vie  qui  lui  est 
fait,  il  est  nécessaire  de  l'entretenir  en  belle  humeur,  et 
il  est  habile  de  saisir  toute  occasion  de  lui  donner  quelque 
agrément.  En  second  lieu,  pour  obliger  à  des  attitudes  ré- 
gulières et  accoutumera  l'aisance  dans  le  maintien,  il  n'est 
pas  d'appareil  pour  rivaliser  avec  celui-là.  En  outre,  l'exé- 
cution parfaitement  correcte  des  exercices  qui  s'y  prati- 
quent offre  de  réelles  difficultés.  Le  pavillon  d'escalade 
n'est  autre  qu'un  échafaudage  de  forme  octogone  composé 
de  trois  étages,  dont  les  dimensions  sont  de  plus  en  plus 
exiguës,  de  manière  à  former  redan,  et  dont  l'étage  su- 
périeur est  surmonté  d'un  tronc  de  pyramide  et  d'une 
flèche.  Cette  machine  convient  à  merveille  à  l'adulte.  On 
fait  lutter  par  huit,  et  par  côté,  les  élèves,  à  qui  arrivera  au 
bout  de  la  flèche  le  premier.  Il  est  loisible  de  varier  à  vo- 
lonté les  procédés  d'escalade.  Ils  peuvent  être  considérés 
comme  l'appUcation  des  exercices  plus  élémentaires  qui  se 
pratiquent  sur  la  planche  à  rétablissements.  A  la  rigueur 
celle-ci  pourrait  suppléer  à  celui-là.  Quant  au  portique,  en 
raison  de  la  possibilité  d'y  fixer  presque  tous  les  engins 


et  agrès  usités  en  gymnastique,  autant  que  de  la  variété 
des  exercices  qui  s'y  exécutent,  il  entre  comme  machine 
de  premier  ordre  dans  le  matériel  de  la  gymnastique  d'en- 
traînement (pour  rénumération  et  la  théorie  des  exercices 
très  variés  qui  s'y  exécutent,  V.  Portique).  L'indispen- 
sable est  de  poser  en  principe  que  les  sujets  vigoureux  et 
rompus  à  la  pratique  du  gymnase  doivent  seuls  être  admis 
à  s'y  livrer. 

Etre  capable  de  franchir  un  mur  étant  seul,  étant  deux 
(courte  échelle),  étant  en  nombre  (pyramide  humaine),  sa- 
voir tirer  parti  du  premier  engin  venu  :  une  perche  même 
trop  courte,  un  madrier,  une  corde  pour  grimper  jusqu'à 
la  crête  d'un  plan  vertical  formant  rempart  ;  disposer 
d'assez  d'agilité  pour  se  hisser  soit  à  l'aide  du  dos  et  des 
pieds,  soit  à  l'aide  des  pieds  et  des  mains  écartés  jusqu'à 
l'orifice  séparant  des  murs  rapprochés,  tel  que  la  bouche 
d'une  cheminée,  ou  bien  d'un  mur  circulaire  tel  que  la 
margelle  d'un  puits,  voilà  le  complément  de  l'éducation 
d'entraînement  gymnastique  qui  se  peut  inculquer  sur 
place.  En  rase  campagne,  l'entraînement  gymnastique  con- 
siste en  marches,  courses,  principes  d'équitation,  de  nata- 
tion, etc.,  pour  tous  les  sujets  en  général,  quelle  que  soit 
leur  destination  professionnelle.  Pour  le  soldat,  en  parti- 
culier, l'école  de  bataillon,  le  maniement  des  armes,  la 
balistique  donnent  à  l'entraînement  le  caractère  essentiel- 
lement militaire  dont  il  ne  saurait  du  reste  se  dépouiller 
absolument  en  aucun  cas. 

L'entraînement  gymnastique  doit  toujours  conserver 
quelque  chose  de  militaire.  Voici  pourquoi.  Posséder  pour 
la  défense  de  la  patrie  une  armée  solide  est  le  devoir.  En 
même  temps,  retenir  le  moins  longtemps  possible  sous  les 
drapeaux  des  hommes  jeunes,  vigoureux  et  pourvus  de  pro- 
fessions utiles  est  l'objectif.  Sans  préjudice  pour  la  soli- 
dité des  institutions  mlHtaires  du  pays,  parquets  procédés 
abréger  la  nécessité  actuelle  de  délaisser,  pour  un  temps, 
études,  métiers,  arts,  professions  ;  là  est  le  problème. 
D'autre  part,  chaque  année,  en  France,  trois  cent  mille 
jeunes  gens  environ  atteignent  l'âge  de  vingt  ans,  et  cent 
cinquante  mille  sont  requis  pour  le  service.  Or  le  budget 
ne  permettant  pas  de  les  incorporer  en  totalité,  chaque 
année,  quarante  mille  jeunes  soldats  sont  renvoyés  par  an- 
ticipation dans  leurs  foyers.  Il  n'y  a  pour  une  semblable 
sélection  qu'une  seule  manière  de  procéder,  si  l'on  tient  à 
agir  avec  équité  et  prudence.  C'est  d'ouvrir  un  concours 
accessible  pour  tous  et  dans  lequel  en  aura  à  prouver  qu'on 
est  apte  à  supporter  sans  troubles  dans  la  santé  des  fa- 
tigues corporelles  excessives,  coucher  par  terre,  mal 
manger,  mal  dormir,  fournir  des  étapes  de  30  kil.  avec 
une  charge  de  2o  kilogr.  sur  le  dos,  faire  campagne, 
en  un  mot,  avec  entrain.  Un  entraînement  rationnel,  com- 
mencé avec  toutes  les  réserves  qu'impose  l'âge,  dès  l'ado- 
lescence et  progressivement  poussé  aux  limites  extrêmes 
que  la  raison  éclairée  par  la  science  interdit  de  franchir, 
est  seul  capable  de  mettre  tous  les  hommes  d'une  même 
classe  en  état  de  concourir  à  égalité.  Si  dans  une  démo- 
cratie le  maniement  de  la  hache,  de  la  truelle  ou  du 
maillet  n'exempte  ni  de  la  lecture,  ni  de  l'écriture,  ni  des 
notions  indispensables  d'histoire,  de  géographie,  de  sciences 
naturelles  et  mathématiques  qui  entrent  dans  un  pro- 
gramme d'enseignement  élémentaire  complet,  le  diplôme 
de  bachelier  où  ses  équivalents  ne  dispensent  pas  non  plus 
d'être  apte  à  porter  un  fardeau,  franchir  une  étape,  sup- 
porter la  fatigue,  l'insomnie,  le  froid,  la  chaleur,  la  soif,  la 
faim  et  à  se  servir  aussi  bien  d'un  fusil  qu'à  brider,  seller 
et  monter  un  cheval.  Ces  aptitudes  précieuses,  un  entraî- 
nement gymnastique  à  la  fois  viril  et  physiologique  est  par 
excellence  capable  de  les  développer.        D"*  Collineau. 

III.  Sport  (V.  Course,  t.  XIII,  p.  458). 
ENTRAI NS-suR-NoHAiN  {Inter  amnes),  Com.  du  dép. 
de  la  Nièvre,  arr.  de  Clamecy,  cant.  de  Varzy,  sur  le 
Nohain;  2,443  hab.  Tanneries.  On  a  trouvé  sur  le  terri- 
toire de  cette  commune  de  nombreux  vestiges  antiques  : 
habitations  celtiques,  ruines  d'un  temple  dédié  à  Auguste, 


—  1181  — 


ENTRAINS  —  ENTRECASTEAUX 


bronzes  grecs,  statuettes  d'un  art  asiatique,  statue  colossale 
d'Apollon  (aujourd'hui  au  musée  de  Saint-Germain),  mé- 
dailles, débris  de  céramique,  mosaïques,  etc.  Cette  ville, 
dont  le  nom  se  trouve  sur  des  inscriptions  remontant  au 
ii«  siècle,  fut  certainement  un  centre  important  à  l'époque 
gallo-romaine.  Elle  devint  au  moyen  âge  le  chef-lieu  d'une 
importante  châtellenie.  Elle  était  alors  entourée  de  muradles 
qui  furent  rasées  à  la  fin  du  xvi^  siècle,  à  la  suite  des 
guerres  de  religion  dont  Entrains  avait  eu  beaucoup  à 
souffrir.  L'église  de  Saint-Sulpice  est  du  xni^  siècle  avec 
des  remaniements  du  xvi^  De  l'ancien  château  subsiste  une 
salle  dite  la  Salle  de  justice,  iolï  petit  édifice  du  xvii«  siècle, 
désigné  sous  le  nom  de  Maison  de  Vayniral.  Château 
moderne  de  Réveillon,  entouré  d'un  vaste  parc.  Entrains 
fut  quelque  temps  chef-lieu  de  canton  en  1790. 

ENTRAIT  (Constr.).  Pièce  de  bois  horizontale  qui,  dans 
les  fermes  en  charpente,  reçoit  à  ses  extrémités,  le  pied 
àQ^  arbalétriers  ^X,  en  son  milieu,  le/;om(^on(V.  ces  mots). 
Quand  les  combles  ont  beaucoup  de  hauteur,  on  place  sou- 
vent un  second  entrait,  dit  petit  entrait  ou  entrait  re- 
troussé, pour  soutenir  les  arbalétriers  au  point  où  portent 
les  pannes  intermédiaires,  et  alors  l'entrait  qui  reçoit  le 
pied  des  arbalétriers  prend,  comme  dans  les  fermes  en  fer, 
le  nom  de  tirant  (V.  ce  mot).  Dans  les  combles  à  laMan- 
sard,  l'entrait  intermédiaire  s'appelle  entrait  de  brisis. 
Enfin,  dans  les  enrayures  ou  assemblages  de  pièces  de 
niveau  soutenant  le  comble  d'une  croupe,  d'un  pavillon, 
d'un  dôme  ou  d'un  clocher,  on  nomme  demi-entrait  la 
pièce  qui,  d'équerre  avec  l'entrait  principal  ou  maître- 
entrait,  joint  le  mur  pignon.  —  Dans  les  combles  apparents 
de  certaines  églises,  même  peu  importantes  du  moyen  âge 
et  de  la  Renaissance,  les  entraits,  souvent  suspendus  par 
le  poinçon  ou  par  des  clefs  pendantes,  sont  décorés,  à  leurs 
extrémités,  de  motifs  sculptés  et  peints  ou  dorés,  au  tra- 
vers desquels  courent  parfois  des  inscriptions  (V.  Char- 
pente). Charles  Lucas. 

ENTRAMMES.  Com.  du  dép.  delà  Mayenne,  arr.  et 
cant  (E.)  de  Laval,  sur  la  rive  gauche  de  la  Jouanne; 
1,310  hab.  Papeterie.  A  1  kil.  environ  à  PO.,  ancien 
prieuré  d'augustins  fondé  en  1233  par  Thibaut  de  Mate- 
félon,  restauré  et  occupé  depuis  1816  par  les  trappistes 
et  érigé  en  abbaye  en  1817  sous  le  nom  de  Port-du- 
Salut. 

ENTRAUNES.  COm.  du  dép.  des  Alpes-Maritimes,  arr. 
de  Puget-Théniers,  cant.  de  Guillaumes,  au-dessus  du  con- 
fluent du  Var  et  du  Bourdons  ;  406  hab.  Centre  d'excursions 
alpestres.  Les  habitants  émigrent  périodiquement  vers  la 
côte  de  la  Méditerranée. 

ENTRAVESTISSEMENT  (Ane.  dr.).  Sorte  de  gain 
de  survie  entre  époux,  qui  existait  dans  quelques  pays 
coutumiers,  principalement  dans  le  N.  de  la  France,  à 
Arras,  à  Valenciennes,  à  Béthune,  à  Bapaume,  à  Lille,  à 
Cambrai.  Il  pouvait  être  légal  ou  conventionnel.  L'entra- 
vestissement  légal  ou  de  \ang  avait  lieu  de  plein  droit 
entre  conjoints  communs  en  biens  ayant  un  ou  plusieurs 
enfants.  Dans  la  coutume  de  Douai,  par  exemple,  le  conjoint 
survivant  était  propriétaire  de  tous  les  meubles  et  im- 
meubles de  la  communauté.  Ce  gain  de  survie,  par  lequel 
l'époux  survivant  exclut  les  enfants,  n'était  admis  que 
pour  le  premier  mariage  ayant  donné  des  enfants.  En  cas 
de  second  mariage,  le  survivant  n'avait  droit  qu'à  la  pro- 
priété des  meubles.  L'entravestissement  conventionnel  ou 
par  lettres  était  une  donation  réciproque  faite  par  les 
conjoints,  qui  n'avaient  pas  d'enfants,  au  profit  du  survi- 
vant d'entre  eux  ;  on  exigeait  que  les  conjoints  eussent 
une  santé  à  peu  près  égale  et  une  fortune  équivalente. 
L'entravestissement  par  lettres  différait  du  don  mutuel  en 
ce  que  le  survivant  n'était  pas,  en  général,  tenu  de  fournir 
caution  et  qu'il  devait  payer  les  dettes  sur  les  objets  com- 
pris dans  l'entravestissement.  G.  Regelsperger. 

BiBL.  :  Encyclopédie  méthodique,  Jurisprudence,  t.  IV. 
—  GuYOT,  Répertoire,  1781,  t^  Vil,  ~    "        "  r^-^-- 


,  p.  9.  —  P.  DE  Croos, 
Revue  générale  du  droit,  1879,  t.  III,  pp.     ' 


50  à  55,  187  et 


suiv.  —  Observations  présentées  par  la  faculté  de  droit 
de  Caen  sur  le  projet  de  loi  de  M.  Delsol  concernant  les 
droits  de  l'époux  survivant;  Caen,  1875,  pp.  18  et  19.  — 
BoissoNADE,  Histoire  des  droits  de  l'époux  survivant, 
1874,  p.  233. 

ENTRAYGUES  (Mer  aquas),  Ch.-l.  de  cant.  du  dép. 
de  l'Aveyron,  arr.  d'Espalion,  au  confluent  de  la  Truyère 
et  du  Lot;  1,903  hab.  Commerce  de  bois.  Fabrique  d'objets 
en  bois  tourné.  Ponts  sur  le  Lot  et  sur  la  Truyère  remon- 
tant tous  deux  au  xiii^  siècle.  L'ancien  château  féodal, 
élevé  sur  le  promontoire  qui  domine  le  confluent  des  deux 
rivières,  a  été  converti  en  pensionnat.  Restes  d'anciens 
remparts.  Souterrains  connus  sous  le  nom  de  Cave  des 
Anglais. 

ENTRECASTEAUX.  Com.  du  dép.  du  Var,  arr.  de 
Brignoles,  cant.  de  Cotignac,  sur  la  Bresque,  affl.  de  l'Ar- 
gens,  au  pied  d'une  falaise  de  tuf  à  pic  de  82  m.;  1,503  hab. 
Ferme-école  de  Saignes;  huiles,  minoterie.  Son  église,  du 
xiii«  siècle,  possède  une  toile  de  Vanloo.  Siège  du  marquisat 
possédé  au  xviii®  siècle  par  le  célèbre  navigateur  de  ce  nom. 
ENTRECASTEAUX  (Canal  d').  Détroit  qui  sépare  la 
côte  S.-E.  de  la  Tasmanie  de  l'île  Bruni  ;  il  a  56  kil.  de 
long  du  N.  au  S.  et  5  à  15  kih  de  large.  Il  s'ouvre  au  N. 
sur  la  baie  de  Derwent. 

ENTRECASTEAUX  (Récifs  d').  Nouvelle-Calédonie.  Lat. 
S.  18«  25',  long.  E.  60<^  10'.  Ces  récifs  ferment,  au  N., 
la  puissante  mâchoire  coralligène  qui  s'avance  dans 
cette  direction  à  plus  de  100  lieues  des  côtes  de  la  colonie. 
Leur  position,  ainsi  que  celle  des  flots  qui  couronnent  le 
récif,  fut  déterminée  en  1791  par  le  contre-amiral  Bruni 
d'Entrecasteaux,  pendant  son  voyage  sur  les  navires  la 
Recherche  et  l  Espérance  à  la  recherche  de  La  Pérouse. 
Ces  brisants,  avec  les  récifs  des  Français  et  le  grand  récif 
de  Cook,  bordent  une  mer  intérieure  de  laquelle  surgissent 
les  fles  Belep,  Art,  Huon,  etc. 

ENTRECASTEAUX  (Archipel  d').  Papouasie.  Iles  de 
l'océan  Pacifique,  10°  lat.  S.,  148<»  W  long.  E.,  au 
N.-O.  de  l'archipel  de  la  Louisiade  ;  ce  groupe  continue 
la  branche  terminale  N.  de  la  péninsule  sud-orientale  de 
la  Nouvelle-Guinée,  dont  il  est  séparé  par  le  détroit  de 
Goschen.  Il  sert  comme  de  point  d'appui  à  un  hémicycle 
de  récifs  enfermant  le  grand  lagon  de  Lusençay,  aux  eaux 
peu  profondes,  et  dont  les  terres  immergées  firent  partie 
jadis,  vraisemblablement,  du  continent  papouasien.  Ces 
fles,  qui  appartiennent  à  l'Angleterre,  comme  toute  cette 
partie  de  la  Nouvelle-Guinée,  sont  au  nombre  de  trois 
principales  :  Goodenoug,  Fergusson,  Normandy  ;  superfi- 
cie, 3,140  kfl.  q.  Elles  sont  bordées  de  viflages  ;  leurs 
habitants,  de  race  papoue  souvent  mélangée  de  type 
polynésien,  sont  anthropophages  et  s'adonnent  à  la  sorcel- 
lerie. C.  Del. 

ENTRECASTEAUX  (Joseph-Antoine  Bruni,  chevalierd'), 
navigateur  français,  né  à  Aix  (Provence)  en  1739,  mort 
en  mer,  près  de  Java,  le  20  jml.  1793.  Parent  du  bailli 
de  Suâ'ren,  fl  servit  dès  l'âge  de  quinze  ans  comme  garde 
de  marine,  et  montra  bientôt  une  remarquable  aptitude 
pour  les  travaux  hydrographiques.  De  lieutenant  de  vais- 
seau en  1778,  n  passa  commandant  de  frégate,  et  fut  suc- 
cessivement capitaine  de  pavillon,  directeur  adjoint  des 
ports  et  arsenaux,  chef  de  division  et  commandant  de  la 
station  des  mers  de  l'Inde  (1786).  Il  fit  alors  le  voyage 
de  l'Inde  en  Chine  à  contre-mpusson,  inaugurant  ainsi 
une  route  nouvelle.  Il  fut  ensuite  gouverneur  des  îles  de 
France  et  Bourbon  (1787).  La  Société  d'histoire  naturelle 
de  Paris  le  désigna  à  Louis  XVI,  et  l'Assemblée  nationale 
le  choisit  (1791)  pour  être  envoyé  à  la  recherche  de  La 
Pérouse;  iï  partit  de  Brest  le  24  sept.  1791  et  navigua 
avec  le  grade  de  contre-amiral,  en  compagnie  de  Huon  de 
Kermadec,  Beautemps-Beaupré,  de  Rossel,  de  Willaumez, 
de  Gicquel,  de  Louis  Ventenat,  etc.  Il  parvint  le  17  janv. 
1792  au  cap  de  Bonne-Espérance^  reconnut  en  mars  l'île 
d'Amsterdam,  puis  le  port  de  la  Recherche,  la  baie  de 
la  Recherche,  le  port  de  l'Espérance,  le  détroit  d'En- 


ENTRECASTEAUX  —  ENTRE-DEUX 


—  1182  — 


trecasteaux ,  Tile  Bruni ,  la  pointe  Riche ,  la  pointe 
Gicquel,  etc.  ;  il  se  dirigea  enfin  vers  le  S.-O.  de  la  Nou- 
velle-Calédonie, qu'il  avait  mission  d'explorer.  Après 
quelques  relâches,  il  arriva  en  septembre  à  Amboine,  d'où 
il  alla  vers  l'île  de  Timor,  et  fit  encore  de  belles  découvertes, 
notamment  trois  cents  lieues  de  côte  au  S.-O.  de  la  Nou- 
velle-Hollande. Depuis  longtemps  il  était  malade  du  scorbut 
et  de  la  dysenterie,  quand  il  succomba  sans  avoir^  pu  ac- 
complir sa  mission  par  rapport  à  La  Pérouse.  Il  existe  trois 
relations  de  cette  expédition  :  la  première,  rédigée  par 
de  La  Billardière,  est  plus  spécialement  consacrée  aux 
conquêtes  en  histoire  naturelle  (Paris,  1800,  2  vol.  in-^ 
et  atlas  in-fol.)  ;  la  deuxième,  due  à  de  Rossel,  s'occupe 
plutôt  des  détails  techniques  ie  la  navigation  (Paris,  4808, 
2  vol.  in-4  et  atlas  in-fol.)  ;  la  troisième,  par  le  chevalier 
de  Fréminville,  est  une  compilation  à  l'usage  du  grand 
pubhc  (Brest,  1838,  in-8).  Challamel. 

ENTRECHAT  (V.  Danse,  t.  XIII,  p.  881). 

ENTRECHAUX  (hitercallis, Entrechats).  Corn,  dnàè^, 
de  Yaucluse,  arr.  d'Orange,  cant.  de  Malaucène;  888  hab. 
Le  territoire  de  cette  commune  est  riche  en  débris  romains. 
On  y  a  trouvé,  à  diverses  époques,  des  médailles  et  surtout 
des  inscriptions.  Après  la  prise  de  Vaison  par  le  comte  de 
Toulouse,  l'évéque  de  cette  ville  se  réfugia  à  Entrechaux 
qui  était  et  qui  resta,  pendant  tout  le  moyen  âge,  un  fief 
épiscopal.  Cette  seigneurie  fut  vendue  en  loOO  aux  Gui- 
ramard  et,  à  la  veille  de  la  Révolution,  elle  appartenait  au 
fameux  médecin  charlatan  Ailhaud  la  Poudre,  Pendant 
les  guerres  de  religion.  Entrechaux  fut  attaqué  et  défendu 
un  instant  par  Lesdiguières.  L'église  est  du  xii^  siècle.  — 
Chapelle  de  Notre-Dame  de  Nazareth,  du  x«  siècle,  remar- 
quable par  ses  détails  architecturaux.  Ruines  d'un  château 
féodal.  L.  D. 

ENTRE-COLONNEMENT  (Archit.).  Espace  vide  qui 
sépare  deux  colonnes  et  que  l'on  mesure  entre  la  partie 
inférieure  de  leurs  fûts,  mais  au-dessus  de  leurs  bases,  en 
prenant  pour  unité  le  module  (V.  ce  mot)  ou  diamètre 
inférieur  de  la  colonne.  Le  plus  ou  le  moins  de  largeur 
des  entre- colonnements  contribuant,  au  moins  autant 
peut-être  que  les  proportions  des  colonnes  ou  les  détails 
des  ordres,  à  assurer  à  un  édifice  son  expression  architec- 
turale les  Grecs,  si  soucieux  de  tout  ce  qui  se  rattachait 
au  caractère  de  leurs  temples,  avaient  établi  un  canon  ou 
rèele  déterminant  les  proportions  qu'il  convenait  de  donner 
aux  entre-colonnements,  de  même  qu'ils  avaient  établi  une 
rèele  pour  les  proportions  des  colonnes.  Le  canon  des 
entre-colonnements,  que  nous  a  conservé  Vitruve  (1.  III, 
c.  m),  fixe  à  cinq  le  nombre  de  ces  proportions  :  la  pro- 
portion pycnostyle,  oti  le  vide  est  d'un  module  et  demi  ; 
la  systyle^  où  le  vide  est  de  deux  modules  ;  Veustyle,  où 
le  vide  est  de  deux  modules  et  quart  ;  la  diastyle,  on  le 
vide  est  de  trois  modules  et  enfin  Vaérostyle,  où  le  vide 
est  de  plus   de  trois  modules.   Les  Grecs   avaient,   de 

Aérostyle 


Diastyle, 
Eustyle 
Sy  style 

Pycnostyle 

Proportion  des  entre-colonnements  grecs,  d'après  Vitruve. 

plus,  donné  des  noms  aux  édifices,  suivant  le  nombre 
de  colonnes  qu'offraient  leurs  façades  :  ainsi,  le  tétrastyle, 
de  quatre  colonnes  ;  Vhexastyle^  de  six  colonnes  ;  Vocto- 
style^  de  huit  colonnes  ;  le  décastyle,  de  dix  colonnes  et 
le  dodécastyle,  de  douze  colonnes,  et  un  temple,  celui  de 
Poséidon,  à   Pœstum,    était  dit  hexastyle  pycnostyle^ 


parce  qu'il  avait  six  colonnes  sur  les  faces  et  les  entre- 
colonnements  larges  d'un  module  et  quart,  tandis  que 
l'ancien  temple  d'Artémis,  à  Ephèse,  était  dit  octostyle 
diastyle,  parce  qu'il  avait  huit  colonnes  sur  les  façades  et 
les  entre-colonnements  larges  de  trois  modules  ;  mais  il  faut 
encore  remarquer  que,  même  dans  l'antiquité  grecque,  ces 
règles  offraient  certaines  exceptions  consacrées  par  l'usage  : 
ainsi,  dans  les  temples  d'ordre  dorique,  il  y  avait  trois 
triglyphes  (V.  ce  mot)  au-dessus  de  l'entre-colonnement 
du  milieu  et  seulement  deux  au-dessus  des  entre-colonne- 
ments extrêmes,  d'où  le  premier  était  beaucoup  plus  large 
que  les  seconds  et,  dans  les  temples  d'ordre  ionique,  il  en 
était  aussi  de  même,  car  l'entre-colonnement  du  milieu 
devait  avoir  trois  modules,  tandis  que  les  autres  devaient 
seulement  avoir  deux  modules  un  quart,  toutes  exceptions 
qui  montrent  quelle  liberté  laissaient  aux  artistes  les  règles 
de  l'architecture  grecque  à  la  belle  époque  de  l'art.  —  Après 
les  Grecs,  les  Romains  varièrent  les  proportions  des  entre- 
colonnements,  et,  s'il  ne  fut  pas  question  de  ces  derniers  pen- 
dant toute  l'ère  du  moyen  âge,  en  revanche,  les  architectes 
de  la  Renaissance  s'assimilèrent,  avec  une  certaine  liberté, 
les  règles  des  ordres  antiques,  lesquelles  tombent  de  plus  en 
plus  en  discrédit  de  nos  jours  (V.  Ordre).  Ch.  Lucas. 
BiBL.  :  Ch.  Chipiez,  art.  Columna,  dans  Dict.  des  antiq. 
grecques  et  romaines;  Paris,  1884,  in-4,  fig.  1749. 

ENTRECÔTE  (V.  Côte,  t.  XII,  p.  1176). 

ENTRE  COUPE  (Archit.).  Dégagement  produit,  dans  un 
carrefour  ou  môme  dans  un  passage  de  porte  cochère,  par 
deux  pans  coupés,  placés  en  face  l'un  de  l'autre  et  donnant 
ainsi  une  plus  grande  facilité  à  la  circulation  des  voitures. 
L'entrecoupe  est  dite  double  lorsque  les  quatre  encoi- 
gnures d'un  carrefour  carré  forment  ainsi  des  pans  coupés, 
comme  au  carrefour  des  Quatre-Fontaines,  à  Rome.  —  On 
appelle  entrecoupe  de  voûte  l'espace  libre  compris  entre 
l'extrados  de  la  voûte  inférieure  et  l'intrados  de  la  voûte 
supérieure,  dans  le  cas  de  deux  voûtes  sphériques  ou  ovoïdes, 
inscrites  l'une  dans  l'autre  :  ces  voûtes  sont,  le  plus  sou- 
vent, reliées  ensemble  par  des  murs  de  refend  élevés  au 
droit  des  côtes  et  ajourés  de  vides  ménagés  pour  permettre 
a  circulation  entre  les  deux  voûtes.  Ch.  Lucas. 

ENTRECOURS  (Dr.  ancien).  L'entrecours  doit  être  rap- 
proché du  parcours.  L'un  et  l'autre  désignent  à  la  fois 
certaines  conventions  entre  seigneurs  et  le  droit  qui  en  résul- 
tait. Ces  conventions  ou  traités  avaient  polir  but  de  permettre 
aux  sujets  de  l'un  des  contractants  d'aller  résider  ou  établir 
leur  domicile  sur  les  terres  de  l'autre  sans  perdre  la  fran- 
chise. Jadis,  les  roturiers  qui  quittaient  les  terres  de  leur 
seigneur  et  allaient  séjourner  sur  celles  d'un  autre  deve- 
naient serfs,  soit  immédiatement,  soit  plus  communément 
au  bout  de  l'an  et  jour.  En  vertu  de  l'entrecours,  ils  de- 
vinrent de  la  même  manière  bourgeois,  de  plein  droit,  du 
seigneur  sur  les  terres  duquel  ils  s'établissaient.  Même 
chose  s'ils  allaient  résider  sur  le  fief  d'un  de  ses  vassaux. 
En  pays  d' entrecours,  la  bourgeoisie  s'acquiert  par  l'an  et 
jour  ou  par  l'aveu.  En  vertu  d'une  ordonnance  de  1305, 
les  bourgeois  de  pays  de  parcours  ou  d'entrecours  n'avaient 
pas  besoin  de  lettres  du  roi  pour  échapper  à  leurs  sei- 
gneurs ;  un  simple  aveu  suffisait.  —  L'entrecours  écartait 
également  le  droit  de  formariage.  Grâce  à  lui,  un  serf 
pouvait  épouser  une  serve  de  l'autre  seigneurie  sans  l'au- 
torisation de  son  seigneur  et  sans  payer  la  licence  ;  un  ro- 
turier pouvait  épouser  une  serve  d'une  autre  seigneurie 
sans  devenir  serf.  —  Entrecours  désigne  encore  des  con- 
ventions et  les  droits  qui  en  naissent  relatives  à  la  pâture 
des  troupeaux  d'une  seigneurie  dans  une  autre,  d'un  canton 
dans  un  autre,  etc.  La  loi  des  23  sept.-6  oct.  1791  permit 
à  tout  propriétaire  de  s'y  soustraire.       J.  Declareuil. 

ENTRE- DEUX  (AmeubL).  Meuble  bas  qui  se  place  entre 
deux  fenêtres  au-dessous  d'une  glace.  Il  est  le  plus  sou- 
vent disposé  en  forme  d'armoire  à  deux  vantaux  décorés 
de  marqueterie  de  bois  ou  incrustés  de  cuivre  sur  fond 
d'écaillé.  —  On  donne  également  le  nom  d'entre-d'eux  à  une 
bande  de  dentelle  ou  de  guipure  en  forme  de  galon,  de 


—  4183  — 


ENTRE-DEUX  -  ENTREE 


chaque  côté  de  laquelle  on  coud  une  autre  dentelle  à  bordure. 

ENTRE- DEUX.  Corn,  de  l'île  de  la  Réunion,  distincte 
depuis  1882  de  celle  de  Saint-Pierre,  son  chef-lieu  de 
canton  ;  sur  une  haute  terrasse,  entre  les  bras  de  Cilaos 
et  de  la  Plaine,  qui  forment  la  rivière  Saint-Etienne.  Jolie 
chapelle.  Cultures,  forêts  épuisées.  La  chaîne  de  l'Entre- 
Deux,  qui  a  donné  son  nom  à  la  localité,  sépare  le  cirque 
de  Cilaos  du  bras  de  la  Plaine.  C.  Del. 

BiBL.  ;  BoRY  DE  Saint- Vincent  •,  Maillard,  Notices 
coloniales,  (1885)  t.  II. 

ENTRE-DEUX-EAUX.  Corn,  du  dép.  des  Vosges,  arr. 
de  Saint-Dié,  cant.  de  Fraize;  672  hab. 

ENTRE-DEUX-GUI  ERS.  Corn,  du  dép.  de  l'Isère,  arr. 
de  Grenoble,  cant.  de  Saint-Laurent-du-Pont  ;  801  hab. 

ENTRE-DEUX-WIERS.  Région  de  France,  portion  de 
la  région  girondine,  entre  la  Dordogne  et  la  Garonne,  du 
Bec-d'Ambès  à  la  limite  du  dép.  de  la  Gironde  (150,000 
hect.),  ou,  plus  exactement,  jusqu'au  point  où  le  flot  pour 
les  deux  fleuves,  ici  vrais  courants  maritimes,  ne  se  fait 
plus  sentir,  la  Umite  S.-E.  étant  reportée  en  deçà  entre 
Castillon  et  La  Réole.  Cequi  était  désigné  dans  la  province 
de  Guyenne  sous  les  noms  de  la  Grande  et  de  la  Petite 
Prévôté  n'en  formait  qu'une  portion.  En  histoire,  on  ne 
parle,  en  citant  l'Entre-Deux-Mers,  que  de  la  Grande 
Prévôté,  dont  le  ch.-l.  était  Créon.  Cette  péninsule  trian- 
gulaire, qui  se  rattache  aux  contreforts  du  plateau  central, 
est  pittoresque,  à  vallons  peu  profonds,  et  arrosée  par  de 
nombreux  petits  cours  d'eau,  se  jetant  dans  ses  deux 
rivières;  elle  est  couverte  de  prés,  de  bois,  de  vergers,  et  de 
vignes,  malheureusement  aujourd'hui  phylloxérées.  La  con- 
trée est  fertile,  salubre,  riche,  parsemée  de  villages,  de 
châteaux  et  de  villas.  On  y  distingue,  comme  régions 
vinicoles,  les  palus,  dans  l'angle  marécageux  du  Bec- 
d'Ambès,  puis  les  vins  de  côtes,  sur  la  rive  droite  de  la 
Garonne,  d'Ambarès  à  La  Réole,  et  ceux  dits  d'Entre- 
Deux-Mers,  dans  tout  le  reste  de  l'espace.  On  y  trouve  de 
nombreuses  traces  de  l'occupation  des  Romains  et  deux 
grandes  voies,  vers  Saintes  et  vers  Périgueux.     C.  Del. 

BiBL.:  Léo  Drouyn,  Essai  histoy^ique  sur  VEntre-Deux- 
Mers  (extr.  des  Actes  de  l'Acad.  de  Bord.,  1870-72,  p.  325); 
Bordeaux,  1872,  in-8. 

ENTRE-DEUX-MONTS.  Com.  du  dép.  du  Jura,  arr.  de 
Poligny,  cant.  des  Planches;  294  hab. 

ENTRE   DOURO   ET    M  IN  HO.  Province  du  Portugal 

(V.   MiNHO). 

E N T R  É  E.  I .  Astronomie . — Moment  où  le  soleil  pénètre 
dans  les  différents  signes  du  zodiaque.  Instant  où  le  soleil, 
la  lune  ou  la  terre  sont  plongés  dans  l'ombre  ou  dans  la 
pénombre  à  l'époque  des  6^^1/95^.5  (V.  ce  mot).      L.  B. 

II.  Architecture.  —  Terme  général  qui  signifie  le 
passage  par  lequel  on  accède  du  dehors  à  l'intérieur,  par 
exemple  de  la  voie  publique  dans  une  maison,  du  parvis 
dans  une  église,  de  la  campagne  dans  la  ville,  ou  simple- 
ment une  petite  pièce  qui  en  précède  une  plus  grande  ou 
un  appartement.  Suivant  leur  situation  et  leur  destination, 
les  entrées  ont  reçu  des  noms  particuliers  tels  que  :  passage 
déporte,  vestibule,  portail,  porte  de  ville,  anti- 
chambre, etc.  (V.  ces  mots).  On  appelle  aussi  entrée  la 
décoration  architecturale,  sculpturale,  picturale  d'une  porte 
d'édifice,  de  galerie  intérieure,  de  chœur  ou  de  chapelle 
dans  une  éghse,  cette  dernière  entrée  souvent  formée  de 
grilles.  —  En  serrurerie,  l'entrée  est  la  plaque  de  métal, 
fer,  cuivre,  nickel  ou  bronze,  découpée,  ciselée,  ornée  ou 
dorée  qui  entoure,  à  l'extérieur,  l'ouverture  par  laquelle 
on  introduit  la  clef  dans  une  serrure.  Certaines  serrures, 
extérieures  ou  intérieures,  dans  les  édifices  du  moyen  âge 
et  surtout  dans  les  égUses,  ont  conservé  de  ces  entrées 
ouvragées,  offrant  parfois  de  puissants  reliefs,  et  permet- 
tant d'y  encastrer,  suivant  la  tradition,  une  petite  statuette 
de  saint  Eloi,  ce  maître  orfèvre  des  temps  mérovingiens 
resté  le  patron  des  serruriers.  Charles  Lucas. 

III.  Musique.  —  Intonation  d'une  partie  vocale  ou  ins- 
trumentale dans  un  concert  de  voix  ou  d'instruments.  Début 
d'un  motif  ou  d'un  fragment  de  motif.  Dans  la  fugue,  on 


nomme  entrées  les  différentes  expositions  du  motif.  A 
l'orchestre,  les  entrées  se  disent  de  l'apparition  des  instru- 
ments dans  la  polyphonie.  Leur  entrée  est  caractéristique 
soit  par  le  dessin  mélodique  ou  le  timbre  dont  ils  le  revê- 
tent. —  On  nomme  également  entrée  des  pièces  de  mu- 
sique accompagnant  l'entrée  des  personnages  dans  un  opéra 
ou  dans  un  ballet.  La  musique  des  entrées  tend  générale- 
ment à  définir  le  caractère  du  personnage  ou  le  sentiment 
dont  il  est  animé.  —  En  musique  de  chambre,  on  nomme 
entrée  le  premier  morceau  d'une  suite.  A  l'église,  on  nomme 
entrée  la  pièce  d'orgue  qui  ouvre  généralement  la  céré- 
monie et  accompagne  l'entrée  du  clergé  ou  des  personnages 
de  marque.  Ch.  R. 

IV.  Art  culinaire.  —  On  désignait  autrefois  par 
entrées  tout  ce  qui  dans  un  repas  précédait  le  rôti  ;  mais 
aujourd'hui  on  est  convenu  de  donner  ce  nom  aux  mets 
qui  succèdent  aux  relevés  et  qui  parfois  les  remplacent. 
Elles  peuvent  être  considérées  comme  la  partie  capitale, 
nourrissante,  d'un  dîner;  ce  sont  presque  toujours  des  mets 
chauds.  Ainsi  le  beurre,  les  radis,  les  artichauts,  les 
huîtres,  etc.,  qu'on  sert  avec  les  entrées,  ne  doivent  pas 
être  confondus  avec  elles  ;  ce  sont  des  hors-d' œuvre  (V.  ce 
mot).  On  divise  les  entrées  en  entrées  ordinaires  et  grosses 
entrées  ou  entrées  de  broche,  ces  dernières  étant  quelque- 
fois appelées  relevés.  Les  grosses  entrées  sont  générale- 
ment au  nombre  de  deux,  les  entrées  ordinaires  au  nombre 
de  quatre,  mais  on  en  sert  souvent  six,  huit  et  même  douze, 
selon  la  quantité  des  convives  ;  on  va  rarement  au  delà  de 
ce  nombre,  excepté  dans  les  grands  repas  de  cérémonie. 
Toutes  les  productions  animales  sont  matière  à  entrées  :  la 
viande  de  boucherie,  les  issues,  le  gibier,  la  volaille,  les 
poissons  de  mer  et  d'eau  douce  en  forment  la  base  ;  les 
légumes  et  les  pâtes  ne  composent  jamais  seuls  une  entrée. 
Il  y  en  a  de  différents  genres  et  séries  :  entrées  naturelles, 
masquées,  grasses,  maigres,  de  boucherie,  de  basse-cour, 
d'issues,  de  forêts,  de  plaines,  etc.  C'est  à  réussir  les 
entrées  que  les  cuisiniers  mettent  ordinairement  toute  leur 
science,  car  ils  savent  que  c'est  par  elles  qu'on  jugera  de 
leurs  talents. 

V.  Administration  militaire.  —  Entrée  en  solde 
(V.  Solde). 

VI.  Contributions  indirectes.  —  Droit  d'entrée. 
—  Tarif,  On  trouvera  à  l'article  Boisson  (Fiscalité),  t.  VU, 
p.  153,  le  tarif  du  droit  d'entrée  établi  par  la  loi  du  19  juil. 
1880  pour  les  vins,  cidres,  poirés  et  hydromels,  et  par  la 
loi  du  26  mars  1872  pour  les  alcools.  Ce  droit  a  été  créé 
par  l'art.  18  de  la  loi  du  2o  nov.  1808,  en  remplacement 
des  droits  d'inventaire  et  de  vente  en  gros  sur  les  bois- 
sons. La  loi  du  28  avr.  1816  l'a  maintenu  et  ce  sont  les 
dispositions  de  cette  dernière  loi  qui  régissent  aujourd'hui 
la  perception  de  ce  droit.  La  loi  du  25  mars  1817  n'avait 
apporté  d'autre  changement  à  celle  de  1816  qu'en  ce  qu'elle 
avait  étendu  aux  lieux  de  1,500  âmes  et  au-dessus  la  per- 
ception de  ce  droit,  qui  ne  s'opérait  précédemment  que 
dans  les  villes  de  2,000  âmes  de  population.  Par  une  dis- 
position inverse,  la  loi  du  12  déc.  1830  a  affranchi  du 
droit  d'entrée  les  villes  ayant  une  population  agglomérée 
de  moins  de  4,000  âmes.  Un  décret  du  17  mars  1852  a 
réduit  de  moitié  le  droit  d'entrée  sur  les  vins,  cidres,  poirés, 
hydromels  ;  mais  il  a  été  rétabli  au  taux  ancien  par  la  loi 
du  31  déc.  1873.  La  loi  du  26  mars  1872  a  élevé  de 
moitié  le  droit  sur  les  spiritueux.  La  base  de  la  perception 
est  établie  sur  le  degré.  En  1888,  le  droit  d'entrée  sur  les 
cidres,  vins,  poirés,  etc.,  a  produit  12,204,133  fr.  Une 
loi  du  31  déc.  1873  a  aussi  établi  un  droit  d'entrée  sur 
les  huiles.  Le  droit  d'entrée  sur  les  boissons  est  perçu  dans 
toutes  les  villes  ayant  une  population  agglomérée  de 
4,000  âmes  (loi  du  12  déc.  1830,  art.  3).  11  faut  que  la 
population  agglomérée  dépende  de  la  même  commune.  De 
ce  que  les  habitations  agglomérées  seraient  dépendantes 
d'une  commune  qui,  sur  une  autre  partie  de  son  territoire, 
aurait  déjà  un  autre  lieu  sujet  aux  droits,  il  ne  peut  en 
résulter  aucun  motif  d'exemption  ;  seulement  le  tarif  doit 


ENTREE 


1184  — 


être  appliqué  dans  chacune  des  deux  portions  de  la  com- 
mune, en  raison  de  leur  population  agglomérée  (D.  descontr. 
ind.  du  26  déc.  1816).  C'est  en  raison  du  chiffre,  non  de 
la  population  totale,  mais  de  la  population  agglomérée  que 
les  communes  sont  ou  ne  sont  pas  assujetties  au  droit  d'en- 
trée (C.  des  contr.  ind.  du  26  mars  18")!).  Le  mode  de 
perception  à  suivre  pour  les  vins  surchargés  d'alcool,  et 
toutes  les  dispositions  qui  s'y  rapportent  font  l'objet  de 
Fart.  ViNAGE. 

Les  vendanges  et  les  fruits  à  cidre  ou  à  poiré  sont 
soumis  au  droit,  à  raison  de  3  hectol.  de  vendange  pour 

2  hectol.  de  vin,  et  de  5  hectol.  de  pommes  ou  poires 
pour  2  hectol.  de  cidre  ou  de  poiré  (loi  du  28  avr.  1816, 
art.  23).  Les  fruits  secs,  destinés  à  la  fabrication  du  cidre 
ou  du  poiré,  sont  imposés  à  raison  de  25  kilogr.  de  fruits 
pour  un  hectol.  de  cidre  ou  poiré  (ibid.).  Ceux  destinés  à  la 
fabrication  du  vin  seront  imposés  dans  les  villes  sujettes 
aux  droits  d'entrée  à  raison  de  1 00  kilogr.  de  fruits  secs  pour 

3  hectol.  de  vin  (loi  de  finances  du  17  juil.  1889,  art.  42). 
Lorsque  la  perception  a  été  faite  sur  des  fruits  en  nature, 
il  ne  peut  plus  être  exigé  de  droits  d'entrée  sur  le  cidre 
fabriqué  avec  les  mêmes  fruits  dans  l'intérieur  d'un  lieu 
sujet,  quelque  excédent  qu'offre  le  résultat  de  la  fabri- 
cation, comparé  avec  la  réduction  aux  deux  cinquièmes  des 
quantités  de  fruits  introduites  (D.  des  contr.  ind.  du 
18  déc.  1816).  Pour  la  perception,  toute  bouteille  de 
contenance  inférieure  au  demi- litre  sevdi  comptée  pour 
cette  quantité  s'il  s'agit  de  vin,  cidre,  poiré  ou  hydromel; 
celles  d'une  contenance  inférieure  au  litre,  mais  supérieure 
au  demi-litre,  seront  comptées  pour  un  litre.  Quant  aux 
bouteilles  ou  vases  d'une  plus  grande  contenance,  on 
multipUera  le  nombre  de  centilitres  correspondant  à  la 
capacité  effective  par  celui  des  vaisseaux  ;  le  résultat  du 
calcul  donnera  la  quantité  de  litres  à  porter  daus  les  expé- 
ditions et  sur  laquelle  le  droit  devra  être  perçu.  Les  frac- 
tions au-dessous  de  50  centil.  seront  néghgées;  les 
fractions  de  50  centil.  et  au-dessus  seront  comptées 
pour  un  litre  (§  17  de  l'instr.  prat.  du  reg.  n<>  10).  Pour 
les  spiritueux,  le  droit  se  perçoit  d'après  la  contenance 
réelle  des  bouteilles  et  leur  richesse  alcoolique. 

Les  boissons  dites  piquettes,  demi-vin,  trévin,  etc., 
faites  par  les  propriétaires  récoltants  avec  de  l'eau  jetée  sur 
de  simples  marcs  sans  pression,  ne  sont  pas  inventoriées 
chez  eux  et  sont  conséquemment  exemptes  de  droit,  à 
moins  qu'elles  ne  soient  déplacées  pour  être  vendues  en 
gros  ou  en  détail  (loi  du  28  avril  1816,  art.  42). 

En  soumettant  à  la  déclaration  et  aux  droits  les  cidres 
et  poirés  en  général,  la  loi  a  entendu  nécessairement  toute 
boisson  de  cette  nature,  bonne,  loyale  et  marchande,  telle 
qu'elle  a  cours  dans  le  commerce  (A.  C.  du  17  janv.  1810). 
Il  n'est  pas  apporté  de  modifications  à  la  taxe  des  petits 
cidres  soumis  au  droit  d'entrée,  d'après  les  résultats  de 
la  vérification  (D.  des  contr.  ind.  du  11  déc.  1816).  Les 
droits  d'entrée  et  d'octroi  sont  dus  sur  les  boissons  distri- 
buées les  jours  de  fêtes  publiques  (D.  des  contr.  ind.  du 
18  déc.  l'816).  Les  eaux-de-vie  ou  esprits  altérés  par 
un  mélange  quelconque  sont  soumis  au  même  droit  que 
les  eaux-de-vie  ou  esprits  purs  (loi  du  28  avr.  1816, 
art.  23,  et  loi  du  24  juil.  1843,  art.  5).  Les  dispositions 
relatives  aux  eaux  de  Cologne,  eaux  de  senteur,  et  vernis 
ne  sont  pas  applicables  aux  alcools  dénaturés.  Ceux-ci  sont 
soumis  à  une  taxe  spéciale  (V.  Dénaturation)  . 

Sont  affranchis  des  droits  imposés  sur  les  boissons,  les 
compositions  pharmaceutiques  constituant  des  médica- 
ments ou  des  remèdes,  telles  que  l'élixir  antiglaireux  du 
docteur  Gage,  le  vin  d'Ossian-Henry,  le  vin  au  lacto- 
phosphate  de  chaux  de  Dusart,  le  vin  de  quinquina,  le 
vin  ferrugineux  de  quinquina  d'Aroud  et  le  coaltar  sapo- 
niné  de  Lebœuf  (arrêt  de  la  cour  d'Orléans  du  iS  déc. 
1878;  A.  C.  des  19  janv.  1879, 11  nov.  et  2  déc.  1880). 
Ces  préparations  sont  également  affranchies  du  droit 
d'octroi,  à  moins  qu'elles  ne  soient  nommément  désignées 
au  tarif  (C.  des  contr.  ind.  du  2   nov.   1877).  Ce  qui 


motive  l'immunité,  c'est  le  caractère  exclusivement  mé- 
dicamenteux du  produit.  L'exemption  n'est  donc  acquise 
qu'aux  préparations  essentiellement  médicinales  vendues 
par  les  pharmaciens  ou  par  les  droguistes  (lett.  comm.  des 
contr.  ind.  du  12  janv.  1881).  Une  liqueur  spiritueuse, 
qui  constitue  à  la  fois  une  boisson  usuelle  et  une  liqueur 
médicinale,  n'est  pas  exempte  des  droits  imposés  sur  les 
spiritueux  et  se  trouve  soumise  à  toutes  les  formalités 
prescrites  pour  assurer  la  perception  de  ces  droits  (A.  C. 
du  10  mars  1826  et  C.  des  contr.  ind.  du  1^^  août  suiv.). 

Des  règles  spéciales  s'appliquent  aux  préparations  à 
base  d'alcool. 

Les  boissons  embarquées  à  bord  des  bateaux  de  pêche 
ne  sont  pas  passibles  des  droits  d'entrée  et  d'octroi  (D.  des 
contr.  ind.  du  11  févr.  1818).  Celles  consommées  par  les 
équipages  de  la  marine,  soit  à  terre,  soit  sur  un  bâti- 
ment, dans  un  port,  sont  soumises  au  droit  d'entrée  (D.  M. 
F.  des  10  avr.  et  6  juin  1809).  Mais  les  boissons  qui  se 
trouvent  à  bord  d'un  navire,  en  relâche  dans  un  port,  et 
qui  sont  destinées  à  la  consommation  de  l'équipage,  ne 
sont  pas  soumises  aux  droits  d'entrée  et  d'octroi  (A.  C.  du 
24juiL1820). 

Villes  assujetties  pour  là  première  fois  au  droit 
d'entrée.  Les  tableaux  joints  au  décret  qui  fixe  la  popu- 
lation d'une  ville  n'ont  pas  une  autorité  telle  qu'il  ne  reste 
plus  qu'à  les  appliquer  absolument,  soit  pour  établir  ou 
pour  supprimer  le  droit  d'entrée,  soit  pour  faire  passer 
les  communes  d'une  classe  à  une  autre.  La  régie  des  con- 
tributions indirectes  et  les  communes  conservent  respec- 
tivement la  faculté  et  le  droit  de  provoquer,  sous  le  rapport 
tant  du  dénombrement  en  lui-même  que  de  la  déhmitation 
de  l'agglomération,  le  renouvellement  de  l'opération  et 
même  un  recensement  contradictoire. 

Au  moment  de  l'étaWissement  du  droit  d'entrée,  il  sera 
nécessaire  de  procéder,  chez  les  marchands  en  gros,  chez 
les  bouilleurs  et  distillateurs,  à  l'inventaire  des  boissons 
existant  dans  leurs  magasins.  Il  ne  sera  pas  fait  inventaire 
chez  les  récoltants;  mais  si,  après  la  prochaine  récolte,  il 
y  avait  lieu  de  procéder  à  l'inventaire  autorisé  par  l'art. 
40  de  la  loi  du  28  avr.  1816,  on  prendrait  en  charge 
toutes  les  quantités  de  vin  de  récolte  (vieux  ou  nouveau), 
que  posséderaient  alors  les  récoltants.  Les  débitants  n'au- 
ront pas  à  payer  le  droit  d'entrée  sur  les  quantités  qu'ils 
auront  en  charge  au  moment  de  l'établissement  de  la  per- 
ception; mais,  pour  les  boissons  qu'ils  recevraient  ulté- 
rieurement, ils  auront  à  produire,  quant  au  payement  du 
droit  d'entrée,  les  justifications  prescrites  par  l'art.  53 
de  la  loi  du  28  avr.  1816.  Les  simples  particuliers  n'au- 
ront également  pas  à  payer  le  droit  d'entrée  sur  les  bois- 
sons qu'ils  possèdent  et  aucun  inventaire  ne  devra  être 
opéré  chez  eux.  Dans  le  cas  de  déplacement  ultérieur  de 
boissons  mises  en  mouvement  ou  vendues  par  les  parti- 
culiers ou  par  les  débitants,  il  n'y  aura  pas  lieu  de 
rechercher  si  les  boissons  déplacées  ont  ou  n'ont  pas  été 
introduites  avant  l'établissement  du  droit  d'entrée.  Le 
principe  général  résultant  de  la  législation  et  d'après  lequel, 
pour  les  mouvements  à  l'intérieur,  le  droit  d'entrée  n'est 
exigible  que  sur  les  boissons  sortant  des  entrepôts,  recevra 
ainsi  son  application  (C.  des  contr.  ind.  du  28  mai  1852). 

Changement  de  tarif.  Suppression  du  droit  d'entrée. 
Lorsque,  par  suite  de  changement  dans  le  chiffre  de  la 
population  agglomérée,  une  ville  passe  d'une  classe  du 
tarif  à  une  classe  supérieure  ou  inférieure,  le  préfet  doit 
prendre  un  arrêté  pour  déclarer  le  changement  de  classe 
(C.  des  contr.  ind.  du  17  mars  1817).  Un  inventaire  sera 
fait  chez  les  marchands  en  gros  et  chez  les  bouilleurs  ou 
distillateurs  entrepositaires  ;  leurs  comptes  seront  réglés 
conformément  à  la  circulaire  n°  25  du  3  avr.  1852  ; 
leurs  cautions  (loi  du  21  avr.  1832,  art.  38)  ne  demeu- 
reront engagées  que  pour  les  droits  d'entrée,  exigibles 
sur  les  sorties  non  justifiées  quant  aux  envois  antérieurs 
à  la  suppression  du  droit  d'entrée,  ou  sur  les  manquants 
qui,   selon   les  arrêtés   de  compte  opérés  avant  ou  au 


—  1185 


ENTREE 


moment  de  la  suppression  (loi  du  20  juil.  1837),  étaient 
immédiatement  passibles  du  droit  d'entrée,  et  aussi  sur 
les  autres  manquants  qui,  d'après  le  règlement  annuel 
de  compte,  demeureront  imposables.  Un  mventaire  sera 
fait  également  chez  les  débitants  jouissant  exceptionnel- 
lement de  l'entrepôt.  Les  quantités  manquantes  seront 
assujetties  au  droit  d'entrée.  Les  quantités  restantes  en 
seront  affranchies.  Il  y  aura  lieu  aussi  de  procéder,  chez 
les  entrepositaires  récoltants,  à  un  récolement  des  quan- 
tités restant  à  leur  charge,  et  de  liquider  leurs  comptes  en 
accordant,  sur  les  manquants,  la  déduction  entière  fixée 
par  l'art.  17  du  décret  du  17  mars  1852.  Les  manquants 
nets,  résultant  des  décomptes  établis,  seront  soumis  aux 
droits  (C.  des  contr.  ind.  des  28  mai  1852  et  19  déc.  1877). 
Faubourgs  et  dépendances  rurales.  C'est  à  l'autorité 
administrative  à  prononcer  sur  lés  réclamations  des  parti- 
culiers qui  prétendent  n'être  pas  compris  dans  l'agglo- 
mération sujette  aux  droits  d'entrée,  comme  sur  les 
réclamations  des  communes  (avis  du  C.  des  F.  du  18  avr. 
1829).  Le  droit  est  perçu  dans  les  faubourgs  des  lieux 
sujets  et  sur  toutes  les  boissons  reçues  par  les  débitants 
établis  sur  le  territoire  de  la  commune.  Les  habitations 
éparses  et  les  dépendances  rurales  entièrement  détachées 
du  lieu  principal  sont  affranchies  du  droit  d'entrée  (loi  du 
28  avr.  1816,  art.  21). 

Classement  des  communies.  Dénombrement.  Les 
communes  assujetties  au  droit  d'entrée  seront  rangées  dans 
les  différentes  classes  du  tarif,  en  raison  de  leur  popu- 
lation agglomérée  (loi  du  28  avr.  1816,  art.  22).  Des 
circulaires  du  ministre  de  l'intérieur  du  6  mai  1846  et  du 
4  mars  1851  contiennent  des  instructions  relativement  au 
dénombrement. 

Bureaux  de  perception.  Dans  la  plupart  des  lieux 
fermés,  les  droits  d'entrée  doivent  être  perçus  à  des 
bureaux  placés  aux  portes;  dans  les  lieux  ouverts,  les 
redevables  sont  tenus  d'aller  les  acquitter  à  un  bureau 
central,  mais  ces  dispositions  générales  doivent  être  mo- 
difiées suivant  les  circonstances  (instr.  des  contr.  ind.  du 
16  janv.  1809). 

Déclarations  à  Ventrée.  Tout  conducteur  de  boissons 
sera  tenu,  avant  de  les  introduire  dans  un  lieu  sujet  aux 
droits  d'entrée,  d'en  faire  la  déclaration  au  bureau,  de 
produire  les  congés,  acquits-à-caution  ou  passavants  dont 
il  sera  porteur,  et  d'acquitter  les  droits,  si  les  boissons 
sont  destinées  à  la  consommation  du  lieu  (loi  du  28  avr. 
1816,  art.  24).  Dans  les  lieux  où  il  n'existera  qu'un 
bureau  central  de  perception,  les  conducteurs  ne  pour- 
ront décharger  leurs  voitures  ni  introduire  les  boissons  au 
domicile  du  destinataire  avant  d'avoir  rempli  les  obligations 
qui  leur  sont  imposées  par  l'art.  24  de  la  loi  du  28  avr. 
1816  {ibid.,  art.  25).  L'interdiction  de  décharger  les 
boissons  et  de  les  introduire  au  domicile  du  destinataire 
n'oblige  pas  les  voituriers,  dans  les  villes  où  le  droit 
d'entrée  se  perçoit  à  bureau  central,  à  conduire  les  bois- 
sons devant  le  bureau  (C.  des  contr.  ind.  du  5  mai  1836). 
Toute  personne  qui  contestera  le  résultat  d'un  jaugeage 
fait  par  les  employés  de  la  régie  pourra  requérir  qu'il  soit 
fait  un  nouveau  jaugeage,  en  présence  d'un  officier  public, 
par  un  expert  que  nommera  le  juge  de  paix,  et  dont  il  recevra 
le  serment.  La  régie  pourra  faire  vérifier  l'opération  par 
un  contre-expert,  qui  sera  nommé  par  le  président  du  tri- 
bunal d'arrondissement.  Les  frais  de  l'une  et  de  l'autre 
vérification  seront  à  la  charge  de  la  partie  qui  aura  élevé 
mal  à  propos  la  contestation  (loi  du  28  avr.  1816, 
art.  146).  Celui  qui  déclare  des  boissons,  à  l'entrée  d'un 
lieu  sujet,  doit  attendre,  avant  de  les  introduire,  que  la 
vérification  en  ait  été  faite  par  les  préposés  ;  à  défaut  de 
quoi  il  est  en  contravention,  bien  qu'il  ait  laissé  sur  le 
bureau  du  receveur  le  montant  présumé  du  droit  d'entrée 
(A.  C.  du  14  mars  1817). 

Heures  d'entrée  et  de  sortie.  Les  boissons  ne  pourront 
être  introduites  dans  un  lieu  sujet  aux  droits  d'entrée  que 
dans  les  intervalles  de  temps  ci-après  déterminés,  savoir  : 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.  —  XV. 


pendant  les  mois  de  janvier,  février,  novembre  et  dé- 
cembre, depuis  sept  heures  du  matin  jusqu'à  six  heures 
du  soir  ;  pendant  les  mois  de  mars,  avril,  septembre  et 
octobre,  depuis  six  heures  du  matin  jusqu'à  sept  heures 
du  soir  ;  pendant  les  mois  de  mai,  juin,  juillet  et  août, 
depuis  cinq  heures  du  matin  jusqu'à  huit  heures  du  soir 
(loi  du  28  avr.  1816,  art.  26). 

Boissons  fabriquées  à  l'intérieur.  Toute  personne 
qui  récolte,  fabrique  ou  prépare,  dans  l'intérieur  d'une 
ville  sujette  aux  droits  d'entrée,  des  vins,  cidres,  poirés, 
hydromels,  alcools  ou  liqueurs,  sera  tenue,  sous  les  peines 
portées  par  l'art.  46  de  la  loi  du  28  avr.  1816,  d'en  faire 
la  déclaration  au  bureau  de  la  régie  et  d'acquitter  immé- 
diatement le  droit,  si  elle  ne  réclame  la  faculté  de  l'en- 
trepôt. Cette  déclaration  devra  précéder  de  douze  heures 
au  moins  la  première  fabrication  de  l'année  (loi  du  25  juin 
1841,  art.  17).  Les  dispositions  qui  précèdent  ne  sont 
point  applicables  aux  personnes  qui  auront  acquitté  le 
droit  à  l'entrée  sur  leurs  vendanges,  fruits  à  cidre  ou  à 
poiré,  servant  à  la  fabrication  (loi  du  25  juin  1841, 
art.  17;  C.  des  contr.  ind.  des  5  nov.  1841  et  du 
30  oct.  1857). 

Passe-debout.  Les  boissons  introduites  dans  un  lieu 
sujet  aux  droits  d'entrée,  pour  le  traverser  seulement  ou 
y  séjourner  moins  de  vingt-quatre  heures,  ne  seront  pas 
soumises  à  ces  droits  ;  mais  le  conducteur  sera  tenu  d'en 
consigner  ou  d'en  faire  cautionner  le  montant  à  l'entrée,  et 
de  se  munir  d'un  permis  de  passe-debout.  La  somme  con- 
signée ne  sera  restituée,  ou  la  caution  libérée,  qu'au  départ 
des  boissons  et  après  que  leur  sortie  du  lieu  en  aura  été 
justifiée  (loi  du  28  avr.  1816,  art.  28).  Lorsqu'il  sera  pos- 
sible de  faire  escorter  les  chargements,  le  conducteur  sera 
dispensé  de  consigner  ou  de  faire  cautionner  les  droits. 
Les  boissons  conduites  à  un  marché  dans  un  lieu  sujet  au 
droit  d'entrée  sont  soumises  aux  formalités  du  passe- 
debout  (ibid.,  art.  29). 

Transit.  En  cas  de  séjour  des  boissons  au  delà  de 
vingt-quatre  heures,  le  transit  sera  déclaré  conformément 
aux  dispositions  de  l'art.  14,  et  la  consignation  ou  le 
cautionnement  du  droit  d'entrée  subsisteront  pendant  toute 
la  durée  du  séjour  (loi  du  28  avr.  1816,  art.  30). 

Faculté  d'entrepôt  dans  les  villes  sujettes  aux  droits 
d'entrée  (V.  Entrepôt  [Contr.  ind.]). 

Visites.  Les  personnes  voyageant  à  pied,  à  cheval  ou 
en  voitures  particulières  et  suspendues  ne  sont  pas  assu- 
jetties aux  visites  des  commis  à  l'entrée  des  villes  sujettes 
au  droit  d'entrée  (loi  du  28  avr.  1816,  art.  44).  Mais, 
en  vertu  de  l'art.  7  de  la  loi  du  29  mars  1832,  les  voi- 
tures particulières  suspendues  sont  soumises,  aux  entrées 
de  Paris,  aux  mêmes  visites  que  les  voitures  publiques,  et 
l'art.  9  de  la  loi  du  24  mai  1834  a  établi  que  cette 
disposition  était  applicable  à  toutes  les  communes  qui  ont 
un  octroi.  Il  en  résulte  que,  dans  les  villes  sujettes  au 
droit  d'entrée  seulement,  le  droit  de  visite  ne  s'étend  pas 
aux  voitures  particulières  suspendues.  Les  courriers  ne 
pourront  être  arrêtés  à  leur  passage  sous  prétexte  de  per- 
ception ;  mais  ils  seront  obligés  d'acquitter  les  droits  sur 
les  objets  qui  y  sont  sujets  et  à  cet  effet  les  employés 
pourront  accompagner  les  malles-poste  et  assister  à  leur 
déchargement.  Tout  courrier,  tout  employé  des  postes  qui 
serait  convaincu  d'avoir  fait  ou  favorisé  la  fraude,  serait 
destitué  par  l'autorité  compétente  et  poursuivi  devant  les 
tribunaux  pour  la  contravention  (loi  du  28  avr.  1816, 
art.  45).  Les  employés  de  la  régie  ne  sont  pas  autorisés, 
même  en  rempHssant  toutes  les  formalités  prescrites  par 
l'art.  237  de  la  loi  du  28  avr.  1816,  à  s'introduire 
chez  les  particuHers  non  sujets  aux  exercices  pour  procéder 
à  des  visites  domiciliaires^  à  l'effet  d'y  rechercher  les 
boissons  qui  peuvent  être  introduites  en  fraude  du  droit 
d'entrée,  à  moins  qu'il  n'y  ait  eu  poursuite  à  vue  depuis 
le  moment  de  l'introduction  (D.  des  contr.  ind.  du 
12  juil.  1820). 
Pénalités.  Toutes  contraventions  aux  dispositions  de  la 

75 


ENTREE 


-  1186  - 


loi  du  28  a\T.  1816,  en  ce  qui  concerne  le  droit  d'entrée, 
entraîne  l'amende  de  100  à  200  fr.  et  la  confiscation  des 
objets  saisis  (art.  27  et  46  de  la  loi  précitée).  Il  y  a  à 
combiner  ainsi  qu'il  suit  ces  dispositions  avec  celles  de  la 
loi  du  28  févr.  1872  et  celles  de  la  loi  du  21  juin  1873  : 
10  Tentative  d'introduction  frauduleuse  à' alcools  dans 
les  villes  soumises  aux  droits  d'entrée  :  confiscation  des 
boissons  saisies  et  double  amende,  l'une  de  100  à  200  fr. 
pour  fraude  au  droit  d'entrée,  en  vertu  de  l'art.  46  de 
la  loi  du  28  avr.  1816,  l'autre  de  500  à  5,000  fr.  pour 
fraude  au  droit  de  consommation,  en  vertu  de  l'art.  1^' 
de  la  loi  du  28  févr.  1872,  sans  préjudice  des  péna- 
,  lités  d'octroi  et  des  autres  peines  spéciales  à  la  récidive, 
et  au  cas  de  fraude  par  escalade,  par  souterrain  ou 
a  main  armée^  prévues  par  le  §  2  de  l'art.  46  de  la 
loi  du  28  avr.  1816. 

2^^  Tentative  d'introduction  frauduleuse  de  imis,  ci- 
dres, etc.,  dans  les  villes  soumises  au  droit  d'entrée  : 
confiscation  des  boissons  saisies  et  double  amende,  l'une 
de  100  à  200  fr.  pour  fraude  au  droit  d'entrée,  en  vertu 
de  l'art.  46  de  la  loi  du  28  févr.  1816,  l'autre  de  200 
à  1,000  fr.  pour  fraude  au  droit  de  circulation,  en 
vertu  de  l'art.  7  de  la  loi  du  21  juin  1873,  sans  préju- 
dice des  pénalités  d'octroi  et  des  autres  peines  spéciales  à 
la  récidive  et  au  cas  de  fraude  par  escalade,  par  souter- 
rain ou  à  main  armée,  prévus  par  le  §  2  de  l'art.  46  de 
la  loi  du  28  avr.  1816. 

Ces  dispositions  sont  applicables  aux  entrées  de  Paris  et 
de  Lyon  et  dans  les  autres  villes  à  taxe  unique  (loi  du 
21  juin  1873,  art.  11).  A  défaut  par  le  contrevenant  de 
consigner  le  maximum  de  l'amende  ou  de  donner  caution 
solvable,  saisie  des  chevaux,  voitures  et  autres  objets  de 
transport,  mais  seulement  pour  garantie  de  l'amende 
encourue  (loi  du  28  avr.  1816,  art.  27).  Les  prévenus 
connus  et  solvables  peuvent  être  dispensés  de  la  consigna- 
tion. Mais,  s'il  y  a  consignation,  deux  amendes  sont  exi- 
gibles lorsqu'il  s'agit  de  fraude  sur  les  boissons  :  Tune 
pour  le  droit  d'entrée,  l'autre  pour  le  droit  d'octroi  (C.  des 
contr.  ind.  du  29  août  1834). 

Pour  les  fraudes  en  voitures  'publiques  ou  parti- 
culières suspendues,  l'amende  est  de  1,000  fr.  si  la  ville 
n'est  sujette  qu'au  droit  d'entrée,  et  de  100  à  200  fr.  s'il 
existe  un  octroi.  Il  y  a  aussi  confiscation  des  boissons 
saisies  (loi  du  28  avr.  1816,  art.  46;  loi  du  29  mars 
1832,  art.  8,  et  A.  C.  du  21  sept.  1833). 

Pour  les  fraudes  par  escalade,  par  souterrain  ou  à 
main  armée,  l'amende  est  de  100  à  200  fr.,  avec  con- 
fiscation des  boissons  saisies  et  emprisonnement  de  six 
mois  (loi  du  28  avr.  1816,  art.  46). 

La  fraude  à  l'aide  d'instruments  ou  ustensiles  pré- 
parés entraîne  l'arrestation  des  contrevenants  pour  garantie 
de  l'amende  (loi  du  28  avr.  1816,  art.  223  à  225;  loi 
du  29  mars  1832,  art.  9  ;  C.  précitée  de  1834).  S'il  s'agit 
de  fraude  dissimulée  sous  vêtements  ou  au  moyen  d'en- 
gins disposés  pour  l'introduction  ou  le  transport  fraudu- 
leux d'alcools  ou  de  spiritueux,  soit  à  l'entrée,  soit  dans 
un  rayon  d'un  myriamètre  à  partir  de  la  limite  de  l'octroi, 
pour  les  villes  de  100,000  âmes  et  au-dessus,  et  de 
5  kil.  pour  les  villes  au-dessous  de  100,000  âmes, 
d'un  lieu  sujet  au  droit  d'entrée,  il  y  a,  indépendamment 
des  autres  condamnations  encourues,  peine  correctionnelle 
de  six  jours  à  six  mois  d'emprisonnement.  Sont  consi- 
dérés comme  complices  de  la  fraude  et  passibles  comme 
tels  des  peines  ci-dessus,  tous  individus  qui  ont  concerté, 
organisé  ou  sciemment  procuré  les  moyens  à  l'aide  desquels 
la  fraude  a  été  commise,  ainsi  que  ceux  qui,  soit  à  l'inté- 
rieur du  lieu  sujet,  soit  à  l'extérieur,  dans  les  limites  du 
rayon  indiqué,  ont  formé  ou  sciemment  laissé  former  dans 
Icuts  propriétés  ou  dans  les  locaux  tenus  par  eux  à  loca- 
tion, des  dépôts  clandestins  destinés  à  opérer  le  vidage  ou 
le  remplissage  des  engins  de  fraude  (loi  du  21  juin  1873, 
art.  12). 
Lqs  eauX'de-vie  et  esprits  dont  la  densité  a  été  altérée 


par  un  mélange  donnent  lieu  à  une  amende  de  100  à 
600  fr.  et  à  la  confiscation  des  boissons  saisies  (loi  du 
28  avr.  1816,  art.  46,  et  loi  du  24  juin  1824,  art.  4). 

Aimé  Trescaze. 

VII.  Droit  canon.  •—  Droits  d'entrée.  —  Ce  qui  se 
paye  à  titre  d'avènement  à  un  bénéfice.  Ces  droits  étaient 
deVusieurs  sortes  :  prandia,  cœnœ,  pecuniœ,  jocalia, 
aut  res  ad  usum  ecclesiasticum.  Par  une  bulle  de  1750, 
Pie  V  abolit  les  festins  et  défendit  expressément  aux  évèques 
de  faire  aucun  statut,même  du  consentement  de  leur  chapitre, 
pour  obhger  les  nouveaux  chanoines  à  payer  quoi  que  ce  fût 
pour  leur  entrée  au  chapitre.  La  congrégation  des  cardinaux 
modifia  cette  bulle,  en  y  ajoutant  :  Sinon  pour  la  fabrique 
ou  autres  pieux  usages,  conformément  à  la  décision  du 
concile  de  Trente  [Ses.  XXIV,  De  Reformationibus,  c.  14). 

Droit  de  première  ou  de  joyeuse  entrée.  —  Sous  ce 
nom,  les  rois  de  France  jouissaient,  en  quelques  églises, 
d'un  privilège  qui  s'exerçait  ordinairement  de  la  manière 
suivante  :  quand  un  roi  faisait  sa  première  entrée  dans  une 
de  ces  églises,  les  chanoines  lui  présentaient  l'aumusse  ; 
il  la  prenait  et  la  remettait  à  un  ecclésiastique,  qui  se 
trouvait  ainsi  désigné  pour  le  premier  canonicat  qui  vaque- 
rait (V.  Chanoine,  t.  X,  p.  504,  col.  2).  Ce  privilège  ne 
doit  point  être  confondu  avec  le  brevet  de  joyeux  avène- 
ment (Y.  Brevet,  t.  VIT,  p.  1177,  col.  2)  ;  il  était  plus 
ancien  et  d'une  application  beaucoup  plus  restreinte.  On 
contre  versait  la  question  de  savoir  si  les  églises  sujettes  au 
droit  de  joyeuse  entrée  étaient  encore  soumises  à  ce  droit, 
après  avoir  satisfait  au  joyeux  avènement  (Mémoires  du 
clergé,  t.  XI,  p.  123).  E.-H.  V. 

VIII.  Histoire.  —  On  nomme  entrées  les  réceptions 
solennelles  faites  aux  rois  et  aux  reines  lorsqu'ils  entrent 
pour  la  première  fois  dans  une  de  leurs  villes  ou  lorsqu'ils  y 
reviennent  dans  quelque  circonstance  exceptionnelle,  et  spé- 
cialement après  une  guerre  heureuse.  Ces  réceptions  ont 
été  partout  et  de  tout  temps  l'occasion  de  toutes  sortes  de 
cérémonies  où  l'on  déploya  un  luxe  extraordinaire  et  un 
prétexte  à  réjouissances  publiques,  mais  c'est  surtout  en 
France  que  ces  fêtes  royales  étaient  célébrées  avec  le  plus 
d'éclat.  A  Paris,  les  souverains  faisaient  ordinairement 
leur  entrée  par  la  porte  Saint-Denis.  Les  rues  que  devait 
traverser  le  cortège  étaient  jonchées  de  feuillages  et  de 
fleurs,  tendues  de  tapisseries,  couvertes  souvent  de  riches 
tentures,  jalonnées  d'arcs  de  triomphe,  de  jets  d'eau,  de 
fontaines  d'où  souvent  coulaient  des  boissons  variées  ;  de 
loin  en  loin  s'élevaient  des  estrades  avec  toutes  sortes  de 
scènes  et  de  spectacles.  Les  députés  des  six  corps  des  mar- 
chands avaient  le  privilège  de  porter  le  dais,  et  les  membres 
des  corporations  escortaient  à  cheval  le  souverain  qui  était 
reçu  et  harangué  par  le  prévôt  des  marchands.  Les  histo- 
riens du  temps  nous  ont  laissé  de  nombreuses  relations  de 
ces  cérémonies  fastueuses;  souvent,  pour  en  conserver  la 
mémoire,  les  villes  les  faisaient  reproduire  par  des  artistes, 
peintres  et  miniaturistes,  et  plus  tard  par  des  graveurs.  Les 
tableaux,  dessins,  estampes,  qui  reproduisent  les  diverses 
cérémonies  des  entrées  royales  ou  princières,  forment  une 
importante  et  curieuse  série  d'œuvres  d'art  ;  les  relations 
d'entrées  qui  ont  été  publiées,  souvent  avec  le  plus  grand 
luxe  et  accompagnées  de  gravures,  forment  toute  une  biblio- 
thèque et  sont  "fort  recherchées  des  bibliophiles.  On  en 
trouvera  une  liste,  mais  très  incomplète,  dans  la  Biblio- 
thèque historique  du  P.  Lelong  (éd.  Fevret'de  Fontette), 
t.  II,  n°^  26110  à  26582.  De  nos  jours  encore,  les  artistes 
s'inspirent  souvent  de  ces  relations  pour  composer  des 
tableaux.  L'entrée  de  Louis  XI  à  Paris  le  30  août  1461, 
l'une  des  plus  magnifiques  dont  l'histoire  ait  gardé  le  sou- 
venir, a  fourni  à  M.  F.  Tattegrain  le  sujet  d'une  vaste 
composition  fort  remarquée  au  Salon  de  1892. 

Lorsqu'un  roi  faisait  sa  première  entrée  dans  une  église, 
il  disposait  d'un  canonicat,  et  c'était  ce  que  l'on  nommait 
le  droit  de  joyeuse  entrée  (V.  ci-dessus  §  Droit  de 
première  ou  de  joyeuse  entrée). 

L'entrée  d'un  archevêque  ou  d'un  évêque  dans  sa  ville 


-  1187 


ENTREE  -  ENTRE-NœUDS 


épiscopale  était  aussi  l'occasion  d'un  jour  de  fête  et  de 
réjouissances  publiques. 

Grandes  et  petites    entrées.   —  Privilège   accordé, 
sous  l'ancien  régime,  à  certaines  personnes  d'entrer  chez 
le  roi  à  des  heures  ou  dans  des  circonstances  déterminées. 
On  distinguait  sous  Louis  XIV,  qui  régla  l'étiquette  : 
F  les  «   entrées  familières  »  réservées  aux  personnes 
désignées  par  le  roi,  qui  pénétraient  dans  sa  chambre 
dès  qu'il  était  éveillé,  en  même  temps  que  les  garçons  de 
chambre  et  les  valets  de  chambre  de  service;  2^  les  «  grandes 
entrées  »,  que  le  roi,  encore  au  lit,  faisait  appeler  ensuite 
par  le  premier  valet  de  chambre  ;  en  jouissaient  :  les  enfants 
du  roi,  la  plupart  des  princes  du  sang,  les  personnes  à  qui 
ce  privilège  avait  été  nominativement  accordé,  et  certains 
officiers  de  la  couronne  ou  de  la  chambre,  le  grand  cham- 
bellan, les  premiers  gentilshommes  de  la  chambre  ;  le  grand 
maître  et  les  maîtres  de  la  garde-robe  ;  les  quatre  premiers 
valets  de  chambre,  le  premier  médecin  et  le  premier  chi- 
rurgien, un  certain  nombre  d'officiers  de  la  garde-robe  de 
service  ;  3°  les  «  premières  entrées  »  ;  lorsque  le  roi  était 
levé  et  en  robe  de  chambre,  le  premier  gentilhomme  de  la 
chambre  disait  au  garçon  de  chambre  de  laisser  pénétrer 
les  premières  entrées;  c'étaient  les  lecteurs,  les  intendants 
de  menus  plaisirs,  certains  officiers  de  garde-robe  hors  de 
quartier  et  quelques  personnes  choisies  ;  lorsque  les  Bour- 
bons occupèrent  les  trônes  d'Espagne  et  des  Deux-Siciles, 
les  ambassadeurs  de  ces  deux  Etats  eurent  de  droit  les 
premières  entrées;  4°  le  roi,  étant  chaussé,  demandait  que 
les  huissiers  de  la  chambre  fissent  entrer  les  «  entrées  de 
la  chambre  ».  c.-à-d.  tous  les  officiers  de  la  chambre  hors  [ 
de  service  et  certaines  personnes  privilégiées  ;  5<*  quand  le 
roi  s'était  lavé  les  mains,  le  premier  gentilhomme  de  la 
chambre  laissait  entrer  les  personnes  qu'il  voulait;  Thuis- 
sier  venait,  à  cet  elfet,  lui  dire  tout  bas  les  noms  des  per- 
sonnes qui  attendaient  ;  6°  quand  le  roi  avait  passé  sa 
chemise,  les  huissiers  laissaient  entrer  tous  les  gens  connus 
à  la  cour.  On  suivait  l'ordre  inverse  pour  faire  retirer  les 
courtisans  quand  le  roi  se  couchait.  —  Il  peut  paraître 
bizarre  qu'un  si  grand  nombre  de  personnes  fussent  ad- 
mises, avec  des  règles  si  minutieuses  de  hiérarchie,  à  assister 
au  lever  et  au  coucher  du  roi,  mais  sa  toilette  était  som- 
maire. C'était  le  moment  choisi  par  les  courtisans  pour 
parler  au  roi.  —  Il  y  avait  encore  :  l'entrée  du  cabinet 
chez  le  roi,  l'entrée  au  botté  et  au  débotté.  Il  y  avait  en- 
core des  règles  spéciales  pour  les  jours  où  le  roi  avait  pris 
médecine.  —  Les  entrées  chez  la  reine  et  chez  les  princes 
étaient  aussi  très  minutieusement  réglementées.  Toute  la 
vie  du  roi  se  passait  ainsi  en  public;  il  était  lui-même 
soumis  à  l'étiquette,  et  maître  seulement  d'en  modifier  les 
règles  sans  pouvoir  les  remplacer  jamais  par  des  usages 
moins  incommodes.  L.  Del. 

BiBL.  :  Contributions  indirectes.  —  TrescazE;  Dict. 
gén.  des  cont.  ind. 

Histoire. —E^aide  la,  FranceA.  I.  — >  Saint-Simon,  Mé- 
moires,  t.  XIII,  282-286. 

ENTRELACS  (Archit.).  Cours  d'ornements  de  pierre, 
do  marbre,  de  métal,  de  bois  ou  de  carton-pâte,  sculptés  ou 
peints,  formés  de  lignes  droites  et  courbes,  de  fleurs  et  de 
fleurons,  liés  ou  croisés  ensemble  et  appliqués  de  tout 
temps,  sauf  à  l'époque  ogivale,  dans  tous  les  styles  d'archi- 
tecture, même  dans  ceux  de  l'extrême  Orient.  On  peut  citer 
de  beaux  exemples  d'entrelacs  dans  les  moulures  et  les  frises 
ou  dans  les  balustrades  de  pierre  formant  appuis  de  croi- 
sées ou  rampes  d'escalier  des  édifices  antiques  ou  de  la 
Renaissance;  mais  c'est  le  métal  et  surtout  le  fer  qui, 
off'rant  dans  son  travail  une  grande  flexibilité  en  même  temps 
qu'une  réelle  solidité,  permet  de  varier  à  l'infini  les  combi- 
naisons et  les  richesses  des  entrelacs.  —  Des  entrelacs, 
ayant  pour  base  des  combinaisons  de  figures  géométriques, 
sont  très  employés  dans  les  diverses  branches  de  l'indus- 
trie se  rattachant  à  la  construction  et  à  l'ameublement  et 
aussi  dans  l'art  des  jardins.  Charles  Lucas. 

ENTREMETS.  On  donnait  autrefois  ce  nom  à  des  diver- 
tissements imaginés  pour  amuser  les  convives  dans  l'inter- 


valle des  services  d'un  grand  festin.  Leur  usage  paraît 
s'être  introduit  avant  le  règne  de  saint  Louis  et  disparut 
entièrement  au  commencement  du  xvif^  siècle.  —  Aujour- 
d'hui on  appelle  entremets  les  différentes  préparations 
culinaires  qui  sont  servies  sur  la  table  entre  les  rôtis,  les 
relevés  et  le  dessert  et  qui  se  composent  ordinairement  de 
légumes,  de  pâtisseries  légères,  de  gelées,  de  crèmes. 

ENTREMONT.  Corn,  du  dép.  de  la  Haute-Savoie,  arr. 
et  cant.  de  Bonneville;  652  hab. 

ENTREMONT  (Inter  montes).  Ancien  oppidum  situé 
sur  un  plateau  qui  domine  au  N.  la  ville  d'Aix-en-Provence. 
Il  est  surtout  célèbre  par  les  trois  blocs  sculptés  qui  y 
furent  signalés  en  1817  et  qui  depuis  ont  été  transportés 
à  Aix,  d'abord  à  la  bibliothèque  Méjanes  et  depuis  au  musée 
où  ils  se  trouvent  actuellement.  Ces  sculptures  célèbres, 
qu'on  attribue  aux  Gaulois  et  qu'on  fait  remonter  à  une 
époque  antérieure  à  la  conquête  romaine,  devaient  former, 
réunies,  un  pilier  ou  monument  triomphal  décoré,  en  guise 
de  trophées,  de  têtes  coupées  d'ennemis  vaincus.  Ces  grossiers 
spécimens  de  l'art  gaulois  le  plus  ancien  ont  une  importance 
considérable  et  ont  fait  l'objet  d'études  et  de  discussions 
nombreuses.  On  trouvera  une  bonne  bibliographie  les  con- 
cernant dans  la  dernière  édition  du  catalogue  du  musée 
d'Aix,jleM.  Honoré  Gibert  (Aix,  1882,  in-12,  l^'^part., 
n^^  305-307.  Le  musée  de  Saint-Germain  possède  des 
moulages  des  trois  pierres  d'Entremont. 

BiBL.  :  Michel  de  Loqui,  Recherches  sur  les  ruines 
d'Entremont  situées  près  d'Aix  et  sur  les  mœurs  des  Sa- 
lyens;  Aix,  1839,  in-8. 

ENTREMONT.  District  et  vallée  de  Suisse,  cant.  du 
Valais.  Le  district  dont  le  ch.-l.  est  Sembrancher  est  le 
plus  vaste  du  canton;  il  a  9,650  hab.,  dont  8  protes- 
tants seulement.  Il  comprend  detix  vallées  remarquables 
par  leurs  beautés  naturelles,  celle  de  Bagnes  et  l'Entremont 
proprement  dit  :  cette  dernière  remonte  jusqu'au  Grand 
Saint-Bernard,  un  des  passages  les  plus  célèbres  des  Alpes. 

ENTREMONT-LE-ViEux.  Com.  du  dép.  de  la  Savoie, 
arr.  de  Chambéry,  cant.  des  Echelles;  1,535  hab. 

ENTREMONTS  (Jacqueline  d'),  dame  de  Coligny,  née  en 
1541, morte  le6  juil.  1600.  Elle  était  d'une  grande  famille 
de  Savoie.  Restée  à  la  fleur  de  l'âge  veuve,  sans  enfants, 
de  Claude  de  Bastarnay,  baron  d'Authon,  tué  à  la  bataille 
de  Saint-Denis  (nov.  1567),  qu'elle  avait  épousé  six 
ans  auparavant,  «  il  lui  prit,  dit  Agrippa  d'Aubigné,  un 
tel  désir  d'épouser  l'amiral  de  Coligny  (veuf  lui-même  en 
1568),  que,  contre  les  défenses  et  prescriptions  de  son  duc, 
qui  avoit  refusé  au  Roy  de  souff'rir  ce  mariage,  elle  s'en 
vint  à  La  Rochelle  (févr.  1571),  pour  avoir  nom  avant  de 
mourir,  ainsi  qu'elle  disoit,  la  Martia  de  ce  Caton  ». 
Elle  était  à  Châtilion-sur-Loing,  enceinte,  lors  de  la  Saint- 
Barthélémy.  A  peine  avait-elle  reçu  la  nouvelle  des  Ma- 
tines parisiennes,  à  peine  avait-elle  eu  le  temps  de  faire 
partir  pour  la  Suisse  les  enfants  de  son  mari,  que  les 
archers  de  la  garde  de  Charles  IX  arrivaient  et  s'assu- 
raient de  sa  personne.  Sur  son  refus  d'abjurer  la  religion 
réformée,  Tordre  vint  de  la  conduire  à  la  frontière  de 
Savoie.  Craignant  sans  doute  qu'elle  ne  tentât  de  chercher 
un  refuge  à  Genève,  son  suzerain  le  duc  Emmanuel-Phili- 
bert lui  expédia  «  l'assurance  d'un  bon  et  gracieux  traite- 
ment »;  mais,  au  mois  de  février  suivant  (1573),  il  la  fit 
arracher  de  sa  retraite  de  Saint-André  de  Briord  et  empri- 
sonner au  château  de  Nice  «  pour  matière  d'estat  ».  Déli- 
vrée en  1575,  sous  des  conditions  qui  témoignent  claire- 
ment des  raisons  purement  fiscales  de  la  cruelle  conduite 
du  duc,  elle  fut  de  nouveau  arrêtée  en  1585  sous  l'incul- 
pation du  crime  de  sorcellerie;  cette  fois,  elle  ne  devait 
plus  jamais  recouvrer  sa  liberté.  Elle  mourut  captive,  sans 
que  rien  n'ait  pu  ébranler  sa  constance.  Léon  Marlet.  ' 
BiBL.  :  Delaborde,  Madame  l'Amirale  après  la  Sai.'it' 
Barthélémy,  1867,  in-8. —H.  Bordier,  la  Veuve  de  iami- 
ral  de  Coligny,  d'après  de  nouveaux  documents,  1875, 
in-8. 

ENTRE-NŒUDS  (Bot.).  Distance  qui  sépare  un  verticille 
foliaire  du  suivant  ou,  si  les  feuilles  sont  alternes,  les 


ENTRE-NOEUDS  -  ENTREPÔT 


-  H88  - 


nœuds  ou  points  d'insertion  de  ces  feuilles;  lorsqu'il  existe 
une  articulation  au  niveau  des  verticilles,  l'entre-nœuds  se 
confond  avec  V article  (V.  ce  mot).  Il  n'existe  plus  de  vé- 
ritable entre-nœuds  chez  les  plantes  dont  les  feuilles  pré- 
sentent unedispositionspiraléesurlatige(V.  Mérithalle). 

ENTREPIERRES.  Coin,  du  dép.des  Basses-Alpes,  arr. 
et  cant.  de  Sisteron  ;  346  hab. 

ENTREPONT  (Mar.).  Vieux  terme  qui  n'est  plus  guère 
employé  que  dans  la  marine  de  commerce.  Il  désignait 
l'espace  qui  existait  entre  le  pont  supérieur  et  le  suivant. 
Ce  mot  est  remplacé  dans  la  marine  de  guerre  actuelle 
par  le  mot  batterie  (V.  ce  mot  et  Pont). 

ENTREPOSEUR  (Contr.  ind.)  (V.  Contribution,  t. XII, 

p.  837).  ,      . 

ENTREPOSITAIRE  (Contr.  ind.).  Tout  négociant  ou 
propriétaire  qui  fait  conduire  dans  un  lieu  sujet  aux  droits 
d'entrée  au  moins  9  hectol.  de  vin,  18  hectol.  de  cidre  ou 
poiré  ou  4  hectol.  d'eau-de-vie  ou  esprit,  peut  réclamer 
l'admission  de  ces  boissons  en  entrepôt  et  n'est  tenu  d'ac- 
quitter les  droits  que  sur  les  quantités  non  représentées,  et 
qu'il  ne  justifie  pas  avoir  fait  sortir  de  la  commune  (loi  du 
28  avr.  1817,  art.  31).  Ces  limites  ont  été  abrogées  pour 
les  récoltants  (loi  du  31  avr.  1832,  art.  39).  Les  dispo- 
sitions générales  relatives  aux  entrepôts  à  domicile,  aux 
entrepôts  publics  et  aux  entrepôts  de  douane,  en  ce  qui 
concerne  les  boissons,  sont  résumées  aux  mots  Entrée 
(Droit  d')  et  Entrepôt  (Fiscalité). 

ENTREPÔT.  I.  Commerce.  —  La  faculté  de  déposer  des 
marchandises  d'origine  étrangère  dans  un  magasin  spécial 
pour  ne  les  en  retirer  et  les  livrer  à  la  consommation  que 
dans  la  mesure  des  besoins  du  destinataire,  est  une  des  plus 
grandes  facilités  qui  aient  été  apportées  au  commerce  inter- 
national. Toutefois,  la  faculté  d'entrepôt  n'est  un  bienfait 
pour  les  relations  commerciales  avec  Tétranger  que  si  les 
droits  de  magasinage  sont  des  plus  modérés  et  les  forma- 
lités pour  les  entrées  et  les  sorties  aussi  simples  que  pos- 
sible. Avant  le  régime  des  entrepôts,  qui  ^  remonte  en 
France  à  Colbert,  et  qui  est  appliqué  aujourd'hui  dans  tous 
les  Etats  civilisés,  l'industriel  pour  les  matières  premières, 
le  négociant  pour  les  objets  fabriqués,  ne  pouvaient  se  pro- 
curer les  produits  qui  leur  étaient  nécessaires  qu'à  la  con- 
dition d'acquitter  immédiatement  les  droits  de  douane  dont 
ces  produits  étaient  grevés.  Or  cette  obligation  avait  Tin- 
convénient,  d'abord  de  les  obliger  à  limiter  leurs  achats, 
puis  de  les  mettre  dans  l'impossibilité,  par  exemple,  de 
profiter  d'une  baisse  de  prix  pour  faire  un  approvisionne- 
ment dans  la  mesure  à  la  fois  des  besoins  immédiats  et  des 
besoins  ultérieurs.  Les  marchandises  placées  en  entrepôt 
sont  réputées  hors  de  France.  Quand  elles  en  sortent,  elles 
sont  traitées  comme  si  elles  arrivaient  du  pays  d'origine, 
et  elles  peuvent  recevoir  toutes  les  destinations  que  l'im- 
portateur veut  leur  donner.  L'entrepôt  est  réel  ou  fictif; 
les  conditions  dans  lesquelles  fonctionnent  ces  établisse- 
ments sont  développées  au  paragraphe  suivant. 

Lorsqu'une  ville  a  obtenu  la  concession  d'un  entrepôt  et 
qu'elle  est  tenue,  en  conséquence,  de  pourvoir  à  la  dé- 
pense occasionnée  par  la  création  et  le  service  de  cet  éta- 
blissement, elle  jouit,  en  retour,  des  droits  de  magasinage 
et  de  manutention,  conformément  aux  tarifs  concertés  avec 
les  chambres  de  commerce  et  approuvés  par  le  gouverne- 
ment. Elles  peuvent  aussi  concéder  temporairement  ces 
droits  avec  concurrence  et  publicité  à  des  adjudicataires 
qui,  se  mettant  en  leur  lieu  et  place,  se  chargent  de  la 
construction,  de  l'entreprise  des  bâtiments  et  de  toutes 
autres  dépenses.  La  création  d'un  entrepôt  peut  aussi, 
en  cas  de  refus  du  conseil  municipal,  être  provoquée  par 
le  commerce  local ,  représenté  par  la  chambre  de  com- 
merce, au  moyen  d'une  association  d'actionnaires  constitués 
en  société  anonyme.  Parmi  les  entrepôts  spéciaux  accordés 
à  une  ville,  citons  ceux  qui  existent  à  Paris  pour  les  sels, 
pour  les  vins  et  autres  liquides.  L'entrepôt  des  vins  notam- 
ment est  le  plus  considérable  des  établissements  de  cette 
nature  qui  existent  en  France  (V.  Bercy,  t.  VI,  p.  282) .  La 


Compagnie  des  Entrepôts  et  Magasins  généraux  de  Pans  a 
dans  ses  établissements  un  stock  permanent  de  marchan- 
dises déposées  de  plus  de  600,000  tonnes  (V.  Magasins 
tfnéraux^ 

IL  Droit  commercial.  —  L'entrepôt  est  un  magasin 
où  les  commerçants  sont  autorisés  à  déposer  provisoire- 
ment les  marchandises  soumises  à  des  droits  d'entrée 
(douane  ou  octroi)  sans  acquitter  préalablement  ces  droits. 
Ce  système  permet    aux  négociants  de  soumettre  leurs 
marchandises  à  ceux  qu'elles  intéressent  sans  grever  leur 
prix  de  frais  supplémentaires  souvent  fort  élevés.  L'entre- 
pôt est  réel  ou  fictif;  réel,  quand  le  dépôt  est  effec-- 
tué  dans  un  magasin  public  ;  fictif,  quand  il  est  effectue 
dans  le  magasin  d'un  négociant  qui  s'appelle  entreposi- 
taire.  Les  entrepôts  réels  s'établissent  soit  dans  les  ports, 
soit  dans  les  villes  de  l'intérieur,  par  décret  du  chef  de 
l'Etat.  Les  villes  où  ils  sont  créés  doivent  fournir  le  bâti- 
ment; l'Etat  a  à  sa  charge  les  frais  afférents  aux  services 
de  surveillance  et  de  perception  des  droits  (loi  du  10  août 
1839,  art.  H).  Pour  rémunération,  les  villes  ont  le  droit 
de  toucher  des  droits  de  magasinage,  soit  par  voie  de  per- 
ception directe,  soit  par  voie  de  fermage.  Quand  un  négo- 
ciant veut  faire  recevoir  des  marchandises  en  entrepôt,  il 
doit,  dans  les  trois  jours  de  leur  arrivée,  en  remettre  à 
la  douane  un  état  détaillé  contenant  tous  les  renseigne- 
ments nécessaires  à  la  perception  future  du  droit.  Ainsi, 
outre  leur  espèce  et  leur  qualité,  on  devra  indiquer  le 
poids  pour  les  marchandises  dont  les  droits  d'entrée  sont 
calculés  au  poids  ;  la  mesure  pour  celles  dont  les  droits 
d'entrée  sont  calculés  à  la  mesure,  etc.  La  déclaration  une 
fois  faite,  les  marchandises  sont  débarquées  et  les  em- 
ployés de  la  douane  en  contrôlent  l'exactitude.  Toute  Iraude 
relevée  est  punie  par  l'obligation  d'acquitter  le  droit  simple . 
La  marchandise  est  ensuite  placée  dans  le  magasin  ou  son 
entrée  est  constatée  sur  un  registre  appelé  sommier,  sur 
lequel   on  inscrira  également  sa  sortie  lorsquelle  sera 
vendue  ou  réexportée.  Les  marchandises  peuvent  rester  k 
l'entrepôt  pendant  trois  ans,  si  elles  sont  dans  1  enceinte 
du  bâtiment  principal  ;  pendant  un  an  seulement,  si  elles 
sont  au  dehors.  Passé  ce  délai,  le  propriétaire  est  obhge 
de  réexporter  ou  d'acquitter  les  droits.  S'il  ne  les  a  pas 
payés  dans  le  mois  de  la  sommation  qui  Im  en  est  faite, 
les  marchandises  sont  mises  en  vente  conformément  aux 
rèeles  du  code  de  procédure.  Le  prix  est  employé  d  abord 
à  l'acquittement  des  frais  et  des  droits  d'entrée  qm  sont 
privilégiés.  Le  surplus,  s'il  y  en  a,  est  verse  à  la  caisse 
des  dépôts  et  consignations,  où  le  propriétaire  peut  le 
réclamer  pendant  un  an  à  compter  du  jour  de  la  vente, 
après  quoi,  s'il  n'est  pas  réclamé,  il  est  acquis  au  Trésor. 
Les  marciiandises  placées  en  entrepôt  peuvent  en  être 
retirées  en  acquittant  les  droits  si  c'est  en  suite  d  une 
vente  que  le  relirement  s'opère  ;  sans  acquitter  ces  droits, 
si  elles  sont  réexportées.  Le  retirement  s'effectue  après 
déclaration  du  commerçant  qui  veut  l'opérer  et  vérification 
des  employés  de  la  douane.  Cette  vérification  a  pour  but 
de  s'assurer  que,  pendant  le  séjour  des  marchandises  à 
l'entrepôt,  il  n'a  pas  été  fait  de  soustraction.  La  soustrac- 
tion constatée  donnerait  ouverture  à  une  action  contre  la 
douane  si  elle  était  le  résultat  d'une  faute  de  sa  part,  bi 
elle  était  le  fait  du  propriétaire  des  marchandises,  elle 
donnerait  ouverture  contre  lui  à  une  action  en^  payement 
des  droits,  double  droit  et  amende.  La  vente  d  une  mar- 
chandise placée    en  entrepôt  n'est  d'ailleurs  parfaite  à 
l'égard  de  la  douane  que  lorsque  mention  en  a  été  faite  sur 
les  registres  de  l'entrepôt,  mention  qui  ne  peut  se  taire 
valablement  qu'autant  que  le  cessionnaire  est  domicilie  au 
lieu  où  est  l'entrepôt.  L'entrepôt  fictif  ne  peut  exister  que 
dans  les  villes  où  il  y  a  un  entrepôt  réel,  et  pourtant  une 
marchandise  une  fois  placée  en  entrepôt  fictif  ne  peut  plus 
être  mise  en  entrepôt  réel.  Celui  qui  veut  placer  des  mar-- 
chandises  en   entrepôt  fictif  doit  prendre   1  engagement 
formel,  garanti  par  une  caution,  de  les  reexporter  ou 
d'acquitter  le  droit.  De  plus,  l'entrepositaire  est  garant, 


—  4189  — 


ENTREPÔT  -  ENTREPRENEUR 


vis-à-vis  de  la  douane,  du  payement  des  droits  dus.  La 
déclaration  à  faire  par  les  consignataires  doit  contenir, 
outre  les  mentions  prescrites  pour  la  mise  en  entrepôt 
réel,  la  désignation  des  magasins  où  les  objets  doivent  être 
entreposés  et  l'engagement  de  les  représenter  à  toute  réqui- 
sition. Parfois,  on  crée  des  entrepôts  pour  des  circonstances 
spéciales,  les  expositions  internationales,  par  exemple.  Les 
locaux  de  Texposition  sont  considérés  comme  entrepôt  pour 
les  marchandises  exposées.  Lyonnel  Didierjean. 

IIL  Fiscalité.  —  1®  Contributions  indirectes.  Tout 
négociant  ou  propriétaire  qui  fera  conduire,  dans  un  lieu 
sujet  aux  droits  d'entrée,  au  moins  9  hectol.  de  vin,  4  8  hectol. 
de  cidre  ou  poiré,  ou  4  hectol.  d'eau-de-vie  ou  esprit,  pourra 
réclamer  l'admission  de  ces  boissons  en  entrepôt  et  ne  sera 
tenu  d'acquitter  les  droits  que  sur  les  quantités  non  repré- 
sentées et  qu'il  ne  justifiera  pas  avoir  fait  sortir  de  la  com- 
mune. La  durée  de  l'entrepôt  sera  illimitée.  Ne  seront  pas 
tenus  de  faire  entrer  la  quantité  de  boissons  ci-dessus  fixée, 
les  négociants  ou  propriétaires  jouissant  déjà  de  l'entrepôt 
lors  de  l'introduction  desdites  boissons,  en  sorte  qu'ils  pour- 
ront n'en  faire  entrer  qu'un  hectolitre  s'ils  le  jugent  à  propos, 
sans  qu'ils  puissent  être  tenus  d'en  acquitter  de  suite  les 
droits  (loi  du  28  avr.  4846,  art.  34).  Les  récoltants  de  vins, 
de  cidres  ou  de  poirés,  domiciliés  dans  les  villes,  pourront 
obtenir  l'entrepôt  de  leur  récolte,  quelle  qu'en  soit  la  quan- 
tité (loi  du  24  avr.  4832,  art.  39).  L'art.  38  de  la  loi 
du  28  avr.  4846  disposait  que,  lorsque  les  boissons  auraient 
été  emmagasinées  dans  un  entrepôt  public,  sous  la  clef  de  la 
régie,  il  ne  serait  exigé  aucun  droit  de  l'entrepositaire  pour 
les  manquants  à  ses  charges.  La  loi  du  46  févr.  4875  a 
abrogé  l'art.  38  de  la  loi  de  4846  et  fait  rentrer  dans  le 
droit  commun  les  marchands  en  gros  établis  dans  les 
entrepôts  réels.  Ceux-ci  sont  soumis  à  toutes  les  obligations 
déterminées  par  la  législation  générale  qui  régit  hors  de 
Paris  le  commerce  de  gros  et  l'entrepôt  (les  boissons,  y 
compris  le  payement  de  la  licence.  Les  dispositions  de  la 
loi  du  46  févr.  4875  sont  générales;  elles  s'appliquent 
aussi  bien  aux  entrepôts  réels  qui  existent  déjà  ou  qui  pour- 
ront être  créés  dans  les  départements  qu'aux  entrepôts 
réels  de  Paris  (C.  des  contr.  ind.  du  23  juin  1875).  L'en- 
trepôt public  entraîne  la  suppression  des  entrepôts  à  domi- 
cile (loi  du  28  juin  4833,  art.  9). 

2°  Douanes.  Les  marchandises  étrangères  sont  admises 
en  franchise  des  droits  d'importation  dans  les  entrepôts  de 
douane  et  peuvent  être  réexpédiées  vers  d'autres  ^trepôts 
ou  à  l'étranger  sans  acquitter  les  droits,  si  elles  ne  sont  pas 
mises  en  consommation  en  France.  Les  boissons  expédiées 
de  l'étranger  ou  des  colonies  françaises  et  qui  sont  trans- 
portées sous  l'escorte  des  préposés  des  douanes  du  port 
d'embarquement  à  l'entrepôt,  ne  doivent  pas  être  accom- 
pagnées d'expéditions  de  la  régie  ;  il  a  été  reconnu  que  la 
présence  des  agents  de  la  douane  était  suffisante  pour  la 
conservation  des  droits  (C.  des  contr.  ind.  du  8  juin  4844). 
Les  boissons  qui  peuvent  être  mises  en  entrepôt  fictif  sont 
les  rhums  et  tafias  de  toutes  les  colonies  françaises  et  les 
liqueurs  de  la  Martinique  seulement.  Pour  ces  marchandises, 
comme  en  général  pour  toutes  celles  qui  sont  sujettes  à 
coulage,  l'entrepositaire  est  tenu  d'avoir  un  magasin  à 
deux  clefs.  L'une  des  clefs  reste  entre  les  mains  de  la 
douane.  Les  abus  sont  ainsi  rendus  difficiles.  Toutefois, 
des  soustractions  frauduleuses  pouvant  avoir  lieu,  l'admi- 
nistration'des  douanes  exige  une  soumission  cautionnée 
de  celui  à  qui  elle  accorde  l'entrepôt  fictif.  Par  le  même 
motif,  s'il  s'agit  de  boissons,  un  engagement  semblable 
doit  être  pris  envers  la  régie  des  contributions  indirectes, 
pour  répondre  des  droits  du  Trésor  et,  dans  certains 
cas,  de  ceux  des  communes.  On  a  jugé  aussi  que,  lorsque 
des  boissons  déclarées  pour  l'entrepôt  ou  le  transit  doi- 
vent traverser,  en  cours  de  transport,  un  lieu  sujet  aux 
droits  d'entrée  et  d'octroi,  Tacquit-à-caution  des  douanes 
ne  saurait  dispenser  des  formalités  qui  ont  pour  objet  de 
garantir  ces  taxes  locales,  puisque  l 'acquit-à-caution  des 
contributions  indirectes  n'y  supplée  pas  non  plus  (C.  des 


contr.  ind.,  28  août  4848;   V.  aussi  Douane,   t.  XÏV, 
p.  987).  Aimé  Trescaze. 

BiBL.  :  Droit  commercial.  —  Caumont,  Dictionnaire  de 
droit  maritime;  Paris,  1867,  in-8,  v°  Douane.  —  Dalloz, 
Répertoire  méthodique  et  alphabétique  de  législation^  etc.  ; 
Paris,  1851,  t.  XVII,  v"  Douanes.  —  Lyon-Caen  et  Renault, 
Précis  de  droit  commercial;  Paris,  1879-1885,  2  vol.  in-8. 

Fiscalité.  —  Trescaze,  Dictionnaire  général  des  contri- 
butions  indirectes. 

ENTREPRENEUR.  L  Industrie.  —  Pris  dans  une 
acception  très  générale,  le  mot  entrepreneur  désigne  celui 
qui,  muni  des  capitaux  et  des  connaissances  nécessaires, 
met  en  œuvre  ou  fait  mettre  en  œuvre,  le  plus  souvent, 
diverses  matières  qui,  converties  en  produits  manufac- 
turés, sont  ensuite  vendues  par  lui  avec  bénéfice.  On 
pourrait  dire  que  cette  appellation  est  synonyme  de  celle 
de  fabricant,  mais  avec  une  signification  plus  étendue  et 
sans  limite,  pourrait-on  dire.  Dans  un  sens  plus  restreint, 
l'entrepreneur  est  celui  qui  s'occupe  d'opérations  non 
matérielles  sur  lesquelles  il  fait  un  gain  quelconque.  Il 
existe,  en  efi"et,  des  entrepreneurs  d'industrie  manufac- 
turière ou  agricole  et  d'une  foule  d'industries  se  ratta- 
chant aux  travaux  privés  ou  publics,  à  l'exploitation 
des  mines,  aux  messageries,  chemins  de  fer,  transports 
par  eau,  aux  théâtres,  etc.  Pour  qu'il  y  ait  entre- 
prise, il  faut  qu'il  y  ait  plan,  combinaisons,  concours  de 
moyens  et  d'individus  ;  on  dit  cependant  faire  une  chose 
à  l'entreprise  pour  exprimer  qu'elle  est  exécutée  à  forfait, 
encore  bien  qu'elle  puisse  être  commencée  et  achevée  par 
un  seul.  Le  plus  souvent  l'opération  exige  le  concours  de 
plusieurs  personnes;  mais,  dans  tous  les  cas,  s'il  y  a  mar- 
ché, l'exécution  en  demeure  entièrement  aux  risques  et 
périls  de  celui  qui  l'a  contractée,  et  le  payement  en  est  su- 
bordonné au  complet  achèvement  et  à  la  livraison  de  la 
chose  entreprise.  Ainsi  l'ouvrier  et  l'industriel  qui  tra- 
vaillent pour  le  compte  d'autrui,  celui  qui  reçoit  un  salaire 
à  la  journée  ne  sont  pas  des  entrepreneurs  ;  ceux-ci  sont 
classés  par  la  loi  dans  la  catégorie  des  commerçants,  tandis 
que  l'agent  et  l'ouvrier  ne  sont  en  aucune  façon  justiciables 
des  tribunaux  de  commerce.  L'entreprise  proprement  dite 
est  une  opération  d'une  durée  plus  ou  moins  longue  et 
dont  le  résultat  doitêtre  un  bénéfice  pour  celui  qui  la  finit. 
Il  y  entre  toujours  un  peu  de  hasard,  comme  dans  toute 
opération  financière,  et  c'est  ce  qui  la  distingue  du  com- 
merce pur  et  simple.  En  général,  une  entreprise  sera 
bonne  si  les  objets  sur  lesquels  on  spécule  sont  recherchés 
et  s'il  y  a  peu  de  concurrence  ;  elle  sera  d'autant  plus  sûre 
ordinairement  que  le  capital  immobilisé  sera  plus  faible 
et  le  capital  de  roulement  plus  considérable.  Nous  enten- 
dons ici  par  capitaux  immobilisés  les  approvisionnements 
de  matières  premières,  les  ateliers  de  construction  stric- 
tement nécessaires  à  l'industrie  et  l'outillage.  On  appelle 
capitaux  immatériels  productifs  les  connaissances  spéciales 
et  générales  que  possède  l'entrepreneur.  Ce  dernier  point 
de  vue  n'est  pas  le  moins  important  ;  en  effet,  pour  la  sûreté 
de  la  réussite,  on  ne  saurait  trop  faire  d'études  prélimi- 
naires ;  en  principe,  il  est  de  toute  nécessité  de  bien  con- 
naître ses  ressources,  de  calculer  les  chances  de  succès  et 
d'insuccès,  en  se  basant  toujours  pour  les  résultats  sur  les 
bénéfices  les  plus  minimes  et  faisant  la  part  autant  que 
possible  des  crises  commerciales. 

Comme  homme  de  métier,  l'entrepreneur  doit  satisfaire 
à  une  foule  de  conditions  ;  il  doit  avoir  des  connaissances 
spéciales,  dépendant  surtout  des  sciences  technologiques. 
Les  conditions  peuvent  se  résumer  dans  une  bonne  organi- 
sation de  ses  ateliers  qui  se  composent  de  machines  et 
d'ouvriers;  les  premières  réclament  tous  les  perfectionne- 
ments possibles,  si  l'entrepreneur  ne  veut  rester  au-dessous 
de  ses  concurrents;  toutefois,  la  plus  grande  prudence  est 
ici  de  rigueur,  pour  que  des  capitaux  ne  soient  pas  inutile- 
ment engagés.  Dans  les  travaux  de  bâtiment,  le  nombre 
des  machines  est  très  borné  ;  on  ne  se  sert  que  d'engins  et 
d'équipages  ;  les  grands  ateliers  de  serrurerie  comportent 
seuls  des  machines  coûteuses.  Dans  le  choix  des  ouvriers, 


ENTREPRENEUR 


—  4490  — 


I 


l'entrepreneur  doit  avoir  égard  d'abord  à  la  probité,  puis 
à  l'adresse  et  à  une  certaine'instruction;  il  est  indispensable 
surtout  pour  la  conduite  de  ses  ouvriers  qu'il  ait  de  bons 
maîtres  compagnons,  avec  lesquels  il  n'a  pas  à  regarder 
au  prix  de  la  journée.  Ses  ordres  doivent  toujours  être 
donnés  à  ceux-ci,  et  il  est  de  toute  nécessité  qu'il  fasse 
peser  sur  eux  une  grande  responsabilité.  Sa  surveillance 
doit  s'exercer  presque  en  totalité  sur  ces  agents  principaux 
s'il  veut  pouvoir  entreprendre  et  mener  à  bonne  fin  des 
opérations  importantes.  Au  point  de  vue  moral,  l'entre- 
preneur doit  repousser  comme  déshonorants  tous  les  pe- 
tits moyens  illicites  de  gain  que  peuvent  lui  offrir  les  nom- 
breux éléments  nécessaires  à  l'exécution  de  l'œuvre. 

Dans  le  langage  usuel,  le  nom  d'entrepreneur  s'applique 
plus  particulièrement  aux  entrepreneurs  de  constructions, 
soit  pour  habitations  privées,  soit  pour  établissements  pu- 
blics, routes  et  ponts,  canaux,  chemins  de  fer,  etc.  Sou- 
vent l'entrepreneur  projette  et  dirige  ses  travaux  par  lui- 
même  ;  mais,  lorsqu'il  s'agit  de  constructions  d'une  certaine 
importance,  il  exécute  avec  la  direction  d'un  architecte 
qui  dresse  les  plans  et  devis,  l'entrepreneur  fournissant  les 
matériaux  et  traitant  seul  avec  les  ouvriers.  L'architecte 
surveille  les  travaux,  vérifie  les  objets  fournis  et  règle  les 
mémoires  de  l'entrepreneur.  De  même  que  l'architecte  est 
responsable  envers  le  propriétaire  des  vices  des  travaux 
u'il  a  ordonnés,  de  même  l'entrepreneur  répond,  pendant 
ix  ans,  envers  l'architecte  et  même  directement  envers 
le  propriétaire,  s'il  y  a  eu  traité  entre  eux.  Ces  questions 
de  responsabilité  sont  développées  ci-dessous.       L.  K. 

II.  Ponts  et  Chaussées.  —  L'entrepreneur  de 
travaux  des  ponts  et  chaussées  (et  cette  observation 
s'applique  aussi  aux  autres  administrations  de  l'Etat)  est 
soumis,  en  ce  qui  concerne  l'exécution  de  son  marché,  à 
deux  séries  de  conditions,  outre  celles  qui  résultent  de  la 
loi  :  les  unes,  d'ordre  général,  applicables  à  toute  entre- 
prise, et  qui  sont  réunies  en  un  cahier,  dit  des  clauses  et 
conditions  générales;  les  autres,  plutôt  techniques,  spé- 
ciales à  son  entreprise  et  qui  se  trouvent  surtout  dans  le 
devis  etle  bordereau  des  prix  (V.  Devis,  Détail  estimatif). 
A  cause  de  leur  nature  même,  les  conditions  de  cette  der- 
nière catégorie  ne  sauraient  être  traitées  ici,  et  nous  devons 
nous  borner  à  une  analyse  des  conditions  générales.  Le 
premier  cahier  des  ponts  et  chaussées  date  de  1814,  mais 
la  plupart  des  indications  qu'il  contenait  ne  faisaient  que 
reproduire,  en  les  coordonnant,  celles  des  anciens  arrêtés. 
Ce  cahier,  revisé  et  complété  en  1833  et  qui  resta  en 
vigueur  jusqu'en  1866,  a  été  l'objet  de  critiques  nom- 
breuses et  très  vives;  on  lui  reprochait  surtout  de  trop 
laisser  à  l'arbitraire  des  ingénieurs.  Il  est  juste  pourtant 
de  reconnaître  que  les  administrations  adoucissaient  en  pra- 
tique ce  que  certaines  conditions  pouvaient  avoir  d'excessif 
et  que  les  tribunaux  administratifs  n'hésitaient  pas  à 
trancher  les  litiges  qui  leur  étaient  soumis  en  se  basant 
sur  des  considérations  d'équité,  bien  plutôt  que  sur  la  lettre 
stricte  du  contrat.  Le  nouveau  cahier,  joint  à  l'arrêté  mi- 
nistériel du  26  nov.  1866,  conserve  sans  doute  à  l'admi- 
nistration toute  autorité  pour  diriger,  régler  et  modifier  la 
marche  et  les  conditions  de  l'entreprise,  mais,  au  point  de 
vue  des  intérêts,  les  droits  sont  devenus  égaux  de  part  et 
d'autre  (ce  cahier  vient  d'être  légèrement  modifié  par  arrêté 
ministériel  du  16  févr.  1892).  —  La  règle  générale  est 
l'adjudication  au  rabais  en  conseil  de  préfecture.  Nous 
renvoyons  à  ce  sujet  aux  mots  Adjudication,  Cautionnement, 
Certificat  de  capacité.  Signalons  seulement  deux  parti- 
cularités :  1°  quand,  à  la  suite  de  rabais  égaux,  on  a  dû 
procéder  à  une  seconde  adjudication  :  si  celle-ci  donne 
encore  des  chiffres  égaux  pour  le  plus  fort  rabais,  c'est  le 
sort  qui  désigne  l'adjudicataire  (cire.  min.  trav.  publ., 
31  juil.  1877);  2Mes  cautionnements  en  immeubles  ne 
sont  plus  admis  qu'à  titre  très  exceptionnel  (cire.  min. 
trav.  publ.  20  août  1890).—  L'entrepreneur  est  tenu 
d'élire  domicile  à  proximité  des  travaux,  et  il  ne  peut  s'en 
éloigner,  pendant  la  durée  de  leur  exécution,  qu'après  avoir 


fait  agréer  un  représentant  capable  de  le  remplacer.  Il  ne 
peut  céder  à  des  sous-traitants  tout  ou  partie  de  son  en- 
treprise sans  l'autorisation  de  l'administration,  vis-à-vis 
de  laquelle  il  continue  en  tous  cas  à  demeurer  personnel- 
lement responsable.  —  L'entrepreneur  doit  exécuter  les 
travaux  conformément  aux  plans,  profils,  tracés,  etc.,  qui 
lui  sont  donnés  en  exécution  du  devis  ;  il  doit  se  conformer 
également  aux  changements  qui  lui  sont  prescrits  pendant 
le  cours  du  travail,  mais  seulement  lorsque  V ingénieur 
les  a  ordonnés  'par  écrit.  L'administration  lui  paye  des 
acomptes  mensuels,  en  raison  de  la  situation  des  travaux, 
sauf  retenue  d'un  dixième  pour  la  garantie  et  d'un  centième 
pour  la  caisse  de  secours  des  ouvriers.  La  réception  pro- 
visoire a  lieu  immédiatement  après  l'achèvement  des  tra- 
vaux, et  la  réception  définitive  six  mois  ou  un  an  après, 
suivant  les  cas.  On  rembourse  alors  la  retenue  de  garantie 
à  l'entrepreneur,  après  toutefois  qu'il  a  justifié,  s'il  y  a 
lieu,  du  payement  des  dommages  pour  extraction  de 
matériaux  ou  occupation  temporaire  (V.  ce  mot). 

Quand  l'importance  des  travaux  est  augmentée  ou  dimi- 
nuée de  plus  d'un  sixième,  l'entrepreneur  a  droit  à  la 
résihation  de  son  marché  ;  dans  le  dernier  cas,  il  a  droit 
en  outre  à  indemnité.  Il  a  les  mêmes  droits  quand  l'admi- 
nistration ordonne  la  cessation  absolue  des  travaux  ou 
prescrit  leur  ajournement  à  plus  d'une  année.  L'entrepre- 
neur peut  aussi  obtenir  des  indemnités  s'il  a  été  apporté 
au  projet  des  changements  de  plus  d'un  quart  dans  l'impor- 
tance de  certaines  natures  d'ouvrages,  et  aussi  pour  les 
pertes  qu'il  aurait  subies  par  suite  de  cas  de  force  majeure. 
—  Lorsque  l'entrepreneur  ne  se  conforme  pas  aux  ordres 
qui  lui  sont  donnés,  un  arrêté  du  préfet  le  met  en  demeure 
d'y  satisfaire  dans  un  délai  déterminé  ;  s'il  refuse  ou  négUge 
de  s'y  conformer,  un  second  arrêté  prescrit  l'établissement 
d'une  régie  (V.  ce  mot)  à  ses  frais.  Il  en  est  rendu  compte 
au  ministre  qui  peiut,  suivant  les  circonstances,  soit  ordonner 
une  nouvelle  adjudication  à  la  folle  enchère  de  l'entrepre- 
neur, soit  prononcer  larésiHation  pure  et  simple  du  marché, 
soit  prescrire  la  continuation  de  la  régie.—  Toute  difficulté 
entre  l'administration  et  l'entrepreneur,  concernant  le  sens 
ou  l'exécution  des  clauses  du  marché,  est  portée  devant  le 
conseil  de  préfecture,  sauf  recours  au  conseil  d'Etat. 

L.  SCHMIT. 

III.  Droit  commercial.  —  Le  mot  entrepreneur, 
dans  la  langue  du  droit,  sert  à  désigner  ceux  qui  font  leur 
profession  d'une  catégorie  spéciale  de  louages  de  services, 
auxquels  la  loi  reconnaît  le  caractère  commercial.  Ces  con- 
trats de  louage  de  services  présentent  cette  particularité  que 
l'entrepreneur,  en  même  temps  qu'il  loue  ses  propres  ser- 
vices, spécule  sur  les  services  d'autrui.  La  loi,  dans  l'art. 
652  du  C.  comm.,  énumère  les  principales  entreprises;  ce 
sont:  les  entreprises  de  manufacture, de  commission, 
de  transports  par  terre  et  par  eau,  de  fournitures, 
d'agences  et  bureaux  d'affaires,  d'établissements  de 
vente  à  Vencan,  de  spectacles  publics.  Nous  suivrons 
cette  énumération  dans  notre  article  et  nous  y  ajouterons 
V entreprise  des  constructions  et  autres  travaux. 

Entreprise  de  manufacture.  Se  procurer  des  matières 
premières  et,  à  l'aide  d'opérations  diverses,  de  machines  et 
d'ouvriers,  les  modifier  et  les  transformer  de  façon  à  en 
faire  un  produit  de  consommation,  voilà  le  rôle  de  l'entre- 
preneur de  manufacture.  De  cette  définition  résulte  d'abord 
que  celui  qui  fait  faire  chez  lui  par  des  ouvriers  des  expé- 
riences destinées  à  le  conduire  à  une  découverte,  ne  lait 
pas  une  entreprise  de  manufacture.  11  en  résulte  encore 
que,  pour  qu'il  y  ait  entreprise  de  manufacture,  il  n'est 
pas  nécessaire  que  les  matières  premières  aient  été  achetées 
par  l'entrepreneur.  Il  peut  en  être  devenu  propriétaire 
autrement  ;  par  exemple,  par  la  récolte  qu'il  en  aurait  faite 
sur  ses  fonds.  Il  en  résulte  enfin  que,  quand  on  reçoit  les 
matières  premières  de  celui  pour  le  compte  duquel  elles 
doivent  être  transformées  (apprêteur,  teinturier),  on  fait 
néanmoins  entreprise  de  manufacture. 

Entreprise  de  commission.  L'entrepreneur  de  com- 


4191 


ENTREPRENEUR  --  ENTRE-RIOS 


mission  sert  d'intermédiaire  entre  deux  personnes  voulant 
réaliser  une  opération  commerciale.  Toutefois,  pour  qu'il 
soit  réputé  commerçant,  il  n'est  pas  nécessaire  absolument 
que  tous  les  actes  auxquels  il  prête  son  concours  soient 
commerciaux.  Dès  l'instant  que  l'entreprise  de  commission 
est  formée  en  vue  de  réaliser  des  bénéfices,  il  y  a  de  la 
part  de  l'entrepreneur  tout  au  moins  spéculation  sur  ses 
propres  services  ;  elle  est  commerciale  (V.  Commission, 
Commissionnaire). 

Entreprise  de  transports  par  terre  et  par  eau.  Dans 
ce  contrat,  outre  le  louage  de  services,  il  y  a  parfois  aussi 
de  la  part  de  l'entrepreneur  louage  de  choses.  Pour 
atteindre  le  but  qu'il  poursuit,  il  est,  en  effet,  fréquem- 
ment obligé  de  mettre  son  matériel  à  la  disposition  du 
public.  Toutes  les  entreprises  de  transport  sont  commer- 
ciales, quel  que  soit  le  moyen  employé  et  la  voie  suivie  : 
que  ce  soient  des  transports  par  voiture  ou  par  chemin  de 
fer,  sur  les  canaux,  les  fleuves  ou  la  mer  (G.  comm., 
art.  632,  633).  Il  y  a  trois  catégories  d'entrepreneurs  de 
transports  :  les  entrepreneurs  publics  qui  ont  publié  leur 
existence  et  les  conditions  de  temps  et  de  prix  auxquelles 
ils  exécutent  les  transports.  Ils  sont  dès  lors  liés  et  ne 
peuvent  rien  exiger  de  leurs  clients  au  delà  de  ce  qui  a 
été  fixé  dans  leurs  annonces.  Les  entrepreneurs  particu- 
liers^ qui  n'ont  point  de  services  réglés  et  avec  lesquels 
il  faut  débattre  les  conditions  du  transport.  Les  commis- 
sionnaires de  transports,  qui  servent  d'intermédiaires 
entre  les  expéditeurs  et  les  voituriers. 

Entreprise  de  fournitures.  L'entrepreneur  de  four- 
nitures s'engage  à  faire  pour  un  service  déterminé  des 
livraisons  de  marchandises  soit  en  une  fois,  soit  en  plu- 
sieurs fois,  soit  à  des  époques  périodiques.  Ceux  qui  s'en- 
gagent à  fournir  d'une  denrée  quelconque  un  corps  de 
troupe,  un  établissement  public  ou  privé,  sont  des  entre- 
preneurs de  fournitures.  La  commercialité  de  cette  entre- 
prise résulte  de  ce  que  l'entrepreneur  achète  pour  revendre 
et  réahser  un  bénéfice  sur  la  revente. 

Entreprises  d'agences  et  bureaux  d'affaires.  Ces 
entrepreneurs  s'offrent  aux  particuliers  pour  traiter  à  leur 
place  certaines  afiaires  déterminées,  suivre  des  affaires 
litigieuses,  fournir  des  renseignements  ou  des  places,  faire 
des  recouvrements,  etc.  Ces  entreprises  sont  commerciales 
alors  même  que  le  but  poursuivi  ne  serait  pas  commercial  ; 
cela  résulte  de  ce  que  l'entrepreneur  spécule  sur  ses  ser- 
vices, son  entremise  et  sur  le  travail  de  ses  employés. 

Entreprise  d'établissements  de  vente  à  l'encan.  Celui 
qui  crée  un  établissement  de  vente  à  l'encan  crée  quelque 
chose  d'analogue  à  une  bourse  de  commerce.  Un  pareil 
établissement  devient  un  centre  de  débit  de  marchandises 
où  se  donnent  rendez-vous  vendeurs  et  acheteurs.  Rien  de 
surprenant  dès  lors  à  ce  que  la  loi  ait  rangé  une  semblable 
entreprise  au  nombre  des  actes  commerciaux.  Mais,  pour  la 
caractériser,  il  ne  suffirait  pas  du  fait  accidentel  de  la  loca- 
tion d'une  place  pour  y  faire  une  vente  à  l'encan.  Il  faut 
que  l'afïectation  du  local  aux  ventes  présente  un  caractère 
de  permanence. 

Entreprise  de  spectacles  publics.  La  disposition,  qui 
fait  de  cette  entreprise  un  acte  de  commerce,  est  une  inno- 
vation du  code.  L'ancienne  législation  ne  reconnaissait  pas 
aux  entrepreneurs  de  spectacles  publics  la  qualité  de  com- 
merçants. Sous  la  rubrique  de  spectacles  pubUcs,  on  com- 
prend les  exhibitions  de  tous  genres  et  même  les  bals 
publics.  Tous  les  engagements  que  prend  l'entrepreneur 
dans  le  but  de  réaliser  son  entreprise  sont  commerciaux, 
qu'il  s'agisse  d'engagements  vis-à-vis  des  fournisseurs,  des 
artistes,  des  auteurs  ou  même  du  public  pour  la  location 
des  places  et  les  abonnements. 

Entreprise  de  constructions  et  autres  travaux.  C'est 
l'entreprise  de  manufacture  appliquée  aux  immeubles. 
L'opération  est  commerciale  de  la  part  de  l'entrepreneur 
même  dans  le  cas  où  il  ne  fournirait  pas  de  matériaux, 
mais  seulement  son  travail  et  celui  de  ses  ouvriers,  sur  le 
salaire  desquels  il  spécule.  Au  regard  de  ceux-ci,  il  est 


responsable  des  accidents  qui  leur  surviennent  lorsqu'il  est 
prouvé  que  l'accident  est  le  résultat  de  son  fait  ou  de  sa 
faute  (C.  civ.,  art.  4382  et  -1383).  Cette  règle  sera  sans 
doute  prochainement  modifiée.  La  loi  sur  les  accidents  du 
travail,  actuellement  en  préparation,  établit  en  effet  une 
présomption  de  faute  contre  le  patron,  lorsqu'un  accident 
survient  à  l'un  de  ses  ouvriers.  L'entrepreneur  travaille  à 
forfait,  d'après  un  plan  arrêté  à  l'avance  avec  le  proprié- 
taire ou  moyennant  un  prix  à  déterminer  d'après  la  nature 
et  l'importance  des  travaux.  Dans  le  premier  cas,  il  ne 
peut  réclamer  au  propriétaire  une  somme  supérieure  à 
celle  stipulée  dans  le  forfait,  môme  pour  des  travaux  sup- 
plémentaires non  compris  dans  le  plan  primitif.  Il  ne  le 
pourrait  qu'autant  qu'il  rapporterait  la  preuve  écrite  que 
les  changements  qu'il  allègue  ont  été  faits  d'accord  avec  le 
propriétaire.  La  question  la  plus  intéressante  concernant 
les  entrepreneurs  de  travaux  est  celle  de  leur  responsabi- 
lité vis-à-vis  du  propriétaire  qui  les  a  employés  lorsqu'une 
détérioration  se  produit  dans  l'ouvrage  qu'ils  ont  exécuté. 
Les  principes  sont  posés  par  le  code  civil  dans  les  art.  1792 
et  2270.  L'art.  1792  établit  contre  l'entrepreneur  une 
présomption  légale  de  faute  en  décidant  qu'il  est  ainsi  que 
l'architecte,  chargé  avec  lui  d'une  construction  ou  d'un 
travail,  responsable  de  plein  droit  de  la  perte  totale  ou 
partielle  de  la  construction.  Seule,  la  preuve  d'un  cas 
fortuit  ou  d'un  événement  de  force  majeure  peut  l'exonérer 
de  cette  responsabihté.  Ce  principe  très  rigoureux  ne  doit 
être  appliqué  qu'à  l'hypothèse  expressément  prévue  par  la 
loi,  c.-à-d.  celle  où  l'entrepreneur  travaille  à  forfait.  Pour 
tous  les  autres  cas,  Fart.  2270  fait  à  l'entrepreneur  l'ap- 
plication des  règles  générales  en  matière  de  faute,  en  le 
déclarant  responsable  de  l'exécution  défectueuse  des  tra- 
vaux qu'il  a  entrepris.  La  responsabilité  est  encourue  dès 
que  le  propriétaire  a  fait  la  preuve  de  la  faute  de  l'entre- 
preneur. Lorsque  la  direction  des  travaux  exécutés  par  un 
entrepreneur  a  été  confiée  à  un  architecte,  ils  sont  solidai- 
rement tenus  de  la  réparation  du  dommage  causé  par  le 
vice  de  construction.  La  solidarité  dans  la  faute  doit 
entraîner  évidemment  la  solidarité  dans  le  dédommagement. 
Cette  responsabihté  ne  dure  que  dix  ans  ;  si  dans  cet 
intervalle  aucune  détérioration  ne  s'est  produite,  l'entre- 
preneur est  déchargé  ;  s'il  s'en  est  produit,  le  propriétaire 
a  alors  trente  ans  pour  exercer  son  action  en  réparation 
du  préjudice  qu'il  a  subi.  Ce  délai  de  dix  ans  n'est  pas  une 
prescription,  mais  un  délai  préfix;  son  cours  n'est  donc 
pas  suspendu  par  la  minorité  du  propriétaire.  Indépendam- 
ment de  cette  responsabilité  qu'on  pourrait  appeler  profes- 
sionnelle, les  entrepreneurs  tombent  comme  tous  autres 
sous  le  coup  des  art.  1382  et  1383  du  C.  civ.  Ils  sont 
donc  comptables,  tant  envers  le  propriétaire  qu'envers  ses 
voisins,  du  dommage  résultant  pour  ceux-ci  de  l'inobser- 
vation des  règlements  qui  régissent  les  constructions.  Cette 
responsabilité  ne  s'éteint  que  par  la  prescription  de 
trente  ans.  Lyonnel  Didierjean. 

BiBL.  :  Ponts  et  chaussées.  —  Vignon,  Etudes  histo- 
riques sur  radministration  des  voies  publiques  en  France  ; 
Paris,  1862.  —  Ciiatignier,  Commentaire  des  clauses  et 
conditions  générales. —  Aucoc,  Conférences  sur  Vadminis- 
tration  et  le  droit  administratif,  t.  IL—  Perriquet,  Traité 
théorique  et  pratique  des  travaux  publics  ;  Paris,  1883, 1. 1. 

Droit  commercial.  —  Alauzet,  Commentaire  du  code 
de  commerce  ;  Paris,  1868,  6  vol.  in-8,  2«  éd.  —  Aubry  et 
Rau,  Cours  de  droit  civil  français  ;  Paris,  1869-1878,  t.  IV, 
8  vol.  in-8,  49  éd.—  Boistel,  Précis  de  droit  commercial  ; 
Paris,  1881,  in-8,  3«  éd.  —  Frémy-Ligneville,  Législation 
des  bâtiments  ;  Paris,  1880,  2  vol.  in-8,  2"  éd.  —  Laurent, 
Principes  de  droit  civil  français  ;  Bruxelles,  1876-1878, 
t.  XXVI,  33  vol.  in-8.  —  Lyon-Caen  et  Renault,  Précis 
de  droit  commercial  ;  Paris,  1879-1885,  t.  1,  2  vol.  in-8.  — 
Masselin,  Traité  de  la  responsabilité  des  architectes  ; 
Paris,  1876,  in-8.  —  Pardessus,  Cours  de  droit  commer- 
cial^ publié  par  Deroziére  ;  Paris,  1856,  t.  I,  4  vol.  in-8, 
6*»  éd.  —  Sourdat,  De  la  Responsabilité  ;  Paris,  1876, 
2  vol.  in-8,  3«  éd. 

ENTREPRISE.  I.  Industrie  (V.  Entrepreneur). 

IL  Administration  militaire  (V.  Approvisionnement  des 

ARMÉES  ET  DES  PLACES). 

ENTRE-RIOS.  Province  de  la  République  Argentine,  entre 


ENTRE-RIOS  -  ENTROPION 


—  4192  — 


le  ParanaetrUruguay,  au  S.  de  Corrientes,  dont  le  séparent 
le  Guayquiraro,  affluent  du  Parana,  et  le  Mocoreta,  affluent 
de  l'Uruguay  ;  66,974  kil.  q.  ;  248,700  hab.  C'est  la  partie 
méridionale*'de  la  Mésopotamie  argentine,  une  des  régions 
les  plus  fertiles  de  la  République  ;  les  grands  cours  d'eau 
qui  l'entourent  de  trois  côtés  lui  asssurent  une  protection 
et  des  moyens  de  communication  ;  le  sol  de  la  partie  méridio- 
nale doit  aux  inondations  annuelles  une  fertilité  exception- 
nelle. Au  centre,  coule  le  Gualeguay,  affluent  du  Paraguay. 
Du  N.  au  S.,  la  plaine  est  sillonnée  de  collines  (cuchillas) 
qui  ne  dépassent  pas  300  m.;  le  sommet  en  est  déboisé  ; 
au  N.-O.  est  l'immense  forêt  de  Montiel;  au  S.,  un  fouillis 
d'îles  basses  couvertes  de  fourrés  de  saules  et  de  palmiers, 
et  souvent  inondées.  L'Entre-Rios  est  une  plaine,  bien 
arrosée,  dont  les  vastes  prairies  nourrissent  un  nombreux 
bétail;  on  y  comptait,  en  1884,  2,216,000  bêtes  de  race 
bovine,  613,000  de  race  chevaline,  3,415,000  de  race 
ovine.  Les  champs  cultivés  s'étendaient  sur  51,400  hect. 
Les  bancs  de  coquillages  de  Parana  et  Diamante  alimen- 
tent de  chaux  la  ville  de  Buenos  Aires.  De  1856  à  1884, 
on  avait  créé  17  colonies  européennes  dans  la  province.  Sa 
capitale  est  Parana,  fondée  en  1730. 

ENTRES  (Joseph-Anton),  sculpteur  allemand,  né  àtùrth 
le  13  mars  1804,  mort  à  Seeon  le  14  mai  1870.  Il  fut 
élevé  par  le  sculpteur  Otto  Ulrich,  et  plus  tard  envoyé 
en  France.  En  1822,  il  entra  comme  élève  à  l'Académie 
de  Munich.  Cet  artiste  choisit  de  préférence  les  sujets  reli- 
gieux, et  on  peut  voir  ses  œuvres  dans  les  églises  de  Munich, 
d'Augsbourg,  de  Passau,  etc. 

ENTRESOL.  I.  Architecture.  —  Etage  de  peu  d  impor- 
tance relative,  pris  dans  la  hauteur  d'un  grand  étage  et  par- 
fois sur  une  partie  seulement  de  la  surface  de  cet  étage.  Il  est 
probable  que,  dans  les  maisons  romaines,  les  petites  chambres 
des  esclaves  et  les  corridors  de  communication  réservés  à 
l'intérieur  de  la  maison  de  famille  ou  les  chambres  desti- 
nées à  loger  les  commerçants  au-dessus  des  boutiques  au 
pourtour  de  la  maison  àlocation,  constituaient  de  véritables 
entresols,  pris  au-dessus  du  rez-de-chaussée  dans  la  hau- 
teur des  pièces  d'apparat,  et  la  seule  maison  d'Hercula- 
num  qui  offrit,  lors  des  fouilles,  ses  planchers  hauts  encore 
intacts,  confirmait  cette  hypothèse.  Viollet-le-Duc  (Dict. 
de  r Architecture,  t.  ÎV,  art.  Construction,  fig.  119  et 
120)  donne  deux  exemples  curieux  de  l'emploi  fait  au  moyen 
âge  des  entresols  pour  disposer,  auprès  des  grandes  salles, 
des  salles  plus  petites  ou  des  galeries  de  communication  ; 
mais  c'est  surtout  dans  les  palais  de  la  Renaissance  que 
l'entresol  a  pris  naissance  et  s'est  développé,  tantôt  dissi- 
mulé extérieurement  et  compris  dans  l'ordonnance  générale 
de  l'étage  aux  dépens  duquel  il  a  été  pris,  et  tantôt  accusé  à 
l'extérieur  par  des  baies  spéciales  et  aussi  par  des  lignes 
d'architecture.  De  nos  jours,  dans  les  habitations  privées, 
les  entresols,  ménagés  le  plus  souvent  au  dépens  du  rez- 
de-chaussée  et  dissimulés  dans  des  dispositions  architectu- 
rales, servent  au  commerce,  à  des  bureaux  ou  au  logement 
des  négociants  ;  mais,  dans  les  édifices  publics,  palais  de 
justice,  hôtels  de  ville,  écoles,  les  entresols,  étudiés  avec 
des  proportions  spéciales  et  dans  les  lignes  d'ensemble  de 
ces  édifices,  servent  à  des  bureaux  ou  à  des  logements 
d'employés  disposés  le  long  ou  aux  extrémités  des  grandes 
salles  de  réunion.  Charles  Lucas. 

IL  Histoire.  —  Club  de  VEntresol  (V.  Club,  t.  XI, 

ENTRETIEN.  L  Architecture.  —  Ce  mot,  qui  désigne 
les-  travaux  de  peu  d'importance  nécessaires  à  la  conser- 
vation d'un  bâtiment,  s'applique,  par  extension,  aux  fonc- 
tionnaires et  aux  crédits  affectés  plus  particulièrement  à 
surveiller  ou  à  exécuter  ces  travaux  et  à  en  solder  le 
montant.  Ch.  L. 

IL  Travaux  publics.  —  Entretien  des  routes  et  che- 
mins (Y.  Route). 

ENTRETOISE  (Constr.).  Pièce  de  bois  ou  de  fer  qui 
en  relie  deux  autres  et  en  maintient  l'écartement.  Les 
entretoises  en  bois  sont  assemblées  à  tenon  et  à  mortaise. 


quand  elles  font  partie  de  combles  ou  de  planchers,  et  elles 
sont  assemblées  à  queue  d'aronde  dans  les  poteaux  entre 
lesquels  elles  reçoivent  des  remplissages  pour  former  l'ossa- 
ture des  pans  de  bois.  On  appelle  entretoise  carrée 
l'assemblage  en  croix  de  Saint-André  posé  de  niveau  entre 
les  entraits  de  l'enrayure  d'un  dôme.  —  Dans  les  plan- 
chers en  fer,  les  entretoises  sont  des  barres  de  fer,  à  sec- 
tion carrée  ou  rectangulaire,  coupées  de  longueur  et  cou- 
dées et  contre-coudées  à  la  demande  pour  s'agrafer  sur  les 
solives  et  recevoir  des  fautons  (V.  ce  mot)  portant  la 
charge  du  hourdis  du  plancher.  Charles  Lucas. 

ENTREVAUX.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  des  Basses-Alpes, 
arr.  de  Castellane,  sur  la  rive  gauche  du  Var  ;  1,468  hab. 
Bourg  ancien,  construit  au  fond  d'une  gorge  sauvage,  sur 
laquelle  se  penchent  de  formidables  rochers,  supportant 
des  forts  romains,  restaurés  au  xvii®  siècle  par  Vauban. 
On  remarque  à  Entrevaux  une  belle  église  du  xvi^  siècle. 
Place  de  guerre,  fabrique  de  draps,  commerce  assez  impor- 
tant de  céréales,  huiles,  fruits,  etc.  G.  Faliês. 

ENTREVENNES.  Com.  du  dép.  des  Basses-Alpes,  arr. 
de  Digne,  cant.  des  Mées;  460  hab. 

ENTREVERNES.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Savoie, 
arr.  et  cant.  (S.)  d'Annecy;  403  hab. 

ENTREVOIE  (Chem.  de  fer).  On  donne  le  nom  d'entre- 
voie  à  l'espace  compris  entre  des  voies  parallèles,  et 
compté  entre  les  bords  extérieurs  des  (îhampignons  supé- 
rieurs des  rails.  La  cote  de  l'entrevoie  en  pleine  ligne  est 
calculée  de  manière  que  deux  trains  puissent  se  croiser 
côte  à  côte,  sans  se  toucher  et  en  laissant  même  un  certain 
jeu,  pour  tenir  compte  de  l'inclinaison  que  prennent,  par 
suite  du  surhaussement,  les  véhicules  sur  les  parties  de 
voie  en  courbe.  Cette  entrevoie  est  de  2  m.  sur  les 
chemins  de  fera  voie  normale  de  1«^50;  le  jeu  est  suffi- 
sant, à  la  condition  que  les  portières  des  trains  de  voya- 
geurs ne  s'ouvrent  pas  pendant  la  route.  Dans  les  gares, 
l'entrevoie  des  voies  de  garage  est  ordinairement  de  3  m. 
à  3^50,  pour  que  les  agents  puissent  circuler  entre 
les  wagons  stationnant  survies  voies.  Lorsque  l'entrevoie 
doit  être  munie  de  signaux  ou  de  candélabres  à  gaz, 
comme  tout  obstacle  latéral  à  la  voie  doit  être  situé  au 
moins  à  une  distance  de  1«^35  du  rail  le  plus  voisin,  la 
cote  de  l'entrevoie  est  portée  à  3«^50  sur  4  m.  afin  de 
laisser  encore  la  place  de  circuler.  L.  K. 

ENTROPIE.  On  appelle  entropie  dans  la  théorie  méca- 
nique de  la  chaleur  une  fonction  dont  la  différentielle  est 

égale  à  ^  ;  dans  ce  rapport,  (^Q  désigne  la  quantité  de 

chaleur  absorbée  sur  un  élément  quelconque  du  contour 
d'un  cycle  réversible  ;  T  est  la  température  absolue  ou,  si 

l'on  veut,  T^  est  le  facteur  par  lequel  il  faut  multiplier  rfQ 

pour  que  ce  soit  une  différentielle  exacte  des  deux  variables 
indépendantes  qu'elle  contient.  Pour  les  propriétés  de  cette 
fonction,  V.  Thermodynamique.  A.  Joannis. 

ENTROPION  (PathoL).  Toutes  les  fois  que  l'une  ou 
l'autre  des  paupières  est  renversée  en  dedans,  qu'elle  le 
soit  partiellement  ou  en  totalité,  il  y  a  entropion.  On 
observe  rarement  des  entropions  partiels.  Le  plus  souvent 
l'entropion  est  total,  et  il  affecte  plus  particulièrement  la 
paupière  du  bas.  La  maladie  dépend  de  deux  causes,  d'où 
deux  formes  différentes  ;  ou  bien  elle  est  due  à  des  altéra- 
tions de  la  substance  même  de  la  paupière,  conjonctive  et 
cartilage  tarse  ;  ou  bien  elle  résulte  de  la  contraction  ou 
du  spasme  de  l'orbiculaire.  —  Première  forme.  Toutes  les 
causes  d'irritation  permanente  sont  mises  en  jeu.  En  pre- 
mière ligne,  il  faut  citer  les  vieilles  inflammations  conjonc- 
tivales  accompagnées  ou  non  de  blépharites,  amenant  l'in- 
duration d'abord,  puis  la  rétraction  et  le  raccourcissement 
du  cartilage.  Il  faut  tenir  compte  des  épaississements  et 
des  déformations  du  bord  palpébral;  mais  il  faut  surtout 
attacher  une  grande  importance  aux  lésions  traumatiques 
ou  chirurgicales  qui  peuvent  se  produire  du  côté  de  la 


1193  — 


ENTROPION  —  ENVELOPPE 


conjonctive.  Les  blessures  par  le  feu  ou  des  agents  chi- 
miques, les  déchirures,  sections  ou  pertes  de  substance  de 
la  conjonctive,  jouent  le  premier  rôle  dans  le  développe- 
ment de  l'entropion  ;  il  n'est  pas  jusqu'à  des  cautérisations 
intempestives,  trop  énergiques  ou  trop  souvent  répétées, 
qui  n'amènent  à  la  longue  l'inversion  de  l'une  ou  l'autre 
paupière  ou  des  deux  à  la  fois.  —  Deuxième  forme.  Elle  est 
uniquement  le  résultat  d'une  contraction  du  muscle  orbicu- 
laire  dans  sa  portion  ciliaire,  et  elle  a  comme  facteurs  le 
gonflement  œdémateux  des  paupières,  tel  qu'il  s'observe 
dans  les  ophtalmies  graves,  le  développement  excessif  du 
tissu  graisseux  et  le  relâchement  de  la  peau,  si  fréquent 
chez  les  vieillards,  et  enfin  les  applications  prolongées  du 
bandage  compressif  à  la  suite  de  quelques  opérations,  no- 
tamment celle  de  la  cataracte.  Il  n'y  a  guère  dans  ce  cas 
que  la  paupière  inférieure  qui  se  trouve  intéressée.  Elle 
s'enroule  sur  elle-même,  se  pelotonne,  et,  dans  ce  mouve- 
ment, les  cils  viennent  se  nicher  dans  le  cul-de-sac  con- 
jonctival.  En  appliquant  le  doigt  à  quelques  milHmètres 
au-dessus  du  rebord  orbitaire  inférieur,  et  en  déprimant 
légèrement,  on  fait  basculer  aussitôt  la  paupière,  dont  le 
bord  et  les  cils  se  remettent  en  place.  Il  suffit  du  moindre 
clignement,  c.-à-d.  de  la  moindre  contraction  de  l'orbicu- 
laire,  pour  que  la  déviation  se  reproduise. 

On  comprend  combien  est  gênante  cette  affection,  et  k 
quelle  série  de  phénomènes  elle  expose  celui  qui  en  est 
atteint.  Larmoiement,  photophobie  allant  jusqu'au  blépha- 
rospasme,  irritation  permanente  du  globe  oculaire,  sensa- 
tion de  corps  étrangers  et  véritable  douleur,  telles  sont  les 
premières  conséquences  de  cet  état.  Il  en  est  de  plus  graves. 
Elles  se  produisent  lorsque  la  cornée  participe  à  l'inflamma- 
tion conjonctivale  ou  périkératique.  Celle-ci  s'ulcère,  s'ab- 
cède  ou  se  vascularise.  La  perte  de  la  vision  a  été  notée  dans 
quelques  cas  par  suite  d'une  perforation  de  la  membrane 
ou  d'un  pannus  indestructible. 

Traitement.  Dans  les  déformations  récentes,  celles  qui 
résultent  de  compressions  chirurgicales,  il  suffit  générale- 
ment, pour  redresser  la  paupière,  de  la  soulager  du  ban- 
dage. Elle  ne  tarde  pas  à  reprendre  son  mouvement  et 
ses  fonctions.  Si  elle  revient  difficilement  en  place,  quelques 
bandelettes  de  taffetas  gommé  appliquées  méthodiquement 
au-dessus  d'une  boulette  de  charpie  ou  de  ouate  fai- 
sant bouchon  entre  le  rebord  orbitaire  et  le  bord  palpé- 
bral  amènent  réversion.  On  peut  se  contenter,  dans  bien 
des  cas  nullement  rebelles,  de  légères  onctions  sous-palpé- 
brales  à  l'aide  d'un  peu  de  collodion  liquide  iodoformé. 
Les  téguments  se  rétractent  par  le  fait  de  la  dessication 
du  liquide,  et  la  paupière  se  redresse  d'elle-même. 

Quelquefois,  il  sera  utile,  pour  remédier  à  cette  défor- 
mation non  encore  permanente,  et  susceptible  d'être  guérie 
sans  intervention  chirurgicale,  d'emprisonner  un  repli  plus 
ou  moins  large  des  téguments  entre  les  branches  de  serres- 
fines,  appelées  à  cet  effet  pince  à  ptosis.  Tous  ces  moyens, 
curatifs  pour  l'entropion  temporaire  développé  à  la  suite 
d'une  opération,  ne  peuvent  être  que  palliatifs  quand  il  s'agit 
d'une  déformation  spasmodique  sénile.  Alors  il  faut  inter- 
venir. Si  la  déformation  n'est  pas  invétérée,  il  arrive  qu'on 
peut  la  détruire  à  l'aide  de  simples  petites  excisions  ova- 
laires  pratiquées  à  quelques  millimètres  au-dessous  du  bord 
palpébral.  La  rétraction  cicatricielle  résultant  de  la  perte  de 
substances  rapprochées  ou  non  par  des  ligatures  est  généra- 
lement suffisante  pour  obvier  à  la  difformité.  Nous  devons 
ajouter  encore  que,  lorsque  l'entropion  a  été,  comme  il 
arrive  souvent  dans  les  inflammations  chroniques  de  la 
conjonctive,  amené  par  la  rétraction  de  la  fente  palpébrale, 
il  suffit,  pour  le  guérir,  de  fendre  la  commissure  suivant 
les  règles  indiquées  (V.  Blépharoplastie),  d'élargir  en  un 
mot  la  fente  palpébrale,  procédé  qui  peut  encore  se  com- 
biner, si  le  résultat  n'est  pas  complet,  avec  une  légère 
perte  de  substance  sous-palpébrale. 

Beaucoup  de  moyens  de  réduction  et  de  remise  en 
place  dé  la  paupière  dans  les  entropions  rebelles.  Nous 
n'en  indiquerons  qu'un  seul,  le  plus  en  vogue  et  à  coup 


sûr  le  plus  décisif.  Il  appartient  à  von  Graefe.  L'ophtal- 
mologiste allemand  pratique  au  bord  palpébral,  et  à  3  milUm. 
de  ce  bord,  une  incision  curviligne,  allant  presque  au  niveau 
de  l'une  et  l'autre  commissure.  Il  excise  alors,  non  plus  à 
l'aide  du  bistouri  sous  lequel  fuit  la  peau,  mais  à  l'aide  de 
ciseaux  aigus,  un  large  pli  cutané  triangulaire  qu'il  a  sou- 
levé préafablement  avec  les  mors  d'une  pince  et  après 
avoir  dégagé  légèrement  les  bords  ;  il  les  réunit  au  centre 
même  de  la  perte  de  substance  par  un  point  de  suture. 
Quoique  radicale,  cette  opération  n'empêche  pas  toujours 
les  récidives.  D^Ad.  Piéchaud. 

BiBL.  :  Gautherin,  Entropion^  thèse.  —  Nivert,  Con- 
tracture spasmodique  de  Vorbiculaire,  1861.  —  Richet, 
Union  médicale^  1849.  —  Traités  classiques. 

EN  TU  RE  (Charp.).  Jonction,  à  l'aide  d'entailles,  de 
deux  pièces  de  bois  juxtaposées  par  leurs  extrémités  et 
constituant  ainsi  un  assemblage  (V.  ce  mot).  Les  entures 
se  divisent  en  entures  horizontales  et  entures  verticales, 
les  premières  dites  plutôt  joints  et  les  secondes  conservant 
plutôt  ce  nom  d'entures.  Ch.  L. 

ENTZHEIIVI  (V.  Enzheim). 

ENTZIA  (Zool.).  Daday  a  fait  connaître  en  1 884  ce  très 
curieux  genre  de  Protozoaires  Rhizo{»odes,  établi  sur  une 
espèce,  E.  tetrastomella;  c'est  la  seule  forme  polythalame 
qui  ne  vive  pas  dans  les  eaux  de  la  mer  :  elle  se  rattache, 
par  la  forme  de  la  coquille,  aux  Rotalines,  de  la  famille 
des  Globigérines,  dans  le  groupe  des  Perforés,  mais  la 
structure  de  cet  appareil  qui,  en  outre,  ne  présente  pas  de 
pores,  mais  une  large  ouverture  pour  la  sortie  des  pseudo- 
podes, le  rapproche  du  genre  Trochammina^  qui  fait  par- 
tie de  la  famille  desLituoUdes,  du  groupe  des  Imperforés; 
d'un  autre  côté,  la  structure  des  cloisons  est  celle  que  l'on 
observe  chez  les  Polythalames  perforés.  Les  Entzia  sont 
donc  très  intéressants,  en  ce  qu'ils  rattachent  intimement  ces 
différents  types  en  eux.  L'espèce  type  a  été  trouvée  dans 
les  étangs  salés   de  Déva,  en  Transylvanie.  R.  Montez. 

ENVAL.  Com.  du  dép.  du  Puy-de-Dôme,  arr.  et  cant. 
de  Riom;  713  hab. 

ENVALLSSON  (Cari  Enevall,  plus  tard),  dramaturge 
suédois,  né  à  Vaxholmle  24  oct.  d7.H6,  mort  à  Stockholm 
le  44  juil.  1806.  Employé  au  ministère  de  la  guerre,  il  ne 
laissa  guère  passer  d'années  à  partir  de  1781  sans  faire 
jouer  deux  ou  plusieurs  de  ses  quatre-vingt-trois  pièces  : 
opéras-comiques  et  burlesques,  vaudevilles,  opérettes,  paro- 
dies, comédies  lyriques  et  pastorales.  Il  est  vrai  que  la 
plupart  étaient  imitées  ou  traduites  de  l'italien,  de  l'alle- 
mand, du  danois  et  surtout  du  français  ;  mais  il  savait  le 
plus  souvent  y  mettre  du  sien  en  localisant  et  en  adaptant 
à  la  scène  suédoise  les  sujets  étrangers.  Il  ne  manquait 
d'ailleurs  pas  de  talent  comme  versificateur,  et  il  avait  tout 
à  la  fois  l'oreille  musicale  et  l'entente  de  la  scène.  Sa  fécon- 
dité et  ses  succès  ne  l'enrichirent  pourtant  pas.  Il  dut  se 
faire  notaire  en  1802  et  ne  publia  plus  guère  que  des 
recueils  de  lecture.  Frappé  de  cécité,  il  finit  dans  la  misère. 
Parmi  ses  pièces  plus  ou  moins  originales,  il  suffit  de  citer  : 
Tous  contents  (1782)  ;  le  Diable  emporte  ce  qu'écono- 
mise l'avare  (1784)  ;  Gustave  Vasa  en  Dalécarlie  (1784), 
drame  patriotique  peu  réussi  ;  les  Baillis  (1787),  comédie 
lyrique  qui  est  restée  au  répertoire;  les  Noces  de  Bobi 
(1788).  Beauvois. 

ENVASEMENT  (V.  Vase). 

ENYElTG.Gom.  des  Pyrénées-Orientales,  arr.  de  Prades, 
cant.  de  Saillagouse;  448  hab. 

ENVELOPPE. I.  Technologie.  —L'enveloppe  de  lettres, 
dont  la  fabrication  constitue  aujourd'hui  une  industrie  im- 
portante, se  confectionnait,  il  n'y  a  pas  quinze  ans  encore, 
à  la  main  ;  depuis,  les  procédés  mécaniques  ont  été  substitués 
à  la  main  de  l'ouvrier,  en  partie  du  moins,  car  plusieurs 
opérations  successives  s'effectuent  manuellement.  Un  atelier 
destiné  à  la  fabrication  des  enveloppes  comprend  un  pre- 
mier local  renfermant  les  découpoirs  et  les  machines  à 
rogner.  Le  premier  de  ces  appareils  sert  seul  pour  les  en- 
veloppes de  dimensions  usuelles  ;  les  deux  engins  sont,  au 


ENVELOPPE 


4194  — 


contraire,  employés  concurremment  pour  les  enveloppes 
de  mesures  spéciales.  Un  ouvrier  suffit  pour  conduire  et 
servir  chaque  machine  dont  la  faculté  de  production  atteint 
200,000  enveloppes  par  journée  de  dix  heures  de  travail. 
Le  découpoir  se  compose  d'un  bâti  en  tonte,  portant  en 
son  centre  un  plateau  métallique  destiné  à  recevoir  le  pa- 
pier; celui-ci  est  présenté  à  l'appareil  sous  une  épaisseur 
moyenne  de  2  centim.  Sur  le  papier,  l'ouvrier  place 
Femporte-pièce  ;  puis,  au  moyen  d'une  pédale  fixée  à  l'inté- 
rieur du  bâti,  il  débraye  un  engrenage  qui  abaisse  un  pla- 
teau-presseur,  lequel  appuie  sur  l'em  porte-pièce  et  déter- 
mine le  découpage  du  papier.  Le  plateau-presseur  remonte 
alors  et  est  embrayé  à  nouveau  ;  l'ouvrier  pousse  son 
papier  et  recommence  une  nouvelle  opération.  Dans  la 
machine  à  rogner,  un  plateau-presseur  appuie  fortement  le 
papier  contre  une  table  métallique  ;  puis,  en  manœuvrant 
une  vis  sans  fin,  l'ouvrier  qui  conduit  la  machine  abaisse 
un  couteau  qui  se  meut  verticalement  le  long  du  bord 
extérieur  du  presseur  et  tranche  le  papier  suivant  la  ligne 
de  coupe.  Au  sortir  de  la  machine  à  rogner,  on  passe  le 
papier  au  découpoir  où,  avec  l'aide  d'un  emporte-pièce 
de  forme  voulue,  on  abat  les  angles  rentrants  qui  doivent 
se  trouver  à  la  jonction  de  deux  pattes  consécutives. 

Les  ébauches  d'enveloppes  ainsi  obtenues  passent  à 
l'atelier  de  gommage,  où  des  femmes  exécutent  ce  travail 
à  la  main.  L'ouvrière  place  un  paquet  d'enveloppes  sur 
un  carton  incliné  et  étale  en  s'aidant  d'un  coupe-papier  les 
enveloppes  de  haut  en  bas,  de  telle  sorte  que  les  pattes 
libres  soient  placées  dans  des  plans  parallèles,  leurs  bords 
débordant  les  uns  sur  les  autres.  Puis,  avec  un  large 
pinceau  trempé  dans  une  dissolution  de  gomme  arabique, 
elle  étend  la  gomme  d'un  seul  trait  bien  droit.  Cette  opéra- 
tion est  délicate  et  exige  de  l'ouvrière  une  grande  sûreté 
de  main  pour  ne  pas  mettre  de  gomme  autre  part  que  sur 
les  parties  libres,  ce  qui  amènerait  le  collage  des  enve- 
loppes les  unes  sur  les  autres.  Le  gommage  terminé,  le 
carton  est  porté  sur  un  séchoir  à  l'air  libre.  L'enveloppe, 
une  fois  gommée,  doit  être  pliée  et  séchée.  Cette  double 
opération  s'effectue  simultanément  au  moyen  d'appareils 
très  simples.  Devant  une  table  semblable  à  celle  des  ma- 
chines à  coudre  est  assise  une  ouvrière,  les  pieds  sur  deux 
pédales  qui  actionnent,  par  l'intermédiaire  d'un  jeu  de 
tringles,  la  première  les  deux  côtés,  la  seconde  la  patte 
libre  et  la  patte  inférieure  d'une  enveloppe-matrice  placée 
au  milieu  de  la  table  ;  cette  enveloppe-matrice  reçoit  l'en- 
veloppe de  papier  par  sa  face  externe.  En  abaissant  la  pre- 
mière pédale,  les  côtés  de  la  matrice  se  rabattent  en 
entraînant  dans  leur  mouvement  ceux  de  l'enveloppe  de 
papier.  En  même  temps,  un  levier  à  la  main,  placé  au- 
dessus  de  la  table,  abaisse  un  presseur  qui  appuie  le  corps 
de  l'enveloppe  et  les  deux  petites  pattes  repliées  sur  le 
fond  de  la  matrice.  De  chaque  côté  du  presseur  sont  deux 
godets  garnis  d'épongés  imbibées  d'une  solution  de  gomme 
arabique.  Ces  gommeurs  sont  placés  obliquement  à  l'axe 
du  levier,  de  telle  sorte  qu'au  moment  où  l'ouvrière  abaisse 
celui-ci,  ils  viennent  s'appliquer  exactement  sur  le  bord 
externe  des  petites  pattes  et  les  enduisent  de  colle.  En 
abaissant  ensuite  la  seconde  pédale,  l'ouvrière  rabat  sur 
les  petites  pattes  ainsi  préparées  la  patte  inférieure  et  la 
patte  libre  de  l'enveloppe,  qui  est  maintenant  terminée. 
Un  mouvement  en  sens  inverse  de  la  pédale  rouvre  l'en- 
veloppe matrice  ;  une  enfant,  placée  à  l'extrémité  de  la 
table,  enlève  rapidement  l'enveloppe  terminée,  que  l'ou- 
vrière remplace  immédiatement. 

On  a  établi  depuis  peu  une  machine  qui  fait  automati- 
quement la  double  opération  simultanée  du  pliage  et  du 
gommage.  C'est  une  machine  à  ployer  ordinaire,  dans 
laquelle  les  pédales  motrices  sont  remplacées  par  une  trans- 
mission mue  par  la  vapeur.  Cette  transmission  imprime 
un  mouvement  de  va-et-vient  horizontal  à  deux  tringles 
munies  de  crochets.  L'ouvrière  place  l'enveloppe  sur  la 
table,  les  tringles  la  saisissent  dans  leur  mouvement  de 
translation  et  la  portent  à  la  matrice  ;  un  déclenchement 


met  à  cet  instant  la  matrice  en  mouvement  ;  l'enveloppe  se 
ferme,  se  gomme,  puis  au  moment  même  où  la  machine  se 
rouvre,  glisse  sur  un  plan  incliné  qui  la  conduit  à  la  par- 
tie inférieure  d'une  grande  case  en  bois,  placée  sur  le  côté 
de  la  table  et  où  les  enveloppes  terminées  viennent  s'accu- 
muler en  pile.  Chaque  fois  qu'une  enveloppe  vient  s'ajou- 
ter à  la  base  de  la  pile,  celle-ci  remonte  automatiquement 
d'une  épaisseur  égale  dans  l'intérieur  de  la  case.  Cette  ma- 
chine complète  l'outillage  ingénieux  de  l'industrie  des  en- 
veloppes à  lettres.  L.  K. 

Enveloppe  médicamenteuse  (V.  Boyauderie). 

IL  Postes.  —  Les  administrations  postales  vendent 
presque  toutes  des  enveloppes  de  lettres  de  divers  formats, 
munies  de  timbre  d'aff"ranchissement.  Les  unes  mettent  ces 
enveloppes  à  la  disposition  du  public  au  prix  même  du  timbre, 
d'autres  ajoutent  à  ce  prix  une  taxe  légère  représentant  la 
valeur  du  papier  et  les  frais  de  fabrication.  Ces  dernières 
en  vendent  généralement  peu  ;  les  premières,  au  contraire, 
en  font  une  assez  grande  consommation.  La  Grande- 
Bretagne  est  un  des  pays  où  l'on  fabrique  la  plus  grande 
variété  d'enveloppes  timbrées  ;  il  y  en  a  de  quatre  catégo- 
ries :  A.  4  3/4  sur  3  11/16  de  pouce,  de  couleur  blanche. 
C.  5  1/4  sur  3  pouces,  de  couleur  blanche.  Enveloppes 
Commercial  et  enveloppes  pour  lettres  recommandées.  Ces 
dernières  sont  de  5  1/4  sur  3  1/4  de  pouce,  6  sur  3  3/4, 
8  sur  5,  9  sur  4,  10  sur  7  I/o,  11  sur  6.  Les  timbres 
d'affranchissement  apposés  sur  ces  enveloppes  sont  de  1 , 
2  ou  3  pence,  mais  les  enveloppes  sont  vendues  un  peu  plus 
cher,  généralement  1/4  de  penny  pour  une  enveloppe  seule 
et  une  somme  moindre  pour  des  quantités  par  douzaines 
d'enveloppes.  Les  Commercial,  par  exemple,  qui  se  vendent 
1  penny  1/4  par  enveloppe  ne  coûtent  que  21  shillings 
pour  un  paquet  de  240. 

En  France,  il  y  a  divers  formats  d'enveloppes  affran- 
chies à  raison  de  5  et  de  15  cent.,  les  premières  se  ven- 
dent 5  cent.  1/2,  les  secondes  16.  L'Allemagne  n'a  que 
des  enveloppes  de  10  pfennig,  grand  et  petit  format  ; 
l'Autriche-Hongrie,  de  5  kreuzer;  la  Belgique,  de  10  cent, 
vendues  11  ;  le  Danemark,  de  4  et  8  ôre  vendues  o  et  9  ; 
les  Pays-Bas,  de  5  et  12  cents  1/2,  valeur  nominale  aug- 
mentée d'un  demi-cent  par  deux  exemplaires  pour  couvrir 
les  frais  de  fabrication  ;  la  Suède,  de  10  ôre.  La  Suisse,  qui 
a  des  enveloppes  de  5,  10  et  25  cent.,  en  a  vendu  consi- 
dérablement tant  qu'elle  les  a  cédées  au  public  au  prix  du 
timbre,  mais  depuis  qu'elle  les  vend  respectivement  au  prix 
de  6,  11  et  26  cent.,  on  en  demande  si  peu  que  la  fabri- 
cation de  ces  enveloppes  est  aujourd'hui  abandonnée. 

in.  Méca^nique.  —  La  plus  grande  cause  de  perte, 
dans  le  fonctionnement  des  machines  à  vapeur,  paraît  due 
à  la  condensation  et  à  la  revaporisation  qui  se  produisent  à 
l'intérieur  du  cylindre  :  une  certaine  quantité  de  cette  eau 
condensée  reste*^  dans  le  cylindre  et  peut  s'y  amasser  d'une 
manière  nuisible,  si  elle  n'est  pas  enlevée  à  mesure,  ou 
entraînée  mécaniquement  par  l'échappement.  On  parvient  à 
éviter  en  partie  cette  condensation  en  maintenant  les  pa- 
rois du  cylindre  à  la  température  de  la  vapeur  affluente, 
au  moyen  d'une  double  enveloppe  de  vapeur  qui  réchauffe 
constamment  le  pourtour  et  souvent  même  les  deux  fonds. 
Généralement,  la  vapeur  traverse  cette  enveloppe  dans 
toute  son  étendue  pour  se  rendre  à  la  valve  de  mise  en 
train  ;  toutefois,  plusieurs  constructeurs  préfèrent  donner 
à  l'enveloppe  un  chauffage  indépendant,  faisant  retour 
directement  aux  chaudières.  L'effet  de  l'enveloppe  est  de 
diminuer  la  différence  entre  l'effort  initial  et  l'effort  final, 
et  surtout  d'augmenter  le  travail  produit  dans  le  cylindre. 
On  peut  admettre  que  l'économie  de  combustible  qui  résulte 
de  son  emploi  est  d'environ  10  %  pour  les  machines  sans 
condensation  et  20  %  pour  les  machines  avec  condensa- 
tion. Ces  chiffres  se  rapportent  à  des'  machines  de  vitesse 
moyenne  :  lorsque  le  nombre  de  tours  devient  très  grand, 
l'économie  est  moindre.  On  fond  quelquefois  d'une  seule 
pièce  le  cylindre  avec  son  enveloppe  de  vapeur,  ses  con- 
duits de  distribution  et  la  boîte  du  tiroir  :  il  est  préférable 


1195 


ENVELOPPE  —  ENVELOPPEMENT 


de  fondre  à  part  la  chemise  intérieure,  qu'on  fait  alors  en 
fonte  dure,  et  de  l'ajuster  dans  le  cylindre  extérieur  au 
moyen  de  portées  tournées  et  de  joints  au  mastic  de  fer.  L.  K. 
IV.  Mathématiques.  —  4*^  Enveloppe  dans  un  plan. 
L'équation  (1)  f[x^  ?/,  a)  =  0  représente,  dans  le  plan,  une 
courbe  dont  la  forme  dépend  de  la  valeur  particulière  attri- 
buée au  paramètre  a.  Quand  ce  paramètre  varie  d'une  ma- 
nière continue,  la  courbe  prend  une  série  de  positions  suc- 
cessives. Considérons  deux  positions  infiniment  voisines 
correspondant  aux  valeurs  a  et  a-\-da  du  paramètre.  Les 
deux  courbes  /"  (cT,  y,  a)  =:  0  et  f{x,y,  a-\-da)  =z  0  se 
composent  en  un  certain  nombre  de  points  qui  appartiennent 
également  à  la  courbe 

f(x,y,a-\-da)  —  f[x,ya)__^^ 
da 
On  voit  ainsi  que,  lorsque  da  tend  vers  zéro,  les  points  de 
rencontre  de  la  courbe  (4)  avec  la  courbe  infiniment  voi- 
sine sont  déterminés  à  la  limite  par  l'équation 

Le  lieu  de  ces  points  est,  par  définition,  V enveloppe  delà 
courbe  mobile.  Les  positions  successives  de  la  courbe  mo- 
bile se  nomment  les  enveloppées.  Il  est  facile  de  voir  que 
l'enveloppe  est  tangente  aux  enveloppées.  En  effet,  l'équa- 
tion (4)  représente  à  volonté  l'une  des  enveloppées  ou  l'en- 
veloppe, suivant  qu'on  y  regarde  a  comme  une  constante 
ou  comme  une  fonction  des  variables  xety  définie  par 
l'équation  (2).  Dans  le  premier  cas,  on  a  : 


Dans  le  second  cas,  il  faut  écrire  : 


:0. 


da 


dy 


Mais  Y  6st  nul  en  vertu  de  l'équation  (2).  On  parvient 

du 
donc  dans  les  deux  cas  à  la  même  valeur  de  -—  et,  par 

suite,  "à  la  même  direction  de  tangentes.  Il  arrive  souvent 
que  la  courbe  dont  on  cherche  l'enveloppe  a  une  équation 
de  la  forme  9  (^,  1/,  a^b)=:0^aet  b  étant  deux  paramètres 
liés  par  une  équation  de  condition  ip  (a,  ^)  1=1  0.  En  élimi- 
na nt  ^,  on  rentrerait  dans  le  cas  précédent.  Mais,  sans 
faire  d'élimination,  il  est  facile  de  voir  que  l'équation  (2) 
se  trouve  remplacée  par 

c?9  d^      d^  d\ ^ 

da  db  db  da 
L'enveloppe  des  tangentes  à  une  courbe  est  cette  courbe 
elle-même.  L'enveloppe  des  normales  est  la  développée 
(V.  ce  mot).  L'enveloppe  des  rayons  issus  d'un  point  et 
réfléchis  ou  réfractés  par  une  courbe  est  une  caustique 
(V.  ce  mot). 

2^^  Enveloppe  dans  V espace.  L'équation 

(4)  f{x,y,%,a)~^ 

représente,  dans  l'espace,  une  surface  au  sujet  de  laquelle 
on  peut  répéter  presque  textuellement  ce  qui  vient  d'être 
dit  à  propos  d'une  courbe  mobile  dans  un  plan.  On  verra 
de  même  que  l'enveloppe,  lieu  des  intersections  successives 
delà  surface  dans  ses  diverses  positions,  s'obtient  en  joi- 
gnant à  (4)  l'équation 

'  «        i=» 

et  que  l'enveloppe  est  tangente  aux  enveloppées.  Seulement, 
il  faut  remarquer  que  chaque  enveloppée  a,  en  commun  avec 
l'enveloppe,  une  infinité  de  points  constituant  une  courbe  à 
laquelle  on  donne  le  nom  de  caractéristique.  Le  cas  le  plus 
important  est  celui  où  l'on  cherche  l'enveloppe  d'un  plan 
mobile.  Cette  enveloppe  est  toujours  une  surface  dévelop- 
pable  (V.  ce  mot).  L'enveloppe  d'une  sphère  de  rayon 
constant  dont  le  centre  parcourt  une  courbe  quelconque  est 
une  surface  canal  (V.  ce  mot).  Le  cas  où  l'équation  de 


l'enveloppée  renferme  deux  paramètres  a,  Z>,  Hés  par  une 
équation  de  condition,  se  traite  comme  nous  l'avons  vu  à 
propos  des  courbes  planes.  Mais,  dans  le  cas  des  surfaces, 
il  peut  arriver  que  Ton  ait  affaire  à  une  équation 

(3)  9  (a^,î/,a,è)::=0, 

renfermant  deux  paramètres,  a,  b,  complètement  indé- 
pendants. Ici  encore,  il  y  a  une  enveloppe  tangente  aux 
enveloppées.  On  obtient  son  équation  en  adjoignant  à  (3) 
les  deux  autres  équations 


(4) 


da  db 


da 


et  éliminant  a,  b  entre  les  trois  équations.  La  différence 
essentielle  avec  le  cas  précédent  consiste  en  ce  que  l'enve- 
loppe ne  touche  plus  chacune  des  enveloppées  qu'en  des 
points  discontinus.  Ce  cas  est  celui  que  présente  une  sur- 
face quelconque,  non  developpable,  considérée  comme  en- 
veloppe de  ses  plans  tangents.  Au  lieu  de  chercher  dans 
l'espace  l'enveloppe  d'une  surface,  on  peut  envisager  celle 
d'une  courbe  représentée  par  les  deux  équations 

(4)  f(x,y,z,a)  —  0 

et 

(2)  (p(x,y,z,a)  —  0. 

Formons  les  équations  dérivées 

et 

(4) 

Nous  obtenons  un  système  de  quatre  équations  à  trois 
inconnues,  x,  y,  z.  Quand  ces  équations  sont  compatibles, 
le  lieu  des  points  ainsi  définis  est  une  courbe  tangente  à 
toutes  les  courbes  (4),  (2).  Dans  le  cas  contraire,  il  n'y  a 
pas  d'enveloppe.  On  peut  exprimer  ce  résultat  en  disant 
que  la  condition  nécessaire  et  suffisante  pour  l'existence 
d'une  enveloppe  est  que  deux  positions  successives  de  la 
courbe  mobile  se  rencontrent  lorsqu'on  néglige  les  quan- 
tités infiniment  petites  par  rapport  à  da.  Par  exemple,  s'il 
s'agit  d'une  droite  mobile,  cette  droite  admet  une  enveloppe 
toutes  les  fois  que  la  plus  courte  distance  de  deux  positions 
consécutives  est  infiniment  petite  par  rapport  à  l'angle  de 
ces  deux  positions,  et  la  droite  engendre  alors  une  sur- 
face developpable.  Au  contraire,  quand  la  plus  courte 
distance  est  du  même  ordre  que  l'angle,  il  n'y  a  pas  d'en- 
veloppe et  la  droite  engendre  alors  une  surface  réglée  non 
developpable.  L.  Lecornu. 

ENVELOPPÉE  (Math.)  (V.  Enveloppe). 

ENVELOPPEMENT  (Art  milit.).  L'enveloppement  de 
l'adversaire  est  une  manœuvre  évidemment  aussi  vieille 
que  la  guerre  elle-même  et  l'une  de  celles  qui,  lorsqu'elles 
réussissent,  conduisent  aux  plus  grands  résultats.  C'est  par 
enveloppement  que  Napoléon  a  fait  capituler  Mack  dans 
Llm,  aux  débuts  de  la  campagne  d'Austerlitz  ;  c'est  par 
enveloppement  que  l'armée  de  Sedan  a  été  forcée  démettre 
bas  les  armes.  Mais  en  présence  d'un  adversaire  résolu 
et  assez  actif  pour  se  jeter  successivement  sur  les  armées 
qui  s'avancent  pour  le  circonvenir,  cette  tactique  est  des 
plus  dangereuses.  Les  Autrichiens  en  firent  plusieurs  fois 
l'expérience  contre  Bonaparte,  pendant  la  campagne  d'Italie 
de  4796,  entre  autres  àCastiglione  et  à  Lonato.  Souvent, 
la  simple  tentative  d'enveloppement,  qui  s'appelle  alors 
mouvement  tournant,  menace  sur  la  ligne  de  retraite,  est 
d'un  usage  heureux,  surtout  quand  l'assaillant  a  pour  lui 
la  supériorité  du  nombre,  l'ascendant  moral  et  l'esprit  d'of- 
fensive devant  un  adversaire  qui  ne  songe  qu'à  se  défendre. 
Si  celui-ci  est  audacieux,  au  contraire,  il  profitera  de  la 
grande  extension  que  son  ennemi  est  iorcé  de  donner  à  ses 
lignes  pour  exécuter  son  mouvement  par  les  ailes,  et  cher- 
chera à  percer  son  centre.  Nous  n'avons  pas  besoin  de  rap- 
peler que  c'est  cette  dernière  tactique  qui  décida  de  la 
grande  victoire  d'Austerhtz,  en  faveur  de  Napoléon,  que  les 
Austro-Russes  voulaient  tourner  par  son  aile  droite  et 
couper  de  Vienne.  Il  n'est  pas  douteux,  pour  nous  qui  nous 


ENVELOPPEMENT  —  ENVOI 


—  4196  — 


trouvions  à  Saint-Privat  le  18  août  1870,  que  si  Bazaine 
eût  ordonné,  en  avant  des  tranchées  du  3®  corps,  une  at- 
taque générale  vigoureuse  et  appuyée  par  la  garde  impé- 
riale restée  en  réserve,  au  moment  où  les  lignes  prussiennes 
s'étendaient  démesurément  par  leur  gauche,  pour  nous 
tourner  par  Doncourt,  il  eût  remporté  une  des  plus  grandes 
victoires  des  temps  modernes.  L'utilité  de  cette  manœuvre 
était  tellement  apparente  que  nous  avons  entendu  des  offi- 
ciers du  3®  corps,  pendant  la  bataille  même,  l'indiquer  for- 
mellement. Mais  il  eût  fallu,  pour  qu'elle  pût  venir  à 
l'esprit  de  l'indigne  commandant  en  chef,  qu'il  daignât  pa- 
raître sur  le  champ  de  bataille.  Quoiqu'il  en  soit,  il  est  cer- 
tain qu'en  présence  des  effets  de  plus  en  plus  meurtriers 
et  de  la  portée  de  plus  en  plus  grande  des  armes  modernes, 
les  enveloppements  ou  les  menaces  d'enveloppement  seront, 
à  l'avenir,  de  plus  en  plus  employés.         Ed.  Sergent. 

ENVERGURE.  I.  Marine.  —  Longueur  des  vergues  des 
navires  sur  lesquelles  les  voiles  sont  étendues.  L'envergure 
avait  beaucoup  d'importance  sur  les  bâtiments  à  voiles, 
car  d'elle  dépend  souvent  la  façon  dont  une  voile  prend  le 
vent  :  il  y  a  un  rapport  qui  existe  entre  la  hauteur  de  la 
voile  et  son  envergure.  Les  diverses  marines  d'ailleurs  ne 
sont  pas  toutes  d'accord  sur  ce  point.  C'est  ainsi  que  les 
marines  russe,  américaine,  ont,  pour  une  même  surface 
de  voile,  des  envergures  bien  supérieures  à  la  marine  fran- 
çaise et  même  à  la  marine  anglaise.  Aussi  un  bâtiment 
français  est-il  reconnaissable  à  la  mer  rien  que  par  sa 
mâture. 

IL  Anthropologie.  —  On  appelle  envergure  ou  grande 
envergure,  en  anthropologie,  la  plus  grande  distance 
qu'un  homme  puisse  atteindre  sur  un  mur  ou  sur  une 
règle,  en  écartant  horizontalement  les  deux  bras  et  les 
deux  mains,  l'extrémité  du  doigt  médius  marquant  la 
limite  de  chaque  côté.  On  mesure  cette  distance  avec  un 
double  mètre  et  à  la  rigueur  avec  le  ruban  métrique.  C'est 
une  mesure  complexe,  qui  ajoute  la  partie  supérieure  de  la 
poitrine  (longueur  biacromiale)  à  la  longueur  des  deux 
membres  supérieurs.  Elle  ne  donne  pas  l'indication  de  la 
longueur  du  membre  supérieur,  car  l'humérus  s'articulant 
en  dedans  de  l'acromion,  il  en  résulte  que  le  bras,  lors- 
qu'on l'étend  horizontalement,  perd  une  partie  de  sa  lon- 
gueur par  suite  du  plongement  de  la  tète  de  l'humérus 
dans  le  creux  axillaire  sous  l'acromion.  On  admet  généra- 
lement dans  le  pubhc,  et  même  dans  les  «  canons  »  artis- 
tiques, que  la  grande  envergure  égale  en  longueur  la  taille 
du  sujet.  Mais  ceci  n'est  vrai  que  dans  quelques  cas  exception- 
nels. Ordinairement,  et  cela  dans  toutes  les  races,  la  grande 
envergure  dépasse  la  taille  de  3  à  9  ^/o,  et  rarement  a  une 
longueur  (1/2  p.  ''/o)  au-dessous  de  celle  de  la  taille.  Chez 
l'homme  européen  en  général,  qu'il  soit  petit  ou  grand, 
l'envergure  est  presque  toujours  égale  à  104,4  si  l'on  sup- 
pose la  taille  =  100  (Topinard).  Parmi  les  peuples  qui  ont 
une  envergure  beaucoup  plus  grande  (de  1 06  à  109),  il  faut 
citer  les  Lithuaniens  (106,6)',  les  Esthoniens  (107,4),  les 
Iroquois  (108,9),  les  nègres  (108,1),  tous  de  haute  taille; 
tandis  que  les  peuples  chez  lesquels  on  a  constaté  l'enver- 
gure inférieure  à  la  taille,  Esquimaux  (99,5),  Japonais 
(99,2),  Sardes  (99,9)  sont  tous  de  petite  taille.  Les  varia- 
tions individuelles  de  la  grande  envergure  sont  très  éten- 
dues (de  89  à  120  «/o  de  la  taille)  et  assez  désordonnées, 
mais  en  général  les  individus  dont  l'envergure  est  moindre 
que  la  taille  sont  en  infime  minorité  (2  à  4  °/o  du  nombre 
total).  Dans  l'enfance,  au  contraire,  l'envergure  est  toujours 
au-dessous  de  la  taille  ;  elle  ne  commence  à  l'égaler  ou  à 
la  dépasser  que  vers  l'âge  de  dix-sept  à  vingt  ans.  Dans 
la  vieillesse,  elle  diminue  de  nouveau.  J.  D. 

ENVERI,  poète  persan  (V.  Anveri). 
ENVERMEU.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  la  Seine-Infé- 
rieure, arr.  de  Dieppe,  sur  la  rive  droite  de  l'Eaulne,  à 
son  confluent  avec  le  Bailly-Bec  ;  1,403  hab.  Stat.  du  ch. 
de  fer  de  l'Ouest,  ligne  de  Dieppe  à  Eu.  Tissage,  teintu- 
rerie, clouteries.  Nombreux  vestiges  gallo-romains  sur  le 
territoire  de  la  commune.  Au  lieu  dit  «  le  Champ  de  la 


Tombe  »,  emplacement  d'un  ancien  cimetière ,  on  a  fouillé 
de  nombreuses  sépultures  oti  l'on  a  trouvé  le  mobilier 
ordinaire  des  tombeaux  gallo-romains.  De  l'ancien  château 
féodal  ne  subsiste  que  la  motte  nommée  le  Catel.  Ruines 
du  prieuré  de  Saint-Laurent,  fondé  au  xi®  siècle.  Au  ha- 
meau de  Brais,  chapelle  de  Saint-Guillain,  du  xiii®  siècle, 
convertie  en  grange. 

ENVIE.  I.  Philosophie  (V.  Jalousie). 
IL  Médecine  (V.  N^vus). 

ENVOI.    I.    Postes.    —   Envoi    postal    recommandé 
(V.  Recommandation). 

II.  Droit  romain.  — Envoi  en  possession.  —  L'envoi 
en  possession,  missio  in  possessionem,  consiste  dans  le 
droit  accordé  par  l'édit  prétorien  de  se  mettre,  dans  cer- 
tains cas  déterminés,  en  possession  des  biens  d'une  per- 
sonne. C'était  là  le  plus  souvent  un  moyen  de  contrainte  et 
de  coercition  contre  celui  dans  les  biens  duquel  on  était  en- 
voyé en  possession,  comme  aussi  quelquefois  une  protection 
donnée  au  missiis  pour  la  garantie  des  droits  éventuels  non 
encore  complètement  et  certainement  établis.  C'est  dans  son 
pouvoir  de  commandement,  imperium,  que  le  magistrat 
puisait  le  droit  d'ordonner  la  missio  in  possessionem. 
Aussi  faut-il  voir  en  elle  une  voie  de  droit  du  même  genre 
que  l'interdit,  la  stipulation  prétorienne,  la  restitutio  in 
integrum.  La  missio  inpossessionem ^omâït  porter  surla 
totalité  du  patrimoine,  ce  cjui  était  son  cas  d'application  le 
plus  fréquent.  Il  en  était  ainsi  dans  l'hypothèse  où  une  per- 
sonne condamnée  par  jugement,  judicatus^  refusait  d'exé- 
cuter la  sentence;  dans  toutes  les  hypothèses  d'indefensio, 
soit  que  le  défendeur  se  dérobât  aux  poursuites,  soit  qu'il 
se  refusât  à  laisser  organiser  l'instance  contre  lui  ;  dans  le 
cas  où  le  débiteur  avait  fait  cessio  de  ses  biens  à  ses  créan- 
ciers (V.  Cession  de  biens,  Bonorum  venditio),  enfin  lorsque 
aucun  successeur  ne  se  présentait  pour  recueillir  les  biens 
d'une  personne  décédée.  Tout  en  portant  sur  un  ensemble 
de  biens,  l'envoi  en  possession  pouvait  aussi  ne  comprendre 
qu'une  fraction  de  patrimoine.  Il  en  était  ainsi  dans  le  cas  où 
l'exécution  d'un  legs  ou  d'un  fidéicommis  étant  retardée  par 
l'attente  d'une  condition  ou  d'un  terme,  l'héritier  refusait  de 
fournir  satisfactio  au  bénéficiaire  de  la  libéralité,  c.-à-d. 
la  promesse  d'exécuter  le  legs  ou  le  fidéicommis  (missio  in 
possessionem  legatorum  servandorum  causa).  Lsl  mis- 
sio portait  alors  sur  la  part  d'hérédité  advenant  à  l'héritier 
grevé.  Notons  aussi,  comme  se  restreignant  à  une  fraction  du 
patrimoine,  les  divers  cas  de  missio  hereditatis  tuendœ 
causa,  c.-à-d.  accordée  à  des  héritiers  dont  le  droit  à 
l'hérédité  est  soit  contesté,  soit  simplement  subordonné  à 
la  survenance  d'un  événement  non  encore  réalisé.  Telle 
la  missio  in  possessionem  ex  edicto  Carboniano  donnée 
à  l'impubère  héritier  à  qui  on  conteste  son  status,  telle 
encore  la  missio  veniris  nomine  donnée  à  la  femme  qui 
au  décès  du  mari  est  enceinte  d  un  enfant  qui,  lorsqu'il 
naîtra,  sera  appelé  à  la  succession  de  son  père.  Dans  ces 
diverses  hypothèses,  la  missio  comprend  la  portion  d'hé- 
rédité advenant  à  l'héritier  éventuel.  L'envoi  en  possession 
pouvait  ne  comprendre  qu'une  chose  déterminée  {res  sin- 
gularis),  comme  ceh  arrivait  notamment  pour  les  bâtiments 
menaçant  ruine  lorsque  leur  propriétaire  refusait  de  fournir 
au  voisin  la  cautio  damni  infecti.  Dans  tous  les  cas  que 
nous  venons  d'énumérer,  l'envoi  en  possession  n'avait  que 
la  valeur  d'un  simple  acte  conservatoire.  En  principe,  il 
ne  conférait  à  celui  qui  l'avait  obtenu  que  la  custodia 
(V.  ce  mot),  c.-à-d.  un  droit  de  garde  et  de  surveillance 
sur  les  biens  et  non  pas  la  possession  véritable  [possessio 
justa).  Mais  comme  la  missio  procurait  la  détention  et  le 
droit  de  la  conserver,  elle  remplissait  bien  l'office  d'une 
voie  de  contrainte  ou  d'une  sûreté.  Le  missus  èuit  d'ailleurs 
protégé  dans  sa  détention  par  la  voie  de  l'interdit  ou  de 
Vactio  in  factum,  .        Gaston  May. 

III.  Droit  civil.  —  Envoi  en  possession.  — ■  Mesure 
judiciaire  par  laquelle  un  tribunal  investit  certaines  per- 
sonnes de  l'administration  et  de  la  jouissance  ou  même 
de  la  pleine  propriété  de  biens  appartenant  à  un  individu 


1197  — 


ENVOI  —  ENVOYÉ 


décédé  ou  qu'on  suppose  décédé.  Il  y  a  lieu  à  envoi  en 
possession  :  1<^  en  cas  d'absence  ;  ^"^  en  cas  de  succes- 
sions irrégulières  ;  3°  en  cas  de  legs  universel  :  nous 
dirons  quelques  mots  de  chacune  de  ces  hypothèses. 

1<^  On  sait  que  lorsqu'une  personne  a  disparu  et  qu'on  n*en 
a  pas  de  nouvelles,  la  loi  organise  tout  un  système  destiné 
à  protéger  ses  droits  et  à  veiller  sur  ses  intérêts.  Pendant 
une  première  période,  la  présomption  d'absence  (V.  Ab- 
sence), qui  dure  cinq  ou  onze  ans  selon  que  le  disparu  n'a 
pas  laissé  de  fondé  de  pouvoirs  pour  la  gestion  de  ses 
biens,  ou  au  contraire  en  a  laissé  un,  le  tribunal  du  domi- 
cile de  l'absent  prend,  sur  la  demande  des  parties  inté- 
ressées, toutes  les  mesures  d'administration  qui  lui  parais- 
sent convenables  (art.  II 2  à  115).  Lorsque  le  présumé 
absent  n'a  pas  reparu  et  n'a  pas  donné  de  ses  nouvelles  au 
bout  de  ces  cinq  ou  de  ces  onze  années,  il  peut  être  déclaré 
absent  :  c'est  la  seconde  période,  et  la  loi,  supposant  que 
son  patrimoine  sera  mieux  administré  par  ceux  qui  sont 
appelés  à  le  recueillir  plus  tard,  permet  à  ses  héritiers  pré- 
somptifs et  aux  personnes  qui  ont  des  droits  éventuels  sur 
ce  patrimoine  de  se  faire  envoyer  en  possession  des  biens 
du  disparu  (art.  123).  En  pratique,  et  pour  éviter  des  frais 
et  des  lenteurs,  les  héritiers  présomptifs  et  autres  intéres- 
sés forment  à  la  fois  la  demande  en  déclaration  d'absence 
et  la  demande  d'envoi  en  possession,  devant  le  tribunal  du 
dernier  domicile  du  disparu,  qui  rend  alors  sur  le  tout  un 
seul  et  même  jugement.  L'envoi  en  possession  une  fois 
ordonné,  ceux  qui  l'ont  obtenu  s'emparent  des  biens  qui 
leur  sont  attribués,  mais,  comme  ils  pourront  être  obligés 
à  les  restituer  si  l'absent  vient  à  reparaître,  la  loi  exige 
qu'ils  donnent  caution,  fassent  inventaire  et  emploient 
le  prix  provenant  de  la  vente  du  mobilier  et  des  fruits 
perçus  ;  enfin  le  tribunal  peut  les  obliger  à  vendre  tout 
ou  partie  du  mobilier.  Quant  aux  immeubles,  l'art.  126 
permet  d'en  faire  constater  l'état  par  un  expert  nommé  à 
la  demande  des  envoyés  en  possession,  pour  qui  cette  for- 
malité n'est  pas  obligatoire.  Les  envoyés  en  possession 
administrent  les  biens  qui  leur  sont  attribués,  mais  ils  ne 
peuvent  faire  que  les  actes  d'administration,  donner  à 
bail,  percevoir  les  fruits,  les  vendre,  faire  les  répara- 
tions. Au  contraire ,  les  actes  d'aliénation  leur  sont 
absolument  interdits,  par  conséquent  ils  ne  peuvent  ni 
vendre,  ni  donner,  ni  hypothéquer  les  immeubles,  ni  tran- 
siger, car  toute  transaction  suppose  l'abandon  d'un  droit 
ou  d'une  partie  de  droit  ;  ces  actes,  s'ils  se  permettaient 
de  les  faire,  ne  seraient  pas  opposables  à  l'absent  de  retour. 
Comme  dédommagement  des  soins  qu'ils  donnent  au  patri- 
moine de  celui-ci,  la  loi  décide  que,  s'il  vient  à  reparaître, 
il  ne  pourra  réclamer  aux  envoyés  en  possession  provisoire 
que  le  cinquième  des  revenus  s'il  reparaît  avant  quinze  ans 
depuis  sa  disparition,  le  dixième  s'il  ne  reparaît  qu'après 
quinze  ans;  enfin  il  ne  peut  plus  rien  réclamer  s'il  ne 
revient  qu'au  bout  de  trente  ans.  Les  effets  de  l'envoi  en 
possession  cessent  lorsque  le  décès  de  l'absent  est  prouvé, 
ou  lorsque,  au  contraire,  l'absent  vient  à  reparaître.  Si 
aucun  de  ces  deux  faits  ne  se  produit,  cet  envoi  en  pos- 
session qui  n'était  que  provisoire  devient  définitif  quand  il 
a  duré  trente  ans,  ou  quand  il  s'est  écoulé  cent  ans  révo- 
lus depuis  la  naissance  de  l'absent  (art.  i29).  Malgré  l'ex- 
pression envoi  en  possession  définitif,  l'absent  conserve- 
rait encore,  s'il  venait  à  reparaître  au  bout  de  ce  temps, 
le  droit  de  réclamer  ses  biens  aux  envoyés  en  possession 
qui  ne  lui  devraient  que  cette  restitution,  mais  conserve- 
raient tous  les  fruits  qu'ils  ont  recueillis.  La  demande 
d'envoi  en  possession  peut  être  paralysée  par  le  conjoint 
de  l'absent,  à  qui  l'art.  124  reconnaît  le  droit  d'opter  pour 
la  continuation  de  la  communauté,  et  qui  prend  alors  en 
main  l'administration  tant  des  biens  communs  que  du 
patrimoine  personnel  de  l'absent,  et  qui  gagne  les  fruits 
qu'il  perçoit  conformément  aux  règles  et  selon  les  dis- 
tinctions que  nous  avons  rappelées  plus  haut.  —  Quant 
à  la  procédure  de  Tenvoi  en  possession,  elle  ne  présente 
pas  de  difficultés.  D'après  l'art.  859  du  C.  de  proc.  civ., 


il  est  présenté  requête  au  président  du  tribunal  du  dernier 
domicile  de  l'absent.  Sur  cette  requête,  à  laquelle  sont 
joints  les  pièces  et  documents  propres  à  établir  la  dispari- 
lion  et  l'absence  de  nouvelles,  le  président  commet  un  juge 
pour  faire  le  rapport,  et  le  jugement  est  prononcé  après 
conclusions  du  ministère  public,  car  les  causes  intéressant 
les  présumés  absents  sont  communicables  (C.  de  proc. 
civ.,  art.  83).  Nous  avons  déjà  indiqué  que  l'envoi  en  pos- 
session ne  peut  être  prononcé  qu'après  cinq  ans  ou  onze 
ans  depuis  la  disparition,  car  le  jugement  de  déclaration  ne 
peut  être  rendu  qu'un  an  après  celui  qui  ordonne  l'enquête 
(C.  civ.,  art.  119). 

2^  Les  successeurs  irréguhers  (enfants,  père  et  mère, 
frères  et  sœurs  naturels,  conjoint.  Etat)  ne  peuvent  pas 
mettre  d'eux-mêmes  la  main  sur  les  biens  qui  leur  sont 
dévolus  :  ils  doivent  demander  l'envoi  en  possession  au  tri- 
bunal de  l'ouverture  de  la  succession ,  du  moins  quand  ils 
héritent  à  défaut  de  parents  légitimes;  si  au  contraire  ils 
viennent  en  concours  avec  des  héritiers  légitimes,  ils  doivent 
demander  à  ceux-ci  la  délivrance  de  leur  part  héréditaire. 
Au  premier  cas,  le  tribunal  ne  peut  statuer  sur  leur  demande 
qu'après  trois  publications  et  aflSches  destinées  à  avertir  les 
héritiers  légitimes  qui  existent  peut-être,  mais  ignorent  le 
décès  de  leur  parent. 

3^  Le  légataire  universel  qui  ne  se  trouve  pas  en  con- 
cours avec  des  héritiers  réservataires  peut,  s'il  est  institué 
par  un  testament  authentique,  appréhender  sans  aucune 
autorisation  les  biens  qui  lui  sont  légués  ;  mais,  s'il  n'est 
institué  que  par  un  testament  olographe  ou  mystique,  il 
doit  se  faire  envoyer  en  possession  par  une  ordonnance  du 
président  du  tribunal  mise  au  bas  d'une  requête  à  lui  pré- 
sentée, après  qu'il  a  ouvert  le  testament  et  en  a  dressé 
l'état,  conformément  à  l'art.  1007.  Cette  ordonnance  du 
président  n'est  susceptible  ni  d'opposition  ni  d'appel  ;  mais 
le  légataire  universel  à  qui  on  l'aurait  refusée  et  les 
héritiers  qui  contesteraient  la  validité  du  testament  pour- 
raient saisir  directement  le  tribunal  par  voie  d'ajourne- 
ment. P.  GiRODON. 

BiBL.  :  Droit  romain.  —  1,  Dig.,  Quib.  ex  caiis.  in  poss. 
eat.,  XLII,  4.  —  4,  Dig.,  De  Jurisd.,  II,  1.—  3,  §  23,  Dig.,  De 
Adquir.  poss.,  XLI,  2.  —  12,  pr.  Dis;.,  De  Reb.  a,uct.  jud., 
XLII,  5.  —  5,  pr.  Dig.,  Ut  in  poss.  leg.,  XXXVI,  4.  —  Dig., 
De  Carb.  edict.,  XXXVII,  10.  —  Dig.,  De  Ventr.,  XXXVII, 
9.  —  7,  pr.  Dig.,  Damn.  infect.,  XXXIX,  2.  —  12,  Dig.,  Quib. 
ex  caus.  in  poss.  eat.,  XLII,  4.  —  4  pr.;  1  pr.,  §  1,  2,  Dig.,  Ne 
vis  fiatei,  XLIII,  4.  —  Accarias,  Précis  de  droit  romain; 
Paris,  1886-1891,  1. 1,  n»  482  ;  t.  II,  n»  781,  2  vol.  in-8,  4^  éd.  — 
Keller,  Delà  Procédure  civile  et  des  actions, trad.  Capmas  : 
Paris,1870,  §§  LXXVIII,LXXXIV.—  Mainz,  Cours  de  droit 
romain;  Bruxelles,  1876,  1. 1,  §  70,  p.  592,  3  vol.  in-8,  4«  éd., 
in-8.  —  ScHULiN,  Lehrbuch  der  Geschichte  des  rômischen 
Rechts;  Stuttgart,  1889,  in-8,  §§  120, 121,  126,  pp.  605  et  suiv. 
—  Bethmann-Hollveg,  Der  rômischeCivilpi^ozess;  Bonn, 
1864,  t.  II,  §  120,  3  vol.  in-8.  —  Buonamici,  La  Storia  délia 
procedura  civile  romana;  Pise,  1886,  t.  I,  p.  514,  in-8.  — 
MuiRHEAD,  Introd.  hist.  au  droit  privé  de  Rome,  trad 
Bourcart;  Paris,  1889,  sect.  73,  in-8. 

ENVOÛTEMENT.  Maléfice  usité  au  moyen  âge  et  dont 
on  cite  encore  des  exemples  au  xvii®  siècle.  Il  consistait 
à  représenter,  ordinairement  par  une  petite  statue  de  cire, 
la  personne  à  laquelle  on  voulait  du  mal  :  la  ressemblance 
n'était  pas  nécessaire,  mais  il  fallait  qu'un  prêtre  baptisât 
cette  image  ;  puis  on  la  piquait  à  l'endroit  du  cœur,  on  la 
mutilait,  on  la  faisait  fondre  suivant  que  l'on  vouait  son 
ennemi  à  une  mort  subite,  à  la  perte  d'un  membre  ou  d'un 
organe,  ou  à  une  lente  consomption  :  diverses  pratiques  ou 
formules  superstitieuses,  invocations  au  diable,  etc.,  com- 
plétaient le  sortilège.  C'est  ainsi  que  Robert  d'Artois,  au 
xiv^  siècle,  envoîita  Jean  le  Bon,  fils  de  Philippe  VI,  avec 
le  concours  de  frère  Henri  de  Sagebran,  de  l'ordre  de  la 
Sainte-Trinité  ;  que  la  duchesse  de  Montpensier,  pendant  la 
Ligue,  envoûta  Henri  III,  etc.  H.  Monin. 

Bibl.  :  B.  Zeller,  Philippe  VI  et  Robert  d'Artois;  Paris, 
1885,  pp.  77  et  171,  in-18  (d'après  les  minutes  du  Trésor 
des  chartes  et  le  mss.  18437  de  la  Bibl.  nat.). —  Dict.  de 
DucANGE,  aux  mots  Invultuatio,  Imaginatio,  Baptizare. — 
Dict.  de  LiTTRÉ,  au  mot  Envoûtement. 

ENVOYÉ  (Dr.  internat.)  (V,  Agent  diplomatique). 


ENVROU VILLE  -  ENZOLA  —  1198  -- 

ENVROUVILLE.  Gom.  du  dép.  de  la  Seine-Inférieure, 
arr.  d'Yvetot,  cant.  de  Fauville;  507  hab. 

ENYGRUS  (Erpét.).  Genre  de  Serpents  Peropodes, 
dont  les  principaux  caractères  sont  les  suivants  :  dessus  de 
la  tète  entièrement  revêtu  d'écaillés  polygones  subiinbri- 
quées,  de  plus  en  plus  petites  d'avant  en  arrière;  pas  de 
fossettes  aux  lèvres ,  les  narines  s'ouvrant  latéralement  au 
milieu  d'une  plaque.  VEmjgrus  carinatus,  type  du  genre, 
habite  Java  et  atteint  seulement  de  50  à  60  centim.  de  long. 
Sa  teinte  générale  est  d'un  brun  rougeàtre,  le  dos  et  la 
queue  portent  une  série  de  taches  noires  lisérées  de  blanc, 
de  forme  et  de  grandeur  inégales;  les  parties  inférieures 
sont  d'un  blanc  sale.  Rochbr. 

BiBL.  :  DuMÉRiL  et  Bibron,  Erpét.  genér. 

ENYO  (Myth.  gr.).  Déesse  de  la  guerre,  qui  est  associée 
au  dieu  Ares  dans  Y  Iliade;  à  Athènes,  sa  statue  était  dans 
le  temple  d'Ares.  Son  rôle  est  très  effacé.  Elle  correspond 
à  la  divinité  latine  Bellone  (V.  ce  nom).  Le  nom  d'Enyo 
fut  aussi  donné  à  une  des  Grées  ou  Gorgones, 

II.  Entomologie.—  Genre  d'Arachnides  proposé  par  Savi- 
gny  et  type  de  la  famille  à  laquelle  il  a  donné  son  nom.  Les 
Enyo  sont  caractérisés  par  la  faiblesse  de  leurs  chélicères 
dont  le  crochet  est  presque  rudimentaire,  et  par  la  grosseur 
de  leurs  fdières  inférieures  qui  sont  portées  sur  une  sorte  de 
pédicule  membraneux,  tandis  que  les  autres  filières  sont  très 
réduites.  Les  Enyo  ne  tissent  point  de  toile;  ils  s'enferment 
dans  une  petite  coque  dont  le  tissu  agglutinant  se  recouvre 
de  terre  et  de  débris  ;  ils  en  sortent  pour  chasser.  Ils  s'at- 
taquent principalement  aux  fourmis  et  s'étabUssent  tou- 
jours dans  le  voisinage  des  fourmilières.  Le  type  du  genre, 
E.  nitida  Savigny,  habite  le  N.  de  l'Afrique;  presque 
toutes  les  autres  espèces  sont  répandues  dans  la  région 
méditerranéenne.  Une  seule,  E.  gallica  E.  Sim.,  atteint 
les  environs  de  Paris.  Eug.  Simon. 

ENZ.  Rivière  duWurttemberg,  affluent  du  Neckar;  elle 
descend  de  la  Forêt-Noire,  emportant  les  eaux  du  Pop- 
pelsee,  à  travers  une  vallée  sauvage,  reçoit  la  petite  Enz, 
la  Nagold,  près  de  Pforzheim,  et  s'épanche  dans  une  belle 
et  fertile  vallée  où  elle  se  grossit  encore  de  la  Glems  à 
droite,  de  la  Metterà  gauche.  Longue  de  112  kil.,  elle  est 

flottable.  .  ,      ,    T. 

ENZA.  Rivière  d'Italie,  affl.  de  la  rive  gauche  du  Pô 
(112  kil.  de  long.).  Elle  prend  ses  sources  dans  l'Apennin, 
coule  vers  le  n!  en  séparant  les  prov.  de  Reggio  et  de 
Parme,  se  jette  dans  le  fleuve  à  Brescello,  au  même  point 
que  la  Parma.  L'Enza  servait  de  limite  entre  les  duchés  de 
Parme  et  de  Modène. 

ENZ  EL.  Ce  mot  arabe,  qui,  correctement,  devrait  se  pro- 
noncer i7i.uîl  et  dont  la  signification  est  celle  de  fournir  un 
gîte  à  quelqu'un,  n'est  usité  qu'en  Tunisie.  Tout  d'abord 
il  désignait  la  location  perpétuelle  d'un  inimeuble  quel- 
conque moyennant  une  redevance  fixe,  mais  plus  tard  il 
il  ne  s'est  plus  employé  que  pour  la  location  perpétuelle 
des  biens  de  mainmorte.  Dans  ce  contrat,  le  bailleur  n'a 
pasledroitde  reprendre  la  possession  de  son  immeuble  tant 
quela  redevance  fixée  lui  est  exactement  payée,  etle  preneur 
peut  transmettre  son  droit  à  un  tiers  moyennant  un  prix 
quelconque,  à  la  condition  toutefois  que  le  bailleur  touche 
intégralement  la  redevance  qui  lui  est  due.  On  voit  par  là 
que  le  preneur  à  enzel  a  tous  les  avantages  attachés  au 
domaine  utile,  et  le  droit  réel  qu'il  exerce  se  trouve,  dans 
ce  cas,  supérieur  au  droit  de  propriété  que  conserve  le  bail- 
leur. En  principe,  la  loi  musulmane  ne  reconnaît  pas  la  va- 
lidité d'un  bail  dont  la  durée  est  illimitée,  mais  l'usage 
s'étant  établi  en  Egypte  et  dans  tout  le  Maghreb  que  le 
preneur  du  sol  pour  y  édifier  des  constructions  ou  y  planter 
des  arbres  ne  serait  jamais  évincé,  tant  qu'il  payerait  à  son 
bailleur  la  redevance  fixée,  les  jurisconsultes  musulmans 
modernes  ont  déclaré  que  le  bail  perpétuel  était  licite  pour 
toute  terre  ne  contenant  pas  de  constructions  ou  de  planta- 
tions dont  la  valeur  égale  le  tiers  de  la  valeur  totale  de 
rimmeuble.  Le  but  de  cette  réserve  en  matière  de  main- 
morte ou  haboiis  (V.  ce  mot)  est  d'empêcher  le  constituant 


ou  l'administrateur  du  habous  de  modifier  sans  nécessité 
les  conditions  stipulées  dans  Pacte  constitutif  de  la  main- 
morte, car  Venzel  ne  trouve  sa  justification  que  dans  le  cas 
où  la  situation  du  bien  immobilisé  est  telle  qu'on  n'en  peut 
plus  tirer  aucun  revenu  ou  tout  au  moins  un  revenu  en 
rapport  avec  son  importance.  Un  décret  du  21  oct.  1885 
règle  aujourd'hui  la  constitution  en  enzel  des  biens  habous 
en  Tunisie.  Le  bail  perpétuel,  ne  s'appliquant  pas  spécia- 
lement aux  biens  de  mainmorte,  s'appelle  anâ  en  Algérie, 
khelou  en  Egypte,  djelsa  au  Maroc  ou  encore  fiizqa 
quand  il  est  consenti  en  faveur  des  juifs. 

BiDL.  :  Paul  Cambon,  la  Propriété  foncière  en  Tunisie 
Tunis,  1886. 

EZELI  (Port)  (Perse)  (V.  Recht). 

ENZERSDORF.  Rourg  de  la  Basse-Autriche,  sur  le 
Danube  ;  1,160  hab.  Le  combat  d'Aspern  (22  mai  1809) 
est  parfois  appelé  combat  d'Enzersdorf. 

EHZHEIM  (Annegisvilla,  IM;  Ensusshaim^  735). 
Corn,  de  la  Basse-Alsace,  arr.  d'Erstein,  cant.  de  Geis- 
polsheim,  sur  la  ligne  de  chem.  de  fer  de  Strasbourg  à 
Saales;  673  hab.  en  1890.  Mentionné  dès  le  viii^  siècle 
dans  les  titres  de  l'abbaye  de  Murbach,  Enzheim  appar- 
tenait primitivement  au  monastère  de  Lièpvre,  dès  le 
XII®  siècle,  aux  ducs  de  Lorraine  et  enfin  à  Pévêché  de 
Strasbourg.  Le  village  est  célèbre  par  la  bataille  que  le 
maréchal  de  Turenne  y  livra  le  24  sept.  (4  oct.)  1674  aux 
Impériaux,  commandés  par  Charles  IV,  duc  de  Lorraine. 
Quoique  la  victoire  fût  indécise,  Louis  XIV  fit  frapper  une 
médaille  en  souvenir  de  cette  journée  mémorable.    L.  W. 

BiBL.  :  Véritable  Relation  du  combat  donné  près  d'En- 
sisfieim  en  la  basse  Alsace.,  le  24  sept.  iSlk,  s.  1.  n.  d.  — 
Bernegger,  Descriptio  particulse  territorii  Argenti^i.f 
pp.  10-14.  —  Grandidier,  Œuvres  hist.inéd.;  Colmar, 
1865,  V.  385-390.  —  Hermann  Pastenaci,  Die  Schlacht 
bei  Enzheim  am  4  oct.  161k;  Halle,  1880. 

ENZIO  (diminutif  italien  du  nom  Henri),  roi  de  Sar- 
daigne,  né  vers  1220,  roi  en  1238,  mort  le  14  mars  1272. 
Fils  naturel  de  l'empereur  Frédéric  II  de  Hohenstaufen, 
il  était  adoré  de  son  père.  II  combattit  à  ses  côtés  en  1237, 
à  Cortenuova;  en  1238,  il  épousa  Adelasia,  veuve  d'Ubaldo 
Visconti,  héritière  des  seigneuries  sardes  de  Torre  et  Gal- 
lura,  et  reçut  de  son  père  le  titre  de  roi  de  Sardaigne.  Il 
le  servit  activement  contre  le  pape  et  fut  excommunié.  Il 
conquit  la  Marche  d'Ancône,  prit  Ferrare;  le  3  mai  1241, 
il  commandait  la  flotte  qui  défit  la  flotte  génoise  à  la 
Meloria,  et  fit  prisonnier  les  cent  prélats  qui  se  rendaient 
au  concile  convoqué  à  Rome.  Il  fut  encore  devant  Parme  le 
plus  habile  lieutenant  de  son  père.  Le  20  mai  1249,  il  fut 
fait  prisonnier  près  du  ruisseau  de  Fossalta  par  les  Bolo- 
nais. Ceux-ci  refusèrent  de  le  relâcher,  malgré  les  prières 
et  les  menaces  de  son  père.  La  captivité  d'Enzio  fut  une 
des  principales  causes  de  la  ruine  des  Hohenstaufen.  Elle 
dura  vingt-deux  ans;  le  jeune  roi  chercha  quelque  distrac- 
tion dans  la  poésie  ;  il  s'éprit  de  Lucia  Viadagola  et  l'épousa, 
son  premier  mariage  étant  tenu  pour  nul  par  le  pape,  et 
sa  femme  Adelasia  ayant  pris  un  autre  époux.  De  ce  second 
mariage  naquit  Enzio  Bentivoglio,  souche  de  la  célèbre 
familfe  de  ce  nom.  En  1269,  Enzio  tenta  de  s'évader  avec 
le  concours  de  ses  amis  Pietro  d'Asinelli  et  Raiverio  de 
Gonfaloniero  ;  enfermé  dans  un  tonneau  vide,  il  fut  trahi 
par  une  boucle  de  ses  blonds  cheveux.  Sa  captivité  devint 
plus  étroite.  On  lui  fit  'de  splenclides  funérailles  et  on  lui 
éleva  un  tombeau  royal  dans  l'église  San  Domenico.  La 
beauté,  le  courage  chevaleresque  d'Enzio,  sa  triste  desti- 
née et  son  talent  poétique  ont  conservé  à  son  nom  de 
grandes  sympathies. 

BiBL.  :  Grossmann,  Kœnig  Enzio  ;  Gœttingue,  1883.  — 
Blasius,  Kœnig  Enzio  ;  Bre'slau,  1884. 

ENZOLA  (Gian-Francesco),  dit  Gianfrancesco  Par-- 
mense^  médailleur  itafien  du  xv®  siècle.  On  ne  connaît 
exactement  ni  l'époque  de  sa  naissance,  ni  celle  de  sa  mort. 
Les  dates  de  ses  œuvres  sont  comprises  entre  1456  et  1475. 
On  lui  doit,  entre  autres  médailles  d'une  certaine  valeur, 
celles  de  Jaddeo  Manfredi,  comte  de  Faenza  et  seigneur 
d'Imola;  de  Francesco  IV,  dit  Cecco  Ordelaffo,  seigneur 


1199  — 


ENZOLA  —  EOCÈNE 


deForli;  de  Pier maria  Rossi,  condottiere  parmesan,  et 
de  Bianca  Pellegrini,  sa  maîtresse.  Il  a  modelé  les  traits 
de  plusieurs  Sforza,  notamment  de  Francesco  et  de  Ga- 
leazzo  Sforza,  quatrième  et  cinquième  ducs  de  Milan,  de 
Costanzo  et  Alessaiidro,  seigneurs  de  Pesaro.  On  attribue 
aussi  à  Enzola  deux  revers  de  médailles  dont  les  droits 
sont  inconnus  et  plusieurs  plaquettes.  S'il  faut  en  croire 
un  document  qui  mentionne  sa  présence  à  Ferrare  en  1472, 
avec  le  titre  de  «  maestro  délie  stampe  »,  cet  artiste  fut 
encore  graveur  de  monnaies.  F.  M. 

BiBL.  :  Armand,  les  Médailleurs  italiens  des  xv«  et 
xvp  siècles;  Paris,  1883-1887,  2"  éd.,  1. 1"--,  pp.  4346,  et  t.  III, 
pp.  7  et  8.  —  E.  MoLTNiER,  les  Plaquettes;  Pans,  1886, 
t.  !«%  p.  60  à  65,  et  t.  II,  pp.  199  et  200. 
EOBASILEUS  (Paléont.)  (V.  Dinocerâs). 
ÉOCÈNE  (Géol.).  L'éocène,  placé  au  début  de  la  série 
tertiaire,  se  développe  sous  deux  aspects  bien  différents, 
suivant  qu'on  l'observe  dans  le  N  de  l'Europe  ou  dans  les 
régions  méditerranéennes.  Dans  le  premier  cas,  il  com- 
prend une  série  variée  de  dépôts  alternativement  marins, 
saumâtres  et  lacustres,  attestant  que  le  sol,  pendant  toute 
sa  durée,  a  été  soumis  à  de  nombreuses  oscillations  ;  dans 
le  second  on  voit  se  poursuivre  sur  de  vastes  étendues  et 
à  toutes  les  hauteurs  de  cet  étage  de  puissantes  assises 
calcaires  remarquablement  fossilifères  et  à  la  construction 
desquelles  les  niimmuliies  ont  pris  une  si  grande  part 
qu'on  applique  à  l'ensemble  des  dépôts  éocènes  de  ces 
régions  le  nom  de  terrain  nummulitique.  De  plus,  alors 
que  dans  le  Nord  les  premiers  dépôts  de  cet  âge  franche- 
ment détritiques,  c.-à-d.  sableux,  s'observent  nettement 
discordants  et  transgressifs  sur  les  terrains  sous-jacents, 
dans  le  Sud  il  s'établit,  entre  les  formations  nummuli- 
tiques  et  les  calcaires  crétacés,  une  continuité  si  remar- 
quable qu'il  devient  difficile  de  reconnaître  une  ligne  de 
séparation  entre  les  deux.  Il  y  a  donc  lieu,  dans  l'étude  de 
ce  terrain,  de  mettre  en  comparaison  un  type  franchement 
marin  propre  aux  régions  méridionales  et  caractérisé  par 
le  développement  des  nummulites,  avec  un  faciès  mi-partie 
marin,  saumâtre  ou  lacustre  propre  à  l'Europe  septen- 
trionale et  dont  le  meilleur  type  doit  être  choisi  dans  le 
bassin  de  Paris. 

Caractères  généraux  de  la  faune  et  de  la  flore 
éocène.  Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  variations,  la  faune  ma- 
rine éocène  reste  caractérisée,  dans  son  ensemble,  par  la 
prédominance  marquée,  chez  les  gastropodes,  d'un  certain 
nombre  de  genres,  au  milieu  desquels  ceux  qui  fournissent 
le  plus  d'individus  et  d'espèces  sont  des  cérithes,  repré- 
sentés aussi  bien  par  les  formes  richement  ornées  qui  se 
tiennent  dans  les  eaux  marines,  que  par  celles  désignées 
spécialement  sous  le  nom  de  potamides  qui  fréquentent 
les  estuaires  ou  les  lagunes  saumâtres.  Les  lamellibranches 
déploient  aussi  à  cette  date,  dans  les  dépôts  littoraux ,  une 
extrême  variété  avec  les  genres  Cardita^  Cardium^ 
Crassatclla^  Cytherea,  Corbula,  Lucina,  etc.,  tandis  que 
les  Cy rênes  abondent  dans  les  eaux  saumâtres.  Dans  les 
calcaires  on  rencontre  un  certain  nombre  d'oursins  assez 
caractéristiques  tels  que  Echinolampas ,  Echinanthus. 
C'est  ensuite  dans  les  sables  qu'il  faut  venir  chercher  les 
dents  des  squales  de  l'époque  {Lamna^  Otodus)  et  des 
raies  (Myliobates). 

Les  Nummulites  ensuite  n'ont  pas  le  privilège  d'être 
les  seules  foraminifères  caractéristiques  de  l'éocène;  il  est 
dans  les  assises  du  calcaire  grossier  de  l'éocène  moyen  des 
bancs  entiers  qui  sont  constitués  par  les  minces  et  très 
petites  coquilles  des  millioles,  semblables  à  un  grain  de 
millet  ;  des  Aluéolines  en  forme  de  fuseau  peuvent  ensuite 
jouer  un  grand  rôle  dans  les  terrains  nummulitiques.  Dans 
les  formations  lacustres,  on  voit  apparaître  toutes  les 
coquilles  bien  connues  des  mollusques  d'eau  douce,  Unio^ 
Paludine^  Physe  et  Limnée  ;  celles  terrestres,  de  Helix^ 
des  Pupa  et  des  Cyclostomes  ne  sont  pas  moins  fréquentes. 
C'est  aussi  avec  l'éocène  que  commence  à  bien  se  manifester 
le  développement  des  mammifères.  Les  pachydermes  alors 
dominants  sont  représentés  par  des  animaux  nageurs  ana- 


logues  au  tapir,  tels  quele  Coryphodon  des  argiles  à  lignites, 
le  Lophiodon  du  calcaire  grossier,  le  Paleotherium  et  le 
Xiphodon  du  gypse  parisien,  pour  ne  citer  que  les  prin- 
cipaux. Dans  les  assises  inférieures,  les  premiers  mammi- 
fères éocènes  sont  encore  des  marsupiaux  (Arctocyon). 
Quant  à  la  flore,  au  début  elle  présente  encore  un  carac- 
tère mixte,  c.-à-d.  une  persistance  de  quelques  formes 
crétacées  au  milieu  d'espèces  franchement  tertiaires  et  de 
genres  nouveaux,  parmi  lesquels  il  faut  placer  une  vigne 
dont  les  feuilles  sont  bien  voisines  de  celles  des  espèces 
américaines  qu'on  cherche  maintenant  à  acclimater  dans 
nos  régions  vinicoles  pour  compenser  les  pertes  subies  par 
le  phylloxéra.  Ensuite,  quand  vers  le  milieu  de  l'époque 
(éocène  moyen)  la  grande  mer  nummulitique  vient  envahir 
l'Europe,  il  s'établit,  dans  le  chmat,  une  modification  qui 
permet  à  des  palmiers  et  à  des  cocotiers  de  prospérer  dans 
le  bassin  de  Paris,  aussi  bien  qu'en  Angleterre.  La  flore 
dès  lors  revêt  un  aspect  africain,  et  l'Europe  se  trouve 
soumise,  avec  une  température  moyenne  de  25°,  au 
climat  le  plus  chaud  qu'elle  ait  connu  pendant  la  durée  de 
tous  les  temps  tertiaires  ;  et  c'est  dans  de  pareilles  con- 
ditions que  l'éocène  s'achève,  sans  qu'il  soit  encore  ques- 
tion du  refroidissement  polaire,  cette  flore  éocène,  avec 
son  caractère  africain,  se  poursuivant  dans  les  régions 
arctiques  sans  subir  de  modifications  sensibles. 

Divisions  de  V éocène.  L'éocène  comporte  une  division 
bien  nette  en  trois  étages,  qui,  dans  le  bassin  de  Paris, 
se  présentent  chacun  constitué  ainsi  qu'il  suit  : 

Masse  principale  du  gypse  pari- 
sien. 
Marnes  marines  infragypseuses  à 
Pholadomya  Ludensis, 

Calcaire  lacustre  de  Saint-Ouen. 
Sables  de  Beauchamp. 
Calcaire  grossier. 

Sables  supérieurs  du  Soissonnais 
(sables  de  Cuise  à  Nummu- 
lites planulata). 

Argile  plastique  et  lignites  (forma- 
tion lagunaire). 

Sables  inféreurs  du  Soissonnais 
(sables  de  Bracheux  et  calcaire 
lacustre  de  Rilly). 

On  voit  par  suite  combien  ont  été  nombreuses,  pendant 
toute  la  durée  de  l'éocène,  les  oscillations  du  bassin  de 
Paris  qui,  bien  souvent,  après  avoir  passé  par  une  phase 
lagunaire,  a  vu  sa  surface  couverte  de  lacs,  entourés  de 
la  végétation  tropicale  indiquée  plus  haut.  L'emplacement 
des  mers  a  aussi  beaucoup  varié  ;  c'est  à  l'époque  du  calcaire 
grossier  supérieur  que  vient  se  placer  le  maximum  d'ex- 
tention  des  eaux  marines  éocènes.  Il  importe  alors  de 
remarquer  que  ces  alternances,  maintes  fois  répétées,  de 
couches  massives  et  de  dépôts  lacustres  qui  deviennent  le 
trait  caractéristique  de  toutes  les  formations  tertiaires 
dans  leN.  de  l'Europe  correspondent  à  des  mouvements 
oscillatoires  très  lents  et  de  faible  amplitude  ;  le  niveau 
des  lacs  est  toujours  resté  peu  élevé  au-dessus  de  celui  de 
la  mer,  et  il  a  suffi  d'un  affaissement  très  faible  pour  que 
cette  dernière  puisse  facilement  reprendre  possession  de 
son  domaine,  sans  violence,  par  suite  d'une  pénétration 
lente,  dans  l'intérieur  des  terres  ;  si  bien  que  tous  les 
dépôts  formés  dans  des  conditions  si  diverses  se  super- 
posent par  couches  horizontales,  sans  traces  de  discor- 
dances. L'absence  de  mouvements  violents  dans  ce  retour 
des  eaux  marines  est  de  plus  attestée  par  ce  fait  que  le 
plus  souvent  ce  sont  des  formations  calcaires  qui  viennent 
se  superposer  aux  dépôts  lacustres. 

Dans  les  régions  méridionales  où  cette  lutte  constante 
de  la  mer  avec  la  terre  ferme  est  loin  d'avoir  été  réahsée, 
les  étages  moyen  et  supérieur  correspondent  à  la  majeure 
partie  des  calcaires  nummulitiques,  l'étage  inférieur  lui- 


^-  Ligurien  . . .  ^ 

''  ' 

I  Bartonien . . 
Lutétien  . . . 

Sparnacien . 


•§  /  Y  présien  , 


Thanéticn . 


ÉOCÈNE  —  E(ETV(ES 


—  1200 


môme  de  composition  très  différente,  est  représenté  par  un 
ensemble  de  dépôts  qui  peuvent  être  les  uns  franchement 
marins,  les  autres  saumâtres,  et  constitués,  comme  en 
Istrie,  par  une  puissante  formation  lignitifère,  mais  tou- 
jours'très  puissants  et  en  continuité  absolue,  aussi  bien 
avec  les  calcaires  nummulitiques  qu'avec  les  assises 
daniennes  sous-jacentes.  La  faune  de  ces  assises  inférieures 
est  aussi  très  différente  de  celle  du  Nord  ;  rien  de  sem- 
blable, par  exemple,  aux  espèces  contenues  dans  nos 
sables' de  Bracheux,  ne  s'observe  dans  ces  couches  de  pas- 
sade qui  s'introduisent  entre  le  crétacé  et  le  tertiaire.  En 
présence  de  ces  faits,  on  s'accorde  à  penser  que  c'est  dans 
cette  zone  méditerranéenne  qu'il  faut  venir  chercher  les 
termes  les  plus  anciens  de  l'éocène.  Dans  le  Nord,  les  phé- 
nomènes de  discordance  et  de  transgression  qui  se  pré- 
sentent si  bien  accusés  entre  les  sables  de  Bracheux  et  les 
derniers  couches  daniennes  correspondent  à  une  lacune 
comblée,  dans  le  Midi,  par  les  couches  de  passage,  à  faune 
mixte  de  l'Istrie  et  de  la  Dalmatie.  Telles  sont  les  hgnites 
à  grandes  cyrènes  (C.  grandis,  Unio  decipiens)  des  envi- 
rons de  Budapest  en  Hongrie  et  ceux  si  largement  exploités 
sur  toute  la  côte  N.-E.  de  l'Adriatique  où  ces  formations 
ne  se  distinguent  de  celles  également  lignitifères  du 
danien  que  par  l'absence  de  barres  à  rudistes,  jointe  a  la 
présence  de  foraminifères  tertiaires  (Quinqueloculina, 
Triloculina)  etde  gdiStro])oàeséocQnes  (Cerithiumnudum, 
Cyclostoma  Arnouldi)  qui  ne  se  présentent  que  plus  tard 
dans  les  assises  de  calcaire  grossier  du  Nord.  Dans  les 
dépôts  franchement  marins  où  dominent  les  calcaires  num- 
muUtiques,  à  côté  d'un  grand  nombre  d'espèces  propres  à 
ces  régions  méridionales,  des  ovules,  des  rostellaires,  des 
natices  de  grande  taille,  comme  on  n'en  voit  actuellement  que 
dans  les  mers  tropicales,  attestent  une  faune  de  mer  chaude  ; 
en  même  temps  on  y  remarque  un  grand  nombre  d  our- 
sins également  spéciaux,  parmi  lesquels  deux  types  seuls, 
Echinolampas,  Echinanthus,  passent  dans  le  bassin  de 
Paris.  Les  espèces  communes  avec  l'éocène  des  régions 
septentrionales  ne  manquent  pas  ;  mais,  parmi  ces  dernières, 
il  en  est  qui,  au  lieu  de  rester  cantonnées  dans  un  horizon 
déterminé,  ont  une  longévité  plus  grande  ;  telle  est,  en 
particulier,  la  Nerita  (Valetes)  Schmideliana  qui,  au 
lieu  de  rester  localisée  dans  les  sables  sparnaciens,  a 
Nummulites  planulata  comme  dans  le  bassin  de  Pans, 
se  poursuit,  en  atteignant  des  dimensions  exceptionnelles, 
jusqu'au  sommet  de  l'éocène,  dans  les  calcaires  noirs 
célèbres  de  Ronca  (Yicentin).  On  ne  peut  ensuite  passer 
sous  silence  la  part  considérable  prise  par  les  foraminiteres 
dans  la  formation  de  ces  calcaires  ;  à  côté  des  couches 
constituées  par  une  accumulation  d'espèces  de  grande 
taille  fournies  par  les  Nummulites,  les  Ortkophragmina 
iOrbitoïdes)  et  les  Alvéolines,  il  en  est  des  bancs  entiers 
presque  uniquement  formés  par  les  minces  et  microsco- 
piques coquilles  des  millioles  [Pentellina,  Tnllina, 
Heterellina,  Biloculina,  Triloculina,  etc.),  associées  a 
de  nombreuses  espèces  de  Globigerines,  à'Orbiilines,  de 
Textilaires  et  de  Rotalines.  Etant  donnée  la  grande  place 
tenue  par  ces  derniers  foraminifères  et  ce  qu  on  sait  de 
leur  distribution  dans  les  sédiments  des  mers  prolondes 
actuelles,  on  serait  tenté  d'attribuer  ces  calcaires  a  des 
dépôts  comparables  aux  boues  à  globigésmes.  Or  on  sait 
qu'il  n'en  est  rien  et  que  ces  calcaires  se  sont  termes,  a 
des  profondeurs  faibles,  dans  des  mers  très  étendues  sans 
doute,  mais  continentales  ;  la  preuve  en  est  fournie  par  ce 
fait  qu'on  y  rencontre,  à  tous  les  niveaux,  un  grand  déve- 
loppement d'algues  calcaires  (Lithothammum)  et  bien 
souvent  des  poWpiers  qui,  dans  les  parties  hautes  de  cette 


remarquable  série  (éocène  supérieur  du  Vicentin),  ont  pris 
un  caractère  qu'on  peut  presque  qualifier  de  coralligène. 
Dans  les  seuls  calcaires  à  grandes  nummulites  de  San  Gio- 
vanni Ililarione  (Vicentin),  ces  polypiers  ne  comptent  pas 
moins  de  trente  à  trente-cinq  genres,  représentés  surtout 
par  le  grand  groupe  des  Hexactiniaires. 

Quant  aux  nummulites,  leur  nombre  est  si  grand  et  leur 
évolution  a  été  si  rapide  qu'elles  deviennent,  pour  la  déter- 
mination des  divers  horizons  fossilifères  et  leur  groupe- 
ment en  étages,  le  guide  le  plus  sûr., 

Répartition  des  nummulites  da7is  les  terrains  éocènes 
du  Vicentin  et  du  versant  S,  des  Alpes,  d'après 
MM,  Munier-Chalmas  et  Schlumberger, 

I  Supérieur Nam,    Striata  d'Orb.,    et   Num. 

'       contorta  Desh. 


o 


Supérieur 

et 

moyen. 

Inférieur. 
Inférieur. . . 


Num.  Perforata  d'Orb.,  N.  corn- 
planata  d'Orb.,  iV.  Spira  Brong. , 
N.  Brongniarti  d'Arch. 

Num.  LœvigataLdimk.,  N.  Ataccia 
Leym.,  N.  Pratti  d'Arch.  et  faciès 
à  Alvéolines, 

Num.  Bolcensis  Mun.-Ch.  et  N.  Spi- 
leccensis  Mun.-Ch. 

Ch.  Vélain. 

EOCIDARIS  (Paléont.)  (V.  Arch^ocidaris). 

EŒTVŒS  (Joseph,  baron),  écrivain  et  homme  d'Etat 
hongrois,  né  à  Budapest  le  3  sept.  1813,  mort  le  2  févr. 
1871.  Son  activité  littéraire  fut  très  précoce,  comme  sa 
réputation.  A  vingt-deux  ans,  il  avait  déjà  composé,  non 
seulement  de  remarquables  petites  poésies  lyriques  et  des 
articles,  mais  sa  tragédie  de  la  Vengeance,  des  comédies, 
des  traductions  à'Angelo  et  de  Gœtz  de  Berlichingen. 
Un  long  voyage  en  Occident  tourna  son  esprit  vers  les  ques- 
tions sociales,  sans  lui  faire  abandonner  la  littérature.  Il 
réclama  en  1838  une  réforme  des  prisons,  en  même  temps 
qu'il  publiait  avec  le  plus  grandsuccès  son  roman  des  Char- 
treux, bientôt  suivi  de  deux  autres  non  i«oms  célèbres,  /^ 
Notaire  de  village  (1844)  et  la  Hongrie  en  1514  (1847), 
tableau  des  horreurs  d'une  ancienne  guerre  civile  qui  n  était 
que  trop  prophétique.  L'année  1848  trouva  Joseph  Eœtvœs 
en  possession  d'une  grande  renommée  de  journahste  libéral, 
presque  égale  à  celle  de  Kossuth;  aussi  devint-il  ministre 
des  finances  dans  le  cabinet  Batthyânyi.  Mais,  doue  d  un 
tempérament  peu  révolutionnaire,  il  quitta  le  pays  pendant 
la  grande  tourmente,  séjourna  quelque  temps  a  Munich  et 
re\int  lorsque  le  premier  effort  de  la  réaction  fut  épuise. 
A  cette  période  appartiennent  ses  ouvrages  sur  les  natio- 
naUtés  (1851)  et  sur  les  conditions  de  la  puissance  et  de 
l'unité  de  l'Autriche  (1859),  plusieurs  des  éloges  prononces 
à  l'Académie  hom^roise  et  réunis  plus  tard  en  deux  volumes 
sous  ce  titre  :  Emvains  et  hommes  d'Etat  magyars 
i\  868) .  Député  à  la  diète  de  1861 ,  il  rentra  tout  à  tait  dans 
la  vie  politique  et  dans  le  journalisme.  La  solution  qu  il  recla- 
mait était  celle  de  Deâk  et  d'Andrâsy  :  le  royaume  constitu- 
tionnel de  Hongrie  réconcilié  avec  la  dynastie.  Aussi  1  avè- 
nement du  duaUsme  eut-il  pour  conséquence  de  faire 
Eœtvœs  ministre  de  l'instruction  publique  et  des  cultes.  Il 
s'illustra  par  sa  loi  de  t868  sur  les  écoles.  Sa  statue  s  eleve 
sur  la  principale  place  de  Budapest.-  Son  fils  Roland,^ 
en  1848,  est  professeur  de  physique  à  l  université  de 
Budapest  depuis  1872.  E.  S. 

BiBL.:  ScinvicKER,  Geschichte  der  ungarischen  Lttie- 
ratur. 


FIN      DU      TOME      QUINZIÈME 


TOURS.   —    IMPRIMERIE    E.    ARRAULT    ET    C'\